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Full text of "Revue des études juives"

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REVUE 


DES 


ÉTUDES    JUIVES 


3 


VERSAILLES 


CEBF    ET    1-ILS,     IMPIUMEUBS 
la'E   DUFI-E.eSIS.    h*J 


REVUE 


DKS 


ÉTUDES  JUIVES 


PUBLICATIOxN  TRIMESTRIELLE 
DE  LA  SOCIÉTÉ  DES  ÉTUDES  JUIVES 


TOME  HUITIÈME 


PARIS 


A    LA   LinnAlHIK    A.    DURLACHER  a  ^  \  ^3 

188'.  ^' 


Hi'^'^  KUE    LAFAYETTE 


Xi5 
lOI 


LES  JUIFS  A  ROME 


DEVANT  L'OPINION  ET  DANS  LA  LITTÉRATURE 


PREMIERE  PARTIE 

DEPUIS   LA   PRISE  DE  JERUSALEM  PAR  POMPÉE  JUSQU'A  l'AVÈNEMENT 

d'auguste. 


La  lecture  des  auteurs  de  l'antiquité  classique  ne  réserve  pas  de 
surprise  plus  grande  à  ceux  qui  les  abordent  avec  les  préoccupa- 
tions modernes  que  de  réduire  brusquement  aux  proportions  les 
moins  imposantes  des  faits  et  des  noms  qui  ont  pris  à  nos  yeux  une 
importance  particulière.  C'est  ainsi  que,  pénétrés  de  l'esprit  bi- 
blique, qui  est  en  somme  un  élément  essentiel  de  l'esprit  moderne, 
et  égalant  le  rôle  de  la  nation  juive,  dans  l'histoire  des  civilisa- 
tions, à  celui  des  peuples  les  plus  illustres,  nous  supposons  volon- 
tiers, nous  nous  démontrons  même  quelquefois  par  des  raisonne- 
ments ingénieux,  qui  ressemblent  fort  à  des  sophismes,  que  le 
monde  payen  ou  en  a  jugé  de  même,  ou  n'a  fermé  les  yeux  à  l'évi- 
dence que  par  un  monstre  de  mauvaise  foi,  d'aberration  presque 
inexplicable.  Il  nous  en  coûte  tant  de  constater  que  Rome  et  la 
Grèce,  au  temps  de  leur  plus  grande  force,  de  leur  action  la  plus 
décisive  sur  les  destinées  générales,  se  sont  dispensées  de  puiser 
aux  sources  du  judaïsme,  et  que  par  leurs  propres  ressources  elles 
ont  suffi  à  leur  tâche  immense!  Il  nous  en  coûte  plus  encore  de 
confesser  que,  le  jour  où  la  morale  et  la  théodicée  de  la  Bible  se 
sont  ouvertes  aux  penseurs  très  désintéressés  du  paganisme,  ils 
n'y  ont  accordé  qu'une  attention  médiocre  et  qu'il  a  fallu  un  con- 
cours de  circonstances  vraiment  extraordinaires,  afin  que  ce  ma- 
T.  VIII,   N»  15.  1 


2  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

gnifique  ensemble  de  règles  pour  l'intelligence  et  pour  la  volonté 
s'imposât  au  monde. 

Le   peu  de  bruit  que  les  enseignements  judaïques  ont  fait  à 
Athènes  et  à  Rome  lorsqu'ils  purent  y  pénétrer,  est  cause,  sans 
doute,  que  la  plupart  des  historiens  et  des  critiques  l'ont  à  peine 
entendu  ou  n'en  ont  pas  compris  le  sens  véritable.   Les  théolo- 
giens se  tirent  d'affaire  en  invoquant  les  influences  diaboliques 
des  passions,  des  préventions,  des  préjugés,  en  accusant  la  cor- 
ruption payenne  d'avoir  repoussé  systématiquement  ou  par  des 
sophismes  un  enseignement  qui  était  sa  condamnation.  Ces  ex- 
plications, données  de  très  bonne  foi,  ont  aujourd'hui  fait  leur 
temps  ;  on  sent  que  rien  n'eût  empêché  Varron,  Cicéron,  Tacite 
de  proclamer  bien  haut  la  supériorité  morale  et  philosophique  du 
judaïsme,  si  elle  avait  frappé  leur  intelligence.  Ils  ont  assez  d'in- 
dépendance dans  le  caractère,  le  milieu  dans  lequel  ils  vivaient 
était  assez  favorable  à  la  liberté  de  tout  penser  et  de  tout  dire  * 
(j'entends  dans  le  domaine  spéculatif  des    croyances  et  des  insti- 
tutions étrangères),  pour  que  l'accusation  de  mauvaise  foi  soit 
inadmissible.  Reste  celle  d'ignorance  ;  mais  sur  ce  point  encore 
on  aurait  tort  d'insister,  lorsqu'il  s'agit  d'esprits  aussi  pénétrants, 
aussi  critiques.  C'est  ce  qu'ont  compris  ceux  d'entre  les  modernes 
qui  ont  parlé  de  dédain  ;  si  la  philosophie  et  la  science  payennes, 
au  temps  de  leur  plus  belle  floraison  à  Rome,  se  sont  abstenues 
de  rendre  hommage  à  la  sagesse  mosaïque,  c'est  qu'on  l'a,  de 
prime  abord,  jugée  indigne  d'attention,  c'est  qu'on  a  trouvé  plus 
facile  de  la  mépriser   sans  examen,  que  de  la  juger  en  con- 
naissance de  cause. 

Nous  croyons  en  effet  qu'il  en  a  souvent  été  ainsi  ;  mais  un 
examen  attentif  des  faits  et  des  textes  nous  a  prouvé  qu'on  a 
singulièrement  exagéré  ce  prétendu  mépris  des  payens  éclairés 
pour  les  choses  et  les  hommes  du  judaïsme.  Dans  le  silence  de 
l'histoire  éclatent  de  temps  à  autre  des  révélations  curieuses,  qui 
montrent  que  rindilférence  des  écrivains  latins,  durant  le  siècle 
qui  précède  et  celui  qui  suit  l'ère  chrétienne,  n'est  ni  générale  ni 
véritablement  méprisante.  Et,  quoiqu'il  soit  peu  scientifique  de 
raisonner  sur  des  témoignages  qui  n'existent  pas,  il  n'y  a  pas  de 
témérité  à  affirmer  que  des  mutilations,  trop  intelligentes  pour 
être  fortuites,  ont  été  pratiquées  dt^puis  le  vr'  siècle  sur  les  monu- 
ments littéraires  de  Rome,  mutilations  qui  nous  ont  privés  des 
documents  les  plus  décisifs  dans  cette  intéressante  question*.  Il  y 

*  Voir,  par  exemple,  comment  Tacite  parle  des  Germains,  de  leurs  inslitulions  et 
de  leur  culte,  De  Mor.  German.  8,  9  et  passim. 

*  Cf.  Jo(Vl.  Blickr  m  die  Rfligionsgeschichte,  2'  partie,  p.  %  et  suiv. 


LES  JUIFS  DEVANT  L'OPINION  ROMAINE  3 

a,  dans  le  domaine  des  lettres  anciennes,  des  désastres,  des  ruines 
accumulées  pendant  quatre  ou  cinq  siècles  de  luttes  contre  le  pa- 
ganisme et  pour  le  christianisme,  qui  se  sentent,  qui  se  devinent 
par  intuition,  dont  on  soupçonne  les  mobiles,  sans  qu'on  puisse  en 
prendre  les  auteurs  sur  le  fait.  Qui  pourra  mesurer  jamais  l'é- 
tendue des  pertes  que  nous  avons  subies  sous  l'influence  de  la 
haine  aveugle  qui  s'attachait,  non  pas  tant  au  paganisme  qu'au 
judaïsme  qui  niait  le  Christ,  durant  les  temps  où  la  lutte  se  conti- 
nuait autant  contre  ce  dernier  que  contre  l'ennemi  commun  ?  Que 
de  pages  supprimées,  altérées,  tronquées  !  Que  de  sacrifices  sur 
l'autel  de  la  foi  et  de  l'ascétisme,  en  attendant  le  règne  de  Charle- 
magne,  où  un  premier  réveil  de  l'esprit  littéraire,  une  appréciation 
plus  généreuse  et  plus  haute  des  écrits  payens,  introduisit  dans 
les  couvents,  restés  les  seules  écoles,  la  vénération  des  idoles  qu'on 
avait  brisées  jusqu'alors  1  Nous  croyons  que  les  Juifs,  plus  encore 
que  les  payens,  ont  fait  les  frais  du  travail  d'expurgation  et  de 
destruction  qui  s'est  exercé  sur  les  écrivains  de  Rome. 

Tels  qu'ils  sont,  et  interrogés  sans  parti-pris,  ils  suffisent  encore 
à  prouver  que  les  premiers  rapports  du  judaïsme  avec  la  civilisa- 
tion payenne,  à  Rome  sinon  dans  les  grandes  villes  de  l'Orient  et 
de  la  Grèce,  témoignent  d'une  estime  réciproque;  que  les  grands 
penseurs,  philosophes,  historiens  et  politiques  de  la  Cité  éter- 
nelle ont  accordé  souvent  à  l'esprit  biblique  une  attention  respec- 
tueuse et  sympathique.  Sans  doute  il  ne  se  forme  pas  à  Rome 
tout  d'abord  un  courant  d'opinion  puissant,  ni  pour  la  faveur  ni 
pour  la  persécution.  Rome,  devenue  le  réceptacle  des  croyances  et 
des  institutions  de  l'univers,  les  éprouve,  les  examine  tour  à  tour 
avant  d'en  distinguer  quelqu'une  d'une  façon  particulière.  Ce  tra- 
vail inconscient  d'analyse  et  de  comparaison  n'est  pas  l'affaire  de 
quelques  années  ;  c'est  un  grand  honneur  pour  les  hommes  et 
pour  les  choses  qui  en  sont  l'objet  que  de  fixer,  même  en  passant, 
les  regards  des  Romains  les  plus  intelligents,  de  ceux  qui  sont  les 
précurseurs  et  les  guides  de  l'opinion  publique.  Que  la  foule  s'é- 
prenne des  superstitions  grossières  venues  de  l'Egypte,  de  la 
S^Tie,  de  la  Perse  ;  qu'elle  fasse  cortège  dans  les  rues  aux  prêtres 
d'Isis,  de  Cybèle,  de  Mithras  :  au  point  de  vue  de  la  postérité  cet 
engouement,  cette  popularité  sont  de  peu  de  conséquence.  Mais 
qu'une  page  de  Cicéron,  une  phrase  de  Yarron,  un  décret  de 
César  mentionnent  le  nom  des  Juifs,  les  blâment  ou  les  louent 
au  nom  de  leurs  croyances  et  des  pratiques  de  leur  culte,  ces 
débris  d'opinion  échappés  à  l'action  du  temps,  méritent  d'être 
recueillis  avec  le  plus  grand  soin,  replacés  dans  le  milieu  social 
et  moral  où  ils  ont  pris  naissance,  éclairés  à  la  lumière  des  évé- 


4  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

nements  contemporains  et  des  institutions  ambiantes.  C'est  la 
tâche  que  nous  nous  proposons  d'entreprendre.  Elle  n'est  pas  en- 
tièrement nouvelle  et  c'est  pour  cela  que  nous  avons  hésité  à  en 
publier  les  résultats  dans  cette  Revue  qui,  par  le  caractère  origi- 
nal, sévère,  scientifique  des  travaux  qu'elle  accueille,  s'est  placée 
si  haut  dans  l'estime  du  monde  savant.  Mais,  si  dans  le  domaine 
de  la  littérature  classique,  il  y  a  beau  temps  qu'on  ne  peut  plus 
se  flatter  de  découvrir  des  textes  nouveaux,  il  y  aura  place  long- 
temps encore  pour  des  commentaires  et  des  explications  destinés 
à  restituer  aux  textes  existants,  aux  faits  connus,  leur  sens  véri- 
table. L'esprit  qui  a  présidé  à  la  mutilation  des  auteurs  latins 
règne  trop  souvent  encore  dans  leur  interprétation  ;  trop  souvent 
encore,  et  cela  de  la  manière  la  plus  inconsciente  du  monde,  il 
tend  à  fausser  l'histoire  et  l'a  en  effet  faussée  quelquefois  :  aussi 
chercher  à  la  rétablir  est  bien  vraiment  une  œuvre  originale. 

Parmi  les  ouvrages  auxquels  le  nôtre  a  été  redevable,  soit  qu'il 
les  réfute,  soit  qu'il  en  adopte  les  idées,  nous  devons  une  mention 
particulière  à  une  dissertation  de  L.  Geiger  :  Qidd  de  Judœoymm 
morihus  atque  insiitidis  scripiorïbus  romanis  visum  fuerit^  Ber- 
lin, 1872  ^  Les  lecteurs  de  la  Revue  qui  voudront  bien  s'y  reporter 
rendront  justice,  croyons-nous,  à  la  conscience  et  à  l'originalité  de 
notre  travail.  Une  œuvre  d'une  valeur  scientifique  bien  supé- 
rieure, est  la  brochure  de  M.  E.  Schiirer  :  Die  Gemeindeverfas- 
sung  der  Juden  in  Rom  in  der  Kaiserzeit,  Leipzig,  1879.  Enfin 
nous  avons  eu  la  satisfaction,  au  moment  de  mettre  la  dernière 
main  à  ces  pages,  de  nous  trouver  en  conformité  de  vues  sur 
un  grand  nombre  de  problèmes  importants,  avec  M.  Joël  dans 
ses  :  Bliclie  in  die  Rellgionsgeschichie  zu  Anfang  des  zweiten 
chrisilichen  Jahrhunderts,  Breslau  et  Leipzig,  1883.  La  seconde 
partie  de  notre  travail  aura  à  tenir  le  plus  grand  compte  du  cha- 
pitre où  il  examine  le  récit  que  fait  Tacite  de  la  persécution  des 
chrétiens  sous  Néron,  et  l'opinion  des  payens  do  Rome  sur  les 
.Tudi'o-chrétions.  Qu'il  nous  soit  permis  d'exprimer  notre  recon- 
naissance à  M.  Is.  Loeb  qui  nous  a  signalé  quelques-uns  de  ces 
ouvrages  ;  par  son  expérience  et  son  savoir,  il  a  contribué,  sur 
l)lus  d'un  point,  à  rendre  le  nôtre  moins  imparfaif. 

'  N')us  ne  mentionnons  que  pour  nicmoiro  les  ouvrapos  classiques  de  IlaTel  et  de 
Renan  sur  les  orifzinos  du  chribUanismo,  lliisloire  dos  Juifs  par  le  D'  Graclz,  el  l'ou- 
vruge  de  b'ricdlacndcr  sur  les  mœurs  romaines  depuis  Auguste  jusqu'aux  Anlonins. 
Los  rapports  du  juduismc  ol  des  religions  payonnos  sont  cxaininc's  dans  la  dernière 
partie  do  cel  ouvrage,  l.  IV  de  'j  Iraduclion  Vogel,  p.  279  el  suiv.  Il  est  regrettable 
que  M.  Uoissier,  dans  son  cxcellont  travail  sur  la  religion  romaine,  ail  passe  les  Juifs 
e^mplolemont  sous  silence.  C'est  un  peu  pour  combler  cette  lacune  que  nous  avons 
(^erii  ces  ligner. 


LES  JUIFS  DEVANT  L'OPINION  ROMAINE 


On  admet  généralement  que  les  Juifs  apparurent  pour  la  pre- 
mière ibis  à  Rome  vers  l'année  139  avant  l'ère  chrétienne,  sous  le 
consulat  de  Popilius  Laenas  et  de  Gains  Calpurnius.  Ce  n'est  pas 
un  témoignage  contemporain  qui  nous  l'affirme,  mais  on  peut  le 
conjecturer  de  quelques  lignes  de  Valère  Maxime,  inspirées  par  un 
document  de  l'époque  et  dont  voici  la  traduction*  :  «  Cornélius  His- 
pallus  (ouHispanus),  préteur  forain,  sous  le  consulat  de  Popilius 
Lsenas  et  de  Caius  Calpurnius,  ordonna  par  un  édit  aux  astro- 
logues chaldéens  de  sortir  de  la  ville  et  de  l'Italie  dans  un  délai 
de  dix  jours,  parce  que  leurs  mensonges,  fondés  sur  une  interpré- 
tation fallacieuse  du  mouvement  des  astres,  abusaient  les  gens 
légers  et  simples,  en  leur  soutirant  beaucoup  d'argent.  Il  força 
de  même  les  Jidfs^  qui  chercUaient  à  corrompre  les  mœurs 
romaines  par  le  culte  de  Jupiter  Sabazius ,  à  regagner  leur 
patrie.  » 

Il  ne  nous  paraît  pas  douteux  que  Valère  Maxime,  en  relatant 
ces  événements,  n'ait  eu  sous  les  yeux  le  texte  même  des  édits 
auxquels  il  fait  allusion.  La  mention  de  Jupiter  Sabazius  est  ca- 
ractéristique. Ce  surnom  de  Sabazius,  très  rare  avec  Jupiter,  dé- 
signe un  Dionysos  mystique  vraisemblablement  venu  en  Grèce 
d'Asie-Mineure,  de  Phrygie  ou  de  Syrie,  divinité  identique  au 
Dionysos  Zagreus  célébré  par  la  poésie  orphique-.  Un  culte  se- 
cret de  ce  dieu  était  en  honneur  à  Athènes  dès  le  vi«  siècle,  au 
grand  mécontentement   des    vieux  Hellènes,  qui  ne  pouvaient 

1  Val.  Max.,  I,  3,  2.  Le  texte  de  Tauteur,  tel  qu'il  était  généralement  adopté 
jusqu'à  ce  jour,  porte  :  •  Idem  qui  Sabazii  Jovis  cultu  simulato. . .  »,  ce  qui  fait  que 
l'on  a  contesté  souvent  qu^il  fût  ici  question  des  Juifs.  Nous  croyons  qu'il  est  impos- 
sible de  songer  à  une  autre  nation.  Les  critiques  les  plus  compétents  (voy.,  entre  autres, 
Schûrer,  ouv.  cit.,  p.  5,  note  2)  qui  avaient  autrefois  renoncé  à  voir  des  Juifs  dans 
ce  passage  sont  revenus  de  leur  opinion  :  •  Die  Ansicht,  dass  nicht  von  den  Juden 
die  Tlede  sei.. .  ist  unhaltbar,  da  JudJps  im  Text  gesichert  ist.  »  11  avait  émis  jadis 
une  opinion  différente.  Voy.  Neutestam.  Zeitgesck.,  p.  624.  Marquardt,  Bœm.  Staats- 
vcr.,  111,  p.  80,  note  9,  rétablit  aussi  Judœos.  Idem  est  une  faute  de  copiste  pour  Judœos 
ou  a  été  cause,  par  la  ressemblance,  de  l'omission  de  ce  mot.  Peut-être  aussi  que  des 
moines  copistes,  choqués  de  cette  association  des  Juifs  et  du  culte  d^n  Jupiter  Sabazius 
dont  le  sens  leur  échappait,  ont  simplement  supprimé  le  mot,  croyant  ou  rectifier 
l'histoire  ou  faire  œuvre  pie.  Voy.  du  reste  Valère  Maxime  de  Halm,  p.  16  et  17. 

»  Outre  le  passage  de  Val.  Maxime,  il  y  a  une  inscription,  Orelli,  1259,  qui  associe 
le  nom  de  Sai)azius  à  celui  de  Jupiter.  Sur  la  nature  du  Bacchus  qui  le  porte  presque 
toujours,  voir  l'article  très  complet  de  L.  Georgii,  dans  le  Realencyclopedie  de  Pauly, 
VI,  1,615. 


6  .  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

voir  sans  colère  ces  divinités  exotiques  faire  concurrence,  au- 
près des  foules,  à  la  religion  nationale.  Dionysos  Sabazius  est 
l'objet  de  la  raillerie  d'Aristophane  *  ;  les  pratiques  bizarres  qui 
avaient  été  importées  avec  lui  offrent  à  Démosthènes  la  matière 
d'une  amusante  caricature,  aux  dépens  de  son  rival  Eschine-.  Il 
est  bien  clair  que  les  Juifs  n'ont  jamais  rien  eu  de  commun  avec 
Jupiter  ou  Bacchus  Sabazius.  Mais  ils  honorent  un  Dieu  Sabaoth 
ou  Zebaoth,  dont  le  nom  prêtait  d'autant  mieux  à  la  confusion 
que  Sabazius  devenait  souvent  Sehazius  et  était,  à  tort  d'ail- 
leurs, rattaché  par  les  Grecs  au  sens  et  au  radical  de  «6i:£iv, 
cegaaroç^  Les  Romains,  s'en  rapportant  sur  les  questions  de  reli- 
gions étrangères  à  l'exégèse  de  leurs  maîtres  attitrés,  c'est-à-dire 
des  Grecs,  lorsqu'ils  entendirent  parler  d'Asiatiques  qui  adoraient 
un  Sabaoth,  ne  distinguèrent  pas  ce  Dieu  du  Bacchus  phry- 
gien, surnommé  Sabazius,  le  seul  qui  répondît  à  leurs  connais- 
sances "*.  On  sortait  à  peine  de  la  grave  afTaire  des  Bacchanales  ^  ; 
contre  des  aberrations  religieuses  compliquées  d'un  effrayant  dé- 
vergondage de  mœurs,  il  avait  fallu  déployer  toute  la  rigueur  des 
lois  ;  les  esprits  étaient  familiarisés,  au  moins  par  des  à  peu  près, 
avec  les  dénominations  des  divinités  orgiastiques,  dont  le  culte, 
venu  d'Asie,  avait  troublé  si  profondément  les  esprits.  Sans  se 
soucier  des  différences  qu'une  discussion  théologique  aurait  seule 
pu  établir,  à  supposer  que  le  Sénat  eût  voulu  l'entendre,  les  pou- 
voirs publics  bannirent  d'Italie  de  dangereux  prédicateurs. 

Qu'étaient-ce  que  les  Juifs  ainsi  invités  à  regagner  leur  patrie  : 
repetere  ?  Le  terme  môme  que  Valère  Maxime  emprunte  à  l'an- 
tique édit  du  préteur,  si  on  le  rapproche  d'un  passage  de  Josèphe^, 

*  Aristophane  avait  composé  une  comédie  exprès,  celle  des  Heurts  (voy.  les  fragm., 
édit.  Didot,  p.  512)  où  Athéné,  assistée  de  ces  divinités,  livrait  bataille  à  Sabazius 
et  l'expulsait  du  territoire  de  l'Attique.  Cf.  notre  thèse  latine  :  Aristophanes  impictatis 
veus,  p.  39  et  suiv,,  où  un  certain  nombre  de  textes  relatifs  à  Sabazius  sont  cités 
et  discutés.  Cf.  Lobcck,  Aglaoph.,  p.  10'»6  cl  suiv.  —  Cicéron  connaît  des  Sabazia, 
Nat  Deor.,  m,  23,  58.  Apulée,  Metam^  viii,  25,  nomme  Smichts   Sahadins. 

*  Dcmoslh.,  Pour  la  Cour,,  p.  313,    259  et  suiv. 

'  Cf.  Schûrcr,  Die  Gemcindeverfassung  dcr  Juden  in  Rom  in  der  Kaiserzdt,  Leipzijr, 
1879,  p.  5. 

*  Peul-rtrc  faut- il  faire  remonter  jusqu'à  celte  première  confusion  de  noms  Topi- 
nion,  très  répandue  ù  Home  jusqu'au  commencement  du  second  sibclc.  que  la  religion 
juive  était  en  rapport  étroit  avec  le  culte  de  Bacchus.  Voy.  Tacilc,  Ilist.,  5  :  «  Libe- 
rum  patrem  coli  » ,  etc. 

*  L'ulfuire  des  Bacchanales  est  de  186  av.  J.-C. 

«  Josùphc.  Ant.  Jud.,  XII,  10,  G;  XIII.  5.8.  cl  XIII,  7,  3  ;  cf.  Marrhah.,  I.  15. 
L'amliissadc  en  question  dans  le  Icxle  de  Val.  Maxime  est  celle  dernière.  Josèpbo 
dit  simplement,  en  parlant  de  Simon  :  roir,<Tdi|X£vo;  xat  aÙTÔ;  zpè;  P(oiia(o*j; 
a'j[i[La.yi%/ .  Il  entre  dans  plus  de  détails  pour  les  deux  ambassades  précédentes. 
Cf.  Sicndetesohu,  dans  les  Acta  Soeiet.  philot.  Lips.,  V,  1875,  p.  87  et  suiv.,  el  Lange, 
Roetn.  Alterthiim.,  Il,  p.  343.  (Ces  citations  de  Josèphe  sont  faites  d'après  Tédition 


LES  JUIFS  DEVANT  L'OPINION  ROMAINE  7 

désigne  les  membres  d'une  ambassade  venue  en  mission  passa- 
gère. Nous  savons  par  cet  historien  que  depuis  Tannée  160  avant 
Jésus-Christ,  trois  ambassades  envoyées  de  Judée  se  succédèrent 
à  Rome  :  la  première,  au  nom  de  Judas  Macchabée,  vint  réclamer 
l'appui  et  l'amitié  du  peuple  romain  contre  les  Syriens  ;  la  se- 
conde, en  143,  au  nom  de  Jonathan,  frère  et  successeur  de  Judas, 
fut  chargée  de  renouveler  ce  traité  et  d'en  conclure  au  retour  un 
semblable  avec  les  Spartiates  ;  la  troisième  enfin,  venue  de  la  part 
de  Simon,  fils  de  Jonathan,  se  trouva  à  Rome  l'année  même  où  fut 
rendu  l'édit  du  préteur  Hispallus. 

Il  faut  d'autant  moins  hésiter  à  reconnaître  que  l'édit  est  dirigé 
contre  elle,  qu'à  peu  d'années  de  là  le  philosophe  Carnéade,  en- 
voyé à  Rome  par  les  Athéniens  avec  Critolaiis  et  d'autres  sophistes 
à  l'éloquence  brillante,  mais  peu  scrupuleuse,  se  voit  invité  de 
môme  à  porter  ailleurs  ses  discours,  jugés  dangereux  pour  l'esprit 
public*.  Il  sem^ble  que,  depuis  le  procès  des  Bacchanales  et  les  rap- 
ports plus  fréquents  des  Romains,  tant  avec  les  Grecs  qu'avec  les 
peuples  asiatiques,  il  y  ait  à  Rome,  chez  les  conservateurs  de 
vieille  roche,  comme  une  surexcitation  du  sentiment  national  à 
l'endroit  des  idées  religieuses  et  morales.  Philosophes  ou  théolo- 
giens venus  d'outre-mer  sont  également  suspects  ;  les  maîtres 
mêmes  d'une  éloquence  savante  et  habile  à  plaider  toutes  les 
causes^,  sont  considérés  comme  une  peste  publique.  Non  que  l'a- 
ristocratie romaine  soit  encore  en  majorité  et,  par  ses  membres 
lés  plus  remarquables,  sincèrement  attachée  aux  croyances  et  aux 
pratiques  de  la  religion  traditionnelle.  Si  elle  en  défend  l'intégrité 
contre  les  importations  étrangères,  c'est  au  nom  du  principe  pro- 
clamé dans  ce  temps-là  même  par  le  grand  pontife  Mucius  Scse- 
vola  :  expedire  falli  civitates  in  religione  ^.  «  Il  est  utile  qu'en 
matière  religieuse  les  peuples  soient  trompés.  » 

Le  décret  qui  expulsait  les  astrologues  chaldéens  et  qui  renvoyait 
les  ambassadeurs  juifs  fut  vraisemblablement  inspiré  par  Scipion 
Emilien,  le  disciple  et  l'ami  du  stoïcien  Panétius,  le  représentant  à 
Rome  (nous  le  voyons  par  un  curieux  passage  du  traité  de  la  Ré- 


Didot,  grecque  latine,  par  Dindorf,  2  vol.,  Paris,  1845  ;  il  existe  de  l'historien  une 
traduction  souvent  inexacte  par  J.-A.-G.  Buchon,  1  vol.,  Paris,  1838,  dont  la 
division  par  chapitres  est  différente.) 

*  Carnéade  vint  à  Rome  en  598  U,  C,  c.-à-d.  dix-sept  ans  avant  l'ambassade  de 
Simon.  Cicéron,  Z)e  i2<;jOw5^.,  fragm.  m,  6  et  suiv.  ;  Lactance,  Instit.,  V,  14.  Cf. 
Martha,  Le  philosophe  Carnéade  à  Rome,  dans  les  Etudes  morales  aur  VantiqMÎté, 
Paris,   1883,  p.  87  et  suiv. 

-  Sur  l'éloquence  de  Carnéade,  voy.  Cicéron,  De  Orat.,  I,  11,  et  Aulu-Gelle, 
VII,  14,  10. 

^  Saint  Augustin,  Civ,  Div.,  IV,  27.  Varron  avait  repris  le  mot  à  son  compte. 


8  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

publique  de  Cicéron  *)  d'une  religion  naturelle,  plus  voisine  au 
fond  du  monothéisme  judaïque  que  des  croyances  héréditaires. 
Mais  ou  Scipion  partageait  sur  la  religion  juive  Terreur  des  foules, 
ou,  mieux  renseigné,  il  ne  crut  pas  devoir  mettre  d'accord  ses 
convictions  philosophiques  et  sa  conduite  d'homme  d'Etat.  Ce  n'est 
pas  la  seule  fois  que  nous  aj'ons  à  constater  cette  contradiction 
dans  l'histoire  des  religions  polythéistes.  L'invasion  de  l'esprit 
scientifique,  aussi  bien  à  Athènes  qu'à  Rome,  coïncide  avec  le  re- 
lâchement des  mœurs  et  de  la  discipline  traditionnelle  ;  elle  en  est 
presque  toujours  rendue  responsable  par  les  politiques.  Cependant 
ces  politiques  eux-mêmes  marchant,  par  l'éducation  et  par  l'intel- 
ligence, à  la  tête  de  leurs  contemporains,  paient  tribut  plus  que  la 
foule,  dont  ils  voudraient  modérer  les  ardeurs  novatrices,  à  l'es- 
prit nouveau.  Ils  sont  théoriquement  et  dans  le  cercle  de  leurs 
amis,  avec  Platon,  avec  Zenon,  contre  Homère  et  Numa.  Si  l'un 
des  membres  de  l'ambassade  envoyée  par  Simon  avait  été  admis  à 
expliquer  devant  Scipion,  Lselius,  Lucilius,  les  principes  de  la 
théodicée  et  de  la  morale  mosaïques,  nul  doute  qu'il  n'eût  sur  bien 
des  points  obtenu  l'approbation  sympathique  de  ces  esprits  éclai- 
rés. Mais  la  politique  exige  que  la  religion  traditionnelle  soit  res- 
pectée dans  son  principe,  lors  même  que  ce  principe  aura  été,  par 
la  philosophie,  convaincu  d'absurdité  :  expedire  falli  civitates  in 
religione.  Au  pis-aller,  Panétius  et  les  stoïciens  offrent  des  moyens 
de  conciliation  facile,  entre  la  multiplicité  des  divinités  hérédi- 
taires et  la  théorie  du  Dieu  unique  et  universel.  Le  Sabaoth,  venu 
de  Judée,  n'aj^antrien  de  la  souplesse  indispensable  à  ces  accom- 
modements politiques,  on  le  renvoya  à  son  berceau-. 

*  Sur  la  religion  de  Scipion  Emilien  et  du  groupe  d'hommes  éclairés  avec  lesquels 
il  aimaitù  discuter,  voir,  outre  le  De  Bep.,  I,  21,  34,  le  même  Cicéron,  Acad.  pr.,  II, 
2,  Ij;  De  Finib.,  IV,  9,  23  ;  TiiscuL,  I,  33,  81  ;  De  Offic,  I,  26.  Le  passage  du  traité 
de  la  République,  maliieureusement  tronqué,  renferme  une  vraie  profession  de  foi 
monothéiste  placée  dans  la  bouche  de  Scipion.  Remarquez  les  expressions  :  €  ...  Qu«m 
unuin  ommnin  deorutn  et  hominum  regem  esse  omnes  docti  indoctique  uno  ore  consen" 
tiiint...  ut  rex  putarctur  nnus  esse  in  cœlo...  idemque  et  rex  et  pater  haberetur 
omnium,,,  deos  omnes  censent  itnius  régi  numitie...  omneai  hune  mundum  mente...  • 
C'est  précisément  ù  celte  place,  où  l'on  pressent  la  définition  de  la  providence  mono- 
tiiéisle,  qu'il  y  a  lacune.  Ces  théories  sont  stoïciennes,  dira-t-on,  et  reproduisent 
l'enseignement  de  Panétius  :  nous  n'y  contredisons  pas.  Mais  entre  la  définition  du 
Dieu  un  cl  ])rovidence  suivant  l'école  de  Zenon  et  la  conception  de  Javeh,  il  n'y  a 
même  pas  Vépaisseui'  d'une  métaphore  ;  ceux  qui  admettaient  l'une  étaient  par  là  même 
propres  à  comprendre  cl  à  apprécier  Taulre. 

*  Celle  religion  d'ordre  politique  [civile  tjenus)  était  héréditaire  dans  la  famille  des 
Scipion.  Voici  ce  que  Tite-Live  raconte  de  celle  du  premier  Africain,  XXVI,  19,  3  : 
•  Fui»  eniin  Scipio  non  veris  tantum  virtulibus  mirabilis,  sed  arte  quoque  quadam 
ab  juvciila  in  osttMilutioncm  crum  composilus,  plcraque  apud  mulliludinem  aut  pcr 
noclurnas  visas  species  aut  velut  divinitus  mente  mouila  agens,  sivc  cl  ipse  capti 
quadam  superstitionc  anirai,  sive  ut  imperia  consiliaque  velut  sorte  oraculi  missa  sine 


LES  JUIFS  DEVANT  L'OPINION  ROMALNE  0 

En  somme,  malgré  l'édit  qui  les  expulsa  de  Rome,  l'accueil  fait 
aux  ambassadeurs  juifs  parles  Romains,  vainqueurs  alors  delà 
Macédoine,  de  la  Grèce,  de  l'Asie-Mineure,  avait  été  bienveillant. 
Il  est  probable  que,  dès  lors,  se  fixa  à  Rome  un  petit  noyau  de 
Juifs  qui  durent  passer  inaperçus  ;  nous  ne  croyons  pas  que  des 
souverains,  d'une  intelligence  aussi  pratique  et  d'un  esprit  aussi 
ouvert  que  les  Hasmonéens,  aient  négligé  ce  moyen  simple  d'in- 
formatioji  et  de  surveillance.  Le  séjour  permanent  de  quelques  co- 
religionnaires dans  la  ville,  qui  étonnait  et  inquiétait  chaque  jour 
davantage  l'univers,  était  commandé  par  la  prudence  la  plus  élé- 
mentaire. 

Les  Juifs  possédaient  encore  leur  indépendance,  péniblement 
l'econquise  sur  leurs  voisins  de  Syrie  ;  mais  ils  la  sentaient  main- 
tenant menacée  de  toute  manière,  directement  par  Antiochus,  s'il 
réussissait  à  triompher  des  Romains,  indirectement  par  les  Romains 
eux-mêmes  qui,  une  fois  la  Syrie  soumise,  s'abstiendraient  diffici- 
lement d'aller  plus  loin.  Il  était  sage  de  prendre  ses  précautions 
pour  l'avenir;  par  une  franche  alliance  avec  le  plus  fort,  alliance 
sur  laquelle  il  importait  de  veiller  de  près,  on  pouvait  espérer 
sauver  l'autonomie  nationale,  plus  précieuse  pour  les  Juifs  que 
pour  tout  autre  peuple,  parce  qu'elle  se  confondait  avec  l'auto- 
nomie religieuse. 

C'est,  du  reste,  à  cette  époque,  après  les  victoires  de  Paul- 
Emile,  que  commence  à  se  dessiner  vers  Rome,  qui  les  a  dé- 
pouillés, le  mouvement  d'émigration  des  Orientaux  en  général. 
Ils  y  viennent  reprendre  leur  bien,  exploitant  à  qui  mieux  mieux, 
les  uns  par  l'industrie  et  le  négoce,  les  autres  par  le  vice,  les 
goûts  nouveaux  qu'avaient  contractés  naguère  chez  eux  leurs 
vainqueurs. 

Les  Juifs,  qui  dès  lors  aussi  se  dispersent  à  travers  les  provinces 
nouvelles  conquises  par  les  Romains,  subissent  comme  les  autres 
peuples  de  l'Orient  la  fascination  de  la  grande  ville.  Les  particu- 
liers en  convoitent  le  séjour,  parce  qu'ils  y  voient  le  centre 
prmcipal  des  affaires  et  du  commerce  avec  le  monde  entier  ;  les 
princes  de  Judée,  inquiets  de  l'avenir,  songent  à  s'y  ménager 
des  intelligences  et  des  influences.  Nous  verrons  d'ailleurs  que 
la  rapide  organisation  des  prisonniers  de  Pompée  en  commu- 
nauté indépendante  s'expliquerait  difficilement  si  l'on  n'admettait 
l'existence  à  Rome,  dès  le  début  du  i^'"  siècle  avant  l'ère  chré- 


cunclatione  exsequereutur.  »  C'est  ainsi  qu'il  exploite  au  siège  de  Carthagène  {ib., 
45,  6  et  suiv.)  le  phénomèae  de  la  marée  connu  ds  lui  seul,  comme  Christophe 
Colomb  celui  d'une  éclipse. 


ÎO  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

tienne,  tout  au  moins  d'un  faible  noyau  de  résidents  Israélites  ^ 
Cependant  la  période  qui  s'écoule  entre  l'ambassade  de  Simon, 
renvoyée  dans  son  pays  pour  cause  de  propagande  religieuse,  jus- 
qu'aux expéditions  de  Lucullus  et  de  Pompée  en  Orient,  ne  nous 
présente  pas  le  plus  petit  témoignage  dénotant  la  présence  des 
Juifs  à  Rome.  Il  est  vrai  que  des  écrivains  qui  auraient  pu  y  faire 
allusion,  comme  le  satirique  Lucilius  et  le  comique  Afranius,  ne 
nous  sont  guères  accessibles  que  par  de  minces  fragments.  Tous 
ensemble,  poètes  et  prosateurs  d'ailleurs  peu  nombreux  et  connus 
seulement  de  nom,  ou  se  bornaient  à  l'imitation  servile  des  Grecs, 
ou  concentraient  leurs  investigations  sur  ce  qui  est  national  et 
indigène.  A  l'exception  de  quelques  aristocrates  qui,  tout  en  se 
piquant  de  littérature,  n'avaient  de  curiosité  intelligente  que  pour 
les  choses  de  la  Grèce,  le  Romain  de  ces  temps  était  moins 
attentif  aux  idées  et  aax  institutions  de  ses  vaincus  qu'à  leurs 
trésors  et  à  leurs  vices.  Il  avait  de  la  sagesse  de  ses  pères  et  de 
l'excellence  de  leurs  traditions  une  opinion  trop  haute  pour  se 
préoccuper  beaucoup  de  celle  des  étrangers.  Sa  course  à  travers 
les  civilisations  asiatiques  et  phénicienne  ne  lui  a  guère  appris  que 
des  jouissances  et  des  besoins  matériels  et  lui  a  fourni  les  moyens 
d'y  satisfaire.  S'il  en  rapporte  quelque  croyance  nouvelle,  c'est 
qu'elle  répond  à  ses  instincts  de  sensualité  positive,  de  religiosité 
pratique  et  grossière.  C'est  pour  cela  que  tous  les  efforts  des 
hommes  sensés  tendent  à  préserver  les  masses  d'une  communion 
d'idées  avec  l'étranger,  qui  aboutirait  fatalement,  par  la  pente  du 
caractère  national,  à  la  corruption  des  mœurs  et  à  la  perversion 
des  intelligences.  Parmi  les  nations  vaincues  il  n'y  a  que  la  Grèce 
qui  soit  assez  forte  pour  pénétrer  le  vieil  esprit  romain  de  son 
influence  ;  elle  le  remplit  de  ses  croyances,  de  ses  institutions,  de 
ses  mœurs  ;  il  est  vrai  que  la  Grèce  trouvait  le  terrain  préparé 
par  la  communauté  de  races,  par  une  lointaine  et  incessante  tra- 
dition ;  le  vu"  siècle  achève  ce  que  les  cinq  siècles  précédents 
avaient  largement  ébauché.  L'action  de  l'Asie  ne  s'exerça  d'abord 
qu'en  passant  par  la  Grèce,  qui  l'avait  subie  elle-même  depuis  un 
temps  immémorial  ;  et  les  Grecs  n'ayant  jamais  rien  eu  de  coni- 

*  C'est  pour  CCS  raipons  qu'il  nous  opl  impossiLle  de  parlBfrer  l'opinion  dcM.Schwrer, 
ouv.  cit.  :  «  Ailes  dics  war  frcilich  nur  ciu  vorubcrgchcndes  Aullrctcn  der  Judcn 
iu  Rom.  »  L.  Geigcr,  dans  la  dissertation  que  nous  avons  cilcc,  a  compris  comme 
nous  qu'il  était  dilTicilo  d'expliquer  le  rôle  important  jouô  par  la  communauté  juive 
dans  le  procès  de  Flaccus,  si  l'on  ne  fait  remonter  leur  premier  établissement  à 
Home  au-delà  de  la  coii(|ucle  du  temple  par  Pompée.  Voir  p.  7,  note  :  •  Errant 
judicio  meo  scriptorcs  qui  Judjuos  Ilicrosolymis  cxpugnalis  a  Pompoio  obsides  factos 
et  Homam  captivos  diiclos  primos  Romrr  fuisse  putanl  ncque  Josephi  verba  [Ànt. 
Jud.,  XIV,  4,  l\]  hoc  faclum  Icstari  possc  c«dsco  ». 


LES  JUIFS  DEVANT  L'OPINIOiN  ROMALNE  11 

mun  avec  la  Judée,  par  antipathie  morale  et  incompatibilité  reli  • 
gieuse  plus  encore  que  par  Tabsence  de  relations  matérielles', 
les  Juifs  n'eurent  d'abord  dans  cette  action  aucune  part.  Ce  sont 
cependant  les  philosophes  grecs  qui,  sans  le  vouloir  et  sans  le 
savoir,  préparèrent  les  Romains  à  comprendre  ce  que  le  judaïsme 
avait  de  plus  original  :  une  religion  monothéiste,  l'adoration  d'un 
Dieu  idéal,  sans  statues  et  sans  symboles  matériels  -. 

Lorsqu'à  la  faveur  des  dissensions  intestines  qui  compromirent 
les  résultats  heureux  de  la  politique  des  premiers  Macchabées, 
Pompée  poussa  jusqu'à  Jérusalem  et  fit  le  siège  du  temple,  il  se 
trouvait  parmi  ses  lieutenants  et  les  tribuns  de  ses  légions  plus 
d'un  noble  Romain  qui  avait  été  initié  dans  Athènes  ou  dans 
Rhodes  par  les  enseignements  de  l'Académie  et  du  Portique  à 
l'unité  de  la  nature  divine,  à  la  théorie  du  démiurge  ordonnateur 
du  monde,  de  l'esprit  universel  le  pénétrant  d'activité  intelli- 
gente ^ 

Parmi  les  témoignages  perdus  qui  conservèrent  chez  les  Latins 
le  souvenir  de  cette  conquête,  à  peine  perceptible  pour  les  Ro- 
mains dans  la  série  des  triomphes  qu'ils  remportèrent  en  Orient, 
mais  d'une  importance  capitale  pour  nous  par  ses  conséquences 
ultérieures,  nous  regrettons  surtout  celui  de  l'historien  Tite- 
Live  *.  La  modération  habituelle  de  cet  auteur,  les  tendances  phi- 
losophiques de  son  esprit,  et  une  sorte  de  générosité  cosmopolite 
qui  l'affranchit  d'ordinaire  des  bas  préjugés,  nous  permettent  de 
supposer  que  son  jugement  sur  la  nation  juive  fut,  sinon  exempt 
de  toute  erreur,  du  moins  digne  et  équitable.  Nous  nous  trompons 
fort,  ou  les  réflexions  que  lui  suggéra  la  prise  de  Jérusalem  sur 
les  croyances  et  les  coutumes  religieuses  des  Juifs,  ont  été  repro- 
duites dans  une  page  où  Dion  Cassius,  évidemment  sur  la  foi  de 
récits  intérieurs,  raconte  et  juge  les  mêmes  événements  ^  :  «  Les 

*  Josèphe,  Contre  Ap.,  II,  10,  insinue  le  contraire  ;  mais  cela  n'est  vrai  que  de  ses 
contemporains  et  non  des  Grecs  suivant  l'idéal  du  temps  de  Périclès. 

*  Josèphe,  Contre  Aj).,  II,  16,  p.  483,  constate  ces  ressemblances  de  la  philosophie 
hellénique  et  du  dogme  juif  sur  la  nature  divine. 

3  Si  les  Stoïciens,  par  leurs  doctrines  sur  la  nature  de  Dieu  et  sa  providence, 
semblent  appelés  à  sympathiser  théoriquement  avec  les  Juifs,  il  paraît  qu'en  réalité 
ils  leur  étaient  fort  contraires.  Voir  Josèphe,  Contre  Ap.^  II,  7  et  passim,  défendant  sa 
nation  contre  les  mensonges  de  Posidonius  et  de  Molon.  Il  est  donc  au  moins  digne 
de  remarque  que  Pompée  et  Cicéron  ont  tous  deux  entendu  professer  le  premier  à 
Rhodes.  Cic,  Tuscul.,  II,  25  ;  De  Nat.  Deor.,  l,  3,  44.  Quant  au  second,  il  a  été  le 
maître  favori  de  Cicéron  (voir  ^rw^.,  89,  307  ;  90,  312;  91,  316)  et  résida  même 
quelque  temps  à  Rome  chez  son  disciple.  L'opinion  que  Josèphe  lui  prête  sur  la  reli- 
gion juive  devient  à  Rome  l'opinion  courante. 

*  Josèphe  invoque  son  témoignage  {Ant.  Jud.,  XIV,  4,  3)  avec  celui  de  Strabon  et 
de  Nicolas  de  Damas. 

5  Dion  Cas.,  37,  17.  Freinshemius,  dans  ses  suppléments,  a  refait  à  sa  manière  le 


12  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

»  Juifs,  dit-il,  sont  séparés  du  reste  des  hommes  et  par  les  habi- 
»  tudes  de  la  vie  en  général  et  surtout  parce  qu'ils  n'adorent 
n  aucun  dieu  des  autres  peuples.  Ils'n'en  reconnaissent  effecti- 
»  vement  qu'un  seul  qu'ils  vénèrent  avec  une  ferveur  tenace.  A 
))  Jérusalem  ils  ne  lui  ont  jamais  élevé  de  statue,  mais  ils  le  con- 
»  sidèrent  comme  un  être  ineffable,  invisible  et  mettent  à  l'ho- 
»  norer  un  zèle  qu'on  chercherait  vainement  chez  les  autres 
»  hommes.  Ils  lui  ont  construit  un  temple  des  plus  grands  et  des 
»  plus  beaux,  seulement  ce  temple  n'est  ni  clos  ni  couvert.  Le 
»  jour  qu'ils  consacrent  à  ce  Dieu  est  celui  de  Saturne;  c'est 
»  alors  qu'ils  accomplissent  de  préférence  leurs  cérémonies  spé- 
»  ciales,  et  s'abstiennent  de  tout  travail  sérieux.  Pour  ce  qui  est 
»  de  savoir  quel  est  au  juste  ce  Dieu,  et  quelle  est  la  source  de  la 
))  crainte  qu'il  inspire,  cela  n'est  pas  l'objet  de  mon  ouvrage,  et  a 
y)  du  reste  été  raconté  par  beaucoup  d'auteurs  :  -ol\o'.<;  xt  eipT.xai  ». 
Ces  derniers  mots  visent,  outre  Tite-Live  qui  a  dû  se  placer 
mieux  que  tout  autre  écrivain  au  point  de  vue  des  soldats  de 
Pompée  dont  il  a  recueilli  les  récits,  Tacite,  Josèphe,  Nicolas 
de  Damas  et  Strabon,  peut-être  des  historiens  aujourd'hui  in- 
connus. 

Nous  voyons  chez  Josèphe  *,  dont  le  récit  est  confirmé  par  Cicé- 
ron  sous  le  consulat  duquel  eut  lieu  l'événement,  et  chez  Tacite 
qui,  à  propos  de  la  seconde  conquête, remonte  jusqu'à  la  première, 
que  la  conduite  des  vainqueurs,  au  lendemain  d'un  siège  acharné, 
fut  aussi  modérée  que  possible.  Pompée  accompagné  de  quel- 
ques-uns de  ses  officiers,  parmi  lesquels  Cornélius  Faustus,  un 
fils  de  Sylla  qui  avait  pénétré  le  premier  par  la  brèche,  entra 
dans  le  Saint  des  Saints,  contempla,  malgré  les  prêtres,  la  table, 
les  chandeliers,  les  coupes  d'or  et  resta  stupéfait  en  ne  rencon- 
trant au  fond  du  sanctuaire  ni  statue  ni  symbole,  mais  seulement 
une  place  vide  et  des  mystères  insaisissables  :  «  Xidla  uitus  deum 

récit  du  sièpc  de  Jérusalem  par  Pompée,  mais  il  n'y  a  mis  ni  le  style  ni  l'esprit  de 
Tile-Live,  Cil,  59  ù  68.  Il  en  Ci^t  de  même  de  tous  les  autres  passajfcs  de  ces  supplé- 
ments où  il  est  question  des  Juifs.  La  pajjje  de  Dion  Cassius  est  peut-Otre  la  plus 
remarquable  de  celles  que  l'antiquiti-  gréco-latine  nous  ait  léguées  sur  les  Juifs  ; 
M,  Renan  y  a  trouvé  un  de  ses  meilleurs  arguments  en  faveur  de  sa  thèse  :  Du  Judaïsme 
comme  race  et  comme  rclifjion,  Jietiie  polit,  et  Itttér.,  3  fév.  1883,  p.  146,  col.  2.  En 
somme,  il  est  hien  étrange  que  précisément  toutes  les  parties  de  l'ouvrage  de  Tite-Live 
cil  il  était  question  des  Juifs  aient  disparu,  non  seulement  des  manuscrits  de  cet  auteur, 
mais  de  la  polémi(jue  des  Pères.  Celte  disparition  nous  parait  difficilement  fortuite. 

'  Aut.  Jtul.,  XIV,  4,  4  ;  liel.  Jiid.,  I.  7,  6.  Cf.  Cicér.,  Pto  Fine.  28,  67  et  suiv.  : 
•  Al  Cn.  Pompcius  caplis  Ilierosolyniis  victor  ex  illo  fano  uihil  alligit  »,  Tacite, 
IIisi.,  V,  U.  Dion  Cassius,  XXXN'U,  15  et  16,  dit  au  contraire  que  le  trésor  du 
lomplo  fut  pillé  au  lendemcon  du  siège.  C'est  une  erreur  :  co  pillage  n'eut  lieu  que 
plus  tard  par  Crjssus  allant  combattre  les  Parthes  ;  Ant.Jud..  XIV.  7,  1,  cl  Bel, 
Jud.,  I,  8S. 


LES  JUIFS  DEVANT  L'OPINION  ROMAINE  15 

effigie,  vacuam  sedem  et  inania  arcana  *.  »  Il  respecta  le  trésor 
sacré,  si  considérable  qu'il  fût,  non  pas  seulement  par  affectation 
de  générosité  comme  l'insinue  Cicéron  dans  l'intérêt  de  son  client 
Flaccus,  mais  par  une  sorte  de  respect  religieux.  L'âme  de  Pom- 
pée fut  toujours  accessible  à  ces  vagues  terreurs  de  la  superstition 
devant  l'inconnu.  Les  Juifs  cependant  lui  surent  moins  de  gré  de 
cette  modération  extraordinaire,  qu'ils  ne  lui  gardèrent  rancune 
d'avoir  violé  le  premier  le  secret  de  leur  temple.  Ils  le  feront 
bien  voir  le  jour  où  Pompée  tombe  frappé  à  Pliaros.  Une  des 
premières  causes  de  la  popularité  de  César  parmi  les  Juifs,  c'est 
qu'il  vengeait,  lui  l'instrument  du  Dieu  puissant,  une  profanation 
coupable. 

Quoi  qu'il  en  soit,  pour  la  première  fois,  dans  une  circonstance 
solennelle  et  malgré  l'ivresse  d'une  victoire  chaudement  disputée, 
un  général  romain,  un  homme  d'Etat,  fit  preuve  vis-à-vis  des 
Juifs,  au  centre  même  de  leur  métropole,  de  tolérance.  Ce  fut  un 
spectacle  nouveau  pour  les  vaincus  et  bien  propre  à  les  sur- 
prendre ;  habitués  par  leurs  précédents  désastres  à  tous  les  sacri- 
lèges militaires,  ils  virent  le  Romain  le  plus  célèbre  de  son  temps 
ne  témoigner  après  la  victoire  qu'une  curiosité  respectueuse  ;  au 
lendemain  de  l'assaut,  faire  purifier  le  sanctuaire  par  ses  prêtres 
attitrés.  Se  souvenait-il  que  Xerxès  avait  agi  de  même,  lorsqu'il 
eut  occupé  l'acropole  d'Athènes  ^  ?  Mais  là  se  bornèrent  ses  con- 
cessions à  la  forme  religieuse  qu'il  venait  de  découvrir.  Ceux  qui 
s'étonneraient  que  les  Romains,  après  avoir  pénétré  avec  Pompée 
dans  le  temple  de  Jérusalem,  n'en  eussent  pas  remporté  le  secret 
de  ses  enseignements,  se  placent  au  point  de  vue  moderne;  en 
dépit  d'une  certaine  culture  philosophique  venue  des  Grecs,  ce 
point  de  vue  ne  pouvait  être  celui  des  anciens  Romains.  Si  cer- 
tains compagnons  de  Pompée  étaient  capables  à  la  rigueur 
(Pompée  lui-même  ne  l'était  guère)  des  facultés  abstractives  qui, 
dégageant  l'idée  divine  de  ses  manifestations  extérieures,  la  con- 
çoivent avec  les  caractères  d'une  unité  rationnelle,  c'était  en  tant 
que  philosophes  et  non  comme  politiques  ni  comme  hommes 
d'Etat.  Il  ne  pouvait  y  avoir  de  religion  pour  eux  que  sous  les 
espèces  polythéistes  ;  toute  autre  doctrine  leur  paraissait  spécu- 
lation pure,  non  susceptible  de  passer  dans  l'esprit  des  foules,  et 
dans  la  pratique  des  nations.  Peut-être  que  si  les  secrets  de  la 

•  Josèphe,  Contre  Ap.^  II,  7,  où  le  lémoignap;e  de  Pompée  et  de  Crassus  est  invoqué 
comme  réfutation  des  absurdités  qui  se  débitaient  chez  les  Grecs  et  chez  les  Romains 
sur  l'adoration  de  la  tête  d"âne,  etc.  Nous  aurons  à  revenir  sur  ces  idées  dans  la 
II"  partie  de  notre  travail. 

«  Hérod.,  VJII,  54,  5. 


U  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

sagesse  mosaïque  avaient  été  révélés  (et  rien  ne  prouve  qu'ils 
l'aient  été  suffisamment  après  la  conquête  aux  officiers  de  Pom- 
pée), non  pas  aux  représentants  d'une  aristocratie  routinière  et 
bornée,  mais  à  des  esprits  subtils  et  novateurs,  à  un  Aristide,  à 
un  Thémistocie,  aux  Athéniens  vainqueurs  des  Perses,  à  un  Xé- 
noplion,  l'historien  de  la  retraite  des  dix  mille,  auraient-ils  dès 
lors  trouvé  en  Occident  un  écho  puissant  et  prolongé?  Ne  voyons- 
nous  pas  les  Grecs,  dès  le  sixième  siècle  avant  notre  ère,  recevoir 
l'empreinte  de  l'Arménie,  de  la  Syrie,  de  la  Phrygie,  de  la  Perse 
et  se  modifier  à  ce  contact  non  seulement  les  doctrines  des  esprits 
supérieurs,  mais  aussi  les  pratiques  religieuses  de  la  foule  ?  L'es- 
prit romain,  même  quand  il  est  représenté  par  des  intelligences 
cultivées  comme  Lucullus  et  Gicéron,  n'a  pas  cette  facilité  d'assi- 
milation théorique.  Et  puis,  la  raison  d'Etat,  qui  demeure  Vuliima 
ratio  des  penseurs  les  plus  originaux  de  Rome  jusqu'à  la  décom- 
position définitive,  étouffe  dans  son  germe  le  désir  même  de  re- 
nouveler les  institutions  traditionnelles,  parmi  lesquelles  celles 
de  la  religion  leur  paraissent  les  plus  respectables.  C'est  ainsi  que 
l'occupation  du  royaume  de  Judée  par  les  Romains  en  l'année  63 
serait  probablement  restée  sans  influence  sur  la  civilisation  de 
l'Occident,  si  les  événements  qui  suivirent  n'en  avaient,  d'une  ma- 
nière assez  imprévue,  tiré  les  conséquences. 

Ce  fut  le  28  et  le  29  septembre  de  l'an  693  de  la  ville  (61  av.  J-C.) 
que  se  déroula  dans  Rome  le  cortège  éblouissant  de  Pompée, 
triomphant  des  nations  orientales.  —  Le  décret  qui  lui  accordait 
cet  honneur  •  énumérait  l'Asie,  le  Pont,  la  Cilicie,  la  Paphlagonie, 
la  Cappadoce,  la  Crète,  la  Syrie,  la  Judée,  l'Arménie,  les  Pirates, 
et  ajoutait  la  mention  du  roi  Mithridate  et  de  Tigrane  dont  la 
dynastie  figurait,  ainsi  que  celle  de  Phraate,  derrière  le  char  du 
vainqueur  dans  la  personne  de  leurs  fils.  Mais  il  ne  nommait  pas 
Aristobule  dont  les  démêlés  avec  Hyrcan  avaient  fourni  à  Pompée 
l'occasion  de  prendre  Jérusalem.  Cependant  Aristobule  avait  été 
amené  prisonnier  à  Rome  avec  ses  deux  filles  et  son  fils  Antigone; 
Alexandre  l'ainé  avait  trouvé  moyen  de  s'échapper,  en  route,  des 
mains  du  vainqueur  -.  On  conçoit  que,  perdus  dans  la  foule 
innombrable  et  bariolée  des  captifs  de  tant  de  peuples  divers,  si 
propres  à  piquer  la  curiosité  des  Romains,  parleurs  costumes  pitto- 
resques, par  l(^ur  typ(î  étrange,  par  le  prestige  d'une  campagne 
aussi  lointaine  que  féconde  en  épisodes  romanesques,  les  Juifs 


'  Fast.  Cap.;  Pline,  Htst.  nat.,  VII,  27,  XXXVIl,  G  ;   VclL,  II,  40  ;  Plut.,  45,  el 
Dion  Cass.,  XXXVIl,  21. 

»  Josèphc,  Ant.  Jud.,  XIV,  4,  4  et  5. 


LES  JUIFS  DEVANT  L'OPLNION  ROMAINE  lu 

aient  dû  être  remarqués  à  peine,  malgré  la  présence  de  leur  roi, 
dans  le  cortège  triomphal.  Ce  que  l'on  se  montrait  surtout,  ce  n'é- 
taient même  pas  les  fiers  Arméniens  ramenés  avec  Tigrane  le 
Jeune  des  bords  de  l'Euphrate,  mais  les  vaincus  du  Pont  et  parmi 
eux,  la  mort  ayant  épargné  cette  honte  à  sa  personne,  l'image 
peinte  de  Mithridate  fugitif, menant  son  cheval  par  la  bride,  et  celle 
où  il  rendait  l'âme  parmi  les  cadavres  de  ses  filles  ^  Le  souvenir  de 
Lucullus  et  la  jalousie  s'attachant  à  la  personne  de  Pompée  qui 
avait  surtout  remporté  des  succès  faciles,  amoindrissaient  encore 
aux  yeux  des  Romains,  le  mérite  de  la  conquête  de  Jérusalem.  Les 
malveillants  s'en  servaient  à  titre  de  moquerie,  heureux  de 
rabaisser  par  les  noms  de  «  Vainqueur  de  Salem^  d'Arabarches 
et  de  Sampsicerame  romain  ^  »  le  prestige  d'un  triomphateur  qui 
abusait  du  triomphe. 

Tout  avait  contribué  d'ailleurs  à  ne  donner  aux  événements  et 
aux  choses  de  la  Judée  dans  les  préoccupations  des  Romains 
qu'une  place  accessoire.  La  chute  de  Jérusalem  est  de  l'année  où 
mourut  Mithridate,  où  Gicéron  crut  sauver  Rome  des  projets 
anarchistes  de  CatiUna.  Il  fallait  tout  l'extraordinaire  du  premier 
de  ces  événements,  pour  arracher  Rome  aux  préoccupations  que 
lui  causait  le  second.  Qu'était-ce  que  la  conquête  d'une  ville 
jusqu'alors  obscure  et  indifférente,  pour  tirer  tout  un  peuple  de 
l'attente  anxieuse,  de  la  tristesse,  de  la  terreur  où  le  plongeaient, 
moins  les  desseins  vrais  de  Catilina  que  tout  le  bruit  mené 
autour  de  la  conjuration  par  Gicéron  et  ses  amis?  «  Les  femmes 
de  Rome,  nous  dit  Salluste  %  déshabituées  par  l'état  prospère  de 
la  République  des  craintes  d'une  invasion,  se  désolaient  devant  la 
perspective  d'une  guerre  civile  ;  on  cessait  également  de  s'enor- 
gueillir des  triomphes  extérieurs  et  de  goûter  les  jouissances  qu'ils 
assuraient:  chacun  désespérait  de  soi  et  de  la  patrie.  »  Aux 
portes  de  Rome  deux  généraux  vainqueurs,  Q.  Marcius  Rex  et 
Q.  Metellus  le  Grétique,  attendaient  vainement,  avec  le  titre 
dHmperator,  que  le  sénat  leur  décernât  le  triomphe.  Celui  de 
Pompée  n'eut  lieu  que  deux  ans  après.  A  l'exception  des  victoires 
les  plus  brillantes  et  des  courses  les  plus  aventureuses,  tous  les 
hauts  faits  de  son  armée  ne  se  dessinaient  plus  aux  regards  de  la 

i  Voir  la  description  du  triomphe  chez  Plut.,  Pomp.,  45,  qui  nomme  cependant 
parmi  les  curiosités  du  cortège,  Aristobule,  roi  des  Juifs.  Pline,  XXXVII,  6,  insiste 
principalement  sur  les  magnificences  artistiques  et  autres  dont  ce  triomphe  unique 
permit  l'étalage  :  «  Veriore  luxuriae  triumpho.  » 

2  Cf.  Mommsen,  Hist.  rom.,  trad.  Alexandre,  VI,  p.  303  et  suiv.;  Cic,  Ad  Attic.^ 
II,  9,  1  ;  14,  1  ;  16,  2  ;  17,  2  ;  25,  3.  L'allusion  à  la  conquête  de  Jérusalem  est  un© 
des  plaisanteries  favorites  de  Gicéron  sur  le  compte  de  Pompée. 

3  Salluste,  Catil.^  31,  3  et  30,  4. 


16  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

foule,  que  dans  le  vague  des  lointains  souvenirs.  Depuis  Paul- 
Emile  les  Romains  avaient  vraiment  quelques  droits  de  se  montrer 
blasés  devant  le  défilé  des  prisonniers  orientaux,  devant  l'image 
des  villes  vaincues,  des  dieux  conquis,  des  fleuves  traversés  et  des 
montagnes  franchies.  Les  habitants  de  la  cité  sainte  de  Judée,  les 
membres  de  la  famille  royale,  entrevus  pendant  les  deux  jour- 
nées du  triomphe  se  perdirent  dans  l'immense  cohue  de  Rome, 
et  si  les  vainqueurs  les  remarquèrent  peu,  il  n'est  pas  croyable 
qu'eux  mêmes  aient  fait  quelque  effort  pour  attirer  davantage  les 
regards. 

Ceux  qui  étaient  de  condition  ordinaire,  devenus  par  le  droit  de 
la  guerre,  la  propriété    des  légionnaires,  furent  vendus  comme 
esclaves  ou  trouvèrent  le  moyen  de  se  racheter  aussitôt  près  de 
ceux-là  mômes  à  qui  ils  étaient  échus  en  partage  '.  Un  témoignage 
formel  de  Philon  qui  écrit  moins  d'un  siècle  après  l'événement 
nous  l'apprend.  Affranchis,  dit-il,  puis  revêtus  du  droit  de  cité, 
c'est-à-dire  devenus  Romains  au  sens  le  plus  étroit  du  mot,  avec 
toutes  les  prérogatives  de  ce  titre,   les  Juifs  s'établirent  dans  le 
quartier  Transtéverin  qu'ils  peuplèrent  en  grande  partie  et  où  ils 
s'organisèrent  en  communauté  distincte.  Nous  verrons  ailleurs  sur 
quelles    bases  légales  et   dans    quelles    conditions  privilégiées. 
Remarquons  dès  à  présent  qu'il  n'y  a  point  d'exemple,  du  moins  à 
notre  connaissance,  d'une  nationalité    quelconque    vaincue  puis 
asservie    par    les  Romains,  qui  ait  trouvé  moyen,    avec   cette 
décision  et  cette  promptitude,  de  se  reconstituer  au  sein  même  de 
ses  ennemis,  en  accordant  avec  leur  législation  ses  coutumes  et  sa 
foi  héréditaires.  Le   fait   serait   absolument  inexplicable,  si  l'on 
n'admettait  une  solidarité  étroite  entre  tous  les  prisonniers  de 
même  provenance,  l'abnégation  de  chacun  au  profit  de  tous  et  la 
mise  en  commun  des   ressources   emportées    de   la  patrie,  des 
secours  surtout  envoyés  par  les  parents,  les  amis  et  les  pouvoirs 
religieux  de  la  Judée.  C'est  en  effet  à  prix  d'argent  qu'en  tout  état 
de  cause  le  prisonnier,  Tesclave  pouvait  racheter  sa  liberté.  L'af- 
franchissement de  plusieurs  milliers  d'hommes  suppose  a  priori 
un  capital  considérable  :  les  malheureux  emmenés  par  les  soldats 
de  Pompée  et  devenus  leur  chose,  en  pouvaient  être  difficilement 
les  détenteurs;  d'autre  part  leur  affranchissement  fut  réalisé  avec 
une  telle   promptitude  qu'il  exclut,  pour  le   ])lus  grand  nombre 
d'entre  eux,  le  temps  nécessaire  à  racfpiisition  d'un  pécule  suffisant 
Ensuite  la  qualité  d'affranchi,  laissant  subsister  entre  le  maître  et 
l'esclave  des  liens  d'ordre  moral  et  politique,  il  fallait  autre  chose 

'  Philon.  Ltijat.  ad  (\iiunt.,  23.  éilil.  Tam'linilz  ;  H,  ;iGS.  éilil.  MangoKl. 


LES  JUIFS  DEVANT  L'OPLNION  ROMAINE  17 

que  de  l'argent  pour  en  obtenir  la  faveur  Ml  était  nécessaire,  dans 
le  plus  grand  nombre  des  cas,  d'y  joindre  de  bons  procédés,  une 
condescendance  respectueuse,  des  manières  insinuantes,  de  pro- 
duire cette  conviction  dans  l'esprit  des  maîtres,  qu'une  fois  mis  en 
possession  des  privilèges  de  la  liberté  qui  menaient  au  droit  de 
cité,  on  rendrait  par  reconnaissance  plus  de  services  que  si  l'on 
était  retenu  par  force  au  nombre  des  esclaves. 

Aussi  dans  l'œuvre  si  rapidement  accomplie  de  l'affranchis- 
sement commun,  les  Juifs,  prisonniers  des  soldats  de  Pompée, 
durent  non  seulement  se  faire  la  courte  échelle,  mais  trouver  un 
point  d'appui  chez  des  coreligionnaires  libres,  précédemment 
établis  à  Rome.  Il  fallut  plus  que  cela  encore  :  à  la  faveur  des 
troubles  qui  continuèrent  d'agiter  la  Judée  après  le  'départ  de 
Pompée,  il  a  dû  se  produire  certainement  une  émigration  fré- 
quente vers  les  parties  les  plus  tranquilles  de  l'empire,  sui^tout 
vers  cette  ville,  dès  lors  immense,  où  tant  de  personnes  avaient 
à  retrouver  des  parents,  des  amis,  des  chefs  de  parti.  Tantôt  par 
dévouement  pour  la  cause  du  judaïsme  en  général,  tantôt  par 
affection  pour  les  victimes  de  la  dernière  guerre,  souvent  aussi 
par  intérêt  et  dans  le  désir  d'utiliser  les  ressources  industrielles 
et  commerciales  d'un  centre  unique  au  monde,  des  exilés  volon- 
taires vinrent  grossir  la  communauté  issue  du  malheur  des  événe- 
ments. Ce  qui,  jusqu'à  ce  jour,  avait  empêché  les  Juifs  de  pous- 
ser jusqu'à  Rome,  alors  qu'ils  se  répandaient  sans  crainte  à  tra- 
vers la  Syrie,  l'Egypte,  les  Iles  et  le  continent  Hellénique,  c'était 
la  crainte  de  ne  pas  rencontrer  au  voisinage  des  Dieux  de  la 
République  et  autour  de  leurs  temples  respectés,  la  tolérance  qui 
faisait  rarement  défaut  ailleurs.  La  modération  de  Pompée  et  de 
ses  lieutenants  au  lendemain  de  la  conquête,  une  première  expé- 
rience de  la  vie  à  Rome  sous  la  garantie  des  lois  communes, 
prouvèrent  suffisamment  au  Juif  qu'il  serait  plus  tranquille  dans 
l'exercice  de  son  culte,  plus  indépendant  dans  la  pratique  de  ses 
devoirs,  confondu  parmi  la  foule  des  Romains  de  Rome  ,  que 
côte  à  côte  avec  les  Grecs  railleurs  où  les  Egyptiens  jaloux  '^  11 
s'aperçut  que  de  toutes  les  nations  avec  lesquelles  il  avait  entre- 
tenu jusqu'à  ce  jour  des  rapports  forcés  ou  volontaires,  le  peuple 


*  Sur  les  formalités  de  raffranchissement  et  ses  conséquences,  voir  Madvig,  L'Etat 
romain,  t.  I,  p.  204  et  suiv.,  trad.  Morel,  Paris,  1881. 

2  Sur  la  haine  des  Egyptiens  pour  les  Juifs,  voir  Josèphe,  Contre  Ap.,  I,  25  ;  cf.  I, 
13.  Sur  les  divisions  entre  Grecs  et  Juifs  à  Alexandrie,  où  Alexandre,  devançant  la 
politique  de  César,  leur  avait  accordé  l'égalité  absolue  devant  la  loi  (id.,  Bel.  Jicd., 
II,  18,  7,  et  Contre  Ap.,  II,  4  et  suiv.),  voy.  Josèphe,  Ant.  Jud.,  XVIII,  8,  1,  et 
XIX,  {>,  2. 

T.  VIII,  N*^  15.  2 


4 s  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Romain  était  en  somme  le  plus  tolérant,  parce  qu'il  était  le  plus 
fort;  que  de  toutes  les  villes  commerçantes,  celle  de  Rome  par  son 
étendue,  par  le  cosmopolitisme  de  ses  habitants,  par  la  diversité 
et  l'exigence  des  intérêts  et  des  idées  dont  elle  était  le  centre, 
constituait  l'abri  le  plus  sûr  pour  des  hommes  qui  mettaient  au- 
dessus  de  tout  la  liberté  de  leur  foi.  Il  était  dans  la  nature  des 
choses  que  la  population  juive  de  Rome,  dont  la  première 
amorce  pour  nous  date  des  ambassades  envoyées  par  les  Mac- 
chabées, considérablement  accrue  ensuite  après  les  campagnes 
de  Pompée  par  les  prisonniers,  prit  un  développement  rapide 
grâce  à  des  immigrations  volontaires  avec  l'arrivée  d'Aristobule 
et  de  ses  compagnons  de  captivité  *.  Quatre  ans  à  peine  se  sont 
écoulés  depuis  que  la  conquête  de  la  Judée  est  un  fait  accompli 
et  déjà  la  communauté  juive  de  Rome,  qui  jusqu'alors  était  à 
peine  perceptible,  force  un  orateur  comme  Gicéron  à  compter 
avec  sa  puissance  financière  et  son  influence  politique  ;  un  phi- 
losophe comme  Varron  à  témoigner  de  sa  supériorité  en  matière 
religieuse^. 


II. 


Par  la  conquête  du  temple  de  Jérusalem  s'annexait  à  la  reli- 
gion de  l'empire  romain  un  élément  de  foi  populaire  qui  en  était 
la  formelle  négation.  Un  peuple  soumis  par  les  armes  est,  devant 
l'opinion  romaine,  un  peuple  destiné  à  l'absorption  par  les  insti- 
tutions, en  première  ligne  par  les  institutions  religieuses,  conçues 
comme  le  facteur  le  plus  puissant  des  calculs  politiques.  Pour 
la  première  fois  les  croyances  du  vaincu  se  refusaient  à  toute 
transaction  avec  celles  du  vainqueur  !  Celui-ci  allait-il  aviser  à 
briser  les  résistances,  à  détruire  ce  qu'il  ne  pouvait  soumettre? 
Ou  laisserait-il  debout  la  négation  de  sa  propre  divinité,  au  risque 
de  compromettre  non-seulement  l'identification  politique ,  but 
suprême  de  la  conquête,  mais  le  prestige  du  conquérant  lui- 
même  ?  Y  avait-il  un  modus  viveucli  qui  permît  à  une  commu- 
nauté de  l'ordre  religieux  d'exister  dans  l'Etat,  en  l'unissant  au 
corps  social  par  tous  les  liens,  sauf  par  celui  qui  était  considéré 
jusqu'alors  comme    le    plus  puissant  et  comme  la  garantie  des 

•  Cf.  llavel,  ouv.  cit.,  II,  p.  149. 

»  Cic,  P,'o  Flac,  28,  67  et  suiv.  Cf.  De  Proo.  coHttiL,  5,  10,  et  Vtrron  chef 
S.  Aupust..  Cic.  Div..  IV.  31,  2. 


LES  JUIFS  DEVANT  L'OPINION  ROMALNI.  19 

autres?  Q\xe\  pouvait  être  ce  régime,  assez  efficace-  au  point  de 
vue  du  gouvernement,  pour  que  son  autorité  restât  entière,  assez 
accommodant  au  point  de  vue  des  sujets  nouveaux,  pour  exclure 
tout  motif  sérieux  de  mécontentement  et  de  révolte?  Ces  questions 
ne  se  posèrent  pas  tout  d'abord  avec  cette  netteté  devant  Tesprit 
des  vainqueurs  de  la  Jud('o.  Ils  les  pressentaient  vaguement 
comme  nous  le  constaterons  par  de  curieux  témoignages,  et  va- 
guement aussi  en  cherchaient  la  solution.  L'accord  de  quelques 
esprits  supérieurs,  d'Aristobule  et  de  César,  d'Hérode  et  d'Au- 
guste y  devait  aboutir  naturellement  et  par  les  voies  les  plus 
simples. 

En  attendant,  le  dédain  même  qui  avait  accueilli  les  Juifs  à 
leur  entrée  dans  Rome  leur  créait  une  situation  qui,  pour  n'être 
pas  brillante,  n'en  était  pas  moins  avantageuse.  Ils  prenaient  pos- 
session, sans  bruit,  de  la  liberté  d'abord,  du  droit  de  cité  ensuite  : 
«  Amenés  prisonniers  en  Italie,  dit  Philon,  ils  avaient  été  affran- 
chis par  ceux  qui  les  avaient  achetés  ;  et  on  ne  les  força  en  rien  à 
violer  les  lois  de  leurs  pères.  Cependant  on  savait  qu'ils  avaient 
leurs  lieux  de  prière,  qu'ils  s'y  réunissaient,  surtout  aux  jours 
saints,  et  s'y  instruisaient  publiquement  dans  la  sagesse  hérédi- 
taire. On  savait  qu'ils  ramassaient  des  sommes  d'argent  sous 
forme  d'offrandes  sacrées  et  les  envoyaient  à  Jérusalem  par  l'in- 
termédiaire des  sacrificateurs  *.  »  Romains  en  tout  le  reste  (Pwixaîot 
ôM<Tavot7tX£(o'jç. ..)  et  soumis  à  la  législation  de  leur  patrie  nou- 
velle, ils  ne  mettaient  à  leur  obéissance  de  citoyens  qu'une  res- 
triction, mais  intraitable  celle-là  et  irréconciliable  :  ils  se  refu- 
saient à  adorer  les  dieux  de  l'empire  sans  chercher  d'ailleurs  à  les 
combattre  ;  ils  demandaient  à  adorer  le  Dieu  de  leurs  pères,  à  la 
m.anière  de  leurs  pères,  sans  vouloir  répandre  autour  d'eux  ni 
encore  moins  imposer  leur  foi.  Si  les  Juifs  étaient  restés  pauvres 
et  obscurs,  nul  doute  que  l'esprit  pratique  du  gouvernement  de 
Rome  ne  les  eût  toujours  laissés  en  possession  paisible  de  ce 
double  privilège  qui  ne  portait  ombrage  à  personne.  Mais  trois 
années  ne  se  sont  pas  écoulées  depuis  le  triomphe  de  Pompée,  et 
déjà  sur  le  forum  romain,  par  la  voix  du  premier  avocat  de  la 
ville,  par  la  voix  du  consul  dont  l'année  avait  vu  la  chute  de  Jé- 
rusalem en  même  temps  que  la  ruine  de  Catilina,  les  Juifs  sont 
pour  leur  richesse  et  leur  opposition  à  la  religion  nationale  si- 
gnalés aux  convoitises,  aux  haines  de  la  foule-.  Le  plaidoyer 
pour  Flaccus  est  bien,  comme  dit  M.  Ilavet  «  une  de  ces  révéla- 

»  Philon,  Leffat.  ad  Catum^  îi3,  édit.  Tauchnitz. 
*  Pro  Flac,  28,  66  et  suiv, 


•20  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

tions  qui  éclatent  par  moment  au  milieu  du  silence  de  l'his- 
toire*. »  11  est  le  premier  épisode  du  mouvement  antisémitique  à 
Rome,  mouvement  enrayé  bientôt  par  César  et  qui,  reprenant  à  la 
suite  d'un  malentendu  public  sous  Tibère,  ne  devait  s'arrêter  qu'à 
la  faveur  des  persécutions  contre  les  chrétiens  sur  lesquels  il  se 
détourna. 

L.  Valérius  Flaccus^,fils  d'un  consulaire  qui  était  mort  en  Asie 
durant  la  guerre  contre  Mithridate,  s'était  élevé  par  dégrés  jus- 
qu'à la  dignité  de  préteur.  Il  en  avait  rempli  les  fonctions  à  Rome 
l'année  du  consulat  de  Gicéron  et  rendu  à  ce  dernier  des  services 
signalés  pour  la  répression  de  la  conjuration  de  Catilina.  L'année 
suivante  il  fut  envoyé  en  Asie  en  qualité  de  propréteur  et  s'y  con- 
duisit à  peu  près  comme  Verres  à  quelque  temps  de  là  s'était 
conduit  en  Sicile,  c'est-à-dire  en  concussionnaire  effronté.  A  son 
retour  il  fut  accusé  par  D.  Laelius,  à  l'instigation  peut-être  et 
certainement  avec  l'approbation  de  Pompée.  Quoique  le  crime  de 
concussion  fût  manifeste  ^  Hortensius  et  Gicéron  (il  ne  fallait  pas 
moins,  paraît-il,  que  les  meilleurs  avocats  et  les  plus  populaires 
de  la  ville  pour  cette  cause)  réussirent  à  arracher  un  acquitte- 
ment. Gicéron  avait  un  intérêt  particulier  à  défendre  chaleureu- 
sement un  tel  client  :  il  comptait  sur  lui  pour  l'assister  dans  sa 
lutte  contre  Clodius,  comme  naguère  il  l'avait  assisté  contre  Gati- 
lina.  Gicéron  refit  donc  en  sens  inverse  le  plaidoyer  contre  Ver- 
res :  certains  passages  du  discours  pour  Flaccus  sont  des  chefs- 
d'œuvre  de  rouerie  avocassière,  de  déguisements  diplomatiques. 
Une  partie  de  la  cause  fut  plaidée  sur  le  dos  des  Juifs  :  c'est  la 
seule  qui  ici  nous  intéresse. 

Ge  texte  est  si  connu,  il  a  été  si  souvent  cité  qu'il  nous  semble 
presque  superflu  de  le  reproduire  *.  Peut-être  cependant  n'a-t-on 
pas  assez  insisté  sur  sa  portée  et  sa  signification  historique  en  ce 
qui  concerne  les  débuts  de  la  communauté  juive  à  Rome.  On  sent 
que  le  mépris  affiché  par  l'orateur  est  plus  apparent  que  réel  ; 


ï  Ouv.  cit.,  I,  p.  1:2. 

*  Sur  L.  Valérius  Flaccus,  voir  Pauly,  Realencydop.,  VI,  2,  2346. 

^  De  manilcslissiniis  crimiuibus  cxeniil  Ciccro,  Macrob.,  II,  1.  C'est  par  le  discours 
de  Gicéron,  G,  14,  (ju'on  soupçonne  rinlervenlioii  de  Pompée. 

*  Nous  meUons  en   note  les  passages  essentiels  :    «  Sequitur  auri  illa  invidia  ju- 
daici.  Hoc  nimirum  illud  est  quod  non   longe  a  gradibus  Aureliis  hffc  causa  dicitur  : 

hoc  criineu  liic  locus  abs  te,  La-li,  atque  illa  turba  (Juda'orum  scil.]  qua?sita  est  : 
Sois  quanta  sil  manus,  quanta  concordia,  quantum  valcat  in  concionibus.  Summissa 
voce  ugam,  tantum   ut  judiccs   uudiaut  ;  neque  cnim  desunt    qui  istos  in  me  atque 

in  optimum    quemque  inclvenl,  quos   ego,  quo  id  facilius  faciant   non   adjuvabo 

huic...,  borbaro^  superslitioni  resistcre  scveritalis,  multitudincm  Judaporum  llagran- 
lem  non  numcjuam  in  concionibus  pra,-  rcpublica  contcmncrc  gravitalis  summae 
fuit.    . 


LES  JUIFS  DEVAxNT  L'OPLNION  ROMAINE  £1 

qu'il  diminue  à  dessein  l'importance  des  victimes  de  Flaccus  pour 
atténuer  d'autant  la  faute  de  son  client.  Mais  est-il  paroles  plus 
significatives,  dans  la  bouche  d'un  tel  avocat,  que  celles  où  il  fait 
allusion  au  nombre  des  Juifs,  à  leur  union,  à  leur  influence  dans 
les  assemblées  électives,  où  il  montre  leur  multitude  :  Flagran- 
tem  non  nunquam  in  concionilms  ?  Si  ces  insinuations  sont  fon- 
dées, et  il  n'y  a  pas  de  raisons  pour  croire  le  contraire,  Laelius 
soutenu  dans  ce  procès  par  Pompée,  est  en  réalité  poussé  par  les 
Juifs,  qui  lui  ont  fait  choisir  jusqu'au  tribunal  le  plus  favorable  à 
une  manifestation  publique,  solennelle  de  leurs  droits. 

Si  nous  ne  savions,  par  une  foule  d'exemples  fameux,  que  Ci- 
céron  est  passé  maître  dans  l'art  d'embrouiller  les  causes  mau- 
vaises, d'accumuler  les  considérations  accessoires  qui  vont  à  son 
but  et  d'atténuer  le  fait  principal  quand  il  le  gêne,  son  plaidoyer 
contre  les  Juifs  suffirait  à  le  prouver.  Que  ïon  s'en  tienne  à  ce 
que  l'avocat  avoue,  on  ne  concevra  pas  que  des  accusateurs 
sérieux  aient  compromis  leur  cause  en  ramassant  un  grief  qui 
tombait  de  lui-même.  Il  est  probable,  quoi  qu'en  dise  Cicéron,  que 
de  l'or  arrêté,  sous  le  prétexte  de  l'intérêt  public,  en  divers  en- 
droits de  l'Asie,  une  quantité  notable  était  restée  aux  mains  de 
Flaccus  ou  de  ses  lieutenants  ;  plus  probable  encore  que  la  dé- 
fense d'exportation  n'avait  eu  pour  but  que  de  faciliter  le  vol  *. 
Des  juges  romains  n'auraient  jamais  condamné  un  magistrat  pour 
avoir  fait  entrer  dans  lès  caisses  de  l'Etat  de  l'or  confisqué  sur 
une  nation  mal  soumise,  la  veille  encore  ennemie  déclarée  de 
l'empire.  L'appel  au  fanatisme  des  Romains  contre  la  religion 
juive  avait  précisément  pour  but  de  masquer  ce  côté  faible  de  la 
défense.  Des  gens  ennemis  des  dieux  sont  hors  la  loi  :  Flaccus  les 
aurait-il  volés  quelque  peu,  qu'il  faudrait  lui  en  savoir  gré.  De 
même  Milon,  à  supposer  qu'il  eût  sans  provocation  assassiné 
Clodius,  méritait  des  couronnes  pour  avoir  débarrassé  la  répu- 
blique d'un  citoyen  dangereux-.  Dans  le  cas  de  Milon,  Cicéron 
tentait  d'obtenir  l'acquittement  de  son  client  en  grossissant  la  peur 
que  causaient  depuis  Gatilina  les  représentants  de  l'anarchisme, 
en  provoquant  la  reconnaissance  pour  en  avoir  été  une  fois  de 
plus  débarrassé.  Dans  celui  de  Flaccus,  il  le  demandait  aux  pas- 
sions religieuses  ;  mais  ici  l'exemple  de  Pompée  le  gêne.  L'expli- 


*  Celle  exporlalion  de  Tor  par  les  Juifs  à  destinaliou  du  lemple  de  Jérusalem  est 
atteslée  par  une  foule  d'aulres  lémoignaj^es.  Voir  notammenl  Philon,  Légat,  ad 
Canim,  23.  La  saisie  de  Flaccus  porla  sur  cenl  livres  d"or,  ce  qui  ne  devait  pas 
représenter  le  total  de  la  contribution.  Voir  une  inscription  juive,  recueillie  à  SmyrnQ 
dans  le  C.  I.  G.,  9897,  relative  à  une  saisie  semblable. 
.  a  Pro  Mil.,  XXVII,  72  et  suiv. 


•22  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

cation  qu'il  en  donne  est  puérile  et  n'a  dû  convaincre  personne  *. 
N'est-il  pas  étrange  en  somme  de  voir  le  disciple  de  Platon  et  de 
Panétius,  l'auteur  du  traité  de  la  Natuy^e  des  Dieux  et  de  la  Ré- 
pudlique,  faire  sonner  si  haut  contre  les  Juifs  vaincus  leur  oppo- 
sition toute  passive  aux  traditions  religieuses  de  Rome?  Il  est 
vrai  que,  le  cas  échéant,  Cicéron  eût  tout  aussi  bien  pris  en  mains 
la  cause  de  la  liberté  de  conscience  contre  les  fanatiques  d'mi 
autre  âge.  Il  défend  Flaccus  sur  les  mêmes  faits  pour  lesquels  il 
avait  accusé  Verres  :  son  honnêteté  d'homme  et  sa  dignité  de  phi- 
losophe le  suivent  rarement  sur  le  forum  ;  elles  ne  lui  serviraient 
qu'à  gagner  les  bonnes  causes,  et  le  métier  oblige  souvent  à  en 
plaider  de  mauvaises. 

Ce  qui  est  plus  curieux  que  le  fond  du  procès  de  Flaccus,  ce 
sont,  en  ce  qui  concerne  les  Juifs,  les  circonstances  dans  lesquelles 
l'orateur  est  obligé  de  parler.  Par  Cicéron  nous  apprenons  la  ra- 
pide organisation  des  Juifs  en  communauté  distincte  et  influente. 
Ils  sont  là  en  grand  nombre  sur  le  forum  Aurélien-,  voisin  sans 
doute  du  quartier  où  ils  habitaient,  entourant  le  tribunal  et  guet- 
tant avec  avidité  les  paroles  de  l'accusation  et  de  la  défense.  Leur' 
rôle  n'est  pas  passif,  car  l'avocat  est  obligé  de  compter  avec  leurs 
manifestations,  et  celles  de  leurs  amis.  11  a  peur  que  les  audi- 
teurs indignés  ne  couvrent  sa  voix  et  ne  pèsent  sur  l'esprit  des 
juges  :  il  ne  veut  être  entendu  que  de  ces  derniers.  Sans  doute 
que  les  anciens  maîtres  des  Juifs,  devenus  leurs  patrons,  sont 
venus  au  tribunal  pour  les  soutenir  de  leur  influence  ;  sans  doute 
que  les  esclaves  de  la  veille,  devenus  patrons  à  leur  tour,  ont  déjà 
toute  une  clientèle  populaire,  qu'ils  amènent  avec  eux  afin  de 
marquer  leur  crédit.  Cette  assistance  sympathique,  aussi  nom- 
breuse que  déterminée,  oblige  un  consulaire  de  l'importance  de 
Cicéron  à  des  précautions  oratoires  d'un  genre  particulier.  C'est 
lui-même  qui  constate  non  seulement  que  les  Juifs  sont  à  Rome 
nombreux  et  unis,  mais  qu'ils  ont  une  grande  influence  dans  les 
assemblées  politiques  :  in  concionilnis .  Déjà  le  souvenir  de  leur 
servitude  s'est  effacé.  Ils  sont  citoyens  libres,  électeurs  influents, 
meneurs  redoutables  ;  il  ne  faut  rien  moins  qu'un  témoignage  de 
cette  autorité,  pour  que  nous  ne  criions  pas  à  l'invraisemblance. 

•  Pro  Flac.^  G7  et  G8  :  Al  Cn.  Pompcius  captis  Ilicrosolymis  viclor  ex  illo  fano 
iiihil  allip;il.  lu  priniis  hoc  ut  multa  alia,  sapicnter;  in  tam  suspiciosa  ac  maledica 
civilule  locum  sormoni  obtrectaioruin  non   reliquil. 

*  Sur  les  Gradus  Aurelii,  partie  d\i  Forum  où  se  plaida  l^alToire.  voir  Pro  Quint., 
[\^  ;  Pro  tSVj'/o,  15  ;  In  Pison.,  5.  Il  somhle  que  le  tribunal,  avec  son  escalier  do 
pierre,  fournil  à  une  allaire  importante  une  tribune  plus  solennelle.  C'est  pour  cela 
(|uc  La'lius  cl  les  Juifs  l'ont  choisi.  11  avait  été  élevé  par  M.  Aurelius  Cotti,  consul 
en  6Sn  r.  C. 


LES  JUIFS  DEVANT  L'OPINION  ROMAINE  23 

Le  fait  même  de  l'or  exporté,  non  plus  seulement  des  contrées- 
grecques  et  asiatiques,  où  les  Juifs  se  livraient  à  un  commerce 
lucratif  depuis  de  nombreuses  années,  mais  de  l'Italie  même  où 
ils  avaient  abordé  comme  prisonniers  de  guerre  trois  ans  aupa- 
ravant, atteste  leur  activité  et  leur  intelligence.  Cicéron  n'insiste 
pas  sur  cette  richesse  si  vite  acquise,  pour  détourner  sur  les  ad- 
versaires de  Flaccus  l'envie  que  lui  avaient  value  ses  concus- 
sions :  Invidia  auri  judaici.  Mais  le  mot  est  lancé,  quoique  avec 
un  autre  sens,  et  il  fera  son  chemin  dans  les  esprits.  N'est-il  pas 
étrange  de  constater  qu'aujourd'hui,  comme  alors,  il  est  au  fond 
de  toutes  les  manifestations  antisémitiques  ? 

Trois  ans  après  le  plaidoj^er  pour  Flaccus,  dans  le  discours 
pour  les  Provinces  consulaires  S  Cicéron  trouvera  moyen  encore 
de  condenser  en  quelques  mots  l'expression  de  sa  fierté  mépri- 
sante pour  les  Juifs  asservis  et  aussi  la  constatation  de  leur  puis- 
sance financière.  Après  le  départ  de  Pompée,  Gabinius,  son  lieu- 
tenant, avait  continué  les  opérations  militaires,  pacifié  la  Syrie,  la 
Palestine,  l'Egypte  et,  de  concert  avec  Pison,  organisé  l'adminis- 
tration de  ces  provinces.  Cicéron,  leur  adversaire  politique,  leur 
reproche  d'avoir,  dans  cette  œuvre,  asservi  les  malheureux  pu- 
blicains,  que  l'on  ne  savait  pas  si  dignes  de  pitié,  aux  Syriens  et 
aux  Juifs,  oiations  nées  pour  la  servitude.  L'expression  par 
elle-même,  dans  la  bouche  d'un  Romain,  ne  tire  pas  à  conséquence. 
Elle  sert  dans  le  langage  courant  à  désigner  les  Orientaux  en 
général  *  :  réduits  sans  trop  de  peine  par  les  armiées  romaines  et 
d'ailleurs  soumis  de  tout  temps  à  des  royautés  absolues,  les  Asia- 
tiques apportaient  dans  leurs  rapports  avec  les  Occidentaux,  la 
résignation  que  leur  commandait  la  défaite,  la  souplesse  dont  un 
long  passé  leur  avait  fait  une  habitude.  On  peut  dire  cependant 
que,  devant  l'opinion  romaine,  la  constance  des  Juifs  à  conserver 
leur  foi,  comme  aussi  leur  résistance  particulièrement  acharnée  à 
la  conquête  qui  ne  devait  pas  être  définitive  avant  un  siècle,  n'an- 
nonçaient rien  moins  qu'un  tempérament  servile.  Cicéron  n'avait 
pas  à  y  regarder  de  si  près. 
S'il  en  faut  croire  Plutarque  ^,  il  n'a  pas  seulement  injurié  les 

*  De  Prov.  consul.,  V,  10  :  «  Jam  vero  publicanos  miseros. ..  tradidit  in  servifutem 
Judœis  et  Syris,  nationibus  natis  servituti.  » 

*  L'orateur  pour  Flaccus  tire  son  principal  argument  du  caractère  méprisable  des 
témoins  orientaux  qui  char<^eaient  son  client.  Cf.  Juvénal,  i,  104  :  Quamvis  natus  ad 
Euphratem.  C'étaient  surtout  les  Ej^yptiens  qui  inspiraient  ce  mépris;  voir  Suidas, 
au  mot  aîyuTrTiàtieiv  identique  ù  uavoupYeïv  xai  xaxoTpoKsOeaôai  ;  et  encore  Juvénal, 

I,  130  :  nescio  quis iEgyptius   atque  Arabarches,  cujus  ad  efligiem  non  tantum 

meiere  fas  est. 

3  Vie  de  Cic,  9.  Cf.  Havet,  ouv.  cit.?,  II,  p.  150. 


24  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Juifs  dans  le  discours  pour  les  Provi7ices  consulaires  après  les 
avoir  mis  hors  la  loi  dans  le  plaidoyer  pour  Flaccus:  il  savait  au 
besoin  les  plaisanter  agréablement;  nous  citons  l'anecdote  dans  le 
naïf  langage  d'Amyot  :  «  Les  Romains  appellent  un  pourceau  qui 
n'est  point  chastré  Verres,  c'est-à-dire  un  verrat.  Or  y  avait-il  un 
nommé  Cécilius  fils  d'un  serf  affranchy,  qui  était  soupçonné  d'a- 
dhérer à  la  loi  des  Juifs.  Gestuy  Cécilius  voulait  débouster  les 
Siciliens  de  cette  accusation  de  Verres,  et  que  la  charge  de  l'ac- 
cuser luy  fust  baillée  à  luy  seul.  Cicéron  se  mocquant  de  cette 
siene  poursuitte,  luy  dit  :  Quelle  chose  peut  avoir  un  Juif  à 
démesler  avec  un  verrat?  Pour  autant,  ajoute  le  traducteur 
dans  une  note,  que  les  Juifs  ne  mangent  point  de  chair  de 
pourceau.  » 

Le  procès  de  Verres  étant  de  dix  années  antérieur  à  la  guerre 
de  Judée,  si  le  bon  mot  prêté  à  Cicéron  n'a  pas  été  fabriqué  après 
coup,  il  est  pour  le  moins  curieux  d'observer  que  déjà  alors  il  y 
avait  à  Rome  des  Juifs  et  que  l'on  plaisantait  publiquement  des 
particularités  de  leur  culte  * . 

Ainsi  le  premier  des  orateurs  latins,  celui  dont  la  postérité  a 
eu  soin  de  recueillir  les  écrits  et  de  noter  les  paroles,  a  plusieurs 
fois  dans  sa  carrière  trouvé  les  Juifs  sur  son  chemin  et  a  été 
amené  parles  circonstances  à  leur  donner  place  dans  ses  discours. 
C'est  sous  ce  farneux  consulat,  qu'il  a  cru  devoir  célébrer  en  prose 
et  en  vers  pour  tout  ce  qui  est  arrivé  d'heureux  cette  année-là  à 
l'empire  romain,  que  le  temple  de  Jérusalem  a  été  violé  par 
Pompée  ;  c'est  peu  de  temps  après  que  le  roi  détrôné  Aristobule 
et  des  prisonniers  nombreux,  conduits  de  force  à  Rome,  y  ont 
organisé  la  première  communauté.  C'est  un  plaidoyer  judiciaire  de 
Cicéron,  puis  une  de  ses  harangues  politiques  qui  nous  attestent, 
de  la  façon  la  moins  obscure,  que  les  Juifs,  quoique  rançonnés  et 
tributaires,  n'ont  pas  tardé  à  conquérir  et  l'influence  et  la  ri- 
chesse qui  forcent  l'aristocratie  romaine  à  compter  avec  eux,  qui 
mettent  dans  leur  dépendance  une  fraction  notable  de  la  classe 
populaire. 

Il  est  évident  que  les  Juifs  n'ont  pu  tenir  la  fortune  qui  leur 
donnait  cette  puissance  que  du  travail  et  de  l'activité  intelligente. 
Mais  si  l'argent  en  peu  de  temps  les  avait  rendus  considérés,  il 
les  désignait  aussi  aux  jalousies  :  il  rappelait  que  ces  hommes 
assez  habiles,  assez  économes  pour  passer  en  trois  années  de 

-  C'est  une  présomption  de  plus  ù  ajouter  à  celles  qui  nous  font  croire  ù  l'cxislcnce 
d'une  petite  communauté  juive  ù  Rome  antérieurement  à  Tannée  62.  Suidas  parle 
également  d'un  Cécilius,  Sicilien  et  Juif,  comme  celui  qui  figure  dans  le  orocès  de 
Verres.  Cr.  une  inscription  judaïque  de  Syracuse,  C.  I.  O.,  9895. 


LES  JUIFS  DEVANT  L^OPINION  ROMAINE  25 

l'état  de  servitude  à  une  puissance  politique,  ne  pratiquaient  pas 
le  même  culte  que  leurs  vainqueurs,  que  seuls  dans  Rome  ils 
affectaient  de  ne  pas  entrer  dans  les  temples  de  tout  le  monde, 
qu'ils  vivaient  à  l'écart,  avec  des  pratiques  bizarres  dont  ils 
se  faisaient  des  devoirs  sacrés.  Étrangers  vaincus  par  les  armes, 
croyants  irréconciliables  dans  leur  foi,  travailleurs  enrichis  par 
l'économie,  ils  appartenaient  trois  fois  à  la  persécution.  C'est 
merveille  qu'elle  ait  tardé  si  longtemps  à  se  déchaîner  sur  eux. 
Bien  loin  que  les  menaces  qui  grondent  dans  le  plaidoyer  pour 
Flaccus  aient  trouvé  tout  d'abord  un  écho,  il  semble  au  contraire 
que  certains  penseurs  de  Rome,  de  la  société  même  de  Cicéron, 
se  soient  rendu  compte  avec  une  visible  sympathie  du  principe 
fondamental  de  leur  religion.  Varron,  dans  son  grand  traité  des 
Antiquités,  le  plus  considérable  de  ses  nombreux  ouvrages,  traité 
contemporain  de  la  conquête  de  Jérusalem  par  Pompée,  faisait 
remarquer  que  les  Romains,  pendant  près  de  deux  siècles,  avaient 
honoré  les  dieux  sans  simulacres  ni  images,  et  il  ajoutait  •  :  «  Si 
cet  usage  s'était  maintenu,  le  culte  divin  serait  resté  plus  pur.  » 
Il  n'y  a  pas  de  raison  de  refuser  notre  créance  à  saint  Augustin 
lorsqu'il  affirme  qu'entre  autres  exemples  d'un  culte  idéal,  le  cé- 
lèbre polygraphe  citait  celui  de  la  nation  juive.  Il  y  a  même  dans 
cette  assimilation  un  argument  de  plus  qui  nous  permet  de  faire 
concorder  la  composition  de  cette  partie  du  livre  avec  le  retour  de 
Pompée  et  de  ses  lieutenants.  Varron,  en  sa  qualité  d'archéologue 
religieux,  ne  pouvait  pas  ne  pas  s'intéresser  vivement  aux  idées 
des  nations  étrangères  sur  la  nature  divine,  qui  faisait  l'objet  de 
ses  recherches.de  prédilection.  Il  avait  conversé  avec  les  officiers 
qui,  ayant  pénétré  dans  le  sanctuaire  de  Jérusalem  et  vainement 
cherché  pour  l'ornement  du  triomphe  l'image  d'un  Dieu  nouveau, 
lui  firent  part  de  leur  surprise,  lui  communiquèrent  les  explica- 
tions que  les  vaincus  leur  avaient  fournies  sur  place.  Ce  n'était 
plus  seulement  le  superstitieux  Pompée  qui  s'inclinait  avec  res- 
pect devant  la  divinité  sans  simulacre;  mais  le  philosophe  Varron, 

•  Var.  chez  St  August.,  Civ.  Div.,  IV,  31,  2.  Plutarque,  Vie  de  Numa,  8,  dit  que 
les  temples  et  les  chapelles  sans  images  durèrent  170  ans  (dyaXfxa  ô'oOôèv  â(X[jLopov 
uotoùjjLEvot. . .)  Voici  les  paroles  de  saint  Augustin  :  «  Cui  sententi*  suoe  testem 
adbibet  inter  cetera  etiam  gentem  Juda'am  :  nec  dubitat  eum  locum  ita  concludere  ut 
dicat,  qui  primi  simulacra  deorum  populis  posuerunt,  eos  civitatibus  suis  et  metum 
demsisse  et  errorem  addidisse.  »  L'ouvrage  de  Varron  était  dédié  à  César,  grand 
pontife  (Aug.,  Civ.  Div.,  VII,  35  ;  Lactance,  last.,  I,  6,  1)  ce  qui  donne  comme  date 
probable  de  la  publication  Tan  47  av.  J.-C.  ;  il  y  a  quatorze  ans  qu'a  eu  lieu  le 
triomphe  de  Pompée.  Comme  l'œuvre  comportait  41  livres,  il  n'est  pas  téméraire  de 
conjecturer  que  la  réflexion  ci-dessus  fut  inspirée  à  l'auteur  par  les  événements 
de  Judée,  elle  n'aurait  guère  pu  lui  venir  sans  la  conquête  du  temple.  Cf.  Havet, 
II,  p.  lo3. 


26  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

l'auteur  de  la  division  fameuse  qui  attribuait  aux  esprits  éclaires 
une  religion  spéciale,  cite  ce  culte  comme  un  modèle  dans  son  plus 
fameux  ouvrage  *;  il  regrette  que  ses  compatriotes  depuis  les  temps 
de  Numa  y  aient  renoncé.  Est-il  téméraire  de  conjecturer  que 
ces  idées,  dont  Varron  est  l'interprète  devant  la  postérité,  mais 
dont  il  n'était  certes  pas  l'unique  représentant,  ont  dû  contribuer, 
dans  une  large  mesure,  à  assurer  la  sécurité  de  la  communauté- 
juive  dans  Rome? 

Les  passions  populaires  ne  se  sont  pas  soulevées  encore  :  il  y  a 
trop  peu  de  temps  que  les  Juifs  sont  arrivés  misérables,  vaincus, 
asservis;  ils  ne  sont  pas  désignés  dès  le  premier  jour  aux  con- 
voitises jalouses.  Quant  aux  classes  dirigeantes,  elles  ne  peuvent 
manquer  d'être  sympathiques  à  une  race  sobre,  laborieuse,  éco- 
nome, aux  adorateurs  d'un  Dieu  qui  rappelle  celui  de  Platon,  aux. 
fauteurs  d'un  culte  qui  avait  de  nombreuses  analogies  avec  l'an- 
cien culte  romain  tel  que  l'avait  organisé  le  roi  Numa-.  De  ce 
moment  datent  pour  les  Juifs  à  Rome  une  suite  d'années  pros- 
pères et  tranquilles,  durant  lesquelles  ils  fortifient  la  situation 
acquise  et  conquièrent  des  privilèges  nouveaux. 


111 


En  attendant  que  César,  s'emparant  de  la  dictature,  refondit 
dans  son  ensemble  l'organisation  de  la  république  romaine  qui 
craquait  de  toutes  parts  par  l'accumulation  d'une  foule  d'éléments 
nouveaux  de  prospérité  ou  de  ruine,  la  situation  des  Juifs  à  Rome 
et  dans  le  reste  de  l'Empire  allait  demeurer  provisoire. 

Leur  annexion,  incomplète  plus  que  toute  autre,  puisqu'elle 
n'avait  pu  s'étendre  aux  consciences  insaisissables,  à  la  religion 
intraitable,  constituait  à  ce  titre  une  exception,  reposait  sur  un 
privilège  formel.  Jusqu'à  ce  jour  toute  nation  incorporée  par  la 
force  ou  par  l'alliance  au  vaste  empire  romain  lui  livrait  d'elle  ce 
qui  était  profane  et  ce  qui  était  sacré  ^   Seul  le  Dieu  des  Juifs 

*  Sur  les  Trois  religions,  selon  Varron,  cf.  St  Aug.,  Cir.  Div.,  VI,  5;  IV,  27. 

*  L'analogie  du  judaïsme  et  de  la  religion  organisée  par  Numa  a  été  remarquée 
par  Terlullicn  :  Nonne  manifesta  diabolus  «lorositntem  illam  Ju(iair<e  leçis  imitâtes 
c.s7  ?  dit-il  du  confident  de  la  nymphe  Egérie.  De  Prascr.  haref.,  40;  cf.  Apoloç., 
21  et  25. 

»  Liv.,  XXVIII,  34,  7  :  Mes  vctustus  erat  Romanis,  cum  quo  nec  fédère  nec 
n-quis  legihus  jungerclur  amicilia,  non  prias  imperium  in  eum  tanquam  pacalum 
uti,  qutm  oinnia  divina  humanuque  dodidissct  ».  Cf.  id.,  I,  38;  VII,  31  ;  XXVI,  32 
et  3i  ;  Plaut.,  Aviphitr,,  ToS  ;  Polyb.,  XXXVI,  2. 


LES  JUIFS  DEVANT  L'OPINION  ROMAINE  27 

n'avait  pas  capitulé  dans  son  temple  ;  seul  des  dieux  conquis,  il 
n'avait  pu  figurer  dans  le  cortège  triomphal  de  Pompée*;  seuls 
aussi  d'entre  tous  les  Orientaux  vaincus,  les  Juifs  enchaînés  au 
char  du  triomphateur  avaient  refusé  leurs  hommages  aux  divi- 
nités  du  Capitole,  aux  aigles  qui  devant  le  soldat  victorieux  et 
devant  le  prisonnier  dompté  en    personnifiaient  la  souveraine 
puissance.  Les  résistances  des  croyants  de  Jérusalem  aux  gouver- 
neurs rcTmains  qui  leur  demandaient  des  actes  contraires  à  leur 
foi-  ne  prouvent  pas  absolument  que  leurs  coreligionnaires  em- 
menés à  Rome,  ceux-là  surtout  qui  y  étaient  venus  volontairement 
après  la  conquête,  aient  été  aussi  intraitables.  Il  ne  nous  paraît  pas 
douteux  que  loin  du  temple,  par  la  contrainte  en  quelque  sorte 
inévitable  des  choses,  les  membres  de  la  communauté  romaine  ne 
se  soient  relâchés  sur  bien  des  points  de  la  rigueur  des  prescrip- 
tions légales,  en  ce  qui  concernait  les  rapports  publics  et  privés 
avec  les  gentils.  Tout  ce  qui  dans  la  pratique  du  culte  était  intime 
et  personnel,  la  circoncision,  les  jeûnes,  l'abstention  de  certains 
aliments,  les  ablutions,  les  prières,  a  pu  passer  longtemps  ina- 
perçu ;  même  constatées  par  les  sectateurs  du  polythéisme,  ces 
pratiques  ne  devaient  causer  qu'une  médiocre  surprise  et  à  peine 
provoquer,  au  début  surtout,  qu'une  raillerie  tempérée  par  le  res- 
pect. Dans  tous  les  cas,  il  n'y  avait  là  aucun  motif  d'irritation  ou  de 
haine.  Depuis  la  soumission  de  la  Grèce  et  de  l'Orient,  Rome  était 
devenue  le  réceptacle  des  superstitions  les  plus  variées  et  les  plus 
bizarres.  Avant  que  les  moralistes  les  censurassent,  avant  que  les 
satiriques  en  fissent  des  gorges  chaudes,  le  vulgaire  avide  de  nou- 
veauté, cherchant  partout  de  quoi  raviver  une  piété  blasée  sur  les 
anciens  dieux,  de  quoi  rajeunir  une  religiosité  usée  par  l'habitude, 
les  accueillait  avec  sympathie,  presque  avec  crainte.  Les  Juifs 
bénéficièrent  de  ces  sentiments  comme  les  adorateurs  d'Isis  ou  de 
Mithras  ^  Il  leur  suffisait,  pour  avoir  tout  au  moins  la  paix  et  pré- 
venir les  tracasseries,  de  s'abstenir  de  tout  prosélytisme  actif,  ce 
qui  dut  leur  paraître  d'autant  plus  facile  d'abord,  qu'ils  avaient 
tout  intérêt  à  vivre  cachés.  Tant  qu'ils  se  trouvèrent  dans  une 

*  Prudence,  Contre  Symmach.,  II,  350  :  •  Inter  fumantes  templorufla  armata  ruinas 
dextera  victoris  simulacra  hostilia  cepit  et  captiva  domum,  venerans  ceu,  numina 
vexit  i.  Cf.  S.  Aug.,i)e  Consens.  Uvang.,  I,  12;  Minut.  Fol.,  Octav.^  6,  4;  Digest., 
XI,  7,  36. 

*  Voir  l'histoire  des  aij^les  romaines  à  Jérusalem  sous  le  gouvernement  de  Pilate, 
Josèphe,  Ant.  Jud.,  XVIII,  3,  1,  et  Bel.  Jud.,  II,  9,  2  et  suiv.  ;  Contre  Aj)ion, 
II,  6,  p.  474. 

'  Arnob.,II,  73  :  «  Quid,  vos  ^Egyptiaca  numina,  quibus  Serapis  atque  Isis  est 
nomen,  non  post  Pisonem  et  Gabinium  consules  in  numerum  vestrorum  retulistis 
deorum  »  ? 


28  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

situation  dépendante,  esclaves  chez  les  particuliers  de  Rome, 
l'observation  stricte  du  sabbat,  pour  laquelle  ils  ne  semblent  avoir 
fait  de  concessions  à  personne,  devait  leur  causer  certains  en- 
nuis ^  Mais  le  bourgeois  romain  était  au  fond  le  plus  tolérant  des 
hommes,  le  plus  capable  de  comprendre,  d'excuser  et  au  besoin  de 
partager  toutes  les  superstitions.  Comme  le  repos  du  sabbat  com- 
pliquait le  service  dans  les  maisons  où  il  y  avait  des  Juifs  esclaves, 
ceux-ci  en  tirèrent  cet  avantage,  d'obtenir  plus  aisément  Faffran- 
chissement.  La  majorité  des  Romains  se  serait  fait  un  scrupule  de 
châtier  un  serviteur  étranger,  à  propos  d'observances  religieuses; 
mais  ils  ne  se  souciaient  pas  non  plus  d'en  garder,  qui  sous  pré- 
texte de  religion  passaient,  comme  diront  Sénèque  et  Juvénal,  la 
septième  partie  de  leur  existence  à  ne  rien  faire-. 

Plus  tard  lorsque  la  qualité  de  citoyen  obligeait  les  Juifs,  dans 
les  comices  par  exemple,  à  assister  aux  sacrifices  et  à  la  céré- 
monie des  auspices,  il  leur  suffisait  de  garder  une  attitude  silen- 
cieuse; dans  la  cohue  de  ces  assemblées,  nul  ne  devait  songer  à 
l'interpréter  à  mal. 

Il  n'y  avait  vraiment  qu'une  seule  circonstance  publique  où  la 
fidélité  du  Juif  aux  prescriptions  de  sa  loi  le  désignait  à  ses 
maîtres  devenus  ses  concitoyens,  comme  une  sorte  de  réfractaire 
et  d'ennemi  public.  C'était  la  formalité  du  serment  militaire  ^ 
prêtée  sur  les  enseignes,  à  haute  voix,  au  milieu  d'un  appareil  de 
religion  payenne  qui  ne  permettait  pas  de  considérer  cet  acte 
comme  une  cérémonie  indiff'érente.  Le  Juif  devenu  citoyen,  et  par 
là  soumis  à  la  loi  commune  du  recrutement,  se  trouvait  ainsi  placé 
entre  sa  conscience  de  croyant  hostile  aux  idoles  et  ses  obligations 
civiques.  Qu'il  y  ait  eu  là  une  occasion  de  tiraillements,  de  diffi- 
cultés, nous  le  devinons  par  l'exemption  du  service  militaire 
octroyée,  comme  nous  le  verrons,  aux  Juifs  par  César.  Mais  nous 
ne  savons  si,  jusqu'au  jour  d'une  réglementation  toute  en  faveur  de 

*  En  Tabsence  de  textes  formels  affirmant  la  chose,  je  me  refuse  à  admettre  que 
l'observance  du  sabbat  ait  valu  aux  Juifs  esclaves,  de  la  part  de  leurs  maîtres,  des 
chàlinients  corporels,  comme  le  disent  certains  auteurs.  Voir  l'article  de  M.  Réville 
sur  les  livres  do  Jost  et  do  Graetz  dans  la  Revue  des  Deux-Mofides,  lo  septîmbre 
1807,  sous  ce  titre  :  Le  peuple  juif  sous  les  Asmonécns  et  les  Hérodcs,  p.  321  :  •  A 
moins  de  les  rolier  de  coups  —  et  cela  ne  réussissait  même  pas  toujours  —  il  n*y 
avait  pas  moyen,  vu  leurs  innombrables  scrupules  religieux,  d'utiliser  leurs  services.  » 

^  Scnèquc,  chez  S.  August.,  Civ.  Div.,\l,  11  ;  Juv.,  xiv,  105.  Nous  reviendrons 
])his  tard  sur  ces  passages.  L'auteur  de  la  xiv  satire  n'a  fait  que  mettre  en  vers  la 
pensée  de  Sénèque. 

'  Sur  le  Sacramcntum  militare,  voyi-z  Iluschkc  :  Die  multa  ttnd  das  sacramenium, 
Leipzig,  1874,  p,  368  et  suiv.  Sur  la  signification  religieuse  dos  aigles  considériH» 
comme  le  nutnen  de  la  légion,  cf.  Sénèque,  ep.  'JS  :  «  Primum  militijr  vinculum  esl 
religio  et  signorum  amor. . .  .;  Val.  Max.,  VI,  1,  It  :  •  Sacrala*  aquila;  ».  Cf. 
Tacit.,  Aun.,  Il,  17  :   •  ...  aquila*...  propria  legioimm  numina   ». 


LES  JUIFS  DEVANT  L'OPINlOiN  ROMAINE  29 

ces  réfractaires  d'un  nouveau  genre,  il  y  eut  des  châtiments  in- 
fligés, une  contrainte  exercée,  si  les  généraux  romains  se  conten- 
tèrent avec  les  soldats  juifs  d'un  serment  spécial,  ou  s'ils  les 
dispensèrent  de  tout  serment*.  Du  reste  la  nouvelle  organisation 
militaire,  qui  avait  mis  fin  au  service  obligatoire  et  universel,  et 
tendait  à  transformer  de  plus  en  plus  les  armées  romaines  en 
troupes  mercenaires,  offrit  aux  Juifs  des  moyens  commodes  de  se 
soustraire  à  des  devoirs  gênants  2.  Jadis  les  capite  censi,  c'est-à- 
dire  les  citoyens  trop  pauvres  pour  payer  l'impôt  étaient,  sauf  les 
cas  extraordinaires,  jugés  indignes  de  porter  les  armes  pour  la 
patrie  :  les  riches  seuls  étaient  admis  à  cet  honneur.  Avec  le  pro- 
grès du  luxe  et  la  transformation  de  l'esprit  public,  ce  fut  tout  le 
contraire;  les  riches  se  rachetèrent  à  prix  d'argent,  et  les  pauvres, 
les  affranchis  mêmes,  les  esclaves  et  les  gladiateurs  furent,  moyen- 
nant un  salaire,  engagés  pour  la  défense  des  frontières.  Les  Juifs 
qui  avaient  trouvé  sans  peine  à  acheter  leur  liberté,  pouvaient 
légalement  encore  obtenir  leur  exemption  du  service  militaire, 
jusqu'au  jour  où  un  édit  de  César  les  en  dispensa  de  droit. 

Au  sein  de  l'agitation  que  les  démêlés  de  Pompée  et  du  futur 
dictateur  allaient  entretenir  à  Rome  et  dans  tout  l'empire,  les  Juifs, 
désintéressés  du  fond  de  la  querelle  et  voyant  les  Romains  trop 
occupés  d'eux-mêmes  pour  prendre  garde  aux  nouveaux  venus, 
pouvaient  ainsi  tout  à  l'aise  tâter  la  législation  de  leurs  maîtres, 
apprendre  à  en  éluder  ce  qui  froissait  leurs  convictions,  à  exploiter 
ce  qui  leur  constituerait  loin  de  Jérusalem  l'indépendance  reli- 
gieuse, le  seul  de  leurs  intérêts,  mais  aussi  le  plus  précieux,  qui  a 
priori  ne  paraissait  que  médiocrement  assuré,  pour  ne  pas  dire 
.compromis  sans  remède.  Quelque  part  que  les  Juifs  se  fussent  jus- 
qu'alors fixés  dans  l'empire,  ils  avaient  cherché  à  se  constituer  en 
communauté  distincte,  non  pas  en  vue  d'un  isolement  politique, 
mais  parce  que  leur  foi,  absolument  différente  des  cultes  poly- 
-théistes,  souffrait  d'un  mélange  avec  les  payens,  quels  qu'ils 
fussent.  Cette  prétention  qui  tendait,  au  moins  en  apparence,  à 
constituer  une  cité  dans  la  cité,  un  Etat  dans  l'Etat,  ne  pouvait 
manquer  de  désigner  ceux  qui  l'affichaient,  à  l'attention  mal- 
veillante, soupçonneuse  des  pouvoirs  publics.  Nous  voyons  en  effet 
par  une  foule  d'indices,  qu'en  Egj^pte,  en  Syrie,  dans  les  Iles  de 
l'Archipel,  partout  où  des  communautés  juives  s'étaient  organisées, 

*  La  preuve  d'une  grande  tolérance  des  Romains  à  l'égard  des  Juifs  en  ces  ma- 
tières ressort  de  ce  passage  de  Josèphe,  Contre  Apion,  II,  6,  p.  474,  dont  il  n'y  a  plus 
que  le  texte  latin  :  «  Itaque  derogare  nobis  Apion  voluit,  quia  imperatorum  non  sla- 
tuamus  imagines,  etc.  », 

2  Marquardt-Mommsen,  Jtoeni.  Staatsverwalt.  II,  p.  416  et  suiv. 


30  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

il  y  eut  des  tiraillements  de  ce  chef,  des  méfiances  officielles,  et 
comme  une  connivence  des  magistrats  avec  le  fanatisme  populaire 
qui,  lui,  s'autorisait,  pour  courir  sus  aux  Juifs,  de  causes  d'un  ordre 
moms  théorique  ^  A  Rome  même  l'existence  de  confréries  et  de 
collèges  payens,  qui  faisaient  partie  non  pas  seulement  de  l'orga- 
nisme religieux  mais  de  la  vie  sociale  depuis  plusieurs  siècles, 
offrit  aux  Juifs  pour  se  constituer,  eux  aussi,  en  communauté 
séparée,  des  facilités  inattendues-. 

Ils  n'eurent,  à  vrai  dire,  qu'à  détourner  pour  leur  usage  une  ins- 
titution romaine  par  excellence,  qui  remontait,  pour  le  moins,  au 
roi  Numa,qui  était  consacrée  par  l'antique  loi  des  Douze  Tables  et 
avait  passé  dans  les  habitudes.  Chaque  fois  qu'une  conquête  par  les 
armes  ou  une  annexion  par  l'alliance  amenait  à  Rome,  soit  une 
divinité  nouvelle,  soit  une  forme  particulière  d'un  culte  déjà  exis- 
tant, chaque  fois  que  la  piété  des  masses,  surexcitée  par  des  fléaux 
ou  des  désastres,  donnait  droit  de  cité  à  un  ensemble  de  céré- 
monies qui,  une  fois  accomplies,  devenaient  par  là  même  pério- 
diques, il  se  fondait  pour  honorer  le  dieu  et  vaquer  au  culte,  des 
coUegia  ou  sodalitates,  calqués  sur  les  collèges  des  Pontifes,  sur 
les  grandes  confréries  des  Saliens,  des  Arvales  ou  des  Decemvirs 
«  sacris  faciundis  ».  C'est-à-dire  que  les  membres  de  certaines 
familles,  puis  de  certains  corps  de  métier  prenaient  la  religion 
nouvelle  à  leur  charge,  faisaient  du  dieu  leur  protecteur  spécial 
et  célébraient  sa  fête,  suivant  le  rite  conservé  par  tradition  au 
sein  de  la  confrérie.  Entre  les  membres  de  ces  communautés  sa- 
crées s'établissaient  ainsi  des  rapports  qui  équivalaient  à  ceux 
d'une  étroite  parenté  ^  et  aboutissaient  à  des  immunités,  à  des 
privilèges  d'ordre  social  ou  politique.  Il  y  en  a  qui  furent  de 
véritables  sociétés  de  secours  mutuels,  fondées  en  vue  des  cir- 
constances graves  de  la  vie,  d'autres  qui  se  proposèrent  plus 
spécialement  de   pourvoir    aux    funérailles  de   leurs  membres, 

'  Voir  sur  les  tracasseries  et  les  persécutions  dont  les  Juifs  sont  l'objet  ù  Alexan- 
drie, Josèphc,  Ant.  Jud.,  XVIII,  8,  1  ;  XIX,  5,  2  ;  Bel.  Jud.,  II,  18,  7;  ù  Antiochc, 
id.,  Bel.  Jud.,  VII,  3,  3  et  suiv.  ;  à  Ephèse,  id.,  Ant.  Jud.,  X^'I,  6.  5  ;  6.  7,  etc. 
Voir  encore  V\\\\.^Leg.  ad  Catum,  28  :  où  yà.ç>  yjvvoei  ye  ovta;  'loycatov;,  ol;  'oYa7nr,TÔv 
TO  (xr)  èXa-ToOaOai.  Les  Juifs  étaient  trop  heureux  quand  on  ne  leur  faisait  point  de 
tort  au  profit  d'autrui.  Cf.  Friedlaender,  IV,  p.  294  et  suiv. 

*  Sur  ces  collèges,  voir  le  traité  classique  de  Moramsen,  De  collegiis  et  sôdahctu 
liomanorum,  Kicl,  1843,  Marquurdt- Mommseu,  lioem.  Stuatsverw.,  III,  p.  131  et  suiv. 
Boissier,  Religion  romaine  d'Auguste  aux  Antonins,  II,  p.  267  et  suiv.  :  Les  classes 
inférieures  et  les  associations  populaires. 

3  Voir  Cic,  De  pet.  consul.,  V,  16,  et  Brut.,  45,  166,  et  la  défiuitiou  de  Gaius, 
Digest  ,  XLVII,  22,  4  :  «  Sodales  sunt  qui  ejusdem  coUegii  sunt,  quam  Gra^ci 
éxaipiav  vocanl.  Philon,  Contra  Flac.^  l,  p.  45,  éait.  Taucbn.  (II,  ol8,  Mang.),  dit  de 
Flaccus  :  Ta;  xe  éravpeîa;  xal  auvôSou;,  al  àel  in\  Trpofâdii  Ouaiùv  elorvwv-o.. .. 
SiéXuî., . 


LES  JUIFS  DEVANT  L'OPINION  ROMAINE  31 

d'honorer  par  des  offrandes  perpétuelles  la  mémoire  des  morts. 
Gomme  bien  on  pense,  les  compétitions  électorales  et  les  ambi- 
tions politiques  se  faisaient  de  ces  confréries,  longtemps  défendues 
par  leur  origine  et  leur  essence  religieuse,  un  point  d'appui  *. 
L'année  qui  précéda  la  conquête  de  Jérusalem  les  Yit,  pour  ce 
motif,  interdire  par  un  sénatus-consulte  à  l'instigation  de  l'aristo- 
cratie que  menaçait  le  parti  de  Gatilina.  Clodius  les  fit  rétablir  en 
58,  juste  au  moment  où  par  le  discours  de  Flaccus  nous  pouvons 
constater  le  nombre,  l'union,  l'influence  politique  des  Juifs.  Les 
termes  mêmes  dont  Cicéron  se  sert,  en  parlant  d'eux,  semblent 
Indiquer  qu'il  les  considère  comme  formant  une  véritable  soda- 
litas,  ayant  sa  signification  religieuse  et  sa  puissance  électorale -. 
Peut-être  y  a-t-il  là  comme  une  insinuation  perfide  de  l'orateur 
qui,  dans  un  temps  où  les  menées  de  Clodius  renouvelaient  les 
terreurs  naguère  causées  par  la  conjuration  de  Gatilina,  avait 
chance  d'influencer  quelques  timides  parmi  les  juges,  en  jetant 
sur  les  adversaires  de  Flaccus  le  soupçon  de  société  secrète.  S'il 
n'est  question  nulle  part  d'un  coUegium  Jiidœorum,  c'est  que  les 
Juifs  présents  à  Rome  se  contentèrent  de  tirer  parti  de  l'institu- 
tion, mais  se  gardèrent  d'en  prendre  l'enseigne  devenue  compro- 
mettante. Etablis  les  uns  près  des  autres  dans  certains  quartiers 
déterminés^  se  retrouvant  au  jour  du  sabbat  dans  les  lieux  de 
prière  où  seuls  ils  avaient  accès  ^  les  Juifs  constituaient  à  Rome  de 
tous  les  collèges  existants  le  plus  compact,  le  plus  uni;  séparés  par 
les  intérêts  moraux  et  religieux  du  reste  de  la  population,  ils  se 
sentaient  d'autant  plus  portés  à  se  secourir,  à  se  défendre  les  uns 
les  autres.  Gette  organisation  en  confrérie  qui  les  rendit  suspects 
lorsqu'elle  devint  un  privilège,  pouvait  au  début  presque  passer 
inaperçue;  en  tout  cas,  elle  était  légale;  et  les  Juifs,  parmi  les  na- 
tions soumises,  n'étaient  pas  seuls  à  en  tirer  parti  :  les  adorateurs 
d'Isis  et  de  la  grande  Mère  de  Phrygie  l'avaient  également  adap- 
tée à  leur  culte  ^  ;  ceux-là  faisaient  ouvertement  des  processions 

*  Ascon.,  p.  75  :  «  Fréquenter  tum  etiam  cœtus  factiosorum  hominum  sine  publica 
auctoritate  malo  publico  fiebant,  propter  quod  postea  collej^ia  S.  C.  et  pluribus  legibus 
sunt  sublata  prseter  pauca  atque  certa,  quae  utilitas  civitatis  desiderasset,  ut  fabrorum 
lictorumque  ».  Cf.  pour  la  suppression,  le  même,  p.  7,  avec  le  commentaire  de 
Mommsen,  ouv.  cit.,  p.  74. 

2  «  Scis  quanta  sit  manus,  quanta  concordia,  quantum  valeat  in  contionibus  »,  Pro 
Flac,  28,  6. 

*  Pbil.,  Légat,  ad  Caium,  23  :  sitt^raTO  oOv  xaî  Ttpojsuxàç  Sxovtaç  xal  auvîovTa; 
eç  àwzàç  xai  {/.àXiaxa  Tatç  îepcî;  éêôojxatç,  ôxe  ôr,[JL0(7Îa  tyjv  uârpiov  TiaiSeOovTai 
9tXo(To<piav. 

*  Il  y  a  une  mention  d'un  coUegium  Isidis  dans  une  inscription,  Orelli,  1878  ; 
d'un  Sodalicium  Isidis  C.  I,  L.,  II,  3730  ;  des  Isiaci  kVom^éi,  Henzen,  6028. 


32  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

OÙ  ils  exhibaient  les  objets  sacrés,  c'est-à-dire  le  -rrdaTd;,  sorte  de 
châsse  où  reposaient  leurs  divinités,  et  le  pin  sacré,  symbole  du 
dieu  Attis  *. 

Tandis  que  les  Juifs  profitaient  ainsi  pour  s'organiser,  à  Rome, 
suivant  la  loi  et  la  coutume  héréditaire,  des  institutions  existantes, 
César  livrait  au  parti  de  l'aristocratie  routinière,  bornée,  tyran- 
nique  en  matière  religieuse,  aussi  bien  que  politique,  une  lutte  où 
le  suivaient  avec  sympathie  et  les  vaincus  des  dernières  guerres, 
résignés  aux  conséquences  de  leur  défaite,  et  la  grande  majorité 
du  parti  démocratique,  impatient  d'un  nouvel  ordre  de  choses.  Les 
Juifs  à  qui  le  vieil  esprit  romain  était  éminemment  défavorable, 
(car  ils  n'en  pouvaient  attendre  ni  la  sécurité  des  consciences  ni  le 
libre  exercice  du  culte),  sentaient  instinctivement  que  leur  cause 
était  liée  à  celle  de  César,  intelligence  ouverte,  sceptique,  positive 
et  par  conséquent  libérale.  Pour  cette  seule  raison,  les  Juifs,  aussi 
bien  à  Rome  qu'en  Palestine,  firent  des  vœux  pour  la  défaite  de 
Pompée  ;  ils  y  contribuèrent  dans  la  limite  de  leurs  ressources  ' . 
A  ce  premier  motif  se  joignait  la  haine  que  les  croyants  zélés 
avaient  vouée  au  violateur  du  temple.  De  même  qu'ils  applaudi- 
rent à  la  défaite  de  Crassus  par  les  Parthes,  parce  qu'en  passant 
il  avait  pillé  le  trésor  sacré  de  Jérusalem,  précédemment  respecté 
par  Pompée  ^  ils  accueillirent  le  crime  de  Pharos  comme  un  châ- 
timent providentiel,  comme  une  sorte  de  revanche.  César  leur 
parut  l'instrument  choisi  par  Dieu  pour  l'accomplissement  de  ses 
desseins.  Ajoutons  que  les  Pompéiens  en  Orient  firent  tout  au 
monde  pour  exaspérer  encore  les  ressentiments  des  Juifs,  en  em- 
poisonnant Aristobule,  l'héritier  des  Macchabées  que  César  avait 
fait  mettre  en  liberté  et  en  coupant  la  tête  à  son  fils  Alexandre  *. 
Ilyrkan,  d'abord  hésitant  dans  la  grande  lutte  où  se  jouissait  le 
sort  du  peuple  de  Dieu  avec  celui  de  l'empire,  suivit  les  conseils  de 
riduméen  Antipater  ;  il  prit  franchement  parti  pour  César.  Tous 
deux  y  gagnèrent  d'évincer  la  race  des  Macchabées  qui   n'était 
plus  représentée  que  par  Antigone.  Ils  obtinrent  de  la  recon- 
naissance de  César,  pour  eux-mêmes  le  sacerdoce  et  la  royauté, 
pour  la  nation  entière,  les  plus  beaux  privilèges  qu'elle  eût  pu 
espérer. 

»  Sur  les  Pastophores  voir  Pline,  H.  N.,  VIII,  71,  cl  Apul.,  Met.,  XI,  p.  250,  260, 
202.  Sur  les  Dcndrophores  et  le  culte  public  de  la  Magna  Mater,  Preller,  Roem. 
Myth.^  p.  73G. 

"  Sur  les  rapports  publics  de  César  et  des  Juifs,  voir  les  chapitres  très  importants 
dû  Josèphe,  Ant.  Jud.,  XIV,  7,  4  et  suiv.,  et  Bel.  Jud.,  I,  8,  \  et  suiv. 

•■»  Ant.  Jud.,  XIV,  7,  1  et  3  ;  Bel.  Jud.,  I,  8,  8. 
Ant.  Jud.,  XIV,  7,  4,  Alexandre  est  tué  par  Scipiou  sur  l'ordre  de  Pompée  ,  cf. 
Bel.  Jud.,  I,<J,  2. 


LES  JUIFS  DEVANT  L'OPINION  ROMAINE  33 

Les  temps  de  la  dictature  furent  pour  les  Juifs  dans  l'empire 
romain  l'âge  heureux  après  l'asservissement.  Aucun  texte  ne 
nous  dit  d'une  manière  formelle  les  raisons  qui  dictèrent  à  César 
sa  conduite  large  et  tolérante  à  l'égard  des  Juifs.  Mais  il  est  aisé 
de  les  supposer.  Nous  laisserons  aux  dramaturges,  aux  roman- 
ciers, les  explications  tirées  de  services  rendus  et  d'argent  prêté 
dans  les  circonstances  difficiles  où  César  engagea  la  lutte  contre 
l'aristocratie  •.  Les  hommes  politiques  sont  généralement  disposés 
à  accepter  les  services  d'où  qu'ils  viennent,  lorsqu'ils  jouent 
quelque  grosse  partie  ;  ils  promettent  alors  autant  de  reconnais- 
sance qu'ils  souscrivent  d'intérêts  pour  le  cas  du  succès.  Mais  le 
lendemain  de  la  victoire,  si  la  popularité  ou  la  raison  d'État  y  invi- 
tent, ces  promesses  sont  vite  oubliées.  Il  n'est  pas  impossible  que  les 
titres  des  Juifs  à  la  reconnaissance  de  César  aient  été  de  diverses 
sortes  ;  pour  y  faire  honneur,  le  dictateur  n'eut  pas  à  déroger  aux 
principes  de  sa  politique,  à  sacrifier  son  idéal  de  gouvernement. 
Comme  l'a  dit  dans  les  meilleurs  termes  M.  Mommsen,  qui,  en  sa 
qualité  d'allemand,  n'est  du  reste  rien  moins  que  bienveillant  pour 
les  Juifs ^  :  «  N'étaient-ils  point  créés  exprès  pour  avoir  leur  place 
dans  l'empire,  dans  cet  État  bâti  sur  les  ruines  de  cent  États  di- 
vers ayant  eu  leur  vie  propre,  dans  cette  nationalité  nouvelle  en 
quelque  sorte  abstraite,  aux  angles  à  l'avance  émoussés?  Le 
judaïsme  dans  l'ancien  monde  apportait,  lui  aussi,  un  ferment 
actif  de  cosmopolitisme  et  de  désagrégation  des  peuples.  C'était 
donc  toute  justice  qu'il  entrât  dans  l'orbite  de  la  cité  césarienne, 
cité  universelle  par  son  principe  politique,  cité  de  l'humanité  par 
son  principe  national.  »  César,  avec  le  coup  d'œil  profond  et  sûr 
qu'il  apportait  en  toutes  choses,  pénétra-t-il  la  force  moralisatrice 
du  judaïsme,  sous  l'enveloppe  de  pratiques  bizarres  qui  le  mas- 
quait aux  regards  du  vulgaire  ?  Eut-il  le  pressentiment  du  rôle 
immense  que  cette  force  allait  être  appelée  à  jouer  dans  un  avenir 

1  Nous  nous  souvenons  d'avoir  lu  un  Vercingétorix  où  l'auteur,  dont  le  nom  nous 
échappe,  avec  une  connaissance  assez  exacte  des  choses  romaines,  fonde  les  rapports 
de  César  et  des  Juifs  sur  des  questions  dargeut.  La  chose  n'est  pas  impossible  ;  les 
Juifs  de  Rome  auraient  fait  preuve  de  perspicacité  en  s'intéressant  ainsi  à  la  cause 
du  futur  dictateur.  Est-il  nécessaire  d'ajouter  que,  sauf  la  constatation  des  dettes  de 
César  (Suét  ,  Cas.,  13,54),  l'histoire  sérieuse  ne  fournit  absolument  aucun  témoignage 
en  ce  sens  ?  Avec  un  peu  de  fantaisie  on  peut  voir  un  Juif  dans  l'affranchi,  client  de 
César,  à  qui  son  illustre  patron  doit  de  Targeut;  ib.  2  :  Per  caiisam  exigenda  pecunia, 
qucB  deberettir  citidam  libertino,  clienti  suo.  Suétone  atteste,  d'autre  part,  en  rappor- 
tant de  lui  un  mot  des  plus  énergiques,  sa  reconnaissance  pour  tous  ceux  qui  l'avaient 
servi  dans  la  mauvaise  fortune.  Voy.  ih.,  72  :  «  Quosdam  etiam  infimi  generis  ad 
amplissimos  honores  provexit,  etc.  ».  Nous  voyons  par  Josèphe,  Ant.  Jud.,  XIV, 
9,  3,  qu'Antipater  poussait  Hyrkan  à  envoyer  de  l'argent  aux  Romains  et  s'en  attri- 
buait le  mérite.  Les  Romains,  c'était  évidemment  César. 

^  Hist.  rom.,  trad.  Alexandre,  t.  VIII,  p.  166  ;  cf.  ib.,  p.  114, 

T.  VIII.  N^>  15.  3 


34  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

prochain,  pour  le  rajeunissement  d'un  monde  qui  se  désagrégeait? 
Le  génie  du  dictateur,  fut  tel  que  cette  supposition  n'a  rien  d'in- 
vraisemblable. Lors  même  qu'il  se  serait  arrêté  au  principe  nette- 
ment entrevu  et  délibéré  de  la  liberté  de  conscience,  de  l'égalité 
de  tous  les  cultes  devant  la  loi  se  faisant  exclusivement  civile  et 
humaine  (et  nous  ne  croyons  pas  qu'on  puisse  refuser  à  César  le 
mérite  de  cette  clairvoyance),  il  faudrait  lui  en  savoir  gré  comme 
de  l'une  des  conceptions  les  plus  étonnantes  qui  put  surgir  en  un 
cerveau  payen  et  romain  ' . 

Quoi  qu'il  en  soit  des  motifs  et  des  causes,  le  résultat  est  cons- 
tant. Parmi  tous  les  vaincus  des  dernières  guerres,  les  Juifs  fu- 
rent traités  avec  une  faveur  spéciale  par  César.  Il  autorisa  tout 
d'abord  la  reconstruction  des  murs  de  Jérusalem,  demeurés  en 
ruines  depuis  le  siège  de  Pompée  -.  Le  traité  d'alliance  et  d'ami- 
tié autrefois  conclu  entre  le  Sénat  et  la  dynastie  des  Hasmonéens 
fut  solennellement  renouvelé,  et  dans  les  termes  les  plus  flatteurs 
aussi  bien  pour  le  peuple  juif  tout  entier  que  pour  les  ambassa- 
deurs délégués  ^  Il  est  vrai  qu'ils  se  présentèrent  au  temple  de  la 
Concorde  avec  une  coupe  et  un  bouclier  en  or,  présents  d'une  va- 
leur considérable.  Dans  le  même  temps,  le  peuple  d'Athènes  ren- 
dit pour  Hyrkan  un  décret  de  couronnement,  dont  les  termes  rap- 
pellent exactement  celui  de  Ctésiphon  en  faveur  de  Démosthènes*. 
La  cité  qui  personnifiait  encore  avec  éclat  toutes  les  gloires  intel- 
lectuelles de  l'hellénisme  s'accordait  avec  Rome  maîtresse  du 
monde  par  les  armes,  pour  accueillir  dans  une  sorte  de  triple 
alliance,  dont  nul  encore  ne  pouvait  soupçonner  les  conséquences, 
le  petit  peuple  de  Judée  jusqu'à  ce  jour  dédaigné,  vaguement 
deviné  comme  l'ennemi  irréconciliable  des  civilisations  poly- 
théistes. 

Au  point  de  vue  de  l'opinion,  cette  reconnaissance  en  quelque 
sorte  officielle  du  judaïsme  par  Athènes  et  par  Rome,  était  certai- 
nement un  fait  considérable. 

Tandis  que  la  statue  en  bronze  du  grand  sacrificateur  prenait 
place  au  temple  de  Démos  et  des  Charités,  tandis  que  ses  vertus 
et  ses  mérites  étaient  solennellement  i)ro('lamés  par  la  voix  du 
héraut  aux  fêtes  de  Dionysos  et  de  Déméter,  César  n'-glait  par  des 
édits  spéciaux  le  libre  exercice  du  culte  monothéiste  de  Javeh, 

*  Le  scepticisme  relifricux  de  César  n'a  pas  besoin  (VOtrc  prouvé.  Los  historiens 
ont  eu  soin  cependant  d'en  relever  quelques  preuves  fonnolles.  Voir  Suét.,  Cas.,  59, 
et  Plut.,  Cas.,  52. 

«  Josèphc,  Ant.  Jiid.,  XIV,  S,  ÎJ. 

'  Uid.,  àvô(;£;  àyaOoi  xai  av»|X|xaxoi. . .,  etc. 

'  Ih.,  cf.  Démosth.,  Pour  la  Cour.,  48  ;  cf.  ihûl.,  23. 


LES  JUIFS  DEVANT  L'OPINION  RûiMAlNE  3o 

sans  se  préoccuper  davantage  de  Jupiter  ' .  A  Kome  cette  lil)erté  est 
entière  alors  que  dans  les  îles,  en  Egypte  et  en  Asie-Mineure  s'élè- 
vent encore  des  contestations  entre  Juifs  et  payens.  L'exemple  de 
Rome  sert  à  trancher  les  différends,  toujours  en  faveur  de  la  plus 
grande  liberté.  Les  confréries  et  les  collèges  ayant  été  partout 
abolis,  parce  qu'ils  se  transformaient  aisément  en  centres  d'agita- 
tion politique,  César  excepta  formellement  les  assemblées  des 
Juifs  2.  Philon  nous  apprend  que  c'est  pendant  sa  dictature  que 
fut  bâtie  au-delà  du  Tibre  la  première  synagogue  ^  Enfin,  ce  qui 
passerait  toute  croyance  si  des  témoignages  formels  ne  l'affir- 
maient, les  Juifs  obtinrent  de  César  et  conservèrent  sous  ses  lieu- 
tenants dans  toute  l'étendue  de  l'Empire,  le  droit  de  ne  pas  payer 
certains  impôts  durant  l'année  sabbatique^,  et  celui  de  ne  pas 
aller  à  la  guerre  comme  soldats  soumis  à  la  discipline  romaine, 
laquelle  ne  pouvait  s'accommoder  des  exigences  de  leur  loi  ^. 

Non-seulement  le  nom  de  César,  mais  ceux  d'Antoine,  de  Dola- 
bella,  de  Lentulus,  figurent  dans  les  édits  qui  consacrent  ces  pri- 
vilèges ;  des  tables  et  des  colonnes  en  bronze,  placées  au  Capitole 
et  dans  les  temples  les  plus  fameux  de  l'empire,  en  perpétuent  le 
souvenir.  Le  Sénat  de  Rome  en  écoute  la  lecture  sans  qu'un  seul 
de  ses  membres  élève  la  voix  en  faveur  des  vieux  principes  de 
politique  religieuse,  dont  ils  sont  la  négation.  Les  représentants 
attitrés  du  polythéisme,  le  grand  Pontife  en  personne,  se  désinté- 
ressent si  bien  de  la  cause  des  divinités  héréditaires  que,  sous  le 
regard  même  de  Jupiter  très  bon  et  très  puissant  qui  préside  aux 
délibérations  de  la  Curie,  ils  laissent  consacrer  le  droit  de  le  nier, 
de  lui  opposer  un  rival. 

Ces  faveurs  octroyées  par  le  gouvernement  de  César  aux  com- 
munautés juives  de  l'empire,  faveurs  qui  furent  précieuses,  impor- 

^  Voir  sur  ces  divers  points  Josèphe,  Ant.  Jud.,  XIV,  10.  L'historien  dit  des 
Romains  qui  traitèrent  avec  tant  de  faveur  les  Juifs  :  x/jv  t£  àvôpstav  i\\i.(ïiy  xat  tyiv 
Tttaxiv  àYauTnfravTcç.  César  se  réserve  de  trancher  par  lui-même  jusqu'aux  contes- 
tations d'ordre  religieux  qui  pourraient  surgir  entre  les  Juifs.  (Voir  la  lettre  aux 
magistrats,  au  sénat  et  au  peuple  de  Sidon,  ib.,  2.)  11  entend  que  Hyrkan  et  ses  fils 
soient  pontifes  et  prêtres  :  âui  xot;  ôixaiotç  xoti  xotç  vofjLi^oiç  olç  xat  oi  Trpoyovot  à\ii:(ûv 
t}\v  *iepo)(yùvYiv  ôiaxàxeaxov,  ib.^  4,  cf.  8  :  auxoùç  xoTç  iraxpiotç  ëOecri  xai  tepoïç  xç)r)aQcci^ 
et  la  suite  avec  la  mention  :  xoOxo  tcoisÎv  aùxwv  [xr|ô'  èv  P(jO(xyi  x£xcû)vU[i.£vtov  (édit  du 
préteur  Caius  Julius  aux  habitants  de  Paros). 

2  Suét.,  Cas.,  42  :  «  Cuncta  coUegia  preeter  antiquitus  constituta  dexlruxit  ».  La 
réserve  faite  en  faveur  des  Juifs  est  constatée  par  Tédit  ci-dessus. 

3  Phil.,  Leg.  ad  Cai.,  23. 

*  Josèphe,  Ant.  Jud.,  XIV,  10,  5  et  6. 

3  Ib.,  11  et  12,  lettre  de  Dolabella  :  Ôi8w(xt  xyiv  àaxpaxéiav  xai  ouyxwpû  xpï5<y6ai 
xot;  uaxpioiç  èOiGfjLoï;;  lepcov  ëvexa  xal  aYiwv  (îuvayo[X£voiç,  avec  les  considérants  qui 
précèdent.  Mêmes  faveurs  consacrées  par  l'édit  du  consul  Lucius  Lentulus,  ib.,  13, 
et  par  le  décret  des  Déliens,  iè.,  14,  où  il  est  dit  que,  si  certains  Juifs  étaient 
citoyens  romains,  il  ne  fallait  pas  les  inquiéter  à  cause  du  service  militaire. 


36  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

tantes,  fécondes  à  Rome  plus  que  partout  ailleurs,  prouvent  que 
les  Juifs  avaient  prévu  juste  en  abandonnant  des  premiers  la  cause 
de  l'ancienne  République,  personnifiée  par  les  aristocrates  du  parti 
pompéien.  Elles  démontrent  non  moins  clairement  que  César,  rom- 
pant en  matière  de  politique  religieuse  avec  toutes  les  vieilles  tra- 
ditions, au  risque  de  se  rendre  impopulaire,  devançait  de  beau- 
coup non  pas  seulement  les  politiques  les  plus  clairvoyants  de 
son  temps,  mais  les  plus  avisés  des  âges  à  venir.  Il  n'y  a  pas  d'exa- 
gération à  dire  que  les  diverses  mesures  prises  par  lui  et  par  son 
parti  à  l'égard  des  Juifs  ne  constituent  pas  des  concessions  for- 
tuites, des  mesures  provisoires,  explicables  par  la  modération  de 
quelques  hommes,  encore  moins  par  le  laisser-aller  ou  l'indififé- 
rence  en  face  d'une  situation  nouvelle.  Dans  leur  ensemble  elles 
sont  l'application  d'un  véritable  système  de  politique  religieuse  au 
sens  moderne  du  mot  ;  elles  organisent  l'Eglise  libre  au  sein  de 
l'Etat  romain,  lequel  est  autant  un  organisme  religieux  que  poli- 
tique. Cette  Eglise  obtient  du  législateur  tous  les  privilèges  indis- 
pensables à  son  existence,  dans  les  conditions  où  elle-même  Ta 
définie.  Elle  les  obtient  contre  les  lois  mêmes  et  contre  les  institu- 
tions de  l'empire  dans  lequel  elle  a  conquis  une  place.  A  la  préten- 
tion hautement  et  énergiquement  proclamée  par  les  adorateurs  du 
Dieu  unique,  de  n'obéir  à  la  constitution  de  Rome  que  jusqu'à  un 
certain  point  et  non  au-delà,  César,  le  réformateur  de  cette  consti- 
tution, l'organisateur  d'un  nouvel  état  de  choses,  répond  par  la 
plus  large  tolérance  dont  jamais  minorité  religieuse  ait  joui  chez 
aucun  peuple.  L'autorité  despotique  du  génie,  le  césarisme  repré- 
senté par  une  intelligence  supérieure  était  seul  assez  puissant  pour 
braver  ainsi  l'opinion  qu'avaient  façonnée  les  siècles,  et  en  la  bra- 
vant ppur  chercher  à  la  modifier. 

Si  César  avait  assez  vécu  pour  tirer  de  son  système  toutes  les 
conséquences,  pour  en  cultiver  les  fruits,  si  ses  successeurs  après 
Auguste  avaient  été  capables  de  se  pénétrer  des  principes  de  sa 
politique  et  avaient  comme  lui  cherché  à  les  faire  prévaloir,  l'âge 
suivant  eût  échappé  sans  doute  à  bien  des  hontes,  à  bien  des 
crimes  ;  les  destinées  mêmes  du  paganisme  s'en  fussent  trouvées 
changées.  Mais  le  césarisme,  assez  fort  pour  proclamer  en  dépit  de 
l'opinion  et  pour  faire  i)asser  dans  la  réalité  des  choses  le  principe 
de  la  liberté  religieuse,  portait  en  lui-même  le  germe  destructeur 
de  ce  principe.  Tandis  que  les  Juifs  répandaient  des  larmes  de 
reconnaissance  et  de  regret  sur  le  bûcher  de  l'homme  '  qui  les 

'  Suél.,  des.,  84  :  •  In  sununo  publico  luclu  exlerarum  gentium  multiludo  circu- 
latim,  suo  quirque  more.  lamentiila  est  ;  prtrcipueque  Juda>i,  qui  etiam  noclibuf 
conlinui-;  buslum  Irequenlarunt   ». 


LES  JUIFS  DEVANT  L'OPhNION  ROMAINE  37 

avait  garantis  contre  la  persécution  des  foules  haineuses  et 
ignorantes,  le  génie  auquel  ils  devaient  ce  bienfait  était,  par 
l'admiration  de  ces  foules,  transformé  en  divinité  vivante  et 
réelle,  placé  sur  les  autels  de  la  cité  à  côté  de  Jupiter,  et 
imposé  à  l'adoration.  Ceux-là  mêmes  qui  auraient  toléré  que  des 
citoyens  refusassent  aux  dieux  héréditaires  l'encens  et  les  sacri- 
fices, exigeront  d'eux  ces  hommages  pour  un  homme  déclaré  égal 
à  ces  dieux.  C'est  la  pratique  de  l'apothéose,  conséquence  suprême 
du  césarisme,  qui  annulera  ses  efforts  en  faveur  de  la  liberté  de 
conscience  et  motivera  les  premières  persécutions  :  Caligula,  Né* 
ron,  Domitien,  anéantiront  sur  ce  point,  comme  sur  bien  d'autres, 
l'influence  salutaire  du  fondateur  de  l'empire. 

En  attendant  que  nous  racontions  les  épisodes  de  cette  lutte  nou- 
velle où  les  rapports  des  Juifs  et  des  pouvoirs  romains  vont  s'al- 
térer peu  à  peu  au  grand  dommage  de  la  paix  publique,  de  l'huma- 
nité et  de  la  justice,  constatons  que  depuis  le  jour  où  Pompée  péné- 
tra dans  le  temple  de  Jérusalem,  jusqu'à  celui  où  sur  le  forum  les 
Juifs  mêlèrent  leurs  regrets  à  ceux  des  payens  près  du  bûcher  de 
César,  bien  loin  d'avoir  été  l'objet  du  mépris  public,  comme  on  l'a 
répété  sur  tous  les  tons,  ce  petit  peuple  d'Orient,  par  l'autorité  de 
sa  morale  et  de  sa  reUgion,  a  forcé  plus  d'une  fois  les  respects  de 
ses  vainqueurs,  a  triomphé  de  leurs  lois  les  plus  vénérables,  et, 
honneur  insigne,  a  mérité  d'être  accueilli  avec  faveur  dans  la  cité 
universelle  fondée  par  César. 

J.-A.    IIlLD. 

(A  suivre^. 


TRACES  D'AGGADOT  SADUCÉENNES 


DANS    LE    TALMUD 


Un  des  mérites  les  plus  incontestables  cV Abraham  Geiger  est 
d'avoir  constaté  le  premier,  dans  les  recueils  talmudiques,  l'exis- 
tence d'anciennes  halaliliot  d'origine  saducéenne.  La  conservation 
de  prescriptions  antipharisiennes  dans  une  œuvre  si  éminemment 
pharisienne  était  de  nature  à  surprendre  bien  des  personnes  qui 
considéraient  le  talmudisme  comme  une  conception  très  étroite  et 
fermée  à  toute  influence  du  dehors.  Le  fait  découvert  et  signalé 
par  Geiger  n'en  était  pas  moins  des  plus  vrais,  et  les  études  entre- 
prises ultérieurement  sur  ce  sujet  par  Schorr,  Pineles,  Grœtz  et 
M.  J.Derenbourg,  pour  ne  citer  que  les  noms  les  plus  connus,  Font 
confirmé  d'une  façon  éclatante.  Ces  savants  sont  même  i)arvenus  à 
distinguer  toutes  les  phases  traversées  par  ces  antiques  ordon- 
nances dans  une  série  ininterrompue  d'évolutions,  jusqu'à  leur  dis- 
parition ou  plutôt  leur  fusion  dans  celles  du  pharisaïsme. 

Si  cela  est  vrai  pour  la  halaliha,  cette  ossature  si  solide  et  si 
compacte  du  corps  rituel,  ne  peut-on  pas  admettre  à  plus  forte 
raison  que  certains  éléments  saducéens  se  soient  conservés  dans 
les  aggadot  ou  légendes  talmudiques,  qui,  par  cela  môme  qu'elles 
échappaient  à  l'esprit  de  système  des  écoles  et  étaient  du  domaine 
populaire,  forinai(Mit  la  partie  la  plus  impressionnable  et  la  plus 
accessible  aux  a])p()rts  de  toute  provenance? 

Que  les  lég(Mi(l(vs  talmudiques  renferment  des  éléments  étran- 
gers, plus  ou  moins  altérés  ou  démarqués,  tout  le  monde  le  sait. 
Ce  fait  a  été  amplement  mis  vw  lumiôn»  par  un  grand  nombre 
de  travaux  modernes  —  dont  quelques-uns  ont  paru  même  dans 
cette  Rcinic.  Cependant  comme  ces  études  romjviratives  en  sont 
encore  à  hnir  début,  je  demanderai  la  permission  de  signaler  deux 
autres  exemples  sur  lesquels  i)ersonne,  à  ma  connaissance,  n'a 


TRACES  D'AGGADOT  SADUCEEiSxNES  DAxNS  LE  TALMl'D  39 

encore  appelé  l'attention.  Ils  serviront  en  outre  à  montrer  que  les 
fables  païennes  se  changent  en  contes  au  contact  du  monothéisme 
juif,  et  feront  toucher  du  doigt  les  procédés  artificiels  par  lesquels 
ces  changements  s'effectuent  le  plus  souvent.  Ce  sera  une  sorte  de 
parenthèse  qu'on  me  permettra  d'ouvrir  avant  d'entrer  en  ma- 
tière. 

Le  premier  exemple  est  la  légende  talmudique  qui  raconte  que 
Titus,  le  destructeur  de  Jérusalem,  mourut  pour  avoir  eu  le  cer- 
veau perforé  par  un  moucheron  qui  s'était  introduit  par  la  cavité 
nasale  dans  la  tête  et  y  avait  pris  les  dimensions  d'une  hirondelle  '. 
Ce  conte,  qui  a  donné  tant  de  tablature  à  de  nombreux  savants,  a 
probablement  sa  source  dans  la  confusion  du  nom  de  Titus  avec 
celui  de  Tityus.  Ce  personnage  de  la  mythologie  grecque,  pour 
avoir  voulu  attenter  à  la  pudeur  de  Latone,  est  condamné  à  avoir 
les  entrailles  rongées  par  un  vautour;  le  Titus  de  la  légende  juive 
folâtre  avec  une  courtisane  dans  le  Saint  des  Saints  et  voit  son 
cerveau  becqueté  par  une  hirondelle-.  La  similitude  du  fond  de 
ces  deux  récits  est  indéniable,  et  les  légères  différences  de  forme  ne 
portent  que  sur  des  traits  secondaires. 

Le  second  exemple  est  d'autant  plus  intéressant  que  son  ori- 
gine remonte  à  l'époque  la  plus  reculée  de  la  mythologie  sémi- 
tique. Voici  la  substance  de  cette  curieuse  légende.  Les  hommes 
de  la  Grande  Synagogue  (nbn'ir^n  nD^:^  ■^^lî 5 n),  voyant  que  les  Israé- 
lites étaient  toujours  adonnés  à  l'idolâtrie  et  à  la  luxure,  déci- 
dèrent de  couper  les  racines  du  mal  à  force  de  prières,  et,  après 
un  jeûne  sévère,  ils  parvinrent  à  s'emparer  l'un  après  l'autre 
des^  deux  génies  ("^^ir^)  qui  président  à  ces  vices.  Conformément 
aux  conseils  du  prophète  Zacharie,  ils  enfermèrent  le  génie  de 
l'idolâtrie  dans  un  récipient  de  plomb  d'où  sa  voix  n'arrive  dé- 
sormais aux  hommes  que  très  affaiblie.  Mais,  quand  ils  voulurent 
agir  de  même  pour  le  génie  de  l'amour  charnel,  ils  s'aperçurent 
aussitôt  que  la  propagation  des  espèces  diminuait  d'une  manière 
inquiétante.  Après  trois  jours  on  ne  trouva  plus  un  seul  œuf 
frais  dans  toute  la  Palestine.  Pour  obvier  à  cotte  calamité,  force 
leur  fut  de  relâcher  le  captif,  et  tout  ce  qu'ils  purent  faire,  ce 
fut  de  lui  crever  un  œil  afin  de  rendre  cette  passion  moins  agres- 

•      1  Gittin,  56  h. 

2  Le  corps  mince  du  moucheron  a  été  choisi  pour  rendre  plus  vraisemblable  la 
pénétration  indemne  de  l'animal  dans  l'étroite  cavité.  Pareillement,  la  dimension 
modique  de  Phirondelle  relativement  au  vautour  de  la  légende  grecque,  a  été  déter- 
minée par  celte  réflexion  qu'un  oiseau  plus  gros  n'aurait  pas  trouvé  près  du  cerveau 
un  espace  suffisant  pour  y  vivre  et  acquérir  une  vigueur  croissante.  On  sait  que., 
malgré  l'élément  merveilleux  qui  les  anime,  les  aggadot  ne  manquent  pas  de  faire 
d'incessantes  concessions  au  sens  pratique  qui  forme  le  fond  de  l'esprit  juif. 


40  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

sive^  Eh  bien,  malgré  sa  forme  si  complètement  juive,  je  ne 
doute  pas  un  seul  instant  que  cette  légende  ne  soit  copiée  sur 
le  mjihe  assyro-sémitique  des  amours  d'Adonis-Tammouz  et  d'As- 
tarté,  que  les  récentes  découvertes  cunéiformes  nous  ont  fait 
connaître  en  détail.  Le  génie  de  l'idolâtrie,  que  les  autorités  re- 
ligieuses juives  emprisonnent  dans  un  récipient  qui  l'empêche 
de  faire  entendre  sa  voix  séductrice,  est  bien  le  jeune  dieu 
Adonis-Tammouz,  si  populaire  en  Palestine  et  en  Phénicie,  que 
le  sort  fait  descendre,  à  la  fleur  de  l'âge,  dans  la  sombre  demeure 
de  la  mort  et  du  silence  éternel  -  ;  le  génie  des  passions,  que  les 
mêmes  chefs  religieux  sont  obligés  de  relâcher  après  quelques 
jours  d'emprisonnement,  de  peur  de  porter  atteinte  à  la  propa- 
gation des  êtres  vivants,  n'est  autre  que  la  déesse  de  l'amour  et 
des  naissances,  Astarté,  qui,  retenue  dans  le  royaume  de  la  mort, 
est  délivrée  par  les  dieux  afin  de  prévenir  le  dépérissement  du 
monde  ^ 

Je  crois  que  les  deux  exemples  qui  précèdent,  même  à  défaut 
d'autres  très  nombreux  que  Ton  pourrait  apporter,  suffisent  à 
démontrer  le  caractère  éclectique  des  aggadot  talmudiques. 

Mais,  si  les  légendes  rabbiniques  accueillent  avec  avidité  des 
éléments  franchement  païens,  est-il  imaginable  qu'elles  aient 
inexorablement  repoussé  les  légendes  d'origine  saducéenne,  lé- 
gendes qui,  pendant  la  longue  suprématie  exercée  par  les  Sadu- 
céens  sous  les  princes  hasmonéens  et  hérodiens,  ont  dû  se  pro- 
pager au  milieu  du  peuple  et  influencer  son  esprit?  Admettre  que  la 
victoire  finale  des  Pharisiens  ait  pu  faire  disparaître  tout  d'un  coup 
les  légendes  antérieures  est  d'autant  plus  impossible  que,  d'a- 
près ce  qu'on  vient  de  voir,  la  légende  si  ancienne  du  paganisme 

'  lôma,  69  b 

>  Une  des  complaintes  exclamatoires  que  Ton  récitait  en  Babylonie  à  lau- 
niversaire  de  la  mort  de  Tammouz  nous  a  été  conservée  sur  une  tablette  fragmen- 
taire en  caractères  cunéiformes.  Elle  est  ainsi  conçue  :  (2)  Rêum  belim  an  Tummuzi 
haraêr  an  hh-tar  (8)  ù  n-ra-li  il  tul  lùh  ba  (?).  (o)  Bîua  sba  ash  musarê  mè  la  isblù  (7) 
Kimiiiatsu  anh  çèri  arta  la  ibnù  (9]  Iltaqqu  sba  ash  radisbu  la  irêsbu  (H)  ic-a-am 
sba  isbdanùsb  innàs'bu  (13).  Gû  sha  ash  musarê  niO  la  ishtù  (Halévy,  Doruments 
religieux,  texte,  p.  128-129).  «  Pasteur,  seigneur  Tammouz,  amant  d  Astarté. 
O  Seigneur  du  Scbeûl,  seigneur  de  la  colline  des  pasteurs  (?)  !  O  plante  qui  ne 
bois  plus  Teau  dans  le  parterre  !  (0  plante)  dont  la  tige  ne  produit  pas  de  racines 
dans  le  sol  !  O  arbrisseau  (V)  qui  n'es  pas  planté  dans  la  terre  humide  qui  te 
convient  !  O  arbrisseau  arracbé  par  tes  racines  !  0  tendre  plante  qui  ne  bois  plus 
Teau  dans  le  parlerre  !  •  Par  l'intermédiaire  des  Phéniciens,  cet  usage  est  passé  chez 
les  Grecs,  qui  symbolisaient  la  mort  prématurée  d'Adonis  par  des  plantes  fanées 
mises  dans  des  pots  de  Heurs  et  récitaient  des  nénies  commençant  par  le  mot  'Aô(i)vt(x 
(D'^STIK)  «  O  Adonis  !  »  et  anpelées  ù  cause  de  cela  'AôtoviiiaoïSoi. 

•■'  L'épisode  de  la  descente  d'Ischtaril  aux  Enfers  (U.,  IV,  31)  a  été  traduit  par 
divers  assyriologues.  Nous-méme  y  avons  ajouté  quelques  corrections  dans  Mélanges, 
etc.,  p,  MO-M  \,Ql  Journal  asiatique,  vni,  II,  n"  3,  p.  i'M. 


TRACES  D^AGGADOT  SADlTCÉENiNES  DANS  LE  TALMLD  41 

préisraélite  relative  à  Tammouz  et  à  Astarté  a  laissé  sa  trace 
dans  le  Talmud,  à  travers  les  nombreux  siècles  pendant  lesquels 
les  écoles  prophétiques  d'abord,  les  écoles  des  Soplierim,  des  Sa- 
ducéens  et  des  Pharisiens  ensuite,  avaient  développé  une  énergie 
extraordinaire  pour  déraciner  le  polythéisme  et  les  mythes  qui  en 
découlaient.  En  un  mot,  la  disparition  radicale  des  légendes  sadu- 
céennes  qui,  après  tout,  sont  totalement  juives,  est  a  priori  déjà- 
fort  invraisemblable  et  rien  ne  s'oppose  à  la  pensée  que  le  Talmud 
peut  bien  en  avoir  conservé  un  certain  nombre. 

Une  seule  objection  pourrait  être  soulevée  avec  quelque  appa- 
rence de  raison.  On  pourrait  dire  que  l'idée  de  légende  est  incom- 
patible avec  le  principe  de  l'école'saducéenne,  qui  reniait  les  tradi- 
tions orales  et  s'en  tenait  servilement  à  la  lettre  de  la  loi.  Mais  à 
cela  il  y  a  une  double  réponse.  D'abord,  la  naissance  de  légendes 
populaires  est  tout  à  fait  indépendante  de  la  croyance  à  la  loi  orale, 
car  elles  peuvent  se  développer  suffisamment  en  se  fondant  sur  la 
loi  écrite.  Ensuite,  je  parle  ici  tout  spécialement  de  légendes  et  de 
maximes  qui  sont  en  rapport  direct  avec  les  principes  professés 
par  les  Saducéens,  car  il  est  évident  qu'un  parti  aussi  important 
n'a  pu,  pendant  son  existence,  et  à  plus  forte  raison  pendant  sa 
suprématie,  se  soustraire  au  besoin  de  faire  pénétrer  dans  le 
peuple  ses  doctrines  au  moyen  d'un  enseignement  aggadique.  S'il 
est  indubitable  que  les  Saducéens  ont  résumé  dans  un  code  parti- 
culier les  résultats  de  leur  interprétation  de  la  partie  pratique  de 
la  Loi,  le  simple  bon  sens  invite  à  présumer  que  la  partie  dog- 
matique de  leur  doctrine,  si  elle  n'était  pas  réunie  dans  un  traité 
systématique  a  l'instar  des  Pirqè  Abot,  était  au  moins  enseignée 
dans  les  écoles  et  répandue  dans  les  masses,  car,  à  ce  que  nous 
sachions,  malgré  sa  sévérité  proverbiale,  le  saducéisme  n'a  jamais 
été  accusé  de  misanthropie  ou  de  mysticisme. 

Enfin,  un  mot  sur  la  méthode  par  laquelle  nous  tâcherons  de 
retrouver  quelques-unes  de  ces  légendes.  Elle  sera  la  même  que 
celle  qu'on  a  employée  pour  distinguer  les  halakhot  saducéennes. 
Suivant  nous,  tout  dicton  ou  conception  qui  tranche  d'une  façon 
nette  sur  la  manière  de  voir  pharisienne  et  orthodoxe  peut  être 
considéré  comme  un  écho  le  plus  souvent  très  inconscient  d'une 
opinion  antérieure  restée  pour  ainsi  dire  en  l'air  dans  la  clientèle 
des  écoles  ;  à  moins  qu'on  ne  puisse  expliquer  l'écart  de  doctrine 
par  une  velléité  de  contradiction  momentanée.  En  eff'et,  ces  écoles 
palestiniennes,  comme  le  Sanhédrin  lui-même,  ont  souvent  passé  de 
la  nuance  saducéenne  à  la  nuance  pharisienne,  et  réciproquement, 
de  sorte  qu'il  n'y  eut  presque  jamais  solution  de  continuité,  et  par 
conséquent  plusieurs  des  opinions  et  des  maximes  propres  à  l'en- 


42  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

seigneraent  d'une  époque  ont  pu  se  fixer  dans  l'esprit  des  géné- 
rations postérieures,  y  demeurer  à  l'état  latent  et  réapparaître 
dans  des  occasions  déterminées.  Il  s'agit  seulement  de  les  signaler, 
et  c'est  ce  que  nous  essaierons  de  faire  dans  les  paragraphes  sui- 
vants. 

Grâce  aux  données  concordantes  des  Évangiles,  de  Josèphe  et 
du  Talmud,  on  a  pu  établir  avec  certitude  que  les  deux  écoles 
rivales  disputaient  tout  spécialement  sur  trois  dogmes,  à  savoir  : 
la  toute  puissance  du  destin,  l'existence  des  anges  et  des  esprits  et 
les  récompenses  du  monde  futur.  Ces  croyances  étaient  admises 
par  les  Pharisiens  et  repoussées  par  les  Saducéens.  Les  uns  et  le» 
autres  se  plaçaient  uniquement  sur  le  terrain  de  la  Loi  et  des  pro- 
phètes, et  tout  le  débat  roulait  sur  le  point  de  savoir  si  TÉcriture 
implique  ou  non  ces  dogmes.  Et  la  preuve  que  la  science  et  la  phi- 
losophie grecques  n'ont  rien  à  voir  à  la  négation  des  Saducéens, 
c'est  que  leurs  adversaires  ne  les  ont  jamais  accusés  de  pencher 
vers  une  science  exotique  et  antireligieuse,  mais  cherchaient  à  les 
convaincre  par  la  citation  de  versets  bibliques.  Tout  ce  qu'on  peut 
dire,  c'est  que  les  Pharisiens  reprochaient  aux  Saducéens  d'être 
peu  compétents  dans  les  cérémonies  rituehes  et  de  ne  connaître 
la  loi  que  très  superficiellement.  Mais  on  ne  trouve  nulle  part  qu'ils 
les  eussent  considérés  comme  entachés  d'hellénisme,  comme 
l'étaient  les  Philhellènes  du  temps  des  premiers  Macchabées. 

Après  avoir  établi  le  caractère  purement  juif  de  ces  points  en 
litige,  nous  allons  relever  dans  le  Talmud,  pour  chacun  d'eux, 
des  affirmations  antipharisiennes  qu'on  ne  saurait  expliquer  que 
par  une  sorte  d'atavisme,  de  réveil  inconscient  d'anciennes  opi- 
nions, vaincues  mais  non  extirpées,  ayant  pour  source  latente  la 
doctrine  saducéenne. 

Négation  du  destin.  Sur  ce  point  en  litige,  Josèphe  rapporte  : 
«  Les  Pharisiens,  qui  enseignent  l'explication  rigoureuse  de  la 
Loi,  attribuent  toute  chose  au  destin  et  à  Dieu,  et  disent  que 
le  plus  souvent  il  dépend  de  nous  de  bien  faire  ou  de  mal  faire,  et 
que  le  destin  peut  nous  y  aider...  Les  Saducéens,  au  contraire, 
nient  absolument  le  destin,  et  croient  que,  comme  Dieu  est  inca- 
pable de  faire  le  mal,  il  ne  prend  pas  garde  à  celui  qae  les  hommes 
font.  Ils  disent  qu'il  est  en  notre  pouvoir  de  faire  le  bien  ou  le  mal 
selon  que  notre  volonté  nous  porte  à  l'un  ou  à  l'autre  *.  »  La  se- 
conde partie  de  cette  proposition  montre,  à  ne  pas  s'y  tromper, 
que  sous  la  dénomination  de  «  destin  (e:i«ip|xévri)  »,  Josèphe  n'enten- 
dait ni  la   l'atalité  ou  le  fatum  comme  puissance  indépendante  de 

•  Josèphe,  Guerre  desJui/s^  :i,  14.  , 


I 


TRACES  D'AGGADOÏ  SADUCEENNES  DANS  LE  TALMUD  /j3 

Dieu,  ni  même  la  Providence  de  Dieu  comme  puissance  directrice 
de  l'univers  et  de  l'histoire  humaine.  En  reconnaissant  une  puis- 
sance aveugle  et  inflexible  à  côté  de  Dieu,  les  Pharisiens  auraient 
forfait  à  Tesprit  de  la  Bible  qui  n'admet  rien  d'égal  à  Dieu.  Pareil- 
lement, en  niant  la  Providence  dans  le  sens  large  du  mot,  les  Sadu- 
céens  auraient  par  cela  même  nié  le  caractère  divin  de  la  Loi.  Il 
s'agit  évidemment  du  destin  ou  rrin  qui  détermine  par  avance  les 
conditions  de  chaque  homme.  En  elle-même,  la  Tnn  est  un  ordre 
de  choses  primordial  créé  par  Dieu,  qui  ne  peut  être  modifié  par 
un  ordre  ultérieur.  La  richesse  et  le  génie  des  uns  comme  la  pau- 
vreté et  la  folie  des  autres  sont,  d'après  les  Pharisiens,  entière- 
ment dus  à  l'influence  du  destin,  et  ce  n'est  que  dans  l'exercice 
du  bien  et  du  mal  qu'ils  faisaient  intervenir  la  volonté  de  l'homme. 
Les  Saducéens,  de  leur  côté,  voyaient  dans  les  malheurs  qui  acca- 
blent les  hommes  des  accidents  qu'on  doit  combattre,  et  repous- 
saient toute  intervention  divine  dans  les  actions  humaines. 

Les  écrits  talmudiques  enseignent,  en  général,  la  doctrine  pha- 
risienne  de  la  prédestination  telle  que  Josèphe  nous  l'indique.  La 
maxime  MiinD  m^nïii  ""iDit  b^ïi  S  «  tout  est  prévu  (par  Dieu)  et  la 
permission  est  accordée  (à  l'homme  pour  faire  ce  qu'il  veut)  », l'ex- 
prime nettement  avec  une  vigoureuse  concision.  Pour  le  destin 
en  particulier,  la  légende  la  plus  typique  est  celle  qui  se  rapporte 
à  Eléazar,  flls  de  Pedat.  Ce  docteur,  honoré  du  titre  de  Maître  du 
pays  d'Israël  (bi<n'i5'«n  î<3>nN"i  N"i72),  était  si  pauvre  que,  n'ayant  rien 
à  manger,  il  chercha  à  apaiser  sa  faim  en  avalant  un  petit  mor- 
ceau d'ail.  Pris  de  nausées,  il  s'évanouit.  Les  rabbins,  qui  étaient 
venus  chez  lui  pour  demander  de  ses  nouvelles,  virent  qu'il  pleu- 
rait et  riait  à  la  fois.. .  Quand  il  revint  à  lui,  les  rabbins,  curieux 
de  connaître  la  cause  de  ce  mélange  de  tristesse  et  de  joie,  reçu- 
rent du  patient  la  réponse  suivante  :  J'ai  rêvé  que  Dieu  était  assis 
à  côté  de  moi.  D'abord  j'ai  pleuré  et  je  me  suis  plaint  de  ma 
misère,  mais  j'ai  appris  que  mon  sort  ne  peut  être  changé  qu'en 
renaissant  à  une  heure  plus  favorable.  Ensuite,  on  m'a  fait  savoir 
la  nature  extraordinaire  des  jouissances  qui  me  sont  réservées 
dans  l'autre  monde,  et  je  n'ai  pas  pu  m'empêcher  de  manifester 
ma  joie  -...  »  On  voit  que  Dieu  même  ne  peut  rien  changer  aux 
décrets  du  destin  et  qu'il  est  obligé  de  lui  laisser  accomplir  son 
cours  fatal.  Quant  à  la  manifestation  visible  de  cette  puissance  mys- 
t  irieuse  et  inexorable,  les  Rabbins,  ainsi  que  le  monde  romain,  la 
trouvaient  dans  les  planètes  qui  régissent  les  jours  et  les  heures. 

1  Pirqê  Abot,  chapitre  m. 
'^  Taanit,  25  a. 


4i  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

La  superstition  astrologique  du  ^tto,  presque  entièrement  étouffée 
dans  la  période  du  second  temple,  reprit  son  empire  sur  l'esprit 
national  ébranlé  et  affaibli  par  les  derniers  revers,  et,  s'identifiant 
avec  la  ïinn  des  anciens,  elle  forma  partie  intégrante  de  la  doc- 
trine talmudique. 

Mais,  outre  l'addition  exotique  du  bî?:,  l'observateur  attentif  ne 
manque  pas  d'être  frappé  de  la  différence  qualitative  de  la  ïi^n  tal- 
mudique avec  celle  de  l'époque  évangélique.  Pour  les  contemporains 
du  Christ,  la  sentence  primordiale  de  Dieu  agit  librement  en  choi- 
sissant les  uns  et  en  rejetant  les  autres  '.  Les  élus  sont  du  reste 
en  petit  nombre,  et  la  porte  qui  mène  à  la  vie  éternelle  est  si  étroite 
que  peu  de  gens  aisés  y  peuvent  entrer  ^.  Cette  sentence  dirige,  de 
plus,  très  activement  les  actions  humaines  de  façon  que  la  liberté 
individuelle  ne  puisse  jamais  la  contrecarrer.  En  trahissant  le 
Maître  pour  un  vil  intérêt,  Judas  ne  fait  qu'exécuter  ce  qui  a 
été  écrit  à  son  égard,  et  Jésus  lui-même,  en  prévision  de  sa  mort, 
décrétée  par  Dieu  avant  la  création  du  monde,  ne  fait  valoir  sa 
volonté  de  vivre  que  pour  accentuer  sa  résignation  ^  Chez  les 
Rabbins,  au  contraire,  la  volonté  divine  perd  sa  rigueur  et  se 
change  en  une  permission  (nr^an)  formelle  qui  laisse  à  l'individu 
toute  sa  liberté  d'action.  Les  Saducéens  de  l'époque  de  Jésus  ne 
soutenaient  pas  autre  chose,  car  ils  ne  niaient  pas  que  tout  se  fait 
par  la  permission  de  Dieu.  Le  principe  saducéen  de  la  liberté  com- 
plète des  actions  humaines  a  donc  obtenu  un  triomphe  éclatant  et 
est  parvenu  à  se  faire  accepter  par  le  rabbinisme  talmudique.  Il  y 
a  plus,  la  mise  de  côté  de  l'ingérence  de  Dieu  dans  les  actions  indi- 
viduelles a  conduit  quelques-uns  des  rabbins  soit  à  limiter,  soit 
même  à  rejeter  tout  à  fait  l'influence  du  btTi  *.  Sans  la  prévalence 
du  principe  saducéen,  cette  négation  radicale  serait  à  peine  ima- 
ginable. 

Négation  des  anges  et  des  esprits.  On  lit  dans  les  Actes  des 
Apôtres,  chapitre  xxii,  verset  8  :  Les  Saducéens  disent  qu'il 
n'y  a  ni  n'^surrection,  ni  ange  ou  esprit,  tandis  que  les  Pharisiens 

admettent  l'un  et  l'autre  (Saôôuxaloi  jilv  yètp  Xéyo-jti  \i.^  sîvai  àvirrasiv, 
\x.rfiï  dyys^ov  [xr^re  rveûjia.  «l'apualoi  ôk  ôjxoXovoûïi  xài  à|X50T£3a).  Cc  témoignage 

paraît  à  i)remière  vue  d'autant  plus  suspect,  en  ce  qui  concerne 
la  négation  des  anges  et  des  esprits  par  les  Saducéens,  que  l'au- 
teur s'en  sert  pour  commenter  d'avance  les  paroles  qu'il  met  dans 

•  St  Matthieu,  xxv,  31-i6,  x,  40. 

*  Ihid.,  VII,  li,  XIX,  23-24 

'  Ibidem,  xxvi,  2i-3H.  ' 

♦  Schabbat,  iîj6a;  nj'c  bv2  ^nVn  sii;  CT*  Vv:  5<V.  —  Vn-c^V  Vt?:  v^ 


TRACES  D'AGGADOT  SADUGEENNES  DANS  LE  TALMl  D  4o 

la  bouche  des  Pharisiens  au  verset  9,  lequel  s'accorde  peu  avec 
le  reste  du  récit.  Néanmoins,  l'authenticité  m'en  paraît  résulter 
de  l'affirmation  de  Josèphe,  suivant  laquelle  les  Saducéens  admet- 
taient que  l'âme  est  mortelle.  En  fait,  au  point  de  vue  religieux, 
ridée  de  concevoir  l'âme  humaine  comme  un  être  aussi  mortel 
que  le  corps,  n'a  d'autre  source  que  la  crainte  d'admettre  à  côté 
de  Dieu  une  individualité  éternelle  et  indépendante.  Or,  cet  état 
de  croyance  entraîne  logiquement  la  négation  radicale  de  toute 
autre  existence  partageant  avec  Dieu  le  privilège  de  l'éternité, 
comme  les  anges  et  les  génies.  La  donnée  fournie  par  les  Actes 
me  semble  donc,  au  fond,  très  authentique.  Il  y  a  cependant  une  no- 
table exagération  dans  l'expression  [xri  eivai  qui  a  probablement 
pour  but  de  représenter  les  Saducéens  comme  mécréants  et  libre- 
penseurs.  Ceux-ci  n'auraient  pu  nier,  d'une  façon  aussi  absolue, 
l'existence  des  anges  et  des  esprits,  y  compris  Fâme  humaine, 
sans  renier  en  même  temps  les  récits  bibliques  où  l'esprit  est 
proclamé  émané  de  Dieu  *  et  où  celui-ci  se  fait  accompagner 
d'anges  et  agit  par  leur  intermédiaire  -.  Tout  nous  conduit  à  pen- 
ser que  l'existence  des  esprits,  âmes  et  anges,  étaient  hors  de 
question  dans  l'une  et  l'autre  école  ;  la  divergence  d'opinion  portait 
uniquement  sur  le  point  de  savoir  si  les  esprits  étaient  en  eux- 
mêmes  périssables  ou  bien  éternels.  Je  dis  en  eux-mêmes,  car 
les  deux  sectes  ont  certainement  accordé  à  Dieu  le  pouvoir  de  dé- 
truire toutes  ses  créatures  de  quelque  nature  qu'elles  fussent,  et, 
partant  aussi,  les  anges  et  les  esprits.  Les  Pharisiens,  se  conten- 
tant d'attribuer  ce  privilège  tout-puissant  à  Dieu,  professaient 
la  persistance  naturelle  des  esprits,  pendant  que  les  Saducéens, 
n'accordant  cette  dernière  qualité  qu'à  Dieu  seul,  attribuaient  aux 
anges  et  aux  esprits  une  nature  finie  et  mortelle  à  l'exemple  des 
êtres  corporels.  Quant  à  la  durée  de  la  vie  des  esprits,  le  simple 
bon  sens  fait  voir  que,  dans  l'opinion  des  Saducéens,  elle  dépen- 
dait de  la  mission  plus  ou  moins  longue  qu'ils  avaient  à  remplir 
dans  ce  monde  :  l'âme,  au  retour  du  corps  à  la  terre,  retourne  à 
Dieu,  dont  elle  émane,  et  perd  toute  existence  individuelle  ;  les 
autres  esprits  cessent  d'exister  aussitôt  que  la  mission  dont  ils 
sont  chargés  a  pris  fin.  La  première  partie  de  cette  opinion  blessait 
les  Pharisiens  dans  leur  croyance  aux  peines  et  aux  récompenses 
d'outre-tombe  ;  la  seconde  les  blessait  dans  l'idée  qu'ils  se  faisaient 
de  la  perfection  des  anges,  et  l'affirmation  que  des  êtres  aussi 
purs  et  aussi  saints  sont  soumis  à  la  mort  comme  la  dernière 


'  Genèse,  ii,  7. 

'^  Ibidem,  xviii,  1  ;  xix,  1  ;  xxviii,  12;  xxxrr,  3. 


46  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

des  créatures  leur  apparaissait  comme  un  horrible  blasphème. 

Eh  bien,  en  dépit  de  ces  divergences  si  tranchées,  comment  se 
fait-il  que  le  recueil  talmudique,  ce  répertoire  prétendu  pharisien 
par  excellence,  nous  fournisse  une  sentence  que  le  plus  pur  Sadu- 
céen  n'aurait  garde  de  désapprouver? 

Elle  se  rapporte  à  la  nature  des  anges  ;  c'est  une  curieuse  affir- 
mation mentionnée  avec  éloge  par  les  Rabbins  : 

■'Vjm  nn-'U)  "^nTONi  ^^id-ii  nïis^  nnuïrr  "^Djsb?:  1"^n-i33  i^J2V^  n^t'  h^  * 

«  Chaque  jour,  les  anges  du  service  sont  créés  du  Fleuve  de 
feu  (qui  coule  devant  le  trône  divin).  Ces  anges  récitent  un  hymne 
et  s'évanouissent.  » 

L'expression  n^uîn  •■^^i^h'D  s'applique  constamment  aux  anges 
chargés  de  missions  importantes  dans  l'univers,  et  qui  sont  pour 
ainsi  dire  les  instruments  de  la  Providence.  Elle  fait  voir  qu'il  ne 
s'agit  pas  ici  de  je  ne  sais  quelle  classe  secondaire  d'anges,  comme 
l'ont  pensé  les  commentateurs  harmonistes,  qui  en  distinguent  les 
anges  établis  (d-^i^-inp  d-^s^b^o),  comme  Michel,  Gabriel,  Ra- 
phaël, etc.,  lesquels  ont  des  fonctions  fixes.  Il  s'agit  réellement 
des  anges  de  la  plus  haute  hiérarchie,  lesquels,  d'après  le  doc- 
teur, sont  des  êtres  éphémères,  ne  vivant  que  le  temps  qu'il  leur 
faut  pour  accomplir  leur  mission  et  pour  chanter  un  cantique  en 
l'honneur  de  leur  créateur.  Mais  une  pareille  opinion  est  tellement 
en  contradiction  avec  la  conception  des  anges  qui  domine  le  livre 
de  Daniel,  qu'il  me  paraît  impossible  d'admettre  qu'elle  ait  germé 
dans  une  imagination  pharisienne. 

La  divergence  sur  l'existence  des  anges  a  sans  aucun  doute 
commandé  pareille  discussion  sur  l'existence  des  démons,  pour 
lesquels  les  Saducéens  ne  devaient  pas  se  montrer  plus  tendres. 
C'est  avec  un  souverain  mépris  mêlé  d'une  profonde  horreur, 
que  le  pieux  Saducéen  a  dû  regarder  cette  meute  insensée  de  pos- 
sédés et  d'exorciseurs  qui  remplit  la  Judée  durant  le  siècle  qui 
précéda  la  destruction  de  Jérusalem.  Pendant  que  les  Pharisiens 
voyaient  dans  ces  manifestations  démoniaques  à  la  fois  un  aver- 
tissement céleste,  une  occasion  pour  les  leurs  d'acquérir  une  re- 
nommée populaire  en  chassant  les  démons  par  leur  parole,  et  une 
preuve  éclatante  de  leur  doctrine  relativement  à  la  permanence 
des  esprits,  les  Saducéens  ne  purent  y  voir  qu'une  lamentable 
recrudescence  de  la  croyance  païenne  aux  divinités  infernales  et 
aux  exploits  lugubres  des  Lémures  et  des  Vampires.  Quoi  d'éton- 
nant, si  les  prétendus  faiseurs  de  miracles  et  chasseurs  do  Satan 
étaient  sévèrement  traités  chaque  fois  que  le  Sanhédrin  avait  une 

*  Hagiga,  14. 


TRACES  D'AGGADOÏ  SADUCÉENNES  DANS  LE  TALMUD  47 

majorité  saducéenne.  Forts  des  prescriptions  formelles  de  la  Loi 
qui  punissent  de  mort  les  thaumaturges  et  les  magiciens,  et  sou- 
cieux en  même  temps  de  prévenir  l'énervement  de  la  vigueur 
nationale  tant  de  fois  écrasée  par  la  main  de  fer  des  procurateurs 
romains,  les  Saducéens  firent  tout  leur  possible  pour  arrêter  le 
progrès  de  ce  fléau,  et  leurs  efforts  ne  semblent  pas  avoir  été 
entièrement  vains. 

Je  n'hésite  pas  à  attribuer  à  l'activité  des  Saducéens  la  dispa- 
rition presque  totale  des  livres  talmudiques  de  la  croyance  aux 
revenants  et  aux  Lémures.  La  conception  même  de  la  nature  des 
démons  subit  un  changement  remarquable,  qui  ne  se  serait  pro- 
bablement pas  réalisé  si  les  Pharisiens  n'avaient  pas  eu  à  compter 
avec  le  reproche  d'idolâtrie  que  leur  devaient  lancer  les  Sadu- 
céens. En  effet,  tandis  qu'au  temps  du  Christ,  on  considérait  les 
démons  comme  formant,  avec  Satan  à  leur  tête,  un  royaume 
rival  et  parfois  vainqueur  du  royaume  de  Dieu  et  des  anges,  les 
démons  du  Talmud  constituent  une  catégorie  d'êtres  d'un  carac- 
tère assez  doux,  qui  ne  nuisent  à  l'homme  qu'en  certaines  occa- 
sions, et  dont  le  sentiment  religieux  est  si  développé  que  la 
moindre  parole  d'un  rabbin  suffit  pour  les  dompter.  Le  roi  des 
démons,  Asmodée,  étudie  même  la  Loi,  aussi  bien  dans  l'école 
céleste  que  dans  celle  des  rabbins  *,  et  s'il  commet  parfois  des 
méfaits,  c'est  toujours  par  suite  de  quelque  forte  passion  qu'il 
est  incapable  de  vaincre,  jamais  de  propos  délibéré  et  par  esprit 
de  rébellion,  comme  le  faisait  Satan,  son  prédécesseur,  d'après 
les  Évangiles  et  les  anciens  apocryphes  juifs.  Enfin,  un  certain 
nombre  de  rites  funéraires  d'une  origine  païenne  indubitable, 
grâce  à  l'opposition  saducéenne,  ont  perdu  leur  signification  pri- 
mitive, ainsi  que  je  le  ferai  voir  tout  à  l'heure. 

Négation  des  peines  et  des  récompenses.  «  Ils  (les  Pharisiens) 
croient,  écrit  Josèphe,  que  les  âmes  sont  immortelles  ;  qu'elles 
sont  jugées  dans  un  autre  monde,  et  récompensées  ou  punies 
selon  qu'elles  ont  été  en  celui-ci  vertueuses  ou  vicieuses,  que  les 
unes  sont  éternellement  retenues  prisonnières  dans  cette  autre 
Tie,  et  que  les  autres  reviennent  en  celle-ci  (alias  :  que  celles  des 
justes  passent  après  cette  vie  dans  d'autres  corps,  et  que  celles 
des  méchants  souffrent  des  tourments  qui  durent  toujours)... 
L'opinion  des  Saducéens  est  que  les  âmes  meurent  avec  le  corps 
(alias:  que  quant  aux  âmes,  elles  ne  sont  ni  punies,  ni  récom- 
pensées dans  un  autre  monde)  -  ». 

*  Histoire  ancienne  des  Juifs,  xviii,  II..,  àOàvatov  ts  i<r/y>f  xatç  ^^jya-Xq  7ïi<rciç  aÙTOtç 


48  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Ces  deux  passages  rapprochés  l'un  de  l'autre  s'éclairent  et  se  cor- 
rigent mutuellement.  Ainsi  que  je  l'ai  indiqué  plus  haut,  la  con- 
ception d'un  être  éternel  à  côté  de  Dieu  répugnait  aux  Saducéens. 
Gréée  exprès  pour  vivifier  le  corps,  l'âme  retourne  auprès  de  son 
auteur  *  après  la  ruine  de  sa  demeure  temporaire  et  se  dissout 
dans  la  divinité,  comme  une  vague  dans  l'océan.  Dans  cet  état  elle 
n'était  susceptible  ni  de  peines  ni  de  récompenses.  D'ailleurs,  les 
peines  d'outre-tombe,  faisant  double  emploi  avec  les  punitions 
édictées  par  la  loi,  ne  sont-elles  pas  souverainement  injustes  et 
ne  contribueront-elles  pas  au  relâchement  dans  l'application  des 
premières  ?  Voilà  comment  ont  dû  raisonner  les  Saducéens,  et  la 
preuve  qu'ils  ont  raisonné  de  la  sorte,  c'est  qu'ils  appliquaient  les 
peines  du  code  mosaïque  avec  les  dernières  rigueurs  et  suivant  la 
loi  du  talion,  tandis  que  les  Pharisiens,  poussés  eux  aussi  par  la 
logique  des  choses,  non  seulement  réduisaient  le  droit  du  talion  à 
une  indemnité  pécuniaire,  mais,  à  force  de  mesures  juridiques 
en  faveur  de  l'accusé,  en  sont  arrivés,  aussi  bien  en  pratique 
qu'en  théorie,  à  l'abolition  totale  de  la  peine  de  mort^  Le  seul 
cas  où  les  peines  du  Scheôl  ont  une  certaine  raison  d'être,  est 
celui  du  criminel  resté  impuni  en  ce  monde,  mais  à  qui  la  faute? 
si  ce  n'est  aux  hommes  que  ce  criminel  soit  resté  impuni,  et  ce 
serait  abaisser  Dieu  que  de  le  faire  intervenir  comme  un  exécu- 
teur des  hautes  œuvres  chaque  fois  que  la  justice  humaine  néglige 
de  faire  son  devoir.  Les  Saducéens  se  placent  à  cet  égard  sur  le 
terrain  préparé  i)ar  Job,  xxxv,  2-8.  Quant  à  l'idée  de  récom- 
penser, après  leur  mort,  les  hommes  vertueux,  même  ceux  qui  ont 
souffert  pour  la  vertu,  les  Saducéens  qui  professaient  «  que  c'est 
une  action  de  vertu  de  ne  vouloir  point  céder  en  sagesse  à  ceux 
qui  nous  l'enseignent^  »,  les  Saducéens  la  repoussaient  avec  indi- 
gnation. A  leurs  yeux,  le  plus  léger  espoir  d'un  bénéfice  en  enlè- 
verait cette  satisfaction  suprême  que  nous  procure  l'accomplis- 
sement du  devoir,  c'est-à-dire  l'observation  de  la  loi.  Ce  dogme 
saducéen  du  désintéressement  absolu,  qui  confine  de  si  près  au 
stoïcisme,  s'est  développé  sans  aucun  doute  sur  la  base  du  pré- 
cepte de  l'amour  de  Dieu  si  chaudement  recommandé  par  le  Deu- 

eîvai,  xal  inxo  yOovô;  oixaitôcei;  xe  xal  Tt|xà;  al;  àperr/ç  fj  xaxîa;  é7riTr,5e\j<Ti;  èv  tw  pttu 
ye^ove,  xaî  Taï;  (jlev  z[ç,y\LO'v  'aîoiov  TrpoTiOeaOai,  xat;  6è  pa<rra>vr,v  toù  àvaPioOv  ( d/rrre 
dfs  Juifs,  II  :  {j-erapaîveiv  ôè  si;  Etspov  «rtôixa  tV)v  twv  àYotOtôv  |x6vr,v,  tt^iv  Sa  twv  çaOXtov 

àiÔK.)   Tijxopta    xo),âj;£(3  0ai) laoôouxaio;  Sa   Ta;  ^y/.â;    o    Xoyo;   ouvaçaviJlei    rot; 

T(i)(XaTi  ['îufvre  des  Juifst,  «{'U/t);  te  Ty;v  Siafiovyjv  xat  rd;  xaO'  "ASov  Tt(ia>pia;  xal  Tifiàç 
âvaipoûaiV 

*  Cette  opinion  est  révoquée  on  doute  par  Qohélff,  (m,  21  \ 

3  Josèphe,  Histoire,  xviii,  1. 


TOACES  D'AGGADOT  SADUCÉENNES  DANS  LE  TALMUD  /,9 

téronome  (yi,  6  passim).  Les  Pharisiens,  au  contraire,  insistaient 
surtout  sur  le  principe  de  la  crainte  de  Dieu  (û'^)ûU3  nNn"«),  auquel 
s'arrête  la  grande  majorité  des  autres  écrits  bibliques  qui  s'a- 
dressent aux  masses  populaires.  Composée  d'un  petit  nombre 
d'hommes  de  haute  condition,  l'école  saducéenne  cherchait  à  faire 
aimer  la  loi  pour  elle-même  et  dédaignait  l'emploi  des  moyens 
d'intimidation  contraires  à  l'esprit  biblique.  De  leur  côté,  les  Pha- 
risiens plongeaient  trop  profondément  dans  les  instincts  popu- 
laires pour  renoncer  à  cet  excellent  instrument  de  propagande. 
Ils  soutinrent  donc  hardiment  l'antique  dogme  mythologique  de  la 
rémunération  après  la  mort,  en  accentuant  tout  spécialement 
l'éternité  des  peines  et  des  récompenses.  Sur  ce  point  le  témoi- 
gnage de  Josèphe  est  en  parfait  accord  avec  celui  des  Evangiles, 
de  sorte  que,  à  tout  prendre,  les  tourments  tenus  en  perspective 
pour  les  criminels  dans  l'autre  monde  dépassaient  infiniment 
les  sévérités  dont  les  Saducéens  faisaient  usage  envers  les  mêmes 
dans  celui-ci. 

Quelle  est  maintenant  la  doctrine  du  Talmud  à  l'égard  de  ce 
dogme  orthodoxe  par  excellence  pour  lequel  combattirent  côte  à 
côte  les  Scribes,  les  Pharisiens  et  les  disciples  du  Christ?  On  le 
croirait  à  peine  :  ce  dogme  est  singulièrement  atténué  et  adouci. 
Sauf  certaines  exceptions  particulières,  sur  lesquelles  les  talmu- 
distes  ne  sont  pas  d'accord,  la  règle  générale  admise  par  tous  est 
résumée  dans  cette  sentence  :  '(■«b"i3>  d^rr^r^b  'l'^i'ivin  hiD  ^  «  Tous 
ceux  qui  descendent  dans  la  Géhenne  en  remontent».  Et, pour  ôter 
la  moindre  ombre  de  doute  sur  le  sens  de  cette  maxime, la  Mischna 
la  complète  par  celle-ci  :  J^nr?  ûbi5>b  pbn  dïib  ^"^  '^n^^^  bd-.c<Tout 
Israël  a  une  part  (aux  récompenses  de)  l'autre  monde  ».  Il  y  a 
plus,  les  peines  réservées  aux  méchants,  si  l'on  excepte  un  petit 
nombre  de  malfaiteurs  censés  indignes  de  clémence,  n'ont  qu'une 
durée  de  douze  mois  :  uînn  n"-<  û5n'^:i3  û-^j^^-i  udujtd. 

D'indulgence  en  indulgence  quelques-uns  des  docteurs  en  sont 
arrivés  à  soutenir  que  ceux  qui  n'ont  péché  qu'en  leur  personne 
sans  faire  du  tort  à  leurs  semblables  ne  peuvent  être  atteints  par 
le  feu  de  la  Géhenne,  à  cause  des  bonnes  actions  qu'ils  ont  faites 
dans  leur  vie  :  ûnn  n-jbi^  û3!T^:\  bu5  niN  I^n  dDi:;n  bN^us"^  ^y^^t)  ^. 
Fait  remarquable,  les  Rabbins  qui  font  participer  les  païens 
vertueux  aux  récompenses  d'outre  -  tombe  d'après  la  maxime 
&<dn  dbij^b  pbn  ûnb  uî^  ûbiJ^rt  m^onN  ^^^on,  sont  inexorables  pour 


^  Baha  Mecia,  58  a. 
2  Sanhédrin,  20  a. 
'  Eruèin,  19  a. 

T.  VIII,  nO  15 


50  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

les  Saducéens  :  nTiin  '^'l^1h  ^n  ';'^5ni5T  ûsin^rib  ';"''Tir...  l-^pi^stïn.  Un 
pareil  acharnement  doit  sans  aucun  doute  être  mis  sur  le  compte 
des  rancunes  de  sectaire,  mais  comment  expliquer,  si  ce  n'est  par 
l'action  latente  de  l'opposition  séculaire  des  Saducéens,  cet  aban- 
don presque  total  du  dogme  des  peines  éternelles? 

Ce  n'est  pas  tout,  l'influence  que  nous  attribuons  aux  Saducéens 
se  manifeste  également  à  propos  de  la  seconde  face  de  ce  dogme, 
celle  qui  est  relative  aux  récompenses  éternelles  des  justes.  On  con- 
naît la  célèbre  maxime  d'Antigone  le  Sokhite  (i^iD  ^^n  dij:!"'^:^), 
successeur  de  Siméon  le  Juste  *  :  «  Ne  ressemblez  pas  aux  esclaves 
qui  servent  le  maître  dans  le  but  de  recevoir  un  cadeau,  mais  res- 
semblez aux  esclaves  qui  servent  le  maître  sans  le  but  de  recevoir 
un  cadeau,  et  que  la  crainte  du  ciel  (de  Dieu)  soit  sur  vous  ».  Le 
Talmud  considère  cette  sentence  comme  étant  l'origine  de  l'hé- 
résie des  Saducéens.  On  peut  aller  plus  loin  et  y  voir  une  théorie 
saducéenne  sous  une  enveloppe  pharisienne.  Selon  le  docteur,  la 
vraie  piété  consiste  dans  le  sentiment  de  respect  et  de  soumission 
que  l'homme  doit  avoir  pour  Dieu  sans  l'arrière-pensée  de  rece- 
voir jamais  une  marque  particulière  de  sa  générosité.  Sans  nier 
formellement  que  Dieu  soit  porté  à  faire  quelques  agréables  sur- 
prises à  ses  serviteurs,  notre  Rabbin,  ayant  pris  pour  terme  de 
comparaison  les  esclaves  qui  n'ont  aucun  droit  à  la  moindre  in- 
demnité pour  les  services  qu'ils  font,  enlève  toute  base  à  l'idée 
d'une  récompense  honnêtement  gagnée  par  un  serviteur  libre. 

Ce  qu'Antigone  de  Sokho  fit  sous-entendre,  un  autre  tradition- 
niste  le  formulera  d'une  façon  très  claire  :  n^i^nn  nriN  tiy*J  ris"^ 
n"m3>!r!  ■^'^n  b^i2  T"m:y3  û'^m;::  û-^^j^td-i  -.  «  Une  heure  passée  en  péni- 
tence et  en  bonnes  œuvres  dans  ce  monde  vaut  mieux  que  toute 
la  vie  de  l'autre  monde  ».  Voilà,  sous  forme  de  sentence,  le  prin- 
cipe saducéen  qui  fait  la  base  de  la  négation  des  récompenses 
eschatologiques  :  l'accomplissement  de  son  devoir  procure  à 
l'homme  vertueux  plus  de  satisfaction  que  ne  pourraient  lui  don- 
ner les  plus  longues  jouissances  dans  le  meilleur  des  mondes. 

Il  est  vrai,  le  docteur  ajoute  immédiatement  :  bo  nnx  nr::  ncT 
T"mj'rT  '^'^n  b^iz  n"rTirn  mn  nmp.  «  Et  une  heure  de  satisfaction 
dans  l'autre  monde  vaut  mieux  que  toute  la  vie  dans  celui-ci  ». 
Mais  si  cet  appendice  correctif  est  de  nature  à  sauver  l'or- 
thodoxie  du  Rabbin,  il  ne  détruit  pas  le  principe  précédent,  et 
les  récompenses  posthumes  n'en  perdent  pas  moins  toute  leur 
valeur  intrinsèque  en  face  de  la  satisfaction  que  procure  l'exercice 

'  Pirçc  Ahot  ,c\\9ip\iTt  i. 
'  Ibidem,  chapitre  ir. 


TRACES  D'AGGADOT  SADUCÉENNES  DANS  LE  TALMUD  o1 

de  la  vertu.  Si  un  Saducéen  avait  assisté  à  l'enseignement  du 
docteur,  il  n'aurait  pas  manqué  de  faire  observer  que,  dans  de 
telles  conditions,  les  récompenses  de  l'autre  monde,  tant  vantées 
par  l'école  pharisienne,  étaient  de  véritables  peines  d'enfer  pour 
ceux  qui  avaient  été  habitués  à  des  jouissances  plus  délicates  dans 
ce  monde-ci. 

Le  dogme  des  peines  et  récompenses  futures  renfermait,  comme 
parties  intégrantes,  deux  autres  articles  de  foi  qui,  dans  la  suite 
et  spécialement  au  moyen  âge,  se  sont  détachés  du  premier  pour 
former  deux  dogmes  indépendants.  Ce  sont  la  venue  du  Messie  et 
la  résurrection  des  morts.  La  venue  du  Messie  était  considérée 
comme  un  événement  préparatoire  à  la  résurrection,  puisque 
celle-ci  devait  être  opérée  par  le  Messie.  L'idée  d'un  Messie  per- 
sonnel doit  son  existence  à  une  interprétation  étroite  et  littérale 
appliquée  au  terme  de  «  fils  de  l'homme  »  (u:3N  nn,  Daniel,  vu,  13) 
qui  désigne  en  réalité  l'ensemble  de  l'Israël  idéal  (iia-inp  uy 
^'^^vby,  lUde^n,  27).  La  première  mention  du  Messie  mystérieux 
et  réparateur  se  trouve  dans  le  livre  d'Hénoch  dont  la  rédaction 
est  contemporaine  de  Jean  Hyrcan  (136-10*7  av.  J.-C),  mais  aussi 
longtemps  que  l'Etat  juif  existait,  quoique  sous  la  suzeraineté  étran- 
gère, cette  croyance  était  peu  répandue  en  dehors  des  écoles.  Elle 
dut  acquérir  une  grande  importance  chez  la  secte  des  zélateurs 
qui  se  refusaient  à  reconnaître  toute  autorité  terrestre.  En  tout 
cas,  quelque  secondaire  qu'elle  ait  pu  être  avant  la  destruction 
de  Jérusalem,  la  croyance  à  la  venue  du  Messie,  formant  dans 
l'opinion  des  Pharisiens  l'avant-scène  du  drame  de  la  résurrection 
et  du  jugement  final,  devint  un  article  de  foi  général  après  la  ruine 
de  l'Etat  juif,  et  il  n'y  avait  que  les  Saducéens  qui  le  rejetassent  con- 
jointement avec  le  dogme  principal.  Dans  le  Talmud  l'opinion  anti- 
pharisienne  a  trouvé  un  défenseur  inconscient.  C'est  R.  Hillêl  qui 
déclare  pure  illusion  cette  consolation  suprême  de  la  nation  dis- 
persée et  opprimée  :  tr^pTn  170^3  imbiDN  nn::'::  b^n^j'^b  rx^^iz  ';■'«•.  «  Il 
n'y  a  pas  de  Messie  pour  Israël,  la  félicité  messianique  (promise 
par  les  prophètes)  ayant  été  consommée  au  temps  d'Ezéchias».Et, 
chose  curieuse,  les  compagnons  de  ce  Rabbin  pessimiste,  au  lieu 
de  se  fâcher  tout  de  bon  se  bornent  à  dire  :  que  Dieu  pardonne  à 
R.  Hillêl  d'avoir  oublié  le  passage  de  Zacharie  (ix,  9)  qui  annonce 
la  venue  du  Messie  !  Je  ne  sais  si  R.  Hillêl  n'aurait  pas  contesté 
la  force  probante  de  ce  passage,  il  nous  suffit  de  faire  voir  que  la 
négation  d'un  Messie  personnel  n'a  pas  provoqué  l'indignation 
générale  des  docteurs.  Pourquoi?  Ne  serait-ce  pas  parce  que  cette 

*  Sanhédrin  t  99  a. 


52  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

opinion  leur  était  connue  de  longue  date  et  ne  présentait  rien  de 
nouveau  ? 

Il  ne  nous  reste  plus  qu'à  parler  du  dogme  principal,  celui  de 
la  résurrection.  Sur  ce  point,  comme  de  juste,  aucune  voix  dis- 
cordante ne  s'élève  dans  le  Talmud.  Le  temps  n'était  pas  venu 
où  les  Rabbins  imbus  d'idées  philosophiques,  comme  ce  fut  le  cas 
au  moyen  âge,  auraient  pu  discuter  si  la  résurrection  concernait 
le  corps  ou  bien  l'âme  seule.  A  ce  moment,  il  s'agissait  exclusi- 
vement de  faire  revenir  les  justes  dans  ce  monde  en  corps  et  en 
âme,  afin  de  les  récompenser  des  souffrances  qu'ils  ont  eu  à  sup- 
porter pendant  leur  première  vie.  On  sait  que  la  croyance  à  la 
résurrection  des  morts,  quoique  remontant  à  l'époque  mytholo- 
gique, n'a  été  présentée  comme  doctrine  juive  que  par  l'auteur  du 
livre  de  Daniel,  contemporain  d'Antiochus  Epiphane.  Trente  ans 
plus  tard,  les  événements  futurs  qui  se  groupent  autour  de  la  ré- 
surrection sont  largement  développés  et  systématisés  dans  le  livre 
d'Hénoch,  mais  de  telle  sorte  que  la  vie  des  ressuscites  ne  diffère 
de  la  vie  présente  que  par  l'absence  de  peines  et  de  soucis.  Les 
justifiés  mangent  et  boivent  en  abondance,  ont  l'intuition  de  la 
science,  se  marient,  élèvent  un  grand  nombre  d'enfants  et  meu- 
rent à  un  âge  avancé  * . 

L'opposition  des  Saducéens  força  les  Pharisiens  à  retirer 
quelques-unes  de  ces  affirmations.  A  l'époque  de  Jésus,  on  croyait 
déjà  que  les  justes  revenus  en  ce  monde  «  ne  se  marieront  pas  et 
n'auront  pas  d'enfants,  mais  ressembleront  aux  anges  qui  sont 
dans  le  ciel  ^  »,  que,  néanmoins,  «  ils  mangeront  du  pain  et  boiront 
du  vin 3  ».  Sous  cette  forme  passablement  amoindrie,  le  fond  de  la 
croyance  était  de  rigueur,  sous  peine  de  brûler  dans  la  Géhenne 
jusqu'à  la  fin  des  siècles.  On  exigeait  même  la  croyance  que  c'é- 
tait un  dogme  biblique  (nmnin  itd),  et  les  docteurs  s'escrimaient  à 
trouver  les  versets  qui  y  font  allusion.  Le  plus  anciennement 
connu,  est  l'argument  que  Jésus  tira  du  verset  de  l'Exode,  m,  6, 
où  Dieu  se  donne  le  titre  de  «  Dieu  d'Abraham,  d'Isaac  et  de 
Jacob*  ».  D'après  le  jeune  Galik'en,  cette  expression  implique  le 
retour  des  patriarches  à  la  vie  de  ce  monde.  Les  autorités  talmu- 
iliques  citent  dans  ce  but  un  grand  nombre  de  versets  empruntés 
à  tous  les  livres  de  la  Bible,  mais,  fait  digne  de  remarque,  personne 
ne  s'avise  de  citer  les  passages  si  clairs  du  livre  de  Daniel. 
Ceux-ci  ne  sont  produits  que  par  Rabina  et  R.  Aschi,  qui  sont  les 

'  Livre  (PIL^nnch^  texte  «^thiopien,  ch.  i,  lin. 
"  St  Mullhieu,  xxii,  30. 
1  Ibidem^  XXX,  19. 
-»  Ih^deni.  31 -32. 


TRACES  D'AGGADOT  SADUGÉENNES  DANS  LE  TALMU1>  53 

derniers  Emoraïm  et  les  collecteurs  mêmes  du  Talmud.  Comme  il 
est  indubitable  que  le  dogme  de  la  résurrection  ne  doit  son  exis- 
tence qu'à  l'autorité  du  livre  de  Daniel, la  répugnance  des  Rabbins 
à  se  servir  de  cette  source  primitive  dans  leur  réfutation  des  Sa- 
ducéens  ne  peut  raisonnablement  avoir  d'autre  cause  que  la  certi- 
tude que  leurs  adversaires  n'accepteraient  pas  le  témoignage  de 
ce  livre.  Mais  par  cela  même  que  Daniel  avait  peu  d'autorité 
auprès  des  Saducéens,  la  logique  exigeait  qu'il  en  eût  d'autant 
plus  chez  les  Pharisiens.  Eh  bienl  c'est  le  contraire  qui  est  arrivé, 
ainsi  qu'il  est  facile  de  le  démontrer. 

Considérons  d'abord  le  livre  et  ensuite  la  personne.  Le  livre 
de  Daniel  étant  à  la  fois  d'un  caractère  essentiellement  prophé- 
tique, d'une  assez  grande  étendue  et  censément  antérieur  au 
retour  de  la  captivité,  avait  sa  place  légitime  après  le  prophète 
Ezéchiel.  Malgré  cela,  ceux  qui  ont  fixé  le  canon  biblique  l'ont 
placé  dans  la  classe  des  hagiographes  et  après  les  Megillot.  Et 
pourtant  les  ordonnateurs  du  canon  étaient  sans  aucun  doute  des 
Pharisiens  et  croyaient  sincèrement  à  l'authenticité  du  livre.  Je 
ne  puis  attribuer  cette  dégradation  par  des  mains  pharisiennes 
d'un  livre  qui  devait  être  cher  aux  Pharisiens  que  par  l'infiltra- 
tion latente  du  discrédit  que  l'école  saducéenne  avait  jeté  pendant 
sa  suprématie  sur  ce  livre.  Tout  ce  qu'ils  purent  faire  en  sa  fa- 
veur, ce  fut  de  l'accueillir  dans  le  canon,  mais  des  scrupules 
inconscients  les  empêchèrent  de  le  classer  ailleurs  que  dans  les 
écrits  de  troisième  rang. 

La  façon  dont  les  docteurs  du  Talmud  traitent  la  personne  de 
Daniel  est  encore  plus  étonnante,  car  elle  dépasse  toutes  les  limites 
des  convenances  et  rejaillit  sur  ses  trois  compagnons.  Parlons  d'a- 
bord de  ces  derniers.  Ces  jeunes  princes,  Hanania,  Misaël  et  Aza- 
ria,  qui  aiment  plutôt  souffrir  le  martyre  que  d'adorer  les  idoles, 
sont  l'objet  de  propos  bien  désobligeants  de  la  part  de  deux  Tan- 
nâïm.  Sur  cette  demande  :  que  sont  devenus  Hanania,  Misaël  et 
Azaria  après  leur  sortie  de  la  fournaise  ardente  ?  R.  Eliézer 
répond  :  ils  sont  morts  par  le  mauvais  œil  ;  tandis  que,  d'après 
R.  Josué,  ils  se  sont  noyés  dans  le  crachat  que  les  payens  lan- 
cèrent à  la  figure  des  juifs  infidèles  pour  leur  reprocher  la  folie 
d'avoir  abandonné  un  Dieu  qui  est  capable  de  faire  tant  de  m\- 
racles  (j^uj-iiTT^  hi  ^^12  y^Ti  ^^^2  n^^iN  nT3>'^bN"n  ...biTN  p-^rt!:  lan-m 
i:>na  pTi3  ^72*1^  ^).  Avec  quelque  expérience  de  la  façon  dont  les 
aggadot  sont  souvent  inventées,  on  reconnaît  aussitôt  que  ces 
affirmations  suivent  parallèlement  l'ordre  des  qualités  que  leur 

*  Sciuktfdrin^  93  a. 


54  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

attribue  le  livre  de  Daniel  (i,  4),  savoir  :  beauté,  sagesse  et  force. 
Leur  beauté  leur  attire  le  regard  envieux  et  meurtrier  de  la  mul- 
titude et  leur  sagesse  ne  les  empêche  pas  de  périr  par  la  folie  des 
autres.  Heureusement  pour  eux,  la  troisième  qualité,  celle  de  la 
force,  sert  d'argument  aux  autres  Rabbins  pour  soutenir  que  ces 
jeunes  princes  ne  moururent  pas  d'une  façon  bizarre  à  Babylone, 
mais  qu'ils  retournèrent  en  Palestine,  s'y  marièrent  et  eurent  une 
nombreuse  postérité  {rA^n^  û-^sm  in^biïTi  û-^'^iis  in^st  ■'"Nb  ^hy  «"sm). 
Quant  à  Daniel  même,  ni  ses  visions  prophétiques  (lim),  ni  ses 
entretiens  avec  les  anges,  ni  son  affirmation  de  la  résurrection  des 
morts,  rien  de  tout  cela  n'a  pu  adoucir  l'antipathie  des  Rabbins 
à  son  égard.  Avec  une  unanimité  qui  paraît  bien  singulière,  les 
docteurs  talmudiques  lui  refusent  le  don  de  la  prophétie,  don  qu'ils 
accordent  aux  trois  voyants  postérieurs  :  Haggée,  Zacharie  et 
Malachie  (n^25  ij^b  iïi^ni  "^N-^n^  n^r^).  Un  de  ces  docteurs  affirme 
de  plus  que  Daniel  s'est  trompé  dans  le  dénombrement  des 
soixante-dix  ans  de  captivité  prédits  par  Jérémie  (nra  bN"^:*!  C]S 
^ï3n^^"^n  "^i^i-in).  Enfin,  trois  légendes  bizarres,  mises  dans  la  bouche 
de  trois  anciens  Emoràïm,  Rab,  Samuel  et  R.  Johanan,  attribuent 
l'absence  de  Daniel  au  moment  où  la  scène  de  la  fournaise  ardente 
mettait  en  péril  la  vie  de  ses  compagnons,  à  des  causes  extrê- 
mement irrévérencieuses  pour  ce  saint  personnage.  Tous  sont 
d'avis  que  Daniel  était  alors  parti  chargé  d'une  mission  par  Na- 
buchodonosor.  Cette  mission  aurait  consisté,  suivant  l'opinion 
respective  des  trois  Emorâïm  susnommés,  soit  à  creuser  un  grand 
canal  dans  une  montagne  (n'iIl:^  Nnn  t^-iî-is  t^ns^b  n?3ï<  :in),  soit  à 
importer  des  graines  de  plantes  fourragères  (■^'^"inNb  n^N  b^iTouîn 
NnDDDNi  î<nn3),  soit  enfin,  à  importer  des  porcs  d'Alexandrie  (•^am 
û"^-ii£)3  bu5  N">"Ti5D:DbNi  '^n'^Tn  "^"^inNb  n^DN  y^v).  Faire  de  Daniel  un 
entrepreneur  de  canaux,  un  marchand  de  graines  ou  un  mar- 
chand de  porcs,  n'est-ce  pas  jeter  le  ridicule  sur  le  livre  cano- 
nique qui  porte  son  nom? 

L'affirmation  de  plusieurs  Rabbins,  suivant  laquelle  Dieu,  Na- 
buchodonosor  et  Daniel  lui-même  étaient  contents  du  départ  de 
ce  dernier,  cette  affirmation,  tendant  en  apparence  à  excuser 
notre  héros  d'avoir  fui  le  martyre,  quand  on  la  regarde  de  près,  y 
ajoute  encore  un  nouveau  ridicule.  En  effet,  suivant  cette  légende, 
Daniel  serait  parti  de  crainte  que,  ayant  été  adoré  par  Nabu- 
chodonosor  (Daniel,  ii,  46),  il  ne  fût  brûlé  comme  toute  idole  doit 
l'être  (Deutéronome,  viii,  5).  Sous  ce  rapport  notre  prophète  n'est 
pas  traité  plus  respv3ctueusement  que  Nabuchodonosor  lequel, 
d'après  la  même  légende,  hâte  le  départ  de  Daniel  de  peur  qu'on 
no  dise   qu'il  a   brûlé  son  idole.  Seul  le  motif  qu'on  attribue  à 


TRACES  D'AGGADOT  SADUCEENiNES  DANS  LE  TALMUD  55 

Dieu  semble  favorable  à  celui-ci  :  c'est  afin  qu'on  ne  supposât 
pas  qu'il  a  été  sauvé  par  le  mérite  de  ses  compagnons.  Mais 
comment  eût-on  fait  une  telle  supposition  si  Daniel  avait  été 
aux  yeux  du  public  un  homme  aussi  ami  de  Dieu  que  son  livre 
le  représente?  On  Voit  donc  que  toutes  ces  légendes,  môme 
celles  qui  sont  favorables  en  apparence,  laissent  percer  de  graves 
préventions  contre  ce  personnage  biblique.  Or,  quel  que  soit 
l'acharnement  que  mettent  parfois  les  aggadot  à  accabler  cer- 
tains personnages,  ce  sont  toujours  des  pécheurs  ou  des  ennemis 
d'Israël,  tandis  que  pour  Daniel,  un  pareil  agissement  de  la  part 
des  Rabbins  est  tout  à  fait  inexplicable. 

Et  la  preuve  qu'il  n'y  a  pas  là  de  simples  jeux  d'esprit  et  des 
subtilités  de  mauvais  goût,  c'est  qu'après  quelque  reflexion  la 
triple  mission  confiée  à  Daniel  se  montre  à  nous  comme  une 
parodie  très  habile  du  régime  frugal  suivi  par  Daniel  et  ses  com- 
pagnons à  la  place  de  la  nourriture  qu'on  leur  fournissait  de  la 
table  royale.  Ce  régime  consistait  notoirement  à  boire  de  l'eau 
au  lieu  de  vin  et  à  manger  des  graines  à  la  place  de  pain  et  de 
viandes  défendues.  Notre  aggada,  avec  une  malice  à  peine  dé- 
guisée, charge  Daniel  de  trois  missions  parallèles  aux  trois  parti- 
cularités de  son  alimentation  : 

1«  Comme  fort  et  opiniâtre  buveur  d'eau,  il  est  chargé  de 
creuser  un  grand  canal  dans  la  montagne  afin  qu'on  puisse  s'ap- 
provisionner d'eau  lorsque  les  sources  urbaines  seront  mises  à 
sec  par  lui  ; 

2°  Comme  amateur  de  graines  qui  sont  d'ordinaire  la  nourri- 
ture des  bestiaux,  il  est  chargé  d'importer  des  graines  fourragères 
afin  que  le  bétail  ne  dépérisse  pas  par  suite  d'une  alimentation 
insuffisante  dont  il  est  la  cause  ; 

S*'  Enfin,  comme  contempteur  de  viande  de  porc^  il  est  chargé 
d'importer  des  porcs  étrangers  ;  c'est  lui  faire  comprendre  que, 
grâce  à  l'excellence  de  cette  viande,  la  production  indigène  des 
porcs  ne  suffit  pas  à  la  consommation  locale. 

Ici,  nous  sommes  en  présence  d'une  raillerie  voulue,  systéma- 
tique, dont  les  traits  atteignent  le  prestige  de  Daniel  au  moyen  de 
sarcasmes  blessants.  Attribuer  aux  Pharisiens  de  pareilles  irré- 
vérences envers  le  révélateur  de  la  résurrection,  c'est  à  quoi  on 
se  résignera  difficilement  et  l'on  est  bien  obligé  d'y  voir  une  lé- 
gende hostile  d'origine  saducéenne  perpétuée  dans  les  écoles  et 
naïvement  accueillie  par  les  Talmudistes. 

Pour  terminer,  résumons  en  quelques  mots  les  résultats  princi- 
paux de  cette  étude. 


56  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

1.  Le  Talmud  a  conservé  des  aggadot  saducéennes  comme  il  a 
conservé  des  halakliot  saducéennes  ; 

2.  Ces  aggadot  consistent  partie  en  sentences,  maximes  et  opi- 
nions qui  expriment  des  doctrines  saducéennes,  partie  en  légendes 
relatives  à  des  personnages  bibliques  dont  l'autorité  n'était  pas 
reconnue  par  les  Saducéens  ; 

3.  Le  rabbinisme  talmudique,  dans  sa  partie  doctrinaire,  ne 
représente  pas  le  pharisaïsme  du  premier  siècle  de  l'ère  vulgaire, 
mais  constitue  un  produit  mélangé  de  pharisaïsme  et  de  sadu- 
céisme. 

J.  Halévy. 


LE  PASSIF  DANS  L'ARAMÉEN  BIBLIQUE 

ET  LE  PALMYRÉNIEN 


Aussi  loin  que  l'on  puisse  remonter  dans  l'étude  de  l'araméen, 
on  ne  trouve  pas  trace  du  passif  dans  les  verbes  des  divers  dia- 
lectes de  cette  langue.  Les  noms,  au  contraire,  ont  des  formes 
passives:  b-^ap,  ^'^'PJp,  biip.^,  btp'p^ti,  pour  les  participes;  b^a]^,  bap, 
b^Lûp,  etc.,  pour  les  adjectifs  et  les  substantifs.  Quant  aux  verbes 
proprement  dits,  leur  passif  est  exprimé  par  le  réfléchi  :  bapnN, 
btjpnN:,  bapnnî^  et  bûûpn^âN.  On  est  donc  porté  à  considérer  avec 
Luzzatto  *  comme  des  liébraïsmes  les  quelques  formes  hof'al  que 
Ton  trouve  dans  l'araméen  biblique  ;  dix  appartiennent  à  Daniel  : 
;i"'n'^ïi,  III,  13  ;  nipnti  et  nçoiïi,  iv,  33  ;  ^s^ti,  v,  13  ;  ibj^n,  v,  15  ; 
nripri,  v,  20  ;  rr^n'^rt,  vi,  18  ;  pDïi,  vi,  24  ;  ni^-^pri,  vu,  4  et  5  ^  ;  ^n^rr, 
VII,  11  ;  une  seule  est  fournie  par  Ezra,  n^nnn.  Le  livre  de  Daniel 
a  été  composé  en  Palestine  en  167-6  av.  J.-G.  ;  il  est  plus  difficile 
de  fixer  la  date  de  la  rédaction  des  lettres  en  araméen  que  ren- 
ferme le  livre  d'Ezra,  mais  elles  appartiennent  à  une  époque 
beaucoup  plus  ancienne  que  le  livre  de  Daniel,  car  la  dernière 
révision  d'Ezra  est  placée  vers  Fère  macédonienne  3.  Si  on  étudie 
les  hof'al  que  nous  venons  de  reproduire,  on  fera  une  double 
remarque  :  1°  tous  ces  verbes  sont  à  la  3^  personne  du  parfait  ; 
pour  les  autres  personnes  du  parfait,  aussi  bien  que  pour  l'impar- 
fait, la  voix  passive  est  exprimée  par  les  réfléchis,  comme  dans 
les  autres  dialectes  araméens  ;  2'^  quelques-uns  de  ces  verbes  dif- 
fèrent, pour  la  forme,  de  l'hofal  hébreu  :  Da'ipp,  ^'•n'^îi  et  rr^n-^^r. 

1  Elementi  gramm.  del  Caldeo  hiblico,  Padova,  1865,  p.  22. 

^  Dans  le  verset  5  la  Massora  ponctue  n^û'^plTT  ;  voyez  Daniel,  éd.  Baer,  p.  78. 

^  Voy.  Friederich  Bleek,  Einlcitung  in  das  Aile  Testament,  IV'  édit.  revue  par 
Wellhausen,  p.  283. 


58  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Gomment  expliquer  ces  singularités  ?  Sommes-nous  en  présence 
de  vestiges  d'un  ancien  passif  araméen  que  Daniel  et  Ezra 
nous  auraient  conservés?  Cette  question  semble  recevoir  une 
grande  lumière  de  l'examen  des  formes  du  passif  du  qal.  A  côté 
de  l'ithpe'el,  la  forme  ordinaire  du  passif  du  qal  araméen,  on 
trouve  dans  l'araméen  biblique  une  forme  b^j^s,  dont  les  exemples 
suivants  sont  rapportés  également  par  Luzzatto,  Z.  c,  p.  22,  §  44  : 
^"«np,  n^biâ,  û'^iin,  n^ïi"),  b-'Uj^,  pour  la  3«  pers.  masc.  sing.  ;  nb-iipp 
ny-Ji?,  r\^T'\  ï^?'''??,  pouï"  la  ^^  P^ï's.  fém.  sing.  ;  ^iraw,  r^'^'^f?,  ^n-ins, 
tinss,  pour  le  plur.  com.  On  trouve  aussi  quelques  verbes  ayant 
une  voyelle  comme  3^  radicale,  "^Tip..  "^bj  et^h},  3°  pers.  masc.  sing.; 
1^7?^  3^  pers.  masc.  plur.  Le  liatef-ségol  ou  hatef-patali  des  trois 
premiers  mots  est  attiré  par  la  palatale  p  ou  5.  On  voit  que  tous 
ces  exemples  appartiennent  à  la  3°  personne  du  parfait,  comme 
les  formes  du  hof'al  énoncées  plus  haut,  et  ne  s'étendent  ni  aux 
autres  personnes  ni  aux  autres  temps,  lesquels  sont  exprimés  par 
l'ithpe'eL  Ce  phénomène,  qui  paraît  singulier  au  premier  abord, 
s'explique  par  la  raison  que  b'^Lap  n'est  pas  autre  chose  que  le  par- 
ticipe passif  usité  comme  temps  pour  le  passé,  usage  fréquent 
dans  les  dialectes  araméens  et  notamment  en  syriaque  et  en  talmu- 
dique*.  Le  féminin  nb^tpp  et  le  pluriel  nb^iûp  ou  i^-jp-i  ont  été 
formés  par  analogie,  mais  l'analogie  n'a  pas  été  poussée  plus  loin. 
L'origine  du  participe  se  trahit  dans  ce  verbe  par  l'état  empha- 
tique qu'on  trouve  dans  Daniel,  v,  27  :  NPbpn  elle  {ta  royauté)  a 
été  pesée,  que  Luzzatto  explique,  comme  Ewald,  par  la  seconde 
personne.  En  syriaque,  le  participe  est  également  susceptible  de 
recevoir  l'état  emphatique,  même  quand  il  sert  d'attribut-.  En 
rapprochant  les  formes  b^yp  ^  des  formes  bi'ç^i  de  Daniel  et  d'Ezra, 
on  comprend  facilement  comment  celles-ci  sont  nées  des  pre- 
mières :  n-o'^pri  est  devenu  le  passif  de  n^û'^pîi,  parce  que  ronç 
avait  formé  le  passif  de  nD^ip.  Les  autres  formes,  au  contraire, 
telles  que  "r^^Tt,  nDÇnn,  se  sont  modelées  uniquement  sur  l'hébreu; 
à  celles-ci  se  rapporte  aussi  n7|ÇT  et  elle  fut  placée,  Dan.,  vu,  18, 
dont  la  ponctuation  imite  celle  de  II  Sam.,  xiii,  32  qei'i.  Dans  ces 


*  Voy.  Nœldckc,  Syr.  gramm,,  p.  192,  §  278fl,  et  noire  Traité  de  gramm,  syr., 
p.  314,  §  331  ;  Israël  Lcvi,  Notes  de  grammaire  juddo-hahyl.^  Revue  des  études  Juives, 
t.  I,  p.  221,  où  il  est  donné  de  curieux  exemples  de  participes  lalmudiques  conjugués 
comme  uu  parlait. 

»  Voy.  Si/r.  gramm., -p.  \fi2,  §  204  J  et  c ;  Traité  de  gramm.  syr.,  p.  335,  §  3î)G  o. 

3  Dans  les  paradif^^mes  publiés  en  tôle  de  l'édition  do  Daniel  et  d'Ezra  par  M.  S. 
lîaer,  pe'il  est  indiqué  comme  un  ilhpe*el  apocope,  Ewald,  Die  Prophctcn,  III,  p.  280, 
2»  éd.,  y  voit  un  ancien  passif  du  parfait,  malgré  Vi  long. 


LE  PASSIF  DANS  L'ARAMÉEN  BIBLIQUE  ET  LE  PALMYRÉNIEN         m 

différents  versets  le  mélange  de  l'araméen  et  de  l'hébreu  nous 
paraît  incontestable.  Nous  n'insisterons  pas  sur  d'autres  faits 
généraux,  comme  le  hé  formatif  de  l'afel  dans  l'araméen  biblique, 
au  lieu  de  l'aleph  et  la  singularité  du  pluriel  ^l'in^rt  à  côté  de  v^-i, 
le  premir  conservant  la  prononciation  hébraïque  du  vav,  le  secon-d 
suivant  l'araméen.  Nous  concluons  de  ces  faits  que,  si  l'araméen 
biblique  a  jamais  été  parlé,  il  ne  l'a  été  que  comme  langue  arti- 
ficielle, dans  le  sein  d'une  communauté  juive,  mais  qu'il  n'est 
pas  un  dialecte  palestinien  vulgaire. 

Ces  réflexions  nous  ont  été  suggérées  par  la  lecture  d'une  thèse 
très  ingénieuse  exposée  par  M.  Sachau  dans  une  esquisse  gram- 
maticale du  dialecte  palmyrénien,  publiée  tout  récemment  dans 
le  Journal  de  la  Société  orientale  allemayide,  t.  XXXVII,  p.  562- 
571.  Les  matériaux  que  nous  possédions  pour  l'étude  de  ce  dia- 
lecte ont  été  considérablement  augmentés  par  l'importante  ins- 
cription de  la  Loi  fiscale  de  Palmyre  dont  M.  le  M''  de  Vogiié  a 
donné  le  texte  et  la  traduction  dans  le  Journal  asiatique  de  1883, 
8«  série,  t.  I,  p.  231-245  et  t.  II,  p.  150-183  et  p.  549  (tirage  à  part 
avec  planches).  Certaines  analogies  entre  ce  texte  et  l'araméen 
biblique,  notamment  l'absence  de  signes  extérieurs  dans  plusieurs 
verbes  passifs,  ont  conduit  le  savant  professeur  à  voir  dans  le 
palmyrénien  un  dialecte  très  proche  de  l'araméen  de  Daniel  et 
d'Ezra  :  «  Elle  (l'inscription)  se  lit,  écrit-il,  comme  une  page  des 
parties  araméennes  de  la  Bible  et  représente  ainsi  le  degré  le  plus 
ancien  de  l'araméen  que  nous  connaissions.  La  langue  que  l'on 
parlait  en  Palestine  au  temps  de  la  composition  des  livres  des 
Chroniques  (vers  200  av.  J.-C.)  et  de  Daniel  (167-166  av.  J.-C.) 
est  la  même  que  celle  qu'on  parlait  au  temps  d'Adrien L'ara- 
méen biblique  se  distingue  des  autres  dialectes  araméens  plus 
jeunes  par  une  suite  d'anciennes  formes  passives  qu'il  a  con- 
servées, tandis  que  dans  la  grande  majorité  des  cas  le  réfléchi  est 
déjà  usité  pour  exprimer  le  passif.  Le  syriaque  a  complètement 
perdu  la  forme  passive.  Au  contraire,  dans  notre  inscription  se 
trouvent  des  passifs  primitifs  à  côté  de  réfléchis-passifs,  et  ce 
sont  les  suivants » 

Les  exemples  de  passifs  que  cite  M.  S.  comprennent  des  par- 
faits, des  imparfaits  et  des  participes.  Il  y  a  lieu  de  croire  que  ce 
ne  sont  pas  les  participes  qui  l'ont  engagé  à  chercher  dans  les 
verbes  palmyréniens  des  formes  ^y^  et  b^^çri,  car,  les  participes 
passifs  existant  en  araméen,  il  est  plus  logique  d'expliquer  par 
l'araméen  les  participes  palmyréniens  que  par  Fhébreu.  Voici  les 
exemples  de  ces  participes  cités  par  M.  Sachau,  p.  564  et  565  : 


60  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

pOJ2  t«b  ^1  \2y"ii2,  1-8,  Ta  [17)  ov£iXri[X(xéva,  cc  QUI  u'a  pas  été  porté  *  ; 

N'^3'i:D"l!Sb  ':?D373  mîT'T,   I,   20,  èitijiEXsïcOcn  ô^  Toùç...  àp/ovraç,    qu'U  SOU   à 

cœur  aux  archontes;  ^t>^i2 mn^  -«1/3,  H,  3,  12,  exav....  è^dy'n'cai, 

lorsqu'il  est  exporté. 

.  N'est-il  pas  naturel  d'expliquer  par  l'araméen  ces  participes  et 
de  lire  pD^p,  ba^^p,  psfi^^?  plutôt  que  d'y  voir  des  hof  al  et  de  ponc- 
tuer avec  M.  S.  :  pa?:,  ^???^»  P=^'?3?  Cette  dernière  forme  a  déjà 
quelque  chose-  de  monstrueux  dans  un  dialecte  vulgaire,  comme 
l'était  l'idiome  des  marchands  de  Palmyre,  car,  le  radical  étant 
pD5,  elle  suppose  un  b^*çî<t3  !  Aussi  l'alef  de  ce  mot,  dont  la  lecture 
n'est  pas  douteuse,  gêne  M.  S.  qui  ne  serait  pas  éloigné  d'y  voir 
une  erreur  du  lapicide  :  pDN?2  serait  pour  pci<n?3,  une  forme  it- 
tafal  dont  l'inscription  offre  plusieurs  exemples.  En  ponctuant 
pËN:^,  cette  hypothèse  devient  inutile,  l'alef  s'explique  alors  de  la 
même  manière  que  dans  l'ittafal  pcNnTs  et  b:?Nn?3  de  pD&<  et  b3^î< 
(forme  afel  de  pD5  et  hy),  II,  1.1,  1.13,  1,21,  etc.  La  présence  de 
l'alef  pour  indiquer  la  voyelle  a  n'est  pas  rare  en  syriaque  dans 
les  radicaux  faibles  qui  ont  perdu  une  consonne  :  nsn5  et  N3NP3, 
imparfait  afel  et  ittafal  de  Ni2  ;  n'^nN?^,  infinitif  afel  de  «"^n,  etc. 
(voyez  Traité  de  gram.  syr.,  p.  57,  note  1).  L'écriture  pEN^  est 
donc  palmyrénienne  et  syriaque. 

Parmi  les  participes  nous  rangeons  aussi  ^35,  qui  a  le  sens  d'un 
gérondif  dans  les  derniers  mots  de  la  souscription  du  premier 
panneau  :  "«n:*  nostd,  tAoç  iTzpâ-/p-n,  Vimpôt  devait  êty^e  perçu.  Nous 
sommes  d'accord  avec  M.  Sachau  pour  rapprocher  ce  ■'3:i  de  l'ara- 
méen biblique  ■^'ip,  "^b^.,  mais,  où  nous  nous  éloignons  de  lui,  c'est 
lorsqu'il  l'explique  par  un  passif  interne  du  parfait  que  l'arabe  a 
conservé  dans  la  forme  fu'ila.  Nous  avons  parlé  plus  haut  de  la 
tendance  du  participe  passif  araméen  à  prendre,  comme  dans  nos 
langues  modernes,  le  sens  d'un  passé  ;  la  première  citation,  ûrn?3 
pD7û  Nb  "^T,  ce  qui  n'a  pas  été  porté,  en  est  un  exemple  pris  dans 
notre  inscription.  Du  reste  nous  avons  le  pluriel  de  ce  parti- 
cipe dans  pa  .mN"'d:d?3,  II,  3,6-7,  t^  réXir)  XoYeûsaOai,  c'est-à-dire  les 
taxes  doivent  ét7'e  perçues,  ^n^  ^<«or7:,  comp.  )'ir}'ç\2  "^n  T"???»  ^^'"^ 
corps  qui  sont  jetés  ou  qui  doivent  être  jetés,  II,  3-9. 

Les  exemples  de  parfaits  et  d'imparfaits  passifs  que  M.  Sachau 
lit  comme  des  pu'al  et  des  hofal  sont  empruntés,  pour  la  plupart, 

'  L'inscription  est  divisée  en  deux  panneaux,  le  premier,  qui,  par  un  rare  bonheur, 
n'a  subi  aucun  endommaf^omcnt,  comprend  une  colonne  ;  le  second  est  divisé  en  trois 
colonnes:  1,  10  signilie  donc  premier  pafiiicau,  dixième  ligne;  II,  3.12,  druTième pan- 
neau, troisième  colonne,  lit/ne  12.  L'inscription  est  bilingue,  et  le  texte  grec  est  con- 
servé avec  le  texte  araméen. 


i 


LE  PASSIF  DANS  L'ARAiMÉEN  BIBLIQUE  ET  LE  PALMYRÉNIEN         61 

à  une  phrase  du  premier  panneau,  1.  7-9,  que  M.  Sachau  a  très 
bien  analysée.  On  trouve  clans  cette  phrase  deux  fois  le  mot  nns-in 
et  il  sera  inscrit,  une  troisième  fois,  le  même  mot  est  écrit  nnST  ; 
n^N  est  également  employé  dans  un  sens  passif  :  aura  été  con- 
firme.  M.  Sachau  ajoute  un  dernier  exemple,  II,  2.6,  où  le  passif 
\2V  sera  vendu,  fait  suite  au  passif-réfléchi  b:^Nn'^,5^ra  introduit; 
le  participe  passif  pTiD,  vendu,  sq  rencontre,  II,  3.31.  Ces  mots 
sont  ponctués  par  M.  S.  :  3np;]T  (nnsi  serait  une  erreur  du  gra- 
veur pour  anS"»),  *^'é^  (passif  de  l'af'el  n^N,  rac.  ^n^),  'lan  et  \^Vf2^ 
Nous  croyons  avoir  montré  que  les  formes  correspondantes  de 
l'araméen  biblique  sur  lesquelles  M.  Sachau  s'appuie  pour  Justifier 
cette  ponctuation,  sont  artificielles  et  nées  du  mélange  de  l'ara- 
méen et  de  l'hébreu  ;  on  ne  devrait  donc  pas  s'attendre  à  les  ren- 
contrer dans  un  idiome  vulgaire,  qui  ne  paraît  pas  avoir  reçu 
de  culture  littéraire  et  qui,  en  tout  cas,  est  demeuré  en  dehors 
de  tout  contact  avec  l'hébreu.  En  raison  même  de  ce  caractère 
d'idiome  vulgaire,  nous  verrions  plus  volontiers  dans  ces  diffé- 
rents verbes  des  altérations  phonétiques  des  réfléchis-passifs  qui 
ont  ith  pour  préfixe.  Luzzatto,  l.  c\,  p.  81,  §  74,  signale  l'assimi- 
lation du  tav  de  ce  préfixe  dans  la  première  consonne  du  radical 
verbal  en  talmudique  *  ;  une  prononciation  palmyrénienne  in3"< 
pour  nnsn;'  ne  serait  pas  plus  surprenante  que  la  prononciation 
■^«DS^ijî  du  talmud  pour -^NosniN,  Ketudot  63  a.  Cette  explication 
nous  permet  de  maintenir  l'écriture  nnii  =  nnsi,  que  M.  Sachau 
voudrait  corriger.  Une  double  forme  nnsn;^  et  nns'^  n'est  pas  plus 
choquante  qu'une  double  forme  nnpn;'  et  nniD";  supposée  par  M.  Sa- 
chau, d'autant  moins  que  le  passif  d'un  af'el  paraît  pour  ce  verbe 
un  peu  forcé,  puisque  le  qal  est  la  forme  la  plus  usuelle  de  3nD. 
Au  sujet  de  "«n^,  on  objectera  qu'on  aurait  écrit  «3^,  mais  le  syro- 
palestinien  a  quelquefois  aussi,  en  pareil  cas,  le  yod  pour  l'alef.  Le 
passif  *;nT">  est  également  "{at^  pour  )^w,  dont  le  participe  féminin 
N33_Tnp  existe  II,  3.33.  Nous  voyops  que  dans  ce  verbe  le  tav  du  pré- 
fixe ne  passait  pas  après  lezaïn  de  la  racine  et  ne  se  changeait  pas  en 
dâleth  comme  dans  le  syriaque  )^'^i».  La  Bible  nous  offre  un  exem- 
ple analogue  dans  ^Sjrrr,  Isaïe,  i,  16,  comp.  Stade,  Lehrb.,  p.  101, 
§  129  c?.  Le  participe  passif  pî^  de  notre  inscription  doit  donc 
être  lu,  soit  isiT-n,  participe  passif  du  pa'el,  soit  "{s^^j,  participe  de 
l'ithpa'al.  Le  dernier  passif,  ^U5N,  s'explique  plus  difficilement 
dans  notre  hypothèse.  Si,  en  effet,  on  le  prenait  pour  un  passif  de 

^  En  syro-palestinien  cette  assimiliation  est  restreinte  au  cas  où  la  première  con- 
sonne du  radical  est  une  dentale,  voy.  Nœldeke,  Z,  D,  M.  (j.,  XXII,  p.  491. 


62  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

l'af'el  "-lUîN,  racine  "nus,  comme  le  pense  M.  Sacliau,  il  faudrait  sup- 
poser soit  un  ittaf'al,  soit  un  ithpa'al  plus  fréquent  en  syriaque; 
mais  en  admettant  l'assimilation  du  tav  du  préfixe  dans  le  schin 
de  la  racine,  dont  l'hébreu  offre  un  exemple  {v.  Stade,  Lehrb.j 
p.  101,  S  29c?),  l'ithpa'al  devrait  donner  une  forme  ^n^'N  ;  or  notre 
mot  n'a  qu'un  seul  resch,  et  il  est  difficile  d'admettre  une  con- 
traction des  deux  resch.  Nous  reconnaissons  qu'il  y  a  là  une  dif- 
ficulté qui  reste  à  résoudre.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  raisons  que 
nous  avons  exposées  plus  haut  nous  empêchent  d'ad'mettre  la 
ponctuation  n^N  de  M.  Sachau.  Le  syro-palestinien,  qui  dans  cette 
question  fait  autorité,  ce  nous  semble,  ne  connaît  pas  de  passif  de 
ce  genre.  Dans  notre  inscription,  les  verbes  commençant  par  une 
gutturale  ont  toujours  pour  passif  un  ithpa'al  ou  ittaf'al  intact, 
parce  que  la  gutturale  ne  s'assimile  pas  le  tav  du  préfixe  ;  le  passif 
deb3>^^,  importer,  est  toujours  biy^ni  et  jamais  b^N  comme  dans 
Daniel. 

En  résumé  on  ne  peut  s'appuyer  sur  notre  inscription  pour 
établir  que  les  passifs  hof'al  de  l'araméen  biblique  appartenaient 
à  l'araméen  vulgaire  et  avaient  leur  assise  dans  la  langue  parlée. 
Assurément,  comme  dialecte  palestinien,  le  palmyrénien  est  plus 
proche  parent  de  l'araméen  biblique  que  du  syriaque  mésopota- 
mien,  mais  en  plusieurs  points  il  se  distingue  de  ces  deux  dia- 
lectes. Daniel  ofl're  des  exemples  de  l'allongement  d'une  voyelle 
au  moyen  de  la  nasale,  comme  dans  les  mots  ^>^:^,  •3'??^,  v*!?^' 
by:^  :  non-seulement  cette  nasalité  de  la  voyelle  est  inconnue  au 
palmyrénien,  mais  ce  dialecte,  suivant  la  prononciation  mésopo- 
tamienne,  laisse  tomber  la  nasale  qui  termine  une  syllabe  dans  le 
corps  du  mots  en  voici  des  exemples  :  omDDb^  'A).c;dvôpo;,  I,  2; 
N"^piD  auvôtxot,  1,  11  ;  N^bDLJD  r.a^'zo'Kiùleii,  II,  2-3.  En  SOUS  iuverse,  le 
palmyrénien  forme,  comme  le  palestinien  et  le  talmudique,  le 
temps  correspondant  à  notre  imparfait  en  préposant  l'auxiliaire 
N^n  au  participe,  tandis  qu'en  mésopotamien  l'auxiliaire  suit  ^^n 
l^ja^nTp,  elles  étaient  perçues,  I,  5;  wSp^  isin,  il  percevait,  I,  6  *. 

Parmi  les  corrections  proposées  par  M.  Sachau,  p.  563,  note  1, 
celles  qui  concernent  les  lignes  5-6  du  premier  panneau,  ne  nous 
paraissent  pas  justifiées  :  -^n  ):f^i2  signifie  j^ar  analogie  de,  et  doit 
être  lu  Ij"!??,  c'est  un  abstrait  formé  de  l'infinitif  y^p  ;  les  noms 

>  Pour  le  syro-palestinicn,  voy.  Z.  D.  M.  G.,  XXII,  p.  463. 

'  On  serait  tenté  de  voir  un  mode  subjonctif  avec  un  lâmcd  préfixe  dans  les  mois 
'|2T'^b  "^1,  I,  4,  byNn'^b  "^^i  u,  2,  6  ;  raraméen  biblique  et  talmudique  possèdent  des 
lormcs  do  ce  p^enrc.  mais  il  est  plus  probable  que  lo  lAmed  appartient  à  la  conjonction 

et  qu"ii  laui  lire  pT"!  b">n,  b^j^rr»  b"^*!,  comp.  "^T  b"«nn. 


LE  PASSIF  DANS  L'ARAMÉEN  BIBLIQUE  ET  LE  PALMYRÉNIExX         63 

de  cette  forme  ne  sont  pas  rares  dans  cette  inscription,  'jn'-,p,gw^- 
relle^  I^^H^  compte,  X}^'^^  erreur^  1?'^t^'  monnaie.  Voici,  au  sur- 
plus, la  phrase  selon  sa  teneur  et  selon  l'explication  qu'elle  nous 
semble  comporter  :  Nm:iN3  ir\i:)r\i2  Nin  ^i  yj^ij'2  iiCi^v  i):  l^3an;3  mrn 
N"j'i3>m  iXDi^n  ^"^n  Nn:\  Nim  nos^  "^i,  et  elles  {les  ynarchandises) 
étaient  taxées  d'après  Vnsage  par  analogie  de  ce  qui  était  inscrit 
dans  le  marché  du  fermier^  et  il  [le  fermier)  percevait  aidant 
selon  la  loi  que  selon  Vusage. 

Sauf  la  thèse  des  passifs  qui  nous  semble  contestable,  les  judi- 
cieuses observations  que  M.  Sachau  a  consignées  dans  cette 
esquisse  grammaticale  du  dialecte  palmyrénien  seront  acceptées 
avec  reconnaissance  par  les  personnes  qui  s'intéressent  aux  dia- 
lectes araméens  ;  elles  forment  la  suite  de  l'étude  que  M.  Nœl- 
deke  avait  consacrée  au  palmyrénien  dans  le  vingt-quatrième 
volume  du  même  journal. 

Post-scriptum.  —  Dans  le  compte-rendu  de  la  publication  de 
M.  le  M'^  de  Vogiié,  que  contient  le  numéro  du  15  avril  1884  de 
V Oesterreiche  Monatssclirift  fur  den  Orient,  M.  D.-H.  Mùller  se 
déclare  pour  M.  Sachau  contre  Luzzatto  au  sujet  des  passifs  des 
verbes  de  l'araméen  biblique.  Sur  l'autorité  de  Daniel,  il  consi- 
dère comme  certaines  les  formes  hof  al  des  mots  palmyréniens 
n^N,  pD73,  ba:373,  p5is?3,  ainsi  que  le  parfait  passif  "^3:^  ;  mais,  comme 
Daniel  ne  connaît  pas  le  pu'al,  en  dehors  du  participe,  il  se  refuse 
à  voir  des  passifs  internes  dans  les  mots  nn:D^  pr  et  pTTo. 

RUBENS  DUVAL. 


Li  LÉGENDE  DE  L^ANGE  ET  L^ERMÎTE 

DANS  LES  ÉCRITS  JUIFS 


Le  Talmud  de  Babylone  raconte  Tliistoire  suivante  ^  : 
Le  roi  Salomon,  ayant  besoin,  pour  construire  le  temple,  du 
Schamir,  cet  animal  mystérieux  qui  avait  le  pouvoir  de  tailler 
les  pierres  les  plus  dures,  et  ayant  appris  qu'Asmodée  ^  en  con- 
naissait la  retraite,  chargea  Benaya,  fils  de  Yehoyada,  chef  du 
Sanhédrin,  de  s'emparer  du  roi  des  démons,  «  car  celui-ci,  après 
avoir  étudié  à  l'école  du  ciel,  descend  sur  la  terre  pour  s'y  instruire 
aussi.  »  A  l'aide  d'ingénieux  stratagèmes  et  surtout  grâce  à  la 

*  Gittin,  68  a-b.  Ce  morceau  est  entré  avec  quelques  variantes  dans  le  Midrasch 
sur  les  Psaumes  (Ps.  78). 

*  Rapoport  et  après  lui  M.  Kohut  {Aruch  comj)letum,  I,  p.  318)  pensent  qu'il  n'y 
avait  pas  primitivement  dans  le  Talmud  le  nom  d'Asmodée,  parce  que  l'Aruch  ne 
cite  pas  ce  mot.  Mais  il  devait  y  avoir  le  f  roi  des  démons  »,  puisque  c'est  à  propos  des 
démons  que  le  Talmud  cite  cette  histoire.  Cette  supposition,  d'ailleurs,  se  heurte  à  ce 
fait  que  le  Midrasch  sur  les  Psaumes  qui  est  antérieur  à  l'Aruch  porte  «  Asmodée  »  en 
toutes  lettres.  M.  Koliut.pour  appuyer  son  dire,  remarque  que  ce  mot,  qui  se  rencontre 
encore  dans  Pesahim,  110  a,  fait  défaut  dans  le  ms.  de  Munich.  M.  Kohut  a  lu  sans 
doute  rapidement  le  Diqduqué  Sofrim  auquel  il  renvoie,  car  il  y  est  dit  seulement 
qu'il  manque  le  mot  N"i!l  «  il  ».  —  Ce  n'est  pas  la  seule  surprise  que  nous  réserve 
l'article  de  l'éditeur  de  V Aruch  coinpletum.  D'après  lui,  en  effet,  il  ne  faudrait  plus 
lite  Aschncday ,  mais  Eschmadnâi/,  parce  que  c'est  sous  celte  forme  seule  que  le  mot 
s'explique  par  le  zend.  A  supposer  que  l'étymologie  fût  bien  établie,  il  n'en  subsis- 
terait pas  moins  que  les  .Uiils  prononçaient  Aschmeday,  comme  nous  le  montre 
d'ailleurs  le  livre  de  Tobie,  de  même  (juils  disaient  Ilormiz  et  non  Ahura  Mazda. 
Quant  à  rétymolofçie  elle  même,  quoique  acceptée  par  MM,  Graetz  et  Spiefrel,clle  me 
paraît  bien  étrange.  Aschmeday  viendrait,  aftirme-t-onn  de  Aéschma  daoï/a,  «  Aèschma 
qui  peut  être  trompé  »,  ou  bien  ù'Ar'schmadava.  «  Aêschma  le  démon  »,  ou  bien 
encore  à''Aêschtnn  (hiyé^  •  Aêschma  des  couples  ».  \'oici  comment  a  procédé  M.  Kohut. 
Il  y  a  dans  le  Zcnd-Avesta  un  démon  qui  s'appelle  Aêschma  ;  ce  mol  se  rapproche 
beaucoup  de  la  première  partie  de  Aschmeday  ;  reste  donc  à  trouver  le  correspon- 
dant zend  de  day  :  ce  sera  daoya,  ou  data  ou  duyé.  M.  Kohut  s'inquièle-t-il  de 
savoir  s'il  y  a  jamais  eu  un  démon  qui  portût  l'un  de  ces  noms,  si  ces  composés 
étaient  populaires  ou  si  ce  n'est  pas  par  hasard  et  seulement  dans  certains  textes  qu'ils 
se  rencontrent?  car  enfin  on  ne  veut  pas  que  ce  soient  les  Juifs  qui  aient  accolé  à 
Aêschma  ces  compléments  dé'crminalifs  zends  !  —  M.  James  Darmcsleter,  dont  la 
compétence  en  ces  matières  est  assez  connue,  m'apprend  le  plus  curieux  de  l'affaire  : 
aucun  de  ces  trois  noms  composés  n'existe  ! 


LA  LÉGENDE  DE  L'ANGE  ET  L'ERMITE  65 

puissance  du  «  nom  »  de  Dieu,  Benaya  parvient  à  le  lier  et  le  con- 
duit devant  Salomon. 

Sur  leur  route,  ils  rencontrent  un  figuier,  Asmodée  s'y  frotte  et 
le  renverse  ;  puis  ils  arrivent  à  une  maison  :  il  la  détruit.  Ils  attei- 
gnent la  cabane  d'une  pauvre  veuve,  celle-ci  se  met  à  l'implorer.  Il  se 
courbe  alors  pour  ne  point  endommager  la  maison  et  se  brise  un  os. 
Voilà  bien,  s'écrie-t-il,  ce  que  dit  le  verset  :  «  Une  langue  douce  sait 
briser  un  membre.  »  Il  voit  un  aveugle  égaré  :  il  le  remet  sur  son 
chemin  ;  puis  il  rencontre  un  ivrogne  égaré  :  il  le  remet  sur  son 
chemin.  Il  voit  ensuite  une  noce  joyeuse  :  il  se  met  à  pleurer.  Il 
entend  un  homme  commander  à  un  cordonnier  des  chaussures  qui 
devront  durer  sept  ans  :  il  se  met  à  rire.  Il  voit  enfin  un  sorcier  di- 
sant la  bonne  aventure  :  et  de  rire  de  nouveau. . . 

Benaya  lui  dit  :  a  Explique-moi  toutes  ces  étrangetés  K  Pourquoi  as- 
tu  remis  cet  aveugle  sur  son  chemin*  ?  —  Parce  qu'il  a  été  publié  au 
ciel  que  c'est  un  juste  parfait  et  que  celui  qui  lui  ferait  plaisir  jouirait 
de  la  vie  future.  —  Pourquoi  as-tu  remis  l'ivrogne  sur  son  chemin  ? 

—  Parce  qu'il  a  été  publié  au  ciel  que  c'est  un  méchant  accompli,  je 
lui  ai  procuré  ce  plaisir  pour  qu'il  consomme  ici-bas  le  monde  future 

—  Pourquoi  as-tu  pleuré  devant  cette  noce  joyeuse  ?  —  Parce  que  le 
mari  devait  mourir  au  bout  d'un  mois  et  que  sa  veuve  était  condamnée 
à  attendre  treize  ans  avant  que  son  beau-frère  pût  l'épouser  (ou  lui 
donner  le  droit  de  se  remarier).  —  Pourquoi  as-tu  ri  devant  celui  qui 
se  commandait  des  chaussures  ?  —  Il  n'avait  pas  sept  jours  à  vivre 
et  demandait  des  chaussures  pour  sept  ans  !  —  Pourquoi  as-tu  ri  de- 
vant le  sorcier?  —  Il  était  assis  sur  un  trésor,  que  ne  devinait-il  ce 
qui  se  trouvait  sous  lui  I 

Ce  conte  offre  une  certaine  ressemblance  avec  celui  de  Vange 
et  Vermite,  bien  connu  depuis  le  remarquable  mémoire  que  lui 
a  consacré  M.  Gaston  Paris '%  et  dont  l'origine  juive  est  solide- 

*■  Ce  mot,  qui  manque  dans  les  éditions  du  Talmud,  se  trouve  dans  le  Midrasch 
sur  les  Psaumes. 

2  Pourquoi  les  questions  de  Benaya  ne  portant-elles  pas  aussi  sur  les  premiers 
incidents  du  voyage  —  la  destruction  du  figuier  et  de  la  maison  —  qui  auraient 
cependant  besoin  d'explication?  Ce  silence  ferait  supposer  que  le  passage  que  nous 
avons  traduit,  depuis  l'épisode  de  l'aveugle,  a  été  inséré  dans  l'histoire  d'Asmodée 
où  elle  n'avait  que  faire,  soit  parce  qu'Asmodée  y  jouait  aussi  un  rôle  étrange  et 
énigmatique,  soit  simplement  à  cause  de  la  similitude  du  cadre.  Ces  enchevêtre- 
ments de  contes  ne  sont  pas  rares  dans  le  Talmud,  comme  je  l'ai  montré  par  un 
exemple  dans  cette  Revue  (t.  VII,  p.  82).  Les  légendes  arabes  —  très  anciennes  —  qui 
reproduisent  tous  les  éléments  de  cette  page  du  Talmud  sur  la  construction  du  temple 
et  la  substitution  d'un  démon  à  Salomon  ne  connaissent  pas  les  épisodes  du  voyage 
de  ce  démon,  ce  qui  donne  lieu  de  croire  qu'elles  ont  été  empruntées  aux  Juifs  à  une 
époque  où  l'interpolation  n'avait  pas  encore  été  ellectuce.  Nous  reviendrons  prochai- 
nement sur  cette  histoire  de  Salomon. 

3  Cf.  Horiot,  10  a. 

Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres:  séance  du  12  novembre  1880. 
T.  VIII,  N<>  15.  5 


66  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

ment  dtablie.  Les  plus  anciennes  et  plus  importantes  versions 
de  cette  légende  pieuse  sont  :  1^  celle  des  Vitœ  patriim,  tra- 
duction latine  d'un  texte  grec  aujourd'hui  perdu,  faite  pro- 
bablement avant  le  viiP  siècle;  2*'  celle  du  Coran  (xviir,  64-81); 
3«  enfin  celle  du  Hibbour  Yafé  Méhayeschoua  ou  Se  fer  Maa- 
sîot,  recueil  de  contes  moraux,  composé  par  R.  Nissim  Gaon, 
rabbin  qui  a  vécu  à  Kairouan  à  la  fin  du  x*'  siècle  et  au  commen- 
cement du  XI®  *. 

La  version  des  Vitœ  pairum,  qui  se  retrouve  plus  ou  moins 
modifiée  et  amplifiée  dans  de  nombreux  textes  du  moyen  âge, 
et  même  dans  le  Zadig  de  Voltaire,  peut  se  résumer  comme 
suit  : 

Il  y  avait  en  Egypte  un  solitaire  qui  demandait  à  Dieu  de  lui 
montrer  ses  jugements.  Un  jour,  un  ange,  sous  l'apparence  d'un 
vieillard,  lui  apparaît  et  lui  dit  :  «  Viens,  parcourons  ce  désert.  » 
Ils  sont  d'abord  reçus  par  un  saint  homme,  qui  leur  offre  tout  ce 
qu'il  possède.  L'ange,  en -s'en  allant,  lui  dérobe  son  plat.  L'hôte 
envoie  alors  son  fils  à  leur  poursuite  pour  leur  réclamer  cet  objet  : 
Fange  jette  ce  jeune  homme  dans  un  précipice.  Ils  arrivent  chez 
un  abbé,  qui  ne  veut  point  les  laisser  entrer  chez  lui,  mais  qui, 
las  de  leurs  instances,  les  fait  conduire  à  contre-cœur  à  l'étable, 
sans  leur  donner  à  manger  ni  à  boire.  L'ange,  le  lendemain, 
avant  de  s'en  aller,  donne  en  présent  à  l'abbé  le  plat  qu'il  a  volé 
au  saint  homme.  A  ce  trait,  l'ermite  ne  peut  plus  contenir  son  in- 
dignation ,  L'ange  alors  lui  explique  toutes  ces  étrangetés  :  «  Ce 
plat  n'avait  pas  une  bonne  origine  ;  il  ne  convenait  pas  qu'un 
homme  si  pieux  eût  chez  lui  un  bien  mal  acquis  ;  ce  qui  était 
mauvais  a  été  donné  au  mauvais  pour  consommer  sa  perte  -. 
Quant  au  fils,  si  je  ne  l'avais  pas  tué,  il  aurait  assassiné  son  père 
la  nuit  suivante.  » 

La  version  arabe  est  sensiblement  différente.  Bien  qu'elle  ait  été 
donnée  par  M.  Paris,  je  demanderai  la  permission  de  la  repro- 
duire, pour  mieux  faire  comprendre  la  comparaison  que  j'insti- 
tuerai plus  loin. 

*  Page  4ô  de  l'édition  (très  défectueuse)  d'Amsterdam,  1746.  Notre  conte  ne  se 
trouve  pas  dans  l'éd.  de  Ben-Sira  de  Venise,  1544,  ni  probablement  dans  celle  de 
Constantinople,  1519  auxquelles  est  joint  l'ouvrage  de  Nissim,  avec  le  titre  de  Maa- 
siot  schébetalmoud.  Le  Hibbour  Yafé  a  été  encore  imprimé  à  Ferrare,  en  1557.  Ce 
n'est  pas  ici  le  lieu  de  traiter  de  nouveau  la  question  de  savoir  si  Nissim  Gaon  peut 
être  l'auteur  de  ce  recueil.  (Voir  Steinschneider,  Catal.  Bodl.,  col.  607). 

*  Cette  idée  est  plus  développée  dans  un  conte  du  xiii«  siècle  intitulé  :  De  Vange 
qui  accompaigna  l'ermite.  L'ermite  est  puni  pour  qu'il  jouisse  entièrement  de  la  vie 
future,  et  le  méchant  récompensé  pour  qu'il  n'ait  rien  à  réclamer  de  Dieu. 


LA  LEGENDE  DE  L'ANGE  ET  L'ERMITE  67 

Moïse  rencontra  un  de  nos  serviteurs,  favorisé  de  la  grâce  et  éclairé 
de  la  science.  «  Puis-je  te  suivre,  lui  dit  Moïse,  afin  que  tu  m'ensei- 
gnes une  portion  de  ce  qu'on  t'a  enseigné  à  toi-même  ?  »  L'inconnu 
répondit  :  «  Tu  n'auras  pas  assez  de  patience  pour  rester  longtemps 
avec  moi,  car  tu  ne  pourras  supporter  des  choses  dont  tu  ne  com- 
prendras pas  le  sens.  —  S'il  plaît  à  Dieu,  dit  Moïse,  tu  me  trouveras 
persévérant,  et  je  ne  désobéirai  point  à  tes  ordres.  —  Eh  bien  !  dit 
l'inconnu,  suis-moi  ;  mais  ne  me  fais  de  questions  sur  quoi  que  ce 
soit,  si  je  ne  t'en  ai  parlé  le  premier.  »  Ils  se  mirent  donc  en  route 
tous  deux  et  ils  montèrent  dans  un  bateau  ;  quand  ils  le  quittèrent, 
l'inconnu  le  mit  hors  de  service,  œ  Tu  viens  de  faire  là  une  action 
étrange,  dit  Moïse  ;  as-tu  brisé  ce  bateau  pour  noyer  ceux  qui  sont 
dedans?  —  Ne  t'ai-je  pas  dit  que  tu  n'aurais  pas  assez  de  patience 
pour  rester  avec  moi  ?  —  Ne  m'impose  pas,  dit  Moïse,  des  obligations 
trop  difficiles,  et  pardonne-moi  d'avoir  oublié  tes  ordres.  »  —  Ils 
partirent,  et  bientôt  rencontrèrent  un  jeune  homme.  L'inconnu  le 
tua.  «  Gomment,  dit  Moïse,  tu  viens  de  tuer  un  innocent  !  Quelle 
action  détestable  I  —  Ne  t'ai-je  pas  dit  que  tu  n'aurais  pas  assez  de 
patience  pour  rester  avec  moi  ?  —  Excuse-moi  cette  fois.  Si  je  te  fais 
encore  une  seule  question,  tu  ne  me  permettras  plus  de  t'accom- 
pagner.  »  —  Ils  marchèrent  jusqu'aux  portes  d'une  ville.  Ils  deman- 
dèrent l'hospitalité  aux  habitants,  mais  ceux-ci  refusèrent  de  les  re- 
cevoir. Comme  un  mur  menaçait  ruine,  l'inconnu  le  releva  :  «  Tu 
aurais  dû,  dit  Moïse,  demander  à  ces  gens  une  récompense.  —  Nous 
allons  nous  séparer,  dit  l'inconnu  :  tu  n'as  pas  eu  la  patience  qu'il 
fallait.  Je  vais  t'expliquer  les  choses  qui  t'ont  étonné.  Le  bateau 
appartient  à  de  pauvres  pêcheurs  ;  je  l'ai  mis  hors  de  service,  parce 
que  derrière  nous  arrivait  un  roi  qui  s'empare  de  tous  les  navires  en 
bon  état.  Quant  au  jeune  homme,  ses  parents  étaient  croyants  ; 
mais,  s'il  avait  vécu,  il  les  aurait  infectés  de  sa  perversité  et  de  son 
incrédulité  ;  Dieu  leur  donnera  en  échange  un  fils  vertueux  et  digne 
d'affection.  Le  mur  est  l'héritage  de  deux  orphehns,  dont  le  père  était 
un  homme  pieux  :  sous  ce  mur  est  un  trésor,  et  Dieu  veut  que  leur 
âge  de  raison  arrive  avant  que  ce  trésor  soit  trouvé.  Je  n'ai  fait  au- 
cune de  ces  actions  de  mon  propre  chef,  et  voilà  l'explication  que  tu 
n'as  pas  eu  la  patience  d'attendre.  » 

Voici  enfin  le  récit  de  l'ouvrage  hébreu  de  R.  Nissim  *. 

R.  Josué  ben  Lévi  trouva  une  chose  qui  le  tourmenta  fort  et  le 

*  Le  texte  hébreu  dont  M.  Paris  a  publié  dans  son  mémoire  la  traduclion  est  celui 
du  Ribbour  Maasiot,  recueil  des  contes,  imprimé  pour  la  première  fois  à  Ferrare, 
en  1554,  d'aj))'ès  un  manuscrit  ancien^  nous  dit  l'éditeur.  Cette  version  est  un  abré}j;é 
remanié  de  celle  de  R.  Nissim.  C'est  colle  qu'a  utilisée  le  Mansé'  Buch  ;  voir  Griln- 
baum,  Judischdeulsche  Chresiomathic,  p.  393-396.  —  R.  Nissim  raconte  cette  histoire 
dans  une  première  partie  de  son  ouvrage  consacrée  à  prouver  que  Dieu  est  juste  dans 
toutes  ses  actions  et  que  l'homme  ne  doit  pas  l'accuser  témérairement.  On  sait  qu'il 
a  écrit  ce  livre  «  pour  consoler  son  beau-père  Dunasch  »,  qui  avait  perdu  son  fils. 


68  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

troubla,  jusqu'au  moment  où  le  mystère  lui  fut  éclairci  et  la  vérité 
révélée.  Il  jeûna  longtemps  et  pria  Dieu  de  lui  faire  apparaître  Elie. 
Elie  se  montra  à  lui  et  lui  dit  :  «  Conte-moi  ton  désir,  je  le  rem- 
plirai. »  R.  Josué  répondit  :  «  Je  désire  aller  avec  toi,  voir  tes  actions 
dans  le  monde  pour  m'instruire.  »  Elie  reprit  :  «  Tu  ne  pourras  pas 
supporter  tout  ce  que  tu  me  verras  faire,  et  j'exciterai  ton  impatience 
en  te  révélant  mes  actes.  —  Je  ne  t'importunerai  pas  de  mes  ques- 
tions, je  veux  seulement  te  voir  agir.  —  J'y  consens  à  la  condition 
que  si  tu  m'interroges  sur  les  motifs  de  ma  conduite  ou  m'adresses 
n'importe  quelle  question,  je  te  quitterai  ».  Puis  ils  partirent. 
Ils  arrivèrent  d'abord  à  la  maison  d'un  pauvre  homme,  qui  n'avait 
pour  tout  bien  qu'une  vache  qui  se  tenait  dans  la  cour.  Le  mari  et 
sa  femme  étaient  assis  à  leur  porte,  ils  sortirent  à  la  rencontre  des 
voyageurs,  les  accueillirent  avec  joie,  les  installèrent  dans  la  plus 
belle  chambre  et  leur  donnèrent  à  manger  et  à  boire.  Ils  passèrent  la 
nuit;  le  lendemain  Elie  adressa  une  prière  (à  Dieu)  au  sujet  de  la 
vache,  et  celle-ci  mourut  immédiatement.  Puis  ils  partirent.  R.  Jo- 
sué était  stupéfait  et  indigné  de  cet  acte.  Il  se  dit  en  lui-même  : 
«  Pour  tout  salaire  de  l'honneur  que  nous  a  fait  ce  pauvre  homme,  on 
lui  tue  son  unique  vache!  —  Pourquoi, dit-il  à  Elie,  as-tu  fait  mourir 
la  vache  de  ce  malheureux  qui  nous  avait  si  bien  reçus  ?  »  «  Rap- 
pelle-toi, répliqua  Elie,  la  condition  qui  t'a  été  imposée.  Si  tu  veux 
t'en  aller,  je  te  le  dirai.  »  R.  Josué  se  tut.  Ils  marchèrent  tout  le 
jour  et  arrivèrent  au  soir  chez  un  homme  riche.  Celui-ci  ne  fît  pas 
attention  à  eux,  ils  restèrent  chez  lui  sans  manger  ni  boire.  Or,  ce 
riche  avait  dans  sa  maison  un  mur  effondré  qu'il  devait  relever.  Le 
lendemain  Elie  fît  une  prière  et  rebâtit  la  muraille,  puis  ils  s'en  allè- 
rent. La  douleur  et  la  stupéfaction  crûrent  dans  le  cœur  de  R.  Josué, 
mais  il  garda  le  silence.  Ils  marchèrent  de  nouveau  toute  la  journée 
et  arrivèrent  au  soir  dans  une  grande  synagogue  où  se  trouvaient 
des  sièges  en  or  et  en  argent  et  où  chacun  avait  le  sien.  L'un  des 
^assistants  dit  :  «  Qui  nourrira  ces  malheureux  cette  nuit  ?  »  L'un 
'd'eux  répondit  :  «  Ils  se  contentront  de  pain,  d'eau  et  de  sel  qu'on  va 
leur  apporter  ici.  »  On  les  traita  avec  mépris,  et  ils  passèrent  la  nuit 
•en  ce  lieu.  Le  matin,  en  s'en  allant,  Elie  leur  dit  :  «  Que  Dieu  fasse  de 
vous  tous  des  chefs  !  »  Nouveau  chagrin  de  R.  Josué,  mais  de  nou- 
veau aussi  il  se  contint.  Vers  le  soir  ils  arrivèrent  à  une  ville  dont  les 
habitants  vinrent  à  leur  rencontre  avec  joie,  les  accueillirent  avec 
transport,  les  fêtèrent  et  les  hébergèrent  dans  la  meilleure  de  leurs 
chambres.  Ils  mangèrent,  burent  et  passèrent  la  nuit,  au  milieu  des 
iplus  grands  honneurs.  Le  lendemain  Elie  fît  une  prière  et  dit  :  «  Que 
Dieu  ne  vous  donne  qu'un  seul  chef!  »  R.  Josué  ne  put  alors  con- 
tinuer davantage  à  se  taire  et  s'écria  ;  «  Apprends-moi  le  mystère  de 
tout  cela.  »  Elie  répondit  :  «  Puisque  tu  veux  te  séparer  de  moi,  je 
vais  tout  t'expliqucr.  L'homme  dont  j'ai  tué  la  vache  devait  perdre 
•ce  jour-là  sa  femme  :  j'ai  demandé  a  Dieu  que  la  vache  servît  de 
lauçou  pour  l'ûmo  de  la  femme,  car  une  femme  est  un  grand  bien 


LA  LEGENDE  DE  L'ANGE  ET  L'ERMITE  69 

et  est  très  utile  dans  la  maison.  L'homme  riche  dont  j'ai  relevé 
le  mur,  si  je  ne  l'avais  pas  prévenu,  aurait  trouvé  en  creusant 
dans  les  fondements  un  grand  trésor  d'or  et  d'argent.  J'ai  édifié  un 
mur  qui  tombera  bientôt  et  ne  sera  pas  rétabli.  Si  j'ai  prié  Dieu  de 
faire  de  tous  ces  hommes  des  chefs,  c'est  parce  que  ce  sera  pour  eux 
un  malheur,  une  source  de  dissensions,  car  toute  ville  qui  a  plusieurs 
chefs  est  une  ville  perdue.  Si  j'ai  demandé  à  Dieu  que  les  autres 
n'en  eussent  qu'un,  c'est  pour  leur  bien,  car  ainsi  il  y  aura  union, 
point  de  querelles  ni  d'anarchie.  C'est  dans  ce  sens  que  le  proverbe 
dit  :  «  Beaucoup  de  pilotes,  les  navires  font  naufrage  »,  et  Ben  Sira  : 
«  Avec  un  seul  protecteur,  une  ville  se  soutient.  » 

Puis  Elie  lui  dit  avant  de  partir  :  «  Si  tu  vois  un  méchant  heu- 
reux, ne  t'en  étonne  point,  ni  n'en  prends  ombrage,  car  c'est  pour  son 
malheur.  Si  tu  vois  un  juste  dans  la  misère,  peinant,  souffrant  de  la 
faim,  de  la  soif  et  du  dénûment,  ne  t'en  irrite  pas  et  ne  commets  pas 
la  faute  de  douter  de  ton  Créateur.  Crois  plutôt  que  Dieu  est  juste, 
que  son  jugement  est  juste,  que  ses  yeux  veillent  sur  les  voies  de 
l'homme  ;  et  qui  lui  dira  :  «  Que  fais-tu*  ?  »  Sur  ces  mots,  ils  prirent 
congé  l'un  de  l'autre  et  se  séparèrent. 

Le  conte  talmudique  a  pour  cadre  la  même  donnée  que  ces  lé- 
gendes :  un  être  surnaturel,  qui  tient  de  Dieu  certains  pouvoirs  2, 
accomplit,  en  la  compagnie  d'un  mortel,  des  actes  étranges  et 
incompréhensibles,  qu'il  justifie  ensuite  par  des  raisons  profondes 
que  lui  seul  pouvait  connaître.  La  moralité  est  la  même  :  l'homme 
ne  doit  point  se  fier  à  ses  jugements,  qui  sont  toujours  téméraires 
et  erronés. 

Dans  le  Talmud,  il  est  vrai,  la  haute  signification  de  cette  fiction 
pieuse,  créée  pour  concilier  la  justice  de  Dieu  avec  les  démentis 
que  lui  infligent  en  apparence  les  événements,  se  perd  et  disparaît 
au  milieu  de  scènes  simplement  amusantes.  Evidemment,  si  nous 
en  étions  réduits  à  ces  quelques  lignes  du  Talmud,  nous  ne  sau- 
rions reconstituer  avec  ce  récit  raccourci  et  de  seconde  main 
l'apologue  original.  C'est  un  exemple  de  plus  du  sort  malheureux 
des  traditions  populaires  —  juives  ou  non  —  qui  sont  venues  se 
fixer  dans  le  Talmud  de  Babylone  et  qui  y  sont  rédigées  en 
araméen. 

Est-ce  pour  avoir  été  trop  longtemps  dans  la  bouche  du  peuple, 
ou  parce  que  l'imagination  des  Juifs  babyloniens,  uniquement 
occupés  du  plaisir  de  l'invention,  insensibles  aux  règles  de  la  com- 

*  Ces  mots  sont  tirés  d'une  prière  du  rituel  que  Nissira  met  plusieurs  fois  ù  profit. 

*  Dans  l'hypothèse  où  ce  récit  aurait  été  interpolé  dans  l'hisloire  d'Asmodée,  il 
faudrait  cependant  supposer  que  celui  qui  disait  :  «  J'ai  appris  au  ciel  que  c'est  un 
juste  parfait. ..,  je  lui  ai  fait  du  bien  pour  qu'il  consomiuo  ici-bas  le  monde  futur  » 
était  un  être  supraterrestre. 


70  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

position,  modifiait,  compliquait  ou  mutilait  sans  cesse  ces  contes? 
toujours  est-il  qu'ils  sont  le  plus  souvent  maltraités  et  dénaturés. 
La  Babylonie  n'était  pas  un  terrain  favorable  à  la  conservation 
des  légendes  sous  leur  forme  originale  ;  même  les  récits  sur  les 
anciens  rabbins  s'y  transformaient,  et  l'on  sait  qu'il  suffit  qu'un 
texte  populaire  soit  écrit  dans  le  dialecte  judéo-babylonien  pour 
qu'il  faille  s'en  défier  et  douter  de  sa  fidélité  *. 

Certains  détails  évidemment  ont  toujours  résisté  à  ce  travail  de 
déformation  ;  dans  notre  conte,  il  n'en  est  pas  de  plus  caractéris- 
tique que  celui  du  service  rendu  par  Asmodée  à  l'ivrogne  qui  n'en 
est  pas  digne  et  la  raison  qu'il  donne  de  cette  générosité  inatten- 
due. Il  se  peut  en  outre  que  la  contre-partie,  le  bienfait  accordé  à 
l'aveugle,  qui  est  un  «juste  parfait  »,  ne  soit  que  l'atténuation  d'un 
épisode  plus  étrange.  Je  suis  disposé  en  effet  à  croire  que,  dans  la 
version  originale,  Asmodée  traitait  durement  le  juste  :  aussi  com- 
prend-on la  surprise  de  Benaya  à  la  vue  d'une  pareille  iniquité. 
Asmodée,  ou  l'ange  dont  il  tient  la  place,  à  qui  Dieu  avait  dé- 
légué ses  pouvoirs  et  qui  n'avait  nul  besoin  d'acquérir  pour  lui- 
même  la  vie  future  2,  devait  répondre  :  «  Je  l'ai  ainsi  puni,  pour 
qu'il  jouisse  de  la  vie  future  ^  »  Ainsi  restitué,  cet  épisode  est 
la  contre-partie  exacte  du  suivant,  et  l'explication  fournie  par 
Asmodée  de  la  distribution  des  maux  et  des  biens  aux  justes  et 
aux  méchants  exprime  entièrement  la  pensée  des  rabbins,  car 
ceux-ci  disaient  :  «  Dieu  accorde  au  méchant  la  récompense  de 
ses  plus  minimes  bonnes  œuvres  en  ce  monde  pour  qu'il  n'ait  plus 
droit  aux  félicités  de  l'autre  vie  »  ;  il  est  au  contraire  «  méticuleux 
pour  les  justes  et  leur  envoie  ici-bas  des  souffrances  pour  qu'ils 
goûtent  pleinement  les  biens  du  monde  futur  K  » 

Les  traits  vifs  des  légendes  finissent  toujours  par  s'amortir,  et, 
avec  le  temps,  il  naît  dans  la  conscience  de  ceux  qui  répètent  ces 
fables  des  scrupules  inconnus  aux  premiers  créateurs. 

Quant  aux  autres  épisodes  du  conte  talmudique,  ils  ne  sont  que 
des  hors-d'œuvro  attirés  par  le  cadre. 

Ainsi,  plus  on  avance  dans  l'analyo  des  récits  populaires  du 
Talmud  de  Babylone,  plus  on  reconnaît  qu'ils  n'ont  chance  d'être 


»  Voir  JRcvue,  t.  II,  p.  297-  9  et  t.  VII,  p.  82-3. 

«  D'après  la  version  du  Talmud,  Asmodée  aurait  rendu  un  service  à  l'aveugle. 

pour  obtenir  par  là  le  droit  de  parîici])cr  nu  monde  futur. 

3  Au  lieu   do   t^izhyh   ""IDT    ÏT^OD3  Nn^3  Ti'^b  ^^2^1   'jNtJ'l   Nl^   -11735   p^iTT 

•^nè^i,  il  y  aurait  eu  :  •'Drb'^  '^'D'^Ti  ""^  rT'wDS  t<n^3  ri^h  "^T^ri  ^^•în  tt:5  p'^TilT 

•^nNT    NTsbrb,    ce   qui   correspondrait   à   :   î^rT^J    rT^b    •'*13rT  NIH    m?:i   y^ll 
*  Qiddouschin,  Wf>,  Baba  Batra,  îiOfl,  Taanit,  Ma. 


LA  LÉGENDE  DE  L'ANGE  ET  L'ERMITE  71 

compris  qu'à  la  lumière  des  littératures  étrangères  ;  mais  pareil- 
lement aussi,  plus  on  étudie  les  contes  dérivés  de  sources  juives, 
plus  on  constate  combien  la  connaissance  du  Talmud  est  néces- 
saire pour  en  établir  l'histoire.  Le  mémoire  de  M.  Paris  va  nous 
en  fournir  une  nouvelle  preuve.  Le  savant  académicien  compare 
entre  elles  les  trois  versions  chrétienne,  arabe  et  juive  —  celle-ci 
représentée  par  le  texte  de  R.  Nissim  —  et  il  montre  dans  la 
nature  des  explications  du  personnage  divin  la  différence  des 
croyances  des  Chrétiens,  des  Arabes  et  des  Juifs.  «  Rien,  naturel- 
lement, dit-il,  qui  se  rapporte  à  l'autre  vie  dans  la  légende  juive  : 
Elie  ne  prévoit  que  les  conséquences  temporelles  des  actions  qu'il 
accomplit.  »  Naturellement  veut  dire  ici  :  puisque  les  Juifs  n'ad- 
mettaient pas  une  autre  vie. 

Pour  parler  des  idées  qui  ont  pu  laisser  leur  empreinte  sur 
une  légende,  il  faut  connaître  celles  qui  régnaient  lors  de  sa 
création.  Les  contes  juifs  n'étant  certainement  pas  nés  avant 
la  période  talmudique,  c'est  donc  dans  le  Talmud  qu'il  faut 
prendre  ses  informations.  Eh  bien  I  la  croyance  à  l'autre  vie,  loin 
d'en  être  absente,  y  joue  au  contraire  un  rôle  prépondérant.  Les 
Talmudistes  en  ont  fait  la  base  de  la  morale  ;  c'est  par  elle  qu'ils 
justifient  les  anomalies  qu'offre  le  spectacle  du  juste  malheureux 
et  du  méchant  prospère.  Tandis  que  certains  docteurs  préten- 
daient que  le  Messie  a  déjà  paru  sous  la  forme  d'un  roi  de  Juda, 
Ezéchias,  que  d'autres  disaient  que  l'ère  messianique  diff'érerait 
seulement  de  leur  temps  par  la  fin  de  la  servitude  des  Juifs,  il  n'en 
était  pas  un  qui  niât  l'existence  d'un  autre  monde.  Ils  déclaraient 
même  indignes  des  félicités  de  ce  monde  ceux  qui  doutaient  qu'il 
eût  été  annoncé  dans  la  Bible.  L'on  a  vu  par  ce  qu'il  a  été  rap- 
porté plus  haut  que  la  solution  qu'ils  donnaient  au  problème  de 
la  justice  divine  ne  diffère  aucunement  de  celle  qu'on  retrouve 
dans  la  légende  chrétienne. 

Mais  il  y  a  plus,  la  prétendue  «  légende  juive  »  dont  parle 
M.  Paris,  et  qui  n'est  que  la  version  de  R.  Nissim,  ne  me  paraît  pas 
juive,  elle  peut  n'être  qu'un  remaniement  du  Coran*.  Sans  doute 
si  Nissim  avait  vécu  avant  Mahomet,  ou  dans  une  contrée  où  la 
littérature  arabe  n'avait  pas  encore  accès,  il  se  pourrait  que  ce  fût 
le  Coran  qui  eût  puisé  chez  notre  rabbin,  mais  comme  Nissim  a 
vécu  après  l'hégire  et  dans  un  pays  arabe,  il  faut  établir  d'abord 
que  sa  version  porte  des  traces  authentiques  d'une  plus  haute  an- 
tiquité. Or  c'est  le  contraire  qui  est  la  vérité. 

La  parenté  des  deux  versions  est  indéniable.  Le  prologue  et 

*  Contrairement  aussi  à  l'opinion  de  Rapoport  {l.  c.)  et  de  Zunz,  Oot,  Vortr.,  p.  132. 


72  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

la  contexture  du   récit  sont  semblables.  L'épisode  du  mur  est 
typique. 

Les  divergence's  se  comprennent  très  naturellement.  Si  Nissim  a 
remplacé  la  scène  du  bateau  par  l'hospitalité  reçue  chez  l'homme 
pauvre,  c'est  pour  produire  une  opposition  plus  marquée  et  plus 
claire  entre  cette  scène  et  celle  du  riche  qui  traite  si  mal  les  deux 
voyageurs.  S'il  a  supprimé  le  meurtre  du  jeune  homme,  c'est 
parce  que,  selon  son  habitude,  il  n'a  point  voulu  pousser  les 
choses  au  tragique  ^  Enfin  les  deux  dernières  scènes  ne  sont  que 
des  répétitions  des  premières-.  La  version  de  Nissim  ne  peut  pas 
même  servir  à  caractériser  la  croyance  juive  au  x°  siècle  sur 
l'immortalité  de  l'âme,  car  notre  auteur  a  inséré,  à  côté  de  la 
légende  du  Coran,  qui  ne  parle  pas  des  récompenses  futures,  un 
conte,  emprunté  au  Talmud  de  Jérusalem  3,  qui  y  croit  au  con- 
traire. «  Nos  sages,  dit-il,  racontent  qu'il  y  avait  deux  rabbins  très 
pieux  qui  ne  se  séparaient  jamais.  L'un  d'eux  mourut  et  personne 
ne  vint  à  son  enterrement  parce  que  tout  le  monde  s'était  porté  ce 
jour-là  à  celui  du  fils  du  roi*,  qui  était  un  méchant.  Le  rabbin  en 
était  affligé,  et  il  disait:  «  Les  justes  ne  sont  pas  récompensés.  » 
Il  entendit  alors  en  songe  une  voix  ^  qui  lui  dit  :  «  Ton  ami  avait 
commis  une  faute  minime,  il  en  a  été  puni  ici-bas,  pour  arriver 
pur  et  immaculé  dans  l'autre  monde.  Le  fils  du  prince  n'avait 
accompli  qu'une  seule  bonne  action  et  sans  préméditation,  Dieu 
l'en  a  récompensé  pour  qu'il  paraisse  devant  lui  dénué  de  tout 
mérite  et  reçoive  en  partage  la  Géhenne.  Un  jour  il  avait  préparé 
un  festin  à  des  officiers  et  ceux-ci  ne  vinrent  pas.  Ne  voulant  pas 
le  laisser  perdre,  il  le  fit  distribuer  aux  pauvres.  Le  rabbin  vit  en- 
suite son  compagnon  se  promenant  dans  des  paradis,  au  milieu  des 
arbres,  sur  le  bord  d'un  fleuve,  tandis  que  le  prince,  soufl'rant  de 
la  soif,  cherchait  en  vain  à  se  désaltérer.  » 

*  Ainsi,  rapportant  l'histoire  bien  connue  de  U.  Méir  qui  perd  eu  un  jour  de 
Sabbat  ses  deux  fils  et  qui  se  résigne,  grâce  à  une  pieuse  parabole  de  sa  femme,  il 
les  fait  retrouver  vivants  le  soir  sous  les  décombres.  Cependant  la  même  fin  se  retrouve 
dans  le  Midrasch  sur  le  Décaloguc,  iv.  Le  texte  de  ce  dernier,  comme  celui  de 
R.  Nissim,  quoique  s'inspirant  tous  deux  de  l'histoire  contée  dans  le  Midrasch  sur  les 
Proverbes,  xxxi,  ditrèrent  considérablement  Tun  de  Taulre.  C'est  du  Midrasch  sur  le 
Décalogue  que  ce  récit  est  entré  dans  le  Simchas  Hanéfcsch,  M.  Grùubaum  n'a  donc 
pas  lieu  de  s'étonner  de  l'épilogue,  inconnu  au  Midrasch  sur  les  Proverbes  {Judisck- 
dculschc  Chrcstom'athic^  p.  245). 

*  L'histoire  de  celte  synagogue  où  les  sièges  sont  en  or  et  où  on  demande  «  qu  i 
nourrira  ces  malheureux  »,  rappelle  ce  passage  de  Soucca,  51  A  :  «  Dans  le  temple 
d'Alexandrie  il  y  avait  des  sièges  en  or  et  les  pauvres  en  y  entrant  trouvaient  immé- 
diatement les  gens  de  leur  corporation  qui  les  nourrissaient  et  les  entretenaient.  • 

3  J.  Ilagiga,  77  d  ;  j.  Sanhédrin^  1\\  c. 

*  Dans  le  Talmud,  c'est  le  fds  d'un  percepteur. 

5  Dans  lo  Talmud,  c'est  le  rabbin  mort  lui-même  qui  lui  révèle  la  vérité. 


LA  LÉGENDE  DE  L'ANGE  ET  L'ERMITE  73 

En  résumé,  s'il  est  vrai  que  la  légende  de  l'ange  et  Termite  soit 
d'origine  juive,  la  version  originale  en  est  dans  tous  les  cas 
perdue.  Elle  est  arrivée  toute  mutilée  au  Talmud  et  a  passé  par  le 
Coran  ou  tout  autre  ouvrage  arabe  pour  entrer  dans  le  recueil  de 
Nissim.  Ayant  été  créée  vraisemblablement  pendant  la  période 
talmudique,  elle  s'appuyait  sur  les  idées  qui  avaient  cours  en  ce 
temps,  c'est-à-dire  sur  la  croyance  en  une  autre  vie  ^  L'accord  de 
la  version  des  Vies  des  pères  et  de  celle  du  Talmud  sur  ce  point, 
est  une  présomption  de  plus  en  faveur  de  cette  hypothèse. 

Il  est  étrange  qu'ici  encore,  comme  pour  l'histoire  du  voyage 
d'Alexandre  au  Paradis  ^,  nous  constations  que  le  conte  original  a 
disparu  et  qu'on  n'y  remonte  que  par  l'intermédiaire  de  traduc- 
tions. Cette  disparition  se  rattache  probablement  à  celle  de  tous 
ces  écrits  juifs  apocryphes  qui  ont  vu  le  jour  aux  environs  de  l'ère 
chrétienne  ^  et  n'ont  dû  leur  conservation  qu'aux  traductions 
grecques,  latines,  éthiopiennes  et  autres  qui  en  ont  été  faites  et 
au  respect  religieux  que  leur  ont  montré  les  premiers  chrétiens. 
11  paraît  bien  que  la  clôture  du  Canon  et  surtout  celle  du  Talmud 
leur  a  donné  le  coup  de  mort  chez  les  Juifs.  Tous  ou  presque  tous 
les  ouvrages  qui  n'étaient  pas  rédigés  à  l'image  de  la  Mischna  ou 
du  Talmud,  ou  sous  forme  de  commentaire  de  la  Bible*  ont 
sombré,  en  partie  à  l'époque  du  Talmud,  en  partie  au  temps  des 
Saboraïm.  Serait-ce  parce  que  les  Rabbins,  malgré  leur  amour 
pour  les  contes  et  les  fables,  ont  prohibé  la  lecture  de  tous  les 
ouvrages  «  extérieurs  »  qui  pouvaient  nuire  aux  études  talmu- 
diques  ^  ? 

Israël  Lévi. 


'  R.  Nissim  cite  pour  son  compte  cinq  histoires  tirées  du  Talmud  qui  ont  la  même 
moralité. 

*  Voir  Revue,  t.  II,  p.  298-300  ;  La  légende  d'Alexandre  dans  le  Talmud  et  le  Mi- 
drasck  (tirage  à  part),  p.  9-10. 

3  Les  livres  des  Macchabées,  de  Ben  Sira,  d'Hénoch,  des  Jubilés,  de  Tobic,  de 
Judith,  etc. 

*  J'entends  par  là  les  Targoumim,  les  Midraschim  halakhiques  et  aggadiques,  le 
Séder  Olam  Rabba,  etc. 

*  P.  S.  —  Le  conte  de  Moïse  à  la  source,  qui  répond  aux  mêmes  préoccupations  que 
la  légende  de  l'ange  et  l'ermite,  se  retrouve  dans  un  écrit  judéo-allemand,  imprimé 
en  1590,  le  Megillas  Esther  (Grûnbaum,  ouvr.  cité,  p.  213-218]  ;  mais  par  quel  inter- 
médiaire hébreu  a-t-il  passé  pour  arriver  à  cet  ouvrage  ?  c'est  ce  que  présentement 
j'ignore,  comme  M.  Grïmbaum.  —  La  version  du  Megillas  Esther  se  rapproche  plus 
du  texte  persan  cité  par  Behrnauer  {Z.  D.  M.  Cr.,  XVI,  p.  7G2)  que  de  celui  de  Al- 
Kazwini,  rapporté  par  M.  Paris, 


RICHELIEU 

BUXTORF  PÈRE  ET  FILS,  JACOB  ROMAN 


Documents  four  servir  à  Vldstoîre  du  commerce  de  la  librairie  juive 

cm  xvii°  siècle. 


Richelieu  ne  fut  pas  seulement  le  fondateur  de  l'Académie  fran- 
çaise, il  fut  aussi  le  véritable  créateur  de  la  Bibliothèque  natio- 
nale. Pour  l'enrichir,  il  ne  ménagea  aucune  peine  afin  de  la  doter  de 
livres  et  de  manuscrits  hébreux. 

C'est  ainsi  qu'en  même  temps  qu'il  confiait  à  Jean  Tileman  Stella 
de  Téry  et  Morimont,  petit-fils  du  mathématicien  célèbre  de  ce 
nom,  d'importantes  négociations  politiques,  il  le  chargeait  de  re- 
chercher et  d'acheter  des  livres  hébreux. 

A  cet  effet,  Stella  entra  en  relations  avec  Jean  Buxtorf,  le  célè- 
bre professeur  de  Bâle,  et,  après  la  mort  de  celui-ci,  avec  son  fils 
Jean,  non  moins  connu.  Ce  dernier  collectionnait  des  livres  et 
pour  enrichir  sa  bibliothèque  et  pour  en  faire  commerce.  Ne 
pouvant  se  rendre  à  Venise,  comme  il  le  désirait,  pour  y  acheter 
des  imprimés  hébreux,  il  confiait  ses  ordres  à  ses  amis  ou  élèves 
partant  pour  lltalie,  ou  les  priait  de  les  transmettre  à  ses  corres- 
pondants juifs  de  Mantoue,  Padoue,  etc. 

C'est  ainsi  que  De  la  Grange  le  Capillain  lui  écrit  de  Venise  : 
«  J'ay  fait  les  diligences  que  j'ay  peu  pour  rencontrer  le  livre  que 
M  vous  m'aviez  recommandé  de  chercher  sans  en  avoir  peu  rien 
»  découvrir;  on  m'a  fait  bien  voir  un  livre  intitulé  irr^VN  nn"ïN  ', 

'  '^un-n  bu5  nN3  -nnn  Nim  irr^bN  n-iiN  'o.  Venise,  1622. 


RICHELIEU,  BUXTORF  ET  JACOB  ROMAN  75 

»  mais  il  ne  parle  aucunement  des  Karaïm  et  ne  traite  que  des 
»  choses  communes  et  ordinaires  qu'on  appelle  m^m,  ils  m'ont 
»  dit  qu'il  n'a  jamais  esté  imprimé  et  qu'il  ne  se  trouve  que  ma- 
»  nuscrit  '.  J'ay  mesme  offert  une  pistolle  à  plusieurs  Juifs,  s'ils 
»  me  pouYaient  seulement  trouver  ce  livre-là  avec  un  autre  dont  je 
))  vous  ay  parlé  n-ibn:\  m^n^  que  je  pensais  trouver  icy  plustost 
»  qu'ailleurs,  mais  il  ne  se  trouve  non  plus  que  l'autre  -.  w 

Venise,  qui  était  presque  la  seule  ville  où  l'on  trouvât  les  ou- 
vrages hébraïques  les  plus  rares,  les  plus  corrects  et  les  mieux 
conditionnés,  était  bien  loin  d'être  encore,  vers  le  milieu  du 
xvu®  siècle,  ce  qu'elle  a  été  depuis  pour  le  commerce  de  librairie 
juive.  «  Je  n'y  ai  trouvé,  ébrit  De  la  Grange,  aucun  libraire  juif, 
»  mais  seulement  un  pauvre  relieur  juif,  qui  cherche  chez  les  par- 
»  ticuliers  les  livres  qu'on  lui  demande.  Ils  n'en  impriment  plus, 
»  si  ce  n'est  des  plus  communs,  comme  livres  de  prières,  etc.  Ils 
w  n'ont  pas  mesme  liberté  entière  pour  l'impression,  si  ce  n'est 
»  sous  le  nom  et  aut(>rité  d'un  noble  vénitien  qui  se  nomme 
»  Bragadin  ^  qu'il  faut  qu'ils  payent  pour  avoir  sa  protection  et 
»  se  mettre  à  couvert  des  difficultés  qu'on  leur  suscitait.  » 

Francfort-sur-le-Main,  la  vieille  ville  impériale,  était,  à  cette 
époque,  le  véritable  entrepôt  du  commerce  de  librairie  juive  et  de 
librairie  en  général  ;  les  imprimés  hébreux  qui  parurent  dans  les 
différentes  villes  de  l'Allemagne,  en  Bohême,  dans  la  Moravie  et 
en  Pologne  y  étaient  exposés  en  vente,  mais  sales  et  mutilés, 
sordidi  et  mutUi,  dit  Buxtorf.  Il  y  avait  plusieurs  juifs  qui  s'oc- 
cupaient du  commerce  de  livres.  Une  correspondance,  adressée  à 
Buxtorf  par  deux  d'entre  eux  —  probablement  deux  associés  — 
qui  faisaient  aussi  le  commerce  de  pierres  précieuses,  nous  a 
été  conservée.  Elle  porte  la  date  "du  6  octobre  1657,  et  est  ainsi 
conçue  *  : 

Très  révérend,  très  érudit  et  très  honoré  Maître, 
Monsieur  le  Docteur, 

Nous  avons  reçu  avec  plaisir  la  charmante  lettre  de  Votre  Gran- 
deur et  nous  avons  fait  notre  possible  pour  trouver  les  livres  hé- 
breux demandés,  mais,  comme  Votre  Excellence  les  désire  très  beaux, 
et  comme  nous  n'avons   pu  les  avoir  dans  ces   conditions,  nous 

»  C'est  du  lïl-ibN  n'n'TN  N'npSîl  niiit);i  'O  au.  caraïte  Elio  ben  Moïse  Bas- 
chiaçi  qu'il  est  question  ;  mais  ce  livre  était  déjà  imprimé  (Conslautinople,  1530). 

*  La  lettre  est  datée  du  21  janvier  1664  ;  l'opuscule  du  rabbin  Salomon  de 
Oliveyra,  d'Amsterdam,  intitulé  mbï^^  ni^TvD  '0,  ne  parut  qu'en  1665. 

^  L'officine  bien  connue  de  Bragadin  imprimait  déjà  des  livres  hébreux  en  1550. 

*  L'original  est  écrit  en  allemand. 


76  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

regrettons  de  ne  pas  pouvoir  obliger  Votre  Excellence  en  cette  cir- 
constance. Cependant  nous  ne  tâcherons  pas  moins  de  faire  tous  nos 
efforts  pour  les  obtenir;  si,  toutefois,  nous  ne  devions  pas  les  trouver 
d'ici  à  quinze  jours,  nous  vous  expédierions  nos  propres  exemplaires, 
qui  sont  aussi  très  beaux  et  que  nous  remplacerions  par  d'autres, 
Votre  Excellence  peut  en  être  assurée.  Au  reste  que  Votre  Excellence 
veuille  bien  nous  adresser  le  Saphyr  Gangolinis  par  premier  cour- 
rier, en  le  remettant  —  après  l'avoir  préalablement  cacheté  —  à  Mon- 
sieur Ochs  de  Bâle,  afin  que  ce  dernier  puisse  l'envoyer  ici  à  mon- 
sieur son  frère,  chez  qui  nous  irons  le  voir,  soit  pour  en  prendre 
livraison  contre  paiement,  soit  pour  le  retourner  aussitôt  à  Votre 
Excellence.  Il  s'agit  du  même  Saphyr  Gangolinis  que  nous  avons  vu 
alors  que  la  pierre  jaune  nous  fut  vendue  en  présence  du  Rabbi. 
Nous  recommandons  Votre  Excellence  à  la  protection  toute  puis- 
sante de  Dieu. 

De  votre  Excellence 
Les  très  humbles  et  très  dévoués  serviteurs, 

GABRIEL  LURIA  et  JACOB   HAMEL 

Juifs  d'ici  *. 

En  général,  le  commerce  de  la  librairie  juive  était  encore  bien 
peu  organisé  à  cette  époque.  Les  amateurs  de  livres  en  étaient  ré- 
duits à  s'adresser  aux  libraires  ambulants  ou  à  attendre  des  achats 
d'occasion.  Les  Buxtorf  usèrent  des  moyens  les  plus  divers  pour  se 
procurer  des  livres  hébreux;  ils  se  firent  seconder  très  activement 
dans  ce  sens  par  leurs  nombreux  correspondants,  amis  et  élèves. 
C'est  ainsi  que  Paul  Ferrus,  pasteur  à  Metz,  fut  chargé  par  Bux- 
torf père  d'acheter  pour  lui  des  livres  hébreux  à  Metz.  Dans  une 
lettre  du  mois  de  mars  1623,  Ferrus  écrit  :  «  J'ai  bien  trouvé  chez 
quelques  juifs  la  grammaire  de  R.  Jona,  le  «  Sepher  Zachut  »  de 
R.  Abraham  Ibn  Esra  et  le  «  Lschon  Limmudim  -  »  ;  mais  per- 
sonne ne  veut  les  vendre.  Je  n'ai  trouvé  nulle  part  la  grammaire 
du  R.  Abraham  Hayyug  ;  une  personne  entre  autres  me  disait 
qu'elle  avait  vu  cette  grammaire  à  Gracovie,  en  manuscrit,  mais 
jamais  imprimée.  Tous  les  autres  livres  sont  imprimés  à  Venise  et 
peuvent  ôtre  achetés  à  Francfort  pondant  la  foire.  Il  n'y  a  rien  à 
attendre  de  notre  rabbin  \  qui  n'est  ni  savant  ni  complaisant.  » 

'  Cette  lettre,  ainsi  que  toutes  les  autres  que  nous  publions  ici  pour  la  première 
fois,  est  extraite  des  quatre  volumes  de  lettres  mss.  adressées  à  Buxtorf  père  et 
lils,  qui  se  trouvent  dans  la  bihliotlu^que  publique  de  Bùle  (G.  I  iL).  Ce  sont  ces 
lettres  et  la  correspondance  entre  Buxtorf  et  llottinper  conservée  en  manusc.  dans 
la  Bibliothèque  municipale  de  Zurich  (F.  83)  qui  m'ont  fourni  les  matériaux  pour  le 
présent  travail. 

=*  De  David  Ibn  Yuhia,  imprimé  à  Constanlinoplc,  150(). 

^  Josué   b.    Isaïe  Teomim   (mort   en    1627),   auteur  du  MîT^T    'J^p'^p,  ouvrage 


RICHELIEU,  BUXTORF  ET  JACOB  ROMAN  77 

Buxtorf  fils  fit  le  commerce  de  librairie  proprement  dit  ;  avec  le 
maigre  traitement  qu'il  touchait  comme  professeur,  il  était  réduit 
à  se  créer  ainsi  des  ressources  accessoires.  Connu  comme  inter- 
médiaire pour  le  commerce  de  librairie  juive,  il  n'était  pas  rare 
de  voir  des  savants  chrétiens  s'adresser  à  lui  pour  le  charger  de 
leur  procurer  des  livres  hébreux  ;  d'autres  l'informaient  des  ventes 
de  bibliothèques.  Jean-George  Hurter  de  Schaffliouse  lui  écrit, 
le  7  mars  1659  :  «  Un  juif  célèbre  qui  cultivait  beaucoup  la 
science  hébraïque  est  mort  dernièrement  à  Stùhlingen,  à  deux 
lieues  d'ici.  Ses  livres  sont  à  vendre  ;  car  ayant  laissé  beaucoup  de 
dettes,  sa  femme  se  trouve  dans  l'obligation  de  s'en  désaisir,  afin 
d'employer  le  produit  au  paiement  des  créanciers  *.  » 

Quel  a  été  ce  juif  célèbre  ?  Il  existait  à  Stiihlingen,  petite  ville 
badoise  près  de  SchafFhouse,  une  communauté  juive  qui  y  resta  jus- 
qu'au milieu  du  xviii^  siècle.  Là  vécut,  vers  le  milieu  duxvii»  siècle. 
Moïse  Méir,  nommé  Maharam  Stiihlingen,  dont  le  fils,  Hirsch,  souf- 
frit, paraît-il,  le  martyre  lors  de  l'expulsion  des  Juifs  de  cette  ville, 
et  dont  le  petit-fils,  R.  Nathaniel  Weil,  auteur  de  Réponses,  d'écrits 
homilétiques  et  d'autres  travaux  littéraires,  fut  grand-rabbin  de 
Bade  et  rabbin  de  Garlsruhe  ^. 

Un  des  agents  principaux  de  Buxtorf,  dont  il  est  très  souvent 
question  dans  sa  correspondance  avec  Hottinger,  était  Abraham 
Brunschwig  ou  Braunschweig,  appelé  aussi  tout  court  «  Abraham 
le  Juif.  » 

Abraham  Braunschweig  était  déjà  lié  avec  Buxtorf  père,  et  en- 
tretenait avec  lui  des  relations  amicales.  Il  appartenait  à  cette  ca- 
tégorie de  Juifs  peu  nombreux  qui  avaient  reçu  la  permission 
d'élire  domicile  à  Bâle.  Car,  depuis  1543,  les  Juifs  étaient  privés 
du  droit  de  séjour  permanent  dans  la  vallée  du  Rhin  ;  une  fois  par 
mois,  et  pour  un  jour  seulement,  il  leur  était  accordé  d'aller  dans 
la  ville  et  encore  avaient-ils  à  acquitter  un  droit  personnel.  Mais, 
déjà  en  1579,  le  propriétaire  d'une  imprimerie,  Ambroise  Fro- 
ben,  voulant  imprimer  le  Talmud,  avait  fait  des  démarches  afin 
d'obtenir  pour  un  Juif  la  permission  de  pouvoir  demeurer  tempo- 
rairement à  Bâle,  car  l'impression  de  cet  ouvrage  était  d'un  genre 
spécial,  et  «  ses  ouvriers  imprimeurs  n'avaient  ni  assez  de  pra- 

halachique  plusieurs  fois  imprimé,  fut  nommé  rabbin  de  Metz  on  1623  (voy.  Jost, 
Annalen,  I,  p.  380;  cf.  Revue  des  Etudes  juives,  VII,  p.  112). 

*  Mortuus  nuper  est  Stulingac  (qui  locus  a  me  distat  duabus  horis)  Judaîus  insignis, 
qui  linguœ  litterarum  hebraicarum  optime  callebat  cujus  libri  vénales  exstant,  nam 
dum  debitoribus  multum  debeat,  uxor  cogitur  illos  vendere,  ex  quorum  prelio  debi- 
toribus  posset  satisfieri. 

2  Q,orban  Natanel,  préface  et  148  b  ;  Torat  Natanel,  préface. 


78  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

tique  ni  assez  d'expérience  dans  la  langue.  »  En  même  temps  que 
l'autorisation  d'imprimer  le  Talmud,  il  lui  fut  accordé  de  pouvoir 
admettre  un  juif*. 

Buxtorf  le  père  se  trouva  dans  la  même  nécessité  que  Froben, 
lorsqu'en  1617  il  voulut  préparer  l'édition  de  sa  Bible  rabbinique. 
Avec  l'autorisation  du  conseil  de  la  ville  de  Bâle,  il  fit  venir  un 
savant  juif,  notre  Abraham  ben  Eliézer  Braunscliweig  ou  Bruns- 
chwig,  avec  sa  famille.  Braunschweig  lui  rendit  d'importants  ser- 
vices, non  seulement  comme  correcteur,  mais  aussi  en  l'aidant 
dans  ses  études  et  ses  travaux. 

Une  fois,  cependant,  Buxtorf  dut  payer  cher  ses  relations 
avec  lui. 

En  juin  1619,  quelques  semaines  avant  l'achèvement  de  l'im- 
pression de  la  Bible-,  ia  femme  de  Braunschweig  accoucha  d'un 
garçon  ^  Munis  de  la  permission  de  l'attaché  du  Conseil  su- 
périeur, Georges-Martin  Glseser  et  quelques  Juifs  assistèrent  à  la 
cérémonie  de  la  circoncision,  mais,  poussés  par  la  curiosité,  Bux- 
torf, L.  Konig,  le  propriétaire  de  l'imprimerie  et  même  l'attaché 
du  Conseil  supérieur  s'y  rendirent  aussi.  La  chose  s'ébruita  : 
Buxtorf  et  son  gendre  Konig  furent  condamnés  à  100  francs  et  le 
pauvre  Abraham  à  400  francs  d'amende,  et  la  peine  de  l'empri- 
sonnement fut  prononcée  contre  les  autres  Juifs  ainsi  que  contre 
le  conseiller.  Buxtorf  fut  très  affligé  de  cette  injuste  condamnation, 
et  il  s'en  plaignit  au  professeur  Jean  Caspar  ^Yaser,  de  Zurich, 
et  à  G. -M.  Lingelsheim,  de  ïleidelberg.  Ce  dernier  le  consola  en 
ces  termes  :  «  Il  m'a  été  pénible  d'apprendre  tes  doléances  par  ta 
lettre,  c'est  avec  indignation  que  je  constate  que  tu  ne  rencontres 
pas  l'estime  due  à  tes  mérites  ;  cependant  ce  qui  t'arrive  n'est  pas 
nouveau,  c'est  le  sort  de  presque  tous  les  hommes  de  mérite  et 
de  distinction.  La  jalousie  salit  de  sa  bave  le  meilleur  et  le  plus 
haut  savoir;  les  tiens  ne  savent  pas  apprécier  tes  travaux,  mais 
tu  trouveras  ailleurs  l'estime  et  la  reconnaissance  qui  te  sont 
dues ...» 

'  Stcubcn,  Beitràge  zur  vaterlànd.  Gcschichte,  II,  p.  83  ;  apud  L.  Goiger  2ur 
Gcschichte  (1er  Iiehr.  Sprache^  p.  130.  L'inquisiteur  Marco  Muriuo  fonclionuail  comme 
censeur  lors  de  l'impression  du  Talmud  à  Baie.  Je  possède  le  traité  Erubin,  de  l'édi- 
tion du  Talmud  de  Venise,  qui  servit  aux  imprimeurs  de  Bâle,  et  où  chaque  page 
est  censurée,  corrigée  et  porte  lo  nom  de  Timprimeur  Daniclo  et  Crisloioro,  ainsi 
que  le  nom  du  censeur  Marine. 

*  L'impression  de  la  Bible  fut  terminée  ù  la  fin  do  juillet  ou  au  commencement 
d'aoîit  1G19  ;  voy.  la  poésie  de  Braunschweig  qui  se  trouve  à  la  fin  de  la  Bible. 

'  Non  pas  sous  le  toit  de  Buxtorf,  comme  le  dit  Ochs  [Gcschichte  der  Stadt  und 
Landschaft  Basel)  et  bien  d'autres  après  lui.  Braunschwoig  n'habitait  pas  avec 
Buxtorf  dans  la  mémo  maison,  comme  cela  ressort  d'une  lettre  do  Braunchweig  à 
Buxtorf. 


RICHELIEU,  BUXTORF  ET  JACOB  ROMAN  79 

Buxtorf  (5tait  décidé  à  quitter  Bâle;  mais  des  affaires  de  famille 
et  aussi  les  temps  agités  l'y  retinrent. 

Mais  revenons  à  notre  Abraham  Braunschweig.  Abraham  s'éta- 
blit avec  sa  famille  dans  le  voisinage  de  Zurich,  probablement  à 
Lengnau,  près  de  Baden,  où  l'on  rencontre  déjà  des  Juifs  vers  la 
fin  du  xvi^  siècle.  Tantôt  il  est  à  Zurich  —  Plottinger  l'appelle 
Judœus  vicinus  —  tantôt  à  Bâle;  il  visita  aussi  les  foires  de 
Zurzach,  célèbres  à  cette  époque,  où  tous  les  Juifs  de  cette  contrée 
se  donnaient  rendez-vous  *,  et,  tout  en  faisant  son  commerce, 
Abraham  s'occupait,  pour  Buxtorf  et  les  autres  savants  de  Bâle, 
de  l'achat  de  livres  hébreux. 

Il  ne  sera  pas  sans  intérêt  de  connaître  le  prix  des  imprimés 
hébreux  d'alors.  Ces  livres  hébreux  étant  parfois  très  rares,  n'é- 
taient nullement  bon  marché  au  xvii^  siècle. 

Le  d'^5'i3>  'mN7a  de  Menahem  Azaria  de  Rossi,  imprimé  à  Mantoue 
en  1575,  était  déjà  rare  en  1615.  Walter  Keuchen  écrit  à  ce  sujet 
à  Buxtorf  à  la  date  du  10  avril  1615  :  «  Le  û'^3'^3'  mx^  est  d'une 
confection  très  élégante,  mais  il  est  rare  à  trouver.  Je  le  possède 
et  sais  où  l'on  pourrait  en  trouver  un  autre  exemplaire,  mais 
pas  à  bon  compte  ;  il  faut  le  payer  au  moins  4  flor.  Si  tu  le  désires, 
je  ferai  mon  possible  pour  te  le  procurer.  Plusieurs  autres  livres, 
continue-t-il,  que  je  possède  en  partie,  et  qui,  en  partie,  sont  d'une 
exj:rême  rareté,  me  sont  offerts,  par  exemple,  les  écrits  médici- 
naux d'Avicenne,  ouvrage  très  rare  qui  a  été  vendu  l'an  dernier  à 
la  bibliothèque  de  Heidelberg  pour  30  flor.  On  peut  avoir  pour 
15  flor.  :  nïiîrj  (1558),  n-ini  et  priit'^  m^ibin  'o  d'Isaac  b.  Joseph 
Karo  (Riva  di  Trento,  1558).  » 

Le  commentaire  du  Pentateuque  de  Don  Isaac  Abravanel 
(Venise,  1579)  coûtait  10  flor.  en  1610;  en  1636,  Buxtorf  acheta  le 
même  ouvrage,  suivant  une  note  autographe  qui  se  trouve  dans 
son  exemplaire,  au  prix  de  4  1/2  reichsthaler. 

B.  Gapzow,  un  savant  de  Leipzig,  lui  procura  le  T^yy^'^  y^iT:^i:i 
(Amsterdam,  1644)  d'Abrabanel. 

En  1642  Buxtorf  vendit  à  la  bibliothèque  publique  de  Zurich  : 

nninîi  hv  '^■'nn,  éd.  Venise 

mTn?2,  éd.  Prague,  in-fol.,  élég 1  doublon. 

np-«  '^b'D  de  Samuel  Laniado,  Venise  1602 2  rchsthl  -. 

^  Nundinae  Zurzacences  ad  quas  ut  nostri  Judtui  harum  regionum  confluunt.  (Lettre 
de  Buxtorf  à  Hottiuger .  ) 

*  . . .  ego  ante  paucos  annos  pro  ^  thaï,  ex  Italia  *ip'^  '^^'2  mihi  comparavi,  écrit 
Buxtorf  le  13  août  1643. 


80  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

"^niif^  iiitp,  éd.  Prague,  1604 3  rchsthl. 

nbi:4  ^^V2y,  in-4° 1        » 

•^TDb^nn""  ûn:>nn  by  ^n^r^D,  éd.  Prague,  1609,  in-4°.  1  florin  d'or. 

'ni2::n  uïd3,  éd.  Bâle,  1608,  in-4o 1  rchsthl. 

m"u5  de  R.  Isaac  (?) 1        » 

Pendantrété  de  1643,  Hottinger  fit  un  séjour  de  quelques  semaines 
à  Baden  (Argovie)  pour  y  faire  une  saison  d'eau.  Le  hasard  le  con- 
duisit dans  la  maison  d'un  Juif  quelque  peu  lettré  *.  Il  écrit  à  son 
ami  Buxtorf  à  ce  sujet,  en  août  1643  :  «  Il  (ce  Juif)  me  reçut  très 
cordialement  et  me  montra  une  armoire  remplie  de  livres  qui  me 
plaisaient  beaucoup  et  j'en  choisis  les  suivants  : 

pni!:'^  nTibnn  ,û'i2^3'  m&<  de  Salomon  Peniel  (Crémone,  1557)  et 
lii'^ïi  •^nit  de  Schem-Tob  b.  Joseph  Palaquéra  (Crémone,  1557) 

reliés  en  un  seul  volume  :  ensemble pour  2  rchsthl. 

^p-i  •'b^,  in-folio pour  5       » 

û'^bMn,  avec  le  commentaire  de  Kimhi  (Crémone,  1561).  1  rchsthl. 

^TH^r  inbMî 1      » 

^^1y  b3>n 1      » 

■^•^nn 2      » 

N^Din^n 1      » 

En  octobre  1642,  Hottinger  acheta  d'un  voyageur  juif  : 

b'^nlnTû  avec  nNansi  nmn  (Cracovie,  1569) pour  19  batzen. 

pnsi^  n"j"'p3>  de  Arama 8  rchsthl. 

et  ti'^^py  '0  (Venise,  1618) 2       » 

Buxtorf  avait  donné  ordre  à  G.  F.  Grocius,  de  Marbourg,  de  lui 
acheter  divers  livres  pendant  son  séjour  en  Italie,  en  juin  1649.  Ce 
dernier  lui  écrit  de  Venise  :  «  J'ai  cherché  à  Padoue  et  à  Venise 
les  livres  demandés,  et  enfin  je  les  ai  trouvés  ici  :  û-«-n3in  ■'::b'0 
d'Abraham  b.  David  de  Portaleone  (Mantoue,  1612),  relié  avec 
d'autres  livres,  coûte  12  livres  ;  ■•"ût  nnD  de  Moïse  Kimhi,  4  livres  ; 
mn-i  Titt)  de  Menahem  de  Lonzano,  10  liv.  ;  yen  bsb  (Venise,  1552), 
6  livr. 

L'imprimeur  Konig  fit  payer,  en  1643,  24  rchsthl.  un  exem- 
plaire de  la  Bible  de  Buxtorf  sur  papier  d'une  qualité  supérieure, 
assurant  qu'il  ne  lui  restait  plus  que  peu  d'exemplaires  en  maga- 
sin ;  ce  qui  n'empêcha  la  môme  Bible  complète  d'être  vendue  par 
Konig,  en  1654,  16  rchsthl. 

On  payait  en  1644  le  Lexicon  ihalmudicum  10  rchsthl.  ;  il  se 

'  Il  y  avait  donc  ù  Badcn  des  Juifs  en  1643  ;  l'assertion  d'Ulrich,  Sammlung 
jiidischer  GcscMchten,  p,  206,  doit  par  conséquent  Otre  rectifiée. 


RICflELIKU,  BUXTORK  ET  JACOB  ROMAN  >^1 

vendit  aussi  8  rchsthl.  en  1654.  La  Concordance  de  Buxtorf  coû- 
tait de  6  à  8  flor.  Buxtorf  lui-même  fixa  le  prix  de  la  Dissertaiio 
de  lingua  hebraica  à  2  batzen  ;  il  vendait  ordinairement  sa  tra- 
duction latine  du  More  1  rchsthl. 

Tileman  Stella  de  Tdry  et  Morimont,  nommé  au  commencement 
de  ce  travail,  était  pour  Buxtorf  un  important. client  qui  payait  de 
bons  prix.  Déjà  en  septembre  1029,  il  l'avait  chargé  de  lui  pro- 
curer des  ouvrages  hébreux,  «  dont  Bàle  possédait  un  grand  nom- 
bre »,  en  le  priant  d'avoir  spécialement  en  vue  le  Talmud,  Alfasi, 
et  le  Yad  Ilazaqa  de  Maïmonide,  ainsi  que  les  ouvrages  histori- 
ques, tels  que  :  -û^^  ,n"i^  ri72ii:  ,^h:2pii  'o  .Nn*i  tib^:>  'o  ,i<niM  ûbn:?  'o 

Mais  bientôt  la  correspondance  cessa,  malgré  la  continuation 
des  relations  commerciales;  du  moins  les  lettres  de  Stella  jusqu'à 
1641  nous  manquent. 

Ce  n'est  que  le  14  mai  1641  que  Stella  écrit  à  Buxtorf,  de  Paris  *  : 

...  En  attendant,  Monsieur,  je  vous  prie  très  instamment,  tant  en 
mon  nom  qu'en  celui  de  Son  Eminence  mentionnée  plus  haut,  de 
bien  vouloir  prodiguer  tout  votre  zèle  et  tous  vos  efforts  afin  d'ex- 
pédier au  plus  tôt  à  Mantoue,  Venise,  et  même  à  Gonstanlinople,  la 
commande  qui  vous  a  été  transmise Que  vos  efforts  tendent  sur- 
tout à  obtenir  les  livres  à  l'état  brut  ;  car  Son  Eminence  veut  les  faire 
relier  tous  en  véritable  cordouan  oriental.  Et  si  vous  deviez  avoir  à 
traiter  encore  avec  les  Juifs  menteurs  au  sujet  du  Thalmud  et  BiM. 
Reçionum,  veuillez  bien,  très  honoré  Monsieur,  ne  pas  laisser  passer 
l'occasion  ;  faites  en  sorte,  au  contraire,  que  toute  la  commande  se 
trouve  prête  dans  quelques  mois.  S'il  ne  tient  qu'à  l'argent,  je  puis 
tout  aussi  bien  qu'un  autre  vous  payer  une  demi-douzaine  de  pis- 
tôles  de  plus.  Au  reste.  Son  Eminence  sérénissime,  monseigneur  le 
cardinal  de  Richelieu  a  éprouvé  une  grande  joie  en  apprenant  par  moi 
que,  par  votre  intervention  et  vos  connaissances,  j'espérais  recevoir 
tous  les  bons  livres  hébreux  et  orientaux  même  ex  medio  Oriente. 
Elle  m'a  recommandé  d'exprimer  à  mon  très  honoré  Monsieur  ses 
gracieuses  salutations,  et  de  vous  prier  de  n'épargner  aucune 
peine  dans  cette  circonstance,  en  vous  donnant  l'assurance  qu'en 
outre  du  paiement  au  comptant,  Son  Eminence  vous  gratifiera 
encore  de  toutes  sortes  de  faveurs  et  de  récompenses  et  qu'elle  ne 
se  montrera  pas  ingrate,  sunt  veràa  formalia  ex  dallico.  Sur  ma  pro- 
position. Son  Eminence  a  aussi  déclaré  depuis  qu'elle  acceptera  avec 
plaisir  la  dédicace  de  la  nouvelle  édition  de  la  Synagoga  judaica. 
J'ai  entretenu  Son  Eminence  de  la  translation  de  la  mise/ma  Thaï- 
mudicoi  tanquam  o^jeris  suo  nomine  et  iinmortalitate  digiiissimi^  elle 
s'est  offerte  à  donner  à  mon  très  honoré  Seigneur  une  pension  an- 

*  L'original  est  écrit  en  allemand. 

T.  VIII,  N°  lU.  6 


82  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

nuelle  de  4,000  francs  et  de  vous  écrire  personnellement  à  ce  sujet, 
quand  elle  sera  assurée,  que  vous  pourrez  exécuter  seul  cette  œuvre 
et  que  vous  le  ferez.  Quant  aux  livres  hébreux,  je  veux  bien  les 
acheter  pour  la  plupart,  excepté  ceux  qui  sont  incomplets  ou  dé- 
chirés de  telle  façon  qu'il  soit  impossible  de  les  remettre  en  état.  Je 
trouve  en  outre  la  taxe  des  livres  reliés  un  peu  élevée  :  je  ne  ferai 
cependant  aucun  rabais  inspecte,  mais  j'espère,  que,  puisque  le  prix 
se  monte  à  116  r.  sans  la  Bible  Veneta,  vous  pourrez  bien  les  obtenir 
à  4  00  r.  ou  16  pistoles  et  4  r. 

Quelques  mois  plus  tard  Stella  passa  plusieurs  semaines  à  Baie 
et  eut  l'occasion  de  traiter  personnellement  avec  Buxtorf  ;  les 
achats  de  livres  qu'il  fit  furent  assez  considérables,  comme  il  ré- 
sulte de  la  lettre  suivante  du  23  octobre  1641  (original  allemand)  : 

Très  noble,  très  distingué  et  très  honoré  monsieur  et  ami,  je  re- 
grette bien  qu'à  cause  de  quelques  affaires  avec  S.  A.  R.  Monsieur 
le  margrave  et  du  départ  de  Monsieur  le  Résident  anglais,  il  ne 
m'ait  pas  été  possible  d'en  finir  avec  les  livres  avant  hier  soir.  J'au- 
rais bien  désiré  parler  au  Juif  même.  Ci-joint  je  vous  adresse,  honoré 
monsieur,  ceux  des  livres  qui  se  trouvent  être  doubles  ou  qui  ne  me 
conviennent  pas,  ainsi  que  la  note,  savoir  : 

Ramban  super  Pentateuchum  cum  textu,  in-fol 9    r. 

Machsor  allemand  * 3    — 

Nephesch  hachochama  *  fol 2    — 

Amude  Golah  ^ 2    — 

Yggeroth  Schelomim  ♦,  in-S» 12  btz. 

De  même  je  ne  puis  prendre  : 

Schulchan  Aruch qu'à      3     r. 

Toledot  Aharon  * —        2    — 

etMaamodos*' —       4    — 

Par  contre  j'ai  gardé  : 

R.  Obadia  Bartenora in-fol.  9  r. 

Schepha  Tal,  llanovœ,  1612 —  3  — 

Ramban  in  legem  sine  textu 3  — 

Kelc  chemdeh,  Cracouia'  ' in-fol .  5  — 

Je  veux  bien  garder  la  presque  totalité  de  ceux  que  porte  la  se- 
conde liste,  mais  en  rabattant  quelque  peu  du  prix  excessif;  si  louto- 

'  Allemand  veut  dire  ici  du  rite  allemand;  il  n'existait  pas  encore  en  16 il  de 
Iraduclion  allemande  des  prières  pour  les  fêles. 
'  tlTD^nn  t5D3  de  Moïse  b.  Schem  Tob  de  Léon,  Bdle,  1608. 
^  Crémone,  1556,  ou  Cracovie,  15%. 
4  Bùle,  1003. 

*  De  Ahrou  de  Pesaro,  imprimé  à  Fribourg,  1583,  et  Venise,  1591,  in-fol. 
"  Probablement  l'édition  de  Veniee  de  1617. 
^  Doit  se  lire  sans  doulo  Prague  (1610J« 


RICHELIEU,  BUXTORF  ET  JACOB  ROMAN  83 

fois  le  Juif  en  question  s'y  refusait,  il  n'a  qu'à  faire  reprendre  ses 
livres  : 

Ralbag  etRabbos  S  in-fol 10    r. 

Aruch  et  Milchamos  ^    — 5    — 

Colon  et  Rokeach  » 6    — 

Perusch  super  Megillos 3    — 

Scheroschim  vi  Michlol  *,  acheté  à  Metz 3    —  1/2  ps t. 

Schaare  Durah^,  in^^' 3      r. 

Pirke  Eliézer    —     11/2— 

Zemach  David ^  in-40,  comme  je  l'ai  acheté  à  Metz  2     — 

Tisbi'in-4^ i       — 

Bar  Scheschet^ 3      — 

Mischnajot,  Mantoue  in-S^ 1  1/2 — 

Alphasi,  3  tomes,  in-80 3     — 

Biblia  Basiliensia,  in-8° 4      — 

parce  que  les  Kethubim  sont  transposés. 

Le  manuscrit  incomplet  sur  parchemin,  in-40. . .  1  et  9  btz. 

Total 48      r. 

ou  8  doubles  espagnols. 

Je  n'ai  pas  reçu  le  Sepher  Amanah.  J'examinerai  ces  premiers  jours 
le  Thalmud  ainsi  que  la  Bibliothèque  hébraïque,  si  Monsieur  veut 
bien  le  permettre,  et  nous  réglerons  alors  l'affaire. 


IL 


Il  était  facile  à  Jean  Baxtorf  de  promettre  à  Stella  de  Téry 
et  Morimont  d'envoyer,  môme  à  Constantinople,  la  liste  des 
livres  hébreux  et  orientaux  que  désirait  le  cardinal  de  Richelieu, 
car  il  avait  dans  cette  ville,  comme  en  d'autres,  des  correspon- 
dants et  des  amis  obligeants.  Du  reste,  depuis  des  années,  il  était 
en'relations  directes  avec  des  Juifs  de  l'Orient.  Il  serait  cependant 
ridicule  d'affirmer,  comme  l'a  fait  son  panégyriste  Tossanus,  que 
Buxtorf  le  père  «  était  importuné  par  les  lettres  innombrables  que 

1  Lévy  ben  Gerson,  commentaire  du  Pentatcuque,  Venise,  1547;  midrasch  Rabbot, 
Venise,  1603. 

2  Aruch,  Venise,  l{i53  ^  Bùle,  1399;  Milhamot  Ilaschcra  :  Riva  di  Trente,  1560. 

3  L'un  et  l'autre  publiés  à  Crémone  en  1557. 
*  Venise,  1545. 

5  Bàle,  1599. 

«  Prague,  1592. 

■^  Bàlc,  1601. 

3  Riva  di  Trente,  1559. 


84  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

lai  adressaient  les  Juifs  de  toute  rAllemagne,  de  la  Pologne,  de  la 
Moravie,  de  la  Bohême  et  de  l'Italie,  et  que  ces  lettres,  écrites 
en  hébreu,  traînaient,  non  pas  par  centaines,  mais  par  dizaines 
de  mille  dans  sa  bibliothèque  M),  et  il  ne  serait  pas  vrai,  non  plus, 
de  dire,  avec  son  plus  récent  biographe,  le  professeur  E.  Kautzsch, 
que  «  les  Juifs  s'étaient  habitués  à  le  consulter  comme  le  plus 
écouté  des  oracles  dans  les  questions  les  plus  subtiles  ^  ».  Si  nous 
exceptons  quelques  rabbins  et  savants  allemands,  hollandais  et 
italiens,  peu  d'Israélites  du  dehors  connaissaient  Buxtorf,  même 
de  nom,  et  aucun  d'eux  n'aurait  jamais  eu  l'idée  de  considérer 
l'auteur  de  la  Synagoga  judaica  comme  «  l'oracle  le  plus  écouté 
dans  les  questions  les  plus  subtiles  ».  Ce  qui  est  cependant  hors 
de  doute,  c'est  qu'il  a  reçu  des  lettres  et  des  écrits  en  langue 
hébraïque  de  savants  juifs  de  Constantinople,  comme  le  prouve 
clairement  la  lettre  suivante,  encore  inédite,  que  son  ami  intime, 
Abraham  Braunschweig,  lui  adressa  le  13  novembre  16,17  : 

û^nn^nn  ■•î-iir'm  "^p^n  «b^b  "^^ttn  "^s-^j^^n  \n  TNitTa  "^d  "^n^^T  n3  ï-î5!-i 
Ï1D-'  hWj  û^'n'^Di  û'^n^a^T  û-^ni^-ipi  bD;:;ïi  "^bx  ûribuii  '::iî<:3'w3ip?2 
nrjn  ^n-^'D  t]^i3  irr^m  ^b-in  tjjz^  ^x:>^  ^-21  br  nbi^:^  ïin^uî  \nn72Uîi 
11^12  "^32  ^'y  "'3-i^usb  d^i^TriN  nsm  ntiT^D  d^^b  -"nwsnd  ynwsn  mir^Dn  bdn 
♦û"inDNi  ir\'Q'ji2'2  û-«inbN  iTa-^rj^i  rr^-in'^înd  r:b"^b3  imn^'cn  rr^nt^  ^:n  ï:5  "^ïn") 

Abraham  lui  dit  qu'il  a  reçu  ses  ouvrages,  qu'il  les  a  lus  et  les 
trouve  très  beaux,  qu'il  est  très  heureux  que  sa  réputation  de- 
vienne universelle,  et  qu'il  lui  renverra  ces  livres  par  son  fils  Moïse. 

Nous  ne  connaissons  pas  le  nom  du  savant  de  Constantinople 
qui  avait  remis  à  Buxtorf  ces  livres,  parce  que  de  ces  «  cen- 
taines et  myriades  de  lettres  hébraïques  »  qui  ont  dû  se  trouver 
dans  la  bibliothèque  du  professeur  de  Bâle,  il  n'en  reste  au- 
jourd'hui qu'un  très  petit  nombre.  Nous  savons,  par  des  lettres 
adressées  à  Buxtorf  fils  *,  et  qui  nous  ont  été  conservées,  que  deux 

•  Joh.  Buxtorfii  senioris...  Vita  et  mors,  quam  oratione  parentali. ..  publiée 
recensuit  D.  Daniel  Tossanus  (Basil.,  1G30). 

*  E.  Kaulzsch,  Johanncs  Buxtorf  dcr  Acitcre,  Bâle,  1879,  p.  31. 

3  Rccaoil  (le  lettres  mss.,  G,  I,  fol.,  350.  L'adresse  est  la  suivante  :  ITlNïl    Vb 

b^TN"33  v'3  t]-^,nu;pi3  irnr  nib^n  n"n  m-ip":d  pnnt:-:  3T^3  bbnf:?:rT. 

Il  est  à  remarquer  que  le  nom  de  Buxtorf  ou  Buxtortl"  est  quelquefois  écrit,  comme 
ici,  Buxdorf  ;  il  est  môme  écrit  de  cette  façon  sur  une  dissertation. 

♦  Depuis  l'année  1839,  époque  ù  laquelle  M.  Carmoly  marqua  et  copia  les  Icllres 


RICHELIEU,  BUXTORF  ET  JACOB  ROMAN  80 

savants  Israélites  de  Constantinople  se  mirent  en  relations  avec 
Buxtorf  fils,  vers  la  fin  de  l'année  1633,  par  l'intermédiaire  d'An- 
toine Léger*,  établi  plus  tard  à  Genève  comme  professeur  de  théo- 
logie et  de  langues  orientales.  Ce  professeur,  né  dans  le  Piémont  et 
lié  depuis  longtemps  avec  Buxtorf,  était  alors  à  Constantinople  ^  en 
qualité  de  secrétaire  de  l'ambassadeur  néerlandais,  Corneille  de 
Ilaga,  et  y  entretenait  des  relations  amicales  avec  quelques  savants 
juifs,  entre  autres  avec  le  médecin  Léon  Siaa  et  un  homme  qui  con- 
naissait bien  les  langues  et  les  littératures,  Jacob  Roman. 

Léon  ou  Arié  Yehuda  Siaa-Nasreddin,  qui  paraît  déjà  avoir 
été  en  relations  avec  Buxtorf  père,  s'intéressait  vivement,  comme 
beaucoup  d'autres  médecins,  à  la  science  juive,  il  a  même  donné 
des  preuves  de  cet  intérêt  en  traduisant  en  latin  le  Kozari  et  les 
Devoirs  du  Cœur,  que  son  ami  Roman  voulait  publier  ^.  Vers 
1639,  pour  répondre  à  l'invitation  du  prince  de  Siebenbiirgen, 
Rakoczy  P"*,  qui  l'appela  auprès  de  lui  comme  médecin  particulier, 
il  quitta  Constantinople  et  abandonna  le  judaïsme*. 

A  la  première  lettre  que  Jacob  Roman  adressa  à  Buxtorf,  Léon 
Siaa  avait  joint  une  autre  lettre  dans  laquelle  il  recommandait 
chaudement  son  ami,  le  dépeignait  comme  un  homme  qui,  «  par 
sa  famille,  sa  fortune,  sa  dignité  et  ses  connaissances,  est  supé- 
rieur à  presque  tous  ses  coreligionnaires  »,  et  qui  pouvait  surtout 
être  très  utile  aux  savants  chrétiens  à  cause  des  nombreux  ma- 
nuscrits orientaux  qu'il  possédait  et  de  la  réputation  de  savant 
orientaliste  dont  il  jouissait  parmi  les  Juifs  ^  Et  cela  était  vrai. 

reçues  ou  écrites  par  Buxtorf  [Revue  orientale,  Ij,  jusqu'à  l'année  1868,  où  j'ai  copié 
les  mêmes  lettres,  beaucoup  en  ont  disparu.  Ainsi  Carmoly  avait  encore  vu,  dans 
la  collection,  une  lettre  qu'un  Mordckhaï  ben  Sabbatàï,  de  Posen,  avait  adressée  à 
Buxtorf  «  sur  une  discussion  avec  S.  Schotten  au  sujet  de  la  censure  »  (Catalogue 
de  la  collection  des  livres  et  mss.  hébreux  laissés  par  le  D""  G.-B.  Carmoly,  Frcft.- 
S./-M.,  187.5,  p.  53,  u°  52).  Cette  lettre  avait  disparu  en  1868,  ainsi  qu'une  autre 
qui,  d'après  le  catalogue  de  Carmoly,  commençait  par  ces  mots  :  \)^12  "^jl^^îb  dT5'tU 
"^"liiTjïl  "^ID"^,  et  une  lettre  de  Jacob  Roman,  «  datée  de  Francfort  ». 

1  Buxtorf,  Bibl.  rabbitiica,  99  :  «  Romano,  cujus  amicitiam  et  benevolentiam  mihi 
conciliavit  Ant.  Léger.  » 

*  Biographie  tmiverselle,  s.  v.  Léger  ;  Buxtorf,  Bibliotheca  rabbinica,  Francker, 
1696,  165.  Ant.  Léger  mourut  à  Genève  en  1661. 

*  Voir  plus  loin  les  lettres  de  Roman. 

4  Buxtorf  écrit  le  11  août  1641  à  Holtinger  :  •  ...  De  hoc  (R.  Lco  Siaa)  audivi 
illum  palam  in  Transylvania  christianam  religionem  amplexum  esse,  ibique  medicum 
agere  in  aula  Principis.  »  Cf.  BibUotheca  rabbinica,  174,  s.  v.  1Ï1T,  et  Wolf, 
Biblioth.  hebr.,  III,  1355. 

5  Voici  la  lettre  de  Siaa  (Recueil  de  lettres,  G.  I,  62)  : 

Clarissime  vir, 
Lilerarum  inclusarum  scriptor,  vir  iuter  suos  Familia,  opibus,  morum  eleganliaa^que 
ac  sapientia  pêne  unus,  prfcseulium  cxaralorem  sivpius  inquietavit,  ut  incumberel  ad 
poUiciendum  C.  S.  Dom"'»!  ad  lilterarum  coramercium,  cum  jam  cogilalionum  tem- 


86  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Les  manuscrits  orientaux  que  possédait  Jacob  Roman*  étaient 
aussi  nombreux  que  ses  connaissances  étaient  étendues.  Il  savait 
toute  la  Mischna  par  cœur,  à  en  croire  le  témoignage  de  Conforte^, 
la  langue  arabe  lui  était  familière  et  il  connaissait  si  bien  la  langue 
latine  qu'il  entreprit  de  traduire  en  hébreu  le  TiJjerias  de  Buxtorf. 
Rien  ne  prouve  qu'il  eût  déjà  quitté  Constantinople  vers  1620 
pour  se  rendre  à  Jérusalem  ^,  ni  qu'il  eût  visité  la  foire  de  Franc- 
fort-sur-le-Main, et  envoyé  de  là  une  lettre  à  Buxtorf.  D'après 
le  témoignage  de  l'auteur  anonyme  de  cette  triste  histoire,  des 
Israélites  ayant  été  faits  prisonniers  le  samedi,  11  Ellul  (13  sept. 
1625)*,  par  le  gouverneur  Mohammed  ben  Farukh;,  et  remis  en 
liberté  après  payement  d'une  rançon,  Jacob  Roman  aurait  été 
au  nombre  de  ces  prisonniers  et  aurait  ajouté  des  notes  à  l'écrit 
où  ce  fait  est  raconté^.  Roman  a  traduit  de  nombreux  ouvrages 
arabes,  et  composé  un  lexique  arabe -hébreu  et  un  lexique  arabe- 
turc^;  il  a  écrit  également,  sous  le  titre  de  bp*>r72  "^STi^^û,  une 
prosodie  hébraïque  dans  laquelle  il  indique  1348  formes  de 
poésie.  Ce  livre,  dont  il  a  envoyé  l'introduction,  comme  spécimen, 
à  Buxtorf,  au  mois  de  janvier  1634,  n'a  jamais  été  publié  \  Nous 


pestas  animum  meum  lancînaret,  qui  amico  viro  satisfacere  possem,  contigit  Clar. 
D.  Anton.  Léger  Eximii  Legati  Belgici  Concionat.  id  spoudere  quod  anxie  ambie- 
bam.  Ego,  ut  ingénue  arbitror  meam  sedulitatem  in  hoc  negotio,  in  christiaua?  Rei- 
publicaî  rem  fore,  vir  enim  hic  Byzantinus  manuscriptos  libros  in  orientalibus  linguis 
abundantissimus  ac  in  earum  scientia  inler  Ebraeos  clarus,  in  hoc  totus  est,  ut  orbi 
det  christiano  quod  hactenus  malevolorum  invidia  Europans  negalum,  hinc  mens 
mea  est  Clariss.  S.  D.  hominis  Jacobi  Romani  dicli  oblatam  amicitiam  negligere 
minime  debere  verum,  fovere  periude  ac  augere.  Valeat  ignoscat  ac  agnoscat. 
Datum  Byzant.,anno  1633,  3°  Id.  decembr. 
Velim  Rabbino  huic  transmittat  indicem  Ubrorum  prostantium  in  nundiuis  Fran- 
cofurtinis. 

Clariss.  S.  D^^i,  obseq^^'"  servus, 

La  signature  est  eu  caractères  cursifs;  une  autre  lettre  de  Siaa,  du  12  Adar  î>594 
(10  lévrier  1034)  porte  comme  signature  :  t  Léo  Siaa,  Mcdic.  Doct.  »,  et  en  carac- 
tères arabes,  n'^na  "I^I^N  n^3. 

1  Et  non  Romano,  comme  on  Tappelle  d'habitude  ;  lui-même  se  désigne  sous  le 
nom  de  Roman  ('|6<'^Tn). 

'■^  Qoré  ha-Dorot,  éd.  Cassai,  49  a. 

3  Carmoly,  Revue  orientale,  111,  p.  35!). 

*  Et  non  pas  1G24.  En  1625,  le  11  Ellul  était  un  samedi. 

^  Û'^blD'TT^  mnnn,  Venise,  1636,  V>  h.  Cf.  Steinschneidcr,  Zeitschrift  der 
D.  M.  (/.,  IX,  p.  840.  C'est  M.  Fiirst  qui  prétend  que  Roman  a  ajouté  des  notes  à 
cet  ouvrage,  Bihl.  jud.^  111,  p.  165. 

6  Cat.  Paris,  1277,  1278. 

7  i  Nondum  est  editus  »,  dit  Buxtorf,  I.  c,  R3,  s.  r.  bp^'»3  '^:T^<"'3.  Sabbataï  Bass 
{Sifté  Ycschènim,  37  s.  r.)  déisigno  Constantino])lc  comme  lieu  d  impression  de  cet 
ouvrage  cl  tous  les  bibliographes  ancieng  et  modernes  l'ont  copié.  Bass,  qui  a  rais  à 
profit  la  Bibliotheca   rabbinica  de  Buxtorf,  a  été  induit  en  erreur  ])ar   ces  mots  i 


RICHELIEU,  BUXTORF  Eï  JACOB  ROMAN  87 

verrons  plus  loin  quels  étaient  ses  projets,  lesquels  échouèrent 
on  ne  sait  pour  quelle  raison.  Le  professeur  de  Baie  utilisa  cer- 
tainement les  connaissances  bibliographiques  de  Roman,  c'est 
à  ce  dernier  qu'il  dut  presque  toute  la  partie  qu'il  a  annexée  à  la 
BiUioUieca  rahbmica  de  son  père.  Roman  lui  avait  promis  de 
lui  envoyer  la  liste  de  ses  manuscrits,  mais  ni  cette  liste^,  ni  la 
liste  des  auteurs  ne  se  trouve  plus  à  Baie. 

De  toutes  les  lettres  adressées  par  Roman  au  professeur,  deux 
seulement  sont  arrivées  jusqu'à  nous.  En  décembre  1633,  Roman 
écrivit  pour  la  première  fois  à  Buxtorf,  qui,  avant  d'avoir  reçu 
cette  lettre,  lui  avait  déjà  écrit  à  Constantinople,  sur  l'instigation 
d'Antoine  Léger,  et  sa  lettre  se  croisa,  à  mi-chemin,  avec  celle 
de  Roman;  mais  on  n'a  retrouvé  ni  cette  première  lettre  de 
Roman,  ni  la  lettre  de  Buxtorf  qui  était  arrivée  à  Constantinople 
le  30  décembre  1633.  A  cette  lettre,  Roman  répondit  par  une 
longue  épître  qui  contient  autant  de  choses  qu'une  petite  biblio- 
thèque, et  qui,  aujourd'hui  encore,  a  de  la  valeur  à  cause  des 
nombreux  manuscrits  arabes  et  hébreux  qu'elle  mentionne. 
Nous  donnons  ici  cette  lettre,  d'après  l'autographe  *  : 

^p"cb  ^n-^^n* -iiàTû  li^i'T^  n5U5  c^a^  i""^  '2  uv 
)y^J2  ,  ^lïi  11^  ™>i  ii7ain  ^:ni  bia  lyj^^  bib  iiDrfn  iy:i  bsn  na:» 

n?ain  ti''"b&<  imN  NbtJ  ,iïi3>n)2  ntrii^i  -int:^n  '[2'^p12':^^  T^Dsb  d^"i?3irï-î  b:^ 
an-in  bbnii^ïi  iin^^^  niïi  tàr-;  rrsiisi  ^5M:d  ib  'n  t^Dv  ,ï-;ii:nm  n:?ii  nb 

b'D  b:>i  ">nï5Uî"i  pin!?3i  tiJsiiD  '^sri  "^nr  ")iii<"ip^i  n"s^  Pwn:^  n^inbi  IJ2 
Jn"5^  bit  nni  ^npans  ta'^Ta"'  ri^n  "^b  nr  *;:?■«  nnin  irc^n  tzN^non  ^s  liin 

■»nHwS  "i5:j^'T'  ^i^  ,  iiiïi  nib\!5  niic  £]n3^  '^^"'  b:>  "^b^N  ^n^73«-i  "i'^3>"i72  "^rriTas^ 

J-7^  ^iri5<b  n73iN  îia  )'^bl2b  "^itDp  .  "^^nin^  '^  b.s  dnp?^  f^mbCM  ''n'n:;«b 

«  Spécimen  operis  antc  aliquot  annos  ad  me  misit  Constantinopoli.  »  Zunz  dit  avec 
raison,  dans  le  premier  de  ses  écrits,  publié  en  1818,  sous  le  titre  de  Ft^eas  iihtt  die 
jûdiscke  Literatnr  {Gesamm.  Schriften,  I,  p.  14,  note  2)  :  «  Jacob  Romano  a  composé 
une  prosodie  hébraïque. . .  Où  se  trouvc-t-elle  ?  »  Dans  cette  prosodie  il  indique  non 
pas,  comme  le  dit  Zunz,  1248,  mais  bien  1348  manières  de  versifier  :  ce  nombre  se 
trouve  clairement  dans  la  lettre  de  Roman,  chez  Buxtorf,  et  dans  le  Sifté  Teschènim. 

^  Recueil  de  lettres  mss.,  G.  I,  354  et  suiv. 

*  Fûrst,  l.  c,  III,  p.  165,  qui  suit  Carmoly,  indique  par  erreur  comme  date  de 
cotte  lettre  le  8  Schebat  1634. 

3  Carmoly  donne  comme  date  do  la  première  lettre  de  Roman  le  2  Kislew  o394. 
Nous  ne  savons  s'il  a  vu  lui-même  cette  date  ou  s'il  Ta  calculée  approximativement 
d'après  ces  mots  de  la  lettre. 


88  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

pi'^  i^y:  r!73m  "dy  "^s&^-i  •^bb^^^i  "^nn^în  rr^sjrtib  niDiNm  .  "^sn^ai  "^.x): 
.  in-nn5  iiî'^i^r)  -^D  im3:>  b'n:;  "iid  i^ds  nnp"^  biia  "^ds  ûi)2N 

•i-îDDT:  1!i  mbcn^DT^m  mbiDiDï-;  nT^^nr;  ^n'^D?:^  n^T  in-inD  pm^i  iibiT^n 
nvisnM  mr:"ib  b^v  iitn  iis-^Nn  -^t^-i  û^sTn^rpri  t-^nit^îi  "^ncc^  i^i  û^'nï-;"'!^ 
^^3:?  "^iN  ^DM  ,  isiDn'^  t^b  mD-«iT)2  m-^ij^LDin  t^tb  dN  mp^ik7:rî  nv^:?ïiT 
m^-inb  '^i^y  liDbi5  ip\n:^r7b  \n!?:ï-T^n^T  î^bi  \-i\::n  T^D-^n  ima  -^mî^ni 
NStT^"^  Nb  ^;t  )'^:y:i  ït^r;  -^i  .ûip^  im::>7:u:  Nb  uî'in  nni  b^n"*:;^  "^^n  i^T^^^b 
Nit'«'^  UNI  m^r:J2i  nnnri  s:;n  un  "^s  ïi:-i':jNn  ï-;5iS3  -im  nb^-:  nDD  i^irn 
ON'^'-i^n'^-j  'nm  nDD3  ind  litaps  tbis  i^*bn  n^ncT^n  l'orra  nn^?:  ^dd  ûi:3 
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b:»  d^'ina^^ri  dncor;  "^nariTû  m^û^î  d3>  d^aind  '^'i^  ra\-^d  mb  'ndtrrt 
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TiiTi  mann  n'rdb  ^3):jî  ^î^  ndT*:;  d^-isdrt  m::'::  ^:o  mba  p  "^"iriNi 
i^nbusNi  ^nrtwS  "^nba  n'iob  b^nuîK  '^'lî^y  d-^nb»  H'^H'^  dw^«  "it:?   ^nuit^ 

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tDnbiT  "^b  T«ïi^  dN  ^73'::  dnbuîN  n"d73  "^rra  a-j->->  dN  nrd  "^biiN  dWit-dm 
ncidb  t-nirî<  d-'Ddi73  ini:?3'^  Nb  d5<T  d-'-in.N  mspb  binCNi  *w'pawX  i\x  Cw\i 

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■^n^a  '-;::wX  d'^-.cdn  n^-  ib^s 
.  idipîi  iT«dbT  -^a-i?  yvr^  rmn-»  'nrsb  b  c  d  m  n  :  r^  'd 
îiKTcnn  'dT  rînmrî'dT  ns^ann'di  -nuî-^m  ain-^prî 'd 

.  p"nb-i  -^a-r  r;:T  'nîib 
,  1^  pa\nD  c^npn  iicb  *idT3b  d  "^  c  nu; r;  'dn  r; r  p  "^  r;  'd 


RICHELIEU,  BUXTORF  ET  JACOB  ROMAN  89 

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'^bt<:>'n^^  l'inn  nco  Niii  ,  u:ipn  )^^b^  '^'n^iy  n-^nn  ïi  n  73  n  p  ^  '0 

dmn  'nsid  uj'îns  Ni!i  nn  irî:iiïir5U5  vb3>  d'^bi<3>'n"*:î'^r!  d-i-i/ûiN  ,  d'^-'^ûTir: 
100  ']^3>:3  vnsuj  pn^i  init'^b)^  "^dt^  dr  V'^^ip^^  1"i^^  l^"*  iniriir  b'ii^b 
.  inb"ii:i  i-inMDn  m&<ntib  inao  riT  ncD  ït^ît>t  dc^^bi  i-^Nb  3r;n3  Nin  ï^t 
ti^^yo  d-^J^tind  iMn  b3>  m^iïn  niNit^m  d-^niDD  Ni'n  ?Trrî  nsor;  V^^i 
'-I  ip^nrrr  ï-ttïi  nsDïn  .r^Npi^  'inn^?05^p'^"i  'ivmb  n-^u^i  ^i'^b'12'2 
t\i:i  -^^i^n  \n'-i'7D  -^snt  ^ii<73  "i:^  nD-^i  n^:  ^^pr:  )whh  "^nn  ï^^ir;^ 
'nrT'irnTa  pi  rjpn^^ïi^j  \-iNit73  5<b  '^n  ïiu^  n^siD  Mu-a:  -in^:>b  "^dij^^m  ^n^ 
■'nn:?  -'"indn  15d:d  d'^nriN  d'AIDS  d3>  ^i7jb^  ^îpn5>;i  ï-npN  b^ti  nrria  ^n 
.  ï^"3>n  d-^j^m  d'^miTîN  ^^-^  b3>  p^»"n  i^bni  dnit^T:  inbiTT 

Nsnïin  nbi5  ^b"^  mpnb  î^iïi  ncdrr  v^^""  '^nn^'îi  l^b^  n-^do  m-«-i3:^ 
b:?  riiDd  dium  ïinnd  in-iî^  d'iJm  nn^b  ïTi^noîi  ïi^ins^  !i5T72M  i^aNi 
nrnn  i-^d  b"i:^  d^n  nnu:i3  -^nb^  -^i^  b^  ind-^b^::^-!  d-^To-^ïi  idd^t  'Ti&<'^n  nco 
'^bN3>73"0-'  b-^DU  12  nd:mn«  nidn?:  duîi  /n  "ndn  NiriT^  b^d;z:!n  3>"ii  dïii 

,  1^;::b  iiiiîbb  pn3>5  dx  •^n^^";'^  i<bn 

nndn  "^Dd  m^3>ïib  d^'^nias^^r:  ^idj^n  n-'tîii  "^bp^Ta  V^^=i  ^P^^  1"^^^ 
,  td-^r^û  r-T2i72i2:-i  ti3'^3>dn&<i  niNTD  \ubtïT  tjb^  'isD^ûb  t=i^bi3>  dm  ïiif^bT^n 
tziT-in^^^n  d-^ndri^Dd  ^7310  Nb"i  ^^N^£?2  -in:^  Nb  nm  I'^35»d  -^d  3>m^  b^ni 
d^-i-nns^n  Nbi  d'i'^n-i:^d  ^b  is^^^b  dïT^nsD  lî^d  tojn^û  "T^tîrr  "^bp^Ta  l-^Si^d 
îr-it:^pri  d"3>7û  bN  nbiu:  '^ssïn  ,  '^ind^o  n^m  inp^iiti  b^rt  3>inT  -«b  ::>;::iî^i 

diin-'U^d  d"^5^3Drî  •inn^  idd  n-i^st  "^n^^p  rjDT^  'n!ib  ^^pM  bpo  'o 

.  uj^pïi  in^b  ,  d^b^p•:5 

mbi<^  3>nu5  bj'  ïidiuîn  '^bNj'T:^''  nidn  -idd  Nin  "^nd^i  ^nn3^ ...  '0 

.  -idiïiN  nN)2  1573^  'ibs^u:^  nT^dnd-ib^d 
b"T  'ji^'^'a  '-i"d  J-IUJ73  'nb  niN-^idn  nr^rra^n  d^-i72N72  i-i2-)73":5 
nuîN  iiu:bd  '^2n:5>  in^bd  d-^n^?:):   dt^-^itib  mp^n  b-^mN  ."^nns^  ^r^abd 

.  dibt^rt  vb3>  Nirt  dndn 
pm'3   1-13:5^    iTidb   ,b"T    '^sibit'id   t\ov   'nb    miUdsiTT   ndito  '0 
y^^  ^-l'i-i  tzi-iid"!^   r^i^T  'idOii   p:>i   "^nirn  ^-T^N"l   t^b   ^wS  -^n^yu 

.  d'^D-'^n 
'oi  m  d  T  M  '0  tn^n  ^ipïi  irub  t^n^pbD  p  dvj  tzio  'nti  -^nidn 
'Di  ta-^did-ib-idn  m3>^  'pn   ïn^Qdn  rr^^^n  'on   mbr'nn 


90  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

p  ii52bu)  'nb  d  ""  "•  n  m  p  "^  "m  il:  p  'dt  ïi  m  ^  n  îi  m  "^  'si  o  p  la;:  ti 

.'ir)"Fp^i  li^b  yiN^i-ib  û"«!::5Uît]ri  niiiDnn  !ri72:Dn  ïti^^iîni  'd 

.  \2J"ip!n  'jii^b  , Di^^^ibp  'nrsb  m^j^M  mb3>!nn  ni  yizi^J:  'o 

.  u;"ipïi  iT^iîb  ,  Tii  i"'D'^^b  û  "^  "C  5  ï^  n  ^  ;::  n  'o 

?5<i^u5 '-i!ib  iiN^  ^:>  i-7D">  tJ^p!^  "Iiuibb  pn3>5  T^O'^isia  n^^ns  'd 

.b"T  n-c^nin 

t<b  UNI  d"73b  ûrni^  mbob  '^'rd  û^nni^  mspb  b^irrr^T  t-id^j  nb'C^  '^5'in 
'•'^û  ismï-iNb  :d"?d  -i^o-'  n^:îM  'i'td^î  "^sd  ûp^rj^^'nb  ûnsisb  û:nwS  liwN^f^ 
:d"72  '^^'^s'n  'in  n2£?2N  .  n":>n  rT::r3  p  ^'in^di  ^'"n  nn'ib  \-ibnin  i^5ia:N 
^Dib&^b  irii^T  spr-^b  ^in:j>b  'cp:5>  ^riwN  riN^itîNTT-ipiipïi  nsD  nb'Cîn  tfc^ 
s"72  nb":i\a  C]"iii  -iswn  ^d  b^rr  -innT^'w-^  t^^^^D  "jiN^b  'nrrs  w^ci-in  '^r'7i^?2n 
nDD  "^bN  nb^în'iU  ûiipri  nnsn  s"?:  ni<^  Tibi^'::  ^ir  .  nrrrn  tn?:  ^'^iî-^t 

,  -isnb'^în  dcî  n"d'?3  "li-^i^n  'in  5<i:^5<  inb^t  D£i<"i  ndTrn  int^-'b  'nîi  dsnn  n-^n 
i-irmwN  ÛUJ73  ins  mbuîb  pn^  un  ^ii^^-^i-i^;^  nb  b:^^  n"d)3  "^rs  tibriw^  ^ir 
I^N  ,  ïi3^j  dm5<  mbu5b  bp3  nm-»  ïT^'n"«  ']-i"i  irrr^n-i  mp^x^  mna:»  nnsi^ 
in^ND  i3in)2bn:3  t^iinTs  ddnii  ^"it^h  nd-inîi  l-^j»^  "^i-nwS  n.s  ^nrib  p-n  n:> 
"^mtDd  T^n-i  ^"^y^  "^c^irNrû  p'i  nn^j  n-isn  Nb  'Tfd-ûwX  rr^id  ';b\s  ib-^x 
b:>  "^"^^"^  ^'^-liîïib  pinntj  mnn^iî?:^  n^n^n  'n\n^'^  ïid  .  y^i^^  ^^ï^b^  'm 
ii<  nb"jd  3>itn3  .pn  "^bdb  t^d  n^^s'^n  ï-nbx  bN  nn^"^   mtî^ilnïi  Ndd 

.  "jN^Din  dp:--'      n-^ritiri  inninN  nnT?:d 

Buxtorf  ayant  parlé  à  Abraham  de  deux  ouvrages  de  son 
père,  il  lui  dit  qu'il  a  traduit  l'un,  Tiberias,  parce  que  les  Juifs 
n'ont  encore  rien  écrit  d'aussi  complet  sur  la  matière  [Mas- 
sora).  Il  lui  fera  parvenir  la  traduction  de  la  préface,  pour  savoir 
si  elle  est  de  son  goût.  Quant  à  l'autre,  intitulé  Bibliotlieca,  il 
le  connaît  depuis  longtemps  ;  il  s'est  môme  toujours  étonné  du 
petit  nombre  de  livres  hébreux  que  les  chrétiens  possèdent  ;  il 
croyait  qu'ils  devaient  avoir  beaucoup  de  manuscrits,  puisqu'ils 
n'ont  pas  à  souffrir,  comme  les  Juifs,  d'un  fexi  constamment 
allumé  qui  hrûle  leurs  Iwres  et  leurs  synarjogues.  Il  s'est  donc 
efforcé  de  réunir,  autant  que  le  lui  permettaient  ses  ressources, 
des  manuscrits  hébreux.  Il  a  aussi,  et  cela  j^ourra  servir  à  la 
Bibliotheca,  une  liste  de  manuscrits  rangés  d'après  le  nom  des 
auteurs  par  ordre  alphabétique,  puis  une  deuxième  liste  alpha- 
bétique des  ouvrages  qu'il  possède  ou  qu'il  connaît.  Il  tâchera 
d'en  faire  un  résumé  et  le  lui  enverra. 

P(ua'  ce  qui  concerne  les  livres  demandés  par  Buxtorf,  il  lui  en- 
verra, par  Antoine  Léger,  le  "^nisNli '0.  Quant  au  bcdmnrrî'o', 

•  BuxlorC  (lit,  daus  sa  Bibl.  rabb.^  99  :   «  "^TTCN  uunquani  csl  cdilus  :  ego  mscr. 


RICHELIEU,  BUXTORF  ET  JACOB  ROMAN  91 

il  n'en  a  qu'un  seul  exemplaire,  qu'il  sera  forcé  de  faire  copier. 
Il  n'a  pas  encore  rencontré  le  Tip^n  'o  ni  le  'ni^'p'^'n  ;  il  possède  de 
R.  Jona  le  '1W>^^  m-i^pn  'o,  le  mcnrr  'o,  le  niyti'n  'd  et  le 
!i&<Tv2:iiî-i  '0,  traduits  de  l'arabe  en  hébreu  \  mais  il  lui  faudra  aussi 
les  faire  copier  pour  la  môme  raison. 

Voici  les  livres  dont  il  peut  disposer  : 

1°  bDiD^n  n^ii  '0  de  R.  Yehouda  Ilayyug,  en  arabe  et  en 
hébreu  ^  ; 

2°  Les  ouvrages  de  R.  Jona,  cités  plus  haut,  en  arabe  et  en 
hébreu  ^  ; 

3<^  'ni2'p'i'r:  'd  et  ti^'UJ'i^Uln  'o  du  môme,  en  hébreu,  manuscrit'*; 

4^^  Le  livre  des  Psaumes,  traduit  en  arabe,  avec  un  court 
commentaire  à  la  fin  de  chaque  psaume,  peut-être  de  Saadia, 
ouvrage  très  précieux.  Il  en  enverra  le  psaume  1°^  avec  une 
traduction  hébraïque,  pour  savoir  s'il  lui  convient  ^  ; 

5*  MN'TDi^p^ '0  de  Hariri,  en  arabe  et  en  hébreu;  oeuvre  d'un 
ancien  Arabe,  très  bon  écrivain,  aussi  célèbre  chez  les  Musul- 
mans que  Cicéron  chez  les  Romains.  Les  Arabes  disent  que  le 
lire,  c'est  presque  apostasier,  tant  sa  beauté  surpasse  celle  du 
Coran.  C'est  une  sorte  de  Décaméron.  L'ouvrage  a  été  traduit 
par  Hariri  en  hébreu.  Pour  lui,  il  a  disposé  l'arabe  et  l'hébreu 
en  regard  l'un  de  l'autre,  mais  la  traduction  ne  va  que  jusqu'à 
la  moitié  de  l'ouvrage,  il  tâchera  de  le  compléter  en  môme  temps 
que  d'autres,  tels  que  le  Kozari  arabe,  en  Egypte,  à  Alep  et  à 
Damas,  par  l'intermédiaire  de  ses  amis  ^  ; 

6°  lap-i  1^  "«r:  '0,  en  hébreu  et  en  arabe.  Il  a  placé  l'arabe,  en 
caractères  hébreux,  à  la  marge  de  l'hébreu.  L'auteur  en  est  Abou 
Bekr  ibn  Tofaïl.  Il  ne  sait  pas  si  l'ouvrage  a  été  traduit  en 
latin  "^  ; 

ejus  exemplar  accepi  Constantinopoli  a  cclebri  illic  et  doct.  Rabbino  Jac.  Romano.  • 
Cet  ouvrage  a  été  publié  pour  la  première  fois  sous  le  titre  de  Maase  Efod^  Einlet- 
tung  in  âas  Studmm  iind  Orammatik  der  hchr.  Sp^ache.,  .,  par  Jonathan  Friedlânder 
et  Jacob  Kohn,  Vienne,  1865. 

*  Buxtorf,  L  c,  200,  mentionne  seulement  la  traduction  du  lilT^pï!  'O. 

»  Publié  par  L.  Dukes  d'après  le  ms.  de  Munich  (Francfort-s./-M.,  1844)  et  par 
John  W.  Nuit  sous  le  titre  de  'p'^lp^  "^"^tiO  ïlîUblD  ou  Two  treatises  on  verbs  con- 
taining  feehle  and  double  lettcrs  hy  R.  Jehuda  Hayug  of  Fez^  Londres,  1870. 

^  Ces  écrits  de  Jona  ont  été  publiés  en  arabe  et  avec  traduction  française  par 
MM.  Joseph  et  Hartwig  Derenbourg  :  Opuscules  et  traités  d'Aho%i/l-Walid  Merman 
ibn  Djanah  de  Cordone,  Paris,  1880. 

*  Le  In^ip'lïl  '0  a  été  publié,  d'après  la  traduction  hébraïque  de  Jehuda  ibn 
Tibbon,  par  B.  Goldberg  et  R.  Kirchheim,  Francfort,  1856.  M.  A.  Neubauer  a  publié 
le  d'^1ï5Tlï5ïl  'O  en  arabe  sous  le  titre  de  :  Tàe  book  of  hebrew  roots,  Oxford,  1873-75' 

^  Voir  Steinschneider,  Cat.  cod,  t,iss.  Bibl.  reg.  monacensis,  122. 

*  La  traduction  des  makames  par  Jehuda  b.  Salomon  Alharizi  a  été  éditée,  d'après 
le  ms.  de  la  Bodléienne,  par  Thomas  Chenery,  Londres,  1872. 

"^  L'histoire  de  Haï  ben  Yoqtan,  racontée  par  Abou  Bekr  ibn  Tofail,  a  été  traduite 


92  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

1°  bpuî»  "^STS^^  '0  qu'il  a  composé  sur  les  formes  des  vers 
hébreux  dont  le  nombre  est  de  1348.  Il  n'a  trouvé  aucun  secours 
pour  écrire  cet  ouvrage  ni  en  hébreu,  ni  en  arabe.  Il  en  envoie 
à  Buxtorf  la  préface  comme  spécimen; 

8°  xû^pTi  bpU5  '0  de  Joseph  Kimhi,  en  hébreu  *  ; 

9«  £31^135  trn?:  '0,  en  hébreu  et  en  arabe  ; 

IQo  mnnbîi  n:mn  'o,  en  arabe  et  en  hébreu,  corrigé  d'après 
l'arabe  ; 

11°  ïiboïiïi  nbDïi  'D  d'Ibn  Roschd,  en  arabe  et  en  hébreu  2; 

Le  12°  ...  'D^,  en  arabe  et  en  hébreu,  composé  par 

un  Arabe  en  réponse  à  sept  questions  de  philosophies  à  lui  posées 
par  son  ami  ; 

13»  Huit  chapitres  sur  l'hygiène  par  Moïse  Maïmonide  en 
hébreu.  Il  espère  pouvoir  trouver  en  Eg3'pte  l'original  arabe  *. 

14°  m^D5M  NDiTD  '0  de  R.  Joseph  Barceloni,  en  hébreu,  traduit 
de  l'arabe.  Il  n'en  a  pas  vu  de  texte  arabe  ^  ; 

15°  Les  ouvrages  de  Schem  Tob  Palaquéra  en  hébreu,  à  savoir 

mi72ïi  Tn^i2  'c,  l'abrégé  du  d^Ti  mp?:  de  Salomon  ben  Gabirol  ^  ; 

16°  M'nin  rT^UîNi  '0  d'Ibn  Ezra,  en  hébreu  '  ; 

17°  ns  y^N72  'o  de  Kalonymos,  en  hébreu  ; 

18°  d"'ï35!i  nnr:n  'o  de  Messir  David,  en  hébreu; 

19°T^O'^Ni:3  nTona  'o,  traduit  très  bien  en  hébreu,  pour  Sam.uel 
Beveniste  »  : 


en  hébreu  par  un  anonyme,  commentée  par  Moïse  de  Narbonne  cl  traduite  en  latin 
par  Pococke,  en  1671.  Cf.  John  Dunlop,  Gesch.  der  Prosadichtnng,  en  allemand,  par 
Liebrecht,  p.  419,  et  note  49t.  Voir  aussi  Sleinschncider,  Cat.  cod.  hebr.  bibl.  acad, 
Luf/duno-Balavia,  6,  5. 

»  Buxtorf  (/.  c,  14o  :  est  liber  Û'^5'^3Dtl  "nna^)  et  après  lui  Sabb.  Bass  [l.  c,  81, 
n°  208)  donnent  ù  cet  ouvrage  le  titre  de  Û'^^'^^Dn  "ItlSTD  qui  appartient  à  un  ouvrage 
de  Joseph  Kimhi.  Quelques  passages  du  CipH  bp*.I5  ont  été  publiés  dans  le  Ziou  cl 
dans  le  D"'3'1I3  T"^*^  ^®  Edelmann. 

*  Voir  Sleinschncider,  Verzeichniss  dcf  hcbr.  mss.  dcr  h.  Bibliothek  :u  Berlin, 
lOoô,  3. 

3  11  m'a  été  impossible  de  déchilfrcr  le  mol  qui  manque  ici. 

*  Voir  Sleinschncider,  Calai,  des  mss.  hébr.  de  Munich,  289,  116. 

5  Buxtorf.  qui  a  eu  connaissance,  sous  le  titre  indiqué  par  Koman.  de  lu  traduction 
bébraïque  d'un  ouvrage  arabe  qu'il  n  attribue  ù  Joseph  Barceloni,  u  puisé  ce  rensei- 
gnement dans  cette  lettre  où  le  savant  de  Constantinople  avoue  en  toute  francbisc 
qu'il  n'a  jamais  vu  le  texte  arabe.  Voir  sur  l'auteur  probable  de  ce  livre,  Joseph  Ibn 
Aknin,  et  sur  la  traduction  hébraïque,  Sleinschncider,  Encyclopédie  d'Ersch  et  Grïi- 
ber,  XXXI,  p.  52. 

"  Pour  les  écrits  indiqués  ici,  cl  en  partie  publiés,  de  Schem  Tob  Palaquéra,  voir 
Zuiiz,  Jlcf/r.  Bihliogr.,  IX.  135.  Celle  lettre  prouve  que  Roman  n'a  pas  seulement 
connu,  mais  qu'il  a  possédé  l'ouvrage  i2'^ETD1^''2ïl  m^T- 

7  Buxtorf,  /,  r.,  133,  encore  inédit. 

^  Le  livre   de    In  Consolation   de  Boèce  était  lu  avec  plaisir  au  moyen  âge  et  a  été 


RICHELIEU,  BUXTORF  ET  JACOB  ROMAiN  93 

Selon  la  réponse  de  Buxtorf,  il  en  achètera  d'autres  pour  les 
remplacer  ou  les  fera  copier.  —  Il  le  prie  de  lui  envoyer  deux 
exemplaires  de  sa  Concordance,  un  pour  lui  et  un  pour  son  ami 
le  médecin  Léon  Siaa  ;  il  en  a  yu  la  première  page  qu'il  loue 
fort  ;  il  lui  demande  aussi  sa  traduction  latine  du  Guide  des 
Égarés,  qui  ne  se  trouve  pas  à  Constantinople.  Il  le  prie  enfin 
de  lui  faire  savoir  s'il  veut  lui  envoyer  des  caractères  hébreux 
en  plomb. 

Cette  lettre  si  précieuse  pour  Jean  Buxtorf  resta  longtemps 
sans  réponse.  Roman  ne  s'attendait  pas  et  n'avait  pas  lieu  de 
s'attendre  à  un  si  long  retard.  Voici  ce  qu'il  lui  écrit  huit  mois 
après  la  précédente  lettre  \  le  mardi  24  Sivan  5394  (20  juin  J634)  : 

irj-i73U5-'  'rt  £]^Ti^pis  \':nv  -t^D"^^  dsnï^T  pnsn  «in  Nbn  ....  ^:>^^  Nif^ 

'D"J2  nNt3  n-ii^N  ^nbdp  p  "^-inwS  n2^^  .^muîr,  ^-r^i^n  t^b  ïi^lr:  ^:>"i 
d-i-iDD  nitp  '^nnbuj  5":in  iirr  b^  bj^d  nn  "^nnîauîi  bibN  ^lï^ind  ï-imnd 
dT»  dN-jDiûb  ^i3"iD7ûn  b^rr  liinTû^D'^  nn'^:\^b  n-^^rLûSN  '"^73  ism^t^  •^'i-'  b:> 
ï^n  ^d  î-imu:n  siNd  Nb  dt<  n^ûna  5<b  n^inn^^n  n^T^  .inuîN-i  n^x  i"d  'i 
r^iïisrs  TJ'T^ïi?:  ïi53>?2ïi  Iii2^i2r\li  'T'N  ^-iN73  ■^n&îbsa  '^n  ,  nn^^n  «b  Ndn 
■ib  \nsDn^n  !i37^  mui3>b  '^nd\iîn  p  by  ^"i^3  n^buîb  iioN  irî^ip  -^biN 
p"i3n  nî"i3t  bnn^T:  "^DN  "^d  "^^Ti^b  j:^"!"!'^  «^rtrr  nnst^a  -^nitii^  .ïiadin 
inT  IN  d"^ti">  m  nuJN  PNTn  rî2"«i:^d  '^-in:'  disi  mu;3>b  d-^siN  l^^b  n^i::^ 
•^nirsn  ■^■jcuît)  'n&^b  i^ir^-i  d-^-^nn  'n  -nn-"  dî<  rr^in  ,  imN  i^non  d^r:3 
ts-^m^jy  it<  DN^ibnp  ^bu:d  ms-i^b  i::b^d  tD-ididî  Ti^Mz  'o  o^s^tib 
n\D&<d  nvnn:>  dt^  -"d  nmn::'  nrm^d  i33^n  ■^nns^n  ':jn  V^bn  "^n-iri  "^nd:^ 
nT^mi<ïi  -«D  rtt<n?3b  nbiu)  "^st^  nuî^  nnd^r  pu:nDd  ^nb^^TD  ^rr  ;-î:\s-;n 
tD-^ît^pn  n''bi^yj2'^^'n  "^id^  n^trî  J-Ti-^^Ton  o'^d'iïib  nbdv  t^xb  nv3-i:^'^i 
]wr)ti  Tii  riDi^n^ïi  tn-i:*i<M  ts:'  -^nnb^  -itïi^di  ,.^Tn  nnnM  5>-i^\rb 
d^  "ny  ^niî^N  ,  dnriN  d'i-idTi  u:mpn  l"iu:bd  o^n^d'^a  'o  n^oipr;  d:' 
'niDTiri  m5"iuîb  U5b\ud  "^^Tid^r  'di  mdnbrr  nmn  'd  d^dnnb  bnn^t^  d":ii 
nT3>d  m&^'^r^uj^i  p  nujsKn  "^Dd  d-^nsTn  dndîsïi  d-'^nadri  vn-^  bdirj  brn 
^'iidd  Dbyi2  "^22  nî<73  ■'nujpdi  \nbwS\d  .  tDvn  ^"$"^2  t^îw^  ^n-i3>n  nditi 

traduit  non  seulement  dans  presque  toutes  les  langues  modernes,  mais  encore  en 
hébreu.  La  traduction  mentionnée  ici  n'a  pas  été  faite  par  Samuel  Benvenisli,  comme 
l'affiinve  Buxtorf,  l  c,  107  :  «  Translatus  a  R.  Samuel  ben  Banschat  (!)  »  mais  pour 
Samuel  Benveniste,  petit-fils  de  Don  Abraham  Benveniste  (voir  mon  article  Dos 
Castilianische  Gemeinde- Statut,  dans  Jahrbiich  fiir  die  Geschichte  der  Judat^  vol.  IV} 
qui  possédait  à  Salonique  une  bibliothèque  très  riche. 
*  Recueil  de  lettres,  G.  I,  355. 


94  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

■jiNis;^^  ûi^i  nhi^'D  û^'iso  û-^^ip  û^tîSN  ûiD-'mrb:;^  )^i^^i2''  tiH^  '^'iy^^iiiih 
n•2^n  'o  ûD'^5'^2  Nii^-^  j<:i^ï-î  û&<  •^s^'^iii  s"5  pi  ,  "^bb^  ^n"!  i^n-'  ïi?:d 

pn:>5  ii^^  '-lùiN  "^nn^^î-î  )r:^''^'r»  ):f'^  11^73  ^iN^  niiim'w^.  'n'pry'n  x^rr 

nmn  '0?3  t'^ci::'w^î  biui^^o  Cs^-iïibi  rm:>arî  ^nn  imisb  '^nb'7r.-:5rî 
btîb  nb^mN  rî"n  rrs^iST  mp^i  rrs  ntîN  -^n-irr^  noiiî-i  nTj^n  mnnbr; 
''T^  br  i-^ab  ';v:îbb  mnnbri  nmn  'di  "^nTi^Dï-î  c^r^r»::  p\n:>ir7b  ■^"^srr 
ï-TN-i^  TNi  'innrJrî  iiuibn  dr  bN!-î  "ir!n72C-'  n:?"^»  'jn^'^b  rrriri"^  'n  -nainn 
^nb:^^  bN  \nnbc  îd":;  ^i:>  .  Srr^m  'lUî^s  n^r:  '^lî-^ïTr;  tzn^  l'^rt:rT 
^<^?^^  bp*:ï53  "^^tnt:  ncD  DSinm   ^-^  :^^'^^::  f^nsD  r^p  m:''a    ^i^îst 

t::^  inmb'^iî'n  nsTSin  "isdî-î  n^D^ipr?  CN'ipT  Dm^nn  ^lîTipïi  -ïT^îb  -^y^v 
r-ii2  -^^y^^v  CN  ^nb:j>5o  "^s-^^'n  ^n  Nit?:^  ^nbr?:  bx  rriT-iriNï!  n^'^in'n 
?-i^2on  nn^ND  ■inbN':^  iiy  .  ûîi^s^rn  ma  iriisnT:  rr^ns  t&<  la  nmi^^ 
û5<  )'^'ûb  û^iDims!-;  r;-n52  'oi  îiè^-^itjNnmpsip  '0  -^b  mbuib  ^nbrT:  rN?2 

"inmm  i?3ibu5  tïm^  Vni<  "^DD^î  t:^  bn:*"^  ^nbr-û  t)ibïî"i  ,  ûrr^r»:;  n^N  cbcî< 

Puis  comme  post-scripium  : 

'0  Tn'^:»"'b   "i^5i::3N  n''D"'7o  i53i!^n  tsnîi  ■>":?  :d"«  b»  ^"^nb',:5  îi^rr 
■^n3  'OT  >«<'n'^pbD   p   2ia    fc^  'nb  i-nb:>>2r5  'ci  tidn  î^ott: 
.TDjp  rjDT  'nïib  U5^pîi  bpw  '01  niDî^b  ^tddm-i  t]T:irï  nansn 

Abraham  dit  qu'il,  lui  a  écrit  il  y  a  plus  de  huit  mois  et  n'a  pas 
encore  reçu  de  réponse.  Il  recAi  de  lui  une  lettre  écrite  en  Ellul  (sep- 
tembre) et  lui  a  envoyé  quelques  livres  par  son  ami  Antoine  Léger. 

Il  lui  rappelle  qu'il  se  propose  d'établir  une  imprimerie  à 
Gonstantinople.  Il  voudrait  publier  le  Guide  des  Égarés  en  trois 
langues  sur  trois  colonnes,  en  hébreu,  en  arabe  et  en  latin,  l'arabe 
en  caractères  hébreux,  car  les  Turcs  ne  permettent  pas  d'imprimer 
en  caractères  arabes.  Il  lui  envoie  un  spécimen  de  cette  publi- 
cation. Il  lui  en  avait  déjà  adressé  un  avec,  entre  autres,  la  pré- 
face du  Tiberias^  traduite  en  hébreu.  Il  voudrait  aussi  imprimer 
le  Devoir  des  Cœurs,  de  Bahia,  et  le  S.  Kozari,  de  Juda  Halévi, 
également  en  ces  trois  langues  ;  ces  deux  ouvrages,  corrigés 
d'après  l'original  arabe  qu'il  a  entre  les  mains.  Il  lui  demandait, 
dans  sa  précédente  lettre,  s'il  y  avait  dans  sa  région  des  acheteurs 
pour  ces  livres,  et  combien  ils  peuvent  être  approximativement. 
Il  le  prie  de  l'informer  si  les  chrétiens  ont  déjà  une  traduction 
latine  de  ces  deux  derniers  ouvrages.  En  tout  cas,  elle  ne  peut 


RICHELIEU,  BUXTORF  ET  JACOB  ROMAN  95 

être  que  mauvaise,  attendu  que  la  version  hébraïque  sur  laquelle 
elle  a  été  faite  est  extrêmement  incorrecte.  Il  en  donnera  une 
traduction  latine  faite  par  le  docteur  Juda-Léon  Siaa  d'après 
l'arabe,  on  verra  alors  la  différence  *. 

Il  ajoute,  en  post-scriptiim,  qu'il  lui  a  envoyé,  par  Antoine 
Léger,  le  "i-idn  nui3>^  'o,  le  n^b^'K^'n  'o  de  Schem  Tob  Palaquéra, 
le  ^DDsm  ti"i^n  n:;n3ïi  \n3  'o  du  môme,  et  le  'Ciipr^  bj/c  'o  de  Joseph 
Kimhi2. 

Cette  deuxième  lettre  eut  probablement  le  même  sort  que  la 
première.  Les  relations  entre  ces  deux  savants  furent  donc  de 
courte  durée.  Le  11  août  1641,  Buxtorf  écrit  à  Hottinger,  à 
Zurich  :  «  Je  n'ai  pas  de  nouvelles  de  Jacob  Roman  depuis  quel- 
ques années  ^  » 

Pour  en  revenir  à  la  commission  donnée  par  Stella  de  Téry 
et  Morimont  à  Buxtorf,  celui-ci  a-t-il  fait  venir  de  Constantinople 
les  livres  et  manuscrits  orientaux  que  demandait  le  cardinal 
Richelieu?  Il  est  probable  qu'il  en  a  acheté  chez  Jacob  Roman, 
car  la  plupart  des  manuscrits  hébreux  dont  Roman  a  parlé  dans 
sa  lettre  se  trouvent  à  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris  *,  et 
quelques-uns  mêmes  portent  la  mention  qu'ils  ont  appartenu  à 
Roman  ^ 

M.  Kayserling. 


*  Dans  la  préface  à  sa  traduction  latine  du  Kozari^  Buxtorf  dit  :  «  Idem  Constan- 
tinopoli  ad  me  scripsit  R.  Jacob  Romanus,  qui  arabicum  exemplar  habuit  et  editionem 
ejus  trilinguam,  arabicam,  hebrœam,  latinam  tum  moliebatur.  »  Et  encore  en  août 
1641,  Hottinger  écrit  à  Buxtorf  :  «  J.  Romanum  Judœum  Constantiiiopolitanum 
editionem  triliiiguam  meditari  lubens  audio.  » 

*  Buxtorf  mentionne  ces  mss.  avec  la  remarque  qu'ils  lui  ont  été  donnés  par 
Roman.  Voir  Bibl.  rabbinica,  99,  s.  v.,  nsiî^  Îl"i23>?2  :  «  Ego  ms.  ejus  exemplar 
accepi  Constantinopoli  a. . .  R.  Jac.  Romano  ;  Cusri,  p.  32  ;  R.  Schem  Tob  b.  Joseph 
b.  Phalkira  nb3>'?3ïl  '0  quem  ms.  olim  accepi  a  J.  Romano.  »  Bibl.  rabb.,  22  ;  ibid., 
146  :  «  lïilp?!  bp'Ui.t.  Constantinopoli  donc  mihi  missus  est  a  R.  J.  Romano.  » 

^  «  De  Jacob  Romano  ab  aliquot  annis  nibil  audivi.    » 

^  Cf.  Cat.  des  mss.  de  Paris,  n^^  1215,  983,  700,  1216,  913,  893,  1031,  etc. 

'  Cf.  ibid.,  n°*  910,  749. 


LES  JUIFS 


DANS  LES  ETATS  FRANÇAIS  DU  PAPE 

AU  MOYEN  AGE 
(suite  ') 


XII. 

Serment  à  faire  en  cas  de  manifeste  général. 

Nous  sommes  d'acord  que,  le  tour  premier  que  vient  aussi  les 
aultres  tours  qu'i  se  feront  manifestz  gênerai,  que  le  temps  d'ouyr 
Vherem  de  chascun  home  ou  famé  de  nostre  comune  soyt  de  la  sep- 
maine  ou  ung  lundy  ou  ung  jeudi  après  estre  faicte  l'élection  du 
conseilh  (a).  Et  seront  tenus  de  se  congreger  dans  l'escoUe  *  aussi  tous 
filhs  et  filles  de  treze  ans  en  sus.  Et  demeureront  les  homes  congre- 
giés  au  dessus,  et  les  famés  dessoubs  ^  pour  escouter  ledict  sere- 
ment  et  Vherem.  Et,  avant  que  ouyr  ledit  serement,  toute  personne, 
homme  ou  famé,  renoncera  a  toute  cauthelle  entre  les  mains  de 
gentz  suffisantz  de  nostre  comune  avecques  le  roUe*  au  bras.  Et  les 
famés  mctront  les  mains  sur  la  Biblic  et  sur  les  Dix  mandementz. 
Et  ce  chargeront  leurs  corps  et  âmes  d'oscouter  ledict  serement  et 
Vhere7n  de  bon  gré  et  bonne  volunté,  sans  aulcune  constraincte  ou 
cauthelle.  Et  aussi  se  chargeront  de  produyre  leurs  manifestz  loyal- 
lement  et  fcallement  (^),  selon  la  teneur  de  ses  presens  articles. 

Et  les  famés  qui  sont  acouchces  d'cnfent  jureront  sur  les  Dix  man- 

'  Voir  lomc  Vil,  j).  227  (Page  23;{,  ligne  28,  au  lieu  de  :  «  Qui  en  réclame  le 
licrs  •  lire  :  «  Qui  eu  réclame  les  deux  tiers  »]. 

'  C'est-à-dire  la  synagogue,  comme  on  l'a  vu  plus  haut. 

'  La  synagogue  des  femmes  était  sans  doute,  comme  à  Carpcnlras,  placée  au-des- 
sous do  ci'Uo  des  hommes,  dans  le  sous-sol,  parce  que  la  place  man({utiil  pour  la 
mettre  do  |)lain-pied  avec  celle  des  hommes, 

♦  \'oir  article  'J. 


LES  JUIFS  DANS  LES  ETATS  FRANÇAIS  DU  PAPE  97 

dementz  et  en  vertu  de  Vherem,  ung  jour  ou  deux  après  que  seront 
levées.  Aussi  tous  malades  et  malade  seront  tenus  d'escouter  ledit 
serement  et  Vherem  troys  jours  après  qu'ilz  seront  sortis  de  leurs 
maladies. 

Aussi  tout  home  et  famé  qui  ne  se  treuvera  en  la  ville  d'Avignon 
pour  quelque  excuse  légitime  escoutera  le  serement  et  Vherem  troys 
jours  après  qu'i  sera  venu,  soyt  au  segond  serement  qui  se  fera  da- 
vant  le  premier  jour  de  l'an,  soyt  au  tiers  serement  que  se  fera 
a  la  première  sepmaine  du  moys  de  sevan  •  quand  viendra  le  no- 
taire tant  seulement  a  l'escolle'. 

Et  toutes  despances  que  se  feront  pour  faire  lesdictz  serementz 
se  feront  aux  despans  de  la  comune. 

Aussi  semblablement,  es  tours  qu'i  se  feront  les  taxes,  toutz  les 
serementz  se  feront  en  tenant  le  rosle  en  la  main  et  escouteront  le 
serement  et  Vherem,  en  révoquent  toute  cautelle  de  faire  son  ma- 
nifestz  bien  et  duement,  selon  la  teneur  de  nos  presens  articles.  Et 
es  famés  sufîront  de  jurer  sur  la  Biblie.  Aussi  filhz  et  filles  en  treze 
ans  en  sus. 

Semblablement,  est  nostre  vouloyr  qu'i  soyt  donnée  liberté  au 
conseilh  de  faire  jurer  {c)  toutz  parentz  qui  font  leurs  manifestz  de 
nostre  comune,  combien  qu'i  soint  de  la  présente  cité  d'Avignon  ou 
d'ailheurs,  qu'ilz  baient  a  manifester  s'ilz  hont  aulcuns  biens  de  ceulx 
qui  font  manifestz  ou  aulcuns  debtes  faictz  par  mains  de  notaire, 
ou  par  podice',  ou  par  commande  et  obligances,  tant  a  leurs  noms 
come  au  nom  d'aultruy,  et  que  aient  a  dénoncer  au  bayllon  du 
manifestz  toutz  les  biens  qu'ilz  auront  de  leurs  parens. 

Aussi  nostre  vouloyr  est  que,  au  tour  qu'i  se  fera  lou  manifestz 
gênerai,  qu'aient  a  déclarer  lou  serement  et  Vherem  en  voulgar,  après 
qu'i  l'auront  declairé  en  langue  hebrabicque,  aulx  fins  que  toutz 
ceulx  qui  se  auyront  ayent  crainte. 

Aussi  pareilhement  feront  en  toutz  les  tours  de  nostres  articles, 
tant  es  tours  des  manifestz  comme  aulx  tours  des  tauxes. 

[a]  A  la  poene  de  vingt  cinq  s.  t.  pour  chascun  contrevenant, 
applicable  au  fisc,  et  se  fera  l'assemblée  avec  la  licence  dudit 
seigneur  viguier. 

(J)  Lesquelz  manifestz  se  guarderont  par  les  bailons  du  ma- 
nifest  jusques  aux  nouveaux,  et  lors  se  rendront  lesdits 
vieulx  manifestz,  retenent  le  registre  des  sommes  esquellez 


*  Le  mois  de  sivan  est  le  9«  de  Tannée.   Ne  faut-il  pas  lire  hesvan,  2«  mois   de 
l'année  ?  Il  ne  paraît  pas  probable  que  le  3«  serment  ait  lieu  9  mois  après  le  premier.  • 
Voir  l'art.  16. 

'  Les  actes  publics  de  la  communauté  contrôlés  par  l'autorité  cirile  se  faisaient 
très  souvent  dans  la  synagogue,  en  présence  des  délégués  de  l'autorité  ou  des  officiers 
publics. 

3  «  Usnras  podiacenses  ».  —  Podissa,  quittance,  reçu, 

T.  VIIÏ,  nO  15.         •  7 


REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

montent  lesdits  vieulx  manifestz,  et  ce  sur  poene  de  dix  soûls 
applicables  au  fisc. 
(c)  Avec  licence  dudit  seigneur  viguier. 


XIII. 

Tarif  de  l'impôt. 

Nous  sommes  d'acord  que  tout  ce  qui  sera  de  besoing  a  la  co- 
mune,  aussi  toute  despance  et  inconvénient  qui  pourroyt  survenir, 
ce  coutiseront  et  se  lèveront  a  soub  et  livre,  et  lou  capage  '  a  grés, 
corne  s'ensuyt. 

C'est  que  tout  home  que  n'a  rien  ou  aura  jusques  a  la  somme  de 
vinct  et  cinq  livres  de  biens  paiera  cincq  florins  {sic).  Et  de  vint  et 
cincq  livres  jusques  a  cent  livres  paiera,  pour  chascune  livres, 
demy  soulx  tournoys  pour  livre.  Et  s'i  passe  cent,  quisoyt  cent  et 
une  jusques  cent  et  cinquante,  sera  augmentée  a  icelluy  la  somme 
de  dix  et  huict  soulx  tournoys.  Et  de  cent  et  cinquante  jusques 
a  deux  cens,  pareilhement  luy  sera  augmentée  d'aullres  dix  et 
huict  soulx.  Et  de  deux  cens  et  une  jusques  a  troys  cens,  il  sera 
augmentée  d'un  florin  de  plus,  et  pareillement  d'un  chascun  cen- 
tenal  qui  augmentera  plus  d  ung  florin  pour  cent.  Et  icelluy  ca- 
page sera  cotisé  a  un  chascun  home  de  nostre  carrière,  et  de  toutz 
ceulx  qui  viendront  habiter  avecques  nous,  eagés  de  quinze  ans  en 
sus,  proveu  que  n'estudient  continuellement',  sans  faire  aultre  tra- 
ficque.  Aussi  nostre  vouloyr  est  que  les  pères  que  habitent  avecques 
leurs  enfans,  et  le  suogre  avecques  le  gendre  et  deux  frères  qui  font 
manifestz  ensemble,  nous  voulons  que  le  filz  paiera  du  capage  la 
moytié  de  ce  que  paie  le  père,  et  le  gendre  la  moytié  de  ce  que  paiera 
le  suogre,  et  le  petit  frère  la  moytié  de  ce  que  paiera  le  grand  frère. 
Et  si  le  père  a  deux  ou  trois  enfants  ou  plus,  et  du  suogre  qu'a  plu- 
sieurs gendre,  ou  sont  deux  frères  ou  plus,  qui  font  leurs  manifestz 
tous  ensemble,  nostre  vouloyr  est  qu'un  chascun  des  enfans  et  des 
gendres  et  des  frères  paieront  la  moytié  de  ce  que  paie  le  père,  et  le 
suogre,  et  grand  frère,  pour  ce  que  font  leurs  manifestz  ensemble. 

Aussi  nostre  vouloyr  est  que  tout  home  vjeulx,  qui  passera  huic- 
tante  ans,  et  les  famés  vefves  [qui]  demeureront  avecques  leurs  en- 
fans ou  non  demeureront,  et  les  maistres  apprenans  les  enfans  se- 
ront quictes  et  ne  paieront  nul  capage  durant  le  temps  qu'il  sera 
magistcr. 

Aussi  tous  ceulx  qui  vivent  de  l'aumorne  seront  quictes  dudit  ca- 
page, proveu  qu'i  soient  tenus  de  servir  et  de  garder  les  portes  de 
nostre  comune,  les  jours  de  nos  festes,  a  l'heure  que  ce  faict  Tora- 

>  Voir  Annuaire^  \,  p.  182. 

*  Les  personues  qui  se  cousacrent  a  l'élude  de  la  Loi  soot  exemptes  d'impôts. 


LES  JUIFS  DANS  LES  ÉTATS  FRANÇAIS  DU  PAPE  99 

tion.  Et  s'i  ne  vouloient  garder  lesdictes  portes  quand  ils  seront 
mandés  pour  les  garder  de  par  les  bayllons  des  manifestz,  lors  ne 
seront  quictes  dudit  capage'. 

Etledictcapage  ne  se  coctisera  {a)  que  une  foys  l'année,  sans  plus. 

Aussi  nostre  vouloyr  est  que  le  filz  ou  les  enfans,  desquels  le  père 
ne  paie  point  capage  causant  sa  vieilhesse,  le  filz  paiera  le  dioyt  du 
capage,  a  soulx  a  livre.  Et  si  tel  enfant  a  ung  frère,  le  frère  poiera  la 
moytié  de  ce  que  poiera  le  grand  frère,  faisants  leurs  manifestz 
tous  ensemble. 

Et  combien  que  dessus  nous  haions  faict  mention  que  les  an- 
ciens, qu'auront  huictante  ans,  soient  quictes  du  capage,  nous 
voulons  que  de  septante  jusques  o  huyctante,  s'i  appert  a  la  plus 
part  du  conseil  qu'i  ne  gaignent  rien,  allors  seront  quictes  dudit 
capage. 

Et  si  dans  l'année  les  enfants  de  quinze  ans  traficquent  et  gaignent 
et  non  continuent  Testude,  leurs  sera  mis  le  capage  de  ladite  année. 

[a)  A  la  poene  de  vingt  soûls,  applicables  au  fisc. 


XIV. 

Impôt  spécial  sur  les  riches  qui  ne  feraient  pas  étudier  ou  trafiquer 
leurs  enfants.   Définition  de  la  moyenne  et  de  la  grande  «  main  ». 

Nous  sommes  d'acord  que  icelluy  que  sa  cotte  sera  de  la  moienne 
main  ou  de  la  grand  main,  et  hauront  d'enfans,  et  nevouldront  estu- 
dier  continuellement  jusques  a  vint  ans,  nostre  vouloyr  est  qu'i  paie- 
ront six  florins  pour  une  chascune  année,  oultre  le  capage  qu'i  sera 
esté  coctisé  a  luy  come  dessus  est  dict.  Et  combien  qu'il  soyt  esté 
dessus  dict  de  quinze  ans  en  sus,  cella  s'entent  de  ceulx  que  sa 
cocte  est  de  la  main  mineur  qui  n'ont  point  possibilité  et  puissance 
de  s'entretenir  a  l'estude  ;  et  la  moienne  et  grande  main,  qui  hont 
pouvoir  de  faire  apprendre  leurs  enfans  et  ne  les  font  point  estudier, 
et  ceulx  que  le  filz  ne  traficque  rien,  nostre  vouloyr  est  que  cella 
s'entent  que  estudient  jusques  a  vint  ans,  et  aultrement  leur  sera 
chargé  le  capage  susdict  selon  la  livre  du  père  et  davantage  six  flo- 
rins. 

Et  nostre  vouloyr  est  que  de  cent  livres  en  sus  s'appellera  la 
moyenne  main,  et  deux  cens  en  suz  la  grande,  et  de  cent  jusques  a 
une  sera  la  petite  comprenant  non  rien  ^ 

Et  toute  chose  qui  se  cottisera  par  sesdictes  mains  verseront  selon 
lesdictes  livres. 
• 

*  Ce  service  de  la  garde  des  portes  qui  fermaient  la  carrière  paraissait  sans  doute 
fort  pénible.  En  1779,  les  bayions  eu  étaient  dispensés.  Statuts,  1779,  p.  172. 

*  Ce  passage  a  été  gratté  et  raturé  sur  le  texte  primitif.  Nous  suivons  ici  le  texte 
définitif.  Du  reste  le  sens  n'est  pas  modifié. 


IfXJ  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

XV. 

De  V estimation  des  Mens. 

Nous  sommes  d'acord  que,  tous  les  tours  de  noz  presens  articles, 
seront  attenus  les  gens  du  conseilh  qui  seront  pour,  lors,  le  jour 
qu'ilz  prandront  leur  serement,  elliront  huict  juiftz  estimadors  de 
nostre  comune,  pour  faire  l'estime  de  tous  ceulx  qui  feront  leurs  ma- 
nifestz,  en  prenant  le  serement  du  rosle  entre  ses  mains  de  faire 
l'estime  bien  et  fidellement. 

Et  ceulx  feront  l'estime  de  tout  le  mesnage  et  marchandise,  excep- 
tés ceulx  qui  sont  prohibés  de  faire  l'estime.  Et  ne  pourront  aller 
pour  extimer  que  ne  soint  deux  ensemble,  et  sera  donné  a  ung  chas- 
cun  pour  leurs  vaccations  ung  florin  de  l'argent  de  la  comune,  et  ne 
mangeront  ny  beuront  a  la  maison  d'icelluy  de  qui  on  fera  l'estime. 

Aussi  pareilhement  ledict  conseilh  ellira  quatre  aultres  extima- 
dours,  huyct  jours  avant  qu'i  soy  venu  le  temps  de  porter  leur 
manifestz  et  acomply,  pour  estimer  tout  le  ménage  et  toute  mar- 
chandise des  premiers  estimadours.  Et  auront  pour  leur  salière  six 
soulx  pour  ung  chascun,  en  prenant  le  serement  de  le  faire  bien 
et  duement  comme  les  premiers,  et  ne  mangeront  ny  beuront 
comme  les  premiers. 

Aussi  pareilhement  elliront  en  un  chascum  tour,  tant  au  tour  des 
manifestz  gênerai  que  des  taxes  par  la  pluspart  du  conseilh,  lesdicts 
estimadours.  Et  lesdicts  estimadours  se  signeront  leurs  noms  et 
surnoms  a  la  fin  de  chascune  pagine  desdictz  inventoyres.  Et  les- 
dits  estimadours  ne  pourront  contredire  ny  refuser  d'aller  estimer, 
quant  seront  requis  de  par  les  particuliers  juifz  ou  juives  {a).  Et 
l'estimadour  qui  récusera  d'y  aller,  nostre  vouloyr  est  qu'i  n'aie 
nessun'  sallaire  ny  gaige.  Et  auront  lesditz  juifz  et  juifves  pou- 
voir de  les  contraindre  par  justice  au  despans  des  estimadours 
refusantz.  Et  aussi  nostre  VOUI03T  est  que  l'estimadour,  qui  refu- 
sera l'office  de  vouloyr  extimer,  sera  attenu  de  donner  tout  incon- 
tinant  deux  florins  a  icelluy  qui  sera  mis  a  sa  place.  Et  ladite 
comune  ne  sera  atténue  de  paier  au  refusant,  ny  a  celluy  qui 
sera  mis  a  sa  place,  les  deulx  florins  susdictz.  Et  icelluy  qui  sera 
mis  a  la  place  du  refusant  aura  pouvoir  de  le  faire  mettre  et  déte- 
nir prisonnier  {b)  jusques  a  ce  qu'aura  paie  lesdictz  deux  florins. 

Aussi  pareilhement  la  pluspart  dudit  conseilh  ellira  quatre  juifz 
de  nostre  comune  pour  extimer  les  maisons  de  nostre  carrière, 
en  prenant  bon  serement,  en  tenant  le  rosle  en  la  main,  de  faire 
l'estime  desdictez  maisons  fidellement,  et  adviseront  toutes  les 
maisons  et  les  censés  qu'ilz  paient,  et  les  estimeront  selon  leur  advis 

*  Aucun,  eu  italien  ncssuno. 


LES  JUIFS  DANS  LES  ÉTATS  FRANÇAIS  DU  PAPE  101 

et  conscience,  et  demeureront  enfermés  dans  une  maison  et  ne  sor- 
tiront delà  jusques  a  tant  qu'i  soyt  achevée  ladite  estime  et  signée 
de  leurs  mains  ou  de  troys  d'iceulx.  Et  auront  pour  leur  salières 
six  soulx  tournoys  de  l'argent  de  la  comune. 

Toutesfoys  les  maisons  des  juifz  qu'i  sont  hors  de  ladite  cité 
d'Avignon,  icelluy  a  qui  seront  telles  maisons  heux  mesmes  les 
estimeront  a  leur  conscience  en  prenant  le  surdit  serement. 

Et  les  estimes  desdictes  maisons  seront  achevées  avant  qu'i  soyt 
le  premier  jour  de  Tan  nostre. 

Aussi  pareilhement  ledict  conseilh  ellira  deux  estimadours  pour 
estimer  lesdictes  maisons  des  surdictz  estimadours  et  de  leurs 
parens  prohibés  a  heux  de  non  estimer,  comme  est  du  père  au  filz 
ou  père,  suogre  et  gendre,  et  frère  a  frère  ;  et  feront  serement  come 
les  premiers,  et  leurs  sera  bailhé  de  l'argent  de  la  comune  troys 
soulx  pour  ung  chascun,  aulx  surdictz  estimadours,  en  portent 
escript  signé  et  soubsigné  de  leursdictes  mains  des  surdictz  esti- 
madours aulx  bayllons  du  manifestz.  Et  ne  pourront  contradire  ny 
relluser  les  estimadours  de  faire  les  estimes  desdictes  maisons,  sur 
peyne  d'un  escu  pour  chascun  qui  reffusera  la  moytié  au  fisc  (c) 
et  l'aultre  moytié  a  l'aumorne  de  nostre  juefrie.  Et  ne  pourra  le 
juif  ou  juifve  chasser  lesdictz  estimadours  pour  prandre  d'aultres 
estimadours,  veu  que  les  premiers  auront  une  foys  acoumancé,  car 
voulons  que  icelluy  qu'aura  acommancé  finissent  sans  aulcuns 
aultres. 

{a)  A  la  poene  de  vingt  s.  t.,  applicable  au  fisc. 
0)  Avec  la  permission  dudict  seigneur  viguier. 
(c)  Applicable  les  deux  tiers  au  fisc  et  l'aultre  a  ladite  au- 
mosne. 


XVI. 

Délai  pour  porter  son  manifeste  et  droit  de  jonction  des  manifestes  en 

certains  cas  spécifiés. 

Nous  sommes  d'acord  que  le  temps  de  porter  le  manifestz  d'un 
chascun  et  chascune  de  nostre  comune  sera  despuis  le  jour  qu'auront 
prins  le  serement  et  lou  A^r^w  jusques  a  quinze  jours  du  moys  de 
cevan  *  suyvant  après.  Et  le  temps  du  compter  lesdictz  manifestz  sera 
jusques  a  quinze  du  mois  de  quisselev^  suyvant  après,  ainsins  pour 
chascun  tour  de  noz  presens  articles  tant  le  tour  des  manifestz 
comme  le  tour  des  tauxes. 

*  Voir  la  note  suivante. 

*  C'est  le  mois  de  kislev,  Z*  de  1  année,  par  conséquent  le  mois  nommé  précédem- 
ment est  bien  le  mois  de  hesvan,  2«  de  l'année,  non  sivan,  9"  de  l'année.  Si  on  lisait 
sivan,  l'opération  se  présenterait  comme  suit  :  le  1"  hérem  préventif  prononcé  en 
ellul,  le  3«  hérem  préventif  prononcé  dix  mois  après,  en  sivan,  les  manifestes  addi- 


102  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Et  pour  ce  que,  pour  quelque  excuse  légitime,  seroyt  impossible 
ou  juif  eu  juifve  de  ne  pouvoir  acomplir  son  manifestz,  allors  les 
bayllons  des  manifestz  luy  pourront  donner  dillay  de  troys  jours 
après  les  quinze  jours,  sans  plus. 

Aussi  nostre  vouloyr  est  que,  durant  le  temps  de  noz  presens 
articles,  ne  pourra  aulcun  home  ou  famé  de  mettre  son  manifestz 
l'un  avecques  l'aultre  [a]^  excepté  les  famés  avecques  celuy  de  leur 
mary  et  les  veufves  avecques  celuy  de  son  enfant  ou  de  son  gendre, 
ou  père  ou  filz,  ou  suogre  ou  gendre,  ou  deux  frères  ou  deux 
seurs.  Et  tous  ceulx  susdictz  pourront  meller  leur  manifestz  en- 
semble, proveu  qu'ilz  demeurent  ensemble  le  temps  que  porteDt 
leurs  manifestz.  Et  si  sont  deux  ou  plusieurs  que  auront  par  lors 
de  marchandise  ensemble,  quelle  qu'elle  soyt,  sera  tenu  ehascun 
d'eux  de  manifester  a  leur  manifestz  la  par ticu[lal rite  de  ladicte 
marchandise  qu'est  acompaignié,  exepté  celle  marchandise  ne  vail- 
hant  six  soulx,  qu'ilz  pourront  mettre  le  pris  tout  ensemble. 

Et  nostre  vouloyr  est  que,  au  tour  qu'i  se  feront  les  tauxes,  que  ce 
fera  la  taxe  du  père  a  part  et  du  filz  a  part  et  aultant  des  aultres  sus- 
dictz ;  sera  tenu  icelluy  qui  ne  fera  manifestz  de  faire  serement 
s'il  ha  rien  receu  de  son  filz  ou  de  son  gendre  ou  de  son  frère. 

Pareilhement  fera  serement  [à]  le  père,  ou  le  filz,  ou  le  suogre, 
ou  le  gendre,  ou  les  deux  frères  qui  font  manifestz  s'ilz  hont  faict 
aulcune  cession  et  remission  a  son  filz,  ou  gendre,  ou  a  son  frère, 
d'aulcune  chose. 

Aussi  nostre  vouloyr  est  que  lou  père  et  lou  filz,  le  suogre  et 
gendre,  les  deux  frères  ou  les  deux  seurs  qui  auront  faict  leurs 
manifestz,  le  tour  passé,  ensemble,  et  au  tour  des  taxes  se  voul- 
dront  deseparer  l'un  de  l'aultre,  nostre  vouloyr  est  qu'ilz  se  puissent 
desseparer  leur  manifestz,  proveu  que  tous  deus  fassent  leur  ma- 
nifestz particuUierement,  sans  ung  vouloyr  tenir  la  taxe  et  l'aultre 
le  manifestz,  ou  bien  tenir  toutz  deux  leurs  taxes,  pour  éviter  tout 
frault. 

[a)  A  la  poene  de  dix  fl.  t.,  tant  pour  celluy  qui  le  fera  que 
pour  celluy  qui  le  recepvra,  applicable  pour  les  deux  tiers 
au  fisc  et  l'aultre  a  ladite  aumosne. 

{b)  Avec  la  licence  dudit  seigneur  viguier  et  celuy  qui  se 
trouvera  avoir  fraudé  son  manifest  encorira  la  poene  contre 
les  fraudateurs  indicté,  et  seront  tenuz  les  baillons  du  maui- 


tionnés  (c'est  le  sens  du  mot  compter)  ù  partir  de  cette  époque  jusqu'en  kislev,  c'esl- 
ù-dirc  cinq  ou  six  mois  apl^s.  L'opération  aurait  duré  quinze  à  seize  mois,  ce  qui  est 
impossible.  En  lisant  hosvan.  tout  s'explique  :  le_l«'  hérem  est  prononcé  en  cllul, 
12"  mois,  le  3'  hérem  on  lusvan,  2'  mois  de  l'année  suivante,  et  ou  finit  de  compter 
les  manifestes  des  retardataires  en  kislev,  3»  mois.  L'art.  38  prouve  que  c'est  bien 
ainsi  que  se  passaient  les  choses,  puisqu''on  commençait  à  compter  les  manifestes  aux 
léles-léfjères  des  Cabanes,  dans  le  mois  de  tisri.  Le  1""  jour  de  kislev  tombe  fia  no- 
vembre ou  dans  les  premiers  jours  de  décembre,  de  sorte  que  par  là  se  trouve  aussi 
résolu  la  petite  diflioulté  signalée  ù  l'art.  11, 


LES  JUIFS  DANS  LES  ETATS  FRANÇAIS  DU  PAPE  103 

fest  le  révéler  a  la  justice,  sur  la  poene  de  dix  fl.  t.  appli- 
cables au  fisc,  et  ce  huict  jours  après  que  leur  sera  venu  a  leur 
notice. 


XVII. 
Des  excuses  pour  le  retard  des  manifestes. 

Nous  sommes  d'acord,  si  entrevenoyt,  ja  Dieu  ne  veulhe,  temps 
de  peste  au  temps  qu'i  ce  portent  les  manifestz  ou  bien  qu'i  ce  prent 
le  serement  de  Vherem,  ou  verement  si  entrevenoyt  le  temps 
qu'est  l'accompliment  de  porter  leur  manifestz,  que  pour  lors  se 
treuvat  aulcum  personnage,  soyt  home  ou  famé,  fort  malade,  en 
manière  que  tel  personnage  heusse  légitime  excuse  de  ne  pouvoir 
porter  son  manifestz  durant  cedict  temps,  ou  bien  que  lesdictz  telz 
personnages  feussent  détenus  et  enserrés  aulx  prisons,  et  ce  estroic- 
tement  en  sorte  qu'i  ne  poussent  parler  a  personne,  voulons  que, 
durant  ledit  temps  de  peste,  le  conseilb  aura  liberté  d'allonger  ledict 
temps  du  manifestz,  fins  *  qu'on  soyt  de  retour  en  la  ville. 

Et  aussi  a  toutz  ceulx  qui  seront  en  extrémité  de  maladie,  ou  en 
estroicte  carce,  comme  desus  est  dict,  ledict  conseilh  aura  liberté  de 
alonger  ledict  temps  de  manifestz  aulxdictz  malades  ou  prisonniers, 
tant  que  bon  semblera  a  la  plus  grande  part  du  conseilh,  sans  encou- 
rir la  peyne  du  serement  surdict  pourles  raysons  desdictes  excu- 
sations. 

XVIII. 
Règles  pour  V estimation  des  biens. 

Nous  sommes  d'acord  que  tout  home  qui  sera  tauxateur  au  tour 
des  tauxesne  puisse  estre  extimadour,  en  aulcune  chose  que  ce  soyt, 
dans  ledict  tour,  a  celle  fin  qu'il  en  se  face  ladicte  estime  par  vie 
d'innimytié  et  malveilhance.  Aussi  nostre  vouloyr  est  tel  que  les 
extimatours  des  marchandises  et  du  mesnaige  de  possessions,  qui 
seront  esleus  au  nioys  à.'ellul  prochain,  comme  a  esté  dict  au  pré- 
cèdent article,  seront  esleuz  sans  point  de  sort,  comme  est  dessus 
dict,  bien  que  le  temps  soyt  anticipé  selon  la  teneur  de  noz  susdictz 
articles. 

Aussi  nostre  vouloyr  est  que  les  extimeurs  des  vinhes  feront 
l'estime  des  vinhes  sans  estimer  les  fruictz  pandantz,  car  il  suffit 
que  l'on  paie  du  vim  qui  en  sort  pour  la  provision  de  la  mayson 
se  que  sera  estimé. 

•  Jusqu'à  ce  que,  en  italien  fino. 


104  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

XIX. 

Instruction  pour  la    rédaction  des  manifestes. 

Nous  sommes  d'acord  que  tout  home  et  famé  de  nostre  comune  se- 
ront tenus  d'escripre  leurs  manifestz  de  leurs  mains  ou  des  mains 
d'aultruy  par  paroUes,  motz  et  vocables  escriptz  au  lonc  et  compleclz 
aux  sommes  de  l'argent.  Et  qu'ilz  soyent  escriptz  en  papier,  en  quelle 
sorte  que  ce  soyt,  et  mettront  toutz  leurs  biens  particulièrement.  Et 
pourront  escripre  le  nombre  et  le  pris  des  choses  tout  ensemble.  Et  les 
choses  que  se  doibvent  mettre  par  nombre,  se  mettront  par  nombre  ; 
et  celles  que  se  doibvent  mettre  par  mesure  se  mettront  par  mesure  ; 
et  celles  que  se  doibvent  mettre  par  poix,  se  mettront  par  poix,  bien 
que  soyent  lesdictes  choses  dans  sa  maison  ou  hors  de  sadicte  mai- 
son, ou  dans  la  ville  d'Avignon  ou  hors  de  ladicte  ville,  ou  en 
quelque  autre  lyeu  que  ce  soyt,  exceptées  les  choses  qui  sont  es- 
criptes  aux  precedens  articles,  desquelles  n'est  attenu  de  manifester 
ne  paier. 

Et  seront  pareilhement  attenus  de  reveller  faaulement  tout  ce 
qii'ilz  hont,  bien  qu'ilz  soyent  debtes  deux  a  bonne  foy  ou  sur 
gaige  ou  par  instrument  et  podixe  en  leur  nom  ou  nom  d'aultre,  ou 
soyent  bagues  et  joyaulx  d'argent,  d'ore  ou  non  d'ore,  pierrerie 
fine,  perles  enchâssées  ou  non  enchâssées,  argent  ou  or  monnoyé 
ou  non  monnoyé,  aussi  possession,  terres,  vinhes,  et  maisons,  et 
aultres  possessions,  aussi  marchandise  quelle  que  ce  soyt,  tant  de 
soye,  layne  que  lyn  et  chenève,  cuyr,  estaing,  plomb  et  de  toute 
sorte  de  mettail^h,  bestailh,  chievres,  ouailhes,  beufz,  vaches,  et 
toute  aultre  manyere  de  bestailh,  vins,  huylles,  bledz  de  toute 
sorte  de  grains  et  de  farine  et  toutes  drogues  d'apoticayre,  et  toute 
aultre  manière  de  marchandise  quelle  que  ce  soyt.  Et  sera  tenu  (a) 
le  manifestant  au  temps  de  compter  le  manifestz  de  croytre  et 
mettre  en  son  manifestz  tout  ce  qu'il  porroyt  avoir  oblié  et  caché. 
Et  avecques  cela,  ne  sera  tenu  perjure  ne  fraudateur  de  son  ma- 
nifestz. 

[a]  A  la  poene  de  vingt  livres,  applicables  au  fisc,  et  ce 
oultre  les  aultres  poenes  indictées  contre  les  fraudateurs  de 
leurs  manifestz. 

XX. 

Objets  dispensés  de  Vestimation. 

Nous  sommes  d'acord  que,  durant  le  temps  de  ces  presens 
articles,  sera  la  livre  du  mesnaige,  comme  robe  de  lictz,  abilhe- 
mentz  tant  d'homes  que  famés  et  enfans,  tant  du  sabat  que  aultre 


LES  JUIFS  DANS  LES  ÉTATS  FUANÇAIS  DU  PAPE  105 

festes,  et  robes  de  lin  et  toute  aultre  sorte  de  toilles,  et  toute  fus- 
tailhe  tant  de  noyer  que  sapin  et  aultre  boys  de  quoy  que  ce 
soyt,  boutes  tines  et  tout  utencille  de  cellier,  jares,  pilles,  mortiers, 
soyent  grandz  ou  petitz,  de  toute  tenue  et  capacité  que  ce  soyt,  et 
toutz  utencilz  de  fer  entier  ou  rompu,  plomb  pour  la  nécessité  de 
la  maison,  et  les  livres  escriptz  en  hébreu  ne  seront  point  extimés, 
ny  paieront  rien,  ny  seront  tenus  a  les  reveller. 

Aussi  maisons,  possessions,  vinhes,  acheptz  de  fruictz  tant  de 
vinhes  que  d'aultres  possessions  pour  la  provision  de  la  mayson, 
pour  une  année  tant  seulement,  sera  de  douze  florins  chascune  li- 
vrés. Toutesfoys,  si  les  fruictz  de  lesdictes  possessions  montent  plus 
que  de  la  provision  de  la  maison  pour  une  année,  seront  de  huict 
florins  chascune  livre,  le   surplus  desdictz  fruicts. 

Et  des  choses  dessus  expressées  seront  au  serement  du  mani- 
festant que  icelles  ni  a  aulcune  chose  qu'il  tienne  pour  vandre  ou 
faire  marchandise.  Et  vim  et  huylle,  bled,  farine  pour  la  provision 
de  la  maison  durant  une  année  sera  de  douze  florins  l'année,  et  le 
demeurant  de  ladicte  marchandise  sera  de  cincq  florins  la  livre. 

Et  les  bayllons  du  manifestz  auront  discrétion  de  regarder  de 
ce  que  luy  sera  neccessaire  pour  la  provision  de  la  mayson  durant 
l'année,  de  bled,  de  vin,  huylle  et  farine.  Et,  s'il  y  a  davantage 
de  ladicte  marchandise,  le  bled  sera  estimé  ce  que  ce  vendra  pour 
lors  ;  aussi  pareilhement  de  l'huylle,  et  poiera  de  ceste  marchan- 
dise :  et  sera  livré  come  paie  argent,  or  monnoyé  et  non  monnoyé, 
joyaulx,  pierrerie,  perles  enchâssée  ou  non  enchâssée,  seinture 
d'argent  dorée  ou  non  dorée,  bendal  de  perles  et  toute  marchandise 
qui  soyt  lative  gaiges,  tout  sera  de  cincq  florins  la  livre  ;  combien 
que  lesdictz  gaiges  soyent  faicts  avecques,  obligé  sera  aussi  de  cinq 
florins  la  livre. 

Aussi  toutz  livres  de  médecine,  qui  ne  seront  pour  vendre,  ne 
paieront  rien. 


XXI. 

Du  calcul  des  dettes  dans  Vétat  des  Mens, 

Nous  sommes  d'acord  que  tout  home  et  famé  de  nostre  comune 
qui  auront  aulcuns  debtes  que  se  soyt,  et  de  quelle  somme  que  ce 
soyt  et  en  quel  lyeu  que  ce  soyt,  soyt  par  instrument  ou  en  bonne 
foy  ou  en  polizes,  tant  en  son  nom  comme  au  nom  d'aultruy,  seront 
tenus  de  les  porter  toutz  en  leurs  manifestz. 

Et  premièrement  toutz  les  debtes  qui  se  feront  ung  chascum  tour, 
despuis  le  temps  de  la  Magdaleine  jusques  au  temps  du  complar 
de  leur  manifestz,  seront  de  six  florins  la  livre,  et  les  aultres  debtes 
qui  seront  bons  les  mettra  a  part,  et  les  debtes  qui  sont  en  plaict 
par  libel  de  cancellation  d'instrument,  recision  de  contract  ou  quin- 


106  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

quinelles,  ou  libel  de  cession  de  biens,  qui  sortirontde  part  la  partie 
du  débiteur,  le  mettra  a  part.  Et  les  debtes  perduz,  qui  auront  passés 
dix  ans  ou  vrayement  qui  auront  faict  cession  de  biens,  les  mettra 
pareillement  a  part. 

Car  nostre  vouloyr  est  qu'i  payeront  desdictes  debtes  en  la  ma- 
nière gui  s'ensuyt  :  c'est  a  scavoir  :  toutz  les  debtes  qui  seront 
faictz  d'avant  la  Magdaleine,  qui  soyent  bons  et  valables  selon 
l'estime  du  manifestant,  seront  de  huict  florins  la  livre,  et  les 
debtes  pardus  ou  qui  auront  passés  dix  ans  ou  auroint  faict  cession 
de  biens,  que  le  manifestant  n'en  aura  reçeu  aulcum  profit  de  dix 
ans,  sera  attenu  le  manifestant  d'escripre  les  debtes  susdictes  de  sa 
main  ou  de  la  main  d'aultruy  a  ses  despans  dans  ung  livre  de  la 
comune  (^),  et  se  soubsignera  soubs  cascune  pagine  de  ses  sus- 
dictes debtes,  c'est  a  scavoir  :  les  debtes  pardus,  et  ceulx  qui  auront 
faict  cession  de  biens,  et  qui  auront  passés  dix  ans. 

Car  nostre  vouloyr  est  que,  toutesfoys  qu'i  recouvrera  aulcune  chose 
d'eux,  sera  tenu,  pour  le  serement  de  Vkerem,  d'en  donner  la  moytié 
de  ses  susdictes  debtes  a  la  comune.  Et,  si  avoyt  despandu  aulcun 
argent  pour  recepvoir  aulcun  d'iceulx  debtes,  luy  sera  rebatu  la 
moytié  des  despens  qu'il  auroyt  despandu  pour  recepvoir  lesdictes 
debtes.  Et  si  faict  aulcun  apoinctement  d'yceulx  debtes,  en  les  met- 
tant a  paies,  donnera  la  moytié  a  ladicte  comuDe  de  ce  qu'il  recou- 
vrera, [après]  estre  venu  le  terme  des  paies,  sur  peyne  de  Vherem. 
Toutesfoys  les  debtes  qui  sont  en  procès  par  les  choses  surdictes, 
nostre  vouloyr  est  que,  de  tout  ce  qu'il  recouvrera  d'yceulx  debtes 
en  argent  comptent,  paiera  dudict  argent  a  raison  de  cincq  florins  la 
livre  despuis  qu'ilz  les  aura  reçus.  El  si  faict  aulcung  apoinctement 
avec  ses  débiteurs  des  debtes  qui  sont  en  procès,  luy  sera  aumenté 
et  creu,  pour  tout  icelluy  tour  du  debte  qu'il  aura  appoincté,  la 
somme  de  huyct  florins  la  livre.  Et  avecques  tout  cela  (^),  seront  te- 
nus, quant  ouyront  le  serement  et  lou  herem^  de  jurer  de  non  porter 
aulcun  debte  bon,  de  quelque  manière  que  se  soyt,  pour  malvais 
et  litigieux,  et  jurera  du  debte  qu'est  en  procès  ou  pardu  ou  passé 
dix  ans. 

Aussi  seront  tenus  les  bayllons  des  manifeslz  de  cogir  toutz  ma- 
nifestanz,  qui  porteront  ses  debtes  perdus,  de  les  faire  jurer,  en 
embrassant  le  rosle,  s'ilz  hoQt  receu  aulcune  chose  desdictes  debtes, 
tant  de  ceulx  qui  hont  passés  dix  aus  que  ceulx  qui  honl  faict  cession 
de  biens  et  que  sont  perdus,  pour  paier  la  moytié  a  la  comune. 
Et  seront  cogis  de  leur  faire  paier  dans  troys  jours,  accompaignés 
des  bayllons.  Et  les  debtes  qu'esloint  en  procès  et  d'yceulx  debtes 
se  sont  apoinctés  de  paier  le  capital  et  le  change  passé,  payeront 
pour  tout  le  tour  despuis  que  la  tailhe  sera  faicte.  Et  s'i  ne  lyrent 
que  le  capital,  non  paieront,  sinont  despuis  l'heure  qu'auront  faict 
l'appoinctement,  non  pas  pour  tout  le  tour.  Mais  les  dol)les  qui 
seront  mis  a  paies  paieront  de  toutz  les  paiemeus  de  toutes  les 
paies  qui  viendront  dans  le  tour,  corne  s'ilz  feusscut  debtes  bons. 


LES  JUIFS  DANS  LES  ETATS  FRANÇAIS  DU  PAPE  107 

Et  les  paies  qui  viendront  hors  du  tour  ne  paieront  rien,  toutesfoys 
qu'il  n'aie  faict  aulcune  cession  ou  lemission  des  paies  qui  sortent 
hors  du  tour  et  qu'i  ne  donne  aulcung  soulagement  aulx  débiteurs 
pour  recepvoir  ledict  debte  avant  que  la  paie.  Car,  s'i  recouvre 
dans  le  tour  des  paies  susdictez  passées,  paiera  la  tailhe  comme  les 
debtes  qui  viennent  dans  le  tour,  et  cela  sera  tenu  le  particulier 
de  la  denoncier  en  la  vertu  de  Vherem. 

(a)  Sur  la  poene  de  cinquante  sous  t.,  applicable  au  fisc. 
(à)  Sur  la  poene  contenue  et  indicte  contre  les  fraudateurs 
de  leurs  manifests,  applicable  comme  dessus. 


XXII. 
Suite. 


Nous  sommes  d'acord  que,  ung  chascum  tour  des  presens  articles, 
seront  tenus  les  gentz  du  conseilh,  qui  seront  pour  lors,  de  eslire 
deux  ou  troys  homes  pour  aviser  et  regarder  toutz  les  debtes  qui 
sont  en  procès;  aussi  les  debtes  perdus  ;  pareilhement  cenlx  qui 
ont  faict  cessions  de  bien,  pour  poursuyvre  de  leur  faire  faire  sere- 
ment  ou  les  acheter  ou  faire  achepter.  Et  ceulx  qui  poursuivront 
ledict  affaire  seront  payés  selon  qu'il  aparestra  a  la  pluspart  du 
conseilh,  qui  pour  lors  seront.  Et  le  cas  advenant  que  quelcuin  voul- 
sit  acheter  lesdictz  debtes,  ou  bien  fit  que  aulcune  personne  pour- 
suyvit  tellement  qu'il  fit  payer  lesdictz  debtes,  nostre  vouloyr  est 
que  ledict  argent  qui  sera  recouvert  desdites  debtes,  la  partie  en 
aura  la  moytié,  et  de  l'aultre  moytié  la  moytié  sera  de  la  comune  et 
l'aultre  moytié  de  celuy  qui  fera  telle  poursuyte  pour  ses  peynes 
et  travaulx  :  et  tout  ce  que  pour  ce  faire  sera  despandu,  sera  pro- 
porcionablement  payé  par  lesdictes  parties.  Aussi  sera  loysible 
audict  conseilh  de  manifester  (a)  ou  faire  entendre  a  toute  personne 
qui  vouldra  acheter  lesdilz  debtes,  et  pour  monstrer  la  particularité 
desditz  debtes,  et  ceulx  qui  seront  esleus  a  ce  faire  feront  diligence 
a  les  vendre  et  faire  faire  serement  a  ceulx  qui  hont  portés  lesdictz 
debtes. 

Combien  que  par  l'article  précèdent  aye  esté  dict  que  les  bayl- 
lons  de  manifestz  ayent  le  pouvoir  et  liberté  de  faire  faire  le  sere- 
ment, toutesfoys  nostre  vouloyr  est  que  ceulx  qui  seront  esleus 
ayent  telle  puyssance  et  liberté,  et  seront  tenus  de  troys  mois  en 
troys  moys  faire  faire  tel  serement. 

{a)  Avec  la  licence   et  permission  dudit  seigneur  viguier 
pour  une  foys. 


108  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

XXIII. 
Tarif  d'estimation. 

Nous  sommes  d'acord  que,  durant  le  temps  de  ces  presens  articles, 
sera  extimé  l'argent  d'ore  dix  et  huict  florins  le  marc,  pois  de  Paris, 
sanctures  d'argent  dorées  avecques  le  tissu  douze  florins  le  marc. 
L'argent  blanc,  dix  florins  le  marc,  avecques  le  tissut.  Et  utencilles 
garnis  d'argent  ou  d'or  seront,  selon  leur  value,  argent  blanc  net 
seze  florins  le  marc,  Tor  le  denyer  vauldra  dix  soulz,  proveu  tou- 
teffbys  que  ledict  or  et  argent  ne  soyt  monnoyé  et  en  biilon. 
L'estaing  deux  soulz  la  livre,  entier  ou  rompu.  Cuyvre  et  loton 
en  ouvraige,  entier  ou  rompu,  ung  sould  et  demy  la  livre.  Et  ceulx 
qui  sont  garnis  de  fer,  un  sould  fer  et  plomb,  selon  la  discrétion  du 
manifestant.  Lampes,  chandelliers,  caleihs,  au  pris  du  pris  de  loton. 
Bendailh  de  perles,  pierres  fines,  encbassées  ou  non  enchâssées, 
et  perles  sans  bendailh,  le  manifestant  les  portera  selon  leur  prix 
et  value.  Et  s'il  apert  aux  bayllons  de  manifest  que  le  bendailh  de 
perles  et  pierres  précieuses  et  perles  valent  plus,  porront  lesdictz 
bayllons  de  manifest  eslire  ung  home  du  conseilh,  ou  hors  du 
conseilh,  qui  ira  avecques  ledict  manifestant  vers  troys  changeurs  : 
et  le  moyen  pris,  qui  se  treuvera  desditz  troys  changeurs,  sera  le 
pris  des  choses  susdites.  Aussi  les  abillementz  qu'ilz  portent  quothi- 
diennement  toutz  les  jours  les  manifestantz,  tant  d'eulx  que  toutz 
leurs  enfans  et  mesnaige,  ne  sera  point  tenu  de  reveller,  ne  rien 
payer.  Aussi  bois  et  charbon  pour  la  nécessité  de  la  maison  ne 
payera  rien  :   et  toute  sorte  de  confiture  et  voUatilhe. 

XXIV. 

Défalcation  des  impôts  imyés  à  V étranger. 

Nous  sommes  d'acord  que  tout  home  ou  famé  de  nostre  comune 
qui  auront  maysons  ou  possessions,  debtes,  hors  la  présente  cité 
d'Avignon  et  terroir  d'icelle,  et  payera  aulcune  charge  d'iceulx 
hors  la  présente  cité,  nostre  vouloyr  est  qu'il  luy  soyt  detuite 
et  rabatue  d'icelle  la  moytié  de  tout  ce  qu  il  payera  en  aultre 
lyeu,  proveu  qu'il  face  foy  par  cedule  de  ce  qu'il  aura  payé  :  et 
tout  ce  qu'il  aura  acordé  avecques  avec  la  pluspart  du  conseilh, 
aura  vigueur  et  eiîicace. 

Aussi  les  estimadours  et  estimadors  des  estimadours  et  aussi  taxa- 
teurs  qui  seront  d'acord,  ou  la  pluspart  d'iceulx,  auront  vigueur  et 
efficace  tout  ansi  que  s'il  avoit  esté  faict  et  passé  par  toutz  eulx. 

Et  toute  personne  qui  ne  sera  de  nostre  comune,  que  aura  posses- 


1 


LES   JUIFS  DANS  LES  ÉTATS  FRANÇAIS  DU  PAPE  ^i09 

sion  ou  maison  icy,  payera  corne  l'ung  des  aultres  habitans  de  la 
comune. 


XXV. 

Vérification  des  dettes  existantes. 

Nous  sommes  d'acord  que  tout  home  ou  famé  de  nostre  comune 
qui  aura  aulcunz  debtes,  soyt  par  instrument  public  ou  a  la  bonne 
foy  ou  par  podixe,  soyt  crestienne  ou  hebraicque,  soyt  dans  la  pré- 
sente cité  d'Avignon  ou  hors  d'icelle,  sera  tenu  de  porter  en  son 
manifestz  lesdictz  debtes  qui  luy  seront  deux  particulièrement  et 
designer  le  nom  et  noms  de  celuy  ou  ceulx  qui  lui  doibvent  et  le 
nom  du  lyeu  et  celuy  a  qui  yl  est  obligé,  soyt  en  son  nom  ou  au 
nom  d'aultres,  et  le  nom  du  notaire  et  le  nom  d'yceluy  qu'est 
obligé,  et  le  moys,  et  l'année,  et  le  temps  du  payement  tout  entiè- 
rement a  la  vérité  («),  ainsi  qu'il  est.  Et  seront  tenus  a  monstrer  auz 
bayllons  du  manifestz  la  memoyre  desdictz  debtes  {à)  en  tout  temps 
qu'ilz  seront  requis,  en  comptant  leurs  manifestz.  Et  seront  tenus  de 
monstrer  leurs  livres,  telz  qu'i  soyint,  ou  par  escripture,  ou  par 
papier,  quant  requis  seront  par  les  bayllons  de  manifestz,  ou  de 
monstrer  les  testimoniales  au  temps  que  se  comptent  lesdictz  mani- 
festz, ou  trente  jours  après.  Et  faisant  cela  ne  sera  dict  parjur. 

El  toute  question  ou  demande  que  ne  se  fera  bien  liquide  par  ins- 
trument ou  podixe  que  ceulx  auront  contre  aulcun,  tant  en  la  pré- 
sente cité  d'Avignon  que  hors  d'ycelle,  ne  sera  tenu  de  reveller  en  son 
manifestz  la  demande  ou  question  susdite  ne  l'occasion  d'ycelle,  jus- 
ques  a  ce  qu'il  sera  requis  par  les  bayllons  de  manifestz.  Toutesfoys 
nostre  vouloyr  est  tel  qu'il  en  face  memoyre  par  escript  en  son  mani- 
festz, de  ladicte  demande  ou  question,  et  s'il  apert  aulx  bayllons  de 
manifestz  qu'elle  ne  soyt  clere  ne  liquide,  ne  luy  compteront  ne  payera 
rien  d'ycelle  fins  a  tant  qu'il  aura  receu  et  sera  venue  entre  les  mains. 
Car  des  lors  sera  tenu  de  reveller  a  ceulx  qui  compteront  son  mani- 
festz comment  ladicte  question  et  demande  est  liquidée.  Et  en  payera 
comme  le  droyt  des  aultres  debtes. 

Aussi  toutz  ceulx  qui  auront  aulcuns  debtes  sur  gaiges  seront  tenus 
de  reveller  en  son  manifestz  pai> escript  le  nom  du  débiteur  et  la  par- 
ticularité du  gaige  et  la  somme  qu'il  doybt,  soyt  argent  ou  aultre 
chose,  et  le  jour  qu'il  a  preste,  et  par  les  mains  de  qui.  Et  sera 
tenu  de  payer  entieremeut  comme  le  droyt  de  la  marchandise, 
comme  il  est  contenu  aulx  presens  articles. 

(a)  A  la  poene  de  dix  fl.  t.,  applicables  au  fisc. 
(J)  A  la  poene  de  cinquante  s.  t.,  applicables  les  deux  tiers 
au  fisc  et  l'aultre   a  ladite   aumosne. 


110  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

XXVI. 

Taxes  payées  par  les  personnes  étrangères  à  la  communauté. 

Nous  sommes  d'acord  que  toutz  ceulx  qui  ne  seront  de  nostre 
comune,  qui  vouldront  venir  s'apoincter  ou  habiter  avecques  nous, 
les  gens  du  conseilh  qui  seront  pour  lors  ne  pourront  estre  d'acord 
avecques  heux,  que  ne  payent  vint  et  quatre  escus  pour  chascune 
année,  et  avecques  cela  la  pluspart  du  conseilh  auront  liberté  de 
s'apoincter  avecques  heux  pour  ung  tour  ou  deux,  ou  plus,  si  bon 
leur  semble.  Et  pourront  traficquer  avecques  nous  en  marchandise, 
en  gaiges,  debtes  et  généralement  en  tout  ce  qu'i  vouldront.  Et  ne 
seront  point  compris  audict  appoinctement  deux  ensemble,  ou  père 
ou  filz,  ou  deux  frères,  que  tous  deux  soient  mariez.  Toutesfoys  que 
le  père  et  le  filz  duquel  ne  sera  point  marié  pourront  appoincter 
ensemble,  ou  deux  frères  que  l'un  ne  soyt  point  marié  et  l'aultre 
marié;  et  si  toutz  deux  estoint  mariez,  ce  fera  l'appoinctement  a 
ung  chascun  d'eux.  Et  chascun,  soyt  home  ou  famé,  qui  sera  du 
coûté  qui  vouldra  appoincter  avecques  nous,  pour  et  aulx  fins  de 
traficquer  en  marchandise  ou  tenir  clef  de  bouticque,  ou  pour  porter 
pour  la  ville,  ou  pour  demeurer  en  boutique,  pour  vendre  ou  achep- 
ter,  nostre  vouloyr  est  que  le  conseilh  ne  pourra  appoincter  avecques 
heux  a  moins  de  deux  escus  pjour  chascun  moys,  que  sont  vint  et 
quatre  escus  pour  chascune  année,  et  si  vouloint  payer  davantage, 
a  leur  bon  playsir. 

Toutesfoys  les  enfants  qui  seront  du  Conté,  petiz  et  moindres  de 
quinze  ans,  et  vouldront  servir  quelques  ungs  ou  une  de  nostre 
comune  pour  estre  fateur  de  bouticque  tant  seuUement,  nostre  vou- 
loir est  que  telz  enfans  payeront  ung  florin  pour  ung  chascun  moys. 
Et  si  sont  majeurs  de  quinze  ans,  et  vouldriont  servir  come  les  petiz, 
payeront  deux  florins  pour  chascun  moys. 

Et  toutz  ceulx  et  celles  qui  voudront  demeurer  en  ladicte  commune 
sans  faire  trafic  de  marchandise  ni  tenir  clef  de  bouctique,  la  plus- 
part  du  conseilh  se  pourra  acorder  avecques  luy  a  leur  discrétion. 
Et  les  bayllons  de  la  comune  qui  seront  pour  lors  seront  cogis  a  les 
faire  sortir  hors  de  la  ville  d'Avignon,  avecques  authorité  de  mes- 
sieurs de  la  justice,  toutz  ceulx  et  celles  qui  ne  se  vouldront  appoin- 
cter, ny  faire  leur  manifestz  ou  ne  paieront  la  somme  surdite.  Et  sera 
peyne  de  dix  florins  {a)  a  ung  chascun  du  conseilh  qui  vouldront 
appoincter  ceulx  la  moins  de  la  peynes  surdites. 

Toutesfoys,  les  enfans  de  ladicte  comune,  que  se  sont  transportés 
d'.icy,  ou  bien  se  vouldront  transporter,  ne  seront  point  compris  en 
ceste  conclusion  surdicte.  Car  les  deux  pars  du  conseilh  se  pourra 
appoincter  avecques  heux,  après  avoir  passe  ung  an  selon  leur 
discrétion. 


LES  JUÏFS  DANS  LES  ETATS  FRANÇAIS  DU  PAPE  111 

{a)  Ledit  seigneur  viguier  a  ordonné  que  tous  les  appoinc- 
temens  et  accordz  susdits  se  feront  par  sa  licence  et  autorité, 
ou  de  ses  successeurs  en  l'office,  intervenant  le  consentemant 
des  deux  partz  de  troys  du  conseil,  et  que  se  aura  esgard 
ez  qualités  des  personnez  qui  viendront  par  deçà  pour  louer 
ou  tenir  boticque. 


XXVII. 
Estimation  du  passif  commercial. 

Nous  sommes  d'acord  que,  durant  le  temps  des  presens  articles, 
tout  home  et  famé  de  nostre  comune  qui  portèrent  en  leurs  mani- 
festz  qu'ilz  sont  débiteurs  a  crestien,  juyf,  par  instrument  ou  en 
bonne  foy,  ou  sur  gaige,  ou  par  podixe,  et  porteront  aussi  en  leurs 
manifestz  marchandises  ou  debtes  qui  seront  deux  a  heux,  ou  sur 
gaiges  d'or  ou  argent  monnoyé  ou  non  monnoyé,  ou  bagues,  ou 
estain,  ou  cuyvre,  ou  loton,  et  que  lesdictes  choses  ou  partie 
d'ycelles  sont  suffisantes  a  payer  ce  qu'ilz  doibvent,  nostre  vouloyr 
est  qu'il  ne  luy  soyt  rien  rebatu  de  ce  qu'ilz  doibvent,  attendu  qu'ils 
ne  doibvent  point  par  neccessité,  ains  pour  ce  qu'ilz  tracficquent 
pour  gainher.  Toutesfoys,  si  ce  qu'ilz  doibvent  monte  plus  que  ce 
qu'ilz  hont  en  marchandise,  en  debtes,  en  gaiges,  et  argent,  et  or, 
bagues,  estain,  et  cuyvre,  et  loton,  nostre  vouloyr  est  que  l'avan- 
taige  de  ce  qu'ilz  doibvront  leur  sera  rebatu  des  aultres  biens,  comme 
robe  de  lict,  acoutrementz  de  festes  et  de  sabatz,  robe  de  lyn  et  toute 
manière  de  toille,  et  toute  fustailhe  tant  de  noyer  que  de  sapin  et  de 
toute  aultre  manière  de  boys  quelle  que  ce  soyt,  en  boutes  tines 
et  tout  utencille  de  cellier,  fer,  plomb,  vin,  huylle,  bled,  farine,  mai- 
sons, terres,  vinbes,  et  des  choses  dessusdictes  qui  sont  pour  la 
provision  de  la  maison  pour  ung  an. 


XXVIII. 
Époque  de  la  perception  des  tailles. 

Nous  sommes  d'acord  que  toutes  les  tailhes  que  les  bayllons  de 
la  comune,  que  ce  lèveront  dans  le  tour,  se  cuilhiront  dans  le  tour, 
selon  le  degré  des  livres,  qui  seront  homes  et  famés  de  la  comune 
audict  tour.  Et  si  les  tailhes  que  ce  lèveront  se  feront  en  manière 
que  passent  plus  de  troys  moys  après  le  tour,  nous  voulons  que,  le 
tour  que  passera  le  temps  après  troys  moys  après  le  tour,  seront, 
selon  les  livres  qui  feront  les  particuliers  et  la  comune  au  tour  qui 
viendra  après,  de  croistre  icelluy  qui  croissera  et  de  diminuer  icelluy 
qui  diminuera  de  ses  livres,  pour  ce  qu'i  ne  soyt  aulcune  ques- 
tion ny  débat  au  temps  que  se  couttiseront  les  tailhes. 


112  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Toutesfoys  pourront  les  bayllons  des  manifestz  (a),  lever  tailhes 
en  tout  temps  qu'ilz  vouldront,  si  la  nécessité  cogit  la  comune,  pro- 
veu  que  gardent  et  observent  l'ordre  et  la  relgle  desusdicte  de 
observer  le  droyt  d'esgalisation  quand  passeront  les  tailhes  plus  que 
de  troys  moys  après  le  tour. 

(a)  Avec  la  licence  dudit  seigneur  viguier  et  y  intervenant 
le  consentement  de  la  majeur  part  du  conseil. 


XXIX. 

Remise  des  tailles. 

Nous  sommes  d'acord  que  ung  chascun  de  nostre  comune  qu'au- 
ront maisons  ou  possessions  dans  la  ville  ou  hors  de  la  ville,  le 
conseilh  pourra  faire  aulcun  prepaulx  de  sollager  ses  tailhes,  proveu 
que  les  deux  parties  soient  d'acord. 

Toutesfoj^s,  si  le  cas  advenoyt  a  aulcun  juyf  ou  juyfve  de  nostre 
carrière  aulcun  malheur  ou  inconvénient  manifest  a  ceulx  que  leurs 
cottes  seront  de  la  main  mineur,  que  ladicte  desfortune  montet  plus 
de  vint  et  cincq  escus,  et  ceulx  que  leur  coste  sera  de  la  main 
moienne,  que  ladicte  desfortune  montet  plus  de  cincquante  escus,  et 
ceulx  que  de  la  grand  main,  que  leur  defortune  montera  plus  de 
septante  et  cinq  escus,  nostre  vouloyr  est  que  lou  conseilh,  qui  sera 
pour  lors,  luy  rebatra  les  sommes  susdictes,  et  plus,  si  montent 
davanlaige.  Et  si  la  somme  est  moindre  de  les  sommes  susdictes,  a 
chascune   des  cottes  susdictes  ne    leurs  sera  rien  rebatu. 

Aussi  nostre  vouloyr  est  que  icelluy  qu'aura  vendu  {a)  ou  que 
vendra  les  enfruicts  de  leurs  maisons  ou  bien  de  leurs  possessions, 
que  luy  soyt  rebatu  le  droyt  de  ce  qu'aura  vendu  a  ralle  portion  du 
temps,  et  ne  payera  rien  de  ce  que  sera  attenu  a  les  possessions 
pour  les  conditions  desdits  enfruitz. 

(fl)  Ledit  seigneur  viguier  a  ordonné  que,  ou  le  conseil  ne 
se  voldroyt  ou  porroyt  accorder,  qu'il  y  pourvoirra  comme 
de  raison,  eu  esgard  aux  pauvretez  et  infortunes  convenuz  ;  et 
quant  aux  venditions  dez  fruictz,  y  adjouste  :  cessant  toute 
fraude. 


XXX. 

Les  valeurs  en  dépôt  sont  dispensées  d'impôt. 

Nous  sommes  d'acord  que  toutceluy  que  aura,  emportant  son  ma- 
nifestz, aulcun  argent  ou  or,  monooyé  ou  non  monnoyé,  ou  bagues  et 
joyaulx,  quclz  qu'ilz  soycnl,  en  commande,  garde  ou  depposit  entre 


LES  JUIFS  DANS  LES  ÉTATS  FRANÇAIS  DU  PAPE  113 

ses  mains,  sera  tenu  de  les  reveller  et  manifester,  par  escripture  ou 
par  paroUe,  aulx  bayllons  des  manifestz  ou  a  la  pluspart  d'iceulx. 
Toutesfoys  d'iceulx  n'en  payera  rien;  mais  s'il  tracficquoyt  ou  lay- 
soyt  profit  aulcun  dudict  argent,  en  payera  (a),  selon  la  cottisation 
des  auUre  biens,  corne  dessus  est  expressé. 

(a)  A  la  poene  de  dix  livres,  applicablezles  deuz  tiers  au  fisc, 
et  l'aultre  a  Taumosne. 


XXXI. 

Du  passif  successoral  non  encore  liquidé. 

Nous  sommes  d'acord  que  tout  heretier  ou  heretiere,  que  leurs  père 
ou  mère  seront  allés  de  vie  a  trespas,  ung  an  ou  ung  tour,  et  despuis 
l'heretier  ny  Theretiere  n'auront  faict  aulcun  manifestz,  nostre  vou- 
loyr  est  que  l'heretier  ny  l'heretiere  ne  seront  attenus,  au  premier 
tour  qu'auront  faict  leur  manifestz  après  le  desses  de  leur  père  ou 
mère,  de  porter  en  leur  manifestz  ce  qu'i  ne  scauront  point  des  debtes 
de  leur  père  et  de  leur  mère,  sinon  ce  qu'i  scauroit  que  sera  a  son 
serement  quand  viendra  a  escouter  Vherem.  Et  de  ce  qu'i  ne  scaura, 
ne  sera  tenu  de  reveller  ny  payer.  Toutesfoys,  quand  viendra  a  s'en 
souvenir  [a)  d'aulcun  debtes  ou  d'aultre  chose,  ou  luy  sera  raporté, 
revellé  et  declairé,  nostre  vouloyr  est  que,  incontinent  et  sans  dillay, 
dans  huict  jours,  doybvent  venir  reveller  lesdictz  debtes  aulx  bayl- 
lons des  manifestz,  pour  et  aulx  fins  de  augmenter  a  iceulx  leurs 
livres.  Et  pour  iceulx  debtes  qu'i  ne  scavoyt  au  temps  qu'aporta  son 
manifestz,  aussi  nostre  vouloyr  est  que  iceulx  heretiers  susdictz 
doybvent  faire  serement  [d)  si  scavent  rien  des  debtes  de  leurs  pères 
et. mères  avec  iceulx  qui  hont  porté  leurs  debtes  pardus,  come  est 
en  procès,  ou  verement  pardus,  ou  par  cession  de  biens  a  heux 
faicte,  ou  bien  qu'auront  passé  dix  ans,  come  est  dict  aulx  prece- 
dentz  articles. 

{a)  A  la  poene  de  dix  fl.  t.,  applicables  au  fisc  pour  les  deux 
tiers  et  a  ladite  ausmone  pour  l'aultre. 
ih]  Avec  la  licence  dudit  seigneur  viguyer. 


XXXII. 

Douaires i  donations  et  successions. 

Nous  sommes  d'acord  que  ung  chascun  de  nostre  comune,  durant 
le  temps  de  ces  presentz  articles,  qui  auront  receu  aulcune  doyre  ou 
donnation  de  qui  que  ce  soyt,  ou  d'home  ou  famé,  qui  ne  soyt  point 
de  nostre  comune,  combien  que  ladicte  doyre  ou  donnation  demeurent 

T.   YIII,   N°  15.  8 


H/,  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

dans  la  ville  ou  bien  hors  d'icelle,  sera  icelluy  qui  recouvrera  ladicte 
doyre  tenu  venir  davant  les  bayllons  des  manifestz,  et  ce  dans  trente 
jours  despuys  le  jour  qu'aura  receu  ladicte  doyre  ou  donation,  et 
fera  serement  (a),  en  tenant  le  rosle  en  la  main,  de  denoncier  aulxdilz 
bayllons  tout  ce  qu'il  aura  receu  de  ladicte  do^-re  et  donnation  : 
payera,  de  tout  ce  qu'il  aura  receu,  deux  soulx  tournoys  pour  chas- 
cune  livre,  et  ce  durant  six  ans  revoUuz,  comptant  despuis  le  jour 
qu'aura  receu  ladicte  doyre  :  et  [après]  estre  passés  lesdictz  six  ans, 
sera  ladicte  doyre  et  donnation  en  charge,  comme  ses  aultres  biens, 
et  payer  entièrement  come  les  haultres  habitans  a  la  comune.  Et, 
avecques  cela,  fera  son  manifestz  ou  sera  taxé  comme  les  aultres. 
Toutesfoys,  come  il  a  esté  dict,  de  ce  qu'aura  receu  de  ladicte  doyre 
ne  payera  que  deux  soulx  pour  livres,  durant  les  six  ans  [b).  Et,  si 
ladicte  doyre  ou  donation  estoyt  a  paier,  payera  les  six  ans  de 
chascune  paye  selon  la  paie  qu'il  aura  receu. 

Et  si,  par  fortune,  venoyt  le  cas  que  le  mary  morusse  avant  la 
famé,  nostre  vouloyr  est  que,  en  cas  qu'il  vinsse  a  randre  ladicte 
doyre  ,  qu'il  puisse  retourner  ladicte  doyre  sans  payer  aulcun 
translat.  Et  si  la  famé  venoyt  a  mourir  avant  le  mary,  nostre  vou~ 
loyr  est  que  les  hère  tiers  de  ladicte  famé  payera,  pour  le  droyt  de 
translat,  dix  pour  cent  a  la  comune  :  et,  si  le  mary  vient  a  mourir  et 
a  quelques  enfants,  et  la  famé  se  veuille  transporter  avecques  ses 
enfants,  nostre  vouloyr  est  qu'i  paiera  a  nostre  comune  dix  pour 
cent  pour  le  droyt  de  translat. 

Et  nostre  vouloyr  est  aussi  que,  quant  icelluy  aura  receu  ladicte 
doyre,  fera  son  manifestz  de  ce  qu'aura  receu  de  ladicte  doyre 
a  part,  et  ce  que  sera  de  ses  biens  a  part,  a  celle  fin  qu'il  paie 
ce  que  sera  du  sien  sans  la  doyre,  comme  les  aultres  de  nostre 
comune.  Et  les  bayllons  du  manifestz  escripront  la  livre  de  ce  (juc 
pourra  monter  ladicte  doyre.  Et  toutes  les  choses  que  sont  escriptes 
en  ce  présent  article,  sera  juste  et  selon  la  pe^me  que  playrra  mettre 
monseigneur  le  viguier  avecques  ses  acesseurs  [c]. 

[a)  Avec  la  licence  dudit  seigneur  viguyer. 

[b)  Le  viguier  avait  fait  ici  une  critique  qu'il  a  ensuite  annulée. 

[c)  A  la  poene  de  vingt  cinq  s.  t.,  applicables  pour  deux  tiers 
au  fisc  et  pour  l'aultrc  a  l'ausmone. 


XXXIII. 

Dispense  d'impôt  aux  orphelines  et  aux  jeunes  filles  pauvres^  pour 
faciliter  leur  mariage» 

Nous  sommes  d'acord  nue  les  gens  du  conseilh  pourront  avoir  esgarl 
a  une  povre  horpheline  ou  non  horpheliue  de  soulager  leur  tailhe,  a 
celle  lin  qu'i  se  puisse  marier  avecques  quelque   compaignon  de 


LES  JUIFS  DANS  LES  ÉTATS  FRANÇAIS  DU  PAPE  llo 

nostre  romune  ou  bien  qui  ne  soyt  de  nostre  comune,  proveu  que 
les  deux  parties  du  conseilli  s'acordeQt.  Toutesfoys,  despuys  qu'au- 
rout  lieu  ung  sollagement  de  leurs  tailhes,  ne  pourront  demander 
deux  foys,  et  ce  sollagement  ce  faict  aulx  fins  que  tel  mariage 
vienne  a  sortir  son  effect.  Et  le  conseilh  ne  viendra  a  opprimer 
d'avant  ceulx  qui  demanderont  ledict  soulagement. 


XXXIV. 
Des  fraudes  commises  dans  les  manifestes. 

Nous  sommes  d'acord  que  toulz  ceulx,  soit  home  ou  famé,  que  se 
trouveront  d'avoir  fraudé  son  manifestz,  que  le  frault  monteroytplus 
de  dix  florins  après  le  temps  designé  a  icelluy  a  porter  son  manifestz 
c'est  a  scavoir  tout  le  temps  du  comter,  comme  est  dict  et  declairc  en 
l'article  sexieme  de  nos  susdictz  articles),  nostre  vouloyr  est  que  touiz 
ceulx,  soyt  home  ou  famé,  que  sa  cotte  sera  de  la  main  mineur  et  se 
trouvera  qu'aura  fraudé  son  manifestz  plus  que  la  somme  susdicte  de 
dix  ilorins,  qu'il  incourira  la  peyne  de  cincquante  florins,  applicques 
la  moytié  au  fisc  et  l'aultre  moytié  a  Vhecdes.  Et  luy  sera  multiplié  et 
creu,  pour  chascune  livre  qu'aura  fraudé,  cincq  florins  au  profit  de 
la  comune. 

Et  icelluy  ou  celle  que  sa  cotte  sera  de  la  main  moienne  et  pareille- 
ment aura  fraudé  son  manifestz  plus  de  la  somme  susdicte  de  dix 
florins,  encouriia  la  poyne  de  cent  florins,  la  moytié  au  fisc  et  la 
moytié  a  Vhecdes,  et  lui  sera  multiplié  et  creu  de  cincq  livres  sur 
chascune  livre  qu'aura  fraudé  au  proffit  de  la  comune. 

Et  toutz  ceulx  et  celles  que  leur  cotte  sera  de  la  grand  main  et  aura 
fraudé  son  manifestz  plus  de  la  somme  susdicte,  encouriront  la  peyne 
de  cent  et  cincquante  florins,  la  moytié  au  fisc  [a)  et  l'aultre  moylié 
a  Vhecdes.  Et  leur  sera  multiplié  et  creu  pour  chascune  livre  cincq 
livres  au  proffit  de  la  comune.  Et  oultres  lesdictes  poj  nés  que  en- 
couriront, seront  ellongnés  et  segregés,  come  veulc  nostre  loy 
hebraicque,  et  demeureront  en  l'escoUe  a  la  place  occidentale  * 
jusques  a  ce  qu'auront  paie  ladicte  poyne.  Car  nostre  vouloyr  est 
que  les  bayllons  du  manifestz  luy  multiplient  au  fraudeurs  des 
mains  surdictes,  ou  soyt  home  ou  famé  de  ceste  charge;  c'est  a 
scavoyr,  pour  chascune  livre  qu'aura  fraudé,  cincq,  oultre  les  poyues 
surdictes. 

[a)  Lesdites  poenez  se  applicqueront  pour  les  deux  tiers  au 
fisc  et  l'aultre  a  l'aumosne. 

^  Place  où  se  mettaient  les  personnes  en  deuil.  L'excommunié  observe  eu  général 
les  pratiques  de  la  personne  en  deuil. 


ne  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

XXXV. 

ÉtaUissemeni  de  Vimpôt  sur  les  immeubles  récemment  acquis. 

Nous  sommes  d'acord  que  toutes  personnes  de  noslre  comune  qui 
auront  achepté  ou  achepteront  maisons,  vinhesou  aultres  possessions 
dans  la  présente  cité  et  terroyr  d'Avignon  ou  hors  d'icelle,  a  payer  ou 
par  manière  de  pancion  perpétuelle  ou  en  quelques  manière  que  ce 
soyt,  nostre  vouloyr  est  tel  que  les  extimadours  feront  les  estimes 
desdictes  maisons,  vinhes  et  possessions  de  ceulx  qui  seront  dans  la 
présente  cité  et  terroyr  d'Avignon,  comme  les  aultres  maisons,  vinhes 
et  possessions  de  nostre  comune.  Et  celles  qui  seront  hors  la  présente 
cité  et  terroyr  d'Avignon,  les  estimadours  feront  Teslime  feaulement 
et  avecques  serement,  comme  dict  est  en  l'article  des  extimadours. 

Au  si  nostre  vouloyr  est  que  toute  personne  qu'aura  achepté  ou 
acheptera  maisons,  vinhes  ou  possessions,  desquelles  n'aura  rien 
payé,  nostre  vouloyr  est  qu'il  payera  de  tout  ce  qu'il  aura  desbourcé 
pour  les  loz,  aussi  tout  ce  qu'il  aura  desbourcé  en  réparation  des- 
dictes possessions,  et  aussi  de  tout  ce  qu'il  aura  payé  au  venditeur. 
Et  seront  les  livres  de  tout  ce  qu'il  aura  desbourcé  pour  le  los  et 
réparations  et  payement  audict  venditeur,  de  douze  florins  la  livre. 

XXXVI. 

Sur  les  cessions  fictives,  faites  en  vue  de  se  soustraire  aux  charges 

du  fisc. 

Nous  sommes  d'acord  que  chascun  home  ou  famé  de  nostre  car- 
rière, durant  les  presens  articles,  ne  pourra  faire  de  ses  biens,  en 
tout  ny  en  partie,  aulcune  donnation  pure  ny  aussi  cession  et  remis- 
sion, ny  aulcun  oblige  pour  se  acquiter  et  exempter  de  ses  biens  (a), 
ny  en  tout  ny  en  partie,  des  charges  et  subsides  de  la  comune.  Et  s'il 
a  faict  aulcune  donation  a  ung  juyf,  prochain  ou  non  prochain,  ou 
vrayement  a  ung  chrestien,qui  n'aict  point  intention  que  ladicte  don- 
nation  ayct  nessunc  value  ny  que  sorte  de  ses  mains,  sera  tenu  a  revel- 
Icr  ladicte  donnation,  ou  obligation,  ou  cession,  ou  remission,  et  payer 
d'icelles  corne  de  ses  aultres  biens.  Aussi  s'il  avoyt  faict  aulcune 
cession  de  ses  debtes  ou  aulcune  obligance  de  donation  de  ses 
debtcs  ou  d'aultres  choses,  par  manière  qu'i  se  peussent  soulager  et 
acquiter  de  payer  les  charges  et  succides  que  pourroint  paier  ses 
biens.  Et  tumbera  en  la  poynede  perdre  ladicte  donnation,  la  moytié 
au  fisc  et  l'aultre  a  alhecdes. 

Aussi,  si  cas  advenoyt  que  deux  frères,  ou  perc  ou  filz,  ou  suogre 
et  gendre,  fissent  leur  mauifestz  et  fissent  mention  aulxdictz  manie- 


LES  JUIFS  DANS  LES  ÉTATS  FRANÇAIS  DU  PAPE  117 

festz  que  ung  d'eux  fust  atteuu  a  l'aultre  pour  cause  de  quelque 
droyl  de  doyre,  noslre  vouloyr  est  que  icelluy,  qui  aura  a  recepvoir 
argent  a  Toccasion  de  aulcune  doyre,  ne  payera  rien,  mais  les  aultres 
particuliers  qui  se  seront  débiteurs  les  ungs  aulx  aultres  d'aulcuns 
aultres  afl'aires  et  sera  passé  le  terme  du  payement,  nostre  vouloyr 
est  que  icelluy  qu'aura  l'argent  entre  ses  mains  soy  t  attenu  de  payer 
les  tailhes  durant  le  temps  qu'i  tiendra  l'argent  entre  ses  mains,  a 
celle  fin  que  ne  se  face  aulcun  frault  pour  se  vouloyr  soulager  au 
faict  des  charges  des  tailhes. 

(a)  A  la  poene  de  dix  s.  t.  ou  aultre  arbitraire,  selon  la  qua- 
lité de  la  personne  et  de  la  fraude,  applicable  au  fisc. 


XXXVII. 
Que  les  Mens  à  manifester  ne  peuvent  être  prêtés  occultement. 

Nous  sommes  d'acord  que  aulcune  personne  de  nostre  comune  ne 
puisse  garder,  par  vie  de  commande,  aulcuns  biens,  soyt  mesnaige, 
bagues  ou  quelque  aultre  meuble  quel  qui  ce  soyt,  d'aulcungs  manifes- 
tans,  ny  le  père  dulilz,nyle  filz  dupere,ny  lesuogredugendre,  nyau 
par  contre,  ny  le  frère  du  frère,  en  aulcun  prochain  ou  non  prochain; 
ainssera  tenu  de  la  reveller  aux  bayllons  [a]  de  manifestz  en  vertu  et 
sur  le  seremeni  de  Vherem,  a  celle  fin  qu'ilzne  usent  de  cautelle  aulz 
payementz  des  tailhes,  quant  lesdictz  collecteurs  iront  a  leurs  mai- 
sons, ou  ne  trouvassent  rien  pour  les  gaiges  quant  ilz  lez  avoint  gaigés 
aux  maisons  de  leurs  prochains  ou  non  prochain.  Et  pourront  les 
bayllons  des  manifestz  obtenir  dudit  seigneur  viguier  criés  et 
faire  jurer  toutz  lesparentz  d'icelluy  s'ilz  auriont  rien  dudit  particu- 
lier. Et  icelluy,  lequel  le  conseilh  tiendra  pour  suspect,  sera  tenu  de 
faire  scavoyr  tout  ce  qu'il  aura  d'aulcune  personne.  Aussi  tout  home 
ou  famé  qui  auront  aulcune  chose  en  leur  pouvoir  seront  tenus  de  le 
reveller  aulx  bayllons  du  manifestz,  sur  peyne  de  ce  que  dira  la  crié 
d^par  messieurs  les  cortissans. 

{a)  A  la  poene  de  dix  sous  t.,  applicables  au  fisc. 

XXXVIII. 
Confection  du  manifeste  général  sur  les  manifestes  partic^diers. 

Nous  sommes  d'acord  que,  durant  le  temps  de  ces  presentz  articles, 
seront  tenus  les  bayllons  des  manifestz  de  demeurer  toutes  les 
nuyctz  par  l'espasse  de  deux  heures,  exceptés  les  samedy  et  les 
festes,  dedans  l'escoUe  ou  Vasara  \  ou  a  une  chambre  expressément 

*  Voir  plus  haut,  art.  3. 


118  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

pour  heux,  et  ce,  despuis  les  nuyes  de  les  Festes  Legieres^  de  les 
Cabanes,  jusques  le  jour  qui  sera  l'acompliment  de  comter  leur 
manifestz  :  et  ce  pour  comter  le  manifestz  d'ung  chascung  de  nostre 
comune  et  garder  a  heux  et  ne  le  tourner,  mais  sera  a  ung  lyeu,  dans 
un  coffre  sarré,  duquel  coffre  ung  chascung  bayllon  aura  la  clef,  diffé- 
rentes les  unes  des  aultres.  Aussi  pourront  retourner  {a)  les  aultres 
manifestz  anciens,  en  leur  donnant  le  manifestz  nouveaulx.  Et  dili- 
genteront,  avecques  un  chascundes  manifestantz,  de  pouvoir  multi- 
plier de  leur  bon  gré  tout  ce  qu'ilz  vouldront  augmenter.  Et  escrip- 
rontce  que  montera  la  somme  du  manifestz,  avecques  l'aumentation, 
dans  ung  livre.  Et  le  manifestant  soubsignera  son  nom  de  sa  main 
propre,  ou  fera  escripre  par  aultruy  main,  dans  ledict  livre  des 
bayllons  de  manifestz,  soubs  la  somne  de  son  manifestz.  Et  seront 
tenus  lesdictz  particuliers  de  prandre  de  la  main  des  manifestantz 
la  memoyre  et  record  de  toutz  les  debtes  perdus,  ou  que  sont  en 
procès,  ou  desquelz  en  sera  faicle  cession  de  biens,  et  de  les  escripre 
en  ung  livre  designé  particulièrement  (5),  et  de  faire  contraindre  tout 
manifestant  de  soubsigner  son  nom  soubs  iceulx  debtes,  come  dict 
est  en  l'article  XXI^  des  presens  articles.  Aussi  seront  tenus  les 
bayllons  de  manifestz  d'escripre  de  leurs  mains  sur  ung  chascun 
manifestz  comment  ilz  hont  receu  lesdiclz  manifestz  dans  le  temps 
convennable  a  les  porter,  et  le  jour  qu'ilz  hont  receu  le  manifestz  des 
manifestantz.  Aussi  sera  tenu  tout  home  et  famé  de  nostre  comune 
de  venir,  toutes  foys  et  quantes  qu'ilz  seront  requis  par  lesdiclz 
bayllons,  pour  compter  son  manifestz,  et  ce,  sur  la  peyne  de  six 
gros,  applicqués  la  moytié  au  fisc,  et  l'aultre  a  alheldes.  Et  si  le 
manifestant  veult  eslire  quelung  du  conseilh,  qui  soyt  avecques  les 
bayllons  de  manifestz  au  compter  de  son  manifestz  en  sa  présence, 
luy  sera  donnée  liberté  de  cela  pouvoir  faire.  Et  aussi  tel  est  nostre 
vouloyr  qu'il  soyt  donnée  foy  et  créance  au  serviteur  desditz  bayl- 
lons, quant  les  ira  appelLer,  par  manière  qu'il  seracreu  contre  celuy 
qui  récusera  de  venyr  comme  s'il  Theust  dict  devant  et  en  présence 
de  deux  tesmoings.  Et  les  gaiges  dudict  serviteur  des  particuliers 
[résulteront]  de  la  inhibitions  aulx  susdiclz,  oultre  la  pojme  que 
plaira  a  monseigneur  le  viguier  et  a  ses  acesseurs  de  y  mettre'  (c). 

1  On  appelle  fêtes  légères  les  demi-fêtes  de  Pùquc  (3«  à  0»  jour)  en  nissan,  et  de 
la  fêle  des  Cabanes  (3*=  ù  7«  jour)  en  tisri. 

»  Cf.  la  bulle  de  Sixle  IV,  en  1479,  que  nous  publions  plus  loin  et  qui  s'exprime 
ainsi  :  «  Et  insuper  cum,  sicut  acccpimus,  nonnuUi  judci  civilalis  predicle  taxam 
eis,  SGCundum  formam  sLalulorum  sive  arliculorum  univcrsilalis  ipsorum  imposilam, 
post  illius  impositionem  diminucro  seu  diminui  et  moJcrari  facere  scpenumcro  procu- 
rent, unde  alii  judci  in  illius  solutione  plus  quam  deccat  gravantur.  slaluiraus  et  or- 
dinamus  quod  nuUus  judcus  de  cetero  perpetuis  l'uturis  temporibus  taxam  hujus- 
modi  eis  pro  tcmporc  irapositam,  postquara  per  uuiversitalem  judeorum  hujusmodi 
imposita  fuerit,  diminucrc  scu  modorari,  aut  illius  dimiuuliouem  sive  modcrationem 
procurarc,  scu  ctiam  illam  a  legalo  vcl  gubornatorc  dicte  civitalis  pro  tcmpore  exis- 
tcnte  aut  quocumquc  alio,  sub  pena  decem  marcharum  argeuti  uni  lisco  dicte  lem- 
poralis  curie  applicandarum,  impctrare  quoquomodo  présumât,  de:ernc!iles  diminu- 
tionem  bujusmodi  pro  tcmporo  factam  nuUius  existerc  roboris  vel  momenti.  » 


LES  JUIFS  DANS  LES  ÉTATS  FRAiNÇAIS  DU  PAPE  11'.) 

(a)  Lesdits  manifestz  se  rendront  a  la  forme  et  manière  conte- 
nue au  douziesme  article,  et  ce  sur  la  [peine]  aussi  y  contenue. 

(b)  Ledit  seigneur  viguier,  pour  obvier  cz  fraudez  des  mani- 
festans  et  parvenir  à  rindemniLé  de  la  comune,  enjoinct  aux 
bailons  des  manifestz  de  diligemment  s'enquérir  et  informer 
des  abuz  et  fraudez  qui  se  commettront  par  lesdits  manifes- 
tanz,  et  ce  sur  la  poene  de  dix  livres,  et  de  faire  d'eux  relation 
a  la  court  moiennent  leurs  serment,  cessant  toute  faveur,  yre, 
heyne,  amour  et  affection,  et  auront  pour  leur  penez  deux  s.  t. 
pour  livre,  de  ce  que  se  trouvera  avoir  esté  fraudé  ;  et  ou  les- 
dits ballons  se  trouveront  en  ce  comme  dessus  avoir  delinqué 
et  faicte  mauvaise  relation  encoriront  ladite  poene  applicable 
comme  dessuz. 

(c)  A  la  poene  de  dix  fl.  t.  applicables  au  fisc,  sauf  l'autorité 
dudit  seigneur. 


XXXIX  K 


XL. 

Confection  du  Midget.  Défense  de  se  livrer  au  commerce  certains  jours 

fériés. 

Nous  sommes  d'acord  que,  tout  incontinent  que  sera  parachevé  le 
contenant  de  toutz  manifestz,  seront  tenus  lesdictz  bayllons  de  mani- 
festz de  faire  une  somme  générale  de  toutes  les  livres  des  genlz 
de  nostre  comune  :  et  lors  aviseront  tout  ce  que  sera  neccessaire 
a  payer  audict  comun  celle  année,  soyt  en  payer  debtes  finables, 
pensions,  cens  ou  aultres  choses  et  toutes  aultres  despences.  Et  en 
après  viendront  lesdictz  bayllons  davant  le  conseilh  et  leur  declaire- 
ront  et  m.anifesteront  les  sommes  de  toutes  les  livres.  Et  regarde- 
ront entre  heux  en  quelle  sorte  ce  pourra  faire  une  tailhe  pour  payer 
ce  qu'est  neccessaire,  et  s'apoincteront  et  demeureront  d'acord  en- 
semble. Et  ne  sortiront  dudict  conseilh  et  de  Vazara  et  conseilh,  c'est 
a  dire  la  maison  de  la  Carte  {sic)  et  du  maseau,  en  aulcune  manière, 
jusques  a  ce  que  toutz,  ou  la  pluspart  d'iceulx,  soyent  d'acord  sur 
ce  qu'il  sera  a  faire  en  ce  que  sera  neccessaire,  et  de  faire  en  quelque 
sorte  pour  appoincter  les  debtes  et  poncions  :  c'est  assavoyr,  de  pro- 
voquer ou  faire  provoquer  la  solution  en  paye  desdictes  debtes,  ou 
d'imposer  une  tailhe  suffisente  pour  la  satisfaction  et  paye  des  debtes 
surdictes,  par  moyen  que  ladicte  comune  ou  particuliers  d'ycelle  ne 
soyent  carcerés,  arrestés,  gaigés,  ne  consumé  nostre  argent  en  des- 

*  Cet  article  manque. 


120  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

pences.  Et  cela  feront  toutes  les  années,  en  chascung  tour  de  nos 
articles,  sur  la  poyne  d'un  florin,  la  moytié  au  fisc  et  l'aultre  moytié 
a  Vàecdes.Et  les  bayllons  de  manifestz  imposeront  lesdictes  tailhes  [a) 
selon  la  teneur  de  noz  presens  articles.   Toutesfo^'s,  tel  est  nostre 
vouloyr  qu'il  soy  t  à  la  liberté  des  bayllons  de  manifestz  et  du  conseilh, 
c'est  [à  dire]  de  toutz  ceulx  ou  de  la  pluspart,  d'imposer  tailhes  en  tout 
temps  qu'ilz  vouldront  et  bon  leur  semblera,  si  a  ce  faire  neccessité 
les  constrainct,  pour  despences,  tant  ordinaires  que  extraordinaires, 
qui  pourront  entrevenir,  selon  la  teneur  de  noz  presens  articles.  Et 
ne  pourront  lesdictz  bayllons  de  manifestz  imposer  tailhe,  soyt  au 
commancement  de  l'année  ou  aultre  temps  quel  qui  ce  soyt,  s'il  n'est 
que  le  conseilh  soye  d'acord  ou  la  plus  part,  et  ce  sur  la  poyne  d'ung 
florin,  laquelle  incourira  icelluy  qui  contreviendra  a  la  teneur  du  pré- 
sent article.  Aussi  nostre  vouloyr  est  qu'en  tout  temps  que  lesdictz 
bayllons  de  manifestz  vouldront  faire  scavoir  quelque  chose  a  quelles 
gentz  de  nostre  comune,  le  fayront  scavoir  par  la  parolle  du  messa- 
gier,  soyt  de  jour  ou  de  nuyct,  et  sera  tenu  ledict  messagier  de  faire 
entendre  ladicte  chose  a  haulte  voix  par  toute  nostre  rue.  Aussi  nos- 
tre vouloyr  est  tel,  que  toutes  les  conditions  de  nos  articles  aulx- 
quelz  sera  dict  et  sera  tenu  ou  seront  tenus  sans  Imposer  aulcune 
peyne  limitée  par  [lui] ,  ladicte  peyne  soyt  d'ung  florin,  payable  la  moy- 
tié au  fisc  et  l'aultre  a  ïhecdes.  Aussi  nostre  vouloyr  est  que  tout  le 
temps  de  les  Festes  Legieres,de  Pacques  et  de  nostres  Cabanes', et  les 
quatre  Jeûnes  de  Tannée  ^,  ne  pourra  aulcung  home  ni  famé  de  nostre 
comune  ouvrir  les  bouticques  pourachepter  ny  vendre  aulcune  mar- 
chandise, ny  d'aller  au  logis  avec  marchandise  pour  vendre  n^^  achep- 
ter  jusques  à  ce  que  soyt   accomplie  l'oraison  du  matin  desdictz 
jours  :  et  ce,  sur  peyne  de  deux  florins,  la  moytié  au  fisc,  et  l'aultre  à 
Vfiecdes.  Et  les  bayllons  de  l'aumorne  auront  liberté  {h)  de  faire  jurer 
tout  home  et  famé  qu'auront  vandu  ou  achepté  en  ses  jours  la,  en 
cas  advenant  que  ce  voulsissent  excuser  que  ladicte  marchandise 
feust  vandue  ou  acheptée  par  avant  lesdictz  jours.  Aussi  pareille- 
ment aux  junes  que  la  comune  ordonnera  de  faire  %  quand  ladicte 
comune  aura  manifestée  lesdictz  jeûnes  par  le  messagier  la  nuyct 
paravent  par  toute  la  carrière  a  haulte  voix,  ne  pourront  achepler 
ny  vandre  sur  la  poyne  susdicte. 

[a)  Avec  la  licence  et  congyé  dudit  seigneur  viguier. 
{b)  Avec  permission  dndit  seigneur  viguier. 

R.  DE  Maulde. 

(A  suivre). 

'  Les  demi- fûtes  des  Cabanes,  au  mois  de  tisri.  V.  la  noie  sur  le  calendrier  et  art.  38. 
*  Les  quatre  jeûnes  de  l'année  sont  3  tisri,  10  tébel,  17  tammuz,  0  ab  (destruction 
du  temple  do  Jérusalem). 

'  Jeunes  exceptionnels  ou  particuliers  à  la  communauté  juive  d'Avignon.  Des  jeûnes 
de  ce  genre  étaient  ordonnés  en  présence  ou  en  souvenir  de  calamités  locales.  V.  An- 
nuaire, I.  18S;  II,  200. 


NOTES  ET  MÉLANGES 


RENSEIGNEMENTS  DE  SOURCE  MUSULMANE  SUR  LA  DIGNITÉ 

DE  RESCH-GALUTA 


L  Je  n'ai  pas  l'ambition  de  contribuer,  par  les  quelques  extraits 
que  je  vais  donner  des  auteurs  arabes,  à  éclairer  l'histoire  des 
Resch-Galuta.  Mais  je  pense  que  ces  renseignements,  empruntés 
à  des  auteurs  au  milieu  desquels  ont  vécu  et  agi  ceux  qui  étaient 
revêtus  de  cette  dignité,  pourront  jeter  quelque  lumière  sur  la 
situation  des  exilarques.  Et,  à  ce  point  de  vue,  je  crois  pouvoir 
affirmer  que  même  la  partie  légendaire  de  ces  extraits  ne  manque 
pas  d'une  certaine  valeur  pour  l'histoire  littéraire  ^ 

Avant  tout  je  ferai  remarquer  que  certains  historiens  arabes, 
qui  ont  probablement  emprunté  ce  qualificatif  à  des  auteurs  juifs, 
donnent  le  titre  de  Râs-al-Gâlût  -  à  des  personnages  qui  ont  vécu 
bien  longtemps  avant  que  la  dignité  de  Resch  Galuta  n'ait  été 
créée.  Ainsi  Al-Tabari  ^  appelle  Râs-al-Gàlùt  un  dignitaire  dont 
il  donne  le  nom  et  qui  a  vécu  au  temps  de  Jésus-Christ.  Cette 
erreur  a  donné  naissance  à  la  légende  que  ce  fut  Râs-al-Gâlùt 
lui-même  qui  a  été  crucifié  à  la  place  de  Jésus-Christ*. 

II.  Le  célèbre  auteur  musulman  mutazilite,  Abû-Othmân  Al- 
Gâhiz  (mort  en  869  après  J.-C),  parle  des  exilarques  dans  deux 

1  Je  ne  mentionnerai  pas  ici  les  passages  tirés  de  Al-Makrîzi  et  que  M.  Graelz 
donne  dans  son  Histoire^  t.  V. 

»  Un   orientaliste  célèbre  en  son  temps  a   traduit  ce  mot  par  «  tète  de  Goliath  ». 

'  Al-Tabari,  Annales,  édit.  de  Leyde,  1,  p.  741. 

*  Ibn  Hagar,  Isâha,  éd.  de  Calcutta,  III,  p.  107.  Cet  auteur  cite  Al-Farrà  comme 
une  autorité  en  faveur  de  cette  absurde  légende. 


122  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

de  ses  ouvrages.  Un  de  ceux  qu'il  mentionne  a  vécu  avant  l'hégire. 
Dans  son  livre  Les  beautés  et  les  coyiiraires  S  il  raconte  que, 
dans  Tempire  perse,  «  chaque  fois  que  la  fête  de  Naurûz  avait 
lieu  un  samedi,  le  Râs-al-Gâlùt  devait  payer  4,000  dirhem.  On 
ignore,  dit-il,  la  cause  de  cet  impôt,  on  sait  seulement  qu'il  est 
établi  depuis  longtemps  et  qu'il  peut  être  considéré  comme  un 
impôt  de  tolérance  '^  » 

Abû-Othmân  parle  encore  du  Râs-al-Gâlût  dans  son  ouvrage 
Sur  les  animaux^,  qui,  à  la  manière  des  livres  arabes,  s'occu- 
pant  de  ce  qui  est  absolument  étranger  à  son  sujet,  et  traitant 
les  questions  les  plus  diverses,  est  une  mine  riche  en  rensei- 
gnements pour  l'histoire  de  la  civilisation  et  les  études  juives*. 
Cet  auteur,  dans  une  de  ses  nombreuses  digressions,  explique  ce 
qu'il  faut  entendre,  selon  lui,  par  Vesprit  saint  (Rùh-al-Kuds)  : 
«  Quand  Moïse,  dit-il,  s'écrie:  Puisse  l'esprit  de  Dieu  être  avec 
tous  les  hommes,  il  veut  dire  l'infaillibilité  et  l'assistance  divine. 
C'est  ainsi  que  les  chrétiens  disent  d'un  faux  prophète  que  l'esprit 
du  mensonge  est  avec  lui  (N-ip'^î,  Nb:\T  =),  et  les  Juifs  disent  que  sur 
tel  et  tel  repose  l'esprit  de  Belzébub^  c'est-à-dire  de  Satan.  » 

L'endroit  où  Abù-Othmân  parle  du  Râs-al-Gâlût  se  trouve 
f*^  189  &.  «  Al-Asma'î,  dit  Abù-Othmàn,  s'exprime  ainsi  :  Et  même 
si  tu  fais  sonner  le  schofar  (mr^ujjtu  n'obtiendras  aucun  résultat; 
parle  comme  tu  le  fais  d'habitude  et  dis  des  choses  justes.  Le  mot 
mn^::  désigne  une  espèce  de  cor,  de  trompette  ("pn^);  il  est  d'origine 
persane  ^  C'est  un  instrument  dont  se  servent  les  Juifs.  Lorsque, 
pour  punir  un  coupable,  le  Râs-al-Gàlùt  lui  interdit  d'avoir 
aucune  relation  avec  ses  semblables,  la  publication  du  châtiment 
est  accompagnée  d'une  sonnerie  de  schofar.  Ce  genre  de  châti- 
ment ne  se  trouve  pas  dans  le  code  des  Juifs.  Mais  le  Katholihos 
et  le  Râs-al-Gâlùt  n'ont  pas  le  droit,  dans  les  pays  musulmans,  de 
condamner  à  la  prison  ou  à  la  flagellation;  ils  peuvent  seulement 
infliger  des  amendes  ou  interdire  tout  commerce  avecles  hommes. 

1  Ms.  de  la  bibl.  inip.  de  Vienne,  n°  94,  fol.  173  b. 

*  Cf.  Kobak,  Jcschunin,  VIII.  p.  7". 

3  Kiiûb  al-hetjwân^  ms.  de  la  bibl.  inap.  de  Vienne,  n»  151. 

*  Ainsi,  au  fol.  2GG  a  se  trouve  un  petit  poème  que  Abu  Sûlib  al-Fezâri  a  com- 
posé sur  les  mérites  des  Juifs;  au  f°  337  a,  une  satire  contre  les  Juifs;  f*  369  o, 
des  croyances  populaires  sur  la  mélamorpliose  d'animaux  en  Juifs  ;  f»  377  a,  sur  la 
circoncision,  etc. 

5  Notre  ms.  écrit  en  caractères  arabes,  Nlà'^0  jN^iO^. 

^  Ecrit,  en  caractères  arabes,  dans  notre  ms.,  ri12"'.3*i'D. 

7  On  tro-.ve  aussi  *-,D0  plur.  'IDNID,  comme  nom  du  schofar  eu  arabe  ;  voy. 
Kremcr  Beilruge  zur  arabischcu  Lcxicoijra})h\c  [Sitzungsbcrichtc  de  TAcad.  impériale 
do  Vienne,  1883,  p.  To], 


NOTES  ET  MÉLANGES  123 

Il  faut  ajouter  que  le  KcUholîkos  montre  beaucoup  d'égards  pour 
les  personnages  haut  placés  et  jouissant  d'une  certaine  considéra- 
tion à  la  cour  du  sultan.  Ainsi  Timotliée  ^  voulut  frapper  d'excom- 
munication Aun,  de  la  tribu  d'Ibad,  et  lui  interdire  toute  relation 
avec  les  autres  hommes.  Mais  Aun  ayant  fait  la  menace  de  se 
convertir  à  l'islamisme,  Timothée  n'osa  pas  faire  exécuter  la  sen- 
tence qu'il  avait  prononcée  contre  lui.  C'est  ainsi  que...  '^  Michel 
et  Théophile  s'abstinrent  de  faire  perdre  la  vue  à  Manuel,  quoique 
leurs  lois  leur  prescrivent  de  tuer  ou  de  rendre  aveugle  celui  qui 
prôte  assistance  à  un  musulman  contre  un  chrétien.  Mais,  dans  ce 
cas  particulier,  ils  n'osèrent  pas  appliquer  la  peine  édictée.  Du 
reste,  nous  avons  parlé  longuement  de  cette  question  dans  notre 
ouvrage  sur  les  chrétiens.  » 

III.  Les  exilarques  figurent  quelquefois  dans  les  légendes  mira- 
culeuses des  Musulmans.  Ainsi,  Al- Alâ,  fils  de  Abu-'Alâtha  (vers  la 
fin  du  11^  siècle  de  l'hégire),  dans  son  récit  du  martyre  de  Iluseyn, 
mentionne  le  fait  suivant  que  leRàs-al-Gcilùt  lui  a  raconté  au  nom 
de  son  père  :«  Je  ne  passais  jamais  à  chevaldevantKerbela,  endroit 
où  Iluseyn  a  subi  le  martyre,  sans  éperonner  ma  monture  et  lui 
faire  traverser  cet  endroit  au  galop;  nous  savions  par  d'anciennes 
traditions  qu'un  descendant  d'un  prophète  serait  tué  en  ce  lieu,  et  je 
cra^lgnais  d'être  moi-même  ce  descendant.  Quand  Huseyn  eut  été 
tué  en  ce  lieu,  nous  nous  sommes  dit  que  la  prédiction  s'était 
réalisée,  et  depuis  ce  moment  je  passe  à  Kerbela  sans  me 
presser  ^  » 

Le  même  auteur  rapporte  une  autre  fable  dans  laquelle  figure 
également  un  Râs-al-Gâlût.  Dieu,  après  avoir  chassé  Adam  du 
Paradis,  l'éleva  sur  la  montagne  de  Abu-Kubeys,  déroula  toute  la 
terre  devant  ses  yeux  et  lui  dit  :  ^c  Tout  cela  t'appartient.  »  — 
«  Gomment  puis-je  reconnaître,  répondit  Adam  à  Dieu,  ce  qui  fait 
partie  de  la  terre?  »  Dieu  voulut  alors  enseigner  à  Adam  une 
science  qui  lui  permît  de  deviner  par  l'aspect  de  certaines  étoiles 
les  mystères  de  la  terre.  Cette  science  parut  trop  difficile  à  Adam. 
Dieu  fit  descendre  du  ciel  un  miroir  dans  lequel  Adam  put  aperce- 
voir tout  l'univers.  A  la  mort  d'Adam,  un  Satan  nommé  DiapD 
brisa  ce  miroir  et  éleva  sur  ses  débris,  à  l'Est,  une  ville  du  nom  de 
de  Gâbart.  Lorsque  Salomon  fut  devenu  roi,  il  voulut  posséder  ce 
miroir  merveilleux.  On  lui  raconta  ce  qu'avait  fait  Satan.  Salomon 

1  Dans  le  ms  ,  C)^"nnkN^L3. 

*  b'^pUJJî:)^.  Je  ne  possède  pas  ici  les  ouvrages  nécessaires  pour  me  permettre  de 
constater  l'identité  des  chefs  de  TÉglise  que  menlionuo  cet  auteur. 
3  Al-Tabari,  Annales,  II,  p.  287. 


124  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

força  Satan  à  détruire  la  ville  et  à  lui  procurer  le  miroir  désiré. 
La  A'ille  fut  détruite  et  les  morceaux  du  miroir  furent  remis  à  Salo- 
mon  qui  les  rassembla  et  les  rattacha  ensemble  par  une  courroie. 
Salomon  mort,  les  démons  volèrent  ce  miroir  à  l'exception  d'un  seul 
morceau  qu'ils  oublièrent  d'emporter.  Ce  petit  débris  passa  de 
génération  en  génération  et  parvint  enfin  en  la  possession  du  Ràs- 
al-Gâlût  qui  l'offrit  à  Merwân  ibn  Mohammed,  le  dernier  khalife 
de  la  dynastie  des  Omayyades.  Ce  dernier  le  fit  réduire  en  poudre 
et  introduire  ainsi  dans  un  autre  miroir.  Ce  miroir  montra  au 
khalife  tout  ce  qu'il  lui  déplaisait  de  voir.  Merwân  ibn  Mohammed 
ordonna  de  jeter  ce  miroir  et  de  décapiter  le  Râs-al-Gâlùt. 
Lorsqu'Abu  Ga'far,  deuxième  khalife  de  la  dynastie  des  Abba- 
sides,  fut  arrivé  au  pouvoir,  il  fit  chercher  de  nouveau  ce  mi- 
roir et,  grâce  à  lui,  découvrit  la  retraite  de  Mohammed  ibn  Abda- 
lalla,  prétendant  de  la  famille  d'Ali,  et,  ayant  fait  poursuivre  ce 
rival,  lui  infligea  les  plus  cruelles  tortures ^  » 

Voici  un  passage  de  Al-Kaz\vini  -,  que  me  signale  mon  ami 
M.  Bâcher,  qui  se  rattache  à  ce  paragraphe.  On  y  rapporte  ce 
récit  de  Al-A'masch  :  Mugâhid  (mort  en  l'an  102  de  Ihégire) 
aimait  à  entendre  des  histoires  sur  des  sujets  merveilleux  et 
à  les  vérifier  sur  place.  Il  alla  donc  une  fois  à  Babylone  et  dit 
au  gouverneur  de  la  ville,  Al-IIaggâg,  qui  lui  demandait  le  but 
de  son  voyage,  qu'il  avait  une  affaire  à  vider  avec  le  Râs-al-Gâlùt. 
Le  gouvernement  fait  venir  l'exilarque  et  lui  dit  d'expédier  l'af- 
faire de  Mugâhid. . .  Le  voyageur  demande  alors  à  l'exilarque  de 
lui  montrer  Hàrût  et  MâriU.  Le  Râs-al-Gâlùt  donne  l'ordre  à 
un  de  ses  domestiques  juifs  de  remplir  le  désir  de  Mugâhid.  On 
raconte  ensuite  qu'ils  se  glissent  dans  un  trou  où  ils  voient 
MâriU  et  Hârût^  grands  comme  deux  montagnes  qui  auraient  la 
tôte  en  bas.  Le  Juif  impose  au  voyageur  cette  condition  qu'il  ne 
devra  pas  prononcer  le  nom  de  Dieu  pendant  sa  visite  aux  deux 
démons.  Mugâhid  oublie  cette  recommandation,  aussi  manque-t-il 
de  périr.  11  est  intéressant  de  voir  que  le  Resch  Galouta  joue  un 
rôle  dans  ces  histoires  fabuleuses. 

IV.  Nous  savons  par  les  auteurs  arabes  que  les  Israélites,  établis 
dans  les  pays  musulmans,  étaient  fiers  de  vanter  devant  les 
Mahométans,  qui  les  méprisaient,  la  dignité  élevée  de  l'exilarque 
et  son  origine  royale.  Ibn  Lahi*a  (mort  en  l'année  174  de  l'hégire) 
raconte  le  fait  suivant  sur  Abul-Aswad  :  «  Je  rencontrai,  un  jour. 


«  IhuL.  m,  p.  165/: 

>  Alhûr  al-hilâd,  éd.  Wûstenfeld,  p.  203  ;  cf.  ^Agâ  \b  almachlûkât,  p.  197. 


NOTES  ET  MÉLANGES  125 

le  Râs-al-Gâlût  qui  me  dit  :  «  Entre  le  roi  David  et  moi  il  y  a  un 
intervalle  de  70  générations,  et  cependant  les  Juifs  me  témoignent 
un  grand  respect,  reconnaissent  mes  droits  de  descendant  royal 
et  considèrent  comme  un  devoir  de  me  protéger.  Entre  vous  et 
votre  prophète  il  n'y  a  qu'une  génération  et  déjà  vous  avez  tué  le 
fils  (le  petit-fils)  de  ce  prophète,  Huseyn  ^  » 

Pour  expliquer  les  paroles  que  je  viens  de  citer,  il  est  bon  de 
faire  remarquer  que  Abul-Aswad,  le  créateur  de  la  grammaire 
arabe  qui  faisait  remonter  les  origines  de  cette  science  jusqu'à 
Ali,  appartenait  à  la  secte  des  Schiites.  C'est  sans  doute  sous 
l'inspiration  de  l'esprit  de  parti  qui  caractérise  cette  secte  qu'il 
fait  ressortir  ce  contraste  entre  le  70®  descendant  de  David, 
respecté  par  les  Juifs,  et  le  petit-fils  de  Mahomet,  tué  par  les 
musulmans  ^. 

Le  polémiste  fanatique,  Ibn-Hazm,  déclare  encore  au  y«  siècle  de 
rhégire  que  les  Juifs  parlaient  avec  orgueil  de  la  dignité  de  leurs 
exilarques  et  de  leur  origine  royale,  et  il  prétend  que  Samuel- 
ibn-Nagdôla  rapportait  à  sa  propre  personne  le  passage  de  la  Ge- 
nèse XIX,  10  ^  Ibn-Hazm,  qui  a  soutenu  verbalement  une  discus- 
sion avec  un  savant  juif  contemporain  au  sujet  de  l'explication  de 
ce  verset,  caractérise  ainsi  la  dignité  de  l'exilarque  :  «  Le  Râs-al- 
Gâlùt,  dit-il,  n'a  aucun  pouvoir  ni  sur  les  Juifs  ni  sur  les  autres 
hommes  ;  il  possède  un  titre  purement  nominal  et  auquel  n'est 
attaché  aucun  privilège  ni  aucune  autorité.  »  Il  démontre  qu'avec 
la  royauté  a  disparu  en  Juda  tout  pouvoir  et  que  cette  dignité  de 
Râs-al-Gâlût  a  été  accordée  depuis  peu  de  temps  «  jusqu'à  nos 
jours  »  par  le  gouvernement  musulman  à  un  descendant  de  David. 
Ibn-Hazm,  qui  écrit  ces  mots  après  l'an  1013  après  J.-C,  termine 
ainsi  :  «  Quelques  historiens  prétendent  que  Hérode,  son  fils  et 
son  petit-fils  étaient  de  la  tribu  de  Juda  ;  je  crois  qu'ils  étaient 
plutôt  d'origine  romaine  *.  » 

Une  dernière  remarque  :  le  pluriel  de  Râs-al-Oâlût  dont  se  sert 
Ibn-Hazm  dans  le  passage  cité,  est  Ruus-al-Gawàlit ,  Les  musul- 
mans désignent  par  Gâlûtî  les  Juifs  rabbanites  par  opposition 
aux  'Anâni  ou  Garaïtes  ^ 

Ignaz  Goldziher. 

Budapest, 

»  Ibn  'Abdi  Rabbihi,  Al  'Ikd  al  farîd,  éd.  de  Bulàk,  II,  p.  309. 

2  Cf.  Zeitschrift  der  D.  M.  G.,  XXIX,  p.  320. 

3  Kobak,  Jeschumn,  VIII,  p.  76, 

*  Ms.  de  la  bibliotbèque  de  Leyde,  Warner,  n°  480,  I,  fol,  60,  verso. 
^  Dieterici,  Thier  und  Mensrh  vor  dem  Kônig  der  Genien,  p.  125-126. 


126  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

LE  PBÉTENDU  COMMENTAIRE  D'ISAAC  ISRAÉLI 

SUR  LE  LIVRE  YECIRA 


Sommes-nous  réellement  en  possession  du  commentaire  d'Isaac 
Israéli  sur  le  livre  Yeçira?  Voilà  ce  que  jusqu'à  présent  on  ne  peut 
affirmer.  On  sait  qu'il  existe  un  commentaire  sur  le  Se  fer  Yeçira 
attribué  par  différents  manuscrits  à  plusieurs  auteurs,  à  Isaac 
Israéli,  à  Jacob  b.  Nissim  et  à  Dunasch  b.  Tamim  ;  on  sait,  en  outre, 
que  certains  manuscrits  attribuent  à  ce  même  Israéli  plusieurs 
commentaires  différents.  Ainsi,  un  même  commentaire  rapporté  à 
plusieurs  auteurs,  parmi  lesquels  Isaac  Israéli,  et  plusieurs  com- 
mentaires différents  rapportés  au  seul  Israéli.  C'est  plus  qu'il  n'en 
faut  pour  embrouiller  le  problème.  On  a  naturellement  épuisé 
toute  la  série  des  combinaisons  possibles  et,  en  fin  de  compte,  on 
a  cru  pouvoir  supposer  que,  sous  le  titre  de  commentaire  d'Isaac 
Israéli,  nous  possédons  trois  ouvrages  différents  dus  à  deux  ou 
trois  auteurs,  ou  un  travail  remanié  différemment  par  trois  au- 
teurs. Quoique  ce  commentaire  n'ait  pas  été  soumis  aune  analyse 
rigoureuse,  l'examen  qui  a  été  fait  des  manuscrits  permet  cepen- 
dant d'affirmer  que  nous  sommes  en  présence  de  plusieurs  tra- 
ducîions  de  plusieurs  versions  d'un  même  ouvrage. 

Quel  a  été  vraiment  l'auteur  de  cet  ouvrage?  Pour  M.  Stein- 
scbneider  (AlfaraU  p.  218,  note  T,  il  w'y  a  pas  de  doute,  «  la  pater- 
nité du  commentaire  appartient  sûrement  à  Isaac  Israéli,  contrai- 
rement à  l'opinion  do  Munk  ».  Sur  quoi  se  fonde  cette  assertion? 
Sur  cette  circonstance  que  l'auteur  du  commentaire,  en  parlant 
des  veines  qui  se  dirigent  vers  le  foie,  et  qu'il  appelle  Np-^-isxra 
«  mésaraïques  »,  se  réfère  à  son  ouvrage  sur  Vuri)ie.  Or  précisé- 
ment l'ouvrage  d'Israéli  sur  les  urines  {De  urinis)  parle  des 
veines  mésaraïques  (mesaraica?). 

Examinons  les  passages  où  le  commentaire  se  réfère  ainsi  au 
livre  sur  l'Urine. 

Au  sujet  de  ces  mots  du  Sôfer  Yeçwa,  cli.  V,  3  :  ncr  t:^"^•w 
îi3"^n72  Yi2'2  l^':;:»  •  •  •  nrjiuîD,  «  des  douze  éléments  simples  créés 
avec  une  nature  hostile  »,  le  commentaire  fait  la  remarque  sui- 
vante '  : 

*  Je  cile  d'après  le  ms.  de  Muuich,  n°  92,  qui  ollribuc  le  commentaire  à  Jacob 
b.  Nissim. 


NOTES  ET  MELANGES  127 

ns  by^  "^Db  i-iT^nb?:  )^7:'d  p-i:?T  rjn^^T:  I-^iûId  i^s-i^j^  'njiwS'r  !r;:3"i 
innn  n^aij^b  n72^bD  i-ian  i-i-n7:n  ^nt^  û^^b^n  û-^n::Nf^   nbN   "^ns/û 
(■«)  ^p  ij^nnû  DD73rî  Tii^iD  i72n  ïi:?-ip^n  [lis.  m^D^jin]  m-'^j^n  n-n^sn  '^2d;3 
OD7ûr5  ï-iTT^np  "1^25  ^niTî  ?nr:'^7:m  b'::ni2  m::-i  Mis.  tn]  tzrj  "i^^m 

fnmb  D073V  p-in?:  ns  m-'s  ^n'^r  în73b  D'wTn  ï-r'iîn"^  r;::n  npin^n 
■^15  û'^:^7:n  b5<  p'^'".7:  inx  r;DT  b:Dî<72!-r  brc^i  bv  intr^bi  inTr^-ip  n73irb 
1723  t^20  ri/û  [lis.  nD">nr!j  nD^-iï-i  b:'  t=nTi3>bn  [Hs.  Cirpr^bj  t:i:p-:b 
'{pinn73'i  imn'^rûii  "lasTî  m7:'^72n  i-:5  "^lîz"^  'ip  bin'J'n  GwYm  'cz'^;rr2 
i^irsrt  ibi  îi'iJniT  ïr-.p  n^-o  r;-nn\:jrf  r;"i7:'rî  *j7^  "^2^'~  ^~^i  ""^^"^  "^-^"^ 
frDbnm  to^:DnNn7a  irnn'i  T^rj  T^jibiD  nsnn'r  n^^Nns  i-ir  1"^::?  -iwNn 
.  pnc^  TiT^  ?iTb  isn^nsïD  ï^7273  inbiîb  ';^^2:>73  û\x:i"i"'  ir-^'m 

«  Cette  phrase  signifie  que  chacune  des  forces  de  ces  membres 
organiques  est  en  opposition  avec  celle  de  l'autre  à  cause  de  leur 
opposition  inhérente  en  qualités.  Ainsi  l'estomac  est  naturelle- 
ment froid,  le  foie  chaud,  humide,  bouillant,  la  chaleur  du  foie  est 
ainsi  en  opposition  avec  le  froid  de  l'estomac.  Aussi  entre  eux 
deux  est  placée  la  bile  comme  réservoir  de  la  bile  jaune,  car  la 
bile  jaune  est  chaude  et  sèche.  La  bile  a  deux  orifices,  l'un  déver- 
sant dans  l'estomac  pour  contrebalancer  son  froid  et  Taider  à 
cuire  les  aliments,  l'autre  déversant  dans  les  intestins  pour  les 
exciter  et  les  aider  à  expulser  les  matières  excrémentaires  qui  y 
sont  parvenues.  La  rate  est  froide  et  sèche  en  opposition  avec  la 
chaleur  et  l'humidité  du  foie.  C'est  en  elle  que  se  déverse  le  reste 
de  la  bile  noire,  froide  et  sèche  venant  du  foie.  Or,  si  nous  voulions 
expliquer  cette  question,  nous  serions  forcés  de  trop  nous  étendre 
et  nous  sortirions  du  sujet  que  nous  traitons  en  ce  chapitre.  » 

Puis  le  commentateur  ajoute  —  et  ici  je  .cite  en  regard  du  texte 
attribué  à  Jacob  b.  Nissim  et  traduit  par  Moïse  b.  Joseph,  le  texte 
attribué  à  Dunasch  b.  Tamim  et  traduit  par  Nahum  (ms.  de  Berlin, 
243,  oct.)  : 

JACOB  B.  NISSIM.  1  NAHUM. 


ï-iT  r-iN  [lis.  "-17: J<  pb]  t=:\  pn 
b^  ""^  to'^rîbNn  Tyxv,i2)  ïiT  1^\12^yb 
^^\12^^b^  ryMzr\  T^2S  ^12^y  m?2n 
■^-i7a:ib   yr\i2r\  nit:    ib    m-ann  "^^ 

■^r:  n73Dn73  -in^i  bïanb  1^3321  n7JN!n 
t-i^sn  mniTann  rjbisTa  ^r\^  biD 


ts:  ^72^  ^^b  û-^br^nii  ■'723  i^-innc 
'^r;bi«?r;  rr^iir  n;  n72"irb  riT  pn* 
t»<ir;i  iiTDn  ni<  ipn73  "^di-î  bso 
mN  r!i£i3  n^n  ibx  '^ï:nr;u;  n^ss 
■imfi<  !-Tr:i72  T^\'^'r^^  ^n72:;b  '\'zzr\ 
V'^i^  V^  r^">  ^^"^^^  b-jn^i  n72i:rb 
b:D'»23  rî7:snn  v^  "i^^  ûr::  bL23n^o 


128 


REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 


«  Nous  avons  d'ailleurs  développé  cette  question  dans  l'ouvrage 
que  nous  avons  composé  sur  la  Science  de  Vurine.  Voilà  ce  que  signi- 
fient les  mots  :  «  L'un  en  opposition  avec  l'autre,  telle  est  l'œuvre 
de  Dieu  ».  Tout  contraire  est  établi  en  face  d'un  autre,  mais  sans  le 
vaincre  entièrement,  car  il  absorberait  en  lui  son  opposé  et  l'anéan- 
tirait. Or  il  n'est  pas  raisonnable  qu'une  chose  créée  par  la  sagesse 
divine  soit  anéantie  :  ces  contraires  étant  l'œuvre  de  la  sagesse  qui 
ne  peut  être  anéantie.  » 

La  traduction  de  Nahum  dit  :  le  livre  que  nous  avons  écrit  sur 
Vurine. 

Le  deuxième  passage  du  commentaire,  qui  mentionne  le  traité 
De  urmis,  traite  de  la  même  question.  A  propos  de  ces  mots  du 
texte  (cil.  VI,  3)  :  ir>rbr;n  !in7:!n  nnsn  û\^2r>:5  nobc,  «  il  y  a  trois 
organes  qui  sont  ennemis,  le  foie,  la  bile  et  la  langue  »,  le  com- 
mentaire étudie  le  rôle  de  ces  différents  organes  dans  l'acte  de  la 
digestion,  par  rapport  à  leurs  qualités  élémentaires,  et  il  termine 
par  ces  paroles  : 


!-iT  lin^n    nnDi    in^ab    t2ip72ïi 


«  Nous  aurions  encore  beaucoup  à  dire  là-dessus,  mais  ce  n'en  est 
pas  ici  le  lieu,  car  nous  avons  déjà  développé  cette  question  dans  le 
Litre  des  urines  »  (Nahum,  «  dans  notre  autre  livre  »). 

D'après  ces  textes,  que  devons  nous  nous  attendre  à  trouver 
dans  le  De  iirinis?  Non  pas,  évidemment,  la  théorie  générale  de  la 
digestion,  mais  les  oppositions  admirables  que  présentent  les  dif- 
férents organes  digestifs  dans  leurs  vertus  élémentaires,  la  sagesse 
merveilleuse  avec  laquelle  ces  organes  sont  reliés  entre  eux  par 
des  canaux  dont  les  vertus  servent  de  transition  et  d'intermédiaire 
entre  les  caractères  opposés  des  organes.  Or,  rien  de  semblable 
dansisraéli,  aucune  trace  de  ces  idées  vraiment  originales.  Voici 
tout  ce  qu'il  dit  sur  la  digestion  (Introduction  au  Liber  ur inarum, 
édit.  deLeyde,  1515,  fMôS*"): 

Digestio'  enim  triplex  est  et  tria  loca  in  corpore  possidet.  Primum 
in  stomacho.  Secundum  in  épate.  Tertium  in  omnibus  membris 
corporis.  In  stomacho  digeritur  cibus  et  potus  :  omnia  enim  ingre- 
dicntia  corpus  :  sivc  sint  cibi  sive  potus;  primitus  ad  stomacbum 
traliunlur  ubi  digcruntur  et  excoquuntur  et  in  suocum  quasi  m 
ptisanum  convertuntur  :  deinde  in  nutrimentum  suum  stomachus 


l'our  fucililor  la  loclure  de  ce  passage,  nous  résolvons  les  abréviations. 


NOTES  ET  MELANGES  129 

sibi  attrahit  quod  nature  sue  est  simile  et  complexioni  ejus  :  et  su- 
perflua  deponit  ex  foramine  suo  inferiori  :  quod  portam  vocant  phi- 
losophi  :  ad  intestinum  junctum  huic  foramini  :  quod  duodénum 
vocatur  quare  quanti  tas  sui  per  mesuram  cujusque  hominis  duo- 
decim  sunt  digiti  cum  suis  dimensa  digitis.  Hoc  intestinum  in 
longitudinem  dorsi  est  erectum  :  et  quantitas  sue  concavitatis  est 
sicut  quantitas  foraminis  porte  :  quod  ideo  porta  vocatur  quare 
usque  ad  nature  necessitatem  eibum  a  stomacho  deponens  clauditur  : 
quem  cum  deponere  incipiat  aperitur  illa  porta  et  descendit  esca  :  et 
clauditur  postea  sicut  fuit  antea.  Cum  autem  cibus  ad  intestinum 
vgniat  :  accipit  inde  nutrimenta  sua  :  que  nature  sue  assimilât  : 
quod  autem  remanet  sicut  torcular  extorquitur  deponens  in  intesti- 
num sibi  junctum  :  quod  est  tortum  rotundum  et  globosum  :  a  me- 
dicis  vocatur  jéjunum,  vulgus  autem  rotundum  dicit  et  portam 
lactis.  Ad  quod  intestinum  cum  cibus  veniat  :  trahit  sibi  totum 
succum  ad  humectationem  epatis  :  acsi  magnes  ferrum  traheret. 
Intestinum  autem  emittit  illam  humectationem  epati  quasi  sudo- 
rem  cum  foramen  unde  exeat  apertum  non  habeat.  Accipitur  ergo 
cibus  a  quibusdam  venis  sibi  invicem  solidatis  atque  junctis  : 
et  inter  intestinum  et  epar  positis  :  he  mesaraice  sunt  vocate. 
Epar  vero  cum  aie  bis  succum  ceperit  :  mittit  eum  ad  coquendum 
suis  venis.  Intestinum  autem  predictum  in  longitudinem  dorsi  erec- 
tum est  :  et  non  rotundum  nec  globosum  sicut  aliud  fuit  intesti- 
num... Epar  vero  de  succo  sibi  quem  excoquendum  suis  dimiserat 
venis  :  sanguinem  facit  :  et  grossum  dividens  a  subtili  :  in  sui  nutri- 
menti  confortamentum  :  sueque  substantie  assimulamentum  accipit  : 
quod  remanet  omnibus  membris  mittens  corporis.  Unde  omnia  ipsa 
membra  sibi  trahunt  sue  nature  et  substantie  assimilantia  *. 

Où  est  donc  la  ressemblance  qu'on  s'attendait  à  trouver  entre 
les  développements  des  deux  ouvrages?  Dans  la  présence  d'un 
mot  :  Mesaraicse.  Or,  la  conception  anatomique  que  représente  ce 
mot  est  tout  à  fait  en  dehors  des  raisons  qui  ont  motivé  la  citation 
du  livre  De  iirinis;  en  outre  ce  terme  était  très  usité  et  le  seul 
clair  pour  rendre  la  chose,  c'est-à-dire  les  veines  qui  vont  des 
intestins  au  foie  -. 

*  On  trouve  bien  dans  le  commentaire  les  détails  anatomiques  suivants  : 

tr^^^y2  y^h^  z>r:)i2'T^  ni^iri'^T  oo^n  \y^i2li  buïnb  moi  "insïi 

Mais  le  commentateur  n'attache  pas  d'importance  à  ces  détails  et  ce  n'est  pas  à  ce 
propos  qu'il  cite  le  De  urinis, 

*  Cicéron  dit  dans  le  De  natiira  deomm,  II,  55  :  «  Succus  quo  alimur  permanat  ad 
jecur,  per  quasdam  a  medio  intestino  ad  portam  jecoris  ductas  vias  •  ;  et  Hyrtl  (0/jo- 
matologia  anatomica,  p.  327)  dit  à  ce  sujet  que  Cicéron  entend  par  là  les  veines 
mésaraïques. 

T.   VIII,  N»  15.  9 


130  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Je  vais  montrer  combien  Temxjloi  de  ce  mot  était  fréquent.  Dans 
le  traité  —  le  principal  ouvrage  anatomique  du  moj'en  âge  — 
De  communibus  ynedico  cognitu  necessariis  locis,  attribué  à  tort 
à  Constantin  l'Africain  et  rangé  sous  un  autre  titre  parmi  les 
œuvres  d'Isaac  Israéli,  on  lit  (liv.  III,  ch.  xxvi)  :  «  Ab  intestinis 
quoque  procurrunt  ad  epar,  et  hse  vocantur  meseraicae,  per  quas 
succus  cibi  ad  epar  tendit  ab  intestinis.  »  Dans  le  Colliget  d'Averroës 
(Venise,  1560,  f*^  10  a),  liv.IV,cli.  xlv  :«  In  mesaraicis  venientibus 
ab  liepate  ad  intestina»,  passage  rendu  comme  suit  par  l'auteur 
anonyme  de  la  traduction  hébraïque  de  ce  recueil  (ms.  Munich  29, 

Le  scholastique  Guillaume  de  Conches  ',  dit  :  «  Per  venas,  quas 
dicunt  mesaraicas,  quod  subtile  est  et  purum,  remittit  ad  hepar.  » 
C'est  ainsi  que  s'exprime  également  un  anatomiste  du  commen- 
cement du  xiv«  siècle  "^  :  «  Inter  membra  nutritiva  principalius 
est  epar,  et  ei  deserviunt  stomachus  cibos  digerens  et  vense 
mesaraycse,  id  est,  médiatrices,  déportantes  succos  vitales 
ptisanarias  a  stomacho  ad  epar  ».  Ce  mot  a  passé  dans  les  écrits 
hébraïques.  Dans  le  Ni£^3n  'o^,  attribué  faussement  à  Maïmonide, 
nous  lisons  :  T"3>bn  p"«^.'û7D  mNisiii  ^nDOn  ûmis  û-^N-np  û^pbnn  ^'::^î■|. 

Un  autre  passage  du  commentaire  du  Séfe?"  Yeçira  peut  encore 
faire  penser  à  un  ouvrage  d'Israéli,  c'est  la  fin  du  ch.  m,  où 
l'auteur  parle  des  Éléments  et  termine  ainsi  son  développement  : 
nbwN  ^pbn  û'^:no72  "]^n  rir  nss;^  dip7:n  nt  nbirn  r;T  Yiy  m^n  nniDT 
'^Drrnnn  i-^3>b  m^n^  m-^^N'pTj  nv^n  i:\s'nm  ri:p^b  trirp^  m'riD'^n 
r\)rpth  ûnitp?:.  Mais  il  n'est  pas  possible  d'affirmer  que  ce  pas- 
sage fasse  allusion  au  livre  d'Isaac  sur  les  Éléments,  car  il  ne  con- 
tient rien  d'assez  caractéristique  pour  nous  permettre  de  déclarer 
avec  certitude  qu'il  s'agit  bien  de  cet  ouvrage.  Du  reste,  il  est 
parfaitement  permis  de  supposer  qu'un  autre'  auteur  et  même  un 
disciple  d'Israéli  a  composé  également  un  ouvrage  sur  un  sujet 
aussi  attrayant  que  les  Éléments. 

Et,  sans  aller  plus  loin,  il  nous  paraît  assez  difficile  d'attribuer 
à  Isaac  Israéli  un  commentaire  dans  lequel  il  est  cité  avec  le 
titre  de  maître  ;  ù  moins  de  supposer  que  ce  commentaire,  com- 
posé par  Israéli,  ait  été  refait  par  un  de  ses  disciples,  hypothèse 
qui  ne  s'appuyerait  sur  rien.  On  trouvera  peut-être  un  jour  un 
des  ouvrages  que  l'auteur  inconnu  de  ce  commentaire  cite  comme 

»  Voir  Migne,  Pairologia  latina,  vol.  CLXXX,  p.  608. 

'  Voir  J.  Florian,  Anatomie  des  Magister  Richardus,  p.  19. 

'  Voir  -^s-ia  \2,  éd.  Polak,  p.  ix. 


NOTES  ET  MELAiNGES  131 

étant  de  lui.  Mais  on  peut  prédire,  dès  maintenant,  qu'aucun  de 
ces  ouvrages  ne  sera  signé  du  nom  d'Isaac  Israéli.  Cet  auteur  est 
célèbre,  et  nous  ne  pouvons  pas  admettre  que  plusieurs  de  ses 
écrits  aient  été  perdus  et  qu'on  en  ait  oublié  jusqu'aux  titres.  La 
plus  ancienne  mention  que  je  connaisse  de  ce  commentaire,  dans 
la  littérature,  est  celle  qui  en  est  faite  par  le  commentaire  ma- 
nuscrit de  Yehuda  b.  Barzilaï,  sur  le  livre  Vectra.  Malheureu- 
sement, Yehuda  ne  cite  pas  de  nom  d'auteur,  il  dit  seulement  : 
MT  nsD  i^ïîns^  û^^nsD^ïi  ]i2  iriN ,  «  un  des  commentaires  qui  ont 
commenté  ce  livre  ».  L'extrait  assez  connu  de  notre  commentaire 
qu'il  cite,  est  le  passage  suivant,  expliqué  par  Munk  :  Ti^inn  'i^idi 
'iN^abN  njîon  {^"np^n  û5in©n:n  ^nnns  "raïN  nsD3  "^tin  ni"!  'jïT'bs^.  Is- 
raéli est  bien  mentionné  dans  les  ouvrages  postérieurs  comme  au- 
teur du  commentaire  sur  le  livre  Veçira^  mais  cela  n'est  pas  un 
argument  valable,  car  les  manuscrits  ont  pu  commencer  de  bonne 
heure  à  se  tromper  sur  le  nom  du  véritable  auteur  de  cet  ou- 
vrage.—  Quoi  qu'il  en  soit,  je  n'ai  cherché  qu'à  montrer  dans 
cette  question  importante  que  l'argument  de  M.  Steinschneider 
était  un  argument  tout  à  fait  spécieux  et  qu'il  ne  prouvait  abso- 
lument rien  en  faveur  de  la  paternité  d'Isaac  Israéli. 

Puissent  ces  quelques  observations  suggérer  à  un  savant 
l'envie  d'étudier  de  nouveau,  avec  rigueur,  cette  question  lit- 
téraire. 

David  Kaufmann. 

Budapest,  12  novembre  1883. 


LES  CERCLES  INTELLECTUELS  DE  BATALYOUSI 


M.  H.  Derenbourg  a  bien  voulu  s'occuper,  dans  un  article  de  la 
Revue  ^,  de  mon  ouvrage  sur  Al-Batalyoûsi,  et  je  suis  heureux 
qu'un  arabisant  aussi  distingué  que  lui  ait  cherché  à  fixer  une 
fois  pour  toutes  la  date  de  la  mort  de  ce  philosophe.  Je  n'ai,  sur 
cette  question,  aucune  opinion  personnelle  ;  en  indiquant,  pour 
cette  date,  l'année  421  de  l'hégire,  j'ai  uniquement  suivi  (voir  mes 
Spuren,  p.  10,  note  3),  Steinschneider  et  Socin,  chez  lesquels  on 

»  Tome  YII,  p.  276. 


132  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

trouvera  tout  ce  qu'on  savait,  à  l'époque  où  ils  écrivaient,  sur 
cette  matière.  Ne  voulant  point  entreprendre  de  recherche  nou- 
velle concernant  la  question  de  savoir  si  notre  philosophe  était 
mort  en  421  ou  en  521  de  l'hégire,  je  m'en  suis  rapporté  d'autant 
plus  volontiers  à  Steinschneider,  que  cet  écrivain  d'une  critique  si 
sûre  a  plusieurs  fois  insisté  pour  faire  adopter  la  date  de  421  K 
Cette  question  n'a,  du  reste,  aucune  importance  pour  mon  travail. 
Que  Batalyoûsi  fût  mort  au  xi°  ou  au  xii^  siècle,  j'ai  pensé  qu'il 
n'était  pas  sans  intérêt  de  rechercher  si  la  question  des  cercles 
intellectuels  était  connue  ou  non  des  philosophes  juifs  du  xi° 
siècle  et  je  suis  arrivé  à  un  résultat  négatif.  Même  pour  Ibn  Ga- 
birol,  chez  lequel  il  semble  qu'on  trouve  des  analogies  avec  Batal- 
yoûsi, j'ai  formellement  repoussé  (page  27)  l'idée  qu'il  ait  puisé 
chez  Batalyoûsi  et  supposé  qu'ils  pouvaient  avoir  utilisé  tous  deux 
les  mêmes  écrits  néo-platoniciens.  Je  n'ai  donc  jamais  «  accusé 
Ibn  Gabirol  d'avoir  copié  Al-Batalyoûsi.  » 

Je  puis  donc  assister  tranquillement  au  débat  sur  la  date  de  la 
mort  de  Batalyoûsi  et  j'accepte  avec  reconnaissance  le  renseigne- 
ment que  M.  Derenbourg  tire  de  l'ouvrage  d'Ibn  Baschkoual  qui  a 
été  récemment  publié  et  qui  confirme  que  Batalyoûsi  serait  mort 
en  521.  Mais  je  ne  saurais  admettre  avec  M.  Derenbourg  qu'Al- 
Gazzâli,  loin  d'avoir  copié  Batalyoûsi,  ait  été,  au  contraire,  l'in- 
venteur des  cercles  intellectuels.  M.  D.,  en  soutenant  cette  thèse, 
s'autorise  de  cette  circonstance  que  l'ouvrage  des  Cercles  intel- 
lectuels a  même  été  attribué  à  Gazzâli  ^,  mais  je  ne  connais  que 
Gavison  qui  ait  fait  cette  attribution,  comme  je  l'ai  indiqué  dans 
mes  Spuren  ^,  et  qu'est-ce  que  cela  prouve  ?  11  y  a  aussi  toute  une 
série  d'auteurs  juifs  qui  attribuent  la  Balance  des  'pensées  de  Gaz- 
zâli à  Ibn  Roschd*.  Gazzâli  et  Batalyoûsi  ont  été  contemporains, 
et  si  l'on  veut  savoir  lequel  des  deux  a  copié  l'autre,  il  faut  consi- 
dérer le  caractère  de  ces  deux  écrivains.  En  théologie,  Gazzâli  est 
un  écrivain  original  ;  en  philosophie,  c'est  un  plagiaire.  Son  ad- 
versaire Ibn  Roschd  a  dit  de  lui  que  toute  sa  science  est  em- 
pruntée à  Ibn  Sina  *,  et  nous  savons  spécialement  que  dans  sa 
Balance  des  'pensées  il  a  largement  usé  des  Frères  de  la  pi(- 

^  Dims  sa  Pseudejùgraphiiche  Littratur,  index;  s.  v.  Bataliusi  :  «  xi»  siècle; 
K:hez  Il)B  Challikau,  fausscmenl  xii"  siècle  >  ;  dans  son  catal.  des  mss.  hébr.  de 
Munich,  f).  67,  n"  2  :  «  Mourut  421  de  l'hégire  (1030),  non  521,  comme  prétendenl 
la  plupart 'des  sources.  » 

'  Je  n'ai  pas  trouvé  dans  VAlfarahi  de  M.  Steinschneider,  p.  115,  le  passage  fur 
lequel  s'appuie  M,  D.,  lievue^  p.  278,  note  5. 

^  Page  9,  noie  4. 

*  Steinschneider,  ibid. 

''  Sinîon  Duran,  Qi^sc/icf  ou-'niagcn,  1"  23^. 


iNOTES  ET  MELAiNGES  133 

reté.  M.  D.  pense  que  Batalyoûsi  était  un  écrivain  inconnu,  et  que 
son  livre,  «  perdu  dans  l'oubli  »,  était  indigne  d'être  copié  par 
un  auteur  comme  Al-Gazzâli.  J'ai  au  contraire  montré  qu'Ibn 
Sabîn  encore,  l'orgueilleux  correspondant  de  Frédéric  II,  n'a  pas 
dédaigné  de  s'approprier  tout  un  morceau  des  Cercles  intellec- 
tuels de  notre  auteur  *.  M.  D.  signale,  il  est  vrai,  le  manuscrit 
d'un  ouvrage  de  Gazzâli  écrit  de  la  main  de  Batalyoûsi  ^  ;  d'où  on 
conclurait  que  Batalyoûsi,  ayant  copié  matériellement  un  ouvrage 
de  Gazzâli,  l'aurait  utilisé  en  môme  temps  pour  ses  Cercles  intel- 
lectuels, mais  cet  ouvrage  copié  par  Batalyoûsi  est,  non  la  Ba- 
lance des  pensées^  mais  la  Balance  des  actions,  qui  n'a  rien  de 
commun  avec  les  Cercles  intellectuels. 

Il  faut,  en  outre,  remarquer  que  l'ouvrage  tout  entier  de  Bata- 
lyoûsi est  consacré  aux  cercles  intellectuels  et  que  ceux-ci  ne  for- 
ment, au  contraire,  qu'un  mince  détail  dans  l'ouvrage  de  Gazzâli. 
L'hypothèse  que  la  notion  des  cercles  intellectuels  soit  empruntée 
par  Gazzâli  à  Batalyoûsi  est  donc  bien  plus  probable  que  l'hypo- 
thèse contraire.  M.  D.  semble  douter,  en  général,  que  Batalyoûsi 
ait  jamais  rendu  quelque  service  à  la  science  philosophique,  et 
il  suit,  en  ceci,  les  bibliographes  arabes,  qui  ignorent  même  les 
Cercles  intellectuels,  mais  on  a  pu  voir  au  congrès  de  Leyde  qu'il 
n'en  est  pas  ainsi.  Landberg,  dans  son  Catalogue  des  mss.  arabes 
à  el-Medîna,  indique,  sous  le  n«  566  (p.  159),  un  livre  philoso- 
phique de  notre  auteur  qui  est  maintenant,  avec  toute  cette  col- 
lection d'El  Médina,  à  la  bibliothèque  de  l'Université  de  Leyde. 
Avec  cet  ouvrage,  que  ce  soit  ou  non  les  Cercles  intellectuels,  on 
pourra  poursuivre  avec  plus  de  précision  que  je  ne  l'ai  fait  les 
traces  de  l'influence  de  Batalyoûsi  sur  les  philosophes  juifs  du 
moyen  âge.  Qu'il  me  soit  seulement  permis  de  dire  dès  à  présent 
que,  depuis  la  publication  de  mes  Spuren,  j'ai  découvert,  entre 
autres  sources,  dans  le  Commentaire  du  Pentateuque  de  Bahya  b. 
Ascher,  sur  Genèse,  II,  7,  tout  un  morceau  emprunté  à  mes  textes 
de  Batalyoûsi  (p.  54)  et  que  l'on  peut  rectifier  dans  Bahya  au 
moyen  de  ce  texte. 

M.  D.  me  paraît  très  injuste  pour  Moïse  Ibn  Tibbon  (p.  2*79  de 
son  article).  Cet  écrivain  a  rendu  accessibles  aux  Juifs  les  ou- 
vrages les  plus  importants  de  la  science  profane,  il  a  traduit  avec 
un  talent  remarquable  des  ouvrages  de  philosophie,  d'astronomie, 
de  mathématiques,  de  médecine.  Ses  travaux  ont  droit  à  tous  nos 
respects. 

*  Voir  mes  Spurcn,  p.  8,  note  1. 
2  Hevue,  p.  278,  uole  6. 


134  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Un  mot  encore,  pour  finir.  J'ai  écrit  Batlayoùsi  au  lieu  de  Bata- 
lyoûsi,  qui  est  la  vraie  leçon,  uniquement  pour  me  conformer  à 
la  prononciation  qui  a  été  adoptée  par  les  littérateurs  juifs. 

David  Kaufmann. 


LOCALITÉS  ILLUSTIIÉES  PAU  LE  MARTYRE  DES  JUIFS 

EN   1096  ET  1349. 


M.  Neubauer  a  publié  dans  cette  Revue  *  des  extraits  du  Memor- 
buch  de  Maj^ence  qui  renferment  des  renseignements  si  abondants 
sur  l'histoire  des  persécutions  des  Juifs  au  moyen  âge.  M.  Jellinek 
avait  imprimé  avant  lui,  en  1881,  sous  le  titre  de  Contros  Ha-me- 
honen  plusieurs  de  ces  mémoriaux,  sans  toutefois  identifier  les 
noms  des  localités  qui  ont  été  le  théâtre  de  ces  tristes  événe- 
ments. C'est  cette  lacune  que  nous  allons  essayer  de  combler  ici. 

Sur  279  noms  que  contient  la  première  liste,  il  n'3'  en  a  que 
8  qui  résistent  présentement  à  toute  identification.  Dans  la 
seconde  partie,  sur  81,  il  en  reste -9  qui  me  paraissent  indéchif- 
frables, bien  qu'ils  doivent  appartenir  à  la  Franconie.  Je  laisse  en 
hébreu  ces  noms  obscurs,  de  môme  que  je  mets  entre  parenthèses, 
en  hébreu,  ceux  dont  l'identification  n'est  pas  absolument  sûre. 

La  première  partie,  qui  occupe  les  pages  5  à  9  du  Contros  se 
rapporte  à  la  grande  persécution  de  1349;  la  seconde,  qui  est 
extraite  d'un  manuscrit  appartenant  à  M.  Charleville,  rabbin  de 
Versailles,  à  celle  de  1096. 

Basse-Alsace.  —  Strasbourg,  Thaun,  Rouirach,  Ilaguenau,  Wis- 
sembourg,  Saverne. 

Palatinat.  —  Spire,  Saint- Wendol  (Yai'^'nb),  Germcrsheim.  Rhein- 
zabern,  Kaiscr.'^lautern,  Neacastel  (ou  Blicscaslel),  Kusol,  Laudau, 
Nxîustadt-sur-le-llaardt,  Wacheuheini,  Durkheim,  Dcidcsheim.  Sins- 
hcim,  Wiesloch  (*]'>b3y3"'ii),  Eppingon,  Bruchsal. 

Palatinat  rhénan.  —  Worms,  Alt-Leiuingcn  (entre  Diirkheim  et 
*  Voyez  tome  IV.  pafrc  1. 


NOTES  ET  MÉLANGES  135 

Grûnstadt,  ';:;^5"i-nb),  Heppenheim,  Bensheim,  Laudenburg,  AIzei, 
Odernheim,  Heidelberg,  Weinheim,  Schriesheim,  Eberbach,  Erbach, 
Mosbach. 

Archevêché  de  Mayence.  —  Mayence,  Oppenheira,  Bingen,  Creuz- 
nach,  Sobernheim,  ';n^ip"in  (peut-être  ni^^p^^'n,  Rhingacw  =  Rheingau, 
nom  de  toute  la  province),  EUfeld  (actuellement  Eltville  dans  le 
Rheingau). 

Franconie.  —  Francfort-sur-le-Main,  Hanau,  Babenhausen, 
Steinheim,  Ofï'enbach  (:i'n:3  "iniN),  Seligenstadt,  Dieburg,  Obernburg 
{j>^^'2  )'û''i^),  Miltenberg,  Amorbach,  Buchen,  Walldurn,  Kulsheim, 
Tauber-Bischofsheim,Butthard  (N^'iT^m  ?),  Lauda  ("j^Nb),  Mergentbeim, 
Wurzbourg,  Kitzingen,  Iphofen,  Scbweinfurt,  Hassfurt,  Kœnigsberg, 
Ebern,  Bamberg,  Meiningen,  Cobourg,  Hildburgbausen,  Nuremberg, 
Neustadt  (entre  Nuremberg  et  Iphofen),  Windsheim  (û'iiii'iJit'Ti), 
Neumarkt,  Hersbruck,  Rothenbourg  (Franconie  moyenne),  Anspach, 
Gunzenhausen. 

SouABE.  —  Ulm,  Dillingen,  Bopfingen,  Ehingen,  Graisbach,  Rain, 
Ulbach  (^:nb!'3iN),  Harburg  (entre  Donauwœrth  et  Nœrdlingen,  — 'j^N^i 
:;'-i"i3),  Memmingen,  Gundelfmgen,  Riedlingen  ("jN^i^^b^^i^),  EUwangen 
(';:i3Nbn:î',  il  est  impossible  de  penser  à  Erlangen,  car  cette  ville  se 
trouve  dans  une  autre  région  que  les  suivantes),  Krailsbeim 
(û^ïiUî^^ip),  Wasser-Trudingen  (';N:;5'ib'^Tit:),  Dinkelsbûhl,  Hall,  Heil- 
bronn,  CEhringen.  —  Wurtemberg. 

Bavière.  —  Augsbourg,  Inspruck,  Landshut,  Mlihldorf,  Wasser- 
burg,  Laufen,  Rattenberg  (dans  le  Tyrol,  ^'n3>nu55n;j<^  ;  Ravensberg, 
que  donnerait  le  mot  hébreu,  se  trouve  en  Souabe),  Burghausen. 

Passau  ("i^idid),  Straubing,  Hallein,  Salzbourg. 

Autriche.  —  Krems. 

Province  de  Garniole,  'nTû^'n  (peut-être  Saint-Poelten,  qui,  il  est 
vrai,  ne  se  trouve  pas  dans  la  Garniole),  ybî. 

Linz,  y"l^"li5<b,  Np^lD  (Pozzen  =  Bozzen,  dans  le  Tyrol  ?). 

Possessions  impériales  de  la  Provence,  de  la  Bourgogne  et  de  la 
Souabe. 

Suisse.  —  Bregenz  (^laiy-ia). 

Ueberlingen  (où,  en  1332,  furent  brûlés  près  de  300  Juifs  inculpés 
de  meurtre  rituel),  Constance,  Stein,  Feldkirch  (*;3>in'^pb3>r),  Diessen- 
hofen,  Zurich,  Schaffouse,  Bâle. 

Alsace.  —  Guebviller  ou  Dettwiller  ( 'ns^b^'^ni!:::^  ) ,  Ensisheim 
(d"'^n3:5>),  Kaisersberg,  Brisach,  Sennheim  (Gernay),  Rosheim,  sur 
la  Magel. 

SiLÉsiE.  —  Breslau,  Neisse,  Schweidnitz. 

Saxe. —Hall,  Eisenberg  (à  deux  milles  de  léna).  Erfurt,  Arnstein, 
AUstedt  (-i5ntbt<),  Weimar  ('-iiN'^''n),  Weissensée,  N2^3>  (Sœmmerda?), 
Eisenach,  Gotha  (n'i^i:^),  Vacha  (^a^i)  sur  la  Werra. 


136  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Hartz.— Nordhausen,  Stolberg,  Elrich,Frankenhausen,  aa^^^-iia, 
Wallhausen  (ifinb^np). 

Brunswick.  —  Mûhlhausen,  Eschwege,  Hersfeld,  Heiligenstadt, 
Hildesheim. 

IIesse.  —  Fulda,  Gelnhausen,  Wezlar,  Friedberg,  Soden,  Giessen, 
Steinheim  (une  ville  de  ce  nom  se  trouve  sur  le  Main,  une  autre 
près  de  Salmûnster). 

SouABE.  —  Esslingen,  Reutlingen,  Beilstein  (Nb"'ii,  près  de  Heil- 
bronn,  ou  Bûlil  dans  le  duché  de  Bade),  Pforzheim,  Yaibingen, 
Gaislingen,  -imij-î  (Herrenberg?),  Ettlingen,  Durlach,  Goeppingen. 

Hesse.  —  Marbourg,  Hombourg,  Rauschenburg  (5"n3b''b3>n"ij  Ro- 
denberg. 

Elkctorat  de  Trêves  {Basse-Moselle).  —  Coblence,  Lahnstein, 
Braubach,  Boppard,  Ober-Wesel,  Kaub,  Bacharach,  Limbourg,  Mon- 
tabaur,Diez,  Andernach,  Mayen,  MiJnster  =  Maifeld,  Alken,  Carden, 
Muden,  Gochem,  Beilstein  -. 

Électorat  de  Trêves  [Haute-Moselle].  —  Trêves,  Berncastel,  Trar- 
bach,  Wittlich,  Woermeldingen  (dans  le  Luxembourg  ou  Wintringen 
près  de  Remich,  'i5<^2"ibn5:>Ti\  Echternacb,  Luxembourg. 

Hollande.  —  Brabant,  Antdorf  (ancien  nom  d'Anvers),  Mecheln, 
Bruxelles,  Xanten. 

Westphalie.  —  Stift  Munster,  Ochtrup,  Borken,  Cambray  (aupa- 
ravant Cameracli  ou  Camerik,  "TiDSp),  Warendorf,  Herford,  Bielefeld, 
Detmold,  Scbuttorf  (in^^li^j"^"»:)),  Bentbeim, 

Dortmund,  Osnabruck,  Soest,  Buren. 

Saxe.  —  Meissen,  «U5*^3,  Ntb'^j^,  Guben. 

Bohème.  —  Prague. 

Electorat  de  Cologne.  —  Cologne,  Bonn,  Lechenicli,  Abrweiler, 
Sinzig,  Remagen,  Kerpen,  Dûren,  Birgel  (b'^i'^in),  Linnich,  Alden- 
hoven,  Jïilich  (lN:i5"«'T^i^?*),  Euskirchen,  Holzweiler,  Gladbach,  Erke- 
lenz,  Dulken,  Kempen,  Uerdingen,  Neuss,  Ileimbacli  ('^3i:n),  Moers, 
Mouheim,  Stoinmeln,  Grevenbroich,  Uormagen,  Rheinberg,  ISim- 
wegen,  Berchem  ',  Arnheim,  Zulpheu,  ZwoUe,  Mecheln ^  Deventer, 
Kempen  (près  de  Ileinsberg),  Munster  =  Eifel,  Gerolsteim,  Alten- 
alir,  Siegburg,  Blankenburg,  Ilachenburg,  Rodenburg  (sma''^aX"i}, 
Deutz. 

Brandebourg.  —  Berlin,  Stendal,  Angermunde,  Oslerburg  (entre 
Selhauseu  et  Stendal),  Spandau. 

*  L'dnumération  des  petites  villes  situées  près  de  Trêves  et  de  Cologne  montre  que 
cette  liste  a  été  faite  à  Dcut/,  par  un  Juif  des  provinces  rhénanes. 

*  Brisch,  Gcsrhichtc  dcr  Jmkn  in  Coehi,  lit  Rœdiugen. 
'  Brisch  lit  Biidcrich. 

*  Le  Mecheln  de  plus  haut  est-il  la  province  cl  celui-ci  la  ville? 


NOTES  ET  MELANGES  137 


1096'. 

Roettingen,  Neustadt  sur  la  Saal,  Einersheim  (diTJ5:\T'''5<),  Winds- 
heim,  Ochsenfurt,  Kœnigshofen,  Lauda,  i^^^bj^-]^,  Mosbach,  Ipho- 
fen,  Hoechstadt,  Ilassfurt,  Schweinfurt,  Ikelsheim,  Forchheim 
(ûn^mn),  Ebermannsledt,  Ornbau  (i:;^^^^),  Ellwangen,  Dinkelsbûhl 
(b!n:*DU5bp3>T),  CELtingea,Wasser-Trudingen,  Hohen-Trudingen,  Unter- 
Windsbach,  Gunzenhausen,Bischofsheim,  Karlstadt,  Meiningen,  Um- 
merstadt  (u'j'iZJinbi^î),  "Wertheim,  Weissenburg,  Berching,  t<33p3U^D, 
'j-j^i-jujs'^^i^,  Lauingen  (p5^:iib),  dîisnin,  Neumarkt,  '^Tl:::^,  Weikers- 
heim,  Uffenheim,  £]'TTi^3nî:ûU5n,  Zeuln,  i!^ph^^,  Greiz  (p3^i^">-i:i),  Kro- 
nach  (Ninp) ,  Lichtenfels  (^bi::sïi?) ,  Burg  -  Kunstadt ,  Gallbofen 
(pin^ibwS'^:),  Aub  (^m5<),  p'nDS^Nn,  Scheinfeld,  Nœrdlingen,  Bibart 
(entre  Iphofen  et  Neustadt),  atûUi^^-n  (Neustadt?),  Heideck,  Amberg, 
HoUfeld,  Hersbruck,  Waldenberg  (ou  Waldenfels),  Sondbeim.  Wolffs- 
berg  (dans  Tévêché  de  Bamberg  ppU5Db"n),  Rottenbourg,  Altdorf, 
Ingelfingen,  Œhringen,  iîblî<L2p'^\S  (Eicbstaedt  ?),  Wurzbourg,  Nu- 
remberg, Rothenbourg  (sur  la  frontière  bavaro-wurtembourgeoise), 
Bamberg,  Butthard  (p^'^-n),  Kunzelsau,  Schleusingen,  Melricbstadt, 
aau3i73,  Heidingsfeld,  Gross-Rinderfeld  (p^^n^D'n),  Vohburg,  Géra 
(Nlûi:;},  Weissensée,  Gobourg  (Nn^ûblp),  Gotha. 

Le"vin. 

Coblence,  1883. 


INSCRIPTION  JUIVE  DU  MUSÉE  DE  SAINT- GERMAIN 


Le  musée  des  Antiquités  nationales  de  Saint-Germain-en-Laye 
possède  une  pierre  tombale  juive,  trouvée  entre  la  ville  de  Mantes 
et  la  commune  de  Limay  (qui  n'est  séparée  de  cette  ville  que  par 
un  pont  sur  la  Seine),  dans  un  terrain  de  remblais  au  bord  de 
l'eau.  Cette  pierre  a  la  forme  d'un  trapèze  de  50  à  60  centim.  en 
hauteur,  sur  43  de  largeur,  elle  est  brisée  à  gauche. 

Lorsqu'on  l'a  trouvée  couverte  déterre,  une  ligne  au  milieu  était 
seule  visible  d'abord,  et  le  premier  archéologue  qui  l'a  vue  s'est 

*  Fragment  d'un  mémorial  originaire  d'une  ville  de  Fraconie  (Wurzbourg?). 


138  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

cru  en  présence  d'une  inscription  celtique.  Elle  se  compose  des 
trois  lignes  suivantes  : 

Ceci  est  le  monument  funèbre      [nialiiT:  n^T 
deBelnie...  ^  !i5<^5b:3 

Dans  la  première  ligne,  il  est  aisé  de  recomposer  les  deux  der- 
nières lettres  à  gauche,  restituées  ici  entre  [  ];  malheureusement, 
il  est  impossible  de  rien  conjecturer  pour  la  fin  de  la  deuxième 
ligne.  La  troisième  ligne  comprend  un  seul  mot,  sans  lacune. 

Tout  l'intérêt  de  cette  petite  inscription  réside  dans  le  nom 
prop^^e  qu'elle  contient.  C'est  un  complément  minime  à  l'onomas- 
tique des  Juifs  de  France. 

Le  dernier  mot  est  dh]bu5,  Paix,  ou  un  reste  du  mot  n?3bu5,  Sa- 
lomon  (fille  de  Salomon).     . 

La  pierre  en  question  ne  porte  malheureusement  pas  de  date; 
mais  comme  une  pierre  similaire  a  été  trouvée  dans  le  même  ter- 
ritoire *  avec  la  date  de  1341,  on  peut  attribuer  celle  de  Saint- 
Germain  à  peu  près  à  la  même  époque.  Peut-être  même  faut-il 
remonter  de  plusieurs  siècles  plus  avant. 

Moïse  Schwab. 


LES  JUIFS  DANS  L'OPINION  CHRÉTIENNE  AUX  XYIF 
ET  XYIir  SIÈCLES  :  PEUCHET  ET  DIDEROT 


I 

Dans  ses  curieux  Mémoires  tirés  de  la  police  (tome  I", 
page  145),  Peuchet-  parle   d'un  événement  qui  inquiéta  Paris 

*  Publiée  par  M.  de  Longpérier,  Journal  des  Savants,  1874,  pp.  671-2,  qui  a  rec- 
tifie ce  que  ses  prédécesseurs,  Ar.  Cassen  et  P.  de  Guilhcrmy,  avaient  écrit  d'erroné 
à  ce  sujet. 

»  Jacques  Peuchet  (17118-1830)  fut  archiviste  de  la  préfecture  de  police  pendant  la 
Reslauralion.  Parmi  ses  nombreux  ouvraf^es  les  Mdmo\rcs  en  6  volumes,  que  je  cite. 
sont  le  plus  intéressnnl  ;  i(  rcads  Itkr  romance.  Quoique  Pcuchrl  ail  Irnvailllé  d'après 
«les  pièces  au(henli()ucs,  son  poùl  pour  le  romanesque  cl  l'cxlraordinaire  doit  meltrc 
eu  garde  le  Iccleur.  (Mon  allenlion  a   élé   attirée  sur  le  premier  passage  relatif  aux 


NOTES  ET  MELANGES  139 

dans  la  seconde  moitié  du  xyii»  siècle,  quelques  années  après  la 
nomination  de  La  Reynie  au  poste  de  lieutenant  général  de  la 
police  (1667).  «  Depuis  environ  quatre  mois,  vingt-six  jeunes  gens 
manquaient  à  leurs  familles,  inconsolables  d'une  telle  perte.  Des 
bruits  mystérieux  et  contradictoires  circulaient...  (Quelques-uns) 
affirmaient  que  les  juifs  crucifiaient  de  temps  à  autre  les  chré- 
tiens, en  haine  du  Dieu  crucifié.  Cette  folle  opinion  ne  prévalut 
heureusement  pas.  »  Bientôt,  en  effet,  la  police  réussit  à  mettre  la 
main  sur  les  auteurs  de  ces  meurtres  :  c'était  une  bande  de  mal- 
faiteurs qui  se  servait  d'une  femme  comme  appât  pour  attirer 
les  jouvenceaux  de  Paris  dans  un  guet-apens  d'où  pas  un  ne 
revenait. 

Ce  court  passage  de  Peuchet  doit  donner  à  réfléchir.  On  y 
voit  d'abord  la  persistance  avec  laquelle  l'odieuse  accusation  du 
sang  rituel  s'est  maintenue,  même  dans  notre  pays  et  en  plein 
XVII®  siècle  ;  ensuite,  il  semble  bien  en  résulter  qu'à  cette  date 
(vers  16*70),  malgré  l'interdiction  générale  de  séjour  renouvelée 
en  termes  sévères  par  Louis  XIII,  il  y  avait*  encore  quelques 
familles  juives  isolées  à  Paris.  Quoique  le  même  fait  ressorte 
de  plusieurs  Mazarinades  sur  lesquelles  M.  le  baron  J.  de  Roth- 
schild se  proposait  de  faire-  une  étude,  je  crois  qu'il  convient 
de  réserver  encore  son  opinion  jusqu'à  plus  ample  preuve  ;  il 
se  peut,  en  effet,  que  la  clameur  publique  ait  attribué  les  enlè- 
vements de  1670  à  des  Juifs  de  Metz,  envoyés  clandestinement 
à  Paris  par  leurs  coreligionnaires.  Précisément  en  cette  année 
1670  on  trouve  un  arrêt  de  parlement  de  Metz  condamnant  un 
Juif  à  être  brûlé  «  pour  avoir  égorgé  un  enfant  du  village  de 
Glatigny  *  ». 

Je  ne  quitterai  pas  les  Mémoires  de  Peuchet  sans  y  signaler  un 
autre  fait  curieux  appartenant  au  siècle  suivant  et  qui  touche 
incidemment  aux  Juifs.  En  1750  on  constatait  à  Paris  de  nom- 
breuses disparitions,  non  plus  déjeunes  gens,  mais  d'enfants; 
la  rumeur  publique  accusa  le  roi  d'être  l'auteur  de  ces  enlève- 
ments, le  roi  qui,  pour  rétablir  sa  santé  minée  par  ses  excès, 

Juifs  par  une  note  de  M.  Paul  Lacombe  dans  V Intermédiaire  des  chercheurs  et  des  cu- 
rieîicc,  n"  du  10  octobre  1883.] 

1  C'est  la  célèbre  atfaire  de  Raphaël  Lévy  (de  Boulay)  et  consorts,  sur  laquelle  on 
peut  consnHev  Abrégé  du  procès  fait  aux  Juifs  de  Metz.  Paris,  1670  ;  Richard  Simon, 
Facîum  servant  de  réponse  au  livre  intitulé  :  Abrégé  du  Procez  fait  aux  Juifs  de 
Metz,  s.  d.  ;  Calmet,  Histoire  de  Lorraine  {]  128),  Ul,  p.  753;  Richard  Simon,  Lettres 
choisies,  II,  8;  Béguin,  in  Revue  Orientale,  II,  454;  Archives  israédtcs,  1841, 
p.  371,  etc.,  1842,  p.  14,  etc.;  et,  en  outre,  les  ouvrages  courants  de  Eisenmenger 
(II,  224),  Grégoire  (III,  5],  Halphen  (p.  172),  Cassel  (p.  113),  Bédarridcs  (p.  374)'et 
Graetz  (X,  p.  271).  On  sait  que  Raphaël  Lévy  fut  réhabilité  Tannée  suivante  —  après 
son  supplice. 


140  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

s'était  fait,  disait-on,  prescrire  par  ses  médecins  des  bains  de  sang 
humain.  Les  esprits  étaient  tellement  montés  que  Louis  XV  n'o- 
sait plus  traverser  la  capitale  pour  se  rendre  de  Versailles  à 
Compiègne  :  il  fallut  construire  rapidement  pour  son  usage  un 
chemin  qui  faisait  le  tour  des  murailles  et  qui  porte  encore  au- 
jourd'hui le  nom  significatif  de  Route  de  la  Révolte.  Cependant, 
cette  fois  encore,  l'opinion  s'était  égarée  :  le  roi  était  innocent  et 
l'on  finit  par  découvrir  le  vrai  coupable  :  il  n'était  autre  que  le 
trop  fameux  comte  de  Charolais,  cette  espèce  de  brute  à  figure 
humaine  qui  s'amusait  à  tirer  les  couvreurs  sur  les  toits  et  à  qui 
Louis  XV,  un  jour  qu'il  venait  encore  de  lui  faire  grâce,  adressa 
ces  paroles  terribles  :  «  La  grâce  de  celui  qui  vous  tuera  est  signée 
d'avance.  » 

Le  comte  de  Charolais  était  parent  du  roi  *  ;  on  ne  pouvait  le 
poursuivre  judiciairement,  le  scandale  eût  été  trop  grand  ;  mais 
le  roi  lui  imposa  la  suprême  humiliation  d'écrire  une  confession 
détaillée  de  son  crime.  Peuchet  en  a  retrouvé  aux  archives  de  la 
préfecture  de  police  une  copie  dont  il  suspecte,  il  est  vrai,  l'au- 
thenticité. Le  comte  de  Charolais  y  déclare  avoir  eu  l'idée  de  son 
monstrueux  remède  depuis  qu'il  avait  appris  et  constaté  l'heureux 
effet  qu'en  avait  éprouvé  un  certain  prince  russe  Trespatky.  Le 
Trespatky  le  tenait  lui-même  d'un  médecin  oriental  nommé  Aben- 
hakib,  sorte  de  «  Mongol  quart  païen,  quart  suisse  {sic),  quart 
chrétien,  quart  musulman  ^  ».  Quiconque  a  l'habitude  des  textes 
du  xviii®  siècle  reconnaîtra  aussitôt  dans  le  mot  suisse  une  faute 
de  lecture  commise  par  Peuchet  pour  juif.  On  le  voit  :  sous 
Louis  XV,  comme  sous  Louis  XIV,  dès  qu'il  est  question  de 
meurtre  d'enfants  ou  déjeunes  gens,  on  peut  être  sûr  que  le  juif 
n'est  pas  loin  —  dans  l'imagination  du  peuple  ou  des  grands  sei- 
gneurs. 


II 


La  philosophie  des  encyclopédistes  eut,  entre  autres  bons  résul- 
tats, celui  de  dissiper  ces  superstitions  d'un  autre  âge,  non  pas  en 
les  combattant  directement,  mais  en  habituant  peu  à  peu  les 
esprits  à  une  critique  plus  saine  et  plus  réfléchie.  Toutefois  on 

'  Charles  de  Bourbon,  comte  de  Charolais  (1700-1760),  était  lils  de  Louis  111, 
prince  de  Condé. 

*  Peuchet,  Mémoires,  II,  p.  11)9.  Le  nom  dAbenhakib  pourrait  être  une  altération 
du  nom  d'Abcu  Habib,  assez  répandu  chez  les  Juifs  orientaux  orijriuaires  d'Espagne. 


NOTES  ET  MÉLANGES  U\ 

sait  que  les  philosophes  groupés  autour  de  Voltaire  ne  portent 
pas,  en  général,  les  Juifs  dans  leur  cœur  et  ne  sont  guère  mieux 
renseignés  sur  leur  compte  que  les  écrivains  catholiques  qu'ils 
combattent  :  on  peut  s'en  convaincre  en  lisant  l'article  Juifs  (phi- 
losophie des)  dans  V Encyclopédie ^  article  intéressant  et  vivement 
écrit,  mais  compilé  de  troisième  main  et  d'où  de  nombreuses 
erreurs  ont  passé  dans  les  dictionnaires  historiques  de  notre 
époque  K 

Diderot,  qui  est  l'auteur  de  cet  article,  s'est  occupé  à  diverses 
reprises  des  Juifs  dans  ses  ouvrages.  Dans  son  Voyage  en  Hol- 
lande il  a  consacré  à  ceux  d'Amsterdam  une  notice  piquante, 
trop  longue  pour  être  reproduite  ici,  et  d'ailleurs  d'une  observa- 
tion un  peu  superficielle  ^. 

Deux  anecdotes  juives,  rapportées  dans  la  merveilleuse  satire  Le 
neveu  de  Rameau,  m^éritent  encore  une  mention  particulière.  La 
première  est  l'histoire  du  «  renégat  d'Avignon  ^  ».  Ce  renégat,  dont 
l'interlocuteur  cynique  de  Diderot,  Rameau  le  fou,  fait  un  éloge 
lyrique,  et  qu'il  place  entre  Bouret  et  Palissot  dans  la  grande 
trinité  des  héros  de  la  scélératesse  de  la  «  mastication  »,  ce  re- 
négat s'était  introduit  dans  la  confiance  d'un  opulent  juif  d'Avi- 
gnon qui  l'admettait,  sans  penser  à  mal,  sous  son  toit  et  à  son 
couvert.  Un  jour,  le  drôle  arrive  tout  défait  chez  son  amphi- 
tryon et  lui  dit  :  «  Tout  est  perdu.  L'inquisition  est  à  nos  trousses  ; 
on  nous  a  dénoncés  vous  comme  Juif,  moi  comme  renégat  ;  il 
faut  fuir  ».'Le  Juif  le  croit  et  se  dépêche  de  charger  tout  son  bien 
dans  un  vaisseau  en  partance  sur  le  Rhône.  Pendant  la  nuit  qui 
précède  son  départ  «  le  renégat  se  lève,  dépouille  le  Juif  de  son 
portefeuille,  de  sa  bourse  et  de  ses  bijoux,  se  rend  à  bord  et  le 
voilà  parti  ».  Enfin,  pour  que  le  tour  soit  complet,  il  dénonce  lui- 
même  le  Juif  au  Saint  Office  «  qui  en  fit,  quelques  jours  après,  un 
beau  feu  de  joie  ». 

Il  est  singulier  qu'aucun  des  éditeurs  du  Neveu  de  Rameau,  pas 

'  Par  exemple  l'attribution  à  Akiba  (appelé  invariablement  Atriha]  et  à  Siméon 
b.  Jochaï  des  principaux  écrits  de  la  Cabbale,  la  mort  d'Ibn  Ezra  à  «  Rbodes  »  (au 
lieu  de  Rodez),  les  relations  de  Maïmonide  avec  Averroès,  etc.  :  toutes  ces  erreurs  se 
retrouvent  dans  nos  dictionnaires  classiques,  jusque  dans  la  dernière  édition  du  Dezo- 
hry^  par  exemple. 

*  Œuvres  de  Diderot,  éd.  Assézat,  tome  XVII,  p.  431-433.  Diderot  a  surtout  été 
frappé  de  la  confusion  de  V  «  ofûce  »  dans  les  synagogues  et  de  la  mauvaise  tenue 
qu'y  observent  les  fidèles.  Il  distingue  les  Juifs  en  «  rasés  »  et  «  barbus  » .  t  Les 
juifs  rasés  sont  riches  et  passent  pour  d'honnêtes  gens;  il  faut  se  tenir  sur  ses 
gardes  avec  les  barbus,  qui  ne  sont  pas  infiniment  scrupuleux.  Il  y  en  a  de  très  ins- 
truits. » 

3  Œuvres  de  Diderot,  éd.  Assézat,  V,  p.  454  (dans  Téd.  Isambert  du  Neveu  de  Ra- 
meau, p.  190). 


142  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

même  les  plus  récents  et  les  mieux  informés,  Assézat  et  M.  Gus- 
tave Isambert,  n'ait  signalé  l'invraisemblance,  ou  pour  mieux  dire, 
l'impossibilité  de  tout  ce  récit.  Jamais,  à  aucune  époque,  il  n'a  été 
défendu  aux  juifs  d'Avignon  et  du  Comtat  de  pratiquer  la  religion 
Israélite,  et  si  là,  comme  partout  ailleurs,  l'Inquisition  a  pour- 
suivi les  apostats,  les  relaps,  les  juifs  blasphémateurs  ert  séduc- 
teurs, nulle  part  elle  n'a  été  aussi  paterne  dans  ses  procédures 
et  aussi  accommodante  dans  ses  jugements.  On  a  pu  en  voir  la 
preuve  dans  les  documents  publiés  ici  même  par  MM.  Perugini 
et  Bertolotti  *  ;  sans  remonter  aux  sources,  Diderot  aurait  pu 
se  renseigner  auprès  de  son  collaborateur  l'abbé  Bergier  qui, 
dans  son  Dictionnaire  de  théologie,  extrait  de  Y  Encyclopédie, 
dit  formellement  qu'on  ne  connaît  aucun  exemple  d'exécution 
capitale  par  l'Inquisition  à  Rome  (et  dans  les  états  pontificaux  en 
général)  *.  Si  donc  une  tragédie  du  genre  de  celle  que  raconte 
Diderot  a  pu  se  passer  à  Avignon,  ce  n'est  certainement  pas  au 
xviii^  siècle,  comme  semble  l'indiquer  le  récit  de  Rameau,  ni 
même  dans  les  temps  modernes  ;  c'est  tout  au  plus  au  xiii®  siècle, 
à  l'époque  de  la  première  inquisition,  celle  d'Innocent  III,  et  de 
ses  terribles  émissaires,  les  dominicains  du  Languedoc;  encore 
n'en  ai-je  pu  découvrir  aucune  trace  dans  les  auteurs.  En  défi- 
nitive, je  crois,  avec  mon  savant  ami  M.  Isidore  Loeb,  qu'il  ne 
faut  voir  dans  toute  cette  anecdote  qu'une  légende,  peut-être  ori- 
ginaire d'Espagne,  et  courant  parmi  les  Juifs  d'Avignon  ou  de 
Hollande,  où  Diderot  aura  pu  la  recueillir. 

Cette  dernière  hypothèse  ne  doit  pas  être  écartée  par  le  motif 
que  le  Neveu  de  Rameau  a  été  composé  avant  le  voj'age  de  Di- 
derot en  Hollande.  Nous  savons,  en  effet,  qu'écrit  en  1763,  ce  dia- 
logue a  été  retouché  et  augmenté  en  plusieurs  endroits  dix  ans 
plus  tard,  précisément  au  moment  du  vo.yage  en  question  (1773- 
1774),  et  c'est  cette  dernière  rédaction  que  nous  possédons.  Di- 
derot a  intercalé,  à  cette  occasion,  dans  le  Neveu  de  Rameau 
une  seconde  anecdote  où  le  principal  rôle  est  encore  tenu  par  un 


*  Retue  des  études  juives ^  H,  p.  278;  III,  p.  94.  Comparez,  VI,  p.  314. 

*  Article  Inquisition,  tome  IV,  p.  34i.  Je  recommande  la  lecture  de  cet  article  a 
toutes  les  personnes  curieuses  de  voir  comment  un  esprit  aussi  modéré  que  Tabbé 
Bergier,  en  plein  xviii»  siècle,  sacrifiait  encore  en  théorie  aux  préjugés  sanguinaires 
de  l'intolérance  religieuse.  «  C'est  une  absurdité,  dit-il,  de  la  part  des  ennemis  de 
rinquisition  d'appeler  ses  exécutions  des  sacrifices  de  sang  humain;  on  pourrait  dire 
la  môme  chose  de  tous  les  supplices  infligés  pour  des  crimes  qui  intéressent  la  reli- 
gion. Ces  graves  auteurs  persuaderont-ils  aux  nations  chrétiennes  que  Pon  ne  doit 
punir  de  mort  aucune  de  ces  sortes  do  forfaits  ?  •  C'est  précisément  le  mérite  de  «  ces 
graves  auteurs  •  d'avoir  rendu  une  fois  pour  toutes  impossibles  les  «  lois  de  sacri- 
lège >,  dès  qu'elles  dépassent  lu  portée  de  simples  lois  de  police. 


NOTES  ET  MELANGES  1^i3 

Juif*.  Nous  n'en  dirons  que  deux  mots,  l'histoire  étant  d'un  carac- 
tère trop  licencieux  pour  prendre  place  dans  cette  Revue.  Qu'on 
sache  simplement  qu'il  s'agit  d'un  Juif,  grand  amateur  de  mu- 
sique, «  qui  savait  sa  loi  et  qui  l'observait  roide  comme  une  Larre, 
quelquefois  avec  l'ami,  toujours  avec  l'étranger  ».  Ce  Juif  rigide 
se  laissa  un  beau  jour  entraîner  à  signer  une  lettre  de  change 
dont  il  avait  reçu  la  valeur  en  marchandise...  vivante.  A  l'é- 
chéance, il  refusa  de  payer,  certain  que  le  porteur,  qui  n'était 
autre  que  le  mari  complaisant,  n'oserait  pas  faire  connaître  la 
cause  infâme  du  billet  ;  mais  il  avait  compté  sans  le  phlegme 
hollandais  :  le  créancier  déclara  la  chose  comme  elle  était,  et  le 
juge  rendit  une  sentence  digne  de  Salomon  :  tous  les  deux  furent 
censurés,  le  Juif  condamné  à  payer  et  la  somme  donnée  aux 
pauvres. 

Cette  anecdote,  à  la  différence  de  la  première,  a  un  fondement 
réel.  Quelques  traits  dans  l'esquisse  du  caractère  du  Juif  m'avaient 
même  fait  croire  qu'il  s'agissait  du  fameux  Isaac  Pinto,  dont  il 
est  question  dans  le  Voyage  en  Hollande^.  Ce  Pinto,  qui  dédia  à 
Diderot  sa  Lettre  paradoxale  en  faveur  du  jeu  de  cartes,  avait 
connu  le  philosophe  à  Paris  ;  il  le  retrouva  à  La  Haye  et  Diderot 
nous  apprend  que,  malgré  son  âge  avancé,  il  avait  conservé  des 
goûts  déjeune  homme  qui  lui  valurent  de  passer  deux  ou  trois 
fois  «  par  les  pattes  »  du  bailli  [dender]  chargé  de  surveiller  les 
mœurs  des  gens  mariés  :  il  lui  en  coûta  même  deux  cents  ducats. 
Il  n'y  avait  donc  rien  d'invraisemblable  à  ce  que  Pinto  fût  le  héros 
de  l'aventure  de  la  lettre  de  change  ;  eh  bien,  je  m'étais  trompé  du 
tout  au  tout,  non  seulement  Pinto  est  étranger  à  l'histoire,  mais 
encore  aucun  de  ses  coreligionnaires  n'y  a  figuré!  Tournez,  en 
effet,  quelques  feuillets  du  Voyage  en  Hollande,  vous  y  retrou- 
verez intégralement  l'anecdote  contée  par  Rameau,  seulement  ici 
les  noms  sont  donnés  en  toutes  lettres,  et  il  en  résulte  que  le  si- 
gnataire de  la  lettre  de  change  était  un  bourgeois  hollandais  appelé 
Vanderveld  ^  1  On  voit  que  Diderot  n'axas  su  résister  à  la  tenta- 
tion de  faire  une  antithèse  piquante  entre  la  «  rigidité  »  du  bon 
JuiC  doublée  d'avarice,  et  ses  fantaisies  amoureuses  qui  finissent 
par  lui  coûter  l'honneur  et  l'argent.  Une  vilenie  de  plus  ou  de 

i  Ed.  Assézat,  p.  479  ;  éd.  Isamberl,  p.  228. 

2  Isaac  Pinto  (1715-1787),  qui  habita  pendant  quelque  temps  Bordeaux,  Paris  et 
Londres,  est  connu  par  sa  richesse,  sa  philanthropie,  ses  relations  avec  les  philoso- 
phes et  ses  ouvrages  d'économie  politique.  Il  a  aussi  écrit  des  Réflexions  critiques  sur 
le  premier  chapitre  dit  Ylh  tome  des  œuvres  de  M.  de  Voltaire  (abbé  Guénée,  Lettres 
de  quelques  Juifs  portugais,  allemands  et  polonais  à  M.  de  Voltaire,  tome  l<"),  aux- 
quelles Voltaire  a  répondu  par  une  lettre  datée  des  Délices,  21  juillet  1762  {ibid.). 

3  Œuvres  de  Diderot,  éd.  Assézat,  tome  XVII,  p.  404. 


Wt  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

moins  sur  le  compte  d'un  fils  d'Israël,  qu'importe  après  tout  ?  On 
ne  prête  qu'aux  riches,  et  l'histoire  du  Juif  d'Utrecht  en  est  une 
preuve  nouvelle  à  ajouter  à  celle  du  Marchand  de  Venise. 


III 


J'ai  retenu  bien  longtemps  l'attention  des  lecteurs  de  la  Revue 
sur  des  anecdotes  un  peu  frivoles'  et  en  apparence  sans  portée. 
Je  crois  cependant  que  l'histoire  a  quelque  profit  à  tirer  de  racon- 
tars de  ce  genre  :  les  erreurs  mêmes  et  les  calomnies  sont  des 
documents  que  l'érudition  ne  doit  pas  négliger  pourvu  qu'elle  y 
cherche  des  renseignements  non  sur  la  conduite  des  calomniés 
mais  sur  l'état  moral  des  calomniateurs.  Cela  est  surtout  vrai 
d'une  histoire  comme  celle  de  la  race  juive  qui,  disséminée  dans 
tant  de  pays,  mêlée  aux  moindres  faits  de  la  vie  publique  et  privée 
des  peuples  modernes,  a  été,  plus  que  toute  autre,  influencée  par 
les  variations  de  l'opinion  ;  car  ce  n'est  pas  toujours  la  vérité  qui 
guide  l'opinion.  Aussi  serais-je  heureux  si,  en  publiant  ces  notes, 
fruits  de  lectures  accidentelles,  j'avais  réussi  à  stimuler  le  zèle 
des  nombreux  fureteurs  de  vieux  livres  qui  nous  lisent,  et  qui 
parfois  peut-être  laissent  passer  sans  y  prendre  garde  des  témoi- 
gnages utiles  à  recueillir  dans  la  vaste  enquête  que  nous  avons 
ouverte. 

T.  R. 


BIBLIOGRAPHIE 


Par  suite  de  Vabondance  des  matières^  la  publication  de  la 
Revue  bibliographique  du  1^'  trimestre  1884  et  de  la  Chro- 
nique est  ajournée  au  prochain  fascicule. 


Corpus  inscriptioniim  semiUearuin  ab  Academia  inscripfionuni  et 
litterarum  humaniorum  conclîtum  atque  digestuin.  Pars  prima  inscrip- 
tiones  phœnicias  continens.  Tomus  I.  Fasciculus  secundus,  Parisiis,  e  reipublicse 
lypo^rapheo,  MDCCCLXXXIII,  p.  117-216,  pet.  in-folio.  —  Tabula?.  Fasciculus 
secundus  (tab.  XV-XXXVlj,  grand  in-folio. 

Histoire  de  l'art  dans  l'antiquité.  Egypte  —  Assyrie  —  Phénicie  — 
Perse  —  Asie  mineure  —  Grèce  —  Étrurîe  —  Rome,  par  Georges 
Perrot,  directeur  de  l'Ecole  normale  supérieure,  membre  de  l'Institut,  et  Charles 
Chipiez,  architecte  du  gouvernement,  inspecteur  de  l'enseignement  du  dessin. 
Tome  premier.  L'Egypte.  Paris,  Hachette,  1882,  in-4,  de  LXXVI  et  879  pages. 
Tome  II.  Chaldée  et  Assyrie.  Paris,  Hachette,  1884,  in-4,  de  825  pages. Tome  III. 
Phénicie.  —  Cypre.  —  Judée,  en  cours  de  publication. 


Des  deux  grands  ouvrages,  dont  je  viens  de  reproduire  les  titres, 
le  premier  est  consacré  à  l'épigraphie,  c'est-à-dire  au  déchiffrement 
et  à  l'explication  des  textes  tracés  sur  les  monuments,  le  second  traite 
des  monuments  eux-mêmes  étudiés  pour  fournir  des  documents 
sur  le  passé  à  l'archéologue,  des  dates  à  l'historien,  des  comparai- 
sons à  l'esthéticien,  qui  les  formule  en  articles  de  loi.  Mais,  si  les 
inscriptions,  par  leur  contenu,  corroborent  ou  infirment  les  conclu- 
sions qui  ont  été  tirées  des  ordres  d'architecture,  des  sculptures,  des 
représentations,  des  ornements,  des  costumes,  des  matières  em- 
ployées, des  formes  adoptées,  d'un  autre  côté  les  faits,  qui  sont  com- 
mémorés grâce  au  ciseau  du  lapicide  et  au  burin  du  graveur'  ne 

*  Ceux  qui  savent  goûter  les  finesses  de  l'art  oriental  feront  bien  d'ouvrir  à 
quelque  page  que  ce  soit  l'ouvrage  récent  de  M.  Joachim  Menant  intitulé  :  Les  pieri-es 
gravées  de  la  Haute- Asie.  —  Reciverches  sur  la  glyptique  orientale.  Fremière  partie  ; 
Cylindres  de  la  Chaldée.  Je  recommande  surtout,  comme  une  merveille  de  relief  et  de 
netteté,  la  première  des  six  héliogravures,  qui  ornent  le  volume.  Elle  a  été  insérée  en 
face  de  la  page  32. 

T.   VIII,  N»  VJ.  10 


146  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

sont  placés  dans  leur  vrai  jour  que  par  la  lumière  que  projette  sur 
eux  la  connaissance  exacte  du  milieu,  choisi  pour  en  perpétuer  le 
souvenir.  Aussi  les  deux  vastes  recueils,  l'un  «  créé  et  disposé  »  par 
une  académie  toute  entière,  l'autre  dû  à  la  collaboration  féconde 
d'un  savant  qui  est  un  artiste  et  d'un  artiste  qui  est  un  savant,  ne 
suivent-ils  qu'en  apparence  des  voies  parallèles.  Ils  se  seraient  déjà 
rencontrés  bien  souvent  si  l'égyptologie  et  l'assyriologie  avaient  eu 
leur  place  marquée  dans  le  Corpus.  Les  points  de  contact  vont  de- 
venir de  plus  en  plus  nombreux^  à  mesure  que  les  deux  publications, 
amenés  à  reconnaître  à  des  points  de  vue  différents  les  mêmes  ves- 
tiges du  passé,  provenant  des  mêmes  contrées,  se  soutiendront  et 
s'allieront  pour  favoriser  à  la  fois  les  progrès  de  l'épigraphie  et  de 
l'archéologie. 


La  commission,  chargée  par  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  de  rédiger  le  Corpus  inscripiiotmm  semiticarura,  se  com- 
pose actuellement  de  MM.  Renan,  Waddington,  De  Vogiié,  Joseph 
Derenbourget  Jules  Oppert.  Le  travail,  tout  en  restant  sous  la  garde 
de  tous,  n'en  a  pas  moins  été  réparti  entre  eux  de  manière  à  en  as- 
surer la  meilleure  exécution.  Dès  à  présent,  c'est  M.  Renan  qui  a 
accepté  la  tâche  et  pris  la  responsabilité  de  la  partie  phénicienne  et 
de  la  partie  hébraïque*;  les  dialectes  araméens  seront  étudiés  par 
M.  le  marquis  Melchior  de  Vogiié  -  ;  l'Arabie,  depuis  le  Safà  jusqu'à 
Aden  et  jusqu'au  Iladramaut,  constitue  le  domaine  dévolu  à  M.  Jo- 
seph Derenbourg^  La  période  de  préparation  sera,  nous  osons  l'es- 
pérer, close  dans  un  avenir  peu  lointain  ;  mais  le  public,  qui  n'est 
pas  toujours  admis  dans  la  confidence  des  difficultés  qu'il  faut  sur- 

*  II  a  paru  en  1882  un  ouvrage  qui,  par  la  similitude  du  titre  et  du  format,  peut 
être  provisoirement  annexé  au  Corpus  inscriptiofium  semihcanan.  C'est  le  Corpus  ins- 
criptionitm  hebraicarum  de  M.  D.  Chv.olsou.Cf.  A.N.  dans  \a  Jicvue  des  études  juives^ 
VI,  p.  147-lo'i. 

*  En  dehors  de  ses  Inscriptions  sentit itpies  de  la  Syrie  centrale  [Vixxxs,  1869-77,4  vol. 
in-4),  M.  le  marquis  de  Vogué  prélude  à  la  rédaction  du  Corpus  araméen  par  des 
mémoires  sur  les  inscriptions  qui  surgissent  et  sur  les  problèmes  qui  se  posent.  Voir 
l'article  intitulé  :  Inscriptions  paimyréniennes  inédites  dans  le  Journal  Asiatique  de 
1S83, 1,  p.  231-2iî);  II,  p.  149-183;  y49-îiî)0  et  le  tirage  à  part,  avec  une  planche  ea 
héliogravure,  qui  n'a  pas  paru  dans  le  Journal  AsiatifjKe.  Do  tels  travaux  sont  ré- 
digés en  vue  de  provoquer  un  débat  contradictoire,  d'où  les  textes  sortiront  plus  com- 
jjlétement  lus,  les  traductions  plus  ijarfaites. 

^  C'est  aussi  dans  la  pensée  d'appeler  une  discussion  impartiale  sur  certains  points 
inédits  ou  douteux  qu'ont  été  rédigées  les  Études  sur  Vépiyraphic  du  Témen,  par 
MM.  Joseph  et  Ilartwig  Derenbourg.  La  première  série  (Paris,  imprimerie  natio- 
nale, 1884)  a  reçu  eu  général  un  accueil  qui  encouragera  les  auteurs  ù  persévérer 
dans  leur  système  de  communications  fréquentes  soit  sur  des  points  controversés, 
soit  sur  les  matériaux,  qu'ils  voient  s'accumuler  devant  eux. 


miJLlUCiUAPlIlE  Ul 

monter,  s'impatiente  et  accuse  volontiers  les  corps  savants  de  len- 
teur, au  lieu  de  respecter  leur  juste  horreur  pour  les  improvisations, 
au  lieu  d'approuver  leur  désir  légitime  de  ne  point  mettre  leur  au- 
torité au  service  de  solutions  hâtives  et  sans  maturité.  De  tels  scru- 
pules honorent  des  hommes  qui  ne  veulent  rien  laisser  au  hasard 
dans  une  œuvre  définitive,  au  succès  de  laquelle  la  bonne  renommée 
de  la  science  française  est  particulièrement  intéressée. 

Les  membres  de  la  Commission,  qui  se  renferment  encore  dans  le 
recueillement  du  laboratoire,  ou  qui  en  ont  seulement  laissé  sortir 
quelques  notes  destinées  à  appeler  l'attention  sur  des  nouveautés,  au 
sujet  desquelles  ils  voulaient  être  rassurés,  sur  des  indécisions,  dont 
ils  cherchaient  à  être  délivrés,  s'inspireront,  comme  d'un  exemple 
à  suivre,  des  deux  fascicules  qu'à  un  intervalle  de  deux  années 
seulement  M.  Ernest  Renan  a  consacrés  aux  inscriptions  phéni- 
ciennes. J'ai  rendu  compte  dans  la  Revue  du  premier  fascicule  ',  et 
j'ai  surtout  insisté  sur  le  parti  que  l'on  peut  tirer  du  phénicien  pour 
expliquer  les  restes  de  la  littérature  hébraïque,  tels  que  l'Ancien 
Testament  nous  les  a  conservés  avec  la  parcimonie  du  point  de  vue 
exclusivement  religieux.  Etant  donnée  la  pauvreté  du  vocabulaire, 
que  le  canon  a  sauvé  de  la  destruction,  c'est  une  chance  inappré- 
ciable de  posséder  une  langue  presque  identique,  dont  l'orthographe 
vraiment  consonnantique  laisse,  daas  sa  transparence,  percevoir  les 
éléments  constitutifs  des  racines. 

La  division  géographique,  que,  même  à  défaut  de  la  logique,  des 
précédents  fameux  eussent  imposée  aux  rédacteurs  du  Corpus^  a  per- 
mis de  constater  une  fois  de  plus  les  migrations  surprenantes  du 
peuple  phénicien.  Sur  cent  soixante-quatre  inscriptions,  dont  l'ex- 
plication est  donnée  dans  les  deux  fascicules,  combien  y  en  a-t-il 
qui  aient  été  trouvées  sur  le  sol  de  la  Phénicie?  Neuf,  parmi  les- 
quelles un  fragment  insignifiant  ^  Les  Phéniciens,  ces  inventeurs  et 
ces  propagateurs  de  l'écriture  ^  promenaient  sur  leurs  navires,  non 
seulement  leurs  denrées  et  les  objets  divers  dont  ils  trafiquaient, 
mais  encore  leurs  Dieux'*,  leur  alphabet  et  leur  langue  :  ils  laissaient 
dans  le  roc  la  trace  de  leur  passage  partout  où  les  faisaient  débar- 
quer leurs  stations  temporaires  ou  durables.  On  peut  dire  d'une  ma- 
nière générale  qu'on  rencontre  ou  qu'on  devrait  rencontrer  des  ins- 

*  Bévue  des  éiîides  juives,  III,  p.  310-3Î9. 

2  Corpus  inscriptionum  semiticarum.  Fars  prima,  tomus  l^fasc.  primus,  p.  1-34. 

^  Sur  Phistoire  de  l'alphabet  phéuicien,  voir  surtout  Lenormant  (Fr.),  Hssai  si(r  la 
propagation  de  l'alphabet  phénicien  dans  l'ancien  monde{P'dvis,  1872-1875] et  son  magis- 
tral article  dans  Daremberg  et  SagMo,  Dictionnaire  des  a^itiquités  grecqiccs  et  romaines, 
deuxième  fascicule  (Paris,  1875),  p.  188-218;  G.  Maspero,  Les  écritures  du  monde 
oriental  dans  son  Histoire  ancienne  des  peuples  de  l'Orient,  p.  570-608,  et  l'ouvrage  ré- 
cent de  M.  Isaac  Taylor,  intitulé  :  The  Alphabet,  an  Account  of  ihe  Origin  and  Deve- 
lopment of  Zeiters  (Londres,  1883,  2  vol.). 

'*  Pour  le  Dieu  El  (5N),  voir  nos  Etudes  sur  l'épigraphie  du  Yémen,  p.  17  tt  suiv. 


14«  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

criptions  partout  où  se  sont  montrés  soit  les  conquérants  romains, 
soit  les  négociants  sidoniens,  tyriens  ou  carthaginois. 

C'est  ainsi  que  la  section  phénicienne  du  Corpus,  pour  incomplète 
qu'elle  soit  encore,  dous  fait  déjà  faire  un  voyage  épigraphique  dans 
l'ile  de  Cypre  (inscription  10-96*),  en  Egypte  (inscription  97-113  *),  en 
Grèce  (inscription  1 14-421  ^),  dans  les  îles  de  Malte  et  de  Gaulos  (ins- 
cription 122-1 32 ''),  en  Sicile  (inscription  133-1 38  ^j,  en  Sardaigne  (ins- 
cription 139-163'^),  en  Italie  (inscription  164').  L'ile  de  Gossura  et  la 
Corse  ont  leurs  chapitres  distincts^,  qui  attendent  des  incriptions. 

Personne  ne  s'étonnera  qu'un  idiome,  transplanté  dans  des  régions 
diverses,  se  soit  diversement  corrompu  et  ait  donné  naissance  à  des 
productions  de  qualité  tout-à-fait  inégale.  L'ile  de  Cypre  était  en 
partie  soumise  à  des  dynasties  phéniciennes,  et  les  «  interprètes 
des  trônes®  »  devaient  être  des  polyglottes  instruits.  Aussi  le  style 
lapidaire  est-il  assez  châtié,  lorsqu'il  émane  de  Citium  ou  d'Idalion. 
Dans  les  inscriptions  de  cette  provenance,  ni  la  pensée,  ni  la  langue 
ne  sont  impénétrables  avec  les  ressources  et  les  procédés  de  la  philo- 
logie moderne. 

Comme  au  contraire  le  terrain  se  dérobe  sous  nos  pas,  lorsque  nous 
abordons,  munis  des  mêmes  instruments  de  travail,  les  textes  com- 
pris dans  le  deuxième  fascicule  !  AL  Renan  l'a  senti  avec  sa  mer- 
veilleuse intuition  et  il  s'est  appliqué  à  délimiter  rigoureusement 
ce  qui  nous  est  intelligible  et  ce  qui  ne  Test  pas.  Je  serais  tenté  de  lui 
être  parfois  plus  reconnaissant  lorsqu'il  ne  traduit  pas  que  lorsqu'il 
traduit.  La  science  vraie  ne  prétend  pas  tout  expliquer.  Elle  ne  se 
croit  ni  infaillible  ni  universelle,  et  a  conscience  des  bornes  qu'elle  ne 
peut  franchir.  La  réserve  observée  par  M.  Renan  en  présence  de  cer- 
tains textes  tronqués  est  une  leçon,  dont  ne  profiteront  malheureuse- 
ment pas  ceux  qui  parlent  haut  pour  éblouir  au  lieu  de  parler  juste 
pour  convaincre.  Tant  d'aveux  d'ignorance  sont  presque  une  audace  ! 

Je  me  permets  de  recommander  aux  amateurs  de  beau  langage  et 
de  méthode  scientifique  les  développements  que  M.  Renan  a  cru  de- 
voir donner  à  son  interprétation  de  l'inscription  d'Éryx'".  L'écrivain 
français  se  devine  sous  une  latinité  de  bon  aloi,  qu'anime  une  douce 
et  souriante  ironie.  Nos  devanciers  avaient  fait  jaillir  de  ce  texte 
des  poésies,  ne  concordant  pas  les  unes  avec  les  autres,  mais  dont 
chacune  formait  un  ensemble  aussi  harmonieux  qu'éloquent.  C'était 

*  Corpus  inscriptionum  sentit icant m.  Pars  pnr)ia,  tomus  I,  fasc.  prrmus,  p.  35-116, 
qui  clôt  le  fascicule. 

*  Ibid.^  Fasc.  sccundiis,  p.  \\1-\'M. 
3  Ibid.,  p.  138-148. 

*  Ibid.,  149-165. 

-  Ibid.,  p.  166-180. 

'"•  l'>id.,  p.  182-212. 

"  Ibid.^  p.  214  216,  lin  du  deuxième  fascicule. 

^  Ibid.^  p.  181  cl  p.  213. 

•'  Ibid.,  u»  44,  p.  63-6: i. 

»«  Ibid.,  n-  i:^ri,  p.  168-1  Tli. 


mBLI(3GRAPlIlL:  1/jO 

tantôt  le  cri  arraché  par  la  désillusion  à  uq  nouveau  Kôhélét,  tantôt 
une  élégie  sur  la  mort  de  l'incomparable  princesse  Suthul  selon  l'un, 
Sitîl  selon  l'autre.  A  ces  rêveries  l'érudit  oppose  froidement  la  réa- 
lité. Bien  qu'un  grand  nombre  de  détails  échappent  à  l'examen,  il  ne 
saurait  y  avoir  de  doute  que  le  monument  avait  été  consacré  à  Astarté 
qui  prolonge  la  vie  (ûTi  ^n^î),  à  Astarté  d'Éryx  par  Imilcon,  fils  de 
Ba*alyatôn,  à  l'époque  où  Éryx  avait  pour  sufrètes  locaux  Magon  et 
Bodastrato. 

Si  le  disciple  a  le  droit  d'exprimer  timidement  sa  pensée  après 
que  le  maître  a  parlé,  je  prendrai  la  liberté  d'exposer  sous  toute  ré- 
serve mes  opinions  personnelles  sur  deux  inscriptions  contenues 
dans  le  deuxième  fascicule  du  Corpus.  Je  me  contente  de  donner  le 
texte  en  caractères  hébraïques,  afin  de  gagner  le  concours  de  ceux  qui, 
moins  versés  dans  les  études  phéniciennes,  pourraient  nous  sug- 
gérer quelque  explication  plausible. 

La  première  de  ces  deux  inscriptions,  trouvée  à  Abydos,  en 
Egypte,  est  un  graffito,  qui  était  placé  dans  le  temple  d'Osiris,  sur  le 
mur  du  grand  escalier,  presque  à  fleur  de  terre.  Elle  porte  le  numéro 
102  âJ  du  Corpus\  En  voici  la  teneur  : 

Je  propose  la  traduction  suivante  :  «  Moi,  Pô'èloubast,  fils  de  Sad- 
yàtôn,  fils  de  Gêrsad,  le  Tyrien,  je  séjourne,  brisé  de  douleur,  à  Hé- 
liopolis d'Egypte,  après  qu'est  mort  *Abdmenkart  de  Héliopolis.  » 

Mon  interprétation  de  "li^iO"^  a  besoin  d'être  justifiée.  C'est  la 
seule,  où  je  m'écarte  sensiblement  de  mon  modèle.  Une  fois  les 
deux  mots  séparés  en  i::i  n^J"^,  je  me  suis  rappelé  la  construction 
analogue,  qui  ouvre  les  Lamentations  (I,  1)  :  ^''3>ïi  nia  îm^**  niD^'N 

(  'TTTTITT" 

!iD52bN3  ïiiT'ii  d3^  "Tni.  «  Comment  la  ville,  qui  regorgeait  de  popu- 
lation, est-elle  aujourd'hui  assise  solitaire  comme  une  veuve?  »  Plus 
loin  {ibid.,  m,  28),  l'homme  est  invité  «  à  porter  le  joug  dans  sa  jeu- 
nesse »,  et  aussi  û^ii  ^^'3.  nui""  «  à  s'asseoir  solitaire  et  à  garder  le 

•  :         T  T  ••  •• 

silence  ».  Une  fois  entré  dans  cette  voie,  j'ai  cherché  dans  ^idi  un 
adjectif,  exprimant  une  nuance  du  deuil,  et  je  crois  que  les  accep- 
tions de  nsi  et  NiD'T  dans  l'ancien  Testament  justifient  pour  iidt  (la 

T     T  T    T  "  •    T 

vocalisation  est  toujours  hypothétique  en  phénicien)  le  sens  de 
«  abimé,  brisé,  vaincu  par  la  douleur  ». 

Alors  même  qu'on  accepterait  mon  interprétation  littérale,  il  y  a 
une  objection  d'un  autre  ordre,  qu'on  pourrait  m'opposer,  et  que  j'ai 
à  cœur  de  prévenir.  L'inscription,  telle  que  je  la  conçois,  représente- 
t-elle  un  phénomène  isolé  en  épigraphie,  ou  bien  est-on  en  état  de 
lui  comparer  sinon  des  textes  absolument  identiques,  du  moins  des 
textes  analogues  pour  le  fond  et  pour  la  forme  ?  Dans  le  premier  cas, 

'  Corpus,  p.  122-123. 


irjo  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

ma  traduclion  serait  condamnée,  alors  même  que  grammaticalement 
elle  serait  irréprochable.  Mais  il  n'en  est  rien.  D'après  M.  Maspero  \ 
«  la  plupart  des  stèles  égyptiennes  d'Abydos  sont  des  stèles  votives 
dédiées  à  Osiris  pour  le  compte  d'individus  morts  ou  vivants,  et  en 
commémoration  ou  en  prévision  de  leur  mort  ».  L'épigrapliie  latine 
fournit  également  nombre  de  rapprochements  curieux,  et  je  citerai 
seulement  le  début  d'une  inscription  latine,  découverte  à  Aumale 
en  Algérie  ^  : 

DM  S 

atro  dolore 
percvssvs  ab  in 
quissima  fortv 
na  erepto  mihi 
horvm  solatio 
ch^bvi  lacrimas 
qvas  tempvs  de 
etv[l]it  cives  et  [t]i[tjv 

LOS    FIXI* 

Avant  de  quitter  l'Egypte  pour  passer  à  la  seconde  inscription,  je 
crois  devoir  signaler  aux  exégètes  que  le  fameux  "^'rib  égyptien  de  la 
Genèse  «  l'endroit,  où  les  prisonniers  du  roi  étaient  enfermés^  »  se 
retrouve  peut-être  dans  l'inscription  1t3,  où  l'on  lit  deux  fois  «nr 
lIlriD  «  la  ville  de  Sôharou  »  "*. 

C'est  dans  le  voisinage  du  Pirée  qu'a  été  découverte  et  qu'est  con- 
servée la  bilingue,  dont  je  vais  aborder  l'étude^.  Sous  une  ligne  de 
grec  en  lettres  très  massives,  portant  : 

ASEnTESrMSEAHMOrSlAQNIA. 

('  Asepté,  fille  de  Symsélêm,  la  Sidonienne  », 
on  lit  en  caractères  phéniciens  : 

b:in5  DbwN  ûsns  an  nbi::?:M\N  p  bsrr-^ 
Je  traduis  : 

«  Je  suis  Asepté,  fille  de  Kschmounschillém,  la  Sidonienne.  Ce 

*  Corpun,  123,  colonne  2. 

'  Corpiix  im^cript'wnnm  /afinarum^  VIII,  n»  OO'iS.  M.  Ant.  fidron  de  Villcfoïise  a 
Lien  voulu  me  signaler  encore  les  inscriptions  suivantes  :  ilid.,  V,  n"'  lîj'i;  'i0'27; 
G388;  7000;  Willmanns,  Exeupla  in  script  io  nu  m  latinantm^  n«"  247;  297;  2613. 

3  Genèse,  xxxix,  20;  cf.,  xxxix.  22-23;  xi,,  3  et  5. 

^  Corpus  iusniptioiium  scmiticarum^  p.  136-137. 

5  ]bid.,n"  11'.»,  p.  145- 146. 


BIBLIOGRAPHIE  151 

monument  m'a  été  élevé  par  Yâtânbèl,  fils  de  Eschmounsallah,  le 
grand-prêtre,  le de  Nergal  *)>. 

Pour  ûsniD  inn,  je  suis  convaincu  que  M.  Renan  l'a  justement  con- 
sidéré comme  un  équivalent  du  grec  àp/ispe-jç  et  rendu  par  a  grand- 
prètre  ».  Si  le  mot  n;i  n'est  jamais  dans  la  Bible  suivi  de  û^rnsi^, 
c'est  que  l'usage  avait  fait  prévaloir  une  autre  locution  ;  on  disait 
dans  ce  sens  bi'iar:  rrîbï^.  Î^Iais  la  solution  proposée  pour  deux  autres 
questions  me  rend  perplexe;  je  me  demande  1°  si  û2-i  ni,  même  pris 
comme  un  composé  inséparable,  aurait  pu  conserver  son  û  de  l'état 
absolu,  alors  qu'il  serait  mis  à  l'état  construit  avec  b^'-5  ûbN;2''si  «  le 
Dieu  Nergal  »  serait  appelé  en  phénicien  b^'is  nb^,  ou,  ce  qui  revient 
au  même,  en  hébreu  b:;^3  d"'ï^'bN. 

Dans  le  cas  où,  comme  je  le  suppose,  ûilni  :n"i  serait  indépendant 
de  ce  qui  a  été  inscrit  à  la  suite,  il  en  résulterait  nécessairement  que 
bi'ii  D^N  deviendrait  aussi  par  là  même  indépendant  de  ce  qui  le  pré- 
cède. Mais  comment  l'expliquer?  Faut-il,  avec  M.  Schrœder  ',  avoir 
recours  à  une  phrase  relative,  où  le  suffixe  pluriel  rappellerait  non 
pas  le  complexe  û^ïii  m,  un  singulier,  mais  û5^i  détaché  et  isolé? 
Je  ne  le  crois  pas  ;  car  il  est  peu  probable  qu'un  personnage  eût  été 
désigné  comme  «  princeps  sacerdotum  quorum  deiis  Nergal  ». 

Après  cette  double  critique  négative,  j'avouerai  mon  embarras 
pour  substituer  quelque  chose  de  positif  à  une  traduction  dont  je 
viens  de  chercher  à  montrer  les  défauts.  A  mes  yeux,  b^*i5  ûbt^  doit 
exprimer  un  second  titre  attribué  comme  le  premier  à  «  Yâtânbèl, 
le  grand-prêtre  ».  Dès  lors,  si  le  vocabulaire  venait  confirmer  l'exac- 
titude de  cette  supposition,  db^  désignerait  le  titulaire  d'une  fonc- 
tion importante  exercée  dans  le  culte  du  Dieu  assyrien  Nergal  ^ 
Comment  cette  divinité  exotique  a-t-elle  eu  son  sanctuaire  et  ses 
adorateurs  dans  la  colonie  phénicienne  d'Athènes  ?  Sans  essayer  de 
percer  ce  mystère,  "je  dirai  seulement  que  les  panthéons  de  l'anti- 
quité ont  toujours  pratiqué  une  hospitalité  sans  limites  envers  les 
dieux  égarés  qui  frappaient  à  leurs  portes^,  et  que  les  Phéniciens 
ont  été  des  cosmopolites,  ramassant  et  promenant  un  peu  partout 
leurs  biens,  leurs  idées  et  leurs  croyances.  Qu'était  donc,  par  rap- 
port à  Nergal,  son  th^,  qu'il  faille  prononcer  ôlêm,  ou  allâm,  ou 
encore  autrement  ^  Les  trois  consonnes,  dans  mon  hypothèse,  ap- 

'  Voir  Perrot  et  Chipiez,  Histoire  de  VArt^  III,  p.  240,  où  l'on  trouvera  une  tra- 
duction française  de  la  traduction  latine  insérée  dans  le  Corpus;  cf.   ibid.,111,  p.  72. 

«  Schrœder,  Die  Phœnizische  Sprache,  p.  158;  cf.  p.  236. 

3  Sur  le  Dieu  Nergal,  voir  en  dehors  du  deuxième  livre  des  Hois,  xvii,  30,  Eb. 
Schrader  dans  le  Zeitschrift  dcr  dcutschen  morijcnlândischen  Gesselschaft,  XXV,  p.  128; 
ià.^Die  Kf-ilinschriften  und  das  Altc  Testament  (2*^  Auflage,  1883),  p.  282  et  suiv.; 
Menant  (J.),  R'xherchcs  sur  la  glyptique  orientale^  I,  p.  156.  D'après  Al-Bîroùnî,  The 
Chronologij  of  ancient  nations,  trad.  Ed.  Sachau,  p.  172,  Nergal  serait  le  nom  sy- 
riaque de  la  planète  Mars. 

*  Voir  Perrot  et  Chipiez,  Histoire  de  l'art  dans  l'antiquité,  III,  p.  29,  note  1  ;  p.  63. 

5  Un    naoment,  j'avais  songé  à  l'hébreu   dbN  «  muet  •,  en  comparant  la  racine 


lo2  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

partiennenL  à  une  racine  ûbN,  dont  un  autre  exemple  a  été  relevé 
sur  le  fameux  tarif  des  sacrifices  de  Marseille,  ligne  16,  où  l'on  lit 
également  ûb^-  M.  Schrôder  vocalise  ûbx  qu'il  prend  pour  un  parti- 
cipe passif  signifiant  d'abord  «  lié  »,  puis  par  extension  «  défendu  *  ». 
Ainsi  que  l'a  remarqué  Gesenius  %  les  verbes  qui  ont  le  sens  de 
«  lier,  attacher  »  sont  appliqués  à  certains  rites  des  incantations. 
Peut-être  cette  terminologie  se  rattache-t-elle  à  un  usage  plus  ou 
moins  répandu  des  nœuds  magiques.  Il  est  regrettable  que  nous 
n'ayons,  pour  nous  guider,  ni  l'image  de  la  Sidonienne  Asepta,  ni 
celle  du  grand-prêtre  Yàtânbêl.  En  attendant  une  meilleure  expli- 
cation, je  crois  que  l'inscription  désigne  celui-ci  comme  «  devin  ^)  ou 
comme  ••<  augure  de  Kergal  »,  et  je  propose  de  traduire  ainsi  ::bi< 
b:»-i5. 


Il 


Si  les  inscriptions  sont  un  commentaire  écrit  des  monuments,  les 
monuments  sont  un  commentaire  figuré  d'une  valeur  inappréciable 
pour  l'intelligence  des  inscriptions.  C'est  ce  que  MM.  Georges  Perrot 
et  Charles  Chipiez  ont  compris  et  prouvé  par  leur  Histoire  de  Vart 
dans  Vantiquité.  Ils  ont  puisé  aux  meilleures  sources  leurs  traduc- 
tions des  textes  égyptiens,  assyriens  et  phéniciens,  et  les  ont  in- 
sérées dans  leurs  descriptions  en  leur  conservant  la  place  même 
qu'occupent  les  originaux.  Cette  épreuve  contraindra  peut-être  plus 
d'un  philologue,  qui  avait  étudié  les  textes  en  les  détachant  de  leur 
cadre,  à  réviser  ses  tentatives  d'interprétation. 

Mais  je  ne  rendrais  pas  pleine  justice  à  l'œuvre  de  puissante  syn- 
thèse et  de  minutieuse  analj^se  que  les  deux  collaborateurs  sont  par- 
venus à  composer,  si  je  m'en  tenais  à  mentionner  et  à  démontrer  les 
relations  intimes  qui  unissent  leur  tome  troisième  en  particulier  au 
Corpus  inscriptionum  semiticarum.  Quels  qu'aient  été  le  zèle  de  leurs 
auxiliaires  et  la  compétence  de  leurs  conseillers,  MM.  Perrot  et  Chi- 
piez,tout  en  interrogeant  sans  trêve  les  livres  et  les  hommes,  ont  su 
empreindre  sur  l'ensemble  et  les  détails  de  leur  conception  hardie  un 
cachet  ])ersonnel  d'originalité  puissante.  Je  ne  sais  ce  qui  appartient 
eu  propre  à  chacun  des  deux  auteurs,  et  je  crois  que  la  critique  au- 
rait peine  à  le  démêler.  Mais  ce  qu'elle  peut  constater,  c'est  qu'aux 
deux  forces  coalisées  s'est  substituée  une  résultante,  où  chacune 
d'elles  a  disparu  dans  l'unité  de  l'elVort  et  de  sa  manifestation. 
L'œuvre,  dont  les  parties  se  déroulent  peu  à  peu  sous  nos  yeux, 

sémitique  'C'in,  qui  n'-unil  dos  sens  se  rallacbant  au  mutisme  cl  aux  arts  mapiques. 
IlhUn  Ncrijal  aurait   signifié  *  celui  qui  murmure  des  oracles  au  uom  de  Nergal  ». 

>  Schrœder,  Die  Phœnizische  Sprache^  p.  200  et  246. 

*  Gescnius,  l'hrsavrvs,  p.  \?,1  et  i'il. 


BIBLIOGRAPHIE  1b3 

n'apparaît  ni  comme  une  collection  de  généralités  philosophiques  sur 
l'art,  ni  comme  un  récit  chronologique  des  faits,  enregistrés  sèche- 
ment par  une  correcte  érudition.  Certes,  une  enquête  sévère  a  pré- 
sidé au  choix  et  à  l'ordonnance  des  documents.  Mais  partout  on 
voit  la  pensée  maîtresse  se  dégager  des  nuages  qui  risqueraient  de 
l'envelopper  et  de  l'obscurcir.  Essayons  de  la  reconnaître  à  la  faveur 
des  deux  tomes  publiés  entièrement  et  aussi  du  tome  troisième,  dont 
l'achèvement  ne  se  fera  pas  longtemps  attendre  ^ 

MM.  Perrot  et  Chipiez  n'envisagent  l'art  oriental  que  comme  un 
acheminement  par  étapes  vers  l'idéale  perfection  de  l'art  grec.  Celui- 
ci  a  réalisé,  en  les  épurant,  les  aspirations  de  l'Egypte,  de  la  Chal- 
dée,  de  l'Assyrie,  de  la  Phénicie,  de  la  Judée,  de  Cypre  ;  il  est  monté 
à  des  hauteurs  que  ses  précurseurs  avaient  à  peine  entrevues.  C'est 
dans  les  annales  de  l'humanité  un  sommet,  au-dessus  duquel  elle 
n'a  pas  pu  s'élever.  La  Grèce  a  ressenti  un  violent  «  amour  des  belles 
formes,  aussi  ardent  et  aussi  fécond  que  son  amour  du  beau  langage  ^  » 
Mais  elle  n'est  parvenue  à  satisfaire  ni  l'un  ni  l'autre  sans  tâtonne- 
ments, sans  secousses,  sans  détours.  Que  de  progrès,  mais  aussi  que 
de  reculs  avant  que  le  génie  grec,  nourri  de  la  tradition  orientale,  en 
eût  secoué  le  joug  sans  abandonner  le  profit  de  ses  leçons,  pour  révé- 
ler au  monde  païen  le  secret  de  l'éternelle  beauté  ! 

V Histoire  de  l'art  da7is  Vantiquité  en  est  encore  aux  prolégomènes  : 
elle  n'a  pas  dépassé  les  propylées  pour  pénétrer  dans  le  temple.  Les 
auteurs  s'étaient-ils  d'avance  rendu  compte  que  leur  introduction 
sur  l'art  oriental  les  entraînerait  à  d'aussi  grands  développements? 
Je  ne  le  crois  pas,  et  l'harmonie  générale  de  l'œuvre  eût  gagné  à  ce 
que  l'histoire  des  origines  fût  un  peu  plus  resserrée.  Mais  je  préfère 
encore  ce  manque  de  mesure  dans  les  proportions,  en  pensant  aux 
sacrifices  qu'il  eût  fallu  consentir,  aux  mutilations  que  chacun  des 
exposés  si  complets  et  si  lucides  aurait  subies,  enfin  à  la  perte  d'in- 
formations sûres  et  précises,  à  laquelle,  pour  arriver  plus  vite  au 
but,  nous  aurions  dû  nous  résigner. 

En  abordant  la  description  de  «  la  Phénicie  et  ses  dépendances  », 
MM.  Perrot  et  Chipiez  sont  les  premiers  à  nous  avertir  qu'ils  ont 
fait  «  à  l'Egypte  et  à  la  Chaldée  une  place  très  étendue,  une  place 
privilégiée  t>.  Après  avoir'prévu  l'objection,  ils  ajoutent'  :  «  Ce  qui 
justifie  le  parti  que  nous  avons  pris,  c'est  l'antiquité  fort  reculée  à 
laquelle  remontent  ces  deux  peuples,  c'est  la  spontanéité  de  leur  dé- 
veloppement, la  fécondité  et  l'originalité  de  leur  génie  ;  c'est  aussi, 
c'est  surtout  l'influence  que  ces  sociétés  primitives  ont  certainement 
exercée  sur  cette  humanité  plus  jeune  qui,  sous  les  noms  de  Grèce 
et  de  Rome,  a  créé,  tout  autour  de  la  Méditerranée,  la  civilisation 


^  Les  trois  cent  vingt  pages  publiées  représentent  un  peu  plus  du  tiers  du  troisième 
volume. 

*  Georges  Perrot,  Intro.hiciioii  dans  le  tome  premier,  p.  m. 
^  Histoire  de  Vart^  III,  p.  1  et  suiv. 


154  RKVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

bien  plus  avancée  et  plus  brillante  dont  la  nôtre  n'est  que  le  prolon- 
gement. L'Egypte  et  la  Ghaldée  avaient  inventé  les  procédés  et  créé 
les  modèles  qui  sont  venus,  vers  l'époque  d'Homère,  éveiller  le  génie 
plastique  de  la  Grèce.  » 

Cette  transmission,  quels  en  allaient  être  les  agents  ?  Qui  se  char- 
gerait d'une  propagande,  dont  ne  paraissaient  se  soucier  ni  les 
Égyptiens  d'une  part,  ni  d'autre  part  les  Ghaldéens  et  les  Assyriens. 
La  Phénicie,  par  sa  position  géographique,  comme  par  les  tendances 
de  ses  habitants,  était  prédestinée  à  revendiquer  pour  elle  ce  rôle. 
Le  besoin  d'expansion  et  d'activité,  qui  tourmente  et  pousse  en  avant 
les  populations  de  race  sémitiques  provoqua,  vers  1600  ou  1700 
avant  notre  ère,  les  Phéniciens  à  sortir  de  leur  région  étroite,  que 
bornent  à  l'est  les  massifs  du  Liban,  que  termine  à  l'ouest  la  longue 
ligne  de  côtes  de  la  Méditerranée.  La  mer  s'ouvrait  devant  eux,  et 
ils  s'y  établirent  en  souverains.  Leur  colonie  africaine  de  Garthage 
(en  phénicien  :  n'^lî^in  rrip  «  la  ville  neuve  »),  fondée  aux  environs  de 
l'an  800,  devint  la  succursale  de  Sidon  et  de  Tyr,  et  resta,  jusqu'à  sa 
destruction  par  les  Romains  en  146  avant  J.-C,  «  l'avant-garde  ex- 
trême du  monde  asiatique  dans  la  partie  ouest  de  la  Méditerranée  -  ». 

«  Le  génie  grec,  après  avoir  tiré  parti  des  exemples  et  des  leçons 
de  la  Phénicie,  s'est  émancipé  rapidement;  il  a  créé  un  art  bien 
supérieur  à  celui  de  ses  maîtres,  un  art  d'une  puissante  et  souveraine 
originalité  ',.  mais  il  n'en  a  pas  été  de  même  chez  tous  les  peuples 
auxquels  s'est  fait  sentir  l'influence  de  la  Phénicie.  Ni  les  Hébreux 
ni  les  Cypriotes  n'ont  su  se  soustraire  à  l'ascendant  des  types 
phéniciens  ;  à  Jérusalem,  comme  à  Golgos,  on  a  bien,  dans  une 
certaine  mesure,  modifié  ces  types  ;  il  faut  tenir  compte  ici  de  la 
différence  des  idées  religieuses,  et  là,  de  celle  des  habitudes  sociales 
et  des  matériaux  mis  en  œuvre  ;  mais  ni  dans  l'une  ni  dans  l'autre 
de  ces  contrées,  on  n'a  regardé  la  nature  d'assez  près  et  l'on  n'a  eu 
l'esprit  assez  inventif  pour  que  l'art  y  ait  pris  une  physionomie 
vraiment  particulière  et  nationale.  L'art  c^^priote  et  l'art  juif,  ce  ne 
sont  que  des  variétés,  ou,  comme  dirait  un  grammairien,  des  dialectes 
de  l'art  phénicien  ^  » 

L'art  juif,  ou,  ainsi  que  l'a  nommé  son  premier  historien,  «  l'art 
judaïque"»,  est-il  aussi  absolument  dépo'urvu  d'originalité  que  ce 
jugement  sommaire  semble  le  faire  supposer?  Ge  qui  est  certain, 
c'est  que  le  roi  Salomon,  lorsqu'il  eut  décidé  de  bûtir  une   maison 


*  .lo  crois,  avec  MM.  Perrot  et  Chipiez,  Histoire  de  Vart ^  III,  p.  Ui,  que  les  <  Phé- 
niciens sont  les  frères  des  Juifs  ».  C'est  aussi  l'opinion  de  «  Térudit  qui  connaît  le 
mieux  la  question  »,  M.  Ernost  Henan. 

*  L'expression  est  de  M.  Fr.  Lenormant,  Manuel  d  histoire  aiicieinie,  III,  p.  153. 
^  Parlant  de  la  Grèce,  MM.  Perrot  et  Chipiez  [Histoire  de  l'art,  III,  p.  50),  disent  : 

€   Son  art,  dès  le  milieu  du  cinquième  siècle,  était  arrivé  à  la  perfection.  » 

*  Ibid.,  III,  p.9S  et  99. 

•■'  Saulcy  (F.  de),  Histoire  de  Vart  judaïque,  tirée  des  textes  sacrés  rf  profanes,  Paris, 
1858,  1  vol.  in-8. 


BIBLIOGRAPHIE  15o 

au  nom  de  Yahwé,  son  Dieu  \  réclama  le  concours  des  ouvriers 
phéniciens,  «  parce  que,  dit-il,  il  n'y  a  parmi  nous  aucun  homme 
sachant  couper  le  hois  comme  les  Sidoniens  '^  » .  Or,  Salomon  régnait 
vers  l'an  1000  avant  notre  ère^  Le  roi  de  Tyr,  ïliram,  qui  avait 
envoyé  précédemment  à  David  «  une  députation,  du  bois  de  cèdre, 
des  charpentiers  et  des  maçons  '*  »,  donna  à  Salomon  «  du  bois  de 
cèdre  et  du  bois  de  cyprès  autant  qu'il  en  désirait  •' ».  Le  même 
chantier  réunit  «  les  constructeurs  de  Salomon,  les  constructeurs  de 
Hiram  et  les  gens  de  Gebal  ^,  qui  taillaient  lés  bois  et  les  pierres  pour 
l'édification  de  la  maison  »  ^ 

MM.  Perrot  et  Chipiez  ne  sont  pas  encore  parvenus  à  la  section  de 
leur  Histoire  de  Vart^  où  ils  nous  montreront  les  Juifs,  dans  la  cons- 
truction de  leur  temple,  non  seulement  imitateurs,  mais  tributaires 
des  Phéniciens.  Je  me  propose  de  résumer  pour  les  lecteurs  de  la 
Remce  ce  chapitre  de  nos  annales,  aussitôt  qu'il  aura  été  publié  à  la 
fin  du  tome  troisième.  Dès  à  présent,  je  me  crois  autorisé  à  dire  que 
ce  sujet,  traité  tant  de  fois  par  les  explorateurs,  par  les  exégètes  et 
par  les  savants,  sera  renouvelé  par  le  point  de  vue  hardi,  que  les 
auteurs  ont  imaginé.  Un  homme  de  talent  qui  parfois  devinait  bien 
ce  qu'il  savait  moins  bien,  après  avoir  comparé  ingénieusement 
ff  Jérusalem  au  sphinx  thébain  »,  ajoutait  :  «  Disons-le  à  la  louange 
du  siècle,  l'érudition  s'est  faite  artiste.  En  revanche,  l'archéologie  est 
devenue  une  science^  ».  Il  serait  difficile,  je  crois,  de  caractériser 
mieux  et  plus  brièvement  le  progrès  qui  s'est  accompli  sous  nos 
yeux  dans  les  deux  camps,  progrès  en  faveur  duquel  je  vais  apporter 
un  témoignage  décisif,  en  faisant  connaître  sommairement  comment 
MM.  Perrot  et  Chipiez  ont  conçu  et  comment  ils  exécuteront  leur 
étude  sur  le  temple  de  Salomon. 

Le  livre  d'Ézéchiel  finit  par  un  long  morceau®,  qui  «comprend  la 
description  du  nouveau  temple,  les  règlements  concernant  le  sacer- 
doce, le  culte,  les  sacrifices,  les  redevances,  enfin  la  répartition  du 
territoire  entre  les  tribus  *^».  Vingt-cinq  ans  après  l'exil,  le  prophète, 
dans  une  vision  divine,  est  transporté  sur  une  très  haute  montagne, 
où  était  construite  au  midi  comme  une  ville  entière  ,^^  Le  temple  de 

»  Rois,  I,  V,  19. 

^  Ibid.,  fin  du  verset  20. 

^  Les  dates  données  par  M.  G.  Rawlinson,  A  manual  of  ancient  history  [1^  éd.,  Ox- 
ford, 1880),  p.  48,  sont  1015-975  avant  J.-C;  M.  Socin,  dans  Baedeker,  Palestine  et 
Syrie^  p.  78,  place  le  règne  de  Salomon  de  998  à  958. 

^  Samuel,  II,  v,  11. 

5  Rois,  I,  V,  24. 

^  Sur  Gebal,  aujourd'hui  Byblos,  voir  Corpus  inscriptionum  semiticarum ,  I,  p.  1  et 
suiv.;  Perrot  et  Chipiez,  Histoire  de  l'art,  III,  p.  23  et  suiv. 

7  Rois  I,  V,  32. 

8  Ernest  Vinet,  Jérusalem  daus  le  Journal  des  Débats^  22  novembre  1866,  réim- 
primé dans  VArt  et  PArcMologic  (Paris,  1874),  p.  203.     • 

^  Ezéchiel,  chapitres  XL-XLviii. 

i*»  Voir  dans  La  Bible  de  M.  Ed.  Reuss,  Les  Prophètes,  II,  p.  124,  note  1. 

*'  Ezéchiel,  xl,  1  et  2. 


lo6  RKVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Salomon  lui  apparaît,  tel  qu'il  l'avait  couuu  à  Jérusalem.  Il  se  laisse 
mener  à  travers  les  portes,  les  vestibules,  les  cours,  le  sanctuaire, 
les  cellules  latérales  et  toutes  les  parties  de  l'édifice  par  un  guide 
«  dont  l'aspect  était  comme  celui  de  l'airain,  qui  tenait  dans  sa  main 
un  cordeau  de  lin  et  uoe  perche  à  mesurer  *  ».  Les  instruments  dont 
s'est  muni  le  conducteur  vont  lui  servir  à  relever  partout  les  lon- 
gueurs, les  largeurs  et  les  hauteurs  des  murs,  des  piliers,  des 
dallages.  Sous  sa  direction,  le  narrateur  en  extase  sera  moins  un 
poète  enthousiaste  qu'un  géomètre  froidement  calculateur. 

M.  Chipiez  a  étudié  en  architecte  la  vision  d'Ézéchiel,  et  il  est 
arrivé  à  la  conviction  que  le  rédacteur  devait  avoir  sous  les  yeux 
une  série  de  plans,  qui  avaient  sans  doute  échappé  à  la  ruine  et  à 
l'incendie,  lorsque,  en  587  ou  en  586,  les  lieutenants  de  Nabou- 
Koudour-Oussour  démolirent  et  brûlèrent  Jérusalem*.  Ces  plans, 
que  l'écrivain  décrivait,  M.  Chipiez  a  réussi  à  en  ressaisir  la  trace  et 
à  les  reconstituer.  Il  a  retrouvé  là  les  éléments  d'une  très  belle  et  très 
complète  restauration,  appu^-ée  sur  un  texte  dout  certains  termes 
techniques  n'ont  pas  encore  été  suffisamment  élucidés.  Une  des 
premières  conditions  de  succès  sera  de  ne  demander  à  ce  texte  que 
ce  qu'il  peut  donner  sans  être  violenté.  Je  ne  saurais  trop  recom- 
mander à  M.  Chipiez  de  mettre  ses  coupes,  ses  élévations  et  ses 
dessins  en  harmonie  avec  les  principes  d'une  saine  philologie.  Qu'il 
consulte  les  hébraïsants  sur  les  points  où  le  commentaire  de 
Smend'  lui  laisserait  des  incertitudes:  les  spécialistes  seront  trop 
heureux  de  l'aider  à  atteindre  des  résultats  dout  ils  seront  les  pre- 
miers à  profiter. 

Il  y  a  un  autre  ordre  de  difficultés  qu'il  faudra  vaincre,  avant  de 
posséder  dans  son  intégrité  la  restitution  tentée  par  M.  Chipiez.  Les 
planches,  qui  devront  être  gravées,  ne  pourront  entrer  que  très  ré- 
duites dans  VHistoire  de  Vart.  L'ouvrage  même  n'en  comporte  qu'un 
nombre  restreint,  le  temple  de  Salomon  ayant  exercé  une  influence 
plus  religieuse  qu'artistique.  Le  format,  qui  rend  le  maniement  du 
livre  si  commode  et  si  agréable,  impose  aux  figures  la  limite  de  ses 
dimensions.  L'illustration,  qu'elle  soit  prise  directement  sur  les  ori- 
ginaux ou  empruntée  à  leurs  plus  fidèles  reproductions,  a  toujours 
été  réglée  d'après  l'utilité,  non  d'après  le  vain  étalage  extérieur  et 
poussée  dans  le  sens  de  l'exactitude  plutôt  que  dans  le  sens  des  en- 
jolivements superflus.  Ces  deux  qualités  maîtresses  de  la  publica- 
tion de  MM.  Pcrrot  et  Chipiez  ne  permettront  pas  d'y  admettre 
l'image  du  temple  de  Salomon,  telle  que  M.  Chipiez  s'est  complu  à 
l'évoquer  d'après  la  vision  d'Ézéchiel. 

L'album,  dont  M.  Chipiez  a  couvert  les  pages  de  ses  croquis,  de  ses 
esquisses  et  de  ses  plans  avec  passion  et  avec  amour,  restera-t-il 

'  EzGchiel,  xl,  verset  3. 

»  Maspcro,  Histoire  ancienne  des  peuples  de  l'Orient,  p.  501 . 

•^  Cet  cxcellcnl  commentaire  a  été  publié  en  1883  dans  la  coUeclion  couuuc  sous  le 
nom  do  Excffetischcs  Ilandbuch  zum  Allen  Testament. 


BIBLIOGRAPHIE  ir,7 

enfoui  dans  le  portefeuille  de  l'artiste,  qui  voudrait  rendre  publique 
sa  restitution?  Déjà  précédemment,  dans  son  Histoire  critique  des 
origines  des  ordres  grecs  \  il  avait  démontré  les  affinités  de  l'art  grec 
avec  Tart  oriental  *,  et  n'avait  pas  attendu  sa  collaboration  avec  un 
maître  comme  M.  Perrot  pour  affirmer  sa  compétence  dans  les  ques- 
tions d'archéologie.  Je  souhaiterais,  pour  l'honneur  de  la  race  juive, 
que  la  restauration  de  M.  Chipiez  fût  au  large  dans  un  volume 
semblable  aux  magnifiques  in-folio,  que  la  Direction  des  Beaux-Arts 
publie  avec  un  luxe  intelligent  sous  le  titre  de  Restauration  des  mo- 
numents antiques  par  les  architectes  pensionnaires  de  l'Académie  de 
France  à  Rome  depuis  1 788  jusqu'à  nos  jours^  publiés  avec  les  mémoires 
explicatifs  des  auteurs  sous  les  auspices  du  gouvernement  français^. 
S'il  existait  de  par  le  monde  un  état  juif,  il  aurait  la  mission  d'encou- 
rager et  d'accaparer  une  tentative  comme  celle  de  M.  Chipiez.  Pour- 
quoi la  «  maison  de  Yahwé  »  serait-elle  seule  abandonnée,  alors  qu'un 
architecte,  par  la  puissance  de  son  travail  et  de  son  imagination,  est 
parvenu  à  la  faire  renaître  de  ses  ruines  ?  Parmi  «  les  fils  des  fils  ^  » 
de  ceux  qui  y  «  ont  fléchi  le  genou  devant  leur  créateur^»,  ne  se 
trouvera-t-il  personne  qui  «  ait  pitié  de  ses  ruines  »,  et  veuille  s'as- 
socier à  une  œuvre,  qui  «  va  changer  son  désert  en  paradis  et  sa  soli- 
tude en  jardin  de  Yahwé  S)  ?Quel  beau  complément  du  tome  troisième 
de  V Histoire  de  Vart^  par  MM.  Perrot  et  Chipiez,  que  cette  monogra- 
phie de  M.  Chipiez  sur  le  temple  de  Salomon  !  Quel  monument  litté- 
raire et  artistique,  élevé  à  la  bonne  renommée  et  à  la  puissance  de 
nos  ancêtres!  Le  judaïsme  moderne  ne  se  désintéressera  pas  de 
l'hommage,  qu'un  savant  étranger  à  ses  croyances  apporte  au 
judaïsme  ancien.  Je  voudrais  que  ce  magnifique  atlas  de  planches, 
une  fois  dressé,  ne  restât  pas  seulement  caché  dans  des  reliures  de 
prix  sur  les  rayons  des  bibliothèques  publiques  et  privées;  je  rêve 
de  le  voir  s'étaler  feuille  par  feuille,j'allais  presque  dire,  colonne  par 
colonne  et  pierre  par  pierre,  sur  les  murs  de  nos  écoles,  comme  un 
enseignement  et  comme  un  souvenir.  C'est  aux  Mécènes  du  judaïsme 
contemporain  à  saisir  cette  occasion  unique  de  faire  revivre  une 
des  pages  les  plus  nobles  de  notre  histoire  nationale. 

Hartwig  Derenbourg. 

»  Paris,  1876. 

'  Voir  Salomon  Reinach,  Manuel  de  iMlologie  classique  (2«  éJ.  1883),  page  55, 
note  1. 

^  La  collection  comprend  jusqu'à  ce  jour  Percier,  La  colonne  Trajanc;  Lesueur, 
La  hasilique  Ulpienne;  Labrouste  (H.),  Temples  de  Pœsttim;  Dubut,  Temple  de  la 
pudicité;  Gousin,  Temple  de  Vesta.  Elle  n'est  pas  près  d'avoir  épuisé  les  cinquante- 
sept  volumes  grand  in-folio,  conservés  à  la  Bibliothèque  de  TÉcole  nationale  des 
Beaux-Arts;  cf.  Ernest  Vinet,  Catalogue^  p.  130-132. 

*  Isaïe,  Lix,  21 . 

*  Psaumes,  xcTv,  6. 
^  Isaïe,  Li,  3. 


ADDlTIOxNS  ET  RECTIFICATIOxNS 


Tome  VIII,  p.  85-86.  —  Les  données  fantastiques  du  Talmud  et  du 
Josiphon  sur  le  pays  siluc  derrière  les  montagnes  ténébreuses  ont  passé 
dans  certains  géographes  juifs,  ccmme  Petahia,  l'auteur  du  Sihbouh  Haolam; 
voir  Beniscb,  The  Travels  of  R.  Petachia,  p.  100  —  Israël  Lcvi. 

Ibid.,  p.  167.  —  A  propos  des  productions  poétiques  des  Juifs  avant  l'Is- 
lamisme, il  faut  citer  l'ouvrage  de  Franz  Delitzscli,  Judisch-arabische  Poesien 
ans  vornmltamïjiedischer  Zeit,  publié  lors  de  la  célébration  du  Jubilé  du 
professeur  Flcischer.  Leipzig,  1874,  8^  (4  -[-  -iO  P-)-  —  hrael  Léci. 

Ibid.,  p.  171,  note  1.  —  Voir  la  récente  publication  de  Yakoubi,  éd. 
Houtsma,  II,  p.  49.  Les  tribus  An-Nadhîr  et  Koreiza,  de  Djidzaïn,  qui  ont 
embrassé  le  judaïsme  à  l'époque  de  As-Samoual,  tirent  leur  nom  des  mon- 
tagnes An-Nadliîr  et  Koreiza  où  elles  étaient  établies.  D'après  d'autres, 
Koreiza  est  le  nom  du  fondateur  de  la  tribu  des  Banou  Koreiza.  —  Page 
173,  1.  18,  lisez  :  Demande  Koreiza.  —  H.  Hinchfeld. 

Ibid.,  p.  191  ei  suiv.  —  Lire  Al-Baidhâwi  au  lieu  de  Al-Baghûwi. 


LISTE  DES  PUVEAOX  MEMBRES  DE  LA  SOCIÉTÉ  DES  ETUDES  JtlVES 

DEPUIS  LE  l'^'-  JA^'VIER  1884. 


Bloch  (Richard),  ingénieur  des  ponts  et  chaussées,  attaché  au  chemin 
de  fer  d'Orléans. 

Cremnitz  (Jacques),  rue  aux  Ours,  26. 

Dalsace  (Gobert),  rue  Kougemont,  6. 

Dennery  (Sylvain),  rue  de  Charonne,  8. 

DuRLACHER  (Armand),  libraire-éditeur,  rue  Lafayette,  83  his. 

FouLD  (Léon),  rue  du  Faubourg-Poissonnière,  30. 

KuLP,  rue  de  Chabrol,  26. 

KuNST,  rue  des  Petites-Écuries,  48. 

Lagneau,  professeur,  rue  des  Feuillantines,  84. 

Lévi  (Georges),  ingénieur  des  arts  et  manufactures,  boulevard  Ma- 
genta, 40. 

Lévy  (Théodore),  ingénieur,  rue  Chauveau-Lagardo,  14. 

Monteaux  (Eugène),  boulevard  Montmartre,  15. 


PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES  DU  CONSEIL 


SÉANCE  DU  27  DÉCEMBRE  1883. 

Présidence  de  M.  Joseph  Derenhoiirg. 

M.  le  Pr^sidetit  proiposo  au  Conseil  de  uommer  le  présideul  sortant  M.  le  baron 
Alphonse  de  Rothschild,  président  honoraire  de  la  Société  en  reconnaissance  de  la 
part  prise  par  la  famille  de  Rothschild  u  la  fondation  de  la  Société. 

Cette  proposition  est  adoptée  à  l'unanimité. 

M.  Loeb  rend  compte  des  délibérations  du  Comité  de  Publication  relatives  à  la 
rétribution  des  articles  de  V Annuaire.  Le  Comité  propose  de  fixer  cette  rétribution 
à  2  francs  par  page.  Les  Rapports  et  les  Conférences  ne  seront  pas  rangés  parmi  les 
articles  rétribués,  mais  cent  exemplaires  des  tirages  à  part  seront  mis  à  la  disposition 
des  auteurs. 

Cette  proposition  est  acceptée  après  une  observation  de  M.  le  Président  qui  émet 
des  doutes  sur  l'utilité  de  cette  rétribution  et  môme  sur  l'utilité  de  VÂnnuaire  en 
général,  dont  les  articles  pourraient  paraître  dans  la  Revue. 

Le  Conseil,  sur  la  proposition  du  Comité  de  Publication,  décide  d'abroger  la 
défense  faite  aux  auteurs  de  mettre  en  vente  leurs  tirages  à  part  avant  un  délai 
d'un.  an. 

L'ordre  du  jour  appelle  la  discussion  sur  le  maintien  du  Comité  de  propagande. 

M.  Lévi  propose  de  le  supprimer  et  de  désigner  quelques  membres  du  Conseil 
chargés  de  faire  des  visites  à  des  personnes  dont  Tadhésion  à  la  Société  serait  dési- 
rable. M.  Loeb  propose  d'autographier  la  liste  de  ces  personnes  que  dressera  M,  Lévi 
et  de  la  communiquer  aux  membres  du  Conseil. 

Ces  propositions  sont  adoptées. 

Il  est  procédé  ensuite  à  l'élection  du  Bureau  et  du  Comité  de  Publication  et  d'Ad- 
ministration. Sont  élus  :  MM.  Arsène  DARMBSTETEa  et  Zadog  Kahn,  vice-prési- 
dents, MM.  Abhaham  Cahen  et  Théodore  Reinagh,  secrétaires,  M.  Erlanger, 
trésorier. 

MM.  HARTwia  Derenbourg,  J.  Halévy,  Isidore  Loeb,  Offert  et  Vernes 
sont  élus  membres  du  Comité  de  Publication. 


SÉANCE  DU  3i  JANVIER  1884. 

Présidence  de  M.  Joseph  Derenbotcrg. 

Le  Conseil  vote  des  remerciements  à  M.  Astruc  pour  la  conférence  qu'il  a  bien 
voulu  faire  sur  les  Causes  et  les  Origines  historiqties  de  V  Antisémitisme . 

M.  le  Président  demande  de  nouveau  la  suppression  de  VAnnuain  et  l'inserliou 
des  articles  qui  le  composent  dans  la  Revue. 


160  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

31.  Zadoc  Kahn  croit  que  le  succès  de  la  Revue  dans  le  public  savant  est  dû  prin- 
cipalemeut  à  l'exclusion  sévère  des  articles  de  ce  genre. 

L'examen  de  celte  question  est  renvoyé  au  Comité  de  Publication. 

M.  Halêvy  fait  une  communication  sur  le  verset  araméen  de  Jérémie  (x,  lO). 


SÉANCE  DU  28  FÉVRIER  1884. 

Présidence  de  M.  Joseph  Derenhourg. 

11  est  donné  lecture  d'une  lettre  de  M.  le  baron  Alphonse  de  Rothschild  remerciant 
le  Conseil  de  sa  nomination  comme  président  honoraire  de  la  Société. 

M.  le  Président  déclare  qu'il  retire  sa  proposition  sur  la  suppression  de  V An- 
nuaire. 

M.  Loeh  rend  compte  de  la  discussion  qui  s'est  engagée  au  sujet  de  cette  propo- 
sition dans  le  Comité  de  Publication.  Le  Comité  propose  au  Conseil  de  conserver 
VÂnnuaire. 

Le  Conseil  ratifie  ces  conclusions.  • 


SÉANCE  DU  27  MARS  1884. 

Présidence  de  M.  Zadoc  Kahn. 

Le  Conseil  vote  des  remerciements  à  M.  Guillaume  Guizot  pour  la  conférence 
qu'il  a  bien  voulu  faire  sur  le  Marchand  de  Venise  de  Shakespeare. 

M.  le  Président  signale  les  inconvénients  que  présente  ce  fait  que  l'année  d'exer- 
cice de  la  Société  commence  au  mois  de  juillet.  11  propose  que  dorénavant  elle  parte 
du  l^""  janvier. 

Le  Conseil  adopte  cette  motion  et  décide  qu'une  circulaire  sera  adressée  au  mois 
de  juin  aux  membres  de  la  Société  pour  les  aviser  de  cette  modification  et  les  prier 
de  vouloir  bien  payer  pour  une  fois  la  moitié  de  leur  cotisation  annuelle. 

Les  Secrétaires, 
Ab.  Cahkn  et  Th.  Heinach. 


( 


Le  péraiil  responsable, 

Israël  Lkvi. 


vEn.«Aii.i,Ks,  iMPniMKnii:  cv.\\v  et  fii.s,  ni'B  dl'Plkssis,    59. 


DEUX  LIVRES  DE  COMMERCE 


DU  COMMENCEMENT  DU  XIV^  SIÈCLE 


Les  archives  du  département  de  la  Gôte-d'Or,  à  Dijon,  contien- 
nent deux  manuscrits  hébreux,  cotés  B  10,410  et  B  10,411,  qui 
sont  du  plus  grand  intérêt  pour  l'histoire  des  Juifs  de  la  Franche- 
Comté,  pour  la  paléographie  et  les  antiquités  hébraïques,  et  enfin 
pour  l'histoire  de  la  Franche-Comté. 

M.  Alfred  Lévy  a  déjà  signalé  autrefois,  dans  un  intéressant 
travail,  l'importance  de  ces  manuscrits^  et  en  a  donné  une  courte 
analyse.  Nous  nous  proposons  de  les  étudier  ici  avec  plus  de 
détails  et  en  traitant  un  certain  nombre  de  questions  dont  il  ne 
s'est  point  occupé. 

Ces  manuscrits  contiennent  les  comptes  d'une  association  de 
Juifs  dont  le  siège  était  à  Vesoul  et  qui  faisaient,  dans  un  rayon 
assez  étendu,  d'importantes  opérations  de  banque,  de  prêt,  de 
commerce  et  d'agriculture.  Le  principal  personnage  ou  le  chef  de 
l'association  était  Héliot  (Elle)  de  Vesoul.  Héliot  de  Vesoul  com- 
mence à  être  connu,  depuis  un  certain  temps,  comme  le  chef  des 
Juifs  de  la  Franche-Comté.  La  prospérité  de  sa  maison  et  de  ses 
associés  date  probablement  de  la  guerre  qui  suivit  le  traité  conclu, 
en  1295,  entre  le  comte  Othon  IV  et  le  roi  Philippe  le  Bel.  Les 
barons,  indignés  de  voir  le  pays  livré,  par  ce  traité,  à  celui  que  l'on 
considérait  comme  l'ennemi  héréditaire,  se  soulevèrent  pour  dé- 
fendre leur  indépendance;  la  guerre  dura  de  1296  à  1301,  elle 
était  entretenue  en  partie  par  largent  de  l'Angleterre,  en  partie 
à  l'aide  d'emprunts  faits  par  les  barons  confédérés  aux  banquiers 
lombards  et  juifs  2.  C'est  à  cette  époq*^    que  se  placent  les  opé- 


"  Archives  Israélites ,  1869. 

2  L'abbé  Morey,  dans  Bévue  des  études  juives ,  t.  VII,  p.  7. 

T.  VIII,  N«  16.  11 


162  ■  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

rations  dont  les  comptes  se  trouvent  dans  nos  deux  manuscrits. 
Elles  ont  pour  centre  la  ville  de  Vesoul  et  s'étendent  à  tout  le 
département  actuel  de  la  Haute-Saône,  et  aux  départements 
limitrophes,  le  Doubs  et  le  Jura  (jusqu'au  cours  du  Doubs),  la 
Gôte-d'Or  (jusqu'à  la  Saône),  la  Haute-Marne  (jusqu'au  plateau 
de  Langres),  en  poussant  des  pointes  jusque  dans  les  Vosges,  au 
nord,  et  dans  la  Saône-et-Loire,  au  sud-est.  Nos  manuscrits  vont 
de  l'année  1300  à  l'année  1318.  En  1315,  Héliot  de  Vesoul  fit  partie 
des  syndics  des  Juifs  de  la  langue  d'oïl  qui  négocièrent  le  retour 
en  France  des  Juifs  chassés,  en  1306,  par  Philippe  le  Bel  K  II 
comptait  parmi  ses  clients  et  ceux  de  sa  famille  les  personnages 
les  plus  importants  de  la  contrée,  les  comtes,  les  barons,  tous  les 
membres  du  clergé,  les  curés,  abbés,  prieurs,  les  hauts  fonction- 
naires tout  aussi  bien  que  les  bourgeois,  les  hommes  du  peuple, 
les  pauvres  gens  des  dernières  classes  de  la  société.  Après  la  cons- 
piration des  lépreux  de  Tan  1320,  le  roi  de  France,  Philippe  V 
le  Long,  expulsa  les  Juifs  de  France  (en  1321)  ;  le  14  décembre 
1321,  en  sa  qualité  de  comte  de  Bourgogne  du  chef  de  la  reine 
Jeanne,  sa  femme,  et  en  conséquence  de  l'édit  d'expulsion,  il  écri- 
vit à  la  reine  Jeanne  une  lettre  -par  laquelle  il  lui  faisait  donation 
des  biens  d'Héliot  (Hélion)  et  des  autres  Juifs  du  comté  *.  Ce  fut 
probablement  à  cette  occasion  que  furent  confisqués  les  deux 
manuscrits  qui  font  l'objet  de  cette  étude,  et  c'est  ainsi  qu'ils  sont 
parvenus  jusqu'à  nous. 

Ces  manuscrits  sont  écrits  sur  parchemin,  le  premier  a  48  feuil- 
lets, 16  second  en  a  60  ;  ils  sont  défectifs  au  commencement  et  à 
la  fin,  et,  de  plus,  dans  le  corps  du  ms.  10,411,  il  manque  un  grand 
nombre  de  feuillets  qui  paraissent  coupés  au  canif  et  qui  furent 
peut-être  enlevés,  à  l'époque  de  l'expulsion  des  Juifs  du  comté  et 
de  la  confiscation  de  leurs  biens  au  profit  du  roi,  par  des  débiteurs 
peu  scrupuleux  ^. 

Le  ms.  10,411  est  plus  ancien,  mais  beaucoup  moins  intéressant 
que  l'autre.  li  s'étend  aux  années  1300  à  1306.  11  contient  la 
simple  liste  des  débiteurs  de  l'association,  accompagnée  démen- 
tions très  brèves.  Les  faits  y  sont  presque  toujours  énoncés  dans 
l'ordre  suivant  : 

1.  La  somme  prêtée,  inscrite  sur  une  marge,  à  droite,  en  lettres 

hébraïques. 

• 

*  Saige,  Les  Juifs  du  Languedoc,  p.  HIO,  n"  Lvii,  pièce  de  Louis  X,  du  28  juillet 
1315. 

«  Morcy,  Bcvkc,  VII,  11-12. 

'  Les  feuillets  manquants  se  trouvent  entre  les  tV.  11-12,  14-15,  16-1",  18-19,  20- 
21,  29-30,  31-32,  34-35,  et  probablement  aussi  8-9. 


DEUX  LIVRES  DE  COMMERCE  DU  X1V<=  SIÈCLE  163 

2.  Le  nom  du  débiteur. 

3.  Son  domicile. 

4.  Les  témoins  et  garants. 

5.  Une  date  qui  est  ou  bien  la  date  du  prêt  ou  souvent,  à  ce 
qu'il  nous  semble,  la  date  de  l'échéance. 

Quand  les  opérations  sont  liquidées,  l'auteur  du  compte  barre 
les  sommes  inscrites  en  marge  ;  souvent  il  met  en  surcharge  des 
notes  indiquant  des  remboursements  successifs  ou  d'autres  rensei- 
gnements. 

Ce  ms.  est  donc  une  espèce  de  journal  où  les  opérations  sont 
inscrites  au  jour  le  jour.  Il  se  distingue  cependant  de  nos  jour- 
naux actuels  par  deux  particularités.  D'abord,  les  opérations  faites 
dans  une  même  localité  sont  réunies  sur  des  pages  consacrées 
uniquement  à  ces  localités;  ensuite,  des  blancs  sont  ménagés 
entre  les  lignes  pour  y  insérer  la  mention  de  nouvelles  opérations 
faites  plus  tard  avec  les  mêmes  personnes,  ou  bien  pour  réparer 
des  omissions.  Nous  croyons  que  ce  journal  est  rédigé  d'après  des 
livres  de  notes  fournis  par  les  associés  et  où  chacun  d'eux  ins- 
crivait les  opérations  faites  par  lui. 

Nous  avons  dressé,  autant  qu'il  est  possible  de  le  faire  pour 
des  matériaux  si  mal  coordonnés,  une  table  sommaire  des  ma- 
tières du  ms.  10,411  K 

F«  1-8  à.  Frotey.  F^  ^2  a-St  à.  Villeroy  et  Autrecourt. 

9  a-\\  ^.  Villersexel.  33  a-34  à.    Andelarre    et     Ande- 

12  â^-14  b.  Colombe.  larrot. 

15  a-\6  h.  Dampvalley.  35  a  (en  blanc). 

17  tt-18  h.  Noroy.  35  ^-42  b.  Echenoz. 

19  a  J>.  Essernay.  43  a.  Vaivre. 

20  a  (en  blanc).  43  b  (en  blanc). 

20  b.  Liévans  et  divers.  44  a  b.  Montoille. 

21  a-^l  b.  Navenne.  45  a  b.  Port,  Couclans,  Gonflandey, 
23  a-27  a.  La  Demie.  Grattery. 

28  «-29  ^.  Noroy'.  46  «  (en  blanc). 

30  a-M  b.  Vellegondry.  46  ^-48  b.  Noidans. 

La  date  la  plus  ancienne  du  ms.  (1300)  se  trouve  dans  le  compte 
de  Navenne,  f*  21  a. 
Le  ms.  10,410  est  beaucoup  plus  intéressant  que  le  ms.  10,411. 

*  Les  feuillets  du  ms.  n'étaient  pas  chiffrés  ;  ils  portent  une  numérotation  moderne, 
mais  qui  les  prend  à  rebours,  comn^e  on  ferait  d'un  manuscrit  français.  Nos  numéros 
sont  les  numéros  véritables,  en  commençant  à  compter  de  droite  ù  gauche. 

*  Ce  Noroy  et  celui  du  f"  17  désignent,  sans  doute,  Tuu  Noroy-le-Bourg,  Tautre 
Noroy-les-Jussey,  tous  deux  dans  la  Haute-Saône. 


164  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Il  en  diffère  matériellement  en  ce  qu'il  est  une  espèce  de  grand- 
livre  où  les  mentions  relatives  au  compte  d'une  même  personne 
se  trouvent  réunies.  Souvent  le  compte  d'un  débiteur  remplit 
plusieurs  pages,  souvent  aussi  une  même  page  contient,  les  uns  à 
la  suite  des  autres,  les  comptes  de  plusieurs  débiteurs  ;  quelque- 
fois, enfin,  les  comptes  de  plusieurs  personnes  se  trouvent  mêlés 
et  enchevêtrés  sur  une  même  page.  Aucun  ordre  chronologique  ou 
alphabétique  ne  paraît  avoir  été  suivi  par  le  rédacteur  pour  le 
classement  de  ces  comptes  ;  dans  chaque  compte  personnel,  l'ordre 
chronologique  des  opérations  domine  sans  être  pourtant  rigou- 
reusement suivi,  à  ce  qu'il  semble.  Il  n'est  guère  possible  de  dres- 
ser une  table  sommaire  des  matières  de  ce  volume,  il  faudrait 
rédiger,  comme  table,  le  répertoire  alphabétique  des  personnes  qui 
y  sont  nommées  et  il  n'entre  pas  dans  notre  plan  de  reproduire 
ici  cette  longue  liste  de  noms,  nous  nous  bornons  à  indiquer  plus 
loin  les  principaux  personnages  qui  sont  nommés  dans  ce  ma- 
nuscrit. 

La  disposition  matérielle  du  ms.  est  la  même  que  celle  du  ms. 
précédent,  les  surcharges,  les  ratures  y  sont  également  nom- 
breuses ;  quelquefois,  en  bas  des  pages,  se  trouve  un  chiffre  total 
qu'il  serait  difficile  de  vérifier,  attendu  qu'on  ne  sait  pas  à  quelle 
date  ce  total  a  été  fait,  ni,  par  conséquent,  à  quel  état  du  ms.  il 
correspond. 

Le  grand  intérêt  de  ce  manuscrit  vient  de  ce  que,  outre  les 
mentions  contenues  également  dans  l'autre  ms.,  celui-ci  fournit 
presque  toujours  une  note  explicative  indiquant  le  but  de  l'opé- 
ration, la  destination  de  l'argent  prêté  ou  emprunté,  car  l'asso- 
ciation recourt  assez  souvent  à  d'autres  financiers.  Ces  indica- 
tions contiennent  une  foule  de  renseignements  du  plus  haut  prix 
pour  les  mœurs,  l'état  social  et  économique  du  pays,  quelquefois 
les  événements  politiques  et  les  grands  personnages  contem- 
porains. 

La  date  la  plus  ancienne  de  ce  ms.  est  1300  (f^  30  a;  1301, 
f*'  20  a);  mais  il  se  rapporte  plus  particulièrement  aux  opérations 
faites  depuis  l'année  1310;  la  date  la  plus  récente  qu'il  contienne 
est  de  Tannée  1318  (fo^  2*7  ah,  28  a).  Comme  il  est  plus  récent  que 
le  ms.  10,411,  nous  désignerons  dorénavant  par  le  chiffre  I  le 
ms.  10,411,  et  par  le  chiflre  II  le  ms.  10,410. 

Les  deux  mss.  paraissent  écrits  de  la  même  main  ;  cependant  il 
ne  semble  i)as  qu'ils  soient  d'un  mémo  auteur.  Le  ms.  Il  a  été 
écrit  à  VesouP,  et,  s'il  est  tout  entier  de  la  même  main,  l'auteur 

'  V\D'n3  ne  «  jVi  ù  Vcsoul,  »  11  6  fl,  30  a. 


$91   sScj 


.       c-   .e'    (<r''^^^\-n  x'ss^'^/ç^  \<r:ucn  Sjr-  f  (^ÎJ^*''^-  ^^'^^  '*^'  ^'5^-   î'*''*^-iSfc> 


'/c. 


c-c- 


<^cc.    '^f'^^'"''^   -l'if-  M-^  yr^.^/Vvfc-c^-    ^(./(.^'^-^    f  ^-.^lim/^^; 

si:  1   .V     ■  ; 


DEUX  LIVRES  DE  COMMERCE  DU  XIV'   SIÈCLE  10î5 

est  un  nommé  Vivant,  qui  est  probablement  le  fils  d'IIéliot  de 
VesouP.  Le  ms.  I  porte  au  f»  25  &  cette  mention  :  mn^r'ziz  tn^tg  "^d 
a^nT^n  b'»25  iT  «  c'est  ce  que  j'ai  trouvé  écrit  de  la  main  de  Vi- 
vant ;  »  il  semble  donc  que  ce  ms.  ne  soit  pas  du  même  Vivant, 
mais  ,  comme  l'association  contenait  plusieurs  Vivant ,  le  Vi- 
vant auteur  présumé  du  ms.  II  pourrait  être  également  l'auteur  de 
cette  note  "^ 

L'écriture  des  deux  mss.  est  une  écriture  cursive  dite  raschi; 
nous  en  donnerons  un  spécimen  dans  la  planche  qui  accompagne 
cet  article  et  qui  est  la  reproduction  d'une  des  pages  les  mieux 
écrites  du  ms,  II  (f°  Via).  Quelques  détails  sur  un  certain  nombre 
de  lettres  sont  nécessaires  pour  expliquer  nos  lectures  et  les 
difficultés  du  déchiffrement  qui  nous  ont  quelquefois  arrêté. 

n  est  presque  toujours  arrondi  comme  le  5. 

1  est  presque  toujours  arrondi  comme  le  n. 

T  est  ordinairement  formé  d'une  barre  verticale  droite  sur- 
montée d'un  petit  trait  horizontal  droit,  et  peut  quelquefois  se 
confondre  avec  p. 

a  est  très  bien  formé,  mais  peut  se  confondre  avec  n3  liés  par  le 
bas,  et  même  avec  la  lettre  uî,  lorsque  a  est  surmonté  d'un  point 
qui  est  dans  nos  mss.  le  signe  de  l'abréviation. 

12  est  souvent  formé  de  deux  traits  droits,  verticaux,  unis  par 
un  trait  oblique  très  fin.  Il  arrive  que  ce  trait  oblique  ne  se  voit 
plus;  ou  que  deux  m,  dans  la  précipitation  de  l'écrivain,  aient  été 
unis  par  un  trait  oblique,  de  là  une  certaine  confusion  entre  cette 
lettre  et  deux  vav. 

ii:  est  la  lettre  la  plus  équivoque  de  nos  mss.,  car  elle  est  exac- 
tement formée  d'un  3  précédé  d'un  ^,  de  sorte  qu'on  ne  sait  jamais 
s'il  faut  lire  ir,  y  ou  a*^,  \^. 

p  est  assez  mal  venu,  petit  et  peut  se  confondre  avec  les  lettres 
^  etT,  cependant  son  jambage  de  gauche  est  ordinairement  très 
incliné  de  haut  en  bas  vers  la  gauche. 

n  ressemble  quelquefois  à  sn  ou  3n  liés. 

Nous  indiquerons  plus  loin  les  règles  suivies  par  l'auteur  pour 
la  transcription  en  hébreu  des  nombreux  noms  propres  et  com- 
muns français  qui  se  trouvent  dans  son  manuscrit  et  qui  sont 
d'un  si  grand  intérêt.  Nous  devons,  dès  à  présent,  indiquer  quel- 

*  tûSNT^n  "^blîî  dïn  «  Cet  argent  est  à  moi.  Vivant,  »  I1 15  a.  Héliol  avait  un  fils 
nomme  Vivant  (Morey,  l.  c,  p.  1  'î). 

*  Dans  le  ms.  II  également  il  est  souvent  question  d'un  Vivant  à  la  troisi^me 
personne,  qui  est  sans  doute  un  Vivant  dill'érent  do  l'auteur  du  ms.,  si  toutefois  lo 
ms.  est  tout  entier  de  la  même  main. 


166  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

ques-unes  clés   conventions    qui   lui   servent  pour   cette  trans- 
cription. 

Pour  remplacer  dans  l'alphabet  hébreu  les  lettres  françaises 
qui  y  manquent,  il  se  sert  d'un  tilde  qui  est  chez  lui  une  barre 
horizontale  placée  sur  les  lettres.  Nous  remplacerons  partout,  par 
des  raisons  purement  techniques  et  suivant  l'usage  des  anciens 
imprimeurs  hébreux,  ce  tilde  par  le  signe  '  placé  à  la  suite  de  la 
lettre  tildée.  Voici  le  tableau  de  ces  lettres  : 

'n  représente  v. 

's,         —         g  (dans  givre),  j  et  g7i  mouillés. 

n         —         h  aspirée  (rare). 

'3         —         gn  mouillés. 

's       -       r 

p  —  c  dur,  q  ; 

'p         —         ch. 

at  —  s  sifflant  (rare),  ç  (cellerier);  souvent  équivalent 
de  notre  x. 

U5  —  s  sifflant,  ç,  jamais  ch;  souvent  équivalent  de 
notre  cv, 

'^û        —         5  doux  (maison),  z. 

Les  lettres  t,  ^,  o,  y,  n  ne  sont  jamais  emploj^ées  ^ 

N  représente  très  souvent  Ve  muet  à  la  fin  des  mots,  et  les 
sons  au,  an. 

Le  plus  souvent  le  7i  des  voyelles  nasales  (a7i,  en,  on,  etc.) 
n'est  pas  représenté. 


Liste  des  Israélites  noynmés  dans  les  rnanusonts. 

Nous  commençons  notre  étude  par  cette  liste  qui  fera  connaître 
les  principaux  personnages  israélites  faisant  partie  de  l'entou- 
rage d'Héliot  de  Vesoul  et  qui  étaient  en  relations  d'affaires  avec 
lui  ou  avec  ses  associés  *.  Nous  nous  abstenons  de  proposer,  dans 
cette  liste,  des  identifications  faciles  mais  tout  hypothétiques,  par 
exemple  l'identification  des  Aron,  des  Ilaquinet,  des  Isaac,  etc. 

'  Cependant  dans  le  nom  géographique  de  Port-sur-Scey  il  semble  que  l'auteur 
8il  écrit  ÏT^D  hy  U'HID- 

'  Dans  tout  ce  qvii  va  suivre,  les  numéros  des  feuillets  qui  sont  préo«'dés  du  chiffre 
ruiuain  1  renvoient  au  ms.  I  ;  ceux,  qui  ne  sont  précédés  d'aucun  chilFre  romain  ou 
du  eiiillrc  II  renvoient  au  ms.  II. 


DEUX  LIVRES  DE  COMMERCE  DU  XI\-  SIKCLK  107 

Abertin  'j'^^'n^N,  -ii^;  nommé  à  côlé  de  Ilaquinet;  peut-être  juif. 

Abraham,  lï^à. 

Abraham  "^iDi,  «  mon  petit  fils  »,  55  «. 

Maître  Abraham,  médecin  de  Henri  de  Bourgogne,  y*  a. 

Abraham  d'Amance,  52  a. 

Abraham  de  Montjustin,  I,  Ma. 

Rabbi  Abraham  de  Port(-sur-Saône),  9  b,  60  a. 

Abraham  Cohen,  47  a,  54  b.lî^a;  R.  Abraham  Cohen,  I,  20  a. 

Abramin  "i^TONinN  de  Pontarlier,  15^,  44^,  54  «. 

Aron,  '6  à,  '69a.  Déjà  mort  en  I3H,  y"3,  5ô;  ses  héritiers  mentionnés 
5^  et  69  a,  en  1312. 

Aron  de  Chalautre,  10  «. 

R.  Aron  de  Port(-sur-Saône),  51  a  ;  le  hakam  R.  Aron  de  Port,  55^;. 

Belnie,  10 â^.  Argent  prêté  à  des  personnes  qui  vont  enterrer  cette 
femme  r"5  tiN^ib-^n  '12  nmnp  "^i^birt  ^niirb  *. 

Cressin  ';'^U5'np,  2  a,  28  b. 

R.  David,  I,  29  a.  Déjà  mort  en  1304. 

David  de  Montjustin,  I,  20^. 

David  de  Montmorency,  R.  David  de  M.,  1  b,  i'^b,  60a.  Est  à  Paris 
dans  Fautomne  ou  l'hiver  (ciin)  1313,  où  il  rencontre  le  tréso- 
rier de  Bourgogne. 

Delsat  uN^b"'1,  mon  frère,  48  a,  54  a. 

Delsat,  •^m'np,  mon  parent,  2  a.  Ne  demeure  pas  à  Vesoul,  car  l'au- 
teur remarque  qu'il  est  venu  ici  (à  Vesoul). 

Diaya,  Dieya,  ou  Diea,  Dieau  îin^n^N'^^,  îiN^n^I)  2  a.  Il  demeure  à 
■'"'j'pN  (Echenay),  et  il  est  beau-frère  de  «  mon  maître,  mon 
parent,  le  Rabbin  »  dont  il  sera  question  plus  loin.  La  pro- 
nonciation Diaya  de  ce  nom  est  confirmée  par  des  listes  de 
noms  de  Juifs  anglais  (venus  de  France  en  Angleterre),  où  l'on 
trouve  Dyaya,  Dyaye  ^  ;  la  prononciation  Diéau  s'autorise 
d'abord  du  nom  qui  suit  dans  cette  liste,  et  de  la  comparaison 
avec  ï-îN"'t<"'bi''i3  Boiliéau,  Boileau,  41  ^  ;  cf.  8  a. 

Diéot  anN''5<''"i  le  hazzan  (ofticianl)  3  a  ;  demeure  à  Vesoul  ou  à  Vaivre. 

Doucette  ou  Douçotte  N:2ii£"i^,  I  (i- 

Elie,  8*,  11  ^,  42^. 

Hanin  ';"i5n,  1  a,  2  a,  15  a,  25  a. 

Haronin  'jiii'nrr,  mon  fils,  6  b. 

Haquinet  a"'3^pn,  20  a,  44  a,  54  a.  On  sait  que  ce  nom  est  un  dimi- 
nutif d'Isaac. 

Haquinet,  mon  gendre,  3  a. 

Haquinet  d'Auxerre,  10^,  46  a. 

R.  Hayyim,  8  b,  12  ^,  46  b.  On  le  troure  à  Frotey,  8  b;  à  Chiriez,  10  a. 

*  Ce  passage  prouve  bien  que  Belnie  est  un  nom  de  femme.  Voir  J^eme,  VII,  138. 

2  Margoliouth,  T/ic  Jetvs  in  Créât  Britain  (Londres,  1846),  document  relatif  au 
Parlement  de  1240  :  noms  de  Juifs  de  Cambridge,  p.  S'Zn  ;  de  Norwich,  p.  326  ; 
d'Oxford,  p.  326.  D'autre  pari,  Josef  llaccoben,  dans  son  Dibré  hayyamim,  écrit  sou- 
vent VD'^^IN'^N  pour  E.ugenio,  le  "^N  représentant  la  lettre  e\  le  IN,  la  lettre  u. 


168  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Héliot  ou  Eliot  r:vbN  d'Amance,  18âj. 

Héliot,  41  b  (dans  le  passage  français  de  cette  page);  demeurait  sans 

doute  à  Vesoul. 
Gerson,  43  J?. 
Gerson  Cohen,  ^oa. 
Gome  Cohen  t^Toir^,  ^i,  W  a. 
G  orne  iDbn  (Halfan,  ou  changeur  ?),  6  a,  15  ^. 
Isaac,  60«;  R.  Isaac,  mon  oncle  1^11,  60  «. 
Isaac,  mou  parent  ^ninp,  5â^,  6â^;  R.  Isaac,  mon  parent,   et  son  fils 

4  2^,59^. 
Les  enfants  de  R.  Isaac,  59  «. 

Isaac,  instituteur  iTobTû  du  fils  du  «  Rabbin  mon  maître,  mon  pa- 
rent, »  2â^. 
Isaac  de  '^b'^'^'^12  i:û">t5,  59  a. 
Jacob  Cohen,  le  haham  R.  Jacob  Cohen,  45  J. 
Jacob  Cédée  p^is,  2  d;.  Probablement  le  même  que  le  précédent. 
Lionet  rjiDiN'^b-  Demeure  sûrement  à  Resançon,  car  toutes  les  affaires 

faites  dans  cette  ville,  sont  faites  par  lui  ;  3  ^,  5  ^,  6  a,  8  ^,  9  ^, 

\^a^  etc.,  50 â^. 
Lionet.  On  le  trouve  à  Apremont,  53  ^  ;  à  Port-sur-Saône,  55  a. 
Lionet  de  NlN"nbN,  2  a. 

Lionet  de  Reaume(-les-Dames),  6û;,  14  ^,  43  1). 

Jeannin  Lelochart  (chrétien),  notre  ancien  serviteur,  12  J,  32^,  127^. 
R.  Mattatia,  mon  gendre  "^^nn,  déjà  mort  (3>"D)  en  1309,  43  l,  56  h. 
Menahem,  %a,  15^,  36^^,51^,  59  «.  Est  souvent  nommé  à  Echenoz, 

I,  35^. 
Moïse,  45  a,  49 1, 
R.  Moïse,  8  b. 

Moïse  ^1-ib^itb  le  cellerier,  2  a. 
Moïse  t5"'"«ib^j^b  lenglois  (l'anglais),  2â5. 
R.  Moïse  de  Bracon,  56  b. 
Moïse  de  La  Châtelaine  (?)  N3'^"'bt:iaN'p  ^"«N,  26  a. 
Molin,  lŒy  kZb. 

Molin  i"iSD,  mon  petit-fils,  7<2,  8^,  IOû;. 
Morel  (juif?).  29«. 
Pricion  ou  Précion  ';'i'^i£i-iD,  veuve  de  R.  David  ',  mort  [yi)  en   ou 

avant  1304,  I,  29  t*. 
Salomon  Cohen,  2  a. 
Samoin  ';-'"i7ûô<;a  (j^if^)»  4  «,  M  (Z. 
Samuel,  \  a. 

Samuel,  mon  gendre,  10^.  A  un  fils,  10^. 
R.  Samuel  de  Ray-sur-Saône,  58  b. 
Sansinet,  il  a. 

Sansinet  a"'5'^05N"t25  de  Montbéliard,  10  a,  44^;  son  père,  10  a. 
Saronete  N::"^2T-i&<i!:,  nia  fille,  23  «;  elle  a  des  enfants,  10  b. 

'  Voir  Nrvui',  J,  Gf),  ligne  1,  cl  p.  6W. 


DEUX  LIVRES  DE  COMMERCE  DU  XIV"  SIECLE  1(9 

Savorey  'i'nVn6<^,  mon  petit-fils  t^si,  ^  a,  2  a. 

R.  Simha,  mon  beau-frère  ■(D"'5,  'IS  à,  24  à,  46  a. 

R.  Simha  d'Authoison,  mon  oncle,  il  b,  '67 a. 

R.  Simson,  10^. 

R.  Simson,  «  mon  maître,  mon  parent,  le  Rabbin  »,  nnïi  ■»n"i'",p  "^m^a, 

1  a.  Le  Rabbin  R.  Simson,  10  ^. 
Sivyah  !n''niS,  nom  de  femme,  M  b.  Le  nom  se  trouve  déjà  dans  la 

Bible,  II  Rois,  xii,  2,  où  il  signifie  gazelle. 
Sonnet  ou  Sounet  Li'^5"i*>:i,  l  ^.  2  fï,  21  a,  etc. 
Sonnet  ou  Sounet  de  Coublanc,  2  «,  Mb. 
Vivant.  Ce  nom  est  écrit  ordinairement  asi^n  ;  mais  on  trouve  aussi 

14^;  U3T1-I,  8  ^  ;  u^nT"»!,  6  ô;  !::dt»it^i  Viviant,  54  a. 

Les  personnages  qui  portent  ce  nom  sont  : 

Vivant  qui  parle  en  son  nom  et  qui  serait  l'auteur  du  ma- 
nuscrit II;  voir  II,  15  ^.  Il  demeure  à  Vesoul. 

Vivant  dont  il  est  question  souvent  à  la  troisième  personne, 
2^5  5  b,  \0  a,  «  j'ai  écrit  sur  les  instructions  de  Vivant  -^d  hy 
•^nnniD  u^it^i.  ».  On  le  trouve  entre  autres  à  Paris.  L'identifi- 
cation de  ce  personnage,  qui  figure  très  souvent  dans  le  ms.II 
à  la  troisième  personne,  avec  le  Vivant  précédent  ne  serait 
possible  que  si  l'on  supposait  que  ce  fût  tantôt  Vivant  tantôt 
une  autre  personne  qui  tenait  la  plume. 

Vivant  de  Besançon,  50  «,  54  a. 

Vivant  de  Pontailler,  2  a,  4  «,  9^,  15âJ,  16  «. 

Vivas  Cohen  (^-ni-n  et  ^^ti-^i),  Tûj,  14âJ,  15  ^,  31  b. 

Outre  ces  personnes,  l'auteur  du  manuscrit  II  en  désigne  un 
certain  nombre  d'autres  dont  il  ne  donne  pas  le  nom,  mais  dont 
il  indique  les  qualités  ou  la  parenté  qu'ils  ont  avec  lui.  Voici  la 
liste  de  ces  personnes. 

Mon  maître  mon  père,  ri"'^\t5  "^^i^  '^11^,  1  d,  30  «,  52^.  Ce  serait  Héliot 
de  Vesoul,  père  de  ce  Vivant  qui  est  l'auteur  présumé  du 
ms.  IL 

Mon  maître  mon  beau-frère  le  Rabbin  nnti  '^D'^a  mt3,  "'D*':»  ■'m72,  5^, 
13  ^,  47  a,  52  aô,  53  b.  Il  se  déplace  beaucoup,  on  le  trouve  tour 
à  tour  à  Besançon,  à  Dole,  à  Fondremaut,  etc.  C'est  sans  doute 
lui  qui  est  aussi  appelé  «  mon  maître  mon  parent  -^^Tip  le 
Rabbin,  »  2  a.  C'est  lui  sans  doute  aussi  qui  porte  le  nom  de 
R.  Simson  (voir  la  liste  ci-dessus).  La  Rabbine  rr'Dan,  2  a,  est 
probablement  sa  femme,  et  puisque  [ibid.)  on  envoie  de  l'ar- 
gent à  la  Rabbine  par  un  commissionnaire,  il  en  résulte  que 
*  ce  personnage  important  ne  demeurait  pas  à  Vesoul.  Si  «  mon 
maître  de  Vallerois  »,  I,  32  a,  est  identique  avec  lui,  son  domi- 
cile se  trouve  déterminé.  Ce  rabbin  a  un  oncle,  un  beau-frère 
(Diaya,  voir  la  liste  ci-dessus),  un  fils,  un  instituteur  ^Isaac) 


no  KEVTÎE  3ÎES  JETCBES  JTTŒS 

pcoiT  ce  £fe,  une  :filie  (ie  tcoit  ^"après  :2«)  ;  -aiii  M  ^oit 
îin  lirre  de  tosafoi.  un  loidal. 

lioi.  wi.  "  :_    -„    V.  ...:filsdecet  ancie. 

X-e  â/Z-t:  .  -lit  tde-TBRbKn,  1^- 

Tin  i)OîicheT  jui i  iie^ort,  6^. 

les  persoimer 

San  père; — ^ rscsn  oncle  j             n  : — scoi  oni           --  .  le 

cet  oncVs; — ?":                    --      .-         -                         _  ;§ 

Jîaronin:  —  -s.                                 -,   _.,  -^ 

-geDd7*es  lî.  Mattatiâ.               .et  <it  Sanïael  : —  -ses  ^  \s 

-Abraham.  Jdalin  «i  Sa vorey  : —  e.t 
^  ■: î  tre  inon -beaii-frère  ie  ^îkaiiLiii.     dve^   tu-a^  ix^  ut  . 
□lier. 


H 


l^os  Tnarmscritf^  foiranneiit  :— e  luJUj^ii^  lifîl^  f!^  noms  àe  Boas.. 
c'^stime  contribution  nrrpoTtaut  Tabiàniofleiàe 

Ui  France  -et  qu  <h^  prix  4pie  eetfee  re^Mxn i>^ilBlt 


de  fournir  ainsi  ini  Bon^el  -élt .  ji 

-gîoses  françaises  gu'on  tronre  dans*  les  écrits  des 


-n 


juive  de  Vesoal,  cette  loneee  : 
et  on  lie  Ir  is  saa^ 


-.  r"    ;<-..»-       .1. 


Tf^anle?  de  la  Pnmchf^  -  «ne 

V»en7ye  ou -en  desne» 

""Ta    K     GUiiiL^,     ui      ^  uiiijrt 


DEl  X  LIVRES  DE  COMMERCE  DU  XIV  SIECLE  171 

Vienne  (xiv^  s.),  Je  personnage  le  plus  fameux  de  cette  maison, 
était  iVanc-comtois. 

Vn  certain  nombre  de  ces  noms  de  localités  se  trouvent  avec  des 
noms  de  personnes  et  indiquent  le  lieu  de  naissance  ou  d'origine 
de  ces  personnes,  ou  leur  titre  nobiliaire,  ou  leur  domicile. 

Lorsqu'un  nom  pouvait  être  identifié  avec  plusieurs  localités 
homonymes,  nous  avons  pris  pour  n'^gle  de  donner  toujours  la  pré- 
iVrence  aux  localités  i>lus  voisines  de  Vesoul  et  dans  tous  les  cas 
de  ne  pas  chercher,  pour  nos  identilications,  à  moins  de  bonnes 
raisons,  des  localités  placées  en  dehors  du  rayon  d'opérations  de 
nos  personnages. 

Dans  la  liste  qui  va  suivre  nous  avons  souligné  les  noms  fran- 
çais qui  sont  une  simple  transcription  hypothétique  du  nom  hé- 
breu, soit  que  cette  transcription  fût  utile  pour  faire  connaître 
l'ancienne  prononciation,  soit  qu'il  fallût  y  recourir  à  défaut  d'une 
identification  plausible.  A  la  suite  du  nom  propre  donnant  l'iden- 
tilication  nous  avons  inscrit,  entre  parenthèses,  le  département 
actuel,  puis,  et  à  moins  de  mention  contraire,  le  canton  '. 

U53n5<  o4^.  Abbans  (Doubs.  Boussière).  *(  Jean  d'Abbans.  » 
^n'^''2'3i<  60^?.  Areniers.  Aveuay  (Doubs,  Boussière). 
Nb"^^i"!2î<  46^.  Ambreuiîe.  Saint-Ambreuil  Saône-et-Loire,  Sen- 
ne cy). 
N'p:&<mN  46^.    OtancJie.  Ovanches  (Haute- Saône,    Scey-sur- 

Saône). 
a"np':inîî  ^W?,  56^.  Augicourt  ^H.-S.,  Combeaufontaine). 
fc^b-^-^niN  î^nNliN  60  a.  Avade-Or tille.  Autoreille  ;H.-S..  Gyl. 

■^■'by'^'C^"»'Tis  57  b.  Voir  ■^•<'Db'^"^'c^''iN. 
-T^yc-^iiN  I  20  *  ;  -i"^yc"'"«'iN,  48  fl,  n'-bc'^s,  58  fl.   Oi^eliir.   Oise- 

lay  (Haute-Saône,  Gy). 
t52î<'û'^''iN  45^.  (Messire  Jeau  de  — )  Oissans.  Oisenans?  (Jura, 
Lous-le- Saunier). 
n'^^y'^'';;û^'>-itî  45^,  57*.  Oisilly  (Côte-d'Or,  Mirabeau-sur-B6ze\ 
D"np"i"''^^x  I  -0^.  Voir  le  mot  suivant. 
amp'^n'^^N  50  à.  Olricourt.  Oricourt  (H. -S.,  Villersexel). 
"nx  13  ft.  Our  (Jura,  Dampierre). 
U572mN  (Jehan  des—).  Les  Ormes  ^S.-et-L.,  Cuisery). 

»  Dans  les  listes  qui  suivent,  le  tiret  —  représente  le  mot  placé  en  vedette  en  tête 
de  1  alinéa. 

M.  Tabbé  Morey,  curé  de  Baudoncouit,  qui  connaît  admirablement  l'histoire,  la 
géographie  et  les  antiquités  de  la  Franche-Comté,  a  bien  voulu  lire  nos  épreuves  et 
nous  l'ouruir,  sur  ce  chapitre  et  les  suivants,  une  foule  de  rcnseiî;noments  précieux 
et  dutiles  rectiticatious.  Nous  lui  eu  exprimons  toute  notre  reconnaissance.  Nous 
remercions  égalomenl  M.  Bernard  Prosl,  de  la  direction  des  .\rchivcs  déjvartemen- 
tales  au  Ministère  de  Tluterif'ur,  de  rexcellenl  concours  scieBtid4Ud  qu'il  a  bien 
voulu  nous  prêter. 


172  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

i255N'p'mî<  51  h.  Orchans.  Orchamps  Vennes  (Doubs,  Pierrefon- 
taine),  ou  plutôt  Orchamps  (Jura,  Dompierre),  où  on 
sait  qu'il  y  avait  des  Juifs. 
'jV^ii'ic3^  4  ^,  9  <i,  36  a.  Autoison.  Authoison  cH,-S.,  Montbozon). 
•jVirji-iaN  24  b.  Voir  le  mot  précédent. 
ampN'naN  I  32  h.  Autrecourt.  Au  tri  court  (H. -S.,  commune  Val- 
lerois-Lorioz).  Il  y  a  un  Autricourt  dans   la  Côte- 
d'Or,  un  Attricourt  dans  la  H.-S.,  mais  le  contexte 
montre  que  notre  nom  désigne  l'Autricourt  près 
de  Vesoul. 
■^lUN  I  20,  a  près  Monjustin  ».  Probablement  Autrey-les- 
Cerre  (H.-S.,  Noroy-le-Bourg). 
t:'-np"i;i2&<  I  32  6.  Voir  unipNn::^^. 

t5'i73Tn5'^N  7  a,  probablement  pour  ::Tm'^,i"'N.  Aigremont  (Haute- 
Marne,  Bourbonne-les-Bains).  Il  y  avait  un  Aigre- 
mont  près  de  Roulans,  dans  le  Doubs,  château-fort 
de  Jean  de   Vienne,  et  plus  connu  en   Franche- 
Comté  que  le  précédent. 
WSibNt^^N  52  b.  Etalons.  Etalans  (Doubs,  Vercel). 
N3T2N'm''N  58  à.  Etrabonne  (Doubs,  Audeux). 
M&<"'DNnc:'^N  25  â^,  27^.  Btrapie.  Etrappe  (Doubs,  Tlsle-sur-le  D.). 
Il  n'est  pas  impossible  cependant  que  ce  nom  soit 
identique  avec  le  suivant. 
'^'5'>DnLÛ"'N  60  b.  Etrepigney  (Jura,  Dampierre). 
'^':i'^'^D1tû''N  60  b.  Autre  forme  du  nom  précédent. 
v:ji'^N  30«.  Igny  (H.-S.,  Gray). 
Nb'''«a''"'t<  13^.  Etiele.    L'Etoile   (Jura,   Lons-le-Saulnier)  ?  Ou 
plutôt  Ecuelle  (H.-S.,  Autrey).  en  latin  Scola  et 
Scuola,  appelé  encore  aujourd'hui  Etielle  dans  le 
patois  du  paj^s. 
Nbb'^ic^i'^N  Ma.  Etielle.  Autre  forme  du  nom  précédent.* 
■'■'5'p'''^N  2^.  Echenay  (Haute-Marne,  Vassy)  ? 
^ibi2:"'''N  Voir  '"."ib'iD'^'i'nfi^. 
Nb^rN  Voir  Nb^iTN. 

l^-^'p-iN  135^  à   42;  II  8  <z,  etc.  Avec  le  i   d'origine  (=  d') 
"i3'i'p"«1,  I5"''pi,  I  40  a.   Echeno.  Echenoz,  probable- 
ment Echeuoz-leSec  (H.-S.,  Vesoul). 
nbïi  ■i3'''p"'N  I  40  <z  ;  II  37  b.  Echeno-rhumide,  probablement  Eche- 
noz-la-Méline  (H.-S.,  Vesoul)  ;   cette  identification 
parait  résulter  très  clairement  de  I  37  b,  qui  place 
l'un  à  côté  de  l'autre  notre  Echenoz-l'humide  et 
Echenoz-la-Méline. 
NS'^btîb  iS'^'p'^N  I  37  a.  Echeno-la-Méline.  Voir  le  nom  précédent.  Le 
même  f*»  porte  aussi  ^^3■'b7a■^b  i3'p''«. 
^'^^nn"'N  6  a.  33  b,    44  a,  etc.  Erbois.  Arbois  (Jura,  arr.   Po- 
ligny). 
'^•'N3nu5"»[ti?]  Avec  ^  d'origine  '=d')  ■«■'Krntt'^i,  I  lia,  <9a.  Esser- 


DEUX  LIVRES  DE  COMMERCE  DU  XIV«  SIÈCLE  173 

nay,  près  Golombe-lès-Vesoul  (H.-S.).  Cet  endroit, 
qui  n'a  aujourd'hui  que  130  habitants,  devait  être 
plus  important,  les  transactions  qui  s'y  font  par 
notre  association  sont  assez  nombreuses. 
&<513&<nc2U:'^N  59  a.  Estrabone.  Etrabonne.  Voir  n:-i3N-iL3^n. 
N-iN"iVbN  2«.  Alvare.  Serait-ce  AUevard,  dans  Flsère? 
NTiitbN  10  ^,  46  a.  Alçore.  Auxerre. 
NiTNTûN  45  à,  54  à,  58  b.  Voir  Ni£37:5<. 
L2mpDi73N  I  Uâ;,  II  60^.  Amoncourt  (H.-S.,  Port-sur-Saône). 

Ni£373N  18  a,  37 rt.  Amance  (H.-S.,  Amance). 
::mpD?aN  Voir  Dmp5i73N. 

■^■^ni::N5N  60a.  Anatoey.  Nantey  (Jura,  Saint-Amour)  ? 
Nn^b^iN  I  33  et  34.  Andelarre  (H.-S.,  Vesoul). 
:ûn^Nb^3N  I  33  et  34.  Andelarrot  (H.-S.,  Vesoul). 
ump"i5'p3&^  48  a,  Anchenoncourt  (H.-S.,  Amance). 

©Ti'SN  60a.   Efods.   Effoz  (H.-S.,   commune  La    Longine, 
canton  Faucogney). 
asi^^'-iCN  16a,  53^,  etc.  Apremont  (H.-S.,  Gray). 
Nb-^iSfi^  4ê  b  -Geoffroi  de  ~).  Aeelle.  Auxelles  (Territ.  Belforf, 

Giromagny).  Les  sires  d'Acelle  sont  d' Auxelles. 
nr'pN  1 40  a.  Voir  ^5Vp-l{^. 
'■«■'SpN  2  a.  Voir  '-"iDpiiN. 
n'^'^b'nnî^  ou  n-'^b'niN  60  a  «  près  Fouvent.  t>  Arvalier  ou  Aud- 
valier.  Auvillars  (sur  la  carte  de  l'état-major,  au 
Nord-Est  de  Fouvent)? 
b''"'Ni:\ni<  33^,  59  a.  Arguel  (Doubs,  Besançon). 
b"^î<n:\nN  Voir  le  nom  précédent. 
\2J'-i'«'^b^'^':\nwN  3  a^.  Argillières  (H.-S.,  Ghamplitte). 

^DNDDnN  I  20,  II  9  b,  12  b.  «  Arp.   près  Monjustin.  »  Arpenans 

(H.^S.). 
•   1-iiDN  45^,  56a.  Auxon  (H.-S.,  Port-s.-S.). 

TDSUJN  43^,  hébreu.  Allemagne. 
Nn'3fi<'3  1  ^,  2  ^,  6  a,  etc.  Vavre.  Vaivre  (U.-S.,  Vesoul),  «mN"n> 

25^,  35^. 
U53t<nN'n  Avec  l'i  d'origine  (==  de) «DSiN'n-'l,  60 a.  Vadans  (H.-S., 
Pesmes). 
D'Tip"i^N3  I  17^.  Baudoncourt  (H.-S.,  Luxeuil). 
N'r^^NTû'iN'n  I  27a.  Vaudemange  (Marne,  Suippes). 
t:^lpNL3N2  49  a,  50^.  Betaucourt  (H.-S.,  Jussey). 

N3">"'fi<n  26  a.  Parait  être  Baignes  (H.-S.,  Scey-s.-S.).  Est  nommé 
entre  Ghassey  et  Vaivre,  comme  pays  de  vignobles. 
Les  affaires  y  sont  faites  par  Moïse  homme  de  La 
Ghâtelaine. 
Yp-i'^N'n  49  a.  Valchou.  Vauchoux  (H.-S.,  Port-s.-S.). 
nisb^n  1  a.  Balani,  Bauland.  Baulay  (H.-S.,  Amance),  ou 
Bauland  (Meurthe-et-Moselle)?  Ou  pourrait  aussi 
lire  -iNb^a  Balar,  ce  qui  correspondrait  à  Baaîd- 


174  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

rium,  Baalao\  nom  donné  par  les  chartes  des  xii® 
et  xTii®  s.  à  Baulay. 
•jb^a  S9  ^.  Même  endroit,  Baulay,  Bauland? 
t<73i<n  6  ^.  8  â^,  etc.  Baume.  Baume-les-Dames  (Doubs). 
■C5i<^N3  8  a,  42  a,  etc.  Baumes.  Même  nom  que  le  précédent. 
U5':;nï<n  38^.  Barges  (H. -S.,  Jussey). 

"""li^n  43  ^  (Lochot  de  — ).  Borey  (H. -S.,    Noroy-le-Bourg)? 

Cf.  plus  loin,  tn^Ta. 
yiîo  «  près  Pèmes  »,  58^.  Bars.  Bard-lôs-Pesnaes  (H. -S., 

Pesmes). 
tînî^a  58^.  Même  nom  que  le  précédent. 
n"'':i^Nn  60  a.  Bassigney  (H. -S.,  Vauvill^rs). 
Nb'^Nn  52  a.  Basle.  Bâle,  en  Suisse. 
'jVri'iin  55^,  56a.  Avec  n  local,  'jT'r^iisNa.  Boi^non,  Bugnon. 

Bougnon  (H. -S.,  Port-s. -Saône). 
n-i5<i:3  4oa.  Gomme  "i^Nn   plus  haut?  On  ne  saurait  penser 
à  identifier  avec  Beurey,  Côle-d'Or.  qui  est   situé 
dans  une  région  (Pouilly)  où  notre  auteur  ne  pé- 
nètre pas. 
^513  et  ^5n  ;  avec  i^  d'origine  (=  des),  ^sia'^'i-  18  a,  32  J, 
39  ^,  etc.  Bons,  Bans.  Bans  (Jura,  Mont-s.-Vaudrey). 
i::^l3  46^,  48  a.  Boussey  (G. -d'Or,  Vitteaux),  ou,  toujours 
dans  la  Gôte-d'Or,  Boussy-la-Pesle  ou  Bussy-le- 
Grand?    Plus  probablement  Bucey-les-Gy  (H. -S., 
Gy)  ou  Bucey-les-Traves  (H. -S.,  Scey-s.-S.). 
Dmp'^'itin  52  a.   Buffignécourt  (II. -S.,  Amance).   Il  faut  écrire 

U5"i^'^"i'D'i2  •'^4  a.  Beaufremont  (Vosges,  Neufchâteau). 
"OSNbpnn  50  a.  Bouclans  (Doubs,  Roulans). 
NSinmn  56^,  Bourbonne-les-Bains  (II. -Marne). 
N':\->i:i'-n:i  5  ^,  45^  ;  avec  t)  à  la  fin,  45  b.  Bourgogne.,  Bourgognes. 

Bourgogne,  province. 
N3'^^-n:j^ia  54  a.  Bourgogne. 
N'D^^l^-nn  54  a.  Bourgogne. 
ui^n-nn  et  ^an-nn^b,  uJimab,  I  6  a,  31  a,  36  a  ;  II 80  a.  Les  Bordes 
(Saône-etL.,  Verdun-s.-S.). 
a-npN::n  Voir  i^-npN-JND. 
Nr'iN'rû^n  8a,  31  b,  57a.  Bithaine  (11. -S.,  Saulx). 
Nr''::'^:^  Gomme  le  nom  précédent. 

Yiib-^-^n  et  -i':ib'^3,  53  a,  59  a.  Beljeu.  Beaujeu  (H.  S.,  Fresne- 
Saint-Mamès). 
'ii^-y^n  et  N'fi'^n,  58  a.  Bèze  (G. -d'Or,  Mirebeau-s.-Bèze). 
Vrib-ia  Voir  -ir^b-^-^n. 

Nn-^'n  3a.  Verne  (Doubs,  Berme-l.-D.),  ouïes  Vernes,  près 
Vadans  (H. -S.;? 
■''^N5'-i'^'3  I  45  a,  uu  homme  t^nsT^'an-  H  existe  des  Le  Vernoy 
dans  le  Jura  et  la  Saùne-et-Loire  ;  dans  la  Haute- 


DEUX  LIVRES  DE  COMMERCE  DU  XIV  SIECLE  17o 

Saône,  entre  Boussicres,  Charriez  et  Andelarrot,  il 
y  a  un  Mont-le-Vernois,  cl)ef  lieu  de  canton,  et  un 
village  Le  Vernois,  tout  à  côté;  un  champ  ôerernoi 
'^■'i<3T'i7a  ^"iU3  est  cité  dans  le  complc  de  Navenne, 
I  22  a  ;  vernois^  dans  le  dialecte  du  pays,  désigne 
un  endroit  humide. 
ij^'iljin  "Voir  «'uî'^'^n. 
uîjn  Voir  u:3-û. 
Ni'i'^i^na  2  ^,   3  a,   12   ^,   etc.  «   Le  maître  de  —  .   »  Braine. 
Brennes   (H. -M.,   Longeau)?   Ou   plutôt  Brienne 
(Saône-et-L.,  Cuisery)  ?  Ou  enfin  Branne  (Doabs, 
Clerval),  appelé,  dans  le  patois  locaL  Brenne.  Voir 
&<3'>''nn  ;  on  pourrait  lire  Nit^i^nn,  Braùse,  La  Bresse 
(Vosges,  Saulxures)? 
N5'^i<^3  Gomme  le  nom  précédent. 
•jipNnn  2  a,  56  ^.  Bracon  (Jura,  Salins). 
■^^Ninn  43  a.  Breuray  (H. -S.,  Port-sur-Scey). 
^;::"nn  7  à.   Brottes.  Brottes-les-Luxueil  (H.-S.,   Lure),   ou 
Brotte-les-Ray  (H.-S.,  Gray),  ou  Brottes  (H.-Marne, 
Ghaumont). 
NbTnn  «  Sire  Bénie  de  — .  »  BreuUy  Broie.   Breuil  (H. -M., 
Ghevillon]  ?  Il  y  a  un  Le  Breuil  dans  la  H.-S., 
commune  de  Vellefrie.  Les  prés  humides,  les  fossés 
des  châteaux  et  les  gazons  avoi&inants  s'appelaient 
breuils.  Il  y  avait  un  breuil  à  Vesoul  avec  étang 
du  même  nom  ;  il  est  remplacé,  depuis  le  xvi«  s.; 
par  la  rue  du  Breuil. 
N3i'>'-i2  1  ^,  12  b,  53  b.  Voir  J^s-^xsnn.  On  pourrait  lire  n:s''-i3. 
liitï^'iDn  et1iiJ:2'U5n  4  a,  6  a,  etc.  Besançon  (Doubs). 
LjmpN':^  45  b.  Jaucourt  (Aube,  Bar-sur-Aube). 
UîNDNi:;  49  b.  Gouhenans  (H.-S.,  Villersexel). 
''':inV:;  I  40  a.  Juvigny  ?  Il  y  a  plusieurs  Juvigny  en  France, 
il  y  en  a  un  dans  la  Meuse,  canton  de  Montmédy. 
Peut-être  Jugy  (Saône-et-Loire,  Sennecy)  ? 
^'Q^^^'^  5  ^,  10  ^',  etc.  Jussey  (H.-S.,  Jussey). 
NVnsV^  50  b.  Jonvelle  (H.-S.,  Jussey). 
a^npll^i:;  56  b.  Gondocourt.  Godoncourt  (Vosges,  Monthureux- 
s.-S.}. 
a"npD"«n  53  a.  Gésincourt  (H.-S.,  Gombeaufontaine). 

•^':*  et  n^'^.  Gy  et  Gie.  Gy  (H.  S.). 
iVS'.VnV:^  56  b,  GévJgney  (H.-S.,  Gombeaufontaine). 
iV3nV2-':\  I  42  a,  H,  16  ^,  etc.  Gomme  le  précédent. 
nv^vn'^''':;  I  42  a.  Gomme  le  précédent. 

-T^i-i'aîn:;  60  a,  «  près  Fouvent  ».  Qenevrières  (H. -M.,  Fayl- 
Billot). 
^n'iS'^':^  58  b.  Gendrey  (Jura). 
«J'^'^n'ay^  %%a.  Genevrois.  Gonevrey  (H.-S.,  Suulx). 


176  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

^^'«'^'^'33/5  60  a.  Genevrières.  Voir  n"'">"i'n2'''Jj. 
•inc:N-i:\  I  45  l.  Grattery  (H.-S.,  Port-s.-S.). 
h-^^x-ù.  3  ^,  5  ^,  etc.  Grail.  Gray  (H.-S.). 
Nb'^liîb  b-^i^n:;  57  l.  Qrail-la-Vile.  Gray-la-Ville  (H.-S.,  Gray). 

ai^3N-i:^  59  b.  Grenant  (H.-M.,  Fayl-Billot).  Le  contexte  paraît 
montrer  que  ce  n'est  pas  le  Grenant  de  la  Côte- 
d'Or.  Autres  formes  tDN3N-):i,  ':î2Nn:\,  X2^T^^,  (59  d  et 
60  a),  l:3-i:i  (59  d),  iU5'^:i  (59  b),  20  a,  54  h,  60  a,  etc. 
^N5î<n^  et  w3N^:^.  Voir  î:i<2!sn:*. 

©"«-i:\  et  ^ïî-i'^n:*,  I  21  a,  Il  52  d.  Graisse  (H.-S.  commune  de 
Navenne,  canton  de  Vesoul).  Il  y  a  un  ctiâteau  de 
Graisse  dans  cet  endroit. 
ni25'^'^n:i  I  13  ^.  Gressoux  (H.-S.,  commune  d'Auxon,   canton 

de  Port-s. -Saône). 
uîtû^^n^  Voir  'iJ^n:*. 
uNn:^  Voir  tDN3N"i:*. 

ï5':^j"i:^  49  a.   Granges-la-Ville  ou  Granges-le-Bourg   (tous 
deux  H.-S.,  Villersexel),  importantes  seigneuries 
tenues  par  les  Faucogney  et  les  Grammont  et  où 
il  y  avait  des  Juifs. 
t23n:i  Voir  :3ND&<-i:^. 
Ilit^n^  54  a.  Granson,  en  Suisse. 

\i:3n:^  Voir  a&î3N'i:i. 
■«"iJûN"!  47  a.  Damerey  (Saône-et-L.,  Saint-Martin-en-Bresse). 
Nb"ii  6  a.  15  J,  etc.  Dole  (Jura). 
iub"i"i  30  a.  Doles.  Identique  au  précédent? 
Nb'^"i"'':i3^"i'i  56  b.  Demangevelle  (H.-S.,  Vesoul). 

•^■'N^m'T  46  a.  Dornay.  Darnay  (Vosges,  Mirecourt)  ? 
n"iibi<'25T  l\%  a,  13  ^,  etc.  ;  n-ibN'nn,  I  15  «.  Danvalier.  Damp- 
valley-les-Colombe  (H.-S.,  Noroy-le-Bourg). 
y^nss'T  11  a.  Dambrès.  Damparis  (Jura,  Dôle)  ? 
N^.iiDS'T  11  ^,45  b^  etc.  Dampierre,  probablement  D.-les-Mont- 

bozon  (H.-S.,  Montbozon). 
zaT^lNm  46  b.  a  Pour  aller  à  a^^iN^n.  »  Vavert,  Vauvert,  Van- 
ter.t  ?   Serait-ce  le  Vauvert  du    département  du 
Gard? 
NmNiT  35  b.  Vaivre.  Voir  Nn'aN'n. 
^:Nb^:N"n  55  b.  Vandelans  (H.-S.,  Rioz). 

lS"i5<n  57  b.  Vaire  (Doubs.  Marcbaux;?  Il  y  a  le  grand  et  le 
Vaire,    en  patois  Vare,  dans  le  canton  de  Mer- 
chaux,  avec  château. 
NS'^-'N'^'n  59  a.  Vienne  (Isère)  ';\'<''^'<i"i5  ^  C'  '  l'^î*"''''!'!,  9  a;  N3''"'N"'i, 
59  a;  i<3''"'N'^'^"l  7  Z»;  n:-»^"!  oi  rt. 
•c-i-^iS-Ti-iTi  et  \25^'^j<L:n"'"n,  ^■^•^itn'^in,  u;N-'"'i:"i"'ni,  ■©■•"'irn^i,  8  a,  38  b, 
45  b,  50  a.    Versaies,  Versiès.  Verissey  (S.-et-L., 
Montret)  ? 
a^'w-n  46  b,  56  a.  Vezet  (II.  S.,  Fresne). 


i 


DKUX  LIVURS   DE  COMMERCE  DU  XIV  SIÈCLE  177 

Viiî-n  2  b,  8  a,  22  à,  etc.;  F^^om.  bVc-n,  27 «,  Vesoul;  rzi, 
39  «.  Vesoul  (II.-S.). 
•:jv\a"n  143  a;  uj-^-^^in  de  Vaivre,  3  a.  Vasies,  Vesiès,  Vesiès  de 

Vaivre  ? 
^Nl2'^T  60  à  «  Girart  de   —   ».  Yaite  (II.-S.,  Dampierre-sur- 
Salon);  ou  Vaille  (Doubs,  Charaplive},  où  il  y  avait 
UQ  château  fameux, 
b"^")  a  sous  Monjustin  ».  I  20  b.  Vy-lès-Lures  (II.-S. -Lure). 
Nb"»T  59  à.  Comme  b"»"!?  ou  comme  le  nom  suivant? 
b-^rjOwVpb  isb-ii  I  22  a,  II,  29  a,  49  a.   Yele-le-Chaslel.  Vellc-le-Chatel 
(H.-S.,  Scey-s.-S.). 
">n"n:\b''T  I  30,  3l  ;  II,  5  ^,  6  «,  etc.  Vilgondry.  Velleguindrey 
(IL-S.,  Scey-s.-S.). 
i';b^-i  43  a.  Voir  ^r^b-^iNb. 
•^b"»"!  3  6,  18  a.  Comme  b">"i  ?  ou  comme  le  nom  suivant  ? 
■'b">T  «  près  Luxeuil.  »  39  a,  43  «.  Vy-les-Luxeuil.  Villers- 
les-Luxeuil  (H.-S.,  Saulx},  où  s'élevait  le  château 
de  Mézières,  appartenant  aux  Faucogney. 
^^"'b-'-l  et  Vb^l,  9,  M,  12  ^,  50  d.  Villers-la-Ville  (II.-S.,  Vil- 
lersexel)  ou  autre  Villers  du  département  comme 
Villers-les-Luxeuil,  etc.  Voir  le  nom  suivant. 
pi-ob  n'^'^b'^n  1 10  d  ou  -i^b^iseul,  ibid.  Viilers-le-Sec  (II.-S.,  Noroy- 
le-Bourg). 
'T^b^i  Voir  n'^"'b'^i. 
i\N":j  bv  -i^b^T  I  20  b,  II  50  b.  Villers-sîir-Scey.  Villersexel  (II.-S.). 
'i\sn*D'^^b^T  I  20  b.  Velleminfroy  (II.-S.,  Saulx). 
y-N'cb-^T  15  ^,  1G  a.  Vellefaux  (II.-S.,  Montbozon). 
:2"i'-i^Db''T  (ou  '{^"l'^Db■>^)  ?  34^.   Vilpirot  ou  Vilpiron.  Villeparois 
(H.-S.,  Vesoul). 
llp^N'-^i'Db^i  56  b,  57  b.  Villefrancon  (H.-S.,  Gy). 

"•i^nb"»!  et  "'■'Jînb"'!.  I  32,  II  5  b.  Vllroy.  Vallerois-le-Bois  ou 
Vallerois-Lorioz  (II.-S.,  Noroy-le-Bourg). 
Cûmpinb"»"!  43  a.  Villeroncourt  (Meuse,  Commercy). 
X\'Oh^^  52  a.  Vellexon  (H.-S.,  Fresne-St-Mamès)? 
NT^iT  et  Ni^n,  13  Z».  Veire,  Vière,  Vire?  Comme  a.'mM'^. 
-ûsà^'^h-^^  Velgiles.  Voir  'wi^b^'m-ti. 
îj^T^T  Voir  5^"-i"'^n. 

•^'^n^l  et  rT^'r^"!"^"!,  45  b.  Vergy  (H.-S.,   comm.  LefTond).   Les 
Vergy   étaient  une  des   familles  importantes  du 
pays. 
Cwsb->':;n'^i  et  cb'^'.n'^n,  52  a.  Vergiles.  Vrégillc  (H.-S.,  Marnay). 
■>\S3n'^T  et  ■^\SDm,  I  22  a,  H  46  a.  Vernay  (S-et-L..  Savigny)? 

Vernois-sur-Mance  (II.-S.,  Vitrcy)  ?  Voir  "^^Nn-^'a. 
^i-i^i'i^-i  Voir  ^■«^irn'^'^n. 
■^■•Nm  Voir  '^\s:n'^i. 

■>-'b->">rj  59/;.  Theuley  (lI.-S.,Dampicrre-sur-SaIon)?  ou  plutôt 
T.  VIII,  N^  10.  n 


178  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

l'abbaye  bien  connue  de  Theuley,  commune  de 
Vars  (H.-S.). 
'i'^i<b"'C2  1 14  è.  Tilai^  Tiloy.  Thilay  (Ardennes)?  ou  comme  le 

nom  précédent  ? 
«1^"»^  30  i.  Probablement  pour  «nuT^a.  «  Perrenot  5<n:2'^::"n 
Dutiire  ».  Il  y  a  un  Le  Titre  dans  la  Somme.  (Voir 
le  mot  suivant). 
Nnan'^U  I  39  à,  «  Guillaume  Nnu^'^aiT  ».  Le  Tertre  (Gôte-d'Or, 
commune  de  Chanceaux,  ou  Vosges,  commune  de 
Saint-Maurice). 
N'nj^'na  11  a,  loa,  etc.  Trave.  Traves  (H.-S.,  Scey-s. -Saône). 
"••^NbnjNna  58  ^,  59^,  «  Jehan  "^^i^bnrî^nLîiT  ».  Le  Tremblois  (H.-S., 
Gray). 
USN'i'^'inL:  15^.  Troyes  (Aube). 
wn'^'^bttinD  53  J.    Tromeliart.  Tromarey  (H.-S.,  Marnay)?  Tré- 
milly  (H. -M.,  Doulevant)  ? 
Uîsbnna  ou  peut-être  ^rbnnu,  33  è.  Trolans?  Tro^m  ?  (Est-ce 
une  ville?). 
-iibb'^t^'''>nù:  58  a.  Tresilley  (H.-S.,  Rioz). 

NVn3T>"i  1 14  û^;  II 12^.  Comme  ^b'i'njVa.  Ou  peut-être  Join- 
ville-sur-Marne  (H. -M.)? 
*ins  9^,  12^,  17^,  etc.    Traduction  hébraïque   du  mot 
b^rûiaN'p,  chastel.  Désigne  le  château  de  Vesoul. 
Voir  b^::':îwS'p. 
Vc5n^  ^ns  1 16  d.  Le  château  de  Vesoul. 

Nm^it^nn^b  47  ûJ,  lecture  douteuse.  La  Bariondre.  La  Bretenière 
(Doubs,  Marchaux  ;  Jura,  Dampierre)  ? 
"•nn^b  et  "i-iSjb  60  b.  Lambrey  (H.-S.,  Combeaufontaine). 
■^'rib-iiNb  6  a,  41  a.  La  Vilgy,  La  Villegy^La  Vellegy  ?Gy  (H.-S.)? 
ns^^Tn'iNb  et  ïii<'^^lb,  I  23  à 27,  II  26  b.  La  Demie  (H.-S.,  Noroy- 
le-Bourg). 
N':i"^'^Nb  I  34  b.   Probablement  comme  ï:N3'''^b,  plus  bas  ?  ou 
Liège  (Belgique)  ? 
N'Dl5b"'iNb  59 «.  La  Villeneuve  (H.-S.,  Verdun;  ou  H. -M.,  Lan- 
gres,  mais  plutôt  celui  de  H.-S.). 
T^'^Sfc^^b  \23^Nb  9  a.  Lons-le-Saunier  (Jura). 

N'pt<CNb  6  a.  La  Fauche  (H. -M.,  Saint-Blin). 
Nr'^ai'DNb  24^,  27  b.  La  Fontaine-de-Roche  (H.-S.,  commune  de 
Vellcfaux)  ?  La   Fontaine  de  Noroy  est   nommée 
I  30a.  Tous  ces  noms  sont  peut-être  des  noms  de 
personne. 
N^n'''^'pNb  9  a,  59^;  NTsiN'prj,  42  a.   Lachierme,  Lacharme.  La- 
charme  (Jura,  Lons-le-Saunier). 
Nb"'D'pNb  10^.  La  Chapelle  (H.-S.,  commune  de  Crevans). 
y^"npNb  «  Une  vigne  de  —  ».  42  a.  La  Croix  (Côte-d'Or,  com- 
mune Marcilly;  ou  Saône-et-Loire,  commune  Buf- 
fiêres  ou  commune  Saint- Sernin)  ? 


DEUX  LIVRES  DE  COMMERCE  DU  XIV  SIECLE  170 

N'pT^Nb  51 1)  ;  N'pinb  50  a,  51  h.  La  Roche  ;  un  château  fort  de 
ce  nom,  sur  TOgnon,  dons  le  Doubs,  appartenait 
aux  sires  de  Ray  et  Dampierre. 
NUYp'nNb  I  36  a  ;  Niiû-^'p-int^b  34  a.  La  Rocket  te,  La  Rochotte.  La  Ro- 
chotte  (IL-S.,  commune  de  Breurey-les-Faverney). 
NVpi-iî^b  52 âJ.  La  Rochelle  (IL-S.,  Vitrey). 
yîN'^n^b  51  b.  Larians  (II. -S.,  Montbozon). 
r^wS^'w-^n^b  et  rîN'^-'UînNb,  !iN"i'''c^"^nNb,  56^,  58^.  La  Résie-Saint- 
Martin  (H  -S.,  Pesmes)  ou  Résie-la-Grande  {ibid., . 
ïiN"'n2N':Jt<b  60  fï.  La  saunerie  de  Salins  (Salins,  Jura). 
n&<^73^b  Voir  rtwS^Tû^tîb. 
U55Nib  la.  Louhans  (S.-et-L.). 

UN'mb  44  «.  Louvent  (Meuse,  commune  Fresne-sous-Monl). 
N3''"'Nn!mb  53  ^;  Nj^^nimb,  53  b.  Loheraine.  Lorraine,  province. 
Nb^i^Dnb  44  «.  Longevelle  (II.-S.,  Villersexel). 
WN'p^nb  et  lUî^'pib,  59^.  Louches.  Louche   (H. -S.,  commune 

Gourtesault)  ? 
i:5'T-nn"'b  Lesbordes.  Voir  tî^ms. 

^iNn-^-ib  et  u;5n^'^b,  I  20.  Liévans  (IL-S.,  Noroy-le-Bourg). 
■^it-i'n'i'^b  l\^a,  33^.  Liévrecey  (IL-S.,  commune  Villeguin- 
drey). 
^::wN3'<"«b  44  «.   Leynes    (S.-et-L.,   La   Chapelle-de-Guinchay\ 
«  Henri  de  L.  ».  Ou  la  commanderie  de  Laine  ou 
Laigne,  au  canton  de  Montbozon? 
0"i53"^^b  53  b.  Liengres.  Langres  (H. -M.). 
-n-i^^b  1  b.  Il  a,  12  b,  etc.  Lissai.  Luxeuil  (H. -S.). 
nn^b  60  b.  Voir  "^nn^^b. 
N'pnnb  Voir  N'pi-'iNb. 
^'h^-^^12  et  '^•^b'^'^b'^\N?3,  "^bb-^i^Ti,  30  a,  36  a,  59  a.  Maillcy  (H. -S., 

Scey-sur-Saôue). 
Uî3">bN73  9  b.  Malines,  en  Belgique. 
:2!jp"iN/3  I  45  ab.  Marcliaux  (Doubs)  ? 

'wTiî&^TO  il  a.  Mandres.  Mandres-les-Nogent  (II.-M.,  Nogent). 
'^■'JînLûnî^^  5^,  10  a,  'ôïa.  Le  Marteroy,  prieuré  près  de  Vesoul 
'în'Di:2i7:  7  a,  8  a,  etc.  Montbozon  (IL-S.). 
lû^N-^bm?:  et  a-i.N^b3::i)2  10  a,  35^,  43  ô,  etc.  Montbéliard  (Doubs\ 
Une  fois  ::nwS^b^37û . 
l^aO-^-^Yl^-iTi  kob\  '}^-joV:i?2,    I  20^,  II   24^.   Montjustin   (IL-S., 
Noroy-le-Bourg). 
"iriNaiT:,  m5N::i73  .n^N::":)^?^,  56  a.  Montaigu  (IL-S..  près  do 
Colombier,  canton  de  Vesoul,  château  ruiné  ayant 
appartenu  à  Henri  de  Bourgogne). 
a^b"lNL:■lt3  5J.  Montarlot.  Montarlot-sur-Salon    (IL-S.,  Cham- 
plitte)  ou  Montarlot-les-Fondremant  (IL-S.,  Rioz\ 
UÎNb'->"'ia"i^  I  43  a;  ^wXb-i:û1?2,  I  44  6;  ':î5<b"^-'ia''"'172,  I  44*.  Mouloille 
(IL-S.,  Vesoul). 
antJi^  9*,  10a,  lia.  Montrot  (lI.-M.,  Arc-eu-Barrois)  ou 


\H)  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

plutôt   Moatrond   (Doubs,  Gingey),   où  Henri  de 
Bourgogne  avait  un  château. 
b^"^T-iui7û  24^,26^,  etc.  Montreuil.  Montreuil-sur-Blaise  (H. -M., 
Vassy) ? 
L:-npinb-«'^"i7û  43^,  46^.  MailleroDCôurt  (H. -S.,  Saulx  et  Vauvillers). 
^:.n':)"i^  16^,  47  «.  MoUans  (H. -S.,  Lure). 
^:rjm7:i73   l  b,  43  l,  60  «.  Montmorency  (Seine-et-Oise). 
1"'L3n7ji/3  23^,  46  â^.  Montmartin  (Doub^,  Rougemont). 
:3iL]:i?2  31  J.  Montot  (H. -S.,  Dampierre-sur- Salon).  Il  y  a  des 
Montot  dans  la  Côte-d'Or  et  dans  la  Saône-et-Loire. 
y^jM2  46  h.  Mons  (Isère)  ?  ou  Mons  en  Belgique  ? 
'O-^-^^rj-i/j  11^,   19^,  32  «,  etc.;  \a\>î^j:i:3,    ii^^;  ^■•''5"^::i7o  ou 
^■^•^iiirn?:,  I  28  6;  ^:î1i:^^,  Il  56  â^.  Montcey  (H. -S., 
Yesoul). 
■)^^pp:r/û  32  d.  Mo'iiclair.  Un  des  Monclar  ou  des  Montclar  qui 

se  trouvent  en  France. 
*;ipN'D"i72  40  b,  37  a.  Montfaucon    (Doubs,  Besançon).  Un  des 

châteaux  les  plus  considérables  du  pays. 
"vi:^^:^::!?:,  -û^^im^,  'û^^:i':im2,  voir  ^iî-i^^^i^d. 

'«:în^'^':i"n'?3  I  28  b,  «  Gérart  ;:Jn'^i':;"n72''^,  >'  I  47^.  Morgières,  Mor- 
gnières,  Morignières.  Morigny  (S.-et-L.,  Palinges)? 
On  appelle  en  patois  Molgier  ou  Morgier  le  village 
actuel  de  Melisey  (H. -S.). 
wXi'^"'3  N::Ti72rî  22  a.  La  Mortepierre.   Peut-être  un  terrain  près  de 
Vesoul. 
r*^"!"!":  'I  Ci,  etc.  «  Lafoire  de  — ,  le  jour  de  — ,  »  très  fréquent. 
Saint-Maurice  (II. -M.,  Langres  ou  Doubs,  Pont-de- 
Roide)  ;  n'est  pas  sûrement  une  localité.  . 
U^lpnr:  27  «,  33  b.  Meurcourt  (II.-S.,  Saulx). 
"i:^N-jci72  Voir  i:;n:2-i7:. 
•:;i-i^^'w^"''?:,  Uin^'^'O'^'^îo,  37«,  43  b,  47  «,60  b.  Maizières  (H. -S.,  Rioz). 
b''3"T'?3  37^.  Mirebel.  Mirebeau-sur-Bèze  ,Gôte-d'Or).  Le  con- 
texte montre  que  c'est  bien  ce  Mirebeau  ;  Oisill3', 
qui  est  tout  à  côté  de  cette  ville,  est  nommé  dans 
le  même  passage. 
■^■"/'O'i;:  31  a.  Miseo'l.  Miseré  (H. -S  ^  commune  de  Calmoutier) 
ou  Miserey  (Doubs,  Audeux). 
a"njp"^b72  31  b.    Malaiucourt    (Vosges,   Bulgnéville,  ou  H. -M.. 
Bourmont). 
0'm:72  12^,  W  a.  Menors;  ou  uî'^^57:,  Menods.  Meuoux  (H.-S  , 
Amance)?  Cet  endroit  s'appelait  eu  latin  Manaors 
(dans  les  Bollandistes). 
wr'3N3  I  21,  22  :  II  0  a,  etc.  Navenne  (II.-S  ,  Vesoul) 
•'\\*i::wS3  40^,  49  a;  i^:::n:  19  a.  Nauley  (Jura.  Saint-Amour). 
•ù:î<3  48^  Nans  (Doubs,  Rougemont^. 
ytn^s  ou  ';"''»'nro  ou  peut-être  '{•^•'n^^.  l'"''*..i:i  <>  Messire  Hugues 
—  ri  ou  —  •^-.  •>  4î)^,  XagrèSy  Aa grain,  ou  Segrès, 


Dl'X'X  LIVUKS  DE  COM.MLUCI-:  DU  XIV  SU-XL!-:  \H\ 

Segrain.  Segrois  (Côte-d'Or,  Gevrey)  ?  o^  prieuré 
d'Annegrai  près  de  Faucogney,  appelé  encore  au- 
jourd'hui Negrey  en  patois. 
la^Nns  «  Guillaume  de  —,  »  10  a  ;  yt^ii,  '<  Pernel  de  La  Cha- 
pelle de  — ,  j)  10^,  lecture  douteuse  (pourrait  faire 
l'ailla,  ou  Y^-^,  yx::)  ;  CwN13,  o^,  9^,  oi  a,  «  Guillaume 
de  —  ;  »  y-i2,  30  a.  Nods  (Doubs,  Vercel). 
'^\S'nNi2,  "^nNlD,  I  17,  18,  28,  29.  Noroy.  Noroy-le-Bourg  (II.-S.>. 
VN13  VoiroiwNnD- 
'sUNii.  Voir  cii^ii. 
ast^Ti^ia,  L^ST^^ia,  I  45  à  48  ;  II  26  J,  etc.  Noidant.  Noidans-les- 
Vesoul  (H. -S.,  Vesoul).  Il  y  a  un  Noidans-le-Fer- 
roux,  II.-S.,  canton  de  Scey. 
b'^Hi^liNp  C]"»"'!^  46  a.  Niief-Chastel.  Neufchaleau  (Vosges). 

t:3i73n"«'«i5  \ob  \  :23"i73^'^"^3  15^,  28^.  Noirmont,  Nermont.  Noire- 
mont  (Oise]? 
yi3  Voir  0"iïîl2. 
U3-|^n'^"'D  Voir  L25T^-l'^'^13. 

•i-'3"i5<'::n'd,  ■"■^^-li^'nwN'D,  56  «;  •^i^i^n^'s,  14  J,  20^,  etc.;  ^sn^i^s,  39^. 
Faverney  (H. -S.,  Amance). 
b-^i^sï-î  43^.  Ze  PaiL  Fahy  (H. -S.)?  Fayl-Billot  (II. -M.)  ?  Il 
y  a  un  <K   Château  de  Pail  »   près   de  Passavant 
(Doubs).  Notre  ville  a  un  prévôt. 
'iîbî^D  9  a.  Pals,  Pauls,  Paulx. 

^iiND  ^9^,  60^.  «  Evrart  de  — .  »  Opérations  où  sont  mêlés 
Simon   de  Grenans  et  Simonin  de  Louche.  Pacy 
(Yonne)?  Le  personnage  serait-il  identique  à  Eve- 
rart  de  Percey,  mêlé  aux  mêmes  affaires,  et  ■^iJNs 
serait-il  identique  à  Percey? 
in'^'a'^lptî'D,  tr^'^'^^npN'D,  54  J  ;  V:^-i-i-ipN'D,  54^  ;  "iV^i-^ipjî'D,  39  J,  51  b\ 
^^'rnpN'D,  54^  ;  n-i'àipVD,  5i^;  n^':^ip'D,  54*.  Fau- 
cogney  (ÏI.-S.). 
^iî'^nND,  ti"''nD,  35  a,  39  *,  etc.  Paris  (Seine). 
'^♦'D'n'D,  y^N'VD.  y^'m'D,  14  b,  45 o^,  46*,  etc.  Fouvans.  Fouvent- 
le-IIaut  ou  Fouvent-le-Bas  (IL-S.,  Gray). 
'i''k'»<jaiD  I,  29  *.  Fontenay-les-Montbozon  (II.-S.). 
b'^U^N'pb '^'^NwlîVd  I  45*.   Fontenay-le-Chastel.  Fontenoy-le-Chàteau 
(Vosges,  Bains). 
vu5i">-iD  0*,  22flj;  ■^V'^inD,  34*.  Pusey  (II.-S.,  Vesoul).  Voir 
aussi  ïT'tîiD. 
^^■^5-1112  3  *,  7  *,  etc.  Pusel.  Identique  au  précédent  ? 

vc^iD  Voir  V'O'^'^ir). 
^2-'"'bi'D  4  â!,  35  a;  '^as-^bis,  I  24*,  II  12*.  Poulains,  Foulain 
(II.-M.,  Nogent).  Peut-être  plutôt  Filain  (H.-S., 
Montbozou),  dont  le  nom  vient  de  Fons  Lana  (fon- 
taine de  la  Laigne),  et  qui  s'est  appelé  successive- 
ment Foulans,  Foulans,  Foulains,  et  enfin  Filain. 


182  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

'■'■'ibi'D  56  b.  Foulenay  (Jura,  Chaumergy). 
îiN'^bnîîiiûSis  44  b.  Pontarlie.  Pontarlier  (Doubs). 
T^'^bLûiiD  ^a,  9à,  etc.  Pontailler  (G.-d'Or)  K 

yaiD  12^;,  46^,  II  i  a,   Id,   Ua.  Pons.  Pont  (Côte-d'Or, 
Auxonne,    ou   Vosges)  ?  Plutôt    Pont-les-Vesoul 
(H.-S.,  Vesoul). 
^■^'i^-ipVs  Voir  !rî->':i^ipN'D. 

a^-i£)  I  45  â^  ;  II  7  6,  etc.  Port.  Port-sur-Saône  (H.-S.). 
ln"'D  hy  aiiD  I  45  a.  Porl-siir-Scie,  P.-sur-Scey.  Le  même  que  le  pré- 
cédent, car  Scye  et  Scey  sont  tous  deux  au-dessous 
de  Port-s. -Saône. 
n-i^DID  «  Odot  de  —  ».  Pussie.  Pnsy  (H.-S.,  Vesoul)  ?  Voir 

Xû"\>  Lûms  31  a,  Petit-Port,  ou  peut-être  un  Port  moins  impor- 
tant que  Port-s. -S.   et   appelé  ainsi  pour   cette 
raison. 
'^12'^^t)  58  h,  ii5N!?3'^2,   58  b  ;  ilJ'Tû'^D,   8  a,  58  h.  Pêmes.    Pesmes 
(H.-S.). 
i^'û^l'D  i<'-i">'»D  29  a.  Pierre  frite.  Pierrefaite  (H.-M.,  La  Ferté)   ou 
Pierrefitte  (Vosges,  Darney). 
I15&<^->û  et  11553^D.  Voir  'Ol2^^ti. 
^-i^-ii-iVd  I  45  â^.  Ferrières-les-Ray  (H.-S.,  Gray)  ou  Ferrières- 
les-Scey(H.-S.,  Vesoul). 
'^î^T'S  59  à,  60  a.  Percy.  La  rencontre  des  noms  de  Grenans 
et  de  Louche  dans  le  passage   où   se  trouve  ce 
nom  paraît  indiquer  que  cette  localité  est  ou  bien 
un  des  deux  Percey  de  la  Haute-Marne  (canton  de 
Longeau  et  canton  de  Prauthoy),  ou  bien  Percey- 
le-Grand  (H.-S.,  Ghamplitte).  D'un  autre  côté,  le 
nom  est  aussi  écrit  "^i^ns,  59  a,  ce  qui  pourrait  être 
Parcey    (Jura,  Dôle),  où  se  trouve  aussi  la  ville 
de  Choisey,  qui  est  également  nommée   dans  le 
passage  (■''O'^t-ip).  Voir  aussi  ""irNS. 
^':;t<b'D,  N^:>t<b'D,  rT'':iNb'D,  '^':iNb'D,  '^'y^^^^''^,  ir^^ijb'D,  47  a,  60  ^. 

Flagy,  Flaigy.  Flagy  (H.-S.,  Port-s.-S.]. 
i::a-«NbD,  uja'^\NbD,  2  *,  \\  a,  25  a,  31  6,44  a.  Plaits,  Plaites. 
«  Girart  de  —  ».  Plottes  (S.-et-L.,  Tournus)?ou 
Palante  (H.-S.,  Lure)'? 

*  Le  catalogue  imprimé  des  mss.  hébreux  de  Paris  contieul  quelques  renseigne- 
ments erronés  sur  un  beau  ms.  du  Pentateuquo  portant  le  n°  36.  Ce  ms.  a  été 
écrit  le  jeudi  18  tammuz  (non  12  tammuz,  car  le  12  tammuz  do  l'aunée  en  question 
n'était  pas  un  jeudi)  ilOGO  (  :^  18  juillet  1300]  à  Fouluay  "'jblD  (non  Polijrny]  par  un 
scribe  nommé  Joseph  de  i*onlail!cT  "',X"'bNZ2:iD  (non  Pontarlier.  îlN'^b-I^ÎID',  pour 
un  H.  Aron  fils  de  Jacob.  Comme  ce  beau  ms.  a  évidemment  coûté  très  cher,  il  nous 
parait  à  peu  près  impossible  quo  le  R.  Aron  qui  l'a  acheté  n'ait  pas  été  en  relations 
avec  llélie  de  Vesoul  et  ne  soit  pas  nommé  dans  nos  mss.  Il  est  donc  probable  que 
c'est  uu  des  Aron  nommés  plus  haut,  au  paragraphe  I. 


DEUX  LIVRES  DE  COMMERCE  DU  XIV"  SIECLE  1S3 

^-insfc^Vs  8  âJ,  lOa,  etc.,  pays  de  Flandres. 

r;-''i':\b'D  Voir  "^'r^^^b'D. 
D'in'r^'^iibD  et  DTn':\"ibD,  49  a.  Flavignerot  (G. -d'Or,  canton  ouest 
de"  Dijon). 
'^'Ti^j'D  44  a,  48  a.   Fleurey.  Fleurey-les-Faverney  (H.- S., 
Vesoul).  Il  y  a  encore  deux  autres  Fleurey  dans  la 
H.  S. 
t:573^^5'D  12  b,  35  â^,  etc. /(97i^r«Wâ;;e^.  Fondremand  (H.-S.,  Rioz). 
!-5^':;ipD  Voir  lT'':i^ipN's. 

5<r'iN'n's  48  a\  NS^in'D,  56  6.  Fraine.  Fresne-Saint-Mamès  (H.-S.) 
ou  Frasne-le-Château  (H.-S.,  Gy)  ? 
ta-<ij^^j^'2-'b  î<5'^"'Nn'D  50  ^,  52  b.  Fresne-Livadois,  Fresne-le-vaudois? 
Un  des  deux  endroits  précédents  ? 
N'T^-''p3î<'3l'iû  I  45  a.  Provenchère  (H.-S.,  Port-s.-S.). 
L:Ti':\'^"'nn£!  49  «.  Froigerot.  Comme  tûiYr^^^nbs? 

•^•^ain'B  et  "l^^a-n'D,  US'^.'^^LÎin'D,  I  1  à  8  ;  H  8  ^,  8  J,  21  ^,  24  J, 
etc.  Frotey,  Frotter^  i^^ro^ier^.Frotey-les-Vesoul  (H.- 
S.,  Vesoul).  H  y  a  aussi  un  Frotey-les-Lure. 
^y-is  9  ûj,  18  *,  22  «.   Presle  (H.-S.,  Dampierre-les-Mont- 
bozon). 
amp'^'n'D  57  a,  Frécourt  (H.-M.,  Neuilly-l'Evêque). 
us'^'iD  Voir  iï:i'n&<£). 
■'it'iD  Voir  ■«it'T^D. 
-«^inNiS  7  a,  «  Richart  de  —  ».  Voir  ■>'ln1^^'nt5. 
N'plt:3N2J:  42  a.  Santoche  (Doubs,  Glerval).  fi^'piciïii:,  43  a. 
IliS  56  b.  Son  (Ardennes). 
p'niit  «  Loreillart  de  —  »,  55  b\  Loreillart  de  p'T^ii:,  »  40  ^, 
15  b,  40  b.  Serc,  Sorc.  Parait  être  Cerre-les-Noroy 
(H.-S.,  Noroy),  car  est  nommé  près  de  Montjustin, 
n  55  J.  Henri  de  Faucogney  a  des  biens  à  pniiS. 
Cerre  s'appelait  autrefois  Gerc,  Gerq. 
y">-i^ii:  Voir  y'^'-i:i3. 

intî-^it  51  b.  Scye  (H.-S.,  Port-s.-S.). 
yN^^ui'^ir  46  b.  Citeyes.  Citey  (H.-S.,  Gy)  ;   nommé   à  côté  du 
Bucey  ('voir  "^iTin)  et  Fondremand.  Bucey  est  pro- 
bablement ici  Bucey-les-Gy. 
p'i^ii:  Voir  p^niT. 
N'pn!:23ii:  Voir  N'pmsi^is, 
^îî^riiit  60  b.  Secenans  (H.-S..  Villersexel). 
nD^ii:  15  «,  41  a.  Nom  hébreu  biblique  Çarefat,  qui,  suivant 

l'usage,  désigne  la  France  '. 
'^'-l'ni^'p  et  ">-T^SN'p,  15  ^,  52  b.  Chauvirey.  Ghauvirey-le-Ghâtel, 
ou  Chauvirey- le-Vieil  (H.-S.,  Vitrey). 


emploie  ce  nom  pour  désigner  la  France  du   domaine  royal  ;  le  ps 
n'est  pas  la  France,  car  il  prête  de  l'argent  à  quelqu'un  «  pour  aller 


184  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

•l'^lîns&^p  "jN  y^Np  47  ^.    Châlel-en-Cambresi.   Le  Cateau-Cambresis 
(Nord). 
'jib'^iJN'p  45  a  "jibb^Ls^J^î^'p,  45  h.  Châtilon,   Chastilon.  Châtillon- 
sur-Seine  (Gôte-d'Or)  ou  Ch. -s. -Saône  (Vosges,  La- 
marche).  Il  y  a  aussi  des  Ch.  dans  le  Doubs. 
•^Wiri.S'p  7  a,  40  d.  Châteney  (H.-S.,  Saulx). 
tîTJNb^'p  10  a.  Un  des  trois  Chalautre  de  Seine-et-Marne. 

inbNp,    WDib^'p  ,   4^,15^.   Châlon,   (7M/o?^5.  Probablement 
Châlons-sur-Saône  {Saône-et-L.i. 
\n':i'^'^ii:'nN):N'p,  ys^^nN^ï^'p,  60  a  Chaumerscignes,  Chaumercines.  Chau- 
mercenne  (H.-S.,  Pesmes). 
iTiinjNp  43  J).  Gambron  (Somme)  ?  ou  prieuré  de  Gambron,  à 

Mons  (Belgique)? 
'T'IIjî^P  41  a.  Ghampdivers  (.Jura,  Ghemin). 
N"j^b:N^'p  14  b,  hlb.  Ghamplitte  (H.-S.)  ;  "J^bai'p,  17  a. 

•^i:N'p  9  a,  24  a,m  a\   -^^i^p,  I  t'i  a-,  ""irp,   I  13  d,   H,  2i  b. 
Chassey.    Probablement    Ghassey  -  les  -  Montbozon 
(H.-S.,  Montbozon),    ou  Ghassey-les-Scey  (H.-S., 
Seey). 
■^'rilN'p  28  b,  54  b.  Chargey.  Ghargey-les-Gray  (H.-S.,Autrey), 
ou  Ghargey-les-Port  (H.-S.,  Gombeaufontaine). 
'^'iN'p,  '^'np,   \   b,  ^  a,  etc.  Chari,  Charey.   Ghariez  (H.-S., 
Vesoul) . 
Uî&î^n&<'p,  59a;  "^î^J-i^'p,  \^a.  Charmes,  Chermes.  Gharmes  (G.-d'Or, 
Mirebeau,  ou  II. -M.,  Neuilly-l'Evêque),  ou  plutôt 
encore  Charmes-Saint-Valbert  (H.-S.,  Vitrey).  Voir 
N'?jl'^'^p&^b. 
•^ub-'^T^Dli^'p  6  ^',  18  «;,  54  a.  Gharmoille  (H.-S.,  Vesoul). 

'^\^j_"]î<'p  ^  a.  Charnay.  Gharnay  (Doubs,  -Quingey  ;  ou  Jura, 
commune  Graye  ;  etc.).  M.  l'abbé  Morey  pense  que 
le  mot  désigne  Essernaj^  (voir  plus  haut\  en  patois 
Echana  et  Ghana. 
b^"j">:)wSp  34  b.  «  Vinot  Lesordel  b^HûCîNpTi  »  et  «  Vinot  Lesordcl 
du  ^15.  y>  Le  CJiastel.  Le  château  de  Vesoul,  établi 
sur  la  colline  appelée  La  Motte,  près  de  cette  ville. 
Les  afîaires  avec  le  chastelain  ';^b::*wî^'p  et  sa  fa- 
mille se  trouvent  II  17  ^,  18  a. 
';"ibb'^::"iLWp  Voir  lib^'jN'p. 
N:'^'^b::'w\N'p  26  a.  La  Ghàtelaine  (Jura,  ArboisV 
•jV^mmp  32  a  ;  lV:i-'.'^'D-np,  55^.  Gomberjon  (H.-S.,  Vesoul). 
ort^Vn-ip  2  a,  M*b.  Convlans.  Goublanc  (H.-M.,  Prauthoy)?Ily 
a  aussi  un  Goublanc  dans  la  S.-et-L. 
^':op  57   b.  Cages.   Gogcs  (Jura,   Bletteraus  .  La   place  du 
signe  '  n'est  pas  certaine  ;  dans  le  ms.,  clic  est  sur 
le  "1.  L'eadroit  est  nommé  avec  Mirebeau  et  Oisilly  : 
si  donc  on  lisait  Ci'^i'p,  on  obtiendrait  Cheuges 
(Côte-d'Or,  Mirebeau-sur-Béze). 


DEUX  LIVRES  DE  COMMERCE  DU  XI V^  SIECLE  18o 

anï^b-'U  NûJip  27  a.  «  La  vigne  de  Gérart  de  Côte-  Tilart  ».  Le  nom 
pourrait  se  rapporter  à  la  vigne,  Gôte-Tillart  serait 
dans  ce  cas  un  clos  près  de  Vaivre  et  de  Chariez. 

■«'^"Jip  52  a.  Cotry,  Coutry,  Conlry. 
UîN-^^Vp  30  «,  5i  a,  58  b.  Choies.  Choyé  (H. -S.,  Gy). 
'^'D-'-'ip  lOâJ.  Coiffy.  Coifly-le-Bas  ilL-M.,  Varennes),  ouCoifly- 
le-Haut  (H.-M.,  Bourbonne). 
'^-iwN7:'-)'^'^"ip  Voir  ^^N^o^ip. 
i'tJ->'«Vp  et  '^^Uii"'"i'p  47  a.  Choisey  (Jura,  Dole). 
'i-i^"'''1p  45  b.  Guiserey  (Gôte-d'Or,  Mirebeau-sur-Bèze).  Il  y 
a   un  Guisery  dans   la  Saône  -  et-Loire ,   canton 
Louhans. 
'T^^::"i^t^bip  et  ^"^^Lû^^b^ip,  9  «;,  15^,  18^,  etc.   Coîmoutier,  Corl- 
moulier,  Galmoutier  (H.-S.,  Noroy-le-Bourg). 
Jsnibip  I  12  à  U.  Golombe  (H.-S.,  Noroy-le-B.). 
■^mbip  10  ^,  14  ^.  Probablement  comme  le  précédent.  Il  y  a 
des  Golombey  dans  la  H.-M.,  (canton  de  Glefmont 
et  de  Juzennecourt). 
-T^-imblp  56  â^.  Golombier  (H.-S.,  Vesoul). 
'.^'^"'^^"rîNb'Dnp  «  près  Favernay,  »  I  45.  Gonflandey  (H.-S.,  Port- sur- 
Saône). 
Lûlip-^YDlp  53  a  Confricourt.  Gonfracourt  (H.-S.,  Dampierre-sur- 
Salon). 
^Jî'pi'p  59  a.  «  Le  Seigneur  de  — .  »  CJioches,  Chouches.  Proba- 
blement UJtî'pip  Gouches  (Saône- et-Loire). 
•viJSNbpip  et  UJNbpip  «  près  Port  »,  I  /i5  a.  Cuclans.  Guclos  (H.-S., 
commune  Port-sur-Saône). 
■^■"i^mp  26  5,  %^a.  Coray,  Coiiray.Curay^  etc.  «Geofîroy  deG.,  » 
demeurant  à  Noidans. 
i^'pin'mp  I  22  a,  28  a.  Courbouche.  Gourboux  (H.-S.,  Rioz)? 
lV:\^^3ip  Voir  ';V:^'n-in"!p. 

';V:3b-np  24  ^^  ^,  27  ^,  31  a.  Corlevon.  Goulevon  (H.-S.,  Vesoul). 
n^-^r^i^ob^ip  Voir  i^'^;::i)2i<bip . 
^^5<73'mp  57  a  ;   "•ntî^ûT^^ip,  50  a,  Cormary^  Curmary.  Gromary 

(H.-S.,  Rioz). 
^b'^itmp  ^'^  a.  Gorcelles  (H.-S.,  Héricourt). 
"ib"T''>'p  3  b,  30  a,  50  b.  Chierleic.  Célèbre  abbaye  de  Gherlieu 
(H.-S.,  Vitrey). 
•^bb-i-^^vp  et  •^vbb'^'^'^vp,  ^^ypn,^vp,  5  ^,  8  a,  29  b,  49  a,  54  a.  Ghe- 
milly  (H.-S.,  Scey-sur-Saône).   «  Le   camp  b">n  de 
Ch.  s  «  le  fort  ^y:^i2  de  Gh.  » 
-lit-ip  Voir  ^iiiwNp. 
'^J^^-^'p  Voir  '^îû-iN'p. 
;r)i<-nn''bp  38  b.  Clairvaux  (Jura).  Il  n'est  pas  impossible  que  le 
nom  désigne  Clerval  (Doubs). 
wNî-^^-jsn'D'T'bp  50^.  Abbaye  de  Glairfontaine  (H.-S.,  Amance,  près 
^Polaincourt) . 


186  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

D'^bns'p  Voir  N-j'^biî'î'p. 
liTp  Voir  -^itt^p . 
'i:r3'uîî<"ip  et  iiiiuî'np,  57^.  Cresancey  (H. -S.,  Gray). 
b'^32np  et  b'^52"«^p,  11e^,  35^.  Crevenel.  Creyeney  [U.S.,  Saulx). 

iip  Voir  "t-iNp. 
b-'^n'^-ip  Voirb-^innp. 
''^3^'np  Voir  -iits'^aN-ip- 
'^'^■^'^N  "Q^p  37  tt;  V:iC3nN\a,  121^;  V^iis-j-iU),  I  34  a;  "i':;'^Nt2'^UÎ,  I  22  a; 
'^'aNi:3"«"«;ï),  I  45^;  v^^iv^,  II   25  «^  ;  ■^';ar-«U5,  H  25  «. 
Saint-Tgny  (H. -S.,  Noroy-le-Bourg)  ou  plutôt  l'an- 
cien hospice  Saint-Aignan  de  IS'oroy.  ^':^^'^  -c^p  (ou 
'^':i"i::  wlp),  n  40^,  parait  être  une  forme  de  ce  nom 
provenant  de  ce  qu'on  aurait  joint  au  nom  véri- 
table le  t  du  mot  saint  ;  Saint-Tigny  au  lieu  de 
Saint-Igny. 
•\b  US'Tp  et  t]nb  ^np,  54  ^,  60  a.  Saint-Loup.   Saint-Loup-les- 
Gray  (H. -S.,  Gray),  ou  Saint-Loup-sur-Semouse 
(H. -S.,  chef-lieu  de  canton). 
^«'^"iN'?^  I15np  et  !nN'^"-i72  Ui'ip.  13^,  55^.   Sainte-3Iarie.  Sainte-Marie 
en  Chanois  (H. -S.,  Faucogney)  ou  S. -M. -en-Chaux 
(H.-S.,  Luxeuil). 
li'TT^a  ili'Tp  42  b,  43  b.  Saini'Mardon.  Semmadon  (H.-S.,  Combeau- 

fontaine). 
\'^'û'^l2  '^îïlp  28  «.  Saint-Martin  (II. -S.,  commune   de    Faucogneyl. 
L'église  paroissiale  de  Faucogney  s'appelle  Saint- 
Martin  ;  elle  est  placée  sur  une  hauteur,  le  bourg 
et  le  château  en  bas.  ^"^'^^2  'Olp  l^bi?:,  25  «,  *  mou- 
lin Saint-Martin,  »  moulin  de  la  commune  de  Ve- 
soul  (H.-S.). 
'■'b'^rant]  xy^"^  59  b  (ou  'l'btJi?^  U'^O,  la  lecture  de  la  lettre  qui  suit  le 
•i  est  très  douteuse).  Saint-Martily,  Sai7it-Mar- 
teley  ?  Peut-être  ">'bi£^''3  r:^o,  Saint-Marcily  ?  Les 
Marcilly  sont  nombreux  en  France.  Peut-être  Saint- 
Marcel  (H.-S.,  Vitrey). 
^^Nb-ip^3  'dp  20  a.  Saint-lSicolas  (Côte-d'Or,  Nuitsl 
b"'"'"i'5'T'D  wip  Voir  ce  nom  dans  la  liste  du  paragr.  III. 
;UNnp3D  [^"ip]  1 14  rt,  etc.  Saint-Pancras.  Le  nom  entre  dans  la  com- 
position des  noms   de  Dampvallcy-Saiut-Pancras, 
de  Bétoncourt-Saint-Pancras  (H.-S.)   Isolé,  il   ne 
désigne  pas  une  localité,  mais  ou  bien  un  saint, 
non  une  localité;  ou  bien,  s'il  désigne  une  localité, 
le    prieuré    de    Saint-Pancrace,   à    Fontaine-les- 
Luxeuil. 
'':j:"'''ip  'w'ip  16  fl.  Saint-Quentin  (Aisne)  ;  '('^crr'^'^ip  t:r'"'Nr,  13^. 

■^^n  ;r*ip  7^,  47^  ;rT^72n  dp,  47  b.  Saint-Komy^ll.-S.,  Amance). 
n:"»''NUJ  Xjip  57  b.   Saint-Seine.   Saint-Seine-lAbbaye  (Côte-d'Or. 


DEUX  LIVRES  DE  COMMERCE  DU  XIV°  SIÈCLE  187 

chef-lieu  de  canton).  Il  y   a  encore  deux  autres 
Saint-Seine  dans  la  Côte-d'Or. 
i-ij^-i  58  b.  Ray- sur-Saône  (H. -S.,  Gray). 
y^î^-i  15  b.  Paraît  identique  au  précédent  ou  au  suivant. 

«  La  femme  du  seigneur  de  — .  » 
ttîSN'n  52  h.  Rans  (Jura,  Dampierre). 

yj^-)  \^  a.  Identique  au  précédent.  «  Le  seigneur  de  — .  » 
ïi5l'73&î':^"i'i  et  xy:^12''^^'^,  45  b,  53  b,  54  b.  Rougemont  (Doubs,  Bau- 

me-lesDames  ou  G. -d'Or,  Montbard). 
^5"'''?o'»'^'i^  39  b  ;  U55''"i?3n'i,  I  28  b,  Romains  (Doubs,  Rougemont). 
Il  y  a  aussi  un  Romain  dans  le  Jura,  canton  de 
Gendrey. 
•c:'-i'^V;a-i-i-i'-i  I  39  b.  Rosières-sur-Mance  (H.-S.,  Vitrey). 
i255Nbi^  7  b.  Roulans  (Doubs). 

1IÎ5"''^731^  Voir\255'^^72'^'^Tn. 

Vdi-i  53  b,  56  ^;  ït^'di^  56  b.  Ruffey  (Jura,  Bletterans).  Il  y 
deux  Ruffey  dans  la  Gôte-d'Or,  canton  de  Beaune 
et  canton  de  Dijon.  Il  y  a  encore  un  Ruffey,  avec 
vieux  château,  près  de  Marnay,  sur  l'Ognon  (Doubs, 

Audeux). 
tJ-ji'pTn  I  39  b.  Voir  ^<-J^p^^i<b. 
aii^û^i'^^'i  14  ^,  18  b.  Remiremont  (Vosges). 
nN'^"iD'''-i  58  b.  Voir  ïiis-'U5->'n&<b. 
'iDiî'msi,  ^ï5'n-i5^,  iiîN'n-^s^,  58  a.  Rénoves ,  Renèves .  Renève  (Côte- 

d'Or,  Mirebeau). 
î-511-i'nN^  8  a.  La  Savoie.  «  Pour  l'envoyer  en  Savoie,  » 
■^'isilN^  60âJ.  Saimgney.  Sauvigney-les-Angirey  (H.-S.,  Gray) 
ou  S.-les-Pesmes  (H.-S.,  Pesmes). 
C^nj^^  Transcription  de  l'adjectif  <çftm^.  Voir  les  mots  com- 
mençant par  1151p.  De  même  "cr^"^,  îiû'i'^iu,  U5'>'^\D. 
•^^«115  36  a  ;  11^125,  46  a.  Scey.  Scey-sur-Saône  (H.-S.). 
';i':\-«b&îil5  59  b.  Salignon.  Saligney  (Jura,  Gendrey)  ? 
iiTi-^bî^iD  23  ô,  41  a,  60  a.  Salins  (Jura). 

ii-i^'^i2i  15^,  19^;  n^^'^^Vn;!),  8  a.  Savoy  eux  (H.-S.,  Dampierre- 
sur-Salon).  'i^i^irî,   10  ^,  le  même  («  Messire  Hu- 
gues de  —  »]  ?  Voir  "^"("int^NS. 
b"i'^"'N'^iï5  20  a.  Savayol.  Le  même  que  le  précédent. 
'i-)inu5  et  "i5^"i''Y3U5.  Voir  '^*i*in'3U5. 
^1113  Voir  D'^N'O. 

Lj-^ia  52  b  «  Messire  Jehan  de  —  ».  Set,  Saint,  Seini  ?  Se- 
rait-ce Scey-sur-Saône  (H.-S.),  autrefois  Set  ? 
^11^3  Voir  a-^î^uJ. 
l'^i^b'^ia  I  14  ^.  Silley  (Doubs,  Baume-les-D.,  ou  Amancey). 
iD-^Uî  58^.   oc  Les  domestiques  de  i^iuî  »,  Peut-être  Scey, 
comme  aiuj. 
aiip3-iDiî5  52  âJ.  Senoncourt  (H.-S.,  Amance), 


188  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

a'Tipj'i'n'^15  48  a.  Seroncourt.  Serocourt  (Vosges,  Lamarche). 
N-nuj  54  a.  Seurre  (Côte-d'Or). 

Outre  ces  noms,  nous  trouvons  dans  nos  manuscrits  les  rensei- 
gnements topographiques  suivants  sur  un  certain  nombre  de  loca- 
lités mentionnées  dans  la  liste  précédente  : 

Baume-Us-Dames.  Henry  de  Leynes,  demeure  à   B.  n^^sïi  '^1"int<», 

«  derrière  la  colline  »,  44«. 

Chassey.  ^^i  r^s-i^n  b'*:)  N;:3ipM  «  la  côte  (de  vignes)  du  grand-doyen, 

qui  était  au  chancelier,  »  9  «:.  —  Vigne  de  la  corre  (la  colline) 

.N'",ipî<b,  après  le  grand  doyen,  ^  a.  —  Vigne  de  la  plante  (= 

nouvellement  plantée)  de  lUiî^p  (chans^  champs  ?\  26  a. 

Charey.  Vigne  de  Gérart  de  D'-iNb^::  N:jip.  Voir  ce  nom  hébreu  au 

paragr.  II. 
Chemilly.  Le  -^11:73  (fort)  de  Ch.,  5  6.  —  Le  b-^n  (camp)  de  Ch.  8«.  Il  y 
a  encore  maintenant  à  Chemilly  un  vieux  châleau-fort,  à  l'em- 
bouchure du  Durgeon. 
Çomderjon.  La  fontaine  de  G.  I  17^.  Peut-être  un  nom  d'homme,  La- 
fontaine. 
Dampvalley.  N'i^"«^î<'pNb.   «  La  charrière  (chemin  assez  large  pour 

donner  passage  aux  voitures)  de  D.  »  1 15^;. 
Echenoz.  Vigne  "ii'iii'ni^':^  Gévigney  (c'est-à-dire  vigne  du  seigneur 
de  G.?),   23a;.  —  Perrenot  NnLDT^lûn  (Duterlre,  ou  du  tertre) 
d'Ech.,  I  39^.  —  Une  vigne  plante  NL::N*bD  en  un  endroit  appelé 
'lïî'^'^np'^b  (les  crès,  les  croix  ?),  entre  le  champ   (ou  la    terre 
y^tî)  du  y^b^l3  (Burlès,   Burlin,   nom  d'homme?)  et  la  vigue 
de  la  côte,  NHûip^b  b':i  d'nîD,  9«.  La  côte  serait-il  un  nom  de 
personne  ?  Echenez-la-Méline  est  situé  entre  deux  côtes,  dont 
l'une  (à  l'est)  s'appelle  Les  Gôtets. 
Frotey.  Vigne  'ji^Npn  (Le  caron,  nom  d'homme?),  29  «.—  Vigne  qu'on 
appelle  N':ii^ii::Nb  (l'enseigne?  Tensinge  ?),  29  a.  —  Vigne  de  la 
treille  Nb'i\STi:3,  29  a.  —  Un  cours  d'eau  désigné  par  le  nom 
Nn"''''nN-iNb  «  La  ravière  »,  qui  semble  bien  être  un  nom  propre, 
9^.  Serait-ce  la  Colombine,  ou   un   petit  cours  d'eau  qui  s'y 
jette  près  de  Frotey  et  qui  s'appelle  la  Font  Champdamoy  ?  ou 
le  grand  o-avin  du  Frais-Puit?  —  Le  pont  de  Frotey,  29  a. 
Gray.  Ilugenin  Uj^dii  de  Gray,  44  a.  Ce  n'est  probablement  pas  un 

pont,  mais  un  nom  de  famille,  Ilugenin  Dupont,  de  Gray. 
liévans.  L'hôpital  bwN'j^nb  de  L.,  I  20  b.  Cet  hôpital  relevait  du  cha- 
pitre de  Calmoutier. 
Noidans.  La  forêt  ^y-^  de  N.,  20  a. 

Noroy.  Odot  de  y->-^-npj<b  (la  croix)  de  N.  I  28  a.  Il  est  probable  que 
c'est  un  nom   de  personne,  Odot  Delacroix.  —  Villcmin  de  la 
fontaine  (ou  de  Lafoulaine)  de  N.,  I  26  b,  30 ri. 
Navennc.  Un  champ  situé  sur  la  rivière  de  la  corre  N-npb?3  nï^rrî,  9fl, 
probabloment  le  Ru  de  la  corre  dont  il  est  question  à  Vcsoul  :  . 


DEUX  LIVHKS  DE  COMMERCE  DU  XIY"--  SIÈCLE  \H'.i 

voir  ce  mot.  —  Vigne  Nnnpisb  la  corre  du  "i^NbtûCnbD,  23  «  ; 
Plostelin,  nom  d'homme? 
Salins.   ^nsbwSUîwSb    de    Salins,    44  a.    Cette  saulnerie  (saline)  était 
célèbre.  Voir  aussi  ce  nom  plus  haut,  dans  la  liste  des  lo- 
calités. 
Vaivre.  NiwVpî^b  la  charre  de  Vaivre,  3  û;.  Probablement  le  chemin 
creux  qui  monte  la  côte  entre  deux  murs,  le  long  des  vignes 
et  conduit  à  Ghariez. 
Velleguindrey.  Le  chastelet  de  V.,  I  ?»0a.  Il  y  avait,  en  effet,  un  châ- 
teau à  Valleguindrey. 
Vesoul.  On  connaît  déjà,  par  la  liste   qui  précède,  le  chastelet  de 
Vesoul  et  le  prieuré  du  Marteroy. 

Les  Rêpes  u3D"'"''-i">b  9  a,  bois  situé  au  N.  de  Vesoul.  Il  y  a  les 
grandes  Rèpes  et  les  petites  Rêpes. 

Le  chemin  qui  va  à  Presles  9  a.  Il  parait  que  ce  chemin  existe 
encore  aujourd'hui. 

Le  \'^bM2  moulin  Saint-Martin,  28  a,  situé  au  S.-O.  de  la  ville, 
sur  le  Durgeon  ou  plutôt  sur  un  canal  dérivé  du  Durgeon.  Ce 
moulin  est  aujourd'hui  transformé  en  fabrique  de  pâtes  ali- 
mentaires. 

Vigne  du  piit  (hébreu,  =  rocher),  9  a,  probablement  la  fameuse 
vigne  de  la  colline  appelée  la  Motte,  située  au  N.  de  V.  Elle 
est  près  de  la  rivière  nïi5,  27  ^  ;  le  Durgeon  baigne  le  pied  oc- 
cidental de  la  colline.  —  Vigne  au  pied  de  la  montagne  (la 
Mottei,  appelée  vigne  Ghevançotte  isrûiiiijt^'n'p,  9  a,  25  a,  27  à.  — 
Vigne  sous  la  fontaine  Saint-Martin  (fontaine  qui  est  sur 
la  Motte),  9  a.  —  Vigne  près  de  la  rivière  qu'on  appelle  Ru- 
Saint- Martin,  9a.  Le  mot  ru  (ou  rupt)  signifie  ruisseau  venant 
d'une  fontaine.  Le  Ru-Saint-Martin  est  la  dérivation  du  Dur- 
geon qui  alimente  le  moulin  Saint  Martin.  —  Vigne  derrière 
Nn"''^'33i'p  Chonvière,  22  a.  —  Vigne  du  ^':>'^n*i'^'^'^i'D  perrier  (= 
poirier)  rouge,  22  a;  vigne  du  '-|"i'^-|'3'^N  ^'^'^'ID  perrier  Évrier,'22a. 

—  Vigne  u:5i<'p^'7  de  chans,  champs,  28  a.  —  Vigne  de  Cochon 
de  la  Morte-pierre,  22  a.  —  Vigne   «  5<L25wNbD  plante  »,  22  a. 

—  Vigne  de  5<n!::'>'3i<U5  ^np  Saint-Savitre  (Saint-Sylvestre  ?^ 
25a,  27^. —  Vigne  qu'on  appelle  'jib'^innpïn  Yh'2  Nrijlp  combe' 
Belin  et  le  Cruillon  (Crulon  ?),  27^.  —  Vigne  du  n'^''':il'^T  ver- 
gier  des  fils  de  Hulot,  27^.  —  Vigne  ïiN"'DNn::\S  étrapie,  27^. 

—  Vigne  istûibn^iï^b  la  goulote  de  Gilbert,  27  b.  —  Vigne  ;:3-iN"'D"'N 
épiart,  28  a.  —  Vigne  la  plante  (nouvellement  plantée)  de 
Jean  Villemin,  28  a. 

Champ  appelé  champ  ^'y^y^  (ou  ';n^ip  ?)  cordou  (ou  corban), 
9  a.  —  Champ  qu'on  appelle  n'^'^':^5n"'a  'jî^T  ï-iN-'nmpi^bn  «  à  La 
corvie  dan  Berangier  »,  près  du  chemin  "^ijs^nNp    carnay   [char- 

'  Combe  =  dépression  ou  polile  valléo  dans  le  patois  local. 


190  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

nay  ?),  9  «.  —  Champ  qui  est  sur  la  fontaine  (n3>'^;::'i'd)  du 
perrier  de  'pals  uîbND^  n^'^nsi'i,  ^  a.  —  Champ  appelé  Mar- 
cadel  b^^NpnNt]  qui  était  autrefois  rêpes  ^D"«n  (rêpes  —  bois), 
^  a.  —  Champ  à  Laforêt  lûinVc^^b  9  a.  —  Champ  devant  la 
N*T''>'7N5N72  maladière  (maladrerie  *),  8^.  —  Champ  sur  le  ru 
(rivière)  de  la  Corre  \  8  ^.  —  Champ  sur  le  fruit  Cherbon  i-id 
imn-^'p,  8  h. 

Sous  le  nom  de  ins  (hébreu,  =  fruit  =  verger)  sont  dési- 
gnés :  le  fruit  '|n2-i'>'p  Cherbon,  8  ^,  9  «  ;  —  le  fruit  de 
«^'^'''pNnNTDNb  la]  Marachière,  entre  la  rivière  et  les  champs, 
9  â^  ;  —  le  fruit  Saint-Martin,  28  a. 

Un  y^D  (fans,  faux  ?)  de  fruit  à  Laforêt,  9  a.  On  appelait  faux 
ou  faulx  (fauchée),  du  latin  falx^  l'étendue  de  pré  qu'un  homme 
peut  faucher  dans  la  journée. 


III 
Les  dates. 

Nous  avons  déjà  dit  que  la  mention  de  chaque  opération  est 
suivie  d'une  date.  Si,  pour  un  même  compte,  les  dates  se  suivaient 
dans  Tordre  chronologique,  abstraction  faite  des  surcharges  et 
des  interpolations,  on  serait  assuré  que  les  dates  indiquent  le  jour 
où  se  sont  faites  les  opérations.  Mais  quoique  Tordre  chronolo- 
gique se  retrouve,  en  gros,  dans  la  suite  des  dates  de  nos  manus- 
crits, il  est  si  souvent  interverti  et  dérangé,  que  nous  avons  dû 
nous  demander,  sans  pouvoir  résoudre  la  question,  si  les  dates 
n'indiquent  pas  le  jour  de  l'échéance  plutôt  que  le  jour  de  l'opéra- 
tion. Si  elles  indiquent  ce  dernier  jour,  l'interversion  dans  Tordre 
chronologique  ne  peut  s'expliquer  que  par  cette  circonstance 
que  les  mentions  inscrites  dans  nos  manuscrits  sont,  comme 
semble  Tindiquer  souvent  l'auteur  du  ms.  II,  recueillies  après 
coup  dans  un  certain  nombre  de  cahiers  de  notes  ou  d'après  des 
communications  verbales  faites  par  les  associés  au  rédacteur  du 
compte,  et  que  celui-ci,  en  transcrivant  ces  mentions,  qui  lui  par- 
venaient de  sources  différentes  et  à  des  époques  dilTérentes,  ne 
pouvait  observer  Tordre  chronologique.  Il  faut  encore  remarquer 
que  souvent  la  mention  des  dates  est  précédée  de  la  préposition 
hébraïque  lamed,  et  nous  nous  sommes  demandé  si  les  dates  de 

'  La  maladreric  était  de  l'autre  côté  du  Durfreon.  au  sud  de  Vesoul,  sur  le  terri- 
toire de  Navcnne,  non  loin  de  1  église  de  Pont-les- Vesoul. 

*  Corre  =  colline  ;  le  ru  de  la  Corre  peut  être  le  petit  cours  d'eau  qui  descend  en 
droite  ligue  de  ISavenue  (au  S.  do  Vesoul)  pour  se  jeter  dans  le  Durpreon, 


DEUX  LIVRES  DE  COMMERCE  DU  XIV  SIÈCLE  191 

cette  espèce  n'indiquaient  pas  l'échéance,  tandis  que  celles  qui 
n'ont  pas  le  lamed  indiqueraient  le  jour  de  l'opération,  mais  nous 
n'avons  trouvé  aucune  indication  qui  nous  eût  permis  de  résoudre 
cette  question. 

Les  dates  sont  généralement  indiquées  par  le  jour  de  la  semaine 
(!•'  jour,  2®  jour,  etc.),  la  section  du  Pentateuque  {loarascha)  qui 
est  lue  pendant  la  semaine,  l'année  de  la  création  suivie  toujours 
de  la  lettre  lamed^  initiale  du  mot  lifrat  u^,Db.  Les  mille  et  les 
centaines  du  millésime  ne  sont  jamais  indiqués. 

Lorsqu'une  lecture  sabbatique  est  ajournée  d'une  ou  de  deux 
semaines,  à  cause  des  fêtes,  de  sorte  qu'il  y  a  deux  ou  trois  se- 
maines d'intervalle  entre  une  lecture  sabbatique  et  la  suivante, 
le  rédacteur  indique  que  le  jour  de  l'opération  appartient  à  la  1''°, 
à  la  2^,  à  la  3°  semaine  en  mettant  respectivement  avec  le  nom 
de  la  parascha  les  chiffres  P'"  (N5:p),  IP  (^du5  et  souvent  "^r^u), 
IIP  ("^uibus)  ;  par  exemple  semini  /,  semini  II,  aharé  II F, 

Il  est  curieux,  quoique  très  logique,  que,  pour  le  rédacteur  des 
manuscrits,  l'année  juive  ne  semble  pas  commencer,  comme  d'ha- 
bitude, au  1*"  tisri,  mais  au  samedi  de  la  1""*  section  sabbatique  du 
Pentateuque  [beréscliit),  samedi  qui  vient,  comme  on  sait,  après 
les  grandes  fêtes  du  mois  de  tisri.  Les  dates  comprises  entre  le 
l**"  tisri  et  ce  samedi,  sont  indiquées,  comme  toutes  les  autres,  par 
la  lecture  sabbatique,  mais  le  millésime  est  encore  celui  de  l'année 
précédente,  et  il  est  le  plus  souvent  précédé  (c'est  là  précisément 
ce  qui  distingue  ces  dates)  du  mot  hébreu  tjnD  (fin).  Par  exemple  : 
6  nissaMm  fin  68  (53  &),  c'est-à-dire  vendredi  de  nissahini  dans 
le  mois  de  tisri  de  l'année  5069.  Une  fois  même  on  trouve  (3  a)  la 
mention  beréschit  fin  76,  ce  qui  veut  dire  sans  doute  beréschit  du 
mois  de  tisri  de  l'an  5077.  Il  est,  du  reste,  probable  que  le  mil- 
lésime des  dates  du  mois  de  tisri,  jusqu'à  beréschit,  est  toujours, 
dans  le  ms.,  le  millésime  de  l'année  précédente,  qu'il  soit  ou  non 
précédé  du  mot  fin.  Ce  mot  accompagne  aussi  quelquefois  les 
dates  chrétiennes,  par  exemple  :  St-Michel  fin  67  (53  &),  St-Michel 
fin  72  (54  a),  St-Maurice  fin  70  (7  a),  St-Rémi  fin  66  (54  a), 
piabi'mp  fin  64,  fin  65  (voir  ce  nom  dans  la  liste  qui  suit)  ;  il  est 
naturel  de  supposer  que,  dans  ce  cas  aussi,  le  mot  fm  a  le  même 
sens  que  lorsqu'il  accompagne  les  dates  hébraïques,  c'est-à-dire 
que  les  mots  «  St-Michel  fin  67  »,  par  exemple,  signifient  St-Michel 
de  l'an  5068  ou  29  septembre  de  l'an  1307  et  non  St-Michel  de  l'an 
5067  ou  29  septembre  1306. 

Très  rarement  les  dates  sont  indiquées  par  des  fêtes  juives.  Les 
dates  de  ce  genre  que  nous  avons  trouvées  sont  ndsïi  ^*iy  2  a, 
Yeille  de  Roscli-haschana  ;  Purim  9  &  ;  Péçah  11  &;  Sabouot  6  a 


192  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

(Pentecôte  désigne  la  fête  chrétienne),  et  ^n  bus  innnNn  m::  ti-»  lia, 
qui  désigne  probablement  le  dernier  jour  (9«  jour)  de  Succot,mais, 
en  général,  l'usage  de  ces  dates  est  rare  dans  les  deux  manuscrits, 
le  rédacteur  dira  plutôt  6  beraklia  I  fin  73  que  éréb  siiccot  (veille 
de  Succot),  3  berakha  II  fin  73  que  4*' jour  de  Succot,  etc. 

Très  souvent  les  dates  sont  indiquées  par  des  fêtes  chrétiennes, 
civiles  ou  religieuses,  par  des  noms  de  saints,  des  noms  de  mois  du 
calendrier  julien.  Voici  le  tableau  des  noms  et  désignations  de  ce 
genre  et  de  quelques  autres  indications  analogues  que  nous  avons 
trouvés  dans  les  deux  manuscrits  : 

LnNi<  I  8«,  II  43  b.  Août;  aiNïi  ^i:n  I  8«,  mi-août.  Voir  :::^5<■^92. 

î<r"'::'^N  2  Z*,  3  a.  Saint  Etienne,  20  décembre. 

"^"i^jii  I  6â^,  II  45  J.  "-iin^siS  "^Ip  I  41  à.  Sailli- Andrier,  saint  André, 
30  novembre. 

'}ii<''irt<i:i<  I  44  b.  Ascension.  Voir  plus  loin  ';-iN'^\r:t<':î.  Le  mot  est  pré- 
cédé d'un  lamed  qui  peut  être  préposition  hébraïque  ou  Tar- 
licle  français. 

^N"i"i"û  Bordes;  ":j^Ti:2b,  uiin^n'^b  Les  Bordes,  I  6  a,  31  û,  II  36«,  30  a. 
La  fête  des  Bordes,  1"'  dimanche  de  Carême. 

n"»i!:3  (hébreu)  30  b.  La  vendange. 

n'^'>)3b"i:3"'n  I  30  b,  Bétolmier  ;  ^^^bL:"i^n  II  bO^,  Bertolmier.  Saint  Bar- 
thélémy ou  la  foire  célèbre  de  Saiut-Barthélemy,  de  Mont- 
justin,  24  août. 

^'yy^'y  '^b\  N'm':^  ût»  10  a;  t^'^niri  ^np  48  b.  Saint  George,  23  avril. 

Nr^N"'b'i':^  52  fl^  ;  Nj"«"'î<'^bi':4b  "i"'"-i"'  foire  de  —,  Mb.  Foire  julienne,  Idju- 
lienne.  Peut-être  la  fête  de  saint  Julien  de  Brioude,  martyr,  cl 
patron  de  plusieurs  localités  de  la  région,  telles  que  Meuoux, 
Frétigney.  Une  des  foires  de  Frétigney  tombe  le  20  août,  la 
semaine  avant  saint  Julien. 

t:'^31  Cip  I  9  a.  Saint  Denis,  9  octobre. 

LÛjif'i  '^lilp  I  44  a.  Saint  Vincent,  22  janvier. 

;:;lN':;5<^"i  et  u^wS':;'!!,  15  a.  Vendanges. 

t<2^y3T.  Voir  t^r^Vnp- 

t3-in^  (hébreu)  1  G  ^,  2ô  ^  ;  II  54  a.  Saint  Jean,24juiu.  Voir  Retue.W ,  1. 

N^Nbipn  'jir;^"' wip  I  18  a.  Saiul  Jean  Décolasse,  c'esL-à-dire  décolla- 
tion de  saint  Jean,  29  août. 

ND^îi  ûT'  (hébreu)  22  a.  Premier  jour  de  l'année  juive. 

pnb  I  20  b  ;  p"ib  c^p  I  \1  b.  Saint  Luc,  18  octobre. 

N:"«bT5<?jr;  ^^  a\  j^rbT?:  59  b.  Mazeline.  Sainte  Madeleine  ?  fête  et  foire 
de  Villersexel,  22  juillet.  Voir  Mazeloine  dans  la  Dictionn.  de 
La  Curne  de  Sainte-Pala\e.  Si  notre  lecture  est  juste,  la  pré- 
sence du  zain  dans  la  transcription  hébraïque  est  contraire 
à  toutes  les  habitudes  de  l'auteur.  On  pourrait  aussi  lire 
Jsrbp^D  Maquelinc^  ou  remplacer  p  par  ^. 

•'ij^):  I  8  a.  Mai. 


DEUX  LIVRES  DE  COiMMERCE  DU  XIV«  SIECLE  lyj 

::5'1£35N  """^N^  S7  ô.  Mai-entrant,  i'^'mai. 

^"•"iit:,  iZ3'^'-n?2  U5'Tip  et  iu-t'ni?3  di"»  I  7^;  Il  7«,  8«.  Saint  Maurice, 
22  septembre  ?  «  fin  de  l'année  »  juive,  dit  le  texte,  I  1  a^  ce 
qui  correspond  assez  bien  au  22  septembre. 

anj^"^^  00  b.  Mi-août. 

bi-i'p^^j  la.  Saint  Michel,  29  septembre. 

Y'cni2  43  a.  Saint  Martin,  11  novembre. 

\^xyM2  ïibn"'''^:?  ût^  ^  ^-  «  Le  jour  où  Martin  sera  (ou  a  été)  pendu.  »  Ce 
jour  est  le  4  vaéra  5072  =  5  janvier  1312.  Est-ce  une  allusion  à 
un  événement  local? 

CNb"ip"'5  UJ^p  I  32^.  Saint  Nicolas,  6  décembre. 

brr^i  I  22  b,  II  54  ab.  Nital  pour  {dies)  natalis.  Noël,  25  décembre. 

N0"^03  Uîlp  I  16^.  Saint  Nacisse.  Saint  Narcisse?  Cette  explication 
est  très  douteuse,  attendu  que  le  d  ne  sert  pas  dans  notre 
manuscrit  pour  la  transcription  des  mots  français  et,  de  plus, 
saint  Narcisse  est  une  fête  qui  ne  se  célèbre  pas  dans  la  région, 
mais  à  Augsbourg,  le  5  août.  D'autre  part  le  mot  n'est  pas 
hébreu.  Si  on  lisait  nû'^d:^,  ce  qui  n'est  pas  impossible,  on  au- 
rait un  mot  araméen  qui  désigne  l'agonie,  et  on  pourrait 
penser  à  la  Sainte  Passion  ou  Sainte-Agonie,  qui  se  célèbre 
le  vendredi  saint.  Il  y  a  aussi  la  fête  de  la  Passion  de  la 
Sainte-Vierge  ou  fête  du  spasme^  qui  se  célébrait  à  la  même 
époque  de  l'année. 

""^i^r  9«,  29^  (rabblnique,  à  l'état  construit,  suivi  du  millésime)  9  a, 
'^9  a.  «  Mortification»,  c'est-à-dire  Carême;  ■^■^123^  no'^ii  I  5  ^, 
Carême-entrant  ;  1112:^  i^tn  l  \9  a,  Mi-Carême. 

N-Jlp-JSi^D,  et  S^-JlpwN-JND,  N-JinpJ^-JNQ,  N'Jlp'JS,  N-J1p-J5D,  N"J':î1p-j:D 
I  5  5,  6  â^,  8  ^,  II  1 4  ^,  45  ^,  50  a,  59  a.  Pentecôte. 

tJfc^ptîD,  lapNS  lOâj,  45  b.  Pâques.  uîpND  n:;n  16  a. 

•£i-ipDNS  ^'ip,  M5-ip5D  l  Mb,  II  47  J.  Saint-Pancrace  ;  fête  ou  foire,  le 
13  mai. 

U55<'^^lbD  'sTipwND  I  24^.  Pâques  fleuries,  c'est  à-dire  dimanche  des  Ra- 
meaux. 

'vZîwVuJibp  ^Npï^D  17^.  Pâques  closes,  dimanche  qui  suit  Pâques,  Qua- 
simodo. 

';i&<''i&i^ND  13  b.  Parutio7h.  Invention  ou  parution  des  reliques  de  saint 
Etienne,  martyr,  patron  de  Port-sur-Saône.  La  fête  de  cette 
invention  se  célèbre  le  3  août. 

b^^Vri'T^ïD  UJnp  1 29^  ;  b-^V:\n-^'^3  Uîip  I  28  b.  Saint- Ferjeinl,  Saint-Fier- 
jeicil.  Fête  de  saint  Ferjeux,  1 G  juin,  ou  foire  de  l'endroit  Saint- 
Ferjeux,  près  de  Besançon,  où  se  trouve  le  tombeau  de  saint 
Ferréol  et  de  saint  Ferjeux,  apôtres  de  la  Franche-Comté,  et  où 
il  y  avait  grande  foire  et  pèlerinage  le  16  juin.  Le  saint  Fer- 
jeux de  la  Haute-Saône  n'avait  pas  de  foire. 

UJN'npiD.  Voir  uîNipSND. 

:û^^^^^  Lî^N-ia^^  nt'd  uî^p  55  a.  Saint  Pierre  entrant  août,  fête  de  Saint- 
Pierre-ès-Liens,  l^^'- août. 

T.   VIII.   N«   10.  13 


194  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

N'icibiN'p  39  a,k^l\  N'U5ibl2N'p  4<  l  ;  NUînb^^Np  I  39  a  ;  è<'^ib^5'p  47  a. 
Chandelouse.  La  Chandeleur,  2  février;  on  trouve  '-i"'b'7jp  't^n 
dans  Mordekhaï,  Ahoda  zara,  chap.  i,  p.  91  h,  cdit.  Riva  di  Trento. 

INn;::^  N^n^p  44  a.  Carême-entrant. 

Nj'^ynp  ou  N^Vnp  ?  I  13  <z,  4  3^,  II  54â^.  Caveline,  Chevalce  (époque 
d'une  chevauchée  ?)  ?  Cavelice  (impôt  de  capitation,  date  de  la 
perception  ;  voir  Ducange,  au  mot  Cavelicium)  ?  Ou  bien  faut-il 
lire  Ni^y^T  ou  NitVnT?  Nous  n'avons  pas  d'explication  pour  ces 
deux  derniers  mots,  qui  présenteraient  cette  difficulté  que  le 
T  serait,  contrairement  à  l'usage  constant  des  deux  mss.,  em- 
ployé pour  la  transcription  d'un  mot  français  ;  cependant  le 
tilde  sur  le  n  indique  suffisamment  que  le  mot  n'est  pas 
hébreu.  Mais  si  l'on  considère  que  le  tilde  de  ce  mot  offre 
presque  toujours,  dans  le  ms.,  quelque  chose  d'incertain; 
d'autre  part  que  ce  mot  semble  gratté  dans  I  Ua  etioû;, 
comme  un  de  ces  mots  hébreux  ou  araméens  qui  désignaient 
les  fêtes  chrétiennes,  on  pourrait  être  tenté  de  voir  dans 
ce  nom  un  mot  rabbinique  avec  terminaison  française?  Il 
semble  résulter  de  I  43  «-13  b  que  la  date  indiquée  par  ce 
mot  est  antérieure  à  la  Saint-Michel.  Enfin,  si  on  lit  Cave- 
Une,  on  serait  tenté  de  traduire  par  Catherine  (on  dit  encore 
Cateline  pour  Catherine  en  Franche-Comté);  ce  serait  la  grande 
foire  de  Vesoul,  tenue  le  25  novembre.  C'était  le  jour  où  les 
maréchaux  de  la  contrée,  d'après  une  découverte  de  M.  l'abbé 
Morey,  venaient  payer  à  Vesoul  leur  marchand  de  fer. 

Û'^O^p  36  a  (hébr.).  Toussaint,  l*^'  novembre. 

pinbi^ip  I  10^  ;  piabnnp  I  10^,  17^,  30  *  ;  pmb-npb  ^-in  I1 18  a.  Corol- 
boc,  Crolboc.  Nous  n'avons  pas  pu  identifier  ce  mot.  On  pour- 
rait penser  à  la  foire  de  Courlevon,  mais  Courlevon,  nous 
l'avons  vu  plus  haut,  s'écrit  avec  un  7i  à  la  fin,  non  un  kof,  et 
notre  lecture  nous  paraît  sûre.  Il  semble  résulter  des  passages 
où  se  trouve  ce  mot  que  la  date  qu'il  désigne  est  postérieure 
au  5  février  (postérieur  à  5  Pecudé  64)  et  antérieure  au  26  sep- 
tembre (fin  an  64)  et  dans  tous  les  cas  au  30  octobre  (avant 
6  toledot  64).  La  date  se  place  dans  tous  les  cas  vers  la  tin  de 
l'année  juive  :  «  fin  64  »  I  17  *  ;  «  fin  65  »  I  30  a  '.  L'expression 
^in  n'indique  pas  que  la  fête  dure  plusieurs  jours,  car  on 
trouve  aussi  n"'?2bi::n"'3  "]^^n  'ôOb  pour  la  Saint-Barthélémy.  On 
peut  lire  p^3b^*np,  avec  d,  mais  sans  plus  de  succès  pour 
l'identification. 

n^p  (aram.).  I  14a,  II  50  a,  52  a.  Choisi  par  assonance  au  mot  hébreu 
nSD  (Pâques);  désigne  la  Pàque  chrétienne.  On  trouve  ce  mot 
dans  une  note  sur  un  passage  du  Mischné  lora  de  Maimonide, 

1  En  admetlaut  que  le  mot  fin  désigne  la  période  qui  va  du  !•'  au  25  tisri,  on  au- 
rait ù  placer  nolro  fête,  pour  l'année  5064,  du   12  septembre  au  6  noyembre;  pour 

l'auucc  liUG5,  du  !•'  au  25  septembre. 


DEUX  LIVRES  DE  COMMERCE  DU  XIV  SIÈCLE  195 

Aboda  zara,  chap.  ix.  La  note  commence  par  les  mots  bNi72u:5 
"i'?3Nl  et  elle  cite  brr^a  et  nitp  comme  étant  les  principales  fêtes 
chrétiennes,  en  se  référant  à  l'autorité  du  Raschbam  et  de 
Rasclii.  Le  Semag,  I,  miçxa  40,  a  un  passage  analogue  :  ïï-i'^d") 
ûnisn'^  \25N^i  ûT«  ^p3?  pu5  no"^pi  bu3  ♦  .♦■^"ujn  û'wn  bisiTaus  'n. 

y^p  (hébr.)  56  è.  Eté. 

pinbnnp.  Voir  pnnbimp. 

•^?3n  ^u^p  20  â;.  Saint  Kemi,  l^''"  octobre. 

NT»a'^n&<^  u:np  43  «.  Saint  Savitre.  Saint  Sylvestre,  évêque  de  Ghâ- 
lons-s. -Saône,  20  novembre? 

N"|i"'ifi<^  nan  49  ^;  !sn">'^Ti25  n^n,  34  â^,  55  â^.  Fête  savière^  suière  ^  Il  résulte 
de  55  à  qu'elle  était  en  Pinhas  70,  c'est-à-dire  du  14  au  20  juin 
4  310  ;  de  49  à  qu'elle  était  en  Pinhas  73;  de  54  â^  qu'elle  était 
vers  Pinhas  73,  c'est-à-dire  du  8  au  4  4  juillet  4  313  ou  vers  cette 
date.  Serait-ce  la  fête  du  saint  Suaire,  qui  était  une  des 
grandes  fêtes  et  grandes  foires  de  la  Franche-Comté?  Le  saint 
Suaire  fut  apporté  d'Orient  après  la  4°  croisade  et  donné  vers 
l'an  1206  à  la  cathédrale  Saint-Etienne,  de  Besançon.  On  le 
montrait  aux  fidèles  le  dimanche  après  Pâque  et  le  dimanche 
après  l'Ascension.  Il  attirait  15,000,  20,000  et  jusqu'à  50,000  pè- 
lerins. La  foire  du  saint  Suaire,  le  lundi  après  l'Ascension, 
était  franche  et  durait  huit  jours.  Malheureusement  les  dates 
de  cette  fête  du  saint  Suaire  ne  concordent  pas  avec  la  semaine 
de  Pinhas  ni  en  4  34  0  ni  en  4  34  3,  car  la  fête  de  l'Ascension  tom- 
bait le  28  mai  en  1 31 0,  le  24  mai  en  4  34  3  K 

';i&^''itDN^  49  a  (ou  probablement  plutôt  "jn-iitii^usb),  'jv^suîb  I  46  a. 
L'Ascension.  Si  le  mot  était  écrit  sans  le  lamed  initial,  il  com- 
mencerait peut-être  par  un  alef  'jT^it^N^N,  "ivuîj^lîis.  Voir  ce- 
pendant, dans  La  Gurne  de  Sainte  Palaye,  le  mot  Scension. 
Voir 'iviti^itN . 

V:;n3"i}û''U5  I  26  a,  33  ^î.  Simoneju.  Saint  Simon  et  saint  Jude,  28  oc- 
tobre. 

Quelques-uns  des  noms  hébreux  ou  araméens  employés  pour 
désigner  des  fêtes  chrétiennes  et  dont  le  sens  pouvait  blesser  le 
sentiment  chrétien  ont  été  grattés.  On  dirait  qu'à  un  certain  mo- 
ment les  deux  manuscrits  ont  été  soumis  à  une  censure  ;  dans  tous 
les  cas  le  propriétaire,  à  un  moment  donné,  a  senti  le  besoin  de 
faire  disparaître  ces  mots.  C'est  ainsi  que  le  mot  N^^VaT  est  gratté 
1  14  a  et  1 15  a  ;  le  mot  û-in'^  il  53  &  ;  le  mot  bn^3  I  6  &,  8  a;  des 
dates  grattées  se  trouvent  encore,  mais  illisibles,  I  11  &  (probable- 
ment ûnn*^),  1 13  1),  15  a,  19  a,  117  a,  12  «. 

*  Le  alcf  avant  le  vav  geue  pour  la  lecture  suière,  suaire. 

*  L'identilicatiou  avec  la  fêle  du  saint  Suaire  nous  a  été  suggérée  par  Mt  E.  Ou- 
verleaux,  sous-bibliothécaire  de  la  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles. 


196  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Au  f^'II  48  &  se  trouve  la  date  «  le  jour  de  mt^iD'n:'  »,  c'est-à-dire 
le  jour  de  la  session  judiciaire  de  Vesoul. 

Enfin,  un  très  grand  nombre  de  fois  les  dates  sont  indiquées  par 
des  foires  ("}^i'^)  qui  avaient  lieu  dans  la  région.  La  foire  la  plus 
importante  paraît  être  celle  de  Port-sur-Saône,  c'est  la  seule  qui 
soit  indiquée  tout  court  par  le  mot  Port  ou  par  jour  de  Port 
(1 1  a,  5  b;  II  3  &,  8  &,  45  &,  etc.)  ou  par  le  le  jour  de  la  foire,  sans 
autre  indication  (7  a).  Les  principales  autres  foires  mentionnées 
sont  celles  des  lieux  ou  jours  suivants  :  Apremont  8  a,  Beaume- 
les-Dames  8  a,  Châlons  11  a  et  37  &,  Faverney  36  a  (on  trouve 
aussi  le  marché  piu)  de  Faverney,  37  &,  39  a),  Fondremant  12  &, 
St-Georges  3  &,  et  10  <2,  Gray  (très  fréquent),  Julienne  12  &, 
Loulians  7  a,  Luxeuil  32  a  et  37  &,  Montbozon  8  a  et  10  a,  Mont- 
cey  11  a,  Montbéliard  10  a,  Montrond  9  &,  St-Maurice  lia,  Traves 
11  a  et  40  &,  Vy  13  a  et  35  a,  Viilersexel  13  a.  Ces  foires  existent 
encore  aujourd'hui,  sauf  celle  de  Montrond  et  celle  de  Vy. 

Isidore  Loeb. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 


LEGENDES  JUDEO-CHRETIENNES 


LA  LEGENDE    DE    MELCHISEDEG   DANS   LES   ŒUVRES  DE  SAINT 

ATHANASE 


Il  y  a  dans  les  œuvres  de  saint  Athanase  •  une  histoire  étrange 
de  Melchisédec,  dont  l'origine  et  le  sens  doivent  être  bien  obscurs 
pour  ceux  qui  ne  connaissent  pas  la  littérature  midraschique. 

«  Il  était  autrefois  une  reine  nommée  Salem  qui  avait  deux 
fils,  Melchi  et  Melchisédec.  Leur  père,  nommé  également  Melchi, 
était  un  Grec  infidèle.  Le  temps  d'offrir  des  sacrifices  aux  idoles 
étant  venu,  le  roi  dit  à  Melchisédec  :  «  Va  à  l'étable  me  chercher 
sept  veaux  afin  que  nous  les  immolions  aux  dieux.  »  En  route, 
Melchisédec  réfléchit  et,  considérant  le  soleil,  la  lune  et  les  étoiles, 
il  se  dit  :  «  Qui  a  créé  le  ciel,  la  terre,  la  mer  et  les  astres?  C'est 
à  leur  auteur  qu'il  faut  offrir  des  sacrifices  ;  c'est  lui  qui  est  le 
seul  Dieu  véritable.  Je  retournerai  donc  auprès  de  mon  père  et 
lui  ferai  part  de  mes  sentiments,  peut-être  écoutera-t-il  mes  pa- 
roles. »  Quand  son  père  le  revit,  il  lui  dit  :  «  Où  sont  les  veaux?  » 
Melchisédec  répondit  :  «  Renonce  au  sacrifice  que  tu  avais  pré- 
paré et  ne  l'offre  pas  à  ces  dieux  qui  ne  sont  point  des  êtres  divins, 
mais  à  celui  qui  est  au  haut  des  cieux  et  qui  les  gouverne.  C'est 
lui  le  Dieu  des  dieux.  »  Le  père  irrité  lui  enjoignit  d'obéir,  puis  il 
se  rendit  auprès  de  Salem  à  qui  il  dit  :  «  Je  ferai  un  sacrifice  de 
l'un  de  tes  fils.  »  La  reine  pleura  amèrement  ;  ce  que  voyant,  Mel- 
chi lui  dit  :  (c  Tirons  au  sort  ;  si  le  sort  m'est  favorable,  c'est  moi 

»  Tome  II,  p.  239-241  de  l'édition  de  Paris,  1698  ;  t.  XXVIII,  col.  523-530  de  la 
Patrologie  grecque  de  Migne.  Il  paraît  que  ce  passage  est  une  interpolation  due  à 
quelque  Grec. 


198  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

qui  choisirai  celui  de  nos  fils  que  je  voudrai  pour  l'immoler  ;  si  le 
sort  t'est  propice,  tu  choisiras  celui  que  tu  veux  garder.  »  Le  sort 
fut  favorable  à  la  mère,  et  elle  garda  Melchisédec.  Melchi  emmena 
son  autre  fils  dans  le  temple  des  idoles  pour  l'immoler.  Salem  dit 
à  Melchisédec  :  «  Eh  quoi  !  ne  pleures-tu  pas  ton  frère  qui  est 
mené  à  la  mort?  »  Il  répondit  :  «  J'irai  invoquer  Dieu  »,  et  il  alla 
sur  le  mont  Thabor,  pendant  que  sa  mère  se  rendait  dans  le 
temple.  Il  demanda  à  Dieu  d'engloutir  dans  la  terre  tous  ceux  qui 
assistaient  au  sacrifice  de  son  frère.  Dieu  exauça  sa  prière,  et  il 
ne  resta  personne  de  la  ville  de  Salem.  Epouvanté,  Melchisédec 
s'enfuit  sur  le  mont  Thabor  où  il  demeura  sept  ans,  jusqu'au  jour 
où  Abraham,  sur  l'ordre  de  Dieu,  alla  le  chercher.  Dieu  dit  en- 
suite à  Abraham  :  «  Comme  il  ne  reste  sur  la  terre  personne  de  la 
famille  de  Melchisédec,  il  sera  appelé  sans  père,  sans  mère,  sans 
famille,  n'ayant  ni  commencement  de  jour,  ni  fin  de  vie.  Comme 
personne  ne  connaît  sa  famille,  ni  son  père,  ni  sa  mère,  il  est  re- 
présenté comme  n'ayant  ni  père,  ni  mère,  ni  famille,  et  parce  qu'il 
a  plu  à  Dieu,  il  demeurera  prêtre  à  jamais...  » 

Voilà  un  instructif  spécimen  de  midrasch  chrétien  construit  tout 
comme  ceux  des  rabbins;  c'est  une  interprétation,  sous  forme  de 
roman,  d'un  verset  obscur.  Un  théologien  grec  de  beaucoup  d'ima- 
gination a  voulu  expliquer,  par  une  histoire  ad  hoc,  les  paroles  si 
énigmatiques  de  l'Epître  aux  Hébreux  relatives  à  Melchisédec 
(ch.  VII,  V.  3)  :  «  Il  est  sans  père,  ni  mère...  »,  et  il  a  trouvé  tout 
simple,  pour  supprimer  la  difficulté  que  présentent  ces  mots,  de 
supprimer  la  famille  de  Melchisédec  en  la  faisant  périr.  Lui-même 
nous  avertit  charitablement  de  son  dessein  par  ces  mots  :  «  Comme 
il  ne  reste  plus  sur  la. terre  personne  de  la  famille  de  Melchisédec, 
il  sera  appelé  sans  père,  sans  mère,  sans  famille  ^..  » 

Mais  où  Fauteur  a-t-il  pris  les  éléments  de  ce  roman  ?  Serait-ce 
dans  l'Ancien  ou  le  Nouveau  Testament?  On  y  chercherait  en  vain 
un  passage  sur  Melchisédec  propre  à  servir  de  thème  à  cette  his- 
toire merveilleuse.  L'auteur  l'a-t-il  forgée  de  toutes  pièces?  Pas 
davantage  :  il  s'est  contenté  de  transposer  une  légende  rabbinique, 
d'attribuer  à  Melchisédec  ce  que  la  tradition  juive  raconte  d'un 
autre  héros  de  la  Bible. 

Dans  la  Genèse  déjà  paraît  un  homme  dont  le  père  est  idolâtre, 
qui,  lui,  reconnaît  le  vrai  Dieu,  voit  mourir  son  frère  et  même  se 
rencontre  avec  Melchisédec  :  c'est  Abraham.  Dïins  la  tradition 
rabbinique  la  vie  du  i)atriarche  est  ainsi  contée  :  Abraham, 
regardant  un  jour  le  soleil,  se  dit  :  Voilà  le  vrai  Dieu  ;  bientôt  il 

'  L'Epîlre,  au  lieu  de  •  famille  •,  porte  «  généalogie  ». 


LÉGENDES  JUDÉO-CHRÉTIENNES  199 

vit  le  soleil  disparaître  pour  faire  place  à  la  lune  :  voilà  mainte- 
nant le  vrai  Dieu,  dit-il;  mais  la  lune  à  son  tour  fut  vaincue  par 
le  jour.  Il  comprit  alors  que  ces  astres  étaient  eux-mêmes  sous  la 
dépendance  d'une  volonté  supérieure,  et  reconnut  un  Dieu  créateur 
du  ciel  et  de  la  terre.  Tout  plein  de  sa  découverte,  il  voulut  con- 
vertir son  père  à  sa  nouvelle  foi,  et  se  moqua  des  idoles  que  celui- 
ci  gardait  dans  sa  demeure  et  devant  lesquelles  on  venait  apporter 
des  sacrifices.  Son  père,  pour  le  punir,  le  livra  au  roi  Nemrod, 
qui  le  fit  jeter  dans  une  fournaise  ardente.  Mais,  ô  miracle  !  ce 
furent  les  bourreaux  qui  furent  consumés,  tandis  qu'Abraham  se 
promenait  sain  et  sauf  au  milieu  des  flammes.  Haran,  son  frère, 
qui  s'était  dit  :  «  Si  Nemrod  est  le  plus  fort,  je  serai  de  son  parti  ; 
si  c'est  Abraham,  je  me  réclamerai  du  sien  »,  Haran  fut  jeté  aussi 
dans  la  fournaise,  mais  son  manque  de  foi  le  perdit  et  il  fut 
dévoré  par  le  feu*. 

Il  est  inutile  d'insister  sur  la  similitude  du  fond  de  ces  deux  lé- 
gendes :  elle  saute  aux  yeux.  Il  est  cependant  bon  de  remarquer 
que  si  l'auteur  grec  fait  mourir  toute  la  famille  de  Melchisédec  et 
non  pas  seulement  son  frère,  c'est  pour  les  besoins  de  sa  thèse. 
Pour  les  mêmes  raisons,  le  frère,  ne  paraissant  pas  dans  l'Epître 
aux  Hébreux,  ne  joue  plus,  chez  l'auteur  grec,  qu'un  rôle  effacé 
et, a  tout  l'air  d'une  victime  innocente. 

Mais  les  transformations  subies  par  la  légende  juive  en  passant 
dans  l'écrit  chrétien  sont  dignes  de  nous  arrêter.  Quelle  est  l'ori- 
gine du  récit  d'Abraham  jeté  dans  la  fournaise  ?  C'est  un  verset  ou 
plutôt  un  mot  de  la  Genèse.  Il  est  dit  {ch.  xi,  7)  :  «  Je  suis  l'Eternel 
qui  t'ai  fait  sortir  de  Our  des  Chaldéens  ».  Or,  le  mot  Oiir,  qui  est 
un  nom  de  ville,  signifie  aussi  feu.  Les  rabbins  ont  donc  traduit, 
dans  un  but  d'édification  et  pour  illustrer  l'histoire  sainte  :  «  Je 
suis  l'Eternel  qui  t'ai  fait  sortir  du  feu  des  Chaldéens.  »  Pareille- 
ment, comme  il  est  dit  (Genèse,  xr,  28)  :  «  Haran  mourut  devant 
son  père  Térah,  dans  son  pays  natal  à  Our  des  Chaldéens  »,  ils  ont 
fait  périr  Haran  dans  le  feu  allumé  pour  Abraham.  Or,  chez  les 
Juifs,  au  milieu  des  nombreuses  variantes  de  la  légende,  un  épi- 
sode demeure  intact,  c'est  celui  d'Abraham  jeté  dans  la  fournaise, 
parce  qu'ils  ont  conservé  toujours  le  sentiment  de  l'origine  de  la 
fable.  Pour  notre  auteur  grec,  ignorant  probablement  l'hébreu,  ce 
sentiment  s'éteint,  la  fournaise  se  transforme  en  bûcher  ;  au  lieu 
de  mourir  par  le  feu,  la  famille  royale  périt  engloutie  dans  la 
terre,  et  ainsi  le  trait  principal  de  la  légende  originale  devient 
un  trait  accessoire  qui  se  modifie  ou  se  supprime  à  volonté. 

*  Voir  Beor,  Lehen  Ahraliam's,  Leipzig,  18o5.    ; 


200  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

II 

LA  LÉGENDE  CHRÉTIENNE  DE  BARTHOLOMÉE  DANS  LE  TALMUD 


Que  des  traditions  juives  sur  les  patriarches  bibliques  aient  été 
accueillies  par  les  Chrétiens,  rien  de  plus  naturel,  ceux-ci  véné- 
rant au  même  titre  que  les  Israélites  les  grands  hommes  de  l'An- 
cien-Testament  ;  mais  que  la  légende  chrétienne  d'un  apôtre  ait 
été  admise  par  le  Talmud,  voilà  de  quoi  surprendre  :  c'est  cepen- 
dant ce  que  nous  allons  rendre  vraisemblable. 

Tout  le  monde  connaît  ce  conte  curieux  du  Talmud  de  Meïla 
(17  h)  :  Rabbi  Schiraon  b.  Yohaï,  allant  à  Rome  avec  une  dé- 
putation  juive  pour  demander  le  retrait  d'édits  vexatoires  ren- 
dus contre  ses  coreligionnaires,  rencontre  sur  son  chemin  un 
démon  du  nom  de  Ben  Talmion  K  Celui-ci  lui  propose  de  l'accom- 
pagner :  a  Je  te  devancerai,  lui  dit-il,  j'entrerai  dans  le  corps 
de  la  fille  du  César  et  la  rendrai  ainsi  folle.  On  ne  trouvera  pas  de 
médecins  qui  puissent  la  guérir,  vous  arriverez  alors  et  me  direz  : 
«  Sors  ».  A  ces  mots,  je  sortirai  et  ferai  pour  vous  ce  que  vous 
désirez.  Et  voici  le  signe  auquel  vous  reconnaîtrez  ma  présence  : 
quand  je  sortirai,  je  briserai  tous  les  vases  do  verre  du  palais  du 
César  ^.  »  Les  choses  se  passent  ainsi,  le  roi  dit  aux  Juifs  de  lui 
demander  ce  qu'ils  désirent,  il  les  fait  entrer  dans  son  trésor,  où 
ils  trouvent  l'édit  et  le  déchirent. 

On  a  naturellement  retourné  ce  passage  dans  tous  les  sens  pour 
y  trouver  un  fond  historique.  L'hj-pothèse  la  plus  ingénieuse  a  été 
présentée  par  M.  Lebrecht  dans  la  Jikiische  Zciischrift  de  Geiger 
(t.  XI,  p.  273-278).  D'après  lui,  ce  récit  serait  une  variante  trans- 
formée en  légende  de  l'histoire  si  souvent  et  si  diversement  rappor- 
tée par  le  Talmud  d'un  sénateur  romain  qui  aurait  pris  la  défense 

*  Ben  Tulmion  esl  évidoramcnl  le  mol  Bar  Talmion  {Vai/itjra  rahba^  G)  hébraïsé. 
Ce  mot,  comme  le  dit  très  justement  M.  Lebrecht  (Geiger.  Jirl.  Zntschrift^  XI, 
p.  277)  est  calqué  sur  le  jrrec  Hartolomaion  (accusatif  de  Barloloraeios),  Barlholomée 
ou  Barthélémy,  comme  'JT72'^'7pD  sur  Nicodemos.  Bartholoméc  ou,  comme  prononce  le 
«yriatuu'.  Bar  Toulmoy,  est  un  composé  de  Bar,  lils,  et  do  Talmay  ou  Tolmay,  olirépc 
de  Ploléniée.  Le  Talmud  appelle  toujours  IHolémcc  "^JS'ibp.  Quant  ù  la  leçon 
■{T^??-!!  *|2,  c'est  une  variante  insignifiante  due  à  une  transposition  de  lettres. 

*  La  leçon  que  nous  suivons  est  celle  qui  est  mcutionnée  dans  le  commentaire  do 
l'Eyn  Yacob  sous  le  nom  ù.'*  autre  aggada  «.Elle  a  l'avantage  dêlre  écrite  entiè- 
rement en  aramécn,  tandis  que  celle  du  Talmud  est  un  mélange  incohérent  d'hé- 
hreu  et  d'araraécn. 


LEGENDES  JUDÉO-CIlHEïlENiNES  2(  I 

des  Juifs.  Tantôt  sous  le  nom  de  Ruben  Istroubli,  tantôt  sous  celui 
de  Qetia  bar  Schalom,  enfin,  ici  sous  celui  de  Bartliolomée,  ce  se- 
rait Flavius  Clemens,  qui  penchait  vers  le  judaïsme  et  appartenait 
à  la  famille  impériale  par  sa  femme  Flavia  Domitilla  ^  M.  Le- 
brecht  va  plus  loin  et  croit  trouver  dans  dib^iî  n^,  bar  Schalom,  le 
nom  même  de  Bartholomée,  car  remplacez  le  -a  par  un  a  et  vous 
avez  ûibûûnn.  Mais  diijbnn  n'est  pas  in^^bnnn ,  les  noms  propres 
n'ont  pas  l'habitude  de  s'apocoper  en  passant  du  grec  ou  du  latin 
en  hébreu;  en  outre  û-'b^  (et  non  ûnb\D)  «  le  complet  »  paraît  bien 
être  intentionnellement  opposé  à  N^'ijp  «  le  coupé  »,  comme  le  di- 
sent très  bien  M.  J.  Derenbourg  {Essai  sur  l'histoire  et  la  géo- 
graphie de  la  Palestine,  p.  336),  et,  après  lui,  M.  Schor.  {Halutz, 
IX,  1873,  p.  18).  D'ailleurs,  que  de  bonne  volonté  ne  faut-il  pas  pour 
ne  pas  voir  dans  cette  histoire  ce  qui  s'y  trouve  en  réalité,  à  savoir 
une  franche  et  naïve  légende,  sans  prétention  historique.  M.  Le- 
brecht  pour  repousser  cette  idée,  pourtant  si  simple,  objecte  avec 
raison  que,  dans  les  premiers  siècles  de  notre  ère,  la  littérature 
chrétienne  est  seule  à.  mettre  ainsi  en  scène  des  possédés  délivrés 
du  démon  par  la  parole  d'un  saint.  Cette  objection  tombera  et 
fournira  môme  un  argument  de  plus  en  notre  faveur,  si  nous  mon- 
trons que  la  légende  de  Bar  Talmion  est  d'origine  chrétienne. 

On  lit,  en  effet,  dans  les  Plistoires  apostoliques  du  Pseudo-Ab- 
dias  le  récit  suivant  :  L'apôtre  Bartholomée,  évangélisant  dans  les 
Indes,  arriva  dans  une  ville  gouvernée  par  le  roi  Polymnius. 
Celui-ci  avait  une  fille  démoniaque  et  folle  ;  ayant  appris  les  cures 
miraculeuses  opérées  déjà  par  l'apôtre,  il  le  pria  de  la  guérir. 
Aussitôt  dit,  aussitôt  fait.  Le  roi  voulut  le  récompenser,  mais  déjà 
son  bienfaiteur  avait  disparu  ;  il  revint  cependant  et  lui  annonça 
qu'il  allait  confondre  ses  idoles.  11  ordonna  devant  le  peuple  à  un 
démon  d'entrer  dans  la  statue  d'un  dieu,  puis  commanda  aux  as- 
sistants de  la  renverser.  Ils  s'y  acharnèrent  en  pure  perte,  l'idole 
restait  inébranlable.  Alors  Bartholomée  enjoignit  au  démon  de 
sortir  de  l'idole  et  le  démon  lui  obéit  en  brisant  et  cette  statue  et 
toutes  celles  qui  se  trouvaient  dans  le  temple  ^. 

La  concordance  des  faits  est  déjà  par  elle  même  capable  d'em- 
porter la  conviction;  ce  n'est  pas  par  pur  hasard  que  dans  deux 
textes  différents  paraisse  un  homme  saint  dont  la  parole  délivre 

*  Voir  à  ce  sujet  J.  Dcrenbourjç,  Essai   stir  l  histoire  de  la   Palestine,  p.  335  et 
suiv.  ;  Renan,  les  Evangiles,  p.  307  ;  A.-D.  Brandcis  (A.  Darmestcter),  Bcvue  israélit: 
1870,  n°»  17  et  18. 

»  Voir  Fabricius,  Codcj)  Apocryphus  Novi  Tcstamenti,  t.  I,  p.  674  et  suiv.  ;  Tischen- 
dorf,  Acta  apostol.  apocryph.,  p.  246  et  suiv.;  Migne,  Dictionnaire  des  apocryphes, 
t.  II,  col.  153-157. 


202  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

une  princesse  du  démon  qui  la  possède  et  qui  révèle  son  départ 
par  le  bris  des  objets  placés  sur  le  lieu  de  la  scène.  Mais  ce  qui  est 
plus  probant  encore,  c'est  la  présence  du  même  nom  dans  les  deux 
récits.  Dans  tout  le  Talmud,  on  ne  rencontre  qu'une  fois  un  dé- 
mon nommé  Bartholomée  et  il  se  trouve  que  c'est  justement  dans 
une  légende  analogue  à  celle  de  Bartholomée  !  On  dira,  il  est  vrai, 
que  Bartholomée  est  ici  un  démon  et  là  un  apôtre.  Preuve  de  plus 
que  le  récit  juif  dépend  du  récit  chrétien  :  c'est  par  esprit  d'oppo- 
sition que  les  Juifs  ont  changé  l'apôtre  en  démon,  de  la  même 
façon  que  les  Chrétiens  ont  converti  les  divinités  païennes  en 
mauvais  génies,  les  Perses,  les  dévas,  qui  sont  les  bons  génies  des 
Indiens,  en  divs  ou  démons. 

La  légende  chrétienne  a-t-elle  pu  arriver  aux  oreilles  des  rédac- 
teurs du  Talmud  ?  Très  facilement,  car  elle  appartient  aux  pre- 
miers siècles  de  notre  ère,  et  même  la  version  du  Pseudo-Abdias, 
qui  date  du  vi°  siècle,  porte  les  traces  des  croyances  des  Nesto- 
riens  S  lesquels  vivaient,  on  le  sait,  dans  les  régions  où  s'est  éla- 
boré et  rédigé  le  Talmud. 

On  voit  ainsi  combien  il  est  dangereux  parfois  de  chercher  dans 
les  légendes  talmudiques  des  souvenirs  de  faits  historiques,  com- 
bien aussi  il  est  imprudent  d'établir  hâtivement  des  comparaisons 
entre  la  démonologie  juive  et  celle  des  Perses  *. 


111 

ENCORE   UN   MOT  SUR  LA   LÉGENDE   DE   L'ANGE   ET   L'ERMITE  ^ 


Sans  le  savoir,  en  établissant  un  rapprochement  entre  l'histoire 
d'Asmodée  et  la  légende  de  l'ange  et  l'ermite,  je  me  suis  rencontré 
avec  un  savant  d'une  érudition  peu  commune  et  d'une  sûreté  de 
jugement  remarquable,  M.  Griinbaum.  N<''anmoins  mon  travail 
n'est  pas  simple  superfétation,  on  en  jugera  en  le  comparant  avec 
ces  lignes  auxquelles  se  borne  mon  devancier  :  «  On  rencontre 
encore  souvent  des    récits  analogues   rai)portant  toutes  sortes 

*  Voir  Lipsius,  Die  apoliryphcn  ApostcJffeschichtc  u.  ApostcUegcnden  ;  Braun- 
schweifT,  1883,  t.  I,  p.  176,  cl  sur  la  légende  de  Bartholomée  eu  général  le  t.  II, 
paru  en  1884. 

*  M.  Kohut  n'a  pas  manqué  de  reconnaître  dans  Ben  Talmion  un  démon  emprunté 
aux    Perses.  Ce  serait  '|^'^V'2n  "{3,  lequel  viendrait  du  baclrien  temanh^  temanhafna, 

«  esprit  noir  .  !  [Aruch  cowplctum,  s,  r.) 
^  Voir  Hcvue,  t.  VIII,  p.  64. 


LÉGENDES  JUDÉO-CHRÉTIENNES  203 

d'actes  extraordinaires  accomplis  par  des  êtres  surnaturels,  les- 
quels actes  s'expliquent  ensuite  ;  par  exemple,  dans  Tabari  (trad. 
Zotenberg,  I,  p.  445  *),  et  dans  les  textes  cités  par  Liebrecht 
(Dunlop,  Geschichte  der  Prosadichtung ,  p.  309  -  ;  Gervasiiis^ 
p.  89)3  ,,^ 

Chose  curieuse,  les  deux  épisodes  de  cette  histoire,  celui  de 
l'ivrogne  et  celui  de  l'aveugle,  qui,  à  mon  avis,  sont  les  seuls  ves- 
tiges de  la  légende  primitive,  sont  omis  ou  défigurés  dans  tous  les 
écrits  qui  s'inspirent  du  Talmud.  Ainsi  les  actes  étranges  d'As- 
modée,  dans  son  voyage,  ont  été,  au  moyen  âge,  attribués  à  Mer- 
lin l'enchanteur,  sauf  justement  le  service  rendu  par  Asmodée  à 
l'ivrogne  et  à  l'aveugle.  Il  est  raconté,  en  effet,  dans  la  Vita  Mer- 
Uni,  écrite  au  commencement  du  xiii°  siècle  : 

Merlin  voit  un  homme  déguenillé  qui  mendie,  il  sourit  et  passe. 
Plus  loin,  à  la  foire,  il  voit  un  jeune  homme  marchander  des 
chaussures  et  ce  qu'il  faut  pour  les  réparer  quand  elles  seront 
usées.  Il  rit  une  seconde  fois.  On  lui  demande  les  motifs  de  sa 
conduite.  «  J'ai  ri,  répondit-il,  à  la  vue  du  portier  mendiant  en  son- 
geant qu'il  était  riche  sans  s'en  douter,  car  il  avait  sous  les  pieds 
un  trésor  qui  l'eût  dispensé  d'importuner  les  passants.  J'ai  ri  à  la 
vue  de  l'acheteur  de  souliers,  sachant  qu'il  ne  les  mettra  pas  long- 
temps et  ne  les  usera  pas,  car  il  est  déjà  noyé.  »  On  va  vérifier 
ses  assertions  et  elles  sont  trouvées  exactes  ^. 

Ici,  il  est  vrai,  l'omission  des  deux  scènes  de  l'aveugle  et  de 
l'ivrogne  se  justifie,  MerUn  ne  jouant  pas  tout  à  fait  le  même  rôle 
qu'Asmodée  dans  le  Talmud  et  n'étant  pas  le  délégué  de  Dieu;  il 
est  spectateur,  mais  non  acteur,  et  ne  se  mêle  pas  de  récompenser 
ou  de  punir  les  mortels.  On  n'en  pourra  pas  dire  autant  du  texte 

*  C'est  l'histoire  de  Bou-Schar'h.  Celui-ci,  pour  avoir  été  humain  envers  un  serpent 
blanc,  se  marie  avec  une  péri,  à  la  condition  de.  ne  pas  l'interroger  sur  ses  faits  et 
gestes,  quelque  étranges  qu'ils  puissent  paraître.  Il  en  a  un  lils  «  parfait  comme  un 
joyau  unique  >  :  la  mère  le  jette  dans  le  feu  ;  elle  lui  donne  ensuite  une  fille  c  belle 
comme  la  lune  et  le  soleil  »,  puis  la  jette  devant  un  chien  qui  l'emporte.  Comme  le 
roi  traverse  le  désert  avec  son  armée,  la  péri  répand  à  terre  et  dans  l'air  les  provi- 
sions et  l'eau  que  le  vizir  lui  a  offertes.  Le  roi  alors,  indigné,  se  révolte.  La  femme 
lui  dit  :  Ces  provisions  étaient  empoisonnées,  le  premier  enfant  a  été  pris  par  Dieu 
pour  nous  enlever  toute  peine,  le  deuxième  a  été  confié  à  une  excellente  nourrice. 
Sur  ces  mots  la  péri  s'en  va,  malgré  les  instances  de  son  mari  pour  la  retenir. 

»  Dunlop  cite,  enlre  autres-,  la  légende  de  la  Vie  des  Saints,  celle  du  Coran  et  celle 
du  Gresta  Romanorum. 

3  Grûnbaum,  Beitrâge  zur  vergleichenden  Mythologie  ans  der  Hagada  {Zeitschrift 
d.  Dent!<ch.  morgenl.  Gesdbcha/'t,  XXXI,  1877,  p.  218). 

*  Hersart  de  la  Villemarqué,  Myrdhiaii  ou  Merlin  l'enchanteur,  p.  127.  Cette 
indication  m'a  été  fournie  par  l'articlo  cité  de  M.  Grïinbaum.  —  Pour  les  rapports  du 
rôle  de  Merlin  avec  celui  d'Asmodée-Kitovras-Morolf,  voir  Wesselofski,  Les  traditions 
russes  sur  Salomon  et  Centaurus  et  les  légendes  de  l'Europe  occidentale  sur  Morolf  et 
Merlin,  Saint-Pétergbourg,  1872  (en  russe). 


204  UEVL'E  DES  ETUDES  JUIVES 

• 

que  nous  allons  citer.  Par  un  hasard  étrange,  la  page  du  Talmud 
de  Gittin  a  pénétré  presque  intégralement  dans  la  littérature 
slave  du  moyen  âge,  non  point  sous  forme  de   tradition  orale, 
comme  tous   les   autres  récits  juifs  aj^ant  pour   sujet  Salomon 
et  qui  ont  été  transmis  aux  Russes  par  les  Bj^zantins,  mais  à 
l'état  de  traduction  souvent  littérale.  Elle  se  trouve  dans  deux 
manuscrits  de  Palœa  \  datant  l'un  de  1477  et  l'autre  de  1494  -. 
Eh  bien  !  tandis  que  tous  les  incidents  du  voyage  d'Asmodée  sont 
fidèlement  rapportés,  l'épisode  de  l'aveugle  et  de  l'ivrogne  sont 
indiqués  juste  assez  pour  montrer  que  le  traducteur  n'a  pas 
compris  son  texte.  Voici  comment  s'exprime  cette  version  :  «  Ki- 
tovras  3   dans  son  voyage  entend  un  homme  dire  :  «  N'y  a-t-il 
pas  de  souliers  qui  durent  sept  ans  ?  ^  »  —  Kitovras  se  met  à  rire. 
—  Il  voit  ensuite  un  homme  disant  la  bonne  aventure  et  il  rit  de 
nouveau.  Il  voit  une  noce  très  joyeuse  et  il  se  met  à  pleurer.  Il 
voit  enfin  un  homme  égaré  et  il  le  remet  sur  son  chemin...  Salo- 
mon lui  demande  :  «  Pourquoi  as-tu  ainsi  ri  la  première  fois?  — 
Parce  que  j'ai  vu  que  celui  qui  demandait  des  souliers  pour  sept 
ans  ne  vivrait  pas  sept  jours.   —  Pourquoi  la  seconde  fois?  — 
Parce  que  l'homme  révélait  ce  qui  est  caché  et  ne  savait  pas  qu'il 
y  avait  un  trésor  sous  lui  ^  —  Pourquoi  as-tu  ensuite  pleuré 
devant  la  noce?  —  Parce  que  le  marié  devait  mourir  dans  les 
trente  jours.  —  Pourquoi  as-tu  remis  l'homme  ivre  sur  son  che- 
min?—  Parce  que  j'ai  entendu  une  voix  du  ciel  déclarant  que  cet 
homme  était  pieux  et  qu'il  convenait  de  lui  rendre  service.  » 

On  voit  que  dans  cette  version  les  deux  épisodes  de  l'ivrogne  et 
de  l'aveugle  ont  été  fondus  en  un  seul.  Il  n'est  plus  question  d'un 


'  On  appelle  ainsi  des  compilations  bibliques  slaves  où  le  texli  de  l'Ecriture  est 
encadré  dans  des  commentaires  et  des  légendes  apocrypbes. 

*  Ce  passage  a  été  traduit  en  allemand  par  M.  Jagicz,  et  publié  en  appendice  à 
l'ouvrage  de  Friederich  Vogt,  Die  dcutschen  Dichtungcn  ton  Salomon  und  Mai'holf, 
Halle,  1880,  p.  213.  Ci".  Wcsselofsky,  Noue  Bcxiroge  zur  Geschichte  da-  Snhmonssaffe, 
dans  les  ArrJtiv  filr  slavischc  Philologie,  VI,  1882,  p.  39i.  Ni  M.  Vogt,  ni  M.W'csse- 
iofsk}'  n'expliquent  comment,  ù  la  dillérence  des  autres  légendes  relatives  ù  Salomon, 
ce  passage  du  Talmud  a  été  conservé  presque  intact. 

3  Le  remplaçant  d'Asmodée  dans  les  légendes  russes.  Ce  mot  est  le  grec  Kév- 
Taupo;  prononcé  par  les  Slaves. 

*  La  traduction  de  M.  Jagicz  porte  :  «  Gibt  es  nicht  Wûrmer  auf  sieben  Jahre?  » 
•  N'y  a-t-il  pas  de  vers  do  sept  ans?  »  Cette  variante  incompréhensible  me  surprenant. 

j'ai  demandé  à  M.  Louis  Léger,  le  savant  professeur  de  langues  slaves,  si  rer  en 
slavoii  ne  s'écrit  ])as  de  la  même  façon  que  soulier.  Avec  son  obligeance  connue, 
M.  Léger  m'a  immédiatement  donné  le  mot  de  l'énigme  :  rcr  se  dit  crun  et  soulier 
crevii^  ces  deux  noms  se  ressemblent  assez  pour  qu'un  copiste  ait  pris  l'un  pour 
l'autre. 

*  Comme  dans  lu  légende  de  Merlin,  Salomon  envoie  vérifier  les  assertions  de 
Kitovras. 


LÉGENDES  JUDÉO-CHRÉTIENNES  205 

service  rendu  à  un  méchant  pour  qu'il  n'ait  rien  à  réclamer  dans 
l'autre  monde. 

Il  y  a  plus,  dans  un  texte  juif  qui  n'est  qu'un  extrait  de  la  page 
du  Talmud  ^  voici  comment  ce  passage  a  été  reproduit  : 

N^^-^p-ia  rfbj»  ^rniD^"!  b'N  n^^■'npDN  ^y^^  Np  ï-nr:^  is-^^oD  jsnïin  n-^Tn  "^s 
^nNi  N^brb  ■'^Ti  '  ti^ujss  !sn^3  nLD  rr^b  ^^nj>n  1^721  jsin  m^:»  p'^'iis  "^^ 

«  Il  vit  un  homme  égaré,  il  le  remit  sur  son  chemin.  Il  vit  un 
aveugle  et  lui  rendit  la  vue...  Explique-nous,  lui  dit-on,  les  choses 
étranges  que  tu  as  faites.  En  marchant  dans  le  chemin,  pourquoi, 
voyant  un  aveugle  égaré,  lui  as-tu  rendu  la  vue?  —  Parce  qu'il 
a  été  publié  à  son  sujet  au  ciel  que  c'est  un  juste  parfait  et  que 
celui  qui  lui  ferait  du  bien  jouirait  de  la  vie  future.  » 

Il  n'est  plus  soufflé  mot  du  premier  «  homme  égaré  ». 

Evidemment  le  sort  malheureux  éprouvé  par  ces  quelques  lignes 
du  Talmud  vient  en  grande  partie  de  l'obscurité  de  la  rédaction  et 
de  la  tendance  de  ceux  qui  ont  repris  cette  légende  à  en  élaguer  ce 
qui  pouvait  y  rester  de  pénible  ou  de  paradoxal.  Le  Talmud  avait 
lui-même  ouvert  la  porte  à  ces  transformations  en  atténuant  la 
singularité  un  peu  brutale  de  la  fable  primitive,  ses  imitateurs 
ont  continué  son  œuvre. 

Israël  Lévi. 


^  Midrasch  sur  lés  Psaumes  (Ps.  78),  ms.  n»  132  de  la  Bibliothèque  nationale  de 
Paris. 

*  Ces  trois  mots  donnent  une  leçon  plus  correcte  que  celle  du  Talmud  ÏT^b  ''TlSi^l 
n^UÎCi  NlT^i,  car  NtT^3  est  un  participe  et  non  un  substantif  abstrait.  Je  saisis  cette 
occasion  pour  corriger  un  lapsus  calami  qui  m'est  échappé,  t.  VIII,  p.  70,  note  3.  En 
voulant  reconstituer  le  texte  primitif,  je  devais  écrire  'Cî'^3  ÏT'b  ■^'1133>1. 


NOTES  ET  DOCniENTS  SUR  LES  JUIFS  DE  BELGIQUE 

SOUS  L'ANCIEN   RÉGIME 

(suite  *) 


TAXES   SUR   LES  JUIFS. 


Après  diverses  alternatives  de  sécurité  et  de  persécution,  les 
juifs,  trop  utiles  aux  grands  et  aux  petits  pour  qu'on  pût  se  passer 
de  leur  industrie,  avaient  fini  par  être  tolérés  dans  les  Pays-Bas 
catholiques,  jusqu'à  ce  qu'ils  purent  enfin  respirer  plus  librement 
sous  le  gouvernement  de  Joseph  IL  Malgré  le  régime  d'oppression 
qui  pesa  longtemps  sur  eux,  malgré  les  dures  épreuves  qu'ils 
eurent  à  subir,  nous  ne  croyons  pas  qu'ils  furent  astreints  dans 
ces  pays  à  d'autres  obligations  humiliantes,  qu'à  celle  du  paye- 
ment de  certaines  taxes,  destinées  à  les  ravaler  dans  l'esprit  du 
peuple. 

Certains  documents  nous  permettent  d'inférer  qu'ils  ne  portaient 
pas  ici,  du  moins  dans  les  derniers  siècles,  comme  dans  bien 
d'autres  pays,  une  marque  distinctive  sur  leurs  vêtements,  un  cos- 
tume spécial  ou  une  coiffure  particulière,  chapeau  ou  bonnet,  à 
quoi  l'on  reconnaissait  les  juifs  dans  le  reste  de  l'Europe.  Peut- 
être  cependant  le  premier  de  ces  usages  existait-il  pour  le  juif  de 
passage  dans  le  pays  de  Liège,  si  l'on  s'en  rapi)orte  à  une  note 
donnée,  sans  indication  de  source,  par  Ferd.  llenaux*. 

•  Voir  tome  VII,  paf^cs  117  et  252. 

*  Constitution  du  pays  de  Liège,  uoav.  édit.,  Liège,  1858,  p.  31,  noie  2.  Voici  ccUe 
note  :  •  On  écrivait  en  1798  :  •  Les  princes-évôques  et  Tétat  ecclésiastique  à  Liège. 


NOTES  ET  DOCUMENTS  SUR  LES  JUIFS  DE  BELGIQUE  207 

Pour  être  exempts  d'humiliantes  obligations,  les  juifs  n'en 
étaient  pas  moins  soumis  en  certains  endroits  au  payement  de 
taxes  tout  aussi  odieuses.  C'est  ainsi  qu'à  Namur,  au  xiv"  siècle, 
tout  juif  passant  sur  le  pont  de  Meuse  était  considéré  comme 
objet  de  marchandise  et  devait  payer,  pour  droit  de  vinage  au 
profit  du  comte,  30  petits  tournois,  mais  le  percepteur  de  l'impôt 
pouvait  le  laisser  passer  moyennant  sept  vieux  esterlins  : 

Ce  sont  les  droitures  douwinaige  monseigneur  le  conte  de  Namur 
queonprenta  pont  de  Moise.  —  Promirement  tous  avoirs  de  pois, 
doit  III  tornois  li  cens  de  v^^inaiges —  Item  uns  yuwys  doit  XXX 
petis  tornois  ;  et  on  le  lait  passeir  par  greit  et  par  acord  pour  VII 
viesestellin*. 

C'était  surtout  dans  le  Luxembourg  que  ce  régime  exceptionnel 
pesait  sur  les  juifs.  Des  comptes  de  la  recette  générale  du  duché 
de  Luxembourg,  de  la  fin  du  xv«  siècle  et  du  commencement  du 
xvie,  nous  apprennent  que  les  quelques  juifs  résidant  alors  dans 
le  quartier  allemand  de  ce  duché  payaient  au  duc  à  la  Noël  un  tri- 
but annuel  de  deux  florins  par  ménage^. 

Dans  un  registre  de  comptes  des  justiciers  de  Grevenmachern, 
petite  ville  de  ce  pays,  on  lit  sous  l'année  1519-1520  : 

Item  ceste  année  pendante  ait  ehu  enterre'  sept  jouifz  audit 
Mackre,  receu  dung  chacun  desdits  jouifz  comme  de  ancienneté  ung 
florin,  fait  ensemble vij  florins  *. 

Une  ordonnance  de  Philippe  V,  donnée  au  camp  de  Saint-Nico- 
las le  6  septembre  1703^,  renouvela  sans  doute  d'anciens  droits  de 

»  étoient  des  tyrans,  parce  qu'ils  ne  toléroient  point,  sous  leur  domination,  les  pro- 
»  testants  ni  autres  sectes.  Ils  faisoient  payer  les  tarrières  aux  piétons  juifs  comme 
»  aux  cochons.  »  Le  piéton  juif,  reconnaissable  au  bracelet  de  drap  jaune  qu'il 
portait  à  la  partie  supérieure  du  bras  gauche,  payait  un  aidant  [c,-à-d.  un  liard] 
à  chaque  barrière.  > 

*  Jules  Borgnet,  Promenades  dans  la  ville  de  Namur ,  dans  les  Ann.  de  la  Soc.arcliéol. 
de  Namur,  t.  III,  1853,  p.  174,  noie  1.  —  Borgnet  donne  ce  texte  d'après  le  Registre 
velu,  nM002  des  registres  de  la  ch.  des  comptes  aux  archives  du  royaume,  fol.  80  \'° 
et  272.  Il  ajoute  que  «  la  même  pièce  est  reproduite  aux  fol.  21  et  8  du  Reg.  com- 
mençant Van  i393,  chambre  des  comptes,  n°  1003,  et  au  fol.  83  du  Répertoire  des 
causes  et  ^juestions,  arch.  com.  de  Namur  », 

^  Archives  du  royaume  :  Gh.  des  comptes.  Voir,  entre  autres,  reg.  2634,  2635, 
2638.  —  Cf.  Henné,  Hist.  du  règne  de  Charles-Quint  en  Belgique^  Bruxelles  et  Leip- 
zig, t.  IX,  1859,  p.  105. 

3  C'est-à-dire  sont  entrés. 

*  Arch,  du  royaume:  Ch.  des  comptes,  reg.  n»  13321,  Comptes  des  justiciers  de 
Macheren,  de  1519  à  1632.—  Cet  article  a  été  rapporté  peu  exactement  par  M.  Henné, 
vol.  cité,  p.  105,  n.  1. 

5  Publiée  dans  le  Recueil  des  ordonnances  des  Pays-Bas  autrichiens.  3«  série,  t.  H, 
Bruxelles,  1867,  p.  641-642. 


208  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

péage  à  lever  sur  les  charrettes  chargées  de  marchandises,  les  ani- 
maux domestiques  et  les  juifs,  au  passage  de  plusieurs  ponts  du 
Luxembourg,  à  savoir  ceux  de  Mersch,  de  Colmar,  d'Ettelbriick 
(au  pont  sur  la  Sûre),  d'Oetringen,  de  Frisange,  de  Schouweiler, 
de  Steinfort,  de  Steinbriicken,  de  "Wecker,  de  Wasserbilig  et  de 
Martelange.  Un  juif  devait  y  payer  quatre  sols;  il  était  assimilé 
pour  la  taxe  à  trente  ou  quarante  moutons,  brebis,  porcs,  boucs 
ou  chèvres. 

Une  ordonnance  de  Charles  VI,  donnée  à  Bruxelles  le  20  sep- 
tembre 1720  ^  et  conforme  mot  pour  mot,  sauf  le  préambule,  à  la 
précédente,  vint  de  nouveau  conflrmer  ce  singulier  péage. 

Dans  ses  Analectes  helgiqiies-,  M.  Gachard  annonçait,  en  1830, 
son  intention  de  faire  connaître  le  régime  exceptionnel  auquel  les 
juifs  étaient  autrefois  soumis.  Il  se  bornait  alors  à  signaler,  sans 
indiquer  la  source  de  ses  renseignements,  un  usage  particulier 
au  duché  de  Luxembourg.  «  Toute  personne  de  la  nation  juive 
était  tenue,  à  la  sortie  de  cette  province,  de  paj^er  au  bureau  de 
la  douane  une  plaquette  (trois  sols  et  demi  de  Brabant)  ;  tout  indi- 
vidu de  la  même  nation  entrant  dans  la  ville  de  Luxembourg,  était 
de  même  soumis  à  une  taxe  de  cinq  sols  s'il  était  à  cheval,  et,  s'il 
était  à  pied,  de  deux  sols  et  demi  :  de  grosses  amendes  menaçaient 
ceux  qui  auraient  celé  leur  qualité  pour  s'affranchir  de  la  rede-^ 
vance  exigée.  Ce  qui  ajoute  à  la  bizarrerie  de  cette  taxe,  c'est 
qu'on  la  percevait  au  même  titre  que  celles  établies  sur  les  denrées 
et  marchandises.  » 

Nous  ne  pensons  pas  que,  dans  le  cours  de  sa  longue  et  féconde 
carrière,  l'éminent  archiviste  général  du  royaume  de  Belgique 
soit  jamais  revenu  sur  ce  sujet.  Ayant  eu  la  bonne  fortune  de  ren- 
contrer des  documents  relatifs  à  ces  taxes  iniques  et  injurieuses, 
nous  les  ajouterons  aux  renseignements  sommaires  rapportés  par 
M.  Gachard. 

Il  s'agit  dans  les  deux  documents  ci-après  d'une  taxe  de  deux 
sols  et  demi  pour  droit  de  séjour  de  vingt-quatre  heures  dans  la 
ville  de  Luxembourg,  d'une  autre  d'un  demi-sol  que  les  juifs  de- 
vaient payer  aux  portes  de  la  ville  de  mesmc  qiCunc  hestc,  et 
d'autres  péages  auxquels  ils  étaient  assujettis  comme  animaux 
bruteaux.  L'enquête  suivante  est  d  une  grande  éloquence  dans  sa 
naïveté. 

'  Mcnlionnt'e  dans  le  niOmc  Recueil,  "i*  série,  l.  III,  Druxelles/ 1873,  p.  217. 
^  Premier  volume  (le  seul  paru),  Bruxelles.  1830,  p.  1G3-1G4. 


NOTES  ET  DOCUMENTS  SUR  LES  JUIIS  DE  BELGIQUE  209 

Information  tenue  d'office  par  les  justicier 
et  gens  du  magistrat*  de  la  ville  de  Luxem- 
bourg au  regard  des  droicts  que  les  juifs  ont 
payée  aux  justiciers  et  fermiers  du  payage 
aux  portes  de  cette  ville,  lorsqu'ils  ont  eu 
permission  de  venir  et  séjourner  en  cette 
ville. 

Premier  Tesmoing. 

Le  s^  Jean  Deutsch  bourgeois  marchand  de  cette  ville,  âgé  de 
74  ansadjourné,  sermenté  et  examiné  sur  le  faict  en  question,  de- 
pose  qu'il  at  esté  deux  fois  justicier  de  ce  magistrat,  scavoir  en 
l'anné  1664  et  1673,  d'où  il  at  cognoissance  que  lorsque  quelques 
juifs  ont  eu  licence  du  gouverneur  de  cette  ville  et  province  de  venir 
en  lad"«  ville,  les  sergents  dud*  magistrat  ont  levé  à  son  proffit 
deux  sols  et  demy  ancienne  monnoye  de  Luxembourg  de  chacun 
juif  pour  y  demeurer  vingt  quattre  heure,  estant  vray  que  cy  de- 
vant les  juifs  sont  entré  fort  rarement  en  cette  ville,  et  n'y  sont 
resté  au  plus  que  deux  fois  vingt  quattre  heures,  ne  pouvant  dire  s'il 
at  receu  led'  droicts  deux  fois  lors  que  les  juifs  sont  demeurée  icy 
deux  fois  vingt  quattre  heures.  Avec  quoy  il  at  finie  sa  déposition  et 
at  signé  Jean  Deutsch  avec  parafe. 

2°  Tesmoing. 

Le  s'  Jacques  Brasseur,  après  serment  preste  de  dire  vérité,  dépose 
qu'il  at  esté  justicier  de  ce  magistrat  en  l'an  1675,  pendant  lequel  à 
raison  de  la  guerre  il  n'at  veu  entrer  en  cette  ville  aucun  juif,  mais 
at  tousiour  entendu  et  appris  que  les  juifs  ont  estées  obligées  de 
payer  au  proffit  du  justicier  de  cette  ville  deux  sols  et  demy  lors- 
qu'ils y  sont  entré,  ce  que  cy  devant  est  arrivé  fort  rarement  et  n'y 
sont  restées  que  deux  à  trois  iours,  et  que  les  enfants  courroient 
après  eux.  Estoit  signé  Jacques  Brasseur. 

3^  Tesmoing. 

Le  S""  Théodore  Itzius,  après  serment  preste  de  dire  vérité,  de- 
pose  qu'il  at  esté  justicier  de  ce  magistrat  en  l'an  1 683,  pendant  lequel 
il  n'est  entré  aucun  juif  en  cette  ville,  mais  scaitbien  que  cy  devant 
Tors  qu'il  y  en  avoit  qui  y  entroient,  ils  payoient  au  justicier  deux 
sols  et  demy  monnoye  de  Braban  et  aux  portes  un  demy  sol  de 
mesme  qu'une  beste,  sans  pouvoir  dire  si  les  juifs  payoient  led* 

^  Nous  croyons  devoir  faire  connaître  à  nos   lecteurs  que,  dans  ces  Notes  et  docu- 
ments^ le  mot  magistrat  est  employé  dans  le  sens  absolu  et  collectif  qu'on  donnait  à  ce 
mot,  surtout  en  Belgique,  pour  désigner  le  corps  des  officiers  municipaux. 
T.  VIII,  nO  16.  U 


210  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

droict  autant  de  fois  qu'ils  demeuroient  des  iours  icy,  ce  qu'estoit 
fort  rare,  et  non  tolleré  sans  permission.  Estoit  signé  Théodore 
Itzius  avec  paraphe. 

4»  Tesmoing. 

Jean  Strablus,  notaire  publique,  âgé  de  49  ans,  déclare  après  ser- 
ment preste  qu'il  ne  peut  déposer  d'aucun  trafique  que  les  juifs 
peuvent  avoir  faict  cy  devant  en  cette  ville,  mais  qu'il  at  servy  à 
divers  juifs  comme  procureur,  et  nommément  à  certain  Lifman  Pic- 
card  de  Trêves,  ne  se  souvenant  des  noms  des  autres,  sans  qu'ils 
s'ayent  arresté  icy  que  l'espace  de  vingt  quattre  heures,  lesquels  en 
consultant  avec  le  déposant  luy  ont  faict  plaincte  d'avoir  esté  obligé 
de  prendre  un  passeport  du  gouverneur  de  cette  place  p^  entrer  en 
ce  pays,  qui  leurs  coustoit  p^  si  brieve  temps  sept  escus,  et  qu'oultre 
ce  ils  estoient  obligez  de  prendre  une  escorte  pour  les  mesner  en  et 
hors  ce  pays  et  qu'il  falloit  payer  à  cette  effect  trois  escus,  mesme 
les  péages  et  autres  droicts  comme  animaux  bruteaux,  requérants  le 
déposant  d'en  tenir  note  de  tous  lesd*^  despens  pour  y  estre  mis  en 
taxe  à  la  fin  de  leurs  procès,  ayant  mesme  veu  diverses  passeports 
de  feu  monsieur  le  prince  de  Chimay  *  donnez  auxd*^  juifs,  sans  que 
touttes  fois  qu'aucune  somme  donnée  pour  iceux  ait  esté  annotée, 
sans  aussy  que  lesd*^  despens  ayent  estées  compris  en  aucun  taxe, 
puis  que  lesd*'  juifs  se  sont  lassez  de  venir  icy,  et  obmis  la  pour- 
suite de  leurs  procès.  Avec  quoy  il  a  finy  sa  déposition,  et  at  signé 
J  :  Strabius  avec  paraphe. 

5*  Tesmoing. 

Balthasar  Rodemacher,  bourgeois  et  boucher  de  cette  ville,  dépose 
après  serment  preste  qu'il  se  souvient  que  depuis  vingt  ans  quelques 
juifs  qui  sont  entré  en  cette  ville,  ont  logées  chez  feu  son  père,  et 
qu'avant  d'y  entrer  le  gouverneur  en  at  esté  adverty  pour  le  per- 
mettre, et  qu'il  at  veu  qu'ils  ont  tousiours  payer  à  un  sergeant  du 
justicier  deux  sols  et  demy,  et  aux  portes  un  demy  sols,  et  qu'ils 
nont  restez  icy  que  vingt  quattre  heures,  les  enfants  ayants  criaillez 
après  eux  lors  qu'ils  passoient  dans  les  rues.  Avecque  quoy  il  at  finy 
sa  déposition,  et  at  signé  Balthasar  Rodemacher. 

Ainsi  ouy  et  examiné  à  Luxembourg  le  27'  de  septembre  1685.  Par 
ord*^"  estoit  signé  Gerberavec  paraphe  ". 

Nous  ne  connaissons  pas  la  décision  prise  par  le  magistrat  à  la 
suite  de  cette  information,  mais  nous  en  avons  une  autre  posté- 


'  riouvcrneur  de  la  ville  de  Luxembourg. 

*  Archives  de  la  ville  de  Luxembourg  :   Copie  reliée  dans  le  registre  35,  pièce 
colée  23. 


NOTES  ET  DOCUMENTS  SUR  LES  JUIFS  DE  BELGIQUE  214 

rieure  de  trente-quatre  ans.  Celle-ci  prouve  que  l'on  était  peu 
fixé  à  Luxembourg  au  sujet  des  taxes  à  percevoir  sur  les  juifs, 
et  qu'il  y  avait  quelque  confusion  à  cet  égard,  puisque  cette  fois 
il  n'est  plus  question  de  la  taxe  d'un  demi  sol  à  payer  aux  portes 
de  la  ville,  et  que  la  taxe  de  deux  sols  et  demi  est  perçue  comme 
droit  d'entrée  et  non  plus  comme  droit  de  séjour. 

Le  12.  may  4719  sur  requette  présenté  par  Maire  Kalkeh,  iuif  de 
Metz,  au  suiet  du  droit  de  passage  aux  portes,  le  magistrat  a  donné 
par  apostille  sur  la  d'*°  requette,  qu'un  iuif  à  pied  doit  payer  en 
entrant  deux  sols  et  demis  et  à  cheval  quattre  sols,  et  en  sortant  rien, 
à  moins  qu'il  seiourne  en  ville  plus  que  deux  fois  vingt  quattre 
heures,  comme  d'ancienneté  '. 

Nous  avions  cru  un  instant  que  ces  taxes  avaient  été  abolies  ou 
étaient  tombées  en  désuétude  dans  le  courant  du  xviii®  siècle,  car 
le  règlement  de  l'impératrice  Marie-Thérèse,  donné  à  Bruxelles  le 
14  septembre  1771,  pour  le  magistrat  de  Luxembourg,  au  sujet  de 
la  levée  des  droits  de  passage  aux  portes  de  cette  ville  ^  n'en  men- 
tionne aucun  à  paj^er  par  les  juifs.  Nous  nous  trompions.  Malgré 
le  silence  de  ce  règlement  relativement  à  ceux-ci,  on  continuait 
encore  quinze  ans  plus  tard  à  percevoir  sur  eux  un  droit  d'entrée 
dans  la  ville  en  même  temps  qu'un  droit  corporel  d'une  plaquette 
à  la  frontière  du  duché.  C'est  ce  que  nous  apprend  le  rapport  du 
procureur  général  du  conseil  souverain  de  Luxembourg,  adressé 
au  gouvernement  à  propos  d'une  réclamation  faite  en  1786  par  un 
juif  de  Mons,  nommé  Joseph  Bing.  Le  conseil  privé,  au  nom  de 
l'empereur,  avait  soumis,  le  22  juillet  de  cette  année,  la  requête 
du  réclamant  à  l'avis  de  cet  officier  de  justice.  Voici  quelle  fut  la 
réponse  du  procureur  général  : 

Sire, 

Par  dépêche  du  22.  juillet  dernier,  Vôtre  Majesté  m'a  chargé  de  Lui 
reservir  d'avis  sur  la  requête  ci  rejointe  sub  n"^  1°,  Lui  présentée  de 
la  part  de  Joseph  Bing,  négociant  en  la  ville  de  Mons,  pour  qu'EUe 
daigne  abolir  le  droit  corporel  d'une  plaquette,  que  l'on  perçoit  sur 
chaque  individu  juif,  soit  à  l'entrée  de  la  ville  de  Luxembourg,  soit 
à  la  sortie  de  la  province  ',  j'ai  l'honneur  de  dire, 

'  Archives  de  la  ville  de  Luxembourg  :  Reg.  7,  intitulé  Registre  aux  resolutions  et 
mix  ordonnances  ordonnées  par  le  magistrat  de  la  ville  de  Luxembourg,  commencé  le 
2"  d'octohre  4108,  folio  19,  verso. 

>  Mêmes  archives  :  Original  relié  dans  le  reg.  23  intitulé  Actes  et  décrets  de  1768  à 
^774,  tome  III,  pièce  cotée  45. 

'  Cette  requête  manque  dans  le  dossier. 


212  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Que  j"ai  communiqué  celte  requête  au  magisèrat  de  la  ville  de 
Luxembourg  et  aux  officiers  principaux  de  ladite  ville,  pour  qu'ils 
me  disent,  4<^  si  effectivement  chaque  juif  doit  payer  ce  droit  en  en- 
trant dans  cette  ville  et  sortant  de  la  province,  2*^  sur  quoi  ce  droit 
peut  être  fondé,  et  3°  s'il  convient  de  le  lever. 

Les  officiers  principaux  m'ont  fait  la  réponse  ci  jointe  sub  n°  2°, 
par  laquelle  ils  disent,  que  le  tarif  des  douanes  pour  la  province  de 
Luxembourg  n'impose  le  droit  d'une  plaquette  sur  chaque  individu 
juif  qu'à  la  sortie  de  la  province  et  nullement  sur  ceux  entrant  en 
cette  ville,  que  ce  droit  se  perçoit  à  titre  de  haut  conduit^  attendu 
qu'il  est  classé  au  tarif  dans  cette  cathégorie  et  que  ce  droit  n'existe 
pas  aux  Pays-Bas. 

Qu'après  information  prise  des  portiers  de  la  ville  de  Luxembourg 
ils  ont  appris,  qu'ils  sont  eu  usage  d'exiger  quatre  sols  et  demi  de 
chaque  juif  entrant  en  cette  ville  à  cheval  et  deux  sols  et  demi  de 
ceux  à  pied,  que  ce  droit  ne  se  trouve  pas  compris  dans  le  tarif  pour 
la  perception  des  droits  de  la  ville  de  Luxembourg,  décrété  en  1771, 
delà  ils  estiment,  que  c'est  une  extorsion. 

Qu'ils  ignorent  sur  quoi  est  fondé  le  droit  de  tirer  une  plaquette  de 
chaque  juif  à  la  sortie  de  la  province  à  titre  de  haut  conduit,  que 
cependant  par  ordonnance  du  23*  mars  1752,  il  a  été  imposé  une 
amende  de  dix  florins  pour  chaque  contravenlion  ou  fraude  de  ce 
droit  ;  ils  regardent  cet  impôt  comme  contraire  au  commerce  et  ils 
estiment,  qu'il  conviendroit  de  le  lever. 

Le  magistrat  par  sa  réponse  ci  jointe  sub  n°  3"^,  dit,  que  le  droit 
corporel,  que  les  juifs  payent  en  entrant  dans  la  ville  de  Luxem- 
bouig,  s'est  toujours  payé  dans  toute  la  province  dans  les  endroits, 
où  est  établi  un  droit  de  passage  ;  qu'ils  ne  connoissent  d'autres 
titres  constitutifs  que  l'ancien  usage,  qui  probablement  fut  introduit 
pour  éloigner  cette  espèce  d'hommes,  dont  le  fort  est  d'acheter  et 
receler  les  effets  volés,  ce  que  le  magistrat  dit  éprouver  tous  les 
jours. 

Que  [si]  cet  impôt  sur  les  juifs  n'existe  pas  dans  les  Pays-Bas 
comme  dans  la  province  de  Luxembourg,  cela  provient  probablement 
de  ce  que  la  ville  de  Luxembourg  est  pour  ainsi  dire  entourée  de 
cette  espèce  de  gens,  qui  y  arrivent  en  foule  de  Metz,  où  il  y  a  une 
rue  entière  avec  une  siuagogue,  de  Trêves  et  d'autres  contrées,  avec 
une  avidité  à  l'excès  de  toute  espèce  de  lucre  sans  choix  ni  discer- 
nement, se  faisant  un  devoir  religieux  de  tromper  les  chrétiens,  au 
point  qu'on  est  sur  ses  gardes  lorsqu'on  les  laisse  entrer  dans  les 
maisons. 

Quant  les  souverains,  comme  le  Portugal  et  lAngleterre,  avoient 

»  Ces  deux  mots  sont  se  alignés  dans  roriginal.  Sur  ce  haut  conduit  cf.  ci-dessus 
la  d('«posilion  du  U'  témoin.  Le  conduit  était  enraiement  en  usage  à  Strasbourg  :  voir  la 
notice  de  M.  Isidore  Loeb,  Les  Juifs  à  Strasbourg  depuis  I5i9  Jusqu'à  la  révolution, 
anus  V  Annuaire  de  la  Soc.  des  éludes  juives,  2"  année,  Paris.  1883,  p.  l.i'2-143. 


NOTES  ET  DOCUMENTS  SUR  LES  JUIFS  DE  BELGIQUE  213 

accordé  quelques  privilèges  d'immunité  à  cette  nation,  ils  s'en  sont 
d'abord  repentis.  On  a  vu  dans  les  feuilles  publiques,  que  vers  la  fin 
de  Tan  1785  Vôtre  Majesté  a  dépouillé  les  juifs  de  la  Gallicie,  non 
seulement  des  avantages  dont  ils  avoient  commencé  à  jouir  sous  son 
règne,  mais  encore  d'anciens  privilèges,  qu'ils  tenoient  de  la  cou- 
ronne de  Pologne. 

Quant  aux  quatre  et  demi  et  respectivement  deux  sols  et  demi,  que 
les  portiers  de  la  ville  de  Luxembourg  lèvent  sur  les  juifs,  quand 
ils  entrent  dans  cette  ville,  ces  droits  ne  sont  pas  au  profit  des  por- 
tiers, mais  ils  appartiennent  et  doivent  être  renseignés  aux  adju- 
dicataires des  droits  d'entrée  de  la  ville  de  Luxembourg,  droits  qui 
se  mettent  en  hausse  au  profit  de  la  baumaitrie  de  la  ville. 

Nonobstant  l-es  droits,  qu'on  tire  sur  les  juifs  depuis  un  tems  im- 
mémorial, ils  ne  manquent  pas  de  se  trouver  en  grand  nombre  à 
toutes  les  foires  considérables,  qui  se  tiennent  dans  la  province  ; 
d'un  autre  côté,  si  Vôtre  Majesté  daignoit  leur  accorder  quelqu'im- 
munité,  cela  pourroit  peut  être  faire  un  mauvais  effet  dans  l'esprit 
des  habitans  de  la  province. 

Partant  j'estime,  que  Vôtre  Majesté  pourroit  éconduire  le  suppliant 
de  sa  demande,  me  remettant  néanmoins  avec  une  entière  soumis- 
sion à  ce  qu'il  Lui  plaira  de  disposer.  Je  suis  avec  le  plus  profond 
respect, 

Sire, 

de  Vôtre  Majesté, 

Le  très  humble  et  très  obéissant 
serviteur  et  sujet, 

d'Olimart  ^ 

Luxembourg  le  18«  X'^'M 786. 

Il  convient  de  joindre  à  ce  rapport  ceux  sur  lesquels  s'appuyait 
le  procureur  général.  On  y  verra  combien  les  avis  étaient  partagés 
à  l'égard  des  juifs.  Les  officiers  principaux  (des  droits  d'entrée  et 
de  sortie?),  dans  la  lettre  suivante,  qualifient  d'extorsion  la  taxe 
perçue  sur  ceux-ci  à  l'entrée  de  la  ville. 

Monsieur. 

Nous  avons  reçu  la  lettre  que  vous  nous  avez  fait  l'honnerr  de 
nous  écrire  hier,  en  nous  communiquant  la  requètte  présentée  à  Sa 
Majesté  l'Empereur  par  le  juif  Bing  au  nom  de  ceux  de  sa  secte,  au 
sujet  du  droit  d'une  plaquette  que  les  remontrans  disent  être  tenus 
de  payer,  tant  à  l'entrée  de  cette  ville  qu'à  la  sortie  de  la  province  ; 
nous  chargeant  de  vous  informer.  Monsieur,  si  effectivement  chaque 

*  Original  aux  archives  du  royaume  :  Conseil  privé,  carton  n'*  1293,  intitulé  Héré- 
sie et  tolérance. 


214  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

juif  doit  payer  ce  droit  en  entrant  dans  cette  ville  et  sortant  de  la 
province  ;  sur  quoi  il  est  fondé,  et  s'il  convient  de  le  lever. 

Pour  vous  satisfaire  d'abord  sur  la  première  de  ces  informations, 
nous  vous  dirons  que  notre  tarif  des  douanes  pour  la  province  (car 
aux  Pays-Bas  ce  droit  n'existe  pas)  n'inpose  le  droit  d'une  plaquette 
sur  chaque  individu  juif,  qu'à  la  sortie  de  lad*^  province,  et  nulle- 
ment sur  ceux  entrants  en  cette  ville;  ce  droit  se  perçoit  à  titre  de 
haut  conduit  S  attendu  qu'il  est  classé  au  tarif  dans  cette  cathégorie. 

Nous  soupçonnions  bien  que  les  portiers  fermiers  des  péages  à 
l'entrée  de  cette  ville,  percevoient  quelque  droit  sur  les  juifs  qui  s'y 
rendent;  mais  nous  ne  savions  rien  de  positif  à  cet  égard,  et  dési- 
rant vous  satisfaire  également  sur  ce  point,  quoiqu'il  ne  soit  point 
de  notre  partie,  nous  nous  sommes  procurés  le  tarif  de  ces  péages 
émané  postérieurement  à  tous  les  autres  plus  anciens,  en  1771  par 
le  conseil  privé,  et  nous  avons  vu  avec  surprise  qu'il  n'y  est  fait 
aucune  mention  des  juifs.  Nous  avons  en  conséquence  fait  interroger 
le  portier  préposé  à  la  levée  de  ces  péages,  et  il  est  convenu  qu'il 
est  dans  l'usage  d'exiger  4  |  sols  de  chaque  juif  entrant  en  cette 
ville  à  cheval,  et  2  ^  sols  pour  ceux  à  pied  ;  il  est  donc  évident  que 
le  conseil  privé  n'ayant  probablement  pas  dérogé  au  tarif  de  1771  à 
l'égard  des  juifs,  c'est  une  vraie  extorsion  que  le  droit  exigé  sur 
eux  à  l'entrée  de  cette  ville,  au  nom  de  son  magistrat,  ou  plutôt  à 
son  insçu. 

Pour  en  revenir  ensuitte  aux  2^  et  3*'  points  de  vos  informations, 
nous  avons  l'honneur  de  vous  dire  que  nous  ignorons  entierrement 
sur  quoi  est  fondé  le  droit  d'une  plaquette  ou  trois  sols  et  demi 
imposé  par  notre  tarif  à  titre  de  haut  conduit  *  sur  les  individus  juifs 
sortants  de  cette  province  ;  nous  prendrons  cependant  la  liberté  de 
démontrer  qu'il  est  nuisible  à  son  commerce  :  si  ce  droit  eut  été 
imposé  à  l'entrée,  on  croiroit  que  l'on  a,  dans  un  temps  où  celte 
nation  étoit  odieuse  et  qu'on  la  fuyoit  par  préjugé,  voulu  mettre  des 
entraves  à  leur  entrée  dans  cette  province  ;  mais  une  fois  y  étant 
venus  pour  leur  commerce  avec  ses  habitans,  nous  croyons  qu'on  ne 
pouvoit  avoir  d'autre  raison  de  mettre  un  droit  sur  leur  tète  à  la 
sortie  que  celle  d'un  profit  pour  les  droits  du  souverain,  et  par 
ord"^  du  23.  mars  1752  il  a  été  imposé  une  amende  de  f.  [ûorins]  10 
pour  chaque  contravention,  en  fraude  de  ce  droit. 

Nous  disons  qu'il  est  nuisible  au  commerce  de  la  province,  parce 
que  d'abord  ne  pouvant  disconvenir  que  celui  que  les  juifs  font  avec 
ses  habitans  ne  soit  à  ces  derniers  très  avantageux,  il  est  nécessaire 
que  rien  ne  tende  à  les  en  éloigner;  les  juifs  viennent  y  enlever 
généralement  tout  ce  dont  on  ne  peut  s'y  défaire  avec  quelque 
profil,  et  y  laissent  par  conséquent  leur  argent  ;  ils  achetleut  aux 
foires  qui  se  tiennent  fréquemment  dans  cette  province,  des  chevaux 
de  prix,  et  en  même  t  jmps  ceux  de  ces  animaux  dont  le  paysan,  soit 

i  Mois  soulignés  dins  l'origiDal. 


NOTES  ET  DOCUMENTS  SUR  LES  JUIFS  DE  BELGIQUE  215 

pour  viellesse  ou  d'autres  défauts,  ne  sait  plus  tirer  de  service,  mais 
dont  il  est  bien  aise  néantmoins  de  faire  quelque  argent;  les  juifs 
font  encore  de  fréquents  achats  de  bêtes  à  laine  et  autres  bestiaux 
nourissons  de  la  province  ;  et  enfin  ils  viennent  acheter  générale- 
ment touttes  sortes  des  vieux  meubles,  nippes  et  ornemens  d'atour 
dont  on  ne  pourroit  absolument,  sans  leur  secour,  faire  aucun 
argent,  si  l'on  considère  surtout  que  la  province  n'a  point  à  cet 
égard  la  resource  d'un  mont-de-piété. 

D'après  touttes  ces  raisons  nous  n'hésitons  point  à  croire  que  vous 
concluerez  comme  nous,  Monsieur,  qu'il  est  à  désirer,  pour  l'encou- 
ragement du  commerce  que  font  les  habitans  de  la  province  avec  les 
juifs,  que  tout  droit  corporel  prélevé  sur  eux  soit  aboli,  tant  celui 
imposé  par  notre  tarif,  que  l'autre  extorqué  par  les  portiers  de  cette 
ville,  au  nom  et  à  l'insçu  de  son  magistrat. 

Nous  avons  l'honneur  d'être,  avec  la  considération  la  plus  dis- 
tinguée, 

Monsieur, 

Vos  très  humbles  et  très  obéissants  serviteurs, 

Glavareau.  DuBreuil'. 

Droits  d'avis  f .  5.  12.  »  .  courant. 
Luxembourg  le  30.  juillet  1786. 

Le  magÛtrat  de  Luxembourg,  peu  porté  à  la  bienveillance  en- 
vers les  juifs,  avait  donné  au  procureur  général  la  réponse  que 
voici  : 

Monsieur  I 

En  réponse  de  celle  que  vous  nous  avez  fait  l'honneur  de  nous 
adresser  à  cejourd'hui,  nous  avons  celui  de  vous  dire  que  le  droit 
corporel,  que  paient  les  juifs  en  entrant  en  cette  ville,  s'est  tou- 
jours paie  dans  toute  la  province  là,  où  ilyavoit  un  droit  de  passage; 
nous  ne  connaissons  autres  titres  constitutifs,  si  non  l'ancien  usage, 
qui  probablement  fut  introduit  pour  éloigner  cet  espèce  d'homme 
dont  le  fort  est  d'acheter  et  réceller  les  effets  voilés,  ce  que  nous 
éprouvons  tous  les  jours.  Nous  nous  soumetterons  toujours  avec 
toute  soumission  à  ce,  que  Sa  Majesté  trouvera  bon  d'y  disposer. 

Nous  avons  l'honneur  d'être, 

Monsieur  ! 
Vos  très  humbles  et  très  obéissants  serviteurs, 

Les  justicier  et  echevins  de  la  ville  de  Luxembourg, 

Par  ordonnance, 

Keyser  *. 
Luxembourg  le  l^r  d'août  1786. 

•  Original  dans  le  carton  1293. 

*  Original  ibid.  —  Keyser  était  le  clerc  juré  du  magistrat  de  Luxembourg. 


216  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

A  la  suite  de  ces  rapports  le  gouvernement  débouta  le  suppliant 
de  sa  demande;  c'est  ce  que  nous  apprend  l'apostille  suivante, 
de  la  main  de  M.  de  Limpens,  conseiller  au  conseil  privé,  écrite  en 
marge  de  la  lettre  du  procureur  général  :  «  Vu  Tavis,  ce  que  le 
supp.  demande  ne  peut  lui  être  accordé.  Le  28.  jV'  1787.  »  Peu  im- 
portait d'ailleurs,  l'ancien  régime  était  sur  le  point  de  s'écrouler, 
et  si  la  décision  du  conseil  privé  vint  consacrer  une  mesure 
inique  et  marquée  au  coin  de  l'intolérance,  cette  mesure  n'eut 
plus  qu'une  existence  de  peu  de  durée. 

Nous  aurons  bientôt  l'occasion  de  revenir  sur  l'opinion  des 
Luxembourgeois  au  sujet  des  juifs. 

A  côté  de  ces  taxes  locales,  il  faut  signaler  une  capitation  ex- 
traordinaire que  le  gouvernement  général  des  Paj^s-Bas  essaya 
un  moment  d'établir  sur  les  juifs.  Par  un  décret  daté  de  Bruxelles 
le  20  novembre  1756,  le  duc  Charles  de  Lorraine,  gouverneur 
général,  voulant  réprimer  la  trop  grande  facilité  avec  laquelle  on 
tolérait  leur  séjour  dans  ces  pays,  malgré  la  défense  rigoureuse 
des  édits,  prescrivit  aux  magistrats  des  villes  où  l'on  supposait  que 
des  juifs  avaient  leur  résidence,  de  faire  une  ordonnance  de  police, 
en  vertu  de  laquelle  ceux  d'entre  eux,  qui  voudraient  s'y  fixer, 
seraient  obligés  de  payer  annuellement,  au  profit  de  l'impératrice 
(Marie-Thérèse  régnait  alors  sur  les  Pays-Bas),  une  somme  de 
trois  cents  florins,  à  peine  de  bannissement  perpétuel.  Et  comme, 
sous  prétexte  de  passage  ou  de  résidence  momentanée,  les  juifs 
auraient  pu  en  éluder  le  payement,  le  décret  prescrivit  aux  magis- 
trats de  leur  interdire  le  séjour  de  ces  villes  au  delà  de  deux  fois 
vingt-quatre  heures,  à  peine  de  payer  la  taxe,  ou  de  punition  arbi- 
traire, dans  le  cas  où  ils  n'auraient  pas  été  en  état  de  la  payer*. 
Le  décret  fut  transmis,  à  fin  d'exécution,  aux  magistrats  de 
Bruxelles,  de  Louvain,  d'Anvers,  de  Malines,  de  Gand,  de  Bruges, 
d'Ypres,  d'Ostende,  d'Alost,  de  Tournai,  de  Mons,  d'Ath,  de  Namur, 
de  Gharleroi,  de  Luxembourg  et  de  Ruremonde  *.  Plusieurs  de 
ceux-ci  firent  l'ordonnance,  d'autres  négligèrent  de  se  soumettre 
aux  ordres  du  gouvernement  ou  mirent  peu  d'empressement  à 
s'exécuter. 
C'est  ainsi  que  dans  sa  réponse  au  duc  Charles,  en  date  du  30 


>  Carmoly  a  donné  dans  sa  Revue  orientale,  t.  III,  p.  293-294,  d'après  l'orifrinal 
conservé  aux  archives  communales  de  Bruxelles,  le  texte  do  ce  décret  adressé  au 
magistrat  de  cette  ville.  La  teneur  de  ceux  qui  furent  expédiés  aux  autres  villes  n'en 
dill'èro  que  par  le  nom  de  chacune  de  celles-ci. 

>  Mémoire  à  l'empereur  par  Phil.  O'Kelly,  un  des  assesseurs  du  prévôt  de  Thôtel  et 
du  drossard  de  Brubant,  sans  date  (mars  1786)  ;  original  dans  le  carton  1293. 


NOTES  ET  D^OGUMENTS  SUR  LES  JUIFS  DE  BELGIQUE  217 

décembre  de  la  même  année*,  le  magistrat  de  Bruxelles,  avant 
de  procéder  à  la  rédaction  d'une  ordonnance  de  police  en  cette 
matière,  se  crut  obligé  de  présenter  au  gouverneur  général  quel- 
ques observations,  pour  le  déterminera  modérer  la  rigueur  de  son 
décret  ou  à  modifier  du  moins  certaines  prescriptions  qui  y  étaient 
contenues.  Les  arguments  invoqués  en  cette  circonstance  par  le 
magistrat  montrent  une  tolérance  remarquable  pour  le  temps.  Il 
faisait  observer  qu'il  ne  trouvait  guère  ou  point  d'inconvénients  à 
souffrir  que  les  juifs,  dont  le  nombre  ne  dépassait  pas  alors  vingt 
têtes  à  Bruxelles,  continuassent  à  y  demeurer.  Il  faisait  l'éloge 
de  leur  conduite  et  élevait  en  leur  faveur  la  voix  de  l'humanité  ; 
il  prévoyait  les  graves  inconvénients  d'une  ordonnance  de  ce  genre 
et  terminait  ses  remontrances  en  ces  termes  : 

Enfin  quelque  disposition  que  V.  A.  R.  trouve  bon  de  rendre 
sur  cette  matière,  il  nous  paroit  qu'un  edit  dans  les  formes  émané  au 
nom  de  S.  M.  sera  plus  efficace  que  les  ordonnances  particulières  de 
police  à  publier  dans  les  villes  respectives. 

Et  nous  en  croions  la  formalité  d'autant  plus  nécessaire  dans 
l'espèce  dont  il  s'agit,  que  notre  jurisdiction  est  bornée  au  territoire 
de  cette  ville  et  de  sa  cuve,  et  que,  par  conséquent,  nous  ne  pouvons 
comminer  par  nos  ordonnances  la  peine  de  bannissement  qu'avec 
interdiction  de  rentrer  dans  les  limites  susmentionnées. 

En  sorte  que  les  reglemens  à  émaner  par  les  villes  du  pais  laisse- 
roient  toujours  aux  juifs  une  liberté  entière  de  s'établir  au  plat  pais 
où  la  résidence  de  la  plupart  d'entre  eux  causeroit  plus  de  mal  et 
d'inconveniens  que  dans  les  villes  closes. 

Le  gouvernement  général  ne  tint  aucun  compte  des  observa- 
tions si  justes  du  magistrat  de  Bruxelles  et  lui  enjoignit  de  passer 
incessamment  outre  à  l'exécution  de  l'ordonnance.  ^ 

Celui-ci  obéit  en  publiant  le  17  septembre  1757  l'ordonnance  de 
police  réclamée  3  ;  mais  le  gouvernement,  changeant  d'avis,  écri- 
vit le  7  juin  1758  au  conseil  de  Brabant  de  prescrire  à  l'amman* 
de  Bruxelles  de  surseoir  à  son  exécution.  Il  ordonnait  néanmoins 
à  celui-ci  de  veiller  sur  la  conduite  des  juifs  qui  se  rendraient  en 

*  Minute  aux  archives  de  Bruxelles;  publiée  par  Carmoly,  vol.  cité,  p.  294-301. 

2  Dépêche  du  comte  de  Cobenzl,  ministre  plénipotentiaire,  au  magistrat  de  Bru- 
xelles, 14  juin  1757  ;  original  aux  archives  de  cette  ville,  publié  par  Carmoly,  vol. 
cité,  p.  301-302. 

'  En  flamand  ;  origimal  enregistré  dans  le  Publicatic  hoeck^  1756-1762,  uux  ar- 
chives de  Bruxelles;  traduit  dans  Carmoly,  vol.  cité,  p.  445-446. 

*  L'amman  de  Bruxelles  était  le  chef  justicier  dans  la  ville  et  dans  son  quartier, 
appelé  Vammauie.  Il  présidait  le  corps  du  magistrat  en  qualité  de  représentant  du  sou- 
verain. 11  faisait  mettre  à  exécution  les  décrets  de  celui-ci  et  les  ordonnances  de  Tad 
ministratioû  locale  ;  il  décidait  sur  les  demandes  d'admission  à  la  bourgeoisie,  etc. 


218  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

cette  ville,  et  d'en  faire  sortir  tous  ceux  qui  ne  pourraient  établir 
leurs  moyens  d'existence,  ou  sur  la  conduite  desquels  cet  officier 
aurait  le  moindre  soupçon*. 

Le  magistrat  d'A^nvers  reçut  aussi  du  gouvernement,  sous  le  pa- 
raphe du  comte  de  Neny,  chef  et  président  du  conseil  privé,  un  dé- 
cret de  la  même  date,  renfermant,  outre  des  dispositions  analogues, 
quelques  observations  au  sujet  de  l'admission  de  juifs  à  la  bour- 
geoisie, admission  sur  laquelle  nous  aurons  occasion  de  revenir 
plus  loin. 

Charles  comte  du  Saint  Empire  Romain,  de  Cobenzl, 
chambellan,  conseiller  d'Etat  intime  actuel,  et  mi- 
nistre plénipotentiaire  de  S.  M.  l'Impératrice  Reine 
de  Hongrie  et  de  Bohême  pour  le  gouvernement 
gênerai  de  ses  Pays-Bas,  etc.,  etc. 

Très  chers  et  bien  amés,  Ensuite  des  représentations  nous  faites 
au  sujet  des  ordonnances,  que  vous  avez  été  chargés  de  faire  émaner 
contre  les  juifs,  qui  veulent  prendre  domicile  en  ces  pays,  nous  vous 
faisons  cette  pour  vous  informer,  que  notre  intention  est,  que  provi- 
sionellement  vous  ne  les  fassiez  pas  émaner  .-  ordonnant  néanmoins 
à  l'ecouttete  '  de  votre  ville,  de  veiller  exactement  sur  la  conduite  des 
juifs,  qui  pourroient  se  rendre  dans  votre  ville  et  d'en  faire  sortir 
d'abord  et  sans  la  moindre  dissimulation  tous  ceux,  qui  ne  pour- 
roient pas  faire  conster  d'avoir  des  moyens  pour  subsister  et  sur  la 
conduite  desquels  il  auroit  le  moindre  soupçon  ;  et  afin  qu'il  ne 
dépende  pas  du  bon  plaisir  de  cet  officier  de  chasser  ou  de  laisser  ces 
juifs,  nous  vous  ordonnons  d'établir  des  commissaires,  qui  pren- 
dront des  informations  sommaires  à  cet  égard,  sur  les  quelles  vous 
pourrez  disposer  et  décider.  Aiant  aussi  été  informé  que  l'on  auroit 
admis  chez  vous  au  droit  de  bourgeoisie  le  juif  Abraham  Aaron, 
quoique  la  qualité  essentielle  de  celui,  qui  veut  acquérir  ce  droit,  est 
celle  de  professer  la  religion  catholique,  dont  ni  vous  ni  l'ecoutette 
ont  le  pouvoir  de  dispenser,  nous  déclarons  que  soit  que  ce  juif  ait 
été  admis  à  la  bourgeoisie  par  l'un  ou  par  l'autre,  il  n'a  pas  été 
permis  de  le  faire,  qu'en  conséquence  ces  admissions  sont  nulles  : 
vous  défendant  bien  expressément  au  nom  de  Sa  Majesté  d'en  faire 
de  pareilles  à  l'avenir.  A  tant,  très  chers  et  bien  amés,  Dieu  vous 
ait  en  sa  sainte  garde.  De  Bruxelles  le  7.  juin  1758.  Paraphé  Ne.  v*, 
signé  le  G.  Cobenzl.  Plus  bas  etoit  par  ord'»  de  Son  Excellence  et 


1  Dépêche  de  Cobenzl  au  conseil  de  Brabant,  7  juin  1758,  en  copie  dans  le  carton 
1293;  publiée  fort  inexactement  par  Carmoly,  vol.  cité,  p.  302-303,  d'après  la  copie 
adressée  au  magistrat  do  liruxelles,  conservée  aux  archives  de  celte  ville.  —  Il  y  a 
dans  ces  daux  copies  17  février  au  lieu  de  17  septembre. 

*  Les  fonctions  de  récoutelte  d'Anvers  différaient  peu  de  celles  de  l'amman  de 
Bruxelles. 


NOTES  ET  DOCUMENTS  SUR  LES  JUIFS  DE  BELGIQUE  219 

contre  signé  F.  J.  Misson.  L'adresse  etoit  à  nos  très  chers  et  bien 
amés  ceux  du  magistrat  d'Anvers  à  Anvers  et  cacheté  du  cachet  de 
S.  M.  en  hostie  rouge,  plus  bas  eloit  ita  est  in  originali  et  signé  De 
Baltin  K 

A  Namur,  le  magistrat  s'ëtait  sans  doute  soumis  de  bonne 
grâce  au  décret  du  gouverneur  général  ;  il  ne  tarda  pas  avoir  l'oc- 
casion d'appliquer  l'ordonnance  de  police. 

Le  16  septembre  1757,  le  magistrat  fait  connaître  au  comte  de 
Gobenzl  que,  depuis  la  publication  de  l'ordonnance  en  question,  un 
juif,  nommé  Isaac  Joseph,  ayant  séjourné  à  Namur,  avec  sa  femme 
et  son  valet,  au  delà  de  deux  fois  vingt-quatre  heures,  et  n'ayant 
pas  payé,  pour  eux  trois,  la  somme  de  900  florins,  a  été  arrêté  ;  que 
sur  la  requête  présentée  au  comte  par  le  condamné,  cette  somme  a 
été  réduite  à  300  florins  ;  et  que,  depuis  lors,  aucun  juif  ne  s'est  pré- 
senté à  Namur  '. 

La  conséquence  du  payement  de  cette  énorme  taxe  était  néan- 
moins la  reconnaissance  de  l'existence  en  quelque  sorte  légale  des 
juifs  qui  s'y  seraient  soumis;  aussi  le  décret  du  duc  Charles  fut-il 
accueilli  avec  répugnance  par  le  magistrat  de  Luxembourg,  qui  se 
permit,  d'adresser  le  4  janvier  1757,  au  gouverneur  général,  des 
remontrances  par  lesquelles  il  protestait  contre  la  faculté  laissée 
aux  juifs  de  s'établir  dans  cette  ville,  moyennant  le  payement  de 
la  taxe  en  question.  Voici  en  quels  termes  ces  représentations 
furent  adressées  au  gouverneur  général  : 

Monseigneur, 

Il  a  plu  à  Y  :  A  :  R  :  nous  ordonner  par  ses  lettres  closes  du 
20.  9^"  d''  de  faire  émaner  une  ordonnance  de  police,  par  laquelle 
il  sera  déclaré  que  les  juifs  qui  voudront  se  fixer  dans  cette  ville, 
seront  obhgés  de  paier  annuellement  au  profit  de  S  :  M  :  à  la  recette 
de  ses  domaines  chacun  une  somme  de  trois  cent  fl.,  dont  ils  de- 
vront nous  faire  conster  avant  de  s'être  établis,  et  ainsi  d'année  en 
année  à  peine  de  bannissement  perpétuel  ;  afin  qu'ils  ne  puissent 
éluder  le  paiement  de  cette  taxe  sous  prétexte  de  leur  passage  ou 
d'une  résidence  momentanée,  qu'il  leur  soit  défendu  de  séjourner 
en  cette  ville  au  delà  de  deux  fois  vingt  quatre  heures,  à  peine  de 
paier  la  taxe  de  trois  cent  fl.,  ou  de  punition  arbitraire  s'ils  ne  sont 
pas  en  état  de  satisfaire  a  cette  somme. 


*  Copie  dans  le  carton  1293,  au  dossier  des  frères  Cantor.  Ce  décret  est  enregistré 
en  extrait  dans  le  Flaccaetboek  van  aen  hove,  vol.  19,  fol.  193,  aux  archives  de  la 
ville  dAnvers. 

"  Annales  de  la  Soc.  arcUol.  de  Namur,  t.  V,  1857-1858,  p.  291  ;  d'après  le  registre 
des  Résolutions  du  magistrat,  X,  194,  aux  archives  de  la  ville  de  Namur, 


220  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Nous  espérons,  Monseigneur,  que  malgré  l'entière  soumission  que 
nous  avons  et  devons  avoir  à  la  gracieuse  volonté  de  V  :  A  :  R  :,  elle 
nous  permettra  de  représenter  avec  le  plus  profond  respet  que  le 
motif  des  ordres  nous  donnés  par  ses  d*^^  lettres  closes  pour  l'éta- 
blissement des  juifs  n'influe  aucunement  sur  cette  ville  ni  sur  cette 
province. 

La  religion  catholique  romaine  a  toujours  été  trop  sacrée  en  ce 
pais  et  les  deffences  réitérées  de  nos  très  augustes  souverains  de 
tolérer  aucune  secte  abusive  et  reprouvée  de  notre  mère  la  sainte 
Eglise  ont  en  tout  tems  été  ici  trop  respectables,  pour  qu'en  contra- 
vention auxd*«  placcards  et  edits  et  en  mépris  de  lad*®  religion  on 
eusse  jamais  eu  la  facilité  de  tolérer  qu'aucun  juif  s'établisse  dans 
cette  ville  ou  province  ;  même  dans  le  tems,  que  dans  les  autres 
provinces  des  Païs  bas  la  vraie  religion  périclitât,  si  avant  que  quel- 
ques unes  ont  eu  l'audace  de  prendre  les  armes  contre  leurs  légitimes 
souverains  pour  soutenir  leurs  erreurs,  celle  ci,  demeurant  conta- 
mont  [sic)  attachée  à  ses  souverains,  est  restée  fidèle  à  son  Dieu  sans 
soufrir  que  la  moindre  erreur  s'y  soit  glissée;  encore  a-ton  été  ici 
toujours  plus  en  garde  contre  la  nation  juive,  nation  maudite  de  Dieu 
et  ouvertement  ennemie  des  chrétiens,  qui  fait  profession  d'exercer 
sur  eux  l'usure  la  plus  outrée  et  cherche  à  succer  pour  ainsi  dire 
jusqu'au  sang  leur  moiens  et  facultés:  que  deviendroit  une  notable 
partie  de  cette  bourgeoisie  s'il  étoit  permis  aux  juifs  de  fixer  ici  do- 
micil?  Plusieurs  bourgeois  se  trouvant  dans  le  besoin  croiroient  de 
trouver  du  soulagement  chez  eux,  mais  il  ne  seroit  que  momentané,  et 
leur  ruine  totale  s'ensuivroit  bientôt,  et  le  mal  se  communiquant  au 
plat  pais  par  l'intrigue  des  juifs  il  deviendroit  universel,  tant  les 
bourgeois  que  les  laboureurs  réduits  à  la  misère  seroient  hors  d'état 
de  suporter  la  moindre  chose  dans  les  aides  et  subsides,  leroial  ser- 
vice même  s'en  trouveroit  grandement  intéressé. 

Bien  loin  d'avoir  toléré  en  quelque  manière  les  juifs  dans  cette 
province,  on  a  toujours  été  très  attentif  a  les  en  éloigner.  Ils  ont 
toujours  été  si  méprisables  en  ce  païs  qu'ils  s'y  trouvent  assujetis 
depuis  tout  tems  au  droit  de  haut  conduit  comme  les  animaux 
brutes.  Passent-ils  même  après  sur  quelque  pont  de  la  province,  il 
faut  qu'ils  paient  par  tête  quatre  sols,  taxe  plus  forte  qu'il  ne  se 
paie  d'aucun  desd*^  animaux  au  passage  des  ponts,  et  l'entrée  de 
cette  ville  ne  leur  a  jamais  été  permise  que  parmi  paiant  chacun 
deux  sols  et  demi  ;  voulurent-ils  rester  plus  de  deufois  24.  heures 
ici,  ce  qui  n'est  jamais  arrivé  que  pendant  le  tems  de  la  foire,  ils  ont 
du  derechef  s'annoncer  et  paier  le  même  droit  pour  pouvoir  jouir 
d'un  autre  pareil  terme  et  après  ils  ont  été  obligés  a  se  retirer. 

Ce  considéré.  Monseigneur,  nous  osons  espérer  que  V:  A:  R  :  dai- 
gnera nous  dispenser  gracieusement  de  ses  susd'«  ordres  ;  c'est  la 
grâce  que  nous  attendons  en  toute  humilité  de  sa  gracieuseté  et  de 
sa  magnanimité  ordinaires,  grâce  qui  nous  sera  d'autant  plus  pré- 
cieuse qu'elle  nous  paroit  être  nécessaire  pour  le  maintien  de  la  pu- 


NOTES  ET  DOCUMENTS  SUR  LES  JUIFS  DE  BELGIQUE  221 

reté  de  la  s*«  religion  et  pour  le  bien  être  des  sujets,  étant  avec  le 
plus  profond  respet, 


de  V:  A:  R:, 
les  plus  humbles  et  les  plus  obeissans  etc.  *, 


Vacat  :  7.  h. 
Le  4»  jan»"  1757. 


Le  gouverneur  général  fit  la  sourde  oreille  à  ces  remontrances, 
car  le  1  septembre  de  la  même  année,  Cobenzl  adressa  au  magis- 
trat de  Luxembourg,  sous  le  paraphe  du  président  du  conseil 
privé,  M.  de  Steenhault,  la  dépêche  suivante,  où  le  silence  sur  les 
protestations  ci-dessus  est  significatif  : 

Charles  comte  du  Saint  Empire  Romain,  de 
Cobenzl,  chambellan,  conseiller  d'Etat  intime 
actuel,  et  ministre  plénipotentiaire  de  S.  M. 
l'Impératrice  Reine  de  Hongrie  et  de  Bohême 
pour  le  gouvernement  général  de  ses  Pays- 
bas,  etc.  etc. 

Très  chers  et  bien  amés. 

Nous  vous  chargeons  de  nous  informer  de  l'effet  qu'a  produit 
l'ordonnance  de  police  qu'il  vous  a  été  ordonné  par  lettres  du  20.  9^^^^ 
dernier  de  faire  émaner,  pour  obliger  les  juifs  qui  voudront  se 
fixer  dans  la  ville  de  Luxembourg,  à  paier  annuellement,  au  profit 
des  domaines  de  S.  M.,  une  somme  de  trois  cent  florins  :  A  tant,  très 
chers  et  bien  amés.  Dieu  vous  ait  en  sa  s*^  garde.  De  Bruxelles  le 
7.  sep^"  1757.  ://:  Steenh.  v*. 
Le  C.  Cobenzl. 

Par  ord°«  de  Son  Excellence, 

F.  J.  Misson'. 

Le  magistrat  répondit  dans  le  courant  du  même  mois  qu'il  avait 
différé  de  rédiger  l'ordonnance  prescrite,  le  gracieux  silence  du 
gouverneur  général,  le  duc  Charles  de  Lorraine,  lui  ayant  fait 
présumer  que  ses  remontrances  avaient  été  favorablement  accueil- 
lies; qu'en  outre  il  espérait  que  Cobenzl  ordonnerait  qu'à  l'avenir 
les  édits  et  les  placards  ci-devant  décrétés  contre  la  nation  juive 
seraient  rigoureusement  observés.  Voici  la  requête  adressée  à 
Cobenzl  : 

*  Archives  de  la  ville  de  Luxemboarg  :  Minute  reliée  dans  le  registre  21,  intitulé 
Actes  et  décrets  de  41 18  à  i766,  tome  I,  pièce  cotée  21 .  —  «  Vacat  :  7  h.  »  signifie  que 
sept  heures  de  vacation  ont  été  employées  pour  la  rédaction  de  cette  minute. 

2  Mêmes  archives  :  Original  relié  iiid. ,  pièce  cotée  22. 


222  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Mgr, 

Aiant  plu  à  Votre  Excellence  nous  ordonner  par  lettres  du  7.  du 
mois  courant  de  l'informer  de  l'effet  qu'a  produit  l'ordonnance  de 
police  que  S:  A:  R:  nous  a  enjoint,  par  lettres  du  20.  9^«  1756,  de 
faire  émaner  touchant  les  juifs  qui  voudront  se  fixer  en  cette  ville, 
nous  sommes  obligés  de  dire  en  tout  respet  que  malgré  notre 
entière  soumission  à  tout  ce  qui  nous  est  ordonné  de  la  part  de  Sa 
Maj^  l'Impératrice  Reine,  nous  avons  pris  la  très  respectueuse 
liberté  de  faire  le  4.  janvier  d»"  a  S  :  A  :  R  :  la  plus  humble  représen- 
tation qui  va  cijointe  en  copie,  afin  de  la  supplier  pour  les  raisons 
y  déduites  de  nous  dispenser  gracieusement  de  ses  dits  ordres,  le 
motif  qui  semble  les  avoir  fait  donner,  savoir  la  trop  grande  facilité 
avec  laquelle  on  tolereroit  les  juifs,  ne  trouvant  pas  lieu  dans  cette 
ville  ni  province,  bien  loin  de  là,  les  juifs  aiant  de  tout  tems  été  ici 
traités  selon  la  rigeur  des  edits  et  placcards  que  nos  très  augustes 
souverains  ont  autrefois  fait  émaner  contre  cette  nation,  non  seule- 
ment pour  le  bien  être  de  leurs  sujets,  mais  aussi  afin  de  conserver 
la  pureté  de  la  vraie  religion  :  dans  la  confiance  que  S  :  A  :  R  :  daigne- 
roit  d'avoir  favorable  égard  à  notre  dite  représentation,  ce  que  son 
gracieux  silence  du  depuis  nous  a  fait  présumer,  nous  avons  différé 
jusqu'à  présent  de  faire  émaner  l'ordonnance  de  police  cidessus. 
Nous  espérons,  Monseigneur,  que  V:  E:,  vues  les  raisons  deduictes 
en  toute  humilité  de  notre  part,  ne  voudra  non  plus  nous  obliger  à 
cela,  mais  qu'au  contraire,  par  un  effet  de  sa  bienveillance  et  de  sa 
magnanimité  ordinaires,  elle  sera  servie  d'ordonner  qu'aussi  à 
l'avenir  les  edits  et  placcards  cidevant  émanés  contre  la  nation  juive 
soient  ici  ponctuellement  et  selon  toute  la  rigeur  suivis  et  observés. 
C'est  la  grâce  qu'osent  attendre  ceux  qui  sont  avec  le  plus  profond 
respect  et  avec  une  entière  soumission, 

M^r,  deV:E:'. 

Nous  ignorons  la  suite  de  cette  affaire  :  ici  s'arrêtent  nos  docu- 
ments. Si  nous  rapprochons  ceci  de  ce  qui  fut  décidé  pour 
Bruxelles  et  pour  Anvers,  il  est  probable  que  le  magistrat  de 
Luxembourg  fut  dispensé  de  faire  l'ordonnance  de  police  en  ques- 
tion. Peut-être  aussi  persista-t-il  dans  sa  résistance  et  le  gou- 
vernement forma-t-il  les  yeux.  Au  reste,  les  rapports  que  nous 
avons  publiés  plus  haut  au  sujet  des  taxes  locales,  montrent  à 
quelles  vexations  les  juifs  furent  soumis  en  cette  dernière  ville 
jusqu'à  la  fin  de  l'ancien  régime. 

Ailleurs  aussi,  selon  les  caprices  ou  les  intérêts  du  moment,  on 
mettait  parfois  dos  entraves  aux  affaires  des  juifs  :  on  les  arrêtait 
plus  ou  moins  arbitrairement,  ou  bien  on  leur  faisait  subir  d'autres 

1  Mêmes  archives  :  Minute  reliée  ibid,,  pièce  cotée  21  bts 


NOTES  ET  DOCUMENTS  SUR  LES  JUIFS  DE  BELGIQUE  22 i 

avanies.  A  Ostende,  en  1765,  deux  juifs  furent  arrêtés  pour  n'avoir 
pas  payé  la  taxe  de  300  florins,  mais  le  conseil  privé,  au  nom  de 
l'impératrice,  ordonna  leur  élargissement  en  ces  termes  : 

L'Impératrice  Reine, 

Ghers  et  bien  amés,  Aïant  vu  vôtre  représentation  du  22.  de  ce 
mois,  au  sujet  des  deux  juifs,  nommés  David  Abraham  et  Salomon 
Cyman,  natifs  et  domiciliés  à  Middelbourg,  arrêtés  et  conduits  dans 
les  prisons  de  Nôtre  ville  d'Ostende,  Nous  vous  faisons  la  présente  à 
-la  délibération  du  comte  Charles  de  Cobenzl,  Nôtre  ministre  plénipo- 
tentiaire pour  le  gouvernement  général  des  Pays-Bas,  pour  vous  dire 
que  ces  deux  juifs  soient  incessamment  et  sans  frais  élargis.  Au  sur- 
plus comme  il  a  été  déclaré,  que  l'ordonnance  du  20.  novembre  1756. 
concernant  le  séjour  des  juifs  dans  ces  païs,  ne  seroit  pas  provisoire- 
ment exécutée.  Nous  vous  envolons  pour  vôtre  information  et  direc- 
tion, une  copie  des  lettres  écrites  en  cette  conformité  à  ceux  du  con- 
seil de  Brabant.  A  tant,  chers  et  bien  amés,  Dieu  vous  ait  en  sa  s** 
garde.  De  Bruxelles  le  31.  juillet  1765.  Paraphé  Ne.  v*.,  en  dessous 
étoit  par  ord*=«  de  Sa  Majesté  signé  P.  Maria,  au  bas,  au  magistrat 
d'Ostende  S 

En  1771,  Isaac  Liebtmans,  négociant  en  diamants  à  Amster- 
dam, se  plaignit  au  gouvernement  de  l'affront  qu'il  avait 
reçu  à  Bruxelles  où,  à  son  arrivée  d'Anvers,  on  l'avait  arraché  de 
la  diligence  et  fait  conduire  par  des  soldats  chez  l'amman.  Le  duc 
Charles  de  Lorraine  fit  connaître  à  cet  officier  que  rien  n'empê- 
chait le  suppliant  de  passer  et  de  repasser  par  Bruxelles  pour  va- 
quer librement  aux  affaires  de  son  commerce  en  d'autres  villes 
'étrangères*. 

Nous  allons  enfin  arriver  à  une  époque  où  les  juifs  verront  poin- 
dre pour  eux  dans  les  Pays-Bas  une  lueur  de  liberté.  Cependant  la 
ville  de  Luxembourg  continua  de  les  repousser  jusque  vers  la  fin  du 
XVIII"'  siècle,  non  peut-être  sans  quelque  raison  ;  car  se  trouvant 
dans  le  voisinage  de  pays  où  ils  étaient  nombreux,  elle  dut  plus 
d'une  fois  être  visitée  parla  lie  des  juiveries  d'alentour.  Il  n'en 
était  pas  de  même  dans  le  reste  des  Pays-Bas,  où  les  quelques 
juifs  qui  étaient  venus  s'y  fixer  ou  désiraient  de  s'y  établir  offraient 
plus  de  garanties  d'honnêteté.  On  verra  dans  le  chapitre  suivant 
les  difficultés  qu'ils  eurent  néanmoins  à  surmonter  pour  arriver  à 
jouir  peu  à  peu  des  droits  des  autres  citoyens. 

*  Copie  dans  le  carton  1293. 

*  Carton  1293  :  Lettre  d'envoi  originale  du  duc  Char.es  de  Lorraine  au  conseil 
privé,  19  février  1771  ;  —  dépêche  originale  du  même  à  l'amman  de  Bruxelles,  20  fé- 
vrier 1771  ;  —  apostille  au  nom  du  même,  6  mars  1771. 


224  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

ADMISSIONS  DE  JUIFS  A   LA  BOURGEOISIE. 


Dans  la  plupart  des  villes  des  Pays-Bas,  tous  les  habitants  jouis- 
saient des  mêmes  droits  et  de  la  même  protection,  mais  de  grands 
avantages  étaient  assurés  à  ceux  qui  faisaient  partie  de  la  bour- 
geoisie, soitpar  naissance,  soit  par  achat.  A  Bruxelles,  par  exemple, 
la  qualité  de  bourgeois  était  indispensable  pour  entrer  dans  un 
corps  de  métier  et  pour  exercer  la  plupart  des  industries.  L'étran- 
ger qui  voulait  acquérir  cette  qualité  devait  fournir  les  preuves 
d'une  probité  sans  tache.  L'entrée  dans  la  bourgeoisie  avait  pour 
le  juif  l'avantage  de  lui  permettre  de  pratiquer  sans  entraves  sa 
profession  ou  son  négoce. 

Déjà  en  1715,  le  16  septembre,  un  boutiquier  juif,  nommé  Abra- 
ham Aaron  ou  Arons,  fut  admis  bourgeois  d'Anvers  *.  Quelques 
années  après,  le  13  juin  1732,  un  autre  juif,  Jacob  Cantor,  après 
avoir  résidé  plus  de  trente  ans  à  Bruxelles,  reçut  aussi  à  Anvers 
un  acte  de  bourgeoisie-.  Mais  ces  sortes  d'admissions,  faites,  soit 
par  le  magistrat  de  cette  ville,  soit  par  l'écoutette,  c'est-à-dire 
l'officier  du  gouvernement  près  de  ce  magistrat,  furent  plus  tard 
déclarées  nulles,  parce  que  la  qualité  essentielle  de  celui  qui  vou- 
lait acquérir  la  bourgeoisie  était  de  professer  la  religion  catho- 
lique, et  que  ni  le  magistrat  ni  l'écoutette  n'avaient  le  pouvoir 
de  dispenser  personne  de  cette  qualité  ^. 

Désormais,  les  demandes  d'obtention  de  bourgeoisie,  faites  par 
des  juifs,  furent  examinées  par  le  conseil  privé,  qui  avait  dans 
ses  attributions  la  direction  et  la  surveillance  de  la  justice  et  de  la 
police  des  Pays-Bas  autrichiens,  et  à  la  délibération  duquel  étaient 
soumises  la  rédaction  des  nouvelles  lois  et  l'interprétation  des  an- 
ciennes. 

Il  existe  aux  archives  générales  du  royaume  à  Bruxelles  un 
carton  renfermant  les  dossiers  relatifs  aux  affaires  des  protestants 

'  Carton  1203  :  Lettre  oripinale  du  magistrat  d'Anvers  aux  gouverneurs  généraux 
Marie-Christine  et  Albert-Casimir,  8  juillet  1782.  —  Archives  de  la  ville  d'Anvers  : 
Poortcrabock,  1712-1729. 

*  Carton  1293  :  Extrait  du  protocole  du  conseil  privé  de  Sa  Majesté,  du  3,  août  l78i. 
—  Archives  de  la  ville  d'Anvers  :  Poorlersboek,  1729-17^7. 

^  Décret  de  Cobenzl  au  magistrat  d'Anvers,  7  juin  1758.  Nous  avons  donné  pins 
haut  le  texte  de  ce  document  au  chapitre  des  Taxes  sur  les  Juifs. 


NOTES  Eï  DOCUMKiNTS  SUR  LES  JUIFS  DE  BELGIQUE  2213 

et  des  juifs  dans  la  seconde  moitié  du  xviii"  siècle  '.  Nous  ferons 
connaître,  d'après  les  documents  contenus  dans  ces  dossiers  et  d'a- 
près d'autres  conservés  ailleurs,  les  raisons  qui  ont  milité  pour 
ou  contre  l'admission  des  juifs  aux  droits  de  la  généralité  des 
citoyens.  Nous  donnerons  in  extenso  (Quelques-uns  de  ces  docu- 
ments, parce  qu'ils  caractérisent  fort  bien  les  idées  de  l'époque 
dont  nous  nous  occupons,  et  qu'ils  font  connaître  l'origine,  la 
profession  et  la  condition  des  juifs  qui  résidaient  alors  dans  les 
Pays-Bas,  ainsi  que  d'anciens  usages  peu  ou  point  connus  aujour- 
d'hui. 

Généralement  les  magistrats  des  villes,  peu  favorables  aux  juifs, 
n'étaient  guidés  dans  leur  opposition  que  par  des  motifs  d'un  inté- 
rêt étroit  ou  d'une  économie  politique  égoïste,  tandis  que  le  con- 
seil privé,  comme  tout  ce  qui  touchait  de  près  au  gouvernement, 
était  plus  porté  à  la  tolérance. 


Anvers. 

On  vient  de  voir  deux  admissions  de  juifs  à  ia  bourgeoisie 
d'Anvers,  l'une  de  1715,  l'autre  de  1732,  mais  elles  furent  enta- 
chées de  nullité. 

Vers  le  mois  d'août  1769,  le  juif  Abraham  Benjamin,  établi  à 
Londres  depuis  plusieurs  années,  demanda  à  pouvoir  fixer  son 
domicile  à  Anvers  avec  sa  famille,  et  à  y  transporter  le  siège  du 
commerce  considérable  qu'il  faisait  en  Angleterre  et  dans  les  Pays- 
Bas.  C'était  peut-être  une  façon  modérée  d'exprimer  son  désir 
d'arriver  à  la  bourgeoisie. 

Le  magistrat  d'Anvers  se  montra  défavorable  à  cette  demande, 
sous  prétexte  que  le  commerce  du  suppliant  consistait  principale- 
ment en  produits  de  fabriques  anglaises,  dont  on  ne  devait  point 
faciliter  l'importation  dans  un  temps  où  le  gouvernement  mettait 
tous  ses  soins  à  favoriser  l'établissement  de  fabriques  du  même 
genre  dans  les  Pays-Bas.  Cependant  le  suppliant  avait  le  mérite  de 
faire  une  exportation  considérable  de  dentelles  en  Angleterre  ;  par 
là  il  procurait  un  avantage  d'autant  plus  grand  aux  lieux  de  pro- 
duction, que  les  marchands  du  pays  ne  faisaient  ou  ne  pouvaient 
faire  ce  commerce.  Le  magistrat  ajoutait:  «  Voilà  en  effet  tout  le 
mérite  du  suppliant,  mais  on  remarque  que  ce  commerce  de  den- 

*  C'est  le  carton  n°  1293  des  archives  du  conseil  privé,  intitulé  Hérésie  et  tolé- 
rance. Nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  faire  connaître  quelques-unes  des  pièces  qui 
y  sont  contenues. 

T.  VIII,  no  16.  15 


226  HEVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

telles  fait  évanouir  sa  prétendue  exactitude  dans  les  paiemens  des 
droits  d'entrée  et  sortie,  car  pour  faire  ce  commerce  il  doit,  en 
Angleterre,  en  faire  l'importation  en  fraude  ;  or  est-il  à  présumer, 
que  celui,  qui  fraude  dans  son  pays  natal,  ne  sera  pas  plus  scrupu- 
leux dans  un  autre,  si  l'occasion  se  présente  ^  ?  » 

Dans  un  second  avis,  le  magistrat  allégua  que  personne  de  la 
nation  juive  n'avait  jamais  pu   obtenir  la  bourgeoisie  en  aucune 
ville  d'Europe  ;  ce  qui  était  inexact,  puisque  nous  venons  de  voir 
qu'à  Anvers  même,  dans  la  première  moitié  du  xviii*'  siècle,  des 
juifs  avaient  déjà  joui  de  cet  avantage  ;  <<  pas  même  en  Hollande, 
ajoutait-il,  où  les  juifs  seuls  sont  réputés  indignes  du  privilège  de 
la  bourgeoisie,  tandis  qu'on  l'accorde  à  tout  autre  sans  discerne- 
ment de  secte  ni  de  religion.'  »  Le  magistrat  disait  encore  que,  si 
Abraham   Benjamin  voulait  être  exempt  des  droits  de  tonlieu, 
il  lui  suffisait  de  tenir  à  Anvers  fixe  habitation;  mais  demander 
d'être  reçu  au  nombre  des  bourgeois,  c'était  vouloir  déguiser  son 
intention  de  commercer  en  détail,  par  poids  et  par  mesures,  ainsi 
qu'il  le  faisait  depuis  quelque  temps  secrètement,  en  Brabant  et  en 
Flandre.  «  S'il  parvient  à  la  bourgeoisie,  il  prétendra  d'abord  d'être 
admis  dans  le  chef  métier  des  merciers,  pour  lever  tout  obstacle 
de  pouvoir  vendre  librement  en  détail.  »  Le  magistrat  apportait 
ensuite  tous  les  lieux    communs  habituels   contre  la  façon  de 
commercer  des  juifs,  et  exposait  que  c'était  la  raison  pourquoi 
aucun  État  n'avait  encore  osé  conférer  aux  juifs  les  droits  de  ci- 
toyen. Après  avoir  rappelé  le  décret  de  Cobenzl  du  7  juin  1758, 
que  nous  avons  reproduit  quelques  pages  plus  haut,    et  avoir 
ajouté   que   ce   décret  ayant  toujours  été  exactement  observé, 
le  gouvernement  avait  rejeté  depuis  toutes  les  demandes  sem- 
blables faites  par  des  juifs,  il  proposait  au  gouverneur  général 
d'éconduire  le  suppliant  -. 

Comme  la  principale  objection  qu'on  opposait  à  la  demande 
d'Abraham  Benjamin  était,  qu'en  acquérant  la  bourgeoisie,  celui- 
ci  pourrait  faire  le  commerce  en  détail,  il  s'engagea,  sous  telle 
peine  qu'on  trouverait  bon  de  lui  imposer,  à  ne  pas  exercer  cette 
sorte  de  commerce  ^ 

Le  motif  principal  d'opposition  étant  ainsi  écarté,  le  conseil 
privé  proposa  au  gouverneur  général  d'autoriser  l'admission  de  ce 
juif  à  la  bourgeoisie,  mais  à  condition  qu'en  cas  de  contravention 

'  Carton  1293  :  LcUrc  originale  du  niag.  d'Anvers  au  duc  Charles  do  Lorraine, 
gouverneur  général,  1"  septembre  1769. 

*  Carton  1203  :  Lellre  originale  du  mPnie  au  mémo,  9  seplcmhrc  17tj'.t. 

^  Carton  1293  :  Copie  de  reugagemenl  pris  jiar  Abraham  Benjamin,  9  octobre  1769. 


NOTES  ET  DOCUMENTS  SUR  LES  JUIFS  DE  BELGIQUE  227 

à  rengagement  pris  par  le  suppliant,  celui-ci  serait  déchu  du  droit 
de  bourgeoisie  et  encourrait,  outre  les  peines  ordinaires  commi- 
nées  par  les  ordonnances  du  magistrat  d'Anvers,  une  amende  de 
mille  florins  au  profit  de  Sa  Majesté  ^ 

Conformément  à  cet  avis,  le  28  octobre  1769,  le  gouverneur  gé- 
néral autorisa  le  magistrat  à  admettre  Abraham  Benjamin  sous  les 
conditions  précédentes,  mais  en  stipulant  que  cette  grâce  ne  pour- 
rait en  aucun  cas  être  tirée  à  conséquence,  et  que  la  disposition 
prise  en  1758,  qui  excluait  les  juifs  de  la  bourgeoisie,  serait  main- 
tenue dans  toute  son  étendue  '^ 

Vers  le  mois  d'avril  1782,  Benjamin  Joël  Gantor  et  Samuel  Joël 
Cantor,  frères,  négociants,  adressèrent  une  requête  à  l'empereur 
pour  obtenir  la  qualité  de  bourgeois  d'Anvers.  Ils  alléguaient  que 
leur  père,  Joël  Jacob,  né  à  Amsterdam,  avait  demeuré  plus  de 
dix-huit  ans  à  Anvers,  et  que  leur  grand-père,  Jacob  Cantor, 
après  une  résidence  de  plus  de  trente  années  à  Bruxelles,  avait 
même  été  admis  à  la  bourgeoisie  d'Anvers  le  13  juin  1732^  Les 
gouverneurs  généraux,  Marie-Christine  et  Albert-Casimir,  ren- 
voyèrent la  requête  à  l'avis  du  magistrat  de  cette  ville  *.  Voici  la 
réponse  de  celui-ci  : 

Madame  et  Monseigneur, 

Nous  avons  reçu  avec  respect  la  dépêche  du  18.  avril  dernier,  par  la- 
quelle Vos  Altesses  Roiales  daignent  demander  notre  avis  sur  la 
requête  y  jointe  des  frères  Gantor,  juifs,  afin  d'être  admis  à  la  bour- 
geoisie de  cette  ville. 

Pour  satisfaire  aux  ordres  de  Vos  Altesses  Roiales,  nous  avons 
l'honneur  de  dire,  qu'il  est  vrai,  que  les  supplians  se  sont  adressés 
à  nous  pour  devenir  bourgeois  à  Anvers,  mais  leur  demande  nous  a 
parue  [sic]  d'autant  plus  étrange  que  de  tout  tems  les  negotians 
juifs  ont  eu  la  liberté  de  venir  se  domicilier  en  cette  ville,  lorsqu'ils 
ont  voulu  y  exercer  quelque  commerce,  et  si,  par  une  résidence  con- 
tinue, ils  habitent  fixement  ici,  ils  acquièrent  les  mêmes  prérogatives, 
que  nos  autres  citoiens,  à  l'exception,  qu'ils  ne  peuvent  entrer  dans 
les  sermens^  ni  dans  les  corps  de  métiers,  ce  qui  ne  conviendroit 

*  Carton  1293  :  Extrait  du  protocole  du  conseil  privé  de  Sci  Majesté,  du  ^1.  octobre 
1769 . 

'  Carton  1293  :  Minute  du  décret  du  duc  Charles  de  Lorraine  au  mag.  d'Anvers, 
28  octobre  1769. 

^  Archive?  de  la  ville  d'Anvers,  collection  P.  van  Setter,  vol.  de  1782-1783,  fol. 
12,  v»  :  Copie  de  la  requête  des  frères  Cantor  à  l'empereur,  signée  par  G.  Becker, 
agent  admis  au  conseil  privé,  sans  dat3. 

*  Ibid.,  fol.  12,  r°  :  Original  de  la  dépêche  des  gouverneurs  généraux,  Marie-Chris- 
tine et  Albert-Casimir,  au  mag.  d'Anvers,  18  avril  1782. 

^  On  appelait  serments,  en  Belgique,  les  compagnies  d'élite  des  gardes  bour- 
fçeoises. 


228  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

pas,  puisque  quelques  uns  d'eux  tiennent  à  la  constitution  de  l'Etat, 
par  la  voix  qu'ils  ont  dans  les  consentemens  des  villes  :  les  juifs  ont 
aussi  toujours  été  exclus  de  la  bourgeoisie,  et  l'admission  du  grand 
père  des  supplians,  en  1732,  a  sûrement  été  faite  par  l'inadvertance 
de  Tecoutette  ou  sous  ecoutette,  qui  par  leur  office  sont  chargés 
d'examiner  la  conduite  et  la  religion  de  ceux,  qui  se  présentent  pour 
être  bourgeois  ;  le  gouvernement  instruit  d'une  pareille  admission 
dans  la  personne  d'Abraham  Aaron  en  1715,  l'a  déclarée  nulle  par 
décret  du  7.  juin  1758  ci-joint  n^  1,  et  nous  a  en  même  tems  défendu 
d'en  faire  de  telles  à  l'avenir  ;  depuis  cette  époque  nous  avons  cons- 
tamment refusé  tous  les  juifs,  qui  ont  fait  des  tentatives  pour  être 
soustraits  à  cette  loi. 

Ce  n'est  qu'en  1769  que  feue  Son  Altesse  Roiale  a  dispensé  le  juif 
Abraham  Benjamin  et  nous  a  ordonné  par  sa  dépêche  du  28.  octobre 
de  la  même  année  ci-jointe  n°  2,  d'admettre  ledit  Benjamin  à  notre 
bourgeoisie,  avec  cette  clause  cependant,  que  cette  grâce  né  pourra 
jamais  être  tirée  à  aucune  conséquence  et  que  le  décret  du  7.  juin  1758 
doit  être  maintenu  dans  toute  son  étendue. 

Nous  avions  pour  lors  remontré  au  gouvernement  les  inconveniens 
(de  l'admission  des  juifs  à  notre  bourgeoisie  et  l'exclusion  générale, 
qui  est  observée  contre  eux  dans  tous  les  Etats  de  l'Europe,  et  comme 
mous  avons  encore  les  mêmes  raisons  de  nous  y  opposer,  nous  joi- 
ignons  ici  n^  3  la  copie  de  la  représentation  du  1.  septembre  1769. 

Nous  prions  Vos  Altesses  Roiales  de  prendre  un  égard  favorable 
;aux  motifs  qui  y  sont  déduits  et  nous  osons  nous  tlatter  qu'elles 
voudront  maintenir  le  décret  de  1758  et  econduire  les  supplians  de 
leur  demande. 

Parmi  quoi  esperans  avoir  satisfait  aux  ordres  de  Vos  Altesses 
IRoiales,  nous  avons  l'honneur  d'être  avec  un  très  profond  respect, 

Madame  et  Monseigneur, 

De  Vos  Altesses  Roiales, 
Les  très  humbles  et  très  obeissans  serviteurs, 
bourguemaitres,  echevins  et  conseil  de  la  ville  d'Anvers, 

P:  Van  Setter  '. 
Anvers  ce  8.  juillet  1782. 

Le  conseil  privé  fut  chargé  d'examiner  l'affaire  et  prit  la  déci- 
sion suivante  : 

Extrait  du  protocole  du  conseil  privé  de  Sa  Majesté, 
du  3.  août  1782. 

M.  de  Gryspcrre  *  a  fait  le  rapport  suivant  :  Les  nommés  Benjamin 

•  Orif^iual  daus  le  carlca  1293.  —  L'annexe  n"  1  a  élé  publiée  plus  haut  au  chapitre 
des  2\ixes  sar  les  juifs  ;  les  deux  autres,  n"»  2  et  3,  sont  des  copies  de  documents  que 
nous  avons  résumés  à  propos  de  l'admission  dAbraham  Benjamin. 

'  Conseiller  au  conseil  privé. 


NOTES  ET  DOCUMENTS  SUU  LES  JUIFS  DE  BELGIQUE  229 

Joël  et  Samuel  Joël  Gantor,  frères,  juifs  de  nation,  et  commerçans  de 
profession,  demandent  par  requête  d'ôtre  admis  à  la  bourgeoisie  de 
la  ville  d'Anvers.  Ils  allèguent  que  leur  pcre  Joël  Jacob,  né  à  Amster- 
dam, a  déjà  demeuré  à  Anvers  plus  de  dix  huit  ans,  et  que  leur 
grand-pere  Jacob  Cantor  a  demeuré  plus  de  trente  ans  à  Brusselles  ; 
que  celui-ci  même  a  été  bourgeois  d'Anvers,  comme  conste  par  l'acte 
de  bourgeoisie,  daté  du  13.  juin  1732,  joint  par  copie  authentique  à  la 
requête. 

Ceux  du  magistrat  d'Anvers,  à  qui  cette  requête  a  été  envoyée, 
s'opposent  par  leur  avis  ci-joint  à  ce  que  les  supplians  demandent, 
en  alléguant  toutes  les  raisons  générales  qu'on  a  coutume  de  rap- 
peller  contre  l'admission  des  juifs,  et  les  défauts  dont  on  arguo 
ordinairement,  et  souvent  avec  raison,  ceux  de  cette  nation.  Les 
avisans  reclament  un  décret  du  7.  juin  1758,  qui  leur  défend  très 
expressément  d'admettre  des  juifs  à  la  bourgeoisie.  Ils  conviennent 
que  par  un  autre  décret  du  28.  octobre  1769,  ils  ont  été  chargés  d'ad- 
mettre à  la  bourgeoisie  le  négociant  juif  Abraham  Benjamin,  mais  ils 
observent  en  même  tems,  que  ce  décret  déclare  que  cette  ^race  ne 
pourra,  dans  aucun  cas,  être  tirée  à  conséquence  pour  d'autres,  et 
veut  «  que  la  disposition  faite  en  1758,  qui  exclut  l'admission  des 
»  juifs  à  la  bourgeoisie,  soit  maintenue  dans  toute  son  étendue  >-. 

Ils  ajoutent,  qu'il  ne  conviendroit  certainement  pas  que  les  juifs 
puissent  entrer  dans  les  sermons,  ni  dans  les  corps  de  métier,  dont 
quelques-uns  tiennent  à  la  constitution  de  l'Etat,  par  la  voix  qu'ils 
ont  dans  les  consentemens  des  villes. 

Le  conseil  observa  pendant  la  délibération,  que  les  argumens  de 
ceux  du  magistrat  d'Anvers  contre  les  juifs  en  général,  sont  justes, 
et  que  les  dispositions  que  les  avisans  rappellent,  ne  concernent  que 
l'admission  des  juifs  à  la  bourgeoisie  d'Anvers  par  la  seule  autorité 
et  du  seul  chef  du  magistrat,  sans  le  concours  du  gouvernement,  qui 
par  là  s'est  réservé  le  droit  de  dispenser  dans  les  cas  particuliers,  et 
pour  des  individus  qui  peuvent  mériter  d'être  exceptés  de  la  règle 
ordinaire  et  générale;  que  l'admission  du  négociant  juif  Abraham 
Benjamin  à  la  bourgeoisie  d'Anvers  en  1769,  fait  la  preuve  de  cette 
observation,  qui  d'ailleurs  est  conforme  au  principe  que  le  gouver- 
nement a  suivi  récemment  à  l'égard  de  plusieurs  juifs  admis  à 
Ostende  par  autorisation  expresse  du  gouvernement,  et  qu'à  celte 
occasion  on  a  fait  connoitre  tant  aux  fiscaux  de  Flandre,  qu'à  ceux 
du  magistrat  d'Ostende,  qu'on  n'est  pas  éloigné  d'accorder  dispense 
à  des  individus  juifs  pour  être  admis  à  la  bourgeoisie,  lorsqu'après 
un  examen  scrupuleux  le  gouvernement  général  aura  été  plainement 
appaisé  sur  leurs  mœurs,  leur  droiture  et  leur  fortune. 

Il  est  naturel  et  tout  simple,  que  les  individus  juifs  qui  obtiennent 
pareille  dispense,  ne  doivent  et  ne  peuvent  même  pas  devenir  par  là 
habiles  à  occuper  des  offices  ou  emplois  publics  quelconques,  ni  à 
avoir  droit  de  suffrage  dans  les  affaires  publiques  ou  municipales, 
mais  que  cette  dispense  ne  doit  être  censée  que  leur  accorder  simple- 


230  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

ment  les  effets  privés  et  purement  personnels  de  la  bourgeoisie,  sans 
aucune  relation  à  tout  ce  qui  va  plus  loin. 

Le  conseil  estime  qu'en  inhérant  dans  ce  principe,  qui  à  beaucoup 
d'égards  peut  être  lié  au  bien  public^  le  bon  plaisir  de  Leurs  Altesses 
Royales  pourroit  être  de  le  faire  connoitre  à  ceux  du  magistrat  d'An- 
vers, et  les  chargeant  en  conséquence  de  s'informer  dùement  et  de 
s'expliquer  sur  les  mœurs,  la  droiture  et  la  fortune  des  supplians,  et 
sur  les  motifs  particuliers  qu'ils  peuvent  avoir  pour  demander  l'ad- 
mission à  la  bourgeoisie  de  la  ville  d'Anvers,  afin  que  le  gouverne- 
ment puisse,  avec  pleine  connoissance  de  cause,  disposer  sur  la 
requête  des  supplians,  comme  il  trouvera  convenir. 

Le  conseil  joint  ici  le  projet  de  dépêche  qui  résulte  de  son  senti- 
ment, pour  être,  en  cas  d'approbation,  munie  de  la  signature  de 
Leurs  Altesses  Royales,  et  adressée  au  magistrat  d'Anvers.  //.  Ne.  v^  '. 

Les  gouverneurs  généraux  paraphèrent  pour  approbation  cette 
consulte  du  conseil  privé  ;  en  conséquence,  la  dépêche  suivante 
fut  envoyée  au  magistrat  d'Anvers  : 

B'*  [Bruxelles]  le  3.  août  1782. 

Marie  et=*.      Albert  et». 

Ayant  vu  l'avis  que  vous  Nous  avez  rendu  le  8.  juillet  dernier  sur 
la  requête  des  juifs  Benjamin  Joël  et  Samuel  Joël  Cantor,  frères, 
Nous  vous  faisons  la  présente  pour  vous  dire  que,  sans  faire  cesser 
les  défenses  générales  ci  devant  portées  d'admettre  les  juifs  à  la 
bourgeoisie  de  la  ville  d'Anvers,  Nous  ne  sommes  cependant  pas 
éloignés  d'accorder  à  cet  égard  dispense  à  des  individus  de  la  reli- 
gion juive,  lorsqu'après  un  examen  scrupuleux,  nous  aurons  été 
pleinement  appaisés  sur  leurs  mœurs,  leur  droiture,  leur  fortune 
et  leur  profession  :  laquelle  dispense  ne  rendra  néanmoins  en  au- 
cun cas  l'obtenteur  habile  à  occuper  ou  remphr  des  offices  ou  em- 
plois publics  quelconques,  ni  à  avoir  droit  de  suffrage  dans  les 
affaires  publiques  ou  municipales,  de  telle  nature  qu'elles  puissent 
être,  mais  que  la  même  dispense  n'accordera  simplement  audit 
obtenteur  que  les  effets  privés  et  purement  personnels  de  la  bour- 
geoisie, sans  aucune  relation  à  ce  qui  va  plus  loin. 

D'après  ces  principes,  c'est  notre  intention  que  vous  Nous  infor- 
miez et  vous  expliquiez  dùement  sur  les  mœurs,  la  droiture,  la  for- 
tune et  la  profession  des  supplians,  et  sur  les  motifs  particuliers 
qu'ils  peuvent  avoir  pour  demander  l'admission  à  la  bourgeoisie 
d'Anvers,  afin  que  Nous  puissions,  avec  pleine  connoissance  de 
cause,  disposer  sur  la  requête  des  supplians,  comme  Nous  trouve- 
rons convenir.  A  tant  et*  '. 

*  Carton  1293  :  Minute  mise  au  net. 

*  Carton  1293  :  Minute  mise  au  net. 


NOTES  ET  DOCUMENTS  SUR  LES  JUiFS  DE  BELGIQUE  231 

Une  note  marginale  (écrite  sur  la  minute  mise  au  net,  d'après 
laquelle  nous  rapportons  ce  document,  nous  apprend  qu'il  fut  signé 
par  les  gouverneurs  généraux,  Marie-Christine  et  Albert-Casimir, 
sous  le  paraphe  du  président  du  conseil  privé,  le  comte  de  Neny, 
et  le  contre-seing  de  l'un  dos  secrétaires  de  ce  conseil,  de  Reul. 

Bien  que  la  réponse  du  magistrat  fût,  cette  fois  encore,  de  prier 
les  gouverneurs  généraux  de  débouter  les  suppliants  de  leur 
demande,  on  y  remarque  cependant  une  certaine  bienveillance  à 
l'égard  de  ceux-ci. 

Madame  et  Monseigneur, 

Comme  il  a  plu  à  Vos  Altesses  Roiales  de  nous  ordonner,  par  leur 
dépêche  du  3.  août  dernier,  de  nous  expliquer  sur  les  mœurs,  la 
droiture,  la  fortune  et  la  profession  des  frères  Gantor,  juifs,  et  sur 
les  motifs  particuliers,  qu'ils  peuvent  avoir  pour  demander  l'admis- 
sion à  la  bourgeoisie  d'Anvers,  nous  avons  l'honneur  de  dire  que 
quant  à  leurs  mœurs,  nous  sommes  informés  par  les  propriétaires 
de  la  maison  où  les  supplians  ont  depuis  longtems  occupé  un  quar- 
tier \  qu'ils  ont  toujours  été  d'une  conduite  très  régulière;  les 
marchands  de  cette  ville  qui  ont  acheté  une  fois  chez  eux  conti- 
nuent pour  la  plupart  d'y  prendre  leurs  marchandises,  ce  qui  nous 
paroit  constater  leur  droiture  et  leur  honnêteté. 

Pour  ce  qui  regarde  leur  fortune,  il  ne  nous  est  pas  possible  de  la 
déterminer  ;  nous  sommes  obligés  de  nous  en  rapporter  à  ce  qu'ils 
nous  allèguent.  Ils  nous  ont  déclaré  que  par  année  commune  ils 
font  circuler  dans  leur  commerce  un  fonds  de  f.  [florins]  25000  et  ils 
présentent  de  vérifier  cette  somme  parles  billets  des  droits  d'entrée, 
qu'ils  paient  aux  bureaux  de  Sa  Majesté. 

Leur  profession  est  de  vendre  en  gros  toutes  sortes  de  toiles  de 
coton,  des  mousselines,  des  porcelaines  et  d'autres  marchandises 
des  Indes,  qu'ils  vont  acheter  dans  les  ventes  des  compagnies  en 
Hollande;  ils  font  aussi  quelques  foires  dans  les  villes  voisines, 
mais  ils  débitent  la  plus  grande  partie  de  leurs  effets  en  cette  ville. 
Il  conste  par  cet  aveu  des  supplians,  que  tout  leur  commerce  con- 
siste en  Importation,  dont  il  ne  resuite  pas  le  moindre  avantage 
pour  les  fabriques  de  ces  pays.  Ils  occupent  à  présent  en  cette  ville 
une  maison  entière,  pour  la  quelle  ils  paient  f.  132  par  an,  pour  le 
vingtième  f.  18,  etf.  8  de  contribution  aux  gardes  bourgeoises.  . 

Les  supplians  nous  ont  dit  qu'ils  ne  demandent  la  bourgeoisie 
d'Anvers  que  dans  l'intention  que  ce  titre  leur  donnera  plus  de  con- 
sidération dans  leur  commerce,  en  les  distinguant  des  autres  indi- 
vidus de  leur  nation,  qui  n'ont  qu'un  état  précaire  et  mènent  une 
vie  errante.  Ils  préfèrent  cette  ville  pour  sa  situation,  qui  les  met  a 
même  de  continuer  leur  débit  tant  en  Flandre,  en  Hainaut,  qu'au 

Appartement. 


232 


REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 


plat  pays  de  cette  province;  d'ailleurs  tous  leurs  correspondans, 
dont  ils  fournissent  les  boutiques,  sont  accoutumés  à  venir  les  trou- 
ver ici,  où  lis  ont  depuis  plus  de  vingt  ans  tenu  leur  magasin.  Mais 
comme  ils  pourroient  jouir  de  toutes  ces  prérogatives,  et  même  de 
l'exemption  du  thol*,  par  leur  résidence  continue  en  cette  ville,  sans 
être  admis  à  la  bourgeoisie,  nous  espérons  que  V.  A.  R.  prenant  un 
égard  favorable  aux  raisons,  que  nous  avons  déduites  dans  notre 
avis  du  8.  juillet  dernier,  daigneront  econduire  les  supplians  de  leur 
demande,  puisque  le  refus  de  l'admission  à  la  bourgeoisie  ne  les 
prive  que  de  vendre  en  détail,  permission  qu'il  seroit  dangereux 
d'accorder  à  ceux  de  la  nation  juive  par  les  inconveniens  qui  en  re- 
sulteroient  pour  le  public. 

Parmi  quoi  esperans  avoir  satisfait  aux  ordres  de  V.  A.  R.,  nous 
avons  l'honneur  d'être  avec  un  très  profond  respect. 

Madame  et  Monseigneur, 


Anvers  ce  26.  octobre  1782. 

L'adresse  ordinaire  à  Leurs 
Altesses  Roiales, 
Bruxelles. 


De  V.  A.  R., 

Les  très  humbles  et  très  obeissans 
serviteurs,  bourguemai'tres,  eche- 
vins  et  conseil  de  la  ville  d'Anvers, 
P  :  VAN  Setter  ^ 


Comme  on  le  voit,  l'opposition  du  magistrat  n'était  pas  bien 
vive,  et  le  conseil  privé,  alors  dans  les  meilleures  dispositions 
envers  les  juifs,  donna  un  avis  favorable  sur  la  requête  des  frères 
Cantor^.  Par  suite  de  cet  avis,  les  gouverneurs  généraux  adres- 
sèrent au  magistrat  d'Anvers  le  décret  suivant,  sous  le  paraphe 
de  M.  de  Kiilberg,  conseiller  au  conseil  privé  : 


Marie  Christine,  princesse 
roiale  de  Hongrie  et  de  Bo- 
hême, archiduchesse  d'Au- 
triche, duchesse  de  Bour- 
gogne, de  Lorraine  et  de 
Saxe  Teschen  etc. 


Albert  Casimir,  prince  roial  de  Po- 
logne et  de  L'ilhuanie,  duc  de  Saxe 
Teschen,  grand  croix  de  Tordre  roial 
de  S'  Etienne,  feld-maréchal  des  ar- 
mées de  Sa  Majesté  l'Empereur  et  Roi 
et  de  celles  du  S*  Empire  Romain  etc. 


Lieutenants,  gouverneurs  et  capitaines  généraux  des  Pais- 
Bas,  etc.  etc.  etc. 

Chers  et  bien  amés,  Aiant  eu  rapport  de  l'avis  ultérieur,  que 
vous  Nous  avez  rendu  le  26.  8'"'*=  dernier,  sur  la  requête  des  frères 
Cantor,  juifs,  Tsous  vous  faisons  la  présente  pour  vous  dire,  que,  trou- 


*  Toulieu, 

*  Minute  de  la  main  du  secrétaire  P.  van  Seller,  aux  archives  de  la  ville  d'Anvers, 
collection  P.  van  Setter,  vol.  de  1782-1783,  iol.  10. 

'  Carton  1293-:  Jixlrait  du  protocole   du    conseil   priwf  de    Sa    Majesté,  dn  2.  dé- 
rem'irc   17  S2. 


NOTES  ET  DOCUMENTS  SUR  LES  JUIFS  DE  BELGIQUE  /233 

vant  nôtre  entier  appaisement  dans  les  informations,  que  renferme  le 
dit  avis,  Nous  permettons  que  les  susmentionnés  frères  Gantor  soient 
admis  à  la  bourgeoisie  de  la  ville  d'Anvers,  sur  le  pied  et  aux  con- 
ditions et  clauses  énoncées  dans  nôtre  dépêche  du  3.  août  de  la  pré- 
sente année;  selon  quoi,  vous  aurez  à  vous  régler.  A  tant,  cliers  et 
bien  amés.  Dieu  vous  ait  en  sa  sainte  garde.  De  Bruxelles,  le  11.  dé- 
cembre 1782  ://:  Paraphé  :  Kulb.  v',  signé  :  Marie,  Albert,  plus  bas  : 
Par  ordonnance  de  Leurs  Altesses  Roiales,  contresigné  :  De  Reul. 
L'addresse  étoit  :  A  nos  chers  et  bien  amés  ceux  du  magistrat  d'An- 
vers, et  cachette  du  cachet  de  Sa  Majesté  en  hostie  rouge  \ 

L'admission  des  frères  Cantor  fut  ainsi  enregistrée,  en  flamand, 
dans  le  livre  des  bourgeois  d'Anvers  : 

24  décembre. —Benjamin  Joël  Cantor,  natif  d'Amsterdam,  juif, 
marchand. 

24  id.  —  Samuel  Joël  Cantor,  natif  d'Amsterdam,  juif,  mar- 
chand. 

Nota.  Ces  deux  juifs  ont  été  admis  à  la  bour- 
geoisie ensuite  de  la  dispense  de  la  cour,  en  date 
du  11  décembre  1782,  enregistrée  dans  le  Placaert- 
doek  van  den  hove^  vol.  23,  fol.  35  ^ 

Il  n'est  peut-être  pas  sans  intérêt  de  rapporter  ici  que,  sous 
l'Empire,  pendant  la  réunion  des  provinces  belgiques  au  territoire 
français,  Samuel  Joël  Cantor,  probablement  le  seul  survivant  des 
deux  frères,  exhiba  son  acte  de  bourgeoisie,  lorsqu'il  comparut 
devant  Fofflcier  de  l'état  civil  d'Anvers,  pour  remplir  au  sujet  de 
son  nom  et  de  ses  prénoms  les  obligations  prescrites  par  le  décret 
impérial  du  20  juillet  1808.  Rien  ne  l'obligeait  à  cette  formalité, 
ni  celui  des  trois  décrets  du  17  mars  de  cette  année,  qui  soumettait 
à  un  régime  d'exception  certaines  catégories  de  juifs,  ni  aucun 
arrêté  préfectoral  ;  il  voulait  sans  doute  montrer  par  là  qu'il  avait 
depuis  longtemps  été  jugé  digne  de  l'estime  et  de  la  considération 
de  ses  concitoyens. 

Le  trois  octobre  dix  huit  cent  huit,  à  dix  heures  du  matin,  par 
devant  nous  Jacques  Joseph  Hebrant,  adjoint  au  maire  de  la  ville 
d'Anvers,  et  officier  de  l'état  civil  spécialement  délégué  par  lui,  est 
comparu  Samuel  Joël  Cantor,  particulier  entretenu,  âgé  de  cinquante 
ans,  natif  d'Amsterdam,  Hollande,  domicilié  à  Anvers,  section  1^'% 


*  Archives  de  la  ville  d'Anvers:  Copie  dans  le  Placcaethoek  van  den  hove,  vol.  23, 
fol.  35. 

■^  Mêmes  archives  :  Poorlersbock,  1782. 


234  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

n*^  1970,  lequel  nous  ayant  exhibé  deux  actes  authentiques  qu'au 
mois  de  décembre  dix  sept  cent  quatre  vingt  deux,  il  a  acquis  le 
droit  de  bourgeoisie  de  cette  ville  d'Anvers,  nous  a  en  conséquence 
déclaré  qu'il  conserve  les  prénoms  de  Samuel  Joël,  et  le  nom  de 
Cantor,  ce  dernier  étant  le  nom  que  portait  son  ayeul;  et  nous  en 
avons  rédigé  le  présent  acte  dont  lecture  a  été  donnée  au  comparant, 
lequel  a  signé  avec  nous. 

S.  J.  Cantor.  Jacq.  Hebrant*. 

Le  juif  Levi  Abraham,  natif  de  Hanovre,  s'adressa  nnssi  à 
l'empereur  pour  obtenir  l'admission  à  la  bourgeoisie  de  la  ville 
d'Anvers,  où  il  résidait  depuis  quinze  ans-,  et  où,  d'après  ce  qu'il 
avait  fait  connaître  au  magistrat,  il  désirait  exercer  «  le  commerce 
»  de  bijouterie  ainsi  que  d'autres  branches  ».  Après  avoir  pris 
l'avis  du  magistrat,  le  conseil  privé  ne  fut  pas  d'avis  d'accueillir 
la  demande  du  suppliant,  «  le  commerce  qu'il  deveroit  exercer  est 
»  celui  de  brocanteur  qui  est  suspect  ou  du  moins  peu  recomman- 
»  dable  en  lui-même  ^  »,  et  lui  refusa,  le  4  décembre  1184,  l'autori- 
sation qu'il  sollicitait'*. 

Emile  Ouverleaux. 

(A  suivre.) 

*  Archives  de  l'état  civil  dAnvcrs  :  Registre  aux  déclarations  des  sectateurs  du 
culte  hébraïque,  tenu  en  exécution  du  décret  impérial  donné  à  Bayonne,  le  vingt  juillet 
dix  huit  cent  huit,  folio  2,  recto,  n°  8. 

»  Carton  1203  :  Requête  originale  à  l'empereur,  signée  par  l'agent  Merteus,  procu- 
reur au  conseil  privé,  et  datée  de  Bruxelles,  26  mars  1784. 

■''  Carton  1293  :  Extrait  du  protocole  du  conseil  privé  de  Sa  Majesté,  du  27.  sep- 
tembre 178  i. 

4  Ibid,  :  Apostille  du  conseil  privé,  non  paraphée,  4  décembre  1784. 


NOTES  SDR  LES  JUIFS  DES  ÉTATS  DE  LA  SAVOIE 

KT  PARTlClLlilREME^T  DE  LA  BRESSE,  DE  BIGEY  ET  GEX 

PENDANT  LES  XIIP,  XIV°  ET  XV^  SIÈCLES 


Il  est  assez  difficile  d'assigner  une  date  précise  à  l'apparition 
des  Juifs  dans  la  Savoie  et  les  provinces  annexées  pendant  la 
période  qui  nous  occupe.  Les  historiens  et  les  chroniqueurs  de  ces 
pays  diffèrent  d'opinion  à  ce  sujet.  Grillet  a  avancé  que  ce  fut  le 
comte  Edouard  qui,  le  premier,  appela  les  Juifs  à  Chambéry,  en 
1319  K  Mais  Costa  de  Beauregard  observe,  avec  raison  ^  qu'il  ré- 
sulte de  documents  authentiques  que,  déjà  sous  les  règnes  des 
comtes  Pierre,  Philippe,  Amédée  IV,  Amédée  V,  les  Juifs  étaient 
nombreux  en  Savoie.  Amédée  V  leur  donna  des  privilèges  qui 
furent  confirmés  par  le  comte  Edouard,  et  celui-ci  accorda  encore 
des  privilèges  particuliers  à  quelques-uns  d'entre  eux,  comme  il 
résulte  de  sa  lettre,  datée  de  Saint-Georges  d'Espéranche,  le 
17  novembre  1323  ^  Les  Registres  de  la  Chambre  des  comptes  de 
la  Bresse,  Bugey  et  Gex,  déposés  aux  Archives  départementales 
de  la  Côte-d'Or  *  montrent  qu'il  y  avait  des  Juifs  dans  ces  régions 
dès  1275.  Une  somme  de  10  livres  fut  versée,  en  cette  année,  par 
les  Juifs  demeurant  à  Pont-de-Yaux,  à  Pierre  de  Montmerle,  clerc 
de  M.  de  Bagé  ^.  D'où  venaient  ces  israélites  et  ceux  que  nous 

1  Grillet,  Dict.  hist.,  t.  II,  p.  39, 

2  Costa  de  Beaurej^ard,  Notes  et  documents  sur  la  condition  des  Juifs  en  Savoie 
dans  les  siècles  dît  moyen-âge,  insérés  dans  les  Mémoires  de  VAcadémie  royale  de 
Savoie,  seconde  série,  t.  II,  p.  82;  Chambéry,  1854. 

3  Voir  ibid.  la  copie  de  la  Charte  du  17  novembre  1323;  Docnm.,  n»  1,  p.  108. 
C.  de  Beauregard  mentionne  également  un  compte  de  Rodolphe  Baradis,  châtelain  de 
Chambéry,  de  l'année  1300,  où  il  est  question  du  tribut  que  payaient  alors  les  Juifs 
de  Savoie  ;  ibid.,  p.  82. 

^  Cf.  VInvenlaire  sommaire  des  Archives  de  la  Côte-d'Or,  série  B,  t.  III  et  IV. 
5  Ibid.,  série  B,  n»  9153. 


236  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

trouvons  plus  tard  dans  ces  régions  ?  Probablement  de  France, 
après  les  expulsions  de  1180  et  de  1306.  Les  principales  localités 
habitées  plus  tard  par  les  Juifs  en  Savoie  sont  Chambéry,  Yenne 
et  Seissel,  dans  la  Savoie  proprement  dite;  Bourg,  Bagé,  Pont-de- 
Vaux  et  Pont-de-Yeyle  dans  la  Bresse  ^  Les  auteurs  d'origine 
juive  ne  nous  fournissent  sur  les  Juifs  de  la  Savoie  que  des  ren- 
seignements de  peu  d'importance  qui  ne  rem.ontent  guère  au-delà 
du  XI v«  siècle.  • 

Juda  b.  Eliézer,  dans  son  Daat  Zeqénim,  écrit  vers  1313, 
cite  parmi  les  glossateurs  du  Pentateuque,  Aaron  N'T^''n"i::"ip73, 
mot  que  l'on  suppose  être  une  corruption  de  «n^'^nT^npTo,  c'est-à- 
dire  de  Camberiacum  (Chambér}^^,.  Azulaï  rapporte  que  les  tosa- 
fistes  de  y\r\  (Touques  ou  Touches)  furent  recueillis  par  Gerson 
Soncino  à  Chambéry  et  dans  d'autres  villes,  vers  1625  ^.  Joseph 
Haccohen,  dans  sa  Vallée  des  pleurs,  mentionne,  à  la  date  de 
1394,  la  première  persécution  des  Juifs  en  Savoie,  à  l'instigation 
de  Vincent  Ferrer  '^.  Cependant  tous  les  chroniqueurs  du  pays,  de 
même  que  ceux  du  Dauphiné,  rapportent  qu'à  l'occasion  de  la 
peste  noire,  en  1348,  on  fit,  dans  ces  régions,  un  horrible  carnage 
des  Juifs.  Salomon  Aben  Verga  rapporte  une  autre  persécution 
«  générale  »  des  Juifs  qui  aurait  eu  lieu  en  Savoie  et  dans  le  Pié- 
mont en  1490  ^.  On  trouvera  dans  Grœtz  et  chez  tous  les  histo- 
riens de  ces  provinces  des  détails  sur  la  persécution  des  Juifs  de 
Chambéry  en  1348  à  l'occasion  de  la  peste  noire.  C'est  de  là  que 
partit,  bien  plutôt  que  du  midi  de  la  France,  l'accusation  absurde 
que  les  Juifs  avaient  empoisonné  les  puits.  Une  information 
contre  eux  fut  ordonnée  dans  la  commune  de  Visille  ^  (Yisilia). 


1  Victor  de  Saint-Gcnis,  Histoire  de  la  Savoie,  Chambéry,  1868,  t.  I,  p.  455  et 
suivantes,  t  A  Chambéry,  dit  cet  auteur,  les  Juifs  habitaient  encore,  en  1714,  le 
quartier  de  la  ville  connu  sous  la  dénomination  de  quartier  d'Allinges.  Ils  étaient 
barrés  la  nuit  dans  leur  rue  que  traverse  un  canal  fanpceux,  et  se  consolaient  par  le 
luxe  de  leurs  intérieurs,  leurs  chants,  les  flûtes  et  le  calcul  des  affaires  de  banque, 
des  avanies  delà  veille  »  (t.  II,  p.  486j.  Voir,  pour  toutes  les  localités  ci-dessus  dé- 
sif^nées,  les  comptes  des  trésoriers  et  syndics  de  la  ville  de  Chambéry,  cités  par 
Victor  de  Saint-Genis,  et  les  registres  des  comptes  de  la  Bresse,  dont  nous  donnons 
plus  loin  des  extraits. 

2  Zunz,  Zitr  Gcschichte,  p.  96.  Azulaï  écrit  ■^"i3'^3'^5  ;  voir  Vaad,  art.  r-|£Din,  et 
Zunz,  y^ur  Gcschichtc,  p.  40.  L'éditeur  célèbre  Gerson  Soncino  écrit  "^"iD^p.  Voir 
Rabbinowicz  sur  les  différentes  édit.  du  Talmud  (hébreu),  Munich,  1877,  p.  23. 
Aben  Verga  et  J.  Haccohen  écrivent  ^l'^^T^O  (Savoie,  Sabodia)  ;  d'autres  «'"^TlO  ; 
voy.  Landshuth,  Antoudê,  appendice  V. 

^  Azuluï,  Vaad,  l.  c. 
*  Traduction  J.  Sée,  Paris,  1881,  p.  85. 

^  Srhébet  Jchouda,  n"  11.   Ne  serait-ce  pas  la  persécution,  suscitée  par  Louis  de 
Nice,  en  I'»6r),  et  dont  nous  parlerons  plus  loin? 
^  Petite  ville  dans  le  département  de  l'Isère,  litrange  coïncidence  !  C'est  éfçalemcnt 


NOTES  SUR  LES  JUIFS  DES  ÉTATS  DE  LA  SAVOIE  237 

L'acte  dressé  à  cette  occasion  devait  servir  de  base  aux  accusa- 
tions du  même  genre,  élevées  contre  les  Juifs  de  Chambéry.  Les 
juges  de  cette  ville,  après  de  longues  investigations,  députèrent 
deux  envoyés  en  Dauphiné,  à  l'effet  de  se  procurer  la  copie  de 
l'acte  de  procédure  dressé  contre  les  Juifs  du  Dauphiné.  Il  s'agis- 
sait, sans  doute,  de  rapporter  en  Savoie  la  copie  de  l'enquête  de 
Visille,  la  première  qui  eut  lieu  contre  les  juifs  dauphinois  K  On 
trouvera  dans  le  mémoire  de  Costa  de  Beauregard,  que  nous  avons 
déjà  cité,  des  détails  sur  les  martyrs  juifs  de  1348  à  Montmélian,  à 
Yenne,  à  Aiguebelle  et  à  Saint-Genix^.  Il  semble,  au  contraire, 
que  les  Juifs  résidant  dans  la  Bresse,  dans  le  pays  de  Bugey  et  de 
Gex,  n'aient  pas  eu  à  subir  ces  persécutions.  Sur  les  Juifs  établis 
à  Bourg,  pendant  une  période  de  235  ans  (1277-1512),  nous  avons 
quelques  renseignements  qui  se  trouvent  dans  l'inventaire  som- 
maire des  archives  de  la  Gôte-d'Or  (série  B). 

N«7140  (1389  à  1391).  —  Mention  d'une  recette  de  30  florins, 
donnés  par  un  Juif,  pour  avoir  acheté  une  croix,  un  calice  et 
d'autres  vases  sacrés. 

N°  7151  (1405-1406).  —  Amende  payée  par  un  Juif,  qui  avait 
négligé  de  porter  sa  marque. 

No  7175  (1427-1428).  —  Amende  payée  par  un  individu  qui 
avait  mis  dans  les  souliers  d'un  Juif  des  clous  rouges  pour  le 
brûler. 

Dans  la  seconde  moitié  du  xiv^  siècle,  de  nombreux  procès 
d'hérésie  sont  soulevés,  en  Bresse,  par  l'Inquisition.  On  brûle 
quantité  d'hérétiques,  on  confisque  leurs  biens,  quelquefois  sous 
prétexte  qu'ils  judaïsent  ^.  Quoique  les  Juifs  ne  paraissent  pas 
avoir  été  inquiétés  par  l'Inquisition,  il  est  à  présumer  que,  par 


au  château  de  Visille,  que  440  ans  plus  tard  (21  juillet  1788)  retentirent  les  pre- 
mières protestations  contre  l'ancien  régime,  de  la  part  des  députés  dauphinois  qui 
y  étaient  réunis.  (Duruy,  Histoire  de  France,  t.  II,  p.  461  ;  Paris,  1873.) 

1  Voir  pour  amples  détails,  Mémoires  de  VAcad.  de  Savoie,  op.  c,  p.  101  ;  et  Saint- 
Genis,  Histoire  dit,  Dauph.,  1. 1,  p.  351  et  354.  Le  prix  de  la  copie  dont  il  est  question 
ici  avait  été  soldé  à  un  florin  d'or  de  bon  poids,  d'après  une  mention  de  la  Cbambre 
des  comptes  de  Chambéry, rapportée  par  G.  de  Beauregard. 

2  P.  100,  105,  116. 

8  Dans  ^Inventaire  sommaire  des  Archives  de  la  Côte-d'Or,  série  B,  n°  10393, 
année  1433,  on  trouve  :  «  Composition  de  3  fl.,  payée  par...  pour  avoir  dit  à  la 
femme...  «  fausse,  hérétique,  va  à  la  synagogue  des  hérétiqices.  »  Au  n»  7218,  année 
1468  :  «  Salaire  du  bourreau,  qui  avait  brûlé  une  femme  accusée  d'hérésie,  etc.  et 
d'avoir  eu  des  relations  avec  le  diable,  dans  une  synagogue  ».  Au  n°  7219,  année 
1470  :  «  Salaire  du  bourreau  pour  avoir  pendu  un  homme  qui,  dans  la  torture,  avait 
avoué:  «  se  fuisse  in  synagoga  in  congregatione  diabolorum  et  hereticorum. . .  car— 
nemque  puerorum  in  cadem  synagoga  comedisse  ».  Au  n°  7252,  année  1475  :  «  Frais 
d'exécution  de  voleurs,  de  sacrilèges  et  d'hérétiques,  entre  autres  une  femme  qui 
avoua  nec  non  ad  synagogam..,  ivisse,  ....  » 


238  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

mesure  de  précaution,  ils  quittèrent  en  grand  nombre  ces  pro- 
vinces. A  Bourg,  par  exemple,  il  ne  s'en  trouve  plus  vers  1512. 
En  l'année  1512,  le  cens  des  Juifs  de  cette  ville  ne  rapporte  rien  : 
c<  Quia  in  dicta  villa  et  castellania  Burgi  nulli  fuerunt  ^  ». 

De  l'examen  des  registres  de  la  Chambre  des  comptes  de  la 
Bresse  il  résulte  qu'outre  les  tailles  et  cens  auxquels  étaient  sou- 
mis régulièrement  les  Juifs,  ceux-ci  payaient  encore  une  taxe 
particulière,  à  l'occasion  de  l'inhumation  de  leurs  morts.  Ce  sont 
particulièrement  les  seigneurs  de  la  châtellenie  de  Bagé  qui  tien- 
nent la  main  à  ce  que  la  redevance  prélevée  pour  chaque  inhu- 
mation soit  exactement  acquittée  ^. 

A  Châtillon-les-Dombes,  les  Juifs  ont  séjourné  durant  les  an- 
nées 1284-1479.  La  recette  de  la  censive  des  Juifs  de  cette  ville  est 
nulle  la  première  année,  «  propter  inopiam  »  ^  Mais  plus  tard  les 
Juifs  y  forment  une  communauté,  et  paient  40  florins  de  censive 
pour  leur  garde*.  Le  registre  des  comptes  relate  également  la  re- 
cette du  produit  de  la  vente  des  biens  meubles  et  immeubles  d'un 
Juif,  vers  1401,  sans  indiquer  le  motif  de  cette  confiscation  ^.  Mais 
un  fait  à  signaler,  c'est  la  destruction  des  livres  hébreux  des  Juifs. 
Au  numéro  7623  on  lit,  en  effet,  ce  qui  suit  :  «  Dépenses  faites  à 
Châtillon,  par  Pierre  de  Varambon,  procureur  et  Amédée  d'Agnin 
vocando  circa  executionem  libroriwi  Judeorum  legis  ehrayce 
ex  ordinatione  domini.  »  Cette  exécution,  ordonnée  par  le  comte, 


*  Registres  des  comptes,  n°  72o6.  Dans  la  châtellenie  de  Bagé,  les  Juifs,  qui  y 
résidaient  en  grand  nombre  depuis  l^année  1294,  abandonnent  celte  partie  de  la 
Bresse  vers  Pan  1524  [Cham.  des  comptes,  op.  c,  n°«  6919  et  6929J.  Le  chiffre,  de  plus 
en  plus  élevé,  du  cens  des  juifs,  qui,  par  suite  des  traités  avec  les  comtes,  avait  at- 
teint la  somme  annuelle  de  1,000  florios,  de  100  fl.  qu'il  était  au  début,  indique  l"im- 
portanec  numérique  de  la  population  israéiito  de  ce  pays.  (Voir. à  ce  sujet,  Cham.  des 
comptes, op.  c,  n°*  6670,  67o4,  675o  et  6919.)  D"après  Victor  de  Saint-Geuis.  ^li.'oiVc, 
t.  I,  456,  le  droit  de  séjour  (Statium)  des  Juil's  de  Chambéry  et  environs  avait 
produit,  en  l'année  1300,  la  somme  do  75,374  fr.,  et  en  1328,  celle  de  2,400  florins 
d'or. 

^  Voici  ù  ce  sujet  quelques  mentions  de  la  Chambre  des  comptes  de  la  Côte-d'Or, 
extraites  de  VInvcntaire  sommaire,  série  B,  n°  6777  :  «  Perception  des  deniers  payés 
pour  le  droit  d'enterrer  des  Juifs  près  des  fourches  patibidairts  de  Bagé  (an.  1351).  » 
—  N"  6785.  «  Deniers  payés  par  les  Juifs  pour  t»ut  )risation  d'inhumer  leurs  coreli- 
gionnaires prés  des  fourclics  do  Bagé  (an.  1359).  »  —  N°  G793.  «  Droit  d'un  denier  levé 
pour  chaque  Juif  en  terre  et  sepcliuntur  versus  furcas  (an.  1367).  »  —  N°  6840. 
•  Recette  à  l'occasion  do  la  sépulture  des  Juifs  (an.  1422).  •  —  N°  6862.  •  Même 
mention  que  la  précédente,  et  où  l'on  nomme  un  certain  Hi'liogardo  Thoroili^  qui  paie 
le  droit  d'inhumer  son  fils  Cressandi  (an.  1/|39].  •  —  N"  6853.  «  Il  est  spécialement 
recommandé  au  châtelain  de  nommer  les  Juifs  qui  seront  enterrés  aux  fourches  de 
Bagé  (an.  1432).  . 

5  Chambr.  descomp.,  op.c,  n"  7560. 

*  Ibid.,  u-  7579. 
5  N°  7610. 


NOTES  SUR  LES  JUIFS  DES  ETATS  DE  LA  SAVOIE  239 

eut  lieu,  le  8  mai  1418,  les  livres  de  la  loi  des  Juifs  furent  brûlés, 
concremati  ^ . 

Dans  l'inventaire  des  comptes  de  Pont-d'Ain,  une  des  localités 
de  la  Bresse,  où  les  Juifs  avaient  fixé  leur  résidence  (1328-1418), 
ils  étaient  assez  nombreux  et  ils  faisaient,  sur  les  foires  impor- 
tantes de  cette  ville,  le  commerce  de  draps,  de  chevaux*,  etc. 
Signalons  encore  les  mentions  suivantes  de  Vinvent.  somm.  des 
archives  de  la  Côte -d'Or,  série  B. 

N^  9024.  —  Le  Châtelain  constate  que  cent  soixante-six  Juifs  ont 
payé  le  péage  du  pont  (an.  1332). 

N«  9025.  —  Recette  de  2,222  livres,  24  sous,  de  petits  tournois,  de 
Sandre,  Juif,  maître  de  la  monnaie  de  Pont-d'Ain  (an.  1336). 

NO  9027.  —  Frais  d'exécution  d'un  juif  apostat,  condamné  au  feu 
(an  1342). 

N°  9049.  —  La  coutume  des  Juifs  demeurant  à  Pont-d'Ain  est 
payée,  pour  tous  les  Juifs  de  Savoie,  par  Simon,  résidant  à  Bourg 
(an.  1375).  Ce  Simon  paraît  avoir  été  un  personnage  notable  parmi 
ses  coreligionnaires  de  l'époque.  Il  en  est  parlé  fréquemment  dans 
les  registres  des  comptes  ^. 

N<>  9081.  —  Composition  de  4  deniers,  payés  par  un  Juif  qui,  pas- 
sant sur  le  Pont-d'Ain,  ne  portait  pas  la  marque  des  Juifs  (an.  1415). 

Châtellenie  de  Pont-de-Vauso  (1275-1485). 

N*'  9155.  —  Composition  de  40  sous,  payée  par  la  fille  Bon  Fillon, 

juive,  laquelle  avait  fait  sang  à  la  femme  de  l'official  juif  (an.  1287). 

]S[°  9160  — Composition  de  4  livres  payée  par  le  juif  Judas,  pour 


*  Vers  la  même  époque,  en  1416,  on  relate  une  confiscation  de  manuscrits  hébreux, 
en  Dauphiné  (Prudh.,  Les  Juifs^  etc.,  p.  61).  —  Dans  les  comptes  de  la  même  année 
(1417)  des  trésoriers  f^énéraux  de  la  Savoie,  il  est  question  de  deux  médecins  juifs 
baptisés,  Guillaume  Saifon  et  maître  Pierre,  de  Mâcon  (ce  dernier  serait-il  le  person- 
nage cité  par  Simonnet  sous  la  dénomination  de  maî're  Pierre  le  Physicien  et  ayant 
habité  la  Bourgogne,  vers  1379?  Voy.  Simonnet,  Juifs  et  Lombards,  p.  435,  dans 
les  Mémoires  de  l'Académie  de  Dijon,  t.  XIII,  18G5).  Ces  deux  Juifs  furent  députés  à 
Chambéry  pour  examiner  les  livres  des  Juifs  et  y  rechercher  les  blasphèmes  qu'on 
prétendait  qu'ils  contenaient  contre  la  religion  chrétienne.  [Louis  de  Nice,  par  Dufour 
et  Rabut,  dans  les  Mém.  de  la  Société  savois.  d'hist,  et  d'archéol.,  t.  XV,  Chambér}-, 
imp.  Bottero,  p.  21).  En  1430,  le  médecin  Amédée  de  Chambéry  également  con- 
verti au  christianisme,  fait  brûler  les  livres  hébreux  des  Juifs  {ihid.,  p.  22).  Enfin 
rappelons  le  fameux  médecin  Juif  bapiisé  sous  le  nom  de  Louis  de  Nice,  qui, 
disent  ses  biographes  [op.  c,  p.  28)  a  rendu,  par  son  mérite  exceptionnel,  tant  de 
services  divers  à  son  parrain,  le  duc  Louis,  et  au  successeur  du  duc,  et  qui  fut 
chargé,  en  1466,  d'inventorier  les  livres  des  Juifs  de  Chambéry,  accusés  de  maléfice, 
sacrilège,  etc.  Le  procès-verbal  de  cette  enquête  existe  aux  Archives  de  la  Chambre 
des  comptes  à  Turin,  et  a  été  publié  par  Costa  de  Beauregard,  op.  c,  p.  106.  L'ac- 
cusation, ne  reposant  sur  aucun  témoignage  sérieux,  fut  plus  tard  abandonnée. 

*  Chambr.  des  comptes,  n»  9046 
3  N«>«  7363,  7368  et  9069. 


240  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

un  duel  qu'il  avait  affirmé  (firmaverat)  avec  le  juif  Léon  (an.  1303- 
4  309). 

N''  9165.  —  Réparation  faite  à  la  maison  du  comte,  découverte  lors 
delà  détention  des  Juifs,  qui  y  furent  emprisonnés  (an.  1349).  Il 
s'agit  probablement  des  Juifs  emprisonnés  à  Toccasion  de  la  peste 
noire.  C'est  la  seule  mention  de  poursuite  exercée  contre  les  Juifs 
de  la  Bresse  pendant  les  années  douloureuses  de  1348  et  1349. 

N°  9170.  —  Les  Juifs,  résidant  en  Bresse,  Bagé  et  Valbonne,  ayant 
offert  au  comte  une  somme  de  100  fl.,  pendant  10  ans,  pour  leur 
censé,  la  redevance  particulière  des  Juifs  de  Pont-de-Vaux  n'est  plus 
portée  en  compte  (an.  1339). 

N^  9200.  —  Composition  de  18  deniers,  payée  par  Jacotet  Ghorel, 
juif,  pour  avoir  voulu  traverser  Pont-de-Vaux  avec  le  corps  d'une 
juive  sans  payer  le  péage  (an.  1417). 

N*'  9220.  —  Recette  de  6  deniers  pour  le  péage  des  Juifs,  adjugée 
à  maître  Moïse,  de  Manta,  juif  (an.  1439). 

Châtellenie  de  Pont-de-Veyle  (an.  1324-1414)  : 

•  N<^  9291.  —  Composition  de  2  sous,  payée  par  Guiénot  Lestoffier, 
pour  avoir  creusé  dans  le  lieu  où.  sont  enterrés  les  juifs  (an.  1365). 

N*  9297.  —  La  censé  des  Juifs  ne  rapporte  rien,  parce  que  la  plu- 
part ont  quitté  Pont-de-Veyle,  et  que  le  trésorier  général  de  Savoie 
est  chargé  de  ce  recouvrement  sur  tous  les  Juifs  résidant  en  Savoie 
(an.  1379-1381). 

NO  9304.  —  Composition  d'un  florin,  payée  par  Gui  Garnier,  inculpé 
d'avoir  pris  au  juif  Moyse  ses  poules  et  les  ornements  dont  il  se  cou- 
vrait dans  la  synagogue  (an.  1396). 

Châtellenie  de  Saint-Germam  (an.  1325-1410)  : 

N^  9583.  —  Compte  d'Ayron  (Aaron),  juif,  receveur  de  péage,  de 
transit,  etc.,  et  des  Juifs,  qui  paient  12  deniers  par  tète,  et  des 
juives  enceintes,  2  sols  (an.  1325). 

N*  9624.  —  Composition  de  11  deniers,  infligée  à  Beneton,  juif, 
pour  avoir  acheté  de  la  viande  de  bœuf  dans  la  boucherie  des. chré- 
tiens (an.  1408). 

Châtellenie  de  Saint-Rambert  (an.  1301-1465)  : 

N°  9739.  —  Frais  de  garde  du  juif  Manassès,  condamné  à  être  noyé 
par  le  juge  de  Bugey,  pour  avoir  habité  avec  une  chèvre  (an.  130i). 

De  tout  ce  qui  précède  nous  concluons  que  la  condition  des 
Juifs  dans  les  états  de  la  Savoie,  et  principalement  dans  la  Bresse, 
était  supportable.  On  voit  que  les  fonctions  de  péager  ou  de  ;>;'0- 
curcur  des  comtes  ou  autres  postes  de  ce  genre  leur  sont  confiés. 
Voici  la  liste,  par  ordre  chronologique,  des  Juifs  qui  ont  rempli 
ces  fonctions  dans  la  Bresse  : 


NOTES  SUR  LES  JUIFS  DES  ÉTATS  DE  LA  SAVOIE  241 

1.  Ayron  (A.aron),  péager  à  Saint-Germain,  en  132.J  ; 

2.  Jérémie,  péager  à  Saint-Rambert,  en  1333. 

3.  Samuel,  péager  à  Ghanaz,  en  1335  ; 

4.  Sandro,  maître  de  la  monnaie  à  Pont  d'Ain,  en  1336; 

5.  Samuel,  familier  du  comte,  pour  les  dépenses  de  l'hôtel  à  Gres- 
sieu,  en  1342; 

6.  Ilélisot,  péager  à  Seyssel,  eu  1342  ; 

7.  Manassès,  péager  à  Picrre-Ghâtel,  en  1358  ; 

8.  Moïse  de  Costa,  procureur  du  châtelain,  à  Miribel,  en  1395  ; 

9.  Maître  Moïse,  péager  à  Pont-de-Vaux,  en  1439. 

Ici,  comme  dans  d'autres  provinces  ou  d'autres  pays,  il  y  avait 
des  médecins  juifs  renommés  K  Les  médecins  des  ducs  étaient 
presque  toujours  venus  de  l'étranger,  et  parmi  eux  il  y  avait  des 
juifs  ^  Voici  les  noms  des  médecins  juifs  de  notre  région  que  nous 
avons  relevés  dans  les  travaux  de  MM.  Dufour  et  Rabat  ^  et  dans 
les  Registres  de  la  Chambre  des  comptes  de  la  Côte-d'Or  : 

l'*  Maître  Samson,  un  des  trois  chirurgiens  mandés,  en  1310,  par 
Amédée  V  au  château  de  Bourget,  pour  guérir  sa  fille  Catherine 
d'un  apostème  ; 

2°  Maître  Palmière  (Palmerius  ^) ,  célèbre  médecin,  attaché  à  la 
personne  d'Amédée  VI,  fut  en  même  temps  le  médecin  de  la  ville  de 
Chambéry.  Il  reçut  du  prince  un  traitement  annuel  de  deux  cents 
florins  d'or  de  bon  poids  (1349).  Il  figurait,  en  1353,  parmi  les  cin- 
quante plus  riches  citoyens  qui  prêtèrent  de  l'argent  à  la  ville 
de  Chambéry,  afin  que  celle-ci  pût  établir  une  tuilerie,  et  éviter 
ainsi  les  incendies,  en  couvrant  toutes  les  maisons  de  tuiles. 
Amédée  VI  lui  devait,  en  1360,  neuf  cents  florins  d'or,  et  lui  inféo- 
dait, à  titre  de  payement,  le  revenu  du  poids  de  la  halle  au  blé  de 
Chambéry.  Les  registres  des  comptes  portent  les  mentions  sui- 
vantes :  1349.  Dépenses  faites  à  Rossilon,  par  M*  Palmiéri,  physicien 
du  comte,  venu  pour  visiter  Pierre  de  Mured,  qui  y  était  tombé  ma- 
lade. —  1360.  Paiement  de  25  Û.  pour  le  transport  d'Amédée  de  Sa- 
voie, deRochefort  à  Aix,  sous  la  direction  de  M«  Palmiéri,  physicien 
du  comte  ^  ; 

3<»  Hélias,  d'Evian,  appelé  à  visiter  les  filles  du  comte  de  Savoie, 

'  Voir,  dans  Prudhomme,  Les  Jui/s,  etc.,  p.  48,  62,  69,  les  médecins  juifs  Moïse 
Peyrins,  David  Lévi,  Louis  de  Pampelunc. 

*  Dufour  et  Rabut,  Louis  de  Nice  ou  de  Provence,  p.  18,  et  C.  de  Beauregard, 
op.  c,  p.  92  ;  cf.  Victor  de  Saint-Génis,  Histoire  de  la  Savoie,  t.  II,  p.  36. 

3  Dufour  et  Rabut,  Louis  de  Nice  ou  de  Provence,  p.  12, 19,  20  et  23  ;  C.  de  Beaure- 
gard, op.  c,  p.  92. 

*  Peut-être,  en  hébreu,  "n^ûri  ;  voy.  Landshutb,  Amoudê,  art.  173n  ÛHiTD  'l 
n^73  '3,  p.  1^4. 

5  Chamb.  des  comptes,  n°s  9395  et  9399. 

T.  VIII,  no  1G.  IC 


242  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Marie,  Bonne  et  Marguerite,  dans  la  maison  des  minorettes  de  Gham- 
béry,  en  4  4 1 8  ; 

5  et  6.  M»  Isaac  d'Annecy  et  M^  Jacob  de  Ghambéry,  qui  sont 
énumérés  parmi  les  médecins  qui  assistaient  à  Taccouchement  de 
Bonne,  de  Berri,  lorsqu'elle  mit  au  monde  Amédée  YIII,  en  sep- 
tembre 1383; 

7"^  Mo  Salomon,  qui  fut  pendant  de  longues  années  le  médecin 
d'Amédée  VIII  (an.  1398  et  suivantes)  ; 

8°  M«  Jacob,  de  Cramonaz,  médecin  de  la  régente  Yolande,  en 
1473^ 

Nous  trouvons  aussi,  dans  nos  Registres,  un  certain  nombre  de 
médecins  juifs  qui  se  sont  convertis  au  christianisme.  En  voici 
les  noms  : 

4°  M®  Guillaume  Saffon^  et  M»  Pierre  de  Mâcôn,  baptisés  en  1414; 

2°  Amédée  de  Ghambéry,  baptisé  en  1430  ; 

30  Louis  de  Nice,  ou  de  Provence,  dont  nous  avons  parlé  plus  haut, 
baptisé  en  1445,  et  qui,  de  la  position  la  plus  malheureuse,  était 
arrivé  aux  plus  grands  honneurs  ^ 

Joseph  Haccohen,  dans  sa  Vallée  des  pleurs  *,  raconte  que  c'est 
par  l'intercession  d'un  médecin,  assesseur  au  tribunal  du  duc,  que 
les  Juifs,  menacés  d'être  expulsés  du  Piémont,  purent  de  nouveau 
résider  dans  ce  pays  (1559). 

En  résumé,  les  Juifs,  habitant  la  Savoie,  et  particulièrement  la 
Bresse,  semblent  avoir  joui,  sauf  pendant  les  années  malheu- 
reuses de  1348  et  1349,  d'une  certaine  aisance  durant  les  xiii°,  xi\°, 
et  xv''  siècles.  Mais  à  la  suite  des  proscriptions  générales  d'Es- 
pagne, en  1492,  la  plupart  d'entre  eux  durent  quitter  ces  États,  et 
gagnèrent  l'Italie  et  d'autres  régions  plus  hospitalières. 

Dijon,  novembre  1883, 

M.  Gerson. 


*  C.  de  Beauregard,  p.  93,  cite  encore  un  Juif,  dont  on  ignore  le  nom,  qui  vivait  à 
Ghambéry  en  1466,  et  y  exerçait  la  médecine. 

*  Ce  Guillaume  est  probablement  tolui  dont  il  est  fait  mention  à  la  Chambre  des 
comptes  de  la  Côte-d'Or  sous  le  n»  G821  (série  B).  Simonnet  [op.  c,  p.  435  et  437j 
compte  parmi  les  Juifs  de  la  Bourgogne  un  M»  Pierre,  physicien  (1379),  et  un  Pierre 
Cohen,  de  Tournus  (1392). 

^  «  Une  assignation  de  GO  fl.  par  an  lui  fut  accordée  au  début,  afin  de  Tempccher 
de  mendier  honteusement  çù  et  là.  »  {Louis  de  Nice,  p.  11.) 

*  Traduction  J.  Séc,  p.  151. 


HISTOIRE  DES  JUIFS  DE  HAGUENiU 


PENDANT  LA  PÉRIODE  FRANÇAISE* 


Le  traité  de  "Westplialie,  en  faisant  passer  l'Alsace  à  la  France, 
ne  devait  pas  apporter  de  changement  important  dans  la  condi- 
tion des  Juifs  de  Haguenau.  Le  roi  de  France  hérita  des  droits  de 
l'empereur  d'Allemagne,  et  la  municipalité  conserva  les  siens.  Ce- 
pendant on  constate  que  celle-ci  se  relâche  un  peu  de  sa  rigueur 
envers  les  Juifs  ;  il  n'en  est  pas  de  preuve  plus  caractéristique  que 
la  faveur  insolite  et  unique  même  dans  ses  annales  qu'elle  accorda 
à  quelques  familles  juives  venues  de  l'étranger  en  leur  donnant 
gratuitement  un  permis  de  séjour  momentané  dans  la  cité.  Voici 
dans  quelles  circonstances. 

En  1656,  Charles-Gustave,  roi  de  Suède,  s'étant  allié  avec 
l'Electeur  de  Brandebourg  pour  s'emparer  de  la  Pologne,  leurs 
armées  envahirent  ce  pays.  Plusieurs  Juifs  de  la  contrée,  appau- 
vris par  la  guerre,  quittèrent  la  Pologne,  oii  ils  ne  pouvaient  plus 
vivre,  pour  se  rendre  dans  une  terre  plus  hospitalière.  Ils  arrivè- 
rent en  Alsace  au  commencement  de  l'année  1657;  la  municipalité, 
émue  au  récit  de  leurs  malheurs,  sur  la  proposition  d'Abraham  le 
préposé,  permit  à  ces  pauvres  gens  de  demeurer  provisoirement  à 
Haguenau  sans  avoir  à  payer  les  droits  de  séjour  ordinaires-. 
Leurs  coreligionnaires  ne  montrèrent  pas  moins  de  générosité 
envers  eux,  ils  les  secoururent,  et  bientôt  les  émigrés  purent  aller 
s'installer  dans  les  villages  environnants,  comme  Batzendorf, 
Dauerndorf,  Wittersheim.  Plusieurs  d'entre    eux  devaient  plus 

•   1  Voir  t.  Il,  p.  73  ;  t.  III,  p.  58  ;  t.  IV,  p.  98  ef  t.  VI,  p.  230. 
*  Archives  de  Haguenau,  BB.  88. 


244  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

tard,  par  leurs  descendants,  venir  grossir  le  nombre  des  Juifs  pri- 
vilégiés demeurant  à  Haguenau. 

L'autorité  royale  exerça  plus  d'une  fois  une  pression  sur  la  mu- 
nicipalité pour  l'admission  des  Israélites.  En  cette  même  année 

1657,  en  effet,  on  voit  Henri  de  Lorraine,  comte  d'Harcourt, 
nommé  par  Louis  XIV  gouverneur  de  la  haute  et  basse  Alsace, 
donnera  un  juif  nommé  Gerson,  un  des  fournisseurs  de  l'armée 
française,  une  lettre  de  recommandation  pour  le  magistrat  de  Ha- 
guenau. Gerson  obtint  immédiatemenl  le  droit  de  séjour.  Dès  son 
arrivée,  il  avait  demandé  et  obtenu  l'autorisation  de  vendre  des 
marchandises  dans  les  villages  voisins,  toutefois  avec  défense 
d'en  aimer.  Comme  il  s'était  avisé  de  vendre  également  du  sel  à 
Durenbach,  et  que  le  débit  de  cette  denrée  était  le  monopole  de  la 
ville  de  Haguenau,  le  Conseil  de  la  cité  lui  signifia,  le  21  mars 

1658,  qu'il  eût  à  quitter  la  ville  dans  un  délai  de  six  mois,  que  son 
bail  était  annulé  et  que,  jusqu'à  son  départ,  il  était  «  mis  au  ban  de 
la  société  ».  Ses  coreligionnaires,  un  peu  jaloux  de  sa  prospérité 
et  par  crainte  de  la  municipalité,  observèrent  cette  dernière  pres- 
cription et  s'abstinrent  de  parler  à  Gerson.  Celui-ci,  pendant  un 
office,  se  plaignit  à  haute  voix  de  leur  conduite,  et  le  président  de 
la  communauté  Israélite  lui  infligea  alors  une  amende  d'un  reichs- 
thaler.  Gerson,  avant  refusé  de  se  soumettre  à  cette  punition, 
on  lui  interdit  l'accès  de  la  synagogue  * .  11  protesta  contre  cette 
mesure  auprès  du  conseil  de  préfecture  et  du  comte  d'Harcourt. 
Par  lettre  du  3  avril  1658,  le  conseil  de  préfecture  pria  le  conseil 
municipal  de  réintégrer  Gerson  dans  ses  droits  et  de  lui  rendre  la 
liberté  de  commercer.  Le  grand  bailli,  disait  la  lettre,  a  eu  de  tout 
temps  le  droit  de  faire  admettre  un  juif  dans  la  ville  qu'il  veut,  il 
peut  même  en  faire  un  bourgeois  et  contraindre  la  municipalité  à 
le  reconnaître  pour  tel,  ce  qui  pourra  se  produire  pour  le  juif 
Gerson,  En  vertu  de  notre  autorité  (;t  au  nom  de  Son  Altesse, 
nous  vous  prions  donc  de  ne  pas  faire  payer  audit  Gerson  un 
droit  de  protection  supérieur  à  celui  de  ses  coreligionnaires  et  de 
lui  maintenir  son  bail. 

De  son  côté,  le  comte  d'Harcourt,  qui,  se  trouvant  alors  à  Pagny, 
avait  reçu  la  plainte  de  Gerson  un  peu  plus  tard,  écrivit  le  24  du 
même  mois  à  la  municipalité  : 

Ayant  cy-devant  accordé  commission  à  un  juif  Gerson,  pour  de- 
meurer à  Haguenau,  je  ne  puis  croire  que  vous  vouliez  y  apporter 
im  obstacle  et  empocher  qu'il  jouisse  paisiblement  de  la  permission 

Arch,  dcI%.,BD.  88. 


HISTOIRE  DES  JUIFS  DE  IIAGUENAU  245 

que  je  lui  ai  donnée.  Aussi  ne  vous  fais  je  cette  lettre  que  pour 
vous  dire  que  vous  me  ferez  beaucoup  de  plaisir  de  l'assister  en  ce 
qu'il  aura  besoing  de  votre  faveur,  et  de  ne  pas  permettre  qu'il  soit 
inquiété  ni  troublé  par  quelques-uns  de  vos  habitans. 

C'est  ce  que  je  me  permets  de  votre  amitié,  et  que  vous  me 
croirez,  comme  je  suis  toujours,  votre  très  affectionné  à  vous  servir. 

Henri  de  Lorraine  K 

Ces  lettres  produisirent  immédiatement  leur  effet,  la  municipa- 
lité s'empressa  de  reconnaître  la  validité  du  bail  de  Gerson  et  lui 
permit  de  vivre  tranquillement  dans  la  ville.  Ses  coreligionnaires 
continuèrent  cependant  à  le  voir  d'un  mauvais  œil  ;  le  comman- 
dant de  la  place  ayant  imposé  aux  Juifs  une  contribution  de  qua- 
rante reichstlialer  par  mois,  ils  accusèrent  Gerson  d'être  l'insti- 
gateur de  cette  vexation.  Gerson  assigna  les  calomniateurs 
devant  la  justice  locale  :  les  deux  parties  furent  renvoyées  dos 
à  dos-. 

Le  nouveau  venu  n'était  pas  rancunier,  il  laissa  passer  ces 
mouvements  de  mauvaise  humeur  et  plus  d'une  fois  il  sut  rendre 
service  à  ses  coreligionnaires-.  Il  utilisa  ses  relations  avec  l'ar- 
mée pour  faire  alléger  les  charges  contributives  des  Juifs  ;  il  obtint 
pour  un  jeune  homme  l'autorisation  de  se  marier  sous  la  protec- 
tion du  magistrat  de  la  ville.  Ainsi,  la  communauté  Israélite,  qui, 
pendant  quatre  siècles  et  demi,  n'avait  pu  se  composer  que  de  six 
familles,  était  arrivée,  en  l'espace  de  trente  ans,  au  nombre  de 
quinze  familles.  Leur  nombre  s'accrut  encore  pendant  les  troubles 
qui  précédèrent  en  Alsace  la  conclusion  de  la  paix  de  Nimègue. 
Les  Juifs  des  environs  de  Haguenau  étaient  venus  se  réfugier, 
comme  de  coutume,  dans  la  ville.  L'ordre  une  fois  rétabli,  les  ré- 
fugiés partirent  à  l'exception  des  familles  suivantes  :  Mayerlé  et 
Isaac  de  Hochfelden,  Alexandre  et  Hirtzel  de  Wingersheim  et 
Daub  Feistel  de  Gunstett,  qui  reçurent  l'autorisation  de  rester  à 
Haguenau  à  la  condition  de  payer  les  mêmes  droits  que  leurs  core- 
ligionnaires 3.  Pour  remédier  au  mauvais  état  de  ses  finances,  la 
ville  accordait  presque  chaque  année  droit  de  cité  à  une  nouvelle 
famille  juive  ;  en  1695  la  communauté  comptait  trente-quatre 
foyers. 

»  Arch.  de  Hag.,  GG.  66. 

'  En  1668,  il  put  acheter  une  maison  ;  dans  le  contrat  de  vente  était  insérée  cette 
clause,  —  qui  était  habituelle  toutes  les  fois  que  les  Israélites  devenaient  proprié- 
taires, —  que  si,  dans  Tannée,  un  chrétien  voulait  le  reprendre,  il  pourrait  l'acheter 
au  même  prix.  Ce  droit  de  réméré  resta  en  vigueur  jusqu'à  la  Révolution  française. 
(Arch.  de  Ilag.,  BB.  98.) 

3  Arch.  de  Hag.,  BB.  98. 


246  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Plus  tard,  la  municipalité,  ayant  sans  doute  vu  s'améliorer  la 
situation  financière  de  la  ville,  décida  qu'elle  n'admettrait  plus  de 
nouvelles  familles  juives.  En  1721,  un  Juif  de  Frœscliviller  ayant 
sollicité  le  droit  de  s'établir  à  Haguenau,  sa  demande  fut  impi- 
toyablement repoussée.  Il  adressa  à  ce  sujet  la  lettre  suivante  à 
l'intendant  d'Alsace  : 

A  monsieur  cVAngervillers,  conseiller  d'État^  et  intendant  de  justice, 
police  et  finances  en  A  Isace^ 

Supplie  très  humblement  le  nommé  Mayer,  juif,  habitant  depuis 
environ  huit  années  le  village  de  Freyschwiller,  à  trois  heures  de  la 
ville  de  Haguenau,  disant  qu'ayant  épousé  la  fille  du  nommé  Mayer 
Kan  de  ladite  ville  de  Haguenau,  et  que  par  le  contrat  de  mariage 
ledit  Kan  a  promis  au  supliant  de  lui  obtenir  la  permission  de  de- 
meurer en  ladite  ville  de  Haguenau,  parce  qu'il  était  accordé  aux 
familles  juives  qui  y  habitent  et  qui  en  sont  originaires,  d'avoir 
chez  eux  un  de  leurs  enfants,  quoiqu'il  soit  marie,  suivant  un  règle- 
ment fait  par  Messieurs  du  Magistrat  de  la  Ville,  et  comme  le  beau- 
père  du  supliant  est  d'une  famille  qui  est  depuis  cent  ans  dans  la- 
dite ville,  a  voulu  en  vertu  dudit  privilège  prendre  ledit  supliant, 
son  gendre,  pour  demeurer  avec  lui,  et  jouir  des  mêmes  prérogatives 
dont  jouissent  tous  les  autres  juifs  de  ladite  ville.  Messieurs  du 
Magistrat  s'y  sont  opposés,  sous  prétexte  que  ledit  supliant  n'est 
pas  originaire  du  lieu,  difficulté  qui  n'a  point  été  par  eux  faite  a 
l'égard  d'une  quantité  d'autres  juifs  qui  sont  dans  le  même  cas. 

C'est  le  sujet  pourquoy  le  supliant  ose  implorer  le  secours  de  votre 
Grandeur,  Monseigneur,  la  supliant  très  humblement  d'avoir  égard, 
s'il  lui  plaît,  à  l'exposé  de  la  présente,  et  en  conséquence  ordonner 
que  ledit  supliant  jouira  du  privilège  accordé  à  toutes  les  familles 
juives  qui  sont  originaires  de  la  ville  de  Haguenau,  le  beau-père  du  su- 
pliant n'ayant  aucun  enfant  qu'il  veuille  garder  avec  lui  que  sa  fille, 
offrant  au  surplus  ledit  Mayer  supliant  de  prouver  par  bons  certi- 
ficats du  Bailly  de  la  Seigneurie  Derkheim,  d'où  dépend  le  village 
de  Freyschwiller,  où  il  a  demeuré  huit  ans,  comme  il  s'est  toujours 
bien  comporté  sans  reproche, 

Ce  faisant.  Monseigneur,  ordonner  aussi  s'il  plaît  à  Votre  Gran- 
deur qu'il  pourra  commercer  ainsy  et  de  môme  que  font  ceux  de  sa 
nation  et  ferez  justice. 

Le  3  janvier  1722.  (Signé  en  hébreu)  :  Mayer  ben  Hehaber,  B. 
Ephraïm. 

Au  bas  de  cette  supplique,  l'intendant  écrivit  :  «  Nous  avons 
renvoyé  le  suppliant  à  se  pourvoir  au  magistrat  do  Haguenau.  Fait 
à  Strasbourg,  le  15  janvier  1722.  Baron  d'Anoervillers'.  » 

»  Arch.  do  Hag.,  GG.  G8. 


HISTOIRE  DES  JUIFS  DE  HAGUENAU  247 

Il  est  probable  que  le  magistrat  ne  fit  pas  droit  à  la  requête  de 
Mayer.  Néanmoins  la  municipalité  se  relâcha  plus  tard  de  sa  sé- 
vérité, à  tel  point  qu'en  1735  le  nombre  des  familles  juives  de 
Haguenau  était  déjà  de  quarante. 


II 


Si  l'accroissement  de  la  communauté  fut  soumise  à  des  péripé- 
ties diverses,  depuis  1648  jusqu'au  milieu  du  xviii^  siècle,  la  con- 
dition civile  des  Juifs  ne  le  fut  pas  moins  pendant  la  même  période, 
elle  eut  aussi  son  histoire,  surtout  en  ce  qui  concerne  les  imposi- 
tions dont  ils  étaient  chargés. 

Au  début  de  l'administration  française  en  Alsace,  l'intendant  de 
cette  province,  M.  d'Haussonville,  fixa  la  part  contributive  des 
Juifs  en  résidence  à  Haguenau,  ceux  de  la  ville  et  ceux  des  vil- 
lages environnants,  ensemble  à  25  reichsthaler  par  mois.  Bientôt 
après,  son  successeur,  M.  de  Boussan,  interprétant  faussement  l'ar- 
rêté de  M.  d'Haussonville,  rendit  l'édit  suivant,  qu'il  croyait  con- 
flrmatif  de  celui  de  son  prédécesseur  : 

Le  sieur  de  Boussan. . .,  intendant  de  la  justice,  police  et  finances, 
en  la  haute  et  basse- Alsace  et  comte  de  Montbéliard, 

Sur  ce  qui  nous  a  été  resmontré  par  la  communauté  des  Juifs  de 
Haguenau,  que  cy-devant  M.  la  baron  d'Haussonville  les  aurait  pris 
à  la  protection  et  sauvegarde  du  Roy,  et  moyennant  les  contribu- 
tions qu'ils  payaient  chaque  mois,  exempté  des  courvées,  logemensde 
gens  de  guerre,  et  autres  charges. 

Nous  avons  pris  et  mis,  prenons  et  mettons  lesdits  juifs  en  la  pro- 
tection et  sauvegarde  du  Roy,  et  en  la  nôtre  particulière,  à  la  charge 
de  payer  chaque  mois  la  somme  de  vingt-cinq  Risdaler.  Les  avoir, 
vingt  et  un  risdaler,  ès-mains  du  commissaire  estably  à  Haguenau 
et  quatre  au  maire  de  ladite  ville,  moiennant  quoy  les  exemptons 
de  toutes  courvées,  logemens  de  gens  de  guerre,  et  charges  généra- 
lement quelconques,  prions  tous  qu'il  appartiendra,  enjoignons  à 
ceux  sur  lesquels  le  pouvoir  de  notre  authorité  et  l'authorité  de 
notre  charge  estant  de  les  laisser  pleinement  et  librement  jouir  de 
ladicte  exemption  et  ne  rien  exiger  d'eux. 

En  foi  de  quoi,  nous  avons  à  ces  présentes  fait  apposer  le  cachet  de 
nos  armes  *. 

Les  Juifs  n'eurent  pas  de  peine  à  montrer  à  M.  de  Boussan  que 

*  Arch.  dô  Hag.,  GG.  66. 


248  REVUE  DES  ÉTUDES  iHIVES 

rimposition  fixée  par  d'Haussonville  était  celle  des  Israélites  de 
Hagueuau  et  des  environs  réunis,  et  que  leur  part  devait  être  cal- 
culée au  prorata  de  leur  nombre.  L'intendant  rectifia  aussitôt  son 
erreur  {1  octobre  1648]. 

Les  contributions  extraordinaires  ne  leur  furent  pas  ménagées 
pendant  la  période  qui  s'écoula  entre  le  traité  de  Westphalie  et 
la  paix  de  Nimègue  et  qui  fut  constamment  agitée  par  des  troubles. 
L'Allemagne  ne  s'était  pas  résignée  à  la  perte  de  l'Alsace,  et 
pendant  près  de  trente  ans  cette  province  fut  le  théâtre  de  luttes 
entre  les  Impériaux  et  la  France.  La  paix  de  Nimègue  fut  ac- 
cueillie avec  joie  par  tous  les  Alsaciens  et  particulièrement  par 
les  Juifs  de  Haguenau.  Quelques-uns  des  Juifs  des  environs  qui 
s'étaient  réfugiés  dans  la  ville,  s'empressèrent  de  r»^gagner  leurs 
villages,  mais  en  ayant  soin  au  préalable  de  contracter  une  con- 
vention avec  la  municipalité  qui  leur  promettait  de  les  accueillir 
de  nouveau  et  de  les  protéger  en  cas  de  guerre,  à  charge  pour  eux 
de  payer  annuellement  4  florins  (15  fr.  48)  par  famille.  Les  signa- 
taires juifs  de  l'accord  étaient  Calme  de  Surbourg,  Mosché  et  La- 
zarus  de  Gunstett,  Moyse  et  Gerson  de  Werth,  Alexandre  et 
d'UhrvsiUer,  David,  Hertzel,  Zacharias,  Sanderlé  et  Libmann  de 
Soultz  '. 

Les  impositions  payées  par  ceux  de  la  ville  allèrent  en  s'accrois- 
sant.  Jusqu'en  1695,  ils  payèrent  10  florins  de  capitation  par  an. 
A  cette  époque  la  municipalité,  pour  simplifier  la  perception,  fixa 
la  contribution  totale  de  la  communauté  Israélite  à  200  florins  par 
an. De  1695  à  1702,  cette  contribution  s'éleva  à  225  et  jusqu'à  450 
florins  pour  exemption  de  corvées  -.  Ces  exemptions  seules  coûtè- 
rent aux  Juifs,  en  1"02,  la  somme  de  6Ch)  florins.  En  1*03,  la  mu- 
nicipalité leur  demanda  pour  le  même  objet  le  double,  c'est-à- 
dire  1200  florins,  et  même  elle  fit  savoir  au  rabbin  que,  vu  l'aug- 
mentation des  charges  générales,  chaque  chef  de  famille  israélite 
était  tenu  de  payer  un  impôt  supplémentaire  de  60  florins.  On  a 
ici  un  tableau  en  raccourci  des  effets  de  la  guerre  de  la  succession 
d'Espagne.  Cependant  cette  nouvelle  imposition  était  si  lourde 
que  les  Juifs  en  appelèrent  aux  autorités  locales  ^.  La  majorité  du 
conseil  fit  droit  à  leur  réclamation,  diminua  de  moitié  cette  con- 
tribution supplémentaire  et  même  leur  accorda  des  termes  pour 
se  libérer. 

Ces  temps  de  guerre  et  d'épreuve  commune  avaient  pour  efliet  de 

'  .\rch.  de  Ua^.,  BB.  98. 
*  Ibid..  EB.  93. 
>  littd.,  GG.  67. 


HISTOIRE  DES  JUIFS  DE  HAGUENAU  249 

disposer  la  municipalité  à  des  sentiments  plus  bienveillants  pour 
les  Juifs.  On  les  voyait  s'acquitter  régulièrement  de  leurs  charges, 
payer  des  contributions  deux  ou  trois  fois  plus  fortes  que  les 
autres  habitants  de  la  ville,  on  ne  pouvait  se  défendre  d'un  peu  de 
pitié  pour  eux.  Mais  la  tranquillité  revenue,  la  manie  de  réglemen- 
ter leur  condition  revenait  aussi,  et  l'on  sait  l'esprit  qui  présidait  à 
ces  réglementations.  La  paix  signée,  en  ni4,  défense  fut  faite  aux 
Juifs,  avec  publication  au  temple,  de  recevoir  et  d'héberger  les 
Israélites  étrangers  à  la  ville.  Ceux-ci  devaient  loger  à  l'auberge 
juive;  en  entrant  dans  la  ville  avec  des  marchandises,  ils  devaient 
les  consigner  à  la  douane,  sous  peine  de  confiscation.  Enfin,  à  tous 
le  commerce  était  interdit  le  dimanche.  Un  juif  de  Soufflenheim 
ayant  violé  cette  défense  et  ayant  acheté  un  cheval  un  jour  férié, 
fut  condamné  à  six  florins  d'amende.  Le  vendeur,  qui  était  chré- 
tien, en  fut  quitte  pour  un  simple  avertissement. 

Quelques  années  après,  le  18  mars  1720,  fut  voté  un  nouveau  rè- 
glement qui  resta  en  vigueur  jusqu'à  la  Révolution  *.  «  Les  Juifs, 
y  est-il  dit,  qui  demeurent  actuellement  à  Haguenau  y  peuvent 
rester.  Ceux  qui  comptent  parmi  les  protégés  de  la  cité  ont  la 
faculté  de  marier  un  de  leurs  fils  avec  le  privilège  du  droit  de 
séjour  dans  la  ville.  Les  autres  enfants,  garçons  ou  filles,  seront 
obligés  de  quitter  la  ville,  s'ils  se  marient,  sous  peine  de  vingt 
marks  d'amende  (50  fr.  40).  Toutefois,  si  les  parents  ont  promis  la 
table  au  jeune  couple,  comme  partie  de  la  dot,  ils  pourront  garder 
leurs  enfants  auprès  d'eux  -.  Celui  qui  aura  marié  et  établi  son  fils 
dans  la  ville  ne  pourra  voir  pareil  droit  conféré  à  son  petit-fils. 
Celui-ci  ne  pourra  y  prétendre  qu'après  la  mort  de  son  grand- 
père  ^.  » 

Les  Juifs  crurent  un  moment  que  leurs  impôts  allaient  diminuer. 
Les  préposés  des  Juifs  de  l'Alsace  firent,  le  10  décembre  1734,  un 
accord  avec  toutes  les  villes  de  la  province  pour  la  cotisation  à 
verser  par  leurs  coreligionnaires,  et  cette  transaction  fut  ratifiée 
par  le  gouverneur,  M.  Feydeau  de  Brou,  en  1735.  Ceux  de  Hague- 
nau s'empressèrent  d'écrire  à  celui-ci  qu'ils  seraient  heureux 
d'être  traités  sur  le  même  pied  que  ceux  des  autres  villes  de  l'Al- 
sace. Ils  oubliaient  ainsi  que  Haguenau  était  une  ville  libre  et 

*  Tout  autant  que  la  municipalité  y  trouvait  son  compte,  car  elle  ne  manquait 
d'y  déroger  toutes  les  fois  que  ses  iotérêts  étaient  en  jeu. 

*  Cette  clause  fut,  on  le  pense  bien,  très  souvent  invoquée.  La  coutume  s'était 
bien  établie  de  donner  aux  enfants,  en  plus  d'une  dot,  la  table  et  le  logement  que. 
il  y  a  quelque  trente  ans.  elle  était  encore  en  vigueur  dans  les  familles  des   Juils 
d'Alsace. 

3  Arch.  de  Hag..  BB.  114. 


250  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

qu'elle  avait  le  droit  de  fixer  elle-même  la  part  d'imposition  de 
ses  administrés.  M.  de  Brou  répondit  à  leur  demande  en  ces 
termes  : 

Vu  la  présente  requête,  nous  conseiller  d'État  et  intendant  sub- 
délégué, ordonnons  que  chaque  famille  juive  établie  à  Haguenau, 
payera  pour  la  présente  année,  à  ladite  ville,  dans  les  termes  ac- 
coutumés, tant  pour  impositions  royales,  ordinaires  et  extraordi- 
naires, comme  fourrages  et  autres  corvées  de  bras  et  de  chevaux, 
logements  de  gens  de  guerre  et  autres  charges,  le  double  en  sus 
de  la  somme  pour  laquelle  chaque  famille  juive  est  comprise  au 
rôle  particulier  de  la  capitation  des  Juifs  de  la  Basse-Alsace,  à  l'effet 
de  quoi  les  Préposés  des  juifs  domiciliés  à  Haguenau  seront  tenus 
de  remettre  incessamment,  aux  Magistrats  de  ladite  ville,  un  extrait 
dudit  rôle  de  la  capitation,  contenant  la  cotte  de  chacune  desdittes 
familles.  Certifié  véritable,  à  peine  pour  lesdits  Juifs,  d'être  cottisés 
au  double  de  ce  qu'ils  devraient  payer. 

Fait  à  Strasbourg,  le  29  avril  1735. 

Fetdeau  *. 

Les  choses  restèrent  donc  en  l'état  jusqu'au  jour  où  se  rouvrit 
la  période  des  lourdes  impositions.  En  1740,  la  guerre  de  succes- 
sion d'Autriche  attira  de  nombreuses  armées  en  Alsace  et  particu- 
lièrement à  Haguenau.  Les  charges  devenaient  très  fortes  pour 
la  municipalité,  celle-ci  obligea  les  Juifs  à  accepter  un  «  acco- 
modement  »  dont  nous  verrons  les  clauses  plus  loin.  Les  Juifs 
s'en  trouvèrent  bien,  car,  voyant  arriver  un  nouveau  subdélégué 
à  la  province  d'Alsace  et  craignant  que  celui-ci  ne  jugeât  à  propos 
d'apporter  des  changements  à  leurs  règlements,  ils  s'empressè- 
rent de  lui  demander  la  confirmation  de  cette  convention.  La  mu- 
nicipalité de  Haguenau,  interrogée  sur  les  causes  de  ce  nouvel 
arrangement,  réponclit  à  la  date  du  19  février  1740  par  la  lettre 
suivante,  qui  nous  fait  connaître  cet  accommodement  : 

A  monsieur  Oayot  subdélégué  général  et  intendant  en  Alsace 

à  Siraslourg. 

Monsieur,  nous  avons  l'honneur  de  vous  renvoyer  les  pièces  et  la 
requête  que  la  communauté  des  juifs  vous  a  présentée,  pour  leur 
confirmer  l'accommodement  que  le  magistrat  a  fait  avec  eux  au  sujet 
de  la  contribution  des  deniers  royaux. 

Les  motifs  qui  nous  ont  portés  à  entrer  avec  eux  dans  cet  accom- 
modement, sont  purement  pour  le  bien  de  nos  bourgeois  et  habitants, 
parce  que  vous  auriez  agréable  de  voir,  Monsieur,  dans  les  pièces 

'  Arch.  de  Haguenau,  GG.  67. 


HISTOIRE  DES  JUIFS  DE  HAGUENAU  251 

jointes  à  leur  requête  que  ladite  communauté  des  Juifs  a  esté  pour 
l'ordinaire,  et  presque  toutes  les  années  de  la  paix  cotisée  entre  six 
cents  et  huit  cents  livres,  et  que  pendant  la  dernière  guerre  dans  le 
temps  que  nous  l'avions  taxée  à  proportion  des  impositions,  elle  a 
obtenu  utie  ordonnance  dont  nous  joignons  copie  de  Monseigneur 
rintendant  qui  la  cottisait  tant  pour  les  impositions  royales  ordi- 
naires et  extraordinaires  comme  fourages  et  autres  charges,  au 
double  de  la  somme  pour  laquelle  chaque  famille  juive  est  comprise 
au  rôle  de  la  capitation  des  Juifs  de  la  Basse-Alsace,  de  sorte  que 
suivant  cette  ordonnance,  nos  bourgeois  et  habitants  ont  été  obligés 
de  supporter  ce  qui  par  cette  ordonnance  a  été  relaissée  à  ladite 
communauté  des  Juifs  de  l'imposition  à  laquelle  nous  l'avions  taxée 
pour  sa  cotte-part  et  qui  se  montait  au  moins  à  cinq  mille  livres 
pendant  la  dernière  guerre  et  si  le  cas  arrivait,  nos  bourgeois  se- 
raient dans  le  même  embarras  de  payer  pour  eux,  si  le  magistrat 
n'avait  fait  cet  accommodement.  L'ordonnance  de  Monsieur  de  Brou 
leur  servirait  toujours  à  cette  fin. 

Par  cet  accommodement,  ladite  communauté  des  juifs  est  obligée 
de  contribuer  pendant  la  guerre  à  toutes  les  impositions  générale- 
ment quelconques  et  aussi  qu'elle  serait  taxée  parle  magistrat  même 
au  sol  par  livre,  et  par  cet  endroit  il  revient  un  bien  à  nos  bourgeois 
et  habitants  qui  ne  seront  plus  obligés  de  supporter  seuls  les 
charges  pendant  la  guerre,  comme  il  est  arrivé,  et  de  payer  pour 
ladite  communauté  des  Juifs  à  cause  de  la  susdite  ordonnance. 

Nous  n'avons  pas  affranchi  les  Juifs  par  cet  accommodement  des 
logemens  de  gens  de  guerre,  parce  qu'ils  fournissent  des  lits  aux 
pauvres  bourgeois  et  habitants  pour  le  logement  de  la  garnison; 
les  Juifs,  d'ailleurs,  ne  logent  que  dans  la  nécessité,  et  ce  qu'ils 
payent  à  présent  peut  servir  pour  le  logement  et  corvées  ;  ils  n'ont 
jamais  été  imposés  particulièrement  pour  l'un  ny  pour  l'autre  de 
cette  ville,  et  si  le  cas  arrivait  pendant  la  guerre,  par  l'accommode- 
ment, ils  y  seraient  sujets  et  de  les  payer  comme  une  imposition. 

Vous  aurez  cependant  agréable,  Monsieur,  de  statuer  sur  cela  ce 
qu'il  vous  plaira. 

Nous  avons  l'honneur  d'être,  avec  un  respect  infini,  Monsieur,  vos 
très  humbles  serviteurs. 

Les  Magistrats  de  Haguenau  *. 

Aussitôt  Gayot  ratifia  ce  traité  2. 


III 


L'histoire  des  Juifs,  de  Haguenau  et  de  ses  environs  pendant  la 

»  Arch.  de  Hag.,  GG.  67. 
a  Ibid. 


252  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

période  que  nous  venons  de  parcourir  n'avait  pas  tenu  tout  en- 
tière dans  ces  changements  de  législation  et  d'impositions  ;  les 
guerres  qui  désolèrent  l'Alsace  pendant  ces  nombreuses  années 
n'avaient  pas  été  sans  créer  des  incidents  le  plus  souvent  tristes 
pour  eux. 

En  1674,  Turenne  prenait  ses  quartiers  d'hiver  en  Alsace  et  il 
avait  délégué  le  marquis  de  Vauban  au  commandement  de  Ha- 
guenau.  Les  Juifs  des  villages,  suivant  leur  coutume,  vinrent  se 
réfugier  dans  la  ville.  Leurs  coreligionnaires  les  accueillirent  chez 
eux  et,  comme  ils  prévoyaient  un  long  siège,  achetèrent  une  cer- 
taine quantité  de  grain  nécessaire  à  leur  entretien  et  à  celui  de 
leurs  hôtes.  Aussitôt  les  habitants  de  la  ville  crièrent  à  l'accapa- 
rement et  voulurent  les  forcer  à  revendre  leurs  provisions.  Les 
Juifs  eurent  l'heureuse  inspiration  de  s'adresser  à  Turenne  qui 
envoya  au  marquis  de  Vauban  la  lettre  suivante  : 

Je  fais  ce  mot  au  commandement  de  trouppes  du  roy,  à  Haguenau, 
pour  luy  dire,  que  le  service  du  roy  requiert  qu'il  fasse  tout  le  bon 
traitement  qu'il  se  pourra  aux  Juifs  qui  y  sont  établis,  pour  qu'il 
tienne  exactement  la  main,  à  ce  que  l'on  ne  touche  pas  à  leurs  fran- 
chises, immunités,  surtout  à  ce  qu'ils  deviennent  exemptés  de  toutes 
sortes  de  logements  de  gens  de  guerre,  qu'ils  puissent  faire  leur 
commerce  et  traffic  en  toute  sûreté  et  liberté,  et  que  les  commis  des 
vivres  ne  les  inquiètent  point  sur  le  subjet  des  grains,  dont  je 
désire  qu'on  leur  laisse  suffisamment  les  provisions  dont  ils  ont 
besoing  pour  la  subsistance  de  leurs  familles,  et  de  celle  des  Juifs 
des  campagnes  réfugiés  chez  eux,  et  enfin  qu'il  les  traite  de  manière 
qu'ils  n'ayent  aucun  subjet  de  se  plaindre. 

Fait  au  camp,  ce  49  novembre  1674. 

Turenne  *. 

C'est  un  exemple  de  haute  tolérance  que  donnait  le  grand  capi- 
taine avant  le  xviii°  siècle,  et  c'est  un  honneur  pour  les  Juifs  de 
Haguenau  d'avoir  eu  un  instant  pour  protecteur  un  homme  comme 
Turenne. 

Mais  après  la  mort  si  imprévue  du  grand  capitaine,  le  général 
des  Impériaux,  Montécuculli,  arriva  devant  les  murs  de  la  ville, 
Haguenau  fut  impitoyablement  bombardée.  Heureusement  Condé 
ne  tarda  pas  à  venir  au  secours  de  la  cité  assiégée  et  Montécuculli 
jugea  prudent  de  se  replier  sur  Strasbourg. 

Bientôt  la  ville  ne  put  plus  servir  de  refuge  aux  Juifs  des  envi- 
rons, car,  par  ordre  du  gouvernement  français,  elle  fut  démantelée. 
La  municipalité  les  renvoya  en  leur  délivrant  des  passeports; 

'  Arcli.  de  Haguenau,  GG.  66. 


HISTOIRE  DES  JUIFS  DE  HAGUENAU  253 

comme  la  guerre  continuait  en  Alsace,  au  lieu  de  retourner  dans 
leurs  villages,  ils  se  dirigèrent  vers  le  Rhin  pour  chercher  un 
asile  dans  quelque  ville  d'Allemagne,  mais  il  leur  fut  interdit  de 
passer  le  fleuve  et  force  leur  fut  de  revenir  implorer  la  pitié  des 
magistrats  de  Haguenau.  Le  conseil  se  réunit  (le  17  janvier  1667) 
pour  statuer  sur  leur  demande  et  discuta  longuement.  Un  membre 
de  la  réunion  fut  d'avis  de  leur  permettre  de  demeurer  provisoi- 
rement à  Haguenau,  parce  que,  dit-il,  ils  seront  pour  nous  une 
bonne  source  de  revenus.  Un  autre,  nommé  Roth  Jacob,  ne  vou- 
lait pas  émettre  son  opinion  parce  que  c'était  dimanche.  Cette 
délibération  curieuse  se  termina  par  un  arrêté  favorable  à  la  re- 
quête des  fugitifs  K 

Ceux-ci  n'eurent  pas  à  se  réjouir  de  cette  faveur,  car  ils  assis- 
tèrent bientôt  à  un  spectacle  lamentable.  Le  9  février  au  soir,  le 
capitaine  La  Brosse  vint  avertir  à  l'improviste  les  habitants  que 
le  lendemain  il  mettrait  le  feu  aux  principales  maisons  de  la  ville. 
Le  lendemain,  en  effet,  avant  le  jour,  des  soldats  sous  ses  ordres 
se  répandirent  dans  la  cité  et  incendièrent  les  rues  du  Sel,  des 
Juifs,  des  Cordeliers,  du  Bouc,  de  l'Ecurie  et  de  l'Anneau,  puis  ils 
se  rendirent  dans  la  Grande-Rue  et  brûlèrent  tout  jusqu'à  la  Burg- 
miihl.lls  ruinèrent  cent-cinquante  maisons.  Les  Juifs  furent  moins 
navrés  de  la  destruction  de  plusieurs  de  leurs  maisons  que  de  celle 
du  temple  qu'ils  avaient  inauguré  douze  ans  seulement  auparavant 
et  qui  leur  avait  coûté  tant  de  peines  ^. 

Le  xviii®  siècle  s'ouvrit  par  un  retour  de  la  guerre  en  Alsace. 
Habituellement  les  hostilités  avaient  pour  effet  immédiat  de  faire 
fuir  les  Juifs  de  la  campagne,  Haguenau  leur  offrait  un  asile  as- 
suré, moyennant  le  paiement  d'une  contribution  extraordinaire. 
La  ville  croyait  avoir  le  droit  d'accorder  de  sa  propre  autorité 
les  permis  de  séjour.  Ce  droit  lui  fut  cette  fois  contesté.  Deux 
juifs,  nommés  Leiser  de  Surbourg  et  Zacharias  de  Soultz,  s'étaient 
réfugiés  à  Haguenau  sans  autorisation  spéciale  du  gouverneur  de 
l'Alsace,  le  marquis  d'Huxelles;  celui-ci  écrivit  la  lettre  suivante 
à  la  municipalité  de  Haguenau  : 

*  Livre  des  protocoles  du  Conseil.  Arch,  de  Hag,,  BB.  94  et  95. 

2  Livre  des  protocoles  du  Conseil.  Arch.  de  Haj^.,  BB.  94  et  95.  Comme  si  ce  dé- 
sastre ne  leur  avait  pas  suffi,  quelques  soldats,  de  connivence  avec  quatre  paysans  de 
Schœffolsheim,  entrèrent  un  beau  matin,  le  21  novembre,  dans  la  ville  et  se  mirent  à 
piller  quelques  maisons  juives.  Plainte  fut  portée  par  les  Juifs  devant  la  municipa- 
lité qui,  après  enquête,  attesta  1  injustice  commise  à  leur  détriment  et  leur  remit  une 
lettre  adressée  à  M.  de  La  Grange,  intendant  à  Brisac,  pour  qu'il  soutînt  le  bon  droit 
des  Juifs.  Quant  à  elle,  elle  infligea  une  punition  aux  paysans.  Les  arbitres  qu'elle 
désigna,  à  savoir  :  Engelbert  et  Camerlin,  prédicateur,  André  Keith,"  maire  de  Bal- 
zendorf,  et  Jacob  Heintz,  maire  de  Mommenheim,  après  avoir  constaté  les  faits,  con- 
damnèrent les  quatre  paysans  à  200  florins  damende,  (Arch.  de  Hag.,  GQ.  66.) 


254  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Strasbourg,  le  13  juin  1701. 

Aux  magistrats  de  la  ville  de  Haguenau.  Vous  ne  manquerez  pas, 
aussitôt  ma  lettre  reçue,  de  signiffier  de  ma  part  aux  juifs  Léser  et 
Zacharie  d'avoir  à  sortir  de  votre  ville  avec  leurs  femmes  et  enfants, 
dans  le  temps  de  quinze  jours,  à  compter  de  ce  jour  d'huy,  pour  se 
retirer  où  bon  leur  semblera,  ailleurs  qu'en  Alsace,  à  quoi  vous 
tiendrez  la  main  fort  exactement,  et  ne  souffrirez  plus  à  l'avenir 
qu'aucun  Juif,  soit  étranger,  soit  autre,  s'établisse  dans  votre  ville, 
sans  ma  permission,  vous  déclarant  que  s'il  s'y  fait  là-dessus  quel- 
que chose  de  contraire  à  ce  que  je  vous  marque,  je  m'en  prendrais 
directement  à  vous,  à  moins  que  vous  m'en  ayez  donné  avis. 

Je  suis  tout  à  vous. 

HUXELLES*. 

La  ville  se  soumit  pour  l'instant,  elle  fit  sortir  de  la  cité  les  ré- 
fugiés, toutefois  en  les  laissant  libres  d'aller  où  bon  leur  semble- 
rait, mais  elle  fit  ses  réserves  pour  l'avenir  et  se  promit  de  reven- 
diquer ses  droits  et  privilèges.  Pour  montrer  tout  de  suite  au  gou- 
verneur de  l'Alsace  l'étendue  de  ses  droits,  la  municipalité  prit 
un  arrêté  à  l'égard  des  Juifs  ;  elle  décida  qu'il  leur  était  interdit 
dorénavant  de  tenir  boutique  les  jours  de  foire,  de  vendre  des 
marchandises  neuves  «  de  la  main  à  la  main  »,  môme  sans  les  au- 
ner.  Un  d'eux,  nommé  Lyon  Goublance  (c'était  le  fils  de  Gerson, 
"Welsch  Gerstel)  vendait  des  marchandises  neuves,  mais  dans  une 
chambre  qui  même  n'avait  pas  de  fenêtre  sur  la  rue.  Les  commer- 
çants de  la  ville  l'ayant  appris  s'en  plaignirent,  et  il  dut  cesser  son 
négoce  après  avoir  paj'é  une  amende  de  soixante  florins  et  les  dé- 
penses. Goublance  réclama  auprès  de  l'intendant  d'Alsace,  il  plaida 
contre  la  ville  de  Haguenau,  mais  finalement,  il  fut  condamné  aux 
dépens,  la  ville  ayant  le  droit  en  vertu  de  ses  privilèges  d'établir 
sur  les  Juifs  les  lois  qui  lui  convenaient.  Goublance,  ne  pouvant 
plus  trouver  à  Haguenau  les  moyens  d'y  vivre,  céda  sa  maison, 
vendit  ses  marchandises  dans  les  villages  voisrns  et  alla  s'établir 
à  Lixheim  ^. 

Eue  Sciieid. 
(A  suivre.) 

»  Arch.  de  Ha^.,  GG.  G7. 

>  Sa  famille  resta  dans  cette  ville  jusqu'en  1792,  année  où  un  do  ses  descendants, 
nommé  Gerson  Coblence,  revint  se  fixer  ù  Haguenau.  Ce  Gerson,  lors  de  la  consti- 
tution do  l'état-civil  pour  les  Juifs  on  1808  prit  ou  reçut  le  nom  de  Géréon  Coblence 


LE  MBBINAT  LE  METZ 


PENDANT  LA  PÉRIODE  FRANÇAISE  (1567-1871) 


(suite  *  ) 


VII 


Le  successeur  de  R.  Jona  Téomim  Fraenkel  fut  le  rabbin  Gerson 
Aschkenazi,  dont  le  nom  de  famille  véritable  était  Oulif,  si-^bi^^.  La 
confirmation  royale  de  sa  nomination  est  datée  de  l'année  1670  et 
les  lettres  patentes  en  furent  enregistrées  au  Parlement  de  Metz 
le  21  janvier  1671  ^  Dans  ce  document  on  le  dit  originaire  de 
Hultz.  Ce  qui  est  certain,  c'est  qu'il  fit  d'excellentes  études  à 
Nicolsbourg,  qu'il  fut  successivement  rabbin  à  Prosnitz  (1644),  à 
Hanau,  à  Nicolsbourg  et  à  Vienne,  et  qu'il  dut  quitter  cette  dernière 
ville  après  l'expulsion  des  Juifs  du  14  février  1670.  11  devint  alors 
grand-rabbin  de  Metz,  où  il  mourut  le  onze  Adar  II  5453  (mars 
1693).  Le  registre  de  la  confrérie  porte  cette  mention  :  Di'ûy  îibsî 
"7  b^h  '^nsuîN  )Wi^  -i")1!i72:d  bTi:\ïi  iiN^n  ^''n''^  Nsnii  Nsn^a  i^-^ii^è*-! 
VYn  -^s-ttî  inN  N""^  'n  uv  irTnn^b  "inpsi  rninn  nns^b. 

R.  Gerson  était  un  des  élèves  les  plus  distingués  de  R.  Menahem 
Mendel  Krochmal,  dont  il  épousa  la  fille  après  la  mort  de  sa  pre- 
mière femme,  survenue  longtemps  avant  son  arrivé  à  Metz.  Il  est 
auteur  de  quelques  ouvrages  fort  estimés  :  de  réponses  casuis- 
tiques (^3i;a'-i^^  nnin3>  n"Y'U5),  de  dissertations  et  commentaires  sur 
le  Pentateuque  sous  forme  d'homélies  ("'5^lDn:^ï^  n-iNsn),  de  notes 
et  discussions  sur  des  traités  du  Talmud  et  sur  des  points  de 

*  Voir  tome  VII,  pages  103  et  204. 

^  Voir  Michel  Emm.,  Histoire  du  Parlement  de  Metii^  p.  515. 


2o6  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

droit  civil  chez  les  Juifs  (''2i*i5'-i^!i  ■«u:^nn),  etc.  Il  eut  aussi  une  cor- 
respondance très  active  avec  les  rabbins  les  plus  érudits  et  les 
plus  autorisés  de  son  époque,  notamment  avec  Sabbataï  Cohen, 
auteur  du  ']^,  Haïm  Jaïr  Bacharach,  auteur  du  n^N"^  mn,  Ephraïm 
Gohn  de  Vilna,  auteur  du  d"«'nD&<  nr\a,  et  tant  d'autres  qui  puisaient 
auprès  de  lui  la  science  talmudlque  et  casuistique.  Un  de  ses  dis- 
ciples les  plus  célèbres  fut  le  rabbin  David  Oppenheim.  Comme 
ses  paroles  faisaient  autorité  et  exerçaient  une  grande  influence 
sur  le  monde  juif  d'Allemagne  et  de  Pologne,  on  s'adressait  très 
souvent  à  lui  et  on  lui  demandait  son  patronage  pour  des  livres 
qu'on  voulait  publier.  C'est  pour  cela  que  l'on  trouve  un  si  grand 
nombre  de  m^û^Dirr  (approbations)  de  lui  pour  les  travaux  publiés 
de  son  temps.  Il  fait  presque  toujours  précéder  son  nom  de  cette 
expression  ^i^l:!!,  le  fort  occupé,  ou  plutôt,  le  fort  préoccupé. 

De  toutes  les  lettres  d'adhésion,  que  nous  avons  parcourues,  les 
deux  suivantes  seules  présentent  quelque  intérêt  pour  sa  biogra- 
phie. L'une  est  placée  en  tête  de  l'ouvrage  np:>i  nn:72  'o  *  de  R.  Ja- 
cob Reicher  qui  devait,  lui  aussi,  enseigner  un  jour  dans  la  chaire 
rabbinique  de  Metz.  La  lettre,  datée  de  1688,  porte  comme  titre  ces 
mots  :  1112'Dn  ^2pu3  tiT  'ipT  doms^ri  bi'iiïi  lii^:^^  n^odoii,  et  comme 
signature  :  ns  nsin  'indo.s  ir::-!^  yiiti  r::p  î^t  "ipt^î  ^TTjn  c-ind 
yv2  ^''p.  L'expression  ipT  employée  par  Jaïr  Bacharach  et  par  lui- 
même  prouve  que,  à  ce  moment,  R.  Gerson  était  fort  avancé 
en  âge. 

L'autre  est  une  lettre  d'approbation  pour  le  livre  pnir-»  rh^y  'o-, 
datée  du  jeûne  de  Guedaliah  445  (septembre  1684),  et  où  l'on  a 
mis  comme  en  tête  :  )r::^:>  ^-in)25  "is^min  :4bDi?2î-!  iin:*?!  bc  rî":dsn 
PDnitn  y^i2  "p''-^^  '7"n"N  D!sd.  Ce  nom  de  d.sd  qu'on  lui  donne  comme 
nom  de  famille,  nous  ne  l'avons  retrouvé  nulle  part.  Gerson  fait, 
dans  cette  lettre,  l'éloge  du  rabbin  Isaac  Weil,  qu'il  connaissait  de 
longue  date,  et  dont  il  avait  appris  à  estimer  la  haute  science  et  la 
valeur  personnelle  seulement  après  son  arrivée  à  Metz,  car  il 
avait  constaté  que  R.  Isaac  avait  fait  de  très  bons  élèves  dans 
cette  ville. 

R.  Gerson,  lui  aussi,  s'adonna  à  l'enseignement  avec  une 
grande  ardeur.  Il  eut  une  école  très  suivie  où  se  formèrent  de 
nombreux  disciples  qui  devinrent  des  rabbins  très  distingués. 
S'absorbant  tout  entier  dans  les  études  rabbiniques,  auxquelles 
il  consacrait  tout  son  temps,  il  chercha  et  réussit  à  attirer  à 
Metz  un  grand  nombre  de  jeunes  étudiants. 

Prague,  1G81>. 
*  Franclorl-sur-Oder,  1692. 


LE  RABBINAT  DE  METZ  DE  1567  A  1871  257 

A-près  sa  mort,  et  avant  que  son  successeur  ne  fût  désigné,  un 
Israélite  de  la  ville,  nommé  Alexandre  Lévy,  souleva  de  nouveau^ 
la  question  de  savoir  si  les  affaires  civiles  ne  pourraient  être 
portées  devant  une  autre  juridiction  que  celle  du  grand  rabbin  et 
des  élus  de  la  communauté.  Il  adressa  un  placet  à  M.  Boucherat, 
chancelier  de  France,  pour  lui  demander  l'autorisation  de  porter 
devant  les  juges  royaux  toutes  les  affaires  litigieuses  qu'il  avait 
avec  ses  coreligionnaires. 

Le  chef  de  la  magistrature  de  France,  après  avoir  pris  l'avis  du 
premier  président  du  Parlement  de  Metz,  Guillaume  de  Sève,  qui 
était  en  même  temps  intendant  de  la  province,  fit  répondre,  dans 
une  lettre  datée  du  10  juillet  1694,  qu'il  n'y  avait  rien  à  changer 
dans  ce  qui  s'étaitobservé  jusqu'alors  pour  le  jugement  des  affaires 
des  Juifs  de  Metz,  et  qu'Alexandre  Lévy  n'avait  qu'à  se  pourvoir 
devant  les  rabbins  qui  étaient  les  juges  des  Juifs.  Ce  ne  fut  pas 
sans  de  grandes  difficultés  que  la  Communauté  juive  était  arrivée 
à  ce  résultat  favorable.  Elle  avait  été  obligée  d'envoyer  à  Paris 
une  députation  importante,  avec  laquelle  les  syndics  échangèrent 
une  volumineuse  correspondance,  et  dont  les  efforts  furent  appuyés 
par  le  premier  président  du  Parlement  de  Metz,  auprès  duquel  la 
Communauté  n'avait  pas  cessé  un  instant  de  plaider  sa  cause. 

Rassuré  sur  ce  point,  le  Conseil  de  la  Communauté  s'appliqua  à 
perfectionner  l'administration  judiciaire  des  Juifs.  La  commission 
chargée  d'élaborer  les  règlements  rédigea  et  fît  publier  les  articles 
suivants,  que  nous  traduisons  d'après  un  texte  manuscrit,  écrit 
dans  le  langage  judéo-allemand  usité  alors  parmi  les  israélites 
messins. 

Règlement  fait  l'an  454  (=  1694)  par  la  commission  des  douze  no- 
tables, chargés  de  faire  tous  les  règlements  : 

a  Voici  ce  qui  a  été  décidé  en  premier  :  Pour  qu'il  n'y  ait  point  de 
déni  de  justice  à  l'avenir,  celui  qui  aura  à  réclamer  de  l'argent  à  un 
autre  Israélite  et  qui  voudra  se  faire  délivrer  un  acte  de  justice,  de- 
vra demander  à  l'administrateur  de  service  la  permission  d'envoyer 
à  son  débiteur  l'huissier,  Iî573i23,  chargé  de  l'assigner  à  comparaître 
devant  le  tribunal  dans  les  vingt-quatre  heures. 

Si  ce  débiteur,  dûment  assigné,  ne  se  présente  pas  dans  les  vingt- 
quatre  heures  désignées,  l'huissier  devra  publier  immédiatement  la 
désobéissance  de  cet  individu. 

Si  l'huissier  ne  fait  pas  cette  publication  après  le  délai  de  vingt- 
quatre  heures,  il  devra  être  puni  de  la  privation  de  ses  émoluments 
pendant  un  mois. 

Si  l'huissier  a  fait  la  publication  réglementaire,  et  si,  par  suite  du 
devoir  accompli,  la  personne  assignée  ou  tout  autre  individu  lui 
adresse  des  injures,  même  légères,  l'administration  devra  prendre  la 
T.  VIII,  nO  16.  17 


258  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

défense  du  pauvre  huissier  et  infliger  à  celui  qui  l'aura  injurié  la 
punition  édictée  pour  les  offenses  faites  à  un  représentant  de  la 
justice. 

Si  l'administrateur  sait  que  la  personne  assignée  a  un  motif  sé- 
rieux qui  l'empêche  de  se  rendre  à  son  assignation,  il  a  le  droit  de 
lui  accorder  un  sursis  pour  se  présenter  devant  le  juge.  Il  faut  toute- 
fois qu'elle  fasse  connaître  elle-même  à  l'administrateur  le  motif  de 
son  empêchement. 

Si  l'administrateur  de  service  est  parent  à  un  degré  prohibé  de 
Tune  des  parties,  c'est  à  son  adjoint  qu'on  devra  s'adresser. 

Si  les  parties  ont  désigné  deux  personnes  qui  ne  peuvent  siéger 
ensemble  par  suite  de  parenté,  elles  doivent  se  réunir  et  tirer  au 
sort  quelle  est  celle  des  deux  personnes  désignées  qui  siégera. 

Il  est  établi  que  le  demandeur  doit  toujours  taire  connaitre  à  l'a- 
vance au  défendeur  le  nom  du  juge  qu'il  a  choisi. 

Si  le  défendeur  fait  connaitre  au  demandeur  que  le  juge,  désiré 
par  lui  ou  par  un  fondé  de  pouvoir,  ne  se  trouve  pas  en  ville  au  mo- 
ment de  l'assignation  et  qu'il  demande  qu'on  veuille  attendre  le  re- 
tour de  ce  juge,  l'administrateur  ne  devra  pas  prendre  cette  demande 
en  considération  :  le  défendeur  devra  être  astreint  à  désigner  immé- 
diatement un  autre  juge. 

La  commission  des  neuf^  devra  percevoir  les  amendes  infligées  par 
l'administrateur  de  service  ; 

Elle  devra  aussi  veiller  à  ce  que  les  amendes  (retenues  d'émolu- 
ments) infligées  à  l'huissier  soient  perçues. 

Tout  ce  qui  précède  est  applicable  jusqu'à  l'arrivée  du  nouveau 
grand  rabbin. 

Quant  à  la  mise  à  exécution  des  jugements,  il  est  décidé  que  les 
juges  qui  prononcent  une  sentence  devront  faire  exécuter  leurs  dé- 
cisions dans  un  délai  fixé  par  eux,  sous  peine  d'une  amende  d'ua 
double  ducat  en  faveur  des  pauvres  de  la  ville. 

Les  neuf  veilleront  à  la  perception  des  amendes. 

Les  juges  qui  prononcent  une  sentence  doivent  l'écrire  et  la  signer 
ou  la  faire  signer  par  procuration  dans  un  délai  de  trois  jours. 

Les  neuf  veilleront  à  ce  sujet. 

Le  rabbin  Gabriel  de  Gracovie,  fils  de  R.  Jehouda  Loeb  Eskeles, 
occupa  le  siège  rabbinique  de  Metz,  en  remplacement  de  R.  Gerson, 
pendant  dix  ans  (1694-1703)  et  augmenta  par  l'éclat  de  son  en- 
seignement la  réputation  de  la  Yeschiba  de  Metz,  qui  allait  toujours 
grandissant.  Azoulaï*  rapporte  qu'il  tient  de  la  bouche  d'un  rabbin 
allemand,  contemporain  de  R.  Gabriel,  que  celui-ci  était  l'un  des 
hommes  les  plus  distingués  de  son  temps.  Il  avait  été  le  disciple 

*  La  commission  des  neuf  était  chargée  de  rexécution  de  tous  les  règlements  et  de 
surveiller  la  perception  des  amendes. 
'  /SVAtf»»  Ha^uedolim,  svb  voce. 


I 


LE  RABBINAT  DE  METZ  DE  1S67  A  1871  259 

de  R.  Aaron  Kaïdanover,  auteur  du  nnm  ni*in.  On  a  de  lui  de 
nombreuses  consultations,  dispersées  dans  les  recueils  de  consul- 
tations de  ses  contemporains  ;  le  livre  m-r^iSTa  û-^sd  de  R.  Méir 
Eisenstadt,  en  particulier,  en  renferme  un  assez  grand  nombre. 

Son  prédécesseur  R.  Gerson  Oulif  avait  laissé  sans  solution 
une  affaire  fort  délicate. 

Deux  personnes  convoitaient  le  poste  de  médecin  de  la  commu- 
nauté messine,  et  depuis  quelque  temps  étaient  cause  d'un  dissen- 
timent profond  parmi  les  Juifs  de  la  ville.  Salomon  Lipschitz* 
avait  été  nommé  médecin  de  la  Communauté  et  en  avait  reçu  la 
notification  officielle.  Il  mit  un  grand  retard  à  se  rendre  à  son 
poste.  Pendant  ce  temps,  un  autre  médecin  juif.  Hertz,  de  Franc- 
fort, était  venu  s'établir  à  Metz  et  y  avait  exercé  comme  médecin  de 
la  Communauté.  Lorsque  Salomon  apprit  le  fait,  il  arriva  en  toute 
hâte  à  Metz  et  réclama  l'exécution  de  son  contrat  ;  mais  Hertz  pré- 
tendit qu'on  ne  pouvait  plus  lui  reprendre  l'office  qu'il  remplissait 
déjà  depuis  quelque  temps.  Il  faut  remarquer  que,  outre  les  émo- 
luments de  la  place,  bien  minimes,  il  est  vrai,  il  y  avait  certaines 
prérogatives  qui  y  étaient  attachées.  Quoique  étranger,  le  méde- 
cin de  la  Communauté  obtenait  immédiatement  le  droit  de  cité  ;  il 
était  en  même  temps  dispensé  de  tous  les  impôts  ;  et  presque  tou- 
jours il  pouvait  espérer  une  assez  forte  clientèle,  môme  en  dehors 
de  ses  coreligionnaires. 

Chacun  de  nos  deux  concurrents  avait  un  parti  dans  la  Commu- 
nauté, et,  dans  toutes  les  commissions  nommées  pour  régler  leur 
différend,  leurs  partisans  se  trouvaient  en  nombre  à  peu  près  égal, 
et  se  montraient  intraitables.  Leur  rivalité  menaçait  de  s'éterniser. 
Quand  R.  Gabriel  arriva  à  Metz,  il  dut  s'occuper  immédiatement 
de  cette  affaire.  Plus  heureux  que  son  prédécesseur,  qui  y  avait 
perdu  quelque  peu  de  son  autorité,  il  réussit  à  mettre  d'accord  les 
deux  médecins,  en  leur  faisant  partager  la  place  à  laquelle  cha- 
cun d'eux  prétendait.  Cette  décision  arbitrale  et  l'acte  d'associa- 
tion des  médecins  furent  signés  par  les  parties  le  4  Tébet  5455  = 
janvier  1695. 

Le  succès  obtenu  par  R.  Gabriel  dans  cette  affaire  épineuse  lui 
acquit,  pour  ses  débuts,  une  réputation  d'habileté  qui  fut  loin  de  lui 
nuire  dans  l'esprit  de  ses  coreligionnaires  messins.  Par  l'élévation 
de  son  caractère  il  leur  inspira  une  haute  estime.  Il  eut  la  bonne 
fortune  d'obtenir,  en  faveur  des  étudiants,  toujours  plus  nombreux, 

*  Il  ne  faut  pas  confondre  le  nom  de  ce  médecin  avec  son  homonyme,  ministre  offi- 
ciant, qui  ne  vint  à  Metz  qu'eu  1716  et  qui  est  auteur  d'un  petit  livre  intitulé  nm^n 


260  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

qui  fréquentaient  la  Yeschiba,  un  don  d'une  munificence  peu  ordi- 
naire pour  l'époque.  Abraham  Schwab  et  sa  femme  Agathe  accor- 
dèrent à  la  Communauté  un  grand  immeuble  pour  l'installation 
des  cours  et  de  l'oratoire,  et  consacrèrent  à  l'entretien  de  l'école 
les  revenus  d'une  somme  de  dix-huit  mille  écus  (54,000  livres 
tournois)  et  ceux  d'une  grande  propriété  attenant  à  l'immeuble. 
Cette  école,  l'oratoire  compris,  porta  le  nom  de  Klaus  (couvent), 
parce  qu'elle  fut  installée  dans  cet  immeuble  qui  avait  fait  par- 
tie d'un  grand  couvent.  Elle  subsista  à  Metz  dans  le  môme  local 
et  sous  différents  noms  (école  talmudique,  école  centrale  rabbi- 
nique),  jusqu'au  moment  où  elle  fut  transférée  à  Paris  (P'  no- 
vembre 1859). 

En  1703,  R.  Gabriel  quitta  Metz  pour  aller  occuper  le  poste  de 
Nicolsbourg,  en  Moravie,  qui  était  devenu  vacant  par  suite  du  dé- 
part du  rabbin  David  Oppenheim.  Le  rabbin  Gabriel  Eskeles  mou- 
rut dans  cette  dernière  ville,  le  jeudi  2  Adar  I  478  =  février  1718, 
après  avoir  été  successivemeut  rabbin  à  Elkous,  Prague  et  Metz  *. 


VIII 


Entre  le  départ  de  R.Gabriel  de  Cracovie  ou  Eskeles  et  la  nomi- 
nation de  son  successeur  y  eut-il  un  intérim  de  plusieurs  années, 
ou  bien  R.  Abraham  Broda  succéda-t-il  à  R.  Gabriel  dans  les 
délais  ordinaires  ?  Si  nous  nous  en  rapportons  à  la  confirmation 
royale,  il  y  aurait  eu  un  intérim  assez  long,  de  cinq  ans  environ. 
Cependant  une  note  manuscrite  qui  nous  a  été  communiquée  par 
notre  savant  et  vénéré  maître,  M.  Louis  Morhange,  et  qui  sans 
doute  a  été  extraite  des  archives  de  la  Communauté,  nous  donne 
les  renseignements  suivants  :  R.  Abraham  Broda  vint  à  Metz  en 
463  =  1703  et  alla  à  Francfort  en  473  =  1713,  a'o'n  yj3?73  n-^^'b  «n 

M.  Carmoly,  de  son  côté,  donne  trois  dates  diflférentes  :  \*  Il  dit, 
•dans  la  Revue  Orientale^,  que  Broda  quitta  Metz  en  1713,  après 
un  séjour  de  neuf  ans  ;  2**  dans  sa  notice  ^  sur  les  rabbins  de  Metz 

'  Voir  Û"»7:in  nitiap,  de  Salomon  Stern,  Vienne,  1860,  p.  118.  L'épitaphe  de  sa 
femme  Eslher  se  trouve  également  reproduite  dans  cet  ouvrage  à  la  date  du  lundi 
"2  Nissan  49'i  =i:  avril  1734  ;  elle  était  d'une  famille  qui  a  fourni  un  grand  nombre  de 
Tabbins  à  Cracovie,  Lublin  et  autres  villes  d'Allemagne  et  de  Pologne. 

«  Rrvue  orientale,  t.  II,  p.  244. 

'  Josl,  Annalen,  t.  II,  p.  80. 


LE  RABBINAT  DE  METZ  DE  loG7  A  1871  261 

il  donne  à  Tarrivée  de  Broda  la  date  de  1705  ;  3«  enfin,  dans  ses 
Itinéraires  de  la  Terre-Sainte  \  il  affirme  avoir  entre  les  mains 
une  lettre  d'Abraham  Broda  datée  de  lyyar  469  =  mai  1709,  dans 
laquelle  ce  rabbin  annonce  que  lui  et  sa  famille  quitteront  Prague 
pour  aller  à  Metz  le  18  du  mois.  M.  Carmoly  ajoute  encore  avoir 
une  autre  lettre  de  Moïse  Broda  du  2  Sivan  469  =  juin  1709,  dans 
laquelle  celui-ci  prévient  les  administrateurs  de  la  communauté 
messine  du  départ  de  son  père  et  de  son  arrivée  à  Metz  immédia- 
tement après  la  fête  de  Pentecôte.  La  nomination  officielle  par 
lettres  patentes  étant  du  30  septembre  1709  corroborerait  la  der- 
nière date  donnée  par  Carmoly.  Nous  ne  parlerons  pas  de  la 
date  de  fantaisie  donnée  par  Fiirst,  qui  le  fait  arriver  à  Metz 
en  1679  \ 

Malgré  la  coïncidence  de  la  date  des  lettres  patentes  avec  l'une 
des  dates  données  par  Carmoly,  nous  croyons  cependant  que  la 
nomination  de  R.  Abraham  Broda  eut  lieu  vers  la  fin  de  1703, 
parce  que  nous  n'avons  trouvé  aucune  trace  d'intérim.  Le  rensei- 
gnement donné  par  M.  Morhange,  qui  avait  à  sa  disposition  les 
archives  de  la  Communauté,  a  pour  nous  une  grande  valeur.  La 
date  des  lettres  patentes  seule  serait  une  objection  sérieuse,  si 
nous  ne  savions  que  la  Communauté,  ou  plutôt,  ses  administra- 
teurs ne  mettaient  pas  toujours  un  très  grand  empressement  à 
solliciter  la  confirmation  royale.  Nous  avons,  d'ailleurs,  vu  que, 
cinquante  ans  auparavant,  elle  s'en  était  entièrement  dispensée, 
et  que,  pour  les  autres  rabbins,  la  confirmation  royale  a  rarement 
été  obtenue  dans  la  première  année  de  la  vacance,  ou  mêriie  de  la 
nomination. 

R.  Abraham  Broda  serait,  d'après  nous,  arrivé  à  Metz  en  1703. 
Son  engagement,  en  conformité  des  lois  religieuses,  n'a  dû  être 
que  de  trois  ans  (1703-1706).  En  1706,  il  le  renouvela  pour  une 
seconde  période  de  trois  ans,  1706-1709.  Si  les  lettres  mentionnées 
par  M.  Carmoly  sont  authentiques  ,  il  faudrait  admettre  que 
R.  Abraham  Broda  était  allé  en  1708  visiter  son  fils,  Moïse,  rabbin 
à  Hanau  et  son  beau-père,  Samuel  Zanvel,  rabbin  à  Pferzen  ;  et 
qu'une  fois,  à  Prague,  il  manifesta  quelques  velléités  d'aban- 
donner son  poste  pour  se  rapprocher  des  membres  de  sa  famille. 
Découragé  par  des  difficultés  qui  se  renouvelaient  sans  cesse  à 
propos  de  juridiction  rabbinique  et  par  des  tiraillements  qui 
existaient  au  sein  de  la  communauté  de  Metz,  il  fut  tenté  de  ne 

'  Itinéraires  de  la  Terre-Sainte  des  xiii»,  xiv,  xv,  xvi«  et  xvii«  siècles,  Bruxelles, 
1847,  p.  227. 

»  Furst,  Biblwthecajudaica,  1. 1,  p.  132. 


262  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

plus  retourner  à  son  poste  et  de  reprendre  celui  qu'il  avait  eu  au- 
trefois à  Prague  et  qu'on  était  toujours  disposé  à  lui  rendre.  Mais 
l'administration  messine  mit  beaucoup  d'insistance  auprès  de 
lui  et  il  ne  put  se  refuser  à  revenir  dans  son  rabbin at  ;  cependant 
il  conserva  toujours  l'arrière- pensée  de  quitter  Metz  à  la  première 
occasion  où  il  le  pourrait  faire  d'une  manière  convenable. 

Les  lettres  patentes  confirmant  la  nomination  du  rabbin 
Abraham  Broda  avaient  cet  avantage  de  confirmer  en  quelque 
sorte  l'autorité  et  le  pouvoir  des  rabbins  en  matière  civile  et 
religieuse;  et  ce  résultat  n'était  pas  à  dédaigner,  en  présence  des 
sourdes  menées  de  quelques  mécontents  contre  l'autorité  judiciaire 
du  rabbin  et  des  élus. 

Déjà  sous  le  rabbinat  de  R.  Gabriel  une  tentative  avait  été  faite 
pour  enlever  au  rabbin  et  aux  élus  la  juridiction  des  affaires 
civiles  ;  mais  le  Conseil  de  la  Communauté  avait  obtenu  des 
officiers  du  bailliage  un  certificat  constatant  que  le  tribunal  du 
bailliage  ne  connaissait  point  des  affaires  de  Juif  à  Juif.  En  1*706,  il 
demanda  une  attestation  semblable  au  Parlement,  et  le  greffier  en 
chef,  après  avoir  vérifié  tous  les  registres,  par  ordre  du  premier 
président,  délivra  aux  syndics  juifs  et  à  la  date  du  28  sep- 
tembre 1*706,  un  certificat  portant  que,  «  ayant  fait  cette  vérifica- 
»  tion,  il  attestait  que  la  Cour  du  Parlement  ne  connaissait  point 
»  et  n'avait  jamais  connu  des  causes  de  Juif  à  Juif  jugées  par  les 
)>  rabbins  de  la  sinagogue.  » 

En  1709,  une  nouvelle  affaire  se  présenta,  où  on  attaqua  la  juri- 
diction rabbinique.  Jacob  Schwab  avait  quelques  difficultés  avec 
ses  frères  et  beaux-frères  au  sujet  de  la  succession  de  leur  mère 
et  belle-mère  Agathe,  veuve  d'Abraham  Schwab,  dont  nous 
avons  rapporté  ci-dessus  *  la  généreuse  fondation  en  faveur  de 
l'école  religieuse  de  Metz.  Jacob  Schwab,  n'étant  pas  satisfait  de  la 
décision  rendue  par  le  rabbin  et  les  élus,  proféra  contre  eux  diffé- 
rentes injures  et  afficha  la  prétention  de  porter  l'afiaire  à  nouveau 
devant  les  tribunaux  ordinaires  de  la  ville.  Le  rabbin,  insulté  à 
propos  do  ses  fonctions,  jugea  nécessaire,  pour  sauvegarder  sa 
dignité,  de  prononcer  contre  Jacob  Schwab  une  amende  et,  de 
plus,  une  mise  à  l'index,  tant  qu'il  n'aurait  pas  reconnu  sa  faute 
et  fait  des  excuses  :  le  tout  était  conforme  à  la  jurisprudence 
juive.  Jacob  Schwab,  humilié  dans  son  orgueil  et  dans  ses  pré- 
tentions, profita  dos  relations  qu'il  avait  avec  quelques  membres 
de  la  magistrature  pour  intéresser  à  sa  cause  le  procureur  du  roi, 
qui  n'était  que  trop  disposé  à  attaquer  la  juridiction  juive  en 

'  Voir  plus  haut,  p.  259-260. 


LE  RABBINAT  DE  METZ  DE  1567  A  1871  263 

faveur  de  la  juridiction  ordinaire.  Le  22  octobre  1709  il  assigna, 
en  la  personne  du  rabbin  «  Brodot  »,  la  communauté  des  Juifs  à 
Metz  à  comparoir  le  6  novembre  suivant  à  l'audience  du  bailliage 
aux  faits  de  la  requête  suivante  adressée  par  lui  au  lieutenant- 
général  et  aux  conseillers  du  bailliage  au  siège  présidial  de  Metz. 

Messieurs,  Messieurs  les  président,  lieutenant  général  et  conseil- 
lers du  bailliage  et  siège  présidial  de  Metz 

Remonstrent  le  Procureur  du  Roy  qu'il  est  venu  à  sa  connoissance 
que  les  Juifs  de  cette  ville  se  sont  establis  de  leur  authorité  un  tri- 
bunal de  jurisdiction  pour  toutes  leurs  affaires  civilles  et  criminelles 
et  que  par  un  attentat  à  l'authorité  du  Roy  et  de  la  justice  non  seule- 
ment ils  connoissent  de  toutes  les  contestations  qui  arrivent  au  sujet 
de  leurs  effects  civiles  mais  estent  par  ce  moyen  au  publique  la 
connoissance  de  Testât  de  toutes  leurs  affaires,  en  sorte  que  quand  il 
arrive  quelques  faillites  ou  banqueroutes  tout  le  poid  et  la  perte  re- 
tombe sur  les  familles  chrestiennes  qui  sont  en  commerce  avec  eux, 
ayant  esté  mesmes  informé  que  par  des  voyes  et  des  punitions  extra- 
ordinaires ils  engagent  absolument  quantité  {sic)  juif  ne  puisse  in- 
tenter d'action  contre  un  autre  juif  par  devant  les  juges  ordinaires 
sans  s'exposer  à  des  peines  d'excommunication  qui  ne  doivent  estre 
introduittes  que  pour  ce  qui  concerne  la  religion,  que  d'ailleurs  les 
juifs  sans  aucune  authorité  de  justice  créent  des  tuteurs  et  curateurs 
à  leurs  enfants  mineurs  et  font  des  inventaires  des  effects  délaissez 
par  leurs  pères  ou  mères  et  font  entre  eux  des  actes  de  société  sans 
aucune  formalités  en  caractères  et  en  langues  hébraïque  dont  les  con- 
ditions deviennent  fréquemment  ruineuses  aux  autres  sujets  du  Roy 
et  comme  toutes  les  pratiques  ne  tendent  qu'à  establir  entre  eux  une 
authorité  souveraine  et  despotique  qui  trouble  l'ordre  du  royaume  et 
de  la  société  civille  contraire  au  privilège  de  l'establissement  des 
juifs  et  particulièrement  à  l'arrest  de  la  Cour  du  23  may  i 634  servant 
de  règlement  par  lequel  il  leur  est  permis  de  juger  entre  eux  pour 
choses  de  leur  religion  ou  polices  particulières, 

Requiert  la  communauté  des  juifs  estre  assignée  à  la  première  de 
nos  audiances  pour  leur  voir  faire  deffence  de  plus  à  l'advenir 
prendre  connoissance  d'aucunes  affaires  litigieuses  civilles  ou  crimi- 
nelles ny  de  tenir  aucun  tribunal  de  jurisdiction  pour  aucunes  af- 
faires, autres  qui  concernent  leur  religion  et  leur  police  particulière, 
faist  pareillement  deffense  à  tous  particuliers  juifs  d'intenter  aucunes 
affaires  civilles  ou  criminelles  mesme  de  juifs  à  juifs  par  devant 
autres  juges  que  les  juges  ordinaires,  comme  aussy  de  procéder  à 
aucune  création  de  tutelles  et  curatelles  aux  enfants  mineurs  de  ceux 
qui  décéderont  ny  aucunes  oppositions  levées  de  scellés  et  confec- 
tions d'inventaires  pour  marchandises,  commerce  de  banquiers  ny 
aucunes  de  vente  eschange  par  devant  autres  personnes  que  les  no- 
taires ou  autres  personnes  publiques,  le  tout  à  peine  d'estre  procédé 
extraordinairement  contre  eux,  comme  refractaires  à  l'authorité  du 


264  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Roy  et  de  la  justice  ny  de  prononcer  aucunes  peines  d'excom- 
munications contre  ceux  qui  se  pourvoiront  par  devant  les  juges 
ordinaires  et  que  tout  ce  qui  pourroit  avoir  esté  prononcé  à  ce 
sujet  seroit  par  eux  levé  dans  le  jour  et  déclaré  nul  et  de  nul 
effect. 

Signé  :  Aubry. 

A  cette  assignation,  la  Communauté  répondit  par  l'acte  sui- 
vant : 

A  la  requeste  de  la  communauté  des  juifs  résident  en  cette  ville  de 
Metz  qui  a  esleu  son  domicil  en  celuy  de  M«  Nicolas  Marc  son  procu- 
reur au  bailliage  et  siège  royal  de  ladite  ville  soit  signiffié  et  déclaré 
à  Monsieur  Maître  Jean  Aubry,  conseiller  du  Roy  et  son  procureur 
aud.  siège  pour  exceptions  responces  à  l'assignation  qui  a  esté  donnée 
à  sa  requeste  à  lad.  Communauté  par  exploit  du  22«  du  mois  d'oc- 
tobre dernier  que  la  demande  de  mond.  S'  Procureur  du  Roy  est  un 
trouble  formel  aux  privilèges  et  grâces  accordées  à  lad.  Communauté 
par  Lettres  Patentes  du  Roy  glorieusement  régnant  du  25''  septembre 
i657,  confirmatives  d'autres  concédées  depuis  plus  d'un  siècle  par  les 
Roy  s  ses  prédécesseurs  de  glorieuse  mémoire  par  lesquelles  les  juifs 
sont  establis  en  cette  ville  pour  y  vivre  de  mesme  que  tous  les  autres 
juifs  rependus  dans  les  autres  estats  conformément  à  leur  loy,  soit 
par  rapport  à  leurs  police,  religion  et  autres  actes  de  Juifs  à  Juifs  ce 
qui  a  esté  suivy  et  exécuté  depuis  plus  d'un  siècle  publiquement  au 
veu  et  sceu  de  tous  les  magistrats  de  cette  ville,  en  efîect  cette  de- 
mande ne  tend  pas  moins  qu'à  détruire  essentiellement  l'exercice  et 
la  discipline  de  leur  religion  dont  les  jugements  sur  lès  contesta- 
tions des  juifs  font  une  des  principales  parties  d'autant  que  les  Juifs 
devans  nécessairement  suivre  la  Loy  escritte  comme  le  fondement 
de  leur  religion  et  cette  loy  leurs  donnant  des  juges  et  contenant  des 
décisions  sur  toutes  ces  matières  toutes  différentes  de  celles  qui  se 
tirent  des  loix  civiles,  coustumes  et  ordonnances  et  dont  il  n'y  a  que 
des  Rabys  qui  en  ont  faict  une  estude  capitale  dez  leurs  premières 
années  qui  en  soient  instruicts,  c'est  leurs  vouloir  oster  Tun  des  prin- 
cipaux points  de  leur  religion  que  de  leur  contester  le  droict  d'estre 
jugez  par  ces  mesmes  Rabys,  et  en  mesme  temps  renverser  la  pos- 
session immémorialle  en  laquelle  lad.  Communauté  est  demeurée 
paisiblement  sous  les  yeux  du  Parlement,  sans  que  MM.  les  procu- 
reurs généraux  ayent  trouvé  à  redire  à  la  conduitte,  police  et  exer- 
cice de  la  justice  entre  eux  qui  n'a  jamais  esté  autre  en  cette  ville 
quelle  est  aujourd'huy  et  qui  est  conformée  ce  qu'il  se  pratique  dans 
tous  les  estais  du  monde  ou  il  y  a  des  sinagogues,  ainsy  la  préten- 
tention  de  mond.  S""  le  Procureur  du  Roy  est  une  nouveauté  condam- 
née par  les  actes  de  notoriété  émanés  de  Monsieur  le  Lieutenant  gé- 
néral et  conseiller  en  ce  siège  et  mesme  de  la  Cour  qui  asseurent  que 
les  Rabys  establis  en  cette  ville  sont  en  droict  comme  d'une  des  fono 


LE  RABBINAT  DE  METZ  DE  1567  A  1871  265 

lions  à  eux  attribuez  de  juger  comme  ils  ont  faict  de  tempâ  immé- 
morial de  toutes  les  affaires  qui  surviennent  de  juifs  à  juifs,  mais 
comme  il  est  question  de  l'exécution  desd.  Lettres  patentes  émanées 
de  Tauthorité  souveraine  et  que  Messieurs  du  bailliage  avec  le  respect 
que  la  Communauté  des  juifs  leur  doit  ne  sont  pas  compétans  pour 
en  connoistre,  outre  qu'en  cette  cause  ils  seroient  juges  et  parties  la 
demande  de  M.  le  Procureur  du  Roy  tendante  a  establir  à  leur  prof- 
fit  leurs  juridictions  sur  les  juifs  dans  les  affaires  de  juifs  à  juifs 
contre  ce  qu'ils  ont  reconnus  eux-mêmes  n'avoir  pas  droit  de  faire 
pour  les  acts  publiques  qu'ils  en  ont  donné  et  qui  ont  servis  à  faire 
confirmer  le  droict  des  juifs  dans  les  autres  sinagogues,  pour  quoy  la 
Communauté  des  juifs  soutiendra  que  la  cour  et  les  parties  seront 
renvoyées  au  Conseil  d'Etat  dont  acte    signé  Marc. 

Fort  de  l'appui  qu'il  avait  trouvé  auprès  du  procureur  du  roi, 
Jacob  Schwab  présenta  au  Parlement,  le  3  décembre  1709,  une 
requête  par  laquelle  il  exposait  que  l'excommunication  et  l'amende 
dont  il  avait  été  frappé  ne  lui  avaient  été  infligées  que  parce  qu'il 
s'était  permis  de  porter  devant  les  juges  royaux  le  différend  qui 
existait  entre  lui  et  ses  frères  et  beaux-frères,  et  demandait  que 
«  Ton  fît  défense  au  rabbin  et  à  ceux  qui  représentent  la  Commu- 
»  nauté  d'empêcher  ceux  qui  auront  recours  à  la  justice  ordinaire 
»  de  s'y  pourvoir,  ni  d'user  d'aucune  excommunication  ou  inter- 
»  dit  contre  eux;  pour  cette  cause,  enjoindre  au  rabbin  et  autres 
»  de  lever  en  plaine  sinagogue  celle  qu'ils  ont  publiée  contre  lui, 
»  deffense  à  eux  d'en  faire  à  l'avenir  soit  dans  la  sinagogue  ou 
»  ailleurs,  d'exiger  aucune  amande,  n'y  imposer  autres  peines.  » 

Cette  requête  ayant  été  communiquée  au  procureur  général,  le 
Parlement  rendit,  le  13  décembre  1709,  un  arrêt  par  lequel  il  per- 
mettait à  Jacob  Schwab  «  de  faire  assigner  le  rabin  et  autres  re- 
»  présentants  de  la  Communauté  des  Juifs,  et  cependant  par  pro- 
»  vision  et  sans  préjudice  du  droit  des  parties  au  principal,  a  fait 
»  deffenses  aud.  rabin  et  autres  d'attenter  sur  led.  Schwabe  en  sa 
»  personne  ou  en  ses  biens,  soit  par  voye  de  prétendue  excommu- 
»  nication,  interdiction  ou  autrement  à  peine  de  3,000  livres 
«  d'amande  et  de  prison  s'il  y  escheoit.  » 

Le  Conseil  de  la  Communauté  juive  de  Metz  s'émut  de  cet  arrêt 
du  Parlement,  qui  portait  une  si  grave  atteinte  à  ses  anciens  privi- 
lèges et  renversait  toute  l'organisation  de  la  Communauté.  Il  fit 
rédiger  un  mémoire  par  un  jurisconsulte  éminent  et  délégua  à 
Paris  deux  notables  qui  réussirent  à  faire  donner  raison  aux  Juifs 
contre  le  Parlement.  Le  chancelier  fit  dire  secrètement  au  premier 
président  de  ne  pas  soulever  cette  question  et  même  de  se  des- 
saisir de  l'affaire  qui  lui  était  présentée  dans  les  termes  ci-dessus 


266  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

exposés.  Le  Parlement  voulut  bien  en  cette  circonstance  ne  pas 
pousser  au  conflit;  car  il  se  sentait  en  faute,  puisque  sans  entendre 
les  représentants  officiels  de  la  Communauté  il  avait  porté  atteinte 
à  un  de  ses  privilèges  les  plus  essentiels,  privilèges  concédés  par 
les  rois.  Mais  cette  compagnie  fit  ses  réserves  et  prétendit  qu'elle 
pouvait  et  devait  connaître  de  toutes  les  affaires  civiles  qu'on 
portait  devant  elle  et  que  nul  ne  pouvait  s'y  opposer  en  alléguant 
l'existence  d'une  autre  juridiction.  Elle  accepta  dorénavant  les  af- 
faires de  Juif  à  Juif,  même  lorsqu'il  y  avait  jugement  rendu  par  les 
rabbins  et  les  élus.  Dans  ce  dernier  cas  elle  ne  jugeait  pas  comme 
appel  de  leur  sentence  :  elle  regardait  la  juridiction  rabbinique 
comme  dépendant  de  la  volonté  des  parties  qui  ne  pouvaient  être 
contraintes  à  la  reconnaître.  L'affaire  de  Jacob  Schwabe  ne  fut 
pas  poussée  plus  loin. 

A  la  suite  de  cet  épisode,  un  paragraphe  spécial  concernant  la 
juridiction  rabbinique  fut  inséré  dans  les  premières  lettres  pa- 
tentes qui  furent  délivrées  aux  Juifs  sous  le  règne  de  Louis  XV 
(duc  d'Orléans  régent)  en  1715  et  en  1718.  Il  y  est  dit,  en  effet, 
que  :  «  pour  les  contestations  de  Juif  à  Juif  on  leur  laissait  la  li- 
»  berté  de  se  pourvoir  devant  leur  rabbin  comme  aussi  aux  chefs 
»  de  la  Communauté  la  connoissance  de  leur  police,  religion,  cou- 
tumes et  impositions.  »  Cet  article  ne  satisfit  ni  les  Juifs,  ni  le 
Parlement  de  Metz  :  il  diminuait  le  pouvoir  des  chefs  de  la  Com- 
munauté, dont  la  juridiction  ne  pouvait  plus  s'imposer  pour  les 
affaires  commerciales  ou  civiles  ;  il  n'indiquait  pas  assez  clairement 
le  droit  du  Parlement  de  connaître  des  affaires  de  Juif  à  Juif. 
Aussi  toujours  jaloux  d'étendre  ses  prérogatives,  le  Parlement 
n'enregistra  les  lettres-patentes  du  9  juillet  1718,  que  :  «  avec  la 
»  réserve  explicite  qu'il  seroit  usé  comme  par  le  passé  en  ce  qui 
»  concerne  la  juridiction  du  rabbin  et  des  élus.  » 

Cette  prétention  du  Parlement  lui  créa  de  grands  embarras  dans 
les  questions  où  le  statut  personnel  et  le  droit  coutumier  des  Juifs 
étaient  en  cause.  11  dut  en  maintes  circonstances  demander  l'avis 
du  rabbin  et  finalement  aboutir,  comme  nous  le  verrons  plus  loin,  à 
exiger  de  la  communauté  la  rédaction,  en  un  recueil,  des  lois,  cou- 
tumes et  règlements  usités  parmi  les  Juifs. 

Cepondant  le  rabbin  Abraham  Broda,  fatigué  des  luttes  qu'il 
avait  à  soutenir  et  des  ennuis  que  de  pareilles  affaires  lui  causaient, 
n'aspirait  qu'à  quitter  la  ville  de  Metz.  Au  moment  où  son  troi- 
sième engagement  arrivait  à  son  terme,  on  lui  offrit  la  place  de 
grand  rabbin  à  Pranci'ort  et  il  se  hâta  de  l'accepter  :  la  Commu- 
nauté de  Metz  ne  pouvait  lui  en  vouloir  de  la  préférence  qu'il  ac- 
cordait à  la  grande  communauté  de  Francfort.  La  date  de  son 


LE  RABBINAT  DE  METZ  DE  1567  A  1871  267 

départ  (l'712  ou  l'VlS)  est  fixée  par  la  note  de  M.  Morhange  dont 
nous  avons  parlé  plus  haut,  et  par  une  mention  qui  se  trouve  dans 
le  Cémah  David  à  la  suite  de  la  table  chronologique,  qui  s'arrête  à 
Tan  452.  Dans  ce  dernier  passage  il  est  dit  que  Broda  quitta  Metz 
en  l'712  et  mourut  à  Francfort,  le  1"  Nissan  477  =  1717  K 

Azoulaï  dans  son  Schem  Haguedolim  consacre  à  R.  Abraham 
Broda  un  long  article  et  fait  de  lui  le  plus  pompeux  éloge.  Les  ou- 
vrages que  l'on  a  imprimés  sous  son  nom  l'ont  été  par  les  membres 
de  sa  famille  ou  par  ses  meilleurs  disciples.  Ainsi,  pour  n'en 
citer  que  les  plus  importants,  le  ûn^nN  bu:^  a  été  publié  par  son 
fils  Moïse,  et  celui  de  dnnn«  mibin  par  son  gendre  Joseph-Moïse 
Breslau  et  son  petit-fils  Abraham  de  Mulhausen.  Enfin,  on  trouve 
de  lui  un  grand  nombre  de  discussions  rabbiniques  dans  les  livres 
û"«?25n  ns'^DN,  recueil  publié  par  un  de  ses  disciples,  Israël  Issert 
Lesvi,  û-^^iDn  '^•nn'7,  inis  nnitt,  û-^sin^i  "^UJinn  de  Sabbathaï  ben  Moïse 
Cohen  et  dans  quantité  d'autres  ouvrages  de  ses  disciples. 

Après  le  départ  de  R.  Abraham  Broda,  sa  place  resta  vacante 
pendant  quatre  ans  et  l'intérim  en  fut  rempli  par  les  deux 
assesseurs  R.  Aaron  Worms  et  R.  Benjamin  Wolf  Smigrod. 

Le  premier  R.  Aaron  Worms  (qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec 
son  homonyme,  auteur  du  ttîi^  '^'niN^,  qui  vécut  un  siècle  plus  tard 
et  qui  fut  également  grand  rabbin  à  Metz,  d'abord  intérimaire,  puis 
titulaire),  était  fils  de  R.  Joseph-Israël  Worms  qui  fut  successive- 
ment assesseur  l-i"^^  à  Metz  et  rabbin  à  Trêves  et  à  Bingen,  où  il 
mourut  en  septembre  1684,  avec  une  grande  réputation  de  sain- 
teté, comme  nous  l'indique  la  mention  suivante  que  nous  avons 
relevé,  dans  le  memorduch  de  Metz  : 

Dïi^nN  '^1^'n12'D  n-^onn  ^iiTt  p  b^^'-iuî'^  ^dv  i^i^Tii^'d  bil^^îrt  n;iïi 

n"aai  !i"na:j>ai  ïimnn  n'^^o'^SD  ï^N-r^im  inniriNa  inn3>b  litp  ûr  ^onn^ti 

Ti'Di  Tn-^bi  n^ûb  i;3'^n  p"pm  ^•^'nu  p"p3  nisn'^n  b:^n  '{b^'t  NUiiUîS  i'n'N 
bN'nuî'>n  ïip^iin  t:su:?3  m^rbi  ti^n  nx  r\yi  ^Tjbb  û-^n^ïi  nN  nsm 

Aaron  Worms,  qui  était  né  à  Metz,  occupa  successivement  dif- 
férents sièges  rabbiniques,  notamment  ceux  de  Neuf-Brisach  et  de 
Mannheim.  M.  Carmoly  ^  se  trompe,  lorsqu'il  affirme  que  Aaron 

*  Dans  la  préface  du  catalogue  des  mss.  de  Hambourg  de  M.  Steinschneider,  il  est 
dit,  par  erreur,  que  Broda  mourut  en  1723, 

*  Israelitische  Annalen,  de  Jost,  II,  p.  96. 


268  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

"Worms,  nommé  grand-rabbin  de  la  Haute-Alsace  par  lettres- 
patentes  du  21  mai  1681,  n'occupa  jamais  ces  fonctions.  Nous 
avons  trouvé  de  lui  une  lettre  d'approbation  (nw^orî)  pour  le 
livre  n:Dn2  ^ip?D  *  de  R.  Haïm  Bacliarach,  datée  de  Neuf-Brisach 
en  Alsace  du  jeudi  11  Heschwan  442=  novembre  1681.  La  date 
de  cette  lettre  nous  prouve  qu'après  sa  nomination  officielle,  il 
avait  séjourné  quelque  temps  à  Neuf-Brisach  où  il  exerça  les 
fonctions  de  grand  rabbin  de  la  Haute-Alsace,  dont  la  nomination 
avait  été  confirmée  par  la  Cour  de  France.  Une  autre  lettre  d'ap- 
probation de  R.  Aaron  Worms  nous  apprend  qu'il  occupa  le  siège 
rabbinique  de  Mannheim  après  celui  de  Neuf-Brisach,  et  que,  de 
Mannheim,  il  était  retourné  à  Metz,  son  pays  natal.  Cette  lettre, 
datée  du  22  Adar  II  5453  (=  com.  avril  1693),  est  imprimée  en  tête 
du  livre  bNiTsM)  ûuî  ^.  Elle  porte  comme  épigraphe  les  mots  sui- 
vants :  p'p^  i'3'is  in">nu5  inn&<  •n'n'rr»  pnniTaïi  bTiiîi  n-in  t-itjscîi 

Le  second  rabbin  assesseur,  qui,  avec  R.  Aaron  Worms,  fit 
l'intérim  du  rabbinat  de  Metz,  était  R.  Benjamin  Zeeb  (Wolf) 
Zemigrod,  qui  fut  rabbin  dans  différentes  villes  de  la  Pologne, 
puis  à  Dessau,  d'où  il  passa  à  Metz,  pour  y  être  un  des  profes- 
seurs de  la  Yeschiba  et,  ensuite,  un  des  assesseurs  du  grand  rabbin 
de  cette  ville.  Il  est  auteur  d'un  ouvrage  intitulé  )'^j2^':n  -i""^,  en  deux 
parties  :  la  première,  imprimée  à  Francfort-sur-l'Oder  en  1698, 
renferme  des  notes  et  explications  sur  la  partie  aggadique  de 
quelques  traités  du  Talmud  de  Babylone  ;  la  seconde,  imprimée  à 
Furth  en  l'722,  renferme  un  commentaire  sur  les  Aggadot  qui  se 
trouvent  dans  quelques  traités  du  Talmud  de  Jérusalem. 

Ce  que  M.  Carmoly  raconte  ^  des  relations  peu  aimables  et  même 
tendues  entre  ces  deux  rabbins  assesseurs  de  Metz  nous  paraît 
inexact.  La  lettre  d'adhésion  que  R.  Aaron  Worms  donna  pour 
la  deuxième  partie  de  l'ouvrage  de  son  collègue,  lettre  datée  du 
12  lyyar  482  (=  mai  1722)  nous  montre,  au  contraire,  les  deux 
rabbins  très  liés  ensemble  :  Worms  y  parle  de  R.  Benjamin,  comme 
vivant  toujours  dans  les  relations  les  plus  amicales  avec  lui.  La 
préface  du  livre,  également  datée  de  Metz  1722,  nous  prouve 
que  R.  Benjamin  Wolf  Zemigrod  n'avait  jamais  songé  à  quitter 
Metz.  A  cette  date  les  deux  assesseurs  étaient  arrivés  à  un  âge 
très  avancé  :  le  grand-rabbin  Jacob  Reicher,  dans  sa  lettre  d'ap- 
probation pour  ce  même  ouvrage,  dit  que  l'auteur  est  arrivé  à 


•  Voy.  n-^H-»  nin  n'V\I5,  p.  235*  et  236  a. 

*  Imprimé  à  Franclort-sur-Odcr,  en  l^^D  (=1699),  in— 4". 
'  hraelitiscke  Annalen,  de  Jost,  /.  c. 


I 


LE  RABBINAT  DE  METZ  DE  1o67  A  1871  269 

rage  de  tin^^,  ce  qui  paraît  prouver  que  R.  Benjamin  Zemigrod 
avait  dépassé  Tâge  de  soixante  et  dix  ans. 

R.  Aaron  Worms  mourut  deux  mois  après  cet  acte  de  bonne 
confraternité.  Le  livre  de  la  confrérie  religieuse  nous  fournit 
sur  son  décès  la  mention  suivante  à  la  date  du  11  Ab  5482 
(=  juillet  1722)  :  b-i'i^^rj  ]^^^1l  ipTn  nn-^as  by  iiyn^i  br  ^y  bo 
nnpsi  dmt]  t^"-"  nniD  "^Niti?:  b-«b^  innin^an  rtNit-"  in)3UJ3  ^\aN  tt"-n  n'n'N 
N3n-n  N3-i^  b^^b  nsitti  —  n's'n  ons?:  n"->  'n  uv  nnnriTob  biii  isona 
b'it'T  b^n^"^  ciOT»  n"mn?3  p  innriN  priit-"  iniii?:  n"rî  —  -^tsscn  bNsns 

R.  Benjamin,  plus  âgé  que  son  collègue,  ne  mourut  que 
quelques  années  après  ;  et  si  nous  n'avons  pas  trouvé  son  décès 
inscrit  dans  le  livre  de  la  confrérie,  la  mention  de  celui  de  sa 
femme  (en  1724)  nous  le  fait  supposer  ;  le  registre  ne  fait  pas 
suivre  le  nom  du  mari,  R.  Benjamin,  de  l'abréviation  b"T  :  ïii-^pTirr 
mri  nu5N  irtniji  N-^m  ûînnnî^  T-nrtTo  "^a^-irj  domsTan  nn  b'^^»')2  rr^^n-nï! 
n'-i'3^  'a  ûT^  nncasa  "^smît  \wi^^  i^^-isa  i-^^^  nnn?:  cib^n  l'-i'n^  Do^is^rr 
.psîb  n'n's  niN 

Il  résulte  de  ce  que  nous  venons  de  dire  que,  contrairement  à 
ce  qu'avance  M.  Garmoly,  R.  Benjamin  ne  quitta  pas  Metz  en 
1718  à  la  suite  d'une  rixe  survenue  dans  le  temple  et  dont  nous 
parlerons  plus  loin. 


IX 


Pendant  la  vacance  du  rabbinat,  une  terrible  catastrophe  sur- 
vint dans  le  temple,  dont  le  registre  de  la  confrérie  donne  la  rela- 
tion suivante  : 

p"ï5  dra  nn^iD  lanrts^D  ma-nn  d-^ujî  siuî^  b:^  isuîss  Ma^T  iib«  b:' 
ns-iaïi  dT»oa  sibsnîi  n:s>«a  npiaa  p'eb  n'3>'n  mjiaia  bu:  \^ir\»  t:""^i 
mbip  ■'b-ipa  tD-'^as  niT^a  n^n^tt)  ï-ibnai  ï^?3^ï^)2  nd)2  m-ni<73rT  niti-' 
dip73  drrb  v«^  dpmn  aTn^i  nn^d  dbnd  d-^nma"!  id3  ma^n  bj'  U3:>ni 
u:?73di  db-ïitnb  'nuîBN  "^nba  n^rf!  ma^in^rr  b:'  1T  •'aa  b:^  "it  mbsi3  Di3b 
ibNi  m:DNi23  d-i^i  niû^  -"an  b'»i5  nn^  pN  b:^  in!QU33  inns  nT3>rt  «au) 
b-^iisT  n^N  nb3"''«-ia  rr^su^n  uï72nfc<n  b">i"iDT  nusN  ïib-'a  nsi^CN-in  imwu) 
n'^3>««anrt  ■'ib  p'^biï5a3>:\  rr^aa  nîTabti  «b-ip  n^^a-^b'iîïi  y'd  d-i-^n  na  NiD^-n 
Tii^^  ^a  t^bNi-i  nïJN  rr^uî-^^anï!  «luaNn  b-inat  na  o^rt  ■'bp^^T  nsTab» 
nt^-iuîn  d-'iiaa  tin»  îidTi  n^ai^Ta  nn-'ïi  n-tti  •'ib  n^a  ra  nbsïi  !i?3tt3i 
'N  ûr  nn^tittb  nnapii  -  d-^a^ua  ïian  d"5  i^a  osa  îiuî52  nttN  nbi33>3a 
Va   Cï^îaKD-'bND)  ^lab  ^itto  mnaprt  n-'a  litTa  npiart  •mwa  an  n-io» 


270  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

1T  b^N  M  *inr»  înN3  nriN-î  nn»  bs  bn5<  in«  nspn  nnbm:^  rinsb^N  '»3U) 
ïia-iD  "rt  nK»  nn-^Oïi  snrr^ïi  ■'S  )y•^^   :3^Mi^^  i^inbi  nnnu  -«Dn»  b^  nn» 

.172K  nstsb  m»n  s^ba*» 

Notre  cœur  est  attristé  au  sujet  de  ces  malheureuses  six  femmes 
qui  sont  mortes  dans  un  même  moment,  le  samedi,  deuxième  jour 
de  Schabouot  475  (=  mai  1715),  pendant  la  prière  du  matin.  Alors 
qu'on  finissait  Yocer  hammeorot,  une  panique  se  produisit  dans  la 
tribune  des  femmes,  où  on  avait  cru  entendre  des  voix  extraor- 
dinaires et  un  bruit  formidable  sur  la  toiture.  Les  femmes  se  mi- 
rent à  fuir  toutes  à  la  fois  ;  elles  se  précipitèrent  avec  une  telle 
violence  dans  le  passage  fort  étroit  de  la  sortie  qu'elles  tombèrent 
les  unes  sur  les  autres  dans  l'escalier  sans  qu'il  fût  possible  de  leur 
apporter  du  secours.  Mais  quand  le  calme  fut  rétabli,  on  constata 
que  les  âmes  de  six  malheureuses  s'étaient  envolées  en  même  temps. 
Voici  leurs  noms  :  1°  Bêla,  femme  de  Zanvel  Worms  ;  2«  Brainla, 
femme  de  Zanvel  Vantoux  et  fille  de  Haïm  Cohen  ;  3°  Kaïla,  veuve, 
au  service  de  Gœtschlik  Lé\j  ;  4°  la  veuve  de  Sekele  Haas,  fille  de 
Zanvel  Vantoux  ;  ^^  la  femme  de  Wolf,  fils  de  Mayer,  dont  le  nom 
était  Hannela,  fille  de  Béer  Lévy,  elle  était  enceinte  et  fort  jeune; 
6^  Guenendela,  femme  de  Moïse  Bass  Cohen,  qui  était  également 
fort  jeune.  Elles  furent  enterrées  le  lendemain,  dimanche  (Isserou 
hag)  au  lever  de  l'aurore,  sur  le  côté  du  cimetière  près  de  la  clôture 
«  palissades  »,  entre  deux  grands  arbres.  Elles  furent  mises  en- 
semble dans  une  même  fosse,  mais  dans  des  cercueils  distincts  pla- 
cés l'un  à  côté  de  l'autre,  après  qu'on  eut  accompli  toutes  les  céré- 
monies de  l'ablution  et  de  l'ensevelissement. 

Tsarphati  *  (iî:  =  Terquem]  et  Carmoly  *  ont  tous  deux  donné 
à  ce  douloureux  événement  une  date  erronée.  Le  récit  qu'en  a 
fait  M.  BrùU,  dans  ses  Jahrbûcher  fur  jûdische  Geschichte  iind 
Litteratur  3,  est,  au  contraire,  d'une  scrupuleuse  exactitude.  Ce 
dernier  récit  est  fait  d'après  une  courte  brochure  in-8*>  im- 
primée à  Berlin  en  1722  sous  le  titre  de  i^^a-^sa  npbn.  Salomon 
Lipschitz,  qui  devint  officiant  à  Metz  Tannée  suivante,  en  1716, 
dit  que  cette  catastrophe  doit  ôtre  attribuée  à  la  faute  commise 
par  l'officiant  de  service,  qui,  par  la  multiplicité  et  la  lenteur 
de  ses  chants ,  allait  faire  retarder  la  récitation  de  Schéma 

*  Israelit.  Annalen,  I,  p.  ^B  et  suiv,,  et  Archives  israélites,  I,  p.  27. 
■  Israelit.  Annalen,  II,  p.  96. 

'  T.  II  (1876,  p.  161-165).  M.  Ncubauer,  dans  la  BevM  des  Etudes  juives  (t.  V, 
p.  148)  parle  égalcmont  de  cet  événement. 


LE  RABBINAT  DE  METZ  DE  15Ô7  A  1871  271 

au-delà  de  l'heure  prescrite  K  C'est  l'explication  d'un  officiant. 

Quoi  qu'en  disent  certains  auteurs,  ce  malheur  ne  fut  pour  rien 
dans  le  résultat  que  donna  la  nomination  du  grand  rabbin.  Si 
R.  Aaron  Worms  et  R.  Benjamin  Wolf  Zmigrod  ne  furent  point 
nommés,  il  faut  en  chercher  ailleurs  la  cause  :  leur  véritable  tort 
était  d'habiter  la  ville  depuis  longtemps,  d'y  avoir  des  amitiés  et 
des  alliances.  Nous  l'avons  dit  précédemment  :  être  totalement 
étranger  à  la  ville  constituait  la  première  condition  pour  pouvoir 
aspirer  à  la  place  de  grand  rabbin  à  Metz,  et  cette  condition  était 
observée  depuis  plus  d'un  siècle.  Le  nouvel  élu  fut  le  rabbin 
Jacob  Backofen,  ou  Back  par  abréviation,  plus  connu  sous  le  nom 
de  Jacob  Reiche  ou  Reicher.  Ces  deux  noms  lui  venaient,  celui-ci 
du  lieu  de  sa  naissance,  celui-là  du  premier  poste  qu'il  occupa  et 
où  il  se  fit  connaître  par  la  publication  de  quelques  ouvrages  fort 
estimés.  Avant  d'arriver  à  Metz,  il  fut  successivement  asses- 
seur à  Prague,  rabbin  à  Reicher,  à  Anspach  et  à  Worms.  Il  arriva 
à  Metz  en  1716. 

Les  sourdes  menées  de  quelques  amis  des  candidats  malheu- 
reux aboutirent,  en  1718,  à  une  discussion  scandaleuse  qui 
eut  lieu  dans  la  synagogue,  dont  la  cause  et  l'objet  nous  sont 
tout  à  fait  inconnus,  mais  qui  était  un  acte  de  rébellion  contre 
l'autorité  du  grand  rabbin.  Des  paroles  on  en  vint  aux  invectives 
et  môme  aux  voies  de  fait.  Le  plus  acharné  des  combattants  se 
nommait  Simon  Trénel,  et  les  relations  amicales  qui  existaient 
entre  lui  et  le  rabbin  Benjamin  Zmigrod  ont  fait  supposer  que 
l'échec  de  ce  rabbin  fut  une  des  causes  de  cette  lutte.  Simon  Tré- 
nel fut  cité  devant  le  Conseil  de  la  Communauté,  mais  il  refusa  de 
comparaître,  et,  après  qu'on  eut  épuisé  tous  les  moyens  de  conci- 
liation, il  fut  condamné  à  une  amende  de  cinq  cents  livres  pour 
refus  de  comparution  et  à  cinq  cents  livres  pour  chaque  jour  de 
retard.  Cette  amende  forma  bientôt  une  somme  considérable  et 
bien  supérieure  à  la  fortune  de  S.  Trénel;  on  allait  saisir  ses  biens, 
l'excommunier  et  peut-être  le  faire  expulser  de  la  ville  et  de 
tout  le  pays  messin,  lorsque  sa  femme  se  rendit  en  toute  hâte  à 
Paris,  se  jeta  aux  pieds  du  régent  et  implora  sa  protection.  Son 
Altesse  fit  recommander  à  cette  femme  d'engager  son  mari  à 
comparaître  devant  le  Conseil  de  la  Communauté,  et,  d'un  autre 
côté,  il  fit  écrire  à  l'intendant  de  Metz  pour  qu'il  empêchât  l'a- 
mende de  dépasser  la  somme  de  quatre  mille  livres.  Le  Conseil 
limita  l'amende  à  quinze  cents  livres  et,  pour  punition  des  voies 
de  fait  et  du  scandale  commis  dans  la  synagogue,  S.  Trénel  fut 

»  Teo^dat  ^elomo,  Offenbach,  1718,  p.  14,  paragr.  21  et  22. 


272  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

condamné  à  rester  une  année  entière  à  l'entrée  de  la  synagogue 
pendant  la  durée  des  prières.  Gomme  il  n'avait  pas  grande  fortune, 
l'administration  de  la  Communauté  ne  fit  même  exécuter  que  la 
seconde  partie  de  la  sentence. 

A  part  cet  incident  qui  causa  un  grand  chagrin  à  Jacob  Reicher, 
le  grand  rabbin  vécut  fort  tranquillement  à  Metz.  Les  deux  asses- 
seurs ne  lui  causèrent  aucun  ennui  et  se  gardèrent  de  lui  susciter 
des  difficultés.  Ils  étaient  d'ailleurs  fort  âgés  et,  par  suite,  fort 
calmes.  Le  grand  rabbin,  de  son  côté,  avait  besoin  de  repos  et  de 
tranquillité  ;  car  un  an  avant  son  arrivée  à  Metz,  il  avait  été  dou- 
loureusement éprouvé  par  la  mort  de  son  fils  Simon  Reicher,  sur 
lequel  il  avait  fondé  de  grandes  espérances.  Il  avait  une  telle  con- 
fiance en  ce  fils  qu'il  avait  fait  imprimer  les  gloses  de  ce  dernier 
à  côté  du  texte  même  d'un  de  ses  propres  ouvrages  *.  Simon  Rei- 
cher avait  été  rabbin  à  Raudnitz  dans  le  Palatinat  et  ensuite  pré- 
dicateur à  Prague  où  il  mourut  2,  laissant  un  fils,  Néhémie,  qui  fut 
élevé  chez  son  grand-père  et  qui  devint  plus  tard  assesseur  à  Metz 
et  grand  rabbin  de  toute  la  Lorraine  ^. 

Jacob  Reicher  laissa  des  travaux  très  nombreux  et  estimés  sur 
la  casuistique  juive  ;  quelques-uns  d'entre  eux  eurent  plusieurs 
éditions.  Nous  signalons  particulièrement  son  :ipy^  nn373,  imprimé 
pour  la  première  fois  en  1689,  à  Prague  ;  le  npy^  pn,  imprimé 
pour  la  première  fois  à  Dessau  en  1696,  in-4°.  Cet  ouvrage  fut 
même  imprimé  à  côté  du  Schulhan  Aruch*. 

Jacob  Reicher  mourut  à  Metz,  le  samedi  après  Minha,  9  Sche- 
bat  493  =  février  1733,  comme  nous  l'indique  la  mention  suivante 

»  inmiib  nbio  sur  ap3>'>  pn  et  ap:^"»  nn5)3. 

>  Voir  l'inscription  tumulaire  dans  Oal  Ed.,  n°  98,  page  50  du  texte  hébreu  et 
52  du  texte  allemand. 

^  Le  roi  Stanislas,  en  arrivant  à  Lunéville  le  3  avril  1737,  fut  harangué  par  un 
rabbin  venu  de  Metz,  délégué  par  le  grand  rabbin  et  par  les  syndics  de  la  commu- 
nauté (Voyez  Aug.  Digot,  Eist.  de  Lorraine^  VI,  p.  193).  Tout  nous  porte  à  croire 
que  ce  fut  le  rabbin  Néhémie  Reicher  qui  fit  cetle  harangue  et  qui  eut  l'heureuse 
idée  de  rappeler  au  duc  de  Lorraine  que,  en  Pologne,  il  s'était  déclaré  le  protecteur 
des  Israélites.  Il  acquit  les  bonnes  grâces  du  duc  et  réussit  plus  tard  à  faire  approuver 
par  lui  sa  nomination  comme  grand  rabbin  de  toute  la  Lorraine,  qui  avait  été  faite  dans 
une  réunion  générale  des  Juifs  Lorrains  tenue  à  Créhange.  Cétait  la  première  fois 
qu'une  pareille  autorisation  avait  été  accordée  en  Lorraine,  mais  les  adversaires  des 
Juifs,  à  Nancy,  atténuèrent  les  faveurs  de  Stanislas  en  faisant  stipuler,  dans  les 
Lettres-Patentes  conûrmatives  de  la  nomination  de  Nachemiez  Raicher,  du  29  juillet 
1737,  que  le  rabbin  continuerait  à  résider  à  Metz  (voy.  Durival  l'aîné,  Description 
de  la  Lorraine  et  du  Barrais,  Nancy,  1778,  I,  p.  l60).  Cette  restriction  ne  fut  appli- 
quée qu'à  Néhémie  Reicher  ;  lorsqu'il  mourut,  son  successeur  fut  autorisé  à  résider 
à  Nancy. 

*  Voy.  l'édit.  in-fol.  de  Dyhrenfurt,  1743;  id.,  1811;  Prague,  1783,  1840, 
Vienne,  1796,  etc.  Voir  pour  les  autres  ouvrages  de  R.  Jacob  Reicher  les  Diction- 
naires bibliographiques. 


LK  RABblNAT  i)K  METZ  DE  liJOT  A  1871  27^ 

extraite  du  registre  de  la  Confrérie  :  iiNr^r:  nr^t^^  nnar  nbsa 
in-in^b  nnp5T  nn^t]  nn^b  p"o  ûm  -i-je3  ijn-idtd  ûrjnnx  nps»-^  n"nm73 
5it"n  an^  ":û  "n  dT^n.  Il  avait  exercé  ses  fonctions  religieuses 
pendant  dix-sept  ans  (IT 16-1733).  Grâce  à  ses  nobles  et  belles 
qualités,  il  était  parvenu  à  se  faire  aimer  et  estimer  de  tous.  Son 
nom  est  resté  populaire  à  Metz  et  il  représentait  le  type  et  le 
modèle  du  parfait  rabbin.  Pendant  longtemps  sa  famille  a  été 
entourée  d'une  grande  considération,  et  lorsque,  dix  ans  plus 
tard,  sa  veuve  Yitel  fut  assassinée,  sa  mort  fut  un  deuil  public  et  la 
Communauté  n'épargna  rien  pour  arriver  à  la  découverte  de  l'as- 
sassin. 


X 


Lorsqu'on  dut  pourvoir  à  la  nomination'du  successeur  de  R.  Ja- 
cob Reicher,  la  Communauté  de  Metz  se  trouva  dans  un  grand 
embarras.  Deux  candidats  étaient  en  présence,  tous  deux  d'une 
haute  valeur  scientifique,  tous  deux  appuyés  de  nombreux  et 
dévoués  partisans  :  R.  Jacob  Josua  Falk,  de  Cracovie,  et  R.  Jona- 
than Eibeschûtz  Dans  la  famille  même  du  défunt  rabbin,  ces 
deux  candidats  avaient  trouvé  chacun  un  patronnage  puissant. 
Néhémie  Reicher,  le  petit-fils  de  Jacob  Reicher,  était  tout  acquis  à 
R.  Jonathan  Eibeschiitz,  dont  il  avait  été  le  disciple  ;  la  veuve 
Yitel,  au  contraire,  faisait  la  plus  vive  opposition  à  Eibeschiitz  et 
le  traitait  de  mécréant.  Elle  témoignait  une  profonde  indignation 
à  la  seule  idée  de  voir  son  pieux  et  excellent  mari  remplacé  par 
un  homme  qu'il  avait  déclaré  indigne  du  rabbinat. 

Le  jour  de  l'élection,  la  veuve  de  Jacob  Reicher  se  présenta  dans 
la  salle  du  Conseil  et  adressa  aux  électeurs  réunis  un  réquisitoire 
âpre  contre  Eibeschiitz  et  les  supplia  de  ne  pas  faire  asseoir  sur 
le  siège  rabbinique  de  son  mari,  celui  qu'il  avait  toujours  re- 
gardé comme  le  pire  ennemi  de  la  religion  juive.  Josua  Falk  fut 
nommé. 

Il  était  né  en  Pologne  en  1680,  et  il  est  probablement  originaire 
de  Cracovie,  puisqu'il  porte  le  nom  de  cette  ville.  Il  avait  été  rab- 
bin à  Lemberg  et  à  Berlin  avant  d'arriver  à  Metz.  En  1703,  le 
3  Kislew  (décembre  ?),  étant  à  Lemberg,  des  tonneaux  de  poudre 
firent  sauter  une  partie  du  quartier  juif;  un  grand  nombre  de 
maisons  s'effondrèrent  et  ensevelirent  sous  leurs  décombres  une 
grande  partie  de  la  population  juive.  Trente-six  personnes  envi- 

T.  VIII,  N»  16.  18 


274  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

ron  y  périrent  parmi  lesquelles,  une  fille,  la  femme  et  la  belle- 
mère  de  Jacob  Falk,  ainsi  que  le  père  de  cette  dernière.  Lui-même 
se  trouva  sous  les  décombres  et  n'échappa  que  par  miracle  à  la 
mort  qui  le  menaçait.  Il  fit  alors  le  vœu  de  s'adonner  entièrement 
à  l'étude  et  de  prendre  pour  modèle  son  aïeul  maternel  R.  Josua, 
ancien  grand-rabbin  de  Cracovie,  auteur  du  nrbu;  "^r;^.  Il  est 
l'auteur  d'un  ouvrage  de  casuistique  des  plus  estimés,  le  -«rD 
3';z5iin"'.  La  deuxième  partie  de  cet  ouvrage  fut  imprimée  avant  la 
première  pendant  que  Falk  occupait  le  poste  rabbinique  de  Metz  *. 
C'est  dans  la  préface  de  cette  deuxième  partie  que  nous  avons 
puisé  les  renseignements  sur  les  malheurs  survenus  à  Lemberg  et 
dans  sa  famille.  La  première  partie  ne  fut  imprimée  que  treize 
ans  plus  tard  2,  et  les  deux  autres  ne  virent  le  jour  que  longtemps 
après  la  mort  de  l'auteur.  Lorsqu'au  printemps  nSQ  la  veuve  de 
Jacob  Reicher  mourut  assassinée,  Falk  craignit,  non  sans  raison, 
peut  être,  que  les  partisans  de  R.  Jonathan  Eibeschiitz,  son  con- 
current malheureux,  ne  lui  créassent  des  diificultés.  Il  redouta 
les  embarras  et  les  difficultés  qu'il  sentait  tout  près  de  surgir  et 
il  s'empressa  d'accepter  le  rabbinat  de  Francfort  qui  lui  était 
offert. 

Azoulaï  dit  dans  son  û^bTi:*?!  d^,  que  Falk  se  rendit  à  Francfort 
en  501  (=  1740-41)  et  ajoute  qu'il  eut  le  bonheur  de  voir  dans  cette 
ville  le  célèbre  rabbin  et  que  celui-ci  lui  fit  cadeau  de  la  partie  du 
Pené  Yeschoua  sur  Moëd.  Il  nous  dit  enfin  que  Falk  mourut  en 
516  (=  1756)  sans  pouvoir  accomplir  le  vœu  qu'il  avait  fait  de  se 
rendre  dans  la  Terre-Sainte  et  qu'il  a  exprimé  dans  le  titre  même 
de  la  première  partie  de  son  ouvrage  imprimé  en  1752. 

11  fut  aussi  un  des  plus  ardents  adversaires  de  Jonathan  Eibes- 
chiitz lorsque  commença  contre  lui  la  lutte  célèbre  entreprise  par 
Jacob  Emden  et  qui  dura  plus  de  six  ans. 

Ab.  Gahen. 

(.4  suivre.) 

*  Amslerdam,  1739,  in-fol. 

'^  Frauclort-sur-Mein,  1752,  in-fol. 


NOTES   ET  MÉLANGES 


LA  MONTAGNE  DE  FER 


L'historien  Josèphe  parle  dans  le  Bellum  Judaîcum,  IV,  8,  2, 
d'une  montagne  surnommée  Montagne  de  fer  (aiSripoùv  xaXoûjxevov 
ôpoç).  Elle  est  située  dans  la  région  stérile  et  inculte  qui  s'étend 
à  l'est  de  la  mer  Morte  jusqu'au  pays  de  Moab.  Reland  (Pa- 
lœslina,  p.  343)  nomme  seulement  le  mons  ferreiis,  en  citant  le 
passage  de  Josèphe.  Seetzen,  Buckingham  et  Burckhardt  (Ritter, 
Erdhunde,  XV,  p.  567,  1120  et  1204)  l'identifient  avec  une  mon- 
tagne d'une  couleur  foncée,  presque  noire,  que  <îes  trois  voya- 
geurs ont  aperçue  dans  cette  contrée.  Les  recherches  de  Robinson 
[Bibl.  Researches,  1,  p.  512)  et  d'autres  voyageurs  ont  démontré 
que  les  régions  de  la  mer  Morte  ne  renferment  pas  de  fer,  et  que 
la  montagne  ne  peut  avoir  emprunté  son  nom  qu'à  l'illusion  que 
produit  son  aspect  extérieur. 

Le  nom  que  lui  donne  Josèphe  est  bien  celui  que  les  Juifs  lui 
appliquaient.  Dans  la  Mischnâh,  Traité  de  Siiccâh  (111,  §  1)  on 
parle  des  palmiers  rabougris  du  «  Mont  de  fer  »  (bînsin  nn  "•S'^it) 
que  les  docteurs  considèrent  comme  propres  à  l'usage  rituel  pen- 
dant la  fête  des  Tabernacles  ^  On  retrouve  le  même  nom  dans  le 
Targoum  du  Pseudo-Jonathan  sur  Nombres,  xxxiv,  3-4.  Le  pas- 
sage mérite  d'être  mis  dans  son  entier  sous  les  ypux  du.  lecteur.  Il 
est  ainsi  conçu  :  ï<bnDi  n^tû  "«ritT  ^nn^^j  v^  î^'ûim  ûinn  yoh  -^irr^T 
Sl-^p"»-!  :  Nn3"'^)3  i^nb>3i  ktd"»  '^d^'^d  v^  '^^a'im  ûnnn  "^"irr^i  ûi^ïî  ^^inn  br 

^  Ce  paragraphe  est  cité  dans  Eroubin,  19  a,  fort  mal  à  propos.  On  serait  tenté 
d'y  passer  imir^édiatement  au  deuxième  ^^ïl  1T1  ;  mais  M.  Rabbinovicz  ne  donne 
aucune  variante,  et,  d'autre  part,  aucune  glose  ne  fait  observer  ce  qu'il  y  a  de  bizarre 
dans  cette  citation. 


276  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

nn-^y^-ï  p^-^-nN  r-i'in''::b  piD"^".  t^-^^:;  top-ib  t^t:i-i"i  v^  ""i^ps^a  i-in-ii 
'1^1  otb^ib  ûD'^pTî  t*^?3inn  ciip-^T  :t3D"^pb.  «  Votre  frontière  sud  par- 
tira du  désert  des  palmiers  maigres  de  la  Montagne  de  fer  *,  le 
long  des  frontières  de  l'Idumée,  et  la  frontière  sud  partira  (donc) 
des  extrémités  de  la  mer  Salée  à  l'est,  et  la  frontière  fera  un  tour 
au  sud  de  la  montée  d'Akrabîm,  passera  aux  palmiers  de  la  Mon- 
tagne de  fer  et  aboutira  au  sud  de  Rekem  Ga  'ya  -  pour  sortir  au 
château  des  Adorées  et  passer  à  Kêsam.  La  frontière  tournera 
de  Kêsam  vers  le  Nil . . .  >)  La  description  des  frontières  continue 
ainsi  vers  Touest,  remonte  ensuite  au  nord,  et  se  termine  à  l'est 
(ibid.,  verset  11)  «  au  désert  des  palmiers  de  la  Montagne  de  fer  a. 
Dans  la  seconde  recension  du  Targoum,  le  désert  des  ma  •^S'^s: 
NbnD  est  remplacé  la  première  fois  par  «  le  désert  de  Rekem  » 
(dpn  N"in^^),  mais  dans  le  passage  suivant  la  Montagne  de  fer  se 
rencontre  également  dans  J  IL  Le  désert  de  Rekem  répond  ce- 
pendant plutôt  à  midbar  Kâdêsch.  Dans  le  même  verset,  il  faut 
certainement  changer  ""i^m^aiï^n  lin^^ûinn  en  '•N73T7N1  '(irT'^inn. 

Lesdeux  recensions  de  ce  Targoum  sur  les  versets  3  et  suivants 
mériteraient  d'être  bien  examinées  sous  le  rapport  de  la  géogra- 
phie de  la  Palestine.  J'ai  déjà  fait  observer  ailleurs,  qu'on  y  ren- 
contre peut-être  un  souvenir  de  la  famille  de  Sœmus,  roi  d'Emèse 
et  tétrarque  du  Liban  (Josèphe,  Antiq  Juives,  xx,  8,  4)  dans  les 
mots  NTa^T  na'i  (lis.  -^iD-isb)  "n^irsb  pour  n73n  Ninb. 

J.  Derenbourg. 


*  Ep;alement  Nomb.,  XXXIII,  36.  En  dehors  de  l'iliDéraire  et  de  la  limitation  des 
frontières,  on  lit  seulement  «  désert  de  Sin  ('j'^it'T)  ». 

'  L'orthographe  varie  ;  on  trouve  iX^y^,  N3>'^ri  et  N^m:^.  La  dernière  leçon  est  celle 
du  syriaque  (jS'^iNSI  Dp'n).  Le  mot  doit  rendre  le  3^3"12  du  texte  hébreu,  nom  propre 
qu'on  peut  comparer  avec  y^'2.  et  yitJ"ia  parmi  les  rois  de  la  Pentapole,  mais  qui 
n'en  reste  pas  moins  obscur.  On  pourrait  être  tenté  de  traduire  «  le  Rekem  de  la 
Vallée  »,  par  opposition  avec  le  «  Kekem  du  Rocher  »  =  N"irirn  Dp"!  (cf.  Neubauer, 
Géographie,  p.  20  et  21).  Plus  tard,  on  nomma  la  première  de  ces  deux  villes  Dp*i 
et  la  seconde  15n,  bien  qu'Eusèbe,  Onomasticou,  identifie  partout  Rekem  avec 
Petra.  La  Mischnâh  [Gittin,  chap.  i,  §  1)  parle  d'un  acte  de  divorce  appoilé  de 
Rekem  ou  de  Ilagar  ("l>nM  \12^  Ûp^ïl  \>2)-  Les  deux  localités  soot  aussi  nommées 
par  Onkelos  sur  Genèse,  xvi,  14. 


NOTES  ET  MELAiNGES  277 


NOTE  SUR  LES  MOTS  \':)^jiam  ^•!)K^^p 


Dans  le  traité  de  Sanhédrin  74  &,  Raba  dit  que  les  Israélites, 
s'ils  y  sont  contraints  par  la  force,  peuvent  prêter  leur  concours  à 
l'accomplissement  d'actes  défendus  par  la  religion  juive,  à  con- 
dition que  l'intention  de  leurs  oppresseurs  soit,  non  de  les  dé- 
tourner de  la  foi  de  leurs  pères,  mais  uniquement  d'utiliser  leurs 
services*,  «  car,  ajoute  ce  docteur,  s'il  était  défendu  aux  Israélites 
de  prêter  ce  concours...  inb  is-^mïT^  '^'D'^n  •^p'^DiTD'^'n  ^pî^i^p  "^sr?  >^ 
Avant  de  chercher  à  expliquer  ces  termes  obscurs,  nous  ferons 
remarquer  que  le  ms.  du  Talmud  de  Munich  porte  après  irtb  le  mot 
N"n5.  Ce  mot  ne  se  trouve  ni  dans  nos  éditions,  ni  dans  les  autres 
manuscrits  que  M.  Rabbinowicz  a  examinés  ;  mais  le  simple  bon 
sens  indique  qu'il  devait  s'y  trouver  à  l'origine,  car  il  est  plus 
naturel  que  des  copistes  fassent  des  omissions  que  des  additions. 
Du  reste,  le  mot  Niiib  se  trouve  dans  un  ms.  d'Alfasi,  et  Luria  l'a 
vu  également  dans  quelques  éditions  du  Talmud  -. 

Pour  l'expression  "^p^mp,  nous  trouvons  dans  le  ms.  de  Garls- 
ruhe  la  variante  ""pn-ip.  Le  mot  '^p-'iii^n  est  écrit  ^p'2')i2^  dans  le  ms. 
de  Munich,  et  ■^p'^si^D'i  dans  le  ms.  de  Carlsruhe.  La  première  édi- 
tion (d'avant  1480)  de  VAruhh  porte  "^pr^nn,  du  moins,  M.  Rabbi- 
nowicz dit  que  le  mot  doit  être  lu  de  cette  façon.  Les  éditions 
postérieures  de  VArukh  donnent  ■^psi^a'^n. 

Tous  les  commentateurs  exi)liquent  ce  passage  de  Sanhédrin 
en  disant  que  les  Israélites  de  la  Perse  étaient  contramts  de  four- 
nir aux  autres  croyants  de  ce  pays  des  réchauds  pour  chauffer 
leurs  temples.  Cette  explication  est  certainement  contraire  à  la 
version  du  ms.  de  Munich  ;  mais  de  ce  que  le  mot  N-n3  a  été  omis 
plus  tard  ou  a  été  changé  en  N-nDb,  il  faut  conclure  que  les  co- 
pistes avaient  compris  ce  passage  comme  les  commentateurs. 

On  a  voulu  trouver  dans  les  mots  '^p-'3i73'^'n  '^'pi^^'^'p  des  termes 
gréco-latins  \  Cette  étymologie  paraît  fausse,  car  il  est  difficile 
d'admettre  que  les  Juifs  de  la  Babylonie  se  soient  servis  de  mots 
étrangers  aussi  obscurs  que  ceux  que  suppose  Sachs.  Du  reste, 
tous  les  commentateurs,  en  expliquant  ce  passage,  ont  pensé 
aux  Guèbres  qui  employaient  le  feu  pour  l'accomplissement  de 

'  "^^n;:)  i^2£r  nN5!-?. 

*  Dans  son  ouvrage  n?ûb"»2î  r"2!Dn. 
'  Sachs,  Beitràffc,  I,  p.  99. 


278  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

leurs  rites.  Le  Aruhh,  s.  v.  "^p^]),  reproduit  un  passage  de  Git- 
tin  17  a,  où  il  est  dit  que  les  Guèbres  prenaient  aux  Juifs  leurs 
lumières,  c'est-à-dire  éteignaient  les  lumières  dans  les  maisons 
juives  à  certains  jours  de  l'année  pendant  lesquels  leur  religion 
défendait  d'avoir  du  feu  chez  eux.  Nous  savons,  d'autre  part,  que 
les  Guèbres  considéraient  comme  impur  tout  feu  allumé  par 
d'autres  qu'eux  et,  par  conséquent,  ne  pouvaient  pas  s'en  servir 
pour  leur  culte. 

L'explication  de  V  Aruhh  se  trouve  presque  en  entier  dans  les 
Schéeltot  de  Rab  Ahaï,  à  la  fin  du  chapitre  xlii.  Si  cette  explica- 
tion est  réellement  de  Rab  Ahaï,  nous  devons  l'admettre,  quelque 
difficulté  qu'elle  soulève,  car  l'auteur  des  Scheéltot  a  connu  les 
Guèbres  ou  par  lui-même  ou  par  des  informations  sûres.  Mais  il 
suffit  d'examiner  rapidement  la  langue  dans  laquelle  ce  passage 
des  Schéeltot  est  écrit  et  l'endroit  où  il  se  trouve  pour  se  con- 
vaincre qu'il  n'est  pas  de  Rab  Ahaï,  mais  d'un  éditeur  ou  d'un 
copiste  glossateur.  Voici  les  raisons  qui  me  le  font  supposer  : 

1°  Ce  passage  se  trouve  après  la  formule  par  laquelle  Rab  Ahaï 
a  l'habitude  de  clore  chaque  chapitre,  et  il  n'est  rattaché  à  ce 
qui  précède  que  par  le  mot  uît^-^û,  fait  qui  ne  se  présente  plus  dans 
tout  l'ouvrage  ; 

2°  Tout  le  passage  est  écrit  en  langue  hébi^aïque,  tandis  que 
le  reste  du  livre  est  rédigé  en  chaldéen  ; 

3°  La  façon  dont  il  y  est  parlé  des  Guèbres  indique,  non  un 
contemporain  de  cette  secte  religieuse,  mais  un  historien  posté- 
rieur, et,  de  fait,  ce  passage  parle  de  l'empire  des  Perses  comme 
de  quelque  chose  qui  est  déjà  disparu.  Ainsi  il  y  est  dit  :  m::bttnn 

TU  5<bi  t'y  Nin^  pb^  m^rt  n^nb  )r\Mi  'i"'5^bn73i  ïD-^bmrt  pn  )^^\^n'^ 
'51  'û^  N-^^n^^rii  i5'«'-i73N  Npi  -^5  rtb-^bn  p^b^t:  D-^bn^  Nb^  \:;n  Nb  û-^nTir. 
«  En  Perse,  les  Guèbres  allaient  à  la  ronde  dans  toutes  les  mai- 
sons Israélites,  y  éteignaient  les  lumières,  enlevaient  les  charbons 
et  les  portaient  au  temple  du  feu.  Ils  ne  permettaient  pas  de 
porter  la  nuit  ni  feu  ni  charbon,  comme  il  est  dit  dans  le  chapitre 
HaméM  Get...  » 

On  remarquera,  du  reste,  combien  cette  explication  est  forcée. 
Du  moment  que  les  Guèbres  ravissaient  le  feu,  quel  acte  impie 
commettaient  donc  les  Israélites  pour  que  le  Talmud  leur  pres- 
crivît de  se  laisser  tuer  plutôt  que  d'accomplir  cet  acte  bNT  niar-» 
:^^n^  ?  Et  comment  le  Talmud  peut-il  parler  de  la  défense,  pour 
les  Israélites,  de  donner  du  feu,  nnb  *(r:3r^^  dans  le  cas  en  ques- 
tion où  les  Guèbres  le  volaient  ? 

4°  Enfin,  une  dernière  preuve  que  cette  explication  ne  peut 


NOTES  ET  MÉLANGES  279 

pas  être  attribuée  à  Rab  Ahaï  nous  est  fournie  par  les  mots  î^pn  ^^ 
r:^  N"'3'?3na  imWN,  '<  comme  nous  lisons  dans  le  chapitre  qui 
commence  par  les  mots  i::^  n-'dtsm  ».  Car  les  Scheéliot  ne  renvoient 
jamais  au  chapitre  du  Talmud  qu'ils  citent,  mais  seulement  au 
traité. 

Maintenant  que  nous  avons  prouvé  que  l'autorité  de  Rab  Ahaï 
ne  peut  pas  être  invoquée  à  l'appui  de  l'explication  que  les  com- 
mentateurs donnent  du  passage  de  sanhf'drîn^  nous  pouvons 
essayer  de  trouver  le  sens  des  mots  '>p^3i73"'"n  ■'pN-np. 

Le  mot  ■'p'^3'^X3'i'7  ou  "^p^siTo-^n  ressemble  tort  au  mot  Dominica  ;  or, 
dies  dominica  signifie  dimanche  et  œdes  dominica  signifie  église. 
La  variante  de  '^'j>"r\'^  montre  que  le  mot  "^pNTip  ou  ''':iT\'p  de  notre 
texte  doit  être  changé  en  ""pNmp.  Nous  supposons  que  c'est  le 
mot  '^pN'^'np  ou  '^p'^'iip,  KupidxY),  qui  est  l'équivalent  grec  du  mot 
doyninica  et,  comme  lui,  signifie  \e  ioxxv  (}i\x  dima^iche,  ou  bien 
Vœdes  dominica.  Yéglise  (v.  Sophocles,  Greek  lex.  ofihe  Roman 
and  Bizantine  periods.s.  v.  Kupidxoç,  Du  Gange,  Lat.,  s.  v.  Domi- 
nica, etc.).  Nous  savons  qu'à  l'époque  de  Raba  il  existait  en  Perse 
de  nombreuses  communautés  chrétiennes.  Ces  communautés  qui 
attaquaient  avec  violence  les  croyances  des  Perses  et  avaient 
même  détruit  un  pyracum,  turent  persécutées  sous  les  règnes  de 
Cosroès  et  de  Sapor.  Il  est  donc  probable  que  ces  chrétiens,  qui 
observaient  le  repos  du  dimanche  aussi  strictement  que  les  Juifs 
observaient  celui  du  Sabbat,  se  seront  adressés  aux  Israélites 
pour  leur  demander  le  service  de  leur  «  apporter  des  réchauds  », 
c'est-à-dire  de  chauffer  leurs  temples,  le  dimanche.  Le  passage 
de  Sanhédrin  devra  donc  être  lu  ainsi  :  ■'p"«D"'^"m  "^pN'in'ip  ""Sï! 
N'iis  "lïib  13'^2!T«  'i::'«!i  et  signifie  :  «  Comment  aurions-nous  le  droit 
de  fournir  du  feu  pour  les  éghses?  »  L'église  est  désignée  par  son 
nom  grec  et  latin  parce  qu'il  y  avait  en  Perse  des  prêtres  d'ori- 
gine latine  qui  l'appelaient  doininica  et  des  prêtres  grecs  qui 
l'appelaient  Kupiâxïi  i .  Nous  pouvons  même  supposer  que  les  chré- 
tiens rendaient  un  service  analogue  aux  Israélites  en  chauffant 
les  synagogues  pendant  le  jour  du  Sabbat.  En  tout  cas,  il  nous  a 
paru  intéressant  de  faire  ressortir  ce  fait  qu  il  a  existé  en  Perse 
des  Juifs  chargés  d'allumer  du  feu,  le  dimanche,  dans  des  églises 
ohrétiennes. 

M.  Jastrow. 


*  Voir  Saint- Augustin,  ^pist,  119,  c.  XIII,  sermo  251  de  Temporc. 


282  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

1409,  Martin  II  le  Vieux,  qui  y  vint  en  1410.  Dans  la  lettre  de 
Bonjusas,  il  n'est  probablement  pas  question  de  ce  dernier,  car 
il  régnait  sur  l'Aragon  aussi  bien  que  sur  la  Sicile,  et  un  rabbin 
de  la  Sardaigne,  pays  qui  relevait  alors  de  l'Aragon,  se  serait 
sans  aucun  doute  servi  de  ce  titre  de  roi  d'Aragon,  le  principal  et 
le  plus  compréhensif.  C'est,  du  reste,  ce  que  fît  un  correspondant  du 
rabbin  Simon  Duran  dans  une  occasion  pareille  (Voyez  Taschhez, 
III.  9).  Martin  I,  au  contraire,  était  uniquement  roi  de  Sicile. 
Lorsqu'il  alla  en  Sardaigne,  ce  fut  afin  de  réprimer  une  révolte 
pour  le  compte  de  son  père,  le  roi  d'Aragon.  Il  est  fort  probable 
que  c'est  de  lui  qu'il  s'agit  ici,  et  sans  beaucoup  s'aventurer,  on 
peut  affirmer  que  la  lettre  est  de  1408  ou  1409. 

Voilà  les  détails  que  la  consultation  de  Ribascli  nous  donne  sur 
le  médecin  Bonjusas  Bondavin.  L'époque  de  sa  mort  est  inconnue. 
Néanmoins,  il  semble  résulter  de  la  consultation  de  Simon  Duran, 
citée  plus  haut,  qu'il  ne  vivait  plus  ou  tout  au  moins  n'habitait 
plus  la  Sardaigne  en  1425.  En  effet,  durant  cette  année  et  la  sui- 
vante, la  communauté  d'Alghero,  où  il  s'était  établi  en  arrivant 
dans  l'île,  fut  troublée  par  la  rivalité  de  deux  juifs  qui  voulaient 
épouser  la  même  jeune  fille.  Cette  querelle  donna  naissance  à  une 
question  de  droit  religieux  qui  fut  soumise,  par  ordre  du  roi 
d'Aragon,  aux  autorités  rabbiniques  les  plus  renommées  du  de- 
hors. Or,  si  Bonjusas  avait  encore  occupé  ses  fonctions  de  chef 
religieux  de  la  Sardaigne,  nul  doute  que  cette  affaire  lui  eût  été 
dévolue  avant  de  passer  entre  les  mains  de  rabbins  étrangers. 

Si  la  date  attribuée  à  la  lettre  adressée  par  Bonjusas  à  Ribasch 
est  exacte,  elle  peut  servir  à  élucider  un  point  obscur  de  la  bio- 
graphie de  ce  dernier.  Il  règne,  en  effet,  unp  grande  incertitude  sur 
l'année  de  la  mort  de  ce  célèbre  rabbin.  M.  Gr?etz  dit  qu'il  mou- 
rut vers  1406  '.  Cette  date  est  celle  que  porte  un  acte  cité  dans 
la  consultation  n°  170.  Mais  un  document  découvert  il  y  a  peu 
d'années  est  en  contradiction  avec  cette  conjecture.  Une  inscrip- 
tion hébraïque  composée  par  un  rabbin  Abba  Mari  Ibn  Kaspi  pour 
la  tombe  de  Ribasch  et  gravée  actuellement  sur  le  monument  mo- 
derne de  celui-ci  aux  portes  d'Alger,  indique  qu'il  est  mort  en 
168  de  la  création,  c'est-à-dire  en  1408  de  l'ère  vulgaire  *.  Nous  en 
avons  trouvé  une  copie  dans  un  recueil  ms.  d'élégies  pour  le  9  ab. 
Mais  la  date  fournie  par  cette  inscription,  qui  a  probablement  été 
rédigée  longtemps  après  la  mort  de  Ribasch,  lie  nous  parait  pas 


*  Graetz,  Geachichte  der  Judcn,  VIII,  p.  31. 

'  Voir  Ig  toxto  de  celte  iuscripliou  daus  Monatsschrift ,  1882,  p.  86  et  1883,  n»  3, 
et  Revue.  VI,  p.  305. 


NOTES  Eï  MELANGES  283 

plus  que  celle  de  Graetz  absolument  incontestable.  Nous  avons 
déjà  (^tabli  que  la  lettre  de  Bon) usas  à  Ribasch  est  de  1408  ou 
1409.  Il  s'agit  maintenant  d  en  déterminer  la  date  d'une  manière 
plus  précise.  Martin  I  débarqua  en.Sardaigne  en  octobre  1408'. 
D'après  la  lettre  elle-même,  il  se  trouvait  à  Cagliari  pendant  les 
fêtes  des  Calendes  «"n^bp  m:^n  nuîb^  ^7:'>n.  Ces  fêtes  des  Calendes 
ou  des  Fous  se  célébraient  pendant  l'octave  des  Innocents.  Les 
Juifs  de  la  ville  assistèrent,  en  spectateurs,  à  des  jeux  de  dés 
iï5""nN^  2  qui  eurent  lieu,  à  cette  occasion,  dans  le  palais  du  roi,  et 
l'un  d'eux  fut  invité  à  prendre  part  à  ce  divertissement  le  ven- 
dredi compris  dans  la  période  des  fêtes  ïi^uîn  û:'  nau5  ni:^  m^n. 
Ce  vendredi-là  était  le  28  décembre.  La  violation  du  règlement 
dont  il  est  question  plus  haut  et  au  sujet  de  laquelle  Bonjusas 
écrivit  à  Ribasch,  fut  commise  dans  le  courant  de  la  semaine  sui- 
vante. La  réponse  de  Ribasch  est  datée  de  !^n"l^?aï^  "^553  bi!Q  bi<  !nu5-iD 
l'TiN\  autrement  dit  de  ^^mbj'ïin  nuî'iD,  qui  se  lit  ordinairement 
vers  le  mois  de  juin.  Il  résulte  de  là  que  l'auteur  de  l'inscription 
avec  sa  date  npb  ^d  se  trompe  au  moins  d'une  année  et  que 
Ribasch  vivait  encore  en  1409  ou  plus  exactement  au  mois  de 
sivan  5169  ^ 

Alger,  février  1884. 

ISAAC  BlOCH. 


UN  MANUSCRIT  HÉBREU  DE  LA  BIBLIOTHÈQUE  DE  TESOUL 


La  bibliothèque  de  la  ville  de  Vesoul  possède  quelques  manus- 
crits orientaux  qu'un  savant  qui  a  été  attaché  à  l'expédition 
d  Egypte  sous  la  première  République,  M.  Beauchamp,  a  rap- 
portés à  sa  ville  natale  du  pays  des  Pharaons. 

Parmi  ces  manuscrits  j'ai  trouvé  la  traduction  hébraïque  du 
Guide  des  égarés  de  Maïmonide,  traduction  due  à  Samuel  Ibn- 
Tibbon. 


*  Modesto  Lafuente,  ffistoria  de  Espagna^  IV,  p.  242. 

2  Dans,  en  catalan,  langue  importée   dans  certaines  parties  de  la   Sardaigne   par 
les  conquérants  espagnols. 

3  La  semaine  de  Behaalotekha  de  5169  s'étend  du  12  au  18  sivan  ou  du  26  mai  au 
l«r  juillet  1409. 


284  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Le  manuscrit,  d'une  magnifique  écriture,  est  un  grand  in-4'^  de 
305  pages  de  texte  et  de  deux  pages  blanches,  l'une  au  commen- 
cement, l'autre  à  la  fin  du  volume. 

Le  titre  est  séparé  de  l'ouvrage.  Il  se  compose  de  quatre  pages 
dont  trois  blanches.  Sur  la  quatrième  page  se  trouvent  écrits  en 
caractères  orientaux  le  titre  de  l'ouvrage  et  le  nom  de  l'auteur  : 

Au  dessous  de  ce  titre  il  y  a  une  ligne  écrite  en  caractères 
d'origine  allemande  et  que  je  crois  pouvoir  lire  comme  suit  : 

.b"N'^"nb  r5"rî  b"T  bN^n-«  n"nn  p  innx 

La  lecture  du  dernier  mot,  chargé  d'un  paraphe,  est  dou- 
teuse. Faut-il  l'expliquer  comme  suit  :  bN  nn^ann*^  iyi  ûbirbT  ^yb  ? 
En  travers  et  plus  bas  se  trouvent  des  mots  artificiels  ou  des 
lettres  (ûj'd'^,  pn^an,  etc.)  comme  en  ont  la  plupart  des  titres  des 
ms3.  hébreux  et  que  les  copistes  avaient  l'habitude  d'y  écrire  pour 
essayer  leur  plume. 

Le  ms.  renferme  la  préface  du  traducteur  et  la  table  des  ma- 
tières. 

Vesoul,  mai  1884. 

ISAAC  LÉVY. 


BIBLIOGRAPHIE 


REYUE    BIBLIOGrRAPHIQUE 

j_er  g,p   2«   TRIMESTRES    1884. 


bN^Tia*^  pN  '0  Novelles  et  homélies  sur  la  Bible  et  le  Talmud,  par  Israël 
Lifkin  Salanter  ;  avec  ima  pN  Consultations  rabbiniques,  homélies  et 
notes  sur  Nazir,  par  Senior  Salman  Goldingen.  Varsovie,  impr.  Isaac 
Goldmann,  5643  (1883-4),  in-4o  de  98  p. 

d'^Nlb73  "^i^N  Abne  hamiluim  (Fassungssteiue),  eine  Ergânzung  betreffs  der 
Reform  des  jiid.  Ritualgesetzes  in  der  vom  Verfasser  dièses  erschienenen 
Schrift  iefilla  le  mosché  miccoucy,  von  M.-L.  Rodkinssohn.  Berlin  (chez 
l'auteur),  in-8<»  de  (4)-50  p. 

Cet  opuscule  est  le  premier  de  six  ouvrages  ou  brochures  que  l'auteur 
se  propose  de  publier  sur  la  réforme  de  la  loi  rituelle.  Ce  premier  opuscule 
s'appelle  Eben-Haroscha,  et  pour  ceux  qui  pourraient  être  impatients  de 
voir  les  cinq  suivants,  M.  R.  a  eu  la  bonté  d'en  donner  dès  à  présent  le 
titre  et  une  analyse. 

•nitlNÏ!  Dictionnaire  renfermant  l'explication  en  russe  et  en  allemand  de 
tous  les  mots  qui  se  trouvent  dans  la  Bible  et  la  Mischna,  et  de  leurs 
dérivés  dans  le  Talmud,  les  Midraschim,  les  pioutim,  les  écrits  rabbi- 
niques ;  plus  l'explication  des  noms  propres  qui  se  trouvent  dans  la  Bible, 
par  Samuel  Josef  Finn.  Premier  fascicule  ;  Varsovie,  impr.  Alexandre 
Hins,  in-S**  de  80  p. 

Ce  fascicule  va  de  la  lettre  N  au  mot  ^'^M.  L'ouvrage  pourra  rendre  des 
services  en  Russie,  où  le  public  ne  possède  guère  de  dictionnaires  rédigés 
avec  méthode  et  dans  un  esprit  scientiûque. 

bt^Tia"^  y*lN  '0  Description  de  la  Palestine,  nature  du  sol,  mers,  cours 
d'eau,  montagnes,  vallées,  climat,  flore  et  faune,  villes  et  villages,  par 
Eliézer  ben  Juda.  Jérusalem,  impr.  Joël  Moïse  Salomon,  in- 8*  de  (6)- 
76^. 

Ce  petit  livre,  destiné  probablement  aux  émigrants  russes  et  roumains 
venus  récemment  en  Palestine,  est  assez  intelligemment  distribué.  Il  con- 


286  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

tient,  entre  autres,  des  tables  des  vents,  de  la  pluie,  puisées  à  différentes 
sources. 

bN'Ti2î'^!3  ms^'HD  3>-|DS  Observations  sur  la  persécution  des  Israélites  en 
Russie  et  sur  l'inanité  des  moyens  qui  ont  été  proposés  pour  remédier 
aux  souffrances  des  Israélites  russes,  par  Moïse  b.  Jacob  Abraham 
Eismann.  Varsovie,  impr.  Alexandre  Hins,  1883,  in-8°  de  135-(1)  p. 

L'auteur  est  un  zélote,  il  ne  veut  pas  que  les  Israélites  russes  émigrent 
en  Amérique,  oii  ils  oublieront  les  pratiques  religieuses,  il  préfère  qu'ils 
aillent  en  Palestine,  où  il  n'y  a  ni  terre,  ni  eau,  ni  routes,  où  règne  la 
misère.  Le  livre  est  dédié  à  M.  Oliphant. 

ÛÏT^^N  nii'nn  Commentar  zu  den  Spriichen  Salomonis  von  R.  Abraham 
Aben  Ezra  (.1001175)  zum  ersten  Maie  nach  einer  alten,  in  meinem 
Besitze  befindlichen  Handschrift  herausgegeben  von  Chaim  M.  Horowitz. 
Francfort  s.  M.,  impr.  M.  Slobotzky,  in-S"  de  viii-48  p. 

M.  Horowitz  est  un  travailleur  fécond.  Dans  le  courant  de  quelques 
années  il  a  publié  cinq  recueils  en  hébreu,  qui  renferment  des  pièces 
intéressantes  tant  pour  la  littérature  midraschique  que  pour  la  littérature 
halakhique,  tirées  des  manuscrits  des  bibliothèques  italiennes..  Il  prépare 
l'édition  critiques  du  "lïT^b^  ^'2^  N5n,  du  nT3>''bN  'n*!  *pnD  et  de 
la  rédaction  d'Aboth  de  R.  Nathan  d'après  la  rédaction  française.  Tout 
est  prêt  excepté  l'argent.  Le  trouvera-t-il  jamais  ?  On  fait  si  peu  pour  la 
littérature  rabbinique.  Pour  la  publication  présente,  il  a  commis  une  faute 
involontaire  ;  ce  commentaire  qui  n'est  nullement  d'Abraham  ibn  Ezra,  a 
été  publié  par  M.  Driver  en  1880  (Clarendon  Press  d'Oxford)  d'après  1© 
manuscrit  acquis  par  la  bibliothèque  Bodléienne  de  feu  M.  Soave,  de  Venise 
(voir  la  Revue).  Les  deux  manuscrits  ont  évidemment  été  copiés  sur  une 
seule  et  même  source.  A  quoi  servent  les  bibliographies  si  les  spécialistes 
mêmes  ne  les  lisent  pas  ?  —   A.  N. 

n^fc^l  ÛlbttS  ■'laT  IBD  Sur  la  mission  des  rabbins  en  Russie  et  l'utilité  d'y 
former  un  bon  corps  rabbinique,  par  Jacob  Lévi  Lipschiilz,  de  Kowno. 
Varsovie,  impr.  Alexandre  Ilins,  in-8'^  de  G2  p. 

Hh'^^Mù  n50)3  "^IIÎTin  Novelles  sur  le  traité  talmudique  de  Megilla  attribuées 
à  R.  Nissim  [Girundi]  et  éditées  d'après  un  manuscrit  par  Isaac  Ilirs- 
chensohn.  Jérusalem,  impr.  Isak  Hirschensohn,  in-8°  de  13  ff. 

t33"lî5?3  Ipab  Kritischer  Ueberblick  a)  iiber  den  Judenspiegelprozess  in 
Miiuster  (10.  December  1883)  ;  b)  Verhaudlung  der  Borliuer  Reprâsen- 
tanten  der  jiid.  Gemeindc  wegen  Erbbegrâbnisspelition  auf  jûdischem 
Friedhof  von  einem  Mischcheling,  Eheraann  einer  Jùdin  (23.  Dczember 
1883),  Ton  M.L.  Rodkinsohn.  Berlin,  impr.  Lôwy  et  Alkalay  h  Presbourg, 
iu-8'*  de  52  p. 

n^^l^-^n  ^b  '0  Novelles  sur  le  Talmud,  la  Bible,  Moïse  Maïmonide,  le 
Schulhan-Arukh,  le  Pérek  Schira,  la  haggada  de  Pâque,  par  Josué  Lévi. 
Jérusalem,  impr.  Samuel  Lévi  Zuckermann,  1883;  in-4^  de  182  ff. 

Nous  ne  pensons  pas  que  ce  livre  contribue  beaucoup  au  progrès  de  la 
science,  mais  l'auteur  demeure  à  Lisbonne,  et  son  ouvrage  est  peut-ôlre  le 
premier  ouvrage  rabbinique  qui  ait  été  écrit  dans  le  Portugal  depuis  l'ex- 
pulsion des  Juifs  de  ce  pays  en  \'i%. 

dIpM  yn5<3  y^iz  Reisebeschreibung  im  Orient,  par  E.  Deunard.  Presbourg, 
impr.  Lôwy  et  Alkalay,  1883,  in-8°  do  83  p. 

L'auteur  a  voyagé  sur  la  cOte  méditerraaéeaue  depuis  Alexandrie  jus- 


BIBLIOGRAPHIE  287 

qu'à  Smyrne;  il  n'a  donc  pas  été  dans  des  régions  absolument  inexplorées 
et  ce  qu'il  nous  rapporte  sur  les  pays  qu'il  a  vus  n'est  pas  bien  nouveau 
ni  bien  intéressant  Ses  renseiprneraents,  en  général,  manquent  de  précision 
et  sont  remplacés  par  des  déclamations,  les  chiffres  qu'il  donne  sur  la 
population  juive  de  certaines  villes  paraissent  souvent  très  exagérés. 

lniDTlp!n  VnNb  ^^DI^ï^T  'D  Relse  nach  dem  heiligen  Lande  unternommen  im 
Jahre  5642,  œkonomisch  und  charakteristich  beleuchtet  nebst  kritischen 
Gesichtspunkten,  etc.  von  Jacob  Bachrach.  Varsovie,  libr.  Jacob  Sa- 
pirstein,  in-8"  de  123  p. 

Notes  de  voyage  qui  ne  présentent  pas  un  très  grand  intérêt,  mais  où 
l'on  peut  trouver  quelques  renseignements  sur  les  personnes  de  quelque 
importance  parmi  les  Israélites  de  la  Palestine  et  sur  les  institutions 
israélites  de  ce  pays. 

nifcTaïl  '0  de  Maïmonide,  avec  notes  de  Moïse  b.  Nahman  (Ramban), 
explications  extraites  des  ouvrages  d'Isaac  de  Léon,  Arié  Lob,  Zitel 
Horwitz,  Abraham  Alegre,  Hanania  (lazès,  Abrah.  b.  David,  Josef  Caro, 
Juda  Rozanès,  Zohar  harakia  de  Raschbaç  et  Magen  hahokma  de  Noah 
Hayyim  Cebi.  Varsovie,  impr.  Isaac  Goldmann,  1883,  2  vol.  in-P  de 
168+ 112  p. 

Û'^nDID  nnû^lï^  "12D,  par  Samuel  Rosenfeld,  de  Vitebsk  (Pologne).  Wilna, 
1883,  in-8«. 

L'auteur  a  donné  dans  ce  recueil  toutes  les  variantes  bibliques  qu'on 
trouve  dans  les  citations  éparses  dans  les  deux  Talmuds,  les  Midraschim, 
et  les  traductions  araméennes  du  soi-disant  Onqelos  et  de  Jonathan, 
citations  qui  ne  s'accordent  pas  avec  le  texte  massorétique.  M.  Rosenfeld, 
qui  ne  vit  pas  dans  le  voisinage  d'une  grande  bibliothèque,  a  cependant 
fait  usage  des  variantes  rapportées  par  Kennicott  et  De  Rossi  Dans  la 
préface  l'auteur  donne  l'histoire  de  la  Massorah  d'après  ses  moyens 
testreints.  Le  nombre  des  variantes  pour  les  différents  livres  bibliques 
s'élève  à  1381  ;  M.  Ginsburg  fera  sans  doute  usage  de  cet  ouvrage  pour 
le  troisième  volume  de  sa  grande  édition  de  la  Massorah.  Comme  il 
est  très  difficile  de  se  procurer  les  ouvrages  imprimés  en  Pologne,  je  me 
suis  fait  le  commissionnaire  de  ce  pauvre  Rabbin,  et  en  s'adressant  au  li- 
braire de  la  Revwe,  on  pourra  se  procurer  l'ouvrage  moyennant  quatre 
francs.  —  Â.   N. 

d'^^'oblJ?  nbW  'D  Recueil  d'épitaphes  de  rabbins  et  notables  israélites  en- 
terrés à  Varsovie,  par  Samuel  Jewniu.  Varsovie,  impr.  Isaac  Goldmann, 
5642  (1882-83),  in-S^  de  112  p. 

Quoique  ce  livre  soit  déjà  un  peu  ancien,  on  nous  permettra  de  l'an- 
noncer ici,  à  causa  de  l'intérêt  du  sujet.  Les  inscriptions  sont  accompagnées 
de  notes  biographiques.  La  .plus  ancienne  des  inscriptions  est  de  5554 
(1793-4). 

dblZJTt  ^Tns^  'D  Aruch  completum. . .  auctore  Nathane  filio  Jechielis  ;  édité 
par  Alexander  Kohut.  4®  vol.  Vienne,  impr.  Georg  Brœg,  in-4'^,  allant  de 
p.  401  à  p.  524  (fin  de  la  lettre  hêû)  et  de  p.  1  à  p.  280  (lettre  téé,  yod  et 
en  partie  haf). 

D'»25ïl  UUÏS  '6  Explications  sur  le  Talmud  ;  V^  partie,  Berakhot  ;  par  Isaac 
Heilperin.  Varsovie,  impr.  Josef  Unterhàndler,  5644-1883  ;  in-F  de  (l)-9  £f. 

■^rr^Db  ïlSniSïi  Observations  sur  les  Israélites  de  Russie,  par  Abraham 
Jacob  Rosenfeld.  Varsovie,  impr.  Alex.  Hins,  1883,  in-8o  de  184  p. 


288  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Œuvre  de  rhétorique  où  l'on  trouve,  à  travers  d'interminables  ampli- 
fications, mêlées  de  visions  et  de  prophéties,  quelques  détails,  en  très  petit 
nombre,  sur  la  situation  des  Israélites  en  Russie  et  sur  les  luttes  que  l'au- 
teur a  eu  à  soutenir,  à  ce  qu'il  prétend,  contre  le  parti  des  zélotes. 

d'^bi^Dîn  01C35"lp  Table  des  verbes  hébreux  avec  explications  grammaticales 
intitulées  û'^373Njb  TiD'Û,  par  Juda  Leib  Lévi,  et  additions  sous  le  titre  de 
Û''3pT  Û3>l3  par  Mardochée  Drucker.  Drobobycz,  impr.  Zupnik  et  Knoller, 
in-8«  de  38  p. 

Ouvrage  élémentaire  et  très  arriéré,  à  l'usage  des  écoles  primaires. 

1^T^^^  yi'p  'O  Notes  sur  divers  traités  talmudiques  (Berakhot,  Sabbat,  Eru- 
bin,  Taanit,  Moed  Katan,  Menahot,  Hilkhot  terefot  et  une  partie  de 
Sanbédrin),  par  Isaac  Carlin.  Varsovie,  impr.  Scbriftgiesser,  2  vol.  in-4* 
de  190 +  132  p. 

o^lp  '^^3^*^125  'O  Ouvrage  cabbalistique  de  Moïse  Corduero,  Varsovie,  impr. 
Goldmann,  1883,  in-4o  de  188  flF. 

L'éditeur,  Baer  ^litS^J^'lp,  dit  avoir  publié  cet  ouvrage  d'après  un  ms. 
qui  serait  entre  les  mains  d'Isaïe  b.  Baer  Berlin,  de  T'^b'^l'l.  L'auteur  (si 
l'attribution  est  exacte)  a  vécu  à  Safed  au  xvi®  siècle.  L'ouvrage  «st 
inédit. 

UNI  2N  imiD  m^b^  "!"■'  '^^'^y  \nb^  Deux  commentaires,  l'un  appelé  Matté 
Naftali,  l'autre  Matté  Hallévi,  sur  le  chap.  cgxl  du  Schulhan  arukh  Yoré 
déa,  concernant  le  respect  des  parents,  par  Naphtali  Lévy.  Wien,  impr. 
Georges  Broeg,  in-f^  de  22-180  p.  Belle  exécution  typographique. 

Les  commentaires  de  l'auteur  ne  sont  pas  tous  conçus  dans  un  esprit 
scientifique,  cependaDt  il  applique  jusqu'à  un  certain  point  au  texte  et  aux 
sources  de  son  texte  une  méthode  critique  qui  n'est  pas  sans  valeur.  L'ou- 
vrage est  accompagné  d'une  brochure  intitulée  •  Introduction  to  the  work 
r^lL^TOÏl  "^3^  '  (allemand  et  anglais)  par  Naphlhali  Levy  :  Londres,  impr. 
Wertheimer,  in-8°  de  15  p. 

m^pnïl  nTin  ^lyû  'o  Die  Institutionen  des  Judenthums  nacb  der  in  den 
talmudischen  Quellen  angegebenen  geschicbtlichen  Reibenfolge  geordnet 
und  entw^ikelt,  par  Moses  Bloch  ;  1""®  partie,  2®  vol.  Przemysl,  impr. 
Zupnik  ;  Briinn,  libr.  Epstein,  in-8*  de  291  p. 

Ce  second  volume  du  savant  et  intéressant  ouvrage  de  M.  Bloch  est 
tout  entier  consacré  aux  prières  dites  bénédictions,  berakhot  :  origine  de  ces 
prières,  prières  quotidiennes,  prières  pour  des  époques  déterminées,  prières 
pour  ce  qu'on  voit  et  entend,  prières  pour  l'accomplissement  des  prescrip- 
tions religieuses,  prières  avant  de  manger,  de  boire,  prières  pour  les 
jouissances  de  l'odorat. 

îl^nnln  by  obpSN  dl^i'nn  Targum  Onkelos  herausgcgeben  und  erliiutert  von 
A.  Berlinor.  Ersler  Theil,  Text  nacb  cditio  Sabionetta  vom  Jabre  1557  ; 
Zweiter  Tbeil,  Nolen,  Einleituug  und  Hegister.  Berlin,  Gorcelanczyk; 
Francfort-s./-M.,  Kauffmann  ;  Londres,  Nutt;  2  vol.  in-S**  de  242  -f-  (5)- 
2GG-(1)  p. 

M.  le  D''  Berliner  s'occupe  depuis  de  longues  années  de  l'œuvre  si  méri- 
toire de  publier  un  texte  critique  de  la  célèbre  traduction  araméenne  du 
Pentateuque  appelée  Targum-Oiikelos.  Il  a  pris  pour  base  de  son  travail 
l'édition  de  Sabionetta,  de  I^!i7,  et  il  l'a  comparée  avec  d'autres  bonnes 
éditions  et  avec  de  nombreux  manuscrits.  On  peut  dire  on  toute  confiance 
qu'un  travail  accompli  par   un   savant  aussi    consciencieux   présente    les 


BIBLIOGRAPHIE  289 

plus  grandes  garanties  scientifiques.  Les   70  premières   pages  du  second 
volume  sont  consacrées  aux  notes,  variantes  et  observations  grammaticales 
sur  le  texte.  La  partie  la  plus  intéressante  de  l'introduction  est  celle   oîi 
M.  B.  soutient,  contre  l'opinion  reçue  ou  défendue  par  un  grand   nombre 
de  savants,  que  le  Targum-Onkelos,  dans  sa  forme  primitive,  n'est  pas 
d'origine  babylonienne,  mais  est  une  œuvre  palestinienne  du  second  siècle 
de  l'ère  chrétienne,  qui  a  été  ensuite  remaniée  en  Babylonie  et  y  a  reçu, 
au  quatrième   siècle,   la  forme  qu'elle  a  actuellement.  Après  avoir  étudié 
quelques-unes  des  traditions  relatives  à  la  traduction  grecque  des  Septante, 
à  la  traduction  grecque   d'Akylas,   aux    anciennes   traces  de   traductions 
araraéennes   en    Palestine   à  Tépoque   du   second  temple,  à  la   traduction 
araméenne  du  livre  de  Job  dont  l'existence  sous  Gamaliel  l'ancien  est  bien 
connue,  enfin  à  une  traduction  dont  la  nature  n'est  pas    déterminée,  mais 
qui  pourrait   être  une  ancienne  traduction    latine   (p.    94),  M.    B.   montre 
quels  sont  les  rapports  de  notre  Targum-Onkelos  avec  la  littérature  pales- 
tinienne :  mêmes  paraphrases  ou  transpositions  du  nom  de  Dieu  (p.  102), 
même  usage  de  certains  mots  grecs,  mêmes  explications   géographiques, 
enfin  et  surtout,  au  fond,  même  dialecte  araméen  (p.  IIO).  Le  nom  d  On- 
kelos,  comme  tout  le  monde  l'a  reconnu,  est  né   d'une   simple  confusion 
entre  Akylas,  auteur  d'une  traduction  grecque,  et   l'auteur  supposé  de  la 
traduction  araméenne.  Celle-ci  est  une  œuvre  collective,  qui  serait  née  en 
Palestine  et    qui,  devenue  populaire  en  Babylonie,  y  aurait  été  remaniée 
superficiellement  pour  s'adapter  au  dialecte  araméen  des  Juifs  de  ce  pays. 
Cette  thèse  de  M.  B.  pourra  être  contestée,  elle  mérite  d'être   discutée,  La 
vocalisation  primitive  du  Targum-Onkelos    a   été  faite   dans   le  système 
babylonien  ;  la  vocalisation  actuelle,  dans  le  système  palestinien,  est  une 
transcription  plus  ou  moins   habile  du   système  babylonien.  Les  mss.  qui 
ont  conservé  le  texte  avec  son  ancienne  vocalisation  ont  fourni  à  M.  B.  la 
matière  de    très    instructives   comparaisons  de  la   prononciation  et  de   la 
grammaire  babyloniennes  avec  celles  de  Palestine  et  l'on  pourra  tirer  de 
cette  partie  de  l'étude  de  M.    B.   des  conclusions  qui  ne  seront  pas   sans 
intérêt  même  pour  la  grammaire  hébraïque.  Dans  les  chapitres  suivants  de 
l'introduction  M.  B.   poursuit  l'histoire  des  Targums  à  travers   toute   la 
littérature  hébraïque.  Il  commence  cette  histoire   à  diverses  consultations 
ou  réponses  faites  par  des  savants  africains,  espagnols  et  babyloniens  pour 
recommander  la  lecture  fort  négligée  de  notre  Targum  (Juda  ibn  Koreisch, 
Samuel  Hannagid,  Natroni  gaon,  etc.).  Page  173,  une  consultation  inédite 
du  temps  des  gaonim  sur  la  méthode  qu'il  faut  appliquer  dans  la  traduc- 
tion du  Pentateuque.  L'introduction  se  continue  par  l'histoire  de  l'usage  du 
Targum  et  des  études  faites  sur  le  Targum  par  les  rabbins  et  savants  juifs 
depuis   Saadia  jusqu'à  Rappaport,   Luzzatto,  et  les   contemporains.   Les 
derniers  chapitres  de  l'introduction    sont  consacrés   à  étudier  la  méthode 
exégétique  de  notre  Targum,  sa  grammaire,  l'usage  qu'il  fait  de  la  halakha 
et  de  la  haggada  ;  enfin  les  manuscrits  et  les  éditions  de  l'œuvre. 

Abrahara  a  S.  Clara.  Judas  der  Ertz-Schelm  (Auswahl)  ;  herausgg.  von 
Félix  Robertag.  Berlin  et  Stuttgart,  libr.  Speman,  s.  d.,  in-8''  de  x-367p. 
29e  vol.  de  Kûrschner's  Deutsche  National-Literatur.  La  préface  de  l'édi- 
teur est  datée  de  Breslau,  juillet  1883. 

Nous  ne  parlerions  pas  ici  de  cet  ouvrage  si  Judas  Iscariote  n  était 
devenu,  jusqu'à  un  certain  point,  au  moyen  âge,  le  type  du  juif  maudit  et 
haïssable.  Abraham  a  S.  Clara  est  un  moine augustin  du  milieu  du  xvi'=  siècle. 
La  l*"*^  partie  de  son  ouvrage  sur  Judas  Iscariote  fut  imprimée  à  Salzbourg 
en  1686;  la 2^  partie,  en  !689  ;  la  3»  partie,  en  1692;  et  la  i*^  partie  en  1691. 
L'ouvrage  est  une  espèce  de  discours  moral,  d'un  ton  populaire  et  passa- 
blement grossier,  mais  qui  convenait  à  l'époque.  Il  n'y  est  guère  parlé  des 
Juifs.  Les  chapitres  réimprimés  par  le  nouvel  éditeur  sont  les  suivants  : 
1.  Parents,  patrie,  généalogie  de  Judas  le  fieffé  coquin  et  le  songe  que  sa 
T.   VIII,  N»  16.  1  19 


•288  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Œuvre  de  rhétorique  où  l'on  trouve,  à  travers  d'interminables  ampli- 
fications, mêlées  de  visions  et  de  prophéties,  quelques  détails,  en  1res  petit 
nombre,  sur  la  situation  des  Israélites  en  Russie  et  sur  les  luttes  que  l'au- 
teur a  eu  à  soutenir,  à  ce  qu'il  prétend,  contre  le  parti  des  zélotes. 

Û'^l?3'£)!n  D^'iCûDlp  Table  des  verbes  hébreux  avec  explications  grammaticales 
intitulées  û'^3?3M5b  Î1DU5,  par  Juda  Leib  Lévi,  et  additions  sous  le  titre  de 
Û'^îpT  d3>a  par  Mardochée  Drucker.  Drobobycz,  impr.  Zupnik  et  Knoller, 
m-8<>  de  38  p.  "  , 

Ouvrage  élémentaire  et  très  arriéré,  à  l'usage  des  écoles  primaires. 

ÏTT1i<  1"lp  '0  Notes  sur  divers  traités  talmudiques  (Berakhot,  Sabbat,  Eni- 
bin,  Taanit,  Moed  Katan,  Menabot,  Hilkhot  terefot  et  une  partie  de 
Sanbédrin),  par  Isaac  Carlin.  Varsovie,  impr.  Scbriftgiesser,  2  vol.  in-4* 
de  190 -1-132  p. 

ï^^lp  ^"13^''^  'O  Ouvrage  cabbalistique  de  Moïse  Corduero.  Varsovie,  impr. 
Goldmann,  1883,  in-4o  de  188  fif. 

L'éditeur,  Baer  ;;')it3'?3^"lp>  dit  avoir  publié  cet  ouvrage  d'après  un  ms. 
qui  serait  entre  les  mains  d'Isaïe  b.  Baer  Berlin,  de  T'^b'^T).  L'auteur  (si 
l'attribution  est  exacte)  a  vécu  à  Safed  au  xvi®  siècle.  L'ouvrage  est 
inédit. 

UNI  2N  '^^n5  m^bï!  'l"^  ^T13>  ^Tlh^  Deux  commentaires,  l'un  appelé  Matté 
Naftali,  l'autre  Matté  Hallévi,  sur  le  cbap.  cgxl  du  Schulhan  arukh  Yoré 
déa,  concernant  le  respect  des  parents,  par  Naphtali  Lévy.  Wien,  impr. 
Georges  Broeg,  in-f°  de  22-180  p.  Belle  exécution  typographique. 

Les  commentaires  de  l'auteur  ne  sont  pas  tous  conçus  dans  un  esprit 
scientiGque,  cependant  il  applique  jusqu'à  un  certain  point  au  texte  et  aux 
sources  de  son  texte  une  méthode  critique  qui  n'est  pas  sans  valeur.  L'ou- 
vrage est  accompagné  d'une  brochure  intitulée  «  Introduction  to  ihe  work 
r>1!13?3ïl  "^3^  '  (allemand  et  anglais)  par  Naphthali  Levy  ;  Londres,  impr. 
Wertheimer,  in-8°  de  15  p. 

mSpnin  niin  "^I^ID  'o  Die  Institutionen  des  Judentbums  nacb  der  in  den 
talmudiscben  Quellen  angegebenen  geschicbtlichen  Reihenfolge  geordnet 
und  entwikelt,  par  Moses  Bloch  ;  l*"^  partie,  2^  vol.  Przemysl,  impr. 
Zupnik  ;  Brùnn,  libr.  Epstein,  in-8*  de  291  p. 

Ce  second  volume  du  savant  et  intéressant  ouvrage  de  M.  Bloch  est 
tout  entier  consacré  aux  prières  dites  bénédictions,  berakhot  :  origine  de  ces 
prières,  prières  quotidiennes,  prières  pour  des  époques  déterminées,  prières 
pour  ce  qu'on  voit  et  entend,  prières  pour  l'accomplissement  des  prescrip- 
tions religieuses,  prières  avant  de  manger,  de  boire,  prières  pour  les 
jouissances  de  l'odorat. 

îrnnîl  by  0bp3N  Ûiriin  Targum  Onkelos  herausgcgeben  und  erlautert  von 
A.  Berlinor.  Erster  Theil,  Texl  uach  editio  Sabionetta  vom  Jabre  1557; 
Zweiter  Tbcil,  Nolen,  Einleiluug  und  Hegisler.  Berlin,  Gorcelanczyk; 
Francfort-s./-M.,  Kauffmann  ;  Londres,  Nutt  ;  2  vol.  in-8<>  de  242 -|-  (5)- 
2G6-(1)  p. 

M.  le  D''  Berliner  s'occupe  depuis  de  longues  années  de  l'œuvre  si  méri- 
toire de  publier  un  texte  critique  de  la  célèbre  traduction  araméenne  du 
Pentateuque  appelée  Targum-Onkelos.  Il  a  pris  pour  base  de  son  travail 
l'édition  de  Sabionetta,  de  1557,  et  il  l'a  comparée  avec  d'autres  bonnes 
éditions  et  avec  d»»  nombreux  manuscrits.  On  peut  dire  en  toute  confiance 
qu'un  travail   accompli  par   un    savant  aussi    consciencieux    présente    les 


BIBLIOGRAPHIE  289 

plus  grandes  garanties  scientifiques.  Les  70  premières  pages  du  second 
volume  sont  consacrées  aux  notes,  variantes  et  observations  grammaticales 
sur  le  texte.  La  partie  la  plus  intéressante  de  l'introduction  est  celle   où 
M.  B.  soutient,  contre  l'opinion  reçue   ou  défendue  par  un  grand   nombre 
de  savants,  que  le  Targum-Onkelos,  dans  sa  forme  primitive,  n'est  pas 
d'origine  babylonienne,  mais  est  une  œuvre  palestinienne  du  second  siècle 
de  l'ère  chrétienne,  qui  a  été  ensuite  remaniée  en  Babylonie  et  y  a   reçu, 
au  quatrième  siècle,   la  forme  qu'elle  a  actuellement.  Après   avoir  étudié 
quelques-unes  des  traditions  relatives  à  la  traduction  grecque  des  Septante, 
à  la  traduction  grecque   d'Akylas,   aux    anciennes   traces  de   traductions 
araméennes    en    Palestine   à  l'époque  du   second  temple,  à  la  traduction 
araméenne  du  livre  de  Job  dont  l'existence  sous  Gamaliel  l'ancien  est  bien 
connue,  enfin  à  une  traduction  dont  la  nature  n'est  pas    déterminée,  mais 
qui  pourrait   être  une  ancienne  traduction   latine  (p.    94),  M.    B.  montre 
quels  sont  les  rapports  de  notre  Targum-Onkelos  avec  la  littérature  pales- 
tinienne :  mêmes  paraphrases  ou  transpositions  du  nom  de  Dieu  (p.  102), 
même  usage  de  certains  mots  grecs,  mêmes  explications   géographiques, 
enfin  et  surtout,  au  fond,  même  dialecte  araméen  (p.  IIO).  Le  nom  d'On- 
kelos,  comme  tout  le  monde  l'a  reconnu,  est  né   d'une   simple  confusion 
entre  Akylas,  auteur  d'une  traduction  grecque,  et   l'auteur  supposé  de  la 
traduction  araméenne.  Celle-ci  est  une  œuvre  collective,  qui  serait  née  en 
Palestine  et    qui,  devenue  populaire  en  Babylonie,  y  aurait  été  remaniée 
superficiellement  pour  s'adapter  au  dialecte  araméen  des  Juifs  de  ce  pays. 
Cette  thèse  de  M.  B.  pourra  être  contestée,  elle  mérite  d'être   discutée.  La 
vocalisation  primitive  du  Targum-Onkelos    a   été  faite   dans   le  système 
babylonien  ;  la  vocalisation  actuelle,  dans  le  système  palestinien,  est  une 
transcription  plus  ou  moins   habile  du   système  babylonien.  Les  mss.  qui 
ont  conservé  le  texte  avec  son  ancienne  vocalisation  ont  fourni  à  M.  B.  la 
matière  de    très    instructives    comparaisons  de  la   prononciation  et   de   la 
grammaire  babyloniennes  avec  celles  de  Palestine  et  Ton  pourra  tirer  de 
cette  partie  de  l'étude  de  M.    B.   des  conclusions  qui  ne  seront  pas   sans 
intérêt  même  pour  la  grammaire  hébraïque.  Dans  les  chapitres  suivants  de 
l'introduction  M.  B.   poursuit  l'histoire  des  Targums  à  travers   toute   la 
littérature  hébraïque.  Il  commence  cette  histoire   à  diverses  consultations 
ou  réponses  faites  par  des  savants  africains,  espagnols  et  babyloniens  pour 
recommander  la  lecture  fort  négligée  de  notre  Targum  (Juda  ibn  Koreisch, 
Samuel  Hannagid,  Natroni  gaon,  etc.).  Page  173,  une  consultation  inédite 
du  temps  des  gaonim  sur  la  méthode  qu'il  faut  appliquer  dans  la  traduc- 
tion du  Pentateuque.  L'introduction  se  continue  par  l'histoire  de  l'usage  du 
Targum  et  des  études  faites  sur  le  Targum  par  les  rabbins  et  savants  juifs 
depuis   Saadia  jusqu'à  Rappaport,   Luzzatto,  et  les   contemporains.   Les 
derniers  chapitres  de  l'introduction    sont  consacrés   à  étudier  la  méthode 
exégétique  de  notre  Targum,  sa  grammaire,  l'usage  qu'il  fait  de  la  halakha 
et  de  la  haggada  ;  enfin  les  manuscrits  et  les  éditions  de  l'œuvre. 

Abraham  a  S.  Clara.  Judas  der  Ertz-Schelm  (Auswahl)  ;  herausgg.  von 
Félix  Robertag.  Berlin  et  Stuttgart,  libr.  Speman,  s.  d.,  in-S"  de  x-367p. 
29^  vol.  de  Kùrschner's  Deutsche  National-Literatur.  La  préface  de  l'édi- 
teur est  datée  de  Breslau,  juillet  1883. 

Nous  ne  parlerions  pas  ici  de  cet  ouvrage  si  Judas  Iscariote  n  était 
devenu,  jusqu'à  un  certain  point,  au  moyen  âge,  le  type  du  juif  maudit  et 
haïssable.  Abraham  a  S.  Clara  est  un  moine  augustin  du  milieu  du  xvi«  siècle. 
La  1'"''  partie  de  son  ouvrage  sur  Judas  Iscariote  fut  imprimée  à  Salzbourg 
en  1686;  la  2^  partie,  en  1689  ;  la  3»  partie,  en  1692;  et  la  4«  partie  en  1691. 
L'ouvrage  est  une  espèce  de  discours  moral,  d'un  ton  populaire  et  passa- 
blement grossier,  mais  qii  convenait  à  l'époque.  Il  n'y  est  guère  parlé  des 
Juifs.  Les  chapitres  réimprimés  par  le  nouvel  éditeur  sont  les  suivants  : 
1.  Parents,  patrie,  généalogie  de  Judas  le  fieffé  coquin  et  le  songe  que  sa 
T.   Vlil,  no  16.  19 


290  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

mère  eut  à  son  sujet  ;  2.  L'union  malheureuse  de  Ciboria  (Cippora)  et  de 
Ruben,  parents  de  Judas  ;  3.  Judas  est  élevé  à  la  cour  dans  l'île  d'Iscariote, 
d'où  il  tire  son  nom,  etc;  4.  Si  Judas  le  coquin  fieffé  a  eu  la  barbe  rouge 
et  quelle  a  été  sa  physionomie;  5.  Fuite  de  Judas  Iscariote  à  Jérusalem, 
où  il  reçoit  chez  Pilate  la  fonction  de  chat  de  cour  (courtisan)  ;  6.  Judas 
assassine  son  père  ;  7.  Judas  épouse  sa  mère  ;  8.  Judas  a  été  hier  un 
voleur,  il  est  aujourd'hui  un  voleur,  et  le  sera  demain;  9.  Il  a  été  un  men- 
teur efifronté;  10.  Il  hait  la  parole  de  Dieu  et  n'aime  pas  les  sermons; 
11.  Maudit  et  désespéré,  il  se  pend;  12.  Il  ne  savait  pas  se  taire  ;  13.  Sa 
tombe. 

Anuar  penlru  Israeliti  eu  un  supliment  calendaristic  peanul  5645  (1884-85); 
*1^  année,  sous  la  rédaction  de  M.  Schwarzfeld.  Bucharest,  impr.  Stefan 
Mihalescu,  in-8°  de  viii-128  p. 

,  Cet  Annuaire  continue  à  fournir  de  très  intéressantes  notices,  il  est  un 

des  meilleurs  témoignages  de  l'action  scientifique  des  Israélites  roumains. 
L'Annuaire  de  l'année  S64i>  contient,  entre  autres,  un  article  historique  de 
M.  Gaster  sur  les  Caraïtes,  un  très  bon  article  de  M.  Schwarzfeld  sur  la 
situation  des  Israélites  de  Roumanie,  une  biographie  de  M.  H.  Graetz,  par 
L.  Saineanu,  et  enfin  trois  articles  que  nous  allons  analyser  brièvement.  Le 
premier  est  une  élude  de  M.  Gaster  sur  le  fameux  Had-Gadya  (chanson 
populaire  de  la  haggada  de  Pâque).  Cette  chanson,  on  le  sait,  se  trouve 
dans  tous  les  pays  et  dans  toutes  les  langues;  celle  de  la  haggada  n'était 
pas  encore  connue  d'Abudraham,  en  1340;  elle  paraît  être  venue  de  Worms, 
vers  1400,  et  est  probablement  imitée  d'une  chanson  française.  La  légende 
(sinon  la  chanson)  est  ancienne,  on  la  trouve  déjà  dans  le  Midrasch-rabba 
(Genèse,  chap.  xxxviii).  —  Le  second  travail  que  nous  analysons  est  de 
E.  Schwarzfed,  il  a  pour  titre  :  Evreii  sub  Zavera,  et  il  est  fait  d'après  les 
travaux  hébreux  de  M.  Psantir  sur  l'histoire  des  Israélites  roumains.  La 
Zavera,  c'est  la  révolte  des  Grecs  contre  les  Turcs  en  1820,  révolte  qui 
éclata  dans  les  principautés  danubiennes  et  qui  fut  organisée  par  des 
hétairies  fondées  en  Grèce  vers  1815.  L'article  de  M.  Schw.  énumère  les 
atroces  persécutions  et  tortures  que  souffrirent  les  Juifs  roumains  pendant 
celte  révolte,  de  la  part  des  Grecs.  La  synagogue  de  Galatz  fut  incendiée, 
les  Juifs  de  Piatra  massacrés,  on  ouvrit  les  veines,  pour  les  tuer  lentement, 
aux  prisonniers  Juifs  faits  à  Niamtz;  à  Hertsa,  on  vit  des  hétairistes  arracher 
à  des  femmes  juives  enceintes  leur  futur  enfant  et  le  lancer  en  l'air  pour  le 
recevoir  sur  leurs  piques;  à  un  juif  de  Folticeni  on  arracha  un  à  un  les 
poils  de  la  barbe  et  les  cheveux  de  la  tête.  Les  moines  se  montrèrent  parti- 
culièrement féroces,  les  hétairistes  leur  amenaient  leurs  prisonniers,  juifs 
et  turcs,  les  moines  les  tuaient  lentement,  au  milieu  des  tortures.  Au 
monastère  de  Secul,  ils  appliquaient  sur  le  corps  de  leurs  victimes  des  draps 
trempés  dans  l'eau  bouillante.  Lorsque  les  Turcs  eurent  vaincu  l'insur- 
rection, ils  se  vengèrent  cruellement,  beaucoup  de  chrétiens  échappèrent  à 
leur  fureur  grâce  à  l'intervention  des  Juifs.  —  M.  Schwarzfeld  a  encore 
donné  dans  cet  Annuaire  un  article  curieux  intitulé  «  Un  juif  sur  le  trône 
de  Moldavie  en  lliOt.  »  Cela  veut  dire  qu'eu  1591,  d'après  un  rapport  du 
temps  du  D'"  Bartolomée  Pezzen,  envoyé  extraordinaire  de  rarchiduc 
d'Autriche  à  Constantiuoplc,  le  sultan  aurait  nommé  voivode  de  Moldavie, 
après  la  fuite  du  voivode  Pierre,  un  juif  nommé  Emmanuel  (Emanuel  de 
rasa  ebraica),  originaire  de  Pologne.  Cette  nomination  aurait  eu  lieu  grûce 
à  la  protection  du  mufti  et  du  juif  Salomon  Askenazi,  qui  jouissait  alors 
d'un  grand  crédit  à  Conslautinople,  grâce  aussi  à  une  somme  de  600,000 
ducats  (bien  étonnant  1)  dont  400,000  versés  au  sultan  et  200,000  à  divers 
autres  personnages. 

Bâcher  (Wilhelm).  Die  hebraischc  arabische  Sprachvcrglcichung  des  Abul- 
walid  Merwau  ibn   Ganah.  Wicu,  libr.   Cari    Gerdd,    iu-8«   de    80  p. 


BIBLIOGHAPHIE  291 

Extrait  des  Sitzuiigsber.  der  phil.  liist.  Classe  dcr  Kais.  Akad.  d.  Wiss., 
vol.  106,  fasc.  1. 

On  n'étudie  pas  inutilement  ibn  Gannah,  c'est  un  vaste  trésor  scientifique 
d'où  l'on  ne  revient  pas  les  mains  vides.  Ibn  Koreisch,  avant  lui,  avait  déjà 
fait  un  essai  de  lexicologie  comparée  entre  les  langues  hébraïque,  ara- 
méenne  et  arabe.  Ibn  Gannah,  en  suivant  ses  traces,  a  considérablement 
élargi  et  approfondi  le  sujet.  C'est  ce  que  montre  le  savant  travail  de 
M.  Bâcher.  Nous  regrettons  profondément  de  devoir  nous  borner  à  en 
donner  la  description  matérielle.  Le  chapitre  1°""  est  consacré  à  la  compa- 
raison des  formes  grammaticales;  le  chap.  ii,  à  la  comparaison  des  racines 
et  des  mots;  le  chap.  m,  à  l'étude  des  analogies  plutôt  lexicologiques  que 
phonétiques  étudiées  par  Ibn  Gannah.  C'est  un  genre  de  recherches  qui  lui 
est  particulier  et  où  il  montre,  comme  partout,  son  coup  d'oeil  pénétrant. 
L'étude  de  M.  B.  se  termine  par  des  recherches  sur  le  sens  du  mot 
13>73tU735  chez  Menahem  b.  Saruk,  et  les  études  de  langues  comparées 
de  David  b.  Abraham. 

Baum  (Moritz).  Ein  wiclitiges  Kapitel  oder  AbhaDdlung  ûber  die  Bedeu- 
tung  und  Wûrde  nach  den  Gesetzen  der  Thora  der  Vôlker  unserer  Zeit 
sowie  der  Vorzeit  im  Talmud  gewôhiilicli  Akkum  genannt.  Francfort- 
S./-M.,  chez  l'auteur,  in-S'^  de  iii-64p. 

L'auteur  n'a  pas  de  peine  à  montrer,  par  des  nombreux  extraits,  la  haute 
valeur  morale  des  sentiments  qui,  suivant  les  rabbins,  doivent  animer  les 
Israélites  envers  leurs  compatriotes  de  nos  pays  et  envers  tous  les  hommes 
en  général,  mais  nous  espérions  qu'il  nous  offrirait  quelques  idées  nouvelles 
sur  l'origine  et  l'histoire  à  la  fois  obscures  du  mot  accum  qui  a  donné  lieu 
à  tant  de  controverses.  Il  n'a  fait  aucune  recherche  sur  ce  sujet. 

Berliner  (A.).  Beitrâge  zur  Géographie  und  Ethnographie  Babyloniens  im 
Talmud  und  Midrasch.  Berlin,  J.  Gorzelanczyk,  in-8°  de  71  p. 

Ce  travail  est  une  contribution  importante  à  la  géographie  et  à  l'ethno- 
graphie de  la  Babylonie,  il  traite  de  certaines  questions  dont  notre  ami, 
M.  Ad.  Neubauer,  dans  sa  Geogra2)hie  au  Talmud,  n'a  pas  eu  à  s'occuper; 
M.  B.  complète  ou  rectifie,  sur  d'autres  points,  ses  devanciers.  Le  travail 
est  divisé  en  deux  chapitres  :  1.  La  Babylonie  en  général,  le  régime  des 
eaux,  la  fertilité  du  sol,  le  climat,  l'hygiène;  ruines,  dieux  et  fêtes,  vête- 
ments, habitants.  —  2.  Babylonie  proprement  dite,  limites  (question  assez 
épineuse),  table  alphabétique  des  noms  géographiques,  avec  explications 
géographiques  et  historiques. 

Bibliotheca  orientalis  oder  eine  vollstândige  Liste  der  im  Jahre  1883  in 
Deutschland,  Frankreicli,  England  und  in  den  Colonien  erschienenen 
Bûcher,  Broschûren,  Zeitscbriften  ûber  Sprachen,  Religionen,  Antiqui- 
tàten,  Literaturen  und  Geschichte  des  Ostens,  zusammengestellt  von  Ch. 
Friederici.  8.  Jahrgang.  Leipzig,  Otto  Schulze  ;  Paris,  E.  Leroux,  etc., 
s.  d.,  in-8'^  de  88  p. 

Dans  le  chapitre  Philologie  sémitique  il  n'y  a  rien  qui  ne  soit  connu  de 
nos  lecteurs;  dans  le  chapitre  Palestine  et  Syrie,  nous  relevons  les  travaux 
suivants  :  Amelineau,  La  croyance  à  l'immortalité  de  l'âme  chez  les  Hé- 
breux (La  Controverse,  mai  1883)  ;  Baentch,  Die  Wûste,  ihre  Namen... 
Th.  1,  Diss.  Halle,  1883;  W.  H.  S.  Brooks,  Vestiges  of  the  broken  plural 
in  Hebrew,  Dublin  1883;  Clermont-Ganneau,  Epigraphes  hébraïques  et  grec- 
ques sur  des  ossuaires  juifs  inédits  (Revue  archéolog.,  mai-juin  1883); 
Dietrich,  Ueber  den  Jahve-Namen  (Ztschr.  f.  d.  altt.  Wiss.,  vol.  III, 
1883)  *,  Ferguson,  An  examiuation  of  the  use  of  the  Tenses  in  condilional 
sentences  in  Hebrew  (Journ.  Soc.  Bibl.  Literat.,  1882);  P.  F.  Frankl, 
Karaiten  (Encyclop.  Ersch  et  Gruber,  2®  sect.,  vol.  33);  Wilh.  Jenrich, 


292  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Der  pluralis  fractus  im  Hebr.  ;  Diss.  Halle,  1883  ;  Schwabe,  3  nach  seinem 
Wesen...,  Inaugur.  Diss.,  Halle,  1883  ;  Steinschneider,  Kalonymos  bea 
Kalonymos  (Encyclop.  Ersch  et  Grûber,  2*  sect.,  vol.  32)  ; 

Bloch  (J.-S.)-  Einblicke  in  die  Geschiclite  der  talmudischen  Literalur. 
Wien,  libr.  D.  Lôwy,  in-S"  de  x-139  p. 

Exposition  populaire  de  diverses  questions  relatives  à  l'bistoire  de  la 
littérature  talmudique  :  1.  Fixation  du  canon  biblique,  proscription  de  la 
littérature  écrite,  commencement  de  la  littérature  orale;  2.  Akiba  et  Ismael; 
3.  Mischna  et  Tosefta  ;  4.  Les  Amoréens;  5.  Le  Talmud.  L'appendice 
contient  certaines  indications  qui  peuvent  être  utilisées  (nous  ne  savons  si 
elles  sont  toutes  neuves)  pour  la  critique  des  textes  talmudiques. 

Blumenstein  (J.).  Die  verschiedenen  Eidesarlen  nach  mosaisch- talmu- 
dischem  Rechte  und  die  Fâlle  ihrer  Anwendung.  Francfort  s. /-M.,  libr. 
J.  Kauffmann,  1883,  in-S»  de  31  p. 

Cette  étude,  qui  se  distingue  par  l'exactitude  et  la  précision  scientifiques, 
se  compose  de  quatre  chapitres,  dont  le  premier  sert  d'introduction.  Le 
chapitre  ii  traite  du  serment  dit  biblique,  des  cas  où  il  s'applique,  des  cas 
où  il  s'applique  par  extension  et  enfin  des  cas  où  le  serment  est  déféré  à  une 
autre  partie  que  celle  qui  doit  le  prêter.  Il  va  sans  dire  que  les  règles  de  ce 
serment  biblique  sont  établies  par  le  Talmud.  Le  chapitre  m  est  consacré 
au  serment  de  la  Mischna,  lequel  est  prêté  par  le  demandeur  tandis  que  le 
serment  biblique  est  prêté  par  le  défendeur  ;  le  chapitre  iv  décrit  le  ser- 
ment appelé  rabbinique. 

Castro  (D.-Henriques  de).  Keur  van  Grafsteenen  op  de  nederl.-portug.- 
israël.  Begraafplaats  te  Ouderkerk  aan  den  Amstel.,  l*""  vol.,  Leyde, 
libr.  E.-J.  Brill,  1883,  in-4o  de  xi-116  ]>.  Imprimé  sur  2  colonnes,  l'une 
donnant  le  texte  hollandais,  l'autre  une  traduction  allemande.  Le  titre 
iiUemand  est  :  Auswahl  von  Grabsteinen  auf  dem  niederl.-portug.- 
israel.  Begrâbnissplatze  zu  Ouderkerk  an  den  (pour  der)  Amstel  nebst 
Beschreibung  und  biographisclien  Skizzen . . . ,  mit  Abbildungen  ;  erste 
Sammlung. 

Ce  qui  frappe  tout  d'abord,  lorsqu'on  ouvre  ce  volume,  c'est  la  beauté 
de  l'exécution,  pour  laquelle  nous  adressons  à  l'éditeur  tous  nos  compli- 
ments. Le  papier,  l'impression,  les  photographies  représentant  les  monu- 
ments funéraires,  tout  est  superbe.  Cette  publication  n'est  pas  la  première 
de  M.  de  Castro,  mais  c'est  la  plus  importante.  Dans  l'introduction,  il  fait 
l'histoire  du  cimetière  Israélite  d'Ouderkerk.  Lorsque  les  Juifs  espagnols 
et  portugais  s'établirent  à  Amsterdam  en  1590,  leur  premier  soin  fut  d'ac- 
quérir un  cimetière  et  ils  achetèrent  à  cet  effet,  en  1607,  dans  le  voisinage 
du  village  de  Groet,  un  terrain  dans  lequel  fut  enterré  le  premier  Garcia 
Pimientcl,  frère  de  cet  Emmanuel  Pimientel  [alias  Isaac  Abeniacar)  qui  fut 
favori  du  roi  de  France  Henri  IV.  Mais  ce  cimetière  était  trop  éloigné  de 
la  ville,  en  IGUi  la  communauté  juive  acquit  le  terrain  du  cimetière  actuel, 
.situé  à  Ouderkerk  sur  l'Amstel,  elle  l'agrandit  par  des  acquisitions  suc- 
cessives de  terrain  faites  en  1063,  en  1690  et  eu  1691.  Les  ossements  du 
cimetière  de  Groet  furent  transportés  successivement  dans  celui  d'Ouder- 
■kerk  de  1626  à  163^.  En  17^.1 ,  les  Etats-Géuéraux  dispensèrent  les  Juifs  de 
payer,  pour  les  corps  qu'ils  transportaient  au  cimetière,  un  péage  ù  toutes 
les  églises  devant  lesquelles  ils  passaient.  Le  nombre  de  pierres  placées  sur 
l'ancienne  partie  du  cimetière  d'Ouderkerk  est  évalué  par  M.  de  Castro  à 
6,000.  La  commuLauté  juive  conserve  un  registre  des  enterrements  qui 
remonte  à  1680  (les  registres  antérieurs  auraient  été  brùlés\  mais  grâce  à  un 
ras.  intitulé  Libro  de  belh  ahain  (c'est-à-dire  bel  hayyim)  M.  de  C.  a  pu 
•nous  donner  en  appendice  la  liste  nominative  de  toutes  les  personnes  en- 


BIBLIOGRAPHIE  203 

terrées  à  Ouderk.  depuis  1616  jusqu'en  1630,  plus   une  liste  de  personnes 
dont  les  ossements  furent,  entre  1616  et  1626,  transportés  de  Groet  à  Ouderk. 
M.  de  Castro  a  eu  la  bonne  fortune  de  retrouver  la  pierre  de  la  première 
personne  enterrée  dans  le  cimetière  d'Ouderkerk,  le  11  avril  1614,   Parmi 
les  tombes  dont  il  reproduit  les  inscriptions  nous  remarquons  celle  de  Jacob 
Israël  Belmonte,  auteur  d'un  certain  nombre  de  poèmes  eu  portugais  ;  celle 
du  rabbin  David  Pardo,  qui  écrivit  plusieurs  ouvrages  hébreux  ;  celle   du 
rabbin-prédicateur  Isaac  Abuab  de  Fonseca,  auteur  d'un  assez  grand  nombre 
d'ouvrages  et  propriétaire  d'une  assez  belle  bibliothèque  (ne  pas  le  confondre 
avec  Isaac  b.  Mattatia  Aboab)  ;  celle  du  médecin  Josef  Bueno,  mentionné 
daus  une  lettre  de  1625  de   l'ambassadeur  français   pour  avoir  été  appelé 
auprès  du  prince  d'Orange,  qui  était  malade;  celle  de  Samuel  Palache,  qui 
vint  à  Amsterdam  à  la  fin  du  xvi®  siècle  et  y  fut  jusqu'en  1604  agent  de 
l'empereur  du  Maroc;  celle  de  Jahuda  Bebri,  mort  en  1673,  qui  avait  été 
ambassadeur  du  grand   turc  Mohamed  IV  auprès  de  Charles  XI,  roi  de 
Suède;  celle  du  célèbre  Manuel  (Isaac  Haim)  Texeira,  agent  de  la  reine 
Christine  de  Suède  à  Hambourg,  et  qui  reçut  d'elle  les  plus  grands  témoi- 
gnages de  confiance  et  d'amitié  (mort  en  1705).  M.-  de  Castro  accompagne 
les  inscriptions  funéraires  de    renseignements    biographiques  intéressants. 
Ces  inscriptions  et  les  listes  données  dans  l'introduction  (entre  autres  la  liste 
des  administrateurs  [du  cimetière  ?]  de  1639  à  1867,  p.  38)  fournissent  des 
documents  très  instructifs  pour  l'onomastique  juive.  Nous  y  voyons  pour  la 
première  fois  comment  il  faut  Ure  le  nom  de  famille  "^HNbiîD  (Palache)  qui 
est  encore  porté  aujourd'hui  par  des  israélites  orientaux;  le  nom  de  Obe- 
diente  s'y  trouve  plusieurs  fois  (p.  2l),  et  non  Abudiente  ;  Neto  ou  Netto  ; 
et  non  Nieto  (p.  20,  21)  ;  Ailion  (p.  39),  non  Ayalon.  Les  monuments  funé- 
raires reproduits  dans  les  photographies  sont  excessivement  curieux,  ce  sont 
de  belles  œuvres  excessivement  instructives  pour  l'histoire  de  l'art.  L'écriture 
hébraïque  ne  présente  aucun  intérêt  paléographique,  les  inscriptions  portu- 
gaises et  latines  sont  déchiffrées  avec  soin  par  M.  de  C.  et  ses  transcrip- 
tions pourront  servir  à  lire  d'autres  textes  de  ce  genre.  Les  pierres  portent 
quelquefois  des  ornements  assez  simples,  une   couronne,  une  lampe,  des 
feuillages  ;  d'autres  sont  au  contraire  très  compliquées,  les  figures  en  relief 
n'y  manquent  pas,  anges  en  pleurs  ou  éteignant  les  torches,  scènes  de  la 
Bible  ou   de   la  vie  réelle.  Sur  un  grand   nombre  se  trouvent  les  armes 
de  la  famille,  des  ossements  croisés,  une  tête  de  mort,  le  sablier  à  deux 
ailes,  la  roue  du  temps,  l'arbre  de  la  vie,  des  emblèmes  héraldiques  (casque, 
bouclier,  arc,   carquois,  main   armée  d'une  épée).  Les  principales  scènes 
représentées  sont  Abraham  recevant  les  trois  anges,  le  sacrifice   d'Isaac, 
l'échelle  de  Jacob,  David  jouant  de  la  harpe,  Moïse  tenant  les  deux  tables 
de  la  loi,  Dieu  apparaissant  à  Samuel,  la  reine  de   Saba  faisant  visite  à 
Salomon.  Le  choix  des  sujets  est  naturellement  déterminé  par  le  nom  que 
porte  le  défunt.  Deux  fois  on  trouve,  sur  des  tombes  de  femmes,  une  scène 
très  belle  représentant  une  femme  nouvellement  accouchée,  entourée  de  sa 
famille  en  pleurs,  ce  qui   indique  sans  doute  que  la  défunte  est  morte  en 
donnant  le  jour  à  un  enfant.  Le  volume   se   termine  par  une  liste,  assez 
incomplète,  il  est  vrai,  de  publications  contenant  des  inscriptions  tumulaires. 
On  pourrait  y  ajouter,  par  exemple,  des  inscriptions  funéraires   publiées 
dans  le  Thésaurus  d'Ugolini,  dans  la  Bibliotheca  vie  Wolff,  dans  la  Revue 
des  Etudes  Juives  Toutre  celles  qui  sont  indiquées  par  M.  de  C.),  dans  les 
Lapidas  de  Gerona,  de  M.  Fidel  Fita,  dans  l'ouvrage  de  Podiebrad  sur  le 
cimetière  de   Prague,  dans  celui  de   M.  Lœwenstein  sur  les  Israélites  du 
Bodensée,  dans  l'ouvrage  de  M.  Horowitz  sur  les  rabbins  de  Francfort,     . 
dans  le  travail  de  M.  Baerwald,  annexé  au  rapport  de  1883  de  la  Realschule 
isr.  de  Francfort,  etc.  Eu  revanche  on  y  trouvera  certaines  publications  hol- 
landaises probablement  peu  connues  des  historiens  juifs. 

M.  D.  Kaufmann  nous  communique  les  observations  suivantes.  P.  56, 
^!^i!:^  bM  ne  donne  pas  de  sons  et  est  contre  le  mètre,  il  faut  donc  lire 
n^73  bbS  =  p^l^ilZ  d'après  Job,  xxxvi,  7.  —  P,  87,  '^y^,  lisez  niU5, 


294  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

•  vois  ».  —  P.  95,  Jr^QI  ))2l  Î1731  U5"l5N  signifie  sans  doute  «  homme! 
ver  que  le  temps  trompe.  >  —  Ibid.,  b'2r\  '2My  ne  donne  pas  de  sens;  la 
photographie  et  le  contexte  indiquent  qu'il  faut  lire  bSD  '2My.  —  Ibid. 

îi?:Tn  "jiy?:,  lisez  înT^in. 

CiLiBi  Moïse.  Practica  si  apropourile  lui  Cilibi  Moise  vestitul  din  tara  Ro- 
maneasca,  adunate  si  aranjate  dupa  materii  si  precedate  de  biografia 
lui  Cilibi  Moïse  de  M.  Schwarzfeld.  Craiova^  impr.  Filip  Lazar,  1883, 
in-8^  de  xxxii-120  p. 

Cilibi  Moïse  naquit  en  181  o  à  Focsani,  en  Roumanie,  et  il  mourut  en  1869. 
Il  a  laissé  des  sentences,  proverbes,  et  à-propos  en  roumain  qui  ont  eu 
diverses  éditions  et  que  M.  Schwarzfeld  a  recueillies  et  coordonnées  systé- 
matiquement. C'est  une  œuvre  intéressante  que  celle  de  ce  Juif  roumain, 
un  des  premiers  probablement  aui  surent  écrire  en  roumain.  Les  sujets 
traités  sont  très  variés  :  Dieu  et  le  bonheur,  Patrie  et  patriotisme,  hommes 
et  femmes,  parents  et  famille,  vie  et  mort,  etc. 

Delitzsch  (Franz).  Neueste  Traumgesichte  des  antisemitiscben  Propheten. 
Erlangen,  libr.  Deichert,  1883,  in-8o  de  32  p. 

Delitzsch  (Franz).  Schachmatt  den  Blutlûgnern  Robling  und  Justus  ; 
2^  édition  revue.  Erlangen,  libr.  Deichert,  1883,  in-8°  de  43  p. 

Deux  nouvelles  et  excellentes  publications  de  M.  Del.  sur  la  question 
du  sang. 

Derenbourg  (Ilartwig).  Les  mots  grecs  dans  le  livre  biblique  de  Daniel. 
Dans  Mélanges  Graux,  publiés  en  1884,  p.  235-244. 

On  nous  saura  gré  de  résumer  ici  cet  intéressant  article  de  notre  ami 
M.  H.  Derenbourg,  peu  accessible,  là  où  il  se  trouve,  aux  savants  qui 
s'occupent  de  science  juive.  M.  D.  constate  d'abord  que  la  conquête 
d'Alexandre  en  332  avant  l'ère  chrétienne  répandit  la  langue  grecque  en 
Palestine  et  que  c'est  ainsi  que  des  mots  grecs  sont  entrés  dans  la 
langue  des  Juifs  de  cette  époque.  Rien  d'étonnant  que  le  livre  de  Daniel, 
qui  a  été  écrit  165  ans  plus  tard,  à  l'époque  d'Antiochus  Epiphane,  et  qui 
affecte  d'ailleurs  de  se  servir  de  mots  étrangers,  même  persans,  .contienne 
un  assez  grand  nombre  de  mots  grecs.  Voici  ceux  que  signale  M.  De- 
renbourg : 

NTTHÎD  karoza,  héraut  ;  de  xîfipuÇ  ;  —  NS'^p  karna,  instrument  à  vent  ; 
peut-être  compromis  entre  le  mot  grec  xépaç  et  l'hébreu  1"lp' —  Nr'^pITw^ 
maschrohita,  genre  de  pipeaux  ;  compromis  entre  la  racine  hébraïco-ara- 
méenne  pTÛ>  siffler,  et  le  grec  cupty^. —  O'^np  hatros^  et  D'^r'^p  hitaros^ 
cythare  ;  x(9apt<;  et  xiOipa.  —  N5:3125  sahbeka,  sorte  de  harpe  ;  comparer  avec 
le  grec  crajxpùxY),  (jâfJipuÇ,  peut-être  la|xpùx7|,  qui  est  peut-être  emprunté  à 
un  dialecte  sémitique,  car  l'origine  grecque  de  l'instrument  est  douteuse.  — 
*|'*"injDD  psantcrin,  instrument  de  musique  ;  du  grec  «^aX-r/piov  ;  la  termi- 
naison grecque  lov  est  généralement  rendue  dans  les  transcriptions  néo- 
hébraïques par  in  (par  exemple  sanhédrin).  —  ÎT^SCûlD  siotiphoneyah,  cor- 
nemuse ;  (JujJLcpcovfa.  —  Eu  dehors  de  ces  noms  d'instruments  de  musique 
et  du  nom  du  héraut,  la  partie  chaldéenne  de  Daniel  (ch.  ii  à  vu)  présente 
quelques  mots  qui  paraissent  venir  du  grec.  Ce  sont  :  D^PD  pitgam, 
parole  ;  peut-être  du  pehlvi  patgam^  ou  du  grec  fSéyp.»  ou,  d'après 
M.  Jos.  Ilalévj^  dans  ses  Recherches  critiques  sur  l'origine  de  la  civili- 
sation babylonienne,  de  Toxl-zayiit  pour  TrpdaraYp.a.  —  MÎ'^C^D  petisch, 
serait,  d'après  Ewald,  le  grec  iréTaocç,  chapeau.  —  N-!''?-ïl  hamineka, 
et  N^-^iTOÏl  hamnika,  collier;  est  le  grec  jiaviaxrjç  avec  une  aspiration 
prosthctique  ;  la  forme  fc<D'^2"3  existe  dans  le  targum  et  le  talmud.  — 
*|'^w")D    sarekin,   magistrats  ;  probablement   membres  d'un   conseil,   vient 


BIBLIOGRAPHIE  295 

peut-être  de  a'JVdtppvT£<;  ;  on  a  aussi  expliqué  le  mot  par  le  persan.  — 
'pn'l  dahavan,  un  mets  ;  peut-être  un  dérivé  de  la  racine  êoto,  manger.  — 
Enfin  ou  a  tenté  d'expliquer  iTîlDTSi  nebizèah,  joint  deux  fois  à  "jinT^,  des 
présents,  par  vd[jt.t(T{ia,  monnaie. 

Dans  la  partie  hébraïque  de  Daniel  (i-ii  et  viii-xii)  se  trouvent  aussi 
quelques  mots  qui  peuvent  plus  ou  moins  légitimement  être  rattachés  au 
^rec.  Ce  sont  :  Û'^l'On'nD  partemim,  des  nobles,  7rp(iTi[xot  d'après  Gesenius, 
à  moins  qu'il  ne  vienne,  comme  le  suppose  Ewald,  d'un  mot  persan.  — 
Itîiî  "^T^sb  lappidé  esch,  torches  enflammées  ;  à  rapprocher  de  >ka[xxàç, 
sans  qu'on  puisse  dire  si  ce  n'est  pas  plutôt  le  grec  qui  dérive  d'une  racine 
sémitique,  car  le  mot  lappid  est  très  ancien  dans  la  littérature  hébraïque. 
—  La  racine  ^ID  (qu'on  trouve  encore  dans  Daniel,  dans  le  mot  IjIDN) 
paraît  avoir  émigré  en  Grèce,  où  elle  est  ttsô^ov,  itëSov.  —  Du  mot  'nitb?^ 
M.  D.  rapproche,  d'après  Hitzig,  le  grec  MoTvoaadç,  laconien  MoXoatjdp. 

Derenbourg  (Joseph  et  Hartwig).  Etudes  sur  l'épigraphie  du  Yémen* 
V^  série,  avec  cinq  planches.  Extrait  du  Journal  asiatique.  Paris,  impr. 
nat.,  in-S"^  de  84  p. 

Cette  étude  comprend  un  certain  nombre  d'inscriptions  dont  le  texte  est 
déjà  publié  et  des  inscriptions  inédites,  destinées  au  Corpus  inscriptionum 
semiticarmn,  et  sur  lesquelles  la  savante  publication  de  MM.  Derenbourg 
appelle  dès  à  présent  la  discussion.  Ces  études  comprennent  :  1.  L'inscrip- 
tion 349  de  M.  Halévy,  inscription  que,  suivant  l'heureuse  découverte  de 
MM.  Dbg.,  il  faut  lire  horizontalement  et  non  verticalement;  2.  Le  mot 
tlbtT^O  (désignant  les  provinces  du  Yémen)  dans  les  inscriptions  du  Yémen  ; 
3.  Rois  de  Sabâ;  rois  de  Sabâ  et  de  Raidân;  4.  Une  inscription  himyarite 
récemment  publiée  par  M.  J.  H.  Mordtmann  ;  5.  Quatorze  inscriptions 
inédites  appartenant  à  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres.  M.  D. 
H.  Mùller  a  pubUé,  dans  la  Oesterreichische  Monatsschrift  fur  den  Orient 
(15  février  1884),  une  recension  de  ce  travail  avec  des  observations  par 
lesquelles  il  veut  prouver  aux  auteurs  «  avec  quel  soin  il  a  étudié  cette 
très  précieuse  publication.  » 

Desgrand  (Louis).  De  l'Influence  des  religions  sur  le  développement  écono- 
mique des  peuples,  simple  étude.  Paris,  libr.  Pion,  Nourrit  et  C^®,  in-18 
xi-273  p. 

Les  religions  considérées  par  l'auteur  sont  :  la  religion  naturelle,  les 
églises  organisées,  le  brahmanisme,  le  boudhisme,  la  religion  officielle  en 
Chine,  le  judaïsme  et  le  christianisme,  le  rationalisme.  L'auteur  est  prési- 
dent-fondateur de  la  société  de  géographie  de  Lyon,  et  nous  ne  doutons  pas 
qu'il  ne  soit  aussi  bon  géographe  qu'il  se  montre,  dans  cet  ouvrage,  au 
moins  dans  le  chapitre  consacré  aux  Juifs,  historien  mal  informé  et  écono- 
miste uniquement  préoccupé  de  théologie. 

Li  dis  dou  vrai  aniel,  Die  Parabel  von  dem  âchten  Ringe,  franzôsiche 
Dichtung  des  dreizehnten  Jahrhunderts  aus  einer  Pariser  Handschrift 
zum  ersten  Maie  herausgegeben  von  Adolph  Tobler.  2^  édit.,  Leipzig, 
libr.  S.  Hirzel,  in-8°  de  xxxiv-37  p. 

Ce  dit  du  vrai  anneau  peut  contribuer  à  éclaircir  l'histoire  de  la  fameuse 
parabole  de  l'anneau  qui  se  trouve  déjà,  comme  on  sait,  dans  le  Gesta  Ro- 
manoriim,  dans  Boccace  et  dans  le  Schébet  Jehuda,  et  que  Lessing  a  rendue 
célèbre  en  en  faisant  la  scène  fondamentale  de  son  Nathan  le  Sage.  Le  dit 
publié  par  M.  T.  se  trouve  dans  un  ms.de  la  Bibliothèque  nationale  de 
Paris  et  M.  T.  croit  qu'il  est  originaire  de  la  Picardie.  Cette  version  de  la 
parabole  présente  plusieurs  particularités  très  remarquables.  L'histoire  se 
passe  aussi  en  Egypte,  comme  chez  Boccace,  mais  il  n'y  est  question  d'aucun 
Juif,  d'aucun  roi  qui  veut  embarrasser  le  Juif.  L'auteur  se  borne  à  raconter 
qu'un  prud'homme,  père  de  trois  fils,  dont  deux  indignes,  avait  un  anneau 


296  -  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

merveilleux  et  qu'avant  de  mourir  il  en  fit  faire  deux  contrefaçons  qu'il 
donna  aux  deux  fils  aînés,  tandis  qu'il  remit  le  vrai  anneau  au  troisième 
fils,  le  seul  qui  fût  digne  de  le  posséder.  Les  deux  frères  déshérités  chas- 
sèrent le  troisième  du  pays,  mais  trois  vaillants  princes  leur  firent  la  guerre, 
les  détruisirent,  et  ramenèrent  le  troisième  fils  avec  son  anneau.  Qui  est 
le  prud'homme  ?  C'est  le  roi  du  ciel  céleste  qui  en  tout  lieu  fut  dépêché  pour 
le  rachat  de  nos  péchés  ;  les  trois  fils  sont  :  l'aîné  (chose  singulière  1),  le 
Sarrazin  ;  le  second,  les  Juifs  ;  le  troisième,  les  Chrétiens;  les  deux  faux  an- 
neaux sont  naturellement  le  mahométisme  et  le  judaïsme,  qui  en  serait  issu 
d'après  l'auteur  du  poème;  le  vrai  anneau  c'est  le  christianisme.  La  preuve 
est  que,  comme  les  deux  faux  anneaux,  on  sait  bien  tout  vraiment  qu'oncques 
Juif  ne  fit  miracle  ni  Sarrazins  ;  tandis  que  les  confes  et  les  martyrs  chré- 
tiens font  miracles  apertement.  Mais  en  ce  moment  le  troisième  frère  est 
persécuté  et  son  héritage  (l'anneau,  ici  la  terre  sainte)  lui  est  enlevé.  Saint- 
Jean-d'Acre  en  était  la  vraie  pierre,  dont  le  chaton  n'est  mie  entier,  mais 
froissé  en  plusieurs  lieux.  Mais  grands  seigneurs,  cardinaux,  évêques  et 
abbés  pensent  à  autre  affaire.  Plût  à  Dieu  que  trois  princes  prissent  en  main 
la  cause  du  fils  déshérité,  le  roi  de  France,  Robert  comte  Robert  d'Artois 
et  le  comte  de  Flandres  !  Plus  n'en  dirai  à  cette  fois. 

La  parabole,  il  faut  l'avouer,  est  présentée  gauchement  '.  elle  est  lourde 
et  n'a  pas  de  pointe  ;  en  outre,  elle  a  le  défaut  d'osciller  entre  deux  expli- 
cations assez  différentes.  Le  vrai  anneau  est  tantôt  la  religion  chrétienne, 
tantôt  la  terre  sainte  ou  le  Saint-Sépulcre.  Cette  incertitude  sur  le  sens  de 
la  fable  paraît  prouver  que  cette  version  n'est  pas  la  version  originale.  M.  T. 
pense  qu'elle  a  été  rédigée  après  1270  et  avant  1294.  Le  comte  Robert 
d'Artois  serait  Robert-II  qui,  en  1270,  était  avec  son  oncle  saint  Louis  à 
Tunis  ;  le  comte  de  Flandres  serait  Gui  de  Dampierre,  qui,  en  1294,  était 
brouillé  avec  le  roi  de  France  et  ne  pouvait  plus  s'associer  avec  lui  dans 
une  campagne  en  Terre-Sainte. 

Feilchenfeld  (W.)  Das  stellvertretende  Sùhne-Leiden  und  die  Exégèse 
der  Jesaïaniscben  Weissagung,  cap.  lu,  13-15  und  cap.  lui.  Posen,  libr. 
Jolowicz,  1883,  in-8°  de  21  p.  Extrait  du  Magazin  de  Berliner. 

Fischer  (Bernard).  Talmudische  Chrestomatliie  mit  Anmerkungcn,  Scho- 
lien  und  Glossar  unter  besonderer  Berûcksiclitigung  der  talmudischen 
Discussion.  Leipzig,  Joh.  Ambr.  Barlh,  in-8*'  de  vii-268  p. 

Extrait  des  targumim,  da  la  Mekhilta,  des  Sifra,  Sifré,  Mischna 
Tosefta,  Pesikta.  Midrasch  rabba,  Tanhuma  et  enfin  du  Talmud.  Un  cer- 
tain nombre  de  morceaux  sont  vocalises,  tous  sont  pourvus  de  notes  en 
allemand  destinées  à  faciliter  l'intelligence  du  texte,  et  qui  auraient  plus  de 
valeur  si  elles  comprenaient  des  explications  grammaticales  et  leiicolo- 
giques.  A  partir  de  la  p.  195  jusqu'à  la  p.  252  se  trouvent  des  Scholien  qui 
suivent  le  texte  des  morceaux  choisis  et  contiennent  principalement  des 
notes  d'histoire  littéraire.  Un  court  glossaire  termine  le  livre.  Cette  publi- 
cation, qui  a  évidemment  des  lacunes,  rendra  service  à  ceux  qui  voudront 
étudier  la  littérature  rabbinique. 

Fraidl  (Franz).  Die  Exegcsc  der  siebzig  Wochcn  Daniels  in  der  alten  und 
mitllcrcn  Zeit.  Graz,  libr.  Leuscbuer  et  Lubcnsky,  s.  d.,  in-4®  de  159  p. 
Feslschrift  der  k.  k.  Univcrsitât  Graz  aus  Anlass  der  Jabresfeier  am  XV. 
november  MDCCCLXXIII. 

Etude  de  toutes  les  explications  données  sur  les  fameuses  semaines  de 
la  prophétie  de  Daniel,  IX,  versets  24  à  27.  Nous  ne  pouvons  suivre  dans  le 
détail  l'auteur  do  ce  savant  travail.  Le  livre  est  divisé  en  C  chapitres  : 
1°  Explications  juives  autérieures  au  christianisme  et  des  deux  premiers 
siècles  après  l'ère  chrétienne;  2  à  4.  Exégèse  chrétienne  jusqu'au  milieu  du 
xiiic  siècle  ;  5.  Exégèse  rabbinique;  6.  Exégèse  cbrélieone  du  milieu  du 


BIBLIOGRAPHIE  207 

XIII®  siècle  jusqu'à  la  fin  du  moyen- âge.  A  la  fin  du  volume  se  trouve  une 
table  synoptique  qui  résume  les  résultats  des  recherches  de  l'auteur.  Dans 
le  chapitre  \^'  sont  étudiés  les  Septante,  le  livre  d'Hénoch,  divers  passages 
des  Evangiles,  le  Livre  des  Jubilés,  l'Assomption  de  Moïse,  le  4^  livre 
d'Esdras,  Flavius  Josèphe,  la  Peschittho,  la  traduction  grecque  de  Théo- 
dotion.  Dans  le  chapitre  5  est  exposée  l'exégèse  des  Juifs  du  temps  de 
saint  Jérôme,  celle  du  Séder  Olam,  de  Saadia,  de  Raschi  (pourquoi  dire 
Jarchi  ?),  d'Ibn  Ezra  et  d'Abrabanel.  ^ 

Fried  (Salomon).  nTlC^ln  'o  Das  Buch  ûber  die  Elemente,  ein  Beitrag  zur 
jûdischen  Religionsphilosophie  des  Mittelalters,  von  Isaak  b.  Salomon 
Israeli  nach  dem  aus  dem  arabischen  ins  hebr.  iibersetzten  Texte  von 
Abraham  b.  Samuel  Halevi  ibn  Chasdai,  aus  einer  Handschrift  der  Uni- 
versitâts-Bibliothek  zu  Leyden  mit  Vergleichung  einer  anderen  der  Kgl. 
Hof-  und  Staatsbibliotliek  zu  Miinchen,  zum  ersten  Maie  herausggb., 
ins  Deutsche  iiberselzt  und  mit  Anmerkungen  versehen.  —  L  Einlei- 
tender  Theil.  Leipzig,  impr.  W.  Drugulin,  in-8°  de  83  p. 

Cette  étude  consciencieuse  et  instructive  contribuera  à  relever  la  renommée 
un  peu  négligée  d'Isaac  Israéli.  Ce  médecin  remarquable,  contemporain  de 
Saadia,  qui  vécut  au  x®  siècle,  en  Egypte  et  à  Cairoan,  mérite  d'être  mieux 
connu  qu'il  ne  l'est.  M.  Fr.  fait  très  soigneusement  sa  biographie,  il  donne 
la  liste  de  ses  ouvrages  de  médecine,  puis  il  étudie  ses  ouvrages  hébreux.  Il 
se  range  à  l'avis  des  écrivains  qui  admettent  qu'Isaac  Israéli  a  composé  un 
commentaire  sur  le  Livre  de  la  Création  (contrairement  à  l'opinion  de 
Munk).  Enfin,  il  analyse  le  Livre  des  Eléments  d'Israéli.  Ce  livre  est  un 
ouvrage  de  philosophie  et  il  est  fort  intéressant  de  trouver  au  x®  siècle, 
sur  une  terre  méditerranéenne,  un  auteur  juif  familiarisé,  comme  l'était 
Israéli,  avec  la  philosophie  d'Aristote.  C'est  un  fait  qui  mérite  spécialement 
d'être  remarqué.  L'influence  philosophique  d'Israéli  sur  les  Juifs  a  été  assez 
grande,  comme  on  le  voit  par  la  longue  liste  des  écrivains  qui  le  citent,  qui 
l'utilisent  ou  le  combattent,  et  par  les  deux  traductions  hébraïques  qui  en  fu- 
rent faites.  La  publication  de  l'une  de  ces  traductions  par  M.Fr.  sera  donc 
une  œuvre  intéressante  et  méritoire. 

Friedlander  (M.).  Rufus  oder  der  Judenaufstand  unter  Hadrian,  ein  histo- 
risches  Drama  in  fûnf  Aufziigen.  Wien,  libr.  Alfr.  Hôlder,  in-8°  de  79  p. 

M.  Fr.  continue  la  série  des  publications  littéraires  et  populaires  qu'il  a 
si  bien  commencées  avec  son  Apion,ein  Culturbild  aus  dem  ersten  christl. 
Jahrbundert.  Son  drame  est  intéressant,  et  M.  Fr.  a  sur  d'autres  qui 
seraient  tentés  de  traiter  un  sujet  pareil  cet  avantage  qu'il  connaît  à  fond  la 
matière.  Les  principaux  personnages  de  son  drame  sont  Rufus,  gouverneur 
de  Judée  ;  Bar-Cosiba,  Josua  ben  Hauania,  Acher,  Meir,  ben  Jochaï, 
Tryphon,  ^kiba. 

Friedlander  (M. -H.).  Zur  Geschichte  der  Blutbeschuldiguagen  gegen  die 
Juden  im  Mittelalter  und  in  der  Neuzeit,  1171-1883  ;  2^  édit.  revue  et 
augmentée.  Brùnn,  libr.  Bernh.  Epstein,  1883,  in-8'^  de  36  p. 

Gaidoz  (h.)  et  Sébillot  (Paul).  Blason  populaire  de  la  France.  Paris,  libr. 
Léopold  Cerf,  in-8«  de  xii-382  p. 

Aux  pages  361  à  364  se  trouvent  les  expressions  consacrées  aux  Juifs. 
Les  frisés  (nom  des  Juifs  en  argot).  —  Fidèle  comme  un  Juif  à  sa  loi 
(Languedoc).  —  Riche  comme  un  Juif  (Bas-Limousin).  —  Porté  au  gain 
comme  un  enfant  d'Isaac  (Languedoc).  —  Avare  comme  un  Juif  (France, 
Belgique  wallonne).  —  Avare  comme  un  rabbin  (Comtat).  —  Aimable 
comme  un  Juif  (Languedoc)  ou  aimable  comme  un  Juif  quand  on  ne  lui 
présente  pas  de  gages  (ironique  ;  Languedoc),  —  Prudent  comme  un  Juift 


298  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

—  Effrayé  comme  un  Juif  (Languedoc). —  Hargneux  comme  un  Juif  (Lan- 
guedoc). —  Faire  une  chère  de  Juif  (Languedoc).  —  Brûler  comme  un 
rabbin  (Comtat).  Quelques-uns  de  ces  proverbes  sont  cités  d'après  la 
Bévue,  1881,  p.  293  et  311. 

GiJDEMANN   (M.).  Geschichte   des   Erziehungswesens   und  der  Cultur  der 
Juden  in  Italien  wâhrend  des  Mittelalters.  Wien,   Alfr.  Hôlder,   in-8°  de 
•   xi-347  p. 

Un  article  spécial  sera  consacré  à  cet  ouvrage  dans  le  prochain  numéro 
de  la  Revue,  mais  nous  avons  voulu  annoncer  dès  à  présent  la  publication 
de  ce  beau  travail. 

[Harkavy  (A.)].  Zur  Geschichte  der  Juden  in  Lithauen  im  xiv-xvi  Jahr- 
hundert.  Dans  la  Russische  Revue,  vol.  XXII,  p.  541  à  554,  et  vol. 
XXIII,  p.  147  à  167  et  516  à  553. 

M.  H.  résume  et  complète,  par  des  recherches  personnelles,  les  travaux 
de  A.  Berchadskij  (Archives  des  Juifs  russes,  1882  5  les  Juifs  de  Lithuanie, 
1883  ;  en  russe).  Après  avoir  mentionné  et  expliqué  les  premiers  privilèges 
accordés  à  diverses  communautés  juives  de  ce  pays  (par  le  prince  Witold, 
1388,  1389),  M.  H.  montre  que  les  Juifs  de  ces  régions  avaient  une  double 
origine  I  les  uns  venaient  de  l'Ouest  (Allemagne),  mais  les  autres  étaient 
établis  dans  le  pays  depuis  le  i°^  et  le  u.*^  siècle  de  l'ère  chrétienne  et  y 
étaient  venus  de  la  Grèce  et  de  l'Orient. Ils  étaient  établis  dans  les  possessions 
orientales  ou  méridionales  de  "Witold,leur  situation  légaley  était  depuis  long- 
temps déterminée  lorsque  Witold  donna,  au  xiv*^  siècle,  des  privilèges  aux 
Juifs  venus  dans  la  partie  occidentale  de  ses  possessions,  c'est-à-dire  dans 
la  Lithuanie  proprement  dite.  M.  H.  discute  ensuite  l'histoire  des  Juifs  de 
■  Trocki  et  les  informations  plus  ou  moins  légendaires  fournis  sur  ce  sujet  par 
les  écrivains  caraïtes.  Il  fournit  des  renseignements  sur  un  certain  nombre 
de  rabbins  de  ces  contrées  (Moïse  b.  Jacob  le  Russe,  auteur  d'un  Oçar  Neh- 
mad  ms.;son  élève  Joseph  Cohen,  auteur  du  Schoschan  Sodot,  fin  xv°  siè- 
cle). Sous  Alexandre,  les  Juifs  furent  subitement  chassés  de  la  Lithuanie, 
en  1495.  On  a  attribué  cette  mesure  à  l'influence  que  la  femme  du  prince 
exerça  sur  lui,,  à  l'exemple  donné  par  l'expulsion  des  Juifs  d'Espagne 
en  1492,  enfin  aux  besoins  d'argent  du  prince,  qui  s'empara,  par  confiscation, 
des  biens  des  Juifs  expulsés.  On  n'était  pas  fixé  sur  l'époque  où  les  Juifs 
furent  rappelés,  on  la  connaît  maintenant.  En  1505,  le  prince  Alexandre 
était  brouillé  avec  sa  femme,  l'argent  pris  aux  Juifs  était  sans  doute  dépensé, 
les  bienfaits  qu'on  attendait  de  leur  explulsion  s'étaient  fait  attendre,  les 
Juifs  furent  rappelés.  M.  H.  poursuit  l'histoire  politique  et  civile  des  Juifs  de 
Lithuanie  jusqu'à  la  réunion  de  la  Lithuanie  à  la  Pologne,  en  1569. 

Un  travail  de  M.  Hark.  sur  le  fameux  synode  polonais  dit  des  quatre 
pays  a  été  publié  par  le  Woschod,  1884,  II,  p.  1-15  (en  russe). 

IIavet  (Ernest).  Le  christianisme  et  ses  origines.  Le  Nouveau-Testament  ; 
tome  quatrième.  Paris,  Calmann-Lévy,  in- 8°  de  vii-524  p. 

M.  H.  est  un  critique  impénitent.  Déjà,  lors  de  la  publication  de  la  Vie 
de  Jésus,  de  M.  Renan,  il  a,  dans  un  bel  article,  publié  dans  la  Revue  des 
deux  Mondes  el  doal  nous  avons  gardé  un  excellent  souvenir,  fait  connaître 
ses  idées  sur  les  origines'  dti  christianisme  et  ses  doutes  sur  un  grand 
nombre  de  faits  admis  comme  authentiques  par  des  historiens  qui  paraissaient 
le  plus  dégagés  du  préjugé  théologique.  Son  histoire  actuelle  des  origines 
du  christianisme  est  inspirée  de  la  même  critique,  respectueuse  mais  indé- 
pendante du  sentiment  religieux,  elle  a  la  raOmo  allure  vive,  elle  dit 
avec  franchise  et  p"écision  ce  qu'elle  veut  dire.  Ce  qui  nous  intéresse  dans 
l'œuvre  de  M.  Havel,  co  sont  les  chapitres  consacrés  aux  relations  de  Jésus 
et  des  premiers  chrétiens  avec  les  Juifs.  M.  H.  montre  combien  il  est  difficile 
d'admettre  le  répit  des  Evangiles  sur  ce  sujet.   Le  récit  du  jugement  de 


BIBLIOGRAPHIE  299 

Jésus  par  les  Juifs  fourmille  de  contradictions,  d'invraisemblances,  d'impos- 
sibilités ;  les  sorties   de  Jésus  contre  les  Pharisiens  sont  en  contradiction 
avec  ce  que  nous    savons    des  bons  rapports  des  premiers  chrétiens  avec 
les  Pharisiens  ;  l'histoire  du  traître  Judas  est  incompréhensible,  car  à  quoi 
bon  un  traitre  pour  arrêter  un  homme  qui  ne  se  cachait  pas  et  qui  prêchait 
publiquement  ;  même  dans   le   célèbre  Sermon  sur  la  montagne  il  y  a  une 
phrase  (Il  a  été  dit  tu  aimeras  ton  prochain  et  tu  haïras  ton  ennemi)  que  Jésus, 
évidemment,  n'a  pas  pu  dire,  car  il  est  faux  que  l'Ancien  Testament  ait  dit 
qu'on  peut  haïr  son   ennemi.   Il  est   donc  probable   que  Jésus   n'a  pas  été 
condamné  par  les  Juifs,  mais  par  les  Romains,  comme  perturbateur  poli- 
tique ;  qu'il  n'a  jamais  prétendu  changer  la  loi  ni  injurié  les  Pharisiens  ;  que 
l'histoire  de  Judas  Iscariote  est  de  pure  invention.  Ce  qui  reste  des  discours 
de  Jésus,  il  est  impossible  de  le  dire,  puisque  ses  discours  qui  paraissent 
le  plus  authentiques  contiennent  des  interpolations.  M.H.  est  d'ailleurs  dis- 
posée contester  à  Jésus  toute  grande  originalité  philosophique  ou  religieuse  ; 
pour  lui,  Jésus  a  été  grand  par  le  cœur  plutôt  que  par  la  pensée.   L'œuvre 
de  Paul  ne  paraît  pas  non  plus,  à  M.  H.,  aussi  originale  qu'on  le  dit.  Sans 
doute,  en  repoussant  franchement  les  pratiques  religieuses,    saint  Paul  a 
préparé  la  conquête  des  payens,  mais  M.  H.  croît  que  la  propagande  de 
Paul  s'est   uniquement  exercée   sur  les  payens  judaïsants,  déjà  à  moitié 
gagnés   par  le  judaïsme:  La  morale  des  Evangiles  n'est  pas  non  plus  tou- 
jours ce  qu'on  dit.  «  Les  Evangiles  dont  on  parle  comme  si  on  n'y  trouvait 
qu'amour  et  charité,  sont  quelquefois  pleins  de  haine,  les  hommes  qui  ne 
sont  pas  au  Christ  y  sont  détestés,  surtout  les  Juifs...  Les  paroles  haineuses 
et  même  furieuses  abondent  dans  Mathieu  et  dans  Luc  (p.  244).»  Il  est  clair 
qui  le  récit  de  la  Passion  et  de  la  résurrection  fournit   ample  matière  au 
doute  et  à  la  négation;  le  quatrième  Evangile  va  jusqu'à  y  mettre  des  faits 
qui  reposent  uniquement  sur  un  contre-sens  dans  l'explication  des  Psaumes 
(p.  258).   Dans  l'Apocalypse,  dans  les   traditions  de  la  fête  de  Noël  et  de 
Pâques, on  reconnaît  des  traces  de  la  religion  de  Mithra,  du  culte  du  soleil, 
de  l'Ahriman  du  mazdéisme    (p.  326  et  334).  En  fait  de  philosophie  morale,. 
«  le  christianisme  n'a  rien  apporté  au  monde  de  nouveau,  (p.  413),  »  l'hel- 
lénisme est  autrement  riche  que  lui  et  varié.  »  L'Ancien  Testament  est  bien 
supérieur  au   Nouveau,   il   n'y  a  pas  plus  de  philosophie  dans  ses  fables, 
mais  elles  ont  l'excuse  de  leur  antiquité,  et  il  s'y  mêle  plus  de  poésie  avec 
un  grand  goût  de  simplicité  populaire.    Dans  le  N.  T.,  la  littérature  juive 
s'est  continuée  et  renouvelée,    mais    en    perdant    sa    grandeur  (p.   393).  > 
Cependant  «  les  Evangiles  ont  pris  les  cœurs  soit  par  l'accent  à  la  fois  sévère 
et  tranchant  de  quelques  paroles  où  semble  s'être  conservée  l'âme  de  Jésus, 
soit  surtout  par  le  drame  de  la  Passion  (p.  393).  »  De  son  côté,  «  le  peuple 
juif  a  gagné  les  autres  peuples  par  des  sentiments  qui  étaient  en  lui  plus 
énergiques  que   partout   ailleurs  et   que  sa  Bible  n'a  fait  que  traduire.  Le 
peuple  juif,  par   ses  épreuves  et  par  la  manière  dont  il  les  a  soutenues,  a 
eu    l'honneur    de  représenter    la   liberté   morale,  la  liberté   de  conscience 
(p.  394).  »  C'est  lui  qui  a  trouvé,  dans  son  histoire,  l'idée  du  Christ,  c'est- 
à  dire  celle  du  règne  de  Dieu  et  de  l'affranchissement  de  toutes  les  misères 
humaines.  L'attente  du  règne  messianique  attirait  à  lui  tout  ce  qui  aspirait 
à  un  monde    meilleur    et  lorsque     saint    Paul    parut,    la    conversion    du 
paganisme    était  déjà    à    moitié    faite  (p.    396-397).    Le    vrai    Christ,  selon 
les  prophètes,  c'est  le  peuple  juif,  et  sa  passion  n'est  pas  encore  près  de 
finir. 

HiRSCH  (Samson-Raphael).  Ueber  die  Beziehung  des  Talmud^i  zum  Juden- 
tlium  und  zur  der  sozialen  Stellung  seiner  Bekenner.  Francfort-s./-M., 
libr.  J.  Kauffmann,  m-8°  de  38  p. 

Petit  écrit  apologétique  traitant  les  thèmes  suivants  :  Probité,  professions, 
relations  avec  le  pouvoir  et  les  concitoyens,  éducation  morale  et  intellec- 
tuelle, la  famille,  la  communauté. 


300  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

HoLTZE  (Friederich).  Das  Strafverfahren  gegen  die  mârkischen  Juden  im 
Jahre  1510.  Berlin,  libr.  Siegfried  Miller,  in-8^  de  79  p.  Dans  la  collec- 
tion des  Schritten  des  Vereins  fur  die  Geschichte  Berlins,  fasc.  XXI. 

Récit  détaillé  de  la  persécution  qui  amena  en  1510  l'expulsion  des  Juifs  de 
la  marche  de  Brandebourg.  Cet  événement  est  bien  connu,  mais  on  ne 
l'avait  pas  encore  décrit  avec  des  détails  si  nombreux  et  des  informations 
si  précises.  Les  renseignements  réunis  avec  tant  de  soin  par  M.  Holtze  et 
en  partie  inédits  permettent  de  mieux  apprécier  ce  douloureux  événement. 
On  sait  qu'il  a  pour  point  de  départ  la  prétendue  profanation  d'une  hostie 
qui  aurait  eu  lieu  le  6  février  1510  dans  l'église  de  Knoblauch,  et  que  plus 
tard  l'accusation  contre  les  Juifs  d'avoir  tué  des  enfants  chrétiens  se  joignit 
à  l'accusation  précédente.  Les  Juifs  de  Spandau,  Brandebourg,  Osterbourg, 
Stendal  et  Berlin  furent  peu  à  peu  compris  dans  la  poursuite.  Les  aveux 
des  Juifs  furent  arrachés  par  la  torture,  et  un  certain  nombre  d'accusés 
furent  soumis  à  une  procédure  irrégulière  et  illégale.  Nous  avons  peine  à 
comprendre  que  M.  Holtzmann,  qui  déclare  non  fondée  l'accusation  concer- 
nant les  enfants  tués,  paraisse  accorder  quelque  vraisemblance  à  l'accusation 
concernant  l'hostie  profanée.  Ce  sont  des  histoires  absurdes  et  qui  n'ont 
pas  le  sens  commun. 

HoROwiTz  (M.),  rabbin.  Frankfurter  Rabbinen,  ein  Beitrag  zur  Geschichte 
der  isr.  Gemeinde  in  Frankfurt  a.  M.  —  IIL  R.  Jakob  Josua  Falk  und 
R.  Abraham  Lissa,  1740-1769.  Francfort-s./-M.,  libr.  Jaeger,  in-S*^  de 
101  p. 

Nous  avons  rendu  compte,  autrefois,  des  parties  I  et  II  de  l'intéressant 
travail  de  M.  Horowitz.  Dans  le  fascicule  actuel  on  trouvera  des  détails  sur 
la  querelle  de  la  famille  Kann  et  de  la  famille  Kulp,  de  Francfort  ;  sur  des 
mesures  prohibitives  concernant  le  commerce  des  farines  et  des  épices  dans  la 
rue  des  Juifs;  sur  une  consultation  en  faveur  du  Talmud  par  le  savant  chré- 
tien David  Frieder.  Megerlin  ;  enGn  sur  la  querelle  bien  connue  de  Jonathan 
Eibenschûlz  avec  quelques-uns  de  ses  collègues.  Eu  appendice,  se  trouvent 
quelques  documents  inédits  tirés  des  archives  de  la  communauté  Israélite 
de  Francfort  et  du  Memorbuch  de  celte  ville.  La  notice  biographique  sur 
Josua  Falk  (p.  87)  est  intéressante.  P.  91  et  suiv.,  M.  H.  a  reproduit 
quelques  inscriptions  tumulaires  du  cimetière  isr.  de  Francfort.  Il  n'eût  pas 
été  mauvais  de  transcrire  en  allemand  les  noms  propres  de  ces  inscriptions. 
Qu'est-ce  que  le113*i:\33>  de  la  p.  32  ?  la  ^"':\''"ID  p.  94?  On  trouve,  confor- 
mément à  l'usage  bien  connu  des  Juifs  de  Francfort,  un  Sender  zur  Bunto 
Kann  (p.  92),  Leib  Kann  zur  Schehren  (p.  93). 

Iliowizi  (Henry).  Ilerod,  a  historical  tragedy  in  five  acts.  Minneapolis, 
impr.  Tribune  Book  Booms,  in-8"  de  80  p. 

Il  est  bien  possible  que  ce  drame  n'ait  pas  une  grande  force  tragique  et 
que  les  vers  en  soient  médiocres,  mais  c'est  une  curiosité  que  ce  poème 
anglais  composé  dans  le  Minnesota  par  un  jeune  Polonais  que  nous  avons 
connu  autrefois  à  Paris,  et  qui  n'a  sûrement  pas  appris  l'anglais  dans  les 
écoles  primaires  où  il  a  été  élevé. 

Jagobs  (Joseph).  The  Jewish  question  1875-1883,  bibliographical  hand-list. 
Dans  Triibucr's  American,  European  and  Oriental  lilerary  Record, 
Londres,  n"*  187-92,  195-6,  ou  vol.  IV,  n«*  5-10,  et  vol    V;  n<>  1-2. 

Bibliographie  des  outrages  publiés  sur  la  question  juive  depuis  1875  à 
1883  et  priiicipalemen».  de  toute  la  littérature  anlisémitique.  Nous  avons  pu 
nous  convaincre  que  M.  Jacobs  est  très  bien  informé  et  qu  il  y  a  des 
chances  sérieuses  que  ba  liste  ne  renferma  pas  d«  lacunes  graves.  Elle  s'arrête, 
pour  le  moment,  au  milieu  de  la  lettre  M. 


BIBLIOGRAPHIE  301 

Jahres-Bericht  des  Rabbiner-Seminars  zu  Berlin  pro  5643  (1882-1883). 
Voran  geht  eine  Beilage  von  D'"  A.  Berliner  :  BeiLruge  zur  Géographie  und 
Ethnographie  Babyloniens  im  Talmud  und  Midrasch.  Berlin,  Driesner, 
in-S»  de  106  p. 

Sur  l'étude  contenue  dans  cette  publication,  voir  plus  haut,  à  Tarticle 
Bérlinbr. 

Jahresbericht  des  jûdisch-theologischen  Seminars  Fraenkelscher  Stiftung. 
Voran  geht  :  Die  jûdischen  Proselyten  im  Romerreiche  unter  den  Kai- 
sern  Domitian,  Nerva,  Trajan  und  Hadrian,  par  le  D'  Graetz.  Breslau, 
impr.  Schottlaender,  in-S''  de  38-xi  p. 

Le  travail  de  M.  Gr.  ajoute  des  éclaircissements  nouveaux  et  ingénieux 
à  ce  qu'on  sait  déjà  sur  la  propagande  juive  parmi  les  payens  sous  les 
empereurs  romains.  Beaucoup  de  prosélytes  payens  devaient  vivre  en  Pales- 
tine, M.  Gr.  pense  que  la  loi  du  fîscus  judaicus  et  d'autres  vexations 
amenèrent  quelques-uns  d'entre  eux  à  devenir  plus  tièdes  envers  le  judaïsme 
ou  à  le  renier,  et  que  c'est  contre  eux  uniquement  que  fut  dirigée,  sous 
Gamaliel  II,  la  formule  des  minim  des  18  bénédictions,  et  il  émet  une 
hypothèse  intéressante  sur  une  formule  spéciale  qui  aurait  existé  d'abord 
pour  bénir,  au  contraire,  les  prosélytes  fidèles  et  qui  aurait  été  plus  tard 
soudée  à  la  formule  des  çaddikim.  La  mesure  prise  par  Johanan  b.  Zaccai, 
après  la  destruction  du  temple,  au  sujet  de  la  petite  offrande  à  apporter 
par  les  prosélytes  à  la  place  du  sacrifice  offert  autrefois  par  eux  serait 
également  une  preuve  du  grand  nombre  de  prosélytes  en  Palestine,  à  cette 
époque.  La  question  de  la  circoncision  pour  les  prosélytes  est  connue, 
celle  des  metuentes,  payens  devenus  demi-juifs,  a  déjà  été  signalée  d'abord 
par  M.  Derenbourg,  dans  son  Essai,  p.  223,  puis  par  M.  Renan,  dans  la  con- 
férence faite  en  1883  au  cercle  Saint-Simon.  M.  Gr.  a  eu  la  bonne  fortune 
de  trouver  le  mot  hébreu  qui  les  désigne,  Û'^!!31I5  "^t^T^j  en  opposition  à 
p15i  i"li;  (p.  13,  note  2).  Il  poursuit  dans  le  détail  la  législation  talmu- 
dique  relative  à  ces  demi-prosélytes  et  même  aux  payens  qui  demeuraient 
dans  le  pays  et  qu'on  espérait  attirer  par  de  bons  procédés.  On  con- 
vertissait aussi  au  judaïsme  des  Ammonites,  des  Egyptiens,  des  payens 
de  l'Asie  Mineure,  des  Romains  (p.  23-24  ;  comparez,  pour  compléter, 
Derenbourg,  Essai,  p.  332).  Le  monde  dans  lequel  vivait  Josèphe,  à 
Rome,  était  en  partie  composé  de  demi-prosélytes  (p.  26),  ce  sont  eux  qui 
sollicitèrent  Josèphe  d'exposer  la  religion  juive  aux  Romains,  soit  pour  en 
faire  l'apologie,  soit  pour  la  propager.  On  aura  peut-être  quelque  peine  à 
admettre  que  le  fameux  voyage  des  quatre  patriarches  à  Rome  ait  eu  pour 
objet  la  propagande  religieuse  (p.  27).  La  conversion  de  Flavius  Clemens 
ne  paraît  pas  justifier  suffisamment  cette  hypothèse.  On  demandera  peut- 
être  comment  il  se  fit  que  le  judaïsme  fît  encore  des  conquêtes  religieuses 
et  fût  animé  d'un  nouveau  mouvement  d'expansion  après  la  prise  de 
Jérusalem  et  la  chute  irrémédiable  du  royaume  juif  ?  Ces  conquêtes, 
répond  M.  G.,  se  firent  surtout  dans  la  société  aristocratique  de  Rome. 
Tandis  que  les  classes  inférieures  étaient  plutôt  gagnées  par  le  christianisme, 
la  noblesse  s'attachait  de  préférence  au  judaïsme,  non  qu'elle  comprit  la 
grandeur  religieuse  ou  philosophique  de  la  doctrine  juive,  mais  uniquement 
parce  que,  courbée  sous  le  joug  des  empereurs,  soumise  de  force  à  leurs 
caprices,  elle  voyait,  dans  la  révolte  des  Juifs,  dans  leur  dernière  résistance 
à  Jérusalem,  dans  la  constance  avec  laquelle  ils  subissaient  les  vexations 
du  fisc  et  de  la  police  romaine,  une  protestation  contre  la  tyrannie.  Ils 
devenaient  juifs  ou  judaïsants,  parce  que  les  Juifs  représentaient  pour  eux 
l'indépendance  politique  et  la  liberté. 

Jahresbericht  der  Landesrabbinerschule  in  Budapest  fur  das  Schuljahr 
1883-84.  Voran  geht  :  Die  Sinne,  Beitrâge  zur  Geschichte  der  Physiologie 
und  Psychologie  im  Mittelalter  aus  hebrâiscben  und  arabischen  Quellen 


302  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

•  von  David  Kaufmann.   Budapest,   impr.  de  l'Université  royale,  iu-8*^  de 
v-190-21  p. 

Cette  étude  de  M.  K.  sur  les  sens  dans  la  littérature  juive  s'appuie  sur 
une  érudition  remarquable  et  des  matériaux  d'une  surprenante  richesse. 
M.  K.  montre  d'abord,  dans  son  introduction,  avec  quelle  ardeur  les  Juifs 
du  moyen  âge  se  sont  livrés  aux  recherches  scientifiques,  et  comment  ils 
ont  contribué,  avec  les  Arabes,  à  transmettre  la  science  grecque  aux  chré- 
tiens d'Occident.  Ils  s'identifiaient  à  ce  point  avec  leurs  immortels  modèles 
et  ils  avaient  un  si  grand  respect  pour  eux,  que  toute  la  science  grecque 
leur  paraissait  venir  de  la  Bible.  Pythagore  devient,  pour  eux,  un  disciple 
de  Salomon,  Socrate  est  un  descendant  d'Asaf  et  d'Ahitofel,  Platon  a  reçu 
en  Egypte  les  leçons  de  Jérémie,  Galien  n'est  autre  que  le  patriarche  Ga- 
maliel.  L'exégèse  biblique,  l'allégorie,  le  symbolisme,  la  science  des  pra- 
tiques religieuses,  même  la  morale  juive,  s'inspirent  de  cet  esprit  scien- 
tifique, les  théories  et  les  idées  grecques  sur  les  sens  y  jouent  un  rôle 
assez  important.  Ces  théories  sont  venues  chez  les  Juifs  par  les  Arabes  ; 
elles  semblent  se  trouver  pour  la  première  fois  chez  Saadia.  Le  Livre  de  la 
création  ne  connaît  pas  encore  le  nombre  des  sens  (cinq  sens),  le  mot  même 
pour  les  désigner  manquait,  on  hésitait  sur  leur  nombre,  qui  est  quelque- 
fois porté  à  huit,  sur  l'ordre  dans  lequel  on  devait  les  énumérer,  sur  leur 
division  et  classification.  M.  K.  recherche  quelles  idées  avaient  cours  chez 
les  Juifs  sur  ces  différents  points,  ce  qu'ils  pensaient  de  la  nature  des  sens, 
du  mécanisme  et  du  siège  de  la  sensation,  du  rôle  de  l'intelligence  dans  la 
sensation,  des  limites  des  sens,  de  leur  rôle  pendant  le  sommeil,  de  la  sen- 
sation après  la  mort,  du  symbolisme  des  sens  ,  etc.  Il  prend  ensuite  l'his- 
toire particulière  de  chacun  des  cinq  sens,  l'anatomie  de  leurs  organes,  les 
mots  par  lesquels  sont  désignés  ces  organes,  leur  action  physiologique.  Nous 
ne  le  suivrons  pas  dans  ces  détails,  où  il  montre  une  science  aussi  vaste 
que  profonde. 

Peut-être  faudrait-il,  comme  nous  le  fait  remarquer  M.  D.,  se  garder 
un  peu  plus  d'attribuer  aux  Arabes  l'initiative  de  tout  ce  qui  s'est  fait  de 
scientifique  chez  les  Juifs  du  moyen-âge.  Les  Juifs  avaient  des  termes 
scientifiques  et  philosophiques  qu'ils  ont  créés  eux-mêmes  et  qui  sont  anté- 
rieurs à  l'influence  arabe.  Ainsi  ÎTllUl'TO  est  plus  ancien  que  le  verbe  b^D 
qui  est  venu  des  Arabes  ;  Ï13D  est  plus  ancien  que  Tlby,  cause;  tTÛSIÏl 
plus  ancien  que  lUiri,  sens  ;  les  mots  DJ'lû,  ms'HLJit!!  sont  aussi  anté- 
rieurs aux  mots  analogues  tirés  de  l'arabe.  Déjà  le  Deutéronome  (iv,  28),  en 
disant  des  idoles  qu'elles  ne  voient,  ni  n'entendent,  ni  ne  mangent,  ni  ne 
sentent,  distingue  en  pleine  conscience  les  quatre  sens  qui  ont  des  organes 
spéciaux,  et  s'il  laisse  de  côté  le  sens  du  tact,  c'est  que  les  organes  de  ce 
sens  sont  répandus  sur  toute  la  surface  du  corps  et  ne  sont  pas  localisés. 
Voir  aussi,  pour  les  éléments,  le  psaume  civ.  Il  est  vrai  qu'on  ne  trouve 
pas,  dans  la  Bible,  les  mots  abstraits  pour  désigner  les  sens,  les  éléments, 
mais  on  n'y  trouve  pas  non  plus  les  mots  rmnî<  imité,  nN'^33,  prophé- 
tie ^  et  on  ne  soutiendra  pas  que  les  Hébreux  n'avaient  pas  l'idée  que  ces 
mots  représentent. 

Juifs,  Extrait  du  Dictionnaire  universel  de  géographie  de  Vivien  de  Saint- 
Martin,  publié  par  la  librairie  Hachette,  tiré  à  100  exemplaires.  Paris, 
impr.  Laliure,  in-18  de  118  p. 

Cet  article  se  compose  de  cinq  chapitres.  Le  chapitre  i^*'  est  consacré  à 
la  définition  des  mots  Hébreux,  Juifs,  Israélites,  aux  sectes  juives  ou  sub- 
divisions du  Judaïsme  actuel;  le  chap.  ii  traite  du  dénombrement  des  Juifs 
dans  toutes  les  p^^lies  du  monde;  le  chap.  m,  de  l'ethnographie,  anthro- 
pologie et  démographie  juives  (race,  type,  caractères  anthropologiques, 
mariages,  naissances,  décès)  ;  le  chap.  iv,  de  l'état  social  et  économique  des 
Juifs.  Le  chap.  v  contient  ua  tableau  abrégé  de  l'histoire  des  Hébreux 
(p.  C4,  1.  3  eu  bas,  Us.   •  femme  *,   uon  «  fillo  >),  de  l'iiistoire  des  Juifs 


BIBLIOGRAPHIE  303 

pendant  la  période  du  second  temple,  de  l'histoire  des  Juifs  au  moyen-âge 
et  de  leur  émancipation  dans  les  temps  modernes.  Le  chap.  vi  contient  un 
tableau  de  la  littérature  juive,  et  le  chap.  vu  est  consacré  à  la  bibiogra- 
phie. 

KAUFMA.NN  (David).  Vom  jiidischen  Katechismus.  Budapest,  Samuel  Zilahy, 
in-80  de  19  p. 

La  thèse  soutenue  par  M.  K.  est  excellente  et  frappante  de  vérité.  On 

dit  souvent  que  si  des  reproches  injustes  sont  adressés  au  judaïsme,  c'est 
qu'il  se  renferme  en  lui-même  et  échappe  à  l'examen.  M.  K.  montre  quel  est 
le  nombre  et  l'importance  des  travaux  des  savants  juifs  et  chrétiens  pour 
faire  connaître  le  judaïsme  et  qu'il  n'y  a  rien  de  plus  facile  que  de  l'étudier, 
si  on  veut  bien  s'en  donner  la  peine.  Il  y  a  de  plus  les  catéchismes,  dans 
leur  rédaction  populaire.  Le  judaïsme,  il  est  vrai,  n'aime  pas  les  caté- 
chismes; il  n'en  a  pas  besoin,  car  il  repose  tout  entier  sur  l'éducation  reli- 
gieuse reçue  dans  la  maison  paternelle,  et  on  n'est  pas  encore  bien  sûr 
qu'il  y  ait  des  dogmes  juifs.  Cependant  il  y  a  des  centaines  de  caté- 
chismes juifs.  «  Les  Juifs,  dit  l'auteur,  peuvent  avoir  des  catéchismes, 
mais  non  un  catéchisme.   » 

Kœnig  (Frieder.-Eduardj.  Die  Hauptprobleme  der  israelitisclien  Religions- 
geschiclite  gegenùber  den  Entwickelungstheoretikern.  Leipzig,  libr.  J.-C. 
Hinrichs,  in-S»  de  (2)-108  p. 

M.  Kœnig  est  un  adversaire  déclaré  des  théories  qui  dominent  aujour- 
d'hui dans  l'histoire  de  la  religion  biblique.  Il  n'admet  pas  que  cette  reli- 
gion soit  issue,  par  transformations  ou  altérations  successives,  du  poly- 
théisme grossier  des  peuples  asiatiques  ;  il  croit  au  contraire  que,  dans  son 
essence,  elle  a  été,  dès  l'origine,  ce  qu'elle  était  du  temps  des  prophètes, 
une  religion  spiritualiste  et  monothéistique  qui  a  pu  subir,  depuis  Moïse, 
des  changements  d'ordre  secondaire,  mais  est  toujours  restée  la  même  dans 
sa  substance.  M.  K.  poursuit  cette  thèse  dans  le  détail,  en  l'appliquant  aux 
questions  suivantes  :  Quelle  était  la  religion  de  Moïse?  Le  Jahwisme  date- 
t-il  réellement  du  temps  de  David?  Serait-il  d'origine  cananéenne?  Y  a-t-il 
eu  réellement  progrès  et  développement  dans  l'idée  fondamentale  de  la  na- 
ture de  Jahwé,  de  son  immatérialité,  de  son  caractère,  de  son  alliance  avec 
Israël?  Quelles  sont  les  lois  et  cérémonies  religieuses  déjà  établies  dans  le 
Jahwisme  anté-prophétique?  L'idée  de  l'universalité  future  de  la  Loi  juive 
n'est-elle  pas  antérieure  aux  prophètes?  M.  K.,  on  le  voit,  résiste  au  cou- 
rant qui  entraîne  la  science  biblique,  il  brave  crânement  tout  le  camp  des 
exégètes,  et  sa  tentative  est  intéressante  parce  qu'elle  s*appuie  sur  une 
science  très  solide  et  une  connaissance  sérieuse  de  la  matière. 

KORN  (J.-Ch.).  Der  Talmud  vor  Gericht;  Vortrâge  gehalten  im  Leseklub 
Sciinta  [à  Berlad] ...  —  I.  Standpunkt  :  Législation.  Wien,  impr.  Moritz 
Knôpfelmaclier,  in-8"  de  46  p. 

KuENEN  (A.).  Religion  nationale  et  religion  universelle;  Islam,  Israéli-:- 
tisme,  Judaïsme  et  Christianisme,  Buddhisme  ;  cinq  lectures  faites  à 
Oxford  et  à  Londres  au  printemps  de  1882  ;  traduit  du  hollandais  par 
Maurice  Vernes.  Paris,  libr.  Ernest  Leroux,  in-8''  de  viii-278  p. 

Ces  lectures  sont  :  1°  l'Islam;  2*^  la  religion  nationale  des  Israélites, 
prêtres  et  prophètes  de  Jahwé;  3°  l'universalisme  des  prophètes,  l'établis- 
sement du  Judaïsme;  4^  Judaïsme  et  Christianisme;  5**  le  Buddhisme. 
A  la  fin  du  volume  se  trouvent  des  Remarques  dont  nous  signalons  les 
suivantes  :  «  Les  rouleaux  d'Abraham  et  de  Moïse  »  et  «  les  fables  des  an- 
ciens dans  le  Qoràn  ;  >  la  prononciation  du  nom  divin  Jahwé  ;  explication 
d'Osée,  IX,  3-5;  l'origine  égyptienne  de  Lévi;  l'antiquité  du  monothéisme 
israélite  ;  conséquences  à  tirer  de  l'inscription  de  Cyrus  ;  Esdras  et  l'éta- 


304  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

blissement  du  Judaïsme;  explication  du  Lévitique,  XXII,  25.  Il  est  évi- 
demment impossible  d'analyser  ici  un  tel  ouvrage,  résumé  des  grands  tra- 
vaux de  l'illustre  savant  hollandais  et  de  l'œuvre  de  sa  vie.  Notre  ami 
M.  Vernes  a  été  heureusement  inspiré  en  nous  donnant  la  traduction  fran- 
çaise de  ces  lectures  si  instructives. 

Lambeck  (H.).  Psalm  CIV  im  Urtext  mit  seiner  Uebertragung  in  elf  Spra- 
chen,  als  Spécimen  einer  Psalter-Polyglotte.  Kôthen,  libr.  Paul  Schettler, 
1883,  in-40  de  iv-72  p. 

L'auteur  voudrait  imprimer  un  Psautier  polyglotte.  Nous  avouons  que 
nous  ne  sommes  pas  spécialement  frappé  de  l'utilité  de  cette  publication. 
Le  spécimen  qu'il  nous  donne  du  Psaume  civ  est.  arrangé  comme  suit  : 
d'abord,  le  texte  hébreu  d'un  verset;  puis,  à  la  suite,  les  traductions  de  la 
Septante  (grec),  de  la  Vulgate  (latin),  deux  autres  traductions  latines,  et 
ensuite,  d'après  les  publications  de  la  Société  biblique  de  Londres,  des  tra- 
ductions italienne,  espagnole,  portugaise,  française,  anglaise,  danoise,  sué- 
doise et  hollandaise.  A  la  suite  des  traductions  se  trouvent  des  explications 
grammaticales  et  lexicologiques  assez  élémentaires. 

Levi  (David).  Il  semitismo  nella  clviltà  dei  popoli.  Turin,  impr.  de  l'Union 
typographique,  in-8°  de  92  p. 

Cet  opuscule  est  divisé  en  trois  parties  :  1 .  Origine  et  essence  de  l'idée 
sémitique  ;  2.  Développement  de  l'idée  sémitique  ;  3.  Le  xix®  siècle.  Nous 
nous  sommes  imposé  pour  règle  de  ne  pas  analyser  ici  les  ouvrages  d'apo- 
logie et  de  polémique  antisémitique  ;  l'ouvrage  de  M.  Lévi,  pour  la  variété 
et  la  profondeur  des  vues  qui  y  sont  exprimées,  méritait  cependant  une 
mention. 

Lewin  (Adolf).   Der  Judenspiegel   des  D""  Justus  ins  Licht  der  Wahrheit 
gerûckt.  Magdebourg,  impr.  D.-L.  Wolf,  in-S**  de  89  p.   Extrait  du  Jiid.- 
Literaturblalt. 

Réfutation,  article  par  article,  de  l'ouvrage  du  pseudonyme  Justus,  avec 
indication  des  sources  et  des  erreurs.  Cette  réfutation  est  très  bonne,  et 
généralement  le  langage  garde  la  sérénité  que  doit  avoir  tout  travail  scien- 
tifique. 

LôwY  (D.).  Der  Talmudjude  von  Rohling  in  der  Schwurgerichtsverhand- 
lung  vom  23.  Oktober  1882.  Wicn,  libr.  D.  Lôwy,  in-8«  de  40  p. 

Lœwy  (Jacobus).  Libri  Kobelet  versio  arabica  quam  composuit  ibn  Ghi- 
jûlli.  Dissertatio  inauguralis.  Leyde,  impr.  E.-J.  Brill,  in-S»  de  32  p. 
latin  et  18  p.  texte  arabe  en  caractères  hébreux. 

Isaac  fils  de  Juda  ibn  Gayath  (je  crois  que  Gayath  est  la  forme  plus 
usitée  que  Giyath  pour  le  mot  ^^^UJI^S),  de  Lucena  eu  Espagne  (1030  à 
1089),  un  des  célèbres  liturgistes  d'Espagne,  composa  en  hébreu  un  ouvrage 
de  casuistique  (halakhol)  ainsi  qu'un  commentaire  sur  TEcclésiaste  en 
arabe.  Pour  la  biographie  de  notre  Isaac,  je  renvoie  le  lecteur  à  l'article 
étendu  de  M.  J.  Derenbourg  (dans  la  Zeitschrif t  fiir  jûdische  Théologie, 
de  A.  Goiger,  t.  V.  p.  3G9  et  suiv.).  Ce  commentaire  qu'on  croyait 
perdu,  comme  tant  d'autres  ouvrages  juifs,  fut  reconnu  avec  une  grande 
sagacité  par  M.  J.  Locwy  dans  un  manuscrit  d'Oxford,  venu  récem- 
ment du  Yémcn.  En  effet,  à  la  fin  du  manuscrit,  on  lit  ces  mots  écrits 
d'une  main  récente  :  niS^i  "j^  ptlit"^  3nD  Nlîl,  phrase  que  j'ai  négligée 
dans  mon  catalogue  (n"  2333).  J'ai  corrigé  cette  erreur  dans  la  table  des 
errata.  D'après  le''  passages  cités  en  hébreu  au  nom  de  Gayaih  par 
David  Qamhi  dans  son  dictionnaire,  par  Judah  ibn  Ualam  dans  ses 
opuscules  do  grammaire,  et  par  Jacob  Giani  (ou  Al-Djieni,  de  Jaen  ;  voir 
son   commentaire  sur  Job,  manuscrit   de  Paris,  152,4)  dans  son  commen- 


\ 


BIBLIOGRAPHIE  305 

taire  sur  l'Ecclésiaste,  comparés  à  l'original  arabe  du  manuscrit  d'Oxford, 
il  ne  reste  aucun  doute  que  Gayalh  en  est  l'auteur.  M.  Lôwy  donne 
pour  le  moment  la  traduction  arabe  du  Kohélet  par  Gayatb  et  promet 
de  publier  l'ouvrage  en  entier  dans  peu  de  temps.  Il  serait  désirable  qu'il 
se  décidât  à  traduire  le  commentaire  dans  une  langue  vivante  et  non  pas 
en  latin  ;  pour  une  thèse,  c'est  bon  et  peut-être  même  nécessaire,  mais 
le  latin  n'est  nullement  pratique  pour  un  ouvrage  destiné  à  être  lu  par  des 
rabbins  de  Pologne  et  d'Orient.  —  Â.  N. 

Mendoza.  y  Bovadilla  (el  cardinal  D.  Francisco),  obispo  de  Burgos,  arzo- 
bispo  de  Valencia,  etc.  El  lizon  de  la  nobleza  espanola  o  maculas  y  sam- 
benitos  de  sus  linajes.  Barcelone,  La  selecta,  empresa  literario-editorial, 
1880,  in-8*'  de  205  p.  ;  en  tête,  portrait  litliographié  de  l'auteur. 

Quoique  cet  ouvrage  ait  été  édité  il  y  a  quatre  ans,  nous  croyons  pouvoir 
en  dire  quelques  mots  ici,  parce  qu'il  est  curieux  et  peu  connu.  Le  cardinal 
Mendoza,  auteur  de  l'ouvrage,  naquit  en  1508  et  mourut  à  l'âge  de  cin- 
quante ans.  Il  avait  été  docteur  en  théologie  et  docteur  ès-lettres  de  l'uni- 
versité de  Salamanque,  archidiacre  de  la  cathédrale  de  Tolède,  évêque  de 
Coria  et  de  Burgos,  archevêque  de  Valence,  cardinal  du  sacré  collège  ro- 
main .  On  vante  beaucoup  sa  science  et  ses  vertus.  Ce  Mémoire  sur  la  no  - 
blesse  espagnole  n'est  cependant  pas  une  œuvre  de  grande  charité.  Il  le 
composa  en  1560,  pour  venger  un  de  ses  parents,  que  la  cour  des  Ordres 
de  noblesse  repoussait  pour  défaut  de  lignage.  Le  cardinal  adressa  le  Mé- 
moire au  roi  Philippe  II.  Il  y  prouvait  qu'il  y  avait  des  taches  dans  le  sang 
des  plus  grandes  familles  d'Espagne.  C'était  doue  bien  le  tison  de  la  no- 
blesse espagnole.  Le  Mémoire  est  composé  de  deux  parties.  La  première 
partie  est  intitulée  :  Taches  des  plus  nobles  lignages.  Ces  taches  viennent 
de  ce  qu'il  y  a,  dans  ces  familles,  par  suite  de  mariages  et  de  conversions, 
du  sang  maure,  du  sang  juif,  du  sang  d'esclaves.  La  famille  de  Porto- 
carrero  et  les  seigneurs  de  la  maison  de  Moguer,  qui,  à  présent  (à  cette 
époque)  se  disent  du  marquis  de  Villauuova,  descendent  de  Ruy  Capon, 
juif  converti,  almojarife  (intendant  des  finances)  de  la  reine  dona  Urraca. 
Ces  familles  embrassent  presque  toute  la  Castille  et  le  Portugal.  De  ce 
même  Ruy  Capon  descend  aussi  la  famille  du  marquis  de  Dénia.  Un  vieux 
couplet  dit  déjà  :  «  De  Rey  Capon  descend  —  quasi  toute  la  nation;  — 
Comment  un  rey  (roi)  si  puissant  —  peut-il  s'appeler  Rey  Capon  (châtré)?  » 
Les  ducs  de  Berganza  descendent  d'Inès  Hernandez  Estevez,  fille  d'un 
savetier  juif  ou  maure,  baptisé  dans  le  Portugal.  Suit  chaque  fois  la  longue 
liste  de  toutes  les  familles  appartenant  à  chacune  de  ces  lignées. 

Dans  la  seconde  partie  du  Mémoire,  intitulée  Sambenitos,  l'auteur  passe 
eu  revue  les  familles  qui  ont  eu  des  membres  qui  avaient  porté  le  sam- 
benito  de  l'inquisition  et  avaient  dû  faire  confession  publique  de  leurs 
fautes.  Nous  ne  savons  si  on  a  jamais  soumis  à  la  critique  les  assertions, 
probablement  exagérées,  du  cardinal.  Son  Tizo,  imprimé  autrefois,  était 
introuvable,  et  la  société  Selecta  a  bien  fait  de  rééditer  l'ouvrage  pour  le 
placer  dans  sa  bibliothèque  d'oeuvres  rares. 

Der  Midrasch  Wajikra  Rabba',  das  ist  die  haggadische  Auslegung  des  dril- 
ten  Bûches  Mose,  zuni  ersten  Maie  ins  Deutsche  ûbertragen  von  Lie. 
D""  Aug.  Wiinsche.  Leipzig,  Otto  Schulze,  in-8°  de  x-398  p. 

Le  mistére  du  Viel  Testament,  publié  avec  introduction,  notes  et  glossaire 
par  le  baron  Jamcsi  de  Rothschild.  Tome  IV,  Paris,  libr.  Firmin-Didot, 
1882,  in-80  de  cxxxv  1-412  p. 

M*"^  la  baronne  James  de  R.  continue  pieusement  la  publication  de  ce 
mystère  auquel  feu  le  regretté  président  de  notre  Société  a  attaché  son 
nom.  Le  présent  volume  contient  les  épisodes  de  Samson,  de  Samuel, 
T.  VIII,  nO  16.  20 


àOO  *  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

l'histoire  de  Saill,  de  David,  d'Absalon  et  de  Salomon.  La  notice  qui  forme 
l'inlroductioa  renferme,  sur  les  œuvres  dramatiques  qui  ont  traité  les  mêmes 
sujets  dans  les  différents  pays  européens,  les  plus  abondantes  indications 
bibliographiques  qu'on  puisse  désirer. 

MosLER  (Lleinrich).  Die  jiidische  Stammverscliiedenheit,  ihr  Einfluss  auf 
die  innere  und  âussere  Entwickelung  des  Judenthums.  Leipzig,  libr. 
Wilhelm  Friedericli,  in-8°  de  x-146  p. 

La  thèse  de  l'auteur  est  que  les  douze  tribus  d'Israël  n'ont  pas  une  ori- 
gine commune.  C'est  une  thèse  qui  n'est  pas  nouvelle,  et  on  ne  peut  pas 
dire  que  M.  M.  l'ait  renouvelée  ou  approfondie.  Ses  arguments  méritent 
considération,  mais  ils  sont  faiblement  liés  et  ne  font  pas  impression. 

MiJLLER  (Alois),  bibliothécaire  impér.  et  roy.  de  l'université  de  Graz. 
Brauchen  die  Juden  Christenblut?  Ein  offenes  Wort  an  denkende  Chri- 
sten.  Wien,  libr.  Oskar  Frank,  in-8^  de  16  p. 

La  réponse  de  l'auteur  à  la  question  qu'il  pose^st  celle  de  tout  homme 
sensé  :  toute  cette  accusation  du  sang  n'a  pas  le  moindre  fondement. 

Chronique  dite  de  Nestor,  traduite  sur  le  texte  slavon  russe  avec  introduc- 
tion et  commentaire  critique,  par  Louis  Léger.  Paris,  libr.  Leroux,  in-S'* 
de  xxviii-399  p.  Publication  de  l'Ecole  des  langues  orientales  vivantes. 

Cette  chroiiique,  qui  date  de  la  fiu  du  xi°  siècle  ou  du  commencement 
du  xn®  siècle,  contient  sur  les  personnages  de  l'Ancien-Testament  un  assez 
grand  nombre  de  légendes  qui  sont  de  véritables  midvaschim  et  dont  la 
pli'part  ont  probablement  été  puisées  (comme  par  exemple  celle  d'Abraham 
détruisant  les  idoles)  dans  le  midrasch  juif.  Au  chap.  XL  ^p.  G8  et  suiv.) 
l'auteur  raconte  comment,  en  l'année  98G,  le  prince  Vladimir  eut  des  confé- 
rences religieuses  avec  des  Bulgares  niahoméians,  des  Allemands  de  Rome, 
et  des  Juifs  Kozares,  qui  voulurent,  les  uns  et  les  autres,  le  convertir  à 
leur  foi,  et  c'est  une  occasion,  pour  les  Juifs,  d'exposer  au  roi,  avec  force 
légendes,  leur  religion  et  les  principaux  faits  de  l'histoire  sainte.  Au 
chap.  XG  se  trouve  une  digression  sur  les  anges  où  l'ange  Michel  est 
représenté  comme  étant  spécialement  chargé  de  la  protection  des  Juifs,  et 
où  il  est  question,  entre  autres,  de  la  présence  d'Alexandre  à  Jérusalem. 
Ou  trouvera  encore  des  légendes  dans  Ihisloire  de  Caïu,  de  Cham,  de 
Daniel,  etc.  (Voir  l'index  chronologique).  La  seule  notice  historique  sur  les 
Juifs  de  Russie  se  trouve  au  chap.  xcii,  où  il  est  raconté  qu'à  la  mort  du 
prince  Sviatopolk  II,  en  1113,  les  habitants  de  Kiev  se  jetèrent  sur  les 
Juifs  de  cette  ville  et  les  pillèrent.  Ces  Juifs  paraissent  avoir  été  attirés  à 
Kiev  par  Sviatopolk  (index  chronologique). 

Neuba-UR  (L.).  Die  Sage  vons  cwigen  Juden.  Leipzig,  libr.  llinricbs,  in-8** 
de  vî-132  p. 

L'histoire  de  la  légende  du  Juif  errant  reste,  après  la  publication  de 
M.  N.,  ce  (ju'elle  est  dans  le  savant  aiticlc  de  M.  Gaston  Paris,  publié 
dans  l'Encyclopédie  des  Sciences  religieuses,  de  Lichteuberger  (tome  Vil, 
Paris,  ISSU,  p.  '«98).  La  légende,  dans  sa  forme  actuelle,  est  très  moderne. 
Le  preniicr  Juif  errant,  si  l'on  veut,  est  Caïn.  Le  Coran  connaît  aussi  un 
voyageur  éicrnci,  Samiri,  qui  a  fabriciué  le  voau  d'or.  La  légende  de  Sa- 
niiri  est  probablement  d'origine  juive,  la  légende  chrétienne  paraît  avoir 
pour  origine  un  passage  des  Evangiles  synoptiques  (Matlh,,  xiv,  28; 
Marc,  IX,  1  ;  Luc,  ix,  27),  où  Jérus  dit  que  beaucoup  de  ceux  qui  sont 
devant  lui  ne  gofiteront  pas  la  mort  avant  d'avoir  vu  la  royaume  de  Dieu, 
et  un  passage  de  l'évangile  de  Jean  (xxi,  22^,  où  Jésus  dit  du  disciple 
aimé  (le  futur  Cartaphilus?)  :  «  Si  je  veux  qu'il  reste  jusqu'à  ce  que  je 
vienne    (revienne),    que  t'importe?  *  11  fallait  donc  au  christianisme,  pour 


BIBLIOGRAPHIE  307 

assister  au    futur    rétablissement   du    royaume  de  Dieu  sur  la  terre,  des 
témoins  contemporains  de  Jésus   et  qui  n'avaient  pas  cessé  de  vivre.   Déjà 
au  commencement  du  moyen  âge,  on  voulait   que  Jean  fut  un  de   ces  té- 
moins et  qu'il  n'était  pas  mort.  Ces  témoins  étaient  propres  aussi  à  con- 
fondre les  Juifs.    La  plus  ancienne  légende  où  apparaisse   un  Juif  comme 
témoin  immortel  de  la  Passion  de  Jésus  est  peut-être  une  légende  italienne 
d'après  laquelle  un  Juif  appelé  Malc  aurait  donné  à  Jésus,  sur  le  chemin  de 
la  croix,  un  soufflet  avec  un  gant  de  fer,  et  aurait  été  condamné  par  Jésus 
à  vivre  sous    terre,  tournant  éternellement  autour  d'une  colonne.  Ce  n'est 
pas  encore  le  Juif  errant.   Un  témoin  remarquable  de  la  Passion  de  Jésus 
apparaît  pour  la  première  fois  dans   un  récit  de  Mathieu  Paris  recueilli  de 
la  bouche  d'un  archevêque  d'Arménie  venu  en  Angleterre  en  1228.  D'après 
ce  récit,   un    payen,  portier  du  prétoire  de  Ponce-Pilate,  du  nom   de  Car- 
taphilus,  avait  frappé   Jésus  du  poing  au  moment  où  Jésus  était   entraîné 
par  les  Juifs  et  lui  avait  dit  :  Va  donc  plus  vite,  A  quoi  Jésus  répondit  : 
Je  vais,"  et   toi  tu    attendras  que   je  vienne.   Cartaphilus,  repentant,  se  fit 
baptiser   sous  le  nom  de  Joseph  ;  c'est  un  saint  homme,  il  demeure  en  Ar- 
ménie, il  rajeunit  tous  les  cent  ans  et  il  attend,  pour  mourir,  le  retour  de 
Jésus.  Mais  celte  histoire,  où  le  témoin  n'est  pas  un  Juif,  resta  à  peu  près 
inconnue;   les  mystères  du  moyen  âge,  les  prédicateurs,  les  poètes  ne  la 
connaissent  pas.  Ce  n'est  qu'au  commencement  du  xvii®  siècle  que  naît,  en 
Allemagne,  la  vraie  légende  du  Juif  errant.  L'Antéchrist  était  apparu  en 
Orient,    on    attendait  en   Occident   le   jugement  dernier,  les   circonstances 
étaient  donc  favorables  à  Téclosion  d'une  légende.   En  1602  parut  en  Alle- 
magne une  Courte  Relation  et  récit  d'un  Juif  nommé  Ahasvérus,  qui  avait 
assisté  au  crucifiement  de  Jésus,  et  qui  avait  raconté    son  histoire  à  Ham- 
bourg, en  1547,  à  Paul  d'Eitzeu,  plus  tard  évêque  protestant  du  Schleswig. 
La  légende,  dans  sa  nouvelle  forme,  était,  dans  tous  les  cas,  d'origine  pro- 
testante. Ahasvérus  raconta  qu'il  avait   été  cordonnier  à   Jérusalem;    que 
Jésus,  sur  le  chemin  de  la  croix,  voulut  se  reposer  devant  sa  maison,  mais 
qu'il  l'en  chassa,  et  que  Jésus   lui  dit  :  Tu  marcheras  jusqu'au  jugement 
dernier.   Depuis   ce  temps,  Ahasvérus   parcourait  le  monde,  ne  pouvant 
s'arrêter  nulle  part,  ne  pouvant  pas  mourir.  11  parlait  toutes  les  langues  ; 
il  était  bon,  triste,  on  ne  l'a  jamais  vu  rire,  et  quand  on  lui  offrait  de  l'ar- 
gent, il  ne  pouvait  prendre  que  deux  schilling,  qu'il  distribuait  immédiate- 
ment aux  pauvres.  Il  est  plus  que  probable  que  l'auteur  anonyme  de  cette 
relation  l'a  inventée   en  s'appuyant  sur  le  récit  de  Mathieu  Paris,  et  que 
l'intervention  de  Paul  d'Eitzen  est  purement  fictive.   La   même  année  1602 
parut  en  Allemagne  un  récit  à  peu  près  semblable  (Relation  singulière  d'un 
Juif  né   à  Jérusalem,    nommé  Ahasvérus,    etc.),   signé   du   pseudonyme 
Chrisostomus  Dudelaeus  Westphalus.  D'Allemagne,  le  récit  du  Juif  errant 
passa  en  France,  où  il  fut  répété,  dès  1604,  par  un  avocat  de  Paris  nommé 
Bouthrays.  Il  se  répandit  ensuite  dans  tous  les  pays  européens.  Sa  vogue 
fut   incroyable,   la    littérature  populaire,   l'imagerie  s'en  emparèrent,   des 
milliers  de  publications,  de   gravures   répandirent  le   nom  et   l'histoire  du 
pauvre  Juif;  on  le  voit  en  personne,  il  n'y  a  pas  de  villes  où  il  ne  fasse  de 
temps    en  temps  une  apparition.  Plusieurs  traits  de  la    légende  se   modi- 
fièrent.   En   Belgique,    le  Juif  ne   s'appela   plus   Ahasvérus,    mais   Isaac 
Laquedem  (de  l'hébreu  k^dem,  «  orient  »  ou  «  ancien  »?).  Dans  une  publi- 
cation allemande  de  IG'iO,  on  racontait  qu'Ahasvérus  frappa  Jésus  avec  la 
forme  d'un  s-oulier  (puisqu'il   était  cordonnier),  et  on  ajoutait  qu'il  se    fit 
chrétien   et  s'appela   Buttadeus  (M.  G.  Paris  suppose  que  ce   mot  signifie 
«  boute  Dieu  »,    c'est-à-dire  qui   boute,  pousse  Dieu  dehors;  voir  Neub  , 
note  23).  Les  anciennes  légendes  avaient  permis  au  Juif-errant  de  s'arrêter 
un  peu  dans  ses  courses  à  travers  le  monde;  plus  tard,  il  faut  qu'il  marche 
sans  trêve  ni  repos  ;  autrefois  il  mangeait,  très  peu,  il  est  vrai;  maintenant 
il  n'a  plus  besoin  de  manger,  et  ses  vêtements  se  conservent  indéfiniment. 
Un  des  traits  les  plus  curieux  de  la  légende  nouvelle,  ce  sont  les  éternels 
cinq  sous  que  le  Juif-errant  a  toujours  en  poche  et  qui  se  renouvellent  sans 


^03  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

cesse.  Le  plus  souvent  il  est  triste,  quelquefois  cependant,  quand  il  s'anime 
au  récit  de  ses  voyages,  il  a  la  note  gaie  et  populaire.  «  Messieurs,  le 
temps  me  presse...  Adieu  la  compagnie!  »  (Neub.,  41).  —  «  Je  donnerai 
tout  mon  quibus.  Pour  monter  dans  un  omnibus  ;  Mais  cinq  sous  ne  suffi- 
sent plus,  C'est  six  sous  que  réclame  Un  cocher  sans  âme.  •  (Neub.,  37.) 
Le  grand  mérite  du  travail  de  M.  Neubaur  est  dans  la  bibliographie, 
qui  offre  des  renseignements  précieux  sur  toutes  les  publications  relatives  à 
cette  singulière  légende  et  que  l'auteur  s'est  donné  la  peine  de  recueillir 
dans  toutes  les  bibliothèques  d'Europe. 

Perreau  (Pietro).  Appendice  ail'  Oceano  délie  abbreviature  e  sigle  ebraiche, 
chaldaiche,  rabbiniche,  talmudiclie.  cabalistiche,  rituali,  gcografîche,  de 
titoli  di  libri,  di  nomi  d'autori,  délie  iscrizioni  sepolcrali,  etc.,  etc.,  collo 
loro  varie  soluzioni.  Parme,  édition  autographiée  à  60  exemplaires,  papier 
écolier,  de  ix-102  p. 

Continuation  et  complément  excellent  du  précédent  ouvrage  de  M.  Per- 
reau sur  les  abréviations  de  la  littérature  rabbiuique.  C'est  ua  manuel  très 
utile,  et  qui  rendra  des  services  aux  personnes  les  plus  exercées  à  déchiffrer 
ces  petites  énigmes. 

Rawigz  (M.).  DerTraktat  Megilla  nebst  Tosafat  [sic]  vollstândig  ins  Deutsche 
ûbertragen.  Francfort-s./-M.,  libr.  Kauffmann  ;  Ettenheim,  impr.  Leibold, 
in-80  de  (2)-117  p. 

Traduction  populaire  du  traité  Megilla  du  Talmud,  dans  le  sens  de 
Raschi,  avec  indication,  en  note,  d'un  certain  nombre  de  remarques  des 
tosafot. 

Renan  (Ernest).  Nouvelles  études  d'histoire  religieuse.  Paris,  libr.  Cal- 
mann-Lévy,  in-8*'  de  xxi-533  p. 

Il  est  superflu  de  dire  que  ce  livre  a,  comme  tout  ce  que  fait  M.  Renan, 
la  grâce  et  le  charme.  Beauté  de  la  forme,  richesse  et  nouveauté  de  la 
pensée,  vaste  et  solide  érudition,  tout  y  est.  M.  Renan  a  des  philtres  sa- 
vamment composés,  dont  l'action  est  sûre  et  l'enchantement  souverain.  La 
plupart  des  articles  qui  composent  ce  volume,  et  dont  quelques-uns  sont 
inédits,  échappent  à  noire  compétence.  Voici  la  liste  de  ces  articles  :  La 
méthode  expérimentale  en  religion;  Paganisme;  Mythologie  comparée; 
Premiers  travaux  sur  le  bouddhisme  ;  Nouveaux  travaux  sur  le  boud- 
dhisme ;  Les  traductions  de  la  Bible  ;  Les  téaziés  ^pièces  de  théâtre)  de  la 
Perse;  Joachim  de  Flore  et  l'Evangile  éternel;  François  d'Assise;  Une 
idylle  monacale  au  xiii°  siècle  (Christine  de  Stammeln)  ;  L'art  religieux; 
La  congrégation  De  auxiliis  ;  Un  mot  sur  le  procès  de  Galilée  ;  Port-Royal; 
Spinoza  (conférence  tenue  à  La  Haj'e  le  12  février  1877,  deux  centième 
anniversaire  de  la  mort  de  Spinoza).  Cette  conférence  a  été  publiée  à  part 
à  l'cpoquc  où  elle  a  été  tenue.  Elle  est  un  des  plus  beaux  hommages  qui 
aient  été  rendus  au  célèbre  philosophe.  L'article  sur  les  traductions  de  la 
Bible  est  un  des  plus  courts  et  des  moins  importants  du  recueil. 

RODKiNSOHN  (M.-L.).  Der  Schulchan  Aruch  und  seine  Beziehungen  zu  deu 
Juden  und  Nichtjudeu,  ins  dcutsche  iibersclzt  von  D.  Lôwy.  Wien,  libr. 
D.  Lôwy,  in-80  de  G8-x  p. 

Roi  (J.-F.-A.  de  le),  pasteur.  Die  Evangclische  Chrislcnbcit  und  die  Juden 
untcr  dcm  Gesichtspunklc  der  Mission  geschichtlich  belracbtel.  1*"*  vol. 
Garlsruh  et  Leipzig,  libr.  H.  Rculher,  iu-S*'  de  xiii-140  p. 

Histoire  des  missions  protestantes  pour  la  conversion  des  Juifs  au  chris- 
tianisme. L'auteur  a  été  autrefois  au  service  de  la  Société  des  missions,  de 
Londres.  L'Iutroductioa  est  consacrée  eu  partie  à  la  bibliographie.  L'on- 


BIBLIOGRAPHIE  309 

vrage  le  plus  important,  avant  celui  de  M.  de  le  Roi,  sur  l'histoire  des 
missions  chrétiennes  parmi  les  Juifs,  est  celui  du  Danois  Kalkar  (Copen- 
hague, 1868;  allemand,  1869),  dont  une  nouvelle  édition,  très  augmentée,  a 
paru  à  Copenhague  en  1881.  M.  de  le  R.  cite  encore  Israël  and  the  Gen- 
tiles,  par  Isaak  da  Costa,  Londres,  1880,  et  les  journaux  suivants  :  Blàtler 
fur  Mission,  publié  chez  Klinkhardt,  à  Leipzig;  Saat  und  Iloffnung  (tri- 
mestriel), publié  depuis  1863  par  D.  Delitzsch,  à  Leipzig,  puis  à  Erlangen  ; 
Dibre  Emeih,  publié  depuis  1845  par  J.  C.  Hartmann,  puis  par  l'auteur  (à 
Breslau);  The  Jewish  Expositor,  publié  par  la  Société  des  missions  de 
Londres,  1816-1831,  remplacé  par  The  Jewish  Intelligence;  le  Missionsblatt 
des  Rheinisch-Westfâlischeu  Vercins  fur  Israël,  publié  à  Barmen  depuis 
1843;  Die  Mission  unter  Israël  (trimestriel),  publié  par  R.  Vormbaum,  à 
Cologne,  1863-1875. 

Le  récit  de  la  propagande  protestante  parmi  les  Juifs  commence  natu- 
rellement au  xvi^  siècle,  avec  Luther.  L'auteur  montre  que  le  moyen  âge, 
avec  sa  haine  et  ses  persécutions  contre   les  Juifs,  ne  pouvait  penser  un 
instant  à  les  convertir  autrement  que  par  la  violence  (p.  17;  il   n'est  pas 
exact  de  dire  que  là  rouelle  ou  le  vêtement  particulier  que   portaient  les 
Juifs  furent  d'abord  inventés  pour  les  protéger  ;  ils  datent  officiellement  du 
concile  de  Latran,  de  1215,  et   furent  uniquement  inventés  pour  isoler  les 
Juifs).  La  conduite  de  Luther  envers  les  Juifs  ressemble  à  celle  de  Maho- 
met. Comme  le  prophète  arabe,  il  espère  d'abord  convertir  les  Juifs,  il  se 
montre  envers  eux  affectueux  et  sympathique  ;  puis,  quand  il  s'aperçoit  de 
leur  résistance,  il  s'irrite,  s'emporte,  les  accable  d'injures,  leur  déclare  une 
sorte  de  guerre  d'extermination.  Il  a  pu  croire  qu'un  médecin  juif  était  venu 
de  Pologne  pour  l'empoisonner  (p,  27),  mais  nous  sommes  étonné  que  M.  de 
le  R.  ajoute  foi  à  une  pareille  fable;  il  n'y  a  pas  de  trace,  dans  la  littéra- 
ture juive,  d'une  hostilité  des  Juifs  contre  Luther.  Calvin  et  Zwingle  s'oc- 
cupent peu  des  Juifs,  et,  en  somme,  les  premiers  essais  de  conversion  se 
montrèrent  à  peu  près  infructueux.  Au  xvn®  siècle  commencent  les  ef- 
forts des  savants  pour  étudier  la  littérature  juive  et  y  puiser  des  arguments 
pour  la  controverse.  On  lira  avec  beaucoup  d'intérêt  le  jugement  de  l'au- 
teur sur  Eisenmenger  (p.   82).  «  Cet  ouvrage  est  néanmoins  un  acte  d'in- 
justice envers  les  Juifs,  car  il  ne  recueille  que  ce  qu'il  y  a  de  mauvais  et 
de  singulier  dans  la  littérature  juive  et  néglige  tout  ce  qui  est  bon...  Le 
public  chrétien,    qui  trouvait  ici    un   vaste  matériel  scientifique   composé 
d'extraits,  et  qui  ne  pouvait  pas  connaître  la  partialité  qui  avait  présidé  au 
choix  de  ces  morceaux,   devait  emporter  de  la  lecture  de  cet  ouvrage  un 
sentiment  de  haine  profonde  contre  les  Juifs. . .  On  doit  regretter  bien  plus 
encore  que  le  livre  d'Eisenmenger  ait  été  çoniinuellement  et  jusqu'à  nos 
jours  exploité  par  tous  les  ennemis  chrétiens  des  Juifs,  pour  fournir  satis 
cesse  un  nouvel  aliment  à  la  judéophobie.  »  Nous   voudrions  seulement 
ajouter,  et  nous  sommes  convaincu    que  M.  de  le  R.  finira  par  partager 
cet  avis,  que  la  véritable  et  grande  falsification  commise  par  Eisenmenger 
est  moins   encore   dans  le   choix  exclusif  de  ses  extraits    que  dans   l'ab- 
sence  de   toute   critique  historique   et    scientifique   et    dans  cette   erreur 
perpétuelle  qui  consiste  à  attribuer  à  tous  les  Juifs  de  toutes  les  époques, 
comme  doctrine  de  la  synagogue,  ce  qui  était  opinion  individuelle,  souvent 
jeu  d'esprit  et  pure  fantaisie.  Il  nous  est  impossible  de  suivre  M.  de  le  R. 
dans  son  récit  à  travers  le  xvii«  et  le  xviiie  siècle.  Ce  que  nous  avons  dit 
de  son  livre  montre  assez  l'importance  des  matériaux  réunis  par  l'auteur  et 
l'intérêt  de  ses  recherches  savantes. 

Saadia  Al-Fajûmis  Arabische  Psalmenûbersetzung.  Nacli  einer  Miinchner 
Handsclirift  herausgegcben  und  ins  deutsche  iibertragen  von  D*"  II.  S. 
Margulies  ;  erster  Tbeil,  Breslau,    in-8*^. 

Un  grand  nombre  de  passages  de  la  traduction  et  du  commentaire  sur 
les    psaumes    de    R.   Saadyah,  gaon  du  Fayyoum,  ont  été  publiés    par 


31d  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Schnurrer,  Haneberg  et  Ewald.  Un  jeune  savant,  M.  Margulies,  a  choisi 
pour  sa  thèse  de  doctorat  l'édition  de  cette  traduction  et  de  ce  commentaire 
(Pourquoi  M.  Margulies  ne  met-il  pas  sur  le  titre  Ubersetzung  und 
Commentar  ?)  des  premiers  vingt  chapitres  avec  traduction  allemande  et 
notes  copieuses,  soit  pour  expliquer  les  mots  arabes,  soit  pour  donner  les 
sources  talmudiques  que  Saadyah  suit  parfois  dans  sa  traduction.  Les 
comparaisons  des  passages  de  ce  commentaire  avec  ceux  qu'on  trouve  dans 
l'ouvrage  philosophico-théologique  Kiiâb  al-Amânàth  w-al-l'tiqâdâth, 
du  même  auteur,  quoi  qu'il  en  soit,  sont  superflus  pour  prouver  que  notre 
commentaire  sur  les  psaumes  est  en  effet  de  Saadyah  ;  personne  ne  l'a 
jamais  contesté. 

L'édition  est  faite  d'après  deux  manuscrits,  dont  l'un  de  Munich  et  l'autre 
d'Oxford  ;  les  variantes  sont  données  dans  les  notes.  Pour  une  édition 
définitive  de  tout  le  commentaire,  le  manuscrit  de  Londres  sera  indis- 
pensable pour  fixer  les  bonnes  leçons  sans  avoir  recours  aux  conjectures. 
Je  saisis  cette  occasion  d'appeler  l'attention  de  M.  Margulies  sur  le  fait 
suivant.  M.  Nutt,  l'éditeur  des  opuscules  de  Hay3'uj  (traduction  de  Moise 
Giqatilia)  et  du  commentaire  sur  Isaïe  d'Eliézer  de  Beaugenci,  et  l'auteur 
d'un  mémoire  sur  l'histoire  et  la  littérature  des  Samaritains,  avait  l'inten- 
tion de  publier  la  traduction  et  le  commentaire  de  Saadyah  avec  une 
traduction  anglaise  ;  à  cet  effet  il  avait  acquis  la  copie  que  feu  Ch. 
Rôdiger  avait  faite  du  manuscrit  de  Munich,  coUationnée  avec  le  manus- 
crit d'Oxford,  en  y  ajoutant  des  notes  critiques.  Ne  serait-il  pas  utile  que 
M.  Margulies  fît  usage  du  travail  du  grand  orientaliste,  et  qu'il  acquît  la 
copie  do  M.  Nutt?  —  A.  N . 

Saint-Yves  d'Alveydre.  Mission  des  Juifs.  Paris,  libr.  Calmann-Lévy, 
in- 8"  de  947  p.  En  tête,  portrait  de  l'auteur. 

L'objet  de  ce  livre  est  défini  par  l'auteur  en  ces  termes  (p.  15]  :  «  Récon- 
ciliation de  la  science  et  de  la  religion  judéo-chrétienne,  rapprochement  des 
corps  enseignants  religieux  et  civils,  distinction  de  l'Autorité  et  du  Pouvoir, 
limitation  de  la  politique  par  trois  pouvoirs  sociaux  et  spéciaux.  »  Et  dans 
la  conclusion  qui  termine  son  livre  :  «  La  constitution  de  la  paix  judéo- 
chrétienne  doit  se  faire  dans  un  congrès  européen,  composé  des  délégués 
de  tous  les  cultes  judéo-chrétiens,  des  délégués  de  tous  les  tribunaux  euro- 
péens,  des  délégués  de  tous  les  syndicats  économiques  de  l'Europe  (p.  937- 
938).  Ces  délégués  représentent  les  trois  pouvoirs  que  l'auteur  appelle  les 
trois  pouvoirs  sociaux  de  la  Synarchie,  et  qui  sont  fondés  respectivement 
,  sur  la  science  ou  la  sagesse,  sur  la  justice,  sur  la  magistrature  locale,  ou,  si 

nous  comprenons  bien,  sur  le  gouvernement  par  soi-même  ou  l'économie  uni- 
verselle (p.  624).  L'auteur  retrouve  ces  institutions  dans  la  Bible  et  en  partie 
même  dans  le  Judaïsme  post-biblique  (voir,  par  exenij  le,  p.  473).  Par  l'or- 
ganisation de  leurs  communautés  actuelles  (l'auteur  se  trompe  sur  la  nature 
de  ces  communautés,  p.  011  et  suiv.),  par  leurs  vertus  domestiques  et  les 
vertus  de  la  famille,  les  Juifs  réalisent  eu  partie  la  Synarchie,  ils  sont  le 
levain  d'un  monde  affaibli  et  énervé  (p.  01 1-027).  C'est  en  reconstituant 
l'Europe  sur  le  modèle  de  la  Synarchie  moïsiaque,  avec  le  concours  de 
tous  les  clergés,  et  du  clergé  juif  en  particulier,  que  l'on  remplacera,  en 
Europe,  le  règne  de  la  violence  et  de  l'iniquité  par  le  règne  de  la  justice. 
C'est,  comme  on  le  voit,  l'ancienne  idée  de  la  paix  universelle,  rêve  des 
prophètes  hébreux,  et  l'auteur  est  lui-même  une  sorte  de  prophète,  un  Isaïe 
qui  a  appris  les  mathématiques  et  qui  habille  ses  visions  de  formules  trans- 
cendantes. Mais  ces  visions  sont  généreuses  et  nous  pouvons  souhaiter 
qu'elles  deviennent  des  réalités. 

Sghnedermann  (Gcorg),  Docent  h  l'univcrsilé  de  Bâle.  Das  Judcntbum  und 
die  chrislliche  Verkiindiguug  in  dcu  Evangclicn.  Leipzig,  libr.  J.-C. 
Hinrichs,  in-S"  de  iv-282  p. 


BIBLIOGRAPHIE  311 

L'auteur  suit  pas  à  pas  les  relations  des  Juifs  avec  Jésus  dans  le  qua- 
trième évangile,  puis  dans  les  évangiles  de  Marc,  de  Mallhieu  et  de  Luc. 
Il  étudie  ensuite  les  différenles  couches  de  la  société  juive  et  les  idées  qui 
y  régnent,  et  enûn  le  rôle  et  la  personne  do  Jésus  dans  leurs  rapports  avec 
les  Juifs.  Le  mérite  de  ce  travail  est  surtout  dans  la  richesse  des  informa- 
tions et  la  recherche  minutieuse  du  détail.  Il  ne  semble  pas  que  l'auteur  ait 
aussi  bien  réussi  à  grouper  les  matériaux  qu'il  a  réunis  avec  un  zèle  si 
méritoire  et  à  interpréter  les  faits.  Quand  on  a  lu  so.i  chapitre  sur  les  Pha- 
risiens et  les  Sadducéens,  on  s'imagine  qu'on  en  sait  un  peu  moins  qu'au- 
paravant sur  ces  deux  célèbres  partis  juifs,  et  dans  tous  les  cas,  beaucoup 
de  traits  importants,  qui  achèvent  de  les  peindre,  ont  été  omis  par  M.  S. 
11  a  bien  raison  de  se  demander  pourquoi  Jésus  fut  crucifié;  nous  sommes 
absolument  d'accord  avec  lui  qu'il  ne  suffit  pas  de  dire  que  ce  fut  parce  que 
Jésus  ne  répondait  pas  aux  espérances  du  peuple  juif  dans  le  rétablisse- 
ment de  leur  pouvoir  temporel,  ou  parce  qu'il  apparut  au  peuple  juif  comme 
un  blasphémateur.  Mais  il  nous  paraît  beaucoup  moins  certain  que  ce  fut 
«  parce  qu'il  repoussa  l'autorité  particulariste  de  la  Loi  et  du  Peuple  de  Dieu, 
la  considéra  comme  un  pur  rêve,  réduisit  à  néant  la  justice  et  la  législation 
particularistes,  et  non  seulement  exprima  la  nécessité  et  la  possibilité  d'un 
Messie  et  fils  de  Dieu  souffrant  pour  l'humanité  entière,  mais  devint  la  re- 
présentation personnelle  de  ce  Messie  »  (p.  273).  Il  est  permis  de  se  de- 
mander si  les  causes  de  l'insuccès  de  Jésus  parmi  les  Juifs  ne  furent  pas 
beaucoup  plus  simples  et  plus  natui  elles,  et  si  véritablement  les  Juifs  étaient, 
à  cette  époque,  si  exclusifs  et  si  particularistes  que  le  pense  M.  Schn.  On 
pourrait  trouver  qu'il  y  a,  dans  le  passage  que  nous  avons  cité,  plus  de  pré- 
jugés théologiques  que  de  vérités  historiques,  et  nous  croyons  qu'en  général 
le  travail  do  M.  Schn.,  quelque  sérieux  qu'il  soit,  n'échappera  pas  tout  à 
fait  au  reproche  de  n'être  pas  assez  affranchi  des  préoccupations  reli- 
gieuses. Ces  préoccupations  se  trahissent,  à  notre  sens,  dans  tous  les  pas- 
sages du  livre  où  l'auteur  nous  montre  tout  le  judaïsme  palestinien  se  dres- 
sant en  face  de  Jésus  et  toutes  les  forces  sociales  soulevées  et  conjurées 
contre  lui.  N'est-ce  pas  grossir  considérablement  un  événement  dont  les 
suites  furent  considérables,  mais  qui  alors  parut  peut-être  beaucoup  moins 
important? 

Scènes  de  la  vie  juive  dessinées  d'après  nature,  par  Bernard  Picart  (1663- 
1733).  Paris,  libr.  A.  Durlacher,  in-f'' ;  15  gravures  reproduites  en  hélio- 
gravures chez  Dujardin,  imprimé  chez  Chardon. 

Les  dessins  des  Cérémonies  et  coutumes  religieuses  de  tous  les  peuples, 
de  B.  Picart  sont  célèbres,  on  sait  que  celte  collection  comprend  un  assez 
grand  nombre  de  dessins  concernant  le  culte  Israélite  et  dessinés  d'après 
nature  en  Hollande.  L'éditeur  des  Scènes  de  la  vie  juive  a  rendu  service 
à  l'histoire  et  à  la  littérature  juives  en  reproduisant  la  plupart  de  ces  dessins 
et  en  confiant  l'exécution  de  ce  travail  délicat  à  un  artiste  comme  M.  Du- 
jardin, dont  les  merveilleux  fac-similés  sont  célèbres  dans  toute  l'Europe. 
Les  planches  reproduites  dans  ce  recueil,  et  dont  quelques-unes  sont  assez 
rares,  contiennent  les  sujets  suivants:  1.  Cérémonie  du  Schofar  (dans 
la  synagogue,  après  la  lecture  de  la  loi)  ;  2.  Office  de  Yom-Kippour,  rite 
allemand  (les  assistants  sont  couverts  des  vêtements  mortuaires,  selon 
l'usage);  3.  Fête  de  Souccoth  (vraie  scène  flamande,  jolis  ornements  de  la 
souccah)  ;  4.  Procession  des  Palmes;  b.  Office  de  Simhat  Torah  (dessiu 
du  tabernacle  ouvert,  rouleaux  de  la  loi  avec  leurs  robes  et  leurs  orne- 
ments); 6.  On  reconduit  le  hatan-torah  et  le  hatan-bereschit  (torches  allu- 
mées eu  tête,  foule  de  curieux!  ;  7.  La  recherche  du  levaiu  (à  la  veille  de 
Pàque  ;  très  curieux  intérieur  de  maison!  ;  8.  Le  Séder  (veille  de  Pàque)  ; 
9.  Cérémonie  nuptiale,  rite  allemand  (en  plein  air;  harpiste,  musiciens, 
curieux  sur  les  toits)  ;  10.  Cérémonie  nuptiale,  rite  portugais  (sous  un  beau 
dais,  dans  un  apparteaient,  cérémouia  du  vase  brisé)  ;  11.  La  circoncision; 


312  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

12.  Le  rachat  du  premier  né;  13.  Les  Hakafoth  autour  du  cercueil,  rite 
portugais;  14.  La  dernière  pelletée  de  terre;  15.  Exposition  de  la  loi  (on 
lève  le  rouleau  de  la  Loi  dans  la  synagogue)  ;  16.  Bénédiction  des  Cohanim. 
En  outre,  sur  le  titre,  se  trouve  une  belle  gravure  d'un  juif  portant  les 
tefiUins.  Nous  recommandons  aux  amateurs  de  belles  gravures  cet  intéres- 
sant recueil  si  remarquablement  exécuté.  L'éditeur,  qui  est  le  libraire  de 
notre  Revue,  n'a  rien  épargné  pour  qu'elle  soit  digne  de  figurer  dans  les 
plus  rares  collections  ;  nous  l'engageons,  pour  la  rendre  plus  accessible  au 
public,  à  la  faire  précéder  d'une  introduction  explicative. 

SCHŒNFELD  (Adolpli).  RecitativG  und  Gesânge,  Lob-  und  Danklieder  zum 
Vortrage  am  ersten  und  zweiten  Abende  des  Ueberscbreitungsfestes 
[Pâque]  ;  s.  1.,  chez  l'auteur,  à  Posen,  iu-4°  de  39  p.,  musique  et  paroles 
allemandes. 

SoiGNiE  (Jules  de).  Les  mauvaises  langues  du  bon  vieux  temps.  Mons, 
libr.  Dequesne-Masquillicr,  1883;  in-8°  de  40  p.  Extrait  des  Annales  du 
Cercle  archéologique  de  Mons. 

Il  va  sans  dire  que  ces  mauvaises  langues  n'épargnèrent  pas  les  Juifs. 
L'auteur  rappelle  d'abord  la  fameuse  histoire  du  Saint  Sacrement  arrivée 
en  1370,  et  qui  eut  pour  suites  le  supplice  d'un  grand  nombre  de  Juifs  et 
l'expulsion  de  tous  les  Juifs  du  duché  de  Brabant.  Après  les  expulsions 
des  Juifs  de  France  en  1306  et  en  1321,  quelques-uns  d'entre  eux  reçurent 
l'hospitalité  à  Mons.  M.  Th.  Lejeune  (dans  ses  Annales  du  cercle  archéol. 
de  Mons,  t.  VII  et  t.  XIV)  a  raconté  la  conversion  au  christianisme  de 
l'un  d'eux.  Ils  étaient  placés  sous  la  surveillance  de  quatre  chrétiens,  qui 
devaient  être  présents  et  voir  ce  qui  se  passait  dans  leur  congrégation.  En 
1322,  le  Juif  converti  dont  nous  venons  de  parler  fut  accusé  d'avoir  percé 
une  image  de  la  Vierge  placée  dans  le  monastère  de  Cambron  ;  il  fut  mis 
à  la  question,  mais  comme  il  n'y  avait  qu'un  seul  témoin  contre  lui  et  qu'on 
ne  put  lui  arracher  aucun  aveu,  il  fallut  lui  rendre  la  liberté  ;  mais  en  1326, 
la  Vierge  offensée  apparut  à  un  octogénaire  paralytique  nommé  Jean  le 
Flameng  et  le  chargea  de  la  venger  en  combat  singulier.  Le  combat  eut 
lieu  le  8  avril,  et  quoique  le  Juif  fût  d'une  taille  de  géant,  il  va  sans  dire 
qu'il  fut  outrageusement  vaincu.  Le  premier  coup  de  Flaraeng  fait  sauter 
au  loin  le  bâton  de  son  adversaire,  un  second  coup  le  renverse.  La  défaite 
du  Juif  était  la  preuve  de  sa  culpabilité,  il  est  pendu  par  les  pieds  au- 
dessus  d'un  bûcher  allumé  qui  consume  lentement  son  corps.  Le  miracle 
fut  consacré  par  l'érection  d'une  chapelle,  par  les  poètes,  les  peintres,  les 
imagiers,  les  chroniqueurs,  et  enfin  les  échevins  d'Esliuncs  et  de  Bray  choi- 
sirent pour  emblème  distinclif  de  leur  sceau  communal  la  scène  principale 
du  miracle,  celle  où  le  Juif  perce  l'image  de  la  Vierge.  M.  de  S.  a  donné 
un  dessin  de  ce  sceau. 

Spitzer  (Sam).  Ueber  Baden  und  Biider  bei  den  allcn  Volkeru  namenllich 
bei  den  Ilebriiern,  Grieclien  und  Rômcrn.  Bolivar,  impr.  J.  Floiscbmann, 
[1883],  in-8o  de  vi-42  p.  Tirage  à  pari  des  Sludieu  und  Krilikcn  de 
M.  Grùuwald. 

Etude  sur  l'usage  et  la  nature  des  bains  chez  les  anciens,  principale- 
ment chez  les  Juifs.  L'auteur  examine  d'abord  quel<î  sont  les  motifs  (reli- 
gion, hygiène,  plaisir)  qui  ont  amené  l'usage  des  bains;  puis  quels  ont  été 
les  diiïérenls  bains  usités.  Celle  élude  est  loin  de  présenter  une  histoire 
complète  du  sujet,  mais  on  y  trouvera  des  indications  intéressantes. 

Stragk  (Ilerm.-L.).  Ilchraiscbc  Gramnialik  mit  Uebungsslïickcn.  Lilcralur 
und  Vokabular  zum  Sclbsluntcrricbt  und  fur  don  Uulcrricbt.  Carlsruh 
et  Leipzig,  IL  Reuther,  1883  ;  in-S»  de  xiv  163  p. 


BIBLIOGRAPHIE  313 

Steinitz  (Clara).  Die  Hâssliche,  Roman  in  3  Banden.  Berlin,  libr.  Freund  et 
Jeckel,  in-8''  de  143  +  161  +  205  p. 

Roman  très  intéressant  où  figurent  plusieurs  des  personnages  juifs.  Le 
chapitre  intitulé  Die  Rebbezin  (la  rabbine)  est  un  des  plus  jolis  de  Tou- 
vrage. 

Die  Tcufelskrallo,  eine  dûstere  Erzahlung  von  Eins-t  fiir  Jetzt;  zur  Gc- 
schichte  der  Blutopfer.  Leipzig,  libr.  Kôssling,  in-S*'  de  36  p. 

Cet  ouvrage  a  été  écrit  à  l'occasion  du  procès  de  Tisza-Eszlar.  L'auteur 
veut  montrer  que  des  assassinats  religieux  se  sont  quelquefois  commis  chez 
les  chrétiens,  et  il  en  donne  comme  preuve  les  deux  faits  suivants  :  1°  A  la 
suite  de  l'excitation  religieuse  que  produisit,  en  Europe,  la  Révolution 
française  et  la  persécution  du  clergé  catholique  en  France,  un  certain 
Pœschl  créa  en  Bavière,  vers  1814,  une  secte  appelée  «  les  frères  et  les 
sœurs  en  prière  »,  dont  les  adeptes  furent  bientôt  saisis  d'une  sorte  de  fré- 
nésie et  immolèrent  un  grand  nombre  de  personnes  comme  victimes  of- 
fertes à  Dieu  (voir  Salât,  Versuche  ûber  Supernaturalismus,  Sulzhach,  1823  ; 
Zillener,  Die  Pœschlianer,  dans  Ztschr.  f.  Psychiatrie,  1860;  Widemann, 
Thomas  Pœschl,  dans  Bohemia,  Prague,  1877);  2"  Vers  la  même  époque, 
un  certain  Josef  Glanz  créait,  en  Suisse,  une  secte  portant  le  même  nom 
ou  celui  de  «  Schwârmer  »,  dont  les  membres  s'imaginaient  qu'ils  portaient  le 
Christ  en  eux  et  poussèrent  le  mysticisme  jusqu'à  la  folie.  Une  des  femmes 
de  la  secte  tua  un  jour  un  grand  nombre  de  personnes  de  sa  famille  pour 
offrir  leur  sang  à  Dieu  (voir  Johannes  L.  Meyer,  Schwarmerische  Greuel- 
scenen...  zu  Wildenspruch,  Zurich,  1824).  Mais  il  ne  faut  pas  exagérer  la 
portée  de  ces  faits.  Ils  furent  l'œuvre  de  fous  furieux,  égarés  sans  doute 
par  le  sentiment  religieux,  mais  qui  n'étaient  pas  responsables  de  leurs 
actes. 

ViOLLET  (Paul).  Précis  de  l'histoire  du  droit  français  accompagné  de  notions 
de  droit  canonique  et  d'indications  bibliographiques,  l^''  fascicule,  les 
sources,  les  personnes.  Paris,  libr.  Larose  et  Forcel,  in-S"  de  xi-330  p. 

Le  chapitre  iv  du  livre  II  est  consacré  aux  Juifs  (p.  301  et  suiv.). 
M.  Viollet  a  fort  bien  caractérisé  les  différentes  phases  par  lesquelles  ont 
passé  les  Juifs  depuis  le  commencement  du  moyen  âge  :  la  période  de  la 
tolérance  plus  ou  moins  bienveillante,  accompagnée  d'humiliations  légales; 
la  période  des  persécutions  (baptêmes  forcés,  spoliations,  expulsions],  puis 
émancipation  graduelle.  Il  est  clair  que  dans  celte  revue  sommaire,  M.  V. 
n'a  pu  indiquer  que  les  faits  principaux  ;  il  les  a  marqués,  en  général,  d'un 
trait  net  et  précis.  Nous  ne  savons  s'il  est  juste  de  dire  que  les  Juifs 
jouirent  librement,  en  France,  du  droit  de  propriété  (p.  306);  nous  pensons 
aussi  que  si  M.  V.  avait  pu  étudier  dans  le  détail  l'affaire  des  Juifs  d'Al- 
sace, sous  Napoléon  1°'',  il  eu  aurait  parlé  un  peu  autrement  qu'il  ne  le 
fait.  Poujol  est  beaucoup  trop  passionné  pour  servir  d'autorité  en  ces  ma- 
tières. Les  indications  bibliographiques  de  M.  V.  auraient  pu  quelquefois 
être  mieux  choisies,  elles  sont  bonnes  néanmoins  et  en  somme  suffisantes. 

Wolf's  linguisticbes  Vade  mecum,  das  ist  cin^  alphabetisch  und  systema- 
tiscli  geordnete  Ilandbibliolbek  ausgcwiihllcr  Werke  und  Abhandlungen 
auf  dem  Gebietc  der  Linguislik.  —  I.  Orientalia,  Americaua,  etc.  Leipzig, 
impr.  Emil  Ilerrmann,  s.  d.  (1884  ;  voir  la  couverture,  p.  2). 

On  trouve  dans  cet  ouvrage  un  certain  nombre  de  renseignements  biblio- 
graphiques sur  la  litlé.uture  judaïque,  mais  nous  craignons  que  le  hasard, 
bien  plutôt  qu'une  recherche  méthodique,  ait  présidé  au  choix  des  ouvrages 
de  science  juive  signalés  dans  ce  Vade-mecum. 

ZiEGLER  (Léo).  Bruschsliicke  eiuer  Vorhieronymischen    Ubersetzung   des 


314  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Pentateuchs  aus  einem  Palimpseste  der  K.  Hof-  und  Staatsbibliothek  zu 
Mûnchen,  mit  einer  photo-litbographischen  Tafel.  Munich,  Theod. 
Riedel,  1883  ;  in-4o  de  xxx-87  p. 


Publications  en  Russie  décrites  par  M.  D.  de  Gunzbourg. 


mit)D  i;"'^'nn  ZV  Û'^binn  'O  Psaumes  avec  les  613  micvot  dans  l'ordre  de 
Maïmonide  et  du  r;"bO,  et  les  abptJln  *";'^3'  et  les  motifs  des  613  micvot, 
par  Sender  Polir,  de  Kobryn.  Varsovie,  cbez  Alapin,  1819;  in-8°  de 
215  p. 

Edition  des  Psaumes  sans  les  accents,  avec  sommaire  allégorique  en  tête 
de  chaque  chapitre  et  commentaire  prolixe.  Les  psaumes  sont  analysés  de 
façon  à  y  retrouver  tous  les  613  commandements.  Beaucoup  d'emprunts  faits 
sérieusement  aux  allégories  de  fantaisie  des  docteurs.  Labeur  patient,  sans 
valeur  et  sans  intérêt. 

'in'^D  mD'^'ltl  'D  La  destruction  de  Betbar,  2*  édition  augmentée,  par  Kal- 
man  Scbulmann.  Vilna,  libr.  V^  Romm,  1884,  in-8°  de  128  p. 

La  première  édition  a  paru  il  y  a  vingt-cinq  ans  et  a  été  épuisée  en  un 
an.  Un  avant-propos  met  en  relief  la  haine  d'Adrien  pour  les  Juifs  et  dit 
que  la  religion  juive  ordonne  detre  fidèles  au  gouvernement,  quoiqu'il 
soit.  Tel  est,  dit  l'auteur,  le  but  du  livre. 

L'introduction  (qui  faisait  partie  de  la  1''®  éd.)  est  consacrée  à  l'histoire 
de  Bar  Cocbba,  en  vue  de  faire  comprendre  le  roman,  qui  n'est,  comme 
l'avoue  l'auteur  lui-même,  qu'une  paraphrase  de  Tlsraelilischer  Musen- 
Almanach  du  D""  Samuel  Meir,  rabbin  de  Hechingen. 

Ouvrage  patriotique  et  religieux.  Nous  y  retrouvons  les  qualités  et  les  dé- 
fauts ordinaires  du  style  de  M.  Schulman,  c'est-à-dire  la  facilité  et  l'élégance 
à  côté  de  la  prolixité  et  de  l'inexactitude.  Nous  y  relevons  des  mots  comme 
ri'n3'5}3  pour  dire  mégère,  sorte  de  calembour  que  notre  auteur  affectionne 
particulièrement.  En  somme,  lecture  agréable. 

2b"l3>  ^12'^  "^121  'o  Histoire  universelle,  par  Kalman  Schulman.  Vilna,  impr. 
V»  Romm,  1883,  in-8°  de  205  p. 

Huitième  et  probablement  dernier  volume  de  l'Histoire  universelle  de 
K.  Schiilman,  œuvre  à  laquelle  il  attache  un  grand  prix.  Ce  volume  con- 
tient un  aperçu  de  la  littérature  et  de  la  science  européennes  à  partir  de 
Heine  et  Bœrne  jusqu'à  l'année  dernière,  puis  un  résumé  des  événements 
qui  se  sont  passés  en  Allemagne,  en  Autriche  et  en  Russie  depuis  la 
guerre  de  France.  Plus  de  la  moitié  du  volume  est  consacrée  à  l'histoire 
de  la  Turquie  et  surtout  de  la  dernière  guerre  d  Orient.  Toujours  le 
même  style  facile,  élégant  et  ampoulé.  Absence  d'idées,  ignorance  des  faits, 
compilation  sans  ordre  et  sans  système,  oublis  impardonnables,  détails 
surabondants.  Ce  n'est  pas  un  livre,  c'est  un  cahier  d'écolier.  Utile  pour- 
tant en  Russie,  où  nombre  de  personnes  s'initient  par  des  ouvrages  de  ce 
genre  aux  progrès  de  la  science  moderne  et  puisent  dans  de  semblables 
lectures  le  goût  pour  l'élude. 

winnrs  b^«T:i■'    mnbin  'd  "in  timn  IT^bn,  par  Klaczo.  Varsovie,  chez  Hms, 
1883,  in-8"de  16-f  96  p. 

L'auteur,  maître  fl'école  a  Rostow  sur  le  Don,  expose  dans  une  courte 
préface  (en  russe  et  en  hébreu)  le  but  et  le  plan  de  louvrage,  qui,  eu  vue 
d'économiser  à  l'élève  le  temps  nécessaire  pour  se  famil  ariser  avec  la  Bible, 
lui  présente  le  Pontateuque  sous  forme  d'un  livre  de  lecture  selon  It  mé- 


BIBLIOGRAPHIR  315 

thode  d'Ahn  ou  d'Ollendorf.  La  langue  de  M.  K.  est  assez  pure,  le  choix  des 
morceaux  assez  heureux,  le  système  assez  pralique;  c'est  un  bon  manuel; 
mais  tous  ces  manuels  portent  des  coups  sensibles  à  l'étude  approfondie  des 
textes  et  éloignent  l'enfant  de  la  connaissance  de  la  Bible. 

3>015tl  Le  voyageur,  par  Baer  Ilofîfmann.   Vilna,  chez  Katzenellenbogen, 
1883,  in-io'de  144  p. 

Compilation  géographique  absurde,  fourmillant  d'erreurs  matérielles  (la 
girafe  a  vingt  pieds  de  haut,  elle  a  des  cornes  de  quatre  coudées,  etc.),  en 
dépit  de  la  haute  opinion  que  M.  Hofman  a  de  son  livra  i^V.  la  préface). 

)M<!}i  '1:3123,  par  Michel  Gordon.  Varsovie,   chez  Baumritter,   1884,  in- 16  de 
58 +  108  p. 

Satire  amère  de  l'ignorance  et  de  la  fatuité  de  maint  auteur,  qui  en  im- 
pose par  une  science  de  mauvais  aloi,  un  fatras  indescriptible  de  paroles  el 
un  «  pilpul  »  creux.  Beaucoup  d'esprit  et  de  malice. 

dlîîil  npbn  'O,  par  Moïse  Kohn  Reichersohn.  Vilna,  chez  Fin,  Ro^enkranz 
et  Schriftsetzer,  1884,  in-8«  de  176  p. 

Ce  volume  forme  la  3°  partie  de  la  grammaire  hébraïque  de  M.  Reicher- 
sohn, un  des  derniers  d'^b''!D"Ûi!?3-  Le  premier  volume,  sur  les  voyelles,  a 
paru  il  y  a  vingt  ans;  le  deuxième,  sur  les  verbes  et  les  particules,  a  été 
imprimé  il  y  a  onze  ans;  celui-ci,  qui  parle  du  nom,  vient  de  sortir  des 
presses  de  Vilna;  le  quatrième,  qui  traite  de  la  syntaxe,  est  encore  en 
manuscrit.  C'est  une  œavre  intéressante  et  complète,  mais  qui,  malheu- 
reusement, laisse  de  côté  l'origine  et  la  transformation  historique  des 
flexions  et  des  désinences.  Sa  place  est  néanmoins  marquée  dans  la  biblio- 
thèque de  tout  hébraïsant.  Ce  livre  est  surtout  appelé  à  rendre  de  grands 
services  en  Russie,  où  la  pureté  de  la  langue  commence  à  s'altérer. 


Publications  pouvant  servir  à  l'histoire  dto  Judaïsme  moderne. 


'2TÛ  d^  "ind  The  crown  of  a  good  Name,  a  brief  account  of  a  few  of  thc 
Doiugs,  preachings  and  compositions  on  Sir  Moscs  Montefiore's  natal 
day,  november  8.,  1883.  Publié  par  M.  H.  Guedallah.  V^  fascicule  : 
Londres,  impr.  Werlheiner,  in-8°  de  71  p. 

Contient  un  choix  de  lettres  de  félicitations  adressées  à  sir  Moses 
Montefiore  à  l'occasion  de  son  centenaire.  Ces  documents  sont  eu  grande 
partie  en  hébreu  ou  bien  le  texte  original  est  accompagné  d'une  traduction 
hébraïque.  Ils  comprennent,  entre  autres,  un  télégramme  de  S.  M.  la  reine 
d'Angleterre  et  un  autre  de  S.  H.  le  duc  d'Edimboug. 

AuERBA-CH  (Berthold).  Briefe  an  seinen  Freund  Jakob  Auerbach.  Ein  bio- 
graphisches  Denkmal  ;  mit  Vorbemcrkungen  von  Friederich  Spielhagen 
und  dem  Herausgeber.  Francfort-s./-M.,  libr.  Kiilten  et  Lœuing  ;  2  vol. 
m-8<^  de  xvii-413  +  482  p. 

Baumbach  (Karl).  Eduard  Lasker.  Biographie  und  lelzte  offentliche  Rede  ; 
fernerdrei  Gedenkeblatter  von  II.  Rickert,  Albert  Hiincl,  Rudolf  Gneist, 
und  Nekrolog  ;  mit  Portrat.  Stuttgard,  libr.  Levy  et  Millier,  iu-8^  do 
32  p. 

Demidofp  (Prince)  ^^{^-1) ,91^4.^0.  The  Jejvish  puestion  ift  Russ^^.  "fransla- 


316  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

ted  from  the  Russian  » . .    by  J.  Michell,  H.-M .  consul,  St.  Petersburgh. 
Londres,  Darling,  in-8®  de  vi-105  p.,  plus  2  tableaux. 

Heine  (Heinrich).  Memoiren  und  neugesammelte  Gedichte,  Prosa  und 
Briefe,  mit  Einleitung,  berausggb.  von  Eduard  Engel.  Hambourg,  Hoff- 
mann et  Campe,  in-8°  de  359  p. 

Heine  (Henri).  Mémoires,  traduction  de  J.  Bourdeau.  Paris,  libr.  Calmann- 
Lévy,  in-12  de  xvi-142  p. 

Signalons  à  l'occasion  de  cet  ouvrage  un  article  de  M.  Montégut  sur 
Henri  Hèinc,  dans  un  des  derniers  numéros  de  la  Itevue  des  Deux  Mondes. 

Jellinek  (Ad.).  Aus  der  Zeit,  Tagesfragen  und  Tagesbegebenheitein.  — 
I.  Série.  Budapest,  impr.  Sam.  Markus,  in-8°  de  90  p. 

RosENTHAL  (Ludwig-A.).  Lazarus  Geiger,  seine  Lehre  vom  Ursprunge  der 
Sprache  und  Vernunft  und  sein  Leben.  Stuttgart,  libr.  Scbeible,  in-8°  de 
xii-156  p. 

Lazarus  Geiger  est  né  à  Francfort-sur-Moin,  en  1829,  il  est  mort  eu 
"août  1870,  il  fut  attaché  comme  professeur  à  la  Realschule  israélite  de 
Francfort;  M.  R.  nous  donne  la  liste  de  ses  travaux  de  philosophie  et  de 
philologie  qui  ont  acquis  une  grande  célébrité  en  Allemagne. 

Strodtmann  (Adolf).  H.  Heines  Leben  und  Werke,  3^  édit.  Hambourg, 
Hoffmann  et  Campe,  2  vol.,  in-8o  de  712  +  460  p. 

WOLFF  (Arthur).  Zur  Erinnerung  on  Eduard  Lasker.  2'  édit.,  Berlin,  libr. 
Pohl,  in-8"'  de  61  p. 


périodiques, 


1^)2b^\  rr^m  Beth-Talmud  (Wien,  mensuel).  4^  année,  n°  2.  Friedmann  : 
Les  divisions  du  Pentalcuque  (suite).  —  Jacob  Brill  :  Promulgation 
de  la  Loi  et  écriture  de  la  Loi.   —  N.  Brill  :   Notes  talmudiques  (suite). 

—  Jacob  Reifmann  :  Notes  talmudiques  et  midrascliiques  (suite).  — 
Salomon  Buber  :  Notes  de  littérature  rabbinique.  —  H.  Oppenheim  : 
Aggadot.  =  =  N**  3.  Friedmann  :  Sur  l'enterrement  d'un  Noachide  dans 
un  cimetière  israélite.  —  Oppenheim  (suite).  —  N.  Brill  (suite).  — 
J.  Reifmann  (suite).  —  Meir  Kohn  Bistritz  :  Notes  sur  le  Midrasch  rabba. 

—  Joël  Millier  :  Consultations  rabbiniqucs  (Cémah  gaon,  R.  Nahschon, 
Saadia,  R.  Amram,  Natronaï,  etc.).  =  =  N^  4.  Friedmann  (suite).  — 
Jacob  Brill,  H.  Oppenheim,  N.  Brill  :  Notes  talmudiques.  —  J.  Reifmann  : 
Notes  sur  le  Midrasch  Tillim.  —  J.  Millier  :  Consultations  (suite  ;  Sche- 
rira,  R.  Amram,  R.  Ilillaï,  etc.). 

nnUJ!!  Haschachar,  DIo  Morgenrothe  (Wien,  périodicité  non  indiquée). 
IP  année,  n°^  11  et  12.  David  Kahana  :  Etude  historique  et  archéolo- 
gique sur  Salomon.  —  Maassc  Merkaba,  par  Rubin.  —  Ilollub  :  Histoire 
des  médecins  juifs.  =  r^  12'  année,  n°  1.  Voyage  de  Salomon  Rinman 
dans  l'Inde,  en  Birmanie  et  en  Chine,  arrangé  et  annoté  par  W.  Schur. 

—  David  Kahana  :  Séfer  'maassé  ibn  Rèschcf  (sur  Firkowilsch  et  les  Ca- 
raïtes).  ==  N°'  2,  3.  Riuq^ian  (suite).  —  Kahana  (suite). 


BIBLIOGRAPHIE  il? 

Comptes*rendus  de  rAcadémie  des   Inscriptions  et  Belles-Lettres 

(Paris,  trimestriel),  é"  série,  tome  XI.  ==  Juillet-septembre  1883.  Victor 
Guérin  :  Les  populations  diverses  du  Liban.  —  P.  381,  mention  d'un 
opuscule  de  M.  Clermont-Ganneau,  intitulé  :  Epigraphes  des  ossuaires 
juifs  trouvés  aux  environs  de  Jérusalem.  =^=:  Octobre-décembre  1883. 
Barbier  de  Meynard  :  Notice  sur  le  congrès  des  orientalistes  de  Leyde. 

—  P.  469.  L'académie  proroge  à  l'année  1886  le  prix  sur  la  question 
suivante  :  Faire  Fénumération  complète  et  systématique  des  traductions 
hébraïques  qui  ont  été  faites  au  moyen-ûge,  d'ouvrages  de  philosophie 
ou  de  science,  grecs,  arabes  ou  même  latins.  —  P.  472.  Annonce  du  prix 
sur  la  question  suivante  :  Classer  et  identifier  autant  qu'il  est  possible 
les  noms  géographiques  de  l'occident  de  l'Europe  qu'on  trouve  dans  les 
ouvrages  rabbiniques  depuis  le  x*  siècle  jusqu'à  la  fin  du  xv°.  Dresser 
une  carte  de  l'Europe  occidentale  où  tous  ces  noms  soient  placés,  avec 
signes  de  doute,  s'il  y  a  lieu.  (On  sait  que  ce  prix  a  depuis  été  décerné  à 
notre  ami  M.  Ad.  Neubauer.) 

Jûdisches  Litf  eraturblatt  (Magdebourg,  hebdomadaire  ;  supplément  à  la 
Wochenschrift).  13»  année.  ==  N**  1.  Luther  und  die  Juden.  :==. 
N°2.  Kroner  :  Postcript  zu  den  bisherigen  Urtheilen  iiber  Prof.  Delitzsch's 
Schrift  Schachmatt.  ==  N*'  3.  A.  Lewin  :  Sûskind  von  Trimberg.  — 
Herzfeld  :  Référât  iiber  sein  Buch  «  Einblicke  in  das  sprachliche  der 
semitischen  Vorwelt.  =  =:  N"  4.  Lewin  (suite).  —  Herzfeld  (suite).  = 
=  N^  5.  Treitel  :  Kompert's  gesammelte  Schriften.  —  Kroner  :  Collec- 
tanea  (zur  Pesikta  des  R.  Kahana).  =  =  N°  6.  Treitel  (suite).  =  =  N°  7. 
A.  Nager  :  Die  70  Gottesnamen.  =  =  N'^8.  Lord  Byron  und  seine  Ilebrew 
Mélodies.  —  Lewin  :  Siisskind,  etc.  —  Nager  (suite).  —  Kroner  :  Col- 
lectanea  (b'^bp^LÛON).  ==  N^  9.  Die  Juden  in  Bosnien.  ==  N*^  10. 
Kroner  :  Collectanea  (!S'^D"l^3>72).  =  =  N*^  11.  Lewin  :  Justus  Judenspiegel. 

—  Kroner  :  Collectanea,  ==  N°  12.  Lewin  (suite).  ==  N°  13.  Lewin 
(suite).  —  O.  Strachun  :  Massoretische  Bemerkungen.  =  =  N°  15-16, 
Lewin  (suite).  —  Reinheiner  :  Zur  Geschichte  der  Juden  in  Odernheim. — 
Juden  in  China.  —  Garo  :  Toleranz  im  Alterihum  (Ascheri).  ==:  N*^^  18 
et  19.  Aus  dem  socialen  Leben  im  jiidischen  Alterthum.  —  Lewin 
(suite).  —  Rens  :  Zur  Erklârung  biblischer  Eigennamen.  =■=  N°*  20, 
21  et  22.  Aus  dem  socialen  Leben  (suite).  —  Lewin  (suite).  — Die  Syna- 
gogen  der  Talmudzeit.  ==  N°^  23  à  26.  L.  Stein  :  Berthold  Auerbach's 
Briefe.  —  Lewin  (suite).  ==  N*^®  27  et  28.  Der  Process  des  ragusinichen 
Israeliten  Isaak  Jesurun  im  Jahre  1622.  —  Lewin  (suite).  —  Kroner  : 
Collectanea  C;"*Ti^m).  ==  Rothschild  ;  Alte  Stimmmen  liber  juden- 
feindliche  Ankalgen.  —  Lewin  (suite).  —  Der  Process...  1622  (suite). 
=  ==:  N®  30.  Lewin  (suite).  —  Berliner  Rabbinen. 

Israelietische  Letterbode  (Amsterdam,  sans  périodicité  déterminée). 
8''  année,  p.  149  et  suiv.  :  Die  Masora  (suite).  —  Stcinschueider  :  Aus 
Handschriften  (préface  de  Juda  Natan  à  la  traduction  de  l'ouvrage  de 
médecine  d'Abu  s-Salt  Omajja,  mort  1133-34,  et  commencement  de  l'ou- 
vrage. =  =  9®  année,  p.  1  à  156.  J.-D.  Wijnkoop  :  Essay  ou  the  signiti- 
cation  of  the  word  Inn:^.  —  Die  Masora  (suite).  —  L.  Wagenaar  :  De 
Talmud  en  de  oudste  geschiednis  van  het  Christendom. 

Magazin  fikr  die  Wissenschaft  des  Judenthums  (Berlin,  trimestriel). 
10*  année,  2*  et  3'  trim.  D,  Hoffmann  :  Ueber  dio  Mânner  der  Grossen 


318  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Versammiung.  —  H.  Gross  :  Das  handschriftliche  Werk  Assufot.  -^  H. 
Hirschfeld  :  Bemerkûngen  zu  Jehuda  ibn  Tibbons  Uebersetzung  des 
Bûches  Al-Chazark.  —  M.  Steinschneider  :  Medicinische  Handschriften. 
—  M.  liorwitz  :  Zur  Biographie  Josef  Sâlomo  Delmedigo's.  =  =  N°  4, 
manque.  ==11^  année.  1*^''  trim.  Gabor  Goitein  :  Das  Leben  und  Wir- 
ken  des  Patriarchen  Hillel.  —  D.  Hoffmann  :  Bemerkûngen  znr  Kritik 
der  Mischna.  —  Ravitzki  :  Ueber  den  Kaiserschnitt  im  Talmud. 

Populiir  wisscnschafiliche  3Ionatsblâtter  (Francfort-sur-Mein,  men- 
suel). 4®  année  (1881).  ==  =  N°  1.  Ad.  Rosenzweig  :  Das  babylonische 
Exil  und  das  Jahrhundert  nach  demselben.  — J.-S.  Bloch  :  Von  der  Ele- 
menlarschule  und  dem  Erziehungswesen  des  Alterlhums,  =  =  N'^  2.  Das 
Neujahr  der  Baume.  —  Bloch  (suite).  —  Rosenzweig  (suite).  =  =  N°  3. 
Der  Saragossa  Purim  in  Jérusalem.  —  Bloch  (suite).  —  Rosenberg  :  Die 
ethische  Tendenz  im  geschichtl.  und  gesetzlich.  Telle  der  Eibel.  —  Ro- 
senzweig (suite).  :==  N*' 4.  Rosenzweig  (suite).  ==  N^  5.  Adolf  Cre- 
mieux.  —  Rosenzweig  (suite).  =  =  N^*  6  et  7.  M.  Dessauer  :  Humanilat 
im  Judentum.  —  Mannheimer  :  Einige  Reflexionen  iiber  den  2.  Kreuzzug 
von  1146.  —  Adolf  Cremieux  's  Kindheit.  ==  N^  8.  Selver  :  D'"  Leo- 
pold  Zunz,  zum  10.  August.  —  Levin  :  Der  Getthojude  vor  dem  Titusbo- 
gen  in  Rom.  —  Les  chroniques  de  ce  journal  sont  excellentes,  rempUcs 
de  faits  et  de  renseignements  précis. 

nionatsschrift  fiir  Gcsrhichte  und  Wissenscliaft   des    Jadentlmnis 

(Krotoschin,  mensuel),  32°  année,  n°  13.  W.  Bâcher  :  Die  Agada  dor 
Tannaiten.  —  J.  Landsberger  :  Geschichte  der  Juden  in  Breslau  ; 
Abschn.  I,  bis  zur  grossen  Verfolgung  im  Jahre  1349.  —  S.  Bach  :  Die 
Fabel  in  Talmud  und  Midrasch.  —  Egers  :  Aus  einem  Briefe  von  Prof. 
Kaufmann  (sur  une  poésie  d'Abr.  ibn  Ezra).  ^=:  =:  33°  année,  n°  1.  Gractz  : 
Exegetische  Studien  zu  den  Salomonischen  Spriichen.  —  Leop.  Lôw  : 
Der  synagogale  Ritus.  —  D.  Kaufmann  :  Muammar  as-Sulami  und  der 
unbekannte  Gaon  in  Ibn  Esra's  Jesod  Mora.  =  =  N°  2.  Fraukl  :  Ueber 
die  Stellung  der  deutschen  Juden  innerhalb  der  gesammten  Judenheit. 
—  S.  Back  (suite).  —  Graetz  :  Nolizcn  (Die  Frau  des  Turnus  Rufus  ;  Die 
Bedeutung  des  Vcrbums  yh^  ;  Mar  Samuels  Kalenderkunde).  ==  N°  3. 
Graetz  :  Ueberbleibsel  der  sabbalianischen  Sektc  in  Salonichi.  —  Egers  : 
Akrosticha  mit  bcsonderer  Berûcksichtigung  der  Dichlungen  Abraham 
ibn  Esra's.  —  W.  Bâcher  :  Die  Agada  der  Tannaiten.  =  =:  N^  3.  Leop. 
Low  :  Der  synagogale  Ritus.  —  S.  Back  (suite).  —  W.  Bâcher  (suite).  = 
=  N''  4.  Graetz  :  Excgel.  Studien  zu  den  Salom.  Spriichen  (suite).  — 
L.  Low  (suite).  —  W.  Bâcher  (suite).  —  Louis  Noustadt  :  Zur  Geschichte 
der  deutschen  Juden  im  xvi.  Jahrhundert  (expulsion  des  Juifs  des  duchés 
d'Ansbach  et  Bayreulh,  1515).  ==:  N°  5.  Graetz  (suite).  —  D.  Kauf- 
mann :  Jehuda  llalevi  und  die  Lehrc  von  der  Ewigkeit  der  \Velt.  — 
L.  Lôw  (suite).  —  W.  Bâcher  (suite).  —  Alex.  Kohut  :  Die  Auflôsung 
eines  talmudischeu  Rébus.  —  Ilarkawy  :  Notiz  (Fragments  anciens  de 
manuscrits  bibliques  dans  une  écriture  carrée  très  spéciale  et  dont  on  n'a 
pas  encore  vu  de  spécimen,  apportés  de  Rhodes  par  un  matelot  grec  ; 
des  fac-similés  photographicjucs  seront  prochainement  publiés).  =  = 
N*^  6.  Graetz  (suite).  —  S.  Back  (suite).  —  W.  Bâcher  (suite).  —  Egers  : 
Aus  Moscs  b.  Esra's  Diwan.  ==  N''  7.  Graetz  (suite).  —  Lôw  (suite). — 
D.  Kaufmann  :  Muammar,  etc.    suite). 

IsruelUiNclio  Monafssclirift  (Berlin,  supplément  à  la  Jiid.  Presse).  Anuée 


BIBLIOGRAPmi':  319 

1884,  n»  1.  Das  Schilo  im  Segen  Jakobs.  ==  N*»  «.  Ed.  Banelh  :  Dcr 
Synagogcnkalender  und  sein  Veihullniss  ziim  bûrgcrlichen  Kalender.  = 
=  N*^  3.  Feilchenfeld  :  Ein  schwieriger  Psalmvers  und  ein  vermisster 
Psalm.  =  =  N"  4.  Zur  Pessach-IIaggadah.  —  Feilchenfeld  (suite).  =  = 
N""  5  et  G.  II.  Ilirschfeld  :  Das  Chazarenreicb. 

Mosè,  Antologîa  israelitica  (Clorfou,  mensuel).  7*^  année.  =  =  N°*  1  et 
2.  P.  Perreau  :  Inlorno  al  comento  inedito  ebreorabbinico  de  R.  Immanuel 
ben  Salomo  sopra  Giobbe.  =  ::=  N°*  3  et  4.  Scnatore  Francesco  Perez  : 
Sopra  Filone  Alcssandrino  e  il  suo  libro  detto  La  sapienza  di  Salomone. 

—  M.  Mortara  :  Origine  del  accusa  del  cibarsi  di  sangue  umano  nelle 
agapi  dei  primi  cristiaai.  —  Perreau  (suite).  =  =  N°  5.  Perez  (suite).  = 
=  N°  6.  Perreau  (suite).  —  Perez  (suite). 

Palestine  Exploration  Fund  (Londres,  trimestriel).  Janvier  1884.  C- 
W.  W.  :  Notes  to  accompany  a  map  of  tlie  late  Rev.  F.  \V.  Ilolland's 
journcy  from  Nukl  to  Ain  Kadeis,  Jebel  Magrah  and  Ismaila.  —  Captain 
Conder  :  Hamathite  and  Egyptian  ;  Hittite  geograpby;  Jérusalem  at  Ihe 
Kings  ;  Disc  slones  ;  Pillar  or  garrison  ?  —  Lawr.  Oliphant  :  The  Khur- 
bots  of  Carmel.  —  Col.  Sir  C.-W.  Wilson  :  Récent  Biblical  Research  in 
Palestine,  Syria  and  Asia  Minor.  —  II. -B .-S.  W.  :  The  nameless  cily 
and  Saul's  journey  to  and  from  it.  —  II. -G.  Tomkins  :  Egyptology  and 
the  Bible.  —  II.-G.  Tomkins  :  The  forteress  of  Canaan.  —  W.-F.  Birch  : 
Ilidings-Places  of  Canaan  ;  Notes  on  prse-exilic  Jérusalem  ;  The  wathers 
of  Shiloah;  The  city  of  David  and  Josephus.  —  E.  Flecker  :  Hebrew  ins- 
criptions. —  P.  Mearns  :  The  site  of  Emmaus.  —  Clermont-Ganneau  : 
Two  inscriptions  of  King  Nebuchadnezzar  on  Libanon.  —  Clermont- 
Ganneau  :  Genuine  and  false  inscriptions  in  Palestine.  =  =^  Avril  1884. 
Professor  Hull's  letters.  —  Hull  :  Narrative  of  an  expédition  through 
Arabia  Petrœa,  the  valley  of  the  Araba  and  Western  Palestine.  —  Letter 
from  capt.  Kirtchener.  —  On  the  relations  of  land  and  sea  in  the  isthmus 
of  Suez  at  the  time  of  the  Exodus.  —  M.  Maspero's  work  in  Egypt.  — 
Pillar  or  Garrison?  —  The  nameless  city. 

Revue  de  Tliistoire  des  religions  (Paris,  bimestriel).  =  :=  4®  année, 
tome  VII,  n**  3.  E.  Beauvais  :  L'Elysée  transatlantique  et  l'Eden  occi- 
dental, première  partie.  —  Maurice  Vernes  :  Les  débuts  de  la  nation 
juive,  chap.  i^"",  Epoque  dite  des  Juges,  débuts  de  Saûl.  =  =  N°4.  M.  Ni- 
colas :  Etudes  sur  Philon  d'Alexandrie.  —  J.  Menant  :  Le  panthéon 
assyro-chaldéen.  —  A.  Kuenen  :  Esdras  et  l'établissement  du  Judaïsme. 
=::  =  N**  5.  Michel  Nicolas  :  Eludes  sur  Philon  d'Alexandrie.  —  Maurice 
Vernes  :  Les  débuts  de  la  nation  juive,  chap.  ii,  Etat  social  et  politique. 

—  A.  Bouché-Leclercq  :  Les  oracles  sibyllins  traduits  (livres  II  et  III, 
première  partie).  —  P.  GG9  et  suiv.,  signale  :  1°  dans  Archives  des 
missions  scientifiques,  t.  IX,  Premiers  rapports  sur  une  mission  en 
Palestine  et  en  Phénicie  entreprise  en  1881,  par  Clermont-Ganneau  ; 
2°  Erler,  Les  persécutions  contre  les  Juifs  au  moyon-ûge,  dans  Archiv 
fur  Katholisch.  Kirschenrecht,  1882,  fasc.  4-5,  suite.  =  =  N**  6.  E.  Beau- 
vais :  L'Elysée  transatlantique,  etc.,  suite.  —  Maurice  Vernes  :  Les  dé- 
buts, etc.  (suite),  chap.  m  et  dernier^  Les  Israélites  constitués  en  nation 
par  Saûl  et  David.  —  Michel  Nicolas  :  Etudes  sur  Philon  d'Alexandrie, 
cinquième  et  dernier  article.  —  P.  783,  signale  :  François  Leuormant, 
Kittim,  étude  d'ethnographie  biblique,  dans  Revue  des  questions  histo- 


320  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

riques,  P''  juillet  1883  ;  p.  787  ;  par  le  même,  Les  inscriptions  hittites, 
dans  journal  des  savants,  juin  1883.  =  =  Tome  IX,  n°  1.  L.  Massebieau  : 
Les  sacrifices  ordonnés  à  Carlhage  au  commencement  de  la  persécution 
de  Décius.  =  =  M".  2.  A.  Bouché-Leclercq  :  Les  oracles  sibyllins  (fin). 
—  P.  235  et  suivantes,  signale  :  Karl  Budde,  Die  biblisclie  Urgescbichte, 
Giessen,  1883;  •Samuel  Berger,  La  Bible  française  au  moyen-âge,  Paris, 
1884  ;  Rosseuw  Saint-Hilaire,  Etude  sur  l'ancien-teslament,  Paris,  1884  ; 
A.  de  Chambrun  de  Rosemont,  Essai  d'un  commentaire  scientifique  sur 
la  Genèse,  Paris,  1884.  =  =z  N°  3.  Edouard  Montet  :  Les  origines  de  la 
croyance  à  la  ^ie  future  chez  les  Juifs.  —  J.  Lieblein  :  Le  mythe  d'Osiris. 
<—  Le  comte  Goblet  d'Alviella  :  Etudes  d'histoire  religieuse  contempo- 
raine ;  Harrison  contre  Spencer  ;  sur  la  valeur  religieuse  de  l'inconnais- 
sable. —  P.  371,  signale  :  John  Yiénot,  Etude  critique  des  renseigne- 
ments parallèles  du  livre  des  Rois  et  du  prophète  Isaïe  sur  le  règne 
d'Ezéchias.  —  P.  415,  signale  :  C.  Seligmann,  Das  Buch  der  Weisheit 
des  Jésus  Sirach  in  seinem  Yerhaltnisse  zu  den  salomonischen  Spruchen, 
Breslau  (1884?). 

Studien  und  Kritiken  (herausgegeben  von  D^  M.  Grùnwald  ;  Belovar, 
trimestriel).  Ce  journal  remplace  le  Cenlralbatt,  édité  précédemment  par 
le  môme.  P.  83  et  suiv.  (formant  le  commencement  de  cette  publication, 
pagination  faisant  suite  au  Centralblatt).  Leop.  Eisler  :  Einiges  zur  Text- 
kritik  des  Midrasch  Tanchuma.  —  A.  Roth  :  Die  Grundprincipien  der 
Ethik  im  Judenthumc.  —  Spitzer  :  Ueber  Baden  und  Biider  bei  den  allen 
Ilebraern,  Griechen  und  Rômern.  —  Griinwald  :  Zur  Etymologie  des 
Wortcs  Yi'^'^:^.  =  =  Juillet-sept.  1883.  Sepp  :  Das  Kriegstheater  von 
Bethar  bcim  Aufruhr  des  Simon  bar  Cochba.  —  Carmina  inedita  et  raris- 
sima  edidcrunt  M.  Grùnwald  et  Antouino  Caznacich.  Elegia  Jacopi  Flavii 
Eborensis  seu  Didaci  Pyrrhi  Lusitani.  —  Steinschneider  :  Candia,  literar- 
historische  Skizzen  (traduit  de  l'italien).  ^-—  Oct.-déc.  1883.  Spitzer 
(suite). 

Magyar-Zsido  Szeiule  (Budapest,  mensuel,  en  hongrois).  V^  année.  =  =: 
Janvier.  S.  Êohn  :  Sur  les  Juifs  et  les  Hongrois  au  temps  de  l'arrivée  de 
ces  derniers  ;  extrait  de  l'ouvrage  préparé  par  M.  K.  sur  l'histoire  des 
Juifs  en  Hongrie.  —  A.  Ilochmuth  :  Rapports  entre  le  juda'isme  et  le 
christianisme  dans  les  deux  premiers  siècles.  —  D.  Kaufmaun  :  L'anti- 
sémitisme. —  L.  Paloczi  :  Etat  de  la  civilisation  en  Hongrie,  principa- 
lement chez  les  Juifs,  d'après  les  publications  officielles  relatives  au 
dernier  recensement.  =  =  Février.  A.  Ilochmuth  (suite  et  fin).  —  J. 
Goldzihcr  :  La  science  biblique  et  la  vie  religieuse  moderne.  —  A.  Ko- 
hut  :  Mitatrou-Milra.  —  I.  Lœw  :  Sur  une  nouvelle  traduction  hongroise 
des  Psaumes.  —  Catéchismes  juifs,  liste  chrouologiquc  (ajouter  :  1.  Nou- 
veau précis  élémentaire  d'instruclion  religieuse  et  morale  à  l'usage  de  la 
jeunesse  française  Israélite,  par  Michel  Berr  ;  Nancy,  impr.  et  libr.  A. 
Paullct,  1839,  in-S*^  de  xvi-102  p.  ;  2.  Jacques  Auscher  :  Nouveau  caté- 
chisme ù  l'usage  de  la  jeunesse  israélite;  Besançon,  1868).  —  D.  Kauf- 
niann  :  Du  calccbisme  juif.  —  Paloczy  (suite).  =  =:  Mars.  I.  Goldzihcr 
(suite).  —  E.  Neumanu  :  Le  dogme  juif.  —  L.  Paloczy  (suite).  —  H.  Bloch  : 
Rccensiou  du  nouvel  ouvrage  de  Gregorovius  sur  l'empereur  Adrien.  — 
Un  document  de  l'an  1800  par  lequel  l'empereur  François  refuse  à  la  com- 
munauté israélite  de  Pcsl,  jusque-là  dépendante  de  celle  d'All-Ofen,  le 
droit  d'avoir  un  rabbin  à  elle.  =  =  Avril.  Kayserliug  :  Rcccnsion  de  l'eu- 


BIBLIOGRAPHIK  321 

vrage  de  M.  de  Castro  sur  les  pierres  tumulaires  d'Ouderkerk.  —  M.  Sza- 
lardi  :  La  population  de  la  capitale  d'après  les  confessions.  —  Lettres 
russes,  I.  —  S.  Karman  :  Principes  et  système  de  l'enseignement  reli- 
gieux. =  =:  Mai.  H.  Bloch  :  Les  ancêtres  des  Juifs  et  les  Hyksos.  — 
M.  Wettmann  :  Une  nouvelle  complication  dans  la  législation  du  ma- 
riage (au  sujet  du  mariage  des  prosélytes).  —  Paloczy  (suite).  —  A. 
Schwarz  :  L'organisation  delà  communauté  juive  à  Bade.  =  =  Juin. 
D.  Kauffmann  :  Le  90°  anniversaire  de  la  naissance  de  L.  Zunz.  —  D. 
Banoczi  :  L'académie  des  sciences  de  Hongrie.  —  Kardos  :  Recension  du 
Judenspiegel  publiée  par  Karl  von  Amira.  —  Deux  documents  relatifs  aux 
Juifs  de  Hongrie  et  à  leur  action  patriotique,  l'un  du  3  avril  1848,  signé 
de  Pulski,  au  sujet  des  émeutes  contre  les  Juifs  *,  l'autre  du  6  août  1849, 
après  la  répression  du  mouvement  révolutionnaire  ;  amende  de  50,000  fl . 
imposée  aux  Juifs  de  Szegedin  et  d'une  autre  localité. 

Il  Vessillo  israelitico  (Gasale-Monferrat,  mensuel) .  32®  année.  =  = 
N<*  1.  P.  Perreau  :  Grammatica  e  litteratura  neo-ebraica.  —  L.  Chirtani  : 
Li  editori  Trêves.  ==  '^^  2.  P.  Perreau  :  L'impero  degli  Hitti.  =z  — 
N^  3.  E.  Benamozegh  :  DeJ  taamim.  —  P.  Perreau  (suite).  =  =  N°  4. 
Perreau  (suite).  =:==  N°  5.  E.  Benamozegh  :  Bimetallismo  e  monometal- 
lismo  nella  Misna.  —  Perreau  (suite).  =  —  N°^  6  et  7.  Benamozegh 
(suite).  ' —  L.  Luzzatto  :  Libri  ebraici  stampati  a  Mantova,  etc. 

Zeitschrift  der  deutschen  morgenlàndischen  Gesellschaft.  (Leipzig, 
trimestriel).  37®  vol.  3°  fascicule.  Guidi  :  Beitrâge  zur  Kenntnîss  des  neu- 
aramâischen  Fellihi-Dialektes.  —  D.-H.  Millier  :  Sabàische  Inschriften 
entdeckt  und  gesammelt  von  Siegfried  Langer.  —  Stickel  :  Zur  orienta- 
lischen  Sphragistik.  —  Fr.  Prâtorius  :  Tigrina-Sprûchwôrter.  —  J.  Lobe  : 
Noch  einmal  zur  Gesch.  der  Etymologie  von  Q^oç.  —  E.  Mayer  :  Ursprung 
der  sieben  Wochentage.  —  W.  Bâcher  :  Hebràisches  ^af  und  arabisches 
(punktirtes)  Ma.  —  Imm.  Lôw  :  Tosefta  -  herausgg.  von  D''M.-S.  Zucker- 
mandel.  —  Imm.  Low  :  R.  Payne  Smyth,  Thésaurus  syriacus.  =  =: 
Fasc.  4.  M.  Steinschneider  :  Die  Parva  naturalia  des  Aristoteles  bei  den 
Arabern.  —  Theodor  Nôldeke  :  Untersuchungen  zur  semitischen  Gram- 
matik.  —  Julius  Euting  :  Epigraphiches.  —  Ed.  Sachau  :  Ueber  den 
Palmyrensichen  vo'[xoç  t£);wvixo'ç.  —  Th.  Nôldeke  :  Duval's  Dialectes  néo- 
araméens  de  Salamâs.  ==  38'  vol.  Fasc.  1.  R.  Roth  :  Wo  wâchst  der 
Soma?  —  E.  Reyer  :  Altorientalische  Métallurgie. 

Zeitsclirift  des  deutschen  Paliâstina-Vereins  (Leipzig,  périodicité  non 
indiquée).  Vol.  VI,  fasc.  4.  A.  Socin  :  Bericht  ûber  neue  Erscheinungen 
auf  dem  Gebiete  der  Palâstinaliteratur.  —  K.  Budde  :  Die  hebr.  Lei- 
chenklage.  —  M.  Griinbaum  :  Bemerkungen.  —  H.  Guthe  :  Neue  Funde 
in  Nabulus,  r=  =  Vol.  VII,  fasc.  1.  G.  Gatt  :  Bemerkungen  iiber  Gaza 
und  seine  Umgebung.  —  G.  Schick  :  Das  altchristliche  Taufhaus  neben 
der  Kirche  in  Amwas.  —  A.  Leskien  :  Die  Pilgerfahrt  des  russischen 
Abten  Daniel  ins  heilige  Land  1113-1115.  ==  =  Fasc.  2.  Eijub  Abëla  : 
Beitrâge  zur  Kenntniss  aberglâubicher  Gebrâuche  in  Syrien.  —  J.-H. 
Mordtmann  :  Beitrâge  zur  Inschriftskunde  Syriens.  —  Karl  Marti  :  Das 
Thaï  Zeboim,  Sam.  I,  13,  Ib.  —  M.  Griinbaum  :  Nachtragliches  zu  Na- 
bulus  und  Garizim. 

Zeitschrift    fiir    die  alUestamentliche   Wissenschaft  (Giessen,  se- 
mestriel). Année  1884,  fasc.  1.   Vollers   :   Das  Dodekapropheton   der 
T.  VIII,  no  16,  2i 


322  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Alexandriner  (fin).  —  Franz  Delitzsch  :  Ueber  den  Jahve-Namen.  I.  Ue- 
ber  die  Aussprache  des  Tetragrammaton  ;  II.  Der  Name  ^inf;'^  bei  Lao-tse. 
—  Cari  Siegfried  :  Die  Aussprache  des  Hebrâisclien  bei  Hieronymus.  — 
C.-II.  Corni.ll  :  Die  Compositionen  des  Bucbes  Jesaja.  —  C.-H.  Gornill  : 
Gapitel  52  des  Bûches  Jeremia.  —  Oscar  Droste  :  Hiob,  19,  23-27. —  Paul 
Wurster  :  Zur  Characteristik  und  Geschichte  des  Priestercodex  und  Hei- 
ligkeits  Geselzes.  —  Julius  Grill  :  Beilrâge  zur  hebr.  Wort-und  Namen- 
erklârung.  I.  Ueber  Entstehung  und  Bedeutung  des  Namens  Jérusalem.  — 
B.  Stade  :  Miscellen  (Jes.  4,  2-6;  Jer.  3,  6-16;  Habakuk).  ==  Fasc.  2. 
Rud.  Smend  :  Anmerkungen  zu  Jes.  24-27,  —  M.  Wolfif  :  Zur  Charekte- 
ristik  der  Bibelexegese  Saadia  Alfajjiimîs.  —  E.  Nestlé  :  Zu  Daniel.  — 
B.  Stade  :  Miscellen  (Richt.,  14;  Jes.,  32-33;  Wie  hoch  belief  sich  die 
Zahl  der  unter  Nebucadnezar  nach  Babylonien  deportirlen  Juden  ?).  — 
W.  Nowack  :  Bemerkungen  iiber  das  Buch  Micha.  —  Karl  Budde  :  Seth 
und  die  Sethiten.  —  Bibliographie  (E.  Schwabe,  3  nach  seinem  Wesen 
u.  Gebrauche  im  A.  T.  Canon,  Halle  1883  ;  Kieperl,  neue  Handkarle  von 
Palœstina  1  :  800,000,  4°  édit.,  Berlin,  1883  ;  E.  Slapfer,  La  population  de 
la  Palestine  au  1°'"  s.,  dans  Rev.  théoL,  Montauban,  1884;  Aurès,  Essai 
sur  le  système  métrique  assyrien,  dans  Rec.  des  travaux  relatifs  à  la 
philolog.  et  à  Tarchéol.  égypt.  ;  St.  Guyard,  Quelques  remarq.  sur  la 
prononciat.  et  la  trauscript.  de  la  chuintante  et  de  la  sifflante  en  assy- 
rien, dans  Ztschr.  f.  Keilschriftforschuug,  1884  ;  Ilaupt,  Beitrage  zur 
assyr.  Lautlehre,  dans  Nachr.  v.  d.  K.  Gesellsch.  d.  Wiss.  zu  Gôttingen, 
1883  ;  Schrader,  Zur  Frage  nach  der  Ausspache  der  Zischlaule  im  Ba- 
bylon.  -  Assyrisch.,  dans  Ztschr.  f.  Keilschriftforsch.,  1884;  le  même, 
Zur  Frage  nach  dem  Ursprunge  der  altbabylon.  Cultur^  dans  Abhdl.  d.  K. 
pr.  Akad.  d.  Wiss.  zu  Berl.,  1883). 


Tlic  hebrcw  langiiage  viewed  in  thc  liglit  of  a^sisyrian  research,  by 

D'   Frédéric  Delitzscu,  professer   of  assyriology   in   the  uuiversily  of  Leipzig  ; 
Williams  and  Norgale,  London,  1883,  pet.  in-S",  p.  xn  et  73. 


Sous  ce  titre  M.  Frédéric  Delitzsch  a  réimprimé  avec  de  nouveaux 
développements  une  série  d'articles  qu'il  avait  publiés  Tannée  der- 
nière dans  VAthe7iœu7n.  En  écrivant  ces  articles,  il  se  proposait  de 
prouver  l'importance  de  l'assyriulogie  pour  l'exégèse  biblique  et  de 
montrer  quelle  lumière  les  études  assyriennes  répandent  sur  la  lexi- 
cographie hébraïque.  Ilûtons-nous  de  dire  que  la  lecture  de  ce  petit 
livre  laisse  la  conviction  que  l'auteur  a  atteint  le  but  qu'il  visait. 
L'assyriologie  est  assurément  une  science  nouvelle  qui  n'a  pas 
encore  trouvé  sa  voie  délinitive  et  qui  doit  avancer  prudemment, 
mais,  dès  maintenant,  elle  est  assez  riche  en  résultats  acquis,  non 
seulement  pour  se  recommander  aux  hébraïsants,  mais  aussi  pour 
prendre  place  dans  les  travaux  de  grammaire  sémitique  comparée. 


BIBLIOGRAPIIIE  323 

La  neuvième  édition  du  dictionnaire  hébreu  de  Gesenius  que  les 
éditeurs,  MM.  Miihlau  et  Volck,  avaient  la  prétention  de  mettre  au 
courant  des  progrès  de  la  science  moderne,  laisse  prise  à  la  critique 
dans  nombre  d'étymologies  qui  y  sont  données  (voy.  l'article  de 
M.  Paul  de  Lagarde  dans  les  Gôtting.  Gelehrte  Anzeige,  1884,  n^  7). 
M.  Delitzsch  fait  ressortir,  de  son  côté,  combien  de  fausses  pistes  les 
auteurs  auraient  évitées,  s'ils  avaient  connu  les  travaux  des  assy- 
riologues.  Un  écueil  que  signale  avec  raison  M.  D.  et  dont  les  hébraï- 
sants  et  les  assyriologues  eux-mêmes  ne  savent  pas  assez  se  garder, 
est  la  fâcheuse  tendance  à  demander  à  l'arabe  la  solution  des  pro- 
blèmes linguistiques  qu'on  ne  peut  résoudre  qu'en  remontant  le 
plus  possible  vers  la  source  même  du  sémitisme.  Des  divers  ra- 
meaux du  groupe  sémitique,  l'assyrien  est  celui  qui  possède  les 
documents  les  plus  anciens  et  les  plus  nombreux,  il  est  aussi  plus 
proche  parent  de  Thébreu  que  l'arabe  et,  peut-être  aussi,  que  l'ara- 
méen.  Les  sifflantes  sont  les  mêmes  (il  faut  cependant  admettre 
quelques  exceptions,  puisqu'à  l'hébreu  nb,  prince,  correspond  Tas- 
syrien  Scharru,  p.  55).  L'assyrien  ayant  conservé  ia  distinction 
du  heth  explosif,  qui  se  change  en  spiritus  Unis  et  du  heth  fricatif 
qui  coDserve  sa  prononciation  rauque,  sert  de  contrôle  aux  étymo- 
logies  des  mots  hébreux  qui  ont  cette  gutturale  ;  ainsi  :  ^inn,  se 
réjouir,  n'est  pas  la  même  racine  que  l'arabe  'hada,  parce  que  l'as- 
syrien 'hadu  a  un  heth  fricatif;  l'hébreu  ririD  signifie  ouvrir  et 
graver,  l'assyrien  qui  a  perdu  la  gutturale  dans  le  premier  sens, 
mais  qui  Ta  conservée  dans  le  second,  montre  que  l'hébreu  a  con- 
fondu deux  racines  différentes.  En  outre,  la  déportation  des  tribus 
de  Juda  en  Babylonie  a  donné  lieu  à  l'introduction  dans  le  texte 
sacré  d'un  certain  nombre  de  mots  assyriens,  comme  les  noms  des 
mois,  des  astres,  etc.  Enfin,  un  grand  mérite  de  l'assyrien  est  d'avoir 
conservé,  soit  dans  les  noms,  soit  dans  les  verbes,  des  racines  qui 
se  sont  usées  en  hébreu  et  ont  disparu,  à  un  ou  deux  dérivés  près 
dont  le  sens  devient  très  difficile  à  fixer  ;  tels  sont  notamment  : 
3nn-nn3N  ~  meurtre  du  glaive,  Ezéch.,  xxr,  20,  d'après  l'assyrien 
a M'Âî^  ;  û"''^:^  =  pièges,  Jug.,  ii,  3,  d'après  l'assyrien  saddu;  't^n 
û'^brijïi  =  pied  des  collines,  Nomb.,  xxi,  13  ;  la  racine  b^T,  à  côté  du 
sens  de  «  fumier  »,  a  celui  d'«  élever  »  et  non  pas  de  «  demeurer  », 
comme  l'a  montré  M.  Stanislas  Guyard  dans  le  Journal  asiatique, 
1878,  t.  II,  p.  220.  Telle  est,  à  grands  traits,  l'analyse  du  livre  de 
M.  Delitzsch. 

Quelque  précieux  que  soit  le  secours  de  l'assyrien,  on  ne  doit  pas 
cependant  l'accepter  sans  contrôle,  et  il  sera  prudent  de  se  méfier 
des  nouvelles  étymologies  qui  ne  seraient  pas  suffisamment  étayées 
ou  qui  seraient  contredites  par  la  comparaison  des  autres  lan- 
gues sémitiques.  Parmi  celles  que  propose  M.  D.,  nous  prendrons 
quelques  exemples  propres  à  justifier  cette  remarque. 

Jusqu'à  présent  on  avait  considéré  avec  la  Genèse,  ii,  23,  le  mot 


324  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

n^N,  l'emme,  comme  le  féminin  de  d\\  homme  ;  le  radical  était 

T      •  ' 

•c:n,  devenu  au  féminin  Tiéii.  par  assimilation  du  7ioun  à  la  consonne 
suivante  et  au  masculin  ^^i<  par  allongement  de  la  voyelle,  une 
consonne  finale  ne  pouvant  faire  entendre  le  redoublement  qu'occa- 
sionne l'assimilation.  M.  D.,  p.  9,  rejette  cette  explication;  selon  lui 
^ii<  vient  d'une  racine  liiN  avec  schm  naturel,  signifiant  «  être  fort  », 

tandis  que  ïi^n  appartient  à  une  racine  -csN  «  être  faible  »,  avec  scM?i 
chuintant  correspondant  au  tav  de  l'araméen  et  de  l'arabe,  comme 
nous  le  verrons  plus  loin.  M.  D.  voit  un  argument  en  faveur  du  sens 
d'<r.  être  fort  »  qu'il  prête  a  la  racine  D'IIS  dans  le  mot  '{i'i1^5  qu'on 
traduit  ordinairement  par  prunelle  de  l'œil  ;  c'est  une  erreur,  pré- 
tend M.  D.,  le  sens  de  prunelle  ne  repose  que  sur  le  rapproche- 
ment de  ';iD"«iSi  et  de  i^iy  dans  des  passages  tels  que  Deut.,  xxxii,  10, 
mais  il  ne  peut  convenir  à  d'autres  passages  comme  les  suivants  : 
'j^j'-nn  "li^wp  ^2.'?P^)  ^^'1  XVII, 8,  qu'on  devrait  traduire  :  conserve  moi 
comme  la  prunelle  de  la  prunelle  de  Vœil,  )'^^"nn  signifiant  par  lui- 
même  «prunelle  de  l'œil  »,  Lament.,  ii,  18.  Que  viendrait  faire,  en 
outre,  "li^DiN  dans  le  verset  ïibpNi  ïib^b  li'ji^Ns,  Prov.,  vu,  9?  Peut- on 
dire  raisonnablement  la  prunelle  d'une  nuit  obscure?  Ces  passages 
montrent  que  'jio'^is  est  l'équivalent  de  ti'^y^force^  qui  prend  le  sens 
de  même,  Exod.,  xxiv,  10;  cette  manière  de  voir  est  confirmée  par 
l'assyrien  îschânu.  Les  passages  cités  ci-dessus  doivent  donc  être 
traduits  ainsi:  Deut.,  xxxii,  10,  il  le  garda  comme  son  œil  même; 
Ps.,  XVII,  8,  garde-moi  comme  la  prunelle  même  de  Vœil;  Prov.,  vu,  9, 
même  dans  la  nuit  et  l'obscurité.  Mais  M.  D.  n'a  pas  pris  garde  que  la 
prunelle  de  l'œil  se  dit  en  arabe  insâ?i-el-^aïn^  et  que  insân,  "juScrN, 
est  formé  du  radical  ii33N,  homme,  au  moyen  du  suffixe  an,  comme 
l'hébreu  )'\^ù'^i^  est  formé  de  \2:\s  au  moyen  du  suffixe  analogue  ô?i  ; 
ces  expressions,  ^-^y  "ji^iiiSt  en  hébreu  et  insân-el-^aïn  en  arabe,  rap- 
pellent la  petite  image  d'homme  que  reûète  la  prunelle  de  l'œil.  Que 
dans  un  sens  figuré,  le  mot  prunelle  ait  désigné  l'essence  ou  la  qua- 
lité dominante  d'une  chose  et  soit  parfois  synonyme  de  notre  ad- 
verbe «  môme  »,  personne  n'y  contredira.  On  sait  que  le  mot  i-^t, 
œil,  a  fréquemment  ce  sens  figuré  en  arabe  ;  ou  dirait  très  bien  en 
arabe  Vœil  de  la  nuit,  comme  on  disait  en  hébreu  la  prunelle  de  la 
nuit  et  comme  nous  dizious  le  milieu  de  la  nuit.  En  hébreu  \^y  a  éga- 
lement le  sens  d'aspect  ou  de  face  s'appliquant  à  des  objets,  Gese- 
nius,  Thésaurus^  p.  1018,  c.  2^.  Le  mot  iio\x  ne  prouve  doue  rien 

en  faveur  d'une  racine  iâ"»&<.  Si  cette  racine  est  à  la  base  du  mot  ^-^k, 
un  sera  étonné  de  voir  que  les  autres  formes  de  ce  mot  sont  em- 
pruntées à  une  racine  ^:t(  ;  le  pluriel  ordinaire  est  D-^'j^y,  l'état 
construit  ""'ipN'  ^^  puriel  d'analogie  ûv^-'N  ue  se  rencontre  que 
trois  fois  dans  la  Bible  et  dans  des  parties  qui  ne  sont  pas  des  plus 


BlblJOGRAPllIK  320 

anciennes  :  Isaïe,  lui,  3  ;  Ps.,  141,  4  ;  Prov.,  vin,  4.  Si  les  mots  ':;\\ 
et  tii5î^  appartiennent  à  deux  racines  différentes,  au  lieu  d'être  deux 

formes  diverses  [fiH  et  ft^al)  d'une  même  racine,  on  sera  amené  à 
conclure  que  l'hébreu  a  pris  pour  exprimer  l'idée  d'homme  deux 
racines  diamétralement  opposées,  puisqu'à  l'une  on  attribue  le  sens 
d'«  être  fort  «>,  et  à  l'autre,  le  sens  d'à  être  faible  ».  De  plus,  la  racine 
•6'^N  est  inconnue  à  l'araméen  et  à  l'arabe  qui  ont  les  formes  :  i^'isN 

T  T 

et  'l'^^DiN  en  araméen,  et  i^it^,  "j^ûî^n  et  bN5  en  arabe.  La  difficulté 

naît  des  formes  du  féminin  singulier  ;  suivant  une  loi  de  phoné- 
tique établie  par  de  nombreux  exemples,  le  schin  chuintant  hébreu 
répond  en  araméen  à  un  iav  aspiré  et  en  arabe  à  un  V^d  ou  tax) 
marqué  de  trois  points,  tandis  que  le  scMn  naturel  hébreu  a  pour 
équivalent  un  schin  en  araméen  et  un  sin  en  arabe.  Or  l'hébreu  Ji'iî^ 

T     • 

femme  est  représenté  par  les  formes  Nnrr^i^  ou  NnnS^  en  araméen  et 

T   :     •  T  :      — 

•^nSN  en  arabe.  Mais,  phénomène  bizarre,  au  pluriel  l'araméen  fait 
apparaître  un  schin  et  l'arabe  un  sin  :  'j^'ÔD,  emph.  ^%}^  const.  -""ii  en 
araméen,  i^ip5  et  "iNnipp  en  arabe,  répondant  à  l'hébreu  û^^5  femmes, 
const,  1^3.  Il  résulterait  donc  de  la  comparaison  de  ces  formes  que 
le  schin  du  singulier  inui^ç  était  chuintant  tandis  que  celui  du  pluriel 
û-i^âs  ne  l'était  pas.  Sommes-nous  en  présence  de  deux  racines  diffé- 
rentes, comme  le  suppose  M.  D.  ?  Il  est  bien  plus  naturel  de  chercher 
une  autre  raison  du  changement  de  prononciation  de  cette  radicale. 
Le  pluriel  a  sans  doute  la  prononciation  primitive  du  schin^  car  il 
appartient  à  ces  formes  archaïques  qui  ne  distinguent  pas  le  fémi- 
nin du  masculin  par  une  terminaison  propre.  D'un  autre  côté,  l'é- 
thiopien qui  n'a  conservé  le  mot  que  dans  ses  formes  féminines  a  le 
sin  aussi  bien  au  singulier  qu'au  pluriel  :  nipSN,  femme,  pi.  iu^5N^<, 
N*niu5N  ou  î^'iniusfi^.  Le  changement  du  schin  naturel  en  schin  chuin- 

T   •    ;   V  —  T   :   :   V  - 

tant  dans  le  singulier  araméen,  s'explique  par  l'influence  du  tav  du 
suffixe  du  féminin,  t^nn-^N  ou  j^nnlit^.  L'arabe  tn^tî  unV^a  est  un  élatif 

T    :      •  T   :   :  —  —  :  ••. 

qui  a  pris  le  sens  de  femelle  et  a  formé  un  pluriel  spécial;  il  suppose 
une  forme  primitive  inusitée  inV^at  pour  insat  par  changement  de  s 
en  V^  à  cause  également  du  tav  final. 

P.  40-42,  M.  D.  nie  que  la  racine  «tj^id  ait  le  sens  de  noir  et  sombre 
qu'on  lui  prête  pour  expliquer  divers  dérivés,  notamment  ^^b 
prêtre.  L'assyrien  donne  le  sens  de  remerser  à  terre,  vaincre,  le 
prêtre  est  donc  celui  qui  se  jette  à  terre  pour  adorer.  Le  verset  bi- 
blique, Lam.,  V,  10,  ^i^^plpp  -liisnp  I5ni3>,  ne  signifie  pas  «  notre  peau 
est  devenue  noire  comme  un  four  »,  mais  «  notre  peau  a  été 
vaincue  comme  un  four  «,  c'est-à-dire,  «  est  devenue  sans  puis- 
sance ou  a  perdu  sa  vigueur  et  sa  force  de  résistance  par  le  brùle- 
ment  de  la  famine  ».  Une  explication  aussi  cherchée  suffit  à  con- 
damner la  nouvelle  étymologie  fondée  sur  l'assyrien.  M.  D.  termine 


326  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

en  disant  :  «  Le  syriaque  l'^lp'z,  triste,  affligé,  confirme  l'exactitude 
de  mon  idée  ».  Mais,  s'il  avait  lu  l'article  du  Thésaurus  de  Payne- 
Smith  sous  ce  mot,  il  n'aurait  pas  manqué  de  trouver  des  expres- 
sions qui  le  contredisent  :  NT'TDi  N^ûbir,  image  sombre,  N'-i'^?3i  Nbn:, 
vallée  obscure,  N'-i'^72i  «"^bb,  nuit  noire,  brm  i^^^iz^  t<'pi2^y  les  som- 

T      •    :  T   :   •  ••   :  t      •    :  't   : 

bres  profondeurs  du  Scbéol,  dans  lesquelles  le  sens  de  noir  ne  prête 
pas  au  doute. 

Il  semble  bien  difficile  de  rechercher  l'idée  primitive  qui  a  donné 
naissance  aux  mots  archaïques  qui  appartiennent  aux  premières 
éclosions  des  langues.  Pour  les  noms  de  parenté  le  doute  est 
presque  de  commande  ;  l'assyrien  convaincra  difficilement  que  nî<, 
frère,  "jnn  beau-père  viennent  d'une  racine  signifiant  v  protéger  », 
que  dN  mère  se  rattache  à  l'idée  de  «  large,  spacieux  »,  parce  que 
l'assyrien  ummtù  signifie  «  le  ventre,  le  réceptacle  spacieux  de  l'en- 
fant. »  N'est-ce  pas  plutôt  le  mot  «  ventre  »,  qui  dérive  de  celui  de 
a  mère  »,  comme  en  araméen  n^^^on,  moule,  (lat.  matrix)  et  n7£î<  ou 

T  T  '  "- 

N"^  n^3&<,  réservoir  d'eau,  que  le  Thésaurus  syriacus  ponctue  à  tort 
ÏT73N  pour  le  syriaque  de  Néh.,  ii,  14  et  Sir.,  xxiv,  30  ? 

T    V 

Pour  rester  dans  le  même  ordre  d'idées,  nous  terminerons  par  la 
nouvelle  étymologie  que  M.  D.  propose  pour  l'hébreu  ï-jbs,  fiancée  et 

bru.  Sur  l'autorité  de  l'assyrien  kallâtu^  il  rejette  les  explications 
anciennes  de  ce  mot  qu'il  dérive  de  la  racine  ^bs,  enfermer.  Le  mot 
kallâ  aurait  désigné  d'abord  la  chambre  où  l'on  tenait  enfermées  les 
jeunes  filles,  puis  par  métaphore  la  fiancée  elle-même,  comme  en 
arabe  'haram^  gynécée  et  femme,  et  en  dW^md^u^  Frauenzimmer.  Cesi 
aux  assyriologues  à  décider  pourquoi  l'assyrien  kallâtu  ne  pourrait 
pas  être  ramené  à  une  racine  bb^,  mais  il  n'est  guère  possible  de 
songer  à  une  autre  racine  pour  l'hébreu  inbs  et  l'araméen  Nb3_.  Les 

racines  bbiD  et  i^bi  sont,  du  reste,  assez  proches  parentes,  pour  que 
M.  Kohler,  dans  le  Journal  de  la  Société  orientale  allemande,  t.  XXIII, 
p.  680,  ait  attribué  aussi  à  la  première  le  sens  d'«  enfermer  »  ;  selon 
lui,  la  fiancée  est  celle  qui  enferme  le  fiancé  dans  une  union  char- 
nelle «  Die  den  Brœutigam  Einschliessende,  von  der  geschlechtlichen 
Seite  hergenommen  ».  Quant  à  nous,  nous  préférons  encore  l'an- 
cienne étymologie  qui  associe  l'idée  de  fiancée  à  celle  du  voile  ou  du 
dais  Nnbs,  qui  couvrait  la  jeune  fille  conduite  à  son  époux;  c'est 
également  celle  que  donne  l'arabe  kanna  fiancée  et  bru  (racine  knn 
couvrir),  comparé  avec  le  mot  kinna  voile. 

RUBENS  DUVAL. 
Paris,  8juiQ  1884. 


CHRONIQUE 


ET    NOTES    DIVERSES 


Béer  Goldherg.  —  Le  9  mai  dernier  s'est  éteint  à  Paris  dans  sa  SK® 
année  un  des  doyens  des  savants  juifs,  Béer  Goldberg.  Il  était  né  en 
1800  à  Chlodna,  près  de  Treneza,  en  Pologne.  Orphelin  de  père  et 
mère  dès  Page  de  5  ans,  ayant  failli  périr  dans  un  incendie,  il  fut 
sauvé  par  une  femme  qui  le  porta  à  Radzki.  C'est  là  qu'il  fut  élevé 
très  modestement.  A  dix-sept  ans  il  se  maria,  ayant  pour  tout 
pécule  ses  connaissances  rabbiniques.  II  entra  en  ménage  en  pro- 
nonçant à  Neustadt  une  homélie,  derascJia,  à  la  synagogue.  Sa  science 
se  bornait  alors  à  la  Bible  et  au  Talmud,  cela  ne  suffisait  à  son  goût 
du  savoir  qui  était  immense  et  qu'il  a  satisfait  plus  tard  en  appre- 
nant tout  seul  l'histoire  et  la  géographie  et  particulièrement  les 
mathématiques  et  l'astronomie.  Lui-même  regretta  souvent  l'absence 
de  toute  instruction  élémentaire.  Voulant  éviter  à  ses  coreligion- 
naires ces  impedimenta,  vers  1835  il  se  rendit  auprès  du  gouverneur 
l'askiewicz  et  lui  suggéra  Pidée  d'établir  des  écoles  publiques  pour 
les  Juifs.  Il  n'en  fallait  pas  plus  pour  être  taxé  par  eux  d'hérétique, 
d'épicoros,  il  fut  contraint  de  s'enfuir.  Il  passa  d'abord  en  Allemagne, 
puis  de  là  en  Angleterre,  vers  1847,  pour  venir  se  fixer  enfin  en 
France.  Yoici  la  liste  des  ouvrages  et  éditions  qu'on  lui  doit  :  1°  CJiro- 
nologiscJie  Tafel  zur  immerivahrender  Bèrechniing  des  christlicJien  Kalen- 
ders;  Konigsberg,  1842,  gr.  iu-8°,  travail  suivi  de  près  de  la  confection 
de  semblables  tables  pour  l'établissement  du  calendrier  juif.  Ce  sujet 
lui  était  particulièrement  cher  et  la  dernière  année  de  sa  vie  il  y 
revenait  encore  dans  le  SodHaihbour^  le  secret  de  l'embolisme  ;  Paris, 
18S3,  in-8"  de  16  p.  ;  —  2°  û'^i7a:û)3  u:Dn  sive  Anecdota  rabbinica,  con- 
tinentia  :  I.  R.  Scherirac  Gaonis  epistolam  ;  IL  Varias  Raschi  quees- 
tiones;  111.  Librum  Iba-Ezrœ  Ghaï  b.  Mekiz...;  IV.  Fabulas  LXX 
syriacas;  V.  Carmen  liturgicum  R.  Isaac  b.  Giat  cum  commento 
R.  Simon  b.  Zemach  Duran...;  Berlin,  1845,  8^  ;  —  S^  Séfer  Ha-Rikma, 
de  Jona  ibn  Ganali,  édité  avec  Raphaël  Kirchheim  ;  Francfort-sur- 
Main,  1856,  8*  ;  —  4»  Juda  ben  Koreisch  ad  Synagogam  judaicam  civi- 


328  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

tatis  Fez  epistola  de  studiiTargum  ulilitate,  Textum  arabicum  litteris 
hebraicis  ediderunt  J.-J.-L.  Barges  et  B.  Goldberg  ;  Paris,  1857,  8°; 
—  5»  Birkat  Abraham,  Bénédiction  d'Abraham,  ou  Questions  de 
R.  Daniel  le  Babil  sur  le  livre  des  préceptes  de  Moïse  Maimonide 
adressées  à  R.  Abraham  Maïmoni  et  les  réponses  de  ce  dernier,  pre- 
mière partie,  texte  hébreu,  Lyck,  48o9,  4°  ;  deuxième  partie  sous  le 
titre  de  MaaséNissim,  texte  arabe  avec  traduction  hébraïque;  Paris, 
1867,  8°  ;  —  6''  liNri  N^^'n^  n'-l:^^<  Lettre  de  Scherira  Gaon  ;  Mayence, 
4  863,  in-IS»^  ;  —  70  )'^i^r\  '0  Liber  coronularum,  publié  avec  l'abbé 
Barges  ;  Paris,  4  866,  in-16  ;  —  S'^  Sefer  Hazikronot,  Concordance 
biblique  d'Elias  Lévita.  Première  livraison  allant  de  N  à  fciN.  Franc- 
fort-sur-Main,  1875,  8°;  —  9«  dbnr  "^"«n  Vie  éternelle,  publication  de 
mss.  faite  en  collaboration  avec  M.  Edelmann,  contenant  la  relation 
du  voyage  de  Venise  à  Famagouste  de  Elle  de  Pesaro,  en  4  563,  con- 
sultation de  Raschi  et  de  R.  Gerson  ;  Paris,  4  878,  8°. 

Il  serait  trop  long  d'énumérer  ici  tous  les  articles  qu'il  a  publiés 
dans  les  périodiques  et  particulièrement  depuis  longtemps  dans  le 
Magid.  Il  avait  une  grande  jeunesse  d'esprit,  s'enflammant  très 
facilement  pour  des  sujets  nouveaux,  apportant  dans  ses  recherches 
un  certain  sentiment  de  la  critique  et  parfois  même  je  ne  sais  quelle 
hardiesse.  A  force  de  vivre  dans  l'intimité  des  ouvrages  arabes,  il 
était  arrivé  à  les  comprendre  sans  en  avoir  jamais  étudié  méthodi- 
quement la  langue.  C'est  sans  doute  cette  verdeur  d'esprit  et  cet 
enthousiasme  qu'il  conserva  jusqu'à  ses  derniers  jours  en  même 
temps  que  cette  faculté  d'assimilation,  qui  faisaient  dire  à  M.  Renan 
[Revue  des  Deux-Mondes^  45  novembre  4  855)  qu'il  voyait  c  dans  ce 
triste  vieillard  le  génie  d'un  peuple  indestructible.  »  M.  Schicad. 

M.  François  Lenormant.  —  Ce  savant  éminent,  qui  a  bien  voulu, 
dans  les  derniers  jours  de  sa  vie,  contribuer  à  nos  travaux  par  un 
article  sur  la  catacombe  juive  de  Venosa  (tome  IV,  p.  200\  a  été 
enlevé  prématurément  à  ses  amis  et  à  la  science.  Il  est  né  à  Paris  en 
4  837.  Parmi  ses  ouvrages  il  s'en  trouve  un  assez  grand  nombre 
relatifs  aux  sciences  qui  nous  occupent.  Ce  sont,  entre  autres  :  Intro- 
duction à  un  mémoire  sur  la  propagation  de  l'alphabet  phénicien, 
Paris,  18G6  ;  Essai  du  commentaire  des  fragments  cosmogoniques  de 
Bérose,  Paris,  4  871  ;  Manuel  d'histoire  ancienne  de  l'Orient,  Paris, 
1869;  Lettres  assyriologiques,  Paris,  4  871-72  :  Le  déluge  et  l'époque 
Babylonienne,  Paris  4  873;  Sur  le  nom  de  Tammouz,  Paris,  1873; 
La  magie  chez  les  Chaldéens ,  Paris  4  874;  Les  premières  civili- 
sations, Paris  1874;  Les  origines  de  l'Histoire  d'oprès  la  Bible  et  les 
traditions  des  peuples  orientîflix,  Paris  1880-82;  La  Genèse,  tra- 
duction d'après  l'hébreu,  Paris  1883  ;  divers  articles  de  la  Revue  de 
l'histoire  .des  religions,  que  notre  bibliographie  a  régulièrement 
signalés. 

M.  M.  Laites.  —  Le  25  juillet  1883  est  mort  à  Milan  un  savant  dis- 
tingue, M.  M.  Lattes,  qui  a  été  aussi  une  fois  notre  collaborateur. 


CHRONIQL'E  320 

Nos  lecteurs  n'ont  pas  oublié  son  excellent  article  sur  divers  épisodes 
de  l'histoire  des  Juifs  d'Italie  (tome  V,  p.  210).  M.  Lattes  avait  aussi 
eu  la  bonté  de  nous  fournir  quelquefois  des  renseignements 
qui  étaient  utilisés  dans  notre  revue  bibliographique.  Ses  principaux 
ouvrages  sont  :  W^lir^D  û'^aipb  De  vitaet  scriptis  EiiaeKapsali,Padoue, 
4869  ;  Notizie  e  documenti  di  littérature  e  storia  giudaica,  Padoue, 
1879;  Saggio  di  giunti  e  correzioni  al  Lessico  talmudico  Levy- 
Fleischer,  Turin,  1879  ;  Nuovo  saggio  di  giunte  etc.,  Rome  1881; 
Catalogo  dei  codici  ebraici  délia  Marciana,  Florence  1882  ;  plus  divers 
travaux  dans  l'Archivio  Veneto  (tome  IV,  Documenti  e  notizie  per 
la  storia  degli  Ebrei  ;  gli  Ebrei  di  Norimberga  e  la  republica  de 
Venezia  ;  tome  V,  una  convenzione...  nel  1395,  etc.;  tome  VI,  Di  un 
mercatante  Ebreo  Siracusano  ;  tome  VII,  Délia  condizione  degli 
Ebrei  napolitani  nel  secolo  xv). 

M.  Ad.  NeuHiœr,  —  Notre  excellent  ami  et  collaborateur  M.  Ad. 
Neubauer  a  été  nommé  lecteur  à  la  chaire  de  littérature  rabbinique 
à  l'Université  d'Oxford.  Nous  lui  en  adressons  toutes  nos  félici- 
tations. 

M.  Maurice  Vernes.  —  Notre  collègue,  M.  Maurices  Vernes,  a  quitté 
la  rédaction  de  la  Revue  de  l'histoire  des  Religions,  qui  a  passé  aux 
mains  de  M.  Jean  Réville.  Nous  remercions  M.  Vernes  de  l'accueil 
que  la  Revue,  qu'il  dirigeait  si  bien,  a  toujours  fait  à  la  Revue  des 
Etudes  juives  et  que  ne  peut  manquer  de  nous  continuer  son  hono- 
rable successeur. 

M.  le  D^  Zmiz.  —  Le  10  août  prochain,  M,  Zunz,  le  vétéran  de  la 
science  juive  en  Europe,  aura  accompli  sa  90°  année.  Tout  le  monde 
connaît  les  admirables  travaux  de  M.  Zunz,  ses  Gottesdienstliche 
Vortrage,  sa  Literaturgeschichte,  son  Zur  Geschichte  und  Literatur, 
son  Ritus,  se  trouvent  dans  toutes  les  mains,  ce  sont  des  manuels 
Indispensables  pour  toutes  les  études  historiques  et  littéraires  dans 
le  domaine  de  la  science  juive.  M.  Zunz  a  fait  pour  nous  ce  que  les 
savants  des  ordres  religieux  ont  fait  pour  le  moyen-âge  chrétien,  il 
a  été  le  bénédictin  du  judaïsme.  Ses  amis  de  Berlin  préparent  un 
volume  de  Miscellanées  qui  sera  offert  à  l'illustre  savant  le  jour  de 
son  90«  anniversaire.  La  société  des  Etudes  juives  est  heureuse  de 
s'associer  aux  hommages  qui  seront  rendus  à  M.  Zunz  en  lui  envoy- 
ant une  Adresse  qui  lui  sera  remise,  avec  un  exemplaire  d'hon- 
neur de  la  Revue,  par  M.  Joseph  Dereiibourg,  président  de  notre 
société. 

Journaux  nouveaux.  •—  Nous  signalons  les  publications  suivantes  : 
1»  'i"i'^i£  n"iU5n7û  Supplément  mensuel  au  journal  Habacélet,  de  Jéru- 
salem ;  in-8*',  en  hébreu,  caractères  carrés;  prix  1  medjid  1i4  par 
an.  Le  numéro  1  est  daté  de  tébet  5644  (1884). 

2.  Das  jûdische  Centralblatt,  zugleich  Archiv  fur  Geschichte  der 
Juden  in  Bôhmen,  herausgegeben  von  D^  Grûawald,  à   Pisek,   en 


330  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Bohème.  Ce  journal, publié  d'abord  en  format  in-4®,  puis  remplacé  par 
les  Studien  und  Kritiken  (voir  la  Revue  bibliographique  de  ce 
numéro),  parait  maintenant  sous  son  ancien  titre,  mais  dans  le  for- 
mat in-8*'.  Périodicité  et  prix  ne  sont  pas  indiqués. 

3.  c:3tîn5"'533'  ^yi  Emigrantul,  erscheint  zweimal  wochentlich  ; 
publié  à  Bucharest  par  L.  Rokeah  ;  in-f«  de  4  p.  à  3  col.  le  numéro  ; 
en  judéo-allemand,  caractères  carrés  ;  prix  12  fr.  par  an  ;  le  numéro 
21  de  la  seconde  année  et  du  21  mars  1883. 

4.  Familien-Blatt.  Feuilleton  Beilage  der  israelitischen  Wochen- 
schrift,  publié  à  Magdebourg  par  le  D^  Rahmer  :  in-4<^  de  4  p.  à  2  col.  le 
numéro  ;  parait  depuis  le  l*^*"  janvier  1884. 

5.  Jewreiskoje  Obozrenie,  mars  1884.  Journal  mensuel,  qui  parait 
depuis  le  io»*  janvier  sous  la  rédaction  de  M.  Rabbinowitz,  le  pro- 
priétaire du  a  Russki  lewrej.  >■>  L'  «  Obozrenie  »  ou  Revue  juive  est 
consacrée  à  la  littérature  et  à  l'histoire.  Chaque  cahier  est  accompa- 
gné de  deux  feuilles  d'une  traduction  russe  du  sixième  volume  de 
Graetz,  Gesch.  de  Juden.  Celui  du  mois  de  mars  renferme  en  outre 
une  lettre  de  M.  Rosenthal  au  comité  de  la  société  pour  Tinstruction 
des  Juifs  en  Russie,  qui  a  eu  un  certain  retentissement  dans  ce  pays. 
Une  chronique  littéraire,  des  correspondances  étendues  sur  l'Alle- 
magne, l'Autriche,  la  France,  etc.,  quelques  poésies,  des  nouvelles 
inédites,  des  articles  scientifiques  forment  le  fond  de  chaque  fascicule, 
qui  ne  contient  pas  moins  de  9  à  10  feuilles.  Cette  revue  se  distingue 
par  un  grand  dévouement  à  la  religion  et  aux  intérêts  juifs, 
par  un  esprit  large  et  impartial,  étranger  aux  coteries  et  aux  partis. 

6.  Kritik  und  Rcform,  Organ  des  modernen  Judenthums,  rédigé 
à  Vienne,  en  Autriche,  par  M.  MoritzWeiss;  éditeur,  Oscar  Waldeck; 
parait  le  l^etle  15  de  chaque  mois  ;  in-4°  de  8  p.  à  2  colonnes  le 
numéro;  prix,  6  florins  par  an.  Le  1^''  numéro  est  du  \^''  juin  1884. 

7.  Die  Laubhûtte,  israelitisches  Familienblatt  ;  publié  par  le  rabbin 
D''  S.  Meyer,  à  Ratisbonne,  à  la  librairie  Hermann  Bauhof,  publica- 
tion bimensuelle  ;  le  numéro  formant  une  brochure  in-8"  d'environ 
40  pages;  prix,  marcs  1,60  par  trimestre.  Le  numéro  1  est  de  janvier 
1884. 

8.  Israelitischer  Reichsbote,  publié  par  Moritz  Baum  à  Francforl- 
sur-Mein  ;  autrefois  format  in-4°  et  hebdomadaire  ;  depuis  le  1  "■'■'janvier 
1883,  format  in-8°  et  mensuel;  prix,  5  marcs  par  an.  Le  numéro 
7-8  de  la  9°  année  (juillet  1883)  paraît  être  le  dernier;  a  cessé  de 
paraître. 

9.  Sabbat  Stunden  ;  illustrirte  Feuilleton-Beilage  der  «  Jiidischen 
Presse,  »  publié  par  le  D'"  Ilirsch  llildeshcmier  à  Berlin  ;  hebdoma- 
daire, in-4o  de  4  p.  à  2  col.  le  numéro.  Parait  depuis  janvier  1884. 

10.  Magyar-Zsido  Szemle,  publié  à  Budapest  par  Wilhelm  Bâcher 
et  Joseph  Banoczsi  ;  jouraal  mensuel,  in-S»  de  80  p.  environ  le  numéro; 
prix,  0  lloriQs  par  an.  Excellent  journal  destiné  à  répandre  la  science 
juive  et  à  la  populariser  parmi  les  Juifs  de  Hongrie.  Le  numéro  1  est 
de  janvier  1884. 


CHRONIQUK  331 

41.  La  Tribune  philo-sémitique,  paraissant  (à  Paris)  tous  les 
mardis  ;  rédacteur  en  chef,  Gaétan  Rossetli  ;  in-f°  de  4  p.  à  4  col.  le 
numéro  ;  prix,  15  fr.  Le  numéro  1  a  paru  le  2  octobre  1883  ;  n'a  eu  en 
tout  que  3  numéros. 

42.  La  Veridad,  publié  à  Smyrne  par  Bekhor  iben  Ghiat,  David  ibn 
Ezra  et  Rafaël  Gori  ;  rédigé  en  judeo  espagnol,  caractères  hébreux  : 
parait  tous  les  quinze  jours  ;  in-S"  de  16  p.  le  numéro  ;  prix,  2  med- 
jid  1^2  par  an.  Le  numéro  1  est  daté  du  15  juin  1884. 

La  Bïbliotlièqxie  nationale.  —  La  Bibliothèque  nationale  de  Paris 
a  enrichi  sa  série  d'incunables  en  acquérant  du  libraire  Fischl 
Hirsch,  à  Halberstadt,  4  livres  hébreux  du  xv*'  siècle,  des  plus  rares. 
Ce  sont  :  1°  le  texte  des  Psaumes  avec  commentaire  de  R.  David 
Kimhi,  imprimé  s.  1.  {?  Bologne)  le  20  eloul  (5)  237  (  =  29  août  1477), 
petit  fol.  Gomme  cet  exempt,  a  échappé  à  la  censure,  c'est  sans  doute 
l'unique  en  son  genre.  —  2»  L'examen  du  monde  par  ledaïa  Penini, 
de  Béziers,  avec  un  court  commentaire  anonyme.  Soncino,  24  Kislew 
(5)  245  (  =  12  décembre  1484),  petit  in-4°.  —  3°  Un  glossaire  hébreu- 
arabe-roman,  anonyme,  appelé  Miqré  dardeqé.  s.  1.  (?  Naples), 
1«i"  eloul  (5)  248  (=  8  août  1488),  fol.  —  4°.  Gommentaire  sur  le  Pen- 
tateuque  par  Moïse  Nahmani.  Lisbonne,  Ab  (5)  249  (  =  juillet  août 
4489),  fol.  Ges  divers  volumes  forment,  dans  l'opuscule  de  M. Schwab 
sur  les  incunables  hébreux,  les  numéros  5,  28,  44  et  54,  auquel  nous 
renvoyons  pour  plus  amples  détails.  — M.  Schw. 


ADDITIONS  ET  RECTIFICATIONS 


Tome  IV,  p.  147.  —  Le  passage  que  j'ai  extrait  d'un  de  mes  mss.  est 
emprunté  au  commentaire  de  David  Kimhi  sur  les  Psaumes.  Voir  édit. 
Schiller-Szinessy,  p.  41.  —  S.-J.  Halherstam. 

Tome  V,  p.  57.  —  M.  Steinsclineider  ne  parle  pas  de  la  version  latine 
suivante  de  Paul  Fagius  :  Liber  fidei,  preciosus,  bonus  et  jucundus,  qucm 
edidit  vir  quidem  Israélites  sapiens  et  prudens...,  ideo  vocavit  nomen 
Sepher  Aemana,  i.  Liber  fidei  seu  veritatis. . .  translatus  ex  lingua  hebraica 
in  linguam  latinam,  opéra  P.  Fagii;  Isnse,  1542.  —  M.  Schwab. 

Tome'.VII,  p.  154,  note  5.  —  Cette  controverse  a  été  déjà  attribuée  à  Matta- 
tia  par  Steinschneider,  Polem.  und  apolog.  Literat.,  p.  370. Elle  se  trouve  en 
un  grand  nombre  de  mss.  sous  le  titre  de  "ji/ûbitT  ^nîlû'^niS-  —  P- 155,  ligne  5  : 
au  lieu  de  '^mS'^iïi  on  doit  plutôt  lire  '^ni5''31n.  Pour  l'époque  de  l'auteur, 
voir  Revue,  VII,  p.  315.  —  P.  165.  J'ai  parlé  de  la  mater  synagogœ  dans 
Gœtt.  gelehrt.  Anzeig.,  1881,  p.  971  et  ai  proposé  d'en  faire  quelque  chose 
comme  une  trésorière  rr^NIs^  de  la  synagogue  des  femmes.  Mais  ne  se  pour- 
rait-il pas  qu'elle  fût  simplement  la  femme  du  pater  synagogae  ?  —  P.  224. 
Nicolsbourg  est  en  Moravie,  siège  du  grand-rabbin.  —  P.  220.  Moïse  Narol 
est  originaire  de  Crzeminiec;  Zunz,  Literaturgescb.  p.  435.  — Bavsiâ,  Kauf- 
iiiann. 

Ibid.,  p.  305.  —  Isbea  est  sans  doute  l'hébreu  mizbeah,  autel.  —  A. 
Harkavy. 

Tome  VIII,  p.  75,  note  2.  —  Le  livre  en  question  n'est  sans  doute  pas 
celui  d'Oliveyra,  mais  celui  de  Salomonb.  Jacob  Almoli,  qui  a  été  imprime 
à  Constantinoplc.  On  ne  peut  pas  chercher  un  livre  inédit.  —  P.  83.  Le 
Séfer  Amanah  est  ce  livre  édité  par  Paul  Fagius  en  1552  (voir  Revue,  V, 
57).  —  P.  84,  1.  9  en  bas,  et  1.  7  eu  bas,  le  mot  ouvrages  et  le  mot  livres  doi- 
vent être  remplacés  par  le  mot  lettres,  car  il  s'agit  de  lettres  missives.  — 
P.  87,  1.  3  en  bas  :  lisez  pnn^b,  non  pin^"^,  d'après  Ezéch.,  III,  3.  — 
P.  90.  Le  passage  relatif  aux  incendies  veut  dire  que  Jacob  Roman  pensait 
qu'en  Occident,  où  les  incendies  sont  plus  rares  qu'à  Constantinoplc,  on 
trouverait  un  plus  grand  nombre  de  manuscrits.  —  P.  91,  1.  9  en  bas.  Au 
lieu  de  Ilariri  lire  Ilarizi.  —  P.  89,  1.  17.  Au  lieu  de  nprb  lire  npnV, 
•<  pour  décrire  ».  —  P.  92.  tXD  yiZtXTH  est  un  livre  de  morale;  David,  l'auteur 
do  û-^UÎ-ïl  nSOa '0,  est  David  b.  Juda  Messer  Léon;  voir  son  Tehilîa  le 
dand,  [)1  a.  — Ibid.,  note  3.  Le  livre  manquant  est  le  Se'fer  aguUot  rayo- 
niot  de  Batalyijsi,  dont  j'ai  publié  la  traduction  hébraïque,  comme  on  le 
verra  facilement  en  lisant  l'introduction  et  les  sept  chapitres  du  livre.  L'ori- 


ADDlTlOiNS  ET  RECTlFICATlOiNS  333 

ginal  arabe  qui  se  trouve  à  Oxford,  cod.  1334,  a  sur  la  seconde  feuille  de 
la  couverture  non  paginée  les  mots  ;  pn^"»  n?3:D3  Sp:?"^  *1"':'2n  £]DD  nDpD 
i<"y^  '^'^N  'b  ÏWpS  p  1^731")  •  Ainsi  Jacob  Roman  a  possédé  en  1631  le 
livre  d'Al-Batalyùsi.  Le  mot  peu  lisible  dans  la  lettre  de  Roman  est  proba- 
blement p-^i^iribN,  titre  arabe  des  agullot.  —  P.  86,  note  7.  Efifacer  les  mots 
«  et  modernes,  »  car  Steinsclineider,  Catal.  bodl.,  article  Jacob  Roman,  a 
montré  la  fausseté  de  la  fable  transmise  par  Sabbataï  Bass  et  du  voyage  de 
Roman  à  Jérusalem  en  1620.  —  David  Kaufmann. 

Tome  VIII,  p.  121.  —  Un  ms.  arabe  (n^  204  du  nouveau  Catalogue)  de 
la  Bibliothèque  nationale  contient  le  récit  «  d'une  controverse  qui  eut  lieu 
Merw  entre  un  moine  nommé  Schouha  la  Ischou'a  et  le  Ras  al-Galout  au 
à  sujet  du  Messie  ».  —  Israël  Lévi. 


USTE  DES  PMEAIIX  MEMBRES  DE  LA  SOCIÉTÉ  DES  ÉTDDES  JUIVES 

DEPUIS  LE  ie>-  AVRIL  1884. 


Beaucaire,  boulevard  du  Château,  6,  Neuilly-sur-Seine. 

Cerf  (Henri),  à  Wissembourg. 

Ettinghausen  (Hermann),  rue  de  Châteaudun,  12. 

Heine  (M™«  C),  rue  de  Monceau,  28,  lOO  fr. 

Mannheim  (Amédée),  lieutenant-colonel  d'artillerie,  professeur  à  l'E- 
cole polytechnique. 

OsiRis  (Ifla),  rue  Labrujère,  9. 

Saint-Paul  (Georges),  maître  de  requêtes  au  Conseil  d'État,  place 
Malesherbes,  5. 


PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES  DU  CONSEIL 


SÉANCE  DU  24  AVRIL  1884. 

Présidence  de  M.  Zadoc  Kahn. 

Le  Conseil  désigne  M.  Loeb  pour  présider  la  conférence  de  M.  Vernes. 

11  décide  que,  bien  que  désormais  l'année  d'exercice  commençant  au  1^^  janvier 
doive  se  terminer  le  31  décembre,  l'Assemblée  générale  aura  lieu  comme  par  le  passé 
au  mois  de  novembre. 

Le  Conseil,  ayant  appris  que  M.  le  D"^  Léopold  Zunz,  le  vétéran  des  études 
juives  en  Europe,  célébrera  au  mois  d'août  prochain  le  90^  anniversaire  de  sa  nais- 
sance, décide  qu'à  cette  occasion  la  Société  lui  enverra  une  adresse  et  toutes  les 
publications  de  la  Société. 

M.  Schwab  lit  une  communication  de  M.  JEgger  sur  une  phrase  grecque  du  Talmud 
de  Jérusalem. 

M.  HaUvy  fait  une  communication  sur  le  sens  du  mot  Japhet  et  la  portée  de  la 
bénédiction  de  Noé. 


SÉANCE  DU  26  JUIN  1884. 

Présidence  de  M,  Joseph  Derenbourg, 

Le  Conseil  vote  des  remerciements  à  M.  Maurice  Vernes  pour  la  conférence  qu'il  a 
bien  voulu  faire. 

M.  le  Président  fait  au  nom  du  Comité  du  Publication  un  rapport  sur  une  demande 
de  subvention  présentée  par  M.  Moïse  Bloch  pour  l'impression  du  Séftr  Hamiçnot  && 
Maïinonide  en  arabe.  11  est  d'avis  d'accueillir  favorablement  cette  demande.  Le 
Conseil  vote  à  M.  Bloch  une  subvention  de  200  fr.  à  charge  pour  M.  Bloch  de  à  la 
Société  un  certain  nombre  d'exemplaires  représentant  la  dite  somme. 

M.  Erlanger  informe  le  Conseil  que  le  Consistoire  Israélite  de  Paris  a  décidé 
d'acheter  un  matériel  pour  la  salle  où  se  font  d'ordinaire  les  conférences  de  la  Société. 
L'avance  faite  par  le  Consistoire  aux  Sociétés  qui,  comme  la  Société  des  Etudes  juives, 
se  serviront  de  ce  matériel  pourra  être  amortie  au  bout  de  quelques  années  par  la 
cotisation  de  ces  Sociétés,  qui  sera  d'ailleurs  toujours  moins  forte  que  le  prix  de 
location  actuellement  payé  aux  entreprises  privées. 

Le  Conseil  accepte  cette  proposition,  remercie  M.  Erlanger  de  son  bienveillant 
concours  et  le  prie  d'exprimer  au  Consistoire  de  Paris  ses  vifs  remerciemeuls. 

M.  UaUvy  fait  une  communication  sur  quelques  versets  de  la  Bible. 

Les  Secrétaires, 
An.  Gahen  et  Tii.  Reinach. 


l.c  Kcraiil  responsable, 

Israël  Lkvk  * 


TABLE    DES    MATIÈRES 


ARTICLES  DE  FOND. 

Gahen  (Ab.).  Le  rabbinat  de  Metz  pendant  la  période  française 

(1567-1871)  [suite] 255 

DuvAL  (Rubens).  Le  passif  dans  l'araméen  biblique  et  le  pal- 

myrénien 57 

Gerson  (M.).  Notes  sur  les  Juifs  des  Etats  de  la  Savoie 235 

Halévy  (J.).  Traces  d'aggadot  sadducéennes  dans  le  Talmud..      38 

HiLD  (J.-A.)-  Les  Juifs  à  Rome  devant  l'opinion  et  dans  la  lit- 
térature          1 

Kayserling  (M.).  Richelieu,  Buxtorf  père  et  fils  et  Jacob  Roman.      74 

LÉvi  (Israël).  L  La  légende  de  l'ange  et  l'ermite  dans  les  écrits 

juifs 64 

IL  Légendes  judéo-chrétiennes 1 97 

LoEB  (Isidore).  Deux  livres  de  commerce  du  commencement  du 

xiv^  siècle 161 

Maulde  (R.  de).  Les  Juifs  dans  les  États  français  du  Pape  au 

moyen  âge  [sicité] 96 

OuvERLEAUx  (Emile).  Notes  et  documents  sur  les  Juifs  de  Bel- 
gique sous  Tancien  régime  [suiie) 206 

ScHEiD  (Élie).  Histoire  des  Juifs  de  Haguenau  pendant  la  pé- 
riode française 243 

NOTES  ET  MÉLANGES. 

Bloch  (Isaac).  Bonjusas  Bondavin 280 

Derenbourq  (Joseph).  La  montagne  de  fer 275 

GoLDziHER  (Ignaz).  Renseignements  de  source  musulmane  sur 

la  dignité  de  Resch  Galuta i 21 

Kaufmann  (David).  1.  Le  prétendu  commentaire  dlsaac  Israéli 

sur  le  livre  Yeçira 126 

IL  Les  cercles  intellectuels  de  Batalyoûsi 131 

Jastrow  (M.).  Note  sur  les  mots  ipi3"i'n"''7n  '^pN^"lp 277 

Levin.  Localités  illustrées  par  le  martyre  des  Juifs  en  1096  et 

1 349 i  34 


336  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

LÉVY  (Isaac).   Un  manuscrit  hébreu    de   la  Bibliothèque  de 

Vesoul 283 

Schwab  (M.).  Inscription  juive  du  musée  de  Saint-Germain 137 

T.  R.  Les  Juifs  dans  l'opinion  chrétienne  aux  xvii°  et  xyiii^  siè- 
cles :  Peuchet  et  Diderot 1 38 

BIBLIOGRAPHIE. 

LoEB   (Isidore).    Revue  bibliographique,   i^^  et  2^  trimestres 

1884 283 

Derenbourg  (Hartwig).  I.  Corpus  inscriptionum  semiticarum. 
IL  Histoire  de  Tart  dans  l'antiquité,  par  Georges 
Perrot  et  Chipiez i  43 

DuvAL  (Rubens).  The  hebrew  language  viewed  in  the  light  of 

assyrian  research,  by  D"-  Frédéric  Delitzsgh 322 

DIVERS. 

Chronique  et  notes  diverses 1 35,  327 

Additions  et  rectifications 459,  332 

Liste  des  nouveaux  membres  de  la  Société  des  Études  juives 

depuis  le  l'^'"  janvier  1884 158,  333 

Procès-verbaux  des  séances  du  Conseil  et  de  l'Assemblée  géné- 
rale.      460,  334 

Table  des  matières 333 


4 


FIN. 


VKHSâILLES,    lKPIUJtt£IU£   CUHF    ET    FILS,    RUfi    PUPLESSlfi,    59. 


DS       Revue  des  études  juiyes; 
101         historia  iudaica 

t.B 


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