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REVUE
DES
ÉTUDES JUIVES
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VERSAILLES
CEBF ET 1-ILS, IMPIUMEUBS
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REVUE
DKS
ÉTUDES JUIVES
PUBLICATIOxN TRIMESTRIELLE
DE LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDES JUIVES
TOME HUITIÈME
PARIS
A LA LinnAlHIK A. DURLACHER a ^ \ ^3
188'. ^'
Hi'^'^ KUE LAFAYETTE
Xi5
lOI
LES JUIFS A ROME
DEVANT L'OPINION ET DANS LA LITTÉRATURE
PREMIERE PARTIE
DEPUIS LA PRISE DE JERUSALEM PAR POMPÉE JUSQU'A l'AVÈNEMENT
d'auguste.
La lecture des auteurs de l'antiquité classique ne réserve pas de
surprise plus grande à ceux qui les abordent avec les préoccupa-
tions modernes que de réduire brusquement aux proportions les
moins imposantes des faits et des noms qui ont pris à nos yeux une
importance particulière. C'est ainsi que, pénétrés de l'esprit bi-
blique, qui est en somme un élément essentiel de l'esprit moderne,
et égalant le rôle de la nation juive, dans l'histoire des civilisa-
tions, à celui des peuples les plus illustres, nous supposons volon-
tiers, nous nous démontrons même quelquefois par des raisonne-
ments ingénieux, qui ressemblent fort à des sophismes, que le
monde payen ou en a jugé de même, ou n'a fermé les yeux à l'évi-
dence que par un monstre de mauvaise foi, d'aberration presque
inexplicable. Il nous en coûte tant de constater que Rome et la
Grèce, au temps de leur plus grande force, de leur action la plus
décisive sur les destinées générales, se sont dispensées de puiser
aux sources du judaïsme, et que par leurs propres ressources elles
ont suffi à leur tâche immense! Il nous en coûte plus encore de
confesser que, le jour où la morale et la théodicée de la Bible se
sont ouvertes aux penseurs très désintéressés du paganisme, ils
n'y ont accordé qu'une attention médiocre et qu'il a fallu un con-
cours de circonstances vraiment extraordinaires, afin que ce ma-
T. VIII, N» 15. 1
2 REVUE DES ETUDES JUIVES
gnifique ensemble de règles pour l'intelligence et pour la volonté
s'imposât au monde.
Le peu de bruit que les enseignements judaïques ont fait à
Athènes et à Rome lorsqu'ils purent y pénétrer, est cause, sans
doute, que la plupart des historiens et des critiques l'ont à peine
entendu ou n'en ont pas compris le sens véritable. Les théolo-
giens se tirent d'affaire en invoquant les influences diaboliques
des passions, des préventions, des préjugés, en accusant la cor-
ruption payenne d'avoir repoussé systématiquement ou par des
sophismes un enseignement qui était sa condamnation. Ces ex-
plications, données de très bonne foi, ont aujourd'hui fait leur
temps ; on sent que rien n'eût empêché Varron, Cicéron, Tacite
de proclamer bien haut la supériorité morale et philosophique du
judaïsme, si elle avait frappé leur intelligence. Ils ont assez d'in-
dépendance dans le caractère, le milieu dans lequel ils vivaient
était assez favorable à la liberté de tout penser et de tout dire *
(j'entends dans le domaine spéculatif des croyances et des insti-
tutions étrangères), pour que l'accusation de mauvaise foi soit
inadmissible. Reste celle d'ignorance ; mais sur ce point encore
on aurait tort d'insister, lorsqu'il s'agit d'esprits aussi pénétrants,
aussi critiques. C'est ce qu'ont compris ceux d'entre les modernes
qui ont parlé de dédain ; si la philosophie et la science payennes,
au temps de leur plus belle floraison à Rome, se sont abstenues
de rendre hommage à la sagesse mosaïque, c'est qu'on l'a, de
prime abord, jugée indigne d'attention, c'est qu'on a trouvé plus
facile de la mépriser sans examen, que de la juger en con-
naissance de cause.
Nous croyons en effet qu'il en a souvent été ainsi ; mais un
examen attentif des faits et des textes nous a prouvé qu'on a
singulièrement exagéré ce prétendu mépris des payens éclairés
pour les choses et les hommes du judaïsme. Dans le silence de
l'histoire éclatent de temps à autre des révélations curieuses, qui
montrent que rindilférence des écrivains latins, durant le siècle
qui précède et celui qui suit l'ère chrétienne, n'est ni générale ni
véritablement méprisante. Et, quoiqu'il soit peu scientifique de
raisonner sur des témoignages qui n'existent pas, il n'y a pas de
témérité à affirmer que des mutilations, trop intelligentes pour
être fortuites, ont été pratiquées dt^puis le vr' siècle sur les monu-
ments littéraires de Rome, mutilations qui nous ont privés des
documents les plus décisifs dans cette intéressante question*. Il y
* Voir, par exemple, comment Tacite parle des Germains, de leurs inslitulions et
de leur culte, De Mor. German. 8, 9 et passim.
* Cf. Jo(Vl. Blickr m die Rfligionsgeschichte, 2' partie, p. % et suiv.
LES JUIFS DEVANT L'OPINION ROMAINE 3
a, dans le domaine des lettres anciennes, des désastres, des ruines
accumulées pendant quatre ou cinq siècles de luttes contre le pa-
ganisme et pour le christianisme, qui se sentent, qui se devinent
par intuition, dont on soupçonne les mobiles, sans qu'on puisse en
prendre les auteurs sur le fait. Qui pourra mesurer jamais l'é-
tendue des pertes que nous avons subies sous l'influence de la
haine aveugle qui s'attachait, non pas tant au paganisme qu'au
judaïsme qui niait le Christ, durant les temps où la lutte se conti-
nuait autant contre ce dernier que contre l'ennemi commun ? Que
de pages supprimées, altérées, tronquées ! Que de sacrifices sur
l'autel de la foi et de l'ascétisme, en attendant le règne de Charle-
magne, où un premier réveil de l'esprit littéraire, une appréciation
plus généreuse et plus haute des écrits payens, introduisit dans
les couvents, restés les seules écoles, la vénération des idoles qu'on
avait brisées jusqu'alors 1 Nous croyons que les Juifs, plus encore
que les payens, ont fait les frais du travail d'expurgation et de
destruction qui s'est exercé sur les écrivains de Rome.
Tels qu'ils sont, et interrogés sans parti-pris, ils suffisent encore
à prouver que les premiers rapports du judaïsme avec la civilisa-
tion payenne, à Rome sinon dans les grandes villes de l'Orient et
de la Grèce, témoignent d'une estime réciproque; que les grands
penseurs, philosophes, historiens et politiques de la Cité éter-
nelle ont accordé souvent à l'esprit biblique une attention respec-
tueuse et sympathique. Sans doute il ne se forme pas à Rome
tout d'abord un courant d'opinion puissant, ni pour la faveur ni
pour la persécution. Rome, devenue le réceptacle des croyances et
des institutions de l'univers, les éprouve, les examine tour à tour
avant d'en distinguer quelqu'une d'une façon particulière. Ce tra-
vail inconscient d'analyse et de comparaison n'est pas l'affaire de
quelques années ; c'est un grand honneur pour les hommes et
pour les choses qui en sont l'objet que de fixer, même en passant,
les regards des Romains les plus intelligents, de ceux qui sont les
précurseurs et les guides de l'opinion publique. Que la foule s'é-
prenne des superstitions grossières venues de l'Egypte, de la
S^Tie, de la Perse ; qu'elle fasse cortège dans les rues aux prêtres
d'Isis, de Cybèle, de Mithras : au point de vue de la postérité cet
engouement, cette popularité sont de peu de conséquence. Mais
qu'une page de Cicéron, une phrase de Yarron, un décret de
César mentionnent le nom des Juifs, les blâment ou les louent
au nom de leurs croyances et des pratiques de leur culte, ces
débris d'opinion échappés à l'action du temps, méritent d'être
recueillis avec le plus grand soin, replacés dans le milieu social
et moral où ils ont pris naissance, éclairés à la lumière des évé-
4 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
nements contemporains et des institutions ambiantes. C'est la
tâche que nous nous proposons d'entreprendre. Elle n'est pas en-
tièrement nouvelle et c'est pour cela que nous avons hésité à en
publier les résultats dans cette Revue qui, par le caractère origi-
nal, sévère, scientifique des travaux qu'elle accueille, s'est placée
si haut dans l'estime du monde savant. Mais, si dans le domaine
de la littérature classique, il y a beau temps qu'on ne peut plus
se flatter de découvrir des textes nouveaux, il y aura place long-
temps encore pour des commentaires et des explications destinés
à restituer aux textes existants, aux faits connus, leur sens véri-
table. L'esprit qui a présidé à la mutilation des auteurs latins
règne trop souvent encore dans leur interprétation ; trop souvent
encore, et cela de la manière la plus inconsciente du monde, il
tend à fausser l'histoire et l'a en effet faussée quelquefois : aussi
chercher à la rétablir est bien vraiment une œuvre originale.
Parmi les ouvrages auxquels le nôtre a été redevable, soit qu'il
les réfute, soit qu'il en adopte les idées, nous devons une mention
particulière à une dissertation de L. Geiger : Qidd de Judœoymm
morihus atque insiitidis scripiorïbus romanis visum fuerit^ Ber-
lin, 1872 ^ Les lecteurs de la Revue qui voudront bien s'y reporter
rendront justice, croyons-nous, à la conscience et à l'originalité de
notre travail. Une œuvre d'une valeur scientifique bien supé-
rieure, est la brochure de M. E. Schiirer : Die Gemeindeverfas-
sung der Juden in Rom in der Kaiserzeit, Leipzig, 1879. Enfin
nous avons eu la satisfaction, au moment de mettre la dernière
main à ces pages, de nous trouver en conformité de vues sur
un grand nombre de problèmes importants, avec M. Joël dans
ses : Bliclie in die Rellgionsgeschichie zu Anfang des zweiten
chrisilichen Jahrhunderts, Breslau et Leipzig, 1883. La seconde
partie de notre travail aura à tenir le plus grand compte du cha-
pitre où il examine le récit que fait Tacite de la persécution des
chrétiens sous Néron, et l'opinion des payens do Rome sur les
.Tudi'o-chrétions. Qu'il nous soit permis d'exprimer notre recon-
naissance à M. Is. Loeb qui nous a signalé quelques-uns de ces
ouvrages ; par son expérience et son savoir, il a contribué, sur
l)lus d'un point, à rendre le nôtre moins imparfaif.
' N')us ne mentionnons que pour nicmoiro les ouvrapos classiques de IlaTel et de
Renan sur les orifzinos du chribUanismo, lliisloire dos Juifs par le D' Graclz, el l'ou-
vruge de b'ricdlacndcr sur les mœurs romaines depuis Auguste jusqu'aux Anlonins.
Los rapports du juduismc ol des religions payonnos sont cxaininc's dans la dernière
partie do cel ouvrage, l. IV de 'j Iraduclion Vogel, p. 279 el suiv. Il est regrettable
que M. Uoissier, dans son cxcellont travail sur la religion romaine, ail passe les Juifs
e^mplolemont sous silence. C'est un peu pour combler cette lacune que nous avons
(^erii ces ligner.
LES JUIFS DEVANT L'OPINION ROMAINE
On admet généralement que les Juifs apparurent pour la pre-
mière ibis à Rome vers l'année 139 avant l'ère chrétienne, sous le
consulat de Popilius Laenas et de Gains Calpurnius. Ce n'est pas
un témoignage contemporain qui nous l'affirme, mais on peut le
conjecturer de quelques lignes de Valère Maxime, inspirées par un
document de l'époque et dont voici la traduction* : « Cornélius His-
pallus (ouHispanus), préteur forain, sous le consulat de Popilius
Lsenas et de Caius Calpurnius, ordonna par un édit aux astro-
logues chaldéens de sortir de la ville et de l'Italie dans un délai
de dix jours, parce que leurs mensonges, fondés sur une interpré-
tation fallacieuse du mouvement des astres, abusaient les gens
légers et simples, en leur soutirant beaucoup d'argent. Il força
de même les Jidfs^ qui chercUaient à corrompre les mœurs
romaines par le culte de Jupiter Sabazius , à regagner leur
patrie. »
Il ne nous paraît pas douteux que Valère Maxime, en relatant
ces événements, n'ait eu sous les yeux le texte même des édits
auxquels il fait allusion. La mention de Jupiter Sabazius est ca-
ractéristique. Ce surnom de Sabazius, très rare avec Jupiter, dé-
signe un Dionysos mystique vraisemblablement venu en Grèce
d'Asie-Mineure, de Phrygie ou de Syrie, divinité identique au
Dionysos Zagreus célébré par la poésie orphique-. Un culte se-
cret de ce dieu était en honneur à Athènes dès le vi« siècle, au
grand mécontentement des vieux Hellènes, qui ne pouvaient
1 Val. Max., I, 3, 2. Le texte de Tauteur, tel qu'il était généralement adopté
jusqu'à ce jour, porte : • Idem qui Sabazii Jovis cultu simulato. . . », ce qui fait que
l'on a contesté souvent qu^il fût ici question des Juifs. Nous croyons qu'il est impos-
sible de songer à une autre nation. Les critiques les plus compétents (voy., entre autres,
Schûrer, ouv. cit., p. 5, note 2) qui avaient autrefois renoncé à voir des Juifs dans
ce passage sont revenus de leur opinion : • Die Ansicht, dass nicht von den Juden
die Tlede sei.. . ist unhaltbar, da JudJps im Text gesichert ist. » 11 avait émis jadis
une opinion différente. Voy. Neutestam. Zeitgesck., p. 624. Marquardt, Bœm. Staats-
vcr., 111, p. 80, note 9, rétablit aussi Judœos. Idem est une faute de copiste pour Judœos
ou a été cause, par la ressemblance, de l'omission de ce mot. Peut-être aussi que des
moines copistes, choqués de cette association des Juifs et du culte d^n Jupiter Sabazius
dont le sens leur échappait, ont simplement supprimé le mot, croyant ou rectifier
l'histoire ou faire œuvre pie. Voy. du reste Valère Maxime de Halm, p. 16 et 17.
» Outre le passage de Val. Maxime, il y a une inscription, Orelli, 1259, qui associe
le nom de Sai)azius à celui de Jupiter. Sur la nature du Bacchus qui le porte presque
toujours, voir l'article très complet de L. Georgii, dans le Realencyclopedie de Pauly,
VI, 1,615.
6 . REVUE DES ÉTUDES JUIVES
voir sans colère ces divinités exotiques faire concurrence, au-
près des foules, à la religion nationale. Dionysos Sabazius est
l'objet de la raillerie d'Aristophane * ; les pratiques bizarres qui
avaient été importées avec lui offrent à Démosthènes la matière
d'une amusante caricature, aux dépens de son rival Eschine-. Il
est bien clair que les Juifs n'ont jamais rien eu de commun avec
Jupiter ou Bacchus Sabazius. Mais ils honorent un Dieu Sabaoth
ou Zebaoth, dont le nom prêtait d'autant mieux à la confusion
que Sabazius devenait souvent Sehazius et était, à tort d'ail-
leurs, rattaché par les Grecs au sens et au radical de «6i:£iv,
cegaaroç^ Les Romains, s'en rapportant sur les questions de reli-
gions étrangères à l'exégèse de leurs maîtres attitrés, c'est-à-dire
des Grecs, lorsqu'ils entendirent parler d'Asiatiques qui adoraient
un Sabaoth, ne distinguèrent pas ce Dieu du Bacchus phry-
gien, surnommé Sabazius, le seul qui répondît à leurs connais-
sances "*. On sortait à peine de la grave afTaire des Bacchanales ^ ;
contre des aberrations religieuses compliquées d'un effrayant dé-
vergondage de mœurs, il avait fallu déployer toute la rigueur des
lois ; les esprits étaient familiarisés, au moins par des à peu près,
avec les dénominations des divinités orgiastiques, dont le culte,
venu d'Asie, avait troublé si profondément les esprits. Sans se
soucier des différences qu'une discussion théologique aurait seule
pu établir, à supposer que le Sénat eût voulu l'entendre, les pou-
voirs publics bannirent d'Italie de dangereux prédicateurs.
Qu'étaient-ce que les Juifs ainsi invités à regagner leur patrie :
repetere ? Le terme môme que Valère Maxime emprunte à l'an-
tique édit du préteur, si on le rapproche d'un passage de Josèphe^,
* Aristophane avait composé une comédie exprès, celle des Heurts (voy. les fragm.,
édit. Didot, p. 512) où Athéné, assistée de ces divinités, livrait bataille à Sabazius
et l'expulsait du territoire de l'Attique. Cf. notre thèse latine : Aristophanes impictatis
veus, p. 39 et suiv,, où un certain nombre de textes relatifs à Sabazius sont cités
et discutés. Cf. Lobcck, Aglaoph., p. 10'»6 cl suiv. — Cicéron connaît des Sabazia,
Nat Deor., m, 23, 58. Apulée, Metam^ viii, 25, nomme Smichts Sahadins.
* Dcmoslh., Pour la Cour,, p. 313, 259 et suiv.
' Cf. Schûrcr, Die Gemcindeverfassung dcr Juden in Rom in der Kaiserzdt, Leipzijr,
1879, p. 5.
* Peul-rtrc faut- il faire remonter jusqu'à celte première confusion de noms Topi-
nion, très répandue ù Home jusqu'au commencement du second sibclc. que la religion
juive était en rapport étroit avec le culte de Bacchus. Voy. Tacilc, Ilist., 5 : « Libe-
rum patrem coli » , etc.
* L'ulfuire des Bacchanales est de 186 av. J.-C.
« Josùphc. Ant. Jud., XII, 10, G; XIII. 5.8. cl XIII, 7, 3 ; cf. Marrhah., I. 15.
L'amliissadc en question dans le Icxle de Val. Maxime est celle dernière. Josèpbo
dit simplement, en parlant de Simon : roir,<Tdi|X£vo; xat aÙTÔ; zpè; P(oiia(o*j;
a'j[i[La.yi%/ . Il entre dans plus de détails pour les deux ambassades précédentes.
Cf. Sicndetesohu, dans les Acta Soeiet. philot. Lips., V, 1875, p. 87 et suiv., el Lange,
Roetn. Alterthiim., Il, p. 343. (Ces citations de Josèphe sont faites d'après Tédition
LES JUIFS DEVANT L'OPINION ROMAINE 7
désigne les membres d'une ambassade venue en mission passa-
gère. Nous savons par cet historien que depuis Tannée 160 avant
Jésus-Christ, trois ambassades envoyées de Judée se succédèrent
à Rome : la première, au nom de Judas Macchabée, vint réclamer
l'appui et l'amitié du peuple romain contre les Syriens ; la se-
conde, en 143, au nom de Jonathan, frère et successeur de Judas,
fut chargée de renouveler ce traité et d'en conclure au retour un
semblable avec les Spartiates ; la troisième enfin, venue de la part
de Simon, fils de Jonathan, se trouva à Rome l'année même où fut
rendu l'édit du préteur Hispallus.
Il faut d'autant moins hésiter à reconnaître que l'édit est dirigé
contre elle, qu'à peu d'années de là le philosophe Carnéade, en-
voyé à Rome par les Athéniens avec Critolaiis et d'autres sophistes
à l'éloquence brillante, mais peu scrupuleuse, se voit invité de
môme à porter ailleurs ses discours, jugés dangereux pour l'esprit
public*. Il sem^ble que, depuis le procès des Bacchanales et les rap-
ports plus fréquents des Romains, tant avec les Grecs qu'avec les
peuples asiatiques, il y ait à Rome, chez les conservateurs de
vieille roche, comme une surexcitation du sentiment national à
l'endroit des idées religieuses et morales. Philosophes ou théolo-
giens venus d'outre-mer sont également suspects ; les maîtres
mêmes d'une éloquence savante et habile à plaider toutes les
causes^, sont considérés comme une peste publique. Non que l'a-
ristocratie romaine soit encore en majorité et, par ses membres
lés plus remarquables, sincèrement attachée aux croyances et aux
pratiques de la religion traditionnelle. Si elle en défend l'intégrité
contre les importations étrangères, c'est au nom du principe pro-
clamé dans ce temps-là même par le grand pontife Mucius Scse-
vola : expedire falli civitates in religione ^. « Il est utile qu'en
matière religieuse les peuples soient trompés. »
Le décret qui expulsait les astrologues chaldéens et qui renvoyait
les ambassadeurs juifs fut vraisemblablement inspiré par Scipion
Emilien, le disciple et l'ami du stoïcien Panétius, le représentant à
Rome (nous le voyons par un curieux passage du traité de la Ré-
Didot, grecque latine, par Dindorf, 2 vol., Paris, 1845 ; il existe de l'historien une
traduction souvent inexacte par J.-A.-G. Buchon, 1 vol., Paris, 1838, dont la
division par chapitres est différente.)
* Carnéade vint à Rome en 598 U, C, c.-à-d. dix-sept ans avant l'ambassade de
Simon. Cicéron, Z)e i2<;jOw5^., fragm. m, 6 et suiv. ; Lactance, Instit., V, 14. Cf.
Martha, Le philosophe Carnéade à Rome, dans les Etudes morales aur VantiqMÎté,
Paris, 1883, p. 87 et suiv.
- Sur l'éloquence de Carnéade, voy. Cicéron, De Orat., I, 11, et Aulu-Gelle,
VII, 14, 10.
^ Saint Augustin, Civ, Div., IV, 27. Varron avait repris le mot à son compte.
8 REVUE DES ETUDES JUIVES
publique de Cicéron *) d'une religion naturelle, plus voisine au
fond du monothéisme judaïque que des croyances héréditaires.
Mais ou Scipion partageait sur la religion juive Terreur des foules,
ou, mieux renseigné, il ne crut pas devoir mettre d'accord ses
convictions philosophiques et sa conduite d'homme d'Etat. Ce n'est
pas la seule fois que nous aj'ons à constater cette contradiction
dans l'histoire des religions polythéistes. L'invasion de l'esprit
scientifique, aussi bien à Athènes qu'à Rome, coïncide avec le re-
lâchement des mœurs et de la discipline traditionnelle ; elle en est
presque toujours rendue responsable par les politiques. Cependant
ces politiques eux-mêmes marchant, par l'éducation et par l'intel-
ligence, à la tête de leurs contemporains, paient tribut plus que la
foule, dont ils voudraient modérer les ardeurs novatrices, à l'es-
prit nouveau. Ils sont théoriquement et dans le cercle de leurs
amis, avec Platon, avec Zenon, contre Homère et Numa. Si l'un
des membres de l'ambassade envoyée par Simon avait été admis à
expliquer devant Scipion, Lselius, Lucilius, les principes de la
théodicée et de la morale mosaïques, nul doute qu'il n'eût sur bien
des points obtenu l'approbation sympathique de ces esprits éclai-
rés. Mais la politique exige que la religion traditionnelle soit res-
pectée dans son principe, lors même que ce principe aura été, par
la philosophie, convaincu d'absurdité : expedire falli civitates in
religione. Au pis-aller, Panétius et les stoïciens offrent des moyens
de conciliation facile, entre la multiplicité des divinités hérédi-
taires et la théorie du Dieu unique et universel. Le Sabaoth, venu
de Judée, n'aj^antrien de la souplesse indispensable à ces accom-
modements politiques, on le renvoya à son berceau-.
* Sur la religion de Scipion Emilien et du groupe d'hommes éclairés avec lesquels
il aimaitù discuter, voir, outre le De Bep., I, 21, 34, le même Cicéron, Acad. pr., II,
2, Ij; De Finib., IV, 9, 23 ; TiiscuL, I, 33, 81 ; De Offic, I, 26. Le passage du traité
de la République, maliieureusement tronqué, renferme une vraie profession de foi
monothéiste placée dans la bouche de Scipion. Remarquez les expressions : € ... Qu«m
unuin ommnin deorutn et hominum regem esse omnes docti indoctique uno ore consen"
tiiint... ut rex putarctur nnus esse in cœlo... idemque et rex et pater haberetur
omnium,,, deos omnes censent itnius régi numitie... omneai hune mundum mente... •
C'est précisément ù celte place, où l'on pressent la définition de la providence mono-
tiiéisle, qu'il y a lacune. Ces théories sont stoïciennes, dira-t-on, et reproduisent
l'enseignement de Panétius : nous n'y contredisons pas. Mais entre la définition du
Dieu un cl ])rovidence suivant l'école de Zenon et la conception de Javeh, il n'y a
même pas Vépaisseui' d'une métaphore ; ceux qui admettaient l'une étaient par là même
propres à comprendre cl à apprécier Taulre.
* Celle religion d'ordre politique [civile tjenus) était héréditaire dans la famille des
Scipion. Voici ce que Tite-Live raconte de celle du premier Africain, XXVI, 19, 3 :
• Fui» eniin Scipio non veris tantum virtulibus mirabilis, sed arte quoque quadam
ab juvciila in osttMilutioncm crum composilus, plcraque apud mulliludinem aut pcr
noclurnas visas species aut velut divinitus mente mouila agens, sivc cl ipse capti
quadam superstitionc anirai, sive ut imperia consiliaque velut sorte oraculi missa sine
LES JUIFS DEVANT L'OPINION ROMALNE 0
En somme, malgré l'édit qui les expulsa de Rome, l'accueil fait
aux ambassadeurs juifs parles Romains, vainqueurs alors delà
Macédoine, de la Grèce, de l'Asie-Mineure, avait été bienveillant.
Il est probable que, dès lors, se fixa à Rome un petit noyau de
Juifs qui durent passer inaperçus ; nous ne croyons pas que des
souverains, d'une intelligence aussi pratique et d'un esprit aussi
ouvert que les Hasmonéens, aient négligé ce moyen simple d'in-
formatioji et de surveillance. Le séjour permanent de quelques co-
religionnaires dans la ville, qui étonnait et inquiétait chaque jour
davantage l'univers, était commandé par la prudence la plus élé-
mentaire.
Les Juifs possédaient encore leur indépendance, péniblement
l'econquise sur leurs voisins de Syrie ; mais ils la sentaient main-
tenant menacée de toute manière, directement par Antiochus, s'il
réussissait à triompher des Romains, indirectement par les Romains
eux-mêmes qui, une fois la Syrie soumise, s'abstiendraient diffici-
lement d'aller plus loin. Il était sage de prendre ses précautions
pour l'avenir; par une franche alliance avec le plus fort, alliance
sur laquelle il importait de veiller de près, on pouvait espérer
sauver l'autonomie nationale, plus précieuse pour les Juifs que
pour tout autre peuple, parce qu'elle se confondait avec l'auto-
nomie religieuse.
C'est, du reste, à cette époque, après les victoires de Paul-
Emile, que commence à se dessiner vers Rome, qui les a dé-
pouillés, le mouvement d'émigration des Orientaux en général.
Ils y viennent reprendre leur bien, exploitant à qui mieux mieux,
les uns par l'industrie et le négoce, les autres par le vice, les
goûts nouveaux qu'avaient contractés naguère chez eux leurs
vainqueurs.
Les Juifs, qui dès lors aussi se dispersent à travers les provinces
nouvelles conquises par les Romains, subissent comme les autres
peuples de l'Orient la fascination de la grande ville. Les particu-
liers en convoitent le séjour, parce qu'ils y voient le centre
prmcipal des affaires et du commerce avec le monde entier ; les
princes de Judée, inquiets de l'avenir, songent à s'y ménager
des intelligences et des influences. Nous verrons d'ailleurs que
la rapide organisation des prisonniers de Pompée en commu-
nauté indépendante s'expliquerait difficilement si l'on n'admettait
l'existence à Rome, dès le début du i^'" siècle avant l'ère chré-
cunclatione exsequereutur. » C'est ainsi qu'il exploite au siège de Carthagène {ib.,
45, 6 et suiv.) le phénomèae de la marée connu ds lui seul, comme Christophe
Colomb celui d'une éclipse.
ÎO REVUE DES ÉTUDES JUIVES
tienne, tout au moins d'un faible noyau de résidents Israélites ^
Cependant la période qui s'écoule entre l'ambassade de Simon,
renvoyée dans son pays pour cause de propagande religieuse, jus-
qu'aux expéditions de Lucullus et de Pompée en Orient, ne nous
présente pas le plus petit témoignage dénotant la présence des
Juifs à Rome. Il est vrai que des écrivains qui auraient pu y faire
allusion, comme le satirique Lucilius et le comique Afranius, ne
nous sont guères accessibles que par de minces fragments. Tous
ensemble, poètes et prosateurs d'ailleurs peu nombreux et connus
seulement de nom, ou se bornaient à l'imitation servile des Grecs,
ou concentraient leurs investigations sur ce qui est national et
indigène. A l'exception de quelques aristocrates qui, tout en se
piquant de littérature, n'avaient de curiosité intelligente que pour
les choses de la Grèce, le Romain de ces temps était moins
attentif aux idées et aax institutions de ses vaincus qu'à leurs
trésors et à leurs vices. Il avait de la sagesse de ses pères et de
l'excellence de leurs traditions une opinion trop haute pour se
préoccuper beaucoup de celle des étrangers. Sa course à travers
les civilisations asiatiques et phénicienne ne lui a guère appris que
des jouissances et des besoins matériels et lui a fourni les moyens
d'y satisfaire. S'il en rapporte quelque croyance nouvelle, c'est
qu'elle répond à ses instincts de sensualité positive, de religiosité
pratique et grossière. C'est pour cela que tous les efforts des
hommes sensés tendent à préserver les masses d'une communion
d'idées avec l'étranger, qui aboutirait fatalement, par la pente du
caractère national, à la corruption des mœurs et à la perversion
des intelligences. Parmi les nations vaincues il n'y a que la Grèce
qui soit assez forte pour pénétrer le vieil esprit romain de son
influence ; elle le remplit de ses croyances, de ses institutions, de
ses mœurs ; il est vrai que la Grèce trouvait le terrain préparé
par la communauté de races, par une lointaine et incessante tra-
dition ; le vu" siècle achève ce que les cinq siècles précédents
avaient largement ébauché. L'action de l'Asie ne s'exerça d'abord
qu'en passant par la Grèce, qui l'avait subie elle-même depuis un
temps immémorial ; et les Grecs n'ayant jamais rien eu de coni-
* C'est pour CCS raipons qu'il nous opl impossiLle de parlBfrer l'opinion dcM.Schwrer,
ouv. cit. : « Ailes dics war frcilich nur ciu vorubcrgchcndes Aullrctcn der Judcn
iu Rom. » L. Geigcr, dans la dissertation que nous avons cilcc, a compris comme
nous qu'il était dilTicilo d'expliquer le rôle important jouô par la communauté juive
dans le procès de Flaccus, si l'on ne fait remonter leur premier établissement à
Home au-delà de la coii(|ucle du temple par Pompée. Voir p. 7, note : • Errant
judicio meo scriptorcs qui Judjuos Ilicrosolymis cxpugnalis a Pompoio obsides factos
et Homam captivos diiclos primos Romrr fuisse putanl ncque Josephi verba [Ànt.
Jud., XIV, 4, l\] hoc faclum Icstari possc c«dsco ».
LES JUIFS DEVANT L'OPINIOiN ROMALNE 11
mun avec la Judée, par antipathie morale et incompatibilité reli •
gieuse plus encore que par Tabsence de relations matérielles',
les Juifs n'eurent d'abord dans cette action aucune part. Ce sont
cependant les philosophes grecs qui, sans le vouloir et sans le
savoir, préparèrent les Romains à comprendre ce que le judaïsme
avait de plus original : une religion monothéiste, l'adoration d'un
Dieu idéal, sans statues et sans symboles matériels -.
Lorsqu'à la faveur des dissensions intestines qui compromirent
les résultats heureux de la politique des premiers Macchabées,
Pompée poussa jusqu'à Jérusalem et fit le siège du temple, il se
trouvait parmi ses lieutenants et les tribuns de ses légions plus
d'un noble Romain qui avait été initié dans Athènes ou dans
Rhodes par les enseignements de l'Académie et du Portique à
l'unité de la nature divine, à la théorie du démiurge ordonnateur
du monde, de l'esprit universel le pénétrant d'activité intelli-
gente ^
Parmi les témoignages perdus qui conservèrent chez les Latins
le souvenir de cette conquête, à peine perceptible pour les Ro-
mains dans la série des triomphes qu'ils remportèrent en Orient,
mais d'une importance capitale pour nous par ses conséquences
ultérieures, nous regrettons surtout celui de l'historien Tite-
Live *. La modération habituelle de cet auteur, les tendances phi-
losophiques de son esprit, et une sorte de générosité cosmopolite
qui l'affranchit d'ordinaire des bas préjugés, nous permettent de
supposer que son jugement sur la nation juive fut, sinon exempt
de toute erreur, du moins digne et équitable. Nous nous trompons
fort, ou les réflexions que lui suggéra la prise de Jérusalem sur
les croyances et les coutumes religieuses des Juifs, ont été repro-
duites dans une page où Dion Cassius, évidemment sur la foi de
récits intérieurs, raconte et juge les mêmes événements ^ : « Les
* Josèphe, Contre Ap., II, 10, insinue le contraire ; mais cela n'est vrai que de ses
contemporains et non des Grecs suivant l'idéal du temps de Périclès.
* Josèphe, Contre Aj)., II, 16, p. 483, constate ces ressemblances de la philosophie
hellénique et du dogme juif sur la nature divine.
3 Si les Stoïciens, par leurs doctrines sur la nature de Dieu et sa providence,
semblent appelés à sympathiser théoriquement avec les Juifs, il paraît qu'en réalité
ils leur étaient fort contraires. Voir Josèphe, Contre Ap.^ II, 7 et passim, défendant sa
nation contre les mensonges de Posidonius et de Molon. Il est donc au moins digne
de remarque que Pompée et Cicéron ont tous deux entendu professer le premier à
Rhodes. Cic, Tuscul., II, 25 ; De Nat. Deor., l, 3, 44. Quant au second, il a été le
maître favori de Cicéron (voir ^rw^., 89, 307 ; 90, 312; 91, 316) et résida même
quelque temps à Rome chez son disciple. L'opinion que Josèphe lui prête sur la reli-
gion juive devient à Rome l'opinion courante.
* Josèphe invoque son témoignage {Ant. Jud., XIV, 4, 3) avec celui de Strabon et
de Nicolas de Damas.
5 Dion Cas., 37, 17. Freinshemius, dans ses suppléments, a refait à sa manière le
12 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
» Juifs, dit-il, sont séparés du reste des hommes et par les habi-
» tudes de la vie en général et surtout parce qu'ils n'adorent
n aucun dieu des autres peuples. Ils'n'en reconnaissent effecti-
» vement qu'un seul qu'ils vénèrent avec une ferveur tenace. A
)) Jérusalem ils ne lui ont jamais élevé de statue, mais ils le con-
» sidèrent comme un être ineffable, invisible et mettent à l'ho-
» norer un zèle qu'on chercherait vainement chez les autres
» hommes. Ils lui ont construit un temple des plus grands et des
» plus beaux, seulement ce temple n'est ni clos ni couvert. Le
» jour qu'ils consacrent à ce Dieu est celui de Saturne; c'est
» alors qu'ils accomplissent de préférence leurs cérémonies spé-
» ciales, et s'abstiennent de tout travail sérieux. Pour ce qui est
» de savoir quel est au juste ce Dieu, et quelle est la source de la
)) crainte qu'il inspire, cela n'est pas l'objet de mon ouvrage, et a
y) du reste été raconté par beaucoup d'auteurs : -ol\o'.<; xt eipT.xai ».
Ces derniers mots visent, outre Tite-Live qui a dû se placer
mieux que tout autre écrivain au point de vue des soldats de
Pompée dont il a recueilli les récits, Tacite, Josèphe, Nicolas
de Damas et Strabon, peut-être des historiens aujourd'hui in-
connus.
Nous voyons chez Josèphe *, dont le récit est confirmé par Cicé-
ron sous le consulat duquel eut lieu l'événement, et chez Tacite
qui, à propos de la seconde conquête, remonte jusqu'à la première,
que la conduite des vainqueurs, au lendemain d'un siège acharné,
fut aussi modérée que possible. Pompée accompagné de quel-
ques-uns de ses officiers, parmi lesquels Cornélius Faustus, un
fils de Sylla qui avait pénétré le premier par la brèche, entra
dans le Saint des Saints, contempla, malgré les prêtres, la table,
les chandeliers, les coupes d'or et resta stupéfait en ne rencon-
trant au fond du sanctuaire ni statue ni symbole, mais seulement
une place vide et des mystères insaisissables : « Xidla uitus deum
récit du sièpc de Jérusalem par Pompée, mais il n'y a mis ni le style ni l'esprit de
Tile-Live, Cil, 59 ù 68. Il en Ci^t de même de tous les autres passajfcs de ces supplé-
ments où il est question des Juifs. La pajjje de Dion Cassius est peut-Otre la plus
remarquable de celles que l'antiquiti- gréco-latine nous ait léguées sur les Juifs ;
M, Renan y a trouvé un de ses meilleurs arguments en faveur de sa thèse : Du Judaïsme
comme race et comme rclifjion, Jietiie polit, et Itttér., 3 fév. 1883, p. 146, col. 2. En
somme, il est hien étrange que précisément toutes les parties de l'ouvrage de Tite-Live
cil il était question des Juifs aient disparu, non seulement des manuscrits de cet auteur,
mais de la polémi(jue des Pères. Celte disparition nous parait difficilement fortuite.
' Aut. Jtul., XIV, 4, 4 ; liel. Jiid., I. 7, 6. Cf. Cicér., Pto Fine. 28, 67 et suiv. :
• Al Cn. Pompcius caplis Ilierosolyniis victor ex illo fano uihil alligit », Tacite,
IIisi., V, U. Dion Cassius, XXXN'U, 15 et 16, dit au contraire que le trésor du
lomplo fut pillé au lendemcon du siège. C'est une erreur : co pillage n'eut lieu que
plus tard par Crjssus allant combattre les Parthes ; Ant.Jud.. XIV. 7, 1, cl Bel,
Jud., I, 8S.
LES JUIFS DEVANT L'OPINION ROMAINE 15
effigie, vacuam sedem et inania arcana *. » Il respecta le trésor
sacré, si considérable qu'il fût, non pas seulement par affectation
de générosité comme l'insinue Cicéron dans l'intérêt de son client
Flaccus, mais par une sorte de respect religieux. L'âme de Pom-
pée fut toujours accessible à ces vagues terreurs de la superstition
devant l'inconnu. Les Juifs cependant lui surent moins de gré de
cette modération extraordinaire, qu'ils ne lui gardèrent rancune
d'avoir violé le premier le secret de leur temple. Ils le feront
bien voir le jour où Pompée tombe frappé à Pliaros. Une des
premières causes de la popularité de César parmi les Juifs, c'est
qu'il vengeait, lui l'instrument du Dieu puissant, une profanation
coupable.
Quoi qu'il en soit, pour la première fois, dans une circonstance
solennelle et malgré l'ivresse d'une victoire chaudement disputée,
un général romain, un homme d'Etat, fit preuve vis-à-vis des
Juifs, au centre même de leur métropole, de tolérance. Ce fut un
spectacle nouveau pour les vaincus et bien propre à les sur-
prendre ; habitués par leurs précédents désastres à tous les sacri-
lèges militaires, ils virent le Romain le plus célèbre de son temps
ne témoigner après la victoire qu'une curiosité respectueuse ; au
lendemain de l'assaut, faire purifier le sanctuaire par ses prêtres
attitrés. Se souvenait-il que Xerxès avait agi de même, lorsqu'il
eut occupé l'acropole d'Athènes ^ ? Mais là se bornèrent ses con-
cessions à la forme religieuse qu'il venait de découvrir. Ceux qui
s'étonneraient que les Romains, après avoir pénétré avec Pompée
dans le temple de Jérusalem, n'en eussent pas remporté le secret
de ses enseignements, se placent au point de vue moderne; en
dépit d'une certaine culture philosophique venue des Grecs, ce
point de vue ne pouvait être celui des anciens Romains. Si cer-
tains compagnons de Pompée étaient capables à la rigueur
(Pompée lui-même ne l'était guère) des facultés abstractives qui,
dégageant l'idée divine de ses manifestations extérieures, la con-
çoivent avec les caractères d'une unité rationnelle, c'était en tant
que philosophes et non comme politiques ni comme hommes
d'Etat. Il ne pouvait y avoir de religion pour eux que sous les
espèces polythéistes ; toute autre doctrine leur paraissait spécu-
lation pure, non susceptible de passer dans l'esprit des foules, et
dans la pratique des nations. Peut-être que si les secrets de la
• Josèphe, Contre Ap.^ II, 7, où le lémoignap;e de Pompée et de Crassus est invoqué
comme réfutation des absurdités qui se débitaient chez les Grecs et chez les Romains
sur l'adoration de la tête d"âne, etc. Nous aurons à revenir sur ces idées dans la
II" partie de notre travail.
« Hérod., VJII, 54, 5.
U REVUE DES ÉTUDES JUIVES
sagesse mosaïque avaient été révélés (et rien ne prouve qu'ils
l'aient été suffisamment après la conquête aux officiers de Pom-
pée), non pas aux représentants d'une aristocratie routinière et
bornée, mais à des esprits subtils et novateurs, à un Aristide, à
un Thémistocie, aux Athéniens vainqueurs des Perses, à un Xé-
noplion, l'historien de la retraite des dix mille, auraient-ils dès
lors trouvé en Occident un écho puissant et prolongé? Ne voyons-
nous pas les Grecs, dès le sixième siècle avant notre ère, recevoir
l'empreinte de l'Arménie, de la Syrie, de la Phrygie, de la Perse
et se modifier à ce contact non seulement les doctrines des esprits
supérieurs, mais aussi les pratiques religieuses de la foule ? L'es-
prit romain, même quand il est représenté par des intelligences
cultivées comme Lucullus et Gicéron, n'a pas cette facilité d'assi-
milation théorique. Et puis, la raison d'Etat, qui demeure Vuliima
ratio des penseurs les plus originaux de Rome jusqu'à la décom-
position définitive, étouffe dans son germe le désir même de re-
nouveler les institutions traditionnelles, parmi lesquelles celles
de la religion leur paraissent les plus respectables. C'est ainsi que
l'occupation du royaume de Judée par les Romains en l'année 63
serait probablement restée sans influence sur la civilisation de
l'Occident, si les événements qui suivirent n'en avaient, d'une ma-
nière assez imprévue, tiré les conséquences.
Ce fut le 28 et le 29 septembre de l'an 693 de la ville (61 av. J-C.)
que se déroula dans Rome le cortège éblouissant de Pompée,
triomphant des nations orientales. — Le décret qui lui accordait
cet honneur • énumérait l'Asie, le Pont, la Cilicie, la Paphlagonie,
la Cappadoce, la Crète, la Syrie, la Judée, l'Arménie, les Pirates,
et ajoutait la mention du roi Mithridate et de Tigrane dont la
dynastie figurait, ainsi que celle de Phraate, derrière le char du
vainqueur dans la personne de leurs fils. Mais il ne nommait pas
Aristobule dont les démêlés avec Hyrcan avaient fourni à Pompée
l'occasion de prendre Jérusalem. Cependant Aristobule avait été
amené prisonnier à Rome avec ses deux filles et son fils Antigone;
Alexandre l'ainé avait trouvé moyen de s'échapper, en route, des
mains du vainqueur -. On conçoit que, perdus dans la foule
innombrable et bariolée des captifs de tant de peuples divers, si
propres à piquer la curiosité des Romains, parleurs costumes pitto-
resques, par l(^ur typ(î étrange, par le prestige d'une campagne
aussi lointaine que féconde en épisodes romanesques, les Juifs
' Fast. Cap.; Pline, Htst. nat., VII, 27, XXXVIl, G ; VclL, II, 40 ; Plut., 45, el
Dion Cass., XXXVIl, 21.
» Josèphc, Ant. Jud., XIV, 4, 4 et 5.
LES JUIFS DEVANT L'OPLNION ROMAINE lu
aient dû être remarqués à peine, malgré la présence de leur roi,
dans le cortège triomphal. Ce que l'on se montrait surtout, ce n'é-
taient même pas les fiers Arméniens ramenés avec Tigrane le
Jeune des bords de l'Euphrate, mais les vaincus du Pont et parmi
eux, la mort ayant épargné cette honte à sa personne, l'image
peinte de Mithridate fugitif, menant son cheval par la bride, et celle
où il rendait l'âme parmi les cadavres de ses filles ^ Le souvenir de
Lucullus et la jalousie s'attachant à la personne de Pompée qui
avait surtout remporté des succès faciles, amoindrissaient encore
aux yeux des Romains, le mérite de la conquête de Jérusalem. Les
malveillants s'en servaient à titre de moquerie, heureux de
rabaisser par les noms de « Vainqueur de Salem^ d'Arabarches
et de Sampsicerame romain ^ » le prestige d'un triomphateur qui
abusait du triomphe.
Tout avait contribué d'ailleurs à ne donner aux événements et
aux choses de la Judée dans les préoccupations des Romains
qu'une place accessoire. La chute de Jérusalem est de l'année où
mourut Mithridate, où Gicéron crut sauver Rome des projets
anarchistes de CatiUna. Il fallait tout l'extraordinaire du premier
de ces événements, pour arracher Rome aux préoccupations que
lui causait le second. Qu'était-ce que la conquête d'une ville
jusqu'alors obscure et indifférente, pour tirer tout un peuple de
l'attente anxieuse, de la tristesse, de la terreur où le plongeaient,
moins les desseins vrais de Catilina que tout le bruit mené
autour de la conjuration par Gicéron et ses amis? « Les femmes
de Rome, nous dit Salluste % déshabituées par l'état prospère de
la République des craintes d'une invasion, se désolaient devant la
perspective d'une guerre civile ; on cessait également de s'enor-
gueillir des triomphes extérieurs et de goûter les jouissances qu'ils
assuraient: chacun désespérait de soi et de la patrie. » Aux
portes de Rome deux généraux vainqueurs, Q. Marcius Rex et
Q. Metellus le Grétique, attendaient vainement, avec le titre
dHmperator, que le sénat leur décernât le triomphe. Celui de
Pompée n'eut lieu que deux ans après. A l'exception des victoires
les plus brillantes et des courses les plus aventureuses, tous les
hauts faits de son armée ne se dessinaient plus aux regards de la
i Voir la description du triomphe chez Plut., Pomp., 45, qui nomme cependant
parmi les curiosités du cortège, Aristobule, roi des Juifs. Pline, XXXVII, 6, insiste
principalement sur les magnificences artistiques et autres dont ce triomphe unique
permit l'étalage : « Veriore luxuriae triumpho. »
2 Cf. Mommsen, Hist. rom., trad. Alexandre, VI, p. 303 et suiv.; Cic, Ad Attic.^
II, 9, 1 ; 14, 1 ; 16, 2 ; 17, 2 ; 25, 3. L'allusion à la conquête de Jérusalem est un©
des plaisanteries favorites de Gicéron sur le compte de Pompée.
3 Salluste, Catil.^ 31, 3 et 30, 4.
16 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
foule, que dans le vague des lointains souvenirs. Depuis Paul-
Emile les Romains avaient vraiment quelques droits de se montrer
blasés devant le défilé des prisonniers orientaux, devant l'image
des villes vaincues, des dieux conquis, des fleuves traversés et des
montagnes franchies. Les habitants de la cité sainte de Judée, les
membres de la famille royale, entrevus pendant les deux jour-
nées du triomphe se perdirent dans l'immense cohue de Rome,
et si les vainqueurs les remarquèrent peu, il n'est pas croyable
qu'eux mêmes aient fait quelque effort pour attirer davantage les
regards.
Ceux qui étaient de condition ordinaire, devenus par le droit de
la guerre, la propriété des légionnaires, furent vendus comme
esclaves ou trouvèrent le moyen de se racheter aussitôt près de
ceux-là mômes à qui ils étaient échus en partage '. Un témoignage
formel de Philon qui écrit moins d'un siècle après l'événement
nous l'apprend. Affranchis, dit-il, puis revêtus du droit de cité,
c'est-à-dire devenus Romains au sens le plus étroit du mot, avec
toutes les prérogatives de ce titre, les Juifs s'établirent dans le
quartier Transtéverin qu'ils peuplèrent en grande partie et où ils
s'organisèrent en communauté distincte. Nous verrons ailleurs sur
quelles bases légales et dans quelles conditions privilégiées.
Remarquons dès à présent qu'il n'y a point d'exemple, du moins à
notre connaissance, d'une nationalité quelconque vaincue puis
asservie par les Romains, qui ait trouvé moyen, avec cette
décision et cette promptitude, de se reconstituer au sein même de
ses ennemis, en accordant avec leur législation ses coutumes et sa
foi héréditaires. Le fait serait absolument inexplicable, si l'on
n'admettait une solidarité étroite entre tous les prisonniers de
même provenance, l'abnégation de chacun au profit de tous et la
mise en commun des ressources emportées de la patrie, des
secours surtout envoyés par les parents, les amis et les pouvoirs
religieux de la Judée. C'est en effet à prix d'argent qu'en tout état
de cause le prisonnier, Tesclave pouvait racheter sa liberté. L'af-
franchissement de plusieurs milliers d'hommes suppose a priori
un capital considérable : les malheureux emmenés par les soldats
de Pompée et devenus leur chose, en pouvaient être difficilement
les détenteurs; d'autre part leur affranchissement fut réalisé avec
une telle promptitude qu'il exclut, pour le ])lus grand nombre
d'entre eux, le temps nécessaire à racfpiisition d'un pécule suffisant
Ensuite la qualité d'affranchi, laissant subsister entre le maître et
l'esclave des liens d'ordre moral et politique, il fallait autre chose
' Philon. Ltijat. ad (\iiunt., 23. éilil. Tam'linilz ; H, ;iGS. éilil. MangoKl.
LES JUIFS DEVANT L'OPLNION ROMAINE 17
que de l'argent pour en obtenir la faveur Ml était nécessaire, dans
le plus grand nombre des cas, d'y joindre de bons procédés, une
condescendance respectueuse, des manières insinuantes, de pro-
duire cette conviction dans l'esprit des maîtres, qu'une fois mis en
possession des privilèges de la liberté qui menaient au droit de
cité, on rendrait par reconnaissance plus de services que si l'on
était retenu par force au nombre des esclaves.
Aussi dans l'œuvre si rapidement accomplie de l'affranchis-
sement commun, les Juifs, prisonniers des soldats de Pompée,
durent non seulement se faire la courte échelle, mais trouver un
point d'appui chez des coreligionnaires libres, précédemment
établis à Rome. Il fallut plus que cela encore : à la faveur des
troubles qui continuèrent d'agiter la Judée après le 'départ de
Pompée, il a dû se produire certainement une émigration fré-
quente vers les parties les plus tranquilles de l'empire, sui^tout
vers cette ville, dès lors immense, où tant de personnes avaient
à retrouver des parents, des amis, des chefs de parti. Tantôt par
dévouement pour la cause du judaïsme en général, tantôt par
affection pour les victimes de la dernière guerre, souvent aussi
par intérêt et dans le désir d'utiliser les ressources industrielles
et commerciales d'un centre unique au monde, des exilés volon-
taires vinrent grossir la communauté issue du malheur des événe-
ments. Ce qui, jusqu'à ce jour, avait empêché les Juifs de pous-
ser jusqu'à Rome, alors qu'ils se répandaient sans crainte à tra-
vers la Syrie, l'Egypte, les Iles et le continent Hellénique, c'était
la crainte de ne pas rencontrer au voisinage des Dieux de la
République et autour de leurs temples respectés, la tolérance qui
faisait rarement défaut ailleurs. La modération de Pompée et de
ses lieutenants au lendemain de la conquête, une première expé-
rience de la vie à Rome sous la garantie des lois communes,
prouvèrent suffisamment au Juif qu'il serait plus tranquille dans
l'exercice de son culte, plus indépendant dans la pratique de ses
devoirs, confondu parmi la foule des Romains de Rome , que
côte à côte avec les Grecs railleurs où les Egyptiens jaloux '^ 11
s'aperçut que de toutes les nations avec lesquelles il avait entre-
tenu jusqu'à ce jour des rapports forcés ou volontaires, le peuple
* Sur les formalités de raffranchissement et ses conséquences, voir Madvig, L'Etat
romain, t. I, p. 204 et suiv., trad. Morel, Paris, 1881.
2 Sur la haine des Egyptiens pour les Juifs, voir Josèphe, Contre Ap., I, 25 ; cf. I,
13. Sur les divisions entre Grecs et Juifs à Alexandrie, où Alexandre, devançant la
politique de César, leur avait accordé l'égalité absolue devant la loi (id., Bel. Jicd.,
II, 18, 7, et Contre Ap., II, 4 et suiv.), voy. Josèphe, Ant. Jud., XVIII, 8, 1, et
XIX, {>, 2.
T. VIII, N*^ 15. 2
4 s REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Romain était en somme le plus tolérant, parce qu'il était le plus
fort; que de toutes les villes commerçantes, celle de Rome par son
étendue, par le cosmopolitisme de ses habitants, par la diversité
et l'exigence des intérêts et des idées dont elle était le centre,
constituait l'abri le plus sûr pour des hommes qui mettaient au-
dessus de tout la liberté de leur foi. Il était dans la nature des
choses que la population juive de Rome, dont la première
amorce pour nous date des ambassades envoyées par les Mac-
chabées, considérablement accrue ensuite après les campagnes
de Pompée par les prisonniers, prit un développement rapide
grâce à des immigrations volontaires avec l'arrivée d'Aristobule
et de ses compagnons de captivité *. Quatre ans à peine se sont
écoulés depuis que la conquête de la Judée est un fait accompli
et déjà la communauté juive de Rome, qui jusqu'alors était à
peine perceptible, force un orateur comme Gicéron à compter
avec sa puissance financière et son influence politique ; un phi-
losophe comme Varron à témoigner de sa supériorité en matière
religieuse^.
II.
Par la conquête du temple de Jérusalem s'annexait à la reli-
gion de l'empire romain un élément de foi populaire qui en était
la formelle négation. Un peuple soumis par les armes est, devant
l'opinion romaine, un peuple destiné à l'absorption par les insti-
tutions, en première ligne par les institutions religieuses, conçues
comme le facteur le plus puissant des calculs politiques. Pour
la première fois les croyances du vaincu se refusaient à toute
transaction avec celles du vainqueur ! Celui-ci allait-il aviser à
briser les résistances, à détruire ce qu'il ne pouvait soumettre?
Ou laisserait-il debout la négation de sa propre divinité, au risque
de compromettre non-seulement l'identification politique , but
suprême de la conquête, mais le prestige du conquérant lui-
même ? Y avait-il un modus viveucli qui permît à une commu-
nauté de l'ordre religieux d'exister dans l'Etat, en l'unissant au
corps social par tous les liens, sauf par celui qui était considéré
jusqu'alors comme le plus puissant et comme la garantie des
• Cf. llavel, ouv. cit., II, p. 149.
» Cic, P,'o Flac, 28, 67 et suiv. Cf. De Proo. coHttiL, 5, 10, et Vtrron chef
S. Aupust.. Cic. Div.. IV. 31, 2.
LES JUIFS DEVANT L'OPINION ROMALNI. 19
autres? Q\xe\ pouvait être ce régime, assez efficace- au point de
vue du gouvernement, pour que son autorité restât entière, assez
accommodant au point de vue des sujets nouveaux, pour exclure
tout motif sérieux de mécontentement et de révolte? Ces questions
ne se posèrent pas tout d'abord avec cette netteté devant Tesprit
des vainqueurs de la Jud('o. Ils les pressentaient vaguement
comme nous le constaterons par de curieux témoignages, et va-
guement aussi en cherchaient la solution. L'accord de quelques
esprits supérieurs, d'Aristobule et de César, d'Hérode et d'Au-
guste y devait aboutir naturellement et par les voies les plus
simples.
En attendant, le dédain même qui avait accueilli les Juifs à
leur entrée dans Rome leur créait une situation qui, pour n'être
pas brillante, n'en était pas moins avantageuse. Ils prenaient pos-
session, sans bruit, de la liberté d'abord, du droit de cité ensuite :
« Amenés prisonniers en Italie, dit Philon, ils avaient été affran-
chis par ceux qui les avaient achetés ; et on ne les força en rien à
violer les lois de leurs pères. Cependant on savait qu'ils avaient
leurs lieux de prière, qu'ils s'y réunissaient, surtout aux jours
saints, et s'y instruisaient publiquement dans la sagesse hérédi-
taire. On savait qu'ils ramassaient des sommes d'argent sous
forme d'offrandes sacrées et les envoyaient à Jérusalem par l'in-
termédiaire des sacrificateurs *. » Romains en tout le reste (Pwixaîot
ôM<Tavot7tX£(o'jç. ..) et soumis à la législation de leur patrie nou-
velle, ils ne mettaient à leur obéissance de citoyens qu'une res-
triction, mais intraitable celle-là et irréconciliable : ils se refu-
saient à adorer les dieux de l'empire sans chercher d'ailleurs à les
combattre ; ils demandaient à adorer le Dieu de leurs pères, à la
m.anière de leurs pères, sans vouloir répandre autour d'eux ni
encore moins imposer leur foi. Si les Juifs étaient restés pauvres
et obscurs, nul doute que l'esprit pratique du gouvernement de
Rome ne les eût toujours laissés en possession paisible de ce
double privilège qui ne portait ombrage à personne. Mais trois
années ne se sont pas écoulées depuis le triomphe de Pompée, et
déjà sur le forum romain, par la voix du premier avocat de la
ville, par la voix du consul dont l'année avait vu la chute de Jé-
rusalem en même temps que la ruine de Catilina, les Juifs sont
pour leur richesse et leur opposition à la religion nationale si-
gnalés aux convoitises, aux haines de la foule-. Le plaidoyer
pour Flaccus est bien, comme dit M. Ilavet « une de ces révéla-
» Philon, Leffat. ad Catum^ îi3, édit. Tauchnitz.
* Pro Flac, 28, 66 et suiv,
•20 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
tions qui éclatent par moment au milieu du silence de l'his-
toire*. » 11 est le premier épisode du mouvement antisémitique à
Rome, mouvement enrayé bientôt par César et qui, reprenant à la
suite d'un malentendu public sous Tibère, ne devait s'arrêter qu'à
la faveur des persécutions contre les chrétiens sur lesquels il se
détourna.
L. Valérius Flaccus^,fils d'un consulaire qui était mort en Asie
durant la guerre contre Mithridate, s'était élevé par dégrés jus-
qu'à la dignité de préteur. Il en avait rempli les fonctions à Rome
l'année du consulat de Gicéron et rendu à ce dernier des services
signalés pour la répression de la conjuration de Catilina. L'année
suivante il fut envoyé en Asie en qualité de propréteur et s'y con-
duisit à peu près comme Verres à quelque temps de là s'était
conduit en Sicile, c'est-à-dire en concussionnaire effronté. A son
retour il fut accusé par D. Laelius, à l'instigation peut-être et
certainement avec l'approbation de Pompée. Quoique le crime de
concussion fût manifeste ^ Hortensius et Gicéron (il ne fallait pas
moins, paraît-il, que les meilleurs avocats et les plus populaires
de la ville pour cette cause) réussirent à arracher un acquitte-
ment. Gicéron avait un intérêt particulier à défendre chaleureu-
sement un tel client : il comptait sur lui pour l'assister dans sa
lutte contre Clodius, comme naguère il l'avait assisté contre Gati-
lina. Gicéron refit donc en sens inverse le plaidoyer contre Ver-
res : certains passages du discours pour Flaccus sont des chefs-
d'œuvre de rouerie avocassière, de déguisements diplomatiques.
Une partie de la cause fut plaidée sur le dos des Juifs : c'est la
seule qui ici nous intéresse.
Ge texte est si connu, il a été si souvent cité qu'il nous semble
presque superflu de le reproduire *. Peut-être cependant n'a-t-on
pas assez insisté sur sa portée et sa signification historique en ce
qui concerne les débuts de la communauté juive à Rome. On sent
que le mépris affiché par l'orateur est plus apparent que réel ;
ï Ouv. cit., I, p. 1:2.
* Sur L. Valérius Flaccus, voir Pauly, Realencydop., VI, 2, 2346.
^ De manilcslissiniis crimiuibus cxeniil Ciccro, Macrob., II, 1. C'est par le discours
de Gicéron, G, 14, (ju'on soupçonne rinlervenlioii de Pompée.
* Nous meUons en note les passages essentiels : « Sequitur auri illa invidia ju-
daici. Hoc nimirum illud est quod non longe a gradibus Aureliis hffc causa dicitur :
hoc criineu liic locus abs te, La-li, atque illa turba (Juda'orum scil.] qua?sita est :
Sois quanta sil manus, quanta concordia, quantum valcat in concionibus. Summissa
voce ugam, tantum ut judiccs uudiaut ; neque cnim desunt qui istos in me atque
in optimum quemque inclvenl, quos ego, quo id facilius faciant non adjuvabo
huic..., borbaro^ superslitioni resistcre scveritalis, multitudincm Judaporum llagran-
lem non numcjuam in concionibus pra,- rcpublica contcmncrc gravitalis summae
fuit. .
LES JUIFS DEVAxNT L'OPLNION ROMAINE £1
qu'il diminue à dessein l'importance des victimes de Flaccus pour
atténuer d'autant la faute de son client. Mais est-il paroles plus
significatives, dans la bouche d'un tel avocat, que celles où il fait
allusion au nombre des Juifs, à leur union, à leur influence dans
les assemblées électives, où il montre leur multitude : Flagran-
tem non nunquam in concionilms ? Si ces insinuations sont fon-
dées, et il n'y a pas de raisons pour croire le contraire, Laelius
soutenu dans ce procès par Pompée, est en réalité poussé par les
Juifs, qui lui ont fait choisir jusqu'au tribunal le plus favorable à
une manifestation publique, solennelle de leurs droits.
Si nous ne savions, par une foule d'exemples fameux, que Ci-
céron est passé maître dans l'art d'embrouiller les causes mau-
vaises, d'accumuler les considérations accessoires qui vont à son
but et d'atténuer le fait principal quand il le gêne, son plaidoyer
contre les Juifs suffirait à le prouver. Que ïon s'en tienne à ce
que l'avocat avoue, on ne concevra pas que des accusateurs
sérieux aient compromis leur cause en ramassant un grief qui
tombait de lui-même. Il est probable, quoi qu'en dise Cicéron, que
de l'or arrêté, sous le prétexte de l'intérêt public, en divers en-
droits de l'Asie, une quantité notable était restée aux mains de
Flaccus ou de ses lieutenants ; plus probable encore que la dé-
fense d'exportation n'avait eu pour but que de faciliter le vol *.
Des juges romains n'auraient jamais condamné un magistrat pour
avoir fait entrer dans lès caisses de l'Etat de l'or confisqué sur
une nation mal soumise, la veille encore ennemie déclarée de
l'empire. L'appel au fanatisme des Romains contre la religion
juive avait précisément pour but de masquer ce côté faible de la
défense. Des gens ennemis des dieux sont hors la loi : Flaccus les
aurait-il volés quelque peu, qu'il faudrait lui en savoir gré. De
même Milon, à supposer qu'il eût sans provocation assassiné
Clodius, méritait des couronnes pour avoir débarrassé la répu-
blique d'un citoyen dangereux-. Dans le cas de Milon, Cicéron
tentait d'obtenir l'acquittement de son client en grossissant la peur
que causaient depuis Gatilina les représentants de l'anarchisme,
en provoquant la reconnaissance pour en avoir été une fois de
plus débarrassé. Dans celui de Flaccus, il le demandait aux pas-
sions religieuses ; mais ici l'exemple de Pompée le gêne. L'expli-
* Celle exporlalion de Tor par les Juifs à destinaliou du lemple de Jérusalem est
atteslée par une foule d'aulres lémoignaj^es. Voir notammenl Philon, Légat, ad
Canim, 23. La saisie de Flaccus porla sur cenl livres d"or, ce qui ne devait pas
représenter le total de la contribution. Voir une inscription juive, recueillie à SmyrnQ
dans le C. I. G., 9897, relative à une saisie semblable.
. a Pro Mil., XXVII, 72 et suiv.
•22 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
cation qu'il en donne est puérile et n'a dû convaincre personne *.
N'est-il pas étrange en somme de voir le disciple de Platon et de
Panétius, l'auteur du traité de la Natuy^e des Dieux et de la Ré-
pudlique, faire sonner si haut contre les Juifs vaincus leur oppo-
sition toute passive aux traditions religieuses de Rome? Il est
vrai que, le cas échéant, Cicéron eût tout aussi bien pris en mains
la cause de la liberté de conscience contre les fanatiques d'mi
autre âge. Il défend Flaccus sur les mêmes faits pour lesquels il
avait accusé Verres : son honnêteté d'homme et sa dignité de phi-
losophe le suivent rarement sur le forum ; elles ne lui serviraient
qu'à gagner les bonnes causes, et le métier oblige souvent à en
plaider de mauvaises.
Ce qui est plus curieux que le fond du procès de Flaccus, ce
sont, en ce qui concerne les Juifs, les circonstances dans lesquelles
l'orateur est obligé de parler. Par Cicéron nous apprenons la ra-
pide organisation des Juifs en communauté distincte et influente.
Ils sont là en grand nombre sur le forum Aurélien-, voisin sans
doute du quartier où ils habitaient, entourant le tribunal et guet-
tant avec avidité les paroles de l'accusation et de la défense. Leur'
rôle n'est pas passif, car l'avocat est obligé de compter avec leurs
manifestations, et celles de leurs amis. 11 a peur que les audi-
teurs indignés ne couvrent sa voix et ne pèsent sur l'esprit des
juges : il ne veut être entendu que de ces derniers. Sans doute
que les anciens maîtres des Juifs, devenus leurs patrons, sont
venus au tribunal pour les soutenir de leur influence ; sans doute
que les esclaves de la veille, devenus patrons à leur tour, ont déjà
toute une clientèle populaire, qu'ils amènent avec eux afin de
marquer leur crédit. Cette assistance sympathique, aussi nom-
breuse que déterminée, oblige un consulaire de l'importance de
Cicéron à des précautions oratoires d'un genre particulier. C'est
lui-même qui constate non seulement que les Juifs sont à Rome
nombreux et unis, mais qu'ils ont une grande influence dans les
assemblées politiques : in concionilnis . Déjà le souvenir de leur
servitude s'est effacé. Ils sont citoyens libres, électeurs influents,
meneurs redoutables ; il ne faut rien moins qu'un témoignage de
cette autorité, pour que nous ne criions pas à l'invraisemblance.
• Pro Flac.^ G7 et G8 : Al Cn. Pompcius captis Ilicrosolymis viclor ex illo fano
iiihil allip;il. lu priniis hoc ut multa alia, sapicnter; in tam suspiciosa ac maledica
civilule locum sormoni obtrectaioruin non reliquil.
* Sur les Gradus Aurelii, partie d\i Forum où se plaida l^alToire. voir Pro Quint.,
[\^ ; Pro tSVj'/o, 15 ; In Pison., 5. Il somhle que le tribunal, avec son escalier do
pierre, fournil à une allaire importante une tribune plus solennelle. C'est pour cela
(|uc La'lius cl les Juifs l'ont choisi. 11 avait été élevé par M. Aurelius Cotti, consul
en 6Sn r. C.
LES JUIFS DEVANT L'OPINION ROMAINE 23
Le fait même de l'or exporté, non plus seulement des contrées-
grecques et asiatiques, où les Juifs se livraient à un commerce
lucratif depuis de nombreuses années, mais de l'Italie même où
ils avaient abordé comme prisonniers de guerre trois ans aupa-
ravant, atteste leur activité et leur intelligence. Cicéron n'insiste
pas sur cette richesse si vite acquise, pour détourner sur les ad-
versaires de Flaccus l'envie que lui avaient value ses concus-
sions : Invidia auri judaici. Mais le mot est lancé, quoique avec
un autre sens, et il fera son chemin dans les esprits. N'est-il pas
étrange de constater qu'aujourd'hui, comme alors, il est au fond
de toutes les manifestations antisémitiques ?
Trois ans après le plaidoj^er pour Flaccus, dans le discours
pour les Provinces consulaires S Cicéron trouvera moyen encore
de condenser en quelques mots l'expression de sa fierté mépri-
sante pour les Juifs asservis et aussi la constatation de leur puis-
sance financière. Après le départ de Pompée, Gabinius, son lieu-
tenant, avait continué les opérations militaires, pacifié la Syrie, la
Palestine, l'Egypte et, de concert avec Pison, organisé l'adminis-
tration de ces provinces. Cicéron, leur adversaire politique, leur
reproche d'avoir, dans cette œuvre, asservi les malheureux pu-
blicains, que l'on ne savait pas si dignes de pitié, aux Syriens et
aux Juifs, oiations nées pour la servitude. L'expression par
elle-même, dans la bouche d'un Romain, ne tire pas à conséquence.
Elle sert dans le langage courant à désigner les Orientaux en
général * : réduits sans trop de peine par les armiées romaines et
d'ailleurs soumis de tout temps à des royautés absolues, les Asia-
tiques apportaient dans leurs rapports avec les Occidentaux, la
résignation que leur commandait la défaite, la souplesse dont un
long passé leur avait fait une habitude. On peut dire cependant
que, devant l'opinion romaine, la constance des Juifs à conserver
leur foi, comme aussi leur résistance particulièrement acharnée à
la conquête qui ne devait pas être définitive avant un siècle, n'an-
nonçaient rien moins qu'un tempérament servile. Cicéron n'avait
pas à y regarder de si près.
S'il en faut croire Plutarque ^, il n'a pas seulement injurié les
* De Prov. consul., V, 10 : « Jam vero publicanos miseros. .. tradidit in servifutem
Judœis et Syris, nationibus natis servituti. »
* L'orateur pour Flaccus tire son principal argument du caractère méprisable des
témoins orientaux qui char<^eaient son client. Cf. Juvénal, i, 104 : Quamvis natus ad
Euphratem. C'étaient surtout les Ej^yptiens qui inspiraient ce mépris; voir Suidas,
au mot aîyuTrTiàtieiv identique ù uavoupYeïv xai xaxoTpoKsOeaôai ; et encore Juvénal,
I, 130 : nescio quis iEgyptius atque Arabarches, cujus ad efligiem non tantum
meiere fas est.
3 Vie de Cic, 9. Cf. Havet, ouv. cit.?, II, p. 150.
24 REVUE DES ETUDES JUIVES
Juifs dans le discours pour les Provi7ices consulaires après les
avoir mis hors la loi dans le plaidoyer pour Flaccus: il savait au
besoin les plaisanter agréablement; nous citons l'anecdote dans le
naïf langage d'Amyot : « Les Romains appellent un pourceau qui
n'est point chastré Verres, c'est-à-dire un verrat. Or y avait-il un
nommé Cécilius fils d'un serf affranchy, qui était soupçonné d'a-
dhérer à la loi des Juifs. Gestuy Cécilius voulait débouster les
Siciliens de cette accusation de Verres, et que la charge de l'ac-
cuser luy fust baillée à luy seul. Cicéron se mocquant de cette
siene poursuitte, luy dit : Quelle chose peut avoir un Juif à
démesler avec un verrat? Pour autant, ajoute le traducteur
dans une note, que les Juifs ne mangent point de chair de
pourceau. »
Le procès de Verres étant de dix années antérieur à la guerre
de Judée, si le bon mot prêté à Cicéron n'a pas été fabriqué après
coup, il est pour le moins curieux d'observer que déjà alors il y
avait à Rome des Juifs et que l'on plaisantait publiquement des
particularités de leur culte * .
Ainsi le premier des orateurs latins, celui dont la postérité a
eu soin de recueillir les écrits et de noter les paroles, a plusieurs
fois dans sa carrière trouvé les Juifs sur son chemin et a été
amené parles circonstances à leur donner place dans ses discours.
C'est sous ce farneux consulat, qu'il a cru devoir célébrer en prose
et en vers pour tout ce qui est arrivé d'heureux cette année-là à
l'empire romain, que le temple de Jérusalem a été violé par
Pompée ; c'est peu de temps après que le roi détrôné Aristobule
et des prisonniers nombreux, conduits de force à Rome, y ont
organisé la première communauté. C'est un plaidoyer judiciaire de
Cicéron, puis une de ses harangues politiques qui nous attestent,
de la façon la moins obscure, que les Juifs, quoique rançonnés et
tributaires, n'ont pas tardé à conquérir et l'influence et la ri-
chesse qui forcent l'aristocratie romaine à compter avec eux, qui
mettent dans leur dépendance une fraction notable de la classe
populaire.
Il est évident que les Juifs n'ont pu tenir la fortune qui leur
donnait cette puissance que du travail et de l'activité intelligente.
Mais si l'argent en peu de temps les avait rendus considérés, il
les désignait aussi aux jalousies : il rappelait que ces hommes
assez habiles, assez économes pour passer en trois années de
- C'est une présomption de plus ù ajouter à celles qui nous font croire ù l'cxislcnce
d'une petite communauté juive ù Rome antérieurement à Tannée 62. Suidas parle
également d'un Cécilius, Sicilien et Juif, comme celui qui figure dans le orocès de
Verres. Cr. une inscription judaïque de Syracuse, C. I. O., 9895.
LES JUIFS DEVANT L^OPINION ROMAINE 25
l'état de servitude à une puissance politique, ne pratiquaient pas
le même culte que leurs vainqueurs, que seuls dans Rome ils
affectaient de ne pas entrer dans les temples de tout le monde,
qu'ils vivaient à l'écart, avec des pratiques bizarres dont ils
se faisaient des devoirs sacrés. Étrangers vaincus par les armes,
croyants irréconciliables dans leur foi, travailleurs enrichis par
l'économie, ils appartenaient trois fois à la persécution. C'est
merveille qu'elle ait tardé si longtemps à se déchaîner sur eux.
Bien loin que les menaces qui grondent dans le plaidoyer pour
Flaccus aient trouvé tout d'abord un écho, il semble au contraire
que certains penseurs de Rome, de la société même de Cicéron,
se soient rendu compte avec une visible sympathie du principe
fondamental de leur religion. Varron, dans son grand traité des
Antiquités, le plus considérable de ses nombreux ouvrages, traité
contemporain de la conquête de Jérusalem par Pompée, faisait
remarquer que les Romains, pendant près de deux siècles, avaient
honoré les dieux sans simulacres ni images, et il ajoutait • : « Si
cet usage s'était maintenu, le culte divin serait resté plus pur. »
Il n'y a pas de raison de refuser notre créance à saint Augustin
lorsqu'il affirme qu'entre autres exemples d'un culte idéal, le cé-
lèbre polygraphe citait celui de la nation juive. Il y a même dans
cette assimilation un argument de plus qui nous permet de faire
concorder la composition de cette partie du livre avec le retour de
Pompée et de ses lieutenants. Varron, en sa qualité d'archéologue
religieux, ne pouvait pas ne pas s'intéresser vivement aux idées
des nations étrangères sur la nature divine, qui faisait l'objet de
ses recherches.de prédilection. Il avait conversé avec les officiers
qui, ayant pénétré dans le sanctuaire de Jérusalem et vainement
cherché pour l'ornement du triomphe l'image d'un Dieu nouveau,
lui firent part de leur surprise, lui communiquèrent les explica-
tions que les vaincus leur avaient fournies sur place. Ce n'était
plus seulement le superstitieux Pompée qui s'inclinait avec res-
pect devant la divinité sans simulacre; mais le philosophe Varron,
• Var. chez St August., Civ. Div., IV, 31, 2. Plutarque, Vie de Numa, 8, dit que
les temples et les chapelles sans images durèrent 170 ans (dyaXfxa ô'oOôèv â(X[jLopov
uotoùjjLEvot. . .) Voici les paroles de saint Augustin : « Cui sententi* suoe testem
adbibet inter cetera etiam gentem Juda'am : nec dubitat eum locum ita concludere ut
dicat, qui primi simulacra deorum populis posuerunt, eos civitatibus suis et metum
demsisse et errorem addidisse. » L'ouvrage de Varron était dédié à César, grand
pontife (Aug., Civ. Div., VII, 35 ; Lactance, last., I, 6, 1) ce qui donne comme date
probable de la publication Tan 47 av. J.-C. ; il y a quatorze ans qu'a eu lieu le
triomphe de Pompée. Comme l'œuvre comportait 41 livres, il n'est pas téméraire de
conjecturer que la réflexion ci-dessus fut inspirée à l'auteur par les événements
de Judée, elle n'aurait guère pu lui venir sans la conquête du temple. Cf. Havet,
II, p. lo3.
26 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
l'auteur de la division fameuse qui attribuait aux esprits éclaires
une religion spéciale, cite ce culte comme un modèle dans son plus
fameux ouvrage *; il regrette que ses compatriotes depuis les temps
de Numa y aient renoncé. Est-il téméraire de conjecturer que
ces idées, dont Varron est l'interprète devant la postérité, mais
dont il n'était certes pas l'unique représentant, ont dû contribuer,
dans une large mesure, à assurer la sécurité de la communauté-
juive dans Rome?
Les passions populaires ne se sont pas soulevées encore : il y a
trop peu de temps que les Juifs sont arrivés misérables, vaincus,
asservis; ils ne sont pas désignés dès le premier jour aux con-
voitises jalouses. Quant aux classes dirigeantes, elles ne peuvent
manquer d'être sympathiques à une race sobre, laborieuse, éco-
nome, aux adorateurs d'un Dieu qui rappelle celui de Platon, aux.
fauteurs d'un culte qui avait de nombreuses analogies avec l'an-
cien culte romain tel que l'avait organisé le roi Numa-. De ce
moment datent pour les Juifs à Rome une suite d'années pros-
pères et tranquilles, durant lesquelles ils fortifient la situation
acquise et conquièrent des privilèges nouveaux.
111
En attendant que César, s'emparant de la dictature, refondit
dans son ensemble l'organisation de la république romaine qui
craquait de toutes parts par l'accumulation d'une foule d'éléments
nouveaux de prospérité ou de ruine, la situation des Juifs à Rome
et dans le reste de l'Empire allait demeurer provisoire.
Leur annexion, incomplète plus que toute autre, puisqu'elle
n'avait pu s'étendre aux consciences insaisissables, à la religion
intraitable, constituait à ce titre une exception, reposait sur un
privilège formel. Jusqu'à ce jour toute nation incorporée par la
force ou par l'alliance au vaste empire romain lui livrait d'elle ce
qui était profane et ce qui était sacré ^ Seul le Dieu des Juifs
* Sur les Trois religions, selon Varron, cf. St Aug., Cir. Div., VI, 5; IV, 27.
* L'analogie du judaïsme et de la religion organisée par Numa a été remarquée
par Terlullicn : Nonne manifesta diabolus «lorositntem illam Ju(iair<e leçis imitâtes
c.s7 ? dit-il du confident de la nymphe Egérie. De Prascr. haref., 40; cf. Apoloç.,
21 et 25.
» Liv., XXVIII, 34, 7 : Mes vctustus erat Romanis, cum quo nec fédère nec
n-quis legihus jungerclur amicilia, non prias imperium in eum tanquam pacalum
uti, qutm oinnia divina humanuque dodidissct ». Cf. id., I, 38; VII, 31 ; XXVI, 32
et 3i ; Plaut., Aviphitr,, ToS ; Polyb., XXXVI, 2.
LES JUIFS DEVANT L'OPINION ROMAINE 27
n'avait pas capitulé dans son temple ; seul des dieux conquis, il
n'avait pu figurer dans le cortège triomphal de Pompée*; seuls
aussi d'entre tous les Orientaux vaincus, les Juifs enchaînés au
char du triomphateur avaient refusé leurs hommages aux divi-
nités du Capitole, aux aigles qui devant le soldat victorieux et
devant le prisonnier dompté en personnifiaient la souveraine
puissance. Les résistances des croyants de Jérusalem aux gouver-
neurs rcTmains qui leur demandaient des actes contraires à leur
foi- ne prouvent pas absolument que leurs coreligionnaires em-
menés à Rome, ceux-là surtout qui y étaient venus volontairement
après la conquête, aient été aussi intraitables. Il ne nous paraît pas
douteux que loin du temple, par la contrainte en quelque sorte
inévitable des choses, les membres de la communauté romaine ne
se soient relâchés sur bien des points de la rigueur des prescrip-
tions légales, en ce qui concernait les rapports publics et privés
avec les gentils. Tout ce qui dans la pratique du culte était intime
et personnel, la circoncision, les jeûnes, l'abstention de certains
aliments, les ablutions, les prières, a pu passer longtemps ina-
perçu ; même constatées par les sectateurs du polythéisme, ces
pratiques ne devaient causer qu'une médiocre surprise et à peine
provoquer, au début surtout, qu'une raillerie tempérée par le res-
pect. Dans tous les cas, il n'y avait là aucun motif d'irritation ou de
haine. Depuis la soumission de la Grèce et de l'Orient, Rome était
devenue le réceptacle des superstitions les plus variées et les plus
bizarres. Avant que les moralistes les censurassent, avant que les
satiriques en fissent des gorges chaudes, le vulgaire avide de nou-
veauté, cherchant partout de quoi raviver une piété blasée sur les
anciens dieux, de quoi rajeunir une religiosité usée par l'habitude,
les accueillait avec sympathie, presque avec crainte. Les Juifs
bénéficièrent de ces sentiments comme les adorateurs d'Isis ou de
Mithras ^ Il leur suffisait, pour avoir tout au moins la paix et pré-
venir les tracasseries, de s'abstenir de tout prosélytisme actif, ce
qui dut leur paraître d'autant plus facile d'abord, qu'ils avaient
tout intérêt à vivre cachés. Tant qu'ils se trouvèrent dans une
* Prudence, Contre Symmach., II, 350 : • Inter fumantes templorufla armata ruinas
dextera victoris simulacra hostilia cepit et captiva domum, venerans ceu, numina
vexit i. Cf. S. Aug.,i)e Consens. Uvang., I, 12; Minut. Fol., Octav.^ 6, 4; Digest.,
XI, 7, 36.
* Voir l'histoire des aij^les romaines à Jérusalem sous le gouvernement de Pilate,
Josèphe, Ant. Jud., XVIII, 3, 1, et Bel. Jud., II, 9, 2 et suiv. ; Contre Aj)ion,
II, 6, p. 474.
' Arnob.,II, 73 : « Quid, vos ^Egyptiaca numina, quibus Serapis atque Isis est
nomen, non post Pisonem et Gabinium consules in numerum vestrorum retulistis
deorum » ?
28 REVUE DES ETUDES JUIVES
situation dépendante, esclaves chez les particuliers de Rome,
l'observation stricte du sabbat, pour laquelle ils ne semblent avoir
fait de concessions à personne, devait leur causer certains en-
nuis ^ Mais le bourgeois romain était au fond le plus tolérant des
hommes, le plus capable de comprendre, d'excuser et au besoin de
partager toutes les superstitions. Comme le repos du sabbat com-
pliquait le service dans les maisons où il y avait des Juifs esclaves,
ceux-ci en tirèrent cet avantage, d'obtenir plus aisément Faffran-
chissement. La majorité des Romains se serait fait un scrupule de
châtier un serviteur étranger, à propos d'observances religieuses;
mais ils ne se souciaient pas non plus d'en garder, qui sous pré-
texte de religion passaient, comme diront Sénèque et Juvénal, la
septième partie de leur existence à ne rien faire-.
Plus tard lorsque la qualité de citoyen obligeait les Juifs, dans
les comices par exemple, à assister aux sacrifices et à la céré-
monie des auspices, il leur suffisait de garder une attitude silen-
cieuse; dans la cohue de ces assemblées, nul ne devait songer à
l'interpréter à mal.
Il n'y avait vraiment qu'une seule circonstance publique où la
fidélité du Juif aux prescriptions de sa loi le désignait à ses
maîtres devenus ses concitoyens, comme une sorte de réfractaire
et d'ennemi public. C'était la formalité du serment militaire ^
prêtée sur les enseignes, à haute voix, au milieu d'un appareil de
religion payenne qui ne permettait pas de considérer cet acte
comme une cérémonie indiff'érente. Le Juif devenu citoyen, et par
là soumis à la loi commune du recrutement, se trouvait ainsi placé
entre sa conscience de croyant hostile aux idoles et ses obligations
civiques. Qu'il y ait eu là une occasion de tiraillements, de diffi-
cultés, nous le devinons par l'exemption du service militaire
octroyée, comme nous le verrons, aux Juifs par César. Mais nous
ne savons si, jusqu'au jour d'une réglementation toute en faveur de
* En Tabsence de textes formels affirmant la chose, je me refuse à admettre que
l'observance du sabbat ait valu aux Juifs esclaves, de la part de leurs maîtres, des
chàlinients corporels, comme le disent certains auteurs. Voir l'article de M. Réville
sur les livres do Jost et do Graetz dans la Revue des Deux-Mofides, lo septîmbre
1807, sous ce titre : Le peuple juif sous les Asmonécns et les Hérodcs, p. 321 : • A
moins de les rolier de coups — et cela ne réussissait même pas toujours — il n*y
avait pas moyen, vu leurs innombrables scrupules religieux, d'utiliser leurs services. »
^ Scnèquc, chez S. August., Civ. Div.,\l, 11 ; Juv., xiv, 105. Nous reviendrons
])his tard sur ces passages. L'auteur de la xiv satire n'a fait que mettre en vers la
pensée de Sénèque.
' Sur le Sacramcntum militare, voyi-z Iluschkc : Die multa ttnd das sacramenium,
Leipzig, 1874, p, 368 et suiv. Sur la signification religieuse dos aigles considériH»
comme le nutnen de la légion, cf. Sénèque, ep. 'JS : « Primum militijr vinculum esl
religio et signorum amor. . . .; Val. Max., VI, 1, It : • Sacrala* aquila; ». Cf.
Tacit., Aun., Il, 17 : • ... aquila*... propria legioimm numina ».
LES JUIFS DEVANT L'OPINlOiN ROMAINE 29
ces réfractaires d'un nouveau genre, il y eut des châtiments in-
fligés, une contrainte exercée, si les généraux romains se conten-
tèrent avec les soldats juifs d'un serment spécial, ou s'ils les
dispensèrent de tout serment*. Du reste la nouvelle organisation
militaire, qui avait mis fin au service obligatoire et universel, et
tendait à transformer de plus en plus les armées romaines en
troupes mercenaires, offrit aux Juifs des moyens commodes de se
soustraire à des devoirs gênants 2. Jadis les capite censi, c'est-à-
dire les citoyens trop pauvres pour payer l'impôt étaient, sauf les
cas extraordinaires, jugés indignes de porter les armes pour la
patrie : les riches seuls étaient admis à cet honneur. Avec le pro-
grès du luxe et la transformation de l'esprit public, ce fut tout le
contraire; les riches se rachetèrent à prix d'argent, et les pauvres,
les affranchis mêmes, les esclaves et les gladiateurs furent, moyen-
nant un salaire, engagés pour la défense des frontières. Les Juifs
qui avaient trouvé sans peine à acheter leur liberté, pouvaient
légalement encore obtenir leur exemption du service militaire,
jusqu'au jour où un édit de César les en dispensa de droit.
Au sein de l'agitation que les démêlés de Pompée et du futur
dictateur allaient entretenir à Rome et dans tout l'empire, les Juifs,
désintéressés du fond de la querelle et voyant les Romains trop
occupés d'eux-mêmes pour prendre garde aux nouveaux venus,
pouvaient ainsi tout à l'aise tâter la législation de leurs maîtres,
apprendre à en éluder ce qui froissait leurs convictions, à exploiter
ce qui leur constituerait loin de Jérusalem l'indépendance reli-
gieuse, le seul de leurs intérêts, mais aussi le plus précieux, qui a
priori ne paraissait que médiocrement assuré, pour ne pas dire
.compromis sans remède. Quelque part que les Juifs se fussent jus-
qu'alors fixés dans l'empire, ils avaient cherché à se constituer en
communauté distincte, non pas en vue d'un isolement politique,
mais parce que leur foi, absolument différente des cultes poly-
-théistes, souffrait d'un mélange avec les payens, quels qu'ils
fussent. Cette prétention qui tendait, au moins en apparence, à
constituer une cité dans la cité, un Etat dans l'Etat, ne pouvait
manquer de désigner ceux qui l'affichaient, à l'attention mal-
veillante, soupçonneuse des pouvoirs publics. Nous voyons en effet
par une foule d'indices, qu'en Egj^pte, en Syrie, dans les Iles de
l'Archipel, partout où des communautés juives s'étaient organisées,
* La preuve d'une grande tolérance des Romains à l'égard des Juifs en ces ma-
tières ressort de ce passage de Josèphe, Contre Apion, II, 6, p. 474, dont il n'y a plus
que le texte latin : « Itaque derogare nobis Apion voluit, quia imperatorum non sla-
tuamus imagines, etc. »,
2 Marquardt-Mommsen, Jtoeni. Staatsverwalt. II, p. 416 et suiv.
30 REVUE DES ETUDES JUIVES
il y eut des tiraillements de ce chef, des méfiances officielles, et
comme une connivence des magistrats avec le fanatisme populaire
qui, lui, s'autorisait, pour courir sus aux Juifs, de causes d'un ordre
moms théorique ^ A Rome même l'existence de confréries et de
collèges payens, qui faisaient partie non pas seulement de l'orga-
nisme religieux mais de la vie sociale depuis plusieurs siècles,
offrit aux Juifs pour se constituer, eux aussi, en communauté
séparée, des facilités inattendues-.
Ils n'eurent, à vrai dire, qu'à détourner pour leur usage une ins-
titution romaine par excellence, qui remontait, pour le moins, au
roi Numa,qui était consacrée par l'antique loi des Douze Tables et
avait passé dans les habitudes. Chaque fois qu'une conquête par les
armes ou une annexion par l'alliance amenait à Rome, soit une
divinité nouvelle, soit une forme particulière d'un culte déjà exis-
tant, chaque fois que la piété des masses, surexcitée par des fléaux
ou des désastres, donnait droit de cité à un ensemble de céré-
monies qui, une fois accomplies, devenaient par là même pério-
diques, il se fondait pour honorer le dieu et vaquer au culte, des
coUegia ou sodalitates, calqués sur les collèges des Pontifes, sur
les grandes confréries des Saliens, des Arvales ou des Decemvirs
« sacris faciundis ». C'est-à-dire que les membres de certaines
familles, puis de certains corps de métier prenaient la religion
nouvelle à leur charge, faisaient du dieu leur protecteur spécial
et célébraient sa fête, suivant le rite conservé par tradition au
sein de la confrérie. Entre les membres de ces communautés sa-
crées s'établissaient ainsi des rapports qui équivalaient à ceux
d'une étroite parenté ^ et aboutissaient à des immunités, à des
privilèges d'ordre social ou politique. Il y en a qui furent de
véritables sociétés de secours mutuels, fondées en vue des cir-
constances graves de la vie, d'autres qui se proposèrent plus
spécialement de pourvoir aux funérailles de leurs membres,
' Voir sur les tracasseries et les persécutions dont les Juifs sont l'objet ù Alexan-
drie, Josèphc, Ant. Jud., XVIII, 8, 1 ; XIX, 5, 2 ; Bel. Jud., II, 18, 7; ù Antiochc,
id., Bel. Jud., VII, 3, 3 et suiv. ; à Ephèse, id., Ant. Jud., X^'I, 6. 5 ; 6. 7, etc.
Voir encore V\\\\.^Leg. ad Catum, 28 : où yà.ç> yjvvoei ye ovta; 'loycatov;, ol; 'oYa7nr,TÔv
TO (xr) èXa-ToOaOai. Les Juifs étaient trop heureux quand on ne leur faisait point de
tort au profit d'autrui. Cf. Friedlaender, IV, p. 294 et suiv.
* Sur ces collèges, voir le traité classique de Moramsen, De collegiis et sôdahctu
liomanorum, Kicl, 1843, Marquurdt- Mommseu, lioem. Stuatsverw., III, p. 131 et suiv.
Boissier, Religion romaine d'Auguste aux Antonins, II, p. 267 et suiv. : Les classes
inférieures et les associations populaires.
3 Voir Cic, De pet. consul., V, 16, et Brut., 45, 166, et la défiuitiou de Gaius,
Digest , XLVII, 22, 4 : « Sodales sunt qui ejusdem coUegii sunt, quam Gra^ci
éxaipiav vocanl. Philon, Contra Flac.^ l, p. 45, éait. Taucbn. (II, ol8, Mang.), dit de
Flaccus : Ta; xe éravpeîa; xal auvôSou;, al àel in\ Trpofâdii Ouaiùv elorvwv-o.. ..
SiéXuî., .
LES JUIFS DEVANT L'OPINION ROMAINE 31
d'honorer par des offrandes perpétuelles la mémoire des morts.
Gomme bien on pense, les compétitions électorales et les ambi-
tions politiques se faisaient de ces confréries, longtemps défendues
par leur origine et leur essence religieuse, un point d'appui *.
L'année qui précéda la conquête de Jérusalem les Yit, pour ce
motif, interdire par un sénatus-consulte à l'instigation de l'aristo-
cratie que menaçait le parti de Gatilina. Clodius les fit rétablir en
58, juste au moment où par le discours de Flaccus nous pouvons
constater le nombre, l'union, l'influence politique des Juifs. Les
termes mêmes dont Cicéron se sert, en parlant d'eux, semblent
Indiquer qu'il les considère comme formant une véritable soda-
litas, ayant sa signification religieuse et sa puissance électorale -.
Peut-être y a-t-il là comme une insinuation perfide de l'orateur
qui, dans un temps où les menées de Clodius renouvelaient les
terreurs naguère causées par la conjuration de Gatilina, avait
chance d'influencer quelques timides parmi les juges, en jetant
sur les adversaires de Flaccus le soupçon de société secrète. S'il
n'est question nulle part d'un coUegium Jiidœorum, c'est que les
Juifs présents à Rome se contentèrent de tirer parti de l'institu-
tion, mais se gardèrent d'en prendre l'enseigne devenue compro-
mettante. Etablis les uns près des autres dans certains quartiers
déterminés^ se retrouvant au jour du sabbat dans les lieux de
prière où seuls ils avaient accès ^ les Juifs constituaient à Rome de
tous les collèges existants le plus compact, le plus uni; séparés par
les intérêts moraux et religieux du reste de la population, ils se
sentaient d'autant plus portés à se secourir, à se défendre les uns
les autres. Gette organisation en confrérie qui les rendit suspects
lorsqu'elle devint un privilège, pouvait au début presque passer
inaperçue; en tout cas, elle était légale; et les Juifs, parmi les na-
tions soumises, n'étaient pas seuls à en tirer parti : les adorateurs
d'Isis et de la grande Mère de Phrygie l'avaient également adap-
tée à leur culte ^ ; ceux-là faisaient ouvertement des processions
* Ascon., p. 75 : « Fréquenter tum etiam cœtus factiosorum hominum sine publica
auctoritate malo publico fiebant, propter quod postea collej^ia S. C. et pluribus legibus
sunt sublata prseter pauca atque certa, quae utilitas civitatis desiderasset, ut fabrorum
lictorumque ». Cf. pour la suppression, le même, p. 7, avec le commentaire de
Mommsen, ouv. cit., p. 74.
2 « Scis quanta sit manus, quanta concordia, quantum valeat in contionibus », Pro
Flac, 28, 6.
* Pbil., Légat, ad Caium, 23 : sitt^raTO oOv xaî Ttpojsuxàç Sxovtaç xal auvîovTa;
eç àwzàç xai {/.àXiaxa Tatç îepcî; éêôojxatç, ôxe ôr,[JL0(7Îa tyjv uârpiov TiaiSeOovTai
9tXo(To<piav.
* Il y a une mention d'un coUegium Isidis dans une inscription, Orelli, 1878 ;
d'un Sodalicium Isidis C. I, L., II, 3730 ; des Isiaci kVom^éi, Henzen, 6028.
32 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
OÙ ils exhibaient les objets sacrés, c'est-à-dire le -rrdaTd;, sorte de
châsse où reposaient leurs divinités, et le pin sacré, symbole du
dieu Attis *.
Tandis que les Juifs profitaient ainsi pour s'organiser, à Rome,
suivant la loi et la coutume héréditaire, des institutions existantes,
César livrait au parti de l'aristocratie routinière, bornée, tyran-
nique en matière religieuse, aussi bien que politique, une lutte où
le suivaient avec sympathie et les vaincus des dernières guerres,
résignés aux conséquences de leur défaite, et la grande majorité
du parti démocratique, impatient d'un nouvel ordre de choses. Les
Juifs à qui le vieil esprit romain était éminemment défavorable,
(car ils n'en pouvaient attendre ni la sécurité des consciences ni le
libre exercice du culte), sentaient instinctivement que leur cause
était liée à celle de César, intelligence ouverte, sceptique, positive
et par conséquent libérale. Pour cette seule raison, les Juifs, aussi
bien à Rome qu'en Palestine, firent des vœux pour la défaite de
Pompée ; ils y contribuèrent dans la limite de leurs ressources ' .
A ce premier motif se joignait la haine que les croyants zélés
avaient vouée au violateur du temple. De même qu'ils applaudi-
rent à la défaite de Crassus par les Parthes, parce qu'en passant
il avait pillé le trésor sacré de Jérusalem, précédemment respecté
par Pompée ^ ils accueillirent le crime de Pharos comme un châ-
timent providentiel, comme une sorte de revanche. César leur
parut l'instrument choisi par Dieu pour l'accomplissement de ses
desseins. Ajoutons que les Pompéiens en Orient firent tout au
monde pour exaspérer encore les ressentiments des Juifs, en em-
poisonnant Aristobule, l'héritier des Macchabées que César avait
fait mettre en liberté et en coupant la tête à son fils Alexandre *.
Ilyrkan, d'abord hésitant dans la grande lutte où se jouissait le
sort du peuple de Dieu avec celui de l'empire, suivit les conseils de
riduméen Antipater ; il prit franchement parti pour César. Tous
deux y gagnèrent d'évincer la race des Macchabées qui n'était
plus représentée que par Antigone. Ils obtinrent de la recon-
naissance de César, pour eux-mêmes le sacerdoce et la royauté,
pour la nation entière, les plus beaux privilèges qu'elle eût pu
espérer.
» Sur les Pastophores voir Pline, H. N., VIII, 71, cl Apul., Met., XI, p. 250, 260,
202. Sur les Dcndrophores et le culte public de la Magna Mater, Preller, Roem.
Myth.^ p. 73G.
" Sur les rapports publics de César et des Juifs, voir les chapitres très importants
dû Josèphe, Ant. Jud., XIV, 7, 4 et suiv., et Bel. Jud., I, 8, \ et suiv.
•■» Ant. Jud., XIV, 7, 1 et 3 ; Bel. Jud., I, 8, 8.
Ant. Jud., XIV, 7, 4, Alexandre est tué par Scipiou sur l'ordre de Pompée , cf.
Bel. Jud., I,<J, 2.
LES JUIFS DEVANT L'OPINION ROMAINE 33
Les temps de la dictature furent pour les Juifs dans l'empire
romain l'âge heureux après l'asservissement. Aucun texte ne
nous dit d'une manière formelle les raisons qui dictèrent à César
sa conduite large et tolérante à l'égard des Juifs. Mais il est aisé
de les supposer. Nous laisserons aux dramaturges, aux roman-
ciers, les explications tirées de services rendus et d'argent prêté
dans les circonstances difficiles où César engagea la lutte contre
l'aristocratie •. Les hommes politiques sont généralement disposés
à accepter les services d'où qu'ils viennent, lorsqu'ils jouent
quelque grosse partie ; ils promettent alors autant de reconnais-
sance qu'ils souscrivent d'intérêts pour le cas du succès. Mais le
lendemain de la victoire, si la popularité ou la raison d'État y invi-
tent, ces promesses sont vite oubliées. Il n'est pas impossible que les
titres des Juifs à la reconnaissance de César aient été de diverses
sortes ; pour y faire honneur, le dictateur n'eut pas à déroger aux
principes de sa politique, à sacrifier son idéal de gouvernement.
Comme l'a dit dans les meilleurs termes M. Mommsen, qui, en sa
qualité d'allemand, n'est du reste rien moins que bienveillant pour
les Juifs ^ : « N'étaient-ils point créés exprès pour avoir leur place
dans l'empire, dans cet État bâti sur les ruines de cent États di-
vers ayant eu leur vie propre, dans cette nationalité nouvelle en
quelque sorte abstraite, aux angles à l'avance émoussés? Le
judaïsme dans l'ancien monde apportait, lui aussi, un ferment
actif de cosmopolitisme et de désagrégation des peuples. C'était
donc toute justice qu'il entrât dans l'orbite de la cité césarienne,
cité universelle par son principe politique, cité de l'humanité par
son principe national. » César, avec le coup d'œil profond et sûr
qu'il apportait en toutes choses, pénétra-t-il la force moralisatrice
du judaïsme, sous l'enveloppe de pratiques bizarres qui le mas-
quait aux regards du vulgaire ? Eut-il le pressentiment du rôle
immense que cette force allait être appelée à jouer dans un avenir
1 Nous nous souvenons d'avoir lu un Vercingétorix où l'auteur, dont le nom nous
échappe, avec une connaissance assez exacte des choses romaines, fonde les rapports
de César et des Juifs sur des questions dargeut. La chose n'est pas impossible ; les
Juifs de Rome auraient fait preuve de perspicacité en s'intéressant ainsi à la cause
du futur dictateur. Est-il nécessaire d'ajouter que, sauf la constatation des dettes de
César (Suét , Cas., 13,54), l'histoire sérieuse ne fournit absolument aucun témoignage
en ce sens ? Avec un peu de fantaisie on peut voir un Juif dans l'affranchi, client de
César, à qui son illustre patron doit de Targeut; ib. 2 : Per caiisam exigenda pecunia,
qucB deberettir citidam libertino, clienti suo. Suétone atteste, d'autre part, en rappor-
tant de lui un mot des plus énergiques, sa reconnaissance pour tous ceux qui l'avaient
servi dans la mauvaise fortune. Voy. ih., 72 : « Quosdam etiam infimi generis ad
amplissimos honores provexit, etc. ». Nous voyons par Josèphe, Ant. Jud., XIV,
9, 3, qu'Antipater poussait Hyrkan à envoyer de l'argent aux Romains et s'en attri-
buait le mérite. Les Romains, c'était évidemment César.
^ Hist. rom., trad. Alexandre, t. VIII, p. 166 ; cf. ib., p. 114,
T. VIII. N^> 15. 3
34 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
prochain, pour le rajeunissement d'un monde qui se désagrégeait?
Le génie du dictateur, fut tel que cette supposition n'a rien d'in-
vraisemblable. Lors même qu'il se serait arrêté au principe nette-
ment entrevu et délibéré de la liberté de conscience, de l'égalité
de tous les cultes devant la loi se faisant exclusivement civile et
humaine (et nous ne croyons pas qu'on puisse refuser à César le
mérite de cette clairvoyance), il faudrait lui en savoir gré comme
de l'une des conceptions les plus étonnantes qui put surgir en un
cerveau payen et romain ' .
Quoi qu'il en soit des motifs et des causes, le résultat est cons-
tant. Parmi tous les vaincus des dernières guerres, les Juifs fu-
rent traités avec une faveur spéciale par César. Il autorisa tout
d'abord la reconstruction des murs de Jérusalem, demeurés en
ruines depuis le siège de Pompée -. Le traité d'alliance et d'ami-
tié autrefois conclu entre le Sénat et la dynastie des Hasmonéens
fut solennellement renouvelé, et dans les termes les plus flatteurs
aussi bien pour le peuple juif tout entier que pour les ambassa-
deurs délégués ^ Il est vrai qu'ils se présentèrent au temple de la
Concorde avec une coupe et un bouclier en or, présents d'une va-
leur considérable. Dans le même temps, le peuple d'Athènes ren-
dit pour Hyrkan un décret de couronnement, dont les termes rap-
pellent exactement celui de Ctésiphon en faveur de Démosthènes*.
La cité qui personnifiait encore avec éclat toutes les gloires intel-
lectuelles de l'hellénisme s'accordait avec Rome maîtresse du
monde par les armes, pour accueillir dans une sorte de triple
alliance, dont nul encore ne pouvait soupçonner les conséquences,
le petit peuple de Judée jusqu'à ce jour dédaigné, vaguement
deviné comme l'ennemi irréconciliable des civilisations poly-
théistes.
Au point de vue de l'opinion, cette reconnaissance en quelque
sorte officielle du judaïsme par Athènes et par Rome, était certai-
nement un fait considérable.
Tandis que la statue en bronze du grand sacrificateur prenait
place au temple de Démos et des Charités, tandis que ses vertus
et ses mérites étaient solennellement i)ro('lamés par la voix du
héraut aux fêtes de Dionysos et de Déméter, César n'-glait par des
édits spéciaux le libre exercice du culte monothéiste de Javeh,
* Le scepticisme relifricux de César n'a pas besoin (VOtrc prouvé. Los historiens
ont eu soin cependant d'en relever quelques preuves fonnolles. Voir Suét., Cas., 59,
et Plut., Cas., 52.
« Josèphc, Ant. Jiid., XIV, S, ÎJ.
' Uid., àvô(;£; àyaOoi xai av»|X|xaxoi. . ., etc.
' Ih., cf. Démosth., Pour la Cour., 48 ; cf. ihûl., 23.
LES JUIFS DEVANT L'OPINION RûiMAlNE 3o
sans se préoccuper davantage de Jupiter ' . A Kome cette lil)erté est
entière alors que dans les îles, en Egypte et en Asie-Mineure s'élè-
vent encore des contestations entre Juifs et payens. L'exemple de
Rome sert à trancher les différends, toujours en faveur de la plus
grande liberté. Les confréries et les collèges ayant été partout
abolis, parce qu'ils se transformaient aisément en centres d'agita-
tion politique, César excepta formellement les assemblées des
Juifs 2. Philon nous apprend que c'est pendant sa dictature que
fut bâtie au-delà du Tibre la première synagogue ^ Enfin, ce qui
passerait toute croyance si des témoignages formels ne l'affir-
maient, les Juifs obtinrent de César et conservèrent sous ses lieu-
tenants dans toute l'étendue de l'Empire, le droit de ne pas payer
certains impôts durant l'année sabbatique^, et celui de ne pas
aller à la guerre comme soldats soumis à la discipline romaine,
laquelle ne pouvait s'accommoder des exigences de leur loi ^.
Non-seulement le nom de César, mais ceux d'Antoine, de Dola-
bella, de Lentulus, figurent dans les édits qui consacrent ces pri-
vilèges ; des tables et des colonnes en bronze, placées au Capitole
et dans les temples les plus fameux de l'empire, en perpétuent le
souvenir. Le Sénat de Rome en écoute la lecture sans qu'un seul
de ses membres élève la voix en faveur des vieux principes de
politique religieuse, dont ils sont la négation. Les représentants
attitrés du polythéisme, le grand Pontife en personne, se désinté-
ressent si bien de la cause des divinités héréditaires que, sous le
regard même de Jupiter très bon et très puissant qui préside aux
délibérations de la Curie, ils laissent consacrer le droit de le nier,
de lui opposer un rival.
Ces faveurs octroyées par le gouvernement de César aux com-
munautés juives de l'empire, faveurs qui furent précieuses, impor-
^ Voir sur ces divers points Josèphe, Ant. Jud., XIV, 10. L'historien dit des
Romains qui traitèrent avec tant de faveur les Juifs : x/jv t£ àvôpstav i\\i.(ïiy xat tyiv
Tttaxiv àYauTnfravTcç. César se réserve de trancher par lui-même jusqu'aux contes-
tations d'ordre religieux qui pourraient surgir entre les Juifs. (Voir la lettre aux
magistrats, au sénat et au peuple de Sidon, ib., 2.) 11 entend que Hyrkan et ses fils
soient pontifes et prêtres : âui xot; ôixaiotç xoti xotç vofjLi^oiç olç xat oi Trpoyovot à\ii:(ûv
t}\v *iepo)(yùvYiv ôiaxàxeaxov, ib.^ 4, cf. 8 : auxoùç xoTç iraxpiotç ëOecri xai tepoïç xç)r)aQcci^
et la suite avec la mention : xoOxo tcoisÎv aùxwv [xr|ô' èv P(jO(xyi x£xcû)vU[i.£vtov (édit du
préteur Caius Julius aux habitants de Paros).
2 Suét., Cas., 42 : « Cuncta coUegia preeter antiquitus constituta dexlruxit ». La
réserve faite en faveur des Juifs est constatée par Tédit ci-dessus.
3 Phil., Leg. ad Cai., 23.
* Josèphe, Ant. Jud., XIV, 10, 5 et 6.
3 Ib., 11 et 12, lettre de Dolabella : Ôi8w(xt xyiv àaxpaxéiav xai ouyxwpû xpï5<y6ai
xot; uaxpioiç èOiGfjLoï;; lepcov ëvexa xal aYiwv (îuvayo[X£voiç, avec les considérants qui
précèdent. Mêmes faveurs consacrées par l'édit du consul Lucius Lentulus, ib., 13,
et par le décret des Déliens, iè., 14, où il est dit que, si certains Juifs étaient
citoyens romains, il ne fallait pas les inquiéter à cause du service militaire.
36 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
tantes, fécondes à Rome plus que partout ailleurs, prouvent que
les Juifs avaient prévu juste en abandonnant des premiers la cause
de l'ancienne République, personnifiée par les aristocrates du parti
pompéien. Elles démontrent non moins clairement que César, rom-
pant en matière de politique religieuse avec toutes les vieilles tra-
ditions, au risque de se rendre impopulaire, devançait de beau-
coup non pas seulement les politiques les plus clairvoyants de
son temps, mais les plus avisés des âges à venir. Il n'y a pas d'exa-
gération à dire que les diverses mesures prises par lui et par son
parti à l'égard des Juifs ne constituent pas des concessions for-
tuites, des mesures provisoires, explicables par la modération de
quelques hommes, encore moins par le laisser-aller ou l'indififé-
rence en face d'une situation nouvelle. Dans leur ensemble elles
sont l'application d'un véritable système de politique religieuse au
sens moderne du mot ; elles organisent l'Eglise libre au sein de
l'Etat romain, lequel est autant un organisme religieux que poli-
tique. Cette Eglise obtient du législateur tous les privilèges indis-
pensables à son existence, dans les conditions où elle-même Ta
définie. Elle les obtient contre les lois mêmes et contre les institu-
tions de l'empire dans lequel elle a conquis une place. A la préten-
tion hautement et énergiquement proclamée par les adorateurs du
Dieu unique, de n'obéir à la constitution de Rome que jusqu'à un
certain point et non au-delà, César, le réformateur de cette consti-
tution, l'organisateur d'un nouvel état de choses, répond par la
plus large tolérance dont jamais minorité religieuse ait joui chez
aucun peuple. L'autorité despotique du génie, le césarisme repré-
senté par une intelligence supérieure était seul assez puissant pour
braver ainsi l'opinion qu'avaient façonnée les siècles, et en la bra-
vant ppur chercher à la modifier.
Si César avait assez vécu pour tirer de son système toutes les
conséquences, pour en cultiver les fruits, si ses successeurs après
Auguste avaient été capables de se pénétrer des principes de sa
politique et avaient comme lui cherché à les faire prévaloir, l'âge
suivant eût échappé sans doute à bien des hontes, à bien des
crimes ; les destinées mêmes du paganisme s'en fussent trouvées
changées. Mais le césarisme, assez fort pour proclamer en dépit de
l'opinion et pour faire i)asser dans la réalité des choses le principe
de la liberté religieuse, portait en lui-même le germe destructeur
de ce principe. Tandis que les Juifs répandaient des larmes de
reconnaissance et de regret sur le bûcher de l'homme ' qui les
' Suél., des., 84 : • In sununo publico luclu exlerarum gentium multiludo circu-
latim, suo quirque more. lamentiila est ; prtrcipueque Juda>i, qui etiam noclibuf
conlinui-; buslum Irequenlarunt ».
LES JUIFS DEVANT L'OPhNION ROMAINE 37
avait garantis contre la persécution des foules haineuses et
ignorantes, le génie auquel ils devaient ce bienfait était, par
l'admiration de ces foules, transformé en divinité vivante et
réelle, placé sur les autels de la cité à côté de Jupiter, et
imposé à l'adoration. Ceux-là mêmes qui auraient toléré que des
citoyens refusassent aux dieux héréditaires l'encens et les sacri-
fices, exigeront d'eux ces hommages pour un homme déclaré égal
à ces dieux. C'est la pratique de l'apothéose, conséquence suprême
du césarisme, qui annulera ses efforts en faveur de la liberté de
conscience et motivera les premières persécutions : Caligula, Né*
ron, Domitien, anéantiront sur ce point, comme sur bien d'autres,
l'influence salutaire du fondateur de l'empire.
En attendant que nous racontions les épisodes de cette lutte nou-
velle où les rapports des Juifs et des pouvoirs romains vont s'al-
térer peu à peu au grand dommage de la paix publique, de l'huma-
nité et de la justice, constatons que depuis le jour où Pompée péné-
tra dans le temple de Jérusalem, jusqu'à celui où sur le forum les
Juifs mêlèrent leurs regrets à ceux des payens près du bûcher de
César, bien loin d'avoir été l'objet du mépris public, comme on l'a
répété sur tous les tons, ce petit peuple d'Orient, par l'autorité de
sa morale et de sa reUgion, a forcé plus d'une fois les respects de
ses vainqueurs, a triomphé de leurs lois les plus vénérables, et,
honneur insigne, a mérité d'être accueilli avec faveur dans la cité
universelle fondée par César.
J.-A. IIlLD.
(A suivre^.
TRACES D'AGGADOT SADUCÉENNES
DANS LE TALMUD
Un des mérites les plus incontestables cV Abraham Geiger est
d'avoir constaté le premier, dans les recueils talmudiques, l'exis-
tence d'anciennes halaliliot d'origine saducéenne. La conservation
de prescriptions antipharisiennes dans une œuvre si éminemment
pharisienne était de nature à surprendre bien des personnes qui
considéraient le talmudisme comme une conception très étroite et
fermée à toute influence du dehors. Le fait découvert et signalé
par Geiger n'en était pas moins des plus vrais, et les études entre-
prises ultérieurement sur ce sujet par Schorr, Pineles, Grœtz et
M. J.Derenbourg, pour ne citer que les noms les plus connus, Font
confirmé d'une façon éclatante. Ces savants sont même i)arvenus à
distinguer toutes les phases traversées par ces antiques ordon-
nances dans une série ininterrompue d'évolutions, jusqu'à leur dis-
parition ou plutôt leur fusion dans celles du pharisaïsme.
Si cela est vrai pour la halaliha, cette ossature si solide et si
compacte du corps rituel, ne peut-on pas admettre à plus forte
raison que certains éléments saducéens se soient conservés dans
les aggadot ou légendes talmudiques, qui, par cela môme qu'elles
échappaient à l'esprit de système des écoles et étaient du domaine
populaire, forinai(Mit la partie la plus impressionnable et la plus
accessible aux a])p()rts de toute provenance?
Que les lég(Mi(l(vs talmudiques renferment des éléments étran-
gers, plus ou moins altérés ou démarqués, tout le monde le sait.
Ce fait a été amplement mis vw lumiôn» par un grand nombre
de travaux modernes — dont quelques-uns ont paru même dans
cette Rcinic. Cependant comme ces études romjviratives en sont
encore à hnir début, je demanderai la permission de signaler deux
autres exemples sur lesquels i)ersonne, à ma connaissance, n'a
TRACES D'AGGADOT SADUCEEiSxNES DAxNS LE TALMl'D 39
encore appelé l'attention. Ils serviront en outre à montrer que les
fables païennes se changent en contes au contact du monothéisme
juif, et feront toucher du doigt les procédés artificiels par lesquels
ces changements s'effectuent le plus souvent. Ce sera une sorte de
parenthèse qu'on me permettra d'ouvrir avant d'entrer en ma-
tière.
Le premier exemple est la légende talmudique qui raconte que
Titus, le destructeur de Jérusalem, mourut pour avoir eu le cer-
veau perforé par un moucheron qui s'était introduit par la cavité
nasale dans la tête et y avait pris les dimensions d'une hirondelle '.
Ce conte, qui a donné tant de tablature à de nombreux savants, a
probablement sa source dans la confusion du nom de Titus avec
celui de Tityus. Ce personnage de la mythologie grecque, pour
avoir voulu attenter à la pudeur de Latone, est condamné à avoir
les entrailles rongées par un vautour; le Titus de la légende juive
folâtre avec une courtisane dans le Saint des Saints et voit son
cerveau becqueté par une hirondelle-. La similitude du fond de
ces deux récits est indéniable, et les légères différences de forme ne
portent que sur des traits secondaires.
Le second exemple est d'autant plus intéressant que son ori-
gine remonte à l'époque la plus reculée de la mythologie sémi-
tique. Voici la substance de cette curieuse légende. Les hommes
de la Grande Synagogue (nbn'ir^n nD^:^ ■^^lî 5 n), voyant que les Israé-
lites étaient toujours adonnés à l'idolâtrie et à la luxure, déci-
dèrent de couper les racines du mal à force de prières, et, après
un jeûne sévère, ils parvinrent à s'emparer l'un après l'autre
des^ deux génies ("^^ir^) qui président à ces vices. Conformément
aux conseils du prophète Zacharie, ils enfermèrent le génie de
l'idolâtrie dans un récipient de plomb d'où sa voix n'arrive dé-
sormais aux hommes que très affaiblie. Mais, quand ils voulurent
agir de même pour le génie de l'amour charnel, ils s'aperçurent
aussitôt que la propagation des espèces diminuait d'une manière
inquiétante. Après trois jours on ne trouva plus un seul œuf
frais dans toute la Palestine. Pour obvier à cotte calamité, force
leur fut de relâcher le captif, et tout ce qu'ils purent faire, ce
fut de lui crever un œil afin de rendre cette passion moins agres-
• 1 Gittin, 56 h.
2 Le corps mince du moucheron a été choisi pour rendre plus vraisemblable la
pénétration indemne de l'animal dans l'étroite cavité. Pareillement, la dimension
modique de Phirondelle relativement au vautour de la légende grecque, a été déter-
minée par celte réflexion qu'un oiseau plus gros n'aurait pas trouvé près du cerveau
un espace suffisant pour y vivre et acquérir une vigueur croissante. On sait que.,
malgré l'élément merveilleux qui les anime, les aggadot ne manquent pas de faire
d'incessantes concessions au sens pratique qui forme le fond de l'esprit juif.
40 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
sive^ Eh bien, malgré sa forme si complètement juive, je ne
doute pas un seul instant que cette légende ne soit copiée sur
le mjihe assyro-sémitique des amours d'Adonis-Tammouz et d'As-
tarté, que les récentes découvertes cunéiformes nous ont fait
connaître en détail. Le génie de l'idolâtrie, que les autorités re-
ligieuses juives emprisonnent dans un récipient qui l'empêche
de faire entendre sa voix séductrice, est bien le jeune dieu
Adonis-Tammouz, si populaire en Palestine et en Phénicie, que
le sort fait descendre, à la fleur de l'âge, dans la sombre demeure
de la mort et du silence éternel - ; le génie des passions, que les
mêmes chefs religieux sont obligés de relâcher après quelques
jours d'emprisonnement, de peur de porter atteinte à la propa-
gation des êtres vivants, n'est autre que la déesse de l'amour et
des naissances, Astarté, qui, retenue dans le royaume de la mort,
est délivrée par les dieux afin de prévenir le dépérissement du
monde ^
Je crois que les deux exemples qui précèdent, même à défaut
d'autres très nombreux que Ton pourrait apporter, suffisent à
démontrer le caractère éclectique des aggadot talmudiques.
Mais, si les légendes rabbiniques accueillent avec avidité des
éléments franchement païens, est-il imaginable qu'elles aient
inexorablement repoussé les légendes d'origine saducéenne, lé-
gendes qui, pendant la longue suprématie exercée par les Sadu-
céens sous les princes hasmonéens et hérodiens, ont dû se pro-
pager au milieu du peuple et influencer son esprit? Admettre que la
victoire finale des Pharisiens ait pu faire disparaître tout d'un coup
les légendes antérieures est d'autant plus impossible que, d'a-
près ce qu'on vient de voir, la légende si ancienne du paganisme
' lôma, 69 b
> Une des complaintes exclamatoires que Ton récitait en Babylonie à lau-
niversaire de la mort de Tammouz nous a été conservée sur une tablette fragmen-
taire en caractères cunéiformes. Elle est ainsi conçue : (2) Rêum belim an Tummuzi
haraêr an hh-tar (8) ù n-ra-li il tul lùh ba (?). (o) Bîua sba ash musarê mè la isblù (7)
Kimiiiatsu anh çèri arta la ibnù (9] Iltaqqu sba ash radisbu la irêsbu (H) ic-a-am
sba isbdanùsb innàs'bu (13). Gû sha ash musarê niO la ishtù (Halévy, Doruments
religieux, texte, p. 128-129). « Pasteur, seigneur Tammouz, amant d Astarté.
O Seigneur du Scbeûl, seigneur de la colline des pasteurs (?) ! O plante qui ne
bois plus Teau dans le parterre ! (0 plante) dont la tige ne produit pas de racines
dans le sol ! O arbrisseau (V) qui n'es pas planté dans la terre humide qui te
convient ! O arbrisseau arracbé par tes racines ! 0 tendre plante qui ne bois plus
Teau dans le parlerre ! • Par l'intermédiaire des Phéniciens, cet usage est passé chez
les Grecs, qui symbolisaient la mort prématurée d'Adonis par des plantes fanées
mises dans des pots de Heurs et récitaient des nénies commençant par le mot 'Aô(i)vt(x
(D'^STIK) « O Adonis ! » et anpelées ù cause de cela 'AôtoviiiaoïSoi.
•■' L'épisode de la descente d'Ischtaril aux Enfers (U., IV, 31) a été traduit par
divers assyriologues. Nous-méme y avons ajouté quelques corrections dans Mélanges,
etc., p, MO-M \,Ql Journal asiatique, vni, II, n" 3, p. i'M.
TRACES D^AGGADOT SADlTCÉENiNES DANS LE TALMLD 41
préisraélite relative à Tammouz et à Astarté a laissé sa trace
dans le Talmud, à travers les nombreux siècles pendant lesquels
les écoles prophétiques d'abord, les écoles des Soplierim, des Sa-
ducéens et des Pharisiens ensuite, avaient développé une énergie
extraordinaire pour déraciner le polythéisme et les mythes qui en
découlaient. En un mot, la disparition radicale des légendes sadu-
céennes qui, après tout, sont totalement juives, est a priori déjà-
fort invraisemblable et rien ne s'oppose à la pensée que le Talmud
peut bien en avoir conservé un certain nombre.
Une seule objection pourrait être soulevée avec quelque appa-
rence de raison. On pourrait dire que l'idée de légende est incom-
patible avec le principe de l'école'saducéenne, qui reniait les tradi-
tions orales et s'en tenait servilement à la lettre de la loi. Mais à
cela il y a une double réponse. D'abord, la naissance de légendes
populaires est tout à fait indépendante de la croyance à la loi orale,
car elles peuvent se développer suffisamment en se fondant sur la
loi écrite. Ensuite, je parle ici tout spécialement de légendes et de
maximes qui sont en rapport direct avec les principes professés
par les Saducéens, car il est évident qu'un parti aussi important
n'a pu, pendant son existence, et à plus forte raison pendant sa
suprématie, se soustraire au besoin de faire pénétrer dans le
peuple ses doctrines au moyen d'un enseignement aggadique. S'il
est indubitable que les Saducéens ont résumé dans un code parti-
culier les résultats de leur interprétation de la partie pratique de
la Loi, le simple bon sens invite à présumer que la partie dog-
matique de leur doctrine, si elle n'était pas réunie dans un traité
systématique a l'instar des Pirqè Abot, était au moins enseignée
dans les écoles et répandue dans les masses, car, à ce que nous
sachions, malgré sa sévérité proverbiale, le saducéisme n'a jamais
été accusé de misanthropie ou de mysticisme.
Enfin, un mot sur la méthode par laquelle nous tâcherons de
retrouver quelques-unes de ces légendes. Elle sera la même que
celle qu'on a employée pour distinguer les halakhot saducéennes.
Suivant nous, tout dicton ou conception qui tranche d'une façon
nette sur la manière de voir pharisienne et orthodoxe peut être
considéré comme un écho le plus souvent très inconscient d'une
opinion antérieure restée pour ainsi dire en l'air dans la clientèle
des écoles ; à moins qu'on ne puisse expliquer l'écart de doctrine
par une velléité de contradiction momentanée. En eff'et, ces écoles
palestiniennes, comme le Sanhédrin lui-même, ont souvent passé de
la nuance saducéenne à la nuance pharisienne, et réciproquement,
de sorte qu'il n'y eut presque jamais solution de continuité, et par
conséquent plusieurs des opinions et des maximes propres à l'en-
42 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
seigneraent d'une époque ont pu se fixer dans l'esprit des géné-
rations postérieures, y demeurer à l'état latent et réapparaître
dans des occasions déterminées. Il s'agit seulement de les signaler,
et c'est ce que nous essaierons de faire dans les paragraphes sui-
vants.
Grâce aux données concordantes des Évangiles, de Josèphe et
du Talmud, on a pu établir avec certitude que les deux écoles
rivales disputaient tout spécialement sur trois dogmes, à savoir :
la toute puissance du destin, l'existence des anges et des esprits et
les récompenses du monde futur. Ces croyances étaient admises
par les Pharisiens et repoussées par les Saducéens. Les uns et le»
autres se plaçaient uniquement sur le terrain de la Loi et des pro-
phètes, et tout le débat roulait sur le point de savoir si TÉcriture
implique ou non ces dogmes. Et la preuve que la science et la phi-
losophie grecques n'ont rien à voir à la négation des Saducéens,
c'est que leurs adversaires ne les ont jamais accusés de pencher
vers une science exotique et antireligieuse, mais cherchaient à les
convaincre par la citation de versets bibliques. Tout ce qu'on peut
dire, c'est que les Pharisiens reprochaient aux Saducéens d'être
peu compétents dans les cérémonies rituehes et de ne connaître
la loi que très superficiellement. Mais on ne trouve nulle part qu'ils
les eussent considérés comme entachés d'hellénisme, comme
l'étaient les Philhellènes du temps des premiers Macchabées.
Après avoir établi le caractère purement juif de ces points en
litige, nous allons relever dans le Talmud, pour chacun d'eux,
des affirmations antipharisiennes qu'on ne saurait expliquer que
par une sorte d'atavisme, de réveil inconscient d'anciennes opi-
nions, vaincues mais non extirpées, ayant pour source latente la
doctrine saducéenne.
Négation du destin. Sur ce point en litige, Josèphe rapporte :
« Les Pharisiens, qui enseignent l'explication rigoureuse de la
Loi, attribuent toute chose au destin et à Dieu, et disent que
le plus souvent il dépend de nous de bien faire ou de mal faire, et
que le destin peut nous y aider... Les Saducéens, au contraire,
nient absolument le destin, et croient que, comme Dieu est inca-
pable de faire le mal, il ne prend pas garde à celui qae les hommes
font. Ils disent qu'il est en notre pouvoir de faire le bien ou le mal
selon que notre volonté nous porte à l'un ou à l'autre *. » La se-
conde partie de cette proposition montre, à ne pas s'y tromper,
que sous la dénomination de « destin (e:i«ip|xévri) », Josèphe n'enten-
dait ni la l'atalité ou le fatum comme puissance indépendante de
• Josèphe, Guerre desJui/s^ :i, 14. ,
I
TRACES D'AGGADOÏ SADUCEENNES DANS LE TALMUD /j3
Dieu, ni même la Providence de Dieu comme puissance directrice
de l'univers et de l'histoire humaine. En reconnaissant une puis-
sance aveugle et inflexible à côté de Dieu, les Pharisiens auraient
forfait à Tesprit de la Bible qui n'admet rien d'égal à Dieu. Pareil-
lement, en niant la Providence dans le sens large du mot, les Sadu-
céens auraient par cela même nié le caractère divin de la Loi. Il
s'agit évidemment du destin ou rrin qui détermine par avance les
conditions de chaque homme. En elle-même, la Tnn est un ordre
de choses primordial créé par Dieu, qui ne peut être modifié par
un ordre ultérieur. La richesse et le génie des uns comme la pau-
vreté et la folie des autres sont, d'après les Pharisiens, entière-
ment dus à l'influence du destin, et ce n'est que dans l'exercice
du bien et du mal qu'ils faisaient intervenir la volonté de l'homme.
Les Saducéens, de leur côté, voyaient dans les malheurs qui acca-
blent les hommes des accidents qu'on doit combattre, et repous-
saient toute intervention divine dans les actions humaines.
Les écrits talmudiques enseignent, en général, la doctrine pha-
risienne de la prédestination telle que Josèphe nous l'indique. La
maxime MiinD m^nïii ""iDit b^ïi S « tout est prévu (par Dieu) et la
permission est accordée (à l'homme pour faire ce qu'il veut) », l'ex-
prime nettement avec une vigoureuse concision. Pour le destin
en particulier, la légende la plus typique est celle qui se rapporte
à Eléazar, flls de Pedat. Ce docteur, honoré du titre de Maître du
pays d'Israël (bi<n'i5'«n î<3>nN"i N"i72), était si pauvre que, n'ayant rien
à manger, il chercha à apaiser sa faim en avalant un petit mor-
ceau d'ail. Pris de nausées, il s'évanouit. Les rabbins, qui étaient
venus chez lui pour demander de ses nouvelles, virent qu'il pleu-
rait et riait à la fois.. . Quand il revint à lui, les rabbins, curieux
de connaître la cause de ce mélange de tristesse et de joie, reçu-
rent du patient la réponse suivante : J'ai rêvé que Dieu était assis
à côté de moi. D'abord j'ai pleuré et je me suis plaint de ma
misère, mais j'ai appris que mon sort ne peut être changé qu'en
renaissant à une heure plus favorable. Ensuite, on m'a fait savoir
la nature extraordinaire des jouissances qui me sont réservées
dans l'autre monde, et je n'ai pas pu m'empêcher de manifester
ma joie -... » On voit que Dieu même ne peut rien changer aux
décrets du destin et qu'il est obligé de lui laisser accomplir son
cours fatal. Quant à la manifestation visible de cette puissance mys-
t irieuse et inexorable, les Rabbins, ainsi que le monde romain, la
trouvaient dans les planètes qui régissent les jours et les heures.
1 Pirqê Abot, chapitre m.
'^ Taanit, 25 a.
4i REVUE DES ÉTUDES JUIVES
La superstition astrologique du ^tto, presque entièrement étouffée
dans la période du second temple, reprit son empire sur l'esprit
national ébranlé et affaibli par les derniers revers, et, s'identifiant
avec la ïinn des anciens, elle forma partie intégrante de la doc-
trine talmudique.
Mais, outre l'addition exotique du bî?:, l'observateur attentif ne
manque pas d'être frappé de la différence qualitative de la ïi^n tal-
mudique avec celle de l'époque évangélique. Pour les contemporains
du Christ, la sentence primordiale de Dieu agit librement en choi-
sissant les uns et en rejetant les autres '. Les élus sont du reste
en petit nombre, et la porte qui mène à la vie éternelle est si étroite
que peu de gens aisés y peuvent entrer ^. Cette sentence dirige, de
plus, très activement les actions humaines de façon que la liberté
individuelle ne puisse jamais la contrecarrer. En trahissant le
Maître pour un vil intérêt, Judas ne fait qu'exécuter ce qui a
été écrit à son égard, et Jésus lui-même, en prévision de sa mort,
décrétée par Dieu avant la création du monde, ne fait valoir sa
volonté de vivre que pour accentuer sa résignation ^ Chez les
Rabbins, au contraire, la volonté divine perd sa rigueur et se
change en une permission (nr^an) formelle qui laisse à l'individu
toute sa liberté d'action. Les Saducéens de l'époque de Jésus ne
soutenaient pas autre chose, car ils ne niaient pas que tout se fait
par la permission de Dieu. Le principe saducéen de la liberté com-
plète des actions humaines a donc obtenu un triomphe éclatant et
est parvenu à se faire accepter par le rabbinisme talmudique. Il y
a plus, la mise de côté de l'ingérence de Dieu dans les actions indi-
viduelles a conduit quelques-uns des rabbins soit à limiter, soit
même à rejeter tout à fait l'influence du btTi *. Sans la prévalence
du principe saducéen, cette négation radicale serait à peine ima-
ginable.
Négation des anges et des esprits. On lit dans les Actes des
Apôtres, chapitre xxii, verset 8 : Les Saducéens disent qu'il
n'y a ni n'^surrection, ni ange ou esprit, tandis que les Pharisiens
admettent l'un et l'autre (Saôôuxaloi jilv yètp Xéyo-jti \i.^ sîvai àvirrasiv,
\x.rfiï dyys^ov [xr^re rveûjia. «l'apualoi ôk ôjxoXovoûïi xài à|X50T£3a). Cc témoignage
paraît à i)remière vue d'autant plus suspect, en ce qui concerne
la négation des anges et des esprits par les Saducéens, que l'au-
teur s'en sert pour commenter d'avance les paroles qu'il met dans
• St Matthieu, xxv, 31-i6, x, 40.
* Ihid., VII, li, XIX, 23-24
' Ibidem, xxvi, 2i-3H. '
♦ Schabbat, iîj6a; nj'c bv2 ^nVn sii; CT* Vv: 5<V. — Vn-c^V Vt?: v^
TRACES D'AGGADOT SADUGEENNES DANS LE TALMl D 4o
la bouche des Pharisiens au verset 9, lequel s'accorde peu avec
le reste du récit. Néanmoins, l'authenticité m'en paraît résulter
de l'affirmation de Josèphe, suivant laquelle les Saducéens admet-
taient que l'âme est mortelle. En fait, au point de vue religieux,
ridée de concevoir l'âme humaine comme un être aussi mortel
que le corps, n'a d'autre source que la crainte d'admettre à côté
de Dieu une individualité éternelle et indépendante. Or, cet état
de croyance entraîne logiquement la négation radicale de toute
autre existence partageant avec Dieu le privilège de l'éternité,
comme les anges et les génies. La donnée fournie par les Actes
me semble donc, au fond, très authentique. Il y a cependant une no-
table exagération dans l'expression [xri eivai qui a probablement
pour but de représenter les Saducéens comme mécréants et libre-
penseurs. Ceux-ci n'auraient pu nier, d'une façon aussi absolue,
l'existence des anges et des esprits, y compris Fâme humaine,
sans renier en même temps les récits bibliques où l'esprit est
proclamé émané de Dieu * et où celui-ci se fait accompagner
d'anges et agit par leur intermédiaire -. Tout nous conduit à pen-
ser que l'existence des esprits, âmes et anges, étaient hors de
question dans l'une et l'autre école ; la divergence d'opinion portait
uniquement sur le point de savoir si les esprits étaient en eux-
mêmes périssables ou bien éternels. Je dis en eux-mêmes, car
les deux sectes ont certainement accordé à Dieu le pouvoir de dé-
truire toutes ses créatures de quelque nature qu'elles fussent, et,
partant aussi, les anges et les esprits. Les Pharisiens, se conten-
tant d'attribuer ce privilège tout-puissant à Dieu, professaient
la persistance naturelle des esprits, pendant que les Saducéens,
n'accordant cette dernière qualité qu'à Dieu seul, attribuaient aux
anges et aux esprits une nature finie et mortelle à l'exemple des
êtres corporels. Quant à la durée de la vie des esprits, le simple
bon sens fait voir que, dans l'opinion des Saducéens, elle dépen-
dait de la mission plus ou moins longue qu'ils avaient à remplir
dans ce monde : l'âme, au retour du corps à la terre, retourne à
Dieu, dont elle émane, et perd toute existence individuelle ; les
autres esprits cessent d'exister aussitôt que la mission dont ils
sont chargés a pris fin. La première partie de cette opinion blessait
les Pharisiens dans leur croyance aux peines et aux récompenses
d'outre-tombe ; la seconde les blessait dans l'idée qu'ils se faisaient
de la perfection des anges, et l'affirmation que des êtres aussi
purs et aussi saints sont soumis à la mort comme la dernière
' Genèse, ii, 7.
'^ Ibidem, xviii, 1 ; xix, 1 ; xxviii, 12; xxxrr, 3.
46 REVUE DES ETUDES JUIVES
des créatures leur apparaissait comme un horrible blasphème.
Eh bien, en dépit de ces divergences si tranchées, comment se
fait-il que le recueil talmudique, ce répertoire prétendu pharisien
par excellence, nous fournisse une sentence que le plus pur Sadu-
céen n'aurait garde de désapprouver?
Elle se rapporte à la nature des anges ; c'est une curieuse affir-
mation mentionnée avec éloge par les Rabbins :
■'Vjm nn-'U) "^nTONi ^^id-ii nïis^ nnuïrr "^Djsb?: 1"^n-i33 i^J2V^ n^t' h^ *
« Chaque jour, les anges du service sont créés du Fleuve de
feu (qui coule devant le trône divin). Ces anges récitent un hymne
et s'évanouissent. »
L'expression n^uîn •■^^i^h'D s'applique constamment aux anges
chargés de missions importantes dans l'univers, et qui sont pour
ainsi dire les instruments de la Providence. Elle fait voir qu'il ne
s'agit pas ici de je ne sais quelle classe secondaire d'anges, comme
l'ont pensé les commentateurs harmonistes, qui en distinguent les
anges établis (d-^i^-inp d-^s^b^o), comme Michel, Gabriel, Ra-
phaël, etc., lesquels ont des fonctions fixes. Il s'agit réellement
des anges de la plus haute hiérarchie, lesquels, d'après le doc-
teur, sont des êtres éphémères, ne vivant que le temps qu'il leur
faut pour accomplir leur mission et pour chanter un cantique en
l'honneur de leur créateur. Mais une pareille opinion est tellement
en contradiction avec la conception des anges qui domine le livre
de Daniel, qu'il me paraît impossible d'admettre qu'elle ait germé
dans une imagination pharisienne.
La divergence sur l'existence des anges a sans aucun doute
commandé pareille discussion sur l'existence des démons, pour
lesquels les Saducéens ne devaient pas se montrer plus tendres.
C'est avec un souverain mépris mêlé d'une profonde horreur,
que le pieux Saducéen a dû regarder cette meute insensée de pos-
sédés et d'exorciseurs qui remplit la Judée durant le siècle qui
précéda la destruction de Jérusalem. Pendant que les Pharisiens
voyaient dans ces manifestations démoniaques à la fois un aver-
tissement céleste, une occasion pour les leurs d'acquérir une re-
nommée populaire en chassant les démons par leur parole, et une
preuve éclatante de leur doctrine relativement à la permanence
des esprits, les Saducéens ne purent y voir qu'une lamentable
recrudescence de la croyance païenne aux divinités infernales et
aux exploits lugubres des Lémures et des Vampires. Quoi d'éton-
nant, si les prétendus faiseurs de miracles et chasseurs do Satan
étaient sévèrement traités chaque fois que le Sanhédrin avait une
* Hagiga, 14.
TRACES D'AGGADOÏ SADUCÉENNES DANS LE TALMUD 47
majorité saducéenne. Forts des prescriptions formelles de la Loi
qui punissent de mort les thaumaturges et les magiciens, et sou-
cieux en même temps de prévenir l'énervement de la vigueur
nationale tant de fois écrasée par la main de fer des procurateurs
romains, les Saducéens firent tout leur possible pour arrêter le
progrès de ce fléau, et leurs efforts ne semblent pas avoir été
entièrement vains.
Je n'hésite pas à attribuer à l'activité des Saducéens la dispa-
rition presque totale des livres talmudiques de la croyance aux
revenants et aux Lémures. La conception même de la nature des
démons subit un changement remarquable, qui ne se serait pro-
bablement pas réalisé si les Pharisiens n'avaient pas eu à compter
avec le reproche d'idolâtrie que leur devaient lancer les Sadu-
céens. En effet, tandis qu'au temps du Christ, on considérait les
démons comme formant, avec Satan à leur tête, un royaume
rival et parfois vainqueur du royaume de Dieu et des anges, les
démons du Talmud constituent une catégorie d'êtres d'un carac-
tère assez doux, qui ne nuisent à l'homme qu'en certaines occa-
sions, et dont le sentiment religieux est si développé que la
moindre parole d'un rabbin suffit pour les dompter. Le roi des
démons, Asmodée, étudie même la Loi, aussi bien dans l'école
céleste que dans celle des rabbins *, et s'il commet parfois des
méfaits, c'est toujours par suite de quelque forte passion qu'il
est incapable de vaincre, jamais de propos délibéré et par esprit
de rébellion, comme le faisait Satan, son prédécesseur, d'après
les Évangiles et les anciens apocryphes juifs. Enfin, un certain
nombre de rites funéraires d'une origine païenne indubitable,
grâce à l'opposition saducéenne, ont perdu leur signification pri-
mitive, ainsi que je le ferai voir tout à l'heure.
Négation des peines et des récompenses. « Ils (les Pharisiens)
croient, écrit Josèphe, que les âmes sont immortelles ; qu'elles
sont jugées dans un autre monde, et récompensées ou punies
selon qu'elles ont été en celui-ci vertueuses ou vicieuses, que les
unes sont éternellement retenues prisonnières dans cette autre
Tie, et que les autres reviennent en celle-ci (alias : que celles des
justes passent après cette vie dans d'autres corps, et que celles
des méchants souffrent des tourments qui durent toujours)...
L'opinion des Saducéens est que les âmes meurent avec le corps
(alias: que quant aux âmes, elles ne sont ni punies, ni récom-
pensées dans un autre monde) - ».
* Histoire ancienne des Juifs, xviii, II.., àOàvatov ts i<r/y>f xatç ^^jya-Xq 7ïi<rciç aÙTOtç
48 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Ces deux passages rapprochés l'un de l'autre s'éclairent et se cor-
rigent mutuellement. Ainsi que je l'ai indiqué plus haut, la con-
ception d'un être éternel à côté de Dieu répugnait aux Saducéens.
Gréée exprès pour vivifier le corps, l'âme retourne auprès de son
auteur * après la ruine de sa demeure temporaire et se dissout
dans la divinité, comme une vague dans l'océan. Dans cet état elle
n'était susceptible ni de peines ni de récompenses. D'ailleurs, les
peines d'outre-tombe, faisant double emploi avec les punitions
édictées par la loi, ne sont-elles pas souverainement injustes et
ne contribueront-elles pas au relâchement dans l'application des
premières ? Voilà comment ont dû raisonner les Saducéens, et la
preuve qu'ils ont raisonné de la sorte, c'est qu'ils appliquaient les
peines du code mosaïque avec les dernières rigueurs et suivant la
loi du talion, tandis que les Pharisiens, poussés eux aussi par la
logique des choses, non seulement réduisaient le droit du talion à
une indemnité pécuniaire, mais, à force de mesures juridiques
en faveur de l'accusé, en sont arrivés, aussi bien en pratique
qu'en théorie, à l'abolition totale de la peine de mort^ Le seul
cas où les peines du Scheôl ont une certaine raison d'être, est
celui du criminel resté impuni en ce monde, mais à qui la faute?
si ce n'est aux hommes que ce criminel soit resté impuni, et ce
serait abaisser Dieu que de le faire intervenir comme un exécu-
teur des hautes œuvres chaque fois que la justice humaine néglige
de faire son devoir. Les Saducéens se placent à cet égard sur le
terrain préparé i)ar Job, xxxv, 2-8. Quant à l'idée de récom-
penser, après leur mort, les hommes vertueux, même ceux qui ont
souffert pour la vertu, les Saducéens qui professaient « que c'est
une action de vertu de ne vouloir point céder en sagesse à ceux
qui nous l'enseignent^ », les Saducéens la repoussaient avec indi-
gnation. A leurs yeux, le plus léger espoir d'un bénéfice en enlè-
verait cette satisfaction suprême que nous procure l'accomplis-
sement du devoir, c'est-à-dire l'observation de la loi. Ce dogme
saducéen du désintéressement absolu, qui confine de si près au
stoïcisme, s'est développé sans aucun doute sur la base du pré-
cepte de l'amour de Dieu si chaudement recommandé par le Deu-
eîvai, xal inxo yOovô; oixaitôcei; xe xal Tt|xà; al; àperr/ç fj xaxîa; é7riTr,5e\j<Ti; èv tw pttu
ye^ove, xaî Taï; (jlev z[ç,y\LO'v 'aîoiov TrpoTiOeaOai, xat; 6è pa<rra>vr,v toù àvaPioOv ( d/rrre
dfs Juifs, II : {j-erapaîveiv ôè si; Etspov «rtôixa tV)v twv àYotOtôv |x6vr,v, tt^iv Sa twv çaOXtov
àiÔK.) Tijxopta xo),âj;£(3 0ai) laoôouxaio; Sa Ta; ^y/.â; o Xoyo; ouvaçaviJlei rot;
T(i)(XaTi ['îufvre des Juifst, «{'U/t); te Ty;v Siafiovyjv xat rd; xaO' "ASov Tt(ia>pia; xal Tifiàç
âvaipoûaiV
* Cette opinion est révoquée on doute par Qohélff, (m, 21 \
3 Josèphe, Histoire, xviii, 1.
TOACES D'AGGADOT SADUCÉENNES DANS LE TALMUD /,9
téronome (yi, 6 passim). Les Pharisiens, au contraire, insistaient
surtout sur le principe de la crainte de Dieu (û'^)ûU3 nNn"«), auquel
s'arrête la grande majorité des autres écrits bibliques qui s'a-
dressent aux masses populaires. Composée d'un petit nombre
d'hommes de haute condition, l'école saducéenne cherchait à faire
aimer la loi pour elle-même et dédaignait l'emploi des moyens
d'intimidation contraires à l'esprit biblique. De leur côté, les Pha-
risiens plongeaient trop profondément dans les instincts popu-
laires pour renoncer à cet excellent instrument de propagande.
Ils soutinrent donc hardiment l'antique dogme mythologique de la
rémunération après la mort, en accentuant tout spécialement
l'éternité des peines et des récompenses. Sur ce point le témoi-
gnage de Josèphe est en parfait accord avec celui des Evangiles,
de sorte que, à tout prendre, les tourments tenus en perspective
pour les criminels dans l'autre monde dépassaient infiniment
les sévérités dont les Saducéens faisaient usage envers les mêmes
dans celui-ci.
Quelle est maintenant la doctrine du Talmud à l'égard de ce
dogme orthodoxe par excellence pour lequel combattirent côte à
côte les Scribes, les Pharisiens et les disciples du Christ? On le
croirait à peine : ce dogme est singulièrement atténué et adouci.
Sauf certaines exceptions particulières, sur lesquelles les talmu-
distes ne sont pas d'accord, la règle générale admise par tous est
résumée dans cette sentence : '(■«b"i3> d^rr^r^b 'l'^i'ivin hiD ^ « Tous
ceux qui descendent dans la Géhenne en remontent». Et, pour ôter
la moindre ombre de doute sur le sens de cette maxime, la Mischna
la complète par celle-ci : J^nr? ûbi5>b pbn dïib ^"^ '^n^^^ bd-.c<Tout
Israël a une part (aux récompenses de) l'autre monde ». Il y a
plus, les peines réservées aux méchants, si l'on excepte un petit
nombre de malfaiteurs censés indignes de clémence, n'ont qu'une
durée de douze mois : uînn n"-< û5n'^:i3 û-^j^^-i udujtd.
D'indulgence en indulgence quelques-uns des docteurs en sont
arrivés à soutenir que ceux qui n'ont péché qu'en leur personne
sans faire du tort à leurs semblables ne peuvent être atteints par
le feu de la Géhenne, à cause des bonnes actions qu'ils ont faites
dans leur vie : ûnn n-jbi^ û3!T^:\ bu5 niN I^n dDi:;n bN^us"^ ^y^^t) ^.
Fait remarquable, les Rabbins qui font participer les païens
vertueux aux récompenses d'outre - tombe d'après la maxime
&<dn dbij^b pbn ûnb uî^ ûbiJ^rt m^onN ^^^on, sont inexorables pour
^ Baha Mecia, 58 a.
2 Sanhédrin, 20 a.
' Eruèin, 19 a.
T. VIII, nO 15
50 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
les Saducéens : nTiin '^'l^1h ^n ';'^5ni5T ûsin^rib ';"''Tir... l-^pi^stïn. Un
pareil acharnement doit sans aucun doute être mis sur le compte
des rancunes de sectaire, mais comment expliquer, si ce n'est par
l'action latente de l'opposition séculaire des Saducéens, cet aban-
don presque total du dogme des peines éternelles?
Ce n'est pas tout, l'influence que nous attribuons aux Saducéens
se manifeste également à propos de la seconde face de ce dogme,
celle qui est relative aux récompenses éternelles des justes. On con-
naît la célèbre maxime d'Antigone le Sokhite (i^iD ^^n dij:!"'^:^),
successeur de Siméon le Juste * : « Ne ressemblez pas aux esclaves
qui servent le maître dans le but de recevoir un cadeau, mais res-
semblez aux esclaves qui servent le maître sans le but de recevoir
un cadeau, et que la crainte du ciel (de Dieu) soit sur vous ». Le
Talmud considère cette sentence comme étant l'origine de l'hé-
résie des Saducéens. On peut aller plus loin et y voir une théorie
saducéenne sous une enveloppe pharisienne. Selon le docteur, la
vraie piété consiste dans le sentiment de respect et de soumission
que l'homme doit avoir pour Dieu sans l'arrière-pensée de rece-
voir jamais une marque particulière de sa générosité. Sans nier
formellement que Dieu soit porté à faire quelques agréables sur-
prises à ses serviteurs, notre Rabbin, ayant pris pour terme de
comparaison les esclaves qui n'ont aucun droit à la moindre in-
demnité pour les services qu'ils font, enlève toute base à l'idée
d'une récompense honnêtement gagnée par un serviteur libre.
Ce qu'Antigone de Sokho fit sous-entendre, un autre tradition-
niste le formulera d'une façon très claire : n^i^nn nriN tiy*J ris"^
n"m3>!r! ■^'^n b^i2 T"m:y3 û'^m;:: û-^^j^td-i -. « Une heure passée en péni-
tence et en bonnes œuvres dans ce monde vaut mieux que toute
la vie de l'autre monde ». Voilà, sous forme de sentence, le prin-
cipe saducéen qui fait la base de la négation des récompenses
eschatologiques : l'accomplissement de son devoir procure à
l'homme vertueux plus de satisfaction que ne pourraient lui don-
ner les plus longues jouissances dans le meilleur des mondes.
Il est vrai, le docteur ajoute immédiatement : bo nnx nr:: ncT
T"mj'rT '^'^n b^iz n"rTirn mn nmp. « Et une heure de satisfaction
dans l'autre monde vaut mieux que toute la vie dans celui-ci ».
Mais si cet appendice correctif est de nature à sauver l'or-
thodoxie du Rabbin, il ne détruit pas le principe précédent, et
les récompenses posthumes n'en perdent pas moins toute leur
valeur intrinsèque en face de la satisfaction que procure l'exercice
' Pirçc Ahot ,c\\9ip\iTt i.
' Ibidem, chapitre ir.
TRACES D'AGGADOT SADUCÉENNES DANS LE TALMUD o1
de la vertu. Si un Saducéen avait assisté à l'enseignement du
docteur, il n'aurait pas manqué de faire observer que, dans de
telles conditions, les récompenses de l'autre monde, tant vantées
par l'école pharisienne, étaient de véritables peines d'enfer pour
ceux qui avaient été habitués à des jouissances plus délicates dans
ce monde-ci.
Le dogme des peines et récompenses futures renfermait, comme
parties intégrantes, deux autres articles de foi qui, dans la suite
et spécialement au moyen âge, se sont détachés du premier pour
former deux dogmes indépendants. Ce sont la venue du Messie et
la résurrection des morts. La venue du Messie était considérée
comme un événement préparatoire à la résurrection, puisque
celle-ci devait être opérée par le Messie. L'idée d'un Messie per-
sonnel doit son existence à une interprétation étroite et littérale
appliquée au terme de « fils de l'homme » (u:3N nn, Daniel, vu, 13)
qui désigne en réalité l'ensemble de l'Israël idéal (iia-inp uy
^'^^vby, lUde^n, 27). La première mention du Messie mystérieux
et réparateur se trouve dans le livre d'Hénoch dont la rédaction
est contemporaine de Jean Hyrcan (136-10*7 av. J.-C), mais aussi
longtemps que l'Etat juif existait, quoique sous la suzeraineté étran-
gère, cette croyance était peu répandue en dehors des écoles. Elle
dut acquérir une grande importance chez la secte des zélateurs
qui se refusaient à reconnaître toute autorité terrestre. En tout
cas, quelque secondaire qu'elle ait pu être avant la destruction
de Jérusalem, la croyance à la venue du Messie, formant dans
l'opinion des Pharisiens l'avant-scène du drame de la résurrection
et du jugement final, devint un article de foi général après la ruine
de l'Etat juif, et il n'y avait que les Saducéens qui le rejetassent con-
jointement avec le dogme principal. Dans le Talmud l'opinion anti-
pharisienne a trouvé un défenseur inconscient. C'est R. Hillêl qui
déclare pure illusion cette consolation suprême de la nation dis-
persée et opprimée : tr^pTn 170^3 imbiDN nn::':: b^n^j'^b rx^^iz ';■'«•. « Il
n'y a pas de Messie pour Israël, la félicité messianique (promise
par les prophètes) ayant été consommée au temps d'Ezéchias».Et,
chose curieuse, les compagnons de ce Rabbin pessimiste, au lieu
de se fâcher tout de bon se bornent à dire : que Dieu pardonne à
R. Hillêl d'avoir oublié le passage de Zacharie (ix, 9) qui annonce
la venue du Messie ! Je ne sais si R. Hillêl n'aurait pas contesté
la force probante de ce passage, il nous suffit de faire voir que la
négation d'un Messie personnel n'a pas provoqué l'indignation
générale des docteurs. Pourquoi? Ne serait-ce pas parce que cette
* Sanhédrin t 99 a.
52 REVUE DES ETUDES JUIVES
opinion leur était connue de longue date et ne présentait rien de
nouveau ?
Il ne nous reste plus qu'à parler du dogme principal, celui de
la résurrection. Sur ce point, comme de juste, aucune voix dis-
cordante ne s'élève dans le Talmud. Le temps n'était pas venu
où les Rabbins imbus d'idées philosophiques, comme ce fut le cas
au moyen âge, auraient pu discuter si la résurrection concernait
le corps ou bien l'âme seule. A ce moment, il s'agissait exclusi-
vement de faire revenir les justes dans ce monde en corps et en
âme, afin de les récompenser des souffrances qu'ils ont eu à sup-
porter pendant leur première vie. On sait que la croyance à la
résurrection des morts, quoique remontant à l'époque mytholo-
gique, n'a été présentée comme doctrine juive que par l'auteur du
livre de Daniel, contemporain d'Antiochus Epiphane. Trente ans
plus tard, les événements futurs qui se groupent autour de la ré-
surrection sont largement développés et systématisés dans le livre
d'Hénoch, mais de telle sorte que la vie des ressuscites ne diffère
de la vie présente que par l'absence de peines et de soucis. Les
justifiés mangent et boivent en abondance, ont l'intuition de la
science, se marient, élèvent un grand nombre d'enfants et meu-
rent à un âge avancé * .
L'opposition des Saducéens força les Pharisiens à retirer
quelques-unes de ces affirmations. A l'époque de Jésus, on croyait
déjà que les justes revenus en ce monde « ne se marieront pas et
n'auront pas d'enfants, mais ressembleront aux anges qui sont
dans le ciel ^ », que, néanmoins, « ils mangeront du pain et boiront
du vin 3 ». Sous cette forme passablement amoindrie, le fond de la
croyance était de rigueur, sous peine de brûler dans la Géhenne
jusqu'à la fin des siècles. On exigeait même la croyance que c'é-
tait un dogme biblique (nmnin itd), et les docteurs s'escrimaient à
trouver les versets qui y font allusion. Le plus anciennement
connu, est l'argument que Jésus tira du verset de l'Exode, m, 6,
où Dieu se donne le titre de « Dieu d'Abraham, d'Isaac et de
Jacob* ». D'après le jeune Galik'en, cette expression implique le
retour des patriarches à la vie de ce monde. Les autorités talmu-
iliques citent dans ce but un grand nombre de versets empruntés
à tous les livres de la Bible, mais, fait digne de remarque, personne
ne s'avise de citer les passages si clairs du livre de Daniel.
Ceux-ci ne sont produits que par Rabina et R. Aschi, qui sont les
' Livre (PIL^nnch^ texte «^thiopien, ch. i, lin.
" St Mullhieu, xxii, 30.
1 Ibidem^ XXX, 19.
-» Ih^deni. 31 -32.
TRACES D'AGGADOT SADUGÉENNES DANS LE TALMU1> 53
derniers Emoraïm et les collecteurs mêmes du Talmud. Comme il
est indubitable que le dogme de la résurrection ne doit son exis-
tence qu'à l'autorité du livre de Daniel, la répugnance des Rabbins
à se servir de cette source primitive dans leur réfutation des Sa-
ducéens ne peut raisonnablement avoir d'autre cause que la certi-
tude que leurs adversaires n'accepteraient pas le témoignage de
ce livre. Mais par cela même que Daniel avait peu d'autorité
auprès des Saducéens, la logique exigeait qu'il en eût d'autant
plus chez les Pharisiens. Eh bienl c'est le contraire qui est arrivé,
ainsi qu'il est facile de le démontrer.
Considérons d'abord le livre et ensuite la personne. Le livre
de Daniel étant à la fois d'un caractère essentiellement prophé-
tique, d'une assez grande étendue et censément antérieur au
retour de la captivité, avait sa place légitime après le prophète
Ezéchiel. Malgré cela, ceux qui ont fixé le canon biblique l'ont
placé dans la classe des hagiographes et après les Megillot. Et
pourtant les ordonnateurs du canon étaient sans aucun doute des
Pharisiens et croyaient sincèrement à l'authenticité du livre. Je
ne puis attribuer cette dégradation par des mains pharisiennes
d'un livre qui devait être cher aux Pharisiens que par l'infiltra-
tion latente du discrédit que l'école saducéenne avait jeté pendant
sa suprématie sur ce livre. Tout ce qu'ils purent faire en sa fa-
veur, ce fut de l'accueillir dans le canon, mais des scrupules
inconscients les empêchèrent de le classer ailleurs que dans les
écrits de troisième rang.
La façon dont les docteurs du Talmud traitent la personne de
Daniel est encore plus étonnante, car elle dépasse toutes les limites
des convenances et rejaillit sur ses trois compagnons. Parlons d'a-
bord de ces derniers. Ces jeunes princes, Hanania, Misaël et Aza-
ria, qui aiment plutôt souffrir le martyre que d'adorer les idoles,
sont l'objet de propos bien désobligeants de la part de deux Tan-
nâïm. Sur cette demande : que sont devenus Hanania, Misaël et
Azaria après leur sortie de la fournaise ardente ? R. Eliézer
répond : ils sont morts par le mauvais œil ; tandis que, d'après
R. Josué, ils se sont noyés dans le crachat que les payens lan-
cèrent à la figure des juifs infidèles pour leur reprocher la folie
d'avoir abandonné un Dieu qui est capable de faire tant de m\-
racles (j^uj-iiTT^ hi ^^12 y^Ti ^^^2 n^^iN nT3>'^bN"n ...biTN p-^rt!: lan-m
i:>na pTi3 ^72*1^ ^). Avec quelque expérience de la façon dont les
aggadot sont souvent inventées, on reconnaît aussitôt que ces
affirmations suivent parallèlement l'ordre des qualités que leur
* Sciuktfdrin^ 93 a.
54 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
attribue le livre de Daniel (i, 4), savoir : beauté, sagesse et force.
Leur beauté leur attire le regard envieux et meurtrier de la mul-
titude et leur sagesse ne les empêche pas de périr par la folie des
autres. Heureusement pour eux, la troisième qualité, celle de la
force, sert d'argument aux autres Rabbins pour soutenir que ces
jeunes princes ne moururent pas d'une façon bizarre à Babylone,
mais qu'ils retournèrent en Palestine, s'y marièrent et eurent une
nombreuse postérité {rA^n^ û-^sm in^biïTi û-^'^iis in^st ■'"Nb ^hy «"sm).
Quant à Daniel même, ni ses visions prophétiques (lim), ni ses
entretiens avec les anges, ni son affirmation de la résurrection des
morts, rien de tout cela n'a pu adoucir l'antipathie des Rabbins
à son égard. Avec une unanimité qui paraît bien singulière, les
docteurs talmudiques lui refusent le don de la prophétie, don qu'ils
accordent aux trois voyants postérieurs : Haggée, Zacharie et
Malachie (n^25 ij^b iïi^ni "^N-^n^ n^r^). Un de ces docteurs affirme
de plus que Daniel s'est trompé dans le dénombrement des
soixante-dix ans de captivité prédits par Jérémie (nra bN"^:*! C]S
^ï3n^^"^n "^i^i-in). Enfin, trois légendes bizarres, mises dans la bouche
de trois anciens Emoràïm, Rab, Samuel et R. Johanan, attribuent
l'absence de Daniel au moment où la scène de la fournaise ardente
mettait en péril la vie de ses compagnons, à des causes extrê-
mement irrévérencieuses pour ce saint personnage. Tous sont
d'avis que Daniel était alors parti chargé d'une mission par Na-
buchodonosor. Cette mission aurait consisté, suivant l'opinion
respective des trois Emorâïm susnommés, soit à creuser un grand
canal dans une montagne (n'iIl:^ Nnn t^-iî-is t^ns^b n?3ï< :in), soit à
importer des graines de plantes fourragères (■^'^"inNb n^N b^iTouîn
NnDDDNi î<nn3), soit enfin, à importer des porcs d'Alexandrie (•^am
û"^-ii£)3 bu5 N">"Ti5D:DbNi '^n'^Tn "^"^inNb n^DN y^v). Faire de Daniel un
entrepreneur de canaux, un marchand de graines ou un mar-
chand de porcs, n'est-ce pas jeter le ridicule sur le livre cano-
nique qui porte son nom?
L'affirmation de plusieurs Rabbins, suivant laquelle Dieu, Na-
buchodonosor et Daniel lui-même étaient contents du départ de
ce dernier, cette affirmation, tendant en apparence à excuser
notre héros d'avoir fui le martyre, quand on la regarde de près, y
ajoute encore un nouveau ridicule. En effet, suivant cette légende,
Daniel serait parti de crainte que, ayant été adoré par Nabu-
chodonosor (Daniel, ii, 46), il ne fût brûlé comme toute idole doit
l'être (Deutéronome, viii, 5). Sous ce rapport notre prophète n'est
pas traité plus respv3ctueusement que Nabuchodonosor lequel,
d'après la même légende, hâte le départ de Daniel de peur qu'on
no dise qu'il a brûlé son idole. Seul le motif qu'on attribue à
TRACES D'AGGADOT SADUCEENiNES DANS LE TALMUD 55
Dieu semble favorable à celui-ci : c'est afin qu'on ne supposât
pas qu'il a été sauvé par le mérite de ses compagnons. Mais
comment eût-on fait une telle supposition si Daniel avait été
aux yeux du public un homme aussi ami de Dieu que son livre
le représente? On Voit donc que toutes ces légendes, môme
celles qui sont favorables en apparence, laissent percer de graves
préventions contre ce personnage biblique. Or, quel que soit
l'acharnement que mettent parfois les aggadot à accabler cer-
tains personnages, ce sont toujours des pécheurs ou des ennemis
d'Israël, tandis que pour Daniel, un pareil agissement de la part
des Rabbins est tout à fait inexplicable.
Et la preuve qu'il n'y a pas là de simples jeux d'esprit et des
subtilités de mauvais goût, c'est qu'après quelque reflexion la
triple mission confiée à Daniel se montre à nous comme une
parodie très habile du régime frugal suivi par Daniel et ses com-
pagnons à la place de la nourriture qu'on leur fournissait de la
table royale. Ce régime consistait notoirement à boire de l'eau
au lieu de vin et à manger des graines à la place de pain et de
viandes défendues. Notre aggada, avec une malice à peine dé-
guisée, charge Daniel de trois missions parallèles aux trois parti-
cularités de son alimentation :
1« Comme fort et opiniâtre buveur d'eau, il est chargé de
creuser un grand canal dans la montagne afin qu'on puisse s'ap-
provisionner d'eau lorsque les sources urbaines seront mises à
sec par lui ;
2° Comme amateur de graines qui sont d'ordinaire la nourri-
ture des bestiaux, il est chargé d'importer des graines fourragères
afin que le bétail ne dépérisse pas par suite d'une alimentation
insuffisante dont il est la cause ;
S*' Enfin, comme contempteur de viande de porc^ il est chargé
d'importer des porcs étrangers ; c'est lui faire comprendre que,
grâce à l'excellence de cette viande, la production indigène des
porcs ne suffit pas à la consommation locale.
Ici, nous sommes en présence d'une raillerie voulue, systéma-
tique, dont les traits atteignent le prestige de Daniel au moyen de
sarcasmes blessants. Attribuer aux Pharisiens de pareilles irré-
vérences envers le révélateur de la résurrection, c'est à quoi on
se résignera difficilement et l'on est bien obligé d'y voir une lé-
gende hostile d'origine saducéenne perpétuée dans les écoles et
naïvement accueillie par les Talmudistes.
Pour terminer, résumons en quelques mots les résultats princi-
paux de cette étude.
56 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
1. Le Talmud a conservé des aggadot saducéennes comme il a
conservé des halakliot saducéennes ;
2. Ces aggadot consistent partie en sentences, maximes et opi-
nions qui expriment des doctrines saducéennes, partie en légendes
relatives à des personnages bibliques dont l'autorité n'était pas
reconnue par les Saducéens ;
3. Le rabbinisme talmudique, dans sa partie doctrinaire, ne
représente pas le pharisaïsme du premier siècle de l'ère vulgaire,
mais constitue un produit mélangé de pharisaïsme et de sadu-
céisme.
J. Halévy.
LE PASSIF DANS L'ARAMÉEN BIBLIQUE
ET LE PALMYRÉNIEN
Aussi loin que l'on puisse remonter dans l'étude de l'araméen,
on ne trouve pas trace du passif dans les verbes des divers dia-
lectes de cette langue. Les noms, au contraire, ont des formes
passives: b-^ap, ^'^'PJp, biip.^, btp'p^ti, pour les participes; b^a]^, bap,
b^Lûp, etc., pour les adjectifs et les substantifs. Quant aux verbes
proprement dits, leur passif est exprimé par le réfléchi : bapnN,
btjpnN:, bapnnî^ et bûûpn^âN. On est donc porté à considérer avec
Luzzatto * comme des liébraïsmes les quelques formes hof'al que
Ton trouve dans l'araméen biblique ; dix appartiennent à Daniel :
;i"'n'^ïi, III, 13 ; nipnti et nçoiïi, iv, 33 ; ^s^ti, v, 13 ; ibj^n, v, 15 ;
nripri, v, 20 ; rr^n'^rt, vi, 18 ; pDïi, vi, 24 ; ni^-^pri, vu, 4 et 5 ^ ; ^n^rr,
VII, 11 ; une seule est fournie par Ezra, n^nnn. Le livre de Daniel
a été composé en Palestine en 167-6 av. J.-G. ; il est plus difficile
de fixer la date de la rédaction des lettres en araméen que ren-
ferme le livre d'Ezra, mais elles appartiennent à une époque
beaucoup plus ancienne que le livre de Daniel, car la dernière
révision d'Ezra est placée vers Fère macédonienne 3. Si on étudie
les hof'al que nous venons de reproduire, on fera une double
remarque : 1° tous ces verbes sont à la 3^ personne du parfait ;
pour les autres personnes du parfait, aussi bien que pour l'impar-
fait, la voix passive est exprimée par les réfléchis, comme dans
les autres dialectes araméens ; 2'^ quelques-uns de ces verbes dif-
fèrent, pour la forme, de l'hofal hébreu : Da'ipp, ^'•n'^îi et rr^n-^^r.
1 Elementi gramm. del Caldeo hiblico, Padova, 1865, p. 22.
^ Dans le verset 5 la Massora ponctue n^û'^plTT ; voyez Daniel, éd. Baer, p. 78.
^ Voy. Friederich Bleek, Einlcitung in das Aile Testament, IV' édit. revue par
Wellhausen, p. 283.
58 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Gomment expliquer ces singularités ? Sommes-nous en présence
de vestiges d'un ancien passif araméen que Daniel et Ezra
nous auraient conservés? Cette question semble recevoir une
grande lumière de l'examen des formes du passif du qal. A côté
de l'ithpe'el, la forme ordinaire du passif du qal araméen, on
trouve dans l'araméen biblique une forme b^j^s, dont les exemples
suivants sont rapportés également par Luzzatto, Z. c, p. 22, § 44 :
^"«np, n^biâ, û'^iin, n^ïi"), b-'Uj^, pour la 3« pers. masc. sing. ; nb-iipp
ny-Ji?, r\^T'\ ï^?'''??, pouï" la ^^ P^ï's. fém. sing. ; ^iraw, r^'^'^f?, ^n-ins,
tinss, pour le plur. com. On trouve aussi quelques verbes ayant
une voyelle comme 3^ radicale, "^Tip.. "^bj et^h}, 3° pers. masc. sing.;
1^7?^ 3^ pers. masc. plur. Le liatef-ségol ou hatef-patali des trois
premiers mots est attiré par la palatale p ou 5. On voit que tous
ces exemples appartiennent à la 3° personne du parfait, comme
les formes du hof'al énoncées plus haut, et ne s'étendent ni aux
autres personnes ni aux autres temps, lesquels sont exprimés par
l'ithpe'eL Ce phénomène, qui paraît singulier au premier abord,
s'explique par la raison que b'^Lap n'est pas autre chose que le par-
ticipe passif usité comme temps pour le passé, usage fréquent
dans les dialectes araméens et notamment en syriaque et en talmu-
dique*. Le féminin nb^tpp et le pluriel nb^iûp ou i^-jp-i ont été
formés par analogie, mais l'analogie n'a pas été poussée plus loin.
L'origine du participe se trahit dans ce verbe par l'état empha-
tique qu'on trouve dans Daniel, v, 27 : NPbpn elle {ta royauté) a
été pesée, que Luzzatto explique, comme Ewald, par la seconde
personne. En syriaque, le participe est également susceptible de
recevoir l'état emphatique, même quand il sert d'attribut-. En
rapprochant les formes b^yp ^ des formes bi'ç^i de Daniel et d'Ezra,
on comprend facilement comment celles-ci sont nées des pre-
mières : n-o'^pri est devenu le passif de n^û'^pîi, parce que ronç
avait formé le passif de nD^ip. Les autres formes, au contraire,
telles que "r^^Tt, nDÇnn, se sont modelées uniquement sur l'hébreu;
à celles-ci se rapporte aussi n7|ÇT et elle fut placée, Dan., vu, 18,
dont la ponctuation imite celle de II Sam., xiii, 32 qei'i. Dans ces
* Voy. Nœldckc, Syr. gramm,, p. 192, § 278fl, et noire Traité de gramm, syr.,
p. 314, § 331 ; Israël Lcvi, Notes de grammaire juddo-hahyl.^ Revue des études Juives,
t. I, p. 221, où il est donné de curieux exemples de participes lalmudiques conjugués
comme uu parlait.
» Voy. Si/r. gramm., -p. \fi2, § 204 J et c ; Traité de gramm. syr., p. 335, § 3î)G o.
3 Dans les paradif^^mes publiés en tôle de l'édition do Daniel et d'Ezra par M. S.
lîaer, pe'il est indiqué comme un ilhpe*el apocope, Ewald, Die Prophctcn, III, p. 280,
2» éd., y voit un ancien passif du parfait, malgré Vi long.
LE PASSIF DANS L'ARAMÉEN BIBLIQUE ET LE PALMYRÉNIEN m
différents versets le mélange de l'araméen et de l'hébreu nous
paraît incontestable. Nous n'insisterons pas sur d'autres faits
généraux, comme le hé formatif de l'afel dans l'araméen biblique,
au lieu de l'aleph et la singularité du pluriel ^l'in^rt à côté de v^-i,
le premir conservant la prononciation hébraïque du vav, le secon-d
suivant l'araméen. Nous concluons de ces faits que, si l'araméen
biblique a jamais été parlé, il ne l'a été que comme langue arti-
ficielle, dans le sein d'une communauté juive, mais qu'il n'est
pas un dialecte palestinien vulgaire.
Ces réflexions nous ont été suggérées par la lecture d'une thèse
très ingénieuse exposée par M. Sachau dans une esquisse gram-
maticale du dialecte palmyrénien, publiée tout récemment dans
le Journal de la Société orientale allemayide, t. XXXVII, p. 562-
571. Les matériaux que nous possédions pour l'étude de ce dia-
lecte ont été considérablement augmentés par l'importante ins-
cription de la Loi fiscale de Palmyre dont M. le M'' de Vogiié a
donné le texte et la traduction dans le Journal asiatique de 1883,
8« série, t. I, p. 231-245 et t. II, p. 150-183 et p. 549 (tirage à part
avec planches). Certaines analogies entre ce texte et l'araméen
biblique, notamment l'absence de signes extérieurs dans plusieurs
verbes passifs, ont conduit le savant professeur à voir dans le
palmyrénien un dialecte très proche de l'araméen de Daniel et
d'Ezra : « Elle (l'inscription) se lit, écrit-il, comme une page des
parties araméennes de la Bible et représente ainsi le degré le plus
ancien de l'araméen que nous connaissions. La langue que l'on
parlait en Palestine au temps de la composition des livres des
Chroniques (vers 200 av. J.-C.) et de Daniel (167-166 av. J.-C.)
est la même que celle qu'on parlait au temps d'Adrien L'ara-
méen biblique se distingue des autres dialectes araméens plus
jeunes par une suite d'anciennes formes passives qu'il a con-
servées, tandis que dans la grande majorité des cas le réfléchi est
déjà usité pour exprimer le passif. Le syriaque a complètement
perdu la forme passive. Au contraire, dans notre inscription se
trouvent des passifs primitifs à côté de réfléchis-passifs, et ce
sont les suivants »
Les exemples de passifs que cite M. S. comprennent des par-
faits, des imparfaits et des participes. Il y a lieu de croire que ce
ne sont pas les participes qui l'ont engagé à chercher dans les
verbes palmyréniens des formes ^y^ et b^^çri, car, les participes
passifs existant en araméen, il est plus logique d'expliquer par
l'araméen les participes palmyréniens que par Fhébreu. Voici les
exemples de ces participes cités par M. Sachau, p. 564 et 565 :
60 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
pOJ2 t«b ^1 \2y"ii2, 1-8, Ta [17) ov£iXri[X(xéva, cc QUI u'a pas été porté * ;
N'^3'i:D"l!Sb ':?D373 mîT'T, I, 20, èitijiEXsïcOcn ô^ Toùç... àp/ovraç, qu'U SOU à
cœur aux archontes; ^t>^i2 mn^ -«1/3, H, 3, 12, exav.... è^dy'n'cai,
lorsqu'il est exporté.
. N'est-il pas naturel d'expliquer par l'araméen ces participes et
de lire pD^p, ba^^p, psfi^^? plutôt que d'y voir des hof al et de ponc-
tuer avec M. S. : pa?:, ^???^» P=^'?3? Cette dernière forme a déjà
quelque chose- de monstrueux dans un dialecte vulgaire, comme
l'était l'idiome des marchands de Palmyre, car, le radical étant
pD5, elle suppose un b^*çî<t3 ! Aussi l'alef de ce mot, dont la lecture
n'est pas douteuse, gêne M. S. qui ne serait pas éloigné d'y voir
une erreur du lapicide : pDN?2 serait pour pci<n?3, une forme it-
tafal dont l'inscription offre plusieurs exemples. En ponctuant
pËN:^, cette hypothèse devient inutile, l'alef s'explique alors de la
même manière que dans l'ittafal pcNnTs et b:?Nn?3 de pD&< et b3^î<
(forme afel de pD5 et hy), II, 1.1, 1.13, 1,21, etc. La présence de
l'alef pour indiquer la voyelle a n'est pas rare en syriaque dans
les radicaux faibles qui ont perdu une consonne : nsn5 et N3NP3,
imparfait afel et ittafal de Ni2 ; n'^nN?^, infinitif afel de «"^n, etc.
(voyez Traité de gram. syr., p. 57, note 1). L'écriture pEN^ est
donc palmyrénienne et syriaque.
Parmi les participes nous rangeons aussi ^35, qui a le sens d'un
gérondif dans les derniers mots de la souscription du premier
panneau : "«n:* nostd, tAoç iTzpâ-/p-n, Vimpôt devait êty^e perçu. Nous
sommes d'accord avec M. Sachau pour rapprocher ce ■'3:i de l'ara-
méen biblique ■^'ip, "^b^., mais, où nous nous éloignons de lui, c'est
lorsqu'il l'explique par un passif interne du parfait que l'arabe a
conservé dans la forme fu'ila. Nous avons parlé plus haut de la
tendance du participe passif araméen à prendre, comme dans nos
langues modernes, le sens d'un passé ; la première citation, ûrn?3
pD7û Nb "^T, ce qui n'a pas été porté, en est un exemple pris dans
notre inscription. Du reste nous avons le pluriel de ce parti-
cipe dans pa .mN"'d:d?3, II, 3,6-7, t^ réXir) XoYeûsaOai, c'est-à-dire les
taxes doivent ét7'e perçues, ^n^ ^<«or7:, comp. )'ir}'ç\2 "^n T"???» ^^'"^
corps qui sont jetés ou qui doivent être jetés, II, 3-9.
Les exemples de parfaits et d'imparfaits passifs que M. Sachau
lit comme des pu'al et des hofal sont empruntés, pour la plupart,
' L'inscription est divisée en deux panneaux, le premier, qui, par un rare bonheur,
n'a subi aucun endommaf^omcnt, comprend une colonne ; le second est divisé en trois
colonnes: 1, 10 signilie donc premier pafiiicau, dixième ligne; II, 3.12, druTième pan-
neau, troisième colonne, lit/ne 12. L'inscription est bilingue, et le texte grec est con-
servé avec le texte araméen.
i
LE PASSIF DANS L'ARAiMÉEN BIBLIQUE ET LE PALMYRÉNIEN 61
à une phrase du premier panneau, 1. 7-9, que M. Sachau a très
bien analysée. On trouve clans cette phrase deux fois le mot nns-in
et il sera inscrit, une troisième fois, le même mot est écrit nnST ;
n^N est également employé dans un sens passif : aura été con-
firme. M. Sachau ajoute un dernier exemple, II, 2.6, où le passif
\2V sera vendu, fait suite au passif-réfléchi b:^Nn'^,5^ra introduit;
le participe passif pTiD, vendu, sq rencontre, II, 3.31. Ces mots
sont ponctués par M. S. : 3np;]T (nnsi serait une erreur du gra-
veur pour anS"»), *^'é^ (passif de l'af'el n^N, rac. ^n^), 'lan et \^Vf2^
Nous croyons avoir montré que les formes correspondantes de
l'araméen biblique sur lesquelles M. Sachau s'appuie pour Justifier
cette ponctuation, sont artificielles et nées du mélange de l'ara-
méen et de l'hébreu ; on ne devrait donc pas s'attendre à les ren-
contrer dans un idiome vulgaire, qui ne paraît pas avoir reçu
de culture littéraire et qui, en tout cas, est demeuré en dehors
de tout contact avec l'hébreu. En raison même de ce caractère
d'idiome vulgaire, nous verrions plus volontiers dans ces diffé-
rents verbes des altérations phonétiques des réfléchis-passifs qui
ont ith pour préfixe. Luzzatto, l. c\, p. 81, § 74, signale l'assimi-
lation du tav de ce préfixe dans la première consonne du radical
verbal en talmudique * ; une prononciation palmyrénienne in3"<
pour nnsn;' ne serait pas plus surprenante que la prononciation
■^«DS^ijî du talmud pour -^NosniN, Ketudot 63 a. Cette explication
nous permet de maintenir l'écriture nnii = nnsi, que M. Sachau
voudrait corriger. Une double forme nnsn;^ et nns'^ n'est pas plus
choquante qu'une double forme nnpn;' et nniD"; supposée par M. Sa-
chau, d'autant moins que le passif d'un af'el paraît pour ce verbe
un peu forcé, puisque le qal est la forme la plus usuelle de 3nD.
Au sujet de "«n^, on objectera qu'on aurait écrit «3^, mais le syro-
palestinien a quelquefois aussi, en pareil cas, le yod pour l'alef. Le
passif *;nT"> est également "{at^ pour )^w, dont le participe féminin
N33_Tnp existe II, 3.33. Nous voyops que dans ce verbe le tav du pré-
fixe ne passait pas après lezaïn de la racine et ne se changeait pas en
dâleth comme dans le syriaque )^'^i». La Bible nous offre un exem-
ple analogue dans ^Sjrrr, Isaïe, i, 16, comp. Stade, Lehrb., p. 101,
§ 129 c?. Le participe passif pî^ de notre inscription doit donc
être lu, soit isiT-n, participe passif du pa'el, soit "{s^^j, participe de
l'ithpa'al. Le dernier passif, ^U5N, s'explique plus difficilement
dans notre hypothèse. Si, en effet, on le prenait pour un passif de
^ En syro-palestinien cette assimiliation est restreinte au cas où la première con-
sonne du radical est une dentale, voy. Nœldeke, Z, D, M. (j., XXII, p. 491.
62 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
l'af'el "-lUîN, racine "nus, comme le pense M. Sacliau, il faudrait sup-
poser soit un ittaf'al, soit un ithpa'al plus fréquent en syriaque;
mais en admettant l'assimilation du tav du préfixe dans le schin
de la racine, dont l'hébreu offre un exemple {v. Stade, Lehrb.j
p. 101, S 29c?), l'ithpa'al devrait donner une forme ^n^'N ; or notre
mot n'a qu'un seul resch, et il est difficile d'admettre une con-
traction des deux resch. Nous reconnaissons qu'il y a là une dif-
ficulté qui reste à résoudre. Quoi qu'il en soit, les raisons que
nous avons exposées plus haut nous empêchent d'ad'mettre la
ponctuation n^N de M. Sachau. Le syro-palestinien, qui dans cette
question fait autorité, ce nous semble, ne connaît pas de passif de
ce genre. Dans notre inscription, les verbes commençant par une
gutturale ont toujours pour passif un ithpa'al ou ittaf'al intact,
parce que la gutturale ne s'assimile pas le tav du préfixe ; le passif
deb3>^^, importer, est toujours biy^ni et jamais b^N comme dans
Daniel.
En résumé on ne peut s'appuyer sur notre inscription pour
établir que les passifs hof'al de l'araméen biblique appartenaient
à l'araméen vulgaire et avaient leur assise dans la langue parlée.
Assurément, comme dialecte palestinien, le palmyrénien est plus
proche parent de l'araméen biblique que du syriaque mésopota-
mien, mais en plusieurs points il se distingue de ces deux dia-
lectes. Daniel ofl're des exemples de l'allongement d'une voyelle
au moyen de la nasale, comme dans les mots ^>^:^, •3'??^, v*!?^'
by:^ : non-seulement cette nasalité de la voyelle est inconnue au
palmyrénien, mais ce dialecte, suivant la prononciation mésopo-
tamienne, laisse tomber la nasale qui termine une syllabe dans le
corps du mots en voici des exemples : omDDb^ 'A).c;dvôpo;, I, 2;
N"^piD auvôtxot, 1, 11 ; N^bDLJD r.a^'zo'Kiùleii, II, 2-3. En SOUS iuverse, le
palmyrénien forme, comme le palestinien et le talmudique, le
temps correspondant à notre imparfait en préposant l'auxiliaire
N^n au participe, tandis qu'en mésopotamien l'auxiliaire suit ^^n
l^ja^nTp, elles étaient perçues, I, 5; wSp^ isin, il percevait, I, 6 *.
Parmi les corrections proposées par M. Sachau, p. 563, note 1,
celles qui concernent les lignes 5-6 du premier panneau, ne nous
paraissent pas justifiées : -^n ):f^i2 signifie j^ar analogie de, et doit
être lu Ij"!??, c'est un abstrait formé de l'infinitif y^p ; les noms
> Pour le syro-palestinicn, voy. Z. D. M. G., XXII, p. 463.
' On serait tenté de voir un mode subjonctif avec un lâmcd préfixe dans les mois
'|2T'^b "^1, I, 4, byNn'^b "^^i u, 2, 6 ; raraméen biblique et talmudique possèdent des
lormcs do ce p^enrc. mais il est plus probable que lo lAmed appartient à la conjonction
et qu"ii laui lire pT"! b">n, b^j^rr» b"^*!, comp. "^T b"«nn.
LE PASSIF DANS L'ARAMÉEN BIBLIQUE ET LE PALMYRÉNIExX 63
de cette forme ne sont pas rares dans cette inscription, 'jn'-,p,gw^-
relle^ I^^H^ compte, X}^'^^ erreur^ 1?'^t^' monnaie. Voici, au sur-
plus, la phrase selon sa teneur et selon l'explication qu'elle nous
semble comporter : Nm:iN3 ir\i:)r\i2 Nin ^i yj^ij'2 iiCi^v i): l^3an;3 mrn
N"j'i3>m iXDi^n ^"^n Nn:\ Nim nos^ "^i, et elles {les ynarchandises)
étaient taxées d'après Vnsage par analogie de ce qui était inscrit
dans le marché du fermier^ et il [le fermier) percevait aidant
selon la loi que selon Vusage.
Sauf la thèse des passifs qui nous semble contestable, les judi-
cieuses observations que M. Sachau a consignées dans cette
esquisse grammaticale du dialecte palmyrénien seront acceptées
avec reconnaissance par les personnes qui s'intéressent aux dia-
lectes araméens ; elles forment la suite de l'étude que M. Nœl-
deke avait consacrée au palmyrénien dans le vingt-quatrième
volume du même journal.
Post-scriptum. — Dans le compte-rendu de la publication de
M. le M'^ de Vogiié, que contient le numéro du 15 avril 1884 de
V Oesterreiche Monatssclirift fur den Orient, M. D.-H. Mùller se
déclare pour M. Sachau contre Luzzatto au sujet des passifs des
verbes de l'araméen biblique. Sur l'autorité de Daniel, il consi-
dère comme certaines les formes hof al des mots palmyréniens
n^N, pD73, ba:373, p5is?3, ainsi que le parfait passif "^3:^ ; mais, comme
Daniel ne connaît pas le pu'al, en dehors du participe, il se refuse
à voir des passifs internes dans les mots nn:D^ pr et pTTo.
RUBENS DUVAL.
Li LÉGENDE DE L^ANGE ET L^ERMÎTE
DANS LES ÉCRITS JUIFS
Le Talmud de Babylone raconte Tliistoire suivante ^ :
Le roi Salomon, ayant besoin, pour construire le temple, du
Schamir, cet animal mystérieux qui avait le pouvoir de tailler
les pierres les plus dures, et ayant appris qu'Asmodée ^ en con-
naissait la retraite, chargea Benaya, fils de Yehoyada, chef du
Sanhédrin, de s'emparer du roi des démons, « car celui-ci, après
avoir étudié à l'école du ciel, descend sur la terre pour s'y instruire
aussi. » A l'aide d'ingénieux stratagèmes et surtout grâce à la
* Gittin, 68 a-b. Ce morceau est entré avec quelques variantes dans le Midrasch
sur les Psaumes (Ps. 78).
* Rapoport et après lui M. Kohut {Aruch comj)letum, I, p. 318) pensent qu'il n'y
avait pas primitivement dans le Talmud le nom d'Asmodée, parce que l'Aruch ne
cite pas ce mot. Mais il devait y avoir le f roi des démons », puisque c'est à propos des
démons que le Talmud cite cette histoire. Cette supposition, d'ailleurs, se heurte à ce
fait que le Midrasch sur les Psaumes qui est antérieur à l'Aruch porte « Asmodée » en
toutes lettres. M. Koliut.pour appuyer son dire, remarque que ce mot, qui se rencontre
encore dans Pesahim, 110 a, fait défaut dans le ms. de Munich. M. Kohut a lu sans
doute rapidement le Diqduqué Sofrim auquel il renvoie, car il y est dit seulement
qu'il manque le mot N"i!l « il ». — Ce n'est pas la seule surprise que nous réserve
l'article de l'éditeur de V Aruch coinpletum. D'après lui, en effet, il ne faudrait plus
lite Aschncday , mais Eschmadnâi/, parce que c'est sous celte forme seule que le mot
s'explique par le zend. A supposer que l'étymologie fût bien établie, il n'en subsis-
terait pas moins que les .Uiils prononçaient Aschmeday, comme nous le montre
d'ailleurs le livre de Tobie, de même (juils disaient Ilormiz et non Ahura Mazda.
Quant à rétymolofçie elle même, quoique acceptée par MM, Graetz et Spiefrel,clle me
paraît bien étrange. Aschmeday viendrait, aftirme-t-onn de Aéschma daoï/a, « Aèschma
qui peut être trompé », ou bien ù'Ar'schmadava. « Aêschma le démon », ou bien
encore à''Aêschtnn (hiyé^ • Aêschma des couples ». \'oici comment a procédé M. Kohut.
Il y a dans le Zcnd-Avesta un démon qui s'appelle Aêschma ; ce mol se rapproche
beaucoup de la première partie de Aschmeday ; reste donc à trouver le correspon-
dant zend de day : ce sera daoya, ou data ou duyé. M. Kohut s'inquièle-t-il de
savoir s'il y a jamais eu un démon qui portût l'un de ces noms, si ces composés
étaient populaires ou si ce n'est pas par hasard et seulement dans certains textes qu'ils
se rencontrent? car enfin on ne veut pas que ce soient les Juifs qui aient accolé à
Aêschma ces compléments dé'crminalifs zends ! — M. James Darmcsleter, dont la
compétence en ces matières est assez connue, m'apprend le plus curieux de l'affaire :
aucun de ces trois noms composés n'existe !
LA LÉGENDE DE L'ANGE ET L'ERMITE 65
puissance du « nom » de Dieu, Benaya parvient à le lier et le con-
duit devant Salomon.
Sur leur route, ils rencontrent un figuier, Asmodée s'y frotte et
le renverse ; puis ils arrivent à une maison : il la détruit. Ils attei-
gnent la cabane d'une pauvre veuve, celle-ci se met à l'implorer. Il se
courbe alors pour ne point endommager la maison et se brise un os.
Voilà bien, s'écrie-t-il, ce que dit le verset : « Une langue douce sait
briser un membre. » Il voit un aveugle égaré : il le remet sur son
chemin ; puis il rencontre un ivrogne égaré : il le remet sur son
chemin. Il voit ensuite une noce joyeuse : il se met à pleurer. Il
entend un homme commander à un cordonnier des chaussures qui
devront durer sept ans : il se met à rire. Il voit enfin un sorcier di-
sant la bonne aventure : et de rire de nouveau. . .
Benaya lui dit : a Explique-moi toutes ces étrangetés K Pourquoi as-
tu remis cet aveugle sur son chemin* ? — Parce qu'il a été publié au
ciel que c'est un juste parfait et que celui qui lui ferait plaisir jouirait
de la vie future. — Pourquoi as-tu remis l'ivrogne sur son chemin ?
— Parce qu'il a été publié au ciel que c'est un méchant accompli, je
lui ai procuré ce plaisir pour qu'il consomme ici-bas le monde future
— Pourquoi as-tu pleuré devant cette noce joyeuse ? — Parce que le
mari devait mourir au bout d'un mois et que sa veuve était condamnée
à attendre treize ans avant que son beau-frère pût l'épouser (ou lui
donner le droit de se remarier). — Pourquoi as-tu ri devant celui qui
se commandait des chaussures ? — Il n'avait pas sept jours à vivre
et demandait des chaussures pour sept ans ! — Pourquoi as-tu ri de-
vant le sorcier? — Il était assis sur un trésor, que ne devinait-il ce
qui se trouvait sous lui I
Ce conte offre une certaine ressemblance avec celui de Vange
et Vermite, bien connu depuis le remarquable mémoire que lui
a consacré M. Gaston Paris '% et dont l'origine juive est solide-
*■ Ce mot, qui manque dans les éditions du Talmud, se trouve dans le Midrasch
sur les Psaumes.
2 Pourquoi les questions de Benaya ne portant-elles pas aussi sur les premiers
incidents du voyage — la destruction du figuier et de la maison — qui auraient
cependant besoin d'explication? Ce silence ferait supposer que le passage que nous
avons traduit, depuis l'épisode de l'aveugle, a été inséré dans l'histoire d'Asmodée
où elle n'avait que faire, soit parce qu'Asmodée y jouait aussi un rôle étrange et
énigmatique, soit simplement à cause de la similitude du cadre. Ces enchevêtre-
ments de contes ne sont pas rares dans le Talmud, comme je l'ai montré par un
exemple dans cette Revue (t. VII, p. 82). Les légendes arabes — très anciennes — qui
reproduisent tous les éléments de cette page du Talmud sur la construction du temple
et la substitution d'un démon à Salomon ne connaissent pas les épisodes du voyage
de ce démon, ce qui donne lieu de croire qu'elles ont été empruntées aux Juifs à une
époque où l'interpolation n'avait pas encore été ellectuce. Nous reviendrons prochai-
nement sur cette histoire de Salomon.
3 Cf. Horiot, 10 a.
Académie des Inscriptions et Belles-Lettres: séance du 12 novembre 1880.
T. VIII, N<> 15. 5
66 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
ment dtablie. Les plus anciennes et plus importantes versions
de cette légende pieuse sont : 1^ celle des Vitœ patriim, tra-
duction latine d'un texte grec aujourd'hui perdu, faite pro-
bablement avant le viiP siècle; 2*' celle du Coran (xviir, 64-81);
3« enfin celle du Hibbour Yafé Méhayeschoua ou Se fer Maa-
sîot, recueil de contes moraux, composé par R. Nissim Gaon,
rabbin qui a vécu à Kairouan à la fin du x*' siècle et au commen-
cement du XI® *.
La version des Vitœ pairum, qui se retrouve plus ou moins
modifiée et amplifiée dans de nombreux textes du moyen âge,
et même dans le Zadig de Voltaire, peut se résumer comme
suit :
Il y avait en Egypte un solitaire qui demandait à Dieu de lui
montrer ses jugements. Un jour, un ange, sous l'apparence d'un
vieillard, lui apparaît et lui dit : « Viens, parcourons ce désert. »
Ils sont d'abord reçus par un saint homme, qui leur offre tout ce
qu'il possède. L'ange, en -s'en allant, lui dérobe son plat. L'hôte
envoie alors son fils à leur poursuite pour leur réclamer cet objet :
Fange jette ce jeune homme dans un précipice. Ils arrivent chez
un abbé, qui ne veut point les laisser entrer chez lui, mais qui,
las de leurs instances, les fait conduire à contre-cœur à l'étable,
sans leur donner à manger ni à boire. L'ange, le lendemain,
avant de s'en aller, donne en présent à l'abbé le plat qu'il a volé
au saint homme. A ce trait, l'ermite ne peut plus contenir son in-
dignation , L'ange alors lui explique toutes ces étrangetés : « Ce
plat n'avait pas une bonne origine ; il ne convenait pas qu'un
homme si pieux eût chez lui un bien mal acquis ; ce qui était
mauvais a été donné au mauvais pour consommer sa perte -.
Quant au fils, si je ne l'avais pas tué, il aurait assassiné son père
la nuit suivante. »
La version arabe est sensiblement différente. Bien qu'elle ait été
donnée par M. Paris, je demanderai la permission de la repro-
duire, pour mieux faire comprendre la comparaison que j'insti-
tuerai plus loin.
* Page 4ô de l'édition (très défectueuse) d'Amsterdam, 1746. Notre conte ne se
trouve pas dans l'éd. de Ben-Sira de Venise, 1544, ni probablement dans celle de
Constantinople, 1519 auxquelles est joint l'ouvrage de Nissim, avec le titre de Maa-
siot schébetalmoud. Le Hibbour Yafé a été encore imprimé à Ferrare, en 1557. Ce
n'est pas ici le lieu de traiter de nouveau la question de savoir si Nissim Gaon peut
être l'auteur de ce recueil. (Voir Steinschneider, Catal. Bodl., col. 607).
* Cette idée est plus développée dans un conte du xiii« siècle intitulé : De Vange
qui accompaigna l'ermite. L'ermite est puni pour qu'il jouisse entièrement de la vie
future, et le méchant récompensé pour qu'il n'ait rien à réclamer de Dieu.
LA LEGENDE DE L'ANGE ET L'ERMITE 67
Moïse rencontra un de nos serviteurs, favorisé de la grâce et éclairé
de la science. « Puis-je te suivre, lui dit Moïse, afin que tu m'ensei-
gnes une portion de ce qu'on t'a enseigné à toi-même ? » L'inconnu
répondit : « Tu n'auras pas assez de patience pour rester longtemps
avec moi, car tu ne pourras supporter des choses dont tu ne com-
prendras pas le sens. — S'il plaît à Dieu, dit Moïse, tu me trouveras
persévérant, et je ne désobéirai point à tes ordres. — Eh bien ! dit
l'inconnu, suis-moi ; mais ne me fais de questions sur quoi que ce
soit, si je ne t'en ai parlé le premier. » Ils se mirent donc en route
tous deux et ils montèrent dans un bateau ; quand ils le quittèrent,
l'inconnu le mit hors de service, œ Tu viens de faire là une action
étrange, dit Moïse ; as-tu brisé ce bateau pour noyer ceux qui sont
dedans? — Ne t'ai-je pas dit que tu n'aurais pas assez de patience
pour rester avec moi ? — Ne m'impose pas, dit Moïse, des obligations
trop difficiles, et pardonne-moi d'avoir oublié tes ordres. » — Ils
partirent, et bientôt rencontrèrent un jeune homme. L'inconnu le
tua. « Gomment, dit Moïse, tu viens de tuer un innocent ! Quelle
action détestable I — Ne t'ai-je pas dit que tu n'aurais pas assez de
patience pour rester avec moi ? — Excuse-moi cette fois. Si je te fais
encore une seule question, tu ne me permettras plus de t'accom-
pagner. » — Ils marchèrent jusqu'aux portes d'une ville. Ils deman-
dèrent l'hospitalité aux habitants, mais ceux-ci refusèrent de les re-
cevoir. Comme un mur menaçait ruine, l'inconnu le releva : « Tu
aurais dû, dit Moïse, demander à ces gens une récompense. — Nous
allons nous séparer, dit l'inconnu : tu n'as pas eu la patience qu'il
fallait. Je vais t'expliquer les choses qui t'ont étonné. Le bateau
appartient à de pauvres pêcheurs ; je l'ai mis hors de service, parce
que derrière nous arrivait un roi qui s'empare de tous les navires en
bon état. Quant au jeune homme, ses parents étaient croyants ;
mais, s'il avait vécu, il les aurait infectés de sa perversité et de son
incrédulité ; Dieu leur donnera en échange un fils vertueux et digne
d'affection. Le mur est l'héritage de deux orphehns, dont le père était
un homme pieux : sous ce mur est un trésor, et Dieu veut que leur
âge de raison arrive avant que ce trésor soit trouvé. Je n'ai fait au-
cune de ces actions de mon propre chef, et voilà l'explication que tu
n'as pas eu la patience d'attendre. »
Voici enfin le récit de l'ouvrage hébreu de R. Nissim *.
R. Josué ben Lévi trouva une chose qui le tourmenta fort et le
* Le texte hébreu dont M. Paris a publié dans son mémoire la traduclion est celui
du Ribbour Maasiot, recueil des contes, imprimé pour la première fois à Ferrare,
en 1554, d'aj))'ès un manuscrit ancien^ nous dit l'éditeur. Cette version est un abré}j;é
remanié de celle de R. Nissim. C'est colle qu'a utilisée le Mansé' Buch ; voir Griln-
baum, Judischdeulsche Chresiomathic, p. 393-396. — R. Nissim raconte cette histoire
dans une première partie de son ouvrage consacrée à prouver que Dieu est juste dans
toutes ses actions et que l'homme ne doit pas l'accuser témérairement. On sait qu'il
a écrit ce livre « pour consoler son beau-père Dunasch », qui avait perdu son fils.
68 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
troubla, jusqu'au moment où le mystère lui fut éclairci et la vérité
révélée. Il jeûna longtemps et pria Dieu de lui faire apparaître Elie.
Elie se montra à lui et lui dit : « Conte-moi ton désir, je le rem-
plirai. » R. Josué répondit : « Je désire aller avec toi, voir tes actions
dans le monde pour m'instruire. » Elie reprit : « Tu ne pourras pas
supporter tout ce que tu me verras faire, et j'exciterai ton impatience
en te révélant mes actes. — Je ne t'importunerai pas de mes ques-
tions, je veux seulement te voir agir. — J'y consens à la condition
que si tu m'interroges sur les motifs de ma conduite ou m'adresses
n'importe quelle question, je te quitterai ». Puis ils partirent.
Ils arrivèrent d'abord à la maison d'un pauvre homme, qui n'avait
pour tout bien qu'une vache qui se tenait dans la cour. Le mari et
sa femme étaient assis à leur porte, ils sortirent à la rencontre des
voyageurs, les accueillirent avec joie, les installèrent dans la plus
belle chambre et leur donnèrent à manger et à boire. Ils passèrent la
nuit; le lendemain Elie adressa une prière (à Dieu) au sujet de la
vache, et celle-ci mourut immédiatement. Puis ils partirent. R. Jo-
sué était stupéfait et indigné de cet acte. Il se dit en lui-même :
« Pour tout salaire de l'honneur que nous a fait ce pauvre homme, on
lui tue son unique vache! — Pourquoi, dit-il à Elie, as-tu fait mourir
la vache de ce malheureux qui nous avait si bien reçus ? » « Rap-
pelle-toi, répliqua Elie, la condition qui t'a été imposée. Si tu veux
t'en aller, je te le dirai. » R. Josué se tut. Ils marchèrent tout le
jour et arrivèrent au soir chez un homme riche. Celui-ci ne fît pas
attention à eux, ils restèrent chez lui sans manger ni boire. Or, ce
riche avait dans sa maison un mur effondré qu'il devait relever. Le
lendemain Elie fît une prière et rebâtit la muraille, puis ils s'en allè-
rent. La douleur et la stupéfaction crûrent dans le cœur de R. Josué,
mais il garda le silence. Ils marchèrent de nouveau toute la journée
et arrivèrent au soir dans une grande synagogue où se trouvaient
des sièges en or et en argent et où chacun avait le sien. L'un des
^assistants dit : « Qui nourrira ces malheureux cette nuit ? » L'un
'd'eux répondit : « Ils se contentront de pain, d'eau et de sel qu'on va
leur apporter ici. » On les traita avec mépris, et ils passèrent la nuit
•en ce lieu. Le matin, en s'en allant, Elie leur dit : « Que Dieu fasse de
vous tous des chefs ! » Nouveau chagrin de R. Josué, mais de nou-
veau aussi il se contint. Vers le soir ils arrivèrent à une ville dont les
habitants vinrent à leur rencontre avec joie, les accueillirent avec
transport, les fêtèrent et les hébergèrent dans la meilleure de leurs
chambres. Ils mangèrent, burent et passèrent la nuit, au milieu des
iplus grands honneurs. Le lendemain Elie fît une prière et dit : « Que
Dieu ne vous donne qu'un seul chef! » R. Josué ne put alors con-
tinuer davantage à se taire et s'écria ; « Apprends-moi le mystère de
tout cela. » Elie répondit : « Puisque tu veux te séparer de moi, je
vais tout t'expliqucr. L'homme dont j'ai tué la vache devait perdre
•ce jour-là sa femme : j'ai demandé a Dieu que la vache servît de
lauçou pour l'ûmo de la femme, car une femme est un grand bien
LA LEGENDE DE L'ANGE ET L'ERMITE 69
et est très utile dans la maison. L'homme riche dont j'ai relevé
le mur, si je ne l'avais pas prévenu, aurait trouvé en creusant
dans les fondements un grand trésor d'or et d'argent. J'ai édifié un
mur qui tombera bientôt et ne sera pas rétabli. Si j'ai prié Dieu de
faire de tous ces hommes des chefs, c'est parce que ce sera pour eux
un malheur, une source de dissensions, car toute ville qui a plusieurs
chefs est une ville perdue. Si j'ai demandé à Dieu que les autres
n'en eussent qu'un, c'est pour leur bien, car ainsi il y aura union,
point de querelles ni d'anarchie. C'est dans ce sens que le proverbe
dit : « Beaucoup de pilotes, les navires font naufrage », et Ben Sira :
« Avec un seul protecteur, une ville se soutient. »
Puis Elie lui dit avant de partir : « Si tu vois un méchant heu-
reux, ne t'en étonne point, ni n'en prends ombrage, car c'est pour son
malheur. Si tu vois un juste dans la misère, peinant, souffrant de la
faim, de la soif et du dénûment, ne t'en irrite pas et ne commets pas
la faute de douter de ton Créateur. Crois plutôt que Dieu est juste,
que son jugement est juste, que ses yeux veillent sur les voies de
l'homme ; et qui lui dira : « Que fais-tu* ? » Sur ces mots, ils prirent
congé l'un de l'autre et se séparèrent.
Le conte talmudique a pour cadre la même donnée que ces lé-
gendes : un être surnaturel, qui tient de Dieu certains pouvoirs 2,
accomplit, en la compagnie d'un mortel, des actes étranges et
incompréhensibles, qu'il justifie ensuite par des raisons profondes
que lui seul pouvait connaître. La moralité est la même : l'homme
ne doit point se fier à ses jugements, qui sont toujours téméraires
et erronés.
Dans le Talmud, il est vrai, la haute signification de cette fiction
pieuse, créée pour concilier la justice de Dieu avec les démentis
que lui infligent en apparence les événements, se perd et disparaît
au milieu de scènes simplement amusantes. Evidemment, si nous
en étions réduits à ces quelques lignes du Talmud, nous ne sau-
rions reconstituer avec ce récit raccourci et de seconde main
l'apologue original. C'est un exemple de plus du sort malheureux
des traditions populaires — juives ou non — qui sont venues se
fixer dans le Talmud de Babylone et qui y sont rédigées en
araméen.
Est-ce pour avoir été trop longtemps dans la bouche du peuple,
ou parce que l'imagination des Juifs babyloniens, uniquement
occupés du plaisir de l'invention, insensibles aux règles de la com-
* Ces mots sont tirés d'une prière du rituel que Nissira met plusieurs fois ù profit.
* Dans l'hypothèse où ce récit aurait été interpolé dans l'hisloire d'Asmodée, il
faudrait cependant supposer que celui qui disait : « J'ai appris au ciel que c'est un
juste parfait. .., je lui ai fait du bien pour qu'il consomiuo ici-bas le monde futur »
était un être supraterrestre.
70 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
position, modifiait, compliquait ou mutilait sans cesse ces contes?
toujours est-il qu'ils sont le plus souvent maltraités et dénaturés.
La Babylonie n'était pas un terrain favorable à la conservation
des légendes sous leur forme originale ; même les récits sur les
anciens rabbins s'y transformaient, et l'on sait qu'il suffit qu'un
texte populaire soit écrit dans le dialecte judéo-babylonien pour
qu'il faille s'en défier et douter de sa fidélité *.
Certains détails évidemment ont toujours résisté à ce travail de
déformation ; dans notre conte, il n'en est pas de plus caractéris-
tique que celui du service rendu par Asmodée à l'ivrogne qui n'en
est pas digne et la raison qu'il donne de cette générosité inatten-
due. Il se peut en outre que la contre-partie, le bienfait accordé à
l'aveugle, qui est un «juste parfait », ne soit que l'atténuation d'un
épisode plus étrange. Je suis disposé en effet à croire que, dans la
version originale, Asmodée traitait durement le juste : aussi com-
prend-on la surprise de Benaya à la vue d'une pareille iniquité.
Asmodée, ou l'ange dont il tient la place, à qui Dieu avait dé-
légué ses pouvoirs et qui n'avait nul besoin d'acquérir pour lui-
même la vie future 2, devait répondre : « Je l'ai ainsi puni, pour
qu'il jouisse de la vie future ^ » Ainsi restitué, cet épisode est
la contre-partie exacte du suivant, et l'explication fournie par
Asmodée de la distribution des maux et des biens aux justes et
aux méchants exprime entièrement la pensée des rabbins, car
ceux-ci disaient : « Dieu accorde au méchant la récompense de
ses plus minimes bonnes œuvres en ce monde pour qu'il n'ait plus
droit aux félicités de l'autre vie » ; il est au contraire « méticuleux
pour les justes et leur envoie ici-bas des souffrances pour qu'ils
goûtent pleinement les biens du monde futur K »
Les traits vifs des légendes finissent toujours par s'amortir, et,
avec le temps, il naît dans la conscience de ceux qui répètent ces
fables des scrupules inconnus aux premiers créateurs.
Quant aux autres épisodes du conte talmudique, ils ne sont que
des hors-d'œuvro attirés par le cadre.
Ainsi, plus on avance dans l'analyo des récits populaires du
Talmud de Babylone, plus on reconnaît qu'ils n'ont chance d'être
» Voir JRcvue, t. II, p. 297- 9 et t. VII, p. 82-3.
« D'après la version du Talmud, Asmodée aurait rendu un service à l'aveugle.
pour obtenir par là le droit de parîici])cr nu monde futur.
3 Au lieu do t^izhyh ""IDT ÏT^OD3 Nn^3 Ti'^b ^^2^1 'jNtJ'l Nl^ -11735 p^iTT
•^nè^i, il y aurait eu : •'Drb'^ '^'D'^Ti ""^ rT'wDS t<n^3 ri^h "^T^ri ^^•în tt:5 p'^TilT
•^nNT NTsbrb, ce qui correspondrait à : î^rT^J rT^b •'*13rT NIH m?:i y^ll
* Qiddouschin, Wf>, Baba Batra, îiOfl, Taanit, Ma.
LA LÉGENDE DE L'ANGE ET L'ERMITE 71
compris qu'à la lumière des littératures étrangères ; mais pareil-
lement aussi, plus on étudie les contes dérivés de sources juives,
plus on constate combien la connaissance du Talmud est néces-
saire pour en établir l'histoire. Le mémoire de M. Paris va nous
en fournir une nouvelle preuve. Le savant académicien compare
entre elles les trois versions chrétienne, arabe et juive — celle-ci
représentée par le texte de R. Nissim — et il montre dans la
nature des explications du personnage divin la différence des
croyances des Chrétiens, des Arabes et des Juifs. « Rien, naturel-
lement, dit-il, qui se rapporte à l'autre vie dans la légende juive :
Elie ne prévoit que les conséquences temporelles des actions qu'il
accomplit. » Naturellement veut dire ici : puisque les Juifs n'ad-
mettaient pas une autre vie.
Pour parler des idées qui ont pu laisser leur empreinte sur
une légende, il faut connaître celles qui régnaient lors de sa
création. Les contes juifs n'étant certainement pas nés avant
la période talmudique, c'est donc dans le Talmud qu'il faut
prendre ses informations. Eh bien I la croyance à l'autre vie, loin
d'en être absente, y joue au contraire un rôle prépondérant. Les
Talmudistes en ont fait la base de la morale ; c'est par elle qu'ils
justifient les anomalies qu'offre le spectacle du juste malheureux
et du méchant prospère. Tandis que certains docteurs préten-
daient que le Messie a déjà paru sous la forme d'un roi de Juda,
Ezéchias, que d'autres disaient que l'ère messianique diff'érerait
seulement de leur temps par la fin de la servitude des Juifs, il n'en
était pas un qui niât l'existence d'un autre monde. Ils déclaraient
même indignes des félicités de ce monde ceux qui doutaient qu'il
eût été annoncé dans la Bible. L'on a vu par ce qu'il a été rap-
porté plus haut que la solution qu'ils donnaient au problème de
la justice divine ne diffère aucunement de celle qu'on retrouve
dans la légende chrétienne.
Mais il y a plus, la prétendue « légende juive » dont parle
M. Paris, et qui n'est que la version de R. Nissim, ne me paraît pas
juive, elle peut n'être qu'un remaniement du Coran*. Sans doute
si Nissim avait vécu avant Mahomet, ou dans une contrée où la
littérature arabe n'avait pas encore accès, il se pourrait que ce fût
le Coran qui eût puisé chez notre rabbin, mais comme Nissim a
vécu après l'hégire et dans un pays arabe, il faut établir d'abord
que sa version porte des traces authentiques d'une plus haute an-
tiquité. Or c'est le contraire qui est la vérité.
La parenté des deux versions est indéniable. Le prologue et
* Contrairement aussi à l'opinion de Rapoport {l. c.) et de Zunz, Oot, Vortr., p. 132.
72 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
la contexture du récit sont semblables. L'épisode du mur est
typique.
Les divergence's se comprennent très naturellement. Si Nissim a
remplacé la scène du bateau par l'hospitalité reçue chez l'homme
pauvre, c'est pour produire une opposition plus marquée et plus
claire entre cette scène et celle du riche qui traite si mal les deux
voyageurs. S'il a supprimé le meurtre du jeune homme, c'est
parce que, selon son habitude, il n'a point voulu pousser les
choses au tragique ^ Enfin les deux dernières scènes ne sont que
des répétitions des premières-. La version de Nissim ne peut pas
même servir à caractériser la croyance juive au x° siècle sur
l'immortalité de l'âme, car notre auteur a inséré, à côté de la
légende du Coran, qui ne parle pas des récompenses futures, un
conte, emprunté au Talmud de Jérusalem 3, qui y croit au con-
traire. « Nos sages, dit-il, racontent qu'il y avait deux rabbins très
pieux qui ne se séparaient jamais. L'un d'eux mourut et personne
ne vint à son enterrement parce que tout le monde s'était porté ce
jour-là à celui du fils du roi*, qui était un méchant. Le rabbin en
était affligé, et il disait: « Les justes ne sont pas récompensés. »
Il entendit alors en songe une voix ^ qui lui dit : « Ton ami avait
commis une faute minime, il en a été puni ici-bas, pour arriver
pur et immaculé dans l'autre monde. Le fils du prince n'avait
accompli qu'une seule bonne action et sans préméditation, Dieu
l'en a récompensé pour qu'il paraisse devant lui dénué de tout
mérite et reçoive en partage la Géhenne. Un jour il avait préparé
un festin à des officiers et ceux-ci ne vinrent pas. Ne voulant pas
le laisser perdre, il le fit distribuer aux pauvres. Le rabbin vit en-
suite son compagnon se promenant dans des paradis, au milieu des
arbres, sur le bord d'un fleuve, tandis que le prince, soufl'rant de
la soif, cherchait en vain à se désaltérer. »
* Ainsi, rapportant l'histoire bien connue de U. Méir qui perd eu un jour de
Sabbat ses deux fils et qui se résigne, grâce à une pieuse parabole de sa femme, il
les fait retrouver vivants le soir sous les décombres. Cependant la même fin se retrouve
dans le Midrasch sur le Décaloguc, iv. Le texte de ce dernier, comme celui de
R. Nissim, quoique s'inspirant tous deux de l'histoire contée dans le Midrasch sur les
Proverbes, xxxi, ditrèrent considérablement Tun de Taulre. C'est du Midrasch sur le
Décalogue que ce récit est entré dans le Simchas Hanéfcsch, M. Grùubaum n'a donc
pas lieu de s'étonner de l'épilogue, inconnu au Midrasch sur les Proverbes {Judisck-
dculschc Chrcstom'athic^ p. 245).
* L'histoire de celte synagogue où les sièges sont en or et où on demande « qu i
nourrira ces malheureux », rappelle ce passage de Soucca, 51 A : « Dans le temple
d'Alexandrie il y avait des sièges en or et les pauvres en y entrant trouvaient immé-
diatement les gens de leur corporation qui les nourrissaient et les entretenaient. •
3 J. Ilagiga, 77 d ; j. Sanhédrin^ 1\\ c.
* Dans le Talmud, c'est le fds d'un percepteur.
5 Dans lo Talmud, c'est le rabbin mort lui-même qui lui révèle la vérité.
LA LÉGENDE DE L'ANGE ET L'ERMITE 73
En résumé, s'il est vrai que la légende de l'ange et Termite soit
d'origine juive, la version originale en est dans tous les cas
perdue. Elle est arrivée toute mutilée au Talmud et a passé par le
Coran ou tout autre ouvrage arabe pour entrer dans le recueil de
Nissim. Ayant été créée vraisemblablement pendant la période
talmudique, elle s'appuyait sur les idées qui avaient cours en ce
temps, c'est-à-dire sur la croyance en une autre vie ^ L'accord de
la version des Vies des pères et de celle du Talmud sur ce point,
est une présomption de plus en faveur de cette hypothèse.
Il est étrange qu'ici encore, comme pour l'histoire du voyage
d'Alexandre au Paradis ^, nous constations que le conte original a
disparu et qu'on n'y remonte que par l'intermédiaire de traduc-
tions. Cette disparition se rattache probablement à celle de tous
ces écrits juifs apocryphes qui ont vu le jour aux environs de l'ère
chrétienne ^ et n'ont dû leur conservation qu'aux traductions
grecques, latines, éthiopiennes et autres qui en ont été faites et
au respect religieux que leur ont montré les premiers chrétiens.
11 paraît bien que la clôture du Canon et surtout celle du Talmud
leur a donné le coup de mort chez les Juifs. Tous ou presque tous
les ouvrages qui n'étaient pas rédigés à l'image de la Mischna ou
du Talmud, ou sous forme de commentaire de la Bible* ont
sombré, en partie à l'époque du Talmud, en partie au temps des
Saboraïm. Serait-ce parce que les Rabbins, malgré leur amour
pour les contes et les fables, ont prohibé la lecture de tous les
ouvrages « extérieurs » qui pouvaient nuire aux études talmu-
diques ^ ?
Israël Lévi.
' R. Nissim cite pour son compte cinq histoires tirées du Talmud qui ont la même
moralité.
* Voir Revue, t. II, p. 298-300 ; La légende d'Alexandre dans le Talmud et le Mi-
drasck (tirage à part), p. 9-10.
3 Les livres des Macchabées, de Ben Sira, d'Hénoch, des Jubilés, de Tobic, de
Judith, etc.
* J'entends par là les Targoumim, les Midraschim halakhiques et aggadiques, le
Séder Olam Rabba, etc.
* P. S. — Le conte de Moïse à la source, qui répond aux mêmes préoccupations que
la légende de l'ange et l'ermite, se retrouve dans un écrit judéo-allemand, imprimé
en 1590, le Megillas Esther (Grûnbaum, ouvr. cité, p. 213-218] ; mais par quel inter-
médiaire hébreu a-t-il passé pour arriver à cet ouvrage ? c'est ce que présentement
j'ignore, comme M. Grïmbaum. — La version du Megillas Esther se rapproche plus
du texte persan cité par Behrnauer {Z. D. M. Cr., XVI, p. 7G2) que de celui de Al-
Kazwini, rapporté par M. Paris,
RICHELIEU
BUXTORF PÈRE ET FILS, JACOB ROMAN
Documents four servir à Vldstoîre du commerce de la librairie juive
cm xvii° siècle.
Richelieu ne fut pas seulement le fondateur de l'Académie fran-
çaise, il fut aussi le véritable créateur de la Bibliothèque natio-
nale. Pour l'enrichir, il ne ménagea aucune peine afin de la doter de
livres et de manuscrits hébreux.
C'est ainsi qu'en même temps qu'il confiait à Jean Tileman Stella
de Téry et Morimont, petit-fils du mathématicien célèbre de ce
nom, d'importantes négociations politiques, il le chargeait de re-
chercher et d'acheter des livres hébreux.
A cet effet, Stella entra en relations avec Jean Buxtorf, le célè-
bre professeur de Bâle, et, après la mort de celui-ci, avec son fils
Jean, non moins connu. Ce dernier collectionnait des livres et
pour enrichir sa bibliothèque et pour en faire commerce. Ne
pouvant se rendre à Venise, comme il le désirait, pour y acheter
des imprimés hébreux, il confiait ses ordres à ses amis ou élèves
partant pour lltalie, ou les priait de les transmettre à ses corres-
pondants juifs de Mantoue, Padoue, etc.
C'est ainsi que De la Grange le Capillain lui écrit de Venise :
« J'ay fait les diligences que j'ay peu pour rencontrer le livre que
M vous m'aviez recommandé de chercher sans en avoir peu rien
» découvrir; on m'a fait bien voir un livre intitulé irr^VN nn"ïN ',
' '^un-n bu5 nN3 -nnn Nim irr^bN n-iiN 'o. Venise, 1622.
RICHELIEU, BUXTORF ET JACOB ROMAN 75
» mais il ne parle aucunement des Karaïm et ne traite que des
» choses communes et ordinaires qu'on appelle m^m, ils m'ont
» dit qu'il n'a jamais esté imprimé et qu'il ne se trouve que ma-
» nuscrit '. J'ay mesme offert une pistolle à plusieurs Juifs, s'ils
» me pouYaient seulement trouver ce livre-là avec un autre dont je
)) vous ay parlé n-ibn:\ m^n^ que je pensais trouver icy plustost
» qu'ailleurs, mais il ne se trouve non plus que l'autre -. w
Venise, qui était presque la seule ville où l'on trouvât les ou-
vrages hébraïques les plus rares, les plus corrects et les mieux
conditionnés, était bien loin d'être encore, vers le milieu du
xvu® siècle, ce qu'elle a été depuis pour le commerce de librairie
juive. « Je n'y ai trouvé, ébrit De la Grange, aucun libraire juif,
» mais seulement un pauvre relieur juif, qui cherche chez les par-
» ticuliers les livres qu'on lui demande. Ils n'en impriment plus,
» si ce n'est des plus communs, comme livres de prières, etc. Ils
w n'ont pas mesme liberté entière pour l'impression, si ce n'est
» sous le nom et aut(>rité d'un noble vénitien qui se nomme
» Bragadin ^ qu'il faut qu'ils payent pour avoir sa protection et
» se mettre à couvert des difficultés qu'on leur suscitait. »
Francfort-sur-le-Main, la vieille ville impériale, était, à cette
époque, le véritable entrepôt du commerce de librairie juive et de
librairie en général ; les imprimés hébreux qui parurent dans les
différentes villes de l'Allemagne, en Bohême, dans la Moravie et
en Pologne y étaient exposés en vente, mais sales et mutilés,
sordidi et mutUi, dit Buxtorf. Il y avait plusieurs juifs qui s'oc-
cupaient du commerce de livres. Une correspondance, adressée à
Buxtorf par deux d'entre eux — probablement deux associés —
qui faisaient aussi le commerce de pierres précieuses, nous a
été conservée. Elle porte la date "du 6 octobre 1657, et est ainsi
conçue * :
Très révérend, très érudit et très honoré Maître,
Monsieur le Docteur,
Nous avons reçu avec plaisir la charmante lettre de Votre Gran-
deur et nous avons fait notre possible pour trouver les livres hé-
breux demandés, mais, comme Votre Excellence les désire très beaux,
et comme nous n'avons pu les avoir dans ces conditions, nous
» C'est du lïl-ibN n'n'TN N'npSîl niiit);i 'O au. caraïte Elio ben Moïse Bas-
chiaçi qu'il est question ; mais ce livre était déjà imprimé (Conslautinople, 1530).
* La lettre est datée du 21 janvier 1664 ; l'opuscule du rabbin Salomon de
Oliveyra, d'Amsterdam, intitulé mbï^^ ni^TvD '0, ne parut qu'en 1665.
^ L'officine bien connue de Bragadin imprimait déjà des livres hébreux en 1550.
* L'original est écrit en allemand.
76 REVUE DES ETUDES JUIVES
regrettons de ne pas pouvoir obliger Votre Excellence en cette cir-
constance. Cependant nous ne tâcherons pas moins de faire tous nos
efforts pour les obtenir; si, toutefois, nous ne devions pas les trouver
d'ici à quinze jours, nous vous expédierions nos propres exemplaires,
qui sont aussi très beaux et que nous remplacerions par d'autres,
Votre Excellence peut en être assurée. Au reste que Votre Excellence
veuille bien nous adresser le Saphyr Gangolinis par premier cour-
rier, en le remettant — après l'avoir préalablement cacheté — à Mon-
sieur Ochs de Bâle, afin que ce dernier puisse l'envoyer ici à mon-
sieur son frère, chez qui nous irons le voir, soit pour en prendre
livraison contre paiement, soit pour le retourner aussitôt à Votre
Excellence. Il s'agit du même Saphyr Gangolinis que nous avons vu
alors que la pierre jaune nous fut vendue en présence du Rabbi.
Nous recommandons Votre Excellence à la protection toute puis-
sante de Dieu.
De votre Excellence
Les très humbles et très dévoués serviteurs,
GABRIEL LURIA et JACOB HAMEL
Juifs d'ici *.
En général, le commerce de la librairie juive était encore bien
peu organisé à cette époque. Les amateurs de livres en étaient ré-
duits à s'adresser aux libraires ambulants ou à attendre des achats
d'occasion. Les Buxtorf usèrent des moyens les plus divers pour se
procurer des livres hébreux; ils se firent seconder très activement
dans ce sens par leurs nombreux correspondants, amis et élèves.
C'est ainsi que Paul Ferrus, pasteur à Metz, fut chargé par Bux-
torf père d'acheter pour lui des livres hébreux à Metz. Dans une
lettre du mois de mars 1623, Ferrus écrit : « J'ai bien trouvé chez
quelques juifs la grammaire de R. Jona, le « Sepher Zachut » de
R. Abraham Ibn Esra et le « Lschon Limmudim - » ; mais per-
sonne ne veut les vendre. Je n'ai trouvé nulle part la grammaire
du R. Abraham Hayyug ; une personne entre autres me disait
qu'elle avait vu cette grammaire à Gracovie, en manuscrit, mais
jamais imprimée. Tous les autres livres sont imprimés à Venise et
peuvent ôtre achetés à Francfort pondant la foire. Il n'y a rien à
attendre de notre rabbin \ qui n'est ni savant ni complaisant. »
' Cette lettre, ainsi que toutes les autres que nous publions ici pour la première
fois, est extraite des quatre volumes de lettres mss. adressées à Buxtorf père et
lils, qui se trouvent dans la bihliotlu^que publique de Bùle (G. I iL). Ce sont ces
lettres et la correspondance entre Buxtorf et llottinper conservée en manusc. dans
la Bibliothèque municipale de Zurich (F. 83) qui m'ont fourni les matériaux pour le
présent travail.
=* De David Ibn Yuhia, imprimé à Constanlinoplc, 150().
^ Josué b. Isaïe Teomim (mort en 1627), auteur du MîT^T 'J^p'^p, ouvrage
RICHELIEU, BUXTORF ET JACOB ROMAN 77
Buxtorf fils fit le commerce de librairie proprement dit ; avec le
maigre traitement qu'il touchait comme professeur, il était réduit
à se créer ainsi des ressources accessoires. Connu comme inter-
médiaire pour le commerce de librairie juive, il n'était pas rare
de voir des savants chrétiens s'adresser à lui pour le charger de
leur procurer des livres hébreux ; d'autres l'informaient des ventes
de bibliothèques. Jean-George Hurter de Schaffliouse lui écrit,
le 7 mars 1659 : « Un juif célèbre qui cultivait beaucoup la
science hébraïque est mort dernièrement à Stùhlingen, à deux
lieues d'ici. Ses livres sont à vendre ; car ayant laissé beaucoup de
dettes, sa femme se trouve dans l'obligation de s'en désaisir, afin
d'employer le produit au paiement des créanciers *. »
Quel a été ce juif célèbre ? Il existait à Stiihlingen, petite ville
badoise près de SchafFhouse, une communauté juive qui y resta jus-
qu'au milieu du xviii^ siècle. Là vécut, vers le milieu duxvii» siècle.
Moïse Méir, nommé Maharam Stiihlingen, dont le fils, Hirsch, souf-
frit, paraît-il, le martyre lors de l'expulsion des Juifs de cette ville,
et dont le petit-fils, R. Nathaniel Weil, auteur de Réponses, d'écrits
homilétiques et d'autres travaux littéraires, fut grand-rabbin de
Bade et rabbin de Garlsruhe ^.
Un des agents principaux de Buxtorf, dont il est très souvent
question dans sa correspondance avec Hottinger, était Abraham
Brunschwig ou Braunschweig, appelé aussi tout court « Abraham
le Juif. »
Abraham Braunschweig était déjà lié avec Buxtorf père, et en-
tretenait avec lui des relations amicales. Il appartenait à cette ca-
tégorie de Juifs peu nombreux qui avaient reçu la permission
d'élire domicile à Bâle. Car, depuis 1543, les Juifs étaient privés
du droit de séjour permanent dans la vallée du Rhin ; une fois par
mois, et pour un jour seulement, il leur était accordé d'aller dans
la ville et encore avaient-ils à acquitter un droit personnel. Mais,
déjà en 1579, le propriétaire d'une imprimerie, Ambroise Fro-
ben, voulant imprimer le Talmud, avait fait des démarches afin
d'obtenir pour un Juif la permission de pouvoir demeurer tempo-
rairement à Bâle, car l'impression de cet ouvrage était d'un genre
spécial, et « ses ouvriers imprimeurs n'avaient ni assez de pra-
halachique plusieurs fois imprimé, fut nommé rabbin de Metz on 1623 (voy. Jost,
Annalen, I, p. 380; cf. Revue des Etudes juives, VII, p. 112).
* Mortuus nuper est Stulingac (qui locus a me distat duabus horis) Judaîus insignis,
qui linguœ litterarum hebraicarum optime callebat cujus libri vénales exstant, nam
dum debitoribus multum debeat, uxor cogitur illos vendere, ex quorum prelio debi-
toribus posset satisfieri.
2 Q,orban Natanel, préface et 148 b ; Torat Natanel, préface.
78 REVUE DES ETUDES JUIVES
tique ni assez d'expérience dans la langue. » En même temps que
l'autorisation d'imprimer le Talmud, il lui fut accordé de pouvoir
admettre un juif*.
Buxtorf le père se trouva dans la même nécessité que Froben,
lorsqu'en 1617 il voulut préparer l'édition de sa Bible rabbinique.
Avec l'autorisation du conseil de la ville de Bâle, il fit venir un
savant juif, notre Abraham ben Eliézer Braunscliweig ou Bruns-
chwig, avec sa famille. Braunschweig lui rendit d'importants ser-
vices, non seulement comme correcteur, mais aussi en l'aidant
dans ses études et ses travaux.
Une fois, cependant, Buxtorf dut payer cher ses relations
avec lui.
En juin 1619, quelques semaines avant l'achèvement de l'im-
pression de la Bible-, ia femme de Braunschweig accoucha d'un
garçon ^ Munis de la permission de l'attaché du Conseil su-
périeur, Georges-Martin Glseser et quelques Juifs assistèrent à la
cérémonie de la circoncision, mais, poussés par la curiosité, Bux-
torf, L. Konig, le propriétaire de l'imprimerie et même l'attaché
du Conseil supérieur s'y rendirent aussi. La chose s'ébruita :
Buxtorf et son gendre Konig furent condamnés à 100 francs et le
pauvre Abraham à 400 francs d'amende, et la peine de l'empri-
sonnement fut prononcée contre les autres Juifs ainsi que contre
le conseiller. Buxtorf fut très affligé de cette injuste condamnation,
et il s'en plaignit au professeur Jean Caspar ^Yaser, de Zurich,
et à G. -M. Lingelsheim, de ïleidelberg. Ce dernier le consola en
ces termes : « Il m'a été pénible d'apprendre tes doléances par ta
lettre, c'est avec indignation que je constate que tu ne rencontres
pas l'estime due à tes mérites ; cependant ce qui t'arrive n'est pas
nouveau, c'est le sort de presque tous les hommes de mérite et
de distinction. La jalousie salit de sa bave le meilleur et le plus
haut savoir; les tiens ne savent pas apprécier tes travaux, mais
tu trouveras ailleurs l'estime et la reconnaissance qui te sont
dues ...»
' Stcubcn, Beitràge zur vaterlànd. Gcschichte, II, p. 83 ; apud L. Goiger 2ur
Gcschichte (1er Iiehr. Sprache^ p. 130. L'inquisiteur Marco Muriuo fonclionuail comme
censeur lors de l'impression du Talmud à Baie. Je possède le traité Erubin, de l'édi-
tion du Talmud de Venise, qui servit aux imprimeurs de Bâle, et où chaque page
est censurée, corrigée et porte lo nom de Timprimeur Daniclo et Crisloioro, ainsi
que le nom du censeur Marine.
* L'impression de la Bible fut terminée ù la fin do juillet ou au commencement
d'aoîit 1G19 ; voy. la poésie de Braunschweig qui se trouve à la fin de la Bible.
' Non pas sous le toit de Buxtorf, comme le dit Ochs [Gcschichte der Stadt und
Landschaft Basel) et bien d'autres après lui. Braunschwoig n'habitait pas avec
Buxtorf dans la mémo maison, comme cela ressort d'une lettre do Braunchweig à
Buxtorf.
RICHELIEU, BUXTORF ET JACOB ROMAN 79
Buxtorf (5tait décidé à quitter Bâle; mais des affaires de famille
et aussi les temps agités l'y retinrent.
Mais revenons à notre Abraham Braunschweig. Abraham s'éta-
blit avec sa famille dans le voisinage de Zurich, probablement à
Lengnau, près de Baden, où l'on rencontre déjà des Juifs vers la
fin du xvi^ siècle. Tantôt il est à Zurich — Plottinger l'appelle
Judœus vicinus — tantôt à Bâle; il visita aussi les foires de
Zurzach, célèbres à cette époque, où tous les Juifs de cette contrée
se donnaient rendez-vous *, et, tout en faisant son commerce,
Abraham s'occupait, pour Buxtorf et les autres savants de Bâle,
de l'achat de livres hébreux.
Il ne sera pas sans intérêt de connaître le prix des imprimés
hébreux d'alors. Ces livres hébreux étant parfois très rares, n'é-
taient nullement bon marché au xvii^ siècle.
Le d'^5'i3> 'mN7a de Menahem Azaria de Rossi, imprimé à Mantoue
en 1575, était déjà rare en 1615. Walter Keuchen écrit à ce sujet
à Buxtorf à la date du 10 avril 1615 : « Le û'^3'^3' mx^ est d'une
confection très élégante, mais il est rare à trouver. Je le possède
et sais où l'on pourrait en trouver un autre exemplaire, mais
pas à bon compte ; il faut le payer au moins 4 flor. Si tu le désires,
je ferai mon possible pour te le procurer. Plusieurs autres livres,
continue-t-il, que je possède en partie, et qui, en partie, sont d'une
exj:rême rareté, me sont offerts, par exemple, les écrits médici-
naux d'Avicenne, ouvrage très rare qui a été vendu l'an dernier à
la bibliothèque de Heidelberg pour 30 flor. On peut avoir pour
15 flor. : nïiîrj (1558), n-ini et priit'^ m^ibin 'o d'Isaac b. Joseph
Karo (Riva di Trento, 1558). »
Le commentaire du Pentateuque de Don Isaac Abravanel
(Venise, 1579) coûtait 10 flor. en 1610; en 1636, Buxtorf acheta le
même ouvrage, suivant une note autographe qui se trouve dans
son exemplaire, au prix de 4 1/2 reichsthaler.
B. Gapzow, un savant de Leipzig, lui procura le T^yy^'^ y^iT:^i:i
(Amsterdam, 1644) d'Abrabanel.
En 1642 Buxtorf vendit à la bibliothèque publique de Zurich :
nninîi hv '^■'nn, éd. Venise
mTn?2, éd. Prague, in-fol., élég 1 doublon.
np-« '^b'D de Samuel Laniado, Venise 1602 2 rchsthl -.
^ Nundinae Zurzacences ad quas ut nostri Judtui harum regionum confluunt. (Lettre
de Buxtorf à Hottiuger . )
* . . . ego ante paucos annos pro ^ thaï, ex Italia *ip'^ '^^'2 mihi comparavi, écrit
Buxtorf le 13 août 1643.
80 REVUE DES ETUDES JUIVES
"^niif^ iiitp, éd. Prague, 1604 3 rchsthl.
nbi:4 ^^V2y, in-4° 1 »
•^TDb^nn"" ûn:>nn by ^n^r^D, éd. Prague, 1609, in-4°. 1 florin d'or.
'ni2::n uïd3, éd. Bâle, 1608, in-4o 1 rchsthl.
m"u5 de R. Isaac (?) 1 »
Pendantrété de 1643, Hottinger fit un séjour de quelques semaines
à Baden (Argovie) pour y faire une saison d'eau. Le hasard le con-
duisit dans la maison d'un Juif quelque peu lettré *. Il écrit à son
ami Buxtorf à ce sujet, en août 1643 : « Il (ce Juif) me reçut très
cordialement et me montra une armoire remplie de livres qui me
plaisaient beaucoup et j'en choisis les suivants :
pni!:'^ nTibnn ,û'i2^3' m&< de Salomon Peniel (Crémone, 1557) et
lii'^ïi •^nit de Schem-Tob b. Joseph Palaquéra (Crémone, 1557)
reliés en un seul volume : ensemble pour 2 rchsthl.
^p-i •'b^, in-folio pour 5 »
û'^bMn, avec le commentaire de Kimhi (Crémone, 1561). 1 rchsthl.
^TH^r inbMî 1 »
^^1y b3>n 1 »
■^•^nn 2 »
N^Din^n 1 »
En octobre 1642, Hottinger acheta d'un voyageur juif :
b'^nlnTû avec nNansi nmn (Cracovie, 1569) pour 19 batzen.
pnsi^ n"j"'p3> de Arama 8 rchsthl.
et ti'^^py '0 (Venise, 1618) 2 »
Buxtorf avait donné ordre à G. F. Grocius, de Marbourg, de lui
acheter divers livres pendant son séjour en Italie, en juin 1649. Ce
dernier lui écrit de Venise : « J'ai cherché à Padoue et à Venise
les livres demandés, et enfin je les ai trouvés ici : û-«-n3in ■'::b'0
d'Abraham b. David de Portaleone (Mantoue, 1612), relié avec
d'autres livres, coûte 12 livres ; ■•"ût nnD de Moïse Kimhi, 4 livres ;
mn-i Titt) de Menahem de Lonzano, 10 liv. ; yen bsb (Venise, 1552),
6 livr.
L'imprimeur Konig fit payer, en 1643, 24 rchsthl. un exem-
plaire de la Bible de Buxtorf sur papier d'une qualité supérieure,
assurant qu'il ne lui restait plus que peu d'exemplaires en maga-
sin ; ce qui n'empêcha la môme Bible complète d'être vendue par
Konig, en 1654, 16 rchsthl.
On payait en 1644 le Lexicon ihalmudicum 10 rchsthl. ; il se
' Il y avait donc ù Badcn des Juifs en 1643 ; l'assertion d'Ulrich, Sammlung
jiidischer GcscMchten, p, 206, doit par conséquent Otre rectifiée.
RICflELIKU, BUXTORK ET JACOB ROMAN >^1
vendit aussi 8 rchsthl. en 1654. La Concordance de Buxtorf coû-
tait de 6 à 8 flor. Buxtorf lui-même fixa le prix de la Dissertaiio
de lingua hebraica à 2 batzen ; il vendait ordinairement sa tra-
duction latine du More 1 rchsthl.
Tileman Stella de Tdry et Morimont, nommé au commencement
de ce travail, était pour Buxtorf un important. client qui payait de
bons prix. Déjà en septembre 1029, il l'avait chargé de lui pro-
curer des ouvrages hébreux, « dont Bàle possédait un grand nom-
bre », en le priant d'avoir spécialement en vue le Talmud, Alfasi,
et le Yad Ilazaqa de Maïmonide, ainsi que les ouvrages histori-
ques, tels que : -û^^ ,n"i^ ri72ii: ,^h:2pii 'o .Nn*i tib^:> 'o ,i<niM ûbn:? 'o
Mais bientôt la correspondance cessa, malgré la continuation
des relations commerciales; du moins les lettres de Stella jusqu'à
1641 nous manquent.
Ce n'est que le 14 mai 1641 que Stella écrit à Buxtorf, de Paris * :
... En attendant, Monsieur, je vous prie très instamment, tant en
mon nom qu'en celui de Son Eminence mentionnée plus haut, de
bien vouloir prodiguer tout votre zèle et tous vos efforts afin d'ex-
pédier au plus tôt à Mantoue, Venise, et même à Gonstanlinople, la
commande qui vous a été transmise Que vos efforts tendent sur-
tout à obtenir les livres à l'état brut ; car Son Eminence veut les faire
relier tous en véritable cordouan oriental. Et si vous deviez avoir à
traiter encore avec les Juifs menteurs au sujet du Thalmud et BiM.
Reçionum, veuillez bien, très honoré Monsieur, ne pas laisser passer
l'occasion ; faites en sorte, au contraire, que toute la commande se
trouve prête dans quelques mois. S'il ne tient qu'à l'argent, je puis
tout aussi bien qu'un autre vous payer une demi-douzaine de pis-
tôles de plus. Au reste. Son Eminence sérénissime, monseigneur le
cardinal de Richelieu a éprouvé une grande joie en apprenant par moi
que, par votre intervention et vos connaissances, j'espérais recevoir
tous les bons livres hébreux et orientaux même ex medio Oriente.
Elle m'a recommandé d'exprimer à mon très honoré Monsieur ses
gracieuses salutations, et de vous prier de n'épargner aucune
peine dans cette circonstance, en vous donnant l'assurance qu'en
outre du paiement au comptant, Son Eminence vous gratifiera
encore de toutes sortes de faveurs et de récompenses et qu'elle ne
se montrera pas ingrate, sunt veràa formalia ex dallico. Sur ma pro-
position. Son Eminence a aussi déclaré depuis qu'elle acceptera avec
plaisir la dédicace de la nouvelle édition de la Synagoga judaica.
J'ai entretenu Son Eminence de la translation de la mise/ma Thaï-
mudicoi tanquam o^jeris suo nomine et iinmortalitate digiiissimi^ elle
s'est offerte à donner à mon très honoré Seigneur une pension an-
* L'original est écrit en allemand.
T. VIII, N° lU. 6
82 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
nuelle de 4,000 francs et de vous écrire personnellement à ce sujet,
quand elle sera assurée, que vous pourrez exécuter seul cette œuvre
et que vous le ferez. Quant aux livres hébreux, je veux bien les
acheter pour la plupart, excepté ceux qui sont incomplets ou dé-
chirés de telle façon qu'il soit impossible de les remettre en état. Je
trouve en outre la taxe des livres reliés un peu élevée : je ne ferai
cependant aucun rabais inspecte, mais j'espère, que, puisque le prix
se monte à 116 r. sans la Bible Veneta, vous pourrez bien les obtenir
à 4 00 r. ou 16 pistoles et 4 r.
Quelques mois plus tard Stella passa plusieurs semaines à Baie
et eut l'occasion de traiter personnellement avec Buxtorf ; les
achats de livres qu'il fit furent assez considérables, comme il ré-
sulte de la lettre suivante du 23 octobre 1641 (original allemand) :
Très noble, très distingué et très honoré monsieur et ami, je re-
grette bien qu'à cause de quelques affaires avec S. A. R. Monsieur
le margrave et du départ de Monsieur le Résident anglais, il ne
m'ait pas été possible d'en finir avec les livres avant hier soir. J'au-
rais bien désiré parler au Juif même. Ci-joint je vous adresse, honoré
monsieur, ceux des livres qui se trouvent être doubles ou qui ne me
conviennent pas, ainsi que la note, savoir :
Ramban super Pentateuchum cum textu, in-fol 9 r.
Machsor allemand * 3 —
Nephesch hachochama * fol 2 —
Amude Golah ^ 2 —
Yggeroth Schelomim ♦, in-S» 12 btz.
De même je ne puis prendre :
Schulchan Aruch qu'à 3 r.
Toledot Aharon * — 2 —
etMaamodos*' — 4 —
Par contre j'ai gardé :
R. Obadia Bartenora in-fol. 9 r.
Schepha Tal, llanovœ, 1612 — 3 —
Ramban in legem sine textu 3 —
Kelc chemdeh, Cracouia' ' in-fol . 5 —
Je veux bien garder la presque totalité de ceux que porte la se-
conde liste, mais en rabattant quelque peu du prix excessif; si louto-
' Allemand veut dire ici du rite allemand; il n'existait pas encore en 16 il de
Iraduclion allemande des prières pour les fêles.
' tlTD^nn t5D3 de Moïse b. Schem Tob de Léon, Bdle, 1608.
^ Crémone, 1556, ou Cracovie, 15%.
4 Bùle, 1003.
* De Ahrou de Pesaro, imprimé à Fribourg, 1583, et Venise, 1591, in-fol.
" Probablement l'édition de Veniee de 1617.
^ Doit se lire sans doulo Prague (1610J«
RICHELIEU, BUXTORF ET JACOB ROMAN 83
fois le Juif en question s'y refusait, il n'a qu'à faire reprendre ses
livres :
Ralbag etRabbos S in-fol 10 r.
Aruch et Milchamos ^ — 5 —
Colon et Rokeach » 6 —
Perusch super Megillos 3 —
Scheroschim vi Michlol *, acheté à Metz 3 — 1/2 ps t.
Schaare Durah^, in^^' 3 r.
Pirke Eliézer — 11/2—
Zemach David ^ in-40, comme je l'ai acheté à Metz 2 —
Tisbi'in-4^ i —
Bar Scheschet^ 3 —
Mischnajot, Mantoue in-S^ 1 1/2 —
Alphasi, 3 tomes, in-80 3 —
Biblia Basiliensia, in-8° 4 —
parce que les Kethubim sont transposés.
Le manuscrit incomplet sur parchemin, in-40. . . 1 et 9 btz.
Total 48 r.
ou 8 doubles espagnols.
Je n'ai pas reçu le Sepher Amanah. J'examinerai ces premiers jours
le Thalmud ainsi que la Bibliothèque hébraïque, si Monsieur veut
bien le permettre, et nous réglerons alors l'affaire.
IL
Il était facile à Jean Baxtorf de promettre à Stella de Téry
et Morimont d'envoyer, môme à Constantinople, la liste des
livres hébreux et orientaux que désirait le cardinal de Richelieu,
car il avait dans cette ville, comme en d'autres, des correspon-
dants et des amis obligeants. Du reste, depuis des années, il était
en'relations directes avec des Juifs de l'Orient. Il serait cependant
ridicule d'affirmer, comme l'a fait son panégyriste Tossanus, que
Buxtorf le père « était importuné par les lettres innombrables que
1 Lévy ben Gerson, commentaire du Pentatcuque, Venise, 1547; midrasch Rabbot,
Venise, 1603.
2 Aruch, Venise, l{i53 ^ Bùle, 1399; Milhamot Ilaschcra : Riva di Trente, 1560.
3 L'un et l'autre publiés à Crémone en 1557.
* Venise, 1545.
5 Bàle, 1599.
« Prague, 1592.
■^ Bàlc, 1601.
3 Riva di Trente, 1559.
84 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
lai adressaient les Juifs de toute rAllemagne, de la Pologne, de la
Moravie, de la Bohême et de l'Italie, et que ces lettres, écrites
en hébreu, traînaient, non pas par centaines, mais par dizaines
de mille dans sa bibliothèque M), et il ne serait pas vrai, non plus,
de dire, avec son plus récent biographe, le professeur E. Kautzsch,
que « les Juifs s'étaient habitués à le consulter comme le plus
écouté des oracles dans les questions les plus subtiles ^ ». Si nous
exceptons quelques rabbins et savants allemands, hollandais et
italiens, peu d'Israélites du dehors connaissaient Buxtorf, même
de nom, et aucun d'eux n'aurait jamais eu l'idée de considérer
l'auteur de la Synagoga judaica comme « l'oracle le plus écouté
dans les questions les plus subtiles ». Ce qui est cependant hors
de doute, c'est qu'il a reçu des lettres et des écrits en langue
hébraïque de savants juifs de Constantinople, comme le prouve
clairement la lettre suivante, encore inédite, que son ami intime,
Abraham Braunschweig, lui adressa le 13 novembre 16,17 :
û^nn^nn ■•î-iir'm "^p^n «b^b "^^ttn "^s-^j^^n \n TNitTa "^d "^n^^T n3 ï-î5!-i
Ï1D-' hWj û^'n'^Di û'^n^a^T û-^ni^-ipi bD;:;ïi "^bx ûribuii '::iî<:3'w3ip?2
nrjn ^n-^'D t]^i3 irr^m ^b-in tjjz^ ^x:>^ ^-21 br nbi^:^ ïin^uî \nn72Uîi
11^12 "^32 ^'y "'3-i^usb d^i^TriN nsm ntiT^D d^^b -"nwsnd ynwsn mir^Dn bdn
♦û"inDNi ir\'Q'ji2'2 û-«inbN iTa-^rj^i rr^-in'^înd r:b"^b3 imn^'cn rr^nt^ ^:n ï:5 "^ïn")
Abraham lui dit qu'il a reçu ses ouvrages, qu'il les a lus et les
trouve très beaux, qu'il est très heureux que sa réputation de-
vienne universelle, et qu'il lui renverra ces livres par son fils Moïse.
Nous ne connaissons pas le nom du savant de Constantinople
qui avait remis à Buxtorf ces livres, parce que de ces « cen-
taines et myriades de lettres hébraïques » qui ont dû se trouver
dans la bibliothèque du professeur de Bâle, il n'en reste au-
jourd'hui qu'un très petit nombre. Nous savons, par des lettres
adressées à Buxtorf fils *, et qui nous ont été conservées, que deux
• Joh. Buxtorfii senioris... Vita et mors, quam oratione parentali. .. publiée
recensuit D. Daniel Tossanus (Basil., 1G30).
* E. Kaulzsch, Johanncs Buxtorf dcr Acitcre, Bâle, 1879, p. 31.
3 Rccaoil (le lettres mss., G, I, fol., 350. L'adresse est la suivante : ITlNïl Vb
b^TN"33 v'3 t]-^,nu;pi3 irnr nib^n n"n m-ip":d pnnt:-: 3T^3 bbnf:?:rT.
Il est à remarquer que le nom de Buxtorf ou Buxtortl" est quelquefois écrit, comme
ici, Buxdorf ; il est môme écrit de cette façon sur une dissertation.
♦ Depuis l'année 1839, époque ù laquelle M. Carmoly marqua et copia les Icllres
RICHELIEU, BUXTORF ET JACOB ROMAN 80
savants Israélites de Constantinople se mirent en relations avec
Buxtorf fils, vers la fin de l'année 1633, par l'intermédiaire d'An-
toine Léger*, établi plus tard à Genève comme professeur de théo-
logie et de langues orientales. Ce professeur, né dans le Piémont et
lié depuis longtemps avec Buxtorf, était alors à Constantinople ^ en
qualité de secrétaire de l'ambassadeur néerlandais, Corneille de
Ilaga, et y entretenait des relations amicales avec quelques savants
juifs, entre autres avec le médecin Léon Siaa et un homme qui con-
naissait bien les langues et les littératures, Jacob Roman.
Léon ou Arié Yehuda Siaa-Nasreddin, qui paraît déjà avoir
été en relations avec Buxtorf père, s'intéressait vivement, comme
beaucoup d'autres médecins, à la science juive, il a même donné
des preuves de cet intérêt en traduisant en latin le Kozari et les
Devoirs du Cœur, que son ami Roman voulait publier ^. Vers
1639, pour répondre à l'invitation du prince de Siebenbiirgen,
Rakoczy P"*, qui l'appela auprès de lui comme médecin particulier,
il quitta Constantinople et abandonna le judaïsme*.
A la première lettre que Jacob Roman adressa à Buxtorf, Léon
Siaa avait joint une autre lettre dans laquelle il recommandait
chaudement son ami, le dépeignait comme un homme qui, « par
sa famille, sa fortune, sa dignité et ses connaissances, est supé-
rieur à presque tous ses coreligionnaires », et qui pouvait surtout
être très utile aux savants chrétiens à cause des nombreux ma-
nuscrits orientaux qu'il possédait et de la réputation de savant
orientaliste dont il jouissait parmi les Juifs ^ Et cela était vrai.
reçues ou écrites par Buxtorf [Revue orientale, Ij, jusqu'à l'année 1868, où j'ai copié
les mêmes lettres, beaucoup en ont disparu. Ainsi Carmoly avait encore vu, dans
la collection, une lettre qu'un Mordckhaï ben Sabbatàï, de Posen, avait adressée à
Buxtorf « sur une discussion avec S. Schotten au sujet de la censure » (Catalogue
de la collection des livres et mss. hébreux laissés par le D"" G.-B. Carmoly, Frcft.-
S./-M., 187.5, p. 53, u° 52). Cette lettre avait disparu en 1868, ainsi qu'une autre
qui, d'après le catalogue de Carmoly, commençait par ces mots : \)^12 "^jl^^îb dT5'tU
"^"liiTjïl "^ID"^, et une lettre de Jacob Roman, « datée de Francfort ».
1 Buxtorf, Bibl. rabbitiica, 99 : « Romano, cujus amicitiam et benevolentiam mihi
conciliavit Ant. Léger. »
* Biographie tmiverselle, s. v. Léger ; Buxtorf, Bibliotheca rabbinica, Francker,
1696, 165. Ant. Léger mourut à Genève en 1661.
* Voir plus loin les lettres de Roman.
4 Buxtorf écrit le 11 août 1641 à Holtinger : • ... De hoc (R. Lco Siaa) audivi
illum palam in Transylvania christianam religionem amplexum esse, ibique medicum
agere in aula Principis. » Cf. BibUotheca rabbinica, 174, s. v. 1Ï1T, et Wolf,
Biblioth. hebr., III, 1355.
5 Voici la lettre de Siaa (Recueil de lettres, G. I, 62) :
Clarissime vir,
Lilerarum inclusarum scriptor, vir iuter suos Familia, opibus, morum eleganliaa^que
ac sapientia pêne unus, prfcseulium cxaralorem sivpius inquietavit, ut incumberel ad
poUiciendum C. S. Dom"'»! ad lilterarum coramercium, cum jam cogilalionum tem-
86 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Les manuscrits orientaux que possédait Jacob Roman* étaient
aussi nombreux que ses connaissances étaient étendues. Il savait
toute la Mischna par cœur, à en croire le témoignage de Conforte^,
la langue arabe lui était familière et il connaissait si bien la langue
latine qu'il entreprit de traduire en hébreu le TiJjerias de Buxtorf.
Rien ne prouve qu'il eût déjà quitté Constantinople vers 1620
pour se rendre à Jérusalem ^, ni qu'il eût visité la foire de Franc-
fort-sur-le-Main, et envoyé de là une lettre à Buxtorf. D'après
le témoignage de l'auteur anonyme de cette triste histoire, des
Israélites ayant été faits prisonniers le samedi, 11 Ellul (13 sept.
1625)*, par le gouverneur Mohammed ben Farukh;, et remis en
liberté après payement d'une rançon, Jacob Roman aurait été
au nombre de ces prisonniers et aurait ajouté des notes à l'écrit
où ce fait est raconté^. Roman a traduit de nombreux ouvrages
arabes, et composé un lexique arabe -hébreu et un lexique arabe-
turc^; il a écrit également, sous le titre de bp*>r72 "^STi^^û, une
prosodie hébraïque dans laquelle il indique 1348 formes de
poésie. Ce livre, dont il a envoyé l'introduction, comme spécimen,
à Buxtorf, au mois de janvier 1634, n'a jamais été publié \ Nous
pestas animum meum lancînaret, qui amico viro satisfacere possem, contigit Clar.
D. Anton. Léger Eximii Legati Belgici Concionat. id spoudere quod anxie ambie-
bam. Ego, ut ingénue arbitror meam sedulitatem in hoc negotio, in christiaua? Rei-
publicaî rem fore, vir enim hic Byzantinus manuscriptos libros in orientalibus linguis
abundantissimus ac in earum scientia inler Ebraeos clarus, in hoc totus est, ut orbi
det christiano quod hactenus malevolorum invidia Europans negalum, hinc mens
mea est Clariss. S. D. hominis Jacobi Romani dicli oblatam amicitiam negligere
minime debere verum, fovere periude ac augere. Valeat ignoscat ac agnoscat.
Datum Byzant.,anno 1633, 3° Id. decembr.
Velim Rabbino huic transmittat indicem Ubrorum prostantium in nundiuis Fran-
cofurtinis.
Clariss. S. D^^i, obseq^^'" servus,
La signature est eu caractères cursifs; une autre lettre de Siaa, du 12 Adar î>594
(10 lévrier 1034) porte comme signature : t Léo Siaa, Mcdic. Doct. », et en carac-
tères arabes, n'^na "I^I^N n^3.
1 Et non Romano, comme on Tappelle d'habitude ; lui-même se désigne sous le
nom de Roman ('|6<'^Tn).
'■^ Qoré ha-Dorot, éd. Cassai, 49 a.
3 Carmoly, Revue orientale, 111, p. 35!).
* Et non pas 1G24. En 1625, le 11 Ellul était un samedi.
^ Û'^blD'TT^ mnnn, Venise, 1636, V> h. Cf. Steinschneidcr, Zeitschrift der
D. M. (/., IX, p. 840. C'est M. Fiirst qui prétend que Roman a ajouté des notes à
cet ouvrage, Bihl. jud.^ 111, p. 165.
6 Cat. Paris, 1277, 1278.
7 i Nondum est editus », dit Buxtorf, I. c, R3, s. r. bp^'»3 '^:T^<"'3. Sabbataï Bass
{Sifté Ycschènim, 37 s. r.) déisigno Constantino])lc comme lieu d impression de cet
ouvrage cl tous les bibliographes ancieng et modernes l'ont copié. Bass, qui a rais à
profit la Bibliotheca rabbinica de Buxtorf, a été induit en erreur ])ar ces mots i
RICHELIEU, BUXTORF Eï JACOB ROMAN 87
verrons plus loin quels étaient ses projets, lesquels échouèrent
on ne sait pour quelle raison. Le professeur de Baie utilisa cer-
tainement les connaissances bibliographiques de Roman, c'est
à ce dernier qu'il dut presque toute la partie qu'il a annexée à la
BiUioUieca rahbmica de son père. Roman lui avait promis de
lui envoyer la liste de ses manuscrits, mais ni cette liste^, ni la
liste des auteurs ne se trouve plus à Baie.
De toutes les lettres adressées par Roman au professeur, deux
seulement sont arrivées jusqu'à nous. En décembre 1633, Roman
écrivit pour la première fois à Buxtorf, qui, avant d'avoir reçu
cette lettre, lui avait déjà écrit à Constantinople, sur l'instigation
d'Antoine Léger, et sa lettre se croisa, à mi-chemin, avec celle
de Roman; mais on n'a retrouvé ni cette première lettre de
Roman, ni la lettre de Buxtorf qui était arrivée à Constantinople
le 30 décembre 1633. A cette lettre, Roman répondit par une
longue épître qui contient autant de choses qu'une petite biblio-
thèque, et qui, aujourd'hui encore, a de la valeur à cause des
nombreux manuscrits arabes et hébreux qu'elle mentionne.
Nous donnons ici cette lettre, d'après l'autographe * :
^p"cb ^n-^^n* -iiàTû li^i'T^ n5U5 c^a^ i""^ '2 uv
)y^J2 , ^lïi 11^ ™>i ii7ain ^:ni bia lyj^^ bib iiDrfn iy:i bsn na:»
n?ain ti''"b&< imN NbtJ ,iïi3>n)2 ntrii^i -int:^n '[2'^p12':^^ T^Dsb d^"i?3irï-î b:^
an-in bbnii^ïi iin^^^ niïi tàr-; rrsiisi ^5M:d ib 'n t^Dv ,ï-;ii:nm n:?ii nb
b'D b:>i ">nï5Uî"i pin!?3i tiJsiiD '^sri "^nr ")iii<"ip^i n"s^ Pwn:^ n^inbi IJ2
Jn"5^ bit nni ^npans ta'^Ta"' ri^n "^b nr *;:?■« nnin irc^n tzN^non ^s liin
■»nHwS "i5:j^'T' ^i^ , iiiïi nib\!5 niic £]n3^ '^^"' b:> "^b^N ^n^73«-i "i'^3>"i72 "^rriTas^
J-7^ ^iri5<b n73iN îia )'^bl2b "^itDp . "^^nin^ '^ b.s dnp?^ f^mbCM ''n'n:;«b
« Spécimen operis antc aliquot annos ad me misit Constantinopoli. » Zunz dit avec
raison, dans le premier de ses écrits, publié en 1818, sous le titre de Ft^eas iihtt die
jûdiscke Literatnr {Gesamm. Schriften, I, p. 14, note 2) : « Jacob Romano a composé
une prosodie hébraïque. . . Où se trouvc-t-elle ? » Dans cette prosodie il indique non
pas, comme le dit Zunz, 1248, mais bien 1348 manières de versifier : ce nombre se
trouve clairement dans la lettre de Roman, chez Buxtorf, et dans le Sifté Teschènim.
^ Recueil de lettres mss., G. I, 354 et suiv.
* Fûrst, l. c, III, p. 165, qui suit Carmoly, indique par erreur comme date de
cotte lettre le 8 Schebat 1634.
3 Carmoly donne comme date do la première lettre de Roman le 2 Kislew o394.
Nous ne savons s'il a vu lui-même cette date ou s'il Ta calculée approximativement
d'après ces mots de la lettre.
88 REVUE DES ETUDES JUIVES
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RICHELIEU, BUXTORF ET JACOB ROMAN 89
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diin-'U^d d"^5^3Drî •inn^ idd n-i^st "^n^^p rjDT^ 'n!ib ^^pM bpo 'o
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90 REVUE DES ETUDES JUIVES
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.b"T n-c^nin
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'•'^û ismï-iNb :d"?d -i^o-' n^:îM 'i'td^î "^sd ûp^rj^^'nb ûnsisb û:nwS liwN^f^
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^Dib&^b irii^T spr-^b ^in:j>b 'cp:5> ^riwN riN^itîNTT-ipiipïi nsD nb'Cîn tfc^
s"72 nb":i\a C]"iii -iswn ^d b^rr -innT^'w-^ t^^^^D "jiN^b 'nrrs w^ci-in '^r'7i^?2n
nDD "^bN nb^în'iU ûiipri nnsn s"?: ni<^ Tibi^':: ^ir . nrrrn tn?: ^'^iî-^t
, -isnb'^în dcî n"d'?3 "li-^i^n 'in 5<i:^5< inb^t D£i<"i ndTrn int^-'b 'nîi dsnn n-^n
i-irmwN ÛUJ73 ins mbuîb pn^ un ^ii^^-^i-i^;^ nb b:^^ n"d)3 "^rs tibriw^ ^ir
I^N , ïi3^j dm5< mbu5b bp3 nm-» ïT^'n"« ']-i"i irrr^n-i mp^x^ mna:» nnsi^
in^ND i3in)2bn:3 t^iinTs ddnii ^"it^h nd-inîi l-^j»^ "^i-nwS n.s ^nrib p-n n:>
"^mtDd T^n-i ^"^y^ "^c^irNrû p'i nn^j n-isn Nb 'Tfd-ûwX rr^id ';b\s ib-^x
b:> "^"^^"^ ^'^-liîïib pinntj mnn^iî?:^ n^n^n 'n\n^'^ ïid . y^i^^ ^^ï^b^ 'm
ii< nb"jd 3>itn3 .pn "^bdb t^d n^^s'^n ï-nbx bN nn^"^ mtî^ilnïi Ndd
. "jN^Din dp:--' n-^ritiri inninN nnT?:d
Buxtorf ayant parlé à Abraham de deux ouvrages de son
père, il lui dit qu'il a traduit l'un, Tiberias, parce que les Juifs
n'ont encore rien écrit d'aussi complet sur la matière [Mas-
sora). Il lui fera parvenir la traduction de la préface, pour savoir
si elle est de son goût. Quant à l'autre, intitulé Bibliotlieca, il
le connaît depuis longtemps ; il s'est môme toujours étonné du
petit nombre de livres hébreux que les chrétiens possèdent ; il
croyait qu'ils devaient avoir beaucoup de manuscrits, puisqu'ils
n'ont pas à souffrir, comme les Juifs, d'un fexi constamment
allumé qui hrûle leurs Iwres et leurs synarjogues. Il s'est donc
efforcé de réunir, autant que le lui permettaient ses ressources,
des manuscrits hébreux. Il a aussi, et cela j^ourra servir à la
Bibliotheca, une liste de manuscrits rangés d'après le nom des
auteurs par ordre alphabétique, puis une deuxième liste alpha-
bétique des ouvrages qu'il possède ou qu'il connaît. Il tâchera
d'en faire un résumé et le lui enverra.
P(ua' ce qui concerne les livres demandés par Buxtorf, il lui en-
verra, par Antoine Léger, le "^nisNli '0. Quant au bcdmnrrî'o',
• BuxlorC (lit, daus sa Bibl. rabb.^ 99 : « "^TTCN uunquani csl cdilus : ego mscr.
RICHELIEU, BUXTORF ET JACOB ROMAN 91
il n'en a qu'un seul exemplaire, qu'il sera forcé de faire copier.
Il n'a pas encore rencontré le Tip^n 'o ni le 'ni^'p'^'n ; il possède de
R. Jona le '1W>^^ m-i^pn 'o, le mcnrr 'o, le niyti'n 'd et le
!i&<Tv2:iiî-i '0, traduits de l'arabe en hébreu \ mais il lui faudra aussi
les faire copier pour la môme raison.
Voici les livres dont il peut disposer :
1° bDiD^n n^ii '0 de R. Yehouda Ilayyug, en arabe et en
hébreu ^ ;
2° Les ouvrages de R. Jona, cités plus haut, en arabe et en
hébreu ^ ;
3<^ 'ni2'p'i'r: 'd et ti^'UJ'i^Uln 'o du môme, en hébreu, manuscrit'*;
4^^ Le livre des Psaumes, traduit en arabe, avec un court
commentaire à la fin de chaque psaume, peut-être de Saadia,
ouvrage très précieux. Il en enverra le psaume 1°^ avec une
traduction hébraïque, pour savoir s'il lui convient ^ ;
5* MN'TDi^p^ '0 de Hariri, en arabe et en hébreu; oeuvre d'un
ancien Arabe, très bon écrivain, aussi célèbre chez les Musul-
mans que Cicéron chez les Romains. Les Arabes disent que le
lire, c'est presque apostasier, tant sa beauté surpasse celle du
Coran. C'est une sorte de Décaméron. L'ouvrage a été traduit
par Hariri en hébreu. Pour lui, il a disposé l'arabe et l'hébreu
en regard l'un de l'autre, mais la traduction ne va que jusqu'à
la moitié de l'ouvrage, il tâchera de le compléter en môme temps
que d'autres, tels que le Kozari arabe, en Egypte, à Alep et à
Damas, par l'intermédiaire de ses amis ^ ;
6° lap-i 1^ "«r: '0, en hébreu et en arabe. Il a placé l'arabe, en
caractères hébreux, à la marge de l'hébreu. L'auteur en est Abou
Bekr ibn Tofaïl. Il ne sait pas si l'ouvrage a été traduit en
latin "^ ;
ejus exemplar accepi Constantinopoli a cclebri illic et doct. Rabbino Jac. Romano. •
Cet ouvrage a été publié pour la première fois sous le titre de Maase Efod^ Einlet-
tung in âas Studmm iind Orammatik der hchr. Sp^ache., ., par Jonathan Friedlânder
et Jacob Kohn, Vienne, 1865.
* Buxtorf, L c, 200, mentionne seulement la traduction du lilT^pï! 'O.
» Publié par L. Dukes d'après le ms. de Munich (Francfort-s./-M., 1844) et par
John W. Nuit sous le titre de 'p'^lp^ "^"^tiO ïlîUblD ou Two treatises on verbs con-
taining feehle and double lettcrs hy R. Jehuda Hayug of Fez^ Londres, 1870.
^ Ces écrits de Jona ont été publiés en arabe et avec traduction française par
MM. Joseph et Hartwig Derenbourg : Opuscules et traités d'Aho%i/l-Walid Merman
ibn Djanah de Cordone, Paris, 1880.
* Le In^ip'lïl '0 a été publié, d'après la traduction hébraïque de Jehuda ibn
Tibbon, par B. Goldberg et R. Kirchheim, Francfort, 1856. M. A. Neubauer a publié
le d'^1ï5Tlï5ïl 'O en arabe sous le titre de : Tàe book of hebrew roots, Oxford, 1873-75'
^ Voir Steinschneider, Cat. cod, t,iss. Bibl. reg. monacensis, 122.
* La traduction des makames par Jehuda b. Salomon Alharizi a été éditée, d'après
le ms. de la Bodléienne, par Thomas Chenery, Londres, 1872.
"^ L'histoire de Haï ben Yoqtan, racontée par Abou Bekr ibn Tofail, a été traduite
92 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
1° bpuî» "^STS^^ '0 qu'il a composé sur les formes des vers
hébreux dont le nombre est de 1348. Il n'a trouvé aucun secours
pour écrire cet ouvrage ni en hébreu, ni en arabe. Il en envoie
à Buxtorf la préface comme spécimen;
8° xû^pTi bpU5 '0 de Joseph Kimhi, en hébreu * ;
9« £31^135 trn?: '0, en hébreu et en arabe ;
IQo mnnbîi n:mn 'o, en arabe et en hébreu, corrigé d'après
l'arabe ;
11° ïiboïiïi nbDïi 'D d'Ibn Roschd, en arabe et en hébreu 2;
Le 12° ... 'D^, en arabe et en hébreu, composé par
un Arabe en réponse à sept questions de philosophies à lui posées
par son ami ;
13» Huit chapitres sur l'hygiène par Moïse Maïmonide en
hébreu. Il espère pouvoir trouver en Eg3'pte l'original arabe *.
14° m^D5M NDiTD '0 de R. Joseph Barceloni, en hébreu, traduit
de l'arabe. Il n'en a pas vu de texte arabe ^ ;
15° Les ouvrages de Schem Tob Palaquéra en hébreu, à savoir
mi72ïi Tn^i2 'c, l'abrégé du d^Ti mp?: de Salomon ben Gabirol ^ ;
16° M'nin rT^UîNi '0 d'Ibn Ezra, en hébreu ' ;
17° ns y^N72 'o de Kalonymos, en hébreu ;
18° d"'ï35!i nnr:n 'o de Messir David, en hébreu;
19°T^O'^Ni:3 nTona 'o, traduit très bien en hébreu, pour Sam.uel
Beveniste » :
en hébreu par un anonyme, commentée par Moïse de Narbonne cl traduite en latin
par Pococke, en 1671. Cf. John Dunlop, Gesch. der Prosadichtnng, en allemand, par
Liebrecht, p. 419, et note 49t. Voir aussi Sleinschncider, Cat. cod. hebr. bibl. acad,
Luf/duno-Balavia, 6, 5.
» Buxtorf (/. c, 14o : est liber Û'^5'^3Dtl "nna^) et après lui Sabb. Bass [l. c, 81,
n° 208) donnent ù cet ouvrage le titre de Û'^^'^^Dn "ItlSTD qui appartient à un ouvrage
de Joseph Kimhi. Quelques passages du CipH bp*.I5 ont été publiés dans le Ziou cl
dans le D"'3'1I3 T"^*^ ^® Edelmann.
* Voir Sleinschncider, Verzeichniss dcf hcbr. mss. dcr h. Bibliothek :u Berlin,
lOoô, 3.
3 11 m'a été impossible de déchilfrcr le mol qui manque ici.
* Voir Sleinschncider, Calai, des mss. hébr. de Munich, 289, 116.
5 Buxtorf. qui a eu connaissance, sous le titre indiqué par Koman. de lu traduction
bébraïque d'un ouvrage arabe qu'il n attribue ù Joseph Barceloni, u puisé ce rensei-
gnement dans cette lettre où le savant de Constantinople avoue en toute francbisc
qu'il n'a jamais vu le texte arabe. Voir sur l'auteur probable de ce livre, Joseph Ibn
Aknin, et sur la traduction hébraïque, Sleinschncider, Encyclopédie d'Ersch et Grïi-
ber, XXXI, p. 52.
" Pour les écrits indiqués ici, cl en partie publiés, de Schem Tob Palaquéra, voir
Zuiiz, Jlcf/r. Bihliogr., IX. 135. Celle lettre prouve que Roman n'a pas seulement
connu, mais qu'il a possédé l'ouvrage i2'^ETD1^''2ïl m^T-
7 Buxtorf, /, r., 133, encore inédit.
^ Le livre de In Consolation de Boèce était lu avec plaisir au moyen âge et a été
RICHELIEU, BUXTORF ET JACOB ROMAiN 93
Selon la réponse de Buxtorf, il en achètera d'autres pour les
remplacer ou les fera copier. — Il le prie de lui envoyer deux
exemplaires de sa Concordance, un pour lui et un pour son ami
le médecin Léon Siaa ; il en a yu la première page qu'il loue
fort ; il lui demande aussi sa traduction latine du Guide des
Égarés, qui ne se trouve pas à Constantinople. Il le prie enfin
de lui faire savoir s'il veut lui envoyer des caractères hébreux
en plomb.
Cette lettre si précieuse pour Jean Buxtorf resta longtemps
sans réponse. Roman ne s'attendait pas et n'avait pas lieu de
s'attendre à un si long retard. Voici ce qu'il lui écrit huit mois
après la précédente lettre \ le mardi 24 Sivan 5394 (20 juin J634) :
irj-i73U5-' 'rt £]^Ti^pis \':nv -t^D"^^ dsnï^T pnsn «in Nbn .... ^:>^^ Nif^
'D"J2 nNt3 n-ii^N ^nbdp p "^-inwS n2^^ .^muîr, ^-r^i^n t^b ïi^lr: ^:>"i
d-i-iDD nitp '^nnbuj 5":in iirr b^ bj^d nn "^nnîauîi bibN ^lï^ind ï-imnd
dT» dN-jDiûb ^i3"iD7ûn b^rr liinTû^D'^ nn'^:\^b n-^^rLûSN '"^73 ism^t^ •^'i-' b:>
ï^n ^d î-imu:n siNd Nb dt< n^ûna 5<b n^inn^^n n^T^ .inuîN-i n^x i"d 'i
r^iïisrs TJ'T^ïi?: ïi53>?2ïi Iii2^i2r\li 'T'N ^-iN73 ■^n&îbsa '^n , nn^^n «b Ndn
■ib \nsDn^n !i37^ mui3>b '^nd\iîn p by ^"i^3 n^buîb iioN irî^ip -^biN
p"i3n nî"i3t bnn^T: "^DN "^d "^^Ti^b j:^"!"!'^ «^rtrr nnst^a -^nitii^ .ïiadin
inT IN d"^ti"> m nuJN PNTn rî2"«i:^d '^-in:' disi mu;3>b d-^siN l^^b n^i::^
•^nirsn ■^■jcuît) 'n&^b i^ir^-i d-^-^nn 'n -nn-" dî< rr^in , imN i^non d^r:3
ts-^m^jy it< DN^ibnp ^bu:d ms-i^b i::b^d tD-ididî Ti^Mz 'o o^s^tib
n\D&<d nvnn:> dt^ -"d nmn::' nrm^d i33^n ■^nns^n ':jn V^bn "^n-iri "^nd:^
nT^mi<ïi -«D rtt<n?3b nbiu) "^st^ nuî^ nnd^r pu:nDd ^nb^^TD ^rr ;-î:\s-;n
tD-^ît^pn n''bi^yj2'^^'n "^id^ n^trî J-Ti-^^Ton o'^d'iïib nbdv t^xb nv3-i:^'^i
]wr)ti Tii riDi^n^ïi tn-i:*i<M ts:' -^nnb^ -itïi^di ,.^Tn nnnM 5>-i^\rb
d^ "ny ^niî^N , dnriN d'i-idTi u:mpn l"iu:bd o^n^d'^a 'o n^oipr; d:'
'niDTiri m5"iuîb U5b\ud "^^Tid^r 'di mdnbrr nmn 'd d^dnnb bnn^t^ d":ii
nT3>d m&^'^r^uj^i p nujsKn "^Dd d-^nsTn dndîsïi d-'^nadri vn-^ bdirj brn
^'iidd Dbyi2 "^22 nî<73 ■'nujpdi \nbwS\d . tDvn ^"$"^2 t^îw^ ^n-i3>n nditi
traduit non seulement dans presque toutes les langues modernes, mais encore en
hébreu. La traduction mentionnée ici n'a pas été faite par Samuel Benvenisli, comme
l'affiinve Buxtorf, l c, 107 : « Translatus a R. Samuel ben Banschat (!) » mais pour
Samuel Benveniste, petit-fils de Don Abraham Benveniste (voir mon article Dos
Castilianische Gemeinde- Statut, dans Jahrbiich fiir die Geschichte der Judat^ vol. IV}
qui possédait à Salonique une bibliothèque très riche.
* Recueil de lettres, G. I, 355.
94 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
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Puis comme post-scripium :
'0 Tn'^:»"'b "i^5i::3N n''D"'7o i53i!^n tsnîi ■>":? :d"« b» ^"^nb',:5 îi^rr
■^n3 'OT >«<'n'^pbD p 2ia fc^ 'nb i-nb:>>2r5 'ci tidn î^ott:
.TDjp rjDT 'nïib U5^pîi bpw '01 niDî^b ^tddm-i t]T:irï nansn
Abraham dit qu'il, lui a écrit il y a plus de huit mois et n'a pas
encore reçu de réponse. Il recAi de lui une lettre écrite en Ellul (sep-
tembre) et lui a envoyé quelques livres par son ami Antoine Léger.
Il lui rappelle qu'il se propose d'établir une imprimerie à
Gonstantinople. Il voudrait publier le Guide des Égarés en trois
langues sur trois colonnes, en hébreu, en arabe et en latin, l'arabe
en caractères hébreux, car les Turcs ne permettent pas d'imprimer
en caractères arabes. Il lui envoie un spécimen de cette publi-
cation. Il lui en avait déjà adressé un avec, entre autres, la pré-
face du Tiberias^ traduite en hébreu. Il voudrait aussi imprimer
le Devoir des Cœurs, de Bahia, et le S. Kozari, de Juda Halévi,
également en ces trois langues ; ces deux ouvrages, corrigés
d'après l'original arabe qu'il a entre les mains. Il lui demandait,
dans sa précédente lettre, s'il y avait dans sa région des acheteurs
pour ces livres, et combien ils peuvent être approximativement.
Il le prie de l'informer si les chrétiens ont déjà une traduction
latine de ces deux derniers ouvrages. En tout cas, elle ne peut
RICHELIEU, BUXTORF ET JACOB ROMAN 95
être que mauvaise, attendu que la version hébraïque sur laquelle
elle a été faite est extrêmement incorrecte. Il en donnera une
traduction latine faite par le docteur Juda-Léon Siaa d'après
l'arabe, on verra alors la différence *.
Il ajoute, en post-scriptiim, qu'il lui a envoyé, par Antoine
Léger, le "i-idn nui3>^ 'o, le n^b^'K^'n 'o de Schem Tob Palaquéra,
le ^DDsm ti"i^n n:;n3ïi \n3 'o du môme, et le 'Ciipr^ bj/c 'o de Joseph
Kimhi2.
Cette deuxième lettre eut probablement le même sort que la
première. Les relations entre ces deux savants furent donc de
courte durée. Le 11 août 1641, Buxtorf écrit à Hottinger, à
Zurich : « Je n'ai pas de nouvelles de Jacob Roman depuis quel-
ques années ^ »
Pour en revenir à la commission donnée par Stella de Téry
et Morimont à Buxtorf, celui-ci a-t-il fait venir de Constantinople
les livres et manuscrits orientaux que demandait le cardinal
Richelieu? Il est probable qu'il en a acheté chez Jacob Roman,
car la plupart des manuscrits hébreux dont Roman a parlé dans
sa lettre se trouvent à la Bibliothèque nationale de Paris *, et
quelques-uns mêmes portent la mention qu'ils ont appartenu à
Roman ^
M. Kayserling.
* Dans la préface à sa traduction latine du Kozari^ Buxtorf dit : « Idem Constan-
tinopoli ad me scripsit R. Jacob Romanus, qui arabicum exemplar habuit et editionem
ejus trilinguam, arabicam, hebrœam, latinam tum moliebatur. » Et encore en août
1641, Hottinger écrit à Buxtorf : « J. Romanum Judœum Constantiiiopolitanum
editionem triliiiguam meditari lubens audio. »
* Buxtorf mentionne ces mss. avec la remarque qu'ils lui ont été donnés par
Roman. Voir Bibl. rabbinica, 99, s. v., nsiî^ Îl"i23>?2 : « Ego ms. ejus exemplar
accepi Constantinopoli a. . . R. Jac. Romano ; Cusri, p. 32 ; R. Schem Tob b. Joseph
b. Phalkira nb3>'?3ïl '0 quem ms. olim accepi a J. Romano. » Bibl. rabb., 22 ; ibid.,
146 : « lïilp?! bp'Ui.t. Constantinopoli donc mihi missus est a R. J. Romano. »
^ « De Jacob Romano ab aliquot annis nibil audivi. »
^ Cf. Cat. des mss. de Paris, n^^ 1215, 983, 700, 1216, 913, 893, 1031, etc.
' Cf. ibid., n°* 910, 749.
LES JUIFS
DANS LES ETATS FRANÇAIS DU PAPE
AU MOYEN AGE
(suite ')
XII.
Serment à faire en cas de manifeste général.
Nous sommes d'acord que, le tour premier que vient aussi les
aultres tours qu'i se feront manifestz gênerai, que le temps d'ouyr
Vherem de chascun home ou famé de nostre comune soyt de la sep-
maine ou ung lundy ou ung jeudi après estre faicte l'élection du
conseilh (a). Et seront tenus de se congreger dans l'escoUe * aussi tous
filhs et filles de treze ans en sus. Et demeureront les homes congre-
giés au dessus, et les famés dessoubs ^ pour escouter ledict sere-
ment et Vherem. Et, avant que ouyr ledit serement, toute personne,
homme ou famé, renoncera a toute cauthelle entre les mains de
gentz suffisantz de nostre comune avecques le roUe* au bras. Et les
famés mctront les mains sur la Biblic et sur les Dix mandementz.
Et ce chargeront leurs corps et âmes d'oscouter ledict serement et
Vhere7n de bon gré et bonne volunté, sans aulcune constraincte ou
cauthelle. Et aussi se chargeront de produyre leurs manifestz loyal-
lement et fcallement (^), selon la teneur de ses presens articles.
Et les famés qui sont acouchces d'cnfent jureront sur les Dix man-
' Voir lomc Vil, j). 227 (Page 23;{, ligne 28, au lieu de : « Qui en réclame le
licrs • lire : « Qui eu réclame les deux tiers »].
' C'est-à-dire la synagogue, comme on l'a vu plus haut.
' La synagogue des femmes était sans doute, comme à Carpcnlras, placée au-des-
sous do ci'Uo des hommes, dans le sous-sol, parce que la place man({utiil pour la
mettre do |)lain-pied avec celle des hommes,
♦ \'oir article 'J.
LES JUIFS DANS LES ETATS FRANÇAIS DU PAPE 97
dementz et en vertu de Vherem, ung jour ou deux après que seront
levées. Aussi tous malades et malade seront tenus d'escouter ledit
serement et Vherem troys jours après qu'ilz seront sortis de leurs
maladies.
Aussi tout home et famé qui ne se treuvera en la ville d'Avignon
pour quelque excuse légitime escoutera le serement et Vherem troys
jours après qu'i sera venu, soyt au segond serement qui se fera da-
vant le premier jour de l'an, soyt au tiers serement que se fera
a la première sepmaine du moys de sevan • quand viendra le no-
taire tant seulement a l'escolle'.
Et toutes despances que se feront pour faire lesdictz serementz
se feront aux despans de la comune.
Aussi semblablement, es tours qu'i se feront les taxes, toutz les
serementz se feront en tenant le rosle en la main et escouteront le
serement et Vherem, en révoquent toute cautelle de faire son ma-
nifestz bien et duement, selon la teneur de nos presens articles. Et
es famés sufîront de jurer sur la Biblie. Aussi filhz et filles en treze
ans en sus.
Semblablement, est nostre vouloyr qu'i soyt donnée liberté au
conseilh de faire jurer {c) toutz parentz qui font leurs manifestz de
nostre comune, combien qu'i soint de la présente cité d'Avignon ou
d'ailheurs, qu'ilz baient a manifester s'ilz hont aulcuns biens de ceulx
qui font manifestz ou aulcuns debtes faictz par mains de notaire,
ou par podice', ou par commande et obligances, tant a leurs noms
come au nom d'aultruy, et que aient a dénoncer au bayllon du
manifestz toutz les biens qu'ilz auront de leurs parens.
Aussi nostre vouloyr est que, au tour qu'i se fera lou manifestz
gênerai, qu'aient a déclarer lou serement et Vherem en voulgar, après
qu'i l'auront declairé en langue hebrabicque, aulx fins que toutz
ceulx qui se auyront ayent crainte.
Aussi pareilhement feront en toutz les tours de nostres articles,
tant es tours des manifestz comme aulx tours des tauxes.
[a] A la poene de vingt cinq s. t. pour chascun contrevenant,
applicable au fisc, et se fera l'assemblée avec la licence dudit
seigneur viguier.
(J) Lesquelz manifestz se guarderont par les bailons du ma-
nifest jusques aux nouveaux, et lors se rendront lesdits
vieulx manifestz, retenent le registre des sommes esquellez
* Le mois de sivan est le 9« de Tannée. Ne faut-il pas lire hesvan, 2« mois de
l'année ? Il ne paraît pas probable que le 3« serment ait lieu 9 mois après le premier. •
Voir l'art. 16.
' Les actes publics de la communauté contrôlés par l'autorité cirile se faisaient
très souvent dans la synagogue, en présence des délégués de l'autorité ou des officiers
publics.
3 « Usnras podiacenses ». — Podissa, quittance, reçu,
T. VIIÏ, nO 15. • 7
REVUE DES ETUDES JUIVES
montent lesdits vieulx manifestz, et ce sur poene de dix soûls
applicables au fisc.
(c) Avec licence dudit seigneur viguier.
XIII.
Tarif de l'impôt.
Nous sommes d'acord que tout ce qui sera de besoing a la co-
mune, aussi toute despance et inconvénient qui pourroyt survenir,
ce coutiseront et se lèveront a soub et livre, et lou capage ' a grés,
corne s'ensuyt.
C'est que tout home que n'a rien ou aura jusques a la somme de
vinct et cinq livres de biens paiera cincq florins {sic). Et de vint et
cincq livres jusques a cent livres paiera, pour chascune livres,
demy soulx tournoys pour livre. Et s'i passe cent, quisoyt cent et
une jusques cent et cinquante, sera augmentée a icelluy la somme
de dix et huict soulx tournoys. Et de cent et cinquante jusques
a deux cens, pareilhement luy sera augmentée d'aullres dix et
huict soulx. Et de deux cens et une jusques a troys cens, il sera
augmentée d'un florin de plus, et pareillement d'un chascun cen-
tenal qui augmentera plus d ung florin pour cent. Et icelluy ca-
page sera cotisé a un chascun home de nostre carrière, et de toutz
ceulx qui viendront habiter avecques nous, eagés de quinze ans en
sus, proveu que n'estudient continuellement', sans faire aultre tra-
ficque. Aussi nostre vouloyr est que les pères que habitent avecques
leurs enfans, et le suogre avecques le gendre et deux frères qui font
manifestz ensemble, nous voulons que le filz paiera du capage la
moytié de ce que paie le père, et le gendre la moytié de ce que paiera
le suogre, et le petit frère la moytié de ce que paiera le grand frère.
Et si le père a deux ou trois enfants ou plus, et du suogre qu'a plu-
sieurs gendre, ou sont deux frères ou plus, qui font leurs manifestz
tous ensemble, nostre vouloyr est qu'un chascun des enfans et des
gendres et des frères paieront la moytié de ce que paie le père, et le
suogre, et grand frère, pour ce que font leurs manifestz ensemble.
Aussi nostre vouloyr est que tout home vjeulx, qui passera huic-
tante ans, et les famés vefves [qui] demeureront avecques leurs en-
fans ou non demeureront, et les maistres apprenans les enfans se-
ront quictes et ne paieront nul capage durant le temps qu'il sera
magistcr.
Aussi tous ceulx qui vivent de l'aumorne seront quictes dudit ca-
page, proveu qu'i soient tenus de servir et de garder les portes de
nostre comune, les jours de nos festes, a l'heure que ce faict Tora-
> Voir Annuaire^ \, p. 182.
* Les personues qui se cousacrent a l'élude de la Loi soot exemptes d'impôts.
LES JUIFS DANS LES ÉTATS FRANÇAIS DU PAPE 99
tion. Et s'i ne vouloient garder lesdictes portes quand ils seront
mandés pour les garder de par les bayllons des manifestz, lors ne
seront quictes dudit capage'.
Etledictcapage ne se coctisera {a) que une foys l'année, sans plus.
Aussi nostre vouloyr est que le filz ou les enfans, desquels le père
ne paie point capage causant sa vieilhesse, le filz paiera le dioyt du
capage, a soulx a livre. Et si tel enfant a ung frère, le frère poiera la
moytié de ce que poiera le grand frère, faisants leurs manifestz
tous ensemble.
Et combien que dessus nous haions faict mention que les an-
ciens, qu'auront huictante ans, soient quictes du capage, nous
voulons que de septante jusques o huyctante, s'i appert a la plus
part du conseil qu'i ne gaignent rien, allors seront quictes dudit
capage.
Et si dans l'année les enfants de quinze ans traficquent et gaignent
et non continuent Testude, leurs sera mis le capage de ladite année.
[a) A la poene de vingt soûls, applicables au fisc.
XIV.
Impôt spécial sur les riches qui ne feraient pas étudier ou trafiquer
leurs enfants. Définition de la moyenne et de la grande « main ».
Nous sommes d'acord que icelluy que sa cotte sera de la moienne
main ou de la grand main, et hauront d'enfans, et nevouldront estu-
dier continuellement jusques a vint ans, nostre vouloyr est qu'i paie-
ront six florins pour une chascune année, oultre le capage qu'i sera
esté coctisé a luy come dessus est dict. Et combien qu'il soyt esté
dessus dict de quinze ans en sus, cella s'entent de ceulx que sa
cocte est de la main mineur qui n'ont point possibilité et puissance
de s'entretenir a l'estude ; et la moienne et grande main, qui hont
pouvoir de faire apprendre leurs enfans et ne les font point estudier,
et ceulx que le filz ne traficque rien, nostre vouloyr est que cella
s'entent que estudient jusques a vint ans, et aultrement leur sera
chargé le capage susdict selon la livre du père et davantage six flo-
rins.
Et nostre vouloyr est que de cent livres en sus s'appellera la
moyenne main, et deux cens en suz la grande, et de cent jusques a
une sera la petite comprenant non rien ^
Et toute chose qui se cottisera par sesdictes mains verseront selon
lesdictes livres.
•
* Ce service de la garde des portes qui fermaient la carrière paraissait sans doute
fort pénible. En 1779, les bayions eu étaient dispensés. Statuts, 1779, p. 172.
* Ce passage a été gratté et raturé sur le texte primitif. Nous suivons ici le texte
définitif. Du reste le sens n'est pas modifié.
IfXJ REVUE DES ETUDES JUIVES
XV.
De V estimation des Mens.
Nous sommes d'acord que, tous les tours de noz presens articles,
seront attenus les gens du conseilh qui seront pour, lors, le jour
qu'ilz prandront leur serement, elliront huict juiftz estimadors de
nostre comune, pour faire l'estime de tous ceulx qui feront leurs ma-
nifestz, en prenant le serement du rosle entre ses mains de faire
l'estime bien et fidellement.
Et ceulx feront l'estime de tout le mesnage et marchandise, excep-
tés ceulx qui sont prohibés de faire l'estime. Et ne pourront aller
pour extimer que ne soint deux ensemble, et sera donné a ung chas-
cun pour leurs vaccations ung florin de l'argent de la comune, et ne
mangeront ny beuront a la maison d'icelluy de qui on fera l'estime.
Aussi pareilhement ledict conseilh ellira quatre aultres extima-
dours, huyct jours avant qu'i soy venu le temps de porter leur
manifestz et acomply, pour estimer tout le ménage et toute mar-
chandise des premiers estimadours. Et auront pour leur salière six
soulx pour ung chascun, en prenant le serement de le faire bien
et duement comme les premiers, et ne mangeront ny beuront
comme les premiers.
Aussi pareilhement elliront en un chascum tour, tant au tour des
manifestz gênerai que des taxes par la pluspart du conseilh, lesdicts
estimadours. Et lesdicts estimadours se signeront leurs noms et
surnoms a la fin de chascune pagine desdictz inventoyres. Et les-
dits estimadours ne pourront contredire ny refuser d'aller estimer,
quant seront requis de par les particuliers juifz ou juives {a). Et
l'estimadour qui récusera d'y aller, nostre vouloyr est qu'i n'aie
nessun' sallaire ny gaige. Et auront lesditz juifz et juifves pou-
voir de les contraindre par justice au despans des estimadours
refusantz. Et aussi nostre VOUI03T est que l'estimadour, qui refu-
sera l'office de vouloyr extimer, sera attenu de donner tout incon-
tinant deux florins a icelluy qui sera mis a sa place. Et ladite
comune ne sera atténue de paier au refusant, ny a celluy qui
sera mis a sa place, les deulx florins susdictz. Et icelluy qui sera
mis a la place du refusant aura pouvoir de le faire mettre et déte-
nir prisonnier {b) jusques a ce qu'aura paie lesdictz deux florins.
Aussi pareilhement la pluspart dudit conseilh ellira quatre juifz
de nostre comune pour extimer les maisons de nostre carrière,
en prenant bon serement, en tenant le rosle en la main, de faire
l'estime desdictez maisons fidellement, et adviseront toutes les
maisons et les censés qu'ilz paient, et les estimeront selon leur advis
* Aucun, eu italien ncssuno.
LES JUIFS DANS LES ÉTATS FRANÇAIS DU PAPE 101
et conscience, et demeureront enfermés dans une maison et ne sor-
tiront delà jusques a tant qu'i soyt achevée ladite estime et signée
de leurs mains ou de troys d'iceulx. Et auront pour leur salières
six soulx tournoys de l'argent de la comune.
Toutesfoys les maisons des juifz qu'i sont hors de ladite cité
d'Avignon, icelluy a qui seront telles maisons heux mesmes les
estimeront a leur conscience en prenant le surdit serement.
Et les estimes desdictes maisons seront achevées avant qu'i soyt
le premier jour de Tan nostre.
Aussi pareilhement ledict conseilh ellira deux estimadours pour
estimer lesdictes maisons des surdictz estimadours et de leurs
parens prohibés a heux de non estimer, comme est du père au filz
ou père, suogre et gendre, et frère a frère ; et feront serement come
les premiers, et leurs sera bailhé de l'argent de la comune troys
soulx pour ung chascun, aulx surdictz estimadours, en portent
escript signé et soubsigné de leursdictes mains des surdictz esti-
madours aulx bayllons du manifestz. Et ne pourront contradire ny
relluser les estimadours de faire les estimes desdictes maisons, sur
peyne d'un escu pour chascun qui reffusera la moytié au fisc (c)
et l'aultre moytié a l'aumorne de nostre juefrie. Et ne pourra le
juif ou juifve chasser lesdictz estimadours pour prandre d'aultres
estimadours, veu que les premiers auront une foys acoumancé, car
voulons que icelluy qu'aura acommancé finissent sans aulcuns
aultres.
{a) A la poene de vingt s. t., applicable au fisc.
0) Avec la permission dudict seigneur viguier.
(c) Applicable les deux tiers au fisc et l'aultre a ladite au-
mosne.
XVI.
Délai pour porter son manifeste et droit de jonction des manifestes en
certains cas spécifiés.
Nous sommes d'acord que le temps de porter le manifestz d'un
chascun et chascune de nostre comune sera despuis le jour qu'auront
prins le serement et lou A^r^w jusques a quinze jours du moys de
cevan * suyvant après. Et le temps du compter lesdictz manifestz sera
jusques a quinze du mois de quisselev^ suyvant après, ainsins pour
chascun tour de noz presens articles tant le tour des manifestz
comme le tour des tauxes.
* Voir la note suivante.
* C'est le mois de kislev, Z* de 1 année, par conséquent le mois nommé précédem-
ment est bien le mois de hesvan, 2« de l'année, non sivan, 9" de l'année. Si on lisait
sivan, l'opération se présenterait comme suit : le 1" hérem préventif prononcé en
ellul, le 3« hérem préventif prononcé dix mois après, en sivan, les manifestes addi-
102 REVUE DES ETUDES JUIVES
Et pour ce que, pour quelque excuse légitime, seroyt impossible
ou juif eu juifve de ne pouvoir acomplir son manifestz, allors les
bayllons des manifestz luy pourront donner dillay de troys jours
après les quinze jours, sans plus.
Aussi nostre vouloyr est que, durant le temps de noz presens
articles, ne pourra aulcun home ou famé de mettre son manifestz
l'un avecques l'aultre [a]^ excepté les famés avecques celuy de leur
mary et les veufves avecques celuy de son enfant ou de son gendre,
ou père ou filz, ou suogre ou gendre, ou deux frères ou deux
seurs. Et tous ceulx susdictz pourront meller leur manifestz en-
semble, proveu qu'ilz demeurent ensemble le temps que porteDt
leurs manifestz. Et si sont deux ou plusieurs que auront par lors
de marchandise ensemble, quelle qu'elle soyt, sera tenu ehascun
d'eux de manifester a leur manifestz la par ticu[lal rite de ladicte
marchandise qu'est acompaignié, exepté celle marchandise ne vail-
hant six soulx, qu'ilz pourront mettre le pris tout ensemble.
Et nostre vouloyr est que, au tour qu'i se feront les tauxes, que ce
fera la taxe du père a part et du filz a part et aultant des aultres sus-
dictz ; sera tenu icelluy qui ne fera manifestz de faire serement
s'il ha rien receu de son filz ou de son gendre ou de son frère.
Pareilhement fera serement [à] le père, ou le filz, ou le suogre,
ou le gendre, ou les deux frères qui font manifestz s'ilz hont faict
aulcune cession et remission a son filz, ou gendre, ou a son frère,
d'aulcune chose.
Aussi nostre vouloyr est que lou père et lou filz, le suogre et
gendre, les deux frères ou les deux seurs qui auront faict leurs
manifestz, le tour passé, ensemble, et au tour des taxes se voul-
dront deseparer l'un de l'aultre, nostre vouloyr est qu'ilz se puissent
desseparer leur manifestz, proveu que tous deus fassent leur ma-
nifestz particuUierement, sans ung vouloyr tenir la taxe et l'aultre
le manifestz, ou bien tenir toutz deux leurs taxes, pour éviter tout
frault.
[a) A la poene de dix fl. t., tant pour celluy qui le fera que
pour celluy qui le recepvra, applicable pour les deux tiers
au fisc et l'aultre a ladite aumosne.
{b) Avec la licence dudit seigneur viguier et celuy qui se
trouvera avoir fraudé son manifest encorira la poene contre
les fraudateurs indicté, et seront tenuz les baillons du maui-
tionnés (c'est le sens du mot compter) ù partir de cette époque jusqu'en kislev, c'esl-
ù-dirc cinq ou six mois apl^s. L'opération aurait duré quinze à seize mois, ce qui est
impossible. En lisant hosvan. tout s'explique : le_l«' hérem est prononcé en cllul,
12" mois, le 3' hérem on lusvan, 2' mois de l'année suivante, et ou finit de compter
les manifestes des retardataires en kislev, 3» mois. L'art. 38 prouve que c'est bien
ainsi que se passaient les choses, puisqu''on commençait à compter les manifestes aux
léles-léfjères des Cabanes, dans le mois de tisri. Le 1"" jour de kislev tombe fia no-
vembre ou dans les premiers jours de décembre, de sorte que par là se trouve aussi
résolu la petite diflioulté signalée ù l'art. 11,
LES JUIFS DANS LES ETATS FRANÇAIS DU PAPE 103
fest le révéler a la justice, sur la poene de dix fl. t. appli-
cables au fisc, et ce huict jours après que leur sera venu a leur
notice.
XVII.
Des excuses pour le retard des manifestes.
Nous sommes d'acord, si entrevenoyt, ja Dieu ne veulhe, temps
de peste au temps qu'i ce portent les manifestz ou bien qu'i ce prent
le serement de Vherem, ou verement si entrevenoyt le temps
qu'est l'accompliment de porter leur manifestz, que pour lors se
treuvat aulcum personnage, soyt home ou famé, fort malade, en
manière que tel personnage heusse légitime excuse de ne pouvoir
porter son manifestz durant cedict temps, ou bien que lesdictz telz
personnages feussent détenus et enserrés aulx prisons, et ce estroic-
tement en sorte qu'i ne poussent parler a personne, voulons que,
durant ledit temps de peste, le conseilb aura liberté d'allonger ledict
temps du manifestz, fins * qu'on soyt de retour en la ville.
Et aussi a toutz ceulx qui seront en extrémité de maladie, ou en
estroicte carce, comme desus est dict, ledict conseilh aura liberté de
alonger ledict temps de manifestz aulxdictz malades ou prisonniers,
tant que bon semblera a la plus grande part du conseilh, sans encou-
rir la peyne du serement surdict pourles raysons desdictes excu-
sations.
XVIII.
Règles pour V estimation des biens.
Nous sommes d'acord que tout home qui sera tauxateur au tour
des tauxesne puisse estre extimadour, en aulcune chose que ce soyt,
dans ledict tour, a celle fin qu'il en se face ladicte estime par vie
d'innimytié et malveilhance. Aussi nostre vouloyr est tel que les
extimatours des marchandises et du mesnaige de possessions, qui
seront esleus au nioys à.'ellul prochain, comme a esté dict au pré-
cèdent article, seront esleuz sans point de sort, comme est dessus
dict, bien que le temps soyt anticipé selon la teneur de noz susdictz
articles.
Aussi nostre vouloyr est que les extimeurs des vinhes feront
l'estime des vinhes sans estimer les fruictz pandantz, car il suffit
que l'on paie du vim qui en sort pour la provision de la mayson
se que sera estimé.
• Jusqu'à ce que, en italien fino.
104 REVUE DES ETUDES JUIVES
XIX.
Instruction pour la rédaction des manifestes.
Nous sommes d'acord que tout home et famé de nostre comune se-
ront tenus d'escripre leurs manifestz de leurs mains ou des mains
d'aultruy par paroUes, motz et vocables escriptz au lonc et compleclz
aux sommes de l'argent. Et qu'ilz soyent escriptz en papier, en quelle
sorte que ce soyt, et mettront toutz leurs biens particulièrement. Et
pourront escripre le nombre et le pris des choses tout ensemble. Et les
choses que se doibvent mettre par nombre, se mettront par nombre ;
et celles que se doibvent mettre par mesure se mettront par mesure ;
et celles que se doibvent mettre par poix, se mettront par poix, bien
que soyent lesdictes choses dans sa maison ou hors de sadicte mai-
son, ou dans la ville d'Avignon ou hors de ladicte ville, ou en
quelque autre lyeu que ce soyt, exceptées les choses qui sont es-
criptes aux precedens articles, desquelles n'est attenu de manifester
ne paier.
Et seront pareilhement attenus de reveller faaulement tout ce
qii'ilz hont, bien qu'ilz soyent debtes deux a bonne foy ou sur
gaige ou par instrument et podixe en leur nom ou nom d'aultre, ou
soyent bagues et joyaulx d'argent, d'ore ou non d'ore, pierrerie
fine, perles enchâssées ou non enchâssées, argent ou or monnoyé
ou non monnoyé, aussi possession, terres, vinhes, et maisons, et
aultres possessions, aussi marchandise quelle que ce soyt, tant de
soye, layne que lyn et chenève, cuyr, estaing, plomb et de toute
sorte de mettail^h, bestailh, chievres, ouailhes, beufz, vaches, et
toute aultre manyere de bestailh, vins, huylles, bledz de toute
sorte de grains et de farine et toutes drogues d'apoticayre, et toute
aultre manière de marchandise quelle que ce soyt. Et sera tenu (a)
le manifestant au temps de compter le manifestz de croytre et
mettre en son manifestz tout ce qu'il porroyt avoir oblié et caché.
Et avecques cela, ne sera tenu perjure ne fraudateur de son ma-
nifestz.
[a] A la poene de vingt livres, applicables au fisc, et ce
oultre les aultres poenes indictées contre les fraudateurs de
leurs manifestz.
XX.
Objets dispensés de Vestimation.
Nous sommes d'acord que, durant le temps de ces presens
articles, sera la livre du mesnaige, comme robe de lictz, abilhe-
mentz tant d'homes que famés et enfans, tant du sabat que aultre
LES JUIFS DANS LES ÉTATS FUANÇAIS DU PAPE 105
festes, et robes de lin et toute aultre sorte de toilles, et toute fus-
tailhe tant de noyer que sapin et aultre boys de quoy que ce
soyt, boutes tines et tout utencille de cellier, jares, pilles, mortiers,
soyent grandz ou petitz, de toute tenue et capacité que ce soyt, et
toutz utencilz de fer entier ou rompu, plomb pour la nécessité de
la maison, et les livres escriptz en hébreu ne seront point extimés,
ny paieront rien, ny seront tenus a les reveller.
Aussi maisons, possessions, vinhes, acheptz de fruictz tant de
vinhes que d'aultres possessions pour la provision de la mayson,
pour une année tant seulement, sera de douze florins chascune li-
vrés. Toutesfoys, si les fruictz de lesdictes possessions montent plus
que de la provision de la maison pour une année, seront de huict
florins chascune livre, le surplus desdictz fruicts.
Et des choses dessus expressées seront au serement du mani-
festant que icelles ni a aulcune chose qu'il tienne pour vandre ou
faire marchandise. Et vim et huylle, bled, farine pour la provision
de la maison durant une année sera de douze florins l'année, et le
demeurant de ladicte marchandise sera de cincq florins la livre.
Et les bayllons du manifestz auront discrétion de regarder de
ce que luy sera neccessaire pour la provision de la mayson durant
l'année, de bled, de vin, huylle et farine. Et, s'il y a davantage
de ladicte marchandise, le bled sera estimé ce que ce vendra pour
lors ; aussi pareilhement de l'huylle, et poiera de ceste marchan-
dise : et sera livré come paie argent, or monnoyé et non monnoyé,
joyaulx, pierrerie, perles enchâssée ou non enchâssée, seinture
d'argent dorée ou non dorée, bendal de perles et toute marchandise
qui soyt lative gaiges, tout sera de cincq florins la livre ; combien
que lesdictz gaiges soyent faicts avecques, obligé sera aussi de cinq
florins la livre.
Aussi toutz livres de médecine, qui ne seront pour vendre, ne
paieront rien.
XXI.
Du calcul des dettes dans Vétat des Mens,
Nous sommes d'acord que tout home et famé de nostre comune
qui auront aulcuns debtes que se soyt, et de quelle somme que ce
soyt et en quel lyeu que ce soyt, soyt par instrument ou en bonne
foy ou en polizes, tant en son nom comme au nom d'aultruy, seront
tenus de les porter toutz en leurs manifestz.
Et premièrement toutz les debtes qui se feront ung chascum tour,
despuis le temps de la Magdaleine jusques au temps du complar
de leur manifestz, seront de six florins la livre, et les aultres debtes
qui seront bons les mettra a part, et les debtes qui sont en plaict
par libel de cancellation d'instrument, recision de contract ou quin-
106 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
quinelles, ou libel de cession de biens, qui sortirontde part la partie
du débiteur, le mettra a part. Et les debtes perduz, qui auront passés
dix ans ou vrayement qui auront faict cession de biens, les mettra
pareillement a part.
Car nostre vouloyr est qu'i payeront desdictes debtes en la ma-
nière gui s'ensuyt : c'est a scavoir : toutz les debtes qui seront
faictz d'avant la Magdaleine, qui soyent bons et valables selon
l'estime du manifestant, seront de huict florins la livre, et les
debtes pardus ou qui auront passés dix ans ou auroint faict cession
de biens, que le manifestant n'en aura reçeu aulcum profit de dix
ans, sera attenu le manifestant d'escripre les debtes susdictes de sa
main ou de la main d'aultruy a ses despans dans ung livre de la
comune (^), et se soubsignera soubs cascune pagine de ses sus-
dictes debtes, c'est a scavoir : les debtes pardus, et ceulx qui auront
faict cession de biens, et qui auront passés dix ans.
Car nostre vouloyr est que, toutesfoys qu'i recouvrera aulcune chose
d'eux, sera tenu, pour le serement de Vkerem, d'en donner la moytié
de ses susdictes debtes a la comune. Et, si avoyt despandu aulcun
argent pour recepvoir aulcun d'iceulx debtes, luy sera rebatu la
moytié des despens qu'il auroyt despandu pour recepvoir lesdictes
debtes. Et si faict aulcun apoinctement d'yceulx debtes, en les met-
tant a paies, donnera la moytié a ladicte comuDe de ce qu'il recou-
vrera, [après] estre venu le terme des paies, sur peyne de Vherem.
Toutesfoys les debtes qui sont en procès par les choses surdictes,
nostre vouloyr est que, de tout ce qu'il recouvrera d'yceulx debtes
en argent comptent, paiera dudict argent a raison de cincq florins la
livre despuis qu'ilz les aura reçus. El si faict aulcung apoinctement
avec ses débiteurs des debtes qui sont en procès, luy sera aumenté
et creu, pour tout icelluy tour du debte qu'il aura appoincté, la
somme de huyct florins la livre. Et avecques tout cela (^), seront te-
nus, quant ouyront le serement et lou herem^ de jurer de non porter
aulcun debte bon, de quelque manière que se soyt, pour malvais
et litigieux, et jurera du debte qu'est en procès ou pardu ou passé
dix ans.
Aussi seront tenus les bayllons des manifeslz de cogir toutz ma-
nifestanz, qui porteront ses debtes perdus, de les faire jurer, en
embrassant le rosle, s'ilz hoQt receu aulcune chose desdictes debtes,
tant de ceulx qui hont passés dix aus que ceulx qui honl faict cession
de biens et que sont perdus, pour paier la moytié a la comune.
Et seront cogis de leur faire paier dans troys jours, accompaignés
des bayllons. Et les debtes qu'esloint en procès et d'yceulx debtes
se sont apoinctés de paier le capital et le change passé, payeront
pour tout le tour despuis que la tailhe sera faicte. Et s'i ne lyrent
que le capital, non paieront, sinont despuis l'heure qu'auront faict
l'appoinctement, non pas pour tout le tour. Mais les dol)les qui
seront mis a paies paieront de toutz les paiemeus de toutes les
paies qui viendront dans le tour, corne s'ilz feusscut debtes bons.
LES JUIFS DANS LES ETATS FRANÇAIS DU PAPE 107
Et les paies qui viendront hors du tour ne paieront rien, toutesfoys
qu'il n'aie faict aulcune cession ou lemission des paies qui sortent
hors du tour et qu'i ne donne aulcung soulagement aulx débiteurs
pour recepvoir ledict debte avant que la paie. Car, s'i recouvre
dans le tour des paies susdictez passées, paiera la tailhe comme les
debtes qui viennent dans le tour, et cela sera tenu le particulier
de la denoncier en la vertu de Vherem.
(a) Sur la poene de cinquante sous t., applicable au fisc.
(à) Sur la poene contenue et indicte contre les fraudateurs
de leurs manifests, applicable comme dessus.
XXII.
Suite.
Nous sommes d'acord que, ung chascum tour des presens articles,
seront tenus les gentz du conseilh, qui seront pour lors, de eslire
deux ou troys homes pour aviser et regarder toutz les debtes qui
sont en procès; aussi les debtes perdus ; pareilhement cenlx qui
ont faict cessions de bien, pour poursuyvre de leur faire faire sere-
ment ou les acheter ou faire achepter. Et ceulx qui poursuivront
ledict affaire seront payés selon qu'il aparestra a la pluspart du
conseilh, qui pour lors seront. Et le cas advenant que quelcuin voul-
sit acheter lesdictz debtes, ou bien fit que aulcune personne pour-
suyvit tellement qu'il fit payer lesdictz debtes, nostre vouloyr est
que ledict argent qui sera recouvert desdites debtes, la partie en
aura la moytié, et de l'aultre moytié la moytié sera de la comune et
l'aultre moytié de celuy qui fera telle poursuyte pour ses peynes
et travaulx : et tout ce que pour ce faire sera despandu, sera pro-
porcionablement payé par lesdictes parties. Aussi sera loysible
audict conseilh de manifester (a) ou faire entendre a toute personne
qui vouldra acheter lesdilz debtes, et pour monstrer la particularité
desditz debtes, et ceulx qui seront esleus a ce faire feront diligence
a les vendre et faire faire serement a ceulx qui hont portés lesdictz
debtes.
Combien que par l'article précèdent aye esté dict que les bayl-
lons de manifestz ayent le pouvoir et liberté de faire faire le sere-
ment, toutesfoys nostre vouloyr est que ceulx qui seront esleus
ayent telle puyssance et liberté, et seront tenus de troys mois en
troys moys faire faire tel serement.
{a) Avec la licence et permission dudit seigneur viguier
pour une foys.
108 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
XXIII.
Tarif d'estimation.
Nous sommes d'acord que, durant le temps de ces presens articles,
sera extimé l'argent d'ore dix et huict florins le marc, pois de Paris,
sanctures d'argent dorées avecques le tissu douze florins le marc.
L'argent blanc, dix florins le marc, avecques le tissut. Et utencilles
garnis d'argent ou d'or seront, selon leur value, argent blanc net
seze florins le marc, Tor le denyer vauldra dix soulz, proveu tou-
teffbys que ledict or et argent ne soyt monnoyé et en biilon.
L'estaing deux soulz la livre, entier ou rompu. Cuyvre et loton
en ouvraige, entier ou rompu, ung sould et demy la livre. Et ceulx
qui sont garnis de fer, un sould fer et plomb, selon la discrétion du
manifestant. Lampes, chandelliers, caleihs, au pris du pris de loton.
Bendailh de perles, pierres fines, encbassées ou non enchâssées,
et perles sans bendailh, le manifestant les portera selon leur prix
et value. Et s'il apert aux bayllons de manifest que le bendailh de
perles et pierres précieuses et perles valent plus, porront lesdictz
bayllons de manifest eslire ung home du conseilh, ou hors du
conseilh, qui ira avecques ledict manifestant vers troys changeurs :
et le moyen pris, qui se treuvera desditz troys changeurs, sera le
pris des choses susdites. Aussi les abillementz qu'ilz portent quothi-
diennement toutz les jours les manifestantz, tant d'eulx que toutz
leurs enfans et mesnaige, ne sera point tenu de reveller, ne rien
payer. Aussi bois et charbon pour la nécessité de la maison ne
payera rien : et toute sorte de confiture et voUatilhe.
XXIV.
Défalcation des impôts imyés à V étranger.
Nous sommes d'acord que tout home ou famé de nostre comune
qui auront maysons ou possessions, debtes, hors la présente cité
d'Avignon et terroir d'icelle, et payera aulcune charge d'iceulx
hors la présente cité, nostre vouloyr est qu'il luy soyt detuite
et rabatue d'icelle la moytié de tout ce qu il payera en aultre
lyeu, proveu qu'il face foy par cedule de ce qu'il aura payé : et
tout ce qu'il aura acordé avecques avec la pluspart du conseilh,
aura vigueur et eiîicace.
Aussi les estimadours et estimadors des estimadours et aussi taxa-
teurs qui seront d'acord, ou la pluspart d'iceulx, auront vigueur et
efficace tout ansi que s'il avoit esté faict et passé par toutz eulx.
Et toute personne qui ne sera de nostre comune, que aura posses-
1
LES JUIFS DANS LES ÉTATS FRANÇAIS DU PAPE ^i09
sion ou maison icy, payera corne l'ung des aultres habitans de la
comune.
XXV.
Vérification des dettes existantes.
Nous sommes d'acord que tout home ou famé de nostre comune
qui aura aulcunz debtes, soyt par instrument public ou a la bonne
foy ou par podixe, soyt crestienne ou hebraicque, soyt dans la pré-
sente cité d'Avignon ou hors d'icelle, sera tenu de porter en son
manifestz lesdictz debtes qui luy seront deux particulièrement et
designer le nom et noms de celuy ou ceulx qui lui doibvent et le
nom du lyeu et celuy a qui yl est obligé, soyt en son nom ou au
nom d'aultres, et le nom du notaire et le nom d'yceluy qu'est
obligé, et le moys, et l'année, et le temps du payement tout entiè-
rement a la vérité («), ainsi qu'il est. Et seront tenus a monstrer auz
bayllons du manifestz la memoyre desdictz debtes {à) en tout temps
qu'ilz seront requis, en comptant leurs manifestz. Et seront tenus de
monstrer leurs livres, telz qu'i soyint, ou par escripture, ou par
papier, quant requis seront par les bayllons de manifestz, ou de
monstrer les testimoniales au temps que se comptent lesdictz mani-
festz, ou trente jours après. Et faisant cela ne sera dict parjur.
El toute question ou demande que ne se fera bien liquide par ins-
trument ou podixe que ceulx auront contre aulcun, tant en la pré-
sente cité d'Avignon que hors d'ycelle, ne sera tenu de reveller en son
manifestz la demande ou question susdite ne l'occasion d'ycelle, jus-
ques a ce qu'il sera requis par les bayllons de manifestz. Toutesfoys
nostre vouloyr est tel qu'il en face memoyre par escript en son mani-
festz, de ladicte demande ou question, et s'il apert aulx bayllons de
manifestz qu'elle ne soyt clere ne liquide, ne luy compteront ne payera
rien d'ycelle fins a tant qu'il aura receu et sera venue entre les mains.
Car des lors sera tenu de reveller a ceulx qui compteront son mani-
festz comment ladicte question et demande est liquidée. Et en payera
comme le droyt des aultres debtes.
Aussi toutz ceulx qui auront aulcuns debtes sur gaiges seront tenus
de reveller en son manifestz pai> escript le nom du débiteur et la par-
ticularité du gaige et la somme qu'il doybt, soyt argent ou aultre
chose, et le jour qu'il a preste, et par les mains de qui. Et sera
tenu de payer entieremeut comme le droyt de la marchandise,
comme il est contenu aulx presens articles.
(a) A la poene de dix fl. t., applicables au fisc.
(J) A la poene de cinquante s. t., applicables les deux tiers
au fisc et l'aultre a ladite aumosne.
110 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
XXVI.
Taxes payées par les personnes étrangères à la communauté.
Nous sommes d'acord que toutz ceulx qui ne seront de nostre
comune, qui vouldront venir s'apoincter ou habiter avecques nous,
les gens du conseilh qui seront pour lors ne pourront estre d'acord
avecques heux, que ne payent vint et quatre escus pour chascune
année, et avecques cela la pluspart du conseilh auront liberté de
s'apoincter avecques heux pour ung tour ou deux, ou plus, si bon
leur semble. Et pourront traficquer avecques nous en marchandise,
en gaiges, debtes et généralement en tout ce qu'i vouldront. Et ne
seront point compris audict appoinctement deux ensemble, ou père
ou filz, ou deux frères, que tous deux soient mariez. Toutesfoys que
le père et le filz duquel ne sera point marié pourront appoincter
ensemble, ou deux frères que l'un ne soyt point marié et l'aultre
marié; et si toutz deux estoint mariez, ce fera l'appoinctement a
ung chascun d'eux. Et chascun, soyt home ou famé, qui sera du
coûté qui vouldra appoincter avecques nous, pour et aulx fins de
traficquer en marchandise ou tenir clef de bouticque, ou pour porter
pour la ville, ou pour demeurer en boutique, pour vendre ou achep-
ter, nostre vouloyr est que le conseilh ne pourra appoincter avecques
heux a moins de deux escus pjour chascun moys, que sont vint et
quatre escus pour chascune année, et si vouloint payer davantage,
a leur bon playsir.
Toutesfoys les enfants qui seront du Conté, petiz et moindres de
quinze ans, et vouldront servir quelques ungs ou une de nostre
comune pour estre fateur de bouticque tant seuUement, nostre vou-
loir est que telz enfans payeront ung florin pour ung chascun moys.
Et si sont majeurs de quinze ans, et vouldriont servir come les petiz,
payeront deux florins pour chascun moys.
Et toutz ceulx et celles qui voudront demeurer en ladicte commune
sans faire trafic de marchandise ni tenir clef de bouctique, la plus-
part du conseilh se pourra acorder avecques luy a leur discrétion.
Et les bayllons de la comune qui seront pour lors seront cogis a les
faire sortir hors de la ville d'Avignon, avecques authorité de mes-
sieurs de la justice, toutz ceulx et celles qui ne se vouldront appoin-
cter, ny faire leur manifestz ou ne paieront la somme surdite. Et sera
peyne de dix florins {a) a ung chascun du conseilh qui vouldront
appoincter ceulx la moins de la peynes surdites.
Toutesfoys, les enfans de ladicte comune, que se sont transportés
d'.icy, ou bien se vouldront transporter, ne seront point compris en
ceste conclusion surdicte. Car les deux pars du conseilh se pourra
appoincter avecques heux, après avoir passe ung an selon leur
discrétion.
LES JUÏFS DANS LES ETATS FRANÇAIS DU PAPE 111
{a) Ledit seigneur viguier a ordonné que tous les appoinc-
temens et accordz susdits se feront par sa licence et autorité,
ou de ses successeurs en l'office, intervenant le consentemant
des deux partz de troys du conseil, et que se aura esgard
ez qualités des personnez qui viendront par deçà pour louer
ou tenir boticque.
XXVII.
Estimation du passif commercial.
Nous sommes d'acord que, durant le temps des presens articles,
tout home et famé de nostre comune qui portèrent en leurs mani-
festz qu'ilz sont débiteurs a crestien, juyf, par instrument ou en
bonne foy, ou sur gaige, ou par podixe, et porteront aussi en leurs
manifestz marchandises ou debtes qui seront deux a heux, ou sur
gaiges d'or ou argent monnoyé ou non monnoyé, ou bagues, ou
estain, ou cuyvre, ou loton, et que lesdictes choses ou partie
d'ycelles sont suffisantes a payer ce qu'ilz doibvent, nostre vouloyr
est qu'il ne luy soyt rien rebatu de ce qu'ilz doibvent, attendu qu'ils
ne doibvent point par neccessité, ains pour ce qu'ilz tracficquent
pour gainher. Toutesfoys, si ce qu'ilz doibvent monte plus que ce
qu'ilz hont en marchandise, en debtes, en gaiges, et argent, et or,
bagues, estain, et cuyvre, et loton, nostre vouloyr est que l'avan-
taige de ce qu'ilz doibvront leur sera rebatu des aultres biens, comme
robe de lict, acoutrementz de festes et de sabatz, robe de lyn et toute
manière de toille, et toute fustailhe tant de noyer que de sapin et de
toute aultre manière de boys quelle que ce soyt, en boutes tines
et tout utencille de cellier, fer, plomb, vin, huylle, bled, farine, mai-
sons, terres, vinbes, et des choses dessusdictes qui sont pour la
provision de la maison pour ung an.
XXVIII.
Époque de la perception des tailles.
Nous sommes d'acord que toutes les tailhes que les bayllons de
la comune, que ce lèveront dans le tour, se cuilhiront dans le tour,
selon le degré des livres, qui seront homes et famés de la comune
audict tour. Et si les tailhes que ce lèveront se feront en manière
que passent plus de troys moys après le tour, nous voulons que, le
tour que passera le temps après troys moys après le tour, seront,
selon les livres qui feront les particuliers et la comune au tour qui
viendra après, de croistre icelluy qui croissera et de diminuer icelluy
qui diminuera de ses livres, pour ce qu'i ne soyt aulcune ques-
tion ny débat au temps que se couttiseront les tailhes.
112 REVUE DES ETUDES JUIVES
Toutesfoys pourront les bayllons des manifestz (a), lever tailhes
en tout temps qu'ilz vouldront, si la nécessité cogit la comune, pro-
veu que gardent et observent l'ordre et la relgle desusdicte de
observer le droyt d'esgalisation quand passeront les tailhes plus que
de troys moys après le tour.
(a) Avec la licence dudit seigneur viguier et y intervenant
le consentement de la majeur part du conseil.
XXIX.
Remise des tailles.
Nous sommes d'acord que ung chascun de nostre comune qu'au-
ront maisons ou possessions dans la ville ou hors de la ville, le
conseilh pourra faire aulcun prepaulx de sollager ses tailhes, proveu
que les deux parties soient d'acord.
Toutesfoj^s, si le cas advenoyt a aulcun juyf ou juyfve de nostre
carrière aulcun malheur ou inconvénient manifest a ceulx que leurs
cottes seront de la main mineur, que ladicte desfortune montet plus
de vint et cincq escus, et ceulx que leur coste sera de la main
moienne, que ladicte desfortune montet plus de cincquante escus, et
ceulx que de la grand main, que leur defortune montera plus de
septante et cinq escus, nostre vouloyr est que lou conseilh, qui sera
pour lors, luy rebatra les sommes susdictes, et plus, si montent
davanlaige. Et si la somme est moindre de les sommes susdictes, a
chascune des cottes susdictes ne leurs sera rien rebatu.
Aussi nostre vouloyr est que icelluy qu'aura vendu {a) ou que
vendra les enfruicts de leurs maisons ou bien de leurs possessions,
que luy soyt rebatu le droyt de ce qu'aura vendu a ralle portion du
temps, et ne payera rien de ce que sera attenu a les possessions
pour les conditions desdits enfruitz.
(fl) Ledit seigneur viguier a ordonné que, ou le conseil ne
se voldroyt ou porroyt accorder, qu'il y pourvoirra comme
de raison, eu esgard aux pauvretez et infortunes convenuz ; et
quant aux venditions dez fruictz, y adjouste : cessant toute
fraude.
XXX.
Les valeurs en dépôt sont dispensées d'impôt.
Nous sommes d'acord que toutceluy que aura, emportant son ma-
nifestz, aulcun argent ou or, monooyé ou non monnoyé, ou bagues et
joyaulx, quclz qu'ilz soycnl, en commande, garde ou depposit entre
LES JUIFS DANS LES ÉTATS FRANÇAIS DU PAPE 113
ses mains, sera tenu de les reveller et manifester, par escripture ou
par paroUe, aulx bayllons des manifestz ou a la pluspart d'iceulx.
Toutesfoys d'iceulx n'en payera rien; mais s'il tracficquoyt ou lay-
soyt profit aulcun dudict argent, en payera (a), selon la cottisation
des auUre biens, corne dessus est expressé.
(a) A la poene de dix livres, applicablezles deuz tiers au fisc,
et l'aultre a Taumosne.
XXXI.
Du passif successoral non encore liquidé.
Nous sommes d'acord que tout heretier ou heretiere, que leurs père
ou mère seront allés de vie a trespas, ung an ou ung tour, et despuis
l'heretier ny Theretiere n'auront faict aulcun manifestz, nostre vou-
loyr est que l'heretier ny l'heretiere ne seront attenus, au premier
tour qu'auront faict leur manifestz après le desses de leur père ou
mère, de porter en leur manifestz ce qu'i ne scauront point des debtes
de leur père et de leur mère, sinon ce qu'i scauroit que sera a son
serement quand viendra a escouter Vherem. Et de ce qu'i ne scaura,
ne sera tenu de reveller ny payer. Toutesfoys, quand viendra a s'en
souvenir [a) d'aulcun debtes ou d'aultre chose, ou luy sera raporté,
revellé et declairé, nostre vouloyr est que, incontinent et sans dillay,
dans huict jours, doybvent venir reveller lesdictz debtes aulx bayl-
lons des manifestz, pour et aulx fins de augmenter a iceulx leurs
livres. Et pour iceulx debtes qu'i ne scavoyt au temps qu'aporta son
manifestz, aussi nostre vouloyr est que iceulx heretiers susdictz
doybvent faire serement [d) si scavent rien des debtes de leurs pères
et. mères avec iceulx qui hont porté leurs debtes pardus, come est
en procès, ou verement pardus, ou par cession de biens a heux
faicte, ou bien qu'auront passé dix ans, come est dict aulx prece-
dentz articles.
{a) A la poene de dix fl. t., applicables au fisc pour les deux
tiers et a ladite ausmone pour l'aultre.
ih] Avec la licence dudit seigneur viguyer.
XXXII.
Douaires i donations et successions.
Nous sommes d'acord que ung chascun de nostre comune, durant
le temps de ces presentz articles, qui auront receu aulcune doyre ou
donnation de qui que ce soyt, ou d'home ou famé, qui ne soyt point
de nostre comune, combien que ladicte doyre ou donnation demeurent
T. YIII, N° 15. 8
H/, REVUE DES ÉTUDES JUIVES
dans la ville ou bien hors d'icelle, sera icelluy qui recouvrera ladicte
doyre tenu venir davant les bayllons des manifestz, et ce dans trente
jours despuys le jour qu'aura receu ladicte doyre ou donation, et
fera serement (a), en tenant le rosle en la main, de denoncier aulxdilz
bayllons tout ce qu'il aura receu de ladicte do^-re et donnation :
payera, de tout ce qu'il aura receu, deux soulx tournoys pour chas-
cune livre, et ce durant six ans revoUuz, comptant despuis le jour
qu'aura receu ladicte doyre : et [après] estre passés lesdictz six ans,
sera ladicte doyre et donnation en charge, comme ses aultres biens,
et payer entièrement come les haultres habitans a la comune. Et,
avecques cela, fera son manifestz ou sera taxé comme les aultres.
Toutesfoys, come il a esté dict, de ce qu'aura receu de ladicte doyre
ne payera que deux soulx pour livres, durant les six ans [b). Et, si
ladicte doyre ou donation estoyt a paier, payera les six ans de
chascune paye selon la paie qu'il aura receu.
Et si, par fortune, venoyt le cas que le mary morusse avant la
famé, nostre vouloyr est que, en cas qu'il vinsse a randre ladicte
doyre , qu'il puisse retourner ladicte doyre sans payer aulcun
translat. Et si la famé venoyt a mourir avant le mary, nostre vou~
loyr est que les hère tiers de ladicte famé payera, pour le droyt de
translat, dix pour cent a la comune : et, si le mary vient a mourir et
a quelques enfants, et la famé se veuille transporter avecques ses
enfants, nostre vouloyr est qu'i paiera a nostre comune dix pour
cent pour le droyt de translat.
Et nostre vouloyr est aussi que, quant icelluy aura receu ladicte
doyre, fera son manifestz de ce qu'aura receu de ladicte doyre
a part, et ce que sera de ses biens a part, a celle fin qu'il paie
ce que sera du sien sans la doyre, comme les aultres de nostre
comune. Et les bayllons du manifestz escripront la livre de ce (juc
pourra monter ladicte doyre. Et toutes les choses que sont escriptes
en ce présent article, sera juste et selon la pe^me que playrra mettre
monseigneur le viguier avecques ses acesseurs [c].
[a) Avec la licence dudit seigneur viguyer.
[b) Le viguier avait fait ici une critique qu'il a ensuite annulée.
[c) A la poene de vingt cinq s. t., applicables pour deux tiers
au fisc et pour l'aultrc a l'ausmone.
XXXIII.
Dispense d'impôt aux orphelines et aux jeunes filles pauvres^ pour
faciliter leur mariage»
Nous sommes d'acord nue les gens du conseilh pourront avoir esgarl
a une povre horpheline ou non horpheliue de soulager leur tailhe, a
celle lin qu'i se puisse marier avecques quelque compaignon de
LES JUIFS DANS LES ÉTATS FRANÇAIS DU PAPE llo
nostre romune ou bien qui ne soyt de nostre comune, proveu que
les deux parties du conseilli s'acordeQt. Toutesfoys, despuys qu'au-
rout lieu ung sollagement de leurs tailhes, ne pourront demander
deux foys, et ce sollagement ce faict aulx fins que tel mariage
vienne a sortir son effect. Et le conseilh ne viendra a opprimer
d'avant ceulx qui demanderont ledict soulagement.
XXXIV.
Des fraudes commises dans les manifestes.
Nous sommes d'acord que toulz ceulx, soit home ou famé, que se
trouveront d'avoir fraudé son manifestz, que le frault monteroytplus
de dix florins après le temps designé a icelluy a porter son manifestz
c'est a scavoir tout le temps du comter, comme est dict et declairc en
l'article sexieme de nos susdictz articles), nostre vouloyr est que touiz
ceulx, soyt home ou famé, que sa cotte sera de la main mineur et se
trouvera qu'aura fraudé son manifestz plus que la somme susdicte de
dix ilorins, qu'il incourira la peyne de cincquante florins, applicques
la moytié au fisc et l'aultre moytié a Vhecdes. Et luy sera multiplié et
creu, pour chascune livre qu'aura fraudé, cincq florins au profit de
la comune.
Et icelluy ou celle que sa cotte sera de la main moienne et pareille-
ment aura fraudé son manifestz plus de la somme susdicte de dix
florins, encouriia la poyne de cent florins, la moytié au fisc et la
moytié a Vhecdes, et lui sera multiplié et creu de cincq livres sur
chascune livre qu'aura fraudé au proffit de la comune.
Et toutz ceulx et celles que leur cotte sera de la grand main et aura
fraudé son manifestz plus de la somme susdicte, encouriront la peyne
de cent et cincquante florins, la moytié au fisc [a) et l'aultre moylié
a Vhecdes. Et leur sera multiplié et creu pour chascune livre cincq
livres au proffit de la comune. Et oultres lesdictes poj nés que en-
couriront, seront ellongnés et segregés, come veulc nostre loy
hebraicque, et demeureront en l'escoUe a la place occidentale *
jusques a ce qu'auront paie ladicte poyne. Car nostre vouloyr est
que les bayllons du manifestz luy multiplient au fraudeurs des
mains surdictes, ou soyt home ou famé de ceste charge; c'est a
scavoyr, pour chascune livre qu'aura fraudé, cincq, oultre les poyues
surdictes.
[a) Lesdites poenez se applicqueront pour les deux tiers au
fisc et l'aultre a l'aumosne.
^ Place où se mettaient les personnes en deuil. L'excommunié observe eu général
les pratiques de la personne en deuil.
ne REVUE DES ÉTUDES JUIVES
XXXV.
ÉtaUissemeni de Vimpôt sur les immeubles récemment acquis.
Nous sommes d'acord que toutes personnes de noslre comune qui
auront achepté ou achepteront maisons, vinhesou aultres possessions
dans la présente cité et terroyr d'Avignon ou hors d'icelle, a payer ou
par manière de pancion perpétuelle ou en quelques manière que ce
soyt, nostre vouloyr est tel que les extimadours feront les estimes
desdictes maisons, vinhes et possessions de ceulx qui seront dans la
présente cité et terroyr d'Avignon, comme les aultres maisons, vinhes
et possessions de nostre comune. Et celles qui seront hors la présente
cité et terroyr d'Avignon, les estimadours feront Teslime feaulement
et avecques serement, comme dict est en l'article des extimadours.
Au si nostre vouloyr est que toute personne qu'aura achepté ou
acheptera maisons, vinhes ou possessions, desquelles n'aura rien
payé, nostre vouloyr est qu'il payera de tout ce qu'il aura desbourcé
pour les loz, aussi tout ce qu'il aura desbourcé en réparation des-
dictes possessions, et aussi de tout ce qu'il aura payé au venditeur.
Et seront les livres de tout ce qu'il aura desbourcé pour le los et
réparations et payement audict venditeur, de douze florins la livre.
XXXVI.
Sur les cessions fictives, faites en vue de se soustraire aux charges
du fisc.
Nous sommes d'acord que chascun home ou famé de nostre car-
rière, durant les presens articles, ne pourra faire de ses biens, en
tout ny en partie, aulcune donnation pure ny aussi cession et remis-
sion, ny aulcun oblige pour se acquiter et exempter de ses biens (a),
ny en tout ny en partie, des charges et subsides de la comune. Et s'il
a faict aulcune donation a ung juyf, prochain ou non prochain, ou
vrayement a ung chrestien,qui n'aict point intention que ladicte don-
nation ayct nessunc value ny que sorte de ses mains, sera tenu a revel-
Icr ladicte donnation, ou obligation, ou cession, ou remission, et payer
d'icelles corne de ses aultres biens. Aussi s'il avoyt faict aulcune
cession de ses debtes ou aulcune obligance de donation de ses
debtcs ou d'aultres choses, par manière qu'i se peussent soulager et
acquiter de payer les charges et succides que pourroint paier ses
biens. Et tumbera en la poynede perdre ladicte donnation, la moytié
au fisc et l'aultre a alhecdes.
Aussi, si cas advenoyt que deux frères, ou perc ou filz, ou suogre
et gendre, fissent leur mauifestz et fissent mention aulxdictz manie-
LES JUIFS DANS LES ÉTATS FRANÇAIS DU PAPE 117
festz que ung d'eux fust atteuu a l'aultre pour cause de quelque
droyl de doyre, noslre vouloyr est que icelluy, qui aura a recepvoir
argent a Toccasion de aulcune doyre, ne payera rien, mais les aultres
particuliers qui se seront débiteurs les ungs aulx aultres d'aulcuns
aultres afl'aires et sera passé le terme du payement, nostre vouloyr
est que icelluy qu'aura l'argent entre ses mains soy t attenu de payer
les tailhes durant le temps qu'i tiendra l'argent entre ses mains, a
celle fin que ne se face aulcun frault pour se vouloyr soulager au
faict des charges des tailhes.
(a) A la poene de dix s. t. ou aultre arbitraire, selon la qua-
lité de la personne et de la fraude, applicable au fisc.
XXXVII.
Que les Mens à manifester ne peuvent être prêtés occultement.
Nous sommes d'acord que aulcune personne de nostre comune ne
puisse garder, par vie de commande, aulcuns biens, soyt mesnaige,
bagues ou quelque aultre meuble quel qui ce soyt, d'aulcungs manifes-
tans, ny le père dulilz,nyle filz dupere,ny lesuogredugendre, nyau
par contre, ny le frère du frère, en aulcun prochain ou non prochain;
ainssera tenu de la reveller aux bayllons [a] de manifestz en vertu et
sur le seremeni de Vherem, a celle fin qu'ilzne usent de cautelle aulz
payementz des tailhes, quant lesdictz collecteurs iront a leurs mai-
sons, ou ne trouvassent rien pour les gaiges quant ilz lez avoint gaigés
aux maisons de leurs prochains ou non prochain. Et pourront les
bayllons des manifestz obtenir dudit seigneur viguier criés et
faire jurer toutz lesparentz d'icelluy s'ilz auriont rien dudit particu-
lier. Et icelluy, lequel le conseilh tiendra pour suspect, sera tenu de
faire scavoyr tout ce qu'il aura d'aulcune personne. Aussi tout home
ou famé qui auront aulcune chose en leur pouvoir seront tenus de le
reveller aulx bayllons du manifestz, sur peyne de ce que dira la crié
d^par messieurs les cortissans.
{a) A la poene de dix sous t., applicables au fisc.
XXXVIII.
Confection du manifeste général sur les manifestes partic^diers.
Nous sommes d'acord que, durant le temps de ces presentz articles,
seront tenus les bayllons des manifestz de demeurer toutes les
nuyctz par l'espasse de deux heures, exceptés les samedy et les
festes, dedans l'escoUe ou Vasara \ ou a une chambre expressément
* Voir plus haut, art. 3.
118 REVUE DES ETUDES JUIVES
pour heux, et ce, despuis les nuyes de les Festes Legieres^ de les
Cabanes, jusques le jour qui sera l'acompliment de comter leur
manifestz : et ce pour comter le manifestz d'ung chascung de nostre
comune et garder a heux et ne le tourner, mais sera a ung lyeu, dans
un coffre sarré, duquel coffre ung chascung bayllon aura la clef, diffé-
rentes les unes des aultres. Aussi pourront retourner {a) les aultres
manifestz anciens, en leur donnant le manifestz nouveaulx. Et dili-
genteront, avecques un chascundes manifestantz, de pouvoir multi-
plier de leur bon gré tout ce qu'ilz vouldront augmenter. Et escrip-
rontce que montera la somme du manifestz, avecques l'aumentation,
dans ung livre. Et le manifestant soubsignera son nom de sa main
propre, ou fera escripre par aultruy main, dans ledict livre des
bayllons de manifestz, soubs la somne de son manifestz. Et seront
tenus lesdictz particuliers de prandre de la main des manifestantz
la memoyre et record de toutz les debtes perdus, ou que sont en
procès, ou desquelz en sera faicle cession de biens, et de les escripre
en ung livre designé particulièrement (5), et de faire contraindre tout
manifestant de soubsigner son nom soubs iceulx debtes, come dict
est en l'article XXI^ des presens articles. Aussi seront tenus les
bayllons de manifestz d'escripre de leurs mains sur ung chascun
manifestz comment ilz hont receu lesdiclz manifestz dans le temps
convennable a les porter, et le jour qu'ilz hont receu le manifestz des
manifestantz. Aussi sera tenu tout home et famé de nostre comune
de venir, toutes foys et quantes qu'ilz seront requis par lesdiclz
bayllons, pour compter son manifestz, et ce, sur la peyne de six
gros, applicqués la moytié au fisc, et l'aultre a alheldes. Et si le
manifestant veult eslire quelung du conseilh, qui soyt avecques les
bayllons de manifestz au compter de son manifestz en sa présence,
luy sera donnée liberté de cela pouvoir faire. Et aussi tel est nostre
vouloyr qu'il soyt donnée foy et créance au serviteur desditz bayl-
lons, quant les ira appelLer, par manière qu'il seracreu contre celuy
qui récusera de venyr comme s'il Theust dict devant et en présence
de deux tesmoings. Et les gaiges dudict serviteur des particuliers
[résulteront] de la inhibitions aulx susdiclz, oultre la pojme que
plaira a monseigneur le viguier et a ses acesseurs de y mettre' (c).
1 On appelle fêtes légères les demi-fêtes de Pùquc (3« à 0» jour) en nissan, et de
la fêle des Cabanes (3*= ù 7« jour) en tisri.
» Cf. la bulle de Sixle IV, en 1479, que nous publions plus loin et qui s'exprime
ainsi : « Et insuper cum, sicut acccpimus, nonnuUi judci civilalis predicle taxam
eis, SGCundum formam sLalulorum sive arliculorum univcrsilalis ipsorum imposilam,
post illius impositionem diminucro seu diminui et moJcrari facere scpenumcro procu-
rent, unde alii judci in illius solutione plus quam deccat gravantur. slaluiraus et or-
dinamus quod nuUus judcus de cetero perpetuis l'uturis temporibus taxam hujus-
modi eis pro tcmporc irapositam, postquara per uuiversitalem judeorum hujusmodi
imposita fuerit, diminucrc scu modorari, aut illius dimiuuliouem sive modcrationem
procurarc, scu ctiam illam a legalo vcl gubornatorc dicte civitalis pro tcmpore exis-
tcnte aut quocumquc alio, sub pena decem marcharum argeuti uni lisco dicte lem-
poralis curie applicandarum, impctrare quoquomodo présumât, de:ernc!iles diminu-
tionem bujusmodi pro tcmporo factam nuUius existerc roboris vel momenti. »
LES JUIFS DANS LES ÉTATS FRAiNÇAIS DU PAPE 11'.)
(a) Lesdits manifestz se rendront a la forme et manière conte-
nue au douziesme article, et ce sur la [peine] aussi y contenue.
(b) Ledit seigneur viguier, pour obvier cz fraudez des mani-
festans et parvenir à rindemniLé de la comune, enjoinct aux
bailons des manifestz de diligemment s'enquérir et informer
des abuz et fraudez qui se commettront par lesdits manifes-
tanz, et ce sur la poene de dix livres, et de faire d'eux relation
a la court moiennent leurs serment, cessant toute faveur, yre,
heyne, amour et affection, et auront pour leur penez deux s. t.
pour livre, de ce que se trouvera avoir esté fraudé ; et ou les-
dits ballons se trouveront en ce comme dessus avoir delinqué
et faicte mauvaise relation encoriront ladite poene applicable
comme dessuz.
(c) A la poene de dix fl. t. applicables au fisc, sauf l'autorité
dudit seigneur.
XXXIX K
XL.
Confection du Midget. Défense de se livrer au commerce certains jours
fériés.
Nous sommes d'acord que, tout incontinent que sera parachevé le
contenant de toutz manifestz, seront tenus lesdictz bayllons de mani-
festz de faire une somme générale de toutes les livres des genlz
de nostre comune : et lors aviseront tout ce que sera neccessaire
a payer audict comun celle année, soyt en payer debtes finables,
pensions, cens ou aultres choses et toutes aultres despences. Et en
après viendront lesdictz bayllons davant le conseilh et leur declaire-
ront et m.anifesteront les sommes de toutes les livres. Et regarde-
ront entre heux en quelle sorte ce pourra faire une tailhe pour payer
ce qu'est neccessaire, et s'apoincteront et demeureront d'acord en-
semble. Et ne sortiront dudict conseilh et de Vazara et conseilh, c'est
a dire la maison de la Carte {sic) et du maseau, en aulcune manière,
jusques a ce que toutz, ou la pluspart d'iceulx, soyent d'acord sur
ce qu'il sera a faire en ce que sera neccessaire, et de faire en quelque
sorte pour appoincter les debtes et poncions : c'est assavoyr, de pro-
voquer ou faire provoquer la solution en paye desdictes debtes, ou
d'imposer une tailhe suffisente pour la satisfaction et paye des debtes
surdictes, par moyen que ladicte comune ou particuliers d'ycelle ne
soyent carcerés, arrestés, gaigés, ne consumé nostre argent en des-
* Cet article manque.
120 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
pences. Et cela feront toutes les années, en chascung tour de nos
articles, sur la poyne d'un florin, la moytié au fisc et l'aultre moytié
a Vàecdes.Et les bayllons de manifestz imposeront lesdictes tailhes [a)
selon la teneur de noz presens articles. Toutesfo^'s, tel est nostre
vouloyr qu'il soy t à la liberté des bayllons de manifestz et du conseilh,
c'est [à dire] de toutz ceulx ou de la pluspart, d'imposer tailhes en tout
temps qu'ilz vouldront et bon leur semblera, si a ce faire neccessité
les constrainct, pour despences, tant ordinaires que extraordinaires,
qui pourront entrevenir, selon la teneur de noz presens articles. Et
ne pourront lesdictz bayllons de manifestz imposer tailhe, soyt au
commancement de l'année ou aultre temps quel qui ce soyt, s'il n'est
que le conseilh soye d'acord ou la plus part, et ce sur la poyne d'ung
florin, laquelle incourira icelluy qui contreviendra a la teneur du pré-
sent article. Aussi nostre vouloyr est qu'en tout temps que lesdictz
bayllons de manifestz vouldront faire scavoir quelque chose a quelles
gentz de nostre comune, le fayront scavoir par la parolle du messa-
gier, soyt de jour ou de nuyct, et sera tenu ledict messagier de faire
entendre ladicte chose a haulte voix par toute nostre rue. Aussi nos-
tre vouloyr est tel, que toutes les conditions de nos articles aulx-
quelz sera dict et sera tenu ou seront tenus sans Imposer aulcune
peyne limitée par [lui] , ladicte peyne soyt d'ung florin, payable la moy-
tié au fisc et l'aultre a ïhecdes. Aussi nostre vouloyr est que tout le
temps de les Festes Legieres,de Pacques et de nostres Cabanes', et les
quatre Jeûnes de Tannée ^, ne pourra aulcung home ni famé de nostre
comune ouvrir les bouticques pourachepter ny vendre aulcune mar-
chandise, ny d'aller au logis avec marchandise pour vendre n^^ achep-
ter jusques à ce que soyt accomplie l'oraison du matin desdictz
jours : et ce, sur peyne de deux florins, la moytié au fisc, et l'aultre à
Vfiecdes. Et les bayllons de l'aumorne auront liberté {h) de faire jurer
tout home et famé qu'auront vandu ou achepté en ses jours la, en
cas advenant que ce voulsissent excuser que ladicte marchandise
feust vandue ou acheptée par avant lesdictz jours. Aussi pareille-
ment aux junes que la comune ordonnera de faire % quand ladicte
comune aura manifestée lesdictz jeûnes par le messagier la nuyct
paravent par toute la carrière a haulte voix, ne pourront achepler
ny vandre sur la poyne susdicte.
[a) Avec la licence et congyé dudit seigneur viguier.
{b) Avec permission dndit seigneur viguier.
R. DE Maulde.
(A suivre).
' Les demi- fûtes des Cabanes, au mois de tisri. V. la noie sur le calendrier et art. 38.
* Les quatre jeûnes de l'année sont 3 tisri, 10 tébel, 17 tammuz, 0 ab (destruction
du temple do Jérusalem).
' Jeunes exceptionnels ou particuliers à la communauté juive d'Avignon. Des jeûnes
de ce genre étaient ordonnés en présence ou en souvenir de calamités locales. V. An-
nuaire, I. 18S; II, 200.
NOTES ET MÉLANGES
RENSEIGNEMENTS DE SOURCE MUSULMANE SUR LA DIGNITÉ
DE RESCH-GALUTA
L Je n'ai pas l'ambition de contribuer, par les quelques extraits
que je vais donner des auteurs arabes, à éclairer l'histoire des
Resch-Galuta. Mais je pense que ces renseignements, empruntés
à des auteurs au milieu desquels ont vécu et agi ceux qui étaient
revêtus de cette dignité, pourront jeter quelque lumière sur la
situation des exilarques. Et, à ce point de vue, je crois pouvoir
affirmer que même la partie légendaire de ces extraits ne manque
pas d'une certaine valeur pour l'histoire littéraire ^
Avant tout je ferai remarquer que certains historiens arabes,
qui ont probablement emprunté ce qualificatif à des auteurs juifs,
donnent le titre de Râs-al-Gâlût - à des personnages qui ont vécu
bien longtemps avant que la dignité de Resch Galuta n'ait été
créée. Ainsi Al-Tabari ^ appelle Râs-al-Gàlùt un dignitaire dont
il donne le nom et qui a vécu au temps de Jésus-Christ. Cette
erreur a donné naissance à la légende que ce fut Râs-al-Gâlùt
lui-même qui a été crucifié à la place de Jésus-Christ*.
II. Le célèbre auteur musulman mutazilite, Abû-Othmân Al-
Gâhiz (mort en 869 après J.-C), parle des exilarques dans deux
1 Je ne mentionnerai pas ici les passages tirés de Al-Makrîzi et que M. Graelz
donne dans son Histoire^ t. V.
» Un orientaliste célèbre en son temps a traduit ce mot par « tète de Goliath ».
' Al-Tabari, Annales, édit. de Leyde, 1, p. 741.
* Ibn Hagar, Isâha, éd. de Calcutta, III, p. 107. Cet auteur cite Al-Farrà comme
une autorité en faveur de cette absurde légende.
122 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
de ses ouvrages. Un de ceux qu'il mentionne a vécu avant l'hégire.
Dans son livre Les beautés et les coyiiraires S il raconte que,
dans Tempire perse, « chaque fois que la fête de Naurûz avait
lieu un samedi, le Râs-al-Gâlùt devait payer 4,000 dirhem. On
ignore, dit-il, la cause de cet impôt, on sait seulement qu'il est
établi depuis longtemps et qu'il peut être considéré comme un
impôt de tolérance '^ »
Abû-Othmân parle encore du Râs-al-Gâlût dans son ouvrage
Sur les animaux^, qui, à la manière des livres arabes, s'occu-
pant de ce qui est absolument étranger à son sujet, et traitant
les questions les plus diverses, est une mine riche en rensei-
gnements pour l'histoire de la civilisation et les études juives*.
Cet auteur, dans une de ses nombreuses digressions, explique ce
qu'il faut entendre, selon lui, par Vesprit saint (Rùh-al-Kuds) :
« Quand Moïse, dit-il, s'écrie: Puisse l'esprit de Dieu être avec
tous les hommes, il veut dire l'infaillibilité et l'assistance divine.
C'est ainsi que les chrétiens disent d'un faux prophète que l'esprit
du mensonge est avec lui (N-ip'^î, Nb:\T =), et les Juifs disent que sur
tel et tel repose l'esprit de Belzébub^ c'est-à-dire de Satan. »
L'endroit où Abù-Othmân parle du Râs-al-Gâlût se trouve
f*^ 189 &. « Al-Asma'î, dit Abù-Othmàn, s'exprime ainsi : Et même
si tu fais sonner le schofar (mr^ujjtu n'obtiendras aucun résultat;
parle comme tu le fais d'habitude et dis des choses justes. Le mot
mn^:: désigne une espèce de cor, de trompette ("pn^); il est d'origine
persane ^ C'est un instrument dont se servent les Juifs. Lorsque,
pour punir un coupable, le Râs-al-Gàlùt lui interdit d'avoir
aucune relation avec ses semblables, la publication du châtiment
est accompagnée d'une sonnerie de schofar. Ce genre de châti-
ment ne se trouve pas dans le code des Juifs. Mais le Katholihos
et le Râs-al-Gâlùt n'ont pas le droit, dans les pays musulmans, de
condamner à la prison ou à la flagellation; ils peuvent seulement
infliger des amendes ou interdire tout commerce avecles hommes.
1 Ms. de la bibl. inip. de Vienne, n° 94, fol. 173 b.
* Cf. Kobak, Jcschunin, VIII. p. 7".
3 Kiiûb al-hetjwân^ ms. de la bibl. inap. de Vienne, n» 151.
* Ainsi, au fol. 2GG a se trouve un petit poème que Abu Sûlib al-Fezâri a com-
posé sur les mérites des Juifs; au f° 337 a, une satire contre les Juifs; f* 369 o,
des croyances populaires sur la mélamorpliose d'animaux en Juifs ; f» 377 a, sur la
circoncision, etc.
5 Notre ms. écrit en caractères arabes, Nlà'^0 jN^iO^.
^ Ecrit, en caractères arabes, dans notre ms., ri12"'.3*i'D.
7 On tro-.ve aussi *-,D0 plur. 'IDNID, comme nom du schofar eu arabe ; voy.
Kremcr Beilruge zur arabischcu Lcxicoijra})h\c [Sitzungsbcrichtc de TAcad. impériale
do Vienne, 1883, p. To],
NOTES ET MÉLANGES 123
Il faut ajouter que le KcUholîkos montre beaucoup d'égards pour
les personnages haut placés et jouissant d'une certaine considéra-
tion à la cour du sultan. Ainsi Timotliée ^ voulut frapper d'excom-
munication Aun, de la tribu d'Ibad, et lui interdire toute relation
avec les autres hommes. Mais Aun ayant fait la menace de se
convertir à l'islamisme, Timothée n'osa pas faire exécuter la sen-
tence qu'il avait prononcée contre lui. C'est ainsi que... '^ Michel
et Théophile s'abstinrent de faire perdre la vue à Manuel, quoique
leurs lois leur prescrivent de tuer ou de rendre aveugle celui qui
prôte assistance à un musulman contre un chrétien. Mais, dans ce
cas particulier, ils n'osèrent pas appliquer la peine édictée. Du
reste, nous avons parlé longuement de cette question dans notre
ouvrage sur les chrétiens. »
III. Les exilarques figurent quelquefois dans les légendes mira-
culeuses des Musulmans. Ainsi, Al- Alâ, fils de Abu-'Alâtha (vers la
fin du 11^ siècle de l'hégire), dans son récit du martyre de Iluseyn,
mentionne le fait suivant que leRàs-al-Gcilùt lui a raconté au nom
de son père :« Je ne passais jamais à chevaldevantKerbela, endroit
où Iluseyn a subi le martyre, sans éperonner ma monture et lui
faire traverser cet endroit au galop; nous savions par d'anciennes
traditions qu'un descendant d'un prophète serait tué en ce lieu, et je
cra^lgnais d'être moi-même ce descendant. Quand Huseyn eut été
tué en ce lieu, nous nous sommes dit que la prédiction s'était
réalisée, et depuis ce moment je passe à Kerbela sans me
presser ^ »
Le même auteur rapporte une autre fable dans laquelle figure
également un Râs-al-Gâlût. Dieu, après avoir chassé Adam du
Paradis, l'éleva sur la montagne de Abu-Kubeys, déroula toute la
terre devant ses yeux et lui dit : ^c Tout cela t'appartient. » —
« Gomment puis-je reconnaître, répondit Adam à Dieu, ce qui fait
partie de la terre? » Dieu voulut alors enseigner à Adam une
science qui lui permît de deviner par l'aspect de certaines étoiles
les mystères de la terre. Cette science parut trop difficile à Adam.
Dieu fit descendre du ciel un miroir dans lequel Adam put aperce-
voir tout l'univers. A la mort d'Adam, un Satan nommé DiapD
brisa ce miroir et éleva sur ses débris, à l'Est, une ville du nom de
de Gâbart. Lorsque Salomon fut devenu roi, il voulut posséder ce
miroir merveilleux. On lui raconta ce qu'avait fait Satan. Salomon
1 Dans le ms , C)^"nnkN^L3.
* b'^pUJJî:)^. Je ne possède pas ici les ouvrages nécessaires pour me permettre de
constater l'identité des chefs de TÉglise que menlionuo cet auteur.
3 Al-Tabari, Annales, II, p. 287.
124 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
força Satan à détruire la ville et à lui procurer le miroir désiré.
La A'ille fut détruite et les morceaux du miroir furent remis à Salo-
mon qui les rassembla et les rattacha ensemble par une courroie.
Salomon mort, les démons volèrent ce miroir à l'exception d'un seul
morceau qu'ils oublièrent d'emporter. Ce petit débris passa de
génération en génération et parvint enfin en la possession du Ràs-
al-Gâlût qui l'offrit à Merwân ibn Mohammed, le dernier khalife
de la dynastie des Omayyades. Ce dernier le fit réduire en poudre
et introduire ainsi dans un autre miroir. Ce miroir montra au
khalife tout ce qu'il lui déplaisait de voir. Merwân ibn Mohammed
ordonna de jeter ce miroir et de décapiter le Râs-al-Gâlùt.
Lorsqu'Abu Ga'far, deuxième khalife de la dynastie des Abba-
sides, fut arrivé au pouvoir, il fit chercher de nouveau ce mi-
roir et, grâce à lui, découvrit la retraite de Mohammed ibn Abda-
lalla, prétendant de la famille d'Ali, et, ayant fait poursuivre ce
rival, lui infligea les plus cruelles tortures ^ »
Voici un passage de Al-Kaz\vini -, que me signale mon ami
M. Bâcher, qui se rattache à ce paragraphe. On y rapporte ce
récit de Al-A'masch : Mugâhid (mort en l'an 102 de Ihégire)
aimait à entendre des histoires sur des sujets merveilleux et
à les vérifier sur place. Il alla donc une fois à Babylone et dit
au gouverneur de la ville, Al-IIaggâg, qui lui demandait le but
de son voyage, qu'il avait une affaire à vider avec le Râs-al-Gâlùt.
Le gouvernement fait venir l'exilarque et lui dit d'expédier l'af-
faire de Mugâhid. . . Le voyageur demande alors à l'exilarque de
lui montrer Hàrût et MâriU. Le Râs-al-Gâlùt donne l'ordre à
un de ses domestiques juifs de remplir le désir de Mugâhid. On
raconte ensuite qu'ils se glissent dans un trou où ils voient
MâriU et Hârût^ grands comme deux montagnes qui auraient la
tôte en bas. Le Juif impose au voyageur cette condition qu'il ne
devra pas prononcer le nom de Dieu pendant sa visite aux deux
démons. Mugâhid oublie cette recommandation, aussi manque-t-il
de périr. 11 est intéressant de voir que le Resch Galouta joue un
rôle dans ces histoires fabuleuses.
IV. Nous savons par les auteurs arabes que les Israélites, établis
dans les pays musulmans, étaient fiers de vanter devant les
Mahométans, qui les méprisaient, la dignité élevée de l'exilarque
et son origine royale. Ibn Lahi*a (mort en l'année 174 de l'hégire)
raconte le fait suivant sur Abul-Aswad : « Je rencontrai, un jour.
« IhuL. m, p. 165/:
> Alhûr al-hilâd, éd. Wûstenfeld, p. 203 ; cf. ^Agâ \b almachlûkât, p. 197.
NOTES ET MÉLANGES 125
le Râs-al-Gâlût qui me dit : « Entre le roi David et moi il y a un
intervalle de 70 générations, et cependant les Juifs me témoignent
un grand respect, reconnaissent mes droits de descendant royal
et considèrent comme un devoir de me protéger. Entre vous et
votre prophète il n'y a qu'une génération et déjà vous avez tué le
fils (le petit-fils) de ce prophète, Huseyn ^ »
Pour expliquer les paroles que je viens de citer, il est bon de
faire remarquer que Abul-Aswad, le créateur de la grammaire
arabe qui faisait remonter les origines de cette science jusqu'à
Ali, appartenait à la secte des Schiites. C'est sans doute sous
l'inspiration de l'esprit de parti qui caractérise cette secte qu'il
fait ressortir ce contraste entre le 70® descendant de David,
respecté par les Juifs, et le petit-fils de Mahomet, tué par les
musulmans ^.
Le polémiste fanatique, Ibn-Hazm, déclare encore au y« siècle de
rhégire que les Juifs parlaient avec orgueil de la dignité de leurs
exilarques et de leur origine royale, et il prétend que Samuel-
ibn-Nagdôla rapportait à sa propre personne le passage de la Ge-
nèse XIX, 10 ^ Ibn-Hazm, qui a soutenu verbalement une discus-
sion avec un savant juif contemporain au sujet de l'explication de
ce verset, caractérise ainsi la dignité de l'exilarque : « Le Râs-al-
Gâlùt, dit-il, n'a aucun pouvoir ni sur les Juifs ni sur les autres
hommes ; il possède un titre purement nominal et auquel n'est
attaché aucun privilège ni aucune autorité. » Il démontre qu'avec
la royauté a disparu en Juda tout pouvoir et que cette dignité de
Râs-al-Gâlût a été accordée depuis peu de temps « jusqu'à nos
jours » par le gouvernement musulman à un descendant de David.
Ibn-Hazm, qui écrit ces mots après l'an 1013 après J.-C, termine
ainsi : « Quelques historiens prétendent que Hérode, son fils et
son petit-fils étaient de la tribu de Juda ; je crois qu'ils étaient
plutôt d'origine romaine *. »
Une dernière remarque : le pluriel de Râs-al-Oâlût dont se sert
Ibn-Hazm dans le passage cité, est Ruus-al-Gawàlit , Les musul-
mans désignent par Gâlûtî les Juifs rabbanites par opposition
aux 'Anâni ou Garaïtes ^
Ignaz Goldziher.
Budapest,
» Ibn 'Abdi Rabbihi, Al 'Ikd al farîd, éd. de Bulàk, II, p. 309.
2 Cf. Zeitschrift der D. M. G., XXIX, p. 320.
3 Kobak, Jeschumn, VIII, p. 76,
* Ms. de la bibliotbèque de Leyde, Warner, n° 480, I, fol, 60, verso.
^ Dieterici, Thier und Mensrh vor dem Kônig der Genien, p. 125-126.
126 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
LE PBÉTENDU COMMENTAIRE D'ISAAC ISRAÉLI
SUR LE LIVRE YECIRA
Sommes-nous réellement en possession du commentaire d'Isaac
Israéli sur le livre Yeçira? Voilà ce que jusqu'à présent on ne peut
affirmer. On sait qu'il existe un commentaire sur le Se fer Yeçira
attribué par différents manuscrits à plusieurs auteurs, à Isaac
Israéli, à Jacob b. Nissim et à Dunasch b. Tamim ; on sait, en outre,
que certains manuscrits attribuent à ce même Israéli plusieurs
commentaires différents. Ainsi, un même commentaire rapporté à
plusieurs auteurs, parmi lesquels Isaac Israéli, et plusieurs com-
mentaires différents rapportés au seul Israéli. C'est plus qu'il n'en
faut pour embrouiller le problème. On a naturellement épuisé
toute la série des combinaisons possibles et, en fin de compte, on
a cru pouvoir supposer que, sous le titre de commentaire d'Isaac
Israéli, nous possédons trois ouvrages différents dus à deux ou
trois auteurs, ou un travail remanié différemment par trois au-
teurs. Quoique ce commentaire n'ait pas été soumis aune analyse
rigoureuse, l'examen qui a été fait des manuscrits permet cepen-
dant d'affirmer que nous sommes en présence de plusieurs tra-
ducîions de plusieurs versions d'un même ouvrage.
Quel a été vraiment l'auteur de cet ouvrage? Pour M. Stein-
scbneider (AlfaraU p. 218, note T, il w'y a pas de doute, « la pater-
nité du commentaire appartient sûrement à Isaac Israéli, contrai-
rement à l'opinion do Munk ». Sur quoi se fonde cette assertion?
Sur cette circonstance que l'auteur du commentaire, en parlant
des veines qui se dirigent vers le foie, et qu'il appelle Np-^-isxra
« mésaraïques », se réfère à son ouvrage sur Vuri)ie. Or précisé-
ment l'ouvrage d'Israéli sur les urines {De urinis) parle des
veines mésaraïques (mesaraica?).
Examinons les passages où le commentaire se réfère ainsi au
livre sur l'Urine.
Au sujet de ces mots du Sôfer Yeçwa, cli. V, 3 : ncr t:^"^•w
îi3"^n72 Yi2'2 l^':;:» • • • nrjiuîD, « des douze éléments simples créés
avec une nature hostile », le commentaire fait la remarque sui-
vante ' :
* Je cile d'après le ms. de Muuich, n° 92, qui ollribuc le commentaire à Jacob
b. Nissim.
NOTES ET MELANGES 127
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. pnc^ TiT^ ?iTb isn^nsïD ï^7273 inbiîb ';^^2:>73 û\x:i"i"' ir-^'m
« Cette phrase signifie que chacune des forces de ces membres
organiques est en opposition avec celle de l'autre à cause de leur
opposition inhérente en qualités. Ainsi l'estomac est naturelle-
ment froid, le foie chaud, humide, bouillant, la chaleur du foie est
ainsi en opposition avec le froid de l'estomac. Aussi entre eux
deux est placée la bile comme réservoir de la bile jaune, car la
bile jaune est chaude et sèche. La bile a deux orifices, l'un déver-
sant dans l'estomac pour contrebalancer son froid et Taider à
cuire les aliments, l'autre déversant dans les intestins pour les
exciter et les aider à expulser les matières excrémentaires qui y
sont parvenues. La rate est froide et sèche en opposition avec la
chaleur et l'humidité du foie. C'est en elle que se déverse le reste
de la bile noire, froide et sèche venant du foie. Or, si nous voulions
expliquer cette question, nous serions forcés de trop nous étendre
et nous sortirions du sujet que nous traitons en ce chapitre. »
Puis le commentateur ajoute — et ici je .cite en regard du texte
attribué à Jacob b. Nissim et traduit par Moïse b. Joseph, le texte
attribué à Dunasch b. Tamim et traduit par Nahum (ms. de Berlin,
243, oct.) :
JACOB B. NISSIM. 1 NAHUM.
ï-iT r-iN [lis. "-17: J< pb] t=:\ pn
b^ ""^ to'^rîbNn Tyxv,i2) ïiT 1^\12^yb
^^\12^^b^ ryMzr\ T^2S ^12^y m?2n
■^-i7a:ib yr\i2r\ nit: ib m-ann "^^
■^r: n73Dn73 -in^i bïanb 1^3321 n7JN!n
t-i^sn mniTann rjbisTa ^r\^ biD
ts: ^72^ ^^b û-^br^nii ■'723 i^-innc
'^r;bi«?r; rr^iir n; n72"irb riT pn*
t»<ir;i iiTDn ni< ipn73 "^di-î bso
mN r!i£i3 n^n ibx '^ï:nr;u; n^ss
■imfi< !-Tr:i72 T^\'^'r^^ ^n72:;b '\'zzr\
V'^i^ V^ r^"> ^^"^^^ b-jn^i n72i:rb
b:D'»23 rî7:snn v^ "i^^ ûr:: bL23n^o
128
REVUE DES ÉTUDES JUIVES
« Nous avons d'ailleurs développé cette question dans l'ouvrage
que nous avons composé sur la Science de Vurine. Voilà ce que signi-
fient les mots : « L'un en opposition avec l'autre, telle est l'œuvre
de Dieu ». Tout contraire est établi en face d'un autre, mais sans le
vaincre entièrement, car il absorberait en lui son opposé et l'anéan-
tirait. Or il n'est pas raisonnable qu'une chose créée par la sagesse
divine soit anéantie : ces contraires étant l'œuvre de la sagesse qui
ne peut être anéantie. »
La traduction de Nahum dit : le livre que nous avons écrit sur
Vurine.
Le deuxième passage du commentaire, qui mentionne le traité
De urmis, traite de la même question. A propos de ces mots du
texte (cil. VI, 3) : ir>rbr;n !in7:!n nnsn û\^2r>:5 nobc, « il y a trois
organes qui sont ennemis, le foie, la bile et la langue », le com-
mentaire étudie le rôle de ces différents organes dans l'acte de la
digestion, par rapport à leurs qualités élémentaires, et il termine
par ces paroles :
!-iT lin^n nnDi in^ab t2ip72ïi
« Nous aurions encore beaucoup à dire là-dessus, mais ce n'en est
pas ici le lieu, car nous avons déjà développé cette question dans le
Litre des urines » (Nahum, « dans notre autre livre »).
D'après ces textes, que devons nous nous attendre à trouver
dans le De iirinis? Non pas, évidemment, la théorie générale de la
digestion, mais les oppositions admirables que présentent les dif-
férents organes digestifs dans leurs vertus élémentaires, la sagesse
merveilleuse avec laquelle ces organes sont reliés entre eux par
des canaux dont les vertus servent de transition et d'intermédiaire
entre les caractères opposés des organes. Or, rien de semblable
dansisraéli, aucune trace de ces idées vraiment originales. Voici
tout ce qu'il dit sur la digestion (Introduction au Liber ur inarum,
édit. deLeyde, 1515, fMôS*"):
Digestio' enim triplex est et tria loca in corpore possidet. Primum
in stomacho. Secundum in épate. Tertium in omnibus membris
corporis. In stomacho digeritur cibus et potus : omnia enim ingre-
dicntia corpus : sivc sint cibi sive potus; primitus ad stomacbum
traliunlur ubi digcruntur et excoquuntur et in suocum quasi m
ptisanum convertuntur : deinde in nutrimentum suum stomachus
l'our fucililor la loclure de ce passage, nous résolvons les abréviations.
NOTES ET MELANGES 129
sibi attrahit quod nature sue est simile et complexioni ejus : et su-
perflua deponit ex foramine suo inferiori : quod portam vocant phi-
losophi : ad intestinum junctum huic foramini : quod duodénum
vocatur quare quanti tas sui per mesuram cujusque hominis duo-
decim sunt digiti cum suis dimensa digitis. Hoc intestinum in
longitudinem dorsi est erectum : et quantitas sue concavitatis est
sicut quantitas foraminis porte : quod ideo porta vocatur quare
usque ad nature necessitatem eibum a stomacho deponens clauditur :
quem cum deponere incipiat aperitur illa porta et descendit esca : et
clauditur postea sicut fuit antea. Cum autem cibus ad intestinum
vgniat : accipit inde nutrimenta sua : que nature sue assimilât :
quod autem remanet sicut torcular extorquitur deponens in intesti-
num sibi junctum : quod est tortum rotundum et globosum : a me-
dicis vocatur jéjunum, vulgus autem rotundum dicit et portam
lactis. Ad quod intestinum cum cibus veniat : trahit sibi totum
succum ad humectationem epatis : acsi magnes ferrum traheret.
Intestinum autem emittit illam humectationem epati quasi sudo-
rem cum foramen unde exeat apertum non habeat. Accipitur ergo
cibus a quibusdam venis sibi invicem solidatis atque junctis :
et inter intestinum et epar positis : he mesaraice sunt vocate.
Epar vero cum aie bis succum ceperit : mittit eum ad coquendum
suis venis. Intestinum autem predictum in longitudinem dorsi erec-
tum est : et non rotundum nec globosum sicut aliud fuit intesti-
num... Epar vero de succo sibi quem excoquendum suis dimiserat
venis : sanguinem facit : et grossum dividens a subtili : in sui nutri-
menti confortamentum : sueque substantie assimulamentum accipit :
quod remanet omnibus membris mittens corporis. Unde omnia ipsa
membra sibi trahunt sue nature et substantie assimilantia *.
Où est donc la ressemblance qu'on s'attendait à trouver entre
les développements des deux ouvrages? Dans la présence d'un
mot : Mesaraicse. Or, la conception anatomique que représente ce
mot est tout à fait en dehors des raisons qui ont motivé la citation
du livre De iirinis; en outre ce terme était très usité et le seul
clair pour rendre la chose, c'est-à-dire les veines qui vont des
intestins au foie -.
* On trouve bien dans le commentaire les détails anatomiques suivants :
tr^^^y2 y^h^ z>r:)i2'T^ ni^iri'^T oo^n \y^i2li buïnb moi "insïi
Mais le commentateur n'attache pas d'importance à ces détails et ce n'est pas à ce
propos qu'il cite le De urinis,
* Cicéron dit dans le De natiira deomm, II, 55 : « Succus quo alimur permanat ad
jecur, per quasdam a medio intestino ad portam jecoris ductas vias • ; et Hyrtl (0/jo-
matologia anatomica, p. 327) dit à ce sujet que Cicéron entend par là les veines
mésaraïques.
T. VIII, N» 15. 9
130 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Je vais montrer combien Temxjloi de ce mot était fréquent. Dans
le traité — le principal ouvrage anatomique du moj'en âge —
De communibus ynedico cognitu necessariis locis, attribué à tort
à Constantin l'Africain et rangé sous un autre titre parmi les
œuvres d'Isaac Israéli, on lit (liv. III, ch. xxvi) : « Ab intestinis
quoque procurrunt ad epar, et hse vocantur meseraicae, per quas
succus cibi ad epar tendit ab intestinis. » Dans le Colliget d'Averroës
(Venise, 1560, f*^ 10 a), liv.IV,cli. xlv :« In mesaraicis venientibus
ab liepate ad intestina», passage rendu comme suit par l'auteur
anonyme de la traduction hébraïque de ce recueil (ms. Munich 29,
Le scholastique Guillaume de Conches ', dit : « Per venas, quas
dicunt mesaraicas, quod subtile est et purum, remittit ad hepar. »
C'est ainsi que s'exprime également un anatomiste du commen-
cement du xiv« siècle "^ : « Inter membra nutritiva principalius
est epar, et ei deserviunt stomachus cibos digerens et vense
mesaraycse, id est, médiatrices, déportantes succos vitales
ptisanarias a stomacho ad epar ». Ce mot a passé dans les écrits
hébraïques. Dans le Ni£^3n 'o^, attribué faussement à Maïmonide,
nous lisons : T"3>bn p"«^.'û7D mNisiii ^nDOn ûmis û-^N-np û^pbnn ^'::^î■|.
Un autre passage du commentaire du Séfe?" Yeçira peut encore
faire penser à un ouvrage d'Israéli, c'est la fin du ch. m, où
l'auteur parle des Éléments et termine ainsi son développement :
nbwN ^pbn û'^:no72 "]^n rir nss;^ dip7:n nt nbirn r;T Yiy m^n nniDT
'^Drrnnn i-^3>b m^n^ m-^^N'pTj nv^n i:\s'nm ri:p^b trirp^ m'riD'^n
r\)rpth ûnitp?:. Mais il n'est pas possible d'affirmer que ce pas-
sage fasse allusion au livre d'Isaac sur les Éléments, car il ne con-
tient rien d'assez caractéristique pour nous permettre de déclarer
avec certitude qu'il s'agit bien de cet ouvrage. Du reste, il est
parfaitement permis de supposer qu'un autre' auteur et même un
disciple d'Israéli a composé également un ouvrage sur un sujet
aussi attrayant que les Éléments.
Et, sans aller plus loin, il nous paraît assez difficile d'attribuer
à Isaac Israéli un commentaire dans lequel il est cité avec le
titre de maître ; ù moins de supposer que ce commentaire, com-
posé par Israéli, ait été refait par un de ses disciples, hypothèse
qui ne s'appuyerait sur rien. On trouvera peut-être un jour un
des ouvrages que l'auteur inconnu de ce commentaire cite comme
» Voir Migne, Pairologia latina, vol. CLXXX, p. 608.
' Voir J. Florian, Anatomie des Magister Richardus, p. 19.
' Voir -^s-ia \2, éd. Polak, p. ix.
NOTES ET MELAiNGES 131
étant de lui. Mais on peut prédire, dès maintenant, qu'aucun de
ces ouvrages ne sera signé du nom d'Isaac Israéli. Cet auteur est
célèbre, et nous ne pouvons pas admettre que plusieurs de ses
écrits aient été perdus et qu'on en ait oublié jusqu'aux titres. La
plus ancienne mention que je connaisse de ce commentaire, dans
la littérature, est celle qui en est faite par le commentaire ma-
nuscrit de Yehuda b. Barzilaï, sur le livre Vectra. Malheureu-
sement, Yehuda ne cite pas de nom d'auteur, il dit seulement :
MT nsD i^ïîns^ û^^nsD^ïi ]i2 iriN , « un des commentaires qui ont
commenté ce livre ». L'extrait assez connu de notre commentaire
qu'il cite, est le passage suivant, expliqué par Munk : Ti^inn 'i^idi
'iN^abN njîon {^"np^n û5in©n:n ^nnns "raïN nsD3 "^tin ni"! 'jïT'bs^. Is-
raéli est bien mentionné dans les ouvrages postérieurs comme au-
teur du commentaire sur le livre Veçira^ mais cela n'est pas un
argument valable, car les manuscrits ont pu commencer de bonne
heure à se tromper sur le nom du véritable auteur de cet ou-
vrage.— Quoi qu'il en soit, je n'ai cherché qu'à montrer dans
cette question importante que l'argument de M. Steinschneider
était un argument tout à fait spécieux et qu'il ne prouvait abso-
lument rien en faveur de la paternité d'Isaac Israéli.
Puissent ces quelques observations suggérer à un savant
l'envie d'étudier de nouveau, avec rigueur, cette question lit-
téraire.
David Kaufmann.
Budapest, 12 novembre 1883.
LES CERCLES INTELLECTUELS DE BATALYOUSI
M. H. Derenbourg a bien voulu s'occuper, dans un article de la
Revue ^, de mon ouvrage sur Al-Batalyoûsi, et je suis heureux
qu'un arabisant aussi distingué que lui ait cherché à fixer une
fois pour toutes la date de la mort de ce philosophe. Je n'ai, sur
cette question, aucune opinion personnelle ; en indiquant, pour
cette date, l'année 421 de l'hégire, j'ai uniquement suivi (voir mes
Spuren, p. 10, note 3), Steinschneider et Socin, chez lesquels on
» Tome YII, p. 276.
132 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
trouvera tout ce qu'on savait, à l'époque où ils écrivaient, sur
cette matière. Ne voulant point entreprendre de recherche nou-
velle concernant la question de savoir si notre philosophe était
mort en 421 ou en 521 de l'hégire, je m'en suis rapporté d'autant
plus volontiers à Steinschneider, que cet écrivain d'une critique si
sûre a plusieurs fois insisté pour faire adopter la date de 421 K
Cette question n'a, du reste, aucune importance pour mon travail.
Que Batalyoûsi fût mort au xi° ou au xii^ siècle, j'ai pensé qu'il
n'était pas sans intérêt de rechercher si la question des cercles
intellectuels était connue ou non des philosophes juifs du xi°
siècle et je suis arrivé à un résultat négatif. Même pour Ibn Ga-
birol, chez lequel il semble qu'on trouve des analogies avec Batal-
yoûsi, j'ai formellement repoussé (page 27) l'idée qu'il ait puisé
chez Batalyoûsi et supposé qu'ils pouvaient avoir utilisé tous deux
les mêmes écrits néo-platoniciens. Je n'ai donc jamais « accusé
Ibn Gabirol d'avoir copié Al-Batalyoûsi. »
Je puis donc assister tranquillement au débat sur la date de la
mort de Batalyoûsi et j'accepte avec reconnaissance le renseigne-
ment que M. Derenbourg tire de l'ouvrage d'Ibn Baschkoual qui a
été récemment publié et qui confirme que Batalyoûsi serait mort
en 521. Mais je ne saurais admettre avec M. Derenbourg qu'Al-
Gazzâli, loin d'avoir copié Batalyoûsi, ait été, au contraire, l'in-
venteur des cercles intellectuels. M. D., en soutenant cette thèse,
s'autorise de cette circonstance que l'ouvrage des Cercles intel-
lectuels a même été attribué à Gazzâli ^, mais je ne connais que
Gavison qui ait fait cette attribution, comme je l'ai indiqué dans
mes Spuren ^, et qu'est-ce que cela prouve ? 11 y a aussi toute une
série d'auteurs juifs qui attribuent la Balance des 'pensées de Gaz-
zâli à Ibn Roschd*. Gazzâli et Batalyoûsi ont été contemporains,
et si l'on veut savoir lequel des deux a copié l'autre, il faut consi-
dérer le caractère de ces deux écrivains. En théologie, Gazzâli est
un écrivain original ; en philosophie, c'est un plagiaire. Son ad-
versaire Ibn Roschd a dit de lui que toute sa science est em-
pruntée à Ibn Sina *, et nous savons spécialement que dans sa
Balance des 'pensées il a largement usé des Frères de la pi(-
^ Dims sa Pseudejùgraphiiche Littratur, index; s. v. Bataliusi : « xi» siècle;
K:hez Il)B Challikau, fausscmenl xii" siècle > ; dans son catal. des mss. hébr. de
Munich, f). 67, n" 2 : « Mourut 421 de l'hégire (1030), non 521, comme prétendenl
la plupart 'des sources. »
' Je n'ai pas trouvé dans VAlfarahi de M. Steinschneider, p. 115, le passage fur
lequel s'appuie M, D., lievue^ p. 278, note 5.
^ Page 9, noie 4.
* Steinschneider, ibid.
'' Sinîon Duran, Qi^sc/icf ou-'niagcn, 1" 23^.
iNOTES ET MELAiNGES 133
reté. M. D. pense que Batalyoûsi était un écrivain inconnu, et que
son livre, « perdu dans l'oubli », était indigne d'être copié par
un auteur comme Al-Gazzâli. J'ai au contraire montré qu'Ibn
Sabîn encore, l'orgueilleux correspondant de Frédéric II, n'a pas
dédaigné de s'approprier tout un morceau des Cercles intellec-
tuels de notre auteur *. M. D. signale, il est vrai, le manuscrit
d'un ouvrage de Gazzâli écrit de la main de Batalyoûsi ^ ; d'où on
conclurait que Batalyoûsi, ayant copié matériellement un ouvrage
de Gazzâli, l'aurait utilisé en môme temps pour ses Cercles intel-
lectuels, mais cet ouvrage copié par Batalyoûsi est, non la Ba-
lance des pensées^ mais la Balance des actions, qui n'a rien de
commun avec les Cercles intellectuels.
Il faut, en outre, remarquer que l'ouvrage tout entier de Bata-
lyoûsi est consacré aux cercles intellectuels et que ceux-ci ne for-
ment, au contraire, qu'un mince détail dans l'ouvrage de Gazzâli.
L'hypothèse que la notion des cercles intellectuels soit empruntée
par Gazzâli à Batalyoûsi est donc bien plus probable que l'hypo-
thèse contraire. M. D. semble douter, en général, que Batalyoûsi
ait jamais rendu quelque service à la science philosophique, et
il suit, en ceci, les bibliographes arabes, qui ignorent même les
Cercles intellectuels, mais on a pu voir au congrès de Leyde qu'il
n'en est pas ainsi. Landberg, dans son Catalogue des mss. arabes
à el-Medîna, indique, sous le n« 566 (p. 159), un livre philoso-
phique de notre auteur qui est maintenant, avec toute cette col-
lection d'El Médina, à la bibliothèque de l'Université de Leyde.
Avec cet ouvrage, que ce soit ou non les Cercles intellectuels, on
pourra poursuivre avec plus de précision que je ne l'ai fait les
traces de l'influence de Batalyoûsi sur les philosophes juifs du
moyen âge. Qu'il me soit seulement permis de dire dès à présent
que, depuis la publication de mes Spuren, j'ai découvert, entre
autres sources, dans le Commentaire du Pentateuque de Bahya b.
Ascher, sur Genèse, II, 7, tout un morceau emprunté à mes textes
de Batalyoûsi (p. 54) et que l'on peut rectifier dans Bahya au
moyen de ce texte.
M. D. me paraît très injuste pour Moïse Ibn Tibbon (p. 2*79 de
son article). Cet écrivain a rendu accessibles aux Juifs les ou-
vrages les plus importants de la science profane, il a traduit avec
un talent remarquable des ouvrages de philosophie, d'astronomie,
de mathématiques, de médecine. Ses travaux ont droit à tous nos
respects.
* Voir mes Spurcn, p. 8, note 1.
2 Hevue, p. 278, uole 6.
134 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Un mot encore, pour finir. J'ai écrit Batlayoùsi au lieu de Bata-
lyoûsi, qui est la vraie leçon, uniquement pour me conformer à
la prononciation qui a été adoptée par les littérateurs juifs.
David Kaufmann.
LOCALITÉS ILLUSTIIÉES PAU LE MARTYRE DES JUIFS
EN 1096 ET 1349.
M. Neubauer a publié dans cette Revue * des extraits du Memor-
buch de Maj^ence qui renferment des renseignements si abondants
sur l'histoire des persécutions des Juifs au moyen âge. M. Jellinek
avait imprimé avant lui, en 1881, sous le titre de Contros Ha-me-
honen plusieurs de ces mémoriaux, sans toutefois identifier les
noms des localités qui ont été le théâtre de ces tristes événe-
ments. C'est cette lacune que nous allons essayer de combler ici.
Sur 279 noms que contient la première liste, il n'3' en a que
8 qui résistent présentement à toute identification. Dans la
seconde partie, sur 81, il en reste -9 qui me paraissent indéchif-
frables, bien qu'ils doivent appartenir à la Franconie. Je laisse en
hébreu ces noms obscurs, de môme que je mets entre parenthèses,
en hébreu, ceux dont l'identification n'est pas absolument sûre.
La première partie, qui occupe les pages 5 à 9 du Contros se
rapporte à la grande persécution de 1349; la seconde, qui est
extraite d'un manuscrit appartenant à M. Charleville, rabbin de
Versailles, à celle de 1096.
Basse-Alsace. — Strasbourg, Thaun, Rouirach, Ilaguenau, Wis-
sembourg, Saverne.
Palatinat. — Spire, Saint- Wendol (Yai'^'nb), Germcrsheim. Rhein-
zabern, Kaiscr.'^lautern, Neacastel (ou Blicscaslel), Kusol, Laudau,
Nxîustadt-sur-le-llaardt, Wacheuheini, Durkheim, Dcidcsheim. Sins-
hcim, Wiesloch (*]'>b3y3"'ii), Eppingon, Bruchsal.
Palatinat rhénan. — Worms, Alt-Leiuingcn (entre Diirkheim et
* Voyez tome IV. pafrc 1.
NOTES ET MÉLANGES 135
Grûnstadt, ';:;^5"i-nb), Heppenheim, Bensheim, Laudenburg, AIzei,
Odernheim, Heidelberg, Weinheim, Schriesheim, Eberbach, Erbach,
Mosbach.
Archevêché de Mayence. — Mayence, Oppenheira, Bingen, Creuz-
nach, Sobernheim, ';n^ip"in (peut-être ni^^p^^'n, Rhingacw = Rheingau,
nom de toute la province), EUfeld (actuellement Eltville dans le
Rheingau).
Franconie. — Francfort-sur-le-Main, Hanau, Babenhausen,
Steinheim, Ofï'enbach (:i'n:3 "iniN), Seligenstadt, Dieburg, Obernburg
{j>^^'2 )'û''i^), Miltenberg, Amorbach, Buchen, Walldurn, Kulsheim,
Tauber-Bischofsheim,Butthard (N^'iT^m ?), Lauda ("j^Nb), Mergentbeim,
Wurzbourg, Kitzingen, Iphofen, Scbweinfurt, Hassfurt, Kœnigsberg,
Ebern, Bamberg, Meiningen, Cobourg, Hildburgbausen, Nuremberg,
Neustadt (entre Nuremberg et Iphofen), Windsheim (û'iiii'iJit'Ti),
Neumarkt, Hersbruck, Rothenbourg (Franconie moyenne), Anspach,
Gunzenhausen.
SouABE. — Ulm, Dillingen, Bopfingen, Ehingen, Graisbach, Rain,
Ulbach (^:nb!'3iN), Harburg (entre Donauwœrth et Nœrdlingen, — 'j^N^i
:;'-i"i3), Memmingen, Gundelfmgen, Riedlingen ("jN^i^^b^^i^), EUwangen
(';:i3Nbn:î', il est impossible de penser à Erlangen, car cette ville se
trouve dans une autre région que les suivantes), Krailsbeim
(û^ïiUî^^ip), Wasser-Trudingen (';N:;5'ib'^Tit:), Dinkelsbûhl, Hall, Heil-
bronn, CEhringen. — Wurtemberg.
Bavière. — Augsbourg, Inspruck, Landshut, Mlihldorf, Wasser-
burg, Laufen, Rattenberg (dans le Tyrol, ^'n3>nu55n;j<^ ; Ravensberg,
que donnerait le mot hébreu, se trouve en Souabe), Burghausen.
Passau ("i^idid), Straubing, Hallein, Salzbourg.
Autriche. — Krems.
Province de Garniole, 'nTû^'n (peut-être Saint-Poelten, qui, il est
vrai, ne se trouve pas dans la Garniole), ybî.
Linz, y"l^"li5<b, Np^lD (Pozzen = Bozzen, dans le Tyrol ?).
Possessions impériales de la Provence, de la Bourgogne et de la
Souabe.
Suisse. — Bregenz (^laiy-ia).
Ueberlingen (où, en 1332, furent brûlés près de 300 Juifs inculpés
de meurtre rituel), Constance, Stein, Feldkirch (*;3>in'^pb3>r), Diessen-
hofen, Zurich, Schaffouse, Bâle.
Alsace. — Guebviller ou Dettwiller ( 'ns^b^'^ni!:::^ ) , Ensisheim
(d"'^n3:5>), Kaisersberg, Brisach, Sennheim (Gernay), Rosheim, sur
la Magel.
SiLÉsiE. — Breslau, Neisse, Schweidnitz.
Saxe. —Hall, Eisenberg (à deux milles de léna). Erfurt, Arnstein,
AUstedt (-i5ntbt<), Weimar ('-iiN'^''n), Weissensée, N2^3> (Sœmmerda?),
Eisenach, Gotha (n'i^i:^), Vacha (^a^i) sur la Werra.
136 REVUE DES ETUDES JUIVES
Hartz.— Nordhausen, Stolberg, Elrich,Frankenhausen, aa^^^-iia,
Wallhausen (ifinb^np).
Brunswick. — Mûhlhausen, Eschwege, Hersfeld, Heiligenstadt,
Hildesheim.
IIesse. — Fulda, Gelnhausen, Wezlar, Friedberg, Soden, Giessen,
Steinheim (une ville de ce nom se trouve sur le Main, une autre
près de Salmûnster).
SouABE. — Esslingen, Reutlingen, Beilstein (Nb"'ii, près de Heil-
bronn, ou Bûlil dans le duché de Bade), Pforzheim, Yaibingen,
Gaislingen, -imij-î (Herrenberg?), Ettlingen, Durlach, Goeppingen.
Hesse. — Marbourg, Hombourg, Rauschenburg (5"n3b''b3>n"ij Ro-
denberg.
Elkctorat de Trêves {Basse-Moselle). — Coblence, Lahnstein,
Braubach, Boppard, Ober-Wesel, Kaub, Bacharach, Limbourg, Mon-
tabaur,Diez, Andernach, Mayen, MiJnster = Maifeld, Alken, Carden,
Muden, Gochem, Beilstein -.
Électorat de Trêves [Haute-Moselle]. — Trêves, Berncastel, Trar-
bach, Wittlich, Woermeldingen (dans le Luxembourg ou Wintringen
près de Remich, 'i5<^2"ibn5:>Ti\ Echternacb, Luxembourg.
Hollande. — Brabant, Antdorf (ancien nom d'Anvers), Mecheln,
Bruxelles, Xanten.
Westphalie. — Stift Munster, Ochtrup, Borken, Cambray (aupa-
ravant Cameracli ou Camerik, "TiDSp), Warendorf, Herford, Bielefeld,
Detmold, Scbuttorf (in^^li^j"^"»:)), Bentbeim,
Dortmund, Osnabruck, Soest, Buren.
Saxe. — Meissen, «U5*^3, Ntb'^j^, Guben.
Bohème. — Prague.
Electorat de Cologne. — Cologne, Bonn, Lechenicli, Abrweiler,
Sinzig, Remagen, Kerpen, Dûren, Birgel (b'^i'^in), Linnich, Alden-
hoven, Jïilich (lN:i5"«'T^i^?*), Euskirchen, Holzweiler, Gladbach, Erke-
lenz, Dulken, Kempen, Uerdingen, Neuss, Ileimbacli ('^3i:n), Moers,
Mouheim, Stoinmeln, Grevenbroich, Uormagen, Rheinberg, ISim-
wegen, Berchem ', Arnheim, Zulpheu, ZwoUe, Mecheln ^ Deventer,
Kempen (près de Ileinsberg), Munster = Eifel, Gerolsteim, Alten-
alir, Siegburg, Blankenburg, Ilachenburg, Rodenburg (sma''^aX"i},
Deutz.
Brandebourg. — Berlin, Stendal, Angermunde, Oslerburg (entre
Selhauseu et Stendal), Spandau.
* L'dnumération des petites villes situées près de Trêves et de Cologne montre que
cette liste a été faite à Dcut/, par un Juif des provinces rhénanes.
* Brisch, Gcsrhichtc dcr Jmkn in Coehi, lit Rœdiugen.
' Brisch lit Biidcrich.
* Le Mecheln de plus haut est-il la province cl celui-ci la ville?
NOTES ET MELANGES 137
1096'.
Roettingen, Neustadt sur la Saal, Einersheim (diTJ5:\T'''5<), Winds-
heim, Ochsenfurt, Kœnigshofen, Lauda, i^^^bj^-]^, Mosbach, Ipho-
fen, Hoechstadt, Ilassfurt, Schweinfurt, Ikelsheim, Forchheim
(ûn^mn), Ebermannsledt, Ornbau (i:;^^^^), Ellwangen, Dinkelsbûhl
(b!n:*DU5bp3>T), CELtingea,Wasser-Trudingen, Hohen-Trudingen, Unter-
Windsbach, Gunzenhausen,Bischofsheim, Karlstadt, Meiningen, Um-
merstadt (u'j'iZJinbi^î), "Wertheim, Weissenburg, Berching, t<33p3U^D,
'j-j^i-jujs'^^i^, Lauingen (p5^:iib), dîisnin, Neumarkt, '^Tl:::^, Weikers-
heim, Uffenheim, £]'TTi^3nî:ûU5n, Zeuln, i!^ph^^, Greiz (p3^i^">-i:i), Kro-
nach (Ninp) , Lichtenfels (^bi::sïi?) , Burg - Kunstadt , Gallbofen
(pin^ibwS'^:), Aub (^m5<), p'nDS^Nn, Scheinfeld, Nœrdlingen, Bibart
(entre Iphofen et Neustadt), atûUi^^-n (Neustadt?), Heideck, Amberg,
HoUfeld, Hersbruck, Waldenberg (ou Waldenfels), Sondbeim. Wolffs-
berg (dans Tévêché de Bamberg ppU5Db"n), Rottenbourg, Altdorf,
Ingelfingen, Œhringen, iîblî<L2p'^\S (Eicbstaedt ?), Wurzbourg, Nu-
remberg, Rothenbourg (sur la frontière bavaro-wurtembourgeoise),
Bamberg, Butthard (p^'^-n), Kunzelsau, Schleusingen, Melricbstadt,
aau3i73, Heidingsfeld, Gross-Rinderfeld (p^^n^D'n), Vohburg, Géra
(Nlûi:;}, Weissensée, Gobourg (Nn^ûblp), Gotha.
Le"vin.
Coblence, 1883.
INSCRIPTION JUIVE DU MUSÉE DE SAINT- GERMAIN
Le musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye
possède une pierre tombale juive, trouvée entre la ville de Mantes
et la commune de Limay (qui n'est séparée de cette ville que par
un pont sur la Seine), dans un terrain de remblais au bord de
l'eau. Cette pierre a la forme d'un trapèze de 50 à 60 centim. en
hauteur, sur 43 de largeur, elle est brisée à gauche.
Lorsqu'on l'a trouvée couverte déterre, une ligne au milieu était
seule visible d'abord, et le premier archéologue qui l'a vue s'est
* Fragment d'un mémorial originaire d'une ville de Fraconie (Wurzbourg?).
138 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
cru en présence d'une inscription celtique. Elle se compose des
trois lignes suivantes :
Ceci est le monument funèbre [nialiiT: n^T
deBelnie... ^ !i5<^5b:3
Dans la première ligne, il est aisé de recomposer les deux der-
nières lettres à gauche, restituées ici entre [ ]; malheureusement,
il est impossible de rien conjecturer pour la fin de la deuxième
ligne. La troisième ligne comprend un seul mot, sans lacune.
Tout l'intérêt de cette petite inscription réside dans le nom
prop^^e qu'elle contient. C'est un complément minime à l'onomas-
tique des Juifs de France.
Le dernier mot est dh]bu5, Paix, ou un reste du mot n?3bu5, Sa-
lomon (fille de Salomon). .
La pierre en question ne porte malheureusement pas de date;
mais comme une pierre similaire a été trouvée dans le même ter-
ritoire * avec la date de 1341, on peut attribuer celle de Saint-
Germain à peu près à la même époque. Peut-être même faut-il
remonter de plusieurs siècles plus avant.
Moïse Schwab.
LES JUIFS DANS L'OPINION CHRÉTIENNE AUX XYIF
ET XYIir SIÈCLES : PEUCHET ET DIDEROT
I
Dans ses curieux Mémoires tirés de la police (tome I",
page 145), Peuchet- parle d'un événement qui inquiéta Paris
* Publiée par M. de Longpérier, Journal des Savants, 1874, pp. 671-2, qui a rec-
tifie ce que ses prédécesseurs, Ar. Cassen et P. de Guilhcrmy, avaient écrit d'erroné
à ce sujet.
» Jacques Peuchet (17118-1830) fut archiviste de la préfecture de police pendant la
Reslauralion. Parmi ses nombreux ouvraf^es les Mdmo\rcs en 6 volumes, que je cite.
sont le plus intéressnnl ; i( rcads Itkr romance. Quoique Pcuchrl ail Irnvailllé d'après
«les pièces au(henli()ucs, son poùl pour le romanesque cl l'cxlraordinaire doit meltrc
eu garde le Iccleur. (Mon allenlion a élé attirée sur le premier passage relatif aux
NOTES ET MELANGES 139
dans la seconde moitié du xyii» siècle, quelques années après la
nomination de La Reynie au poste de lieutenant général de la
police (1667). « Depuis environ quatre mois, vingt-six jeunes gens
manquaient à leurs familles, inconsolables d'une telle perte. Des
bruits mystérieux et contradictoires circulaient... (Quelques-uns)
affirmaient que les juifs crucifiaient de temps à autre les chré-
tiens, en haine du Dieu crucifié. Cette folle opinion ne prévalut
heureusement pas. » Bientôt, en effet, la police réussit à mettre la
main sur les auteurs de ces meurtres : c'était une bande de mal-
faiteurs qui se servait d'une femme comme appât pour attirer
les jouvenceaux de Paris dans un guet-apens d'où pas un ne
revenait.
Ce court passage de Peuchet doit donner à réfléchir. On y
voit d'abord la persistance avec laquelle l'odieuse accusation du
sang rituel s'est maintenue, même dans notre pays et en plein
XVII® siècle ; ensuite, il semble bien en résulter qu'à cette date
(vers 16*70), malgré l'interdiction générale de séjour renouvelée
en termes sévères par Louis XIII, il y avait* encore quelques
familles juives isolées à Paris. Quoique le même fait ressorte
de plusieurs Mazarinades sur lesquelles M. le baron J. de Roth-
schild se proposait de faire- une étude, je crois qu'il convient
de réserver encore son opinion jusqu'à plus ample preuve ; il
se peut, en effet, que la clameur publique ait attribué les enlè-
vements de 1670 à des Juifs de Metz, envoyés clandestinement
à Paris par leurs coreligionnaires. Précisément en cette année
1670 on trouve un arrêt de parlement de Metz condamnant un
Juif à être brûlé « pour avoir égorgé un enfant du village de
Glatigny * ».
Je ne quitterai pas les Mémoires de Peuchet sans y signaler un
autre fait curieux appartenant au siècle suivant et qui touche
incidemment aux Juifs. En 1750 on constatait à Paris de nom-
breuses disparitions, non plus déjeunes gens, mais d'enfants;
la rumeur publique accusa le roi d'être l'auteur de ces enlève-
ments, le roi qui, pour rétablir sa santé minée par ses excès,
Juifs par une note de M. Paul Lacombe dans V Intermédiaire des chercheurs et des cu-
rieîicc, n" du 10 octobre 1883.]
1 C'est la célèbre atfaire de Raphaël Lévy (de Boulay) et consorts, sur laquelle on
peut consnHev Abrégé du procès fait aux Juifs de Metz. Paris, 1670 ; Richard Simon,
Facîum servant de réponse au livre intitulé : Abrégé du Procez fait aux Juifs de
Metz, s. d. ; Calmet, Histoire de Lorraine {] 128), Ul, p. 753; Richard Simon, Lettres
choisies, II, 8; Béguin, in Revue Orientale, II, 454; Archives israédtcs, 1841,
p. 371, etc., 1842, p. 14, etc.; et, en outre, les ouvrages courants de Eisenmenger
(II, 224), Grégoire (III, 5], Halphen (p. 172), Cassel (p. 113), Bédarridcs (p. 374)'et
Graetz (X, p. 271). On sait que Raphaël Lévy fut réhabilité Tannée suivante — après
son supplice.
140 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
s'était fait, disait-on, prescrire par ses médecins des bains de sang
humain. Les esprits étaient tellement montés que Louis XV n'o-
sait plus traverser la capitale pour se rendre de Versailles à
Compiègne : il fallut construire rapidement pour son usage un
chemin qui faisait le tour des murailles et qui porte encore au-
jourd'hui le nom significatif de Route de la Révolte. Cependant,
cette fois encore, l'opinion s'était égarée : le roi était innocent et
l'on finit par découvrir le vrai coupable : il n'était autre que le
trop fameux comte de Charolais, cette espèce de brute à figure
humaine qui s'amusait à tirer les couvreurs sur les toits et à qui
Louis XV, un jour qu'il venait encore de lui faire grâce, adressa
ces paroles terribles : « La grâce de celui qui vous tuera est signée
d'avance. »
Le comte de Charolais était parent du roi * ; on ne pouvait le
poursuivre judiciairement, le scandale eût été trop grand ; mais
le roi lui imposa la suprême humiliation d'écrire une confession
détaillée de son crime. Peuchet en a retrouvé aux archives de la
préfecture de police une copie dont il suspecte, il est vrai, l'au-
thenticité. Le comte de Charolais y déclare avoir eu l'idée de son
monstrueux remède depuis qu'il avait appris et constaté l'heureux
effet qu'en avait éprouvé un certain prince russe Trespatky. Le
Trespatky le tenait lui-même d'un médecin oriental nommé Aben-
hakib, sorte de « Mongol quart païen, quart suisse {sic), quart
chrétien, quart musulman ^ ». Quiconque a l'habitude des textes
du xviii® siècle reconnaîtra aussitôt dans le mot suisse une faute
de lecture commise par Peuchet pour juif. On le voit : sous
Louis XV, comme sous Louis XIV, dès qu'il est question de
meurtre d'enfants ou déjeunes gens, on peut être sûr que le juif
n'est pas loin — dans l'imagination du peuple ou des grands sei-
gneurs.
II
La philosophie des encyclopédistes eut, entre autres bons résul-
tats, celui de dissiper ces superstitions d'un autre âge, non pas en
les combattant directement, mais en habituant peu à peu les
esprits à une critique plus saine et plus réfléchie. Toutefois on
' Charles de Bourbon, comte de Charolais (1700-1760), était lils de Louis 111,
prince de Condé.
* Peuchet, Mémoires, II, p. 11)9. Le nom dAbenhakib pourrait être une altération
du nom d'Abcu Habib, assez répandu chez les Juifs orientaux orijriuaires d'Espagne.
NOTES ET MÉLANGES U\
sait que les philosophes groupés autour de Voltaire ne portent
pas, en général, les Juifs dans leur cœur et ne sont guère mieux
renseignés sur leur compte que les écrivains catholiques qu'ils
combattent : on peut s'en convaincre en lisant l'article Juifs (phi-
losophie des) dans V Encyclopédie ^ article intéressant et vivement
écrit, mais compilé de troisième main et d'où de nombreuses
erreurs ont passé dans les dictionnaires historiques de notre
époque K
Diderot, qui est l'auteur de cet article, s'est occupé à diverses
reprises des Juifs dans ses ouvrages. Dans son Voyage en Hol-
lande il a consacré à ceux d'Amsterdam une notice piquante,
trop longue pour être reproduite ici, et d'ailleurs d'une observa-
tion un peu superficielle ^.
Deux anecdotes juives, rapportées dans la merveilleuse satire Le
neveu de Rameau, m^éritent encore une mention particulière. La
première est l'histoire du « renégat d'Avignon ^ ». Ce renégat, dont
l'interlocuteur cynique de Diderot, Rameau le fou, fait un éloge
lyrique, et qu'il place entre Bouret et Palissot dans la grande
trinité des héros de la scélératesse de la « mastication », ce re-
négat s'était introduit dans la confiance d'un opulent juif d'Avi-
gnon qui l'admettait, sans penser à mal, sous son toit et à son
couvert. Un jour, le drôle arrive tout défait chez son amphi-
tryon et lui dit : « Tout est perdu. L'inquisition est à nos trousses ;
on nous a dénoncés vous comme Juif, moi comme renégat ; il
faut fuir ».'Le Juif le croit et se dépêche de charger tout son bien
dans un vaisseau en partance sur le Rhône. Pendant la nuit qui
précède son départ « le renégat se lève, dépouille le Juif de son
portefeuille, de sa bourse et de ses bijoux, se rend à bord et le
voilà parti ». Enfin, pour que le tour soit complet, il dénonce lui-
même le Juif au Saint Office « qui en fit, quelques jours après, un
beau feu de joie ».
Il est singulier qu'aucun des éditeurs du Neveu de Rameau, pas
' Par exemple l'attribution à Akiba (appelé invariablement Atriha] et à Siméon
b. Jochaï des principaux écrits de la Cabbale, la mort d'Ibn Ezra à « Rbodes » (au
lieu de Rodez), les relations de Maïmonide avec Averroès, etc. : toutes ces erreurs se
retrouvent dans nos dictionnaires classiques, jusque dans la dernière édition du Dezo-
hry^ par exemple.
* Œuvres de Diderot, éd. Assézat, tome XVII, p. 431-433. Diderot a surtout été
frappé de la confusion de V « ofûce » dans les synagogues et de la mauvaise tenue
qu'y observent les fidèles. Il distingue les Juifs en « rasés » et « barbus » . t Les
juifs rasés sont riches et passent pour d'honnêtes gens; il faut se tenir sur ses
gardes avec les barbus, qui ne sont pas infiniment scrupuleux. Il y en a de très ins-
truits. »
3 Œuvres de Diderot, éd. Assézat, V, p. 454 (dans Téd. Isambert du Neveu de Ra-
meau, p. 190).
142 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
même les plus récents et les mieux informés, Assézat et M. Gus-
tave Isambert, n'ait signalé l'invraisemblance, ou pour mieux dire,
l'impossibilité de tout ce récit. Jamais, à aucune époque, il n'a été
défendu aux juifs d'Avignon et du Comtat de pratiquer la religion
Israélite, et si là, comme partout ailleurs, l'Inquisition a pour-
suivi les apostats, les relaps, les juifs blasphémateurs ert séduc-
teurs, nulle part elle n'a été aussi paterne dans ses procédures
et aussi accommodante dans ses jugements. On a pu en voir la
preuve dans les documents publiés ici même par MM. Perugini
et Bertolotti * ; sans remonter aux sources, Diderot aurait pu
se renseigner auprès de son collaborateur l'abbé Bergier qui,
dans son Dictionnaire de théologie, extrait de Y Encyclopédie,
dit formellement qu'on ne connaît aucun exemple d'exécution
capitale par l'Inquisition à Rome (et dans les états pontificaux en
général) *. Si donc une tragédie du genre de celle que raconte
Diderot a pu se passer à Avignon, ce n'est certainement pas au
xviii^ siècle, comme semble l'indiquer le récit de Rameau, ni
même dans les temps modernes ; c'est tout au plus au xiii® siècle,
à l'époque de la première inquisition, celle d'Innocent III, et de
ses terribles émissaires, les dominicains du Languedoc; encore
n'en ai-je pu découvrir aucune trace dans les auteurs. En défi-
nitive, je crois, avec mon savant ami M. Isidore Loeb, qu'il ne
faut voir dans toute cette anecdote qu'une légende, peut-être ori-
ginaire d'Espagne, et courant parmi les Juifs d'Avignon ou de
Hollande, où Diderot aura pu la recueillir.
Cette dernière hypothèse ne doit pas être écartée par le motif
que le Neveu de Rameau a été composé avant le voj'age de Di-
derot en Hollande. Nous savons, en effet, qu'écrit en 1763, ce dia-
logue a été retouché et augmenté en plusieurs endroits dix ans
plus tard, précisément au moment du vo.yage en question (1773-
1774), et c'est cette dernière rédaction que nous possédons. Di-
derot a intercalé, à cette occasion, dans le Neveu de Rameau
une seconde anecdote où le principal rôle est encore tenu par un
* Retue des études juives ^ H, p. 278; III, p. 94. Comparez, VI, p. 314.
* Article Inquisition, tome IV, p. 34i. Je recommande la lecture de cet article a
toutes les personnes curieuses de voir comment un esprit aussi modéré que Tabbé
Bergier, en plein xviii» siècle, sacrifiait encore en théorie aux préjugés sanguinaires
de l'intolérance religieuse. « C'est une absurdité, dit-il, de la part des ennemis de
rinquisition d'appeler ses exécutions des sacrifices de sang humain; on pourrait dire
la môme chose de tous les supplices infligés pour des crimes qui intéressent la reli-
gion. Ces graves auteurs persuaderont-ils aux nations chrétiennes que Pon ne doit
punir de mort aucune de ces sortes do forfaits ? • C'est précisément le mérite de « ces
graves auteurs • d'avoir rendu une fois pour toutes impossibles les « lois de sacri-
lège >, dès qu'elles dépassent lu portée de simples lois de police.
NOTES ET MELANGES 1^i3
Juif*. Nous n'en dirons que deux mots, l'histoire étant d'un carac-
tère trop licencieux pour prendre place dans cette Revue. Qu'on
sache simplement qu'il s'agit d'un Juif, grand amateur de mu-
sique, « qui savait sa loi et qui l'observait roide comme une Larre,
quelquefois avec l'ami, toujours avec l'étranger ». Ce Juif rigide
se laissa un beau jour entraîner à signer une lettre de change
dont il avait reçu la valeur en marchandise... vivante. A l'é-
chéance, il refusa de payer, certain que le porteur, qui n'était
autre que le mari complaisant, n'oserait pas faire connaître la
cause infâme du billet ; mais il avait compté sans le phlegme
hollandais : le créancier déclara la chose comme elle était, et le
juge rendit une sentence digne de Salomon : tous les deux furent
censurés, le Juif condamné à payer et la somme donnée aux
pauvres.
Cette anecdote, à la différence de la première, a un fondement
réel. Quelques traits dans l'esquisse du caractère du Juif m'avaient
même fait croire qu'il s'agissait du fameux Isaac Pinto, dont il
est question dans le Voyage en Hollande^. Ce Pinto, qui dédia à
Diderot sa Lettre paradoxale en faveur du jeu de cartes, avait
connu le philosophe à Paris ; il le retrouva à La Haye et Diderot
nous apprend que, malgré son âge avancé, il avait conservé des
goûts déjeune homme qui lui valurent de passer deux ou trois
fois « par les pattes » du bailli [dender] chargé de surveiller les
mœurs des gens mariés : il lui en coûta même deux cents ducats.
Il n'y avait donc rien d'invraisemblable à ce que Pinto fût le héros
de l'aventure de la lettre de change ; eh bien, je m'étais trompé du
tout au tout, non seulement Pinto est étranger à l'histoire, mais
encore aucun de ses coreligionnaires n'y a figuré! Tournez, en
effet, quelques feuillets du Voyage en Hollande, vous y retrou-
verez intégralement l'anecdote contée par Rameau, seulement ici
les noms sont donnés en toutes lettres, et il en résulte que le si-
gnataire de la lettre de change était un bourgeois hollandais appelé
Vanderveld ^ 1 On voit que Diderot n'axas su résister à la tenta-
tion de faire une antithèse piquante entre la « rigidité » du bon
JuiC doublée d'avarice, et ses fantaisies amoureuses qui finissent
par lui coûter l'honneur et l'argent. Une vilenie de plus ou de
i Ed. Assézat, p. 479 ; éd. Isamberl, p. 228.
2 Isaac Pinto (1715-1787), qui habita pendant quelque temps Bordeaux, Paris et
Londres, est connu par sa richesse, sa philanthropie, ses relations avec les philoso-
phes et ses ouvrages d'économie politique. Il a aussi écrit des Réflexions critiques sur
le premier chapitre dit Ylh tome des œuvres de M. de Voltaire (abbé Guénée, Lettres
de quelques Juifs portugais, allemands et polonais à M. de Voltaire, tome l<"), aux-
quelles Voltaire a répondu par une lettre datée des Délices, 21 juillet 1762 {ibid.).
3 Œuvres de Diderot, éd. Assézat, tome XVII, p. 404.
Wt REVUE DES ÉTUDES JUIVES
moins sur le compte d'un fils d'Israël, qu'importe après tout ? On
ne prête qu'aux riches, et l'histoire du Juif d'Utrecht en est une
preuve nouvelle à ajouter à celle du Marchand de Venise.
III
J'ai retenu bien longtemps l'attention des lecteurs de la Revue
sur des anecdotes un peu frivoles' et en apparence sans portée.
Je crois cependant que l'histoire a quelque profit à tirer de racon-
tars de ce genre : les erreurs mêmes et les calomnies sont des
documents que l'érudition ne doit pas négliger pourvu qu'elle y
cherche des renseignements non sur la conduite des calomniés
mais sur l'état moral des calomniateurs. Cela est surtout vrai
d'une histoire comme celle de la race juive qui, disséminée dans
tant de pays, mêlée aux moindres faits de la vie publique et privée
des peuples modernes, a été, plus que toute autre, influencée par
les variations de l'opinion ; car ce n'est pas toujours la vérité qui
guide l'opinion. Aussi serais-je heureux si, en publiant ces notes,
fruits de lectures accidentelles, j'avais réussi à stimuler le zèle
des nombreux fureteurs de vieux livres qui nous lisent, et qui
parfois peut-être laissent passer sans y prendre garde des témoi-
gnages utiles à recueillir dans la vaste enquête que nous avons
ouverte.
T. R.
BIBLIOGRAPHIE
Par suite de Vabondance des matières^ la publication de la
Revue bibliographique du 1^' trimestre 1884 et de la Chro-
nique est ajournée au prochain fascicule.
Corpus inscriptioniim semiUearuin ab Academia inscripfionuni et
litterarum humaniorum conclîtum atque digestuin. Pars prima inscrip-
tiones phœnicias continens. Tomus I. Fasciculus secundus, Parisiis, e reipublicse
lypo^rapheo, MDCCCLXXXIII, p. 117-216, pet. in-folio. — Tabula?. Fasciculus
secundus (tab. XV-XXXVlj, grand in-folio.
Histoire de l'art dans l'antiquité. Egypte — Assyrie — Phénicie —
Perse — Asie mineure — Grèce — Étrurîe — Rome, par Georges
Perrot, directeur de l'Ecole normale supérieure, membre de l'Institut, et Charles
Chipiez, architecte du gouvernement, inspecteur de l'enseignement du dessin.
Tome premier. L'Egypte. Paris, Hachette, 1882, in-4, de LXXVI et 879 pages.
Tome II. Chaldée et Assyrie. Paris, Hachette, 1884, in-4, de 825 pages. Tome III.
Phénicie. — Cypre. — Judée, en cours de publication.
Des deux grands ouvrages, dont je viens de reproduire les titres,
le premier est consacré à l'épigraphie, c'est-à-dire au déchiffrement
et à l'explication des textes tracés sur les monuments, le second traite
des monuments eux-mêmes étudiés pour fournir des documents
sur le passé à l'archéologue, des dates à l'historien, des comparai-
sons à l'esthéticien, qui les formule en articles de loi. Mais, si les
inscriptions, par leur contenu, corroborent ou infirment les conclu-
sions qui ont été tirées des ordres d'architecture, des sculptures, des
représentations, des ornements, des costumes, des matières em-
ployées, des formes adoptées, d'un autre côté les faits, qui sont com-
mémorés grâce au ciseau du lapicide et au burin du graveur' ne
* Ceux qui savent goûter les finesses de l'art oriental feront bien d'ouvrir à
quelque page que ce soit l'ouvrage récent de M. Joachim Menant intitulé : Les pieri-es
gravées de la Haute- Asie. — Reciverches sur la glyptique orientale. Fremière partie ;
Cylindres de la Chaldée. Je recommande surtout, comme une merveille de relief et de
netteté, la première des six héliogravures, qui ornent le volume. Elle a été insérée en
face de la page 32.
T. VIII, N» VJ. 10
146 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
sont placés dans leur vrai jour que par la lumière que projette sur
eux la connaissance exacte du milieu, choisi pour en perpétuer le
souvenir. Aussi les deux vastes recueils, l'un « créé et disposé » par
une académie toute entière, l'autre dû à la collaboration féconde
d'un savant qui est un artiste et d'un artiste qui est un savant, ne
suivent-ils qu'en apparence des voies parallèles. Ils se seraient déjà
rencontrés bien souvent si l'égyptologie et l'assyriologie avaient eu
leur place marquée dans le Corpus. Les points de contact vont de-
venir de plus en plus nombreux^ à mesure que les deux publications,
amenés à reconnaître à des points de vue différents les mêmes ves-
tiges du passé, provenant des mêmes contrées, se soutiendront et
s'allieront pour favoriser à la fois les progrès de l'épigraphie et de
l'archéologie.
La commission, chargée par l'Académie des inscriptions et belles-
lettres de rédiger le Corpus inscripiiotmm semiticarura, se com-
pose actuellement de MM. Renan, Waddington, De Vogiié, Joseph
Derenbourget Jules Oppert. Le travail, tout en restant sous la garde
de tous, n'en a pas moins été réparti entre eux de manière à en as-
surer la meilleure exécution. Dès à présent, c'est M. Renan qui a
accepté la tâche et pris la responsabilité de la partie phénicienne et
de la partie hébraïque*; les dialectes araméens seront étudiés par
M. le marquis Melchior de Vogiié - ; l'Arabie, depuis le Safà jusqu'à
Aden et jusqu'au Iladramaut, constitue le domaine dévolu à M. Jo-
seph Derenbourg^ La période de préparation sera, nous osons l'es-
pérer, close dans un avenir peu lointain ; mais le public, qui n'est
pas toujours admis dans la confidence des difficultés qu'il faut sur-
* II a paru en 1882 un ouvrage qui, par la similitude du titre et du format, peut
être provisoirement annexé au Corpus inscriptiofium semihcanan. C'est le Corpus ins-
criptionitm hebraicarum de M. D. Chv.olsou.Cf. A.N. dans \a Jicvue des études juives^
VI, p. 147-lo'i.
* En dehors de ses Inscriptions sentit itpies de la Syrie centrale [Vixxxs, 1869-77,4 vol.
in-4), M. le marquis de Vogué prélude à la rédaction du Corpus araméen par des
mémoires sur les inscriptions qui surgissent et sur les problèmes qui se posent. Voir
l'article intitulé : Inscriptions paimyréniennes inédites dans le Journal Asiatique de
1S83, 1, p. 231-2iî); II, p. 149-183; y49-îiî)0 et le tirage à part, avec une planche ea
héliogravure, qui n'a pas paru dans le Journal AsiatifjKe. Do tels travaux sont ré-
digés en vue de provoquer un débat contradictoire, d'où les textes sortiront plus com-
jjlétement lus, les traductions plus ijarfaites.
^ C'est aussi dans la pensée d'appeler une discussion impartiale sur certains points
inédits ou douteux qu'ont été rédigées les Études sur Vépiyraphic du Témen, par
MM. Joseph et Ilartwig Derenbourg. La première série (Paris, imprimerie natio-
nale, 1884) a reçu eu général un accueil qui encouragera les auteurs ù persévérer
dans leur système de communications fréquentes soit sur des points controversés,
soit sur les matériaux, qu'ils voient s'accumuler devant eux.
miJLlUCiUAPlIlE Ul
monter, s'impatiente et accuse volontiers les corps savants de len-
teur, au lieu de respecter leur juste horreur pour les improvisations,
au lieu d'approuver leur désir légitime de ne point mettre leur au-
torité au service de solutions hâtives et sans maturité. De tels scru-
pules honorent des hommes qui ne veulent rien laisser au hasard
dans une œuvre définitive, au succès de laquelle la bonne renommée
de la science française est particulièrement intéressée.
Les membres de la Commission, qui se renferment encore dans le
recueillement du laboratoire, ou qui en ont seulement laissé sortir
quelques notes destinées à appeler l'attention sur des nouveautés, au
sujet desquelles ils voulaient être rassurés, sur des indécisions, dont
ils cherchaient à être délivrés, s'inspireront, comme d'un exemple
à suivre, des deux fascicules qu'à un intervalle de deux années
seulement M. Ernest Renan a consacrés aux inscriptions phéni-
ciennes. J'ai rendu compte dans la Revue du premier fascicule ', et
j'ai surtout insisté sur le parti que l'on peut tirer du phénicien pour
expliquer les restes de la littérature hébraïque, tels que l'Ancien
Testament nous les a conservés avec la parcimonie du point de vue
exclusivement religieux. Etant donnée la pauvreté du vocabulaire,
que le canon a sauvé de la destruction, c'est une chance inappré-
ciable de posséder une langue presque identique, dont l'orthographe
vraiment consonnantique laisse, daas sa transparence, percevoir les
éléments constitutifs des racines.
La division géographique, que, même à défaut de la logique, des
précédents fameux eussent imposée aux rédacteurs du Corpus^ a per-
mis de constater une fois de plus les migrations surprenantes du
peuple phénicien. Sur cent soixante-quatre inscriptions, dont l'ex-
plication est donnée dans les deux fascicules, combien y en a-t-il
qui aient été trouvées sur le sol de la Phénicie? Neuf, parmi les-
quelles un fragment insignifiant ^ Les Phéniciens, ces inventeurs et
ces propagateurs de l'écriture ^ promenaient sur leurs navires, non
seulement leurs denrées et les objets divers dont ils trafiquaient,
mais encore leurs Dieux'*, leur alphabet et leur langue : ils laissaient
dans le roc la trace de leur passage partout où les faisaient débar-
quer leurs stations temporaires ou durables. On peut dire d'une ma-
nière générale qu'on rencontre ou qu'on devrait rencontrer des ins-
* Bévue des éiîides juives, III, p. 310-3Î9.
2 Corpus inscriptionum semiticarum. Fars prima, tomus l^fasc. primus, p. 1-34.
^ Sur Phistoire de l'alphabet phéuicien, voir surtout Lenormant (Fr.), Hssai si(r la
propagation de l'alphabet phénicien dans l'ancien monde{P'dvis, 1872-1875] et son magis-
tral article dans Daremberg et SagMo, Dictionnaire des a^itiquités grecqiccs et romaines,
deuxième fascicule (Paris, 1875), p. 188-218; G. Maspero, Les écritures du monde
oriental dans son Histoire ancienne des peuples de l'Orient, p. 570-608, et l'ouvrage ré-
cent de M. Isaac Taylor, intitulé : The Alphabet, an Account of ihe Origin and Deve-
lopment of Zeiters (Londres, 1883, 2 vol.).
'* Pour le Dieu El (5N), voir nos Etudes sur l'épigraphie du Yémen, p. 17 tt suiv.
14« REVUE DES ÉTUDES JUIVES
criptions partout où se sont montrés soit les conquérants romains,
soit les négociants sidoniens, tyriens ou carthaginois.
C'est ainsi que la section phénicienne du Corpus, pour incomplète
qu'elle soit encore, dous fait déjà faire un voyage épigraphique dans
l'ile de Cypre (inscription 10-96*), en Egypte (inscription 97-113 *), en
Grèce (inscription 1 14-421 ^), dans les îles de Malte et de Gaulos (ins-
cription 122-1 32 ''), en Sicile (inscription 133-1 38 ^j, en Sardaigne (ins-
cription 139-163'^), en Italie (inscription 164'). L'ile de Gossura et la
Corse ont leurs chapitres distincts^, qui attendent des incriptions.
Personne ne s'étonnera qu'un idiome, transplanté dans des régions
diverses, se soit diversement corrompu et ait donné naissance à des
productions de qualité tout-à-fait inégale. L'ile de Cypre était en
partie soumise à des dynasties phéniciennes, et les « interprètes
des trônes® » devaient être des polyglottes instruits. Aussi le style
lapidaire est-il assez châtié, lorsqu'il émane de Citium ou d'Idalion.
Dans les inscriptions de cette provenance, ni la pensée, ni la langue
ne sont impénétrables avec les ressources et les procédés de la philo-
logie moderne.
Comme au contraire le terrain se dérobe sous nos pas, lorsque nous
abordons, munis des mêmes instruments de travail, les textes com-
pris dans le deuxième fascicule ! AL Renan l'a senti avec sa mer-
veilleuse intuition et il s'est appliqué à délimiter rigoureusement
ce qui nous est intelligible et ce qui ne Test pas. Je serais tenté de lui
être parfois plus reconnaissant lorsqu'il ne traduit pas que lorsqu'il
traduit. La science vraie ne prétend pas tout expliquer. Elle ne se
croit ni infaillible ni universelle, et a conscience des bornes qu'elle ne
peut franchir. La réserve observée par M. Renan en présence de cer-
tains textes tronqués est une leçon, dont ne profiteront malheureuse-
ment pas ceux qui parlent haut pour éblouir au lieu de parler juste
pour convaincre. Tant d'aveux d'ignorance sont presque une audace !
Je me permets de recommander aux amateurs de beau langage et
de méthode scientifique les développements que M. Renan a cru de-
voir donner à son interprétation de l'inscription d'Éryx'". L'écrivain
français se devine sous une latinité de bon aloi, qu'anime une douce
et souriante ironie. Nos devanciers avaient fait jaillir de ce texte
des poésies, ne concordant pas les unes avec les autres, mais dont
chacune formait un ensemble aussi harmonieux qu'éloquent. C'était
* Corpus inscriptionum sentit icant m. Pars pnr)ia, tomus I, fasc. prrmus, p. 35-116,
qui clôt le fascicule.
* Ibid.^ Fasc. sccundiis, p. \\1-\'M.
3 Ibid., p. 138-148.
* Ibid., 149-165.
- Ibid., p. 166-180.
'"• l'>id., p. 182-212.
" Ibid.^ p. 214 216, lin du deuxième fascicule.
^ Ibid.^ p. 181 cl p. 213.
•' Ibid., u» 44, p. 63-6: i.
»« Ibid., n- i:^ri, p. 168-1 Tli.
mBLI(3GRAPlIlL: 1/jO
tantôt le cri arraché par la désillusion à uq nouveau Kôhélét, tantôt
une élégie sur la mort de l'incomparable princesse Suthul selon l'un,
Sitîl selon l'autre. A ces rêveries l'érudit oppose froidement la réa-
lité. Bien qu'un grand nombre de détails échappent à l'examen, il ne
saurait y avoir de doute que le monument avait été consacré à Astarté
qui prolonge la vie (ûTi ^n^î), à Astarté d'Éryx par Imilcon, fils de
Ba*alyatôn, à l'époque où Éryx avait pour sufrètes locaux Magon et
Bodastrato.
Si le disciple a le droit d'exprimer timidement sa pensée après
que le maître a parlé, je prendrai la liberté d'exposer sous toute ré-
serve mes opinions personnelles sur deux inscriptions contenues
dans le deuxième fascicule du Corpus. Je me contente de donner le
texte en caractères hébraïques, afin de gagner le concours de ceux qui,
moins versés dans les études phéniciennes, pourraient nous sug-
gérer quelque explication plausible.
La première de ces deux inscriptions, trouvée à Abydos, en
Egypte, est un graffito, qui était placé dans le temple d'Osiris, sur le
mur du grand escalier, presque à fleur de terre. Elle porte le numéro
102 âJ du Corpus\ En voici la teneur :
Je propose la traduction suivante : « Moi, Pô'èloubast, fils de Sad-
yàtôn, fils de Gêrsad, le Tyrien, je séjourne, brisé de douleur, à Hé-
liopolis d'Egypte, après qu'est mort *Abdmenkart de Héliopolis. »
Mon interprétation de "li^iO"^ a besoin d'être justifiée. C'est la
seule, où je m'écarte sensiblement de mon modèle. Une fois les
deux mots séparés en i::i n^J"^, je me suis rappelé la construction
analogue, qui ouvre les Lamentations (I, 1) : ^''3>ïi nia îm^** niD^'N
( 'TTTTITT"
!iD52bN3 ïiiT'ii d3^ "Tni. « Comment la ville, qui regorgeait de popu-
lation, est-elle aujourd'hui assise solitaire comme une veuve? » Plus
loin {ibid., m, 28), l'homme est invité « à porter le joug dans sa jeu-
nesse », et aussi û^ii ^^'3. nui"" « à s'asseoir solitaire et à garder le
• : T T •• ••
silence ». Une fois entré dans cette voie, j'ai cherché dans ^idi un
adjectif, exprimant une nuance du deuil, et je crois que les accep-
tions de nsi et NiD'T dans l'ancien Testament justifient pour iidt (la
T T T T " • T
vocalisation est toujours hypothétique en phénicien) le sens de
« abimé, brisé, vaincu par la douleur ».
Alors même qu'on accepterait mon interprétation littérale, il y a
une objection d'un autre ordre, qu'on pourrait m'opposer, et que j'ai
à cœur de prévenir. L'inscription, telle que je la conçois, représente-
t-elle un phénomène isolé en épigraphie, ou bien est-on en état de
lui comparer sinon des textes absolument identiques, du moins des
textes analogues pour le fond et pour la forme ? Dans le premier cas,
' Corpus, p. 122-123.
irjo REVUE DES ÉTUDES JUIVES
ma traduclion serait condamnée, alors même que grammaticalement
elle serait irréprochable. Mais il n'en est rien. D'après M. Maspero \
« la plupart des stèles égyptiennes d'Abydos sont des stèles votives
dédiées à Osiris pour le compte d'individus morts ou vivants, et en
commémoration ou en prévision de leur mort ». L'épigrapliie latine
fournit également nombre de rapprochements curieux, et je citerai
seulement le début d'une inscription latine, découverte à Aumale
en Algérie ^ :
DM S
atro dolore
percvssvs ab in
quissima fortv
na erepto mihi
horvm solatio
ch^bvi lacrimas
qvas tempvs de
etv[l]it cives et [t]i[tjv
LOS FIXI*
Avant de quitter l'Egypte pour passer à la seconde inscription, je
crois devoir signaler aux exégètes que le fameux "^'rib égyptien de la
Genèse « l'endroit, où les prisonniers du roi étaient enfermés^ » se
retrouve peut-être dans l'inscription 1t3, où l'on lit deux fois «nr
lIlriD « la ville de Sôharou » "*.
C'est dans le voisinage du Pirée qu'a été découverte et qu'est con-
servée la bilingue, dont je vais aborder l'étude^. Sous une ligne de
grec en lettres très massives, portant :
ASEnTESrMSEAHMOrSlAQNIA.
(' Asepté, fille de Symsélêm, la Sidonienne »,
on lit en caractères phéniciens :
b:in5 DbwN ûsns an nbi::?:M\N p bsrr-^
Je traduis :
« Je suis Asepté, fille de Kschmounschillém, la Sidonienne. Ce
* Corpun, 123, colonne 2.
' Corpiix im^cript'wnnm /afinarum^ VIII, n» OO'iS. M. Ant. fidron de Villcfoïise a
Lien voulu me signaler encore les inscriptions suivantes : ilid., V, n"' lîj'i; 'i0'27;
G388; 7000; Willmanns, Exeupla in script io nu m latinantm^ n«" 247; 297; 2613.
3 Genèse, xxxix, 20; cf., xxxix. 22-23; xi,, 3 et 5.
^ Corpus iusniptioiium scmiticarum^ p. 136-137.
5 ]bid.,n" 11'.», p. 145- 146.
BIBLIOGRAPHIE 151
monument m'a été élevé par Yâtânbèl, fils de Eschmounsallah, le
grand-prêtre, le de Nergal *)>.
Pour ûsniD inn, je suis convaincu que M. Renan l'a justement con-
sidéré comme un équivalent du grec àp/ispe-jç et rendu par a grand-
prètre ». Si le mot n;i n'est jamais dans la Bible suivi de û^rnsi^,
c'est que l'usage avait fait prévaloir une autre locution ; on disait
dans ce sens bi'iar: rrîbï^. Î^Iais la solution proposée pour deux autres
questions me rend perplexe; je me demande 1° si û2-i ni, même pris
comme un composé inséparable, aurait pu conserver son û de l'état
absolu, alors qu'il serait mis à l'état construit avec b^'-5 ûbN;2''si « le
Dieu Nergal » serait appelé en phénicien b^'is nb^, ou, ce qui revient
au même, en hébreu b:;^3 d"'ï^'bN.
Dans le cas où, comme je le suppose, ûilni :n"i serait indépendant
de ce qui a été inscrit à la suite, il en résulterait nécessairement que
bi'ii D^N deviendrait aussi par là même indépendant de ce qui le pré-
cède. Mais comment l'expliquer? Faut-il, avec M. Schrœder ', avoir
recours à une phrase relative, où le suffixe pluriel rappellerait non
pas le complexe û^ïii m, un singulier, mais û5^i détaché et isolé?
Je ne le crois pas ; car il est peu probable qu'un personnage eût été
désigné comme « princeps sacerdotum quorum deiis Nergal ».
Après cette double critique négative, j'avouerai mon embarras
pour substituer quelque chose de positif à une traduction dont je
viens de chercher à montrer les défauts. A mes yeux, b^*i5 ûbt^ doit
exprimer un second titre attribué comme le premier à « Yâtânbèl,
le grand-prêtre ». Dès lors, si le vocabulaire venait confirmer l'exac-
titude de cette supposition, db^ désignerait le titulaire d'une fonc-
tion importante exercée dans le culte du Dieu assyrien Nergal ^
Comment cette divinité exotique a-t-elle eu son sanctuaire et ses
adorateurs dans la colonie phénicienne d'Athènes ? Sans essayer de
percer ce mystère, "je dirai seulement que les panthéons de l'anti-
quité ont toujours pratiqué une hospitalité sans limites envers les
dieux égarés qui frappaient à leurs portes^, et que les Phéniciens
ont été des cosmopolites, ramassant et promenant un peu partout
leurs biens, leurs idées et leurs croyances. Qu'était donc, par rap-
port à Nergal, son th^, qu'il faille prononcer ôlêm, ou allâm, ou
encore autrement ^ Les trois consonnes, dans mon hypothèse, ap-
' Voir Perrot et Chipiez, Histoire de VArt^ III, p. 240, où l'on trouvera une tra-
duction française de la traduction latine insérée dans le Corpus; cf. ibid.,111, p. 72.
« Schrœder, Die Phœnizische Sprache, p. 158; cf. p. 236.
3 Sur le Dieu Nergal, voir en dehors du deuxième livre des Hois, xvii, 30, Eb.
Schrader dans le Zeitschrift dcr dcutschen morijcnlândischen Gesselschaft, XXV, p. 128;
ià.^Die Kf-ilinschriften und das Altc Testament (2*^ Auflage, 1883), p. 282 et suiv.;
Menant (J.), R'xherchcs sur la glyptique orientale^ I, p. 156. D'après Al-Bîroùnî, The
Chronologij of ancient nations, trad. Ed. Sachau, p. 172, Nergal serait le nom sy-
riaque de la planète Mars.
* Voir Perrot et Chipiez, Histoire de l'art dans l'antiquité, III, p. 29, note 1 ; p. 63.
5 Un naoment, j'avais songé à l'hébreu dbN « muet •, en comparant la racine
lo2 REVUE DES ETUDES JUIVES
partiennenL à une racine ûbN, dont un autre exemple a été relevé
sur le fameux tarif des sacrifices de Marseille, ligne 16, où l'on lit
également ûb^- M. Schrôder vocalise ûbx qu'il prend pour un parti-
cipe passif signifiant d'abord « lié », puis par extension « défendu * ».
Ainsi que l'a remarqué Gesenius % les verbes qui ont le sens de
« lier, attacher » sont appliqués à certains rites des incantations.
Peut-être cette terminologie se rattache-t-elle à un usage plus ou
moins répandu des nœuds magiques. Il est regrettable que nous
n'ayons, pour nous guider, ni l'image de la Sidonienne Asepta, ni
celle du grand-prêtre Yàtânbêl. En attendant une meilleure expli-
cation, je crois que l'inscription désigne celui-ci comme « devin ^) ou
comme ••< augure de Kergal », et je propose de traduire ainsi ::bi<
b:»-i5.
Il
Si les inscriptions sont un commentaire écrit des monuments, les
monuments sont un commentaire figuré d'une valeur inappréciable
pour l'intelligence des inscriptions. C'est ce que MM. Georges Perrot
et Charles Chipiez ont compris et prouvé par leur Histoire de Vart
dans Vantiquité. Ils ont puisé aux meilleures sources leurs traduc-
tions des textes égyptiens, assyriens et phéniciens, et les ont in-
sérées dans leurs descriptions en leur conservant la place même
qu'occupent les originaux. Cette épreuve contraindra peut-être plus
d'un philologue, qui avait étudié les textes en les détachant de leur
cadre, à réviser ses tentatives d'interprétation.
Mais je ne rendrais pas pleine justice à l'œuvre de puissante syn-
thèse et de minutieuse analj^se que les deux collaborateurs sont par-
venus à composer, si je m'en tenais à mentionner et à démontrer les
relations intimes qui unissent leur tome troisième en particulier au
Corpus inscriptionum semiticarum. Quels qu'aient été le zèle de leurs
auxiliaires et la compétence de leurs conseillers, MM. Perrot et Chi-
piez,tout en interrogeant sans trêve les livres et les hommes, ont su
empreindre sur l'ensemble et les détails de leur conception hardie un
cachet ])ersonnel d'originalité puissante. Je ne sais ce qui appartient
eu propre à chacun des deux auteurs, et je crois que la critique au-
rait peine à le démêler. Mais ce qu'elle peut constater, c'est qu'aux
deux forces coalisées s'est substituée une résultante, où chacune
d'elles a disparu dans l'unité de l'elVort et de sa manifestation.
L'œuvre, dont les parties se déroulent peu à peu sous nos yeux,
sémitique 'C'in, qui n'-unil dos sens se rallacbant au mutisme cl aux arts mapiques.
IlhUn Ncrijal aurait signifié * celui qui murmure des oracles au uom de Nergal ».
> Schrœder, Die Phœnizische Sprache^ p. 200 et 246.
* Gescnius, l'hrsavrvs, p. \?,1 et i'il.
BIBLIOGRAPHIE 1b3
n'apparaît ni comme une collection de généralités philosophiques sur
l'art, ni comme un récit chronologique des faits, enregistrés sèche-
ment par une correcte érudition. Certes, une enquête sévère a pré-
sidé au choix et à l'ordonnance des documents. Mais partout on
voit la pensée maîtresse se dégager des nuages qui risqueraient de
l'envelopper et de l'obscurcir. Essayons de la reconnaître à la faveur
des deux tomes publiés entièrement et aussi du tome troisième, dont
l'achèvement ne se fera pas longtemps attendre ^
MM. Perrot et Chipiez n'envisagent l'art oriental que comme un
acheminement par étapes vers l'idéale perfection de l'art grec. Celui-
ci a réalisé, en les épurant, les aspirations de l'Egypte, de la Chal-
dée, de l'Assyrie, de la Phénicie, de la Judée, de Cypre ; il est monté
à des hauteurs que ses précurseurs avaient à peine entrevues. C'est
dans les annales de l'humanité un sommet, au-dessus duquel elle
n'a pas pu s'élever. La Grèce a ressenti un violent « amour des belles
formes, aussi ardent et aussi fécond que son amour du beau langage ^ »
Mais elle n'est parvenue à satisfaire ni l'un ni l'autre sans tâtonne-
ments, sans secousses, sans détours. Que de progrès, mais aussi que
de reculs avant que le génie grec, nourri de la tradition orientale, en
eût secoué le joug sans abandonner le profit de ses leçons, pour révé-
ler au monde païen le secret de l'éternelle beauté !
V Histoire de l'art da7is Vantiquité en est encore aux prolégomènes :
elle n'a pas dépassé les propylées pour pénétrer dans le temple. Les
auteurs s'étaient-ils d'avance rendu compte que leur introduction
sur l'art oriental les entraînerait à d'aussi grands développements?
Je ne le crois pas, et l'harmonie générale de l'œuvre eût gagné à ce
que l'histoire des origines fût un peu plus resserrée. Mais je préfère
encore ce manque de mesure dans les proportions, en pensant aux
sacrifices qu'il eût fallu consentir, aux mutilations que chacun des
exposés si complets et si lucides aurait subies, enfin à la perte d'in-
formations sûres et précises, à laquelle, pour arriver plus vite au
but, nous aurions dû nous résigner.
En abordant la description de « la Phénicie et ses dépendances »,
MM. Perrot et Chipiez sont les premiers à nous avertir qu'ils ont
fait « à l'Egypte et à la Chaldée une place très étendue, une place
privilégiée t>. Après avoir'prévu l'objection, ils ajoutent' : « Ce qui
justifie le parti que nous avons pris, c'est l'antiquité fort reculée à
laquelle remontent ces deux peuples, c'est la spontanéité de leur dé-
veloppement, la fécondité et l'originalité de leur génie ; c'est aussi,
c'est surtout l'influence que ces sociétés primitives ont certainement
exercée sur cette humanité plus jeune qui, sous les noms de Grèce
et de Rome, a créé, tout autour de la Méditerranée, la civilisation
^ Les trois cent vingt pages publiées représentent un peu plus du tiers du troisième
volume.
* Georges Perrot, Intro.hiciioii dans le tome premier, p. m.
^ Histoire de Vart^ III, p. 1 et suiv.
154 RKVUE DES ÉTUDES JUIVES
bien plus avancée et plus brillante dont la nôtre n'est que le prolon-
gement. L'Egypte et la Ghaldée avaient inventé les procédés et créé
les modèles qui sont venus, vers l'époque d'Homère, éveiller le génie
plastique de la Grèce. »
Cette transmission, quels en allaient être les agents ? Qui se char-
gerait d'une propagande, dont ne paraissaient se soucier ni les
Égyptiens d'une part, ni d'autre part les Ghaldéens et les Assyriens.
La Phénicie, par sa position géographique, comme par les tendances
de ses habitants, était prédestinée à revendiquer pour elle ce rôle.
Le besoin d'expansion et d'activité, qui tourmente et pousse en avant
les populations de race sémitiques provoqua, vers 1600 ou 1700
avant notre ère, les Phéniciens à sortir de leur région étroite, que
bornent à l'est les massifs du Liban, que termine à l'ouest la longue
ligne de côtes de la Méditerranée. La mer s'ouvrait devant eux, et
ils s'y établirent en souverains. Leur colonie africaine de Garthage
(en phénicien : n'^lî^in rrip « la ville neuve »), fondée aux environs de
l'an 800, devint la succursale de Sidon et de Tyr, et resta, jusqu'à sa
destruction par les Romains en 146 avant J.-C, « l'avant-garde ex-
trême du monde asiatique dans la partie ouest de la Méditerranée - ».
« Le génie grec, après avoir tiré parti des exemples et des leçons
de la Phénicie, s'est émancipé rapidement; il a créé un art bien
supérieur à celui de ses maîtres, un art d'une puissante et souveraine
originalité ',. mais il n'en a pas été de même chez tous les peuples
auxquels s'est fait sentir l'influence de la Phénicie. Ni les Hébreux
ni les Cypriotes n'ont su se soustraire à l'ascendant des types
phéniciens ; à Jérusalem, comme à Golgos, on a bien, dans une
certaine mesure, modifié ces types ; il faut tenir compte ici de la
différence des idées religieuses, et là, de celle des habitudes sociales
et des matériaux mis en œuvre ; mais ni dans l'une ni dans l'autre
de ces contrées, on n'a regardé la nature d'assez près et l'on n'a eu
l'esprit assez inventif pour que l'art y ait pris une physionomie
vraiment particulière et nationale. L'art c^^priote et l'art juif, ce ne
sont que des variétés, ou, comme dirait un grammairien, des dialectes
de l'art phénicien ^ »
L'art juif, ou, ainsi que l'a nommé son premier historien, « l'art
judaïque"», est-il aussi absolument dépo'urvu d'originalité que ce
jugement sommaire semble le faire supposer? Ge qui est certain,
c'est que le roi Salomon, lorsqu'il eut décidé de bûtir une maison
* .lo crois, avec MM. Perrot et Chipiez, Histoire de Vart ^ III, p. Ui, que les < Phé-
niciens sont les frères des Juifs ». C'est aussi l'opinion de « Térudit qui connaît le
mieux la question », M. Ernost Henan.
* L'expression est de M. Fr. Lenormant, Manuel d histoire aiicieinie, III, p. 153.
^ Parlant de la Grèce, MM. Perrot et Chipiez [Histoire de l'art, III, p. 50), disent :
€ Son art, dès le milieu du cinquième siècle, était arrivé à la perfection. »
* Ibid., III, p.9S et 99.
•■' Saulcy (F. de), Histoire de Vart judaïque, tirée des textes sacrés rf profanes, Paris,
1858, 1 vol. in-8.
BIBLIOGRAPHIE 15o
au nom de Yahwé, son Dieu \ réclama le concours des ouvriers
phéniciens, « parce que, dit-il, il n'y a parmi nous aucun homme
sachant couper le hois comme les Sidoniens '^ » . Or, Salomon régnait
vers l'an 1000 avant notre ère^ Le roi de Tyr, ïliram, qui avait
envoyé précédemment à David « une députation, du bois de cèdre,
des charpentiers et des maçons '* », donna à Salomon « du bois de
cèdre et du bois de cyprès autant qu'il en désirait •' ». Le même
chantier réunit « les constructeurs de Salomon, les constructeurs de
Hiram et les gens de Gebal ^, qui taillaient lés bois et les pierres pour
l'édification de la maison » ^
MM. Perrot et Chipiez ne sont pas encore parvenus à la section de
leur Histoire de Vart^ où ils nous montreront les Juifs, dans la cons-
truction de leur temple, non seulement imitateurs, mais tributaires
des Phéniciens. Je me propose de résumer pour les lecteurs de la
Remce ce chapitre de nos annales, aussitôt qu'il aura été publié à la
fin du tome troisième. Dès à présent, je me crois autorisé à dire que
ce sujet, traité tant de fois par les explorateurs, par les exégètes et
par les savants, sera renouvelé par le point de vue hardi, que les
auteurs ont imaginé. Un homme de talent qui parfois devinait bien
ce qu'il savait moins bien, après avoir comparé ingénieusement
ff Jérusalem au sphinx thébain », ajoutait : « Disons-le à la louange
du siècle, l'érudition s'est faite artiste. En revanche, l'archéologie est
devenue une science^ ». Il serait difficile, je crois, de caractériser
mieux et plus brièvement le progrès qui s'est accompli sous nos
yeux dans les deux camps, progrès en faveur duquel je vais apporter
un témoignage décisif, en faisant connaître sommairement comment
MM. Perrot et Chipiez ont conçu et comment ils exécuteront leur
étude sur le temple de Salomon.
Le livre d'Ézéchiel finit par un long morceau®, qui «comprend la
description du nouveau temple, les règlements concernant le sacer-
doce, le culte, les sacrifices, les redevances, enfin la répartition du
territoire entre les tribus *^». Vingt-cinq ans après l'exil, le prophète,
dans une vision divine, est transporté sur une très haute montagne,
où était construite au midi comme une ville entière ,^^ Le temple de
» Rois, I, V, 19.
^ Ibid., fin du verset 20.
^ Les dates données par M. G. Rawlinson, A manual of ancient history [1^ éd., Ox-
ford, 1880), p. 48, sont 1015-975 avant J.-C; M. Socin, dans Baedeker, Palestine et
Syrie^ p. 78, place le règne de Salomon de 998 à 958.
^ Samuel, II, v, 11.
5 Rois, I, V, 24.
^ Sur Gebal, aujourd'hui Byblos, voir Corpus inscriptionum semiticarum , I, p. 1 et
suiv.; Perrot et Chipiez, Histoire de l'art, III, p. 23 et suiv.
7 Rois I, V, 32.
8 Ernest Vinet, Jérusalem daus le Journal des Débats^ 22 novembre 1866, réim-
primé dans VArt et PArcMologic (Paris, 1874), p. 203. •
^ Ezéchiel, chapitres XL-XLviii.
i*» Voir dans La Bible de M. Ed. Reuss, Les Prophètes, II, p. 124, note 1.
*' Ezéchiel, xl, 1 et 2.
lo6 RKVUE DES ETUDES JUIVES
Salomon lui apparaît, tel qu'il l'avait couuu à Jérusalem. Il se laisse
mener à travers les portes, les vestibules, les cours, le sanctuaire,
les cellules latérales et toutes les parties de l'édifice par un guide
« dont l'aspect était comme celui de l'airain, qui tenait dans sa main
un cordeau de lin et uoe perche à mesurer * ». Les instruments dont
s'est muni le conducteur vont lui servir à relever partout les lon-
gueurs, les largeurs et les hauteurs des murs, des piliers, des
dallages. Sous sa direction, le narrateur en extase sera moins un
poète enthousiaste qu'un géomètre froidement calculateur.
M. Chipiez a étudié en architecte la vision d'Ézéchiel, et il est
arrivé à la conviction que le rédacteur devait avoir sous les yeux
une série de plans, qui avaient sans doute échappé à la ruine et à
l'incendie, lorsque, en 587 ou en 586, les lieutenants de Nabou-
Koudour-Oussour démolirent et brûlèrent Jérusalem*. Ces plans,
que l'écrivain décrivait, M. Chipiez a réussi à en ressaisir la trace et
à les reconstituer. Il a retrouvé là les éléments d'une très belle et très
complète restauration, appu^-ée sur un texte dout certains termes
techniques n'ont pas encore été suffisamment élucidés. Une des
premières conditions de succès sera de ne demander à ce texte que
ce qu'il peut donner sans être violenté. Je ne saurais trop recom-
mander à M. Chipiez de mettre ses coupes, ses élévations et ses
dessins en harmonie avec les principes d'une saine philologie. Qu'il
consulte les hébraïsants sur les points où le commentaire de
Smend' lui laisserait des incertitudes: les spécialistes seront trop
heureux de l'aider à atteindre des résultats dout ils seront les pre-
miers à profiter.
Il y a un autre ordre de difficultés qu'il faudra vaincre, avant de
posséder dans son intégrité la restitution tentée par M. Chipiez. Les
planches, qui devront être gravées, ne pourront entrer que très ré-
duites dans VHistoire de Vart. L'ouvrage même n'en comporte qu'un
nombre restreint, le temple de Salomon ayant exercé une influence
plus religieuse qu'artistique. Le format, qui rend le maniement du
livre si commode et si agréable, impose aux figures la limite de ses
dimensions. L'illustration, qu'elle soit prise directement sur les ori-
ginaux ou empruntée à leurs plus fidèles reproductions, a toujours
été réglée d'après l'utilité, non d'après le vain étalage extérieur et
poussée dans le sens de l'exactitude plutôt que dans le sens des en-
jolivements superflus. Ces deux qualités maîtresses de la publica-
tion de MM. Pcrrot et Chipiez ne permettront pas d'y admettre
l'image du temple de Salomon, telle que M. Chipiez s'est complu à
l'évoquer d'après la vision d'Ézéchiel.
L'album, dont M. Chipiez a couvert les pages de ses croquis, de ses
esquisses et de ses plans avec passion et avec amour, restera-t-il
' EzGchiel, xl, verset 3.
» Maspcro, Histoire ancienne des peuples de l'Orient, p. 501 .
•^ Cet cxcellcnl commentaire a été publié en 1883 dans la coUeclion couuuc sous le
nom do Excffetischcs Ilandbuch zum Allen Testament.
BIBLIOGRAPHIE ir,7
enfoui dans le portefeuille de l'artiste, qui voudrait rendre publique
sa restitution? Déjà précédemment, dans son Histoire critique des
origines des ordres grecs \ il avait démontré les affinités de l'art grec
avec Tart oriental *, et n'avait pas attendu sa collaboration avec un
maître comme M. Perrot pour affirmer sa compétence dans les ques-
tions d'archéologie. Je souhaiterais, pour l'honneur de la race juive,
que la restauration de M. Chipiez fût au large dans un volume
semblable aux magnifiques in-folio, que la Direction des Beaux-Arts
publie avec un luxe intelligent sous le titre de Restauration des mo-
numents antiques par les architectes pensionnaires de l'Académie de
France à Rome depuis 1 788 jusqu'à nos jours^ publiés avec les mémoires
explicatifs des auteurs sous les auspices du gouvernement français^.
S'il existait de par le monde un état juif, il aurait la mission d'encou-
rager et d'accaparer une tentative comme celle de M. Chipiez. Pour-
quoi la « maison de Yahwé » serait-elle seule abandonnée, alors qu'un
architecte, par la puissance de son travail et de son imagination, est
parvenu à la faire renaître de ses ruines ? Parmi « les fils des fils ^ »
de ceux qui y « ont fléchi le genou devant leur créateur^», ne se
trouvera-t-il personne qui « ait pitié de ses ruines », et veuille s'as-
socier à une œuvre, qui « va changer son désert en paradis et sa soli-
tude en jardin de Yahwé S) ?Quel beau complément du tome troisième
de V Histoire de Vart^ par MM. Perrot et Chipiez, que cette monogra-
phie de M. Chipiez sur le temple de Salomon ! Quel monument litté-
raire et artistique, élevé à la bonne renommée et à la puissance de
nos ancêtres! Le judaïsme moderne ne se désintéressera pas de
l'hommage, qu'un savant étranger à ses croyances apporte au
judaïsme ancien. Je voudrais que ce magnifique atlas de planches,
une fois dressé, ne restât pas seulement caché dans des reliures de
prix sur les rayons des bibliothèques publiques et privées; je rêve
de le voir s'étaler feuille par feuille,j'allais presque dire, colonne par
colonne et pierre par pierre, sur les murs de nos écoles, comme un
enseignement et comme un souvenir. C'est aux Mécènes du judaïsme
contemporain à saisir cette occasion unique de faire revivre une
des pages les plus nobles de notre histoire nationale.
Hartwig Derenbourg.
» Paris, 1876.
' Voir Salomon Reinach, Manuel de iMlologie classique (2« éJ. 1883), page 55,
note 1.
^ La collection comprend jusqu'à ce jour Percier, La colonne Trajanc; Lesueur,
La hasilique Ulpienne; Labrouste (H.), Temples de Pœsttim; Dubut, Temple de la
pudicité; Gousin, Temple de Vesta. Elle n'est pas près d'avoir épuisé les cinquante-
sept volumes grand in-folio, conservés à la Bibliothèque de TÉcole nationale des
Beaux-Arts; cf. Ernest Vinet, Catalogue^ p. 130-132.
* Isaïe, Lix, 21 .
* Psaumes, xcTv, 6.
^ Isaïe, Li, 3.
ADDlTIOxNS ET RECTIFICATIOxNS
Tome VIII, p. 85-86. — Les données fantastiques du Talmud et du
Josiphon sur le pays siluc derrière les montagnes ténébreuses ont passé
dans certains géographes juifs, ccmme Petahia, l'auteur du Sihbouh Haolam;
voir Beniscb, The Travels of R. Petachia, p. 100 — Israël Lcvi.
Ibid., p. 167. — A propos des productions poétiques des Juifs avant l'Is-
lamisme, il faut citer l'ouvrage de Franz Delitzscli, Judisch-arabische Poesien
ans vornmltamïjiedischer Zeit, publié lors de la célébration du Jubilé du
professeur Flcischer. Leipzig, 1874, 8^ (4 -[- -iO P-)- — hrael Léci.
Ibid., p. 171, note 1. — Voir la récente publication de Yakoubi, éd.
Houtsma, II, p. 49. Les tribus An-Nadhîr et Koreiza, de Djidzaïn, qui ont
embrassé le judaïsme à l'époque de As-Samoual, tirent leur nom des mon-
tagnes An-Nadliîr et Koreiza où elles étaient établies. D'après d'autres,
Koreiza est le nom du fondateur de la tribu des Banou Koreiza. — Page
173, 1. 18, lisez : Demande Koreiza. — H. Hinchfeld.
Ibid., p. 191 ei suiv. — Lire Al-Baidhâwi au lieu de Al-Baghûwi.
LISTE DES PUVEAOX MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DES ETUDES JtlVES
DEPUIS LE l'^'- JA^'VIER 1884.
Bloch (Richard), ingénieur des ponts et chaussées, attaché au chemin
de fer d'Orléans.
Cremnitz (Jacques), rue aux Ours, 26.
Dalsace (Gobert), rue Kougemont, 6.
Dennery (Sylvain), rue de Charonne, 8.
DuRLACHER (Armand), libraire-éditeur, rue Lafayette, 83 his.
FouLD (Léon), rue du Faubourg-Poissonnière, 30.
KuLP, rue de Chabrol, 26.
KuNST, rue des Petites-Écuries, 48.
Lagneau, professeur, rue des Feuillantines, 84.
Lévi (Georges), ingénieur des arts et manufactures, boulevard Ma-
genta, 40.
Lévy (Théodore), ingénieur, rue Chauveau-Lagardo, 14.
Monteaux (Eugène), boulevard Montmartre, 15.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DU CONSEIL
SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE 1883.
Présidence de M. Joseph Derenhoiirg.
M. le Pr^sidetit proiposo au Conseil de uommer le présideul sortant M. le baron
Alphonse de Rothschild, président honoraire de la Société en reconnaissance de la
part prise par la famille de Rothschild u la fondation de la Société.
Cette proposition est adoptée à l'unanimité.
M. Loeb rend compte des délibérations du Comité de Publication relatives à la
rétribution des articles de V Annuaire. Le Comité propose de fixer cette rétribution
à 2 francs par page. Les Rapports et les Conférences ne seront pas rangés parmi les
articles rétribués, mais cent exemplaires des tirages à part seront mis à la disposition
des auteurs.
Cette proposition est acceptée après une observation de M. le Président qui émet
des doutes sur l'utilité de cette rétribution et môme sur l'utilité de VÂnnuaire en
général, dont les articles pourraient paraître dans la Revue.
Le Conseil, sur la proposition du Comité de Publication, décide d'abroger la
défense faite aux auteurs de mettre en vente leurs tirages à part avant un délai
d'un. an.
L'ordre du jour appelle la discussion sur le maintien du Comité de propagande.
M. Lévi propose de le supprimer et de désigner quelques membres du Conseil
chargés de faire des visites à des personnes dont Tadhésion à la Société serait dési-
rable. M. Loeb propose d'autographier la liste de ces personnes que dressera M, Lévi
et de la communiquer aux membres du Conseil.
Ces propositions sont adoptées.
Il est procédé ensuite à l'élection du Bureau et du Comité de Publication et d'Ad-
ministration. Sont élus : MM. Arsène DARMBSTETEa et Zadog Kahn, vice-prési-
dents, MM. Abhaham Cahen et Théodore Reinagh, secrétaires, M. Erlanger,
trésorier.
MM. HARTwia Derenbourg, J. Halévy, Isidore Loeb, Offert et Vernes
sont élus membres du Comité de Publication.
SÉANCE DU 3i JANVIER 1884.
Présidence de M. Joseph Derenbotcrg.
Le Conseil vote des remerciements à M. Astruc pour la conférence qu'il a bien
voulu faire sur les Causes et les Origines historiqties de V Antisémitisme .
M. le Président demande de nouveau la suppression de VAnnuain et l'inserliou
des articles qui le composent dans la Revue.
160 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
31. Zadoc Kahn croit que le succès de la Revue dans le public savant est dû prin-
cipalemeut à l'exclusion sévère des articles de ce genre.
L'examen de celte question est renvoyé au Comité de Publication.
M. Halêvy fait une communication sur le verset araméen de Jérémie (x, lO).
SÉANCE DU 28 FÉVRIER 1884.
Présidence de M. Joseph Derenhourg.
11 est donné lecture d'une lettre de M. le baron Alphonse de Rothschild remerciant
le Conseil de sa nomination comme président honoraire de la Société.
M. le Président déclare qu'il retire sa proposition sur la suppression de V An-
nuaire.
M. Loeh rend compte de la discussion qui s'est engagée au sujet de cette propo-
sition dans le Comité de Publication. Le Comité propose au Conseil de conserver
VÂnnuaire.
Le Conseil ratifie ces conclusions. •
SÉANCE DU 27 MARS 1884.
Présidence de M. Zadoc Kahn.
Le Conseil vote des remerciements à M. Guillaume Guizot pour la conférence
qu'il a bien voulu faire sur le Marchand de Venise de Shakespeare.
M. le Président signale les inconvénients que présente ce fait que l'année d'exer-
cice de la Société commence au mois de juillet. 11 propose que dorénavant elle parte
du l^"" janvier.
Le Conseil adopte cette motion et décide qu'une circulaire sera adressée au mois
de juin aux membres de la Société pour les aviser de cette modification et les prier
de vouloir bien payer pour une fois la moitié de leur cotisation annuelle.
Les Secrétaires,
Ab. Cahkn et Th. Heinach.
(
Le péraiil responsable,
Israël Lkvi.
vEn.«Aii.i,Ks, iMPniMKnii: cv.\\v et fii.s, ni'B dl'Plkssis, 59.
DEUX LIVRES DE COMMERCE
DU COMMENCEMENT DU XIV^ SIÈCLE
Les archives du département de la Gôte-d'Or, à Dijon, contien-
nent deux manuscrits hébreux, cotés B 10,410 et B 10,411, qui
sont du plus grand intérêt pour l'histoire des Juifs de la Franche-
Comté, pour la paléographie et les antiquités hébraïques, et enfin
pour l'histoire de la Franche-Comté.
M. Alfred Lévy a déjà signalé autrefois, dans un intéressant
travail, l'importance de ces manuscrits^ et en a donné une courte
analyse. Nous nous proposons de les étudier ici avec plus de
détails et en traitant un certain nombre de questions dont il ne
s'est point occupé.
Ces manuscrits contiennent les comptes d'une association de
Juifs dont le siège était à Vesoul et qui faisaient, dans un rayon
assez étendu, d'importantes opérations de banque, de prêt, de
commerce et d'agriculture. Le principal personnage ou le chef de
l'association était Héliot (Elle) de Vesoul. Héliot de Vesoul com-
mence à être connu, depuis un certain temps, comme le chef des
Juifs de la Franche-Comté. La prospérité de sa maison et de ses
associés date probablement de la guerre qui suivit le traité conclu,
en 1295, entre le comte Othon IV et le roi Philippe le Bel. Les
barons, indignés de voir le pays livré, par ce traité, à celui que l'on
considérait comme l'ennemi héréditaire, se soulevèrent pour dé-
fendre leur indépendance; la guerre dura de 1296 à 1301, elle
était entretenue en partie par largent de l'Angleterre, en partie
à l'aide d'emprunts faits par les barons confédérés aux banquiers
lombards et juifs 2. C'est à cette époq*^ que se placent les opé-
" Archives Israélites , 1869.
2 L'abbé Morey, dans Bévue des études juives , t. VII, p. 7.
T. VIII, N« 16. 11
162 ■ REVUE DES ÉTUDES JUIVES
rations dont les comptes se trouvent dans nos deux manuscrits.
Elles ont pour centre la ville de Vesoul et s'étendent à tout le
département actuel de la Haute-Saône, et aux départements
limitrophes, le Doubs et le Jura (jusqu'au cours du Doubs), la
Gôte-d'Or (jusqu'à la Saône), la Haute-Marne (jusqu'au plateau
de Langres), en poussant des pointes jusque dans les Vosges, au
nord, et dans la Saône-et-Loire, au sud-est. Nos manuscrits vont
de l'année 1300 à l'année 1318. En 1315, Héliot de Vesoul fit partie
des syndics des Juifs de la langue d'oïl qui négocièrent le retour
en France des Juifs chassés, en 1306, par Philippe le Bel K II
comptait parmi ses clients et ceux de sa famille les personnages
les plus importants de la contrée, les comtes, les barons, tous les
membres du clergé, les curés, abbés, prieurs, les hauts fonction-
naires tout aussi bien que les bourgeois, les hommes du peuple,
les pauvres gens des dernières classes de la société. Après la cons-
piration des lépreux de Tan 1320, le roi de France, Philippe V
le Long, expulsa les Juifs de France (en 1321) ; le 14 décembre
1321, en sa qualité de comte de Bourgogne du chef de la reine
Jeanne, sa femme, et en conséquence de l'édit d'expulsion, il écri-
vit à la reine Jeanne une lettre -par laquelle il lui faisait donation
des biens d'Héliot (Hélion) et des autres Juifs du comté *. Ce fut
probablement à cette occasion que furent confisqués les deux
manuscrits qui font l'objet de cette étude, et c'est ainsi qu'ils sont
parvenus jusqu'à nous.
Ces manuscrits sont écrits sur parchemin, le premier a 48 feuil-
lets, 16 second en a 60 ; ils sont défectifs au commencement et à
la fin, et, de plus, dans le corps du ms. 10,411, il manque un grand
nombre de feuillets qui paraissent coupés au canif et qui furent
peut-être enlevés, à l'époque de l'expulsion des Juifs du comté et
de la confiscation de leurs biens au profit du roi, par des débiteurs
peu scrupuleux ^.
Le ms. 10,411 est plus ancien, mais beaucoup moins intéressant
que l'autre. li s'étend aux années 1300 à 1306. 11 contient la
simple liste des débiteurs de l'association, accompagnée démen-
tions très brèves. Les faits y sont presque toujours énoncés dans
l'ordre suivant :
1. La somme prêtée, inscrite sur une marge, à droite, en lettres
hébraïques.
•
* Saige, Les Juifs du Languedoc, p. HIO, n" Lvii, pièce de Louis X, du 28 juillet
1315.
« Morcy, Bcvkc, VII, 11-12.
' Les feuillets manquants se trouvent entre les tV. 11-12, 14-15, 16-1", 18-19, 20-
21, 29-30, 31-32, 34-35, et probablement aussi 8-9.
DEUX LIVRES DE COMMERCE DU X1V<= SIÈCLE 163
2. Le nom du débiteur.
3. Son domicile.
4. Les témoins et garants.
5. Une date qui est ou bien la date du prêt ou souvent, à ce
qu'il nous semble, la date de l'échéance.
Quand les opérations sont liquidées, l'auteur du compte barre
les sommes inscrites en marge ; souvent il met en surcharge des
notes indiquant des remboursements successifs ou d'autres rensei-
gnements.
Ce ms. est donc une espèce de journal où les opérations sont
inscrites au jour le jour. Il se distingue cependant de nos jour-
naux actuels par deux particularités. D'abord, les opérations faites
dans une même localité sont réunies sur des pages consacrées
uniquement à ces localités; ensuite, des blancs sont ménagés
entre les lignes pour y insérer la mention de nouvelles opérations
faites plus tard avec les mêmes personnes, ou bien pour réparer
des omissions. Nous croyons que ce journal est rédigé d'après des
livres de notes fournis par les associés et où chacun d'eux ins-
crivait les opérations faites par lui.
Nous avons dressé, autant qu'il est possible de le faire pour
des matériaux si mal coordonnés, une table sommaire des ma-
tières du ms. 10,411 K
F« 1-8 à. Frotey. F^ ^2 a-St à. Villeroy et Autrecourt.
9 a-\\ ^. Villersexel. 33 a-34 à. Andelarre et Ande-
12 â^-14 b. Colombe. larrot.
15 a-\6 h. Dampvalley. 35 a (en blanc).
17 tt-18 h. Noroy. 35 ^-42 b. Echenoz.
19 a J>. Essernay. 43 a. Vaivre.
20 a (en blanc). 43 b (en blanc).
20 b. Liévans et divers. 44 a b. Montoille.
21 a-^l b. Navenne. 45 a b. Port, Couclans, Gonflandey,
23 a-27 a. La Demie. Grattery.
28 «-29 ^. Noroy'. 46 « (en blanc).
30 a-M b. Vellegondry. 46 ^-48 b. Noidans.
La date la plus ancienne du ms. (1300) se trouve dans le compte
de Navenne, f* 21 a.
Le ms. 10,410 est beaucoup plus intéressant que le ms. 10,411.
* Les feuillets du ms. n'étaient pas chiffrés ; ils portent une numérotation moderne,
mais qui les prend à rebours, comn^e on ferait d'un manuscrit français. Nos numéros
sont les numéros véritables, en commençant à compter de droite ù gauche.
* Ce Noroy et celui du f" 17 désignent, sans doute, Tuu Noroy-le-Bourg, Tautre
Noroy-les-Jussey, tous deux dans la Haute-Saône.
164 REVUE DES ETUDES JUIVES
Il en diffère matériellement en ce qu'il est une espèce de grand-
livre où les mentions relatives au compte d'une même personne
se trouvent réunies. Souvent le compte d'un débiteur remplit
plusieurs pages, souvent aussi une même page contient, les uns à
la suite des autres, les comptes de plusieurs débiteurs ; quelque-
fois, enfin, les comptes de plusieurs personnes se trouvent mêlés
et enchevêtrés sur une même page. Aucun ordre chronologique ou
alphabétique ne paraît avoir été suivi par le rédacteur pour le
classement de ces comptes ; dans chaque compte personnel, l'ordre
chronologique des opérations domine sans être pourtant rigou-
reusement suivi, à ce qu'il semble. Il n'est guère possible de dres-
ser une table sommaire des matières de ce volume, il faudrait
rédiger, comme table, le répertoire alphabétique des personnes qui
y sont nommées et il n'entre pas dans notre plan de reproduire
ici cette longue liste de noms, nous nous bornons à indiquer plus
loin les principaux personnages qui sont nommés dans ce ma-
nuscrit.
La disposition matérielle du ms. est la même que celle du ms.
précédent, les surcharges, les ratures y sont également nom-
breuses ; quelquefois, en bas des pages, se trouve un chiffre total
qu'il serait difficile de vérifier, attendu qu'on ne sait pas à quelle
date ce total a été fait, ni, par conséquent, à quel état du ms. il
correspond.
Le grand intérêt de ce manuscrit vient de ce que, outre les
mentions contenues également dans l'autre ms., celui-ci fournit
presque toujours une note explicative indiquant le but de l'opé-
ration, la destination de l'argent prêté ou emprunté, car l'asso-
ciation recourt assez souvent à d'autres financiers. Ces indica-
tions contiennent une foule de renseignements du plus haut prix
pour les mœurs, l'état social et économique du pays, quelquefois
les événements politiques et les grands personnages contem-
porains.
La date la plus ancienne de ce ms. est 1300 (f^ 30 a; 1301,
f*' 20 a); mais il se rapporte plus particulièrement aux opérations
faites depuis l'année 1310; la date la plus récente qu'il contienne
est de Tannée 1318 (fo^ 2*7 ah, 28 a). Comme il est plus récent que
le ms. 10,411, nous désignerons dorénavant par le chiffre I le
ms. 10,411, et par le chiflre II le ms. 10,410.
Les deux mss. paraissent écrits de la même main ; cependant il
ne semble i)as qu'ils soient d'un mémo auteur. Le ms. Il a été
écrit à VesouP, et, s'il est tout entier de la même main, l'auteur
' V\D'n3 ne « jVi ù Vcsoul, » 11 6 fl, 30 a.
$91 sScj
. c- .e' (<r''^^^\-n x'ss^'^/ç^ \<r:ucn Sjr- f (^ÎJ^*''^- ^^'^^ '*^' ^'5^- î'*''*^-iSfc>
'/c.
c-c-
<^cc. '^f'^^'"''^ -l'if- M-^ yr^.^/Vvfc-c^- ^(./(.^'^-^ f ^-.^lim/^^;
si: 1 .V ■ ;
DEUX LIVRES DE COMMERCE DU XIV' SIÈCLE 10î5
est un nommé Vivant, qui est probablement le fils d'IIéliot de
VesouP. Le ms. I porte au f» 25 & cette mention : mn^r'ziz tn^tg "^d
a^nT^n b'»25 iT « c'est ce que j'ai trouvé écrit de la main de Vi-
vant ; » il semble donc que ce ms. ne soit pas du même Vivant,
mais , comme l'association contenait plusieurs Vivant , le Vi-
vant auteur présumé du ms. II pourrait être également l'auteur de
cette note "^
L'écriture des deux mss. est une écriture cursive dite raschi;
nous en donnerons un spécimen dans la planche qui accompagne
cet article et qui est la reproduction d'une des pages les mieux
écrites du ms, II (f° Via). Quelques détails sur un certain nombre
de lettres sont nécessaires pour expliquer nos lectures et les
difficultés du déchiffrement qui nous ont quelquefois arrêté.
n est presque toujours arrondi comme le 5.
1 est presque toujours arrondi comme le n.
T est ordinairement formé d'une barre verticale droite sur-
montée d'un petit trait horizontal droit, et peut quelquefois se
confondre avec p.
a est très bien formé, mais peut se confondre avec n3 liés par le
bas, et même avec la lettre uî, lorsque a est surmonté d'un point
qui est dans nos mss. le signe de l'abréviation.
12 est souvent formé de deux traits droits, verticaux, unis par
un trait oblique très fin. Il arrive que ce trait oblique ne se voit
plus; ou que deux m, dans la précipitation de l'écrivain, aient été
unis par un trait oblique, de là une certaine confusion entre cette
lettre et deux vav.
ii: est la lettre la plus équivoque de nos mss., car elle est exac-
tement formée d'un 3 précédé d'un ^, de sorte qu'on ne sait jamais
s'il faut lire ir, y ou a*^, \^.
p est assez mal venu, petit et peut se confondre avec les lettres
^ etT, cependant son jambage de gauche est ordinairement très
incliné de haut en bas vers la gauche.
n ressemble quelquefois à sn ou 3n liés.
Nous indiquerons plus loin les règles suivies par l'auteur pour
la transcription en hébreu des nombreux noms propres et com-
muns français qui se trouvent dans son manuscrit et qui sont
d'un si grand intérêt. Nous devons, dès à présent, indiquer quel-
* tûSNT^n "^blîî dïn « Cet argent est à moi. Vivant, » I1 15 a. Héliol avait un fils
nomme Vivant (Morey, l. c, p. 1 'î).
* Dans le ms. II également il est souvent question d'un Vivant à la troisi^me
personne, qui est sans doute un Vivant dill'érent do l'auteur du ms., si toutefois lo
ms. est tout entier de la même main.
166 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
ques-unes clés conventions qui lui servent pour cette trans-
cription.
Pour remplacer dans l'alphabet hébreu les lettres françaises
qui y manquent, il se sert d'un tilde qui est chez lui une barre
horizontale placée sur les lettres. Nous remplacerons partout, par
des raisons purement techniques et suivant l'usage des anciens
imprimeurs hébreux, ce tilde par le signe ' placé à la suite de la
lettre tildée. Voici le tableau de ces lettres :
'n représente v.
's, — g (dans givre), j et g7i mouillés.
n — h aspirée (rare).
'3 — gn mouillés.
's - r
p — c dur, q ;
'p — ch.
at — s sifflant (rare), ç (cellerier); souvent équivalent
de notre x.
U5 — s sifflant, ç, jamais ch; souvent équivalent de
notre cv,
'^û — 5 doux (maison), z.
Les lettres t, ^, o, y, n ne sont jamais emploj^ées ^
N représente très souvent Ve muet à la fin des mots, et les
sons au, an.
Le plus souvent le 7i des voyelles nasales (a7i, en, on, etc.)
n'est pas représenté.
Liste des Israélites noynmés dans les rnanusonts.
Nous commençons notre étude par cette liste qui fera connaître
les principaux personnages israélites faisant partie de l'entou-
rage d'Héliot de Vesoul et qui étaient en relations d'affaires avec
lui ou avec ses associés *. Nous nous abstenons de proposer, dans
cette liste, des identifications faciles mais tout hypothétiques, par
exemple l'identification des Aron, des Ilaquinet, des Isaac, etc.
' Cependant dans le nom géographique de Port-sur-Scey il semble que l'auteur
8il écrit ÏT^D hy U'HID-
' Dans tout ce qvii va suivre, les numéros des feuillets qui sont préo«'dés du chiffre
ruiuain 1 renvoient au ms. I ; ceux, qui ne sont précédés d'aucun chilFre romain ou
du eiiillrc II renvoient au ms. II.
DEUX LIVRES DE COMMERCE DU XI\- SIKCLK 107
Abertin 'j'^^'n^N, -ii^; nommé à côlé de Ilaquinet; peut-être juif.
Abraham, lï^à.
Abraham "^iDi, « mon petit fils », 55 «.
Maître Abraham, médecin de Henri de Bourgogne, y* a.
Abraham d'Amance, 52 a.
Abraham de Montjustin, I, Ma.
Rabbi Abraham de Port(-sur-Saône), 9 b, 60 a.
Abraham Cohen, 47 a, 54 b.lî^a; R. Abraham Cohen, I, 20 a.
Abramin "i^TONinN de Pontarlier, 15^, 44^, 54 «.
Aron, '6 à, '69a. Déjà mort en I3H, y"3, 5ô; ses héritiers mentionnés
5^ et 69 a, en 1312.
Aron de Chalautre, 10 «.
R. Aron de Port(-sur-Saône), 51 a ; le hakam R. Aron de Port, 55^;.
Belnie, 10 â^. Argent prêté à des personnes qui vont enterrer cette
femme r"5 tiN^ib-^n '12 nmnp "^i^birt ^niirb *.
Cressin ';'^U5'np, 2 a, 28 b.
R. David, I, 29 a. Déjà mort en 1304.
David de Montjustin, I, 20^.
David de Montmorency, R. David de M., 1 b, i'^b, 60a. Est à Paris
dans Fautomne ou l'hiver (ciin) 1313, où il rencontre le tréso-
rier de Bourgogne.
Delsat uN^b"'1, mon frère, 48 a, 54 a.
Delsat, •^m'np, mon parent, 2 a. Ne demeure pas à Vesoul, car l'au-
teur remarque qu'il est venu ici (à Vesoul).
Diaya, Dieya, ou Diea, Dieau îin^n^N'^^, îiN^n^I) 2 a. Il demeure à
■'"'j'pN (Echenay), et il est beau-frère de « mon maître, mon
parent, le Rabbin » dont il sera question plus loin. La pro-
nonciation Diaya de ce nom est confirmée par des listes de
noms de Juifs anglais (venus de France en Angleterre), où l'on
trouve Dyaya, Dyaye ^ ; la prononciation Diéau s'autorise
d'abord du nom qui suit dans cette liste, et de la comparaison
avec ï-îN"'t<"'bi''i3 Boiliéau, Boileau, 41 ^ ; cf. 8 a.
Diéot anN''5<''"i le hazzan (ofticianl) 3 a ; demeure à Vesoul ou à Vaivre.
Doucette ou Douçotte N:2ii£"i^, I (i-
Elie, 8*, 11 ^, 42^.
Hanin ';"i5n, 1 a, 2 a, 15 a, 25 a.
Haronin 'jiii'nrr, mon fils, 6 b.
Haquinet a"'3^pn, 20 a, 44 a, 54 a. On sait que ce nom est un dimi-
nutif d'Isaac.
Haquinet, mon gendre, 3 a.
Haquinet d'Auxerre, 10^, 46 a.
R. Hayyim, 8 b, 12 ^, 46 b. On le troure à Frotey, 8 b; à Chiriez, 10 a.
* Ce passage prouve bien que Belnie est un nom de femme. Voir J^eme, VII, 138.
2 Margoliouth, T/ic Jetvs in Créât Britain (Londres, 1846), document relatif au
Parlement de 1240 : noms de Juifs de Cambridge, p. S'Zn ; de Norwich, p. 326 ;
d'Oxford, p. 326. D'autre pari, Josef llaccoben, dans son Dibré hayyamim, écrit sou-
vent VD'^^IN'^N pour E.ugenio, le "^N représentant la lettre e\ le IN, la lettre u.
168 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Héliot ou Eliot r:vbN d'Amance, 18âj.
Héliot, 41 b (dans le passage français de cette page); demeurait sans
doute à Vesoul.
Gerson, 43 J?.
Gerson Cohen, ^oa.
Gome Cohen t^Toir^, ^i, W a.
G orne iDbn (Halfan, ou changeur ?), 6 a, 15 ^.
Isaac, 60«; R. Isaac, mon oncle 1^11, 60 «.
Isaac, mou parent ^ninp, 5â^, 6â^; R. Isaac, mon parent, et son fils
4 2^,59^.
Les enfants de R. Isaac, 59 «.
Isaac, instituteur iTobTû du fils du « Rabbin mon maître, mon pa-
rent, » 2â^.
Isaac de '^b'^'^'^12 i:û">t5, 59 a.
Jacob Cohen, le haham R. Jacob Cohen, 45 J.
Jacob Cédée p^is, 2 d;. Probablement le même que le précédent.
Lionet rjiDiN'^b- Demeure sûrement à Resançon, car toutes les affaires
faites dans cette ville, sont faites par lui ; 3 ^, 5 ^, 6 a, 8 ^, 9 ^,
\^a^ etc., 50 â^.
Lionet. On le trouve à Apremont, 53 ^ ; à Port-sur-Saône, 55 a.
Lionet de NlN"nbN, 2 a.
Lionet de Reaume(-les-Dames), 6û;, 14 ^, 43 1).
Jeannin Lelochart (chrétien), notre ancien serviteur, 12 J, 32^, 127^.
R. Mattatia, mon gendre "^^nn, déjà mort (3>"D) en 1309, 43 l, 56 h.
Menahem, %a, 15^, 36^^,51^, 59 «. Est souvent nommé à Echenoz,
I, 35^.
Moïse, 45 a, 49 1,
R. Moïse, 8 b.
Moïse ^1-ib^itb le cellerier, 2 a.
Moïse t5"'"«ib^j^b lenglois (l'anglais), 2â5.
R. Moïse de Bracon, 56 b.
Moïse de La Châtelaine (?) N3'^"'bt:iaN'p ^"«N, 26 a.
Molin, lŒy kZb.
Molin i"iSD, mon petit-fils, 7<2, 8^, IOû;.
Morel (juif?). 29«.
Pricion ou Précion ';'i'^i£i-iD, veuve de R. David ', mort [yi) en ou
avant 1304, I, 29 t*.
Salomon Cohen, 2 a.
Samoin ';-'"i7ûô<;a (j^if^)» 4 «, M (Z.
Samuel, \ a.
Samuel, mon gendre, 10^. A un fils, 10^.
R. Samuel de Ray-sur-Saône, 58 b.
Sansinet, il a.
Sansinet a"'5'^05N"t25 de Montbéliard, 10 a, 44^; son père, 10 a.
Saronete N::"^2T-i&<i!:, nia fille, 23 «; elle a des enfants, 10 b.
' Voir Nrvui', J, Gf), ligne 1, cl p. 6W.
DEUX LIVRES DE COMMERCE DU XIV" SIECLE 1(9
Savorey 'i'nVn6<^, mon petit-fils t^si, ^ a, 2 a.
R. Simha, mon beau-frère ■(D"'5, 'IS à, 24 à, 46 a.
R. Simha d'Authoison, mon oncle, il b, '67 a.
R. Simson, 10^.
R. Simson, « mon maître, mon parent, le Rabbin », nnïi ■»n"i'",p "^m^a,
1 a. Le Rabbin R. Simson, 10 ^.
Sivyah !n''niS, nom de femme, M b. Le nom se trouve déjà dans la
Bible, II Rois, xii, 2, où il signifie gazelle.
Sonnet ou Sounet Li'^5"i*>:i, l ^. 2 fï, 21 a, etc.
Sonnet ou Sounet de Coublanc, 2 «, Mb.
Vivant. Ce nom est écrit ordinairement asi^n ; mais on trouve aussi
14^; U3T1-I, 8 ^ ; u^nT"»!, 6 ô; !::dt»it^i Viviant, 54 a.
Les personnages qui portent ce nom sont :
Vivant qui parle en son nom et qui serait l'auteur du ma-
nuscrit II; voir II, 15 ^. Il demeure à Vesoul.
Vivant dont il est question souvent à la troisième personne,
2^5 5 b, \0 a, « j'ai écrit sur les instructions de Vivant -^d hy
•^nnniD u^it^i. ». On le trouve entre autres à Paris. L'identifi-
cation de ce personnage, qui figure très souvent dans le ms.II
à la troisième personne, avec le Vivant précédent ne serait
possible que si l'on supposait que ce fût tantôt Vivant tantôt
une autre personne qui tenait la plume.
Vivant de Besançon, 50 «, 54 a.
Vivant de Pontailler, 2 a, 4 «, 9^, 15âJ, 16 «.
Vivas Cohen (^-ni-n et ^^ti-^i), Tûj, 14âJ, 15 ^, 31 b.
Outre ces personnes, l'auteur du manuscrit II en désigne un
certain nombre d'autres dont il ne donne pas le nom, mais dont
il indique les qualités ou la parenté qu'ils ont avec lui. Voici la
liste de ces personnes.
Mon maître mon père, ri"'^\t5 "^^i^ '^11^, 1 d, 30 «, 52^. Ce serait Héliot
de Vesoul, père de ce Vivant qui est l'auteur présumé du
ms. IL
Mon maître mon beau-frère le Rabbin nnti '^D'^a mt3, "'D*':» ■'m72, 5^,
13 ^, 47 a, 52 aô, 53 b. Il se déplace beaucoup, on le trouve tour
à tour à Besançon, à Dole, à Fondremaut, etc. C'est sans doute
lui qui est aussi appelé « mon maître mon parent -^^Tip le
Rabbin, » 2 a. C'est lui sans doute aussi qui porte le nom de
R. Simson (voir la liste ci-dessus). La Rabbine rr'Dan, 2 a, est
probablement sa femme, et puisque [ibid.) on envoie de l'ar-
gent à la Rabbine par un commissionnaire, il en résulte que
* ce personnage important ne demeurait pas à Vesoul. Si « mon
maître de Vallerois », I, 32 a, est identique avec lui, son domi-
cile se trouve déterminé. Ce rabbin a un oncle, un beau-frère
(Diaya, voir la liste ci-dessus), un fils, un instituteur ^Isaac)
no KEVTÎE 3ÎES JETCBES JTTŒS
pcoiT ce £fe, une :filie (ie tcoit ^"après :2«) ; -aiii M ^oit
îin lirre de tosafoi. un loidal.
lioi. wi. " :_ -„ V. ...:filsdecet ancie.
X-e â/Z-t: . -lit tde-TBRbKn, 1^-
Tin i)OîicheT jui i iie^ort, 6^.
les persoimer
San père; — ^ rscsn oncle j n : — scoi oni -- . le
cet oncVs; — ?": -- .- - _ ;§
Jîaronin: — -s. -, _., -^
-geDd7*es lî. Mattatiâ. .et <it Sanïael : — -ses ^ \s
-Abraham. Jdalin «i Sa vorey : — e.t
^ ■: î tre inon -beaii-frère ie ^îkaiiLiii. dve^ tu-a^ ix^ ut .
□lier.
H
l^os Tnarmscritf^ foiranneiit :— e luJUj^ii^ lifîl^ f!^ noms àe Boas..
c'^stime contribution nrrpoTtaut Tabiàniofleiàe
Ui France -et qu <h^ prix 4pie eetfee re^Mxn i>^ilBlt
de fournir ainsi ini Bon^el -élt . ji
-gîoses françaises gu'on tronre dans* les écrits des
-n
juive de Vesoal, cette loneee :
et on lie Ir is saa^
-. r" ;<-..»- .1.
Tf^anle? de la Pnmchf^ - «ne
V»en7ye ou -en desne»
""Ta K GUiiiL^, ui ^ uiiijrt
DEl X LIVRES DE COMMERCE DU XIV SIECLE 171
Vienne (xiv^ s.), Je personnage le plus fameux de cette maison,
était iVanc-comtois.
Vn certain nombre de ces noms de localités se trouvent avec des
noms de personnes et indiquent le lieu de naissance ou d'origine
de ces personnes, ou leur titre nobiliaire, ou leur domicile.
Lorsqu'un nom pouvait être identifié avec plusieurs localités
homonymes, nous avons pris pour n'^gle de donner toujours la pré-
iVrence aux localités i>lus voisines de Vesoul et dans tous les cas
de ne pas chercher, pour nos identilications, à moins de bonnes
raisons, des localités placées en dehors du rayon d'opérations de
nos personnages.
Dans la liste qui va suivre nous avons souligné les noms fran-
çais qui sont une simple transcription hypothétique du nom hé-
breu, soit que cette transcription fût utile pour faire connaître
l'ancienne prononciation, soit qu'il fallût y recourir à défaut d'une
identification plausible. A la suite du nom propre donnant l'iden-
tilication nous avons inscrit, entre parenthèses, le département
actuel, puis, et à moins de mention contraire, le canton '.
U53n5< o4^. Abbans (Doubs. Boussière). *( Jean d'Abbans. »
^n'^''2'3i< 60^?. Areniers. Aveuay (Doubs, Boussière).
Nb"^^i"!2î< 46^. Ambreuiîe. Saint-Ambreuil Saône-et-Loire, Sen-
ne cy).
N'p:&<mN 46^. OtancJie. Ovanches (Haute- Saône, Scey-sur-
Saône).
a"np':inîî ^W?, 56^. Augicourt ^H.-S., Combeaufontaine).
fc^b-^-^niN î^nNliN 60 a. Avade-Or tille. Autoreille ;H.-S.. Gyl.
■^■'by'^'C^"»'Tis 57 b. Voir ■^•<'Db'^"^'c^''iN.
-T^yc-^iiN I 20 * ; -i"^yc"'"«'iN, 48 fl, n'-bc'^s, 58 fl. Oi^eliir. Oise-
lay (Haute-Saône, Gy).
t52î<'û'^''iN 45^. (Messire Jeau de — ) Oissans. Oisenans? (Jura,
Lous-le- Saunier).
n'^^y'^'';;û^'>-itî 45^, 57*. Oisilly (Côte-d'Or, Mirabeau-sur-B6ze\
D"np"i"''^^x I -0^. Voir le mot suivant.
amp'^n'^^N 50 à. Olricourt. Oricourt (H. -S., Villersexel).
"nx 13 ft. Our (Jura, Dampierre).
U572mN (Jehan des—). Les Ormes ^S.-et-L., Cuisery).
» Dans les listes qui suivent, le tiret — représente le mot placé en vedette en tête
de 1 alinéa.
M. Tabbé Morey, curé de Baudoncouit, qui connaît admirablement l'histoire, la
géographie et les antiquités de la Franche-Comté, a bien voulu lire nos épreuves et
nous l'ouruir, sur ce chapitre et les suivants, une foule de rcnseiî;noments précieux
et dutiles rectiticatious. Nous lui eu exprimons toute notre reconnaissance. Nous
remercions égalomenl M. Bernard Prosl, de la direction des .\rchivcs déjvartemen-
tales au Ministère de Tluterif'ur, de rexcellenl concours scieBtid4Ud qu'il a bien
voulu nous prêter.
172 REVUE DES ETUDES JUIVES
i255N'p'mî< 51 h. Orchans. Orchamps Vennes (Doubs, Pierrefon-
taine), ou plutôt Orchamps (Jura, Dompierre), où on
sait qu'il y avait des Juifs.
'jV^ii'ic3^ 4 ^, 9 <i, 36 a. Autoison. Authoison cH,-S., Montbozon).
•jVirji-iaN 24 b. Voir le mot précédent.
ampN'naN I 32 h. Autrecourt. Au tri court (H. -S., commune Val-
lerois-Lorioz). Il y a un Autricourt dans la Côte-
d'Or, un Attricourt dans la H.-S., mais le contexte
montre que notre nom désigne l'Autricourt près
de Vesoul.
■^lUN I 20, a près Monjustin ». Probablement Autrey-les-
Cerre (H.-S., Noroy-le-Bourg).
t:'-np"i;i2&< I 32 6. Voir unipNn::^^.
t5'i73Tn5'^N 7 a, probablement pour ::Tm'^,i"'N. Aigremont (Haute-
Marne, Bourbonne-les-Bains). Il y avait un Aigre-
mont près de Roulans, dans le Doubs, château-fort
de Jean de Vienne, et plus connu en Franche-
Comté que le précédent.
WSibNt^^N 52 b. Etalons. Etalans (Doubs, Vercel).
N3T2N'm''N 58 à. Etrabonne (Doubs, Audeux).
M&<"'DNnc:'^N 25 â^, 27^. Btrapie. Etrappe (Doubs, Tlsle-sur-le D.).
Il n'est pas impossible cependant que ce nom soit
identique avec le suivant.
'^'5'>DnLÛ"'N 60 b. Etrepigney (Jura, Dampierre).
'^':i'^'^D1tû''N 60 b. Autre forme du nom précédent.
v:ji'^N 30«. Igny (H.-S., Gray).
Nb'''«a''"'t< 13^. Etiele. L'Etoile (Jura, Lons-le-Saulnier) ? Ou
plutôt Ecuelle (H.-S., Autrey). en latin Scola et
Scuola, appelé encore aujourd'hui Etielle dans le
patois du paj^s.
Nbb'^ic^i'^N Ma. Etielle. Autre forme du nom précédent.*
■'■'5'p'''^N 2^. Echenay (Haute-Marne, Vassy) ?
^ibi2:"'''N Voir '"."ib'iD'^'i'nfi^.
Nb^rN Voir Nb^iTN.
l^-^'p-iN 135^ à 42; II 8 <z, etc. Avec le i d'origine (= d')
"i3'i'p"«1, I5"''pi, I 40 a. Echeno. Echenoz, probable-
ment Echeuoz-leSec (H.-S., Vesoul).
nbïi ■i3'''p"'N I 40 <z ; II 37 b. Echeno-rhumide, probablement Eche-
noz-la-Méline (H.-S., Vesoul) ; cette identification
parait résulter très clairement de I 37 b, qui place
l'un à côté de l'autre notre Echenoz-l'humide et
Echenoz-la-Méline.
NS'^btîb iS'^'p'^N I 37 a. Echeno-la-Méline. Voir le nom précédent. Le
même f*» porte aussi ^^3■'b7a■^b i3'p''«.
^'^^nn"'N 6 a. 33 b, 44 a, etc. Erbois. Arbois (Jura, arr. Po-
ligny).
'^•'N3nu5"»[ti?] Avec ^ d'origine '=d') ■«■'Krntt'^i, I lia, <9a. Esser-
DEUX LIVRES DE COMMERCE DU XIV« SIÈCLE 173
nay, près Golombe-lès-Vesoul (H.-S.). Cet endroit,
qui n'a aujourd'hui que 130 habitants, devait être
plus important, les transactions qui s'y font par
notre association sont assez nombreuses.
&<513&<nc2U:'^N 59 a. Estrabone. Etrabonne. Voir n:-i3N-iL3^n.
N-iN"iVbN 2«. Alvare. Serait-ce AUevard, dans Flsère?
NTiitbN 10 ^, 46 a. Alçore. Auxerre.
NiTNTûN 45 à, 54 à, 58 b. Voir Ni£37:5<.
L2mpDi73N I Uâ;, II 60^. Amoncourt (H.-S., Port-sur-Saône).
Ni£373N 18 a, 37 rt. Amance (H.-S., Amance).
::mpD?aN Voir Dmp5i73N.
■^■^ni::N5N 60a. Anatoey. Nantey (Jura, Saint-Amour) ?
Nn^b^iN I 33 et 34. Andelarre (H.-S., Vesoul).
:ûn^Nb^3N I 33 et 34. Andelarrot (H.-S., Vesoul).
ump"i5'p3&^ 48 a, Anchenoncourt (H.-S., Amance).
©Ti'SN 60a. Efods. Effoz (H.-S., commune La Longine,
canton Faucogney).
asi^^'-iCN 16a, 53^, etc. Apremont (H.-S., Gray).
Nb-^iSfi^ 4ê b -Geoffroi de ~). Aeelle. Auxelles (Territ. Belforf,
Giromagny). Les sires d'Acelle sont d' Auxelles.
nr'pN 1 40 a. Voir ^5Vp-l{^.
'■«■'SpN 2 a. Voir '-"iDpiiN.
n'^'^b'nnî^ ou n-'^b'niN 60 a « près Fouvent. t> Arvalier ou Aud-
valier. Auvillars (sur la carte de l'état-major, au
Nord-Est de Fouvent)?
b''"'Ni:\ni< 33^, 59 a. Arguel (Doubs, Besançon).
b"^î<n:\nN Voir le nom précédent.
\2J'-i'«'^b^'^':\nwN 3 a^. Argillières (H.-S., Ghamplitte).
^DNDDnN I 20, II 9 b, 12 b. « Arp. près Monjustin. » Arpenans
(H.^S.).
• 1-iiDN 45^, 56a. Auxon (H.-S., Port-s.-S.).
TDSUJN 43^, hébreu. Allemagne.
Nn'3fi<'3 1 ^, 2 ^, 6 a, etc. Vavre. Vaivre (U.-S., Vesoul), «mN"n>
25^, 35^.
U53t<nN'n Avec l'i d'origine (== de) «DSiN'n-'l, 60 a. Vadans (H.-S.,
Pesmes).
D'Tip"i^N3 I 17^. Baudoncourt (H.-S., Luxeuil).
N'r^^NTû'iN'n I 27a. Vaudemange (Marne, Suippes).
t:^lpNL3N2 49 a, 50^. Betaucourt (H.-S., Jussey).
N3">"'fi<n 26 a. Parait être Baignes (H.-S., Scey-s.-S.). Est nommé
entre Ghassey et Vaivre, comme pays de vignobles.
Les affaires y sont faites par Moïse homme de La
Ghâtelaine.
Yp-i'^N'n 49 a. Valchou. Vauchoux (H.-S., Port-s.-S.).
nisb^n 1 a. Balani, Bauland. Baulay (H.-S., Amance), ou
Bauland (Meurthe-et-Moselle)? Ou pourrait aussi
lire -iNb^a Balar, ce qui correspondrait à Baaîd-
174 REVUE DES ETUDES JUIVES
rium, Baalao\ nom donné par les chartes des xii®
et xTii® s. à Baulay.
•jb^a S9 ^. Même endroit, Baulay, Bauland?
t<73i<n 6 ^. 8 â^, etc. Baume. Baume-les-Dames (Doubs).
■C5i<^N3 8 a, 42 a, etc. Baumes. Même nom que le précédent.
U5':;nï<n 38^. Barges (H. -S., Jussey).
"""li^n 43 ^ (Lochot de — ). Borey (H. -S., Noroy-le-Bourg)?
Cf. plus loin, tn^Ta.
yiîo « près Pèmes », 58^. Bars. Bard-lôs-Pesnaes (H. -S.,
Pesmes).
tînî^a 58^. Même nom que le précédent.
n"'':i^Nn 60 a. Bassigney (H. -S., Vauvill^rs).
Nb'^Nn 52 a. Basle. Bâle, en Suisse.
'jVri'iin 55^, 56a. Avec n local, 'jT'r^iisNa. Boi^non, Bugnon.
Bougnon (H. -S., Port-s. -Saône).
n-i5<i:3 4oa. Gomme "i^Nn plus haut? On ne saurait penser
à identifier avec Beurey, Côle-d'Or. qui est situé
dans une région (Pouilly) où notre auteur ne pé-
nètre pas.
^513 et ^5n ; avec i^ d'origine (= des), ^sia'^'i- 18 a, 32 J,
39 ^, etc. Bons, Bans. Bans (Jura, Mont-s.-Vaudrey).
i::^l3 46^, 48 a. Boussey (G. -d'Or, Vitteaux), ou, toujours
dans la Gôte-d'Or, Boussy-la-Pesle ou Bussy-le-
Grand? Plus probablement Bucey-les-Gy (H. -S.,
Gy) ou Bucey-les-Traves (H. -S., Scey-s.-S.).
Dmp'^'itin 52 a. Buffignécourt (II. -S., Amance). Il faut écrire
U5"i^'^"i'D'i2 •'^4 a. Beaufremont (Vosges, Neufchâteau).
"OSNbpnn 50 a. Bouclans (Doubs, Roulans).
NSinmn 56^, Bourbonne-les-Bains (II. -Marne).
N':\->i:i'-n:i 5 ^, 45^ ; avec t) à la fin, 45 b. Bourgogne., Bourgognes.
Bourgogne, province.
N3'^^-n:j^ia 54 a. Bourgogne.
N'D^^l^-nn 54 a. Bourgogne.
ui^n-nn et ^an-nn^b, uJimab, I 6 a, 31 a, 36 a ; II 80 a. Les Bordes
(Saône-etL., Verdun-s.-S.).
a-npN::n Voir i^-npN-JND.
Nr'iN'rû^n 8a, 31 b, 57a. Bithaine (11. -S., Saulx).
Nr''::'^:^ Gomme le nom précédent.
Yiib-^-^n et -i':ib'^3, 53 a, 59 a. Beljeu. Beaujeu (H. S., Fresne-
Saint-Mamès).
'ii^-y^n et N'fi'^n, 58 a. Bèze (G. -d'Or, Mirebeau-s.-Bèze).
Vrib-ia Voir -ir^b-^-^n.
Nn-^'n 3a. Verne (Doubs, Berme-l.-D.), ouïes Vernes, près
Vadans (H. -S.;?
■''^N5'-i'^'3 I 45 a, uu homme t^nsT^'an- H existe des Le Vernoy
dans le Jura et la Saùne-et-Loire ; dans la Haute-
DEUX LIVRES DE COMMERCE DU XIV SIECLE 17o
Saône, entre Boussicres, Charriez et Andelarrot, il
y a un Mont-le-Vernois, cl)ef lieu de canton, et un
village Le Vernois, tout à côté; un champ ôerernoi
'^■'i<3T'i7a ^"iU3 est cité dans le complc de Navenne,
I 22 a ; vernois^ dans le dialecte du pays, désigne
un endroit humide.
ij^'iljin "Voir «'uî'^'^n.
uîjn Voir u:3-û.
Ni'i'^i^na 2 ^, 3 a, 12 ^, etc. « Le maître de — . » Braine.
Brennes (H. -M., Longeau)? Ou plutôt Brienne
(Saône-et-L., Cuisery) ? Ou enfin Branne (Doabs,
Clerval), appelé, dans le patois locaL Brenne. Voir
&<3'>''nn ; on pourrait lire Nit^i^nn, Braùse, La Bresse
(Vosges, Saulxures)?
N5'^i<^3 Gomme le nom précédent.
•jipNnn 2 a, 56 ^. Bracon (Jura, Salins).
■^^Ninn 43 a. Breuray (H. -S., Port-sur-Scey).
^;::"nn 7 à. Brottes. Brottes-les-Luxueil (H.-S., Lure), ou
Brotte-les-Ray (H.-S., Gray), ou Brottes (H.-Marne,
Ghaumont).
NbTnn « Sire Bénie de — . » BreuUy Broie. Breuil (H. -M.,
Ghevillon] ? Il y a un Le Breuil dans la H.-S.,
commune de Vellefrie. Les prés humides, les fossés
des châteaux et les gazons avoi&inants s'appelaient
breuils. Il y avait un breuil à Vesoul avec étang
du même nom ; il est remplacé, depuis le xvi« s.;
par la rue du Breuil.
N3i'>'-i2 1 ^, 12 b, 53 b. Voir J^s-^xsnn. On pourrait lire n:s''-i3.
liitï^'iDn et1iiJ:2'U5n 4 a, 6 a, etc. Besançon (Doubs).
LjmpN':^ 45 b. Jaucourt (Aube, Bar-sur-Aube).
UîNDNi:; 49 b. Gouhenans (H.-S., Villersexel).
''':inV:; I 40 a. Juvigny ? Il y a plusieurs Juvigny en France,
il y en a un dans la Meuse, canton de Montmédy.
Peut-être Jugy (Saône-et-Loire, Sennecy) ?
^'Q^^^'^ 5 ^, 10 ^', etc. Jussey (H.-S., Jussey).
NVnsV^ 50 b. Jonvelle (H.-S., Jussey).
a^npll^i:; 56 b. Gondocourt. Godoncourt (Vosges, Monthureux-
s.-S.}.
a"npD"«n 53 a. Gésincourt (H.-S., Gombeaufontaine).
•^':* et n^'^. Gy et Gie. Gy (H. S.).
iVS'.VnV:^ 56 b, GévJgney (H.-S., Gombeaufontaine).
iV3nV2-':\ I 42 a, H, 16 ^, etc. Gomme le précédent.
nv^vn'^''':; I 42 a. Gomme le précédent.
-T^i-i'aîn:; 60 a, « près Fouvent ». Qenevrières (H. -M., Fayl-
Billot).
^n'iS'^':^ 58 b. Gendrey (Jura).
«J'^'^n'ay^ %%a. Genevrois. Gonevrey (H.-S., Suulx).
176 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
^^'«'^'^'33/5 60 a. Genevrières. Voir n"'">"i'n2'''Jj.
•inc:N-i:\ I 45 l. Grattery (H.-S., Port-s.-S.).
h-^^x-ù. 3 ^, 5 ^, etc. Grail. Gray (H.-S.).
Nb'^liîb b-^i^n:; 57 l. Qrail-la-Vile. Gray-la-Ville (H.-S., Gray).
ai^3N-i:^ 59 b. Grenant (H.-M., Fayl-Billot). Le contexte paraît
montrer que ce n'est pas le Grenant de la Côte-
d'Or. Autres formes tDN3N-):i, ':î2Nn:\, X2^T^^, (59 d et
60 a), l:3-i:i (59 d), iU5'^:i (59 b), 20 a, 54 h, 60 a, etc.
^N5î<n^ et w3N^:^. Voir î:i<2!sn:*.
©"«-i:\ et ^ïî-i'^n:*, I 21 a, Il 52 d. Graisse (H.-S. commune de
Navenne, canton de Vesoul). Il y a un ctiâteau de
Graisse dans cet endroit.
ni25'^'^n:i I 13 ^. Gressoux (H.-S., commune d'Auxon, canton
de Port-s. -Saône).
uîtû^^n^ Voir 'iJ^n:*.
uNn:^ Voir tDN3N"i:*.
ï5':^j"i:^ 49 a. Granges-la-Ville ou Granges-le-Bourg (tous
deux H.-S., Villersexel), importantes seigneuries
tenues par les Faucogney et les Grammont et où
il y avait des Juifs.
t23n:i Voir :3ND&<-i:^.
Ilit^n^ 54 a. Granson, en Suisse.
\i:3n:^ Voir a&î3N'i:i.
■«"iJûN"! 47 a. Damerey (Saône-et-L., Saint-Martin-en-Bresse).
Nb"ii 6 a. 15 J, etc. Dole (Jura).
iub"i"i 30 a. Doles. Identique au précédent?
Nb'^"i"'':i3^"i'i 56 b. Demangevelle (H.-S., Vesoul).
•^■'N^m'T 46 a. Dornay. Darnay (Vosges, Mirecourt) ?
n"iibi<'25T l\% a, 13 ^, etc. ; n-ibN'nn, I 15 «. Danvalier. Damp-
valley-les-Colombe (H.-S., Noroy-le-Bourg).
y^nss'T 11 a. Dambrès. Damparis (Jura, Dôle) ?
N^.iiDS'T 11 ^,45 b^ etc. Dampierre, probablement D.-les-Mont-
bozon (H.-S., Montbozon).
zaT^lNm 46 b. a Pour aller à a^^iN^n. » Vavert, Vauvert, Van-
ter.t ? Serait-ce le Vauvert du département du
Gard?
NmNiT 35 b. Vaivre. Voir Nn'aN'n.
^:Nb^:N"n 55 b. Vandelans (H.-S., Rioz).
lS"i5<n 57 b. Vaire (Doubs. Marcbaux;? Il y a le grand et le
Vaire, en patois Vare, dans le canton de Mer-
chaux, avec château.
NS'^-'N'^'n 59 a. Vienne (Isère) ';\'<''^'<i"i5 ^ C' ' l'^î*"''''!'!, 9 a; N3''"'N"'i,
59 a; i<3''"'N'^'^"l 7 Z»; n:-»^"! oi rt.
•c-i-^iS-Ti-iTi et \25^'^j<L:n"'"n, ^■^•^itn'^in, u;N-'"'i:"i"'ni, ■©■•"'irn^i, 8 a, 38 b,
45 b, 50 a. Versaies, Versiès. Verissey (S.-et-L.,
Montret) ?
a^'w-n 46 b, 56 a. Vezet (II. S., Fresne).
i
DKUX LIVURS DE COMMERCE DU XIV SIÈCLE 177
Viiî-n 2 b, 8 a, 22 à, etc.; F^^om. bVc-n, 27 «, Vesoul; rzi,
39 «. Vesoul (II.-S.).
•:jv\a"n 143 a; uj-^-^^in de Vaivre, 3 a. Vasies, Vesiès, Vesiès de
Vaivre ?
^Nl2'^T 60 à « Girart de — ». Yaite (II.-S., Dampierre-sur-
Salon); ou Vaille (Doubs, Charaplive}, où il y avait
UQ château fameux,
b"^") a sous Monjustin ». I 20 b. Vy-lès-Lures (II.-S. -Lure).
Nb"»T 59 à. Comme b"»"!? ou comme le nom suivant?
b-^rjOwVpb isb-ii I 22 a, II, 29 a, 49 a. Yele-le-Chaslel. Vellc-le-Chatel
(H.-S., Scey-s.-S.).
">n"n:\b''T I 30, 3l ; II, 5 ^, 6 «, etc. Vilgondry. Velleguindrey
(IL-S., Scey-s.-S.).
i';b^-i 43 a. Voir ^r^b-^iNb.
•^b"»"! 3 6, 18 a. Comme b">"i ? ou comme le nom suivant ?
■'b">T « près Luxeuil. » 39 a, 43 «. Vy-les-Luxeuil. Villers-
les-Luxeuil (H.-S., Saulx}, où s'élevait le château
de Mézières, appartenant aux Faucogney.
^^"'b-'-l et Vb^l, 9, M, 12 ^, 50 d. Villers-la-Ville (II.-S., Vil-
lersexel) ou autre Villers du département comme
Villers-les-Luxeuil, etc. Voir le nom suivant.
pi-ob n'^'^b'^n 1 10 d ou -i^b^iseul, ibid. Viilers-le-Sec (II.-S., Noroy-
le-Bourg).
'T^b^i Voir n'^"'b'^i.
i\N":j bv -i^b^T I 20 b, II 50 b. Villers-sîir-Scey. Villersexel (II.-S.).
'i\sn*D'^^b^T I 20 b. Velleminfroy (II.-S., Saulx).
y-N'cb-^T 15 ^, 1G a. Vellefaux (II.-S., Montbozon).
:2"i'-i^Db''T (ou '{^"l'^Db■>^) ? 34^. Vilpirot ou Vilpiron. Villeparois
(H.-S., Vesoul).
llp^N'-^i'Db^i 56 b, 57 b. Villefrancon (H.-S., Gy).
"•i^nb"»! et "'■'Jînb"'!. I 32, II 5 b. Vllroy. Vallerois-le-Bois ou
Vallerois-Lorioz (II.-S., Noroy-le-Bourg).
Cûmpinb"»"! 43 a. Villeroncourt (Meuse, Commercy).
X\'Oh^^ 52 a. Vellexon (H.-S., Fresne-St-Mamès)?
NT^iT et Ni^n, 13 Z». Veire, Vière, Vire? Comme a.'mM'^.
-ûsà^'^h-^^ Velgiles. Voir 'wi^b^'m-ti.
îj^T^T Voir 5^"-i"'^n.
•^'^n^l et rT^'r^"!"^"!, 45 b. Vergy (H.-S., comm. LefTond). Les
Vergy étaient une des familles importantes du
pays.
Cwsb->':;n'^i et cb'^'.n'^n, 52 a. Vergiles. Vrégillc (H.-S., Marnay).
■>\S3n'^T et ■^\SDm, I 22 a, H 46 a. Vernay (S-et-L.. Savigny)?
Vernois-sur-Mance (II.-S., Vitrcy) ? Voir "^^Nn-^'a.
^i-i^i'i^-i Voir ^■«^irn'^'^n.
■^■•Nm Voir '^\s:n'^i.
■>-'b->">rj 59/;. Theuley (lI.-S.,Dampicrre-sur-SaIon)? ou plutôt
T. VIII, N^ 10. n
178 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
l'abbaye bien connue de Theuley, commune de
Vars (H.-S.).
'i'^i<b"'C2 1 14 è. Tilai^ Tiloy. Thilay (Ardennes)? ou comme le
nom précédent ?
«1^"»^ 30 i. Probablement pour «nuT^a. « Perrenot 5<n:2'^::"n
Dutiire ». Il y a un Le Titre dans la Somme. (Voir
le mot suivant).
Nnan'^U I 39 à, « Guillaume Nnu^'^aiT ». Le Tertre (Gôte-d'Or,
commune de Chanceaux, ou Vosges, commune de
Saint-Maurice).
N'nj^'na 11 a, loa, etc. Trave. Traves (H.-S., Scey-s. -Saône).
"••^NbnjNna 58 ^, 59^, « Jehan "^^i^bnrî^nLîiT ». Le Tremblois (H.-S.,
Gray).
USN'i'^'inL: 15^. Troyes (Aube).
wn'^'^bttinD 53 J. Tromeliart. Tromarey (H.-S., Marnay)? Tré-
milly (H. -M., Doulevant) ?
Uîsbnna ou peut-être ^rbnnu, 33 è. Trolans? Tro^m ? (Est-ce
une ville?).
-iibb'^t^'''>nù: 58 a. Tresilley (H.-S., Rioz).
NVn3T>"i 1 14 û^; II 12^. Comme ^b'i'njVa. Ou peut-être Join-
ville-sur-Marne (H. -M.)?
*ins 9^, 12^, 17^, etc. Traduction hébraïque du mot
b^rûiaN'p, chastel. Désigne le château de Vesoul.
Voir b^::':îwS'p.
Vc5n^ ^ns 1 16 d. Le château de Vesoul.
Nm^it^nn^b 47 ûJ, lecture douteuse. La Bariondre. La Bretenière
(Doubs, Marchaux ; Jura, Dampierre) ?
"•nn^b et "i-iSjb 60 b. Lambrey (H.-S., Combeaufontaine).
■^'rib-iiNb 6 a, 41 a. La Vilgy, La Villegy^La Vellegy ?Gy (H.-S.)?
ns^^Tn'iNb et ïii<'^^lb, I 23 à 27, II 26 b. La Demie (H.-S., Noroy-
le-Bourg).
N':i"^'^Nb I 34 b. Probablement comme ï:N3'''^b, plus bas ? ou
Liège (Belgique) ?
N'Dl5b"'iNb 59 «. La Villeneuve (H.-S., Verdun; ou H. -M., Lan-
gres, mais plutôt celui de H.-S.).
T^'^Sfc^^b \23^Nb 9 a. Lons-le-Saunier (Jura).
N'pt<CNb 6 a. La Fauche (H. -M., Saint-Blin).
Nr'^ai'DNb 24^, 27 b. La Fontaine-de-Roche (H.-S., commune de
Vellcfaux) ? La Fontaine de Noroy est nommée
I 30a. Tous ces noms sont peut-être des noms de
personne.
N^n'''^'pNb 9 a, 59^; NTsiN'prj, 42 a. Lachierme, Lacharme. La-
charme (Jura, Lons-le-Saunier).
Nb"'D'pNb 10^. La Chapelle (H.-S., commune de Crevans).
y^"npNb « Une vigne de — ». 42 a. La Croix (Côte-d'Or, com-
mune Marcilly; ou Saône-et-Loire, commune Buf-
fiêres ou commune Saint- Sernin) ?
DEUX LIVRES DE COMMERCE DU XIV SIECLE 170
N'pT^Nb 51 1) ; N'pinb 50 a, 51 h. La Roche ; un château fort de
ce nom, sur TOgnon, dons le Doubs, appartenait
aux sires de Ray et Dampierre.
NUYp'nNb I 36 a ; Niiû-^'p-int^b 34 a. La Rocket te, La Rochotte. La Ro-
chotte (IL-S., commune de Breurey-les-Faverney).
NVpi-iî^b 52 âJ. La Rochelle (IL-S., Vitrey).
yîN'^n^b 51 b. Larians (II. -S., Montbozon).
r^wS^'w-^n^b et rîN'^-'UînNb, !iN"i'''c^"^nNb, 56^, 58^. La Résie-Saint-
Martin (H -S., Pesmes) ou Résie-la-Grande {ibid., .
ïiN"'n2N':Jt<b 60 fï. La saunerie de Salins (Salins, Jura).
n&<^73^b Voir rtwS^Tû^tîb.
U55Nib la. Louhans (S.-et-L.).
UN'mb 44 «. Louvent (Meuse, commune Fresne-sous-Monl).
N3''"'Nn!mb 53 ^; Nj^^nimb, 53 b. Loheraine. Lorraine, province.
Nb^i^Dnb 44 «. Longevelle (II.-S., Villersexel).
WN'p^nb et lUî^'pib, 59^. Louches. Louche (H. -S., commune
Gourtesault) ?
i:5'T-nn"'b Lesbordes. Voir tî^ms.
^iNn-^-ib et u;5n^'^b, I 20. Liévans (IL-S., Noroy-le-Bourg).
■^it-i'n'i'^b l\^a, 33^. Liévrecey (IL-S., commune Villeguin-
drey).
^::wN3'<"«b 44 «. Leynes (S.-et-L., La Chapelle-de-Guinchay\
« Henri de L. ». Ou la commanderie de Laine ou
Laigne, au canton de Montbozon?
0"i53"^^b 53 b. Liengres. Langres (H. -M.).
-n-i^^b 1 b. Il a, 12 b, etc. Lissai. Luxeuil (H. -S.).
nn^b 60 b. Voir "^nn^^b.
N'pnnb Voir N'pi-'iNb.
^'h^-^^12 et '^•^b'^'^b'^\N?3, "^bb-^i^Ti, 30 a, 36 a, 59 a. Maillcy (H. -S.,
Scey-sur-Saôue).
Uî3">bN73 9 b. Malines, en Belgique.
:2!jp"iN/3 I 45 ab. Marcliaux (Doubs) ?
'wTiî&^TO il a. Mandres. Mandres-les-Nogent (II.-M., Nogent).
'^■'JînLûnî^^ 5^, 10 a, 'ôïa. Le Marteroy, prieuré près de Vesoul
'în'Di:2i7: 7 a, 8 a, etc. Montbozon (IL-S.).
lû^N-^bm?: et a-i.N^b3::i)2 10 a, 35^, 43 ô, etc. Montbéliard (Doubs\
Une fois ::nwS^b^37û .
l^aO-^-^Yl^-iTi kob\ '}^-joV:i?2, I 20^, II 24^. Montjustin (IL-S.,
Noroy-le-Bourg).
"iriNaiT:, m5N::i73 .n^N::":)^?^, 56 a. Montaigu (IL-S.. près do
Colombier, canton de Vesoul, château ruiné ayant
appartenu à Henri de Bourgogne).
a^b"lNL:■lt3 5J. Montarlot. Montarlot-sur-Salon (IL-S., Cham-
plitte) ou Montarlot-les-Fondremant (IL-S., Rioz\
UÎNb'->"'ia"i^ I 43 a; ^wXb-i:û1?2, I 44 6; ':î5<b"^-'ia''"'172, I 44*. Mouloille
(IL-S., Vesoul).
antJi^ 9*, 10a, lia. Montrot (lI.-M., Arc-eu-Barrois) ou
\H) REVUE DES ETUDES JUIVES
plutôt Moatrond (Doubs, Gingey), où Henri de
Bourgogne avait un château.
b^"^T-iui7û 24^,26^, etc. Montreuil. Montreuil-sur-Blaise (H. -M.,
Vassy) ?
L:-npinb-«'^"i7û 43^, 46^. MailleroDCôurt (H. -S., Saulx et Vauvillers).
^:.n':)"i^ 16^, 47 «. MoUans (H. -S., Lure).
^:rjm7:i73 l b, 43 l, 60 «. Montmorency (Seine-et-Oise).
1"'L3n7ji/3 23^, 46 â^. Montmartin (Doub^, Rougemont).
:3iL]:i?2 31 J. Montot (H. -S., Dampierre-sur- Salon). Il y a des
Montot dans la Côte-d'Or et dans la Saône-et-Loire.
y^jM2 46 h. Mons (Isère) ? ou Mons en Belgique ?
'O-^-^^rj-i/j 11^, 19^, 32 «, etc.; \a\>î^j:i:3, ii^^; ^■•''5"^::i7o ou
^■^•^iiirn?:, I 28 6; ^:î1i:^^, Il 56 â^. Montcey (H. -S.,
Yesoul).
■)^^pp:r/û 32 d. Mo'iiclair. Un des Monclar ou des Montclar qui
se trouvent en France.
*;ipN'D"i72 40 b, 37 a. Montfaucon (Doubs, Besançon). Un des
châteaux les plus considérables du pays.
"vi:^^:^::!?:, -û^^im^, 'û^^:i':im2, voir ^iî-i^^^i^d.
'«:în^'^':i"n'?3 I 28 b, « Gérart ;:Jn'^i':;"n72''^, >' I 47^. Morgières, Mor-
gnières, Morignières. Morigny (S.-et-L., Palinges)?
On appelle en patois Molgier ou Morgier le village
actuel de Melisey (H. -S.).
wXi'^"'3 N::Ti72rî 22 a. La Mortepierre. Peut-être un terrain près de
Vesoul.
r*^"!"!": 'I Ci, etc. « Lafoire de — , le jour de — , » très fréquent.
Saint-Maurice (II. -M., Langres ou Doubs, Pont-de-
Roide) ; n'est pas sûrement une localité. .
U^lpnr: 27 «, 33 b. Meurcourt (II.-S., Saulx).
"i:^N-jci72 Voir i:;n:2-i7:.
•:;i-i^^'w^"''?:, Uin^'^'O'^'^îo, 37«, 43 b, 47 «,60 b. Maizières (H. -S., Rioz).
b''3"T'?3 37^. Mirebel. Mirebeau-sur-Bèze ,Gôte-d'Or). Le con-
texte montre que c'est bien ce Mirebeau ; Oisill3',
qui est tout à côté de cette ville, est nommé dans
le même passage.
■^■"/'O'i;: 31 a. Miseo'l. Miseré (H. -S ^ commune de Calmoutier)
ou Miserey (Doubs, Audeux).
a"njp"^b72 31 b. Malaiucourt (Vosges, Bulgnéville, ou H. -M..
Bourmont).
0'm:72 12^, W a. Menors; ou uî'^^57:, Menods. Meuoux (H.-S ,
Amance)? Cet endroit s'appelait eu latin Manaors
(dans les Bollandistes).
wr'3N3 I 21, 22 : II 0 a, etc. Navenne (II.-S , Vesoul)
•'\\*i::wS3 40^, 49 a; i^:::n: 19 a. Nauley (Jura. Saint-Amour).
•ù:î<3 48^ Nans (Doubs, Rougemont^.
ytn^s ou ';"''»'nro ou peut-être '{•^•'n^^. l'"''*..i:i <> Messire Hugues
— ri ou — •^-. •> 4î)^, XagrèSy Aa grain, ou Segrès,
Dl'X'X LIVUKS DE COM.MLUCI-: DU XIV SU-XL!-: \H\
Segrain. Segrois (Côte-d'Or, Gevrey) ? o^ prieuré
d'Annegrai près de Faucogney, appelé encore au-
jourd'hui Negrey en patois.
la^Nns « Guillaume de —, » 10 a ; yt^ii, '< Pernel de La Cha-
pelle de — , j) 10^, lecture douteuse (pourrait faire
l'ailla, ou Y^-^, yx::) ; CwN13, o^, 9^, oi a, « Guillaume
de — ; » y-i2, 30 a. Nods (Doubs, Vercel).
'^\S'nNi2, "^nNlD, I 17, 18, 28, 29. Noroy. Noroy-le-Bourg (II.-S.>.
VN13 VoiroiwNnD-
'sUNii. Voir cii^ii.
ast^Ti^ia, L^ST^^ia, I 45 à 48 ; II 26 J, etc. Noidant. Noidans-les-
Vesoul (H. -S., Vesoul). Il y a un Noidans-le-Fer-
roux, II.-S., canton de Scey.
b'^Hi^liNp C]"»"'!^ 46 a. Niief-Chastel. Neufchaleau (Vosges).
t:3i73n"«'«i5 \ob \ :23"i73^'^"^3 15^, 28^. Noirmont, Nermont. Noire-
mont (Oise]?
yi3 Voir 0"iïîl2.
U3-|^n'^"'D Voir L25T^-l'^'^13.
•i-'3"i5<'::n'd, ■"■^^-li^'nwN'D, 56 «; •^i^i^n^'s, 14 J, 20^, etc.; ^sn^i^s, 39^.
Faverney (H. -S., Amance).
b-^i^sï-î 43^. Ze PaiL Fahy (H. -S.)? Fayl-Billot (II. -M.) ? Il
y a un <K Château de Pail » près de Passavant
(Doubs). Notre ville a un prévôt.
'iîbî^D 9 a. Pals, Pauls, Paulx.
^iiND ^9^, 60^. « Evrart de — . » Opérations où sont mêlés
Simon de Grenans et Simonin de Louche. Pacy
(Yonne)? Le personnage serait-il identique à Eve-
rart de Percey, mêlé aux mêmes affaires, et ■^iJNs
serait-il identique à Percey?
in'^'a'^lptî'D, tr^'^'^^npN'D, 54 J ; V:^-i-i-ipN'D, 54^ ; "iV^i-^ipjî'D, 39 J, 51 b\
^^'rnpN'D, 54^ ; n-i'àipVD, 5i^; n^':^ip'D, 54*. Fau-
cogney (ÏI.-S.).
^iî'^nND, ti"''nD, 35 a, 39 *, etc. Paris (Seine).
'^♦'D'n'D, y^N'VD. y^'m'D, 14 b, 45 o^, 46*, etc. Fouvans. Fouvent-
le-IIaut ou Fouvent-le-Bas (IL-S., Gray).
'i''k'»<jaiD I, 29 *. Fontenay-les-Montbozon (II.-S.).
b'^U^N'pb '^'^NwlîVd I 45*. Fontenay-le-Chastel. Fontenoy-le-Chàteau
(Vosges, Bains).
vu5i">-iD 0*, 22flj; ■^V'^inD, 34*. Pusey (II.-S., Vesoul). Voir
aussi ïT'tîiD.
^^■^5-1112 3 *, 7 *, etc. Pusel. Identique au précédent ?
vc^iD Voir V'O'^'^ir).
^2-'"'bi'D 4 â!, 35 a; '^as-^bis, I 24*, II 12*. Poulains, Foulain
(II.-M., Nogent). Peut-être plutôt Filain (H.-S.,
Montbozou), dont le nom vient de Fons Lana (fon-
taine de la Laigne), et qui s'est appelé successive-
ment Foulans, Foulans, Foulains, et enfin Filain.
182 REVUE DES ETUDES JUIVES
'■'■'ibi'D 56 b. Foulenay (Jura, Chaumergy).
îiN'^bnîîiiûSis 44 b. Pontarlie. Pontarlier (Doubs).
T^'^bLûiiD ^a, 9à, etc. Pontailler (G.-d'Or) K
yaiD 12^;, 46^, II i a, Id, Ua. Pons. Pont (Côte-d'Or,
Auxonne, ou Vosges) ? Plutôt Pont-les-Vesoul
(H.-S., Vesoul).
^■^'i^-ipVs Voir !rî->':i^ipN'D.
a^-i£) I 45 â^ ; II 7 6, etc. Port. Port-sur-Saône (H.-S.).
ln"'D hy aiiD I 45 a. Porl-siir-Scie, P.-sur-Scey. Le même que le pré-
cédent, car Scye et Scey sont tous deux au-dessous
de Port-s. -Saône.
n-i^DID « Odot de — ». Pussie. Pnsy (H.-S., Vesoul) ? Voir
Xû"\> Lûms 31 a, Petit-Port, ou peut-être un Port moins impor-
tant que Port-s. -S. et appelé ainsi pour cette
raison.
'^12'^^t) 58 h, ii5N!?3'^2, 58 b ; ilJ'Tû'^D, 8 a, 58 h. Pêmes. Pesmes
(H.-S.).
i^'û^l'D i<'-i">'»D 29 a. Pierre frite. Pierrefaite (H.-M., La Ferté) ou
Pierrefitte (Vosges, Darney).
I15&<^->û et 11553^D. Voir 'Ol2^^ti.
^-i^-ii-iVd I 45 â^. Ferrières-les-Ray (H.-S., Gray) ou Ferrières-
les-Scey(H.-S., Vesoul).
'^î^T'S 59 à, 60 a. Percy. La rencontre des noms de Grenans
et de Louche dans le passage où se trouve ce
nom paraît indiquer que cette localité est ou bien
un des deux Percey de la Haute-Marne (canton de
Longeau et canton de Prauthoy), ou bien Percey-
le-Grand (H.-S., Ghamplitte). D'un autre côté, le
nom est aussi écrit "^i^ns, 59 a, ce qui pourrait être
Parcey (Jura, Dôle), où se trouve aussi la ville
de Choisey, qui est également nommée dans le
passage (■''O'^t-ip). Voir aussi ""irNS.
^':;t<b'D, N^:>t<b'D, rT'':iNb'D, '^':iNb'D, '^'y^^^^''^, ir^^ijb'D, 47 a, 60 ^.
Flagy, Flaigy. Flagy (H.-S., Port-s.-S.].
i::a-«NbD, uja'^\NbD, 2 *, \\ a, 25 a, 31 6,44 a. Plaits, Plaites.
« Girart de — ». Plottes (S.-et-L., Tournus)?ou
Palante (H.-S., Lure)'?
* Le catalogue imprimé des mss. hébreux de Paris contieul quelques renseigne-
ments erronés sur un beau ms. du Pentateuquo portant le n° 36. Ce ms. a été
écrit le jeudi 18 tammuz (non 12 tammuz, car le 12 tammuz do l'aunée en question
n'était pas un jeudi) ilOGO ( :^ 18 juillet 1300] à Fouluay "'jblD (non Polijrny] par un
scribe nommé Joseph de i*onlail!cT "',X"'bNZ2:iD (non Pontarlier. îlN'^b-I^ÎID', pour
un H. Aron fils de Jacob. Comme ce beau ms. a évidemment coûté très cher, il nous
parait à peu près impossible quo le R. Aron qui l'a acheté n'ait pas été en relations
avec llélie de Vesoul et ne soit pas nommé dans nos mss. Il est donc probable que
c'est uu des Aron nommés plus haut, au paragraphe I.
DEUX LIVRES DE COMMERCE DU XIV" SIECLE 1S3
^-insfc^Vs 8 âJ, lOa, etc., pays de Flandres.
r;-''i':\b'D Voir "^'r^^^b'D.
D'in'r^'^iibD et DTn':\"ibD, 49 a. Flavignerot (G. -d'Or, canton ouest
de" Dijon).
'^'Ti^j'D 44 a, 48 a. Fleurey. Fleurey-les-Faverney (H.- S.,
Vesoul). Il y a encore deux autres Fleurey dans la
H. S.
t:573^^5'D 12 b, 35 â^, etc. /(97i^r«Wâ;;e^. Fondremand (H.-S., Rioz).
!-5^':;ipD Voir lT'':i^ipN's.
5<r'iN'n's 48 a\ NS^in'D, 56 6. Fraine. Fresne-Saint-Mamès (H.-S.)
ou Frasne-le-Château (H.-S., Gy) ?
ta-<ij^^j^'2-'b î<5'^"'Nn'D 50 ^, 52 b. Fresne-Livadois, Fresne-le-vaudois?
Un des deux endroits précédents ?
N'T^-''p3î<'3l'iû I 45 a. Provenchère (H.-S., Port-s.-S.).
L:Ti':\'^"'nn£! 49 «. Froigerot. Comme tûiYr^^^nbs?
•^•^ain'B et "l^^a-n'D, US'^.'^^LÎin'D, I 1 à 8 ; H 8 ^, 8 J, 21 ^, 24 J,
etc. Frotey, Frotter^ i^^ro^ier^.Frotey-les-Vesoul (H.-
S., Vesoul). H y a aussi un Frotey-les-Lure.
^y-is 9 ûj, 18 *, 22 «. Presle (H.-S., Dampierre-les-Mont-
bozon).
amp'^'n'D 57 a, Frécourt (H.-M., Neuilly-l'Evêque).
us'^'iD Voir iï:i'n&<£).
■'it'iD Voir ■«it'T^D.
-«^inNiS 7 a, « Richart de — ». Voir ■>'ln1^^'nt5.
N'plt:3N2J: 42 a. Santoche (Doubs, Glerval). fi^'piciïii:, 43 a.
IliS 56 b. Son (Ardennes).
p'niit « Loreillart de — », 55 b\ Loreillart de p'T^ii:, » 40 ^,
15 b, 40 b. Serc, Sorc. Parait être Cerre-les-Noroy
(H.-S., Noroy), car est nommé près de Montjustin,
n 55 J. Henri de Faucogney a des biens à pniiS.
Cerre s'appelait autrefois Gerc, Gerq.
y">-i^ii: Voir y'^'-i:i3.
intî-^it 51 b. Scye (H.-S., Port-s.-S.).
yN^^ui'^ir 46 b. Citeyes. Citey (H.-S., Gy) ; nommé à côté du
Bucey ('voir "^iTin) et Fondremand. Bucey est pro-
bablement ici Bucey-les-Gy.
p'i^ii: Voir p^niT.
N'pn!:23ii: Voir N'pmsi^is,
^îî^riiit 60 b. Secenans (H.-S.. Villersexel).
nD^ii: 15 «, 41 a. Nom hébreu biblique Çarefat, qui, suivant
l'usage, désigne la France '.
'^'-l'ni^'p et ">-T^SN'p, 15 ^, 52 b. Chauvirey. Ghauvirey-le-Ghâtel,
ou Chauvirey- le-Vieil (H.-S., Vitrey).
emploie ce nom pour désigner la France du domaine royal ; le ps
n'est pas la France, car il prête de l'argent à quelqu'un « pour aller
184 REVUE DES ETUDES JUIVES
•l'^lîns&^p "jN y^Np 47 ^. Châlel-en-Cambresi. Le Cateau-Cambresis
(Nord).
'jib'^iJN'p 45 a "jibb^Ls^J^î^'p, 45 h. Châtilon, Chastilon. Châtillon-
sur-Seine (Gôte-d'Or) ou Ch. -s. -Saône (Vosges, La-
marche). Il y a aussi des Ch. dans le Doubs.
•^Wiri.S'p 7 a, 40 d. Châteney (H.-S., Saulx).
tîTJNb^'p 10 a. Un des trois Chalautre de Seine-et-Marne.
inbNp, WDib^'p , 4^,15^. Châlon, (7M/o?^5. Probablement
Châlons-sur-Saône {Saône-et-L.i.
\n':i'^'^ii:'nN):N'p, ys^^nN^ï^'p, 60 a Chaumerscignes, Chaumercines. Chau-
mercenne (H.-S., Pesmes).
iTiinjNp 43 J). Gambron (Somme) ? ou prieuré de Gambron, à
Mons (Belgique)?
'T'IIjî^P 41 a. Ghampdivers (.Jura, Ghemin).
N"j^b:N^'p 14 b, hlb. Ghamplitte (H.-S.) ; "J^bai'p, 17 a.
•^i:N'p 9 a, 24 a,m a\ -^^i^p, I t'i a-, ""irp, I 13 d, H, 2i b.
Chassey. Probablement Ghassey - les - Montbozon
(H.-S., Montbozon), ou Ghassey-les-Scey (H.-S.,
Seey).
■^'rilN'p 28 b, 54 b. Chargey. Ghargey-les-Gray (H.-S.,Autrey),
ou Ghargey-les-Port (H.-S., Gombeaufontaine).
'^'iN'p, '^'np, \ b, ^ a, etc. Chari, Charey. Ghariez (H.-S.,
Vesoul) .
Uî&î^n&<'p, 59a; "^î^J-i^'p, \^a. Charmes, Chermes. Gharmes (G.-d'Or,
Mirebeau, ou II. -M., Neuilly-l'Evêque), ou plutôt
encore Charmes-Saint-Valbert (H.-S., Vitrey). Voir
N'?jl'^'^p&^b.
•^ub-'^T^Dli^'p 6 ^', 18 «;, 54 a. Gharmoille (H.-S., Vesoul).
'^\^j_"]î<'p ^ a. Charnay. Gharnay (Doubs, -Quingey ; ou Jura,
commune Graye ; etc.). M. l'abbé Morey pense que
le mot désigne Essernaj^ (voir plus haut\ en patois
Echana et Ghana.
b^"j">:)wSp 34 b. « Vinot Lesordel b^HûCîNpTi » et « Vinot Lesordcl
du ^15. y> Le CJiastel. Le château de Vesoul, établi
sur la colline appelée La Motte, près de cette ville.
Les afîaires avec le chastelain ';^b::*wî^'p et sa fa-
mille se trouvent II 17 ^, 18 a.
';"ibb'^::"iLWp Voir lib^'jN'p.
N:'^'^b::'w\N'p 26 a. La Ghàtelaine (Jura, ArboisV
•jV^mmp 32 a ; lV:i-'.'^'D-np, 55^. Gomberjon (H.-S., Vesoul).
ort^Vn-ip 2 a, M*b. Convlans. Goublanc (H.-M., Prauthoy)?Ily
a aussi un Goublanc dans la S.-et-L.
^':op 57 b. Cages. Gogcs (Jura, Bletteraus . La place du
signe ' n'est pas certaine ; dans le ms., clic est sur
le "1. L'eadroit est nommé avec Mirebeau et Oisilly :
si donc on lisait Ci'^i'p, on obtiendrait Cheuges
(Côte-d'Or, Mirebeau-sur-Béze).
DEUX LIVRES DE COMMERCE DU XI V^ SIECLE 18o
anï^b-'U NûJip 27 a. « La vigne de Gérart de Côte- Tilart ». Le nom
pourrait se rapporter à la vigne, Gôte-Tillart serait
dans ce cas un clos près de Vaivre et de Chariez.
■«'^"Jip 52 a. Cotry, Coutry, Conlry.
UîN-^^Vp 30 «, 5i a, 58 b. Choies. Choyé (H. -S., Gy).
'^'D-'-'ip lOâJ. Coiffy. Coifly-le-Bas ilL-M., Varennes), ouCoifly-
le-Haut (H.-M., Bourbonne).
'^-iwN7:'-)'^'^"ip Voir ^^N^o^ip.
i'tJ->'«Vp et '^^Uii"'"i'p 47 a. Choisey (Jura, Dole).
'i-i^"'''1p 45 b. Guiserey (Gôte-d'Or, Mirebeau-sur-Bèze). Il y
a un Guisery dans la Saône - et-Loire , canton
Louhans.
'T^^::"i^t^bip et ^"^^Lû^^b^ip, 9 «;, 15^, 18^, etc. Coîmoutier, Corl-
moulier, Galmoutier (H.-S., Noroy-le-Bourg).
Jsnibip I 12 à U. Golombe (H.-S., Noroy-le-B.).
■^mbip 10 ^, 14 ^. Probablement comme le précédent. Il y a
des Golombey dans la H.-M., (canton de Glefmont
et de Juzennecourt).
-T^-imblp 56 â^. Golombier (H.-S., Vesoul).
'.^'^"'^^"rîNb'Dnp « près Favernay, » I 45. Gonflandey (H.-S., Port- sur-
Saône).
Lûlip-^YDlp 53 a Confricourt. Gonfracourt (H.-S., Dampierre-sur-
Salon).
^Jî'pi'p 59 a. « Le Seigneur de — . » CJioches, Chouches. Proba-
blement UJtî'pip Gouches (Saône- et-Loire).
•viJSNbpip et UJNbpip « près Port », I /i5 a. Cuclans. Guclos (H.-S.,
commune Port-sur-Saône).
■^■"i^mp 26 5, %^a. Coray, Coiiray.Curay^ etc. «Geofîroy deG., »
demeurant à Noidans.
i^'pin'mp I 22 a, 28 a. Courbouche. Gourboux (H.-S., Rioz)?
lV:\^^3ip Voir ';V:^'n-in"!p.
';V:3b-np 24 ^^ ^, 27 ^, 31 a. Corlevon. Goulevon (H.-S., Vesoul).
n^-^r^i^ob^ip Voir i^'^;::i)2i<bip .
^^5<73'mp 57 a ; "•ntî^ûT^^ip, 50 a, Cormary^ Curmary. Gromary
(H.-S., Rioz).
^b'^itmp ^'^ a. Gorcelles (H.-S., Héricourt).
"ib"T''>'p 3 b, 30 a, 50 b. Chierleic. Célèbre abbaye de Gherlieu
(H.-S., Vitrey).
•^bb-i-^^vp et •^vbb'^'^'^vp, ^^ypn,^vp, 5 ^, 8 a, 29 b, 49 a, 54 a. Ghe-
milly (H.-S., Scey-sur-Saône). « Le camp b">n de
Ch. s « le fort ^y:^i2 de Gh. »
-lit-ip Voir ^iiiwNp.
'^J^^-^'p Voir '^îû-iN'p.
;r)i<-nn''bp 38 b. Clairvaux (Jura). Il n'est pas impossible que le
nom désigne Clerval (Doubs).
wNî-^^-jsn'D'T'bp 50^. Abbaye de Glairfontaine (H.-S., Amance, près
^Polaincourt) .
186 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
D'^bns'p Voir N-j'^biî'î'p.
liTp Voir -^itt^p .
'i:r3'uîî<"ip et iiiiuî'np, 57^. Cresancey (H. -S., Gray).
b'^32np et b'^52"«^p, 11e^, 35^. Crevenel. Creyeney [U.S., Saulx).
iip Voir "t-iNp.
b-'^n'^-ip Voirb-^innp.
''^3^'np Voir -iits'^aN-ip-
'^'^■^'^N "Q^p 37 tt; V:iC3nN\a, 121^; V^iis-j-iU), I 34 a; "i':;'^Nt2'^UÎ, I 22 a;
'^'aNi:3"«"«;ï), I 45^; v^^iv^, II 25 «^ ; ■^';ar-«U5, H 25 «.
Saint-Tgny (H. -S., Noroy-le-Bourg) ou plutôt l'an-
cien hospice Saint-Aignan de IS'oroy. ^':^^'^ -c^p (ou
'^':i"i:: wlp), n 40^, parait être une forme de ce nom
provenant de ce qu'on aurait joint au nom véri-
table le t du mot saint ; Saint-Tigny au lieu de
Saint-Igny.
•\b US'Tp et t]nb ^np, 54 ^, 60 a. Saint-Loup. Saint-Loup-les-
Gray (H. -S., Gray), ou Saint-Loup-sur-Semouse
(H. -S., chef-lieu de canton).
^«'^"iN'?^ I15np et !nN'^"-i72 Ui'ip. 13^, 55^. Sainte-3Iarie. Sainte-Marie
en Chanois (H. -S., Faucogney) ou S. -M. -en-Chaux
(H.-S., Luxeuil).
li'TT^a ili'Tp 42 b, 43 b. Saini'Mardon. Semmadon (H.-S., Combeau-
fontaine).
\'^'û'^l2 '^îïlp 28 «. Saint-Martin (II. -S., commune de Faucogneyl.
L'église paroissiale de Faucogney s'appelle Saint-
Martin ; elle est placée sur une hauteur, le bourg
et le château en bas. ^"^'^^2 'Olp l^bi?:, 25 «, * mou-
lin Saint-Martin, » moulin de la commune de Ve-
soul (H.-S.).
'■'b'^rant] xy^"^ 59 b (ou 'l'btJi?^ U'^O, la lecture de la lettre qui suit le
•i est très douteuse). Saint-Martily, Sai7it-Mar-
teley ? Peut-être ">'bi£^''3 r:^o, Saint-Marcily ? Les
Marcilly sont nombreux en France. Peut-être Saint-
Marcel (H.-S., Vitrey).
^^Nb-ip^3 'dp 20 a. Saint-lSicolas (Côte-d'Or, Nuitsl
b"'"'"i'5'T'D wip Voir ce nom dans la liste du paragr. III.
;UNnp3D [^"ip] 1 14 rt, etc. Saint-Pancras. Le nom entre dans la com-
position des noms de Dampvallcy-Saiut-Pancras,
de Bétoncourt-Saint-Pancras (H.-S.) Isolé, il ne
désigne pas une localité, mais ou bien un saint,
non une localité; ou bien, s'il désigne une localité,
le prieuré de Saint-Pancrace, à Fontaine-les-
Luxeuil.
'':j:"'''ip 'w'ip 16 fl. Saint-Quentin (Aisne) ; '('^crr'^'^ip t:r'"'Nr, 13^.
■^^n ;r*ip 7^, 47^ ;rT^72n dp, 47 b. Saint-Komy^ll.-S., Amance).
n:"»''NUJ Xjip 57 b. Saint-Seine. Saint-Seine-lAbbaye (Côte-d'Or.
DEUX LIVRES DE COMMERCE DU XIV° SIÈCLE 187
chef-lieu de canton). Il y a encore deux autres
Saint-Seine dans la Côte-d'Or.
i-ij^-i 58 b. Ray- sur-Saône (H. -S., Gray).
y^î^-i 15 b. Paraît identique au précédent ou au suivant.
« La femme du seigneur de — . »
ttîSN'n 52 h. Rans (Jura, Dampierre).
yj^-) \^ a. Identique au précédent. « Le seigneur de — . »
ïi5l'73&î':^"i'i et xy:^12''^^'^, 45 b, 53 b, 54 b. Rougemont (Doubs, Bau-
me-lesDames ou G. -d'Or, Montbard).
^5"'''?o'»'^'i^ 39 b ; U55''"i?3n'i, I 28 b, Romains (Doubs, Rougemont).
Il y a aussi un Romain dans le Jura, canton de
Gendrey.
•c:'-i'^V;a-i-i-i'-i I 39 b. Rosières-sur-Mance (H.-S., Vitrey).
i255Nbi^ 7 b. Roulans (Doubs).
1IÎ5"''^731^ Voir\255'^^72'^'^Tn.
Vdi-i 53 b, 56 ^; ït^'di^ 56 b. Ruffey (Jura, Bletterans). Il y
deux Ruffey dans la Gôte-d'Or, canton de Beaune
et canton de Dijon. Il y a encore un Ruffey, avec
vieux château, près de Marnay, sur l'Ognon (Doubs,
Audeux).
tJ-ji'pTn I 39 b. Voir ^<-J^p^^i<b.
aii^û^i'^^'i 14 ^, 18 b. Remiremont (Vosges).
nN'^"iD'''-i 58 b. Voir ïiis-'U5->'n&<b.
'iDiî'msi, ^ï5'n-i5^, iiîN'n-^s^, 58 a. Rénoves , Renèves . Renève (Côte-
d'Or, Mirebeau).
î-511-i'nN^ 8 a. La Savoie. « Pour l'envoyer en Savoie, »
■^'isilN^ 60âJ. Saimgney. Sauvigney-les-Angirey (H.-S., Gray)
ou S.-les-Pesmes (H.-S., Pesmes).
C^nj^^ Transcription de l'adjectif <çftm^. Voir les mots com-
mençant par 1151p. De même "cr^"^, îiû'i'^iu, U5'>'^\D.
•^^«115 36 a ; 11^125, 46 a. Scey. Scey-sur-Saône (H.-S.).
';i':\-«b&îil5 59 b. Salignon. Saligney (Jura, Gendrey) ?
iiTi-^bî^iD 23 ô, 41 a, 60 a. Salins (Jura).
ii-i^'^i2i 15^, 19^; n^^'^^Vn;!), 8 a. Savoy eux (H.-S., Dampierre-
sur-Salon). 'i^i^irî, 10 ^, le même (« Messire Hu-
gues de — »] ? Voir "^"("int^NS.
b"i'^"'N'^iï5 20 a. Savayol. Le même que le précédent.
'i-)inu5 et "i5^"i''Y3U5. Voir '^*i*in'3U5.
^1113 Voir D'^N'O.
Lj-^ia 52 b « Messire Jehan de — ». Set, Saint, Seini ? Se-
rait-ce Scey-sur-Saône (H.-S.), autrefois Set ?
^11^3 Voir a-^î^uJ.
l'^i^b'^ia I 14 ^. Silley (Doubs, Baume-les-D., ou Amancey).
iD-^Uî 58^. oc Les domestiques de i^iuî », Peut-être Scey,
comme aiuj.
aiip3-iDiî5 52 âJ. Senoncourt (H.-S., Amance),
188 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
a'Tipj'i'n'^15 48 a. Seroncourt. Serocourt (Vosges, Lamarche).
N-nuj 54 a. Seurre (Côte-d'Or).
Outre ces noms, nous trouvons dans nos manuscrits les rensei-
gnements topographiques suivants sur un certain nombre de loca-
lités mentionnées dans la liste précédente :
Baume-Us-Dames. Henry de Leynes, demeure à B. n^^sïi '^1"int<»,
« derrière la colline », 44«.
Chassey. ^^i r^s-i^n b'*:) N;:3ipM « la côte (de vignes) du grand-doyen,
qui était au chancelier, » 9 «:. — Vigne de la corre (la colline)
.N'",ipî<b, après le grand doyen, ^ a. — Vigne de la plante (=
nouvellement plantée) de lUiî^p (chans^ champs ?\ 26 a.
Charey. Vigne de Gérart de D'-iNb^:: N:jip. Voir ce nom hébreu au
paragr. II.
Chemilly. Le -^11:73 (fort) de Ch., 5 6. — Le b-^n (camp) de Ch. 8«. Il y
a encore maintenant à Chemilly un vieux châleau-fort, à l'em-
bouchure du Durgeon.
Çomderjon. La fontaine de G. I 17^. Peut-être un nom d'homme, La-
fontaine.
Dampvalley. N'i^"«^î<'pNb. « La charrière (chemin assez large pour
donner passage aux voitures) de D. » 1 15^;.
Echenoz. Vigne "ii'iii'ni^':^ Gévigney (c'est-à-dire vigne du seigneur
de G.?), 23a;. — Perrenot NnLDT^lûn (Duterlre, ou du tertre)
d'Ech., I 39^. — Une vigne plante NL::N*bD en un endroit appelé
'lïî'^'^np'^b (les crès, les croix ?), entre le champ (ou la terre
y^tî) du y^b^l3 (Burlès, Burlin, nom d'homme?) et la vigue
de la côte, NHûip^b b':i d'nîD, 9«. La côte serait-il un nom de
personne ? Echenez-la-Méline est situé entre deux côtes, dont
l'une (à l'est) s'appelle Les Gôtets.
Frotey. Vigne 'ji^Npn (Le caron, nom d'homme?), 29 «.— Vigne qu'on
appelle N':ii^ii::Nb (l'enseigne? Tensinge ?), 29 a. — Vigne de la
treille Nb'i\STi:3, 29 a. — Un cours d'eau désigné par le nom
Nn"''''nN-iNb « La ravière », qui semble bien être un nom propre,
9^. Serait-ce la Colombine, ou un petit cours d'eau qui s'y
jette près de Frotey et qui s'appelle la Font Champdamoy ? ou
le grand o-avin du Frais-Puit? — Le pont de Frotey, 29 a.
Gray. Ilugenin Uj^dii de Gray, 44 a. Ce n'est probablement pas un
pont, mais un nom de famille, Ilugenin Dupont, de Gray.
liévans. L'hôpital bwN'j^nb de L., I 20 b. Cet hôpital relevait du cha-
pitre de Calmoutier.
Noidans. La forêt ^y-^ de N., 20 a.
Noroy. Odot de y->-^-npj<b (la croix) de N. I 28 a. Il est probable que
c'est un nom de personne, Odot Delacroix. — Villcmin de la
fontaine (ou de Lafoulaine) de N., I 26 b, 30 ri.
Navennc. Un champ situé sur la rivière de la corre N-npb?3 nï^rrî, 9fl,
probabloment le Ru de la corre dont il est question à Vcsoul : .
DEUX LIVHKS DE COMMERCE DU XIY"-- SIÈCLE \H'.i
voir ce mot. — Vigne Nnnpisb la corre du "i^NbtûCnbD, 23 « ;
Plostelin, nom d'homme?
Salins. ^nsbwSUîwSb de Salins, 44 a. Cette saulnerie (saline) était
célèbre. Voir aussi ce nom plus haut, dans la liste des lo-
calités.
Vaivre. NiwVpî^b la charre de Vaivre, 3 û;. Probablement le chemin
creux qui monte la côte entre deux murs, le long des vignes
et conduit à Ghariez.
Velleguindrey. Le chastelet de V., I ?»0a. Il y avait, en effet, un châ-
teau à Valleguindrey.
Vesoul. On connaît déjà, par la liste qui précède, le chastelet de
Vesoul et le prieuré du Marteroy.
Les Rêpes u3D"'"''-i">b 9 a, bois situé au N. de Vesoul. Il y a les
grandes Rèpes et les petites Rêpes.
Le chemin qui va à Presles 9 a. Il parait que ce chemin existe
encore aujourd'hui.
Le \'^bM2 moulin Saint-Martin, 28 a, situé au S.-O. de la ville,
sur le Durgeon ou plutôt sur un canal dérivé du Durgeon. Ce
moulin est aujourd'hui transformé en fabrique de pâtes ali-
mentaires.
Vigne du piit (hébreu, = rocher), 9 a, probablement la fameuse
vigne de la colline appelée la Motte, située au N. de V. Elle
est près de la rivière nïi5, 27 ^ ; le Durgeon baigne le pied oc-
cidental de la colline. — Vigne au pied de la montagne (la
Mottei, appelée vigne Ghevançotte isrûiiiijt^'n'p, 9 a, 25 a, 27 à. —
Vigne sous la fontaine Saint-Martin (fontaine qui est sur
la Motte), 9 a. — Vigne près de la rivière qu'on appelle Ru-
Saint- Martin, 9a. Le mot ru (ou rupt) signifie ruisseau venant
d'une fontaine. Le Ru-Saint-Martin est la dérivation du Dur-
geon qui alimente le moulin Saint Martin. — Vigne derrière
Nn"''^'33i'p Chonvière, 22 a. — Vigne du ^':>'^n*i'^'^'^i'D perrier (=
poirier) rouge, 22 a; vigne du '-|"i'^-|'3'^N ^'^'^'ID perrier Évrier,'22a.
— Vigne u:5i<'p^'7 de chans, champs, 28 a. — Vigne de Cochon
de la Morte-pierre, 22 a. — Vigne « 5<L25wNbD plante », 22 a.
— Vigne de 5<n!::'>'3i<U5 ^np Saint-Savitre (Saint-Sylvestre ?^
25a, 27^. — Vigne qu'on appelle 'jib'^innpïn Yh'2 Nrijlp combe'
Belin et le Cruillon (Crulon ?), 27^. — Vigne du n'^''':il'^T ver-
gier des fils de Hulot, 27^. — Vigne ïiN"'DNn::\S étrapie, 27^.
— Vigne istûibn^iï^b la goulote de Gilbert, 27 b. — Vigne ;:3-iN"'D"'N
épiart, 28 a. — Vigne la plante (nouvellement plantée) de
Jean Villemin, 28 a.
Champ appelé champ ^'y^y^ (ou ';n^ip ?) cordou (ou corban),
9 a. — Champ qu'on appelle n'^'^':^5n"'a 'jî^T ï-iN-'nmpi^bn « à La
corvie dan Berangier », près du chemin "^ijs^nNp carnay [char-
' Combe = dépression ou polile valléo dans le patois local.
190 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
nay ?), 9 «. — Champ qui est sur la fontaine (n3>'^;::'i'd) du
perrier de 'pals uîbND^ n^'^nsi'i, ^ a. — Champ appelé Mar-
cadel b^^NpnNt] qui était autrefois rêpes ^D"«n (rêpes — bois),
^ a. — Champ à Laforêt lûinVc^^b 9 a. — Champ devant la
N*T''>'7N5N72 maladière (maladrerie *), 8^. — Champ sur le ru
(rivière) de la Corre \ 8 ^. — Champ sur le fruit Cherbon i-id
imn-^'p, 8 h.
Sous le nom de ins (hébreu, = fruit = verger) sont dési-
gnés : le fruit '|n2-i'>'p Cherbon, 8 ^, 9 « ; — le fruit de
«^'^'''pNnNTDNb la] Marachière, entre la rivière et les champs,
9 â^ ; — le fruit Saint-Martin, 28 a.
Un y^D (fans, faux ?) de fruit à Laforêt, 9 a. On appelait faux
ou faulx (fauchée), du latin falx^ l'étendue de pré qu'un homme
peut faucher dans la journée.
III
Les dates.
Nous avons déjà dit que la mention de chaque opération est
suivie d'une date. Si, pour un même compte, les dates se suivaient
dans Tordre chronologique, abstraction faite des surcharges et
des interpolations, on serait assuré que les dates indiquent le jour
où se sont faites les opérations. Mais quoique Tordre chronolo-
gique se retrouve, en gros, dans la suite des dates de nos manus-
crits, il est si souvent interverti et dérangé, que nous avons dû
nous demander, sans pouvoir résoudre la question, si les dates
n'indiquent pas le jour de l'échéance plutôt que le jour de l'opéra-
tion. Si elles indiquent ce dernier jour, l'interversion dans Tordre
chronologique ne peut s'expliquer que par cette circonstance
que les mentions inscrites dans nos manuscrits sont, comme
semble Tindiquer souvent l'auteur du ms. II, recueillies après
coup dans un certain nombre de cahiers de notes ou d'après des
communications verbales faites par les associés au rédacteur du
compte, et que celui-ci, en transcrivant ces mentions, qui lui par-
venaient de sources différentes et à des époques dilTérentes, ne
pouvait observer Tordre chronologique. Il faut encore remarquer
que souvent la mention des dates est précédée de la préposition
hébraïque lamed, et nous nous sommes demandé si les dates de
' La maladreric était de l'autre côté du Durfreon. au sud de Vesoul, sur le terri-
toire de Navcnne, non loin de 1 église de Pont-les- Vesoul.
* Corre = colline ; le ru de la Corre peut être le petit cours d'eau qui descend en
droite ligue de ISavenue (au S. do Vesoul) pour se jeter dans le Durpreon,
DEUX LIVRES DE COMMERCE DU XIV SIÈCLE 191
cette espèce n'indiquaient pas l'échéance, tandis que celles qui
n'ont pas le lamed indiqueraient le jour de l'opération, mais nous
n'avons trouvé aucune indication qui nous eût permis de résoudre
cette question.
Les dates sont généralement indiquées par le jour de la semaine
(!•' jour, 2® jour, etc.), la section du Pentateuque {loarascha) qui
est lue pendant la semaine, l'année de la création suivie toujours
de la lettre lamed^ initiale du mot lifrat u^,Db. Les mille et les
centaines du millésime ne sont jamais indiqués.
Lorsqu'une lecture sabbatique est ajournée d'une ou de deux
semaines, à cause des fêtes, de sorte qu'il y a deux ou trois se-
maines d'intervalle entre une lecture sabbatique et la suivante,
le rédacteur indique que le jour de l'opération appartient à la 1''°,
à la 2^, à la 3° semaine en mettant respectivement avec le nom
de la parascha les chiffres P'" (N5:p), IP (^du5 et souvent "^r^u),
IIP ("^uibus) ; par exemple semini /, semini II, aharé II F,
Il est curieux, quoique très logique, que, pour le rédacteur des
manuscrits, l'année juive ne semble pas commencer, comme d'ha-
bitude, au 1*" tisri, mais au samedi de la 1""* section sabbatique du
Pentateuque [beréscliit), samedi qui vient, comme on sait, après
les grandes fêtes du mois de tisri. Les dates comprises entre le
l**" tisri et ce samedi, sont indiquées, comme toutes les autres, par
la lecture sabbatique, mais le millésime est encore celui de l'année
précédente, et il est le plus souvent précédé (c'est là précisément
ce qui distingue ces dates) du mot hébreu tjnD (fin). Par exemple :
6 nissaMm fin 68 (53 &), c'est-à-dire vendredi de nissahini dans
le mois de tisri de l'année 5069. Une fois même on trouve (3 a) la
mention beréschit fin 76, ce qui veut dire sans doute beréschit du
mois de tisri de l'an 5077. Il est, du reste, probable que le mil-
lésime des dates du mois de tisri, jusqu'à beréschit, est toujours,
dans le ms., le millésime de l'année précédente, qu'il soit ou non
précédé du mot fin. Ce mot accompagne aussi quelquefois les
dates chrétiennes, par exemple : St-Michel fin 67 (53 &), St-Michel
fin 72 (54 a), St-Maurice fin 70 (7 a), St-Rémi fin 66 (54 a),
piabi'mp fin 64, fin 65 (voir ce nom dans la liste qui suit) ; il est
naturel de supposer que, dans ce cas aussi, le mot fm a le même
sens que lorsqu'il accompagne les dates hébraïques, c'est-à-dire
que les mots « St-Michel fin 67 », par exemple, signifient St-Michel
de l'an 5068 ou 29 septembre de l'an 1307 et non St-Michel de l'an
5067 ou 29 septembre 1306.
Très rarement les dates sont indiquées par des fêtes juives. Les
dates de ce genre que nous avons trouvées sont ndsïi ^*iy 2 a,
Yeille de Roscli-haschana ; Purim 9 & ; Péçah 11 &; Sabouot 6 a
192 REVUE DES ETUDES JUIVES
(Pentecôte désigne la fête chrétienne), et ^n bus innnNn m:: ti-» lia,
qui désigne probablement le dernier jour (9« jour) de Succot,mais,
en général, l'usage de ces dates est rare dans les deux manuscrits,
le rédacteur dira plutôt 6 beraklia I fin 73 que éréb siiccot (veille
de Succot), 3 berakha II fin 73 que 4*' jour de Succot, etc.
Très souvent les dates sont indiquées par des fêtes chrétiennes,
civiles ou religieuses, par des noms de saints, des noms de mois du
calendrier julien. Voici le tableau des noms et désignations de ce
genre et de quelques autres indications analogues que nous avons
trouvés dans les deux manuscrits :
LnNi< I 8«, II 43 b. Août; aiNïi ^i:n I 8«, mi-août. Voir :::^5<■^92.
î<r"'::'^N 2 Z*, 3 a. Saint Etienne, 20 décembre.
"^"i^jii I 6â^, II 45 J. "-iin^siS "^Ip I 41 à. Sailli- Andrier, saint André,
30 novembre.
'}ii<''irt<i:i< I 44 b. Ascension. Voir plus loin ';-iN'^\r:t<':î. Le mot est pré-
cédé d'un lamed qui peut être préposition hébraïque ou Tar-
licle français.
^N"i"i"û Bordes; ":j^Ti:2b, uiin^n'^b Les Bordes, I 6 a, 31 û, II 36«, 30 a.
La fête des Bordes, 1"' dimanche de Carême.
n"»i!:3 (hébreu) 30 b. La vendange.
n'^'>)3b"i:3"'n I 30 b, Bétolmier ; ^^^bL:"i^n II bO^, Bertolmier. Saint Bar-
thélémy ou la foire célèbre de Saiut-Barthélemy, de Mont-
justin, 24 août.
^'yy^'y '^b\ N'm':^ ût» 10 a; t^'^niri ^np 48 b. Saint George, 23 avril.
Nr^N"'b'i':^ 52 fl^ ; Nj"«"'î<'^bi':4b "i"'"-i"' foire de —, Mb. Foire julienne, Idju-
lienne. Peut-être la fête de saint Julien de Brioude, martyr, cl
patron de plusieurs localités de la région, telles que Meuoux,
Frétigney. Une des foires de Frétigney tombe le 20 août, la
semaine avant saint Julien.
t:'^31 Cip I 9 a. Saint Denis, 9 octobre.
LÛjif'i '^lilp I 44 a. Saint Vincent, 22 janvier.
;:;lN':;5<^"i et u^wS':;'!!, 15 a. Vendanges.
t<2^y3T. Voir t^r^Vnp-
t3-in^ (hébreu) 1 G ^, 2ô ^ ; II 54 a. Saint Jean,24juiu. Voir Retue.W , 1.
N^Nbipn 'jir;^"' wip I 18 a. Saiul Jean Décolasse, c'esL-à-dire décolla-
tion de saint Jean, 29 août.
ND^îi ûT' (hébreu) 22 a. Premier jour de l'année juive.
pnb I 20 b ; p"ib c^p I \1 b. Saint Luc, 18 octobre.
N:"«bT5<?jr; ^^ a\ j^rbT?: 59 b. Mazeline. Sainte Madeleine ? fête et foire
de Villersexel, 22 juillet. Voir Mazeloine dans la Dictionn. de
La Curne de Sainte-Pala\e. Si notre lecture est juste, la pré-
sence du zain dans la transcription hébraïque est contraire
à toutes les habitudes de l'auteur. On pourrait aussi lire
Jsrbp^D Maquelinc^ ou remplacer p par ^.
•'ij^): I 8 a. Mai.
DEUX LIVRES DE COiMMERCE DU XIV« SIECLE lyj
::5'1£35N """^N^ S7 ô. Mai-entrant, i'^'mai.
^"•"iit:, iZ3'^'-n?2 U5'Tip et iu-t'ni?3 di"» I 7^; Il 7«, 8«. Saint Maurice,
22 septembre ? « fin de l'année » juive, dit le texte, I 1 a^ ce
qui correspond assez bien au 22 septembre.
anj^"^^ 00 b. Mi-août.
bi-i'p^^j la. Saint Michel, 29 septembre.
Y'cni2 43 a. Saint Martin, 11 novembre.
\^xyM2 ïibn"'''^:? ût^ ^ ^- « Le jour où Martin sera (ou a été) pendu. » Ce
jour est le 4 vaéra 5072 = 5 janvier 1312. Est-ce une allusion à
un événement local?
CNb"ip"'5 UJ^p I 32^. Saint Nicolas, 6 décembre.
brr^i I 22 b, II 54 ab. Nital pour {dies) natalis. Noël, 25 décembre.
N0"^03 Uîlp I 16^. Saint Nacisse. Saint Narcisse? Cette explication
est très douteuse, attendu que le d ne sert pas dans notre
manuscrit pour la transcription des mots français et, de plus,
saint Narcisse est une fête qui ne se célèbre pas dans la région,
mais à Augsbourg, le 5 août. D'autre part le mot n'est pas
hébreu. Si on lisait nû'^d:^, ce qui n'est pas impossible, on au-
rait un mot araméen qui désigne l'agonie, et on pourrait
penser à la Sainte Passion ou Sainte-Agonie, qui se célèbre
le vendredi saint. Il y a aussi la fête de la Passion de la
Sainte-Vierge ou fête du spasme^ qui se célébrait à la même
époque de l'année.
""^i^r 9«, 29^ (rabblnique, à l'état construit, suivi du millésime) 9 a,
'^9 a. « Mortification», c'est-à-dire Carême; ■^■^123^ no'^ii I 5 ^,
Carême-entrant ; 1112:^ i^tn l \9 a, Mi-Carême.
N-Jlp-JSi^D, et S^-JlpwN-JND, N-JinpJ^-JNQ, N'Jlp'JS, N-J1p-J5D, N"J':î1p-j:D
I 5 5, 6 â^, 8 ^, II 1 4 ^, 45 ^, 50 a, 59 a. Pentecôte.
tJfc^ptîD, lapNS lOâj, 45 b. Pâques. uîpND n:;n 16 a.
•£i-ipDNS ^'ip, M5-ip5D l Mb, II 47 J. Saint-Pancrace ; fête ou foire, le
13 mai.
U55<'^^lbD 'sTipwND I 24^. Pâques fleuries, c'est à-dire dimanche des Ra-
meaux.
'vZîwVuJibp ^Npï^D 17^. Pâques closes, dimanche qui suit Pâques, Qua-
simodo.
';i&<''i&i^ND 13 b. Parutio7h. Invention ou parution des reliques de saint
Etienne, martyr, patron de Port-sur-Saône. La fête de cette
invention se célèbre le 3 août.
b^^Vri'T^ïD UJnp 1 29^ ; b-^V:\n-^'^3 Uîip I 28 b. Saint- Ferjeinl, Saint-Fier-
jeicil. Fête de saint Ferjeux, 1 G juin, ou foire de l'endroit Saint-
Ferjeux, près de Besançon, où se trouve le tombeau de saint
Ferréol et de saint Ferjeux, apôtres de la Franche-Comté, et où
il y avait grande foire et pèlerinage le 16 juin. Le saint Fer-
jeux de la Haute-Saône n'avait pas de foire.
UJN'npiD. Voir uîNipSND.
:û^^^^^ Lî^N-ia^^ nt'd uî^p 55 a. Saint Pierre entrant août, fête de Saint-
Pierre-ès-Liens, l^^'- août.
T. VIII. N« 10. 13
194 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
N'icibiN'p 39 a,k^l\ N'U5ibl2N'p 4< l ; NUînb^^Np I 39 a ; è<'^ib^5'p 47 a.
Chandelouse. La Chandeleur, 2 février; on trouve '-i"'b'7jp 't^n
dans Mordekhaï, Ahoda zara, chap. i, p. 91 h, cdit. Riva di Trento.
INn;::^ N^n^p 44 a. Carême-entrant.
Nj'^ynp ou N^Vnp ? I 13 <z, 4 3^, II 54â^. Caveline, Chevalce (époque
d'une chevauchée ?) ? Cavelice (impôt de capitation, date de la
perception ; voir Ducange, au mot Cavelicium) ? Ou bien faut-il
lire Ni^y^T ou NitVnT? Nous n'avons pas d'explication pour ces
deux derniers mots, qui présenteraient cette difficulté que le
T serait, contrairement à l'usage constant des deux mss., em-
ployé pour la transcription d'un mot français ; cependant le
tilde sur le n indique suffisamment que le mot n'est pas
hébreu. Mais si l'on considère que le tilde de ce mot offre
presque toujours, dans le ms., quelque chose d'incertain;
d'autre part que ce mot semble gratté dans I Ua etioû;,
comme un de ces mots hébreux ou araméens qui désignaient
les fêtes chrétiennes, on pourrait être tenté de voir dans
ce nom un mot rabbinique avec terminaison française? Il
semble résulter de I 43 «-13 b que la date indiquée par ce
mot est antérieure à la Saint-Michel. Enfin, si on lit Cave-
Une, on serait tenté de traduire par Catherine (on dit encore
Cateline pour Catherine en Franche-Comté); ce serait la grande
foire de Vesoul, tenue le 25 novembre. C'était le jour où les
maréchaux de la contrée, d'après une découverte de M. l'abbé
Morey, venaient payer à Vesoul leur marchand de fer.
Û'^O^p 36 a (hébr.). Toussaint, l*^' novembre.
pinbi^ip I 10^ ; piabnnp I 10^, 17^, 30 * ; pmb-npb ^-in I1 18 a. Corol-
boc, Crolboc. Nous n'avons pas pu identifier ce mot. On pour-
rait penser à la foire de Courlevon, mais Courlevon, nous
l'avons vu plus haut, s'écrit avec un 7i à la fin, non un kof, et
notre lecture nous paraît sûre. Il semble résulter des passages
où se trouve ce mot que la date qu'il désigne est postérieure
au 5 février (postérieur à 5 Pecudé 64) et antérieure au 26 sep-
tembre (fin an 64) et dans tous les cas au 30 octobre (avant
6 toledot 64). La date se place dans tous les cas vers la tin de
l'année juive : « fin 64 » I 17 * ; « fin 65 » I 30 a '. L'expression
^in n'indique pas que la fête dure plusieurs jours, car on
trouve aussi n"'?2bi::n"'3 "]^^n 'ôOb pour la Saint-Barthélémy. On
peut lire p^3b^*np, avec d, mais sans plus de succès pour
l'identification.
n^p (aram.). I 14a, II 50 a, 52 a. Choisi par assonance au mot hébreu
nSD (Pâques); désigne la Pàque chrétienne. On trouve ce mot
dans une note sur un passage du Mischné lora de Maimonide,
1 En admetlaut que le mot fin désigne la période qui va du !•' au 25 tisri, on au-
rait ù placer nolro fête, pour l'année 5064, du 12 septembre au 6 noyembre; pour
l'auucc liUG5, du !•' au 25 septembre.
DEUX LIVRES DE COMMERCE DU XIV SIÈCLE 195
Aboda zara, chap. ix. La note commence par les mots bNi72u:5
"i'?3Nl et elle cite brr^a et nitp comme étant les principales fêtes
chrétiennes, en se référant à l'autorité du Raschbam et de
Rasclii. Le Semag, I, miçxa 40, a un passage analogue : ïï-i'^d")
ûnisn'^ \25N^i ûT« ^p3? pu5 no"^pi bu3 ♦ .♦■^"ujn û'wn bisiTaus 'n.
y^p (hébr.) 56 è. Eté.
pinbnnp. Voir pnnbimp.
•^?3n ^u^p 20 â;. Saint Kemi, l^''" octobre.
NT»a'^n&<^ u:np 43 «. Saint Savitre. Saint Sylvestre, évêque de Ghâ-
lons-s. -Saône, 20 novembre?
N"|i"'ifi<^ nan 49 ^; !sn">'^Ti25 n^n, 34 â^, 55 â^. Fête savière^ suière ^ Il résulte
de 55 à qu'elle était en Pinhas 70, c'est-à-dire du 14 au 20 juin
4 310 ; de 49 à qu'elle était en Pinhas 73; de 54 â^ qu'elle était
vers Pinhas 73, c'est-à-dire du 8 au 4 4 juillet 4 313 ou vers cette
date. Serait-ce la fête du saint Suaire, qui était une des
grandes fêtes et grandes foires de la Franche-Comté? Le saint
Suaire fut apporté d'Orient après la 4° croisade et donné vers
l'an 1206 à la cathédrale Saint-Etienne, de Besançon. On le
montrait aux fidèles le dimanche après Pâque et le dimanche
après l'Ascension. Il attirait 15,000, 20,000 et jusqu'à 50,000 pè-
lerins. La foire du saint Suaire, le lundi après l'Ascension,
était franche et durait huit jours. Malheureusement les dates
de cette fête du saint Suaire ne concordent pas avec la semaine
de Pinhas ni en 4 34 0 ni en 4 34 3, car la fête de l'Ascension tom-
bait le 28 mai en 1 31 0, le 24 mai en 4 34 3 K
';i&^''itDN^ 49 a (ou probablement plutôt "jn-iitii^usb), 'jv^suîb I 46 a.
L'Ascension. Si le mot était écrit sans le lamed initial, il com-
mencerait peut-être par un alef 'jT^it^N^N, "ivuîj^lîis. Voir ce-
pendant, dans La Gurne de Sainte Palaye, le mot Scension.
Voir 'iviti^itN .
V:;n3"i}û''U5 I 26 a, 33 ^î. Simoneju. Saint Simon et saint Jude, 28 oc-
tobre.
Quelques-uns des noms hébreux ou araméens employés pour
désigner des fêtes chrétiennes et dont le sens pouvait blesser le
sentiment chrétien ont été grattés. On dirait qu'à un certain mo-
ment les deux manuscrits ont été soumis à une censure ; dans tous
les cas le propriétaire, à un moment donné, a senti le besoin de
faire disparaître ces mots. C'est ainsi que le mot N^^VaT est gratté
1 14 a et 1 15 a ; le mot û-in'^ il 53 & ; le mot bn^3 I 6 &, 8 a; des
dates grattées se trouvent encore, mais illisibles, I 11 & (probable-
ment ûnn*^), 1 13 1), 15 a, 19 a, 117 a, 12 «.
* Le alcf avant le vav geue pour la lecture suière, suaire.
* L'identilicatiou avec la fêle du saint Suaire nous a été suggérée par Mt E. Ou-
verleaux, sous-bibliothécaire de la Bibliothèque royale de Bruxelles.
196 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Au f^'II 48 & se trouve la date « le jour de mt^iD'n:' », c'est-à-dire
le jour de la session judiciaire de Vesoul.
Enfin, un très grand nombre de fois les dates sont indiquées par
des foires ("}^i'^) qui avaient lieu dans la région. La foire la plus
importante paraît être celle de Port-sur-Saône, c'est la seule qui
soit indiquée tout court par le mot Port ou par jour de Port
(1 1 a, 5 b; II 3 &, 8 &, 45 &, etc.) ou par le le jour de la foire, sans
autre indication (7 a). Les principales autres foires mentionnées
sont celles des lieux ou jours suivants : Apremont 8 a, Beaume-
les-Dames 8 a, Châlons 11 a et 37 &, Faverney 36 a (on trouve
aussi le marché piu) de Faverney, 37 &, 39 a), Fondremant 12 &,
St-Georges 3 &, et 10 <2, Gray (très fréquent), Julienne 12 &,
Loulians 7 a, Luxeuil 32 a et 37 &, Montbozon 8 a et 10 a, Mont-
cey 11 a, Montbéliard 10 a, Montrond 9 &, St-Maurice lia, Traves
11 a et 40 &, Vy 13 a et 35 a, Viilersexel 13 a. Ces foires existent
encore aujourd'hui, sauf celle de Montrond et celle de Vy.
Isidore Loeb.
{La suite au prochain numéro.)
LEGENDES JUDEO-CHRETIENNES
LA LEGENDE DE MELCHISEDEG DANS LES ŒUVRES DE SAINT
ATHANASE
Il y a dans les œuvres de saint Athanase • une histoire étrange
de Melchisédec, dont l'origine et le sens doivent être bien obscurs
pour ceux qui ne connaissent pas la littérature midraschique.
« Il était autrefois une reine nommée Salem qui avait deux
fils, Melchi et Melchisédec. Leur père, nommé également Melchi,
était un Grec infidèle. Le temps d'offrir des sacrifices aux idoles
étant venu, le roi dit à Melchisédec : « Va à l'étable me chercher
sept veaux afin que nous les immolions aux dieux. » En route,
Melchisédec réfléchit et, considérant le soleil, la lune et les étoiles,
il se dit : « Qui a créé le ciel, la terre, la mer et les astres? C'est
à leur auteur qu'il faut offrir des sacrifices ; c'est lui qui est le
seul Dieu véritable. Je retournerai donc auprès de mon père et
lui ferai part de mes sentiments, peut-être écoutera-t-il mes pa-
roles. » Quand son père le revit, il lui dit : « Où sont les veaux? »
Melchisédec répondit : « Renonce au sacrifice que tu avais pré-
paré et ne l'offre pas à ces dieux qui ne sont point des êtres divins,
mais à celui qui est au haut des cieux et qui les gouverne. C'est
lui le Dieu des dieux. » Le père irrité lui enjoignit d'obéir, puis il
se rendit auprès de Salem à qui il dit : « Je ferai un sacrifice de
l'un de tes fils. » La reine pleura amèrement ; ce que voyant, Mel-
chi lui dit : (c Tirons au sort ; si le sort m'est favorable, c'est moi
» Tome II, p. 239-241 de l'édition de Paris, 1698 ; t. XXVIII, col. 523-530 de la
Patrologie grecque de Migne. Il paraît que ce passage est une interpolation due à
quelque Grec.
198 REVUE DES ETUDES JUIVES
qui choisirai celui de nos fils que je voudrai pour l'immoler ; si le
sort t'est propice, tu choisiras celui que tu veux garder. » Le sort
fut favorable à la mère, et elle garda Melchisédec. Melchi emmena
son autre fils dans le temple des idoles pour l'immoler. Salem dit
à Melchisédec : « Eh quoi ! ne pleures-tu pas ton frère qui est
mené à la mort? » Il répondit : « J'irai invoquer Dieu », et il alla
sur le mont Thabor, pendant que sa mère se rendait dans le
temple. Il demanda à Dieu d'engloutir dans la terre tous ceux qui
assistaient au sacrifice de son frère. Dieu exauça sa prière, et il
ne resta personne de la ville de Salem. Epouvanté, Melchisédec
s'enfuit sur le mont Thabor où il demeura sept ans, jusqu'au jour
où Abraham, sur l'ordre de Dieu, alla le chercher. Dieu dit en-
suite à Abraham : « Comme il ne reste sur la terre personne de la
famille de Melchisédec, il sera appelé sans père, sans mère, sans
famille, n'ayant ni commencement de jour, ni fin de vie. Comme
personne ne connaît sa famille, ni son père, ni sa mère, il est re-
présenté comme n'ayant ni père, ni mère, ni famille, et parce qu'il
a plu à Dieu, il demeurera prêtre à jamais... »
Voilà un instructif spécimen de midrasch chrétien construit tout
comme ceux des rabbins; c'est une interprétation, sous forme de
roman, d'un verset obscur. Un théologien grec de beaucoup d'ima-
gination a voulu expliquer, par une histoire ad hoc, les paroles si
énigmatiques de l'Epître aux Hébreux relatives à Melchisédec
(ch. VII, V. 3) : « Il est sans père, ni mère... », et il a trouvé tout
simple, pour supprimer la difficulté que présentent ces mots, de
supprimer la famille de Melchisédec en la faisant périr. Lui-même
nous avertit charitablement de son dessein par ces mots : « Comme
il ne reste plus sur la. terre personne de la famille de Melchisédec,
il sera appelé sans père, sans mère, sans famille ^.. »
Mais où Fauteur a-t-il pris les éléments de ce roman ? Serait-ce
dans l'Ancien ou le Nouveau Testament? On y chercherait en vain
un passage sur Melchisédec propre à servir de thème à cette his-
toire merveilleuse. L'auteur l'a-t-il forgée de toutes pièces? Pas
davantage : il s'est contenté de transposer une légende rabbinique,
d'attribuer à Melchisédec ce que la tradition juive raconte d'un
autre héros de la Bible.
Dans la Genèse déjà paraît un homme dont le père est idolâtre,
qui, lui, reconnaît le vrai Dieu, voit mourir son frère et même se
rencontre avec Melchisédec : c'est Abraham. Dïins la tradition
rabbinique la vie du i)atriarche est ainsi contée : Abraham,
regardant un jour le soleil, se dit : Voilà le vrai Dieu ; bientôt il
' L'Epîlre, au lieu de • famille •, porte « généalogie ».
LÉGENDES JUDÉO-CHRÉTIENNES 199
vit le soleil disparaître pour faire place à la lune : voilà mainte-
nant le vrai Dieu, dit-il; mais la lune à son tour fut vaincue par
le jour. Il comprit alors que ces astres étaient eux-mêmes sous la
dépendance d'une volonté supérieure, et reconnut un Dieu créateur
du ciel et de la terre. Tout plein de sa découverte, il voulut con-
vertir son père à sa nouvelle foi, et se moqua des idoles que celui-
ci gardait dans sa demeure et devant lesquelles on venait apporter
des sacrifices. Son père, pour le punir, le livra au roi Nemrod,
qui le fit jeter dans une fournaise ardente. Mais, ô miracle ! ce
furent les bourreaux qui furent consumés, tandis qu'Abraham se
promenait sain et sauf au milieu des flammes. Haran, son frère,
qui s'était dit : « Si Nemrod est le plus fort, je serai de son parti ;
si c'est Abraham, je me réclamerai du sien », Haran fut jeté aussi
dans la fournaise, mais son manque de foi le perdit et il fut
dévoré par le feu*.
Il est inutile d'insister sur la similitude du fond de ces deux lé-
gendes : elle saute aux yeux. Il est cependant bon de remarquer
que si l'auteur grec fait mourir toute la famille de Melchisédec et
non pas seulement son frère, c'est pour les besoins de sa thèse.
Pour les mêmes raisons, le frère, ne paraissant pas dans l'Epître
aux Hébreux, ne joue plus, chez l'auteur grec, qu'un rôle effacé
et, a tout l'air d'une victime innocente.
Mais les transformations subies par la légende juive en passant
dans l'écrit chrétien sont dignes de nous arrêter. Quelle est l'ori-
gine du récit d'Abraham jeté dans la fournaise ? C'est un verset ou
plutôt un mot de la Genèse. Il est dit {ch. xi, 7) : « Je suis l'Eternel
qui t'ai fait sortir de Our des Chaldéens ». Or, le mot Oiir, qui est
un nom de ville, signifie aussi feu. Les rabbins ont donc traduit,
dans un but d'édification et pour illustrer l'histoire sainte : « Je
suis l'Eternel qui t'ai fait sortir du feu des Chaldéens. » Pareille-
ment, comme il est dit (Genèse, xr, 28) : « Haran mourut devant
son père Térah, dans son pays natal à Our des Chaldéens », ils ont
fait périr Haran dans le feu allumé pour Abraham. Or, chez les
Juifs, au milieu des nombreuses variantes de la légende, un épi-
sode demeure intact, c'est celui d'Abraham jeté dans la fournaise,
parce qu'ils ont conservé toujours le sentiment de l'origine de la
fable. Pour notre auteur grec, ignorant probablement l'hébreu, ce
sentiment s'éteint, la fournaise se transforme en bûcher ; au lieu
de mourir par le feu, la famille royale périt engloutie dans la
terre, et ainsi le trait principal de la légende originale devient
un trait accessoire qui se modifie ou se supprime à volonté.
* Voir Beor, Lehen Ahraliam's, Leipzig, 18o5. ;
200 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
II
LA LÉGENDE CHRÉTIENNE DE BARTHOLOMÉE DANS LE TALMUD
Que des traditions juives sur les patriarches bibliques aient été
accueillies par les Chrétiens, rien de plus naturel, ceux-ci véné-
rant au même titre que les Israélites les grands hommes de l'An-
cien-Testament ; mais que la légende chrétienne d'un apôtre ait
été admise par le Talmud, voilà de quoi surprendre : c'est cepen-
dant ce que nous allons rendre vraisemblable.
Tout le monde connaît ce conte curieux du Talmud de Meïla
(17 h) : Rabbi Schiraon b. Yohaï, allant à Rome avec une dé-
putation juive pour demander le retrait d'édits vexatoires ren-
dus contre ses coreligionnaires, rencontre sur son chemin un
démon du nom de Ben Talmion K Celui-ci lui propose de l'accom-
pagner : a Je te devancerai, lui dit-il, j'entrerai dans le corps
de la fille du César et la rendrai ainsi folle. On ne trouvera pas de
médecins qui puissent la guérir, vous arriverez alors et me direz :
« Sors ». A ces mots, je sortirai et ferai pour vous ce que vous
désirez. Et voici le signe auquel vous reconnaîtrez ma présence :
quand je sortirai, je briserai tous les vases do verre du palais du
César ^. » Les choses se passent ainsi, le roi dit aux Juifs de lui
demander ce qu'ils désirent, il les fait entrer dans son trésor, où
ils trouvent l'édit et le déchirent.
On a naturellement retourné ce passage dans tous les sens pour
y trouver un fond historique. L'hj-pothèse la plus ingénieuse a été
présentée par M. Lebrecht dans la Jikiische Zciischrift de Geiger
(t. XI, p. 273-278). D'après lui, ce récit serait une variante trans-
formée en légende de l'histoire si souvent et si diversement rappor-
tée par le Talmud d'un sénateur romain qui aurait pris la défense
* Ben Tulmion esl évidoramcnl le mol Bar Talmion {Vai/itjra rahba^ G) hébraïsé.
Ce mot, comme le dit très justement M. Lebrecht (Geiger. Jirl. Zntschrift^ XI,
p. 277) est calqué sur le jrrec Hartolomaion (accusatif de Barloloraeios), Barlholomée
ou Barthélémy, comme 'JT72'^'7pD sur Nicodemos. Bartholoméc ou, comme prononce le
«yriatuu'. Bar Toulmoy, est un composé de Bar, lils, et do Talmay ou Tolmay, olirépc
de Ploléniée. Le Talmud appelle toujours IHolémcc "^JS'ibp. Quant ù la leçon
■{T^??-!! *|2, c'est une variante insignifiante due à une transposition de lettres.
* La leçon que nous suivons est celle qui est mcutionnée dans le commentaire do
l'Eyn Yacob sous le nom ù.'* autre aggada «.Elle a l'avantage dêlre écrite entiè-
rement en aramécn, tandis que celle du Talmud est un mélange incohérent d'hé-
hreu et d'araraécn.
LEGENDES JUDÉO-CIlHEïlENiNES 2( I
des Juifs. Tantôt sous le nom de Ruben Istroubli, tantôt sous celui
de Qetia bar Schalom, enfin, ici sous celui de Bartliolomée, ce se-
rait Flavius Clemens, qui penchait vers le judaïsme et appartenait
à la famille impériale par sa femme Flavia Domitilla ^ M. Le-
brecht va plus loin et croit trouver dans dib^iî n^, bar Schalom, le
nom même de Bartholomée, car remplacez le -a par un a et vous
avez ûibûûnn. Mais diijbnn n'est pas in^^bnnn , les noms propres
n'ont pas l'habitude de s'apocoper en passant du grec ou du latin
en hébreu; en outre û-'b^ (et non ûnb\D) « le complet » paraît bien
être intentionnellement opposé à N^'ijp « le coupé », comme le di-
sent très bien M. J. Derenbourg {Essai sur l'histoire et la géo-
graphie de la Palestine, p. 336), et, après lui, M. Schor. {Halutz,
IX, 1873, p. 18). D'ailleurs, que de bonne volonté ne faut-il pas pour
ne pas voir dans cette histoire ce qui s'y trouve en réalité, à savoir
une franche et naïve légende, sans prétention historique. M. Le-
brecht pour repousser cette idée, pourtant si simple, objecte avec
raison que, dans les premiers siècles de notre ère, la littérature
chrétienne est seule à. mettre ainsi en scène des possédés délivrés
du démon par la parole d'un saint. Cette objection tombera et
fournira môme un argument de plus en notre faveur, si nous mon-
trons que la légende de Bar Talmion est d'origine chrétienne.
On lit, en effet, dans les Plistoires apostoliques du Pseudo-Ab-
dias le récit suivant : L'apôtre Bartholomée, évangélisant dans les
Indes, arriva dans une ville gouvernée par le roi Polymnius.
Celui-ci avait une fille démoniaque et folle ; ayant appris les cures
miraculeuses opérées déjà par l'apôtre, il le pria de la guérir.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Le roi voulut le récompenser, mais déjà
son bienfaiteur avait disparu ; il revint cependant et lui annonça
qu'il allait confondre ses idoles. 11 ordonna devant le peuple à un
démon d'entrer dans la statue d'un dieu, puis commanda aux as-
sistants de la renverser. Ils s'y acharnèrent en pure perte, l'idole
restait inébranlable. Alors Bartholomée enjoignit au démon de
sortir de l'idole et le démon lui obéit en brisant et cette statue et
toutes celles qui se trouvaient dans le temple ^.
La concordance des faits est déjà par elle même capable d'em-
porter la conviction; ce n'est pas par pur hasard que dans deux
textes différents paraisse un homme saint dont la parole délivre
* Voir à ce sujet J. Dcrenbourjç, Essai stir l histoire de la Palestine, p. 335 et
suiv. ; Renan, les Evangiles, p. 307 ; A.-D. Brandcis (A. Darmestcter), Bcvue israélit:
1870, n°» 17 et 18.
» Voir Fabricius, Codcj) Apocryphus Novi Tcstamenti, t. I, p. 674 et suiv. ; Tischen-
dorf, Acta apostol. apocryph., p. 246 et suiv.; Migne, Dictionnaire des apocryphes,
t. II, col. 153-157.
202 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
une princesse du démon qui la possède et qui révèle son départ
par le bris des objets placés sur le lieu de la scène. Mais ce qui est
plus probant encore, c'est la présence du même nom dans les deux
récits. Dans tout le Talmud, on ne rencontre qu'une fois un dé-
mon nommé Bartholomée et il se trouve que c'est justement dans
une légende analogue à celle de Bartholomée ! On dira, il est vrai,
que Bartholomée est ici un démon et là un apôtre. Preuve de plus
que le récit juif dépend du récit chrétien : c'est par esprit d'oppo-
sition que les Juifs ont changé l'apôtre en démon, de la même
façon que les Chrétiens ont converti les divinités païennes en
mauvais génies, les Perses, les dévas, qui sont les bons génies des
Indiens, en divs ou démons.
La légende chrétienne a-t-elle pu arriver aux oreilles des rédac-
teurs du Talmud ? Très facilement, car elle appartient aux pre-
miers siècles de notre ère, et même la version du Pseudo-Abdias,
qui date du vi° siècle, porte les traces des croyances des Nesto-
riens S lesquels vivaient, on le sait, dans les régions où s'est éla-
boré et rédigé le Talmud.
On voit ainsi combien il est dangereux parfois de chercher dans
les légendes talmudiques des souvenirs de faits historiques, com-
bien aussi il est imprudent d'établir hâtivement des comparaisons
entre la démonologie juive et celle des Perses *.
111
ENCORE UN MOT SUR LA LÉGENDE DE L'ANGE ET L'ERMITE ^
Sans le savoir, en établissant un rapprochement entre l'histoire
d'Asmodée et la légende de l'ange et l'ermite, je me suis rencontré
avec un savant d'une érudition peu commune et d'une sûreté de
jugement remarquable, M. Griinbaum. N<''anmoins mon travail
n'est pas simple superfétation, on en jugera en le comparant avec
ces lignes auxquelles se borne mon devancier : « On rencontre
encore souvent des récits analogues rai)portant toutes sortes
* Voir Lipsius, Die apoliryphcn ApostcJffeschichtc u. ApostcUegcnden ; Braun-
schweifT, 1883, t. I, p. 176, cl sur la légende de Bartholomée eu général le t. II,
paru en 1884.
* M. Kohut n'a pas manqué de reconnaître dans Ben Talmion un démon emprunté
aux Perses. Ce serait '|^'^V'2n "{3, lequel viendrait du baclrien temanh^ temanhafna,
« esprit noir . ! [Aruch cowplctum, s, r.)
^ Voir Hcvue, t. VIII, p. 64.
LÉGENDES JUDÉO-CHRÉTIENNES 203
d'actes extraordinaires accomplis par des êtres surnaturels, les-
quels actes s'expliquent ensuite ; par exemple, dans Tabari (trad.
Zotenberg, I, p. 445 *), et dans les textes cités par Liebrecht
(Dunlop, Geschichte der Prosadichtung , p. 309 - ; Gervasiiis^
p. 89)3 ,,^
Chose curieuse, les deux épisodes de cette histoire, celui de
l'ivrogne et celui de l'aveugle, qui, à mon avis, sont les seuls ves-
tiges de la légende primitive, sont omis ou défigurés dans tous les
écrits qui s'inspirent du Talmud. Ainsi les actes étranges d'As-
modée, dans son voyage, ont été, au moyen âge, attribués à Mer-
lin l'enchanteur, sauf justement le service rendu par Asmodée à
l'ivrogne et à l'aveugle. Il est raconté, en effet, dans la Vita Mer-
Uni, écrite au commencement du xiii° siècle :
Merlin voit un homme déguenillé qui mendie, il sourit et passe.
Plus loin, à la foire, il voit un jeune homme marchander des
chaussures et ce qu'il faut pour les réparer quand elles seront
usées. Il rit une seconde fois. On lui demande les motifs de sa
conduite. « J'ai ri, répondit-il, à la vue du portier mendiant en son-
geant qu'il était riche sans s'en douter, car il avait sous les pieds
un trésor qui l'eût dispensé d'importuner les passants. J'ai ri à la
vue de l'acheteur de souliers, sachant qu'il ne les mettra pas long-
temps et ne les usera pas, car il est déjà noyé. » On va vérifier
ses assertions et elles sont trouvées exactes ^.
Ici, il est vrai, l'omission des deux scènes de l'aveugle et de
l'ivrogne se justifie, MerUn ne jouant pas tout à fait le même rôle
qu'Asmodée dans le Talmud et n'étant pas le délégué de Dieu; il
est spectateur, mais non acteur, et ne se mêle pas de récompenser
ou de punir les mortels. On n'en pourra pas dire autant du texte
* C'est l'histoire de Bou-Schar'h. Celui-ci, pour avoir été humain envers un serpent
blanc, se marie avec une péri, à la condition de. ne pas l'interroger sur ses faits et
gestes, quelque étranges qu'ils puissent paraître. Il en a un lils « parfait comme un
joyau unique > : la mère le jette dans le feu ; elle lui donne ensuite une fille c belle
comme la lune et le soleil », puis la jette devant un chien qui l'emporte. Comme le
roi traverse le désert avec son armée, la péri répand à terre et dans l'air les provi-
sions et l'eau que le vizir lui a offertes. Le roi alors, indigné, se révolte. La femme
lui dit : Ces provisions étaient empoisonnées, le premier enfant a été pris par Dieu
pour nous enlever toute peine, le deuxième a été confié à une excellente nourrice.
Sur ces mots la péri s'en va, malgré les instances de son mari pour la retenir.
» Dunlop cite, enlre autres-, la légende de la Vie des Saints, celle du Coran et celle
du Gresta Romanorum.
3 Grûnbaum, Beitrâge zur vergleichenden Mythologie ans der Hagada {Zeitschrift
d. Dent!<ch. morgenl. Gesdbcha/'t, XXXI, 1877, p. 218).
* Hersart de la Villemarqué, Myrdhiaii ou Merlin l'enchanteur, p. 127. Cette
indication m'a été fournie par l'articlo cité de M. Grïinbaum. — Pour les rapports du
rôle de Merlin avec celui d'Asmodée-Kitovras-Morolf, voir Wesselofski, Les traditions
russes sur Salomon et Centaurus et les légendes de l'Europe occidentale sur Morolf et
Merlin, Saint-Pétergbourg, 1872 (en russe).
204 UEVL'E DES ETUDES JUIVES
•
que nous allons citer. Par un hasard étrange, la page du Talmud
de Gittin a pénétré presque intégralement dans la littérature
slave du moyen âge, non point sous forme de tradition orale,
comme tous les autres récits juifs aj^ant pour sujet Salomon
et qui ont été transmis aux Russes par les Bj^zantins, mais à
l'état de traduction souvent littérale. Elle se trouve dans deux
manuscrits de Palœa \ datant l'un de 1477 et l'autre de 1494 -.
Eh bien ! tandis que tous les incidents du voyage d'Asmodée sont
fidèlement rapportés, l'épisode de l'aveugle et de l'ivrogne sont
indiqués juste assez pour montrer que le traducteur n'a pas
compris son texte. Voici comment s'exprime cette version : « Ki-
tovras 3 dans son voyage entend un homme dire : « N'y a-t-il
pas de souliers qui durent sept ans ? ^ » — Kitovras se met à rire.
— Il voit ensuite un homme disant la bonne aventure et il rit de
nouveau. Il voit une noce très joyeuse et il se met à pleurer. Il
voit enfin un homme égaré et il le remet sur son chemin... Salo-
mon lui demande : « Pourquoi as-tu ainsi ri la première fois? —
Parce que j'ai vu que celui qui demandait des souliers pour sept
ans ne vivrait pas sept jours. — Pourquoi la seconde fois? —
Parce que l'homme révélait ce qui est caché et ne savait pas qu'il
y avait un trésor sous lui ^ — Pourquoi as-tu ensuite pleuré
devant la noce? — Parce que le marié devait mourir dans les
trente jours. — Pourquoi as-tu remis l'homme ivre sur son che-
min?— Parce que j'ai entendu une voix du ciel déclarant que cet
homme était pieux et qu'il convenait de lui rendre service. »
On voit que dans cette version les deux épisodes de l'ivrogne et
de l'aveugle ont été fondus en un seul. Il n'est plus question d'un
' On appelle ainsi des compilations bibliques slaves où le texli de l'Ecriture est
encadré dans des commentaires et des légendes apocrypbes.
* Ce passage a été traduit en allemand par M. Jagicz, et publié en appendice à
l'ouvrage de Friederich Vogt, Die dcutschen Dichtungcn ton Salomon und Mai'holf,
Halle, 1880, p. 213. Ci". Wcsselofsky, Noue Bcxiroge zur Geschichte da- Snhmonssaffe,
dans les ArrJtiv filr slavischc Philologie, VI, 1882, p. 39i. Ni M. Vogt, ni M.W'csse-
iofsk}' n'expliquent comment, ù la dillérence des autres légendes relatives ù Salomon,
ce passage du Talmud a été conservé presque intact.
3 Le remplaçant d'Asmodée dans les légendes russes. Ce mot est le grec Kév-
Taupo; prononcé par les Slaves.
* La traduction de M. Jagicz porte : « Gibt es nicht Wûrmer auf sieben Jahre? »
• N'y a-t-il pas de vers do sept ans? » Cette variante incompréhensible me surprenant.
j'ai demandé à M. Louis Léger, le savant professeur de langues slaves, si rer en
slavoii ne s'écrit ])as de la même façon que soulier. Avec son obligeance connue,
M. Léger m'a immédiatement donné le mot de l'énigme : rcr se dit crun et soulier
crevii^ ces deux noms se ressemblent assez pour qu'un copiste ait pris l'un pour
l'autre.
* Comme dans lu légende de Merlin, Salomon envoie vérifier les assertions de
Kitovras.
LÉGENDES JUDÉO-CHRÉTIENNES 205
service rendu à un méchant pour qu'il n'ait rien à réclamer dans
l'autre monde.
Il y a plus, dans un texte juif qui n'est qu'un extrait de la page
du Talmud ^ voici comment ce passage a été reproduit :
N^^-^p-ia rfbj» ^rniD^"! b'N n^^■'npDN ^y^^ Np ï-nr:^ is-^^oD jsnïin n-^Tn "^s
^nNi N^brb ■'^Ti ' ti^ujss !sn^3 nLD rr^b ^^nj>n 1^721 jsin m^:» p'^'iis "^^
« Il vit un homme égaré, il le remit sur son chemin. Il vit un
aveugle et lui rendit la vue... Explique-nous, lui dit-on, les choses
étranges que tu as faites. En marchant dans le chemin, pourquoi,
voyant un aveugle égaré, lui as-tu rendu la vue? — Parce qu'il
a été publié à son sujet au ciel que c'est un juste parfait et que
celui qui lui ferait du bien jouirait de la vie future. »
Il n'est plus soufflé mot du premier « homme égaré ».
Evidemment le sort malheureux éprouvé par ces quelques lignes
du Talmud vient en grande partie de l'obscurité de la rédaction et
de la tendance de ceux qui ont repris cette légende à en élaguer ce
qui pouvait y rester de pénible ou de paradoxal. Le Talmud avait
lui-même ouvert la porte à ces transformations en atténuant la
singularité un peu brutale de la fable primitive, ses imitateurs
ont continué son œuvre.
Israël Lévi.
^ Midrasch sur lés Psaumes (Ps. 78), ms. n» 132 de la Bibliothèque nationale de
Paris.
* Ces trois mots donnent une leçon plus correcte que celle du Talmud ÏT^b ''TlSi^l
n^UÎCi NlT^i, car NtT^3 est un participe et non un substantif abstrait. Je saisis cette
occasion pour corriger un lapsus calami qui m'est échappé, t. VIII, p. 70, note 3. En
voulant reconstituer le texte primitif, je devais écrire 'Cî'^3 ÏT'b ■^'1133>1.
NOTES ET DOCniENTS SUR LES JUIFS DE BELGIQUE
SOUS L'ANCIEN RÉGIME
(suite *)
TAXES SUR LES JUIFS.
Après diverses alternatives de sécurité et de persécution, les
juifs, trop utiles aux grands et aux petits pour qu'on pût se passer
de leur industrie, avaient fini par être tolérés dans les Pays-Bas
catholiques, jusqu'à ce qu'ils purent enfin respirer plus librement
sous le gouvernement de Joseph IL Malgré le régime d'oppression
qui pesa longtemps sur eux, malgré les dures épreuves qu'ils
eurent à subir, nous ne croyons pas qu'ils furent astreints dans
ces pays à d'autres obligations humiliantes, qu'à celle du paye-
ment de certaines taxes, destinées à les ravaler dans l'esprit du
peuple.
Certains documents nous permettent d'inférer qu'ils ne portaient
pas ici, du moins dans les derniers siècles, comme dans bien
d'autres pays, une marque distinctive sur leurs vêtements, un cos-
tume spécial ou une coiffure particulière, chapeau ou bonnet, à
quoi l'on reconnaissait les juifs dans le reste de l'Europe. Peut-
être cependant le premier de ces usages existait-il pour le juif de
passage dans le pays de Liège, si l'on s'en rapi)orte à une note
donnée, sans indication de source, par Ferd. llenaux*.
• Voir tome VII, paf^cs 117 et 252.
* Constitution du pays de Liège, uoav. édit., Liège, 1858, p. 31, noie 2. Voici ccUe
note : • On écrivait en 1798 : • Les princes-évôques et Tétat ecclésiastique à Liège.
NOTES ET DOCUMENTS SUR LES JUIFS DE BELGIQUE 207
Pour être exempts d'humiliantes obligations, les juifs n'en
étaient pas moins soumis en certains endroits au payement de
taxes tout aussi odieuses. C'est ainsi qu'à Namur, au xiv" siècle,
tout juif passant sur le pont de Meuse était considéré comme
objet de marchandise et devait payer, pour droit de vinage au
profit du comte, 30 petits tournois, mais le percepteur de l'impôt
pouvait le laisser passer moyennant sept vieux esterlins :
Ce sont les droitures douwinaige monseigneur le conte de Namur
queonprenta pont de Moise. — Promirement tous avoirs de pois,
doit III tornois li cens de v^^inaiges — Item uns yuwys doit XXX
petis tornois ; et on le lait passeir par greit et par acord pour VII
viesestellin*.
C'était surtout dans le Luxembourg que ce régime exceptionnel
pesait sur les juifs. Des comptes de la recette générale du duché
de Luxembourg, de la fin du xv« siècle et du commencement du
xvie, nous apprennent que les quelques juifs résidant alors dans
le quartier allemand de ce duché payaient au duc à la Noël un tri-
but annuel de deux florins par ménage^.
Dans un registre de comptes des justiciers de Grevenmachern,
petite ville de ce pays, on lit sous l'année 1519-1520 :
Item ceste année pendante ait ehu enterre' sept jouifz audit
Mackre, receu dung chacun desdits jouifz comme de ancienneté ung
florin, fait ensemble vij florins *.
Une ordonnance de Philippe V, donnée au camp de Saint-Nico-
las le 6 septembre 1703^, renouvela sans doute d'anciens droits de
» étoient des tyrans, parce qu'ils ne toléroient point, sous leur domination, les pro-
» testants ni autres sectes. Ils faisoient payer les tarrières aux piétons juifs comme
» aux cochons. » Le piéton juif, reconnaissable au bracelet de drap jaune qu'il
portait à la partie supérieure du bras gauche, payait un aidant [c,-à-d. un liard]
à chaque barrière. >
* Jules Borgnet, Promenades dans la ville de Namur , dans les Ann. de la Soc.arcliéol.
de Namur, t. III, 1853, p. 174, noie 1. — Borgnet donne ce texte d'après le Registre
velu, nM002 des registres de la ch. des comptes aux archives du royaume, fol. 80 \'°
et 272. Il ajoute que « la même pièce est reproduite aux fol. 21 et 8 du Reg. com-
mençant Van i393, chambre des comptes, n° 1003, et au fol. 83 du Répertoire des
causes et ^juestions, arch. com. de Namur »,
^ Archives du royaume : Gh. des comptes. Voir, entre autres, reg. 2634, 2635,
2638. — Cf. Henné, Hist. du règne de Charles-Quint en Belgique^ Bruxelles et Leip-
zig, t. IX, 1859, p. 105.
3 C'est-à-dire sont entrés.
* Arch, du royaume: Ch. des comptes, reg. n» 13321, Comptes des justiciers de
Macheren, de 1519 à 1632.— Cet article a été rapporté peu exactement par M. Henné,
vol. cité, p. 105, n. 1.
5 Publiée dans le Recueil des ordonnances des Pays-Bas autrichiens. 3« série, t. H,
Bruxelles, 1867, p. 641-642.
208 REVUE DES ETUDES JUIVES
péage à lever sur les charrettes chargées de marchandises, les ani-
maux domestiques et les juifs, au passage de plusieurs ponts du
Luxembourg, à savoir ceux de Mersch, de Colmar, d'Ettelbriick
(au pont sur la Sûre), d'Oetringen, de Frisange, de Schouweiler,
de Steinfort, de Steinbriicken, de "Wecker, de Wasserbilig et de
Martelange. Un juif devait y payer quatre sols; il était assimilé
pour la taxe à trente ou quarante moutons, brebis, porcs, boucs
ou chèvres.
Une ordonnance de Charles VI, donnée à Bruxelles le 20 sep-
tembre 1720 ^ et conforme mot pour mot, sauf le préambule, à la
précédente, vint de nouveau conflrmer ce singulier péage.
Dans ses Analectes helgiqiies-, M. Gachard annonçait, en 1830,
son intention de faire connaître le régime exceptionnel auquel les
juifs étaient autrefois soumis. Il se bornait alors à signaler, sans
indiquer la source de ses renseignements, un usage particulier
au duché de Luxembourg. « Toute personne de la nation juive
était tenue, à la sortie de cette province, de paj^er au bureau de
la douane une plaquette (trois sols et demi de Brabant) ; tout indi-
vidu de la même nation entrant dans la ville de Luxembourg, était
de même soumis à une taxe de cinq sols s'il était à cheval, et, s'il
était à pied, de deux sols et demi : de grosses amendes menaçaient
ceux qui auraient celé leur qualité pour s'affranchir de la rede-^
vance exigée. Ce qui ajoute à la bizarrerie de cette taxe, c'est
qu'on la percevait au même titre que celles établies sur les denrées
et marchandises. »
Nous ne pensons pas que, dans le cours de sa longue et féconde
carrière, l'éminent archiviste général du royaume de Belgique
soit jamais revenu sur ce sujet. Ayant eu la bonne fortune de ren-
contrer des documents relatifs à ces taxes iniques et injurieuses,
nous les ajouterons aux renseignements sommaires rapportés par
M. Gachard.
Il s'agit dans les deux documents ci-après d'une taxe de deux
sols et demi pour droit de séjour de vingt-quatre heures dans la
ville de Luxembourg, d'une autre d'un demi-sol que les juifs de-
vaient payer aux portes de la ville de mesmc qiCunc hestc, et
d'autres péages auxquels ils étaient assujettis comme animaux
bruteaux. L'enquête suivante est d une grande éloquence dans sa
naïveté.
' Mcnlionnt'e dans le niOmc Recueil, "i* série, l. III, Druxelles/ 1873, p. 217.
^ Premier volume (le seul paru), Bruxelles. 1830, p. 1G3-1G4.
NOTES ET DOCUMENTS SUR LES JUIIS DE BELGIQUE 209
Information tenue d'office par les justicier
et gens du magistrat* de la ville de Luxem-
bourg au regard des droicts que les juifs ont
payée aux justiciers et fermiers du payage
aux portes de cette ville, lorsqu'ils ont eu
permission de venir et séjourner en cette
ville.
Premier Tesmoing.
Le s^ Jean Deutsch bourgeois marchand de cette ville, âgé de
74 ansadjourné, sermenté et examiné sur le faict en question, de-
pose qu'il at esté deux fois justicier de ce magistrat, scavoir en
l'anné 1664 et 1673, d'où il at cognoissance que lorsque quelques
juifs ont eu licence du gouverneur de cette ville et province de venir
en lad"« ville, les sergents dud* magistrat ont levé à son proffit
deux sols et demy ancienne monnoye de Luxembourg de chacun
juif pour y demeurer vingt quattre heure, estant vray que cy de-
vant les juifs sont entré fort rarement en cette ville, et n'y sont
resté au plus que deux fois vingt quattre heures, ne pouvant dire s'il
at receu led' droicts deux fois lors que les juifs sont demeurée icy
deux fois vingt quattre heures. Avec quoy il at finie sa déposition et
at signé Jean Deutsch avec parafe.
2° Tesmoing.
Le s' Jacques Brasseur, après serment preste de dire vérité, dépose
qu'il at esté justicier de ce magistrat en l'an 1675, pendant lequel à
raison de la guerre il n'at veu entrer en cette ville aucun juif, mais
at tousiour entendu et appris que les juifs ont estées obligées de
payer au proffit du justicier de cette ville deux sols et demy lors-
qu'ils y sont entré, ce que cy devant est arrivé fort rarement et n'y
sont restées que deux à trois iours, et que les enfants courroient
après eux. Estoit signé Jacques Brasseur.
3^ Tesmoing.
Le S"" Théodore Itzius, après serment preste de dire vérité, de-
pose qu'il at esté justicier de ce magistrat en l'an 1 683, pendant lequel
il n'est entré aucun juif en cette ville, mais scaitbien que cy devant
Tors qu'il y en avoit qui y entroient, ils payoient au justicier deux
sols et demy monnoye de Braban et aux portes un demy sol de
mesme qu'une beste, sans pouvoir dire si les juifs payoient led*
^ Nous croyons devoir faire connaître à nos lecteurs que, dans ces Notes et docu-
ments^ le mot magistrat est employé dans le sens absolu et collectif qu'on donnait à ce
mot, surtout en Belgique, pour désigner le corps des officiers municipaux.
T. VIII, nO 16. U
210 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
droict autant de fois qu'ils demeuroient des iours icy, ce qu'estoit
fort rare, et non tolleré sans permission. Estoit signé Théodore
Itzius avec paraphe.
4» Tesmoing.
Jean Strablus, notaire publique, âgé de 49 ans, déclare après ser-
ment preste qu'il ne peut déposer d'aucun trafique que les juifs
peuvent avoir faict cy devant en cette ville, mais qu'il at servy à
divers juifs comme procureur, et nommément à certain Lifman Pic-
card de Trêves, ne se souvenant des noms des autres, sans qu'ils
s'ayent arresté icy que l'espace de vingt quattre heures, lesquels en
consultant avec le déposant luy ont faict plaincte d'avoir esté obligé
de prendre un passeport du gouverneur de cette place p^ entrer en
ce pays, qui leurs coustoit p^ si brieve temps sept escus, et qu'oultre
ce ils estoient obligez de prendre une escorte pour les mesner en et
hors ce pays et qu'il falloit payer à cette effect trois escus, mesme
les péages et autres droicts comme animaux bruteaux, requérants le
déposant d'en tenir note de tous lesd*^ despens pour y estre mis en
taxe à la fin de leurs procès, ayant mesme veu diverses passeports
de feu monsieur le prince de Chimay * donnez auxd*^ juifs, sans que
touttes fois qu'aucune somme donnée pour iceux ait esté annotée,
sans aussy que lesd*^ despens ayent estées compris en aucun taxe,
puis que lesd*' juifs se sont lassez de venir icy, et obmis la pour-
suite de leurs procès. Avec quoy il a finy sa déposition, et at signé
J : Strabius avec paraphe.
5* Tesmoing.
Balthasar Rodemacher, bourgeois et boucher de cette ville, dépose
après serment preste qu'il se souvient que depuis vingt ans quelques
juifs qui sont entré en cette ville, ont logées chez feu son père, et
qu'avant d'y entrer le gouverneur en at esté adverty pour le per-
mettre, et qu'il at veu qu'ils ont tousiours payer à un sergeant du
justicier deux sols et demy, et aux portes un demy sols, et qu'ils
nont restez icy que vingt quattre heures, les enfants ayants criaillez
après eux lors qu'ils passoient dans les rues. Avecque quoy il at finy
sa déposition, et at signé Balthasar Rodemacher.
Ainsi ouy et examiné à Luxembourg le 27' de septembre 1685. Par
ord*^" estoit signé Gerberavec paraphe ".
Nous ne connaissons pas la décision prise par le magistrat à la
suite de cette information, mais nous en avons une autre posté-
' riouvcrneur de la ville de Luxembourg.
* Archives de la ville de Luxembourg : Copie reliée dans le registre 35, pièce
colée 23.
NOTES ET DOCUMENTS SUR LES JUIFS DE BELGIQUE 214
rieure de trente-quatre ans. Celle-ci prouve que l'on était peu
fixé à Luxembourg au sujet des taxes à percevoir sur les juifs,
et qu'il y avait quelque confusion à cet égard, puisque cette fois
il n'est plus question de la taxe d'un demi sol à payer aux portes
de la ville, et que la taxe de deux sols et demi est perçue comme
droit d'entrée et non plus comme droit de séjour.
Le 12. may 4719 sur requette présenté par Maire Kalkeh, iuif de
Metz, au suiet du droit de passage aux portes, le magistrat a donné
par apostille sur la d'*° requette, qu'un iuif à pied doit payer en
entrant deux sols et demis et à cheval quattre sols, et en sortant rien,
à moins qu'il seiourne en ville plus que deux fois vingt quattre
heures, comme d'ancienneté '.
Nous avions cru un instant que ces taxes avaient été abolies ou
étaient tombées en désuétude dans le courant du xviii® siècle, car
le règlement de l'impératrice Marie-Thérèse, donné à Bruxelles le
14 septembre 1771, pour le magistrat de Luxembourg, au sujet de
la levée des droits de passage aux portes de cette ville ^ n'en men-
tionne aucun à paj^er par les juifs. Nous nous trompions. Malgré
le silence de ce règlement relativement à ceux-ci, on continuait
encore quinze ans plus tard à percevoir sur eux un droit d'entrée
dans la ville en même temps qu'un droit corporel d'une plaquette
à la frontière du duché. C'est ce que nous apprend le rapport du
procureur général du conseil souverain de Luxembourg, adressé
au gouvernement à propos d'une réclamation faite en 1786 par un
juif de Mons, nommé Joseph Bing. Le conseil privé, au nom de
l'empereur, avait soumis, le 22 juillet de cette année, la requête
du réclamant à l'avis de cet officier de justice. Voici quelle fut la
réponse du procureur général :
Sire,
Par dépêche du 22. juillet dernier, Vôtre Majesté m'a chargé de Lui
reservir d'avis sur la requête ci rejointe sub n"^ 1°, Lui présentée de
la part de Joseph Bing, négociant en la ville de Mons, pour qu'EUe
daigne abolir le droit corporel d'une plaquette, que l'on perçoit sur
chaque individu juif, soit à l'entrée de la ville de Luxembourg, soit
à la sortie de la province ', j'ai l'honneur de dire,
' Archives de la ville de Luxembourg : Reg. 7, intitulé Registre aux resolutions et
mix ordonnances ordonnées par le magistrat de la ville de Luxembourg, commencé le
2" d'octohre 4108, folio 19, verso.
> Mêmes archives : Original relié dans le reg. 23 intitulé Actes et décrets de 1768 à
^774, tome III, pièce cotée 45.
' Cette requête manque dans le dossier.
212 REVUE DES ETUDES JUIVES
Que j"ai communiqué celte requête au magisèrat de la ville de
Luxembourg et aux officiers principaux de ladite ville, pour qu'ils
me disent, 4<^ si effectivement chaque juif doit payer ce droit en en-
trant dans cette ville et sortant de la province, 2*^ sur quoi ce droit
peut être fondé, et 3° s'il convient de le lever.
Les officiers principaux m'ont fait la réponse ci jointe sub n° 2°,
par laquelle ils disent, que le tarif des douanes pour la province de
Luxembourg n'impose le droit d'une plaquette sur chaque individu
juif qu'à la sortie de la province et nullement sur ceux entrant en
cette ville, que ce droit se perçoit à titre de haut conduit^ attendu
qu'il est classé au tarif dans cette cathégorie et que ce droit n'existe
pas aux Pays-Bas.
Qu'après information prise des portiers de la ville de Luxembourg
ils ont appris, qu'ils sont eu usage d'exiger quatre sols et demi de
chaque juif entrant en cette ville à cheval et deux sols et demi de
ceux à pied, que ce droit ne se trouve pas compris dans le tarif pour
la perception des droits de la ville de Luxembourg, décrété en 1771,
delà ils estiment, que c'est une extorsion.
Qu'ils ignorent sur quoi est fondé le droit de tirer une plaquette de
chaque juif à la sortie de la province à titre de haut conduit, que
cependant par ordonnance du 23* mars 1752, il a été imposé une
amende de dix florins pour chaque contravenlion ou fraude de ce
droit ; ils regardent cet impôt comme contraire au commerce et ils
estiment, qu'il conviendroit de le lever.
Le magistrat par sa réponse ci jointe sub n° 3"^, dit, que le droit
corporel, que les juifs payent en entrant dans la ville de Luxem-
bouig, s'est toujours payé dans toute la province dans les endroits,
où est établi un droit de passage ; qu'ils ne connoissent d'autres
titres constitutifs que l'ancien usage, qui probablement fut introduit
pour éloigner cette espèce d'hommes, dont le fort est d'acheter et
receler les effets volés, ce que le magistrat dit éprouver tous les
jours.
Que [si] cet impôt sur les juifs n'existe pas dans les Pays-Bas
comme dans la province de Luxembourg, cela provient probablement
de ce que la ville de Luxembourg est pour ainsi dire entourée de
cette espèce de gens, qui y arrivent en foule de Metz, où il y a une
rue entière avec une siuagogue, de Trêves et d'autres contrées, avec
une avidité à l'excès de toute espèce de lucre sans choix ni discer-
nement, se faisant un devoir religieux de tromper les chrétiens, au
point qu'on est sur ses gardes lorsqu'on les laisse entrer dans les
maisons.
Quant les souverains, comme le Portugal et lAngleterre, avoient
» Ces deux mots sont se alignés dans roriginal. Sur ce haut conduit cf. ci-dessus
la d('«posilion du U' témoin. Le conduit était enraiement en usage à Strasbourg : voir la
notice de M. Isidore Loeb, Les Juifs à Strasbourg depuis I5i9 Jusqu'à la révolution,
anus V Annuaire de la Soc. des éludes juives, 2" année, Paris. 1883, p. l.i'2-143.
NOTES ET DOCUMENTS SUR LES JUIFS DE BELGIQUE 213
accordé quelques privilèges d'immunité à cette nation, ils s'en sont
d'abord repentis. On a vu dans les feuilles publiques, que vers la fin
de Tan 1785 Vôtre Majesté a dépouillé les juifs de la Gallicie, non
seulement des avantages dont ils avoient commencé à jouir sous son
règne, mais encore d'anciens privilèges, qu'ils tenoient de la cou-
ronne de Pologne.
Quant aux quatre et demi et respectivement deux sols et demi, que
les portiers de la ville de Luxembourg lèvent sur les juifs, quand
ils entrent dans cette ville, ces droits ne sont pas au profit des por-
tiers, mais ils appartiennent et doivent être renseignés aux adju-
dicataires des droits d'entrée de la ville de Luxembourg, droits qui
se mettent en hausse au profit de la baumaitrie de la ville.
Nonobstant l-es droits, qu'on tire sur les juifs depuis un tems im-
mémorial, ils ne manquent pas de se trouver en grand nombre à
toutes les foires considérables, qui se tiennent dans la province ;
d'un autre côté, si Vôtre Majesté daignoit leur accorder quelqu'im-
munité, cela pourroit peut être faire un mauvais effet dans l'esprit
des habitans de la province.
Partant j'estime, que Vôtre Majesté pourroit éconduire le suppliant
de sa demande, me remettant néanmoins avec une entière soumis-
sion à ce qu'il Lui plaira de disposer. Je suis avec le plus profond
respect,
Sire,
de Vôtre Majesté,
Le très humble et très obéissant
serviteur et sujet,
d'Olimart ^
Luxembourg le 18« X'^'M 786.
Il convient de joindre à ce rapport ceux sur lesquels s'appuyait
le procureur général. On y verra combien les avis étaient partagés
à l'égard des juifs. Les officiers principaux (des droits d'entrée et
de sortie?), dans la lettre suivante, qualifient d'extorsion la taxe
perçue sur ceux-ci à l'entrée de la ville.
Monsieur.
Nous avons reçu la lettre que vous nous avez fait l'honnerr de
nous écrire hier, en nous communiquant la requètte présentée à Sa
Majesté l'Empereur par le juif Bing au nom de ceux de sa secte, au
sujet du droit d'une plaquette que les remontrans disent être tenus
de payer, tant à l'entrée de cette ville qu'à la sortie de la province ;
nous chargeant de vous informer. Monsieur, si effectivement chaque
* Original aux archives du royaume : Conseil privé, carton n'* 1293, intitulé Héré-
sie et tolérance.
214 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
juif doit payer ce droit en entrant dans cette ville et sortant de la
province ; sur quoi il est fondé, et s'il convient de le lever.
Pour vous satisfaire d'abord sur la première de ces informations,
nous vous dirons que notre tarif des douanes pour la province (car
aux Pays-Bas ce droit n'existe pas) n'inpose le droit d'une plaquette
sur chaque individu juif, qu'à la sortie de lad*^ province, et nulle-
ment sur ceux entrants en cette ville; ce droit se perçoit à titre de
haut conduit S attendu qu'il est classé au tarif dans cette cathégorie.
Nous soupçonnions bien que les portiers fermiers des péages à
l'entrée de cette ville, percevoient quelque droit sur les juifs qui s'y
rendent; mais nous ne savions rien de positif à cet égard, et dési-
rant vous satisfaire également sur ce point, quoiqu'il ne soit point
de notre partie, nous nous sommes procurés le tarif de ces péages
émané postérieurement à tous les autres plus anciens, en 1771 par
le conseil privé, et nous avons vu avec surprise qu'il n'y est fait
aucune mention des juifs. Nous avons en conséquence fait interroger
le portier préposé à la levée de ces péages, et il est convenu qu'il
est dans l'usage d'exiger 4 | sols de chaque juif entrant en cette
ville à cheval, et 2 ^ sols pour ceux à pied ; il est donc évident que
le conseil privé n'ayant probablement pas dérogé au tarif de 1771 à
l'égard des juifs, c'est une vraie extorsion que le droit exigé sur
eux à l'entrée de cette ville, au nom de son magistrat, ou plutôt à
son insçu.
Pour en revenir ensuitte aux 2^ et 3*' points de vos informations,
nous avons l'honneur de vous dire que nous ignorons entierrement
sur quoi est fondé le droit d'une plaquette ou trois sols et demi
imposé par notre tarif à titre de haut conduit * sur les individus juifs
sortants de cette province ; nous prendrons cependant la liberté de
démontrer qu'il est nuisible à son commerce : si ce droit eut été
imposé à l'entrée, on croiroit que l'on a, dans un temps où celte
nation étoit odieuse et qu'on la fuyoit par préjugé, voulu mettre des
entraves à leur entrée dans cette province ; mais une fois y étant
venus pour leur commerce avec ses habitans, nous croyons qu'on ne
pouvoit avoir d'autre raison de mettre un droit sur leur tète à la
sortie que celle d'un profit pour les droits du souverain, et par
ord"^ du 23. mars 1752 il a été imposé une amende de f. [ûorins] 10
pour chaque contravention, en fraude de ce droit.
Nous disons qu'il est nuisible au commerce de la province, parce
que d'abord ne pouvant disconvenir que celui que les juifs font avec
ses habitans ne soit à ces derniers très avantageux, il est nécessaire
que rien ne tende à les en éloigner; les juifs viennent y enlever
généralement tout ce dont on ne peut s'y défaire avec quelque
profil, et y laissent par conséquent leur argent ; ils achetleut aux
foires qui se tiennent fréquemment dans cette province, des chevaux
de prix, et en même t jmps ceux de ces animaux dont le paysan, soit
i Mois soulignés dins l'origiDal.
NOTES ET DOCUMENTS SUR LES JUIFS DE BELGIQUE 215
pour viellesse ou d'autres défauts, ne sait plus tirer de service, mais
dont il est bien aise néantmoins de faire quelque argent; les juifs
font encore de fréquents achats de bêtes à laine et autres bestiaux
nourissons de la province ; et enfin ils viennent acheter générale-
ment touttes sortes des vieux meubles, nippes et ornemens d'atour
dont on ne pourroit absolument, sans leur secour, faire aucun
argent, si l'on considère surtout que la province n'a point à cet
égard la resource d'un mont-de-piété.
D'après touttes ces raisons nous n'hésitons point à croire que vous
concluerez comme nous, Monsieur, qu'il est à désirer, pour l'encou-
ragement du commerce que font les habitans de la province avec les
juifs, que tout droit corporel prélevé sur eux soit aboli, tant celui
imposé par notre tarif, que l'autre extorqué par les portiers de cette
ville, au nom et à l'insçu de son magistrat.
Nous avons l'honneur d'être, avec la considération la plus dis-
tinguée,
Monsieur,
Vos très humbles et très obéissants serviteurs,
Glavareau. DuBreuil'.
Droits d'avis f . 5. 12. » . courant.
Luxembourg le 30. juillet 1786.
Le magÛtrat de Luxembourg, peu porté à la bienveillance en-
vers les juifs, avait donné au procureur général la réponse que
voici :
Monsieur I
En réponse de celle que vous nous avez fait l'honneur de nous
adresser à cejourd'hui, nous avons celui de vous dire que le droit
corporel, que paient les juifs en entrant en cette ville, s'est tou-
jours paie dans toute la province là, où ilyavoit un droit de passage;
nous ne connaissons autres titres constitutifs, si non l'ancien usage,
qui probablement fut introduit pour éloigner cet espèce d'homme
dont le fort est d'acheter et réceller les effets voilés, ce que nous
éprouvons tous les jours. Nous nous soumetterons toujours avec
toute soumission à ce, que Sa Majesté trouvera bon d'y disposer.
Nous avons l'honneur d'être,
Monsieur !
Vos très humbles et très obéissants serviteurs,
Les justicier et echevins de la ville de Luxembourg,
Par ordonnance,
Keyser *.
Luxembourg le l^r d'août 1786.
• Original dans le carton 1293.
* Original ibid. — Keyser était le clerc juré du magistrat de Luxembourg.
216 REVUE DES ETUDES JUIVES
A la suite de ces rapports le gouvernement débouta le suppliant
de sa demande; c'est ce que nous apprend l'apostille suivante,
de la main de M. de Limpens, conseiller au conseil privé, écrite en
marge de la lettre du procureur général : « Vu Tavis, ce que le
supp. demande ne peut lui être accordé. Le 28. jV' 1787. » Peu im-
portait d'ailleurs, l'ancien régime était sur le point de s'écrouler,
et si la décision du conseil privé vint consacrer une mesure
inique et marquée au coin de l'intolérance, cette mesure n'eut
plus qu'une existence de peu de durée.
Nous aurons bientôt l'occasion de revenir sur l'opinion des
Luxembourgeois au sujet des juifs.
A côté de ces taxes locales, il faut signaler une capitation ex-
traordinaire que le gouvernement général des Paj^s-Bas essaya
un moment d'établir sur les juifs. Par un décret daté de Bruxelles
le 20 novembre 1756, le duc Charles de Lorraine, gouverneur
général, voulant réprimer la trop grande facilité avec laquelle on
tolérait leur séjour dans ces pays, malgré la défense rigoureuse
des édits, prescrivit aux magistrats des villes où l'on supposait que
des juifs avaient leur résidence, de faire une ordonnance de police,
en vertu de laquelle ceux d'entre eux, qui voudraient s'y fixer,
seraient obligés de payer annuellement, au profit de l'impératrice
(Marie-Thérèse régnait alors sur les Pays-Bas), une somme de
trois cents florins, à peine de bannissement perpétuel. Et comme,
sous prétexte de passage ou de résidence momentanée, les juifs
auraient pu en éluder le payement, le décret prescrivit aux magis-
trats de leur interdire le séjour de ces villes au delà de deux fois
vingt-quatre heures, à peine de payer la taxe, ou de punition arbi-
traire, dans le cas où ils n'auraient pas été en état de la payer*.
Le décret fut transmis, à fin d'exécution, aux magistrats de
Bruxelles, de Louvain, d'Anvers, de Malines, de Gand, de Bruges,
d'Ypres, d'Ostende, d'Alost, de Tournai, de Mons, d'Ath, de Namur,
de Gharleroi, de Luxembourg et de Ruremonde *. Plusieurs de
ceux-ci firent l'ordonnance, d'autres négligèrent de se soumettre
aux ordres du gouvernement ou mirent peu d'empressement à
s'exécuter.
C'est ainsi que dans sa réponse au duc Charles, en date du 30
> Carmoly a donné dans sa Revue orientale, t. III, p. 293-294, d'après l'orifrinal
conservé aux archives communales de Bruxelles, le texte do ce décret adressé au
magistrat de cette ville. La teneur de ceux qui furent expédiés aux autres villes n'en
dill'èro que par le nom de chacune de celles-ci.
> Mémoire à l'empereur par Phil. O'Kelly, un des assesseurs du prévôt de Thôtel et
du drossard de Brubant, sans date (mars 1786) ; original dans le carton 1293.
NOTES ET D^OGUMENTS SUR LES JUIFS DE BELGIQUE 217
décembre de la même année*, le magistrat de Bruxelles, avant
de procéder à la rédaction d'une ordonnance de police en cette
matière, se crut obligé de présenter au gouverneur général quel-
ques observations, pour le déterminera modérer la rigueur de son
décret ou à modifier du moins certaines prescriptions qui y étaient
contenues. Les arguments invoqués en cette circonstance par le
magistrat montrent une tolérance remarquable pour le temps. Il
faisait observer qu'il ne trouvait guère ou point d'inconvénients à
souffrir que les juifs, dont le nombre ne dépassait pas alors vingt
têtes à Bruxelles, continuassent à y demeurer. Il faisait l'éloge
de leur conduite et élevait en leur faveur la voix de l'humanité ;
il prévoyait les graves inconvénients d'une ordonnance de ce genre
et terminait ses remontrances en ces termes :
Enfin quelque disposition que V. A. R. trouve bon de rendre
sur cette matière, il nous paroit qu'un edit dans les formes émané au
nom de S. M. sera plus efficace que les ordonnances particulières de
police à publier dans les villes respectives.
Et nous en croions la formalité d'autant plus nécessaire dans
l'espèce dont il s'agit, que notre jurisdiction est bornée au territoire
de cette ville et de sa cuve, et que, par conséquent, nous ne pouvons
comminer par nos ordonnances la peine de bannissement qu'avec
interdiction de rentrer dans les limites susmentionnées.
En sorte que les reglemens à émaner par les villes du pais laisse-
roient toujours aux juifs une liberté entière de s'établir au plat pais
où la résidence de la plupart d'entre eux causeroit plus de mal et
d'inconveniens que dans les villes closes.
Le gouvernement général ne tint aucun compte des observa-
tions si justes du magistrat de Bruxelles et lui enjoignit de passer
incessamment outre à l'exécution de l'ordonnance. ^
Celui-ci obéit en publiant le 17 septembre 1757 l'ordonnance de
police réclamée 3 ; mais le gouvernement, changeant d'avis, écri-
vit le 7 juin 1758 au conseil de Brabant de prescrire à l'amman*
de Bruxelles de surseoir à son exécution. Il ordonnait néanmoins
à celui-ci de veiller sur la conduite des juifs qui se rendraient en
* Minute aux archives de Bruxelles; publiée par Carmoly, vol. cité, p. 294-301.
2 Dépêche du comte de Cobenzl, ministre plénipotentiaire, au magistrat de Bru-
xelles, 14 juin 1757 ; original aux archives de cette ville, publié par Carmoly, vol.
cité, p. 301-302.
' En flamand ; origimal enregistré dans le Publicatic hoeck^ 1756-1762, uux ar-
chives de Bruxelles; traduit dans Carmoly, vol. cité, p. 445-446.
* L'amman de Bruxelles était le chef justicier dans la ville et dans son quartier,
appelé Vammauie. Il présidait le corps du magistrat en qualité de représentant du sou-
verain. 11 faisait mettre à exécution les décrets de celui-ci et les ordonnances de Tad
ministratioû locale ; il décidait sur les demandes d'admission à la bourgeoisie, etc.
218 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
cette ville, et d'en faire sortir tous ceux qui ne pourraient établir
leurs moyens d'existence, ou sur la conduite desquels cet officier
aurait le moindre soupçon*.
Le magistrat d'A^nvers reçut aussi du gouvernement, sous le pa-
raphe du comte de Neny, chef et président du conseil privé, un dé-
cret de la même date, renfermant, outre des dispositions analogues,
quelques observations au sujet de l'admission de juifs à la bour-
geoisie, admission sur laquelle nous aurons occasion de revenir
plus loin.
Charles comte du Saint Empire Romain, de Cobenzl,
chambellan, conseiller d'Etat intime actuel, et mi-
nistre plénipotentiaire de S. M. l'Impératrice Reine
de Hongrie et de Bohême pour le gouvernement
gênerai de ses Pays-Bas, etc., etc.
Très chers et bien amés, Ensuite des représentations nous faites
au sujet des ordonnances, que vous avez été chargés de faire émaner
contre les juifs, qui veulent prendre domicile en ces pays, nous vous
faisons cette pour vous informer, que notre intention est, que provi-
sionellement vous ne les fassiez pas émaner .- ordonnant néanmoins
à l'ecouttete ' de votre ville, de veiller exactement sur la conduite des
juifs, qui pourroient se rendre dans votre ville et d'en faire sortir
d'abord et sans la moindre dissimulation tous ceux, qui ne pour-
roient pas faire conster d'avoir des moyens pour subsister et sur la
conduite desquels il auroit le moindre soupçon ; et afin qu'il ne
dépende pas du bon plaisir de cet officier de chasser ou de laisser ces
juifs, nous vous ordonnons d'établir des commissaires, qui pren-
dront des informations sommaires à cet égard, sur les quelles vous
pourrez disposer et décider. Aiant aussi été informé que l'on auroit
admis chez vous au droit de bourgeoisie le juif Abraham Aaron,
quoique la qualité essentielle de celui, qui veut acquérir ce droit, est
celle de professer la religion catholique, dont ni vous ni l'ecoutette
ont le pouvoir de dispenser, nous déclarons que soit que ce juif ait
été admis à la bourgeoisie par l'un ou par l'autre, il n'a pas été
permis de le faire, qu'en conséquence ces admissions sont nulles :
vous défendant bien expressément au nom de Sa Majesté d'en faire
de pareilles à l'avenir. A tant, très chers et bien amés, Dieu vous
ait en sa sainte garde. De Bruxelles le 7. juin 1758. Paraphé Ne. v*,
signé le G. Cobenzl. Plus bas etoit par ord'» de Son Excellence et
1 Dépêche de Cobenzl au conseil de Brabant, 7 juin 1758, en copie dans le carton
1293; publiée fort inexactement par Carmoly, vol. cité, p. 302-303, d'après la copie
adressée au magistrat do liruxelles, conservée aux archives de celte ville. — Il y a
dans ces daux copies 17 février au lieu de 17 septembre.
* Les fonctions de récoutelte d'Anvers différaient peu de celles de l'amman de
Bruxelles.
NOTES ET DOCUMENTS SUR LES JUIFS DE BELGIQUE 219
contre signé F. J. Misson. L'adresse etoit à nos très chers et bien
amés ceux du magistrat d'Anvers à Anvers et cacheté du cachet de
S. M. en hostie rouge, plus bas eloit ita est in originali et signé De
Baltin K
A Namur, le magistrat s'ëtait sans doute soumis de bonne
grâce au décret du gouverneur général ; il ne tarda pas avoir l'oc-
casion d'appliquer l'ordonnance de police.
Le 16 septembre 1757, le magistrat fait connaître au comte de
Gobenzl que, depuis la publication de l'ordonnance en question, un
juif, nommé Isaac Joseph, ayant séjourné à Namur, avec sa femme
et son valet, au delà de deux fois vingt-quatre heures, et n'ayant
pas payé, pour eux trois, la somme de 900 florins, a été arrêté ; que
sur la requête présentée au comte par le condamné, cette somme a
été réduite à 300 florins ; et que, depuis lors, aucun juif ne s'est pré-
senté à Namur '.
La conséquence du payement de cette énorme taxe était néan-
moins la reconnaissance de l'existence en quelque sorte légale des
juifs qui s'y seraient soumis; aussi le décret du duc Charles fut-il
accueilli avec répugnance par le magistrat de Luxembourg, qui se
permit, d'adresser le 4 janvier 1757, au gouverneur général, des
remontrances par lesquelles il protestait contre la faculté laissée
aux juifs de s'établir dans cette ville, moyennant le payement de
la taxe en question. Voici en quels termes ces représentations
furent adressées au gouverneur général :
Monseigneur,
Il a plu à Y : A : R : nous ordonner par ses lettres closes du
20. 9^" d'' de faire émaner une ordonnance de police, par laquelle
il sera déclaré que les juifs qui voudront se fixer dans cette ville,
seront obhgés de paier annuellement au profit de S : M : à la recette
de ses domaines chacun une somme de trois cent fl., dont ils de-
vront nous faire conster avant de s'être établis, et ainsi d'année en
année à peine de bannissement perpétuel ; afin qu'ils ne puissent
éluder le paiement de cette taxe sous prétexte de leur passage ou
d'une résidence momentanée, qu'il leur soit défendu de séjourner
en cette ville au delà de deux fois vingt quatre heures, à peine de
paier la taxe de trois cent fl., ou de punition arbitraire s'ils ne sont
pas en état de satisfaire a cette somme.
* Copie dans le carton 1293, au dossier des frères Cantor. Ce décret est enregistré
en extrait dans le Flaccaetboek van aen hove, vol. 19, fol. 193, aux archives de la
ville dAnvers.
" Annales de la Soc. arcUol. de Namur, t. V, 1857-1858, p. 291 ; d'après le registre
des Résolutions du magistrat, X, 194, aux archives de la ville de Namur,
220 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Nous espérons, Monseigneur, que malgré l'entière soumission que
nous avons et devons avoir à la gracieuse volonté de V : A : R :, elle
nous permettra de représenter avec le plus profond respet que le
motif des ordres nous donnés par ses d*^^ lettres closes pour l'éta-
blissement des juifs n'influe aucunement sur cette ville ni sur cette
province.
La religion catholique romaine a toujours été trop sacrée en ce
pais et les deffences réitérées de nos très augustes souverains de
tolérer aucune secte abusive et reprouvée de notre mère la sainte
Eglise ont en tout tems été ici trop respectables, pour qu'en contra-
vention auxd*« placcards et edits et en mépris de lad*® religion on
eusse jamais eu la facilité de tolérer qu'aucun juif s'établisse dans
cette ville ou province ; même dans le tems, que dans les autres
provinces des Païs bas la vraie religion périclitât, si avant que quel-
ques unes ont eu l'audace de prendre les armes contre leurs légitimes
souverains pour soutenir leurs erreurs, celle ci, demeurant conta-
mont [sic) attachée à ses souverains, est restée fidèle à son Dieu sans
soufrir que la moindre erreur s'y soit glissée; encore a-ton été ici
toujours plus en garde contre la nation juive, nation maudite de Dieu
et ouvertement ennemie des chrétiens, qui fait profession d'exercer
sur eux l'usure la plus outrée et cherche à succer pour ainsi dire
jusqu'au sang leur moiens et facultés: que deviendroit une notable
partie de cette bourgeoisie s'il étoit permis aux juifs de fixer ici do-
micil? Plusieurs bourgeois se trouvant dans le besoin croiroient de
trouver du soulagement chez eux, mais il ne seroit que momentané, et
leur ruine totale s'ensuivroit bientôt, et le mal se communiquant au
plat pais par l'intrigue des juifs il deviendroit universel, tant les
bourgeois que les laboureurs réduits à la misère seroient hors d'état
de suporter la moindre chose dans les aides et subsides, leroial ser-
vice même s'en trouveroit grandement intéressé.
Bien loin d'avoir toléré en quelque manière les juifs dans cette
province, on a toujours été très attentif a les en éloigner. Ils ont
toujours été si méprisables en ce païs qu'ils s'y trouvent assujetis
depuis tout tems au droit de haut conduit comme les animaux
brutes. Passent-ils même après sur quelque pont de la province, il
faut qu'ils paient par tête quatre sols, taxe plus forte qu'il ne se
paie d'aucun desd*^ animaux au passage des ponts, et l'entrée de
cette ville ne leur a jamais été permise que parmi paiant chacun
deux sols et demi ; voulurent-ils rester plus de deufois 24. heures
ici, ce qui n'est jamais arrivé que pendant le tems de la foire, ils ont
du derechef s'annoncer et paier le même droit pour pouvoir jouir
d'un autre pareil terme et après ils ont été obligés a se retirer.
Ce considéré. Monseigneur, nous osons espérer que V: A: R : dai-
gnera nous dispenser gracieusement de ses susd'« ordres ; c'est la
grâce que nous attendons en toute humilité de sa gracieuseté et de
sa magnanimité ordinaires, grâce qui nous sera d'autant plus pré-
cieuse qu'elle nous paroit être nécessaire pour le maintien de la pu-
NOTES ET DOCUMENTS SUR LES JUIFS DE BELGIQUE 221
reté de la s*« religion et pour le bien être des sujets, étant avec le
plus profond respet,
de V: A: R:,
les plus humbles et les plus obeissans etc. *,
Vacat : 7. h.
Le 4» jan»" 1757.
Le gouverneur général fit la sourde oreille à ces remontrances,
car le 1 septembre de la même année, Cobenzl adressa au magis-
trat de Luxembourg, sous le paraphe du président du conseil
privé, M. de Steenhault, la dépêche suivante, où le silence sur les
protestations ci-dessus est significatif :
Charles comte du Saint Empire Romain, de
Cobenzl, chambellan, conseiller d'Etat intime
actuel, et ministre plénipotentiaire de S. M.
l'Impératrice Reine de Hongrie et de Bohême
pour le gouvernement général de ses Pays-
bas, etc. etc.
Très chers et bien amés.
Nous vous chargeons de nous informer de l'effet qu'a produit
l'ordonnance de police qu'il vous a été ordonné par lettres du 20. 9^^^^
dernier de faire émaner, pour obliger les juifs qui voudront se
fixer dans la ville de Luxembourg, à paier annuellement, au profit
des domaines de S. M., une somme de trois cent florins : A tant, très
chers et bien amés. Dieu vous ait en sa s*^ garde. De Bruxelles le
7. sep^" 1757. ://: Steenh. v*.
Le C. Cobenzl.
Par ord°« de Son Excellence,
F. J. Misson'.
Le magistrat répondit dans le courant du même mois qu'il avait
différé de rédiger l'ordonnance prescrite, le gracieux silence du
gouverneur général, le duc Charles de Lorraine, lui ayant fait
présumer que ses remontrances avaient été favorablement accueil-
lies; qu'en outre il espérait que Cobenzl ordonnerait qu'à l'avenir
les édits et les placards ci-devant décrétés contre la nation juive
seraient rigoureusement observés. Voici la requête adressée à
Cobenzl :
* Archives de la ville de Luxemboarg : Minute reliée dans le registre 21, intitulé
Actes et décrets de 41 18 à i766, tome I, pièce cotée 21 . — « Vacat : 7 h. » signifie que
sept heures de vacation ont été employées pour la rédaction de cette minute.
2 Mêmes archives : Original relié iiid. , pièce cotée 22.
222 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Mgr,
Aiant plu à Votre Excellence nous ordonner par lettres du 7. du
mois courant de l'informer de l'effet qu'a produit l'ordonnance de
police que S: A: R: nous a enjoint, par lettres du 20. 9^« 1756, de
faire émaner touchant les juifs qui voudront se fixer en cette ville,
nous sommes obligés de dire en tout respet que malgré notre
entière soumission à tout ce qui nous est ordonné de la part de Sa
Maj^ l'Impératrice Reine, nous avons pris la très respectueuse
liberté de faire le 4. janvier d»" a S : A : R : la plus humble représen-
tation qui va cijointe en copie, afin de la supplier pour les raisons
y déduites de nous dispenser gracieusement de ses dits ordres, le
motif qui semble les avoir fait donner, savoir la trop grande facilité
avec laquelle on tolereroit les juifs, ne trouvant pas lieu dans cette
ville ni province, bien loin de là, les juifs aiant de tout tems été ici
traités selon la rigeur des edits et placcards que nos très augustes
souverains ont autrefois fait émaner contre cette nation, non seule-
ment pour le bien être de leurs sujets, mais aussi afin de conserver
la pureté de la vraie religion : dans la confiance que S : A : R : daigne-
roit d'avoir favorable égard à notre dite représentation, ce que son
gracieux silence du depuis nous a fait présumer, nous avons différé
jusqu'à présent de faire émaner l'ordonnance de police cidessus.
Nous espérons, Monseigneur, que V: E:, vues les raisons deduictes
en toute humilité de notre part, ne voudra non plus nous obliger à
cela, mais qu'au contraire, par un effet de sa bienveillance et de sa
magnanimité ordinaires, elle sera servie d'ordonner qu'aussi à
l'avenir les edits et placcards cidevant émanés contre la nation juive
soient ici ponctuellement et selon toute la rigeur suivis et observés.
C'est la grâce qu'osent attendre ceux qui sont avec le plus profond
respect et avec une entière soumission,
M^r, deV:E:'.
Nous ignorons la suite de cette affaire : ici s'arrêtent nos docu-
ments. Si nous rapprochons ceci de ce qui fut décidé pour
Bruxelles et pour Anvers, il est probable que le magistrat de
Luxembourg fut dispensé de faire l'ordonnance de police en ques-
tion. Peut-être aussi persista-t-il dans sa résistance et le gou-
vernement forma-t-il les yeux. Au reste, les rapports que nous
avons publiés plus haut au sujet des taxes locales, montrent à
quelles vexations les juifs furent soumis en cette dernière ville
jusqu'à la fin de l'ancien régime.
Ailleurs aussi, selon les caprices ou les intérêts du moment, on
mettait parfois dos entraves aux affaires des juifs : on les arrêtait
plus ou moins arbitrairement, ou bien on leur faisait subir d'autres
1 Mêmes archives : Minute reliée ibid,, pièce cotée 21 bts
NOTES ET DOCUMENTS SUR LES JUIFS DE BELGIQUE 22 i
avanies. A Ostende, en 1765, deux juifs furent arrêtés pour n'avoir
pas payé la taxe de 300 florins, mais le conseil privé, au nom de
l'impératrice, ordonna leur élargissement en ces termes :
L'Impératrice Reine,
Ghers et bien amés, Aïant vu vôtre représentation du 22. de ce
mois, au sujet des deux juifs, nommés David Abraham et Salomon
Cyman, natifs et domiciliés à Middelbourg, arrêtés et conduits dans
les prisons de Nôtre ville d'Ostende, Nous vous faisons la présente à
-la délibération du comte Charles de Cobenzl, Nôtre ministre plénipo-
tentiaire pour le gouvernement général des Pays-Bas, pour vous dire
que ces deux juifs soient incessamment et sans frais élargis. Au sur-
plus comme il a été déclaré, que l'ordonnance du 20. novembre 1756.
concernant le séjour des juifs dans ces païs, ne seroit pas provisoire-
ment exécutée. Nous vous envolons pour vôtre information et direc-
tion, une copie des lettres écrites en cette conformité à ceux du con-
seil de Brabant. A tant, chers et bien amés, Dieu vous ait en sa s**
garde. De Bruxelles le 31. juillet 1765. Paraphé Ne. v*., en dessous
étoit par ord*=« de Sa Majesté signé P. Maria, au bas, au magistrat
d'Ostende S
En 1771, Isaac Liebtmans, négociant en diamants à Amster-
dam, se plaignit au gouvernement de l'affront qu'il avait
reçu à Bruxelles où, à son arrivée d'Anvers, on l'avait arraché de
la diligence et fait conduire par des soldats chez l'amman. Le duc
Charles de Lorraine fit connaître à cet officier que rien n'empê-
chait le suppliant de passer et de repasser par Bruxelles pour va-
quer librement aux affaires de son commerce en d'autres villes
'étrangères*.
Nous allons enfin arriver à une époque où les juifs verront poin-
dre pour eux dans les Pays-Bas une lueur de liberté. Cependant la
ville de Luxembourg continua de les repousser jusque vers la fin du
XVIII"' siècle, non peut-être sans quelque raison ; car se trouvant
dans le voisinage de pays où ils étaient nombreux, elle dut plus
d'une fois être visitée parla lie des juiveries d'alentour. Il n'en
était pas de même dans le reste des Pays-Bas, où les quelques
juifs qui étaient venus s'y fixer ou désiraient de s'y établir offraient
plus de garanties d'honnêteté. On verra dans le chapitre suivant
les difficultés qu'ils eurent néanmoins à surmonter pour arriver à
jouir peu à peu des droits des autres citoyens.
* Copie dans le carton 1293.
* Carton 1293 : Lettre d'envoi originale du duc Char.es de Lorraine au conseil
privé, 19 février 1771 ; — dépêche originale du même à l'amman de Bruxelles, 20 fé-
vrier 1771 ; — apostille au nom du même, 6 mars 1771.
224 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
ADMISSIONS DE JUIFS A LA BOURGEOISIE.
Dans la plupart des villes des Pays-Bas, tous les habitants jouis-
saient des mêmes droits et de la même protection, mais de grands
avantages étaient assurés à ceux qui faisaient partie de la bour-
geoisie, soitpar naissance, soit par achat. A Bruxelles, par exemple,
la qualité de bourgeois était indispensable pour entrer dans un
corps de métier et pour exercer la plupart des industries. L'étran-
ger qui voulait acquérir cette qualité devait fournir les preuves
d'une probité sans tache. L'entrée dans la bourgeoisie avait pour
le juif l'avantage de lui permettre de pratiquer sans entraves sa
profession ou son négoce.
Déjà en 1715, le 16 septembre, un boutiquier juif, nommé Abra-
ham Aaron ou Arons, fut admis bourgeois d'Anvers *. Quelques
années après, le 13 juin 1732, un autre juif, Jacob Cantor, après
avoir résidé plus de trente ans à Bruxelles, reçut aussi à Anvers
un acte de bourgeoisie-. Mais ces sortes d'admissions, faites, soit
par le magistrat de cette ville, soit par l'écoutette, c'est-à-dire
l'officier du gouvernement près de ce magistrat, furent plus tard
déclarées nulles, parce que la qualité essentielle de celui qui vou-
lait acquérir la bourgeoisie était de professer la religion catho-
lique, et que ni le magistrat ni l'écoutette n'avaient le pouvoir
de dispenser personne de cette qualité ^.
Désormais, les demandes d'obtention de bourgeoisie, faites par
des juifs, furent examinées par le conseil privé, qui avait dans
ses attributions la direction et la surveillance de la justice et de la
police des Pays-Bas autrichiens, et à la délibération duquel étaient
soumises la rédaction des nouvelles lois et l'interprétation des an-
ciennes.
Il existe aux archives générales du royaume à Bruxelles un
carton renfermant les dossiers relatifs aux affaires des protestants
' Carton 1203 : Lettre oripinale du magistrat d'Anvers aux gouverneurs généraux
Marie-Christine et Albert-Casimir, 8 juillet 1782. — Archives de la ville d'Anvers :
Poortcrabock, 1712-1729.
* Carton 1293 : Extrait du protocole du conseil privé de Sa Majesté, du 3, août l78i.
— Archives de la ville d'Anvers : Poorlersboek, 1729-17^7.
^ Décret de Cobenzl au magistrat d'Anvers, 7 juin 1758. Nous avons donné pins
haut le texte de ce document au chapitre des Taxes sur les Juifs.
NOTES Eï DOCUMKiNTS SUR LES JUIFS DE BELGIQUE 2213
et des juifs dans la seconde moitié du xviii" siècle '. Nous ferons
connaître, d'après les documents contenus dans ces dossiers et d'a-
près d'autres conservés ailleurs, les raisons qui ont milité pour
ou contre l'admission des juifs aux droits de la généralité des
citoyens. Nous donnerons in extenso (Quelques-uns de ces docu-
ments, parce qu'ils caractérisent fort bien les idées de l'époque
dont nous nous occupons, et qu'ils font connaître l'origine, la
profession et la condition des juifs qui résidaient alors dans les
Pays-Bas, ainsi que d'anciens usages peu ou point connus aujour-
d'hui.
Généralement les magistrats des villes, peu favorables aux juifs,
n'étaient guidés dans leur opposition que par des motifs d'un inté-
rêt étroit ou d'une économie politique égoïste, tandis que le con-
seil privé, comme tout ce qui touchait de près au gouvernement,
était plus porté à la tolérance.
Anvers.
On vient de voir deux admissions de juifs à ia bourgeoisie
d'Anvers, l'une de 1715, l'autre de 1732, mais elles furent enta-
chées de nullité.
Vers le mois d'août 1769, le juif Abraham Benjamin, établi à
Londres depuis plusieurs années, demanda à pouvoir fixer son
domicile à Anvers avec sa famille, et à y transporter le siège du
commerce considérable qu'il faisait en Angleterre et dans les Pays-
Bas. C'était peut-être une façon modérée d'exprimer son désir
d'arriver à la bourgeoisie.
Le magistrat d'Anvers se montra défavorable à cette demande,
sous prétexte que le commerce du suppliant consistait principale-
ment en produits de fabriques anglaises, dont on ne devait point
faciliter l'importation dans un temps où le gouvernement mettait
tous ses soins à favoriser l'établissement de fabriques du même
genre dans les Pays-Bas. Cependant le suppliant avait le mérite de
faire une exportation considérable de dentelles en Angleterre ; par
là il procurait un avantage d'autant plus grand aux lieux de pro-
duction, que les marchands du pays ne faisaient ou ne pouvaient
faire ce commerce. Le magistrat ajoutait: « Voilà en effet tout le
mérite du suppliant, mais on remarque que ce commerce de den-
* C'est le carton n° 1293 des archives du conseil privé, intitulé Hérésie et tolé-
rance. Nous avons déjà eu l'occasion de faire connaître quelques-unes des pièces qui
y sont contenues.
T. VIII, no 16. 15
226 HEVUE DES ÉTUDES JUIVES
telles fait évanouir sa prétendue exactitude dans les paiemens des
droits d'entrée et sortie, car pour faire ce commerce il doit, en
Angleterre, en faire l'importation en fraude ; or est-il à présumer,
que celui, qui fraude dans son pays natal, ne sera pas plus scrupu-
leux dans un autre, si l'occasion se présente ^ ? »
Dans un second avis, le magistrat allégua que personne de la
nation juive n'avait jamais pu obtenir la bourgeoisie en aucune
ville d'Europe ; ce qui était inexact, puisque nous venons de voir
qu'à Anvers même, dans la première moitié du xviii*' siècle, des
juifs avaient déjà joui de cet avantage ; << pas même en Hollande,
ajoutait-il, où les juifs seuls sont réputés indignes du privilège de
la bourgeoisie, tandis qu'on l'accorde à tout autre sans discerne-
ment de secte ni de religion.' » Le magistrat disait encore que, si
Abraham Benjamin voulait être exempt des droits de tonlieu,
il lui suffisait de tenir à Anvers fixe habitation; mais demander
d'être reçu au nombre des bourgeois, c'était vouloir déguiser son
intention de commercer en détail, par poids et par mesures, ainsi
qu'il le faisait depuis quelque temps secrètement, en Brabant et en
Flandre. « S'il parvient à la bourgeoisie, il prétendra d'abord d'être
admis dans le chef métier des merciers, pour lever tout obstacle
de pouvoir vendre librement en détail. » Le magistrat apportait
ensuite tous les lieux communs habituels contre la façon de
commercer des juifs, et exposait que c'était la raison pourquoi
aucun État n'avait encore osé conférer aux juifs les droits de ci-
toyen. Après avoir rappelé le décret de Cobenzl du 7 juin 1758,
que nous avons reproduit quelques pages plus haut, et avoir
ajouté que ce décret ayant toujours été exactement observé,
le gouvernement avait rejeté depuis toutes les demandes sem-
blables faites par des juifs, il proposait au gouverneur général
d'éconduire le suppliant -.
Comme la principale objection qu'on opposait à la demande
d'Abraham Benjamin était, qu'en acquérant la bourgeoisie, celui-
ci pourrait faire le commerce en détail, il s'engagea, sous telle
peine qu'on trouverait bon de lui imposer, à ne pas exercer cette
sorte de commerce ^
Le motif principal d'opposition étant ainsi écarté, le conseil
privé proposa au gouverneur général d'autoriser l'admission de ce
juif à la bourgeoisie, mais à condition qu'en cas de contravention
' Carton 1293 : LcUrc originale du niag. d'Anvers au duc Charles do Lorraine,
gouverneur général, 1" septembre 1769.
* Carton 1203 : Lellre originale du mPnie au mémo, 9 seplcmhrc 17tj'.t.
^ Carton 1293 : Copie de reugagemenl pris jiar Abraham Benjamin, 9 octobre 1769.
NOTES ET DOCUMENTS SUR LES JUIFS DE BELGIQUE 227
à rengagement pris par le suppliant, celui-ci serait déchu du droit
de bourgeoisie et encourrait, outre les peines ordinaires commi-
nées par les ordonnances du magistrat d'Anvers, une amende de
mille florins au profit de Sa Majesté ^
Conformément à cet avis, le 28 octobre 1769, le gouverneur gé-
néral autorisa le magistrat à admettre Abraham Benjamin sous les
conditions précédentes, mais en stipulant que cette grâce ne pour-
rait en aucun cas être tirée à conséquence, et que la disposition
prise en 1758, qui excluait les juifs de la bourgeoisie, serait main-
tenue dans toute son étendue '^
Vers le mois d'avril 1782, Benjamin Joël Gantor et Samuel Joël
Cantor, frères, négociants, adressèrent une requête à l'empereur
pour obtenir la qualité de bourgeois d'Anvers. Ils alléguaient que
leur père, Joël Jacob, né à Amsterdam, avait demeuré plus de
dix-huit ans à Anvers, et que leur grand-père, Jacob Cantor,
après une résidence de plus de trente années à Bruxelles, avait
même été admis à la bourgeoisie d'Anvers le 13 juin 1732^ Les
gouverneurs généraux, Marie-Christine et Albert-Casimir, ren-
voyèrent la requête à l'avis du magistrat de cette ville *. Voici la
réponse de celui-ci :
Madame et Monseigneur,
Nous avons reçu avec respect la dépêche du 18. avril dernier, par la-
quelle Vos Altesses Roiales daignent demander notre avis sur la
requête y jointe des frères Gantor, juifs, afin d'être admis à la bour-
geoisie de cette ville.
Pour satisfaire aux ordres de Vos Altesses Roiales, nous avons
l'honneur de dire, qu'il est vrai, que les supplians se sont adressés
à nous pour devenir bourgeois à Anvers, mais leur demande nous a
parue [sic] d'autant plus étrange que de tout tems les negotians
juifs ont eu la liberté de venir se domicilier en cette ville, lorsqu'ils
ont voulu y exercer quelque commerce, et si, par une résidence con-
tinue, ils habitent fixement ici, ils acquièrent les mêmes prérogatives,
que nos autres citoiens, à l'exception, qu'ils ne peuvent entrer dans
les sermens^ ni dans les corps de métiers, ce qui ne conviendroit
* Carton 1293 : Extrait du protocole du conseil privé de Sci Majesté, du ^1. octobre
1769 .
' Carton 1293 : Minute du décret du duc Charles de Lorraine au mag. d'Anvers,
28 octobre 1769.
^ Archive? de la ville d'Anvers, collection P. van Setter, vol. de 1782-1783, fol.
12, v» : Copie de la requête des frères Cantor à l'empereur, signée par G. Becker,
agent admis au conseil privé, sans dat3.
* Ibid., fol. 12, r° : Original de la dépêche des gouverneurs généraux, Marie-Chris-
tine et Albert-Casimir, au mag. d'Anvers, 18 avril 1782.
^ On appelait serments, en Belgique, les compagnies d'élite des gardes bour-
fçeoises.
228 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
pas, puisque quelques uns d'eux tiennent à la constitution de l'Etat,
par la voix qu'ils ont dans les consentemens des villes : les juifs ont
aussi toujours été exclus de la bourgeoisie, et l'admission du grand
père des supplians, en 1732, a sûrement été faite par l'inadvertance
de Tecoutette ou sous ecoutette, qui par leur office sont chargés
d'examiner la conduite et la religion de ceux, qui se présentent pour
être bourgeois ; le gouvernement instruit d'une pareille admission
dans la personne d'Abraham Aaron en 1715, l'a déclarée nulle par
décret du 7. juin 1758 ci-joint n^ 1, et nous a en même tems défendu
d'en faire de telles à l'avenir ; depuis cette époque nous avons cons-
tamment refusé tous les juifs, qui ont fait des tentatives pour être
soustraits à cette loi.
Ce n'est qu'en 1769 que feue Son Altesse Roiale a dispensé le juif
Abraham Benjamin et nous a ordonné par sa dépêche du 28. octobre
de la même année ci-jointe n° 2, d'admettre ledit Benjamin à notre
bourgeoisie, avec cette clause cependant, que cette grâce né pourra
jamais être tirée à aucune conséquence et que le décret du 7. juin 1758
doit être maintenu dans toute son étendue.
Nous avions pour lors remontré au gouvernement les inconveniens
(de l'admission des juifs à notre bourgeoisie et l'exclusion générale,
qui est observée contre eux dans tous les Etats de l'Europe, et comme
mous avons encore les mêmes raisons de nous y opposer, nous joi-
ignons ici n^ 3 la copie de la représentation du 1. septembre 1769.
Nous prions Vos Altesses Roiales de prendre un égard favorable
;aux motifs qui y sont déduits et nous osons nous tlatter qu'elles
voudront maintenir le décret de 1758 et econduire les supplians de
leur demande.
Parmi quoi esperans avoir satisfait aux ordres de Vos Altesses
IRoiales, nous avons l'honneur d'être avec un très profond respect,
Madame et Monseigneur,
De Vos Altesses Roiales,
Les très humbles et très obeissans serviteurs,
bourguemaitres, echevins et conseil de la ville d'Anvers,
P: Van Setter '.
Anvers ce 8. juillet 1782.
Le conseil privé fut chargé d'examiner l'affaire et prit la déci-
sion suivante :
Extrait du protocole du conseil privé de Sa Majesté,
du 3. août 1782.
M. de Gryspcrre * a fait le rapport suivant : Les nommés Benjamin
• Orif^iual daus le carlca 1293. — L'annexe n" 1 a élé publiée plus haut au chapitre
des 2\ixes sar les juifs ; les deux autres, n"» 2 et 3, sont des copies de documents que
nous avons résumés à propos de l'admission dAbraham Benjamin.
' Conseiller au conseil privé.
NOTES ET DOCUMENTS SUU LES JUIFS DE BELGIQUE 229
Joël et Samuel Joël Gantor, frères, juifs de nation, et commerçans de
profession, demandent par requête d'ôtre admis à la bourgeoisie de
la ville d'Anvers. Ils allèguent que leur pcre Joël Jacob, né à Amster-
dam, a déjà demeuré à Anvers plus de dix huit ans, et que leur
grand-pere Jacob Cantor a demeuré plus de trente ans à Brusselles ;
que celui-ci même a été bourgeois d'Anvers, comme conste par l'acte
de bourgeoisie, daté du 13. juin 1732, joint par copie authentique à la
requête.
Ceux du magistrat d'Anvers, à qui cette requête a été envoyée,
s'opposent par leur avis ci-joint à ce que les supplians demandent,
en alléguant toutes les raisons générales qu'on a coutume de rap-
peller contre l'admission des juifs, et les défauts dont on arguo
ordinairement, et souvent avec raison, ceux de cette nation. Les
avisans reclament un décret du 7. juin 1758, qui leur défend très
expressément d'admettre des juifs à la bourgeoisie. Ils conviennent
que par un autre décret du 28. octobre 1769, ils ont été chargés d'ad-
mettre à la bourgeoisie le négociant juif Abraham Benjamin, mais ils
observent en même tems, que ce décret déclare que cette ^race ne
pourra, dans aucun cas, être tirée à conséquence pour d'autres, et
veut « que la disposition faite en 1758, qui exclut l'admission des
» juifs à la bourgeoisie, soit maintenue dans toute son étendue >-.
Ils ajoutent, qu'il ne conviendroit certainement pas que les juifs
puissent entrer dans les sermons, ni dans les corps de métier, dont
quelques-uns tiennent à la constitution de l'Etat, par la voix qu'ils
ont dans les consentemens des villes.
Le conseil observa pendant la délibération, que les argumens de
ceux du magistrat d'Anvers contre les juifs en général, sont justes,
et que les dispositions que les avisans rappellent, ne concernent que
l'admission des juifs à la bourgeoisie d'Anvers par la seule autorité
et du seul chef du magistrat, sans le concours du gouvernement, qui
par là s'est réservé le droit de dispenser dans les cas particuliers, et
pour des individus qui peuvent mériter d'être exceptés de la règle
ordinaire et générale; que l'admission du négociant juif Abraham
Benjamin à la bourgeoisie d'Anvers en 1769, fait la preuve de cette
observation, qui d'ailleurs est conforme au principe que le gouver-
nement a suivi récemment à l'égard de plusieurs juifs admis à
Ostende par autorisation expresse du gouvernement, et qu'à celte
occasion on a fait connoitre tant aux fiscaux de Flandre, qu'à ceux
du magistrat d'Ostende, qu'on n'est pas éloigné d'accorder dispense
à des individus juifs pour être admis à la bourgeoisie, lorsqu'après
un examen scrupuleux le gouvernement général aura été plainement
appaisé sur leurs mœurs, leur droiture et leur fortune.
Il est naturel et tout simple, que les individus juifs qui obtiennent
pareille dispense, ne doivent et ne peuvent même pas devenir par là
habiles à occuper des offices ou emplois publics quelconques, ni à
avoir droit de suffrage dans les affaires publiques ou municipales,
mais que cette dispense ne doit être censée que leur accorder simple-
230 REVUE DES ETUDES JUIVES
ment les effets privés et purement personnels de la bourgeoisie, sans
aucune relation à tout ce qui va plus loin.
Le conseil estime qu'en inhérant dans ce principe, qui à beaucoup
d'égards peut être lié au bien public^ le bon plaisir de Leurs Altesses
Royales pourroit être de le faire connoitre à ceux du magistrat d'An-
vers, et les chargeant en conséquence de s'informer dùement et de
s'expliquer sur les mœurs, la droiture et la fortune des supplians, et
sur les motifs particuliers qu'ils peuvent avoir pour demander l'ad-
mission à la bourgeoisie de la ville d'Anvers, afin que le gouverne-
ment puisse, avec pleine connoissance de cause, disposer sur la
requête des supplians, comme il trouvera convenir.
Le conseil joint ici le projet de dépêche qui résulte de son senti-
ment, pour être, en cas d'approbation, munie de la signature de
Leurs Altesses Royales, et adressée au magistrat d'Anvers. //. Ne. v^ '.
Les gouverneurs généraux paraphèrent pour approbation cette
consulte du conseil privé ; en conséquence, la dépêche suivante
fut envoyée au magistrat d'Anvers :
B'* [Bruxelles] le 3. août 1782.
Marie et=*. Albert et».
Ayant vu l'avis que vous Nous avez rendu le 8. juillet dernier sur
la requête des juifs Benjamin Joël et Samuel Joël Cantor, frères,
Nous vous faisons la présente pour vous dire que, sans faire cesser
les défenses générales ci devant portées d'admettre les juifs à la
bourgeoisie de la ville d'Anvers, Nous ne sommes cependant pas
éloignés d'accorder à cet égard dispense à des individus de la reli-
gion juive, lorsqu'après un examen scrupuleux, nous aurons été
pleinement appaisés sur leurs mœurs, leur droiture, leur fortune
et leur profession : laquelle dispense ne rendra néanmoins en au-
cun cas l'obtenteur habile à occuper ou remphr des offices ou em-
plois publics quelconques, ni à avoir droit de suffrage dans les
affaires publiques ou municipales, de telle nature qu'elles puissent
être, mais que la même dispense n'accordera simplement audit
obtenteur que les effets privés et purement personnels de la bour-
geoisie, sans aucune relation à ce qui va plus loin.
D'après ces principes, c'est notre intention que vous Nous infor-
miez et vous expliquiez dùement sur les mœurs, la droiture, la for-
tune et la profession des supplians, et sur les motifs particuliers
qu'ils peuvent avoir pour demander l'admission à la bourgeoisie
d'Anvers, afin que Nous puissions, avec pleine connoissance de
cause, disposer sur la requête des supplians, comme Nous trouve-
rons convenir. A tant et* '.
* Carton 1293 : Minute mise au net.
* Carton 1293 : Minute mise au net.
NOTES ET DOCUMENTS SUR LES JUiFS DE BELGIQUE 231
Une note marginale (écrite sur la minute mise au net, d'après
laquelle nous rapportons ce document, nous apprend qu'il fut signé
par les gouverneurs généraux, Marie-Christine et Albert-Casimir,
sous le paraphe du président du conseil privé, le comte de Neny,
et le contre-seing de l'un dos secrétaires de ce conseil, de Reul.
Bien que la réponse du magistrat fût, cette fois encore, de prier
les gouverneurs généraux de débouter les suppliants de leur
demande, on y remarque cependant une certaine bienveillance à
l'égard de ceux-ci.
Madame et Monseigneur,
Comme il a plu à Vos Altesses Roiales de nous ordonner, par leur
dépêche du 3. août dernier, de nous expliquer sur les mœurs, la
droiture, la fortune et la profession des frères Gantor, juifs, et sur
les motifs particuliers, qu'ils peuvent avoir pour demander l'admis-
sion à la bourgeoisie d'Anvers, nous avons l'honneur de dire que
quant à leurs mœurs, nous sommes informés par les propriétaires
de la maison où les supplians ont depuis longtems occupé un quar-
tier \ qu'ils ont toujours été d'une conduite très régulière; les
marchands de cette ville qui ont acheté une fois chez eux conti-
nuent pour la plupart d'y prendre leurs marchandises, ce qui nous
paroit constater leur droiture et leur honnêteté.
Pour ce qui regarde leur fortune, il ne nous est pas possible de la
déterminer ; nous sommes obligés de nous en rapporter à ce qu'ils
nous allèguent. Ils nous ont déclaré que par année commune ils
font circuler dans leur commerce un fonds de f. [florins] 25000 et ils
présentent de vérifier cette somme parles billets des droits d'entrée,
qu'ils paient aux bureaux de Sa Majesté.
Leur profession est de vendre en gros toutes sortes de toiles de
coton, des mousselines, des porcelaines et d'autres marchandises
des Indes, qu'ils vont acheter dans les ventes des compagnies en
Hollande; ils font aussi quelques foires dans les villes voisines,
mais ils débitent la plus grande partie de leurs effets en cette ville.
Il conste par cet aveu des supplians, que tout leur commerce con-
siste en Importation, dont il ne resuite pas le moindre avantage
pour les fabriques de ces pays. Ils occupent à présent en cette ville
une maison entière, pour la quelle ils paient f. 132 par an, pour le
vingtième f. 18, etf. 8 de contribution aux gardes bourgeoises. .
Les supplians nous ont dit qu'ils ne demandent la bourgeoisie
d'Anvers que dans l'intention que ce titre leur donnera plus de con-
sidération dans leur commerce, en les distinguant des autres indi-
vidus de leur nation, qui n'ont qu'un état précaire et mènent une
vie errante. Ils préfèrent cette ville pour sa situation, qui les met a
même de continuer leur débit tant en Flandre, en Hainaut, qu'au
Appartement.
232
REVUE DES ETUDES JUIVES
plat pays de cette province; d'ailleurs tous leurs correspondans,
dont ils fournissent les boutiques, sont accoutumés à venir les trou-
ver ici, où lis ont depuis plus de vingt ans tenu leur magasin. Mais
comme ils pourroient jouir de toutes ces prérogatives, et même de
l'exemption du thol*, par leur résidence continue en cette ville, sans
être admis à la bourgeoisie, nous espérons que V. A. R. prenant un
égard favorable aux raisons, que nous avons déduites dans notre
avis du 8. juillet dernier, daigneront econduire les supplians de leur
demande, puisque le refus de l'admission à la bourgeoisie ne les
prive que de vendre en détail, permission qu'il seroit dangereux
d'accorder à ceux de la nation juive par les inconveniens qui en re-
sulteroient pour le public.
Parmi quoi esperans avoir satisfait aux ordres de V. A. R., nous
avons l'honneur d'être avec un très profond respect.
Madame et Monseigneur,
Anvers ce 26. octobre 1782.
L'adresse ordinaire à Leurs
Altesses Roiales,
Bruxelles.
De V. A. R.,
Les très humbles et très obeissans
serviteurs, bourguemai'tres, eche-
vins et conseil de la ville d'Anvers,
P : VAN Setter ^
Comme on le voit, l'opposition du magistrat n'était pas bien
vive, et le conseil privé, alors dans les meilleures dispositions
envers les juifs, donna un avis favorable sur la requête des frères
Cantor^. Par suite de cet avis, les gouverneurs généraux adres-
sèrent au magistrat d'Anvers le décret suivant, sous le paraphe
de M. de Kiilberg, conseiller au conseil privé :
Marie Christine, princesse
roiale de Hongrie et de Bo-
hême, archiduchesse d'Au-
triche, duchesse de Bour-
gogne, de Lorraine et de
Saxe Teschen etc.
Albert Casimir, prince roial de Po-
logne et de L'ilhuanie, duc de Saxe
Teschen, grand croix de Tordre roial
de S' Etienne, feld-maréchal des ar-
mées de Sa Majesté l'Empereur et Roi
et de celles du S* Empire Romain etc.
Lieutenants, gouverneurs et capitaines généraux des Pais-
Bas, etc. etc. etc.
Chers et bien amés, Aiant eu rapport de l'avis ultérieur, que
vous Nous avez rendu le 26. 8'"'*= dernier, sur la requête des frères
Cantor, juifs, Tsous vous faisons la présente pour vous dire, que, trou-
* Toulieu,
* Minute de la main du secrétaire P. van Seller, aux archives de la ville d'Anvers,
collection P. van Setter, vol. de 1782-1783, iol. 10.
' Carton 1293-: Jixlrait du protocole du conseil priwf de Sa Majesté, dn 2. dé-
rem'irc 17 S2.
NOTES ET DOCUMENTS SUR LES JUIFS DE BELGIQUE /233
vant nôtre entier appaisement dans les informations, que renferme le
dit avis, Nous permettons que les susmentionnés frères Gantor soient
admis à la bourgeoisie de la ville d'Anvers, sur le pied et aux con-
ditions et clauses énoncées dans nôtre dépêche du 3. août de la pré-
sente année; selon quoi, vous aurez à vous régler. A tant, cliers et
bien amés. Dieu vous ait en sa sainte garde. De Bruxelles, le 11. dé-
cembre 1782 ://: Paraphé : Kulb. v', signé : Marie, Albert, plus bas :
Par ordonnance de Leurs Altesses Roiales, contresigné : De Reul.
L'addresse étoit : A nos chers et bien amés ceux du magistrat d'An-
vers, et cachette du cachet de Sa Majesté en hostie rouge \
L'admission des frères Cantor fut ainsi enregistrée, en flamand,
dans le livre des bourgeois d'Anvers :
24 décembre. —Benjamin Joël Cantor, natif d'Amsterdam, juif,
marchand.
24 id. — Samuel Joël Cantor, natif d'Amsterdam, juif, mar-
chand.
Nota. Ces deux juifs ont été admis à la bour-
geoisie ensuite de la dispense de la cour, en date
du 11 décembre 1782, enregistrée dans le Placaert-
doek van den hove^ vol. 23, fol. 35 ^
Il n'est peut-être pas sans intérêt de rapporter ici que, sous
l'Empire, pendant la réunion des provinces belgiques au territoire
français, Samuel Joël Cantor, probablement le seul survivant des
deux frères, exhiba son acte de bourgeoisie, lorsqu'il comparut
devant Fofflcier de l'état civil d'Anvers, pour remplir au sujet de
son nom et de ses prénoms les obligations prescrites par le décret
impérial du 20 juillet 1808. Rien ne l'obligeait à cette formalité,
ni celui des trois décrets du 17 mars de cette année, qui soumettait
à un régime d'exception certaines catégories de juifs, ni aucun
arrêté préfectoral ; il voulait sans doute montrer par là qu'il avait
depuis longtemps été jugé digne de l'estime et de la considération
de ses concitoyens.
Le trois octobre dix huit cent huit, à dix heures du matin, par
devant nous Jacques Joseph Hebrant, adjoint au maire de la ville
d'Anvers, et officier de l'état civil spécialement délégué par lui, est
comparu Samuel Joël Cantor, particulier entretenu, âgé de cinquante
ans, natif d'Amsterdam, Hollande, domicilié à Anvers, section 1^'%
* Archives de la ville d'Anvers: Copie dans le Placcaethoek van den hove, vol. 23,
fol. 35.
■^ Mêmes archives : Poorlersbock, 1782.
234 REVUE DES ETUDES JUIVES
n*^ 1970, lequel nous ayant exhibé deux actes authentiques qu'au
mois de décembre dix sept cent quatre vingt deux, il a acquis le
droit de bourgeoisie de cette ville d'Anvers, nous a en conséquence
déclaré qu'il conserve les prénoms de Samuel Joël, et le nom de
Cantor, ce dernier étant le nom que portait son ayeul; et nous en
avons rédigé le présent acte dont lecture a été donnée au comparant,
lequel a signé avec nous.
S. J. Cantor. Jacq. Hebrant*.
Le juif Levi Abraham, natif de Hanovre, s'adressa nnssi à
l'empereur pour obtenir l'admission à la bourgeoisie de la ville
d'Anvers, où il résidait depuis quinze ans-, et où, d'après ce qu'il
avait fait connaître au magistrat, il désirait exercer « le commerce
» de bijouterie ainsi que d'autres branches ». Après avoir pris
l'avis du magistrat, le conseil privé ne fut pas d'avis d'accueillir
la demande du suppliant, « le commerce qu'il deveroit exercer est
» celui de brocanteur qui est suspect ou du moins peu recomman-
» dable en lui-même ^ », et lui refusa, le 4 décembre 1184, l'autori-
sation qu'il sollicitait'*.
Emile Ouverleaux.
(A suivre.)
* Archives de l'état civil dAnvcrs : Registre aux déclarations des sectateurs du
culte hébraïque, tenu en exécution du décret impérial donné à Bayonne, le vingt juillet
dix huit cent huit, folio 2, recto, n° 8.
» Carton 1203 : Requête originale à l'empereur, signée par l'agent Merteus, procu-
reur au conseil privé, et datée de Bruxelles, 26 mars 1784.
■'' Carton 1293 : Extrait du protocole du conseil privé de Sa Majesté, du 27. sep-
tembre 178 i.
4 Ibid, : Apostille du conseil privé, non paraphée, 4 décembre 1784.
NOTES SDR LES JUIFS DES ÉTATS DE LA SAVOIE
KT PARTlClLlilREME^T DE LA BRESSE, DE BIGEY ET GEX
PENDANT LES XIIP, XIV° ET XV^ SIÈCLES
Il est assez difficile d'assigner une date précise à l'apparition
des Juifs dans la Savoie et les provinces annexées pendant la
période qui nous occupe. Les historiens et les chroniqueurs de ces
pays diffèrent d'opinion à ce sujet. Grillet a avancé que ce fut le
comte Edouard qui, le premier, appela les Juifs à Chambéry, en
1319 K Mais Costa de Beauregard observe, avec raison ^ qu'il ré-
sulte de documents authentiques que, déjà sous les règnes des
comtes Pierre, Philippe, Amédée IV, Amédée V, les Juifs étaient
nombreux en Savoie. Amédée V leur donna des privilèges qui
furent confirmés par le comte Edouard, et celui-ci accorda encore
des privilèges particuliers à quelques-uns d'entre eux, comme il
résulte de sa lettre, datée de Saint-Georges d'Espéranche, le
17 novembre 1323 ^ Les Registres de la Chambre des comptes de
la Bresse, Bugey et Gex, déposés aux Archives départementales
de la Côte-d'Or * montrent qu'il y avait des Juifs dans ces régions
dès 1275. Une somme de 10 livres fut versée, en cette année, par
les Juifs demeurant à Pont-de-Yaux, à Pierre de Montmerle, clerc
de M. de Bagé ^. D'où venaient ces israélites et ceux que nous
1 Grillet, Dict. hist., t. II, p. 39,
2 Costa de Beaurej^ard, Notes et documents sur la condition des Juifs en Savoie
dans les siècles dît moyen-âge, insérés dans les Mémoires de VAcadémie royale de
Savoie, seconde série, t. II, p. 82; Chambéry, 1854.
3 Voir ibid. la copie de la Charte du 17 novembre 1323; Docnm., n» 1, p. 108.
C. de Beauregard mentionne également un compte de Rodolphe Baradis, châtelain de
Chambéry, de l'année 1300, où il est question du tribut que payaient alors les Juifs
de Savoie ; ibid., p. 82.
^ Cf. VInvenlaire sommaire des Archives de la Côte-d'Or, série B, t. III et IV.
5 Ibid., série B, n» 9153.
236 REVUE DES ETUDES JUIVES
trouvons plus tard dans ces régions ? Probablement de France,
après les expulsions de 1180 et de 1306. Les principales localités
habitées plus tard par les Juifs en Savoie sont Chambéry, Yenne
et Seissel, dans la Savoie proprement dite; Bourg, Bagé, Pont-de-
Vaux et Pont-de-Yeyle dans la Bresse ^ Les auteurs d'origine
juive ne nous fournissent sur les Juifs de la Savoie que des ren-
seignements de peu d'importance qui ne rem.ontent guère au-delà
du XI v« siècle. •
Juda b. Eliézer, dans son Daat Zeqénim, écrit vers 1313,
cite parmi les glossateurs du Pentateuque, Aaron N'T^''n"i::"ip73,
mot que l'on suppose être une corruption de «n^'^nT^npTo, c'est-à-
dire de Camberiacum (Chambér}^^,. Azulaï rapporte que les tosa-
fistes de y\r\ (Touques ou Touches) furent recueillis par Gerson
Soncino à Chambéry et dans d'autres villes, vers 1625 ^. Joseph
Haccohen, dans sa Vallée des pleurs, mentionne, à la date de
1394, la première persécution des Juifs en Savoie, à l'instigation
de Vincent Ferrer '^. Cependant tous les chroniqueurs du pays, de
même que ceux du Dauphiné, rapportent qu'à l'occasion de la
peste noire, en 1348, on fit, dans ces régions, un horrible carnage
des Juifs. Salomon Aben Verga rapporte une autre persécution
« générale » des Juifs qui aurait eu lieu en Savoie et dans le Pié-
mont en 1490 ^. On trouvera dans Grœtz et chez tous les histo-
riens de ces provinces des détails sur la persécution des Juifs de
Chambéry en 1348 à l'occasion de la peste noire. C'est de là que
partit, bien plutôt que du midi de la France, l'accusation absurde
que les Juifs avaient empoisonné les puits. Une information
contre eux fut ordonnée dans la commune de Visille ^ (Yisilia).
1 Victor de Saint-Gcnis, Histoire de la Savoie, Chambéry, 1868, t. I, p. 455 et
suivantes, t A Chambéry, dit cet auteur, les Juifs habitaient encore, en 1714, le
quartier de la ville connu sous la dénomination de quartier d'Allinges. Ils étaient
barrés la nuit dans leur rue que traverse un canal fanpceux, et se consolaient par le
luxe de leurs intérieurs, leurs chants, les flûtes et le calcul des affaires de banque,
des avanies delà veille » (t. II, p. 486j. Voir, pour toutes les localités ci-dessus dé-
sif^nées, les comptes des trésoriers et syndics de la ville de Chambéry, cités par
Victor de Saint-Genis, et les registres des comptes de la Bresse, dont nous donnons
plus loin des extraits.
2 Zunz, Zitr Gcschichte, p. 96. Azulaï écrit ■^"i3'^3'^5 ; voir Vaad, art. r-|£Din, et
Zunz, y^ur Gcschichtc, p. 40. L'éditeur célèbre Gerson Soncino écrit "^"iD^p. Voir
Rabbinowicz sur les différentes édit. du Talmud (hébreu), Munich, 1877, p. 23.
Aben Verga et J. Haccohen écrivent ^l'^^T^O (Savoie, Sabodia) ; d'autres «'"^TlO ;
voy. Landshuth, Antoudê, appendice V.
^ Azuluï, Vaad, l. c.
* Traduction J. Sée, Paris, 1881, p. 85.
^ Srhébet Jchouda, n" 11. Ne serait-ce pas la persécution, suscitée par Louis de
Nice, en I'»6r), et dont nous parlerons plus loin?
^ Petite ville dans le département de l'Isère, litrange coïncidence ! C'est éfçalemcnt
NOTES SUR LES JUIFS DES ÉTATS DE LA SAVOIE 237
L'acte dressé à cette occasion devait servir de base aux accusa-
tions du même genre, élevées contre les Juifs de Chambéry. Les
juges de cette ville, après de longues investigations, députèrent
deux envoyés en Dauphiné, à l'effet de se procurer la copie de
l'acte de procédure dressé contre les Juifs du Dauphiné. Il s'agis-
sait, sans doute, de rapporter en Savoie la copie de l'enquête de
Visille, la première qui eut lieu contre les juifs dauphinois K On
trouvera dans le mémoire de Costa de Beauregard, que nous avons
déjà cité, des détails sur les martyrs juifs de 1348 à Montmélian, à
Yenne, à Aiguebelle et à Saint-Genix^. Il semble, au contraire,
que les Juifs résidant dans la Bresse, dans le pays de Bugey et de
Gex, n'aient pas eu à subir ces persécutions. Sur les Juifs établis
à Bourg, pendant une période de 235 ans (1277-1512), nous avons
quelques renseignements qui se trouvent dans l'inventaire som-
maire des archives de la Gôte-d'Or (série B).
N«7140 (1389 à 1391). — Mention d'une recette de 30 florins,
donnés par un Juif, pour avoir acheté une croix, un calice et
d'autres vases sacrés.
N° 7151 (1405-1406). — Amende payée par un Juif, qui avait
négligé de porter sa marque.
No 7175 (1427-1428). — Amende payée par un individu qui
avait mis dans les souliers d'un Juif des clous rouges pour le
brûler.
Dans la seconde moitié du xiv^ siècle, de nombreux procès
d'hérésie sont soulevés, en Bresse, par l'Inquisition. On brûle
quantité d'hérétiques, on confisque leurs biens, quelquefois sous
prétexte qu'ils judaïsent ^. Quoique les Juifs ne paraissent pas
avoir été inquiétés par l'Inquisition, il est à présumer que, par
au château de Visille, que 440 ans plus tard (21 juillet 1788) retentirent les pre-
mières protestations contre l'ancien régime, de la part des députés dauphinois qui
y étaient réunis. (Duruy, Histoire de France, t. II, p. 461 ; Paris, 1873.)
1 Voir pour amples détails, Mémoires de VAcad. de Savoie, op. c, p. 101 ; et Saint-
Genis, Histoire dit, Dauph., 1. 1, p. 351 et 354. Le prix de la copie dont il est question
ici avait été soldé à un florin d'or de bon poids, d'après une mention de la Cbambre
des comptes de Chambéry, rapportée par G. de Beauregard.
2 P. 100, 105, 116.
8 Dans ^Inventaire sommaire des Archives de la Côte-d'Or, série B, n° 10393,
année 1433, on trouve : « Composition de 3 fl., payée par... pour avoir dit à la
femme... « fausse, hérétique, va à la synagogue des hérétiqices. » Au n» 7218, année
1468 : « Salaire du bourreau, qui avait brûlé une femme accusée d'hérésie, etc. et
d'avoir eu des relations avec le diable, dans une synagogue ». Au n° 7219, année
1470 : « Salaire du bourreau pour avoir pendu un homme qui, dans la torture, avait
avoué: « se fuisse in synagoga in congregatione diabolorum et hereticorum. . . car—
nemque puerorum in cadem synagoga comedisse ». Au n° 7252, année 1475 : « Frais
d'exécution de voleurs, de sacrilèges et d'hérétiques, entre autres une femme qui
avoua nec non ad synagogam.., ivisse, .... »
238 REVUE DES ETUDES JUIVES
mesure de précaution, ils quittèrent en grand nombre ces pro-
vinces. A Bourg, par exemple, il ne s'en trouve plus vers 1512.
En l'année 1512, le cens des Juifs de cette ville ne rapporte rien :
c< Quia in dicta villa et castellania Burgi nulli fuerunt ^ ».
De l'examen des registres de la Chambre des comptes de la
Bresse il résulte qu'outre les tailles et cens auxquels étaient sou-
mis régulièrement les Juifs, ceux-ci payaient encore une taxe
particulière, à l'occasion de l'inhumation de leurs morts. Ce sont
particulièrement les seigneurs de la châtellenie de Bagé qui tien-
nent la main à ce que la redevance prélevée pour chaque inhu-
mation soit exactement acquittée ^.
A Châtillon-les-Dombes, les Juifs ont séjourné durant les an-
nées 1284-1479. La recette de la censive des Juifs de cette ville est
nulle la première année, « propter inopiam » ^ Mais plus tard les
Juifs y forment une communauté, et paient 40 florins de censive
pour leur garde*. Le registre des comptes relate également la re-
cette du produit de la vente des biens meubles et immeubles d'un
Juif, vers 1401, sans indiquer le motif de cette confiscation ^. Mais
un fait à signaler, c'est la destruction des livres hébreux des Juifs.
Au numéro 7623 on lit, en effet, ce qui suit : « Dépenses faites à
Châtillon, par Pierre de Varambon, procureur et Amédée d'Agnin
vocando circa executionem libroriwi Judeorum legis ehrayce
ex ordinatione domini. » Cette exécution, ordonnée par le comte,
* Registres des comptes, n° 72o6. Dans la châtellenie de Bagé, les Juifs, qui y
résidaient en grand nombre depuis l^année 1294, abandonnent celte partie de la
Bresse vers Pan 1524 [Cham. des comptes, op. c, n°« 6919 et 6929J. Le chiffre, de plus
en plus élevé, du cens des juifs, qui, par suite des traités avec les comtes, avait at-
teint la somme annuelle de 1,000 florios, de 100 fl. qu'il était au début, indique l"im-
portanec numérique de la population israéiito de ce pays. (Voir. à ce sujet, Cham. des
comptes, op. c, n°* 6670, 67o4, 675o et 6919.) D"après Victor de Saint-Geuis. ^li.'oiVc,
t. I, 456, le droit de séjour (Statium) des Juil's de Chambéry et environs avait
produit, en l'année 1300, la somme do 75,374 fr., et en 1328, celle de 2,400 florins
d'or.
^ Voici ù ce sujet quelques mentions de la Chambre des comptes de la Côte-d'Or,
extraites de VInvcntaire sommaire, série B, n° 6777 : « Perception des deniers payés
pour le droit d'enterrer des Juifs près des fourches patibidairts de Bagé (an. 1351). »
— N" 6785. « Deniers payés par les Juifs pour t»ut )risation d'inhumer leurs coreli-
gionnaires prés des fourclics do Bagé (an. 1359). » — N° G793. « Droit d'un denier levé
pour chaque Juif en terre et sepcliuntur versus furcas (an. 1367). » — N° 6840.
• Recette à l'occasion do la sépulture des Juifs (an. 1422). • — N° 6862. • Même
mention que la précédente, et où l'on nomme un certain Hi'liogardo Thoroili^ qui paie
le droit d'inhumer son fils Cressandi (an. 1/|39]. • — N" 6853. « Il est spécialement
recommandé au châtelain de nommer les Juifs qui seront enterrés aux fourches de
Bagé (an. 1432). .
5 Chambr. descomp., op.c, n" 7560.
* Ibid., u- 7579.
5 N° 7610.
NOTES SUR LES JUIFS DES ETATS DE LA SAVOIE 239
eut lieu, le 8 mai 1418, les livres de la loi des Juifs furent brûlés,
concremati ^ .
Dans l'inventaire des comptes de Pont-d'Ain, une des localités
de la Bresse, où les Juifs avaient fixé leur résidence (1328-1418),
ils étaient assez nombreux et ils faisaient, sur les foires impor-
tantes de cette ville, le commerce de draps, de chevaux*, etc.
Signalons encore les mentions suivantes de Vinvent. somm. des
archives de la Côte -d'Or, série B.
N^ 9024. — Le Châtelain constate que cent soixante-six Juifs ont
payé le péage du pont (an. 1332).
N« 9025. — Recette de 2,222 livres, 24 sous, de petits tournois, de
Sandre, Juif, maître de la monnaie de Pont-d'Ain (an. 1336).
NO 9027. — Frais d'exécution d'un juif apostat, condamné au feu
(an 1342).
N° 9049. — La coutume des Juifs demeurant à Pont-d'Ain est
payée, pour tous les Juifs de Savoie, par Simon, résidant à Bourg
(an. 1375). Ce Simon paraît avoir été un personnage notable parmi
ses coreligionnaires de l'époque. Il en est parlé fréquemment dans
les registres des comptes ^.
N<> 9081. — Composition de 4 deniers, payés par un Juif qui, pas-
sant sur le Pont-d'Ain, ne portait pas la marque des Juifs (an. 1415).
Châtellenie de Pont-de-Vauso (1275-1485).
N*' 9155. — Composition de 40 sous, payée par la fille Bon Fillon,
juive, laquelle avait fait sang à la femme de l'official juif (an. 1287).
]S[° 9160 — Composition de 4 livres payée par le juif Judas, pour
* Vers la même époque, en 1416, on relate une confiscation de manuscrits hébreux,
en Dauphiné (Prudh., Les Juifs^ etc., p. 61). — Dans les comptes de la même année
(1417) des trésoriers f^énéraux de la Savoie, il est question de deux médecins juifs
baptisés, Guillaume Saifon et maître Pierre, de Mâcon (ce dernier serait-il le person-
nage cité par Simonnet sous la dénomination de maî're Pierre le Physicien et ayant
habité la Bourgogne, vers 1379? Voy. Simonnet, Juifs et Lombards, p. 435, dans
les Mémoires de l'Académie de Dijon, t. XIII, 18G5). Ces deux Juifs furent députés à
Chambéry pour examiner les livres des Juifs et y rechercher les blasphèmes qu'on
prétendait qu'ils contenaient contre la religion chrétienne. [Louis de Nice, par Dufour
et Rabut, dans les Mém. de la Société savois. d'hist, et d'archéol., t. XV, Chambér}-,
imp. Bottero, p. 21). En 1430, le médecin Amédée de Chambéry également con-
verti au christianisme, fait brûler les livres hébreux des Juifs {ihid., p. 22). Enfin
rappelons le fameux médecin Juif bapiisé sous le nom de Louis de Nice, qui,
disent ses biographes [op. c, p. 28) a rendu, par son mérite exceptionnel, tant de
services divers à son parrain, le duc Louis, et au successeur du duc, et qui fut
chargé, en 1466, d'inventorier les livres des Juifs de Chambéry, accusés de maléfice,
sacrilège, etc. Le procès-verbal de cette enquête existe aux Archives de la Chambre
des comptes à Turin, et a été publié par Costa de Beauregard, op. c, p. 106. L'ac-
cusation, ne reposant sur aucun témoignage sérieux, fut plus tard abandonnée.
* Chambr. des comptes, n» 9046
3 N«>« 7363, 7368 et 9069.
240 REVUE DES ETUDES JUIVES
un duel qu'il avait affirmé (firmaverat) avec le juif Léon (an. 1303-
4 309).
N'' 9165. — Réparation faite à la maison du comte, découverte lors
delà détention des Juifs, qui y furent emprisonnés (an. 1349). Il
s'agit probablement des Juifs emprisonnés à Toccasion de la peste
noire. C'est la seule mention de poursuite exercée contre les Juifs
de la Bresse pendant les années douloureuses de 1348 et 1349.
N° 9170. — Les Juifs, résidant en Bresse, Bagé et Valbonne, ayant
offert au comte une somme de 100 fl., pendant 10 ans, pour leur
censé, la redevance particulière des Juifs de Pont-de-Vaux n'est plus
portée en compte (an. 1339).
N^ 9200. — Composition de 18 deniers, payée par Jacotet Ghorel,
juif, pour avoir voulu traverser Pont-de-Vaux avec le corps d'une
juive sans payer le péage (an. 1417).
N*' 9220. — Recette de 6 deniers pour le péage des Juifs, adjugée
à maître Moïse, de Manta, juif (an. 1439).
Châtellenie de Pont-de-Veyle (an. 1324-1414) :
• N<^ 9291. — Composition de 2 sous, payée par Guiénot Lestoffier,
pour avoir creusé dans le lieu où. sont enterrés les juifs (an. 1365).
N* 9297. — La censé des Juifs ne rapporte rien, parce que la plu-
part ont quitté Pont-de-Veyle, et que le trésorier général de Savoie
est chargé de ce recouvrement sur tous les Juifs résidant en Savoie
(an. 1379-1381).
NO 9304. — Composition d'un florin, payée par Gui Garnier, inculpé
d'avoir pris au juif Moyse ses poules et les ornements dont il se cou-
vrait dans la synagogue (an. 1396).
Châtellenie de Saint-Germam (an. 1325-1410) :
N^ 9583. — Compte d'Ayron (Aaron), juif, receveur de péage, de
transit, etc., et des Juifs, qui paient 12 deniers par tète, et des
juives enceintes, 2 sols (an. 1325).
N* 9624. — Composition de 11 deniers, infligée à Beneton, juif,
pour avoir acheté de la viande de bœuf dans la boucherie des. chré-
tiens (an. 1408).
Châtellenie de Saint-Rambert (an. 1301-1465) :
N° 9739. — Frais de garde du juif Manassès, condamné à être noyé
par le juge de Bugey, pour avoir habité avec une chèvre (an. 130i).
De tout ce qui précède nous concluons que la condition des
Juifs dans les états de la Savoie, et principalement dans la Bresse,
était supportable. On voit que les fonctions de péager ou de ;>;'0-
curcur des comtes ou autres postes de ce genre leur sont confiés.
Voici la liste, par ordre chronologique, des Juifs qui ont rempli
ces fonctions dans la Bresse :
NOTES SUR LES JUIFS DES ÉTATS DE LA SAVOIE 241
1. Ayron (A.aron), péager à Saint-Germain, en 132.J ;
2. Jérémie, péager à Saint-Rambert, en 1333.
3. Samuel, péager à Ghanaz, en 1335 ;
4. Sandro, maître de la monnaie à Pont d'Ain, en 1336;
5. Samuel, familier du comte, pour les dépenses de l'hôtel à Gres-
sieu, en 1342;
6. Ilélisot, péager à Seyssel, eu 1342 ;
7. Manassès, péager à Picrre-Ghâtel, en 1358 ;
8. Moïse de Costa, procureur du châtelain, à Miribel, en 1395 ;
9. Maître Moïse, péager à Pont-de-Vaux, en 1439.
Ici, comme dans d'autres provinces ou d'autres pays, il y avait
des médecins juifs renommés K Les médecins des ducs étaient
presque toujours venus de l'étranger, et parmi eux il y avait des
juifs ^ Voici les noms des médecins juifs de notre région que nous
avons relevés dans les travaux de MM. Dufour et Rabat ^ et dans
les Registres de la Chambre des comptes de la Côte-d'Or :
l'* Maître Samson, un des trois chirurgiens mandés, en 1310, par
Amédée V au château de Bourget, pour guérir sa fille Catherine
d'un apostème ;
2° Maître Palmière (Palmerius ^) , célèbre médecin, attaché à la
personne d'Amédée VI, fut en même temps le médecin de la ville de
Chambéry. Il reçut du prince un traitement annuel de deux cents
florins d'or de bon poids (1349). Il figurait, en 1353, parmi les cin-
quante plus riches citoyens qui prêtèrent de l'argent à la ville
de Chambéry, afin que celle-ci pût établir une tuilerie, et éviter
ainsi les incendies, en couvrant toutes les maisons de tuiles.
Amédée VI lui devait, en 1360, neuf cents florins d'or, et lui inféo-
dait, à titre de payement, le revenu du poids de la halle au blé de
Chambéry. Les registres des comptes portent les mentions sui-
vantes : 1349. Dépenses faites à Rossilon, par M* Palmiéri, physicien
du comte, venu pour visiter Pierre de Mured, qui y était tombé ma-
lade. — 1360. Paiement de 25 Û. pour le transport d'Amédée de Sa-
voie, deRochefort à Aix, sous la direction de M« Palmiéri, physicien
du comte ^ ;
3<» Hélias, d'Evian, appelé à visiter les filles du comte de Savoie,
' Voir, dans Prudhomme, Les Jui/s, etc., p. 48, 62, 69, les médecins juifs Moïse
Peyrins, David Lévi, Louis de Pampelunc.
* Dufour et Rabut, Louis de Nice ou de Provence, p. 18, et C. de Beauregard,
op. c, p. 92 ; cf. Victor de Saint-Génis, Histoire de la Savoie, t. II, p. 36.
3 Dufour et Rabut, Louis de Nice ou de Provence, p. 12, 19, 20 et 23 ; C. de Beaure-
gard, op. c, p. 92.
* Peut-être, en hébreu, "n^ûri ; voy. Landshutb, Amoudê, art. 173n ÛHiTD 'l
n^73 '3, p. 1^4.
5 Chamb. des comptes, n°s 9395 et 9399.
T. VIII, no 1G. IC
242 REVUE DES ETUDES JUIVES
Marie, Bonne et Marguerite, dans la maison des minorettes de Gham-
béry, en 4 4 1 8 ;
5 et 6. M» Isaac d'Annecy et M^ Jacob de Ghambéry, qui sont
énumérés parmi les médecins qui assistaient à Taccouchement de
Bonne, de Berri, lorsqu'elle mit au monde Amédée YIII, en sep-
tembre 1383;
7"^ Mo Salomon, qui fut pendant de longues années le médecin
d'Amédée VIII (an. 1398 et suivantes) ;
8° M« Jacob, de Cramonaz, médecin de la régente Yolande, en
1473^
Nous trouvons aussi, dans nos Registres, un certain nombre de
médecins juifs qui se sont convertis au christianisme. En voici
les noms :
4° M® Guillaume Saffon^ et M» Pierre de Mâcôn, baptisés en 1414;
2° Amédée de Ghambéry, baptisé en 1430 ;
30 Louis de Nice, ou de Provence, dont nous avons parlé plus haut,
baptisé en 1445, et qui, de la position la plus malheureuse, était
arrivé aux plus grands honneurs ^
Joseph Haccohen, dans sa Vallée des pleurs *, raconte que c'est
par l'intercession d'un médecin, assesseur au tribunal du duc, que
les Juifs, menacés d'être expulsés du Piémont, purent de nouveau
résider dans ce pays (1559).
En résumé, les Juifs, habitant la Savoie, et particulièrement la
Bresse, semblent avoir joui, sauf pendant les années malheu-
reuses de 1348 et 1349, d'une certaine aisance durant les xiii°, xi\°,
et xv'' siècles. Mais à la suite des proscriptions générales d'Es-
pagne, en 1492, la plupart d'entre eux durent quitter ces États, et
gagnèrent l'Italie et d'autres régions plus hospitalières.
Dijon, novembre 1883,
M. Gerson.
* C. de Beauregard, p. 93, cite encore un Juif, dont on ignore le nom, qui vivait à
Ghambéry en 1466, et y exerçait la médecine.
* Ce Guillaume est probablement tolui dont il est fait mention à la Chambre des
comptes de la Côte-d'Or sous le n» G821 (série B). Simonnet [op. c, p. 435 et 437j
compte parmi les Juifs de la Bourgogne un M» Pierre, physicien (1379), et un Pierre
Cohen, de Tournus (1392).
^ « Une assignation de GO fl. par an lui fut accordée au début, afin de Tempccher
de mendier honteusement çù et là. » {Louis de Nice, p. 11.)
* Traduction J. Séc, p. 151.
HISTOIRE DES JUIFS DE HAGUENiU
PENDANT LA PÉRIODE FRANÇAISE*
Le traité de "Westplialie, en faisant passer l'Alsace à la France,
ne devait pas apporter de changement important dans la condi-
tion des Juifs de Haguenau. Le roi de France hérita des droits de
l'empereur d'Allemagne, et la municipalité conserva les siens. Ce-
pendant on constate que celle-ci se relâche un peu de sa rigueur
envers les Juifs ; il n'en est pas de preuve plus caractéristique que
la faveur insolite et unique même dans ses annales qu'elle accorda
à quelques familles juives venues de l'étranger en leur donnant
gratuitement un permis de séjour momentané dans la cité. Voici
dans quelles circonstances.
En 1656, Charles-Gustave, roi de Suède, s'étant allié avec
l'Electeur de Brandebourg pour s'emparer de la Pologne, leurs
armées envahirent ce pays. Plusieurs Juifs de la contrée, appau-
vris par la guerre, quittèrent la Pologne, oii ils ne pouvaient plus
vivre, pour se rendre dans une terre plus hospitalière. Ils arrivè-
rent en Alsace au commencement de l'année 1657; la municipalité,
émue au récit de leurs malheurs, sur la proposition d'Abraham le
préposé, permit à ces pauvres gens de demeurer provisoirement à
Haguenau sans avoir à payer les droits de séjour ordinaires-.
Leurs coreligionnaires ne montrèrent pas moins de générosité
envers eux, ils les secoururent, et bientôt les émigrés purent aller
s'installer dans les villages environnants, comme Batzendorf,
Dauerndorf, Wittersheim. Plusieurs d'entre eux devaient plus
• 1 Voir t. Il, p. 73 ; t. III, p. 58 ; t. IV, p. 98 ef t. VI, p. 230.
* Archives de Haguenau, BB. 88.
244 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
tard, par leurs descendants, venir grossir le nombre des Juifs pri-
vilégiés demeurant à Haguenau.
L'autorité royale exerça plus d'une fois une pression sur la mu-
nicipalité pour l'admission des Israélites. En cette même année
1657, en effet, on voit Henri de Lorraine, comte d'Harcourt,
nommé par Louis XIV gouverneur de la haute et basse Alsace,
donnera un juif nommé Gerson, un des fournisseurs de l'armée
française, une lettre de recommandation pour le magistrat de Ha-
guenau. Gerson obtint immédiatemenl le droit de séjour. Dès son
arrivée, il avait demandé et obtenu l'autorisation de vendre des
marchandises dans les villages voisins, toutefois avec défense
d'en aimer. Comme il s'était avisé de vendre également du sel à
Durenbach, et que le débit de cette denrée était le monopole de la
ville de Haguenau, le Conseil de la cité lui signifia, le 21 mars
1658, qu'il eût à quitter la ville dans un délai de six mois, que son
bail était annulé et que, jusqu'à son départ, il était « mis au ban de
la société ». Ses coreligionnaires, un peu jaloux de sa prospérité
et par crainte de la municipalité, observèrent cette dernière pres-
cription et s'abstinrent de parler à Gerson. Celui-ci, pendant un
office, se plaignit à haute voix de leur conduite, et le président de
la communauté Israélite lui infligea alors une amende d'un reichs-
thaler. Gerson, avant refusé de se soumettre à cette punition,
on lui interdit l'accès de la synagogue * . 11 protesta contre cette
mesure auprès du conseil de préfecture et du comte d'Harcourt.
Par lettre du 3 avril 1658, le conseil de préfecture pria le conseil
municipal de réintégrer Gerson dans ses droits et de lui rendre la
liberté de commercer. Le grand bailli, disait la lettre, a eu de tout
temps le droit de faire admettre un juif dans la ville qu'il veut, il
peut même en faire un bourgeois et contraindre la municipalité à
le reconnaître pour tel, ce qui pourra se produire pour le juif
Gerson, En vertu de notre autorité (;t au nom de Son Altesse,
nous vous prions donc de ne pas faire payer audit Gerson un
droit de protection supérieur à celui de ses coreligionnaires et de
lui maintenir son bail.
De son côté, le comte d'Harcourt, qui, se trouvant alors à Pagny,
avait reçu la plainte de Gerson un peu plus tard, écrivit le 24 du
même mois à la municipalité :
Ayant cy-devant accordé commission à un juif Gerson, pour de-
meurer à Haguenau, je ne puis croire que vous vouliez y apporter
im obstacle et empocher qu'il jouisse paisiblement de la permission
Arch, dcI%.,BD. 88.
HISTOIRE DES JUIFS DE IIAGUENAU 245
que je lui ai donnée. Aussi ne vous fais je cette lettre que pour
vous dire que vous me ferez beaucoup de plaisir de l'assister en ce
qu'il aura besoing de votre faveur, et de ne pas permettre qu'il soit
inquiété ni troublé par quelques-uns de vos habitans.
C'est ce que je me permets de votre amitié, et que vous me
croirez, comme je suis toujours, votre très affectionné à vous servir.
Henri de Lorraine K
Ces lettres produisirent immédiatement leur effet, la municipa-
lité s'empressa de reconnaître la validité du bail de Gerson et lui
permit de vivre tranquillement dans la ville. Ses coreligionnaires
continuèrent cependant à le voir d'un mauvais œil ; le comman-
dant de la place ayant imposé aux Juifs une contribution de qua-
rante reichstlialer par mois, ils accusèrent Gerson d'être l'insti-
gateur de cette vexation. Gerson assigna les calomniateurs
devant la justice locale : les deux parties furent renvoyées dos
à dos-.
Le nouveau venu n'était pas rancunier, il laissa passer ces
mouvements de mauvaise humeur et plus d'une fois il sut rendre
service à ses coreligionnaires-. Il utilisa ses relations avec l'ar-
mée pour faire alléger les charges contributives des Juifs ; il obtint
pour un jeune homme l'autorisation de se marier sous la protec-
tion du magistrat de la ville. Ainsi, la communauté Israélite, qui,
pendant quatre siècles et demi, n'avait pu se composer que de six
familles, était arrivée, en l'espace de trente ans, au nombre de
quinze familles. Leur nombre s'accrut encore pendant les troubles
qui précédèrent en Alsace la conclusion de la paix de Nimègue.
Les Juifs des environs de Haguenau étaient venus se réfugier,
comme de coutume, dans la ville. L'ordre une fois rétabli, les ré-
fugiés partirent à l'exception des familles suivantes : Mayerlé et
Isaac de Hochfelden, Alexandre et Hirtzel de Wingersheim et
Daub Feistel de Gunstett, qui reçurent l'autorisation de rester à
Haguenau à la condition de payer les mêmes droits que leurs core-
ligionnaires 3. Pour remédier au mauvais état de ses finances, la
ville accordait presque chaque année droit de cité à une nouvelle
famille juive ; en 1695 la communauté comptait trente-quatre
foyers.
» Arch. de Hag., GG. 66.
' En 1668, il put acheter une maison ; dans le contrat de vente était insérée cette
clause, — qui était habituelle toutes les fois que les Israélites devenaient proprié-
taires, — que si, dans Tannée, un chrétien voulait le reprendre, il pourrait l'acheter
au même prix. Ce droit de réméré resta en vigueur jusqu'à la Révolution française.
(Arch. de Ilag., BB. 98.)
3 Arch. de Hag., BB. 98.
246 REVUE DES ETUDES JUIVES
Plus tard, la municipalité, ayant sans doute vu s'améliorer la
situation financière de la ville, décida qu'elle n'admettrait plus de
nouvelles familles juives. En 1721, un Juif de Frœscliviller ayant
sollicité le droit de s'établir à Haguenau, sa demande fut impi-
toyablement repoussée. Il adressa à ce sujet la lettre suivante à
l'intendant d'Alsace :
A monsieur cVAngervillers, conseiller d'État^ et intendant de justice,
police et finances en A Isace^
Supplie très humblement le nommé Mayer, juif, habitant depuis
environ huit années le village de Freyschwiller, à trois heures de la
ville de Haguenau, disant qu'ayant épousé la fille du nommé Mayer
Kan de ladite ville de Haguenau, et que par le contrat de mariage
ledit Kan a promis au supliant de lui obtenir la permission de de-
meurer en ladite ville de Haguenau, parce qu'il était accordé aux
familles juives qui y habitent et qui en sont originaires, d'avoir
chez eux un de leurs enfants, quoiqu'il soit marie, suivant un règle-
ment fait par Messieurs du Magistrat de la Ville, et comme le beau-
père du supliant est d'une famille qui est depuis cent ans dans la-
dite ville, a voulu en vertu dudit privilège prendre ledit supliant,
son gendre, pour demeurer avec lui, et jouir des mêmes prérogatives
dont jouissent tous les autres juifs de ladite ville. Messieurs du
Magistrat s'y sont opposés, sous prétexte que ledit supliant n'est
pas originaire du lieu, difficulté qui n'a point été par eux faite a
l'égard d'une quantité d'autres juifs qui sont dans le même cas.
C'est le sujet pourquoy le supliant ose implorer le secours de votre
Grandeur, Monseigneur, la supliant très humblement d'avoir égard,
s'il lui plaît, à l'exposé de la présente, et en conséquence ordonner
que ledit supliant jouira du privilège accordé à toutes les familles
juives qui sont originaires de la ville de Haguenau, le beau-père du su-
pliant n'ayant aucun enfant qu'il veuille garder avec lui que sa fille,
offrant au surplus ledit Mayer supliant de prouver par bons certi-
ficats du Bailly de la Seigneurie Derkheim, d'où dépend le village
de Freyschwiller, où il a demeuré huit ans, comme il s'est toujours
bien comporté sans reproche,
Ce faisant. Monseigneur, ordonner aussi s'il plaît à Votre Gran-
deur qu'il pourra commercer ainsy et de môme que font ceux de sa
nation et ferez justice.
Le 3 janvier 1722. (Signé en hébreu) : Mayer ben Hehaber, B.
Ephraïm.
Au bas de cette supplique, l'intendant écrivit : « Nous avons
renvoyé le suppliant à se pourvoir au magistrat do Haguenau. Fait
à Strasbourg, le 15 janvier 1722. Baron d'Anoervillers'. »
» Arch. do Hag., GG. G8.
HISTOIRE DES JUIFS DE HAGUENAU 247
Il est probable que le magistrat ne fit pas droit à la requête de
Mayer. Néanmoins la municipalité se relâcha plus tard de sa sé-
vérité, à tel point qu'en 1735 le nombre des familles juives de
Haguenau était déjà de quarante.
II
Si l'accroissement de la communauté fut soumise à des péripé-
ties diverses, depuis 1648 jusqu'au milieu du xviii^ siècle, la con-
dition civile des Juifs ne le fut pas moins pendant la même période,
elle eut aussi son histoire, surtout en ce qui concerne les imposi-
tions dont ils étaient chargés.
Au début de l'administration française en Alsace, l'intendant de
cette province, M. d'Haussonville, fixa la part contributive des
Juifs en résidence à Haguenau, ceux de la ville et ceux des vil-
lages environnants, ensemble à 25 reichsthaler par mois. Bientôt
après, son successeur, M. de Boussan, interprétant faussement l'ar-
rêté de M. d'Haussonville, rendit l'édit suivant, qu'il croyait con-
flrmatif de celui de son prédécesseur :
Le sieur de Boussan. . ., intendant de la justice, police et finances,
en la haute et basse- Alsace et comte de Montbéliard,
Sur ce qui nous a été resmontré par la communauté des Juifs de
Haguenau, que cy-devant M. la baron d'Haussonville les aurait pris
à la protection et sauvegarde du Roy, et moyennant les contribu-
tions qu'ils payaient chaque mois, exempté des courvées, logemensde
gens de guerre, et autres charges.
Nous avons pris et mis, prenons et mettons lesdits juifs en la pro-
tection et sauvegarde du Roy, et en la nôtre particulière, à la charge
de payer chaque mois la somme de vingt-cinq Risdaler. Les avoir,
vingt et un risdaler, ès-mains du commissaire estably à Haguenau
et quatre au maire de ladite ville, moiennant quoy les exemptons
de toutes courvées, logemens de gens de guerre, et charges généra-
lement quelconques, prions tous qu'il appartiendra, enjoignons à
ceux sur lesquels le pouvoir de notre authorité et l'authorité de
notre charge estant de les laisser pleinement et librement jouir de
ladicte exemption et ne rien exiger d'eux.
En foi de quoi, nous avons à ces présentes fait apposer le cachet de
nos armes *.
Les Juifs n'eurent pas de peine à montrer à M. de Boussan que
* Arch. dô Hag., GG. 66.
248 REVUE DES ÉTUDES iHIVES
rimposition fixée par d'Haussonville était celle des Israélites de
Hagueuau et des environs réunis, et que leur part devait être cal-
culée au prorata de leur nombre. L'intendant rectifia aussitôt son
erreur {1 octobre 1648].
Les contributions extraordinaires ne leur furent pas ménagées
pendant la période qui s'écoula entre le traité de Westphalie et
la paix de Nimègue et qui fut constamment agitée par des troubles.
L'Allemagne ne s'était pas résignée à la perte de l'Alsace, et
pendant près de trente ans cette province fut le théâtre de luttes
entre les Impériaux et la France. La paix de Nimègue fut ac-
cueillie avec joie par tous les Alsaciens et particulièrement par
les Juifs de Haguenau. Quelques-uns des Juifs des environs qui
s'étaient réfugiés dans la ville, s'empressèrent de r»^gagner leurs
villages, mais en ayant soin au préalable de contracter une con-
vention avec la municipalité qui leur promettait de les accueillir
de nouveau et de les protéger en cas de guerre, à charge pour eux
de payer annuellement 4 florins (15 fr. 48) par famille. Les signa-
taires juifs de l'accord étaient Calme de Surbourg, Mosché et La-
zarus de Gunstett, Moyse et Gerson de Werth, Alexandre et
d'UhrvsiUer, David, Hertzel, Zacharias, Sanderlé et Libmann de
Soultz '.
Les impositions payées par ceux de la ville allèrent en s'accrois-
sant. Jusqu'en 1695, ils payèrent 10 florins de capitation par an.
A cette époque la municipalité, pour simplifier la perception, fixa
la contribution totale de la communauté Israélite à 200 florins par
an. De 1695 à 1702, cette contribution s'éleva à 225 et jusqu'à 450
florins pour exemption de corvées -. Ces exemptions seules coûtè-
rent aux Juifs, en 1"02, la somme de 6Ch) florins. En 1*03, la mu-
nicipalité leur demanda pour le même objet le double, c'est-à-
dire 1200 florins, et même elle fit savoir au rabbin que, vu l'aug-
mentation des charges générales, chaque chef de famille israélite
était tenu de payer un impôt supplémentaire de 60 florins. On a
ici un tableau en raccourci des effets de la guerre de la succession
d'Espagne. Cependant cette nouvelle imposition était si lourde
que les Juifs en appelèrent aux autorités locales ^. La majorité du
conseil fit droit à leur réclamation, diminua de moitié cette con-
tribution supplémentaire et même leur accorda des termes pour
se libérer.
Ces temps de guerre et d'épreuve commune avaient pour efliet de
' .\rch. de Ua^., BB. 98.
* Ibid.. EB. 93.
> littd., GG. 67.
HISTOIRE DES JUIFS DE HAGUENAU 249
disposer la municipalité à des sentiments plus bienveillants pour
les Juifs. On les voyait s'acquitter régulièrement de leurs charges,
payer des contributions deux ou trois fois plus fortes que les
autres habitants de la ville, on ne pouvait se défendre d'un peu de
pitié pour eux. Mais la tranquillité revenue, la manie de réglemen-
ter leur condition revenait aussi, et l'on sait l'esprit qui présidait à
ces réglementations. La paix signée, en ni4, défense fut faite aux
Juifs, avec publication au temple, de recevoir et d'héberger les
Israélites étrangers à la ville. Ceux-ci devaient loger à l'auberge
juive; en entrant dans la ville avec des marchandises, ils devaient
les consigner à la douane, sous peine de confiscation. Enfin, à tous
le commerce était interdit le dimanche. Un juif de Soufflenheim
ayant violé cette défense et ayant acheté un cheval un jour férié,
fut condamné à six florins d'amende. Le vendeur, qui était chré-
tien, en fut quitte pour un simple avertissement.
Quelques années après, le 18 mars 1720, fut voté un nouveau rè-
glement qui resta en vigueur jusqu'à la Révolution *. « Les Juifs,
y est-il dit, qui demeurent actuellement à Haguenau y peuvent
rester. Ceux qui comptent parmi les protégés de la cité ont la
faculté de marier un de leurs fils avec le privilège du droit de
séjour dans la ville. Les autres enfants, garçons ou filles, seront
obligés de quitter la ville, s'ils se marient, sous peine de vingt
marks d'amende (50 fr. 40). Toutefois, si les parents ont promis la
table au jeune couple, comme partie de la dot, ils pourront garder
leurs enfants auprès d'eux -. Celui qui aura marié et établi son fils
dans la ville ne pourra voir pareil droit conféré à son petit-fils.
Celui-ci ne pourra y prétendre qu'après la mort de son grand-
père ^. »
Les Juifs crurent un moment que leurs impôts allaient diminuer.
Les préposés des Juifs de l'Alsace firent, le 10 décembre 1734, un
accord avec toutes les villes de la province pour la cotisation à
verser par leurs coreligionnaires, et cette transaction fut ratifiée
par le gouverneur, M. Feydeau de Brou, en 1735. Ceux de Hague-
nau s'empressèrent d'écrire à celui-ci qu'ils seraient heureux
d'être traités sur le même pied que ceux des autres villes de l'Al-
sace. Ils oubliaient ainsi que Haguenau était une ville libre et
* Tout autant que la municipalité y trouvait son compte, car elle ne manquait
d'y déroger toutes les fois que ses iotérêts étaient en jeu.
* Cette clause fut, on le pense bien, très souvent invoquée. La coutume s'était
bien établie de donner aux enfants, en plus d'une dot, la table et le logement que.
il y a quelque trente ans. elle était encore en vigueur dans les familles des Juils
d'Alsace.
3 Arch. de Hag.. BB. 114.
250 REVUE DES ETUDES JUIVES
qu'elle avait le droit de fixer elle-même la part d'imposition de
ses administrés. M. de Brou répondit à leur demande en ces
termes :
Vu la présente requête, nous conseiller d'État et intendant sub-
délégué, ordonnons que chaque famille juive établie à Haguenau,
payera pour la présente année, à ladite ville, dans les termes ac-
coutumés, tant pour impositions royales, ordinaires et extraordi-
naires, comme fourrages et autres corvées de bras et de chevaux,
logements de gens de guerre et autres charges, le double en sus
de la somme pour laquelle chaque famille juive est comprise au
rôle particulier de la capitation des Juifs de la Basse-Alsace, à l'effet
de quoi les Préposés des juifs domiciliés à Haguenau seront tenus
de remettre incessamment, aux Magistrats de ladite ville, un extrait
dudit rôle de la capitation, contenant la cotte de chacune desdittes
familles. Certifié véritable, à peine pour lesdits Juifs, d'être cottisés
au double de ce qu'ils devraient payer.
Fait à Strasbourg, le 29 avril 1735.
Fetdeau *.
Les choses restèrent donc en l'état jusqu'au jour où se rouvrit
la période des lourdes impositions. En 1740, la guerre de succes-
sion d'Autriche attira de nombreuses armées en Alsace et particu-
lièrement à Haguenau. Les charges devenaient très fortes pour
la municipalité, celle-ci obligea les Juifs à accepter un « acco-
modement » dont nous verrons les clauses plus loin. Les Juifs
s'en trouvèrent bien, car, voyant arriver un nouveau subdélégué
à la province d'Alsace et craignant que celui-ci ne jugeât à propos
d'apporter des changements à leurs règlements, ils s'empressè-
rent de lui demander la confirmation de cette convention. La mu-
nicipalité de Haguenau, interrogée sur les causes de ce nouvel
arrangement, réponclit à la date du 19 février 1740 par la lettre
suivante, qui nous fait connaître cet accommodement :
A monsieur Oayot subdélégué général et intendant en Alsace
à Siraslourg.
Monsieur, nous avons l'honneur de vous renvoyer les pièces et la
requête que la communauté des juifs vous a présentée, pour leur
confirmer l'accommodement que le magistrat a fait avec eux au sujet
de la contribution des deniers royaux.
Les motifs qui nous ont portés à entrer avec eux dans cet accom-
modement, sont purement pour le bien de nos bourgeois et habitants,
parce que vous auriez agréable de voir, Monsieur, dans les pièces
' Arch. de Haguenau, GG. 67.
HISTOIRE DES JUIFS DE HAGUENAU 251
jointes à leur requête que ladite communauté des Juifs a esté pour
l'ordinaire, et presque toutes les années de la paix cotisée entre six
cents et huit cents livres, et que pendant la dernière guerre dans le
temps que nous l'avions taxée à proportion des impositions, elle a
obtenu utie ordonnance dont nous joignons copie de Monseigneur
rintendant qui la cottisait tant pour les impositions royales ordi-
naires et extraordinaires comme fourages et autres charges, au
double de la somme pour laquelle chaque famille juive est comprise
au rôle de la capitation des Juifs de la Basse-Alsace, de sorte que
suivant cette ordonnance, nos bourgeois et habitants ont été obligés
de supporter ce qui par cette ordonnance a été relaissée à ladite
communauté des Juifs de l'imposition à laquelle nous l'avions taxée
pour sa cotte-part et qui se montait au moins à cinq mille livres
pendant la dernière guerre et si le cas arrivait, nos bourgeois se-
raient dans le même embarras de payer pour eux, si le magistrat
n'avait fait cet accommodement. L'ordonnance de Monsieur de Brou
leur servirait toujours à cette fin.
Par cet accommodement, ladite communauté des juifs est obligée
de contribuer pendant la guerre à toutes les impositions générale-
ment quelconques et aussi qu'elle serait taxée parle magistrat même
au sol par livre, et par cet endroit il revient un bien à nos bourgeois
et habitants qui ne seront plus obligés de supporter seuls les
charges pendant la guerre, comme il est arrivé, et de payer pour
ladite communauté des Juifs à cause de la susdite ordonnance.
Nous n'avons pas affranchi les Juifs par cet accommodement des
logemens de gens de guerre, parce qu'ils fournissent des lits aux
pauvres bourgeois et habitants pour le logement de la garnison;
les Juifs, d'ailleurs, ne logent que dans la nécessité, et ce qu'ils
payent à présent peut servir pour le logement et corvées ; ils n'ont
jamais été imposés particulièrement pour l'un ny pour l'autre de
cette ville, et si le cas arrivait pendant la guerre, par l'accommode-
ment, ils y seraient sujets et de les payer comme une imposition.
Vous aurez cependant agréable, Monsieur, de statuer sur cela ce
qu'il vous plaira.
Nous avons l'honneur d'être, avec un respect infini, Monsieur, vos
très humbles serviteurs.
Les Magistrats de Haguenau *.
Aussitôt Gayot ratifia ce traité 2.
III
L'histoire des Juifs, de Haguenau et de ses environs pendant la
» Arch. de Hag., GG. 67.
a Ibid.
252 REVUE DES ETUDES JUIVES
période que nous venons de parcourir n'avait pas tenu tout en-
tière dans ces changements de législation et d'impositions ; les
guerres qui désolèrent l'Alsace pendant ces nombreuses années
n'avaient pas été sans créer des incidents le plus souvent tristes
pour eux.
En 1674, Turenne prenait ses quartiers d'hiver en Alsace et il
avait délégué le marquis de Vauban au commandement de Ha-
guenau. Les Juifs des villages, suivant leur coutume, vinrent se
réfugier dans la ville. Leurs coreligionnaires les accueillirent chez
eux et, comme ils prévoyaient un long siège, achetèrent une cer-
taine quantité de grain nécessaire à leur entretien et à celui de
leurs hôtes. Aussitôt les habitants de la ville crièrent à l'accapa-
rement et voulurent les forcer à revendre leurs provisions. Les
Juifs eurent l'heureuse inspiration de s'adresser à Turenne qui
envoya au marquis de Vauban la lettre suivante :
Je fais ce mot au commandement de trouppes du roy, à Haguenau,
pour luy dire, que le service du roy requiert qu'il fasse tout le bon
traitement qu'il se pourra aux Juifs qui y sont établis, pour qu'il
tienne exactement la main, à ce que l'on ne touche pas à leurs fran-
chises, immunités, surtout à ce qu'ils deviennent exemptés de toutes
sortes de logements de gens de guerre, qu'ils puissent faire leur
commerce et traffic en toute sûreté et liberté, et que les commis des
vivres ne les inquiètent point sur le subjet des grains, dont je
désire qu'on leur laisse suffisamment les provisions dont ils ont
besoing pour la subsistance de leurs familles, et de celle des Juifs
des campagnes réfugiés chez eux, et enfin qu'il les traite de manière
qu'ils n'ayent aucun subjet de se plaindre.
Fait au camp, ce 49 novembre 1674.
Turenne *.
C'est un exemple de haute tolérance que donnait le grand capi-
taine avant le xviii° siècle, et c'est un honneur pour les Juifs de
Haguenau d'avoir eu un instant pour protecteur un homme comme
Turenne.
Mais après la mort si imprévue du grand capitaine, le général
des Impériaux, Montécuculli, arriva devant les murs de la ville,
Haguenau fut impitoyablement bombardée. Heureusement Condé
ne tarda pas à venir au secours de la cité assiégée et Montécuculli
jugea prudent de se replier sur Strasbourg.
Bientôt la ville ne put plus servir de refuge aux Juifs des envi-
rons, car, par ordre du gouvernement français, elle fut démantelée.
La municipalité les renvoya en leur délivrant des passeports;
' Arcli. de Haguenau, GG. 66.
HISTOIRE DES JUIFS DE HAGUENAU 253
comme la guerre continuait en Alsace, au lieu de retourner dans
leurs villages, ils se dirigèrent vers le Rhin pour chercher un
asile dans quelque ville d'Allemagne, mais il leur fut interdit de
passer le fleuve et force leur fut de revenir implorer la pitié des
magistrats de Haguenau. Le conseil se réunit (le 17 janvier 1667)
pour statuer sur leur demande et discuta longuement. Un membre
de la réunion fut d'avis de leur permettre de demeurer provisoi-
rement à Haguenau, parce que, dit-il, ils seront pour nous une
bonne source de revenus. Un autre, nommé Roth Jacob, ne vou-
lait pas émettre son opinion parce que c'était dimanche. Cette
délibération curieuse se termina par un arrêté favorable à la re-
quête des fugitifs K
Ceux-ci n'eurent pas à se réjouir de cette faveur, car ils assis-
tèrent bientôt à un spectacle lamentable. Le 9 février au soir, le
capitaine La Brosse vint avertir à l'improviste les habitants que
le lendemain il mettrait le feu aux principales maisons de la ville.
Le lendemain, en effet, avant le jour, des soldats sous ses ordres
se répandirent dans la cité et incendièrent les rues du Sel, des
Juifs, des Cordeliers, du Bouc, de l'Ecurie et de l'Anneau, puis ils
se rendirent dans la Grande-Rue et brûlèrent tout jusqu'à la Burg-
miihl.lls ruinèrent cent-cinquante maisons. Les Juifs furent moins
navrés de la destruction de plusieurs de leurs maisons que de celle
du temple qu'ils avaient inauguré douze ans seulement auparavant
et qui leur avait coûté tant de peines ^.
Le xviii® siècle s'ouvrit par un retour de la guerre en Alsace.
Habituellement les hostilités avaient pour effet immédiat de faire
fuir les Juifs de la campagne, Haguenau leur offrait un asile as-
suré, moyennant le paiement d'une contribution extraordinaire.
La ville croyait avoir le droit d'accorder de sa propre autorité
les permis de séjour. Ce droit lui fut cette fois contesté. Deux
juifs, nommés Leiser de Surbourg et Zacharias de Soultz, s'étaient
réfugiés à Haguenau sans autorisation spéciale du gouverneur de
l'Alsace, le marquis d'Huxelles; celui-ci écrivit la lettre suivante
à la municipalité de Haguenau :
* Livre des protocoles du Conseil. Arch, de Hag,, BB. 94 et 95.
2 Livre des protocoles du Conseil. Arch. de Haj^., BB. 94 et 95. Comme si ce dé-
sastre ne leur avait pas suffi, quelques soldats, de connivence avec quatre paysans de
Schœffolsheim, entrèrent un beau matin, le 21 novembre, dans la ville et se mirent à
piller quelques maisons juives. Plainte fut portée par les Juifs devant la municipa-
lité qui, après enquête, attesta 1 injustice commise à leur détriment et leur remit une
lettre adressée à M. de La Grange, intendant à Brisac, pour qu'il soutînt le bon droit
des Juifs. Quant à elle, elle infligea une punition aux paysans. Les arbitres qu'elle
désigna, à savoir : Engelbert et Camerlin, prédicateur, André Keith," maire de Bal-
zendorf, et Jacob Heintz, maire de Mommenheim, après avoir constaté les faits, con-
damnèrent les quatre paysans à 200 florins damende, (Arch. de Hag., GQ. 66.)
254 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Strasbourg, le 13 juin 1701.
Aux magistrats de la ville de Haguenau. Vous ne manquerez pas,
aussitôt ma lettre reçue, de signiffier de ma part aux juifs Léser et
Zacharie d'avoir à sortir de votre ville avec leurs femmes et enfants,
dans le temps de quinze jours, à compter de ce jour d'huy, pour se
retirer où bon leur semblera, ailleurs qu'en Alsace, à quoi vous
tiendrez la main fort exactement, et ne souffrirez plus à l'avenir
qu'aucun Juif, soit étranger, soit autre, s'établisse dans votre ville,
sans ma permission, vous déclarant que s'il s'y fait là-dessus quel-
que chose de contraire à ce que je vous marque, je m'en prendrais
directement à vous, à moins que vous m'en ayez donné avis.
Je suis tout à vous.
HUXELLES*.
La ville se soumit pour l'instant, elle fit sortir de la cité les ré-
fugiés, toutefois en les laissant libres d'aller où bon leur semble-
rait, mais elle fit ses réserves pour l'avenir et se promit de reven-
diquer ses droits et privilèges. Pour montrer tout de suite au gou-
verneur de l'Alsace l'étendue de ses droits, la municipalité prit
un arrêté à l'égard des Juifs ; elle décida qu'il leur était interdit
dorénavant de tenir boutique les jours de foire, de vendre des
marchandises neuves « de la main à la main », môme sans les au-
ner. Un d'eux, nommé Lyon Goublance (c'était le fils de Gerson,
"Welsch Gerstel) vendait des marchandises neuves, mais dans une
chambre qui même n'avait pas de fenêtre sur la rue. Les commer-
çants de la ville l'ayant appris s'en plaignirent, et il dut cesser son
négoce après avoir paj'é une amende de soixante florins et les dé-
penses. Goublance réclama auprès de l'intendant d'Alsace, il plaida
contre la ville de Haguenau, mais finalement, il fut condamné aux
dépens, la ville ayant le droit en vertu de ses privilèges d'établir
sur les Juifs les lois qui lui convenaient. Goublance, ne pouvant
plus trouver à Haguenau les moyens d'y vivre, céda sa maison,
vendit ses marchandises dans les villages voisrns et alla s'établir
à Lixheim ^.
Eue Sciieid.
(A suivre.)
» Arch. de Ha^., GG. G7.
> Sa famille resta dans cette ville jusqu'en 1792, année où un do ses descendants,
nommé Gerson Coblence, revint se fixer ù Haguenau. Ce Gerson, lors de la consti-
tution do l'état-civil pour les Juifs on 1808 prit ou reçut le nom de Géréon Coblence
LE MBBINAT LE METZ
PENDANT LA PÉRIODE FRANÇAISE (1567-1871)
(suite * )
VII
Le successeur de R. Jona Téomim Fraenkel fut le rabbin Gerson
Aschkenazi, dont le nom de famille véritable était Oulif, si-^bi^^. La
confirmation royale de sa nomination est datée de l'année 1670 et
les lettres patentes en furent enregistrées au Parlement de Metz
le 21 janvier 1671 ^ Dans ce document on le dit originaire de
Hultz. Ce qui est certain, c'est qu'il fit d'excellentes études à
Nicolsbourg, qu'il fut successivement rabbin à Prosnitz (1644), à
Hanau, à Nicolsbourg et à Vienne, et qu'il dut quitter cette dernière
ville après l'expulsion des Juifs du 14 février 1670. 11 devint alors
grand-rabbin de Metz, où il mourut le onze Adar II 5453 (mars
1693). Le registre de la confrérie porte cette mention : Di'ûy îibsî
"7 b^h '^nsuîN )Wi^ -i")1!i72:d bTi:\ïi iiN^n ^''n''^ Nsnii Nsn^a i^-^ii^è*-!
VYn -^s-ttî inN N""^ 'n uv irTnn^b "inpsi rninn nns^b.
R. Gerson était un des élèves les plus distingués de R. Menahem
Mendel Krochmal, dont il épousa la fille après la mort de sa pre-
mière femme, survenue longtemps avant son arrivé à Metz. Il est
auteur de quelques ouvrages fort estimés : de réponses casuis-
tiques (^3i;a'-i^^ nnin3> n"Y'U5), de dissertations et commentaires sur
le Pentateuque sous forme d'homélies ("'5^lDn:^ï^ n-iNsn), de notes
et discussions sur des traités du Talmud et sur des points de
* Voir tome VII, pages 103 et 204.
^ Voir Michel Emm., Histoire du Parlement de Metii^ p. 515.
2o6 REVUE DES ETUDES JUIVES
droit civil chez les Juifs (''2i*i5'-i^!i ■«u:^nn), etc. Il eut aussi une cor-
respondance très active avec les rabbins les plus érudits et les
plus autorisés de son époque, notamment avec Sabbataï Cohen,
auteur du ']^, Haïm Jaïr Bacharach, auteur du n^N"^ mn, Ephraïm
Gohn de Vilna, auteur du d"«'nD&< nr\a, et tant d'autres qui puisaient
auprès de lui la science talmudlque et casuistique. Un de ses dis-
ciples les plus célèbres fut le rabbin David Oppenheim. Comme
ses paroles faisaient autorité et exerçaient une grande influence
sur le monde juif d'Allemagne et de Pologne, on s'adressait très
souvent à lui et on lui demandait son patronage pour des livres
qu'on voulait publier. C'est pour cela que l'on trouve un si grand
nombre de m^û^Dirr (approbations) de lui pour les travaux publiés
de son temps. Il fait presque toujours précéder son nom de cette
expression ^i^l:!!, le fort occupé, ou plutôt, le fort préoccupé.
De toutes les lettres d'adhésion, que nous avons parcourues, les
deux suivantes seules présentent quelque intérêt pour sa biogra-
phie. L'une est placée en tête de l'ouvrage np:>i nn:72 'o * de R. Ja-
cob Reicher qui devait, lui aussi, enseigner un jour dans la chaire
rabbinique de Metz. La lettre, datée de 1688, porte comme titre ces
mots : 1112'Dn ^2pu3 tiT 'ipT doms^ri bi'iiïi lii^:^^ n^odoii, et comme
signature : ns nsin 'indo.s ir::-!^ yiiti r::p î^t "ipt^î ^TTjn c-ind
yv2 ^''p. L'expression ipT employée par Jaïr Bacharach et par lui-
même prouve que, à ce moment, R. Gerson était fort avancé
en âge.
L'autre est une lettre d'approbation pour le livre pnir-» rh^y 'o-,
datée du jeûne de Guedaliah 445 (septembre 1684), et où l'on a
mis comme en tête : )r::^:> ^-in)25 "is^min :4bDi?2î-! iin:*?! bc rî":dsn
PDnitn y^i2 "p''-^^ '7"n"N D!sd. Ce nom de d.sd qu'on lui donne comme
nom de famille, nous ne l'avons retrouvé nulle part. Gerson fait,
dans cette lettre, l'éloge du rabbin Isaac Weil, qu'il connaissait de
longue date, et dont il avait appris à estimer la haute science et la
valeur personnelle seulement après son arrivée à Metz, car il
avait constaté que R. Isaac avait fait de très bons élèves dans
cette ville.
R. Gerson, lui aussi, s'adonna à l'enseignement avec une
grande ardeur. Il eut une école très suivie où se formèrent de
nombreux disciples qui devinrent des rabbins très distingués.
S'absorbant tout entier dans les études rabbiniques, auxquelles
il consacrait tout son temps, il chercha et réussit à attirer à
Metz un grand nombre de jeunes étudiants.
Prague, 1G81>.
* Franclorl-sur-Oder, 1692.
LE RABBINAT DE METZ DE 1567 A 1871 257
A-près sa mort, et avant que son successeur ne fût désigné, un
Israélite de la ville, nommé Alexandre Lévy, souleva de nouveau^
la question de savoir si les affaires civiles ne pourraient être
portées devant une autre juridiction que celle du grand rabbin et
des élus de la communauté. Il adressa un placet à M. Boucherat,
chancelier de France, pour lui demander l'autorisation de porter
devant les juges royaux toutes les affaires litigieuses qu'il avait
avec ses coreligionnaires.
Le chef de la magistrature de France, après avoir pris l'avis du
premier président du Parlement de Metz, Guillaume de Sève, qui
était en même temps intendant de la province, fit répondre, dans
une lettre datée du 10 juillet 1694, qu'il n'y avait rien à changer
dans ce qui s'étaitobservé jusqu'alors pour le jugement des affaires
des Juifs de Metz, et qu'Alexandre Lévy n'avait qu'à se pourvoir
devant les rabbins qui étaient les juges des Juifs. Ce ne fut pas
sans de grandes difficultés que la Communauté juive était arrivée
à ce résultat favorable. Elle avait été obligée d'envoyer à Paris
une députation importante, avec laquelle les syndics échangèrent
une volumineuse correspondance, et dont les efforts furent appuyés
par le premier président du Parlement de Metz, auprès duquel la
Communauté n'avait pas cessé un instant de plaider sa cause.
Rassuré sur ce point, le Conseil de la Communauté s'appliqua à
perfectionner l'administration judiciaire des Juifs. La commission
chargée d'élaborer les règlements rédigea et fît publier les articles
suivants, que nous traduisons d'après un texte manuscrit, écrit
dans le langage judéo-allemand usité alors parmi les israélites
messins.
Règlement fait l'an 454 (= 1694) par la commission des douze no-
tables, chargés de faire tous les règlements :
a Voici ce qui a été décidé en premier : Pour qu'il n'y ait point de
déni de justice à l'avenir, celui qui aura à réclamer de l'argent à un
autre Israélite et qui voudra se faire délivrer un acte de justice, de-
vra demander à l'administrateur de service la permission d'envoyer
à son débiteur l'huissier, Iî573i23, chargé de l'assigner à comparaître
devant le tribunal dans les vingt-quatre heures.
Si ce débiteur, dûment assigné, ne se présente pas dans les vingt-
quatre heures désignées, l'huissier devra publier immédiatement la
désobéissance de cet individu.
Si l'huissier ne fait pas cette publication après le délai de vingt-
quatre heures, il devra être puni de la privation de ses émoluments
pendant un mois.
Si l'huissier a fait la publication réglementaire, et si, par suite du
devoir accompli, la personne assignée ou tout autre individu lui
adresse des injures, même légères, l'administration devra prendre la
T. VIII, nO 16. 17
258 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
défense du pauvre huissier et infliger à celui qui l'aura injurié la
punition édictée pour les offenses faites à un représentant de la
justice.
Si l'administrateur sait que la personne assignée a un motif sé-
rieux qui l'empêche de se rendre à son assignation, il a le droit de
lui accorder un sursis pour se présenter devant le juge. Il faut toute-
fois qu'elle fasse connaître elle-même à l'administrateur le motif de
son empêchement.
Si l'administrateur de service est parent à un degré prohibé de
Tune des parties, c'est à son adjoint qu'on devra s'adresser.
Si les parties ont désigné deux personnes qui ne peuvent siéger
ensemble par suite de parenté, elles doivent se réunir et tirer au
sort quelle est celle des deux personnes désignées qui siégera.
Il est établi que le demandeur doit toujours taire connaitre à l'a-
vance au défendeur le nom du juge qu'il a choisi.
Si le défendeur fait connaitre au demandeur que le juge, désiré
par lui ou par un fondé de pouvoir, ne se trouve pas en ville au mo-
ment de l'assignation et qu'il demande qu'on veuille attendre le re-
tour de ce juge, l'administrateur ne devra pas prendre cette demande
en considération : le défendeur devra être astreint à désigner immé-
diatement un autre juge.
La commission des neuf^ devra percevoir les amendes infligées par
l'administrateur de service ;
Elle devra aussi veiller à ce que les amendes (retenues d'émolu-
ments) infligées à l'huissier soient perçues.
Tout ce qui précède est applicable jusqu'à l'arrivée du nouveau
grand rabbin.
Quant à la mise à exécution des jugements, il est décidé que les
juges qui prononcent une sentence devront faire exécuter leurs dé-
cisions dans un délai fixé par eux, sous peine d'une amende d'ua
double ducat en faveur des pauvres de la ville.
Les neuf veilleront à la perception des amendes.
Les juges qui prononcent une sentence doivent l'écrire et la signer
ou la faire signer par procuration dans un délai de trois jours.
Les neuf veilleront à ce sujet.
Le rabbin Gabriel de Gracovie, fils de R. Jehouda Loeb Eskeles,
occupa le siège rabbinique de Metz, en remplacement de R. Gerson,
pendant dix ans (1694-1703) et augmenta par l'éclat de son en-
seignement la réputation de la Yeschiba de Metz, qui allait toujours
grandissant. Azoulaï* rapporte qu'il tient de la bouche d'un rabbin
allemand, contemporain de R. Gabriel, que celui-ci était l'un des
hommes les plus distingués de son temps. Il avait été le disciple
* La commission des neuf était chargée de rexécution de tous les règlements et de
surveiller la perception des amendes.
' /SVAtf»» Ha^uedolim, svb voce.
I
LE RABBINAT DE METZ DE 1S67 A 1871 259
de R. Aaron Kaïdanover, auteur du nnm ni*in. On a de lui de
nombreuses consultations, dispersées dans les recueils de consul-
tations de ses contemporains ; le livre m-r^iSTa û-^sd de R. Méir
Eisenstadt, en particulier, en renferme un assez grand nombre.
Son prédécesseur R. Gerson Oulif avait laissé sans solution
une affaire fort délicate.
Deux personnes convoitaient le poste de médecin de la commu-
nauté messine, et depuis quelque temps étaient cause d'un dissen-
timent profond parmi les Juifs de la ville. Salomon Lipschitz*
avait été nommé médecin de la Communauté et en avait reçu la
notification officielle. Il mit un grand retard à se rendre à son
poste. Pendant ce temps, un autre médecin juif. Hertz, de Franc-
fort, était venu s'établir à Metz et y avait exercé comme médecin de
la Communauté. Lorsque Salomon apprit le fait, il arriva en toute
hâte à Metz et réclama l'exécution de son contrat ; mais Hertz pré-
tendit qu'on ne pouvait plus lui reprendre l'office qu'il remplissait
déjà depuis quelque temps. Il faut remarquer que, outre les émo-
luments de la place, bien minimes, il est vrai, il y avait certaines
prérogatives qui y étaient attachées. Quoique étranger, le méde-
cin de la Communauté obtenait immédiatement le droit de cité ; il
était en même temps dispensé de tous les impôts ; et presque tou-
jours il pouvait espérer une assez forte clientèle, môme en dehors
de ses coreligionnaires.
Chacun de nos deux concurrents avait un parti dans la Commu-
nauté, et, dans toutes les commissions nommées pour régler leur
différend, leurs partisans se trouvaient en nombre à peu près égal,
et se montraient intraitables. Leur rivalité menaçait de s'éterniser.
Quand R. Gabriel arriva à Metz, il dut s'occuper immédiatement
de cette affaire. Plus heureux que son prédécesseur, qui y avait
perdu quelque peu de son autorité, il réussit à mettre d'accord les
deux médecins, en leur faisant partager la place à laquelle cha-
cun d'eux prétendait. Cette décision arbitrale et l'acte d'associa-
tion des médecins furent signés par les parties le 4 Tébet 5455 =
janvier 1695.
Le succès obtenu par R. Gabriel dans cette affaire épineuse lui
acquit, pour ses débuts, une réputation d'habileté qui fut loin de lui
nuire dans l'esprit de ses coreligionnaires messins. Par l'élévation
de son caractère il leur inspira une haute estime. Il eut la bonne
fortune d'obtenir, en faveur des étudiants, toujours plus nombreux,
* Il ne faut pas confondre le nom de ce médecin avec son homonyme, ministre offi-
ciant, qui ne vint à Metz qu'eu 1716 et qui est auteur d'un petit livre intitulé nm^n
260 REVUE DES ETUDES JUIVES
qui fréquentaient la Yeschiba, un don d'une munificence peu ordi-
naire pour l'époque. Abraham Schwab et sa femme Agathe accor-
dèrent à la Communauté un grand immeuble pour l'installation
des cours et de l'oratoire, et consacrèrent à l'entretien de l'école
les revenus d'une somme de dix-huit mille écus (54,000 livres
tournois) et ceux d'une grande propriété attenant à l'immeuble.
Cette école, l'oratoire compris, porta le nom de Klaus (couvent),
parce qu'elle fut installée dans cet immeuble qui avait fait par-
tie d'un grand couvent. Elle subsista à Metz dans le môme local
et sous différents noms (école talmudique, école centrale rabbi-
nique), jusqu'au moment où elle fut transférée à Paris (P' no-
vembre 1859).
En 1703, R. Gabriel quitta Metz pour aller occuper le poste de
Nicolsbourg, en Moravie, qui était devenu vacant par suite du dé-
part du rabbin David Oppenheim. Le rabbin Gabriel Eskeles mou-
rut dans cette dernière ville, le jeudi 2 Adar I 478 = février 1718,
après avoir été successivemeut rabbin à Elkous, Prague et Metz *.
VIII
Entre le départ de R.Gabriel de Cracovie ou Eskeles et la nomi-
nation de son successeur y eut-il un intérim de plusieurs années,
ou bien R. Abraham Broda succéda-t-il à R. Gabriel dans les
délais ordinaires ? Si nous nous en rapportons à la confirmation
royale, il y aurait eu un intérim assez long, de cinq ans environ.
Cependant une note manuscrite qui nous a été communiquée par
notre savant et vénéré maître, M. Louis Morhange, et qui sans
doute a été extraite des archives de la Communauté, nous donne
les renseignements suivants : R. Abraham Broda vint à Metz en
463 = 1703 et alla à Francfort en 473 = 1713, a'o'n yj3?73 n-^^'b «n
M. Carmoly, de son côté, donne trois dates diflférentes : \* Il dit,
•dans la Revue Orientale^, que Broda quitta Metz en 1713, après
un séjour de neuf ans ; 2** dans sa notice ^ sur les rabbins de Metz
' Voir Û"»7:in nitiap, de Salomon Stern, Vienne, 1860, p. 118. L'épitaphe de sa
femme Eslher se trouve également reproduite dans cet ouvrage à la date du lundi
"2 Nissan 49'i =i: avril 1734 ; elle était d'une famille qui a fourni un grand nombre de
Tabbins à Cracovie, Lublin et autres villes d'Allemagne et de Pologne.
« Rrvue orientale, t. II, p. 244.
' Josl, Annalen, t. II, p. 80.
LE RABBINAT DE METZ DE loG7 A 1871 261
il donne à Tarrivée de Broda la date de 1705 ; 3« enfin, dans ses
Itinéraires de la Terre-Sainte \ il affirme avoir entre les mains
une lettre d'Abraham Broda datée de lyyar 469 = mai 1709, dans
laquelle ce rabbin annonce que lui et sa famille quitteront Prague
pour aller à Metz le 18 du mois. M. Carmoly ajoute encore avoir
une autre lettre de Moïse Broda du 2 Sivan 469 = juin 1709, dans
laquelle celui-ci prévient les administrateurs de la communauté
messine du départ de son père et de son arrivée à Metz immédia-
tement après la fête de Pentecôte. La nomination officielle par
lettres patentes étant du 30 septembre 1709 corroborerait la der-
nière date donnée par Carmoly. Nous ne parlerons pas de la
date de fantaisie donnée par Fiirst, qui le fait arriver à Metz
en 1679 \
Malgré la coïncidence de la date des lettres patentes avec l'une
des dates données par Carmoly, nous croyons cependant que la
nomination de R. Abraham Broda eut lieu vers la fin de 1703,
parce que nous n'avons trouvé aucune trace d'intérim. Le rensei-
gnement donné par M. Morhange, qui avait à sa disposition les
archives de la Communauté, a pour nous une grande valeur. La
date des lettres patentes seule serait une objection sérieuse, si
nous ne savions que la Communauté, ou plutôt, ses administra-
teurs ne mettaient pas toujours un très grand empressement à
solliciter la confirmation royale. Nous avons, d'ailleurs, vu que,
cinquante ans auparavant, elle s'en était entièrement dispensée,
et que, pour les autres rabbins, la confirmation royale a rarement
été obtenue dans la première année de la vacance, ou mêriie de la
nomination.
R. Abraham Broda serait, d'après nous, arrivé à Metz en 1703.
Son engagement, en conformité des lois religieuses, n'a dû être
que de trois ans (1703-1706). En 1706, il le renouvela pour une
seconde période de trois ans, 1706-1709. Si les lettres mentionnées
par M. Carmoly sont authentiques , il faudrait admettre que
R. Abraham Broda était allé en 1708 visiter son fils, Moïse, rabbin
à Hanau et son beau-père, Samuel Zanvel, rabbin à Pferzen ; et
qu'une fois, à Prague, il manifesta quelques velléités d'aban-
donner son poste pour se rapprocher des membres de sa famille.
Découragé par des difficultés qui se renouvelaient sans cesse à
propos de juridiction rabbinique et par des tiraillements qui
existaient au sein de la communauté de Metz, il fut tenté de ne
' Itinéraires de la Terre-Sainte des xiii», xiv, xv, xvi« et xvii« siècles, Bruxelles,
1847, p. 227.
» Furst, Biblwthecajudaica, 1. 1, p. 132.
262 REVUE DES ETUDES JUIVES
plus retourner à son poste et de reprendre celui qu'il avait eu au-
trefois à Prague et qu'on était toujours disposé à lui rendre. Mais
l'administration messine mit beaucoup d'insistance auprès de
lui et il ne put se refuser à revenir dans son rabbin at ; cependant
il conserva toujours l'arrière- pensée de quitter Metz à la première
occasion où il le pourrait faire d'une manière convenable.
Les lettres patentes confirmant la nomination du rabbin
Abraham Broda avaient cet avantage de confirmer en quelque
sorte l'autorité et le pouvoir des rabbins en matière civile et
religieuse; et ce résultat n'était pas à dédaigner, en présence des
sourdes menées de quelques mécontents contre l'autorité judiciaire
du rabbin et des élus.
Déjà sous le rabbinat de R. Gabriel une tentative avait été faite
pour enlever au rabbin et aux élus la juridiction des affaires
civiles ; mais le Conseil de la Communauté avait obtenu des
officiers du bailliage un certificat constatant que le tribunal du
bailliage ne connaissait point des affaires de Juif à Juif. En 1*706, il
demanda une attestation semblable au Parlement, et le greffier en
chef, après avoir vérifié tous les registres, par ordre du premier
président, délivra aux syndics juifs et à la date du 28 sep-
tembre 1*706, un certificat portant que, « ayant fait cette vérifica-
» tion, il attestait que la Cour du Parlement ne connaissait point
» et n'avait jamais connu des causes de Juif à Juif jugées par les
)> rabbins de la sinagogue. »
En 1709, une nouvelle affaire se présenta, où on attaqua la juri-
diction rabbinique. Jacob Schwab avait quelques difficultés avec
ses frères et beaux-frères au sujet de la succession de leur mère
et belle-mère Agathe, veuve d'Abraham Schwab, dont nous
avons rapporté ci-dessus * la généreuse fondation en faveur de
l'école religieuse de Metz. Jacob Schwab, n'étant pas satisfait de la
décision rendue par le rabbin et les élus, proféra contre eux diffé-
rentes injures et afficha la prétention de porter l'afiaire à nouveau
devant les tribunaux ordinaires de la ville. Le rabbin, insulté à
propos do ses fonctions, jugea nécessaire, pour sauvegarder sa
dignité, de prononcer contre Jacob Schwab une amende et, de
plus, une mise à l'index, tant qu'il n'aurait pas reconnu sa faute
et fait des excuses : le tout était conforme à la jurisprudence
juive. Jacob Schwab, humilié dans son orgueil et dans ses pré-
tentions, profita dos relations qu'il avait avec quelques membres
de la magistrature pour intéresser à sa cause le procureur du roi,
qui n'était que trop disposé à attaquer la juridiction juive en
' Voir plus haut, p. 259-260.
LE RABBINAT DE METZ DE 1567 A 1871 263
faveur de la juridiction ordinaire. Le 22 octobre 1709 il assigna,
en la personne du rabbin « Brodot », la communauté des Juifs à
Metz à comparoir le 6 novembre suivant à l'audience du bailliage
aux faits de la requête suivante adressée par lui au lieutenant-
général et aux conseillers du bailliage au siège présidial de Metz.
Messieurs, Messieurs les président, lieutenant général et conseil-
lers du bailliage et siège présidial de Metz
Remonstrent le Procureur du Roy qu'il est venu à sa connoissance
que les Juifs de cette ville se sont establis de leur authorité un tri-
bunal de jurisdiction pour toutes leurs affaires civilles et criminelles
et que par un attentat à l'authorité du Roy et de la justice non seule-
ment ils connoissent de toutes les contestations qui arrivent au sujet
de leurs effects civiles mais estent par ce moyen au publique la
connoissance de Testât de toutes leurs affaires, en sorte que quand il
arrive quelques faillites ou banqueroutes tout le poid et la perte re-
tombe sur les familles chrestiennes qui sont en commerce avec eux,
ayant esté mesmes informé que par des voyes et des punitions extra-
ordinaires ils engagent absolument quantité {sic) juif ne puisse in-
tenter d'action contre un autre juif par devant les juges ordinaires
sans s'exposer à des peines d'excommunication qui ne doivent estre
introduittes que pour ce qui concerne la religion, que d'ailleurs les
juifs sans aucune authorité de justice créent des tuteurs et curateurs
à leurs enfants mineurs et font des inventaires des effects délaissez
par leurs pères ou mères et font entre eux des actes de société sans
aucune formalités en caractères et en langues hébraïque dont les con-
ditions deviennent fréquemment ruineuses aux autres sujets du Roy
et comme toutes les pratiques ne tendent qu'à establir entre eux une
authorité souveraine et despotique qui trouble l'ordre du royaume et
de la société civille contraire au privilège de l'establissement des
juifs et particulièrement à l'arrest de la Cour du 23 may i 634 servant
de règlement par lequel il leur est permis de juger entre eux pour
choses de leur religion ou polices particulières,
Requiert la communauté des juifs estre assignée à la première de
nos audiances pour leur voir faire deffence de plus à l'advenir
prendre connoissance d'aucunes affaires litigieuses civilles ou crimi-
nelles ny de tenir aucun tribunal de jurisdiction pour aucunes af-
faires, autres qui concernent leur religion et leur police particulière,
faist pareillement deffense à tous particuliers juifs d'intenter aucunes
affaires civilles ou criminelles mesme de juifs à juifs par devant
autres juges que les juges ordinaires, comme aussy de procéder à
aucune création de tutelles et curatelles aux enfants mineurs de ceux
qui décéderont ny aucunes oppositions levées de scellés et confec-
tions d'inventaires pour marchandises, commerce de banquiers ny
aucunes de vente eschange par devant autres personnes que les no-
taires ou autres personnes publiques, le tout à peine d'estre procédé
extraordinairement contre eux, comme refractaires à l'authorité du
264 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Roy et de la justice ny de prononcer aucunes peines d'excom-
munications contre ceux qui se pourvoiront par devant les juges
ordinaires et que tout ce qui pourroit avoir esté prononcé à ce
sujet seroit par eux levé dans le jour et déclaré nul et de nul
effect.
Signé : Aubry.
A cette assignation, la Communauté répondit par l'acte sui-
vant :
A la requeste de la communauté des juifs résident en cette ville de
Metz qui a esleu son domicil en celuy de M« Nicolas Marc son procu-
reur au bailliage et siège royal de ladite ville soit signiffié et déclaré
à Monsieur Maître Jean Aubry, conseiller du Roy et son procureur
aud. siège pour exceptions responces à l'assignation qui a esté donnée
à sa requeste à lad. Communauté par exploit du 22« du mois d'oc-
tobre dernier que la demande de mond. S' Procureur du Roy est un
trouble formel aux privilèges et grâces accordées à lad. Communauté
par Lettres Patentes du Roy glorieusement régnant du 25'' septembre
i657, confirmatives d'autres concédées depuis plus d'un siècle par les
Roy s ses prédécesseurs de glorieuse mémoire par lesquelles les juifs
sont establis en cette ville pour y vivre de mesme que tous les autres
juifs rependus dans les autres estats conformément à leur loy, soit
par rapport à leurs police, religion et autres actes de Juifs à Juifs ce
qui a esté suivy et exécuté depuis plus d'un siècle publiquement au
veu et sceu de tous les magistrats de cette ville, en efîect cette de-
mande ne tend pas moins qu'à détruire essentiellement l'exercice et
la discipline de leur religion dont les jugements sur lès contesta-
tions des juifs font une des principales parties d'autant que les Juifs
devans nécessairement suivre la Loy escritte comme le fondement
de leur religion et cette loy leurs donnant des juges et contenant des
décisions sur toutes ces matières toutes différentes de celles qui se
tirent des loix civiles, coustumes et ordonnances et dont il n'y a que
des Rabys qui en ont faict une estude capitale dez leurs premières
années qui en soient instruicts, c'est leurs vouloir oster Tun des prin-
cipaux points de leur religion que de leur contester le droict d'estre
jugez par ces mesmes Rabys, et en mesme temps renverser la pos-
session immémorialle en laquelle lad. Communauté est demeurée
paisiblement sous les yeux du Parlement, sans que MM. les procu-
reurs généraux ayent trouvé à redire à la conduitte, police et exer-
cice de la justice entre eux qui n'a jamais esté autre en cette ville
quelle est aujourd'huy et qui est conformée ce qu'il se pratique dans
tous les estais du monde ou il y a des sinagogues, ainsy la préten-
tention de mond. S"" le Procureur du Roy est une nouveauté condam-
née par les actes de notoriété émanés de Monsieur le Lieutenant gé-
néral et conseiller en ce siège et mesme de la Cour qui asseurent que
les Rabys establis en cette ville sont en droict comme d'une des fono
LE RABBINAT DE METZ DE 1567 A 1871 265
lions à eux attribuez de juger comme ils ont faict de tempâ immé-
morial de toutes les affaires qui surviennent de juifs à juifs, mais
comme il est question de l'exécution desd. Lettres patentes émanées
de Tauthorité souveraine et que Messieurs du bailliage avec le respect
que la Communauté des juifs leur doit ne sont pas compétans pour
en connoistre, outre qu'en cette cause ils seroient juges et parties la
demande de M. le Procureur du Roy tendante a establir à leur prof-
fit leurs juridictions sur les juifs dans les affaires de juifs à juifs
contre ce qu'ils ont reconnus eux-mêmes n'avoir pas droit de faire
pour les acts publiques qu'ils en ont donné et qui ont servis à faire
confirmer le droict des juifs dans les autres sinagogues, pour quoy la
Communauté des juifs soutiendra que la cour et les parties seront
renvoyées au Conseil d'Etat dont acte signé Marc.
Fort de l'appui qu'il avait trouvé auprès du procureur du roi,
Jacob Schwab présenta au Parlement, le 3 décembre 1709, une
requête par laquelle il exposait que l'excommunication et l'amende
dont il avait été frappé ne lui avaient été infligées que parce qu'il
s'était permis de porter devant les juges royaux le différend qui
existait entre lui et ses frères et beaux-frères, et demandait que
« Ton fît défense au rabbin et à ceux qui représentent la Commu-
» nauté d'empêcher ceux qui auront recours à la justice ordinaire
» de s'y pourvoir, ni d'user d'aucune excommunication ou inter-
» dit contre eux; pour cette cause, enjoindre au rabbin et autres
» de lever en plaine sinagogue celle qu'ils ont publiée contre lui,
» deffense à eux d'en faire à l'avenir soit dans la sinagogue ou
» ailleurs, d'exiger aucune amande, n'y imposer autres peines. »
Cette requête ayant été communiquée au procureur général, le
Parlement rendit, le 13 décembre 1709, un arrêt par lequel il per-
mettait à Jacob Schwab « de faire assigner le rabin et autres re-
» présentants de la Communauté des Juifs, et cependant par pro-
» vision et sans préjudice du droit des parties au principal, a fait
» deffenses aud. rabin et autres d'attenter sur led. Schwabe en sa
» personne ou en ses biens, soit par voye de prétendue excommu-
» nication, interdiction ou autrement à peine de 3,000 livres
« d'amande et de prison s'il y escheoit. »
Le Conseil de la Communauté juive de Metz s'émut de cet arrêt
du Parlement, qui portait une si grave atteinte à ses anciens privi-
lèges et renversait toute l'organisation de la Communauté. Il fit
rédiger un mémoire par un jurisconsulte éminent et délégua à
Paris deux notables qui réussirent à faire donner raison aux Juifs
contre le Parlement. Le chancelier fit dire secrètement au premier
président de ne pas soulever cette question et même de se des-
saisir de l'affaire qui lui était présentée dans les termes ci-dessus
266 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
exposés. Le Parlement voulut bien en cette circonstance ne pas
pousser au conflit; car il se sentait en faute, puisque sans entendre
les représentants officiels de la Communauté il avait porté atteinte
à un de ses privilèges les plus essentiels, privilèges concédés par
les rois. Mais cette compagnie fit ses réserves et prétendit qu'elle
pouvait et devait connaître de toutes les affaires civiles qu'on
portait devant elle et que nul ne pouvait s'y opposer en alléguant
l'existence d'une autre juridiction. Elle accepta dorénavant les af-
faires de Juif à Juif, même lorsqu'il y avait jugement rendu par les
rabbins et les élus. Dans ce dernier cas elle ne jugeait pas comme
appel de leur sentence : elle regardait la juridiction rabbinique
comme dépendant de la volonté des parties qui ne pouvaient être
contraintes à la reconnaître. L'affaire de Jacob Schwabe ne fut
pas poussée plus loin.
A la suite de cet épisode, un paragraphe spécial concernant la
juridiction rabbinique fut inséré dans les premières lettres pa-
tentes qui furent délivrées aux Juifs sous le règne de Louis XV
(duc d'Orléans régent) en 1715 et en 1718. Il y est dit, en effet,
que : « pour les contestations de Juif à Juif on leur laissait la li-
» berté de se pourvoir devant leur rabbin comme aussi aux chefs
» de la Communauté la connoissance de leur police, religion, cou-
tumes et impositions. » Cet article ne satisfit ni les Juifs, ni le
Parlement de Metz : il diminuait le pouvoir des chefs de la Com-
munauté, dont la juridiction ne pouvait plus s'imposer pour les
affaires commerciales ou civiles ; il n'indiquait pas assez clairement
le droit du Parlement de connaître des affaires de Juif à Juif.
Aussi toujours jaloux d'étendre ses prérogatives, le Parlement
n'enregistra les lettres-patentes du 9 juillet 1718, que : « avec la
» réserve explicite qu'il seroit usé comme par le passé en ce qui
» concerne la juridiction du rabbin et des élus. »
Cette prétention du Parlement lui créa de grands embarras dans
les questions où le statut personnel et le droit coutumier des Juifs
étaient en cause. 11 dut en maintes circonstances demander l'avis
du rabbin et finalement aboutir, comme nous le verrons plus loin, à
exiger de la communauté la rédaction, en un recueil, des lois, cou-
tumes et règlements usités parmi les Juifs.
Cepondant le rabbin Abraham Broda, fatigué des luttes qu'il
avait à soutenir et des ennuis que de pareilles affaires lui causaient,
n'aspirait qu'à quitter la ville de Metz. Au moment où son troi-
sième engagement arrivait à son terme, on lui offrit la place de
grand rabbin à Pranci'ort et il se hâta de l'accepter : la Commu-
nauté de Metz ne pouvait lui en vouloir de la préférence qu'il ac-
cordait à la grande communauté de Francfort. La date de son
LE RABBINAT DE METZ DE 1567 A 1871 267
départ (l'712 ou l'VlS) est fixée par la note de M. Morhange dont
nous avons parlé plus haut, et par une mention qui se trouve dans
le Cémah David à la suite de la table chronologique, qui s'arrête à
Tan 452. Dans ce dernier passage il est dit que Broda quitta Metz
en l'712 et mourut à Francfort, le 1" Nissan 477 = 1717 K
Azoulaï dans son Schem Haguedolim consacre à R. Abraham
Broda un long article et fait de lui le plus pompeux éloge. Les ou-
vrages que l'on a imprimés sous son nom l'ont été par les membres
de sa famille ou par ses meilleurs disciples. Ainsi, pour n'en
citer que les plus importants, le ûn^nN bu:^ a été publié par son
fils Moïse, et celui de dnnn« mibin par son gendre Joseph-Moïse
Breslau et son petit-fils Abraham de Mulhausen. Enfin, on trouve
de lui un grand nombre de discussions rabbiniques dans les livres
û"«?25n ns'^DN, recueil publié par un de ses disciples, Israël Issert
Lesvi, û-^^iDn '^•nn'7, inis nnitt, û-^sin^i "^UJinn de Sabbathaï ben Moïse
Cohen et dans quantité d'autres ouvrages de ses disciples.
Après le départ de R. Abraham Broda, sa place resta vacante
pendant quatre ans et l'intérim en fut rempli par les deux
assesseurs R. Aaron Worms et R. Benjamin Wolf Smigrod.
Le premier R. Aaron Worms (qu'il ne faut pas confondre avec
son homonyme, auteur du ttîi^ '^'niN^, qui vécut un siècle plus tard
et qui fut également grand rabbin à Metz, d'abord intérimaire, puis
titulaire), était fils de R. Joseph-Israël Worms qui fut successive-
ment assesseur l-i"^^ à Metz et rabbin à Trêves et à Bingen, où il
mourut en septembre 1684, avec une grande réputation de sain-
teté, comme nous l'indique la mention suivante que nous avons
relevé, dans le memorduch de Metz :
Dïi^nN '^1^'n12'D n-^onn ^iiTt p b^^'-iuî'^ ^dv i^i^Tii^'d bil^^îrt n;iïi
n"aai !i"na:j>ai ïimnn n'^^o'^SD ï^N-r^im inniriNa inn3>b litp ûr ^onn^ti
Ti'Di Tn-^bi n^ûb i;3'^n p"pm ^•^'nu p"p3 nisn'^n b:^n '{b^'t NUiiUîS i'n'N
bN'nuî'>n ïip^iin t:su:?3 m^rbi ti^n nx r\yi ^Tjbb û-^n^ïi nN nsm
Aaron Worms, qui était né à Metz, occupa successivement dif-
férents sièges rabbiniques, notamment ceux de Neuf-Brisach et de
Mannheim. M. Carmoly ^ se trompe, lorsqu'il affirme que Aaron
* Dans la préface du catalogue des mss. de Hambourg de M. Steinschneider, il est
dit, par erreur, que Broda mourut en 1723,
* Israelitische Annalen, de Jost, II, p. 96.
268 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
"Worms, nommé grand-rabbin de la Haute-Alsace par lettres-
patentes du 21 mai 1681, n'occupa jamais ces fonctions. Nous
avons trouvé de lui une lettre d'approbation (nw^orî) pour le
livre n:Dn2 ^ip?D * de R. Haïm Bacliarach, datée de Neuf-Brisach
en Alsace du jeudi 11 Heschwan 442= novembre 1681. La date
de cette lettre nous prouve qu'après sa nomination officielle, il
avait séjourné quelque temps à Neuf-Brisach où il exerça les
fonctions de grand rabbin de la Haute-Alsace, dont la nomination
avait été confirmée par la Cour de France. Une autre lettre d'ap-
probation de R. Aaron Worms nous apprend qu'il occupa le siège
rabbinique de Mannheim après celui de Neuf-Brisach, et que, de
Mannheim, il était retourné à Metz, son pays natal. Cette lettre,
datée du 22 Adar II 5453 (= com. avril 1693), est imprimée en tête
du livre bNiTsM) ûuî ^. Elle porte comme épigraphe les mots sui-
vants : p'p^ i'3'is in">nu5 inn&< •n'n'rr» pnniTaïi bTiiîi n-in t-itjscîi
Le second rabbin assesseur, qui, avec R. Aaron Worms, fit
l'intérim du rabbinat de Metz, était R. Benjamin Zeeb (Wolf)
Zemigrod, qui fut rabbin dans différentes villes de la Pologne,
puis à Dessau, d'où il passa à Metz, pour y être un des profes-
seurs de la Yeschiba et, ensuite, un des assesseurs du grand rabbin
de cette ville. Il est auteur d'un ouvrage intitulé )'^j2^':n -i""^, en deux
parties : la première, imprimée à Francfort-sur-l'Oder en 1698,
renferme des notes et explications sur la partie aggadique de
quelques traités du Talmud de Babylone ; la seconde, imprimée à
Furth en l'722, renferme un commentaire sur les Aggadot qui se
trouvent dans quelques traités du Talmud de Jérusalem.
Ce que M. Carmoly raconte ^ des relations peu aimables et même
tendues entre ces deux rabbins assesseurs de Metz nous paraît
inexact. La lettre d'adhésion que R. Aaron Worms donna pour
la deuxième partie de l'ouvrage de son collègue, lettre datée du
12 lyyar 482 (= mai 1722) nous montre, au contraire, les deux
rabbins très liés ensemble : Worms y parle de R. Benjamin, comme
vivant toujours dans les relations les plus amicales avec lui. La
préface du livre, également datée de Metz 1722, nous prouve
que R. Benjamin Wolf Zemigrod n'avait jamais songé à quitter
Metz. A cette date les deux assesseurs étaient arrivés à un âge
très avancé : le grand-rabbin Jacob Reicher, dans sa lettre d'ap-
probation pour ce même ouvrage, dit que l'auteur est arrivé à
• Voy. n-^H-» nin n'V\I5, p. 235* et 236 a.
* Imprimé à Franclort-sur-Odcr, en l^^D (=1699), in— 4".
' hraelitiscke Annalen, de Jost, /. c.
I
LE RABBINAT DE METZ DE 1o67 A 1871 269
rage de tin^^, ce qui paraît prouver que R. Benjamin Zemigrod
avait dépassé Tâge de soixante et dix ans.
R. Aaron Worms mourut deux mois après cet acte de bonne
confraternité. Le livre de la confrérie religieuse nous fournit
sur son décès la mention suivante à la date du 11 Ab 5482
(= juillet 1722) : b-i'i^^rj ]^^^1l ipTn nn-^as by iiyn^i br ^y bo
nnpsi dmt] t^"-" nniD "^Niti?: b-«b^ innin^an rtNit-" in)3UJ3 ^\aN tt"-n n'n'N
N3n-n N3-i^ b^^b nsitti — n's'n ons?: n"-> 'n uv nnnriTob biii isona
b'it'T b^n^"^ ciOT» n"mn?3 p innriN priit-" iniii?: n"rî — -^tsscn bNsns
R. Benjamin, plus âgé que son collègue, ne mourut que
quelques années après ; et si nous n'avons pas trouvé son décès
inscrit dans le livre de la confrérie, la mention de celui de sa
femme (en 1724) nous le fait supposer ; le registre ne fait pas
suivre le nom du mari, R. Benjamin, de l'abréviation b"T : ïii-^pTirr
mri nu5N irtniji N-^m ûînnnî^ T-nrtTo "^a^-irj domsTan nn b'^^»')2 rr^^n-nï!
n'-i'3^ 'a ûT^ nncasa "^smît \wi^^ i^^-isa i-^^^ nnn?: cib^n l'-i'n^ Do^is^rr
.psîb n'n's niN
Il résulte de ce que nous venons de dire que, contrairement à
ce qu'avance M. Garmoly, R. Benjamin ne quitta pas Metz en
1718 à la suite d'une rixe survenue dans le temple et dont nous
parlerons plus loin.
IX
Pendant la vacance du rabbinat, une terrible catastrophe sur-
vint dans le temple, dont le registre de la confrérie donne la rela-
tion suivante :
p"ï5 dra nn^iD lanrts^D ma-nn d-^ujî siuî^ b:^ isuîss Ma^T iib« b:'
ns-iaïi dT»oa sibsnîi n:s>«a npiaa p'eb n'3>'n mjiaia bu: \^ir\» t:""^i
mbip ■'b-ipa tD-'^as niT^a n^n^tt) ï-ibnai ï^?3^ï^)2 nd)2 m-ni<73rT niti-'
dip73 drrb v«^ dpmn aTn^i nn^d dbnd d-^nma"! id3 ma^n bj' U3:>ni
u:?73di db-ïitnb 'nuîBN "^nba n^rf! ma^in^rr b:' 1T •'aa b:^ "it mbsi3 Di3b
ibNi m:DNi23 d-i^i niû^ -"an b'»i5 nn^ pN b:^ in!QU33 inns nT3>rt «au)
b-^iisT n^N nb3"''«-ia rr^su^n uï72nfc<n b">i"iDT nusN ïib-'a nsi^CN-in imwu)
n'^3>««anrt ■'ib p'^biï5a3>:\ rr^aa nîTabti «b-ip n^^a-^b'iîïi y'd d-i-^n na NiD^-n
Tii^^ ^a t^bNi-i nïJN rr^uî-^^anï! «luaNn b-inat na o^rt ■'bp^^T nsTab»
nt^-iuîn d-'iiaa tin» îidTi n^ai^Ta nn-'ïi n-tti •'ib n^a ra nbsïi !i?3tt3i
'N ûr nn^tittb nnapii - d-^a^ua ïian d"5 i^a osa îiuî52 nttN nbi33>3a
Va Cï^îaKD-'bND) ^lab ^itto mnaprt n-'a litTa npiart •mwa an n-io»
270 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
1T b^N M *inr» înN3 nriN-î nn» bs bn5< in« nspn nnbm:^ rinsb^N '»3U)
ïia-iD "rt nK» nn-^Oïi snrr^ïi ■'S )y•^^ :3^Mi^^ i^inbi nnnu -«Dn» b^ nn»
.172K nstsb m»n s^ba*»
Notre cœur est attristé au sujet de ces malheureuses six femmes
qui sont mortes dans un même moment, le samedi, deuxième jour
de Schabouot 475 (= mai 1715), pendant la prière du matin. Alors
qu'on finissait Yocer hammeorot, une panique se produisit dans la
tribune des femmes, où on avait cru entendre des voix extraor-
dinaires et un bruit formidable sur la toiture. Les femmes se mi-
rent à fuir toutes à la fois ; elles se précipitèrent avec une telle
violence dans le passage fort étroit de la sortie qu'elles tombèrent
les unes sur les autres dans l'escalier sans qu'il fût possible de leur
apporter du secours. Mais quand le calme fut rétabli, on constata
que les âmes de six malheureuses s'étaient envolées en même temps.
Voici leurs noms : 1° Bêla, femme de Zanvel Worms ; 2« Brainla,
femme de Zanvel Vantoux et fille de Haïm Cohen ; 3° Kaïla, veuve,
au service de Gœtschlik Lé\j ; 4° la veuve de Sekele Haas, fille de
Zanvel Vantoux ; ^^ la femme de Wolf, fils de Mayer, dont le nom
était Hannela, fille de Béer Lévy, elle était enceinte et fort jeune;
6^ Guenendela, femme de Moïse Bass Cohen, qui était également
fort jeune. Elles furent enterrées le lendemain, dimanche (Isserou
hag) au lever de l'aurore, sur le côté du cimetière près de la clôture
« palissades », entre deux grands arbres. Elles furent mises en-
semble dans une même fosse, mais dans des cercueils distincts pla-
cés l'un à côté de l'autre, après qu'on eut accompli toutes les céré-
monies de l'ablution et de l'ensevelissement.
Tsarphati * (iî: = Terquem] et Carmoly * ont tous deux donné
à ce douloureux événement une date erronée. Le récit qu'en a
fait M. BrùU, dans ses Jahrbûcher fur jûdische Geschichte iind
Litteratur 3, est, au contraire, d'une scrupuleuse exactitude. Ce
dernier récit est fait d'après une courte brochure in-8*> im-
primée à Berlin en 1722 sous le titre de i^^a-^sa npbn. Salomon
Lipschitz, qui devint officiant à Metz Tannée suivante, en 1716,
dit que cette catastrophe doit ôtre attribuée à la faute commise
par l'officiant de service, qui, par la multiplicité et la lenteur
de ses chants , allait faire retarder la récitation de Schéma
* Israelit. Annalen, I, p. ^B et suiv,, et Archives israélites, I, p. 27.
■ Israelit. Annalen, II, p. 96.
' T. II (1876, p. 161-165). M. Ncubauer, dans la BevM des Etudes juives (t. V,
p. 148) parle égalcmont de cet événement.
LE RABBINAT DE METZ DE 15Ô7 A 1871 271
au-delà de l'heure prescrite K C'est l'explication d'un officiant.
Quoi qu'en disent certains auteurs, ce malheur ne fut pour rien
dans le résultat que donna la nomination du grand rabbin. Si
R. Aaron Worms et R. Benjamin Wolf Zmigrod ne furent point
nommés, il faut en chercher ailleurs la cause : leur véritable tort
était d'habiter la ville depuis longtemps, d'y avoir des amitiés et
des alliances. Nous l'avons dit précédemment : être totalement
étranger à la ville constituait la première condition pour pouvoir
aspirer à la place de grand rabbin à Metz, et cette condition était
observée depuis plus d'un siècle. Le nouvel élu fut le rabbin
Jacob Backofen, ou Back par abréviation, plus connu sous le nom
de Jacob Reiche ou Reicher. Ces deux noms lui venaient, celui-ci
du lieu de sa naissance, celui-là du premier poste qu'il occupa et
où il se fit connaître par la publication de quelques ouvrages fort
estimés. Avant d'arriver à Metz, il fut successivement asses-
seur à Prague, rabbin à Reicher, à Anspach et à Worms. Il arriva
à Metz en 1716.
Les sourdes menées de quelques amis des candidats malheu-
reux aboutirent, en 1718, à une discussion scandaleuse qui
eut lieu dans la synagogue, dont la cause et l'objet nous sont
tout à fait inconnus, mais qui était un acte de rébellion contre
l'autorité du grand rabbin. Des paroles on en vint aux invectives
et môme aux voies de fait. Le plus acharné des combattants se
nommait Simon Trénel, et les relations amicales qui existaient
entre lui et le rabbin Benjamin Zmigrod ont fait supposer que
l'échec de ce rabbin fut une des causes de cette lutte. Simon Tré-
nel fut cité devant le Conseil de la Communauté, mais il refusa de
comparaître, et, après qu'on eut épuisé tous les moyens de conci-
liation, il fut condamné à une amende de cinq cents livres pour
refus de comparution et à cinq cents livres pour chaque jour de
retard. Cette amende forma bientôt une somme considérable et
bien supérieure à la fortune de S. Trénel; on allait saisir ses biens,
l'excommunier et peut-être le faire expulser de la ville et de
tout le pays messin, lorsque sa femme se rendit en toute hâte à
Paris, se jeta aux pieds du régent et implora sa protection. Son
Altesse fit recommander à cette femme d'engager son mari à
comparaître devant le Conseil de la Communauté, et, d'un autre
côté, il fit écrire à l'intendant de Metz pour qu'il empêchât l'a-
mende de dépasser la somme de quatre mille livres. Le Conseil
limita l'amende à quinze cents livres et, pour punition des voies
de fait et du scandale commis dans la synagogue, S. Trénel fut
» Teo^dat ^elomo, Offenbach, 1718, p. 14, paragr. 21 et 22.
272 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
condamné à rester une année entière à l'entrée de la synagogue
pendant la durée des prières. Gomme il n'avait pas grande fortune,
l'administration de la Communauté ne fit même exécuter que la
seconde partie de la sentence.
A part cet incident qui causa un grand chagrin à Jacob Reicher,
le grand rabbin vécut fort tranquillement à Metz. Les deux asses-
seurs ne lui causèrent aucun ennui et se gardèrent de lui susciter
des difficultés. Ils étaient d'ailleurs fort âgés et, par suite, fort
calmes. Le grand rabbin, de son côté, avait besoin de repos et de
tranquillité ; car un an avant son arrivée à Metz, il avait été dou-
loureusement éprouvé par la mort de son fils Simon Reicher, sur
lequel il avait fondé de grandes espérances. Il avait une telle con-
fiance en ce fils qu'il avait fait imprimer les gloses de ce dernier
à côté du texte même d'un de ses propres ouvrages *. Simon Rei-
cher avait été rabbin à Raudnitz dans le Palatinat et ensuite pré-
dicateur à Prague où il mourut 2, laissant un fils, Néhémie, qui fut
élevé chez son grand-père et qui devint plus tard assesseur à Metz
et grand rabbin de toute la Lorraine ^.
Jacob Reicher laissa des travaux très nombreux et estimés sur
la casuistique juive ; quelques-uns d'entre eux eurent plusieurs
éditions. Nous signalons particulièrement son :ipy^ nn373, imprimé
pour la première fois en 1689, à Prague ; le npy^ pn, imprimé
pour la première fois à Dessau en 1696, in-4°. Cet ouvrage fut
même imprimé à côté du Schulhan Aruch*.
Jacob Reicher mourut à Metz, le samedi après Minha, 9 Sche-
bat 493 = février 1733, comme nous l'indique la mention suivante
» inmiib nbio sur ap3>'> pn et ap:^"» nn5)3.
> Voir l'inscription tumulaire dans Oal Ed., n° 98, page 50 du texte hébreu et
52 du texte allemand.
^ Le roi Stanislas, en arrivant à Lunéville le 3 avril 1737, fut harangué par un
rabbin venu de Metz, délégué par le grand rabbin et par les syndics de la commu-
nauté (Voyez Aug. Digot, Eist. de Lorraine^ VI, p. 193). Tout nous porte à croire
que ce fut le rabbin Néhémie Reicher qui fit cetle harangue et qui eut l'heureuse
idée de rappeler au duc de Lorraine que, en Pologne, il s'était déclaré le protecteur
des Israélites. Il acquit les bonnes grâces du duc et réussit plus tard à faire approuver
par lui sa nomination comme grand rabbin de toute la Lorraine, qui avait été faite dans
une réunion générale des Juifs Lorrains tenue à Créhange. Cétait la première fois
qu'une pareille autorisation avait été accordée en Lorraine, mais les adversaires des
Juifs, à Nancy, atténuèrent les faveurs de Stanislas en faisant stipuler, dans les
Lettres-Patentes conûrmatives de la nomination de Nachemiez Raicher, du 29 juillet
1737, que le rabbin continuerait à résider à Metz (voy. Durival l'aîné, Description
de la Lorraine et du Barrais, Nancy, 1778, I, p. l60). Cette restriction ne fut appli-
quée qu'à Néhémie Reicher ; lorsqu'il mourut, son successeur fut autorisé à résider
à Nancy.
* Voy. l'édit. in-fol. de Dyhrenfurt, 1743; id., 1811; Prague, 1783, 1840,
Vienne, 1796, etc. Voir pour les autres ouvrages de R. Jacob Reicher les Diction-
naires bibliographiques.
LK RABblNAT i)K METZ DE liJOT A 1871 27^
extraite du registre de la Confrérie : iiNr^r: nr^t^^ nnar nbsa
in-in^b nnp5T nn^t] nn^b p"o ûm -i-je3 ijn-idtd ûrjnnx nps»-^ n"nm73
5it"n an^ ":û "n dT^n. Il avait exercé ses fonctions religieuses
pendant dix-sept ans (IT 16-1733). Grâce à ses nobles et belles
qualités, il était parvenu à se faire aimer et estimer de tous. Son
nom est resté populaire à Metz et il représentait le type et le
modèle du parfait rabbin. Pendant longtemps sa famille a été
entourée d'une grande considération, et lorsque, dix ans plus
tard, sa veuve Yitel fut assassinée, sa mort fut un deuil public et la
Communauté n'épargna rien pour arriver à la découverte de l'as-
sassin.
X
Lorsqu'on dut pourvoir à la nomination'du successeur de R. Ja-
cob Reicher, la Communauté de Metz se trouva dans un grand
embarras. Deux candidats étaient en présence, tous deux d'une
haute valeur scientifique, tous deux appuyés de nombreux et
dévoués partisans : R. Jacob Josua Falk, de Cracovie, et R. Jona-
than Eibeschûtz Dans la famille même du défunt rabbin, ces
deux candidats avaient trouvé chacun un patronnage puissant.
Néhémie Reicher, le petit-fils de Jacob Reicher, était tout acquis à
R. Jonathan Eibeschiitz, dont il avait été le disciple ; la veuve
Yitel, au contraire, faisait la plus vive opposition à Eibeschiitz et
le traitait de mécréant. Elle témoignait une profonde indignation
à la seule idée de voir son pieux et excellent mari remplacé par
un homme qu'il avait déclaré indigne du rabbinat.
Le jour de l'élection, la veuve de Jacob Reicher se présenta dans
la salle du Conseil et adressa aux électeurs réunis un réquisitoire
âpre contre Eibeschiitz et les supplia de ne pas faire asseoir sur
le siège rabbinique de son mari, celui qu'il avait toujours re-
gardé comme le pire ennemi de la religion juive. Josua Falk fut
nommé.
Il était né en Pologne en 1680, et il est probablement originaire
de Cracovie, puisqu'il porte le nom de cette ville. Il avait été rab-
bin à Lemberg et à Berlin avant d'arriver à Metz. En 1703, le
3 Kislew (décembre ?), étant à Lemberg, des tonneaux de poudre
firent sauter une partie du quartier juif; un grand nombre de
maisons s'effondrèrent et ensevelirent sous leurs décombres une
grande partie de la population juive. Trente-six personnes envi-
T. VIII, N» 16. 18
274 REVUE DES ETUDES JUIVES
ron y périrent parmi lesquelles, une fille, la femme et la belle-
mère de Jacob Falk, ainsi que le père de cette dernière. Lui-même
se trouva sous les décombres et n'échappa que par miracle à la
mort qui le menaçait. Il fit alors le vœu de s'adonner entièrement
à l'étude et de prendre pour modèle son aïeul maternel R. Josua,
ancien grand-rabbin de Cracovie, auteur du nrbu; "^r;^. Il est
l'auteur d'un ouvrage de casuistique des plus estimés, le -«rD
3';z5iin"'. La deuxième partie de cet ouvrage fut imprimée avant la
première pendant que Falk occupait le poste rabbinique de Metz *.
C'est dans la préface de cette deuxième partie que nous avons
puisé les renseignements sur les malheurs survenus à Lemberg et
dans sa famille. La première partie ne fut imprimée que treize
ans plus tard 2, et les deux autres ne virent le jour que longtemps
après la mort de l'auteur. Lorsqu'au printemps nSQ la veuve de
Jacob Reicher mourut assassinée, Falk craignit, non sans raison,
peut être, que les partisans de R. Jonathan Eibeschiitz, son con-
current malheureux, ne lui créassent des diificultés. Il redouta
les embarras et les difficultés qu'il sentait tout près de surgir et
il s'empressa d'accepter le rabbinat de Francfort qui lui était
offert.
Azoulaï dit dans son û^bTi:*?! d^, que Falk se rendit à Francfort
en 501 (= 1740-41) et ajoute qu'il eut le bonheur de voir dans cette
ville le célèbre rabbin et que celui-ci lui fit cadeau de la partie du
Pené Yeschoua sur Moëd. Il nous dit enfin que Falk mourut en
516 (= 1756) sans pouvoir accomplir le vœu qu'il avait fait de se
rendre dans la Terre-Sainte et qu'il a exprimé dans le titre même
de la première partie de son ouvrage imprimé en 1752.
11 fut aussi un des plus ardents adversaires de Jonathan Eibes-
chiitz lorsque commença contre lui la lutte célèbre entreprise par
Jacob Emden et qui dura plus de six ans.
Ab. Gahen.
(.4 suivre.)
* Amslerdam, 1739, in-fol.
'^ Frauclort-sur-Mein, 1752, in-fol.
NOTES ET MÉLANGES
LA MONTAGNE DE FER
L'historien Josèphe parle dans le Bellum Judaîcum, IV, 8, 2,
d'une montagne surnommée Montagne de fer (aiSripoùv xaXoûjxevov
ôpoç). Elle est située dans la région stérile et inculte qui s'étend
à l'est de la mer Morte jusqu'au pays de Moab. Reland (Pa-
lœslina, p. 343) nomme seulement le mons ferreiis, en citant le
passage de Josèphe. Seetzen, Buckingham et Burckhardt (Ritter,
Erdhunde, XV, p. 567, 1120 et 1204) l'identifient avec une mon-
tagne d'une couleur foncée, presque noire, que <îes trois voya-
geurs ont aperçue dans cette contrée. Les recherches de Robinson
[Bibl. Researches, 1, p. 512) et d'autres voyageurs ont démontré
que les régions de la mer Morte ne renferment pas de fer, et que
la montagne ne peut avoir emprunté son nom qu'à l'illusion que
produit son aspect extérieur.
Le nom que lui donne Josèphe est bien celui que les Juifs lui
appliquaient. Dans la Mischnâh, Traité de Siiccâh (111, § 1) on
parle des palmiers rabougris du « Mont de fer » (bînsin nn "•S'^it)
que les docteurs considèrent comme propres à l'usage rituel pen-
dant la fête des Tabernacles ^ On retrouve le même nom dans le
Targoum du Pseudo-Jonathan sur Nombres, xxxiv, 3-4. Le pas-
sage mérite d'être mis dans son entier sous les ypux du. lecteur. Il
est ainsi conçu : ï<bnDi n^tû "«ritT ^nn^^j v^ î^'ûim ûinn yoh -^irr^T
Sl-^p"»-! : Nn3"'^)3 i^nb>3i ktd"» '^d^'^d v^ '^^a'im ûnnn "^"irr^i ûi^ïî ^^inn br
^ Ce paragraphe est cité dans Eroubin, 19 a, fort mal à propos. On serait tenté
d'y passer imir^édiatement au deuxième ^^ïl 1T1 ; mais M. Rabbinovicz ne donne
aucune variante, et, d'autre part, aucune glose ne fait observer ce qu'il y a de bizarre
dans cette citation.
276 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
nn-^y^-ï p^-^-nN r-i'in''::b piD"^". t^-^^:; top-ib t^t:i-i"i v^ ""i^ps^a i-in-ii
'1^1 otb^ib ûD'^pTî t*^?3inn ciip-^T :t3D"^pb. « Votre frontière sud par-
tira du désert des palmiers maigres de la Montagne de fer *, le
long des frontières de l'Idumée, et la frontière sud partira (donc)
des extrémités de la mer Salée à l'est, et la frontière fera un tour
au sud de la montée d'Akrabîm, passera aux palmiers de la Mon-
tagne de fer et aboutira au sud de Rekem Ga 'ya - pour sortir au
château des Adorées et passer à Kêsam. La frontière tournera
de Kêsam vers le Nil . . . >) La description des frontières continue
ainsi vers Touest, remonte ensuite au nord, et se termine à l'est
(ibid., verset 11) « au désert des palmiers de la Montagne de fer a.
Dans la seconde recension du Targoum, le désert des ma •^S'^s:
NbnD est remplacé la première fois par « le désert de Rekem »
(dpn N"in^^), mais dans le passage suivant la Montagne de fer se
rencontre également dans J IL Le désert de Rekem répond ce-
pendant plutôt à midbar Kâdêsch. Dans le même verset, il faut
certainement changer ""i^m^aiï^n lin^^ûinn en '•N73T7N1 '(irT'^inn.
Lesdeux recensions de ce Targoum sur les versets 3 et suivants
mériteraient d'être bien examinées sous le rapport de la géogra-
phie de la Palestine. J'ai déjà fait observer ailleurs, qu'on y ren-
contre peut-être un souvenir de la famille de Sœmus, roi d'Emèse
et tétrarque du Liban (Josèphe, Antiq Juives, xx, 8, 4) dans les
mots NTa^T na'i (lis. -^iD-isb) "n^irsb pour n73n Ninb.
J. Derenbourg.
* Ep;alement Nomb., XXXIII, 36. En dehors de l'iliDéraire et de la limitation des
frontières, on lit seulement « désert de Sin ('j'^it'T) ».
' L'orthographe varie ; on trouve iX^y^, N3>'^ri et N^m:^. La dernière leçon est celle
du syriaque (jS'^iNSI Dp'n). Le mot doit rendre le 3^3"12 du texte hébreu, nom propre
qu'on peut comparer avec y^'2. et yitJ"ia parmi les rois de la Pentapole, mais qui
n'en reste pas moins obscur. On pourrait être tenté de traduire « le Rekem de la
Vallée », par opposition avec le « Kekem du Rocher » = N"irirn Dp"! (cf. Neubauer,
Géographie, p. 20 et 21). Plus tard, on nomma la première de ces deux villes Dp*i
et la seconde 15n, bien qu'Eusèbe, Onomasticou, identifie partout Rekem avec
Petra. La Mischnâh [Gittin, chap. i, § 1) parle d'un acte de divorce appoilé de
Rekem ou de Ilagar ("l>nM \12^ Ûp^ïl \>2)- Les deux localités soot aussi nommées
par Onkelos sur Genèse, xvi, 14.
NOTES ET MELAiNGES 277
NOTE SUR LES MOTS \':)^jiam ^•!)K^^p
Dans le traité de Sanhédrin 74 &, Raba dit que les Israélites,
s'ils y sont contraints par la force, peuvent prêter leur concours à
l'accomplissement d'actes défendus par la religion juive, à con-
dition que l'intention de leurs oppresseurs soit, non de les dé-
tourner de la foi de leurs pères, mais uniquement d'utiliser leurs
services*, « car, ajoute ce docteur, s'il était défendu aux Israélites
de prêter ce concours... inb is-^mïT^ '^'D'^n •^p'^DiTD'^'n ^pî^i^p "^sr? >^
Avant de chercher à expliquer ces termes obscurs, nous ferons
remarquer que le ms. du Talmud de Munich porte après irtb le mot
N"n5. Ce mot ne se trouve ni dans nos éditions, ni dans les autres
manuscrits que M. Rabbinowicz a examinés ; mais le simple bon
sens indique qu'il devait s'y trouver à l'origine, car il est plus
naturel que des copistes fassent des omissions que des additions.
Du reste, le mot Niiib se trouve dans un ms. d'Alfasi, et Luria l'a
vu également dans quelques éditions du Talmud -.
Pour l'expression "^p^mp, nous trouvons dans le ms. de Garls-
ruhe la variante ""pn-ip. Le mot '^p-'iii^n est écrit ^p'2')i2^ dans le ms.
de Munich, et ■^p'^si^D'i dans le ms. de Carlsruhe. La première édi-
tion (d'avant 1480) de VAruhh porte "^pr^nn, du moins, M. Rabbi-
nowicz dit que le mot doit être lu de cette façon. Les éditions
postérieures de VArukh donnent ■^psi^a'^n.
Tous les commentateurs exi)liquent ce passage de Sanhédrin
en disant que les Israélites de la Perse étaient contramts de four-
nir aux autres croyants de ce pays des réchauds pour chauffer
leurs temples. Cette explication est certainement contraire à la
version du ms. de Munich ; mais de ce que le mot N-n3 a été omis
plus tard ou a été changé en N-nDb, il faut conclure que les co-
pistes avaient compris ce passage comme les commentateurs.
On a voulu trouver dans les mots '^p-'3i73'^'n '^'pi^^'^'p des termes
gréco-latins \ Cette étymologie paraît fausse, car il est difficile
d'admettre que les Juifs de la Babylonie se soient servis de mots
étrangers aussi obscurs que ceux que suppose Sachs. Du reste,
tous les commentateurs, en expliquant ce passage, ont pensé
aux Guèbres qui employaient le feu pour l'accomplissement de
' "^^n;:) i^2£r nN5!-?.
* Dans son ouvrage n?ûb"»2î r"2!Dn.
' Sachs, Beitràffc, I, p. 99.
278 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
leurs rites. Le Aruhh, s. v. "^p^]), reproduit un passage de Git-
tin 17 a, où il est dit que les Guèbres prenaient aux Juifs leurs
lumières, c'est-à-dire éteignaient les lumières dans les maisons
juives à certains jours de l'année pendant lesquels leur religion
défendait d'avoir du feu chez eux. Nous savons, d'autre part, que
les Guèbres considéraient comme impur tout feu allumé par
d'autres qu'eux et, par conséquent, ne pouvaient pas s'en servir
pour leur culte.
L'explication de V Aruhh se trouve presque en entier dans les
Schéeltot de Rab Ahaï, à la fin du chapitre xlii. Si cette explica-
tion est réellement de Rab Ahaï, nous devons l'admettre, quelque
difficulté qu'elle soulève, car l'auteur des Scheéltot a connu les
Guèbres ou par lui-même ou par des informations sûres. Mais il
suffit d'examiner rapidement la langue dans laquelle ce passage
des Schéeltot est écrit et l'endroit où il se trouve pour se con-
vaincre qu'il n'est pas de Rab Ahaï, mais d'un éditeur ou d'un
copiste glossateur. Voici les raisons qui me le font supposer :
1° Ce passage se trouve après la formule par laquelle Rab Ahaï
a l'habitude de clore chaque chapitre, et il n'est rattaché à ce
qui précède que par le mot uît^-^û, fait qui ne se présente plus dans
tout l'ouvrage ;
2° Tout le passage est écrit en langue hébi^aïque, tandis que
le reste du livre est rédigé en chaldéen ;
3° La façon dont il y est parlé des Guèbres indique, non un
contemporain de cette secte religieuse, mais un historien posté-
rieur, et, de fait, ce passage parle de l'empire des Perses comme
de quelque chose qui est déjà disparu. Ainsi il y est dit : m::bttnn
TU 5<bi t'y Nin^ pb^ m^rt n^nb )r\Mi 'i"'5^bn73i ïD-^bmrt pn )^^\^n'^
'51 'û^ N-^^n^^rii i5'«'-i73N Npi -^5 rtb-^bn p^b^t: D-^bn^ Nb^ \:;n Nb û-^nTir.
« En Perse, les Guèbres allaient à la ronde dans toutes les mai-
sons Israélites, y éteignaient les lumières, enlevaient les charbons
et les portaient au temple du feu. Ils ne permettaient pas de
porter la nuit ni feu ni charbon, comme il est dit dans le chapitre
HaméM Get... »
On remarquera, du reste, combien cette explication est forcée.
Du moment que les Guèbres ravissaient le feu, quel acte impie
commettaient donc les Israélites pour que le Talmud leur pres-
crivît de se laisser tuer plutôt que d'accomplir cet acte bNT niar-»
:^^n^ ? Et comment le Talmud peut-il parler de la défense, pour
les Israélites, de donner du feu, nnb *(r:3r^^ dans le cas en ques-
tion où les Guèbres le volaient ?
4° Enfin, une dernière preuve que cette explication ne peut
NOTES ET MÉLANGES 279
pas être attribuée à Rab Ahaï nous est fournie par les mots î^pn ^^
r:^ N"'3'?3na imWN, '< comme nous lisons dans le chapitre qui
commence par les mots i::^ n-'dtsm ». Car les Scheéliot ne renvoient
jamais au chapitre du Talmud qu'ils citent, mais seulement au
traité.
Maintenant que nous avons prouvé que l'autorité de Rab Ahaï
ne peut pas être invoquée à l'appui de l'explication que les com-
mentateurs donnent du passage de sanhf'drîn^ nous pouvons
essayer de trouver le sens des mots '>p^3i73"'"n ■'pN-np.
Le mot ■'p'^3'^X3'i'7 ou "^p^siTo-^n ressemble tort au mot Dominica ; or,
dies dominica signifie dimanche et œdes dominica signifie église.
La variante de '^'j>"r\'^ montre que le mot "^pNTip ou ''':iT\'p de notre
texte doit être changé en ""pNmp. Nous supposons que c'est le
mot '^pN'^'np ou '^p'^'iip, KupidxY), qui est l'équivalent grec du mot
doyninica et, comme lui, signifie \e ioxxv (}i\x dima^iche, ou bien
Vœdes dominica. Yéglise (v. Sophocles, Greek lex. ofihe Roman
and Bizantine periods.s. v. Kupidxoç, Du Gange, Lat., s. v. Domi-
nica, etc.). Nous savons qu'à l'époque de Raba il existait en Perse
de nombreuses communautés chrétiennes. Ces communautés qui
attaquaient avec violence les croyances des Perses et avaient
même détruit un pyracum, turent persécutées sous les règnes de
Cosroès et de Sapor. Il est donc probable que ces chrétiens, qui
observaient le repos du dimanche aussi strictement que les Juifs
observaient celui du Sabbat, se seront adressés aux Israélites
pour leur demander le service de leur « apporter des réchauds »,
c'est-à-dire de chauffer leurs temples, le dimanche. Le passage
de Sanhédrin devra donc être lu ainsi : ■'p"«D"'^"m "^pN'in'ip ""Sï!
N'iis "lïib 13'^2!T« 'i::'«!i et signifie : « Comment aurions-nous le droit
de fournir du feu pour les éghses? » L'église est désignée par son
nom grec et latin parce qu'il y avait en Perse des prêtres d'ori-
gine latine qui l'appelaient doininica et des prêtres grecs qui
l'appelaient Kupiâxïi i . Nous pouvons même supposer que les chré-
tiens rendaient un service analogue aux Israélites en chauffant
les synagogues pendant le jour du Sabbat. En tout cas, il nous a
paru intéressant de faire ressortir ce fait qu il a existé en Perse
des Juifs chargés d'allumer du feu, le dimanche, dans des églises
ohrétiennes.
M. Jastrow.
* Voir Saint- Augustin, ^pist, 119, c. XIII, sermo 251 de Temporc.
282 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
1409, Martin II le Vieux, qui y vint en 1410. Dans la lettre de
Bonjusas, il n'est probablement pas question de ce dernier, car
il régnait sur l'Aragon aussi bien que sur la Sicile, et un rabbin
de la Sardaigne, pays qui relevait alors de l'Aragon, se serait
sans aucun doute servi de ce titre de roi d'Aragon, le principal et
le plus compréhensif. C'est, du reste, ce que fît un correspondant du
rabbin Simon Duran dans une occasion pareille (Voyez Taschhez,
III. 9). Martin I, au contraire, était uniquement roi de Sicile.
Lorsqu'il alla en Sardaigne, ce fut afin de réprimer une révolte
pour le compte de son père, le roi d'Aragon. Il est fort probable
que c'est de lui qu'il s'agit ici, et sans beaucoup s'aventurer, on
peut affirmer que la lettre est de 1408 ou 1409.
Voilà les détails que la consultation de Ribascli nous donne sur
le médecin Bonjusas Bondavin. L'époque de sa mort est inconnue.
Néanmoins, il semble résulter de la consultation de Simon Duran,
citée plus haut, qu'il ne vivait plus ou tout au moins n'habitait
plus la Sardaigne en 1425. En effet, durant cette année et la sui-
vante, la communauté d'Alghero, où il s'était établi en arrivant
dans l'île, fut troublée par la rivalité de deux juifs qui voulaient
épouser la même jeune fille. Cette querelle donna naissance à une
question de droit religieux qui fut soumise, par ordre du roi
d'Aragon, aux autorités rabbiniques les plus renommées du de-
hors. Or, si Bonjusas avait encore occupé ses fonctions de chef
religieux de la Sardaigne, nul doute que cette affaire lui eût été
dévolue avant de passer entre les mains de rabbins étrangers.
Si la date attribuée à la lettre adressée par Bonjusas à Ribasch
est exacte, elle peut servir à élucider un point obscur de la bio-
graphie de ce dernier. Il règne, en effet, unp grande incertitude sur
l'année de la mort de ce célèbre rabbin. M. Gr?etz dit qu'il mou-
rut vers 1406 '. Cette date est celle que porte un acte cité dans
la consultation n° 170. Mais un document découvert il y a peu
d'années est en contradiction avec cette conjecture. Une inscrip-
tion hébraïque composée par un rabbin Abba Mari Ibn Kaspi pour
la tombe de Ribasch et gravée actuellement sur le monument mo-
derne de celui-ci aux portes d'Alger, indique qu'il est mort en
168 de la création, c'est-à-dire en 1408 de l'ère vulgaire *. Nous en
avons trouvé une copie dans un recueil ms. d'élégies pour le 9 ab.
Mais la date fournie par cette inscription, qui a probablement été
rédigée longtemps après la mort de Ribasch, lie nous parait pas
* Graetz, Geachichte der Judcn, VIII, p. 31.
' Voir Ig toxto de celte iuscripliou daus Monatsschrift , 1882, p. 86 et 1883, n» 3,
et Revue. VI, p. 305.
NOTES Eï MELANGES 283
plus que celle de Graetz absolument incontestable. Nous avons
déjà (^tabli que la lettre de Bon) usas à Ribasch est de 1408 ou
1409. Il s'agit maintenant d en déterminer la date d'une manière
plus précise. Martin I débarqua en.Sardaigne en octobre 1408'.
D'après la lettre elle-même, il se trouvait à Cagliari pendant les
fêtes des Calendes «"n^bp m:^n nuîb^ ^7:'>n. Ces fêtes des Calendes
ou des Fous se célébraient pendant l'octave des Innocents. Les
Juifs de la ville assistèrent, en spectateurs, à des jeux de dés
iï5""nN^ 2 qui eurent lieu, à cette occasion, dans le palais du roi, et
l'un d'eux fut invité à prendre part à ce divertissement le ven-
dredi compris dans la période des fêtes ïi^uîn û:' nau5 ni:^ m^n.
Ce vendredi-là était le 28 décembre. La violation du règlement
dont il est question plus haut et au sujet de laquelle Bonjusas
écrivit à Ribasch, fut commise dans le courant de la semaine sui-
vante. La réponse de Ribasch est datée de !^n"l^?aï^ "^553 bi!Q bi< !nu5-iD
l'TiN\ autrement dit de ^^mbj'ïin nuî'iD, qui se lit ordinairement
vers le mois de juin. Il résulte de là que l'auteur de l'inscription
avec sa date npb ^d se trompe au moins d'une année et que
Ribasch vivait encore en 1409 ou plus exactement au mois de
sivan 5169 ^
Alger, février 1884.
ISAAC BlOCH.
UN MANUSCRIT HÉBREU DE LA BIBLIOTHÈQUE DE TESOUL
La bibliothèque de la ville de Vesoul possède quelques manus-
crits orientaux qu'un savant qui a été attaché à l'expédition
d Egypte sous la première République, M. Beauchamp, a rap-
portés à sa ville natale du pays des Pharaons.
Parmi ces manuscrits j'ai trouvé la traduction hébraïque du
Guide des égarés de Maïmonide, traduction due à Samuel Ibn-
Tibbon.
* Modesto Lafuente, ffistoria de Espagna^ IV, p. 242.
2 Dans, en catalan, langue importée dans certaines parties de la Sardaigne par
les conquérants espagnols.
3 La semaine de Behaalotekha de 5169 s'étend du 12 au 18 sivan ou du 26 mai au
l«r juillet 1409.
284 REVUE DES ETUDES JUIVES
Le manuscrit, d'une magnifique écriture, est un grand in-4'^ de
305 pages de texte et de deux pages blanches, l'une au commen-
cement, l'autre à la fin du volume.
Le titre est séparé de l'ouvrage. Il se compose de quatre pages
dont trois blanches. Sur la quatrième page se trouvent écrits en
caractères orientaux le titre de l'ouvrage et le nom de l'auteur :
Au dessous de ce titre il y a une ligne écrite en caractères
d'origine allemande et que je crois pouvoir lire comme suit :
.b"N'^"nb r5"rî b"T bN^n-« n"nn p innx
La lecture du dernier mot, chargé d'un paraphe, est dou-
teuse. Faut-il l'expliquer comme suit : bN nn^ann*^ iyi ûbirbT ^yb ?
En travers et plus bas se trouvent des mots artificiels ou des
lettres (ûj'd'^, pn^an, etc.) comme en ont la plupart des titres des
ms3. hébreux et que les copistes avaient l'habitude d'y écrire pour
essayer leur plume.
Le ms. renferme la préface du traducteur et la table des ma-
tières.
Vesoul, mai 1884.
ISAAC LÉVY.
BIBLIOGRAPHIE
REYUE BIBLIOGrRAPHIQUE
j_er g,p 2« TRIMESTRES 1884.
bN^Tia*^ pN '0 Novelles et homélies sur la Bible et le Talmud, par Israël
Lifkin Salanter ; avec ima pN Consultations rabbiniques, homélies et
notes sur Nazir, par Senior Salman Goldingen. Varsovie, impr. Isaac
Goldmann, 5643 (1883-4), in-4o de 98 p.
d'^Nlb73 "^i^N Abne hamiluim (Fassungssteiue), eine Ergânzung betreffs der
Reform des jiid. Ritualgesetzes in der vom Verfasser dièses erschienenen
Schrift iefilla le mosché miccoucy, von M.-L. Rodkinssohn. Berlin (chez
l'auteur), in-8<» de (4)-50 p.
Cet opuscule est le premier de six ouvrages ou brochures que l'auteur
se propose de publier sur la réforme de la loi rituelle. Ce premier opuscule
s'appelle Eben-Haroscha, et pour ceux qui pourraient être impatients de
voir les cinq suivants, M. R. a eu la bonté d'en donner dès à présent le
titre et une analyse.
•nitlNÏ! Dictionnaire renfermant l'explication en russe et en allemand de
tous les mots qui se trouvent dans la Bible et la Mischna, et de leurs
dérivés dans le Talmud, les Midraschim, les pioutim, les écrits rabbi-
niques ; plus l'explication des noms propres qui se trouvent dans la Bible,
par Samuel Josef Finn. Premier fascicule ; Varsovie, impr. Alexandre
Hins, in-S** de 80 p.
Ce fascicule va de la lettre N au mot ^'^M. L'ouvrage pourra rendre des
services en Russie, où le public ne possède guère de dictionnaires rédigés
avec méthode et dans un esprit scientiûque.
bt^Tia"^ y*lN '0 Description de la Palestine, nature du sol, mers, cours
d'eau, montagnes, vallées, climat, flore et faune, villes et villages, par
Eliézer ben Juda. Jérusalem, impr. Joël Moïse Salomon, in- 8* de (6)-
76^.
Ce petit livre, destiné probablement aux émigrants russes et roumains
venus récemment en Palestine, est assez intelligemment distribué. Il con-
286 REVUE DES ETUDES JUIVES
tient, entre autres, des tables des vents, de la pluie, puisées à différentes
sources.
bN'Ti2î'^!3 ms^'HD 3>-|DS Observations sur la persécution des Israélites en
Russie et sur l'inanité des moyens qui ont été proposés pour remédier
aux souffrances des Israélites russes, par Moïse b. Jacob Abraham
Eismann. Varsovie, impr. Alexandre Hins, 1883, in-8° de 135-(1) p.
L'auteur est un zélote, il ne veut pas que les Israélites russes émigrent
en Amérique, oii ils oublieront les pratiques religieuses, il préfère qu'ils
aillent en Palestine, où il n'y a ni terre, ni eau, ni routes, où règne la
misère. Le livre est dédié à M. Oliphant.
ÛÏT^^N nii'nn Commentar zu den Spriichen Salomonis von R. Abraham
Aben Ezra (.1001175) zum ersten Maie nach einer alten, in meinem
Besitze befindlichen Handschrift herausgegeben von Chaim M. Horowitz.
Francfort s. M., impr. M. Slobotzky, in-S" de viii-48 p.
M. Horowitz est un travailleur fécond. Dans le courant de quelques
années il a publié cinq recueils en hébreu, qui renferment des pièces
intéressantes tant pour la littérature midraschique que pour la littérature
halakhique, tirées des manuscrits des bibliothèques italiennes.. Il prépare
l'édition critiques du "lïT^b^ ^'2^ N5n, du nT3>''bN 'n*! *pnD et de
la rédaction d'Aboth de R. Nathan d'après la rédaction française. Tout
est prêt excepté l'argent. Le trouvera-t-il jamais ? On fait si peu pour la
littérature rabbinique. Pour la publication présente, il a commis une faute
involontaire ; ce commentaire qui n'est nullement d'Abraham ibn Ezra, a
été publié par M. Driver en 1880 (Clarendon Press d'Oxford) d'après 1©
manuscrit acquis par la bibliothèque Bodléienne de feu M. Soave, de Venise
(voir la Revue). Les deux manuscrits ont évidemment été copiés sur une
seule et même source. A quoi servent les bibliographies si les spécialistes
mêmes ne les lisent pas ? — A. N.
n^fc^l ÛlbttS ■'laT IBD Sur la mission des rabbins en Russie et l'utilité d'y
former un bon corps rabbinique, par Jacob Lévi Lipschiilz, de Kowno.
Varsovie, impr. Alexandre Ilins, in-8'^ de G2 p.
Hh'^^Mù n50)3 "^IIÎTin Novelles sur le traité talmudique de Megilla attribuées
à R. Nissim [Girundi] et éditées d'après un manuscrit par Isaac Ilirs-
chensohn. Jérusalem, impr. Isak Hirschensohn, in-8° de 13 ff.
t33"lî5?3 Ipab Kritischer Ueberblick a) iiber den Judenspiegelprozess in
Miiuster (10. December 1883) ; b) Verhaudlung der Borliuer Reprâsen-
tanten der jiid. Gemeindc wegen Erbbegrâbnisspelition auf jûdischem
Friedhof von einem Mischcheling, Eheraann einer Jùdin (23. Dczember
1883), Ton M.L. Rodkinsohn. Berlin, impr. Lôwy et Alkalay h Presbourg,
iu-8'* de 52 p.
n^^l^-^n ^b '0 Novelles sur le Talmud, la Bible, Moïse Maïmonide, le
Schulhan-Arukh, le Pérek Schira, la haggada de Pâque, par Josué Lévi.
Jérusalem, impr. Samuel Lévi Zuckermann, 1883; in-4^ de 182 ff.
Nous ne pensons pas que ce livre contribue beaucoup au progrès de la
science, mais l'auteur demeure à Lisbonne, et son ouvrage est peut-ôlre le
premier ouvrage rabbinique qui ait été écrit dans le Portugal depuis l'ex-
pulsion des Juifs de ce pays en \'i%.
dIpM yn5<3 y^iz Reisebeschreibung im Orient, par E. Deunard. Presbourg,
impr. Lôwy et Alkalay, 1883, in-8° do 83 p.
L'auteur a voyagé sur la cOte méditerraaéeaue depuis Alexandrie jus-
BIBLIOGRAPHIE 287
qu'à Smyrne; il n'a donc pas été dans des régions absolument inexplorées
et ce qu'il nous rapporte sur les pays qu'il a vus n'est pas bien nouveau
ni bien intéressant Ses renseiprneraents, en général, manquent de précision
et sont remplacés par des déclamations, les chiffres qu'il donne sur la
population juive de certaines villes paraissent souvent très exagérés.
lniDTlp!n VnNb ^^DI^ï^T 'D Relse nach dem heiligen Lande unternommen im
Jahre 5642, œkonomisch und charakteristich beleuchtet nebst kritischen
Gesichtspunkten, etc. von Jacob Bachrach. Varsovie, libr. Jacob Sa-
pirstein, in-8" de 123 p.
Notes de voyage qui ne présentent pas un très grand intérêt, mais où
l'on peut trouver quelques renseignements sur les personnes de quelque
importance parmi les Israélites de la Palestine et sur les institutions
israélites de ce pays.
nifcTaïl '0 de Maïmonide, avec notes de Moïse b. Nahman (Ramban),
explications extraites des ouvrages d'Isaac de Léon, Arié Lob, Zitel
Horwitz, Abraham Alegre, Hanania (lazès, Abrah. b. David, Josef Caro,
Juda Rozanès, Zohar harakia de Raschbaç et Magen hahokma de Noah
Hayyim Cebi. Varsovie, impr. Isaac Goldmann, 1883, 2 vol. in-P de
168+ 112 p.
Û'^nDID nnû^lï^ "12D, par Samuel Rosenfeld, de Vitebsk (Pologne). Wilna,
1883, in-8«.
L'auteur a donné dans ce recueil toutes les variantes bibliques qu'on
trouve dans les citations éparses dans les deux Talmuds, les Midraschim,
et les traductions araméennes du soi-disant Onqelos et de Jonathan,
citations qui ne s'accordent pas avec le texte massorétique. M. Rosenfeld,
qui ne vit pas dans le voisinage d'une grande bibliothèque, a cependant
fait usage des variantes rapportées par Kennicott et De Rossi Dans la
préface l'auteur donne l'histoire de la Massorah d'après ses moyens
testreints. Le nombre des variantes pour les différents livres bibliques
s'élève à 1381 ; M. Ginsburg fera sans doute usage de cet ouvrage pour
le troisième volume de sa grande édition de la Massorah. Comme il
est très difficile de se procurer les ouvrages imprimés en Pologne, je me
suis fait le commissionnaire de ce pauvre Rabbin, et en s'adressant au li-
braire de la Revwe, on pourra se procurer l'ouvrage moyennant quatre
francs. — Â. N.
d'^^'oblJ? nbW 'D Recueil d'épitaphes de rabbins et notables israélites en-
terrés à Varsovie, par Samuel Jewniu. Varsovie, impr. Isaac Goldmann,
5642 (1882-83), in-S^ de 112 p.
Quoique ce livre soit déjà un peu ancien, on nous permettra de l'an-
noncer ici, à causa de l'intérêt du sujet. Les inscriptions sont accompagnées
de notes biographiques. La .plus ancienne des inscriptions est de 5554
(1793-4).
dblZJTt ^Tns^ 'D Aruch completum. . . auctore Nathane filio Jechielis ; édité
par Alexander Kohut. 4® vol. Vienne, impr. Georg Brœg, in-4'^, allant de
p. 401 à p. 524 (fin de la lettre hêû) et de p. 1 à p. 280 (lettre téé, yod et
en partie haf).
D'»25ïl UUÏS '6 Explications sur le Talmud ; V^ partie, Berakhot ; par Isaac
Heilperin. Varsovie, impr. Josef Unterhàndler, 5644-1883 ; in-F de (l)-9 £f.
■^rr^Db ïlSniSïi Observations sur les Israélites de Russie, par Abraham
Jacob Rosenfeld. Varsovie, impr. Alex. Hins, 1883, in-8o de 184 p.
288 REVUE DES ETUDES JUIVES
Œuvre de rhétorique où l'on trouve, à travers d'interminables ampli-
fications, mêlées de visions et de prophéties, quelques détails, en très petit
nombre, sur la situation des Israélites en Russie et sur les luttes que l'au-
teur a eu à soutenir, à ce qu'il prétend, contre le parti des zélotes.
d'^bi^Dîn 01C35"lp Table des verbes hébreux avec explications grammaticales
intitulées û'^373Njb TiD'Û, par Juda Leib Lévi, et additions sous le titre de
Û''3pT Û3>l3 par Mardochée Drucker. Drobobycz, impr. Zupnik et Knoller,
in-8« de 38 p.
Ouvrage élémentaire et très arriéré, à l'usage des écoles primaires.
1^T^^^ yi'p 'O Notes sur divers traités talmudiques (Berakhot, Sabbat, Eru-
bin, Taanit, Moed Katan, Menahot, Hilkhot terefot et une partie de
Sanbédrin), par Isaac Carlin. Varsovie, impr. Scbriftgiesser, 2 vol. in-4*
de 190 + 132 p.
o^lp '^^3^*^125 'O Ouvrage cabbalistique de Moïse Corduero, Varsovie, impr.
Goldmann, 1883, in-4o de 188 flF.
L'éditeur, Baer ^litS^J^'lp, dit avoir publié cet ouvrage d'après un ms.
qui serait entre les mains d'Isaïe b. Baer Berlin, de T'^b'^l'l. L'auteur (si
l'attribution est exacte) a vécu à Safed au xvi® siècle. L'ouvrage «st
inédit.
UNI 2N imiD m^b^ "!"■' '^^'^y \nb^ Deux commentaires, l'un appelé Matté
Naftali, l'autre Matté Hallévi, sur le chap. cgxl du Schulhan arukh Yoré
déa, concernant le respect des parents, par Naphtali Lévy. Wien, impr.
Georges Broeg, in-f^ de 22-180 p. Belle exécution typographique.
Les commentaires de l'auteur ne sont pas tous conçus dans un esprit
scientifique, cependaDt il applique jusqu'à un certain point au texte et aux
sources de son texte une méthode critique qui n'est pas sans valeur. L'ou-
vrage est accompagné d'une brochure intitulée • Introduction to the work
r^lL^TOÏl "^3^ ' (allemand et anglais) par Naphlhali Levy : Londres, impr.
Wertheimer, in-8° de 15 p.
m^pnïl nTin ^lyû 'o Die Institutionen des Judenthums nacb der in den
talmudischen Quellen angegebenen geschicbtlichen Reibenfolge geordnet
und entw^ikelt, par Moses Bloch ; 1""® partie, 2® vol. Przemysl, impr.
Zupnik ; Briinn, libr. Epstein, in-8* de 291 p.
Ce second volume du savant et intéressant ouvrage de M. Bloch est
tout entier consacré aux prières dites bénédictions, berakhot : origine de ces
prières, prières quotidiennes, prières pour des époques déterminées, prières
pour ce qu'on voit et entend, prières pour l'accomplissement des prescrip-
tions religieuses, prières avant de manger, de boire, prières pour les
jouissances de l'odorat.
îl^nnln by obpSN dl^i'nn Targum Onkelos herausgcgeben und erliiutert von
A. Berlinor. Ersler Theil, Text nacb cditio Sabionetta vom Jabre 1557 ;
Zweiter Tbeil, Nolen, Einleituug und Hegister. Berlin, Gorcelanczyk;
Francfort-s./-M., Kauffmann ; Londres, Nutt; 2 vol. in-S** de 242 -f- (5)-
2GG-(1) p.
M. le D'' Berliner s'occupe depuis de longues années de l'œuvre si méri-
toire de publier un texte critique de la célèbre traduction araméenne du
Pentateuque appelée Targum-Oiikelos. Il a pris pour base de son travail
l'édition de Sabionetta, de I^!i7, et il l'a comparée avec d'autres bonnes
éditions et avec de nombreux manuscrits. On peut dire on toute confiance
qu'un travail accompli par un savant aussi consciencieux présente les
BIBLIOGRAPHIE 289
plus grandes garanties scientifiques. Les 70 premières pages du second
volume sont consacrées aux notes, variantes et observations grammaticales
sur le texte. La partie la plus intéressante de l'introduction est celle oîi
M. B. soutient, contre l'opinion reçue ou défendue par un grand nombre
de savants, que le Targum-Onkelos, dans sa forme primitive, n'est pas
d'origine babylonienne, mais est une œuvre palestinienne du second siècle
de l'ère chrétienne, qui a été ensuite remaniée en Babylonie et y a reçu,
au quatrième siècle, la forme qu'elle a actuellement. Après avoir étudié
quelques-unes des traditions relatives à la traduction grecque des Septante,
à la traduction grecque d'Akylas, aux anciennes traces de traductions
araraéennes en Palestine à Tépoque du second temple, à la traduction
araméenne du livre de Job dont l'existence sous Gamaliel l'ancien est bien
connue, enfin à une traduction dont la nature n'est pas déterminée, mais
qui pourrait être une ancienne traduction latine (p. 94), M. B. montre
quels sont les rapports de notre Targum-Onkelos avec la littérature pales-
tinienne : mêmes paraphrases ou transpositions du nom de Dieu (p. 102),
même usage de certains mots grecs, mêmes explications géographiques,
enfin et surtout, au fond, même dialecte araméen (p. IIO). Le nom d On-
kelos, comme tout le monde l'a reconnu, est né d'une simple confusion
entre Akylas, auteur d'une traduction grecque, et l'auteur supposé de la
traduction araméenne. Celle-ci est une œuvre collective, qui serait née en
Palestine et qui, devenue populaire en Babylonie, y aurait été remaniée
superficiellement pour s'adapter au dialecte araméen des Juifs de ce pays.
Cette thèse de M. B. pourra être contestée, elle mérite d'être discutée, La
vocalisation primitive du Targum-Onkelos a été faite dans le système
babylonien ; la vocalisation actuelle, dans le système palestinien, est une
transcription plus ou moins habile du système babylonien. Les mss. qui
ont conservé le texte avec son ancienne vocalisation ont fourni à M. B. la
matière de très instructives comparaisons de la prononciation et de la
grammaire babyloniennes avec celles de Palestine et l'on pourra tirer de
cette partie de l'étude de M. B. des conclusions qui ne seront pas sans
intérêt même pour la grammaire hébraïque. Dans les chapitres suivants de
l'introduction M. B. poursuit l'histoire des Targums à travers toute la
littérature hébraïque. Il commence cette histoire à diverses consultations
ou réponses faites par des savants africains, espagnols et babyloniens pour
recommander la lecture fort négligée de notre Targum (Juda ibn Koreisch,
Samuel Hannagid, Natroni gaon, etc.). Page 173, une consultation inédite
du temps des gaonim sur la méthode qu'il faut appliquer dans la traduc-
tion du Pentateuque. L'introduction se continue par l'histoire de l'usage du
Targum et des études faites sur le Targum par les rabbins et savants juifs
depuis Saadia jusqu'à Rappaport, Luzzatto, et les contemporains. Les
derniers chapitres de l'introduction sont consacrés à étudier la méthode
exégétique de notre Targum, sa grammaire, l'usage qu'il fait de la halakha
et de la haggada ; enfin les manuscrits et les éditions de l'œuvre.
Abrahara a S. Clara. Judas der Ertz-Schelm (Auswahl) ; herausgg. von
Félix Robertag. Berlin et Stuttgart, libr. Speman, s. d., in-8'' de x-367p.
29e vol. de Kûrschner's Deutsche National-Literatur. La préface de l'édi-
teur est datée de Breslau, juillet 1883.
Nous ne parlerions pas ici de cet ouvrage si Judas Iscariote n était
devenu, jusqu'à un certain point, au moyen âge, le type du juif maudit et
haïssable. Abraham a S. Clara est un moine augustin du milieu du xvi'= siècle.
La l*"*^ partie de son ouvrage sur Judas Iscariote fut imprimée à Salzbourg
en 1686; la 2^ partie, en !689 ; la 3» partie, en 1692; et la i*^ partie en 1691.
L'ouvrage est une espèce de discours moral, d'un ton populaire et passa-
blement grossier, mais qui convenait à l'époque. Il n'y est guère parlé des
Juifs. Les chapitres réimprimés par le nouvel éditeur sont les suivants :
1. Parents, patrie, généalogie de Judas le fieffé coquin et le songe que sa
T. VIII, N» 16. 1 19
•288 REVUE DES ETUDES JUIVES
Œuvre de rhétorique où l'on trouve, à travers d'interminables ampli-
fications, mêlées de visions et de prophéties, quelques détails, en 1res petit
nombre, sur la situation des Israélites en Russie et sur les luttes que l'au-
teur a eu à soutenir, à ce qu'il prétend, contre le parti des zélotes.
Û'^l?3'£)!n D^'iCûDlp Table des verbes hébreux avec explications grammaticales
intitulées û'^3?3M5b Î1DU5, par Juda Leib Lévi, et additions sous le titre de
Û'^îpT d3>a par Mardochée Drucker. Drobobycz, impr. Zupnik et Knoller,
m-8<> de 38 p. " ,
Ouvrage élémentaire et très arriéré, à l'usage des écoles primaires.
ÏTT1i< 1"lp '0 Notes sur divers traités talmudiques (Berakhot, Sabbat, Eni-
bin, Taanit, Moed Katan, Menabot, Hilkhot terefot et une partie de
Sanbédrin), par Isaac Carlin. Varsovie, impr. Scbriftgiesser, 2 vol. in-4*
de 190 -1-132 p.
ï^^lp ^"13^''^ 'O Ouvrage cabbalistique de Moïse Corduero. Varsovie, impr.
Goldmann, 1883, in-4o de 188 fif.
L'éditeur, Baer ;;')it3'?3^"lp> dit avoir publié cet ouvrage d'après un ms.
qui serait entre les mains d'Isaïe b. Baer Berlin, de T'^b'^T). L'auteur (si
l'attribution est exacte) a vécu à Safed au xvi® siècle. L'ouvrage est
inédit.
UNI 2N '^^n5 m^bï! 'l"^ ^T13> ^Tlh^ Deux commentaires, l'un appelé Matté
Naftali, l'autre Matté Hallévi, sur le cbap. cgxl du Schulhan arukh Yoré
déa, concernant le respect des parents, par Naphtali Lévy. Wien, impr.
Georges Broeg, in-f° de 22-180 p. Belle exécution typographique.
Les commentaires de l'auteur ne sont pas tous conçus dans un esprit
scientiGque, cependant il applique jusqu'à un certain point au texte et aux
sources de son texte une méthode critique qui n'est pas sans valeur. L'ou-
vrage est accompagné d'une brochure intitulée « Introduction to ihe work
r>1!13?3ïl "^3^ ' (allemand et anglais) par Naphthali Levy ; Londres, impr.
Wertheimer, in-8° de 15 p.
mSpnin niin "^I^ID 'o Die Institutionen des Judentbums nacb der in den
talmudiscben Quellen angegebenen geschicbtlichen Reihenfolge geordnet
und entwikelt, par Moses Bloch ; l*"^ partie, 2^ vol. Przemysl, impr.
Zupnik ; Brùnn, libr. Epstein, in-8* de 291 p.
Ce second volume du savant et intéressant ouvrage de M. Bloch est
tout entier consacré aux prières dites bénédictions, berakhot : origine de ces
prières, prières quotidiennes, prières pour des époques déterminées, prières
pour ce qu'on voit et entend, prières pour l'accomplissement des prescrip-
tions religieuses, prières avant de manger, de boire, prières pour les
jouissances de l'odorat.
îrnnîl by 0bp3N Ûiriin Targum Onkelos herausgcgeben und erlautert von
A. Berlinor. Erster Theil, Texl uach editio Sabionetta vom Jabre 1557;
Zweiter Tbcil, Nolen, Einleiluug und Hegisler. Berlin, Gorcelanczyk;
Francfort-s./-M., Kauffmann ; Londres, Nutt ; 2 vol. in-8<> de 242 -|- (5)-
2G6-(1) p.
M. le D'' Berliner s'occupe depuis de longues années de l'œuvre si méri-
toire de publier un texte critique de la célèbre traduction araméenne du
Pentateuque appelée Targum-Onkelos. Il a pris pour base de son travail
l'édition de Sabionetta, de 1557, et il l'a comparée avec d'autres bonnes
éditions et avec d»» nombreux manuscrits. On peut dire en toute confiance
qu'un travail accompli par un savant aussi consciencieux présente les
BIBLIOGRAPHIE 289
plus grandes garanties scientifiques. Les 70 premières pages du second
volume sont consacrées aux notes, variantes et observations grammaticales
sur le texte. La partie la plus intéressante de l'introduction est celle où
M. B. soutient, contre l'opinion reçue ou défendue par un grand nombre
de savants, que le Targum-Onkelos, dans sa forme primitive, n'est pas
d'origine babylonienne, mais est une œuvre palestinienne du second siècle
de l'ère chrétienne, qui a été ensuite remaniée en Babylonie et y a reçu,
au quatrième siècle, la forme qu'elle a actuellement. Après avoir étudié
quelques-unes des traditions relatives à la traduction grecque des Septante,
à la traduction grecque d'Akylas, aux anciennes traces de traductions
araméennes en Palestine à l'époque du second temple, à la traduction
araméenne du livre de Job dont l'existence sous Gamaliel l'ancien est bien
connue, enfin à une traduction dont la nature n'est pas déterminée, mais
qui pourrait être une ancienne traduction latine (p. 94), M. B. montre
quels sont les rapports de notre Targum-Onkelos avec la littérature pales-
tinienne : mêmes paraphrases ou transpositions du nom de Dieu (p. 102),
même usage de certains mots grecs, mêmes explications géographiques,
enfin et surtout, au fond, même dialecte araméen (p. IIO). Le nom d'On-
kelos, comme tout le monde l'a reconnu, est né d'une simple confusion
entre Akylas, auteur d'une traduction grecque, et l'auteur supposé de la
traduction araméenne. Celle-ci est une œuvre collective, qui serait née en
Palestine et qui, devenue populaire en Babylonie, y aurait été remaniée
superficiellement pour s'adapter au dialecte araméen des Juifs de ce pays.
Cette thèse de M. B. pourra être contestée, elle mérite d'être discutée. La
vocalisation primitive du Targum-Onkelos a été faite dans le système
babylonien ; la vocalisation actuelle, dans le système palestinien, est une
transcription plus ou moins habile du système babylonien. Les mss. qui
ont conservé le texte avec son ancienne vocalisation ont fourni à M. B. la
matière de très instructives comparaisons de la prononciation et de la
grammaire babyloniennes avec celles de Palestine et Ton pourra tirer de
cette partie de l'étude de M. B. des conclusions qui ne seront pas sans
intérêt même pour la grammaire hébraïque. Dans les chapitres suivants de
l'introduction M. B. poursuit l'histoire des Targums à travers toute la
littérature hébraïque. Il commence cette histoire à diverses consultations
ou réponses faites par des savants africains, espagnols et babyloniens pour
recommander la lecture fort négligée de notre Targum (Juda ibn Koreisch,
Samuel Hannagid, Natroni gaon, etc.). Page 173, une consultation inédite
du temps des gaonim sur la méthode qu'il faut appliquer dans la traduc-
tion du Pentateuque. L'introduction se continue par l'histoire de l'usage du
Targum et des études faites sur le Targum par les rabbins et savants juifs
depuis Saadia jusqu'à Rappaport, Luzzatto, et les contemporains. Les
derniers chapitres de l'introduction sont consacrés à étudier la méthode
exégétique de notre Targum, sa grammaire, l'usage qu'il fait de la halakha
et de la haggada ; enfin les manuscrits et les éditions de l'œuvre.
Abraham a S. Clara. Judas der Ertz-Schelm (Auswahl) ; herausgg. von
Félix Robertag. Berlin et Stuttgart, libr. Speman, s. d., in-S" de x-367p.
29^ vol. de Kùrschner's Deutsche National-Literatur. La préface de l'édi-
teur est datée de Breslau, juillet 1883.
Nous ne parlerions pas ici de cet ouvrage si Judas Iscariote n était
devenu, jusqu'à un certain point, au moyen âge, le type du juif maudit et
haïssable. Abraham a S. Clara est un moine augustin du milieu du xvi« siècle.
La 1'"'' partie de son ouvrage sur Judas Iscariote fut imprimée à Salzbourg
en 1686; la 2^ partie, en 1689 ; la 3» partie, en 1692; et la 4« partie en 1691.
L'ouvrage est une espèce de discours moral, d'un ton populaire et passa-
blement grossier, mais qii convenait à l'époque. Il n'y est guère parlé des
Juifs. Les chapitres réimprimés par le nouvel éditeur sont les suivants :
1. Parents, patrie, généalogie de Judas le fieffé coquin et le songe que sa
T. Vlil, no 16. 19
290 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
mère eut à son sujet ; 2. L'union malheureuse de Ciboria (Cippora) et de
Ruben, parents de Judas ; 3. Judas est élevé à la cour dans l'île d'Iscariote,
d'où il tire son nom, etc; 4. Si Judas le coquin fieffé a eu la barbe rouge
et quelle a été sa physionomie; 5. Fuite de Judas Iscariote à Jérusalem,
où il reçoit chez Pilate la fonction de chat de cour (courtisan) ; 6. Judas
assassine son père ; 7. Judas épouse sa mère ; 8. Judas a été hier un
voleur, il est aujourd'hui un voleur, et le sera demain; 9. Il a été un men-
teur efifronté; 10. Il hait la parole de Dieu et n'aime pas les sermons;
11. Maudit et désespéré, il se pend; 12. Il ne savait pas se taire ; 13. Sa
tombe.
Anuar penlru Israeliti eu un supliment calendaristic peanul 5645 (1884-85);
*1^ année, sous la rédaction de M. Schwarzfeld. Bucharest, impr. Stefan
Mihalescu, in-8° de viii-128 p.
, Cet Annuaire continue à fournir de très intéressantes notices, il est un
des meilleurs témoignages de l'action scientifique des Israélites roumains.
L'Annuaire de l'année S64i> contient, entre autres, un article historique de
M. Gaster sur les Caraïtes, un très bon article de M. Schwarzfeld sur la
situation des Israélites de Roumanie, une biographie de M. H. Graetz, par
L. Saineanu, et enfin trois articles que nous allons analyser brièvement. Le
premier est une élude de M. Gaster sur le fameux Had-Gadya (chanson
populaire de la haggada de Pâque). Cette chanson, on le sait, se trouve
dans tous les pays et dans toutes les langues; celle de la haggada n'était
pas encore connue d'Abudraham, en 1340; elle paraît être venue de Worms,
vers 1400, et est probablement imitée d'une chanson française. La légende
(sinon la chanson) est ancienne, on la trouve déjà dans le Midrasch-rabba
(Genèse, chap. xxxviii). — Le second travail que nous analysons est de
E. Schwarzfed, il a pour titre : Evreii sub Zavera, et il est fait d'après les
travaux hébreux de M. Psantir sur l'histoire des Israélites roumains. La
Zavera, c'est la révolte des Grecs contre les Turcs en 1820, révolte qui
éclata dans les principautés danubiennes et qui fut organisée par des
hétairies fondées en Grèce vers 1815. L'article de M. Schw. énumère les
atroces persécutions et tortures que souffrirent les Juifs roumains pendant
celte révolte, de la part des Grecs. La synagogue de Galatz fut incendiée,
les Juifs de Piatra massacrés, on ouvrit les veines, pour les tuer lentement,
aux prisonniers Juifs faits à Niamtz; à Hertsa, on vit des hétairistes arracher
à des femmes juives enceintes leur futur enfant et le lancer en l'air pour le
recevoir sur leurs piques; à un juif de Folticeni on arracha un à un les
poils de la barbe et les cheveux de la tête. Les moines se montrèrent parti-
culièrement féroces, les hétairistes leur amenaient leurs prisonniers, juifs
et turcs, les moines les tuaient lentement, au milieu des tortures. Au
monastère de Secul, ils appliquaient sur le corps de leurs victimes des draps
trempés dans l'eau bouillante. Lorsque les Turcs eurent vaincu l'insur-
rection, ils se vengèrent cruellement, beaucoup de chrétiens échappèrent à
leur fureur grâce à l'intervention des Juifs. — M. Schwarzfeld a encore
donné dans cet Annuaire un article curieux intitulé « Un juif sur le trône
de Moldavie en lliOt. » Cela veut dire qu'eu 1591, d'après un rapport du
temps du D'" Bartolomée Pezzen, envoyé extraordinaire de rarchiduc
d'Autriche à Constantiuoplc, le sultan aurait nommé voivode de Moldavie,
après la fuite du voivode Pierre, un juif nommé Emmanuel (Emanuel de
rasa ebraica), originaire de Pologne. Cette nomination aurait eu lieu grûce
à la protection du mufti et du juif Salomon Askenazi, qui jouissait alors
d'un grand crédit à Conslautinople, grâce aussi à une somme de 600,000
ducats (bien étonnant 1) dont 400,000 versés au sultan et 200,000 à divers
autres personnages.
Bâcher (Wilhelm). Die hebraischc arabische Sprachvcrglcichung des Abul-
walid Merwau ibn Ganah. Wicu, libr. Cari Gerdd, iu-8« de 80 p.
BIBLIOGHAPHIE 291
Extrait des Sitzuiigsber. der phil. liist. Classe dcr Kais. Akad. d. Wiss.,
vol. 106, fasc. 1.
On n'étudie pas inutilement ibn Gannah, c'est un vaste trésor scientifique
d'où l'on ne revient pas les mains vides. Ibn Koreisch, avant lui, avait déjà
fait un essai de lexicologie comparée entre les langues hébraïque, ara-
méenne et arabe. Ibn Gannah, en suivant ses traces, a considérablement
élargi et approfondi le sujet. C'est ce que montre le savant travail de
M. Bâcher. Nous regrettons profondément de devoir nous borner à en
donner la description matérielle. Le chapitre 1°"" est consacré à la compa-
raison des formes grammaticales; le chap. ii, à la comparaison des racines
et des mots; le chap. m, à l'étude des analogies plutôt lexicologiques que
phonétiques étudiées par Ibn Gannah. C'est un genre de recherches qui lui
est particulier et où il montre, comme partout, son coup d'oeil pénétrant.
L'étude de M. B. se termine par des recherches sur le sens du mot
13>73tU735 chez Menahem b. Saruk, et les études de langues comparées
de David b. Abraham.
Baum (Moritz). Ein wiclitiges Kapitel oder AbhaDdlung ûber die Bedeu-
tung und Wûrde nach den Gesetzen der Thora der Vôlker unserer Zeit
sowie der Vorzeit im Talmud gewôhiilicli Akkum genannt. Francfort-
S./-M., chez l'auteur, in-S'^ de iii-64p.
L'auteur n'a pas de peine à montrer, par des nombreux extraits, la haute
valeur morale des sentiments qui, suivant les rabbins, doivent animer les
Israélites envers leurs compatriotes de nos pays et envers tous les hommes
en général, mais nous espérions qu'il nous offrirait quelques idées nouvelles
sur l'origine et l'histoire à la fois obscures du mot accum qui a donné lieu
à tant de controverses. Il n'a fait aucune recherche sur ce sujet.
Berliner (A.). Beitrâge zur Géographie und Ethnographie Babyloniens im
Talmud und Midrasch. Berlin, J. Gorzelanczyk, in-8° de 71 p.
Ce travail est une contribution importante à la géographie et à l'ethno-
graphie de la Babylonie, il traite de certaines questions dont notre ami,
M. Ad. Neubauer, dans sa Geogra2)hie au Talmud, n'a pas eu à s'occuper;
M. B. complète ou rectifie, sur d'autres points, ses devanciers. Le travail
est divisé en deux chapitres : 1. La Babylonie en général, le régime des
eaux, la fertilité du sol, le climat, l'hygiène; ruines, dieux et fêtes, vête-
ments, habitants. — 2. Babylonie proprement dite, limites (question assez
épineuse), table alphabétique des noms géographiques, avec explications
géographiques et historiques.
Bibliotheca orientalis oder eine vollstândige Liste der im Jahre 1883 in
Deutschland, Frankreicli, England und in den Colonien erschienenen
Bûcher, Broschûren, Zeitscbriften ûber Sprachen, Religionen, Antiqui-
tàten, Literaturen und Geschichte des Ostens, zusammengestellt von Ch.
Friederici. 8. Jahrgang. Leipzig, Otto Schulze ; Paris, E. Leroux, etc.,
s. d., in-8'^ de 88 p.
Dans le chapitre Philologie sémitique il n'y a rien qui ne soit connu de
nos lecteurs; dans le chapitre Palestine et Syrie, nous relevons les travaux
suivants : Amelineau, La croyance à l'immortalité de l'âme chez les Hé-
breux (La Controverse, mai 1883) ; Baentch, Die Wûste, ihre Namen...
Th. 1, Diss. Halle, 1883; W. H. S. Brooks, Vestiges of the broken plural
in Hebrew, Dublin 1883; Clermont-Ganneau, Epigraphes hébraïques et grec-
ques sur des ossuaires juifs inédits (Revue archéolog., mai-juin 1883);
Dietrich, Ueber den Jahve-Namen (Ztschr. f. d. altt. Wiss., vol. III,
1883) *, Ferguson, An examiuation of the use of the Tenses in condilional
sentences in Hebrew (Journ. Soc. Bibl. Literat., 1882); P. F. Frankl,
Karaiten (Encyclop. Ersch et Gruber, 2® sect., vol. 33); Wilh. Jenrich,
292 REVUE DES ETUDES JUIVES
Der pluralis fractus im Hebr. ; Diss. Halle, 1883 ; Schwabe, 3 nach seinem
Wesen..., Inaugur. Diss., Halle, 1883 ; Steinschneider, Kalonymos bea
Kalonymos (Encyclop. Ersch et Grûber, 2* sect., vol. 32) ;
Bloch (J.-S.)- Einblicke in die Geschiclite der talmudischen Literalur.
Wien, libr. D. Lôwy, in-S" de x-139 p.
Exposition populaire de diverses questions relatives à l'bistoire de la
littérature talmudique : 1. Fixation du canon biblique, proscription de la
littérature écrite, commencement de la littérature orale; 2. Akiba et Ismael;
3. Mischna et Tosefta ; 4. Les Amoréens; 5. Le Talmud. L'appendice
contient certaines indications qui peuvent être utilisées (nous ne savons si
elles sont toutes neuves) pour la critique des textes talmudiques.
Blumenstein (J.). Die verschiedenen Eidesarlen nach mosaisch- talmu-
dischem Rechte und die Fâlle ihrer Anwendung. Francfort s. /-M., libr.
J. Kauffmann, 1883, in-S» de 31 p.
Cette étude, qui se distingue par l'exactitude et la précision scientifiques,
se compose de quatre chapitres, dont le premier sert d'introduction. Le
chapitre ii traite du serment dit biblique, des cas où il s'applique, des cas
où il s'applique par extension et enfin des cas où le serment est déféré à une
autre partie que celle qui doit le prêter. Il va sans dire que les règles de ce
serment biblique sont établies par le Talmud. Le chapitre m est consacré
au serment de la Mischna, lequel est prêté par le demandeur tandis que le
serment biblique est prêté par le défendeur ; le chapitre iv décrit le ser-
ment appelé rabbinique.
Castro (D.-Henriques de). Keur van Grafsteenen op de nederl.-portug.-
israël. Begraafplaats te Ouderkerk aan den Amstel., l*"" vol., Leyde,
libr. E.-J. Brill, 1883, in-4o de xi-116 ]>. Imprimé sur 2 colonnes, l'une
donnant le texte hollandais, l'autre une traduction allemande. Le titre
iiUemand est : Auswahl von Grabsteinen auf dem niederl.-portug.-
israel. Begrâbnissplatze zu Ouderkerk an den (pour der) Amstel nebst
Beschreibung und biographisclien Skizzen . . . , mit Abbildungen ; erste
Sammlung.
Ce qui frappe tout d'abord, lorsqu'on ouvre ce volume, c'est la beauté
de l'exécution, pour laquelle nous adressons à l'éditeur tous nos compli-
ments. Le papier, l'impression, les photographies représentant les monu-
ments funéraires, tout est superbe. Cette publication n'est pas la première
de M. de Castro, mais c'est la plus importante. Dans l'introduction, il fait
l'histoire du cimetière Israélite d'Ouderkerk. Lorsque les Juifs espagnols
et portugais s'établirent à Amsterdam en 1590, leur premier soin fut d'ac-
quérir un cimetière et ils achetèrent à cet effet, en 1607, dans le voisinage
du village de Groet, un terrain dans lequel fut enterré le premier Garcia
Pimientcl, frère de cet Emmanuel Pimientel [alias Isaac Abeniacar) qui fut
favori du roi de France Henri IV. Mais ce cimetière était trop éloigné de
la ville, en IGUi la communauté juive acquit le terrain du cimetière actuel,
.situé à Ouderkerk sur l'Amstel, elle l'agrandit par des acquisitions suc-
cessives de terrain faites en 1063, en 1690 et eu 1691. Les ossements du
cimetière de Groet furent transportés successivement dans celui d'Ouder-
■kerk de 1626 à 163^. En 17^.1 , les Etats-Géuéraux dispensèrent les Juifs de
payer, pour les corps qu'ils transportaient au cimetière, un péage ù toutes
les églises devant lesquelles ils passaient. Le nombre de pierres placées sur
l'ancienne partie du cimetière d'Ouderkerk est évalué par M. de Castro à
6,000. La commuLauté juive conserve un registre des enterrements qui
remonte à 1680 (les registres antérieurs auraient été brùlés\ mais grâce à un
ras. intitulé Libro de belh ahain (c'est-à-dire bel hayyim) M. de C. a pu
•nous donner en appendice la liste nominative de toutes les personnes en-
BIBLIOGRAPHIE 203
terrées à Ouderk. depuis 1616 jusqu'en 1630, plus une liste de personnes
dont les ossements furent, entre 1616 et 1626, transportés de Groet à Ouderk.
M. de Castro a eu la bonne fortune de retrouver la pierre de la première
personne enterrée dans le cimetière d'Ouderkerk, le 11 avril 1614, Parmi
les tombes dont il reproduit les inscriptions nous remarquons celle de Jacob
Israël Belmonte, auteur d'un certain nombre de poèmes eu portugais ; celle
du rabbin David Pardo, qui écrivit plusieurs ouvrages hébreux ; celle du
rabbin-prédicateur Isaac Abuab de Fonseca, auteur d'un assez grand nombre
d'ouvrages et propriétaire d'une assez belle bibliothèque (ne pas le confondre
avec Isaac b. Mattatia Aboab) ; celle du médecin Josef Bueno, mentionné
daus une lettre de 1625 de l'ambassadeur français pour avoir été appelé
auprès du prince d'Orange, qui était malade; celle de Samuel Palache, qui
vint à Amsterdam à la fin du xvi® siècle et y fut jusqu'en 1604 agent de
l'empereur du Maroc; celle de Jahuda Bebri, mort en 1673, qui avait été
ambassadeur du grand turc Mohamed IV auprès de Charles XI, roi de
Suède; celle du célèbre Manuel (Isaac Haim) Texeira, agent de la reine
Christine de Suède à Hambourg, et qui reçut d'elle les plus grands témoi-
gnages de confiance et d'amitié (mort en 1705). M.- de Castro accompagne
les inscriptions funéraires de renseignements biographiques intéressants.
Ces inscriptions et les listes données dans l'introduction (entre autres la liste
des administrateurs [du cimetière ?] de 1639 à 1867, p. 38) fournissent des
documents très instructifs pour l'onomastique juive. Nous y voyons pour la
première fois comment il faut Ure le nom de famille "^HNbiîD (Palache) qui
est encore porté aujourd'hui par des israélites orientaux; le nom de Obe-
diente s'y trouve plusieurs fois (p. 2l), et non Abudiente ; Neto ou Netto ;
et non Nieto (p. 20, 21) ; Ailion (p. 39), non Ayalon. Les monuments funé-
raires reproduits dans les photographies sont excessivement curieux, ce sont
de belles œuvres excessivement instructives pour l'histoire de l'art. L'écriture
hébraïque ne présente aucun intérêt paléographique, les inscriptions portu-
gaises et latines sont déchiffrées avec soin par M. de C. et ses transcrip-
tions pourront servir à lire d'autres textes de ce genre. Les pierres portent
quelquefois des ornements assez simples, une couronne, une lampe, des
feuillages ; d'autres sont au contraire très compliquées, les figures en relief
n'y manquent pas, anges en pleurs ou éteignant les torches, scènes de la
Bible ou de la vie réelle. Sur un grand nombre se trouvent les armes
de la famille, des ossements croisés, une tête de mort, le sablier à deux
ailes, la roue du temps, l'arbre de la vie, des emblèmes héraldiques (casque,
bouclier, arc, carquois, main armée d'une épée). Les principales scènes
représentées sont Abraham recevant les trois anges, le sacrifice d'Isaac,
l'échelle de Jacob, David jouant de la harpe, Moïse tenant les deux tables
de la loi, Dieu apparaissant à Samuel, la reine de Saba faisant visite à
Salomon. Le choix des sujets est naturellement déterminé par le nom que
porte le défunt. Deux fois on trouve, sur des tombes de femmes, une scène
très belle représentant une femme nouvellement accouchée, entourée de sa
famille en pleurs, ce qui indique sans doute que la défunte est morte en
donnant le jour à un enfant. Le volume se termine par une liste, assez
incomplète, il est vrai, de publications contenant des inscriptions tumulaires.
On pourrait y ajouter, par exemple, des inscriptions funéraires publiées
dans le Thésaurus d'Ugolini, dans la Bibliotheca vie Wolff, dans la Revue
des Etudes Juives Toutre celles qui sont indiquées par M. de C.), dans les
Lapidas de Gerona, de M. Fidel Fita, dans l'ouvrage de Podiebrad sur le
cimetière de Prague, dans celui de M. Lœwenstein sur les Israélites du
Bodensée, dans l'ouvrage de M. Horowitz sur les rabbins de Francfort, .
dans le travail de M. Baerwald, annexé au rapport de 1883 de la Realschule
isr. de Francfort, etc. Eu revanche on y trouvera certaines publications hol-
landaises probablement peu connues des historiens juifs.
M. D. Kaufmann nous communique les observations suivantes. P. 56,
^!^i!:^ bM ne donne pas de sons et est contre le mètre, il faut donc lire
n^73 bbS = p^l^ilZ d'après Job, xxxvi, 7. — P, 87, '^y^, lisez niU5,
294 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
• vois ». — P. 95, Jr^QI ))2l Î1731 U5"l5N signifie sans doute « homme!
ver que le temps trompe. > — Ibid., b'2r\ '2My ne donne pas de sens; la
photographie et le contexte indiquent qu'il faut lire bSD '2My. — Ibid.
îi?:Tn "jiy?:, lisez înT^in.
CiLiBi Moïse. Practica si apropourile lui Cilibi Moise vestitul din tara Ro-
maneasca, adunate si aranjate dupa materii si precedate de biografia
lui Cilibi Moïse de M. Schwarzfeld. Craiova^ impr. Filip Lazar, 1883,
in-8^ de xxxii-120 p.
Cilibi Moïse naquit en 181 o à Focsani, en Roumanie, et il mourut en 1869.
Il a laissé des sentences, proverbes, et à-propos en roumain qui ont eu
diverses éditions et que M. Schwarzfeld a recueillies et coordonnées systé-
matiquement. C'est une œuvre intéressante que celle de ce Juif roumain,
un des premiers probablement aui surent écrire en roumain. Les sujets
traités sont très variés : Dieu et le bonheur, Patrie et patriotisme, hommes
et femmes, parents et famille, vie et mort, etc.
Delitzsch (Franz). Neueste Traumgesichte des antisemitiscben Propheten.
Erlangen, libr. Deichert, 1883, in-8o de 32 p.
Delitzsch (Franz). Schachmatt den Blutlûgnern Robling und Justus ;
2^ édition revue. Erlangen, libr. Deichert, 1883, in-8° de 43 p.
Deux nouvelles et excellentes publications de M. Del. sur la question
du sang.
Derenbourg (Ilartwig). Les mots grecs dans le livre biblique de Daniel.
Dans Mélanges Graux, publiés en 1884, p. 235-244.
On nous saura gré de résumer ici cet intéressant article de notre ami
M. H. Derenbourg, peu accessible, là où il se trouve, aux savants qui
s'occupent de science juive. M. D. constate d'abord que la conquête
d'Alexandre en 332 avant l'ère chrétienne répandit la langue grecque en
Palestine et que c'est ainsi que des mots grecs sont entrés dans la
langue des Juifs de cette époque. Rien d'étonnant que le livre de Daniel,
qui a été écrit 165 ans plus tard, à l'époque d'Antiochus Epiphane, et qui
affecte d'ailleurs de se servir de mots étrangers, même persans, .contienne
un assez grand nombre de mots grecs. Voici ceux que signale M. De-
renbourg :
NTTHÎD karoza, héraut ; de xîfipuÇ ; — NS'^p karna, instrument à vent ;
peut-être compromis entre le mot grec xépaç et l'hébreu 1"lp' — Nr'^pITw^
maschrohita, genre de pipeaux ; compromis entre la racine hébraïco-ara-
méenne pTÛ> siffler, et le grec cupty^. — O'^np hatros^ et D'^r'^p hitaros^
cythare ; x(9apt<; et xiOipa. — N5:3125 sahbeka, sorte de harpe ; comparer avec
le grec crajxpùxY), (jâfJipuÇ, peut-être la|xpùx7|, qui est peut-être emprunté à
un dialecte sémitique, car l'origine grecque de l'instrument est douteuse. —
*|'*"injDD psantcrin, instrument de musique ; du grec «^aX-r/piov ; la termi-
naison grecque lov est généralement rendue dans les transcriptions néo-
hébraïques par in (par exemple sanhédrin). — ÎT^SCûlD siotiphoneyah, cor-
nemuse ; (JujJLcpcovfa. — Eu dehors de ces noms d'instruments de musique
et du nom du héraut, la partie chaldéenne de Daniel (ch. ii à vu) présente
quelques mots qui paraissent venir du grec. Ce sont : D^PD pitgam,
parole ; peut-être du pehlvi patgam^ ou du grec fSéyp.» ou, d'après
M. Jos. Ilalévj^ dans ses Recherches critiques sur l'origine de la civili-
sation babylonienne, de Toxl-zayiit pour TrpdaraYp.a. — MÎ'^C^D petisch,
serait, d'après Ewald, le grec iréTaocç, chapeau. — N-!''?-ïl hamineka,
et N^-^iTOÏl hamnika, collier; est le grec jiaviaxrjç avec une aspiration
prosthctique ; la forme fc<D'^2"3 existe dans le targum et le talmud. —
*|'^w")D sarekin, magistrats ; probablement membres d'un conseil, vient
BIBLIOGRAPHIE 295
peut-être de a'JVdtppvT£<; ; on a aussi expliqué le mot par le persan. —
'pn'l dahavan, un mets ; peut-être un dérivé de la racine êoto, manger. —
Enfin ou a tenté d'expliquer iTîlDTSi nebizèah, joint deux fois à "jinT^, des
présents, par vd[jt.t(T{ia, monnaie.
Dans la partie hébraïque de Daniel (i-ii et viii-xii) se trouvent aussi
quelques mots qui peuvent plus ou moins légitimement être rattachés au
^rec. Ce sont : Û'^l'On'nD partemim, des nobles, 7rp(iTi[xot d'après Gesenius,
à moins qu'il ne vienne, comme le suppose Ewald, d'un mot persan. —
Itîiî "^T^sb lappidé esch, torches enflammées ; à rapprocher de >ka[xxàç,
sans qu'on puisse dire si ce n'est pas plutôt le grec qui dérive d'une racine
sémitique, car le mot lappid est très ancien dans la littérature hébraïque.
— La racine ^ID (qu'on trouve encore dans Daniel, dans le mot IjIDN)
paraît avoir émigré en Grèce, où elle est ttsô^ov, itëSov. — Du mot 'nitb?^
M. D. rapproche, d'après Hitzig, le grec MoTvoaadç, laconien MoXoatjdp.
Derenbourg (Joseph et Hartwig). Etudes sur l'épigraphie du Yémen*
V^ série, avec cinq planches. Extrait du Journal asiatique. Paris, impr.
nat., in-S"^ de 84 p.
Cette étude comprend un certain nombre d'inscriptions dont le texte est
déjà publié et des inscriptions inédites, destinées au Corpus inscriptionum
semiticarmn, et sur lesquelles la savante publication de MM. Derenbourg
appelle dès à présent la discussion. Ces études comprennent : 1. L'inscrip-
tion 349 de M. Halévy, inscription que, suivant l'heureuse découverte de
MM. Dbg., il faut lire horizontalement et non verticalement; 2. Le mot
tlbtT^O (désignant les provinces du Yémen) dans les inscriptions du Yémen ;
3. Rois de Sabâ; rois de Sabâ et de Raidân; 4. Une inscription himyarite
récemment publiée par M. J. H. Mordtmann ; 5. Quatorze inscriptions
inédites appartenant à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. M. D.
H. Mùller a pubUé, dans la Oesterreichische Monatsschrift fur den Orient
(15 février 1884), une recension de ce travail avec des observations par
lesquelles il veut prouver aux auteurs « avec quel soin il a étudié cette
très précieuse publication. »
Desgrand (Louis). De l'Influence des religions sur le développement écono-
mique des peuples, simple étude. Paris, libr. Pion, Nourrit et C^®, in-18
xi-273 p.
Les religions considérées par l'auteur sont : la religion naturelle, les
églises organisées, le brahmanisme, le boudhisme, la religion officielle en
Chine, le judaïsme et le christianisme, le rationalisme. L'auteur est prési-
dent-fondateur de la société de géographie de Lyon, et nous ne doutons pas
qu'il ne soit aussi bon géographe qu'il se montre, dans cet ouvrage, au
moins dans le chapitre consacré aux Juifs, historien mal informé et écono-
miste uniquement préoccupé de théologie.
Li dis dou vrai aniel, Die Parabel von dem âchten Ringe, franzôsiche
Dichtung des dreizehnten Jahrhunderts aus einer Pariser Handschrift
zum ersten Maie herausgegeben von Adolph Tobler. 2^ édit., Leipzig,
libr. S. Hirzel, in-8° de xxxiv-37 p.
Ce dit du vrai anneau peut contribuer à éclaircir l'histoire de la fameuse
parabole de l'anneau qui se trouve déjà, comme on sait, dans le Gesta Ro-
manoriim, dans Boccace et dans le Schébet Jehuda, et que Lessing a rendue
célèbre en en faisant la scène fondamentale de son Nathan le Sage. Le dit
publié par M. T. se trouve dans un ms.de la Bibliothèque nationale de
Paris et M. T. croit qu'il est originaire de la Picardie. Cette version de la
parabole présente plusieurs particularités très remarquables. L'histoire se
passe aussi en Egypte, comme chez Boccace, mais il n'y est question d'aucun
Juif, d'aucun roi qui veut embarrasser le Juif. L'auteur se borne à raconter
qu'un prud'homme, père de trois fils, dont deux indignes, avait un anneau
296 - REVUE DES ÉTUDES JUIVES
merveilleux et qu'avant de mourir il en fit faire deux contrefaçons qu'il
donna aux deux fils aînés, tandis qu'il remit le vrai anneau au troisième
fils, le seul qui fût digne de le posséder. Les deux frères déshérités chas-
sèrent le troisième du pays, mais trois vaillants princes leur firent la guerre,
les détruisirent, et ramenèrent le troisième fils avec son anneau. Qui est
le prud'homme ? C'est le roi du ciel céleste qui en tout lieu fut dépêché pour
le rachat de nos péchés ; les trois fils sont : l'aîné (chose singulière 1), le
Sarrazin ; le second, les Juifs ; le troisième, les Chrétiens; les deux faux an-
neaux sont naturellement le mahométisme et le judaïsme, qui en serait issu
d'après l'auteur du poème; le vrai anneau c'est le christianisme. La preuve
est que, comme les deux faux anneaux, on sait bien tout vraiment qu'oncques
Juif ne fit miracle ni Sarrazins ; tandis que les confes et les martyrs chré-
tiens font miracles apertement. Mais en ce moment le troisième frère est
persécuté et son héritage (l'anneau, ici la terre sainte) lui est enlevé. Saint-
Jean-d'Acre en était la vraie pierre, dont le chaton n'est mie entier, mais
froissé en plusieurs lieux. Mais grands seigneurs, cardinaux, évêques et
abbés pensent à autre affaire. Plût à Dieu que trois princes prissent en main
la cause du fils déshérité, le roi de France, Robert comte Robert d'Artois
et le comte de Flandres ! Plus n'en dirai à cette fois.
La parabole, il faut l'avouer, est présentée gauchement '. elle est lourde
et n'a pas de pointe ; en outre, elle a le défaut d'osciller entre deux expli-
cations assez différentes. Le vrai anneau est tantôt la religion chrétienne,
tantôt la terre sainte ou le Saint-Sépulcre. Cette incertitude sur le sens de
la fable paraît prouver que cette version n'est pas la version originale. M. T.
pense qu'elle a été rédigée après 1270 et avant 1294. Le comte Robert
d'Artois serait Robert-II qui, en 1270, était avec son oncle saint Louis à
Tunis ; le comte de Flandres serait Gui de Dampierre, qui, en 1294, était
brouillé avec le roi de France et ne pouvait plus s'associer avec lui dans
une campagne en Terre-Sainte.
Feilchenfeld (W.) Das stellvertretende Sùhne-Leiden und die Exégèse
der Jesaïaniscben Weissagung, cap. lu, 13-15 und cap. lui. Posen, libr.
Jolowicz, 1883, in-8° de 21 p. Extrait du Magazin de Berliner.
Fischer (Bernard). Talmudische Chrestomatliie mit Anmerkungcn, Scho-
lien und Glossar unter besonderer Berûcksiclitigung der talmudischen
Discussion. Leipzig, Joh. Ambr. Barlh, in-8*' de vii-268 p.
Extrait des targumim, da la Mekhilta, des Sifra, Sifré, Mischna
Tosefta, Pesikta. Midrasch rabba, Tanhuma et enfin du Talmud. Un cer-
tain nombre de morceaux sont vocalises, tous sont pourvus de notes en
allemand destinées à faciliter l'intelligence du texte, et qui auraient plus de
valeur si elles comprenaient des explications grammaticales et leiicolo-
giques. A partir de la p. 195 jusqu'à la p. 252 se trouvent des Scholien qui
suivent le texte des morceaux choisis et contiennent principalement des
notes d'histoire littéraire. Un court glossaire termine le livre. Cette publi-
cation, qui a évidemment des lacunes, rendra service à ceux qui voudront
étudier la littérature rabbinique.
Fraidl (Franz). Die Exegcsc der siebzig Wochcn Daniels in der alten und
mitllcrcn Zeit. Graz, libr. Leuscbuer et Lubcnsky, s. d., in-4® de 159 p.
Feslschrift der k. k. Univcrsitât Graz aus Anlass der Jabresfeier am XV.
november MDCCCLXXIII.
Etude de toutes les explications données sur les fameuses semaines de
la prophétie de Daniel, IX, versets 24 à 27. Nous ne pouvons suivre dans le
détail l'auteur do ce savant travail. Le livre est divisé en C chapitres :
1° Explications juives autérieures au christianisme et des deux premiers
siècles après l'ère chrétienne; 2 à 4. Exégèse chrétienne jusqu'au milieu du
xiiic siècle ; 5. Exégèse rabbinique; 6. Exégèse cbrélieone du milieu du
BIBLIOGRAPHIE 207
XIII® siècle jusqu'à la fin du moyen- âge. A la fin du volume se trouve une
table synoptique qui résume les résultats des recherches de l'auteur. Dans
le chapitre \^' sont étudiés les Septante, le livre d'Hénoch, divers passages
des Evangiles, le Livre des Jubilés, l'Assomption de Moïse, le 4^ livre
d'Esdras, Flavius Josèphe, la Peschittho, la traduction grecque de Théo-
dotion. Dans le chapitre 5 est exposée l'exégèse des Juifs du temps de
saint Jérôme, celle du Séder Olam, de Saadia, de Raschi (pourquoi dire
Jarchi ?), d'Ibn Ezra et d'Abrabanel. ^
Fried (Salomon). nTlC^ln 'o Das Buch ûber die Elemente, ein Beitrag zur
jûdischen Religionsphilosophie des Mittelalters, von Isaak b. Salomon
Israeli nach dem aus dem arabischen ins hebr. iibersetzten Texte von
Abraham b. Samuel Halevi ibn Chasdai, aus einer Handschrift der Uni-
versitâts-Bibliothek zu Leyden mit Vergleichung einer anderen der Kgl.
Hof- und Staatsbibliotliek zu Miinchen, zum ersten Maie herausggb.,
ins Deutsche iiberselzt und mit Anmerkungen versehen. — L Einlei-
tender Theil. Leipzig, impr. W. Drugulin, in-8° de 83 p.
Cette étude consciencieuse et instructive contribuera à relever la renommée
un peu négligée d'Isaac Israéli. Ce médecin remarquable, contemporain de
Saadia, qui vécut au x® siècle, en Egypte et à Cairoan, mérite d'être mieux
connu qu'il ne l'est. M. Fr. fait très soigneusement sa biographie, il donne
la liste de ses ouvrages de médecine, puis il étudie ses ouvrages hébreux. Il
se range à l'avis des écrivains qui admettent qu'Isaac Israéli a composé un
commentaire sur le Livre de la Création (contrairement à l'opinion de
Munk). Enfin, il analyse le Livre des Eléments d'Israéli. Ce livre est un
ouvrage de philosophie et il est fort intéressant de trouver au x® siècle,
sur une terre méditerranéenne, un auteur juif familiarisé, comme l'était
Israéli, avec la philosophie d'Aristote. C'est un fait qui mérite spécialement
d'être remarqué. L'influence philosophique d'Israéli sur les Juifs a été assez
grande, comme on le voit par la longue liste des écrivains qui le citent, qui
l'utilisent ou le combattent, et par les deux traductions hébraïques qui en fu-
rent faites. La publication de l'une de ces traductions par M.Fr. sera donc
une œuvre intéressante et méritoire.
Friedlander (M.). Rufus oder der Judenaufstand unter Hadrian, ein histo-
risches Drama in fûnf Aufziigen. Wien, libr. Alfr. Hôlder, in-8° de 79 p.
M. Fr. continue la série des publications littéraires et populaires qu'il a
si bien commencées avec son Apion,ein Culturbild aus dem ersten christl.
Jahrbundert. Son drame est intéressant, et M. Fr. a sur d'autres qui
seraient tentés de traiter un sujet pareil cet avantage qu'il connaît à fond la
matière. Les principaux personnages de son drame sont Rufus, gouverneur
de Judée ; Bar-Cosiba, Josua ben Hauania, Acher, Meir, ben Jochaï,
Tryphon, ^kiba.
Friedlander (M. -H.). Zur Geschichte der Blutbeschuldiguagen gegen die
Juden im Mittelalter und in der Neuzeit, 1171-1883 ; 2^ édit. revue et
augmentée. Brùnn, libr. Bernh. Epstein, 1883, in-8'^ de 36 p.
Gaidoz (h.) et Sébillot (Paul). Blason populaire de la France. Paris, libr.
Léopold Cerf, in-8« de xii-382 p.
Aux pages 361 à 364 se trouvent les expressions consacrées aux Juifs.
Les frisés (nom des Juifs en argot). — Fidèle comme un Juif à sa loi
(Languedoc). — Riche comme un Juif (Bas-Limousin). — Porté au gain
comme un enfant d'Isaac (Languedoc). — Avare comme un Juif (France,
Belgique wallonne). — Avare comme un rabbin (Comtat). — Aimable
comme un Juif (Languedoc) ou aimable comme un Juif quand on ne lui
présente pas de gages (ironique ; Languedoc), — Prudent comme un Juift
298 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
— Effrayé comme un Juif (Languedoc). — Hargneux comme un Juif (Lan-
guedoc). — Faire une chère de Juif (Languedoc). — Brûler comme un
rabbin (Comtat). Quelques-uns de ces proverbes sont cités d'après la
Bévue, 1881, p. 293 et 311.
GiJDEMANN (M.). Geschichte des Erziehungswesens und der Cultur der
Juden in Italien wâhrend des Mittelalters. Wien, Alfr. Hôlder, in-8° de
• xi-347 p.
Un article spécial sera consacré à cet ouvrage dans le prochain numéro
de la Revue, mais nous avons voulu annoncer dès à présent la publication
de ce beau travail.
[Harkavy (A.)]. Zur Geschichte der Juden in Lithauen im xiv-xvi Jahr-
hundert. Dans la Russische Revue, vol. XXII, p. 541 à 554, et vol.
XXIII, p. 147 à 167 et 516 à 553.
M. H. résume et complète, par des recherches personnelles, les travaux
de A. Berchadskij (Archives des Juifs russes, 1882 5 les Juifs de Lithuanie,
1883 ; en russe). Après avoir mentionné et expliqué les premiers privilèges
accordés à diverses communautés juives de ce pays (par le prince Witold,
1388, 1389), M. H. montre que les Juifs de ces régions avaient une double
origine I les uns venaient de l'Ouest (Allemagne), mais les autres étaient
établis dans le pays depuis le i°^ et le u.*^ siècle de l'ère chrétienne et y
étaient venus de la Grèce et de l'Orient. Ils étaient établis dans les possessions
orientales ou méridionales de "Witold,leur situation légaley était depuis long-
temps déterminée lorsque Witold donna, au xiv*^ siècle, des privilèges aux
Juifs venus dans la partie occidentale de ses possessions, c'est-à-dire dans
la Lithuanie proprement dite. M. H. discute ensuite l'histoire des Juifs de
■ Trocki et les informations plus ou moins légendaires fournis sur ce sujet par
les écrivains caraïtes. Il fournit des renseignements sur un certain nombre
de rabbins de ces contrées (Moïse b. Jacob le Russe, auteur d'un Oçar Neh-
mad ms.;son élève Joseph Cohen, auteur du Schoschan Sodot, fin xv° siè-
cle). Sous Alexandre, les Juifs furent subitement chassés de la Lithuanie,
en 1495. On a attribué cette mesure à l'influence que la femme du prince
exerça sur lui,, à l'exemple donné par l'expulsion des Juifs d'Espagne
en 1492, enfin aux besoins d'argent du prince, qui s'empara, par confiscation,
des biens des Juifs expulsés. On n'était pas fixé sur l'époque où les Juifs
furent rappelés, on la connaît maintenant. En 1505, le prince Alexandre
était brouillé avec sa femme, l'argent pris aux Juifs était sans doute dépensé,
les bienfaits qu'on attendait de leur explulsion s'étaient fait attendre, les
Juifs furent rappelés. M. H. poursuit l'histoire politique et civile des Juifs de
Lithuanie jusqu'à la réunion de la Lithuanie à la Pologne, en 1569.
Un travail de M. Hark. sur le fameux synode polonais dit des quatre
pays a été publié par le Woschod, 1884, II, p. 1-15 (en russe).
IIavet (Ernest). Le christianisme et ses origines. Le Nouveau-Testament ;
tome quatrième. Paris, Calmann-Lévy, in- 8° de vii-524 p.
M. H. est un critique impénitent. Déjà, lors de la publication de la Vie
de Jésus, de M. Renan, il a, dans un bel article, publié dans la Revue des
deux Mondes el doal nous avons gardé un excellent souvenir, fait connaître
ses idées sur les origines' dti christianisme et ses doutes sur un grand
nombre de faits admis comme authentiques par des historiens qui paraissaient
le plus dégagés du préjugé théologique. Son histoire actuelle des origines
du christianisme est inspirée de la même critique, respectueuse mais indé-
pendante du sentiment religieux, elle a la raOmo allure vive, elle dit
avec franchise et p"écision ce qu'elle veut dire. Ce qui nous intéresse dans
l'œuvre de M. Havel, co sont les chapitres consacrés aux relations de Jésus
et des premiers chrétiens avec les Juifs. M. H. montre combien il est difficile
d'admettre le répit des Evangiles sur ce sujet. Le récit du jugement de
BIBLIOGRAPHIE 299
Jésus par les Juifs fourmille de contradictions, d'invraisemblances, d'impos-
sibilités ; les sorties de Jésus contre les Pharisiens sont en contradiction
avec ce que nous savons des bons rapports des premiers chrétiens avec
les Pharisiens ; l'histoire du traître Judas est incompréhensible, car à quoi
bon un traitre pour arrêter un homme qui ne se cachait pas et qui prêchait
publiquement ; même dans le célèbre Sermon sur la montagne il y a une
phrase (Il a été dit tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi) que Jésus,
évidemment, n'a pas pu dire, car il est faux que l'Ancien Testament ait dit
qu'on peut haïr son ennemi. Il est donc probable que Jésus n'a pas été
condamné par les Juifs, mais par les Romains, comme perturbateur poli-
tique ; qu'il n'a jamais prétendu changer la loi ni injurié les Pharisiens ; que
l'histoire de Judas Iscariote est de pure invention. Ce qui reste des discours
de Jésus, il est impossible de le dire, puisque ses discours qui paraissent
le plus authentiques contiennent des interpolations. M.H. est d'ailleurs dis-
posée contester à Jésus toute grande originalité philosophique ou religieuse ;
pour lui, Jésus a été grand par le cœur plutôt que par la pensée. L'œuvre
de Paul ne paraît pas non plus, à M. H., aussi originale qu'on le dit. Sans
doute, en repoussant franchement les pratiques religieuses, saint Paul a
préparé la conquête des payens, mais M. H. croît que la propagande de
Paul s'est uniquement exercée sur les payens judaïsants, déjà à moitié
gagnés par le judaïsme: La morale des Evangiles n'est pas non plus tou-
jours ce qu'on dit. « Les Evangiles dont on parle comme si on n'y trouvait
qu'amour et charité, sont quelquefois pleins de haine, les hommes qui ne
sont pas au Christ y sont détestés, surtout les Juifs... Les paroles haineuses
et même furieuses abondent dans Mathieu et dans Luc (p. 244).» Il est clair
qui le récit de la Passion et de la résurrection fournit ample matière au
doute et à la négation; le quatrième Evangile va jusqu'à y mettre des faits
qui reposent uniquement sur un contre-sens dans l'explication des Psaumes
(p. 258). Dans l'Apocalypse, dans les traditions de la fête de Noël et de
Pâques, on reconnaît des traces de la religion de Mithra, du culte du soleil,
de l'Ahriman du mazdéisme (p. 326 et 334). En fait de philosophie morale,.
« le christianisme n'a rien apporté au monde de nouveau, (p. 413), » l'hel-
lénisme est autrement riche que lui et varié. » L'Ancien Testament est bien
supérieur au Nouveau, il n'y a pas plus de philosophie dans ses fables,
mais elles ont l'excuse de leur antiquité, et il s'y mêle plus de poésie avec
un grand goût de simplicité populaire. Dans le N. T., la littérature juive
s'est continuée et renouvelée, mais en perdant sa grandeur (p. 393). >
Cependant « les Evangiles ont pris les cœurs soit par l'accent à la fois sévère
et tranchant de quelques paroles où semble s'être conservée l'âme de Jésus,
soit surtout par le drame de la Passion (p. 393). » De son côté, « le peuple
juif a gagné les autres peuples par des sentiments qui étaient en lui plus
énergiques que partout ailleurs et que sa Bible n'a fait que traduire. Le
peuple juif, par ses épreuves et par la manière dont il les a soutenues, a
eu l'honneur de représenter la liberté morale, la liberté de conscience
(p. 394). » C'est lui qui a trouvé, dans son histoire, l'idée du Christ, c'est-
à dire celle du règne de Dieu et de l'affranchissement de toutes les misères
humaines. L'attente du règne messianique attirait à lui tout ce qui aspirait
à un monde meilleur et lorsque saint Paul parut, la conversion du
paganisme était déjà à moitié faite (p. 396-397). Le vrai Christ, selon
les prophètes, c'est le peuple juif, et sa passion n'est pas encore près de
finir.
HiRSCH (Samson-Raphael). Ueber die Beziehung des Talmud^i zum Juden-
tlium und zur der sozialen Stellung seiner Bekenner. Francfort-s./-M.,
libr. J. Kauffmann, m-8° de 38 p.
Petit écrit apologétique traitant les thèmes suivants : Probité, professions,
relations avec le pouvoir et les concitoyens, éducation morale et intellec-
tuelle, la famille, la communauté.
300 REVUE DES ETUDES JUIVES
HoLTZE (Friederich). Das Strafverfahren gegen die mârkischen Juden im
Jahre 1510. Berlin, libr. Siegfried Miller, in-8^ de 79 p. Dans la collec-
tion des Schritten des Vereins fur die Geschichte Berlins, fasc. XXI.
Récit détaillé de la persécution qui amena en 1510 l'expulsion des Juifs de
la marche de Brandebourg. Cet événement est bien connu, mais on ne
l'avait pas encore décrit avec des détails si nombreux et des informations
si précises. Les renseignements réunis avec tant de soin par M. Holtze et
en partie inédits permettent de mieux apprécier ce douloureux événement.
On sait qu'il a pour point de départ la prétendue profanation d'une hostie
qui aurait eu lieu le 6 février 1510 dans l'église de Knoblauch, et que plus
tard l'accusation contre les Juifs d'avoir tué des enfants chrétiens se joignit
à l'accusation précédente. Les Juifs de Spandau, Brandebourg, Osterbourg,
Stendal et Berlin furent peu à peu compris dans la poursuite. Les aveux
des Juifs furent arrachés par la torture, et un certain nombre d'accusés
furent soumis à une procédure irrégulière et illégale. Nous avons peine à
comprendre que M. Holtzmann, qui déclare non fondée l'accusation concer-
nant les enfants tués, paraisse accorder quelque vraisemblance à l'accusation
concernant l'hostie profanée. Ce sont des histoires absurdes et qui n'ont
pas le sens commun.
HoROwiTz (M.), rabbin. Frankfurter Rabbinen, ein Beitrag zur Geschichte
der isr. Gemeinde in Frankfurt a. M. — IIL R. Jakob Josua Falk und
R. Abraham Lissa, 1740-1769. Francfort-s./-M., libr. Jaeger, in-S*^ de
101 p.
Nous avons rendu compte, autrefois, des parties I et II de l'intéressant
travail de M. Horowitz. Dans le fascicule actuel on trouvera des détails sur
la querelle de la famille Kann et de la famille Kulp, de Francfort ; sur des
mesures prohibitives concernant le commerce des farines et des épices dans la
rue des Juifs; sur une consultation en faveur du Talmud par le savant chré-
tien David Frieder. Megerlin ; enGn sur la querelle bien connue de Jonathan
Eibenschûlz avec quelques-uns de ses collègues. Eu appendice, se trouvent
quelques documents inédits tirés des archives de la communauté Israélite
de Francfort et du Memorbuch de celte ville. La notice biographique sur
Josua Falk (p. 87) est intéressante. P. 91 et suiv., M. H. a reproduit
quelques inscriptions tumulaires du cimetière isr. de Francfort. Il n'eût pas
été mauvais de transcrire en allemand les noms propres de ces inscriptions.
Qu'est-ce que le113*i:\33> de la p. 32 ? la ^"':\''"ID p. 94? On trouve, confor-
mément à l'usage bien connu des Juifs de Francfort, un Sender zur Bunto
Kann (p. 92), Leib Kann zur Schehren (p. 93).
Iliowizi (Henry). Ilerod, a historical tragedy in five acts. Minneapolis,
impr. Tribune Book Booms, in-8" de 80 p.
Il est bien possible que ce drame n'ait pas une grande force tragique et
que les vers en soient médiocres, mais c'est une curiosité que ce poème
anglais composé dans le Minnesota par un jeune Polonais que nous avons
connu autrefois à Paris, et qui n'a sûrement pas appris l'anglais dans les
écoles primaires où il a été élevé.
Jagobs (Joseph). The Jewish question 1875-1883, bibliographical hand-list.
Dans Triibucr's American, European and Oriental lilerary Record,
Londres, n"* 187-92, 195-6, ou vol. IV, n«* 5-10, et vol V; n<> 1-2.
Bibliographie des outrages publiés sur la question juive depuis 1875 à
1883 et priiicipalemen». de toute la littérature anlisémitique. Nous avons pu
nous convaincre que M. Jacobs est très bien informé et qu il y a des
chances sérieuses que ba liste ne renferma pas d« lacunes graves. Elle s'arrête,
pour le moment, au milieu de la lettre M.
BIBLIOGRAPHIE 301
Jahres-Bericht des Rabbiner-Seminars zu Berlin pro 5643 (1882-1883).
Voran geht eine Beilage von D'" A. Berliner : BeiLruge zur Géographie und
Ethnographie Babyloniens im Talmud und Midrasch. Berlin, Driesner,
in-S» de 106 p.
Sur l'étude contenue dans cette publication, voir plus haut, à Tarticle
Bérlinbr.
Jahresbericht des jûdisch-theologischen Seminars Fraenkelscher Stiftung.
Voran geht : Die jûdischen Proselyten im Romerreiche unter den Kai-
sern Domitian, Nerva, Trajan und Hadrian, par le D' Graetz. Breslau,
impr. Schottlaender, in-S'' de 38-xi p.
Le travail de M. Gr. ajoute des éclaircissements nouveaux et ingénieux
à ce qu'on sait déjà sur la propagande juive parmi les payens sous les
empereurs romains. Beaucoup de prosélytes payens devaient vivre en Pales-
tine, M. Gr. pense que la loi du fîscus judaicus et d'autres vexations
amenèrent quelques-uns d'entre eux à devenir plus tièdes envers le judaïsme
ou à le renier, et que c'est contre eux uniquement que fut dirigée, sous
Gamaliel II, la formule des minim des 18 bénédictions, et il émet une
hypothèse intéressante sur une formule spéciale qui aurait existé d'abord
pour bénir, au contraire, les prosélytes fidèles et qui aurait été plus tard
soudée à la formule des çaddikim. La mesure prise par Johanan b. Zaccai,
après la destruction du temple, au sujet de la petite offrande à apporter
par les prosélytes à la place du sacrifice offert autrefois par eux serait
également une preuve du grand nombre de prosélytes en Palestine, à cette
époque. La question de la circoncision pour les prosélytes est connue,
celle des metuentes, payens devenus demi-juifs, a déjà été signalée d'abord
par M. Derenbourg, dans son Essai, p. 223, puis par M. Renan, dans la con-
férence faite en 1883 au cercle Saint-Simon. M. Gr. a eu la bonne fortune
de trouver le mot hébreu qui les désigne, Û'^!!31I5 "^t^T^j en opposition à
p15i i"li; (p. 13, note 2). Il poursuit dans le détail la législation talmu-
dique relative à ces demi-prosélytes et même aux payens qui demeuraient
dans le pays et qu'on espérait attirer par de bons procédés. On con-
vertissait aussi au judaïsme des Ammonites, des Egyptiens, des payens
de l'Asie Mineure, des Romains (p. 23-24 ; comparez, pour compléter,
Derenbourg, Essai, p. 332). Le monde dans lequel vivait Josèphe, à
Rome, était en partie composé de demi-prosélytes (p. 26), ce sont eux qui
sollicitèrent Josèphe d'exposer la religion juive aux Romains, soit pour en
faire l'apologie, soit pour la propager. On aura peut-être quelque peine à
admettre que le fameux voyage des quatre patriarches à Rome ait eu pour
objet la propagande religieuse (p. 27). La conversion de Flavius Clemens
ne paraît pas justifier suffisamment cette hypothèse. On demandera peut-
être comment il se fit que le judaïsme fît encore des conquêtes religieuses
et fût animé d'un nouveau mouvement d'expansion après la prise de
Jérusalem et la chute irrémédiable du royaume juif ? Ces conquêtes,
répond M. G., se firent surtout dans la société aristocratique de Rome.
Tandis que les classes inférieures étaient plutôt gagnées par le christianisme,
la noblesse s'attachait de préférence au judaïsme, non qu'elle comprit la
grandeur religieuse ou philosophique de la doctrine juive, mais uniquement
parce que, courbée sous le joug des empereurs, soumise de force à leurs
caprices, elle voyait, dans la révolte des Juifs, dans leur dernière résistance
à Jérusalem, dans la constance avec laquelle ils subissaient les vexations
du fisc et de la police romaine, une protestation contre la tyrannie. Ils
devenaient juifs ou judaïsants, parce que les Juifs représentaient pour eux
l'indépendance politique et la liberté.
Jahresbericht der Landesrabbinerschule in Budapest fur das Schuljahr
1883-84. Voran geht : Die Sinne, Beitrâge zur Geschichte der Physiologie
und Psychologie im Mittelalter aus hebrâiscben und arabischen Quellen
302 REVUE DES ETUDES JUIVES
• von David Kaufmann. Budapest, impr. de l'Université royale, iu-8*^ de
v-190-21 p.
Cette étude de M. K. sur les sens dans la littérature juive s'appuie sur
une érudition remarquable et des matériaux d'une surprenante richesse.
M. K. montre d'abord, dans son introduction, avec quelle ardeur les Juifs
du moyen âge se sont livrés aux recherches scientifiques, et comment ils
ont contribué, avec les Arabes, à transmettre la science grecque aux chré-
tiens d'Occident. Ils s'identifiaient à ce point avec leurs immortels modèles
et ils avaient un si grand respect pour eux, que toute la science grecque
leur paraissait venir de la Bible. Pythagore devient, pour eux, un disciple
de Salomon, Socrate est un descendant d'Asaf et d'Ahitofel, Platon a reçu
en Egypte les leçons de Jérémie, Galien n'est autre que le patriarche Ga-
maliel. L'exégèse biblique, l'allégorie, le symbolisme, la science des pra-
tiques religieuses, même la morale juive, s'inspirent de cet esprit scien-
tifique, les théories et les idées grecques sur les sens y jouent un rôle
assez important. Ces théories sont venues chez les Juifs par les Arabes ;
elles semblent se trouver pour la première fois chez Saadia. Le Livre de la
création ne connaît pas encore le nombre des sens (cinq sens), le mot même
pour les désigner manquait, on hésitait sur leur nombre, qui est quelque-
fois porté à huit, sur l'ordre dans lequel on devait les énumérer, sur leur
division et classification. M. K. recherche quelles idées avaient cours chez
les Juifs sur ces différents points, ce qu'ils pensaient de la nature des sens,
du mécanisme et du siège de la sensation, du rôle de l'intelligence dans la
sensation, des limites des sens, de leur rôle pendant le sommeil, de la sen-
sation après la mort, du symbolisme des sens , etc. Il prend ensuite l'his-
toire particulière de chacun des cinq sens, l'anatomie de leurs organes, les
mots par lesquels sont désignés ces organes, leur action physiologique. Nous
ne le suivrons pas dans ces détails, où il montre une science aussi vaste
que profonde.
Peut-être faudrait-il, comme nous le fait remarquer M. D., se garder
un peu plus d'attribuer aux Arabes l'initiative de tout ce qui s'est fait de
scientifique chez les Juifs du moyen-âge. Les Juifs avaient des termes
scientifiques et philosophiques qu'ils ont créés eux-mêmes et qui sont anté-
rieurs à l'influence arabe. Ainsi ÎTllUl'TO est plus ancien que le verbe b^D
qui est venu des Arabes ; Ï13D est plus ancien que Tlby, cause; tTÛSIÏl
plus ancien que lUiri, sens ; les mots DJ'lû, ms'HLJit!! sont aussi anté-
rieurs aux mots analogues tirés de l'arabe. Déjà le Deutéronome (iv, 28), en
disant des idoles qu'elles ne voient, ni n'entendent, ni ne mangent, ni ne
sentent, distingue en pleine conscience les quatre sens qui ont des organes
spéciaux, et s'il laisse de côté le sens du tact, c'est que les organes de ce
sens sont répandus sur toute la surface du corps et ne sont pas localisés.
Voir aussi, pour les éléments, le psaume civ. Il est vrai qu'on ne trouve
pas, dans la Bible, les mots abstraits pour désigner les sens, les éléments,
mais on n'y trouve pas non plus les mots rmnî< imité, nN'^33, prophé-
tie ^ et on ne soutiendra pas que les Hébreux n'avaient pas l'idée que ces
mots représentent.
Juifs, Extrait du Dictionnaire universel de géographie de Vivien de Saint-
Martin, publié par la librairie Hachette, tiré à 100 exemplaires. Paris,
impr. Laliure, in-18 de 118 p.
Cet article se compose de cinq chapitres. Le chapitre i^*' est consacré à
la définition des mots Hébreux, Juifs, Israélites, aux sectes juives ou sub-
divisions du Judaïsme actuel; le chap. ii traite du dénombrement des Juifs
dans toutes les p^^lies du monde; le chap. m, de l'ethnographie, anthro-
pologie et démographie juives (race, type, caractères anthropologiques,
mariages, naissances, décès) ; le chap. iv, de l'état social et économique des
Juifs. Le chap. v contient ua tableau abrégé de l'histoire des Hébreux
(p. C4, 1. 3 eu bas, Us. • femme *, uon « fillo >), de l'iiistoire des Juifs
BIBLIOGRAPHIE 303
pendant la période du second temple, de l'histoire des Juifs au moyen-âge
et de leur émancipation dans les temps modernes. Le chap. vi contient un
tableau de la littérature juive, et le chap. vu est consacré à la bibiogra-
phie.
KAUFMA.NN (David). Vom jiidischen Katechismus. Budapest, Samuel Zilahy,
in-80 de 19 p.
La thèse soutenue par M. K. est excellente et frappante de vérité. On
dit souvent que si des reproches injustes sont adressés au judaïsme, c'est
qu'il se renferme en lui-même et échappe à l'examen. M. K. montre quel est
le nombre et l'importance des travaux des savants juifs et chrétiens pour
faire connaître le judaïsme et qu'il n'y a rien de plus facile que de l'étudier,
si on veut bien s'en donner la peine. Il y a de plus les catéchismes, dans
leur rédaction populaire. Le judaïsme, il est vrai, n'aime pas les caté-
chismes; il n'en a pas besoin, car il repose tout entier sur l'éducation reli-
gieuse reçue dans la maison paternelle, et on n'est pas encore bien sûr
qu'il y ait des dogmes juifs. Cependant il y a des centaines de caté-
chismes juifs. « Les Juifs, dit l'auteur, peuvent avoir des catéchismes,
mais non un catéchisme. »
Kœnig (Frieder.-Eduardj. Die Hauptprobleme der israelitisclien Religions-
geschiclite gegenùber den Entwickelungstheoretikern. Leipzig, libr. J.-C.
Hinrichs, in-S» de (2)-108 p.
M. Kœnig est un adversaire déclaré des théories qui dominent aujour-
d'hui dans l'histoire de la religion biblique. Il n'admet pas que cette reli-
gion soit issue, par transformations ou altérations successives, du poly-
théisme grossier des peuples asiatiques ; il croit au contraire que, dans son
essence, elle a été, dès l'origine, ce qu'elle était du temps des prophètes,
une religion spiritualiste et monothéistique qui a pu subir, depuis Moïse,
des changements d'ordre secondaire, mais est toujours restée la même dans
sa substance. M. K. poursuit cette thèse dans le détail, en l'appliquant aux
questions suivantes : Quelle était la religion de Moïse? Le Jahwisme date-
t-il réellement du temps de David? Serait-il d'origine cananéenne? Y a-t-il
eu réellement progrès et développement dans l'idée fondamentale de la na-
ture de Jahwé, de son immatérialité, de son caractère, de son alliance avec
Israël? Quelles sont les lois et cérémonies religieuses déjà établies dans le
Jahwisme anté-prophétique? L'idée de l'universalité future de la Loi juive
n'est-elle pas antérieure aux prophètes? M. K., on le voit, résiste au cou-
rant qui entraîne la science biblique, il brave crânement tout le camp des
exégètes, et sa tentative est intéressante parce qu'elle s*appuie sur une
science très solide et une connaissance sérieuse de la matière.
KORN (J.-Ch.). Der Talmud vor Gericht; Vortrâge gehalten im Leseklub
Sciinta [à Berlad] ... — I. Standpunkt : Législation. Wien, impr. Moritz
Knôpfelmaclier, in-8" de 46 p.
KuENEN (A.). Religion nationale et religion universelle; Islam, Israéli-:-
tisme, Judaïsme et Christianisme, Buddhisme ; cinq lectures faites à
Oxford et à Londres au printemps de 1882 ; traduit du hollandais par
Maurice Vernes. Paris, libr. Ernest Leroux, in-8'' de viii-278 p.
Ces lectures sont : 1° l'Islam; 2*^ la religion nationale des Israélites,
prêtres et prophètes de Jahwé; 3° l'universalisme des prophètes, l'établis-
sement du Judaïsme; 4^ Judaïsme et Christianisme; 5** le Buddhisme.
A la fin du volume se trouvent des Remarques dont nous signalons les
suivantes : « Les rouleaux d'Abraham et de Moïse » et « les fables des an-
ciens dans le Qoràn ; > la prononciation du nom divin Jahwé ; explication
d'Osée, IX, 3-5; l'origine égyptienne de Lévi; l'antiquité du monothéisme
israélite ; conséquences à tirer de l'inscription de Cyrus ; Esdras et l'éta-
304 REVUE DES ETUDES JUIVES
blissement du Judaïsme; explication du Lévitique, XXII, 25. Il est évi-
demment impossible d'analyser ici un tel ouvrage, résumé des grands tra-
vaux de l'illustre savant hollandais et de l'œuvre de sa vie. Notre ami
M. Vernes a été heureusement inspiré en nous donnant la traduction fran-
çaise de ces lectures si instructives.
Lambeck (H.). Psalm CIV im Urtext mit seiner Uebertragung in elf Spra-
chen, als Spécimen einer Psalter-Polyglotte. Kôthen, libr. Paul Schettler,
1883, in-40 de iv-72 p.
L'auteur voudrait imprimer un Psautier polyglotte. Nous avouons que
nous ne sommes pas spécialement frappé de l'utilité de cette publication.
Le spécimen qu'il nous donne du Psaume civ est. arrangé comme suit :
d'abord, le texte hébreu d'un verset; puis, à la suite, les traductions de la
Septante (grec), de la Vulgate (latin), deux autres traductions latines, et
ensuite, d'après les publications de la Société biblique de Londres, des tra-
ductions italienne, espagnole, portugaise, française, anglaise, danoise, sué-
doise et hollandaise. A la suite des traductions se trouvent des explications
grammaticales et lexicologiques assez élémentaires.
Levi (David). Il semitismo nella clviltà dei popoli. Turin, impr. de l'Union
typographique, in-8° de 92 p.
Cet opuscule est divisé en trois parties : 1 . Origine et essence de l'idée
sémitique ; 2. Développement de l'idée sémitique ; 3. Le xix® siècle. Nous
nous sommes imposé pour règle de ne pas analyser ici les ouvrages d'apo-
logie et de polémique antisémitique ; l'ouvrage de M. Lévi, pour la variété
et la profondeur des vues qui y sont exprimées, méritait cependant une
mention.
Lewin (Adolf). Der Judenspiegel des D"" Justus ins Licht der Wahrheit
gerûckt. Magdebourg, impr. D.-L. Wolf, in-S** de 89 p. Extrait du Jiid.-
Literaturblalt.
Réfutation, article par article, de l'ouvrage du pseudonyme Justus, avec
indication des sources et des erreurs. Cette réfutation est très bonne, et
généralement le langage garde la sérénité que doit avoir tout travail scien-
tifique.
LôwY (D.). Der Talmudjude von Rohling in der Schwurgerichtsverhand-
lung vom 23. Oktober 1882. Wicn, libr. D. Lôwy, in-8« de 40 p.
Lœwy (Jacobus). Libri Kobelet versio arabica quam composuit ibn Ghi-
jûlli. Dissertatio inauguralis. Leyde, impr. E.-J. Brill, in-S» de 32 p.
latin et 18 p. texte arabe en caractères hébreux.
Isaac fils de Juda ibn Gayath (je crois que Gayath est la forme plus
usitée que Giyath pour le mot ^^^UJI^S), de Lucena eu Espagne (1030 à
1089), un des célèbres liturgistes d'Espagne, composa en hébreu un ouvrage
de casuistique (halakhol) ainsi qu'un commentaire sur TEcclésiaste en
arabe. Pour la biographie de notre Isaac, je renvoie le lecteur à l'article
étendu de M. J. Derenbourg (dans la Zeitschrif t fiir jûdische Théologie,
de A. Goiger, t. V. p. 3G9 et suiv.). Ce commentaire qu'on croyait
perdu, comme tant d'autres ouvrages juifs, fut reconnu avec une grande
sagacité par M. J. Locwy dans un manuscrit d'Oxford, venu récem-
ment du Yémcn. En effet, à la fin du manuscrit, on lit ces mots écrits
d'une main récente : niS^i "j^ ptlit"^ 3nD Nlîl, phrase que j'ai négligée
dans mon catalogue (n" 2333). J'ai corrigé cette erreur dans la table des
errata. D'après le'' passages cités en hébreu au nom de Gayaih par
David Qamhi dans son dictionnaire, par Judah ibn Ualam dans ses
opuscules do grammaire, et par Jacob Giani (ou Al-Djieni, de Jaen ; voir
son commentaire sur Job, manuscrit de Paris, 152,4) dans son commen-
\
BIBLIOGRAPHIE 305
taire sur l'Ecclésiaste, comparés à l'original arabe du manuscrit d'Oxford,
il ne reste aucun doute que Gayalh en est l'auteur. M. Lôwy donne
pour le moment la traduction arabe du Kohélet par Gayatb et promet
de publier l'ouvrage en entier dans peu de temps. Il serait désirable qu'il
se décidât à traduire le commentaire dans une langue vivante et non pas
en latin ; pour une thèse, c'est bon et peut-être même nécessaire, mais
le latin n'est nullement pratique pour un ouvrage destiné à être lu par des
rabbins de Pologne et d'Orient. — Â. N.
Mendoza. y Bovadilla (el cardinal D. Francisco), obispo de Burgos, arzo-
bispo de Valencia, etc. El lizon de la nobleza espanola o maculas y sam-
benitos de sus linajes. Barcelone, La selecta, empresa literario-editorial,
1880, in-8*' de 205 p. ; en tête, portrait litliographié de l'auteur.
Quoique cet ouvrage ait été édité il y a quatre ans, nous croyons pouvoir
en dire quelques mots ici, parce qu'il est curieux et peu connu. Le cardinal
Mendoza, auteur de l'ouvrage, naquit en 1508 et mourut à l'âge de cin-
quante ans. Il avait été docteur en théologie et docteur ès-lettres de l'uni-
versité de Salamanque, archidiacre de la cathédrale de Tolède, évêque de
Coria et de Burgos, archevêque de Valence, cardinal du sacré collège ro-
main . On vante beaucoup sa science et ses vertus. Ce Mémoire sur la no -
blesse espagnole n'est cependant pas une œuvre de grande charité. Il le
composa en 1560, pour venger un de ses parents, que la cour des Ordres
de noblesse repoussait pour défaut de lignage. Le cardinal adressa le Mé-
moire au roi Philippe II. Il y prouvait qu'il y avait des taches dans le sang
des plus grandes familles d'Espagne. C'était doue bien le tison de la no-
blesse espagnole. Le Mémoire est composé de deux parties. La première
partie est intitulée : Taches des plus nobles lignages. Ces taches viennent
de ce qu'il y a, dans ces familles, par suite de mariages et de conversions,
du sang maure, du sang juif, du sang d'esclaves. La famille de Porto-
carrero et les seigneurs de la maison de Moguer, qui, à présent (à cette
époque) se disent du marquis de Villauuova, descendent de Ruy Capon,
juif converti, almojarife (intendant des finances) de la reine dona Urraca.
Ces familles embrassent presque toute la Castille et le Portugal. De ce
même Ruy Capon descend aussi la famille du marquis de Dénia. Un vieux
couplet dit déjà : « De Rey Capon descend — quasi toute la nation; —
Comment un rey (roi) si puissant — peut-il s'appeler Rey Capon (châtré)? »
Les ducs de Berganza descendent d'Inès Hernandez Estevez, fille d'un
savetier juif ou maure, baptisé dans le Portugal. Suit chaque fois la longue
liste de toutes les familles appartenant à chacune de ces lignées.
Dans la seconde partie du Mémoire, intitulée Sambenitos, l'auteur passe
eu revue les familles qui ont eu des membres qui avaient porté le sam-
benito de l'inquisition et avaient dû faire confession publique de leurs
fautes. Nous ne savons si on a jamais soumis à la critique les assertions,
probablement exagérées, du cardinal. Son Tizo, imprimé autrefois, était
introuvable, et la société Selecta a bien fait de rééditer l'ouvrage pour le
placer dans sa bibliothèque d'oeuvres rares.
Der Midrasch Wajikra Rabba', das ist die haggadische Auslegung des dril-
ten Bûches Mose, zuni ersten Maie ins Deutsche ûbertragen von Lie.
D"" Aug. Wiinsche. Leipzig, Otto Schulze, in-8° de x-398 p.
Le mistére du Viel Testament, publié avec introduction, notes et glossaire
par le baron Jamcsi de Rothschild. Tome IV, Paris, libr. Firmin-Didot,
1882, in-80 de cxxxv 1-412 p.
M*"^ la baronne James de R. continue pieusement la publication de ce
mystère auquel feu le regretté président de notre Société a attaché son
nom. Le présent volume contient les épisodes de Samson, de Samuel,
T. VIII, nO 16. 20
àOO * REVUE DES ÉTUDES JUIVES
l'histoire de Saill, de David, d'Absalon et de Salomon. La notice qui forme
l'inlroductioa renferme, sur les œuvres dramatiques qui ont traité les mêmes
sujets dans les différents pays européens, les plus abondantes indications
bibliographiques qu'on puisse désirer.
MosLER (Lleinrich). Die jiidische Stammverscliiedenheit, ihr Einfluss auf
die innere und âussere Entwickelung des Judenthums. Leipzig, libr.
Wilhelm Friedericli, in-8° de x-146 p.
La thèse de l'auteur est que les douze tribus d'Israël n'ont pas une ori-
gine commune. C'est une thèse qui n'est pas nouvelle, et on ne peut pas
dire que M. M. l'ait renouvelée ou approfondie. Ses arguments méritent
considération, mais ils sont faiblement liés et ne font pas impression.
MiJLLER (Alois), bibliothécaire impér. et roy. de l'université de Graz.
Brauchen die Juden Christenblut? Ein offenes Wort an denkende Chri-
sten. Wien, libr. Oskar Frank, in-8^ de 16 p.
La réponse de l'auteur à la question qu'il pose^st celle de tout homme
sensé : toute cette accusation du sang n'a pas le moindre fondement.
Chronique dite de Nestor, traduite sur le texte slavon russe avec introduc-
tion et commentaire critique, par Louis Léger. Paris, libr. Leroux, in-S'*
de xxviii-399 p. Publication de l'Ecole des langues orientales vivantes.
Cette chroiiique, qui date de la fiu du xi° siècle ou du commencement
du xn® siècle, contient sur les personnages de l'Ancien-Testament un assez
grand nombre de légendes qui sont de véritables midvaschim et dont la
pli'part ont probablement été puisées (comme par exemple celle d'Abraham
détruisant les idoles) dans le midrasch juif. Au chap. XL ^p. G8 et suiv.)
l'auteur raconte comment, en l'année 98G, le prince Vladimir eut des confé-
rences religieuses avec des Bulgares niahoméians, des Allemands de Rome,
et des Juifs Kozares, qui voulurent, les uns et les autres, le convertir à
leur foi, et c'est une occasion, pour les Juifs, d'exposer au roi, avec force
légendes, leur religion et les principaux faits de l'histoire sainte. Au
chap. XG se trouve une digression sur les anges où l'ange Michel est
représenté comme étant spécialement chargé de la protection des Juifs, et
où il est question, entre autres, de la présence d'Alexandre à Jérusalem.
Ou trouvera encore des légendes dans Ihisloire de Caïu, de Cham, de
Daniel, etc. (Voir l'index chronologique). La seule notice historique sur les
Juifs de Russie se trouve au chap. xcii, où il est raconté qu'à la mort du
prince Sviatopolk II, en 1113, les habitants de Kiev se jetèrent sur les
Juifs de cette ville et les pillèrent. Ces Juifs paraissent avoir été attirés à
Kiev par Sviatopolk (index chronologique).
Neuba-UR (L.). Die Sage vons cwigen Juden. Leipzig, libr. llinricbs, in-8**
de vî-132 p.
L'histoire de la légende du Juif errant reste, après la publication de
M. N., ce (ju'elle est dans le savant aiticlc de M. Gaston Paris, publié
dans l'Encyclopédie des Sciences religieuses, de Lichteuberger (tome Vil,
Paris, ISSU, p. '«98). La légende, dans sa forme actuelle, est très moderne.
Le preniicr Juif errant, si l'on veut, est Caïn. Le Coran connaît aussi un
voyageur éicrnci, Samiri, qui a fabriciué le voau d'or. La légende de Sa-
niiri est probablement d'origine juive, la légende chrétienne paraît avoir
pour origine un passage des Evangiles synoptiques (Matlh,, xiv, 28;
Marc, IX, 1 ; Luc, ix, 27), où Jérus dit que beaucoup de ceux qui sont
devant lui ne gofiteront pas la mort avant d'avoir vu la royaume de Dieu,
et un passage de l'évangile de Jean (xxi, 22^, où Jésus dit du disciple
aimé (le futur Cartaphilus?) : « Si je veux qu'il reste jusqu'à ce que je
vienne (revienne), que t'importe? * 11 fallait donc au christianisme, pour
BIBLIOGRAPHIE 307
assister au futur rétablissement du royaume de Dieu sur la terre, des
témoins contemporains de Jésus et qui n'avaient pas cessé de vivre. Déjà
au commencement du moyen âge, on voulait que Jean fut un de ces té-
moins et qu'il n'était pas mort. Ces témoins étaient propres aussi à con-
fondre les Juifs. La plus ancienne légende où apparaisse un Juif comme
témoin immortel de la Passion de Jésus est peut-être une légende italienne
d'après laquelle un Juif appelé Malc aurait donné à Jésus, sur le chemin de
la croix, un soufflet avec un gant de fer, et aurait été condamné par Jésus
à vivre sous terre, tournant éternellement autour d'une colonne. Ce n'est
pas encore le Juif errant. Un témoin remarquable de la Passion de Jésus
apparaît pour la première fois dans un récit de Mathieu Paris recueilli de
la bouche d'un archevêque d'Arménie venu en Angleterre en 1228. D'après
ce récit, un payen, portier du prétoire de Ponce-Pilate, du nom de Car-
taphilus, avait frappé Jésus du poing au moment où Jésus était entraîné
par les Juifs et lui avait dit : Va donc plus vite, A quoi Jésus répondit :
Je vais," et toi tu attendras que je vienne. Cartaphilus, repentant, se fit
baptiser sous le nom de Joseph ; c'est un saint homme, il demeure en Ar-
ménie, il rajeunit tous les cent ans et il attend, pour mourir, le retour de
Jésus. Mais celte histoire, où le témoin n'est pas un Juif, resta à peu près
inconnue; les mystères du moyen âge, les prédicateurs, les poètes ne la
connaissent pas. Ce n'est qu'au commencement du xvii® siècle que naît, en
Allemagne, la vraie légende du Juif errant. L'Antéchrist était apparu en
Orient, on attendait en Occident le jugement dernier, les circonstances
étaient donc favorables à Téclosion d'une légende. En 1602 parut en Alle-
magne une Courte Relation et récit d'un Juif nommé Ahasvérus, qui avait
assisté au crucifiement de Jésus, et qui avait raconté son histoire à Ham-
bourg, en 1547, à Paul d'Eitzeu, plus tard évêque protestant du Schleswig.
La légende, dans sa nouvelle forme, était, dans tous les cas, d'origine pro-
testante. Ahasvérus raconta qu'il avait été cordonnier à Jérusalem; que
Jésus, sur le chemin de la croix, voulut se reposer devant sa maison, mais
qu'il l'en chassa, et que Jésus lui dit : Tu marcheras jusqu'au jugement
dernier. Depuis ce temps, Ahasvérus parcourait le monde, ne pouvant
s'arrêter nulle part, ne pouvant pas mourir. 11 parlait toutes les langues ;
il était bon, triste, on ne l'a jamais vu rire, et quand on lui offrait de l'ar-
gent, il ne pouvait prendre que deux schilling, qu'il distribuait immédiate-
ment aux pauvres. Il est plus que probable que l'auteur anonyme de cette
relation l'a inventée en s'appuyant sur le récit de Mathieu Paris, et que
l'intervention de Paul d'Eitzen est purement fictive. La même année 1602
parut en Allemagne un récit à peu près semblable (Relation singulière d'un
Juif né à Jérusalem, nommé Ahasvérus, etc.), signé du pseudonyme
Chrisostomus Dudelaeus Westphalus. D'Allemagne, le récit du Juif errant
passa en France, où il fut répété, dès 1604, par un avocat de Paris nommé
Bouthrays. Il se répandit ensuite dans tous les pays européens. Sa vogue
fut incroyable, la littérature populaire, l'imagerie s'en emparèrent, des
milliers de publications, de gravures répandirent le nom et l'histoire du
pauvre Juif; on le voit en personne, il n'y a pas de villes où il ne fasse de
temps en temps une apparition. Plusieurs traits de la légende se modi-
fièrent. En Belgique, le Juif ne s'appela plus Ahasvérus, mais Isaac
Laquedem (de l'hébreu k^dem, « orient » ou « ancien »?). Dans une publi-
cation allemande de IG'iO, on racontait qu'Ahasvérus frappa Jésus avec la
forme d'un s-oulier (puisqu'il était cordonnier), et on ajoutait qu'il se fit
chrétien et s'appela Buttadeus (M. G. Paris suppose que ce mot signifie
« boute Dieu », c'est-à-dire qui boute, pousse Dieu dehors; voir Neub ,
note 23). Les anciennes légendes avaient permis au Juif-errant de s'arrêter
un peu dans ses courses à travers le monde; plus tard, il faut qu'il marche
sans trêve ni repos ; autrefois il mangeait, très peu, il est vrai; maintenant
il n'a plus besoin de manger, et ses vêtements se conservent indéfiniment.
Un des traits les plus curieux de la légende nouvelle, ce sont les éternels
cinq sous que le Juif-errant a toujours en poche et qui se renouvellent sans
^03 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
cesse. Le plus souvent il est triste, quelquefois cependant, quand il s'anime
au récit de ses voyages, il a la note gaie et populaire. « Messieurs, le
temps me presse... Adieu la compagnie! » (Neub., 41). — « Je donnerai
tout mon quibus. Pour monter dans un omnibus ; Mais cinq sous ne suffi-
sent plus, C'est six sous que réclame Un cocher sans âme. • (Neub., 37.)
Le grand mérite du travail de M. Neubaur est dans la bibliographie,
qui offre des renseignements précieux sur toutes les publications relatives à
cette singulière légende et que l'auteur s'est donné la peine de recueillir
dans toutes les bibliothèques d'Europe.
Perreau (Pietro). Appendice ail' Oceano délie abbreviature e sigle ebraiche,
chaldaiche, rabbiniche, talmudiclie. cabalistiche, rituali, gcografîche, de
titoli di libri, di nomi d'autori, délie iscrizioni sepolcrali, etc., etc., collo
loro varie soluzioni. Parme, édition autographiée à 60 exemplaires, papier
écolier, de ix-102 p.
Continuation et complément excellent du précédent ouvrage de M. Per-
reau sur les abréviations de la littérature rabbiuique. C'est ua manuel très
utile, et qui rendra des services aux personnes les plus exercées à déchiffrer
ces petites énigmes.
Rawigz (M.). DerTraktat Megilla nebst Tosafat [sic] vollstândig ins Deutsche
ûbertragen. Francfort-s./-M., libr. Kauffmann ; Ettenheim, impr. Leibold,
in-80 de (2)-117 p.
Traduction populaire du traité Megilla du Talmud, dans le sens de
Raschi, avec indication, en note, d'un certain nombre de remarques des
tosafot.
Renan (Ernest). Nouvelles études d'histoire religieuse. Paris, libr. Cal-
mann-Lévy, in-8*' de xxi-533 p.
Il est superflu de dire que ce livre a, comme tout ce que fait M. Renan,
la grâce et le charme. Beauté de la forme, richesse et nouveauté de la
pensée, vaste et solide érudition, tout y est. M. Renan a des philtres sa-
vamment composés, dont l'action est sûre et l'enchantement souverain. La
plupart des articles qui composent ce volume, et dont quelques-uns sont
inédits, échappent à noire compétence. Voici la liste de ces articles : La
méthode expérimentale en religion; Paganisme; Mythologie comparée;
Premiers travaux sur le bouddhisme ; Nouveaux travaux sur le boud-
dhisme ; Les traductions de la Bible ; Les téaziés ^pièces de théâtre) de la
Perse; Joachim de Flore et l'Evangile éternel; François d'Assise; Une
idylle monacale au xiii° siècle (Christine de Stammeln) ; L'art religieux;
La congrégation De auxiliis ; Un mot sur le procès de Galilée ; Port-Royal;
Spinoza (conférence tenue à La Haj'e le 12 février 1877, deux centième
anniversaire de la mort de Spinoza). Cette conférence a été publiée à part
à l'cpoquc où elle a été tenue. Elle est un des plus beaux hommages qui
aient été rendus au célèbre philosophe. L'article sur les traductions de la
Bible est un des plus courts et des moins importants du recueil.
RODKiNSOHN (M.-L.). Der Schulchan Aruch und seine Beziehungen zu deu
Juden und Nichtjudeu, ins dcutsche iibersclzt von D. Lôwy. Wien, libr.
D. Lôwy, in-80 de G8-x p.
Roi (J.-F.-A. de le), pasteur. Die Evangclische Chrislcnbcit und die Juden
untcr dcm Gesichtspunklc der Mission geschichtlich belracbtel. 1*"* vol.
Garlsruh et Leipzig, libr. H. Rculher, iu-S*' de xiii-140 p.
Histoire des missions protestantes pour la conversion des Juifs au chris-
tianisme. L'auteur a été autrefois au service de la Société des missions, de
Londres. L'Iutroductioa est consacrée eu partie à la bibliographie. L'on-
BIBLIOGRAPHIE 309
vrage le plus important, avant celui de M. de le Roi, sur l'histoire des
missions chrétiennes parmi les Juifs, est celui du Danois Kalkar (Copen-
hague, 1868; allemand, 1869), dont une nouvelle édition, très augmentée, a
paru à Copenhague en 1881. M. de le R. cite encore Israël and the Gen-
tiles, par Isaak da Costa, Londres, 1880, et les journaux suivants : Blàtler
fur Mission, publié chez Klinkhardt, à Leipzig; Saat und Iloffnung (tri-
mestriel), publié depuis 1863 par D. Delitzsch, à Leipzig, puis à Erlangen ;
Dibre Emeih, publié depuis 1845 par J. C. Hartmann, puis par l'auteur (à
Breslau); The Jewish Expositor, publié par la Société des missions de
Londres, 1816-1831, remplacé par The Jewish Intelligence; le Missionsblatt
des Rheinisch-Westfâlischeu Vercins fur Israël, publié à Barmen depuis
1843; Die Mission unter Israël (trimestriel), publié par R. Vormbaum, à
Cologne, 1863-1875.
Le récit de la propagande protestante parmi les Juifs commence natu-
rellement au xvi^ siècle, avec Luther. L'auteur montre que le moyen âge,
avec sa haine et ses persécutions contre les Juifs, ne pouvait penser un
instant à les convertir autrement que par la violence (p. 17; il n'est pas
exact de dire que là rouelle ou le vêtement particulier que portaient les
Juifs furent d'abord inventés pour les protéger ; ils datent officiellement du
concile de Latran, de 1215, et furent uniquement inventés pour isoler les
Juifs). La conduite de Luther envers les Juifs ressemble à celle de Maho-
met. Comme le prophète arabe, il espère d'abord convertir les Juifs, il se
montre envers eux affectueux et sympathique ; puis, quand il s'aperçoit de
leur résistance, il s'irrite, s'emporte, les accable d'injures, leur déclare une
sorte de guerre d'extermination. Il a pu croire qu'un médecin juif était venu
de Pologne pour l'empoisonner (p, 27), mais nous sommes étonné que M. de
le R. ajoute foi à une pareille fable; il n'y a pas de trace, dans la littéra-
ture juive, d'une hostilité des Juifs contre Luther. Calvin et Zwingle s'oc-
cupent peu des Juifs, et, en somme, les premiers essais de conversion se
montrèrent à peu près infructueux. Au xvn® siècle commencent les ef-
forts des savants pour étudier la littérature juive et y puiser des arguments
pour la controverse. On lira avec beaucoup d'intérêt le jugement de l'au-
teur sur Eisenmenger (p. 82). « Cet ouvrage est néanmoins un acte d'in-
justice envers les Juifs, car il ne recueille que ce qu'il y a de mauvais et
de singulier dans la littérature juive et néglige tout ce qui est bon... Le
public chrétien, qui trouvait ici un vaste matériel scientifique composé
d'extraits, et qui ne pouvait pas connaître la partialité qui avait présidé au
choix de ces morceaux, devait emporter de la lecture de cet ouvrage un
sentiment de haine profonde contre les Juifs. . . On doit regretter bien plus
encore que le livre d'Eisenmenger ait été çoniinuellement et jusqu'à nos
jours exploité par tous les ennemis chrétiens des Juifs, pour fournir satis
cesse un nouvel aliment à la judéophobie. » Nous voudrions seulement
ajouter, et nous sommes convaincu que M. de le R. finira par partager
cet avis, que la véritable et grande falsification commise par Eisenmenger
est moins encore dans le choix exclusif de ses extraits que dans l'ab-
sence de toute critique historique et scientifique et dans cette erreur
perpétuelle qui consiste à attribuer à tous les Juifs de toutes les époques,
comme doctrine de la synagogue, ce qui était opinion individuelle, souvent
jeu d'esprit et pure fantaisie. Il nous est impossible de suivre M. de le R.
dans son récit à travers le xvii« et le xviiie siècle. Ce que nous avons dit
de son livre montre assez l'importance des matériaux réunis par l'auteur et
l'intérêt de ses recherches savantes.
Saadia Al-Fajûmis Arabische Psalmenûbersetzung. Nacli einer Miinchner
Handsclirift herausgegcben und ins deutsche iibertragen von D*" II. S.
Margulies ; erster Tbeil, Breslau, in-8*^.
Un grand nombre de passages de la traduction et du commentaire sur
les psaumes de R. Saadyah, gaon du Fayyoum, ont été publiés par
31d REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Schnurrer, Haneberg et Ewald. Un jeune savant, M. Margulies, a choisi
pour sa thèse de doctorat l'édition de cette traduction et de ce commentaire
(Pourquoi M. Margulies ne met-il pas sur le titre Ubersetzung und
Commentar ?) des premiers vingt chapitres avec traduction allemande et
notes copieuses, soit pour expliquer les mots arabes, soit pour donner les
sources talmudiques que Saadyah suit parfois dans sa traduction. Les
comparaisons des passages de ce commentaire avec ceux qu'on trouve dans
l'ouvrage philosophico-théologique Kiiâb al-Amânàth w-al-l'tiqâdâth,
du même auteur, quoi qu'il en soit, sont superflus pour prouver que notre
commentaire sur les psaumes est en effet de Saadyah ; personne ne l'a
jamais contesté.
L'édition est faite d'après deux manuscrits, dont l'un de Munich et l'autre
d'Oxford ; les variantes sont données dans les notes. Pour une édition
définitive de tout le commentaire, le manuscrit de Londres sera indis-
pensable pour fixer les bonnes leçons sans avoir recours aux conjectures.
Je saisis cette occasion d'appeler l'attention de M. Margulies sur le fait
suivant. M. Nutt, l'éditeur des opuscules de Hay3'uj (traduction de Moise
Giqatilia) et du commentaire sur Isaïe d'Eliézer de Beaugenci, et l'auteur
d'un mémoire sur l'histoire et la littérature des Samaritains, avait l'inten-
tion de publier la traduction et le commentaire de Saadyah avec une
traduction anglaise ; à cet effet il avait acquis la copie que feu Ch.
Rôdiger avait faite du manuscrit de Munich, coUationnée avec le manus-
crit d'Oxford, en y ajoutant des notes critiques. Ne serait-il pas utile que
M. Margulies fît usage du travail du grand orientaliste, et qu'il acquît la
copie do M. Nutt? — A. N .
Saint-Yves d'Alveydre. Mission des Juifs. Paris, libr. Calmann-Lévy,
in- 8" de 947 p. En tête, portrait de l'auteur.
L'objet de ce livre est défini par l'auteur en ces termes (p. 15] : « Récon-
ciliation de la science et de la religion judéo-chrétienne, rapprochement des
corps enseignants religieux et civils, distinction de l'Autorité et du Pouvoir,
limitation de la politique par trois pouvoirs sociaux et spéciaux. » Et dans
la conclusion qui termine son livre : « La constitution de la paix judéo-
chrétienne doit se faire dans un congrès européen, composé des délégués
de tous les cultes judéo-chrétiens, des délégués de tous les tribunaux euro-
péens, des délégués de tous les syndicats économiques de l'Europe (p. 937-
938). Ces délégués représentent les trois pouvoirs que l'auteur appelle les
trois pouvoirs sociaux de la Synarchie, et qui sont fondés respectivement
, sur la science ou la sagesse, sur la justice, sur la magistrature locale, ou, si
nous comprenons bien, sur le gouvernement par soi-même ou l'économie uni-
verselle (p. 624). L'auteur retrouve ces institutions dans la Bible et en partie
même dans le Judaïsme post-biblique (voir, par exenij le, p. 473). Par l'or-
ganisation de leurs communautés actuelles (l'auteur se trompe sur la nature
de ces communautés, p. 011 et suiv.), par leurs vertus domestiques et les
vertus de la famille, les Juifs réalisent eu partie la Synarchie, ils sont le
levain d'un monde affaibli et énervé (p. 01 1-027). C'est en reconstituant
l'Europe sur le modèle de la Synarchie moïsiaque, avec le concours de
tous les clergés, et du clergé juif en particulier, que l'on remplacera, en
Europe, le règne de la violence et de l'iniquité par le règne de la justice.
C'est, comme on le voit, l'ancienne idée de la paix universelle, rêve des
prophètes hébreux, et l'auteur est lui-même une sorte de prophète, un Isaïe
qui a appris les mathématiques et qui habille ses visions de formules trans-
cendantes. Mais ces visions sont généreuses et nous pouvons souhaiter
qu'elles deviennent des réalités.
Sghnedermann (Gcorg), Docent h l'univcrsilé de Bâle. Das Judcntbum und
die chrislliche Verkiindiguug in dcu Evangclicn. Leipzig, libr. J.-C.
Hinrichs, in-S" de iv-282 p.
BIBLIOGRAPHIE 311
L'auteur suit pas à pas les relations des Juifs avec Jésus dans le qua-
trième évangile, puis dans les évangiles de Marc, de Mallhieu et de Luc.
Il étudie ensuite les différenles couches de la société juive et les idées qui
y régnent, et enûn le rôle et la personne do Jésus dans leurs rapports avec
les Juifs. Le mérite de ce travail est surtout dans la richesse des informa-
tions et la recherche minutieuse du détail. Il ne semble pas que l'auteur ait
aussi bien réussi à grouper les matériaux qu'il a réunis avec un zèle si
méritoire et à interpréter les faits. Quand on a lu so.i chapitre sur les Pha-
risiens et les Sadducéens, on s'imagine qu'on en sait un peu moins qu'au-
paravant sur ces deux célèbres partis juifs, et dans tous les cas, beaucoup
de traits importants, qui achèvent de les peindre, ont été omis par M. S.
11 a bien raison de se demander pourquoi Jésus fut crucifié; nous sommes
absolument d'accord avec lui qu'il ne suffit pas de dire que ce fut parce que
Jésus ne répondait pas aux espérances du peuple juif dans le rétablisse-
ment de leur pouvoir temporel, ou parce qu'il apparut au peuple juif comme
un blasphémateur. Mais il nous paraît beaucoup moins certain que ce fut
« parce qu'il repoussa l'autorité particulariste de la Loi et du Peuple de Dieu,
la considéra comme un pur rêve, réduisit à néant la justice et la législation
particularistes, et non seulement exprima la nécessité et la possibilité d'un
Messie et fils de Dieu souffrant pour l'humanité entière, mais devint la re-
présentation personnelle de ce Messie » (p. 273). Il est permis de se de-
mander si les causes de l'insuccès de Jésus parmi les Juifs ne furent pas
beaucoup plus simples et plus natui elles, et si véritablement les Juifs étaient,
à cette époque, si exclusifs et si particularistes que le pense M. Schn. On
pourrait trouver qu'il y a, dans le passage que nous avons cité, plus de pré-
jugés théologiques que de vérités historiques, et nous croyons qu'en général
le travail do M. Schn., quelque sérieux qu'il soit, n'échappera pas tout à
fait au reproche de n'être pas assez affranchi des préoccupations reli-
gieuses. Ces préoccupations se trahissent, à notre sens, dans tous les pas-
sages du livre où l'auteur nous montre tout le judaïsme palestinien se dres-
sant en face de Jésus et toutes les forces sociales soulevées et conjurées
contre lui. N'est-ce pas grossir considérablement un événement dont les
suites furent considérables, mais qui alors parut peut-être beaucoup moins
important?
Scènes de la vie juive dessinées d'après nature, par Bernard Picart (1663-
1733). Paris, libr. A. Durlacher, in-f'' ; 15 gravures reproduites en hélio-
gravures chez Dujardin, imprimé chez Chardon.
Les dessins des Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples,
de B. Picart sont célèbres, on sait que celte collection comprend un assez
grand nombre de dessins concernant le culte Israélite et dessinés d'après
nature en Hollande. L'éditeur des Scènes de la vie juive a rendu service
à l'histoire et à la littérature juives en reproduisant la plupart de ces dessins
et en confiant l'exécution de ce travail délicat à un artiste comme M. Du-
jardin, dont les merveilleux fac-similés sont célèbres dans toute l'Europe.
Les planches reproduites dans ce recueil, et dont quelques-unes sont assez
rares, contiennent les sujets suivants: 1. Cérémonie du Schofar (dans
la synagogue, après la lecture de la loi) ; 2. Office de Yom-Kippour, rite
allemand (les assistants sont couverts des vêtements mortuaires, selon
l'usage); 3. Fête de Souccoth (vraie scène flamande, jolis ornements de la
souccah) ; 4. Procession des Palmes; b. Office de Simhat Torah (dessiu
du tabernacle ouvert, rouleaux de la loi avec leurs robes et leurs orne-
ments); 6. On reconduit le hatan-torah et le hatan-bereschit (torches allu-
mées eu tête, foule de curieux! ; 7. La recherche du levaiu (à la veille de
Pàque ; très curieux intérieur de maison! ; 8. Le Séder (veille de Pàque) ;
9. Cérémonie nuptiale, rite allemand (en plein air; harpiste, musiciens,
curieux sur les toits) ; 10. Cérémonie nuptiale, rite portugais (sous un beau
dais, dans un apparteaient, cérémouia du vase brisé) ; 11. La circoncision;
312 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
12. Le rachat du premier né; 13. Les Hakafoth autour du cercueil, rite
portugais; 14. La dernière pelletée de terre; 15. Exposition de la loi (on
lève le rouleau de la Loi dans la synagogue) ; 16. Bénédiction des Cohanim.
En outre, sur le titre, se trouve une belle gravure d'un juif portant les
tefiUins. Nous recommandons aux amateurs de belles gravures cet intéres-
sant recueil si remarquablement exécuté. L'éditeur, qui est le libraire de
notre Revue, n'a rien épargné pour qu'elle soit digne de figurer dans les
plus rares collections ; nous l'engageons, pour la rendre plus accessible au
public, à la faire précéder d'une introduction explicative.
SCHŒNFELD (Adolpli). RecitativG und Gesânge, Lob- und Danklieder zum
Vortrage am ersten und zweiten Abende des Ueberscbreitungsfestes
[Pâque] ; s. 1., chez l'auteur, à Posen, iu-4° de 39 p., musique et paroles
allemandes.
SoiGNiE (Jules de). Les mauvaises langues du bon vieux temps. Mons,
libr. Dequesne-Masquillicr, 1883; in-8° de 40 p. Extrait des Annales du
Cercle archéologique de Mons.
Il va sans dire que ces mauvaises langues n'épargnèrent pas les Juifs.
L'auteur rappelle d'abord la fameuse histoire du Saint Sacrement arrivée
en 1370, et qui eut pour suites le supplice d'un grand nombre de Juifs et
l'expulsion de tous les Juifs du duché de Brabant. Après les expulsions
des Juifs de France en 1306 et en 1321, quelques-uns d'entre eux reçurent
l'hospitalité à Mons. M. Th. Lejeune (dans ses Annales du cercle archéol.
de Mons, t. VII et t. XIV) a raconté la conversion au christianisme de
l'un d'eux. Ils étaient placés sous la surveillance de quatre chrétiens, qui
devaient être présents et voir ce qui se passait dans leur congrégation. En
1322, le Juif converti dont nous venons de parler fut accusé d'avoir percé
une image de la Vierge placée dans le monastère de Cambron ; il fut mis
à la question, mais comme il n'y avait qu'un seul témoin contre lui et qu'on
ne put lui arracher aucun aveu, il fallut lui rendre la liberté ; mais en 1326,
la Vierge offensée apparut à un octogénaire paralytique nommé Jean le
Flameng et le chargea de la venger en combat singulier. Le combat eut
lieu le 8 avril, et quoique le Juif fût d'une taille de géant, il va sans dire
qu'il fut outrageusement vaincu. Le premier coup de Flaraeng fait sauter
au loin le bâton de son adversaire, un second coup le renverse. La défaite
du Juif était la preuve de sa culpabilité, il est pendu par les pieds au-
dessus d'un bûcher allumé qui consume lentement son corps. Le miracle
fut consacré par l'érection d'une chapelle, par les poètes, les peintres, les
imagiers, les chroniqueurs, et enfin les échevins d'Esliuncs et de Bray choi-
sirent pour emblème distinclif de leur sceau communal la scène principale
du miracle, celle où le Juif perce l'image de la Vierge. M. de S. a donné
un dessin de ce sceau.
Spitzer (Sam). Ueber Baden und Biider bei den allcn Volkeru namenllich
bei den Ilebriiern, Grieclien und Rômcrn. Bolivar, impr. J. Floiscbmann,
[1883], in-8o de vi-42 p. Tirage à pari des Sludieu und Krilikcn de
M. Grùuwald.
Etude sur l'usage et la nature des bains chez les anciens, principale-
ment chez les Juifs. L'auteur examine d'abord quel<î sont les motifs (reli-
gion, hygiène, plaisir) qui ont amené l'usage des bains; puis quels ont été
les diiïérenls bains usités. Celle élude est loin de présenter une histoire
complète du sujet, mais on y trouvera des indications intéressantes.
Stragk (Ilerm.-L.). Ilchraiscbc Gramnialik mit Uebungsslïickcn. Lilcralur
und Vokabular zum Sclbsluntcrricbt und fur don Uulcrricbt. Carlsruh
et Leipzig, IL Reuther, 1883 ; in-S» de xiv 163 p.
BIBLIOGRAPHIE 313
Steinitz (Clara). Die Hâssliche, Roman in 3 Banden. Berlin, libr. Freund et
Jeckel, in-8'' de 143 + 161 + 205 p.
Roman très intéressant où figurent plusieurs des personnages juifs. Le
chapitre intitulé Die Rebbezin (la rabbine) est un des plus jolis de Tou-
vrage.
Die Tcufelskrallo, eine dûstere Erzahlung von Eins-t fiir Jetzt; zur Gc-
schichte der Blutopfer. Leipzig, libr. Kôssling, in-S*' de 36 p.
Cet ouvrage a été écrit à l'occasion du procès de Tisza-Eszlar. L'auteur
veut montrer que des assassinats religieux se sont quelquefois commis chez
les chrétiens, et il en donne comme preuve les deux faits suivants : 1° A la
suite de l'excitation religieuse que produisit, en Europe, la Révolution
française et la persécution du clergé catholique en France, un certain
Pœschl créa en Bavière, vers 1814, une secte appelée « les frères et les
sœurs en prière », dont les adeptes furent bientôt saisis d'une sorte de fré-
nésie et immolèrent un grand nombre de personnes comme victimes of-
fertes à Dieu (voir Salât, Versuche ûber Supernaturalismus, Sulzhach, 1823 ;
Zillener, Die Pœschlianer, dans Ztschr. f. Psychiatrie, 1860; Widemann,
Thomas Pœschl, dans Bohemia, Prague, 1877); 2" Vers la même époque,
un certain Josef Glanz créait, en Suisse, une secte portant le même nom
ou celui de « Schwârmer », dont les membres s'imaginaient qu'ils portaient le
Christ en eux et poussèrent le mysticisme jusqu'à la folie. Une des femmes
de la secte tua un jour un grand nombre de personnes de sa famille pour
offrir leur sang à Dieu (voir Johannes L. Meyer, Schwarmerische Greuel-
scenen... zu Wildenspruch, Zurich, 1824). Mais il ne faut pas exagérer la
portée de ces faits. Ils furent l'œuvre de fous furieux, égarés sans doute
par le sentiment religieux, mais qui n'étaient pas responsables de leurs
actes.
ViOLLET (Paul). Précis de l'histoire du droit français accompagné de notions
de droit canonique et d'indications bibliographiques, l^'' fascicule, les
sources, les personnes. Paris, libr. Larose et Forcel, in-S" de xi-330 p.
Le chapitre iv du livre II est consacré aux Juifs (p. 301 et suiv.).
M. Viollet a fort bien caractérisé les différentes phases par lesquelles ont
passé les Juifs depuis le commencement du moyen âge : la période de la
tolérance plus ou moins bienveillante, accompagnée d'humiliations légales;
la période des persécutions (baptêmes forcés, spoliations, expulsions], puis
émancipation graduelle. Il est clair que dans celte revue sommaire, M. V.
n'a pu indiquer que les faits principaux ; il les a marqués, en général, d'un
trait net et précis. Nous ne savons s'il est juste de dire que les Juifs
jouirent librement, en France, du droit de propriété (p. 306); nous pensons
aussi que si M. V. avait pu étudier dans le détail l'affaire des Juifs d'Al-
sace, sous Napoléon 1°'', il eu aurait parlé un peu autrement qu'il ne le
fait. Poujol est beaucoup trop passionné pour servir d'autorité en ces ma-
tières. Les indications bibliographiques de M. V. auraient pu quelquefois
être mieux choisies, elles sont bonnes néanmoins et en somme suffisantes.
Wolf's linguisticbes Vade mecum, das ist cin^ alphabetisch und systema-
tiscli geordnete Ilandbibliolbek ausgcwiihllcr Werke und Abhandlungen
auf dem Gebietc der Linguislik. — I. Orientalia, Americaua, etc. Leipzig,
impr. Emil Ilerrmann, s. d. (1884 ; voir la couverture, p. 2).
On trouve dans cet ouvrage un certain nombre de renseignements biblio-
graphiques sur la litlé.uture judaïque, mais nous craignons que le hasard,
bien plutôt qu'une recherche méthodique, ait présidé au choix des ouvrages
de science juive signalés dans ce Vade-mecum.
ZiEGLER (Léo). Bruschsliicke eiuer Vorhieronymischen Ubersetzung des
314 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Pentateuchs aus einem Palimpseste der K. Hof- und Staatsbibliothek zu
Mûnchen, mit einer photo-litbographischen Tafel. Munich, Theod.
Riedel, 1883 ; in-4o de xxx-87 p.
Publications en Russie décrites par M. D. de Gunzbourg.
mit)D i;"'^'nn ZV Û'^binn 'O Psaumes avec les 613 micvot dans l'ordre de
Maïmonide et du r;"bO, et les abptJln *";'^3' et les motifs des 613 micvot,
par Sender Polir, de Kobryn. Varsovie, cbez Alapin, 1819; in-8° de
215 p.
Edition des Psaumes sans les accents, avec sommaire allégorique en tête
de chaque chapitre et commentaire prolixe. Les psaumes sont analysés de
façon à y retrouver tous les 613 commandements. Beaucoup d'emprunts faits
sérieusement aux allégories de fantaisie des docteurs. Labeur patient, sans
valeur et sans intérêt.
'in'^D mD'^'ltl 'D La destruction de Betbar, 2* édition augmentée, par Kal-
man Scbulmann. Vilna, libr. V^ Romm, 1884, in-8° de 128 p.
La première édition a paru il y a vingt-cinq ans et a été épuisée en un
an. Un avant-propos met en relief la haine d'Adrien pour les Juifs et dit
que la religion juive ordonne detre fidèles au gouvernement, quoiqu'il
soit. Tel est, dit l'auteur, le but du livre.
L'introduction (qui faisait partie de la 1''® éd.) est consacrée à l'histoire
de Bar Cocbba, en vue de faire comprendre le roman, qui n'est, comme
l'avoue l'auteur lui-même, qu'une paraphrase de Tlsraelilischer Musen-
Almanach du D"" Samuel Meir, rabbin de Hechingen.
Ouvrage patriotique et religieux. Nous y retrouvons les qualités et les dé-
fauts ordinaires du style de M. Schulman, c'est-à-dire la facilité et l'élégance
à côté de la prolixité et de l'inexactitude. Nous y relevons des mots comme
ri'n3'5}3 pour dire mégère, sorte de calembour que notre auteur affectionne
particulièrement. En somme, lecture agréable.
2b"l3> ^12'^ "^121 'o Histoire universelle, par Kalman Schulman. Vilna, impr.
V» Romm, 1883, in-8° de 205 p.
Huitième et probablement dernier volume de l'Histoire universelle de
K. Schiilman, œuvre à laquelle il attache un grand prix. Ce volume con-
tient un aperçu de la littérature et de la science européennes à partir de
Heine et Bœrne jusqu'à l'année dernière, puis un résumé des événements
qui se sont passés en Allemagne, en Autriche et en Russie depuis la
guerre de France. Plus de la moitié du volume est consacrée à l'histoire
de la Turquie et surtout de la dernière guerre d Orient. Toujours le
même style facile, élégant et ampoulé. Absence d'idées, ignorance des faits,
compilation sans ordre et sans système, oublis impardonnables, détails
surabondants. Ce n'est pas un livre, c'est un cahier d'écolier. Utile pour-
tant en Russie, où nombre de personnes s'initient par des ouvrages de ce
genre aux progrès de la science moderne et puisent dans de semblables
lectures le goût pour l'élude.
winnrs b^«T:i■' mnbin 'd "in timn IT^bn, par Klaczo. Varsovie, chez Hms,
1883, in-8"de 16-f 96 p.
L'auteur, maître fl'école a Rostow sur le Don, expose dans une courte
préface (en russe et en hébreu) le but et le plan de louvrage, qui, eu vue
d'économiser à l'élève le temps nécessaire pour se famil ariser avec la Bible,
lui présente le Pontateuque sous forme d'un livre de lecture selon It mé-
BIBLIOGRAPHIR 315
thode d'Ahn ou d'Ollendorf. La langue de M. K. est assez pure, le choix des
morceaux assez heureux, le système assez pralique; c'est un bon manuel;
mais tous ces manuels portent des coups sensibles à l'étude approfondie des
textes et éloignent l'enfant de la connaissance de la Bible.
3>015tl Le voyageur, par Baer Ilofîfmann. Vilna, chez Katzenellenbogen,
1883, in-io'de 144 p.
Compilation géographique absurde, fourmillant d'erreurs matérielles (la
girafe a vingt pieds de haut, elle a des cornes de quatre coudées, etc.), en
dépit de la haute opinion que M. Hofman a de son livra i^V. la préface).
)M<!}i '1:3123, par Michel Gordon. Varsovie, chez Baumritter, 1884, in- 16 de
58 + 108 p.
Satire amère de l'ignorance et de la fatuité de maint auteur, qui en im-
pose par une science de mauvais aloi, un fatras indescriptible de paroles el
un « pilpul » creux. Beaucoup d'esprit et de malice.
dlîîil npbn 'O, par Moïse Kohn Reichersohn. Vilna, chez Fin, Ro^enkranz
et Schriftsetzer, 1884, in-8« de 176 p.
Ce volume forme la 3° partie de la grammaire hébraïque de M. Reicher-
sohn, un des derniers d'^b''!D"Ûi!?3- Le premier volume, sur les voyelles, a
paru il y a vingt ans; le deuxième, sur les verbes et les particules, a été
imprimé il y a onze ans; celui-ci, qui parle du nom, vient de sortir des
presses de Vilna; le quatrième, qui traite de la syntaxe, est encore en
manuscrit. C'est une œavre intéressante et complète, mais qui, malheu-
reusement, laisse de côté l'origine et la transformation historique des
flexions et des désinences. Sa place est néanmoins marquée dans la biblio-
thèque de tout hébraïsant. Ce livre est surtout appelé à rendre de grands
services en Russie, où la pureté de la langue commence à s'altérer.
Publications pouvant servir à l'histoire dto Judaïsme moderne.
'2TÛ d^ "ind The crown of a good Name, a brief account of a few of thc
Doiugs, preachings and compositions on Sir Moscs Montefiore's natal
day, november 8., 1883. Publié par M. H. Guedallah. V^ fascicule :
Londres, impr. Werlheiner, in-8° de 71 p.
Contient un choix de lettres de félicitations adressées à sir Moses
Montefiore à l'occasion de son centenaire. Ces documents sont eu grande
partie en hébreu ou bien le texte original est accompagné d'une traduction
hébraïque. Ils comprennent, entre autres, un télégramme de S. M. la reine
d'Angleterre et un autre de S. H. le duc d'Edimboug.
AuERBA-CH (Berthold). Briefe an seinen Freund Jakob Auerbach. Ein bio-
graphisches Denkmal ; mit Vorbemcrkungen von Friederich Spielhagen
und dem Herausgeber. Francfort-s./-M., libr. Kiilten et Lœuing ; 2 vol.
m-8<^ de xvii-413 + 482 p.
Baumbach (Karl). Eduard Lasker. Biographie und lelzte offentliche Rede ;
fernerdrei Gedenkeblatter von II. Rickert, Albert Hiincl, Rudolf Gneist,
und Nekrolog ; mit Portrat. Stuttgard, libr. Levy et Millier, iu-8^ do
32 p.
Demidofp (Prince) ^^{^-1) ,91^4.^0. The Jejvish puestion ift Russ^^. "fransla-
316 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
ted from the Russian » . . by J. Michell, H.-M . consul, St. Petersburgh.
Londres, Darling, in-8® de vi-105 p., plus 2 tableaux.
Heine (Heinrich). Memoiren und neugesammelte Gedichte, Prosa und
Briefe, mit Einleitung, berausggb. von Eduard Engel. Hambourg, Hoff-
mann et Campe, in-8° de 359 p.
Heine (Henri). Mémoires, traduction de J. Bourdeau. Paris, libr. Calmann-
Lévy, in-12 de xvi-142 p.
Signalons à l'occasion de cet ouvrage un article de M. Montégut sur
Henri Hèinc, dans un des derniers numéros de la Itevue des Deux Mondes.
Jellinek (Ad.). Aus der Zeit, Tagesfragen und Tagesbegebenheitein. —
I. Série. Budapest, impr. Sam. Markus, in-8° de 90 p.
RosENTHAL (Ludwig-A.). Lazarus Geiger, seine Lehre vom Ursprunge der
Sprache und Vernunft und sein Leben. Stuttgart, libr. Scbeible, in-8° de
xii-156 p.
Lazarus Geiger est né à Francfort-sur-Moin, en 1829, il est mort eu
"août 1870, il fut attaché comme professeur à la Realschule israélite de
Francfort; M. R. nous donne la liste de ses travaux de philosophie et de
philologie qui ont acquis une grande célébrité en Allemagne.
Strodtmann (Adolf). H. Heines Leben und Werke, 3^ édit. Hambourg,
Hoffmann et Campe, 2 vol., in-8o de 712 + 460 p.
WOLFF (Arthur). Zur Erinnerung on Eduard Lasker. 2' édit., Berlin, libr.
Pohl, in-8"' de 61 p.
périodiques,
1^)2b^\ rr^m Beth-Talmud (Wien, mensuel). 4^ année, n° 2. Friedmann :
Les divisions du Pentalcuque (suite). — Jacob Brill : Promulgation
de la Loi et écriture de la Loi. — N. Brill : Notes talmudiques (suite).
— Jacob Reifmann : Notes talmudiques et midrascliiques (suite). —
Salomon Buber : Notes de littérature rabbinique. — H. Oppenheim :
Aggadot. = = N** 3. Friedmann : Sur l'enterrement d'un Noachide dans
un cimetière israélite. — Oppenheim (suite). — N. Brill (suite). —
J. Reifmann (suite). — Meir Kohn Bistritz : Notes sur le Midrasch rabba.
— Joël Millier : Consultations rabbiniqucs (Cémah gaon, R. Nahschon,
Saadia, R. Amram, Natronaï, etc.). = = N^ 4. Friedmann (suite). —
Jacob Brill, H. Oppenheim, N. Brill : Notes talmudiques. — J. Reifmann :
Notes sur le Midrasch Tillim. — J. Millier : Consultations (suite ; Sche-
rira, R. Amram, R. Ilillaï, etc.).
nnUJ!! Haschachar, DIo Morgenrothe (Wien, périodicité non indiquée).
IP année, n°^ 11 et 12. David Kahana : Etude historique et archéolo-
gique sur Salomon. — Maassc Merkaba, par Rubin. — Ilollub : Histoire
des médecins juifs. = r^ 12' année, n° 1. Voyage de Salomon Rinman
dans l'Inde, en Birmanie et en Chine, arrangé et annoté par W. Schur.
— David Kahana : Séfer 'maassé ibn Rèschcf (sur Firkowilsch et les Ca-
raïtes). == N°' 2, 3. Riuq^ian (suite). — Kahana (suite).
BIBLIOGRAPHIE il?
Comptes*rendus de rAcadémie des Inscriptions et Belles-Lettres
(Paris, trimestriel), é" série, tome XI. == Juillet-septembre 1883. Victor
Guérin : Les populations diverses du Liban. — P. 381, mention d'un
opuscule de M. Clermont-Ganneau, intitulé : Epigraphes des ossuaires
juifs trouvés aux environs de Jérusalem. =^=: Octobre-décembre 1883.
Barbier de Meynard : Notice sur le congrès des orientalistes de Leyde.
— P. 469. L'académie proroge à l'année 1886 le prix sur la question
suivante : Faire Fénumération complète et systématique des traductions
hébraïques qui ont été faites au moyen-ûge, d'ouvrages de philosophie
ou de science, grecs, arabes ou même latins. — P. 472. Annonce du prix
sur la question suivante : Classer et identifier autant qu'il est possible
les noms géographiques de l'occident de l'Europe qu'on trouve dans les
ouvrages rabbiniques depuis le x* siècle jusqu'à la fin du xv°. Dresser
une carte de l'Europe occidentale où tous ces noms soient placés, avec
signes de doute, s'il y a lieu. (On sait que ce prix a depuis été décerné à
notre ami M. Ad. Neubauer.)
Jûdisches Litf eraturblatt (Magdebourg, hebdomadaire ; supplément à la
Wochenschrift). 13» année. == N** 1. Luther und die Juden. :==.
N°2. Kroner : Postcript zu den bisherigen Urtheilen iiber Prof. Delitzsch's
Schrift Schachmatt. == N*' 3. A. Lewin : Sûskind von Trimberg. —
Herzfeld : Référât iiber sein Buch « Einblicke in das sprachliche der
semitischen Vorwelt. = =: N" 4. Lewin (suite). — Herzfeld (suite). =
= N^ 5. Treitel : Kompert's gesammelte Schriften. — Kroner : Collec-
tanea (zur Pesikta des R. Kahana). = = N° 6. Treitel (suite). = = N° 7.
A. Nager : Die 70 Gottesnamen. = = N'^8. Lord Byron und seine Ilebrew
Mélodies. — Lewin : Siisskind, etc. — Nager (suite). — Kroner : Col-
lectanea (b'^bp^LÛON). == N^ 9. Die Juden in Bosnien. == N*^ 10.
Kroner : Collectanea (!S'^D"l^3>72). = = N*^ 11. Lewin : Justus Judenspiegel.
— Kroner : Collectanea, == N° 12. Lewin (suite). == N° 13. Lewin
(suite). — O. Strachun : Massoretische Bemerkungen. = = N° 15-16,
Lewin (suite). — Reinheiner : Zur Geschichte der Juden in Odernheim. —
Juden in China. — Garo : Toleranz im Alterihum (Ascheri). ==: N*^^ 18
et 19. Aus dem socialen Leben im jiidischen Alterthum. — Lewin
(suite). — Rens : Zur Erklârung biblischer Eigennamen. =■= N°* 20,
21 et 22. Aus dem socialen Leben (suite). — Lewin (suite). — Die Syna-
gogen der Talmudzeit. == N°^ 23 à 26. L. Stein : Berthold Auerbach's
Briefe. — Lewin (suite). == N*^® 27 et 28. Der Process des ragusinichen
Israeliten Isaak Jesurun im Jahre 1622. — Lewin (suite). — Kroner :
Collectanea C;"*Ti^m). == Rothschild ; Alte Stimmmen liber juden-
feindliche Ankalgen. — Lewin (suite). — Der Process... 1622 (suite).
= ==: N® 30. Lewin (suite). — Berliner Rabbinen.
Israelietische Letterbode (Amsterdam, sans périodicité déterminée).
8'' année, p. 149 et suiv. : Die Masora (suite). — Stcinschueider : Aus
Handschriften (préface de Juda Natan à la traduction de l'ouvrage de
médecine d'Abu s-Salt Omajja, mort 1133-34, et commencement de l'ou-
vrage. = = 9® année, p. 1 à 156. J.-D. Wijnkoop : Essay ou the signiti-
cation of the word Inn:^. — Die Masora (suite). — L. Wagenaar : De
Talmud en de oudste geschiednis van het Christendom.
Magazin fikr die Wissenschaft des Judenthums (Berlin, trimestriel).
10* année, 2* et 3' trim. D, Hoffmann : Ueber dio Mânner der Grossen
318 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Versammiung. — H. Gross : Das handschriftliche Werk Assufot. -^ H.
Hirschfeld : Bemerkûngen zu Jehuda ibn Tibbons Uebersetzung des
Bûches Al-Chazark. — M. Steinschneider : Medicinische Handschriften.
— M. liorwitz : Zur Biographie Josef Sâlomo Delmedigo's. = = N° 4,
manque. ==11^ année. 1*^'' trim. Gabor Goitein : Das Leben und Wir-
ken des Patriarchen Hillel. — D. Hoffmann : Bemerkûngen znr Kritik
der Mischna. — Ravitzki : Ueber den Kaiserschnitt im Talmud.
Populiir wisscnschafiliche 3Ionatsblâtter (Francfort-sur-Mein, men-
suel). 4® année (1881). == = N° 1. Ad. Rosenzweig : Das babylonische
Exil und das Jahrhundert nach demselben. — J.-S. Bloch : Von der Ele-
menlarschule und dem Erziehungswesen des Alterlhums, = = N'^ 2. Das
Neujahr der Baume. — Bloch (suite). — Rosenzweig (suite). = = N° 3.
Der Saragossa Purim in Jérusalem. — Bloch (suite). — Rosenberg : Die
ethische Tendenz im geschichtl. und gesetzlich. Telle der Eibel. — Ro-
senzweig (suite). :== N*' 4. Rosenzweig (suite). == N^ 5. Adolf Cre-
mieux. — Rosenzweig (suite). = = N^* 6 et 7. M. Dessauer : Humanilat
im Judentum. — Mannheimer : Einige Reflexionen iiber den 2. Kreuzzug
von 1146. — Adolf Cremieux 's Kindheit. == N^ 8. Selver : D'" Leo-
pold Zunz, zum 10. August. — Levin : Der Getthojude vor dem Titusbo-
gen in Rom. — Les chroniques de ce journal sont excellentes, rempUcs
de faits et de renseignements précis.
nionatsschrift fiir Gcsrhichte und Wissenscliaft des Jadentlmnis
(Krotoschin, mensuel), 32° année, n° 13. W. Bâcher : Die Agada dor
Tannaiten. — J. Landsberger : Geschichte der Juden in Breslau ;
Abschn. I, bis zur grossen Verfolgung im Jahre 1349. — S. Bach : Die
Fabel in Talmud und Midrasch. — Egers : Aus einem Briefe von Prof.
Kaufmann (sur une poésie d'Abr. ibn Ezra). ^=: =: 33° année, n° 1. Gractz :
Exegetische Studien zu den Salomonischen Spriichen. — Leop. Lôw :
Der synagogale Ritus. — D. Kaufmann : Muammar as-Sulami und der
unbekannte Gaon in Ibn Esra's Jesod Mora. = = N° 2. Fraukl : Ueber
die Stellung der deutschen Juden innerhalb der gesammten Judenheit.
— S. Back (suite). — Graetz : Nolizcn (Die Frau des Turnus Rufus ; Die
Bedeutung des Vcrbums yh^ ; Mar Samuels Kalenderkunde). == N° 3.
Graetz : Ueberbleibsel der sabbalianischen Sektc in Salonichi. — Egers :
Akrosticha mit bcsonderer Berûcksichtigung der Dichlungen Abraham
ibn Esra's. — W. Bâcher : Die Agada der Tannaiten. = =: N^ 3. Leop.
Low : Der synagogale Ritus. — S. Back (suite). — W. Bâcher (suite). =
= N'' 4. Graetz : Excgel. Studien zu den Salom. Spriichen (suite). —
L. Low (suite). — W. Bâcher (suite). — Louis Noustadt : Zur Geschichte
der deutschen Juden im xvi. Jahrhundert (expulsion des Juifs des duchés
d'Ansbach et Bayreulh, 1515). ==: N° 5. Graetz (suite). — D. Kauf-
mann : Jehuda llalevi und die Lehrc von der Ewigkeit der \Velt. —
L. Lôw (suite). — W. Bâcher (suite). — Alex. Kohut : Die Auflôsung
eines talmudischeu Rébus. — Ilarkawy : Notiz (Fragments anciens de
manuscrits bibliques dans une écriture carrée très spéciale et dont on n'a
pas encore vu de spécimen, apportés de Rhodes par un matelot grec ;
des fac-similés photographicjucs seront prochainement publiés). = =
N*^ 6. Graetz (suite). — S. Back (suite). — W. Bâcher (suite). — Egers :
Aus Moscs b. Esra's Diwan. == N'' 7. Graetz (suite). — Lôw (suite). —
D. Kaufmann : Muammar, etc. suite).
IsruelUiNclio Monafssclirift (Berlin, supplément à la Jiid. Presse). Anuée
BIBLIOGRAPmi': 319
1884, n» 1. Das Schilo im Segen Jakobs. == N*» «. Ed. Banelh : Dcr
Synagogcnkalender und sein Veihullniss ziim bûrgcrlichen Kalender. =
= N*^ 3. Feilchenfeld : Ein schwieriger Psalmvers und ein vermisster
Psalm. = = N" 4. Zur Pessach-IIaggadah. — Feilchenfeld (suite). = =
N"" 5 et G. II. Ilirschfeld : Das Chazarenreicb.
Mosè, Antologîa israelitica (Clorfou, mensuel). 7*^ année. = = N°* 1 et
2. P. Perreau : Inlorno al comento inedito ebreorabbinico de R. Immanuel
ben Salomo sopra Giobbe. = ::= N°* 3 et 4. Scnatore Francesco Perez :
Sopra Filone Alcssandrino e il suo libro detto La sapienza di Salomone.
— M. Mortara : Origine del accusa del cibarsi di sangue umano nelle
agapi dei primi cristiaai. — Perreau (suite). = = N° 5. Perez (suite). =
= N° 6. Perreau (suite). — Perez (suite).
Palestine Exploration Fund (Londres, trimestriel). Janvier 1884. C-
W. W. : Notes to accompany a map of tlie late Rev. F. \V. Ilolland's
journcy from Nukl to Ain Kadeis, Jebel Magrah and Ismaila. — Captain
Conder : Hamathite and Egyptian ; Hittite geograpby; Jérusalem at Ihe
Kings ; Disc slones ; Pillar or garrison ? — Lawr. Oliphant : The Khur-
bots of Carmel. — Col. Sir C.-W. Wilson : Récent Biblical Research in
Palestine, Syria and Asia Minor. — II. -B .-S. W. : The nameless cily
and Saul's journey to and from it. — II. -G. Tomkins : Egyptology and
the Bible. — II.-G. Tomkins : The forteress of Canaan. — W.-F. Birch :
Ilidings-Places of Canaan ; Notes on prse-exilic Jérusalem ; The wathers
of Shiloah; The city of David and Josephus. — E. Flecker : Hebrew ins-
criptions. — P. Mearns : The site of Emmaus. — Clermont-Ganneau :
Two inscriptions of King Nebuchadnezzar on Libanon. — Clermont-
Ganneau : Genuine and false inscriptions in Palestine. = =^ Avril 1884.
Professor Hull's letters. — Hull : Narrative of an expédition through
Arabia Petrœa, the valley of the Araba and Western Palestine. — Letter
from capt. Kirtchener. — On the relations of land and sea in the isthmus
of Suez at the time of the Exodus. — M. Maspero's work in Egypt. —
Pillar or Garrison? — The nameless city.
Revue de Tliistoire des religions (Paris, bimestriel). = := 4® année,
tome VII, n** 3. E. Beauvais : L'Elysée transatlantique et l'Eden occi-
dental, première partie. — Maurice Vernes : Les débuts de la nation
juive, chap. i^"", Epoque dite des Juges, débuts de Saûl. = = N°4. M. Ni-
colas : Etudes sur Philon d'Alexandrie. — J. Menant : Le panthéon
assyro-chaldéen. — A. Kuenen : Esdras et l'établissement du Judaïsme.
=:: = N** 5. Michel Nicolas : Eludes sur Philon d'Alexandrie. — Maurice
Vernes : Les débuts de la nation juive, chap. ii, Etat social et politique.
— A. Bouché-Leclercq : Les oracles sibyllins traduits (livres II et III,
première partie). — P. GG9 et suiv., signale : 1° dans Archives des
missions scientifiques, t. IX, Premiers rapports sur une mission en
Palestine et en Phénicie entreprise en 1881, par Clermont-Ganneau ;
2° Erler, Les persécutions contre les Juifs au moyon-ûge, dans Archiv
fur Katholisch. Kirschenrecht, 1882, fasc. 4-5, suite. = = N** 6. E. Beau-
vais : L'Elysée transatlantique, etc., suite. — Maurice Vernes : Les dé-
buts, etc. (suite), chap. m et dernier^ Les Israélites constitués en nation
par Saûl et David. — Michel Nicolas : Etudes sur Philon d'Alexandrie,
cinquième et dernier article. — P. 783, signale : François Leuormant,
Kittim, étude d'ethnographie biblique, dans Revue des questions histo-
320 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
riques, P'' juillet 1883 ; p. 787 ; par le même, Les inscriptions hittites,
dans journal des savants, juin 1883. = = Tome IX, n° 1. L. Massebieau :
Les sacrifices ordonnés à Carlhage au commencement de la persécution
de Décius. = = M". 2. A. Bouché-Leclercq : Les oracles sibyllins (fin).
— P. 235 et suivantes, signale : Karl Budde, Die biblisclie Urgescbichte,
Giessen, 1883; •Samuel Berger, La Bible française au moyen-âge, Paris,
1884 ; Rosseuw Saint-Hilaire, Etude sur l'ancien-teslament, Paris, 1884 ;
A. de Chambrun de Rosemont, Essai d'un commentaire scientifique sur
la Genèse, Paris, 1884. = =z N° 3. Edouard Montet : Les origines de la
croyance à la ^ie future chez les Juifs. — J. Lieblein : Le mythe d'Osiris.
<— Le comte Goblet d'Alviella : Etudes d'histoire religieuse contempo-
raine ; Harrison contre Spencer ; sur la valeur religieuse de l'inconnais-
sable. — P. 371, signale : John Yiénot, Etude critique des renseigne-
ments parallèles du livre des Rois et du prophète Isaïe sur le règne
d'Ezéchias. — P. 415, signale : C. Seligmann, Das Buch der Weisheit
des Jésus Sirach in seinem Yerhaltnisse zu den salomonischen Spruchen,
Breslau (1884?).
Studien und Kritiken (herausgegeben von D^ M. Grùnwald ; Belovar,
trimestriel). Ce journal remplace le Cenlralbatt, édité précédemment par
le môme. P. 83 et suiv. (formant le commencement de cette publication,
pagination faisant suite au Centralblatt). Leop. Eisler : Einiges zur Text-
kritik des Midrasch Tanchuma. — A. Roth : Die Grundprincipien der
Ethik im Judenthumc. — Spitzer : Ueber Baden und Biider bei den allen
Ilebraern, Griechen und Rômern. — Griinwald : Zur Etymologie des
Wortcs Yi'^'^:^. = = Juillet-sept. 1883. Sepp : Das Kriegstheater von
Bethar bcim Aufruhr des Simon bar Cochba. — Carmina inedita et raris-
sima edidcrunt M. Grùnwald et Antouino Caznacich. Elegia Jacopi Flavii
Eborensis seu Didaci Pyrrhi Lusitani. — Steinschneider : Candia, literar-
historische Skizzen (traduit de l'italien). ^-— Oct.-déc. 1883. Spitzer
(suite).
Magyar-Zsido Szeiule (Budapest, mensuel, en hongrois). V^ année. = =:
Janvier. S. Êohn : Sur les Juifs et les Hongrois au temps de l'arrivée de
ces derniers ; extrait de l'ouvrage préparé par M. K. sur l'histoire des
Juifs en Hongrie. — A. Ilochmuth : Rapports entre le juda'isme et le
christianisme dans les deux premiers siècles. — D. Kaufmaun : L'anti-
sémitisme. — L. Paloczi : Etat de la civilisation en Hongrie, principa-
lement chez les Juifs, d'après les publications officielles relatives au
dernier recensement. = = Février. A. Ilochmuth (suite et fin). — J.
Goldzihcr : La science biblique et la vie religieuse moderne. — A. Ko-
hut : Mitatrou-Milra. — I. Lœw : Sur une nouvelle traduction hongroise
des Psaumes. — Catéchismes juifs, liste chrouologiquc (ajouter : 1. Nou-
veau précis élémentaire d'instruclion religieuse et morale à l'usage de la
jeunesse française Israélite, par Michel Berr ; Nancy, impr. et libr. A.
Paullct, 1839, in-S*^ de xvi-102 p. ; 2. Jacques Auscher : Nouveau caté-
chisme ù l'usage de la jeunesse israélite; Besançon, 1868). — D. Kauf-
niann : Du calccbisme juif. — Paloczy (suite). = =: Mars. I. Goldzihcr
(suite). — E. Neumanu : Le dogme juif. — L. Paloczy (suite). — H. Bloch :
Rccensiou du nouvel ouvrage de Gregorovius sur l'empereur Adrien. —
Un document de l'an 1800 par lequel l'empereur François refuse à la com-
munauté israélite de Pcsl, jusque-là dépendante de celle d'All-Ofen, le
droit d'avoir un rabbin à elle. = = Avril. Kayserliug : Rcccnsion de l'eu-
BIBLIOGRAPHIK 321
vrage de M. de Castro sur les pierres tumulaires d'Ouderkerk. — M. Sza-
lardi : La population de la capitale d'après les confessions. — Lettres
russes, I. — S. Karman : Principes et système de l'enseignement reli-
gieux. = =: Mai. H. Bloch : Les ancêtres des Juifs et les Hyksos. —
M. Wettmann : Une nouvelle complication dans la législation du ma-
riage (au sujet du mariage des prosélytes). — Paloczy (suite). — A.
Schwarz : L'organisation delà communauté juive à Bade. = = Juin.
D. Kauffmann : Le 90° anniversaire de la naissance de L. Zunz. — D.
Banoczi : L'académie des sciences de Hongrie. — Kardos : Recension du
Judenspiegel publiée par Karl von Amira. — Deux documents relatifs aux
Juifs de Hongrie et à leur action patriotique, l'un du 3 avril 1848, signé
de Pulski, au sujet des émeutes contre les Juifs *, l'autre du 6 août 1849,
après la répression du mouvement révolutionnaire ; amende de 50,000 fl .
imposée aux Juifs de Szegedin et d'une autre localité.
Il Vessillo israelitico (Gasale-Monferrat, mensuel) . 32® année. = =
N<* 1. P. Perreau : Grammatica e litteratura neo-ebraica. — L. Chirtani :
Li editori Trêves. == '^^ 2. P. Perreau : L'impero degli Hitti. =z —
N^ 3. E. Benamozegh : DeJ taamim. — P. Perreau (suite). = = N° 4.
Perreau (suite). =:== N° 5. E. Benamozegh : Bimetallismo e monometal-
lismo nella Misna. — Perreau (suite). = — N°^ 6 et 7. Benamozegh
(suite). ' — L. Luzzatto : Libri ebraici stampati a Mantova, etc.
Zeitschrift der deutschen morgenlàndischen Gesellschaft. (Leipzig,
trimestriel). 37® vol. 3° fascicule. Guidi : Beitrâge zur Kenntnîss des neu-
aramâischen Fellihi-Dialektes. — D.-H. Millier : Sabàische Inschriften
entdeckt und gesammelt von Siegfried Langer. — Stickel : Zur orienta-
lischen Sphragistik. — Fr. Prâtorius : Tigrina-Sprûchwôrter. — J. Lobe :
Noch einmal zur Gesch. der Etymologie von Q^oç. — E. Mayer : Ursprung
der sieben Wochentage. — W. Bâcher : Hebràisches ^af und arabisches
(punktirtes) Ma. — Imm. Lôw : Tosefta - herausgg. von D''M.-S. Zucker-
mandel. — Imm. Low : R. Payne Smyth, Thésaurus syriacus. = =:
Fasc. 4. M. Steinschneider : Die Parva naturalia des Aristoteles bei den
Arabern. — Theodor Nôldeke : Untersuchungen zur semitischen Gram-
matik. — Julius Euting : Epigraphiches. — Ed. Sachau : Ueber den
Palmyrensichen vo'[xoç t£);wvixo'ç. — Th. Nôldeke : Duval's Dialectes néo-
araméens de Salamâs. == 38' vol. Fasc. 1. R. Roth : Wo wâchst der
Soma? — E. Reyer : Altorientalische Métallurgie.
Zeitsclirift des deutschen Paliâstina-Vereins (Leipzig, périodicité non
indiquée). Vol. VI, fasc. 4. A. Socin : Bericht ûber neue Erscheinungen
auf dem Gebiete der Palâstinaliteratur. — K. Budde : Die hebr. Lei-
chenklage. — M. Griinbaum : Bemerkungen. — H. Guthe : Neue Funde
in Nabulus, r= = Vol. VII, fasc. 1. G. Gatt : Bemerkungen iiber Gaza
und seine Umgebung. — G. Schick : Das altchristliche Taufhaus neben
der Kirche in Amwas. — A. Leskien : Die Pilgerfahrt des russischen
Abten Daniel ins heilige Land 1113-1115. == = Fasc. 2. Eijub Abëla :
Beitrâge zur Kenntniss aberglâubicher Gebrâuche in Syrien. — J.-H.
Mordtmann : Beitrâge zur Inschriftskunde Syriens. — Karl Marti : Das
Thaï Zeboim, Sam. I, 13, Ib. — M. Griinbaum : Nachtragliches zu Na-
bulus und Garizim.
Zeitschrift fiir die alUestamentliche Wissenschaft (Giessen, se-
mestriel). Année 1884, fasc. 1. Vollers : Das Dodekapropheton der
T. VIII, no 16, 2i
322 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Alexandriner (fin). — Franz Delitzsch : Ueber den Jahve-Namen. I. Ue-
ber die Aussprache des Tetragrammaton ; II. Der Name ^inf;'^ bei Lao-tse.
— Cari Siegfried : Die Aussprache des Hebrâisclien bei Hieronymus. —
C.-II. Corni.ll : Die Compositionen des Bucbes Jesaja. — C.-H. Gornill :
Gapitel 52 des Bûches Jeremia. — Oscar Droste : Hiob, 19, 23-27. — Paul
Wurster : Zur Characteristik und Geschichte des Priestercodex und Hei-
ligkeits Geselzes. — Julius Grill : Beilrâge zur hebr. Wort-und Namen-
erklârung. I. Ueber Entstehung und Bedeutung des Namens Jérusalem. —
B. Stade : Miscellen (Jes. 4, 2-6; Jer. 3, 6-16; Habakuk). == Fasc. 2.
Rud. Smend : Anmerkungen zu Jes. 24-27, — M. Wolfif : Zur Charekte-
ristik der Bibelexegese Saadia Alfajjiimîs. — E. Nestlé : Zu Daniel. —
B. Stade : Miscellen (Richt., 14; Jes., 32-33; Wie hoch belief sich die
Zahl der unter Nebucadnezar nach Babylonien deportirlen Juden ?). —
W. Nowack : Bemerkungen iiber das Buch Micha. — Karl Budde : Seth
und die Sethiten. — Bibliographie (E. Schwabe, 3 nach seinem Wesen
u. Gebrauche im A. T. Canon, Halle 1883 ; Kieperl, neue Handkarle von
Palœstina 1 : 800,000, 4° édit., Berlin, 1883 ; E. Slapfer, La population de
la Palestine au 1°'" s., dans Rev. théoL, Montauban, 1884; Aurès, Essai
sur le système métrique assyrien, dans Rec. des travaux relatifs à la
philolog. et à Tarchéol. égypt. ; St. Guyard, Quelques remarq. sur la
prononciat. et la trauscript. de la chuintante et de la sifflante en assy-
rien, dans Ztschr. f. Keilschriftforschuug, 1884 ; Ilaupt, Beitrage zur
assyr. Lautlehre, dans Nachr. v. d. K. Gesellsch. d. Wiss. zu Gôttingen,
1883 ; Schrader, Zur Frage nach der Ausspache der Zischlaule im Ba-
bylon. - Assyrisch., dans Ztschr. f. Keilschriftforsch., 1884; le même,
Zur Frage nach dem Ursprunge der altbabylon. Cultur^ dans Abhdl. d. K.
pr. Akad. d. Wiss. zu Berl., 1883).
Tlic hebrcw langiiage viewed in thc liglit of a^sisyrian research, by
D' Frédéric Delitzscu, professer of assyriology in the uuiversily of Leipzig ;
Williams and Norgale, London, 1883, pet. in-S", p. xn et 73.
Sous ce titre M. Frédéric Delitzsch a réimprimé avec de nouveaux
développements une série d'articles qu'il avait publiés Tannée der-
nière dans VAthe7iœu7n. En écrivant ces articles, il se proposait de
prouver l'importance de l'assyriulogie pour l'exégèse biblique et de
montrer quelle lumière les études assyriennes répandent sur la lexi-
cographie hébraïque. Ilûtons-nous de dire que la lecture de ce petit
livre laisse la conviction que l'auteur a atteint le but qu'il visait.
L'assyriologie est assurément une science nouvelle qui n'a pas
encore trouvé sa voie délinitive et qui doit avancer prudemment,
mais, dès maintenant, elle est assez riche en résultats acquis, non
seulement pour se recommander aux hébraïsants, mais aussi pour
prendre place dans les travaux de grammaire sémitique comparée.
BIBLIOGRAPIIIE 323
La neuvième édition du dictionnaire hébreu de Gesenius que les
éditeurs, MM. Miihlau et Volck, avaient la prétention de mettre au
courant des progrès de la science moderne, laisse prise à la critique
dans nombre d'étymologies qui y sont données (voy. l'article de
M. Paul de Lagarde dans les Gôtting. Gelehrte Anzeige, 1884, n^ 7).
M. Delitzsch fait ressortir, de son côté, combien de fausses pistes les
auteurs auraient évitées, s'ils avaient connu les travaux des assy-
riologues. Un écueil que signale avec raison M. D. et dont les hébraï-
sants et les assyriologues eux-mêmes ne savent pas assez se garder,
est la fâcheuse tendance à demander à l'arabe la solution des pro-
blèmes linguistiques qu'on ne peut résoudre qu'en remontant le
plus possible vers la source même du sémitisme. Des divers ra-
meaux du groupe sémitique, l'assyrien est celui qui possède les
documents les plus anciens et les plus nombreux, il est aussi plus
proche parent de Thébreu que l'arabe et, peut-être aussi, que l'ara-
méen. Les sifflantes sont les mêmes (il faut cependant admettre
quelques exceptions, puisqu'à l'hébreu nb, prince, correspond Tas-
syrien Scharru, p. 55). L'assyrien ayant conservé ia distinction
du heth explosif, qui se change en spiritus Unis et du heth fricatif
qui coDserve sa prononciation rauque, sert de contrôle aux étymo-
logies des mots hébreux qui ont cette gutturale ; ainsi : ^inn, se
réjouir, n'est pas la même racine que l'arabe 'hada, parce que l'as-
syrien 'hadu a un heth fricatif; l'hébreu ririD signifie ouvrir et
graver, l'assyrien qui a perdu la gutturale dans le premier sens,
mais qui Ta conservée dans le second, montre que l'hébreu a con-
fondu deux racines différentes. En outre, la déportation des tribus
de Juda en Babylonie a donné lieu à l'introduction dans le texte
sacré d'un certain nombre de mots assyriens, comme les noms des
mois, des astres, etc. Enfin, un grand mérite de l'assyrien est d'avoir
conservé, soit dans les noms, soit dans les verbes, des racines qui
se sont usées en hébreu et ont disparu, à un ou deux dérivés près
dont le sens devient très difficile à fixer ; tels sont notamment :
3nn-nn3N ~ meurtre du glaive, Ezéch., xxr, 20, d'après l'assyrien
a M'Âî^ ; û"''^:^ = pièges, Jug., ii, 3, d'après l'assyrien saddu; 't^n
û'^brijïi = pied des collines, Nomb., xxi, 13 ; la racine b^T, à côté du
sens de « fumier », a celui d'« élever » et non pas de « demeurer »,
comme l'a montré M. Stanislas Guyard dans le Journal asiatique,
1878, t. II, p. 220. Telle est, à grands traits, l'analyse du livre de
M. Delitzsch.
Quelque précieux que soit le secours de l'assyrien, on ne doit pas
cependant l'accepter sans contrôle, et il sera prudent de se méfier
des nouvelles étymologies qui ne seraient pas suffisamment étayées
ou qui seraient contredites par la comparaison des autres lan-
gues sémitiques. Parmi celles que propose M. D., nous prendrons
quelques exemples propres à justifier cette remarque.
Jusqu'à présent on avait considéré avec la Genèse, ii, 23, le mot
324 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
n^N, l'emme, comme le féminin de d\\ homme ; le radical était
T • '
•c:n, devenu au féminin Tiéii. par assimilation du 7ioun à la consonne
suivante et au masculin ^^i< par allongement de la voyelle, une
consonne finale ne pouvant faire entendre le redoublement qu'occa-
sionne l'assimilation. M. D., p. 9, rejette cette explication; selon lui
^ii< vient d'une racine liiN avec schm naturel, signifiant « être fort »,
tandis que ïi^n appartient à une racine -csN « être faible », avec scM?i
chuintant correspondant au tav de l'araméen et de l'arabe, comme
nous le verrons plus loin. M. D. voit un argument en faveur du sens
d'<r. être fort » qu'il prête a la racine D'IIS dans le mot '{i'i1^5 qu'on
traduit ordinairement par prunelle de l'œil ; c'est une erreur, pré-
tend M. D., le sens de prunelle ne repose que sur le rapproche-
ment de ';iD"«iSi et de i^iy dans des passages tels que Deut., xxxii, 10,
mais il ne peut convenir à d'autres passages comme les suivants :
'j^j'-nn "li^wp ^2.'?P^) ^^'1 XVII, 8, qu'on devrait traduire : conserve moi
comme la prunelle de la prunelle de Vœil, )'^^"nn signifiant par lui-
même «prunelle de l'œil », Lament., ii, 18. Que viendrait faire, en
outre, "li^DiN dans le verset ïibpNi ïib^b li'ji^Ns, Prov., vu, 9? Peut- on
dire raisonnablement la prunelle d'une nuit obscure? Ces passages
montrent que 'jio'^is est l'équivalent de ti'^y^force^ qui prend le sens
de même, Exod., xxiv, 10; cette manière de voir est confirmée par
l'assyrien îschânu. Les passages cités ci-dessus doivent donc être
traduits ainsi: Deut., xxxii, 10, il le garda comme son œil même;
Ps., XVII, 8, garde-moi comme la prunelle même de Vœil; Prov., vu, 9,
même dans la nuit et l'obscurité. Mais M. D. n'a pas pris garde que la
prunelle de l'œil se dit en arabe insâ?i-el-^aïn^ et que insân, "juScrN,
est formé du radical ii33N, homme, au moyen du suffixe an, comme
l'hébreu )'\^ù'^i^ est formé de \2:\s au moyen du suffixe analogue ô?i ;
ces expressions, ^-^y "ji^iiiSt en hébreu et insân-el-^aïn en arabe, rap-
pellent la petite image d'homme que reûète la prunelle de l'œil. Que
dans un sens figuré, le mot prunelle ait désigné l'essence ou la qua-
lité dominante d'une chose et soit parfois synonyme de notre ad-
verbe « môme », personne n'y contredira. On sait que le mot i-^t,
œil, a fréquemment ce sens figuré en arabe ; ou dirait très bien en
arabe Vœil de la nuit, comme on disait en hébreu la prunelle de la
nuit et comme nous dizious le milieu de la nuit. En hébreu \^y a éga-
lement le sens d'aspect ou de face s'appliquant à des objets, Gese-
nius, Thésaurus^ p. 1018, c. 2^. Le mot iio\x ne prouve doue rien
en faveur d'une racine iâ"»&<. Si cette racine est à la base du mot ^-^k,
un sera étonné de voir que les autres formes de ce mot sont em-
pruntées à une racine ^:t( ; le pluriel ordinaire est D-^'j^y, l'état
construit ""'ipN' ^^ puriel d'analogie ûv^-'N ue se rencontre que
trois fois dans la Bible et dans des parties qui ne sont pas des plus
BlblJOGRAPllIK 320
anciennes : Isaïe, lui, 3 ; Ps., 141, 4 ; Prov., vin, 4. Si les mots ':;\\
et tii5î^ appartiennent à deux racines différentes, au lieu d'être deux
formes diverses [fiH et ft^al) d'une même racine, on sera amené à
conclure que l'hébreu a pris pour exprimer l'idée d'homme deux
racines diamétralement opposées, puisqu'à l'une on attribue le sens
d'« être fort «>, et à l'autre, le sens d'à être faible ». De plus, la racine
•6'^N est inconnue à l'araméen et à l'arabe qui ont les formes : i^'isN
T T
et 'l'^^DiN en araméen, et i^it^, "j^ûî^n et bN5 en arabe. La difficulté
naît des formes du féminin singulier ; suivant une loi de phoné-
tique établie par de nombreux exemples, le schin chuintant hébreu
répond en araméen à un iav aspiré et en arabe à un V^d ou tax)
marqué de trois points, tandis que le scMn naturel hébreu a pour
équivalent un schin en araméen et un sin en arabe. Or l'hébreu Ji'iî^
T •
femme est représenté par les formes Nnrr^i^ ou NnnS^ en araméen et
T : • T : —
•^nSN en arabe. Mais, phénomène bizarre, au pluriel l'araméen fait
apparaître un schin et l'arabe un sin : 'j^'ÔD, emph. ^%}^ const. -""ii en
araméen, i^ip5 et "iNnipp en arabe, répondant à l'hébreu û^^5 femmes,
const, 1^3. Il résulterait donc de la comparaison de ces formes que
le schin du singulier inui^ç était chuintant tandis que celui du pluriel
û-i^âs ne l'était pas. Sommes-nous en présence de deux racines diffé-
rentes, comme le suppose M. D. ? Il est bien plus naturel de chercher
une autre raison du changement de prononciation de cette radicale.
Le pluriel a sans doute la prononciation primitive du schin^ car il
appartient à ces formes archaïques qui ne distinguent pas le fémi-
nin du masculin par une terminaison propre. D'un autre côté, l'é-
thiopien qui n'a conservé le mot que dans ses formes féminines a le
sin aussi bien au singulier qu'au pluriel : nipSN, femme, pi. iu^5N^<,
N*niu5N ou î^'iniusfi^. Le changement du schin naturel en schin chuin-
T • ; V — T : : V -
tant dans le singulier araméen, s'explique par l'influence du tav du
suffixe du féminin, t^nn-^N ou j^nnlit^. L'arabe tn^tî unV^a est un élatif
T : • T : : — — : ••.
qui a pris le sens de femelle et a formé un pluriel spécial; il suppose
une forme primitive inusitée inV^at pour insat par changement de s
en V^ à cause également du tav final.
P. 40-42, M. D. nie que la racine «tj^id ait le sens de noir et sombre
qu'on lui prête pour expliquer divers dérivés, notamment ^^b
prêtre. L'assyrien donne le sens de remerser à terre, vaincre, le
prêtre est donc celui qui se jette à terre pour adorer. Le verset bi-
blique, Lam., V, 10, ^i^^plpp -liisnp I5ni3>, ne signifie pas « notre peau
est devenue noire comme un four », mais « notre peau a été
vaincue comme un four «, c'est-à-dire, « est devenue sans puis-
sance ou a perdu sa vigueur et sa force de résistance par le brùle-
ment de la famine ». Une explication aussi cherchée suffit à con-
damner la nouvelle étymologie fondée sur l'assyrien. M. D. termine
326 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
en disant : « Le syriaque l'^lp'z, triste, affligé, confirme l'exactitude
de mon idée ». Mais, s'il avait lu l'article du Thésaurus de Payne-
Smith sous ce mot, il n'aurait pas manqué de trouver des expres-
sions qui le contredisent : NT'TDi N^ûbir, image sombre, N'-i'^?3i Nbn:,
vallée obscure, N'-i'^72i «"^bb, nuit noire, brm i^^^iz^ t<'pi2^y les som-
T • : T : • •• : t • : 't :
bres profondeurs du Scbéol, dans lesquelles le sens de noir ne prête
pas au doute.
Il semble bien difficile de rechercher l'idée primitive qui a donné
naissance aux mots archaïques qui appartiennent aux premières
éclosions des langues. Pour les noms de parenté le doute est
presque de commande ; l'assyrien convaincra difficilement que nî<,
frère, "jnn beau-père viennent d'une racine signifiant v protéger »,
que dN mère se rattache à l'idée de « large, spacieux », parce que
l'assyrien ummtù signifie « le ventre, le réceptacle spacieux de l'en-
fant. » N'est-ce pas plutôt le mot « ventre », qui dérive de celui de
a mère », comme en araméen n^^^on, moule, (lat. matrix) et n7£î< ou
T T ' "-
N"^ n^3&<, réservoir d'eau, que le Thésaurus syriacus ponctue à tort
ÏT73N pour le syriaque de Néh., ii, 14 et Sir., xxiv, 30 ?
T V
Pour rester dans le même ordre d'idées, nous terminerons par la
nouvelle étymologie que M. D. propose pour l'hébreu ï-jbs, fiancée et
bru. Sur l'autorité de l'assyrien kallâtu^ il rejette les explications
anciennes de ce mot qu'il dérive de la racine ^bs, enfermer. Le mot
kallâ aurait désigné d'abord la chambre où l'on tenait enfermées les
jeunes filles, puis par métaphore la fiancée elle-même, comme en
arabe 'haram^ gynécée et femme, et en dW^md^u^ Frauenzimmer. Cesi
aux assyriologues à décider pourquoi l'assyrien kallâtu ne pourrait
pas être ramené à une racine bb^, mais il n'est guère possible de
songer à une autre racine pour l'hébreu inbs et l'araméen Nb3_. Les
racines bbiD et i^bi sont, du reste, assez proches parentes, pour que
M. Kohler, dans le Journal de la Société orientale allemande, t. XXIII,
p. 680, ait attribué aussi à la première le sens d'« enfermer » ; selon
lui, la fiancée est celle qui enferme le fiancé dans une union char-
nelle « Die den Brœutigam Einschliessende, von der geschlechtlichen
Seite hergenommen ». Quant à nous, nous préférons encore l'an-
cienne étymologie qui associe l'idée de fiancée à celle du voile ou du
dais Nnbs, qui couvrait la jeune fille conduite à son époux; c'est
également celle que donne l'arabe kanna fiancée et bru (racine knn
couvrir), comparé avec le mot kinna voile.
RUBENS DUVAL.
Paris, 8juiQ 1884.
CHRONIQUE
ET NOTES DIVERSES
Béer Goldherg. — Le 9 mai dernier s'est éteint à Paris dans sa SK®
année un des doyens des savants juifs, Béer Goldberg. Il était né en
1800 à Chlodna, près de Treneza, en Pologne. Orphelin de père et
mère dès Page de 5 ans, ayant failli périr dans un incendie, il fut
sauvé par une femme qui le porta à Radzki. C'est là qu'il fut élevé
très modestement. A dix-sept ans il se maria, ayant pour tout
pécule ses connaissances rabbiniques. II entra en ménage en pro-
nonçant à Neustadt une homélie, derascJia, à la synagogue. Sa science
se bornait alors à la Bible et au Talmud, cela ne suffisait à son goût
du savoir qui était immense et qu'il a satisfait plus tard en appre-
nant tout seul l'histoire et la géographie et particulièrement les
mathématiques et l'astronomie. Lui-même regretta souvent l'absence
de toute instruction élémentaire. Voulant éviter à ses coreligion-
naires ces impedimenta, vers 1835 il se rendit auprès du gouverneur
l'askiewicz et lui suggéra Pidée d'établir des écoles publiques pour
les Juifs. Il n'en fallait pas plus pour être taxé par eux d'hérétique,
d'épicoros, il fut contraint de s'enfuir. Il passa d'abord en Allemagne,
puis de là en Angleterre, vers 1847, pour venir se fixer enfin en
France. Yoici la liste des ouvrages et éditions qu'on lui doit : 1° CJiro-
nologiscJie Tafel zur immerivahrender Bèrechniing des christlicJien Kalen-
ders; Konigsberg, 1842, gr. iu-8°, travail suivi de près de la confection
de semblables tables pour l'établissement du calendrier juif. Ce sujet
lui était particulièrement cher et la dernière année de sa vie il y
revenait encore dans le SodHaihbour^ le secret de l'embolisme ; Paris,
18S3, in-8" de 16 p. ; — 2° û'^i7a:û)3 u:Dn sive Anecdota rabbinica, con-
tinentia : I. R. Scherirac Gaonis epistolam ; IL Varias Raschi quees-
tiones; 111. Librum Iba-Ezrœ Ghaï b. Mekiz...; IV. Fabulas LXX
syriacas; V. Carmen liturgicum R. Isaac b. Giat cum commento
R. Simon b. Zemach Duran...; Berlin, 1845, 8^ ; — S^ Séfer Ha-Rikma,
de Jona ibn Ganali, édité avec Raphaël Kirchheim ; Francfort-sur-
Main, 1856, 8* ; — 4» Juda ben Koreisch ad Synagogam judaicam civi-
328 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
tatis Fez epistola de studiiTargum ulilitate, Textum arabicum litteris
hebraicis ediderunt J.-J.-L. Barges et B. Goldberg ; Paris, 1857, 8°;
— 5» Birkat Abraham, Bénédiction d'Abraham, ou Questions de
R. Daniel le Babil sur le livre des préceptes de Moïse Maimonide
adressées à R. Abraham Maïmoni et les réponses de ce dernier, pre-
mière partie, texte hébreu, Lyck, 48o9, 4° ; deuxième partie sous le
titre de MaaséNissim, texte arabe avec traduction hébraïque; Paris,
1867, 8° ; — 6'' liNri N^^'n^ n'-l:^^< Lettre de Scherira Gaon ; Mayence,
4 863, in-IS»^ ; — 70 )'^i^r\ '0 Liber coronularum, publié avec l'abbé
Barges ; Paris, 4 866, in-16 ; — S'^ Sefer Hazikronot, Concordance
biblique d'Elias Lévita. Première livraison allant de N à fciN. Franc-
fort-sur-Main, 1875, 8°; — 9« dbnr "^"«n Vie éternelle, publication de
mss. faite en collaboration avec M. Edelmann, contenant la relation
du voyage de Venise à Famagouste de Elle de Pesaro, en 4 563, con-
sultation de Raschi et de R. Gerson ; Paris, 4 878, 8°.
Il serait trop long d'énumérer ici tous les articles qu'il a publiés
dans les périodiques et particulièrement depuis longtemps dans le
Magid. Il avait une grande jeunesse d'esprit, s'enflammant très
facilement pour des sujets nouveaux, apportant dans ses recherches
un certain sentiment de la critique et parfois même je ne sais quelle
hardiesse. A force de vivre dans l'intimité des ouvrages arabes, il
était arrivé à les comprendre sans en avoir jamais étudié méthodi-
quement la langue. C'est sans doute cette verdeur d'esprit et cet
enthousiasme qu'il conserva jusqu'à ses derniers jours en même
temps que cette faculté d'assimilation, qui faisaient dire à M. Renan
[Revue des Deux-Mondes^ 45 novembre 4 855) qu'il voyait c dans ce
triste vieillard le génie d'un peuple indestructible. » M. Schicad.
M. François Lenormant. — Ce savant éminent, qui a bien voulu,
dans les derniers jours de sa vie, contribuer à nos travaux par un
article sur la catacombe juive de Venosa (tome IV, p. 200\ a été
enlevé prématurément à ses amis et à la science. Il est né à Paris en
4 837. Parmi ses ouvrages il s'en trouve un assez grand nombre
relatifs aux sciences qui nous occupent. Ce sont, entre autres : Intro-
duction à un mémoire sur la propagation de l'alphabet phénicien,
Paris, 18G6 ; Essai du commentaire des fragments cosmogoniques de
Bérose, Paris, 4 871 ; Manuel d'histoire ancienne de l'Orient, Paris,
1869; Lettres assyriologiques, Paris, 4 871-72 : Le déluge et l'époque
Babylonienne, Paris 4 873; Sur le nom de Tammouz, Paris, 1873;
La magie chez les Chaldéens , Paris 4 874; Les premières civili-
sations, Paris 1874; Les origines de l'Histoire d'oprès la Bible et les
traditions des peuples orientîflix, Paris 1880-82; La Genèse, tra-
duction d'après l'hébreu, Paris 1883 ; divers articles de la Revue de
l'histoire .des religions, que notre bibliographie a régulièrement
signalés.
M. M. Laites. — Le 25 juillet 1883 est mort à Milan un savant dis-
tingue, M. M. Lattes, qui a été aussi une fois notre collaborateur.
CHRONIQL'E 320
Nos lecteurs n'ont pas oublié son excellent article sur divers épisodes
de l'histoire des Juifs d'Italie (tome V, p. 210). M. Lattes avait aussi
eu la bonté de nous fournir quelquefois des renseignements
qui étaient utilisés dans notre revue bibliographique. Ses principaux
ouvrages sont : W^lir^D û'^aipb De vitaet scriptis EiiaeKapsali,Padoue,
4869 ; Notizie e documenti di littérature e storia giudaica, Padoue,
1879; Saggio di giunti e correzioni al Lessico talmudico Levy-
Fleischer, Turin, 1879 ; Nuovo saggio di giunte etc., Rome 1881;
Catalogo dei codici ebraici délia Marciana, Florence 1882 ; plus divers
travaux dans l'Archivio Veneto (tome IV, Documenti e notizie per
la storia degli Ebrei ; gli Ebrei di Norimberga e la republica de
Venezia ; tome V, una convenzione... nel 1395, etc.; tome VI, Di un
mercatante Ebreo Siracusano ; tome VII, Délia condizione degli
Ebrei napolitani nel secolo xv).
M. Ad. NeuHiœr, — Notre excellent ami et collaborateur M. Ad.
Neubauer a été nommé lecteur à la chaire de littérature rabbinique
à l'Université d'Oxford. Nous lui en adressons toutes nos félici-
tations.
M. Maurice Vernes. — Notre collègue, M. Maurices Vernes, a quitté
la rédaction de la Revue de l'histoire des Religions, qui a passé aux
mains de M. Jean Réville. Nous remercions M. Vernes de l'accueil
que la Revue, qu'il dirigeait si bien, a toujours fait à la Revue des
Etudes juives et que ne peut manquer de nous continuer son hono-
rable successeur.
M. le D^ Zmiz. — Le 10 août prochain, M, Zunz, le vétéran de la
science juive en Europe, aura accompli sa 90° année. Tout le monde
connaît les admirables travaux de M. Zunz, ses Gottesdienstliche
Vortrage, sa Literaturgeschichte, son Zur Geschichte und Literatur,
son Ritus, se trouvent dans toutes les mains, ce sont des manuels
Indispensables pour toutes les études historiques et littéraires dans
le domaine de la science juive. M. Zunz a fait pour nous ce que les
savants des ordres religieux ont fait pour le moyen-âge chrétien, il
a été le bénédictin du judaïsme. Ses amis de Berlin préparent un
volume de Miscellanées qui sera offert à l'illustre savant le jour de
son 90« anniversaire. La société des Etudes juives est heureuse de
s'associer aux hommages qui seront rendus à M. Zunz en lui envoy-
ant une Adresse qui lui sera remise, avec un exemplaire d'hon-
neur de la Revue, par M. Joseph Dereiibourg, président de notre
société.
Journaux nouveaux. •— Nous signalons les publications suivantes :
1» 'i"i'^i£ n"iU5n7û Supplément mensuel au journal Habacélet, de Jéru-
salem ; in-8*', en hébreu, caractères carrés; prix 1 medjid 1i4 par
an. Le numéro 1 est daté de tébet 5644 (1884).
2. Das jûdische Centralblatt, zugleich Archiv fur Geschichte der
Juden in Bôhmen, herausgegeben von D^ Grûawald, à Pisek, en
330 REVUE DES ETUDES JUIVES
Bohème. Ce journal, publié d'abord en format in-4®, puis remplacé par
les Studien und Kritiken (voir la Revue bibliographique de ce
numéro), parait maintenant sous son ancien titre, mais dans le for-
mat in-8*'. Périodicité et prix ne sont pas indiqués.
3. c:3tîn5"'533' ^yi Emigrantul, erscheint zweimal wochentlich ;
publié à Bucharest par L. Rokeah ; in-f« de 4 p. à 3 col. le numéro ;
en judéo-allemand, caractères carrés ; prix 12 fr. par an ; le numéro
21 de la seconde année et du 21 mars 1883.
4. Familien-Blatt. Feuilleton Beilage der israelitischen Wochen-
schrift, publié à Magdebourg par le D^ Rahmer : in-4<^ de 4 p. à 2 col. le
numéro ; parait depuis le l*^*" janvier 1884.
5. Jewreiskoje Obozrenie, mars 1884. Journal mensuel, qui parait
depuis le io»* janvier sous la rédaction de M. Rabbinowitz, le pro-
priétaire du a Russki lewrej. >■> L' « Obozrenie » ou Revue juive est
consacrée à la littérature et à l'histoire. Chaque cahier est accompa-
gné de deux feuilles d'une traduction russe du sixième volume de
Graetz, Gesch. de Juden. Celui du mois de mars renferme en outre
une lettre de M. Rosenthal au comité de la société pour Tinstruction
des Juifs en Russie, qui a eu un certain retentissement dans ce pays.
Une chronique littéraire, des correspondances étendues sur l'Alle-
magne, l'Autriche, la France, etc., quelques poésies, des nouvelles
inédites, des articles scientifiques forment le fond de chaque fascicule,
qui ne contient pas moins de 9 à 10 feuilles. Cette revue se distingue
par un grand dévouement à la religion et aux intérêts juifs,
par un esprit large et impartial, étranger aux coteries et aux partis.
6. Kritik und Rcform, Organ des modernen Judenthums, rédigé
à Vienne, en Autriche, par M. MoritzWeiss; éditeur, Oscar Waldeck;
parait le l^etle 15 de chaque mois ; in-4° de 8 p. à 2 colonnes le
numéro; prix, 6 florins par an. Le 1^'' numéro est du \^'' juin 1884.
7. Die Laubhûtte, israelitisches Familienblatt ; publié par le rabbin
D'' S. Meyer, à Ratisbonne, à la librairie Hermann Bauhof, publica-
tion bimensuelle ; le numéro formant une brochure in-8" d'environ
40 pages; prix, marcs 1,60 par trimestre. Le numéro 1 est de janvier
1884.
8. Israelitischer Reichsbote, publié par Moritz Baum à Francforl-
sur-Mein ; autrefois format in-4° et hebdomadaire ; depuis le 1 "■'■'janvier
1883, format in-8° et mensuel; prix, 5 marcs par an. Le numéro
7-8 de la 9° année (juillet 1883) paraît être le dernier; a cessé de
paraître.
9. Sabbat Stunden ; illustrirte Feuilleton-Beilage der « Jiidischen
Presse, » publié par le D'" Ilirsch llildeshcmier à Berlin ; hebdoma-
daire, in-4o de 4 p. à 2 col. le numéro. Parait depuis janvier 1884.
10. Magyar-Zsido Szemle, publié à Budapest par Wilhelm Bâcher
et Joseph Banoczsi ; jouraal mensuel, in-S» de 80 p. environ le numéro;
prix, 0 lloriQs par an. Excellent journal destiné à répandre la science
juive et à la populariser parmi les Juifs de Hongrie. Le numéro 1 est
de janvier 1884.
CHRONIQUK 331
41. La Tribune philo-sémitique, paraissant (à Paris) tous les
mardis ; rédacteur en chef, Gaétan Rossetli ; in-f° de 4 p. à 4 col. le
numéro ; prix, 15 fr. Le numéro 1 a paru le 2 octobre 1883 ; n'a eu en
tout que 3 numéros.
42. La Veridad, publié à Smyrne par Bekhor iben Ghiat, David ibn
Ezra et Rafaël Gori ; rédigé en judeo espagnol, caractères hébreux :
parait tous les quinze jours ; in-S" de 16 p. le numéro ; prix, 2 med-
jid 1^2 par an. Le numéro 1 est daté du 15 juin 1884.
La Bïbliotlièqxie nationale. — La Bibliothèque nationale de Paris
a enrichi sa série d'incunables en acquérant du libraire Fischl
Hirsch, à Halberstadt, 4 livres hébreux du xv*' siècle, des plus rares.
Ce sont : 1° le texte des Psaumes avec commentaire de R. David
Kimhi, imprimé s. 1. {? Bologne) le 20 eloul (5) 237 ( = 29 août 1477),
petit fol. Gomme cet exempt, a échappé à la censure, c'est sans doute
l'unique en son genre. — 2» L'examen du monde par ledaïa Penini,
de Béziers, avec un court commentaire anonyme. Soncino, 24 Kislew
(5) 245 ( = 12 décembre 1484), petit in-4°. — 3° Un glossaire hébreu-
arabe-roman, anonyme, appelé Miqré dardeqé. s. 1. (? Naples),
1«i" eloul (5) 248 (= 8 août 1488), fol. — 4°. Gommentaire sur le Pen-
tateuque par Moïse Nahmani. Lisbonne, Ab (5) 249 ( = juillet août
4489), fol. Ges divers volumes forment, dans l'opuscule de M. Schwab
sur les incunables hébreux, les numéros 5, 28, 44 et 54, auquel nous
renvoyons pour plus amples détails. — M. Schw.
ADDITIONS ET RECTIFICATIONS
Tome IV, p. 147. — Le passage que j'ai extrait d'un de mes mss. est
emprunté au commentaire de David Kimhi sur les Psaumes. Voir édit.
Schiller-Szinessy, p. 41. — S.-J. Halherstam.
Tome V, p. 57. — M. Steinsclineider ne parle pas de la version latine
suivante de Paul Fagius : Liber fidei, preciosus, bonus et jucundus, qucm
edidit vir quidem Israélites sapiens et prudens..., ideo vocavit nomen
Sepher Aemana, i. Liber fidei seu veritatis. . . translatus ex lingua hebraica
in linguam latinam, opéra P. Fagii; Isnse, 1542. — M. Schwab.
Tome'.VII, p. 154, note 5. — Cette controverse a été déjà attribuée à Matta-
tia par Steinschneider, Polem. und apolog. Literat., p. 370. Elle se trouve en
un grand nombre de mss. sous le titre de "ji/ûbitT ^nîlû'^niS- — P- 155, ligne 5 :
au lieu de '^mS'^iïi on doit plutôt lire '^ni5''31n. Pour l'époque de l'auteur,
voir Revue, VII, p. 315. — P. 165. J'ai parlé de la mater synagogœ dans
Gœtt. gelehrt. Anzeig., 1881, p. 971 et ai proposé d'en faire quelque chose
comme une trésorière rr^NIs^ de la synagogue des femmes. Mais ne se pour-
rait-il pas qu'elle fût simplement la femme du pater synagogae ? — P. 224.
Nicolsbourg est en Moravie, siège du grand-rabbin. — P. 220. Moïse Narol
est originaire de Crzeminiec; Zunz, Literaturgescb. p. 435. — Bavsiâ, Kauf-
iiiann.
Ibid., p. 305. — Isbea est sans doute l'hébreu mizbeah, autel. — A.
Harkavy.
Tome VIII, p. 75, note 2. — Le livre en question n'est sans doute pas
celui d'Oliveyra, mais celui de Salomonb. Jacob Almoli, qui a été imprime
à Constantinoplc. On ne peut pas chercher un livre inédit. — P. 83. Le
Séfer Amanah est ce livre édité par Paul Fagius en 1552 (voir Revue, V,
57). — P. 84, 1. 9 en bas, et 1. 7 eu bas, le mot ouvrages et le mot livres doi-
vent être remplacés par le mot lettres, car il s'agit de lettres missives. —
P. 87, 1. 3 en bas : lisez pnn^b, non pin^"^, d'après Ezéch., III, 3. —
P. 90. Le passage relatif aux incendies veut dire que Jacob Roman pensait
qu'en Occident, où les incendies sont plus rares qu'à Constantinoplc, on
trouverait un plus grand nombre de manuscrits. — P. 91, 1. 9 en bas. Au
lieu de Ilariri lire Ilarizi. — P. 89, 1. 17. Au lieu de nprb lire npnV,
•< pour décrire ». — P. 92. tXD yiZtXTH est un livre de morale; David, l'auteur
do û-^UÎ-ïl nSOa '0, est David b. Juda Messer Léon; voir son Tehilîa le
dand, [)1 a. — Ibid., note 3. Le livre manquant est le Se'fer aguUot rayo-
niot de Batalyijsi, dont j'ai publié la traduction hébraïque, comme on le
verra facilement en lisant l'introduction et les sept chapitres du livre. L'ori-
ADDlTlOiNS ET RECTlFICATlOiNS 333
ginal arabe qui se trouve à Oxford, cod. 1334, a sur la seconde feuille de
la couverture non paginée les mots ; pn^"» n?3:D3 Sp:?"^ *1"':'2n £]DD nDpD
i<"y^ '^'^N 'b ÏWpS p 1^731") • Ainsi Jacob Roman a possédé en 1631 le
livre d'Al-Batalyùsi. Le mot peu lisible dans la lettre de Roman est proba-
blement p-^i^iribN, titre arabe des agullot. — P. 86, note 7. Efifacer les mots
« et modernes, » car Steinsclineider, Catal. bodl., article Jacob Roman, a
montré la fausseté de la fable transmise par Sabbataï Bass et du voyage de
Roman à Jérusalem en 1620. — David Kaufmann.
Tome VIII, p. 121. — Un ms. arabe (n^ 204 du nouveau Catalogue) de
la Bibliothèque nationale contient le récit « d'une controverse qui eut lieu
Merw entre un moine nommé Schouha la Ischou'a et le Ras al-Galout au
à sujet du Messie ». — Israël Lévi.
USTE DES PMEAIIX MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DES ÉTDDES JUIVES
DEPUIS LE ie>- AVRIL 1884.
Beaucaire, boulevard du Château, 6, Neuilly-sur-Seine.
Cerf (Henri), à Wissembourg.
Ettinghausen (Hermann), rue de Châteaudun, 12.
Heine (M™« C), rue de Monceau, 28, lOO fr.
Mannheim (Amédée), lieutenant-colonel d'artillerie, professeur à l'E-
cole polytechnique.
OsiRis (Ifla), rue Labrujère, 9.
Saint-Paul (Georges), maître de requêtes au Conseil d'État, place
Malesherbes, 5.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DU CONSEIL
SÉANCE DU 24 AVRIL 1884.
Présidence de M. Zadoc Kahn.
Le Conseil désigne M. Loeb pour présider la conférence de M. Vernes.
11 décide que, bien que désormais l'année d'exercice commençant au 1^^ janvier
doive se terminer le 31 décembre, l'Assemblée générale aura lieu comme par le passé
au mois de novembre.
Le Conseil, ayant appris que M. le D"^ Léopold Zunz, le vétéran des études
juives en Europe, célébrera au mois d'août prochain le 90^ anniversaire de sa nais-
sance, décide qu'à cette occasion la Société lui enverra une adresse et toutes les
publications de la Société.
M. Schwab lit une communication de M. JEgger sur une phrase grecque du Talmud
de Jérusalem.
M. HaUvy fait une communication sur le sens du mot Japhet et la portée de la
bénédiction de Noé.
SÉANCE DU 26 JUIN 1884.
Présidence de M, Joseph Derenbourg,
Le Conseil vote des remerciements à M. Maurice Vernes pour la conférence qu'il a
bien voulu faire.
M. le Président fait au nom du Comité du Publication un rapport sur une demande
de subvention présentée par M. Moïse Bloch pour l'impression du Séftr Hamiçnot &&
Maïinonide en arabe. 11 est d'avis d'accueillir favorablement cette demande. Le
Conseil vote à M. Bloch une subvention de 200 fr. à charge pour M. Bloch de à la
Société un certain nombre d'exemplaires représentant la dite somme.
M. Erlanger informe le Conseil que le Consistoire Israélite de Paris a décidé
d'acheter un matériel pour la salle où se font d'ordinaire les conférences de la Société.
L'avance faite par le Consistoire aux Sociétés qui, comme la Société des Etudes juives,
se serviront de ce matériel pourra être amortie au bout de quelques années par la
cotisation de ces Sociétés, qui sera d'ailleurs toujours moins forte que le prix de
location actuellement payé aux entreprises privées.
Le Conseil accepte cette proposition, remercie M. Erlanger de son bienveillant
concours et le prie d'exprimer au Consistoire de Paris ses vifs remerciemeuls.
M. UaUvy fait une communication sur quelques versets de la Bible.
Les Secrétaires,
An. Gahen et Tii. Reinach.
l.c Kcraiil responsable,
Israël Lkvk *
TABLE DES MATIÈRES
ARTICLES DE FOND.
Gahen (Ab.). Le rabbinat de Metz pendant la période française
(1567-1871) [suite] 255
DuvAL (Rubens). Le passif dans l'araméen biblique et le pal-
myrénien 57
Gerson (M.). Notes sur les Juifs des Etats de la Savoie 235
Halévy (J.). Traces d'aggadot sadducéennes dans le Talmud.. 38
HiLD (J.-A.)- Les Juifs à Rome devant l'opinion et dans la lit-
térature 1
Kayserling (M.). Richelieu, Buxtorf père et fils et Jacob Roman. 74
LÉvi (Israël). L La légende de l'ange et l'ermite dans les écrits
juifs 64
IL Légendes judéo-chrétiennes 1 97
LoEB (Isidore). Deux livres de commerce du commencement du
xiv^ siècle 161
Maulde (R. de). Les Juifs dans les États français du Pape au
moyen âge [sicité] 96
OuvERLEAUx (Emile). Notes et documents sur les Juifs de Bel-
gique sous Tancien régime [suiie) 206
ScHEiD (Élie). Histoire des Juifs de Haguenau pendant la pé-
riode française 243
NOTES ET MÉLANGES.
Bloch (Isaac). Bonjusas Bondavin 280
Derenbourq (Joseph). La montagne de fer 275
GoLDziHER (Ignaz). Renseignements de source musulmane sur
la dignité de Resch Galuta i 21
Kaufmann (David). 1. Le prétendu commentaire dlsaac Israéli
sur le livre Yeçira 126
IL Les cercles intellectuels de Batalyoûsi 131
Jastrow (M.). Note sur les mots ipi3"i'n"''7n '^pN^"lp 277
Levin. Localités illustrées par le martyre des Juifs en 1096 et
1 349 i 34
336 REVUE DES ETUDES JUIVES
LÉVY (Isaac). Un manuscrit hébreu de la Bibliothèque de
Vesoul 283
Schwab (M.). Inscription juive du musée de Saint-Germain 137
T. R. Les Juifs dans l'opinion chrétienne aux xvii° et xyiii^ siè-
cles : Peuchet et Diderot 1 38
BIBLIOGRAPHIE.
LoEB (Isidore). Revue bibliographique, i^^ et 2^ trimestres
1884 283
Derenbourg (Hartwig). I. Corpus inscriptionum semiticarum.
IL Histoire de Tart dans l'antiquité, par Georges
Perrot et Chipiez i 43
DuvAL (Rubens). The hebrew language viewed in the light of
assyrian research, by D"- Frédéric Delitzsgh 322
DIVERS.
Chronique et notes diverses 1 35, 327
Additions et rectifications 459, 332
Liste des nouveaux membres de la Société des Études juives
depuis le l'^'" janvier 1884 158, 333
Procès-verbaux des séances du Conseil et de l'Assemblée géné-
rale. 460, 334
Table des matières 333
4
FIN.
VKHSâILLES, lKPIUJtt£IU£ CUHF ET FILS, RUfi PUPLESSlfi, 59.
DS Revue des études juiyes;
101 historia iudaica
t.B
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