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PIBLIF sots LA DIKECTIO\ DE LA SECTIO\ HISTORIQl'E DE L'ETAT-MAJOR DE L'ARMEE
MEMOIRES ET JOURNAUX
DU
GÉNÉRAL DECAEN
Publiés avec Introduction, Notes et Cartes
ERNEST PICARD
I.IKUTKXIXT-COLOXKL d'aBTILI.KRIK DIIBVRTK
CHKP Dl{ Lft SKCTIOV HISTOIlIQfK DR l'iItAT-MAJOU UK l'aRURK
VICTOR PAULIER
LIELTKXAXT D IXFAXTBRIE
TOME SECOND
1800-1803
ARMÉE DU RHIN
BONAPARTK ET DECAEX
DÉPART POUR l'iXUE
PARIS
LIBRAIRIE PLON
PI.OV-NOURRIT ET C'% IMPRIMEURS-ÉDITEURS
8, RUE GARANGIÈRE — ()«
1011
AIEMOIRES ET JOURNAUX
r r
GENERAL DECAEN
DU MEME AUTEUR, A LA MEME LIBRAIRIE
Bonaparte et Moreau. L'Entente initiale — Les Premiers dissen-
timents — La Rupture. Un voL in-S" accompagné de cinq cartes. 7 fr. 50
(Couronné par l' Académie française, prix Furtado.)
1870. La Perte de l'Alsace. In vol. in-16. 4« édition. . . . :i Ir. 50
Mémoires et Journaux du Général Decaen. Tome I : 1793-1799 :
Sièfjr de Mayence — Armée de Rliin-et-Moselle — Armées du Danube et
du Rhin. Un vol. in-8». Prix 7 fr 50
PAHIS. TYP. PLOX-.\OLRRIT ET G'", 8, RLE GARAXCIBRE. — 14628.
PUBLIÉ SOIS LA DIRECTION DE LA SECTION HISTORIQUE DE L'ÉTATMAJOR DE L'ARMÉE
MÉMOIRES ET JOURNAUX
DU
GÉNÉRAL DECAE^
Publiés avec Introduction, Notes et Cartes
PAR
ERNEST PICARD
LIKUTliN.IXT-COLONKL d'aRTILLEBIE DRKVETÉ
CHBF DE LA SECTIO.V HISTORIQLK DE l'ÉTAT-MAJOR DB l'aRMKK
VICTOR PAULIER
LIEUTEXANT D IXPAN'TBRIE
TOME SECONP
1800-1803
ARMÉE DU RHIN
BONAPARTE ET DECAEX
DÉPART POUR l'iXDE
PARIS
LIBRAIRIE PLON
PLO\-IVOURRIT ET C'% IMPRIMEURS-ÉDITEURS
8, RUE GARANGIÈRE — 6"
1911
Droits de reproduction et de traduction
réservés pour tous pays.
INTRODUCTION^')
Le second volume de ces Mémoires et Journaux s'ouvre
le 4 juin 180O, à l'armée du Rliin. Decaen, qui a com
mencé la campagne sous les ordres de Souham, vient
d'être promu divisionnaire à l'âge de trente et un ans,
et placé à la lête d'une des divisions du centre. Kn cette
qualité, il prend une part importante et brillante aux opéra-
tions militaires de l'an VIII et du début de l'an IX. Dans
la relation des événements dont il a été le témoin en Alle-
magne et en Autriche, Decaen apporte les mêmes lemar-
quables qualités de sincérité, d'exactitude et de modestie,
qui font le charme et l'autorité de ses précédents récits.
Par la haute situation qu'il occupe désormais, par les con-
fidences qu'il reçoit de Aloreau, par ses relations amicales
avec Lahorie, le chef d'état major du corps du centre, ses
(1) On se reportera asec iutérêt à deux excellentes notices biographiques que nous
ayons signalées et utilisées dans le tome I" • celle de M. G. Lavai.i.kv {(hitologuc tles
Manuscrits de la BibUotlièque municijjale de Ctien, p. llS-130) et celle de M. Phkn-iolt
(l'Ile de France sous Decaen, prél'ace, p. xiv-xxiv).
M MK.MOIHKS KT JOURMALX 1)1 (iKXKRAL DKCAE.\
souvenirs acquièrent une valeur documentaire particu-
lièrement précieuse, et l'intérêt de ce volume croit, pour
ainsi dire, de chapitre en chapitre. Après les opérations
autour d'Ulm, c'est tour à tour la bataille de Hochstâdt,
l'occupation de Munich, l'excellente organisation admi-
nistrative de cette capitale, les projets d'établissement
d'une république formés par certains Bavarois, qui veulent
échapper à l'alliance autrichienne et obtenir un régime
meilleur; ce sont des renseignements de premier ordre
sur l'état matériel et moral de l'armée de l'archiduc Jean.
Après la rupture de l'armistice de Parsdort", commence
la campagne d'hiver qui consacre définitivement la répu-
tation de Decaen. On connaît la part importante que sa
division prend à la bataille de Hohenlinden, où elle est
chargée par Moreau d'appuyer le mouvement tournant de
Richepance qui détermine le succès éclatant de la jour-
née. Les Mémoires et Journaux fournissent une preuve
irréfutable de ce fait que, dès la veille, Moreau avait
assigné leurs rôles respectifs nux divisions Richepance et
Decaen ; ils démontrent aussi péremptoirement combien
jVapoléon a été injuste, à Sainte-Hélène, en déclarant que
cette victoire « ne doit être attribuée à aucune manœuvre,
à aucune combinaison, à aucun génie militaire (1 ) » .
Après le récit de ce magnifique succès, Decaen relate la
poursuite de l'armée ennemie et la marche sur Vienne.
Lecourbe franchit l'Inn de vive force; les Autrichiens lui
(1) GoiROiii), Mhnoircs de Xopoliun, 11, 52. — Cf. lommaiulaiit Eiuest Pimni),
Holieiiliiit/ni. ]'-2-ni et "Ji'J et sui\.
I.YTRODICTJOX ni
présentent une résistance acharnée à Salzbourg et tiennent
en échec riiîîpjtueux général qui s'obstine dans une série
d'attaques de : ):.t. H 'iireuseme.it, Dccaen surprend le
passage delà S.il::r.'^! à Laulen, remonte la rivière par la
rive droite et, obligc;i:i! ainsi 'archiduc Jean à abandonner
Salzbourg, entre le pre . erda:.3 !;ivillp, non sans quelque
désappointement de la part de Lj-jo :'.)n.
Dès son retour à Paris, à l'issuo de celte glorieuse cam-
pagne, Decaen est présenté à Bonaparte parDessolle. Fort
bien accueilli par le Premier Consul, il lui expose en
détail le plan de Aloreau pour la journée de Hohenlinden
et les opérations de sa division. Bientôt il devient un des
familiers de Bonaparte; mais il sait conserver aux Tuileries
" ses manières simples et ouvertes de soldat républi-
cain (1) 55 .
Chargé, en 1801, d'une des inspections des troupes d'in-
fanterie, il propose, pour la comptabilité du service de
l'habillement, des modifications importantes qui, chose
curieuse, ont été remises en vigueur de nos jours.
Decaen admire profondément le Premier Consul qui,
de son côté, lui témoigne une grande estime et lui confie
maintes fois ses idées sur le futur Concordat, sur la situa-
(1) H. Pr.E.\Toir, l'IL' de Fronce sous Decaen, préface, sxu.
IV MlhlOIUKS KT JOUHXAUY DV (iÉXFÎHAL DECAEX
tioii du pays, sur la politique coloniale. Loin de s'incliner
en courtisan, Decaen, avec sa franchise habituelle, pré-
sente des objections, des critiques même, au chef du gou-
vernement. Il nous conte l'origine de la mésintelligence
entre Bonaparte et \Ioreau : ce serait, à son avis, le refus
un peu brutal de ce dernier d'épouser Hortense de
Beauharnais, puis des susceptibilités féminines de la part
de Aime \Ioreau et de sa mère \ïme Hulot. Il voit avec
tristesse des dissentiments plus sérieux s'élever et grandir
entre le Consul et le vainqueur de Hohenlinden. Decaen
s'efforce de les faire cesser : il représente à son ancien chef
combien son attitude est nuisible aux véritables intérêts de
la République et à ceux de ses subordonnés de l'armée du
Rhin; auprès du Consul, il prend en main la cause de
Moreau dont il fait valoir la droiture de caractère, la
loyauté, les services éminents, le désintéressement poli-
tique, et qu'il défend, avec une respectueuse et digne fer-
meté, contre les reproches et les accusations parfois injustes
de Bonaparte.
Nommé, sur sa demande, capitaine général des établis-
sements français dans l'Inde, Decaen organise avec le
plus grand soin l'expédition qui lui est confiée, et vient à
bout des difficultés opposées par le ministre de la Alarine,
auquel il tient tête avec la conscience de son bon droit. Il
quitte Brest le 15 ventôse an XI et, après un court séjour
au Cap de Bonne-Espérance, il arrive en vue de Pondi-
chéry le 22 messidor suivant (11 juillet 1803). Apercevant
au mouillage une escadre anglaise, Decaen a un "défavo-
IMTRODUCTION v
rable pressentiments qui s'accentue encore lorsqu'en appro-
chant de la côte, il constate (|ue la frégate la Belle-Poule,
qui a devancé l'expédition, est encadrée entre deux bâti-
ments anglais, et que le pavillon britannique n'a pas cessé
de flotter sur la ville (1).
Decaen écrit alors immédiatement à Lord Clive, gouver-
neur de Madras, pour lui demander, aux termes du traité
d'Amiens, de l'aire restituer Pondichéry. Mais Lord Clive
en réfère au marquis de Wellesley, le futur Wellington.
La réponse tarde. Sur ces entrefaites, une lettre de Decrès
avertit Decaen que l'Angleterre fait des armements extraor-
dinaires et lui annonce que le contre-amiral Linois reçoit
l'ordre de conduire l'expédition à l'île de France. Déjouant
pendant la nuit la surveillance de l'amiral anglais, la divi-
sion de Linois parvient à gagner cette île où elle jette
l'ancre, le 26 thermidor, après trente-quatre jours de tra-
versée.
Dès son arrivée, Decaen constate la nécessité d'une
réforme dans l'administration de la colonie; il fait partir
pour Mascate Cavaignac, nommé par Bonaparte résident
auprès de Hman, afin de se créer des intelligences dans
ces régions; enfin son esprit d'entreprise lui fait, dès ce
moment, entrevoir la possibilité de porter la guerre dans
l'Inde, l'année suivante, « avec une certitude de succès » si,
outre un crédit de 4 millions et 6 vaisseaux de ligne, il
peut disposer encore de 3 000 hommes de troupes choisies,
(1) H. Phextout, l'Ile (le France sous Decaen, p. 33-34.
VI MEMOIRES ET JOLIRXAUX DT GENERAL DECAEN
dont 500 cavaliers et 2 compagnies d'artillerie légère (1).
Avec une grande profondeur de vues, il juge que c'est là
qu'il faut frapper l'Angleterre; il sent qu'en la blessant
« mortellement dans ses colonies «, elle sera « bientôt
réduite à l'impuissance sur le continent (2) v .
Dans cette période de trois années, on se plaît à cons-
tater chez Decaen, d'une manière plus complète peut-être
qu'auparavant, les mérites éminents de l'homme et du
soldat, mérites qui expliquent largement son rapide
avancement, les amitiés et l'estime qu'il a su acquérir, et
le choix dont l'honora le Premier Consul en lui confiant
les fonctions importantes de capitaine général dans
l'Inde.
Sens tactique développé, connaissance approfondie du
terrain, coup d'oeil prompt et sûr, esprit d'offensive, éner-
gie dans l'exécutiin, initiative toujours opportune et réflé-
chie, commandement à la fois ferme et bienveillant, abné-
gation constante, talents rares d'organisateur minutieux
et d'administrateur intègre, le jeune divisionnaire a affirmé
pleinement toutes ces qualités professionnelles et toutes ces
vertus militaires. Celle qui prédomine en lui et, comme on
(1) Decaen au miuistre de la Alarine, île de France, 28 fructidor an XI.
(-2) G. LavflLLKV, loc. cit., p. 12-2.
INTRODLCTIOM vir
l'a lait justement observer (1), doit le signaler particuliè-
rement à l'admiration, c'est la plus noble de toutes, la plus
indispensable aussi à l'homme de guerre, le caractère, —
et Decaen l'eut toujours au suprême degré, loyal, éner-
gique et digne.
(1) H. PRiiXTOUT, loc. cil., préface, xxi.
ARMEE DU RHIN
II.
ARMEE DU RHIN
Journal de mes campagnes comme général de division
dans Van VIII et l'an IX (1800-1801) (I).
CHAPITRE PREMIER
Decaen nommé divisionnaire. — Il succède à Richepance à la tête d'une division de la
réserve. — Un commissaire des guerres i'usillé. — Vandamme et Gouvion Saint-Cvr
quittent l'armée. — Rôle de Gouvion Saint-Cyr à Messkirt-li. — Composition et empla-
cements de la division Decaen le IX prairial. — Le quartier général à Kettershauseu.
— Decaen relève Montrichard vers Krumbach et Xieder-Raunau. — Debilly attaqué à
Deisenhausen. — • Decaen perd 143 hommes à Krumbach. — Il se porte sur Ettenbeu-
ren. — Combats d'avant-posles. — Decaen s'avance sur Rurgau. — Lecourbe tente le
passage du Danube. — Decaen, chargé de le soutenir, est irrité de ses procédés. —
La division Decaen franchit le Danube à DiUingen. — Succèi des Français. — Decaen
s'établit à Ober-Medlingen.
id prairial. — Je quittai le commandemeut de ma brigade
pour celui d'une division de la réserve sous les ordres directs du
général en chef.
Le général Sainte-Suzanne, avec sa bonté accoutumée, m'en
avait donné le premier avis, le 14, en me faisant son compliment
de ma nomination au grade de général de division.
Il m'avait annoncé cette bonne nouvelle en post-scriptum d'une
lettre par laquelle il m'informait de quelques dispositions qu'il
(1) L'original des Mémoires et Journaux du général Decaen présente une lacune du
8 frimaire au 15 prairial an VIII.
Après avoir servi sous les ordres de Tliarreau, Decaen fut appelé à commander une
brigade de la division Souham. Cette division 6t partie du corps de Sainte-Suzanne, qui
formait l'aile gauche de l'armée du Rhin.
Pour donner le change aux Autrichiens, Sainte-Suzanne passe le pont de Kehl avec ses
trois divisions, le 5 floréal an VIII, et bouscule les troupes de Kieumayer. Puis il repasse
sur la rive gauche du Rhin, en ne laissant qu'un rideau sur la rive droite, remonte jus-
qu'à Brisach, où il franchit de nouveau le Rhin, et arrive à la tète du Val d'Enfer.
Le 11 floréal (l'"' mai), Lecourbe passe le Rhin à Paradies et Rheinklingen, et bientôt
4 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEN
avait ordonnées pour aider à la défense de la position que je
tenais à Srliuendi, VVain et Balzheim, à la gauche de Tlller, infor-
mation dont je fus d'abord surpris puisque, ordinairement, je ne
recevais d'ordres que du général Souham. Mais, ayant reçu du chef
de l'état-major de l'armée l'ordre pour mon nouveau commande-
ment ainsi qu'une lettre du général Souham dans laquelle il me
félicitait de mon avancement, je me rendis auprès de ce général.
Il avait aussi reçu l'ordre de quitter le commandement de sa divi-
sion. Il m'apprit que, d'après de nouvelles dispositions du général
en chef, le général Colaud devait aller avec le général Sainte-
Suzanne qui se rendait à Strasbourg pour organiser et commander
un corps d'armée qui devait agir dans le Wurtemberg et en
Franconie.
Je me rendis ensuite à Memmingen, au grand quartier général,
avec le général Souham qui obtint de servir de nouveau avec le
général Sainte-Suzanne. Je reçus du général Moreau ma nomina-
tion provisoire de général de division et l'ordre de prendre le com-
mandement de la division [du général] Richepance qui avait passé
à celui des flanqueursde gauche de l'armée, nom substitué à celui
d'aile gauche que venait de quitter le général Sainte-Suzanne.
J'appris que le général Gouviou Saint-Cyr quittait aussi son
commandement, soi-disant pour cause de maladie (1), et qu'il était
toute l'armée française se trouue réunie entre Thaingen et Schaffhouse, sauf son aile
gauche restée vers Xeustadt, Fribourg et le Val d'Enfer.
Les opérations se précipitent : les Autrichiens sont battus à Stockach et Engen (13 flo-
réal), Messkirch, Biborach (19 floréal) et Memmingen.
Sainte-Suzanne, resté vers Neustadt, a pousse vers Donaueschingen, le 14 floréal (4 mai).
Après Messkirch, il s'avance par la rive gauche dn Danube sers Geisingen, se met en
ligne avec le général Gouvion Saint-Cyr, et, le 18 floréal, se porte à Riedlingen sur le
Danube.
Quelques jours après, Kray se retire sous Ulm.
Le 26 floréal (16 mai), Sainte-Suzanne se trouve assailli par une grande partie des
forces de Kray, vers Erbach et Blaubeuren. A la suite de ce combat, sur la proposition
de Sainte-Suzanne, Decaen fut nommé par Moreau général de division, le 26 floréal
an VIII, « en récompense de son zèle, de ses connaissances militaires et de sa bravoure
dans toutes les occasions qui ont eu lieu depuis l'ouverture de la campagne •.
(1) C'est la raison que donne l'ordre du jour du 16 prairial au VIII, daté de Mem-
mingen (A. H. G.). D'autre part, Gouvion Saint-Cyr dit dans ses Mèmoirei,, ni»9-1800,
à la date du 31 raai-ll prairial : «... le général en chef persistait dans le faux système
qu'il avait adopté dès le début des opérations. Saint-Cyr vit avec beaucoup de peine
qu on oubliait les promesses qui lui avaient été faites pour le déterminer à comraencer
la campagne: ce l'ut alors qu'il se décida à quitter l'armée, ei qu'il se promit de ne
plus servir sous les ordres de Moreau. - Cf. Gouvio.v S.ii.\t-Cvr, Mémoires, 1799-1800,
p. 110 à 114, 129, 130 et 291.
liY COAIMISSAIRK DES (ÎUKRUES FUSILLE 5
remplacé par le géuéral (irenier (1); mais, la vérité, c'est que le
général Saiut-Cyr avait donné au général en chef divers sujets de
mécontentement.
Le général Vandamme avait aussi quitté l'armée. Il comman-
dait une des divisions de l'aile droite. Son départ fut une consé-
quence du jugement du commissaire des guerres Pommier, con-
damné par un conseil de guerre à être fusillé. Ce malheureux
commissaire fut accusé d'avoir levé des contributions dans le pays
au lieu de pourvoir à la subsistance des troupes (|ui, ne recevant
point de distributions, se livraient au pillage, ce qui avait obligé
les chefs de corps à porter des plaintes graves et fondées.
Cependant on croyait que le jugement ne serait pas exécuté
parce qu'on savait que le général Vandamme non seulement
n'ignorait pas la conduite de son commissaire, mais encore qu'il
l'avait autorisée. On disait même qu'il en retirait la meilleure part,
et qu'alors il viendrait implorer la clémence du général eu chef
dont le caractère bon n'aurait probablement pas refusé cette grâce,
puisque l'effet pour réprimer le désordre pouvait être considéré
comme suffisamment produit par le jugement exemplaire qui
venait d'être rendu. Mais le général Vandamme resta tranquille !..
Et le malheureux commissaire, qui avait sans doute compté sur la
protection de ce général qu'il savait très ami du général en chef, et
qui n'avait pas voulu, pour sa défense, compromettre le général
Vandamme, reçut la mort avec courage et résignation.
Cette exécution fit une grande sensation dans l'armée.
16 prairial. — Dès le matin, je fus pour prendre les ordres du
général Moreau, arrivant au moment où il montait en voiture
pour se rendre à Babenhausen. Alors il me dit que je le verrais à
cet endroit, en y passant pour me rendre à ma division qu'il
m'engageait à rejoindre au plus tôt. Je montai de suite à cheval.
(1) Grenier (Paul), né le 29 janvier 1768, à Sarrelouis; engagé volontaire au régiment
de Nassau, le 21 décembre 1784; caporal, le 16 octobre 1788; sergent, le 26 mars 1789;
sergent-major, le I"" août 1791, adjudant, le 12 mars 1792; lieutenant, le 26 juil-
let 1792; capilaine, le 1^' décembre 1792; adjudant général chef de bataillon, le 24 ven-
démiaire an II; chef de brigade, le 21 nivôse an II; général de brigade, le 10 floréal
an II; général de division, le 20 vendémiaire an III; gouverneur de Mantone, le 4 dé-
cembre 1806; inspecteur général d'infanterie à l'armée d'Italie, le 12 janvier 1810;
chef d'état-majur de l'armée de Naples, le 22 mars 1810; commandant le corps d'obser-
vation d'Italie, le 9 mai 1813; retraité, le 27 janvier 1815 (A. A. G.).
6 \!:;m(i:rI':s et joijrxaux. du gknkkal decaex^
Arrivé à Babcnliausen, je me présentai chez le général en chef.
Le général Delmas était alors avec lui. Je m'aperçus (ju'il y
avait entre eux de riiumeur. J'ai su, depuis, que le général
Delmas, un des plus anciens généraux de division de l'armée,
n'avait pas été satisfait (|u'on ne lui eût pas donné un des deux
commandements que (piiltaient les généraux Saint-Cyr et Sainte-
Suzanne, et surtout de recevoir l'ordre de faire un mouvement avec
sa division pour être prêt à soutenir le général Richepancc, que le
général Moreau avait présumé pouvoir être incessamment attaqué
et qui, même, l'était déjà.
Le général Kray avait fait marcher environ 40 000 hommes
pour enlever le corps de flaucjueurs placé sur la rive gauche de
riller. Notre armée était à la droite de cette rivière; mais le géné-
ral Richepance ayant exactement suivi ses instructions de refuser
sa gauche et d'appuyer fortement à droite pour défendre les ponts
et de ne combattre (|ue faiblement jusqu'à ce qu'il fût soutenu, il
fut possible au général en chef do lui donner protection en effet,
■quoi(|ue cette division eût été couj)ée en trois parties, dès le com-
mencement de ratta(|ue, par la seule marche des colonnes enne-
mies. Ces colonnes furent repoussées par les habiles manœuvres
ordonnées par le lieutenant général Grenier, par la valeur des
troupes et par les vigoureuses attaques conduites par les généraux
Ney et Bonet. Alors, ces secours ayant fourni au général Riche-
pance l'occasion de reprendre l'offensive, l'armée ennemie fut
forcée à la retraite, laissant environ 2 000 prisonniers dont un
général, le général Spork, huit pièces d'artillerie avec leurs cais-
sons et bagages (1).
Peu de jours après, le général Delmas quitta l'armée.
J'appris aussi, quelque temps après, que le général Moreau
ayant envoyé un de ses aides de camp prévenir le général Saint-
Cyr de ce qu'il savait des projets de l'ennemi et l'engager, en con-
séquence, à garder encore son commandement, celui-ci répondit
qu'il avait son congé.
(1) Cinq pièces, selon Moreau (Morean au Premier Cousu), Meramingen, 20 prairial,
A. H. G.). Le général Spork et une douzaine d ol'Gciers étaient au nombre des prisonniers
faits dans la Journée par la division Kiclicpance (Kichepance à Moreau, Gulenzell,
1<) prairial, A. H. G.). Le nombre total des prisonniers s'élevait à •2 000 (Dessolle à Le-
courbe, Keilmiinz, Il prairial, A. H. G.). Moreau proposa à Kray d'échanger Spork pour
le général Colli, détenu eu Autriche (Moreau à Kray, Memmingen, 18 prairial, A. H. G.)
RÔLE l)i-: GOUVIOM SAINT-OYR A MESSKII5CH 7
Le général Moreau n'aurait probablement pas fait faire cette
démarche, s'il se fût alors ressouvenu (|ue, le jour de la bataille de
Messkirch, le général Saint-Cyr aurait pu prononcer un mouve-
ment pour contribuer à décider plus tôt du sort de cette bataille,
puisque, dès les 4 heures après midi, il avait pris sans obstacles la
position qui lui avait été ordonnée; et ce ne fut i\uk la nuit que
le succès de notre armée fut assuré. Le général Moreau savait
pourtant bien que son aide de camp Delelée (1), le seul officier qui
avait pu arriver jusqu'au général Sainl-Cyr pendant cette bataille,
avait été extrêmement surpris de l'entendre répondre à ce qu'il
lui disait (que le général Moreau avait envoyé vers lui plusieurs
officiers qui n'avaient pas pu passer et que, comme il n'était pas
fort éloigné du champ de bataille et qu'entendant le canon et la
fusillade, il avait espéré (|u'il avancerait prol)ablement vers Mess-
kirch) : " Ah ! je suis resté tranquille parce que j'étais persuadé que
le général Moreau saurait bien se tirer d'affaire. ^
Si l'attaque de la part de l'ennemi, dans cette circonstance de
changement qui venait d'avoir lieu dans une partie des comman-
dements, fut, pour le général Moreau, un surcroit d'embarras, et
s'il éprouva des contrariétés, il en fut bien dédommagé par le
brillant succès obtenu dans cette journée.
J'ai cru devoir faire cette digression avant de dire que je ne res-
tai qu'un instant avec le général en chef, et que le général Laho-
rie (2), chef d'état-major du corps de réserve, me donna l'ordre
verbal que, dès que je serais arrivé à Kettershausen, quartier géné-
ral de ma division placée en avant de ce village, la droite au Hasel
(1) Delelée (Jacques-François-]Vicolas\ né le 17 septembre 1761, à Prez-en-Pail
(Mayenne); soldai au régiment de Maine, de 1781 à 1783; volontaire au l" bataillon de
la Mayenne, le 18 septembre 1791; sous-lieutenant, le 24 février 1793; lieutenant, le
1er germinal an II; aide de camp de Moreau, le 4 thermidor an IV; capitaine, le 14 ven-
démiaire an V; chef de bataillou, le H thermidor an VII; colonel, le 15 ventôse an IX;
réformé par suite de l'affaire de Moreau, il fut remis en artivité en 1810; il mourut le
15 décembre de la même année à l'armée de Portugal (A. A. G.).
(2j Lahorie (Victor-Claude Fanneau), né le 5 janvier 1766, à Javron (Mayenne); volon-
taire, le 5 mars 1793; sous-lieutenant, le !«'' juillet 1793; adjudant général, le 17 pluviôse
an VII; général de brigade, le 21 floréal an VIII, en non-activité, le l" vendémiaire
an X; retraité, le 9 fructidor an XI, avec une pension de 2 500 francs (A. A. G.). Impliqué
dans le procès de Moreau et condamné au bannissement, il était revenu à Paris, et y
ai ait vécu pendant six ans, réfugié dans la famille Hugo et se dérobant aux recherches de
la police. En 1810, il se livra à Savary : celui-ci le fit arrêter et conduire à Vincennes,
puis à la Force où l.ahorie connut Malet qui l'entraîna dans son équipée [Lettres et docu-
ments pour servir à F histoire de Joachim Murât, III). Convaincu de conspiration, Lahorie
fat condamné à mort et fusillé le 28 octobre 1812 {\. A. G.).
8 MÉMOIRKS KT JOUHNAl X l)V GKXERAL DKCAKY
Bach, et la gauche à la (îùnz, de faire occuper Krumhach par
un fort détachement, et de faire occuper la route de Bahenhausen
à Kirchhaslach. Il m'annonça que ma division serait aujjmentée
du 6' régiment de chasseurs à cheval, et que le général de i)rigade
Dehilly (1) viendrait servir sous mes ordres.
L'adjudant général Plauzonne (2) était le chef d'état-major de
cette division. Pour exécuter cet ordre, j'ordonnai que deux batail-
lons et quatre compagnies de la 100' demi-brigade, avec deux
escadrons du 13' de cavalerie, le tout sous les ordres du chef de
brigade Ritay (3), se dirigeraient sur Babenliausen et que ce com-
mandant appuierait la droite de sa ligne à l'enceinte de la ville, la
droite à la route de Bahenhausen à Kirchhaslach, et la gauche à
la route de Bahenhausen à Krumhach, un escadron en avant de
son centre pour se lier avec l'autre escadron et trois compagnies
d'infanterie qu'il établirait sur la rive gauche du ruisseau qui
traverse Kirchhaslach, faisant occuper par ses postes ce village
ainsi que les débouchés sur Loppcnhauscn en avant de son front.
En rendant compte de cette disposition et qu'on n'avait pu rien
apprendre de l'ennemi dans le courant de la journée, n'ayant vu
que quelques patrouilles dans les environs de Blaichen, je fis
l'observation que j'avais jugé Krumhach comme trop avancé pour
le faire occuper par le fort détachement que j'y avais envoyé, vu
le mouvement que j'avais fait faire sur Bahenhausen qui m'avait
été désigné comme point de réunion. Je proposai de n'occuper
Krumhach que faiblement et comme point d'observation (4).
(1) Debilly (Jean-Louis), né le 31 juillet 1763, à Dreux; sertit dans la <[ar<le natio-
nale parisienne; employé à l'état-niajor de l'armëe des côtes de Brest, eu 1793, adjudant
général chef de bataillon, le l"' juillet 1703: chel'de brigade, le lô pluiiiôse an III;
général de brijjade, le 12 thermidor an VII; mort à Auerstaedt, le 1-4 octobre 1806
(A. A. G.). Voir, au sujet de ce général, l'intéressante étude publiée par le lieutenant
LoTTi.\, Un chefd'èlal-major sous la Révolution.
(2) Plauzonne (Louis-Auguste-Marchand), né le 7 juillet 1774, à Fontainebleau; sous-
lieuienaat, le l"' janvier 1790 ; lieutenant, le 4 mai 1792 ; capitaiue, le I 0 juin 179:2; chef
de bataillon, le 29 floréal an V; adjudant commandant, le 20 floréal an VIII; colonel du
5° de ligne, le 3 août 1806; général de brigade, le 5 juin 1809: chef d'éLat-major de
l'armée de Catalogne, le 17 septembre 181 1 ; tnéle 7 septembre 1812 à la Moskowa (A. A. G.).
(3) Ritay (Jean-Marie), né le 2Ô octobre 1761 , à Porlet (Haute-Garonne) ; soldat au 3' ré-
giment d'infanterie, le 19 juillet 1781 ; sergent, le 19 mars 1785; adjudant, le 15 sep-
tembre 1791 ; lieutenant, le I'"' mai 1792 ; adjudant-major, le 29 juin 1792 ; chef de batail-
lon, le 28 frimaire au 111; chef de brigade, le 8 thermidor an VU; général de brigade, le
3 nivôse an XIV ; retraité, le 19 octobre 1808 ; mort à Portet. le 12 avril 1819 (A. H. G).
(4) Decaen demandai) en même temps à Lahorie de presser l'arrivée du 6^ de chas-
seurs (Plauzonne à Lahorie, Keltershauseu, 16 prairial, A. A. G.).
COMPOSITION DE LA DIVISION DECAKN 0
n prairial. — Je fus prévenu par le chef d'élat-major (|ue la
division Delnias repasserait l'iller, le lendemain, pour prendre posi-
tion en arrière d'Ober-Roth, et que les divisions IVey et Legrand
repasseraient aussi Tlller; ([ue ma division devait rester en position
à Ebershansen où je devais concentrer mes forces; et que je devais
replier le poste de Krumbach pour faire place au corps du géné-
ral Lecourbe.
Ces dispositions furent exécutées.
18 prairial. — Le général Debilly étant arri\é, j'organisai la
division.
La 1" brigade, aux ordres de ce général, fut composée : de
la 100' demi-brigade (2 300 hommes), 3" bataillon de la 50"
(650 hommes), \1' de dragons (550 hommes, 590 chevaux),
deux pièces de 4.
La 2" brigade, commandée par le général Durutle (I) : de la
4' demi-brigade de ligne (2 200 hommes), deux escadrons du
13' de cavalerie (160 hommes, 180 chevaux), deux pièces de 4.
La réserve : une compagnie d'artillerie légère commandée par
le capitaine Valée (2), 2" compagnie du 3' régiment (149 hommes,
206 chevaux), un escadron du 13" de cavalerie (80 hommes,
90 chevaux) .
Cette division se composait alors d'environ 6 000 combattants.
Peu de jours après, elle fut augmentée du 6' régiment de chas-
seurs à cheval ayant plus de 600 chevaux (3), ce qui lui donnait
environ 1 500 hommes de cavalerie, et d'un bataillon de grena-
diers d'environ 500 hommes. C'étaient plus de 7 000 combattants.
(1) DuruUe (Joseph-François), né le 14 juillet 1767, à Douai, volontaire, le
\" airil 1792; sous-lieutenant, le "28 août 1702; capitaine au 19« dragons, le 20 avril
1793; adjudant général chef de brigade, le 9 sendéraiaire an II; général de brigade, le
4 vendémiaire an VIII ; général de division, le 9 fructidor au XI, employé à l'île d'Elbe
en l'an XIII, à l'armée d'Italie en 1809, en Hollande en 1810, à la Grande Armée eu
1813; retraité, le 1" août 1815 (A. A. G.).
(2) Valée (Sylvain-Charles), né le 18 décembre 1773, à Brienne le-Chàteaa ; élève
d'artillerie, le 6 octobre 1792; lieutenant, le \" jnin 1793; capîtiiiie au 3« d'artillerie à
cheval, le 8 floréal an 111; chef d'escadrons, le 10 vendémiaire an XL; colonel, le 12 jan-
vier 1807 ; général de brigade, le 18 juillet 1809 ; général de division, le 6 août 1811;
gouverneur général par intérim, puis effectivement, de l'Algérie de 1837 à 1841 ; maré-
chal de France depuis le 1 1 novembre 1837, il mouiut à Paris, le 15 août 1846
(A. A. G.).
(3) Decaen rendait compte de l'arrivée du 6« chasseurs 'e 18 prairial (Decaen à
Lahorie, Kettershausen, 18 prairial, A. H. G.).
10 MKMOIRES ET JOrRMAUX DU r.KNÉRAL DECAEN
Elle se trouva alors placée, la droite dans la direction d'un vil-
lage entre Waltenhausen et Ehershausen, et la gauche à la route
de Kettershausen à Molirenliausen, dans la direction de Tafertsho-
fen, ayant des postes à Nattenhausen et au pont de Seifertsiiofen,
ainsi qu'à VV^Tltenberg, pour se lier avec Krumbach (1).
19 et 20 prairial. — La division garda sa position. Le 6" chas-
seurs étant arrivé, il fit partie de la brigade Debilly ; le 1 T' dragons,,
de celle de Durulte; et le 13° de cavalerie forma la réserve (2).
21 prairial. — J'exécutai l'ordre, qui m'avait été adressé la
veille, de relever à la pointe du jour les troupes du général Mont-
richard sur Krumbach et Nieder-Raunau qu'elles devaient aban-
donner pour se porter sur Mindelheim, et de prolonger ma droite
en remontant la Kammlach ou, du moins, m'éclairer jusqu à
Aletshausen.
A cet effet, le général Durutte reçut l'ordre de relever les
troupes du général \Iontrichard aux postes de Krumbach et de
Nieder-Raunau, ainsi que de placer sa brigade, la gauche à
Ehershausen, occupant ce village, ayant un bataillon en réserve à
la tête du bois entre Ehershausen et Olgishofen ; et, en outre, de
faire occuper par un escadron et quelque infanterie le village de
Waltenhausen, avec un avant-poste vers Aletshausen, sur la
Kammlach, pour éclairer son flanc droit, ainsi que de pousser des
reconnaissances au delàde la Kammlach sur la route de Kirchheim ;
enfin, de former une avant-garde pour couvrir le front de sa bri-
gade, ayant sa droite au village d'Ebershausen et sa gauche en
arrière de Krumbach, se liant avec la droite de la brigade Debilly,
cette avant-garde chargée d'éclairer les débouchés en avant de
Krumbach, principalementceux d'Ebershausen et deDeisenhausen,
ainsi que de tenir en avant-poste Nieder-Raunau, et do couvrir les
routes de Babenhausen et de Mindelheim.
[\) " La division est concentrée à la position indiquée, et, afin d'avoir mes poste»
liés avec ceux de la division Monirichard, ils sont avancés jusqu'à Deisenhausen... •
(Decaeu à Lahorie, 18 prairial. A. H. G.).
(2) " La reconnaissance poussée aujourd'hui par le général Debilly a déposlé l'ennemi
d'Ober-Blaichen. F,lle l'a suivi jusqu'à Uuler [Blaicheu] où elle a trouvé son infanterie
qui s'est mise en mesure de défendre le village. On a vu environ un escadron de hus-
sards de Blankenstein et une quarantaine de Tyroliens » (Decaen à Lahorie, Ketters-
hausen, 19 prairial, A. H. G.).
DKBILLY ATTAyUK A DE ISKîtHAUSKX 11
En rendant compte de ces dispositions, je dis que j'avais cru
devoir appuyer davantage vers la droite, ignorant la nouvelle posi-
tion occupée par les troupes du général Lecourbe.
Le chef d'état-niajor de la réserve me manda que la division
resterait encore le lendemain en position; mais qu'il devait être
poussé des reconnaissances un peu fortes sur les routes deGiinz-
burg, Thanbausen et de Burgau, avec recommandation expresse
de ne pas se compromettre ; que le général Lecourbe marchait sur
Augsbourg et se rapprocherait en même temps de Zusmarshausen,
et que le mouvement ne serait achevé que le 23; qu'il me trans-
mettrait les ordres du général en chef pour ce jour, et que, si ma
division était attaquée sur Krumbach, je devais me retirer d'abord
sur Ebershausen et, de là, en avant de Babenhausen où le géné-
ral Grandjean (l),qui avait remplacé le général Delmas, recevrait
les troupes en retraite.
22 prairial. — Les reconnaissances ordonnées allaient partir
lorsque l'ennemi attaqua vivement le poste du pont de Deisen-
hausen et força tous les avant-postes de la brigade Debilly de se
replier. Je lui avais recommandé de ne rien engager entre Dei-
senhausen et Seifertshofeu. L'ennemi suivit leur mouvement avec
deux pièces de canon, deux bataillons d'infanterie et deux divi-
sions de hussards. J'arrivai sur le terrain au moment où l'ennemi,
qui s'était enfilé dans le chemin creux entre Nattenhausen et
Seifertshofeu, venait d'être chargé par un piquet du 6' de chas-
seurs, deux compagnies de la 100' et une de la 50', qui lui tuèrent
trois hommes et lui firent une quinzaine de prisonniers.
Nous eûmes, dans la journée, trois hommes tués, 32 blessés et
un prisonnier (2) . Le capitaine Pierre d'Houy, officier de correspon-
dance du général Debilly, eut un cheval tué sous lui ; un brigadier
(1) Grandjean (Charles-Louis-Dieudoiiné), né le 29 décembre 1768, à Nancy; sous-
lieutenant au 105*, le II mai 1792; adjoint à l'état-major de l'aimée du llhin, le
21 mai 1793; adjudant général chef de bataillon, le 23 prairial au II; réformé, le
25 prairial au III; réintégré comme adjudant .cjénéral chef de brigade, le 24 germinal
an IV; général de brigade, le (i germinal an VII; général de diiision, le 12 pluviôse
an XIII, servit aus armées d'Espagne eu 1808, d'Allemagne en 1809; mis en non-acti-
vité en 1815, en disponibilité en 1818, il fut retraité en 18iG {\. .\. G.).
(2) Cependant un rapport de Gyulai, daté de \enburg, 12 juin 1800 (K. K. A.. VI
ad 186, c), dit que les Français laissèrent, dans cette jouruée, 130 prisonniers aux
mains des Autrichiens
12 MKMOIHMS KT JOUHMAIJX DU GENERAL DECAEN
(le <liass*!iii's (lu G' ciil aussi deux chevaux tués sous lui. Le chef
de hataillon de la 50% qui commandait les avant-postes, se dis-
tin;{ua en tenant tête toute la journée à l'ennemi qui lui était hien
supérieur et auquel on ne montra que ce hataillon, une compa-
gnie de la 100- et un pi(|uet de chasseurs à cheval.
Je rendis compte que l'ennemi avait fait sa retraite et que la
brigade de gauche avait repris ses positions; que la brigade de
droite observait seulement Krumbach par des avant-postes car,
ainsi que je l'avais déjà annoncé, ce poste n'était point tenable,
vu sa position et celle de l'ennemi. Je dis aussi que j'avais cru,
pendant assez longtemps, que l'ennemi ne voulait pas s'en tenir
à une simple reconnaissance; qu'il était venu devant notre
gauche avec le 5" bataillon d'infanterie légère, un bataillon de
Valaques, trois escadrons de Ferdinand, un de Blankenstein et
deux pièces de canon; que le général Gyulai commandait l'at-
taque et que, voyant de la résistance, il s'était déterminé à la
retraite.
J'informai qu'une reconnaissance du 13' régiment de cava-
lerie, dirigée sur la droite, avait trouvé l'ennemi de l'autre côté
de la Mindel, et que les paysans avaient assuré qu'il occupait
Kirchheim.
Je reçus l'ordre de quitter, le lendemain, ma position entre
10 et 11 heures du matin pour aller me placer en arrière de
Krumbach, couvrant la route de cette ville à Babenhausen,
appuyant ma droite à Nieder-Raunau et éclairant par des postes le
cours de la Kammlacb. Je fus prévenu que le général Leclerc (1),
qui commandait aussi une division de la réserve, prendrait posi-
tion eu avant de Breitenthal, la droite à la Giinz, et que le générai
Grandjean prendrait la sienne en avant de Kettershausen ; que le
général en chef aurait son quartier général à Babenhausen; et il
me fut recommandé de pousser des reconnaissances sur les routes
de Giinzburg et de Burgau et sur Thanhausen (2).
(1) Leclerc (Victor-Emmainiel), né le 17 mars 111^2 à Pontoise ; lieutenant au 2" ba-
taillon de Seine-et-Oise, le 19 octobre 1791 ; sou» -lieutenant au 12" régiment de cavale-
rie, le 1"' décembre 1792; adjudant général chef de bataillon, le 28 frimaire an II; chef
de brigade, le 30 germinal an II; général de brigade, le 17 floréal an V; général de
division, le 9 fructidor an VII; commandant en chef l'armée de Saint-Domingue, le
3 brumaire an X; mort à Saint-Domingue, le 11 brumaire an XI (A. A. G.).
(2) L'ordre ne parle pas de Thanhausen (Lahorie à Decaeu, Memmingen, 22 prai-
rial. A. H. G).
COMBAT DK KRUMBACH 13
23 prairial. — D'après cet ordre, j'ordonnai au générai Debilly
de prendre position en arrière de Krumbach et de le garder en
avant-poste, et de placer deux bataillons et deux escadrons en
arrière de Deisenhausen qui serait aussi gardé en avant-poste. J'or-
donnai au général Durutte de prendre position avec toute sa bri-
gade à Hohen-Raunau, laissant l'escadron placé à Waltenberg et
les postes de cavalerie et d'infanterie sur la route de Babenhausen
à Krumbach. Je lui recommandai d'éclairer la rive droite de la
Kammlach par des reconnaissances sur la Mindel dans la direction
de Mindeizell.
Je me portai à la brigade Debilly pour être présent au mouve-
ment que ce général était chargé d'opérer sur Krumbach. Les
postes ennemis, repoussés, se retirèrent sur la droite de la Kamm-
lach. Mais, vers les 3 heures, à la hauteur de Billenhausen, il
s'engagea, d'une rive à l'autre de la Kammlach, une canonnade qui
dura jusqu'au soir. Ayant d'abord pensé que cette dispute ne dure-
rait pas longtemps et que, d'ailleurs, elle avait peu d'importance,
je ne jugeai pas à propos d'envoyer informer le général en chef
de ce qui se passait (1). Mais le bruit du canon l'ayant engagé à
se rendre sur les lieux, je fus étonné de le voir arriver vers les
7 heures du soir, dans le moment même où deux compagnies de
la 100" demi-brigade, qui avaient reçu ordre de passer la Kamm-
lach et de se porter sur les hauteurs en avant de Krumbach, pour
couvrir le chemin d'Augsbourg dont elles avaient déposté l'en-
nemi qui s'y était établi, furent ensuite attaquées par une nom-
breuse cavalerie dont elles repoussèrent trois fois la charge, mais
qui, n'ayant point reçu de secours des hommes de leur corps qui,
au lieu de les défendre à l'entrée de Krumbach, s'étaient amusés
à piller, furent obligées de céder au nombre (2) .
(1) " Le généra] en chef est prévenu indirectement, citoyen général, que la division du
général Decaen est aux prises avec l'ennemi. Il a donné ordre au général Grandjean, qui
est en position en avant de Kettershausen, de le soutenir; mais pour mettre le général
Decaen pleinement en mesure de se maintenir, le général en chef vous invite à tpnir à sa
disposition deux bataillons et deux escadrons avec deux pièces, pour l'assurer dans sa
position, si cela devenait nécessaire. Ce détachement sera disposé de manière à passer
la Giinz avec célérité sur la demande du général Decaen que je vous prie d'instruire
directement de cette disposition ' i^Lahorieà Leclerc, Babenhausen, 2-3 prairial, A. H. G,).
(2) • D'après les rapports de quelques prisonniers, nous avions devant nous trois di-
visions de Ferdinand, un bataillon de Mlhanoiicb, un régiment de Bannal, deux compa-
gnies de chasseurs wurlembergeois, cinq pièces de canon ; le général Gyulat comman-
dait l'attaque... » (Plauzonne à Lahorie, Lbershausen, 23 prairial, A. A. G.).
14 MKMOIRES KT JOURNAUX DU GEVERAL DECAEM
J'éprouvai un bien vif déplaisir de voir ainsi tomber au pouvoir
de l'ennemi ces braves dignes d'un meilleur sort. Cent quarante-
trois furent faits prisonniers par la faute de ceux qui devaient les
soutenir. Je fus d'autant plus peiné de cet événement que je le
regardai comme un mauvais début dans mon nouveau commande-
ment, et que j'avais compté sur un meilleur résultat, à la fin d'une
journée pendant laquelle l'ennemi n'avait pas eu le moindre avan-
tage, et snrloul (juo cola se fut passé presque sous les yeux du géné-
ral en cbef. \ous eûmes, en outre, huit hommes tués et trente-
huit blessés.
Le chef de brigade Laffon (1), commandant le 6' de chasseurs,
qui s'était porlé sur Deisenhausen, en avait chassé l'ennemi et lui
avait fait cinq prisonniers.
Le général en chef m'ordonna de garder ma position le lende-
main et de me borner à la rectifier.
24 prairial. — J'établis mon quartier général à Ebershausen.
Je rendis compte que l'ennemi avait gardé les mêmes positions
que le général en chef lui avait reconnues la veille, ayant seule-
ment rapproché ses avant-postes à la hauteur de l'endroit d'où
des pièces faisaient feu sur Krumbach; que le village d'Ober-Blai-
chen et celui de Billenhausen étaient également occupés par lui,
d'après le rapport du chef de brigade du 6*^ de chasseurs qui avait
été chargé d'occuper ces villages en avant-postes ; que les recon-
naissances dirigées sur Alindelzell n'avaient point rencontré l'en-
nemi, mais que celles envoyées sur l rsberg avaient rencontré ses
patrouilles à la hauteur d'Edenhausen ; que les troupes enne-
mies qui s'étaient opposées à notre établissement à Ober-Blaichen
étaient, en infanterie, le 5" bataillon d'infanterie de chasseurs et
un autre de Hongrois, et environ 600 chevaux, tant de hulans
que de Ferdinand-hussards; et qu'on avait fait à l'ennemi sept
prisonniers.
Le bataillon de grenadiers commandé par le chef de bataillon
Fririon (2) arriva à la division : il fut placé à Waltenberg.
Il) Laffon (Joseph), né le 2 octobre 1759, à Souilhe (Lot-et-Garonne) (?) ; dragon
au régiment de Languedoc, le I" airil 1177; adjudant, le "28 avril 1788; lieutenant, le
2-2 mai \7M . capilaino, le l.j août 179-2. rlief d'escadrons, le 14 ffermina! an II; chef
de brigade, le 1" floréal an II; retraité, le 9 mai 1808 (.1. A. G.).
(2) Fririoa (Franyois-Joseph , né le 12 septembre 1771, à Pont-à-Mousson ; volontaire
DECAEIV SE PORTE SUR ETTEMBEUREM 15
25 prairial. — Je reçus Tordre de réunir ma division, à
3 heures après midi, sur les hauleurs du village de Billeuhausen
et de me porter sur Ettcnbeuren, en jetant un parti sur Burten-
bach, ce parti devant éclairer sa droite vers Zusmarshausen. Je
devais aussi envoyer des reconnaissances sur Jettingen (I).
Je fus prévenu d'avoir soin, avant de prendre position à Ettcn-
beuren, d'attendre à la hauteur de IVeuburg que le général Leclerc,
qui devait s'y placer, y fut arrivé, et qu'il avait ordre d'y être
rendu à 4 heures précises; que les troupes du général Lecourbe,
avec lesquelles je devais faire communiquer les miennes par des
reconnaissances, passeraient ce même jour la Zusam et pren-
draient position à droite et à gauche de Zusmarshausen, peut-être
même en avant; que la division du général Grandjean viendrait
prendre position en avant de Ingstetten et qu'elle y serait rendue
à 5 heures; que le parc de réserve serait placé sur les hauteurs
en arrière d'Ebershausen ; que le général en chef s'établirait à
Krumbach.
Je fus prévenu que le corps de réserve porterait, de ce jour, le
nom de centre de l'armée, et que les divisions qui composaient
cette réserve prendraient le nom des généraux qui les comman-
daient.
Je fus aussi prévenu que le corps de troupes du lieutenant géné-
ral Grenier devait se mettre en marche dans la journée pour porter
sa droite sur Ichenhausen ; que, comme il était à croire qu'il n'ar-
riverait qu'assez tard à cette position, cette circonstance ne devait
retarder mon mouvement qu'autant que j'aurais devant moi des
forces qui nécessiteraient un engagement incertain.
Les reconnaissances envoyées le matin sur la route de Burgau
avaient rapporté que l'ennemi était à Wettenhausen.
Toutes les troupes de la division reçurent l'ordre de se réunir à
au 48« d'infanterie, le 1" février 1791; sous-lieutenant, le 15 septembre 1791 ; lieute-
nant, le 13 mai 1792; capitaine, le 3 nivôse an III; chef de bataillon, le 16 floréal
an Vin ; major au 39« d'infanterie, le 30 frimaire an XII; colouel du 69", le 10 fé-
vrier 1807; cjénéral de brigade, le 22 juin 1811 ; retraité, le 1^'' août 1815; commandant
le département de l'Allier, puis de la Haute-Saône, en 1831 ; retraité, le 1='' octobre 1833
(A. A. G.I. IVe pas confondre avec l'adjudant général Fririon qui servait à l'état-major
général (Cf. la situation donnée par CiBRiiX-IVIisAS, Campagne des Français en Alle-
magne, 1800, page 232).'
^ (1) " Lauingen » d'après le registre de correspondance de Moreau. Le manuscrit de
Decaen porte « lalingen » .
16 MEHIOIIUCS KT JOLRNAl X DU GENERAL DECAE.V
3 heures de raprès-midi sur les hauteurs de Billenhausen, à la
rive droite de la Kammlach. .M'étant rendu au lieu du rassemhle-
ment et, de là, aux avant-postes, et n'apercevant plus de vedettes
ennemies, je demandai alors depuis quand les ennemis étaient
disparus; et, d'après la réponse qu'il y avait plus de deux heures,
je recommandai au général Debilly qu'il faudrait, à l'avenir, que
les commandants [de] sa ligne d'avant-postes ne négligeassent
pas, en pareille circonstance, non seulement de prévenir des
mouvements de l'ennemi, mais même de ne pas attendre d'ordres
pour faire suivre un mouvement, parce qu'il était essentiel de
savoir toujours, autant que possible, la direction (ju'il prenait et
sur quel point il prenait poste.
Ma division étant réunie, et dès que je fus informé que les
troupes du général Leclerc étaient en position à Neuburg, je
donnai l'ordre au général Debilly de diriger sa brigade sur Etten-
beuren, en suivant la route de Burgau et de s'éclairer sur sa droite.
Je le prévins qu'il faudrait pousser l'ennemi autant qu'il ne
présenterait pas de forces trop nombreuses; à cet effet, je mis
trois pièces d'artillerie légère à sa disposition. Je lui recommandai
le plus grand ordre dans la marche des troupes, et que son
infanterie marchât toujours par section autant que le terrain le
permettrait.
Je lui donnai l'ordre de prendre position en avant d'Ettenbeuren,
sa gauche dans la direction d'Ichenhausen où les troupes du
général Grenier devaient, le soir, prendre position, et d'avoir sa
droite vers la Mindel dans la direction de Burteubach qui serait
occupé par un parti de la brigade Durutte, ainsi que de pousser
ses avant-postes jusqu'à Klein-Beuren, s'éclairant sur Burgau et
sur Jettingen, se liant par sa gauche avec les avant-postes du
général Grenier.
Le général Durutte reçut l'ordre de suivre , avec sa brigade ,
le mouvement de Debilly , de prendre position en arrière d'Etten-
beuren, la gauche dans la direction d'Ichenhausen, et la droite
vers Burtenbach; et, lorsque sa brigade serait à Langenhaslach,
de détacher cent chevaux pour se rendre à Burtenbach, où le
commandant prendrait poste militairement, et d'où le comman-
dant enverrait des partis jusqu'à Jettingen, ainsi que vers Zus-
marshausen pour se lier avec les troupes du général Lecourbe.
COiMBATS D'A\ AXT-POSTES 17
La brigade Debilly arriva à Eltenbeureii en poussant devant
elle les ennemis qu'elle rencontra et qui ne firent point de résis-
tance; mais lors(|ue Tavant-garde de cette brigade déboucha de ce
village, Fennemi tira sur elle avec cinq pièces de canon. Cepen-
dant, dès qu'il vit les dispositions que je faisais pour l'éloigner, il
s'empressa de se retirer, par le pont de U ettenhausen, sur la route
de Gïmzburg. Alors je fis prendre à la division la position qui
m'avait été prescrite par l'ordre du jour. J'établis mon quartier à
Ettenbeuren et, dans mon rapport, j'annonçai que, d'après le dire
des déserteurs, nous avions devant nous les hussards de Ferdinand,
ceux de Blankenstein, des cuirassiers et 200 hommes d'infanterie
du régiment de Mihanovich ; que nos avant-postes étaient à la hau-
teur de W ettenhausen et que nous étions liés par notre gauche
avec les troupes du général Grenier.
26 prairial. — L'officier commandant la découverte envoyée
dès le matin sur Knoringen rendit compte qu'il avait appris que,
dans cet endroit, 350 hommes du régiment de Ferdinand et de
Blankenstein-hussards et de chasseurs de Le Loup y avaient passé
la nuit et en étaient partis de bonne heure; que l'ennemi avait des
postes aux villages d'Hammerstetten et Anhausen sur la gauche de
la rivière, et qu'ils s'étaient retirés à l'approche de notre parti de
chasseurs; mais que, dès qu'il avait quitté Knoringen pour revenir
à Klein-Beuren, il avait aperçu descendre dans le premier de ces
villages environ 200 hommes de cavalerie (1).
Le général Durutte m'informa que, s'étant avancé sur la route
de Knoringen à Gïmzburg, il avait vu des partis ennemis dans les
bois à droite et à gauche de Leinheim; que, près de Reisensburg,
il avait vu une redoute à laquelle les habitants lui avaient dit
qu'on travaillait depuis un mois, qu'il n'y avait point de canons,
et qu'il avait aussi vu environ deux escadrons de hussards sur ce
point, dont la moitié avaient monté à cheval dès qu'ils l'avaient
aperçu.
Vers les 11 heures du matin, l'ennemi entreprit de repousser
mes avant-postes de gauche : je les fis soutenir (2). Alors il
(1) Deux cent ciaquaole, selon Plauzonne (Plauzoïine à Lahorie, Ettenbeuren, 26 prai-
rial, A. H. G.).
(2) a L'ennemi se présente avec deux bataillons, cinq pièces de canon et près de
II. 2
18 MimOIRES ET JOURXAUY DU GE.VERAL DECAE.V
s'engagea une assez vive canonnade qui n'eut d'autre ellel que le
bruit; j'en donnai avis au «jènéral en chef (1).
Je reçus l'ordre de mettre ma division en marche à 4 heures
précises de l'après-midi et d'aller prendre position en arrière de
Knôringcn et de Bureau. Je fus prévenu que la division Grandjean
arriverait ce même jour avant 5 heures à Ettenheuren, et que le
général (îrenier porterait sa droite en avant de Hochwang.
Par post-scriptum, on me mandait (|ue, d'après l'avis d'une
attaque de l'ennemi sur ma gauche, le général Grandjean rece-
vait l'ordre de marcher de suite à mon appui; et que, dans la sup-
position que ce mouvement de la part de l'ennemi ne serait
qu'une reconnaissance, je devais prendre la position indiquée, et
que le général Grenier recevait l'ordre de faire appuyer sa droite
sur Wettenhausen.
Après la réception de cette lettre, j'écrivis au général Lahorie
que nous étions toujours en présence, l'ennemi, d'un côté de
Wettenhausen, et nous, de l'autre, ayant la Kammlach pour ligne
de séparation, et que je faisais l'observation au général en chef que
je ne pourrais exécuter le mouvemen! (jui m'était ordonné qu'au-
tant que le général Legrand pousserait ce qu'il avait devant lui,
ne pouvant m'engager dans la vallée de la Kammlach si ma gauche
ne se trouvait pas dégagée.
Alais en attendant que les troupes du général Grenier eussent
opéré leur mouvement pour s'appuyer sur Wettenhausen, afin
que l'ennemi fût forcé de l'abandonner, je m'avançai moi-même
avec un parti, au travers des bois, dans la direction de Burgau.
Ne rencontrant point d'ennemis, j'arrivai jusqu'à la grande route
d'Augsbourg à Ulm. Cependant, comme il faisait nuit et que je
n'avais pas de guide, je ne pus pas juger dans quelle position je
me trouvais relativement à Burgau, ni de combien j'en étais éloi-
4 000 chevaux. Il attaque Wettenhausen. Nous ne pourons pas encore juger si c'est une
attaque positive. Les dispositions sont prises pour le recevoir (Plauzonne à Lahorie,
Etteubeurcn, 26 prairial, A. H. G.).
(I) • L'ennemi met beaucoup de lenteur et de mollesse dans son attaque : il fait feu de
cinq pièces de la hauteur en arrière de Wettenhausen. Il s'est porté entièrement sur
notre gauche (rive gauche de la Kammlach). On n'aperçoit rien sur la droite ni en avant
de la vallée. Le général pense que, si le général Legrand faisait un mouvement devant lui,
on pourrait bientôt connaître quelle est l'intenlion de l'ennemi et le forcer à se détermi-
ner. Les partis poussés parnotre cavalerie ne rapportent rien de l'ennemi • (Plauzonne à
Lahorie, Ettenbeuren, 26 prairial, A. H. G.),
DECAEX' S'AVANCE SIR BLHGAU 19
<jné. Je revins alors sur mes pas et je laissai un fort poste à quel-
que distance du point jusqu'où j'étais allé; je donnai ordre au
commandant de bien se garder, d'envoyer de fréquentes patrouilles
et de prendre, dès le point du jour, une connaissance parfaite de
l'endroit où nous nous étions avancés, ainsi que de s'approcher de
Burgau le plus près qu'il lui serait possible et de m'en rendre
compte. Je retournai à Klein-lieuren, où je passai le reste de la
nuit et où je reçus une lettre, datée de Krumbacli à 11 heures du
soir, par laquelle le général en chef me faisait prévenir qu'il venait
d'envoyer l'ordre au lieutenant général Lecourbe de venir prendre
position de suite, la gauche à Burgau et la droite près du Danube,
à la hauteur de Lauingen; qu'au moyen de ce mouvement, qui ne
pourrait peut-être se faire que le lendemain un peu tard, je me
trouverais bien couvert et que j'aurais, en cas où l'ennemi vien-
drait m'attaquer, un renfort puissant qui me mettrait à même de
seconder le général Legrand s'il était attaqué; (jue le général en
chef serait bien aise de recevoir de mes nouvelles et d'apprendre
de moi tous les mouvements que l'ennemi pourrait faire et que je
serais à même de découvrir et d'apprendre.
21 prairial. — Le mouvement de la division Legrand pour
s'approcher de Wettenhausen ayant déterminé l'ennemi à la
retraite pendant la nuit, alors, dès le jour, je mis ma division en
marche pour aller prendre la position qu'elle devait occuper la
veille et je m'avançai sur Burgau.
L'officier auquel j'avais recommandé d'envoyer des reconnais-
sances, dès le point du jour, sur cette ville, me rendit compte que,
dès que l'ennemi avait aperçu nos troupes, il l'avait évacuée. J'en
informai de suite le général Lahorie, lui annonçant que j'allais
la faire occuper, que je n'avais pas pu rendre compte la veille au
soir que j'étais près de Burgau, car l'obscurité ne m'avait pas per-
mis d'apercevoir que j'en étais aussi rapproché. Je rendis compte
<jue la division prenait position, la gauche en arrière de Knoringen
et la droite à la Mindel, ayant une avant-garde en avant de Bur-
gau, sur la route de Gùnzburg.
Dès que je fus arrivé à Burgau, j'écrivis de nouveau au général
Lahorie que ma division était établie en arrière de Burgau et de
Knoringen, ayant un corps d'avant-garde sur la rive gauche de la
20 MiaiOIRKS ET JOIHNALX DU GENERAL DECAEX
Kammlach, placé en avant de Knoiingen pour observer et défendre
les déhonchés de Giinzhnrg et d'Offingen; que, ne voyant point
appuyer a ma hauteur les divisions de ma droite et de ma gauche,
je n'avais pas cru convenable de m'établir en avant de Burgau et
de Knoringen, étant d'ailleurs favorisé par les avantages du ter-
rain ; mais que je m'empresserais de me placer en avant de ces
endroits dés que les divisions voisines seraient en ligne, si cela
entrait dans les dispositions du général en chef. En finissant cette
lettre, j'appris (jue les troupes du général Lecourbe étaient à une
lieue de Burgau; alors je transmis cet avis et je donnai l'ordre au
général Durutlo de faire passer tous ses avant-postes vers notre
droite, sous les ordres du général Debilly, chargé de l'avant-garde
sur la roule de Burgau à Giinzburg.
Je rendis compte encore au général Lahorie qu'en visitant les
avant-postes, j'avais reconnu par moi-même que l'ennemi avait
Totalement abandonné Giinzburg; qu'on n'avait aperçu qu'environ
cent chevaux de l'ennemi sur la rive gauche de la Giinz; que le
général Legrand s'était avancé avec appareil et lui avait envoyé
plusieurs volées de canon.
J'écrivis en outre que les dispositions de l'ennemi à la hauteur
de Leinheim démontraient qu'il avait l'intention d'accepter une
bataille en avant de Giinzburg; ([u'il avait établi trois redoutes
pentagonales disposées pour recevoir chacune cinq à six bouches
à feu, liant le village de Leinheim avec des bois qui s'étendaient
à gauche vers la Kammlach ; que cette position, perpendiculaire à
la chaussée de Burgau sur Giinzburg, était appuyée par sa droite à
d'autres bois (|ui se prolongeaient le long de la Giinz et qui nous
l'auraient rendue accessible; qu'une autre redoute, plus grande
que les autres, était établie en seconde ligne entre Burgau et
Reisensburg; que je me proposais de les faire détruire à moins
que, d'après les reconnaissances que le général en chef en pour-
rait ordonner, elles ne fussent jugées nécessaires.
28 prairial. — Je reçus deux lettres du général Dessolle (1),
chef de l'état-major général. Par l'une, il m'annonçait l'envoi d'un
(1) Dessolle (Jeaii-Josepli-Paul-Augustin), né le 3 octobre 1767, à Auch; capitaine au
]er bataillon de la légioa des Montagnes, en 1792; adjudant général chef de bataillon, le
11 vendémiaire an II; chef de brigade, le 25 prairial an III; général de brigade, le
LECOURBE VA TE\iTER LE PASSAGE DU DAX^UBE 21
brevet d'une grenade d'Iionneur que le général on chef avait
accordée, sur ma demande, au citoyen Denis, brigadier de la
2" compagnie du 3' régiment d'artillerie légère; et l'autre, l'envoi
d'un brevet de sous-lieutenant pour le maréchal des logis Coffin,
du 6" régiment de chasseurs à cheval, avec recommandation de
leur témoigner la satisfaction du général en chef de la manière
distinguée avec laquelle ils servaient.
Je reçus l'ordre d'envoyer le 17* de dragons pour être momen-
tanément aux ordres du lieutenant général Grenier, et je fus pré-
venu que le G' de hussards, qui arrivait à l'armée, suppléerait au
besoin à remplacer le 17" de dragons.
Je fus aussi prévenu que la division resterait en position ce
«lême jour (1).
29 prairial. — Ayant reçu, à 6 h. 30 du matin, une lettre du
chef de l'état-major de l'aile droite pour me prévenir que le géné-
ral Lecourbe commencerait son attaque sur Hôchstâdt et Dillin-
gen, et qu'il m'invitait à me tenir prêt à marcher pour le soute-
nir, et que j'en recevrais sans doute l'ordre du général eu chef s'il
ne m'était déjà parvenu, j'écrivis sur-le-champ au général Lecourbe
que j'allais de suite faire part au général en chef de ce qu'il me
mandait; et que, d'après ses ordres, je marcherais pour remplir
«es intentions.
Ayant transmis de suite au général en chef ce que m'avait écrit
le général Lecourbe et demandé ses ordres, le général Lahorie me
répondit que l'intention du général en chef était effectivement que
je me tinsse prêt pour me porter, à la première demande du géné-
ral Lecourbe, sur Dillingen ou Hochsfadt, pour le soutenir sur le
12 prairial an U; «jénéral de division, le 2i germinal an VII; conseiller d'Etat; employé
à l'armée d'Espagne en 1808, à la Grande Armée en 1812; retraité, le 19 août 1812;
commandant en chef de la garde nationale de Paris; destitué en 1815; mort à Paris m
1828 (A. A. G.).
(1) A rette date, Decaen rendait compte à Morean qu'il avait exécuté la recounais-
«aace qnc celui-ci avait ordonnée, et indiquait différentes positions que pourrait occuper
sa division. Il ajoutait : • L'officier du G'' de chasseurs, que vous avez vu hier et qui a
été accusé d'avoir pris un cheval et de l'argeui, .se trouve coupable. Le chef, auquel j'avais
renvoyé cet officier, a porté lui-même la plainte pour qu'il soit traduit à une commis-
sion, Mais les officii'rs l'ont engagé à faire ses efforts pour que le coupable ne soit pas
jugé. Ils lui ont fait donner sa démission. Je vous demande pour ces officiers, s'il est
possible, que vous l'acceptiez. J'attendrai votre réponse... » (Decaen à Moreau, Burjrau,
28 prairial, A. H. G.). La démision fut acceptée par Moreau (Lahorie à Decaen, Dillin-
gen, 3 messidor, A. H. G.).
22 MKAIOIRES ET JOIRXAIX DU GEXERAL DECAEN
point où le passage serait forcé par ses troupes ; que, dans ce-
moment, je devais réunir ma division dans là direction de Dillin-
gen, en la rapprochant de ce point; et que, dans la supposition
où le général Lecourbc ne me préviendrait d'aucun mouvement à
faire dans la journée, de me mettre en marche le lendemain, »
2 heures du matin au plus tard, pour arriver à une demi-lieue au
plus de Dillingen, disposé à marcher sur ce point ou sur Hochslâdt.
Je fus prévenu que le général Grandjean se mettrait en marche
à 2 heures précises du matin, pour se porter par Aisliugen, la
droite à la route de Dillingen, à la hauteur d'Aislingen (1).
Il me fut recommandé d'instruire fréquemment des événements
qui arriveraient dans la soirée, et surtout, si le général Lecourhe
me demandait de marcher avant 2 heures du matin, a6n de faire
exécuter au général Grandjean son mouvement aussitôt que je
commencerais le mien.
J'annonçai de suite au général Lecourhe que, d'après l'ordre
que je venais de recevoir du général en chef, je me porterais avec
ma division, à sa première demande, sur Dillingen ou sur Hochs-
tadt; mais que, dans le cas où, dans la journée, je ne serais pas
par lui appelé (faisant l'observation qu'il était 10 heures du
matin), je ne me mettrais en marche (jue le lendemain à 2 heures
du matin, pour arriver sur un point d'oii je pourrais me porter ou
sur Dillingen ou sur Hochstadt; que j'avais désigné Aislingen pour
lieu de rassemblement puisque, de là, je pouvais me rendre sur
celui qu'il me désignerait. Je le prévins (jue, si je n'avais pas de
ses nouvelles dans la soirée encore, je serais à Aislingen, de ma
personne, le lendemain à 4 heures du matin.
A la fm du jour, j'écrivis au général Lahorie qu'il n'avait point
eu de moi de rapport le matin parce que je n'avais rien à lui man-
der, mais que, depuis midi, l'ennemi avait établi sur la rive gauche
du Danube, en face d'Offingen et en remontant le fleuve, quelques
postes de Manteaux-Rouges et de dragons de Wurtemberg.
N'ayant point reçu de nouvelles du général Lecourhe, je donnai
ordre au général Debilly de réunir son avant-garde au pont d'Offin-
gen afin d'en partir à 2 heures du matin pour se rendre à Baumgar-
len, où il devait réunir toute su brigade, et de partir de cet endroit
il) L'adjudant «(ëiiéral Perriu, chef d'état-raajor de Grandjean, dit : « Sur le» hauteurs
d'Aislingen » (Perrin à Lahorie, 29 prairial, A. H. G.).
DECAEN DEMANDE DES ORDRES A LECOIÎRBE 23
pour se rendre à Aislingeii où il recevrait de nouveaux ordres.
Le général Durutte reçut l'ordre de réunir sa brigade près de
IJurgau et d'en partir à 2 heures précises du matin, pour se
rendre aussi à Aislingen en suivant la marche du général Debilly
par Baumgarteu.
La réserve, avec l'artillerie et les équipages, reçurent l'ordre de
se rendre aussi sur Aislingen, en passant par Rofingen et Mehren-
stetten, et j'envoyai un officier d'état-major au quartier général
pour prévenir que j'avais dirigé toute ma division sur Aislingen et
que j'y serais rendu de ma personne à 4 heures du matin, ainsi
que je l'avais mandé au général Lecourhe. Mon officier d'état-
major me rapporta, le lendemain matin, à Aislingen une lettre du
général Lahorie, datée du 29 à minuit, dans laquelle il me man-
dait qu'il venait de recevoir à l'instant mon avis de la marche de
ma division et du lieu que j'avais choisi pour son rassemblement;
que, d'après l'heure à laquelle je serais rendu sur Aislingen, je me
trouverais pleinement en mesure de soutenir le général Lecourbe;
mais qu'il était indispensable que la division dépasse Aislingen dans
sa position pour arriver sur la route de Dillingeu parce que le
général Grandjean, avec ses cinq bataillons et ses deux régiments
de cavalerie, se placerait entre Aislingen et Weisingen pour \
attendre les ordres de son mouvement ultérieur sur Dilliugen. 11
me prévint (|ue le général en chef allait se rendre à Aislingen même.
30 prairial. — Cette nouvelle disposition fut exécutée, et la
division prit sa position en masse de manière à pouvoir se mettre
en marche au premier ordre; et des reconnaissances furent
envoyées pour s'approcher des ponts de Lauingen et de Dillingeu,
afin de reconnaître dans quel état ils étaient et travailler à leur
réparation aussitôt que cela serait possible.
Ne recevant pas de nouvelles du général Lecourbe et ayant
entendu une canonnade du côté de lîlindheim, entre les 5 et
6 heures du matin, j'envoyai aussitôt un de mes aides de camp
pour informer ce général de la position que je tenais et pour lui
demander ses ordres.
Quelque temps après, je reçus une lettre du général Lahorie,
dans hujuelle il me mandait que le général en chef venait d'être
prévenu par le général Lecourbe que son passage avait man(|ué
24 MÉMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEN
sur Dillingen (1) et qu'il se portait sur Blindlieim pour en tenter
un nouveau sur ce point; et que l'intention du général en chef
était que je me tinsse prêt à soutenir le mouvement du général
Lecourbe et de me diriger, sur sa demande, vers le point où il
aurait forcé le passage, s'il était assez heureux pour y parvenir;
et il me fut répété que le général en chef allait venir me voir et
qu'il allait s'établir à Burgau.
Mon aide de camp, de retour de sa mission et qui, par sa prompte
diligence, avait fait crever son cheval, m'annonça que le général
Lecourbe ne lui avait pas donné d'ordre à me transmettre. Comme
il était alors en plein succès, il ne voulut probablement pas qu'on
eût à dire qu'il avait été secondé dans son opération. Ce singulier
procédé me donna un peu d'humeur. J'en informai de suite le
général eu chef par un officier que j'envoyai vers lui, ainsi que
pour le prévenir que, d'après le succès du passage et en attendant
ses ordres, puisque le général Lecourbe n'avait pas jugé à propos
de m'en donner, j'avais fait travailler à réparer les ponts de
Lauingen et de Dillingen et que j'allais toujours faire rapprocher
une partie de mes troupes du pont de Dillingen qu'on m'avait
annoncé pouvoir être réparé vers les 6 heures du soir, s'il n'arri-
vait pas d'événements contraires aux travaux.
Enfin le général en chef étant arrivé, il m'ordonna de faire
avancer le reste de ma division vers le pont de Dillingen où je me
rendis de suite avec lui. Mous arrivâmes au moment où les répa-
rations venaient d'être terminées, entre 6 et 7 heures du soir.
Comme le général Lecourbe, en poursuivant l'ennemi en remon-
tant la rive gauche du Danube, avait dépassé Dillingen, le général
en chef passa sur-le-champ de l'autre côté du fleuve. Je le passai
avec lui. Mais dès que nous fûmes de l'autre côté du pont, on
entendit le canon. Alors, d'après les ordres du général en chef, je
fis avancer au trot, pour nous suivre, le 6' régiment de chasseurs,
le 13" de cavalerie et ma compagnie d'artillerie légère; et mon
infanterie reçut l'ordre de marcher avec diligence.
A une lieue environ de Dillingen, nous rencontrâmes le général
Lecourbe dans sa voiture et qui revenait vers nous. Il rendit
com^pte au général en chef de sa position et de celle de l'ennemi
(1) Decaeo, qui s'était porté vers Dillingen, avait pris l'échec de Lecourbe pour une
fausse attaque (Plauzonne à Liihorie, .lislingeii, 30 prairial, .\. H, G ).
SLCCHS DES FRAXÇAIS 25
qui, ayant reçu un renfort considérable de cavalerie envoyé
d'Ulm, avait repris Toffensive. Xous continuâmes d'avancer pour
aller au soutien des troupes du général Lecourhe.
Lorsque nous fûmes arrivés sur le terrain, que le général en
chef eut vu l'état des choses, et que la cavalerie de la division
Grandjean (le -4" de hussards et le IP de dragons) eut rejoint, il
prit la résolution non seulement d'arrêter le mouvement de l'en-
nemi, mais encore de le rejeter au delà de la Brenz : en consé-
quence, il ordonna une nouvelle attaque.
Ce que m'avait fait, le matin, le général Lecourhe, me fit
demander au général en chef si c'était de lui-même ou de ce géné-
ral que je recevrais des ordres. Le général en chef m'ordonna de
me placer à la gauche de notre ligne et, quand elle s'ébranlerait
pour se porter en avant, de marcher rapidement avec mes deux
régiments de cavalerie et mon artillerie légère pour combattre
l'ennemi sur son flanc droit. Au moment opportun, j'exécutai cet
ordre avec célérité et, lorsque ma colonne fut arrivée à la proxi-
mité de l'ennemi, j'en ordonnai le déploiement. Bientôt après,
mon artillerie eut commencé son feu. Cette manoeuvre audacieuse
et promptement exécutée contribua beaucoup au succès (|ui cou-
ronna cette glorieuse journée; car, malgré les efforts de l'ennemi
contre les charges vigoureuses que le général en chef, qui se
trouva plusieurs fois dans la mêlée, dirigea contre lui, il fut par-
tout culbuté. On lui prit plus de quatre cents chevaux sans ceux
qui restèrent sur le champ de bataille. Pendant celte action,
la 37" demi-brigade d'infanterie s'empara de Gundelfingen. On
combattait encore à 11 heures du soir. Enfin l'ennemi, jeté au
delà de la Brenz, nous abandonna ses positions.
Après le combat, je m'établis à Ober-Medlingen avec toute ma
division ayant des avant-postes pour se garder sur la Brenz (1).
(1) • Le général Decaeii a appris ce soir par les habitants du pays que le général Szla-
ray avait son quartier général établi à Gundelfingen depuis quatre jours, et que le parc de
réserve de l'artillerie autrichienne est à Xôrdlingen. Le général Decaen me charge encore
de vous prévenir qu il a sa division assemblée près de Gundelfingen, une brigade eu avant
de cette ville, et l'autre à droite, éclairant les routes de Langcnau et de Stotzingea et pro-
visoirement celle qui conduit sur Giengen. Il vous prie de faire porter le plus tôt possible
la division Leclerc pour garder cette dernière route. Les avant-postes de la division sont
placés verslaBreni et s'en rapprocheront le plus possible. On aperçoit, dans ce moment-
ci, l'ennemi en mouvement devant ses feux eu filant sur sa droite. Le général Sztaray et
le général Nauendorf sont partis hier de Gundelfingen pour Dillingen » (Hamelinaye à
Lahorie, Gundelfingen, 30 prairial, A. H. G.).
CHAPITRE II
Le ()'■ chasseurs enlève deux colonnes d'éqaipajjes autrichiens. — L'armée du lUiin à la
poursuite de l'ennemi. — Elle se porte sur X'eresheim. — Lecourbe attaque l'arrière-
fjarde autrichienne. — Kray propose un armistice. — Moreau le refuse. — Decaen,
rharf[r' d'aller occuper Munich, s'y rend à marches forcées. — Entrée de Decaen à
Anjrsbourg. — Le corps de Merveldt refoulé. — Debilly enlève Dacliau. — Les
.Autrichiens se retireut vers Munich. — La population de cette capitale se porte au-
devant des Français. — Entrée de Decaen à Munich. — Il prend posseasiou de la
ville. — Ses éjjards pour le «[ouseruement prov isoire laissé par l'Electeur. — Decaen
établit son quartier général à Xympbenburg.
i" messidor. — Au jour, leG"" régiment de chasseurs fut envoyé
à la reconnaissance de renncmi sur la grande route d'L'lm. Dans
la matinée, ce régiment fil son retour : il était tombé sur une
colonne d'équipages de l'ennemi et s'en était emparé. On me fit
le rapport qu'il avait ses avant-postes au village de Soutlieim et,
à une demi-lieue en arrière, environ quatre escadrons et trois
pièces de canon, et qu'à 8 heures du matin, ils avaient fait leur
retraite, excepté huit hommes. Ce convoi se retirait sur Llm par
les communications entre le Danuhe et la chaussée d'Ulm. Le pre-
mier rapport de cette capture annonça la prise de plus de 400 voi-
tures chargées d'avoine et de divers effets. .Ayant de suite transmis
cette nouvelle au général Lahorie, il m'écrivit que l'intention du
général en chef était que je prisse les moyens nécessaires pour que
les chevaux, voitures et denrées qui avaient été pris fussent mis en
réserve jus(|u'à ce que le général en chef etît déterminé l'emploi
(ju'ii voulait en faire; et (|ue le prix de ces divers objets serait
payé de suite au régiment d'après la taxe qui serait déterminée.
Je reçus l'ordre de tenir la division réunie prête à marcher au
moment où le général Grenier, qui était en marche pour Lauingen
et (îundelfingen, serait arrivé sur ce point; et qu'aussitôt que ses
troupes arriveraient sur (Iundelfingen, je devais me mettre en
marche pour aller prendre position, la gauche à Brenz que j'oc-
U.VE CAPTURE Dl 6' CHASSEURS 2T
cuperais, prolongeant ma droite dans la direction d'Hermarin-
gen (1), et que je pourrais occuper Kloster-Medlingen. Mon quar-
tier général resta dans ce village. Je fus prévenu que le général
Grandjean prendrait position, la gauche en arrière de Hermarin-
gen, la droite vers Sachsenliausen, et que le général Leclerc pre-
nait position sur Wittislingen et Frauenriedhausen ; que le corps
du général Grenier venait occuper Lauingen, Gundelfingen et se
prolongerait sur la Brenz vers Brenz.
En rendant compte de l'exécution de cet ordre, je dis que nos
avant-postes couvraient Sontiieirn et (ju'ait moment où ils se
plaçaient, l'ennemi dirigeait par la route d'Ulm une faible recon-
naissance.
J'annonçai la marche sur Dillingen des voitures prises sur
l'ennemi, qu'il n'y en avait que 160, nombre infiniment moins
considérable qu'on ne l'avait supposé et que 50, toutes chargées
d'avoine, étaient demeurées embourbées dans les marais entre la
Brenz et le Danube, et que le général Legrand en était prévenu;
qu'on m'avait aussi fait le rapport que 2 000 sacs de grain et
plusieurs caisses d'habillements étaient abandonnés sur la grande
route d'Ulm, à une lieue et demie de Brenz ; que j'allais m'entendre
avec le général Legrand pour les faire enlever.
Le chef de l'état-niajor du centre me manda que des renseigne-
ments parvenus au général en chef lui annonçaient que l'ennemi,
après avoir repassé en grande partie le Danube, marchait sur
nous, ce qui donnait à supposer une attaque de sa part pour le
lendemain matin; que, quel que fût le but de l'ennemi dans ce
mouvement, il importait d'être en mesure devant lui, de manière
non seulement à le recevoir, mais encore à suivre sa retraite si sa
marche sur la Brenz n'avait d'objet que de la couvrir, comme il
était probable; (jue l'intention du général en chef était que mes
troupes fussent sous les armes à la pointe du jour, et qu'à la même
heure, des reconnaissances fussent envoyées pour rapporter des
nouvelles de l'ennemi.
2 messidor — Le général Debilly me rendit compte que, dans
la reconnaissance qu'il avait faite lui-même le matin, l'ennemi
(1) L'ordre signé Lahorie dit «... de Lauiii3en » (^Lahorie àDecaeii, Dillingen, 1=' mes-
sidor, A. H. G.).
28 MKMOIRES KT JOURNAUX DU GÉNÉRAL DECAEN
n'avait présenté que quelques {)atrouilles; qu'on s'était tlrailllé un
instant; qu'il en avait été de même sur le front de la division de
gauche; que l'ennemi avait repris ses postes de la veille en avant
de Stotzingen ; que, pour essayer d'obtenir des renseignements,
il allait envoyer un parlementaire pour réclamer un officier de
santé qui, quelques jours avant, avait été fait prisonnier.
J'informai le général en chef (jue l'officier envoyé en parlemen-
taire avait vu sortir de Slolzingen un bataillon qui se dirigeait vers
le Danube dans la direclion de Schwarzenwang et une division de
cavalerie qui marchait par sa gauche sur le Lonthal; que je pen-
sais que l'ennemi, ayant un aussi fort détachement à Stotzingen,
voulait établir sa ligne, la droite au Danube, à la hauteur de
Riedhausen, la gauchepassant par Stotzingen, au Lonthal, en avant
de Stetten et à la hauteur d'Ulrich (1) ; que j'avais reconnu moi-
même un camp d'infanterie assez considérable à la hauleur et à
droite d'Eschingen (2), et un de cavalerie sur la lisière du bois
à gauche; que je supposais que l'ennemi n'avait pas autant de
forces à Stotzingen sans avoir établi un échelon considérable à
la hauteur d'Albeck ou de Langenau; que les découvertes avaient
reconnu un poste de cavalerie et d'infanterie à Oberberg (3) ; que,
le matin, il n'y en avait pas; que, sur la route de Stotzingen, à une
lieue d'Ober-Weiler (-4), on avait aperçu des vedettes ennemies
et, à la droite du premier de ces villages, environ 600 chevaux.
Je fus prévenu, de la part du général en chef, que ma division
serait remplacée dans sa position de Brenz par les troupes du lieu-
tenant général Grenier, et de la mettre en marche pour aller
prendre position, la gauche à Sachsenhausen qu'elle devait occu-
per, et la droite se prolongeant vers Burghagel, où appuierait la
division Grandjean par sa gauche; ([ue ce général partirait de sa
position actuelle de manière à être rendu à 6 heures du soir à la
nouvelle qu'il devait prendre; (jue je devais exécuter mon mou-
vement pour la même heure; que je devais laisser mon cordon
d'avant-postes, si le lieutenant général Grenier se trouvait dans
le cas de retarder son mouvement.
(1) Peut-être faut-il lire Hiirbeu.
(2) Ce nom n'a pu être identifié.
(3) Oberberg se troiuait à 300 mètres au nord de Burgberg,
(4) Ce nom n'a pu être identifié.
MOREAU A LA POURSUITE DE KRAY 29
J'annonçai au général en chef que j'avais pris la position ordon-
née, mais seulement avec une partie de mon infanterie, trois
bataillons étant restés avec le général Debilly pour garder Brenz,
Sontheim et Bergcnueiler ainsi que le débouché d'Hermaringen,
puisque le général Grandjean l'avait laissé ouvert sans m'en pré-
venir, de sorte qu'il avait fallu l'attaquer et le reprendre à l'en-
nemi qui l'avait défendu un instant avec deux pièces de canon;
qu'on lui avait tué cinq hommes et pris un Manteau-Rouge; que
je venais d'écrire aux généraux \ey et Grenier pour que mes
troupes fussent relevées et qu'ils se lient avec moi vers Sach-
senhausen.
Je prévins que je n'avais pas pris exactement ma position dans
la direction de Sachsenhausen à Burghagel, le terrain ne me le
permettant point; que ma droite était refusée dans la direction
d'Ober-Bechingen et que j'étais à cheval sur le chemin de Burgha-
gel àLauingen, Sachsenhausen étant fortement occupé, et gardant
les différentes routes qui conduisaient sur Giengen; que l'ennemi
n'avait qu'une observation en arrière de cet endroit et des tirail-
leurs en avant; que j'avais aperçu des feux de l'ennemi au delà
de la Brenz vers Stetten.
Je fis l'observation que le 6' de chasseurs diminuait beaucoup;
que, fatiguant extrêmement, il ne suffisait pas à faire le service des
avant-postes. Je redemandai le 17' ou un autre régiment (1).
3 messidor . — J'avais établi mon quartier général à Haunsheim.
Ma division resta dans sa position le 30.
Je reçus une lettre du général Lahorie. 11 me mandait qu'il
avait reconnu (jue la position qui m'avait été indiquée la veille
n'était pas tenable et qu'il s'était proposé de me faire prévenir de
la prendre en refusant la droite comme je l'avais prise; que ce
([ui l'en avait empêché, c'était la persuasion où il était que le géné-
ral Moreau était avec moi; qu'il prévenait le général Leclerc de se
porter en arrière d'Ober-Bergheim pour me soutenir en cas d'at-
taque; que le général Grandjean, de son côté, se replierait sur ce
(Il Decaen ajoutait : • J'ai demandé au général en chef si, au lieu du bataillon de la
50', il voulait me douner un bataillon d'infanterie légère. Faites en sorte d'obtenir ce
bataillon, car mon infanterie de ligne, avec la meilleure volonté, n'entend point ce ser-
vice > (Decaen à Lahorie, Haunsheim, 2 messidor, A. H. G.).
30 AIEAIOIRES ET JOURXALX DU GENERAL DECAEX
poinl, ce (jiii iikî perniclliait de soutenir plus fortement le point
(le Sachsenhausen (jui était mauvais par la nature du terrain.
Le «jénêral Debilly rejoignit Sachsenhausen avec ses troupes. Il
en fit le rapport que ses avant-postes avaient été attaqués, la veille
au soir, par deux divisions de hussards de Blankenstein et Ferdi-
nand; que l'ennemi, qui n'avait d'abord montré que deux com-
pagnies d'infanterie, en avait fait déboucher six autres par le village
<le Stotzingen; qu'elles s'étaient avancées par la gorge à la tête de
laquelle il avait placé, le matin, quatre compagnies de la 50";
qu'elles avaient chargé une fois sans pouvoir arriver jusqu'à la hau-
teur de nos troupes, mais qu'à la seconde charge, elles commen-
çaient à atteindre la sommité du bois lorsque le chef de bataillon
Gengoult (1) avait marché sur elles et, par un feu très vif, les
avait forcées de rentrer dans le défilé; que la cavalerie ennemie,
(|ui avait paru d'abord vouloir se retirer, s'était ensuite avancée
d'environ 200 toises vers l'escadron du G% mais voyant que son
infanterie n'avait pas pu percer, elle avait tourné bride; que la 50"
avait eu deux hommes blessés et un prisonnier, cl (|ue l'ennemi
avait eu deux hommes tués et trois chevaux.
Le premier rapport du général Durutte m'annonça que l'en-
nemi avait peu de monde dans (iiengen; qu'on n'avait aperçu que
quelques petits pelotons de cavalerie. Peu de temps après, il me
fit prévenir que Giengen était abandonné de l'ennemi et, par un
troisième rapport, que, d'après les renseignements qu'il avait pu
prendre dans cet endroit, l'ennemi faisait un grand mouvement
sur sa gauche ; qu'ayant cependant appris qu'une partie des troupes
qui étaient dans les environs de (iiengen s'étaient retirées par
Herbrechtingen, il avait envoyé une reconnaissance sur cet endroit,
et (|ue le chef d'escadrons Alonlaulon (2), qui la commandait, lui
(1) Gengoult ( Louis-Tliomas), n<'' le 21 di'cembre 1767, à Toul ; soldat au 8' d'infan-
terie, le 11 juillet 1784: congédié comme fourrier: soldat au 7'' bataillon de la Meurtlie,
le 20 juillet 1792: capitaine, le 28 juillet 1702; chef de bataillon, le II nitôse an IV;
major, le 30 frimaire an XII; colonel du .")6«, le 13 mailSOti; généralde brigade, le
6 aoûl 1811 ; disponible, le l" janvier 1810: retraite, le l*'"' janvier 1825; lieutenant gé-
néral, le 19 novembre 1831 ; retraité, le 1"^"^ janvier 1833; décédé à Toul, le 13 juin 1846
(A. H. G.).
(2) Montaulon (Jean), né le 19 janvier 1754, à Serviau (Héraulli; dragon au régiment
de Languedoc, le l'' mars 1774; maréchal de.« logis chef, le 1'^ septembre 1784; sous-
lieutenant, le 30 mars 1791; lieutenant, le l'' jauvier 1792; cupilaine, le 2 juin 1792;
chef d'escadrons, le 12 nivôse an IV; major au S'' chasseurs, le 6 brumaire an XII;
retraité, le 12 septembre 1800 (A. A. G.).
L'ARMÉE SE PORTE SUR MERESHEIM 31
avait rapporté qu'en approchant de ce village, il avait aperçu à
peu près deux escadrons de cavalerie et un camp dont il n'avait
pu juger la force.
Le général Durutte ajoutait qu'on venait de l'assurer que l'en-
nemi s'était retiré devant Hermaringen; qu'il semblait ([ue celte
armée se portait, une partie sur Neresheim, et une autre, sur l Im,
car il avait rencontré un guide ([ui avait assuré avoir conduit
400 hommes de (ïiengen à Oggenhausen.
Je transmis ces rapports au général en chef dont je reçus l'ordre
de me mettre en marche le lendemain, à 8 heures précises du
matin, pour me porter par Landshausen et Fleinheim sur Auern-
heim et de prendre position à gauche de ce village, parallèlement
à la route de Neresheim; que, dans la supposition où je ne ren-
contrerais pas l'ennemi sur ce chemin, je me porterais sur Ne-
resheim où je prendrais position, la droite à la route qui y conduit,
la gauche refusée suivant la nature du terrain.
Je fus prévenu (jue le général Lederc partirait aussi à 8 heures
du matin pour se porter par Zôschingen et Fleinheim sur Auern-
heim, où il prendrait position, la droite au village, la gauche dans
la direction de Neresheim; et qu'au cas où il ne trouverait pas
l'ennemi, il se porterait sur Neresheim, la gauche à la chaussée,
et la droite vers les hauteurs.
4 messidor . — Les découvertes envoyées dès le jour sur Her-
hrechtingen reconnurent (jue le camp ennemi subsistait toujours
et qu'il paraissait même avoir été renforcé, car on y avait aperçu
plus de fumée que la veille; et elles avaient appris qu'il y avait
une cavalerie considérable à Anhausen et que les avant-postes
ennemis, qui étaient la veille sur la gauche de la Brenz, avaient
été, vers le matin, sur la droite.
La division fut mise en marche à 8 heures du mjatin. Après
avoir débouché des hauteurs entre le Danube et la plaine de Xe-
resheim, je lui fis faire une halle, ne pouvant avancer dans celle
plaine avant l'attaque du général Lecourbe sur l 'arrière-garde de
l'armée ennemie faisant sa retraite de Neresheim sur Nordiingen.
La route traversant une forêt, ce corps d'arrière-garde, composé
d'une nombreuse cavalerie et de quelque infanterie, défendait
l'entrée de ce défilé et fit d'abord résistance; mais [il fut] vigou-
32 MEMOIRES ET JOIRXALX DU GENERAL DECAEX'
reusement attaqué par les troupes du général Lecourhe soutenues
d'une division du centre et de la réserve de cavalerie de l'armée.
Au moment de cette attaque, le lieutenant général Grenier
ayant aussi débouché des hauteurs avec tout sou corps ,je me remis
eu marche avec ma division pour chasser un parti ennemi qui, à
la faveur de bouquets de bois, couvrait la droite de son arriére-
garde. Ce mouvement, avec celui du général Grenier à ma gauche
et de la division Leclerc qui s'ébranla également à ma droite, favo-
risèrent essentiellement l'attaque du général Lecourbe, et bientôt
l'arriére-garde ennemie fut obligée d'abandonner sa forte position.
La majeure partie, faisant sa retraite sur Nôrdlingen par la route
de la forêt, y fut poursuivie jusqu'à 9 heures du soir par les
troupes de ce général qui débouchèrent de l'autre côté de cette
forêt malgré le feu d'une nombreuse artillerie et (|ui, ensuite,
prirent leur position devant le plateau de Nordlingen où l'armée
autrichienne s'était placée. On fit à l'ennemi 150 prisonniers.
La marche de pres(jue toutes les divisions de l'armée française,
descendant simultanément des hauteurs dans la plaine de Neres-
heim et s'avançant ensuite dans le plus bel ordre, fut un magni-
fique spectacle qui excita parmi les troupes les plus vifs sentiments
de joie et de satisfaction.
D'après de nouveaux ordres du général en chef, jedounai ordre
à la brigade Debilly de s'établir, la gauche à Ober-Riffingen, et la
droite dans la direction d'Unter-Riffingen, se gardant sur les
routes d'Aalen et de Boptingen, se liant par la gauche à la divi-
sion Ney et par la droite, à celle du général Leclerc.
La brigade Durutte fut placée en seconde ligne, à la lisière du
bois. J'établis mon quartier général à Auernheim.
5 messidor. — Je fus prévenu que, d'après l'ordre du général
en chef, les divisions Leclerc et Grandjean relèveraient, devant
.\6rdlingen, les troupes du général Lecourbe qui se portait sur
Harburg; que le général Grenier marcherait dans la journée sur
Boplingen et, par les hauteurs en avant d'Herdtfeldhausen, sur
les hauteurs qui dominent Nordlingen dans la direction de ces
deux points, et qu'il éclairerait en même temps les routes de
Lauchheim et d'Ellwangen; que ce mouvement devait commencer
à 8 heures du matin et que, dès que les troupes du général Gre-
MOREAU ENVOIE DECAEM A MUVICH 33
nier arriveraient à la hauteur de la position que j'occupais, je
devais marcher par ma droite pour venir l'appuyer à la chaussée
de Xeresheim à Nordlingen, à une lieue et demie en arrière de
celte ville.
Le général Dehilly m'informa que l'ennemi avait tenu poste
toute la nuit à Trochtelfingen, que les patrouilles qu'il y avait
envoyées, tant la veille au soir que le matin, avaient fait le coup
de fusil avec le régiment de Kinsky, et que deux déserteurs
avaient dit que tout leur régiment était dans Trochtelfingen ; que
la reconnaissance poussée sur Hohenberg avait vu, en arrière de
cet endroit, de forts postes d'infanterie et de cavalerie; que celle
qui avait été envoyée vers Aalen n'avait rien vu, mais qu'elle
avait appris, de l'avant-garde du général INJey à Beuren, que l'on
avait aperçu beaucoup d'équipages ennemis filer sur Ellwangen.
Le 17" de dragons rentra à la division et, lorsqu'elle eut pris sa
nouvelle position, je fus voir ce qui se passait de l'autre côté de la
forêt, entre les deux armées qui se fusillaient et se canonnaient,
principalement à notre gauche.
Le soir, à mon retour à Neresheim où j'avais établi mon quartier
général, je fus chez le général en chef qui venait de faire son
retour de devant Nordlingen. Il m'apprit que le général Kray lui
avait envoyé un parlementaire pour lui annoncer la conclusion
d'un armistice entre les deux armées d'Italie, laissant cependant
ignorer, dans sa dépêche, ce qui avait amené cette suspension (1 ) , et
(ju'il lui en avait proposé une pour les deux armées du Rhin. Le
général Moreau ajouta : « J'ai refusé cette proposition, voulant
attendre des dépêches du gouvernement qui m'instruiront de ce
qui s'est passé d'extraordinaire en Italie, et qui ne peuvent pas
tarder d'arriver. «
Ensuite, il me dit : « Decaen, vous sentez-vous de force pour
aller à Munich? « Je repartis : ci Mon général, de quelle mission
voulez-vous me charger? — Mais, y aller avec votre division parce
que, si l'ordre m'arrive de suspendre les hostilités, il est d'un
grand intérêt pour l'armée que nous ayons la Bavière pour avoir
de bons cantonnements et pour les contributions. « Je répondis que
j'étais flatté de cette mission et que j'étais prêt à exécuter ses
(1) La bataille de Marengo, livrée dix jourj auparavant.
11. 3
3V MlhlOIRKS KT JOURNAUX DU GEXKRAL DECAE.V
ordres, en faisant néanmoins l'observation que ma division était
bien faible pour m'éloigner à une aussi grande distance. Alors il
me dit que son intention était de l'augmenter d'une partie de la
réserve de cavalerie, ce qui donnerait probablement lieu à l'en-
nemi, quand il connaîtrait ce mouvement, de penser que c'était la
plus grande partie de l'armée qui avait passé le Lecli, et (jue j'au-
rais, en outre, à ma disposition les troupes qui étaient à Friedberg,
au delà d'Augsbourg.
Il me fit ensuite cette question : ;■■ Dans combien de jours
comptez-vous pouvoir arriver à Muuicb? — Cela, dis-je, dépendra
de la distance et des obstacles que je pourrai rencontrer. Et en
combien de jours jugez-vous, mon général, que je doive y
arriver? — Il faut, me répondit-il, que dans quatre jours, quatre
jours et demi, vous soyez dans cette capitale. • J'assurai que je
mettrais la plus grande célérité, et je priai le général en chef de
désigner le 2' de carabiniers dans le détachement, parce que je
chargerais son chef, le colonel Caulaincourt, du commandement
de ma réserve de cavalerie, ce qui me fut accordé; et, sur-le-champ,
le général en chef m'expédia l'ordre suivant :
Le général de division Decaeii partira dans la journée pour se diriger à
marches forcées sur Munich par Hochstàdt et Augsbourg.
Il sera renforcé d'un escadron du 8^ de cavalerie, du 2" de carabiniers et
du 9« régiment de cavalerie avec trois pièces d'artillerie légère.
Le général Decaen aura à sa disposition le détachement laissé sur le
Lech au-dessus d'Augsbourg, mais il sera chargé de couvrir ce point.
Il lui est particulièrement recommandé de se couvrir, sur sa gauche,
contre les partis qui viendraient d'Ingolstadt et du bas Lech et de la Paar,
et sur sa droite, contre les partis qui viendraient du Tyrol.
Arrivé à Munich, il y recevra des instructions ultérieures et jugera s'il
lui est possible de prendre position en avant de cette ville, ou s'il ne serait
pas préférable de la prendre en arrière. Il se réglera, à cet égard, sur la
uatur<? du terrain et les forces qu'il pourra avoir à combattre.
Le général en chef :
Signé : More au.
Je reçus du général Lahorie la lettre suivante :
Par la nature de votre destination et passant, avec le corps de troupes
que vous conunandez, sur le terrain occupé par celles du lieutenant géné-
ral Lecourbe, il devient important et nécessaire, mon cher général, que
DECAEjV se porte sur AUGSBOURG 35
vous entreteniez avec lui des relations continuelles sur les différents évé-
nements militaires qne vous pourrez avoir. C'est l'intention du général en
chef. Je m'empresse de vous la transmettre.
6 messidor. — Les troupes de la division et celles qui devaient
y être réunies reçurent de suite Tordre de leur marche et de rece-
voir leurs vivres pour deux jours. La brigade Debilly commença
le mouvement vers minuit (1). La division, passant par Neresheim
et Witlislingen, arriva à Hôchstadt entre 10 et 11 heures du malin.
La brigade Durutte, avec le parc et les équipages, furent placés
en échelons en arrière d'Hochstadt; et, pour que les troupes
puissent faire la soupe et se reposer, elles furent prévenues que là
halte serait de quatre heures.
A trois heures après midi, tout le détachement se mit en marche
pour passer le Danube et se rendre à Wertingen. La tète de la
colonne y arriva vers 8 heures du soir. Le général Debilly reçut
l'ordre d'envoyer le 6" de chasseurs jusqu'à Rieblingen, sur la
grande roule d'Augsbourg, et de placer ses autres troupes en avant
de Werlingen, dans les villages à une demi-lieue et à un quart
de lieue à droite et à gauche de cette route. II fut prévenu (jue
sa brigade devait être réunie, le lendemain à 3 heures du malin,
à Rieblingen et d'en partir pour marcher sur Augsboiirg. La bri-
gade Durutte resta à Werlingen, ainsi que le parc et les équipages.
J'y établis aussi mon quartier général, et la réserve occupa les
villages en arrière et les plus rapprochés de cet endroit.
7 îiiessidor. — Le lendemain, à 3 heures du malin, cette bri-
gade avec le parc, les équipages et la réserve se mirent en marche
pour suivre le mouvement du général Debilly.
Je me portai à la tète de la colonne, et quand elle eut débouché
dans la plaine d'Augsbourg, à environ quatre lieues de cette ville,
je lui fis faire une halte. Toutes les troupes, en arrivant successi-
vement sur ce point, reçurent une distribution d'eau-de-vie (on en
avait fait conduire à la suite de l 'avant-garde), et je donnai
l'ordre qu'après deux heures de repos, tout le détachement se
mettrait en marche pour arriver à Augsbourg.
(1) "... La division du «jéuéral Decaeii... partit dOhmenheim à 2 heures du matin et
arriva dans la journée à Wertingen, se dirigeant sur Munich... » (Rapport signé [^ahurie,
Nôrdiingen, G messidor, A. H. G.).
36 MÉMOIRES ET JOURMAUX DU GENERAL DECAEN
La ivunion sur le même point de toutes les troupes qui le com-
posaient causa une vive satisfaction et fit oublier la fatigue. On fit
alors des conjectures sur la cause de ces marches forcées et de la
réunion d'une partie de la réserve de cavalerie à la division. La
parfaite intelligence des soldats français leur fit préjuger qu'ils
allaient à Munich.
Vers les 9 heures du matin, je partis du lieu de rassemblement
avec un pi(|uet de ciiasseurs pour me rendre à Augsbourg. J'y entrai
entre 10 et 11 heures. Aussitôt mon arrivée, je donnai l'ordre
aux autorités de cette ville de faire transporter sur-le-champ, entre
iiugsbourg et Friedberg, du pain, de la viande, de la bière et de
l'eau-de-vie pour 10 000 hommes, et de l'avoine et du foin pour
3 000 chevaux. Cette demande excita la plus grande surprise. On
n'avait pas eu la moindre nouvelle de notre marche. On ne vou-
lait pas croire que tant de troupes arriveraient aussi promptement.
On fit des représentations qu'il y avait impossibilité de satisfaire à
une pareille demande, et on finit par m'envoyer une députation.
Je dis à cette députation que, dans une grande ville comme
Augsbourg, les difficultés présentées devaient facilement s'apla-
nir. Je lui notifiai que, si, à 1 heure, ce que je leur avais fait
requérir n'était point arrivé sur le lieu indiqué, à i heure et
demie 10 000 hommes entreraient dans la ville, et que je les
mettrais à discrétion chez l'habitant. Cette déclaration mit fin aux
remontrances et on s'occupa avec la plus grande activité de faire
ce (|ue j'avais demandé.
A 2 lieures, la tète de la colonne arriva à la porte d'Augs-
bourg (1). Elle fut aussitôt dirigée en deliors de la ville pour
aller prendre sa position de l'autre côté, avec défense à qui
que ce soit d'y entrer. Toutes les troupes, dont le nombre causait
le plus grand étonnement aux habitants qui les voyaient passer
autour de leurs remparts, furent prendre leur position entre cette
ville et Friedberg. Elles furent prévenues qu'elles y resteraient
jusqu'à 6 heures du soir; et, comme on avait mis toute célérité
à conduire au camp tout ce qui avait été demandé, les troupes
reçurent leurs distributions sans le moindre retard.
(1) "... La division du général Decaen, qui continuait de marcher sans autre repos que
des haltes de quatre heures par jour, arriva à .Auîisbourjj à 2 heuies du matiu... " (Hap-
port signé Lahoric, Donauivïirth, 7 messidor, A. H. G.).
DECAEX A AUGSBOURG 37
Aussitôt après le renvoi de la dcputation des autorités d'Augs-
bourg, j'écrivis au général de brigade Boyé (1), commandant des
troupes qui gardaient Friedberg, que, le général en cbef les
ayant mises à ma disposilion, je le prévenais que ma division
prendrait position à la fin du jour en deçà el au delà de la Paar,
à clieval sur la cbaussée de Friedberg à Dachau, poussant des
avant-postes au delà de la Glon s'il était possible; que, pour
correspondre à ce mouvement, je l'engageais à pousser sa ligne
jusqu'en arrière de Dasing sur la route de Friedberg à Aicbach,
avançant des bussards sur Aicbach et qui pousseraient de fré-
quentes reconnaissances qui puissent observer l'ennemi sur le
débouché d'Ingolsladt. Je l'engageai aussi à porter un corps à
Statzling, couvrant le pont de Lechhausen et observant Aicbach.
Je mis à sa disposition deux escadrons du 17' de dragons.
J'écrivis au général Lecourbe que, la mission dont j'étais chargé
me mettant dans le cas de m'entretenir avec lui sur les événements
militaires, je le prévenais que, le soir, le corps que je comman-
dais prendrait position sur la Paar, et que mon avant-garde passe-
rait au delà. Je l'informai de ce ([ue j'avais ordonne au général
Boyé. Je l'engageai à me faire part s'il avait marché vers JVeu-
burg et à quelle hauteur ses troupes étaient dans cette partie,
ainsi que du point où il croyait pouvoir les avancer le lendemain,
ajoutant que les avis qu'il me donnerait me seraient utiles.
J'écrivis aussi au général Nausouty (2) qui commandait un petit
corps d'observation à Landsberg, sur le haut Lech. Je le prévins
que j'allais prendre position sur la Paar; que, le lendemain,
(1) Boyé (Charles-Joseph), né le 11 février 1702, à Ehrenbreilsleiri ; hussard au
légiment de Couflans, le 12 féïrier mS; fourrier, le 2 juillet 1780; adjudant, le 7 juin
1785; sous-lieulenant, le 18 septembre 1791 ; lieutenant, le 17 juin n9i; capitaine, le
29 octobre 1792; chef d'escadrons, le 21 mai 1793; chef de brigade, le G floréal an II;
général de brigade, le 22 prairial an III; démissionnaire, le 24 floréal an IV; remis eu
activité, le 12 Iherraidor au VII; employé à la Grande Armée en l'an XIII; à l'armée
d'Espagne en 1808; retraité en 1812; naturalisé Français par ordonnaucc du 2 janvier
1817; mort le 16 mai 1832 (A. A. G.).
(2) Nausouty (Elienne-Marie-Antoine-Champion de), né le 30 mai 17G8, à Bordeaux;
cadet, puis sous-lieutenant au régiment de Bourgogne, le 26 mars 1785; capitaine, le
6 avril 1788; lieutenant-colonel, le 4 avril 1792; chef de brigade, le 19 brumaire an II,
général de brigade, le 12 fructidor an VII; g('néral de division, le 3 germinal an XI;
employé à la Grande Armée en l'an XIV; Ecuyer de l'Empereur; colonel général des dra-
gons, le 16 janvier 1813; commandant la cavalerie de la Garde, le 29 juillet 1813;
commissaire dans la IS"" division, en avril 1814; capitaine lieutenant de la 1" compa-
gnie de mousquetaires, en 1814; mort à Paris, le 12 février 1815 (A. A. G.).
38 AlÉMOIRES ET JOI'RMAIX DU GENERAL DECAEN
j'avancerais sur Dachaii el même plus loin, si je le pouvais; et je
lui demandai de pousser quelques partis sur ma droite, si cela lui
clail possible, ainsi que de me donner quelques renseignements
sur la force des ennemis dans la partie qu'il gardait et vers
Munich.
Enlin j'«''crivis au général Moreau :
Ma division est arrivée hier à VVertingcn, mon général, Tavant-garde à
Rieblingen. Aujourd'hui, h 2 heures, elle est entrée à Augsbourg. Elle
va prendre quelques heures de repos; ensuite, elle passera la Paar.
li'avant-garde, soutenue par un échelon, avancera encore, s'il est possible
jusque sur la Glon. Je compte être demain en position à Dachau et, le
soir, être peu éloigné de Munich, pour y entrer le lendemain de bonne
heure et même plus tôt s'il n'y a pas d'obstacles majeurs.
Je préviens le général Xansouly pour qu'il pousse quelques partis sur
ma droite. Je charge le général Boyé, auquel je laisse deux escadrons de
dragons, de me couvrir vers Aichach et Pottnies et d'avancer vers Aichach,
en rai.son des mouvements de l'ennemi.
J'ai prévenu le général Lecourbe, selon vos intentions. L'on m'a dit
que l'ennemi avait montré, dans la partie que je vais parcourir, environ
1 000 chevaux, 9 pièces d'artillerie avec peu d'infanterie. Ce sont des
hussards de Meszaros, de Grenz, et des huians du 2= régiment. Ils sont
venus, il y a trois jours, attaquer Fricdberg.
Vers les G heures du soir, je me rendis au camp. J'ordonnai la
marche de mes troupes. Je recommandai au général Debilly,
quand il aurait passé la Paar, de s'avancer au delà, le plus loin
qu'il lui serait possible, mais surtout ses avant-postes, ayant égard
à la fatigue des troupes, et de prendre la position qu'il jugerait la
plus convenable.
Le général Durutte reçut l'ordre de suivre ce mouvement avec
sa brigade, la réserve, le parc et les équipages, de passer aussi
tout au delà de la Paar, et d'y prendre sa position en arrière du
général Debilly, et de placer ses troupes en raison de la localité
et de l'espace qu'il y aurait entre cette rivière et la brigade
Debilly.
Les corps furent prévenus de laisser, en passant à Friedberg,
leurs éclopés et leurs hommes fatigués. Mais aucun soldat n'y
voulut rester, tant il y avait de courage et d'ardeur et de désir
d'arriver au but où on devait atteindre.
Je rentrai à Augsbourg pour y passer la nuit et pour y recevoir
LE CORPS DE MERVELDT REFOULE 39
plus lût les ordres que le général en chef pourrait m'envoyer,
ainsi que les lettres ou avis que les généraux Lecourbe, Boyé et
Nansouty pourraient m'adresser.
Entre 11 heures et minuit, un officier envoyé par le général
Del)illy m'annonça que ce général avait forcé l'ennemi à lui céder
le village de Rinenthal, qu'il aurait pu pousser encore plus loin,
mais que, d'un côté, la fatigue extrême des troupes et, de l'autre,
la nature du terrain l'avaient déterminé à tenir ses troupes au
bivouac en arrière de Rinenthal, en faisant occuper ce village par
quelques compagnies d'infanterie et en le couvrant de postes de
cavalerie; et qu'il attendait mes ordres dans cette position.
Je reçus aussi un rapport du général Diirutte. 11 m'informait
que la division avait passé la Paar, ainsi que je l'avais désiré, et
avait placé ses troupes entre Rinenthal, que le général Debilly
avait fait occuper, et le village de Hiïgelshart ; que l'ennemi avait
un peu tiraillé dans un bois au delà de Rinenthal, mais qu'il lui
avait paru qu'il n'y avait que peu de monde.
Il me fut aussi apporté une lettre du général Boyé, écrite à
10 heures du soir. Il me mandait qu'à l'instant il recevait un
courrier du lieutenant général Lecourbe qui lui annonçait que
son (|uartier serait, le lendemain, à Rain, (jue sa droite serait
portée vers Pottmes et Schrobenhausen, et qu'il l'avait chargé
de prévenir le général Nansouty de mon mouvement et de l'en-
gager à faire quelque tentative sur l'Animer See.
Le général Boyé m'annonçait, en outre, qu'il tâcherait de se
rendre maître d'Aichach, le lendemain, où il établirait son avant-
garde, en gardant toujours les points de Friedberg et de Lech-
hausen; enfin que le général Lecourbe l'avait prévenu de mou
mouvement; et il me demanda de lui laisser, pour quelques jours,
les deux escadrons du 17° de dragons (1).
8 messidor. — J'expédiai l'ordre au général Debilly de se
mettre en marche à 3 heures du matin et de continuer à
s'avancer sur Dachau. Je lui recommandai d'attaquer vivement
(1) " Vers minuit, 200 hussards de Ferdinand voulurent surprendre Relirosbath,
croyant ne rencontrer qu'un faible parti : ils furent reçus par le 3"^ bataillon do la 50^
qui leur tua 5 hommes et 5 chevaux. Ils se retirèrent en désordre et laissèrent un pri-
sonnier... » (Decaen à Lahorie, marche sur l(lunich, 7 messidor, A. H. G.).
40 AIKMOIRES ET JOURXALX DU GEXERAL DEGAEX
rennemi et de le pousser vigoureusement; que le reste de la divi-
sion le suivrai!; et il fut prévenu que je n'allais pas tarder à mon-
ter à cheval pour aller le rejoindre.
En marchant pour me rendre à la tête de la colonne, je reçus
une lettre du général Dehilly dans laquelle il répétait ce qu'il
m'avait fait dire, le soir, par l'officier qu'il m'avait envoyé; et il
ajoutait que ses reconnaissances lui faisaient dire qu'elles rencon-
traient l'ennemi, qu'il paraissait en force à Rossbach, qu'il mon-
trait du monde et qu'on ne savait ce qui pouvait se trouver en
arrière du bois; que, d'après le rapport des prisonniers, il y avait
un fort détachement de cavalerie aux ordres d'un général ; qu'il
y avait des hussards de Meszaros, de Blankenstein et de Grenz,
ainsi que des hulans.
Lorsque j'eus rejoint le général Debilly, je fis serrer sur l'en-
nemi en faisant soutenir le piquet d'avant-garde et les éclaireurs
par le 6' de chasseurs, deux escadrons du 17' de dragons, trois
pièces d'artillerie légère et le 13" de cavalerie, marchant en éche-
lons, à l'appui les uns des autres, avec ordre à toute la colonne
de suivre ce mouvement.
Lorsque nous approchâmes de Rossbach (1), l'ennemi, qui était
posté sur la hauteur en arrière, sur un plateau découvert mais
environné de bois, prétendit arrêter notre marche en nous tirant
quelques coups de canon. Alors, trois pièces d'artillerie légère
furent mises en batterie pour lui répondre et deux bataillons
d'infanterie furent envoyés pour s'emparer des bois sur sa droite
et sur sa gauche. Mais, dès que l'ennemi aperçut l'infanterie,
il se décida à la retraite et il se jeta dans le défilé qu'il avait der-
rière lui. Il fut poursuivi vivement par le 6" de chasseurs pendant
une demi-lieue. Je fis ensuite prendre position à toute la division
sur le terrain d'où on venait de chasser l'ennemi.
Le général Merveldt, qui commandait ce détachement, était
(1) Rossbach se trouve à uii peu plus de 2 kilomètres au nord-ouest d'Orthofen.
Deraen écrit daulre part : ^ La dixisiun, réunie à Rehrosbach, se mit en mouvement à
4 heures du malin, son atant-garde chassant devant elle 400 chevaux du 2^ réfîiment de
hulans et de Ferdinand-hussards, en arrière d'Odeizhausen. M. de Merveldt, qui y était
établi, voulut disputer la position avec 800 chevaux et quatre pièces de canon. Il s'encja-
gea, pendant une denii-henrc, une canonnade assez vive; mais l'arrivée de 1 infanterie et
les dispositions prises le déterminèrent à une retraite précipitée jusqu'au delà du village
d'Orthofen, où la division fit halle en arrière de cet endroit... » (Decaen à Lahurie,
marche sur Munich, 8 messidor, .\. H. G.).
DEBILLY EMLEVE DACHAU 41
sorti si précipitamment de son logis qu'il avait laissé, entre autres
choses, une bonne carte de la Bavière qui me lut ensuite très utile.
Une brasserie qui était à Rossbach, bien approvisionnée, donna
le moyen de faire faire une distribution de bière à toute la division
et, après quelques heures de repos, nous reprîmes notre marche
et la poursuite de l'ennemi.
Il s'était établi à Ober-Roth, croyant sans doute que nous
n'avancerions pas sur lui aussi promptement; mais il fut bientôt
forcé de déguerpir et nous le suivîmes sur la roule de Dachau.
Nous ne pûmes arriver en vue de cette ville que vers la fin du
jour, car une forte pluie qui tombait depuis midi avait ralenti la
marche de la division.
L'ennemi fut de nouveau rencontré devant Dachau, paraissant
disposé à nous empêcher d'y entrer, et on me rapporta qu'il avait
quelques postes d'infanlcrie. Les chasseurs à cheval, en éclaireurs,
soutenus de quelques pclolons, s'approchèrent le plus près pos-
sible de l'ennemi et tiraillèrent avec lui pour faciliter de recon-
naître si je pouvais me rendre maître de celte ville sans attendre
au lendemain. Après cette reconnaissance, je me déterminai à
faire faire cette attaque, parce que je ne voulais pas laisser à l'en-
nemi le temps de recevoir des renforts qui pouvaient lui venir de
Munich pendant la nuit, ni de couper le pont sur l'Amper, sur
lequel je devais passer le lendemain. Je m'y déterminai encore
parce qu'il aurait fallu faire rétrograder la division de plus d'une
lieue pour être à la proximité d'un village pour avoir de l'eau.
Alors j'ordonnai au général Debilly d'attaquer Dachau avec la
100" demi-brigade et de l'enlever de vive force.
L'ennemi fit une faible résistance. Il fit sa retraite sur la route
de Munich, n'ayant pas eu le temps d'endommager le pont; notre
avant-garde passa aussitôt de l'autre côté de la rivière et y établit ses
postes. On ne fit que quelques prisonniers. J'entrai dans la ville à
II heures du soir, et toute la division prit position derrière Dachau.
9 messidor. — Le lendemain, vers 4 heures du matin, un
courrier m'apporta une lettre du général Moreau. Il me mandait :
Je suis à Augsbourg, mon cher général, et j'attends avec impatience de vos
nouvelles. Il parait qu'on n'aura pas pu vous opposer une grande résistance;
alors je m'attends qu'on aura voulu entrer en négociation, et je viens pour
42 MEMOIRES ET JOLRXAIX DU GÈ.VERAL DEGAEX'
cet objet. D'après votre rapport, je m'acheminerai demain vers Munich;
peut-être même ne l'attendrai-je pas. Le général Lecourbe doit se porter
aujourd'hui sur Schrobenhausen ; le général Xansouty aura poussé sur
l'Ammer See. Cela vous couvre autant que possible. Il est inutile de vous
dire combien il importe que vos troupes se conduisent bien. Si, en atten-
dant l'issue des négociations, on vous demandait avec grande instance à ne
pas occuper la ville avec beaucoup de troupes, il ne faut pas insister là-
dessus, mais seulement vous assurer une porte et le pont de l'Isar. Le reste
sera l'objet d'une négociation. Vous avez fait bonne diligence et il parait
que vous n'avez pas de traînards.
Salut et attachement.
Signé : Moreau.
Augsbourg, le 8 messidor an VIII,
aux Trois Maures.
Je remis au courrier un accusé de réception de la lettre du
général en chef auquel j'annonçai que je me conformerais à ce
(|u'il me prescrivait. Je joignis à ma lettre un duplicata du rapport
déjà envoyé au général Laliorie par mon chef d'état-major qui lui
avait écrit que j'avais mandé au général en chef que j'espérais être
arrivé à Dachau à 2 heures après midi et que je n'avais pu y arri-
ver qu'à 11 heures du soir fl), empêché par le mauvais temps et
occupé à chasser à peu près 900 chevaux et trois pièces de canon
avec lesquels le général Merveldt avait essayé de me disputer le
terrain, depuis la Paar jusqu'à Dachau; que, l'ennemi, qui avait
cédé partout, paraissant vouloir défendre Dachau, le général
Debilly, avec la 100" demi-brigade, l'avait emporté de vive force;
que les habitants assuraient qu'il n'y avait pas d'Autrichiens à
Munich; que j'espérais me mettre en marche à 8 heures du malin
(1) "■.. (L'arant-garde) arriva deraiit Dachau entre 7 et8 heures du soir. Tout devait
faire présumer que l'ennemi passerait i'.Amper sans résistance; mais les approches diffi-
ciles de Dachau, à cause d'un terrain très raarécageui devenu encore plus impraticable
par une pluie extrêmement abondante qui durait depuis les 2 heures après midi, enga-
gèrent sans doute l'ennemi à s'opposer ou au moins à retarder l'entrée dans Daciiau :
il mit cinq pièces de canon en batterie. On se canonna assez viienient de part et
d'autre. Mais, ayant reconnu de l'infanterie à l'ennemi, il fallut attendre, et dès que les
premiers bataillons de la division eurent débouché, les dispositions d allaque furent
faites : on mircha sur Dachau qui ne fut emporté que vers les 11 heurrs du soir. Il
fallut enfoncer les portes à coups de hache. On n'y lit qu'une vinglaine de prisonniers
de l'infanterie bavaroise et des hulans. L'ennemi avait proGlé de l'ongcurité ponr faire sa
retraite, mais l'attaque faite par le général Dohilly fut tellement brusque que ce qui res-
tait d'ennemis ne put achever de couper le pont de l'.^mper... » (Marche de la divisioD
Decaen sur Munich, A. H. G.).
ARRIVEE DES FRANÇAIS A MUNICH 4S
pour Mimioh ; que la grande fatigue des troupes m'empêchait d'y
arriver plus tôt.
La position de Dachau permettant, au jour, de découvrir fort
loin dans la plaine de Munich, l'ennemi n'y étant pas aperçu, la
division ayant à sa suite du pain, de l'eau-de-vie et de l'avoine, on
en fit des distrihutions pour deux jours, et toutes les troupes
reçurent l'ordre de se mettre en marche à 8 heures, excepté un
bataillon et 50 chevaux que je laissai à Dachau pour me couvrir
de ce côté.
Le général Debilly, qui s'était porté en avant avec le 6° régi-
ment de chasseurs, m'envoya prévenir, par un officier qui me ren-
contra à une lieue de Dachau, que son avant-garde avait trouve au
village de Moosach un piquet de l'ennemi laissé eu observation et
que, d'après une conférence avec le commandant de ce piquet, il
avait été convenu qu'il allait se retirer de suite au delà de l'Isar,
ce qui s'était exécuté sur-le-champ. Le général Debilly me mandait
qu'il avait fait suivre l'ennemi par un escadron de chasseurs com-
mandé par le chef Montaulon. Je ne tardai pas à rejoindre ce
général.
Peu de temps après mon arrivée à la tète de la colonne, se pré-
senta un député envoyé par les magistrats chargés provisoirement
du gouvernement pour demander, au nom del'Llecteur, protection
pour la ville de Munich. (C'était M. de Cetlo (1), ex-ambassadeur
de î5avière auprès du Directoire). Je lui dis que je prendrais toutes
les dispositions convenables pour assurer la trancjuillité de cette
capitale; que ses habitants, qui n'étaient pas coupables de ce que
leur souverain s'était mis à la solde de l'Angleterre, pouvaient se
reposer sur la générosité de la nation française et de son gouver-
nement, sur l'ordre et la discipline de l'armée, ainsi que sur la
bienveillance du général en chef, et que je comptais, de mon côté,
sur la loyauté des Bavarois qui avaient beaucoup plus d'intérêt à
être nos amis que uos ennemis.
Lorsque nous approchâmes de Munich, je fus agréablement
surpris de rencontrer sur la roule trois à quatre mille personnes
des deux sexes; beaucoup s'étaient avancées à plus d'une denii-
(1) Cetlo, conseiller du duc de Dem-Ponts, puis snn chargé d'affaires, reçut en
1800 le litre d'envoyé de l'électeur Palatin à Paris {Inventaire sommaire des .archives
(lu département des .affaires étrangères, Correspondanee politique, II p. "3;.
44 AUniOIHES ET JOLRXAIX DU GEXERAL DEGAEM
lieue au-devant de nous. La plus grande confiance, je pour-
rais même dire la joie se peignait sur toutes les figures. Arrivant
dans une ville française, nous n'aurions certainement pas vu plus
de curieux venir ainsi à notre rencontre.
A un quart de lieue de Munich, je fis faire une halle. J'ordon-
nai que la hrigade Dehilly traverserait la ville pour aller prendre
position, une partie sur la rive droite de l'Isar, et l'autre, sur la
gauche, afin de défendre le pont; que le général Durulte établirait
le bataillon de grenadiers dans la ville avec un bataillon de la
4* de ligne, et que le reste de sa brigade serait placé en avant de
Munich, la droite vers l'Isar et de manière à couvrir les routes de
Freising, d'Ingolstadt et de Ratisbonne; que deux pièces d'artille-
rie légère seraient envoyées à chaque brigade qui avaient chacune
deux pièces de 4.
Le chef de brigade Caulaincourt (1), commandant la réserve
eut l'ordre de se placer en arrière de Munich, de manière à
pouvoir se porter au soutien des deux brigades, si cela devenait
nécessaire.
J'entrai ensuite en ville, suivi d'un escadron de cavalerie. La
garde bourgeoise qui était à la porte ayant présenté les armes et
les ayant ensuite déposées, je les fis reprendre en leur faisant dire
que je ne voulais pas qu'ils fussent désarmés, qu'ils feraient leur
service conjointement avec les troupes françaises pour maintenir
le bon ordre et assurer la tranquillité de leurs concitoyens. Ils
reprirent leurs armes en me faisant leurs remerciements et en me
témoignant la plus vive satisfaction. Je fus au pont de l'Isar que
je voulais reconnaître, et, à la porte par laquelle je devais sortir, il
se passa la même chose qu'à celle par laquelle j'étais entré.
Après avoir passé le pont de l'Isar, traversé le faubourg sur la
rive droite et reconnu le terrain au delà, je rentrai dans Munich au
moment où la brigade Debilly se trouvait déjà au milieu de la ville.
(1) Caulaincourt (Armarid-Aufjusliii-Louis de|,né à Caulaincourt (.\isne ,1e 9 décembre
1772; cavalier au 7" régiment, le 8 décembre 17SS ; sous-lieulenant, le 7 juillet 17.S9: aide
de camp du général Caulaincourt, le 23 décembre 1791 ; volontaire au 17"' bataillon de Pari»,
le 24 août 179;}; passé au lô'' chasseurs; maréchal des logis, le IG floréal an II; capi-
taine et aide de camp d'.Auberl-Dubayet, le 8 germinal an III ; chef d'escadrons, le 5 nivôse
an IV; chef de brigade, le 11 thermidor an VIII; aide de camp du Premier Consul, le
12 thermidor an X; général de brigade, le 11 fructidor an XI; général de division, le
12 pluiiùse an XIll; grand écuycr cavalcadour de l'Empereur, duc de Vicence; retraité,
le l"août 1815; mort eu 1827 (.1. A. G.).
LE GOUVERNEMENT ELECTORAL PROVISOIRE 45
Je fus flatté de voir toutes les croisées garnies de spectateurs et
l'empressement avec lequel ou arrivait de tous les côtés pour voir
les Français. A ce ravissant spectacle, il semblait que nous étions
plutôt des libérateurs que des ennemis.
Je fus descendre à l'auberge du Grand-Cerf. J'écrivis sur-le-
cliamp au général Moreau :
Je vous annonce, mon «jénéral, que j'ai pris possession de Munich
aujourd'hui à midi. Les Autrichiens avaient laissé un seul piquet pour
nous altendre.
Sans doute que, par cet arran<5[ement, ils avaient été cliar<{és de faire
notre avant-garde jusqu'au delà de l'isar car, après une conférence avec
mon officier d'avant-poste, ils sont partis sans faire le coup de pistolet.
D'après les renseignements que j'ai pris, M. de Merveldt n'avait pas,
dans la partie de pays que j'ai parcourue hier, plus de troupes que celles
que j'ai chassées.
Toutes les troupes bavaroises sont au delà de l'isar, je ne sais pas
encore sur quel point.
Les magistrats chargés du gouvernement provisoire ont seulement
envoyé un député pour demaiuler, au nom de l'Klectcur, protection pour
.Munich. J'appelle à l'instant ces messieurs pour leur demander quelles
ont été les dernières volontés de leur maître à son départ.
Mon avant-garde occupe le faubourg en avant de l'isar. Demain, je pous-
serai des partis pour avoir des nouvelles de l'ennemi qui s'est retiré sur
Laudsliut.
J'ai pris position de manière à couvrir les différents débouchés qui
arrivent sur Munich, surtout du côté du Danube.
V.n attendant le moment ou j'aurai le plaisir de vous voir, je vous salue
respectueusement.
Cette lettre n'était pas encore fermée, lorsque les membres du
gouvernement se présentèrent. Ils se firent annoncer avec le titre
de membres composant le gouvernement intérimistique (1). 11^
renouvelèrent, au nom de l'Électeur, la demande de protection
pour la ville. Je leur demandai en quel lieu élait leur souverain.
(Je savais déjà qu'il n'avait quitté Munich que pendant la nuit pré-
cédente.) Ils répondirent qu'ils l'ignoraient. « Mais, » leur dis-je,
" puisque vous me demandez protection en son nom, et que vous
vous dites gouvernant en son absence, il a dû vous laisser des ins-
tructions? Et il vous a sans doute fait part s'il voulait continuer la
[}) ' Interimistisch. > C'étaient le comte Marauilzky, le baron d'Hertlinjj et le
comle de Torring (Le j^oiivernemeiit intérimistique au géuéral Decaen, 4- juillet 1800,
Papiers Decaen, in-f. 77, 3tj, p- 3).
46 MEMOIRES ET JOURXALX DU GEX'ERAL DECAEX
guerre ou bien prendre un parti plus convenable aux intérêts de
la Bavière, celui d'abandonner la coalition et surtout de cesser de
vendre aux Anglais, pour de l'or, le sang de ses sujets pour com-
battre contre les Français, vos alliés naturels, conduite fort extra-
ordinaire de sa part, laquelle, avec ce qui s'est passé en 1796,
après la visite que nous étions déjà venus vous faire, l'exposent
personnellement à tout perdre en même temps qu'il fait le
malbeur du ])ays, tandis qu'en abandonnant la coalition le plus
promptement possible, il peut, non seulement prévenir cette calas-
troplie, mais encore recueillir, par l'effet de cet abandon, des
avantages précieux tant pour lui que pour le peuple bavarois. «
D'après leur réponse négative, je leur dis : .. Puisque vous
n'avez pas d'instructions, vous ne pouvez pas prendre le titre que
vous prenez. Vous ne voulez pas non plus me dire où est, en ce
moment, votre Électeur. Je veux bien (jue vous ayez quelques motifs
d'en faire mystère; cependant il n'est point sans vous indiquer en
quel lieu vous pourrez communiquer avec lui, ne serait-ce que
pour l'informer du résultat de la demande faite en son nom pour
la protection de sa capitale. Alors comment pourrez-vous lui
transmettre ma réponse ainsi que les conditions que je puis vous
imposer?-; A ces arguments, ces messsieurs déclarèrent qu'ils s'en
rapportaient à la générosité française, qu'ils mettaient toute leur
confiance dans la bonté du général en chef de l'armée. Ils ajou-
tèrent : tt Nous vous donnons l'assurance que notre Electeur a fait
tous ses efforts, mais vainement, pour ne pas reprendre les armes
contre la France, et (|ue c'est avec le plus vif désir et la plus
grande impatience qu'il espérait l'heureux moment où il lui serait
possible de reformer de nouveaux liens de paix et d'amitié avec
le Premier Consul, chef de votre gouvernement. «
D'après cette déclaration, je leur dis : « Puisque vous me parlez
ainsi et que je crois pouvoir compter sur votre assertion, vous pou-
vez avoir toute confiance dans la garantie que je vous donne d'une
parfaite protection non seulement pour la ville de Munich, mais
encore pour tout le pays que j'occupe avec mes troupes et que je
ferai occuper, parce que je suis persuadé que vous ferez, de votre
côté, tout ce (ju'il sera possible de faire pour contribuer à alléger
les maux de la guerre qui pèsent sur votre pays. Je vous promets,
d'ailleurs, de rendre au général en chef un compte exact de vos
LKS FRAYÇAIS S'IX^STALLEMT A MUNICH 47
honncs dispositions. Je vous préviens que voire bourgeoisie ne sera
pas désarmée, et que, même, j'ai déjà exprimé aux postes des
portes par lesquelles j'ai passé, (|u'elle participerait aux mesures
que je vais ordonner pour le maintien de l'ordre et de la tranquil-
lité de votre cité. 5? Ces messieurs s'en retournèrent alors fort
satisfaits.
Après leur départ, j'ajoutai à ma lettre au général en chef :
Les magistrats vieinient de m'annonccr que l'Electeur avait toutes les
dispositions pour renouer avec le gouvernement français; ils m'ont de-
mandé de pouvoir envoyer un député pour avoir ses pouvoirs, ce que j'ai
accordé .
Ensuite, des ordres furent donnés pour que les troupes desti-
nées à rester dans la ville fussent casernées. Le colonel de la
100" demi-brigade fut nommé commandant de la place. Les
postes des portes et de l'intérieur furent composés de troupes
françaises et de bourgeois, et une proclamation annonça aux
habitants que leurs personnes et leurs propriétés seraient res-
pectées, qu'ainsi ils pouvaient se livrer à leurs occupations avec
sécurité.
Il fut recommandé aux avant-postes de ne laisser passer qui
[que] ce soit voulant aller du côté de l'ennemi. Comme il y avait
quelques émigrés restés en ville, ils furent prévenus de ne pas
avoir d'in(|uiétude.
Je fis écrire au général Nansouty pour le prévenir de mou
entrée à Munich. Il fut informé de la position donnée aux troupes
de la division et il fut invité de communiquer fréquemment avec
moi.
Des ordres furent donnés pour mettre des gardes à l'arsenal, à
l'hôpital militaire, aux archives, aux magasins et aux principaux
établissements, ainsi que de s'emparer des lettres de la poste. Dès
l'instant de l'arrivée des troupes dans un endroit où il y avait des
bureaux de poste, j'ai toujours eu le soin d'y faire prendre les
lettres qui pouvaient s'y trouver parce que, fort souvent, ou y
trouve de fort bons renseignements sur l'ennemi, car il y a tou-
jours des indiscrets, et on remettait aux directeurs, après la visite,
celles (|ui n'étaient pas utiles.
Il me fut oiiert de prendre mon quartier au palais de l'Electeur,
ce que je refusai. Alors on me désigna l'hôtel du comte deTatten-
48 MÉMOIRES ET JOURVAUX Dl GÉXÉRAL DECAEX
baril où, apivs le dîner, un connier du général en chef m'apporta
la lettre ci-après :
Lecourbe a un très vijjoureux; combat du coté de X'euburg, L'armée
s'y porte, ce qui m'empêche de me rendre à Munich où je présume que
vous êtes arrivé. Gardez bien votre gauche, surtout : il parait que l'ennemi
marche en Bavière par Ingolstadt et Xeustadt. Xe vous entêtez pas à tenir
Munich si vous trouviez des forces trop considérables. Xous y reviendrons
toujours quand nous voudrons : mais si l'ennemi veut tenir, il faut le
battre, et je liens surtout à ce qu'aucun corps de l'armée n'éprouve d'échec.
Comme Sainte-Suzanne doit actuellement être en pleine marche, je ne
me presserai pas beaucoup, à moins que je ne trouve très beau jeu puisque,
dans les cinq ou siv jours, son corps peut être assez avancé pour donner
beaucoup d'inquiétude à l'ennemi. Surtout, placez-vous bien, et ne vous
compromettez pas.
Salut et attachement.
Signé : Moreau.
Je répondis sur-le-champ au général en chef :
Par l'annonce que je vous ai faite de la prise de possession de Munich,
mon générai, je vous ai prévenu que je me suis particulièrement occupé
de ma gauche dans la position que j'ai donnée à mes troupes. J'ai même
laissé à Dachau un bataillon et 50 chevaux pour me couvrir.
Je ferai tout pour que vos intentions soient remplies.
Comme vous ne me parlez pas de contributions et que vous êtes incer-
tain du moment que vous viendrez ici, j'ai demandé deux millions à
Munich, 300000 francs pour demain, 700 000 francs dans vingt-quatre
heures et le surplus dans quatre jours.
Je présume que je recevrai une réponse à ma lettre de ce matin et que
vous me ferez connaître vos intentions dans le cas où vous resteriez quelque
temps avant de venir à Munich.
Je prévins que j'allais prendre mon quartier général à Nym-
phenburg.
Vu ce que m'avait mandé le générai Moreau dans sa lettre, dont
je reçus le duplicata quelques heures après lui avoir envoyé son
courrier avec ma réponse, j'ordonnai la plus grande surveillance
et que toutes les troupes fussent sous les armes à 2 heures du
matin; et, après avoir envoyé ma réquisition pour la contribution
de deux millions, je partis pour Xymphenburg, avec une com-
pagnie de grenadiers et un escadron de cavalerie, pour y établir
mon quartier général.
CHAPITRE III
Moreau félicite Decaen de son rapide succès. — Réquisitions imposées à la ville de
Munich. — Sur l'innitalion de Moreau, Decaen relire une contribution en argent. —
Moreau arrive à IVymphenburg. — La brigade Debilly «ur la rive droite de l'Isar. —
Merveldl pousse 600 chevaux à ParsdorI'. — Leur attaque sur Riem échoue. — La
diviaion Decaen s'étend, au sud, jusque vers Schâftlaru. — Mervcldt reste vers
Oberndorf. — L'armée autrichienne en retraite. — La division Decaen passe eu entier
sur la rive droite de l'Isar. — Mauvais traitements infligés par les Autrichiens à des
officiers français. — Plaintes de Moreau à Kray à ce sujet.
10 messidor. — Le lendemain, dans la matinée, je reçus, par
un couiTier, une lettre du général Laliorie datée de Donauwortli
le 9, à 11 heures du soir.
11 m'écrivait :
Le général en chef a reçu votre lettre de ce jour (1). On ne pourrait
pas mettre plus de célérité que vous en avez apporté dans votre marche sur
Munich. Le général Moreau me charge de vous prévenir qu'il se rendra
demain matin à Augsbourg, d'où il partira pour vous rejoindre. Si l'on
vous proposait des négociations, prévenez-le de suite et entamez-les
jusqu'à son arrivée.
Cette lettre, sans me faire connaître le résultat du combat do
Neuburg, me faisant préjuger qu'il avait été à notre avantage, je
ne pressai pas le premier paiement de la contribution que j'avais
imposée, lorsque les membres du gouvernement me firent deman-
der, par M. de Cetlo, un passeport pour le député qu'ils voulaient
envoyer à l'Electeur. Mais je demandai la communication de la
dépêche qu'on voulait lui envoyer. M. de Cetto me fit diverses
observations afin d'éluder cette communication, et il fut jusqu'à
me dire qu'elle était écrite en langue allemande. Je lui représen-
tai que ses observations n'étaient pas raisonnables, et qu'il fallait
agir avec moi de bonne foi; que je ne pouvais pas permettre des
communications du côté de l'ennemi sans en connaître les motifs,
(1) « C'était celle écrite le matin, de Dachau » (Xote de Decaen).
II. 4
50 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEN
et que je n'aurais pas même dû avoir la peine de demander ce
qu'on mandait à rKlccteur dans une dépèclie qu'on lui adressait
dans ces circonstances, siirloul lorsque je donnais un passeport au
porteur. « Enfin, pour vous prouver, lui dis-je, combien je suis
loin de chercher à contrarier vos communications, et que je suis
plutôt porté à les favoriser, il ne faut écrire, dans cette lettre, que
ce qu'on veut que je sache; pour le surplus, comme c'est une
personne de confiance qui est envoyée, eh bien ! qu'on la charge
de dire verbalement ce qu'on ne veut pas qui vienne à ma con-
naissance. 15 M. de Cetto trouva ce moyen on ne peut pas meil-
leur. Il retourna faire part de mes observations. La dépèche me
fut ensuite adressée, et, après avoir pris connaissance de son con-
tenu, je la renvoyai avec le passeport.
J'écrivis au général en chef :
Je vous adresse, mon général, différentes lettres dont plusieurs ont été
interceptées, les autres prises à la poste (1). Celles qui sont dans le petit
paquet avec les gazettes sont celles qui m'ont paru donner le plus de rensei-
gnements sur la marche de l'armée autrichienne et les intentions du géné-
ral Kray. V^ous y trouverez aussi un ordre donné k un officier d'aller faire
couper le pont de l'^reising. Cet officier, qui a été pris en faisant son retour
il Munich, m'a dit que les troupes bavaroises étaient à Landshut.
Mes reconnaissances d'hier et d'aujourd'hui n'ont plus trouvé d'Autri-
chiens. Comme j'avais de l'argent et des lettres à faire remettre pour des
officiers prisonniers de guerre, j'envoie mon aide de camp qui me donnera
des nouvelles du lieu où a pris poste M. de Merveldt.
Je vous ai prévenu, mon général, que j'avais permis aux membres du
gouvernement provisoire d'envoyer auprès de l'Electeur. Ils m'ont commu-
niqué leur demande qui porte le caractère de la bonne foi et des instances
assez vives pour que l' l'électeur s'occupe d'une pacification.
On a trouvé à l'arsenal 15 000 fusils dont 12 000 bons et de calibre,
6 000 pistolets dont le calibre est petit, 300 sabres pour la cavalerie,
200 pour l'infanterie, 10 000 livres de poudre de guerre. Il y a quelques
(1) Parmi ces leUrcs inlerceplées, l'une était particuliùrement intéressante pour
le général Moreau. Elle élaift adressée pir un M. Wolf à rÈ!e<teur du Bauière et datée
dlnffolstidt le '28 juin, à 10 heures du matin. D'après ?a lettre, les Français s'olaient
retirés le 27, à la nuit tombante, d'une partie de Keiiburg, mais malgré cela, l'armée autri-
chienne se retirait, le 28, jusque sous les murs d Ingolstadt sur trois colonnes. Le
camp «e trouvait devant Ingolstadt où le général liray n'était pas encore arrivé le 2",
mais devait y cire cerlaincment avant 11 heures, le 28... Enfin il ajoutait que le plau du
gi'néral Kray était d'occuper Rain, de gagner le Lech, et de se joindre aux généraux
Mericldt et Ueuss ; mais que les Français l'avaient prévenu et avançaient sur la rDUte de
Oonanuorlli jiis(ju'à Neuburg, et que la rom-unnication entre In,']olstadt et Munich serait
bientôt interceptée, l'avant-garde des França's ayant dépassé Lichlenau... (Extrait de
lettres saisies à Munich, 28 juin 1800, A. H. G.).
DKCAEN RETIRE UNE CONTRIBUTION 51
pièces de canon ot des affûts de rechange. V^euillez nie marquer, mon géné-
ral, si vous voulez, et sur quel point, que j'ordonne l'évacuation.
J'ai laissé les gai'des armées. Ce sont des Suisses et la bourgeoisie.
On est maintenant à prendre connaissance de l'hôpital. Je vous préviens
que j'ai fait une réquisition de 4000 paires de souliers, 2 000 paires de
bottes, 1 200 aunes de drap tant bleu que vert et blanc (1).
Je me propose de vous demander votre agrément pour les distributions
en gratification aux officiers de la division.
Il me parvint un rapport du chef de bataillon Link que j'avais
laissé à Dacliau. Il rendait compte (ju'on l'avait informé que l'en-
nemi se rassemblait à Fiirstenfeld et à Bruck, sur l'Amper, et
qu'il y avait envoyé une découverte d'infanterie et de cavalerie
pour en être assuré; que les ponts sur la route de Munich, qui
avaient été rompus, seraient, le lendemain, parfaitement rétablis;
et que le parc, (|ui était resté à Dachau, en était parti pour arriver
sur Munich . Il annonçait (|u'il avait dix-neuf prisonniers de guerre,
dont deux blessés, et qu'il demandait des ordres à leur égard.
Je reçus, dans l'après-midi, du général Moreau, une lettre datée
d'Augsbourg, le 10 messidor.
Il m'écrivait :
Il est très probable que je vous verrai ce soir à Nymphenburg. L'ennemi
s'est retiré de Neuburg. Le général Grenier l'occupe, les généraux Leclerc
et Grandjean sont à Pôttmes et Schrobenhausen.
J'attends vos rapports sur la retraite de l'ennemi et les forces qui restent
encore à l'Klecteur.
Je ne vous avait donné aucune instruction sur les contributions, car je
ne voulais pas qu'on en lève sur Munich. C'est sur la Bavière qu'il faut les
avoir et non sur une ville qui ne peut me donner que fort peu de chose.
Ainsi arrangez-vous pour l'ctirer votre demande car, si on adoptait ce sys-
tème, il nous ferait perdre 8 à 10 millions.
Vous pouvez dire aux magistrats que je vous ai chargé de retirer votre
demande parce que je veux traiter directement avec les agents de l'Klec-
teur. Vous vous bornerez à faire fournir à vos troupes les subsistances.
Salut et attachement.
Signé : Moreau.
P.' S. — Mon courrier était de retour ici à 3 heures avec l'officier que
vous m'avez envoyé.
(1) Le goiiBerneraent provisoire de Miinicli décida, comme il n"y avait pas de magasins
de bollrs et de souliers à Munich, de faire travailler à leur coufection tous les cordon-
niers delà ville (Le <i[Ourernemeut intérimistique à Decaen, -4 juillet 1800, Papier» Dectcn
in-f» 77, 39, p. 3). Decaen avait aussi demande 3 000 chapeaux (Kelevé des réquisi-
tions. Papiers Decaen in-f» 77, 39, p. 9).
52 MEMOIRES ET JOUR\AL\ DU GENERAL DECAEN
Cet officier était celui envoyé pour porter ma dèpèclie annon-
çant mon entrée à Munich.
Je répondis sur-le-champ :
Comme j'ai eu l'honneiir de vous le dire hier, mon général, en vous
annonçant la contribution que j'avais imposée, c'est que, n'ayant point
d'instructions à cet égard, l'annonce que vous me faisiez de la marche de
l'ennemi en Bavière pouvant nie priver de vous voir ici, et supposant le
cas d'une marche rétrograde, alors j'avais cru devoir rapporter quelque
chose pour les besoins de l'armée. Cette contribution ne fut imposée
qu'après l'arrivée de votre courrier. Je n'ai encore rien reçu; je ne rece-
vrai rien. Je vais retirer toutes les demandes que j'ai faites.
Je vous ai dépêché un officier pour vous faire mes rapports ; mais,
comme vous ne paraissiez pas décidé à vous rendre ici encore aujourd'hui,
je joins à la présente une note que j'ai fait tirer d'une correspondance que
je vous ai envoyée.
Je donnai, dans cette lettre, une analyse de la dernière que
j'avais écrite; et j'y ajoutai que M. de Merveldt s'était retiré sur
la route de Schleissheim, qu'environ 250 chevaux avaient pris la
route du Tyrol, que d'autres avaient passé sur la droite de l'Isar
pour aller vers Freising.
Le même courrier m'apporta une lettre du général Lahorie dans
laquelle il me faisait son compliment de mon entrée à Munich.
c. Xous voilà « , disait-il, n assurés d'un charmant quartier général
de plus, pendant les loisirs d'un armistice, quand il aura lieu. «
Il me demandait de lui faire part de la position de mes troupes,
et il m'informait que le général Grandjeau avait pris la sienne,
dans la journée, à Schrobenhausen, et qu'il enverrait des partis
sur Pfaffenhofen et sur la route de Geisenfeld; que le général
Gudin était placé en arrière de lui sur la route de Munich; que la
droite du général Lecourbe dépassait la route d'Augsbourg; que le
général Leclerc était placé sur Pôttmes et qu'on tenait Neuburg.
Il me recommandait d'envoyer des partis sur Pfaffenhofen et de
lâcher d'avoir des renseignements positifs sur les mouvements de
l'ennemi et sa marche.
Le même courrier m'apporta aussi une lettre d'un des aides
de camp du général en chef pour m'anuoncer son départ d'Augs-
bourg, le lendemain, de grand matin, et que le général en chef
me priait de faire établir des escortes sur la route jusqu'à Euras-
burg.
MOREAU A XYMPHEYBIIRG 53
Les reconnaissances envoyées pendant la journée ne trouvèrent
de postes ennemis que sur la route de Landshut.
Je donnai Tordre au chef de brigade Caulaincourt de se rendre,
avec le 2' régiment de carabiniers et une compagnie d'infanterie, à
Lnter-Sendling. Il fut chargé de garder et d'éclairer les débouches
du Tyrol.
11 messidor. — Le général en chef arriva à Xymphenburg dans
la matinée. Il me témoigna sa satisfaction de la célérité avec
laquelle j'avais marché sur Munich. Il ne me donna point d'ordre
concernant la division.
12 messidor. — Ayant présumé que le général Lahorie accom-
pagnerait le général .Moreau, je n'avais pas répondu à sa dernière
lettre pour l'informer de ma position qu'il m'avait mandé de lui
indiquer. Je lui fis part de ce que j'avais rapporté verbalement au
général en chef, que la brigade Debilly était chargée de la défense
du pont de l'Isar, occupant en avant-poste le faubourg ou village
de Haidhausen, ayant ses avant-postes au delà du village pour
éclairer les différents débouchés, et notamment celui de Landshut;
que l'ennemi avait encore, dans la journée du II, sur cette route,
à quelque distance, des postes fournis par trois divisions de hus-
sards de Meszaros, de Grenz et du 2" de hulans (1) ; que la brigade
Durutte gardait la route de Freising et de Pfaffenhofeu sur laquelle
on n'avait pas trouvé d'ennemis; que mon aide de camp était allé,
le 10, jusqu'au delà de Bruck et que, partout, il avait appris que
les ennemis étaient très éloignés; que ma réserve, établie en
arrière de Munich, dont l'infanterie qui était en ville faisait partie,
formait ma ligne, la droite vers l'Isar à Settingen (2), le centre à
Neuhausen, la gauche vers Moosach qui était occupé, ainsi que
Dachau où j'avais toujours un bataillon et un escadron.
Je lui mandai que j'avais fait garder et éclairer les débouchés
du Tyrol; qu'on n'y avait pas non plus rencontré l'ennemi, mais
qu'il était arrivé trois déserteurs du corps de Salis à la solde de
l'Angleterre, désertés de leur dépôt établi à Wolfratshausen, et
(1) Il ajoutait qu'un déserteur du 2" hulans arait dit avoir déserté à sept lieues de .Xym-
phenburg (Decaen à Lahorie, Mympheaburg, 12 messidor, A. H. G.).
(2) Peut-être Sendling.
5V MEMOIRKS ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEY
(jui en étaient partis dans la nuit de notre entrée à Munich pour
se diriger sur le Tyrol.
Je lui dis qu'ayant écrit au général Xansouty, dès mon arrivée
il Municli, il m'avait répondu, la veille, de Landsberg, qu'il avait
fait rétablir les ponts sur l'Amper, et qu'il avait envoyé un poste
sur Diessen, à l'extrémité supérieure du lac; que l'ennemi avait
abandonné cette partie et qu'il croyait qu'il avait pris poste à
U'eilheim.
Je l'informai qu'un envoyé de Hesse-Darmstadt, qui avait passé
par Munich dans la journée du 11, avait assuré avoir vu l'armée
autrichienne dans la plus grande confusion vers Ingolstadt, et
qu'elle faisait route pour Braunau (1).
13 messidor. — Le général en chef repartit pour Augsbourg.
Pendant son court séjour, il avait reçu une députation du gou-
vernement provisoire de Bavière.
Il avait vu avec plaisir tout ce qu'il y a de curieux dans les
beaux jardins de Nymphenburg, et, dans la matinée du 12,
nous avions, pendant quelques heures, chassé le cerf et le san-
glier.
Je l'avais informé que le chef de brigade Caulaincourt m'avait
confirmé son premier rapport, que l'ennemi qui était devant le
général Nansouty avait repassé l'Isar. Le général en chef, avant
son départ, me donna l'ordre de faire occuper Baierbrun et de
garder le pont de Schâftlarn sur l'Isar, et, en outre, de commu-
niquer fréquemment avec les troupes du général Mansouty, établi
à Landsberg qui gardait cette partie. Il me recommanda aussi de
faire faire une forte reconnaissance à la droite de l'Isar, et princi-
palement sur la route de Munich à Vienne. Il m'avait prévenu que
le général Lecourbe ferait occuper Freising.
En conséquence, toute ma réserve de cavalerie reçut l'ordre
d'occuper les villages de Laim, Pasing, Fûrstenried (2), Unter-
(1) Decaeu ajoutait : « Voilà tout ce que je puis te dire pour satisfaire à ta demande.
Fais en sorle.de venir bioniôt me voir dans le beau château dont je suis commandant.
J'ai fait établir une correspondance à Ober-Kotb. Si on établissait un poste à Euras-
burg, alors nous pourrions communiquer bien plus facilement 5 (Decaen à Lahorie, Nym-
pheiiburg, l'2 messidor, A. H. G.).
(2) Fiirgtenried «e trouve à 1300 mètres au nord-ouest de Forstenried indique sur le
1/100 000^ allemand.
UXE ATTAQUE DE MERVELDT REPOUSSÉE 55
Sendling et aulres villages sur la route de Munich à Landsberg
ou à sa promixité. Un bataillon et un escadron de dragons furent
mis à la disposition du chef de brigade Caulaincourt pour faire
occuper Baierbrun. II lui fut recommandé de pousser ses avant-
postes jusqu'à Schaftlarn pour garder le pont de l'Isar et les che-
mins aboutissant sur ce village; et d'avoir aussi des avant-postes
à la hauteur de Schaftlarn sur la route de Munich à Starnberg (1),
s éclairant vers le lac de U iirm See; enfin, d'envoyer fréquemment
des partis sur la route de Landsberg pour communiquer avec les
troupes du général \ansouty.
Toute ma réserve de cavalerie, ainsi placée à quelques lieues
de Munich vers le Tyrol, était plutôt pour faciliter la nourriture
dos chevaux et ménager les ressources des environs de celle ville
que pour s'opposer à l'ennemi qui ne pouvait pas se présenter fort
nombreux en cavalerie en venant du Tyrol.
Je donnai l'ordre au général Debilly de passer avec sa brigade
sur la droite de l'Isar pour y prendre position et de pousser, le
lendemain à la pointe du jour, une reconnaissance appuyée d'in-
fanterie et d'artillerie en avant de lui et principalement sur la
route de Vienne. Il lui fut recommandé de chasser l'ennemi assez
loin pour avoir des renseignements positifs et de faire soigneuse-
ment observer sa gauche. Il fut prévenu que le général Durutte,
qui garderait sa position jusqu'à nouvel ordre, mettrait à sa dispo-
sition, pour la journée, deux escadrons du 13" de cavalerie, et
qu'ensuite de sa reconnaissance, ses avant-postes devraient être
établis depuis Giesing, à sa droite, jusqu'en avant de Bogenhausen
à sa gauche, leur ligne passant par Ramersdorf, Josephsburg,
Baumkirchen et Zamdorf.
14 messidor (3 juillet). — Je rendis compte au général Moreau
que la reconnaissance envoyée sur la route de Vienne avait trouvé
600 chevaux du corps de Merveldt, qu'ils avaient été poussés jus-
qu'à Parsdorf'sur la route de Braunau; qu'ayant voulu venir à
Riem, ils avaient eu trois hommes et six chevaux tués et plusieurs
blessés; qu'un dragon du 17° avait été grièvement blessé et que
son cheval avait été tué; qu'un parti envoyé sur la route de
(1) Decaeii fait ici une erreur. Holieii Scliâftlarn se trouve sur la route de Muuich à
VVoll'ratshausen.
56 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEN
Freising jusqu'à Ismaning n'avait trouvé qu'une faible patrouille;
que celui envoyé sur la route de Landshut jusqu'à Aschheim
n'avait aussi vu qu'une patrouille de l'ennemi; que les troupes
envoyées à Baierbrun s'y étaient établies , et qu'on occupait
Schâfllarn pour la garde du pont; qu'on gardait et éclairait aussi
la route de Starnberg à Munich ; que dix hussards ennemis étaient
venus, la veille, à Schàftlarn; que je venais d'avoir avis qu'un
corps de 3 000 à 4000 hommes des troupes du prince de Reuss
arrivait aujourd'hui à Tolz pour chercher à se joindre au général
Merveldt; que ce mouvement, me paraissant relatif à la position
que l'armée autrichienne venait prendre sur l'Isar, ne me donnait
point d'inquiétude; que, comme j'étais aussi établi au-dessous de
Munich de manière à faire observer l'Isar jusqu'à Dietersheim et
communiquer avec les troupes du général Lecourbo qui seraient à
Freising, je le priais d'ordonner qu'elles communiquent avec les
miennes. Je lui adressai plusieurs demandes pour des officiers
qui méritaient d'être élevés en grade et que je lui avais recom-
mandés.
Je fis écrire au général Nansouty pour le prévenir de l'occupa-
tion de Baierbrun et de Schàftlarn, ainsi que du placement de la
réserve de cavalerie sur la route de Starnberg à Munich, et de
l'ordre donné de communiquer fréquemment avec ses troupes; et
il fut invité à faire de même de son côté.
15 messidor (4 juillet). — Il fut écrit au général Lahorie pour
l'informer des nouvelles positions occupées, le 14, par une partie
des troupes de la division. Il n'y avait eu rien de nouveau dans la
journée.
16 messidor (5 juillet). — Je rendis compte au général en chef
que le détachement envoyé sur Baierbrun, après avoir établi ses
avant-postes à Schàftlarn, avait poussé, le 15, une reconnaissance
sur Wolfratshausen ; qu'à trois quarts de lieue de cet endroit, elle
trouva 60 hussards ennemis qu'elle chassa vigoureusement jus-
qu'à VVolfratsiiausen; qu'elle en avait tué six et blessé plusieurs,
et que nous n'avions eu qu'un cheval de blessé; qu'il était arrivé
un déserteur du 1" bataillon de Manfredini, lequel avait rapporté
que, depuis deux jours, deux bataillons de son régiment, avec un
DECAEX ETEXD SA DROITE VERS LE SUD 57
régiment de Croates de nouvelles levées, s'étaient établis à Bene-
dictbeuern; qu'ils avaient six pièces d'artillerie et que c'était le
général Griinne qui commandait; que ses troupes étaient, dix
jours avant, à Schongau où était resté le 3' bataillon de Manfredini.
Je dis au général en chef que, si j'étais plus fort en infanterie,
je lui proposerais de prolonger ma droite jusqu'à U'olfratshausen
pour être plus à même de surveiller les mouvements de l'ennemi
vers le Tyrol, parce qu'en même temps je ferais avancer sur
Starnberg jusqu'à la Wiirm, à la partie supérieure du lac; qu'alors,
avec une réserve établie à Baierbrun et un échelon à Schàftlarn,
je serais en mesure et solidement appuyé, et qu'avec un bataillon
de plus, je pourrais faire ce que je proposais; que, la veille, il était
arrivé à mes avant-postes sur la rive droite quatre hussards et un
brigadier; qu'ils avaient rapporté que le 2^ régiment de hulans,
deux divisions de hussards de Barco , deux de Kaiser, avec
2 000 hommes d'infanterie bavaroise aux ordres de AI. de Mer-
veldt, étaient établis vers Oberndorf, au delà de la forêt d'Ebers-
berg; que les reconnaissances envoyées sur les différentes routes
pour arriver à Munich n'avaient vu que des patrouilles ennemies
qui s'étaient retirées; mais que celle des dragons qui était allée
sur Perlach était tombée dans une embuscade et y avait perdu
trois dragons et trois chevaux; que, ramenée jusqu'aux avant-
postes, les hussards avaient été poussés à leur tour; que quelques-
uns avaient été blessés et qu'on en avait fait un prisonnier avec
son cheval.
Je fis l'observation que ce régiment était médiocre pour le service
des avant-postes, qu'il n'avait pas d'officiers et qu'il serait néces-
saire d'y faire passer quelques jeunes gens vigoureux.
Je reçus une lettre du général Lahorie, datée le 15, de Porn-
bach, par laquelle il m'informait que, d'après les rapports des
reconnaissances dirigées sur Landshut, il paraissait que l'ennemi
se retirait décidément sur Passau et Braunau, et qu'il avait dirigé
un assez fort détachement de Landshut sur la route de Munich;
qu'il m'en prévenait pour que je me misse bien en mesure sur
ma gauche que je pouvais renforcer sans inquiétude, et que le
général Lecourbe devait marcher avec une division de Pfafienhofen
à Freising où l'ennemi n'avait pas même d'infanterie; que tout
cela prouvait bien sa retraite au delà de l'Isar.
58 ilEMOlHKS KT JOL'H.VAIX DL' GKXERAL DKCAE.V
17 messidor (6 juillet) . — Je rendis compte au général en chef
que la lettre pour le général Kray qu'il m'avait envoyée avait été,
aussitôt (|u'elle m'avait été remise, portée aux avant-postes; que
l'officier chargé de cette mission avait été jusqu'à Riem où on
n'avait trouvé qu'un faible poste de hussards de Kaiser; que l'en-
nemi avait retiré, dans l'après-midi, ses hulans (1) sur la ligne
devant moi, et (jue c'était tout ce que j'allais lui annoncer si, à
l'instant, il ne m'était pas arrivé un homme d'Erchingqui m'avait
rapporté (|ue des chevau-légers y avaient pris poste dans la nuit
du 15 au 16;(|u'à Ismaning, où nous n'avions trouvé personne, il
y avait des hussards et des chevau-légers; que M. de Kray était à
Erding avec un corps de 15 000 hommes; que M. Gyulai était à
Plicning avec 7 000 hommes, et (|ue le bruit était répandu dans le
pays que les Bavarois, sous les ordres de M. de Birkenfeld, devaient
arriver à Landshut pour se réunir à .\I. de Kray ; que cet homme
paraissait de bonne foi; qu'il avait déjà servi les généraux Férino
et Abbatucci; au surplus, que j'étais en mesure et me tenais sur
mes gardes; cependant, que je lui demandais ses instructions dans
le cas où ces messieurs viendraient m'attaquer; que les dragons
du IT' s'étaient encore fait prendre quatre hommes, par leur faute,
en allant sur Wolfratshausen.
Le général en chef me manda, dans une lettre de ce jour, que
la division Montrichard allait se placer entre Freising et ^lunich ;
qu'ainsi je pouvais être sans nulle inquiétude à gauche; de bien
veiller[sur] ma droite jusqu'à ce qu'il m'eût fait soutenir plus forte-
ment, et que, le lendemain ou après, le quartier général serait aux
environs de Munich ; de tâcher d'avoir des nouvelles de mon front et
du corps de M. de Reuss, et de les lui faire passer, le soir, à Freising.
Cette lettre étant arrivée peu de temps après celle que je venais
d'envoyer, et n'ayant pas d'autres renseignements à faire parvenir,
ie ne fis pas de nouveau rapport (2).
18 messidor (7 juillet). — Je rendis compte au général en chef
qu'un déserteur de Kaiser, arrivé le matin, avait rapporté que le
(1) «... Le 2° régiment «Je hulans a ëto releré p.ir les hussards de Kaiser... • (Plau-
zonne à Laliorie, \ymplieuhur;[, lii messidor, A. H. G.).
(2) Le général Decaen fit, ce même jour, arrêter uae réquisitioa de 24 000 rations de
pain que le général Montriihard acait frappée sur Munich Plauzoaae à Lahorie,
.Vympheuburg, 17 messidor, A. H. G.).
DECAEIV ET LES AUTORITES DE ML\îICH 59
général Merveldt était parti pour le Tyrol avec le corps à ses
ordres; qu'il était remplacé devant moi par le général de Rosen-
berg qui avait avec lui trois divisions de Kaiser, deux divisions de
dragons (1) et six pièces d'artillerie sans infanterie; que je n'avais
pas pu acquérir la certitude que M. de Kray fût à Erding; que
j'avais seulement appris qu'il était, il y a trois jours, à Landshut;
que ce déserteur avait aussi rapporté que son régiment avait quitté
Landshut pour venir vers Munich ; que les cuirassiers de Lorraine,
avec de l'infanterie, avaient marché sur Braunau.
Je l'informai que les ennemis avaient occupé, la veille, U'olfrats-
liausen avec 600 hommes d'infanterie et quelques hussards; que
mes découvertes avaient trouvé, le matin, beaucoup de patrouilles
en campagne, et qu'on avait tiraillé pendant environ une heure à
l'entrée du bois de Bogenhausen que les hussards ennemis vou-
laient fouiller.
Je fis l'observation que j'étais bien faible en infanterie, que
j'avais au plus 4000 combattants de cette arme.
Je prévins le général en chef que mon chef d'état-major avait
fait part au général Lahorie des désordres qui se commettaient sur
les derrières de l'armée; que les assassinats s'y manifestaient
d'une manière effrayante, et que le 8" de hussards était particu-
lièrement désigné pour commettre ces affreux excès.
Je reçus une lettre du général Lahorie, datée de Freising le 17,
pour m'annoncer que le général en chef, en approuvant mes
dispositions, l'avait chargé de me prévenir que, le lendemain, les
divisions Montrichard et Grandjean seraient en arrière de Munich
pour me soutenir, au besoin, et que toute l'infanterie de ma divi-
sion, à l'exception de la garde de la ville, pourrait passer l'Isar,
ce qui me mettrait à môme de bien recevoir le général Kray s'il se
présentait devant moi.
Sur les plaintes qui me furent faites que les autorités de Munich
mettaient beaucoup de lenteur et peu de bonne volonté à satis-
faire aux demandes qui leur avaient été faites pour les besoins de
la division et de l'armée, j'écrivis aux membres du gouvernement
provisoire que, jusqu'à ce moment, j'avais pris les moyens les
plus convenables envers eux et leurs administrés, persuadé qu'ils
(1) La lettre originale porte : Ferdinand-Drajons (A. H. G.).
60 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEN
s'empresseraient de me mettre dans le cas de continuer à agir de
la même manière; mais que le retard, le défaut même de satis-
faire aux réquisitions qui leur avaient été faites, m'obligeait de
leur notifier que j'allais user strictement des droits dont jusqu'à
présent je n'avais pas voulu faire usage.
19 messidor (8 juillet). — Je fus informé par le général
Durutte que la division Montrichard, qui était à sa gauche jusqu'à
Dietershcim, élait partie pendant la nuit.
Une lettre du général Lahorie, datée de Freising le 19, m'an-
nonça que le général en chef l'avait chargé de me prévenir (jue
je pouvais faire rentrer les détachements qui étaient à Schaftlarn
et à Dachau.
Le général en chef et son quartier général arrivèrent à Nym-
phenburg. Je voulus porter le mien à Munich, mais le général
Moreau voulut que je restasse avec lui.
Je lui rendis compte que le chef de brigade Caulaincourt m'avait
informé que l'ennemi avait attaqué, à 1 heure du matin, le
poste du pont de Schaftlarn; que sa force consistait en cavalerie
qui avait été repoussée par notre infanterie et avec perte; qu'il
n'était point arrivé d'autres forces à W olfratshausen que celle
précédemment annoncée; que, selon lé dire de deux espions,
l'ennemi aurait reçu un grand renfort de cavalerie dont la prin-
cipale force était établie au couvent de Beuren (1), à neuf lieues
de Baierbrun, et prolongeait sa gauche vers l'AmmerSee; qu'il
annonçait aussi qu'un escadron de hussards du d" et deux com-
pagnies de notre infanterie légère étaient arrivés à 2 heures du
matin à l'abbaye de Schaftlarn et qu'ils s'y étaient établis; qu'il
faisait l'observation que le mouvement de nos troupes chassait
l'ennemi de Wolfratshausen ; [que] cela lui ôterait une de ses
communications les plus essentielles avec la rive droite de l'Isar
et le forcerait nécessairement à s'éloigner, et qu'alors nous aurions
un front plus resserré et moins difficile à garder; que la division
Montrichard avait fait halte sur la route de Landsberg, vis-à-vis
Laim.
Je fus prévenu par le général Lahorie que la division aux ordres
(1) Peut-être Benedictbeuren. Il y a ueuf lieues de cette localité à Baierbrun.
LA DIVISIOM DKCAEM PASSE L'ISAR 61
du général Leclerc viendrait, le lendemain, prendre position sur
Freisiug, éclairant en même temps le cours de l'Isar jusqu'à Gar-
cliing; que la division Grandjean partirait de Freising à 2 heures
du matin au plus tard et viendrait se placer sur la rive gauche de
risar sur Unter-Sendling et Oher-Sendiing, avec une réserve sur la
Wiirm, vers Steinkirchen ; que cette division serait en réserve de
la mienne et qu'elle arriverait en position vers les 9 heures du
matin; que, d'après ces dispositions, la rive gauche de l'Isar étant
gardée, je ferais passer celle rivière à toutes mes troupes, à l'excep-
tion de la réserve de cavalerie qui resterait jusqu'à nouvel ordre
en deçà de l'Isar, et que je ferais exécuter mon mouvement à
9 heures du matin au plus tard (1).
20 messidor (9 juillet). — En conséquence de cet ordre, la
hrigade Durutte passa l'Isar à 7 heures du matin ot prit position à
la tète du village de Haidhausen, la droite à la route de Bogen-
hausen, et la gauche vers l'Isar, s'éclairant devant elle.
La hrigade Dehilly prit position, sa gauche dans la direction
de la droite de la position du général Durutte, et sa droite vers
l'Isar, se gardant et s'éclairant également devant son front.
Le chef de hrigade Caulaincourt, auquel on avait déjà mandé
de faire rapprocher de lui le hataillou et l'escadron de dragons
étahlis à Baierhrun et à Schaftlarn, eut l'ordre de les diriger, avec
la compagnie de la 100" qu'il avait aussi à sa disposition, pour
venir passer l'Isar au pont de Munich pour rejoindre leur hrigade.
\ I) Decaen écrivait à Moreau, le 19 measidor :
■ Croyaut avoir le plaisir de vous voir hier soir, mon général, je ne vous avais point
fait pirt des renseiijnements que m'avaient procurés trois déserteurs bavarois qui avaient
quitté leur corps dans la marche d'Erding sur Wasserburg. La colonne dont ils faisaient
partie n'était composée que d'infanterie bavaroise avec de la cavalerie autrichienne et de
l'infanterie (ils n ont pu me désigner les corps).
- Ils ont dit qu'en partant de Landshut, on avait répandu le bruit qu'on marchait sur
Munich, mais que, depuis Erding, on a annoncé que c'était sur Braunau
- Quatre autres déserteurs, canonuiers bavarois, désertés de Hohenlinden, route de Was-
serburg, ont fait le même rapport. Us ont ajouté que la désertion était très grande parmi
les Bavarois, qui ne sont pas contents d aller vers l'Autriche.
■ Comme la division de Xlontrichard marche vers le haut Isar, je présume, mon général,
que je serai dans le cas de rappeler les troupes que j'ai établies vers Schaftlarn. Cepen-
dant, mon uénéral, je ue donnerai l'ordre de rentrer que d'après votre approbation.
■ Xe pourrai- je pas aussi faire rentrer ce que j'ai à Dachau?
" Je vous salue respectueusement. "
(Decaeu à Moreau, iVymphenburg, 19 messidor au VIII, .\. H. G.).
62 AIK.MOIRES ET JOURXAUX DU GÉXERAL DECAEX
Il fut prévouu (|up, jiis(|u'à nouvel ordre, la réserve de cavalerie
reslerait daus les villages (ju'cUe occupait.
L'ordre fut aussi douué au bataillon établi àDacbau d'en partir
pour venir passer l'Isar. L'artillerie légère, l'ambulance et tout ce
qui appartenait à la division, excepté le parc de réserve qui resta
à Neuliausen, passèrent aussi cette rivière et furent placés au vil-
lage de Haidbausen, à la tête du pont.
21 messidor (10 juillet). — Je rendis compte au général eu
cbef que la division avait été placée de manière à couvrir et éclai-
rer toutes les avenues sur Munich à la droite de l'Isar; que le
général Durutte m'avait fait le rapport que tout annonçait la
retraite de l'armée autrichienne; que trois déserteurs avaient
assuré que, la veille, elle avait marché sur la route de Braunau,
ne laissant que de la cavalerie devant nous; que c'était une partie
des dragons légers de Kinsky et des hussards de Kaiser; enfin que
le général Durutte avait reconnu les avant-postes ennemis à
Kirchtrudering (1), à Riem et dans les bois devant Eglfing, mais
qu'ils n'avaient aucun poste près de l'Isar; que le général Debilly
annonçait, dans son rapport, qu'il avait eu avis que le corps
d'émigrés, fort de 3 000 hommes environ, avait passé l'Inn à
Rosenheim, il y avait deux jours, et s'étendait maintenant d'Ai-
bling jusqu'à la forêt d'Auzing, couvrant les routes d'Innsbruck;
qu'en avant d'Auzing, il y avait un camp de 5 000 à 6 000 hommes,
en grande partie Bavarois; que c'était une arrière-garde; que les
principales forces de l'ennemi étaient sur l'Inn; que le mouve-
ment fait par la division avait amené de l'infanterie sur tous les
villages en avant du bois qu'occupait le bataillon de la 50'.
Le général en chef me donna l'ordre de mettre en marche ma
division à 5 heures du soir pour la porter eu avant, et de lui faire
prendre position, la droite en arrière de Haar sur la chaussée de
Wasserhurg, d'occuper Feldkirchen, route de Braunau, et de cou-
vrir la route d'Erding et de faire passer l'Isar à ma réserve de
cavalerie. Je fus prévenu que la division Grandjean passerait
l'Isar pour aller se placer entre cette rivière et la chaussée de
\\ asserburg et qu'elle devait occuper Perlach.
(1) A caiiron '2 kilomèlrcs au sud-ouest tic Riem.
DECAEV S'ETABLIT A KIRCHTRUDERING 63
Le général en clief me remit une lettre adressée au général
Kray, pour être remise aux avant-postes.
J'ordonnai au général Dchilly de rassembler sa brigade en
avant de Strasstrudering, ne laissant à la position qu'il tenait que
des postes de cavalerie en observation jusqu'à l'arrivée des troupes
du général Grandjean, et de se mettre en marche à 5 heures pré-
cises pour aller prendre position en arrière du village de Haar,
chaussée de Uasserburg, gardant cette route et tous les débouchés
sur le front de sa ligne passant par Gronsdorf et Salmdorf, et
ayant sa gauche vers la ferme d'Oberndorf. Il lui fut recommandé
de pousser ses avant-postes le plus loin possible sur la route de
Zorneding selon les localités et les ennemis qu'il rencontrerait, et
d'éclairer sa droite qu'il pourrait lier avec les postes du général
Grandjean (|ui occuperait Perlach, et par sa gauche, avec ceux
du général Durutte, dont une partie de la brigade prendrait posi-
tion à Feldkirchen, et qui pousserait ses avant-postes vers Pars-
dorf.
Il fut ordonné au général Durutte de rassembler sa brigade sur
la route de Braunau entre Riem et Zamdorf pour 5 heures du soir
et, aussitôt après, de se mettre en marche, en suivant cependant
le mouvement du général Debilly qui serait à sa droite, et d'aller
prendre position en éclairant sa gauche, la droite vers la ferme
d'Oberndorf et sa gauche à la tète du village de Feldkirchen,
poussant ses avant-postes jusqu'à Parsdorf, s'il était possible, et,
vers sa gauche, jusqu'à Kirchheim, et de se lier avec les troupes à
sa droite.
Il fut prévenu que les grenadiers réunis resteraient à Riem et
que la réserve de cavalerie serait en arrière, chargée d'éclairer
jusqu'à Aschheim sur la route d'Erding.
Je partis de Xymphenburg pour suivre le mouvement de mes
troupes devant lesquelles les ennemis se replièrent dès qu'ils les
aperçurent en marche. J'établis mon quartier général à Kirch-
trudering.
Je rendis compte que la division avait pris la position (jui
m'avait été prescrite et que les avant-postes avaient été poussés le
plus loin possible. J'annonçai que la lettre du général en chef
pour M. de Kray serait portée à ses avant-postes le lendemain de
grand matin.
6V ME.MOJRES ET JOL'RMAIX DU GENERAL DECAEN
22 messidor (11 juillet). — Je reçus, pendant la nuit, une
dépêche du général en chef. Elle contenait une autre lettre pour
AI. de Kray, et le général Moreau m'écrivait :
Je vous envoie ci-joint, mon cher général, un billet doux pour M. de
Kray, le mets sous cachet volant pour que vous le lisiez. Vous le cachete-
rez ensuite et le ferez passer demain matin de très bonne heure à vos avant-
postes : cela sera à l'appui de l'autre.
Le général Moreau se plaignait amèrement, dans ce billet doux,
des mauvais traitements et des actes de barbarie exercés sur nos
prisonniers (plusieurs officiers avaient été sabrés cruellement; il y
en avait même eu de tués après avoir rendu leurs armes) ; et il
demandait énergiquement à M. de Kray de faire cesser de telles
horreurs; autrement, que le salut de son armée l'obligerait à
ordonner des représailles (c'était principalement à l'alftiire de
Neuburg que ces atrocités avaient été commises).
Lorsque les officiers envoyés aux avant-postes de l'ennemi
furent de retour, j'écrivis au général en chef que l'une des lettres
avait été remise à Zorneding à un lieutenant-colonel de hussards
de Blankenstein qui avait aussi des hulans avec lui; et que l'autre
avait été portée à Parsdorf, occupé par des dragons de Ferdinand.
Je l'informai que trois déserteurs, un hulan, un Manteau-Rouge et
un Bavarois, avaient fait la même déclaration que l'armée autri-
chienne était derrière l'inn, que seulement l'arrière-garde était de
ce côté.
J'annonçai que j'allais rectifier ma position jusqu'à ce que je
reçusse des instructions pour passer outre, et que le pays que j'oc-
cupais élait absolument sans ressources.
J'ordonnai, dès le matin, que les grenadiers réunis et le 9' de
cavalerie fussent occuper Aschheim et Kirchheim, route de Munich
à Erding; que l'escadron de cuirassiers allât s'établir à Dornach.
Il fut ordonné au général Durutte de faire occuper Parsdorf.
Le général Debilly me dit, dans son rapport, que l'ennemi
avait, la veille, dans le village de Haar, 100 hommes d'infanterie
et 300 chevaux; qu'il avait rectifié sa position, prise assez tard, et
qu'il avait maintenant un bataillon en avant de Haar et un poste
de cavalerie jusqu'au delà de l'embranchement du chemin de
Vaterstetten à la route de Zorneding; qu'il allait chasser l'ennemi
de Weissenfeld, ainsi que ses vedettes placées sur d'autres points.
LA DIVISION DECAEM COUVRE MUNICH 65
Il ajoutait qu'il était bien lié avec les troupes de sa gauche et qu'il
avait envoyé un parti reconnaître le premier poste, à sa droite, de
la division Grandjean, et qu'il m'avait envoyé trois déserteurs.
Le rapport du général Durutte informait que, les ennemis
ayant quelques hussards à Weissenfeld, il les en avait fait partir
en leur montrant un peloton de dragons, et que l'ennemi occu-
pait encore Kirchheim et Parsdorf, et que la patrouille qu'il avait
envoyée à Aschheim y avait trouvé le 9" de cavalerie.
Je fus prévenu, par une lettre du général Lahorie, que la divi-
sion garderait sa position pendant la journée.
CHAPITRE IV
Le (jiiarlier gênerai autrichien établi à Haag. — Kray demande une suspension d'armes.
— Moreau l'accorde. — Armistice de Parsdoi f. — Satisfaction des troupes françaises
à cette nouvelle. — L'armée du Rhin occupe la Bavière. — Decaeu reste à Munich où
il réprime des abus. — Singulière demande de Lecourbe à Moreau. — Decaen con-
seille à Moreau de la refuser. — Xéanmoins Morean cède aux instances de Lecourbe.
— Le gouiernement pourvoit aux emplois vacants à l'armée du Rhin. — Cette mesure
indispose Moreau qui entend les réserver aux ofBciers qui ont fait la campagne. —
Certains émigrés demandent à rentrer en France. — On le leur refuse. — Emplace-
ments des troupes françaises. — Renseignements recueillis par Decaen sur l'armée de
Kray.
23 messidor (12 juillet). — Je rendis compte au générai en
ciief que, d'après les rapports de trois grenadiers désertés le 20 de
Haag, les huit bataillons qui étaient campés dans cet endroit
avaient dû faire une marche pour se porter sur Isen; qu'ils
disaient que M. de Kray avait son quartier général à Haag, et qu'ils
n'avaient connaissance que d'un bataillon de Ferdinand et d'un
de Manteaux-Rouges qui étaient dans cette partie; que six autres
déserteurs n'avaient donné aucune nouvelle; qu'un dragon de La
Tour, parti la veille d'Erding, avait dit avoir entendu la fusillade
de ce côté; que les ennemis avaient quitté Zorneding où mes
troupes avaient pris poste; qu'un nombre de trente chevaux et
150 Manteaux-Rouges s'étaient retirés sur Eglharting; qu'ils
devaient avoir un corps de troupes à Ebersberg; qu'ils occupaient
aussi Eggelburg, Kirchseeon et Berghofen.
Une lettre du général Kray, remise aux avant-postes, m'ayant
été apportée, je l'envoyai de suite par un officier au général
Moreau. Cet officier revint dans l'après-midi avec une réponse que
je fis passer de suite.
Le "énéral Lahorie arriva le lendemain matin à mon quartier
(jénéral et m'apprit que M. de Kray avait demandé une suspen-
sion d'armes pour traiter d'un armistice, et qu'il allait à Parsdorf
pour eet effet; que, par ordre du général en chef, je devais faire
SUSPENSIOXf DES HOSTILITES 67
prévenir sur ma ligne qu'il y avait suspension d'hostilités; qu'ainsi
je pouvais rétablir mon quartier général à Munich.
25 messidor (14 juillet). — Le lendemain, l'adjudant com-
mandant Hamelinaye (I), que j'avais laissé à Kirchtrudering,
m'adressa un rapport du chef de brigade Caulaincourt informant
que les Autrichiens avaient in(|uiété nos vedettes, sur la route
d'Erding, et après la suspension d'hostilités; et que ce chef allait
se transporter aux avant-postes pour s'en plaindre.
Cet adjudant général m'informait aussi qu'il était arrivé six dé-
serteurs pendant la nuit ; que trois de ces déserteurs avaient déclaré
que le général de Rosenberg était arrivé dans la matinée du 24 à
Riexing, route d'Erding, avec deux divisions de dragons de Ferdi-
nand, deux de hussards du même nom, un bataillon d'infanterie
et six pièces de canon; qu'une compagnie d'infanterie, une divi-
sion de hussards et une de dragons, avec deux pièces d'artillerie,
s'étaient portées en avant et avaient pris position à Gelting et à
Pliening.
Ce rapport fut de suite transmis au général en chef, à Munich.
Je fis prévenir les généraux Debilly, Durutte et le chef Caulaincourt
que mon quartier général s'établissait à Munich.
26 messidor (15 juillet 1800). — Je rendis compte au général
en chef qu'on avait été aux avant-postes autrichiens à Pliening
afin de savoir la cause de l'agression commise par les avant-postes
ennemis ; que les officiers, dont un lieutenant-colonel de hulans,
un lieutenant de Kinsky et un capitaine de Ferdinand (ce qui con-
firmait les rapports des déserteurs, que M. de Rosenberg s'était
rapproché deFreising), s'étaient excusés en disant qu'ils n'avaient
été informés qu'à 9 heures du malin de ce jour de la suspension
qui avait lieu et qu'ils avaient été prévenus que cette suspension
était indéfinie.
(1) Hamelinaye (Jacques-Fëlix-lan de la), né le '2i février 1769, à Montauban (Ille-et-
Vilaine) ; soas-lieutenaut, le 12 octobre 1701 ; lieutenant, le 30 vendémiaire an II; capi-
taine, le 19 ventôse an II ; chef de bataillon, le ^ thermidor an VU; aide de camp de
Beruadotte, le ti floréal an VIII; adjudant commandant, le 16 prairial an VIII; aide de
camp du maréchal Bernadolte, le 24 février 1807; général de brigade, le 12 juin 1S09 ;
chef d'élat-major du général Decaen en Hollande, le 7 décembre 1813; général de
division, le 1.5 janvier 1814; retraité, le 2 décembre 18;i3; mort à Rennes, le 14 avril
(1861 A. A. G.).
68 MÉMOIRES ET JOURiVAUX DU GENERAL DECAEN
J'annonçai au général en chef qu'il était arrivé treize déserteurs
depuis le 25 an soir, et qu'on avait trouvé, dans une chapelle à la
droite de la route qui conduit à Ricm, 52 caisses remplies d'obus,
et que le nombre [des obus?] était d'environ 1 200; que les recon-
naissances envoyées sur la route de Wasserburg avaient été jus-
qu'auprès d'Ebersberg ; qu'elles n'avaient trouvé que de faibles
postes de hussards de Blankenstein.
Ce même jour, le général en chef m'écrivit :
Je vous préviens, citoyen général, que je viens de conclure un armistice
avec M. de Kray. V^euillez suspendre en conséquence toute hostilité. Je
vous ferai connaître incessamment la ligne que doit occuper l'armée.
Munich, le 26 messidor.
Copie de cette lettre fut envoyée aux généraux de brigade et au
chef de brigade Caulaincourt pour qu'ils fissent connaître aux
troupes sous leurs ordres la conclusion de l'armistice dont la con-
vention fut mise, le lendemain, à l'ordre de l'armée et à l'ordre de
la division.
Cette nouvelle fut reçue avec joie par les troupes qui, quoique
victorieuses depuis l'ouverture de la campagne, étaient bien aises
de cesser de combattre et de prendre du repos; et surtout parce
qu'on espérait que cet armistice serait bientôt suivi d'un traité
de paix. Autrement, il aurait beaucoup mieux valu profiter de
suite de notre position, de nos succès, ainsi que de l'ascendant que
nous avions pris sur l'ennemi que nous n'aurions pas probable-
ment eu beaucoup de peine à rejeter encore loin de l'Iun, tant il
y avait de découragement dans son armée.
Le premier article de la convention énonçait qu'en cas de reprise
d'hostilités, elle ne pourrait avoir lieu sans être précédée d'un
avertissement de douze jours à compter de l'heure où la notifica-
tion en serait parvenue au quartier général de l'armée opposée.
Le général en chef ayant limité l'espace de lerrain que chacun
des corps occuperait pendant la durée de l'armistice, l'arrondisse-
ment de Munich fut destiné à ma division, chargée de garder par
des postes la partie de la ligne de démarcation déterminée par
l'article 2 de la convention, partant du village de Helfendorf, sur
la chaussée d'Aibling, et se prolongeant à gauche par Ebersberg,
ARMISTICE DE PARSDORF 69
Isen, Lengdorf, et allant de là vers les sources de la Vils dont elle
descendait la rive gauche jusqu'à Vilsbiburg.
En me faisant connaître ces dispositions, le général en chef me
chargea d'envoyer un officier d'élat-major pour s'entendre avec
ceux de l'armée autrichienne;... qu'il avait été convenu que M. de
Kray ferait envoyer, de son côté, afin de s'accorder sur la cession
qui devait nous être faite des villages qui devaient être compris
dans notre ligne, ainsi que pour fixer le moment où nos avant-
postes pourraient s'avancer sur cette ligne.
Je chargeai de cette mission l'adjudant commandant Plauzonue,
mon chef d'élat-major.
Je reçus l'ordre de faire diriger sur le corps de réserve de ca-
valerie, commandé par le général d'Hautpoul, le détachement de
ce corps de réserve qui avait été réuni à ma division pour marcher
sur Munich.
Je fus prévenu que les divisions Grandjean etLeclerc devaient se
mettre en marche pour aller prendre leurs cantonnements de l'autre
côté du Danube, et que je devais attendre jusqu'au 30 pour en-
voyer des troupes de ma division à Freising et Moosburg (l).
28 messidor (17 juillet). — Il me fut annoncé que le général
Leclerc avait reçu l'ordre de laisser à Freising les deux bataillons
de la 14' d'infanterie légère qui étaient sous son commandement
et qui passaient sous le mien avec un des régiments de chasseurs
de sa division; que ce régiment lui serait remplacé par le 13' de
cavalerie auquel je devais donner des ordres de partir de suite
pour se rendre à Zusmarshausen où il recevrait ceux de son
emplacement; que le bataillon de la 14' d'infanterie légère déta-
ché à la division Grandjean serait aussi envoyé à Freising.
Mon chef d'état-major, ayant fait son retour, annonça qu'il avait
rencontré à Parsdorf deux officiers envoyés par le général de
Rosenberg; qu'il était convenu avec eux que, le lendemain 29,
dès la pointe du jour, il dirigerait nos avant-postes sur divers
(1) t D'après l'ordre du g(''ni>ral en chef, le gênerai de division Dccaen donnera ordre
au 2<^ rôgiracnt de carabiniers, au 9" de cavalerie et à l'escadron du 8" régiment de cava-
lerie, lesquels ont étc détachés à sa divisiou, d'en partir demain à 3 ou 4 heures du
malin, avec la demi-compagnie d'artillerie légère qui était attachée à ce détachement,
pour 86 rendre à Dachau, où iU resteront aux ordres du général d'Hautpoul... • (Moreau
à Decaea, Munich, '26 messidor, A. H. G.).
70 MEMOIRES ET JOLKXAUX DU GEXERAL DECAEX
points do la ligne de démarcation; (m'il avait écrit à ce général
pour le prévenir de ce mouvement; qu'il lui avait envoyé la
nomenclature des villages dont l'occupation par nous avait été
convenue avec ses officiers, et qu'il l'avait invité de donner des
ordres pour que ces villages soient cédés ; qu'il avait aussi écrit au
général de Rosenberg qu'étant également chargé de faire occuper
Lengdorf et de diriger notre ligne en descendant la Vils jusqu'à
Vilshiburg, il le priait d'inviter M. le général de Gyulai à nous
céder aussi ce terrain k notre gauche.
L'adjudant commandant Plauzonne avait aussi prévenu le com-
mandant du G" de chasseurs de faire avancer quelques postes sur
divers points de la ligne à l'heure convenue.
D'après ce rapport, je donnai des ordres pour le placement des
troupes de la division et l'établissement des postes sur la ligne
de démarcation.
Il fut ordonné au général Debilly de fournir des troupes de sa
brigade pour la garnison de Munich et d'avoir des postes sur la
ligne, ayant leur droite à Helfendorf, route d'Aibling, et leur
gauche vers Isen ; et au général Durutte, de s'établir à Freising
avec une partie de ses troupes et d'avoir des postes sur la ligne,
depuis Isen pour sa droite presqu'ii Vilshiburg exclusivement.
Les noms des villages inclus dans chaque partie de la ligne
qu'ils devaient faire occuper par leurs troupes leur furent
indiqués.
Il leur fut recommandé d'avoir des noyaux de troupes, soit
d'infanterie, soit de cavalerie, selon la nature du pays, dans les
principaux endroits de cette ligne, lesquels auraient des postes
d'observation sur les principales communications, et de ne faire
occuper que par quelques hommes les villages intermédiaires afin
de s'en assurer la possession.
Il leur fut dit aussi de mettre quelques troupes en cantonne-
ment dans les meilleurs endroits, entre la ligne de démarcation et
l'Isar, pour former une espèce de deuxième ligne, choisissant de
préférence ceux placés sur les grandes communications. Ils furent
prévenus que les troupes de leur première ligne vivraient chez
l'habitant, à moins que les ressources du pays ne le permissent
pas; et, en cas d'impossibilité, de m'en informer; et qu'aussitôt
après l'établissement des troupes, auxquelles il serait recommandé
DECAEX RETOIRYE A MLXICH 71
dp respecter les personnes et les propriétés, les chefs de corps
devraient s'occuper de la tenue et de l'instruction, et de défendre
toute communication entre leurs troupes et les /autrichiens.
Les compagnies de grenadiers réunies en bataillon reçurent
l'ordre de rentrer à leurs corps respectifs; le bataillon de la 50%
celui de tenir garnison à Munich jusqu'à nouvel ordre.
29 messidor (18 juillet). — Il fut expédié l'ordre aux deux ba-
taillons de la 14' et le 10' de chasseurs, que le général Leclerc
avait dû laisser à Freising pour faire partie de ma division, de se
mettre en marche, le 30, pour arriver à Munich.
Le général en chef me dit que ma division avait encore à garder
la partie de la ligne de démarcation depuis Valley, passant par
Gmund, en suivant la Vive droite du Tegern See, traversant l'Isar
à la hauteur de sou confluent avec le Jachen et, de là, vers la Loi-
sach et Murnau, liant mes postes avec ceux des troupes du général
Lecourbe avec lequel je devais me concerter.
Alors je convins avec ce général, qui était venu voir le général
en chef, que mes postes ne dépasseraient pas la Loisach.
30 messidor (19 juillet). — Je fis donc partir un bataillon de la
14' légère et deux escadrons du 10' de chasseurs pour aller occu-
per cette autre partie de la ligue de démarcation, et j'envoyai mon
chef d'état-major établir ces troupes, le général Debilly, qui devait
en avoir la surveillance, étant alors occupé à placer ses autres
postes.
Le bataillon de la 50' eut ordre de partir le lendemain de Mu-
nich pour se rendre à Augsbourg.
La garnison de Munich resta composée de deux bataillons de la
100* et de deux de la 14' et de deux escadrons du 10' de chasseurs.
Toutes ces troupes furent casernées.
Le matériel de l'artillerie, ainsi que celui des équipages, des
vivres et de l'ambulance, furent placés à Haidhausen, sur la gauche
de risar. Les canonniers, les hommes du train de ces différents
services furent cantonnés dans cet endroit et dans les villages aux
environs.
Les officiers de la garnison de Munich étant logés chez l'habi-
tant, où ils devaient avoir la table, je recommandai au comman-
72 MEMOIRES ET JOLUNAUX DU GEXERAL DECAEX
dant de la place de convenir, avec les magistrats, des lieux où les
officiers pourraient se réunir par corps ou bataillon pour manger
ensemble, que ces tables seraient présidées par des cbefs, et que
ce serait moins onéreux pour les particuliers et plus convenable
pour les officiers.
L'armistice avait fait affluer à Munich beaucoup d'officiers de
tous grades et de toutes armes et surtout des employés des admi-
nistrations qui s'y faisaient donner le logement et des tables dont
plusieurs étaient assez splendides, et qui, même, en allant visiter
Nymphenburg, quoique ce fût le quartier du général en chef, s'y
faisaient servir à manger à toute heure dans les dépendances du
château, se disant attachés au grand quartier général, et en si
grand nombre que le grand maréchal de la cour, que l'Electeur
avait fait rester à Munich, vint me représenter qu'on ne pourrait
pas suffire aux consommations à Nymphenburg, s'il fallait que le
maitre d'hôtel eût à fournir journellement à plus de 800 personnes
comme cela était arrivé le jour précédent, et qu'il me priait de
prendre en toute considération ses représentations, ainsi que pour
Munich où il était aussi obligé de faire fournir pour un grand
nombre de tables.
D'abord, je lui dis que le général en chef n'entendait pas
qu'il y eût de tels abus à son quartier général et qu'il ignorait
complètement qu'on y servît d'autres tables que la sienne, et qu'il
fallait demander des ordres à ce sujet à ua de ses aides de camp ;
au surplus, que je ferais part de ses représentations au général en
chef lorsque j'aurais le plaisir de le voir.
Etant allé à Nymphenburg, je parlai au général Moreau de ces
abus. Il me chargea de les faire cesser et de débarrasser Munich
de son encombrement, et il me dit de revenir avec lui à Nymphen-
burg où, le lendemain, j'établis mon quartier général.
Alors je donnai des ordres qui mirent une fin aux abus dans
cet endroit, et je notifiai au commandant de Alunich de prendre
les mesures les plus strictes pour que toutes les personnes qui
n'étaient pas attachées à ma division ou qui ne seraient pas
munies d'un ordre du général en chef et qui seraient établies en
ville, eussent à en sortir sans retard et que, désormais, les magis-
trats n'expédieraient de billets de logement que lorsqu'il aurait
autorisé ceux qui en réclameraient.
SINGULIÈRES EXIGENCES DE LECOURBE 73
i" thermidor (20 juillet). — Ayant appris que Tofficier autri-
chien qui occupait Isen prétendait y rester, sous le prétexte qu'on
avait déterminé une autre ligne de démarcation, je fis envoyer au
chef du 17' de dragons, chargé des avant-postes dans cette partie,
un extrait de la convention, et il fut mandé au général Durutte, si
on faisait encore la moindre difficulté pour céder ce village, de
s'adresser au général Gyulai; et que, si ce général ne faisait pas
droit, je réclamerais du général Kray l'exécution de la convention.
En me promenant avec le général Aloreau, il me fit part que le
général Lecourhe, ayant été visiter le palais del'Electeurà Munich,
lui avait demandé la permission d'y prendre six tahleaux pour
ajouter à sa collection. Fort étonné de cette communication, je
dis au général Moreau que je trouvais une pareille demande bien
singulière et que je pensais qu'elle devait être refusée; que, si le
général Lecourhe aimait les tahleaux, on ne pouvait pas lui per-
mettre de se satisfaire d'une manièie aussi inconvenante ; d'ailleurs
que, s'il y avait lieu d'extraire quelques ohjets d'art de la Bavière,
comme on l'avait fait en Italie, ce ne pourrait être que pour enri-
chir les musées de la France et d'après des conventions. Le géné-
ral Moreau parut goûter mes observations. Mais, sollicité de nou-
veau, il ne put pas se décider à un refus. Alors le général Lecourhe,
muni d'une autorisation, fit enlever les tahleaux qu'il avait choisis
d'après les conseils du docteur Percy, son guide essentiel dans la
recherche, l'examen et l'appréciation des ohjets d'histoire natu-
relle, de médailles, de tableaux, d'ouvrages scientifiques, etc.,
dont ce général était devenu un très grand amateur.
Quelques jours après, je fus, pour la première fois, visiter le
palais de l'Élecleur et je vis que, dans chacune des six places res-
tées vides, on avait eu le soin d'en faire remarquer la cause par ce
très gracieux souvenir : ci Ce tableau a été enlevé par le général
Lecourhe. ■>•:
J'écrivis à MM. les membres du gouvernement provisoire
qu'ayant besoin d'avoir des renseignements sur les localités du
pays occupé par ma division, je les invitais de nommer, pour être
à ma disposition, MM. Gazzi, Schneider et Wolf. Ils étaient employés
dans les eaux et forêts et m'avaient été désignés comme très
dévoués aux Français.
Ma demande ne plut pas à MM. du gouvernement électoral.
74 MKMOIRI':S ET JOURNAUX DU GEXERAL DECAEX
Ils m'adressôrent iiup uote pour m'aimoncer qu'on avait fait con-
naître mon désir aux personnes indiquées; néanmoins, qu'on ne
pouvait se dispenser d'observer que, ces personnes étant en activité
de service, leur présence à Munich était de moment à autre indis-
pensable pour les objets mêmes qui intéressaient les besoins de
l'armée, de manière que leur déplacement ne pourrait avoir lieu
sans beaucoup d'inconvénients; qu'on avait l'honneur de me pré-
venir (jue je trouverais, dans chaque chef-lieu de bailliage, des
hommes capables de me fournir sur les localités tous les rensei-
gnements que je pourrais désirer, et qu'on avait eu l'attention,
pour la facilité du service de l'armée française, de leur adjoindre
des interprètes pour les deux langues.
Je ne donnai point de suite à ma demande parce que le général
en chef, auquel je communiquai cette réponse, devait ordonner,
dans peu de temps, l'organisation d'une commission de routes qui
produirait les renseignements dont on aurait besoin.
Je fus invité par le général Dessolle, chef de l'état-major géné-
ral, de lui adresser les ordres que je pourrais recevoir du ministre
de la Guerre pour faire reconnaître quelque officier que ce fût
dans un des corps sous mon commandement avant de les faire
mettre à exécution.
Cette disposition avait été ordonnée par le général en chef parce
que plusieurs officiers avaient été envoyés de Paris à difi'érents
corps pour y remplir des emplois vacants auxquels le général en
chef désirait lui-même pourvoir, soit en y nommant provisoire-
ment, soit en proposant les sujets au gouvernement, tt parce que» ,
disait-il avec raison, « il n'était pas juste que ces places fussent
données à d'autres officiers que ceux qui servaient directement
sous ses ordres et qui méritaient de l'avancement pour s'être dis-
tingués en diverses occasions pendant lacampage ; que, d'ailleurs,
c'était nuire à l'émulation dans son armée et y causer du mécon-
tentement. V Ces envois du ministre lui donnèrent de riuimeur et
il fit, à ce sujet, de vives représentations.
5 thermidoi' (24 juillet). — J'ai déjà dit qu'il y avait à Munich
des émigrés et qu'ils n'avaient été nullement inquiétés. Après
l'armistice, plusieurs demandèrent des passeports pour aller en
France. Mais, d'après les ordres du général en chef, je refusai de
DES EMIGRES VEILE.VT RENTRER EN FRANCE 75
les viser. Les moins raisonnables vinrent me faire leurs réclama-
tions, en manifestant d'une manière fort singulière leur surprise
de mon refus et alléguant que leurs affaires les appelaient en
France, et qu'alors on ne pouvait pas leur refuser de passeport.
Je me bornai d'abord à leur répondre qu'on ne pouvait pas leur
en donner. Mais, voyant leur persévérance à me faire des obser-
vations déplacées, je fus obligé d'ajouter qu'il y avait de leur part
trop d'indiscrétion car, quand l)ien même le général en clief
signerait leurs passeports, ils ne pourraient mettre le pied sur le
territoire français sans s'exposer à être arrêtés et à être condam-
nés à la peine capitale puisque, sous cette peine, une loi leur en
défendait l'entrée. Ceci mit fin à toute réclamation; seulement,
un d'entre eux me dit : a Eh bien ! j'irai en France sans passeport
et il en arrivera ce qui pourra. "
Le général Durutte me prévint que les Autrichiens avaient cédé
Isen. Ils abandonnèrent aussi plusieurs autres villages de notre
ligne que le général Debilly fit occuper.
Je donnai des ordres pour qu'on ne put passer au delà de mes
avant-postes sans un permis d'un chef militaire français, et pour
([ue les personnes qui viendraient du côté de l'ennemi ne fussent
pas non plus empêchées de passer cette ligne, mais en recomman-
dant de les faire escorter jusqu'au quartier général le plus voisin
de l'endroit où elles se présenteraient (1).
7 thermidor (25 juillet) . — Les membres du gouvernement élec-
toral m'ayant demandé un passeport pour un envoyé auprès de
l'Electeur, je leur fis réponse que j'allais en référer au général en
chef qui, jusqu'alors, avait donné à ce sujet une autorisation spé-
ciale; et, en informant le général Moreau (2) de cette nouvelle
(1) - Veuillez bien, mon cher général, me dire si le parc d'artillerie du centre, laissé
à Dachau, doit faire momentanément partie de ma division, pour que j'en fasse surreil-
ler la police, et que j'en ordonnne l'établissemeut en distribuant les hommes et les che-
vaux dans les environs de Dachau, car cette commune, par les passages fréquents et par
le séjour des troupes, est extrêmement fatiguée.
« Comme il y avait une compagnie de la 50'' attachée à la garde de ce parc où il se trouve
une compagnie de canonniers, j'ai ordonné que cette compagnie de la 50« se rende à
Augsbourg; elle partira demain » (Decaen à Dessolle, Xymphenburg, 6 thermidor, A. H. G.).
(2) La letlre de Decaea est peut-être du 10 thermidor. Moreau lui écrivit en effet, le IX :
« J'ai reçu, citoyen général, votre lettre du 10 et la réclamation des magistrats de Munich
qui y était jointe. Je vous autorise à délivrer tous les passeports que vous jugerez néces-
saires pour faciliter le commerce et l'approvisionnement de la ville de Munich ; vous n'en
76 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GÉNÉRAL DECAEN
demande, je lui dis (|iic je l'aurais prié de l'accorder si , entre autres
choses, je n'avais pas été informe que l'Electeur avait donné
l'ordre qu'on recueillit ses revenus pour les lui envoyer.
Je reçus de l'ctat-major général, établi à Augshourg avec le
général en chef, un tableau de l'emplacement des divisions ou
corps de l'armée. Il indiquait ce qui suit :
La droite, sous les ordres du général Lecourbe, occupe le Splii-
gen, dans les Grisons. Son front se prolonge vers la gauche, le
long de la ligne de démarcation, jusque sur Etial, vers la haute
Loisach. Sa ligne de profondeur, depuis Ettal auStaffel See; de ce
lieu à Weilheim, elle longe la rive gauche de l'Ammer, jusqu'à
la tête de l'Ammer See; de Diessen, elle se dirige sur Landsberg,
Mindelhcim, Kellmiinz, sur l'Iller, et Ehingen, sur le Danube;
remontant ensuite le Danube, elle occupe tout le pays delà rive
droite de ce fleuve, tenant cependant sur la rive gauche Riedlingen
et Fridingen ; de ce point, elle s'éloigne du Danube en suivant
la route de Tutilingen à Rottueil; elle occupe ce dernier point
inclusivement, en retombant sur Geisingen, Engen et Stockach
jusqu'au lac de Constance (1).
La division aux ordres du général Decaen occupe le terrain
compris entre la ligne de démarcation et la rive droite de l'Isar.
Son extrême droite s'étend jusqu'à Murnau, entre la Loisach et le
Staflel See, pour se lier au corps du général Lecourbe. La gauche
appuie à Vilsbiburg, sur la route de Landshut à Braunau, pour se
lier à la droite du corps d'armée du général Grenier. Tout le pays
entre la rive gauche de Tlsar et la partie du Lech non comprise
dans l'arrondissement du lieutenant général Lecourbe ne devra
pas être occupé, afin de ménager les ressources d'un terrain où
l'armée aurait à se rassembler en cas d'hostilités.
L'aile gauche, sous les ordres du lieutenant général Grenier,
appuie sa droite à Vilsbiburg; elle prolonge son front le long de
la ligne de démarcation déterminée par l'armistice, jusqu'aux
sources de la Redniiz. Elle occupe tout le terrain compris entre
cette ligne de démarcation et la ligne de profondeur qui, partant
accorderez aucun aux rmigrés Le général d'Haulpoul ne peut frapper aucune imposition par-
tielle; quant aux contributions en denrées, elles doitent touieg rfre adressées aux baillis
par le commissaire ordonnateur •' (Xloreau à Decaen, Au|jsbourg, 18 thermidor, A. H. G.).
(1) Voir les cartes du volume 1"' des Mémoires et Journaux du général Decaen.
EMPLACEMENTS DE L'ARMEE DU RHIM 77
de Landshut, passe à Mainburg, Geisenfeld, Schrobenhausen,
Neuburg, Monbeim, et remonte la rive gauche de la Wôrnitz, se
dirige vers les sources de la Rednitz.
La division aux ordres du général Leclerc prend ses cantonne-
ments sur la Zusam, depuis Zusmarsbausen jusqu'à Donauwôrtli
inclusivement, comprenant l'espace entre le Danube et la Zusam
depuis Zusmarsbausen jusqu'à la Mindel, ainsi que la plaine sur
la rive gauche du Danube.
L'espace compris entre les routes de Wertingen et Zusmarsbau-
sen, riller et la route de Alindelheim à Kellmiinz restera sans
troupes, ayant eu à nourrir une partie de l'armée pendant un
mois.
La division de cavalerie aux ordres du général d'Haulpoul a pour
arrondissement la rive gauche de l'Eger eu le remontant jusqu'à
Klosterzimmern ; de là, prenant la direction de Birkhausen et
Wengeubausen, en suivant la route de Dinkelsbiibl. Cette division
occupe, depuis VV^engenhauscn, tous les cantonnements sur cette
route jusqu'à Dinkelsbiibl inclusivement.
La division aux ordres du général Graudjean cantonne sur Xôrd-
lingen, IJopfingen, Laucbbeim et Elhvangen, embrassant dans
sou arrondissement l'espace compris entre ces villes, celle d'Aalen
et la rive gauche du Danube.
Le corps de flauqueurs de gauche, sous les ordres du général
Richepance, formant le blocus d'Llm, occupe les positions qui en-
vironnent cette place. Il prend ses cantonnements dans le pays
compris entre Gmiind, Schorndorf, Cannstatt, Urach etBlaubeuren,
occupant les vallées de la Fils et de la Rems dans cet intervalle, et
tenant Stuttgart par un piquet de police.
Le corps du bas Rhin, sous les ordres du lieutenant général
Sainte-Suzanne, prend ses cantonnements dans la Franconie, le
long de la ligne de démarcation.
Ayant reçu, avec cette indication d'emplacement, une lettre par
laquelle on me mandait que, n'ayant porté ma droite que jusqu'à
Helfendorf, je devais la prolonger jusqu'à Murnau et me lier avec
la gauche des postes du général Lccourbe , j'écrivis que je ferais
ce qui me concernait dans les dispositions générales, mais en fai-
sant l'observation que, si ma droite n'avait pas été placée à Murnau,
c'est qu'il avait été convenu (jue ce serait à la Loisach qu'il appuie-
78 MEMOIRES ET JOURATAUX DU GENERAL DECAEX
rait sa gauche; cependant que, puisqu'il faisait occuper Ettal et
U'eilheim, il était plus naturel que ses troupes gardassent le
débouché par lequel on arrivait sur Alurnau, puisqu'à Ettal, elles
n'en étaient qu'à une petite lieue, et que moi, faisant garder ce
débouché, ma ligne serait prolongée de cinq lieues.
11 thermidor (30 juillet). — Ayant donné ordre au général
Debilly de prolonger par sa droite la ligne d'avant-postes de la di-
vision jus(ju'à Murnau, selon les dispositions qui m'avaient été
transmises, ce général, étant allé sur les lieux pour l'exécution de
cet ordre, me rendit compte (jue les Autrichiens avaient élevé des
difficultés pour l'occupation de Gmund et de Tegernsee. Je lui fis
donner par mou chef d'état-major, qui était allé précisément placer
des troupes sur cette partie de la ligne, une explication des arran-
gements qui avaient eu lieu alors entre lui et les officiers autri-
chiens, ainsi que des ordres qu'il avait donnés en conséquence au
commandantdes troupes fi'ancaises (jui devaient occuper lesendroits
au sujet des(|uels il s'élevait une nouvelle contestation. Le général
Debilly, ainsi informé, fit abandonner aux Autrichiens leurs pré-
tentions (1).
15 thermidor (3 août). — Cet officier m'ayant adressé des rap-
ports d'émissaires qu'il avait employés pour avoir des nouvelles de
ce qui se passait du côté de l'ennemi, et ces rapports ne donnant
que de faibles renseignements, je lui fis l'observation ([ue les dires
de la plupart était bien vagues, ou bien que ce n'étaient que des
répétitions des nouvelles des gazettes ou apprises très facilement
et que, néanmoins, ils faisaient valoir, en exprimant que, pour les
recueillir, ils avaient couru les plus grands dangers.
Je lui recommandai donc de faire en sorte d'obtenir de ces émis-
saires de meilleures informations et qu'elles fussent du moins une
compensation de l'argent <ju'on leur donnait; qu'à cet effet, il fal-
lait leur déterminer un ou plusieurs objets sur lesquels on voulait
être informé ; que, pour le surplus, c'était à leur désir d'obliger ou
(1) A U date du 1 1 thermidor, l'armislice ne semblait pas deïoir se prolonger bien long-
temps : iloreau rendait compte au ministre que, dès qu'on Tondrait reprendre les hostili-
tés, l'armée serait prête à marcher, et qu'il vallail mieux le faire - plus tôt que plu»
tard - (Moreau au ministre, .iugsbourg, !1 thermidor, A. H. G.).
INSTRUCTIONS DE DECAEN A SES GENERAUX 79
de la récompense qu'on s'en rappoilait pour avoir des nouvelles
sur des choses récemment faites ou sur des projets qu'on devait
exécuter.
M Par exemple 1', lui disais-je, " dans le moment présent que
ces émissaires rapportent qu'on travaille jour et nuit sous la con-
duite d'ingénieurs, il faut qu'ils disent d'une manière positive que
c'est là et là qu'on s'occupe de travaux, si c'est sur la rive droite
ou la rive gauche de l'Iun, si les troupes travaillent, ou seulement
les paysans v ; qu'il fallait se servir de leurs déclarations pour
établir des séries de faits sur lesquels on voulait être instruit.
Je lui renouvelai aussi ma recommandation d'avoir des émis-
saires sédentaires dans plusieurs endroits, tels que Innsbruck, Alt-
Oetting etPassau car, rarement, les émissaires ambulants faisaient
(juelque chose essenliellement utile.
Je lui demandai aussi de m'informer quelles étaient les troupes
autrichiennes placées devant la ligne de ses postes et comment
elles étaient établies sur celle qu'ils devaient garder; depuis quel
point jusqu'à tel autre il y avait des troupes de tel régiment et quels
étaient les officiers généraux qui commandaient. Enfin, je lui
mandai de recommander à ses avant-postes de l'informer lors-
(ju'ils apercevraient des changements de troupes sur la ligne de
l'ennemi. Une note semblable fut adressée au général Durutte.
16 thermidor (4 août). — J'informai le général en chef que
j'avais appris que 14 bataillons étaient arrivés des Etats hérédi-
taires; qu'on disait qu'ils avaient servi à compléter les différents
régiments de l'armée du général Kray, que l'on portait à
40 000 hommes; qu'on avait annoncé l'arrivée d'un corps de
30 000 hommes pour le Tyrol; que déjà, 7 000 avaient rejoint les
troupes aux ordres du prince de Reuss dont le (|uartier général
était à Lesins (1), ce (|ui lui donnait une force active de
15 000 hommes; qu'on ajoutait que l'Electeur de Bavière réunis-
sait ses troupes dans le Haut-Palatinat et que ce corps serait de
30 000 hommes, tout entier à la solde de l'Angleterre; enfin qu'il
y aurait, en outre de ces forces, un corps de réserve vers Enns;
([ue les émigrés étaient toujours au delà de Rosenheim; que
(1) Peut-être Lienz, aui con6as du Tyrol et de la Cariiilhic.
80 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEM
d'autres rapports d'Innshnick m'annonçaient que des forces autri-
chiennes se concentraient vers Scliwaz et Braune<jken (1) ; que
tous les officiers pensionnés mais encore en état de servir et une
partie des officiers des gardes du corps allemands et hongrois
avaient reçu l'ordre de se rendre à l'armée; que le parc d'artil-
lerie et l'équipage de ponts étaient en arriére de Braunau;
qu'on approvisionnait celte place; qu'on travaillait avec heau-
coup d'activité à rétablir et construire des ponis sur l'Inn, depuis
les montagnes jusqu'au Danube; et que beaucoup d'habitants
étaient employés à ces travaux ; que, quoiqu'on dît dans l'armée
autrichienne (d'après tous les travaux, les renforts reçus et à
recevoir, l'arrivée de quelques remontes de cavalerie) que, si la
guerre recommençait, l'hin devait être le tombeau des Français,
il continuait cependant de régner, dans cette armée, un très grand
mécontentement et la désertion y était toujours considérable; que
les Autrichiens, n'ayant point de confiance dans la levée en masse
du Tyrol, l'avaient congédiée à l'exception des corps de chasseurs;
qu'on prétendait que la cause de ce renvoi venait de ce que cette
masse avait exercé des vengeances contre des pillards de l'armée
impériale, et parce que ce qu'on appelait Tyroliens allemands et
Tyroliens bavarois paraissaient unis pour ne faire, autant que pos-
sible, que leurs volontés; qu'on répandaitdans le paysd'Innsbruck
que si les généraux Mêlas et Kray avaient mis de la sincérité à traiter,
il n'en était pas de même du ministre Thugut qui, très mécontent,
mettait tout en œuvre pour servir et faire servir le parti anglais.
17 thermidor (5 août). — Les membres du gouvernement élec-
toral m'ayant fait la demande de faciliter le commerce, afin de
contribuer à l'approvisionnement de Munich, en permettant le
libre passage de notre ligne d'avant-postes, j'avais soumis cette
réclamation au général en chef qui, dans sa réponse, m'autorisa
à délivrer tous les passeports (|ue je jugerais nécessaires pour cet
objet, mais de n'en accorder aucun aux émigrés (2).
Les magistrats bavarois furent de suite informés que leur
demande avait été octroyée.
(1) Peut-i'tre s'a^it-il de Bruneck, an sud de Ra(teaberg, el à 70 kilomètres enviroo au
sud-est d Itinsbnick, dans le Puster Thaï.
(2) La lettre de Moreau est du 18 thermidor. (Voir la note 2 p. "5).
REiX'SEIGXEMENTS RECUEILLIS PAR DECAEM 81
Le chef de l'êtat-major général me fit counaître que rintention
du général en chef était que je donnasse des ordres pour que les
diligences qui se rendraient d'Augsbourg à Innsbruck, Salzhurg et
Linz, fussent favorisées, comme les courriers destinés pour ces
endroits, de passer librement en se conformant aux dispositions
prescrites pour les passeports.
Il me manda aussi que, le général en chef ayant considéré que
les charges que supportaient les communes désignées pour lieux
d'étapes [étaient trop grandes], j'étais invité à ménager ces com-
munes situées dans l'arrondissement de mes cantonnements.
29 thermidor (17 août). — Ayant eu l'avis que le général en
chef était pour (|uel(|ues jours absent, je rendis compte au général
Dessolle, chef de l'état-major général de l'armée, que j'avais appris
que les ennemis avaient beaucoup de forces dans le Tyrol, une
partie venue de rAulriche et l'autre d'Italie; que les principaux
rassemblements étaient vers Innsbruck, Schwaz et Kufstein; que
le général Mêlas (|uitlait le commandement de l'armée d'Italie et
était remplacé par le général Kray (|u'on disait déjà parti d'Alt-Oet-
ting, et que c'était Î\I. de Rovcredo (1) qui avait pris son comman-
dement, mais que je croyais que c'était M. de Klenau, et que le
prince de Reuss avait donné sa démission ; que les habitants du
Tyrol, fatigués d'être constamment sous les armes depuis (juatre
ans, avaient envoyé le baron de Reinhart à Vienne pour solliciter
afin d'avoir la paix ; que, provisoirement, ils étaient rentrés dans
leurs foyers, laissant seulement, dans quelques cantons, une com-
pagnie pour les ordonnances.
(1) Ce nom, s'il est exact, est peul-ètre un titre, car il ne figure pas dans l'annuaire
militaire autrichien de 1800.
CHAPITRE V
Moreau veut faire lever la carte de la Bavière. — 11 décide la formation d'une commis-
sion de roules. — Decaen notifie cette décision au gouvernement électoral provisoire.
• — Mauvaise volonté des membres de ce gouvernement. — La mission du commissaire
Neveu. — Protestation du gouvernement électoral. — Fermeté de Decaen. — Les
membres du gouvernement électoral s'exécutent. — On prévoit la rupture de l'armis-
tice. — Decaen chargé de reconnaître un camp pour l'armée entre l'Isar et l'Inn. —
11 rend compte de sa mission à Moreau. — Il propose la position de Hohenlindeu. —
Ses raisons. — Les troupes de Decaon s'établissent veis Hellendorf. — • L'armistice
prolongé. — L'empereur cède L'im, Philippsburg et Ingolstadt. — Renseignements
fournis par Decaen sur les Autrichiens. — La reprise des hostilités semble probable.
— Une adresse somme l'Electeur de mettre un terme à la guerre.
3 fructidor (21 août). — Je reçus une lettre du chef de l'état-
major général m'annoucant que le général en chef, ayant l'inten-
tion de profiter du repos dont nous laissait jouir l'armistice pour se
procurer, sur les pays qui avaient été le théâtre de ses campagnes,
les renseignements topographiques les plus exacts et les plus dé-
taillés, venait de distribuer sur le territoire de la Souabe la plus
grande partie des officiers du génie et ingénieurs géographes pour
faire lever les parties les plus intéressantes de ce cercle sous les
rapports militaires, telles que le cours des fleuves et les chaînes de
montagnes qui les traversent; qu'il désirait opérer le même travail
sur la Bavière ; mais que, comme le nombre des officiers aptes à
cette opération se trouvait épuisé, il avait pensé d'utiliser les offi-
ciers et employés dont le gouvernement électoral se servait pour ce
genre de travail; qu'après avoir pris des renseignements, il avait
décidé qu'il serait formé à Munich, sous la direction de l'adjudant
général d'Abancourt (1), une commission de routes formée de
MM. Millier, Grunberg, Gazzi et Lrschneider (2) qui possédaient
les talents y requis ; qu'à la diligence de cette commission serait
(1) D'Abancourt mourut à Munich le 27 nivôse an IX.
(2) Ces noms dilférent un peu de ceux qui sont cités page 73 et plus loin.
LEVE DE LA CARTE DE LA SOUABE 83
organisé un bureau géotopograpliique, auquel seraient attachés
les dessinateurs nécessaires pour fournir, aux demandes du géné-
ral en chef ou du chef de Tétat-major général, des cartes et autres
renseignements relatifs à l'électorat de Bavière et Haut-Palatinat ;
qae cette commission serait également chargée d'indiquer, par
district, les guides les plus intelligents et les plus sûrs pour la con-
duite des colonnes, supposé que les hostilités dussent recommen-
cer; que les fonds nécessaires à cet établissement seraient à la
charge du gouvernement électoral; qu'il lui serait libre d'attacher
prés de cet établissement un commissaire chargé de surveiller
l'emploi des fonds et de tenir la correspondance; que le général
en chef s'en reposait sur mon zèle du soin d'organiser ce bureau
de manière à ce qu'il pût procurer des résultats satisfaisants. Enfin
on m'annonçait l'envoi de l'adjudant général d'Abancourt, chargé
de se concerter avec moi et le gouvernement pour cet objet.
Aussitôt la réception de cette lettre, je notifiai aux membres du
gouvernement électoral que, le général en chef ayant décidé qu'il
serait établi à Munich une commission de routes sous la direction
de l'adjudant général d'Abancourt, cette commission serait com-
posée de .\L\I. Grunberg, etc.; de vouloir bien, à cet effet, leur
donner les ordres convenables; et que l'adjudant général d'Aban-
court leur communiquerait ses instructions; que, cette commission
ayant besoin, pour ses travaux, de former un bureau topographique,
on mettrait à sa disposition les personnes instruites dans cette par-
tie et qu'elle indiquerait, ainsi que les cartes, documents et autres
objets utiles à son établissement et à ses travaux dont l'adjudant
général d'Abancourt ferait la demande.
Je notifiai aussi aux membres du gouvernement électoral qu'ils
pourvoiraient aux dépenses en argent que cet établissement exige-
rait, qu'ils pourraient y avoir une commission chargée de surveil
1er l'emploi des fonds et même de tenir la correspondance.
Ce même jour, je reçus une note des membres du gouverne-
ment électoral dans laquelle on disait :
La nomination d'une commission composée de personnes employées au
service de l'Etat pour l'établissement d'un bureau topographique entraîne
nécessairement l'insuffisance de ces mêmes individus pour vaquer aux fonc-
tions auxquelles ils sont attachés. Un changement de cette nature tient plus
ou moins à la forme établie pour l'administration du pays et, sous ce rap-
81. MÉMOIRES ET JOURiYAUX DU GÉNÉRAL DECAEN
port, lo r[()ii\criicmeiit électoral se trouve d'autant moins autorisé à
seconder la décision du général en chef que le général Decaen vient de
lui notifier, par sa lettre du 3 fructidor, que l'article 8 de la convention
concernant un armistice entre les armées respectives porte expressément
que le maintien des formes actuelles établies clans les Etats compris dans
la ligne de démarcation est mis sous la sauvegarde de la loyauté française.
Le gouvernement électoral se voit, en conséquence, dans le cas de faire
passer sous les yeuv de Son Altesse Électorale la susdite lettre du général
Decaen et d'attendre les instructions qne ce souverain lui fera parvenir à
ce sujet. Il croit, en même temps, devoir observer que les frais que l'établis-
sement d'un bureau topograpbique occasionnera, et qui doivent être à la
charge du pays, seraient une nouvelle contribution qui surpasse les moyens
dont le gouvernement peut disposer lorsqu'il a les plus grandes difficultés
à vaincre pour remplir celle des six millions.
Le gouvernement électoral se flatte que le général Decaen, avant de
prendre des mesures ultérieures, ne se refusera pas de communiquer au
général en chef les motifs qui l'empêchent de l'emplir immédiatement ses
vues.
4 fructidor (22 août) . — Je fis à cette note la réponse suivante :
La série d'observations que présente le gouvernement électoral pour ne
pas satisfaire à la demande relative à l'établissement d'une commission de
routes, décidé par le général en chef, prouve sans restriction que c'est une
absolue mauvaise volonté.
Le général Decaen a à se ressouvenir que, déjà, on lui a fait des ohser-
vations sur cet objet, observations qu'il crut alors ne pas devoir relever.
Mais aujourd'hui, cet établissement doit avoir lieu et le général ne peut
concevoir comment on regarde qu'un bureau topographique pour l'utilité
d'une armée qui a conquis un pays soit un changement dans une admi-
nistration qu'on a bien voulu laisser subsister; enfin que, pour appuyer de
telles objections, on ait recours cà un article de convention auquel on donne
une interprétation qu'on croit applicable.
Le général Decaen ne peut différer l'exécution des ordres qui lui ont été
transmis et, certes, le général en chef, auquel il ne manquera pas de com-
nmniquer les réponses du gouvernement électoral, sera loin d'être satisfait.
En même temps que j'avais notifié au gouvernement électoral la
décision du général en chef pour la formation d'une commission
de routes, etc., j'avais écrit aux membres de ce gouvernement :
Je vous préviens, Messieurs, que le citoyen Neveu, commissaire spéciale-
ment nommé par le gouvernement français et accrédité auprès de moi par
le général en chef Moreau, est chargé de choisir, dans les différentes
demeures de l'Électeur et dans les établissements publics de la ville de
Munich, les objets d'art et de science qni peuvent servir à compléter et
embellir les musées et bibliothèques de la République française.
LA MISSIOM DU COMMISSAIRE NEVEU 85
Vous voudrez donc bien donner des ordres pour que les objets qu'il
demandera lui soient remis sans délai; il en sera fait un état double qui
sera de lui signé et par une personne que vous désignerez à cet effet.
Il sera aussi nécessaire que vous fassiez procurer au citoyen Neveu tout
ce qui pourra lui être utile et dont ce connnissaire pourra faire la demande.
Faites, Messieurs, que la galerie Électorale, par laquelle doit commen-
cer ce conmiissairc, soit à sa disposition sans retard, et qu'il n'éprouve
aucun empêchement dans l'exécution prompte de la mission dont il est
chargé, car vous en seriez personnellement responsables.
Cette communication donna encore plus d'humeur à ces mes-
sieurs. Voici leur note :
Le gouvernement électoral a reçu la lettre par laquelle le général Decaen
lui fait part de la commission spéciale dont le citoyen Xeveu est chargé par
le gouvernement français relativement aux; objets d'art et science dans
les demeures de l'Electeur et dans les établissements publics de la ville de
Munich.
La nature de cette commission est d'autant plus inattendue que les objets
en question entrent incontestablement dans la catégorie des propriétés dont
l'article 8 de la convention concernant un armistice entre les arnu''es res-
pectives garantit le maintien, en les mettant sous la sauvegarde de la
loyauté française.
liC gouvernement électoral a pensé en outre que, moyennant la contri-
bution de six millions imposée sur la Bavière, ce pays avait acquis une
sûreté de plus pour le respect des propriétés publiques et particulières.
L'on ne se permet pas de douter que ces considérations, si elles avaient
été connues du gouvernement français à l'époque de la mission du citoyen
Neveu, ne lui eussent paru suffisantes pour ne point l'ordonner et l'on ne
saurait se refuser à la conviction que le gouvernement français voudra bien
la retirer, dès qu'il sera informé des motifs qui s'y opposent, à moins de
blesser les engagements les plus sacrés et de traiter la Bavière avec une
rigueur à laquelle elle ne doit pas s'attendre, après tous les efforts qu'elle
vient de faire pour l'armée française.
Le gouvernement électoral se flatte que le général en chef x'oudra bien
appuyer l'exposé ci-dessus près du gouvernement français et, à cet effet, le
général Decaen est prié de le conmiuniquer au général en chef.
Munich, 21 août.
J'envoyai sur-le-champ, en réponse à celte note, celle ci-après :
Le général de division Decaen pense que le gouvernement électoral a
donné à l'article 8 de l'armistice arrêté entre le général en chef de l'armée
française et celui de l'armée autrichienne une toute autre interprétation que
86 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GEiYERAL DECAEN
celle qui lui est convenable. 11 observe au fjouvernement électoral que
c'est le général Moreau, auquel la réclamation sera adressée, qui a conclu
cet armistice, que c'est lui qui, depuis, lui a donné Tordre de protéger le
commissaire Xeveu dans l'exécution de la mission dont il a été chargé par
le gouvernement français.
Ainsi, le général Decaen ne peut se permettre le moindre retard à l'exé-
cution de ces ordres.
Il invite les membres du gouvernement électoral de ne pas l'obliger de
recourir aux voies de rigueur : elles ne lui sont point agréables.
Après avoir fait expédier cette dernière note, j'écrivis au géné-
ral Dessolle :
Voyez, mon cher général, par les pièces ci-jointes une discussion qui
s'établit entre le gouvernement électoral et moi. Je me dispense de vous
faire aucune réflexion à cet égard, mais vous verrez, par mes réponses, à
quel parti je suis décidé et certes, je suivrai la marche que j'ai promis de
tenir, à moins que vous ne me disiez d'en user autrement.
6 fructidor (2-4 août). — Je reçus la réponse du général Des-
solle, datée du 5 (1). Elle n'était relative <ju'à la commission de
routes, mais elle suffisait pour mettre fin aux observations pré-
sentes et futures du gouvernement électoral. II m'écrivait :
Je reçois, mon cher général, votre lettre et la note du gouvernement
électoral de Bavière relative à la création d'une commission de routes.
Pour toute réponse, le général en chef vous ordoime d'avoir à faire exé-
cuter ses dispositions sur-le-champ. Veuillez, par un reste d'intérêt, ôter
de la tête de Messieurs composant le gouvernement électoral que les ordres
du général en chef aient besoin de la sanction de l'Electeur de Bavière.
Une pareille opinion pourrait leur être nuisible. V^euillez me rendre compte
dans les vingt-quatre heures de l'exécution de cet ordre. Vous pouvez
communiquer ma lettre à ces messieurs.
Salut et amitié.
1 fructidor (25 août) . — Je lui écrivis :
Les membres du gouvernement électoral n'ont point attendu , mon
cher général, que je sois dans le cas de leur communiquer votre réponse
pour exécuter ce qu'ils avaient comme refusé par leurs notes autant indis-
crètes que maladroites. Ils se sont effectués aussitôt après avoir reçu les
(1) Le ministre de la j^uerre, à ce moment, avait prévenu Moreau que les hostilités
recommenceraient du 4 au 9 septembre ; Moreau chargea Dessolle d'en informer le géné-
ral de l'armée ennemie, et l'invita à se préparer saus bruit [Moreau à Dessolle, Stras-
bourg, 6 fructidor, A. H. G.).
ON PREVOIT LA RUPTURE DE L'ARMISTICE 87
i-éponses à leurs notes. Je vous l'aurais dit plus tôt si Tadjudant général
d'Abancourt, qui avait à vous communiquer ses premières opérations,
n'était point parti pour aller vous voir. J'aime à croire que MM. les
membres du gouvernement électoral ne s'écarteront plus de la voie qu'ils
doivent tenir; autrement, je vous promets qu'ils y seront bientôt rame-
nés (1).
10 fructidor (28 août) . — Je reçus du général DessoUe une
lettre datée du 9, dans laquelle il me mandait :
Le général en cbef vous invite ci reconnaître le plus tôt possible, entre
risar et l'Inn, un camp pour l'armée sur les communications de Braunau
et de Wasserburg. Veuillez m'accuser la réception de cette lettre...
Et par post-scriptum :
Cette disposition vous fait connaître qu'il pourrait se faire que les hos-
tilités recommençassent; mais le général en chef vous invite à ne pas
ébruiter les causes de la reconnaissance que vous allez faire.
Aussitôt la réception de cette dépêche, je me rendis sur les lieux
pour remplir la mission dont j'étais ciiargé. Pendant que je m'en
occupais, il me parvint une autre lettre du général Dessolle, datée
du 11. Il m'écrivait .
Je vous préviens que l'armée a ordre de se réunir pour prendre position
du 22 au 23 en avant de Munich.
Le corps du lieutenant général Lecourbe prendra position sa gauche
appuyée 'à l'Isar et sa droite à Reutte. En conséquence, vous replierez
toutes les troupes sous vos ordres qui sont sur la rive gauche de l'Isar à
proportion qu'elles seront relevées. Vous vous lierez par votre droite à la
gauche du général Lecourbe et renforçant votre ligne depuis cette rivièi'e
principalement sur le débouché du Tegern See et de Rosenheim.
Vous donnerez au général Gudin tous les renseignements que vous
aurez pu acquérir sur la partie de la ligne que vous lui abandonnerez.
Vous mettrez vos troupes en mouvement de manière à être réuni le 20
en avant de Munich, prêt à occuper la droite du camp que le général en
chef vous a chargé de reconnaître.
Il est nécessaire que vous activiez tous vos moyens d'espionnage pour
connaître les mouvements de l'ennemi et les points de ses principaux ras-
semblements afin de faire juger quels sont les points offensifs et défensifs.
L'ordonnateur en chef va prendre des mesures pour les subsistances de
(1) A la date Hu 7 fructidor, Moreau annonçait à Augereau, commandant l'armëe
gallo-balave, la rupture de l'armistice (Moreau à Augereau, sans indication de lieu,
1 fructidor, A. H. G).
88 MEMOIRES ET JOURXAUX DU GENERAL DECAEN
l'armée ; je le préviens de s'adresser à vous pour appuyer toutes ses de-
mandes près du gouvernement électoral.
Le général en chef vous recommande aussi de ne pas tolérer, dès ce
moment, d'autres communications avec l'armée ennemie que celles éta-
blies quand les hostilités sont en pleine activité (l).
14 fructidor (1" septembre). — Rentré le 14 à mon quartier
général à Xympbeuburg (2), j'annonçai au général Desselle que
j'adressais au général en chef mon rapport sur la reconnaissance
qui m'avait été ordonnée; que, d'après la lettre du 11, j'avais fait
cesser toute communication avec l'armée ennemie; que les ordres
étaient donnés pour quitter la ligne que je tenais sur la rive gauche
de risar et la céder aux troupes du général Gudin.
Je lui fis l'observation que, mes troupes devant être réunies le
20 en avant de Munich, il ne m'avait pas marqué quel jour la
partie de la ligne depuis Isen jusqu'à Vilsbiburg, que je tenais,
serait occupée par une autre division.
Je lui adressai une note de ce qui se trouvait en magasina Mu-
nich, ce qui pouvait nourrir, en pain, 50 000 hommes pendant
dix jours et 5 000 chevaux, en avoine, pendant le même temps;
mais qu'en foin, le magasin n'était pas aussi bien fourni. Je lui fis
l'observation que, malgré mes demandes au commissaire, je n'en
savais point le motif et que, comme il n'était pas de la division, je
n'avais pas autant exigé.
Je lui mandai que je n'avais encore vu aucune personne envoyée
par l'ordonnateur en chef, ainsi (|u'il me l'avait annoncé ; qu'il
était cependant essentiel de s'occuper de cette partie parce que le
pays que devait occuper l'armée offrait peu de ressources, surtout
en foin, puisque la majeure partie du terrain était couverte de
bois.
Je lui dis qu'Erding pouvait être un excellent endroit de manu-
tention intermédiaire et qu'entre Munich, Ebersberg et Helfendorf,
il n'y avait pas d'endroit susceptible d'un tel établissement; qu'il
(1) Pour ce dernier paragraphe, le registre de correspondance de Moreaii donne une
légère variante : " Veuillez donner des ordres pour que toutes communications entre les
deuï armées soient tout à fait interrompues, excepté celles du général en chef Moreau et
du général Kray » (Registre de correspondance de Moreau, sans indication de lieu,
11 fructidor, f» 115, .\. H. G.).
(2) Le 13 fructidor. Moreau rendait compte au Premier Consul qn il serait en mesure
d'attaquer le 24 fructidor (11 septembre) si l'empereur n'avait pas raiifié les prélimi-
naires de paix (Moreau à Bouapartc, sans iudication de lieu, 13 fructidor, A. B. G.).
POSITION AVAiYTAGIUSE DE HOHEXLIiVDEM 89
faudrait que le pain vînt de Munich, pour la droite du corps d'ar-
mée qui serait sur la rive droite de i'Isar, c'est-à-dire depuis Val-
ley jus([u'au fleuve ; enfin que, pour une partie de la division Gu-
din, Wolfratshausen pourrait être un point convenable en raison
de sa grande communication avec Munich.
J'écrivis au oénéral en chef ({ue je désirais que le lieu que j'avais
choisi pour la position de l'armée sur les débouchés de Braunau
et de Wasserburg fût tel (ju'il le désirait; qu'ayant pensé qu'il
n'avait pas entendu que je m'occupasse de tous les débouchés qui
menaient à Braunau, je n'avais bien fait attention qu'à ceux par
lesquels on pouvait se diriger sur cet endroit et sur Wasserburg en
partant de Munich et de Freising; que le camp que j'avais jugé
convenable d'être occupé sur les débouchés de ces deux points avait
sa droite sur la hauteur d'Ebersberg, vers Grafing, son centre à
Hohenlinden, et sa gauche en arrière d'Isen, vers Forstern,
laquelle on pourrait cependant prolonger aux sources de la Vils,
pour avoir bien tous les débouchés par lesquels on arrive par
Dorfen sur la grande communication de Braunau.
Je n'entrerai pas, lui dis-je, dans les détails des avantages que donne
celte position, soit pour l'offensive, soit pour la défensive. Il faudrait pour
cela avoir des données sur les opérations à entreprendre ou faire des sup-
positions.
La droite du camp, sur la hauteur d'Ebersberg, est une excellente posi-
tion. Il y a un champ de bataille, et on ne peut y arriver du côté de
l'ennemi, sur le flanc et sur le front, que par des défilés.
De cette position, on peut très bien, par des chemins praticables, ma-
nœuvrer ou sur le débouché de Rosenheim ou sur celui de Haag, Mailets-
kirchen, entre Ebersberg et Hohenlinden. C'est un point intéressant si,
absolument, on voulait agir sur Wasserburg. Je dis : absolument, car les
approches de cet endroit, d'après les renseignements, sont assez difficiles.
Pour l'offensive et la défensive, le point de Hohenlinden est très essen-
tiel, car c'est un point central de communication pour Ebersberg, Wasser-
burg, Haag et Dorfen. C'est aussi à Hohenlinden que se réunissent les
chaussées de Munich et d'Erding à Braunau. H y a aussi d'assez bonnes
communications en arrière de cette position pour longer le camp.
En avant de Munich et aux environs d'Erding, les localités sont conve-
nables pour faire le rassemblement des troupes qu'on destinerait à occuper
la position de Hohenlinden (c'est ainsi que je la nomme), et pour les y
diriger. Connue il y a sept lieues de Munich à Ebersberg et à Hohenlin-
den, et que, le jour où l'armée prendrait cette position, les avant-gardes
se porteraient plus en avant pour éloigner l'ennemi à qui, je crois, il
90 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GEXERAL DECAEN
serait difficile d'en prendre une parallèle, en avant de Tlnn, sans courir
de grands risques, on pourrait tn-s bien prendre des positions de marche
aux lieux ci-après : pour la colonne marchant sur Ebersberg, à Zorneding ;
pour celle sur Hohenlinden, entre Anzing et Parsdorf; enfin, pour la
gauche, qui partirait d'Erding, vers Hôrlkofen et Walpertskirchen.
Je ne parle pas des débouchés de Rosenheim, n'ayant point eu l'ordre
d'en prendre une connaissance relative à la position de Hohenlinden. De-
main, j'irai sur les lieux pour en faire une reconnaissance exacte.
n fructidor (4 septembre). — Aussitôt mon retour, je fis au
général en chef le rapport suivant :
Si la position de Hohenlinden présente des avantages pour agir sur Was-
serburg et Braunau, celle de Helfendorf, de laquelle on peut assez facile-
ment communiquer à Hohenlinden par Ebersberg, n'en offre pas moins,
pour agir sur Rosenheim et le Tyrol, soit pour l'assiette du camp, soit
pour les mouvements de troupes qu'on voudrait faire exécuter sur Rosen-
heim et Kufstein ou sur le Tegern See, ou pour repasser l'Isar à Tolz pour
opérer sur Innsbruck par le débouché de IMittenwald.
Du camp de Helfendorf, on peut se porter sur Rosenheim par la grande
chaussée et par un chemin qui, de Helfendorf, passe par Ober-Laus, etc..
Cependant, cette comnmnication, ainsi qu'une autre qu'on trouve à Valley,
en passant la Mangfall, débouche sur la grande chaussée aux environs
d'Aibling.
La communication par Valley est peu praticable pour les voitures ;
mais, comme la nature du pays présente une position assez forte pour
empêcher l'approche d'Aibling, cette communication de Valley pourrait
faciliter l'entreprise qu'on voudrait faire sur Aibling qui est, en outre,
couvert par la Glonn dont les bords sont très marécageux.
J'ai aussi remarqué que le terrain entre la Glonn et la Moosach présente-
rait une position défensive assez favorable à l'ennemi, si les communica-
tions avec Rosenheim et Wasserburg sont aisées, ou s'il y avait un pont
jeté sur l'Inn devant l'abbaye de Rott. On ne communique de Rott sur la
l'ive droite de l'Inn que par un bac.
On ne peut bien communiquer avec Kufstein que par la grande chaussée
qui part d'Aibling, y passe la Mangfall et suit l'Isar parallèlement. Il en
est bien une autre à travers les montagnes, mais bien difficile; d'après les
renseignements, on ne peut même être encore assuré si ce chemin est pra-
ticable pour les voitures depuis Fischbachau où il passe la îieizach, jusqu'à
Kufstein. Ce chemin passe à VVeyarn où, avant d'arriver, il y a un pont
sur la Mangfall, et ensuite par Miesbach. Tout le terrain en arrière de la
Mangfall, dans une profondeur assez étendue, présent- la plus belle
assiette d'un camp de rassemblement, soit qu'on veuille agir ou sur Ro-
senheim ou sur le Tyrol en passant l'Isar à Tôlz, parce qu'il ne faut
guère compter sur une principale opération par la route du Tegern See sur
DKCAEiM liXPLORE LA REGIOiV 91
Innsbruck ou Hall, puisque TAchen See présente un obstacle qu'on peut
(lire insurmontable. Lorsqu'on approche de l'Achen See, on ne trouve point
de moyen pour vaincre cet obstacle qui consiste dans une interruption de
communication, la route n'étant point praticable pour des chariots de
guerre ; car, étant arrivé à Achensee, on est obligé d'embai-quer les voi-
tures sur le lac qui a plus d'une lieue et demie de longueur ; et, dans les
montagnes, il règne une chaussée par laquelle on ne peut passer qu'avec
des voitures du pays, et la sortie de ce défilé, ainsi que le point de débar-
quement, sont défendus par une trentaine de pièces de canon. Ces batte-
ries sont établies depuis longtemps.
Ce camp, qui serait établi sur le beau plateau de Valley, avec l'avan-
tage des communications précitées, avec de beaux; appuis pour les flancs,
aurait tout son front couvert par la Mangfall qui n'est abordable, quoique
avec les plus grandes difficultés, que par Valley, Weyarn et Gmund.
C'est auprès de ce village qu'elle sort du Tegern See. Ce serait pourtant à
Gmund qu'il serait plus facile de déboucher : il y a un chemin qui conduit
sur Kufstein par Fischbachau.
Les communications de Valley sur Munich et Helfendorf sont d'excel-
lentes chaussées. Elles sont également bien bonnes de Valley et de Weyarn
sur Tolz. On a bientôt gagné la grande route qui conduit de Rosenheim à
Tolz en passant à Holzkirchen. La communication de Gmund à Tôlz,
quoique de village à village, est très praticable; de Tolz, il y a une com-
munication qui remonte l'Isar et qu'on dit praticable avec des voitures
jusqu'à Riss, en passant par Lenggries où il y a un pont sur l'Isar et une
communication peu commode avec Benedictbeuern.
De Riss, on va par un chemin assez difficile à la mai.son dite Hagelhau-
sen (1). Cette communication pourrait bien faciliter les approches de Hall
et surtout servir à tourner le débouché de Mittenwald qu'on dit être très
difficile. 11 serait peut-être possible que cette communication offrit quelques
facilités pour vaincre les obstacles que donne l'Achen See.
La communication de Tolz à Benedictbeuern, où se trouvent les grandes
routes qui conduisent à Innsbruck, soit en passant entre l'Achen See et le
Walchen See, est praticable. La communication en passant par IMurnau sur
Mittenwald est la plus belle. Ce pays est plat et ouvert, tandis que celle
par les lacs est un défilé continuel. Mais celle-ci est plus courte que l'autre
de quatre lieues, car de Benedictbeuern à Innsbruck, il y a seize lieues, et,
par Murnau, il y en a vingt. Benedictbeuern, au lieu de WoUratshausen,
que j'avais indiqué comme pouvant servir de point pour une manuten-
tion, etc., présente beaucoup plus d'avantages par sa situation et ses bonnes
connnunications.
Au surplus, mon général, l'adjudant général Guyot (2), qui a fait avec
(1) Hagelhiitte sur le 1/300 000" de Liebenow, Purschhùtte sur le 1/100 000= allemand
et le 1/75 000" autrichien.
(2) Guyot (Éticnue), né le 1"'' mai 1767, à Mantoche (Haule-Saône) ; volontaire au
1" bataillon de la Haute-Saône, en août 1791 ; lieutenant, le 6 septembre 1791; aide de
92 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEX
moi cette reconnaissance, répondra très bien aux questions que vous pour-
rez lui faire sur les objets que j'ai traités ou que j'aurais omis.
Uno lettre du chef de l'état-major général, sous la date du 14,
m'informa que, d'après les ordres du général en chef, les troupes
du lieutenant général Grenier relèveraient les miennes, du 20 ati
21, vers Vilsbiburg; que le général Grenier serait, vers le 20, sur
Freising; qu'il avait adressé à l'ordonnateur en chef copie de tout
le paragraphe de ma lettre relatif aux approvisionnements.
18 fructidor (5 septembre) (1) . — Je mandai au général Debilly
de se préparer à faire faire un mouvement à sa brigade du 20 au
^1 , mais de donner préalablement des ordres pour que ce qu'il avait
d'infanterie et de cavalerie cantonné sur la route de Alunich à
Hohenlinden et à la gauche de cette route, quittât ses cantonne-
ments, excepté ce qui formait la ligne et qui resterait jusqu'à ce
qu'il fût ^remplacé, et qui, au fur et à mesure, appuierait sur sa
droite; que, comme il était présumable que la division marcherait
vers Helfendorf, il serait convenable que les troupes dont je lui
ordonnais le mouvement fussent rapprochées de ce point et pris-
sent leurs cantonnements entre la chaussée qui conduit à Ebers-
berg et celle qui va à Helfendorf.
Le général Durutte fut prévenu que le général Grenier devait
faire relever sa ligne d'avant-postes du 20 au 21 (ces postes appuie-
raient vers leur droite lorsqu'ils seraient remplacés) ; que la por-
tion de ses troupes qui était entre l'Isar et la ligne de démar-
cation devait cantonner, le lendemain, à Erding et environs,
ainsi qu'à Hohenlinden et environs; que, le 20, les troupes qui
occupaient Freising viendraient à Erding et celles qui seraient à
Erding cantonneraient à Schwaben et environs.
Le général en chef arriva à IVymphenburg. Le chef de l'état-
major m'avait donné avis que, le 16, le quartier général viendrait
camp du {{éncTal Bourcier, le ^7 oclobre 1793; chef d'escadrons, le 17 pluviôse an VII;
adjudant général, le :25 messidor an VII ; tlicf de brigade, le 15 nivôse an IX ; général
-de brigade, le .3 niuôse an XIV ; lue sur le champ de bataille de Kleinenfeld (Prusse),
le 8 juin 1S07 (A. A. G.).
(1) A cette date, le gouvernement électoral prévint Decaen qu'il venait d'expédier les
coramissions qui lui avaient été demandées pour MM. Grnnberger, Millier, Gazzi et
L'rschneider par une lettre de Plauzonne en date du 18 fructidor (Le gouvernement élec-
toral à Decaen, Munich, 5 septembre 1800, Papiers Decaen, in-f" 77, 39, p. 'To).
L'ARMISTICE PROLONGE 9a
à Munich et que rétat-major général resterait à Augsbourg jus-
([u'à nouvel ordre.
20 fructidor (7 septembre) . — En conséquence d'un ordre ver-
bal ([ue me donna le général en chef, les généraux de brigade de
ma division reçurent celui de faire partir leurs troupes de leurs
cantonnements le 21, pour aller occuper la position de Helfendorf
où elles devaient arriver successivement le 22 et le 23 (1).
La brigade Debilly devait garder et défendre la chaussée de
Rosenheim et la communication qui conduit de cette chaussée à
Valley et se lier vers ce dernier endroit avec la gauche du lieute-
nant général Lecourbe. Il devait aussi couvrir, avec ses troupes
légères, la brigade du général Durutte qui devait aussi camper
près de Helfendorf, la droite vers la chaussée de Rosenheim et la
gauche vers Zinneberg. Les avant-postes de la 1" brigade devaient
se lier, à leur gauche, avec ceux de la division Richepance qui
devait prendre sa position vers Ebersberg.
Le quartier général de la division devait être à Hohenkirchen (2).
2 i fructidor (8 septembre). — Après ([uelques communications
par écrit entre les généraux en chef des deux armées, le général
Moreau me ht part (|ue l'armistice était prolongé de plusieurs
jours (3). Alors, d'après ses intentions, je mandai au général
Debilly que les troupes de sa brigade ([u'il avait encore à Munich
y resteraient jus(|u'à nouvel ordre, que celles qui étaient sur la
rive gauche de l'Isar seraient relevées par celles du général
(1) 1 La division ain ordres du général Decaeii se rassemblera à mesure qu'elle sera
relevée dans les postes qu'elle occupe sur la ligne de démarcation et ira camper, en partie,
le 2'2, et en totalité, le 2.3, vers la position d'Heifendorf, la droite à Valley inclusiiement ;
sa gauche appuiera à la Glonn et communiquera par Zinneberg avec la droite de la divi-
sion du général Richepance qui prendra, le 21, la position d'Ebersberg.
'i Le général Decaen est prévenu que le général Grandjean prendra, le 22, position sur
Zorneding entre les routes de Munich à Wasserburg ei à Itosenheim, en réserve des
deux autres divisions du centre, et que le corps du général Lecourbe aura sa gauche
sur la Mangl'all vers Darching... » (Ordre de mouvement de Moreau aux trois divisions
du centre, 19 fructidor, A. H. G.).
(2) La carte de Joseph Dirwald, de 1813, de même que le 1/300000* de Liebenow,.
porte Heclienkirchen, comme l'avait orthographié Decaen.
(3) C'est à cette date que Moreau avisait le général en chef de l'armée impériale que,
d'après la demande du comte de Lehrbach, ministre plénipotentiaire de l'empereur, les
troupes françaises s'abstiendraient, jusqu'à nouvel ordre, de toute hostilité (Moreau au
général en chef de l'armée impériale, Kympheuburg, 21 frutidor, A. H. G .).
94 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GEXERAL DECAEX
Lecourbe et que la ligne que devait garder la division s'étendrait
depuis la droite de l'Isar jusqu'à la route de Rosenheim àXIunich.
Il lui fut prescrit des dispositions pour la garde de cette ligne
ainsi que pour celle de la chaussée de Helfendorf à Rosenheim.
Le général Durutte reçut l'o^-dre de cantonner sa brigade dans
plusieurs villages entre Zinneberg et Helfendorf.
Les communications se continuèrent entre les commandants des
deux armées. Mais, le 1" jour complémentaire, le général en chef
me dit que je devais préparer ma division à faire un mouvement.
En conséquence de cet avis et de ses intentions, je mandai au
général Debilly que le général Lecourbe devait faire relever les
troupes de sa i)rigade placées vers Valley et sur le débouché de
Helfendorf à Rosenheim, et de donner des ordres pour que ces
troupes appuyassent à gauche au fur et à mesure qu'elles seraient
relevées et de rassembler, le lendemain, toute l'infanterie auprès
de Helfendorf et la cavalerie entre cet endroit et Zinneberg.
Il fui mandé au général Durutte de rassembler son infanterie
et cavalerie aux environs de Lindach, etc.. On resta ainsi, en
attendant le résultat des négociations, jusqu'au 2' jour complé-
mentaire (1).
2' jour complémentaire (19 septembre). — Le général en chef
me désigna alors une nouvelle position que devait prendre ma
division. D'après quoi, j'ordonnai au général Debilly de placer sa
brigade, le lendemain avant midi, sur la hauteur en arrière de Gra-
fîng, la gauche à la chaussée d'Ebersberg à Wasserburg, occupant
Grafing et gardant les débouchés conduisant à Wasserburg, Rott
et Rosenheim; et il fut prévenu que la grande chaussée de Was-
serburg à Munich serait gardée par le général Richepance.
J'avais composé la brigade du général Debilly du 6' régiment de
chasseurs à cheval, du 2" bataillon de la 14' d'infanterie légère (2),
de la 100' d'infanterie de ligne, de deux pièces de canon de 4.
Le général Durutte reçut l'ordre de placer aussi, ce même jour
avant midi, sa brigade composée du 10' de chasseurs à cheval, de
(1) Lp 27 fructidor, le ministre de la (juarre ëcrirait à Moreau de reprendre les hosti-
lités si l'empereur ne cédait pas (Le ministre à Moreau, 27 fructidor, A. H. G.}.
(2i Uecacn donne la même indication, cinq lignes plus bas, dans la composition de
la brigade Durutte.
LA REPRISE DES HOSTILITES IMMINENTE 95
la 4" d'infanterie de ligne, du 2" bataillon de la 1-4" légère, de deux
pièces de 4, sur les hauteurs en arrière de Grafing, la droite vers
AIxing et Bruck, dans la position la plus convenable.
Il lui fut recommandé de laisser un demi-bataillon d'infanterie
légère avec un escadron de chasseurs entre sa droite et Glonn,
établis de manière à garder cette partie et à se lier avec les troupes
du général Lecourbe qui devaient appuyer leur gauche versZinne-
berg, ainsi que de garder, sur l'étendue de son front, les chemins
conduisant surRott et Rosenheim.
Le chef de brigade Saint-Dizier, commandant le 17° de dragons
auquel fut réuni le 1" bataillon de la 14" légère, reçut l'ordre de
prendre position en avant de Zorneding, près le village d'Eglhar-
ting, la gauche à la chaussée de Munich à Ebersberg et la droite
vers Ilching.
Il fut ordonné au capitaine Valée, commandant la compagnie
d'artillerie légère, de se rendre à Zorneding, lieu aussi désigné pour
le quartier général de la division. L'artillerie de position, le parc et
les équipages furent placés à Haar, village en arrière de Zorneding.
Le général en chef étant allé à Hohenlinden pour reconnaître
cette position et voir en même temps les troupes du lieutenant gé-
néral Grenier arrivées vers ce point, je reçus une lettre du chef de
l'état-major général. Il m'annonçait l'envoi de plusieurs exem-
plaires du Moniteur^ contenant les préliminaires de paix signés à
Paris par le comte de Saint-Julien, et que l'empereur avait refusé
de ratifier.
Il me recommandait de les faire connaître de suite à tous les
corps de ma division pour qu'ils puissent juger de la modération
du gouvernement français et par conséquent de son désir bien pro-
noncé de faire la paix.
Le général Dessolle avait ajouté en post-scriptum :
Le général Lahorie, que le général en chef a envoyé pour faire une
dernière proposition, sera de retour ce soir ou demain matin, et, comme
il est à présumer que ses propositions ne seront pas acceptées, on sera
dans le cas de recommencer de suite les hostilités et vous en serez prévenu.
Le général en chef revint le soir à Nymphenburg.
3' jour complémentah'e (20 septembre) . — Le lendemain ma-
tin, pour passer le temps, en attendant le résultat de ce dont il
96 MEMOIRES ET JOl RX'ALX Dl GEXERAL DECAEN
avait chargé le général Laliorie, il monta à cheval. L'ayant accom-
pagné, nons allâmes au travers la plaine de Munich jusqu'à la
grande route où il voulait voir passer la division de réserve de ca-
valerie; et lorsqu'elle fut passée, il voulut faire forcer quelques
lièvres. C'était pendant cet amusement qu'un courrier lui apporta
la dépèche du général Lahorie pour lui rendre compte qu'il venait
de signer une convention d'une nouvelle suspension d'armes.
La prolongation de l'armistice avait été fixée à 45 jours, à comp-
ter du 3' jour complémentaire (20 septembre), y compris 15 jours
d'avertissement pour la reprise des hostilités si elles devaient avoir
lieu.
Le général en chef rentra de suile à Nymphonhurg. Dans la
soirée, le général Lahorie lui apporta la convention dont suit le
premier article.
Sa Majesté Impériale et Royale, sur la demande du Premier Consul
de la République française, et dans la vue de donner une preuve de son
désir d'arrêter le fléau de la guei're, consent à ce que les places de Phi-
lippsburg, Ulm, avec les forts qui en dépendent, et Injjolstadt, lesquelles
sont comprises dans la lijjne de démarcation qui a été fixée par la conven-
tion du 17 juillet dernier (26 messidor), soient remises à la disposition de
rarmée française comme gage de ses intentions (1).
D'autres articles concernaient l'exécution de celui ci-dessus.
Par l'article 7, le général en chef de l'armée du Rhin s'enga-
geait à faire cesser sur-le-champ les hostilités à l'armée de la Ré-
publique française en Italie dans le cas où la reprise en aurait eu
lieu.
La ligne de démarcation restait la même que celle fixée par la
précédente convention.
L'article 9 annonçait que l'armée française du Rhin reviendrait
et s'arrêterait sur les deux rives de l'Isar et l'armée impériale
d'Allemagne sur les deux rives de l'Inn, chacune à une distance de
3 000 toises, soit de ces rivières ou des places de leur cours; et
qu'il serait seulement placé une chaîne d'avant-postes sur la ligne
de démarcation.
Cette prolongafion d'armistice, consentie par l'empereur qui
(1) La remise des places d'UIra, Philippsburg et lagolstadt avait été consentie par
l'empereur, représenté par le comte de Lehrbatli et le général Lauer (Moreau au
ministre, .\yniplieiiburg, 3« complémentaire an VIII, A. H. G.).
CESSIOM D'ULM, PHILIPPSBURG ET IXGOLSTADT 97
n'avait pas voulu ratifier les préliminaires de paix et qui, dans
cette circonstance, sacrifiait trois places de guerre, fut attri-
buée à ce que non seulement son armée n'était pas en mesure de
recommencer les hostilités, mais encore à ce qu'étant venu la voir,
il ne l'avait pas trouvée en bon esprit. Cette armée était mécon-
tente. Quelques révoltes partielles s'y étaient manifestées.
Lorsque cette nouvelle convention fut connue de notre armée,
les soldats disaient qu'ils venaient de faire une campagne de vingt-
quatre heures.
Dès ce même jour, le chef de l'état-major général m'écrivit que,
d'après les dispositions du général en chef, je continuerais à occu-
per Munich et à former le cordon des troupes sur la ligne de dé-
marcation en avant de l'Isar, passant ce fleuve pour m'étendre
par la droite jusqu'à la rivière l'Animer dont j'occuperais les deux
rives, liant ma droite à la gauche du lieutenant général Lecourbe
qui continuerait à couvrir le débouché de Reutte; que j'étendrais
ma gauche jusqu'à Freising que j'occuperais; que je devais com-
mencer mon mouvement le lendemain.
Aussitôt la réception de ces dispositions, je donnai les ordres
convenables pour leur exécution et de même pour celles qui étaient
à exécuter, selon la convention d'armistice, relativement au cordon
de troupes que je devais former sur la partie de la ligne de démarca-
tion que je devais garder ainsi que pour le placement des troupes,
ayant égard à la distance déterminée par ladite convention.
Pendant le mois de vendémiaire et jusqu'au moment où il fut
question de se préparer à recommencer les hostilités, je m'occu-
pai de ce qui était relatif à l'administration, selon les ordres trans-
mis par le chef de l'état-major général de l'armée, ainsi qu'à faire
recueillir des nouvelles de ce qui se passait dans l'armée autri-
chienne et donner des indices sur les intentions du cabinet de
Vienne de vouloir traiter de la paix ou de recommencer les hosti-
lités lorsque le délai fixé par la dernière convention d'armistice
serait expiré.
Comme quelques-uns des renseignements obtenus faisaient con-
jecturer que ce cabinet n'avait pas l'intention de faire la paix,
quoiqu'il eût fait traiter d'une nouvelle suspension d'hostilités, je
vais transcrire des extraits de quelques rapports qui me parvinrent
pendant la durée de ce nouvel armistice.
II. 7
98 MÉMOIRES ET JOURMAUX DU GÉXÉRAL DECAEX
16 vendémiaire (8 octobre). — 1' Des lettres authentiques de
Prague et de Vienne portent que l'empereur a fait de nouvelles
proclamations en Hongrie et en Bohème pour exciter, dans ces
deux royaumes, à hâter l'insurrection, d'un côté, et le rassemble-
ment des volontaires, de l'autre. On porte à 30 000 liommes le
aombre des volontaires en Bohème, dont une grande partie se
porte déjà vers les frontières. La capitale est absolument sans
garnison : ce sont les bourgeois qui montent la garde ; on travaille
dans l'arsenal avec beaucoup d'activité.
L'ennemi poursuit ses travaux interrompus; les habitants des
bords de l'Inn sont employés derechef à travailler aux retranche-
ments de Kraiburg.
On écrit de Vienne que, malgré le changement de ministère,
M. de Thugut continue non seulement d'influer sur les affaires,
mais de les diriger comme auparavant, d'autant plus que M. de
Lehrbach est sa créature.
20 vendémiaire (12 octobre). — 2" On confirme la nouvelle
que les Autrichiens font une tète de pont devant Kraiburg, en deçà
del'Inn. Ils emploient journellement à cet ouvrage 1 200 paysans.
Ils ont mis en réquisition 57 000 arbres, ce qui causera la dévasta-
tion de presque toutes les forêts dans les environs de Neu-Oetting.
A Miihldorf, on fait de pareils retranchements. L'ennemi se
prépare, à Deggendorf, à jeter sur un pont le Danube.
Les ennemis réunissent des forces dans les environs de Rosen-
heim. Le corps de Condé se concentre davantage. Son quartier
général s'est établi de nouveau dans cet endroit dont il s'était
éloigné de douze lieues après la dernière convention.
On écrit de l'assau que, d'après un nouvel ordre de l'empereur,
loute communication est sévèrement défendue avec l'armée fran-
çaise; qu'on n'y doute plus de la guerre (1).
23 vendémiaire (15 octobre). — 3° L'ennemi fait aussi faire
des retranchements à Kraiburg, sur la rive droite de l'Inn. On y
(1) Le 21 vendémiaire, Moreau frappa sur la Bavière une réquisition de "27 600 quin-
taux de fromeat, 9 200 quintaux de seigle, 57 000 quintaux de foin, 57 000 quintaux de
paille, et .32 000 sacs d'avoine (Le jjouïernement électoral provisoire à Decaou, 25 oc-
tobre 1800, Papiers Decaen, in-f" 77, 39, p. 33).
RENSEIGMEMENTS FOURNIS PAR DECAEM 99
travaille avec beaucoup d'activité. 3 000 paysans y soûl employés
journellement, ainsi que des soldats, à l'exception dos troupes
hongroises.
On répare avec beaucoup de diligence, à Wasserburg, les retran-
chements qui ont été beaucoup endommagés par les pluies conli-
nuelles.
L'ennemi fait, dans tout le pays, des réquisitions immenses en
tous genres et ne paye rien. Les paysans employés aux ouvrages
devant Wasserburg, Kraiburg el Miihldorf ne sont pas payés non
plus. Le corps de Coudé fait de même. Les environs d'Aibling et
de Rosenheim sont presque entièrement dépouillés. Ce corps qiiitle
l'habit russe le 1" du mois de novembre et prendra l'uniforme
anglais. Toute exportation est défendue; on ne laisse même plus
passer du sel.
L'Electeur a ordonné, il y a quatre jours, une nouvelle levée
de recrues dans le haut Palalinat et dans le pays bavarois occupé
par l'armée autrichienne.
26 vendémiaire (18 octobre). — On vient d'arrêter à Slraubing
le nommé Kienmayer, libraire, parce qu'on a trouvé chez lui une
brochure ayant pour titre la Voix de Vopinion publique sur
Maximilien-Josephj Electeur de Bavière, avec une atliesse de
l'armée autrichienne à l'empereur François II.
La traduction de cette adresse était jointe au rapport. Voici cette
pièce :
C'est avec une surprise mêlée de douleur que nous avons appris que lu
ne veux toi-même donner à nous et à la Patrie cette paix dont nous
sommes depuis si longtemps privés.
Permets-nous, du moins, de t'exprimer là-dessus nos sentiments d'une
manière pleine de la vénération qui t'est due, mais en même tenqis de te
parler à cœur ouvert.
Nous combattons depuis neuf ans contre une nation qui, loin de nous
avoir jamais offensés, a si souvent, au contraire, mérité et notre estime
et notre admiration. Jusqu'à présent, personne d'entre nous ne s'est avisé
de demander quelle est la raison qui nous força de poursuivie cette nation
et de sacrifier, sur les champs de bataille, la vie de 100 000 des nôtres.
Nous obéissons parce que nous sommes accoutumés à obéir, et nous ne
nous embarrassions pas du reste.
Mais, peu à peu, le bandeau tombe de dessus nos yeux. Nous voyons
que nous ne versons notre sang que pour l'or des .anglais qui tomJ)e dans
100 MEMOIRES ET JOURXAL'X DU GENERAL DECAE.V
la poche de tes ministres. .Vous voyons que tu fais un jeu de notre vie et
que tu veux te précipiter toi-même, nous et tes provinces dans une ruine
entière, avec une cécité inconcevable.
Tu n'as qu'à le faire quant à toi; nous ne voulons pas t'en empêcher.
Mais de nous entraîner, nous et nos compatriotes, dans ton abîme, ohl
pour le coup, tu n'y réussiras pas.
De continuer la guerre dans ce moment-ci ne veut dire autre chose
que d'abîmer l'Autriche. Considère les choses dans leur véritable point de
vue et tu concevras cette vérité avec nous.
En Italie, les fruits d'une campagne entière sont perdus. Une armée
éparpillée (la sixième qu'on a détruite en Italie) y fait seule ton espoir; et
c'est avec celle-ci que tu comptes conquérir treize forteresses bien défen-
dues et de battre une armée supérieure et victorieuse? Il est impossible que
tu puisses avoir cette idée.
Ce serait donc en .Allemagne que tu voudrais renaître? Regarde autour
de toi. Ton armée mécontente, vaincue et mal menée, n'est éloignée de
toi que de quelques journées. Vis-à-vis d'elle se trouvent campés
100000 Français pleins de courage et animés du désir de se battre.
50 000 hommes de troupes fraîches arrivent du Main. Elles peuvent, en
peu de jours, pénétrer de la Franconie en Bohême. î.e Tyrol sera la pre-
mière victime de la campagne rouverte. Masséna et .Moreau s'uniront et
inonderont tes Etats héréditaires avec une force irrésistible. Si le héros
Bonaparte commande l'armée en personne, certes, le sort de T-Autriche
sera entre ses mains en peu de semaines, et tu seras alors obligé de de-
mander une paix plus que déshonorante.
Mais supposons qu'il nous réussira de repousser les Français jusqu'au
Rhin; qu"auras-tu gagné pour lors? Toute une campagne sera encore
pour rien ; tu auras perdu 100 000 sujets pour essayer, dans le printemps
prochain, un nouveau passage du Rhin.
Tu ne peux pas t'attendre à une nouvelle coalition; et puis, quel avan-
tage te porterait-elle? Il t'en résulterait ce que tu as eu des précédentes.
Nous avons combattu à côté des Prussiens, des Russes et des Bavarois sans
succès. Il nous en reste la triste expérience que des armées combinées ne
valent rien.
Réfléchis donc bien à ce que tu veux entreprendre. Tu cours risque de
nous voir retirer, fatigués d'une éternelle guerre, jusqu'aux portes de la
résidence... .Alors le peuple te commandera la paix. Rappelle-toi Louis
Capet, et prends garde, d'empereur François II, de ne pas devenir François
de Habsbourg. Quant à ta vie, lu peux être tranquille; on te connaît assez:
pour croire d'avoir mérité la mort. Mais ton Thugut, Lehrbach, Saurau,
ton conseil auiique de guerre, oui, même ton impératrice, pourraient, en
cas d'une plus longue manie pour la guerre, devenir victimes de sa fureur.
1" brumaire (23 octobre). — 4" Plusieurs lettres arrivées par
le dernier courrier de Prague, Passau et Vienne, disent que jamais
LA PAIX DOUTEUSE 101
l'armement n'a été plus sérieux dans les Etats autrichiens, ni sa
force, pendant tout le cours de ces neuf ans de guerre, plus impo-
sante qu'elle l'est aujourd'hui. La plus grande force de l'ennemi
estdirigéevers l'Allemagne. Ou la porte,en Italie, à60 000 hommes,
outre les insurgés toscans et la nouvelle armée napolitaine (|ui
doit être encore renforcée par les Russes dont le nomhre est porté
à 14000 hommes.
Les vœux des hahilants et de l'armée sont toujours pour la paix.
Ce n'est que la force qui fait prendre les armes aux peuples en
Hongrie, en Bohème, dans la Moravie et dans le Tyrol. Ce n'est
plus le même enthousiasme qui les animait avant le traité de
Léohen.
On assure (|u'il y a un mécontentement général dans la Dalma-
tie ex-vénitienne, qui se communique par la Dalmatie autrichienne
jusque dans la Croatie. Les uns sont agiles du désir de se défaire de
leur nouveau maître; les autres ne peuvent plus supporter la dure
nécessité de voir emmener de force une multitude d'hahitanls
pour l'armée et d'être chargés d'éternelles réquisitions pour le
transport des vivres destinés pour l'armée d'Italie.
D'après tous les avis, on doute de la paix, malgré le congrès de
Lunéville. La cour de Vienne montre heaucoup d'assurance (1).
8 brumaire (30 octobre) . — 5" On doute que le congrès ait lieu.
On allègue à ce sujet que le comte de Cohenzl, qui doit se rendre
à Paris, doit demander (|ue l'armée française se retire d'abord
derrière le Rhin, et, vu la lenteur qu'il mit à son voyage, on en
conclut le peu d'empressement de l'Autriche à faire la paix.
Il y avait cependant quelques jours, — je ne me rappelle pas
(1) Le l"' brumaire, Desselle écrivait à Decaen : " L'évêché de Freising, citoyen rjénô-
ral, et la seigneurie de Frauenhauseu, faisant partie du cerile de Baiière, ont été inxés
par la commission électorale, le premier à 1~'2 190 francs, et la seconde à 21 5i8 francs.
D'après une note remise au payeur géuéral, l'un paraîtrait avoir donné en acompte
64 "231 francs, et l'autre, s'être acquittée en entier. Cependant, les recherches faites à cet
égard n'ayant donné aucune certitude, le général en chef vous invite à vous faire repré-
senter, sous quarante-huit heures, les quittances des sommes qu'on prétend avoir été
payées, et, dans le cas où on ne se conformerait pas à la demande que vous en ferez,
vous enverrez à l'évèché de Freising et à la seigneurie de Frauenhauseu les exëcuiioiis
militaires suffisantes pour les rontiaiudre à payer sans retard les sommes auxquelles
ils ont été taxés.
' Je TOUS invite à m'aceuser la réception de la présente et à me faire part des disposi-
tions que vous aurez prises pour remplir les intentions du général en chef ^ (Desselle à
Deeaeu, Augsbourg, l" brumaire, A. H. G.).
102 MKAIOIRES KT JOURXAUX DU GEMÉRAL DECAEX
exactement le jour, — que le comte de Cobenzl avait passé par
Munich. Lorsque j'appris qu'il y était arrivé, je recommandai de
faire tout ce qui serait possible pour savoir ce qu'il pourrait dire
sur le sujet de sa mission. Il ne s'arrêta qu'environ deux heures
dans une auberge de cette ville. Ou ne put rien savoir. Mais à
Augsbourg, où on le suivit, on apprit que, quelqu'un lui ayant
demandé si on pouvait se flatter (jue la paix serait bientôt con-
clue, il avait répondu qu'il ne pouvait rien dire à ce sujet, attendu
qu'on ne pouvait pas traiter sans le concours de leurs amis les
Anglais. Lorsque ceci me fut rapporté, je l'écrivis sur-le-champ
au général Moreau. Il était alors à Paris, et j'ajoutai que, d'après
ce dire de M. de Cobenzl et les nouvelles qui m'étaient déjà par-
venues, il y avait tout lieu de présumer que le cabinet autrichien
n'était point disposé pour la paix, qu'il ne la signerait que lorsqu'il
y serait absolument forcé.
On parle d'une descente des Anglais en Egypte.
La partie du Tyrol qu'on appelle communément le Tyrol alle-
mand est toute en armes. Les volontaires reçoivent journellement
trente kreuzer en monnaie de cuivre, ce qu'on payait auparavant
en papier. Malgré leur ferme résolution de défendre leur pays, les
Ktats du Tyrol ont envoyé plusieurs députés à Vienne pour y solli-
citer la conclusion de la paix. On assure très positivement que les
habitants ont juré de ne point laisser entrer les Français dans le
pays, vu le ressentiment qu'ils gardent encore contre eux pour
avoir incendié quelques villages en 1796; et cette résolution ne
dérive nullement de [l'idée dej défendre l'empereur, mais tout
uniment leurs propriétés, ce qu'ils prouvent en disant : 'i II nous
importe peu que les Français aillent à Vienne, pourvu (ju'ils ne
])assent pas par notre pays, n
Le Tyrol italien pense tout différemment. Il paraît qu'il penche
beaucoup à voir arriver un changement dans le pays. Les habi-
tants ont refusé de répondre à l'invitation de l'empereur de se
lever en masse, sous prétexte qu'ils n'ont pas d'armes; mais que,
si on leur fournissait des armes, des munitions et des vivres, ils ne
manqueraient pas de volera la défense du pays. La courde V'ienne
n'a trouvé ni praticable ni avantageux de nourrir un peuple si
nombreux.
La disette dans tout le Tyrol est extrême, l'ne chopine de vin, qui
RE\'FORTS AUTRICHIEMS DA\S LE TYROL 103
coûtait dix sous il y a quelques mois, se vend aujourd'hui trente-
cinq sous; et ainsi, tout à proportion. Cette disette est augmentée
par la présence et le passage continuels des troupes nombreuses et
par la défense d'exportation en tout genre faite par les Cisalpins.
Pour y remédier, l'empereur a permis, en Hongrie, l'exportation
libre du vin, du blé et des bœufs pour l'armée d'Italie.
Il ne cesse pas d'arriver des troupes fraîches dans le Tyrol. Les
régiments y sont tous au complet, ce qui est d'autant plus surpre-
nant qu'il y avait des régiments, il y a quatre mois, réduits à
soixante hommes, nommément celui de iSpleny.
Si la guerre continue, il serait très essentiel de gagner les Tyro-
liens en faveur des Français ; il faudrait, pour cela, suivre
l'exemple du général français qui, avant le premier armistice,
avait permis d'exporter une certaine quantité de blé pour les habi-
tants de Reulte. Cet acte de bienveillance s'est répandu dans le
Tyrol, et on en parle encore avec une vive reconnaissance, et on
ne manque pas de dire, de bonne foi, que les Français ne sont
pourtant pas si méchants comme les Autrichiens cherchent à le
leur persuader. Il est certain qu'en les traitant avec douceur, ik
déposeront cette haine qu'ils portent contre eux aujourd'hui.
CHAPITRE VI
Decaeu charge'" de fournir de nouveaux renseignements. — La guerre va recommencer.
— Des rapports précis et dëtaillés ne permettent plus d'en douter. — Préparatifs des
Autrichiens. — lis fortifient la ligne de l'Inn. — Emplacements de leurs troupes. —
Les hostilités doivent reprendre le 7 frimaire. — Pour presser la rentrée des
réquisitions. Decaen place des garnisaires chez dix notables de Munich. — Le gouver-
nement électoral lui fait des représentations. — Decaen en reconnaît le bien fondé. —
Son irritation conire le commissaire Mathieu-Faviers. — Les troupes de Montrichard
appuient vers leur gauche. — La division Decaen se resserre. — Les rapports
annoncent de constants mouvements des Autrichiens vers l'Inn. — Le mécontentement
en Bavière. — On y est disposé à un soulèvement contre l'Électeur. — Projet d'une
république bavaroise sous l'égide de la France. — On demande à Decaen de le favori-
ser. — II refuse. — Raisons qu'il en donne. — Moreau les approuve. — Composition
de la division Decaen au 1"' frimaire. — L'aile droite française serre sur le gros de
l'armée. — Légers dissentiments entre Decaen et Debilly.
10 brumaire (1" novembre). — Je reçus une lettre du général
Dessolle, datée de Ratisbonne le 9. Il me mandait :
N'ayant pas encore reçu d'ordres du gouvernement (1) pour prolonger
l'armistice, il est important que je connaisse, mon cher général, tous les
mouvements que peut faire l'ennemi. Je vous prie donc d'envoyer des
émissaires et de prendre tous les moyens pour découvrir ce qui se passe au
delà de l'Inn. Si vous êtes averti de quelque mouvement de troupes, veuillez
me le faire connaître. Je compte avoir le plaisir de vous voir après-demain.
Pour satisfaire à cette invitation, des émissaires furent de suite
expédiés sur divers points, avec les instructions ci-après :
1° Désigner la force des troupes qu'ils rencontreraient sur leur
route, avec les noms des régiments;
2° S'informer des endroits où les magasins sont établis;
3° Si l'ennemi fait des mouvements et dans (juelles directions;
s'il arrive des troupes, soit de la Bohème, soit de la Hongrie, et en
quel nombre :
4° En quel état sont les retranchements auxquels on travaille à
(1) • Le général en chef était encore à Paris • (Mote de Decaen).
LA GUERRE VA RECOMMEMCER 105
Kraiburg, Mùhidorf et Wasserhurg ; s'ils sont pourvus trartillerie;
quel est le nombre de pièces et leur calibre;
5" Remarquer si on construit de nouveaux ouvrages et sur quels
points;
6* S'informer du lieu où se trouve le parc d'artillerie, et dans
quels endroits sont établis les hôpitaux;
7° Apprendre, si cela est possible, qui commandera l'armée au-
trichienne d'Allemagne, et si on espère que ce sera le prince
Charles ; et qui commandera l'armée d'Italie ;
8° Ce qu'on dit de la paix et de la guerre ; quelle est l'opinion à
l'égard du congrès de Lunéville; enfin s'informer de l'esprit qui
règne dans les Etats de l'Autriche, c'est-à-dire s'il y aurait mécon-
tentement ou indifférence dans le cas où les hostilités se renouvel-
leraient.
11 brumaire (2 novembre). — Le général Dessolle arriva à
Munich comme il me l'avait annoncé. Le lendemain était le terme
des quarante-cinq jours de suspension d'hostilités selon la conven-
tion du 3"^ jour complémentaire (20 septembre). Ainsi nous atten-
dions des ordres du gouvernement pour traiter d'une nouvelle
prolongation d'armistice ou bien, selon ladite convention, pour
prévenir l'ennemi de la reprise des hostilités, ou enfin à recevoir
de sa part cet avertissement. Xous restâmes dans cette attente jus-
qu'au 20 brumaire qu'il arriva au général Dessolle une dépêche
du général en chef dans laquelle il lui annonçait que, d'après les
ordres du Premier Consul, il fallait se préparer à recommencer la
guerre, l'Autriche se refusant à faire une paix séparée de ses amis
les Anglais, tandis que ceux-ci la poussaient à la guerre.
20 brumaire (11 novembre). — Alors le général Dessolle, con-
formément aux instructions du général eu chef, expédia un offi-
cier pour le quartier général de l'armée autrichienne, porteur de
la notification que les hostilités recommenceraient après quinze
jours expirés, à dater de l'heure à laquelle cette notification serait
remise.
D'après les instructions que me donna verbalement le général
Dessolle, je mandai aux généraux de brigade de ma division qu'à
compter du 22 courant, toutes communications devraient cesser
106 MlhlOIRES ET JOURNAUX DU GÉNÉRAL DECAEN
aux avant-postes, et de prescrire à leurs avant-postes qu'on devait
s'en tenir striclement à celles usitées lorsque les hostilités étaient
en pleine activité; cependant, qu'il n'était rien changé à l'ordre
relatif aux officiers autrichiens ou courriers porteurs de dépêches;
mais de faire recommander aux officiers et sous-officiers chargés
de les escorter de ne les laisser communiquer avec qui que ce soit
(|u'avec des officiers de l'armée.
Le général Dehilly reçut en outre l'ordre de renforcersa [ligne]
et de la prolonger par sa gauche jusqu'à Zinneberg exclusivement
où appuierait la droite du général Durutte. Il lui fut recommandé
de porter son attention surtout sur le débouché d'Ettal sur Mur-
nau; de concentrer ses troupes de manière à ce qu'en six heures
de temps chaque bataillon pût être réuni à chaque point central,
ces points devant être Murnau, Weilheim et Tolz pour une partie,
et Holzkirchen et Wolfratshausen pour l'autre partie; que ce qui
lui resterait de cavalerie non employée sur la ligne d'avant-postes
sur la gauche de l'Isar ne devrait pas être éloigné de Tôlz de plus
de deux marches.
Ce général fut invité d'établir son quartier au centre de sa bri-
gade pour être en mesure de pouvoir surveiller sa ligne. Il fut
prévenu que deux pièces de 4, et des caissons de munitions et
de cartouches lui étaient envoyés. Il lui fut recommandé de se
faire rendre compte sans retard de l'état de l'armement, et que,
s'il man(|uait des armes, les chefs de corps devaient sur-le-champ
adresser leurs états de demandes pour qu'ils fussent envoyés au
général Eblé, commandant en chef l'artillerie de l'armée.
Ces dernières dispositions furent mandées au général Durutte
auquel il fut aussi ordonné d'établir ses avant-postes de la manière
la plus convenable pour garder tous les débouchés depuis la droite
du lieutenant général Grenier jusqu'à Zinneberg.
Un des émissaires envoyés aux nouvelles était de retour le 18
et, par son rapport, que je communiquai au général Dessolle, on
apprit que le régiment de hussards des frontières était à Haag;
que le baron Daniel, colonel de ce régiment, commandait provi-
soirement tonte la chaîne de postes jus(ju'à Wasserburg, montant
à 6 000 hommes, dont 2 000 de cavalerie; qu'à Ampfing, il avait
trouvé deux escadrons de Kinsky; qu'à .\Iiihldorf et dans les envi-
rons, il y avait 3 000 à 4 000 hommes récemment arrivés de la
PRt:PARATIFS ALTlllCHlENS 107
Bohême et de la Hongrie et qui devaient être incorporés dans plu-
sieurs régiments; que la garnison était d'environ 500 hommes;
qu'on y attendait le prince Ferdinand qui commanderait le centre;
que 3000 hommes travaillaient aux retranchements qui ceignaient
toute cette ville dont on pouvait parcourir la circonférence dans
une demi-heure; qu'il y avait aussi beaucoup d'ouvriers employés
à faire des chevaux de frise ; qu'il y avait, à Mùhldorf, un immense
magasin rempli de foin, d'avoine et de farine, et il assurait que
le bâtiment avait 180 pas de longueur et 68 pas de largeur; que,
dans Alt-Oetting, il y avait des Bavarois, notamment le régiment de
dragons de Heidelberg et le régiment d'infanterie de Rothenhau-
sen; que le ([uartier général du duc de Deux-Ponts était dans cet
endroit; que le corps bavarois, depuis Alt-Oetting jusqu'à Marktl,
montait à 6 000 hommes; qu'il avait parlé à plusieurs officiers
bavarois qui affirmaient que l'Electeur avait, dans ce moment,
30 000 hommes à la solde de l'Angleterre ; que, d'après leur asser-
tion, il régnait dans l'armée palatine un mécontentement général
surtout contre les Autrichiens; qu'à Marktl, il avait trouvé les
chevau-légers de Fugger au nombre de 500; qu'il était arrivé
le 15 à Braunau; que la tête de pont de ce côté-ci de l'Inn était
déjà achevée; que les retranchements étaient garnis de chevaux
de frise; qu'il y avait aperçu 12 à 15 pièces de canon du calibre
de 18; que, de l'autre côté de l'Inn, en sortant de la ville, à
gauche du chemin de Scharding, il avait vu environ 150 pièces de
canon ({u'on disait destinées pour les retranchements qui étaient
très considérables, sur la rive droite de l'Inn, et que 15 000 à
20 000 hommes pourraient aisément s'y défendre; (ju'il n'y avait
que 500 hommes à Braunau; que c'était le général Colloredo
qui y commandait; qu'il n'y avait point de magasins; mais qu'à
Ried, il y en avait de très considérables, remplis de foin, d'avoine
et de farine; ([u'il avait appris ({u'il y en avait aussi à Neumarkt,
au delà de Salzburg; que les deux bataillons de chasseurs qui se
trouvaient à Braunau avaient été rappelés en Bohême pour se
joindre à leurs compatriotes, chaque seigneur ou propriétaire four-
nissant des chasseurs en proportion du nombre de leurs sujets;
[qu'] on prétendait que la levée en Bohême, en Silésic et en
Moravie s'élèverait à 60 000 hommes qui seraient commandés
parle prince Charles; qu'il avait appris à Altheim, où le prince
108 MKMOIRKS ET JOURMALX DU GEXERAL DECAEY
de Ligne «Hait avec deux bataillons de son régiment et une divi-
sion de La Tour-dragons, que trois régiments d'infanterie
devaient y arriver incessamment; que, vers Scharding, sur le ter-
ritoire bavarois, il y avait 1 500 liulans, et que les babitants de
cette contrée se plaignaient beaucoup de leurs excès; que, depuis
Braunau jusqu'à Scharding, l'ennemi avait élevé une vingtaine
de batteries toutes prêtes à recevoir des canons; que, dans Scliâr-
ding, il y avait 400 bommes de différents régiments d'infanterie
et quelques détachements de chevau-légers ; que, dans Passau,
où il était arrivé le 15, à 9 heures du soir, était le quartier général
Kollowrat, il n'y avait que 400 hommes d'infanterie du régi-
ment de Wenkheim; mais que, dans les environs, il y avait
4000 hommes; qu'il était revenu de Passau par Vilshofeu et
Landshut; qu'à Vilshofen, l'ennemi avait enlevé le pont sur le
Danube.
Dans toute sa route depuis Haag jusqu'à l'assau, il n'avait ren-
contré aucune troupe en marche, ni aperçu aucune trace des
mouvements d'une armée.
On doutait partout de la paix, et les Autrichiens eux-mêmes
prétendaient que le congrès de Lunéville n'était qu'un prétexte
pour gagner du temps, l'intention de l'empereur n'étant que de
calmer les esprits avec l'apparence de désirer la paix.
On lui avait dit, à Passau, qu'on y préparait des quartiers pour
un corps considérable de la levée hongroise. On y disait aussi que
le quartier général autrichien, qui était encore à Wels, devait se
porter en avant. Il y avait aussi appris que le parc d'artillerie et
les pontons étaient encore dans les environs de Uels. Il avait
observé que le mécontentement chez les sujets autricliiens, aussi
bien que dans l'armée, était au plus haut point. On se déchaînait
contre la disparition entière du numéraire et contre les maux de
la guerre.
Dans la partie de la Bavière où il avait passé, les habitants
détestaient jusqu'à la mémoire de l'Électeur et disaient des injures
contre les .Autrichiens.
Dans les pays héréditaires de l'Autriche, le bruit y était répandu
au sujet de l'assassinat tenté sur le Premier Consul, et, en général,
les habitants disaient que, si les Français estimaient le prince
Charles, ils n'aimaient pas moins Bonaparte.
LE CORPS DE CONDÉ VERS ROSEMHEIM 109
D'un autre émissaire, qui fit son retour à Munich dans la soirée
du 20, on eut les renseignements ci-après :
On travaillait toujours aux retranchements de Wasserburg,
mais il y a seulement 300 ouvriers, paysans et soldats. La garni-
son est composée du régiment de milices wurtembergeois. C'est
le colonel Mixich qui commande à Wasserburg où on attend le
contingent de Souabe d'environ 3 000 hommes.
Six compagnies de chasseurs wurtembergeois occupent la ligne
depuis Wasserburg jusqu'à Rosenheim. A une lieue de la première
ville, il y a une batterie construite au bord de rinn,sur la rive droite.
Le corps de Condé, fort encore de 3 500 hommes, occupe
Rosenheim, Aibling et l'étendue de pays jusqu'à Fischbachau, en
deçà de l'inn, et jusqu'à Alarquarlstein vers Salzburg. La chaîne
des avant-postes est gardée par des hussards des frontières et par
des fantassins de Gradisca.
Le prince de Condé a sou quartier général à Rosenheim. La
garnison est composée de 1 200 hommes. Le duc d'Enghien est
à Aibling et commande la cavalerie; mais il n'a avec lui que
300 hommes. Le corps de Condé a son magasin à liranneuburg.
A Kufstein, il y a deux compagnies de Bender commandées par
un colonel. Les habitants ne permettent à aucun individu du corps
de Condé d'y entrer.
A Worgl, quatre lieues de Kufstein, il y a un magasin rempli
de blé et de fourrage. Le principal magasin de l'ennemi est à
Hall, qu'on augmente journellement au moyen d'une quantité de
bateaux chargés de blé arrivant par l'Inn. On a fait, le 10 bru-
maire (7 novembre), à Worgl, une réquisition de 36 000 quintaux
de foin. Ce même jour, trois compagnies de chasseurs tyroliens
ont passé par Worgl pour aller prendre poste au défilé d'Achen-
Thal. On a appris de ces Tyroliens que le nombre des chasseurs
de leur pays organisés et armés montait à 13 000 hommes qui
avaient reçu ordre de se porter sur différents points indiqués. La
levée en masse est ordonnée.
Quinze bataillons de troupes de ligne avaient passé, il y avait
quinze jours, par le Tyrol pour se rendre en Italie.
Cet émissaire avait rencontré à Miihlthal (J) des quarlier-
(1) Mùhlilial, qui ne Ggure plus sur les cartes modernes, est porté sur la carte de la
no MÉMOIRES ET JOTRXAUX Dl GÉXÉRAL DECAEX
maîtres qui arrivaient pour préparer des logements; d'après leurs
assertions, 12 bataillons étaient attendus successivement. On avait
mis, dans cet endroit, 12 000 bottes de foin en réquisition parce
qu'on y attendait aussi de la cavalerie et des équipages.
Il avait rencontré 150 bas-officiers détachés de l'armée d'Italie,
destinés partie pour la Bohème, partie pour la Hongrie, pour
l'instruction des levées.
On disait le général IVIack déjà arrivé eu Italie.
Les soldats se flattaient que le prince Charles commanderait
l'armée d'Allemagne.
21 brumaire (12 novembre). — Le général Dessolle retourna à
Augsbourg. Je partis aussi de .\Iunich pour aller vers les frontières
du Tyrol. Pendant ce voyage, je reçus deux lettres de ce général.
11 me mandait, dans l'une, que le commissaire ordonnateur en chef
m'avait transmis, par l'intermédiaire du commissaire des guerres
de ma division, l'état des denrées à fournir par difierents états oc-
cupes par les troupes à mes ordres, pour la formation des magasins
de réserve indiqués par l'ordre général de l'armée du 1 " brumaire;
que le salut de l'armée commandait de grandes précautions, pour
assurer les subsistances dans tous les cas.
Profitez donc, (me disait-il) des derniers moments que vos troupes
occuperont les Etats pour que, d'ici au 1" frimaire prochain, les deux tiers
des denrées qui y ont été requises soient rentrées dans les magasins dési-
gnés dans l'ordre précité.
Je crois inutile de vous déduire d'autres raisons pour vous prouver que
l'exécution de cette mesure est de la plus grande importance pour les suc-
cès de l'armée. Je connais votre prévoyance. Cela me suffit pour me con-
vaincre que vous ne négligerez aucun des moyens qui sont en votre pou-
voir afin de remplir le but que s'est proposé le général en chef en prenant
ces dispositions.
Par l'autre lettre, le général Dessolle me disait qu'il m'avait
écrit de profiter des derniers moments où je devais rester dans mes
cantonnements pour faire rentrer les denrées mises en réquisition;
(|ue, s'étant fait représentera l'instant l'étatde situation des maga-
sins, il s'était aperçu que l'article des avoines était bien au-dessous
Bavière de Joseph Diruald, de 1S13, à 800 mètres enuroii à l'est de Saiut-Peter, à 10 kilo-
mètres environ au S.-S.-E. d'Innsbrutk.
DECAEM REXTRE A ML.MCH 111
des quantités qu'il avait lieu d'espérer être rentrées à cette époque ;
qu'il donnait ordre à l'ordonnaleur en chef de faire partir à l'ins-
tant des agents sur tous les points pour faire rentrer, par tous les
moyens, les avoines qui avaient été mises en réquisition. Enfin il
me recommandait d'aider ces agents de toute mon autorité.
Comme j'avais autorisé d'ouvrir les lettres qui m'arriveraientdu
quartier général pendant mon absence, ces deux lettres avaient été
de suite communi(|uées au commissaire des guerres de la division
qui avait aussitôt transmis au gouvernement bavarois ce qu'expri-
mait le général Dessolle sur le peu d'approvisionnement en avoine ;
et ce commissaire avait ajouté :
Ces deux lettres ne sont que confirmatives des plaintes que je vous ai
manifestées plusieurs fois sur la lenteur des versements et notamment par
ma lettre du 21 de ce mois. 11 n'est donc plus tenqis de recourir à aucune
réclamation. Le contingent auquel le gouvernement bavarois a été imposé,
doit être fourni sans délai ni restriction, et c'est là oîi mes prétentions se
bornent (l). Le général Decaen, à son retour, ne pourra que partager
avec moi un sentiment de sévérité que commande fintérét de l'armée.
26 brumaire (17 novembre). — De retour à Alunicb, ayant ap-
pris que les demandes réitérées du commissaire des guerres étaient
restées sans effet, j'ordonnai des exécutions militaires pour le len-
demain.
Je reçus une lettre du général Dessolle. Il me mandait :
Je n'ai pas reçu d'autres nouvelles du général en chef depuis mon dé-
part de Munich. Ainsi nous en sommes toujours à nos premières instruc-
tions. J'ai reçu réponse de l'archiduc Jean. Chouard (2) n'a pu arriver à
lui que le 22 à 6 heures du matin. Ainsi c'est pour le 7 frimaire, à la
même heure, qu'il faudra recommencer d'en découdre, s'il ne survient
rien de nouveau. Xos magasins en grains sont assez bien approvisionnés.
(1) " Ce commissaire aïait reçu une réponse hanlaine, on peut même dire imperti-
nente, à sa lettre du 21 • i^Xote de Decaen;.
(2) Chouard (Louis), né le 15 août 1771, à Strasbourg; aspirant au corps royal d'ar-
tillerie, le 28 septembre 1789; lieutenant au 1"'' bataillon du Bas-Rhin eu 1791; sous-
lieutenant au 9*^ de cavalerie, le 25 janvier 1792; lieutenant, le 1"' avril 1793, capitaine,
le 29 brumaire an II; aide de camp du général Delmas, le 15 brumaire an VII: nommé
chef d'escadrons sur le champ de batiille, le 16 germinal an VU; aide de camp dn géné-
ral Moreau, le 22 floréal an VII; colonel du 2<^ cuirassiers, le 6 nivôse au XIV; général
de brigade, le 6 août 1811 ; commandant l'arrondissement de Huningue, le 5 septem-
bre 1814; retraité, le l"^!^ août 1815; commandant le déparlement de la Marne, le 14 jan-
vier 18.31; commandant le département de la Meurthe et une brigade de cavalerie, le
27 juin 1833; retraité, le 1" octobre 1833 (A. A. G.).
112 MKMOIRES ET JOIRXALX DU GENERAL DECAE.V
Pressez le <]ouvernei)icnt électoral de verser autant d'avoine qu'il le pourra.
Pour le foin, nous verrons de nous aider avec de la paille.
27 brumaire (18 novcmhie). — J'écrivis au général Dessoile :
J'étais allé vers les frontières du Tyrol lorsque vos lettres relatives aux
approvisionnements sont arrivées. Pendant mon absence, on a renouvelé à
MAI. du gouvernement électoral les instances les plus vives pour qu'on
accélère les rentrées des avoines et fourrages. A mon retour, n'ayant
trouvé que des promesses ou des observations pour résultat, puisque nous
n'avons pas pour plus de 10 000 chevaux pendant trois ou quatre jours,
j'ai ordonné qu'il y ait aujourd'hui des exécutions militaires chez dix des
principaux de Munich et surtout chez les membres du gouvernement. Ma
rigueur va sans doute me faire recevoir une de leurs lettres où, de nou-
veau, ils vont répéter que je suis difficile à satisfaire et surtout que leur
grandeur magistrale a été froissée, s'ils n'en disent pas plus. Mais je vais
en rire, et j'aurai de l'avoine. Vous allez, je crois bien, recevoir leurs
plaintes. Ils vont exposer qu'ils ont déjà rempli plus de la moitié de la
réquisition, ce qui est vrai. Mais comme on a mangé sur ces rentrées, puis-
qu'il n'y avait en magasin qu'au jour le jour, il n'en reste plus qu'un
tiers, et il faut encore que les distributions soient faites jusqu'au 1" frimaire.
Dans ma tournée, qui avait pour but de reconnaître le débouché de la
Loisach et du VValchen See, j'ai reconnu que les routes étaient en bon état,
ce qui n'est pas ainsi entre Augsbourg et Munich. J'ai ordonné qu'un
officier d'élat-major se rende aujourd'hui sur cette route et mette en
réquisition tous les paysans des villages pour travailler aux réparations
faites à cause de la proximité des bois. Si vous ordonniez, mon cher géné-
ral, qu'il en fût fait autant du côté d'Augsbourg, cela serait plus vite ter-
miné.
D'après le dire des habitants de la haute Bavière, l'hiver ne sera pas
rigoureux. Ils m'ont assuré que les grandes communications ne sont
jamais impraticables.
Xe serait-il pas possible que l'aile droite vint relever mes avant-postes
à Etlal et même dans la vallée de la Loisach? Encore ma ligne serait-elle
très longue à replier lorsqu'il faudra que je me réunisse.
Les garnisaires qui avaient été placés pour forcer l'exécution des
versements déterminèrent les membres du gouvernement électoral
à m'adresser une note qui me fut présentée par l'un d'eux, et
(|u'ils appuyèrent de la réquisition (jui leur avait été faite par le
commissaire ordonnateur en chef, ainsi ([ue de la correspondance
réciproque à ce sujet. Ce commissaire s'étant écarté des dispositions
prescrites par le général en chef, il en résultait que le gouverne-
ment électoral n'était point en retard pour les versements qu'il
EQUITE DE DECAEN 113
devait faire opérer. Alors, je répondis à cette note par la sui-
vante :
D'après la connaissance prise par le général de division Decaen du
contenu de la note de MiM. les membres du gouvernement électoral en
date du... et des pièces à l'appui, pour démontrer qu'il y a une erreur
pour l'evécution militaire ordonnée : puisqu'il n'y a point eu de retard
apporté pour remplir la réquisition du 21 vendémiaire, le général Decaen
a arrêté les suites de cette exécution militaire. Mais il prévient J\IVI. les
membres du gouvernement électoral que le commissaire .Mathieu-Faviers,
qui a causé cet acte de rigueur par la manière dont il a tenu sa correspon-
dance avec le gouvernement électoral, n'avait pas le droit de rien changer
aux ordres du général en chef comme il l'a fait par cette correspondance
en tout contraire aux dispositions de l'arrêté dont il a été donné commu-
nication.
Ainsi MM. les membres du gouvernement électoral doivent regarder
toutes les dispositions contraires à cet arrêté comme non avenues et exécu-
ter celles qu'il prescrit, dont les principales sont que la réquisition frappée
doit être remplie indépendamment de la subsistance journalière qui a été
fournie dans le mois de brumaire, et que, pour le troisième tiers à effec-
tuer, il ne sera point pris en compte des versements des bons antérieurs à
l'arrêté.
Le général Decaen aime à croire que MM. les membres du gouverne-
ment électoral feront tout ce qu'il est convenable pour qu'il n'y ait point
de retard dans le complément des approvisionnements demandés et néces-
saires aux besoins de l'armée.
Après l'envoi de cette note, j'écrivis au général Dessolle :
Si j'avais quelque autorité sur le commissaire Mathieu-Faviers, je vous
assure que je le ferais prendre par quatre gendarmes pour le faire jeter
hors de l'armée, si je ne me décidais pas à le mettre à une commission
militaire, que personne n'a jamais mieux méritée que lui.
Si l'armée manque de fourrages et d'avoine, c'est au commissaire Mathieu
seul qu'il faut en attribuer la cause : les pièces que je vous adresse avec la
présente le démontrent évidemment. L'arrêté du général en chef pour la
formation des magasins de réserve n'a point été suivi par ce commi.ssaire
pour frapper ses réquisitions : il ne faut que le lire, et, surtout, sa lettre
d'envoi aux membres du gouvernement bavarois.
Le commissaire Matliieu a fait plus encore... Dans le moment où ces
magasins ne sont pas en état de fournir à nos besoins et que vous recom-
mandez de presser les versements, le commissaire Mathieu s'est permis
d'accorder une prime, en disant au gouvernement électoral que s'il four-
nit deux tiers de la réquisition au 1" frimaire, il prendra en compte, pour
le troisième tiers, les réquisitions partielles antérieures à la date de l'ar-
rêté du général en chef, tandis que l'article (> de cet ari'êté dit très daire-
II 8
114 MÉMOIRES ET JOURNAUX DU GÉNÉRAL DECAEN
ment que les bons des troupes ne peuvent être remis en paiement de cette
réquisition. Quelle conduite inconcevable!... Aussi les membres du «gou-
vernement électoral, auxquels j'avais envoyé des exécutions militaires,
comme je vous l'ai annoncé ce malin, de me démontrer que mon exécu-
tion était illégale, puisque, d'après la manière d'agir du commissaire
Mathieu, au 1" frimaire ils auront fait les versements qu'il leur a deman-
dés et qu'ils auront des bons à représenter pour le troisième tiers. Et pour-
tant, nous n'aurons presque rien en magasin puisque un tiers au moins a
déjà été consonnné et qu'un autre ne sera fourni qu'en bons, si, de suite,
mon cher général, vous n'ordonnez pas que la réquisition du commissaire
Mathieu est annulée et, en même temps, que vous ne fassiez frapper
une autre réquisition dans la forme prescrite par l'arrêté du général en
chef.
J'ai prévenu les membres du gouvernement que cette mesure allait être
prise et qu'ils aient à faire leurs dispositions de sorte que, quoique le
commissaire Mathieu soit sorti des bornes qui lui étaient prescrites, il
n'arrive point que l'armée éprouve la moindre difficulté pour ces besoins.
29 hrumaire (20 novembre). — En réponse à celte lettre, le
général Dessolle m'écrivit que l'ordonnateur lui avait répondu
que ce n'était point les bons de troupes qu'il admettrait en réduc-
tion de paiement du troisième tiers de la réquisition, mais seu-
lement les réquisitions partielles des commissaires des guerres
|)endant l'intervalle entre la consommation de la réquisilion de
l'avant-dernier trimestre et l'établissement de celle du 21 vendé-
miaire pour le trimestre actuel ; qu'il lui avait défendu, vu les cir-
constances où nous nous trouvions, d'accepter de pareilles com-
pensations qui, d'ailleurs, étaient légitimes, et qu'il l'avait en
même temps autorisé à frapper sur la Bavière une réquisition de
15 000 quintaux d'avoine et de plusieurs milliers de quintaux de
foin et de paille en avance sur la réquisition à frapper sur le tri-
mestre prochain, et lui avait dit de motiver cette mesure sur la
rapidité des mouvement de l'armée et sur les obstacles provenant
des mauvais chemins (|ui ne permettaient pas d'amener sur la pre-
mière ligne, assez à temps, les magasins que nous avions en
arrière.
Il m'annonçait qu'il allait donner des ordres pour la réparation
des chemins depuis Augsbourg jusqu'à l'endroit oii j'avais fait
commencer ; mais qu'il attendait que la division Richepance eût
passé.
11 me mandait aussi qu'il avait donné l'ordre au général Mon-
ON PREPARE LA REPRISE DES OPÉRATIONS 115
(richard de relever mes postes depuis la Loisacli jusqu'à l'Isar.
Le général Dehilly fut prévenu de eet avis, et des ordres lui
furent donnés pour faire passer sur la rive droite de Tlsar ce
qu'il avait des troupes de sa brigade sur la rive gauche, ainsi que
ses postes quand ils seraient relevés, et de les placer dans les nou-
veaux cantonnements qui lui furent indiqués.
50 hrumaire (21 novembre). — Les renseignements qui me
parvinrent à la fin de brumaire apprirent, entre autres choses,
<[ue Fartillerie qui avait été envoyée des bords de Flnn en Bohême,
après le premier armistice, était en mouvement pour se porter, une
partie vers Straubing et Ratisbonne; et l'autre, renforcée par trois
bataillons, se portait vers Schiirding, liraunau et W asserburg ; [que]
les batteries le long de l'Inn, depuis Passau jusqu'à Miihldorf, ve-
naient d'être garnies avec des pièces de différents calibres et que
tous les ouvrages de Braunau, en deçà et au delà de 1 Inn, étaient
achevés et garnis d'artillerie ; (juauprès de Straubing, on formait
en toute diligence un grand magasin de farine, avoine, etc..
Les divers rapports annonçaient des mouvements de troupes se
dirigeant sur différents points ainsi ([ue des transports de \ ivres et
de munitions.
Le quartier général était toujours à Wels. Cependant plusieurs
généraux et officiers supérieurs avaient rejoint leurs corps res-
pectifs.
L'archiduc Charles, disait-on, commanderait indubitablement
la levée en masse de la Bohême. Les troupes paraissaient très ani-
mées par la gratification de deux mois de gages accordée par
l'empereur.
Un grand corps de cavalerie se portait au delà de l'Eger.
Les dernières recrues qui manquaient encore pour compléter
les différents corps venaient d'arriver de la Moravie, et l'armée
d'Allemagne serait de 100 000 hommes.
On présumait ([ue les Autrichiens dirigeraient leurs plus grandes
forces sur Wiirzburg et que c'était là qu'ils voulaient attaquer
avec vigueur.
L'armée n'était pas contente de l'archiduc Jean, et il n'était pas
encore décidé qui commanderait l'armée d'Allemagne.
Les officiers sont très mécontents. Ils jurent contre la guerre,
ne MKWOIRES lOT JOURNAUX DU GKXKRAL DECAEN
les généraux et les minisires, et disent qu'il faudrait <|ue les
Français allassent à Vienne pour faire revenir l'empereur de son
égarement où Font conduit des ministres mal intentionnés.
Les Bavarois, sous les ordres du duc de Deux-Ponts, étaient
])lacés entre Miihldorf et Oetting.
L'IOlecteur continuait la levée extraordinaire pour former son
armée.
Le peuple bavarois commence à manifester un esprit mutin, ce
qui est excité par les charges de guerre qu'ils ont à supporter.
L'élat-major général de l'armée autrichienne est composé des
généraux Schmidt, Lutz, Kouheics (1), Weyrother, Stipsics et
Lauer. Ces deux derniers sont constamment auprès de l'archiduc
Jean.
On a été fort étonné, au quartier général, à l'arrivée de la
dénonciation de l'armistice. On a expédié des courriers et des
estafettes sur-le-champ.
Le sentiment de plusieurs officiers est que leur armée n'agira
(|ue défensivement sur le centre, et qu'elle attaquera avec vigueur
les Français du côté du Tyrol et par la Franconie pour les tour-
ner. On porte leur armée du Tyrol à 60 000 combattants.
On répand, dans l'armée autrichienne, que 40 000 Russes sont
déjà arrivés dans la Galicie.
Les officiers autrichiens comptent sur un nouvel armistice. Ils
disent que l'empereur ne tardera pas à céder encore quelques
places.
Les habitants de l'Autriche, poussés à bout par le manque de
numéraire, les contributions, les prestations de vivres et four-
rages, les logements et les transports, etc., sont fort indifférents
sur ceux qui remporteront la victoire, soit Autrichiens ou Français,
pourvu que la guerre finisse.
La Révolution française avait, dès son commencement, jeté des
germes de liberté dans les divers états de l'Allemagne. Les inva-
sions des armées françaises dans ce pays, leurs victoires, la con-
quête de l'Italie et la création de la République cisalpine avaient
beaucoup contribué à faire désirer un tout autre système de gou-
vernement que celui qui existait pour l'Allemagne en général
(1) Peut-èlre fuut-il lire Juerczick.
PROJET DU\E REPUBLIQUE BAVAROISE 117
et d'après lequel on gouvernait les divers états de l'empire ger-
manique.
Tous les hommes instruits considéraient qu'un changement
indispensahle devait incessamment s'opérer, parce qu'ils jugeaient,
par l'opinion qui régnait alors, produite par les lumières (pii
s'étaient répandues, que les esprits y étaient fort hien disposés et
qu'ils y étaient même excités par tout ce qu'on avait souffert
depuis plusieurs années pendant lesquelles la plus grande partie
de l'Allemagne avait été le théâtre d'une guerre dont les peuples
de cet empire étaient, de toute manière, les victimes.
D'ailleurs, les Allemands, qui étaient fort loin de considérer
comme pernicieux les principes de la nation française, voulaient,
comme cette grande nation, l'aholissement des privilèges et des
droits féodaux et être gouvernés par des lois et non par l'arbi-
traire, et ils espéraient hientôt jouir de ce bonheur qu'ils considé-
raient comme un grand dédommagement des maux en tous genres
qu'ils avaient soufferts avec résignation.
Mon seulement ils ne voyaient plus avec indifférence comme
par le passé les ventes d'hommes que plusieurs de leurs petits
princes faisaient à l'Angleterre, mais encore ils en étaient très
irrités.
Le mécontentement excité en Bavière par les maux de la guerre
et parce que son Electeur avait reçu un subside des Anglais, à
l'imitation de l'Autriche qu'alors on détestait, était porté à un tel
point que, pendant la première suspension d'armes, on vint m'in-
former qu'on était disposé à un soulèvement contre l'Electeur et
son gouvernement; que, si je voulais favoriser le mouvement, on
allait tout préparer pour l'entreprendre, et que l'étendard de la
liberté bavaroise serait arboré à Munich et dans toute la partie de
la Bavière occupée par l'armée française (1).
Je répondis alors que je ne pensais pas qu'il fût dans l'intention
du gouvernement français qu'il fût donné une protection appa-
rente à une pareille entreprise, d'autant plus que je croyais que
son système était d'atteindre à la paix générale le plus tôt que
cela lui serait possible; qu'il s'écarterait donc de ce système s'il
(I) La république que l'on se proposait alors de fonder à Munich, sous les auspices
de la France, aurait compris la Franconie, la Souabe, la Uaiière (Lettre au général en
chef de l'armée du Uhin, 8 août 1800, A. H. G.).
118 MÉMOIRES ET JOUR\\^UX DU GE\ERAL DECAE.V
|)i(> logea il une insiirrerlion en Bavière où les Autrichiens avaient
encore leur armée. J'ajoutai qu'il fallait réllécliir sur un tel pro-
jet et surtout considérer les suites et les effets de la Révolution
française; que, si l'anéantissement des abus, l'abolition des privi-
lèges et des droits féodaux, la liberté des cultes, etc., ainsi que le
désir de voir exister un meilleur gouvernement, étaient des motifs
bien puissants pour engager à marcher vers le but qu'on s'était
proposé, il fallait aussi mettre en balance tout ce (|ui pourrait
arriver d'une révolution qu'on ne pourrait peut-être pas conduire
comme on le voudrait; ainsi, qu'il faudrait plutôt tâcher de remé-
dier à ce dont on se plaignait par des mesures qui, avec le temps,
amélioreraient le gouvernement actuel de la Bavière au lieu d'agir
pour le renverser; que, d'un autre côté, il fallait aussi faire atten-
tion que, si le gouvernement français ne voulait pas accorder sa
protection, je trouvais que la population de la Bavière était trop
faible pour agir seule, et le pays étant surtout en contact avec la
Prusse et l'Autriche qui feraient certainement tous leurs efforts
pour y comprimer toute entreprise en faveur de la liberté.
On ne fut pas satisfait de ma réponse et de mes observations.
Néanmoins on revint, quelques jours après, me faire de nouvelles
sollicitations auxquelles je mis fin en disant que le général en
chef était à Augsbourg; (|u'on allât vers lui, et que, s'il accueil-
lait les propositions, il m'ordonnerait ce qu'il jugerait convenable;
et qu'alors je ferais ce qu'il me prescrirait.
Quand j'eus l'occasion de parler de ces propositions au général
Moreau,il me dit que j'avais bien répondu et que, lui-même, avait
fait entendre que ce qu'on demandait ne pouvait pas se faire; qu'il
fallait donc rester tranquille.
Je dois dire aussi que ceux qui désiraient un nouvel ordre de
choses en Bavière, et qui agissaient pour pouvoir parvenir à l'éta-
blir, étaient tous distingués par leur mérite personnel, leur ins-
truction, la considération dont ils jouissaient dans la société, et
qu'eu outre ils étaient tous propriétaires.
Le non-succès de leurs premières démarches leur fit beaucoup
de peine, car ils croyaient bien sincèrement mettre à exécution,
sous l'égide de l'armée française, tout ce qu'ils avaient prémédité.
Cependant ils ne désespérèrent pas que l'avenir pourrait être
plus favorable à leur patrie et à leurs desseins. On continua de
GOMPOSITIOX DE LA DIVISIOX DECAE.V 119
répandre des pamplilels et il en parut plusieurs dans le moment
où il fut question que les hostilités allaient probablement recom-
mencer.
Entre autres brochures, on remarqua l'adresse des députés des
Etats de Bavière à l'Electeur, dans laquelle toutes les voix réunies
demandaient la convocation des Etats encore dans le courant de
Tannée.
Un autre ouvrage, attribué au comte de Rieg (1), ayant pour
litre : Un mot à l'oreille et au cœur de Maximilien- Joseph II,
était un libellé contre les patriotes qui, pour y risposter, publiè-
rent l'Agonie de la noblesse et des j^retres dans la Bavière, et
un autre, le Baiser fraternel républicain^ l'an I" de la liberté
germanique.
Depuis la notification faite aux Autrichiens que la suspension
des hostilités devait cesser le 7 frimaire, tous les corps de notre
armée cantonnés dans la Souabe, le Wurtemberg et la Franconie
avaient reçu l'ordre de marcher en Bavière.
Dès le jour de cette notification, les troupes de ma division
avaient reçu l'ordre de se préparer à se mouvoir au premier ordre.
La ligne d'avant-posles avait été renforcée et la surveillance avait
été recommandée.
Cette division se composait alors de 8 044 combattants.
Demi-brigades :
1 4<^ d'infanterie légère 2 202
4« de ligne 1 844
J00« de ligne 2083
6129
Cavalerie :
6^ régiment de chasseurs G54
10^ régiment de chasseurs 608
17« régiment de dragons 514
Artillerie :
3« compagnie du 5* d'artillerie à pied 62
2° du 3' à cheval 77
8 044
(1) Peut-être faut-il lire Rieger.
120 MEMOIRES ET JOURNAIX DU GENERAL DECAE.Y
Pour pouvoir diriger cette division avec plus de facilité sur le
point (jui me serait désigné, j'avais fait passer l'Isar à la majeure
partie des troupes.
2 frimaire (23 novembre). — La brigade du général Debilly
fut réunie vers Tolz, \\ olfratshausen eX dans l'espace compris
entre la rive droite de l'Isar et la cliaussée de Municli à Tolz par
Holzkircben. Celle du général Durutte fut concentrée sur Erding
et environs, excepté les troupes en garnison à Municb qui devaient
y rester jusqu'à nouvel ordre.
3 frimaire (24 novembre) . — Le général Debilly fut prévenu
que, les troupes de l'aile droite ayant reçu l'ordre d'occuper tous
les débouchés de la rive gauche de l'Isar, il devait, en conservant
sa ligne d'avant-postes sur la rive droite, concentrer sa brigade à
Holzkircben et s'y établir lui-même, et qu'il recevrait des ordres,
le lendemain, pour se rendre à la position qui serait indiquée pour
la division.
Il fut ordonné au général Durutte de placer ses troupes à Riem
et environs, sans rien changer à ses avant-postes sur la ligne, qui
le rejoindraient lorsqu'ils seraient relevés par les troupes des autres
divisions de l'armée.
4 frimaire (25 novembre). — Le général Lahorie, chef de
l'état-major du centre de l'armée, m'adressa l'ordre du général en
chef daté du 4, que je vais transcrire :
La division du général Decaen se mettra en marche de manière à être
arrivée, le 6, dans la position suivante : une faible brigade sera placée,
jusqu'à l'arrivée des troupes de l'aile droite, à la position de HeUendorf
pour couvi'ir le débouché de Rosenheim; elle étendra sa gauche jusqu'à
Zinneberg. Le surplus de la division, à l'exception de quelques compagnies
(qui resteront jusqu'à nouvel ordre pour la garnison de Munich), prendra
position à Zorneding, en réserve de la division auv ordres du général Ri-
chepance qui prendra, le 6, position sur Ebersberg avec deux brigades
et qui sera réunie en entier, le 7, sur celte position dont la gauche
appuiera à Mailctskirchen et la droite s'étendra jusqu'à la Moosach, vers
Alxing.
Le général Decaen est prévenu que le général commandant l'aile droite
a ordre de diriger des troupes sur la position d'Helfendorf, pour couvrir
la route de Rosenheim. A leur arrivée, qui probablement aura lieu le 7,
DECAEN S'ÉTABLIT A ZOR\EDL\G 121
le général Decaen fera replier par Moosacli sur Zorneding, à moins d'ordres
ultérieurs.
Le général Decaen est invité à prévenir du lieu où s'établira son quar-
tier général. Celui du général Moreau s'établira après-deuiain matin à
Anzing, sur la route de Munich à Hohenlinden.
Le général Decaen est prévenu que le général Grandjean prendra au-
jourd'hui position en avant de Parsdorf, la gauche à la chaussée de
Hohenlinden, la division placée perpendiculairement à la route, et que la
réserve de cavalerie se placera en arrière de Parsdorf, en avant de
Munich.
En conséquence de ce qui m'était prescrit, le capitaine Valée,
commandant l'artillerie, reçut Tordre de faire partir de Bruck (1)
et environs, où ils étaient cantonnés, l'artillerie légère et le parc
de la division pour se rendre, le 5 à Haidhausen, et le 6 à Zorne-
ding et Haar.
Il fut mandé au général Durutte qu'il devait, le 6, faire occu-
per Neukirchen et plusieurs autres villages aux environs de Zorne-
ding; qu'il tiendrait seulement, avec les troupes à ses ordres, les
avant-postes entre la gauciie du général Debilly, qui appuyait à la
Glonn, et la droite du général Richepance qui devait appuyer à
AIxing.
Ce qu'il y avait de troupes de cette brigade à Munich devait en
partir le 5 pour être aussi cantonné, le G, aux environs de Zorne-
ding.
Le général Durutte fut prévenu que le quartier général de la
division serait établi, le 6, dans ce village.
Mon chef d'état-major écrivit au général Debilly :
Le général de division me charge de vous transmettre les dispositions
suivantes :
Vous prendrez position avec votre brigade à Helfendorf, chaussée de
Munich à Roscnheim, gardant les débouchés qui conduisent sur Rosenheim
et Rott, et vous liant par votre gauche avec les troupes qui seront éta-
blies i\ Zinneberg. Vous vous mettrez en marche demain 5, et vous vous
établirez après-demain G en position.
Les troupes de l'aile droite devant vous relever dans cette position, dès
qu'elles arriveront, vous vous formerez sur la route de Zorneding, et vous
vous dirigerez sur ce point, à moins que vous ne receviez un ordre con-
traire. V'ous avertirez le général de division à Zorneding dès que les
troupes de l'aile droite se présenteront pour vous relever. Le général de
(1) A 25 kilomètres à l'ouest de Municii.
J22 MÉMOIRES ET JOIR.VALX Dl GE.VERAL DECAEÎV
division attend de vous un rapport sur les troupes ennemies qui se trou-
vent devant vous.
Dans l'ordre du 3, le chef d'état-major avait prévenu le général
Dehilly que les distributions se feraient le lendemain, en pain et en
viande, jus(|u'au 8, et que les ordres avaient été donnés en consé-
quence au commissaire des guerres. Une lettre de ce général au
chef d'état-major lui annonça :
Je recois l'ordre du 4 pour rassembler mes troupes à Helfendorf le 6, et
couvrir les débouchés de Uosenheim et Rott. 11 sera ponctuellement evécuté.
Les troupes qui sont devant moi sont les mêmes que celles dont je vous
ai parlé dans mon dernier rapport. C'est toujours Bender- Infanterie et
quelques hussards de Grenz.
Montaulon me mande à l'instant que l'ennemi est maintenant retiré à
deux lieues en arrière la ligne. Les fourriers de toutes armes sont ici
depuis ce matin pour recevoir les vivres jusqu'au 8 inclus. 11 ne s'est
encore présenté aucun administrateur. Je les retiendrai jusqu'à demain et
je vous dirai si on s'est conformé à vos dispositions.
Le chef de l'état-major reçut une autre lettre du général Debilly
datée du 5. Il lui mandait :
Après avoir fait attendre les troupes pendant 24 heures, les préposés
sont enfin arrivés ce matin. Celui aux viandes fait abattre en ce moment,
et il est 4 heures. Vous verrez, par la copie de l'ordre ci-joint, comment
ce service est organisé. Vous devez mieux savoir que moi à qui vous en
prendre d'un retard si long et si fatigant.
Je vous ai mandé hier que les avant-postes autrichiens s'étaient retirés
à deux lieues en arrière. Ils sont revenus ce matin à la pointe du jour,
chantant et portant lauriers en tête (1). Les paysans montrent aussi beau-
coup de gaité. Ils donnent des nouvelles si diverses que je ne puis ajouter foi
à aucune. Les ofliciers autrichiens ont ramené leurs équipages sur la ligne.
Les émigrés suisses sont à Rosenheim.
Le débouché sur lequel les ennemis ont jeté le plus de monde est sur le
Tegern See. On fait nombre de 6000 à 8 000 hommes chargés de le défendre.
Le premier paragraphe de cette lettre manifestait de l'humeur.
Le retard dont se plaignait le général Debilly était efTectivement
fâcheux; mais le chef d'état-major, qui avait donné ses ordres,
n'était pas la cause s'ils n'avaient pas été ponctuellement exécutés.
Ce général savait fort bien qu'il survient des obstacles imprévus
qui contrarient et retardent l'exécution des dispositions les mieux
(1) u Les Autrichiens ont l'usage de porter une branche de buis, laurier ou autre
rameau rert à leur coiffure lorsqu'ils sont ea guerre » (Xole de Decaen).
DKBILLY MECOMTI^NT 123
ordonnées. Mais comme je savais (lu'il avait élé méconlent de
n'avoir plus son quarlier général à Munich depuis la seconde sus-
pension d'hostilités, changement qui n'avait eu lieii qu'en raison
de l'ordre qui m'avait fait occuper plus de terrain à ma droite,
j'attribuai cette observation inconvenante à un reste de mauvaise
humeur : cependant, j'étais loin de penser que ce général me don-
nerait lieu, dès le lendemain, de lui écrire moi-même que je n'étais
pas satisfait de sa manière d'agir.
6 frimaire (27 novembre) . — Ayant attendu à Munich les ordres
du général en chef avant de partir pour me rendre à mon quartier
général, mon chef d'état-major, d'après l'instruction qui venait de
m'ètre donnée verbalement, écrivit de suite au général Debilly :
Le général de division me charge de vous mander sur-le-chatnp les dis-
positions suivantes :
Vous ne vous dirigerez pas sur Zorneding comme il avait été précédem-
ment convenu; mais, aussitôt que vos troupes auront été relevées à Hel-
fendorf, vous vous établirez à liindach, Munster et Sciilacht. Vous ferez
relever les posies du général Durutle à Zinnel)erg et à la droite du général
Richepance. Vous lierez vos postes par la droite avec ceiiv de l'aile droite.
Cette position vous est indiquée, plus pour servir de réserve à la
gauche de Taile droite, qu'à tout autre service. Vous ferez vos dispositions
en conséquence; et surtout, vous ferez reconnaître les débouchés par
lesquels vous pourriez vous rendre, pour être utile à l'aile droite, sur Hel-
fendort", au premier ordre que vous recevrez.
V'ous préviendrez le général à votre droite de ces dispositions et, aus-
sitôt votre établissement, vous en ferez le rapport au général de division ù
Zorneding.
J'ordonne au commandant d'artillerie de diriger sur-le-champ quatre
caissons de cartouches et de pierres à feu en suffisante quantité sur Schlacht
par Zorneding. Ils ont ordre de marclier jusqu'à votre brigade en relayant
dans les villages. Envoie/- au-devant pour leur direction à chacun de vos
bataillons. Si les caissons de votre brigade fussent venus étant vides au
parc, les bataillons en eussent eu une suffisante quantité.
Après cet ordre expédié, je partis pour me rendre à mon quar-
tier général. Pendant la route, mon chef d'état-major reçut du gé-
néral Debilly l'avis suivant :
11 est 10 heures, et toute ma brigade se trouve réunie à Helfendorf. J'ai
vu hier le général Roussel, et je sais que je ne serai relevé qu'à midi dans
ma position. J'en partirai aussitôt pour Zorneding.
iVt MKMOIRES KT JOIR.VAUX 1)1! GEMEKAL DECAEX
L'ordonnance qui apporta cette lettre ayant dit que le général
Debilly était arrivé de sa personne à Zorncding, ce qui faisait ju
ger que l'officier qui lui avait été envoyé le matin lui porter des
ordres ne l'avait pas rejoint, mon chef d'état-major me précéda
pour informer ce général des dispositions qui lui avaient été en-
voyées, ainsi que pour arrêter le mouvement des troupes de sa bri-
gade. Mais, lors de mon arrivée à Zorneding, il me rendit compte
que le général Debilly prétendait avoir raison, « parce qu'il s'était
conformé ponctuellement » , disait-il « à l'ordre qu'il avait reçu » ,
et (|u'en outre il lui avait fait quelques observations fort déplacées.
De suite, j'écrivis à ce général :
Informé que vous étiez de votre personne à Zorncding, je vous avais
envoyé le chef de Tétat-major de la division pour vous prévenir qu'un
olficicr vous avait été envoyé sur Helfendorf pour vous donner de nou-
veaux ordres. Je devais croire que votre brigade devait être encore à Hel-
fendorf car, d'après les instructions qui vous ont été adressées le 4, vous
auriez dû apercevoir que je n'avais pas présumé que les troupes de l'aile
droite arriveraient aussi tôt à leur position, puisque je vous avais dit que
ce serait le G que vous vous établiriez à Helfendorf. D'un autre côté, mon
instruction vous disait de vous diriger sur Zorneding aussitôt que vous
.seriez relevé ; je vous disais aussi de me prévenir aussitôt que les troupes
de l'aile droite se présenteraient.
Vous auriez dû juger, citoyen général, que, vous deniandant d'être pré-
venu, c'était afin de vous indiquer remplacement de votre brigade. Je
n'entre dans ces détails que pour vous prouver que l'ordre que je vous
avais donné était très clair et que, si vous l'eussiez suivi, vous vous seriez
trouvé dans le cas d'exécuter le nouveau que je vous ai adressé et dont je
joins une copie à la présente.
Cependant comme il ne faut pas que les troupes souffrent de cette ma-
nière d'agir, établissez-les pour la nuit le plus convenablement. Informez-
moi du lieu où elles seront; et demain, une heure avant le jour, vous ras-
semblerez votre brigade, pour aller prendre l'établissement qui vous a été
indiqué par l'ordi-e précité.
Au contenu de cette lettre, qui ne pouvait pas être autrement,
surtout d'après ce qui m'avait été rapporté des mauvaises observa-
lions faites par le général Debilly., au lieu de se rendre auprès de
moi dès qu'il avait appris mon arrivée, ce qui m'aurait sans doute
évité de lui écrire, il me fit une réponse dans laquelle il s'écarta
de toutes convenances. Voici cette réponse :
Si vous aviez eu la bonté, citoyen général, de m'indiquer, dans chacun
de vos ordres, le point où je devais communiquer avec vous, vous auriez
U\E LETTRE L\ PEU VIVE DE DEBILLV 125
été informé de bonne heure de l'arrivée des troupes du lieutenant jjjéiu'-
ral Lecourbc à Helfendorf. J'ai dû, puisque vous ne m'annonciez aucun
chan(}cment dans votre établissement, vous écrire à Munich, et j'ai textuel-
lement suivi ce que vous me dites dans l'instruction du 4 : Fous avertirez
le général de division dès que tes troupes de l'aile droite se présenteront
pour vous relever dans votre position.
Ci-joint la copie de la lettre que je vous ai écrite ce matin d'Helfendorf.
Quand votre adjudant commandant est venu près de moi, il était trop
tard de m'apprendre que vous m'aviez expédié un officier de l'état-major.
Si je l'avais reçu, je me serais conformé aux dispositions dont il était por-
teur; ne l'ayant pas vu, je n'ai eu rien de mieux à faire que de mettre à
exécution l'ordre du 4 : Le's troupes de l'aile droite devant vous relever
dans cette position, dès qu'elles arriveront, vous vous formerez sur la
route de Zorneding, et vous vous dirigerez sur ce point à moins que
vous ne receviez un ordre contraire. Vous ne vous êtes pas ménagé le
moyen de savoir promptement quand je serais relevé à Helfendorf. Il est
possible que vous n'ayez pas dû compter sur une marche aussi rapide de
la part de la division Roussel; mais ce calcul m'est étranger et les pré-
somptions, en service militaire, se taisent devant un ordre aussi formel que
celui dont je suis porteur.
Je me suis établi le 6, à 9 heures, sans que vous m'ayez désigné celle à
laquelle je devais me réunir : c'était cependant un article essentiel dans
votre instruction. Elle était assurément très claire et je prouverai devant qui
de droit que je l'ai suivie avec la plus grande exactitude. \e me dites pas
que les troupes sont exposées, ce soir, à souffrir de ma manière d'agir ;
c'est votre manière de commander qui les exposera, ce soir, à quelques dé-
sagréments.
Jusqu'à ce que je prenne demain, à 5 heures, la position que vous m'as-
signez par l'ordre dont je reçois une copie (l'original m'arrivera peut-être
demain), voici l'établissement de ma troupe pour ce soir :
Deux escadrons du & à Zorneding, deux autres à Ober-Pfraniern, le
1" bataillon d'infanterie légère et l'artillerie à Zorneding.
La 100" bivouaquera en arrière de ce village.
J'aime mieux, d'accord avec les chefs, la tenir là que de faire faire
encore quelques heures de chemin à des troupes qui ont déjà, pour la plu-
part, dix à douze heures de marche par une journée aussi affreuse.
J'ai l'honneur de vous prévenir que les avant-postes d'infanterie du
Walchen See ne sont pas encore rentrés; ceux d'infanterie et de cavalerie
depuis Lenggries jusqu'à Grub ne sont pas relevés. Le général Roussel n'a
relevé ceux sur la Glonn que jusqu'à Ober-Laus.
Salut et fraternité
Signé : Debillv.
D'après le style de celte lettre, qui me donnait la mesure de ce
que je devais attendre du général Debilly pendant la campagne
126 MKMOIRES KT JOURXALX DU GKXÉRAL UECAEX
qui allait s'ouvrir, je considénii qu'il valait mieux m'ahstcnir de
lui écrire pour lui en faire seiilir loute rimperlinence, ainsi que
pour lui démontrer que, quoiqu'on lui eût mandé que, s'il ne rece-
vait pas de nouveaux ordres, il devait quitter sa position d'Helfen-
dorf quand il y serait relevé par les troupes de l'aile droite, s'il
eût fait la moindre réflexion sur l'ensemble de cet ordre d'après
le(juel il ne devait prendre cette position que le 6, il se serait cer-
tainement déterminé, vu la marche qu'il avait fait faire le matin à
sa brigade et vu le mauvais temps et le chemin qu'il avait encore
à parcourir, à ne pas pousser son infanterie jusqu'à Zorneding,
mais plutôt à la cantonner entre cet endroit et Helfendorf, puis-
qu'il avait bien pris celte résolution pour une partie de sa cavale-
rie. J'aurais aussi pu lui donner l'ordre de se rendre de suite au
quartier général de l'armée, ce qu'il aurait sans doute préféré à
toute autre mesure; mais j'aimai mieux prendre le parti de for-
mer ma division d'une autre manière pour le décider à demander
lui-même d'aller servir dans une autre division.
Il fut donc ordonné au général Durutte d'occuper, le lendemain
matin, avec sa brigade, la position que devait prendre celle du
général Debilly selon l'ordre ((ui Uii avait été adressé à Helfendorf.
Je formai une avant-garde du 6" régiment de chasseurs et du
3' bataillon de la 14' d'infanterie légère, qui faisaient partie de la
brigade Debilly. Le commandement de cette avant-garde fut donné
au chef de brigade Laffon, commandant le 6° de chasseurs. D'ail-
leurs cette disposition ne pouvait être que favorable au bien du
service.
Cet excellent officier de troupes légères reçut l'ordre de prendre
le commandement des avant-postes établis entre l'aile droite, vers
la Glonn, et la division Richepance vers Alxing, et de s'occuper
principalement du débouché de lloosach. Il fut prévenu que
c'était sur ce point qu'il devait concentrer le plus son infanterie.
Il lui fut recommandé d'envoyer à Schlacht pour prévenir le gé-
néral Durutte du lieu où il s'établirait de sa personne, de lui don-
ner avis des mouvements de l'ennemi sur son front ainsi qu'au
général de division à Zorneding; enfin que, s'il n'avait rien de
nouveau à 10 heures, il devrait pousser des partis pour avoir des
nouvelles de l'ennemi.
CHAPITRE VU
La hrigade Debilly placée cii seconde lijpie. — La l«?gion polonaise de Kiiiaziewici est
mise sons les ordres de Decaen. — Reconnaissance de Montrichard sur Aiblin<]. —
Pointe poussée par LalTon sur Beihartinjf. — Les Antricliiens sont fort peu nombreux
devant Decaen. — La reconnaissance de Monlrieliard s'arrête à un quart de lieue
d'Aiblinjj — Les troupes du corps de Condé sifjnal^es vers Rosenheim. — La jjancbe
de l'armée doit se porter eu avant le 10 frimaire. — L'arrivée de la légion polonaise
porte l'effectif (le la division Decaen à 10 000 hommes. — Dfcaen chargé de recon-
naître rinn et ses points de passage. — Combat d'Anipfing. — Decaen sans nouvelles.
— Son inquiétude. — Des ordres lui arrivent enfin. — Cause de ce retard. — Decaen
doit se rassembler sur Zorneding. — Il se rend à Anzing auprès de Morean. — Accueil
flatteur de ce dernier. — Decaen mis sous les ordres de Grenier. — Ses observations.
— Il est chargé de suivre, le lendemain, le mouvement de Richepance sur Hoheri-
linden. — Confiance des généraux français dans le succès. — Bataille de Hohenlinden.
— Rapport de Decaen. — Decaeii chargé d'envelopper la tète de pont de Wasserburg.
7 frimaire (28 novembre). — I>e général Debilly lecut des
ordres pour le placement de sa brigade en seconde ligne de la bri-
gade Durutte.
Le (juarlier général de la division resia à Zorneding.
Je fus prévenu par le général l^aliorie, clief d'élat-major des
trois divisions du centre de l'armée et de la réserve, sous les ordres
immédiats du général Moreau, que la légion polonaise du Da-
nube (1), composée de trois bataillons d'infanterie, quatre esca-
drons de cavalerie (2) et une compagnie d'artillerie légère, était
destinée pour faire partie de ma division; que cette légion arrive ^
rait dans la journée et 1-e lendemain à Alunicli, et d'adresser des
ordres à son commandant, le général Kniaziewicz (3).
(1) Il avait été question, quelque temps auparavant, d'envoyer la légion polonaise en
Italie. Mais le l'2 fructidor précédent (30aoûl), le chef de brigade de la cavalerie polo-
naise, Albert Turski, avait écrit au ministre de la guerre que les officiers polonais préfé-
raient donner leur démission plutôt que de partir pour l'armée d'Italie et de servir sous
Dombrowski. Albert Turski comnanduit alors la légion en l'absence du général
Kniaziewicz, qui faisait une cure à Baden (Turski au ministre, Gengenbacb, 12 fructi-
dor, A. H. G.).
(2) « Cinq cents chevaux » (Laborie à Decaen, Munich, 1 frimaire an IX, A. H. G.)
(3) Kniaziewicz (Charles), né eu Courlande en I"/62, général de brigade commandant
128 MKMOIRKS ET JOURNAUX DU GKXERAL DKCAEN
Il mo manda (|ue rintonlioii du ff»'Mi(''ial en chef était que j'en-
voie, le lendemain, un bataillon de la 4' d'infanterie légère au
général Uichepanrc, pour faire partie de sa division; et par post-
scriptum : ^ Bonaparte est parti pour l'Italie; ainsi, en Italie
comme ici, on peut espérer guerre courte et bonne, i:
Je fis prévenir le général Ricliepance que le 1" bataillon de la
l^*^ d'infanterie légère serait dirigé, le lendemain matin, sur
Ebersberg pour être mis à sa disposition.
Il fut adressé des ordres au général Kniaziewicz pour diriger
les colonnes de sa légion, les 8 et 9, sur Zorneding.
Je rendis compte au général en chef que les partis qui avaient été
envoyés pour avoir des nouvelles de l'ennemi avaient trouvé des
postes de hussards de Meszaros et de Grenz et d'infanterie légère;
que le terrain entre la gauche de l'aile droite et la division Riche-
pance était couvert par un petit corps d'avant-garde dont j'avais
donné le commandement au chef de brigade Laffon. J'informai
des positions que j'avais fait prendre aux deux brigades de la divi-
sion dont une, concentrée sur Lindach, était à même de se porter
sur Helfendorf au premier avis. Je fis l'observation que les com-
munications pour s'y rendre de Zorneding étaient difficiles mais
cependant praticables, et qu'on s'occupait de les réparer (1).
8 frimnii'e (29 novembre). — Je reçus, pendant la nuit, une
lettre du général Lahorie datée d'Anzing, le 7. Il me mandait :
Le.s reconnaissances poussées aujourd'hui sur les roules de Rosenheini,
de VV^asserburg et de Haag ne laissent guère de doute sur les dispositions
de reiuiemi à ne pas recevoir d'efforts eu avant de Tlnn. Le général
Kichepance est arrivé à une lieue de Wasserhurg, et le général (irenier,
près de Haag.
Le général Moreau, pour s'assurer positivement encore de la position et
des desseins des ennemis, a cru devoir ordonner demain de nouvelles recon-
naissances plus rapprochées de l'Inn avant de changer la position de
rarmée.
En conséquence, le général Alontrichard poussera demain une forte
reconnaissance sur Aibling et uu'^me établira son avant-garde vers ce point
lu l" logioii polonaise en juillet 1797; rommandant la légion polonaise dite du Danube,
le 28 novembre 1790, démissionnaire, le 3 mai 1801 ; commandant la 18' division d'in-
(anti'rie (."»" corps de la Grande Armée), eu ISPi ; blessé grièvement à la jambe droite, le
28 novembre 1812, au passage de la Bérésina(A. H. G.).
(1) Plauzouue à Lahorie, Zoruedin;], 7 frimaire (A. H. G.).
DECAEN A ZIXXEBERG 129
si l'ennemi n'y forme pas d'obstacle sérieux. Pour le seconder dans ce
mouvement, l'intention du général en chef est que tu fasses marcher ta
brigade de droite sur la Glonn; elle longera ce ruisseau et suivra la route
qui conduit à Aibling. ï/objet de ce mouvement est de soutenir, par une
diversion, les troupes qui se dirigeront d'Hellendorf sur Aibling. 11 n'est
pas à croire que l'ennemi y soit très en force.
.Au reste, le général Montrichard a ordre de ne pas se compromettre.
Tu donneras la même instruction. Ton avant-garde pourrait s'établir entre
la Glonn et la Moosach, vers Beiharting, si l'ennemi a abandonné cette
partie.
.Aussitôt la réception de cette lettre, il fut mandé au chef Laffon
de marcher, à 8 heures du malin, avec les troupes à ses ordres,
pour faire une reconnaissance sur Beiharting, en se dirigeant par
Rolirsdorf, laissant un escadron et deux compagnies d'infanterie
au débouché de Moosach sur lîruck dont il pourrait cependant se
faire flanquer sur sa gauche jusqu'à la hauteur qu'il jugerait con-
venable; qu'il devrait essayer, sans se compromettre, d'établir ses
avant-postes sur lieiharting, se liant par sa droite avec le général
Montrichard et observant les débouchés sur Wasserburg, Rott et
Rosenheim.
Il fut prévenu que le mouvement qui lui était prescrit avait
pour but de soutenir une reconnaissance sur Aibling que devait
faire le général Montrichard, ainsi que pour s'y établir si l'ennemi
n'y apportait pas d'obstacles sérieux; et que j'avais donné ordre
au général Durutte d'envoyer un bataillon à Zinneberg pour être
utile, s'il y avait lien, soit à lui, soit au général Montrichard.
Le général Durutte fut prévenu de ce qui avait été ordonné au
commandant de l'avant-garde. Il fut adressé un ordre au com-
mandant de la légion polonaise de la cantonner à Zorneding et
dans les villages aux environs.
Je partis dès le matin pour me rendre à Zinneberg, afin de
reconnaître les localités et suivre le mouvement de mon avant-
garde.
De retour dans cet endroit, j'informai le général Lahorie que
cette avant-garde était totalement arrivée à Beiharting à 3 heures
après midi, et qu'elle n'avait vu que huit à dix hussards de l'en-
nemi ; que les paysans avaient dit au chef Laffon qu'il y avait tout
au plus 200 hommes, tant infanterie que cavalerie, dans l'étendue
de pays qu'il avait parcourue et que c'était le cordon qui avait été
u. 9
130 MKMOIRES ET JOLRYAUX DU GEXERAL DECAEX
établi dînant l'armistice; que ces hommes s'étaient retirés sur
Rott, et que plusieurs postes étaient partis dès 4 heures du matin.
Je mandai que j'étais moi-même, à 3 heures après midi, à Bei-
harting, et (ju'ou n'avait alors encore rien vu ni entendu de la
division Monlrichard, et que c'était seulement à mou retour à Zin-
neberg que j'avais trouvé une lettre dont je lui envoyais copie.
(Cette lettre informait (jue des troupes de cette division avaient
trouvé l'ennemi à une demi-lieue en deçà d'Aibling, qu'elles
s'étaient avancées jusqu'à un quart de lieue de cet endroit, d'où
elles étaient revenues établir leurs postes en avant de Fcldkirchen).
Je dis que l'ennemi me paraissait être absolument en arrière de
rinn puisque, de la hauteur de Jakobsberg, d'où l'on voyait très
bien Aibling et presque tout le pays jusqu'à Rosenheim, je n'avais
aperçu aucun ennemi. J'annonçai que j'avais poussé des partis sur
Rott et sur Rosenheim par le chemin qui passe au village de
Schmidhausen où se trouvaient mes postes les plus avancés; qu'on
pouvait y passer avec de l'artillerie et d'autant mieux que les
Autrichiens avaient bien fait réparer le chemin de Beiharting;
qu'une partie de la brigade Durutte avait été placée vers Zinne-
berg et Rohrsdorf, de manière à soutenir au besoin l'avant-garde.
Plus lard, je fis rendre compte au général Lahorie que le chef
Laffou m'avait informé de Beiharting, à 7 heures du soir, que les
avant-postes ennemis étaient encore, à 5 heures du soir, à Hogling,
sur la route de Rosenheim (ce village ne se trouvait pas sur nos
cartes), à peu près deux escadrons de Condé et un piquet de Grenz-
hussards; que l'ennemi avait également des postes à Bruck-
hausen (1).
9 frimaire (30 novembre). — Je reçus, pendant la nuit, une
lettre du général Lahorie datée d'Anzing, le 8, à 11 heures du
soir. Il me mandait :
D'après les mouvements de l'ennemi, il est probable que nous ne l'atten-
drons pas de ce côté de l'Inn.
Dans cet état de choses, la droite devant être refusée à cause du Tyrol,
tu n'auras d'autre mouvement à faire demain que de jeter une partie de
la division à la hauteur d'Aibling entre la Glonn et i'Attel.
(I) Probablement Brockmuhie, du 1 100 000^ allemand, sur le Mangrall, à 3 kilomètre»
euviron à l'ouest-sud-ouest de Hôgliog.
COMPOSITION DE LA LÉGIOX POLONAISE 131
Le général Montrichard prendra position avec quelques troupes à Aiblinjr
même.
Le général Richepance se placera devant Wasserburg, do manière à con-
tenir ce qui pourrait en sortir, tant sur la route d'Ebersberg que sur celle
de Rosenheim et de Haag.
Le général Grandjean se portera sur Hohenlinden, avec un détache-
ment sur Haag, et le général d'Hautpoul sur Anzing.
Le général Moreau s'établira demain matin à Haag. Tu pourras envoyer
là tes ordonnances.
Je fis donner des ordres pour l'exécution de ce qui était prescrit
dans cette lettre pour ma division; et je fis adresser aux généraux
de brigade et au commandant de l'avant-garde ]des exemplaires
d'une proclamation du général en chef à l'armée, avec recom-
mandation de la faire lire aux troupes. (Je n'en ai point con-
sei-vé d'exemplaire). Mon quartier général resta établi à Zinne-
berg.
Mon chef d'état-major rendit compte au général Laliorie de
l'établissement de la division, en lui annonçant qu'une brigade
était établie en échelon entre Hohenthann et Alailling, en soutien
de l'avant-garde postée à Beiharting et environs ; qu'une autre
brigade avait Zorneding pour centre de ses cantonnements; que la
légion polonaise occupait Aloosach, Buch, ayant un bataillon et
100 chevaux sur Dorfen, Loitersdorf et Xiclasreuth; qu'une
reconnaissance avait rencontré l'ennemi à une lieue et demie au
delà de Beiharting, l'avait poussé et avait occupé Aibling jusqu'au
moment où les troupes de la division Montrichard y étaient arri-
vées. Il fut exposé que la légion polonaise avait un besoin urgent
de chaussures et de vêtements, et il fut demandé (juil y fut satis-
fait incessamment.
La légion polonaise, forte de 2 200 hommes d'infanterie,
480 hommes de cavalerie et une compagnie d'artillerie légère,
réunie à la division, celle-ci se trouva composée de 10000 com-
battants, non compris le i*" bataillon de la -i" de ligne, resté à
Munich, et le 1" bataillon de la 14"' d'infanterie légère envoyé à
la division Richepance, douze pièces d'artillerie légère et six pièces
de 4 de bataille.
10 frimaire (X" décembre). — Il était 10 heures du matin
■lorsque je reçus une lettre du général Laborie, datée de la veille
132 MliMOIRKS ET JOURNAUX DU GÉNÉRAL DECAEX
à 10 heures du soir. Il était noté en marge qu'elle était partie de
Haag le 10 au matin.
On m'annonçait, par cette lettre :
Domain, le {{énéral Lecourhe doit se porter sur Aibling et niêuie s'ap-
procher davantajje de Uosenheim. Il est en znt'nic temps charjjé de recon-
naître le cours de l'Inn au-dessus et au-dessous de Rosenheim. Il le remon-
tera aussi loin que cela sera possible.
1/ intention du général en chef est que tu portes le corps de Laffon très
prc's de l'Inn ou plutôtsur rimi même, pour en reconnaître le cours, afin de
juger bien exactement du point susceptible d'un passage.
L'inqwrtance de cette reconnaissance, ([ui devra avoir lieu entre Rosen-
heim et Wasserburg, particulièrement depuis Rott, a déterminé le général
en chef à t'inviter à la faire toi-même sur les points principaux afin de
lixer davantage ses idées sur cette partie du cours de l'Inn.
Le général Kichepance enveloppe sur cette rive la tète de pont de Was-
serburg. Le général Grenier est placé entre Ampfing et Haag. L'ennemi a
encore des forces en avant de Haag.
Tu peux placer tes troupes entre l'Attel et la Glonn... (1).
Aussitôt la réception de cette lettre, il fut mandé au chef Laffon
d'envoyer sur-le-champ à Rain un escadron et deux compagnies
d'infanterie (ce détachement devait pousser, de Rain vers Hochstiitt,
Schechen et Marieuherg, des partis sur l'Inn, le plus près possible,
et s'y établir s'il ne rencontrait pas d'obstacles) ; d'envoyer égale-
ment un escadron et deux compagnies sur Lampferding, qui enver-
raient de même des partis sur l'Inn vers Rott.
Le général Lahorie fut informé par mou chef d'état-major que
j'avais concentré aux environs de Zinneberg la brigade qui était
cantonnée vers Zornediug; que celle établie en échelon entre
Hohenthann et Mailling avait été placée à Beiharting; que l'avant-
garde était établie en arriére de Rott et que la légion polonaise
occupait le terrain entre Alxing et Ilching; qu'un détachement
de lavant-garde occupait en remontant l'Inn, Hochstâtt, Sche-
chen et Marienberg, et se liait avec les troupes du général Le-
courhe; (|u'on n'avait vu, dans toute la journée, qu'une patrouille
de l'ennemi sur la rive gauche de l'Inn que nos troupes garnis-
saient à présent; que l'ennemi avait brûlé le pont de Rosenheim
vers 4 h. 30.
(I) « ... caiitoniu'es en arrière do Beiliurtin<j • (Lahorie à Decaeu, Haag, 9 fri-
maire, 10 heures du soir, A, H. G.).
DECAEN VA RECONNAITRE L'IXfN 133
J'écrivis en outre au général Laliorie :
11 était plus de 10 heures lorsque j'ai reçu ta lettre pour faire appro-
cher LatTon de l'Inn et m'y rendre nioi-mèine pour en faire la reconnais-
sance.
Malgré toute ma diligence, je n'ai pu y arriver qu'au soleil couchant,
«t je n'ai donc pu faire grande besogne. Demain, dès le jour, je ferai la
reconnaissance que le général on chef désire, et j'en ferai le rapport au plus
tôt. Ce soir, j'ai abordé l'Inn devant Rott et je l'ai remonté jusqu'à Feld-
kirchen. On m'a dit qu'il y a un gué dans cette partie; mais je n'ai pas
encore acquis assez de détails pour m'en expliquer.
L'Inn coule dans un vallon de 600 à 700 toises de largeur. Les bords
■de ce vallon sont assez escarpés. La rive droite domine, et le fleuve coule
à peu près au pied de cet escarpement. La largeur du fleuve peut être de
4)0 à 70 toises. Je m'arrête sur ces détails parce que je n'en suis pas encore
assez sûr. J'ai vu les feux d'environ trois bataillons sur la rive droite de-
vant Ilosenheim.
Il n'y a que quelques postes devant moi. Ce matin, des Wurtembergeois
qui étaient devant Rott sont descendus vers Wasserburg.
Les chemins de Beiharting à Rott, sans être impraticables, sont diffi-
ciles.
J'avais gardé, ce matin, le courrier, parce que j'avais cru pouvoir faire
un rapport ce soir, et il l'aurait rapporté; demain, je l'en chargerai.
Plauzonne te fait connaître, par une lettre, la position donnée aujourd'hui
à la division.
Dis-moi quel résultat vous avez de l'affaire d'aujourd'hui. A en juger
par le feu, elle paraît bien sérieuse.
J'ai établi le quartier général de la division à Beiharting ; mais, ce
soir, je couche ici. Berckheim (1) te dira la route qu'il aura tenue pour
arriver à Haag; on y compte, d'ici, cinq lieues.
il frimaire (2 novembre). — Dès le malin, je montai à cheval
pour faire la reconnaissance qui m'avait été recommandée. Cepen-
dant, j'étais élonné de n'avoir pas encore reçu de lettre du géné-
ral Lahorie pour ce que je devais faire pendant cette journée.
D'ailleurs, je désirais d'apprendre quel avait été le résultat de l'af-
faire de la veille (2), dont j'avais entendu la vive canonnade, et
(1) Berckheim (Sigismond-Frédérie), né à Ribeanvillé (Haut-Rhin i, le 0 maimS;
soiis-lieutenant dans le régiment de La Alarck, infanterie allemande, le 12 mai 1189; lieu-
tenant, le 8 avril 1792; adjoint à l'adjudant général Plauzonne, le 30 prairial an VIII;
capitaine, le iQ messidor au VIII; chef d'escadrons, le 3 thermidor au XIII; major, le
0 mai 1806; colonel, le 1" avril 180"; général de brigade, le 12 juillet 1809; général
de division, le 3 septembre 1813; inspecteur général de cavalerie en 1818; décédc' à
Paris. le 28 décembre 1819 (A. A. G.).
(2) Le combat d'Ampfing.
13'^ AIlhFOIRKS ET JOURNAUX DU GÉNÉRAL DECAEN
j'éprouvais do vagues iuquiéluclcs. Mais, comme j'avais fait
partir une reconnaissance pour savoir où se trouvaient les postes
de la droite du général Ricliepance, et qu'en descendant la rive
gauche de l'Inn, je me rapprochais de cette division, je comptais
<jue je ne tarderais pas à recevoir quelques nouvelles, soit par le
rapport que ferait le commandant de cette reconnaissance que je
devais rencontrer à son retour, soit par ce que pourrait me dire le
chef d'un parti que le général Richepance aurait envoyé pour
(•ommuni(|uer avec mes postes, qui devaient se lier avec les siens.
Je fus donc bien surpris lorsque, vers midi, étant alors à près
de deux lieues de Rott, l'officier envoyé aux nouvelles m'apprit
(ju'étant allé jusqu'à la vue de W asserburg, il n'avait trouvé aucun
poste de la division Richepance, et (|u'on l'avait informé, dans mi
des villages qu'elle avait occupés, que les troupes en étaient parties
à minuit.
D'après cette information et l'incertitude ou plutôt rin([uiétude
qu'elle me donnait, je m'acheminai sur-le-champ pour retourner
à Rott, présumant que, s'il n'y était pas arrivé d'ordre pour moi,
il ne pouvait pas tarder à en parvenir, .l'y trouvai ellectivement
nne lettre qui venait d'y être apportée : mais, à sa suscription, fort
mal mise, puisqu'on avait écrit Decean pour Decaen, et Zimubeg
pour Zinnehei-g, je ne pensai pas, en l'ouvrant, qu'elle pouvait
être du général Lahorie.
Sous la date de Haag, à 6 heures du soir, il me mandait :
L'ennemi ayant rassemblé une partie considérable de son armée sur la
route de iMùhldorf à Haag, le général Grenier a été obligé de se replier
sur Haag, mon cher Dccaon. Cette disposition de rennemi donnant à sup-
poser au gétu'-ral en chef que l'archiduc est disposé à combattre entre l'Inn
et risar, il se décide à rassembler l'armée pour lui livrer bataille.
D'après cela, il donne ordre au général Richepance d'arriver demain de
bonne heure sur Ebersberg.
Tu quitteras aussi demain ta position pour venir te rassembler sur
Zorncding où je te transmettrai les intentions ultérieures du général en
chef.
L'armée se formera sur Anzing, suivant les apparences, pour, de là,
aller combattre l'ennemi.
Le général Hardy a été blessé.
.le recevais donc, à une heure après midi, un ordre de mouve-
ment pour ma division dont les troupes avaient à faire au moins
IX LAPSUS RETARDE UX ORDRE 135
cinq à huit heures de marche, et qui ne pouvait commencer à
s'opérer qu'au moment où elle aurait dû, presque totalement, être
réunie à la nouvelle position indiquée.
Heureusement encore que j'avais recommandé, la veille, en
partant de Beiharting pour me rendre à Rott, de m'y adresser
toutes les lettres qui pourraient arriver pour moi, et sans retard,
car certainement, d'après la suscription extraordinaire de celle
que je venais de recevoir, on aurait pu, sans conséquence, différer
d'expédier un exprès pour me l'apporter.
Je fis sur-le-champ expédier des ordres qui furent portés par
des officiers, avec la recommandation de faire la plus grande dili-
gence pour faire marcher toutes les troupes sur Zorneding.
Il fut mandé au général Durutte de faire placer sa hrigade à la
gauche de la chaussée de Munich à Ehersberg, la droite à Zorne-
ding, occupant ce village, et de laisser, cependant, un escadron
et deux compagnies d'infanterie pour garder le débouché de Bei-
harting jusqu'à nouvel ordre (ce détachement vint plus tard se
joindre à la hrigade) ; au général Dehilly, de placer sa gauche à
Zorneding, ayant sa droite vers Buch; au général Kniaziewicz, de
faire prendre position à sa légion à Xeukirciien, sur la chaussée
de Munich à Ebersherg; et au chef Laffon, de quitter les bords de
l'Inn et de concentrer ses troupes à Alxing et Moosach, et de pré-
venir, à Zorneding où le quartier général de la division serait éta-
bli, du moment oîi il serait rassemblé.
Aussitôt mes ordres expédiés, je remontai à cheval, afin d'arri-
ver le plus tôt possible à Zorneding, espérant que j'y trouverais
de nouvelles instructions qui m'y auraient été adressées, et pour in-
former, de là, où je serais plus à la proximité du quartier général
de l'armée, de la cause qui avait donné lieu au retard mis à
prendre la position qui m'avait été indiquée.
Entre Rott et Beiharting, je reçus une lettre du général Lahorie,
encore datée de Haag le 11 . Il m'écrivait :
J'imagine, mon cher Decaen, que tu auras reçu l'ordre de ton mouve-
ment sur Zorneding, avec l'avis de la retraite du gcncral Uichepance sur
Ebersberg. L'année ennemie a débouché presque entière de Miihldorf sur
la division du général Grenier, sur la route de Haag et sur l'isen.
Le général en chef n'a pas cru devoir laisser échiner sans objet ce corps
de troupes; il l'a fait replier sur Haag et, de là, sur Hohenlinden.
136 MEMOIRES ET JOLKXALX DL GEXERAL DECAEY
Il réunit l'armée à Anzing pour combattre l'archiduc puisqu'il est dis-
posé à se battre entre l'Inn etl'lsar. C'est le moyen d'en unir promptement.
Si tu n'avais pas reçu encore l'ordre de venir reprendre la position de
Zorneding, ceci t'en servirait.
Tu vois qu'aujourd'hui tes troupes doivent être réunies sur ta gauche
plutôt que sur ta droite.
Arrivé à Zorneding vers les 5 heures, je pris des informations
s'il y avait une communication de cet endroit à Anzing où je pré-
sumais que le quartier général de l'armée pourrait être établi,
d'après ce qui m'avait été mandé, qu'elle devait se rassembler sur
ce point; ou bien que, là, je saurais le lieu où serait le général
en chef.
Comme il y avait un chemin assez praticable à travers la forêt,
et que le maître de la poste aux chevaux m'assura qu'un de ses pos-
tillons pourrait, avec une petite voiture, me conduire à Anzing,
alors, au lieu d'écrire pour rendre compte, je préférai me rendre
auprès du général en chef, attendu, d'ailleurs, que, mes troupes ne
pouvant prendre que fort tard leur position et qu'il serait possible
qu'on m'eût expédié des ordres pour un mouvement le lende-
main, avant d'être informé de ce relard et de ce qui y avait donné
lieu, et qu'en outre, dans la supposition que les troupes seraient
arrivées de bonne heure à Zorneding, on pourrait me prescrire de
me rendre, avec toute ma division, à une distance un peu forte de
cet endroit, ainsi que d'arriver sur le point indiqué d'assez bonne
heure; enfin que, lorsque je recevrais cet ordre, il ne serait peut-
être plus temps d'adresser des observations pour démontrer les
difficultés de la ponctuelle exécution, je partis pour Anzing où
j'arrivai vers les 7 heures du soir.
Le général .\foreau y étant, je me rendis de suite auprès de lui.
\le voyant entrer, il manifesta sa surprise d'une manière bien
flatteuse en disant : « Ah ! voilà Decaeu; la bataille sera gagnée
demain! 15 et il m'embrassa. En s'exprimant ainsi, le général
Moreau pensait certainement aux 10000 combattants dont je
venais lui annoncer la prochaine arrivée pour participer à l'exé-
cution de ses projets. Cependant je dis : a Qu'aurai-je donc le
bonheur de faire pour contribuer à ce brillant succès? r. Le géné-
ral me répondit : >t Votre division sera réunie demain au corps du
général Grenier • qui élait alors à écrire ses ordres d'après ceux
LA VEILLEK DE HOHE\LI\DEX 137
que lui avait donnés le général eu chef, avec le(|uel étaient aussi
le général Dessolle et Grouchy, qui venait d'arriver à l'armée et
qui devait prendre, le lendemain, le commandement de la pre-
mière division du centre, déjà depuis longtemps sous les ordres
du général de brigade (irandjean.
Je témoignai au général Grenier combien j'étais flatlé de servir
sous ses ordres et je lui demandai sur quel point ma division devait
marcher le lendemain. Il me répondit que c'était sur la gauche de
Hohenlinden et qu'il fallait que j'y fusse arrivé au plus tard vers
11 heures du matin. J'observai que, pour cette heure, cela était
impossible. Le général en chef m'en ayant demandé la cause, je
lui rendis compte que, n'ayant pu diriger mes troupes que fort
tard sur Zorneding, parce que je n'avais reçu l'ordre de mon
mouvement qu'à une heure après midi, tandis qu'il aurait dû être
alors presque totalement opéré, et (]ue ce retard provenait sans
doute de la suscription de la lettre ([ue je lui montrai; qu'ainsi,
ma division ne serait probablement rassemblée à la position de
Zorneding, qu'entre 10 et 1 1 heures du soir, ayant, pour s'y rendre,
des chemins de traverse étroits, dans un pays montueux et difficile;
que les troupes seraient extrêmement fatiguées; que je ne pourrais
donc pas les mettre en marche de très grand matin, comme cela
devait se faire, pour être rendues à l'heure fixée sur le terrain indi-
qué; que, le chemin qu'elles avaient à parcourir étant fort mauvais
et un défilé continuel, je prévoyais que, vers 2 heures, au plus tôt,
la tète de ma colonne pourrait bien y arriver, et dans le moment
où l'on serait sans doute le plus fortement aux prises; mais que
ce n'était pas cela qu'il fallait; que c'était au contraire toute la divi-
sion, pour pouvoir, au besoin, contribuera porterie coup décisif.
Le général Aloreau, entendant ces observations et y ayant égard,
me fit cette question : « Mais vous pouvez suivre le mouvement
de Richepance? — Sur quel point, mon général, le dirigez-vous?
— Mais je le fais partir d'Ebersberg pour se porter par Christoph
sur Maitenbeth. — Dans ce cas, je suis on ne peut mieux placé
pour suivre ce mouvement : mes troupes les plus éloignées ne
sont qu'à trois lieues au plus d'Ebersberg, et j'ai la chaussée pour
m'y rendre, ce qui me facilitera de marcher avec plus de rapidité
et avec tout l'ensemble possible. »
Après m'avoir demandé si toute ma division serait réunie dans
138 MKMOIRES ET JOLR\AU\ DU GENERAL DECAEN
la soiive et que j'eus répondu affirmativement, mais à 500 hommes
près qui, ayant été placés à des avant-postes éloignes, ne rejoin-
draient que le lendemain, le général Moreau dit: «Eli bien! Je
voulais faire tourner l'ennemi par 10 000 hommes. Il le sera alors
par 20000. Mais, à quelle heure croyez-vous pouvoir arriver sur
Chrisloph? ^ Je dis que je ne pouvais pas bien le préciser; cepen-
dant que je ferais mon possible pour que la plus fjrande partie de
mes troupes y fût arrivée avant midi. Le général Moreau fut satis-
fait. Ensuite le général Lahorie me remit l'ordre ci-après :
La disposition de renneiiii donnant à présumer, mon cher Decaen, que
son intention est d'attaquer demain, ce qui, probablement, aura lieu sur
Isen et sur la route de Haag à Hohenlinden, le général en chef me charge
de te prévenir que le général Richepance a ordre de quitter sa position
d'Ebersberg de manière à être rendu à 8 heures du matin sur Christoph
pour, de là, recevoir et combattre l'ennemi qui, de Haag, se dirigerait sur
Hohenlinden. Tâche, mon ami, d'envoyer sur Ebersberg, de très bonne
heure, un détachement pour couvrir le débouché de Wasscrburg. Avec le
reste de ta division, tu suivras le mouvement du général Richepance. Le
général Lecourbe a ordre d'envoyer demain, dans la journée, des troupes
pour couvrir Ebersberg, ce qui te laissera toute ta division disponible pour
le mouvement sur la route de Haag.
Le général Moreau, en cas d'attaque, se rendra demain de bonne heure
à Hohenlinden où tu le préviendras de' ta position.
Je remis au général en chef une note sur la reconnaissance que
j'avais faite le matin sur la rive gauche de l'Inn, entre Rott et
Wasserburg. L'Inn, dans cette partie, olfre la plus grande difficulté
pour un passage. Il coule dans un vallon qui se maintient dans
une largeur de 1 000 à 1 200 toises, et dont les escarpements
sont très rapides; son cours se soutient constamment vers la partie
Est du vallon, en sorte que la rive droite domine de beaucoup la
rive opposée et rendrait bien difficile tout rassemblement. Je n'ai
pu m'assurer précisément s'il existait des gués; sa largeur est de
60 à 70 toises, et le courant très rapide. Le point d'Attel, où la ri-
vière de ce nom se jette dans l'Inn, m'a paru le moins désavanta-
geux de ceux que j'ai observés.
Je fus invité à rester à souper. En l'attendant, l'on causait et
l'on faisait des conjectures : entre autres, que l'ennemi serait sans
doute fort étonné en apercevant, le lendemain, notre armée en
mouvement pour recevoir son attaque, ou plutôt pour l'attaquer
COXFIAXCE DES FRANÇAIS DAMS LA VICTOIRE 139
nous-mômcs ; que si, dans sa confiance que nous étions en pleine
retraite, il s'était engagé avec sécurité dans le défilé de la forêt,
entre Maitenbeth et Hohenlinden, comme l'espérait le général en
chef, nous devions nous attendre à un grand résultat des dispo-
sitions qu'il avait ordonnées.
On appréhendait même que quelque circonstance ne détermi-
nât l'ennemi à mettre de la circonspection et, pour peu qu'il fît la
réflexion qu'il n'avait combattu, le 10, avec des forces très supé-
rieures, que contre une portion d'une armée toujours victorieuse
pendant toute la campagne, et qui n'avait alors pour but que de
reconnaître sa position et quels étaient ses desseins.
Mais, durant cetle conversation, on vint annoncer au général en
chef qu'il venait d'arriver des fuyards qui rapportaient qu'à la
nuit close, l'ennemi avait fait une attaque sur Hohenlinden. Le
général .\Iorcau les fit venir pour les interroger lui-même.
C'étaient deux musiciens qui avaient pris la fuite dès les premiers
coups de fusil et qui répondirent à ses questions que, comme
cela ne les regardait pas, tout ce qu'ils avaient à dire, c'est que,
l'ennemi ayant atla(|ué, et ayant même entendu le canon, il&
s'étaient empressés de s'éloigner du feu.
Loin que cette nouvelle excitât la moindre inquiétude, elle ajouta
à notre espoir que l'ennemi s'était aussi bien engagé que le général
en chef le désirait. Aussi, pendant le souper, on ne s'entretint que du
bon succès (|u'on se flattait d'obtenir, le lendemain; et même quel-
qu'un dit: «Il faut, d'avance, rédiger le bulletin : 10000 prisonniers,
50 pièces de canon et l'archiduc Jean, général en chef de l'armée
autrichienne, i^ De mon C(jté, je dis au général Grouchy : a C'est toi,
mon ami, qui es destiné à recevoir le premier choc de l'ennemi qui
mettra sans doute de l'ardeur et de l'acharnement à vouloir s'em-
parer de Hohenlinden, ainsi que du point de section des routes de
Munich et de Freising. Mais comme, avec tes troupes, et le lieute-
nant général Grenier avec les siennes, vous serez encore plus tenaces
et plus vigoureux, j'espère bien que le général Richepance et moi
nous arriverons au moment opportun pour seconder vos efforts
et pour faire décider la victoire en faveur de notre armée. »
Je repartis du quartier général à 11 heures. A mon arrivée à
Zorneding, j'appris que, vers 10 heures, toutes mes troupes
étaient arrivées à leurs positions.
iUO MKAIOIRES ET JOURXALX DU GEXERAL DECAEX
Je fis (le suite expédier Tordre au clief Laffon d'èlre r«''uni, le
lendemain 12 frimaire, à 5 heures du malin, et de se mettre
en marche pour Ehersherg où il devait être rendu à 7 heures.
L'ordre de se former en colonne sur la chaussée cl de se mettre
en marche à la même heure, pour arriver successivement à Ebers-
berg, fut envoyé aux généraux de brigade.
Il fut notifié, dans ces ordres, que loules les voilures, hors celles
essentielles des services de rartillerie et de Tambalance, devaient
être renvoyées au parc, en arrière de Zorneding.
Il fut mandé au commissaire des guerres de faire diriger de
Teau-de-vie sur Ebersberg, pour qu'il en fût fait une distribution
aux troupes dès qu'elles y arriveraient.
Mon chef d'état-major écrivit au général Richepance pour le
prévenir, de ma part, qu'en consécjuence des ordres du général en
chef, je serais rendu, le lendemain vers les 7 heures du malin,
à Ebersberg, et que je suivrais son mouvement sur Christoph ;
que je l'invitais à laisser des avant-postes en avant d'Ebersberg, sur
le débouché de U'asserburg, et que mon avant-garde les relèverait.
12 frimaire (3 décembre). — On m'apporta une lettre du gé-
néral Richepance, datée du 11 à minuit. Il m'écrivait :
V^ous l'tcs sans doute prévenu, mon cher général, que la division que je
commande doit se porter sur Christoph, ce qui, devant être e.vécuté pour
7 heures du matin, me met en marche dès les 4 ou 5 heures, et me fait
abandonner, dès ce moment, la grande route de Wasserburg sur Ebers-
berg que je vous crois destinée.
Je pense que vous devez être prévenu que l'ennemi, qui occupe les bois
en avant de Tulling, est venu, ce soir, ;ï la nuit tond)antc, montrer à mes
avant-postes qui occupent ce village un corps de 500 à 600 chevaux, avec
quelque infanterie. Je les crois destinés à agir demain et, par conséquent,
soutenus par d'autres troupes plus en arrière. Voyez, mon général, pesez
dans votre sagesse s'il ne convient pas que vous occupiez le terrain à
mesure que je l'abandonnerai.
La réponse à la lettre que j'avais fait écrire au général Riche-
paucem'arriva vers 4 heures. Elle était datée du J2, à 2 h. 30. En
voici la teneur :
J'ai reçu, mon cher général, l'ordre d'attaquer aussitôt mon arrivée à
Christoph : en laissant mes avant-postes, ce .serait m'aftaiblir d'autant, et
je pense, d'ailleurs, qu'ils seraient compromis. Je vous prie donc de les
DECAEiY MECONTEXT DE RICHEPANCE 141
faire relever par des troupes de la division que vous commandez, le plus
tôt possible.
Cette réponse me donna un peu d'humeur, car il n'y avait
aucun inconvénient pour le général Richepance de s'affaiblir
momentanément du nombre d'hommes qui gardaient les avant-
postes et que je lui avais demandé d'y laisser, puisque je devais
suivre de près son mouvement afin de le soutenir ; tandis qu'il
importait pour nos deux divisions que le débouché sur U'asserburg
restât gardé; d'ailleurs ces postes couvraient son flanc droit ainsi
que la queue de sa colonne et ils empêchaient les partis ennemis
de pénétrer dans l'intervalle qui se trouverait entre les deux divi-
sions jusqu'à ce que j'eusse opéré ma jonction. D'un autre côté, en
levant ces postes, c'était faire trop tôt connaître à l'ennemi qu'on
était en mouvement, ce qui pouvait le déterminer à s'y mettre lui-
même, soit pour attaquer directement, soit pour se borner seule-
ment à vouloir s'assurer de la direction qu'on aurait pu prendre.
Enfin, il pourrait arriver qu'obligé de repousser l'ennemi qui se
serait avancé sur le terrain abandonné par la division Richepance,
il en pourrait résulter un retard d'opérer ma jonction avec lui.
Cependant, je ne lui adressai point d'observations (jui auraient
été inutiles puisqu'il m'avait annoncé, dans sa première lettre,
(jue, se mettant en marche dès 4 à 5 heures du matin, il aurait,
dès ce moment, abandonné la grande route de \\ asserburg qu'il
me croyait destinée. Alors je m'attendis à faire repousser l'ennemi
qui me présenterait un obstacle; cependant, je fis écrire au géné-
ral Richepance par mon chef d'état-major :
Je vous ai mandé aujourd'hui que la division du général Decaen serait
rendue à 7 heures à Ebersberg. 11 est impossible qu'elle y soit rendue plus tôt.
Avant de partir de Zorneding, je reçus une lettre du général
Lahorie. Il me mandait :
I/cnnemi s'est effectivement porté hier au soir sur Hohenlinden avec un
corps assez nombreux d'infanterie, cavalerie et artillerie. Le général
Grandjean a ordre de tenir jusqu'à la dernière extrémité en arrière de
Hohenlinden pour couvrir la chaussée; il éclairera en même temps sa
droite pour couvrir la roule de Hohenlinden à Zorneding et même, s'il le
peut, celle d'Ehersberg. Xéannioins le général en chef te laisse à juger s'il
ne te conviendrait pas de couvrir un peu ces débouchés. Au reste, le général
Richepance a ordre d'attaquer de bonne heure et avec la plus grande
142 MÉMOIRES ET JOURNAUX DL GEXÉRAL DECAEM
vigueur par Christoph sur Maitenbeth, et de faire tous ses efforts pour
être maître de la coinniunication de Haag sur Hoheiilinden.
Je n'ai pas besoin, mon ami, de t'engagera presser ton mouvement et
à suivre avec la plus grande vigueur celui du général Richepance; la briè-
veté des jours oblige de combattre de bonne heure.
Si votre mouvement combiné réussit, l'ennemi payera cher sa tenlalive
sur la chaussée de Hohenlinden. Dorme le plus souvent possible de tes nou-
velles au général en chef qui sera à Hohenlinden. Je t'embrasse!
Comme il est possible que le général Richepance ne puisse pas débou-
cher par Christoph sur Maitenbeth, il a ordre de prendre, à gauche de ce
point, un débouché plus rapproché de Hohenlinden, s'il s'en trouve; il
t'en préviendra. Tu suivras alors son mouvement; mais il a ordre de
faire d'abord tous ses efforts pour déboucher par Maitenbeth.
Arrivé vers 7 heures à Ebersherg, je fis continuer la marche à
la colonne jusqu'au delà du villacre d'Oherndorf, où se trouve le
chemin qui vient joindre la chaussée de U'asserhurg à Ebersberg
et qui conduit à Maitenbeth, passant par Abersdorf et Christoph;
et l'avaut-garde reçut l'ordre d'élairer particulièrement sa droite
et de faire halte près Oberndorf pour reposer un moment ses
troupes et serrer la colonne.
Le général Dehilly reçut l'ordre de faire suivre ;ï sa brigade le
mouvement de la brigade Durutte, mais de laisser à Ebersberg un
bataillon de la 100' avec les deux pièces de canon attachées à cette
demi-brigade et deux escadrons du l'*" de dragons, pour couvrir
le débouché de U'asserhurg et tenir la communication avec Hohen-
linden. Il fut prévenu qu'un escadron du 10' et deux compagnies
de la 14' allaient arriver de leurs cantonnements à Ebersberg et
qu'ils seraient sous ses ordres, ainsi que deux pièces de 8 que le
commandant d'artillerie avait reçu l'ordre de lui laisser.
Il fut observe à ce général qu'il était essentiel qu'il eût une
partie de ses troupes sur la hauteur d'Oherndorf, pour couviir le
chemin qui conduit sur Sfeinhoring, et qu'il envoyât des partis sur
la route de Uasserburg, sur Christoph, ainsi que de faire éclairer
la route de Wasserburg surGrafing; qu'il devait plus particuliè-
rement s'occuper du point d'Ebersberg que du surplus de sa bri-
gade, dont il donnerait la direction au chef de brigade Saint-Dizier,
commandant le 17' de dragons; que, lorsque les troupes du géné-
ral Lecourbe, (|ui marchaient sur Ebersberg, y seraient arrivées, il
ferait alois replier sa troupe sur la division (jui se dirigeait sur
PREMIERS COUPS DE CA\ON A HOHEXLINDEN 143
Christoph pour soutenir celle du général Richepance qui devait
attaquer l'ennemi. Il fut recommandé au général Debilly de me
tenir informé, sur la route de Clirislopli à Maitenbetli, de ce qui
pourrait arriver de nouveau.
Vers 8 heures, j'envoyai un officier porter l'ordre au chef
de brigade Laffon de marcher sur Christoph, et aux généraux
Kniaziewicz et Durutte ainsi qu'au commandant des troupes de la
brigade Debilly, qui devaient accompagner la division, de suivre
successivement lavant-garde et sans laisser le moins possible d'in-
tervalle entre cliaque corps.
La légion polonaise se trouvait, après lavant-garde, avoir la
droite de la division, par l'effet du prompt mouvement opéré la
veille pour revenir prendre la position de Zorneding. Je ne chan-
geai pas cet ordre, préférant engager un des premiers ce corps
étranger de nouvelle formation, plutôt que de le garder comme
réserve.
Xous finissions le déjeuner et nous allions prendre le café,
quand le premier coup de canon se fit entendre; il était un peu
plus de 8 heures. Laissant le café, je montai vite à cheval, et je
me rendis rapidement à Oberndorf. Toutes les troupes étaient en
marche.
Les éclaireurs envoyés sur la droite avaient trouvé quelques
ennemis au debà du village de Steiuhoring. Je fis détacher sur-le-
champ un escadron et une compagnie d'infanterie légère de la
brigade Debilly pour observer l'ennemi de ce côté.
Comme la canonnade et la fusillade me faisaient juger qu'on
était fortement aux prises sur Christoph et sur Hohenlinden, je fis
dire au chef Laffon de presser sa marche, et que je ne tarderais
pas à le rejoindre; et que, s'il trouvait l'ennemi, de l'aborder
franchement et avec vigueur.
En avançant dans la colonne pour arriver à la tète, je recom-
mandai au chef Saint-Dizier et au général Durutte, si, pendant
leur marche, l'ennemi se présentait sur l'un ou sur l'autre de
leurs flancs, de lui faire face et de le combattre vigoureuse-
ment.
En passant dans les rangs des Polonais, je fus très satisfait de
l'ardeur que manifestaient les officiers et les soldats. Xe parlant
pas leur langue, je leur exprimai par mes regards que je comptais
14V MKMOIRES ET JOUR.YAUX DU GEXERAL DECAE.V
sur leur valeur et (jue, bientôt, ils allaient avoir roccasion d'en
donner des preuves.
Le chemin (jue nous suivions ne permettait de marcher que sur
trois de front, ce qui prolongeait infiniment la colonne. \ous ap-
prochions de Christoph lorsqu'il survint un obstacle : c'était la
rencontre de voitures de vivandiers, d'artillerie et autres équipages
de la divi.sion Richepance qui rétrogradaient par ce chemin. Mais
ayant reconnu qu'à la gauche, la localité permettait d'y faire mar-
cher la troupe en faisant faire par les sapeurs les ouvertures et
passages nécessaires, l'embarras ne dura qu'un instant.
La légion polonaise quitta subitement le chemin, se forma aus-
sitôt par section et ensuite par pelotons, et continua d'avancer. Le
reste de la colonne suivit la même direction dans le même ordre.
Aiin de débarrasser le chemin, il fut indiqué un terrain pour
par(|uer d'abord les voitures de la division Richepance et l'ordre
fut donné pour qu'elles fussent dirigées sur Ebersberg lorsque la
queue de la colonne serait passée.
Peu de temps après ce dégagement, j'arrivai sur le plateau de
Christoph ; il tombait alors beaucoup de neige. J'y trouvai le géné-
ral de brigade Sahuc (1), commandant la réserve de cavalerie du
général Richepance, et le capitaine Reiset (2), aide de camp de
ce dernier. Celui-ci m'informa que la seconde brigade de cette
division était postée un peu plus loin, ayant été empêchée par
l'ennemi de suivre la première, à la tète de laquelle était son
général (3). Survint ensuite le général Drouet qui me dit qu'il ne
pourrait, ainsi que le général Sahuc, rejoindre le corps qui les
précédait (|ue lorsque je les aiderais. Je leur dis que bientôt
j'allais pouvoir les satisfaire.
(1) Sahuc ' Louis-Michel-.^ntoine , m- le 7 jaavier 1755. à Mello (Oise); caialier au
Royal-Lorraine, le 2 août 177-2 ; maréchal des logis chef, le 1"^ mai 1779; quartier-
mailre trésorier avec rang de lieutenant, le 30 août 1789; lieutenant-colonel, le 22 juil-
let 1792, chef de brigade, le 20 messidor an II, général de brigade, le 4 fructidor
an VII; général de division, le 3 nivôse an XIV; mort à Francfort-sur-le-Main, des
suite.», dune maiadie de nerfs, le 24 octobre 1813 {A. A. G.).
i'2) Reiset (.Marie-.^utoiue), né le 29 novembre 1775, à Colmar; dragon au 14« régi-
ment, le 8 avril 1794; sous-lieutenant, le 26 décembre 1795: lieutenant, le 25 décem-
bre 1790, aide de camp de Richepance, le 30 avril 1800; capitaine, le 18 juin 1800;
chef d'escudrons, le 15 juin 1801. colonel, le 31 mars 1809; général de brigade,
le 8 février 1813; lieutenant des gardes du corp» du roi, le 1" juin 1814; lieutenant
général, le 30 juillet 1823; commandant h division de Catalogne, le 22 septembre 1824;
mort à Rouen, ht 25 murs 1836 A. .-1. G. .
(3) Cf. Souvenirs du lieutenant général vicomte de Reiset, t. I, p 96-98.
DEGAEN APPUIE RICHEPA\'CE 145
La neige qui tombait m'empêchait de voir ce qui se passait et
de juger la localité; je ne pouvais me régler que d'après le feu
que j'entendais et sur les renseignements qu'on pouvait me don-
ner. Entendant aussi la fusillade à ma droite, je demandai ce que
c'était. Quel(|u'un ayant dit : i. Oh ! c'est l'ennemi qui nous
tourne T , je repartis de suite : " Eh bien! s'il nous tourne, nous le
tournerons à notre tour, d Mais, pendant ce court entrelien, la
tète de la légion polonaise arrivait et, en même temps, le chef de
bataillon Delelée, aide de camp du général* en chef, envoyé
d'Hohenlinden pour avoir des nouvelles. Je le fis retourner de
suite pour dire au général Moreau qu'en arrivant sur le plateau de
Chrisloph, j'avais trouvé les choses un peu embrouillées, mais
([u'il n'eut pas d'inquiétude; que j'espérais que, bientôt, tout irait
au mieux.
Pour représenter l'ensemble des opérations de ma division
durant cette brillante journée, je ne puis mieux faire que de répé-
ter ce que j'écrivis, le lendemain, au général en chef, auprès
duquel j'avais aussitôt après le dénouement de l'affaire, envoyé
mon frère, alors mon aide de camp, pour l'informer de ce qui
venait de se passer et lui annoncer que j'allais continuer d'agir
selon les circonstances. Voici donc ce rapport :
D'après vos ordres, mon général, de suivre, le 12, le mouvement de la
division Richepance qui devait attaquer l'ennemi sur Maitenbeth, je me
suis mis en mouvement de Zonieding à 5 heures du matin, suivant la
chaussée de \\ asserburg jusqu'au delà du village d'Oberndorf, en avant
d'Ebersberg, où se trouve le chemin qui conduit à Maitenl)eth passant par
Aber.sdorf et Christoph.
L'avant-garde ayant reçu l'ordre d'éclairer particulièrement sa droite, les
flanqucurs avaient trouvé quelques ennemis au delà du village de Steinhô-
ring. La division Richepance n'ayant laissé aucune troupe pour couvrir le
débouché de VVasserburg, j'ai envoyé un escadron et une coaqiagnie d'in-
fanterie légère pour observer sur Steinhoring, et le mouvement n'a point
été retardé. Je l'ai même pressé, car on était alors fortement aux prises
sur Christoph et sur Hohenlinden.
Mon avant-garde, aux ordres du chef de brigade Laffon, arrivant sur le
plateau de Christoph (il pouvait être 10 h. 30) trouva la brigade aux
ordres du général Drouet et la réserve du général Richepance aux ordres
du général Sahuc.
L'ennemi, étonné du mouvement du général Richepance, en même
temps qu'il était attaqué vers Hohenlinden, en avait fait un autre pour
pointer vers Wasserburg afin de se rejoindre à un corps de plus de
ir. 10
146 MKMOIRES ET JOLRXAUX DU GEMERAL DECAEN
3 000 hommes qui avait sans doute marché d'Albaching vers Zell et Wall.
Ce mouvement avait séparé la brigade du général Drouet du général Riche-
pance; et, en même temps, les tirailleurs d'un autre corps ennemi débou-
chaient des bois sur le phileau de Christoph où la réserve de la division
Richepance se trouvait sans pouvoir agir, vu la proximitédes bois, n'ayant
point de terrain en arrière d'elle, et la neige tombant en grande quantité.
Une réserve de munitions et quelques équipages qui suivaient cette divi-
sion, par leur marche rétrograde dans des chemins très difficiles, auraient
pu être bien nuisibles, si le chef Laffon n'avait point franchi vigoureuse-
ment cet ol)stacle. 11 n'y avait pas un instant à perdre : le chef Laffon,
auquel j'avais recommandé d'aborder franchement l'ennemi, mit toute la
vigueur qu'exigeait une telle circonstance. Il donna l'ordre au 3« bataillon
de la 14% commandé par le chef Massard, et à un escadron de son régi-
ment, commandé par l'intrépide Montaulon, d'attaquer l'ennemi, ce que
cette troupe fit aussitôt, et le repoussa vivement. Mais la force de
î'ennemi obligeait déjà les nôtres à la retraite lorsque je les fis soutenir
par un bataillon de la légion polonaise, tandis que le général Kniaziewicz
déboucha du défilé de Christoph pour seconder le général Drouet afin qu'il
puisse se joindre au général Richepance qui avait pénétré sur Maitenbeth.
Ce mouvement, également exécuté avec vigueur, procura les plus grands
avantages. Le général Drouet opéra sa jonction; le bataillon de la 14% sou-
tenu par le bataillon de la légion polonaise dirigé par le chef Laffon, mit
l'ennemi dans une telle situation que, l)'('iitôt en déroute, on amena de
toutes parts des prisonniers et des canons.
Ce spectacle de succès fut d'autant plus ravissant qu'à ce beau moment
la neige cessa de tomber et (|ue le soleil se montra dans toute sa splendeur.
Il semblait que cet astre divin avait voulu éclairer notre triomphe.
Le surplus de la division avait été formé en échelons, et j'avais laissé
un corps de l 200 hommes d'infanterie, 600 chevaux et quelques pièces
d'artillerie aux ordres du général Debilly, sur le point d'Ebersberg,
chargé d'éclairer la route de Wasserburg, couvrir le mouvement que
je faisais sur Christoph, et tenir la communication entre Ebersberg et
HebenlindcM jusqu'à ce que des troupss de l'aile droite, qui devaient
venir le remplacer sur ce point, y fussent arrivées; mais elles n'y vinrent
point.
M'apercevant que l'ennemi mettait de l'opiniâtreté vers la gauche, je
donnai l'ordre au général Durutte de mettre sa brigade en mouvement et
de la diriger sur le point où le feu me paraissait le plus vif. Déjà le géné-
ral Durutte, qui avait été informé qu'un corps ennemi d'environ
900 hommes était à sa proximité et cherchait à se faire jour, envoya deux
compagnies du 2'= bataillon de la 14% dont les carabiniers, pour seconder
ceux qui étaient aux prises avec une partie de ce corps ennemi. Ces com-
pagnies étaient dirigées par l'adjudant-major Cornille qui, aussitôt qu'il
aperçut l'ennemi, et le vojant disposé à se défendre, s'avança seul, et cria
en allemand, à l'aide de camp du général Spannochi de se rendre avec
RAPPORT DE DECAEX 147
cette troupe; que, si elle faisait feu, elle serait passée au fil de rêpêe. Les
ennemis mirent bas les armes.
Le général Durutte avait exécuté son mouvement, que j'avais suivi, et
il allait déboucher sur la «grande chaussée de Hohonlinden à Haag; mais
ajant trouvé la division (îrouchy s'avançant sur Haag, et jugeant, par le
mouvement de cette division, que la gauche pouvait se passer de mon ren-
fort, je pris la résolution de diriger la plus grande partie de mes troupes
sur Haag, passant par Albaching, afin de couper autant que possible les
communications de l'ennemi avec Wasserburg.
Tandis que j'ordonnais ce mouvement, — il était alors environ 3 h. 30,
— le général Kniaziewicz, que j'avais chargé de rester sur le point de
€hristoph pour couvrir mon flanc droit, me fit prévenir qu'il était attaqué
vivement par ce corps de 3000 hommes (pi'il avait eu tout le jour devant
lui. L'affaire s'engageait. Le général Kniaziewicz soutenait très bien l'at-
taque; mais la marche que je faisais faire sur Albaching, menaçant la
droite de ce corps ennemi, l'obligea bientôt à la retraite. Il fut pour-
suivi; mais la nuit, qui empêcha de profiter de sa fuile, empêcha aussi
aux troupes que je dirigeais, excepté à quelques tirailleurs, de déboucher
dans la plaine d'Albaching. L'ennemi avait alors cinq escadrons de cava-
lerie et trois pièces d'artillerie qui battaient à mitraille le débouché.
Le résultat de la journée a donné à la division plus de 3 000 prison-
niers, 50 officiers dont 2 colonels, et 7 pièces de canon ; et elle n'a perdu
que 286 honnnes, tant tués que blessés, dont six officiers.
Les 2* et 3' bataillons de la 14% le 1" bataillon de la 4^ d'infanterie de
ligne, la légion polonaise et un escadrorj du 0° régiment de chasseurs se
sont conduits avec la plus grande bravoure. Si les autres troupes eussent
eu l'occasion de donner, on doit croire, par le zèle qu'elles ont montré,
qu'elles auraient imité ceux qui ont combattu l'ennemi.
Parmi tous les officiers qui se sont distingués, mon général, je vous
recommande particulièrement le chef d'escadrons Montaulon, pour que
vous lui accordiez la réconipense que ses belles actions lui méritent et sur-
tout sa conduite à la bataille du 12 : ajant eu son cheval tué, à pied, il
s'est mis à la tête de l'infanterie. Ce grand dévouement, avec les disposi-
tions du chef Laffon et la conduite distinguée du général Kniaziewicz, ont
fait beaucoup aux succès de cette journée.
Un chasseur du 6% nommé Côtebœuf, et un hulan de la légion polonaise
nommé Ivisen, se trouvant ensemble dans le bois au commencement de
l'affaire, ayant aperçu une cinquantaine d'hommes, se sont concertés pour
les charger. Le chasseur, fort avancé, leur criant de se rendre, et criant :
u En avant, la 4»! n cette troupe a mis bas les armes. Mais l'ennemi, ne
voyant que ces deux hommes, reprenait ses armes pour s'en servir lorsque
le hulan, reconnaissant de ses compatriotes, leur a parlé dans sa langue et
leur a dit de le suivre, ce qu'ils ont fait aussitôt.
L'adjudant commandant Plauzonne et les officiers de l'état-major se sont
particulièrement distingués dans cette journée.
1V8 MliAIOIIlES ET JOIR.VAIX DU GEXERAL DECAEX
Les troupes aux ordres du «[énéral Dchilly, restées sur le point d'Ebers-
herg, en conimuni(juant avec Hohenlinden, ont dégagé une compagnie de
la 108" enveloppée par l'ennemi, et ont fait 300 prisonniers.
J'ai, ci-devant, énoncé le motif qui m'a fait anticiper de citer
mou rapport au général en chef. Il me reste donc à dire que, la
nuit ayant empêché d'ajouter au succès de la journée, j'ordon-
nai que les troupes resteraient à leurs emplacements respectifs,
d'allumer leurs feux et d'établir leurs gardes.
Je crus devoir retourner à Ebersberg pour être plus à proximité
de recevoir des ordres pour ce ([u'il y aurait à faire le lendemain
et, dés mon arrivée, entre 10 et 11 heures, je fis éciire au général
Lahorie que ma division avait pris position en avant de Mailenbeth,
et la droite en avant de Christoph, poussant des avant-postes à une
lieue de Haag; que j'aurais voulu aller jusque-là; mais que la nuit
m'avait empéclié de forcer un corps de quatre bataillons qui, avec
quelques pièces d'artillerie et de la cavalerie, avait attaqué vers
les 3 h. 30 le général Kniazieuicz; que j'adresserais le lendemain
le rapport de la journée; que la division avait fait plus de 3000 pri-
sonniers dont 50 officiers et 7 pièces de canon ; que le général Mon-
trichard n'était point arrivé à la position qu'il devait prendre (1).
l'A frimaire (4 décembre). — Pendant la nuit, je reçus du gé-
néral Lahorie l'ordre ci-après, daté d'Anzing :
Le général Moreau me charge de te prévenir, mon clier Decaen, de te
porter demain, vers midi, sur Haag pour le couvrir sur la route de Was-
scrburg, ayant une brigade de disponible pour être portée au besoin sur la
route de Aliibldorf où se portent les divisions Richepance et Groucby.
Cet ordre est subordonné à l'arrivée des troupes du général Lecourbe
pour couvrir le débouché d'Ebersberg.
Le général iMoreau sera demain à Haag.
Le général Richepance prendra position en avant de Ramering, et le
général Grouchy, sur Reichertsheim et Aschau.
L'officier envoyé au quartier général me rapporta une lettre du
général Lahorie. Il me marquait :
Je reçois à l'instant le rapport de l'adjudant général Plauzonne sur ta
belle affaire d'hier, mon cher Decaen. Je te fais avec grand plaisir mon
compliment sur ton brillant succès.
(1) Plauzonne à I.aliorie, Ebersberg, \i frimaire, A. H. G.
DECAEN SE PORTE SUR HAAG 149
Je t'ai envoyé cette nuit les intentions du général en chef pour ta posi-
tion d'aujourd'hui qui est absolument celle que tu te proposais de prendre,
c'est-à-dire sur Haag et en avant de cette ville, une partie sur la route de
Wasserburg, le reste en réserve vers Ilanisau, prêt à soutenir les divisions
Grouchy et Richepance, si elles étaient ramenées des positions qu'elles
doivent prendre, la dernière, sur Ramering, et l'autre, sur Ileichertsheim
et Aschau.
Le général Moreau sera aujourd'hui à Haag où j'espère te voir.
Ainsi, d'après ces ordres, la division se mit en marche entre
11 heures et midi sur Haag, y prit position, le général Durutle,
ayant sa gauche à la roule qui conduit à Wasserburg; la légion
polonaise y appuyait sa droite, la gauche vers l'Inn, Tavaut-garde
couvrant le front de la division sur les différents débouchés de
Wasserburg, éclairant par la gauche vers l'Inn, par la droite, vers
Albaching, et poussant ses postes en deçà de l'Achenbach (1), se
liant avec le détachement aux ordres du général Debilly qui avait
gardé sa position à Ebersberg, ayant ses avant-postes à Tulling,
attendu que les troupes de l'aile droite, qui avaient dû le relever
dès la veille, n'étaient pas encore arrivées.
La division se trouva disposée de manière à pouvoir marcher
par sa gauche sur la route de Miihldorf, où le général Richepance
poursuivait l'ennemi.
Avant de partir d'Ebersberg pour me rendre à Haag, un rapport
du chef LafTon m'informa que l'ennemi s'était retiré d'Albaching
vers minuit et demi; que ce village était celui où l'ennemi était,
la veille au soir, en position, et d'où il nous avait tiré plusieurs
coups de canon; que cet endroit avait été pillé par lui et qu'il y
avait laissé beaucoup de blessés français et autrichiens. Lorsque je
passai dans ce village, je donnai des ordres pour les soins à don-
ner à ces blessés, ainsi que pour leur transport; les Français pro-
venaient de l'afiFaire du 10. Beaucoup de ces malheureux blessés
n'avaient pas encore été pansés. C'était un spectacle bien pénible!
Cependant, dès que nos troupes étaient entrées dans ce village,
on avait commencé par leur procurer tous les secours qu'il était
alors possible de leur donner; on s'était surtout empressé de faire
extraire du milieu d'eux les cadavres des malheureux qui avaient
déjà succombé.
(1) C'est le nom que donne le 1/50 000' bavarois. Decaen avait écrit l'Ach. Le
1/100 000» allemand dit : Nasenbach.
150 MEMOIRES ET JOIK.XAIX DU GÉXERAL DECAEX
Arrivé au quarlier général, je reçus du général en chef des
témoignages de sa satisfaction. Il m'écrivit eu outre la lettre sui-
vante :
Au quartier général, à Haag.
Le 16 frimaire an IX de la Répablique.
Le général en chef Moreau au général de division Decaen.
Je vous prie, citoyen général, de témoigner à votre division combien
j'ai à me louer de sa conduite à l'affaire du 12. Sa récompense la plus
douce sera sûrement la reconnaissance nationale pour les services impor-
tants que l'armée vient de rendre à la République. Veuillez joindre à
votre rapport le nom des braves qui ont mérité des récompenses pour des
actions distinguées ; je m'empres.serai de les faire connaitre au gouverne-
ment. Salut et attachement!
Signé : Moreau
... et de nombreuses félicitations pour la part que ma division
avait prise à la grande victoire remportée la veille. Elle était vrai-
ment éclatante, cette victoire, tant par ses trophées que par les
résultats qu'on devait en espérer.
Plus de... (1) prisonniers et plus de 100 pièces de canon
étaient tombés en notre pouvoir.
J'appris aussi les détails qui suivent (2) :
... Ayant demandé au général en chef ce que j'avais à faire le
lendemain, il me chargea d'envelopper la tête de pont de U as-
serburg.
En conséquence, il fut mandé au général Debilly de rassembler
ses troupes à la pointe du jour sur Tulling, et de se diriger sur la
route de Uasserburg jusqu'à Edling, sur l'Ebrach, où il se tien-
drait en observation, gardant les débouchés de Wasserburg, éclai-
rant sa gauche; que, lorsque les troupes aux ordres du chef Lafifon,
arrivant de Haag sur Edling, se présenteraient, il ferait un mouve-
ment par sa droite et irait prendre position derrière l'Atlel, la
droite vers l'Inn, ayant une avant-garde sur cette rivière; que, s'il
(\) Le chiffre nian.|ue dans le manuscrit. Dessoile dit : 11 000 prisonniers dont
119 officiers, entre antres les généraux Deroy et Spannochi. Moreau dit : 10 000 prison-
niers, 200 caisBons et 80 bouches à feu. Cf. commandant E. Picard, Hohenlinden, p. 23(i.
(2) Suivent trois pages pages blanclics dans le manuscrit.
DECAEM FAIT SLRVEILLER L'IViV 151
éprouvait des obstacles pour arriver à Ediing, il ne s'engagerait
pas, et en donnerait avis au général de division; mais que, quand
il serait informé de l'arrivée de la colonne venant de Haag, alors
il prendrait les mesures nécessaires pour favoriser le débouché de
cette colonne sur Edling, laquelle devait pousser des avant-postes
sur les points les plus convenables en approchant de U asserburg.
Il fut recommandé à ce général de lier ses postes par leur
gauche avec ceux du chef Laffon, et de faire surveiller les bords
de rinn depuis ses postes sur Wasserburg jusqu'à la Rott et de
communiquer avec les troupes de l'aile droite (|ui devaient être
au delà de cette rivière.
CHAPITRE VIII
La division Decacu investit la lête de pont de Wasserburg. — Emplacement des troupes
de cette diiisiou. — Decaen reçoit l'ordre de se porter sur la Glonn. — Lecourbe va
tenter le passa'je de l'Inn. — Les divisions Decaen et Grouchy sont mises à sa dispo-
sition. — Debilly obserie Wasserburg. — Decaen se rend d'Ebersberg à Beiharting. —
En attendant les ordres de Lecourbe, il fait rassembler sa dlsision dès le lever du jour.
— Il ne reçoit des nouvelles de Lecourbe qu'à midi. — Lecourbe lui annonce qu'il
va tenter le passage de l'Iun vis-à-vis Rleubeuern. — Il juge inutile que Decaen le
suive vers \eubeuern. — Decaen se porte sur Aibling. — Sur 1 ordre de Moreau, il
va passer l'Inn à Xeubeuern, derrière Lecourbe. — Decaen chargé de se placer en
réserve de Lecourbe. — Debilly quitte la division Decaen. — Lacour le remplace. —
Lecourbe marche sur la Salzacfa. — Decaen arrive à Waging. — Moreau fait protéger
les salines.
14 frimaire (5 décembre). — Des ordres furent expédiés au
chef Laffon et aux généraux Durutte et Kniaziewicz, qui leur indi-
quaient les positions qu'ils devaient prendre dans la journée, ainsi
que les directions qu'ils devaient suivre pour aller s'y établir afin
de compléter l'investissement de la tète de pont de Wasserburg.
Les détachements qui avaient passé d'une brigade à l'autre, les
jours précédents, durent rentrer dans leurs corps respectifs.
On prévint que le quartier général de la division serait à Ebers-
berg, ainsi que le parc et les équipages, et que le pain et la viande
seraient distribués pour deux jours.
Le général Kniaziewicz m'annonça que sa troisième colonne
l'avait rejoint. Dans l'après-midi, je me rendis à Edling pour con-
naître le résultat du mouvement que j'avais ordonné et, le soir, je
fus à Ebersberg.
Je fis écrire au général Lahorie que la division était placée
comme suit : la légion polonaise, en arrière de l'Achenbach,
couvre Haag, ayant, sur la route de Wasserburg, une forte avant-
garde qui pousse ses avant-postes le plus près possible de \\ asser-
burg; le chef Lafibn, établi à la hauteur d'Edling, couvre la
chaussée de Wasserburg à Ebersberg, ayant ses avant-postes jus-
DKCAEM INVESTIT WASSERBURG 153
qu'à Rcilmeluing; le général Dcbilly, en arrière de l'Attel, pousse
en avant de cette rivière une avant-garde dont les avant-postes
gardent tous les débouchés de Wasserhurg et observent Tlnn depuis
TAttel ius(|u'à la Rott; le général Durutte est établi h. TuUing, sur
la route de Uasserburgà Ebersberg, avec trois bataillons et quatre
escadrons; l'avant-garde a poussé l'ennemi jusqu'au delà de Reit-
mehring, chaussée de W'asserburg à Ebersberg (ce village, à une
lieue de Wasserburg, en est séparé par un bois peu profond, mais
dont le débouché parait avantageux à l'ennemi qui nous a fait feu,
sur ce point, avec trois pièces de canon) ; que j'étais dans l'inten-
tion de ne point forcer ce point et de ne rien tenter jusqu'à ce
que je connusse les intentions du général en chef à cet égard;
qu'un paysan qui disait avoir été enfermé, pour les travaux de la
tète de pont de W'asserburg, pendant six semaines, avait rapporté
que les ouvrages étaient défendus par 3000 hommes et 50 bouches
à feu; qu'il avait vu passer, pendant la nuit du 12 au 13, 700 bles-
sés venant de Haag et Mehring (I) pour entrer à Wasserburg; que
je priais le général Lahorie, dans le cas où il y aurait un mouve-
ment d'ordonné à la division, de donner directement des ordres
au général Kniaziewicz établi de sa personne à Haag, afin qu'il se
réunisse promptement à la division.
Il lui fut aussi annoncé que les troupes du général Montrichard,
arrivées en position à Ebersberg à 11 heures du matin (2), y
étaient encore à 10 heures du soir, l'heure à laquelle ou écrivait
celte lettre.
15 frimaii'e (6 décembre). — La division resta dans ses posi-
tions, excepté une partie de la légion polonaise qui revint de Haag
à Ebersberg.
Une lettre du général Lahorie m'annonça :
Le général Lecourbe a achevé ses reconnaissances et compte être prct
pour le 17 à faire son passage, qu'il tentera au-dessus de Rosenheim.
La nécessité, pour lui, de laisser beaucoup de troupes depuis Feldkirch
jusqu'à son point de passage a déterminé le général en chef à mettre à sa
disposition, pour son premier mouvement, deux divisions du centre, la tienne
(1) Rechtmehring ou Freimelirinjf, à eusiron 5 kilomètres au S. -S. -G. de Haa^ij.
(2) A midi, d'après une lettre de l'adjudant commandant Plauzonne à Lahorie, Ebers-
berg, 14 frimaire, 10 heures du soir (A. H. G.),
15i MEMOIRES ET JOURVAUX DU GENERAL DECAEX
et celle du {jcnéral Groucliy. Ce dernier est en marche aujourd'hui pour
arriver demain soir en avant de Zinneberg, passant par Ebersberg.
Tu mettras, de ton côté, ta division en marche de manière à arriver
aussi, demain 1(5, au soir, sur la Glonn à Beihartinjj et Tuntenhausen ;
mais il est nécessaire que tu continues à masquer par un détachement la
tête de pont de VVasserhur;^. Je suppose qu'il te faudra laisser pour cela
deux bataillons, trois escadrons et deux pièces. La connaissance que tu a*
du pays ne me permet pas de rien fixer h cet égard.
C'est avec regret que je vois la nécessité de morceler ainsi ta division,
inon ami. Mais la longueur et la rapidité des marches des autres divisions-
ne permet pas de (aire autrement ; au reste, tu juges bien que ce détache-
ment ne tardera pas à te rejoindre.
Donne, je te prie, ordre de suite à une compagnie d'artillerie légère de
ta division de partir pour Aibling, où elle sera à la disposition du général
Lecourbe qui paraît avoir besoin de nombreuses batteries pour l'établisse-
ment de son pont.
La légion polonaise ayant deux marches à faire, j'ai cru utile, ainsi que
me le demandait Plauzonne, de lui donner ordre directement de se mettre
en marche aujourd'hui pour Lbersberg, où elle prendra tes ordres ulté-
rieurs.
Bonjour, mon ami! Si l'opération du passage de l'Inn réussit, j'espère
que notre campagne sera bientôt finie. Le général Moreau sera probable-
ment encore aujourd'hui à Haag.
Je fis à cette lettre la réponse suivante :
Je viens de recevoir, mon cher Lahorie, ta lettre d'aujourd'hui. Mes-
reconnaissances sur la route de \\ asserburg ont rapporté que l'ennemi
paraissait avoir un assez bon nombre d'infanterie dans le bois en avant de
la tète de pont; c'est sans doute pour protéger les abatis qu'il fait faire. Il
a tiré le canon sur les reconnaissances qui se sont avancées sur la route
d'Ebersberg.
J'ai cru, mon cher Lahorie, que, pour ne pas donner à l'ennemi l'idée
d'un mouvement de troupes, il fallait laisser à l'observation des détache-
ments des mêmes corps, et, comme le pays est très coupé, l'enceinte de la
tète du pont assez étendue, et qu'il y a deux grands débouchés a observer,
que trois bataillons seraient nécessaires pour cette ob.sîervation. Je laisserai
le général Debilly devant Wasserburg avec un bataillon de la légion polo-
naise, un bataillon de la 14"' et un de la 100' avec deux pièces d'artillerie
légère, un escadron du 6" de chasseurs, un du 17^ dragons et 150 hus-
sards ; au besoin, on pourrait disposer du bataillon de la 100'' qui est établi
entre la Kott et l'Attel.
Si je donne au général Lecourbe une compagnie d'artillerie légère, il ne
me restera rien; mais je lui envoie, pour arriver demain de bonne heure
à Aibling, quatre pièces de 8 et deux obusiers servis par l'artillerie à
pied, ce <]ui, pour le but qu'il a à remplir, fera encore un meilleur effet.
DECAEiX CHARGE DE SOUTENIR LEOOURBE 155
Je fis ensuite mander au général Dehilly de prendre, au reçu de
Tordre, le commandement des troupes qui devaient rester pour
l'observation de la tête de pont de Wasserburg. Elles lui furent
désignées ainsi qu'il est dit ci-dessus, et leur emplacement lui fut
indiqué. Comme, d'après ces dispositions, les troupes de sa brigade
non employées devant Wasserburg devaient suivre le mouvement
du surplus de la division, on lui écrivit de [leur] donner des ordres
de partir le lendemain à la pointe du jour, sous le commandement
du chef Saint-Dizier, pour aller cantonner dans les villages aux
environs de Beiliarting où serait établi le quartier général de la
division.
Il lui fut dit de faire, d'après sa reconnaissance des localités,
telles dispositions qu'il jugerait nécessaires, tant pour l'observa-
tion de la tète de pont que pour repousser les attaques de l'en-
nemi ; cependant, si l'ennemi sortait avec des forces trop considé-
rables, de ne point s'engager, mais de faire ce que les circonstances
prescriraient de plus favorable.
J'écrivis au général Lecourbe pour le prévenir que j'envoyais,
pour être à sa disposition, une batterie de quatre pièces de 8 et
deux obusiers servis par une compagnie d'artillerie à pied.
Le chef LafTon et le général Durutte reçurent l'ordre de partir
le lendemain, à 8 heures du matin, pour aller cantonner à Tun-
tenhausen et Beiharting et autres villages qui leur furent dési-
gnés .
Il fut mandé au général Kniaziewricz que, si le général Lahorie
avait omis, en lui donnant l'ordre de se rendre à Ebersberg, de le
prévenir de laisser ses avant-postes devant Wasserburg, il fallait
de suite faire reprendre ces postes et qu'il fallait qu'un des batail-
lons de la légion avec 150 uhlans restassent sur le point qu'il oc-
cupait et fussent établis pour tenir l'observation devant la tête de
pont de Wasserl)urg; que le général Debilly leur donnerait des
ordres, et que ce détachement ne tarderait pas à le rejoindre;
enfin, qu'aussitôt après les distributions faites à la légion à Ebers-
berg, il devait en partir pour aller cantonner ^dans les villages
de Weiching, Holzen et autres, sur la route et en arrière de
Beiharting.
Le général Debilly me rendit compte de la position de ses troupes
devant Wasserburg, et que, sur sa droite, l'ennemi avait jeté une
156 MÉMOIRES ET JOURXAUX DU GÉXÉRAL DECAEX
trentaine de chevaux et quelques liommes d'infanterie qui s'étaient
avancés tout près d'Ober-Kott; (|u'on avait marché sur eux et
qu'on les avait poursuivis sans pouvoir les atteindre; mais que
les postes qui, maintenant, observaient l'Inn du plus près possible
empêcheraient de pareils passages.
16 frimaire ij déceml)re). — Je partis d'Ebersberg pour me
rendre à Beiharting, m'attendant à faire un mouvement le lende-
main, de bonne heure, selon l'avis que devait me transmettre le
général Lecourbe. Je fis donner des ordres pour que la division fût
rassemblée en avant et en arrière de Beiharting à 7 heures du
matin.
n frimaire (8 décembre). — Ce ne fut qu'à midi (jue je reçus
de ce général la lettre suivante :
Je vous préviens, citoyen général, que, demain, à la pointe du jour,
j'effectue un passage de l'Inn, vis-à-vis Neubeuern. Votre division étant
destinée à seconder mon corps, je pense que vous aurez des ordres de vous
tenir prêt à suivre mon mouvement.
Mais je ne crois pas qu'il soit nécessaire que vous le suiviez sur Xeu-
beuern : je pense, après avoir l)alayé la rive droite, faire proinptement
réparer le pont de Rosenhcim. Tenez-vous en mesure à cet effet.
Vous feriez bien, je pense, de faire tirer quelques coups de canon sur
les camps ennemis, qui se trouvent vis-à-vis de Kobel et Thannoù existent
des gués.
Je fis envoyer sur-le-champ une copie de cette lettre au général
Lahorie, et lui fis écrire (1) (ju'ayant compté de marcher sur
Aibling, mes troupes avaient été rassemblées au point du jour,
et que, d'après cette lettre, j'allais m'y diriger avec la division;
qu'elle y serait formée de manière à pouvoir agir sur le point
convenable, d'après les ordres que j'attendais du général en
chef.
La division, mise de suite en marche, fut entièrement établie
aux environs d' Aibling vers 4 heures de l'après-midi. L'avant-
garde fut placée en avant de cet endroit, ayant sa droite à la
(1) Daus celte lettre, se trouvait le passage suivant : « ... Le généra! Lecourbe dit de
tirer des coups de canon vis-à-ïis Kobel et Thauu, et aucune carte n'indique ces points.
D'un autre côte, il sera tard quand il [Dccaen] arrivera sur I Inn, le mouvement ne pou-
vant être plus prompt puisque ce n'est qu'à midi que le général Lecourbe lui a écrit »
(Plauzonne à Lahorie, Beiharting, 17 frimaire, .^. H. G.).
DEBILLV OBSERVE WASSERBURG 157
chaussée de Rosenlieim, et les autres brigades échelonnées en
arrière et à peu de distance de ce corps.
Avant de partir de Beiharting, j'avais donné avis de ma marche
et de la position que j'allais prendre au général Grouchy à Zinne-
herg. J'en reçus cette réponse :
Mon cher Decaen, le général Lecourbc m'a marqué de prendre position
avec ma division, domain 18 à 9 heures du matin, i\ la croisée du chemin
de Kutstein à Roscnheim. En conséquence, je me mets en mouvement,
afin d'aller bivouaquer pendant quelques heures en arrière d'Aibling et
me rendre ensuite au point indiqué. J'imagine que je recevrai de. lui ou
du général en chef de nouveaux ordres sur ce que j'aurai à faire pendant
la journée de demain. Ce soir, vers 10 heures, je serai de ma personne à
Aibling. Ainsi j'espère, mon ami, que j'aurai le plaisir de vous y embras-
ser. Xous nous concerterons, en outre, relativement à notre manière d'agir.
Je vous end)rasse bien amicalement et vous remercie de ni'avoir instruit
de votre position.
Le général Dehilly, établi à Edling, m'écrivit :
Il y a eu quelques engagements de postes, ce matin, sur la ligne, à
droite; ils ont été suscités par Tennenii ; mais ils n'ont pas eu de suites.
Les vedettes ont fini par rester à leur enqdacement.
La brigade du général Bonct vient, ce soir, do lier ses postes avec la
légion polonaise. Les vivres manquent à la troupe et on ne m'annonce
aucune distribution.
11 s'est fait toute la journée beaucoup de mouvements de troupes et voi-
tures sur la droite de l'Inn, soit pour reinontor, soit pour descendre la
rivière. In bataillon, que l'on croit bavarois, est venu camper ce soir
dans les bois en face de l'abbaye d'Attel ; il a avec lui une pièce de canon.
J'ai devant moi, en avant de W^asserburg, sur la chaussée d'Ebcrsberg,
de l'infanterie et de la cavalerie wurtembergeoises. Les Polonais, du côté
de Gars, ont devant eux des Szekler-hussards.
Le général Laborie m'ayant fait dire verbalement, par l'officier
d'état-major qui lui avait porté la copie de la lettre du général
Lecourbe, que le général Grenier donnerait des ordres aux troupes
que j'avais devant Wasserburg, et (|ue, le lendemain, de bonne
heure, le général en chef serait à Aibling, j'écrivis au général
Debilly :
Vous rendrez compte directement au lieutenant général Grenier, établi
à Haag, de ce qui pourrait vous arriver sur le point de Wasserburg où
vous êtes en observation. Vous lui ferez part de votre établis.sement. Le
chef de l'état-major prévient le général Grenier pour qu'il donne des
158 MEMOIRES ET JOUR\'AUX DU GENERAL DECAEX
ordres afin (lu'il soit pourvu à la subsistance de vos troupes, pendant
qu'elles vont rtre partagées de la division.
18 frimaire (9 décembre). — X'ayant reçu, pendant la nuit et
surtout le lendemain matin, nioidres, ni avis du général Lecourbe,
je n'en fus nullement surpris; car lors du passage du Danube, il
avait agi de la même manière. Il avait la manie de ne pas vouloir
être secondé, afin de se réserver à lui et à son corps d'armée la
gloire du succès des entreprises dont il était cliargé. Mais le géné-
ral Moreau, arrivé à Aibling, ayant été informé que le général
Lecourbe avait effectué son passage sans obstacles à Xeubeuern,
nous donna l'ordre, au général Groucliy et à moi, de marcber sur
ce point avec nos divisions.
Vers midi, toutes les troupes du général Lecourbe étant passées
sur la rive droite de l'Inn, ma division passa sur le pont de
bateaux immédiatement après.
Deux bataillons de Kaunitz, deux de Bcnder, plusieurs corps
d'émigrés sous les ordres du prince de Condé et du duc d'Engbien,
les dragons de Miinster, arrètèrenlpendantquelques beuresl'avant-
garde du général \Iontricbard.
La position de l'ennemi était avantageuse; le plateau était
escarpé. Alais les troupes qui avaient passé l'Inn, étant arrivées
successivement, repoussèrent bientôt l'ennemi cl le suivirent au
delà de la bauleur de Rosenbeim.
Les troupes de ma division n'eurent aucun engagement. Celles
du général Lecourbe firent... (1).
Le général en cbef me donna l'ordre de m'établir parallèlement
à la cliausséede Rosenbeim à Salzburg, la gaucbe vers Rosenbeim,
la droite vers Steplianskircben, poussant en avant du front de la
division de forts délacbements sur tous les déboucbés qui condui-
sent sur Wasserburg.
Cette position, prise à la bâte, n'était que provisoire. La diffi-
culté des cbemins, la fréquence des défilés dans un pays montueux
et marécageux (jui, même, eiit été impraticable sans la gelée,
(1) La phrase est inaclievc-e. Peut-être Decaeii voulait-il indiquer ici le nombre de pri-
sonniers faits par Lecourbe. Celui-ci déclare n"aïOir « pas perdu un seul homme pen-
dant le passafje - et avoir fait > de 500 à 6C'0 prisonniers « (Lecourbe à Molitor, Rosen-
beim, 19 frimaire an IX, \. H. G.).
DECAKN PASSE L'INAf DERRIERE LECOURBE 159
n'avaient permis aux troupes que d'arriver fort tard aux points
qui leur avaient été désignés; mon (|uartier général fut établi à
(jrehering.
IQJî'imatre {H) décembre). — Dès le matin, je rectifiai cette
position en portant la division à hi bauteur de Graben, sur la
route de Rosenbeim à Wasserburg; Tavant-garde fut placée ou
vivant de Zaisering, et la réserve, àGebering. De forts partis furent
envoyés sur divers points.
Mon cbef d'étal-major ayant envoyé au général Laborie le rap-
port indiquant les mouvements de la division le jour précédent,
ainsi (|ue les positions que ses troupes avaient successivement
occupées, et demandé qu'un convoi de pain qui était resté sur la
gaucbe de l'Inn fût dirigé sur la division lorsque le pont de
Rosenbeim serait rétabli, vers 2 beures après midi arriva la
réponse ci-après, datée de Rosenbeim.
Je vous renvoie, mon cher Plauzonnc, le maréchal des lojjis qui m'a
remis votre rapport; il diri<![era lui-môme votre convoi de pain.
Aujourd'hui la division du général Uichopance se porte sur la route de
Wasserburg; le général (îrouchy, à la croisée du chemin de Roseiilieim à
Wasserburg et Salzhurg. Le (général Lccourbe doit suivre le mouvement
de l'ennemi sur Salzhurg.
Comme la journée se passera à se former, le général Decaen se placera
sur la route de Salzhurg, à la gauche, ou plutôt en réserve du généial
Lecourhe; car je suppose les mouvements de l'ennemi sur les routes de
Wasserburg et de Salzhurg.
Dans la supposition où, entre ces deux conununications, il y aurait une
position et une route qui vienne couper la route de Wa.sserhurg à Salz-
hurg, vers Ohinjij par exemple, le «jénéral Decaen y jettera son avant-garde.
11 liera sa gauche avec le ojénéral Uichepance, si la nature du pays le per-
met. Ce dernier doit marcher sur la route de VVas.serhurg aussi loin qu'il
le pourra sans obstacle et sans se compromettre. Son mouvement, (piand
même il serait un peu décousu du reste de l'armée, ne peut présenter d'in-
■convcnient. .Je vous prie de mettre cette note sous les yeux du général
Decaen.
Je fis de suite mettre en marche la division, et je lui fis prendre
position en ariière de Scbwabering. L'avant-garde fut dirigée sur
Halfing. Pendant sa route, elle devait rallier à Miibldorf un parti
commandé par le chef d'escadrons Alontaulon, détaché dès le matin
pour aller éclairer le pays et avoir des nouvelles.
160 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEN
Le général Lecourbe eut une division à Seebruck, la droite au
lac de Cliiem See.
Quand je fus arrivé à Sclivvahering, où le quartier général de la
division fut établi, j'écrivis au chef Laffon :
Je pense que votre jonction s'est effectuée et que vous avez établi vos
troupes comme nous en sommes convenus.
Le chemin qui conduit de Mùhldorf sur Obing n'est guère praticable,
d'après les renseignements que je me suis procurés; mais il eviste une
assez bonne communication passant par Halfing, Amerang et de là, k Fra-
bertsham, où Ton trouve la grande chaussée qui conduit de Wasserburg à
Salzburg. C'est sur ce point qu'il est intéressant de pousser un parti, le
plus tôt possible, afin d'intercepter cette communication à l'ennemi.
Le ciief Laffon m'informa que sa jonction s'était opérée àMiihl-
dorf avec Montaulon, et qu'il allait envoyer des postes ainsi que je
le lui avais recommandé.
Mon chef d'état-major fit connaître au général Lahorie le place-
ment de la division, et il lui fit part de ce qui avait été recom
mandé au commandant de l'avant-garde, ainsi que des renseigne-
ments obtenus sur les meilleurs chemins pour arriver sur la
chaussée de Salzburg.
20 frimaire (11 décembre). — Pendant la nuit, je reçus du gé-
néral Lahorie la lettre ci-après, datée de Rosenheim, à 1 1 heures
du soir :
Le général Richepance est arrivé ce soir jusqu'à Holzhausen sans ren-
contrer l'ennemi et il a ordre de se porter demain sur Wasserburg (il avait
passé l'inn à Rosenheim). L'intention du général en chef est que tu marches
avec ta division sur Frabertsham. 11 parait que tu préféreras de te diriger
par HalOng et Amerang qui offrent une bonne comnmnication ; ce sera en
même temps un avantage pour le général Richepance dont tu te trouveras
plus rapproché.
Si le général Richepance peut rétablir la communication de Wasserburg
avec la rive gauche de l'Inn, il fera partir de suite pour te rejoindre toutes
tes troupes de Wasserburg moins une compagnie d'infanterie française et
le bataillon polonais qui y resteront jusqu'à l'arrivée du général Grenier
qui a ordre de marcher de suite sur Wasserburg aussitôt qu'il pourra y
passer la rivière.
Le général en chef me charge de te recommander de ne pas te com-
mettre avec des forces supérieures si, contre toute apparence, l'ennemi se
trouvait en forces trop considérables devant toi. Le général Richepance a
ordre de jeter des partis jusque sur Frabertsham pour communiquer avec toi.
DECAEIV SE PORTE SUR OBIMG 161
Le général Lecourbe, qui a passé TAlz aujourd'hui à Seebruck, marche
demain 'sur Traunstein, et le général Grouchy se portera en réserve sur
Seebruck, en échelon sur la route de Salzburg.
Vu ce qui m'élait recommandé, les commandants de brigade
reçurent l'ordre d'avoir leurs troupes rassemblées entre 9 et
10 heures du matin à Halfing, et de les y conduire par les che-
mins les plus courts et les plus praticables.
De ce lieu de rassemblement, la division marcha par Amerang
sur Obing, chaussée de VVasserburg à Salzburg, où elle prit posi-
tion en avant et en arrière de ce village, ayant une avant-garde de
la brigade Durulte placée à la hauteur de Rabenden, qui devait
envoyer un parti sur Altenmarkt et des patrouilles vers la division
(irouchy.
Le chef Laffbn, avec toutes ses troupes, fut chargé de flanquer la
gauche de la division, et d'aller prendre position à Feldkirchen,
endroit vers lequel Montaulon avait à l'avance été dirigé, d'en-
voyer un parti sur Trostberg et d'éclairer sur la rive gauche de
l'Alz jusqu'à Tacherting.
Le quartier général de la division fut établi à Obing.
Un premier rapport du chef I^afTon m'apprit qu'il était arrivé
à la position de Feldkirciien à 9 heures du soir, que les chemins
étaient assez mauvais surtout pour l'artillerie; que, n'ayant pas
trouvé le chef d'escadrons Montaulon, qui était devant lui, il y
avait apparence qu'il s'était porté à Trostberg et que, selon mes
instructions, il allait envoyer un parti sur Tacherting et se lier par
des patrouilles avec les avant-postes du général Durutte; qu'il
n'avait trouvé aucun parti ennemi; qu'il paraissait qu'il n'avait
passé par Feldkirchen que très peu de monde; que, d'après les
renseignements qu'il avait pris, l'ennemi était à dix lieues sur la
roule de Salzburg.
Le général Durutte me rendit compte que l'ennemi n'occupait
pas Altenmarkt; qu'il y était allé avec 25 chevaux ; qu'il avait ap-
pris que l'ennemi tenait un poste à Stein, au delà d'Altenmarkt,
sur la route de Salzburg; que la colonne ennemie qui s'était reti-
rée la nuit précédente et le matin par Altenmarkt s'était divisée
en deux corps qui avaient marché, l'un directement sur Trauns-
tein, l'autre sur IVaging, route de Salzburg; qu'Allenmarkt était
sur la rive droite de l'Alz, que cette rivière lui avait paru torren-
n. 11
162 MÉMOIRES ET JOLRXALX DU GÉXÉRAL DECAEY
tueuse et peu profonde; que, le lendemain matin, il enverrait trois
ou quatre compagnies d'infanterie avec un escadron de chasseurs
s'emparer du pont d'Altenmarkt et qu'il ferait pousser des recon-
naissances en avant de la rivière sur les routes de Traunstein et de
Salzburg.
Je fis mander sur-le-champ au général Durutte qu'étant allé
lui-même jusqu'à Alteumarkt, il aurait dû laisser un poste pour
la garde du pont sur l'Alz et, dès son retour à Rabenden, envoyer
des troupes sur Altenmarkt, afin de pouvoir garder l'embranche-
ment des deux routes ci-dessus, ce qu'il lui était recommandé de
faire le plus tôt possible.
Il fut rendu compte au général Lahorie de l'emplacement de la
division ainsi que des renseignements qu'on avait eus pendant la
journée; et (|ue le parti de Montaulon et d'autres détachements
de l'avant-garde avaient fait une centaine de prisonniers (1).
J'avais appris, pendant la journée, que l'ennemi avait quitté
Wasserburg la veille au soir.
Les troupes laissées en observation devant cette ville avaient
reçu l'ordre de passer l'Inn, dès que la communication avait été
rétablie, pour rejoindre la division.
Le général Debilly leur avait fait prendre position à Pfaffing (2),
entre Wasserburg et Obiug. Il m'en fit informer par son aide de
camp qui me remit de sa part la lettre suivante :
Je vous préviens, citoyen général, (ju'en vertu de ma demande au géné-
rale Desselle, j'obtiens de passer à d'autres ordres qu'aux vôtres.
Veuillez bien me dire si je dois attendre, pour partir, larrivée du général
Lacour.
Malgré tous les désagréments que j'ai éprouvés à votre division et qui
ne peuvent rester ignorés, je tiendrai ma brigade tant que je pourrai y
être utile et, tout ressentiment cessant, je ferai à sa tète tout ce que com-
portent mes faibles talents et uki bonne volonté.
J'ai l'honneur de vous saluer.
Le général Dessolle m'avait prévenu que le général Lacour (3)
(1) » ... Son avant-garde (celle de Decaen) a fait une quarantaine de prisonniers de la
garnison de Wasserburg qui s"est retirée hier sur Salzburg par Allenmarkt... = (Plau-
zonne à Lahorie, Obing, 20 frimaire, .\. H. G.).
(•2) PfafGng se trouve à 800 mètres à peine au \.-\.-E. d'Obing.
(3) Lacour (Bernard-\icolasj, né le 25 janvier 1771, à Ivoy lArdeiinesi; soldat au
18« régiment, le 20 septembre 1789; sergent, le 11 mai 1790; sous-lieutenant, le
15 novembre 1791 ; adjudant général chef de bataillon, le 21 mivôse an II; chef de bri-
DEBILLY QUITTE LA DIVISION DECAEN 163
viendrait remplacer le général Debilly, auquel je fis celte ré-
ponse :
Il n'est pas nécessaire, citoyen général, que le général Lacoursoit arrivé
à la division pour vous rendre à votre nouvelle destination. Quant aux;
désagréments que vous dites avoir éprouvés et qui ne peuvent rester igno-
rés, si vous pensez que ce soit pour votre avantage, je vous engage à leur
donner toute la publicité que vous jugerez convenable.
11 fut ordonné aux troupes composant le détachement de
rejoindre, le lendemain, leurs corps respectifs. La brigade du
général Debilly fut provisoirement commandée par le chef de bri-
gade Saint-Dizier.
21 frimaire (12 décembre). — Un nouveau rapport du chef
Laffbn me parvint le matin : il m'apprenait que Montaulon s'était
porté, dans la soirée, avec les troupes sous ses ordres, à Heretsham ;
qu'il avait rendu compte que l'ennemi était toujours en pleine
retraite, et qu'à Schnaitsee, il y avait une vingtaine d'hommes à
pied qui en étaient partis à 4 heures de l'après-midi.
Il annonçait qu'il avait ordonné à cet officier supérieur d'en-
voyer des patrouilles sur tous les points pour tâcher de ramasser
les traînards; qu'il paraissait, d'après tous les rapports, que l'en-
nemi se retirait sur Salzburg, et que les dernières troupes avaient
couché à Tittmoning; qu'un déserteur des dragons de La Tour,
qui venait d'arriver, avait dit que 100 liommes de son régiment
étaient partis à 2 heures du matin de cet endroit, d'où il avait
déserté ; qu'il m'observait que les chemins étaient extrêmement
mauvais surtout pour l'artillerie.
Le général Durutte rendit compte que la croisière des route^s en
avaut d'Altenmarkt était gardée; que, si elle lue l'avait pas été dès
le soir, c'est que je lui avais prescrit d'établir son avant-garde à la
hauteur de Rabenden; qu'il avait envoyé un bataillon jusqu'il
Schivarzau pour garder les débouchés venant, de Trostberg et Feld-
kirchen, aboutir à la grande route; (ju'il n'avait pas envoyé, la
veille, vers la division Grouchy, car le 10" de chasseurs, à cheval
depuis 7 heures du matin, n'était arrivé à sa position qu'à la nuit,
gade, le 25 prairial an III; jjënéral de brigade, le li thermidor au VIII; ficiiéra! de
dirisioii, le 12 juillet 1809; mort le 28 juillet 1809, à Gaudensdorf, i'aubourg de Vienne,
des suites de blessures reçues à \Va<jram (A. A. G.).
164 MEMOIRES ET JOLRXALX DL GEXERAL IJEGAEX
et que les chevaux étaient trop fatigués; mais qu'un détachement,
commandé par un officier, était parti dès le matin et qu'il m'en
donnerait des nouvelles à son retour; qu'il envoyait un Autrichien
qui se disait déserteur et que, pendant la nuit, il avait envoyé
quatre prisonniers.
Je reçus, entre 8 et 9 Jieurcs, une lettre du général Lahorie,
encore datée de Rosenheim, à 1 heure du matin, il m'écrivait :
Le général on chef me cliarge de te prévenir, mon cher Decaen, que le
général Lecouihe s'est porté hier en avant de Traunstein, et qu'il marche
aujourd'hui sur la Salzach. 11 n'a rencontré qu'une faible arrière-garde
qu'il a repliée avec le 8« de hussards.
Le général Grouchy se porte aujourd'hui sur Traunstein pour le sou-
tenir.
Le général Richepance a ordre de se porter sur Altenmarkt. L'intention
du général en chef est que lu passes l'AIz et que tu prennes position en
avant de cette rivière, sur la route de Salzhurg; lu seras soutenu, au hesoin,
par le général Richepance. Ton avant-garde éclairera aussi loin qu'elle
le pourra le pays entre la route de Salzhurg et la Salzach, et approchera
de celte rivière dans la direction de Laufen particulièrement, mais sans se
compromettre.
L'ennemi a évacué les têtes de pont de Mùhldorf et de Kraihurg. Le
général Grenier se portera aujourd'hui dans la direction de Burghausen et
Salzhurg.
Prends, mon ami, tous les renseignements possibles sur la nature des
communications qui mènent de la route de Salzhurg, à ta liauteur, sur
Laufen et la Salzach entre Burghausen et Salzhurg.
Le général Moreau se rend aujourd'hui à Traunstein pour suivre le
mouvement du général Lecourbe. Il parait que l'ennemi se concentre der-
rière la Salzach; mais je le crois parti un peu tard.
Aussitôt la réception de cette lettre, des ordres furent donnés
pour l'exécution de ce qui m'était prescrit. Arrivé à Waging, je
remis à l'adjudant commandant Normand (1), qui m'avait ap-
porté le matin des ordres, le rapport ci-après adressé au général
Lahorie :
Ayant reçu mon ordre de mouvement très tard (il était plus de
8 heures, mon cher Lahorie), je n'ai pu arriver de bonne heure en posi-
ili Xormaïui i Jean-François-Gaspard), né en 17"'2 à Xantos; capitaine, puis chef de
bataillon à la légion nantaise depuis l'an II; chef de brigade, le 14 lliermidor an VI ;
député au Conseil des Cinq Cents, en germinal an V; adjudant commandant, le 15 ther-
midor an I\ ; destitué le 17 messidor an XII ; réinléjjré, le 25 février 1809; général de
brigade, le 30 août 1811 ; mort à Vilna, le 17 janvier 1813 (.\. A. G.J.
DKCAEN A WAGIX'G 165
tion. EnGn je suis établi, à 7 heures, une brigade en avant de Waging,
ayant une avant-garde à Petting qui doit pousser ses postes à Schonram
où se trouve renibranchement des routes qui conduisent à Laufen et à Tei-
sendorf, avec ordre de pousser des partis le plus près possible de Salzburg.
Laffon a marché de Feldkirchen pour passer l'Alz au delà de Har-
ting (1), et venir à Altering (2) alin de pousser des partis sur la Salzach,
Laufen et Tittnioning, et prendre des renseignements sur la nature des
communications. Le sui'plus de ma division est en arrière de Waging.
Je n'ai point vu d'ennemi. Mes rapports m'annoncent que toutes ses
troupes ont marché sur Laufen et Salzburg. Il en est passé à Waging en-
viron 20000, avec les généraux Hohenlohe, Baillet, Roschowsky, Hesse-
Homburg, Eszterbazy, et deux antres dont on n'a pu me dire 1-es noms.
Les régiments de La Tour, Waldeck, Herzog Ferdinand-hussards et
cuirassiers sont les seuls régiments qu'on ait pu me désigner et vingt
pièces d'artillerie. Les Bavarois et les Wurtembergeois faisaient partie
de ces troupes. Les dernières troupes ennemies sont parties ce matin à
8 heures d'ici, et de Tittnioning, pendant la nuit.
Le passage de l'ennemi à Waging a commencé avant-hier, la nuit, jus-
qu'à 3 heures hier après-midi.
Les ennemis, officiers et soldats, sont d'une humeur du diable contre
l'archiduc Jean qui a dû être hier à Teisendorf. Ils estiment leurs pertes à
15 000 hommes et 100 pièces de canon.
Ils ont fait une tète de pont à Laufen, commencée dès le mois de juillet.
La Salzach est peu large, mais jirofonde.
Je vais te dire ce que j'ai appris sur la nature des communications, selon
que tu me les demandes.
De Waging à Tittnioning, il n'existe qu'une mauvaise communication
passant par Mauerhain et Tengling. Les habitants du pays y passent rare-
ment avec leurs charrettes; ils embarquent sur le lac à une demi-lieue
de Waging et débarquent au-dessus de Lampoding où il se trouve un
assez bon chemin.
De Tittnioning à Burghausen, il y a une chaussée qui règne le long de
la Salzach et qui remonte de Tittnioning à Laufen. Il y a une bonne com-
munication de Harting (3) à Tittnioning.
De Waging à Laufen, il faut suivre la chaussée de Salzburg jusqu'à
Schonram ; il y a une grande route qui conduit, de là, à Laufen ; c'est la
seule communication.
De Waging à Traunstein, il n'y a de communication que pour passer à
pied et à cheval; les transports qu'on a à faire de Waging à Traunstein se
font préférablement à bras.
(1) Peut-être faut-il lire Gainliartio;;, à 1 800 mètres au M.-O. de Troslberg.
l2) Peut-être Allerfiaij, à 5 kilomètre» à l'ouest de Tittmoiiing.
(3) Voir la note 1 ci-dessus. Le registre de Decaen, conservé aux Archives de la
Guerre, porte : « ... de Trostberg à Tiltmoniug » (Correspondauce des divisions du
centre et de la réserve, A. H. G.).
166 MKAIOIRES ET JOURXAIX DU GENERAL DECAEN
Je te ferai part de ce que j'aurai de nouveau, si cela en vaut la peine.
Fais en sorte que je reçoive mes ordres de bonne heure. J'ai trouvé ici un
espion envoyé hier par Claparède (1). Il ne sait rien. Sa manière de ré-
pondre auv interrogations qui lui ont été faites m'a paru louche; il sera
envoyé demain à l'état-major. (2)
Je fus prévenu par une lettre de Tétat-major général que l'in-
tention du général en chef était qu'à l'instant où les troupes occu-
peraient un terrai» où se trouveraient des salines, il y fût placé
des sauvegardes ayant les ordres de s'opposer aux moindres dégra-
dations et de protéger les propriétés des personnes chargées de la
surveillance de ces salines. Cet ordre fut de suite transmis à tous
les chefs de corps.
(1) Claparède lAIichel), né le 28 aoûl 1770, à Gignac (Héraull) ; capitaine an 4« batail-
lon de l'Hérault, le 5 février 1793; chef de bataillon, le 26 messidor an VII; nommé
«jénéral de brigade par le commandant en chef de l'armée de Saint-Domingue, le
17 thermidor an X; général de division, le 8 octobre 1808; employé en Espagne en 1808,
à l'armée du Rhin en 1809, en Espagne en ISIO et 1811, à la Grande Armée en 1812;
commandant la place de Paris, le 15 juillet 1815; inspecteur général d'infanterie de
1815à 1818; en disponibilité, le 1" octobre 1830; mort à Montpellier, le 23 octobre 1842
(A. A. G.).
(2) Decaen ajoutait dans sa lettre : » J'apprends que le général Galiaui [peut-être
Candiani] était du nombre des généranx et que les cuirassiers [étaient ceux] d'Anspacb
et de Zeschwitz, des Bavarois et Wurtembergeois » (Correspondance des divisions du
centre et de la réserve, A. H. G. ).
CHAPITRE IX
Decaen chargé do reconnaître la Salzach vers Laufen. — Son tnitiative est couronnée de
succès. — Ses troupes francliisscnt la Salzach à Laufen. — Le pont est réparé pen-
dant la nuit. — Moreau à Laufen. — Canonnade violente vers Salzburg. — Inquié-
tude de Moreau. — La brigade Durutte sur la ri\e droite de la Salzach. — Elle est
dirigée immédiatement sur Salzburg. — Combat d'Anthering. — Decaen pousse un
détachement vers Seekirchen. — Il est arrêté par la nuit devant Bergheim. — Des
rapports annoncent la retraite des Autrieiiiens. — Dès le jour, Montaulon se porte
vers Salzburg. — L armée autricliiennc se retire sur Neumarkt. — Decaen lance à
sa poursuite Laffun avec tout son régiment. — Il entre à Salzburg avant Lecourbe,
et le fait sentir à ce dernier. — Durutte nommé commandant de Salzburg. — Devant
Moreau, Decaen se fait un malin plaisir de confondre Lecourbe.
22 frimaire (13 décembre). — L'adjudant commandant Guyot,
de rélat-major général, m'apporta, pendant la nuit, la lettre du
général Lahorie, ci-après transcrite, datée de Traunstein, le 21 fri-
maire :
L'intention du général en chef, mon cher Decaen, est que tu te portes
demain devant Laufen. Peut-être seras-tu forcé à prendre la chaussée de
Salzburg jusqu'à Teisendorf. Tu te régleras à cet égard sur les renseigne-
ments que tu te seras procurés pour les communications.
Le général Richepance viendra se placer sur la roule de Teisendorf à
Laufen, en réserve, et prêt à te soutenir au besoin, mais aussi disposé à
marcher sur Salzburg en cas d'événement.
La division du général Grouchy suivra le mouvement du général Lecourbe
sur Salzburg. Ce dernier n'a pu passer aujourd'hui la Saalach, l'ennemi
ayant détruit le pont sur cette rivière. 11 a pris deux pièces de canon à la
faible arrière-garde qu'il a eu à pousser pour arriver sur la Saalach.
P. -S. — L'intention du général en chef est que tu fasses demain des
reconnaissances sur la Salzach, soit pour découvrir un point de passage le
plus commode, soit pour en trouver un pour jeter un équipage de pont
qui est à ce moment à la suite de l'armée. Informe-toi aussi des gués qui
peuvent exister sur cette rivière.
Pour accomplir les intentions du général en chef, je fis donner
l'ordre au général Durutte de se mettre en marche à la pointe du
jour, de se diriger sur Petting, occupé par son avant-garde, et de
168 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GÉiVÉRAL DECAEN
porter cette avant-garde à l'embranchement des routes de Laufen
et Tcisendorf, pojissant des partis sur Laufen.
Il fut ordonné aux deux autres brigades de la division, placées
en arrière de Waging, de partir aussi à la pointe du jour, et de se
diriger sur cet endroit où il serait donné de nouveaux ordres.
Un rapport du chef Laffon m'informa que, la veille, il n'était
arrivé à sa position à Altering (]) qu'à 11 heures du soir; qu'il
avait eu des chemins très mauvais; que l'infanterie avait eu de la
peine à marcher tant il y avait de glace; qu'il n'avait pu envoyer
sur-le-champ des partis sur les points que je lui avais désignés, les
troupes étant trop fatiguées; cependant qu'avant le jour, il en en-
verrait. Il annonçait qu'environ 60 hommes de cavalerie de l'en-
nemi étaient encore à Altering (2), à 3 heures de l'après-midi; que
le chemin de ce village à Tittmoning, selon les renseignements
qu'il s'était procurés, n'était pas bon; que ceux pour aller à Lau-
fen étaient passables ; que, pendant sa marche, il n'avait pas ren-
contré un seul ennemi; que, suivant les renseignements, l'ennemi
avait passé la Salzach à Laufen, et qu'il avait des postes en avant
de cet endroit.
Le maréchal des logis qui m'avait apporté ce rapport fut chargé
de reporter de suite au chef Laffon l'ordre de ce qu'il avait à
faire.
II lui fut mandé que, la division devant se porter dans la journée
devant Laufen, il devait se mettre en marche au reçu de cet ordre,
poussant un fort détachement devant lui, et d'aller prendre posi-
tion vers Lângdorf (3), la gauche vers la Salzach et la droite vers
le petit lac d'Abtsdorfer See; de jeter des postes en avant de lui
de manière à pousser autant que possible, mais sans se compro-
mettre, l'ennemi dans la tète de pont de Laufen; d'envoyer un
détachement vers Friedolfing, chargé d'observer le cours de la
Salzach depuis sa gauche jusque vers Tittmoning; de charger l'offi-
cier commandant ce détachement de prendre, sur la nature de cette
rivière, sur les gués, etc.. , tous les renseignements qu'il pourrait
recueillir et de me les faire parvenir le plus tôt possible.
Lorsque les deux brigades furent arrivées à Waging, je leur fis
(1) Voir la note 2 page 165.
(2) Ibid.
(3) Peut-être Leobendort.
DECAEX ARRIVE A LALFE.Y JG9
continuer leur marche pour rejoindre les troupes qui s'avançaient
vers Laufen.
En me rendant à la tète de la division pour la diriger suivant
les circonstances, on m'apporta un rapport adressé au général
Durutte par le commandant de son avant-garde, annonçant qu'il
était allé, le soir, placer un poste au village de Schônram où se
trouve la croisière des routes de Salzburg et de Laufen ; qu'il y
avait trouvé le détachement qui avait été envoyé vers Salzburg
pour avoir des nouvelles, et qu'il y avait aussi, dans ce village, un
officier général avec un escadron du 9' de hussards, des troupes du
général Lecourhe; ([ue cet officier général était allé jusque devant
Laufen; qu'il y avait vu l'ennemi en force, tant en cavalerie qu'en
infanterie, la cavalerie composée de dragons de La Tour et de
hussards. Ce rapport énonçait, en outre, que les postes ennemis
sur la route de Salzburg étaient à un demi-quart de lieue de
Schônram; que l'officier général devait partir avec l'escadron
pour rejoindre son corps d'armée; que des reconnaissances
seraient envoyées, à la pointe du jour, sur les deux routes de Lau-
fen et de Salzburg.
Lorsque je fus arrivé au village de Schônram, je me dirigeai, à
la tète de la division, sur Laufen. Il était environ midi lorsque mon
avant-garde arriva devant cette ville. J'avais déjà appris par le
retour des patrouilles que le pont était coupé et que l'ennemi était
sur la droite de Salzach.
Je désignai alors les positions que devaient occuper les troupes.
J'en fis entrer dans Laufen. Je chargeai les généraux Durutte et
Kniaziewicz de faire faire et de faire eux-mêmes des reconnais-
sances de la Salzach pour y chercher des endroits guéables ou
quelques points de passage favorables.
Je fus moi-même reconnaître dans quel état était le pont et
quelle était la position que l'ennemi occupait.
La perspective de réussir à faire passer la Salzach, m'étant
offerte par un concours de circonstances favorables et inattendues,
me fit prendre la résolution de tenter l'entreprise, qui fut cou-
ronnée du plus grand succès.
Cependant à tous les motifs qui me déterminèrent à cette opéra-
tion, dont l'heureux résultat devait être du plus grand avantage
pour l'armée et très glorieux pour les troupes de la division et
170 AIK.MOII'.I' S KT JOIHXAUX DU GKXKRAL DECAEX
pour moi, j'o[)|)osais iiilêrieurcmoiil (|u'on ne m'avait ordonné que
des reconnaissances et non un passage, et que, par conséquent, je
m'exposais à de très sévères reproches si cette opération ne réus-
sissait pas et surtout, s'il arrivait qu'un nomhre d'hommes y
fussent sacrifiés par un revers. Mais excité par ma confiance que,
si un tel événement arrivait, le général Moreau ne m'en saurait
pas mauvais gré, persuadé que j'avais voulu faire pour le mieux,
alors je ne pensai plus qu'à faire tout ce qui était possihle pour
atteindre le hut (|ue je m'étais proposé.
Lorsque je pus me flatter que les troupes qui étaient passées
sur l'autre rive de la Salzach pouvaient s'y mainlenir, je chargeai
l'adjudant commandant Guyot, (|ui avait vu tout ce qui s'était passé,
de se rendre auprès du général en chef pour lui en rendre compte
et pour lui dire qu'en attendant ses ordres, j'allais employer tous
les moyens pour faire passer de nouvelles troupes de l'autre côté
de la Salzach, et que j'allais faire travailler à la réparation du
pont de Laufen.
En réponse à mon message, je reçus une lettre du général
Lahorie, datée de Teisendorf. Il me mandait :
Guyot m'a appris ton heureux passage à Laufen, mon cher Decaen ; je
m'en réjouis pour l'armée dont cela couronne la campagne. Tu permettras
bien aussi à mon amitié de trouver un plaisir particulier à ce que cette
expédition soit ton ouvrage. Il parait que l'ennemi a fait bien des sottises
et qu'il en fallait beaucoup de sa part pour réussir. .Mais il ne faut plus
songer aujourd'hui qu'au résultat.
On t'envoie douze pontons pour jeter un pont. Je suppose, d'un autre
côté, que celui de Laufen sera rétabli demain malin.
Le général Richepance a ordre de marcher pour se mettre en ligne avec
toi, ou, du moins, aussitôt le rétablissement du pont. La division Grou-
chy, moins son avant-garde, arrivera aussi demain à Laufen. Elle y sera
avant 9 heures du matin, s'il est possible.
L'intention du général en chef est que tu prennes position en avant de
Laufen, sur les principaux débouchés, aussitôt que tu pourras passer ta
division. A l'arrivée du général Richepance, tu te resserreras sur ta droite.
Demain matin, le général Moreau ira de bonne heure à Laufen.
P. S. — Les pontonniers qui te conduisent un équipage de pont n'ont
pas eu de pain du tout, aujourd'hui, ni aucune espi'ce de subsistance. On
ne leur a même pas laissé le temps de se reposer. Je les recommande à ta
sollicitude. Je crains que léipiipage de pontons n'arrive un peu tard. Fais
tout le possible pour le rétablissejnent du pont de Laufen avant le jour
Ecris-moi des qu'il sera rétabli.
PASSAGF, DE LA SALZACH 171
Pour faire connaîlre comment re passage fut entrepris et mené
à bien, je ne puis mieux i'exposer qu'en transcrivant dans son
entier le rapport écrit que, deux jours après, j'adressai au général
en chef :
Mon général,
Je devais faire prendre position à la division, le 22, devant I,aufen, et
faire des reconnaissances, pour parvenir au passage de la Salzacli. Les
reconnaissances et le passage se sont faits en même temps. La vigueur des
troupes, l'intrépidité de quelques braves, l'activité des générauv Durutlc
et Kniazieuicz et des officiers de l'étai-major m'ont fait effectuer, connue
par enchantement, un passage difficile tant par les obstacles de la nature
que par la présence de trois bataillons autrichiens du régiment de
Gmund (1), six pièces d'artillerie et plus de 400 chevaux, partie des cui-
rassiers, l'autre de Grenz-hussards, tous commandés par le général Lôpper.
Ma division était partie de sa position de Waging à 7 heures du matin;
je l'avais dirigée sur Laufen en passant par Làngendorf (2).
Lue colonne aux ordres du clief de brigade lialTon qui, depuis quelques
jours, m'avait servi à flanquer la division, était partie d'Altering (3) pour
se porter sur la Salzach, remonter cette rivière jusqu'à liaufen et laisser un
détachement à Friedolfing pour éclairer sur cette rivière jusqu'à Tittmo-
ning.
Il était environ midi lorsque mon avant-gardo arriva en avant de Lau-
fen ; des patrouilles avaient déjà annoncé que le pont était coupé, mais que
l'ennemi était placé sur la rive droite. L'ennemi, qui avait son artillerie
sur une position très avantageuse, n'avait fait aucune disposition pour
nous empêcher l'approche de la rivière, au-dessus et au-dessous de Laufen ;
il n'avait pas même daigné nous honorer d'un coup de canon. J'ai donc
eu la facilité de reconnaître l'état du pont dont on avait détruit quatre
arches, de faire garnir d'infanterie tout ce qui l'exigeait, de placer l'arlil-
krie et de déployer la division sur les hauteurs au débouché des bois. Je
ne sais pas si ces dispositions ont effrayé l'ennemi car, au premier coup de
canon qui a été tiré et qui était le signal pour engager la fusillade et ca-
uonner sur la tête de pont, la cavalerie ennemie fit un mouvement de
retraite très précipité. Le feu de l'artillerie la gênait beaucoup sur la route
de Salzburg où elle se dirigeait.
Beaucoup de barques retirées par l'ennemi sur la rive droite me ten-
taient bien ; mais la saison ne permettait pas d'exciter de se mettre à la
nage pour s'en emparer.
J'étais pourtant à la recherche des moyens qui pourraient me procurer
(1) On na pu identifier ce nom. Le registre 74 (correspondance des divisions do
centre et de la réserve, A. H. G.) porte : 1p régiment de Mnnd.
(2) Peut-être Leobendorf.
(3) Peut-être Alterfing.
172 MEMOIRES F':T J0UR\AL\ DU GEXERAL DECAEX
quelques-uns de ces bateaux lorsque le «général Durutte, que j'avais eharj^é
de luire retnoiiter la Salzach afin de reconnaître quelque endroit «{uéable
ou quelque point de passa;|e favorable, me (it annoncer (|ue trois intré-
pides cbasseurs de la 14* d'infanterie légère s'étaient déterminés à se jeter
à la nage pour aller prendre une barque qui avait été aperçue à une
demi-lieue au-dessus du pont de Laufen ; que c'était le nommé Bernard,
tambour, qui leur avait donné l'exemple. Les deux autres sont Lemàle et
Perrin, du même bataillon. Ces intrépides soldats, ayant à lutter contre la
rigueur de la saison, eurent encore plus à faire contre le courant de la
Salzach qui les reporta deux fois à la rive d'oii ils étaient parvenus, avec
toutes les peines possibles, à arracher leur bateau ; enfin ils ne purent ache-
ver leur pénible tâche que lorsque deux d'entre eux se furent jetés de
iiouveau à la nage et, au moyen d'une corde qui était à la barque, ils
parvinrent à arriver à la rive gauche.
Ce trait de courage, auquel on ne peut donner de nom, inspira le plus
grand enthousiasme. Bientôt un grand nombre de cha.sseurs de la 14% iï la
tète desquels se mirent le capitaine Jean et l'adjudant major Cornille,
entra dans la rivière pour pa.sser un de ses bras qui n'avait que deux
pieds d'eau, s'embarqua et descendit ensuite sur l'autre rive.
Je saisis avec empressement ce trait de dévouement. Je me déterminai à
jeter 300 ou 400 hommes sur la rive droite, dont deux compagnies de la
4* de ligne, commandés par le capitaine Cazeneuve et le lieutenant Duval-
dreux, qui se mirent la plus grande partie à l'eau, connne les soldats de la
14'= légère, quoique des chasseurs du 10* voulussent les passer au delà du
premier bras de la rivière sur leurs chevaux ; et je fis des dispositions
pour leur protection, et surtout en faisant fusiller et canonner fortement
l'ennemi qui était placé et embusqué à la tète du pont. On s'empara en-
core de quelques autres bateaux.
li'adjudanl commandant Plauzonne passa la rivière pour aller prendre
la direction des troupes qui n'étaient pas même au nombre de cent, s'em-
parèrent bientôt d'un petit village par lequel passe la route de Salzburg,
barricadèrent les débouchés par lesquels on pouvait venir sur eux, y lais-
sèrent quelques hommes et s'avancèrent ensuite, en échelons et dans le plus
grand silence, jusqu'à la tète du pont. L'emiemi, qui ne s'occupait que de
ce point, — le jour linissait, — attaqué à l'inqiroviste par des cris et les
baioimettes d'une poignée d'honnnes, fut mis en fuite. On fit plus de cent
prisonniers dont quatre officiers (Ij.
(1) Decaen ne dit pas que son jeune frère, alors sous-lieutenant au 6* chasseurs, accora-
pa<jnait Plauzonne dans ce hardi coup de main. Voici d'ailleurs le rapport de Durulle
(sans date ni lieu) sur ce passaije :
•■ Mon général, je ne bous fais point de rapport sur l'attaque de Laufen parce que je
n'ai fait qu'exécuter vos ordres; mais la justice que je dois aux troupes que j'ai l'hoD-
neur de commander m'impose le devoir de vous faire un rapport particulier sur le pas-
sage de la Salzach.
" Lorsque vous me prescrivîtes de lâcher de trouver le gué que uons présumions
devoir exister à une demi-lieue à droite de Laufen et de le passer avec de la cavalerie et
PASSAGK DE LA SALZAGH 173
Ce succès ne fut point troublé. 11 fut possible de faire passer des bateaux
à la rive droite et bientôt plus de 800 hommes furent de l'autre côté et
bien établis, de sorte qu'on put bientôt s'occuper de travailler à la répara-
tion du pont.
de l'infaaterie en croupe, je pris avec moi des bateliers qui, disait-on, devaient con-
naître très bien ce gué. Je leur offris en vain des sommes considérables ; mais les
menaces les plus violentes ni l'attrait des récompenses les plus grandes ne purent jamais
les engager à me dire autre chose qne le fond de celte rivière était tellement mobile qu'il
leur était impossible de me désigner des endroits guéables.
i^ Ne pouvant alors exécuter vos ordres, je réfléchissais aux moyens de passer cette
rivière, lorsque je sis plusieurs bateaux vers la positiou de l'ennemi, qu'il avait retirés
de son côté, et un autre plus loin, à droite, qui n'était pas gardé.
t Je demandai alors au 2'" bataillon de la 14" légère si, parmi les soldats de ce batail-
lon, il n'y avait pas quelques bons nigeurs qui voulussent bien passer la Salzach à la
nage pour aller prendre le bateau qui était isolé sur la rive droite. On garda un moment
le silence. L'approche de la nuit et la rigueur de la saison rendaient cette entreprise aussi
difficile que dangereuse; mais, ayant réitéré une seconde fois cette proposition, le nommé
Beruard, tambour, sortit des rangs et me dit que, s'il était suivi par quelques camarades,
il irait prendre ce bateau; et il eicita aussitôt plusieurs volontaires qui savaient nager à
le suivre.
" Deux chasseurs du même bataillon, nommés Leniàie et Perrin, se jetèrent aussitôt à
la nage avec lui et traversèrent la rivière. Ils tentèrent en vain deux fois d'amener ce
bateau sur la rive gauche; la violence du courant les rejetait sur la riie droite. Je leur
conseillai alors de se jeter de nouveau à la nage et de tirer ce bateau avec la corde qui
s'y trouvait attachée icrs la rive gauche, ce qui fut aussitôt heureusement exécnlé.
«■ Dès que j'eus ce bateau, je fis passer cette rivière, en deux traversées, à une tren-
taine d'hommes du 2'^ bataillon de la 14" demi-brigade légère, commandés par le capi-
taine Jean et le citoyen Cornille, adjudant major de ce bataillon, auxquels j'ordonnai d'al-
ler s'emparer des baleaux (|ui étaient près de la ville sur la rive droite.
^ Vous êtes alors arrivé. Vous avet vu ainsi que moi que, malgré tous leurs efforts, ils
ne purent les mettre à Hot parce qu'ils étaient à sec sur le rivage, et tous très pesants.
Ce détachement se jeta alors dans un petit hameau pour faire face à des hussards qui
venaient les attaquer, ils le» repoussèrent et se maintinrent jusqu'à la nuit dans cette
positiou qui était prolégëe par le feu de notre artillerie.
" Quoique tout devait nous présager que ce détachement aurait élé pris, l'adjudant
commandant Plauzonne et le jeune Decaen, sous-lieutenant au {]" régiment de chasseurs à
cheval, vous offrirent d'aller joindre ce détachement pour l'exciter à attaquer le pont de
Laufen par la rive droite. En applaudissant à leur zèle, vous m'ordonnâtes de faire sou-
tenir cette attaque par deux compagnies du l""' bataillon de la 4" demi-brigade; elles
furent commandées par le capitaine Careneove qui leur montra l'eiemple de passer un
bras de la rivière dans l'eau jusqu'à la ceinture.
.> Dès que l'adjudant commandant Plauzonne et le jeune Decaen furent de l'autre côté,
ils marchèrent aussitôt avec les trente hommes de la 14' vers le pont de Laufen qui était
défendu par deux cents hommes et soutenu, sur la hauteur, par trois bataillons d'infan-
terie et deux pièces de canon. Le citoyen Flandre, sergent, marchait à la tète de ce déta-
chement : il parlait allemand aux Autrichiens pour leur faire croire qu'ils étaient des
leurs, de sorte que nos troupes se trouvèrent au milieu d'eux sans qu'ils s'en aperçussent.
Dès qu'ils lirent feu, une grande partie des troupes qui défendaient le pont se rendit et
l'autre se sauva.
« Les batailluns qui étaient sur la hauteur, étonnés de cette attaque, se retirèrent avec
leur artillerie. C'est ainsi que nous devons au dévouement d'une centaine de braves le
passage heureux de la Salzach.
• Je dois des éloges particuliers au citoyen Cornille, adjudant major du 2" bataillon de
la li' demi-brigade légère : cet officier a passé la rivière avec ce détachement sans être
174 MKMOIKKS ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEX
Le «jênéral Durutte, le chef de bri,i[acle Mortières (l), le capitaine d'artil-
lerie Valée, le lieutenant du jjénie Michaud, qui passèrent sur la rive droite,
mirent tout le zMe et toute l'activité qu'exigeaient les circonstances.
Pendant la nuit, on construisit un pont volant. Le capitaine Dattessen,
de la L4% et mon aide de camp Labisse en accélérèrent la construction de
manière qu'au point du jour il commença à servir pour passer l'artillerie
^t une partie de la cavalerie de la division. Le grand pont fut praticable
pour l'infanterie et la cavalerie entre 9 et 10 heures du matin.
Le général Kniaziewicz, qui avait été chargé de faire reconnaître la Sal-
zach au-dessous de Laufen, n'avait pas trouvé d'endroit guéable. Si ses
troupes avaient aperçu quelques bateaux, sans doute qu'elles auraient
cherché à les posséder; car plusieurs Polonais s'étaient avancés pour son-
der la rivière et la passer à la nage au besoin. Un sergent-major nommé
Gzyszkouski leur en a donné l'exemple : il se jeta à l'eau pour voir si la
rivière était praticable au gué; mais elle avait plus de huit pieds de pro-
fondeur.
Je vous demande, mon général, des récompenses distinguées pour les
officiers et soldats dont je vous ai cité les noms. J'ai aussi beaucoup à me
louer de l'adjudant commandant Guyot qui est resté avec moi pendant
toute cette opération et qui, par son zèle et son exemple, a beaucoup con-
tribué au succès de cette journée.
J'ajouterai, mon général, que les officiers qui ont passé les premiers sur
la rive droite m'ont fait le rapport que mon frère, qui était avec eux, avait
bien fait son devoir.
23 frimaire (14 décembre). — Je fus prévenu, entre A et
5 heures du matin, que l'équipage de pontons était arrivé. Alors,
avec le chef de bataillon d'artillerie Xeigre (2) qui le comman-
commandé. Son intelligence à disposer les posles de son bataillon est aussi précieuse
que son activité et sa bravoure.
^ Mes éloges n'ajouteront rien sans doute à votre estime pour l'adjudant général Plau-
zonne; depuis longtemps le général en chef a su l'apprécier, et il a prouvé dans cette
journée qu'aux connaissances militaires il savait à propos [...] être téméraire.
.. Permettez-moi aussi de vous faire observer que votre jeune frère a su prouvera
notre division qu'il ne voulait pas vous le céder eu bravoure.
- Signé : Dlrutte. ■
(1) Laplanche-Morfiéres (Claude-Joseph Delaplanche de Morthiêres, d'après l'acte de
naissance), né le 28 juin 1"7'2 à Aulnay (Aube) ; page à la Grande Ecurie, le "25 avril 1185 ;
sous-lieutenant, le 6 février 1788; lieutenant, le 20 mars 1701; capitaine, le 9 juil-
let 1702; lieutenant-colonel, le 27 mai 1703; chef de brigade, le 28 fructidor an IV;
général de brigade, le 11 liuctidor an XI , mort de maladie à Ctieti, le 28 octobre 18(J6
(A. A. G.).
(2) Decaen fait une erreur : Neigre était alors seulement capitaine. Neigre (Gabriel),
né le 28 juillet 177i, à la Fère ; enfant de troupe au 2« d'artillerie en 1780; eurôlé
volontaire audit régiment, le lijnillet 1790; sergent en 1703; capitaine, le 10 jan-
vier 1"94-; capitainu au 1" bataillon de pontonniers, le 2 avril 1797; chef de bataillon,
le 2 octobre 1802; colonel, le 12 janvier 1807; général de brigade, le 10 janvier 1813;
MORE AU A LALFEN 175
dait, je me rendis sur le bord de la Salzach pour lui indiquer l'en-
droit que j'atais reconnu, la veille, fort peu éloigné et au-dessus
du pont qu'on réparait, et qui m'avait paru oifrir le plus de possi-
bilité et de commodité pour y jeter les pontons (1).
Eclairés avec des fanaux, nous finies cette nouvelle reconnais-
sance sur les deux rives de la Salzach. Le point le plus favorable
étant déterminé, les pontonniers travaillèrent avec le plus grand
zèle et la plus grande activité; néanmoins, l'obscurité et le cou-
rant rapide delà Salzach rendaient le travail difficile, et ces con-
trariétés ne permirent pas que le nouveau pont fût praticable
avant 10 heures du malin.
Le général Moreau arriva à Laufen entre 8 et 9 [heures]. Il me
fit des compliments sur le succès de mon opération. Je lui rendis
compte qu'au moyen du petit pont volant que j'avais pu faii'c éta-
blir, on avait déjà pu faire passer une partie de l'artillerie et un
peu de cavalerie, et, avec les bateaux, l'infanterie de la brigade du
général Durulte qui, pendant la nuit, avait fait garder tous les
débouchés qui viennent sur Laufen, particulièrement ceux de
Salzburg et de Neumarkt; que le passage des troupes se conti-
nuait; qu'on travaillait avec activité à établir les pontons; qu'on
ne tarderait pas k pouvoir passer, mais seulement avec l'infanterie
et la cavalerie, sur le pont à la réparation duquel on n'avait pas
discontinué de travailler pendant toute la nuit.
J'accompagnai le général en chef qui se rendit au pont pour
voir par lui-même où les choses en étaient. On entendait une très
vive canonnade du côté de Salzburg. Le général Moreau me dit
qu'il avait fait prévenir le général Lecourbe que, d'après le succès
inattendu de mon heureux passage, c'était sur Laufen qu'il allait
faire agir l'armée et que, dés les premiers coups de canon qu'il
avait entendus depuis qu'il était parti de Teisendorf, il avait envoyé
général de division, le 25 novembre 1813; inspecteur général d'artillerie en 1814, puis,
comme lieutenant général, membre du comité de l'artillerie; inspecteur général de celle
arme jusqu'en 1839 et 1840; décédé le 8 août 184", à Nogent-sur-Marne (A A. G.).
(1) La veille, Decaen avait écrit à Laliorie : « Il serait bien nécessaire, mon clier
Laborie, qu'on m'envoie des sapeurs et [que] quelques officiers entendus viennent pour
la réparation du pont de Laufen, dont quatre arches sont coupées. Les charpentiers de
la ville sont du côlé de l'ennemi et se sont évadés pendant la discussion. Mes sapeurs et
un officier du génie de la division sont restés à Rosenheira. Je n'ai qu'un officier du
génie ici qui fait ce qu'il peut, mais je prévois que ce sei'a très long à réparer si lu
n'envoies pas de suite à mon aide. Guyot t'a déjà rendu com[^'te. Je ferai demain mon
rapport " (Decaen à Lahorie, Laufen, "22 frimaire, A. H. G).
176 MÉMOIRES ET JOLRYAUX DU GEXERAL DECAEM
lin de ses aides de camp auprès du général Lecourhe pour lui
dire de ne pas s'engager et surtout de ne pas se compromettre.
Enfin, entre 9 el 10 heures, on put se servir du pont, mais
réparé à la hâte et pendant la nuit; el, vu les largeurs entre les
piles, on n'avait pu rétablir (ju'une partie de ce qui avait été
détruit. Cette reconstruction, faite avec des longerons jetés d'une
arche à l'autre et recouverts de planches, ne permettait pas, à
cause du peu de largeur et surtout du balancement, qu'on put pas-
ser facilement et rapidement; mais c'était toujours un nouveau
moyen pour améliorer le passage des troupes de l'autre côté de la
rivière, eu attendant que le pont de pontons fût achevé.
Ainsi on fit passer, d'abord pour l'essai, un cavalier à pied
tenant son cheval par la bride, et, successivement et de cette
manière, la cavalerie ainsi que l'infanterie défilèrent par un. Ce
qui appartenait à l'artillerie et aux ambulances continua à se ser-
vir du pont volant. Les autres équipages vinrent plus tard rejoindre
la division.
La canonnade continuait à se faire entendre toujours très vive-
ment du côté de Salzburg. Le général en chef, à qui cela donnait
(|uelque inquiétude, renvoya de nouveau auprès du général
Lecourhe pour lui annoncer que ma division se mettait en marche
pour aller vers Salzburg par la rive droite de la Salzach.
Dès que la cavalerie de la brigade Durutte eut rejoint son infan-
terie, je quittai le général Moreau qui me recommanda de faire
marcher avec le plus de célérité possible et de faire faire un grand
feu d'artillerie dès que je rencontrerais l'ennemi, ce qui contri-
buerait à produire une diversion favorable au général Lecourhe
contre le([uel, d'après les rapports (|ui étaient déjà parvenus, l'en-
nemi avait déployé la plus grande partie de ses forces et qui
étaient plus nombreuses que celles aux ordres de ce général.
Je donnai donc l'ordre au général Durutte de diriger sa brigade
sur la chaussée de Salzburg, et aux autres corps de la division, à
fur et à mesure qu'ils seraient formés sur la droite de la Salzach,
celui de suivre en échelons son mouvement, éclairant et couvrant
successivement les communications à leur gauche; à la droite, on
trouve la rivière toujours très rapprochée de la route jusqu'à
Salzburg.
Le général Dnrulle s'avança sans rencontrer d'ennemi jus([u'à
BATAILLE DE SALZBURG 177
la tète du défilé qui existe depuis Laufen jusqu'à une demi-lieue
d'Anthering où le terrain, ouvert dans une largeur d'environ
800 toises, facilite l'action de toutes les armes. L'ennemi avait une
observation d'environ 600 chevaux, des cuirassiers de Mack et de
Grenz-hussards, avec une pièce de canon et environ 200 hommes
d'infanterie qui voulurent contester le débouché, à quoi ils ne
réussirent pas, quoique le général Durutte n'eût alors avec lui
qu'un escadron du 10'' régiment de chasseurs et une pièce de 4. Il
poussa l'ennemi même au delà d'Anthering, après lui avoir
démonté son canon et sabré quel(|ues hommes. Il attendit ensuite
que la division fut serrée et (|ue l'artillerie fût arrivée.
Le feu du combat du général Lecourbe était toujours très vif.
Je désirais pouvoir faire au plus tôt la diversion qui m'avait été
recommandée ; mais, malgré la plus grande célérité, ce ne fut que
vers les 3 h. 30 (1) que j'eus suffisamment de moyens pour enga-
ger une affaire qui pouvait devenir sérieuse par le rapprochement
qu on faisait de l'armée ennemie (|ui devait mettre tous ses efforts
pour [m'] empêcher de pénétrer jusqu'au village de Bergheim;
car alors sa retraite de Salzburg et surtout de la rive gauche de la
Salzach, oùil était pour la plus grande partie engagé avec le géné-
ral Lecourbe, lui serait devenue très difficile, surtout pour l'opérer
par la chaussée de Neumarkt (2) .
Aussitôt que l'avant-garde aux ordres du chef Laflbn qui, après
avoir passé au pont de Laufen, avait suivi immédiatement la bri-
gade Durutte, fut arrivée devant Anthering, je lui fis reprendre la
tête de la division et marcher de suite en avant, soutenue par la
brigade Durutte et par la légion polonaise.
J'avais fait rester en réserve, près de ce village, la brigade com-
mandée par le général Lacour (il était arrivé la veille à la divi-
sion), en attendant l'arrivée des troupes du général Richepance.
J'avais donné ordre au général Lacour de détacher un bataillon et
200 chevaux, et de les envoyer sur Seekirchen, pour menacer la
droite de l'ennemi et, en outre, gagner l'avantage du terrain en
s'emparant des hauteurs.
i 1 1 La copie du rapport de Decaen du 2 nivôse qui est aux Archives de la Guerre
porte - 7 h. 30... 1! y a là probablement un lapsus.
I "2 i Jusqu'ici, cette narration cile presque teituellement le rapport de Decaen à
Moreau, daté, le 2 nitôse, de Neuhofen, et qui est aux Archives de la Guerre.
n, 12
178 MKMOIRES ET JOURX'ALX DU GÉXÉRAL DECAEX
L'avant-garde, après avoir chassé rennemi depuis Antliering,
le trouva formé en arrière du ruisseau qui coule du U aller See a
la Salzacli, au villaj;e de Bergheini, à rembranclioment de la
route de Salzhurg à Mattsee et à Laufen. Il occupait une belle et
forte position (1). La canonnade s'engagea vivement des deux
C(Mos, mais la nuit empêcha de faire plus que de le repousser au
delà du ruisseau du U'allcr See.
Quand le feu eut cessé, on plaça les avant-postes, et les troupes
restèrent au bivouac sur le lieu (ju'elles occupaient.
Un officier que j'avais envoyé informer le général en chef de
mon arrivée à Anthering et de ce qui s'était passé m'avait dit, à
son retour, qu'il avait annoncé que j'occupais Bergheim; mais,
lorsque je fus revenu à Anthering, où je pris mon quartier, j'écri-
vis au général Lahorie :
C'est une erreur qui a été commise, mon cher Lahorie, que d'avoir
annoncé que mes troupes s'étaient emparées de Bergheim. L'ennemi a dé-
fendu ce village avec six pièces de canon et de l'infanlerie. La fin du jour
a empêche de faire les dispositions convenables pour l'attaquer. La poisi-
tion est favorable à l'ennemi : Bergheiin est sur une hauteur peu éloignée
de la Salzach, et un marais devant le iront. IMais demain, au jour, on
reconnaîtra mieux la position.
Mes avant-postes ont été établis à peu de distance de ceux de l'ennemi.
On le fera observer pendant la nuit. La division est établie en échelons
flepuis ce point jusqu'au village d'Anthcring. Le général Lacour a poussé
un bataillon sur Seekirchen avec de la cavalerie ; il doit pousser des
postes jusqu'à cet endroit.
J'apprends que le général Richepance n'a pas suivi mon mouvement.
Il aurait cependant été utile qu'il eût avancé quelques troupes, afin qu'on
puisse éclairer les débouchés qui viennent de Neumarkt sur la route de
Laufen à Salzhurg. On a fait une centaine de prisonniers des régiments de
Stain et Benyowsky, dont deux officiers, et pris un drapeau.
Je n'ai pu avoir de renseignements sur les projets de l'ennemi. On m'a
appris seulement que les petits postes établis sur le débouché où je me
trouve avaient reçu l'ordre de se retirer sur Xeumarkt, s'ils étaient
forcés.
Ln bataillon de Stain et un escadron de cavalerie sont à Burghausen (i).
(1) ' ... Il avait sept pièces de canon en batterie, avec plusieurs bataillons, dont deux
de Stain, les autres de Benyowsky, Weiiklieim et Ferdinand. A la nouvelle de mou mou-
vement, ces corps, ijui formaient une réserie à Salibiirg, étaient venus prendre celte
position .. " (Decaen à Moreau, A'eubofeu, 2 nivôse, A. H. G.).
(2) Le renseignement était exact i L'archiduc Jean à Kienmajfer, Teisendorf, 11 dé-
ceml)re, K. K. Archiv, XII, 200).
LES AUTRICHIEXS EVACUEXT SALZBURG 179
On a tué quelques cuirassiers de Mack avec des hussards de Grenz. Mon
artillerie n'a aucunement souffert. J'ai eu peu de blessés (1).
Les prisonniers ont dit que les régiments d'infanterie dcBenyowski^ Stain,
Wenkheim et Ferdinand devaient être devant moi (2).
La réponse, datée de Laufen à minuit, m'annonça :
J'attendais ton rapport avec bien de l'impatience, mon cher Decaen,
pour en faire part au général en chef qui est parti pour Teisendorf et que
je vais rejoindre pour le mouvement de l'armée.
On t'a trompé quand on t'a assuré que le général Richepance ne marchait
pas pour te soutenir (;î). 11 a une brigade sur la roule de Salzburg ; il en a
jeté une autre sur celle de liurghausen, dont on n'a pas encore de nouvelles
de ce point. Je lui écris de se diriger de manière à couvrir les débouchés
de Neumarkt, disposé en même temps à le soutenir sur la route de Salz-
burg. Il est à croire que cette division sera dirigée sur Xeumarkt; alors
Grouchy la remplacera sur la roule de Salzburg, en réserve de ta division.
Fais faire, je le prie, des reconnaissances demain au point du jour et
envoies-en le résultat à Laufen oij sûrement le général en chef viendra de
bonne heure.
24 frimaire (15 décembre). — Les rapports qui me furent faits
pendant la nuit présagèrent que l'ennemi s'occupait de sa retraite ;
et que, sur Seekirclien, on avait trouvé peu de troupes. Les feux
qui avaient été allumés en assez grande quantité ne furent point
entretenus.
Toutes les troupes de la division avaient reçu l'ordre d'être sous
les armes une heure avant le jour. Dès qu'il parut, le comman-
dant de l'avant-garde me fil annoncer que ses avant-postes l'avaient
prévenu que l'ennemi avait abandonné sa position; et que, sur-
le-champ, il avait envoyé le chef d'escadrons Monlaulon avec un
détachement vers Salzburg, Je fis de suite mettre en marciie la
division et je fis dire au chef Laffon d'appuyer son détachement
avec toute sa cavalerie.
On prit quelques Iraineurs qui déclarèrent que toute l'armée
autrichienne se dirigeait sur Neumarkt.
(1) ■ Une liiiritaiiie de chasseurs des ()<^ et 10" tivaieut reru des coups de sabre »
(Note de Decaen i.
(2) Decaen ajoutait : .... Le général Fririon et sou cl.eial sont tellement fatigués que
Fririon me fait l'honneur de passer la uuit avec moi. Fais-moi passer au plus tôt ce que
le général en chef veut que je fasse demain » [\. H. G.).
(3) La transcription de cette lettre qui existe au.v Archives de la Guerre (1800, Armée
du Rhin, Registre 73, f" 153, verso) porte : ... marchait pour te soutenir... •; c'est
une erreur de copie.
ISO MÉMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEN
Le parti envoyé sur Salzburg y entra entre 8 et 9 heures du ma-
tin. J'avais iTJoiut le chef Lafibn auprès de Salzburg. Je l'envoyai
avec tout son régiment à la poursuite de l'ennemi sur la route de
Neumarkt où il fit quelques centaines de prisonniers (1), et, sans
un fort brouillard qui, pendant la nuit et dès le matin, avait empê-
ché de s'apercevoir du moment où les postes ennemis avaient fait
leur retraite, on aurait eu sans doute l'occasion de lui faire beau-
coup plus de mal.
Comme je présumais que le général Richepance avait reçu l'ordre
de se diriger par Seekirchen sur X'eumarkt, je fis placer ma divi-
sion en avant de Salzburg, la droite en avant de Ncubaus où se
trouve la route de Rottenmann. Je fis envoyer un parti sur cette
route jusqu'à l'Aber See : j'avais appris que le corps de Condc y fai-
sait sa retraite. La gauche de la division fut appuyée à la Salzach au
village de Bergheim.
Lorsque je fus entré a Salzburg, je traversai cette ville pour
aller reconnaître l'état du pont sur la Salzach. L'ennemi l'avait
laissé intact. Alors j'envoyai mon aide de camp Labisse pour
annoncer au général en chef mon entrée à Salzburg, et que toute
l'armée autrichienne faisait sa retraite sur la route de IVeumarkt;
qu'en attendant ses ordres, j'avais envoyé à sa poursuite toute la
cavalerie de mon avant-garde; que j'avais aussi envoyé un parti
sur l'arrièrc-garde du corps de Condé qui s'était retiré à Rotten-
mann (2) ; que mes troupes placées en avant de Salzburg avaient
leur droite à Neuhaus et leur gauche à Bergheim; et que mon
intention était de faire entrer seulement un bataillon et un esca-
dron dans la ville; que je n'avais fait mettre (jue des gardes aux
portes, avec celle de la bourgeoisie à laquelle j'avais fait laisser les
armes.
Je chargeai aussi mon aide de camp de dire au général en chef
que je le priais de se rendre le plus tôt possible à Salzburg, parce
(jue cela empêcherait toute discussion avec le général Lecourbe qui
(1) « ... J'ai fait conduire au moins trois cents prisonniers que nous avons faits sur
Salzbiir<j. Je crois n'avoir perdu qu'un chasseur de mon régiment, qui a été haché par
des dragons de La Tour... ■ (Laffon à Decaen, Seekirchen, 24 frimaire, A. H. G.).
(2) Le renseii^ncment était exact. L'archiduc Jean, mécontent des Condéens, à la négli-
gence desquels il attribuait les revers de la journée du 9 décembre, les avait renvoyés à
Kottcamann (L'archiduc Jean à l'empereur, Teisendorf, 10 décembre, R. K. Archiv, XII,
173.)
DECAEN ENTRE A SALZBURG 181
aurait sans doute de l'humeur de ce que j'y fusse entré avant lui
qui avait combattu, la veille, toute la journée, voulant y entrer le
premier.
Comme je m'attendais ([ue les troupes du général Lecourbe, au
travers desquelles mon aide de camp allait passer pour remplir sa
mission, ne tarderaient pas à se présenter, puisque ce passage indi-
querait l'entrée des troupes de ma division dans la ville, je fis don-
ner la consigne de n'en laisser entrer aucune des premières avant
l'arrivée du général en chef; et, si le général Lecourbe se pré-
sentait, de ne lui faire aucune observation, et de me faire prévenir
sur-le-champ de son arrivée.
Je me rendis ensuite aux portes de la ville afin de reconnaître
le pays à l'extérieur sur chacun de ces points. Je trouvai à ces
portes, comme aux deux premières par lesquelles j'étais déjà entré
et sorti, un député des magistrats et des gardes bourgeoises. On
m'y présenta aussi des suppliques réclamant la protection du
général en chef et celle de l'armée française. J'en donnai l'as-
surance.
J'étais rentré dans l'intérieur vers 11 heures pour descendre de
cheval lorsqu'on me prévint de l'arrivée du général Lecourbe. Xous
nous rencontrâmes sur la place de l'évéché. Il m'aborda assez
froidement et me témoigna sa surprise qu'on eût dit à ses pre-
mières troupes qu'elles ne pouvaient pas entrer; que, Salzburg
étant devant son front, c'était à son corps d'armée de l'occuper. Je
lui répondis (jue les circonstances avaient changé cette disposition
ordinaire et que, mes troupes y étant entrées les premières, il était
tout naturel que j'eusse pris des mesures pour le maintien du bon
ordre; (jue, jusqu'alors, il n'y était encore entré que des troupes
de ma division que pour la garde des portes ; au reste, que le géné-
ral en chef, que j'avais fait prévenir, n'allait sans doute pas tarder
à arriver et qu'il donnerait sa décision; et que, quoiqu'il fut pré-
sumable qu'il me donnerait l'ordre de marcher sur les traces de
l'ennemi, je ne voulais pas céder, quant à présent, un droit acquis
par ma division; cependant que, pour mettre une fin convenable à
cette contestation, je lui proposais de faire entrer seulement un
bataillon et un escadron; qu'il occuperait la moitié de la ville du
côté de la Salzach ; que je ferais la même chose dans l'autre moi-
tié, et que le général Durutte, que j'avais désigné pour comnian-
182 MÉMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEN
dcr à Salzburjj, conimandcrait le tout. Le général Lecourbe ac-
cepta cette proposition. Nous nous séparâmes et je fus à mon
quartier où, de suite, je fis écrire aux magistrats :
Le général Decaen, dont les troupes occupent Salzburg, vous prévient.
Messieurs, qu'il a nommé commandant de la ville le général de brigade
Durulle. C'est avec ce général que vous devez entrer en relations pour la
police intérieure et généralement tout ce qui concerne les intérêts de votre
ville.
L'ordre ci-après fut adressé au général Durutte .
Le général Durutte prendra position de la manière ci-après :
Il portera sa bri<]ade sur la route de Linz passant par Neuniarkt jus-
qu'au village de Xeuliaus. Il occupera ce village et celui de Sollheim. Il
placera son bataillon d'infanterie légère sur la route qui conduit à Ischl.
Ses avant-postes s'avanceront jusqu'à Hamschof (1). Il enverra des partis
sur cette route pour avoir dos nouvelles de l'ennemi dans cette partie et,
s'il est possible, jusipi'au lac Aber See. Il laissera un bataillon en ville, et
il y aura un escadron de dragons.
Jusqu'à nouvel oi'dre, le général Durutte prendra le commandement de
Salzburg. 11 est prévenu que le général Lecourbe aura aussi un bataillon
et un escadron en ville; mais c'est le général Durutte qui sera cbargé de
maintenir l'ordre. Les portes de Hallein et de Teisendorf seront occupées
par les troupes du général Lecourbe.
Il ne s'était passé que fort peu de temps, et des plaintes m'étaient
déjà faites que des officiers du corps d'armée du général Lecourbe
avaient fait diverses réquisitions.
Pour y mettre fin, j'écrivis au général Lecourbe :
Nous sommes convenus, mon cher général, de tenir garnison par moi-
tié à Salzburg jusqu'à l'arrivée du général en chef. Mes troupes ne se sont
permis aucune réquisition. J'ai cbargé le général Durutte du maintien de
l'ordre; de tous côtés, il m'arrive des plaintes pour des réquisitions par-
tielles faites par des officiers particuliers. Je vous engage de faire que ces
désordres n'existent pas. S'il y a quelques ressources à Salzburg, il faut
qu'elles soient pour l'armée et non pour quelques individus. Je pense que
vous ne voulez pas en agir autrement.
Mon chef d'état-major écrivit de ma part au général Durutte :
Le général Decaen me charge de vous mander, mon général, d'adresser
une proclamation aux habitants pour les assurer des mesures de police qui
seront prises pour la sàreté et la tranquillité intérieures de la ville.
(1) Peut-être faut-il lire .\m Hofe, ou Hof, à JO kiloinèires à lest de ^eullaus, sur la
route de Salzburg à Ischl.
LiVK KSI'IKGLKRIE DE DECAE.V 183
Il vous cliarge de mander à toutes les autorités de n'obtempérer à au-
cune espèce de réquisitions, quelles qu'elles soient, si elles ne sont visées du
chef d'état-major ou de lui.
Enfin le fjéuéral en chef ariva à Salzburg vers une heure de
raprès-midi. Lorsque j'en fus informé, je me rendis auprès de lui.
Le général Lecourbe m'avait précédé. 11 prétendit que ses troupes
étaient arrivées à Salzburg d'un côté en même temps que les
miennes y enti-aient de l'autre. Alors je lui dis : c Si cela était, vos
premières reconnaissances n'auraient pas trouvé la porte fermée
et un de mes postes en avant, et on n'aurait pas eu la peine de
vous l'ouvrir lorsque vous vous êtes présenté. •' C'était une espiè-
glerie que j'avais voulu faire pour lui faire sentir que sa trop vive
impatience pendant la journée de la veille ne l'avait pas servi à
souhait. Je dirai plus loin ce que j'appris à ce sujet. Après cette
première réponse, je tirai de ma poche toutes les suppliques que
j'avais reçues aux portes, et j(^ les présentai au général en chef, en
disant au général Lecourbe : « Si vous êtes entré comme moi,
vous devez en présenter les mêmes preuves. « Cela ne fut pas
poussé plus loin. Le général en chef approuva et ne changea rien
aux dispositions qui avaient été convenues.
Lorsque le général Lecourbe fut sorti, j'entretins le général
Moreau de ce que j'avais fait depuis que je l'avais quitté à Laufen,
et je lui dis que je souhaitais qu'il entrât dans ses vues de me déta-
cher pour aller communiquer avec l'armée d'Italie dont je présu-
mais ((ue les heureux succès de ses opérations ne pouvaient pas
tarder de la faire avancer vers Klagenfurl, et que je pensais qu'il
suffirait de me donner seulement une brigade d'infanterie de plus.
Le général Moreau me répondit (|ue cela ne se ponvnit pas, car ce
serait encore traverser le front du général Lecourne qui avait été
assez mécontent que, dans la campagne précédente, j'eusse été
détaché sur Munich.
Je ne tardai pas à apprendre que, malgré que le général Moreau
eût prévenu le général Lecourbe de ne pas engager d'affaire
devant Sazlburg, puis(|u'il allait faire manœuvrer par Laufen, son
désir ardent d'entrer à Salzburg l'avait emporté; et qu'à cet ellet,
il avait voulu tàler l'ennemi qu'il rencontra avec l'intention de
combattre et (jui avait des forces supérieures; (jue cet essai avait
amené l'engagement qui s'était ensuite soutenu de part et d'autre
184 AIEMOIRES ET JOURXAIX DL GEXKRAL DECAEiV
avec la plus grande opiniâtreté et dont l'avantage aurait été pro-
bablement en faveur de l'ennemi, sans la diversion que le général
en chef m'avait ordonné de faire et qui produisit un tel effet sur
l'armée autrichienne que, dès qu'elle entendit les coups de canon
tirés en débouchant sur Anthering, elle ne soutint plus le combat
que pour couvrir la retraite de ses troupes par le pont deSalzburg.
Il était d'autant plus fâcheux ou plutôt très pénible pour le gé-
néral en chef et pour toute l'armée que le général Lecourbe se
fût ainsi engagé qu'il perdit plus de 1 500 braves en tués et bles-
sés, parmi lesquels d'excellents officiers, seulement par ambition
de vouloir entrer un jour plus tôt dans une ville, tandis que le
passage de la Salzach à Laufen en avait fait présumer la posses-
sion sans coup férir ou, du moins, avec une perte beaucoup moins
considérable. Aurait-elle même été plus grande, elle n'aurait pas
été jugée inutile et intempestive comme celle faite par l'entêtement
du général Lecourbe, et qui excitait les plus vifs regrets.
CHAPITRE X
Diirulte reste à Sahbtirg. — Decaen suit Rirhepance sur Vôcklaraarkt. — Decaeii à
Vôcklamarkt. — La poursuite des Autrichiens coiitiDue. — Hicliepauce culbute leur
arrière-<jarde à Scliwanenstadt. — Decaen fe dirige sur Wels. — Combat de W'els.
— Succès de Laffon. — Decaen passe sur la rive droite de la Tranu. — L'archiduc
Charles propose à Morea» une suspension d'hostilités. — Decaen conseille à ce der-
nier de la refuser et de marcher sur Vienne. — Belle réponse de Moreau. — La
marche vers l'est continue. — Decaen à Kremsmiinsler. — Il y apprend la suspension
des hostilités. — Excès de confiance de Richepancc. — Decaen à Neuliofen. — L'ar-
chiduc Charles tardant à répondre, l'armée française continue son mouvement en
avant. — Griiutie, Weyrolher et Lahorie discutent les conditions d'un armistice. —
Convention de Sleyr. — Decaen s'établit à Enus. • — II va passer quelques jours à
Munich.
25 frimaire (IG décembre). — Ayant reçu l'ordre de diriger ma
division sur iVeumarkt, mise en marche à 10 heures du matin, elle
y fut cantonnée et dans les villages aux environs.
Deux escadrons et un bataillon restèrent à Salzburg avec le gé-
néral Durutto. Dans la soirée, je reçus du général Lahorie la lettre
ci-après :
Tu sais sans doute, mon cher Decaen, que le général Richepance a pris
position en avant de Strassvvalchen.
Demain, il marchera sur Vôcklamarkt, éclairant en même temps la route
de Frankenburg. [^'intention du général en chef est que ta division marche
sur Frankenmarkt. L'ennemi opposera peut-être une résistance un peu
soutenue sur ce point; alors tu te mettras en ligne à droite du général
Richepance et vous pousserez l'ennemi de concert.
Le général Grouchy marchera pour prendre position sur Strass walchen,
en réserve de vos deux divisions.
La réserve de cavalerie arrivera à Meuhaus. Une division de l'aile droite
longe l'Aber See pour se porter sur Gmunden.
La brièveté des jours oblige à des marches un peu courtes (1).
26 frimaire (17 décembre). — La division, rassemblée en avant
de Strassualchen (2), suivit le mouvement de la division Riche-
(1) « La terre était couverte de neige » (Note de Decaen).
(2) " A 11 heures du ma'.in... » (Decaen à Moreau, Neuhofen, 2 nivôse, A. H. G.).
18(') MEMOIRES ET JOLRXAUX DU GENERAL DECAEX
pance qui avait trouvé une forte arrière-garde en avant de Fran-
kenmarkt et (|u'elle poussa jusqu'au delà de Vocklamarkt.
L'opposition de cette arrière-garde n'exigea cependant pas que
j'entrasse en ligne; mais la brièveté du jour ne permit pas à cette
division de se porter en entier au delàde Frankenniarkt; la mienne
prit position eniro cette ville et Strasswalchen.
J'envoyai mon rapport, et le général Laliorie m'écrivit de
Neumarkt :
.!e te préviens, mon cher Decaeri, que le jjénéral Ilichepance a ordre de
se Miettre en marche demain à 11 heures précises du matin pour se porter
par Red! sur les hauteurs en avant de Ungenach, couvrant en même temps
la comnmnication d'Ainivalding sur Wolfsefjg.
Le «H'néral (îrcnier arrivera avec la tète de sa division en arrière de
Haa<; et l nterliaajj, et le général Grouchy, en réserve sur Bierbaum.
I/intention du général en cliel" est que tu marches directement par Bier-
baum sur Viicklabruck et que tu forces cette position de front, en même
temps qu'elle sera débordée par le mouvement du général Ilichepance.
Tu enverras des partis sur ta droite vers Gmunden pour communi-
quer avec le corps du général Lecourbe qui se portera en partie sur ce
point.
Le général Moreau sera demain à Frankenniarkt. Règle ton mouvement,
pour l'heure, sur celui du général Richepance (1).
27 frimaire (18 décembre). — La division, rassemblée à
11 heures du matin à Hierbaum, fut dirigée sur Vocklabruck, d'où
je fis écrire au général Laliorie :
Le général Decaen est arrivé à VÔL^klabruck sans avoir eu rien à faire.
Le général Richepance a poussé l'ennemi jusqu'à deux lieues au-delà de
cette ville sur la route de Schwanenstadt. La division a pris position à
Vocklabruck, ayant son corps d'avant-garde à Regau, à l'embranchement
des deux routes sur Gmunden et Schwanenstadt.
Il a poussé un parti sur (îniunden pour avoir des nouvelles du général
Montrichard. Il vous fera part de ce qu'il pourra savoir d'intéressant.
Le général Richepance parait avoir fait beaucoup de mal à l'ennemi : il
a pris le généra! liOpper. Sa division est toujours suivie d'un train consi-
dérable des équipages qui nous gène dans nos marches. Xe pourrait-il pas
les diminuer?
(Il Le '2H, Kiiiazico/icz écrivait à Decaen : ■■ Je vous fais remeltre, eu même temps
(]ue ma leUre, général, uu drapeau uurtembergeois qui, après le passaye de la Salzacli, fut
pris, à l'aile gauche, par mes tirailleurs, au moment où l'euiiemi, voulant cacher sa
làchelé, le séparait du bàtun ;Kuiaziewicz à Decaen, Grosskissendorf |^?], '26 frimaire.
A. H. G.).
DECAEX MARCHE SUR WELS 187
Le général Dunitfe rejoignit la division avec le détachement
qui avait été laissé avec lui à Salzburg.
Le parti qui avait été envoyé surGmunden apprit, à son retour,
qu'il y avait trouvé Tennemi et rencontré les avant-postes de la
division Montricliard dans les environs de cette ville.
Je reçus du général Lahorie une lettre datée de Frankenmarkt.
II me mandait :
Il faut achever l'arim-e ennemie par des marches non interrompues,
mon cher Decaen. En conséquence, le général Richepance reçoit l'ordre de
marcher demain de concert avec toi sur W els.
Il est possible que vous ne puissiez pas arriver, mais vous prendrez
position le plus près possible de ce point. Je suppose que vous arriverez au
moins à la hauteur dcFalspach.
Le général Grouchy viendra se placer en réserve sur Lambach. Le géné-
ral Aloreau s'établira à Schivanenstadt. Il ira demain suivre le mouvement
des divisions du centre sur \\ els.
28 frimaire (19 décembre). — La division fut mise en marche
à 9 heures du matin sur la route de Schwanenstadt pour atteindre
le but indi([ué dans l'ordre ci-dessus; mais les Autrichiens, dont
Tarchiduc Charles était venu prendre le commandement et dont
sa présence avait ranimé le courage, s'oi)stinérent à défendre
Lambach. Cependant, le général Richepance, auquel j'avais seule-
ment envoyé un régiment de chasseurs, les culbuta et fit encore
un assez grand nombre de prisonniers, au nombre desquels le
prince de Liechtenstein et le général Meczery; et, comme les
Autrichiens passèrent la Traun pour aller sur Kremsmiinster, la
division Richepance les y suivit. Alors je dirigeai la mienne sur
Wels, dont mes avant-postes s'avancèrent à trois quarts de lieue,
mais un peu tard dans la soirée.
La division fut placée en arrière de Gunskirchen, la droite à la
Traun et la gauche dans la direction de Irnharting. L'avant-garde,
qui s'était établie dans ce premier village, y avait fait 22 pri-
sonniers.
Je revins à Lambach d'où j'envoyai un officier au quartier géné-
ral pour informer de ma position et (|ui me rapporta la lettre ci-
après, datée de Schwanenstadt :
I/inlention du général en chef, mon cher Decaen, est que lu te portes
demain sur VV^elsoii tu passeras la Traun pour, de là, te diriger surKrems-
188 MEMOIRES ET JOUR\AU\ DU GENERAL DECAEX
munster. La distance et la nécessité de t'éclairer sur ta gauche ne te pei-
niettraient probablement pas d'arriver au delà de Taxelberg. Le général
Grenier arrivera dans la journée avec une division en réserve de la tienne,
en avant de Wels.
liC général Uichcpance, soutenu du générai Grouchy, se portera de Lam-
baf:h sur Kremsmûnster où arrivera le général Lecourbe par Gmunden.
Le général Moreau sera demain à Wels.
Je préviens le général Uichepance de te renvoyer ton régiment à Guns-
kirchen.
29 frimaire (20 dêcenibre). — A la pointe du jour, la division
fut rassemblée et marclia sur U els. Il était 9 heures du matin
lorsque l'avant-garde entra dans cette ville. Elle s'approcha de
suite du pont sur la Traun ; l'ennemi l'avait coupé (1). Il avait
laissé une cinquantaine d'hommes pour l'observer et en retarder
la réparation. Il fallut éloigner ces ennemis pour travailler au
pont. Les chasseurs du 3' bataillon de la 14' légère y mirent tout
le zÀ'le et toute l'intelligence possibles. Plusieurs d'entre eux par-
vinrent à l'autre rive en descendant et grimpant d'une arche à
l'autre à la faveur des longerons qui avaient été jetés du pont. Le
capitaine Schmidt, de la 3' compagnie, qui fut blessé d'un coup de
feu en abordant à l'autre rive, fut un des premiers qui donna
l'exemple.
Un carabinier de ce bataillon, nommé Jean Masse, se conduisit
avec bien de la bravoure. Ce fut lui qui, le j)remier, avait trouvé
ce moyen de passage. Quoique seul pour arriver à l'autre rive, il
n'en courut pas moins sur les Autrichiens qui s'y trouvaient. Il fit
mettre bas les armes à huit d'entre eux et cassa leurs fusils. Il les
amenait prisonniers lorsque ceux-ci, s'apercevant, auprès du pont,
1 1) Voici le compte-rendu de Decaen :
Mes premières troupes sont entrées à Wels à 9 heures du matin, mon jjénéral, mais
je n'ai pu aller plus loin, l'eniierai ayant beaucoup endommagé le pont. Je m'empresse de
le faire réparer. Il e«t raidi : et ce ne sera que vers les 1 heures que je pourrai m'en
semir. L'ennemi avait laissé quelques postes qui sont partis après quelques coups de
fosil. J ai déjà de I inlauterie qui a passé avec quelques baleaux sur la rive droite. J'ai
poussé sur L.ini un parti qui n'est pas rentré; mais, d'après les rapporis qui me sont
procurés, l'ennemi a fait remonter, pour passer la Traun hier, les carabiniers d'Albert,
avec 5 000 hommes d'infanterie et plus de 100.) voilures.
■i J'ai trouvé à la poste différentes lettres que je vous envoie, mon général; quflques-
nnes sont intéressantes.
- L'armée ennemie se concentre sur Steyr. Aussitôt que j'aurai d'autres renseigne-
ments, mon général, je vous en ferai part (Decaen à Moreau, Wels, '19 frimaire,
A. H. G.).
COMBAT DE WELS 189
qu'il ('tait seul et voyant quelques hussards qui s'avançaient pour
les délivrer, s'échappèrent de lui qui, aussitôt, ne manqua pas de
leur tirer quelques coups de fusil.
Le chef de bataillon Alassard, que je chargeai de faire passer
son bataillon aussitôt (|ue des bateaux qui étaient à l'autre rive
seraient à sa disposition, fit bien son devoir. Il arriva que, la pre-
mière banjue dont on avait pu disposer étant petite, il s'y était
mis trop de monde et qu'elle fit naufrage. Ce chef de bataillon
était du nombre des embarqués ; mais, heureusement, il n'y eut
aucun accident.
J'avais ordonné au chef de brigade Laffon d'envoyer, dès le
matin, un parti sur la route de Linz, et Montaulon fut chargé de
cette mission. Il trouva l'ennemi qui protégeait un convoi. Il en
fit attaquer la queue par vingt hommes à la tête desquels étaient les
sous-lieutenants Rignier et Gillard, soutenus par le surplus de
leur escadron. L'ennemi fut aussitôt mis en déroute. Plus de
600 prisonniers, tant infanterie (|ue cavalerie, furent amenés avec
plus de 200 chevaux. Au moins 80 hommes de cavalerie, qui ne
furent point j)ris, furent sabrés (1).
Le général Grenier arriva vers une heure avec une division qui
fut se placer en avant de Wels, sur la route de Linz. Pendant
qu'on travaillait aux réparations du pont, je fis ouvrir et traduire
quehjues lettres (ju'on avait prises au bureau de la poste. Il y en
avait plusieurs de Vienne qui annonçaient qu'on y était dans de
vives alarmes et qu'on n'y doutait pas d'y voir bientôt arriver l'ar-
mée française.
On trouva dans une de ces lettres cette singulière phrase :
't La Sybille a dit qu'après une longue guerre, les Français vien-
draient jusque dans la plaine de Wels, et qu'alors on ferait la
paix. -1^
On trouva aussi une pièce signée de plusieurs archevêques et
émigrés qui résidaient alors à Vienne; je ne me souviens point de
leurs noms.
C'était une délibération pour servir de réponse à des questions
(1) Dans son rapport, Decaeu ajoutait : ^ ... Ce nouvel acte d'intrépidité de Montaalon
arec ses braves ajoute, mon général, aui autres traits rapportés dans l'état des services
de ce chef d'escadrons que je \ous adresse... » (Decaen à Moreau, Neuhofen, 2 nivôse.
A. H. G.).
190 MiaiOIHKS ET JOURVAUX DU GKXÉRAL DECAKX
<|ui leur avaient élé soumises par des curés français sur le serment
prescrit par la constitution de Tan VIII.
Je me rappelle, entre autres choses, qu'on disait, dans celte
pièce : <i Les soussignés, consultés pour savoir si, dans l'état
actuel des choses en France, on peut prêter le nouveau serment
exigé pour remplir publiquement les fonctions sacerdotales, sont
d'avis que, dans aucun temps, la puissance temporelle ne peut
rien prescrire à la puissance spirituelle. Mais, dans les circons-
tances où l'Eglise est militante, s'il y a cas de nécessité, on peut
se soumettre, mais avec la restriction mentale ; et nous appuyons
cette opinion de celle de saint Thomas de Cantorhery durant le
schisme d'Angleterre. •• Je remis cette pièce avec les autres lettres
au général Moreau qui arriva à U els dans l'après-midi.
Le pont ne put être rétabli qu'à .3 heures (I), malgré l'activité
des officiers du génie Bodson et Alichaud.
Dès que la réparation fut achevée, je fis passer la division sur la
rive droite de la Traun, et chaque brigade formée fut aussitôt diri-
gée sur Kremsmiinsler; mais lavant-garde ne put arriver que pour
avoir ses avant-postes sur Sipbachzell où elle trouva l'ennemi,
<|uoi(|ue la division Richepancc fût déjà arrivée à Kremsmiinster.
La nuit avait empêché le chef Laffon déjuger que c'était fort
peu de monde (|ui n'avait pu se retirer sur Sieyr et qui occupait
Sipbachzell pour, de là, se diriger sur .\euhofen.
.Alors la division prit sa position, placée en échelons depuis
Leombach jusqu'à la Traun, et des partis furent envoyés surNeu-
hofen et sur Ebersberg.
J'étais rentré à Wels et je me trouvais avec le général en chef
quand on lui apporta une lettre de l'archiduc Charles. Cette lettre
annonçait que, d'après les égards et les témoignages d'estime dont
ils s'étaient donné des preuves pendant la campagne de l'an IV,
il était persuadé que le général .\Ioreau accueillerait favorablement
la proposition qu'il lui faisait d'une suspension d'hostilités, d'au-
tant mieux qu'il lui donnait l'assurance (|ue sa démarche n'avait
d'autre but (jue de pouvoir enfin parvenir à traiter de la paix.
Je demandai au général Aloreau, qui m'avait fait part de cette
proposition, s'il était dans son intention d'y avoir égard, tandis (|ue
(1) • ... après raidi. . " (Decaen à Moreau, Ncuhofen, 2 nivôse, A. H. G.).
BELLE «EPONSE DE MOREAU 191
nous ('tions aussi rapprochés de Vienne où nous avions la perspec-
live d'arriver sons peu de jours, puisque le reste de l'armée anlri-
chienne ne pouvait plus être un ohstaele, et (|u'il serait bien glo-
rieux pour lui et pour son armée de faire cette conquête; (|ue,
déjà deux fois, on avait ainsi interrompu le cours de nos succès.
Le général Moreau me répondit : i- Mais, Decaen, la con(juèle
de la paix vaut encore mieux, et je suis persuadé que le prince
Charles ne se serait pas autant avancé qu'il le fait dans cette
circonstance s'il n'avait pas la certitude que l'empereur ne
désavouera pas le motif de sa proposition. D'ailleurs, dans ce
moment où l'armée du Rhin est déjà très avancée, je n'ai encore
aucune nouvelle des opérations de l'armée d'Italie commandée ])nr
Brune, (|ui peut être encore sur le Mincio. J'ignore si celle des
Grisons, commandée par Macdonald, a pu pénétrer dans le Tyrol ;
celle d'Augereau n'est encore qu'à Wùrzhurg. Ainsi, plus nous
avancerons et plus nous nous engagerons sans appui dans les
Etats de l'Autriche, et plus nous nous rapprocherons des forces
qu'elle peut encore réunir et concentrer pour arrêter nos succès.
Or, puisqu'ils veulent enlin la paix, il vaut beaucoup mieux en
traiter au plus tôt que de les réduire au désespoir et nous exposer
nous-mêmes aux chances de la guerre qui peuvent aussi nous
devenir contraires, v
Auparavant que le général en chef eut reçu la lettre de l'archi-
duc, je l'avais informé (|ue, depuis son premier rapport, Laffon
m'avait mandé que la division Richepance n'était pas entrée à
Kremsmùnster ; que l'ennemi l'occupait.
Le général en chef m'avait aussi indi(|ué le mouvement (|ue ma
division devait faire le lendemain, et j'avais, en consé(|uence, fait
donner l'ordre à Laflbn de se diriger sur Kremsmùnster et d'y
forcer l'ennemi s'il n'opposait pas trop d'obstacle, ce (jui était pré-
sumable, car la division Richepance devait aussi s'y diriger. Je lui
lis mander, si cette division y était arrivée avant lui, de faire de
suite un à gauche et de marcher sur Xeuhofen oii il recevrait
de nouveaux ordres ; mais que, dans le cas où la division Riche-
pance n'aurait pas encore pris poste à Kremsmùnster, il l'y atten-
drait, en observation, en éclairant particulièrement la roule de
Steyr; et qu'aussitôt qu'il apercevrait la tête de la division Riche-
pance, il devait exécuter son mouvement sur Neuhofen. Il lui fut
192 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEN
recommandé de prendre des renseignements sur les communica-
tions, surtout sur celles qui partent sur TEnns et au delà; qu'en
faisant sa marche sur Xeuliofen, il devait jeter un fort parti en
infanterie et cavalerie à sa droite, qui se dirigerait sur la rivière
d'Enns, en passant par Wolfern, Gleimk et Siein, sans se compro-
mettre, et prendrait poste à ce dernier endroit, s'il était possible.
Il fut prévenu que la division marcherait de Leombacli sur \'eu-
hofen, si la communication le permettait, et de prendre des infor-
mations si, du village de Sipbachzell à Neuhofen, le chemin était
passable, et de faire en sorte que, le lendemain à 7 heures, son
rapport fût arrivé à Leombach.
Le général Lacour, qui était dans ce village avec sa brigade,
eut l'ordre d'en partir à 7 heures du malin, de marcher sur Xeu-
hofen et de forcer l'ennemi s'il le rencontrait. Il fut informé de
l'ordre de marche du chef Laffon et que le surplus de la division
serait aussi dirigé sur Xeuliofen ; il lui fut aussi recommandé de
prendre des renseignements sur les communications et d'en laisser
une note à Leombach où j'arriverais de bonne heure.
Lorsque je quittai le général Moreau, il me dit qu'ayant chargé
le général Lahorie de conférer avec le général-majx)r comte de
Griinne, (jui avait apporté la lettre de l'archiduc Charles, le mou-
vement qui avait élé décidé pour ma division ne s'exécuterait pas
jusqu'à nouvel ordre. Je fis donner avis de cette suspension au chef
Laffon et aux généraux; mais, le lendemain matin, le général
Lahorie m'écrivit :
Exécute, de suite, mon cher Decaen, le niouveinent qui avait été arrêté
hier pour ta division et que les circonstances avaient fait suspendre. I/in-
tention du général en chef est qu'il se fasse sans retard et avec vigueur.
30 frimaire (21 décembre). — Aussitôt la réception de cet
ordre, des officiers furent envoyés pour faire mettre toutes les
troupes en marche et pour exécuter ce qui avait été ordonné.
En partant de Wels, je fus à Leombach oi'i, d'après les rensei-
gnements «|ue j'y trouvai sur les communications, la légion polo-
naise et la brigade Durutle furent dirigées sur Kremsmïmster,
pour suivre ensuite les troupes de Laffon sur le chemin de Xeuho-
fen, la brigade Durutte devant prendre sa position à Kematen.
Lorsque j'arrivai à Kremsmiiuster vers les 4 heures de l'après-
EXCES DE COMFIAXCE DE RICHEPAXCE 193
midi, j'appris qu'il y avait suspension d'hostilités; que les ennemis
s'en étaient prévalu d'avance, et qu'ils en avaient tiré un grand
avantage pour faire passer par le pont de Kremsmiinster un
assez grand nombre de troupes et de l'artillerie qui seraient indubi-
tablement restées en notre pouvoir par le résultat des mouvements
combinés sur ce point, si le général Ricliepance n'avait pas été
trop confiant à croire à cette nouvelle qui n'était encore alors que
prématurée et qui ne lui avait été donnée que par un général
ennemi. Cependant le général Richepance ne fut pas, jusqu'à la
fin du passajjc des Autrichiens, dupe de la ruse dont on s'était
servi pour se sauver; car il arrêta subitement la marche d'une
partie de leur colonne qu'il retint prisonnière.
J'écrivis de Neuhofen au général Lahorie :
Ma division est en position la droite à Kematen, la gauche à X'euhofen,
ajant une brigade à cheval sur la chaussée qui conduit à Enns, poussant
des partis sur celte ville et sur la rivière, ainsi que sur Ehelsberg. Mon
avant-garde est placée à une lieue et demie en avant de Neuhofen, sur le
chemin qui conduit de cet endroit à Steyr et qu'on m'a assuré être prati-
cable pour les voitures, poussant des partis sur Steyr et sur la rivière, vers
Dietach et Stein.
Le chef LaiTon, qui avait marché ce matin sur Kremsmùnster pour se
diriger ensuite sur Xeuhofen, n'ayant pas encore appris la suspension
d'armes, a chassé devant lui environ 200 hommes, tant infanterie que cava-
lerie; il leur a nu^-me fait tirer trois à quatre coups de canon. Le général
Lacour, qui avait marché par la traverse de Leombach ;ï Neuhofen, par
un chemin assez difficile pour l'artillerie, a coupé la retraite à ces mes-
sieurs qui sont de différents corps. iXous avons aussi deux ofhciers du
régiment du prince Charles.
Je m'attendais, ce matin, à une trêve. Mais les derniers mots sont-ils
dits?
Pendant la nuit, je reçus du général Lahorie la lettre suivante,
datée de Wels :
Je te préviens, mon ami, que le général en chef, sur la demande d'un
armistice par l'archiduc, a cru devoir borner le mouvement de demain et
d'après-demain à se trouver maître des ponts sur l'Enns à Steyr et à Enns.
Cela a lieu en attendant des pouvoirs que l'archiduc Charles doit deman-
der à Vienne et obtenir ou non dans quarante-huit heures.
D'après cette convention, le général Lecourbe tiendra le pont de Steyr,
le général Richepance cantonnera sa division aux environs de Steyr, et
le général Grouchy, sur Kremsmùnster. Cantonne aussi ta division sur
l'Enns.
11. 13
194 :ilKMOIRES ET JOURXAUX DU GÉNÉRAL DECAEN
i" nivôse (22 décemlnej. — Je transmis de suite le premier
paragraphe de cette lettre aux généraux de brigade, ainsi qu'au
chef Laffon auquel je mandai de mettre ses troupes en marche
pour aller cantonner à Thann, Piihring et dans d'autres villages,
et de placer seulement de simples postes d'observation sur l'Enns.
Le général Durutte fut prévenu qu'il devait rester à Kematen et
d'y cantonner sa brigade et dans les villages à une lieue aux envi-
rons, et de préférer ceux les plus rapprochés de l'Enns.
Il fut annoncé au général Lacour de s'établir à Sankt-Marien et
de faire aussi cantonner ses troupes dans les villages qu'il avait
déjà à sa disposition, et qu'il pouvait étendre surtout sa cavalerie
vers Kremsdorf et Hargelsberg, et de faire observer par des postes
les routes d'Ebelsberg; et au général Kniaziewicz, d'établir sa
légion en cantonnement à Alendorf, Holzing, Maizelsdorf et autres
endroits en avant de Neuhofen, les plus près du chemin condui-
sant de ce lieu à Steyr.
2 nivôse (23 décembre). — Le quartier général de la division
resta établi à Neuhofen. Je reçus, dans la matinée, un billet du
général Lahorie. Il me mandait :
Reste en position jusqu'il nouvel ordre, mon cher Decaen. l'établis les
troupes aujourd'hui comme tu pourras.
On a envoyé m'annoncer qu'un officier général viendra traiter d'un armis-
tice et qu'un courrier est parti pour faire conclure la pai.v par M. Cobenzl.
Je lui écrivis dans l'après-midi :
Je t'adresse, mon cher Lahorie, mon rapport sur le passage de la Sal-
zach. Les marches de farmée m'ont empêché de faire cet envoi plus tôt.
Je reste encore en retard pour faire parvenir les rapports sur les auti-es
opérations de la division depuis ce passage. Je vais me hâter afin qu'ils te
parviennent au plus tôt.
11 n'existe pas de ponts sur l'Enns entre Steyr et Enns. La position que
tient la division Richepance, la situation des villages et surtout la manière
dont les maisons qui en dépendent sont dispersées, me demanderont
quelque tenqis pour me former si les circonstances veulent que je passe ;ï
Steyr ou à lînns : je suis à peu près au centre pour l'un et l'autre. Ainsi,
mon cher Lahorie, préviens-moi de bonne heure s'il arrive qu'on soit obligé
de donner suite aux hostilités, afin que je mette le moins de retard pos-
sible pour effectuer le passage de l'Enns. Je t'envoie un maréchal des logis.
Je t'envoie un drapeau et la lettre qui annonce sa capture. Je te serais obligé
de me dire si vous l'avez reconnu pour être de l'uniforme wurteinhergeois.
DECAEN A NEUHOFEXr 195
Je reçus du général en chef la lettre ci-après :
Je reçois à l'instant, citoyen général, votre rapport sur le passaj^e de
Laufen et le drapeau que vous avez envoyé. Recevez mes félicitations sur
cette affaire brillante : elle couvre votre division d'une gloire nouvelle.
Veuillez lui faire connaitrc combien je sais l'apprécier et quels éloges une
conduite aussi distinguée lui vaudra delà République entière. Je me hâte-
rai de faire connaître au gouvernement les braves qui se sont particulière-
ment distingués. Xul doute qu'ils ne reçoivent les récompenses qu'ils
méritent. Salut et attachement!
Signé : Morioau.
P. -S. — Lahorie est à Steyr. Votre division passera probablement dans
cette ville.
Le général Dessolle me fit la demande d'envoyer un détache-
ment de 25 hommes de cavalerie avec un officier pour aider à
escorter près de 3 000 prisonniers réunis à U els.
Je reçus, dans la soirée, la lettre ci-après que le général en chef
m'avait fait écrire par l'adjoint Rapatel, datée de Wels.
Le général en chef me charge, mon cher général, de vous prévenir que
le général Lahoric est parti cet après-midi pour Steyr et que, si demain
il ne traite pas définitivement avec l'ennemi, votre division passera l'Emis
à Steyr. Le général Lahorie vous écrira de cette ville (l).
Vu le contenu de cette lettre, je mandai au «général Lacour (jiie
l'incertitude dans laquelle j'étais si la division ferait une marche
le lendemain me faisait le prévenir, surtout d'après ce qu'ii
m'avait annoncé des difficultés de se réunir promptement, de don-
ner des ordres pour que chaque corps qu'il commandait fût ras-
semblé, le lendemain à 8 heures du matin, sur un des points qu'il
occupait, le plus rapproché de Steyr, pour le mettre ensuite en
marche au premier ordre pour se rendre au lieu de rassemblement
de la division, qui lui serait indiqué si elle devait passer l'Enns.
3 nivôse (24 décembre). — Vers 8 heures du matin, je reçus
du général Lahorie la lettre suivante, datée de Steyr :
Le délai accordé est expiré, mon cher Decaen, et l'on n'a encore aucune
nouvelle de l'ennemi. D'après cela, le général Richepance qui, déjà, s'était
(1) La lettre portait en poat-scriptum : " J'ai reçu votre lettre et le paquet pour le
général Lahorie ■■ (.\. H, G.).
190 MllMOIRl^S KT JOURNAUX DU GENERAL DECAEN
établi à iiiic lieue d'ici avec son avaiit-jjaiflc, reçoit l'ordre de passer l'Enns
avec toute sa division et de se porter sur Snnkt-Peter et Seitenstetten, ayant,
s'il est possible, son avant-jjarde sur l'Yhbs.
La division du ;|énéral Montricbard passera l'Enns apri's lui pour
remonter la rive droite de cette rivière.
Ta division devra déboucher de Steyr après ces deux divisions. La briè-
veté des jours et la distance ne te permettront probablement que de te for-
mer en avant de Steyr, à fjaucbe du général Richepance, c'est-à-dire sur
Salabei'jj.
Est-ce qu'il n'existe pas de pont à Plaick, vis-à-vis de Cabin (1)? Cela
t'abrégerait bien du chemin.
Je présume que tu pourras passer à midi.
Des ordres furent sur-le-champ donnés pour mettre en marche
la division. Le passage des deux divisions qui la précédaient sur
Sleyr ne permit que de porter l'avant-garde vers Salaberg. Le
surplus de la division fut placé en avant et en arrière de Steyr. J'y
établis mon quartier général.
On vit enfin arriver le comte de Griinne, général-major,
accompagné du colonel de Weyrotlier, envoyé par l'archiduc
Charles pour traiter d'un armistice. Le général Lahorie en régla
avec eux les dispositions.
4 nivôse (25 décembre). — La division fut cantonnée à Steyr
et dans les villages aux environs.
.l'adressai au général Aloreau le rapport des opérations de la
division depuis le moment où, après le passage de la Salzach, elle
avait marché sur Salzhurg, jusqu'à celui de son arrivée à Steyr.
Mais, attendu que si je transcrivais ici ce rapport, ce ne serait que
répéter ce que j'ai énoncé déjà, jour par jour, je me borne donc à
dire que je le terminai en recommandant au général en chef tous
ceux qui s'étaient distingués pendant cette glorieuse campagne et
dont les noms avaient été cités.
Une convention d'armistice fut signée dans la journée et
envoyée au général Moreau.
5 nivôse (2(3 décembre). — Les troupes séjournèrent dans leurs
cantonnements. Elles se réjouirent à la nouvelle de cette conclu-
(1) La lettre de Lahorie porte ■ Cabin ». Il l'iul peut-être lire Gaissiog. sur l'Emis
même, ou plus vraisemblablement Kaiiaiiig, à 4 kilomètres à l'est de Gaissiiig. (17. plaa
autrichien au J/-2S800'' de la basse .'lutriche, Archives des Cartes, A. H. G.).
DECAEN A STEYR 197
«ion qui leur assurait le repos au moins pour le reste de T hiver.
Je reçus du général Dessolle la lettre ci-apr«'s, datée de Krenis-
miinster :
Le général en chef, désirant distribuer ù chacun des militaires qui se
sont particulièrement distingués depuis l'ouverture de la campagne les
récompenses au\(pielles ils ont droit, conformément à l'arrêté des Consuls
du 4 nivôse an V III, je vous invite, mon cher général, à m' adresser
dans le plus bref délai le rapport particulier des traits de bravoure
qui ont eu lieu depuis la reprise des hostilités, dans la division à
vos ordres, et désigner, dans ce rapport, d'une manière claire et précise,
les sous-officiors et soldats que vous croyez les plus dignes de ces récom-
penses, ainsi que les officiers qui, par leur conduite dans les différentes
affaires, vous auront paru mériter de l'avancement. Déjà plusieurs rap-
ports sont parvenus au général en chef; mais il attend, pour statuer sur les
demandes qu'elles contiennent, la réception de ceux qui lui manquent. Je
ne puis donc trop vous engager, mon cher général, à n'apporter aucun
retard à l'envoi de ce travail.
Les intentions du général en chef furent remplies. Les rapports
demandés lui furent envoyés peu de jours après la réception de
cette lettre.
0 nivôse (27 décembre) . — Le général Lahorie, resté à Slej r,
m'adressa la lettre suivante :
Ci-joint, mon ami, un exemplaire de la convention d'armistice entre
les deux armées pour être mis à l'ordre de la division. Ta division occu-
pera le canton de la Traun sans passer la rivière de ce nom. Indépendam-
ment de cet arrondissement, elle aura, au delà de l'Enns, tous les canton-
nements compris dans le triangle formé par le confluent de l'Enns dans le
Danube et une ligne tombant de Cabin (1) sur le Danube à la hauteur de
IVeinberg, passant par Cabin, Guttenhofen etOber Walling.
A l'exception de cet arrondissement, tout le pays désigné sur la carte de
r.Autriche sous la dénomination de Viertel Ob deni Wienervvald jusqu'à la
ligne de démarcation sera occupé par le général Richepance.
Le général Grouchy occupera, avec sa division, le quartier comm sous
la dénomination de Lansrucht (?) qu'il partagera en partie avec le général
Grenier.
Ton mouve;ncnt pourra être complété après-demain pour l'établissement
de tes cantonnements.
Les troupes devront vivre dans le pays. Peut-être, cependant, se trouvera-
t-on forcé de faire faire des distributions régulières de pain.
(Il Voir la noie tle la page précédente.
198 MUMOIHF.S ET JOIRXAIX DU r.K.VERAL DECAEX
En mrnic lemps que les troupes seronl réparties chez les habitants, les
mesures les plus sévères devront être prises pour arrêter le cours des exac-
tions particulières et de la dévastation auxquelles ont pu servir d'excuse,
pendant cette caiiipajjne, les niarclies, les besoins, les combats multipliés
et la lifjueur de la saison.
Le matériel entier de rartilleric devra être envoyé h Wels où sera réu-
nie toute l'artillerie du centre sous la direction du commandant du parc de
cette partie de l'armée, pour la réparation dont le matériel peut être sus-
ceptible. Les chevaux, après cette marclie, devront rentrer dans l'intérieur
de ta division.
.le suppose, mon ami, que tu as donné des ordres pour le renvoi des
chevaux et voitures ([ue le besoin de ta division avait fait prendre ou
requérir sur nos derrières, et que tu as pris des mesures pour l'enlèvement
des chevaux volés ou inutiles à la suite des corps, du parc, etc., dans ta
division.
Nous nous établirons à Salzbur;|.
Botijour, mon cher Decaen, je t'embrasse.
Tu m'enverras l'état de tes cantonnements dès qu'il sera achevé.
Voici la convention :
Sa Afajesté l'Empereur et Roi voulant traiter de suite de la paix avec la
République française, quelle que soit la détermination de ses alliés, les
jjénéraux en chef des armées française et impériale en Allemagne désirant
arrêter, autant qu'il est en leur pouvoir, les maux inséparables de la guerre,
sont convenus de traiter d'un armistice et suspension d'armes; et, à cet
effet, ont chargé respectivement de pouvoirs spéciaux, savoir le général
en chef Moreau : le général de brigade Victor Panneau Lahorie; et
S. A. R. l'archiduc Charles, le général-major comte de Grùnne et le colonel
de Weyrother, de Tétat-major, lesquels ont airêté ce qui suit :
Article premikr.
La ligne de démarcation entre la position de l'armée gallo-batave en
Allemagne, sous les ordres du général Augereau, dans les cercles de West-
phalie, du Haut Rhin, et de Franconie jusqu'à Baiersdorf, sera déterminée
particulièrement entre ce général et celui de l'armée impériale et royale
qui lui est opposée.
De Baiersdorf, cette ligne passe à Erlangen et X'uremberg, Neumarkt,
Parsberg, I^aaber, Stadt am Hof et Ratisbonne, où elle passe le Danube
dont elle longe la rive droite jusquW l'Erlauf qu'elle remonte jusqu'à sa
.source, passe à .Markt Gaming, Kogeisbach, (lostling, Steibsbach (I), Mand-
ling, Leopoldstein, Eisener/, Vordernberg et Leoben, sur la rive gauche
de la .Mur jusqu'au point où cette rivière coupe la route de Salzburg à
(1) Martens et Hùfffr (Quellen zur Gescliichte des Zcitaltcrs dcr /ranzosisclicn Révolu-
tion, I, p. 508; indiquent : Ilemnifii. Le manuscrit de Decaen porte Steibsiiach. Il faut
peut-être lire • Steiiibaclistlilag, à environ '2 300 mètres au sud-est de Gôstlinj.
ARMISTICE DE STEYR 199
Klagenfurt qu'elle suit jusqu'à Spittal, remonte la chaussée de Vïrone
])ar Lienz et Biiven jusqu'à Botzeu ; de là, passe à Meran, Glurns et Saiikt-
Marin, et arrive, par Boraiio, dans la Valteline où elle se lie avec l'année
d'Kalie.
Article 2.
La carte d'Allemagne par Chauchard servira de règle dans les discus-
sions qui pourraient s'élever dans la ligne de démarcation ci-dessus.
Article 3.
Sur les rivières qui sépareront les deux armées, la cession ou la conser-
vation des ponts sera réglée par des arrangements particuliers suivant que
cela sera jugé utile soit pour les besoins des armées, soit pour ceux du
commerce; les généraux en chef des deux armées respectives s'entendront
sur ces objets, ou en délégueront le droit aux généraux commandant les
troupes sur ces points. La navigation des rivières restera libre, tant entre
les armées que pour le pays.
Article A.
li'armée française non seulement occupera exclusivement tous les points
de la ligne de démarcation ci-dessus déterminés, mais encore, pour mettre
un intervalle combiné entre les deux armées, la ligne des avant-postes de
l'armée impériale sera, dans toute son étendue à l'exception du Danube, à
un mille d'.AIlemagne au moins de distance de celle de l'armée française.
Article 5.
A l'exception des sauvegardes ou gardes de police qui seront laissées ou
envoyées dans le Tyrol par les deux armées respectives et en nombre égal
mais qui sera le moindre possible (ce qui sera réglé par une convention
particulière), il ne pourra rester aucune autre troupe de Sa Majesté l'Em-
pereur dans l'enceinte de la ligne de démarcation.
Celles qui se trouvent en ce moment dans les Grisons, le Tyrol et la
Carinthie devront se retirer immédiatement, par la route de Klagenfurt, sur
Bruck pour rejoindre l'armée impériale d'Allemagne sans qu'aucune
puisse être dirigée sur l'Italie.
Elles se mettront en roule, des points où elles sont, aussitôt l'avis donné
de la présente convention, et leur marche sera réglée sur le pied d'une
poste et demie d'Allemagne par jour.
Le général en chef de l'artnée française du Rhin est autorisé à s'assurer
de l'exécution de cet article par des délégués chargés de suivre la
marche des troupes impériales jusqu'à Bruck.
Les troupes autrichiennes et les troupes impériales qui pourraient avoir
à se retirer du Haut Palatinat, de la Souabe, de la Eranconie, se dirige-
ront par le chemin le plus court au delà de la ligne de démarcation.
L'exécution de cet article ne pourra être retardée, sous aucun prétexte, au
delà du temps nécessaire, eu égard aux distances.
200 MEMOIRES ET JOL'RNAUX DU GÉNÉRAL DECAEiY
Articlk 6.
Les forts de Kul'stein et de Scharnitz et les autres points de fortifica-
tion permanente dans le Tyrol seront remis en dépôt iï rarmée française
pour être rendus dans le même état où ils se trouvent à la conclusion et
ratification de la paix, si elle suit cet armistice sans reprise d'hostilités.
Les débouchés de Finslermùnz, Xauders et autres points de fortification de
campagne dans le Tyrol seront mis à la disposition de l'armée française.
Article 7.
Les magasins appartenant, dans ce pays, à l'armée impériale sont laissés
à sa disposition.
Article 8.
La forteresse de W'ûrzburg, en Franconie, la place de Braunau, dans le
cercle de Bavière, seront également remises en dépôt à l'armée française
pour être rendues aux mêmes conditions que les forts de Ivufstein et de
Scharnitz.
Article 9.
Les troupes tant de l'Empire que de Sa Majesté Impériale et Royale qui
occupent ces places les évacueront, savoir la garnison de U ûrzburg, le
16 nivôse (6 janvier 1801); celle de Braunau, le 14 nivôse (4 janvier),
et celles des forts du Tyrol, le 18 nivôse (8 janvier).
Article 10.
Toutes les garnisons sortiront avec les honneurs de la guerre et se
rendront avec armes et bagages par le chemin le plus court à l'armée
impériale.
Il ne pourra être rien distrait par elles de l'artillerie, des munitions de
guerre ou de bouche et d'approvisionnements de tout genre de ces places, à
l'exception des subsistances nécessaires pour la route jus(|u'au delà de la
ligne de démarcation.
Article 11.
Des délégués seront respectivement nommés pour constater l'état des
places dont il s'agit, mais sans que le retard qui serait apporté à cette
mission puisse en entraîner dans l'évacuation.
Article 12.
Les levées extraordinaires ordonnées dans le Tyrol seront immédiatement
licenciées et les habitants renvoyés dans leurs foyers. L'ordre et l'exécu-
tion de ce licenciement ne pourront être retardés sous aucun prétexte.
Article 13.
Le général en chef de l'armée du Rhin voulant, de son côté, donner à
S. A. R. l'archiduc Charles une preuve non équivoque des motifs qui
ARMISTICE DE STEYR 201
l'ont déterminé à demander l'évacuation du Tyrol, déclare qu'à
l'exception des forts de Kufstein, Scharnitz et Finstermûnz, il se bornera
à avoir, dans le Tyrol, les sauvegardes ou gardes de police déterminées
dans l'article 5 pour assurer les communications. Il donnera, en même
temps, à tous les habitants du Tyrol toutes les facilités qui sont en son
pouvoir pour leur subsistance ; et l'armée fiançaisc ne s'immiscera en rien
dans le gouvernement du pajs.
Articlk 14.
La portion du territoire de TEmpire et des États de S. M. l'Empereur
comprise dans la ligne de démarcation est mise sous la sauvegarde de
l'armée française pour le maintien du respect des propriétés et des formes
actuelles du gouvernement des peuples.
Les babilanls de ces pays ne seront point recherchés pour raisons des
services rendus à l'armée impériale, ni pour opinions politiques, ni pour
avoir pris une part active à la guerre.
Article 15.
Au moyen des dispositions ci-de.ssus, il y aura, entre l'armée gallo-
batave, celle du Khin et l'année de Sa Majesté Impériale et Royale et de
ses alliés dans l'empire ge!niani((ue, un armistice et suspension d'armes
qui ne pourra être moindre de trente jours.
A l'expiration de ce délai, les hostilités ne pourront recommencer
qu'après quinze jours d'avertissement, comptés de l'heure où la notifica-
tion de rupture sera parvenue; et l'armistice sera prolongé indéfiniment
jusqu'à cet avis de rupture.
Articlk 16.
Aucun corps ni détachement, tant de l'armée du Rhin que de colle de
Sa Majesté Impériale en Allemagne, ne pourra être envoyé aux armées
respectives en Italie tant qu'il n'y aura pas d'armistice entre les armées
française et impériale dans ce pays.
L'inexécution de cet article serait regardée comme une rupture immédiate
de l'armistice.
Articlk 17.
Le général en chef de l'armée du Rhin fera parvenir le plus prompte-
ment possible la présente convention aux généraux en chef des armées
gallo-batave, des (Irisons et d'Italie, avec la pressante invitation, particuliè-
rement au général en chef do l'armée d'Italie, de conclure de son côté une
suspension d'armes. Il sera donné en môme temps toute facilité pour le
passage des officiers ou courriers que S. A. R. l'archiduc Charles croira
devoir envoyer soit dans les places à évacuer ou dans le Tyrol et, en géné-
ral, dans les pays compris dans la ligne de démarcation, durant l'armistice.
Fait double à Steyr, le 4 nivôse an IX (25 décembre 1800) .
Signé : le général-major comte de Gri xxe, le colonel de Weyrother et
le général de brigade Lahorie.
202 MEMOIRES ET JOURXAUX DU GENERAL DECAEX
Ainsi se Icrniina celto helle campagne, si courte par sa durée et
si grande par ses résultats, et qui offrit à ma division différentes
occasions de se distinguer.
Je ne puis nrem])èrlier de dire (jue j'éprouve eiicore une bien
vive satisfaction en écrivant en ce moment, (|uoi(jue vingt-quatre
ans soient expirés, que, comme réserve, ou admira la justesse de ses
mouvements et que, dans les attaques, on lui sut gré de sa conduite.
La précision et la hardiesse de ses manœuvres h la bataille de
Hohenlinden, sa célérité et son audace au passage de la Salzach
lui valurent les louanges de l'armée et les témoignages de la satis-
faction particulière du général en chef.
Plus de iOOO prisonniers dont 70 officiers, sept pièces de canon
enlevées sur le champ de bataille et un drapeau, beaucoup d'équi-
pages, des magasins considérables pris à Salzburg, à Wels, furent,
pour cette division, les avantages de cette campagne qui ne lui
coûta pas 300 hommes.
Aussitôt la réception de la lettre précédente, je fis mettre le
contenu de la convention à l'ordre du jour de la division et je
donnai les ordres ci-après :
Au chef de brigade Laffon.
Les cantonnements qui vous sont désignés, mon cher Laffon, sont la
ville d'Enns et ses environs. Mais, comme le corps du général Grenier,
qui occupe cette contrée, ne l'a pas totalement abandonnée, vous ne pour-
rez y faire votrf établissement que lorsque les troupes de ce général auront
fait leur mouvement, qu'il faut faire de suite observer pour occuper, à fur
et à mesure qu'if'^ seront abandonnés, les villages qui sont sur la rive
droite de l'Kims compris dans la ligne ci-nprès.
Cette ligne part de Ivanning, près TEnns, tombant directement sur le
Danube, et dans laquelle sont compris Kanning, Guttenhofen, Ober-VVal-
ling et Miltcr-Au.
Venez demain soir à Enns où sera établi le quartier général de la divi-
sion. .Je réglerai définitivement vos quartiers.
An (jcnéral Duriitle.
Aussitôt que les troupes qui environnent Stejr et qui occupent cette
ville, autres que celles de votre brigade, mon clier général, en seront parties,
vous les caiitomierez dans le terrain conq)ris dans la ligne ci-aprcs tracée :
Toute la vallée de la Steyr, depuis Sierning jusqu'à Grûnburg, le terrain
EMPLACEMEXTS DE LA DIVISIOX DECAEiY 203
compris entre la Steyr et l'Enns, celui compris sur la rive droite de celte
rivière jusqu'aux limites du canton de l'Ybbs, enfin ce qui est entre l'Enns
depuis Steyr jusqu'à Kronstorf exclusivement, et une ligne tirée de ce
village passant par Losensteinleiten, Matzelsdorf; ces deux villages ne
sont point à votre disposition.
Le quartier général sera établi à Enns. Je vous informerai de la
manière dont il sera pourvu à la subsistance de vos troupes.
Au général de brigade Lacour.
Votre brigade devra partir demain de sa position, mon cher général,
pour aller prendre ses cantonnements dans le pays compris dans la ligne
de démarcation ci-après tracée :
La rive droite de la Traun depuis Weisskirchen jusqu'au Danube, et
de Weisskirchen, tirant une ligne droite sur Sankt IVolfang (1), passant
ensuite à Matzelsdorf, Losensteinleiten, Hofkirchen et Sankt Florian, et,
de là, suivant la gauche du ruisseau qui passe devant Sankt Florian
jusqu'au Danube. Tous les lieux par où passera la ligne feront partie de
vos cantomiements.
Vous ferez votre établissement le plus tôt possible ; en raison de la marche
que votre troupe doit faire pour s'y rendre, vous laisserez votre artillerie
légère à Steyr : l'officier qui la commande en préviendra l'état-major.
Le quartier général de la division sera établi à Enns.
Au général Kniazieivicz.
Le général Kniazieivicz cantonnera sa légion dans la ligne de démarca-
tion ci-après : tout le pays entre la Traun et l'Alm, tout celui compris
entre l'Alm et la chaussée qui conduit de Wels à Steyr pa.ssant par Krems-
mùnster et Hall, jus(ju'à Sierning exclusivement, d'où il sera tiré une
ligne droite passant par Adlwan;;, Voitsdorf, Vorchdorf, jusqu'à l'Alm.
îiC général kniaziewicz aura à sa disposition tous les villages compris
dans celte ligne de démarcation et tous ceux par lesquels traverse la ligne
qui en forme les limites, excepté le village de Schergendorf et ce qui se
trouve en avant de ce village vers \\ els, entre la Traun et la chaussée de
Kremsmûnster.
Le général Kniaziewicz établira ses troupes dans leurs cantonnements le
plus tôt possible, et de la manière la plus convenable en raison des localités.
Le quartier général de la division sera établi à Enns, et il sera indiqué
la manière dont il sera pourvu à la subsistance des troupes.
7 nivôse ('28 décembre). — Je partis de Steyr pour me rendre
à Enns, où je résidai presque constamment jusqu'au départ de i'ar-
(1) Wolfangslein sur le 1/75 000° aiitriciiien.
204 MKMOIRES ET JOLRXAUX DL' GÉNÉRAL DECAEX
niée pour rolournor on France, après la ratification du traité de
paix de Lunêville.
Comme je n'ai entrepris de rédiger ce journal (|ue pour me
créer de l'occupation, je me suis décidé à le conliiiuer, (juoi(|u'il
ne s'agisse plus que de dispositions relatives aux inlérèlsde l'armée
et pour la maintenir dans le meilleur état sous tous les rapports;
et ensuite de sa marche de retour, après avoir séjourné pendant
plus de trois mois pour ainsi dire aux portes de la capitale des Etats
autrichiens, oii elle n'était pas entrée parce que son chef, (|ui n'en
avait pas eu l'ambition, avait généreusement suspendu ses armes
dès que les ennemis lui avaient déclaré (ju'enfin ils demandaient
la paix.
9 nivôse (30 décembre). — Je fus informé par le général Du-
rutte qu'à Steyr on avait trouvé des grains dans plusieurs maga-
sins; mais que la plus forte partie était réclamée pour appartenir
à la compagnie des mines de Styrie, pour la subsistance des ou-
vriers; cependant que, vu les circonstances, les magistrats de cette
ville en disposaient pour la nourriture des habitajils. J'ordonnai
qu'ils en eussent la libre disposition et qu'on ne mit la main (jue
sur ce qui appartenait à l'armée autrichienne.
10 nivôse (31 décembre). — Le général Kniazievvicz envoya
l'état des villages dans lesquels sa légion était cantonnée et m'an-
nonça (|ue, dans peu de jours, il m'adresserait les renseignements
que je lui avais recommandé de prendre, ainsi (|u'aux autres géné-
raux de brigade, sur la population et les ressources dans leurs
arrondissements.
11 nivôse (J " janvier 1801). — Je reçus du général Lahorie
une lettre datée de Salzburg, le 0. Il me mandait (1) :
La rcnln'o dos coiilrihutions de rAutricho éprouvera, ;! ce qu'il parait,
beaucoup d'obstacles, tant par la rareté du numéraire ([ue par la mau-
vaise volonté du pays. Je n'ai pas besoin de l'engager à faire connaître
que tu traiteras le pajs avec la dernière sévérilé en cas du moindre relard
(Il CeUe lettre débutait ainsi : « Je le préïiens, mon ilier Dec.icii, que le payeur et
la poste (lu centre s'clahiirunt à Linz au lieu de Wi*!». La rentrée des conlributio:is de
l'Autriche éprouvera, etc.. » (Laliorie à Decaeii, Salzburg, 9 nivôse, A. H. G.).
DECAEX A EXXS 205
pour le paiement des contributions ou pour des arrangements avec le
payeur général. L'intention du général en chef est que tu donnes à ce der-
nier toutes les facilités possibles en force armée^ etc.. (1).
11 me fut annoncé par le général Duriitte que le capitaine d'ar-
tillerie Alalliieu était parvenu à établir à Steyr un atelier pour la
réparation des armes. En conséquence de cet avis, des ordres
furent donnés pour que les corps de la division y envoyassent les
armes qui avaient besoin d'être réparées.
Le cbef de Télat-major de la division transmit à cbacun des
corps l'extrait ci-après d'une dépècbe du cbef de l'état-major gé-
néral, datée de Salzburg, le 0 nivôse :
Le général en chef, désirant connaître la situation de l'armée au mo-
ment de la cessation des hostilités, me charge de vous écrire pour que vous
ayez à prévenir tous les corps d'adresser un état de situation exact de tous
les hommes présents sous les armes, au moment actuel.
Ces états, par vos soins, devront être rendus au quartier général dans
huit jours à dater de la réception de la présente.
Le général en chef pourra ainsi s'occuper à réparer de suite les pertes
que les corps ont essuyées pendant la campagne, en ordonnant au\ géné-
raux inspecteurs, soit d'infanterie, soit de cavalerie, de diriger sur les
corps les plus faibles les recrues ou remontes nécessaires pour les porter au
complet. Les corps feront ensuite dresser successivement l'état de leurs
besoins, soit en armement, habillement et équipement pour que le géné-
ral d'artillerie ou l'ordonnateur en chef puissent s'occuper de suite des
mojens d'y pourvoir.
Par le dernier paragraphe, il était dit :
J'espère que vous voudrez bien mettre tous vos soins à l'exécution
des dispositions contenues dans cette lettre et que vous partagerez l'intérêt
qu'y met le général en cbef.
Malgré le besoin que la cour de Vienne a de la paix, son obstination à
faire la guerre jusqu'à ce jour doit nous engager à nous préparer à la
continuer avec avantage, s'il était nécessaire, en nous préparant pendant
l'armistice.
12 nivôse (2 janvier). — Le général Durutle annonça l'arrivée
à Steyr du 1 ' bataillon de la 14" d'infanterie légère qui avait été
(1) Lahorie ajoutait, en post-scriptum : - Fais-moi le plaisir de faire remettre celle
lettre ci-joiate au fjétiéral Ricliepame. Fai» établir une torrespoudauce entre Linz et tou
quartier «jénéral. J écris aux «jéuéraux Grouchy et Riihepauce pour <|ue cette chaîne soit
formée sans interruption • jLahorie à Decaeu, Salzburg, 9 nivôse, A. H. G.).
206 MKMOIRES ET JOIR-VAIX DU GEXERAL DECAE.Y
détaché à la division Ricliepance à Touverture de la campagne;
qu'il n'avait point encore envoyé un état exact de ses cantonne-
ments parce que, la plupart des habitants du pays ayant abandonné
leurs foyers, ils n'y rentraient que peu à peu et qu'autant qu'ils
étaient instruits des mesures prises pour assurer leur tranquillité;
et que, pour ne point les efTrayer, il ne faisait faire que des mou-
vements partiels ; qu'il y avait encore quelques bailliages où il ne
pouvait envoyer personne, tels que celui de Steinbach qui avait
été en partie brûlé parce que les habitants avaient eu l'imprudence
de faire feu sur les troupes du général Lecourbe ; que je verrais,
par un tableau qu'il m'adressait, à lui remis par le capitaine du
cercle, que la population du pays était assez considérable, mais
qu'il était rare d'y trouver vingt maisons réunies (1).
19 nivôse (0 janvier). — Par une lettre de l'état-maj or général, je
fus prévenu que le général en chef avait décidé que les troupes qui
se rendraient de Linz à Munich seraient dirigées par Wels, Schwa-
nenstadt, Frankenmarkt, Xeumarkt, Salzburg, Waging, Stein,
Uasserburg et Ebersberg; mais que, comme il n'existait d'établis-
sements militaires que dans les places de Munich, Wasserburg,
Salzburg, Wels et Linz, il devenait indispensable que les troupes
marchant en corps prissent, dans ces places, les subsistances néces-
saires pour les jours où elles logeraient dans les communes où il
n'existait point de magasins.
20 nivôse (10 janvier). — Le général Durutte annonça que la
compagnie des sapeurs qui était à Steyr avait reçu ordre du géné-
ral du génie Clémencet (2) de se rendre à Salzburg.
(1) La répartilion en cantonnements du pays occupé n'allait pas toujours sans cer-
tains tiraillements entre les généraux français, témoin la lettre suivante de Lahorie à
Decaen :
« Le jjcnéral Groucliy se plaint que tu aies laissé les chevaux de ton parc dans son
canton. Cependant, il était convenu que le matériel de l'artillerie seul resterait à Wels;
le c[énéral Grouchy ne peut effectivement nourrir cette jjrande quantité de chevaus, ayant
déjà tous ceuï du parc «jéuéral du centre. Donne des ordres, mon ami, pour faire rentrer
<lans ton canton les chevaux de ton parc. Je sais bien que tes cantonnements en seront
uu peu foulés, mais nous ne devons pas vieillir dans ce pays; aussi il n'y a pas <]rand
mal à le fjru<jer un peu = (Lahorie à Decaen, Salzbur;[, 18 nivôse an IX, A. H. G. i.
(2j Clémencet (Louis), né le 30 janvier 174", à Màcon ; lieutenant en 1770; capitaine,
le 5 décembre 1782; lieutcnaiit-colonel, le 8 novembre 1792; général de brigade, le
10 frimaire an III; mort à Paris, le 3 prairial au XIII (A. A. G.).
DECAEX A EXiMS 207
21 nivôse (11 janvier). — Le chef de l'élat-major de la division
reçut du général Lahorie, remplissant par inlérim les fonctions de
chef de Tétat-major général, Tordre suivant :
Le général en chef de l'armée du Rhin, ù la prière de la plupart des
ofticiers, sous-officiers et soldats prisoimiers de guerre blessés de Tarniée
de Sa Majesté Impériale et Royale qui se trouvent encore, dans l'étendue
de la Bavière, de l'Autriche et de l'évèché de Salzburg, dans l'arrondis-
sement de l'armée française, a ordonné que tous ces prisonniers de guerre
seraient immédiatement renvoyés à l'armée impériale et dirigés par Enns
sur la route de Vienne. Le chef de l'état-major de l'armée du Rhin a l'hon-
neur de prévenir AI. le chef de l'état-major de l'armée de Sa Majesté
Impériale et Royale, en l'invitant à donner des ordres immédiatement pour
que ces prisonniers soient reçus aux avant-postes.
L'état des prisonniers de guerre envoyés sera dressé par duplicata dont
un sera signé par l'officier de l'armée impériale chargé de les recevoir aux
avant-postes.
Cet ordre était accompagné d'une lettre d'envoi dans laipudle
étaient indiquées les dispositions d'exécution (jui furent remplies
exactement (1).
23 nivôse (13 janvier). — Il arriva une lettre du général Laho-
rie, datée de Salzhurg, le 21 nivôse, pour le chef de l'état-major
de la division, énonçant ce qui suit :
Le général en chef, voulant connaître les consommations de denrées
qui ont lieu à l'armée, me charge de vous inviter à m'adresser dans le
plus bref délai, et à dater du 1" frimaire dernier, un étal par décade des
denrées en pain, viande, litjuides, foin, paille et avoine, qui ont été reçues
et distribuées dans la division du corps d'armée dont le détail vous est confié.
Ces états indiqueront sommairement les denrées reçues pendant la
décade et d'où elles proviennent, celles qui auront été distribuées et versées
sur d'autres divisions, avariées, etc., et ce qu'il en reste de disponible le
dernier jour de la décade.
Vous continuerez à m'adresser ces états jusqu'à nouvel ordre, en y
joignant ceux des magasins des places occupées par les troupes de la divi-
sion dont le détail vous est confié.
(1) Uq Hongrois du uom de Charles Birony, qui avait été lieuteuaut-coloncl, et
employé par le roi de Naples à diverses missions diplomatiques auprès de la cour de
Vieune, s'était présenté à Decaen quand celui-ci était entré à Munich, quelques mois plus
tôt... » l.a nécessité m'a forcé de recourir directement au général Decaen qui, par sa
bonté ordinaire, me présenta au général Desselle..., ^ écriiait-il; et il ])roposait de lever un
corps hongrois afin, disait-il, « de pouvoir être utile à l'armée, d'uue part, et pour rani-
mer l'espoir de mes compatriotes en Hongrie... >• Cette proposition n'avait pas abouti
(Birony au général en chef, Munich, 21 nivôse an IX, A. H. G.).
208 MÉMOIHKS KT JOUR.VAUX DU GÉNÉRAL DECAEX
En m'cnvoyant les étals particuliers des gardes-magasins visés des com-
missaires des guerre ou commandants de place, en l'absence des commis-
saires des guerres, vous serez dispensé de m'adresser un état général.
Le général en chef compte sur votre exactitude dans l'evécution des
présentes dispositions.
Quelques jours auparavant, le 17 nivôse, j'avais écrit au com-
missaire des guerres de la division, Maljean, de me faire un rap-
port, le lendemain matin, de quels moyens il avait pourvu à la
subsistance des troupes de la division depuis qu'elle était établie
dans le canton de la Traun, à dater du 2 niv^ôse; que ce rapport
devait faire connaître les quantités consommées, quelles denrées,
d'où elles étaient provenues, si c'élaient des ressources du pays ou
des magasins pris sur l'ennemi, et de déterminer les quantités four-
nies par l'un et l'autre; enfin ajouter, pour tout ce qui avait été
requis aux différents baillis, le nom de la commune où il avait
frappé la réquisition, et, en donnant une note des réquisitions,
dire si elles avaient été acquittées ou ce qu'il fallait encore verser
pour les compléter; d'ajouter à ce rapport une note qui me fît
connaître l'état des magasins de l'armée autricbienne dont il avait
dû prendre la surveillance depuis l'établissement de la division.
Il fut prévenu que j'avais fait donner ordre aux gardes établies
à cbaque magasin pris sur l'armée autricbienne de n'en laisser
rien distraire, ni même d'y laisser entrer qui que ce soit jusqu'à
nouvel ordre.
J'avais écrit cette lettre et j'avais pris cette mesure parce que
j'avais été informé qu'il s'était commis des abus et des dilapida-
tions préjudiciables aux intérêts de l'armée.
26 nivôse [\Q janvier). — Les troupes de la division étant
alors bien établies dans leurs cantonnements, et toutes les dispo-
sitions ayant été prises pour assurer leur subsistance, j'avais pré-
venu le général en chef que je me proposais d'aller passer
quelques jours à Munich. Je me mis donc en route pour y aller
directement en passant par Braunau.
CHAPITRE XI
Decaen va voir Moreau à Salzburg. — Visite à la saline de Hallein. — La h'gion polo-
naise dirigée sur Strasbourg.. — Moreau et Decaen visitent la mine de sel de Berchtes-
gaden. — Une agréable surprise. — Une chasse au cerf sur le Konigs See. — Com-
ment s'était conclu le mariage de Moreau. — Un on-dil tendancieux, — Remarques
blessantes de Moreau sur la famille du Premier Consul. — Un propos de la belle-mère
de Moreau sur les Bonaparte. — • Decaen retourne à Enns. — L'armée se prépare à
rentrer en France. — On attend les ordres du gouvernement à ce sujet. — La division
Decaen se dirige sur Munich. — Gratifications accordées aux généraux. — Durutte
demande à rester à la division Decaen. — Demande peu délicate de l'Electeur de
Bavière. — Sur les instances de Decaen, elle est rejetée par Moreau. — Laffon refuse
le brevet de général de brigade pour conserver son régiment. — Les troupes françaises
vont repasser le Rhin. — Decaen à Ulm. — Il se dirige sur Strasbourg par Sigma-
ringen, 'l'uttliugeu, Douaueschingen, Villingen et la vallée de la Kinzig. — Il va rendre
compte à Moreau, dès sun arrivée à Strasbourg, de l'esécution des ordres qu'il avait
reçus.
Mois de pluviôse. — Pendant que j'étais à Munich, je reçus
une lettre du général Laliorie, du 3 pluviôse. Il m'apprenait qu'on
attendait, à Salzhurg, pour le lendemain ou le surlendemain,
un courrier venant de Lunéville, et que toutes les chances étaient
à la paix. Quelques jours pFus tard, il m'envoya une copie de la
convention d'armistice entre les armées française et autrichienne
en Italie, signée à Trévise, le 26 nivôse, par le comie de Hohen-
zollern, lieutenant général, et le baron deZach, d'une part, et par
le général Marmont et le colonel Sébasiiani, de l'autre.
Je reçus encore à Munich, du général Lahorie, [une lettre]
du 11. Il me disait que, deux jours avant, il m'avait envoyé le
modeste armistice de Brune et que je verrais, par celui joint à sa
lettre, que nos négociateurs avaient mieux jugé que les généraux
Brune et Marmont la position de l'armée autrichienne en Italie, et
que cela n'était pas flatteur pour deux militaires conseillers d'Etal.
X'ayaut pas retrouvé dans mes papiers cet armistice de Luné-
ville que je crois être les préliminaires de paix, je ne puis me res-
souvenir de ce qui avait donné lieu à cetle critique.
Peu de jours après la réception de cette lettre, quoique le géné-
II. 14
210 MEMOIRES ET JOIRXAIX DU GENERAL DECAEX
jal Lahorie m'eût engajjé i\ rester encore à Munich, puisque nous
avions un nouvel armistice, je quittai cette ville pour aller à
Salzburg voir le fiénéral Moreau.
Durant mon séjour, je Taccompajjnai dans la visite qu'il voulut
faire à la saline de Halleiu. Arrivés à Hallein, nous fûmes, de là,
transportés sur la sommité de la montagne qui renferme la mine,
montés sur une voiture traînée par deux chevaux et construite
pour porter au moins une douzaine de personnes enfourchées et
placées les unes derrière les autres.
Parvenus à l'ouverture de la mine, nous entrâmes dans un
local destiné à des logements de mineurs et à d'autres usages. Là,
on nous fit prendre des vêlements de mineurs par-dessus nos
liabits, leur coiffure et leur petit tablier de cuir; ensuite, nous
descendîmes par des rampes successives jusqu'à une certaine pro-
fondeur, tenant à la main une bougie allumée que l'on nous avait
remise à chacun à l'instant du départ.
Mais, pour arriver plus bas, un des mineurs qui nous guidaient
s'asseyait, ayant sous lui son tablier, sur deux pièces de bois pla-
cées parallèlement à peu de distance Tune de l'autre et disposées
presque verticalement, et l'un de nous prenait sa place derrière
ce mineur et s'appuyait sur lui à le toucher, puisqu'il fallait que
les jambes dépassent le corps de celui qui le précédait. On se
mettait ainsi cinq à six et même plus, les uns derrière les autres;
le mineur s'avançait, en raison du nombre, pour laisser derrière lui
la place suffisante pour ceux dont il était chargé d'^assurer] la
conduite.
Lorsque chacun de nous avait fait sa disposition, mis sous lui
son tablier et fait passer sous son bras droit un cordage qui ser-
vait de conducteur, alors, le mineur, prévenu, abandonnait son
point d'appui et, dans la minute, en glissant sur le derrière, nous
nous trouvions avoir atteint le but. Cette manière singulière et
non dangereuse de se précipiter ainsi à une grande profondeur,
plus de cent pieds, nous amusa beaucoup et d'autant plus que,
pour arriver aux galeries inférieures, nous eûmes à répéter trois
fois ce nouvel exercice.
Une autre surprise aussi fort agréable, ce fut d'entrer dans des
chambres spacieuses de forme ronde, ayant sept à huit pieds d'élé-
vation, et de les trouver illuminées au moyen de lampions tout
VISITE A LA SALIXE DE HALLEIX 211
autour. On nous dit que, dans ces chambres, doul la partie basse
était soigneusement glaisée pour empêcher les infiltrations, on
introduisait, au moyen de pompes et de conduits, la quantité d'eau
suffisante pour les remplir; que l'eau devait y séjourner au moins
durant six semaines; que, pendant ce temps (égal à celui qu'il fal-
lait pour remplir la chambre), cette eau dissolvait le sel, qui se
détachait de la partie supérieure de celte chambre où il se trouvait
mélangé d'une certaine quantité de terre. On voyait cependant
une grande quantité de sel pur, mais divisé en fragments de
diverses formes et grosseurs, et dont les couleurs variées, qui se
trouvaient alors frappées de la lumière, produisaient un assez bel
effet.
On nous dit aussi (jue, pendant que l'eau séjournait dans ces
chambres, elle s'élevait en proportion de ce ([u'elle détachait elle-
même [de sel] de la partie supérieure, lequel, précipité au fond,
contribuait à son élévation; enfin que, quand cette eau était suffi-
samment saturée, elle était, par des canaux, conduite aux chau-
dières dans lesquelles, après avoir bouilli pendant quelques heures,
le sel se cristallisait.
A'ous ressortîmes de l'intérieur de cette mine par une galerie
longue de plus de 800 toises, ouverte pour en faciliter l'exploita-
tion.
Il avait fallu, nous dit-on, quarante années pour ^a rendre
praticable et utile, puisqu'il n'y avait qu'un seul homme de front
qui y travaillait pour la percer. Elle traverse une masse de marbre
rouge; elle n'a que six pieds d'élévation et n'en a pas quatre de
large. Elle a été percée en ligne droite, ce qui fait apercevoir bien-
tôt le jour extérieur et ce qui cause une nouvelle surprise, car il
ne produit que l'effet d'une étoile. La pente de cette galerie est
bien ménagée dans toute sa longueur pour faciliter les transports
de ce que l'on fait sortir de l'intérieur de la mine; et on y a seule-
ment pratiqué quelques évasements ou gares pour faciliter le pas-
sage des mineurs qui vont et viennent dans cette galerie, avec des
petites voitures dans la forme de celle qui nous avait transportés
sur la montagne, mais très légères, traînées par un mineur et
poussées par un autre. Nous nous plaçâmes plusieurs sur une de
ces voitures et nous fûmes menés avec assez de célérité jusqu'à
l'extérieur de la montagne dans l'intérieur de laquelle nous
212 MÉMOIRES ET JOURNAUX DU GÉNÉRAL DECAEN
étions enliés par le sommet pour descendre à au moins 600 pieds
de profondeur.
Nous reprîmes, à la sortie, nos cliapeaux et nos armes qu'on y
avait apportés et, après avoir quitté notre uniforme de mineurs,
nous fûmes visiter le local où l'on cuisait le sel ainsi que toutes,
les dépendances de cet établissement; ensuite nous retournâmes à
Salzburg.
18 pluviôse (7 février). — Le général Lahorie m'écrivit que
l'intention du général en chef était que je donnasse ordre à la
légion polonaise de partir sans délai pour Strasbourg pour y tenir
garnison, etc., etc.. Mais, d'après quelques observations que je
fis, je ne donnai que le 21 l'ordre suivant :
La lé,q[ion polonaise, selon les intentions du j^énéral en chef, devant
être réunie à Strasbourg pour qu'il soit plus facilement pourvu à son en-
tière organisation ainsi qu'à l'ensemble de son administration, elle partira
de ses cantonnements en deux colonnes, le 25 et le 27 pluviôse. Elle sera
dirigée sur Strasbourg par Braunau, Munich, Augsbourg, Ulm, Stockach
et V'illingen. La première colonne sera formée de la cavalerie, de la com-
pagnie d'artillerie légère, dont tout le matériel resterai Wels jusqu'à nou-
vel ordre, et d'un bataillon de la légion. La deuxième colonne sera com-
posée du surplus de la légion.
Chaque colonne aura ses logements, ses subsistances et voitures pour
transport d'équipages aux lieux marqués dans la feuille de route jointe au
présent.
A son départ, chaque colonne aura ses subsistances jusqu'à Braunau.
Un officier sera envoyé quarante-huit heures d'avance pour prévenir
aux lieux de passage pour les logements, les subsistances, etc..
Le général Decaen, en témoignant toute sa satisfaction à la légion
polonaise, lui annonce, de tout son cœur, que, s'il fallait encore com-
battre les ennemis de son pays, il la reverrait avec le plus grand plaisir
faire partie de ses compagnons d'armes.
Il reconunande au chef de chaque colonne de maintenir pendant la
marche l'ordre, la discipline et le respect aux propriétés, devoirs qui
doivent toujours être familiers aux corps distingués.
Le général Moreau ayant voulu visiter aussi la mine de sel de
Berchtesgaden, exploitée d'une autre manière que celle de Hallein,
je l'accompagnai. Xous y allâmes par la vallée de l'Alm.
Le lendemain de notre arrivée, nous fûmes voir la mine. Xous
y entrâmes sans le cérémonial de travestissement de mineur. Mais
en arrivant au lieu d'exploitation qu'on avait illuminé, nous
UME CHASSE AU CERF SUR LR KOENIGS SEE 213
<eùmes la surprise d'entendre une musique guerrière. Celte cli.ir-
«nante surprise avait été préparée par le chef de brigade Gautier (1)
en cantonnement à Berchtesgaden avec quelques troupes et son
^tat-major.
La musique, rillumination, les mineurs aux travaux et la déto-
nation des mines chargées auxquelles l'on mit successivement le
feu, nous offrirent un spectacle intéressant et (|ii'on ne peut
dépeindre. Mous vîmes ensuite briser et réduire en morceaux por-
tatifs pour un seul homme les éclats détachés par l'effet de la
poudre. Les fragments, de la mine, sont ensuite transportés à l'ex-
térieur et jetés dans l'eau afin de s'y dissoudre, parce qu'ils con-
tiennent des parties terreuses de quatre à cinq sur cent, et, quand
l'eau est suffisamment imprégnée de sel, elle est conduite à la
bouilloire.
Pendant notre diner avec l'évèque de Berchtesgaden, Son Émi-
nence nous fit la galanterie de faire faire de la musique. Il fau-
drait l'avoir entendue et vu les musiciens qui l'exécutaient pour se
faire une idée de cette singulière parade; car, parmi de jeunes
musiciens qui jouaient avec des instruments ordinaires, on avait
intercalé des hommes d'une cinquantaine d'années, portant per-
ruque, ayant une mise assez bizarre, faisant leur partie avec des
jouets d'enfant et gardant un sérieux inexprimable.
Nous séjournâmes à Berchtesgaden pour avoir le plaisir de
chasser le cerf. Le lendemain, et pour cette chasse, nous allâmes
sur le bord du Konigs See pour nous y embarquer afin de pour-
suivre sur le lac les cerfs qui devaient s'y jeter, du côté où ils
seraient forcés par les paysans, pour se sauver sur l'autre rive.
Nous ne tardâmes pas à voir descendre de la montagne où l'on fai-
sait la battue unedouzainede cerfs et bichesqui, bientôt, entrèrent
dans le lac. Nos bateaux furent aussitôt dirigés pour les poursuivre.
Mais, de ces animaux à la nage dont on n'apercevait que la tête et
sur lesquels nous ne pûmes tirer que de fort loin, aucun ne reçut
le coup fatal.
(1) Gaulier (Nicolas-Hyaciulhe), iié le 5 mai m4, à Loudéac ; lieutenant au i" bataillon
des CôteB-du-Nord, le 23 septembre n92; capitaine, le 14 vendémiaire an V; chef de
bataillon aide de camp de Masséna, le 17 pluviôse an VII; nommé adjudant général chef
de brigade sur le champ de bataille par le fjéiiéral commandant en chef l'armée du
Danube, le 3 vendémiaire an VIII; général de brigade, le 12 pluviôse an XIII; décédé à
Vienne, le 14 juillet 1809, des suites de blessures reçues à l'affaire du 6 (A. A. G.).
21V MÉMOIRES ET JOURNAUX DU GEMERAL DECAEN
Aprôs celle chasse, pour nous, d'un nouveau genre, nous revînmes
déjeuner à Berchlesgaden. On nous servil du poisson du Kônigs
See. Ce poisson, un peu plus gros que la grosse sardine, mais
rouge cl (jui est très délicat, est la seule espèce qui soit pêchée
dans ce lac (|u'on dit avoir plus de mille pieds de profondeur; et
on ne le pèche que pendant quelques mois de l'année, car il dis-
paraît.
Xous fûmes, le soir, de retour à Salzhurg.
Le général .\Ioreau, qui était allé à Paris pendant la suspension
d'armes qui avait eu lieu pendant notre campagne d'été, s'y était
alors marié. En causant de diverses choses dans la voiture où nous
étions seuls, je lui en témoignai mon étonnemeut en lui disant
que je n'aurais pas pensé qu'il eût formé ce nœud pendant la
guerre et que, fait pendant le peu de temps qu'il était demeuré à
Paris lors de son dernier voyage, ce ne pouvait être que la suite
d'un projet bien antérieur. Il me dit qu'il n'avait vu que quelques
fois dans le monde la personne avec laquelle il s'était marié,
Mlle Hulot, fille du trésorier général de l'île de France, et que
ses amis lui avaient conseillé de se marier. Surpris de cette fin de
réponse, je ne pus m'empècher de répliquer : i. Je ne croyais pas
que le général Moreau se fût marié par le conseil d'amis. — Ils
m'ont représenté, 11 dit-il, «que cela était nécessaire pour mes inté-
rêts; car, tant que je resterais garçon, je n'y songerais pas. Croi-
riez-vous que, lorsque j'ai pris le commandement de cette armée,
je devais 30 000 francs? r, Il n'en fut pas dit davantage sur ce sujet,
mais cela amena le général Moreau à me dire : " Bonaparte et sa
femme ont voulu me faire entrer dans leur famille, et j'ai bien
su l'éviter. J'avais été diner avec eux à la Malmaison. Après le
dîner, ayant trouvé le journal du soir sur la cheminée du salon,
je voulus le parcourir; mais j ayant trouvé : On dit que le général
Moreau doit épouser Mlle Hortense Deauharnais, je glissai vite
le journal sous la pendule. Mais, peu de temps après, Bonaparte,^
qui avait tourné dans le salon, s'approcha de la cheminée, retira
le journal de dessous la pendule, et à peine avait-il jeté les yeux
dessus qu'il éleva la voix et dit : « On parle de vous dans ce jour-
nal. » Quel(|u'un lui ayant demandé ce que l'on disait, alors il
avait lu la nouvelle » .
En écoutant, j'éprouvai une vive sensation de curiosité d'ap-
REMARQIES BLESSAXTES SUR LES BONAPARTE 215
prendre la suite du dialogue et surtout la réponse du général
Moreau qui venait de se vanter d'avoir bien paré ce coup qui.
n'était plus, pour lui, inattendu. Mais je fus extrêmement étonné
quand j'entendis qu'il avait répondu : et Je ne veux pas me marier.
Cela porte malheur. V^oyez Jouhert " , et qu'alors on ne lui avait
plus rien dit.
Que le général Moreau n'ait pas voulu épouser Hortense, c'était
une chose toute simple; mais il me semble qu'il devait s'abstenir
de faire une réponse aussi brusque et aussi singulière, tandis que,
prévenu de ratta(|ue qu'on pouvait lui faire, il devait éluder cette
proposition d'une manière honnête et plus satisfaisante. Il le
devait et le pouvait d'autant plus que, peu de jours après cette
scène et avant de revenir à l'armée, il contracta son mariage.
Lorsqu'il était arrivé à Paris, Bonaparte, Premier Consul, lui
avait offert une paire de pistolets enrichis de diamants en lui
adressant les compliments les plus flatteurs.
Mais son plus grand tort, au sujet de cette adroite proposition
de mariage, qu'il avait si singulièrement repoussée, c'est que je
lui ai entendu répéter publiquement, plusieurs fois, qu'on
avait voulu le faire entrer dans celte f... famille, mais qu'il avait
bien su s'en débarrasser.
J'appris aussi, dans le temps, et même à l'armée, que la dame
Hulot, sa belle-mère, ayant lu cet On dit, etc.. dans le journal,
s'était servie de cette expression triviale : t .Ah! ce n'est pas pour
eux que le four chauffe! i
Comme ces deux traits de mépris n'ont pu rester ignorés de
Bonaparte et de toute sa famille, en raison de leur grande publi-
cité, il est assez probable qu'ils ont pu être la cause première de
ce qui est arrivé ensuite au général Moreau.
26 pluviôse (15 février). — Je partis de Salzburg pour retour-
ner à Enns où j'arrivai le même jour (1) . Le général .Moreau devait
aller incessamment à Strasbourg chercher Mme Moreau, et je]fus
informé, le 30, (ju'il était parti le matin du 28.
(1) U y a environ l'20 kilomètres de Salzburg à Emis, par Wels et Ebersberjj. « Je fi«
mou voyage très heureusement, mon cher Lahorie. Je te remercie bien de ton attention.
J'arrivai le même jour à Enns. Je rencontrai au relai de Kleinmiiachen (?) le marquis de
Gallo que tu auras peut-être reçu à Salzburg. Voilà mon voyage.'... » (I)ecaen à Lahorie,
Enns, -20 pluviôse an IX, A. H. G.).
216 MEMOIRES ET JOURNAl X DU GENERAL DECAEX
Je reçus du général Kniazicwicz la lettre ci-après, écrite de
Munich. Elle était sans date.
Ayant appris, citoyen général, que la légion a reçu ordre de se
rendre à Strasbourg, je m'empresse d'arriver à Salzburg, croyant, mon
général , de vous y trouver encore pour pouvoir vous témoigner en personne
et au nom de mes compatriotes les sentiments d'estime qu'ils vous portent,
ayant eu l'avantage d'être sous vos ordres dans une campagne qui a cou-
vert de nouveaux lauriers les armées françaises et leurs chefs. Agréez donc,
citoyen général, par la présente, l'aveu sincère de ces sentiments dont sont
pénétrés mes compatriotes et surtout moi qui ai l'honneur de vous assurer
de la parfaite considération avec laquelle, etc., etc..
1" ventôse (20 février). — Je reçus une lettre du général Lalio-
rie, datée du 29. Il m'écrivait :
Les États de la Haute Autriche montrent, de toute manière, tant de mau-
vaise volonté, particulièrement relativement à nos magasins que, peut-être,
il sera nécessaire, mon ami, d'en venir à des exécutions militaires pour les
moyens de transport. J'ai donné là-dessus des instructions à l'ordonnateur
Nourry, en le prévenant que tu lui donnerais, dans ton cercle, toutes les
facilités possibles ou plutôt tous les moyens de sévérité qu'il te demanderait.
J'espère que nous tirerons parti de la marine d'Enns. Fais-la garder
soigneusement. Il faut rassembler de l'argent pour les gratifications et celui
qui proviendra de ces objets sera le premier à donner.
En réponse j'écrivis :
D'après les ordres du chef de l'état-major de l'artillerie, mon cher
Lahorie, on avait fait partir de l'arsenal de la marine d'Enns une ving-
taine de voitures chargées des meilleurs cordages et quelques caisses de
clous, etc.. Cette évacuation a fait paraître un des négociants avec les-
quels tu as traité à Amstetten, car il a un laisser-passer signé de toi. C'est
celui qui est de Fribourg. Il a demandé qu'on suspende cette évacuation,
disant qu'il voulait faire l'acquisition de tous les bateaux et de leurs agrès.
Je lui ai répondu que je ne pouvais acquiescer à sa demande qu'autant
qu'il ferait une soumission convenable, et pour cela, je l'ai adressé au
commissaire Nourry, le prévenant que le départ d'un nouveau convoi, prêt
à se mettre en route, serait différé jusqu'à ce matin ; que je devrais avoir
un avis du commissaire qui m'informerait si on était entré en arrange-
ment. Je n'ai aucune nouvelle.
Mais, d'après ce que tu me dis du retard apporté par les États, on
n'enlèvera plus rien jusqu'à ce que tu donnes un nouvel avis. Préviens-en
le général Eblé, vu que si on se trouve réduit à la nécessité de se servir des
bateaux, il est indispensable d'avoir ce qui est utile à leur manœuvre (1)..
(1) Dans cette lettre, dont Decaeii n'a reproduit qne la première partie dans ses
L'ARMEE VA RE.VTRER EX FRAX'CE 217
Je fis donner des ordres pour rexécution du contenu de la cir-
culaire ci-après, datée du 5 ventôse :
Le général en chef désirant, mon cher général, avoir un travail com-
plet, sur les opérations et marches de l'armée pendant la dernière cam-
pagne, je vous prie, en conséquence, de vouloir bien donner des ordres
pour que les officiers du génie attachés à votre division soient chargés
d'une partie de ce travail, savoir : les communications détaillées dans l'ins-
truction ci-jointe.
Les circonstances exigeant que cette opération soit terminée sous peu
de jours, il est important de prescrire à ces officiers d'y mettre la plus
grande activité.
9 ventôse {'21 février). — Je reçus du général Lahorie la lettre
circulaire ci-après, datée du 7 :
Le général en chef vient de me prévenir, mon cher général, de pré
parer l'armée à son mouvement qui, probablement, aura lieu incessam-
ment. Il a pensé que la première chose à faire était de se débarrasser des
hôpitaux et des parcs d'artillerie. En conséquence, son intention est que
toute l'artillerie de l'armée (à l'exception de l'artillerie qui restera avec
les divisions) soit réunie de suite au parc central de chaque corps de
troupe avec tous les caissons de cartouches des demi-brigades; et que les
chefs de corps fassent retirer et encaisser les cartouches en distribution et
celles restantes pour les envoyer de suite à la même destination.
21 ventôse (12 mars) . — Je fus informé, par une lettre du géné-
ral Lahorie du 19, que, plusieurs demandes d'autorisation d'aller
à Vienne lui ayant été adressées, il ne voulait point se mêler
d'en faire la demande au prince Charles; qu'il avait laissé celte
faculté au général Grouchy, et que je pouvais aussi demander
des passeports pour Vienne, à l'archiduc, pour les officiers aux-
quels je croirais pouvoir sans inconvénient accorder cette faveur,
mais seulement pour très peu de jours et de suite; qu'il estimait
que ma division ne se mettrait en marche que vers le 25 ou 30 ; que
la division Richepance la précéderait peut-être, comme plus éloignée.
mémoires, il disait encore à Laliorie • « ... Je puis, si je veux, avoir une correspondance
de facteur avec un philosophe! Oui, mon cher Laliorie, me voilà lancé pour la recherche
des matériaux scienliGques I A cet égard, je ne voudrais pas faire autre chose, car je ne
me sens pas digne de feuilleter un incunable. Je te donne ma parole que la charge
sera complète! Je ne puis agir différemment d'après les démarches qu'on vient de faire...
Aussi, par une circulaire, j'invite tous ceux qui sont à inviter de m'aider de tous leurs
moyens pour que je puisse prouver à mon commettant que j'étais digne de sa confiance.
J'ai déjà un catholicon. Adieu, je t'embrasse de tout mon cœur ^ (Decaen à Lahorie,
Enns, 1" ventôse, A. H. G).
218 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEN
Il me donnait avis (|u'il attendait le général Moreau pour le 20.
A cette lettre était jointe une circulaire du général en chef, datée
de Munich, le 17 ventôse, dont suit le contenu :
Le général en chef au (jénéial de division Decaen.
Le traité de paix de Lunéville, citojen général, qui vient de mettre le
gouvernement français en relations d'amitié avec tous les peuples du con-
tinent, lui impose de quitter avec tous les ménagements possibles le pays
occupé par les armées de la République.
J'ai reçu, à cet égard, les ordres les plus positifs. Les désordres qui
auraient lieu seraient nécessairement l'objet d'une foule de réclamations et
forceraient le gouvernement à des mesures sévères contre les chefs, seule
réparation qu'il serait en son pouvoir de donner.
Veuillez donc, citojen général, prendre tous les moyens qui seraient
en votre pouvoir pour que la discipline la plus exacte soit maintenue pen-
dant toutes les marches. Vous exigerez que tous vos subordonnés ne
s'écartent ]ias de leur poste, sous quelque prétexte que ce soit. Vous vou-
drez bien également établir votre quartier général au centre des troupes à
vos ordres et être à portée de faire droit à toutes les plaintes qui pourraient
vous être adressées.
Je ne doute pas, citoyen général, de votre empressement à me seconder
pour que la renti'ée de l'armée du Uhiii en France soit aussi honorable que
ses campagnes ont été glorieuses. Vous sentez combien il m'en coûterait
d'avoir à désigner au gouvernement des vexations ou des désordres qu'il
ne pourrait plus se dispenser de réprimer, comme une satisfaction due à
des peuples amis.
Je vous salue.
Signé : More.^u.
4 vciitàse (15 mars). — Je reçus du général Lahorie la lettre
ci-aprés, datée du 22 :
Mox CHER Decaen,
Le général Moreau est enfin arrivé; mais on ne sait encore rien du dé-
part de l'armée. Cependant il y a beaucoup à croire que l'armée recevra
des ordres de mouvement avant la fin du mois.
Je donne aujourd'hui ordre à la division Ilichepancc de se rassembler
par brigades en avant de la Traun; ci-joint copie de ma lettre à ce sujet.
Je t'engage à replier sur la rive gauche de la Traun, le 25, les troupes
de ta division sur la route de Vienne.
Je t'écrirai probablement sur tout le mouvement dans trois jours. Je
vois que le temps qui nous reste ne permettrait pas d'accorder des permis-
sions pour Vienne; il m'a paru même que ces permissions n'entraient qu'à
PREPARATIFS DE DÉPART 219-
demi dans ropinion du général Aloreau. Ainsi regarde comme non avenu'
ce que je t'ai écrit ;ï cet égard.
Dans la copie de la lettre au général Ricliepance, il était dit :
L'intention du général en chef, citoyen général, est que, laissant un es-
cadron seulement sur la ligne de démarcation, v^ous repliiez vos troupes sur
la rive droite de laTraun, resserrées par brigades, de manière à être prêtes
à passer la Traun, partie sur Steyr et partie sur Enns, si vous en recevez
l'ordre.
Cet ordre ne changeant rien à l'arrondissement de la division aux ordres-
du général Decaen, je suppose que votre quartier général restera établi à
Seitenstetten. Je vous prie de m'en prévenir.
Le service des vivres et fourrages de votre division devra être assuré
jusqu'au 30.
Pour copie conforme, signé : Lahorie.
D'après ce qui m'était mandé, je fis donner ordre aux géné-
raux de brigade de lever leurs cantonnements, et qu'immédiatement
après avoir rassemblé leurs troupes, ils devaient les mettre en
marche et les conduire sur la rive gauche de la Traun où elles
devaient arriver le 27 et être placées jusqu'à nouvel ordre, savoir :
la brigade Durutte, entre Lambach et Schwanenstadt, occupant ces
deux endroits et les villages circonvoisins, l'autre brigade, à Wels
et dans les villages entre cette ville et Lambach.
L'infanterie de lavant-garde fut dirigée par Neuhofen sur Lam-
bach pour faire partie de la brigade Durutte, et le 6' de chas-
seurs, commandé par le chef de brigade Lafifon, vint occuper
Enns ainsi que plusieurs villages des environs sur la rive gauche
de l'Enns.
Le commissaire des guerres reçut l'ordre d'assurer les vivres
pour leur marche au delà de la Traun et pendant qu'elles pour-
raient séjourner sur la rive gauche de cette rivière.
26 ventôse (17 mars). — Je reçus l'ordre de marche du centre
de l'armée, daté de Saizburg le 25, dans lequel il était énoncé :
La division auv ordres du général Decaen se mettra en marche le 28,
pour arriver par Lambach, Laufen, Waging, Wasserburg et Ebersberg
ur Munich où elle devra être arrivée le treizième jour de sa marche, c'est-
à-dire le 9 germinal, y compris un séjour, le troisième jour de sa marche,
et un second séjour sur Wasserburg.
Le 10 germinal, cette division continuera son mouvement pour arriver
220 MKMOIRES ET JOURNAUX DU GEMERAL DECAEM
le 11 sur Friedberg et environs, où elle séjournera le 12; elle y recevra
des ordres ultérieurs.
Dans rétablissement de ses cantonnements, elle appuiera cotjstamment à
gauche en retraite.
Le mouvement de retraite du centre de l'armée des états de la Haute
Autriche devant occasionner, dans la Souabe, une prolongation de séjour,
les divisions des généraux Grouchi et Richepance, au passage de Tlnn,
devront être toutes pourvues de subsistances en tous genres pour quatre
jours, à leur départ de Braunau.
Celle du général Decacn en sera pourvue pour deux jours à sa sortie du
territoire de l'Autriche.
Pour rendre moins onéreuse cette disposition au pays, les magasins
d'armée réunis à Braunau sont mis à la disposition du commissaire ordon-
nateur du centre de l'armée pour contribuer à assurer le service.
La régence de la Haute Autriche devant se charger d'assurer le service
des subsistances, les généraux de division du centre sont invités à envoyer,
au reçu du présent, un officier d'état-major avec leur connnissaire des
guerres à Linz pour s'entendre avec le commissaire ordonnateur du centre
de l'armée afin que les troupes soient pourvues de tout ce qui leur est né-
cessaire, de manière à ce que tous les désordres qui se commettraient ne
puissent être excusés par des prétextes de besoins auxquels il n'aurait pas
été pourvu. Une disposition principale sera le renvoi exact des voitures de
transport dont le nombre devra d'ailleurs être réduit autant que possible.
Les généraux de division du centre prendront, à cet égard, ainsi que pour
ce qui tient au maintien de l'ordre et d'une discipline sévère dans la marche,
toutes les mesures qu'ils jugeront les plus sûres pour parvenir à ce but.
Cet ordre était accompagné d'une lettre du général Lahorie. Il
me mandait :
Ci-joint, mon cher Decaen, l'ordre de marche du centre de l'armée. Tu
y prendras ce qui concerne ta division. Dans six jours, le général Moreau
sera à Munich. Je t'envoie, mon ami, deux bons de gratification du géné-
ral en chef pour toi.
Celui de 10 000 francs est la gratification accordée aux généraux de di-
vision. Je n'ai pas besoin de te dire que l'autre (1) est une marque parti-
culière de l'estime du général Moreau pour toi. 11 désire que ce sentiment
donne à cette gratification son principal prix à tes yeux ; je t'embrasse, etc..
Les dispositions antécédentes que j'avais fait exécuter à la divi-
sion l'ayant mise en mesure d'opérer ce mouvement de retraite
au premier ordre, je n'eus autre chose à faire, en le recevant, que
d'ordonner ce qui était à faire pour lui assurer ses subsistances
(1) . Il était de 15 000 francs » {Noie de Decaen).
DECAEN SE DIRIGE SLR SALZBURG 221
pendant sa route (1), et à prescrire ce qui était convenable pour le
maintien de l'ordre et de la discipline ainsi que pour le renvoi
exact des voitures de transport requises pour les besoins du service
et qu'on remplacerait à mesure qu'on entrerait dans un pays
d'une autre souveraineté.
28 ventôse (19 mars). — Je partis d'Enns avec mon état-major
et une partie du 6" régiment de chasseurs pour me rendre à
Kremsmiinsler, après avoir fait expédier l'ordre au général Durutte
de se mettre en marche le lendemain pour aller cantonner à
Vocklabruck et environs, et à la brigade Lacour, de se placer à
Schuanenstadt, Lambach et environs.
L'autre partie du 6' de chasseurs, avec le chef Latfou, faisant
notre arrière-garde, vint cantonner dans les environs de Krems-
miinster.
29 ventôse (20 mars). — Je marchai de Kremsmiinster, avec
l'arrière-garde, sur Lambach où fut établi le quartier général de la
division. Le 6* de chasseurs y fut cantonné, et dans les environs.
J'envoyai l'ordre au général Durutte d'arriver avec ses troupes à
Frankenmarkt et de répartir sa brigade dans cette ville et dans les
villages voisins, et à l'autre brigade, de s'établir à Vocklabruck et
autres endroits peu éloignés.
30 ventôse (21 mars). — L'arrière-garde reçut l'ordre de mar-
cher de Lambach sur Schwanenstadt et de cantonner entre cette
ville et l'Ager.
En me rendant de Lambach à Vocklabruck, je reçus la lettre
ci-après du général Lahorie, datée de Salzburg, le 29 :
Que diras-tu du gouvernement qui n'a encore envoyé aucun ordre, mon
cher Decaen? Je te suppose demain sur Frankenmarkt où tu seras peut-
être arrivé dès aujourd'liui. Séjournes-y encore après-demain en t'étendant
un peu jusque vers Strasswalchen.
Le silence du gouvernement va obliger de suspendre le départ d'une
partie du centre ; car enfin il vaut encore mieux résider en Autriche que
d'achever de ruiner la Bavière. Envoie-moi une ordonnance pour m'indi-
(Ij Decaen rendait compte, le 27 nivôse, qu'il avait pourvu aus moyens de faire sub-
sister la division jusqu'à la Salzacli et qu'il arriverait lui-même à Munich le 7 germinal
(Decaen à Lahorie, Enns, 27 nivôse, A. H. G.)
222 MÉMOIRES ET JOURNAUX DU GÉNÉRAL DECAEN
(juer ton quartier génôral. Je ne te parle point du service de tes subsis-
tances dans l'évêché de Salzburg parce que la régence m'a assuré t'avoir
■envoyé un agent pour cela.
En réponse à cette lettre, j'écrivis :
Ma division cantonnera aujourd'hui entre l'Ager et la frontière de l'évè-
<'hé de Salzburg, ayant mon arrière-garde de l'autre côté de l'Ager.
J'avais ordonné mon séjour pour demain; ainsi, mon cher Lahorie, tes
intentions seront remplies.
Demain, je prendrai mon quartier général à Ncumarkt, où j'attendrai
tes ordres que je te prie de m'adresser de bonne heure, parce que si le sé-
jour n'est pas prolongé, alors je continuerai mon mouvement déjà ordonné
pour le 2. Je verrai sans doute ù Neumarkt le commissaire de la régence de
Salzburg. Ce silence du gouvernement a quelque chose de singulier; il
conduit à faire bien des réflexions.
Si le mouvement est suspendu, j'aurai le plaisir de te voir après-demain.
i" germinal (22 mars), — Le général Lahorie m'écrivit de
Salzburg, le 1*^' germinal :
Le silence du gouvernement a définitivement déterminé le général en
chef à suspendre le mouvement du centre, mon cher Decaen. En consé-
quence, tu laisseras une brigade dans la partie de la Haute Autriche qui
confine à l'évêché de Salzburg vers Gmunden, Schôrfling, Franken-
markt, etc., sur la route de Laufen.
Tu pourras envoyer au besoin dans deux jours, ici ou environs, un
bataillon et un escadron, et tu établiras le reste de ta division sur Laufen
et arrondissement, dans l'évêché.
Ton quartier général sera à Laufen.
Envoie-moi l'état de l'emplacement que tu donneras à ta division. Je ne
sais quand nous partirons d'ici. Je suppose que ce ne sera qu'à l'arrivée
de l'ordre d'évacuation.
Dans la journée, je reçus la lettre suivante :
MOM CHER DeO.'XEN,
Tu pourras conserver, dans la Haute Autriche, pour la moitié de ta divi-
sion qui doit y rester, tout l'arrondissement qu'occupait hier la totalité.
En conséquence de ces nouvelles dispositions, le général Durutte
reçut l'ordre de marcher, le lendemain, sur Laufen avec sa brigade
et de s'y établir en cantonnement et dans les environs; cependant
de laisser un bataillon et un escadron (|ui recevraient des ordres
pour une autre destination.
MOREAU ET DECAEX A SALZBL'HG 223
Il fut mandé au général Lacour de faire occuper par nue parlie
de ses troupes les cantonnements que devait quitter la 1" brigade,
et au commandant de l'arrière-garde, d'étendre les siens vers
Gmunden et Schorfling.
2 germinal (23 mars). — Je partis de Xeumarkt pour me
rendre à Laufen où fut établi le quartier général de la division.
Le bataillon et l'escadron qui devaient aller sur Salzburg y furent
envoyés.
3 germinal (24 mars). — Je séjournai à Laufen.
4 germinal (25 mars). — Je reçus du général Laborie la lettre
ci-après :
L'ordre du gouvernement est enfin arrivé, mon cher Decaen. Le géné-
ral en chef part domain pour Municli. Son intention est que tu viennes
t'établir ici. Mets-toi en route de ta personne au reçu de cette lettre pour
venir dîner avec nous. Le général eu chef aura plusieurs choses à te com-
muniquer.
Je partis de suite pour Salzburg. Le général Moreau me fit
l'honneur de me présenter à Madame.
Il me répéta qu'il partirait le lendemain pour Munich. Il me dit
que je devrais rester encore plusieurs jours à Salzburg et que ma
division resterait dans l'évèché et dans la Haute Autriche qu'elle
occupait encore; qu'à ce sujet, le général Laborie me transmet-
trait ses ordres ; qu'il me recommandait particulièrement la ville
de Salzburg où il avait voulu que je vienne le remplacer, pendant
que les troupes de l'aile droite achèveraient leur mouvement pour
repasser la Salzacb, et jns(ju'an jour où les troupes de l'armée
devaient définitivement, selon le traité de paix, quitter le territoire
autrichien ; qu'il ne partirait pas de Munich que je n'y fusse arrivé.
Le général Laborie me remit l'ordre ci-après :
D'après l'échange des ratifications du traité de Lunéville et l'ordre de
détail de dislocation de l'armée par le ministre de la guerre, le général
Decaen est prévenu que la 100* demi-brigade doit passer à l'aile gauche
de l'armée.
11 est prévenu, en même temps, que le général Richepance a ordre
d'envoyer, pour le 7, sur Schwanenstadt, la 48° demi-brigade pour se
réunir à la 100* et suivre son mouvement.
224 MEMOIRES ET JOURMAU\ DU GE.VERAL DECAEX
Le général Decaen mettra ces deux demi-brigades sous les ordres du
général Durutte et les fera diriger par Freising, Rain, Donauwôrth, \^ôrd-
lingen et Hall sur Mergentheini où cette brigade devra arriver le 30 ger-
minal précis. Elle y sera sous les ordres du lieutenant général Grenier,
qui commande l'aile gauche de l'armée.
Le général Decaen, avec le reste de sa division, continuera à occuper
révêché de Salzburg et la portion du territoire de l'Autriche où elle se
trouve, de manière, cependant, à avoir évacué le territoire autrichien le 14.
Le général Decaen disposera la totalité de sa division pour passer l'Inn
dans la journée du L5 germinal et se dirigera sur Munich. La colonne qui
aura évacué l'Autriche pourra passer l'Inn à Mùhldorf. L'autre passera ce
fleuve <\ Wasserburg.
Le général Decaen se mettra en marche sur Munich et Augsbourg de
manière à arriver à Munich en trois jours et à Augsbourg en trois jours.
Il y séjournera le septième jour de sa marche de l'Inn.
Arrivé à Augsbourg, le général Decaen recevra des ordres de mouve-
ments ultérieurs. Il est prévenu que le général Moreau s'établira demain,
pour quelques jours, à .Munich.
Le général Decaen laissera les troupes bavaroises prendre possession de
Burgliausen, Reichenhall, et se cantonner dans la Bavière, le général en
chef ayant accordé cette autorisation.
5 germinal (26 mars). — Pour rexécution de cet ordre, j'écri-
vis d'abord au général Durutte :
D'après les instructions que j'ai reçues du général en chef, mon cher
général, vous devez faire partie de l'aile gauche de l'armée commandée
par le lieutenant général Grenier, dont vous recevrez des ordres à Mergent-
heini, en Franconie, pour votre brigade qui va être composée des 48' et
100" demi-brigades, laquelle doit être ai'rivée à Mergenlheim le 30 germi-
nal précis en suivant l'itinéraire de marche ci-joint.
Ces demi-brigades arriveront à Burghausen le 12 et le 13 de ce mois.
C'est là qu'elles sont prévenues de recevoir vos ordres. J'en ai donné pour
qu'elles reçoivent, à cet endroit, le pain pour quatre jours, etc., etc..
Renouvelez auv corps mes recommandations pour le maintien de l'ordre
et de la discipline, et le renvoi des voitures.
Vous savez, mon cher général, que c'est par l'effet de la nouvelle com-
position de l'armée, en suite des ordres du ministre que vous vous trouvez
séparé de la division. Xe doutez pas que j'aurais eu la plus grande satis-
faction si, ensemble, nous eussions reconduit les troupes dans notre patrie
après les avoir fait combattre pour la gloire de la République et pour lui
donner la paix.
Je vous embrasse, etc..
Le général Durutte m'ayant témoigné qu'il serait bien plus satis-
fait de rester à la division et qu'il me priait de l'obtenir du gêné-
DURUTTE MAIMTEIVU A LA DIVISIOM DECAEM 225
rai en chef, je lui adressai cette réclamation e( je lui demandai
avec instance de l'accueillir favorablement. Comme le général
Lacour avait quitté la division depuis plusieurs jours, des ordres
furent envoyés au commandant de la 48' demi-brigade pour les
recevoir à son arrivée à Schwanenstadt. Cesordreslui prescrivaient
de s'établir à Vocklabruck et environs jusqu'au 11 qu'il devait en
partir pour arriver, le 13, à Burghausen où il recevrait de nou-
veaux ordres.
Il fut mandé au commandant de la 100' de céder Vocklabruck
à la 48', de replier ses troupes sur Frankenmarkt qui était à sa
disposition, et d'étendre ses cantonnements vers la route de cette
ville à liurgbausen où il devait arriver le 12; et qu'il y trouverait
des ordres.
9 germinal (30 mars). — Je reçus de Munich, sous la date du
8, une lettre du général Lahorie. Il m'écrivait :
D'après la répujjnance qu'a témoignée le général Duruttc de suivre la
destination des 100' et 48* demi-brigades, le général en chef s'est déter-
miné, mon cher Decaen, à confier ce commandement au général Lacour
qui ira prendre ces corps à leur passage à Mûhldorf.
Le général Durutte reste à ta division.
Je m'empressai d'annoncer cette nouvelle à ce général et je fis
sur-le-champ expédier l'ordre aux commandants des 100' et 48"
de continuer leur marche de Burghausen sur Mûhldorf, pour y
passer l'Inn, la première, le 14, et l'autre, le 15; et ils furent
prévenus que, dans cette ville, le général Lacour leur donnerait
des ordres.
Le ] 7' de dragons, faisant partie de la brigade qui quittait la
division, reçut l'ordre de prendre, le 11, ses cantonnements àlVeu-
markt et environs, et le 12, près de Salzburg, sur les deux rives
de la Salzach.
11 fut mandé au chefLaffon, commandant l'arrière-garde, d'éta-
blir, le 11, ses cantonnements en échelons depuis Vocklabruck
jusqu'à Frankenmarkt, et le 12, depuis cette ville jusqu'à IVeu-
markt.
12 germinal (2 avril) . — Je fis donner l'ordre au général Durutte
de lever ses cantonnements le lendemain, de rassembler ses troupes
11. 15
226 MÉMOIRES ET JOURNAUX DU GÉNÉRAL DECAEN
et de se diriger sur Waging où il placerait sa brigade, et dans les
TÏllages au delà. Il fut prévenu que le 11" de dragons serait, ce
même jour, dirigé pour le rejoindre ; qu'il devait marcher, le 14, sur
Altenmarkt et, le jour suivant, sur VVasserhurg, et y passer Tlnn.
13 germinal (3 avril). — Les dernières troupes de Taile
droite étant arrivées à Salzburg, il fut ordonné au commandant
de Tarriére-gardede quitter, le lendemain, le territoire autrichien,
de se replier sur Neumarkt et de s'établir, depuis cette ville, dans
les villages sur la route de Salzburg où il enverrait un escadron.
14 germinal (4 avril). — Aussitôt le départ des dernières
troupes de l'aile droite, la garnison de Salzburg fut dirigée sur
Waging pour rejoindre ensuite la brigade Durutle.
Je fis donner l'ordre au commandant de l'arrière-garde de se
mettre en marche de bonne heure, le lendemain, pour arriver à
Salzburg et y passer la Salzach.
15 germinal (5 avril). — Je quittai Salzburg avec les dernières
troupes de l'arrière-garde dont la tète arriva sur Waging. L'autre
partie prit ses cantonncm^its eu arrière sur la rive gauche de la
Saalach. Je donnai des ordres au commandant de l'arrière-garde
pour la continuation de sa marche j usqu'à Wasserburg et Munich.
Monté en voiture et mené par des clievaux de poste, j'arrivai ce
même jour, mais assez tard, à U asserburg.
16 germinal {Q avril). — Après avoir donné des ordres au
général Durutte pour marcher sur Muuicii, je montai en voiture
pour m'y rendre. A mon arrivée, je rendis compte au général en
chef (jue les dernières troupes de l'aile droite n'étaient arrivées
que le 13 à Salzburg ; que mon arrière-garde avait quitté le terri-
toire de l'Autriche le 14; que je n'étais parti de Salzburg que le 15
avec mes dernières troupes qui ne passeraient l'Inn que le 17 et
n'arriveraient sur Munich que le 20.
n germinal (7 avril). — Je dînai avec le général Moreau. On
lui apporta une lettre. Après l'avoir lue, il me dit : .. Decaeu, on
m'informe que l'Electeur, désirant rentrer incessamment dans sa
DEMANDE INDISCRÈTE DE L'ÉLECTEIR 227
capitale, afixé le jour de cette rentrée; mais que, comme la lotalilé
des troupes françaises n'auront pas encore passé Flsar et au delà
de Alunich, on me demande que leur passage ail lieu en dehors
de celte ville. Qu'en pensez-vous? v
Je répondis que j'étais fort étonné d'une aussi singulière
demande et que je pensais que l'Electeur pouvait fort bien attendre
que nous fussions partis ; qu'il ne lui fallait plus que quelques jours
de patience. ^ Mais ce qui m'étonne davantage et qui me détermine
à vous prier de ne pas accorder une pareille demande, c'est (ju'elle
€st inconvenante. Je dois même dire que c'est une insulte pour les
troupes de ma division qui, depuis leur entrée dans celte capitale,
au mois de juin dernier, et pendant qu'elles y ont séjourné, ainsi
que dans plusieurs parties de la Bavière, n'ont donné aucun sujet
de plainte. 15
J'ajoutai : ;'• Monsieur l'Electeur ne se montre pas fort recon-
naissant de tout l'intérêt que je n'ai cessé de porter aux Bavarois,
surtout aux habitants de Munich, je puis dire, même, à ce qui l'in-
téressait personnellement. »
[Et je dis] d'ailleurs que les vaincjueurs ne devaient pas être
assimilés aux vaincus. A ce sujet, je rappelai qu'en marchant sur
Munich, lorsquej'eus promis aux agents de l'Electeur de faire res-
pecter sa capitale dont il venait de fuir avec la plus grande préci-
pitation, le commandant de mou avant-garde avait obligé les
Autrichiens à passer en dehors de la ville pour aller de l'autre
côté de l'Isar; que c'était ce même commandant qui était chargé
de l'arrière-garde, et que c'était Montaulon.
Le général Moreau m'accorda la satisfaction de ne pas accorder
ce qu'on lui avait demandé.
18 germinal (8 avril). — Le général Moreau parlil de Alunich
pour se rendre à Augsbourg.
Les troupes de la division arrivèrent à Munich oîi je les fis loger
€t dans les faubourgs.
Je donnai les ordres pour leur départ le lendemain et pour con-
tinuer leur marche sur Augsbourg où elles devaient arriver le 21.
19 germinal (9 avril). — In bataillon de la 4'' demi-brigade
était resté à Munich pour la garde de cette ville, des magasins
228 MÉMOIRES ET JOURMAU.V DT GEMERAL DECAEN
et des hôpitaux, etc.. Il était caserne. Ayant appris qu'on voulait
le loger chez l'habitant sous un autre prétexte que celui de rendre
libre la caserne qu'il occupait afin de la préparer pour les troupes
bavaroises, j'écrivis au commandant de ce bataillon que je venais
d'être informé que le gouvernement bavarois se disposait à lui
annoncer, s'il ne l'avait pas déjà fait, que, pour témoigner combien
il avait à se louer de la bonne conduite de la A' demi brigade
pendant qu'elle avait tenu garnison à Munich, il consentait que ce
bataillon loge chez l'habitant pendant les deux jours qu'il avait
encore à y rester; mais, attendu que, depuis le moment où les
troupes françaises étaient entrées dans cette ville, il n'avait pas
dépendu de ce gouvernement de désigner tel ou tel logement
pour les soldats de la République, et que, si elles avaient été
casernées, c'était à cause de la discipline et pour la facilité du
service, ce bataillon ne devait donc quitter son quartier qu'à l'ins-
tant de son départ. Et [j'ajoutai] que je rendais ce chef de
bataillon responsable de l'exécution de mes ordres.
20 germinal (10 avril). — L'arrière-garde étant arrivée sur
Munich, je fis donner l'ordre au chef Laffon d'y faire entrer un
escadron avec son état-major, et de cantonner le surplus sur la
rive droite de l'Isar; de se mettre en marche, le lendemain, pour
arriver une partie sur Dachau et l'autre, en arrière, dans les;
villages sur la route de Munich, et de continuer ensuite sa marche-
pour arriver le 23 sur Augsbourg.
Après avoir fait donner l'ordre au commandant du bataillon,
de la A' de précéder, le lendemain, l'arrière-garde pour se rendre
aussi à Dachau et, de là, à Augsbourg, je montai en voiture à
8 heures du soir et quittai Munich.
21 germinal (11 avril). — J'arrivai à Augsbourg. Le général
Moreau en était parti de la veille; mais j'y trouvai l'ordre ci-
après :
La division du ;T[i'néral Decaen est composée des corps ci-apirs : 14'^ demi-
brigade d'infanterie légère ; 4' denii-brigadc d'infanterie de ligne ; 16*^^ demir-
brigade d'infanterie de ligne ; 27" demi-brigade d'infanterie de ligne ; 1" ba-
taillon de la 65% à Ulm; 17' de dragons; 1" de chasseurs à cheval; 6« de
chasseurs à cheval ; 10" de chasseurs à cheval ; 20" de chasseurs à cheval;,
avec les 2% 4"^ et 6* compagnies du 3' régiment d'artillerie à cheval.
l\ BEAU GESTE DE LAFFOM 229
Les généraux de brigade Sahuc et Durutte sont attachés à cette division
avec l'adjudant connnandant Plauzonne.
Cette division s'établira d'abord entre le Lech et le Danube. La division
se mettra ensuite en marche pour arriver sur la rive droite du Ilhin.
L'époque de l'arrivée des troupes près de ce fleuve ainsi que les
points où elles devaient efl'ectuer leur passage ayant été changés
par un ordre ultérieur, je ne les énonce point. Les régiments de
chasseurs 1" et 20% qui passaient à la division avec le général
Sahuc, étaient déjà cantonnés entre Giinzburg et Augsbourg. La
27' tenait garnison dans cette ville. Je fixai les cantonnements du
surplus de la division entre Batzenhofen et Augsbourg.
23 germinal (13 avril). — .^lon arrière-garde arriva à Fried-
berg. Klle reçut l'ordre d'y cantonner et dans les environs jusqu'à
nouvel ordre (1).
25 germinal (15 avril). — J'adressai au général Lahorie le bre-
vet d'un sabre d'honneur accordé au digne Aloutaulon. Le chef de
brigade Lafion, en me présentant ce brevet, exprimait une joie et
une satisfaction plus vives que si ce titre eût été pour lui-même,
tant il avait d'amitié pour sou brave camarade. Je demandai que
cette récompense fût annoncée par l'ordre de l'armée.
Précédemment, l'excellent chef Laffon avait encore refusé une
fois le brevet de général de brigade, préférant rester au comman-
dement de son G*" de chasseurs qu'il regardait comme sa famille.
Quel rare et bel exemple !
Je mandai au général Lahorie (2) qu'il avait dû recevoir une
(1) Le 24 germinal, Decaen écrivait à Laliorie :
' Je t'adresse, mou cher Lahorie, une réclamation que m'avait renvoyée le f[énéral en
chef : tu lerras, au bas, la réponse du chef de brigade qui est suffisante pour l'aire droit
à la demande du réclamant.
•^ L'adjudant général Bertrand a dû te remettre ta carte et l'itinéraire de marche de la
division. Je resterai ici jusqu'au 4; le 5, je serai à l)lm, le G à Biberach, le 0 à
Donaueschingen et, vers le \i ou le 13, à Offenburg. Je t'indique les lieux où on me
trouverait si lu avais quelque ordre à m'adrosser.
« Les Bavarois étalent si impatients d'entrer à Munich qu'à peine ils ont pu attendre
qu'on ait relevé les postes pour entrer, et si je n'avais pas fait une erreur, ils auraient
langui jusqu'au 23. puisqu'il est arrivé que le 6° aura fait la route de Salzburg à Augs-
bourg sans séjour... Je crois, du coup, avoir acquis des droits à la reconnaissance bava-
roise, .idieu, mon cher Lahorie. Veui-tu m'obliger de me dire quand tu seras à Stras-
bourg? Adieu, je t'embrasse ^ (Decaen à Lahorie, Augsbourg, 24 germinal, A. H. G.).
(2) Decaen à Lahorie, Augsbourg, 25 germinal an IX [.\ H. G.).
2.30 MEMOIRES ET JOIRX'AUX DU GENERAL DECAEX
demande, afin qu'il me fût donné des ordres de fournir des
troupes pour des exécutions militaires relativement à des voitures
dont les administrations disaient avoir besoin (le nombre de ces
voitures était de 880 à quatre colliers, et 12 sacs dans cbacune),
pour transporter des denrées s'élevant, en grains, à 17 000 quin-
taux et 5 000 sacs d'avoine; et que j'avais répondu qu'on s'adres-
sa 1 directement à lui pour cet objet, car la manière de présenter
cette demande ne m'avait pas paru aussi claire que je l'aurais dé-
siré; qu'on m'avait parlé des grands intérêts du gouvernement, de
conférence sans résultat, de consignation de 1 200 à 1 500 louis
pour faire une chose plutôt qu'une autre dont je n'avais pas voulu
entendre les détails, me résumant à demander une note officielle
à laquelle on joindrait un arrêté du général en chef qu'on m'avait
cité et qui devait autoriser une pareille mesure.
J'annonçai que mes dernières troupes quitteraient le lendemain
Friedberg.
J'écrivis aux magistrats d'Augsbourg la lettre suivante :
J'ai déjà reçu beaucoup de plaintes sur ce qu'en plusieurs endroits du
territoire qui dépend de votre souveraineté, Messieurs, et encore aujour-
d'hui, auprès de Langweid, on y attaque à main année les hommes et les
équipages de l'armée française. Comme on ne doit accuser de ces délits
que les habitants mêmes du pays, puisqu'il n'est point encore arrivé que
ces excès aient été commis envers d'autres individus, je vous engage à
prendre des mesures pour que ces crimes ne se répètent plus; car je vous
préviens qu'il sera intligé, pour le moindre événement de ce genre, les peines
les plus exemplaires; et je tiens parole. Prévenez vos administrés que les
communes sur le territoire desquelles se commettront les délits seront, par
leurs habitants et leurs propriétés, responsables.
Je vous préviens encore que si je reconnais la moindre négligence dans
l'autorité supérieure à mettre un frein à cette conduite délojale, ce sera
particulièrement elle qui en supportera la punition,
26 germinal [16 a\ri\) . — Je reçus du général Lahorie la lettre
ci-après, datée de Stuttgart, le 23 :
Je te préviens, mon cher Decaen, que, d'après les ordres du gouverne-
ment, la 4» demi-brigade de ligne devra passer le Rhin à Strasbourg le
15 floréal, pour continuer sa marche le même jour sur Nancy; le batail-
lon du 65» devra passer le 15 pour se rendre à Metz; la 14^ légère devra
passer le 10 ou le 20, à Huningue; la 16* légère devra passer le 17 ou le
18, à Hrisach; le 17"' de dragons, à Strasbourg le 14, pour Pont-à-Mousson ;
DECAEN A AUGSBOURG â3l
le 20' de chasseurs, à Strasbourg le 16, pour Arras; le 1" de chasseurs, à
Strasbourg le 26, pour Comniercj ; le G"" de chasseurs, à Strasbourg le 26,
pour Strasbourg; et le 10' de chasseurs, à Strasbourg le 30, pour Stenay.
La 27'' demi-brigade de ligne devra continuer, dès ce moment, sa
marche pour arriver à Strasbourg où je suppose qu'elle arrivera vers le
10 floréal.
Le pays entre le Rhin et les montagnes étant épuisé, il est nécessaire,
mon cher Decaen, que tu combines ton mouvement de manière que les
troupes n'aient qu'un séjour près du Rhin sur la rive droite.
Le général Sainte-Suzanne a reçu du gouvernement les ordres de route
de tous les corps; ainsi il sera bon que tu lui envoies d'avance ainsi qu'à
moi l'itinéraire des troupes de ta division.
L'artillerie légère entrera à Strasbourg avec le 6° de chasseurs.
Le caissier du payeur Labouillerie est chargé de te remettre un effet sûr
pour 25 000 francs.
29 germinal (19 avril). — Un courrier m'apporta la réponse à
ma lettre du 25, au sujet des magasins. Le général Lahorie, sous
la date du 28, m'adressait la copie d'une lettre du généra! en chef
aux membres du comité de Souabe, datée de Stuttgart, le 27. En
voici le contenu :
Je vous préviens. Messieurs, ([ue je donne ordre au général Decaen de
rester cantonné avec les troupes sous ses ordres à Augsbourg et envi-
rons jusqu'à ce que les magasins de l'armée qui existent dans cette ville
soient totalement évacués. J'autorise, pour cet effet, une réquisition de
voitures à frapper sur les bailliages de la Souabe les plus voisins d'Augs-
bourg, à moins que les administrateurs généraux ne trouvent des acqué-
reurs qui veuillent acheter les dits magasins.
Je compte assez sur votre attachement à votre pays pour être persuadé
que vous seconderez de tout votre pouvoir l'exécution de la réquisition de
voitures pour l'objet ci-dessus désigné, comme étant le moyen le plus sur
d'accélérer le départ de l'armée française de vos contrées.
Signé : More.iil-.
Pour copie conforme.
Signé : l'adjudant commandant : Bkrtr.axd.
30 germinal (20 avril) . — Le général Lahorie m'ayant annoncé,
dans sa lettre d'envoi, qu'il parlait le lendemain pour Strasbourg,
j'écrivis au général en chef :
Votre lettre du 27 germinal relative à la vente des magasins d'Augs-
bourg, mon général, a produit le meilleur effet. Le marché s'est passé de
suite. Depuis, j'ai appris que les entraves qu'on a apportées ne sont point.
232 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEN
autant qu'on Ta expose, du fait du comité car, dès l'instant qu'il a eu con-
naissance de vos intentions, ses membres ont agi avec la meilleure volonté.
Comme la 27"" avait reçu l'ordre pour se mettre en marche le 29 (1) et
que j'ai différé son départ jusqu'à aujourd'hui, parce que ce départ
devait avoir lieu dans le moment même où ces messieurs recevaient votre
arrêté, je vous préviens, mon général, que la 27"= ne peut arriver à Stras-
bourg que le 14. Lahorie me l'avait demandée pour le 10 floréal.
Mes dernières troupes quitteront Augsbourg le 6 floréal, à moins d'ordres
contraires, et Ulm, le 13. Comme ces troupes ne doivent entrer à Stras-
bourg que le 26 et le 30, elles séjourneront encore quelques jours aux
sources du Neckar avant de repasser le Rhin.
En conséquence de Tordre du 23 qui fixait les jours où les diffé-
rents corps devaient repasser le Rhin, j'avais donné des ordres de
marche au général Durutte, qui commandait ceux désignés pour
passer ce fleuve le 14 et le 15, et au général Sahuc pour les autres,
qui devaient effectuer ce passage du 16 au 20.
6 Jloréal (26 avril). — J'avais fait cantonner en échelons,
depuis Augsbourg jusqu'à Ulm et Erbach, les trois régiments de
chasseursqui me restaient avec l'artillerie légère. Je partis d'Augs-
bourg pour me rendre à Ulm et je lis avancer successivement ces
troupes vers cette ville (2) .
7 Jloréal (27 avril). — A mou arrivée à Ulm, je reçus la lettre
ci-après du général Lahorie, datée de Stuttgart, le 6 :
Tu sais, mon cher Decaen, que, d'après les ordi-es du gouvernement, le
Brisgau doit être occupé par des troupes françaises jusqu'à l'arrivée du duc
de Modène. Ces troupes sont la 16" de ligne et le 23" régiment de cavalerie.
Tu dirigeras, en conséquence, la 16" demi-brigade sur Fribourg et envi-
rons pour le 18 et le 20.
Comme le bataillon de la 65" qui est en garnison à Stuttgart doit en
partir le 10 pour se rendre à Strasbourg, donne des ordres à un des batail-
lons de la 16" de ligne de se rendre à Stuttgart pour y tenir garnison. Le
chef de ce bataillon remplira les fonctions de commandant d'armes. Donne-
lui l'ordre d'arriver de sa personne à Stuttgart le 0 de ce mois, pour qu'il
puisse recevoir de l'adjudant commandant Uapatel les instructions néces-
(1) " J'en avais préienu Lahorie » (Note de Decaen). Cette lettre qui prévenait
Lahorie est du 2" germinal (A. H. G.).
(2) " ... La lenteur qui a été apportée pour la vente des magasins fait retarder l'éva-
cuatioD d'Augsbourg.. . » (Decaen à Lahorie, Ulm, 5 floréal, A. H. G. ). Cette lettre estdatée
d"UIm le 5, alors que Decaen, dans ses mémoires, semble dire qu'il ne quitta Augsbourg
que le 6.
DECAEN SE DIRIGE SUR STRASBOURG 233
saires. Ce bataillon restera à Stuttgart jusqu'au 24 de ce mois, époque à
laquelle il recevra de l'état-major général l'ordre direct de se rendre à Fri-
bourg, les régiments de cavalerie de la réserve devant avoir passé à Stutt-
gart pour le 24 de ce mois.
Des ordres furent aussitôt expédiés directement au commandant
la 16" demi-brigade, qui ne devait être alors éloignée d'Ulm que
de deux jours de marche, de diriger sur Stuttgart un de ses batail-
lons, par le cbemin le plus court, du point où il serait rencontré,
et de le faire devancer, selon Tordre, par le chef de bataillon; et
il fut prévenu que, de Donauescbingen, où il devait se séparer de
la brigade dont il faisait partie, il devait aller cantonner jusqu'à
nouvel ordre à Fribourg et environs, où le bataillon qu'il devait
détacher le rejoindrait plus tard.
Pendant mon séjour à Ulm, je fis cantonner les trois régiments
de chasseurs et l'arlillerie légère sur la rive gauche du Danube
depuis cette ville jusqu'à Sigmaringen, le 10" de chasseurs, dési-
gné pour passer le Rhin le 30, formant l'arrière-garde (1).
i3Jloréal (3 mai). — Je quittai Ulm pour me rendre à Sigma-
ringen. Toutes les troupes de la colonne avaient reçu l'ordre de se
mettre en marche le même jour, pour arriver successivement sur
Tuttlingen, d'où elles devaient se diriger sur Rottvveil et Villingen
et y cantonner dans les environs jusqu'à nouvel ordre.
Pendant qu'ellesopéraient leur mouvement, je restai deux jours
à Sigmaringen; de là, je me rendis à Villingen en passant par
Tuttlingen et Donauescbingen (2), attendu qu'il n'y avait pas de
relais de poste de Tuttlingen à Rottweil et Villingen.
21Jloréal (11 mai). — Je fis entrer dans la vallée de la Kinzig
le 1" et le 6" régiments de chasseurs et les compagnies d'artillerie
(1) Le 8 floréal, Decaen se trouvait à Stockach où il était venu pour plusieurs causes,
• entre autres pour faire le commissaire des guerres, car quand on se repose, comme
d'usage, sur ce que ces messieurs doivent l'aire, on ne Irouse rien. J'avais pourtant
donné asseï tôt l'itiuéraire de la marche des troupes qui devaient trouver de l'avuiae et
du fourrage à Messkirch pour quatre jours, et le commissaire Giroux m'avait garanti
que je ne devais point avoir d'inquiétude. D'après la preuve que j'ai du contraire, il
«erait bien possible que Villingen et Rottweil ne soient pas mieux approvisionnés que
Messkirch... ^ (Decaeu à Lahorie, Stockach, 8 floréal, A. H. G.).
(2) Le 8, Decaen écrivait, cependant, de Stockach : » ... Demain, je serai à Donaues-
cbingen... » (Decaen à Lahorie, Stockach, 8 floréal .\. H. G.)-
23V MÉMOIRES ET JOURNAUX DU GÉNÉRAL DECAEX
lôgôro (|ui (levaient repasser le Rhin sur le pont de Kehl, le 26; et
le 10' vint de Rottvieil à Villingen. Toutes ces troupes continuè-
rent leur mouvement les jours suivants.
24Jloréal (14 mai). — Les premières arrivèrent à Offenburg et
furent cantonnées entre cette ville et le Rhin, sur la route de
Strasbourg, et y séjournèrent le lendemain.
25 Jioréal {\o mai). — Je leur ordonnai, de Gengenbach (1), où
j'avais établi mon quartier général, de passer le Rhin le 26, sur le
pont de Kehl, pour se rendre à Strasbourg, où elles devaient rece-
voir de nouveaux ordres. Le 10' de chasseurs, qui ne devait y arri-
ver que le 30, resta dans ses cantonnements dans la vallée de la
Kinzig à Gengenbach et environs.
28 floréal (18 mai). — Je me rendis à Offenburg avec ce régi-
ment qui y cantonna et dans les villages sur la route de Kehl.
30 floréal (20 mai). — Je partis d'Offenburg après avoir fait
mettre en marche le 10' de chasseurs pour repasser le Rhin et se
rendre à Strasbourg afin de recevoir de nouveaux ordres.
Aussitôt mon arrivée dans cette ville, je fus rendre compte au
général en chef de l'exécution de ses derniers ordres, et je lui dis
que je n'avais jamais eu qu'à me louer de la bonne conduite de
ma division car elle n'avait donné lieu à aucune plainte.
Je lui dis aussi que les habitants des lieux où j'avais passé, sur-
tout depuis Augsbourg, m'avaient témoigné la plus vive satisfaction
que l'armée française leur eût donné la paix.
(1) Voir les cartes du volume I.
BONAPARTE ET DECAEN
BONAPARTE ET DECAEIV
Mémorial de ma vie militaire depuis le retour de l'armée du Rhin
sur le territoire français, après la paix de Lunéville^jusquen
mars 1803, que je quittai la France pour aller reprendre pos-
session de nos établissements dans l'Inde, rendus par le traité
d'Amiens, et les gouverner en qualité de capitaine général.
Je rends compte ensuite de mon voyage jusque devant Pondi-
chéry ; des causes qui m'empêchèrent de déharqtier et m'obli-
gèrent à me replier sur Vile de France ; enjin de mon séjour
dans cette île jusqu'au moment où, j'en pris le commaîidement,
ainsi que des autres établissements français à l'est du cap de
Bonne-Espérance .
CHAPITRE PREMIER
De Strasbourg, Decaen se rend à Paris. — Desselle le présente à Bonaparte. — Sur la
demande de celui-ci. Decaen expose à sa façon la bataille de Hohenlinden. — Il fait
ressortir les talents et la sagacité de Moreau. — Moreau tient un conseil de guerre
avant la bataille. — On y prédit la ïictoire. — Rôle de la division Decaen. — Con-
duite peu politique de Moreau à l'égard de Bonaparte. — Origine des dissentiments
entre Bonaparte et Moreau. — Susceptibilités et jalousies féminines. — Decaen
cherche à rapprocher Moreau du Premier Consul. — Singulières objections de
Moreau. — Decaen les réfute avec sa brusquerie et sa franchise habituelles. — Un
dîner aux Tuileries le 14 juillet. — De fougueux Vendéens y coudoient de purs répu-
blicains. — Prévenances de Bonaparte pour les officiers de l'armée du Rhin. — Appré-
ciations de Bonaparte sur les émigrés et les prêtres. — Decaen lui cite un exemple
frappant de restriction mentale. — Il se montre surtout hostile aux grands prélats et
aux hauts fonctionnaires ecclésiastiques de 1 ancien régime. — Decaen exprime à Bona-
parte le désir d'aller dans l'Inde. — Appréciations de Moreau et de Bonaparte sur
Leclerc. — Démarche loyale de Decaen auprès de Bernadotte. — Réflexions de Decaea
sur la perte de Saint-Domingue et la cession de la Louisiane. — Moreau fête par un
dîner l'anniversaire de Hohenlinden. — Decaen en profite et fait une nouvelle tentative
pour le rapprocher du Premier Consul.
A mon arrivée à Strasbourg, le 1" prairial an IX (20 mai 1801),
j'informai verbalement le général Moreau, que je n'avais pas vu
238 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GEXERAL DECAEN
depuis Munich, de l'exécution de ses ordres concernant les troupes
formant l'arrière-garde de l'armée, auxquelles je venais de faire
repasser le Rhin, sur le pont de Kehl, pour aller ensuite dans
les garnisons fixées par le ministre de la guérie.
Le gouvernement, en ordonnant la dislocation de l'armée, ayant
en même temps autorisé les officiers généraux de résider où bon
leur semblerait en attendant de nouvelles lettres de service, je
ne fis qu'un court séjour à Strasbourg. Je me mis en route pour
Paris.
Le général Aloreau devant tarder à s'y rendre, je demandai au
général Dessolle, chef de l'état-major de l'armée du Rhin, qui
était alors parfaitement avec le Premier Consul, de vouloir bien
me présenter à ce grand général, que je ne connaissais encore
que par sa haute réputation.
Nous allâmes à la Malmaison. J'exprimai au général Bonaparte
tout le plaisir que j'éprouvais de le voir et de le connaître, et que,
depuis bien longtemps, je désirais jouir de cette satisfaction. 11
me dit, avec beaucoup d'amabilité : " Il y a longtemps que je
vous connais, moi! ^ Et, de suite, il me demanda de lui donner
une explication sur le mouvement d'une des divisions autri-
chiennes, à la bataille de Hohenlinden, contre laquelle j'avais
encore combattu à la fin de la journée, parce qu'il n'avait pas
conçu le mouvement de cette division et quel avait été son but.
Je dis : « Si j'avais une carte, il me serait plus facile de vous le
faire juger. — Non, cela n'est pas nécessaire. « Alors, je lui
demandai de commencer mon récit par l'énoncé de quelques anté-
cédents. Je pensai à cela, parce que j'avais appris qu'il avait été
dit qu'on devait plus au hasard qu'aux combinaisons la grande vic-
toire de Hohenlinden, et j'étais bien aise, puisque l'occasion s'en
présentait, d'exposer que le gain de cette bataille décisive était dû
aux talents militaires et à la sagacité du général Moreau, ainsi
qu'aux dispositions qu'il avait ordonnées, et [qui furentj exécutées
par son armée avec la plus grande précision de la part de ses
généraux et avec la plus haute valeur parles autres officiers et par
les soldats.
J'énonçai, le plus brièvement possible, les mouvements de notre
armée et leur but avant de recommencer les hostilités. Je dis
quelque chose des projets qu'on supposait aux Autrichiens. J'ajou-
E.\TRETIEN SUR HOHENLINDEX 239
tai que le général en chef avait prescrit, dans les ordres à ses
«[énéraux pour marcher à l'ennemi, (|ui n'avait alors que des
postes en avant de l'Inn et dont on ignorait les points de rassem-
blement de ses principales forces, de ne pas engager avec lui
d'affaires sérieuses si on le rencontrait supérieur, parce qu'en ce
cas, il voulait le combattre avec toute l'armée; qu'en consé-
quence, l'aile gauche, commandée par le lieutenant général
Grenier, s'était avancée par la vallée d'Isen et par la route de Haag,
et que le 10 frimaire (1"' décembre 1800), elle avait rencontré
l'armée ennemie qui avait débouché presque en entier par Miihl-
dorf; qu'alors, un combat opiniâtre s'était engagé, et que le
général Moreau, qui avait suivi cette affaire, ayant jugé les inten-
tions de l'ennemi, avait ordonné un mouvement rétrograde à son
aile gauche, ainsi qu'aux trois divisions du centre qui s'étaient aussi
avancées vers l'Inn et qui agissaient immédiatement sous les ordres
du général en chef; que je m'étais porté, avec lavant-garde de ma
division, jusqu'à l'abbaye de Rott, sur le' bord de l'Inn, pour y
chercher dans ses environs si on pourrait entreprendre d'y passer
ce fleuve; que le général Lecourbe, commandant l'aile droite,
avait aussi fait faire des reconnaissances sur plusieurs autres points
pour le même objet; que, n'étant arrivé qu'à la fin du jour,
j'avais été obligé de remettre au lendemain malin pour faire ma
reconnaissance, de laquelle je m'occupais, lorsqu'un officier, que
j'avais envoyé avec un parti pour communiquer avec la division
du général Richepance qui avait marché sur W asscrburg, me fit
le rapport vers midi (j'étais alors à deux heures de Rott) que les
troupes de cette division avaient fait leur retraite à minuit; et
qu'aussitôt cette nouvelle, j'étais retourné à l'abbaye, espérant y
trouver des ordres, ayant recommandé à mon chef d'état-major,
(jue j'avais laissé à Beiharling avec la division, de m'envoyer toutes
les lettres qui arriveraient pour moi; qu'en arrivant, ou m'en
avait remis une qui venait d'être apportée, datée de Haag, et que,
dans cette lettre, il m'était prescrit d'aller prendre position à Zor-
neding avecma division; ([u'on m'y annonçait que, le mouvement
de l'ennemi donnant à supposer au général en chef que l'archi-
duc Jean était disposé à combattre entre l'Inn et l'Isar, il se déci-
dait à rassembler l'armée pour lui livrer bataille; que, seh)n cet
ordre, j'aurais dû commencer mon mouvement pendant la nuit;
2V0 MÉMOIRES ET JOURNAUX DU GÉMERAL DECAE.V
(|u'api('S avoir ordonné la marche de mes troupes et recommandé
la plus grande célérité, j'étais allé de suite à Zorneding, pour
informer, de là, où je serais plus à la proximité du quaitier géné-
ral de l'armée, de ce qui avait donné lieu au retard de mou mou-
vement; qu'en route, j'avais reçu une lettre encore datée de Haag,
par laquelle j'étais prévenu qu'une partie de l'armée devait se ras-
sembler près d'Anzing; qu'alors je n'avais pas perdu de temps
pour me rendre dans ce village, comptant y trouver le général en
chef afin de le prévenir que mes troupes n'arriveraient que fort
tard à leur position, ce qui pourrait peut-être faire changer les
dispositions que l'on me chargerait d'exécuter le lendemain; que
le général Moreau m'avait témoigné sa satisfaction de me voir en
disant : «Ah ! voilà Decaen ! La bataille sera gagnée demain " (En
s'exprimant ainsi, le général Moreau pensait aux JOOOO hommes
que je rapprochais de lui; néanmoins, je fus très flatté de ce bon
accueil et très content d'être venu moi-même rendre compte) ;
qu'ayant demandé au général Moreau, avec lequel étaient les
généraux Grenier, Dessolle et Grouchy, ce que j'aurais à faire
pour contribuer au gain de la bataille, il m'avait dit : « Votre
division passe sous les ordres du général Grenier •; ; qu'alors je
demandai à ce général sur quel point je devais arriver et à quelle
heure ; mais que, d'après sa réponse qu'il fallait être rendu le len-
demain, à 11 heures du matin, à la gauche du village de Hohen-
liudcn, j'avais fait l'observation que cela m'était impossible, en
raison de la distance que j'avais à parcourir et de l'étal des che-
mins; et que c'était tout au plus si, à 2 heures après midi, la
tête de ma colonne pouvait être arrivée sur le terrain qui m'était
indiqué, et dans le moment où l'on serait sans doute le plus forte-
ment aux prises; que ce n'était certainement pas cela qu'il fallait,
mais bien toute la division, pour pouvoir, au besoin, contribuer à
porter le coup décisif; que le général Aloreau, entendant mes
observations, m'avait fait cette (juestion : - Mais vous pourrez bien
suivre le mouvement de Richepance? — Sur quel point, mon
général, le dirigez-vous? — Mais, je le fais partir d'Ebersberg
pour se porter par Christoph sur iMaiteubeth. — Je suis on ne
peut pas mieux placé pour suivre ce mouvement, mes troupes
les plus éloignées n'étant qu'à trois lieues d'Ebersberg, et j'ai
la chaussée pour m'y rendre, ce qui me facilitera de mar-
HEUREUSES DISPOSITIONS DE MOREAU 241
cher avec plus de rapidité et avec tout rensembic possible " ;
qu'après m'avoir demandé si toute ma division serait réunie
dans la soirée, et que j'eus répondu affirmativement, mais à
500 hommes près qui, phicés à des avant-postes éloignés, ne
rejoindraient que durant la nuit, le général Moreau avait dit :
(( Eh bien! Je voulais faire tourner l'ennemi par 10 000 hommes;
il le sera alors par 20000. Mais à quelle heure pourrez-vous arri-
ver sur Christoph? — Je ne puis pas le préciser, mais je ferai
mon possible pour que la majeure partie de mes troupes y soient
avant midi n ; enfin (jue le général Moreau avait décidé que je sui-
vrais la division Richepance, et (jue des ordres m'avaient été don-
nés en conséquence.
Après ce préliminaire, je donnai mon explication en ces
termes : " L'archiduc Jean, nous croyant en pleine retraite tan-
dis que nous nous préparions à lui livrer bataille, avait fait mar-
cher son armée, par la vallée d'Isen et par la grande route de
Haag, sur Hohenlindeu, et il avait dirigé une division sur son flanc
gauche par Albachiug pour se porter par la route de Wasserburg
à Ebersberg. Le général qui la commandait avait mis du retard à
exécuter ses ordres, autrement il aurait pu inquiéter la droite de
la colonne Richepance qui avait laissé celte route pour prendre le
chemin de Christoph, et retarder sou mouvement; et, ce que le
général autrichien n'avait pas fait contre cette colonne, il aurait
pu l'exécuter contre la mienne lorsque je lui fis prendre la même
direction. Cependant, au moment où la plus grande partie de
mes troupes était engagée sur celte nouvelle direction, mes éclai-
reurs avaient fait annoncer qu'ils avaient rencontré quelques
ennemis sur la route de Wasserburg, et j'avais envoyé un parti de
dragons et d'infanterie pour les observer en attendant l'arrivée
d'une partie de la brigade Debilly que j'avais laissée à Ebersberg
où elle devait être relevée par une des divisions de l'aile droite de
l'armée. Or, n'ayant pas d'inquiétude de la part de l'ennemi que
j'aurais eu à combattre s'il n'avait pas mis de retard à s'avancer,
j'avais hâté la marche de mes troupes pour arriver sur le plateau
de Christoph, parce qu'on se battait alors vivement vers Hohen-
linden. n
Je ne fis pas le récit des différentes dispositions que j'avais
ordonnées, soit pour arriver sur le plateau de Christoph, soit pour
II. 16
242 MEMOIRES ET JOIRXALX DU GEMERAL DECAEX
combattre les onnomis qui furent rencontrés à sa proximité, soit
enfin pour rétablir la jonction d'une partie de la division Ricbe-
pance que j'avais trouvée sur ce plateau et qui avait été séparée de
l'autre partie, à la tète de laquelle ce général avait marché sur
Maitenbeth, par des ennemis arrivés sur le flanc gauche de la
colonne française et qui l'avaient coupée.
Mais je dis au Premier Consul que le général Kniaziewicz, avec
une partie de la légion polonaise que j'avais dirigée sur la droite
de Christoph pour contribuer à rétablir la jonction des troupes
de Richepance, s'était trouvé en présence de ce corps de l'armée
autrichienne que l'on aurait dû plus tôt rencontrer, et avec lequel
les ennemis qui avaient coupé la colonne française voulaient
opérer leur jonction : ce qui avait été contrarié par l'arrivée de
mon avant-garde conduite par le chef de brigade Laffon, du 6" de
chasseurs à cheval; qu'il était résulté des dispositions que j'avais
ordonnées, et du combat qui s'était engagé, que les troupes sépa-
rées de celles à la tète desquelles se trouvait le général Riche-
pance l'avaient rejoint; et que, bientôt après, la victoire s'était
décidée en notre faveur car, de toutes parts, les troupes de ma divi-
sion avaient amené des prisonniers, au moins 3 000, et sept pièces
de campagne; cependant, qu'on entendait encore une vive canon-
nade sur la gauche, et (jue j'avais envoyé la brigade Durutte du
côté du feu pour être employée au besoin; qu'ayant suivi le mou-
vement de cette brigade, j'avais aperçu, au moment qu'elle allait
déboucher sur la grande route de Hohenlinden à Haag, la divi-
sion Grouchy qui y poursuivait l'ennemi; qu'ayant alors jugé, par
la marche de cette division, que la gauche n'avait pas besoin de
mon renfort, j'avais fait faire une contremarche à la brigade
Durutte et pris la résolution de diriger la plus grande partie de
mes troupes sur Haag en passant par Albaching, afin de couper
autant que possible la communication de l'ennemi avec U asser-
burg; que, dans cette circonstance, le général Kniaziewicz, que
j'avais chargé de rester sur Christoph pour couvrir mon flanc
droit, m'ayant fait prévenir qu'il était vigoureusement attaqué par
le corps devant lequel il était en observation, je lui fis annoncer
que je marchais pour l'appuyer; que le combat était sérieusement
engagé et que ce général soutenait fort bien l'attaque; mais que
mon mouvement sur Albaching ayant menacé la droite de l'en-
L'ATTITUDE DE MOREAU lYDISPOSE BOIVAPARTE 243
nemi, il avait bientôt fait sa retraite; et qu'il avait été poursuivi
jusqu'à la nuit, etc., etc...
Le Premier Consul me témoigna qu'il était satisfait de mon
explication.
Ayant appris l'arrivée du général Moreau à Paris, mais qu'il était
parti de suite pour Orsay, chtàleau dont sa belle-mère avait fait,
depuis peu de temps, l'acquisition, je m'empressai d'aller le saluer.
Il me demanda si j'avais vu le Premier Consul. « Oui, il m'a
fort bien reçu. — Il aurait été bien difficile. « Ce fut tout ce qu'il
me dit à ce sujet.
Peu de jours après cette visite, étant allé voir le général Dcs-
solle, je lui demandai si le général iloreau avait été voir Bona-
parte. D'après sa réponse affirmative, je lui exprimai que j'aurais
bien voulu être présent à l'entrevue. Il me dit qu'il l'avait accom-
pagné, qu'on avait eu un abord assez froid; que, néanmoins, cela
s'était bien passé.
Je me plaisais donc à penser que les nuages de mauvaise
bumeur qui s'étaient élevés entre ces deux généraux qui venaient de
conquérir la paix, étaient totalement dissipés. Mais les intrigues,
les jalousies et les indiscrétions de quelques personnes firent non
seulement renaître leur mécontentement mutuel, mais encore
elles le cbangèrent en une haine réciproque dont les effets furent,
dans la suite, si funestes au général Moreau, et portèrent, je crois,
préjudice aux destinées et aux intérêts de la France.
Ce général, qui avait pris la résolution de ne pas aller le
dimanche aux Tuileries, comme tous les autres officiers généraux,
sénateurs, etc., et qui, je crois, ne retourna plus voir Bonaparte,
accepta un dîner qui lui fut offert par les Bretons alors à Paris.
Je fus invité à ce dîner. Je comptais assister à une joyeuse fête de
famille. Mais je fus tellement désappointé en voyant la manière
embarrassée du héros de cette fête, ainsi que celle des convives,
enfin de tout ce qui s'y passa, que je dis à quelqu'un qui m'en
demanda des nouvelles que je n'y avais vu de chaleur et de viva-
cité que dans le feu d'artifice tiré par Ruggieri.
L'étonnante et si peu politique conduite du général Aloreau ne
laissait pas d'embarrasser les officiers qui avaient servi sous ses
ordres. J'étais, certes, de ce nombre. Mais le bon accueil que
2V4 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEN
m'avait fait lo Premier Consul lorsque je lui avais été présenté
et, ensuite, quand j'étais allé le voir, soit à la Malmaison, soit
aux Tuileries, me faisait repousser les insinuations défavorables à
son égard, surtout lorsqu'on me disait qu'il était plus qu'indiffé-
rent pour les officiers généraux de l'armée du Rhin, que je devais
eu juger par ce qui avait lieu à l'égard de Moreau, que c'étaient
ceux qui avaient servi en Italie qui avaient et qui auraient toutes
les faveurs.
Comme je ne trouvais rien d'extraordinaire que IJonaparle se
fût entouré des généraux, ses compagnons d'armes en Italie, dont
il avait apprécié le caractère, la capacité, le dévouement à sa
personne, je ne voyais qu'une pomme de discorde dans ces insi-
nuations. Je faisais des vœux pour qu'une prompte et parfaite
réconciliation pût bientôt s'opérer, principalement dans l'intérêt
de la chose publique, ainsi que pour dégager les officiers de
l'armée du Rhin de la position équivoque dans laquelle la façon
d'agir du général Moreau les avait placés entre lui et le chef du
gouvernement. Mais je vis avec peine que ce général se laissait
trop facilement influencer par son épouse et sa belle-mère, ainsi
que par quelques autres personnes qui avaient su prendre un
trop grand ascendant sur lui; et qu'il persistait dans sa résolu-
tion de se tenir à l'écart.
Avec cela, au lieu de se borner à ne recevoir, à la campagne, que
quelques amis, il y avait, surtout le dimanche, un assez grand
nombre de personnes qui allaient lui rendre visite, les unes, pour
avoir seulement le plaisir de le voir, d'autres, par curiosité de
savoir ce qui s'y passait, enfin les mécontents de l'époque, car il
y eu a sous tous les gouvernements, et, bien certainement, le len-
demain, le Premier Consul était informé de ce qui avait été dit
à son sujet, ainsi que des critiques exercées sur son administra-
tion, etc.. etc..
A cet égard, le général Moreau n'étant pas très réservé, ce qui
excitait le dire des mécontents ou de ceux qui voulaient le flatter,
tout cela devait, naturellement, déplaire à Bonaparte.
Dans le public, on se demandait quelles pouvaient être les
causes de mésintelligence entre deux hommes qui s'étaient si bien
entendus pour faire triompher les armées de la République. Les
uns répondaient : « Il faut l'attribuer à une mutuelle jalousie» ;
SUSCKPTIBILITES ET JALOUSIES FÊMl.VINES 2V5
d'autres disaient (|ue Moreau avait à se plaindre des procédés du
Premier Consul tant envers lui qu'à l'égard de sou épouse : celle-
ci étant allée un jour à la Mahnaison, pendant que son mari était
encore à l'armée, continuant ses opérations à la suite de la bataille
de Holienlinden, [Bonaparte] n'avait pas même daigné lui en
demander des nouvelles; et qu'une autre fois s'étant présentée
avec sa belle-mère pour faire une visite à Mme Bonaparte, on
n'avait pas voulu les recevoir.
J'ai entendu le général Moreau, étant encore à l'armée, se
plaindre avec amertume du premier de ces griefs. Quant au
second, il est positif que Mme Moreau et sa belle-mère s'étant pré-
sentées à la Malmaison pour voir Mme Bonaparte, n'ayant pas été
admises sur-le-cbamp et s'en trouvant formalisées, elles s'en
retournèrent, après avoir chargé de dire que la femme du général
Moreau n'était pas faite pour attendre. Il est également certain
que Mme Bonaparte était alors dans le bain, et qu'elle s'était
même empressée d'en sortir quand on lui annonça ces deux
orgueilleuses qui n'eurent pas la patience d'attendre qu'elle fût
habillée pour les recevoir.
Ce sont cependant à des choses d'aussi peu d'importance que
l'on doit attribuer les premières causes de rupture des liens
d'union politique qui s'étaient formés entre Bonaparte et Moreau,
à l'époque du 18 brumaire, et dont il résulta des propos et des
expressions de mépris rapportées aux uns et aux autres par des
gens trop officieux qui alimentèrent une haine réciproque qui, de
plus en plus, devint implacable.
Le Premier Consul venant exactement tous les dimanches aux
Tuileries pour la parade et pour y donner audience, j'y allais
assez régulièrement et, chaque fois, Savary ou Rapp, ses aides de
camp, (jue je connaissais depuis longtemps et qui savaient que le
général Moreau m'avait toujours témoigné de l'amitié, venaient
me demander des nouvelles de sa santé ou s'il était à Paris. Je
leur répondais d'abord selon ce que j'avais appris. Mais ensuite,
croyant qu'il y avait affectation de leur part et surtout d'ajouter à
leur demande pourquoi on ne le voyait pas aux Tuileries, je leur
dis que je l'ignorais et que, pour le savoir positivement, ils devaient
aller le lui demander, ce qui vaudrait beaucoup mieux que de
s'adresser à moi qui ne pouvais pas satisfaire leur curiosité.
246 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DEGAEN
Ces questions me déterminèrent d'aller à Orsay avec l'intention
d'en faire part au général Moreau. Me trouvant, après le dîner,
un moment seul avec lui, je lui dis : « Des aides de camp du Pre-
mier Consul m'ont demandé plusieurs fois des nouvelles de votre
santé et si vous étiez à Paris. Mais comme ils ont ajouté pourquoi
l'on ne vous voyait point aux Tuileries, je leur ai répondu que,
pour le savoir, ils n'avaient qu'à vous en faire la demande. Néan-
moins, s'il vous plaisait de me dire quel(|ue chose à ce sujet, je
vous assure que je le leur transmettrais exactement, n Je fus fort
étonné de cette réponse : « Je suis trop vieux pour me courber. ••■>
Et le sentiment que j'en éprouvai me fit répliquer à l'instant :
V. Qui s'est courbé le premier? N'avez-vous pas reçu une paire de
pistolets l'année dernière? N'êtes-vous pas un des principaux coo-
pérateurs du 18 brumaire? Quoi! Parce que nous nous rappro-
chons du chef du gouvernement qui nous fait bon accueil, vous
prétendez que nous fléchissons le genou? Qui, plus que vous, a
contribué à l'élévation de Bonaparte et à consolider le gouverne-
ment? Ne me dites-vous pas, l'année dernière, à Nympheuburg, à
votre retour de Paris, lorsque je vous demandai comment le gou-
vernement marchait, que cela allait très bien, et qu'il n'y avait que
Bonaparte capable de tirer la France de sa position difficile?...
Quelles sont donc les causes de votre changement d'opinion? ii
Le général Moreau se borna à me répondre que Bonaparte était
fort mal entouré ; — il se servait même d'expressions méprisantes; —
et que les choses n'allaient pas comme elles devaient aller. Je lui
répliquai : a Mais ce ne sera pas en vous tenant à l'écart et seu-
lement en critiquant ce qui se fait que vous pourrez espérer qu'il
sera remédié au mal dont vous vous plaignez. J'ignore si vous
avez fait quelques conditions avec Bonaparte, avant de l'aider à
monter sur le trône; mais, dans tous les cas, il me semble qu'il
vous convient plus qu'à qui que ce soit de faire des représenta-
tions. Ce n'est donc qu'en vous rapprochant du gouvernement,
et en lui faisant vos observations, qu'il pourra agir selon vos vues,
et (|u'il pourra être employé d'autres hommes que ceux que vous
jugez incapables (l). « Il ne fut rien dit de plus, parce que plu-
(1) Defacii n'était pas soûl à doimer ce conseil à Moreau. Déjà, au comraeucement
de novembre 1800, le général Sauviac engageait Moreau à embrasser le parti du Premier
Cousul, et souhaitait que l'inimitié qui, disait-il, par suite de faux rapports, le» avait
L\ DINER AUX TlILERIES 247
sieurs personnes s'approchèrent de nous. C'était l'heure de monter
en voiture pour retourner à Paris où je rentrai peu satisfait des
singulières objections du général Moreau.
Ayant été invité de diner aux Tuileries le jour anniversaire du
14 juillet, je me trouvai placé auprès de l'abbé Sieyès. Il me fit
l'observation que, s'il y avait quehjue chose d'extraordinaire dans
celte réunion, où nombre de personnes devaient être étonnées de
se trouver ensemble, c'était de ne pas y voir le général Moreau,
et d'y apercevoir l'abbé Dernier. Et il ajouta : a Savez-vous la
cause de l'absence du général? — C'est probablement, n lui dis-
je, " parce que, depuis son retour de l'armée, il n'a pas voulu se
présenter ici comme tout le monde. J'ignore les vraies causes de
cette résolution de sa part. Et on ne l'aura pas invité. Mais vous
me surprenez beaucoup en me disant que nous dinons avec l'abbé
Dernier, l'un des principaux instigateurs et auteurs do la funeste
guerre de la Vendée, qui a prêché et fanatisé le peuple de ce
malheureux pays, qui a été le chef d'état-major de Stofflet, enfin
qui a fait commettre toutes sortes d'horreurs sur les Républi-
cains. — Vous l'auriez fait sans doute fusiller si vous aviez pu le
prendre " , me dit Sieyès. Lui ayant répondu affirmativement et
que j'aurais certainement éprouvé le même sort si je fusse tombé
au pouvoir de cet abbé ; u Eh bien! v me dit Sieyès, « voilà les
révolutions : aujourd'hui vous dinez tous les deux à la même
table. «
Plus la fausse politique du général Moreau et la maligne
influence qu'on exerçait sur lui le faisaient persister dans son oppo-
sition, plus le Premier Consul témoignait de bienveillance aux
généraux de l'armée du Rhin, et principalement à ceux qui
s'étaient distingués pendant la dernière campagne. Comme chef
du gouvernement, il élait certes de son intérêt de les rallier à lui,
et de dissiper les préventions de préférence qu'on lui avait sup-
posées pour ceux de l'armée d'Italie : et c'est, sans doute, à cause
de cela qu'il faisait un très bon accueil aux premiers, et qu'il
avait pour eux beaucoup de prévenances, soit lors des visites par-
ticulières qu'on allait lui faire à la Malmaison, soit aux Tuileries,
les jours de parade. Enfin, lorsqu'il nomma des inspecteurs d'in-
divises, lît place à un rapprochemeat sincère (Sauviac à Moreau, sans indication de lieu,
14 brumaire an IX, armée du Rhin, Correspondance).
248 MÉMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEN
fanteiie et de cavalerie, la majeure partie de ces inspections fut
donnée à des généraux de l'armée du Rhin.
Je pensais que Bonaparte était bien contrarié de réloignement
de Moreau. Je présumais qu'il désirait une réconciliation, car
j'observais que, quand il apercevait le frère de ce dernier, alors
tribun, il s'en approchait toujours pour causer avec lui.
Pour ce qui me concerne, je dirai, entre autres choses, qu'ayant
fait la demande d'une place de conseiller à la cour d'appel de Caen
pour un de mes meilleurs amis (M. Lasseret, avocat chez lequel
j'étudiais au moment de mon départ pour l'armée en 1792, lorsque
la Patrie fut déclarée en danger), cette nomination m'avait été
accordée sur-le-champ, et que des demandes d'emploi que j'avais
faites pour plusieurs autres personnes, cependant avec discrétion,
furent également bien accueillies (1).
Le Premier Consul avait l'habitude, après les dîners, aux Tui-
leries, d'aller causer avec l'un ou l'autre ; et, un jour que je me
trouvais auprès du général Gudin, il s'approcha de nous et nous
demanda comment nous nous portions, si nous étions satisfaits?
Après notre affirmation, le général Gudin lui ayant exprimé com-
bien il était agréable aux officiers généraux de recevoir des témoi-
gnages de considération, Bonaparte nous dit : « J'espère bien que
cette considération s'accroîtra de plus en plus. Mais nous avons
encore deux choses qui nous embarrassent, les prêtres et les
émigrés. Quant aux émigrés, s'ils ne se conduisent pas bien, nous
les f. .. à la porte. Les prêtres, quoique je n'y tienne pas beaucoup,
nous tâcherons de les faire vivre, parce qu'un grand nombre a
servi la cause de la Révolution. Dans ce moment, je fais négocier
avec Rome. « Ensuite il dit : «N'est-ce pas une chose monstrueuse
que, depuis tant de siècles, la France soit dépendante de Rome, et
qu'elle le soit aussi des consistoires d'Allemagne? Il y a encore
des archevêques et des évèques qui prétendent à des droits spiri-
tuels. Mais je les mettrai aux prises avec le pape. «
A cette époque, l'opinion n'était favorable ni aux prêtres, ni
aux émigrés. Je me permis de dire au Premier Consul que, si
(1) Sur le rapport qui lui si<]nalait la demande faite par Decaen en faveur de Lasseret
et porte la date du 13 prairial an IX (2 juin 1801), Bonaparte apposa la décision sui-
vante : « Ken\oyé au consul Cambacérès pour me faire counaître si ce citoyen a les qua-
lités requises. Je désirerais déférer à la demande du général Decaen, qui est uu officier
i'un grand mérit Si(/né : Bonaparte. » {Correspondance de .Vapoléon, a" 5596).
OPINIO.VS SUR LE CLERGÉ FRANÇAIS 249
c'était une chose indispensable d'entretenir des prêtres, il fallait
bien le faire; mais aussi, qu'il faudrait les organiser de manière à
ce que l'on pût exercer sur eux une grande surveillance, car
c'étaient des gens bien dangereux. J'ajo utai c : Si je m'exprime
ainsi, c'est que j'ai le souvenir de leur conduite lorsqu'on leur
demanda le serment, et de tout ce qu'ils ont fait dans la Vendée où
j'ai fait la guerre. Enfin, j'ai recueilli dernièrement une preuve
bien évidente de leur mauvaise volonté à se soumettre. V^oici le
fait : lorque j'entrai à Wels, en Autriche, à la fin de la dernière
campagne, je fis prendre les dépèciies au bureau de poste afin
d'avoir des nouvelles ; et l'on trouva, parmi les lettres qui me furent
apportées, une pièce signée de plusieurs archevêques et évêques
émigrés, alors à Vienne. Je la remis au général Moreau qui l'aura
sans doute envoyée au ministre de la police. Ces prélats, consultés
par plusieurs prêtres s'ils pouvaient prêter le serment prescrit par
la constitution de l'an VIII, décidaient que la puissance tempo-
relle ne pouvait rien prescrire à la puissance spirituelle; cepen-
dant, qu'il était des circonstances où l'Église militante permettait
la soumission selon la nécessité ; que, dans ce cas, il fallait la faire,
mais toujours avec une restriclion mentale, 't Et, comme des avo-
cats, V dis-je, "ils citaient dos autorités dans leur délibération, entre
autres Thomas de Cantorbéry à l'occasion du schisme d'Angle-
terre. — Ils nous en font bien d'autres, n dit le Premier Consul.
Je répliquai : a Eh bien! il faudra les obliger à se marier, comme
les ministres protestants, ce qui contribuera à une garantie de leur
conduite. «
Je ne me suis pas écarté de la vérité en disant qu'à cette époque
l'opinion n'était pas favorable aux prêtres catholiques romains.
L'on appréhendait surtout et avec raison le rétablissement du haut
clergé dont les membres, quelque surveillance qu'où pût exercer,
rechercheraieut, partons les moyens qui leur sont propres, à res-
saisir le degré de puissance dont ils avaient été déchus par l'ellet
de la Révolution. D'ailleurs, on était convaincu, par l'expérieuce
de plusieurs années, que le ministère de ces prêtres titrés n'était
nullement essentiel au bien-être de la nation et on avait encore
le souvenir de leur luxe, de leur orgueil, de la conduite scan-
daleuse de la plupart d'entre eux, enfin de l'ambition de quel-
ques-uns à s'initier dans les affaires temporelles pour parvenir
250 MEMOIRES ET JOUR.VALX l)V GEXEUAL DECAE.V
aux premières ambassades et aux ministères des affaires civiles,
moyens essentiels pour se faire nommer cardinaux.
D'un autre côté, il est constant que, pendant le temps que la
France n'avait pas eu dans sou sein tous ces officiers supérieurs
de la milice romaine, les mœurs de ses habitants n'étaient pas plus
relâchées qu'avant la Révolution. Je dis plus; c'est qu'en l'absence
de ces hauts fonctionnaires et (juoiqu'on n'eut même vu ni prêtres,
ni moines pendant plusieurs auuées, les mœurs s'étaient beaucoup
améliorées parce que l'amour du travail, l'industrie, l'instruction
et l'obéissance aux lois avaient fait les plus grands progrès, et
qu'ils servent plus efficacement à l'amélioration des mœurs que
la paresse, l'ignorance, la superstition, la confession auriculaire,
l'hypocrisie, la fréquentation journalière des églises pour assister
à la célébration de mystères incompréhensibles, ou pour entendre
des chants et des prières en langue latine que, souvent, le prêtre
lui-même ne comprend pas.
L'opinion n'était pas plus favorable au retour des premiers
émigrés surtout. Car ou avait le pressentiment que, s'étant armés
contre la Patrie et ayant fomenté contre elle des guerres exté-
rieures et intestines, ils ne seraient dociles qu'en apparence; que
leurs serments, comme celui des prêtres, ne seraient prêtés
qu'avec une restriction mentale; qu'ils agiraient sourdement et
de consort avec ces prêtres; et qu'ils saisiraient l'occasion qui
pourrait se présenter pour opérer une contre-révolution : les uns,
afin de reprendre leurs titres honorifiques et féodaux abolis par
l'Assemblée Constituante, mais surtout leurs biens, confisqués en
raison de leur félonie; les autres, leur influence religieuse, mais
principalement une grande partie de leurs biens temporels dont
cette même assemblée avait disposé pour les besoins de l'Etat.
Ayant, un jour, accompagné le général Oudinot qui voulait
demander à Bonaparte l'inspection de la gendarmerie, et n'ayant
pu, à notre arrivée à la Alalmaison, lui être présentés, nous
fûmes fort surpris, en rentrant à Paris, d'être atteints, dans les
Champs-Elysées, par un courrier qui nous apportait l'invitation
de retourner pour diner avec le Premier Consul.
En me promenant avec lui, après le dîner, il me demanda où
j'en étais pour ma fortune. Je lui répondis : ;. Mon général, j'ai
mon épée pour le service de ma patrie. — C'est bien ! Mais que
DECAEM DÉSIRE ALLER 1)A\S L'IYDE 251
voulez-vous faire? — Ce qu'il vous plaira. Mais comme je suis un
des moins anciens généraux de division, il faudra probablement
((ue je reste dans mes foyers. — Vous voudriez bien faire la
guerre? — Certainement, mais on ne la fait plus, n
Enhardi par ces marques d'intérêt, je lui dis : « Comme j'es-
père (|ue nos possessions dans l'Inde nous seront rendues, si vous
faites aussi la paix avec l'Angleterre, je voudrais bien être trouvé
digne de votre confiance. — Est-ce que vous avez été dans ce pays-
là? — Non pas, mais je suis jeune et, désirant faire quelque chose
d'utile, je voudrais bien remplir cette mission qui, je crois, ne
sera pas briguée par beaucoup de personnes, attendu la distance
entre la France et cette partie du monde. El, s'il faut y passer dix
années de ma vie pour attendre l'occasion favorable d'agir contre
les Anglais, que je déteste à cause de tout le mal qu'ils ont fait à
notre patrie, j'y suis, dès ce moment, déterminé avec la plus
grande résignation. « Il me répondit que ce que je désirais pour-
rait bien mètre accordé. Je pris congé de lui, bien satisfait de
taut de bienveillance.
Cette idée d'aller dans l'Inde m'avait été suggérée par la lecture
des mémoires de La Bourdonnaye et de Dupleix, et par ce que
j'avais entendu dire, dans ma jeunesse, des combats du bailli de
Suffren; et je fus peut-être plus déterminé à en faire la demande
parce que, la signature des préliminaires de paix avec l'Angleterre
étant connue depuis quelques jours, on s'occupait déjà de la
reprise de possession de nos colonies; et que je ne me souciais
pas d'aller à Saint-Domingue avec le général Leclerc, que l'on
fut aussi surpris de voir nommer pour commander cette expédi-
tion que l'on avait été étonné quand on avait appris sa nomination
au commandement du corps d'armée qui avait été dirigé sur le
Portugal, après la paix de Lunéville, parce qu'il y avait certaine-
ment un grand nombre de généraux qui devaient, sous tous les
rapports, avoir la préférence. Mais it était le beau-frère du Pre-
mier Consul; et c'est à cette considération et peut-être plus encore
aux sollicitations de sa femme devenue, depuis, princesse Borghèse,
qu'il devait ces faveurs.
Je connaissais cet officier général qui avait commandé une divi-
sion à l'armée du Rhin jusqu'à l'armistice après la bataille de
Marengo. Il ne s'était non seulement pas distingué dans celte
252 MÉMOIRES EX JOURNAUX DU GÉNÉRAL DECAEN
campagne, mais encore le général Moreau en faisait fort peu de
cas. J'ai même entendu dire à ce général que Mme Leclerc, avec
laquelle il était très bien, l'ayant prié de demander au Premier
Consul que son mari fût employé à l'armée du Rhin, Bonaparte
lui avait répondu : '' Que voulez-vous en faire? Il n'est propre à
rien " ; que Mme Leclerc ayant pressé de nouveau le général
Moreau de renouveler sa demande dans l'espérance que, servant
sous ses ordres, son mari aurait l'occasion de faire revenir des
fâcheuses préventions que Bonaparte, qui n'avait pas voulu l'em-
mener en Egypte, avait contre lui, puisqu'â son retour il lui avait
demandé qui l'avait fait général de division; qu'enfin, Bonaparte
avait cédé aux nouvelles instances du général Moreau, en lui
disant : u Puisque vous voulez Leclerc, vous l'aurez. «
La réponse que m'avait faite le Premier Consul, lorsque je lui
avais parlé de l'Inde, fut pour moi un encouragement de persister
dans mon projet. Or, ayant appris que Bernadotte avait des vues
pour cette mission, je voulus moi-même m'en assurer. J'allai le
voir, je lui fis part de mes intentions et je lui dis que s'il avait les
mêmes vues, je servirais avec plaisir sous ses ordres. Mais son
intention était d'aller à la Louisiane. Il s'occupait alors de ce
qu'il avait à proposer pour son établissement. Il me dit, entre
autres choses, qu'il demandait 10 000 hommes de troupes.
Si Bernadotte fût allé gouverner ce beau pays, et qu'on lui eût
fourni les moyens qu'il souhaitait, il aurait certainement attiré à
la Louisiane un grand nombre de Français; et, dans peu d'années,
nous y aurions possédé une superbe colonie. Mais il est assez pro-
bable qu'elle se serait déclarée indépendante lorsque Bonaparte
se fit nommer empereur.
Étant allé aux Tuileries le jour même que le Moniteui' contenait
la constitution de Toussaint-Louverture, apportée au Premier
Consul par le colonel Vincent, et y ayant aperçu le général Leclerc
qui revenait du Portugal, je fus à lui. Je m'informai de sa santé.
Après celte politesse, je lui demandai si ce qu'annonçait le Moni-
teur au sujet de Saint-Domingue ne changerait pas quelque chose
aux dispositions pour la reprise de possession de cette colonie.
Mais, avec un ton de suffisance, et en singeant Bonaparte en agi-
tant, comme lui, ses doigts sur sa tabatière, il dit : « Je ne crois
pas que cela puisse se passer sans tirer le canon. — Eh bien,
IDEES DE DECAEIV SUR SAINT-DOMIX^GUE 253
ivpliquai-je, ce sera un grand malheur! Car vous aurez contre
vous le ciel, la terre et les nègres. Et s'il faut (|ue vous fassiez la
guerre dans l'intérieur, vous aurez les plus grandes difficultés à
faire vivre vos troupes. — Ali! quant aux subsistances, je ne
puis pas avoir plus de difficultés que celles que je viens d'éprou-
ver en Portugal; et, à Saint-Domingue, nous aurons les Améri-
cains qui aideront à nous approvisionner. — C'est vrai; mais
avec de l'argent et de l'argent, ils vous apporteront des viandes
salées et des farines; et en même temps, ils fourniront aux noirs
de la poudre et du plomb. i>
Le Premier Consul ayant paru dans le salon, je laissai le géné-
ral Leclerc et, comme je n'étais pas satisfait de ce (|u'il venait
de me répondre, après avoir salué Bonaparte, je lui dis : « Je
pense, mon général, que vous êtes satisfait des nouvelles de Saint-
Domingue publiées par le Moniteur'i — Sans doute; mais,
dans ce pays-là, où nous n'avons pas pu nous présenter con-
venablement depuis longtemps, on a cru devoir y prendre des
dispositions qui, je l'espère, seront facilement changées lorsque
nous nous y présenterons avec des forces imposantes, ii — Quelle
différence entre cette réponse, faite avec complaisance, et ce que je
venais d'entendre dire, d'un ton ridicule, au nouveau capitaine
général! Il trouva malheureusement, quelques mois après, les obs-
tacles et les maux que je lui avais prédits, et ses coups de canon ne
purent les surmonter. Il ne tarda pas, lui-même, à être victime de
la maladie qui, en peu de temps, dévora tant de braves.
Ce fut une grande faute d'entreprendre de soumettre Saint-Do-
mingue par les armes. Après avoir fait d'immenses sacrifices
d'hommes et d'argent, on se vit dans la nécessité d'abandonner
aux noirs la partie française de cette île; et, plus tard, on fut
expulsé de l'autre partie qui nous avait été cédée par l'Espagne.
Tandis qu'en prenant les conseils d'une sage politique, on serait
sans doute parvenu à rétablir, à Saint-Domingue, une domination
convenable et analogue aux circonstances et aux changements qui
s'y étaient opérés depuis la première insurrection. Mais on avait
prétendu y rétablir l'esclavage! On manqua à la foi promise aux
mulâtres; on s'irrita des dispositions faites par Toussaint-Louver-
ture au lieu de le ménager et de prendre avec lui des tempéra-
ments et de se servir de son infiuence qui, sans doute, aurait con-
254 MÉMOIRES ET JOURNAUX DU GÉXERAL DECAEY
tribiié cfficacomont à conduire et arriver au seul but qu'on devait
alors se proposer, celui de conserver à la France la possession de
cette grande et belle propriété coloniale dont la population, aidée
du climat, après avoir combattu pour la liberté qu'on voulait lui
ravir, termina sa lutte avec la métropole en proclamant son indé-
pendance, et en prenant tous les moyens propres pour la défendre
et la conserver.
Ce fut, sans doute, l'espoir déçu de soumettre Saint-Domingue
aussi facilement qu'on se l'était persuadé et la prévision que,
dans le cas d'une procbaine guerre avec l'Angleterre, nous ne
pourrions pas soutenir la colonie de la Louisiane (les Espagnols
nous l'avaient rétrocédée, et les Américains la voyaient avec incjuié-
tude retournée eu notre pouvoir), qui déterminèrent Bonaparte
d'en faire la vente au gouvernement américain, lequel s'empressa
de saisir l'occasion extraordinaire qui se présentait d'incorporer
aux Ktats-lnis ce vaste territoire dont la possession était pour
eux d'une si haute importance sous tous les rapports.
Ainsi les fautes commises pour se rétablir à Saint-Domingue
influèrent pour la cession de la Louisiane, et privèrent à la fois la
nation française de la possession de deux immenses pays dont elle
pouvait espérer des avantanges incalculables.
Le général Moreau était rentré à Paris et j'allais assez souvent
le voir. Quelques jours avant l'anniversaire de la mémorable
bataille de Hohenlinden, 12 frimaire (3 décembre), il me dit qu'il
se proposait de le célébrer en réunissant à dîner tous les officiers
généraux alors à Paris qui étaient à cette bataille, et qu'il n'en invi-
terait point d'autres. J'acceptai de tout cœur cette invitation.
En causant avec lui avant de nous mettre à table, je lui rappelai
qu'il m'avait dit que notre réunion ne devait être composée (|ue de
Hobenlindeux. — a .\Iais il n'y en a pas d'autres, excepté mon
frère le tribun. — Ce n'est pas la présence de votre frère qui me
fait faire cette remarque; c'est celle du ministre de la guerre Ber-
thier. — Ah ! je l'ai invité pour que l'on ne dise pas que nous fai-
sons des conspirations. « Fort étonné de cette repartie, je lui dis :
Il Comment, mon général, pouvez-vous avoir une telle pensée? Je
crois (|u'il vaudrait beaucoup mieux vous rapprociier du gouver-
nement. — Moi, je n'ai rien à lui demander. — Vous êtes bien
heureux! Mais, si ce n'est pas pour vous, vous devriez du moins le
DKCAEM CHERCHE A CONJURER L'ORAGE 255
faire dans rinlérét de la l'alrie que vous avez toujours si hien ser-
vie, ainsi que pour l'avantage de tant d'officiers qui ont été sous
vos ordres, et qui ne peuvent pas, comme vous, se passer d'être
employés par le gouvernement. D'ailleurs, il en est un très grand
nombre dont vous connaissez la modestie et qui attendent que
vous fassiez valoir leurs services distingués et leur désintéresse-
ment. — Mes recommandations leur seraient plus nuisibles que
favorables. — Je sais que c'est la réponse que vous avez faite à
plusieurs qui vous ont demandé d'apostiiler leurs mémoires : ils
vous sont attacbés et vous les forcerez de s'éloigner de vous et à
s'adresser directement au Premier Consul. — C'est ce qu'ils ont<à
faire de mieux, car je ne puis rien. — Pardonnez-moi; je crois
(|ue vous pourriez beaucoup, si vous le vouliez; et je souliaite de
tout mon cœur que tous ceux qui vous parlent le fassent avec
autant de franchise que moi. «
CHAPITRE II
Deraen nommé inspecteur général d'infanterie. — Il se rend à Lyon, puis à Marseille. —
Les dépouilles d'un pape sous une remise d'auberge. — De Marseille. Decaen se rend
à Toulon. — II a une discussion avec l'amiral Ëmmeriau. — Après son inspection, il
rentre à Paris. — Le Premier Consul lui annonce qu'il ira dans l'Inde comme capi-
taine général. — Decaen va saluer Moreau. — Sa situation entre Bonaparte et Moreau
est délicate. — Sa rectitude de conduite lui fait éviter tous les écueils. — Première
entrevue de Decaen avec Decrès. — Accueil hautain que lui fait ce dernier. — Decaen
s'en plaint à Bonaparte. — Sa deuxième entrevue avec Decrès. — Decaen prépare son
expédition — Il soumet ses projets et sl'S pians au Piemier Consul. - — Composition de
1 expédition, troupe et chefs. — Decaeu expose à Dessolle ses idées sur la constitution
des troupes indigènes. — Ses propositions sont adoptées, à quelques modifications près.
J'avais été nommé un des douze inspecteurs généraux d'infan-
terie. Je devais faire mon inspection dans la 8' division et en
Corse. Mais, sur la demande que je fis au ministre de faire mettre
un bâtiment à ma disposition pour passer dans cette île, ma mis-
sion fut bornée à la 8' division militaire.
L'objet le plus essentiel de cette inspection était de congédier
un huitième des soldats de l'armée par réforme, retraite et congés
absolus. Ce fut pour ce motif et celui de mettre l'armée sur le
pied de paix que cette inspection générale se passa pendant
l'hiver.
Je partis de Paris à la fin de décembre 1801, pour me rendre à
Lyon où j'arrivai le même jour que le Premier Consul, qui y
venait pour présider la Consulta italienne qui le nomma président
de la République Cisalpine. Les Lyonnais lui exprimèrent toute
leur joie de le voir au milieu d'eux. Je fus le saluer et lui deman-
der SCS ordres. Ensuite, je quittai Lyon pour aller à Marseille
commencer mon inspection.
A l'auberge de la poste de..., où je m'étais arrêté, j'appris, de
la maîtresse de cette auberge, (|ue, peu de jours auparavant, les
restes du pape Pie VI, décédé à Valence, transportés incognito à
Marseille pour y être embarqués et conduits à Civita-Vecchia et, de
DECAEN IXSPECTEUR GÉNÉRAL D'INFANTERIE 25T
là, à Rome, avaient été déposés sous la remise de cette auberge; et
que les officiers municipaux de l'endroit, ayant appris fort tard
que ces dépouilles mortelles étaient ainsi reléguées comme une
voiture de bagages, avaient délibéré à ce sujet; (|u'ensuife ils
étaient venus offrir aux conducteurs leur église, lieu beaucoup
plus convenable pour ce précieux dépôt, mais que ceux-ci, de fort
mauvaise humeur qu'on les eût réveillés pour cette proposition,
avaient répondu que le pape était très bien où il était pour y pas-
ser la nuit.
Après avoir inspecté les troupes en garnison à Marseille, je me
rendis à Toulon. J'eus, dans cette ville, une discussion assez vive
avec le contre-amiral Emmeriau, relativement aux prétentions
que MM. les marins ont l'habitude de s'arroger, dans les ports de
mer, à l'égard des troupes et des officiers de l'armée de terre. J'en
informai le ministre de la guerre. Je ne fus point satisfait de la
décision qu'il prit à ce sujet avec le ministre de la Marine, et je
me réservai d'en parler au Premier Consul, à mon retour à Paris.
Après avoir inspecté les troupes en garnison à Draguignan, An-
tibes et Nice, je revins à Marseille. Ensuite, je fus inspecter celles
stationnées à Aix, à Manosque, à l'Isle (1) et à Carpentras, et je
terminai mon inspection par les troupes de la garnison d'Avignon
où il n'y avait que quelques jours que le préfet, Pelet de la
Lozère, protestant, avait installé l'évêque nommé pour ce diocèse
depuis le Concordat.
L'examen que j'avais fait des comptabilités des corps que j'avais
inspectés, dans le nombre des(|uels se trouvaient plusieurs demi-
brigades qui venaient d'arriver d'Egypte, m'ayant donné lieu de
remarquer beaucoup d'irrégularités, même des désordres et point
d'uniformité en ce qui concernait la comptabilité de l'habillement,
je proposai au ministre, dans mon rapport d'inspection, d'établir
cette comptabilité selon le mode adopté pour la solde, et de ne
fournir l'habillement que sur les jouruées de présence. Je démon-
trai qu'il en résulterait pour le gouvernement une économie an-
nuelle de' plusieurs millions. J'eus la satisfaction de voir que ce
que j'avais proposé fut prescrit dans l'un des articles du nouveau
règlement.
(1) Probablement l'Isle-sur-Sorgues, dans le département de Vaucluse.
U. 17
258 MÉMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEN
Après avoir parcouru la Provence pendant plusieurs mois, je fis
mon retour à Paris au mois de floréal.
Le lendemain de mon arrivée, j'allai à la Malmaison pour voir
le Premier Consul. Il m'invita à déjeuner avec lui dans son cabi-
net. Après mes réponses à ses questions sur mon inspection, et lui
avoir parlé de mon altercation avec le commandant de la marine
à Toulon, dont M.\I. les ministres ne lui avaient rien dit, il me
demanda si je pensais toujours à l'Inde; et, sur ma réponse affir-
mative, il me dit: "Eh bien! Vous irez. — En quelle qualité?
— Mais, capitaine général. Allez voir le ministre de la marine.
Dites-lui qu'il vous communique tous les documents relatifs à
cette expédition. »
En rentrant à Paris, je fus .souhaiter le bonjour au général Mo-
reau qui, comme à son ordinaire, me fit un très bon accueil. Il y
avait deux personnes avec lui. La conversation, interrompue à mon
arrivée, reprit son cours. J'ignorais que, pendant mon absence de
quatre mois de la capitale, l'inimitié ou plutôt la haine entre ce
général et le Premier Consul s'était de plus en plus invétérée. Mais,
entendant traiter celui-ci sans ménagement, je pensai qu'il me
convenait, dans ma position, de ne pas y être indifférent. Alors je
dis que je venais de déjeuner avec lui, et qu'il m'avait annoncé
que je serais capitaine général à Pondichéry. « Ah ! En voilà
encore un d'exilé » , dit le général Moreau. « Non pas, mon géné-
ral : car avant d'être nommé inspecteur, j'avais témoigné à Bona-
parte le désir d'aller aux Indes, lorsqu'un jour il me demanda ce
que je voulais faire; et j'ai été fort surpris, ce matin, quand il m'a
donné cette marque de son souvenir et de sa bienveillance, v Ce
que je venais de dire et que la loyauté m'avait fait exprimer dans
cette circonstance n'étonna point le général .Aloreau qui connais-
sait ma franchise et (jui se souvenait sans doute des observations
que je m'étais précédemment permis de lui faire, au sujet de la
fâcheuse résolution qu'il avait prise de se tenir éloigné du chef du
gouvernement.
Dans la soirée de ce même jour, j'allai au ministère de la Ma-
rine. Dès que j'eus salué le ministre Decrès, il m'engagea à passer
dans une pièce voisine du salon où il recevait. Alors, sans préam-
bule, son coude appuyé sur la cheminée, et d'un ton fort dégagé,
il m'adressa cette interpellation : « C'est vous qui êtes allé à Tou-
PREMIÈRE ENTREVUE AVEC DEGRÉS 259
Ion? -■ Je lui répondis, en le regardant de manière à lui faire sen-
tir son impertinence : « Oui, c'est moi qui suis allé à Toulon! »
Avec un ton moins brusque : ^ Vous n'étiez pas en uniforme quand
vous vous êtes présenté pour entrer dans l'arsenal? — J'étais en
uniforme. — On m'a cependant écrit le contraire. — Je n'ai pas
pour habitude de mentir; et j'ai trouvé fort extraordinaire que
vous et le ministre de la Guerre vous vous soyez permis de décider
dans cette affaire que j'avais demandé de soumettre au Premier
Consul, auquel je m'en suis plaint ce matin, et aucjuel j'ai dit que
le poste à la porte de l'arsenal s'étant permis de vouloir m'en refu-
ser l'entrée, j'avais passé outre; mais ce n'est pas pour cela (lue
je suis venu : c'est pour vous prévenir que le Premier Consul m'a
dit de lous demander communication des documents concernant
Pondicbéry et autres établissements dans l'Inde, où je dois aller
capitaine général, n
Le ministre, quoiqu'il me parût fort surpris de cet avis, croyant
sans doute que je ne m'en apercevais pas, me dit avec un ton de
suffisance : « Le courrier Moustache ne m'a pas encore apporté
d'ordre à ce sujet (ce courrier portait ordinairement les dépèches
de Bonaparte aux ministres). — Eh bien! j'attendrai que vous
ayez vu le courrier Moustache; et afin que vous puissiez m'en
informer, je vais remettre mon adresse chez votre concierqe. •■■ En
disant ces dernières paroles, je lui tournai le dos.
Dès le lendemain matin, j'allai à la Alalmaison faire part au
Premier Consul qu'il fallait que le courrier Moustache apportât un
ordre au ministre de la Marine pour que je puisse avoir de lui les
documents sur l'Inde. Et, dans la soirée de ce jour, je reçus une
invitation de me rendre au ministère le lendemain, à 0 heures du
malin. J'ignore si le courrier Moustache avait apporté au ministre
Decrès une leçon de civilité, ou bien si elle lui avait été donnée
verbalement, mais je n'eus alors qu'à me féliciter de son bon
accueil et surtout de son empressement à me présenter les docu-
ments qu'il devait me communiquer. Après en avoir pris connais-
sance, j'adressai au Premier Consul la lettre suivante :
Je ne connais, mon général, les Indes Orientales que d'après les mv-
moires qui présentent notre situation militaire, politique et commerciale
dans cette partie du monde avant et depuis 1789, et qui [font connaître la
puissance colossale de la nation anglaise, puissance dont ^ les avantages ont
260 MEMOIRES ET JOLRXAIX Dl GE.VEISAL DECAE.V
tant infliiê dans la lutte terminée par le traité d'Amiens, qui stipule que
seulement nos possessions territoriales au Bengale et aux côtes de Coro-
niandel et de Malabar nous seront rendues.
Si l'ile de Ceylan avait été restituée auv Hollandais, non seulement
nous nous retrouverions dans l'état où nous étions avant la guerre, mais
par notre alliance avec ceux-ci, quoique les Anglais aient anéanti Tippoo-
Sahib, nous serions incontestablement bien plus puissants, soit pour notre
existence pendant la paix, soit pour l'exécution des projets du gouverne-
ment, s'il voulait attaquer le point le plus sensible de la nation anglaise.
Ceylan servait, par son port de Trinquemaley, pour l'abri des vais-
seaux de commerce que l'hivernage surprenait à la côte de Coromandcl,
mais plus encore pour les vaisseaux de l'Etat qu'on laissait dans les mers
de rinde. Le voisinage de l'île Ceylan était en outre d'une très grande
ressource pour Pnndichéry ; et, en cas de guerre, il aurait été pour nous
de la plus haute importance. Trinquemaley, devenu anglais, rend nos
établissements à la côte de Coromandel encore plus précaires qu'ils n'ont
jamais été, tandis que, dans cette possession, les Anglais trouvent un port
et une relâche qu'ils n'avaient point. Il n'y a pas de doute que Trinque-
maley ne devienne, pour les Anglais, un objet de la plus grande impor-
tance. On doit présumer qu'ils vont en faire un établissement de construc-
tion et un entrepôt principal de leur commerce des Indes et de la Chine.
Ceylan, devenant la clef et le boulevard des possessions anglaises au
Bengale et à la côte de Coromandel, doit porter le gouvernement français
à avoir un autre systcme pour la conservation de ses établissements, la
protection de son commerce et ses vues ultérieures sur l'Inde.
Avant la guerre, le commandement de toutes les possessions fran-
çaises à l'est du cap de Bonne-Espérance était sous les ordres d'un seul
chef qui faisait sa résidence habituelle à Pondichéry.
Dans les circonstances actuelles, convient-il de diviser ce commande-
ment, c'est-à-dire que les îles de France, de Bourbon, Rodrigue, les Sey-
chelles, et les établissements qu'on est dans le cas de faire sur l'île de
Madagascar forment une de ces divisions? Et que Pondichéry, Chanderna-
gor et autres possessions dans l'Inde forment l'autre division?
Je vais comparer l'état de ces établissements avant la guerre avec ce
qu'ils sont à présent, et le rapport qui existait à cetle époque entre l'île de
France et Pondichéry, et celui (jue cette île doit avoir maintenant avec
lous nos établissements sur le continent indien.
Pondichéry a été longtemps considéré comme lieu principal des opéra-
tions commerciales, politiques et militaires des Français dans cette partie
du monde. C'était leur premier établissement; il avait servi de point
d'appui, il avait été un moment respectable et respecté; le souvenir de sa
splendeur et l'espoir, sans doute, de lui rendre son lustre l'ont toujours
emporté sur la considération qu'on aurait dû avoir pour les événements
qui avaient donné la prépondérance à la nation anglaise, et sans changer
le sjstème de vouloir toujours faire de Pondichéry une place d'armes.
VUES DE DECAEN SUR L'I\1)E 261
Pondichcry était donc l'ortifié et approvisionné, mais toujours inlrurtiieu-
senient, excepté quand il fut défendu par Dupleix.
I/ile de France présentait des avantaj]es inappréciables par ses ports,
«a position et son voisinage de Madagascar. Mais, avec des avantages aussi
marqués et aussi essentiels, on n'avait l'habitude de ne voir que Pondi-
chéry et on ne voulait pas s'en départir.
Le gouvernement, en décidant que les fortifications de Pondichéry ne
doivent plus être relevées, ne considère cet établissement et ceu\ de Kari-
kal, Mahé et Chandernagor que comme des comptoirs et postes d'observa-
tion, ne voulant y établir de troupes que pour paraître tenir <\ la posses-
sion et protéger le commerce, reporte toutes ses vues sur l'île de France.
Mais cette détermination doit-elle obliger à former deux divisions de com-
mandement pour les possessions au delà du cap de Bonne-Espérance?
Pour parvenir à la résolution de cette question, je vais faire les observa-
tions suivantes.
Dans les circonstances actuelles, un capitaine général dans l'Inde sera
plus fort par les titres et par la confiance qui lui seront accordés par
■son gouvernement que par les soldats qu'il pourra avoir à sa disposition.
Les Anglais, qui sont toujours disposés à faire de mauvaises chicanes,
mettraient sans doute bien moins de ménagements s'ils s'apercevaient que
le capitaine général qui résiderait à Pondichéry n'aurait de rapports
qu'avec son gouvernement en Europe, et que, par son isolement, il serait
obligé d'attendre d'Europe ses instructions pour la conduite qu'il aurait à
tenir, tandis que l'ile de France serait toujours un porte-respect dès qu'on
saurait se servir des moyens qui pourraient y être disponibles. D'un autre
■côté, si les intentions du gouvernement sont telles qu'il veuille que le
•capitaine général qu'il envoie dans l'Inde puisse lui servir pour des vues
ultérieures, ne convient-il pas que ce capitaine général ait des rapports
continuels avec le point principal, avec la place d'armes, s'il y a à pré-
parer, s'il y a à surveiller?
Le gouvernement a peut-être quelques motifs qui le mettent dans le cas
"de former cette division. Sans vouloir les pénétrer, j'observe que, si ces
motifs sont relatifs aux habitants des îles de France et Bourbon, il me
«emble qu'il y a possibilité de faire cette division, pour ce qui a rapport
à l'administration civile, mais qu'il est essentiel de laisser ensemble tout
ce qui a rapport au militaire. Je me suis borné à le présenter succincte-
ment, parce qu'il est de principe que celui qui commande la place doit
commander la citadelle; cette comparaison peut être énoncée pour l'ile de
France et nos possessions dans l'Inde.
Je vous demande donc, mon général, de vouloir bien prendre en consi-
dération mes observations, et de vouloir bien m'accorder un instant d'en-
tretien pour cet objet. J'ai l'honneur, etc.. »
Le Premier Consul, que j'eus l'houneur de voir quelques jours
après lui avoir adressé cette lettre, me dit : « Il convient, quant à
202 MEMOIRES ET JOL'R.VAUX DU GENERAL DECAEN
présent, que la division du commandement qui a été déterminée
soit maintenue. Vous aurez assez à faire à Pondicliéry. D'ailleurs,
vous seriez trop éloigné de l'île de France, où il importe de chan-
ger au plus tôt le mode d'administration qui s'y est introduit
depuis plusieurs années. Et comme il importe de faire rentrer
incessamment cette colonie et ses dépendances sous la main du
gouvernement, il est indispensable qu'un chef soit sur les lieux
spécialement chargé de procéder à l'organisation qu'elles doivent
recevoir, ainsi que pour surveiller ponctuellement l'exécution des
nouvelles [dispositions qui seront prescrites pour leur administra-
tion. «
Le ministre de la Marine m'adressa, avec une lettre en date du
3 messidor an X, un extrait des registres des délibérations des-
Consuls de la République, en date du 29 prairial, énonçant :
i Le général de division Decaen est nommé capitaine général
des établissements français dans l'Inde, etc.. »
Il avait d'abord été décidé que quatre vaisseaux de ligne,
plusieurs frégates et quelques navires de transport seraient em-
ployés pour l'expédition; que 2 400 hommes de troupes de diffé-
rentes armes passeraient dans l'Inde, ainsi qu'un nombre d'offi-
ciers pour servir dans des bataillons de Cipayes qui devaient être
levés.
Mais, pour ne pas donner d'ombrage aux Anglais, ces disposi-
tions furent modifiées. Le Premier Consul, eu m'annonçant le
changement, me dit de m'occuper de mon expédition en ce qui
concernait les troupes, les officiers et les fonctionnaires civils; et,
laissant le tout à mon choix, il me recommanda de la bien com-
poser, qu'elle était peu nombreuse et que, dans le pays où je devais
aller, il fallait donner une bonne opinion de notre nation; qu'il
ne fallait pas, comme autrefois, envoyer loin de la France des^
hommes tarés; qu'il convenait beaucoup mieux de les y garder,
parce qu'il était plus facile de les y surveiller.
L'expédition devant partir au commencement de l'automne, j&
m'occupai activement de ce que j'avais à faire.
Je présentai au Premier Consul l'exposé ci-après :
;; J'ai riionneur de vous présenter, mon général, d'après votre ordre, le
projet pour l'expédition qui doit se rendre aux Indes Orientales, en vous-
DECAEN SOUMET SES PLANS A BONAPARTE 263
priant de vouloir bien prononcer l'acceptation des différents articles pro-
posés :
Article premier.
Ce sera du port de Lorient que partira l'expédition. Plusieurs causes
militent pour celte préférence : 1" on n'aura, à Lorient, qu'à s'occuper de
cet objet, tandis qu'à Brest, les occupations y sont multipliées pour les
autres expéditions; 2" on a bien plus de connaissances et d'habitude à
Lorient que dans les autres ports pour préparer celles destinées pour
l'Inde; 3" il est certain que, l'armement se faisant à Lorient, les équi-
pages seront mieux composés en matelots et particulièrement en offi-
ciers mariniers, ce qui est à prendre beaucoup en considération pour
un voyage de long cours, et surtout pour les stations dans les mers de
l'Inde. Les marins qui partent de ce port soutiennent mieux que les
autres les longs voyages. Il y a encore d'autres causes que je crois inutile
d'énoncer.
Article 2.
L'expédition devra mettre à la voile du 15 septembre au I" octobre,
époque de rigueur pour arriver dans l'Inde en bonne mousson.
Article 3.
La marine disposera les vaisseaux nécessaires pour le transport des
troupes, agents civils, provisions, munitions, armes, etc.. Ces vaisseaux
seront en nombre suffisant pour ce transport et, entre autres choses, pour
que le pavillon français reparaisse dans les mers de l'Inde avec un appa-
reil respectable, ce qui est d'autant plus essentiel pour notre reprise de
possession que cet appareil produira le meilleur effet surtout aux yeux des
princes indiens. Il est aussi très convenable d'avoir égard au long voyage,
pour que les vaisseaux ne soient point encombrés, un trop grand nombre
d'hommes à bord étant nuisible à la santé des équipages et des passagers.
Ainsi, pour qu'on puisse fixer le nombre des vaisseaux en raison des pas-
sagers, le nombre en est détaillé ci-après.
Savoir :
Un bataillon d'infanterie de ligne au complet de paix, et un bataillon
d'infanterie légère pris, comme l'a décidé le Premier Consul, dans une des
demi-brigades de cette arme dont l'effectif est faible. Ces deux bataillons
ensemble ne formeront, pour être embarqués, officiers non compris, qu'un
total de 900 hommes; car il faut supposer que, malgré qu'il sera recom-
mandé aux demi-brigades d'extraire et de remplacer les hommes qui, par
leur âge ou autres causes, ne seraient pas jugés capables d'être embarqués,
la route, les maladies, etc., donneront un déficit qui, indubitablement,
réduira ces deux bataillons à ce nombre, à l'époque de la revue d'embar-
quement. Ainsi il faut donc compter, en infanterie, à embarquer
900 hommes.
264 MÉMOIRES ET JOURXAUX DU GENERAL DECAEN
État-major pour ces deuv bataillons et ofûciers des compagnies :
1 chef de brigade,
2 chefs de bataillon,
1 quartier-niaitre,
2 adjudants-majors,
2 officiers de santé,
2 adjudants sous-officiers,
1 tambour-major,
1 caporal tambour,
4 maîtres ouvriers,
8 musiciens.
Officiers : 18 capitaines,
18 lieutenants,
18 sous-lieutenants.
Total ... 78
J'insérai dans cet article un tableau détaillé de la solde annuelle
pour ces deux bataillons, et, compris celles de Tétat-major et
des officiers des compagnies, elle s'élevait :
A la somme de 273 687 fr. 75
Compagnie de gardes du capitaine général, composée de
3 officiers et de 60 sous-officiers, trompettes, chas-
seurs et hussards. Solde annuelle 15 412 fr. 15
Une compagnie d'artillerie légère, armée de ses pièces et
wursts, composée de 4 officiers, 64sous-officiers, trom-
pettes et artilleurs, avec 12 soldats du train. Solde
annuelle de cette compagnie 27 590 fr. 20
11 sera levé un bataillon de Cipayes composé de dix
compagnies et organisé selon qu'on l'avait adopté pré-
cédemment. De ces dix compagnies, six seront levées
à Pondichéry, deux à Chandernagor, une à Karikal,
une à Mahé. La solde de ce bataillon, pour les natu-
rels du pays, coûtera annuellement / 224 320 fr. »
[et] pour les officiers français qui formeront le cadre de ce }
bataillon, celle de ( 46 100 fr . »
Total de la solde de ce bataillon 270 420 fr . »
Je présentai aussi un tableau indicatif de la solde annuelle
attribuée à chaque grade et aux fusiliers du bataillon de Cipayes.
L'êlat-major de cette expédition sera composé selon le tableau suivant :
1 capitaine général Mémoire.
2 généraux de brigade (solde du grade
et moitié en sus) 45 000 fr .
Total.
Total.
Total .
Total .
Total .
ORGANISATIOX DE L'EXPÉDITION 265
Report 45 000 fr.
1 adjudant comniaiidant (solde du grade
et moitié en sus) 10 300
10 aides de camp et adjoints (solde du
grade et moitié en sus) 32 625
1 commissaire des guerres, non compris
les frais de bureau 6 000
10 officiers à la suite pour être employés
dans différents services (2 capi-
taines, 4 lieutenants et 4 sous-lieu-
tenants), non compris les frais de
bureau 18 /oO
25 Total 112675 fr.
Génie :
1 chef de bataillon commandant 6 750 fr.
2 capitaines 6 750
2 lieutenants (dont un de 1" classe) . . . 4 200
"5 Total 17 700 fr.
Artillerie :
1 chef de bataillon commandant 6 700 fr .
1 capitaine (2" classe) ^^ 000
1 lieutenant (1" classe) 2250
3" Total UÎ^SO fr.
Officiers de santé :
1 médecin '^000 fr.
2 chirurgiens de 1" classe 4 500
4 chirurgiens de 2'' classe "^ 50"
2 chirurgiens élèves - 400
1 pharmacien de !'• classe 2 250
1 élève 1^00
n Total 20850 fr.
Principaux aijcnts civils :
1 préfet colonial,
1 trésorier,
1 juge supérieur à Pondichéry,
1 juge de la Chauderie (pour les Indiens) ,
1 juge pour Chandernagor,
1 juge pour Mahé,
4 greffiers.
266 MEMOIRES ET JOLRMAUX DU GENERAL DECAEN
Agents secondaires :
18 agents pour être placés dans les différents comptoirs,
non compris les principaux établissements.
Comme il est nécessaire que quelques personnes
passent dans l'Inde comme secrétaires et interprètes, on
fixe leur nombre à
30
Total... 48
Récapitulation du nombre des passagers d'après lequel on peut fixer
celui des vaisseaux nécessaires au transport :
44 Etat-major général, génie (direction), artillerie
(direction), officiers de santé,
978 Infanterie,
24 Officiers pour les Cipayes,
80 Artillerie,
63 Cavalerie,
10 Principaux agents civils,
48 Agents secondaires.
Total... 1247 hommes.
J'observe, relativement au transport, qu'il est convenable de prendre en
considération le nombre d'officiers et agents civils faisant partie de cette
expédition qui doivent occuper plus de place sur le vaisseau que le soldat.
Article 4.
Les troupes ci-après seront celles auxquelles il sera donné des ordres
pour faire partie de l'expédition :
Un bataillon de la IOl)« demi-brigade, en garnison à Metz;
le 3'" de la ^i"" légère, en garnison à Mantes;
un détachen)ent & chasseurs, en garnison à Brisach ;
un détachement 9" hussards, en garnison à Brisach;
une compagnie du 6'^ régiment d'artillerie légère, en garnison à Rennes.
Chaque détachement de chasseurs et hussards sera composé ainsi :
1 sous-lieutenant,
2 maréchaux de logis,
2 brigadiers,
1 trompette,
25 cavaliers.
Total . . . lÛ
Il sera particulièrement recommandé, dans l'ordre, que les officiers
soient choisis tant pour leur constitution que pour leurs mœurs et leurs
moyens, et qu'il n'en parte pas qui aient plus de trente-six ans; que les
COMPOSITIO\' DE L'EXPEDITIOM 26T
sous-offîciers et soldats soient également clioisis et que les mauvais sous-
officiers ne soient pas compris.
11 sera aussi recommandé que la masse soit remise pour chaque homme
et qu'il soit habillé de neuf autant que possible et bien armé.
Des selles et des brides neuves pour les détachements de hussards et de
chasseurs, et des harnais pour les chevaux de l'artillerie légère seront em-
barqués ainsi que 12 pièces d'artillerie :
4 obusiers,
4 pièces de 8,
4 pièces de 4,
6 wursts,
G caissons.
Il sera embarqué provisoirement, avec cette artillerie, un approvision-
nement double en munitions, surtout en fer coulé.
Deux mille fusils neufs pour armer les Cipayes et avoir des armes de
rechange.
Six cents sabres pour le même objet.
La quantité de poudre et de balles n'est pas déterminée, ainsi que diffé-
rents autres objets de détail et de rechange. Le directeur de l'artillerie en
présentera l'état.
Il sera pourvu à l'approvisionnement en étoffes nécessaires pour l'ha-
billement des Cipayes ainsi que pour celui des troupes européennes en drap
de Lodève.
Il sera fourni aussi 1 200 gibernes complètes, 600 baudriers pour les
sabres, et 30 caisses de tambour avec leurs colliers.
Au surplus, chaque chef présentera, pour sa partie, au ministre, les états
détaillés des objets nécessaires.
Article 5.
Les officiers, militaires et civils ci- après désignés seront mis à la dispo-
sition du ministre de la Marine, afin qu'ils puissent recevoir leurs ordres
et s'occuper des préparatifs pour ce qui regarde leurs emplois respectifs :
Le général de brigade Montigny, pour Chandernagor;
le général de brigade Vandermaëscn, pour Pondichéry;
le chef de brigade Sainte-Suzanne, pour commander l'infanterie. {Nota :
le Premier Consul a bien voulu me promettre que le citoyen Sainte-
Suzanne, chef de bataillon de la 59% serait élevé au grade de chef de bri-
gade. Ce chef a déjà commandé les Cipayes. Il est âgé, mais il connaît les
habitudes des Indiens) ;
le chef de bataillon Ilichemont, pour le génie;
le citoyen Dupleix pour préfet colonial (le citoyen Dupleix a beaucoup
d'instruction sur l'administration, la politique et le commerce de l'Inde;
il n'est pas un homme ordinaire; la gloire de son pays l'anime; neveu
du célèbre Dupleix, il voudra marcher sur ses traces) ;
268 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEN
le citoyen Laurent- Dieudomié Martin pour juge supérieur à Pondi-
chéry (Ce citoyen a été employé vingt-trois ans dans la judicature. Il a été
procureur du roi pendant quatorze ans à Châlons-sur-Marne et, depuis la
Révolution, il a constamment siégé dans divers tribunaux, et particulière-
ment au tribunal du département de la Seine).
J'aurai l'iionneur, mon général, de vous présenter le tableau de propo-
sition des officiers et agents que je n'ai pas indiqués, lorsque vous aurez
porté votre décision sur les principales demandes que je vous soumets.
Aperçu de la dépense annuelle des troupes stationnées dans l'Inde et
pour les différents établissements, dans lesquelles dépenses on ne comprend
pas les frais de transport ni ceux de station pour les bâtiments de l'Etat.
Etat-major de la colonie.
Solde des différents officiers, en prenant pour base l'arrêté du. . .
La somme de 112 675 fr.
Le traitement du capitaine général et le supplément
qui est nécessaire aux deux généraux de brigade,
surtout pour celui qui réside à Cbandernagor. Mémoire.
Troupes.
Infanterie française 550 324 \
Gardes " 57 228 684 732 fr.
Artillerie 77 180 )
Génie, direction 17 700
Artillerie, direction 11 950
Officiers de santé 20 850
Dans les sommes affectées à cbaque arme, on com-
prend la solde, la subsistance (à raison de 0 fr. 50)
— la ration étant composée de 16 onces de pain,
8 onces de riz, 12 onces de viande fraîche et com-
pris l'eau et le bois, les ustensiles et fournitures
habituellement faites aux troupes servant dans
rinde — le logement, l'habillement, l'entretien,
les fourrages, et les remontes d'après la fixation
des masses affectées à chaque homme, ainsi que les
journées d'hôpitaux, au dixième de l'effectif, à rai-
son de 2 francs par jour.
Corps de Cipayes 270 420
Dans cette sonnne, on ne comprend que la solde, à
laquelle on ne doit ajouter que celle de la dépense de
rhabillement et du logement de ces troupes, aux-
quelles il n'est fourni aucune subsistance, qu'on peut
évaluer à 30 francs par honune, et pour les 961 à 28 830
A reporter l 147 157 fr.
DEPENSES DE L'EXPEDITION 269
Report 1 147 157 fr
Achat de chevaux.
Dans les deux articles de dépense pour la cavalerie et
l'artillerie, la somme comprise pour les remontes
n'est que dans la proportion fixée pour les rem-
placements, l'achat des chevaux pour les deux
armes à raison de 500 francs par cheval et, déduc-
tion faite du montant de la remonte, à la somme de 56 626
El pour les 48 chevaux de trait qui n'ont été compris
ni pour l'achat ni pour le remplacement aussi, à
500 fr. l'un 24 000
Agents civils.
Préfet colonial Mémoire.
Le trésorier 6 000 i
Le préposé-receveur 2 400 / , ^ o„ „
¥ ' • m K\(\ / IboOO
Le prépose -payeur 1 400 (
Au trésorier, frais de bureau 6 000 I
Garde-magasin général 3 000 / ^ jj_-
4 commis aux détails 4 800 '
Garde-magasin, officier de port et employés de la
marine Mémoire.
Officiers de justice 20 000
Etat-major de place 4 000
Police 14000
Grande voirie 10 000
Directeur de la Monnaie 2 400
Imprimeur 1 500
ToTAi 1 304 283 fr.
Aux sommes à porter au présent état, on ajoutera celles portées pour
mémoire seulement ainsi ([ue ce qui sera fixé pour les dépenses générales
qui doivent comprendre :
Les travaux de fortification, si on en rétablit. Mémoire.
Les réparations des bâtiments militaires et civils et
autres travaux publics, loyers de maisons, maga-
sins et logements, en argent. —
Transports dans les différents ports de l'Inde. —
Supplément de dépense au grand prévôt. —
' Frais de voyage d'Inde en Inde. —
Subsistance des officiers de marine et autres restés à
terre. —
Frais de journées d'hôpitaux pour les malades autres
que les troupes. —
370 AIKMOIRES ET JOLRXAUX DU (ÎE.YERAL DECAEM
Achat d'huile à hrùler pour les troupes et entretien
désarmes. Mémoire
Dépenses politiques. —
Frais au dehors. —
Pensions des veuves et anciens militaires. —
On porte également pour mémoire les frais d'établis-
sement de Chandernagor, Karikal, Mahé et Vanaon
ainsi que le traitement des agents employés dans
les petits comptoirs cy. —
On estime que pour faire face aux dépenses énoncées
dans les deux précédents articles, il conviendrait
d'allouer, pour la première année, une somme de
800000 fr. qu'il faudrait augmenter si le but du
gouvernement est de donner quelque présent de
prix aux princes du pays et s'il veut qu'on acquitte
les dettes contractées lors du siège, et les arrérages
des pensions. S'il fallait fortifier, on suppléera pro-
visoirement aux fortifications par l'artillerie légère. 800 000 fr.
Cette somme, réunie à celle ci-dessus, compose un
total général de dépense de 2 10i283 fr.
J'ai l'honneur, etc.. »
Le mode d'organisation des Cipayes, leur solde, etc., devant
être réglés par le Conseil d'Ktat, le général Dessolle, chargé du
rapport, me demanda une note à ce sujet. Je lui écrivis, le
19 messidor :
Comme vous allez, mon cher général, lous occuper, au Conseil d'Etat,
du mode d'organisation et de traitement pour les corps de Cipayes qui
doivent servir dans nos établissements de l'Inde, je vous présente cette
note contenant quelques observations qui, je crois, peuvent être prises en
considération .
Dans un projet relatif à l'expédition, que j'ai remis au Premier Consul,
j'avais compris l'organisation d'un bataillon de Cipayes à dix compagnies.
Je n'avais pas, alors, acquis des renseignements que j'ai eus depuis; et j'ai
reconnu avoir commis une erreur relativement au nombre d'officiers euro-
péens que je demandais pour former le cadre de ce bataillon, puisqu'il est
indispensable de composer ainsi ce corps.
J'avais donné la préférence à un bataillon composé de 10 compagnies à
deux bataillons de chacun 5 pour plusieurs motifs : entre autres, j'y trouvais
plus d'économie; et, comme il est nécessaire d'avoir des Cipayes à Chander-
nagor, Karikal, Mahé, alors, dans chacun de ces établissements, on aurait
levé des compagnies, deux dans le premier et une dans les deux autres, et
six compagnies à Pondichéry; enfin, parce que j'avais pensé que le gou-
vernement ne voulait pas qu'il fût levé plus de 1 000 à 1 200 hommes.
RAPPORT DE DECAEXf A DESSOLLE 271
Mais, si rintention du gouvernement est de porter cette levée jusqu'à
1 800 ou 2 000 hommes, je pense, mon cher général, qu'on ne peut pas
adopter un meilleur mode de formation que celui de deux bataillons de
chacun neuf compagnies dont une de grenadiers.
Depuis que la France a eu des Cipayes à sa solde, les formations de ces
corps ont varié, et surtout celles des compagnies. Comme je n'ai point été
sur les lieux, je ne prononcerai point quelle a été la meilleure de celles adop-
tées, mais il me semble que, d'après l'expérience, on doit accorder la préfé-
rence à celle de 1792, en y apportant cependant quelques changements qui
peuvent être préférables au bien de la chose, surtout en ne laissant exister,
entre la formation de nos bataillons et celle des Cipayes, que la différence in-
dispensable. Pous donner plus de clarté à ma proposition, j'ai cru qu'il con-
venait de mettre en parallèle l'organisation de 1792 et celle que je présente.
Etal-major selon la formation de 1792 :
Colonel commandant 8 000 fr.
Lieutenant-colonel B 000
Lieutenant-colonel en second 5 000
Quartier-maître 1 800
1" rissaldar ou chef de bataillon indien 3000
2« rissaldar 2 400
A chaque adjudant-major indien I 200
lorsqu'il ne^^sera quegemnadar I 050
Au chirurgien indien I 500
Supplément pour remèdes 900
Deux adjudants de bataillon indiens à 500
Un tambour-major 450
Un caporal tambour 300
A chaque musicien 210
A chaque maître-ouvrier 210
Etat-major selon la formation proposée :
Un chef de brigade commandant 8 000 fr.
Un chef de bataillon G 000
(Ce chef de bataillon serait chargé de l'adminis-
tration, instruction, police et discipline; enfin, il
remplirait les fonctions de major) .
Un quartier-maître 1 800
1" rissaldar 3 000
2' rissaldar 2 400
A chaque adjudant-major indien 1 050
(Les adjudants-majors ne seraient que gemnadars
ou lieutenants) .
Un chirurgien-major 1 500
Suppléments pour remèdes 900
272 MÉMOIRP]S ET JOURMAUX DU GENERAL DECAEN
Deux adjudants de bataillon à 500 fr.
Un tambour-major 450
Un caporal-tambour 300
A chaque musicien 210 (4 maiicien»)
A chaque maître-ouvrier 210 (3 maitrei-ooTr.)
Selon la formation de 1792, rétat-major des deux: bataillons coûtait
34 270 francs.
li'état-major des deux bataillons de Cipayes composés comme ci-dessus
coûterait, pour la solde annuelle, 32 920 francs, ce qui diminue la dé'
pense de 1 350 francs par an.
Le chef de brigade et le chef de bataillon suffiraient pour la surveillance
dans toutes les parties. On ne peut présenter d'objection que pour le com-
mandement à la manœuvre. Mais, à cet égard, ce poste serait rempli par
le capitaine de 1" classe de chaque bataillon.
La formation de 1792 n'adopte point d'adjudants-majors européens. Je
les crois pourtant très nécessaires pour la surveillance des détails du ser-
vice et de l'instruction, d'autant mieux encore que la formation proposée
ne comprend point d'adjudants sous-officiers européens.
Les adjudants-majors indiens n'auraient que le grade de gemnadar ou
lieutenant. Ils n'auraient leur avancement qu'en passant au grade de
soubdars dans une compagnie. Je me propose de ne présenter que deux
officiers indiens par compagnie : un soubdar ou capitaine, un gemnadar
ou lieutenant. Comme on ne doit réellement considérer ces officiers
[que] comme de premiers sous-officiers, il devrait paraître égal de
n'employer par compagnie que deux gemnadars ou lieutenants; mais
l'usage, et surtout ce grade existant dans les corps de Cipayes anglais, il
convient de ne rien innover à cet égard. Mais on peut n'employer que ces-
deux officiers (un soubdar et un gemnadar) par compagnie, et remplacer
le deuxième gemnadar par un sous-lieutenant européen; alors, on 'aurait
quatre officiers européens par compagnie dont un capitaine, deux lieute-
nants, un sous-lieutenant. Il n'y aurait qu'un supplément à ajouter [à la
solde] d'un gemnadar pour fournir celle du sous-lieutenant européen.
Plusieurs avantages résulteraient de cette formation; le service s'en
ferait mieux ; on aurait des officiers pour former des cadres au besoin ;
enfin, n'est-il pas plus convenable de favoriser des Français plutôt que des
Cipayes, puisqu'à la rigueur on pourrait se dispenser d'avoir des officiers
indiens, surtout des rissaldars ou chefs de bataillon? Les Anglais n'en em-
ploient point de ce grade.
Je présume que ce qui a pu en faire créer pour le service français,
c'était pour avoir des moyens de faire le recrutement.
Je vais maintenant présenter la formation que je crois qu'il convient
d'adopter pour chaque compagnie :
1 capitaine européen,
' 1 lieutenant en 1",
ORGANISATIOX DKS TROUPES INDIGÈNES 273
1 lieutenant en 2%
I sous-lieutenant,
1 soubdar,
1 gemnadai*,
1 sergent-major indien,
4 sergents,
8 caporaux,
8 appointés,
80 fusiliers,
2 tambours,
1 écrivain.
Total des Indiens. . . 100
4 officiers européens.
Total giôxkral ... 110
Il n'y a de changement, dans cette formation, avec celle de 1792 que
l'augmentation du sous-lieutenant européen et la suppression du deuxième
.sergent-major qui serait remplacé par un écrivain dont la solde serait
moindre de plus de la moitié; ces écrivains étaient employés avant la for-
mation de 1792. Quoique les appointés ne soient plus employés dans la
formation des bataillons européens, je crois qu'il faut en créer dans les
bataillons cipayes. C'est un des moyens de les attacher au service français,
surtout puisque ces hommes ne contractent point un service pour un
temps déterminé et ne sont au service qu'autant qu'ils le veulent.
Enfin, si l'on adopte le quatrième officier européen par compagnie, on
peut très bien composer ces compagnies de 88 fusiliers puisqu' entre autres
choses les officiers sont en proportion.
Un bataillon deCipayes dont les compagnies seraient composées comme je
l'ai ci-devant exposé donnerait, sans l'état-major, un effectif de 990 hommes,
officiers européens et indiens compris, qui coûterait annuellement, pour la
solde, la somme de 265 480 francs.
En voici le détail par grade :
1 capitaine de grenadiers h 2 700 2 700 fr.
1 capitaine de 1" classe à 3 000 3 000
3 capitaines de 2" classe à 2 400 7 200
4 capitaines de 3« classe à 2 000 8 000
9 lieutenants à 1 600 14 400
9 lieutenants ;\ 1 500 13 500
9 sous-lieutenants à 1 400 12 600
1 soubdar de grenadiers h 1 250 1 250
8 soubdars de fusiliers à 1 050 8 400
9 gemnadars dont 1 à 900 et 8 à 750 6 900
1 avaldar ou sergent-major de grenadiers à 540 . 540
II. 18
274 MÉMOIRES ET JOURNAUX DU GEMÉRAL DECAEM
4 avaldars ou sergents de jifrenadiers à 450 1 800 fr.
8 naicks ou caporauv de «{renadiers à 300 2400
8 appointés de grenadiers à 240 l 020
2 tambours de grenadiers à 210 420
80 grenadiers à 210 1(3 800
1 écrivain à 210 210
8 premiers avaldars de fusiliers à 450 3 600
32 avaldars à 360 II 520
64 naicks ou caporaux à 240 15 360
64 appointes à 210 13 440
16 tambours à 180 2 880
640 fusiliers à 180 115 200
8 écrivains à 180 1 440
990 Effectif d'un bataillon = Dépenses 265 480 fr.
X 2
Total pour deux bataillons .... 530 960 fr.
Pour l'état-major des deux: bataillons 32 920
Total gkxérai 563 880 fr.
Avec la solde affectée à chaque grade, on n'aura aucune indemnité à
payer aux officiers français et indiens, mais on sera obligé, lors de la levée
des bataillons, de faire l'avance, aux officiers indiens, de tout leur habille-
ment et équipement, dont on exerce la retenue proportionnellement
chaque mois. On fait aussi, aux officiers français, une partie de ces avances,
surtout pour les effets d'Europe qui leur sont nécessaires, et dont la
retenue s'exerce de la même manière. Ainsi, pour faire toutes ces fourni-
tures, il y avait un magasin où tous ces effets étaient avancés au prix de
facture, c'est-à-dire tous frais d'achat, transport, etc.. comptés.
Les sous-officiers et soldats cipayes ne sont fournis d'aucune subsistance.
Ils ne font point de dépenses d'hôpital ; on ne leur donne que le logement
qui n'est pas très dispendieux.
Depuis que la France a pris des Cipayes à son service, on a toujours
habillé et équipé les sous-officiers et soldats cipayes. L'habillement et
équipement consistait :
Savoir :
Un habit de drap vert 17' 10» v'
Deux gilets croisés de toile de coton 5 12 6
Un surtout de toile pinasse 6 5 '^
Deux caleçons doublés en toile de colon 6 5 »
Une loque de bétille 6 17 6
Une ceinture de toile bleue 3 2 6
Deux paires de sandales 3 15 •
49' 7« 6''
ORGAMISATIOX DES TROUPES INDIGÈNES 275
Ces effets devaient durer trois ans et, pour être remboursé de cette
fourniture, on exerçait une retenue de 15 deniers par jour ou de 1' 17' (v'
par mois.
Je pense que, pour attacher les Cipayes au service français et en faciliter
le recrutement, on doit rapprocher leur salaire de celui que donnent les
Anglais, sans qu'il soit absolument nécessaire de porter ce salaire au taux
de celui qu'ils donnent et qui consiste dans 6 roupies par mois (environ
15 francs), deux roupies et demie, lorsqu'ils quittent la garnison, en sup-
plément; ils ont, en outre, une quantité de riz. Avec cette solde, les soldats
cipayes anglais sont habillés et équipés de tout, sans qu'il leur soit exercé
de retenue.
On fera la fourniture du premier habillement et de tout l'équipement
ci-devant désigné aux Cipa\es, et on n'exercera plus sur eux qu'une rete-
nue de douze deniers au lieu de quinze, ce qui leur fera une augmentation
de trois deniers de solde par jour.
Le Cipaye serait tenu de s'entretenir de caleçons et de sandales, effets qu'il
use le plus; c'est ce que l'on considérerait comme petit équipement. Le sol
de retenue fournirait à ce petit équipement; et tous les trois mois, on lui
en ferait le décompte; mais, avant de lui faille le premier, il faudrait qu'il
eût une niasse de 18 francs. Ce moyen contribuerait encore à attacher le
Cipaye au service, parce qu'on lui remettrait son décompte et sa masse
lorsqu'il le quitterait, ou à sa famille, en cas de décès.
Je demande donc que le gouvernement affecte annuellement, pour cette
dépense, les mêmes soldes qu'il passe annuellement à chaque soldat fran-
çais pour sa niasse d'habillement et d'entretien, dont une est de 25 francs,
et l'autre de 8, en tout 33 francs : ce qui serait une dépense à ajouter à
la solde des deux bataillons de 62 139 francs, et ferait un total de
625 010 francs, état-major compris, pour laquelle ces deux bataillons
seraient fournis de tout, même du logement, excepté cependant la fourni-
ture des fusils, sabres, gibernes et buffleterie qui sont envoyés d'Europe.
Les Anglais ajoutent aux avantages qu'ils donnent aux Cipayes celui
d'adopter, par régiment, IGO enfants d'officiers, sous-officiers et Cipayes
auxquels ils donnent, lorsqu'ils ont atteint l'âge de cinq ans, deux roupies
et demie par mois et un petit habillement, jusqu'à ce qu'ils soient en âge
d'être soldats.
On donne de l'instruction à ces enfants et ils deviennent de très bons
sous-officiers et officiers. Je ne propose pas d'en accepter un tel nombre;
mais ne conviendrait-il pas d'en adopter au moins quatre par compagnie?
Cette méthode des Anglais me paraît très bonne à suivre.
Voilà, mon cher général, ce que j'ai pu à la hâte vous réunir sur ce
corps de Cipayes. Contribuez, je vous prie, à ce qu'au moins une bonne
partie de mes propositions soient admises.
Salut et amitié.
Le mode d'organisation que j'avais proposé dans cette lettre
ainsi que la fixation de la solde furent adoptés, à quelques modifî-
276 MlhlOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEX
cations pivs, et déterminés par un arrêté des Consuls du 28 fructi-
dor an X.
Le nombre des grenadiers et fusiliers, pour chaque compagnie,
ne fut porté qu'à 64 hommes au lieu de 80 que j'avais proposé.
Ainsi la force de chaque compagnie fut fixée à 94 hommes, officiers
compris, dont 4 européens, au lieu de 110; chaque bataillon, à 840,
la demi-brigade de deux bataillons à 1 692, enfin, y compris l'état-
major, à 1 713.
Quant à la solde, cello :
Ou dicf de l)ataillon européen fut réduite à. . 5 000 au lieu de 6 000
Ou 1" rissalciar à 2 400 — 3 000
Ou 2" rissaldar à I 800 — 2 400
Soubdars de grenadiers à. 1 200 — 1 250
Adjudant-major geninadar 900 — 1 050
Sergent-major de grenadiers à 510 — 540
Sergents de grenadiers à 420 — 450
(iaporaux de grenadiers à 270 — 300
Maîtres-ouvriers de grenadiers à 180 — 210
Les augmentations ci-après eurent lieu :
Au\ adjudants-majors européens . 2 100 au lieu de 2 000
Capitaine de 3= classe 2 100 — 2000
Aux adjudants et sous-officiers indiens 575 — 500
Tambour de grenadiers 240 — 210
Ecrivain-fourrier grenadier 300 — 210
Musicien 270 — 210
Tambour de fusiliers 210 — 180
Fourrier-écrivain de fusiliers 270 — 180
Les masses d'habillement et d'entretien furent accordées, mais
réduites, l'une, de 25 à 18 francs, et l'autre, de 8 à 6, 24 francs
pour les deux au lieu de 33, pour chatjue iiomnie.
La retenue par jour fut fixée à 8 centimes au lieu de 12 deniers
et la masse de 18 francs prescrite, ainsi que le décompte, comme
j'avais proposé de les établir.
Ainsi, d'après les dispositions déterminées par l'arrêté des Con-
suls, la dépense pour les deux bataillons de Cipayes et leur état-
major était réduite à la somme de 550002 francs pour la solde
et les masses d'habillement et d'entretien, au lieu de celle de
625 019 francs, énoncée et détaillée dans ma lettre au général
ORGANISATIOX DES TROUPES IMDIGÈMES 277
Dessolle, différence en moins de 75 017 francs, attendu la réduc-
tion de 16 hommes par compagnie.
L'admission de quatre enfants de Cipayes par compagnie fut
adoptée. On leur accordait la demi-.solde à l'âge de cinq ans. La
préférence devait être donnée à ceux des soldais et ensuite des
sous-officiers avant ceux des officiers.
CHAPITRE III
On accélère les préparatifs de l'expédition. — Démêlés de Decaen avec le ministre de la
Marine. — Decaen en appelle au Premier Consul. — Il se charge d'emmener tiOO noirs.
— Xouvclle discussion de Decaeo avec Decrès. — Decaen organise son bataillon afii-
cain. — État-major et fonctionnaires de Decaen. — Au cours d'un entretien aipc
Decaen, Bonaparte se plaint \iuement de Moreau. — Ses reproches sur la conduite de
celui-ci. — Decaeu défend Moreau. — Bonaparte attribue la conduite de Moreau à
l'influence de la femme et de la belle-mère de celui-ci et aux conseils de Laborie,
Frcsnière et Normand. — 11 semble encore porter quelque intérêt à Moreau. —
Decaen lui insinue que Moreau pourrait être facilement ramené. — Réponse découra-
geante du Premier Consul ; >■ C'est un sable mouiant! » — Causes du mécontentement
de Laborie. — • Uernières tentatives de Decaen pour rapprocher Moreau de Bonaparte.
II fut décidé que rexpcdition partirait de Brest, et que le vaisseau
le Marengo, de 74, les frégates la Belle-Poule, VAtalante, la Sé-
millante avec la fliite la Nécessité et quelques uavires de com-
merce, transporteraient dans l'Inde les troupes, bagages, etc..
Savoir :
600 lioiiimes, 3'^ bataillon de la 100" demi-brigade
de ligne ;
320 bommes, bataillon d'infanterie légère, 3^ de
la IS-^ ;
100 bommes, compagnie d'artillerie légère du
6'' régiment;
60 hommes, garde du capitaine général, formée
de détacbements de cbasseurs et bussards ;
16 ouvi'iers d'artillerie.
ToTAi 1 096
58 officiers de ces corps ;
78 pour les Cipayes;
18 officiers généraux, d'état-major et des directions
d'artillerie et de génie.
ToT.^L GIÎXÉR.^L. . . 1250
Ml, avec le préfet, les fonctionnaires civils, les employés, les
femmes et les enfants et, en outre, les domestiques, il y avait à
transporter environ I iOO personnes.
NOUVEAUX DEMELES AVEC DECRIS 279
Les dispositions à faire par la marine pour le dépari de l'expé-
dition n'ayant pas été terminées afin de mettre à la voile au mois
d'octohre, ce départ fut ajourné an printemps prochain.
Au mois de nivôse, je reçus une lettre du ministre de la Marine,
datée du 13, m'annoncant que « l'intention du gouvernement
étant que je me rendisse bientôt au poste (jui m'était assigné, il
s'empressait de me prévenir qu'il avait donné des ordres pour que
je fusse payé, à Paris, de quatre mois d'avance sur mon traitement
fixé à 70000 francs. »
Alors, tous les préparatifs furent accélérés. Les troupes qui
étaient déjà stationnées dans les environs de Brest reçurent des
ordres pour y arriver, ainsi que les officiers, etc., qui devaient
s'y rendre; et tout ce qui devait faire partie de l'expédition en
hommes et en matériel y arriva successivement.
J'allais assez souvent voir le Premier Consul, soit pour lui faire
des demandes relativement à l'expédition, soit pour le prier de lever
les difficultés que je rencontrais auprès du ministre de la Marine.
J'eus avec ce ministre une assez vive discussion parce qu'il avait
fait remplacer la flûte qui devait être employée au transport par
le navire la Câte-d'Or, affrété au commerce et qui offrait moins
de capacité. Lui ayant fait, à cet égard, des représentations et
qu'il n'y avait pas suffisamment de bâtiments pour transporter le
personnel et le matériel, et que les troupes seraient trop mal à
l'aise pour une aussi longue traversée, je lui dis qu'ennuyé des
contradictions ([ue j'éprouvais journellement, je finirais par
prendre un parti; et, à sa réplique que je me conformerais sans
doute aux ordres du gouvernement, je lui ripostai (|ue je ne ferais
(|ue ce que je jugerais me convenir.
Peu de jours après cette discussion, étant allé voir le Premier
Consul, il me dit : c Vous êtes donc en (juerelle avec le ministre
de la Marine? — Oui, mon général, et cela ne peut pas être
autrement, parce que, le ministre n'étant contredit par personne
lorsqu'il vous soumet ses dispositions, vous lui accordez ce (|u'il
vous demande; et ce sera toujours de même si vous n'êtes pas
mon avocat. •• Il se mit à rire et me dit : >t Eh bien! je serai
votre défenseur, n Mes observations contribuèrent à faire ajouter
à la Côte-cVOr deux autres navires.
280 MKMOIHKS ET JOIR.YAUX DU GIÎiVÉRAL DECAEX
Cependant, mon dépari de Paris n'eut pas lieu aussi tùt (jue je
l'avais présume, attendu qu'étant allé voir le Premier Consul, il
me dit : " Comme Richepance nous a embarrassés de 1 500 noirs
qui sont arrivés à Brest, qu'il a extraits de la Guadeloupe et qu'il
avait d'abord envoyés aux Ktats-l nis, où l'on n'a pas voulu les
recevoir, ces bommes ont été déposés au bagne en attendant qu'on
leur donne une destination. Ne pourriez-vous pas nous débarras-
ser d'une partie? v Je répondis : a Mon général, je crois cela pos-
sible, du moins pour 600 dont je formerai un bataillon qui en
remplacera un des deux de Cipayes que je dois lèvera mon arrivée
à Pondicbéry. Si mon expédition était composée de plus d'Eu-
ropéens, je vous proposerais de me donner tous ces noirs, car je
crois qu'en traitant bien ces bommes, on en tirera un aussi bon parti
et, peut-être, meilleur que des Indiens. Je ne vous demande pas
de remplacer le deuxième bataillon de ceux-ci par des Africains :
parce que je crois qu'il est indispensable d'avoir aussi des troupes
indiennes pour le service des établissements. C'est un usage établi
(|u'on ne peut pas s'empécber de suivre, et qu'il est politique
d'entretenir; d'ailleurs, je crois que si l'on ne s'y conformait pas,
cela pourrait produire un mauvais effet dans l'Inde, et que les
Anglais n'en seraient pas fàcbés. — C'est bien. Vos observations
sont justes. Allez voir le ministre de la Marine et entretenez-vous
de cela avec lui. -
Les noirs dont il s'agit avaient servi à la Guadeloupe pour
repousser les Anglais et conserver cette colonie à la Répu-
bli(|ue. Je crois que si le Premier Consul avait été bien informé de
ce (|ui s'était passé dans cette île, le général Ricbepance aurait
reçu d'autres instructions que celles qui lui furent données. Mais
on avait commis la même faute qu'à Saint-Domingue, de vouloir
y rétablir le même régime qu'avant la Révolution.
Ce capitaine général, après avoir subjugué, à la Guadeloupe,
les noirs qui s'étaient révoltés lorsque le contre-amiral Lacrosse (I ) ,
d'après les ordres du gouvernement, avait entrepris d'y réta-
blir l'esclavage, ce capitaine général, dis-je, avait considéré .qu'il
y aurait du danger à conserver dans cette colonie tous les noirs
qui avaient fait partie de la force armée. Alors, il avait pris la
(1) I^acrosse, d'après l'iitit général de la maria e de l'an XI, était coutre-aniira! depuis
le l"-' Tcadémiaire an V et avait été capitaine gdaéral de la Guadeloupe jusqu'en l'au XI.
DKCAEiV EMMÈXURA U.Y BATAILLOM DE NOIRS 281
résolution de faire expédier pour les Etats-Unis tous ces braves
gens si mal récompensés de leurs services, croyant qu'on trouve-
rait facilement à les vendre! Mais, la spéculation ayant été repous-
sée par les Américains, on se trouva forcé de faire voile pour un
port de France.
Quelques mois auparavant qu'il fût question des noirs arrives
à Brest, j'étais allé à la Malmaison. Après avoir salué Bonaparte
(|ui était dans le salon avec plusieurs personnes, entre autres
l'amiral Truguet (I) et le général Vauhois (2), il me dit, d'un air
fort satisfait : ci J'ai reçu de bonnes nouvelles de Ricbepance. Il
a eu du succès à la Guadeloupe. — Tant mieux, mou géné-
ral. — Il ne lui reste plus qu'à soumettre quelques bandes de
révoltés dont il espère pouvoir bientôt venir à bout, n Alors
quelqu'un observa qu'on n'en pourrait finir qu'en les exterminant,
et cliacun fit des réflexions sur ce sujet, et énonçant ([ue c'était
le seul moyen à pratiquer. Je me permis d'exprimer mon opinion
par ces seules paroles : " Et le sucre! Qui le produira, quand il
n'y aura plus de nègres? v Alors Bonaparte tourna le dos et il
ue fut plus question de la Guadeloupe, où les derniers 300 noirs,
(jui avaient combattu pour conserver leur liberté, préférèrent se
faire sauter ensemble par l'explosion d'une mine plutôt que de
reprendre les chaînes de l'esclavage!
Au sujet des noirs arrivés à Brest, j'allai, dès le même jour
qu'il en avait été question avec le Premier Consul, pour en causer
avec le ministre de la Marine. Mais ue l'ayant pas rencontre, j'y
retournai le lendemain; et il débuta ainsi : u C'est donc vous,
général, qui avez dit au Premier Consul qu'on pouvait emmener à
I*ondichéry une partie des noirs venus de la Guadeloupe? — Oui,
c'est moi, parce que je crois cela possible. — Mais vous n'avez pas
réfléchi que si vous étiez obligé de revenir à l'île de France, vous
ue pourriez pas y introduire ces noirs? — Il est certain que je n'ai
pas eu celte idée. Cependant, si vous n'avez pas d'autre objection
(1) Truguet (Laiirent-Jeaii-Fraarois) était vice-amiral depuis le 6 veudémiaire an III,
et conseiller d'Étal (Etal général de la marine de l'an XI).
(2| Belgrand-Vaubois (Claude-Henri), né le 1'='' octobre 1748 ; élève d'artillerie, le
10 décembre 1709; lieutenant, le 7 juin 1770; capitaine, le 5 avril 1787; chef du
3i" bataillon de la Drôme ; général de brigade, le 6 septembre 1793; général de division,
le 19 floréal an lU; commandant de Malte jusiju'au 9 floréal an VII; entré au Sénat en
brumaire an IX; commandant d'une division de gardes nationales de réserve, à Ostende,
le 15 août 1809; rentré au Sénat, le 29 septembre 180D, il mourut en 1839 (4. A. G.).
282 MÉMOIHES ET JOUR.MAUX DU GENEUAL DECAEX
k me faire, vous no cluingorcz pas mon opinion: attendu que, si
les circonstances voulaient mon retour de Pondicliéry à l'île de
France, il faudrait, pour reffectuer, que la mer fût libre, et que
j'eusse des bâtiments pour y embarquer ces noirs. Or, tant que la
faculté existera de faire cette traversée, je ne vois pas (|u'il y ait
lieu de revenir dans cette colonie. Et en cas de guerre, si les An-
glais voulaient prendre Pondicliéry, comme ils ne l'attafjueraient
qu'après l'avoir bloqué par mer, il n'y aurait pas à songer à une
retraite sur l'île de France. — Mais, que ferez-vous dans ce cas?
— Ab ! c'est autre chose! J'agirai selon les circonstances. ■^ Il ne
fut alors rien dit de plus sur ce sujet. Alais, le jour suivant, je
reçus le billet ci-après :
Paris, le 21 niiôse au \I de la République.
Le Ministre de la Marine et des Colonies...
Nous aurons 600 noirs pour le bataillon africain. Veuillez, mon cher
général, travailler de suite à leur projet d'organisation, vêtements, etc.,
et me faire un rapport. Venez dîner ce soir avec moi pour en causer.
Je m'occupai de suite du projet de l'organisation que j'avais
jugé convenable de donner à ce bataillon. Je le remis au ministre
et, le 30 nivùse, il m'adressa la lettre dont suit un extrait :
Le Premier Consul a approuvé, le 24 de ce mois, la formation d'un
bataillon de chasseurs africains composé de 614 noirs qui faisaient autre-
fois partie de la force armée de la Guadeloupe, et qui doivent tenir lieu,
jusqu'à concurrence de leur nombre, du corps de Cipayes que vous êtes
autorisé à lever dans l'Inde.
L'intention du gouvernement est que vous vous occupiez sans délai de
l'organisation de ce bataillon.
J'ai donné des ordres au préfet maritime du 3^ arrondissement afin
qu'il soit confectionné le plus tôt possible, pour chaque homme, un habit-
veste sur le drap destiné aux Cipayes, et tous les accessoires de l'habille-
ment seront achetés à Brest.
Tous les objets d'armement et d'équipement et de vêtement seront trans-
portés à Pondichéi-y, avec le bataillon de chasseurs africains, sur des biiti-
ments (\m vont être frétés à co sujet, et qui seront escortés par le brick le
Bélier de sorte (]ue ce corps, à son débarquement, sera pourvu de tout ce
(pii lui est nécessaire pour être de suite en activité de service.
.Aussilùt la réception de cette lettre, je mandai au général Vau-
dermacsen, déjà arrivé à Brest depuis quelque temps, de s'occu-
LKS COLLABORATELKS DE DECAEX 283
per aclivcinent de la formation de ce hataillon el do tout ce nui
lui était relatif, selon les instructions que je lui adressais; et j'écri-
vis au préfet maritime pour l'inviter de vouloir bien faire tout ce
(|ui lui serait possible pour que ces cliasseurs fussent promptement
habillés et é(|uipés...
Vandermaësen était un excellent officier. Il avait servi avec moi
à l'armée du Rhin, et il avait accepté la proposition que je lui
avais faite de m'accompagner dans l'Inde. Destiné à commander
les troupes, je l'avais chargé de recevoir le bataillon de la 109' et
de l'inspecter, ainsi que d'organiser le bataillon d'infanterie légère
et ma compagnie de gardes.
Le ministre de la .Marine m'avait proposé le général Monti-
gny (1) pour commander à Chandernagor. Cet officier général, déjà
âgé, avait servi dans l'Inde pendant longtemps. Ayant acquis beau-
coup de connaissances sur ce pays, il pouvait encore y être utile.
J'avais fait choix de l'adjudant commandant Binot (2) pour mor.
chef d'état-major. Cet officier était fort intelligent; il avait surtout
très bien servi en Egypte et il m'avait témoigné le désir de venir
avec moi.
L'adjudant commandant Darsonval (3) m'avait aussi demandé
d'être employé dans l'Inde. Je le proposai pour le commandement
de Alalié, à la cote Alalabar.
Le poste de Karikal, à la côte de Coromandel, fut destiné à un
parent du chef de brigade Lauriston (4), qui m'avait prié de le
(Ij Moutigny (Fraurois-Emmauuel Dehaies), né le 7 auût 1743 à Versailles; sous-
lieuteuant, le 2 août 1768; lieuteuaut. le 17 juin 1770; capitaine, le -4 mars 1772;
rang de major dans les troupes des colonies, le 28 janvier 177G; colonel, le 3 septem-
bre 1778; général de brigade, le 21 germinal an VIII; retraité, le 18 février 1812;
mort le 27 juin 1810 {H. A. G.j.
(2) Binot (Louis -François), né le 7 april 1771, à Paris, caporal au 9^ bataillon de
Paris, le 5 septembre 1792; sous-lieutenant, le 20 messidor an II; lieutenant aide de
camp, le 14 germinal an III; capitaine, le 1*'' germinal an V; chef d'escadrons à l'armée
d'Orient, le 13 nivôse an VIII; chef de brigade, le l'^"' fi-uctidor an I\ ; adjudant com-
mandant, le 10 floréal an X ; employé aux Indes Orientales, le 10 thermidor an X ;
employé au camp de Saint-Omer, le 11 ventôse an XIII; général de brigade, le 22 no-
vembre 1806; tné à Eylau, le 8 février 1807 (A. A. G.).
(o) Darsonval (Jean-François Angol , né le 1'='' décembre 1762, à Paris; soldat dans
Chartres-Infanterie, en 1777; sert auï Antilles, puis entre dans la légiou belge, le
l'-^ mars 1792 ; capitaine, le 1*'^ novembre 1792; chef de bataillon, le 3" complémentaire
an VII ; colonel, le 17 vendémiaire au VIII; adjudant commandant, le 3 messidoi'
an XII; employé à l'île de France, à la Grande Armée, en Espagne, maréchal de camp,
le 18 mars 1818 (A. A. G.).
(i) Lauriston (Jacques-Aleiandre-Bernard Lavv de), né le l'^'' février 1768, à Pondi-
chéry; élève d'artillerie, le 1"' septembre 1784; lieutenant, le l'^ septembre 1785; capi-
284 MÉMOIHES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEX
demander au Premier Consul dont il «Hait un des aides de camp et
d'o!)tenir aussi le grade de chef de brigade pour ce parent, nommé
de Kerjean, lequel, en qualité de lieutenant-colonel, avait com-
mandé le régiment de Poudichéry et était resté dans celte ville
depuis qu'elle était tombée de nouveau au pouvoir des Anglais.
Cet officier me renvoya ses lettres de service, que je m'étais em-
pressé de lui adresser dès mon arrivée sur la rade de Pondichéry,
motivant son refus sur ce qu'il avait fait assurer sa vie par une
compagnie anglaise qui avait entrepris ces sortes d'assurances.
le général Alarescot (1), inspecteur du génie, avait désigné le
chef de bataillon Ricbemont pour sous-directeur, excellent officier
et qui avait été très satisfait de sa nomination.
Les chefs de bataillon Duché et Lerch, bons officiers, comman-
daient les deux bataillons d'infanterie. Lorsque Vandermaësen
avait passé l'inspection de celui de la 109% il n'y avait admis que
les soldats de bonne volonté et bien constitués. Celui d'infanterie
légère avait aussi été formé de tous hommes partant volontai-
rement. J'avais proposé, pour commander ces deux bataillons, le
chef de bataillon Sainte-Suzanne, que j'avais fait nommer chef de
brigade.
J'avais choisi, pour commander ma compagnie des gardes, le
lieutenant Suchet, brave et bon officier de cavalerie. Il fut élevé
au grade de capitaine et mon frère fut nommé son lieutenant.
Cette compagnie fut formée de chasseurs et de hussards de bonne
volonté détachés de divers régiments. Le capitaine Grosjean com-
mandait la compagnie d'artillerie légère. C'étaient aussi tous
hommes de bonne volonté du 6" régiment.
taiue, le 22 août 1791; chef de brigade, le " février nDÔ ; démissionnaire, le
5 avril 1796; remis en activité. le 5 mars 1800; aide de camp du Premier Consul la
même année; fjénéral de brigade, le 13 septembre 1802; général de division, le
jer février 1805; ambassadeur en Russie, en 1811 ; commandant la U»" compagnie des
mousquetaires gris, le 20 féiricr 1S15; ministre secrétaire d Etat de la maison du roi,
le l'"' novembre 1820; maréchal de France, le 0 juin 182;i; décédé à Paris, le
10 juin 1828 (A. A. G.).
(1) Marescot (Armand-Samuel i, né le l" mars 1758; sous-lieulenant à l'école de
Alézières, le l""" janvier 1778; aspirant, le 1" janvier 1780, lieutenant, le 13 jan-
vier 178i; capitaine, le l''"' avril 1701 ; chef de bataillon, le 16 brumaire an II; chef de
brigade, le l"^' thermidor an II; général de brigade, le 15 fructidor an II; général de
division, le 18 brumaire an 111; commandant en chef le génie, à la Grande Armée; sert
à l'armée de Portugal; destitué, le 7 septembre 1808; nommé premier inspecteur géné-
ral du génie ])ar le gouvernement j)rovisoire, le 7 avril 1814; retraité du 18 octobre 1815
(A. A. G.).
PROCHAIIV DEPART DE L'EXPÉDITION 285
Je n'eus de difficultés que pour avoir un sous-directeur d'artil-
lerie, et je laissai à Brest le directeur désigné, le chef de bataillon
Florence Duhois, parce qu'il voulait être nommé chef de hrigade
avant de monter à hord.
Le citoyen Léger, commissaire ordonnateur à Brest, qui avait
été commissaire de la marine à Pondichéry, fut nommé préfet
colonial.
Le contre-amiral Linois commandait les bâtiments de l'expé-
dition.
Le ministre m'ayant prévenu, le 10 pluviôse, que, d'après le
dernier rapport reçu de Brest, il était certain que tous les prépara-
tifs concernant la marine seraient achevés pour que l'expédition
mette sous voile dans les premiers jours de ventôse, et n'ayant
plus que quelques objets à régler avec le ministre, je mandai au
général Vaudermaësen de réunir à Brest, pour le 1" dudit mois,
tout le personnel qui avait reçu l'ordre de se diriger sur Morlaix,
et je le prévins que je partirais de Paris dans les premiers jours de
la troisième décade de pluviôse.
J'avais aust^i à faire décider par le Premier Consul si la somme
d'un million, destinée pour Pondichéry, serait fournie parle Trésor
en piastres d'Espagne ou en lettres de change sur Aladras, comme
le prétendaient les ministres de la Marine et du Trésor, tandis que
je soutenais qu'on devait embarquer des piastres, attendu qu'il
pouvait arriver que les lettres de change ne fussent pas acquittées
;i Madras et qu'alors je me trouverais dans le plus grand embarras;
d'ailleurs, qu'il était impolitique et peu convenable d'avoir recours
aux Anglais pour un pareil service, et surtout pour commencer un
établissement, ajoutant que, plus tard, ou pourrait user de ce
moyen pour nous faire des fonds, mais (ju'il était prudent d'at-
tendre que le préfet eût, sur les lieux, pris des renseignements et
proposé les voies. Mes raisons prévalurent et l'ordre fut donné que
le million en piastres fût envoyé à Brest.
J'avais encore à demander au Premier Consul s'il ne me donne-
rait pas des instructions particulières. Lorsque je lui en parlai, je
lui dis que celles que le ministre devait me donner ne me parais-
saient pas suffisantes, qu'elles seraient copiées sur celles qu'avait
eues M. de Bellecombe eu 1778 et que j'avais choisies comme les
plus convenables de celles qui m'avaient été communiquées. Le
286 MIÎMOIRKS ET .101 R.VAIX DU GE.VKIîAL DECAEX
l'rcmior Consul me répondit : • \Iais loiil cela n'est qu'un proto-
cole! Mais quelles instructions [voulez-vous] que je vous donne
pour agira une distance aussi éloignée? Vous ferez pour le mieux,
en raison des circonstances. •' Je lui fis l'observation que je dési-
rais avoir un aperçu de ma règle de conduite relativement à ses
vues sur l'Inde. Il me dit qu'il me donnerait une instruction par-
ticulière.
Le ministre m'écrivit, le 10 pluviôse :
Le Preniicr Consul désirant, o[(''nôral, que toutes les personnes qui
composent re\pédition de riiulc soient l'cnducs très iiicessaiiîmont an port
d'end)arquonicnt, je vous invite à faire vos dispositions pour partir sans
perte de lenqis. Vous trouverez ci-joint l'ordre de départ qui vous servira
de passeport jusqu'à Brest.
Un des derniers jours que je restai à Paris, étant allé voir le
Premier Consul pour lui parler encore de l'expédition de l'Inde,
je fus très étonné de l'entendre me dire : ;• Decaen, le général
lloreau se conduit mal; je serai forcé de le dénoncer àla France.
Ces paroles m'ayant ému jusqu'aux larmes, je répliquai : ^ Mon
général, il y a des personnes qui vous trompent à l'égard du
général Aloreau; et d'autres qui lui disent du ma! de vous. Tout
cela est très fâcheux, mais il n'est pas possible qu'il agisse contre
les intérêts de la République qu'il a si constamment bien servie.
— Vous êtes bon, vous, et vous croyez que tout le monde vous res-
semble. Moreau correspond avec Pichegru. — Mon général, cela
n'est pas possible! — J'ai une lettre qui le prouve. L'on tient en
prison un abbé David qui en était porteur. Je puis vous la mon-
trer. — Comment! Après ce que le général Moreau avait écrit de
Pichegru à l'époque de la journée du 18 fructidor? Je connais cet
abbé David : il a fait imprimer une histoire de la campagne de
Pichegru en Hollande. Il m'a toujours paru fort attaché à ce géné-
ral. Je savais qu'il désirait beaucoup de le voir rentrer en France.
Il vint chez moi l'année dernière pour m'en parler. Il me dit :
.. Eh bien! mon cher général, nous n'aurons donc point la satis-
faction de voir rentrer Pichegru? Pourquoi cette exception? Ne
faut-il pas à tout péché miséricorde? -^ Je lui dis que c'était très
bien de pardonner les offenses, mais que Pichegru n'aurait pas dû
aller chez les Anglais, nos imj)lacables ennemis; que Barthélémy,
llarbé-AIarbois et autres n'avaient pas agi comme lui (et pourquoi
BONAPARTE SE PLAIXT DE MOREAU 287
n'avait-il pas cherche à rentrer en France après le 18 hru-
maire?); que Picliegru, ayant ainsi aggrave ses torts, il s'était
mérité l'exception faite à son égard. [J'ajoutai] que l'abhé David
ne fut sans doute pas satisfait de ma réponse car il ne vint plus
me voir; que, prohahlemenl, le général Moreau avait accueilli ses
sollicitations, appuyées de quelques mauvais conseils donnés par
d'autres personnes, car j'avais entendu dire que ce n'était que par
égard pour le général Hloreau (|ue ÎMchegru avait été compris sur
la list(! d'exception, et (ju'alors on était parvenu à déterminer le
premier à écrire à l'autre pour lui prouver que ce n'était pas lui
(|iii était un ohstacle à son retour en France.
Après ces observations de ma part, Bonaparte dit : - Convenait-
il au général Moreau de se tenir éloigné du gouvernement, et d'af-
fecter de ne pas être en uniforme quand il s'est présenté? Je n'ai-
mais pas les membres du Directoire, mais j'ai toujours su me
tenir dans les bornes du respect dû aux chefs du gouvernement.
Le général Moreau a rendu de grands services, mais cela ne l'au-
torise pas à faire le frondeur, et à rallier autour de lui les per-
sonnes aux([uelles le gojivernement s'est trouvé obligé de mani-
fester son mécontentement. En agissant ainsi, le général Moreau
ne montre-t-il pas qu'il donne son approbation à leur conduite?
Cela ne peut produire que le plus mauvais effet. D'ailleurs n'est-il
pas entretenu au service de la République? Il reçoit son traitement
de général en chef, ses aides de camp lui sont conservés. Ainsi,
ne devrait-il pas avoir plus de circonspection? Moi aussi, comme
militaire, j'ai rendu des services et je ne crois pas (lu'on ait, jus-
qu'à présent, de reproches à me faire de mon administration. On
dit que je travaille pour les Bourbons : mais je ne suis pas tombé
du ciel ici! Je sers ma gloire! Si le général Moreau peut avoir
quelque sujet de se plaindre, ce n'est pas avec des mécontents qu'il
doit s'en entretenir. Il a occupé un poste élevé qui lui donne de
l'influence, et une mauvaise influence sur l'opinion entrave la
marche du gouvernement. La France a besoin de repos.
" Le Concordat avec le pape lui a déplu. Je ne me soucie pas
des prêtres, mais il y avait besoin et même nécessité de s'en occu-
per pour rétablir, de ce côté, la tranquillité. Le général Moreau ne
vint point à la cérémonie de Notre-Dame; mais sa jeune femme
s'y montra, affectant la moquerie. Et, le soir, il se présenta chez
28,S MKVIOIRES ET JOURNAUX DU GE.VEHAL DECAEX
le ministre de la Ciuerre pour diner avec tous les généraux qui
avaient assisté à cette cérémonie, conduit par son inconséquence,
pour se mofiuer aussi de leur condescendance. Alais il éprouva le
désagrément de ne pas être admis, parce qu'il n'était pas en uni-
forme. Quand il y a des choses qui ne conviennent pas, on doit
savoir prendre son parti. On n'agit point de cette manière; on
s'éloigne entièrement. Enfin on n'affecte pas de se montrer comme
un chef de frondeurs. Je voudrais que le général Woreau eût de
l'ambition. Je voudrais qu'il fût comme Bernadotte. Eh bien! Je
la servirais, cette ambition... Est-ce de l'argent qu'il lui faut? J'ai
déjà laissé à sa disposition un cinquième de toutes les contributions
qu'il a levées en Allemagne, et il lui en est resté quatre millions.
Comme chef de l'État, je pourrais lui en demander compte et
regarder comme insuffisant l'aperçu qu'il a adressé au ministre
de la (îuerre, qu'il a fait imprimer et dans lequel il a annoncé,
avec trop de jactance, qu'il avait fait verser huit cent et quelques
mille francs dans la caisse de Strasbourg. Pendant son séjour dans
cette ville, il a donné des ordres, de sa seule autorité, et affecté des
fonds pour ériger plusieurs monuments, ainsi que pour assurer le
traitement des militaires invalides qui devaient en être les gar-
diens (1). î'
Le général Moreau avait, effectivement, affecté des fonds pour
réédifier, à Salzbach, le monument de Turenne, ainsi que pour en
élever un, près du pont de Kehl, au général Desaix, tué à Marengo ;
un autre, à la plaine des Bouchers, près le polygone de Strasbourg,
au général Kléber, assassiné en Egypte; un troisième, à Neuf-Bri-
sach, au général Beaupuy, tué au combat d'Emmendingen, sur la
rive droite du Rhin, près Fribourg, lors de la retraite du général
Moreau en 1796; enfin un quatrième, à Huningue, au général
Abbatucci, tué en défendant la tète de pont devant cette place en
janvier 1797.
Le général Moreau avait ordonné, au sujet de ces monuments,
des dispositions (ju'il aurait dû préalablement faire agréer du
gouvernement; mais il prétendait qu'il avait du s'en dispenser,
parce qu'il n'avait disposé (jue des fonds appartenant à son armée;
(1) Le 22 lendétniaire an IX, Moreau prit un arrôté relatif à la surveillance des monu-
ments tie Tiirenne, Kléber, Desal\ et Beaupuy. Les gardiens des monuments devaient
avoir un traitement de 500 francs i.irrèté de Moreau, 22 vendémiaire an IX, A. H. G.).
DECAEX DEFEND MOREAU 289
et que c'était au nom de cette armée, dont il était le chef, qu'il
faisait ériger ces monuments à la mémoire et à la reconnaissance.
Il était, à cet égard, dans l'erreur; car il ne pouvait pas, sans l'ap-
probation du gouvernement, ordonner de telles dispositions dans
l'intérieur de la République. D'ailleurs, la dislocation de l'armée
était déjà ordonnée et exécutée.
Lorsque le Premier Consul eut fini d'exprimer ses griefs contre
le général Moreau, je lui demandai s'il voulait me permettre
quebjues observations. Je lui dis d'al)ord qu'on avait été étonné
qu'on n'eût pas fait une réception d'apparat à ce général lors de son
retour de l'armée, tandis qu'à la même époque on avait remarqué
qu'il avait été ordonné des dispositions pour bien recevoir l'ambas-
sadeur de Russie; et que c'était probablement ce contraste qui
avait été la cause que les amis du général Moreau s'étaient réunis
pour lui offrir un dîner et une fête au jardin de Ruggieri, à
laquelle j'avais été invité. (J'ai déjà eu l'occasion de parler de
cette triste fête). Le général Bonaparte me répliqua : ;t Le géné-
ral Aloreau, après avoir repassé le Rhin, resta plusieurs jours à
Strasbourg. Il en partit sans annoncer son départ, et il passa par
Paris pour se rendre à son château d'Orsay, d'où il vint, en frac,
m'annoncer son retour. Il était accompagné du général Des-
solle. 15
Je coutinuai en disant : " Mon général, on fut fort étonné, à
l'armée, lorsqu'on apprit (|ue plusieurs généraux, dont on
savait que le général Moreau n'était pas satisfait, avaient été
employés aussitôt leur arrivée à Paris; et l'on disait même :
a II paraît qu'il faut mal servir à cetle armée pour s'assurer
" la faveur du gouvernement. » Je vous prie de croire que je
ne suis pas le délateur de mes camarades; je veux seulement
vous entretenir de ce que je suppose avoir donné de l'humeur au
général Moreau. Tout le monde savait que ce général avait plu-
sieurs motifs d'être mécontent de la manière dont le général
Gouvion Sainl-Cyr avait servi depuis le commencement de la cam-
pagne. Je ne vous parlerai que de lui, et vous l'avez envoyé com-
mander en Italie. — Si le général Moreau avait porté une plainte
contre cet officier général et que, sans y avoir égard, le gouverne-
ment lui eût confié un nouvel emploi, ce serait une juste observa-
tion; mais Saint-Cyr a présenté une lettre dans laquelle on faisait
"• 19
290 MEMOIRES ET JOUIIXAL'X DU GEXERAL DECAEX
son éloge, et qui l'autorisait à quitter Tarmée du Rhin pour raison
de santé. Il n'y a pas eu non plus de plainte contre les autres géné-
raux (|ui ont quille celle armée. J'ai assez d'ennemis, je ne veux
pas en augmenter le nombre. Je ne pouvais pas leur refuser de
l'emploi, parce que le gouvernement ne doit pas faire attention à
ce que des officiers généraux ont quelques différends entre eux
parce qu'ils ne se conviennent pas, et ce n'est pas une raison pour
qu'il se prive de leurs services. D'ailleurs, celui qui a des difficultés
avec l'un sert souvent très bien avec l'autre. »
Je dis ensuite : " Le général Moreau a eu beaucoup d'humeur
de ce que plusieurs nominations qu'il avait faites dans l'armée
n'avaient pas été confirmées; que des récompenses qu'il avait
demandées n'avaient point été accordées, et surtout que le ministre
eût envoyé plusieurs officiers de son choix pour remplir des places
vacantes dans plusieurs régiments; et sa mauvaise humeur était
telle qu'après la bataille de Hohenlinden, il avait fait annoncer,
par un ordre du jour, qu'il n'avait pas fait de demandes d'avance-
ment, qu'il ne les adresserait que lorsque les antécédentes seraient
accordées. — Je sais cela, el, à cet égard, il y a eu entre le
ministre et le général une correspondance fort désagréable. Au
reste, toutes les demandes faites par Moreau ainsi que ses nomina-
tions provisoires ont été accordées ou confirmées, et il n'y a eu
qu'un très petit nombre d'officiers envoyés à l'armée du Rhin pour
les emplois vacants. — .Maintenant, mon général, il s'agit d'une
chose beaucoup plus importante : j'ai entendu dire que, depuis le
traité de Lunéville, le général Moreau avait eu l'intention de mar-
cher avec son armée sur Paris pour renverser le gouvernement.
Ce bruit n'a pu être répandu que par les ennemis de ce général
pour vous irriter contre lui. D'abord, je suis certain qu'il n'a point
eu cette pensée et je crois pouvoir vous le démontrer en vous
disant : 1° Que j'étais assez dans son intimité pour ne m'être pas
aperçu s'il avait eu l'idée d'une entreprise aussi extravagante.
Non, il n'a jamais eu cette idée. II a donné trop de preuves de
son patriotisme, et il n'était pas dans son caractère de la conce-
voir. 2" Lors(|ue le général Moreau fil sou retour de Paris, après
avoir reçu de vous une paire de pistolets d'honneur, il vint résider
au château de Nymphenburg. J'y avais mon quartier général ;
il voulut que je restasse avec lui. J'étais presque tous les jours son
DECAEN DÉFEXD MOREAU 291
seul compagnon de chasse. A Tune de nos haltes, il me vint à
l'idée de lui demander comment allait le gouvernement. Je
n'avais l'honneur de vous connaître que par votre grande réputa-
tion. Il me répondit : ii Decaen, cela va très hien, on ne peut pas
« mieux! Il n'y avait que Bonaparte qui pouvait tirer la France de
« la position difficile dans la(|uelle elle se trouvait lorsqu'il a pris
« les rênes de son gouvernement, i- Et, pendant tout le temps de sa
résidence à A'ymphenburg, lorsqu'il était question de vous, il n'en
parlait jamais (|u'avec admiration. Ainsi, jusqu'à cette époque, ou
ne peut pas dire que le général Moreau avait de mauvaises inten-
tions.
« Depuis la bataille de Hohenlinden, la dernière suspension
d'armes et le traité de Lunéville, je me suis trouvé plusieurs fois
en petit comité avec le général .Moreau, mais je n'ai jamais en-
tendu un seul mot qui pût faire pressentir qu'il eût jamais pensé à
ce ([u'on lui a si méchamment imputé. Mais je lui ai entendu dire,
un jour que l'on causait sur le retour prochain de notre armée
en France : v. Je proposerai au Premier Consul une expédition
«contre l'Angleterre, et je lui demanderai, pour cela, de choisir
a 40000 hommes de l'armée du Rhin. •» — Tout ce que vous me
dites là est vrai, mais il n'a plus été de même depuis l'arrivée de
sa femme àSalzhurg. Cependant, ce n'est pas à cette jeune femme
que j'attribue son changement de conduite. C'est à l'influence de
sa belle-mère, qui est intrigante, et aux conseils pernicieux de ces
trois petits co(|uiiis de Lahorie, de Fresnière (I) et de \ormand.
Ce drôle, qui était du Conseil des Cinq-Cents, colportait, avant le
18 fructidor, en faveur des Bourbons. Toutes leurs intrigues et
leurs mauvais conseils finiront par perdre Moreau. «
Après la finale de cette repartie, qui me sembla encore annoncer
quelque intérêt pour ce général, j'allais demander à Bonaparte
s'il voulait me permettre de prévenir le général Moreau qu'il lui
importait d'adopter un autre système. Alais la prompte réflexion
que celui-ci pourrait prendre en mauvaise part ce que je lui dirais,
ou bien qu'il n'en ferait pas plus de cas que des observations que
(1) Fresnière était secrétaire de Moreau. Le 16 février 1804, Murât, alors ,([on\erDeu
de Paris, donna l'ordre de l'arrêter. Mais Fresnière avait eu le temps de se mettre en
sûreté. Moreau venait lui-même d'être arrêté et conduit au Temple [Lettres et document
pour servir <i l histoire de Joacitim Murât, publiés par le prince Murât, tome III, p. 26
€121).
292 MEMOIRES ET JOURMAIX DU GEYERAL DEGAEM
je m'étais déjà permis de lui faire, me porta à substituer ces pa-
roles : " Je suis persuadé, mon général, que s'il était possible que
vous fassiez faire une démarcbe auprès du jjénéral ]\Ioreau, vous
le ramèneriez facilement vers vous, n II me répondit ces seuls mots r
« C'est un sable mouvant! • J'en fus si atterré que je ne trouvai
plus rien à dire.
Le général Aloreau, qui aurait pu se permettre d'offrir ses bom-
mages à une des personnes les plus distinguées de la capitale, ou
plutôt de la France, fut engagé par les adroites intrigues de la
dame Hulot, veuve d'un trésorier de la marine à l'île de France, à
épouser sa fille. C'est à ce mariage, dont on fut fort étonné, que
l'on a attribué, et je ne crois pas que l'on se soit trompé, le com-
mencement de la mésintelligence entre ce général et le Premier
Consul; car, après cette union, l'orgueil, la jalousie et la vanité
excitèrent celte dame Hulot qui influença la jeune épouse jusqu'au
point que ces dames eurent la prétention que la compagne du gé-
néral Aloreau devait jouir d'autant de considération que Mme Bo-
naparte. Au lieu d'étouffer les premiers germes de cette gloriole,
le général Aloreau s'en trouva artificieusement subjugué. De là,
cet accroissement de mésintelligence et de baine qui conduisit ce
célèbre général sur le banc des accusés; ensuite à implorer la
clémence de Bonaparte, afin de pouvoir passer sur une terre étran-
gère, enfin à revenir en Europe pour y ternir ou plutôt y perdre
tant de gloire et tant de reconnaissance (ju'il avait acquise en
combattant pour la Patrie, en s'abaissant jusqu'à devenir l'un des
conseillers et l'un des conducteurs des cosaques qui vinrent, plus
tard, en ravager le sol ; et qui, avant de revoir cette belle France
qu'il aurait dû toujours défendre et qu'il venait désoler, termina
sa vie par la plus terrible catastrophe, puisqu'il fut tué par un
boulet français! ! !
Laborie était mécontent de ne pas avoir été nommé général de
division. Il était de petite taille; sa pbysionomie était laide sans
être repoussante. Mais il avait beaucoup d'esprit et de capacité. Il
avait une grande ambition qu'il affectait de dissimuler. Il se ju-
geait utile et surtout propre à la diplomatie. Il avait acquis un
grand empire sur le général Moreau; et c'était au point qu'il était
parvenu à devenir, sans commission, le cbef de l'état-major de
l'armée, en supplantant le général D.'ssolle qui n'en remplis-
DERNIERS EFFORTS DE DECAEN 293
sait plus les fonctions que pour ce qui «'■tait le moins imporlant.
Je pensais que, si le Premier Consul eût nommé Laliorie géné-
ral de division et employé aux affaires étrangères, surtout à une
ambassade, objet de ses secrètes pensées, il l'aurait alors détaché
du général Moreau.
On me dit, dans le temps, que Laliorie, ayant accompagné ce
général dans un de ses voyages à Paris, avait déplu à Bonaparte
parce (|u'il avait voulu, auprès de lui, trop faire l'important, rela-
tivement aux opérations de l'armée; et surtout parce qu'ayant été
secrétaire du général Beauharnais, au commencement de la guerre
de la Révolution, il avait commis quelques indiscrétions à l'égard
de la veuve, Joséphine, mariée à Bonaparte.
J'étais lié d'amilié avec Lahoric depuis plusieurs années. Lors-
qu'il fut question du Consulat à vie, il me demanda si j'avais signé
pour : t Oui i , fut ma réponse. — a Eh bien! moi, j'ai signé
non. — Tu aurais beaucoup mieux fait de ne rien signer, car ton
opposition affectée ne servira qu'à t'attirer encore plus la haine de
Bonaparte, i
L'adjudant commandant Normand se serait aussi détaché du
général Moreau si on l'eût promu au grade de général de bri-
gade. Il était bien loin de pouvoir être comparé à Lahorie pour
l'esprit et les talents. Il se prévalait singulièrement d'avoir été
membre du Conseil des Cinq-Cents et de ce qu'il avait une figure
et une tournure à plaire aux dames. Aussi voulait-il passer pour
homme à bonnes fortunes. Selon lui, il était vain(|ueur de toutes
celles (|u'il entreprenait de convoiter. Ce qu'il y a de plus réel,
c'est (|u'il était très propre à l'intrigue. Dans les premiers temps
de mon retour de l'armée, il me proposa plusieurs fois des parties
de campagne (jue je refusai parce que je ne voulais pas m'engager
dans les coteries.
Lorsque j'eus une conversalion aussi longue et aussi extraordi-
naire avec le Premier Consul, j'avais déjà pris congé du général
Moreau; mais quand j'aurais encore eu à lui faire ma visite d'adieu,
je n'aurais pas pu me permettre de lui dire un seul mot de cette
conversalion confidentielle, puisque Bonaparte ne m'avait point
fait entendre qu'il m'y autorisait. D'ailleurs, si j'avais eu cette
autorisation précise ou simplement implicite, l'esprit du général
Moreau avait alors été élevé et était entretenu à un si haut degré
294 MKMOIRKS ET JOURNAUX DU (ÎICXÉRAL DRCAKM
do liaino contre le Premier Consul (|iril aurait indubitablement
fort ma! accueilli mon message; et s'il en eût fait part à ses trop
intimes conseillers, ils n'auraient pas manqué de lui répéter que
c'était une nouvelle preuve qu'on le redoutait, car ils étaient par-
venus à le persuader qu'on n'oserait jamais rien entreprendre
contre lui.
Cependant mon attacliement pour le général Moreau, me por-
tant à désirer de pouvoir, avant de traverser la mer, lui trans-
mettre un avis que l'orage le menaçait, j'allai voir le général Don-
zelot (1), alors adjoint du ministre de la Guerre et sur la prudence
et la discrétion duquel je pouvais me reposer. Néanmoins, sans
lui faire une entière confidence de ma conversation avec le Pre-
mier Consul, je lui en dis suffisamment pour qu'il fût pénétré
de l'importance qu'il y avait que le général Aloreau, auquel il
était, comme moi, très attaclié, fût prévenu de mettre plus de cir-
conspection dans sa conduite. Je dis en outre au général Donze-
lot : it Comme, par votre position, vous pouvez savoir bien des
choses, le général Moreau ne trouvera probablement pas extraor-
dinaire (]ue vous lui donniez cet avis; et, venant de vous, il ne
fera sans doute pas mépris de ce que vous lui direz, v Donzelot
me promit de faire la démarche et de bien s'acquitter du sujet.
Pour ne plus y revenir, je dirai (|u'à mon arrivée à Brest, j'y
trouvai le beau-frère du général Aloreau, le lieutenant de vaisseau
Hulot, commandant la corvette le Bélier qui devait faire partie de
l'expédition de l'Inde. H me demanda comment j'avais laissé sa
famille et le général, à mon départ de Paris. Je lui répondis :
» Tous jouissent d'une bonne santé. Mais je vous conseille d'écrire
sur-le-champ à votre mère qu'elle use incessamment, ainsi que
votre sœur, de toute l'influence qu'elles peuvent avoir sur l'esprit
du général Moreau pour (ju'il se rapproche au plus tôt du Premier
Consul, autrement il se plongera dans des embarras et, peut-être,
des malheurs que, trop tard, il ne lui seraitplus possible d'éviter, v
(1) Doiuelot ( Franrois-Xaïier), né le 6 janvier 1764, à Mamirolle (Doiibs) ; soldat au
Royal-Marine Iiil'anlerie, le 28 octobre nS3 ; sous-lieutenant an '21' réjjiraent de cava-
lerie, le '2-2 septembre 1792; lieutetiant, le 24 mars 1793; adjudant géni'r.l chef de
bataillon, le Ij mai 1793; chef de brigade, le Iti prairial an II; nommé «jénéral de
bri'fadc par le jjénéral en chef de l'armée d Orient, le ô messidor an VII, gênerai de
division, le (J <lécembre ISO"; fjonverneur des îles lonierineî', en avril 1810, ijouverneur
de la Marliniqne, le 13 août 1817: retraité, le l" mai 1832; mort à Ville-Evrard, le
11 juin 1843 (A. A. G.I.
DEPART POUR L'INDE
DEPARI POLR I/INDE
CHAPITRE PREMIER
Inslruclions du ministre de la Marine à Decaen. — Ordres pour la reprise de possession
des élablissemenls français de l'Inde. — Reconstilnlion des archives. — Reiiseigneraenls
et instructions sur ces établissements. — Pondicliéry chef-lieu des possessions fran-
çaises. — La population. — lietenus et dépenses. — Bonaparte met 1 800 000 francs à
la disposition de Decaen pour la première année, eu plus des revenus du pays. —
Troupes. — Fortifications. — Bonaparte projette de faire fortifier Pondichéry et Kari-
kal. — Bâtiments civils et militaires. — Marine. — Commerce. — Justice. — La Cliau-
derie. — J'olice. — Cultes. — Uispositions générales.
Tout étant disposé pour mon prochain départ, le ministre me
remit un mémoire pour me servir d'instructions. Comme elles
étaient fort étendues et en partie communes au préfet colonial, je
vais seulement en relater les principales dispositions, et surtout les
plus essentielles concernant la poliliqueet la reprise de possession.
L'article 3 du traité d'Amiens restitue à la Répuljjique française toutes
les possessions et colonies qui lui apparlientienl et qui ont été occupées ou
conquises par les forces britanniques dans le cours de la guerre actuelle.
C'est d'après cette stipulation que doit s'opérer la reprise de possession
des établissements français dans les Indes Orientales. Déjà le gouverne-
ment britannique a donné des ordres pour lever toutes les difficultés sur
cette rétrocession et le général Decaen, chargé par le Premier Consul de
recevoir ces possessions, au nom de la Képul)Iique, est porteur d'une ex-
pédition des ordres adressés par lord Hobart tant au marquis de Wel-
lesley qu'à l'amiral commandant les forces d'Angleterre en Asie.
On doit expliquer ici les établissements et dépendances dont la rétroces-
sion doit s'opérer.
Le traité de paix ne les indiquant que sous la désignation générale de
ce qui appartenait à la France avant la dernière (juerre, on est obligé
de remonter au traité de paix du 3 septembre 1783 qui, aux articles 13,
14, 15, relate notre propriété en Asie à cette époque.
On joint à ce mémoire un exemplaire du traité de paix lui-même qui
est essentiellement nécessaire pour instruction au capitaine général. A la
lecture des articles précités, on voit qu'ils forcent de remontera la connais-
sance des possessions que la France avait avant la guerre de 1778.
298 MKMOIRKS ET JOLRVAIV I)L (i ÉXÉ RAL DEGAKX
A cette époque, les établissements français dans les Indes étaient :
1° Sur la côte de Coroniandel : I*ondicliérj .
2° Karikal et les quatre nanf/am [?| qui Tavoisinent.
L'article 14 du traité de 1783 porte qu'il sera annexé à Pondichéry les
deux districts de Velanour et de Bahour, pour lui servir d'arrondisse-
ment; et comme ces deux districts nous appartenaient avant la guerre
dernière, nous devrons rentrer immédiatement dans leur possession.
A la côte de Malabar, nous possédons Mabé ; au Bengale, Chandernagor.
La France avait aussi des loges ou factoreries, avec le droit d'entre-
tenir des agents, à Vanaon et Masulipatam, sur la côte d'Orissa; à Calicut
(côte Malabar); à Surate (golfe de Cambaj); à Mascate (golfe Persique) ;
à Moka (mer Ilouge) ; et enfin dans les anciennes factoreries du Bengale
désignées à l'article 4 de la convention signée à Versailles, le 31 août
1787, dont copie est jointe aux présentes instructions. Chacune de ses
dispositions devra être suivie dans la présente rétrocession et dans cha-
cune des relations ultérieures qui en résulteront.
II est à observer que, par l'état actuel des choses, on ne présente le droit
de la France à ces propriétés que sous le rapport de celui qui résulte de
ses traités avec l'Angleterre.
Mais elle a des droits primitifs résultant de ses relations antérieures avec
les princes d'Asie depuis qu'elle a acquis d'abord ces possessions.
Les titres originaux doivent être restés à Pondichéry, parce qu'il a été
d'usage, dans chacune des guerres précédentes, que les archives ont été
confiées à quelqu'un des notables du pays qui, à la paix, les réintègre
entre les mains des agents délégués par le gouvernement.
Le défaut de toute relation avec nos établissements d'Asie, depuis la
guerre dernière, laisse ignorer ce qui a eu lieu à cet égard, lors de leur
occupation par les Anglais; mais on peut présumer que les moyens em-
plojés précédemment pour conserver les archives n'auront pas été négligés,
et le premier soin du capitaine général et du préfet colonial devra être de
faire les démarches nécessaires pour recouvrer ce dépôt.
La réintégration devient d'autant plus intéressante que copie de ces
archives, qui avait été envoyée en Kurope, se retrouverait aujourd'hui
difficilement dans les bureaux du ministère où elles ont éprouvé divers
déplacements dans le cours de la Révolution.
Pour tous les documents nécessaires à la réinstallation du gouvernement
français dans ses établissements d'Asie, on ne peut, ;'i défiiut d'autres
pièces, que renvoyer aux mémoires de Dupleix dont l'autorité est récon-
nue par les Anglais eux-mêmes, au point que la Cour des directeurs de la
Compagnie, en donnant à la France les districts de Bahour et de Velanour,
conformément à l'article 4 du traité de 1783, précise l'étendue de ces dis-
tricts sur le tevte des mémoires de Dupleix.
Il est à observer que la restitution qui eut lieu à cette époque porta sur
80 aidées, tandis qu'il semblerait, par le mémoire de Dupleix, que ces
districts n'étaient composés que d'environ 7G aidées. Mais il est vrai qu'on
LKS POSSESSIONS FRAXÇAISES DE L'IX'DE 299
retrouve, dans ce même niônioire, au n» 6, des pièces à l'appui que les
districts dont il s'agit étaient coni|)oscs de 80 aidées; et cette pièce est de
toute authenticité : aussi, c'est le nombre de HO aidées cpii nous fut restitué
à la paix de 1783 et qui doit nous être rendu dans la présente rétroces-
sion.
Comme il est nécessaire de faire connaître au gouvernement chacun des
détails relatifs A nos établissements d'Asie, le capitaine général et le préfet
colonial devront adresser au ministre copie de toutes les pièces dont ils
parviendront à recouvrer les originauv, avec les plans y relatifs, de ma-
nière à pouvoir reformer à Paris un nouveau dépôt d'archives sur cette
partie.
Territoire et Population.
Pondichéry est le chef-lieu des établissements de la République en Asie
et la résidence ordinaire du capitaine général. Son territoire s'étend au
sud jusqu'à deu.v lieues, et environ une demi-lieue dans le nord.
La population, qui était, en 1776, de 50000 Indiens et environ 1 000 Eu-
ropéens, a toujours diminué depuis cette époque; les malheurs de la
guerre ayant porté atteinte au commerce, la population s'est réduite, avec
les moyens d'industrie.
Jusqu'à ce que la France ait repris la consistance qu'elle avait autrefois
dans cette contrée, le capitaine général et le préfet colonial ne peuvent en
augmenter la population qu'en attirant les familles indiennes par l'équité
de leur administration et la protection locale.
Le préfet colonial ne négligera pas de faire, chaque année, un recense-
ment général, famille par famille, de tous les habitants des villes apparte-
nant à la République. Il distinguera les Européens, Français ou autres, des
Indiens et enverra le tout au ministre.
Karikal est situé à trente lieues au sud de Pondichéry.
Le territoire français, dans cette partie, est composé de quatre nangans [f]
ou districts qui composent environ quatre lieues carrées.
La France possède Karikal à titre de conce.ssion de la part du roi de
Tanjaour (1) depuis 1738.
L'article il du traité de 1783, nous en a rendu la propriété qui nous
est garantie par celui d'Amiens.
Pour accroître sa population, on pourra attirer des Juifs dans cette ville,
et la tolérance religieuse, ainsi ([ue la douceur du gouvernement, favori-
seront cette mesure.
L'établissement des Français à Mahé remonte à llH.
Cette ville est la seule que la République possède à la côte de Malabar,
distante d'environ ?.0 lieues à l'ouest de Pondichéry. Elle n'est pas moins
importante pour le commerce que par son voisinage avec les états des
Mahrattes. Elle l'était bien davantage quand Tippoo-Sultan était sur le
(1) Prol)ablement Taiijore.
300 MiaiOlHKS ET JOLIIMAIX DU GÉNÉRAL DECAEY
tronc de Mysore. La mort de ce prince et le partage de ses états apportera
des clian;i[einents notables dans notre politique et nos relations commer-
ciales dans cette partie.
On ne connaît point le litre primitif en vertu duquel l'ancienne com-
pagnie des Indes s'est établie à Cbandernagor. On sait seulement, par des
lettres patentes du mois de février 1701, qu'alors ce comptoir faisait par-
tie des possessions françaises.
Cbandernajjor fut d'ab(jrd Ircs négligé; mais, par les soins de Dupleix,
il était parvenu à l'état le plus florissant avant que les Anglais eussent
fait la conquête du Bengale.
Dans les trois dernières guerres, cette ville est tombée au pouvoir des
Anglais et elle sera toujours dans rijnpossibilité de se défendre parce que,
non seulement elle est enclavée dans les possessions britanniques, mais
encore parce que nous n'avons que la liberté de l'entourer d'un fossé pour
l'écoulement des eauv (Art. 13 du traité de Versailles).
Quoique Chandernagor soit ainsi dans la dépendance des Anglais, ce
n'est pas moins un point intéressant pour notre commerce et pour les
revenus qu'il donne à la République.
Le voisinage de Calcutta permet aussi de se procurer des notions pré-
cieuses sur la conduite et les projets de nos rivaux et de connaître ainsi les
phases de leur situation politi|ueau\ Indes.
Les loges, comptoirs et établissements du commerce français au Ben-
gale relèvent tous de Chandernagor.
Tout ce qui concerne Chandernagor, loges et dépendances du Bengale,
est déterminé par la convention du 31 août 1787, qui devra servir de
règle au capitaine général pour les instructions que donnera le capitaine
général à l'officier commandant ces établissements.
C'est \h que, surtout, il faudra s'attacher à prévenir ou à arrêter, par
des voies conciliatoires, les tracasseries qui pourraient avoir lieu soit
relativement à des rapports de commerce, soit dans les affaires conten-
tieuses.
Chandernagor, étant éloigné d'environ 400 lieues de Pondichéry et
réunis.sant sous sa dépendance un assez grand nombre de loges et comp-
toirs, forme, pour ainsi dire, une colonie séparée, quoique le gouver-
neur en soit subordonné au capitaine général et qu'il ait également des
instructions à recevoir du préfet colonial pour la partie administrative.
On compte, à Chandernagor, environ 130 Européens et 124 000 Indiens.
La France, qui possédait autrefois les quatre cercers ou provinces du
Xord, n'a plus, dans cette partie de l'Inde, que les deux: loges Masulipatam
et Yanaon.
Ces deuv factoreries ont pour objet de protéger le commerce dans cette
contrée. Le pavillon français est arboré dans ces loges, qui sont dirigées
chacune par un agent français. A la loge de Yanaon est attachée une
petite propriété dont les revenus peuvent couvrir les frais de l'établisse-
ment.
RF.VEXrS ET DEPF'^NSES 301
Les loges de Surate et de Calicut sont à la côte Malabar ce que Masuli-
patani et Yanaon sont à la côte Coromandel. On s'est procuré, sur la
loge de Surate, une note qu'on joint pour information à ce mémoire. Cette
note devra être vérifiée, et il est à désirer que le gouvernement en reçoive
de pareilles sur chacun de nos établissements.
Quoique les agents français ;ï Mascate et à Moka aient le titre de com-
missaires des relations commerciales, ces loges n'en dépendent pas moins
des établissements de la République en Asie, et l'administration particu-
lière doit en être immédiatement subordonnée à l'administration géné-
rale de l'Inde.
Ce principe est fondé sur ce qu'il se fait peu d'armements en Europe
pour Moka et jamais pour \[ascate, et qu'ainsi un des buts essentiels de ces
comptoirs est de favoriser et soutenir le commerce d'Inde en Inde, lequel
est sous l'administration spéciale de l'administration de Pondichéry.
On ne parle pas ici de la loge de Canton, non seulement parce qu'elle
est très éloignée du chef-lieu de nos possessions dans l'Inde, mais encore
parce que les armements pour la Chine se font en Europe et qu'il n'y a
guère de communications entre Canton et Pondichéry. Il sera cependant
ordonné à l'agent de la République en Chine de correspondre avec le
capitaine général et le préfet colonial toutes les fois que l'occasion se pré-
sentera de leur rendre compte de l'état du commerce et des événements
politiques de cette contrée.
Revenus et dépenses.
Ce mémoire contenait renonciation détaillée des domaines et
revenus dans l'Inde dont le total était porté à 1 174 175 francs;
et, à la suite, il était dit :
... On ne se dissimule pas que la somme de ce revenu ne sera pas,
dans la première année, ce qu'elle était avant notre dépossession ; et il
sera important que le préfet fasse connaître les rentrées sur lesquelles on
pourra compter, ainsi que l'aperçu de la dépense annuelle raisonnée et
présentée dans la forme usitée d'un budget.
D'après les ordres du Premier Consul, chacune des personnes emplojées
dans nos établissements partira de France avec six mois de son traite-
ment, etc... Quant aux soldats, trois mois seulement leur seront payés
avant de partir; les trois autres mois seront remis au conseil d'adminis-
tration du corps pour assurer la solde du temps à courir sur ces avances
après le débarquement.
Le Premier Consul, prenant en considération l'état des forces et de l'ad-
ministration destinées à servir dans les mers d'Asie et les dépenses aux-
quelles donneront lieu leur solde et autres frais accessoires que nécessi-
tera notre établissement en Asie, a ordonné que, pour y parvenir,
1 800 000 francs seront embarqués sur l'escadre destinée à la rétrocession,
et mis à la disposition de l'administration. Cette somme, avec les revenus
.302 MI-mOlRKS KT JOURNAIX DU GKXERAL DKCAEiY
du pays, devra excéder la dépense de tous les établissements pendant une
année à compter du jour du départ.
I.e Premier Consul a décidé que, sur cette somme, 200 000 francs
seraient employés aux fortifications extraordinaires, aux présents à faire
aux gens du pays, aux frais de courrier et à toutes autres dépenses qui
ne peuvent cire prévues dans le cours ordinaire de l'administration.
Ces fonds, comme tous les autres, devront être versés dans la caisse du
payeur, et il ne pourra en être disposé que d'après les ordres du capi-
taine général et sur une ordonnance du préfet colonial.
Troupes.
Si l'on ne considérait les possessions de la République que comme des
établissements purement commerciaux, quelques Européens avec un corps
de Cipayes suffiraient pour la garde des premiers fonctionnaires et la
police des villes. Mais comme la dignité de la République ne comporte pas
une situation si précaire, qu'elle mettrait ses établissements à la merci de
la moindre insurrection des natifs, l'intention du Premier Consul est
d'entretenir, des ce moment, à Pondichéry une force armée assez considé-
rable, et qui puisse facilement s'accroître suivant les circonstances.
Les troupes destinées pour les garnisons de l'Inde sont...
(L'cnumération en a élô faite précédemment).
Le Premier Consul s'en rapporte, sur le rétablissement militaire de
Karikal et de Mabé, à la sagacité du capitaine général, pour le nond)re
d'Européens cl de Cipajes qui doivent en composer les garnisons; quant à
Cbandcrnagor, il ne peut y être entretenu que des Cipayes.
\aQ capitaine général se conformera, pour les nominations aux emplois
vacants dans les troupes, à ce qui lui est prescrit dans l'arrêté du 28 fruc-
tidor an X.
Fortifications.
De tontes les places que la République possède aux Indes, Pondicbéry
•est la seule qui, dans l'ancien système, ait été fortifiée; ce n'est pas que
Mabé, le seul point d'appui que nous ayons à la côle Malabar, ne soit très
important sous les points de vue militaire et politique; mais cette pro-
priété secondaire isolée, ceinte par des nations que les Anglais dominent en
maîtres, ne pourrait être mise en état de défense sans des sacrifices
^-normes et insuffisants en cas dbostilités.
Il n'en est pas de même de Karikal; c'est encore un problème à
résoudre de savoir si cette place ne serait pas préférable à Pondicbéry pour
être le cbef-lieu de l'établis.sement français.
La plus grande étendue de son territoire, l'importance de ses revenus,
les avantages militaires de sa situation, celui d'être située sur une l'ivière
dans le voisinage d'un établissement neutre, semblent donner du poids à
l'opinion de ceux qui pensent que celte place réclame la préférence sur
FORTIFICATIONS, MARIiXI-:, COMMERCK :i03
Pondicliôry pour notre établissement militaire. Cependant, comme jusqu'à
présent Pondicliéry a été préféré, il serait inconvenant de changer de sys-
tème à cet égard sans un profond examen. Le capitaine général devra
donc éclairer cette question pai' lui-même, et il enverra au ministre un
mémoire très détaillé à ce sujet pour être soumis à l'examen du Premier
Consul.
Dans cet état de choses, Pondichéry sera, jusqu'à nouvel ordre, le clief-
lieu des établissements français; mais il faudra se borner à fermer la ville
d'un bon fossé pour la mettre à l'abri d'un coup de main, empêcher la
désertion et donner protection aux Indiens qui viendraient s'y établir.
Quelle que soit l'opinion du capitaine général sur la préférence à accor-
der à Karikal sur Pondichéry, il fera dresser des plans exacts de ces deux
places et de leur territoire; il fera dresser un système de défense qu'il
jugera devoir être proposé pour l'une et l'autre de ces places. Ce projet,
devant pré.senler l'état des travaux à faire et des dépenses qu'ils exigent,
sera arrêté dans un conseil auquel seront appelés le préfet colonial, le
général commandant les troupes, l'officier en chef du génie et le comman-
dant de l'artillerie ; et il en sera adressé une expédition au gouvernement.
Il est bien entendu que le capitaine général aura soin de réclamer
l'exécution de l'article l^i du traité d'Amiens, relativenient à la remise des
fortifications et autres ouvrages existant dans les places de l'Inde au
moment de la signature des préliminaires, ou construits depuis l'occupa-
tion de ces places par l'ennemi.
B aliment s civils et militaires.
L'objet des bâtiments civils étant commun au capitaine général et au
préfet colonial, ils prendront connaissance de ceux appartenant à la Répu-
blique; mais avant d'entreprendre de nouvelles constructions, le préfet
fournira un recensement exact; il y joindra l'état de ceux que le capitaine
général et lui penseront qu'il est nécessaire de construire ou d'augmenter,
avec le devis do la dépense. 11 adressera le tout au ministre qui fera passer
les ordres du Premier Consul.
Marine.
Le capitaine général, le préfet colonial et le connnandant des forces
navales, en conservant chacun la portion d'autorité qui lui est attribuée,
doivent toujours se réunir, toutes les fois qu'il s'agira de l'avantage du
service, de l'honneur national et de l'affranchissement de la puissance
française dans les Indes. Ils sentiront que ce but ne peut être atteint qu'au-
tant qu'il régnera entre eux la plus parfaite harmonie.
Commerce.
Quoique le gouvernement n'ait pas encore statué sur la question de
savoir comment se fera le coannerce français de l'Inde, il est probable,
cependant, qu'au moins pendant les premières années, il sera libre à tous
304 MEMOIRES ET JOUHXAUX DL GEiVERAL DECAEX
les armateurs français. Si l'expérience fait ultriicurement prévaloir le
système d'une compagnie, il sera donné des instructions spéciales à ce
sujet. En attendant, il est expressément recommandé de donner au com-
merce français toute la prot -ction et l'appui dont il a besoin à une dis-
tance éloignée de la métropole et dans les contrées soumises à une nation
toujours prête à user cvclusiveinent des mojens que lui donne l'exercice
de la souveraineté.
Ils écarteront cependant avec sagesse les prétextes déplacés que pour-
raient élever les négociants.
Justice. Tribunal d'appel.
Depuis l'année 1701, il existait à Pondichéry un tribunal sous le titre de
Conseil supérieur.
Ce conseil était présidé par les administrateurs en chef de la colonie et
composé de négociants et notables français, lesquels étaient appelés en
nombre suffisant pour rendre gratuitement la justice.
En 1770, on pensa qu'il serait plus convenable et plus avantageux de
composer le conseil supérieur de magistiats titulaires, à l'instar de ceux
des autres colonies; mais cette organisation ne dura que jusqu'en 1784. A
cette époque, on reconnut que la nature des affaires et le peu d'étendue
des propriétés que les individus possédaient aux Indes n'exigeaient point
un établisscnient aussi considérable et aussi dispendieux, et, par ledit du
mois d'août de cette année, on remit à peu près en vigueur les dispositions
de celui de 1701.
Cet ordre de choses devra être maintenu, sauf le titre de conseil supé-
rieur qui sera remplacé par celui de tribunal d'appel, conformément à
l'arrêté des Consuls du 29 prairial an X.
Le capitaine général occupera la place d'honneur au tribunal d'appel
toutes les fois qu'il jugera convenable d'y prendre séance. Ce tribunal sera
conqiosédu préfet colonial qui le présidera ou, en son absence, de celui qui
en remplira les fonctions, du plus ancien officier d'administration, pourvu
qu'il soit âgé de vingt-cinq ans, et de négociants français ou notables habi-
tants au moins du même âge.
Les juges seront au nombre de trois au moins, quand le tribunal jugera
en matière civile, et de cinq au moins, en matière criminelle.
Un commissaire du gouvernement, choisi par le capitaine général et
dont la nomination sera soumise au Premier Consul, exercera le ministère
public. Les membres du tribunal et les greffiers seront aussi nommés par
le capitaine général sur la présentation du préfet colonial. Us prêteront
tous entre ses mains la promesse de fidélité à la République française.
Quant à la distribution de la justice dans les établissements secondaires
et conqiloirs de l'Inde, elle continuera d'avoir lieu ainsi qu'il est prescrit
par les édils de 1776 et d'août 1784. Dans tous les cas où l'appel des juge-
ments rendus par le Conseil supérieur avait lieu en Europe, il sera porté
devant les Consuls en Conseil d'Etat.
JUSTICE ET TRIBUNAUX 305
Dans le cas où le tribunal d'appel sortirait des bornes de ses pouvoirs
soit en rendant des jugements sur des matières dont la connaissance appar-
tiendrait au chef de l'administration, soit en prononçant sur des contesta-
tions qui ne seraient pas de sa compétence, le Premier Consul autorise le
capitaine général, après avoir pris l'avis du préfet colonial, à suspendre
provisoirement l'exécution de ces jugements. Il n'usera néanmoins de ce
pouvoir que dans les circonstances où l'ordre public pourrait être com-
promis et où il y aurait du danger à attendre la décision du gouverne-
ment. Il aura soin, au surplus, de rendre compte au ministre des motifs
qui auront nécessité de pareilles mesures.
Le capitaine général a également le droit de faire surseoir à l'exécution
de la peine de mort dans le cas où, nonobstant un jugement rendu, il
penserait que le condamné est susceptible de grâce, ou d'une commutation
de peine; mais, conformément à l'édit du mois d'août 1784, il sera tenu
de prendre l'avis du préfet colonial et du commissaire du gouvernement,
et le sursis aura lieu sur la décision, qu'il fera parvenir au gouvernement
avec l'opinion motivée des deux magistrats précités, pour être soumise à
l'evamen et décision du Premier Consul.
Le préfet colonial apportera le plus grand soin dans le choix des
notables qu'il présentera au capitaine général pour remplir les fonctions
de juges. Avant de leur donner le droit de prononcer sur la fortune et
l'existence des citoyens, il faut qu'ils offrent une garantie certaine pour leur
moralité, leur expérience et la pratique des vertus publiques et privées.
Mais, en môme ten)ps, il est nécessaire que le capitaine général et le préfet
colonial environnent les juges de considération et d'égards, afin que leur
caractère soit respecté par les habitants et qu'ils se pénètrent de la dignité
de leurs fonctions.
Le capitaine général nommera de même, sur la présentation du préfet
colonial, les notaires et huissiers, et délivrera des commissions aux titu-
laires.
Quoique le capitaine général ait le droit de siéger au tribunal d'appel,
il ne doit prendre aucune part à ce qui concerne l'ordre judiciaire, afin
qu'on ne puisse même supposer que le tribunal soit influencé par la pre-
mière autorité de la colonie. Il se renfermera dans les attributions qui lui
sont dévolues tant par l'arrêté d'organisation du 21 fructidor an X que
par les présentes instructions, de manière que la force armée n'intervienne
jamais que pour prêter main-forte à l'exécution des jugements, maintenir
les égards dus aux magistrats, et assurer le cours de la justice.
Chauderie.
Indépendamment de tous les tribunaux établis, il en est un connu sous
le nom de Chauderie, destiné à rendre la justice aux Malabars et aux
autres noirs indiens.
Ce tribunal sera présidé par un magistrat que nonunera le capitaine
général sur la présentation du préfet colonial.
u. 20
306 MÉMOIRES ET JOLR\'ALX DU GÉNÉRAL DECAEY
Les Indiens portent à la Chauderie toutes les contestations qui s'élèvent
entre eux, et quelquefois, nirnie, celles qu'ils peuvent avoir avec les
Européens.
Aucun règlement ne donne au président de la Chauderie le droit de juger
en dernier ressort; mais les Indiens, qui tiennent plus à leurs usages qu'à
toutes les lois écrites, appellent rarement de ses jugements. Mais toutes les
fois qu'il y aura lieu à une peine afflictive, l'affaire devra être révisée par
lé tribunal d'appel^ soit sur la demande des parties, soit sur l'intervention
du commissaire du gouvernement.
L'importance réelle de la Chauderie et la considération que l'opinion
donne à ce tribunal font sentir la nécessité de n'en donner la direction
qu'à un homme dont l'intégrité soit bien connue et qui soit instruit des
lois et coutumes des Indiens. Il serait même à désirer qu'il sût leur langue,
et s'il n'est pas possible de trouver ces qualités réunies dans la même per-
sonne, on doit au moins s'attacher à faire un choix qui excite la conûance
et commande les égards des indigènes comme des Européens.
Police.
La police générale s'exerce par le capitaine général et le préfet colonial.
La police particulière est attribuée, sous leur autorité, au commissaire
général de police, sauf l'appel à radministir.lion ou aux tribunaux.
11 remplit les fonctions attrii)uées en K.aope aux commissaires généraux
de police, juges de paix et magistrats de sûreté, en tout ce qui n'est pas
contraire aux usages du pays.
Indépendamment de ces attributions, le commissaire général de police
est chargé de constater les naissances, mariages, décès des Européens éta-
blis à Pondichéry, à tenir les registres à cet effet, d'en délivrer des extraits;
et sa signature, avec le contre-seing d'un commis greffier ad hoc nommé
par le préfet colonial, équivaudra à celle des officiers à ce préposés dans
les municipalités de la République
Le commissaire général de police est nommé par le capitaine général
sur la présentation du préfet colonial.
Les premiers fonctionnaires de la colonie doivent surveiller avec la plus
grande attention la conduite du commissaire général de police. Les abus
qui excitent ordinairement le plus de réclamations et qui entraînent le
plus d'inconvénients sont les dénis de justice, la lenteur des décisions, les
acceptions de personnes, la facilité de recevoir des présents et la mise à
prix de la justice.
Culte.
Les dispositions essentielles relatives au culte catholique sont déterminées
par l'arrêté des Consuls du Lî messidor an X, dont l'application aux colo-
nies orientales est prescrite par l'arrêté du 12 frimaire an XI.
Mais, s'il est une région où la tolérance religieuse soit nécessaire, c'est
particulièrement dans les Indes.
ACTES DE L'ETAT CIVIL. lAIMIGRATION 307
DispositioJis générales.
Les habitants européens des colonies orientales ne sont pas assez nom-
breux pour être représentés et administrés par des niaj![istrals pris parmi
les citoyens. Ce qui s'est passé en 1790 à Pondichéry et Chandernagor
•démontre évidennncnt que l'autorité supérieure doit être concentrée entre
le capitaine c[énéral et le préfet colonial pour l'avantage public et privé
En effet, les magistratures civiles qui s'étaient formées i\ cette époque en-
vahirent bientôt toutes les attributions du gouverneur et de l'intendant;
et, sous le prétexte d'établir de l'ordre et de la surveillance, elles désorga-
nisèrent toutes les parties du service et bouleversèrent la colonie.
Il n'y aura donc point d'administration municipale dans les villes fran-
çaises de l'Inde.
Les fonctions exercées en France par les maires et les adjoints pour
donner une forme légale aux actes civils seront remplies par le commis-
saire général de police assisté d'un connnis greffier, sous l'autorité du pré-
fet colonial. 11 se conformera, pour les diverses formalités à suivre en cas
de naissance, mariage et décès, ainsi que pour la rédaction de ces actes,
aux dispositions des lois et arrêtés actuellement en vigueur ou qui pour-
raient être promulgués ultérieurement.
Quant aux Indiens, ils conserveront leurs usages civils et ne dépendront,
pour la police générale ou particulière, que du capitaine général et du
préfet colonial, suivant la natuie des affaires (|ui exigeront l'intervention
de leur autorité ou celle de leur préposé à la police, et conformément à ce
qui a eu lieu dans les temps antérieurs.
Il est spécialement reconnnandé au capitaine général et au préfet colo-
nial d'empêcher le commerce illicite des enfants des Indiens que l'on a
souvent dérobés à leurs familles, ou que l'on a même obtenus à prix d'ar-
gent de parents avides pour les réduire en esclavage. L'intention du gou-
vernement est que les Indiens qui seraient convaincus d'avoir fuit cet
infâme trafic soient sévèrement punis.
L'usage de la presse doit être interdit toutes les fois qu'elle pourrait ser-
vir d'instrument à la calonmic et à la sédition et lorsque les écrivains
attenteraient aux bonnes mœurs et aux ménagements que la politique com-
mande. Le préfet colonial défendra expressément d'imprimer sans autori-
sation tout écrit. Les délinquants seront punis selon la gravité des cas.
Le capitaine général et le préfet colonial surveilleront avec le plus grand
soin toutes les personnes qui viendront s'établir dans l'Inde; ils prendront
des renseignements positifs sur leur situation, leur profession, leur état de
fortune et leurs vues, et déploieront toute la sévérité nécessaire contre
ceux dont la conduite l'exigera.
D'un autre côté, le capitaine général ne doit délivrer qu'avec beaucoup
de réserve des passeports pour l'intérieur. 11 pourra même désavouer
publiquement, s'il le juge à propos, les Français établis auprès des princes
<le l'Inde. Ces précautions sont d'autant plus nécessaires que l'inconsé-
:308 XIKMOIKES ET JOURiVAlX DU GENERAL DECAEN
quence ou Tambition de quelques particuliers pourraient donner lieu à des
soupçons, peut-être même, à des réclamations de la part des puissances voi-
sines.
Il n'y a point d'émigrés dans nos établissements de l'Inde.
Le capitaine général proclamera, en arrivant, l'amnistie générale pour
la désertion.
Si des particuliers, de quelque état et qualité qu'ils fussent, fomentaient
des divisions dans la ville et tentaient de troubler l'ordre et la tranquillité
publique ou qu'ils entretinssent au dehors des intelligences suspectes, le
capitaine général et le préfet colonial sont autorisés à les renvoyer en
France, à la charge, par eux, de motiver l'ordre qui serait expédié à cet
effet et d'en rendre compte au ministre.
Le capitaine général étant chargé des relations extérieures et recevant
des instructions particulières sur cet objet, le Premier Consul l'autorise à
disposer annuellement d'un fonds spécial qui ne pourra excéder
200 000 francs, et il rendra compte au Ministre de l'emploi qu'il en aura
fait.
Au surplus, la situation de la France aux Indes exigeant que les déposi-
taires de l'autorité paraissent se borner à diriger l'administration et pro-
téger le commerce, il est essentiel de n'entretenir au dedans et au dehors
qu'un très petit nombre d'agents du pays.
Le capitaine général et le préfet colonial ont la faculté de se transporter
dans les divers établissements de l'Inde, mais ils sentiront que la distance
des lieux et l'absence de l'autorité de la ville principale ne leur permettent
point d'entreprendre ces voyages à moins d'utilité reconnue.
Les présentes instructions devront servir de base à celles que le capi-
taine général et le préfet colonial remettront aux chefs des établissements
secondaires. Ce qui leur est prescrit sous le point de vue général doit être
particulièrement exécuté dans tous les lieuv soumis à la domination de la
République, et il est indispensable que les comptes soient rendus partout
de la même manière, afin que le compte général qui sera envoyé au ministre
soit en même temps précis et méthodique.
Le Ministre de la Marine,
Signé : Df.crès.
P. -S. — Le contre-amiral commandant les forces navales stationnées
dans les mers d'Asie vous communiquera ses instructions et devra se con-
certer avec vous sur tous les objets qui pourront intéresser les intérêts de
nos établissements, ceux de vos opérations et de votre correspondance
avec la métropole ou tout autre lieu.
Signé : Degrés.
CHAPITRE II
Dtcaen prend congé de Bonaparte. — Instructions particulières du Premier Consul. —
Bonaparte prévoit le cas d'une guerre avec l'Angleterre dans un avenir rapproché. — L'ad-
judant commandant Binot précédera, dans l'Inde, le gros de l'expédition de Deraen —
Instructions qu'il reçoit de celui-ci. — Decaen quitte Paris. — Premier! démêlés avec
le contre-amiral Linois. — Decaen déclare au préfet maritime de Brest qu'il refuse de
voyager sur le vaisseau amiral. — Le préfet maritime tranche le différend. — Les
troupes s'embarquent. — Ordre du jour de Decaen. — L'expédition quitte Brest. —
Parcimonie de Linois. — Les troupes souffrent de la soif. — Decaen veut faire aug-
menter la ration d'eau. — Ses instances auprès de Linois qui se retranche derrière
le règlement. — Linois cède enfin. — Arrivée au Cap de Bonne-Espérance.
Ayant demandé au Premier Consul à présenter, avec mon
épouse, nos hommages à Mme Bonaparte et prendre congé, nous
fiimes invités à venir déjeuner à Saint-Cloud; et le lendemain,
lorsque je fus aux Tuileries pour recevoir ses derniers ordres, il
me remit les instructions que je relaterai ci-après. Il m'embrassa
en me souhaitant bon voyage et du bonheur. Après l'avoir remer-
cié, je lui témoignai le désir d'avoir son portrait qu'il me promit;
et je le reçus à l'île de France.
Enfin je demandai au Premier Consul la permission de lui écrire
directement pour les choses que je croirais ne devoir commu-
niquer qu'à lui seul : il me donna cette autorisation.
I.\STRLCTIONS DU PREAIIKR CONSUL
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Du 11 nivôse, l'an XI
de la Képublique une et indivisible.
Bonaparte, Premier Consul de la République, au capitaine général
des possessions françaises dans les Indes.
Le ministre de la .Marine a remis au capitaine général des instructions
sur l'administration de l'Inde, et sur les différents droits et prérogatives
310 MEMOIRES ET JOLRXALX DU GÉXÉRAL DECAEM
dont nos établissements et notre commerce doivent jouir dans cette contrée;
mais le Pretnier Consul a cru devoir signer lui-même les instructions ser-
vant de base à la direction politique et militaire qui doit être observée.
Le capitaine «{énéral arrivera dans un pays où nos rivaux dominent,
mais où ils pèsent également sur tous les peuples de ces vastes contrées.
Il doit donc s'attacher à ne leur donner aucun sujet d'alarme, aucun
motif de dissension, et à dissimuler le plus possible les vues du gouverne-
ment.
Il doit s'en tenir aux relations indispensables pour la sûreté et l'appro-
visionnement de nos établissements; et il s'étudiera à ne mettre aucune
affectation dans les communications qu'il aura avec les peuples ou les
princes qui supportent avec le plus d'impatience le joug de la Compagnie
anglaise et à ne lui donner aucune inquiétude. Les Anglais sont les tyrans
des Indes. Ils sont inquiets et jaloux : il faut s'y comporter avec douceur,
dissimulation et simplicité.
Six mois après son arrivée, le capitaine général expédiera en France,
avec ses dépêches, un des officiers ayant le plus sa confiance, pour faire
connaître, dans un mémoire détaillé, tout ce qu'il aura recueilli sur la
force, la situation et la disposition d'esprit des différents peuples de l'Inde
ainsi que sur la force et la situation des divers établissements anglais. Il
présentera ses vues et les espérances qu'il pourrait avoir de trouver de
l'appui, en cas de guerre, pour pouvoir se maintenir dans la presqu'île,
en indiquant la quantité et la qualité de troupes, d'armements et de pro-
visions dont il aurait besoin pour nourrir la guerre pendant plusieurs
campagnes au centre des Indes. Il doit apporter la plus grande attention
dans la rédaction et les expressions de ce mémoire, parce que tous les
termes en seront pesés, et que ses expressions pourront servir h décider,
dans des circonstances imprévues, la marche et la politique du gouverne-
ment.
Pour nourrir la guerre aux Indes pendant plusieurs campagnes, il faut
raisoTiner dans l'hypothèse que nous ne serions pas les maîtres de la mer,
et que nous aurions A espérer peu de secours considérables.
Il paraîtrait difficile qu'avec un corps d'armée, on pût longtemps résis-
ter aux forces nombreuses que peuvent opposer les .Anglais, si l'on n'a des
alliances et une place servant de point d'appui où, dans un cas extrême, on
put capituler et se ménager ainsi la faculté de se faire transporter en
France ou à l'île de France avec armes et bagages, sans être prisonniers,
sans compromettre l'honneur, et sans se priver d'un corps considérable de
Français.
l'n point d'appui doit avoir le caractère d'une place forte : il doit avoir
aussi un port ou une rade où des frégates et des bâtiments de commerce
soient à l'abri d'une force supérieure. Quelle que soit la nation à laquelle
appartînt cette place, portugaise, hollandaise ou anglaise, le premier projet
paraît devoir tendre à s'en emparer, dès les premiers mois, en calculant
sur l'effet d'une force européenne si inattendue et indéterminée. Après
INSTRUCTIONS PARTICl LIKRES DE BOXAPARTK 311
avoir l'ait un plan d'alliance et de jjuerre avec une force demandée, il fau-
drait établir ce que croirait devoir faire le capitaine général si, au lieu de
cette force entière, on ne lui en envoyait que la n)oitié.
Après avoir pensé aux alliances et à un point d'appui, les objets qui
intéressent le plus une armée, dans une campagne, sont les vivres et les
munitions de guerre, objets que le capitaine général traitera également
dans le plus grand détail.
Six mois après cet envoi, le capitaine général, dans un nouveau mé-
moire, traitera les mômes questions en y ajoutant les nouvelles connais-
sances qu'il aura pu acquérir.
Ainsi, il est établi que, tous les six mois, le capitaine général enverra
en France des officiers sûrs, avec des mémoires traitant toujours le.<; mêmes
questions et confirmant, modifiant ou contredisant les idées des mémoires
précédents.
Si la guerre venait à se déclarer entre la France et l'Angleterre avant le
l" vendémiaire an XIII, et que le capitaine général en fût prévenu avant
de recevoir les ordres du gouvernement, il a carte blanche et est autorisé
à se replier sur l'ilc de France et le Cap, ou à rester dans la presqu'île,
suivant les circonstances où il se trouvera et les espérances qu'il pourrait
concevoir, sans cependant exposer notre corps de troupes à une capitula-
tion honteuse et notre armée à jouer un rôle qui ajouterait à notre discré-
dit aux Indes, et sans diminuer, par l'anéantissement de nos forces, la
résistance que peut présenter l'ile de France en s'y repliant.
On ne conçoit pas, aujourd'hui, que nous puissions avoir la guerre avec
l'Angleterre sans y entraîner la Hollande.
Un des premiers soins du capitaine général sera de s'assurer de la situa-
tion des établissements hollandais, portugais, espagnols, et des ressources
qu'ils pourraient offrir.
La mission du capitaine général est d'abord une mission d'observation
sous les rapports politiques et militaires, avec le peu de forces qu'il réunit,
et une simple occupation de comptoirs j>our notre connnerce. Mais le Pre-
mier Consul, bien instruit par lui et par l'exécution ponctuelle des instruc-
tions qui précèdent, pourra le mettre à portée d'acquérir un jour cette
gloire qui prolonge la mémoire des hommes au delà de la durée des siècles.
Le Premier Consul,
Skjnc : BoxAPARTK.
Une frégate devait être détachée de la division pour la précéder
au Cap de Bonne-Espérance et dans l'Inde, ayant à son bord le
préfet colonial qui devait préparer des rafraîchissements au pre-
mier lieu, et faire, à son arrivée à Pondichéry, des dispositions
pour les logements et la subsistance des troupes. .Mon chef d'élat-
major devait aussi s'embarquer sur cette frégate pour recevoir lu
rétrocession de ce principal établissement.
312 MÉMOIRES ET JOURMAL'X DU GÉNÉRAL DECAEX
Avant mon départ de Paris, je rédigeai l'instruotion ci-après
pour l'adjudant commandant Binot; et elle fut datée à bord du
Marengo, le 14- ventôse :
La frégate de la République la Belle-Poule, sur laquelle vous êtes em-
barqué, citoyen commandant, est désignée pour arriver à Pondichéry avant
la division que le gouvernement envoie aux Indes Orientales pour l'exécution
de l'article 3 du traité d'Amiens, en date du 4 germinal an X, ainsi conçu :
Cl Sa Majesté Britannique restitue à la République française et à ses alliés
savoir : Sa .Majesté Catholique et la République batave, toutes les posses-
sions et colonies qui leur appartiennent respectivement ou qui ont été
occupées ou conquises par les forces britanniques dans le cours de la
guerre actuelle, etc.. •i
En conséquence de ce traité et en vertu des pouvoirs qui m'ont été
donnés par le Premier Consul, je vous ai choisi, citoyen, pour recevoir du
commandant de Sa Majesté Britannique à Pondichéry la restitution de cet
établissement.
Je me borne, quant à la restitution, à cette disposition générale parce
que le citoyen Léger, préfet colonial, que vous accompagnez, est revêtu
d'une autorité avec laquelle il vous donnera tous les renseignements et
documents qui vous seraient utiles; mais encore, sur le rapport que vous
lui feriez d'obstacles qui vous seraient présentés, ce que je suis loin de
prévoir, il pourra traiter directement avec le gouverneur de Madras et
avec le gouverneur général à Calcutta, auxquels vous ferez parvenir, aus-
sitôt votre arrivée à la côte de Coromandel, les lettres que je vous remets
pour ces gouverneurs, dans lesquelles je leur annonce le caractère dont
vous êtes revêtu.
Vous êtes en outre chargé, citoyen commandant, des dispositions mili-
taires nécessaires pour recevoir les troupes destinées à former la garnison
de Pondichéry et de celles qui devront être réparties plus tard dans nos
autres établissements. Ces dispositions consistent particulièrement dans la
reconnaissance des localités convenables pour les loger. Pour cela, encore,
vous ferez votre rapport au préfet colonial qui ordonnera les dispositions
subséquentes.
Le capitaine du génie Dehon, qui vous accompagne, préparera, à cet
égard, tout ce que la nature des lieux et l'état actuel des établissements
militaires lui offriront.
Aussitôt votre débarquement, vous vous occuperez de la levée de deux
compagnies de Cipayes auxquelles vous attacherez provisoirement les offi-
ciers destinés pour ce corps, et qui passent également sur la frégate. V^ous
trouverez à Pondichéry un nombre plus que suffisant de Cipayes et d'offi-
ciers précédemment au service de la France pour entrer dans la formation
provisoire que je vous prescris. Ainsi, il faudra fixer votre choix de ma-
nière que, lors de l'organisation définitive, ces hommes ne puissent point
être réformés. Je me repose au surplus sur votre zèle et vos talents pour
LETTRE AU MARQUIS DE WELLESLEY 313
tout ce que je n'aurai pas prévu, dans la présente, sur la mission dont je
vous charge.
Je vais de suite transcrire les lettres annoncées dans cette ins-
truction.
L'une, au marquis de Wellesley, gouverneur général des posses-
sions anglaises dans l'Inde, datée de Brest, le 13 ventôse an XI :
MlLORD,
J'ai l'honneur d'annoncer à Votre Excellence qu'en m'honorant du
commandement général des établissements français aux Indes Orientales,
le Premier Consul de la République m'a donné ses ordres pour suivre
l'exécution du traité d'Amiens et des conventions respectives entre nos
deux nations.
C'est dans ces dispositions, Milord, que la frégate de la République la
Belle-Poule se présentera à la côte de Coromandel.
Le citoyen Léger, préfet colonial, et le colonel Binot, adjudant com-
mandant, qui me précèdent, sont directement autorisés pour recevoir la
restitution de Pondichéry et de ses dépendances, ainsi que de faire pré-
parer tout ce qui est nécessaire pour la réception des troupes que le gou-
vernement français envoie dans cette partie du monde.
Je charge le colonel Binot de vous faire parvenir la présente, à laquelle
je joins un paquet qui a été envoyé par ordre de Sa Majesté Britannique.
J'ai aussi l'honneur de prévenir Votre Excellence que, successivement,
j'enverrai, dans chacun des établissements qui doivent être rendus à la
France des personnes autorisées pour reprendre possession. Je me per-
suade facilement que vos ordres préviendront toutes difficultés à cet égard.
Je suis infiniment flatté que le Premier Consul m'ait mis dans le cas
d'avoir des rapports avec vous. Je vous prie d'être persuadé que je m'oc-
cuperai sans cesse des moyens qui peuvent contribuer à entretenir la plus
parfaite harmonie et à rendre durable l'amitié qui doit exister entre nos
(^eux nations.
Recevez, Milord, l'assurance de ma haute considération.
L'autre lettre était adressée :
Au gouverneur du fort Saint-Georges y à Madras, et Président
en Conseil, etc..
Brest, 13 ventôse an XI.
Monsieur le Gouverneur,
Le Premier Consul, en m'honorant du commandement des établisse-
ments français aux Indes Orientales, m'a donné ses ordres pour suivre
314 .MÉMOIRES ET JOURX^AUX DU GENERAL DECAEX
l'exécution du traité d'Amiens et des conventions respectives entre nos
deuv nations.
C'est d'après ces dispositions que j'ai l'Iionneur de vous annoncer que la
frégate de la République la Belle-Poule se présentera à la côte de Coro-
mandel...
Le surplus du contenu de cette lettre était dans les mêmes
termes que dans la précédente.
Enfin je partis de Paris le 27 pluviôse, avec mon épouse accom-
pagnée d'une de ses sœurs. Croyant la paix assurée pour longtemps,
il y avait dix-huit mois que je m'étais marié.
J'arrivai à Brest le 3 ventôse. La marine s'occupait des derniers
préparatifs pour que l'expédition mette sous voile dès que les
vents seraient favorables.
Je passai la revue des troupes. Je les trouvai bien sous tous
les rapports et surtout bien disposées à entreprendre leur long
voyage. Je vis aussi les chasseurs africains. Ce bataillon était
superbe. C'étaient tous hommes de taille de grenadiers. Ils étaient
presque tous créoles de la Guadeloupe, et presque tous mulâtres
de deuxième, troisième et quatrième génération. C'était, à peu
d'hommes près, plutôt une troupe blanche qu'une noire. Ils étaient
parfaitement exercés, ayant été enrégimentés dans cette colonie.
Le préfet Calfarelli avait secondé le général Vandermaësen en
tout ce qu'il avait désiré pour le choix des hommes, les habiller,
coiffer, armer et équiper. L'uniforme que j'avais proposé leur al-
lait à merveille. Enfin, ce bataillon pouvait être mis en parallèle
avec ceux d'ancienne formation, et tous ces hommes paraissaient
satisfaits et reconnaissants du changement à leur précédente et
malheureuse situation, et qu'on les eût ainsi organisés. Les offi-
ciers attachés à ce bataillon de chasseurs les commandaient avec
plaisir.
Comme c'était à moi qu'il appartenait de désigner les troupes
qui devaient être embarquées sur chacun des bâtiments de l'expé-
dition, selon le nombre qu'ils pouvaient en contenir, je fus en rade
pour reconnaître dans chacun d'eux les emplacements destinés
aux passagers. J'étais accompagné du préfet maritime, du préfet
colonial et du général Vandermaësen. Je fus convaincu que les
représentations que je n'avais cessé de faire au ministre de la Ala-
rine sur l'exiguïté des moyens de transports, étaient fondées; et
PREMIERS DÉMÊLÉS AVEC LIX'OIS 315
(|ue, par conséquent, ces l)àtnnents contiendraient trop de monde
pour y être au moins passablement pour un aussi long voyage.
Mais il fallait partir et s'arranger alors pour le mieux, sauf les
inconvénients qui pourraient résulter de l'encombrement.
Je n'avais pas, non plus, été satisfait de la part de logement que
le contre-amiral Linois m'indiqua pour moi et ma famille, à bord
du Marengo : l'on n'y avait fait aucune disposition particulière, ainsi
que cela avait eu lieu à bord des vaisseaux sur lesquels les autres
capitaines généraux s'étaient embarqués, parce que ces arran'je-
ments, principalement pour le général Leclerc, avaient été trouvés
trop dispendieux. C'était une singulière parcimonie du ministre de
la Marine, et surtout d'avoir prescrit cette lésinerie pour la der-
nière expédition : de sorte que je fus obligé de faire l'acquisition,
à Brest, des lits, meubles, linge, couverts et ustensiles qui
m'étaient nécessaires, quoique le ministre m'eût assuré, avant mon
départ, que je trouverais, à bord du vaisseau, tout ce qu'il me fau-
drait, et que l'amiral Linois était cliargé de pourvoir à tout ce qui
convenait pour le logement et la table.
De retour de cette visite peu satisfaisante, on se réunit chez le
préfet maritime pour procéder à la répartition des passagers sur
chacun des bâtiments. Quoique j'eusse pris la résolution d'éviter
toute altercation avec le commandant de la marine employée à
cette expédition, voulant faire exception avec les commandants de
terre et de mer des autres expéditions (|ui avaient eu entre eux de
vives contestations, la manière dont le contre-amiral Linois m'avait
indiqué mon logement et la part peu convenable qu'il en avait
faite me forcèrent d'oublier ce que je m'étais promis : je débutai par
dire que je m'embarquerais à bord du transport la Côte-d'Or, avec
les passagers que pourrait contenir ce bâtiment. Cette déclaration
causa une vive surprise. Le préfet Cafarelli m'en ayant demandé la
raison et ajouté que cela ne pouvait être ainsi, attendu que le
Marengo avait été destiné pour mon passage, je lui répliquai :
a Comme vous avez vu la part du logement qu'on m'a faite, et la
manière dont on m'en a donné l'indication, en commençant par
me faire voir, non sans affectation, la chambre du contre-amiral,
celle du capitaine de vaisseau, et ensuite, ce qui m'était réservé,
je suis persuadé que je serai beaucoup mieux à bord du navire
du commerce que je viens de citer, mais surtout que son capitaine
316 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEN
aura pour moi des égards. « Alors, le contre-amiral Linois, sur
qui les coups avaient porté, prit la parole pour dire que je n'avais
fait nulle observation à son bord. — « Non! Je n'en ai point fait,
parce que ce n'était pas le moment; et d'ailleurs, je ne voulais pas
y élever de discussion sur ce sujet. Mais vous voyez, à présent qu'il
s'agit de s'en occuper, que, depuis ce matin, je n'ai rien oui)lié. '■■>
Le contre-amiral aurait peut-être pu mieux sortir d'embarras,
mais il s'y enfonça davantage en me disant : " Nos règlements
portent que lorsque les vice-amiraux ou contre-amiraux monte-
ront un vaisseau, les capitaines céderont leur chambre, la pre-
mière de tribord, et ils passeront dans la première de bâbord. —
Je n'entends point contester vos règlements, et vous le voyez par
le parti que j'ai pris et que je viens d'annoncer. Cependant, je dois
vous dire que, pouvant avoir la prétention fondée d'avoir la pre-
mière place à bord du vaisseau, on ne pourrait pas du moins me
contester l<i seconde. Mais il ne s'agit plus de cela, puisque je suis
décidé à m'cmbarquer sur la Cote-d'Or et à vous laisser jouir de
toute la plénitude de vos règlements, et de votre vaisseau. 5 Alors
le préfet, qui n'avait pas vu avec plaisir les dispositions de Linois
et qui était contrarié de ne pas avoir été autorisé à faire pour moi
ce qu'il avait précédemment ordonné pour les autres capitaines
généraux, représenta qu'il était impossible que je tienne à ma résolu-
tion, parce qu'il serait singulier et môme ridicule qu'un capitaine
général fût embarqué sur un navire de commerce, tandis qu'il y
avait un vaisseau et des frégates, et qu'il ne pouvait pas y condes-
cendre, qu'il en recevrait des reproches du ministre, n Mais ne
m'a-t-on pas obligé à prendre ce parti? Au reste, comme je serais
fâché qu'il vous fût adressé le moindre reproche, je vais envoyer
sur-le-champ un de mes aides de camp à Paris porter une lettre
au Premier Consul, dans laquelle je le prierai de vouloir bien don-
ner une décision qui règle comment le contre-amiral Linois doit
loger ma famille et moi sur le vaisseau qui a été destiné pour me
transporter dans l'Inde, à moins que, pour ne pas retarder le
départ de l'expédition, vous ne preniez sur vous de donner une
décision. D'ailleurs, il y a des antécédents; et je ne prétends pas
exiger pour moi plus qu'il n'a été fait pour les autres capitaines
généraux. Enfin, il ne s'agit que de chambres sans le moindre
ameublement. «
DECISION DU PREFET MARITIME 317
Le préfet, qui avait voulu sans doute laisser Tinitiative au contre-
amiral sur le parti qu'il y avait à prendre, pour lui procurer l'oc-
casion de réparer son inconséquence du matin, à laquelle il venait
d'ajouter son observation réglementaire, et qui, depuis, avait gardé
le silence, le préfet, dis-je, prononça que je devais occuper la pre-
mière chambre de bâbord destinée au capitaine du vaisseau et
celles sur le même côté qui m'étaient indispensables et, en outre,
la moitié de la grande chambre dans laquelle on établirait une
séparation, si je ne voulais pas la laisser commune entre moi et
le contre-amiral.
Ce premier point ainsi déterminé, on procéda à la répartition
des troupes et des autres passagers sur chaque bâtiment.
Comme il avait été décidé qu'une des frégates précéderait l'ex-
pédition et en serait détachée quand nous serions arrivés à la hau-
teur des Canaries pour se rendre d'abord au Cap de Bonne-Espé-
rance et ensuite à Pondichéry (on ne devait pas relâcher à l'île de
France) pour préparer tout ce qui pouvait être nécessaire pour le
rafraîchissement des troupes et et des équipages au Cap et pour les
premières dispositions d'établissement dans l'Inde, la Belle-Poule
fut désignée. Elle était commandée par le capitaine de vaisseau
Bruilhac. Le préfet colonial s'y embarqua avec sa famille, ainsi
que l'adjudant général Binot, mon chef d'état-major, auquel je
donnai des instructions (1) pour la reprise de possession de Pon-
dichéry, avec des lettres que j'adressai à ce sujet aux gouverneurs
anglais de Madras et de Calcutta. Mon aide de camp Lefebvre
s'embarqua aussi sur cette frégate.
Le général Vandermaësen fut embarqué sur la frégate la
Sémillante, commandée par le capitaine de frégate Motard, le
général Alontigny, sur VAtalante, commandée par le capitaine de
frégate Beauchêne.
Les troupes et les autres passagers furent répartis sur le vais-
seau et les frégates en raison de leur capacité, ainsi que le trans-
port la Cote-cl'Oroii fut embarqué le colonel Sainte-Suzanne. Il y
avait encore un transport, la Marie-Françoise , pour porter des
vivres et divers autres objets, sur lequel on mit aussi quelques
passagers. Enfin, les chasseurs africains devaient partir sur des
(1) '' Cei instructions et les lettres ont déjà été transcrites « (Note de Decaen).
318 MEMOIRES ET JOURNAIX DU GÉNÉRAL DECAEX
navires du commerce qui ne devaient pas tarder à mettre sous
voile et qui seraient convoyés par la corvette le Bélier comman-
dée par le lieutenant de vaisseau Hulot.
Les troupes s'embarquèrent le 10 ventôse et les autres passa^jers,
le lendemain.
Le 13, j'écrivis au ministre de la Marine la lettre suivante :
Brest, le 13 ïenlôse an XI.
J'ai riioniieur de vous annoncer, oitojen ministre, que je me rends à
bord du Marcngo, puisque les vents sont favorables et qu'enfin les prépa-
ratifs sont achevés. Je présume que nous n'aurons pas d'obstacles pour
nous empêcher d'appareiller aujourd'hui même. Depuis mou arrivée à
Brest, je n'ai point eu le plaisir de correspondre avec vous parce que j'ai
.su que, par chaque courrier, vous aviez connaissance de l'état des choses.
J'avais cependant beaucoup à vous dire. Le premier objet, c'était de
réunir mes oliservations à celles que je pense vous avoir été faites par le
préfet maritime et par le contre-amiral Linois sur l'encombrement inévi-
table qui a lieu à bord des bâtiments destinés pour l'expédition, vu leur
capacité pour tant d'hommes et tant d'elfets. La Càle-d'Or est surtout
celui qui me présente plus d'inquiétude pour la santé de la quantité de
soldats qu'on y a embarqués. Je n'ajoute rien de plus sur cet objet, puisque
le conseiller d'Ktat Cafarelli vous instruira de tout lorsqu'il aura le plaisir
de vous voir. 11 a bien voulu se charger d'une lettre que j'adresse au
Premier Consul, dans laquelle, entre autres choses, je fais une demande
dont j'espérais vous entretenir au moment même si le temps me l'avait
permis.
Cette demande est relative à ce que j'ai eu l'honneur de vous dire de la
part du Premier Consul, lorsque je vous fis mes adieux, sur ce que mes
instructions ne disent rien de mes rapports avec l'ile de France. Je remets
à votre souvenir que vous me promîtes une solution que je pense m'être
indispensable. Vous avez aussi oublié d'annoncer, dans vos instructions,
qu'une corvette serait à ma disposition spéciale. Je vous prie de m'adresser
un ordre afin qu'il ne naisse aucune difficulté à cet égard, puisqu'il a été
décidé que cela était nécessaire.
J'ai l'honneur de vous adresser tous les états de situation, selon vos
ordres, avec un mot que j'ai mis à l'ordre pour les troupes, dont l'esprit
est excellent. Je joins, à divers rapports, plusieurs demandes que je vous
prie d'accueillir favorablement. \'e trouvez pas de trop, citoyen ministre,
que je vous prie de faire, des Indiens, un objet de vos sollicitudes et de
leur eu donner une preuve, dès le mois de septeud)re, eu leur adressant ce
qui sera nécessaire à leurs besoins. Si le capitaine Barré, désigné précé-
demment pour être du premier voyage, était choisi à cette époque pour
nous apporter des nouvelles, ce serait encore une preuve de vos excel-
L'EXPEDITION QUITTE BREST 319
lentes dispositions que je vous prie de faire précéder d'un ordre positil
pour que le deuxième convoi qui doit se rendre dans l'Inde soit au plus tôt
sous voile.
Agréez, etc.
Voici ce que j'avais dit aux troupes par l'ordre du jour, le
12 ventôse :
Vous quittez la France pour vous rendre dans ses possessions les plus
éloignées. Le Premier Consul a mesuré la distance qui va nous séparer de
lui. Sans cesse occupé du bonheur du grand peuple, il ne peut oublier
que vous êtes de la famille. Attentif à prévenir vos besoins, je le secon-*"
derai de tout mon pouvoir; mais n'oubliez jamais que votre bonne con-
duite peut seule réaliser les espérances du gouvernement. Soldats, mon-
trez-vous toujours dignes de vous-mêmes, toujours Français! Les enfants
de la victoire doivent être les amis du bon ordre et de la paix.
Enfin, nous mîmes à la voile dans l'après-midi du 15 ventôse
(5 mars 1803). Après être sortis de la rade de Brest, nous trou-
vâmes la mer fort agitée : le vent soufflait avec violence; les ma-
rins disaient que c'était une brise carabinée, mais nous faisions
bonne route. Le mal de mer ne tarda pas à accabler tous les
passagers, même la plupart des officiers de la marine et la plus
«grande partie de l'équipage. Le contre-amiral et le capitaine de
vaisseau Larue furent plus de vingt-quatre heures sans pouvoir
sortir de leur lit. Moi, je n'eus (jue de légers symptômes d'indis-
position ; j'attribuai de n'être pas malade comme tant d'autres
■aux soins que je pris de mon épouse, ainsi qu'à mon occupation
pour contenir dans nos chambres tous les objets que le grand rou-
lis du vaisseau aurait dérangés de leur place et brisés; et surtout,
parce que je montais fréquemment sur le pont pour voir ce (|ui
s'y passait.
On ne peut pas se faire l'idée des effets divers produits par le
mal de mer sur l'équipage et les nassagers pendant les premiers
jours de navigatiou, par un gros temps, et surtout le spectacle
<ju ofifrait le Marengo, où nous étions plus de 1 100 personnes.
Pendant la première nuit, malgré tous les signaux de conserve
faits à bord du Marengo, la frégate V Atalante ci les deux transports
se séparèrent de la division, et nous n'en eûmes de nouvelles ([ue
longtemps après.
Le vent s'étaut calmé, nos malades reprirent successivement de
320 MÉMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEN
la nourriture et leur gaîtê, surtout après que nous eûmes doublé
le cap Finisterre.
Je dirai, eu passant, que le contre-amiral Linois, notre conduc-
teur et notre chef de pension, n'avait ordonné ses provisions que
pour nous faire servir une table très mesquine, quoiqu'il eût reçu
une indemnité fort raisonnable et que le ministre, auquel j'avais
demandé si je devais m'occuper en quelque chose de cet objet,
principalement à cause des dames, m'eût dit de ne pas y penser,
qu'il était persuadé que le contre-amiral ferait les choses au
mieux. Mais Linois, d'une avarice extrême, avait plus songé à ses
bénéfices qu'à bien traiter ses pensionnaires.
Cependant, il voulut s'excuser sur le mauvais temps que nous
avions essuyé en partant, attendu que ses grandes provisions avaient
été diminuées par la perte d'une très maigre et très petite vache
bretonne et de quelques volailles chétives, qui n'avaient pas sur-
vécu au mal de mer. Il attribuait à cette fatalité, inouïe pour lui,
la disetle qu'il nous fit éprouver dès les premiers jours de notre
navigation. Ainsi, en raison d'une perte aussi sensible pour ce
contre-amiral, qui l'avait sans doute prévue et qui n'avait rien fait
pour y suppléer, il fut certes bien aise de pouvoir commencer à
nous habituer au bœuf et au lard salé, aux fèves et aux haricots,
enfin, à peu de chose près, aux vivres de l'équipage. Néanmoins,
pour nous faire passer le temps (jue nous demeurions à table, il
eut recours aux paroles de consolation en nous faisant valoir, avec
un ton d'assurance et en voulant que nous en fussions persuadés
comme lui, qu'il se proposait, pour nous dédommager, de renou-
veler ses provisions au Cap de Bonne-Espérance, où il en ferait
d'abondantes, parce que tout y était à fort bon marché.
Afin de s'assurer si sa table était assez grande, il la vérifia lui-
même avec des assiettes et des chaises qu'il plaça autour; mais,
après les avoir éloignées et rapprochées plusieurs fois et bien
acquis la conviction qu'il n'arriverait pas à y placer tout son
monde, il eut recours au charpentier, auquel il recommanda la
plus grande exactitude pour que cette table ne contînt que dix-
sept couverts, dont dix pour les passagers qui, par leurs grades
militaires, ou qui y sont assimilés en raison de leurs fonctions,
pouvaient, ainsi que leurs femmes, être admis à ce qu'on appelle
la première table. Mes frère et beau-frère en furent exclus parce
DECAEN CO.VTHE LIXOIS ET LES RÈGLEAIEIVTS 321
(ju'ils n'étaient pas officiers supérieurs : l'un était capitaine et
l'autre, lieutenant. Je n'avais pas prévu, à Paris, cette exception
singulière, car j'aurais demandé qu'il fût donné pour eux une
indemnité au contre-amiral qui fit valoir, à leur égard, les règle-
ments. Avec les dix passagers, il faut le compter et ses deux adju-
dants, ainsi que le capitaine du vaisseau et son second, le capitaine
de frégate Vrignaud, le meilleur et le plus capable de tous les offi-
ciers de la marine qui étaient à bord. Enfin, le nombre dix-sept
était complété, chaque jour, par deux invités qui venaient prendre
leur part d'un dîner qui ne valait guère mieux que celui dont on
les dérangeait : car l'officier de la marine chargé de pourvoir à la
subsistance des passagers admis à la seconde table n'avait pas
non plus très bien pourvu aux approvisionnements; mais, du
moins, il pouvait s'excuser sur ce que l'indemnité accordée pour
ses bôles était loin d'égaler celle que le contre-amiral avait reçue
pour les siens, auxquels il avait bien soin d'anuoncerque certaines
choses servies sur la table devaient y reparaître tel nombre de fois.
Son vin ordinaire allait de pair avec le reste, et l'extraordinaire,
qu'il était allé chercher au meilleur marché et dont il offrait
quelques bouteilles, était de la plus mauvaise qualité. Mais heu-
reusement que je pus y suppléer par une partie de celui quej'avais
fait embarquer pour mon usage à Pondicliéry.
Lorsque nous fûmes par la iiauleur des Canaries, la Belle-Poule
se sépara de la division pour nous précéder au Cap de Bonne-
Espérance. Quelques jours de calme nous contrarièi-ent pour pas-
ser la ligne équinoxiale. Il ne tombait pas de pluie, et l'excessive
chaleur faisait beaucoup souffrir de la soif ceux qui n'avaient que
leur ration d'eau. Quelques soldats crurent pouvoir se désaltérer
avec de l'eau de mer, mais ils en furent très incommodés.
Dès que je fus informé que l'on souffrait beaucoup d'être privé
d'un supplément d'eau, j'avais demandé au contre-amiral d'en
ordonner la distribution : il m'avait opposé les règlements. Je lui
avais fait quebjues observations que j'avais cru suffisantes pour
l'engager à passer outre, et j'avais cru l'avoir déterminé. Mais
cette distribution n'ayant point eu lieu, je lui renouvelai plus vive-
ment ma réclamation. Je lui dis que les hommes ne devaient
point souffrir d'une soif extrême qui en contraignait quelques-uns
ci vouloir l'apaiser avec de l'eau de mer, quand il n'y avait pas
II 21
322 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEiY
nécessité absolue de s'en tenir à la stricte exécution de ses rèjjle-
mcnts; d'ailleurs, qu'il y avait à bord beaucoup plus d'eau qu'il
n'en fallait pour arriver jus()u'au Cap de Bonne-Espérance, où il la
remplacerait si facilement; et que, (|uand bien même il n'y aurait
que le nécessaire, on ne devait pas refuser ce supplément, sauf à
le retrouver soit par la pluie (|ui tomberait, soit en diminuant la
ration ordinaire, si cela devenait indispensable, lorsque nous
aurions atteint une latitude où la clialeur ne mettrait plus les
hommes dans l'état de souffrance où ils étaient et qu'on pouvait
calmer et faire cesser par quelques gouttesd'eau que je demandais
de leur faire distribuer.
Ces nouvelles remontrances eurent leur effet. On donna de l'eau
en quelque sorte à discrétion, pendant plusieurs jours, et la con-
sommation qu'exigea ce supplément ne fut pas considérable. Je
crois que la privation contribue à exciter le besoin, lorsqu'on pense
que ceux qui peuvent contribuer à le satisfaire en ont les moyens,
mais qu'ils s'y refusent par mauvaise volonté.
Le soixantième jour de notre départ de Brest, nous étions en vue
du Cap de Bonne-Espérance. Xous ne pouvions pas, dans cette sai-
son, jeter l'ancre à Table Bay, près de la ville. On fit donc route
pour doubler le cap, afin d'aller dans la baie de False où nous
n'entrâmes que le soixante-quatrième jour. Avant d'atteindre le
mouillage de Simon's Bay, nous fûmes au moment d'être jetés à la
côte par l'ignorance du contre-amiral et de ses officiers sur la loca-
lité, et nous ne fûmes préservés de ce danger que parce qu'lieu-
reusement le vent changea subitement et on ne peut pas plus à
propos.
CHAPITRE m
Decaen débarque et te rend au Cap. — Le gouverneur du Cap, Janssens, est en vojaçje
dans l'intérieur de la colonie. — Decaen va visiter le» vignobles de Constance. — Les
militaires ayant causé quelques désordres à Simon's Baj, Linois leur défend de des-
cendre à terre. — Decaen trouve celle défense excessive. — Il prie Linois de révo-
quer son ordre. — Un rapport de Decaen au ministre de la Marine sur l'Inde. —
D'autres noies politiques de Decaen sur la colonie du Cap. — Nouvelle d'une prochaine
rupture entre la France et l'Angleterre — Cependant Decaen ne peut y croire —
Noies détaillées sur le Cap. — Conquête des Anglais. — Reprise de possession du Cap
par les Hollandais. — Rôle de l'agent anglais Pringle. — Les fonctionnaires hollan-
dais.— Le capitaine du transport la Càte-d'Or se plaint des officiers passagers. — Les
hommes ayant caust* du scandale dans une escale à Ténériffc, Decaen prie Vandermaë-
sen de séiir. — L'expédition quitte le Cap de Bonne-Espérance. — Les amours et le
mariage de l'évéque Talleyrand. — Un amusant incident égaie la traversée. ^ Linois
fait des économies sur ses pensionnaires. — L'expédition en vue di; l'île de France. —
Linois, se retranchant derrière ses ordres, refuse de communiquer avec la terre. —
Arrivée de Decaen devant Pondichéry. — La frégate la Belle-l'oulc s'y trouve déjà,
mais encadrée entre deux vaisseaux anglais. — Inquiétudes de Decaen.
Le Marengo ne fut pas plus lot à l'ancre que le contre-amiral,
qui craignait de faire trop de dépense à nous donner quelques
vivres rafraicliissants, me demanda si je me proposais de bientôt
descendre à terre. Je lui répondis que, puis(jue nous devions faire
quelques jours de relâche, je n'y descendrais probablement que le
surlendemain, le 21 floréal, parce que j'irais de suite à Table Bay
où j'allais envoyer à l'avance me préparer un logement. Il ne fut
pas joyeux de celle réponse. Néanmoins, il fît les choses grande-
ment pour le déjeuner : on ajouta au service ordinaire quelques
radis et deux œufs pour chacun des convives; mais il ne manqua
pas de leur apprendre que les œufs frais étaient hors de prix à False,
puisqu'il avait fallu les payer dix liards pièce. Je ne donne ces dé-
tails que pour m'amuser des souvenirs qui me sont restés de son
incomparable ladrerie, en attendant que j'aie à raconter des
choses beaucoup plus intéressantes.
Le lendemain de l'arrivée, une partie des troupes et des é(|ui-
pages ayant été autorisés de descendre à terre, quelques-uns d'entre
32V MiaiOIHKS ET JOL'RXAUX DU GEXERAL DECAEN
eux y firent (|uelques soltiscs. Dos plaintes ayant été portées, je
prescrivis d'infliger une punition aux délinquants qui étaient mili-
taires, et j'ordonnai des dispositions qui réglaient le nombre de
ceux qui pourraient chaque jour descendre à terre pendant la durée
de la relâche (les officiers pouvaient y aller selon leur volonté),
ainsi que les mesures à prendre à terre pour le maintien du bon
ordre; et je donnai communication au contre-amiral de ce que
j'avais ordonné, eu l'invitant de faire, de son côté, ce qu'il jugerait
convenable relativement aux hommes des équipages.
Je quittai ensuite le Marengo avec ma famille et mes aides de
camp pour nous rendre à Simon's Bay où nous dinàmes et passâmes
la nuit; et le 22, dès le matin, nous nous mimes en roule sur des
voitures du pays attelées chacune de huit chevaux, selon l'usage,
qui nous menèrent avec célérité à la ville du Cap. Nous descen-
dîmes à la maison de la famille française Delaître, où mon loge-
ment avait été disposé, parce qu'au Cap de Bonne-Espérance il n'y
avait point d'auberges et que ses habitants se faisaient un plaisir
de douuer l'hospitalité aux voyageurs et de les bien héberger et
alimenter moyennant une raisonnable rétribution pour le temps
de la résidence.
Le général Janssens était en voyage dans l'intérieur. Je fus
présenter mes hommages à Madame et faire une visite à W. Demist,
commissaire général chargé de l'organisation de la colonie. JVous
n'eûmes qu'à nous féliciter de l'excellent accueil qu'on s'empressa
de nous témoigner. Ou nous j^dounaj plusieurs fêtes cà la ville et à la
campagne. Xous allâmes aussi à Constance. .\I. Klontz, propriétaire
du vignoble qui produit ce vin délicieux si renommé, nous fit la
meilleure réception : il nous engagea à visiter sa belle cave ainsi
(jue ce précieux mais très petit vignoble avec lequel il remplit ses
tonneaux : on a voulu l'accroître eu plantant de la même vigne
sur les terrains contigus, mais on n'y récolte que des vins d'une
qualité inférieure, ainsi que dans les autres endroits où l'on a
cherché à recueillir de ce vin de Constance de première qualité.
Je fis l'acquisition de quelques alverames [?j (l'alverame contient
80 bouteilles) de rouge et d'autres de blanc, — je donne la préfé-
rence au dernier, — au prix de 75 piastres l'uue. Nous fûmes
ensuite visiter le propriétaire Colins, (|ui récolte aussi du vin de
Constance. Après son bon accueil, il nous montra ses vignes et ses
LETTRE DE DECAEV A LIXOIS 325
tonneaux, et nous engagea de goûter ses vins excellents. J'en ache-
lai deux alverames, mais au prix de 60 piastres l'une, attendu la
diflerence avec le vrai Constance : néanmoins il en vendit une
plus grande quantité que M. Klontz à des personnes de ma
société.
Cependant, toutes ces agréables distractions ne m'empêchèrent
pas de faire quelques observations, ainsi que de prendre et de faire
prendre divers renseignements dont il sera question plus loin. Il
faut auparavant dire que, dès le jour de mon arrivée à la ville, je
fus informé que le contre-amiral avait, depuis mon départ, refusé
l'autorisation de transporter à terre les militaires qui devaient y
descendre, tandis que les marins continuaient à jouir de cette fa-
veur. Je reçus aussi une lettre dans laquelle il me faisait part de
sa résolution et de ses motifs. Alors je lui mandai ce (|ui suit :
J'ai vu, par votre lettre, que vous aviez prononcé, d'aprôs la demande
du commandant des troupes bataves h Simon's Bay, la défense de descendre
à terre. Cette défense est bien rigoureuse si elle est sans exception pour
aucun des passagers et surtout si, comme me Va rapporté le général V'an-
dermaësen, votre ordre annonce que les hommes des équipacjes, n'ayant
point pris part aux désordres qui ont eu lieu, ne sont point compris dans
celte mesure.
Je ne vous dirai pas que, par le résultat d'un examen fait de la con-
duite des uns et des autres, on aurait certainement trouvé que les hommes
des équipages descendus à terre ont aussi fourni des ivrognes et des tapa-
geurs; mais je vous observerai qu'un ordre qui établit une telle distinc-
tion peut très bien ronqire les liens qui tenaient en harmonie les équi-
pages et les troupes, ce qui serait bien plus désagréable que l'infraction à
la discipline par quelques hommes ivres de mauvaises boissons.
Il est vrai que tous les délits commis à bord, sans distinction de per-
sonne sont réprimés d'après les lois maritimes. Mais la circonstance pré-
sente n'offre-t-elle pas quelque exception? Le délit, s'il en existe qui
puisse entraîner peine afflictive, a été commis à terre : je crois donc que
ceux qui en sont soupçonnés, dépendant directement de l'autorité qui
m'est confiée, doivent, dans ce cas, y être soumis; car je ne pense pas,
comme vous, que tous les individus embarqués pèsent sur voire responsa-
bilité ; q\. ] en ai toujours été tellement convaincu que j'ai fait ce que les
circonstances m'ont prescrit. L'ordre du jour dont je vous adresse de nou-
veau copie vous en fournira une nouvelle preuve. Je pense que, d'après
cette petite explication, à laquelle je me suis cru obligé, votre ordre d'hier
n'aura pas tout son effet, car il arriverait (pie le plus grand nombre
d'hommes descendus à terre, et beaucoup d'autres qui n'y sont pas encore
allés, seraient privés d'un agrément salutaire.
326 MEMOIRES ET JOIR.VAIX DU GEXERAL DECAEM
Anssilùt la ivccption de colle réponse, le eonlrc-aniiial révoqua
son ordre trop sévère et (|iii n'était pas é(jiiitable, et les disposi-
tions (|ne j'avais prescrites ayant été bien exécutées, il n'y eut
plus de plaintes.
I.e contre-amiral m'ayant prévenu qu'il y avait, sur la rade de
Simon's IJay, un navire danois auquel il croyait pouvoir confier
ses dépêches pour le ministre, et que les préparatifs pour la con-
tinuation de notre voyage ne tarderaient pas à être terminés,
et donné eu même temps quelques nouvelles, je lui écrivis, le
2G floréal :
Je vous remercie, mon cher général, de la note que vous aviez jointe ù
votre lettre, que j'ai reçue aujourd'hui.
D'après vos conjectures sur la Belle-Poule, il faudra bien prendre le
parti de coiitiinier notre voyage sans l'attendre plus longtemps, c'esl-à-
dire ne pas retarder plus que l'époque que vous présumez suffisante pour
que l'eau et les provisions soient faites, d'autant mieux que les nouvelles
que vous m'annoncez et qui me confirment celles qui m'avaient été déjà
très assurées, mais dont j'attends de plus grands détails, nécessitent notre
plus pronq)te apparition à cause des motifs que je vous communiquerai
lorsque j'aurai le plaisir de vous voir, ce que j'espère pour le 29 au plus
tard, .levais aussi avoir terminé ma corresjiondance avec le ministre, que
mou séjour ici rendra un peu étendue, et je la remettrai, comme vous, au
Danois qui est eu rade. Cependant, j'aurais désiré avoir une occasion plus
nronqite et même plus sure.
Après avoir fait nos adieux et nos remerciements, surtout à
Mme Janssens, nous quittâmes la ville du Cap de Bonne-Espérance
le jour précité, pour retourner à Simon's Bay; et le lendemain, je
fermai ma dépêche pour le ministre de la Marine, datée du Ma-
rengo, en rade de False Bay, le 30 floréal an XI. En voici le
contenu :
ClTOVEX MiXISTBE,
.l'ai l'honiieur de vous annoncer que, le 10 floréal, soixante-quatrième
jour de notre départ de Brest, le vaisseau le Maretigo et la frégate la
Sémillante ont mouillé dans la rade de Simon's Bay. Dès le 15, nous
avions reconnu le cap de Bonne-Espérance.
La traversée a été on ne peut pas plus heureuse. Le contre-amiral Liuois
vous eu donnera les détails, .['ajouterai seulement que nous n'avons eu de
maladies que quelques indispositions.
Il me serait inlinimeut agréable de pouvoir vous donner d'aussi bonnes
RAPPORT AL MINISTRE DE LA MARIXE 327
nouvelles de toute la division ; mais, depuis la soitie de Brest, les trans-
ports la Côle-d'Or et la Marie-Françoise sont restés ignorés.
La I régate VAlalante était aussi restée constamment séparée; mais nous
l'avons trouvée au mouillage de Simon's Bay où elle était du jour précédant
notre arrivée.
Le général Montigny est k bord de cette frégate; sa santé, altérée par
les suites de l'accident qui lui a fait perdre un doigt, devient de jour en
jour meilleure. Ce général vous a instruit lui-même de cet accident, lors
de sa relâche à Sao Tliiago. Au reste, cette frégate a aussi été très heureuse
dans son voyage.
Selon vos instructions, citojen ministre, la frégate la Belle-Poule, à
bord de laquelle est le préfet, qui devait nous précéder tant au Cap de
Bonne-I'spérance qu'à Pondichéry, reçut l'ordre de se séparer de la divi-
sion le 19 germinal. X'ous nous trouvions alors par la hauteur des Cana-
ries ; mais la lielle-Poule n'a pas encore paru ; et nous nous trouve-
rons sans doute obligés de quitter ces parages sans en avoir de nouvelles.
J'en aurais encore beaucoup plus d'inquiétude si le contre-amiral ne pré-
sumait pas que, contrariée par les vents, cette frégate aurait été empêchée
de venir à l'un ou à l'autre mouillage du Cap de Bonne-Kspérance, ce
qu'elle avait cependant ordre de faire puisque, entre autres choses, on devait
laisser au Cap un agent provisoire en attendant le citoyen Broussonet,
nommé à cette place; et que le préfet devait y faire les dispositions que
vous lui avez prescrites, tant pour fournir aux besoins que la relâche pour-
rait nécessiter que pour ceux des bâtiments de la deuxième division qui,
j'aime à le croire, ne sont pas éloignés d'arriver. Autrement ce serait
encore une contrariété fort désagréable, puisque beaucoup d'objets de pre-
mière nécessité pour notre établissement sont restés pour être chargés sur
ces bâtiments, vu que ceux de la premii-re division n'avaient pu les con-
tenir.
J'avais pris le parti de désigner un oflicicr supérieur pour accompagner
le préfet, afin de traiter, dès son arrivée à la côte de Coromandel, de la
remise de Pondichéry, et à cet effet, je lui avais remis une lettre pour le
gouverneur des établissetnents anglais, avec celle à son adresse dont vous
m'aviez chargé en me donnant vos derniers ordres. Kntre autres motifs
qui m'avaient fait prendre ce parti, lequel je crois que vous trouverez
convenable, c'était celui de ne point être retardé, pour le débarquement des
troupes, aussitôt leur arrivée, par des délais que pourrait entraîner la
reprise de possession. Je joins copie de la lettre écrite au gouvernement de
Calcutta, et des instructions données à l'adjudant général Binot. La non
apparition de la Belle-Poule au Cap de Bonne-Espérance me fait craindre
qu'elle ne soit en retard pour l'evécution des premières dispositions.
Conformément à vos ordres, j'ai adressé au général Magallon le paquet
que vous m'aviez envoyé pour lui. J'ai profité du départ de la goélette
V Aigle, venant de Marseille, du port de 70 tonneaux, seule occasion que
j'aie trouvée pour l'ile de France.
328 MEMOIRES ET JOLRX'AUX DU GÉXÉRAL DECAEX
Lorsque ce rapport vous parviendra, vous aurez sans doute été informé
directement qu'un envoyé de l'iman de Mascate était venu à l'ile de France,
où il était arrivé le 16 pluviôse dernier; que l'objet de sa mission était de
demander l'amitié du ,q[ouvernement français et des secours en hommes,
armes et munitions, parce que l'iman craignait les Anglais; que cet envoyé
avait fait présent, de la part de l'iman, de plusieurs chevaux arabes, et
qu'après avoir resté un mois à l'île de France, où il avait été fort bien
traité, il était reparti pour Mascate, très satisfait, emportant avec lui des
canons de divers calibres. Je tiens ce rapport du capitaine du navire le
Mentor, de Bordeaux, en relâche actuellement à False Bay d'où il doit
se rendre au Sénégal.
En adressant votre lettre au général Magallon, je l'ai invité à me faire
connaître quel avait été l'objet de la démarche qu'avait fait faire l'iman de
Mascate, en le prévenant que je devais envoyer un commissaire des rela-
tions commerciales auprès de lui, afin que je puisse, vu cette démarche,
prescrire, plus particulièrement qu'on n'avait pu le faire en Europe, la règle
de conduite qu'on doit tenir à Mascate.
Le capitaine du Mentor a aussi rapporté qu'on était très tranquille
à l'île de France, mais que les affaires commerciales y étaient dans un très
mauvais état ; que les marchandises de l'Inde y étaient ;'i très haut prix ;
qu'il y avait des projets d'armements pour divers endroits de celte partie
du monde, mais que la crainte de la guerre faisait suspendre toutes les
opérations. La nouvelle de l'arrivée de la division va rassurer à cet égard.
J'ai en outre annoncé au général Magallon que j'espérais arriver à la côte
de Coromandel pour la fin de juillet. On nous fait même espérer que nous
y serons plus tôt, parce que la mousson nous est favorable. J'ai aussi
invité ce général d'en prévenir le commerce.
A ces nouvelles de l'ile de France, se réunit celle du retour du bataillon
qui était à Batavia. Mais une nouvelle d'une très haute importance et
dont le Premier Consul est sans doute déjà informé, puisqu'un bâtiment
anglais a été expédié pour l'annoncer au cabinet de Saint-James, c'est la
guerre entre les Mahrattes et les Anglais : guerre qu'on attribue, d'une
part, à l'extrême ambition de lord VVellcsley; et de l'autre, à la crainte
que les Français, retournant dans l'Inde, n'eussent le projet de rechercher
1 alliance des Mahrattes pour agir de concert contre la puissance anglaise.
Il est possible encore que la régence de Bombay, jalouse d'égaler en
puissance et en gloire les deux autres présidences, et qui convoitait depuis
longtemps le (îuzarate, dont la possession la rendrait au moins égale aux
deux autres, n'ayant pu trouver le moyen d'arriver à son but, pendant
1 existence de \annah-Furnaveze, un des ministres les plus habiles qu'ait
fournis l'Hindoustan, et auquel sont dus en grande partie les progrès de la
nation confédérée qu'il dirigeait, que cette régenoe ait saisi l'occasion de
la mort de ce ministre pour donner un nouveau développement à .sa poli-
tique.
Holkar et Scindiah étaient puissants ; ils étaient même redoutés des
RAPPORT Al AIIIVISTRK DE LA MARIXR 329
Anglais; mais on savait qne Scindiah avait l'ambition de remplacer Xannah-
Furnaveze au niinistôrc de Poonah (1), et l'opposition qu'y mettait Holkar.
Rien ne pouvait donc être plus favorable que de telles circonstances ou de
tels prétextes pour faire accéder le marquis de Wellesley au but qu'on s'était
proposé ; on a donc entretenu la mésintelligence. Enfin tout a été telle-
ment conduit que Holkar et Scindiab en sont venus aux mains à quelques
milles de Poonah, où leurs deux armées s'étaient rassemblées, pour faire
valoir leurs prétentions. Scindiah a été tellement battu que Ir» Peschwah, qui
est revêtu du titre de chef de la confédération et qui n'est réellement qu'un
mannequin au nom duquel tous les actes d'autorité sont faits, et qui était
protégé par Scindiah qui prétendait être son ministre, a été obligé de fuir
de Poonah, et de se sauver à Basain (2), sous la protection des Anglais qui,
dès lors, se sont déclarés ouvertement pour Scindiah, et ont fait avec lui un
traité par lequel ils se sont obligés de faire régner le Pesciuvah cpi'ils ont
maintenant sous leur protection; d'aider de tous leurs moyens Scindiah
pour combattre Holkar, aux conditions qu'ils auront, pour leur part des
fruits de cette guerre, la possession entière du Guzarate ; qu'il y aura une
garnison anglaise de 10000 hommes dans Poonah ; enfin que la province
de Cattak, qui sépare leurs possessions du Bengale de celle de la côte
d'Orissa, leur sera remise en toute propriété.
Toutes réflexions que je me permets de faire en ce moment, c'est que le
retour du pavillon français dans les mers de l'Inde, si notre traversée est
courte, peut contribuer, par l'effet seul du hasard, à faire une diversion
avantageuse en faveur de Holkar, parce que les Anglais, qui sont naturel-
lement ombrageux de leur haute puissance, ne se dégarniront peut-être
pas autant qu'ils l'auraient fait si nous étions encore éloignés, pour réunir
plus de moyens et donner suite à leurs projets pour la fin desquels il ne
leur manque plus qu'une scène à jouer, celle de détruire Holkar. Sans
m'écarter de la marche qui m'est tracée, aussitôt mon arrivée à la côte
Coromandel, et même plus tôt, si les circonstances me le permettent ou
quelques nouvelles avantageuses m'y engagent, je me bâterai d'expédier
pour Surate : c'est maintenant le point le plus intéressant pour avoir des
nouvelles, puisque c'est, à n'en plus douter, dans cette partie de l'Hindous-
tan que la compagnie anglaise va s'élever au plus haut degré au([uel son
ambition ait pu prétendre, ou préparer sa chute. De telles circonstances,
citoyen ministre, me font apprécier de plus en plus combien serait utile un
nombre de bâtiments légers pour être employés à se porter avec célérité
sur les points intéressants; et dès ce moment, si la division avait une cor-
vette, on n'aurait pas pu l'employer plus utilement que de la faire partir
de suite pour la côte Malabar et le golfe de Cambay.
J'ai profité du séjour de la division à la baie de False pour aller visiter
a ville du Cap de Bonne-Kspérance, rendue aux Hollandais, le 17 février
(1) Ou Poona.
(2) Ou Bassein.
3:}0 MEMOIRES l'T JOl R\^ALX 1)1 GKXERAL DECAEX
dernier. J'ai êU' fort bien reçu du commissaire général charjjé de l'organi-
sation de la colonie, et du gouverneur par intérim, le gouverneur Jans-
sens étant allé depuis un mois dans l'intérieur du pays pour rétablir l'bar-
nionie entre les Cafres et les colons des possessions boUandaises, qui sont
souvent en querelle. Ce gouverneur, qui doit visiter toute la colonie, ne
doit être de retour que dans deux mois. Comme j'ai beaucoup à vous dire
sur cet établissement bollandais, je joins des notes à la présente à laquelle
j'ajoute que les autorités et les babitantsde la colonie ont montré beaucoup
de prévenance et d'obligeance pour les Français.
Comme, dans ce moment, il n'y a pas, en rade de Simon's Bay, de bâti-
ments destinés pour un port de France, mais seulement un danois en
retour de Manille pour Copenhague, qui n'espère appareiller que dans di\
à douze jours, et une corvette hollandaise qui ne doit être expédiée pour
l'Europe que dans trois semaines, je ne peux pas vous annoncer par quelle
voie mes dépêches vous parviendront. Je les laisse en duplicata à M. I)u-
niesny, capitaine de port à Simon's Bay, dont le contre-amiral vous entre-
tient particulièrement; il les remettra aux premiers bàlinienls qui appa-
reilleront, autant néanmoins que les occasions seront sûres...
Le capitaine danois a rapporté qu'à son départ de Manille, on n'avait
encore rien reçu pour les besoins de cette colonie ; qu'elle paraissait fort
négligée; qu'il n'y avait aucun moyen de défense, surtout en approvi-
sionnements; qu'il était présumable (|u'on y trouverait un grand nombre
de défenseurs parmi les gens du pajs, mais qu'il y avait dénuement d'offi-
ciers ; et que le gou veneur était très âgé.
Il a ajouté que les Anglais n'avaient rien entrepris contre cette posses-
sion de l'Espagne, pendant la dernière guerre, et qu'il n'y avait, dans la
rade de Manille, ni dans les parages, aucun bâtiment de guerre.
J'ai l'honneur d'être, etc..
Dans une lettre de même date que la précédente, je dis au
ministre :
J'ai l'honneur de vous adresser particulièrement une note contenant
quelques renseignements sur les principaux agents du gouvernement batave
au Cap de Bonne-Espérance ainsi que sur un M. Pringle, lai.ssé par les
Anglais lors de leur départ, personnage qu'il est nécessaire d'éloigner, à
cause de son influence.
J'ai aussi l'honneur de vous prévenir qu'en causant avec le commissaire
général de l'arrivée du citoyen Broussonet pour commissaire des relations
commerciales, il m'a fait part de la disposition dans laquelle il était de le
bien recevoir quant à sa personne, mais qu'il était impossible qu'il fût
accueilli pour le titre que lui a conféré le gouvernement français, attendu
que, depuis plus de deu\ siècles, les Hollandais s'étaient fait une règle de
n'avoir dans leurs colonies aucuns agents envoyés par les gouvernemet)ts
étrangers; qu'il tiendrait à cette disposition si le citoyen Broussonet ne lui
représentait point l'aveu du gouvernement batave, ou si lui-même ne rece-
AGISSE M I']\TS AXGLAIS Al CAP 331
vait point des ordres ù cet égard. 11 a ajouté qu'en agissant ainsi il ne
ferait que suivre le parti qu'il avait déjà adopté envers ce M. l'ringle, qui
avait déjà fait plusieurs démarches pour être reconnu comme agent du
gouvernement anglais; je laisse ici un mot à M. Broussonet pour lui
annoncer que je vous informe delà difficulté qu'on se propose de lui élever
lorsqu'il se présentera dans cette colonie. J'ai l'honneur, etc..
Supplément à cette lettre :
Le commissaire général Demist a jugé sans doute insulTisant tout ce qu'il
m'a dit dans notre conversation à l'égard de M. Broussonet : il m'a remis,
à mon départ, la note dont je vous adres.se aussi une copie. Je n'ai pas cru
qu'il fût nécessaire d'y répondre, d'autant mie i\ qu'il m'a paru inutile
d'entamer une discussion politique qu'on n'aurait pu résoudre ici; que, d'un
autre côté, je n'avais point de rapports directs avec le Cap de Bonne-Espé-
rance, ni reçu de vous aucune instruction particulière pour cette colonie.
Je me suis donc borné à faire apercevoir au commissaire général que ce
M. Pringle, qu'il ne prétend considérer que conmie simple particulier
chargé d'affaires de commerce, recevait, en public, de lui et de plusieurs
membres formant l'autorité, des égards tellement marqués que je m'étais
persuadé qu'il était un agent accrédité; que cette persuasion ne m'était
pas seulement personnelle; qu'elle était partagée par beaucoup d'habitants
du Cap; enfin que, lorsqu'on parlait de M. Pringle, on ne le qualifiait pas
autrement que de commissaire anglais. Je n'ai pas non plus laissé ignorer
à M. Demist que Pringle faisait autre chose que de recueillir des fonds pour
ses commettants; qu'ujie de ses principales occupations était d'y répandre
des nouvelles qu'on lui adressait d'Iùirope; que, pendant mon séjour au
Cap, il avait osé donner pour nouvelle certaine que la guerre allait être
bientôt déclarée entre la France et l'Angleterre; qu'un bâtiment parti de
Londres le 4 mars lui avait annoncé que, décidément, Malte devait rester
aux: Anglais, etc.. J'ai observé à .M. le commissaire général que ces nou-
velles ne tendaient qu'à alarmer les colons et empêcher les relations com-
merciales, enfin à tenir dans l'inquiétude ces mêmes colons auxquels il
faut des idées plus riantes sur l'avenir, et qui les éloignent du désagré-
ment qu'ils ont éprouvé pendant la guerre.
Je n'avais pas dû croire à la véracité de cette nouvelle d'une pro-
chaine déclaration de guerre, et elle devait me paraître supposée,
parce que le navire par lequel on citait qu'elle avait été apportée
était parti de Londres le -i mars, et que nous avions mis à la voile
le 5; et que je devais penser que si, alors, il eut existé entre la
France et l'Angleterre des contestations telles (|u'on eût dû prévoir
une guerre imminente, le départ de notre expédition aurait élé
prudemment suspendu.
Ce qui avait contribué encore plus à ne pas me faire croire à
332 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GEXERAL DECAEX
folle nouvelle, el même à ne pas me causer la moindre incer-
titude dans mon opinion, c'était ce qu'on avait dit au sujet de
Malte, attendu que j'avais appris du Premier Consul que les An-
glais, ayant élevé quelques difficultés pour rendre cette île ainsi
que le Cap de Bonne-Espérance, s'étaient enfin décidés à exécuter
l'article du traité d'Amiens concernant leur remise, et qu'ils ne
garderaient ni Alalte, ni le Cap de Bonne-Espérance; ainsi, en
voyant qu'ils avaient rendu cette colonie aux Hollandais, depuis
que la difficulté élevée avait été aplanie, je pouvais bien me per-
suader que l'île de Malte devait aussi être rendue à la Russie qui,
selon le traité de paix, devait l'occuper.
Il n'y avait donc que des nouvelles d'Europe postérieures au
4 mars et transmises autrement que celle qu'on avait répandue
qui pouvaient m'apprendre si la guerre devait recommencer et,
dans ce cas, m'engager à prendre un parti : soit de rester au Cap
de Bonne-Espérance, soit d'aller à l'île de France, et d'attendre a
l'un ou à l'autre endroit de nouveaux ordres, si j'avais aperçu que
l'expédition pouvait être compromise en continuant notre voyage
pour arriver à Pondicliéry.
A'oies sur la colonie du Cap de Bonne-Espérance
adressées au Ministre.
X'ayant point eu le tenqis sullisant pour acquérir tout ce que l'on pou-
vait désirer sur la totalité de la colonie, et que, d'ailleui's, on m'a assuré
qu'il y avait eu, jusqu'à présent, fort peu de changement pour l'intérieur
du pays depuis les derniers renseignements qu'on doit trouver dans nos
arcliives, et particulii-rement dans le voyage de John Barrow, traduit de
l'anglais par Grandpré, ces notes contiennent plus particulièrement ce
qui est relatif à la presqu'île, à l'état militaire et politique actuel de la
colonie.
J'ajouterai ce que j'ai appris sur ce qui s'est passé lorsqu'elle est tombée
au pouvoir des Anglais, ainsi que pendant le temps qu'ils l'ont eue en
leur possession; enfin les causes pour lesquelles elle n'a pas été restituée
aux Hollandais aussitôt qu'ils s'y sont présentés.
La prescprile, dont la pointe la plus Sud est le cap de Bonne-Espérance,
est formée par la baie de Table et la baie de False qui ne laissent entre
elles qu'im isthme assez étroit qui ne présente qu'une grève très basse et
presque de niveau, et qui permetti'ait de croire que la mer la couvrit
autrefois. Le reste de la péninsule est traversé, dans sa plus grande Ion-
NOTES SLR LA COLO.MIC DU CAP 333
gueur, par une chaîne de montagnes d'où se détachent différents con-
treforts.
C'est sur la plaj]e la plus Sud de la baie do la Table qu'est assise la
ville du Cap. A peu de distance en arrière, s'élève, presque à pic, la mon-
tagne de la Table dont l'extrémité orientale n'est séparée de la montagne
du Diable que par un ravin étroit et de difficile accès, tandis que l'extré-
mité occidentale laisse entre elle et la Tète du Lion un col assez large et
très praticable, dont les pentes, du côté de la haute mer, conduisent à la
petite baie de Van Camps.
Toutes les fortifications permanentes de cette place consistent en une
forteresse située sur le bord de la mer, à droite de la ville, et une batterie
casematée placée à sa gauche...
Je ne cite pas tout le contenu du rapport sur la reconnaissance
de ces fortifications que je fis faire par des officiers du génie alors
avec moi, et inséré dans mes notes. Je me borne à en extraire ce
qui suit :
... Cette forteresse, appelée le château de Bonne-Espérance, est en
général de fort mauvaise défense. Sa maçonnerie a beaucoup de relief au-
dessus de la fausse braie et peut être ruinée de fort loin.
Les bastions en sont très petits, et le terre-plein de la fausse braie est si
étroit qu'on peut à peine y manœuvrer une pièce. Les fossés ne sont ni
assez larges ni assez profonds. Indépendannnent de tous ces inconvénients,
elle est dominée à portée de canon par une hauteur qui est un contrefort
de la montagne du Diable.
L'intérieur est occupé par des bâtiments militaires et par la maison du
gouverneur.
La batterie dite d'Amsterdam, construite à grands frais, avait été jugée
aussi défectueuse dans son tracé que dans sa construction
Après la description de cet ouvrage et le développement des
causes de sa défectuosité, il est dit, dans ce rapport :
Le mauvais emplacement de cette batterie et son insuffisance ont déter-
miné les Hollandais à placer sur sa gauche, en se rapprochant de l'entrée
de la baie, une seconde batterie dans le terre-plein de laquelle est un gril
à rougir les boulets. IClle a l'avantage de voir l'ennemi de plus loin, et de
l'avoir plus longtemps sous son feu. Cette batterie est, pour le moment, mal
tenue et en mauvais état. Elle est construite en terre. Entre la batterie
d'Amsterdam et la ville, se trouve une première batterie de 16 pièces. Le
reste de la plage, jusqu'à l'entrée de la baie offre encore deux batteries,
l'une de 10 pièces et l'autre de 8.
A la droite de la forteresse commence une ligne continue, tracée en cré-
33V AIKMOIIÎKS ET JOUR\AU\ DU GENERAL DECAEN
mailli're le long de la haie, et garnie de canons de distance en distance. A
(300 toises, à peu près, elle s'appuie ù un fort étoile armé d'artillerie. Sa
direction devient alors perpendicnlaire à la mer; elle s'élève vers la mon-
tagne du Diable, et va se terminer à un petit village à 600 toises environ
du fort étoile. Elle ne présente, dans cet espace, que des lignes droites flan-
quées par des redans fermés à la gorge, formant des espèces de redoutes
carrées, enfilées par les angles opposés. Comme la droite de ces lignes
n'aboutit point à la montagne, on a cherché à l'appuyer par une forte bat-
terie placée en avant d'elle sur la croupe d'un contrefort. Cette batterie a
un réduit palissade d'un double rang de palissades inclinées.
Les Anglais ont encore jeté, en avant de cet ouvrage, en s'élevant jus-
qu'au sommet du dernier contrefort qui ai)outit à la grève qui commu-
nique de Kalsc à Table Bay, quelques autres batteries auxquelles ils ont
ajouté, pour la sûreté de leurs gardes, des réduits en maçonnerie appelés
hloc-haus. Ils sont crénelés et la porte en est défendue par des niûchi-
coulis en bons madriers qui reposent sur des poutrelles avancées.
Hors des lignes, en avant du fort étoile dont il a été ([uestion plus haut,
se trouvent encore deuv batteries avec bloc-hnus, pour la défense du fond
de la baie; presque toutes ces différentes batteries sont munies d'un gril à
rougir les boulets.
Telles sont en partie les dispositions défensives prises contre un débarque-
ment effectué au fond de la rade ou à False Bay ; elles supposent néces-
sairement l'impossibilité de tourner les lignes et, de plus, .une garnison
assez nombreuse pour bien garder un développement aussi considérable.
Les Anglais paraissent avoir senti cet inconvénient. On remarque, fort en
arrière des lignes, dans l'espace compris entre la citadelle et la montagne
du Diable, deuv grands bastions qui ne sont point terminés, et dont la
position annonce évidemment l'intention de se concentrer dans une en-
ceinte plus resserrée, à moins qu'ils n'aient voulu en faire des points de
retraite ou de protectiori dans le cas où les lignes auraient été forcées.
Ces lignes, à les considérer telles qu'elles sont, sans même avoir égard
à leur trop grand développement, paraissent être fort mal appuyées à leur
droite; il serait facile de pénétrer entre leur extrémité et la grande batterie
qui la protège. Cette batterie elle-même est mal défendue, et à de trop
grandes distances, par les blor.-haus qui ne se soutiennent que faiblement
entre eux. Au reste, les rades de False Bay et de Table Bay ne sont pas
les seuls points où l'on ait à redouter un débarquement. Au revers des
montagnes se trouve la petite baie de Van Camps où il serait facile de jeter
des troupes qui pourraient pénétrer par le col qui se trouve entre la Table
et la Tètedn Iiion,ou hmger la côte et arriver derrière la croupe, ou même
passer entre la croupe et la Tète du Lion. Ce point était d'une trop grande
importance pour échapper à la surveillance des Hollandais. Us se sont
emparés de la position du col par quelques batteries placées sur le revers
à différentes hauteurs, et en ont établi deux autres sur la plage même. Ces
ouvrages sont extrêmement imparfaits.
NOTES SUR LA COLOXII-] DU CAP 335
Entre Van Camps Bay et False Bay, il en existe une autre appelée
Hout Bay. Klle est beaucoup plus spacieuse que celle de V^an Camps. Son
entrée est au sud-est. 11 peut y mouiller di\ vaisseaux, qui se trouvent
abrités par un croebct formé par la pointe ouest. A l'extrémité de celte
pointe est une batterie placée sur la côte de l'est. Cette baie se trouve ren-
fermée entre deux cbaines de montagnes qui la séparent de l'an Camps Bay
et de False Bay. La première chaîne n'a point de débouchés dans la baie
de V^an Camps. Les communications de la seconde descendent dans la vallée
qui se trouve entre le défilé de Aluizenberg et l'extrémité du bassin de
Constance. lies batteries dont cette anse est armée sont insuffisantes pour
empêcher un débarquement: mais le col qui forme la communication dont
nous venons de parler doit offrir une position aisée à défendre, ce qui de-
viendrait plus facile encore si l'on choisissait pour position centrale l'em-
placement d'un ancien camp anglais qu'on juge comme la position la plus
convenable à occuper pour un corps mobile, pour se porter, de là, sur les
points de la presqu'île qui pourraient être attaqués et mi^nie pour agir
contre un corps qui, ayant débarqué sur une autre partie de la côte s'avan-
cerait dans la presqu'île.
Si la presqu'île présente autant de points accessibles et, dans ce moment,
si peu de moyens de défense, la côte orientale et occidentale de la colonie
offre aussi plusieurs points de débarquement, entre autres : la baie de Sal-
dagne qui n'est qu'à 30 lieues du Cap, et dans laquelle la flotte aux ordres
de l'amiral Lucas se rendit aux Anglais, et la baie de Rio dal Goa (1) ou
la baie de la Téte-\oire, entre le 21" et le 28^ degré de latitude (2).
La baie de Rio dal Goa est jugée la meilleure de toute la côte de la colo-
nie à l'est du cap de Bonne-Espérance. Il faut que les Anglais aient espéré
en tirer parti car, pendant leur séjour, ils l'ont souvent visitée. Ils y
avaient fait construire des batteries, placé des troupes et élevé un hloc-haus
construit entre les deux rivières qui se jettent dans cette baie, pour se
garantir des attaques des Cafres. Les Hollandais n'avaient jamais placé de
poste dans cet endroit quoique, dans le voisinage, il y ait un asse^; bon
nombre de colons. Mais, depuis leur reprise de possession, ils y ont envoyé
115 hommes de troupes européennes et 24 canonnicrs.
Le général Dundas, qui commandait les troupes anglaises, avait encore
été visiter la baie de Rio dal Goa depuis que la paix était connue.
D'un autre côté, cette baie était un objet de la sollicitude des Anglais,
car ils craignaient (|ue les colons, très peu satisfaits de leurs nouveaux
maîtres, ne réunissent des moyens pour les inquiéter. Les Anglais avaient
cependant un as.sez bon nombre de troupes pour la garde de la colonie,
puisqu'ils ont constamment entretenu 7 à 8 000 hommes; et il faut réelle-
ment entretenir une Torce armée considérable si l'on veut se garantir contre
une grande entreprise. Un état militaire de 6 000 honnnes n'aurait rien de
(1) Peut-êire Delagoa Bay, ou plus vraisembliiblemeiit Algoa Bay.
(■2) Delagoa Bay se Irouve vers le "26" degré de latitude, et Algoa Bay à la même lali-
tiide que le Cap, eolre le 23" et le 2i« degré de longitude est.
336 MÉMOIIIES ET JOURMAUX DU GÉXÉRAL DECAE.V
superflu; encore faudrait-il que celui qui serait chargé de leur commande-
ment entendit parfaitement la tactique convenable au genre de défense qu'il
faut employer sur ce théâtre.
Ln objet non moins important à prendre en considération, c'est celui
d'un établissement autre que toutes les fortifications actuelles, qui sont
absolument nulles; et surtout qu'il soit déterminé un plan pour ce poste
qui sera, naturellement, en cas de rupture, recherché par les Anglais qui
en ont senti plus que qui que ce soit toute l'importance, puisqu'ils en
avaient fait un lieu de dépôt pour acclimater les troupes qu'ils faisaient
passer dans l'Inde ; que c'était ce même dépôt qui avait fourni 3 000 hommes
pour augmenter le corps d'armée qui avait marché contre Tippoo-Sahib,et
qu'on avait eu pour expérience que les troupes ainsi acclimatées avaient
perdu beaucoup moins, par le climat de l'Inde, que celles qui étaient arri-
vées directement d'Kurope.
Le gouvernement batave a besoin d'être pressé pour qu'il s'occupe de ce
point important, car sa situation militaire au Cap de Bonne-Espérance
n'est rien moins que respectable. On met sous les yeux l'état des troupes
employées dans ce moment à la garde de la colonie (1).
L'effectif de toutes armes n'était que de 2 172 hommes.
Tous ces corps sont formés, à l'exception des dragons — 240 — , d'étran-
gers, la plupart Allemands, Hongrois, Polonais et quelques Français.
Le gouvernement batave avait sans doute présumé qu'on retrouverait
au Cap toute l'artillerie qui y était lorsque cette colonie fut prise par les
Anglais; mais ceux-ci n'ont laissé que de très mauvaises pièces, des affûts
et des fers coudés qui ne valent pas mieux. Ils ont emporté toutes les
pièces de métal, entre autres celles de 24 qui étaient dans la batterie cou-
verte du fort d'Amsterdam. On observe enfin qu'il n'y a pas un seul offi-
cier du génie d'arrivé.
Avant de faire connaître l'esprit qui règne au Cap de Bonne- Espérance,
on va rapporter ce qui se passa lorsque les Anglais s'en emparèrent en
1795, et ce qui a eu lieu quand les Hollandais ont voulu, d'après le traité
d'Amiens, en reprendre possession.
Conquête des Anglais.
Les Anglais ont débarqué à Simon's Bay, le 16 de juin 1795, sans
aucune résistance. Le général Craig fit dire au gouverneur hollandais qu'il
venait au secours de cette colonie pour la conserver au stathouder. Le
gouvernement délibéra quelque temps sur cette étrange proposition et, à
la fin, refusa d'y souscrire. Les Anglais étaient déjà arrivés devant le défilé
de Muizenberg gardé par une force suffisante, et il ne tenait dans cette
occasion [qu' au gouvernement hollandais de les anéantir, n'étant qu'une
poignée d'hommes, la plupait des recrues destinées pour l'Inde. Cependant
des renforts parvenus aux Anglais les mirent bientôt en état de forcer ce
(1) - Cet élal dt-si^nait les uoras dei différents corps et leurs forces -(\ote de Decaen).
LKS ANGLAIS RESTITUENT LE CAP 337
passage, si fort par lui-même. Ils arrivèrent devant la ville du Cap et,
après plusieurs pourparlers, ils prirent possession du fort et de toute la
ville, le 21 de septembre.
Ils doivent une conquête si aisée à la lâcheté et tï la trahison de quelques
individus corrompus par un certain M. Pringle, alors agent de la Compa-
gnie anglaise. Le commandant hollandais, le colonel Gordon, Kcossais de
nation, se brûla la cervelle à cette occasion. Le gouverneur fut conduit en
Angleterre d'oîi il passa en Hollande, sans avoir jamais essuyé le moindre
désagrément.
Les Anglais ne furent pas sitôt maîtres de la ville que l'amiral hollan-
dais Lucas arriva avec 6 ou 7 bâtiments dans la baie de Saldagne où il se
laissa prendre par l'ennemi en lui abandonnant toute sa flotte. C'est dans
celte occasion que M. Claris, alors commaTidant en second et maintenant
capitaine de port, a si puissamment secondé les Anglais.
Bientôt après, lord iMacartney arriva pour établir une nouvelle organi-
sation dans cette colonie. C'est à lui que les colons doivent la prospérité
dont ils ont joui depuis; car, dans l'intention de garder cette colonie, il
avait donné de la force auv lois et accordé de la protection aux propriétés.
L'importation des marchandises anglaises était libre de tout impôt : on
n'exigeait que 8 pour 100 de toutes les autres. Les traites sur l'Angleterre
ne perdaient que G à 8 pour 100, tandis qu'aujourd'hui, on paie, poiïr
toutes les marchandises, 10 pour 100, et les traites sur l'Angleterre perdent
25 à 30 pour 100.
Reprise de possession.
L'escadre hollandaise, chargée des troupes qui devaient reprendre pos-
session du Cap de Bonne-Espérance, arriva le 24 septembre. Le général
anglais, qui avait reçu ses ordres, déclara aussitôt qu'il était disposé à
évacuer la citadelle et les forts, ce qu'il exécuta même en ne laissant que
quelques hommes dans la citadelle. Mais l'autorité chargée par le gou-
vernement batave de reprendre cette possession crut qu'il était important,
pour donner plus de solennité, de remettre au 1" janvier 1803. Sur ces
entrefaites, le contre-ordre arriva. Ce fut la veille même du jour fixé pour
la reddition. Cet ordre avait été expédié en Iripiicata. Ce fut le dernier
qui arriva le premier Le général Dundas fit débarquer ses troupes, dans la
nuit même, et fit reprendre les postes qu'il avait abandonnés, sans aucune
opposition. Les Hollandais se trouvèrent réduits à camper. Ils formèrent
leur camp à Wynberg, à gauche de la route qui conduit du Cap à Sinion's
Bay, presque en face de Constance, où ils restèrent jusqu'à ce qu'on eût
reçu d'Europe de nouveaux ordres. Enfin, ces ordres étant arrivés, les
Anglais évacuèrent tout le territoire de la colonie, le 21 février dernier,
rendant les fortifications, les magasins, les bâtiments, les jardins, etc.,
dans le plus mauvais état.
A ces cadeaux, ils ont joint celui d'un rassemblement de Hottentots,
H. 22
338 MEMOIRES ET JOIRXAIX Dl GEXERAL DECAEX
qu'ils avaient fait plutôt pour un hut politique que militaire, quoiqu'il
eût l'apparence d'un corps, puisqu'ils y avaient attaché des officiers euro-
péens et qu'ils avaient armé une partie de ce rassemblement, dont le
nombre, d'environ 900, était composé d'un tiers de femmes et d'enfants.
On prétend qu'ils comptaient, en cas d'attaque, lâcher ce rassemblemetit
pour engager les Hottentots de l'intérieur à se soulever contre les paysans
hollandais, afin que ceuv qui auraient agi au nom du gouvernement
batave n'eussent pu en tirer aucun service.
11 y avait cinq ans que les Anglais entretenaient ce rassemblement, qui
leur a fait une excessive dépense, puisque chaque Hottentot était payé à
16 s. (l) de France par jour, une livre et demie de viande, une livre de
pain, et autres avantages; aussi, ils se les étaient fortement attachés.
Les Hollandais n'ont pu se dispenser de continuer, dans le premier
moment, à traiter les Hottentots comme l'avaient établi les Anglais; mais
la dépense étant excessive, et ne pouvant tirer aucun service de cette
troupe dont l'esprit ne vaut absolument rien, ne pouvant pas cependant
les licencier, dans la crainte que, réunis en bandes, ils ne commissent des
désordres, le gouvernement a pris le parti de les entretenir sur le même
pied, jusqu'à ce qu'il ait pu parvenir à les faire prendre comme domes-
tiques par les colons, ce qui s'exécute journellement, car déjà plus de 300
sont renvoyés.
J'ai vu le reste de ce ras.semblement. Il ne s'y trouve plus que quelques
vrais Hottentots, et peu d'hommes capables de porter les armes. Les
officiers qui les commandent leur reconnaissent deux qualités bien con-
traires à ce qui constitue l'homme de guerre : ils sont ivrognes et pares-
seux. On assure cependant que quelques-uns d'eux sont bons chasseurs, et
qu'ils sont surtout excellents pour être guides dans l'intérieur du pays. Les
Hollandais, précédemment, en entretenaient pour cela un certain nombre,
ce qu'ils comptent faire encore, mais sur un pied moins dispendieux que
celui établi par les Anglais. On m'a assuré que les Anglais, pendant qu'ils
ont possédé le Cap de Bonne-Espérance, ont fait une dépense qui se monte
à plus de 10 millions de livres sterling.
L'esprit de parti, la nu'-fiance dans la plupart des chefs, le manque
d'union même entre les Hollandais venus d'Europe et ceux qui sont nés
dans le pays, les intérêts divisés des colons composés d'hommes de diffé-
rentes nations, surtout l'influence que les Anglais paraissent avoir sur cette
colonie,... toutes ces causes doivent faire adopter au gouvernement batave
un système propre à diriger cet établissement et à le conserver. On est loin
de penser que le commissaire chargé maintenant de l'organisation de cette
colonie puisse remplir cet objet.
Enfin, on croit avoir le droit de dire que les Anglais ont une grande
influence en Europe sur plusieurs membres du gouvernement actuel de la
République batave (gouvernement dans lequel on ne parait pas avoir
(1) Le manuscrit porte : • 16' de France. • Peut-être faut-il lire : Sols.
LES AGISSKME.VTS AXGLAIS 339
beaucoup do confiance à cause de la manière dont le pouvoir exécutif est
oi'ganisé) par la nomination qu'on a faite de plusieurs personnes pour
occuper des emplois dans la colonie.
Il y a également très peu de confiance dans la force militaire : les
hommes qui la composent sont presque tous étrangers; mais surtout parce
que, depuis qu'elle est arrivée, il y a eu plusieurs révoltes : on vient de
condamner trois hommes à la mort pour ce fait, evemple qui ne peut
cependant pas produire l'effet qu'exige la discipline, parce que le jugement
doit être envojé en Europe pour être sanctionné.
A'oles paiiicnlières.
L'opinion publique à l'égard du gouvernement actuel du Cap de Bonne-
Espérance est très partagée à cause des différents partis qui régnent actuel-
lement et dont chacun est guidé par un intérêt particulier.
Le gouverneur .lanssens jouit de peu de confiance de la part des colons,
comme homme d'Etat, mais il est recommandahle par son patriotisme et
son attachement au gouvernement. Il est vrai ([ue ce gouverneur, étant
lié par la présence du commissaire général Demist, n'a pu encore donner
aucune preuve de ses talents administratifs. Ce gouverneur est maintenant
dans l'inlérieur. On prétend (pi'il n'a entrepris si promptement cette course
que dans l'intention d'acquérir un poids aux yeux du gouvernement batave,
afin de contrc-balancer l'autorité du commissaire général, ou même de
l'éloigner de là colonie le plus tôt possible. Le but de son voyage est de
terminer les différends qui existent entre les Cafres et quelques peuples voi-
sins, de réprimer les incursions des premiers qui ont déjà enlevé une grande
quantité de bestiaux sur le territoire de la colonie; et même de rétablir
les anciennes relations entre les colons et les Cafres qui paraissent n'avoir
plus la même amitié envers les Hollandais, depuis la conquête des Anglais.
M. Demist, commissaire général, passe pour un homme doué de grands
talents et consommé dans l'administration civile. Revêtu d'une autorité
presque illimitée, il est plus craint qu'il n'est aimé. On attendrait beau-
coup de son habileté dans l'adminislration si, d'un autre côté, il ne ren-
contrait pas la jalousie du gouverneur; car l'on a remarqué, dès l'arrivée
de ces deux personnages, une froideur et une mésintelligence réciproques
qui mettent beaucoup d'entraves aux vues que l'on suppose au gouverne-
ment batave. Ce commissaire est taxé généralement d'être la cause si la
colonie n'a pas été remise plus tôt par les Anglais, pour avoir voulu
différer jusqu'au 1" janvier afin qu'il y eût plus de solennité.
M. de Salis, premier conseiller et, en l'absence du gouverneur, chargé
de ses fonctions, parait plus uni avec le commissaire général qu'il ne l'est
avec le gouverneur. Il passe, d'après la voix générale, pour un zélé parti-
san des Anglais. Tous les emplois de sa compétence sont conférés à ceux
qui les ont servis avec le plus de zèle; il est très lié avec tous ceux qui sont
connus pour avoir favorisé la conquête de ceux-ci.
3V0 MKMOIRES ET JOIRXAUX DU GENERAL DECAEXJ
Ccu\ qui ne sont pas ici à la disposition des Anglais disent que rien ne
pouvait mieux manifester l'influence qu'on avait, en Europe, sur quelques
membres du jjouvernement batave qu'en envoyant pour commandant du
port un M. Glaris qui contribua puissamment a la reddition de la flotte
hollandaise auv ordres de l'amiral Lucas dans la baie de Saldagne. Ce
Glaris parait extrèniement lié avec Prin<i[le dont je parle ci-après.
Il y a environ douze ans que M. Pringle habite le Cap : avant la con-
quête de cette colonie, il était l'agent de la Compagnie anglaise; il avait
beaucoup contribué è. la facilité de cette conquête en travaillant l'esprit des
chefs et en les corrompant par divers moyens. Pendant le séjour des
Anglais, il a été constamment le commissaire de leurs troupes; aussi a-t-il
beaucoup gigué Depuis leur départ, il a repris son premier emploi, mais
il conserve toujours une très grande influence qui ne saurait diminuer, vu
les égards marqués que M. Demist, commissaire général, et M. de Salis,
gouverneur j9ar intérim, s'empressent de lui témoigner.
Je terminai ma correspondance avec le ministre par cette lettre,
datée du 1" prairial :
En vous annonçant mon départ de cette rade, citoyen ministre, j'ai
l'honneur de vous renouveler ma prière de ne pas perdre de vue la famille
indienne ; les circonstances la rendent de plus en plus un objet particulier
de votre sollicitude. J'aime à me persuader que vous ave^ pris en considé-
ration les différentes demandes que j'ai eu l'honneur de vous faire, lors de
mon départ de Brest. Si mes notes sur le Cap de Bonne-Espérance méri-
tent quelque approbation, vous m'obligerez beaucoup de ne pas les laisser
ignorer au Premier Consul ; vous ajouterez, citoyen ministre, auv témoi-
gnages d'intérêt que vous m'avez déjà donnés.
Agréez, etc.
Tout étant disposé pour mettre à la voile au premier bon vent,
j'écrivis au général Janssens, le 4 prairial, la lettre suivante :
Monsieur lk Gouverxklr,
Pendant le si'^'our que je viens de faire dans le chef-lieu de votre gou-
vernement, il n'a manqué, pour compléter ma satisfaction, que celle de
vous y voir. Je ne quitterai point la colonie sans vous en témoigner mes
regrets : si quelque chose peut les diminuer, c'est l'accueil vraiment obli-
geant que nous avons reçu de Mme Janssens. Ses honnêtetés multipliées
m'ont fait agréablement préjuger de vos intentions personnelles. \os Eran-
cais ont été généralement bien accueillis par vos habitants; il m'est doux,
en partant, d'emporter de nouvelles preuves de lainitié réciproque de nos
nations. Une fois installé à Pondichéry, je désire bien sincèrement, Mon-
sieur le Gouverneur, que quelques relations politiques ou commerciales
PRIXCIPAUX PERSOMNAGES DU CAP 341
nie mettent ù mrme de resserrer encore les liens qui unissent la France et
la Hollande, et de vous donner particulièrement des témoignages de ma
haute considération.
J'ai riionneur, etc..
P. -S. — Trouvez bon, Monsieur le Gouverneur, qu'en payant un tri-
but d'estime aux personnes que j'ai eu l'avantage de connaître, je vous
rappelle particulièrement MM. Dumesny, employé à Simon 's Bay, et Henry,
connnandant les troupes au Ca|). Je me plais à penser que ces deu\ mes-
sieurs ont acquis des droits à votre confiance.
Ayant reçu, ce même jour, une lettre de M. la commissaire
général Demist, au sujet de M. Broussonet, je lui fis celte réponse :
Monsieur i-e Commissaire,
En faisant part au gouvernement français de notre conversation à
l'égard de M. Broussonet, j'avais prévu le désir que vous me témoignez
dans votre lettre. Ce que vous m'aviez fait l'honneur de me dire de vive
voix m'avait paru plus que sufflsant pour chercher à prévenir cette diffi-
culté et épargner, sous ce rapport, un désagrément à M. Broussonet. Je
me flatte, cependant, que nos relations commerciales ne pourront en souf-
frir, et que, le gouvernement français ayant prévu tout incident de cette
nature, son envoyé se présentera muni, au moins, des titres qui ont jus-
qu'à présent suffi pour faire reconnaître nos agents commerciaux dans
votre colonie.
Agréez, etc..
Le transport la Cote-cVOr arriva dans cette journée au mouil-
lage de Simon's Bay : il aiait fait une relâche à Ténériffe. Le capi-
taine de ce navire, ayant à remplacer son eau, à faire des provi-
visions et quelques travaux indispensables, il ne pouvait partir
avec nous qu'autant que le vent serait contraire durant la relâche
dont il avait besoin. Ainsi le contre-amiral lui donna Tordre de ne
pas perdre de temps, afin de continuer incessamment sa route
pour arriver à Pondichéry.
Le contre-amiral m'ayant transmis les justes plaintes que le
capitaine de la Côte-d'Or lui avait portées au sujet des passa<jers
qu'il avait à son bord, j'écrivis au général Vandermaësen ce qui
suit :
Si j'ai eu lieu d'être mécontent du peu de caractère du chef de brigade
Sainte-Suzaime pendant la traversée de la Côte-d'Or, pour n'avoir pas
:iV2 MKMOIRKS ET JOURXAIX DU GENERAL DECAE.Y
mis fin à (les tracasseries qui n'auraient jamais dà naître entre les officiers
passagers et le capitaine de ce hiîtimcnt parce que, si les officiers avaient
quelques sujets de mécontentement, le chef de brigade devait prendre à cet
égard les mesures convenables pour les faire cesser, et surtout empêcher
des correspondances et des délibérations que n'autorise point la discipline,
j'ai encore un sujet de mécontentement beaucoup plus vif â manifester.
Le cbef de brigade ne devait pas consentir, lors de la reldcbe à Téné-
riffe, que le bataillon descendît à terre pour y séjourner pendant le temps
qu'on serait au mouillage; et encore, dans ce cas répréhensible, il ne
parait point avoir pris les mesures convenables pour maintenir la disci-
pline et l'ordre, si essentiels pour inspirer le respect qu'on doit avoir pour
les troupes de la République. Ces fautes ont produit le plus mauvais effet.
Les soldats de ce bataillon ont commis des evcès, et ont laissé à Ténériffe
la plus mauvaise réputation. On est doublement coupable lorsqu'on se
conduit mal chez les étrangers; on viole le droit le |)lus sacré, celui de
l'hospitalité. Faites connaître, mon cher général, au chef de brigade, aux
officiers et sous-officiers du bataillon de la 18% que j'étais loin de m'at-
tendre, de leur part, à cette manière d'agir. Faites-vous rendre compte de
tout ce qui s'est passé.
Le chef de brigade Sainte-Suzanne m'a annoncé qu'en partant de Téné-
riffe, di\ hommes lui manquaient à l'appel, et que cinq étaient restés à
l'hôpital. Faites-vous représenter les ordres donnés pour prévenir, empê-
cher et arrêter les désordres, ainsi que les preuves qui constatent les
démarches qu'on a faites pour avoir les div hommes qui manquent. Faites-
vous rendre compte du motif qui a obligé de laisser cinq hommes à l'hô-
pital de Ténériffe. Inspectez ce bataillon et assurez-vous, je vous prie, si,
pendant la traversée, on s'est occupé de l'instruction, de l'entretien des
armes, habillement, etc... Si, de tous les renseignements que je vous
invite de prendre, vous n'avez pas un résultat favorable, punissez sévère-
ment ceu\ (|ui sont coupables. Mais comme il n'est que trop réel que ce
bataillon s'est fort mal conduit à Ténériffe, vous ordonnerez qu'il ne des-
cendra à terre, pendant la relâche de la Cote-d'Or sur cette rade, que le
nombre d'hommes nécessaires pour rapporter auv autres les objets qui leur
sont absolument indispensables. Mais, dans aucun cas, il ne pourra être
envoyé à la fois plus de quatre hommes par compagnie; encore faudra-t-il
qu'ils soient en bonne tenue, sans armes, et accompagnés de sous-officiers
qui en seront responsables. Un officier sera de police pour la surveillance,
et, à la moindre plainte, on sera privé de descendre à terre. Vous ordon-
nerez au chef de brigade, au chef de bataillon, à l'adjudant-inajor et auv
capitaines les arrêts pendant deux jours, sauf l'augmentation de cette puni-
tion contre ceu\ que vous en trouverez susceptibles.
Enfin, le 7 prairial, nous mîmes à la voile pour sortir de la
baiedeFalse; et le 8, nous voyuàmes avec bon vent vers notre
ileslinalion.
MARIAGI': ET DIVORCE DE TALLEYRAMD 343
En parlant de la ville de Honne-Espérance, j'ai omis de dire
que j'y avais vu M. Grantz, dont la femme, née à Cliandernagor,
était devenue la maîtresse du ci-devant évêque d'Autun, le citoyen
Talleyrand de Périgord, ministre des affaires étrangères de la
République française sous le Directoire et l'empereur Napoléon.
J'avais trouvé fort singulier que ce M. Grantz, après avoir fait de
fort mauvaises affaires au Bengale, d'ailleurs fort peu intéressant
par lui-même, fut devenu un des conseillers de la régence de la
colonie (|uoique, dans le conseil, toutes les affaires s'y traitassent
en hollandais dont il ne savait pas un mot; mais il devait cet
emploi à la protection de l'évôque-ministre, qui tenait éloigné,
par une place honorable et lucrative, son très complaisant pro-
tégé, afin de jouir plus à son aise de tous les charmes de la belle
Indienne que Monseigneur posséda ensuite conjugalement. Il fut
autorisé à cette fin respectable par le Très Saint-Père, qui combla
ce très cher fils de ses bénédictions, après avoir annulé sa bulle
épiscopale et lui avoir donné l'absolution de toutes ses fornica-
tions, en l'exhortant à mener à l'avenir une vie plus régulière
et surtout moins scandaleuse.
On peut ignorer si cet évêque métamorphosé en mari a commis
des infidélités à sa belle et tendre moitié ; mais ce que tout le
monde sait, c'est que Mme Grantz, devenue femme d'évêque par
l'autorité du Saint-Siège, a été répudiée par la seule volonté de
son très cher époux, après le retour des Bourbons. Il s'était adroi-
tement persuadé (ju'il ne pouvait pas cumuler les fonctions de
mari, après avoir été évêque, avec celles de premier ministre du
roi Louis XVIII, au retour ducjuel il avait tant contribué... en cal-
Guknt probablement que ses services seraient récompensés
par une nouvelle faveur papale (jui le purifierait de ses nouvelles
iniquités... en les couvrant du chapeau de cardinal! Mais, jusqu'à
présent, les considérations pour les sacrements de l'ordre et du
mariage, ou d'autres causes, n'ont pas permis à ce caméléon de
subir cette autre métamorphose.
La faveur des vents réguliers nous aurait fait faire plus de che-
min chacjue 2i heures si le capitaine du Marengo avait eu plus
d'expérience et surtout moins d'inquiétude quand les officiers de
<|uart faisaient porter de la voile. Sa crainte qu'il n'arrivât des ava-
ries à la mâture lui avait fait prendre tant de précautions pour la
344 MÉMOIRES ET JOURiVAUX DU GÉNÉRAL DRCAEN
bien tenir (jue le gréement n'ayant plus l'élasticité nécessaire à la
marche du vaisseau, il cessa tout à coup d'avancer, quoiqu'il fût
couvert de voile et que le vent fût toujours le même.
Les marins expérimentés savaient bien à quoi attribuer cette
immobilité; mais le capitaine prétendit qu'elle provenait d'une
autre cause. Il ordonna des changements dans l'arrimage, il fit
transporter le lest volant d'une place à l'autre et conduire des
canons de l'arrière à l'avant. Tout cela n'aboutit qu'à donner de la
gaieté aux soldats et aux matelots; elle éclata encore plus, lorsqu'ils
virent qu'une augmentation de voilure, ordonnée par le capitaine,
n'influait pas plus que le déplacement des canons, etc., à activer
le mouvement de ce vaisseau. Enfin cet inhabile conducteur fut se
coucher. iVos deux frégates se mirent en panne pour nous attendre.
Cependant, dès qu'on eut préjugé que le capitaine s'était
endormi, son second ordonna de dérider les haubans, et alors le
Marengo reprit son allure qui égalait assez souvent celle des fré-
gates, qu'il dépassait même, selon les officiers de quart, et lorsqu'ils
osaient se permettre de faire porter plus de voile pendant que
leur chef dormait.
Son réveil fut suivi d'une scène quasi tragi-comique lorsque,
le matin, il se présenta sur le pont. D'abord, il exprima sa joie en
voyant le Marengo cingler avec célérité, et il devint encore bien
plus joyeux quand on lui rendit compte de sa marche durant la
nuit ; et chacun riait de son apparente persuasion que c'était à lui
qu'on devait l'heureux dénouement survenu pendant qu'il s'était
abandonné aux douceurs du sommeil. Mais cette joie si vive n'eut
qu'un moment. Elle se changea en une espèce de fureur, qui fit
rire encore plus, lorsqu'il apprit ce qu'on avait osé faire sans sa
permission et qu'il n'en avait pas fallu davantage pour remettre le
vaisseau en activité. Une pareille infraction fut brusquement répri-
mandée, et son auteur fut condamné aux arrêts, levés cependant à
l'heure du déjeuner, parce que le contre-amiral était parvenu à
calmer le furieux et à le convaincre qu'il fallait pourtant conti-
nuer notre route et qu'il était tout naturel d'avoir eu recours au
seul moyen propre à faire cesser l'obstacle. II ajouta que le capi-
taine Vrignaud n'avait agi sans en prévenir son supérieur (|ue
parce qu'il n'avait pas voulu troubler son repos, mais (jue ce
qu'il avait ordonné était si simple et si nécessaire qu'il n'avait
IMCIDENTS DE THAIERSÉE 845
pas eu l'idée qu'on dût s'en fàclier, et surtout lui infliger une
punition.
Le rontre-amiral se bornait à prescrire la route, mais les détails
de la manœuvre étaient réservés au capitaine du vaisseau, respon-
sable, et aux officiers sous ses ordres immédiats.
Nous n'éprouvâmes plus de contrariétés dans notre navigation.
Je dirai encore, en passant, que Linois ne manqua pas de nous
annoncer qu'il avait fait, à Simon's Bay, d'immenses provisions qui
lui avaient coûté beaucoup d'argent, ce que nous eûmes lieu d'ap-
précier durant le voyage. Cependant nous eûmes sous nos yeux
ce qu'après la volaille mise dans les cages, il y avait de plus remar-
quable : c'étaient quebjues boisseaux d'oignons et des potirons logés
dans un filet attaché en dehors de la galerie du vaisseau. Une
dame ayant cru apercevoir des melons en témoigna sa satisfaction
au contre-amiral. « Comment, Madame? Mais ce sont des poti-
rons! J'avais déjà fait assez de dépense, sans acheter des melons
qui n'étaient pas à bon marché. Croiriez-vous que ce (|ue vous
voyez dans ce filet me coûte. . . ? » Je ne me rappelle plus la somme ;
c'était (juelques florins.
Les passagers nourris à la seconde table manifestèrent un grand
mécontentement; et ils en avaient le sujet. L'officier de marine
chargé de l'entretenir n'avait fait que fort peu de provisions.
Quand on s'en aperçut, on voulut en connaître le motif. Pour
s'excuser, il prétendit qu'on lui avait volé au Cap la plus grande
partie de l'argent qu'il devait employer. On en vint à l'examen de
ses comptes dont le résultat fut moins que satisfaisant; et on s'ar-
rêta au soupçon assez fondé qu'il avait joué cet argent. On lui
adressa assez de reproches de ce qu'il n'avait pas fait connaître
en temps opportun qu'il avait perdu l'argent de la communauté;
car alors on aurait pu y remédier. Mais comme c'était la seule
satisfaction (ju'on pouvait se donner, quel([ues officiers passagers
se réservèrent d'en obtenir une d'un autre genre, lors([u'on des-
cendrait à terre. Il fallut donc se résigner à supporter avec
patience les privations occasionnées par le déficit et la mauvaise
gestion.
Ce qui était arrivé au sujet de l'immobilité du Marengo, les
débats relatifs au mauvais pourvoyeur, une comédie jouée par des
timonniers et des sous-officiers, les amusements que le bon vent
3V6 AIKMOIRES ET JOIR.X'AUX DU GliXERAL DECAEM
ot le beau Iciiips porinottaienl aux soldats et aux matelots, enfin
un pou (le musique tous les soirs dans la grande chambre, tout
<ela faisait diversité, durant une navigation en pleine mer fort
ennuyeuse et qui n'offrait pour aspect que le ciel et l'eau ; mono-
tonie qui n'était troublée que par quelques oiseaux qui parcouraient
l'espace, ou par des requins qu'on apercevait à la surface de l'onde
et dont on attrapait quelques-uns. Alors, grande fête pour ceux
(jui aimaient à s'en rassasier. Le contre-amiral voulut un jour
orner sa table d'un plat de requin; mais il fut si bien accueilli
qu'on n'en vil plus reparaître.
Nous eûmes la satisfaction d'arriver en vue de l'île Bourbon et
d'en approcher pour bien voir sur le rivage sans recourir aux
lunettes. Quoique le ministre eût prescrit de ne point relâcher à
l'île de France, le contre-amiral aurait bien pu prendre sur lui de
suspendre, pendant quelques heures, le cours du voyage, sans y
jeter l'ancre, pour quérir quelques provisions rafraîchissantes.
Mais il répondit négativement à plusieurs passagers qui lui deman-
dèrent si cela aurait lieu, attendu, disait-il, qu'il ne pourrait pas
faire communiquer avec cette île sans que cela lui occasionne une
grande dépense. Néanmoins, en voyant le vaisseau contourner
d'assez près une grande partie de l'île, on espérait que le contre-
amiral prendrait la résolution d'ordonner de s'arrêter lorsqu'on
serait vis-à-vis un point favorable à la communication. Mais la
route fut continuée et la direction prise à travers l'archipel des
Seychelles, navigation moins ennuyeuse à cause de l'aspect des
lies. Nous approchâmes de très près celle de Galega. De là, nous
allâmes pour traverser les Maldives, par le canal du Neuf (1).
Après ce passage, nous ne tardâmes pas à respirer les émanations
balsami([ucs de Ceylan. Enfin, après avoir doublé la pointe méri-
dionale de cette île, nous nous trouvâmes, à la pointe du jour, le
22 messidor, à l'atterrage de Porto-Novo où une escadre anglaise
était au mouillage et qui détacha deux bâtiments pour venir nous
reconnaître; nous prîmes notre direction sur celui de Pondichéry.
Je devais me croire au terme de notre long et heureux voyage.
Cependant, cette escadre anglaise, que j'étais étonné de voir alors
dans ces parages, me donna un défavorable pressentiment qui ne
(I) l'robablement le canal du 0*^ deyré.
DEGAEN DEVANT POXDIGHÉRY 347
put que s'accroître lors(|u'en approchant de la côte, je vis que la
frégate la Belle-Poule, malgré la grande satisfaction de la voir
arrivée dans la rade de Pondicliéry, y était mouillée entre un vais-
seau et une frégate des Anglais, et, en outre, que le pavillon de
cette nation flottait encore sur notre possession.
Le contre-amiral, qui se réjouissait et surtout d'être bientôt dé-
barrassé de ses passagers pour avoir plus de profit, m'ayant de-
mandé si je comptais descendre à terre aussitôt que le vaisseau
serait à l'ancre, je lui manifestai mon pressentiment en lui répon-
dant : « Je n'entrerai à Pondichéry que lorsque le pavillon fran-
çais y sera arboré. «
CHAPITRE II
Lettre de Decaen au ministre. — Arrivée à Pondichéry. — Decaen écrit au gouverneur
de Madras pour demander l'exécution des clauses du traité d'Amiens. — L'escadre
anglaise se met sous voile*. — Elle mouille au sent de la division française. — Arrivée
inattendue du Itélier — Il apporte à Decaen l'ordre de rallier l'île de France en cas
de rupture entre la France et l'Angleterre. — Devant les mesures que prennent les
Anglais, Decaen décide de se rendre immédiatement à 1 île de France. — Ses ordres
à l'adjudant commandant Binot. — Abnégation du préfet colonial Léger qui aban-
donne sa famille. — Les bâtiments de Linois échappent pendant la nuit à la surveil-
lance de la flotte anglaise. — Arrivée à l'île de France. — La Ilelle-I'oule échappe aux
Anglais. — La Càle-(C Or, capturée par eus, est rendue. — Difficultés qu'éprouve Decaen
à faire parseuir ses rapports en France. — iVouselles instructions à Binot.
Ce (jui eut lieu ensuite est ènoucé dans la lettre ci-après, que
j'adressai au ministre, sauf quelques détails et quelques faits que
je pourrai rapporter à la suite de cette lettre, et que je ne jugeai
pas à propos d'y insérer ou que je ne crus pas nécessaire de trans-
mettre. Cette lettre était sous la date du 10 fructidor :
Citoyi:n Ministre,
Si je n'avais qu'à vous annoncer mon arrivée à la côte de Coromandel,
mon rapport aurait été on ne peut pas plus satisfaisant. Mais les événe-
ments qui se sont succédé ont extrêmement influé sur le plaisir que je
devais naturellement éprouver d'être arrivé à une destination aussi éloignée
avec des troupes jouissant de la meilleure santé.
Il aurait été bien favorable que le Bélier fût arrivé deux; jours plus tôt
dans la rade de False Bay, où la contrariété des vents avait retenu la divi-
sion jusqu'au 7 prairial, ou qu'au moins il eût pu nous atteindre avant
Pondichéry.
.auparavant de vous entretenir du parti que j'ai dû prendre, lorsque
votre dépêche du 20 ventôse m'a été remise, je vais vous faire un exposé
de la situation des choses à mon arrivée à la côte Coromandel.
Le contre-amiral Linois, en vous rendant un conqjte particulier des
mouvements de la division, vous annonce que, le 22 messidor au point du
jour, nous nous trouvâmes â l'atterrage devant Porto-\'ovo, où l'escadre
anglaise était au mouillage. Aussitôt que cette escadre nous aperçut, il en
PROTESTATIO.Y DE DEGAEY 349
fut détaché deuv bâtiments pour nous reconnaître. Xous fûmes bientôt en
vue de Pondichéry où je vis flotter encore le pavillon anglais et, avec
étonnement, la Belle-Poule mouillée entre un vaisseau et une frégate de
cette nation.
.)e crus d'abord que la frégate la Belle-Poule n'était en rade que depuis
quelques jours, et à cela j'attribuai le relard de la reprise de possession.
Mais aussitôt les rapports qui me furent faits de ce qui s'était passé depuis
l'arrivée de cette frégate (1), je ne jugeai pas qu'il fût convenable de
rester plus longtemps dans un tel état d'incertitude. Je demandai au contre-
amiral d'expédier la Belle-Poule pour Madras afin qu'un de mes aides de
camp renn't au gouverneur la lettre dont copie est ci-jointe n" 4. En voici
Ifcontenu :
A bord du Marengo, en rade de Pondichéry,
le 22 messidor an \I.
MOXSIELR LE GOUVERXELR,
J'avais eu l'honneur de vous annoncer, par ma lettre du 13 ven-
tôse apportée à la côte Coromandel par la frégate française la
Belle-Poule, que, pour l'exécution du traité d'Amiens, j'avais
chargé le colonel Binot de reprendre possession de Pondichéry.
11 m'était naturel de penser que la restitution de cet établisse-
ment n'éprouverait point de retard, vu le temps écoulé depuis le
traité d'Amiens, vu l'exécution de ce traité, en Eui'ope, dans
toutes ses parties, et surtout que quelques difficultés qui avaient
paru s'élever sur des objets relatifs à ce même traité étaient abso-
lument aplanies lorsque le Premier Consul m'a ordonné de venir
reprendre possession des établissements français aux Indes orien-
tales.
La frégate la Belle-Poule est depuis vingt-cinq jours en rade do
Pondichéry, et en arrivant aujourd'hui avec la division, je vous
avoue, .Monsieur le Gouverneur, que j'ai éprouvé de l'étonnement
de ce que la restitution n'avait point encore eu lieu. L'obstacle seul
qu'on me présente est l'attente des ordres de Son Excellence le
gouverneur du fort William. J'ai pensé, Monsieur le Gouverneur,
que vous pourriez anticiper sur cette réponse d'autant mieux que,
Pondichéry se trouvant à la proximité du fort Saint-Georges, on
avait précédemment l'usage de traiter avec ce gouvernement pour
tous les rapports relatifs à la côte Coromandel. S'il y a d'autres con-
sidérations qui peuvent empêcher la restitution, ce qui serait contre
mon attente, je vous prie de vouloir bien me les communiquer. En
vous faisant mes reinercîments. Monsieur le Gouverneur, de tous
{V\ ' Le préfet vous en atait informé par ses dépêches dont je vous adresse des copies
sous les numéros 1, '2, .3. Xota : Elles sont transcrites à la fiu de ce cahier el cotée»
A. » (Mote de Decaeii) Voir ces lettres p. 3"9 à 381.
350 MÉMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DKCAEN
les bons procédés que vous avez ordonnés pour les Français pré-
cédemment arrivés à cette côte, j'ai l'honneur de vous assurer de
ma haute considération.
P. -S. — Désirant avoir une prompte réponse, j'ai pris le parti
de vous envoyer un de mes aides de camp pour porter cette lettre.
Le motif de cette démarche avait pour but d'avoir une réponse prompte
et suffisante pour que je puisse en induire et, de là, prétexter, s'il y avait
lieu, au refus de l'exécution du traité d'Amiens, afin de faire de suite rem-
barquer tout ce qu'avait apporté la Belle-Poule (débarquement qu'une
première noie du conseil de Madras, n" 5 (1), et r imprévoyance d'une
nouvelle aussi inattendue que la supposition d'une rupture prochaine
avaient pu enqager à exécuter) pour, d'après ces dispositions, agir selon
que les circonstances ultérieures l'auraient ordonné.
Les évolutions faites par l'escadre anglaise qui se mit, quelques heures
après notre arrivée, toute sous voile, escadre qui n'était sortie de Trinque-
malé el n'avait paru à la côte que depuis quelques jours, l'annonce que
nous fit le capitaine du vaisseau anglais, en nous rendant visite, que l'ami-
ral Rainier devait venir le soir même au mouillage, avec toute son escadre
dans la rade de Pondichéry, la situation dans laquelle nous avions trouvé
la Belle-Poule qui était, en effet, tenue en surveillance, le temps qui
s'était écoulé depuis la demande de reprendre possession, les bruits de
guerre, etc., etc., tout enfin militait pour faire faire des conjectures dont
il était réellement difficile d'entrevoir le résultat.
Cependant l'escadre anglaise, à laquelle s'étaient ralliés le vaisseau et la
frégate que nous avions dans la rade de Pondichéry, mouilla entièrement
à la fin du jour, mais seulement à trois quarts de lieue au vent à nous,
ce qui me fit croire alors que si l'amiral anglais ne détournait pas ses
idées d'une rupture, sur laquelle on avait pu lui donner l'éveil, il parais-
sait au moins disposé à mettre quelque procédé dans sa manière d'agir.
Commeje devais rendre à cet amiral le paquet de son gouvernement
que vous m'aviez remis, citoyen ministre, je le lui envoyai avec la lettre
n" G, présumant que cela pourrait ralentir son zèle observateur jusqu'à ce
que j'eusse une réponse de Madras qui me mit à même d'exécuter ce que
je vous ai précédemment annoncé. L'amiral me fit dire que j'aurais sa
réponse le lendemain. Je lui avais écrit ce qui suit :
A bord du Marcngo, en rade de Pondictiéry,
le 2 ! messidor an \I.
MoxsiEiR l'Amiral,
J'ai l'honneur de vous adresser une lettre qui nie fut remise en
Europe par ordre de S. 1\L Britannique. Quoique cette lettre soit
(1) Voir cetle noie p. 385.
ORDRI'] \)K RALLIKR L'ILE DE FRANCE 351
d'une date c'loic[n(''e, je puis vous assurer qu'aucune des disposi-
tions qu'elle contient n'a éprouvé de c]ian<];ement et que nos deux
gouvernements ont de plus en plus resserré les liens de pai\ et
d'amitié qu'ils s'étaient promis par le traité d'Amiens et que je
m'empresserai d'entretenir dans cette partie du monde. Agréez, etc..
Mais, sur ces entrefaites, le brick le Bélier fut signalé, le Bélier que je
ne devais voir arriver qu'avec les Africains, etc. !...
Aussitôt qu'il eut mouillé, son commandant vint à bord et remit vos
ordres. En voici la transcription :
Paris, le 20 ventôse an XI de la République française,
à 1 1 heures du soir.
Le Ministre de la Marine et des Colonies au général Decacn.
I,e gouvernement, Général, apprend que l'Angleterre fait un
armement extraordinaire. Ce n'est pas une rupture, mais cela jette
un nuage sur ses intentions. Dans cet état de choses, l'expédition
ne doit pas aller à Pondicbéry s'exposer inconsidérément aux
chances des événements : le contre-amiral Linois reçoit l'ordre de
la conduire à File de France. Vous y débarquerez et attendrez les
ordres que je vous adresserai incessamment d'après les circons-
tances.
Mais, dans le cas d'hostilités, il serait possible que les bâtiments
porteurs de mes dépèches fussent interceptés : dans ce cas, dès que
la rupture entre la France et l'Angleterre vous serait connue d'une
manière authentique, quoique par voie indirecte, vous remettrez
au général Magallon la lettre ci-jointe, à cachet volant, et vous vous
ferez reconnaître pour capitaine général des îles de France et de la
Réunion, et le citoyen Léger, pour préfet colonial.
Je joins ici deux exemplaires de l'organisation de ces deux iles,
arrêtée par le gouvernement le 13 pluviôse dernier.
Le général Magallon servira sous vos ordres à l'île de France
comme votre lieutenant général; mais vous observerez que ces
dispo.sitions doivent rester secrètes jusqu'à leur exécution, et que
cette exécution ne doit avoir lieu qu'autant que vous aurez con-
naissance certaine d'une rupture entre la France et l'Angleterre.
Le contre-amiral Linois vous donnera connaissance des instruc-
tions que je lui donne sur la direction des forces confiées à son
commandement.
Je désire que le brick le Bélier, qui vous remettra ces dépêches,
vous rallie assez tôt pour pouvoir m'ètre renvoyé; dans le cas con-
traire, il restera à vos ordres.
Je vous transmettrai le plus tôt possible des avis sur l'état des
choses, et ils seront accompagnés des ordres du gouvernement sur
352 MEMOIRES ET JOURMAUX DU GEXERAL DECAEN
Tépoquc à laquelle vous devrez quitter l'ile de France, s'il y a
lieu, pour suivre votre destination primitive.
Signé : Degrés.
Dans un tel état de choses, citoyen ministre, il fallait prendre un parti
relatif à notre situation dont un evposé succinct est nécessaire pour justifier
Ja célérité du départ de la division et les autres mesures qui ont précédé ce
mouvement.
D'abord, vos ordres; en second lieu, l'escadre anglaise, forte de cinq
vaisseaux de ligne, trois frégates et deux corvettes, se tenant, depuis notre
arrivée, à trois quarts de lieue au vent à nous, ayant continuellement plu-
sieurs de ses bâtiments sous voile, en un mot, étant dans un état absolu
de surveillance et paraissant attendre la première occasion pour agir
offensivement ; enfin, qu'il n'était pas prudent, d'après de telles disposi-
tions de l'amiral anglais, vu aussi le retard mis à la restitution de Pondi-
chéry, ainsi que le renvoi d'un jour à l'autre pour avoir la réponse du
marquis de VV^ellesley, laquelle devait déjà être arrivée (car le colonel
Cullen, qui avait été désigné comme commissaire pour la restitution des
établissements à la côte Coromandel et qui était venu, le matin, me rendre
visite, m'avait flatté de me remettre cette réponse avant même de retour-
ner à terre, en annonçant qu'il espérait qu'on allait la lui apporter), qu'il
n'était pas prudent, dis-je, d'attendre, sur la rade de Pondichéry, le dé-
nouement de nos incertitudes sur la paix ou sur la guerre; convaincu,
surtout, que, par le moyen de la caravane, les Anglais seraient les pre-
miers informés, je pensai donc qu'il fallait au plus tôt se diriger sur l'ile
de France.
Le préfet colonial se trouvant à bord au moment de la réception de vos
dépêches, réuni au contre-amiral Linois, je leur présentai ce parti comme
le plus convenable, surtout si son exécution était prompte et secrète.
Il fallait de la promptitude, parce que si les Anglais recevaient, d'un
moment à l'autre, l'annonce d'une rupture, notre embarras devenait de
plus en plus extrême.
Il fallait du secret pour ne point être empêché dans l'appareillage. Vous
savez, citoyen ministre, que les Anglais ne sont point scrupuleux, et sur-
tout dans l'Inde, pour commettre des liostilités lors même que la guerre
n'est point déclarée; et je regarde bien comme une insulte le mouillage du
vaisseau et de la frégate de cette nation à tribord et à bâbord de la Belle-
Poule.
Il fallait du secret afin de n'être pas observés dans notre marche et
laisser l'amiral anglais dans l'incertitude de notre direction.
Le contre-amiral Linois aura l'honneur de vous donner de plus amples
détails sur l'attitude, les démarches et les actions de l'escadre anglaise.
Mais la surveillance exercée par cette escadre jusqu'à faire traverser, pen-
dant la nuit, notre mouillage par des canots à la voile, la rencontre faite
par la division de deux avisos sous le vent de Pondichéry, dont un signala
LES ANGLAIS OCGUPKXT ENCORE LA PLACE 353
notre marche en brûlant un artifice (signal auquel l'escadre anj][laise
répondit par deux coups de canon suivis, un instant après, d'un troisième
coup, pour faire sans doute appareiller cette escadre), enfin une telle con-
duite qui n'était pas, à coup sûr, celle d'un état de paix, m'a prouvé de
plus en plus qu'il fallait agir proniptenient et secrètement.
D'après celle détermination, je donnai donc l'ordre ci-joint, n° 7, à
l'adjudant commandant hinot. Le préfet colonial laissa une instruction au
citoyen Mottet qui fut désigné pour chef d'administration, et le contre-
amiral se disposa pour faire appareiller le soir même.
Ordre dont il s'agit :
A bord du Marengo, en rade de Pondichéry,
le 23 messidor.
Aujourd'hui, mon cher Binot, quelques circonstances changeant
les dispositions du Premier Consul et m'obligeant de changer votre
emploi, je vous adresse des lettres de service pour prendre le com-
mandement en chef de Pondichéry et pour y suivre la reprise de
possession de cet établissement conformément au traité d'Amiens,
c'est-à-dire recevoir la réponse du gouverneur général des éta-
blissements anglais, réponse qui est attendue depuis l'arrivée de la
frégate la Relie-Poule dans cette rade.
Si cette réponse est favorable, vous suivrez tout ce qui sera
nécessaire pour terminer cette reprise de possession, .le vous laisse
les troupes précédemment débarquées; elles serviront à la garde
du pavillon de l'établissement. Toutes les instructions relatives à ce
que devait en faire le capitaine général et le préfet colonial vous
sont aussi remises pour que vous agissiez selon les vues du gou-
vernement. Le citoyen Mottet remplacera provisoirement le préfet
colonial.
Toutes ces dispositions, mon cher Binot, ne sont que momenta-
nées; cependant s'il arrivait que, contre mon attente, il y eût une
reprise d'hostilités, et que, de quelque manière que ce soit, vous en
fussiez prévenu authentiquement, vous entreriez en arrangement
avec le gouverneur anglais, afin d'obtenir la capitulation la plus
honorable. Il faudrait faire en sorte de vous faire transporter,
avec votre détachement, à l'île de France, ou au moins en France.
Vous m'adresserez à l'ile de France votre correspondance, parce
que j'ai donné des ordres pour que, de là, on me fasse parvenir
vos dépèches. Vous allez recevoir une note particulière pour
l'emploi que vous devez faire des fonds qui seront laissés à Pondi-
chéry, parce que je [ne] donne à personne connaissance du mou-
vement que j'opère
Il faudra faire cesser les travaux, qui ne seront repris qu'après
de nouveaux ordres.
Je sens bien, mon cher Binot, que cette situation sera pour vous
II. 23
354 MEMOIRES ET JOLR.VAIX DU GEXERAL DECAE.V
très désafjréable, mais les événomcnts me conduisent. Croyez aux
regrets que j'éprouve en me séparant de vous de cette manière.
Vous trouverez, j'espère, un dédommagement dans votre zèle et
dans le service important que ces circonstances inattendues vous
feront rendre à votre pajs. Je vous salue. »
Pour agir ainsi, je raisonnai dans cette hypothèse : si la guerre n'a
point lieu, la chose est toujours égale pour Pondichéry, puisque le com-
mandant Binot continuera de suivre la restitution de cet établissement, et
le mouvement rétrograde de la division ne pourra, dans tous les cas, être
considéré que comme une mesure de prudence; si, au contraire, il existe
déjà une rupture en Europe, on ne peut pas trop accélérer le départ pour
se rendre à l'ile de France, puisque ce sera exécuter à la lettre les ordres
du gouvernement, etc., etc..
Ainsi, ce raisonnement joint aux circonstances que je vous ai précé-
demment exposées me conduisirent à ne point même tenter de faire rem-
barquer ceux qui étaient descendus à terre, le préfet colonial excepté : il
avait, comme moi, sa destination éventuelle.
Ensuite, des dispositions furent faites pour qu'on ne connût, à Pondi-
chéry, le départ de la division que lorsqu'elle ne serait plus dans la
rade. Car si, par la moindre démarche ostensible, notre projet de départ
avait été dévoilé, l'escadre anglaise y aurait probablement apporté des
entraves.
Si encore il y avait eu possibilité d'embarquer avec célérité ce qu'il y
avait à terre!... Mais, citoyen ministre, vous connaissez la côte Coroman-
del : il y avait tout au plus douze sc/iellinç/ues pour le service de la rade
de Pondichéry, et encore ne pouvait-on disposer de ces moyens de trans-
port que d'après l'autorisation du capitaine de port anglais.
11 a donc fallu s'éloigner de ce théâtre où la division n'avait pas, heu-
reusement, encore effectué en entier son débarquement. Car, citoyen
ministre, dans quelle situation plus fâcheuse encore ne me serais-je pas
trouvé, puisque, après ce qu'on m'avait assuré à Brest, que la moitié au
moins de ce qui était nécessaire était embarqué, j'ai vu, à mon grand
étonnement, que le vaisseau et les frégates n'avaient rien transporté de
ces effets, ayant tout au plus l'emplacement nécessaire pour les vivres et
les passagers. Les canons, les armes, les munitions, effets d'habillement,
d'équipement, etc., les équipages du préfet et les miens sont restés, pour
la plus grande partie, à Brest : ils devaient être transportés par la
deuxième expédition. La. Côte-d' Or et la Marie-Françoise étaient chargées
de la première partie.
Par ma dépèche qui vous annonce l'arrivée de la division à l'île de
France, j'ai l'honneur de vous rendre compte des événements ultérieurs à
notre départ de la rade de Pondichéry...
Je vais compléter cet exposé par le récit de quelques détails que
je ne jugeai pas à propos d'y insérer.
DECAEN DÉCIDE DE QUITTER L'INDE 355
Dos que la corvette qui nous apportait des dépêches fut reconnue,
par les signaux d'usage, pour être le Bélier (ju'on n'attendait pas
aussi tôt, nous en augurâmes qu'il devait être chargé d'une mis-
sion très extraordinaire.
Le contre-amiral fit donner de suite les signaux de mouillage à
distance et de défense de communiquer avec le hàtiment arrivant.
Aussitôt qu'il fut à l'ancre, le signal fut donné à son commandant
de se rendre à bord du Marengo, et, dès qu'il y fut monté, son
canot eu fut éloigné.
Dans mon rapport au ministre, j'ai énoncé notre élonnement
de l'arrivée de cette corvette et de l'objet de sa mission, notre em-
barras et ses causes, quel était le parti qui avait été pris et les
ordres que j'avais donnés eu conséquence, enfin notre départ.
Mais j'ai encore à dire (|ue, pour parvenir au dénouement, je
commençai par demander au contre-amiral Linois s'il croyait pos-
sible de faire rembar(|uer les troupes et autres personnes descen-
dues à terre, quoique je fusse convaincu de l'impossibilité : j'en
ai déduit les raisons dans mon rapport, et la Belle-Poule n'était
même plus là pour les reprendre à son bord. Mais il fallait com-
mencer par dire (|uel(|ue chose pour arriver à une solution.
A cette question, le contre-amiral répondit, sans préambule :
f. Je ne dois pas compromettre les bâtiments de ma division pour
m'occuper de ce reml)ar(|uement. v Extrêmement surpris d'une
pareille réponse, je répli(|uai : <.<■ Il me semble, et je crois Mon-
sieur le préfet de mon avis, (|ue nous ne devons pas laisser à Pon-
dichéry ceux qui, malheureusement, y sont débarqués, sans avoir
préalablement bien considéré quels moyens on pourrait employer
pour les rembarquer, et sans être bien convaincus de l'impossibilité
de les emmener avec nous, attendu que vous devez, comme moi,
mettre autant d'intérêt au salut des troupes et des passagers qui
sont maintenant à Pondichéry que j'en porte à la conservation des
bâtiments que vous commandez. «
Le contre-amiral, pressé par cette observation assaisonnée d'un
j)eu d'humeur, ne trouva d'autre parti à m'offrirque de convoquer
un conseil où il allait appeler les capitaines des frégates. Je relevai
vivement cette proposition par ces paroles : 'i Un conseil !... C'est
moi qui suis le conseil!... Pouvez-vous mettre à la voile à minuit?
Si vous le prévoyez, ordonnez vos dispositions en conséquence. »
356 AIKMOIRES ET JOURNAUX DU GliVERAL DECAEM
Je ne pouvais exprimer rien (|iii dût le lirer plus promptement
de son extrême embarras : aussi ne fit-il pas longtemps attendre
sa réponse affirmative.
Ce parti pris, je dis à M. Léger : « Je viens de vous communi-
quer les intentions du gouvernement qui vous concernent. Vous
allez avoir un grand sacrifice à faire, celui de vous séparer de votre
famille, sans même pouvoir lui faire part que vous èles obligé
de l'abandonner à Pondicliéry avec tous ceux (|u'à notre grand
regret nous nous voyons forcés d'y laisser. Mais, dans la position
difficile où les circonstances nous ont placés, la Patrie réclame de
vous un nouveau service. Je suis trop persuadé de votre dévoue-
ment à ses intérêts pour avoir le moindre doute de votre coura-
geuse résignation. •!
Le préfet m'ayant répondu qu'il était très flatté de la bonne
opinion que j'avais conçue de lui, et qu'il était disposé à faire tout
ce qui pouvait être utile, je lui dis : « Voici ce dont il s'agit. L'ad-
judant commandant Binot est ici dans ce moment, mais je ne crois
pas convenable de l'informer, (|uant à présent, de la part (jui lui
est réservée dans ce fâcheux état de choses, ainsi qu'à votre chère
famille et à nos autres intéressants délaissés. Ils n'apprendront que
trop tôt cette accablante nouvelle! Or, je vais de suite écrire les
ordres que j'ai à donner à l'adjudant commandant. Je vais vous
les remettre. Vous allez retourner à terre où vous dresserez des
instructions pour la personne que vous voulez désigner pour chef
de l'administration. Ensuite, vous mettrez vos ordres et les miens
dans un tiroir dont vous rapporterez la clef après avoir dit, chez
vous, que vous dînerez à bord, ayant à nous entretenir ensemble
des dispositions relatives à notre prochain débarquement, et qu'à
ce sujet vous êtes venu chercher des documents indispensables que
vous aviez oublié d'apporter avec vous. Enfin, il faut que vous ame-
niez quelqu'un sur (|ui vous pouvez compter, qui ne quittera le
Marengo (|u'à l'instant où on aura mis sous voile : alors il repor-
tera votre clef, avec un mot de lettre, à une autre personne de
confiance à lacjuelle vous recommanderez ponctuellement de
n'ouvnr le tiroir ([ue demain au jour, d'y prendre les ordres que
vous allez y serrer, et de les porter ou envoyer à leur adresse, à
moins que vous ne jugiez plus à propos de confier toute la mission
à celui que vous allez ramener avec vous. «
ABi\ÉGATIO\ DU PRKFKT LÉGER 357
Lorsque j'eus donné au préfet ce que j'avais à lui remettre, il
s'en alla à terre pour s'occuper des dispositions convenues, accom-
pagné du commandant Binot qui était venu me voir lorsqu'il avait
aperçu le Bélier à l'ancre. Je n'avais heureusement pas eu lieu de
l'engager à dîner, parce qu'il m'avait dit que le commissaire an-
glais l'avait invité. Cette circonstance m'avait mis un peu à l'aise :
mais j'éprouvai un sentiment très pénible, au moment de me sépa-
rer de cet intéressant et brave officier (1), en pensant qu'il me quit-
tait avec la confiance de revenir à bord le lendemain matin, tandis
que, probablement, je serais déjà fort loin de lui, et qu'alors il
éprouverait la plus grande consternation que nous fussions ainsi
disparus, enfin qu'il serait dans l'embarras et abandonné à lui-
même, sans en avoir été autrement prévenu que par l'ordre (|u'il
recevrait, et dont le préfet, avec lequel il retournait à Pondicbéry,
était porteur.
M. Léger revint à bord pour l'heure du dîner, accompagné de
son confident. Il n'avait même pas voulu ajouter un mouchoir à
celui qu'il avait dans sa poche, et il avait quitté sa famille en lui
disant qu'il serait rentré en ville avant la nuit.
A peine le Marengo avait-il été au mouillage que Aime Léger
avait envoyé complimenter Mme Decaen, en lui faisant annoncer
qu'elle désirait et espérait la voir bientôt descendre à terre, et
qu'elle lui offrait à dîner dès ce jour. J'aurais bien pu engager
mon épouse à partager ma résolution de n'aller à Pondicbéry que
lorsque le pavillon français y serait arboré, mais je n'avais pas
jugé, pour autres que pour moi, les circonstances suffisantes pour
s'abstenir d'aller à terre passer quelques heures, attendu qu'on en
ressent le désir et le besoin, surtout après un long voyage. Méan-
moins, d'après mes pressentiments, je dis à ma dame que je dési-
rais sa promesse de revenir dès le lendemain matin, et elle m'en
donna l'assurance. Cependant elle n'était pas encore de retour
quand je lus la dépêche apportée par le Bélier. J'éprouvai donc
une assez vive inquiétude, causée par la crainte qu'elle n'eût cédé
aux pressantes instances qu'on aurait pu lui faire de rester plus
longtemps à la ville, parce que je prévoyais que je ne pourrais pas
l'empêcher de satisfaire à cet engagement, puisqu'en l'envoyant
( 1 ) » Je n'ai point eu la satisfaction de le reroir : nommé «jéuéral de brigade à son retour
en Europe, il fut tué sur le champ de bataille » (IVote de Decaen).
358 MÉMOIRES ET JOLR.\AL\ DU GÉXÉRAL DECAEN
clierclior à l'improvisto, c'était (loiinoi- lioii ;i des conjectures,
mais en outre à l'éveil qu'il était si important de suspendre.
Mon in{iuiétude ne fut, heureusement, que passagère, car je ne
tardai pas à éprouver la seule satisfaction qui pouvait la faire ces-
ser par le retour si désiré.
Après le coucher du soleil, je demandai au contre-amiral de me
faire disposer une embarcation, parce que je désirais aller à hord
de chacun des bâtiments de la division. lime proposa de m'accom-
pagner. Il avait déjà donné ses ordres pour les préparatifs prélimi-
naires du départ.
Je fis cette démarche pour prévenir moi-même les commandants
des troupes d'annoncer, le lendemain matin, à leurs subordonnés
que nous étions en route pour l'île de France, où nous serions
allés directement si le Bélier, qui m'en avait apporté l'ordre, nous
eût rejoints au Cap de Bonne-Espérance, et que c'était en raison de
cet ordre, dont l'exécution avait été ainsi retardée, que nous étions
si subitement partis de la rade de Pondichéry. Je chargeai ces
commandants de leur exprimer de ma part que, persuadé de leur
bon esprit et de leur courage, je ne doutais pas qu'ils supporte-
raient avec patience et résignation les privations qui résulteraient
de la contrariété de n'avoir pu faire aucune provision pour la nou
velle traversée.
J'avais considéré comme chose essentielle de faire cette commu-
nication afin de tranquilliser autant que possible, eu indiquant
ainsi le but de notre marche rétrograde sans en faire connaître la
vraie cause : attendu que, probablement, nous serions encore
plus d'un mois à la mer avant d'arriver à notre nouvelle destina-
tion, et qu'il importait de ne pas laisser les esprits dans l'incerti-
tude ainsi que de prévenir l'ennui qui serait résulté de trop de
circonspection et aurait influé sur la santé qu'assez d'autres
causes pouvaient contribuer à altérer.
Après être allé à bord des frégates, je montai sur le Bélier
pour annoncer à son commandant de se piéparer à suivi'c la
division, ainsi que pour le prévenir que, jusqu'à nouvel ordre, il
se conformerait à ceux qui lui seraient transmis par le contre-
amiral.
La chaleur de la journée avait été excessive. Ayant descendu
dans la petite chambre de cette corvette pour nous entretenir avec
L'EXPEDITION ECHAPPE AUX AXGLAIS 359
son commandant, j'y éprouvai un malaise qui so dissipa lorsque
jo fus redescendu dans le canot.
Pendant noire course, la brise du soir, journalière dans cette
saison, s'était levée, et elle était devenue tellement forte que
quand nous arrivâmes au Marengo, il y eut impossibilité de pou-
voir remonter à bord par les ccMés du vaisseau. Xous fûmes donc
obligés d'avoir recours à l'écbelle de poupe; mais, par le défaut
d'usage de grimper de celte manière et, en outre, soit que je me
ressentisse de mon malaise à bord du Bélier, soit que mes bras
fussent trop comprimés dans mon babit, ce ne fut qu'avec la plus
grande difficulté que je parvins à francbir une partie des enflé-
cbures de cette écbelle à pic et vacillante. Enfin, lorsque j eus
atteint la galerie de la dunette, je dis à un des timoniers qui
étaient venus pour m'aider de bien me saisir au collet pour que
je puisse entrer dans cette galerie. Ce secours me vint fort à pro-
pos, car je serais peut-être tombé à la mer. Mes forces étaient tel-
lement épuisées (jue je fus forcé d'aller de suite sur mon lit pour
me remettre de ma fatigue.
Pendant notre absence du Marengo, on s'était occupé à lever les
ancres. Mais, à l'beure fixée pour mettre à la voile, on n'avait pas
pu, malgré tous les efforts, parvenir à déraper la dernière; alors,
le contre-amiral ordonna de couper le câble. Cette opération ne
fut pas plus tôt faite que le messager, porteur de la clef du tiroir, des-
cendit dans son embarcation, après avoir été chargé de nos com-
pliments de condoléances pour tous ceux que nous délaissions; et
déjà le vaisseau s'éloignait de Pondicliéry et de l'escadre anglaise.
Elle nous aurait extrêmement embarrassés, si elle avait plus tôt
découvert nos intentions et si, surtout, elle eût tenté d'en entra-
ver l'exécution (1), car nous n'aurions pu lui résister longtemps :
non seulement parce ([u'elle était très supérieure, mais encore
parce que nos bâtiments n'étaient armés que sur le pied de paix, et
(ju'ils étaient très encombrés; enfin, qu'on n'avait eu le temps que
de faire des dispositions très incomplètes pour soutenir un combat.
Nous étions donc, sous ce rapport, dans une situation très fâ-
cheuse puisqu'en cas d'agression il fallait ou nous y dérober par
la fuite, ce qui était honteux ! ou bien, pour l'honneur du pavillon,
(1) ' J'ai dit, dans mon rapport au ministre, ce qu'elle fit quand elle eut le premier
avis de notre départ » (Note de Decaen).
360 MEMOIRES ET JOLRXALX DU GEXERAL DECAEN
recevoir, avec le plus grand désavantage, un combat qui ne pou-
vait être que de courte durée mais qui, sans doute, aurait été pour
nous très meurtrier, attendu la quantité d'hommes qui se trou-
vaient sur nos bâtiments.
Cet armement sur pied de paix, et surtout pour se rendre à une
distance aussi éloignée, était bien inconsidéré. Rien ne Ta mieux
justifié que la position difficile dans laquelle nous nous sommes
trouvés, sur la rade de Pondichéry, et de laquelle nous nous
sommes si heureusement débarrassés.
Cet exemple aura probablement fait abolir cet usage dans notre
marine, en lui donnant une preuve aussi palpable qu'un bâtiment
de guerre ne doit jamais sortir du port sans son armement com-
plet : puisqu'il peut être surpris, à la mer ou en relâche en pays
étranger, par la nouvelle d'une guerre prochaine ou déclarée, et
que, dans ce cas, le vaisseau, son commandant et l'équipage se
trouvent exposés à être tous compromis.
Un bâtiment de guerre ne doit pas non plus être autant encom-
bré de troupes et de passagers que l'étaient ceux de notre division :
car ce sont des économies qui peuvent produire les plus funestes
résultats.
Je rendis compte au ministre de notre traversée de Pondichéry
à l'ile de France, par la lettre ci-après dans laquelle j'informai de
la réunion de la Belle-Poule à la division, ainsi que des nouvelles
que j'avais reçues du commandant Binot :
J'ai l'honneur de vous annoncer que, le 26 thermidor, après une tra-
versée de trente-quatre jours, la division a mouillé au port nord-ouest de
cette colonie, où la Belle-Poule était arrivée le matin.
Xous avions tous besoin d'une relâche. Les circonstances avait rendu la
traversée pénible : car c'était le sixième mois de mer. Aussi le scorbut se
manifestait-il d'une manière à inquiéter si nous eussions été forcés de la
tenir plus longtemps.
Cependant, malgré tout, j'ai l'avantage de vous annoncer que, des
suites de cette maladie, nous n'avons perdu que trois militaires; les marins
n'ont pas été plus malheureux.
Selon vos instructions, j'ai fait opérer le débarquement des troupes qui
sont ici établies tant bien que mal. Dans les lettres communes que le préfet
colonial et moi avons l'honneur de vous adresser, vous avez le tableau de
notre situation et celui des iles de France et Bourbon lequel, quant aux
ressources, est analysé dans le rapport de l'ordonnateur Chanvallon, fait
dans une conférence tenue à notre arrivée. Ce rapport est joint à ma lettre.
CAPTURK DE LA " COTE-D'OR » 361
Avant de vous exposer, citoyen ministre, quelle conduite j'ai tenue à
l'île de France depuis que j'y fais mon séjour (ce qui fera l'objet d'une
lettre particulière), je vais vous rendre compte de ce qui s'est passé à la
côte Coromandel depuis le départ de la division, d'oi'i vous conclurez si
nos conjectures étaient fondées et si les circonstances qui m'ont fait agir
permettaient de prendre un autre parti.
La Belle-Poule, sortie de la rade de Pondichéry le 22 messidor au soir,
y était arrivée le 23 au matin. Mon aide de camp avait dû en revenir par
terre, parce qu'il avait été supposé que ce serait plus prompt qu'avec la
Belle-Poule qui se trouva cependant le 20, à 7 heures du matin, en vue
de Pondichéry, où le capitaine Bruilhac reconnut au mouillage une par-
lie de l'escadre anglaise dont le commandant faisait des signaux d'après les-
quels un vaisseau et deux frégates appareillèrent pour lui donner chasse.
Mais comme la Belle-Poule avait une marche supérieure, cette division
anglaise ne fut plus aperçue le lendemain.
Le contre-amiral Linois vous donne à cet égard tous les détails qui le
concernent, et vous fera connaître les motifs qui ont empoché que la Côle-
d'Or n'eût fait route avec la division depuis la sortie de Brest.
C'est sur ce bùtiment que le commodore Rainier a exercé l'hostilité la
plus complète. Connnc les moindres détails de cette affaire doivent vous
être connus, je vous adresse toutes les pièces qui en font foi (1).
Aussitôt que je fus informé de cet acte d'hostilité qui ne laissait plus
d'incertitude sur la cause de la conduite précédente de ce commodore
(c'était le jour même du mouillage de la division à l'ile de France qu'un
brick, parti le 30 messidor de la rade de Pondichéry et à bord duquel
s'étaient embarqués furtivement les citoyens Cavaignac, Bruix et deux autres
personnes, m'en apporta la nouvelle), je jugeai prudent, après en avoir
conféré avec le contre-amiral Linois et le préfet colonial, de demander
au gouvernement de l'ile de France de mettre un embargo provisoire sur
tous les bâtiments anglais qui seraient ou viendraient au mouillage; et il
fut de suite exécuté.
Pouvait-on supposer que la conduite hostile du commodore n'était pas
le résultat d'ordres reçus et que, pour en avoir agi ainsi, il n'y avait pas
de déclaration de guerre en Europe ou au moins indubitable; et qu'à cet
égard, le gouvernement anglais de l'Inde n'avait pas reçu des avis?...
Mais il en a été tout autrement, citoyen ministre.
La Côle-d'Or est entrée à l'ile de France le 3 fructidor.
Dans le nombre des pièces que m'a adressées le commandant Binot, la
lettre du commodore Rainier est digne de fixer votre attention et donne
une bien juste idée de la position dans laquelle nous nous trouvions,
dans la rade de Pondichéry, lorsque le capitaine du Bélier m'y remit vos
ordres.
Si la mauvaise foi anglaise n'était pas à son terme, il ne faudrait réflé-
(1) " Elles sont transcrites à la fin de ce cahier et cotées B. C." (Mote de Decaen). Voir
ces lettres p. 387 à 392.
362 MKMOIRES K'I JOUR.VAUX DU GEXÉRAL UKCAEM
ihir qu'un moment sur la conduite des ajjcnts de cette nation dans l'Inde
pour être convaincu qu'elle a réellement atteint le plus haut degré. Je ne
veux faire (|u'une observation pour le démontrer.
Le gouvernement de Madras s'est déclaré iiuompélent pour rendre Pon-
dicliéi y (voir la pièce n" 1) ; il a répété cette même déclaration dans sa
réponse à ma dépêche (n" 2) ; et ce même gouvernement, qui avait pré-
tendu n'avoir aucun droit à exercer, a pu obliger le commodore Rainier
à annoncer que sa conduite était désapprouvée et conséquemment à
relâcher la Côle-d Or, qui fut néanmoins escortée par une frégate anglaise
jusqu'à la ligne (1).
Celte disposition du gouvernement de Madras coïncidant avec ce que les
papiers publics m'avaient appris sur ce qui se passait en Europe, c'est-à-
dire qu'il y avait toujours incertitude sur la paix ou sur la guerre (incer-
titude qui n'empêchait cependant pas les bâtiments du commerce d'entrer
dans les ports ou d'en sortir, quoiqu'il j eût des croisières) et d'après les
rapports apportés par la Côte-d'Or, l'embargo fut aussitôt levé.
Les troupes embarquées sur ce bâtiment se portaient bien. Elles des-
cendirent à terre le lendemain. On s'est occupé, depuis, de débarquer les
effets qui étaient à son bord. Il y avait, sur ce navire, bien peu de choses
pour les besoins de l'établissement.
J'ai beaucoup à me plaindre de la manière dont l'embarquement a été
ordonné, puisque les objets les plus nécessaires sont restés à Brest, excepté
une partie embarquée sur la Marie-Françoise qu'on ne peut présumer que
perdue. Le Malabar, arrivé ici le 14 fructidor et parti de Brest six
senjaines après la division, n'en a pas apporté de nouvelles.
C'est vraiment ridicule qu'on ait pu fréter un si petit navire que la
Marie-Françoise et surtout qu'on l'ait chargé d'armes et de munitions
ainsi que d'autres objets qui étaient indispensables, soit que j'eusse des-
cendu à Pondichéry, soit que vous m'eussiez ordonné d'autres dispositions
que celle de me rendre à l'ile de France.
J'ai l'honneur, etc..
Cette lettre, écrite le 20 fructidor, ne put partir qu'à la fin de
i)rumaire, (juoique j'eusse recherché, par plusieurs propositions au
contre-amiral, de faire parvenir nos dépêches en France beaucoup
plus tôt.
Je lui avais écrit, le 7 fructidor, ce qui suit :
La conférence que nous avons eue avec le capitaine Baudin nous a
assurés qu'il n'a plus, pour avoir terminé sa mission, qu'à opérer son
retour en France : mais aussi il nous a prévenus que deux obstacles s'op-
posaient à ce qu'il l'entreprît bientôt directement. L'un, c'est le manque de
quehjues approvisionnements indispensables, qu'il n'espère pas obtenir
(1) « Voir à la fin de ce cahier les deux pièces dont il s'agit, cotées à la marge B el
D •' (\ole de Decaen). Voir ces pièces p. 38."} el 397.
DECAEX ET LIVOIS 363
dans celle colonie à l'époque qu'il avait précédemment fixée pour son
départ, vu l'état actuel des ressources de l'administration, laquelle,
annonce-l-il, ne lui fournit pas même les besoins journaliers, ce qui
l'oblige par conséquent à consommer, dans celte station, les approvision-
nements de mer qu'il a à son bord. L'autre, c'est, dit-il, que la saison
actuelle n'est pas celle qui lui en procurera une favorable pour trans-
porter en France les animaux et plantes vivantes qu'il a recueillis dans le
cours de son voyage. Le capitaine IJaudin paraît se proposer de parer à
ces deux inconvénients en quittant au plus tôt ce port pour se rendre au
Cap de Bonne -Espérance où, par son crédit, il s'approvisionnera et
attendra, dans cette relâche, l'époque convenable pour les objets qu'il
transporte.
La mission du capitaine Baudin le rend probablement, sous quelques
rapports, indépendant de votre commandement. Mais, général, dans les cir-
constances présentes qu'il est de la plus grande nécessité que le gouverne-
ment soit informé des événements qui ont eu lieu à la côte Coromandel,
ainsi que de notre retour à l'île de France, et de ce qui s'est passé ulté-
rieurement, je pense que, puisque le bâtiment monté par le capitaine Bau-
din est en état de reprendre la mer, aux obstacles près qu'il nous a pré-
sentés, il y aurait possibilité que ce capitaine put rendre un très grand
service à la chose publique : d'abord nous serions assurés de la remise de
nos dépêches, dans quelque état que soit la politique de l'Europe; en
second lieu elles arriveraient plus tôt que par tout autre mojen à employer
puisque les bâtiments auxquels vous pourriez donner cette destination et
le Marenqo même ne seront pas encore, de quelque temps, en état de
remettre à la voile. .Ainsi, s'il n'y a réellement que le défaut de quelques
approvisionnements et la raison convenable pour les objets vivants qui
empêcheraient le capitaine Baudin de se rendre au plus tôt en France, je
crois qu'il est très facile de le tranquilliser à cet égard et de le mettre à
même de partir.
Le rapport de nos dépêches en France est certes a.ssez important pour
qu'on puisse bien le préférer au transport de quelques animaux, etc.. qui
pourront aussi bien être transportés plus tard, et auxquels on pourra
donner ici tous les soins nécessaires
Vous pouvez assurer le capitaine Baudin que je ne négligerai rien à cet
égard .
Quant h l'autre obstacle, il peut être également aplani par la fourniture
de quelques objets d'approvisionnement, d'autant mieux qu'il a apporté la
meilleure volonté à remettre, pour votre division, plusieurs choses qu'il
avait en superflu, disposition qui me persuade que cet officier ajoutera à
son zèle et à son dévouement en se préparant a partir dans peu de jours
pour se rendre en Europe avec toute la diligence possible.
Voilà ce que j'ai cru devoir répondre à votre lettre d'hier, au lieu de
faire une invitation officielle au capitaine Baudin auquel il convient plu-
tôt, je crois, que vous communiquiez vous-même les motifs sur lesquels je
3G4 MKMOIRKS ET JOL'RXALX DU GKXERAL DECAE.V
repose mes sollicitations pour qu'il porte au plus tôt à notre gouverne-
ment des dépêches essentielles et qui vous intéressent comme moi.
J'ai l'honneur, etc..
Le conlro- amiral Linois m'ayant fait une communication de
laquelle il résultait que je ne pouvais pas compter sur le départ
du Géographe, je lui fis cette réponse :
Eh bien ! Puisque la communication que le capitaine Baudin vous a
faite de ses instructions vous a porté à une détermination autre que celle
que vous aviez d'abord jugée possible, et que vos reflétions vous ont fait
peser ponr ne pas compromettre votre responsabilité, je supposerai, pour
le moment, qu'il n'a pas même été question que le Géographe aura pu être
dans le cas d'anticiper son retour en France.
Cependant, je vous annonce que je ne suis point d'accord avec vous dans
la supposition que vous faites que nos » dépêches pour rendre compte de
ce qui s'est passé à la côte Coromandel, etc., ne sont pas d'une impor-
tance et d'un asse>! grand intérêt politique pour que le capitaine Baudin, si
son vaisseau eût été prêt à reprendre la mer et se rendre au Cap de Bonne-
Espérance, ainsi qu'il vous l'avait exposé, n'eût pas absolument pu chan-
ger sa direction, hâter son retour et nous laisser la certitude de rendre nos
rapports.
Le premier aperçu que vous me donnez de la dépense qu'auraient occa-
sionnée, pour le fret seulement, les plantes vivantes et les animaux qu'au-
rait lais.sés le capitaine Baudin à l'île de France, s'il avait été dans le cas
de partir de suite pour l'Europe, présente effectivement une somme consi-
dérable.
Mais je vous prie de me croire assez disposé à la défense des intérêts de
l'Etat pour ne pas lui faire faire de dépenses inutiles, et surtout pour
empêcher qu'on lui en occasionne légèrement de déplacées. Au reste,
toutes ces idées de faire partir le capitaine Baudin doivent s'évanouir,
puisque vous m'annoncez que son navire ne sera prêt que dans un mois,
Je suis fort aise que lesdeuY avisos soient bientôt dans le cas d'appa-
reiller; mais au lieu d'en expédier un à l'époque que vous le jugez dispo-
nible, le 20 de ce mois, si le Marengn, qui doit retourner en France
d'après les instructions du ministre, peut être mis dans le cas d'opérer son
retour, je trouve qu'il est inutile de le faire devancer par une corvette qui,
sous beaucoup de rapports, peut nous être utile dans ces mers, et particu-
lièrement le Bélier.
J'ai l'honneur, etc..
Le général Magallon (1) m'ayant prévenu qu'un navire de com-
merce était prêt à partir pour l'Inde, je désignai un officier pour
(1) Alors jjouvcrneur de l'île de France. Cf. : H. I'rextoit, l IU de France sous Dccaen.
RELATIONS AVEC LES DAXOIS A TRAX'QUEBAR 365
s'y embarquer et pour porter une dépèelie au commandant Binot.
Je remis à cet officier la lettre suivante pour le général Auker,
gouverneur de Tranquebar, établissement danois, dont j'avais déjà
reçu des offres de service :
9 fruclidor.
Je regrette, Monsieur le Gouverneur, que les circonstances m'aient privé
de vous annoncer plus tôt combien il me sera ajijréable d'avoir avec vous
des rapports et d'entretenir les liens d'amitié qui unissent nos deux
nations. J'espère comme vous. Monsieur le Gouverneur, que les différends,
qui se sont élevés entre la République française et le gouvernement an-
glais seront terminés sans une nouvelle guerre, et malgré le commodore
Uainier qui n'est pas probablement sans se repentir d'un acte d'hostilité
tel que celui qu'il a fait commettee sur le bâtiment français la Côte-d'Or..
Comme je suis encore ici dans l'attente du dénouement de la lutte qui
existe en Europe, le bâtiment qui porte ma dépèche se rendra à Tranque-
bar atin de s'assurer, avec protection, Monsieur le (îouverncur, s'il lui est
possible d'arriver jusqu'à Pondichéry. Si l'impossibilité existait, obligez-
moi. Monsieur le Gouverneur, de faire procurer à l'officier que j'ai chargé
de se présenter devant vous pour vous assurer de ma haute considéra-
tion les moyens nécessaires pour qu'il puisse se rendre auprès du colonef
Binot que j'ai chargé de suivre les négociations pour la restitution de nos-
établissements. Ce service que vous rendrez à la République française, je-
vous en aurai une reconnaissance particulière. Agréez, etc..
Voici ce que j'écrivis, le 10 fructidor, au commandant Binot :
J'ai reçu, mon cher colonel, les dépêches que vous m'avez adressées par
V Alfred et la Côte-d'Or. Ce dernier bâtiment a mouillé au port nord-ouest
de l'île de France, le 3 de ce mois, où la division était arrivée avec la Belle-
Poule, le 28 thermidor, après une traversée favorable.
Je suis on ne peut pas plus satisfait de votre manière d'agir dans la
position extraordinaire où vous a mis le prompt départ de la division, et
surtout la conduite de l'amiral anglais Rainier.
Je me trouve encore ici dans l'incertitude de la paix ou de la guerre^
puisque je n'ai pas reçu, à l'île de France, de nouvelles dépêches du gou-
vernement. Le Malabar seulement, qui devait faire partie de la seconde-
expédition, nous a apporté des vivres. Il est sorti de Brest le 7 floréal.
C'est par ce bâtiment que sont arrivés les lettres et les journaux (jue je-
vous envoie.
Cependant, j'aime à me persuader que la paix sera maintenue, si on
peut se fonder, pour cette conjecture, sur le laps de temps qui s'est déjà
écoulé depuis le commencement des discussions entre notre gouvernement
et celui d'Angleterre, sur la médiation de la Prusse et de la Russie-
366 MÉMOIRES ET JOURNAUX DU GÉNÉRAL DECAEX
annoncée par les journauv, sur la difficulté qu'éprouve le cabinet de
Saint-James pour renouer une coalition sur le continent, sur l'attitude
imposante et les ressources de notre nation; à moins que le Premier
Consul ne juge qu'il appartient à l'honneur du peuple français de tirer
une vengeance de la conduite de l'amiral Rainicr tant envers la division
que pour les hostilités qu'il a ordonné de commettre sur la Côle-d'Or,
quoique la conduite de cet amiral ait déjà été désapprouvée par le gouver-
nement de Madras qui, je crois aussi, ne s'est ainsi comporté que parce
<|u'il lui sera arrivé, par la caravane, des nouvelles d'Europe autres que
celles qu'il avait quand je suis arrivé à la côte Coromandel.
Pour l'un et l'autre cas, mon cher colonel, il n'y a point de doute que
vous ne soyez informé avant moi de ce qui aura été décidé en Europe, car
les Anglais ont, par terre, leur correspondance prompte et très active.
Par l'instruction que je vous ai laissée, le 23 messidor, le cas de guerre
est prévu. Je sais bien que, si cet événement avait lieu, votre position
serait difficile; cependant il faudrait faire tous vos efforts pour avoir le
meilleur traitement : obtenir, en autres choses, votre transport aux îles
de France ou Bourbon, et le pis aller, en France. En conservant l'énergie
que vous avez montrée à ces messieurs en leur représentant que c'est sur
leur foi particulière que vous avez été mis dans le cas de débarquer avec
vos troupes, puisqu'ils étaient comme vous confiants dans l'exécution du
traité d'Amiens, en continuant de vivre dans la meilleure intelligence avec
le colonel Cullen, placé pour être l'intermédiaire entre vous et le gou-
vernement de Madras, je ne rejette pas l'idée (]u'on n'eût la prétention de
vouloir montrer un caractère de loyauté. Mais aussi, mon cher colonel,
il faudra bien surveiller la discipline de vos troupes; empêchez les indis-
crétions; je suis fâché de celle qui a été commise par le sous-lieutenant
Muller et que vous avez autorisée; ceci pourrait vous être très préjudi-
ciable dans le cas dont il est question, et même si cet indiscret venait à
«tre arrêté, il faudrait absolument le désavouer (I). J'aurais voulu égale-
ment que vous n'eussiez pas retenu autant d'officiers de Cipayes, et que
vous eussiez pris le parti de profiter de la Côle-d'Or pour renvoyer tous
ceu\ des officiers qui n'avaient point débarqué avec vous. C'est un
embarras que vous vous êtes laissé, et une diminution de vos moyens
d'existence.
J'aime pourtant à croire que nous ne tarderons pas encore longtemps
sans avoir un parti décisif. Si les différends qui se sont élevés en Europe
étaient terminés et que, par suite, le gouvernement anglais de l'Inde vous
fit la restitution de Pondichéry, de concert avec le chef d'administration
Mottet, et en vous conformant aux instructions qui vous ont été laissées,
vous feriez provisoirement tout ce qu'il serait essentiel de faire; et comme
il n'est pas douteux que j'aurais aussi bientôt des nouvelles officielles de
notre gouvernement, je vous laisserais le moins possible dans l'incertitude.
(W 1. Cet officier était parti de Pondichéry pour aller chez le» Mahrattes ' (\ole de
Decaeii).
XOUVELLES IMSTRICTIOXS A BI\OT 367
Vous étendriez, s'il y a lieu, vos dispositions sur Karikal, car il est extrê-
mement utile qu'on occupe cet établissement puisqu'il fournit des res-
sources.
C'est le capitaine Saint-Mihiel qui vous rendra mes dépêches, dans
lesquelles vous trouverez l'exemplaire d'un roman qui doit vous servir
pour m'annoncer ce que vous auriez de secret à m'apprendre, parce qu'il
est, sous tous les rapports, nécessaire de mettre la correspondance poli-
tique à l'abri de toute connaissance des Anjjlais que vous avez dû recon-
naître pour être extrêmement ombrageux (1).
Vous joindrez à vos premières dépêches un état de situation des militaires
el employés civils qui sont à Pondichéry.
D'après la situation de vos finances, vous déterminerez provisoirement
le traitement de chacun. Vous savez que la nourriture et la solde des
troupes doivent être en privilège. Tous ceux qui sont descendus à terre
des bâtiments de la division autres que la Belle-Poule ne recevront de
traitement qu'autant que vous serez assuré de six mois de ressources pour
les troupes; et même, il ne faudra donner, provisoirement, à tous les offi-
ciers et emplojés, que le traitement simple. Le supplément sera acquitté
quelques jours plus tard.
Le Diliyent, qui n'avait été expédié que pour m'apporter des dépêches,
ayant appris à Tranquebar que la division avait quitté la rade de Pondi-
chéry, est rentré aujourd'hui.
Dans les journaux que je vous envoie, les articles Variétés (n"' 28 et 30,
mois de ventôse) sont intéressants : ils vous donneront une idée de l'An-
gleterre. Vous connaîtrez l'état de la France par l'arrêté du gouvernement
<|ui a ordonné l'exposé de la situation de la République.
Il ne sera pas mal que, sans affectation, vous fassiez connaître ces
pièces importantes que la Gazette de Madras n'annoncera pas. Dites à
■ceux qui vous environnent que je suis bien impatient de me trouver au
milieu d'eux. Adieu, mon cher Binot.
(1) « J'indiquai la manière de se servir de ce roman pour la correspondance » (\'ote
■de Decaen).
CHAPITRK V
La mission de Cavaignac à Mascate. — Decaen reiit rétablir l'autorité du gouverneur de
l'île de France. — Linois s'y montre assez peu disposé. — Mesures que prescrit De-
caea. — Kecoramandations de Uecaen à Cavaignac. — L'Atalaji(e transportera Cavai-
gnac à Mascale. — Cette frégate fera aussi une reconnaissance des côtes de l'Inde et
de la situation politique. — Decaen rend compte au ministre de la Alariue du sort de
la Côle-d'Or. — Pénurie de ressources à l'île de France. — Lne lettre de Linois au
ministre de la Marine. — - Cavaignac chargé de faire parvenir de Mascate à Constanti-
nople et à Paris des lettres de Decaen. — Correspondance du préfet colonial Léger
a»ec le ministre à son arrivée à Pondichéry. — Correspondance échangée entre Binot
et les Anglais, le gouverneur du fort Saint-Georges et l'amiral Rainier et Decaen.
Dès les premiers jours de mon arrivée à l'ile de France, j'avais
témoigné an contre-amiral Linois mon désir qu'il désignât et fît
préparer la frégate qui devait porter le résident destiné pour Mas-
cate; et, le 12 fructidor, je lui adressai cette demande officielle :
J'ai eu le plaisir de iii'entreteiiir avec vous sur rutilité qu'il y avait
qu'une frégate de la division pût mettre au plus tôt sous voile afin de
transporter à la côte d' .Arabie le citoyen Cavaignac, nommé par le Premier
Consul résident auprès de l'iman de Mascate. l'euillez bien me faire con-
naître pour quelle époque les dispositions préparatoires de la frégate que
vous avez désignée seront terminées, parce qu'il est essentiel, sous beau-
coup de rapports, que cet agent du gouvernement soit au plus tôt rendu à
sa destination. J'ai l'honneur, etc..
Ayant eu lieu défaire l'observation que les capitaines des navires
arrivant dans la colonie ne paraissaient devant le gouverneur
(ju'aprés avoir été conduits, pour faire leur déclaration, devant des
membres de l'assemblée coloniale qui en composaient le Directoire,
je jugeai convenable de faire entendre que ce n'était pas ce mode
(|ui devait être suivi : il en résulta bien un changement, mais les
nouvelles dispositions n'étant pas encore celles qui devaient être
pratiquées, je mandai au contre-amiral ce qui suit :
15 fructidor.
Si les temps antérieurs ont pu préjudicier à l'autorité des gouverneurs,
à l'île de France, et qu'il ait été possible qu'on l'ait même méconnue
MISSION DE CAVAIGXAC 369
jusqu'à usurper leurs pouvoirs, les circonstances actuelles, les intentions
de notre gouvernement, que vous connaissez comme moi, nous pré-
viennent des dispositions qu'il est essentiel d'exécuter.
Vous savez quel étonnement j'ai marqué, en entrant dans cette colonie,
de voir qu'on s'attribuait un pouvoir qui n'appartient qu'au gouverneur,
en recevant avant lui les déclarations des capitaines des navires arrivant
au mouillage, tandis qu'on ne devrait exercer qu'une police particulière
sous l'autorité de ce même gouverneur.
Mes remarques, suiifies d'observations, ont bien apporté un change-
ment; mais, avec les nouvelles dispositions, que le journal d'hier seul
m'a fait connaître, on n'a point encore atteint le but, et il ne peut l'être
qu'autant que la mesure proposée sera exécutée. Je vous avais demandé,
et je vous renouvelle ma demande que, comme commandant des forces
navales, vous ne permettiez pas que qui que ce soit, excepté le pilote qui
sera cependant encore tenu de se rendre au vaisseau amiral pour y recevoir
des ordres avant d'aller à bord du navire arrivant, de communiquer avec
aucun bâtiment reconnu pour venir d'Europe, du Cap de Bonne-Espérance,
de l'Amérique ou de l'Inde, avant qu'un officier de votre commandement
n'ait reçu le rapport du capitaine sur la situation des affaires politiques
entre la France et l'Angleterre, parce qu'il est de toHte nécessité que, dans
le cas où la guerre viendrait à être déclarée, la nouvelle en soit donnée à
la colonie d'une manière qui ne puisse troubler la tranquillité.
Dans ce cas, toute communication devra être interdite avec le bâtiment
qui apporterait cette nouvelle jusqu'au moment où je vous préviendrais
qu'il n'y aurait pas d'inconvénient de lever la défense.
L'importance de mes demandes me persuade que vos ordres seront le
plus tôt possible donnés pour l'exécution de cette urgente mesure.
J'ai l'honneur, etc..
Le contre-amiral, (jui ne voyait pas les choses comme moi, et
qui, d'ailleurs, s'était laissé aller à l'influence de quelques per-
sonnes, c'est-à-dire des meneurs ([ui s'étaient arrogé le pouvoir
et qui prétendaient le conserver, m'ayant notifié son refus de faire
ce que je lui avais demandé, je lui écrivis de nouveau à ce sujet, le
18 fructidor, et je lui marquai :
Je suis fâché que vous donniez à la proposition que je vous ai faite une
toute autre interprétation que celle qui réellement lui convient. Une mesure
conunandée par les circonstances n'aurait apporté aucun changement dans
les règlements sanitaires; et assurément la première visite à bord des
navires arrivant, faite de la manière et pour les causes que je vous ai
expliquées, n'aurait pas été préjudiciable à l'autorité, et ne vous aurait
pas fait sortir de vos attributions.
Mais votre refus peut fournir des résultats fort désagréables et nuire aux
intérêts de la République.
I'. 24
370 AIÉMOIRES ET JOLR.VAUX DU GEXKRAL DEGAEX
Les instructions qu'on nous a donnres doiient sans doute diri<i[er notre
conduite, mais il arrive bien souvent qu'elles n'ont point prévenu sur des
événements qu'on doit prendre pour réjjulateurs, et nous sommes dans ce
cas. Enfin si, malgré mes observations, vous tenez toujours à l'inexé-
cution de ce que je vous ai proposé, je vous demande que, dans le cas de
nouvelles authentiques qui annonceraient la guerre, toutes les personnes
qui auront communiqué avec les bâtiments qui les auront apportées
soient retenues à votre bord, que toute communication avec la terre leur
sera interdite, ainsi qu'au bâtiment arrivant. Je vous demande, en outre,
qu'aussitôt que ces nouvelles vous seront connues, de ne les faire parvenir
qu'à moi seul : jugez maintenant si je puis, et si je dois conférer, sur de
telles dispositions, avec le gouverneur de cette colonie dont l'autorité est
toujours entravée.
J'ai l'honneur, etc..
Il me fut assuré ([ue ces nouvelles dispositions seraient ponc-
tuellement exécutées.
En attendant d'être informé du jour où la frégate V Atalante
pourrait sortir du port pour aller à Alascate, j'écrivis, le 10 fruc-
tidor, au citoyen Cavaignac qu'elle devait y transporter :
liOrsque le Premier Consul vous a donné la mission honorable de rési-
dent auprès de l'iman de Mascate, on ignorait alors que ce prince avait
envoyé auprès du gouverneur de l'ile de France. Vous étiez chargé d'as-
surer l'iman des intentions du premier magistrat du peuple français, qui a
voulu lui donner une marque de sa haute considération en lui envoyant
une personne distinguée pour entretenir plus particulièrement les rap-
ports d'amitié et les relations de commerce qui n'ont jamais été troublées,
entre les Français qui ont fréquenté la côte d'Arabie et ses habitants, que
par des corsaires qui, se trouvant éloignés de la surveillance et du frein, se
sont portés à quelques excès. Vous deviez commencer vos relations avec
l'iman en lui donnant un témoignage bien marqué de la pensée du gou-
vernement de France à l'égard des pirateries exercées sur le commerce d'une
nation avec laquelle il ne veut avoir que des rapports d'amitié, puisque
vous avez été chargé spécialement de prendre des informations et donner
des renseignements qui puissent mettre à même d'indemniser des pertes
réellement éprouvées. I^a démarche qu'a fait faire l'iman de Mascate con-
tribue à rendre votre mission bien plus agréable, puisque vous ne pouvez
pas douter de recevoir le meilleur accueil. Le gouverneur de l'île de
France vous a préparé cet avantage par les rapports qu'il a eus avec
liman et la réception qu'il a faite à son envoyé.
C'est donc sous ces auspices, citoyen résident, que vous allez vous rendre
à un poste qui peut présenter beaucoup d'intérêt, et dont vous pourrez sur
les lieux apprécier beaucoup mieux l'importance. I^a frégate qui doit vous
transporter à votre résidence sera prête à mettre sous voile dans peu de jours.
DEPART DE CA\ AIGXAC POUR MASCATE 371
Si les insiructions qui vous ont été données, lesquelles, sans doute, ne
vous laissent rien à désirer, ne vous disent pas que vous devez corres-
pondre autant avec moi qu'avec le ministre des relations extérieures et
celui de la marine, je vous préviens que les intentions du jfouvernement
sont telles qu'il est indispensable que vos rapports soient avec moi comme
si j'étais le seul avec lequel vous dussiez être en relation, Mascate étant
compris dans la dépendance du commandement dont je suis honoré.
Comme, jusqu'tY ce jour, on n'a eu, sur la puissance de l'iman de
Mascate, que des notions très imparfaites, et qu'il est important d'avoir
le plus tôt possible des données certaines alin de pouvoir statuer quels
peuvent être effectivement les avantages que la France peut retirer
de ses rapports avec ce prince d'Arabie dont il faut connaître le pays, les
peuples, les richesses, les forces de terre et de mer, les relations com-
merciales, etc., etc., j'ai choisi le citoyen Mécusson, officier du génie,
pour vous accompagner et participer iY recueillir tous ces renseignements
essentiels.
Je lui remettrai une note pour les objets dont il aura principalement à
s'occuper. Vous voudrez bien, par votre crédit, faciliter à cet officier tous
les moyens nécessaires pour remplir sa mission.
J'ai l'hoimeur, etc..
Le contre-amiral Liuois in'ayant annoncé, le 23 IVucticlor, (lue
YAlalante serait prête à partir le 2G, je lui mandai de suite :
Puisque la frégate YAlalante pourra appareiller le 26 de ce mois, je
serai fort aise qu'elle ne retarde pas son départ car, avec l'utilité qu'il y
a que la personne que le Premier Consul a choisie pour résider auprès de
l'iman de Mascate soit au plus tôt rendue à son poste, il y a encore plu-
sieurs considérations qui me portent à désirer qu'une frégate française
paraisse dans ces mers. Je m'en suis particulièrement entretenu avec vous.
Le séjour de cette frégate dans la rade de Mascate ne doit y être pro-
longé que le temps nécessaire à l'agrément et à la réception du résident.
Mais quoiqu'il y ait utilité que YAlalante ne mette pas trop de retard à
se rallier à votre division, il est néanmoins fort important que le capitaine
Beauchéne reçoive de vous des instructions qui le mettent ù même de por-
ter quelques regards sur les côtes de l'Hindoustan. Ce qui est relatif à la
marine anglaise est certainement un objet d'attention; mais des renseigne-
gnements bien nécessaires encore dans les circonstances actuelles, c'est
de savoir dans quelle position politique les Anglais sont à l'égard des
Mahrattes, Holkar et Scindiah; s'ils continuent d'être en guerre avec eux,
et en faveur de qui les avantages se sont prononcés.
Si le capitaine Beauchéne peut arriver jusqu'aux côtes de Guzarate, soit
dans le golfe de Kutch, ou dans celui de Cambay, il acquerrait certaine-
ment beaucoup, non seulement sur les Mahrattes et les Anglais, mais encore
sur les dispositions de paix ou de guerre des différents peuples du nord de
372 MÉMOIRKS ET JOURXAUX DU GEXERAL DECAEX
rH'mdoustan, et notainmoiit de Malimoud Schah, roi des Afrjhans, qui
domine sur presque tous les peuples entre llndus et la Perse.
Si la mousson ou quelques autres obstacles trop difficiles à vaincre ne
permettaient pas d'arrriver sur le Guzarate, VAtalante éprouverait peut-
être moins de dilTicultés à le faire depuis Surate jusqu'à Goa, côte qu'il
serait aussi très essentiel de visiter, dans le cas uu'me où elle aurait pu
atteindre le premier but. Après avoir ainsi montré le pavillon français
vers les dominations anglaise et mahratte, ce qui, sous beaucoup de rap-
ports, n'est pas indifférent, il conviendrait encore, si les difficultés de la
navigation ne s'y opposent point, que VAtalante revînt à Mascate pour
y prendre les dépêches du résident auquel le capitaine Bcauchêne com-
muniquera les nouvelles politiques qu'il aura pu recueillir à la côte
opposée, afin que le citoyen Cavaignac en rende compte directement en
France.
A Mascate, le capitaine Beauchêne pourra, par le moyen du résident,
avoir à son bord un homme parlant la langue des côtes qu'il entreprendra
de visiter (1).
La pénurie dans laquelle les circonstances nous mettent, surtout relative-
ment aux vivres de bord, me fait aussi vous proposer de diriger, s'il n'j a
pas d'impossibilité trop grande, la frégate VJllalante sur une des relâches
de .Madagascar, parce que, là, elle se procurerait des vivres frais et à bon
compte, ce qui ajoutera à son approvisionnement, sera une économie et
lui donnera par conséquent des moyens de plus pour remplir sa mis-
sion.
Le préfet doit vous écrire pour vous faire part des propositions que je
lui ai faites à ce sujet et pour Mascate, si on ne peut aller à Mada,
gascar.
Il ne nie reste plus qu'à vous demander de donner les ordres pour l'ein
barquement du résident auprès de liman de Mascate et des personnes qu
l'accompagnent, au nombre de deux, selon l'état ci-joint.
La qualité du citoyen Cavaignac détermine le traitement et la considéra-
tion dont il doit jouir, mais je vous recommande particulièrement le capi-
taine du génie Mécusson que je charge d'accompagner le résident. Je désire
qu'il soit traité comme officier supérieur. Je vous préviens aussi qu'il est
possible qu'il fasse son retour avec VAtalante.
J'ai l'honneur, etc..
Je chargeai le citoyen Cavaignac de faire parvenir, par la voie
de Constantinople, une dépêche ponr le ministre de la .Marine
(elle était en chiffres). Dans cette dépèche, j'analysai mon rapport
fl) ^ Mais c'était chose plus facile à indiquer qu'à trouver : il aurait fallu avoir le
hasard de rencontrer quelque renégat français ou autre Européen qui eût parlé I li'n-
douslaui ou le maure. Cependant, arec le portugais qu'on parle dans l'Inde, on pouvait
se procurer des renseignements " (\ole d» Decaen).
RAPPORT Ï)K DIsCAKX AU MIMSTRE 373
de ce qui s'était passé depuis notre départ de False llay, jus(|u';i
notre arrivée à Tile de France, et j'y ajoutai ce qui suit :
Ile (le France, le 28 fructidor.
Fia Côte-d'Or. étant arrivée deux jours après notre départ, fut som-
mée daller nioudler à côté de l'escadre anglaise. Le commandant Binot
témoigna à l'amiral sa surprise d'une telle violation des traités : il en
reçut une réponse hautaine, qui ne l'empêcha cependant pas de donner
l'ordre au capitaine d'appareiller pour se rendre à l'île de France, ce qui
fut exécuté, le 26 messidor, quoique ce bâtiment fût très surveillé. Mais
chassé et atteint à quelques milles, il fut sommé de se rendre et, sur son
refus, canonné de plusieurs bordées à portée de pistolet accompagnées de
feu de mousqueterie. La Côte-d'Or, forcée de se rendre, fut dirigée sur
Pondichérj oîi, de nouveau, elle mouilla portant pavillon anglais.
Cet acte de l'amiral anglais est bien l'hostilité la plus caractérisée; mais
le lord Clive, président du conseil de .Madras, auquel s'adressa le colonel
Binot pour savoir dans quel état il devait se considérer afin d'agir selon
les circonstances et les instructions que je lui avais remises, a désapprouvé
la conduite de l'amiral qui, lui-même, annonça qu'on l'avait désavoué et il
s'exprime ainsi, dans une lettre en date du 20 juillet :
« J'ai la satisfaction de vous annoncer que le vaisseau la Côte-d'Or
est dans ce moment à votre disposition, le gouvernement du fort
Saint-Georges m'ayant, par sa dépêche du 10 du présent, que je
n'ai reçue que ce matin par un exprès, signifié son entière désap-
probation de la détention de ce vaisseau, en réponse à la lettre que
j'écrivis pour soumettre à ses sages et respectables conseils ma
conduite dans cette mesure, immédiatement après que je l'eus
adoptée, etc., etc.. n
Enfin la Côte-d'Or est entrée à File de France, le 3 fructidor. Une fré-
gate l'avait escortée jusqu'à la ligne.
Avec l'incertitude sur ce qui se passe en Europe et les pouvoirs éven-
tuels que vous m'avez adressés, je suis ici, citoyen ministre, dans une
situation fort désagréable.
Il y a beaucoup à dire sur la mauvaise administration de cette colonie :
nous avons trouvé de la bomie volonté de la part du gouverneur et de
lordonnateur ; mais, toujours dépendants de l'assemblée, ils n'ont rien à
leur disposition. Celle-ci, dont on est fort las, s'attend néanmoins à quitter
d'un jour à l'autre sa puissance, l'organisation et les administrateurs étant
annoncés par les derniers Moniteurs parvenus.
Ce nouvel ordre de choses est désiré avec bien de l'impatience par les
bons colons. Au reste, les meneurs et les intrigants seront tenus très faci-
lement aussitôt qu'on réunira justice et sévérité.
:j74 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GÉXÉRAL DECAEM
Si le mojcii que j'emploie pour vous faire parvenir ce rapport avait été
plus facile, je serais entré dans quelques détails que vous aurez plus tard.
Je vais seulement vous observer, avec M. Lé^er qui, dans ces nouvelles
circonstances, a donné encore une grande preuve de son zèle et de son
dévouement en s'embarquant, n'emportant rien avec lui et ayant laissé sa
famille à l'ondichéry afin de se rendre à Tile de France pour y attendre,
comme moi, vos instructions ultérieures, quoiqu'il n'ait point connais-
sance des dispositions que vous m'avez communiquées.
Xous vous observons donc, citoyen ministre, qu'en arrivant à l'île de
France nous avons trouvé les ma<5asins vides, le <i[ouvernement sans res-
sources et sans crédit, ses premiei's ao[ents annulés et réduits à riuimiliation
de recevoir, mois par mois, de faibles secours, pour le prêt des troupes
et pour cuv-mémes, d'une a.ssemblée coloniale qui continue abusivement
d'exercer la souveraineté qu'elle a usurpée, percevant des impôts qu'elle
a établis et dos droits qui entraient autrefois dans la caisse de la marine.
Ce n'est pas seulement dans les magasins du service que l'on éprouve le
désastreux effet de l'état actuel de la colonie. L'assemblée, qui ne peut se
dissinmler qu'elle ne devrait pas exister, n'a pris aucune mesure pour
employer les ressources dont elle dispose à former des approvisionnements
pour la «garnison.
Xous sommes forcés d'aclietcr le blé, chez les particuliers, au prix exor-
bitant de 27 fr. 50 le quintal. La viande, que nous nous procurons au
jour le jour, coiîte 55 centimes la livre, et il résulte de tous les besoins du
soldat qu'un homme coûte ici plus que deux dans l'Inde.
Si nous sommes retenus ici encore quelques mois, et que la colonie ne
fournisse à aucune partie de nos dépenses, nos ressources se trouveront
absorbées, et à notre retour dans l'Lide, nous serons hors d'état de suffire
au service.
La Bi'.lle-Poute avaW. porté à Pondichéry 30 400 piastres Ces fonds y
ont été laissés pour faire exister, jusqu'à décision, les troupes et les agents
civils débarqués dans l'Inde, et pour subvenir au paiement des premières
dispositions qu'on avait commencées pour la reprise de possession.
Cette distraction d'environ 200 000 francs nous a laissé 720 000 francs
de disponible, sur quoi il a fallu prendre les dépenses extraordinaires de
l'établissement momentané que nous faisons ici, et quoique nous nous bor-
nions à la solde des salariés et aux fournitures pour les troupes, nous
sommes forcés de vous faire remarquer que, nos dépenses devant augmenter
avec l'épuisement successif des objets de consommation dont le remplace-
ment ne parait assuré ni par l'état des récoltes, ni par la situation de la
colonie en bestiaux, il deviendra indispensable de faire de nouveaux fonds
pour le service de l'Inde bien plus tôt que vous ne l'aviez calculé, puisque
les ressources locales, sur lesquelles vous aviez compté, n'ont pas lieu.
Xous sonunes menacés de voir sous peu la livre de viande à plus de 20 sols.
Le prix du pain s'élèvera de même en raison du déficit de la récolte ([ui,
dans plusieurs cantons, ne donnera pas même la semence.
U\i PROJET DE DEGAKN SIR L'IXDE 375
11 serait utile d'envoyer acheter des blés au Cap de lionne-Espérance ou
dans le <{olle Pcrsiquc; mais le commerce n'en n'offre aucun moyen depuis
longtemps : il est paralysé par l'abus de l'admission des navires anglais
et américains qui font même le cabotage dans les deux îles. Quoique vous
ajcz exprimé l'intention précise de faire subsister la division des forces
navales par des envois assortis de vivres, il arrive cependant qu'on est
obligé de lui faire des fournitures prises dans la colonie. L'envoi par le
Malabar n'a pas procuré de secours en farines, et si les vaisseaux doivent
reprendre la mer avant l'arrivée d'un nouvel envoi, on sera forcé d'en
acheterdcs Aniéricains qui, depuis longtemps, sont les seuls qui en apportent.
Ce sont des opérations ruineuses, et il est douteux qu'on puisse les faire à
crédit. .Mais on doit espérer de voir rentrer bientôt dans les mains du gou-
vernement les ressources et l'autorité qu'une assemblée sans aveu emploie
depuis la Révolution sans en rendre compte.
J'ai pen.sé, citoyen ministre, qu'il convenait que le résident destiné pour
Mascafe fût au plus tôt à son poste où, sous beaucoup de rapports, il peut
être très utile. C'est aussi un moyen de vous donner de nos nouvelles car
le citoyen Cavaignac entreprendra de vous faire parvenir cette dépèche. Il
peut y réussir si, comme j'aime à le croire, l'iman est toujours dans les
bonnes intentions qu'il a dernièrement manifestées.
S'il est nécessaire que vous soyez informé de notre situation et des évé-
nements dont j'ai rhomieur de vous faire un rapport, il n'est pas non plus
indifférent que le Premier Consul sache que la puissance anglaise éprouve,
dans ce moment, une commotion telle que, si elle avait des suites et qu'on
augmentât d'efforts, il en pourrait bien résulter des événements fâcheux
pour cette puissance dont la force sur ce théâtre éloigné de l'œil observa-
teur ne m'a pas paru, au premier aperçu, aussi formidable qu'on la sup-
pose. Je voudrais bien avoir séjourné quelques mois sur ce continent! Qu'il
m'aurait été favorable qu'à l'époque où je suis abordé à la côte Coroman-
del, la division eût été de 3 à 4 vaisseaux de ligne, avec le même nombre
de frégates, et 3000 Européens aussi bien portants et d'aussi bonne volonté
que ceux qui m'accompagnaient! J'y suis arrivé à l'instant où les Anglais
avaient été obligés de diriger tous leurs moyens vers le nord pour y sou-
tenir contre les Mahrattes une guerre qu'ils termineront peut-être, mais
qui aurait pu prendre un tout autre caractère dans un moment où les habi-
tants de l'île deCeylan, déjà fatigués du joug, ont égorgé toutes les troupes
anglaises qui avaient été établies dans l'intérieur de l'île, et surtout à
Kandy. On en évalue le nombre à 1 800, dont beaucoup d'Européens, ce
qui, joint aux pertes occasionnées par les maladies, donnait beaucoup
d'embarras aux différentes présidences et surtout au gouverneur Wel-
lesley.
Si, dans les circonstances présentes, on pouvait, par la voie de Constan-
tinople, faire faire des démarches auprès de Mahmoud Schah, dont la rési-
dence est à Caboul, — il est de la secte d'Omar, — ce serait une facilité
pour l'engager à la guerre. Il règne sur les Afghans et les Abdallis, et sa
376 AIEMOIRRS ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEV
puissance est de plus en plus redoutée des Anglais qui, dans leurs gazettes,
lui donnent beaucoup de loitanges. Il est présumable que, dans ce moment
difficile, ils font négocier auprès de lui. Ils ont fait partir un nouvel am-
bassadeur pour la Perse, mais on m'a assuré que ce pays est toujours
semé de divisions. Par l'ambassade qu'ils envoyèrent, lorsque le Premier
Consul fit la conquête de l'Kgjptc, ils demandèrent au roi régnant (c'était
alors Babakan Serdar) de faire alliance avec lui, de ne jamais donner
passage au\ Français, et que toutes les fois que Zeman Scbah, auquel
Mahmoud Schah a succédé, marcherait vers l'Inde, de l'attaquer du côté de
l'ouest pour l'obliger à retourner sur ses pas. Cette démarche n'eut pas
alors le succès attendu.
Si la guerre était inévitable, je serais bien fâché de rester dans l'inac-
tion, surtout aussi peu éloigné d'un théâtre où je pourrais si utilement
servir. Veuillez bien dire au Premier Consul, citoyen ministre, que j'ose-
rais bien porter la guerre dans l'Hindoustan l'année prochaine avec une
certitude de succès si, avec six vaisseaux de ligne, on apportait à l'île de
France 3 000 hommes de troupes choisies, dont deux compagnies d'artille-
rie légère, 500 hommes de cavalerie et le reste en infanterie, payés de six
mois de leurs appointements, et si, avec les munitions, etc., il y avait
quatre millions. Je donnerai à cet aperçu le développement convenable.
Vous a\ez sans doute reçu mes dépèches adressées du Cap de Bonne-
Espérance : elles vous annonçaient que ce poste n'était pas suffisamment
défendu et que les Anglais y conservent une grande influence.
Pour espérer les succès dans une correspondance parterre, il serait bien
essentiel que nous eussions un agent à Bassora, car un second suffirait à
Bagdad.
J'ai l'honneur, etc.
J'ajoutai à cette dépèche la copie de la lettre ci-après du contre-
amiral Linois au ministre de la Marine, datée du 17 fructidor :
Géxér.^l mixistre,
Me référant à la lettre du général Decaen, je me borne à vous faire
connaître le dénûment extrême de la colonie. Il est indispensable que vous
envoyiez, pour la division, des salaisons, farines, vins. N'envoyez plus de
biscuit : il peut avec avantage se confectionner ici. Nous avons encore
pour soixante jours de vivres arrivés par le Malabar. Il est urgent de nous
faire passer des câbles et munitions navales de toutes espèces, à l'exception
d'ancres, de poudre et boulets. J'ai deux mois de solde pour les équipages.
Ces fonds employés, il ne me reste rien ; je ne puis compter sur les res-
sources de la colonie. Point de nouvelles de la Marie-Françoise. \iAla-
lanle transporte à Mascate l'agent Cavaignac.
Salut respectueux.
Signé : Lixois.
RKCONXAISSAXCE \ KRS L'ARABIE ET L'INDE 377
Enfin, je remis au citoyen Cavaignac les lignes ci-après que
j'adressai au général Brune, ambassadeur de la République fran-
çaise à Constantinople :
26 fructidor an XI, île de France.
Je vous prie, mon cher général, de faire parvenir cette dépèche au
ministre de la Marine par un courrier extraordinaire.
Recevez, etc., etc..
Postérieurement au départ du résident pour Mascate, j'écrivis
encore au ministre, au sujet de l'iman, la lettre suivante, datée du
30 fructidor :
J'ai déjà eu l'honneur de vous prévenir, citoyen ministre, que j'avais
demandé au contre-amiral Linois d'expédier une frégate pour Mascate,
afin de porter à son poste le résident que le Premier Consul a choisi pour
être auprès de l'iman. Vous avez aussi été informé par le général Magallon
de la démarche que ce prince avait faite auprès de lui; mais ce n'est pas le
seul motif qui m'a lait souhaiter que nous ayons quelqu'un à Mascate car,
d'après les pièces que le général Magallon m'avait adressées par le Diligent
qu'il jugea nécessaire de m'expédier, plus particulièrement encore pour
nie faire part des bruits de guerre, je n'ai pas vu plus de désirs, de la part
de l'iman, d'avoir des rapports avec les Français que ceux que lui et ses
prédécesseurs avaient manifestés. L'envoyé de l'iman est plutôt venu à l'ile
de France pour des réclamations de navires capturés que pour des raisons
politiques. J'en ai jugé par la note secrète que vous a annoncée le général
Magallon dans sa lettre du 26 ventôse; en voici la traduction :
« Au xoM DE Dieu,
« L'exposition de la demande est pour faire rendre les navires qui
ont été pris, l'un appartenant au nommé Djouher, et l'autre sur-
nommé le Bédouin, ainsi que 13 000 piastres qui furent prises sur
ces deux navires. Cette demande est fondée sur ce que nous avons
étant à vous, par la bonne intelligence qui règne entre nous, qui-
conque se déclare notre ennemi, en enlevant ou en prenant notre
bien, doit être aussi le vôtre, de même que vos amis sont les nôtres.
Si vous désirez envoyer à Zanzibar ou à .Mascate un agent chargé
de vos affaires, qu'il y vienne. L'amitié sera encore plus stable et
plus sincère des deux côtés. L'ennemi ne doit être que l'ennemi
pendant la guerre, de même que l'ami est toujours véritable ami.
" Salut. )•
Cette note est sans signature, et n'est vraiment autre chose qu'un sou-
venir que cet envoyé a laissé pour qu'on n'oublie pas les intérêts de son
378 MKMOIRKS ET JOIUMAUX UU GKiVKRAL DKCAE.V
maître. J'ai donc ('té plus détcriniiié, pour hâter l'arrivée du citoyen Ca-
vaignac, par les anciennes relations avec l'inian, par la belle situation de
Mascatc et de son port, par les intentions du gouvernement d'y avoir un
agent, enfin, par la nécessité ([ue m'ont présentée les circonstances.
D'abord la saison était la plus favorable, puisque la frégate Y AtalanU,
partie le 26 de ce mois, arrivera à la côte d'Arabie av. commencement du
renversement de la mousson et à une épocpie où l'escadre anglaise n'aura
pas encore effectué son retour de la côte Coromandel. Cette frégate pourra
donc aussi, en outre la mission dont elle est chargée, être dirigée vers le
Guzarate, Bombay et la côte Malabar jusqu'à Goa; montrer le pavillon
français; avoir des renseignements sur les forces navales anglaises, ap-
prendre des nouvelles sur la situation de la guerre entre les Mahrattes et
les Anglais et sur les divers événements qui ont eu lieu dans celte partie
du monde, ainsi que sur les dispositions de guerre ou de pai\ dans les-
quelles peuvent être les peuples du nord de l'Inde; rapporter ces nou-
velles au résident à .Mascate, qui fera encore son possible pour vous les
transmettre; car j'aime à me persuader qu'il réussira à vous faire par-
venir les dépêches intéressantes dont je lai chargé. L'espoir de ce succès
a encore été une des causes qui m'a fait le plus désirer que cette expédi-
tion ne soit point retardée.
Mais s'il y a une importance majeure de pouvoir disposer l'iman à
nous être utile pour parvenir à correspondre par la voie de terre ainsi
que pour avoir des renseignements sur ce qui se passe dans l'Inde et à
vous en tenir informé, il n'est pas moins intéressant, dans le cas où la
guerre serait inévitable, d'avoir un lieu sur lequel on puisse avoir quelque
confiance, et duquel on tirerait pour l'ile de France des grains, du
soufre et du salpêtre, etc., enfin tous les secours et moyens qu'il peut
offrir.
Mais comme, malgré mes recherches, je n'ai pu acquérir que des
notions très imparfaites sur la puissance réelle de l'iman, j'ai fait passer à
Mascate le capitaine du génie .Mécusson ; il y fera une reconnaissance telle
qu'avec les notes qu'adressera le résident Cavaignac, il ne restera plus,
je l'espère, rien à désirer sur ce que l'on doit attendre de nos rapports
avec cette partie du monde.
Comme j'ai déjà eu l'honneur de vous dire, citoyen ministre, ([ue, pour
avoir une correspondance par terre avec espérance de succès, il convien-
drait que nous eussions un agent à Bassora, il est possible que du minis-
tère des relations extérieures on vous réponde qu'il y a toujours eu quel-
qu'un à cette destination, ce qui est vrai; mais le citoyen Rousseau, qui
était chargé de cette mission, et auquel son fils a succédé, faisait, comme
celui-ci, sa résidence à Bagdad, et n'avait qu'un agent à Bassora; tandis
que, sous tous les rapports, il conviendrait beaucoup mieux que l'agent
principal fût résident à Bassora et qu'il y eût un agent secondaire à Bag-
dad. Je vous prie de prendre ceci en considération.
J'ai l'honneur, etc..
RAPPORTS DU PRIiFET LEGER AU MIXISTRE 379
COPIES DES LETTRES DU PRÉFET COLOMAL
ANNEXÉES SOLS LES NUMEROS 1 , 2 ET 3
A MA LETTRE AU MINISTRE DE LA MARINE SOUS LA DATE
DU 10 FRUCTIDOR AN XI.
A \» 1
A Pondichéry, le 9 messidor an \I.
Léger, préfet colonial des établissements français dans l'Inde,
au général Decrès, ministre de ta Marine et des colonies.
Général,
Un petit bâtiment part pour l'île de France : j'en profite pour rendre
compte à Votre Excellence de notre heureuse arrivée à Pondichéry. La
traversée n'a été que de dix-neuf jours depuis Madagascar : nous sommes
arrivés le 15 juin, 26 prairial, sans accident et sans perte d'honnne.
Les lettres de créance données par le capitaine général au commandant
Binot pour réclamer la remise de la place ont été remises à l'officier
anglais qui commande à Pondichéry; et, sur l'envoi qui en a été fait à
Madras, le gouverneur a répondu qu'il ne pouvait faire la remise avant
d'avoir reçu les ordres du gouverneur général de Calcutta.
Mais, en attendant cette réponse, on a permis le débarquement des
troupes; et des ordres ont été donnés au colonel CuUen, nommé commis-
saire britannique pour la remise, de s'occuper des détails préparatoires et
d'avoir pour nous tous les égards possibles. Je n'ai qu'à me louer, en
effet, des procédés de ce connnissaire.
Toutes facilités me sont données pour préparer les logements des troupes,
les hôpitaux, et pour assurer les subsistances.
On espère que la réponse sera prompte et conforme à nos désirs. Je
dois cependant vous observer qu'on attribue le retard de la remise à des
alarmes occasionnées par des dépt'ches du 11 mars, reçues par Constan-
tinople. On a paru, un moment, craindre de voir recommencer les hosti-
lités. Depuis deux jours, on est plus calme, et les gens qui raisonnent s'élè-
vent au-dessus des murmures populaires qui tendaient à donner une
méfiance très dangereuse.
Le capitaine Bruilhac, en raison de ces premiers bruits, a demandé à
retenir à bord une partie des troupes passagères, se trouvant trop faible-
ment armé. C'est une petite augmentation de dépense, puisque les soixante
hommes qu'il a retenus consomment à bord une ration de vin qu'ils
380 AIKMOIHES VA' JOURNAUX DU GK-VKHAL DKCAEX
n'auront point à terre. J'ai cru devoir consentira cette disposition qui met
cette frégate dans un état de force.
11 est impossible de se faire une idée de l'état de destruction de toutes
les propriétés nationales. Le gouvernement seul a été conservé. Les autres
maisons nationales ne pourront être réparées qu'à grand frais. On a détruit...
Le surplus de celte lettre annonçait quel(|ues dispositions provi-
soires pour le logement des troupes, etc... et Je prévoyais bien -. ,
disait le préfet, 'i que noire po.sition serait peu agréable dans
les commencements; mais je ne croyais pas trouver ces établisse-
ments publics si complètement détruits, v Enfin, il terminait cette
lettre par le paragrapbe suivant :
... Je suis trop peu lixé encore sur le motif de l'expédition militaire des
Anglais à Poonah pour hasarder d'en donner des détails. Le fait cat qu'ils
sont à Poonah comme auxiliaires ou gardes d'honneur du peschvvah. L'ex-
périence fait connaître ce que cette expression signilie. Bientôt le peschuah
sera pensionné, c'est-à-dire prisonnier. D'autres chefs mahrattes sont mé-
contents. L'arrivée de la division peut donner de l'inquiétude aux Anglais.
Salut, etc..
Signé : Légkr.
A N» 2.
Pondichéry, le 19 messidor.
Léger, préfet, etc., au ministre de la Marine.
Depuis le 9 de ce mois, date de la lettre que j'ai eu l'honneur de vous
écrire pour rendre compte de notre arrivée, notre position n'a pas changé.
Le gouvernement de iMadras n'a pas encore reçu de réponse du gouver-
neur général de Calcutta.
Le conunissaire délégué à Pondichéry a fait toutes les dispositions pour
améliorer en ce qui le concerne l'exécution de la remise.
Il n'existait ni pavillon anglais ni nuit pour la place. Il a fait rétablir
le mât qui existait anciennement, et le pavillon britannique qui flotte sur
la ville indique que nous n'en avons pas encore pris possession.
Le courrier de Madras nous apprit hier que de nouveaux pa(juets, reçus
par la caravane, datés de Londres du 26 mars paraissaient augmenter
l'inquiétude générale à Madras sur la durée de la paix. On parle d'une
alliance de la France avec la Russie, et du dessein manifesté de partager
l'empire de la Turquie. Votre excellence conçoit combien ces nouvelles
rendent notre situation fâcheuse.
Leson-dit ne doivent pas m'cmpècher de continuer les dépenses pour
RAPPORTS DU PRKFET LÉGER AU MINISTRE 381
les hôpitaux et pour le lojjeinent des troupes. Si les affaires politi(|ues
avaient chan<}é en Europe, vous ne nous abandonneriez certainement pas;
jnais il est bien différent d'être protégé ou d'être vengé.
Sans doute, si la guerre se déclarait, et si des forces un peu marquantes
nous arrivaient en ce monient, il ne serait peut-être pas difficile de faire
une révolution dans l'Inde. I^a guerre des Anglais contre les Malirattes a
créé un allié puissant. Ce serait à la côte de Bombay qu'il faudrait opérer
le débarquement. On assure que Holkar s'est racconniiodé avec Scindiah;
ces deu\ chefs réunis et soutenus par la France pourraient faire changer
la situation des Anglais. Une circonstance particulière peut faire croire
qu'ils en auraient la crainte.
La Gazette de Madras, qui ne manque jamais d'annoncer les plus petits
événements, qui rapporte scrupuleusement l'arrivée des plus petits bâti-
ments, n'a rien dit de l'arrivée de la frégate française : la remarque en a
été faite même par les Indiens, et le silence affecté de la Gazette produira
l'effet contraire. Les bruits populaires grossissent le nombre des vaisseaux
et des soldats attendus.
La division anglaise qui était à Trinquemalé est mouillée en ce moment
sur Gondelore (1). Ce voisinage a paru inquiéter le capitaine Bruilhac qui
désirerait recevoir en soldats son complet d'armement. Si j'aperçois quelques
dispositions qui doivent donner des craintes, je ne balancerai pas à l'armer
de manière à ce qu'il ait toutes les chances possibles pour échapper à l'en-
nemi. Mais j'avoue que je répugne à l'idée de voir la frégate appareiller sur
des craintes qui n'ont encore d'autre fondement que des bruits populaires.
J'ai fait ces observations au capitaine, mais je ne puis m'opposer à son
départ si des manœuvres douteuses de la part de la division anglaise le
mettaient dans le cas de se voir menacé.
Le citoyen Bruiv désirait se rendre à Tranque])ar. J'ai fait la demande
d'un passeport pour lui au commissaire anglais : il me l'a refusé en me
montrant l'article de ses instructions (|ui lui défend de donner des passe-
ports aux étrangers, qui doivent s'adresser à Madras pour les obtenir. Je
cite cette circonstance pour que vous jugiez des mesures de rigueur qui
annoncent autant de crainte qu'elles prouvent de despotisme politique.
Salut, etc..
Signé : Léger,
A N» 3.
Léger, préfet, etc., au ministre de la Marine, etc...,
datée du '21 messidor.
\ous avons, depuis trois jours une escadre anglaise mouillée en rade de
Gondelore (2) . Elle est forte de cinq vaisseaux de ligne et de quatre frégates.
(1) Cuddalore.
(2) Id.
382 MKMOIRES ET JOURNAUX DU GÉMÉRAL DECAEXJ
Le vaisseau le Trident, détaché de cette escadre, vint mouiller avant-hier
soir, à 7 heures, en rade de Pondichéry, près de la frérfate la Belle-Poule.
Le capitaine Bruilhac s'était rendu à bord aussitôt qu'on avait reconnu le
projet du capitaine anglais de venir en rade. Les choses se sont passées
avec décence, et aucune démarche de part ni d'autre n'a été dans le cas
d'altérer la bonne harmonie dont nous éprouvons les heureux effets dans
nos rapports avec lajj^ent du gouvernement anglais.
Le capitaine de la Belle-Poule prend toutes les mesures commandées par
la prudence, mais je désire qu'il n'y mette aucune affectation qui puisse
être regardée comme un acte de méfiance.
Rien jusqu'ici ne peut en inspirer, et j'ai des preuves que Tordre a été
donné à tous les agents répandus dans la province de nous donner toutes
facilités pour nos approvisionnements.
Il existe, à la vérité, des usages qui procurent aux chefs anglais certains
avantages pécuniaires et dont le montant se paie, en dernier résultat, par le
consommateur. Ce serait en vain que j'en demanderais la suppression. Il
vaut mieux se résigner à cette petite exaction que de faire une fausse
démarche.
SUjné : Lkger.
Je vais aussi transcrire la lettre que je reçus de l'adjudant com-
mandant Binot, aussitôt que le Marengo fut à l'ancre sur la rade
de Pondichéry.
Pondicliéry, le 22 messidor an \I.
Mox GÉXlCRflL,
J'ai l'honneur de vous rendre compte qu'après une relâche de 7 jours
dans la rade de I''oulpoinle, ile de Madagascar, la frégate est arrivée le
2G prairial devant Pondichéry, sans avoir éprouvé aucune contrariété ni
perdu un seul homme, ayant seulement de malades, dans le détachement,
un olficier et trois soldats. Aussitôt le mouillage opéré, j'ai envoyé près le
connnandant de Pondichéry le capitaine Lefebvre, votre aide de camp,
pour lui porter la lettre, dont vous avez copie sous le n° 1.
Dans la même journée, le lieutenant-colonel Denieuron, commandant
les troupes britanniques, me répondit (Vojez le n" 2).
Après avoir communiqué au préfet colonial la réponse du commandant
de Pondicliéry, il fut arrêté qu'afin de pouvoir nous occuper de suite des
préparatifs nécessaires pour la réception des troupes, nous débarquerions
le lendemain avec le capitaine du génie Dehon.
Les visites d'usage rendues au connnandant de Pondichéry et au
lieutenant-colonel Cullen, commis.saire du gouvernement anglais, chargé
de la remise des possessions françaises dans l'Inde, nous sommes allés
reconnaître les établissements convenables au logement des troupes.
CORRESPOX'DAXCK DR BIXOT 383
T,c 30, nous avons arrêl(? : 1" (|uc ri'<]lisc dos capucins servirait à loger
le bataillon de la IOÎ)<^; 2" que le magasin général et le hangar des
Cipajes anglais, situé au bord de la nier, seraient disposés ])our le batail-
lon de la 18^ légère; 3" que les bangars situés près l'iiôlel de la Monnaie
serviraient à la compagnie des gardes et à celle de l'artillerie légère; 4° que
le ci-devant atelier du génie logerait l'escouade d'ouvriers d'artillerie;
5" qu'il serait construit des hangars, dans l'enclos des missionnaires, pour
recevoir 200 malades.
Les devis faits par le capitaine du génie ont été remis au préfet colonial;
les travaux ont été commencés de suite et s'activent le plus possible.
Le même jour, j'ai reçu de Madras la lettre (Vojez le n» 3). Les nou-
velles difficultés qu'on apportait à me rendre Pondicliéry m'engagèrent à
en référer sur-le-champ au préfet colonial, conformément h vos instructions.
I,es gazettes anglaises, arrivées le nuMiie jour, apporti'rent des bruits de
guerre que lés Anglais ne manquèrent pas d'accréditer parmi les habitants,
tout en nous disant, à nous, qu'ils n'en croyaient rien : ceci me Gt con-
sentir, d'après l'avis du préfet, à la demande du capitaine commandant la
frégate la Belle-Poule de lui laisser à son bord la moitié du détachement,
afin de porter son équipage au complet de guerre.
Le 2 messidor, moitié du détachement débarqua, au contentement du
préfet et à l'étonnement des officiers anglais qui ne s'attendaient pas à voir
des troupes aussi bien portantes et en aussi bonne tenue. Pendant la tra-
versée et depuis !e débarquement, je n'ai eu qu'à me louer de l'ordre et
de la discipline de ce détachement.
A la tète des officiers de la lOf!* et de ceux des Cipayes, nous avons
été saluer AL Demeuron qui, le même jour, nous invita à dîner.
Les deux colonels anglais Demeuron et Cullen cherchent, par tous les
procédés les plus honnêtes, à nous faire oublier le retard que le gouver-
nement de Madras apporte à nous rendre Pondichéry. Ils donnent pour
raison que le lord Clive n'a pu ordonner que cette place me fut rendue
avant que les lettres dont j'étais porteur pour M. le manpiis de Wellesley
ne fussent parvenues au conseil de Calcutta, d'où les ordres seront donnés
au conseil de Madras pour la restitution de nos établissements.
Le 8, le lieutenant-colonel Cullen nous a donné un diner où il a porté
un toast au I*remier Consul, tout le monde debout et découvert. J'y
répondis par un autre à Sa Majesté Britannique. Au diner, à un bal et
souper qu'avait donnés antérieurement M. le colonel Demeuron, les toasts
par lui portés avaient toujours été insignifiants; m'étant aperçu qu'il
affectait de ne pas vouloir en porter un au Premier Consul, je me suis
cru dispensé de répondre.
Satisfait que le colonel Cullen ait rendu à notre premier magistrat ce
que l'honnêteté exige, et comiaissant le désir qu'il avait de posséder une
médaille représentant le Premier Consul, je lui en adressai une le lende-
main. Il m'en témoigna de suite sa reconnaissance dans une lettre dont
vous avez copie (n" -4)
38V iMKMOIRKS ET JOURXALX DU GEMERAL DECAEM
Le citoyen Lefebv re vous fera connaître les bruits de guerre répandus
par les Anglais, le prétendu blocus du port de Brest par une escadre
anglaise. J'attends d'ici à demain la réponse du lord Welleslcy. Si elle
tardait plus longtemps, il y aurait lieu de croire qu'ils apportent de la
mauvaise volonté k nous rendre nos établissements.
Je vous prie, mon général, de me faire connaître vos ordres sur le
débarquement, surtout de vos malades, afin qu'ils trouvent tout disposé
pour les recevoir.
Renvoyez-nous le plus tôt possible votre aide de camp, pour que nous
sachions si vous avez fait une heureuse traversée et si vous jouissez, ainsi
que votre famille, d'une bonne santé.
J'ai l'honneur, etc..
Signé : Binot.
Suivcnl les copies des lettres jointes à la précédente.
Lettre n» 1 .
En rade de Pondichëry le 26 prairial,
an XI de la République.
L'adjudant commanlanl Binot, etc., à Monsieur le commandant
des troupes de Sa Majesté Britannique à Pondichëry .
Le général Decaen, capitaine général des établissements français aux
Indes Orientales, en m'ordonnant de m'embarquer sur la frégate de la
République la Belle-Poule qui précède l'arrivée de la division française
à la côte de Coromandel, m'a muni de pouvoirs nécessaires pour rece-
voir la restitution de rétablissement de Pondichéry, suivant le traité
d'Amiens.
Je vous envoie, en conséquence, le citoyen Lefebvre, aide de camp du
capitaine général, alin de connaître le jour où je pourrai faire débarquer
les troupes à mes ordres et les envoyer relever celles de Sa Majesté Britan-
nique dans les différents postes de la ville.
Je charge le citoyen Lefebvre de vous remettre un paquet à l'adresse de
M. le gouverneur de .Madras, qui mérite d'autant plus d'être reconnnandé
qu'il contient des dépêches de votre gouvernement et du capitaine général
Decaen à M. le marquis de Wellesley.
Je suis flatté. Monsieur, que cette heureuse circonstance me procure
l'avantage de faire votre connai.ssance et de vous assurer de mes très
humbles civilités.
Pour copie conforme :
L'adjudant général : Signé : Bi.\ot.
CORRESPOXDAXCK DE BINOT :i85
Lettre n° 2.
Pondichëry, le 15 juin 1803.
Au général L. Binol, chef de V état -major de l'expédition des Indes
Orientales, à bord de la frégate la Belle-Poule, en rade de
Pondichéry.
Général,
Votre aide de camp, citoyen Lefebvre, m'a remis, avec la lettre dont vous
m'honorez, un paquet pour le gouvernement de Madras. Je l'adresse au Très
Honorable Gouverneur en Conseil, en demandant ses ordres qui fixeront le
jour auquel les troupes sous vos ordres pourront débarquer et prendre
possession de l'établissement. Je ne puis le permettre plus tôt, n'étant
muni d'aucun pouvoir à cet effet.
Je crois néanmoins ne pas m' écarter des intentions du gouvernement bri-
tannique en prenant sur moi de permettre que tous les officiers, civils et
militaires, qui auront votre approbation, descendent pour leurs affaires
particulières.
Je donne des ordi-es pour que vos officiers de santé trouvent tous les
secours qu'on peut leur donner pour l'établissement temporaire de leur
hôpital, dont les malades peuvent descendre dès aujourd'hui.
Un logement provisoire se prépare pour vous. Général, et je ferai tout
ce qui dépendra de moi pour que tout ce qui est sous vos ordres souffre
le moins possible de l'état inévitable qu'occasionne la distance d'ici à
Madras.
Je suis, avec la plus haute considération, etc..
Signé : De.meuro.v, lieutenant-colonel commandant.
Pour copie conforme :
Signé : L. Bixot.
Lettre n" 3 (date omise) .
B Au général Binot, commandant les troupes françaises
à Po7idichéry .
Monsieur,
Paragraphe 1'". — J'ai l'honneur de vous accuser la réception de la dépèche
adressée par vous au Très Honorable Lord Clive, et des dépèches incluses
envoyées de la part de Son Evccllence le général Decaen, et je suis chargé
II. 25
386 MliMOlRKS ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEN
de vous féliciter de la part de Sa Seijjncurie le Gouverneur en Conseil
sur votre arrivée dans l'Inde, à l'effet de recevoir la restitution des posses-
sions qui doivent être rendues à la République de France, conformément
aux termes du traité de pai\ définitif conclu à Amiens.
2^ — J'ai l'honneur de vous faire savoir, de la part du Très Honorable
Gouverneur en Conseil, que la dépêche adressée par Son Excellence le
général Decaen à Son Excellence le Très Noble marquis de W'cllesley a
été cîivoyée en conséquence à Son Excellence, au fort William ; et qu'aus-
sitôt que les ordres de Son Excellence en Conseil auront été reçus pour
effectuer la restitution des possessions françaises sur les côtes de Coroman-
del et de Malabar, les arrangements nécessaires seront pris à cet effet par
le Gouvernement du fort Saint-Georges, sans aucun délai.
3". — Je suis chargé de vous informer que, jusqu'à ce que ces ordres aient
été reçus de la part de Son Excellence le Très Noble Gouverneur en Con-
seil, l'officier commandant à Pondichéry a reçu des ordres pour vous aider
de tout son pouvoir à l'effet d'accommoder aussi convenablement que pos-
sible les troupes qui sont sous vos ordres dans cette place.
4^ — Le J'rès Honorable Gouverneur du fort Saint-Georges en Conseil
ayant pris la résolution de nommer le lieutenant-colonel Cullen commis-
saire de la part du Gouvernement britannique pour effectuer la restitution
des établissements de Pondichéry et de Karikal, aussitôt que les ordres et
les instructions de Son Excellence le Très Noble Gouverneur général en
Conseil auront été reçues pour ce sujet, j'ai l'honneur de vous informer de
la part de Sa Seigneurie en Conseil que toutes les communications qui
auront rapport à ce sujet vous seront faites par le canal de cet officier.
J'ai l'honneur d'être, etc..
Signé : G. Buchax, secrétaire en chef.
Pour traduction conforme :
Signé : Lefebure.
Pour copie conforme :
Signé : Bixot.
Lettre n° 4.
Pondichéry, le 28 juin 1803.
A Monsieur Binot, adjudant commandant.
Monsieur,
J'ai eu l'honneur de recevoir votre lettre avec la médaille du Premier
Consul.
Je ne puis vous exprimer combien je suis flatté de cette marque de votre
L'INCIDENT DE LA ' COTE D'OR » 387
considération et de votre estime. Je la conserverai avec ce soin qui est dû
à la ressemblance de l'un des plus grands hommes qui aient existé dans les
temps anciens et modernes, et comme un gage de l'amitié personnelle qui
règne entre nous.
J'ai l'honneur d'être, etc..
Signé : Cullem, lieutenant-colonel
et commissaire britannique.
Pour copie conforme :
Siyné : L. Binot.
Pièces annexées à la lettre écrite au ministre de la Marine, le
20 fructidor an XI, et relatives au navire la Côte-d'Or, arrêté et
ensuite relâché par les Anglais.
Pondichëry, le 28 messidor an XI.
B. C. ^- Binot, adjudant commandant, etc..
au général Decaen, etc..
J'ai eu l'honneur de vous informer, mon Général, par le vaisseau la
Côte-d'Or, de tout ce qui s'est passé depuis votre départ et de la réponse
que j'ai reçue du lord Clive à votre adresse.
J'attends toujours la décision du conseil de Calcutta; le colonel Cullen
m'assure qu'elle doit arriver incessamment.
L'amiral Rainier, auquel je me suis plaint de l'arrestation de la Côte-
d'Or (voir n° 1), m' ayant répondu d'une manière insignifiante (n° 2), je
lui ai de nouveau écrit pour lui faire sentir combien son procédé était
déplacé, en le prévenant qu'aussitôt c|ue ce vaisseau aurait pris des vivres,
je lui donnerais des ordres pour une nouvelle destination (voir le n" 3) .
Le même jour, je me suis empressé de communiquer au capitaine de la
Côte-d'Or l'ordre que m'avait laissé l'amiral Linois; dans la même nuit,
il a reçu son exécution.
Les Anglais qui, selon toute apparence, n'ont aucune envie d'agir osten-
siblement envers nous, ont laissé partir notre vaisseau de nuit, quoique
pouvant bien l'en empêcher, et se sont contentés de le faire suivre par
deux frégates. J'espère qu'il sera assez heureux pour arriver à sa destina-
tion.
Il paraît que l'amiral anglais est furieux de ne pouvoir retenir nos bâti-
ments. Il me fit dire, le matin du départ de la Côte-d'Or, par le colonel
Cullen, combien il était surpris que je donnasse des ordres aux bâtiments
qui étaient dans la rade, et que, bientôt, je verrais les frégates anglaises
ramener notre bâtiment.
388 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GEXERAL DECAEM
J'ai répondu que je désirais que Monsieur l'amiral m'adresse par écrit
ce qu'il pensait de ma conduite et de ce qu'il avait dessein de l'aire envers
nos bâtiments, et qu'enfin il me tardait d'apprendre si nous avions la paix
ou la jjucrre.
La flotte anglaise est toujours en rade, forte de cinq vaisseaux et trois
frégates.
Le citoyen liruiv m'ayant témoigné le plus grand désir d'aller vous
rejoindre, connaissant son zèle pour tout ce qui peut intéresser son pays,
je lui ai permis de partir et je l'ai chargé de mes paquets.
J'ai riionneur, etc..
SUjné : Bixot.
B. C. \»1.
Au quartier général, à Pondichéry,
le 24 messidor an XL
L'adjudant commandant L. Binot, chef de i étal-major de l expédition
des Indes Orientales, à Monsieur l'amiral Rainier, commandant les
forces navales de Sa Majesté Britannique dans les mers de l'Inde.
Ce n'est pas sans le plus grand étonnement que je me trouve forcé de
vous demander quelle peut être la raison qui vous a engagé à faire
mouiller près de vos vaisseaux un bâtiment de la République française
qui se dirigeait sur Pondichéry, lieu de sa destination.
J'étais loin de m'attcndre, Monsieur, à pareil procédé de votre part au
moment où je suis sur le point de reprendre possession de la ville.
Pour copie conforme :
Signé : Bixot.
B. C. \o 2.
A bord du Cenlurwn, en rade de Pondichéry,
le 14 juillet 1803.
Monsieur,
Avant de faire une réponse directe à votre lettre où vous me demandez
si péremptoirement la raison qui m'a fait mouiller le transport français la
Càte-d'Or près de mon pavillon, hier soir, je vous prie de me faire la
grâce de m'infornu'r par quelle autorité vous faites usage du style que
vous avez employé en vous adressant à moi, à cette occasion, vu que je ne
puis reconnaître aucun autre quartier général à Pondichéry que celui qui
L'INCIDEXT DE LA " COTE-D'OR » ;589
y est établi par le gouvernement britannique du fort Saint-Georges, jusqu'à
ce que ce gouvernement vous ait mis en pouvoir de reprendre possession
de cet établissement de la République française à laquelle l'arrestation du
susdit transport ne causera point, je vous assure, le moindre délai.
J'ai l'honneur d'être, etc..
Signé : Peter Raimkr,
Vice-amiral et commandant en chef l'escadre
de Sa Alajesté Britannique aux Indes Orientales.
A Monsieur Binot, adjudant commandant, etc. .
B.C. N"3.
Au quartier général de Pondiclu'-ry,
le -Q messidor an XI.
L'adjudant commandant Binot, etc., à Monsieur l'amiral Rainier.
J'ai l'honneur de vous observer, Monsieur, que d'après des pouvoirs
qui m'ont été donnés par le capitaine général des établissements français
dans l'Inde pour en recevoir la restitution, et l'agrément que m'a donné
le gouvernement britannique du fort Saint-Georges de m'établir à Pondi-
chéry avec les troupes sous mes ordres, je me trouve suffisanmient auto-
risé pour y prendre mon quartier général, ([uoique en y reconnaissant la
souveraineté anglaise.
Quant à l'arrestation du vaisseau la Côlc-d'Or, je vous répéterai que
rien ne me parait plus extraordinaire que votre procédé, et que vous per-
sistiez à le tenir sous votre surveillance.
Je vous préviens donc. Monsieur, qu'aussitôt que ce bâtiment aura pris
des vivres, je lui donnerai des ordres pour une nouvelle destination.
Pour copie conforme :
Signé : L. lii.xoT.
Pondichéry, 29 messidor.
JB. L. L. Binot, adjudant commandant, etc., au général Decaen,
capitaine général, etc..
J'ai l'honneur de vous rendre compte qu'en conséquence des ordres de
l'amiral Linois, la Côte-d^ Or uvaÀi quitté la rade de Pondichéry le 26 mes-
sidor. Elle vient d'être ramenée en rade par les Anglais, après avoir été
traitée de la manière la plus hostile, comme vous le verrez par le rapport
390 MEMOIRES ET JOUHMAUX DU GENERAL DECAEM
ci-joint. Je n'ai que le temps d'envoyer furtivement ce paquet à bord de
Y Alfred où déjà le citoyen Bruix est embarqué.
J'adresse de nouvelles plaintes au conseil de Madras contre l'amiral
Rainier et je demande : comment dois-je considérer ma position à Pondi-
chéry après un acte d'hostilité aussi marqué?
Le colonel Cullen est toujours t'i me répéter que rien n'est moins pro-
bable que la guerre. Je voudrais, de bien bon cœur, qu'il dise vrai, mon
Général, car nous ne tarderions pas à vous revoir, et moi, je serais le plus
heureux des hommes puisque je me trouverais hors des mains de la nation
la plus perfide.
Je vous prie de ne pas oublier celui qui vous est bien sincèrement
attaché.
Signé : L. Bixot.
B. C. Rapport du commandant de la Côte-d'Or.
Le 24 messidor au \I de la République française.
A 3 heures, j'ai eu connaissance des navires mouillés devant Pondi-
chéry, au nombre de trois et un brick. En môme temps, j'ai eu connais-
sance de trois bâtiments au vent à moi, dont un grand par mon travers
et un quatrième à terre de moi, cherchant à me rencontrer. J'ai pris ces
vaisseaux pour des bâtiments de la Compagnie. Mais, à une lieue et demie
des vaisseaux mouillés, je les ai reconnus anglais, et le pavillon anglais
sur Pondichéry. J'ai été bien surpris de ne pas y trouver la division,
d'après ce que m'avait dit un petit bâtiment français que j'avais rencontré
et qui s'était trouvé avec la division, le 12 de ce mois, par le 61" de lon-
gitude et par [le] 4" de latitude nord. Mes ordres portant de me rendre à
Pondichéry, j'ai continué ma route.
Le vaisseau qui était à terre de moi a viré de bord, arboré son pavil-
lon et assuré d'un coup de canon. J'ai cru que c'était pour me faire mettre
le mien, ce que j'ai fait. Mais, ma route me faisant passer devant lui, j'ai
vu avec surprise que, quand il a été dans mes eaux, il a laissé porter à
courir comme moi. Si nous eussions été en guerre, tous ces vaisseaux
n'auraient pas mieux fait pour m'empéchcr de leur échapper.
J'ai passé à la poupe du général anglais qui m'a dit de mouiller der-
rière lui, ce que j'ai fait, croyant que la rade cù ils étaient était celle des
gros bâtiments. Aussitôt mouillé, un officier du vaisseau amiral est venu à
bord et m'a dit qu'il y avait deux jours que la division était partie, com-
posée du Marengo, de V Alalante, de la Sémillante et du Bélier ; que la
Belle-Poule était partie le même jour pour Madras, et qu'il ignorait où
était allé le général et la division; que le général Linois avait prié le
général anglais de me dire de mouiller pour l'attendre.
L'IXCIDEXT DE LA ' COTE-D'OR " 391
Mais quelle a été ma surprise de voir revenir au mouillage les vaisseaux
qui étaient dehors, et de les voir mouiller l'un à tribord et l'autre à
bâbord, le troisième derrière!
Le vaisseau qui était derrière m'a envoyé un officier me dire, de la part
du général, que je pouvais aller mouiller demain devant Pondichérj , par
six brasses, en face de la ville; que j'y resterais, d'après les ordres du
général Linois, sous les ordres du général de mer et que le colonel Sainte-
Suzanne serait, d'après les ordres du général Decaen, sous les ordres du
colonel Cullen, commandant à Pondichéry ; qu'il n'y avait pas encore
d'ordre pour remettre la place, et qu'il n'y avait que les malades et les
femmes qui étaient à terre. A 7 heures, je me suis rendu, avec le colonel
Sainte-Suzanne, à bord de l'amiral pour avoir quelques détails : mais,
en nous recevant très honnêtement, on nous a dit que l'amiral se couchait
de très bonne heure et qu'il reposait.
Le 25 messidor.
Le lendemain matin à 8 heures, le petit bâtiment français que j'avais
rencontré, deux jours avant, a passé le long de mon bord, et m'a dit
qu'on avait voulu l'arrêter à Gondelore (I), mais qu'il avait continué sa
route et qu'on n'avait pas employé la force pour l'y contraindre. J'ai
appareillé et mouillé, par huit brasses, vis-à-vis de Pondichéry, le pavillon
au 0.-\'.-0. Il était alors 11 heures. Il est venu une schellingue de la terre
qui nous a dit que le général Binot était à terre avec les troupes qu'avait
apportées la Belle-Poule. Aussitôt nous avons reçu l'invitation de descendre,
M. Sainte-Suzanne et moi. Nous nous sommes rendus chez le général Binot
qui nous a dit que tout ce que nous avaient dit les Anglais était faux, que
le général Linois, la nuit de l'arrivée du Bélier, avait appareillé : il m'a
remis un ordre, pour copie conforme, du général Linois avec injonction
de l'exécuter; mais la grande surveillance des chaloupes des vaisseaux qui
étaient venus au même mouillage que moi, et disposés de manière qu'ils
étaient depuis le X.-E. au S.-S.-O., en outre, calme, je n'ai pu l'exécuter.
Du 26 messidor.
Sur les 10 heures du soir, j'ai mis une embossure sur mon câble, et à
11 heures, je l'ai fait couper; faible brise du S.-S.-E. J'ai abattu sur
bâbord, fait mettre le petit foc et la grande voile d'étai, le cap au nord,
j'ai tiré le foc de derrière, après avoir dépassé le vaisseau le plus près de
moi, j'ai laissé tomber la misaine. J'avais fait au plus un quart de lieue
que j'ai vu des coups de fusil qu'on tirait du rivage, et des signaux à bord
des vaisseaux. J'ai alors fait toutes voiles le long de la côte que je côtoyais
de très près, où, de distance en distance, il y avait des embarcations d'où
partaient des coups de fusil, et une qui nous suivait et tirait aussi fréquem-
(1) Cuddalore.
392 MEMOIRES ET JOURVAIX DU GENERAL DECAEN
xnent. Vers minuit, la brise a pris faveur. Cinglé à l'E.-N.-E., tout en voiles
et bonnettes; à 3 heures, j'ai distingué une frégate qui était dans mes eaux.
A 5 heures et demie, elle était dans ma hanche du vent, et m'a hélé en
arborant son pavillon. J'ai mis le mien. Voici le pourparler :
Demande du capitaine anglais. — L'amiral anglais vous fait dire de
virer de bord et de revenir au mouillage.
Réponse. — Je ne peux pas, je suis ma destination; je n'ai point
d'ordres à recevoir de l'amiral anglais, étant en paix avec sa nation.
Demande. — Répétition de la sommation de virer de bord et de le
suivre; qu'il m'y forcerait et qu'il m'en arriverait malheur.
Réponse. — Que je ne pouvais faire ce qu'il désirait.
Demande. — Répétition de la môme menace; que c'était pour la der-
nière fois, oui ou non.
Réponse. — Mon, non.
Aussitôt, il a tiré un coup de pistolet (nous étions à cette portée). La
mousqucterie et son artillerie font feu sur moi et à dessein de me couler,
puisqu'un boulet a porté à fleur d'eau, un autre dans le corps du vaisseau
et les autres dans les voiles. J'ai fait amener le pavillon. La frégate a
continué de tirer. J'ai fait amener mes perroquets et carguer mes basses
voiles et mis en panne. Alors le feu a cessé. Deux officiers sont venus à
bord et m'ont dit que le capitaine m'ordonnait de retourner à Pondichéry.
J'ai demandé : « Avons-nous la guerre? " [L'un] a répondu : « Je ne
crois pas. — Vous avez tiré sur moi quoique nous ne soyons pas en guerre ;
mon navire ne m'appartient plus. J'en fais l'abandon ;\ votre capitaine : il
peut en disposer à son gré. » Il m'a dit qu'il allait rester à bord et qu'il
me priait de faire manœuvrer pour retourner à Pondichéry : craignant de
nouvelles violences et voulant éviter de nouveaux malheurs, et l'usage étant
que, lorsqu'un vaisseau est amené, il est sous les ordres de celui qui l'a
forcé, j'ai fait voile pour Pondichéry, escorté parla frégate la Terpsichore.
Signé : Dufresxe-Laigle.
Xous, soussignés, certifions le contenu véritable. En foi de quoi nous
avons signé pour servir où besoin sera.
En rade de Pondichéry, le 29 messidor an XI.
Signé : Sainte-Suzanne, chef de bataillon;
Cavaigxac, résident à Mascate ;
Lerch, chef de bataillon.
Pour copie conforme :
L'adjudant commandant : Signé : L. Bixot.
RAPPORT DE BI.MOT A DEGAEX 393
B. C.
A bord de la Colc-d'Or, le 27 messidor an XI.
Le chef de brigade Sainte -Suzanne, commandant l'infanterie fran-
çaise de l'expédition de l'Inde, à Monsieur l'amiral Rainier, com-
mandant les forces navales anglaises.
Je suis élonnc de l'acte hostile que vous venez de faire exercer envers
la Côte-d'Or à bord duquel je commande trois cents hommes, sous le
prétexte inouï qu'il était parti de la rade de Pondichéry sans vos ordres.
Depuis quand, Monsieur l'Amiral, les vaisseaux et les soldats français
sont-ils sous les ordres des généraux de l'Angleterre? Et pourquoi, lorsque
nos deux nations sont en paix, s'est-on permis à notre égard des mesures
hostiles et une violation ouverte du droit des gens? Xous naviguions sous
la foi des traités et nous étions loin de penser que nous avions en vous
des ennemis. Je n'ai cédé. Monsieur l'Amiral, qu'à la fusillade et à plusieurs
bordées à la portée du pistolet, parce que, comme vous le savez bien, je
n'avais ni canons, ni cartouches; et que votre frégate, maîtresse de ses
manœuvres et de la marche sur un bâtiment de commerce, s'est pru-
demment placée sur le vent à nous. C'est ainsi que cet officier s'est pro-
curé une gloire facile sur un bâtiment non armé et sur des hommes sans
défense.
Etant votre prisonnier, ainsi que ma troupe, je vous prie. Monsieur
l'Amiral, de vouloir bien donner des ordres pour son débarquement et sa
subsistance.
Pour copie conforme :
Le chef de bataillon : Signé : Sainte-Suzanne.
Pour copie conforme :
L'adjudant commandant : Signé : L. Binot.
Pondichéry, le 4 thermidor an XI.
L. Binot, adjudant commandant, au général Decacn,
capitaine général, etc..
J'avais eu l'honneur, mon Général, de vous accuser la réception de vos
instructions, en date du 23 messidor dernier, par le transport la Côte-d'Or
lorsqu'il partit de cette rade, dans la nuit du 26 au 27, en exécution des
ordres de l'amiral Linois dont je lui avais adressé copie. Mais la conduite
hostile des Anglais envers ce bâtiment, ayant forcé le capitaine d'amener
son pavillon et de se considérer comme prisonnier, obligea le colonel
Sainte-Suzanne à jeter une dépêche à la mer : elle contenait les copies ci-
jointes de ma lettre au colonel Cullen, dans laquelle je lui faisais connaître
39V MEMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEN
les nouveaux; pouvoirs dont vous m'aviez revêtu, de sa réponse (n" 1), de
deux autres lettres, dont une à l'amiral Rainier et l'autre au colonel CuUen,
relative à l'arrestation de la Côte-d'Ov (voir le n" 2).
J'ai à vous rendre compte de ce qui s'est passé depuis le 29 messidor
que la Côte-d'Or a été i-amenée de force au mouillage de Pondichéry par
une frégate anglaise.
Le citoyen Bruix, que j'ai fait partir sur le bâtiment marchand
V Alfred, le 30 du mois dernier, vous porte le rapport du capitaine sur
l'insulte faite à notre pavillon. J'enjoins ici une autre copie (n° 3).
Au moment où V Alfred a appareillé, la Côte-d'Or était encore retenue
par l'amiral anglais, et je venais, en conséquence, de lui écrire la lettre
dont copie sous le n» 4; et au lord Clive, à Madras, celle dont la copie
porte le n» 5.
Le colonel Sainte-Suzanne, prévenu que je le considérais, ainsi que sa
troupe, comme prisonnier des Anglais, d'après l'hostilité commise envers
le bâtiment qu'il montait, était au moment de recevoir de l'amiral Rai-
nier et du colonel Cullen tous les secours que je m'obstinais à lui refuser
ouvertement, lorsque, le 1" thermidor, il est arrivé de Madras, à l'amiral
Rainier, une dépêche portant désapprobation de sa conduite envers le
transport la Côte-d'Or, ce qui l'a obligé de m'écrire, le lende main, la
lettre dont copie n" 6.
J'ai de suite ordonné au capitaine Dufresne de repartir pour l'île de
France. Mais, sur l'observation qu'il n'avait pas d'eau, je lui ai permij
d'en faire, en lui enjoignant d'y apporter la plus grande célérité.
J'attends une réponse à la lettre que j'ai écrite à Madras.
Je suis presque assuré que le conseil enverra des commissaires pour
réparer l'insulte faite à notre pavillon, et j'ose croire que, cette circons-
tance ne faisant qu'accélérer la reddition de la place, nous serons assez
heureux pour vous voir revenir sous deux mois.
J'aurais bien désiré que, dans vos instructions, l'arrivée de la Côte-
d'Or y eût été prévue car en l'envoyant à l'île de France, n'est-ce pas lui
faire faire un faux mouvement? Je ne puis cependant point prendre sur
moi de lui ordonner de rester ici, d'après l'ordre du contre-amiral Linois.
Lefebvre, que j'ai chargé d'entretenir quelques relations avec des per-
sonnes sûres, tant à Madras qu'à Tranquebar, vous donne quelques détails
sur ce qui se passe dans l'Hindoustan. Il paraît que tout ce qu'il y a de
petites fortifications sur la côte va être démoli et même jusqu'à 30 ou
40 lieues dans les terres. Il y a, dans ce moment, à Gondelore (1), un offi-
cier du génie chargé de la démolition de son mauvais fort. Cette mesure
paraît dictée par la nécessité où sont les Anglais de mettre en campagne le
plus de troupes possible.
J'ai l'honneur, etc..
Signé : L. Iîinot.
(1) Cuddaloie.
RÉCLAMATIOX DE BINOT A LORD CLIVE 395
N" 4.
Pondichéry, le 20 messidor an XI.
//. Binot, adjudant commandant, à Monsieur l'amiral Rainier.
D'après le compte que vient de me rendre le chef de brigade Sainte-
Suzanne, commandant l'infanterie française de l'expédition de l'Inde, sur
la conduite hostile qu'a tenue, envers le transport la Côte-d'Or, une des
frégates à vos ordres, je n'ai plus lieu de douter que la guerre ne soit
déclarée entre nos deux nations.
Je vous préviens donc qu'en conséquence de ce malheureux événement,
je considère les troupes françaises à bord de la Côte-d'Or comme prison-
nières, et que tant que vous vous opposerez à leur départ, je cesserai de
nroccupcr de leurs besoins en tout genre.
Il me reste. Monsieur l'Amiral, à vous prier de vouloirjbien adoucir la
captivité des troupes françaises en donnant vos ordres pour qu'il leur soit
fourni les rafraîchissements dont elles ont grand besoin. Je vous en aurai
une obligation toute particulière.
Pour copie conforme :
Signé : L. Bi\ot.
N" 5.
A Pondichéry, le 29 messidor an XL
L'adjudant commandant Binot, chej de l'ctat-major de l'expédition
de l'Inde, à Monsieur le Gouverneur du fort Saint-Georges y pré-
sident du conseil de Madras.
J'ai l'honneur de témoigner ù Votre Excellence mon étonnemcnt sur
l'acte d'hostilité qui a été exercé envers le vaisseau de la République fran-
çaise la Côte-d'Or, chargé de trois cents hommes de ses troupes.
Ce bâtiment, ayant appareillé dans la nuit du 25 au 26 du courant, de
la rade de Pondichéry, pour se rendre à une destination que m'avait
chargé de lui donner le capitaine général Decaen, a été arrêté dans sa
marche, à environ 40 milles de Pondichéry, par une frégate envoyée à sa
poursuite par Monsieur l'amiral Rainier.
Le capitaine de la frégate, après l'avoir atteint, l'a sommé de revenir à
Pondichéry. Sur le refus fait par le capitaine du vaisseau de se rendre à
cette sonniiation, et après avoir répondu qu'il n'avait point d'ordres à
recevoir de M. l'amiral anglais, et qu'il suivrait sa destination, la som-
396 MÉMOIRES ET JOURNAUX DU GÉATÉRAL DEGAEXf
mation répétée une deuxième et troisième fois, même refus de la part du
capitaine du vaisseau de s'y rendre, il a été fait sur lui, à portée de
pistolet, une décharge de mousqucteric et d'artillerie dirinjée de manière
qu'un boulet est entré à fleur d'eau dans le corps du bâtiment, le reste de
la bordée, dans les voiles.
Le capitaine ajant fait amener son pavillon, le feu n'a pas moins con-
tinué, et ce n'est qu'après que le bâtiment a été mis en panne que la fré-
jjate a cessé son feu : deux officiers anglais arrivés à bord, le capitaine
leur a remis son vaisseau qu'ils ont dirigé sur Pondicbéry.
Le chef de brigade Sainte-Suzanne s'est constitué prisonnier ainsi que la
troupe sous ses ordres.
D'après un acte aussi hostile, je ne doute nullement que la guerre ne
soit déclarée entre nos deux nations.
Monsieur l'amiral Rainier n'a rien respecté. J'ai eu l'honneur de le
prévenir, par ma lettre du 25 courant, qu'aussitôt que ce bâtiment aurait
pris des vivres, il partirait pour une nouvelle destination. Qui a donc pu
porter Monsieur l'amiral à agir aussi hostilement envers la nation fran-
çaise, arrivant ici sur la foi des traités? Je viens en conséquence de le pré-
venir que je considérais le vaisseau comme prise faite par la nation anglaise
et la troupe, prisonnière; que je cessais, dès ce moment, de m'occuper de
ses besoins.
J'ose me flatter qu'il aura pour elle tous les égards qu'elle mérite.
Ce malheureux événement me met dans le cas de demander à Votre
Excellence une explication sur ma position ici.
Je suis venu, d'après les ordres du capitaine général, pour recevoir la
restitution des établissements français à la côte de Coromandel. Je suis
débarqué avec un détachement de 200 hommes, sur l'invitation du colo-
nel Demeuron, commandant alors à Pondicbéry, et sur la piomesse que
m'a donnée Monsieur le lieutenant-colonel Cullen, commissaire de Sa
Majesté Britannique, de me remettre sous peu nos établissements. Depuis
plus d'un mois, j'attends votre réponse et l'exécution de la promesse : j'ai
tout lieu de croire qu'elle ne sera pas satisfaisante, et avec d'autant plus
de raison que des hostilités ont été commises envers un vaisseau chargé
de troupes de la République française.
Le général Decaen, capitaine général, avant son départ, m'ayant remis
ses instructions pour attendre la restitution des établissements français, je
prie Son Excellence de vouloir bien me dire si elle aura lieu, et si la con-
duite de l'amiral Rainier envers les représentants de la République fran-
çaise dans l'Inde a été commandée et approuvée par vous, Monsieur le
Gouverneur.
J'ai l'honneur, etc..
Pour copie conforme :
Signé : L. Binot.
REPONSE DE LORD CLIVE A DECAEN 397
M^' 6.
A bord du Centurion, en rade de Pondichéry,
le 20 juillet 1803.
A Vadjudant commandant L, B'inot, chef de Vétat-major français
à Pondichérij.
Monsieur,
J'ai à vous annoncer la réception de votre lettre d'hier, en réponse à
laquelle j'ai la satisfaction de vous annoncer que le vaisseau la Côte-d'Or
est, dès ce moment, à votre disposition, le gouvernement du fort Saint-
Georges m'ayant, par sa dépêche du 16 du présent, que je n'ai reçue que
ce matin par un exprès, signifié son entière désapprobation de la détention
de ce vaisseau, en réponse à la lettre que j'écrivis pour soumetti'e à ses
sages et respectables conseils ma conduite dans cette mesure, immédiate-
ment après que je l'eus adoptée.
Vous calculerez l'espace de temps que j'ai attendu pour cette décision,
et soyez assuré que je n'ai pas eu d'autre motif pour ramener la Côte-
d'Or en rade, et pour sa courte et subséquente détention. Telle est égale-
ment la nature de l'explication que j'ai annoncée dans ma réponse à la
lettre que m'écrivit hier le chef de brigade Sainte-Suzanne.
J'ai l'honneur d'être, etc..
Signé : Peter Rainier.
Pour traduction conforme :
Siijné : L. Bixor.
A Son Excellence le Général Decaen, capitaine (jênéral
des étahlissemenls français dans les Indes orientales, etc..
Monsieur,
Paragraphe 1". — J'ai eu l'honneur de recevoir la lettre qui m'a été
remise par l'aide de camp de Votre l'excellence, qui est arrivé au fort
Saint-Georges ce matin ; et j'ai aussi l'honneur de profiter de cette occasion
pour vous accuser la réception de la lettre de Votre Excellence qui m'a
été transmise à l'arrivée du colonel Binot à Pondichéry.
2". — J'ai profité de la première occasion pour faire écrire au colonel
Binot, à l'effet de faire savoir à cet officier que la dépêche adressée par
Votre Excellence à Son Excellence le Très Noble marquis de Wellesley a
été envoyée de suite au fort William, et de lui faire connaître la nécessité
où j'ai été de m'adresser à Son Excellence le Gouverneur Général en Conseil,
à l'effet de recevoir les instructions de Son Excellence pour tout ce qui con-
398 MÉMOIRES KT JOURXAUX DU GENERAL DECAEN
cerne la restitution des établissements coloniaux français dans l'Inde.
3«. — En me référant, en conséquence, à une explication à ce sujet, j'es-
pc-re que Votre Kvcellencc ne trouvera pas mauvais que, l'exécution de la
teneur du traité d'Amiens dépendant des ordres du «[ouvcrnement suprême
du Benfjale, il ne nie sera pas possible d'anticiper les ordres que j'attends
de Son Excellence le Tri-s Xoble Gouverneur Général en Conseil à ce sujet,
et tandis que je regrette le désagrément que Votre Excellence peut éprou-
ver du retard de la restitution de l'établissement de Pondichéry sous l'au-
torité de la République française, j'espère que Votre Excellence sera
assurée qu'aucun délai n'a eu lieu qu'il ait été possible au gouverne-
ment de l'Inde d'éviter.
4^ — J'aurai l'honneur de communiquer à Son Excellence le Très Noble
Gouverneur Général en Conseil copie de la dépèche que j'ai récemment
reçue de Votre Excellence.
5^ — En transmettant à Votre Excellence l'expression de mes félicitations
sur son arrivée dans l'Inde à l'effet de prendre le commandement des
possessions qui sont sur le point d'être rendues à la République fran-
çaise, conformément à la teneur du traité d'Amiens, je prends la liberté
d'assurer Votre Excellence que j'ai éprouvé la plus grande satisfaction des
sentiments qu'exprime Votre Excellence relativement aux soins qu'il nous
a été possible d'avoir pour le détachement de troupes arrivé sur la frégate
la lielle-Poulc, conformément aux ordres ([ue j'ai fait donner aux officiers
anglais à Pondichéry à ce sujet; et je me tiatte que Votre Excellence sera
assurée de la satisfaction que j'éprouverai en continuant à [maintenir] les
relations d'amitié entre les gouvernements de nos états l'espectifs dans l'Inde.
6^ — J'ai l'honneur de faire savoir à Votre Excellence que j'ai donné des
instructions au lieutenant-colonel Cullen, que j'ai nommé commissaire de
la part du gouvernement britannique pour effectuer la restitution des éta-
blissements de Pondichéry et de Karikal, pour qu'il continue, par tous les
moyens qui seront en son pouvoir, à accommoder les troupes qui sont
arrivées à Pondichéry sous les ordres de Votre Excellence.
7^ — Je prie Votre Excellence de recevoir l'assurance de ma haute consi-
dération, et j'ai l'honneur d'être, etc..
Signé : Clive,
Fort Sainl-Georges, le 12 juillet 1803.
Lettre de mon aide^ de camp.
Mon Géxéual,
J'avais déjà eu l'honneur de vous écrire par la Càte-cl'Or lorsqu'elle
partit pour la première fois de la rade de Pondichéry. Mais son retour
extraordinaire et son séjour de quelques jours ici me fournissent les moyens
RAPPORT DE LEFEBVRE 399
de recomiuencer ma lettre et d'ajouter quelque chose à ce que je \ous
mandais.
Conformément aux ordres que je reçus de vous, le 22 messidor, pour
porter vos dépêches à Madras, je me suis rendu à bord de la Belle-Poule
qui a mis à la voile entre 8 et 9 heures du soir. Mous avons mouillé, le
lendemain 23, en rade de Madras, après douze heures de traversée. Le
capitaine Bruilhac m'envoya à terre dans son canot.
Je me rendis d'abord chez le major de place, et de suite chez le lord Clive
qui était à la campagne. Je lui remis la dépèche dont vous m'aviez chargé
et me disposai de suite à me remettre en l'oute, par terre, pour vous rap-
porter la réponse que je n'avais pu avoir que le lendemain à midi.
Je ne perdis pas un instant pour me conformer à l'ordre que vous
m'aviez donné de faire toute la diligence possible.
Je repartis de Madras immédiatement et j'arrivai à Pondichéry le 25,
à 5 heures du soir. Je remis à l'adjudant commandant Binot la lettre de
lord Clive en lui témoignant combien je regrettais de ne pas pouvoir vous
la donner moi-même.
Ma première question, en apprenant le départ de la division, fut de
m'informer si vous aviez eu la bonté dépenser à moi en partant, et si vous
aviez laissé quelque instruction, à mon égard, au général Binot. Mais votre
départ précipité n'a sûrement pas permis que je fusse excepté de vos dis-
positions générales; en conséquence, je ne puis m'empècherde me regarder
toujours comme à mon poste auprès de celui que vous avez revêtu de tous
vos pouvoirs, puisque le motif qui vous détermina à m'envoyer avec lui en
avant était l'utilité qu'il pouvait tirer de quelques connaissances que j'ai
du pays où nous sommes maintenant.
Permettez, mon Général, qu'en regrettant l'événement qui me sépare de
vous une seconde fois, je me recommande à votre souvenir : je profiterai
de la première occasion pour me rendre à votre quartier général, dès que
le général Binot voudra bien m'expédier près de vous. La circonstance est
trop délicate et trop critique pour que je puisse penser à l'abandonner
dans ce moment; et je m'estimerai toujours très heureux de partager avec
lui toutes les chances bonnes ou mauvaises qu'il pourra courir, persuadé
qu'en cherchant à me rendre utile, je me conformerai à vos intentions et
que c'est le seul moyen de me conserver des titres à votre bienveillance.
Depuis que je vous ai écrit par le brick V Alfred, les nouvelles politiques
n'ont pas changé de caractère. Il est certain que le général Perron, qu'on
croyait à Calcutta, est toujours au camp de Scindiah, et il parait que la
réconciliation de ce prince avec Holkar n'est plus douteuse. Moodajee
Boucelah [?J tient sur pied une armée formidable et l'on s'attend à chaque
instant à une déclaration positive de sa part en faveur de la régence de
Poonah, si les Anglais ne se désistent pas de leurs prétentions sur les
rives du Toombudra (1). II y a apparence que Boucelah envahira le Bengale,
(1) Le Tungabhadra.
400 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GEXERAL DEGAEN
tandis que Scindiah et Holkar réunis pourront dicter à rarmée de Poonah
les lois qu'ils jugeront convenables.
FjCS Anglais, à la côte, sont loin d'être tranquilles; ils démolissent toutes
leurs forteresses à 30 milles dans l'intérieur, probablement dans la craintte
que les Français, en cas d'hostilité, ne fassent un débarquement sur quelque
point de la côte, oà ils se maintiendraient aisément, puisque la présidence
de Madras n'a pas mille Européens disponibles depuis la côte d'Orissa jus-
qu'au cap Comorin.
La démolition du fort de Gondelore se poursuit avee beaucoup d'ardeur
et est sur le point d'être achevée.
Le général Binot vous donnera les détails de toutes nos transactions avec
le gouvernement de Madras; c'est pourquoi je ne vous en entretiendrai
pas.
J'ai l'honneur, etc.
Signé : Stanislas Lefebvre (1).
(1) Pour le séjour de Decaen à l'île de France, voir la remarquable thèse de H. Pre.v-
toi;t, l'Ile de France sous Decaen.
GOXCORDAMCE
DES
CALENDRIERS RÉPUBLICAIN ET GRÉGORIEN
CONCORDANCE DES ANNÉES
CORRESPONDANTS
1 CORRESPOADANTS
pour les quatre derniers mois
1 pour les huit premiers mois
de l'année grégorienne
\ ANS
\ de l'année grégorienne
(quatre premier! de l'aonée répablicaÏDe)
i
(huit deroierB de l'année répnblicaine)
auï années grégoriennes
1
aux années grégoriennes
A
B
1793
II
1794
179V
III
1795
1795
IV
1796
1796
V
1797
1797
VI
1798
1798
VII
1799
1799
VIII
1800
1800
IX
1801
1801
X
1802
1802
XI
1803
1803
XII
1804
1804
XIII
1805
1805
XIV
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26
CONCORDANCE DES MOIS ET DES JOURS
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INDEX ALPHABÉTIQUE
POUR LES TO.MKS I ET II
Aach, I, 199, 2n à iiô, 228. 229, 300.
Aach (f), I. 224. 22i.
Aalen, I, 117, 122 à 127; II, 32, 33, 77.
Aarau, I, 283, 200.
Ab.îxcoirt (u'). II, 82, 83. 87.
AiiiiATUcci, I, 85 à 92, 97; II, 58, 288.
AuuALLis (les), II, 375.
Abersdorf, II, 142, 145.
Abcr-Sec, II, ISO, 182. 185.
Abreschwiller, I, 10.
Abtsdorfer-See, II. 168.
Achenbach, II, 149. 152.
Achen-See, II. 91.
Achen-TIuil, II, 109.
Achkarren, I. 275, 276.
Adelshofeii, I, 388, 391.
Adetsbac/i, I. 366, 368, 388.
Adige (1). I, 303.
Adlwançi, I, 203.
Affenlhul, I, 104.
."Ifghaxs (les), II, 375.
Ager (f), II, 22, 222.
A/ilen, I. 161, 162,
Aibling, II, 62, 68. 70, 90, 99, 109, 129
à 132, 154, 156 à 158.
Aichucli, II, 37 à 39.
Ain (Volontaires de l'j, I, 10. 12, 75, 79.
Aisliiigen, II, 22 à 24.
Aisne, I, 211.
Aix, II, 257.
AlaiSj l, 7.
Atbaching, II, 146, 147, 149, 241, 242.
Albech, II, 28.
Albert (Cuirassiers, d'), I, 334. 378.
Albittk, I, 4.
Aldi/tgen, I, 170.
Atcndorf, II. 194.
Aleiiçon, I. 202, 366, 367.
Alelshausen, II, 10.
.Wred (!•), II, 366, 399.
Algérie, I, 261 ; II, 9.
Allemagne, I, 207; II. 101, 116, 117.
Allemagne (Armée d). I. 11. 116, 173,
196, 200, 213, 240, 328; II, 11.
Alleshaiisen, I, 159, 161.
Allier (Département de 1), II, 15.
Alm (1), II, 203, 212.
Almendsiio/en, I, 171.
Alpes (.Armée des), 1, 35.
Alpes (^Légion des}, I. 328.
Alpirsbaeh, I, 196.
Alsace, I, 6, 323.
Alsace (Régiment d'), I, 328.
Alsheim, I, 347.
Altdorf, I, 329.
Altexbruck, I, 376, 383, 391, 394, 395,
398.
Altenmarkt, II, 161, 163, 164, 226.
Altering, II, 165, 168, 174.
Aliheim, II, 107.
Altikon, I, 285 à 287.
Alikircb, I. 283.
Allmùhl (1), I, 150.
AU-Oelling, II, 79, 81, 107.
Alxing, II, 95, 120, 121, 126, 132, 135.
Ah (1). II, 161, 162, 164, 165.
Ambjise, I, 65.
Ameimig, II, 160, 161.
Amérique, I, 6, 7.
Amertshofev , I, 138, 153.
Amiens, I, 9, 71 ; II, 260. 297, 299, 303,
312, 314, 332, ;366.
Amis de la République (les), I, 11, 73,
78, 79.
Ammer See, II, 39, 42, 60, 76, 97.
Amper (1'), II, 41, 42, 51, 54.
Ampjing, II, 106, 132.
Amsterdam, I, 194.
408 MKAIOIRKS ET JOUR\tAUX DU GKIVERAL DECAEM
Amsterdam (Batterie d), 11, 333, 334, 336.
AmsteUcn, 11, 217.
Andalousie, 1, 1 li.
Ande'fingen, 1, 285, 286, 287, 288, 309.
Ang-^rs, I. 20, 54, 81, 82.
Angleterre, 1, 400; II. 43, 45, 53, 117,
291, 335 à 401.
Angleterre (Armée d"), 1, 9. 189, 190.
Axr.oixKMK (dlc d"), 1, 12.
Anhauscn (8 km. E.-S.-E. de Gûnzburg),
II, 17.
Anli(iusen{%Vva. S. de Heidenbeim), II, 31.
Anjou (Régiment d), I, 11, 38.
Ankkr, II, .366.
Anselfingen, I, 199, 217.
Anspach, I, 103.
Anspach (Cuirassiers d), I, 95, 102, 167,
• 387, 393.
Anlhering, II. 177. 178, 184.
Antibes, II, 257.
Anvers, I 90, 148, 328.
Anùng, II, 62. 90, 121, 128, 130, 134,
135, 148, 240.
Appenweier, I, 97, 98 à 101.
Aquitaine (Régiment d'), I, 109.
Arabie, II, 370 à 373, 378.
Ardennes, I, 244, 247.
Ardennes (rtrmée des), I, 23, 313.
Ardennes (Volontaires desj, I. 247.
Argentat, I, 105.
Ariège, I, 194.
Arles, I, 35.
Arras, II, 231.
Artois (Régiment d), I, 129.
Asbach, I, 136, 338.
Aschau, II. 148, 149.
Asc/ilieiin, II, 56, 63 à 65.
-assemblée Législative. I. 3, 4, 9.
Aismannshardt, I, 159.
Alalante(l"), 11,278, 370 à 372, 378, 390.
Altel, II, 130, 132, 138, 150, 153, 154,
157.
Allenueiler, I, 159.
AiiifcBT-DL'UAVKT (Voir Dlb.avkt).
Auch. I. 399: II, 20.
Auenheim, I, 345, 356 à 358, 409, 415,
416.
Aucrnlieim, II, 31, 32.
Auaslacdl, II, 8.
Aufhaufen, 1, 125.
Au//io/tn, 1, 159
AlGUliKAI. II. 191, 198.
Augsbourg. I, 136 i 138, 151, 154 .11, II,
1.1, 18, 26, 34 à 38, 41, 42, 49, 51,
52. 54, 71, 77. 81, 102, 114 119, 212,
224, 227 à 231, 233, 234.
Aunis (Régiment d). I, II, 54.
Autriche, I. 7, 90, 430; II. 6. 100, 105,
130, 187, 188, 191, 193, 204, 224.
Auxonne, 1.12
Avignon, II, 257.
A/.ivcouRT (u), I, 10, 15, 25, 59.
Jfabenhausen, II, 5, 6, 8, 10 à 13.
Baeharach, I, 5.
L'iickingen, II, 28.
Baden, I, 106, 283 à 285, 290.
Bagdad, II, 376, 378.
Bahlingen, I, 172, 180 à 182.
Bahour, II, 298.
Baierbrun, II, 54 à 57, 60, 61.
Baiersdorf, II, 198.
Baierthal, I, 339, 341, 393, 402, 405.
Baillut, I, 157, II, 165.
Baldingen, I, 171, 198.
Bàle, I, 194, 274, 282, 283, 288, 296,
305, 308, 311, 312, 443.
Bah/eld, I, 401, 402.
Balzheim, II, 4.
Bahlwfen, I, 104.
Bamberg (Dragons de), I, 331.
Bandegg, I, 294, 307.
Baiiiial iRégimiMit de), II, 13.
Bara, I, 167, 168, 201.
Baraguey dHilliers, I, 327, 328, 330.
BAhUK-MARnois, II, 286.
Barcelone , I, 360.
Barco (Hussards de), I, 294, 298, 307;
II, 57.
Bàrenthal, I, 167.
Barère, I, 57, 58, €8, 69, 71.
Barras, 1, 317, 319 à 322.
Barré, II, 318.
Barris, I, H.
Barrow (John), II, 332.
B.ARTHÉLKUv, I, 20, 2:{.
Barthkldmy (Directeur), I, 322; II, 286.
Basadingen, I, 286, 289. 291.
Bas- Rhin I, 167.
Bas-Rhin (Division du), I, 307.
Bas-Rhin (Volontaires du), I, 10, 75, 77,
79.
Bassein, II. 329.
Bassigny (Régiment de), I, 9.
Bassora, II, 376, 378.
Balania, II, 328.
Batavie, I. 90, 114.
Balaiie (Armée de), I, 368.
Bnlzcnho/en, II, 229.
Baidi.n, II, 364, 365.
Baumgarlen, II, 22, 23.
Baum/.irclicn, II, 55.
Bausclilott, I, 118.
Bavarois, II, 100, 116, 165. 227, 228.
lvdp:x alphabetiqui']
409
Bavière, II. 33, 41, 43, 4->, 48, 51, 52,
54, 83, 85, 86, 114. Il" à 119, 200.
207, 221, 224, '211.
Bazirk, I, 68.
Biîini (Régiment de), 1, 339.
BcAtcHÊvK, II, 317, 371, 372.
Hkmfils, I, 133.
UeaujoUis (Régiment de), I, 261.
Bkal'harxais, II, 293.
Bi:alhar\ais (Hortkvse de), II, 214, 215,
293.
Bkauhar.vais (Josiîphixk dk) (Voir Joskphixk).
BiiALPL'v, 20, 24, 25. 49, 54, 55, 80, 8i,
94 à 96, 104, 130, 132 à 137, liO à
147, 151, 152, 160 à 164, 168. 170,
173 à 177, 179, 239.317, 438; II, 288.
Bkal'Rgard, I. 415.
Beanvaisis (Régiment de). I, 9.
Bkc-de-Likvrk, 1, 92, 118.
BiicHOT, I. 132, 145, 173, 181.
BiiCKiiR, I, 203, 238, 251, 254, 255, 261
à 265, 270, 281, 418, 425, 427, 428, 434.
Bk.x>lkt, I. 418
llrihartltuj, II, 129 à 135, 154. à 157, 239,
Belfort, I, 109.
Bélier (le), II, 351, 356 à 362, 390.
Bi:i.i,AVÈ.\E, I, 85, 89, 96. 106. 108.
Bkllkcomiih (ok), h, 285.
Belle-Poule (la), II, 278, 324, 347 à 368.
3S2 à 399.
Bellhein, I, 347, 349, 353.
Beiuler (Régiment de), II, 122, 158.
llcnediclbcuern, II, 57, 60, 91.
Benfeld, I. 194.
Bengale, II, 260, 298, 299. 329, 343.
Benken, I, 288. 289, 291, 294.
Benjowsky (Régiment de), II, 178, 179.
Bknzkbenk, I, 223, 237, 238, 240, 242,
243, 245 à 248, 252 à 264, 269. 305,
417 à 419, 423 à 427, 432 à 436, 439.
Bera, I, 145.
Bkraiid, I, 173.
Bercfilesgatlen, II, 212 à 214.
BratcKHEiM, II, 13'i.
Bcrgcnweiler, II, 29.
Berghausen, I, 347.
Bergheim, II, 177, 17S, 180.
Bcrghofen, II, 66.
Bergslrasse (la). I, 360, 389, 399, 400.
BÉRii,, I, 70.
Berlin, I, 328.
Bkrxadotte, I, 303, 315, 317, 318, 322;
H, 252, 254, 288.
Bernard, II, 172.
Bermer, II, 247.
Bkrhv (Duc de), I, 134, 173.
Bertix, I, 401.
Bertraxd, I, 247, 261 à 264, 267. 275,
281 à 284, 292. 295, 304, 307; II, 231.
Besançon, I, 240.
Bessièrrs, I. 248.
Bettighofeii, I, 159.
Beizcnweiler, I, 160.
Beuren, I. 125; II, 33.
Beurmaxx, I, 10.
Beirmaxx (jeune). I. 29.
Beulelibiich, I, 121.
Biber (la). I, 155.
Biberach, I, 100, 151, 159, 161, 203, 221,
264; II, 4.
Bidnssoa (la), I, 145.
Biebrich. I, 8, 15, 16.
Biegelhof. I, 388.
Bierbaum, II. 187.
Bielingen, 1,294.
Billenhausen, II, 13, 14 à 16.
Bingeii. I, 5, 167.
Bi.vot. II, 283, 312, 313, 317. 327, 353 à
368, 372, 379, 382 à 398.
Biichheim, I, 194.
Birkexfeli) (M. de). II, 58.
BIschmannshauien, I, 160
Bischweier, I, 109.
Bissingen, I, 135.
Bilielbrunn, I, 219.
Blaichcn, II, 8.
Btamo?it, 1, 200.
Blaxchaud, I. 25.
Blankenburg, I, 136.
Blankenloch, I, 375.
Blunkenstein (Hussards de), I, 357. 386,
387; II, 10, 12, 17, 30. 40. 64, 68.
Blâsheim, I. 194.
Blau (la), 1, 156, 157.
Bluubeuren, II, 4, 77.
BlinJ/uim, I, 136; II, 23,24.
Blois, I, 65.
Bioss, I, 80.
Blol- (de), I, 6, 8, 29. 35, 70.
Blumberg, I, 198.
Bdhingen, I, 122.
Bodersweier, I. 195, 356.
Bodtnan, I, 223, 227.
Bodsox, II, 190.
Bogenliausen, H, 55, 59, 61.
Bohême, I, 3; II, 98, 100, 101, 104, 107,
110, 115.
Boi.sGÉRARD. I, 32. 89, 320, 321.
Bolbec, 1, 400.
Bolsenheim, I, 194.
Bolz/iurst, I, 101, 103, 194.
homhach, I, 172.
Bombay, II, 328, 378, 381.
Bombel, I, 349.
410 MKMOIRKS KT JOURVAUX DU GKVERAL DEGAEN
UovsPAitTi:, I, 359, 3<)0, 374; II, 6
46. 8«. 06, 100, 105, 108. 129,
■215, -238, 247 à 24S, 250. 252.
256 à 259, 262, 263. 271. 278 à
284 à 287. 289. 291. 292, 293,
301 à 305, 308 à 311, 316, 318.
332,340 à 400.
BoN.'iPAiiTK (Madame) (Voir Joskphixe)
BoxKT. I. 366, 368. 376. 386. 388.
401. 403. 405. 411 ; II. 6. 157.
BoxvAMv. I, 415.
Bonne- Espérance (Cap de), II. 260.
317.
Boos, I, 25, 59.
Bopfingen, I, 124, 125, 127, II, 32,
Bordeaux, I, m; II, 37, 328.
BoRCiiKSB (Prixciissi:), II, 251.
BoRDESOULLK, I, 173.
llorniio, II, 199.
BoUingen, I. 167.
BolCmingen, I. 283.
Bolzen, II, 199.
BOLUKKT. I. 181.
Boucliers (plaine des), II. 288.
BoiLAM), I. 151. 165.
Boulogne (Camp de). I, 11.
Bourbon {ilcj, II. 260, 291. 346. 367
BoLiiciEit. I, 167; II. 92.
Bourg-Libre, I, 283.
Bourgneuf, I, 134.
Bourgogne (Uégiment de), II, 37.
Boussay, I, 89.
Bovi:, II, 37 à 39.
Brauixk (baron de), I, 84.
Brackenluim, I, 368.
Brastelburg, I, 125.
Bn.UM, 1, 91.
Braunau, II, 54, 55, 57. 59, 61
80,87. 89. 90, 107, 115, 200,
llrannegkcn, II, 80.
Braunlin je», I, 237.
Bregen:,, I, 153.
Breitenlhul, II, 12.
Bremgarten, 1, 314.
Brenz, II, 26 à 29.
Brcns, (la), II, 25, 27 29, 31.
Brest, II, 263, 279, 2S0 à 282,
294, 313, 314, 315, ;318, :
327, 340, 384.
Brest (Armée des côtes de), 1
II, 8.
Bretagne (Kégimeiit de), I, 38.
Breiltn, I, 327, 333, 334. 336,
343, 345, 360, 365, 367 à
379, 387, 388, 390.
Bret:ienlttim, I, 8.
Brianron, I, 328.
44,
214,
254,
282,
294,
328.
391,
311,
77.
à 63
208,
76,
220.
285,
319,
286,
322,
, 80, 83;
Brie, I, lOi.
Brienne, I, 65; II, 9.
Brigach (la). I. 235, 231.
Brisacli, I. 173, 184, 260, 420: II, 3,
2:iO, 267.
Brisgau, II, 2;}2.
Brixen, II, 199.
Brogen. I, 197, 246, 249.
Bholssoxet, II, .327, 330, 331,3*1.
Bruclihausen, I, 410.
Bruchliauserhof, I, 410, 411, 412.
Bruchsal, I, 327, 331 à 335, 340, 341,
343 à 345, 359 à 365, 367, 369, 371,
372, 374, 375, 377 à 394, 397.
Brack (sur l'Amper), II, 51, 53, 121.
Bruck (9 km. S.-O. d'Lbersberg), II, 95,
129.
Bruck l'en .\ntriehe, 15 km. E. de Leo-
ben), II, 199.
Brucklmusen, II. 130.
Bruqg, I, 283, 284, 290, 311.
Brûhl, I, 411.
BRUii.Hic, II, 317, 379 à 382, 399.
Biiuix, II, ;î62, 381, 388, 390, 396.
Bruxk, II, 209, 377.
Bruxsvvick (Duc db), I, 3.
Bubi'sheim, I, 154.
Bucli, II, 131, 135.
BucHAX, II, 386.
Buchau, I, 160, 161.
Bûche nau, I, 368, 369, 380, 382, 384.
Buchersried, I, 139.
BuchhoU, I, 181.
Buclithalen, I, 294.
Bucklung, I, 105.
Budenheim, I, 5, 7.
Bûhl, I, 97, 99, 104, 105, 264.
Bulach, I, 117.
BtguET, I, 12, 49.
Burgau. I, 154, 155; II, 3, 11, 12, 15,
16, 18 à 21, 23, 24.
Burgbcrg, II, 28.
Burglingel, II, 28, 29.
Burgos, I, 11.
Bargliausen, II, 164, 165, 178, 179, 224,
225.
Burqweiler, I, 203, 209.
Barkhein, I, 276.
Burrenhof, I, 161.
Bartenbach, I, 154; II, 15, 16.
Busenbach, I, 117.
Bussen, I, 159, 161, 166.
340, 342,
369, 377,
Cubin. II, 197.
Caboul, II, 375.
Cadix, I, 114, 400.
Caen, 1, i, 4, 84. 94,
185,
190
INDKX ALPHABETIQUE
411
Caffarkli.i, II, 3U, 318.
Cai'hks, II, 335, 338, 339.
Cajazzo, I, 32.
Colculta. II, 300, 312, 317, 327, 379 à
309.
Calicut, II, 298, 301.
Calvados, I, 3, 4.
Calvados (Volontaire! du), I, 3, 4, 5, 7,
10, 73. 94.
Cambay (golfe de), II, 298, 329, 371.
Canada, I. 217.
C/inarics, II, 317, 321, 327.
Cl.VCLAUX, I, 80.
Cannslalt, I, 117, 119, 120; II, 77.
Canton, II, 301.
Cap de lionne- Espérance (Ville du), I, m,
H. 260 264, 311, 317. 320, 322 à 324,
326 à 345, 359.
Cap de Bonne-Espérance (Colonie du), II,
321, 375.
ClRDEXflU, I, 358.
Carmagnole (île de la), I, 13.
Carinihie, II, 199.
C.iK.\'oT, I. 146, 322.
Carpenlras, II, 2.t7.
CiRRiox-Nis.is, II, 15.
Casscl, I, 10, 59.
Catalogne (Armée de), I, m, 35, 195, 328;
11, 8.
Caltak, II, 329.
C.4ULAIXC0URT (général en 1791), II, 44.
C.tLLAlXCOURT (DfC Dli V'iCliVCK, ArmA\D-
Auf.i;sTi\-LouiS()E), 11,44, 53 à 55, 60,61.
Caul/»incqlrt (Augisth-Jeam-Gauriisl de), I,
211.
Caulaincourt, I, 211; II, 4i, 67, 68.
Cav.^igxac, II, 362. 368 à 378, 392.
Cazi:n'i;i;ie, II, 172.
Cent Jours (les), I, 173.
Ceiiire (Légiou dn), I, 328.
Cktto (l'Kl, II, 43, 49, 50.
Ccuennes (Chasseurs des), I. 20.
Ceylan {Ile de). H, 260, 346, 375.
Ch.abot, I, 67, 71.
Chadklas, 1, 7, 23, 49, 72.
Chalbos, I, 108, 126, 145, 159.
Clidlons-sur- Marne, II.
C/iampagnt, I, 3, 4.
C/iandcrnagor, II, 265, 267, 270. 283,
298, WO, 302. 307, 343.
CkanvaUon, II.
Charente, I, 158.
Cliarenle-Injérieure, I, 97.
Charles (Arcliiduc), 91, 92, 93, 104, 108,
110, 114. 115, 147, 153, 157, 161, 162,
165, 168, 181, 202,207, 209, 212, 220,
224, 256, 299, 307, 332, 343, 345, 353
à 356, 368, 384, 387, 391 , 392, 398,
414; 11.115, 187, 191, à 193, 196,
200, 217.
Charmes, I, 12, 362.
Chassiecq, I, 158.
Chateaubriand, l, 82.
Châleau-Gonlitr, I, 80.
Châtellerault, 1, 20.
Chaichard, II, 199.
Chauderie (la), II, 265.
Chef de Bois, I, 20.
Cherbourg, I, 190, 320.
Cherbourg (Armée des Côtes de), I, 9
Chkriv, I, 288, 299, 303, 307, 309 à
313, 314.
ClIEVARDlN, I, 10.
Chiem See, II, 160.
Chine, II, 301.
ChoUet, I, 288.
Chouans, I, ii.
Cholard, II, 111.
Christoph, II, 137, 138, 140, 142 à
145 à 148, 240 à 242.
Civiia-l'ecchia, II, 256.
Ci,AiRïAi. (Mlle DE), I, 81.
Claparède, II, 166.
C1.A110, I[ 300.
Clkmexcet, I, 206.
Clisson, I, 80.
Ci.iVE (Lord), II, 373, 383 à 400.
Closterhoh, 1, 153,
Closterhojlinqen, I, 157.
CoBEXZL, II, 101, 102, 194.
Cobourg (Dragons de), I. 299, 307,
CoEHORN, I, 108, 116, 125, 137, 145,
226.
COFFIV, I, 21.
CoLAiD, I, 185, 307, 327 à 337, 340 à
351 à 359, 374 à 378, 384 à 392,
397 à 399, 401, 402, 405 à 407,
à 413; II, 4.
Colins, II, 324.
Coi.Li, II, 6.
Colmar, I, 190, 193, 194.
Colombes, I, 4.
CoLI.OREDO, II, 107.
Colonel-Général (Régiment), I, 116,
Comité de Salut public, I, 49, 51,
53, 57, 59, 69, 82, 84.
CoHMKHCV, II, 231.
Comorin (Cap), II, 400.
COMPÉRK, I, 220.
Condé, I, 57.
CoxDÉ (Prince ue), II, 98, 99, 109,
158.
Condom, I, 126.
Conflans (Régiment de), II, 37.
399,
198,
, 83.
311,
144,
332.
210,
348,
395,
409
338.
52,
130,
412 MÉMOIRES ET JOURXAUX I)U GKMERAL DECAE.V
•298,
196.
400.
287,
Constance, I, '201 , -203. 216, 2-26, 228. 343,
430.
Constance (près le Cap), II, 323 à 325,
335, 337.
Constantinople. I, 9; II, 372. à 379.
Convention (la), I, 5. 6, 9. 12, 18. 24.
25. 46, 50 à 52, 57, 59 à 71.
Copenhague, II. 330.
CoRViLLE, II. 146, 172. 173.
Corny, I. 12, 104
Coromaiulel (Cale de), II. 260, 281.
312 à 314. 327 à 329. 34S à 400.
Corrèze, I, 105, 196.
Corrèze (Volontaires de la), I, 105,
Corse, 1, 89, II. 256.
CosTK. I, 219, 220, 290, 300, 304.
CÔIKBOELF, II, 147.
Càte-d'Or, 1, 296.
Côte-d'Or (la), II, 279, 316, 341 , 362 à
Côlc-d'Or (Volontaires delà), I. 129,
352.
Cdiiroiiiie (Régiment de la). I 193.
CoLhVILLE. I. 183.
CiiAiG, II. 336.
Croates (Héyirnent des), I. 226; II, 57.
Croatie, II, 101.
Croix-Chapeau, I, 97.
Cuddalore, II, 381.
Clk.vot, 1, 115.
rLLLKN, II. 352, 366, 379 à 400.
Cu.NÉo, 1, 115.
CusTi.vE, I, 5, 25, 5i, 57 à 61, 68.
Dachan, II, 37 à 43, 48, 49, 51, 53, 60
à 62. 228.
Dnchenheim, I. 297.
Dachsen, I, 289 à 292, 297.
D.icLO.N, I, 392, 394.
Dalheim, I, 3, 12 à 14.
Dnlmalie, 1. 90; II, 101.
Damas, I, 24, 49.
D.4MPIKRRE (Picot de), I, 23.
DflMKL, II, 106.
Daxtox. I, 60.
Ùanul^ (le), I. 128, 136. 137, 139, 141.
146 à 148. 151. 154 à 159. 16>. 166,
1K7. 191. 193, 199, 201. 204. 205,
216, 243. 325, 327, 430; II. 3, 4. 19,
22, 24, 26 à 28, 31, 35. 45, 98. 158,
197. 19S, 202. 203. 229, 233.
Danube (Armée du). I. 199. 201, 203,
21X, 220 à 22», 225, 226, 228. 234,
238, 253 à 255. 261, 262. 266. 268.
281. 296, 304, 305, 307, 31(1, 311, 316,
317,417, 418, 423, 420, 430, 439, 443,
444.
Daiizig, I, 247.
Darching, II, 93.
Darsowai,, II, 203.
Dasing, II, 37.
Datessen, II, 174.
Datlhausen, I, 159.
Daiichingen, I, 169, 197.
DaudenztU, I. 338.
Dailta.vke, 1, 208, 213, 418, 420.
D.uiD, II, 286, 287.
Dax, I, 358.
Debilly, II, 3. 8 à 11. 16, 17, 20. 22, 23,
26 à 35. .38 à 44. 48. 53, 55. 61 à
67, 70. 71. 75. 79. 92 à 94, 106.
120 à 122, 126, 127, 135, 142. 143,
146 à 150, 152 à 157, 162, 163, 241.
Dkbrv, I, 307
Dkcae.v (Madame), II, 358, 359.
Dec ze, J, 281
Decrks. II. 268. 269, 278. .308. 348 à 352.
Dkdo.v, I, 89, 292, 300.
Deygingen, I, 135.
Dcggendorf, II, 98.
Dehlingen, I, 128.
Dkhov, II. 312, 382.
Deisenhausen, H, 3, 10, 11, 13, 14,
Deisdingen, I, 198.
DEL.ibOHDE, I, 352, 359 à 367, 374, 375.
Delaitre, II, 324,
Delalriers. 1. II.
Dei.elke. II, 7, 145.
Délie, I, 189.
Delmas, I, 105. 106, 108, 115, 121, 122,
130. 138 à liO, 151; II, 6, 9. 14.
DEHKinov. II. 382 à 386, 394.
DiiMisT, II, 324, .331, 339 à 348.
Devis. II. 21.
Denkingen, I. 2(2, 210. 211.
Deprkz-Cua.^sikr. 1. 5.
Desaix. I. 94 à 97, 100, 102. 104, 107,
109, 110. 114, 115, 119. 123. 132, 136.
139 à 152. 160, 162 à 167, 170, 175
à 185, 189. 2.39. 317. 438; II. 288.
Désexfa.v.s. 1. 247. 252, 256. 264. 267, 271,
286 à 2S8, 290. 291 i 298, 356, 424,
426, 433, 435, 441.
Desfravcs. I. 10.
Dksmarrb-;, I. 82.
DkSMOI TIERS, I. 405.
Desnovers. I, 109.
Dessollk. II, 6, 20, 75. 81, 86 à 88, 95,
105, 106. 110 à 114, 137. 162 195.
197, 2.38, 241, 243, 271, 278, 2S9. 292.
Deutwang , I, 201.
Deux-Ponts, I. 188.
Delx-Poxts (Dlc ut). II, 43, 107. 116.
Dbvahat. I, 376.
DiiVALx, I, 418.
IMDEX ALPHABÉTIQUE
413
Devav, I, 101, 16-2.
Di;vii,i.i;ris. I, 115, 126, 132.
Diable (Montagne du), II, 33 J, 33 i.
Diekehof, I, 289.
Dielheim, I, 337, 330, 400, i02.
Diessen, 11, 54, 76.
Diessenliofen, I, 287, 290, à -299.
Dietach. H, 193.
Dictcrsheim, II, 56, 60.
Ditilingen, l, 156.
Dijon, I, 287, 352.
Diligent (le), II, 367, 378.
Uillingcn, I. 321, 325, 327.
Dihberg, I, 338.
Dinkelsbûld, II, 77.
Directoire (le), I, 85. 109, 111, 112, 115,
118. 120, 133, 135, 137, 141, 143, 145,
146, 153, 160, 165, 176, 179 à 189,
197, 220,221, 234,253, 280, 296, 309,
310, 313à32i, 359,360, 417, 429, 431,
432, 438, 443, 4ii; H, 287.
Dirwald, II, 93.
Dol, I, 80.
Donaufschtngen, I, 170, 171, 198, 230,
232, 235, 236, 237, 251, 299, 423,425,
434; II, 4, 233.
Donauuorlh, I, 128, 135, 153; II, 36, 49,
50, 77, 22 i.
DoxzKUiT, II, 293.
Dordogne, I, 54.
Dorf, I, 167.
Dorfen, II, 131.
Dormich, II. 64.
Douai, I, 145; II, 9
DoLAv, I. 46, 48, 49, 66.
Double- Tenaille, I, 48.
Doubs (Volontaires du), I, 38.
Draguignan, II, 257.
Dreisam (la), I, 184.
Dhouet (dErlon), I, 261; II, 14i à 146.
Drouot, I. 95.
Druisheim, I, 136.
Di DAYKT, I, 9, 15, 16, 19, 24, 26, 28, 33. 46,
49, 51, 52, 61 à 65, (>9, 80, 83; II, 44.
DUBRETOX, I, 11, 42, 49.
Dicassou, I, 115, 137, 145, 163, 181.
Dlché, II, 284.
DuFOiii, I, 190.
Dufri.s.ve-Laiulk, II,
DuHESME, I. 128, 13i, 135, 152.
Dl L.aUllE.\S, I, 11.
DtMÉXIEl'X, I, 119.
DtMES.w, II, 341.
DCMOIXI.V, I, 10.
Dlndas. Il, 335, 337.
DfMotRiEz, I, 25.
Dunkerque, I, 200, 367.
Diintingen, I, 149.
DurLuix, II, 251, 261, 267, 298, 300.
DuPLiiix, II, 267.
DiPoxT, I, 277.
Dirouv, 1, 228.
Durlach, I 117.333, 344, 361 à 363, 367
à 369, 372, 375, 378, 382.
Dûrmevtingen, I, 159, 165.
Dûrrheim, I, 198.
Durtul, 1, 20, 81.
DiRiTTE, II, 9 à 11, 13, 16. 17, 20, 23.
30 à 32, 35, 38, 39, 44, 53, 55, 60 à
65, 67. 73, 75, 79, 92, 94, 106, 120,
121, 123, 126, 127, 129, 130,135, 142,
143, 146, 147, 149, 152, 155, 161 à 163,
169, 170, 172, 174, 175 à 177, 181,
182, 185. 187, 192. 194. 202. 204 à
2M6, 219. 221. 222, 224 à 226. 2 29,
•-'32, 242.
DlIVALDREi;X, II, 173.
DuviG.vAU, I, 186.
Ebchberg, H, 193, 194.
Ebersbcrg, II, 57, 66, 68. 69, 88 à 90, 92,
9i,95, 120, 128, 131, 134, 135, 137. 140.
142, 144 à 146, 148, 149, 152, 153 à
157, 206, 219, 240, 241.
Ebersliauscn, II, 9 à 11, 13 à 15.
Ebi'igen, I, 167, 230.
EuLK, I. 114; II, 106. 216.
Ebnat, I, 117. 123, 124, 125.
hbnel, I, 172.
Ebrach (1), II, 150.
Eclilis/iausrn, I, 155.
Echsheim, I, 138.
Edenhdusen, II, li.
Ëdingen, I. 412.
Edling, II, 150 à 152, 157.
Eger (!'), II, 77. 115.
Eggelburg, II, 66.
Eglfing, II, 62.
Eglharling, II, 66, 95.
Eglisau. l, 290.
E(/ypte, 1, 96; II, 102. 283. 288.
Ehekirchen, I, 152.
EIdngen, I, 217, 223, 228; II, 76.
Ehrenbreiutein. II, 37.
Ehrstâdl, I, .388.
Eichelberg, I, 146. 397.
Eiclistâtt. I. 139. 147 à 150.
Eichstetten, 1, 178, 184. 275, 27(i.
Eigeltingen. I, 199, 216, 223 à 226. 228.
Eisenerz, II. 198.
Elbe (Corps d'observation de 1), I, 352.
Elbe, II, 9, 106.
Elchingen, I. 125.
ELECTKLn Palatin, II, 43, 45 à 47, 49 à 51,
414 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GÉNÉRAL DECAEN
72, 13, 16, 79, 99, 108, IIG, 117, 119,
_ -227.
Electeir de BftviKRK (Voir le précédent).
Elgersweier, I, 195.
Ellgau, I, 137.
Ellikon, I, 290, 291, 297.
Ellmendingen, I, IIS.
Elseiiz, 1, 3SS, 390, 391.
Elsenz (Ij, I, 339. 361, 393, 305 à 397,
402.
EUwangen, I, 123, 124; II, 32, 33, 77.
Elz [V), I, 172, 175, 176, 178 à 181.
Etzach, I, 238 à 241, 246, 251, 253, 255,
260, 261, 263.264, 270,418, 419, 421,
423, 425, 427, 434, 439.
Emmend'ngen,l, 172, 175, 176, 178àlX0;
II, 2S8.
Emmkri.il, II, 257.
Endersbach, I, 120.
Eiidingen, I, 172.
Enftr (Val d'), toir Val d'Enfer.
Enyen, 1, 193, 199, 216 à 219, 223, 227 à
229, 299; II, 4, 76.
Enghiux (Uucd), II, 109, 158.
Enzhojfen, I, 167.
Enns. II, 79, 185, 193 à 195, 202, 203,
207, 215, 216, 219, 221.
Enns (1), II, 193, 194, 196, 197, 202, 219.
Ensithaufen, I, 167.
Ensislieim, I, 167
Enz (1), I. 118, 368.
Eppingen, I, 334, 336, 361 à 363, 365,
367, 368, 388, 391.
Erbach, I, 158; II, 4, 232.
Erheshûdeslieim, I, 5.
Erching, II, 58
Enling, II, 58 à 63, 64, 66, 67, 88, 89,
90, 92.
Erlach, I, 101, 102.
Erhingcn, II, 198.
Erlauf(\'), II, 199.
Erlenrhein, 1, 90, 91, 184.
Eiixoir, I, 197, 201, 204, 208, 210, 215,
223, 226, 231, 233, 233, 242, 247, 249.
252 à 257, 259, 260 à 266, 268 à 271,
288, 296, 303 à 306, 310, 311, 316,319,
321, 324, 327, 400,417 à 422. 424 à 428.
429, 431 à 43S, 440, 4i2 à 444.
Ersingen, I, 118, 159.
Erslein. I, 267, 271, 275, 312.
Erzherzo,i{ Cari (Ri'yiment), I, 307.
Escfiul (T), I. 90.
Escliau, I, 194.
Esenltausen, I, 203, 200, 210.
Es/iagne, 1, 97. 116, 195, 196, 232, 415;
II. 2S5.
Espagne (.irmée dj, I, 96, 134, 145, 167,
173, 195, 200. 211, 213, 261, 285, 288,
338, 352, 367; II, 11, 21, 37.
EspyiGXK, I, 365, 399.
Espalai», 1, 11.
Essling, I, 309.
Esterhazy (Kégiment d), I, 96; II, 165.
Éials-Unis, I, 10; II, 280, 281.
Etlval, I, 10.
EtUil, 11, 76, 70, 106, 112.
Ettenbeuren, II, 3, 15 à 18.
Etilingen, I, 1(9, 111, 112, 115, 117, 386.
Eurashurg, II, 52, 54.
Eure (l/olontaires de 1'), I, 10.
Eutini/en, I, 118.
Eylau, I. 198.
Fahe liay, II. 322, 323, 326, 328, ;329,
332, ;«3, 335, 342, 378.
Falspach, II, 187.
Famars, I, 23,
FAico.N.viiT, l, 96, 99, 100, 102, 133, 145,
148 à 150, 164, 166, 178.
Farorile (Bois de U), 1, 106.
Fédérés ualionaux, I, 11, 74, 77.
Feder See, 1, 159.
Fegerslieim, I, 104.
Feldkirch, II, 153.
Feldkhchen (15 km. N. de Rosenheim),
II, 133.
FeWi-//c/(É'n(24km. O.-IV.-O. deRosenheJm),
II, 130.
Fcldkirchen [l'iVm. E. de Munich), 11,62,
63.
Feldkirchen (3 km. N.-O. de Troslberg),
II, 161, 163.
Feldkirchen (^24 km. E. de Wasserburg}, II,
165.
Fi:mi, I, 20.
Ferdinand (Dragons de). II, 50.
Ferdinand (Régiment d'infanterie), II, 178,
170.
Ferdinand (Hussards de), 1, 153, 154, 249,
279, 208; II, 12 à 14, 17, 30, 39, 40,
6i, 66, 67, 165.
FÉRixo, I. 90, 92, 100, 137, 150, 161,
181, 194, 198. 206, 211, 217, 222, 223.
225, 226 à 232, 237, 246, 255, 307, 314,
420: II, 58.
Finislcrre (Cap), II, 320.
Fischbachuu, II, 90, 91.
Feuerbach, I, 120.
Feuertltalen. I, 287 à 290.
Fils, II, 77.
Finstermûnz, II, 200, 201.
Flandre, II, 173.
Flehingrn^ I, 343.
Fleinheim, II, 31.
IXDEX ALPHABÉTIQUE
415
,Floceliire (/>a), voir la Flocelikre.
Florence Dubois, II, 285.
Flurlingen, I, 281, 289.
Fontaine, 1, 209.
Fontainebleau, II, 8.
Fiirch, I, 104, 106.
Forêt-Noire, l, 1()6. 168, 195, 223, 296,
417, 418, 430.
Font, I, 3(32, 365, 369, 370, 376, 391,
397, 398, 402.
Forstcnried, II, 54.
ForciiEB. I, 11, 214.
Foulpointe, II,
Fraherslhnm, II, 160.
Francfort, I, 25, 48, 62, 314. 330, 376.
FitANçois II, II, 99, 100.
Franconie, II, 4, 77, 116, 119, 199, 200,
224.
Francs (Les chasseurs), I, 80.
Francs (Li'gion des), 1, 15, 17, 20 à 22,
26, 33, 34.
Frankenburg, II, 185.
Frankemnarkl, II, 185 à 187, 206, 221,
222 225.
Frankent/ial, I, 84.
Frauenfeld, I, 287, 288, 295, 297.
Fraucnricdhausen, II, 27.
Freinhausen, I, 143.
Freising, II, 44, 50, 52 à 54, 56 à 61, 67,
69, 71, 89, 92, 97, 139,224.
FnKSNiKRE, II, 278, 291.
Freudenstadi, I, 196, 198, 420.
FnE\TAG, 1, 377.
Frihourg, I, 172, 177, 179. 255, 272 à
276, 279, 281, 420; II, 4, 216, 232,
233.
Friedberq. I, 137; II, 34,36 à 39, 220,
229, 230.
Fbiedbi.sheiu, 1, 219.
FriedeUheim, I, 84.
Fbidixgkx, I, 167, 201 ; II, 76.
Friedolfing, II, 168.
Frimont, I, 113.
Frioul, I, 340.
Fbibio.x (Fra.vçois-Joshph), II, 14,
Fhiriox, II, 15.
Fbôhi.ich, I 199.
Fhomkm, I. 300
Fronweiler, I, 203.
Fugger (Chevan-légers de), II. 107.
Fûrfeld, I, 367, 368.
FiRSTKXBERii (Prixce de), I, 212.
Fûrstenfeld, II, 51.
Fûrstenricd, II, 54.
Furiwangen, I, 170, 223, 238 à 243, 245,
246, 249, 250 à 255, 263, 269, 270, 423,
425. 426, 434, 435, 437, 439, 441.
Gabions (Redoute des), I, 36, 37, 38.
Gaden, I, 146.
Gaggenau. I, 1 17.
Gulicie, II, 116,
Gambslieim, I, 93, 94.
Garcliing, II, 61.
G.ARXIKR, I, 69.
Gars, II, 157.
Garten/eld, I, 12.
Gaudensdorf, II, 163.
Gaudix, I, 35.
Gauangelloc/i, I, 393, 395, 396.
Gavtikr, II, 213.
Gazax. I, 98. 102, 105 à 110. 112, 115,
117, 118, 122 à 131. 136, 139 à 149,
154, 160, 162, 171, 172, 175 à 181.
Gizzi, II. 73, 82, 92.
Gehering, II, 159.
Geisen/cld. I, 139 à 146; II, 52, 77.
Geisingen. 1, 168, 198, 199, 216, 228,232;
II, 4, 76.
GmsT, I, 186.
Geliing, II, 67.
Gemmingen (Régiment de j, I, 165.
Gmappe, I, 134.
Genève, I, 10.
Gengenbach, I, 195, 263, 264, 316, 420
429; II, 234.
Gb.xgollt, II, 30.
Gentil, I, 284.
Géographe (le), II, 364.
GliBARD, I, 300.
Gertneisheim, 347 à 3i9.
Gernsbacli, I, 117.
Gersiheim, I, 267.
Giengen, II, 25, 29 à 31.
Giesenhard, I, 291, 297.
Giesing, II, 55.
Giffamoni, I, 338.
GlLLABD, II, 189.
Girard, I, 231, 232.
Gironde (Armée de la), I, m.
Girone, 1, 104.
Glaris, h, 337.
Glcimh, II, 192.
Glogau, I, 314.
Glon (la). II, 37, 38, 93,
Glonn (la), II, 82, 95, 121, 125, 126. 129,
130, 132, 1,34.
Glolter (la), I, 181, 182.
Glurns, II, 199.
Gmûnd, I, 121, 122; II, 77.
Gmund, II, 71, 78, 91.
Gmundeii, II, 185, 186 à 188, 222, 223.
Goa, II, .372, 378.
Gochsheim, 1,343, 360, 361, 363. 365 à
3b8, 370, 377, 388 à 390.
16 MÉMOIRES RT JOIRXALX 1)1 GÉXÉKAL DECAKX
Goffeld, I. 5.
Gollingkrcul, I, 152.
GondeUhehn^ I, 334.
Gondre ville, I, 113.
Gonsenheim, I, 22.
Gôppingen, I, 121.
Gordon, II, 337.
Gorgon (la), I, 400.
Gorheim. 1, 107.
Goslliiuj, II, 198.
Goulus, 1, 104, 199, -219, iîi, 242, 247,
248, 424, 440, 441.
GoLviov SAivT-Cvn, I, 117 à 119, 121, 122,
125 à 132, 134, 137, 145, 150 à 152,
156 à Itil, 164 à 166, 169 à 172, 185,
187, 195 à 199, 20i, 21 1, 216 à 220, 226,
230, 232, 420; II, 3 à 7, 289.
GoiY, I, 10.
Groben (10 km. S.-S.-E. de Philippsburgi,
I, 361, 362. 367, 396; II, 159.
Graben yZ km. IV. -E. de Rosenlieim), II,
159.
Gradisca (Régiment de), I, 226, 379.
Grujing. II, 94. 95, 142.
Grande-Armée (la). I, 94, 116, 145, 167,
195, 196, 198, 213, 228. 240. 247, 261,
285, 288, 31 i, 328, 33S, 360, 352, 373,
399, 400: II. 9, 21. 37.
Gravdjkax. II. 11, 12, 13. 15. 18, 22, 23,
25. 27 à 29, 32. 51. 52, 59. 61 à 63, 65,
69, 77, 93, 121, 136, 141.
Graxdprk, II, 332.
Graxtz. II, 343.
Grasse, i, 98.
Graceggia, I, 90.
Gravelle (la), I, 82.
Greding, I, 148.
GRiaiiv, I. 205
Grkmer, II, 5. 15 à 18, 21, 26 à 29, 32,
51, 76, 92, 95, 106, 128, 136, 137. 139,
157, 160, 16i, 186, 188. 189, 197,202,
224, 239, 240.
Grenz (Hussards de), I, 226, 299; II. 38,
40. 53, 122. 128, 130. 171, 177, 179.
Griesluim, I, 98, 139, 146.
r.RIM.^LD, I. 190.
Grisons, I, 197, 407, 430; II, 199. 200.
Grisons .Armée desi, II, 191.
Grombach, I, 364, ."^67 à 369, 380 à 382,
388.
Gronsdorf, II, 63.
Grosjkax, II, 284.
Gross-Keppach^ I, 121.
Gross-Huc/ien, I, 125 à 127.
Gross-Sor/ieim, I, ISî.
Grossstadelho/en, I, 210. 211.
Grulchv, II, 139, 147 à 149, 154, 157 à 1.59,
161, 163, 164, 167, 170, 179, 185 à 188,
193, 197, 217. 220, 240, 242.
Groliingen, I, 117,
Grub, II, 125.
Grunbach, I, 121.
Grimikrg, II, 83.
Grûnburg, II, 202.
Grfiningeii, I, 171, 237.
GRii.vxK, II, 57, 192, 196, 198, 201.
Grûn-lVelteribach, I, 117.
Guadeloupe, I, 201 ; II, 280 à 282, 314.
GuDiN, I, 365, 373, 413 ; II, 52, 87, 89, 248.
GuKRi.v, I, 38.
Gundelfingeri, I. 156; II, 25 à 27.
Gundelsdorf, I, 138, 153.
Gûndlingen, I, 275 à 277.
Gunskirchen, II, 187, 188.
Gunlalingen, I, 287.
Guntersblum, I, 6.
Gûnz (la), I, 151, 15i, 155; II, 8, 12, 13,
20.
Gûnzburg, I, 151, 154, 155; II, 11, 12,
17, 19, 20, 229.
Gustavi-Burg, I, 17, 31.
Gulach, I, 195.
Gutach (la), I, 263.
Gutenzell, II, 6.
Gutershofen, I, 161.
Gu'.tenhofen, II, 197, 202.
Givoi, II, 91, 167, 170, 174.
Guzarate, il, 328, 329, 371, 372.
GviL.Ai, I, 94, 4:36; II, 11 à 13, 58, 70,
73.
Gyulai (Régiment de), I, 226.
GZVSZKOIVSKF, II, 174.
Haar, II, 62 à 64, 95, 121, 131.
Haag, II, 66. 89, 106, 108, 128, 132 à
135, 138, 142, 147 à 149, 150 à 154,
15", 186, 2;}9, 240 à 242.
Hagenbach, I, 3.51.
Hogelhausen, II, 91.
Haguena'i, I, 85.
Haidhuvsen, II, 53, 61, 62, 71, 121.
HallÇl km. E -S.-K. de Kremsmiinsterl, II,
203.
Hall 60 km. N.-E. de Stuttgart), 11,224.
Hall ,12 km. E.-X.-E. dinmbrucki, II.
91, 109.
Hainaut (Volontaires du), I, 9, 134.
Haljing, II, 159, 161.
H.illein, II, 182, 210, 212.
Hambrâcken, I, 360 à 362, 365. 385, 396.
HAMKLrN.IVK, II, 25.
HammcrstcHen, II, 17.
Haraucourl. I, 129.
Harburg, II. 32.
IXTDEX ALPHABETIQUE
417
Hardt. I, 197.
Hardy. Il, 134.
Hfirgehberg, II, 194,
Harling, II, 165.
Hosel Rnch, II, 7.
Husingen. I, "283.
HaslachJ, 193, 254, 255, 260 à 263. 268,
208, 305, 419, 4i0. 421, 427, 444.
Hasselbach, I, 388.
Hastrel. I, 217, 254, 418.
Hattingen, I, 199. 216.
Haueueberstein, I, 106.
Haunsheim, II, 29.
Hauptslein (Fort), I, 12, 48.
Hausach, I, 195, 254, 260, 261, 262.
Haunstellen, I, 137.
Hduic-Giironne iDépartemeutj, II, 8.
Httutc-Saàne (Département), II, 15, 91.
Haute-Saône (Volontaires delà), I, 10. 73,
75, 77 à 79,
Haul-Palalinal, II, 79, 83.
Haltpoul (d'), I, 198, 231, 315, 316, 331.
344, 345, 364, 385, 386,391, 392, 398
à 400, 402, 405, 406, 408 à 413 ; II, 69,
77.
Haut-Rhin, I, 189; H, 1.33.
Haut-Rhin (Corps du), I, 102, 103.
Haut-Rhin (Volontaires du), ), 5, 10, 12,
73, 75, 77.
Hauwald, 1, 349.
H.AXO, I, 10. 80.
Hayange, I, 213.
Hebsack, I, 121.
Hechlsheim, I, 8.
Hechenliirchcn, II. 93.
Hecklingen, I, 173.
Heideck, I, 149.
Heidelberg, I, 334, 407, 412 ; II, 107.
Heidelsheim, I, 366, 367, 383, 384, 386,
388, 389, 392 à 394.
Heidenheim, I, 156.
Heilberg, I, 362.
Heilbrànn, 331. 334 à 368. 372, 388.
Heiligenberg, I, 210.
Heimbacli, 1, 172, 175.
Helfendorf, II, 68, 70, 77, 88, 90 à 94.
120 à 126, 128, 129,
Helmsheim, I, 383.
Helmstadt, I, 338, 393.
Helvétie, I. 90, 221, 344, 354.
Helvétie (Armée d), I, 198, 272, 281, 297,
316, 332, 429, 430.
Helvétie (Division d"), 1,307.
Hemisho/en, I, 214.
Hkxriot, I, 157, 158, 163. 170. 171,371,
373.
Henry, II, 341.
II.
Hérault (Département de 1'), II, 30.
Herhlingen, I, 294.
Herbrechtitigcn, II, 30, 31.
Hcrdlfeldhausen, I, 132, 133; II, 32.
Heretsham, II, 163.
Hermaringen, II, 27, 29, 31,
HevRti.ino (B.mox d'), II, 45.
Herxheimweiher, I, 348.
Hesse-Cassel, I, 66.
Hesse-Darmstadt, II, 54.
Hksse-Homburg, II, 165.
Heubach, I, 122.
HiiUDEi.ET, I, 287, 290, 297, 307, 308.
Hilsbach, I, 362, 366, 368, 388,391, 393,
401.
Hindousian, II, 328, .329, 371 à .400.
Hirschhorn, I, 338, 339.
HOBART, II, 297.
Hochberg, I, 117. 120.
HocBK, I, 83, 186, 415.
Hochemmingen, I, 198.
Hochheim, I, 8, 15.
Hôchsladt, II, 21, 22, 34, 35, 132.
Hochstetten, I, 274 à 277, 281.
Hoc/iicnng, II, 18.
Hockenheim, 1, 342, 384, 391, 402.
Hoerdt, I, 348, 349, 351.
Hof. II, 182.
Hoffenheim, I, 339, 402.
Ho/kirc/ien. II, 203.
Hofweier, I, 195.
Hogling, II. 130.
Hohen-Altheim, I, 135.
Hoheii-Asperg , I, 119.
Hohenberg, I, 146; II, 33.
Hobcngofl, I, 5.
Hobcnlinden, I, 340; II, 61, 89, 90, 92,
95, 121, 1,35 à 148, 202, 209, 2.38,
240 à 242, 245, 2.U, 290, 291
HoBEXLOUE (Pri.\ce de) , I, 50, 58, 367,
368. 399; II, 165.
Hoheii-Raunau, II, 13.
Holienreiclien, I, 136.
Hohcn-Schaf liant, II, 55.
Hohcntluniitj I, 131.
Hohenticiel, I, 199, 287. 294.
Hohenwart, I, 138.
Holchen (la), I, 99, 101. 102.
HoLKiR. II, 328, 329, 371, 381, 399, 400.
Hollande, I, 44, 126, 173. 189, 211, 213,
296, 376, 382, 397 ; II, 9, 286, 331 à
.341.
Hollande (Armée de), I, m.
Holle 'Il h al (Voir Val d'Enfer).
HOLLOSSY, I, 387.
Hohcn, I, 136, 153.
Hohen i^a), I, 420; il, 155.
27
418 MEMOIRES ET JOURN^AUX DU GENERAL DECAEX
Hoizing, II, 194.
Hohkirchen. II, 106, 1-20.
Hohhauien, I. 184.
Hongrie, I, 3; II, 98, 101, 103, 104, 107,
110; II. 336.
Hoppingen, I, 135.
Horlknfen, II, 00.
HoTb, I, 230.
Hout Bmj, II, 335.
Hornherg, I, 195 à 197, 231, 237 à 230,
244 à 263, 269, 270, 208, 305, 306,
418 à 421, 425, 426, 433 à 444.
Horrenberg, I, 337, 339. 303, 305, 306,
400 à 403.
Hosskirch, I, 209.
HOTTEXTOTS, II, 337.
HOTZE, I, 115.
HoccH.iRi), I, 57.
HOÙV (PlKRRE D), II, 11.
Hu.îRD, I, 314.
Hùjinqen, I, 233.
Hûgelsharl, II, 39.
HiGO, II. 7.
Hllot, II, 214, 292.
Hli.ot (Lieutenant de vaisseau i, II, 294, 318.
HiLOT (Madame I, II, 215, 292, 294.
HiLOT (Mademoiselle), II, 214, 202, 294.
HuxiBERT, I, 10, 82, 83, 297, 320.
Hundspfot, 1, 349.
Huningue, I, 90, 153, 185, 282 à 284,
304, 308; II, 230, 288
HissENET. I, 371, 373.
Hultenheim, I, 375, 391, 395, 396.
Hyères, 1, 195.
latingen (V. Jetlingerù.
Ichenhausen, II, 15, 16.
Ihringen, I, 274 à 276, 270.
Ilching, II, 95, 132.
Ile de France. I, m; II, 262, 310, 311,
318, 328, 332, 346. 352 à 355, 360 à
400.
mer(V), I, 153; II, 4, 6, 9, 76, 77.
niingen, I, 118.
lllkirch, I, 194, 267.
lllmensee, I, 203, 210.
Ill-lVickersheim, I, 194.
Ilm (1), I, 145, 146.
Ilmendorf, I, 146.
Indes. I, m, 145; II, 251, 260, 263, 278,
286, 297 à 319, 32S, .3.36, .340 à 400.
Indre (Dë|)artemeDl de 1), I, 173. 198,282.
Indre (Volontaires de 1), I, 198.
Ingerkingen, I, 159.
Ingohtadt, 139, 140. 143, 146. 148 à 150;
II, 34, .37. 44, 48, 50. 54. 96.
Jngitctten, II. 15.
Inn, II, 62, 69, 80, 82, 87, 96, 98, 104,
107. 109, 115, 128, 1.30, 1.32 à 136,
149, 150, 151, 153, 154, 156, 157 à 159,
160, 162, 224, 225, 226, 239.
Innshruck, II, 62, 79 à 81, 90, 91.
Inzigko/en, I, 166, 167.
Irlande. I, 10, 320.
Irnhnrling, II, 187.
Isar ri), II, 42, 44, 45. 49, 52 à 57, 59
à 62, 71, 76, 82, 87, 88 à 97, 106, 115,
120, 1.34, 136, 227, 228, 2.39.
hchl. II, 182.
hcn, II, 69. 70, 88, 1.35, 239, 241.
Islc (1'!, II, 257.
Ismaning, II, 56, 58.
Italie, I. 90, 213. 221, 318, 355; II, 129,
201, 209, 244, 289.
Italie (.'irmée d), 1, 12, 35, 90, 134, 158.
189, 194. 106, 296, 303, 321, 328, 427,
430; II, 5, 9, 33, 100. 101.
Ihlingen, I, 388.
IviSE.v, II, 147.
Jachen, II, 71,
Jakobsberg, II, 130.
Javsse.vs, II, 323 à 326, 330. 3.39, 340.
J.ïRi.ov, I, 267, 273.
Javron, II. 7.
Jea\ (.Irchiduc), II, 115, 165, 178, 180,
2,39.
Je»\ (Capilaine), II, 172, 173.
Je.ix Bo.v Siixt-Axdrb, I, 68.
Jersey, I, 126.
Jettingen, I, 155; II, 15, 16.
JoBi, I, 104, 109, 117. 122, 127, 149, 167.
375. 396.
JoBERT, I, 96, 104, 109.
JOBIV, 1, 119.
Jôckgrim, I, 348.
Johlinqen. I, 377, 386.
Joinville, I, 65.
JoRDV, I. 415.
Joséphine, II, .309.
Josep/isburg, II, 55.
JOLBERT, II, 215.
JouRD.4.\, I, 193, 199, 202 à 204, 206 à 208,
211, 212, 218. 220 à 223. 225. 227 à
2.36, 240, 242, 244, 256, 247, 252, 255,
259, 268 à 272, 281, 296, 303, 306,
310,316, 319, 321, 327, 400, 420, 424
à 426, 428 à 436, 438, 439, 441.
Julie V, I, 188.
Jwignau. I, 166.
Jura. I, 90, 109, 206.
Jura (Corps d'observation du), I. 248.
Jura (Volontaires du), I, 10. 74, 75, 77 à
79, 109, 145.
I\'DEX ALPHABÉTIQUE
419
Kaiser (Carabiniers), I, 378.
Kaiser (Hussards), I, 298, 388, 393; II,
57 à 50.
Kaiser (Régiment), 1, 1(J5 ; 11, b'i.
Kaiserslnulern, I, 50.
A'ntkreute. 1, 202.
Kalkreuth, I, 23 à 25, 27, 48, 49.
Kiimmlnch (la), 1, 154; II, 10, 12, 13, 16,
18, 20.
Kimdy, II, 375.
Kittining. II, 202.
h'nnzacli (la), I, 159.
Kapjnl, I, 104.
lùiriknl. II, 261, 270, 283, 297 à 299,
302, ;i03.
Km-ltd^rf, I, 376, 391. 394, .395, 308.
Karlsruhr. I. 117.
Kartung, 1, 105.
I<as(el, I, 5, 6, 8, 9, 15, 16 à 18, 25, 26,
4-2, 46, 48, 72, 74, 76, 78, 355.
Kaslel (Légion de), I, 15, 17, 26, 31, 33.
Kaunitz (Régiment de), II, 158.
Kavanagli (Cuirassiers de). I, 89, 95, 99.
Kehl, I, 11, 89, 90, 02 à 94, 134, 175, 184,
185, 195, 266, 267, 297, 327, 345, 352,
355 à 357, 359, 371, 414, 415, 420, 428 ;
II, 3, 234, 238, 288.
Kellmûnz, II, 6, 76, 77, 193.
Kcmaien, II, 192, 194.
Kenzingen, I, 166, 172, 173, 176 à 179.
Kerjean (de), II. 284.
Kerzfi-ld, I, 194.
Kesselostlieim. I, 135.
Ketsch, I, 331, 411.
Keltershausen, II, 3, 7 à 10, 12, 13.
Kienmaveb, 1,307; II, 3, 99, 178.
Kieselbronn, I, 118.
Kll.MAI.VE, I, 190.
Kinsky (Régiment de). II, 33, 62, 106.
Kinzig (hj, I, 94, 97, 100, 103, 168, 255,
261, 263, 298, 299, 305, 358, 416, 419,
421, II, 233.
Kirrhardt, I, 388.
Kirchdorf, I, 197, 198.
Kirchhaslach, II, 8.
Kirchheim (5 km S.-O. de Heidelberg), I,
411.
Kirchheim (15 km. N. de Mindelheim), II,
10, 12, 63, 64, 65.
Kirnachlhal, I, 241,
Kirchseeon, II, Giî.
Kirchtrudering, II, 62, 63, 67.
Kirchweiler , I, 86.
KlagenfuH, II, 183, 199.
Kléher. I, 3, 5 à 7, 0, 11 à 16, 21, 22, 25,
26, 30, 31, 33, 35, 37 à 43, 49, 51, 52,
59, 80, 82, 84, 189, 317, 438; II, 288.
Klein (.général), I, 200, 307.
Ki.Eiv (historien), I, 25, 41.
Kb'iii-licureit. II, 16, 17, 19.
Klcinnifcld, II, 92.
l<lcin-He.ppacli, I, 121.
Klein- Holland, I, 344.
Klein-Salvalor, I, 139, 140.
hlein-Sorheim, I, 135.
Kleinstenhach, 1, 118.
Kle\au, II, 81.
Klixglkr. I, 9.
Ki.o\Tz, II, 324, 325.
Kloslerholz. I, 136.
K/ostcr-lfedlingen, H, 27.
Kloslerzimmern, II, 77.
Kmaziewicz, II, 127, 135, 143, 146 à 148,
152, 153, 155, 169, 171, 174, 186, 194,
203, 204, 216, 242.
Kniehis, I, 195.
Knitllingen. I, 334, 368, 379.
Knoringen, I, 154, 173; II, 17 à 20.
Kohd, II, 157.
Kocher (la), I, 122, 123.
Kogelsbach, II, 198.
KOLLOWRATH, II, 108.
Konigsbac/i, I, 118.
Konigsberg, I, 114.
KonigsbroiiH, I, 123, 127.
Koiiigs-See, II, 213, 214.
Konzenberg, I, 168.
Kork, I, 89, 94, 130, 195, 357.
Kornweslheim, I, 120.
KospoTH, I, 162.
Koslheim, I, 9, 15 à 17, 20, 63.
KOUHEICS, II, 116.
Krafft. I, 267.
Kraiburg, II, 98, 99, 105, 164.
Kraich (la), I, 367, 369, 384, 385, 388,
391
Kray, II, 4, 6, 26, 33, 49, 50, 58, 59, 63,
64, 66, 68, 69, 73, 79, 80, 81, 88.
Kremsdorf. II, 194.
liremsmiinster, II, 185, 187 à 193, 197, 203,
221
Kronau, I, 347, 360, 362, 383, 401 à 403.
lironsiorf, II, 203.
Krumbach, I, 233, 210; II, 3, 8 à 15, 19.
Krummenschiliach, I, 238, 243, 246, 254,
298.
Kuhardt, I, 349.
Kundol/ingen, I, 288, 289.
Kuppenkeim, I, 106 à 108.
Ku/slein, II, S], 90, 117, 200, 201,
fiutck fgolle de;, II, 371.
l.fiabcr, II, 198.
Lakissk, II, 174.
420 MÉMOIHES ICT JOURXAIX DU GENERAL DECAEN
L.4B0ISSIÈRE, I, 158, 173.
Labouillerie. II. '231.
La Bolrdoxnave. II, 2ôl.
LacoHBK, I, 358.
Lacombe Saixt-Miciirl, II. 360.
LicosTR. I. 340 à 342, 363, 365, 366. 368,
370, 376, 383, 3«6 à 394, 396 à 403, 405.
408, 410. 411, 413.
LACOLn.I.'242.244. II, 152, 162, 163, 177,
192 à 195, 203. 221, 223, 225.
LicRoix, I. 67. 68, 383, 395, 398.
Lacrossk, II, 280.
Lacy (Régiment de). I, 307.
L.AFKox, II. 14. 126 à 130, 132. 133, 135.
143, 145 à 147, 149 à 152, 155, H^O.
161, 163, 168, 171, 177, 180, 193, 194'
203, 209, 219,221, 225, 228,229, 242.
La Flocelière, I, 415.
Lahorie, II, 7 à 10. 12, 13, 17 à 27, 29,
34 à 36, 39, 40, 42. 49, 52 à 54, 56 à
60. 65, 66, 95, 96, 120, 127, 128 à
138, 141, 148, 152, 153 à 155, 157, 159,
160, 162. 164, 170, 178, 186, 187, 192
à 197, 201, 204 à 207, 209, 210, 212,
215 à 223, 225. 229 à 231, 233, 278,
291, 292, 293.
Laim, 54. 60.
La Marck (Réyiment d'infanterie de), II,
133.
Lambach, I, 340; II, 187. 219, 221.
Lambkrt, I, 129 à 131, 139, 147, 167.
Lambesc (Prince dh), I, 378.
La Mobile, I, 9.
Lampferding, II, 132.
Lampoding, II, 165.
Lami're, I, 10.
La Naudière, 1, 80.
Landau, I, 5. 6, 9, 10, 17, 60, 66, 67, 345,
347, 351. 352. 392.
Landeck, I. 172, 175.
Landeriho/en, I. 150.
Landes (Volontaires de»), I, 26, 339.
Landsberg, II, 37, 54, 55, 60, 76.
Landshatuen, |15 km. E.-\.-E. de Bruch-
sal), I, 399, 391. 394.
Landshnusen (15 km. S. de Neresheim),
II, 31.
Landshut, II, 45, 50. 53, 55 à 59, 61, 76,
77.
Langenau. 1, 155; II, 25, 28.
Langenbnick, h 139, 141 à 143.
Langenbrùcken, I, 331 , 332, 364, 399, 401 ,
402.
Langenitorf, II, 171.
Ltingenemliiigen, I, 166.
Langetihasliich, II, 16.
Langenmooten, I, 153.
Langensleinbach, I, 116, 118.
Langliursl, I, 195.
Langncdoc (Ré,c[imeDt de), II, 14, .30.
Lan,^weid, I. 137, 138; II, 2;30.
Langwieten, I, 288 à 290.
Lawks, I, 362.
L.AXOUfURÈDE, I, 386.
Lansrucht, II. 197.
Larevelliére-Lépealï, I, 146, 322.
La RiBoisiÈRE, I, 48, 49.
Laroche, I, 122, 126, 268, 311, 312, 331,
332, 335, 337, 338, 346, 353.
La Rochelle (.-irmée des Côtes de), I, 10,
80.
Larue, I, 20.
Larl'E (Capitaine de vaisseau), II, 319.
Lasseuet, I, 4; II, 248
La Tour, I, 99, 103, 139, 144. 145. 150,
161, 168.
La Tour (Dragons de), I, 226, 299, 307;
II, 66, 163, 165, 169,
Laubbach. I, 203.
Lauchheim. I. 123; II, 32, 77.
Lacier, II, 96, 116.
Lau/en, 1, 287, 293. 293; H. 165, 167 à
171, 172, 174. 175, 177, 179, 184, 195,
219. 222. 223.
Lauffen, I. 198, 368, 372.
Lauingen, II, 15. 19, 23, 24, 26, 27, 29.
Laupheim, I, 159.
Lalrevt-Dieldoxxé Martix, II, 268.
Lairistox, II, 283.
Lausanne, I. 96.
Lauterbach, 1, 136, 196.
Laulerbourq, I, 351.
Laval. I, 287.
Laval I, 80, 82.
Lebarbier, I, 266.
Lebarox, I, 225.
Lebel, I, 393.
Lech (le). I, 128, 135 à 138, 151, 153; II,
34, 37, 50, 76, 229.
Lechhausen, II, 37, 39.
Leclerc, II. 12, 13, 15, 16, 25, 27, 29,
31, 32, 51, .52, 61, 69, 71, 77, 251,
252, 253. 315.
Lecoixtre, I, 4.
Lecoirbe, I, 109, 307, 327. 329, 345, 357,
359 à 361, 372, 379. 386, 387, 392,
397, 398, 406, 407, 408, 409, 412, 413.
414; II, 3, 6, 9, U, 15, 16, 19 à 25.
26, 31, 32, 34, 37 k 39, 42, 48, 52,
54, 56, 57, 66, 71, 73, 76, 77, 87, 94,
95, 97, 125, 132, 138, 142. 118, 152 à
158, 159, 160, 161, 164, 167, 169, 176,
180, 181 à 183, 184, 186, 206, 229.
Le Dieudeville, 1, 25.
INDEX ALPHABÉTIQUE
421
Lkfaivre, I, 37.
Lefebvre faénéral), I, 198 à 200, 202 à
204, 206, 208 à 212.
Lefkb\re, h, 317, 382 à 386, 391, 396 à
400.
Lefévre, I, 418, 422.
Lefol, I, 338, 339.
Lefraxc, I, 339, 344.
LegeUhurst. I, 194.
Legkndre, I, 67.
LÉGER, II, 285, 312, 313, 356, 357, 374,
379 à 383.
Légion des Montagnes, II, 20.
Légion Polonaise, II, 127, 143, 144, 145,
147, 15-2 à 155, 157, 174, 209
I.EGRAND, I, 307, 352, 359; II, 9, 18 à 20, 27.
Lkcras, I, 108.
Lf.hoxgrb, I, 278.
Lehhbach (comte de), I, 338; II, 93, 96,
98, 100.
Leimen, I, 41 1.
Leimersheim, I, 348, 349.
Lein (la), I, 121.
Leinheim, I, 155: II, 17, 20.
Leipheim, I, 155, 156.
Leipzit, I, 105, 116, 248.
Lehach (la), II, 90.
Lb Loup, I, 357.
Le Loup (Chasseurs de), I, 116. 130, 286,
294; II, 17.
Lem.iihk, I, 306.
Leuale, II, 172, 173.
Lemoixe, I, 190.
Lengdorf, II, 69, 70.
Lenggries, II, 91, 125.
Levormaxd (voir Kormaxd).
Leoben, II, 101, 198
Leomhach, II, 190, 192, 193.
Leopoldstein, II, 198.
Lebcb, II, 284, 392.
Le Teil, I, 8, 90.
Leth, I, 392.
Le Teiel, I, 90.
Leutesheim, I, 356.
Leval, I, 200. 212, 331 à 335, 342, 346.
Lkvasselr, I. 40. 49. 94, 99, 102, 104,
109, 119, 145, 147.
Levenehr (Chevan-légers de), I. 130.
Lrirault. I, 243, 250, 356, 440.
Lichtenau, II, 50.
LiEBExow, II, 91, 93.
LiECHTEXsTEix, I, 117, 122, 123; II, 187.
Liehenhach, I, 104.
Lienz, II, 79, 199.
Liggersdorf, I, 201.
Lille, I, 148.
Limhourg, I, 328.
Limmat (la), I, 355.
Lindach, II, 94, 123, 128.
Lliigenfeld, I, 345, 347, 349.
Liiigolsheim, I, 194.
LiXK, II, 51.
Lixois, II, 285, 315 à 400.
lAnsenberg (Fort), I, 48.
Linx, I, 89, 94, 97.
Linz, II, 81, 183, 189, 204 à 206, 220,
Lipsheim, I, 194.
Liptingen. I, 220, 305, 316, 417, 444.
Lobkouitz (Cherau-légers de), I, 122.
Loffingen, I, 232.
Loire (la), I, 65, 195, 240, 367.
Loisach, II, 71, 76, 77, 112.
Loitersdorf, II, 131.
Lontlwl. II, 28.
Loppcnliausen, II, 8.
LÔPPKR, II, 186,
Lorch, I, 121.
LoRGE, I, 188, 307.
Lorient, II, 263.
Lorrach, I, 274, 298.
Lorraine, I. 16.
Lorraine-Cuirassiers, II, 59.
Loscnsteinlcilen, II, 203.
Lot-et-Garonne, I, 12.
LoTHRixGEX (Carl), I, 391, 399.
LOTTIV, II, 8,
Loudéac, II, 213.
Loiidon (Chasseurs de), I, 298.
Lolis-Ferdixaxd de Prusse, I, 24, 26, 27.
LoLis \VI, II, 100.
Louisiane, I, 9; II, 252, 254.
Lubersac, I, 196.
Lucas, II, ;i35, 337, 340.
Lucerne. I, 329.
Luc/ton, I, 328.
Ludwigsburg, I, 117, 119, 120.
Lugano, I, 10.
Lunéville, I, 89; II, 101, 105, 108, 204,
209, 218, 223, 251, 290, 291.
LuTZ, II, 116.
Luxembourg, I, 9.
Luxembourg (Légion de), I, 126.
Luxembourg (Palais du), I, 359.
Luzerel, I, 173.
Lyon, I, 193; II, 256.
M4CART.NEr (Lord), II, 337.
Macdoxald, II, 191.
M.HCK, II, 110, 177, 179.
Mack (Cuirassiers de), I, 299.
A/âcon, II, 206.
.Uadagasear, II, 261, .372, 379, 382.
Madras, II, 285, 313, 317, 349 à 400.
Magallox, II, 327, 328, 364, 377.
422 MEMOIRES ET JOLRXAUX DU GEMERAL DECAEM
Magdebourg, l, 114.
Mahé, II, 261, 267, 270, 283, 208, 299,
302, 303.
MuhlsleUen, I. 16".
Mahmoid Sa)«H, II, 372, .576.
Maubatti-r, II, 299, 328, .366, 371 à 381.
Mailand ^Cuirassiers de), I, 378, 393.
.Uiiiletshrchcn, H, 89, 120.
Mailleboit (Légion de), I, 189.
Maillezais, I, 415.
Mailling, II, 131, 132.
Miiin (le), 1, 8, 16 à 20, 31, 63, 100.
Mainburg, I, 139, 146; II, 77.
Maitenbeth, II, 137, 139, 142, 143, 145,
146, 148, 240, 242.
Maine (Régiment de), II, 7.
Mai.von'i, I, 10.
Malabar (Côte de), II. 260, 283, 298 à
303, 329, .365, 375 à 378, 386.
Mnlagu, I, 340.
Maldives (lies), II, 346.
MflLET, II, 7.
Matines, I, 134.
Mauea.v, II, 208.
Malmaison (la), II, 214, 238, 244, 245,
247, 249, 258, 259, 261.
Malscb, I, 104, 109 à 1 15, 340, 363, 389,
403.
Malte, II, 331, 332.
Malterdingen, I, 172.
Mahhausen, I, 153.
Mamirolle, II, 294.
Manching, I, 141, 143.
Màmlling, II, 198.
Manfredini (Régiment), I, 226; II, 56, 57.
Mungfall (la), II, 90, 01, 93, 130.
Maxgi\', I, 12, 25. 412.
Manille, II, 330.
Mamiheim, I. 6, 206, 307, 310, 324, 328
à 331, 345 à 347, 353 à 360, 365, .368,
375, 379, 387, 397, 407 à 415.
Munosque, II, 257.
Manteam-Rouges, I, 249, 250, 298, 368,
369, 379, 386; II, 22, 29, 64, 66.
Manies, II, 266.
Manloche, II, 91.
Manioue, I, 10; 11, 5.
MiR.îis, I, 300.
Marauitzkv (comte), 11, 45.
Marbach, I, 135, 197, 198,231.
Marce.*u, 1, 82. 317, 4Ss.
Marchthal, I, 162.
Marengo, II, 33, 251, 288.
Marengo (le), II, 278, 312, 315, 323 à
326, 343 à 349, 353 à 359, 363, 364.
382, 390.
Marktl, II. 107.
M/iRCOGVET, I, 97, 104, 108. 110. 111, 115.
121, 122, 125, 126, 133, 139, 140, U4.
145, 149, 164 f 74.
Marescot, 11, 284.
Mariazell, 1, 197.
Mahibox-Mo.vtalt (Voir Montaut) .
Marie-Fr.mçoise (la), 11.
Maricnberg, II, 1.32.
Marienborn, I, 8. 15, 22. 24 à 27, 29,
34, 36, 46, 48, 50, 62.
.\Iarig.\y (Boiii.v de), I, 15, 20 à 22, 24, 26,
80, 81, 380, 383.
Marillac, I, 10, 12.
Marhtgaming, II, 198.
Markolsheim, I, 272.
Marlen, I, 420.
Marmo\t, II, 200.
Marne, I, 338.
Marne (Volontaires de la), I, 338.
Mahons, I, 292.
Mars (Fort de), 1, 16, 20, 32, 48, 72. 74,
76, 78.
Marseille, II, 256, 257, 327.
Marthalen, I, 287, 289 à 292, 297.
Martix, I, 20.
Martinique (la). II, 294.
Ma.s. I, 108. 115, 145, 165.
Mascate, II, 298, 301, .328, 368, 370 à
372, 375 à 378.
Massard, II, 146, 189.
Masse (Jea\), II, 188.
MissKNA, I, 197, 230, 272, 280 à 283, 288,
300,303,304,306, 307,309,311 à 314,
318, 319, 324, 332, 354, 355, 368, 384,
387, 398. 420, 423; II, 100, 213.
Masulipatum, II, 298, 300, .301.
Mathieu. Il, 205.
Matiiieu-Favibrs, II, 113, 114.
Mauenheim. I, 199.
Matzelsdorf, II, 194, 203.
Mauerham, II, 165.
Mauern, 1, 146, 147.
Mal'rb, I, 63.
Maximiliex-Joseph II (Voir Électklr Pala-
tin).
Mayenee, I, ii. 1 à 13, 15 à 31, 34 à 36,
45 à 50, 52 à 68, 70 à 74, 76 à 78,
80, 04, 103, 185, 187, 247, 317, 329,
355, 397, 398.
Mayenee (Armée de), 1, II, 65, 68 à 70,
80, 83, 190. 201, 328.
Mayenne (Département de la\ II, 7.
Mayenne (Volontaires de la) 11, 7.
Mayenne-el-Loire (Volontaires de). 1, 288.
M eaux, 1, 4.
Mechtenheim, 1, 344.
MÉcLssox, II, 371, 372, 378.
INDEX ALPHABÉTIQUE
423
MucziiHV, II, 187.
Mehrensletten, II, 23.
Mêlas, II. 80, 81.
Mello, II, 144.
Melun, I, 240.
Memmingcn, II, 4, 6, 12
Meiujen, 1, 199, 204, 205.
Mentor (le), 11, 328.
Menzingen, 359 à 368, 389, 391.
Meran, II, 199.
Mi-rdingen, I, 275, 2'6.
Mergenlheim, II, 224.
Meriihausni, I, 294.
MiiRLi.v DE Thio.nville, I, 3, 5, 9. 13, 14,
21, 24, 26. 28, 40, 49, 50, 52, 60 à 62,
67, 68 à 71, 83, 84, 230, 232, 236 à
238,240, 241, 246, 253,417,423,434,
439.
Merlin (Redoute), I, 40. 42.
Mertinyeii. I, 136, 153.
Merveldt, I, 436; II, 26, 40, 42, 45, 49,
50, 52, 55 à 57, 59.
Me»\4RD, I, 307.
Messkirch, I, 200. 201; II, 3, 4, 7.
Meszaros (Régiment de), I, 226; II, 38,
40, 53, 128.
Metz, I, 5, 9, 47, 49, 53, 56, 57, 58, 352,
415; II, 230, 266.
Meurthe, I, 10, 129, 200.
Meurihe (Volontaires de la), I, 10, 74, 77,
362; II, 30.
Meuse, I, 89, 148, 187, 188.
Mel'SNIEH, I, 8, 15, 17 à 19, 29, 31, 63.
Metiiiiier (lie), I, 63
Mevhr, I, 299.
Mézières, I, 8.
Michald. II, 174, 190
Michel Wallis (Voir VVallis).
Micsbach, II, 90.
Mignotte, I, 12, 49, 50. 53.
MihaDoiieh (Régiment de), II, 13. 17.
Mincio, II. 191.
Mindel (la), I, 151, 154, 155; II, 12, 13,
16, 19, 77.
Mindelheim, II, 10, 76, 77.
MindeUell, II, 13, 14.
Minderreuli, I, 161.
Mingolsheim, 1,331 à 333,335,364, 368,
389, 395, 398, 400 à 403.
MissiRE, I, 108,113, 115, 129, 132, 140,
142, 145, 175. 176. 181.
Mitrowsky (Régiment de). I, 226.
Mittenwald, II, 90, 91.
MiUer-Au, II, 202.
MixicH, II, 109.
Mockenlohe, I, 148. 150.
MouÈ.\E (Duc de), II, 232.
Mohrenhauscn, II, 10.
Mokringen, 1, 168, 198.
Moka, II, 228, 301.
MoLiTOR, I. 213; II. 158.
Momhach, I, 7, 21, 22.
Miinchweiler, I, 170, 171, 197, 198, 238.
.Uonhrim, II, 77.
Mon.sieur (Régiment de), I, 126.
Montagnes-Moires (Voir Forêt- Noire).
Montargis, I, 65, 373.
Moniauban (Ille-it-Vilaine), II, 67.
MoxiAiLO.v, II, 30, 43. 122, 146. 147, 159
à 163, 179, 189, 227, 229.
Mo.vTAUT, I. 57. 58, 65, 67, 68, 69.
Mont-de-Marsan, I, 339.
Montélimar, I, 340.
MOXTFOHT, I, 35.
Mo.vTiGW, II, 266, 267, 283, 317, 327.
MoNTRicHABD, I. 89, 90, 91, 92, 118, 120.
156; II, 3, 10, 58 à 61, 114, 127 à
131, 148, 153, 186, 187, 196.
Mont-Terrible, I, 84.
Mc.vTioisiN. I, 145.
MoonAJUi'. BoicuLAH. II, 399.
Muosach, 11,43, 53,90, 120, 121, 126
129, 131, 135.
Moosach (la), II, 129.
Moosburg, II, 69.
Moravie, II, 101, 115.
MoREAL, I, 85, 89, 90, 93, 95 à 97, 100,
107, lOil, 111 à 115, 118,120, 128 à
130. 132 à 135, 137, 141, 143. 145 à
147. 150, 151. 153. 157, 160, 161. 166
à 167, 170. 176. 195, 203, 221, 231,
238, 303, 317, 318, 321, 323, 324, 359,
371, 374, 433, 438; II. 4 à 7, 15. 21,
24, 25 à 29, 31 à 34. 38. 39. 41. 42.
45 à 64, 66 à 76, 78 à 92, 100, 102,
115, 121, 129 à 132, 136 à 139, 148 à
152, 154, 158, 164, 170, 175, 183, 186
à 190, 192, 195, 196. 198, 205 à 208,
209 à 220, 224, 226 à 228, 231, 237
à 241, 243 à 245, 247 à 249, 252, 254,
258, 259, 278, 286 à 294.
Morlaix, II, 285.
Mortier i:.s, II, 174.
Môsbach, I, 104.
MosiiL, I, 96, 98, 109, 119. 131, 144.
181. 183.
Moselle, I. 12, 104, 114, 187, 188, 213,
376.
Moselle (Armée de la), I, 5, 6, 26, 49, 57,
59, 65.
Moselle (Volontaires de la), I, 213, 232.
Moskowa (la), I, 211; II, 8.
Motard, II, 317.
MoTTiiT, II, 353, 366.
424 MKMOIRKS KT JOIRX'AUX DU GÉNÉRAL DECAKN
MouLi.v, I, 83.
MoiisTiOHK, II, 253.
Mu(j(jetislurm, I, 109, 110.
Mùfildorf, II, m, 99, 10.". à 107, 110, l.U,
135, 148, 149, 159, 100, I<j4, 2'i4, 'i'>5,
238.
Mûlilhausen, I, 169.
Mûlillieim, I, 168, 217, 224.
MûhUlwl, II, 109.
Muizenbcrg, II, 335.
i\luLi.Kn, II, 82, 92.
Mlxler (Lëonard). I, 327, 330, 343, 345,
354, 357.
Mliler (sou8-lieuleiianl), II, 366.
Miill/ieim, I, 287.
Miinclimiinster, I, 146.
Munderkingen, I, 159.
Mundiiujen, I, 179.
Munich, II, 26, 33 à 36, 38 à 62. 64 à 75,
80, 82 à 90, 92 à 97, 105, 109 à 112,
117, 120 à 123, 127, 131, 135, 139, 206
à 212, 216, 218 à 228, 238.
Munster (23 km. S.-E. de Munich), II,
123.
Mûnsler, I, 15.
Munster (Dragons de), II, 158.
Miinzes/ieim, I, 343, 359, 365, 366, 367,
370, 389, 390, 392.
Munzingen, I, 270.
Murg (la), II, 198.
Ml'rit, II, 7, 291.
Murg (la), I, 108, 117
Murnau, II, 71, 76 à 78, 91, 106.
Mutsclielbach, I, 118.
MuUerstadi, I, 329, 347.
Mysore, II, 299.
^aGLE, I. 108, 115, 145, 155, 163, 181.
Nagold (h), 1, 118.
Ma\.\ah FuRNAïKZE, II, 328, 329.
Nancy, I, 49, 56, 57, 60, 61, 65, 68; H,
11, 230.
NftxsouTV, II, 37 à .39, 42, 47, 54 à 56.
Nantes, I, 80.
Naples, I, 90, 96, 195.
\'ai'i,i:s (Roi dk) ; II, 207.
Naples (Armée de , I, 134, 145, 189; II, 5.
Nimnbuch (le), II, 149.
Nassau (Cuirassiers de), I, 209.
Nassau-Infanterie (Régiment de), I, 8; II,
5.
Nassenfeîs, I, 147 à 149.
Nuttcnhausen, H, 11.
Nattes (de), I, 11, 40, 49.
Naudn-s, II, 200.
Nade.vdorf, 1, 155, 157, 168, 202. 224, 307 ;
II, 25.
Navarre (Régiment de), I, 7.
Nécessité (la), II, 278.
Neckar (le), I, 119, 120, 168, 196, 197,
198, 335, 338, 339, 353, 397, 430, II,
233.
Neckurait. I, 346, 353, 354, 376, 381, 407,
412.
Neckarbischofsheim, I, 366, 368. 388, S93.
Neckargemûnd. I, 334, 338.
Neckarsteiiiacli, I, 338.
Negrellos, I, 268.
Nennslhigen, I. 139, 149.
NErGiiK, II, 174.
Nenzingen, I, 199, 216, 223, 227, 233,
307.
Neresheim, I, 126 à 128, 130 à 133, 1.35;
II, 26, 31 à .33, .35.
Xeubeuern, II, 152, 156. 158.
Neubrunn, I, 203. 210, 211.
Neuburg, I, 137, 139, 147 à 152 ; 11, 11,
15, 16, 37, 48 à 52, 64, 77.
Neudorf, II, 283, 391.
Neuenburg, 1, 343.
Nenf-Brisacli, I, 9, 267, 278, 279, 282;
II, 288.
Neuhaus, II, 180, 182, 185.
Ncuhausen (10 km. Nord de Villingen), I,
197.
Neuliausen (3 km. Sud d'Engen), 1, 217
à 220.
Neuhmisen (6 km. O.-N.-O. de Munich), II,
53, 62.
Neuhofen, I, 190 à 194, 219.
Neukirchen II, 121, 135.
Neuviarkt, II, 139.
Neumarkt(1\ km. N.-E. de Salïburg), II.
107, 175, 177 à 183, 185, 186, 198,222.
223. 225, 226.
Neumûhl, I, 89, 94, 195, 345, 356 à 358.
Neu-Oelting, II, 98.
Nmpfot, I, 349.
Neustadt (Palatinat bavarois), I, 6. 186 à
188, 347.
Neustadt (entre Ingolstadt et Kelheim), I,
129, 140, 146, 147; II, 48.
Neustadt (entrée du Val d'En(er), I, 170 à
172, 198, 229, 230; II, 4.
Neuthor, I, 48.
Neveu, II, 82. 84 à 86.
Nev, I, 307, 331, 334 à 337, 339, 345,
346, 356, 361 à 363, 365 à 368, 375,
384 à 387, 389, 390, 391, 393, 395
à 397. 399 à 406, 409, 413; II, 6, 9,
29, ,32, 33.
Nice, II, 25".
NlCUVILLE, I, 12.
Niclusreuth, II, 131.
INDEX ALPHABÉTIQUE
425
Nieder-.irnbach, I, 138.
Niedercscliach, I, 197.
Nieder-Iiiycllieim, I, 5.
Nieder-Marthalen, I, 287.
Mieder-Haunau, II, 3, 10, 12.
Nieder-Rimsingen, I, 279.
Nieder-Sand, \, 194.
Nieder-Sclioiienfeld. I, 137.
Nieder-Schop/heim, I, 195.
Niederweier, I, 109
Nièvre. I, 285.
Nièvre (VotoDtaires de la), I, 75, 79.
Nimburg, I, 175, 180 à 184.
NiMis, I, 186, 187.
KOGARET, I, 386.
NoizET. I, 398.
Nord (Dëpartement du), I, 247.
IVord (Armée du), I, 5, 23, 82, 96. 114,
145, 196, 198, 200, 340.
Nord fLé,q[iou du), 1, 104.
Nord (Volontaires du), 1, 247.
Nordcndnrf, I, 136.
Nordhausen, I, 267.
Nôrdlingen, I, 125, 131, 132, 135; II, 25,
31 à 33, 35, 77, 224.
NoBM^tND. II, 164, 278, 291, 293.
NOSTITZ, 1, 161.
NouRHV, II, 216.
Nouvelle-Orléans (la), I, 10.
NouvioN, I, .307.
Nuremberg, I, 148; II, 198.
Nusplingen, I, 167.
Nussbach, I, 240. 244, 245, 250. 251, 257,
426. 4:i5, 439, 440.
Nustloch, I, 403 à 405, 407, 408.
Nymphenburg, II, 26, 48, 49, 51, 53, 54,
58, 60, 61, 63. 72, 75, 88, 92, 93, 95,
96, 246, 290.
Ober-Acker, I, 383. 389, 390, 392, 394,
401.
Ober-Arnbach, I, 138.
Oher-Baldingen, I, 199.
Ober-Beckingen, II, 29.
Oberberg, II. 28.
Ober-Bergheim, II, 29.
Ober-Biegelhof, I, 388.
Ober-Blaichen, II, 10, 14.
Ober-Bobingen, I, 122.
Ober-Derdingen, I. 390.
Oberdorf. I, 125.
Oberehnheini, I, 194.
Obereschach, I, 197.
Obergrombach, I, 361, 382, 383.
Oberkirch, I, 102, 104, 195, 420.
Ober-Kirncck, I, 121.
Ober-Kochen, I, 123.
Ober-L/ms, II. 90, 125.
Obcr-.Uerllingen, II, 3, 25.
Oberndorf (15 km. !V.-[V.-0. de Roftaeil),
I, 196, 198, 230.
Oberndorf [h km. S.-O. de Rain), I, 153.
Oberndorf (\0 km. E. de Munich), II. 49,
63.
Oberndorf (11 km. S. de Holienlinden),
II, 57, 142 143, 145.
Obcr-Pframern, II, 125.
Ober-Riffingen, 1, 125, 130; II, 32.
Ober-Rimsingen, I, 275, 279.
Ober-Both (8 km. N.-E. de Kellmiinz),
II, 9.
Ober-Roth (9 km. M.-O. de Dachau), II,
41, 54.
Ober-Rott, II, 156.
Ober-Sendlhig, II, 61.
Obersiadion, I, 159.
Obentein, I, 159.
Ober-S/etten, I, 199.
Ober-Thûrheim, I, 154.
Ober-Urbach, I, 121.
Ober-U'alling, II, 197, 202.
Oberweier, I, 109.
Oberwil, I, 283.
Obing. II, 159, 162.
Océan (Armée des Côtes de 1), I. 9, 198,
340.
Ochsenbach, I, 202.
Odenheim, I, 343, 360, 361, 363, 365 à
367, 370, 387, 389, 390 à 394. 396, 399
à 401.
O'Donel (Chasseurs d"), I, 298, 307.
Oensbach. I. 103, 104.
Oerlingen. I, 291, 297.
Oeslringen, I, 333, 343, 363. 370, 387. 389,
394, 398. 400 à 403.
Oetling, II, 116.
Oewis/ieim, I, 386, 389, 394.
Offenburg, I, 97 à 100, 103. 195, 254, 264
à 266, 269, 298, 306, 356, 368, 420,
427, 437, 443. 444; II, 23i.
Offingen, II, 20, 22.
Oftersiieim, I. 331, 332, 346, 405, 407,
410, 411.
Oggelshausen, I, 162,
Oggenkausen, II, 31.
Oggersheim, I, 329.
Ohhbach, I, 195.
Ohmenheim, I, 128, 130; II, 35.
Oise (Département de 1"), I, 352.
Olgis/wfen. II, 10.
Oos, 1, 104, 105.
Oosbach, I, 105, 106.
Orissu, II, 298, 329, 400.
Orléans, I, 65, 68 à 71.
426 MKMOIRKS ET JOURNAUX DU GÉX'ERAL DECAEM
Orne (Volontaires de 1). I, 201, 366.
Orsay, II, '289.
Orsinyen, 1, 222, 226, SOT.
Ortenberg, I, 195.
(hthofen, II, 40.
Oitinyen, I, 291. 297.
OstendorJ, I, 137.
Oitrach, I, 203. 205. 207 à 213, 417.
Ostrach (l), I, 205, 206, 208.
Ostwald, 1, 194.
Otlerbach (I"), I, 349.
Oltersweier, I, 105.
Ottmarsheim, I, 282
OïDixoT. I, 181, 287, 296, 297. 307. 327,
328; II. 250.
Ouest (Armée de 1), I. 9, 10, 54.
Ouiihe, I, 267.
OïBK (d'), I, 5, 7, 8, 14 à 16, 18, 20, 22,
24 à 38, 41 à 49, 58, 59, 66.
Paar (la), I, 138, 139, 142, 143, 147;
II, 34, 37 à 39, 42.
PAILI..1RD, I, 285, 286, 291, 293, 296, 297.
PftJOL, I. 240, 241, 245, 249, 250, 251,
275, 276, 279, 300, 425, 439, 441.
Palalinal, I, 185, 321; II, 199.
Paol'kt, I, 179.
Parodies, I, 287 à 289. 295, 298. 301,
307; II, 3,
Paris, I, 3, 23, 25, 51, 57, 61, 82, 84, 89.
90,96, 103. 118, 159, 188, 196, 200,
213. 220. 232, 288. 296, 315 à 330, 322
à 324. 327, 328. 352. 359, 431, 444;
II. 31, 37, 43, 74, 133, 206. 214.
Paris (Chasseurs de), I, 10. 195.
Paris (Volontaires de), I, 200.
Parsberg, II, 194.
Parsdorf, II. 49, 55, 63 à 69, 90, 121.
Pasc.HL, I, 20, 27.
Pasing, II, 54.
Passau, II, 57, 79, 98, 100, 108, 115.
Patty, I, 96.
P.ITISSIBR, I, 371.
Pellegrini-lnfanterie (Régiment de) , I, 1 10.
Pellet, h, 257.
Perlach, II, 57, 62, 63.
Pkbcv, II. 73.
Pkrqiit, I, 96.
Pbrrix, I, 210, 240. 241. 251, 253, 257,
259, 260. 418, 421. 425. 434 à 442.
Perrim (adjudant général). II, 22.
Pkrrix (chasseur). II, 172, 17, 3.
Perrox. II. 399.
Perse, II. 372. 376.
Persique (Golfe), II. 375.
Peschwah (lb), II, 329, 380.
Pelerzell, I, 243, 245, 246. 249.
Pctit-Koblenz, I. 287.
Petite-Pierre (la), I, 167.
Petrasch. I, 166, 108.
Petling. II. 166.
PJaffenlw/en, I, 141, 143, 145, 146; II,
52, 53, 57.
Pf,.ffenweiler, I, 236, 237.
Pfaffing, II, 162.
PfalzpainI, I, 149.
Pfersbach, I, 121.
l'fohren, I, 171. 198, 199, 232.
l'forzheim, I, 117, 118, 333, 372, 378.
P/rungen, I. i03, 206, 207, 209.
P/uhl, I. 157, 158.
PJullendorf, I, 193, 197, 199 à 208, 210 à
212, 214, 220 à 222, 226, 430.
Pfûnz, I, 150.
Phalsbourg, I, 5.
Philippsburg, I, 221, 327, 331, 332, 335
à 344, 354, 355, 365, 375, 384, 385,
388, 391, 397. 398, 414; II, 82, 96.
Picard (Comu.i.xd^xt), II, 150.
Picardie (Kégiment de), I, 8.
PicHiiGRi. I, 84, 90, 324; II, 286, 287.
Pie VI. II, 256.
Piété nfeld, I, 148, 149, 150.
l'illnitz, I, 3.
Pinard. I. 97.
Pncuox, I, 277.
Pithiviers, I, 65.
Place, I, 103.
Plankstadt, I, 331.
Planksiadterebene, I, 412.
Plai'zoxxe. II. 8, 13, 17, 18, 24, 58, 69,
70, 92, 133, 147, 148, 153, 159, 173,
229.
Pleikaris/orst, I, 412.
Plessier (le), I. 352.
Pliening, II, 58, 67.
Plobsheim, I, 194, 267.
Ploérmel, I, 11.
Plûderhausen, I, 121.
Pobenhausen, l, 138.
Pobenhausen, I, 146.
Poissov, I, 358.
Poitou (Régiment de), I, 200.
Poivre, I, 11.
Poligny, I, 10.
Poméranie, I, 213.
POUMIRR, II, 5.
PoxcK, I, 145, 183.
Pondichéry, I, ni; II, 258 à 262, 265, 267,
270, 280 à 282, 284, 285, 294, 298 à
;}04, 306, 307, 311 à 313, 317, 321,
327, 332, 340, 341, 346, 347, 349 à
360, 365 à 369, 374 à 400.
Pont-à-Mouison, I, 56; II, 14, 230.
INDEX ALPHABETIQUE
427
Pont Couvert, 1, 312.
Pont-des -Morts, I, 32, 63.
l'ontoise, 1, 4; II, 12.
Ponlorso?!, I, 80.
l'oonali, 11, 329, 3S0, 399. 400.
l'ornhach, I, 140, 143, II, 57.
l'or tel, II, 8.
l'oHo-Novo, II, 346, .'M8
l'ortuffat, I, 96, 195, 268; 11,253
Portugal (Armée de), I, 114, 196.
Paumes, I, 138, 150, 152, 153; II, 51, 52.
Prague, II, 98, 100.
PRiixrouT, II, 364, 400.
Prez-en-Pail, II, 7.
Prieir, I, 68. 81.
Pri.vgle, II, 323, 330, 331, 337, 340.
Provence, II, 258.
Prudhommi:, I, 10.
Prusse, 1, 9, 362, 365.
Prusse (Roi de), I, 30, 41.
Pûhring, II, 194.
Purschhûtte, II, 91.
Puster Tlial, II, 80,
Pyrénées (Armée des), I, 173.
Pyrénées-Occidentales (Armée des), I, 126.
Pyrénées-Orientales (Armée des), I, m,
189, 194.
Québec, 1, 217.
Querbach, 1, 195, 356.
Rabenden, II, 161 à 163.
liadol/zetl, I, 208, 216, 227.
Raglovich, I, 93.
Bain, I, 128, 136 à 138, 150, 151, 153;
II, 39, 50, 224.
Eain (12 km, O.-IV.-O. de Rosenheim),
II, 132.
R.*i\iER (Amiral), II, 350, 361 à ,397.
Raismes, I, 23.
Ramering, II, 148, 149.
Ramer sdorf, II, 55.
Ramsau, II, 149.
Rapatel, I, 103; II, 195, 232.
Rapp, II, 245.
Rastatt, I, 104 à 113, 303, 306, 356,
386.
Rathhaus, I, 275, 276.
Ratishonne, I, 145, 146, 148, 150; II, 44,
104, 115, 198.
Ratlenherg, II, 80.
Ruuenberg, I, 339 à 341, 343, 363
Rauenlhal, 1, 109.
Ravensburg, I. 203, 206 à 208.
Rechberg, I, 122.
Rechlmering, II, 153,
Redl, II, 186.
Rcdnitz (la), II, 76, 77.
Hegau, II, 186.
Rehrosbach, II, 39, 40.
Reichenhall, II. 224.
Heichertsheim, II, 148, 149.
Reichertshofeu, I, 139. 142, 143, 147.
Reilien, I. 368, 388.
Heims, I, 261.
Reims (Chasseurs de), I, 261.
Reisensburg , II, 17, 20.
Rei.vhart (Baro.v de), II, 81.
Reisensburg, II, 17, 20.
Reiset, 144.
Rcilhaslach, I, 200.
Rcilmehring, II, 153.
Remberweiller, I, 204.
RemeUsho/en, 1, 156.
Rems (la). I, 117, 121, 122; II, 77.
RÉ.\iv, I, 172.
Reîich (la). I, 99, 100, 102, 103.
Renchéri, I, 98 à 101, 104
Rennes, I, 103; II, 67.
Renquishausen, I, 167.
Républicains (Les chasseurs), I, 10, 74, 78.
République Cisalpine, II, 116.
République (Volontaires de la), 1, 10.
Hetligheim, I, 343, 363.
Reubell, I, 5, 9, 14, 24, 25. 28, 35, 49,
50, 52, 59, 61, 62. 67 à 71, 146, 189,
319 à 322, 324.
Réunion (Ile de), II. 351,
Reuss (Prince de), II, 50, 56, 58, 79, 81.
Reutte, II, 87, 97, 103.
Revigny, I, 148.
Rev.mer, I, 85, 96, 151, 167, 170, 180,
184, 185.
Rheinau, I, 290 à 292, 297.
Rhein/elden, I, 84, 283, 284, 312.
Rheingau, I, 15.
Rheinklingeu, I, 286, 287, 292 à 295, 301 ;
II, 3.
Rheinu'ald, I, 314.
Rheinzabern, I, 345, 347, 348, 349.
Rhin, I, 5, 8, 13 à 20, 29, 44 à 49. 60. 67.
70. 85. 89 à 94, 104, 119, 131, 166 à
175, 184 à 194, 221, 242, 256, 267,
270, 272, 273. 276, 282, 285 à 287.
289 à 300, 307, 310, 325, 327 à 335,
344 à 355, 372 à 387, 397, 407, 412 à
414, 416, 420, 430; II, 3, 100, 101,
191, 199 à 201, 218, 229 à 234, 289.
Rhin (Armée du), I, 5, 6, 8, 15, 26, 49,
51, 57. .59, 61, 67, 94, 134, 186, 303,
317, 318,320 à 324, 345; II, 1 à 247,
251, 252, 254, 283, 288 à 291.
Rhin (Chasseurs du), I, 90.
Rhin (Corps d'observation du), I, 367.
428 MKMOIRES ET JOIRNAIX DU GENERAL DECAEN
Uliin-et-MoseUe (Arrat-e de), I, 8, 11, 54,
57. M, 85, S-, 89, 90, 114, 115, 130,
138, 157, 162, 109, 170, 178, 181, 183,
185, 187.
mbenurillè. II. 133.
Richard, I, 81.
KiCHKMOXT, II, 283.
liicken, l, 388.
RicMBPaxcK, I, 190; II, 3, 4, 6, 77, 93, 94,
114, 120, 121, 123, 120, 128, 130, 131,
134 à 138, 139 à 146, 148, 149, 159.
160, 164, 167, 170, 177, 178, 185, 187,
190, 191, 193, 194, 196, 197. 205, 206.
218, 219, 220, 223, 239, 240, 241. 242.
280, 281.
Bieblingen, II, 35, 38.
Bied, II, 107.
Rieden, I, 154.
Riedhmisen (7 km. .\. de Giinzburg), I.
155; II, 28.
Riedhausen (7 km. S -E. d'Ostracli), I, 203,
209.
RiedUngen, I, 166; II, 4, 76.
RlI'.FFKL, I, 50
RiEG (comte de), II, 119.
Riegel, I, 172.
Riem, II, 55, 58, 63. 68. 120.
Rietheim, l, 168, 236.
Riexing, II, 67.
Riexingen, I, 119.
Uir.MER, II, 189.
Riiientheil, II, 39.
Ringgenweiler, I, 204.
Rio del Goa, II, 335.
Riom, I, 228
Riss (la), I, 159.
Riss, H, 91.
Ristissen, I, 159.
RlTAY, II, 8.
Rivet, I, 145, 176, 181.
libdersheim, I, 347.
Rdemeber, I, 319.
Rvfingcn, II, 23.
Rohibach. I, 245, 388, 391, 407, 411.
Rodrigue (île), II, 260.
Rohrenfels, I, 151.
Rohrsdorf, II, 129, 130.
Riihrwangen, I, 159.
Roi (Dragons du), I, 328.
Rome, II, 257.
Rome (Armée de), I, 145. 195.
RoscHou'SKv, II, 165.
RosENUERc, II, 59, 67, 69, 70.
ROSK.VUUSCH, I, 149.
Rosenheim. Il, 62, 79, 87, 89, 90. 93 à
95, 98. 99. 109. 120 à 122, 127 à 129,
130 à 132. 153, 156, 157 à 159. 160, 164.
Rossbach, II, 40, 41.
Rossignol, I, 80.
Rotleninann, 11, 180.
Roth, I, 186, 188, 332, 345, 362. 364, 384.
395, 402, 403.
Both (la), 1, 156.
Riilhctibach, I, 171.
Bolhenberg, I, 343.
Bollienhaiisen, II, 107.
Bolhiceil, I, 276.
Bon, II, 90, 94, 95, 121, 122, 129. 130,
132 à 135, 138, 239.
Boit (la). I, 153, 154.
Botlutn (la), I. 159.
Bolticeil, I, 168, 170, 196, 197, 198, 230,
232; II, 76, 2.33, 2;34.
Rouge (Mer), II, 298.
RoYEREDO (de). II, 81.
Bouen, I, 190; II, 144.
Rousseau, II, 378.
Roussel, I, 359. 362. 363, 366, 369, 370
à 372, 378, 379 à 384. 392, 402. 405 à
407, 411, 413; II, 123, 125.
Royal-Lorraine (Régiment), II, 144.
RuBï, I. 198, 229, 230.
Rudler. I, 186, 187.
Budolfingen, I, 290 à 292.
Buffey-sur-Seille, I, 109.
Ruffiv, I, 400.
Ru.;gieri, II. 243, 289.
RuHL, I, 67.
Bûlzheim, I, 348, 349.
Buichweiler, I, 203, 208 à 210.
Bussheim, I, 391, 395.
Russes, II, 100, 101. 116.
Bussie, I, 96, 114; II, 332, 365, 380.
Saal{\i), I, 367, 369, 383.
Saalach(\!i), II. 166, 226
Sachsenhausen, II, 27 à 30.
Sahuc, II, 144, 145, 229, 2.33.
Saint-Chamans (Régiment de), I, 5.
Saint-Charles (Fort), I, 11, 39, 41 à43, 48.
Saint- Cloud, II, 309.
Sainte-Croix, I, 8, 29, 39.
Saint-Cvr (Voir Gouuox).
Sai\t-Dizier, II, 95, 142, 143, 155.
Saint-Domingue, I, 11 ; II. 12, 252, 253,
280, 281.
Sainte-Elisabeth (Fort), I, 12, 29, 33, 39,
43, 48.
SAI.\TE-Suz^^'xE (Bru.veteau db), 1. 11, 37, 42.
49, 89, 94, 97, 99 à 104, 108, 110, 113
à 115, 119, 120, 123, 125, 128, 132.136,
137, 140, 143, 151 à 154, 157, 161, 166,
à 168, 170 à 172. 176, 183. 186, 188,
239; II, 3. 4, 6, 48, 77, 231 , 267, 284, 317.
INDEX ALPHABETIQUE
429
Saintk-Suzanne, II, 267, 284, 317, 341,
342, 391 à 397.
SahU-Gcorf/fs. II, 349, 373, 386 à 397.
Saint-Jaraos (Cabinet de), II, 328, 36(j.
Saint-Jean (île), I, 33.
Sahit-Jcan de. Hnhrbach, I, 114.
Saint-Joseph (Fort), I, 11, 14, 38, 40, 43.
Saint-Julien, I, 314.
S.iint-Jlliem (Comte du), II, 95.
Saint-Louis, 1, 283.
Saint-Médard de Limeuil, I, 54.
Saint-Michel, I, 3tîO.
Sai.xt-Mihikl, II, 367.
Saint-Mabord, I, 10.
Saint Domingtte, II, 251, 254.
Saintoii<]e (liëgimeiit de), I, 10
Saint- Philippe (Fort), I, 11, 29, 33, 36,
à 43, 48.
Saint-Pierre (île), I, 15, 16, 33, 44, 48,
72, 75, 76, 79.
Saint- liémij-Chaussèe , I, 247.
SaiJiT-SuLPicii, I, 405.
Salaberg, II, 196.
Saldagne, II, 335, 340.
Salem, I, 203, 210 226.
Salette, I, 198.
"Salis (de), II, 339, 340-
Salis (Corps de), II, 53.
Salmansweil, I, 203, 226.
Salm, I, 343.
Salmdorf, II, 63.
Salm-Salra (Kégiment de), I, 10, 29.
Salzach (la), 1, 12; II, 152, 164 à 180,
184, 194, 196, 202, 223 à 226.
Sahbach. II, 288.
Sahhurg, I, 12; II, 81, 107, 158 à 171,
175, 178 à 187, 196, 198, 202 à 212,
214 à 216, 219, 221 à 226, 291.
Sambre-pt-Meuse (Armée de), 1,139, 144,
147, 185, 198, 328.
Sand, I, 89, 97, 98.
Sandizell, I, 152.
Sandweier, I, 105, 106
Sankt-Floriiin, II, 203.
Sankt-Georgen, 1, 238, 240 à 255, 269, 418,
419,421, 425 à 427, 434,435,439,440.
Sankl-Kastl, I, 141, 142.
Sankt-Katharinentkal, I, 282, 286, 292,
294, 301, 307, 428.
Sankt-Leon, I, 384.
Sankt-Ludwig, I, 283.
Sankt-Mârgcn, I, 171.
Sankt-Murien, II, 194.
Sankt-.Uarin. II, 199.
Saône-et-Loire (Département de), I, 134.
Saône-et-Loire (Volontaires de), I, 10, 73,
99, 133.
Sao Thingo, II, 327.
Sarre (Département de la), I, 31.4.
Sarre (la), I, 49.
Sarielouis, I, 19, 49 à 51, 57, 61 ; II, 5.
Sasbach. I, 104.
Sauiiau, II, 100.
Savabv, I, 80, 190; II, 7, 245.
Saxe, I, 96, 195.
ScAi-KORT, I, 145, 155.
Sf;HAAL, I, 8, 15, 26, 33, 46, 49.
Schabenhausen, I, 197,
Schnffhouse, 1, 229. 230, 285 à 290, 294,
295, 298 à 300, 306, 308; 11, 4.
Scliâfllarn, II, 49, 54 à 57, (JO, 61.
Schammach, 1, 161.
Schàrding, II, 107, 108, 115.
Scluirnitz. II, 200, 201.
Schatthausen, I, 402.
Schauernhcim, I, 347.
Scheer, I, 166.
SCHKGLIXSKV, I, 8, 9.
Schemmerberg, I, 159.
Schechen, II, 132.
ScHKRKR, I, 189, 190, 444.
Schergendorf, II, 203.
Schiltach, I, 196, 254, 433.
Schiltach (la), I, 419.
Schiltigheim, I, 185,
SCHI.\'I!R, I, 392.
Schlacht, II, 123, 126.
Schiaden (Régiment), I, 37.
Schaltl, I, 288. 289.
Schleisshach, I, 146.
Schleisstieim, II, 52.
Schlesladt, I, 8, 9, 96, 193, 194, 267, 272.
Sc/unidhnusen, II, 130.
SCHHIDT (Gé.VlÎRAI,), II, 116.
SCHMIDT, II, 188.
ScHMiTZ, 1, 126, 127.
Schmutter (la), I, 136, 153.
Schnaitsec, II, 163.
Schneider, II, 73.
Schonach, I, 240, 246, 249, 251, 425, 439.
Schonberg (Régiment de), I, 5.
Schônenbach, I, 241, 245, 250.
Sctiongau, II, 57.
Sclionram, II, 165, l(î9.
Schomcald, I, 240, 246, 251, 434, 439.
Schorjling, II, 222, 223.
Schorndorf, I, 117, 121; II, 77.
Schramberg, I, 196, 197, 230, 246, 263,
433.
Schrobenhausen, I, 138, 152, 153; II, 39,
42, 51, 52, 77.
Schuttenwald, I, 195.
Schutter (la), I, 420.
Sckwabcn, II, 92.
430 MEMOIRES ET JOURNAUX DU GENERAL DECAEN
Schwabering, M, lôO, 1()0.
Schtcaig, I. \H\.
Schu-iincnHiidl, II, 186, 187, 206, 219,
221 223 22.")
Schwarzboch (la), I. 3:58.
Schicannii, II, 163.
Scharzenicang, II, 28.
Schwiiz, II, 80, 81.
Schtccmli, II, 4.
Schtrennlnf/en. I, 167, 169, 170, 197, 198.
Schwetzingeii, 1, 327, 331, 332, 335, 337,
339, 345, 346. 376, 405 à 413.
Scimiebcrdingeii, I 117, 118, 119.
ScivDHH, II, 328, 330, 371, 381, .399, 400.
Sebastiim, II, 209.
Se flan, I, 7
Seebmck, II, 160, 161.
Seekirck, 1, 161, 162; II, 177, 178, 179.
Segré, I, 82. 84.
Seguix, I, 37.
Seifeitshofen, II, 10, II.
Seine, 1, 96.
Seine-et-Oise, I, 89.
Seine-et-Oise (Volontaires de), I, 10, 75 ;
II, 12.
Seine-Inférieure, I, 400.
Seine-Inférieure (Volontaires de la), I, 415.
Seitensletten, II, 196, 219.
Seilingen, I, 168.
Selgeisiceiler, I, 201.
Selz, I, 306, 352.
Sémillanle (la), II, 278, 326, 390.
Sexarens, I, 373.
Sendling, II, 53.
Sénégal, II, 32S.
Sens, I, 65, 68, 69.
Seychelles (îles), II, 260, 346.
Servian, II, 30.
Sickingen, I, 368.
Sierning, II, 202, 203
SiEvÈs, I, 316, 318; II, 247.
Sigmaringen, I, 166, 167, 201 , 204; II, 209,
233.
Silèiie, I, 314.
SlMABDET, 1, 181.
Simmtsweiler, I, 125.
Simon's liny, II, 322 à 3.30, 336 à 345.
Simonswald, I, 176.
Singen, II, 294, 299, 307.
Sinsheim, I, 327, 331, 332, 334 à 340,
366, 393.
Sinziieim, I, 106.
Sion, 1, 392.
Sipbnehzell, II, 190, 192.
Sissach, I, 283.
Smolensk, I, 373.
Sojlingen, I, 157.
SOLANO, I, 114.
Sollheim, II, 182.
SOLMIflC, I, 30O.
Sommerau, 1, 2J5, 251, 252, 426, 435.
Sondernheim, I, 349.
Sontkeim (15 km. 0. de Laupheim), I, 1.59.
Sontheim (13 km. N.-E. de Lan,'jenau), II,
26, 27, 29.
Souabe, II, 82, 117, 119, 199, 220, 231.
SoiiDR.îNY, I, 57, 58.
SouHAM, I, 193, 196, 197, 202 à 204, 207,
208, 210, 213. 215 à 219, 222 à 248,
254, 259, 268 à 271, 304, 306, 307, .327,
356, 379, 424, 428, 4.33, 440, 441 ; II,
3, 4.
Souilhr, II, 14.
SoLLT. I. 193, 203, 205, 206, 208, 212, 214,
217 à 220, 230, 238, 246, 253, 254, 256,
260 à 269, 287, 290, 307, 319. 324, 419,
422, 427, 433.
SouvoROF, I, 355
Spaichingen, I, 168.
Spaxxochi, II, 146, 150.
Spire. I, 6, 342, 345, 347, 376.
Spinal, II, 199.
Spieny (Ré.giment de), I, 226; II, 103.
Splûgen, II, 76.
Spôck, I, 202, 205, 211.
Spork, II, 6.
Sladelhofen, I, 101, 211.
Sladion, I. 159, 161.
Stadt-am-Hof, II, 198.
Staffel-See, II, 76.
Slafflangen, I, 162.
Stain (Régiment de), II, 178.
Starck, I, 306 .
Starnberg, II, 55-57.
Slàtzling, II, 37.
Staude, I, 250.
Sleibsbach, II, 198.
Stein (sur le Rhin, 20 km. E.-S -E. de
Schaffhou.'e), I, 285, 287. 291, 293, 294,
296, 297, 298, 300, 301.
Stein (3 km. \. de Steyr), II, 192, 193.
Steinach, I, 195, 261, 262, 420.
Steinbach, I, 105,
Steinbach (Haute-.^utriche), II, 206.
Steingriff, I, 138, 153.
Steinhausen, I, 161, 162.
Steinheim, I, 156.
Steinhijring, II, 142, 143, 145.
Sleinkirchen, II, 61.
Steinsfurth, I, 336, 366, 368, 388, 393.
Steisslingen, 1, 220, 228, 233, 307.
Stenay, II, 231.
Stengelhof. I, 412.
Steplumskirchen, II, 158.
IxVDEX ALPHABÉTIQUE
431
Stetlen (5 km. N.-O. de IVeresheim), I, 125
à 128.
Sletlcn (10 km. N.-E. de Tuttlingen), I,
166, 168.
Stetlen (17 km. 0. de Heilbronn), 1, 368.
Stetlen (9 km. IV. -E. de Langenau), II, 28.
29.
Slettfeld, I, 332.
Steyr, II, 191, 19.3 à 197, 201 à 206,
219.
Steyr (la), II, 202, 203.
Sxirsics. II, 116.
Stockach, I, 165, 193, 199 à 201, 208, 213
à 222, 225, 226, 298, 299, 307, 430;
II, 4, 7b, 212.
Stoi'flkt, II, 247.
Stotzingen, II, 25, 28, 30.
Strasbourg, I, 10, 84, 94, 116, 184, 186,
189, 190, 196, 240, 254, 259, 267 à 271,
296, 303, 306, 309 à 319, 324, 327, 328,
345, 347, 352, 353, 355, 356, 358, 359,
374, 409, 414, 415, 429 ; II, 4, 86, 209,
212, 215, 230 à 232, 234, 237, 238, 288,
289.
Strats, I, 156.
Strassberg, I, 167.
Strasstrudering, II, 63.
Strasswalchen, II, 185, 186, 221.
Straubing, II, 95, 115.
Stuttgart, I, 120, 314; II, 77, 230 à 232.
Styrie (la). II, 204.
SlCHET, II, 284.
Suffersheim, I, 148.
Sdffrex (Baili.i dk), II, 251.
Suisse, I, 84, 356, 392, 407.
Sulgen, I, 196.
Sulz. I, 196, 230.
Sundkeim, I, 92, 185, 195.
Sunthausen, I, 198.
Surale, I, 298, 301, 329, 372.
SzekJer (Hussards), I, 99, 101, 102, 110,
306, 331 à 335, 338, 343, 377, 392, 393 ;
II, 157.
SZT.ÏRAY, I, 101 , II, 25.
Sïtaray (Régiment de), I, 294, 298, 342,
378, 384. 387, 414.
Table-Bay, II, 322, 323, 332 à 334.
Tafertshofen, II, 10.
TAI.LEYRAXD, II, 323, 343.
Tanjore, II, 298.
Targe, I, 20 à 22.
Tarn (Département du), I, 198, 360.
Tarn -et- Garonne, I, 11, 12.
TATTENBâCH (Comte de), II, 47.
Taxelberg, II, 188.
Tegem-See, II, 71, 78, 87, 90, 91. 122.
Teiscndorf, II, 165. 170, 175, 179, 182.
Tenir iffe, II, -323, 341, 342.
Trngh'iig, II, 165.
'l'erpsifliore (la), II.
Tète du Lion, II, 333, 335.
Télé .Voire (Baie de la), II, 335.
Tkaingen, II, 4,
Tlianhniisen, II, 11, 12.
Thann, II, 156, 194.
T/iann/icim, I, 237.
Tharreau, I, 227, 288, 290, 307, 409, 414
à 416, II, 3.
Thengen, I, 198, 294, 307.
T/ieningen, I, 172, 175 à 181, 184.
Thiengen, 1, 274.
T/iionville, I, 232, 330.
ThoirHlc, I, 90.
TllOMlS UE C.4.\T0RUÉRV, II, 190, 249.
Thorn, I, 10, 200.
TiiiGLT, II, 80, 98, 100.
Thuningen, I, 198.
Thur (la), I. 285 à 287, 290, 293, 297.
Thlbiot, I, 61, 67.
Thurn-Infanterie (Régiment de), I, 84.
Ticfenbach, I, 16*2, 397.
Tippoo-Sa/ilb, II, 260, 299, 336,
Tittingen, I, 149.
Tittmoning, II, 163, 165, 168. 171.
Ttih, II, 56, 90, 91, 106, 120.
Tonnerre, I, 32.
TiJRRixG (Comte de) II, 45.
Tiiss (la) II, 297. 298,
Toul, I, 113, 195; II, 30.
Toulon, II, 258, 259.
Toulouse, I, 71.
Tours, I, 8. 65.
Touss.iixT, I, 107.
TOUSS.AIXT-LOLUERTURE, II, 252.
Tranqucbar, II, 365, 367, 381, 396.
Traun (la), II, 187, 188, 190, 203, 208,
218, 219.
Traunstein, II, 161, 162, 164, 165, 167.
Travot, I, 10.
Trcvise, II, 209
Triberg. I, 170, 223, 237 à 245, 249
à 263, 268 à 270, 283, 303, 305, 316,
418 à 429, 432, 444.
Trident (le), II, 382.
Trinquemalc, II. 260, 350, 381.
Trochtelfingen, I. 125; II, 33.
Trossingen. I, 169.
Trostberg, II, 161, 163.
Troyes, I, 65,
Truglet, II, 281.
Trûllikon, I, 290, 291. 294.
Truttikon. I, 297.
Tuileries (Palais des) II, 244 à 248. 252, 309.
432 MKMOIRKS KT JOURNAUX DU GENERAL DECAEN
Tulling, II, 140. 149, 150, 153.
Tmujnbhnilra, II, .iOit.
'J'iintnihtiuscn, II, 154.
TlHK.VXB, II, -iSS.
Turf/uii; II, 380.
Tl'iiiik.iu, I, 81.
TrnsKi (Albkrt), II, m.
Tutti I II fjcii, 1, un, 198, 208, 2IG, 220,
230: 11, 76, 209, 233.
Tijrol, II, 34, 52 à 59, 79 à 81, 90. 100
à 103, 112, 116. 130, 199 à 201.
Tyroliens (Chasseurs), II, 10.
Vhstadl, I, 332, 34-2. 361. 364, 366, .369.
370. 379, 384. 385, 388, 389, 391, 392,
394, 395. 397. 399.
Uebcrlingen, I. 226.
Uliwiescn, I. 286 à 290, 295, 308.
Ulm, I. 151, 153, 156, 157, 158; II, 4,
18, 25 à 27, 31, 77, 82, 96, 209, 212,
233, 234.
Unadingen, I, 230.
Unsern-Herrn, I, 139.
[Jntei-Biildingcn. I, 199.
Unler-Bicgellwf, I, 388.
Unter-Bissingen, I, 135.
Unter-IUaichen, II, 10.
Unler-Gromhaeh, I, 378, 380, 382 à 386.
Unter-Koclicn, I, 123.
UnleriSwissheitn, I, 370, 392, 394, 395,
399.
Unter-Hiffingeii, I, 128, 130; II, 32.
Inter-Scndling, II, 5;î, 54, 61.
Untingcn, I, 149
l'rticli, II, 77.
llrloffen, I, 99, 101.
Ursberg, II, 14.
Urscuxeider, II, 82, 92.
Utrecht, I, 392.
Uttenheim, I, 194.
Uuenweiler, I, 159 à 161.
V.ICHOT, 1, 82.
Vaiblingen, I, 121.
Vaihingen. I, 118, 120, 368, 369.
Vaillsxt, I, 215, 233.
VaUques (Régiment de), I, 226, 368, 375;
II, 12.
Val d Enfer, I, 166. 170, 172, 255, 420;
II, 3.
VflLKii, II, 9, 95, 121, 174.
Valence, I, 12; II, 256.
Valenciennes. I, 11, 26, 57, 67.
Valley, II, 71, 89 à 91, 93, 94.
Viilognes, I, 94.
Valverde, 1, 415.
Van-Camps (baie de), II, 333 à 335.
V;)XD4MME, I, 152, 167, 171, 184. 190,
201, 254, 259 à 269. 272, 273, 275 à
285, 287, 288, 290 à 299, 301, ,303,
.304, 306 à 309, 420, 428.
VAXDKRH/ii';.si:x, I, 145, 152, 173, 420; II,
262, 267, 283 à 285, 314, 317, ,325, ,341.
Var (Volontaires du). I, 98.
Varsovie, I, 9.
Vnterstelten, II, 64.
Vatrix. I. 388.
Valdois, II, 281.
Vaucluse, I, 213.
Vaugirard, I. 97.
Vecsey (Hussards). I, 226, 298, .307, 378.
393, 401
Velanour, II, 298.
Vendée, I, ii, 12, 49, 60, 63, 64, 68, 69.
71, 415.
Vendôme, I, 20.
Venise, I, 328.
Verdun, I, 89.
Vkrink, I, 18, 32, 48, 49, 70.
Vérin gen, I, 166.
Veringendorf, I, 167.
Verxaxge, I, 20, 22. 29, 34.
Vérone, II, 199.
Versailles, I, 11, 145,217; II, 298. 300.
Verviers, 1, 267.
ViALiaxES, I, 218.
ViDALOT DU SiRAT, I, 11, 49, 57 à 59.
tienne, 1,250; II. 54, 55, 81, 97, 98,
100 à 102, 116, 189, 205, 207, 213,
217, 218, 249.
Vieux-Brisach, I, 184, 267, 271 à 274, 278.
Vieux-lViesloch, I, 340.
Village-Xeuf, I, 283.
Villedieu, I, 198.
Villingen, I, 166, 168 à 171, 193. 196,
à 198. 223, 229 à 231. 233 à 238, 316,
387. 429, 433, 441; II, 209, 212, 223,
234.
Vils (la). II, 69, 70, 89.
Vilsbibiirg, II, 69, 70, 76, 88, 92,
Vilshofen, II, 108
ViMEL'x, 1, 9, 49, 80.
Vincennes, II, 7.
VixcEXT, H, 252.
Vireux, I, 247.
Vitré, I, 82.
Vivarais, I, 8.
Vôcklabruck, I, 340; II, 186, 221, 225.
Vocklamarkt, II, 185, 186.
Vohburg, I, 140. 146.
Vokrenbach, I, 170, 171, 198, 230, 232,
2.37, 238, 241, 543, 245, 250 à 252.
419, 421, 423, 426, 434, 435.
loitsdorf, II, 203.
IMDEX ALPHABETIQUE
433
Volontaires tlu siège de Mayence, I, "20
79.
Volturne, I, 32.
lorchdorf, II, 203.
Vordernbery, II, 198.
Vosge$, I, 10, 12, 362.
Vo»ge» (Volonlaires des), I, 10, 12, 73
à 75, 77 à 79,
Vrig.vaud, II, 321, 344.
Wagrnlwfen, I, 151.
IVagliaûsel, I, 361, .36i, 37 i, 376, 395,
403.
Wagliuj, II, 152, 164, 165, 16.S, 171,206,
219, 226.
lUagram, I, 244.
Wagthurst, I, 103.
Waibstadi, 1, 337, 393
Il (tin, II, 4.
U iilchen See, II, 91, 125.
Waldbeuren. I, 193, 203, 206 à 209, 210.
Waldeck (Régiment de), II, 165.
U'aldliauscn, I, 123 à 125, 209.
U'aldhirch, I, ISl, 238. 241, 246, 249,
251, 255, 263, 419, 421, 423, 426,
435.
U'aldmo$slngen, I, 196.
Wall, II. 146.
U'iiller See, II, 178.
U'alldorf. I, 327. 332, 335, 339, 345, 3(iO,
361, 384, 389, 391, 395, 396, 398 à
403.
Wallis (Régiment Oliiier), I, 212.
Wallis (Kégimenl Mich-l), I, 173.
U alpertsl.irc/ien, il, 90,
Uiiltcnberg, II, 10, 13, 14.
ll'ultenktnisen, II, 10.
W aller swe ter, I, 195.
Warasdin (R('giment de), 1.22» .
lUartenherg. I, 198, 199.
Wasselonne, I, 5.
U'asser, I, 172, 176, 180.
Wasserburg, II, 61 à 63, 68, 87, 89, 90,
9f, 94, 99, 105, 106, 109, 115, 127 à
129, 131 à 134, 138, 140 à 142, 145 à
155, 157 à lrt2, 163, 206, 219, 224,
226, 239, 24 i, 242.
ll'eicliiitg, II, 155.
Weier, I, 195.
ll'eigheim, I, 198.
U'eilier, 1, 332, 360 à 362.
U'ciler, I, 393, 397.
IFeilheim (~ km. IV. -0. de Tiiltlingen), I,
167, 221.
U'eilheim (12 km. S. de lAmmer-See). II,
54, 76, 78, 106.
Weiiiberg, II, 197.
II.
lUeingarten, I, 359, 361, 363, 369, 372,
375, 377, 380, 386 à 388, 390.
IVeisenau, I, 8, 9, 11, 17, 39, 62.
Wcisingen, II, 23.
Weissenburg. I, 148, 149.
Weissevfeld, II, 64, 65.
U'eistenkirchen, I, 147, 148, 150.
Weissenlhal, I, 365.
lUeisskirchen, II, 203.
Wkilesley, II, 297, 312, 328, 329, 352,
375, 383 à 386, .397, 398.
ll'els, II, 108, 115, 187 à 195, 198, 202
à 204, 206, 212, 215, 219, 249.
Welsche (Fort), I, 12, 41, 43, 48.
U'elschingen, I, 217.
IVtmding, I, 135.
Wengenhausen, II, 77.
ll/enklieim, II. 108, 179.
Wertingen, I, 153, 154; II, 35, 38, 77.
IVcstendorf, 136.
WestermaiVN, I, 81, 82.
Wcslplialie, I, 114.
ll'ettcnhiitisen, II, 15, 17 à 19.
ll'eyarn, II, 90, 91.
VViîVROTHEit, II, 116, 196, 198, 201.
IVtden, I, 291.
Wieblingen, I, 412.
Il'iesbaden, I, 48.
Il'iesenthal. I, 331, 332.
Wiesloclt, I, 327, 334, 335, 337, 339 à
346, 363, 383, 384, 387, 389, 391, 395,
396, 39S à 405, 40«, 414.
U'ildenbuich, I, 289, 291, 292.
William (fort), II, 349, 3S6 397.
Winden, I, 138.
WilhUitt, I, 89, 94 à 97, 193 à 195, 264
à 266, 420.
U'intertitur, 1 , 282 à 285. 290, 309, 420,422.
ll'tttislingen, II, 27, 35.
lUohlfarlsweier, I, 117.
Wolfach, I, 195, 196, 254, 260.
IVolfern, II, 192.
WoM', I, 393.
WOLF, II, 50.
WOLF, II, 73.
Wolfangstein, II, 203.
ll'olfralslmusen, II, 53, 55 à 60, 89, 91,
106, 120.
U'oUerdingen, I, 231 à 233, 237.
U'orgl, II, 109.
Il omis, I, 6.
llôtnitz (la), II, 77.
liurm (la), I, 118.
ll'ûrm (la), II, 57, 61.
Uiinn See, II, 55, 57.
Wurtemberg, I, 379; II, 4, 119.
Wurtemberg (Prixce de), I, 368.
28
43i. MÉMOIRES ET JOURNAUX DU GÉXKUAL DECAKX
Wurlembergeois (Chasseurs) , II, 13.
W, urtcmbergcols (Dragons i, II, i2.
llûrzburg, II, 115, 191, :200.
Yanaon, II, 270, 20S, 300, 301.
Ybi, II, 196, 203.
U'ynberg, II, 337.
Zahlbach, I, 37, 38.
Zaisenliausen, I, 390.
Zaisering, II, 1Ô9.
Znmdorf, II, 55.
Zanzibar, II, 377.
Zastrow (de), I, 25, 50.
Zach («.liRON de), II, 209.
Zatzenliausen, I, 119, 120.
Ztiskam, I, 3-48.
Ze/Z (dans la \allée de la Kinzig), I, 259,
262, 2G4.
Zell (12 km. 0.-\.-0. de Wasserbuig , II,
146.
Zcninn Scliali, II, 376.
Zmtheni, I, 332, 370, 389, 394, .{!•!!, 401.
Zieaco, I, 89.
Ziegelei, I, 396.
Zimmerhof, I, 368.
Zimmern, I, 199.
Zinneberg, II, 93 à 95, 106. 120, 121,
123, 129 à 1.32, 134, 154. 157.
Zornetlincj, II, 63, 64, 66, 90, 93, 95.
120, 121, 123 à 129, 131, 1.52. 1.34 à
138, 1.39 à 141. 143, 145, 239, 240.
Zoschingen, II, 31.
Zucher.ng, I, 138, 139.
Zunstceier, I, 195.
Zurich, I, 282 à 285, 303, 307 à 313. 332.
Zusam(]a), I, 136, 153; II, 15, 77.
Zusamzell, I, 153, 154.
Zusmarshausen, I, 153; II, 11, 15. 16,
69, 77.
Zuzenhausen, I, 337, 400.
TABLE DES MATIÈRES
InTI!
pages
ODLCTIOM .
ARMÉE DU RHIN
CHAPITRE PREMIER
Detat'ii uommé duisioiiiiaire. — Il succèile à Ricliepaiire à la tête d'une division
de la réserve. — Un commissaire des guerres Insillé. — Vaudamme et Gouvion
Saint-Cyr quittent l'armée. — Rôle de Gouvion Saint-Cyr à Messkirch. — Com-
position et emplacements de la division Decaen le 18 prairial. — Le quartier
général à Rettershausen. — Decaen relève IMontricliard vers Krumbach et iMieder-
Raunau. — Debilly attaqué à Deisenhausen. — Decaen péril 143 hommes à
Krumbach. — Il se porte sur Ettenbeuren. — Combats d'avant-postes. — Decaen
s'avance surBurgau. — Lecourbe tente le passage du Danube. — Decaen, chargé
de le soutenir, est irrité de ses procédés. — La division Decaen franchit le
Danube à DiUingen. — Succès des Français. — Decaen s'établit à Obcr-
Aledlingen 3
CHAPITRE II
Le 6" chasseurs enlève deux colonnes d'équipages autrichiens. — L'armée du Rhin
à la poursuite de l'ennemi. — Elle se porte sur Meresheim. — Lecourbe attaque
l'arrière-garde autrichienne. — Kray propose un armistice. — Moreau le refuse.
— Decaen, chargé d'aller occuper Munich, s'y rend à marches forcées. —
Entrée de Decaen à Augsbourg. — Le corps de Merveldt refoulé. — Debilly
enlève Dachau. — Les Autrichiens se retirent vers Munich. — La population de
cette capitale se porte au-devant des Français. — Entrée de Decaen à Munich.
— Il prend possession de la ville. — Ses égards pour le gouvernement provisoire
laissé par l'Electeur. — Decaen établit son quartier général à A'ymphenburg .... 26
CHAPITRE III
Uorcau félicite Decaen de son rapide succès. — Réquisitions imposées à la ville de
Munich. — Sur l'invitation de Moreau, Decaen retire une contribution en argent.
— Moreau arrive à i\'ymphenburg. — La brigade Debilly sur la rive droite de
risar. — Merveldt pousse (iOO chevaux à Parsdorf. — Leur attaque sur Riem
échoue. — La division Decaen s'étend, au sud, jusque vers Schàftiarn. — Mer-
veldt reste vers Oberndorf. — L'armée autrichienne en retraite. — La division
Decaen passe en entier sur la rive droite de llsar. — Mauvais trailcments infligé»
par les Autrichiens à des officiers français. — Plaintes de Moreau à Kray à ce sujet. 49
436 MEMOIRICS ET JOURVAUX DU GEXTERAL DECAE.V
CHAPITRE IV
Le qiiarlier i]éi)éral •lulrichieu établi à Haa'f. — '^'"ay (lemaude une suspension
d'armes. — Moreau l'accorde. — .-Irmistice de Parsdorf. — Satisfaction des
troupes françaises à cette nouvelle. — L'armée du Rhin occupe la Bavière. —
Decaen reste à Munich où il réprime des abus. — SintfuliiTe demande de
Lecourbe à Moreau. — Decaen conseille à Moreau de la refuser. — .Véanmoins
Moreaa cède aux instances de Lecourbe. — Le «jouvernement pourvoit aux
emplois vacants à l'armée du Rhin. — Cette mesure indispose .Moreau qui
entend les réserver aux officiers qui ont fait la campaijne. — Certains émiffrés
demandent, à rentrer en France. — On le leur refuse. — Emplacements des
troupes françaises. — • Renseignements recueillis par Decaen snr l'armée de
Kray Gti
CH.IPITRE U
Moreau veut faire lever la carte de la Bavière. — Il décide la formation d'une com-
mission de routes. — Decaen notifie cette décision an gouïernement électoral
provisoire. — Mauvaise lolmité des membres de ce jjouiernemeiit. — l.a mission
du commissaire \eveu. — Protestation du fjouveruement électoral. — Fermeté
de Decaen. — Les membres du gouvernera<"nl électoral s'exécutent. — On pré-
Toit la rupture i!e l'armistice. — Decaen char<jé de recoiinaîtie un camp pour
l'armée entre l'Isar et l'Inu. — Il rend compte de sa mission à Moreau. — Il
propose la position de Holieulinden. — Ses raisons. — Les troupes de Decaen
s'établissent vers Hell'endorf. — L'armistice prolongé. — L'empereur cède L'Im,
Pliilippsburg et logolstadt. — Renseignements fournis par Decaen sur les .autri-
chiens. — La reprise des hostilités semble probable. — Lue adresse somme
l'Electeur de mettre un terme à la guerre 82
CHAPITRE VI
Decaen chargé de fournir de nouveaux renseignements. — La guerre va recommen-
cer. — Des rapports précis et détailles ne permettent plus d'en douter. — Pré-
paratils des Auirichiens. — Ils fortifient la ligne de 1 Inn. — Emplacemeuts de
leurs troupes. — Les hostilités doivent reprendre le 7 frimaire. — Pour presser
la rentrée des réquisitions, Decaen place des garnisaires chez dix notables de
Munich. — Le gouvernement électoral lui fait des représentations. — Decaen en
reconnaît le bien fondé. — Son irritation contre le commissaire Mathieu-Faiiers.
— Les troupes de Montrichard appuient vers leur gauche. — La diiision Decaeu
se resserre. — Les rapports annoncent de constants mouvements des Autrichiens
vers rinn. — Le mécontentement en Bavière. — On y est disposé à un souléie-
ment contre l'Electeur. — Projet d'une république bavaroise sous l'égide de la
France — On demande à Decaen de le favoriser. — Il refuse. — Raisons qu'il
en donne. — Moreau les approuve, — Composition de la diiision Decaen au
!«'■ frimaire. — L'aile droite française serre sur le gros de l'armée. — Légers
dissenliments entre Decaen et Debilly 104
CHAPITRE VII
La brigade Debilly placée en seconde ligne. — La légion polonaise de Kniazieuicz
est mise sous les ordres de Decaen. — Reconnaissance de Montrichard sur
Aibîing. — Pointe poussée par Lal'fon sur Beihartitig. — Les Autrichiens sont
fort peu nombreux devant Decaen. — La reconnaissance de Montrichard s ar-
rête à un (|uart de lieue d'Aibling — Les troupes du corps de Condé signalées
vers Roseuhcim. — La gauche de l'armée doit se porter en avant le 10 fri-
TABLK DKS MATIÈRES 437
maire. — L'arrivëe de la légion polonaise porte l'efleclif de la division Decaen
à 10000 hommes. — Decaen cliar;|é de reconnaître l'Inu et se» points de pas-
sage. ^ Combat d'Anipfing. — Decaen sans noutelles. — Son inquiétude. —
Des ordres lui arri\ent enfin. — Cause de ce relard. — Decaeu doit se rassem-
bler sur Zorneding. — Il se rend à .Auzing auprès de Moreau. — Accueil flat-
teur de ce dernier. — Decaen mis sous les ordres de Grenier. — Ses observa-
tions. — Il est cliaigé de suivre, le lendemtia, le mouvement de Richepauce sur
Hohenjindeu. — (lonliauce de.n généraux français dans le succès. — Bataille de
Hohenlinden. — Rapport de Decaen. — Decaen chargé d'envelopper la tète de
pont de Wasserburg 127
CHAPITRE VIII
La division Decaen investit la tète de pont de Wasserburg. — Emplacement des
troupes de cette division. — Decaen reçoit l'ordre de se porter sur la Glonn. —
Lecourbe va tenter le passage de llnn. — Les diusions Decaen et Grouchy sont
misen à sa disposition. — Debilly observe Wasserburg. — Decaen se rend
d'Ebcrsberg à Beiharting. — En attendant les ordres de Lecourbe, il fait ras-
sembler sa. division dès le lever du jour. — Il ne reçoit des nouvelles de Lecourbe
qu'à midi. — l^ecourbe lui annonce qu'il va tenter le passage de l'Inn vis-à-vis
MeuKfuern. — Il juge inutile que Decaen le suive vers Meubeuern. — Decaen
se porte sur Aibliiig. — Sur l'ordre de Moreau, il va passer l'Inn à Neubenern,
derrière Lecourbe. — Decaen chargé de se placer en réserve de Lecourbe. —
Debilly quitte la division Decaen. — Lacour le remplace. — Lecourbe marche
sur la Salzach. — Decaen arriie a Waging. — Moreau fait protéger les sa-
lines 152
CHAPITRE IX
Decaen chargé de reconnaître la Salzach vers Laufen. — Son initiative est couron-
née de succès. — Ses troupes franchissent U Salzach à Laufen. — - Le pont est
réparé pendant la nuit. — Moreau à Laufen. — Canonnade violente vers Saizburg.
— Inquiétude de Moreau. — La brigade Durutte sur la rive droite de la Salzach.
— Elle est dirigée immédiatement sur Saizburg. — Combat d .-Vuthering. —
Decaen pousse un détachement vers Seekirchen. — Il est arrêté par la nuit
devant Bergheim. — Des rapports annoncent la retraite des .autrichiens — Dès
le jour, Muntaulon se porte vers Saizburg. — L'armée autrichienne se retire sur
Neumarkt. — Decaen lance à sa poursuite Laffou avec tout son régiment. — Il
entre à Saizburg avant Lecourbe, et le lait sentir à ce dernier. — Durutte
nommé commandant de Saizburg. — Devant Moreau, Decaen se fait un malin
plaisir de coufondre Lecourbe J6"
CHAPITRE X
Durutte reste à Saizburg. — Decaen suit Richepauce sur Vôcklamarkf. — Decaen
à Vôcklamarckt. — La poursuite des .\utrichiens continue. — Richepauce i!il-
bute leur arrière-garde à Sclivvauenstadt. — Decaen se dirige sur Wels. — Combat
de Wels — Succès de Laffou. — Decaen passe sur la rive droite de la Traun.
— L'archiduc Charles propose à Moreau une suspension d'hostilités. — • Decaen
conseille à ce dernier de la refuser et de marcher sur Vienne. — Belle réponse
de Moreau. — La marche vers l'est continue. — ■ Decaen à Kremsmiinster. — Il
y apprend la suspension des hostilités. — Excès de confiance de Richepance.
— Decaeu à Neubofen — L'archiduc Charles tardant à répondre, l'armée fran-
çaise continue son mouvement en avant. — Grunne, Weyrother et Lahorie dis-
cutent les conditions d un armistice. — Convention de Stcyr. — Decaen s éta-
blit à Euns. — Il va passer quelques jours à Munich 185
438 M K MOIRES HT JOIRXALX DU GKiVEUAL DEGAE.V
CHAPITRE XI
Uecai'ii va voir Moreiii à S,ilzbur;[. — Visite à la saliue de Hallein. — Li légion
polonaise dirigée sur Strasbourg. — Moreau et Decaen visitent la mine de sel
de Berclitesgaden — Une agréable surprise. — Une chasse au cerf sur le Kônigs
See. — Comment s'éta;t conclu le mariage de Moreau. — 'Un on-ilit tendan-
cieux.— Remarques bles;anlesde Woreau sur la l'amille du Premier Consul. —
Un propos de la belle-mère de Moreau sur les Bonaparte. — Decaen retourne à
Euus. — L'armée se prf'pare à rentrer en France. — On attend les ordres du
gouvernement à ce sujet. — La division Decaen se dirige sur Munich. — Grati-
licalioDs accordées aux généraux. — Durulte demande à rester à la division
Decaen. — Demande peu délicate de lElecteur de Bavière. — Sur les instances
de Decaen, elle est rejelée par Moreau. — LalTou refuse le brevet de général de
brigade pour conserver son régiment. — Les troupes françaises vont repasser le
Rhin. — Decaen à Ulm. — Il se dirige sur Strasbourg par Sigmaringeu, Tutt-
lingen, Donaueschingen, Villingen et la vallée de la Kiuzig. — Il va rendre
compte à Moreau, dès son arrivée à Str.isbourg, de l'exécution des ordres qu'il
avait reçus ti09
BOXAPARTiC ET DECAEN
CHAPITRE PREMIER
De Strasbourg, Decaen se rend à Paris. — Dessolle le présente à Bonaparte. — Sur
la demande de celui-ci, Decaen expose à sa façon la bataille de Hohenliuden. —
Il fait ressortir les talents et la sagacité de Moreau. — Moreau tient un conseil
de guerre avant la bataille. — On y prédii la victoire. — Rôle de la division
Decaen. — Conduite peu politique de Moreau à l'égard de Bonaparte. — Origine
des dissentiments entre Bonaparte et Moreau. — Susceptibilités et jalousies fémi-
nines. — Decaen cherche à rapprocher Moreau du Premier Consul. — Singulières
objections de .Moreau. — Decaen les réfute avec sa brusquerie et sa l'rancliise
habituelles. — Un dîner aux Tuileries le 14 juillet. — De fougueux Vendéens y
coudoient de purs républicains; — Prévenances de Bonaparte pour les officiers
de l'armi'e du Rhin. — Appréciations de Bonaparte sur les émigrés et les prêtres.
— Decaen lui cite un exemple frappant de restriction mentale. — Il se montre
surtout hostile aux grands prélats et aux hauts fonctionnaires ecclésiastiques de
l'ancien régime. — Decaen exprime à Bonaparte le désir d'aller dans l'Iude. —
Appréciations de Moreau et de Bonaparte sur Leclerc. — Démarche loyale de
Decaen auprès de Bernadotte. — Réûexions de Decaen sur la perte de Saint-Do-
mingue et de la Louisiane. — Moreau fête par un dîner l'anniversaire de Hohen-
liuden. — Decaen eu profite et fait une nouvelle tentative pour le rapprocher
du Premier Consul 237
CHAPITRE II
Decîcn nommé inspecteur général d'infanterie. — Il se rend à Lyon, puis à Mar-
seille. — • Les dépouilles d'un pape sous une remise d'auberge. — De Marseille,
Decaen se rend à Toulon. — Il a une discussion avec l'amiral Emmeriau. —
Après son insi)ection, il rentre à Paris, — Le Premier Consul lui annonce qu'il
ira dans l'Inde comme capitaine général. — Decaen va saluer Moreau. — Sa
situation entre Bonaparte et Moreau est délicate. — Sa rectitude de conduite lui
fait éviter tous les écueils. — Première entrevue de Decaen avec Décrus. —
TABLE DES .MATIERES 439
Accueil hautain que lui fait ce dernier. — Decaen s"en plaint à Bonaparte. —
Sa deuxième entrerue avec Uecrôs. — Decaen prépare son ei[p('dition. — 11 sou-
met ses projets et ses plans au Premier Consul. — Composition de l'expédition,
troupe et chefs. — Decaen eipnse à Dessolle ses idées sur la constitution des
troupes indigènes. — Ses propositions sont adoptées, à quelques modifications
près 2.5(>
CHAPITRF, III
On accélère les préparatifs de l'expédition. — Démêlés de Decaen avec le ministre
de la Marine. — Decaen en appelle au Premier Consul. — Il se charge d'emmener
600 noirs. — \'ouTelle discussion de Decaen avec Decrès. — Decaen organise son
bataillon africain. • — Etat-major et fonctionnaires de Decaen. — Au cours d'un
entretien avec Decaen, Bonaparte se plaint vivement de Moreau. — Ses reproches
sur la conduite de celui-ci. — Decaen défend Aloreau. — Bonaparte attribue la
conduite de Moreau à l'influence de la femme et de la belle mère de celui-ci
et aux conseils de Lahoric, Fresnière et Normand. — 11 semble encore porter
quelque intérêt à Moreau — Decaen lui insinue que Moreau pourrait être facile-
ment ramené. — Uépouse décourageante du Premier Consul : « C'est un sable
mouvant! " — Cause du mécontentement de Lahorie. — Dernières tentatives de
Decaen pour rapprocher Moreau de Bonaparte '118
DEPART POUR L'I.VDE
CHAPITRE PREMIER
InstruclioKS du ministre de la Marine à Decaen. — Ordres pour la reprise de pos-
session des établissements français de l'Inde. — Reconstitution des archives. —
Renseigiieraents et instructions sur ces établis.'^ements. — Pondichéry chef-lieu
des possessions françaises. — La population. — Revenus et dépenses. — Bona-
parte met 1 800000 francs à la disposition de Decaen pour la première année,
en plus des revenus du pays. — Troupes. — Fortifications. — Bonaparte pro-
jette de faire fortifier Pondichéry et Karikal. — Bâtiments civil» et militaires. —
Marine. — Commerce. — Justice. — La Chauderie. — Police. — Cultes. —
Dispositions générales 297
CHAPITRE II
Decaen prend congé de Bonaparte. — Instructions particulières du Premier Consul.
— Bonaparte prévoit le cas d'une guerre avec l'Angleterre dans un avenir rap-
proché — L'adjudant commandant Binot précédera, dans l'Inde, le gros de l'ex-
pédition (le Decaen. — Instructions qu'il reçoit ds celui-ci. — Decaen quitte
Paris. — Premiers démêlés avec le contre-amiral Linois. — Decaen déclare au
préfet maritime de Bre.-it ([u'il refuse de voyager sur le vaisseau amiral. — Le
préfet maritime tranche le différend. — Les troupes s embarquent. — Ordre du
jour de Decaen. — L'expédition quitte Brest. — Parcimonie de Linois. — Les
troupes soulïrent de la soif. — Decaen veut faire augmenter la ration d'eau. —
Ses instances auprès de LInnis qui se retranche derrière le règlomeut. — Linois
cède enfin. — Arrivée au Cap de Bonne-Espérance. ... 300
CHAPITRE III
Decaen débarque et se rend au Cap. — Le gouverneur du Cap, Janssens, est en
voyage dans l'intérieur de la colonie. — Decaen va visiter les vignobles de Cons-
440 MKMOIRES ET JOIRVAUX I)L GEVEKAL DECAEM
tance. — Les militaires ayant causé quelques désordres à Simon's Bay, Linois
leur défend de desrendre à terre. — Dec.ien trouve cette défense excessive. —
Il prie Liuois de révoquer son ordre. — Un rapport de Decaen au ministre de
la Marine sur l'Inde. — D'autre» notes politiques de Decaen sur la colonie du
Cap. — Nouvelle d'une prochaine rupture entre la France et l'.Angleterre. —
Cependant l'ecaen ne peut y croire. — \otes délaillces sur le Cap. — Conquête
de» Anglais. — Reprise de possession du Cap par les Hollandais. — Rôle de
l'agent anglais Pringle. — Les fonctionnaires hollandais. — ■ Le capitaine du
transport la Côtc-d'Or se plaint des olGciera passagers. — Les hommes ayant
causé du scandale dans une escale a Ténérii'fe, Decaen prie Vandermaësen de
sévir, — L'expédilion quitte le Cap de Bonne-Espérance. — • Les amours et le
mariage de l'évêque Talleyrand. — Lu amusant incident égaie la traversée. —
Linois fait des économies sur ses pensionnaires — L'expédition en vue de l'île
de France. — Linois, se retranchant derrière ses ordres, refufe de communi-
quer avec la terre. — .■\rriv('e de Decaen devant Pondichéry. — La frégate la
/!rllr-/'oule s'y trouve déjà, mais encadrée entre deux vaisoeaui anglais. —
liiquiéludes de Decaen 323
C H. A PITRE IV
Lettre de Decaen au ministre. — Arrivée à Pondichéry. — Decaen écrit au gou-
verneur de Madras pour demunHer I exécution des clauses du traité d Amiens. —
L escadre anglaise se met sous ïr)iles. — Elle mouille au lent de la division fran-
çaise. — Arrivée inattendue dn Hélicr. — Il apporte à Decaen l'ordre de rallier
1 île de France en cas de rupture entre la France et l'Angleterre. — Devant les
mesures que prennent les Anglais, Decaen décide de se rendre immédiatement à
l'îie de Fiance. — Ses ordres à l'adjudant commandant Binot. — Abnégation
du préfet colonial Lé^er qui abandonae sa famille. — Les bâtiments de Linois
échappent, pendant la nuit, à la surveillance de la flotte anglaise. — Arrivée à
l'île de France. — La Hellr-l'oule <''cha()pe auv Anglais. — La Càtc-d'Or, cap-
turée par eux, e>t rendue — Difficultés qu'épionve Decaen à faire parvenir ses
rapports en France. — i\oiivelles instructions à Binot 3-48
CHAPITRE V
La mission de Cavaignac à Mascate. — Decaen veut rétablir l'autorité du gouver-
neur de 1 île de France. — Linois s'y montre assez peu disposé. — Mesures
que prescrit Decaen. — Recommandations de Decaon à Cavaignac. — L' Unliinle
transportera Cavaignac à Mascate. — Celte frégate fera aussi une reconnaissance
des côtes de l'Inde et de la situation politique. — Decaen rend compte au
ministre de la Marine du sort de la Côte-d'Or. — Pénurie de ressources à l'île
de P'rance. — Une lettre de Linois au ministre de la Marine. — Cavaignac
chargé de faire parvenir de .Mascate à Constantiuople et à Paris des lettres de
Decaen. — Correspondance du préfet colonial Léger avec le ministre à son
arrivée à Pondichéry. — Correspondance frliangée entre Binot et les .Anglais,
le gouverneur du fort Saint-Georges et l'amiral Rainier et Decaen 368
Co.\(ORDA\ci-; DK.S cai;vDRiEns Riii'( ulicaiv et ghkgorik.v 401
IXDEX AI.PH.AlUiTCQn: 407
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