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Full text of "Memoires et journaux du general Decaen"

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*]CSE  LLB.f 


PIBLIF  sots  LA  DIKECTIO\  DE  LA  SECTIO\  HISTORIQl'E  DE  L'ETAT-MAJOR  DE  L'ARMEE 


MEMOIRES  ET  JOURNAUX 

DU 

GÉNÉRAL  DECAEN 

Publiés  avec  Introduction,  Notes  et  Cartes 


ERNEST   PICARD 

I.IKUTKXIXT-COLOXKL    d'aBTILI.KRIK   DIIBVRTK 
CHKP  Dl{  Lft   SKCTIOV  HISTOIlIQfK    DR   l'iItAT-MAJOU  UK   l'aRURK 


VICTOR    PAULIER 


LIELTKXAXT  D  IXFAXTBRIE 


TOME     SECOND 
1800-1803 

ARMÉE     DU     RHIN 

BONAPARTK     ET     DECAEX 

DÉPART    POUR    l'iXUE 


PARIS 

LIBRAIRIE     PLON 

PI.OV-NOURRIT  ET  C'%    IMPRIMEURS-ÉDITEURS 

8,    RUE   GARANGIÈRE    —    ()« 

1011 


AIEMOIRES  ET  JOURNAUX 


r  r 


GENERAL  DECAEN 


DU  MEME  AUTEUR,  A  LA  MEME  LIBRAIRIE 


Bonaparte   et   Moreau.    L'Entente   initiale  —    Les    Premiers  dissen- 
timents —  La  Rupture.  Un  voL  in-S"  accompagné  de  cinq  cartes.     7  fr.  50 

(Couronné  par  l' Académie  française,  prix  Furtado.) 

1870.  La  Perte  de  l'Alsace.  In  vol.  in-16.  4«  édition.  .  .  .    :i  Ir.  50 

Mémoires  et  Journaux  du  Général  Decaen.  Tome  I  :  1793-1799  : 

Sièfjr  de  Mayence  —  Armée  de  Rliin-et-Moselle  —  Armées  du  Danube  et 
du  Rhin.   Un  vol.  in-8».  Prix 7   fr    50 


PAHIS.    TYP.    PLOX-.\OLRRIT    ET   G'",    8,    RLE    GARAXCIBRE.  —    14628. 


PUBLIÉ  SOIS  LA  DIRECTION  DE  LA  SECTION  HISTORIQUE  DE  L'ÉTATMAJOR  DE  L'ARMÉE 


MÉMOIRES  ET  JOURNAUX 

DU 

GÉNÉRAL  DECAE^ 

Publiés  avec  Introduction,  Notes  et  Cartes 

PAR 

ERNEST  PICARD 

LIKUTliN.IXT-COLONKL    d'aRTILLEBIE  DRKVETÉ 
CHBF  DE  LA  SECTIO.V  HISTORIQLK    DE  l'ÉTAT-MAJOR  DB   l'aRMKK 


VICTOR   PAULIER 


LIEUTEXANT  D  IXPAN'TBRIE 


TOME     SECONP 
1800-1803 

ARMÉE  DU  RHIN 

BONAPARTE  ET  DECAEX 

DÉPART  POUR  l'iXDE 


PARIS 


LIBRAIRIE     PLON 


PLO\-IVOURRIT  ET  C'%    IMPRIMEURS-ÉDITEURS 

8,    RUE    GARANGIÈRE     —     6" 


1911 


Droits  de  reproduction  et  de  traduction 
réservés  pour  tous  pays. 


INTRODUCTION^') 


Le  second  volume  de  ces  Mémoires  et  Journaux  s'ouvre 
le  4  juin  180O,  à  l'armée  du  Rliin.  Decaen,  qui  a  com 
mencé  la  campagne  sous  les  ordres  de  Souham,  vient 
d'être  promu  divisionnaire  à  l'âge  de  trente  et  un  ans, 
et  placé  à  la  lête  d'une  des  divisions  du  centre.  Kn  cette 
qualité,  il  prend  une  part  importante  et  brillante  aux  opéra- 
tions militaires  de  l'an  VIII  et  du  début  de  l'an  IX.  Dans 
la  relation  des  événements  dont  il  a  été  le  témoin  en  Alle- 
magne et  en  Autriche,  Decaen  apporte  les  mêmes  lemar- 
quables  qualités  de  sincérité,  d'exactitude  et  de  modestie, 
qui  font  le  charme  et  l'autorité  de  ses  précédents  récits. 
Par  la  haute  situation  qu'il  occupe  désormais,  par  les  con- 
fidences qu'il  reçoit  de  Aloreau,  par  ses  relations  amicales 
avec  Lahorie,  le  chef  d'état  major  du  corps  du  centre,  ses 


(1)  On  se  reportera  asec  iutérêt  à  deux  excellentes  notices  biographiques  que  nous 
ayons  signalées  et  utilisées  dans  le  tome  I"  •  celle  de  M.  G.  Lavai.i.kv  {(hitologuc  tles 
Manuscrits  de  la  BibUotlièque  municijjale  de  Ctien,  p.  llS-130)  et  celle  de  M.  Phkn-iolt 
(l'Ile  de  France  sous  Decaen,  prél'ace,  p.  xiv-xxiv). 


M        MK.MOIHKS    KT  JOURMALX    1)1    (iKXKRAL   DKCAE.\ 

souvenirs  acquièrent  une  valeur  documentaire  particu- 
lièrement précieuse,  et  l'intérêt  de  ce  volume  croit,  pour 
ainsi  dire,  de  chapitre  en  chapitre.  Après  les  opérations 
autour  d'Ulm,  c'est  tour  à  tour  la  bataille  de  Hochstâdt, 
l'occupation  de  Munich,  l'excellente  organisation  admi- 
nistrative de  cette  capitale,  les  projets  d'établissement 
d'une  république  formés  par  certains  Bavarois,  qui  veulent 
échapper  à  l'alliance  autrichienne  et  obtenir  un  régime 
meilleur;  ce  sont  des  renseignements  de  premier  ordre 
sur  l'état  matériel  et  moral  de  l'armée  de  l'archiduc  Jean. 

Après  la  rupture  de  l'armistice  de  Parsdort",  commence 
la  campagne  d'hiver  qui  consacre  définitivement  la  répu- 
tation de  Decaen.  On  connaît  la  part  importante  que  sa 
division  prend  à  la  bataille  de  Hohenlinden,  où  elle  est 
chargée  par  Moreau  d'appuyer  le  mouvement  tournant  de 
Richepance  qui  détermine  le  succès  éclatant  de  la  jour- 
née. Les  Mémoires  et  Journaux  fournissent  une  preuve 
irréfutable  de  ce  fait  que,  dès  la  veille,  Moreau  avait 
assigné  leurs  rôles  respectifs  nux  divisions  Richepance  et 
Decaen  ;  ils  démontrent  aussi  péremptoirement  combien 
jVapoléon  a  été  injuste,  à  Sainte-Hélène,  en  déclarant  que 
cette  victoire  «  ne  doit  être  attribuée  à  aucune  manœuvre, 
à  aucune  combinaison,  à  aucun  génie  militaire  (1  )  »  . 

Après  le  récit  de  ce  magnifique  succès,  Decaen  relate  la 
poursuite  de  l'armée  ennemie  et  la  marche  sur  Vienne. 
Lecourbe  franchit  l'Inn  de  vive  force;  les  Autrichiens  lui 


(1)     GoiROiii),   Mhnoircs    de    Xopoliun,    11,    52.    —    Cf.    lommaiulaiit   Eiuest  Pimni), 
Holieiiliiit/ni.   ]'-2-ni  et  "Ji'J  et  sui\. 


I.YTRODICTJOX  ni 

présentent  une  résistance  acharnée  à  Salzbourg  et  tiennent 
en  échec  riiîîpjtueux  général  qui  s'obstine  dans  une  série 
d'attaques  de  :  ):.t.  H  'iireuseme.it,  Dccaen  surprend  le 
passage  delà  S.il::r.'^!  à  Laulen,  remonte  la  rivière  par  la 
rive  droite  et,  obligc;i:i!  ainsi  'archiduc  Jean  à  abandonner 
Salzbourg,  entre  le  pre  .  erda:.3  !;ivillp,  non  sans  quelque 
désappointement  de  la  part  de  Lj-jo   :'.)n. 


Dès  son  retour  à  Paris,  à  l'issuo  de  celte  glorieuse  cam- 
pagne, Decaen  est  présenté  à  Bonaparte  parDessolle.  Fort 
bien  accueilli  par  le  Premier  Consul,  il  lui  expose  en 
détail  le  plan  de  Aloreau  pour  la  journée  de  Hohenlinden 
et  les  opérations  de  sa  division.  Bientôt  il  devient  un  des 
familiers  de  Bonaparte;  mais  il  sait  conserver  aux  Tuileries 
"  ses  manières  simples  et  ouvertes  de  soldat  républi- 
cain (1)  55  . 

Chargé,  en  1801,  d'une  des  inspections  des  troupes  d'in- 
fanterie, il  propose,  pour  la  comptabilité  du  service  de 
l'habillement,  des  modifications  importantes  qui,  chose 
curieuse,  ont  été  remises  en  vigueur  de  nos  jours. 

Decaen  admire  profondément  le  Premier  Consul  qui, 
de  son  côté,  lui  témoigne  une  grande  estime  et  lui  confie 
maintes  fois  ses  idées  sur  le  futur  Concordat,  sur  la  situa- 

(1)  H.  Pr.E.\Toir,  l'IL'  de  Fronce  sous  Decaen,  préface,  sxu. 


IV       MlhlOIUKS    KT   JOUHXAUY   DV    (iÉXFÎHAL    DECAEX 

tioii  du  pays,  sur  la  politique  coloniale.  Loin  de  s'incliner 
en  courtisan,  Decaen,  avec  sa  franchise  habituelle,  pré- 
sente des  objections,  des  critiques  même,  au  chef  du  gou- 
vernement. Il  nous  conte  l'origine  de  la  mésintelligence 
entre  Bonaparte  et  \Ioreau  :  ce  serait,  à  son  avis,  le  refus 
un  peu  brutal  de  ce  dernier  d'épouser  Hortense  de 
Beauharnais,  puis  des  susceptibilités  féminines  de  la  part 
de  Aime  \Ioreau  et  de  sa  mère  \ïme  Hulot.  Il  voit  avec 
tristesse  des  dissentiments  plus  sérieux  s'élever  et  grandir 
entre  le  Consul  et  le  vainqueur  de  Hohenlinden.  Decaen 
s'efforce  de  les  faire  cesser  :  il  représente  à  son  ancien  chef 
combien  son  attitude  est  nuisible  aux  véritables  intérêts  de 
la  République  et  à  ceux  de  ses  subordonnés  de  l'armée  du 
Rhin;  auprès  du  Consul,  il  prend  en  main  la  cause  de 
Moreau  dont  il  fait  valoir  la  droiture  de  caractère,  la 
loyauté,  les  services  éminents,  le  désintéressement  poli- 
tique, et  qu'il  défend,  avec  une  respectueuse  et  digne  fer- 
meté, contre  les  reproches  et  les  accusations  parfois  injustes 
de  Bonaparte. 

Nommé,  sur  sa  demande,  capitaine  général  des  établis- 
sements français  dans  l'Inde,  Decaen  organise  avec  le 
plus  grand  soin  l'expédition  qui  lui  est  confiée,  et  vient  à 
bout  des  difficultés  opposées  par  le  ministre  de  la  Alarine, 
auquel  il  tient  tête  avec  la  conscience  de  son  bon  droit.  Il 
quitte  Brest  le  15  ventôse  an  XI  et,  après  un  court  séjour 
au  Cap  de  Bonne-Espérance,  il  arrive  en  vue  de  Pondi- 
chéry  le  22  messidor  suivant  (11  juillet  1803).  Apercevant 
au  mouillage  une  escadre  anglaise,  Decaen  a  un  "défavo- 


IMTRODUCTION  v 

rable  pressentiments  qui  s'accentue  encore  lorsqu'en  appro- 
chant de  la  côte,  il  constate  (|ue  la  frégate  la  Belle-Poule, 
qui  a  devancé  l'expédition,  est  encadrée  entre  deux  bâti- 
ments anglais,  et  que  le  pavillon  britannique  n'a  pas  cessé 
de  flotter  sur  la  ville  (1). 

Decaen  écrit  alors  immédiatement  à  Lord  Clive,  gouver- 
neur de  Madras,  pour  lui  demander,  aux  termes  du  traité 
d'Amiens,  de  l'aire  restituer  Pondichéry.  Mais  Lord  Clive 
en  réfère  au  marquis  de  Wellesley,  le  futur  Wellington. 
La  réponse  tarde.  Sur  ces  entrefaites,  une  lettre  de  Decrès 
avertit  Decaen  que  l'Angleterre  fait  des  armements  extraor- 
dinaires et  lui  annonce  que  le  contre-amiral  Linois  reçoit 
l'ordre  de  conduire  l'expédition  à  l'île  de  France.  Déjouant 
pendant  la  nuit  la  surveillance  de  l'amiral  anglais,  la  divi- 
sion de  Linois  parvient  à  gagner  cette  île  où  elle  jette 
l'ancre,  le  26  thermidor,  après  trente-quatre  jours  de  tra- 
versée. 

Dès  son  arrivée,  Decaen  constate  la  nécessité  d'une 
réforme  dans  l'administration  de  la  colonie;  il  fait  partir 
pour  Mascate  Cavaignac,  nommé  par  Bonaparte  résident 
auprès  de  Hman,  afin  de  se  créer  des  intelligences  dans 
ces  régions;  enfin  son  esprit  d'entreprise  lui  fait,  dès  ce 
moment,  entrevoir  la  possibilité  de  porter  la  guerre  dans 
l'Inde,  l'année  suivante,  «  avec  une  certitude  de  succès  »  si, 
outre  un  crédit  de  4  millions  et  6  vaisseaux  de  ligne,  il 
peut  disposer  encore  de  3  000  hommes  de  troupes  choisies, 

(1)  H.  Phextout,  l'Ile  (le  France  sous  Decaen,  p.   33-34. 


VI        MEMOIRES   ET   JOLIRXAUX    DT    GENERAL   DECAEN 

dont  500  cavaliers  et  2  compagnies  d'artillerie  légère  (1). 
Avec  une  grande  profondeur  de  vues,  il  juge  que  c'est  là 
qu'il  faut  frapper  l'Angleterre;  il  sent  qu'en  la  blessant 
«  mortellement  dans  ses  colonies  «,  elle  sera  «  bientôt 
réduite  à  l'impuissance  sur  le  continent  (2)  v  . 


Dans  cette  période  de  trois  années,  on  se  plaît  à  cons- 
tater chez  Decaen,  d'une  manière  plus  complète  peut-être 
qu'auparavant,  les  mérites  éminents  de  l'homme  et  du 
soldat,  mérites  qui  expliquent  largement  son  rapide 
avancement,  les  amitiés  et  l'estime  qu'il  a  su  acquérir,  et 
le  choix  dont  l'honora  le  Premier  Consul  en  lui  confiant 
les  fonctions  importantes  de  capitaine  général  dans 
l'Inde. 

Sens  tactique  développé,  connaissance  approfondie  du 
terrain,  coup  d'oeil  prompt  et  sûr,  esprit  d'offensive,  éner- 
gie dans  l'exécutiin,  initiative  toujours  opportune  et  réflé- 
chie, commandement  à  la  fois  ferme  et  bienveillant,  abné- 
gation constante,  talents  rares  d'organisateur  minutieux 
et  d'administrateur  intègre,  le  jeune  divisionnaire  a  affirmé 
pleinement  toutes  ces  qualités  professionnelles  et  toutes  ces 
vertus  militaires.  Celle  qui  prédomine  en  lui  et,  comme  on 


(1)  Decaen  au  miuistre  de  la  Alarine,  île  de  France,  28  fructidor  an  XI. 
(-2)  G.  LavflLLKV,  loc.  cit.,   p.  12-2. 


INTRODLCTIOM  vir 

l'a  lait  justement  observer  (1),  doit  le  signaler  particuliè- 
rement à  l'admiration,  c'est  la  plus  noble  de  toutes,  la  plus 
indispensable  aussi  à  l'homme  de  guerre,  le  caractère,  — 
et  Decaen  l'eut  toujours  au  suprême  degré,  loyal,  éner- 
gique et  digne. 

(1)  H.  PRiiXTOUT,  loc.  cil.,  préface,  xxi. 


ARMEE   DU   RHIN 


II. 


ARMEE   DU    RHIN 


Journal  de  mes  campagnes  comme  général  de  division 
dans  Van  VIII  et  l'an  IX  (1800-1801)  (I). 


CHAPITRE  PREMIER 

Decaen  nommé  divisionnaire.  —  Il  succède  à  Richepance  à  la  tête  d'une  division  de  la 
réserve.  —  Un  commissaire  des  guerres  i'usillé.  —  Vandamme  et  Gouvion  Saint-Cvr 
quittent  l'armée.  —  Rôle  de  Gouvion  Saint-Cyr  à  Messkirt-li.  —  Composition  et  empla- 
cements de  la  division  Decaen  le  IX  prairial.  —  Le  quartier  général  à  Kettershauseu. 
—  Decaen  relève  Montrichard  vers  Krumbach  et  Xieder-Raunau.  —  Debilly  attaqué  à 
Deisenhausen.  — •  Decaen  perd  143  hommes  à  Krumbach.  —  Il  se  porte  sur  Ettenbeu- 
ren.  —  Combats  d'avant-posles.  —  Decaen  s'avance  sur  Rurgau.  —  Lecourbe  tente  le 
passage  du  Danube.  —  Decaen,  chargé  de  le  soutenir,  est  irrité  de  ses  procédés.  — 
La  division  Decaen  franchit  le  Danube  à  DiUingen.  —  Succèi  des  Français.  —  Decaen 
s'établit  à  Ober-Medlingen. 

id  prairial.  —  Je  quittai  le  commandemeut  de  ma  brigade 
pour  celui  d'une  division  de  la  réserve  sous  les  ordres  directs  du 
général  en  chef. 

Le  général  Sainte-Suzanne,  avec  sa  bonté  accoutumée,  m'en 
avait  donné  le  premier  avis,  le  14,  en  me  faisant  son  compliment 
de  ma  nomination  au  grade  de  général  de  division. 

Il  m'avait  annoncé  cette  bonne  nouvelle  en  post-scriptum  d'une 
lettre  par  laquelle  il  m'informait  de  quelques  dispositions  qu'il 


(1)  L'original  des  Mémoires  et  Journaux  du  général  Decaen  présente  une  lacune  du 
8  frimaire  au  15  prairial  an  VIII. 

Après  avoir  servi  sous  les  ordres  de  Tliarreau,  Decaen  fut  appelé  à  commander  une 
brigade  de  la  division  Souham.  Cette  division  6t  partie  du  corps  de  Sainte-Suzanne,  qui 
formait  l'aile  gauche  de  l'armée  du  Rhin. 

Pour  donner  le  change  aux  Autrichiens,  Sainte-Suzanne  passe  le  pont  de  Kehl  avec  ses 
trois  divisions,  le  5  floréal  an  VIII,  et  bouscule  les  troupes  de  Kieumayer.  Puis  il  repasse 
sur  la  rive  gauche  du  Rhin,  en  ne  laissant  qu'un  rideau  sur  la  rive  droite,  remonte  jus- 
qu'à Brisach,  où  il  franchit  de  nouveau  le  Rhin,  et  arrive  à  la  tète  du  Val  d'Enfer. 

Le  11  floréal  (l'"'  mai),  Lecourbe  passe  le  Rhin  à   Paradies  et  Rheinklingen,  et  bientôt 


4    MEMOIRES  ET  JOURNAUX  DU  GENERAL  DECAEN 

avait  ordonnées  pour  aider  à  la  défense  de  la  position  que  je 
tenais  à  Srliuendi,  VVain  et  Balzheim,  à  la  gauche  de  Tlller,  infor- 
mation dont  je  fus  d'abord  surpris  puisque,  ordinairement,  je  ne 
recevais  d'ordres  que  du  général  Souham.  Mais,  ayant  reçu  du  chef 
de  l'état-major  de  l'armée  l'ordre  pour  mon  nouveau  commande- 
ment ainsi  qu'une  lettre  du  général  Souham  dans  laquelle  il  me 
félicitait  de  mon  avancement,  je  me  rendis  auprès  de  ce  général. 
Il  avait  aussi  reçu  l'ordre  de  quitter  le  commandement  de  sa  divi- 
sion. Il  m'apprit  que,  d'après  de  nouvelles  dispositions  du  général 
en  chef,  le  général  Colaud  devait  aller  avec  le  général  Sainte- 
Suzanne  qui  se  rendait  à  Strasbourg  pour  organiser  et  commander 
un  corps  d'armée  qui  devait  agir  dans  le  Wurtemberg  et  en 
Franconie. 

Je  me  rendis  ensuite  à  Memmingen,  au  grand  quartier  général, 
avec  le  général  Souham  qui  obtint  de  servir  de  nouveau  avec  le 
général  Sainte-Suzanne.  Je  reçus  du  général  Moreau  ma  nomina- 
tion provisoire  de  général  de  division  et  l'ordre  de  prendre  le  com- 
mandement de  la  division  [du  général]  Richepance  qui  avait  passé 
à  celui  des  flanqueursde  gauche  de  l'armée,  nom  substitué  à  celui 
d'aile  gauche  que  venait  de  quitter  le  général  Sainte-Suzanne. 

J'appris  que  le  général  Gouviou  Saint-Cyr  quittait  aussi  son 
commandement,  soi-disant  pour  cause  de  maladie  (1),  et  qu'il  était 


toute  l'armée  française  se  trouue  réunie  entre  Thaingen  et  Schaffhouse,  sauf  son  aile 
gauche  restée  vers  Xeustadt,  Fribourg  et  le  Val  d'Enfer. 

Les  opérations  se  précipitent  :  les  Autrichiens  sont  battus  à  Stockach  et  Engen  (13  flo- 
réal), Messkirch,  Biborach  (19  floréal)  et  Memmingen. 

Sainte-Suzanne,  resté  vers  Neustadt,  a  pousse  vers  Donaueschingen,  le  14  floréal  (4  mai). 

Après  Messkirch,  il  s'avance  par  la  rive  gauche  dn  Danube  sers  Geisingen,  se  met  en 
ligne  avec  le  général  Gouvion  Saint-Cyr,  et,  le  18  floréal,  se  porte  à  Riedlingen  sur  le 
Danube. 

Quelques  jours  après,  Kray  se  retire  sous  Ulm. 

Le  26  floréal  (16  mai),  Sainte-Suzanne  se  trouve  assailli  par  une  grande  partie  des 
forces  de  Kray,  vers  Erbach  et  Blaubeuren.  A  la  suite  de  ce  combat,  sur  la  proposition 
de  Sainte-Suzanne,  Decaen  fut  nommé  par  Moreau  général  de  division,  le  26  floréal 
an  VIII,  «  en  récompense  de  son  zèle,  de  ses  connaissances  militaires  et  de  sa  bravoure 
dans  toutes  les  occasions  qui  ont  eu  lieu  depuis  l'ouverture  de  la  campagne  •. 

(1)  C'est  la  raison  que  donne  l'ordre  du  jour  du  16  prairial  au  VIII,  daté  de  Mem- 
mingen (A.  H.  G.).  D'autre  part,  Gouvion  Saint-Cyr  dit  dans  ses  Mèmoirei,,  ni»9-1800, 
à  la  date  du  31  raai-ll  prairial  :  «...  le  général  en  chef  persistait  dans  le  faux  système 
qu'il  avait  adopté  dès  le  début  des  opérations.  Saint-Cyr  vit  avec  beaucoup  de  peine 
qu  on  oubliait  les  promesses  qui  lui  avaient  été  faites  pour  le  déterminer  à  comraencer 
la  campagne:  ce  l'ut  alors  qu'il  se  décida  à  quitter  l'armée,  ei  qu'il  se  promit  de  ne 
plus  servir  sous  les  ordres  de  Moreau.  -  Cf.  Gouvio.v  S.ii.\t-Cvr,  Mémoires,  1799-1800, 
p.  110  à  114,  129,  130  et  291. 


liY    COAIMISSAIRK    DES   (ÎUKRUES    FUSILLE  5 

remplacé  par  le  géuéral  (irenier  (1);  mais,  la  vérité,  c'est  que  le 
général  Saiut-Cyr  avait  donné  au  général  en  chef  divers  sujets  de 
mécontentement. 

Le  général  Vandamme  avait  aussi  quitté  l'armée.  Il  comman- 
dait une  des  divisions  de  l'aile  droite.  Son  départ  fut  une  consé- 
quence du  jugement  du  commissaire  des  guerres  Pommier,  con- 
damné par  un  conseil  de  guerre  à  être  fusillé.  Ce  malheureux 
commissaire  fut  accusé  d'avoir  levé  des  contributions  dans  le  pays 
au  lieu  de  pourvoir  à  la  subsistance  des  troupes  (|ui,  ne  recevant 
point  de  distributions,  se  livraient  au  pillage,  ce  qui  avait  obligé 
les  chefs  de  corps  à  porter  des  plaintes  graves  et  fondées. 

Cependant  on  croyait  que  le  jugement  ne  serait  pas  exécuté 
parce  qu'on  savait  que  le  général  Vandamme  non  seulement 
n'ignorait  pas  la  conduite  de  son  commissaire,  mais  encore  qu'il 
l'avait  autorisée.  On  disait  même  qu'il  en  retirait  la  meilleure  part, 
et  qu'alors  il  viendrait  implorer  la  clémence  du  général  eu  chef 
dont  le  caractère  bon  n'aurait  probablement  pas  refusé  cette  grâce, 
puisque  l'effet  pour  réprimer  le  désordre  pouvait  être  considéré 
comme  suffisamment  produit  par  le  jugement  exemplaire  qui 
venait  d'être  rendu.  Mais  le  général  Vandamme  resta  tranquille  !.. 
Et  le  malheureux  commissaire,  qui  avait  sans  doute  compté  sur  la 
protection  de  ce  général  qu'il  savait  très  ami  du  général  en  chef,  et 
qui  n'avait  pas  voulu,  pour  sa  défense,  compromettre  le  général 
Vandamme,  reçut  la  mort  avec  courage  et  résignation. 

Cette  exécution  fit  une  grande  sensation  dans  l'armée. 

16 prairial.  —  Dès  le  matin,  je  fus  pour  prendre  les  ordres  du 
général  Moreau,  arrivant  au  moment  où  il  montait  en  voiture 
pour  se  rendre  à  Babenhausen.  Alors  il  me  dit  que  je  le  verrais  à 
cet  endroit,  en  y  passant  pour  me  rendre  à  ma  division  qu'il 
m'engageait  à  rejoindre  au  plus  tôt.  Je  montai  de  suite  à  cheval. 

(1)  Grenier  (Paul),  né  le  29  janvier  1768,  à  Sarrelouis;  engagé  volontaire  au  régiment 
de  Nassau,  le  21  décembre  1784;  caporal,  le  16  octobre  1788;  sergent,  le  26  mars  1789; 
sergent-major,  le  I""  août  1791,  adjudant,  le  12  mars  1792;  lieutenant,  le  26  juil- 
let 1792;  capilaine,  le  1^'  décembre  1792;  adjudant  général  chef  de  bataillon,  le  24  ven- 
démiaire an  II;  chef  de  brigade,  le  21  nivôse  an  II;  général  de  brigade,  le  10  floréal 
an  II;  général  de  division,  le  20  vendémiaire  an  III;  gouverneur  de  Mantone,  le  4  dé- 
cembre 1806;  inspecteur  général  d'infanterie  à  l'armée  d'Italie,  le  12  janvier  1810; 
chef  d'état-majur  de  l'armée  de  Naples,  le  22  mars  1810;  commandant  le  corps  d'obser- 
vation d'Italie,  le  9  mai  1813;  retraité,  le  27  janvier  1815  (A.  A.  G.). 


6      \!:;m(i:rI':s  et  joijrxaux.  du  gknkkal  decaex^ 

Arrivé  à  Babcnliausen,  je  me  présentai  chez  le  général  en  chef. 

Le  général  Delmas  était  alors  avec  lui.  Je  m'aperçus  (ju'il  y 
avait  entre  eux  de  riiumeur.  J'ai  su,  depuis,  que  le  général 
Delmas,  un  des  plus  anciens  généraux  de  division  de  l'armée, 
n'avait  pas  été  satisfait  (|u'on  ne  lui  eût  pas  donné  un  des  deux 
commandements  que  (piiltaient  les  généraux  Saint-Cyr  et  Sainte- 
Suzanne,  et  surtout  de  recevoir  l'ordre  de  faire  un  mouvement  avec 
sa  division  pour  être  prêt  à  soutenir  le  général  Richepancc,  que  le 
général  Moreau  avait  présumé  pouvoir  être  incessamment  attaqué 
et  qui,  même,  l'était  déjà. 

Le  général  Kray  avait  fait  marcher  environ  40  000  hommes 
pour  enlever  le  corps  de  flaucjueurs  placé  sur  la  rive  gauche  de 
riller.  Notre  armée  était  à  la  droite  de  cette  rivière;  mais  le  géné- 
ral Richepance  ayant  exactement  suivi  ses  instructions  de  refuser 
sa  gauche  et  d'appuyer  fortement  à  droite  pour  défendre  les  ponts 
et  de  ne  combattre  (|ue  faiblement  jusqu'à  ce  qu'il  fût  soutenu,  il 
fut  possible  au  général  en  chef  do  lui  donner  protection  en  effet, 
■quoi(|ue  cette  division  eût  été  couj)ée  en  trois  parties,  dès  le  com- 
mencement de  ratta(|ue,  par  la  seule  marche  des  colonnes  enne- 
mies. Ces  colonnes  furent  repoussées  par  les  habiles  manœuvres 
ordonnées  par  le  lieutenant  général  Grenier,  par  la  valeur  des 
troupes  et  par  les  vigoureuses  attaques  conduites  par  les  généraux 
Ney  et  Bonet.  Alors,  ces  secours  ayant  fourni  au  général  Riche- 
pance l'occasion  de  reprendre  l'offensive,  l'armée  ennemie  fut 
forcée  à  la  retraite,  laissant  environ  2  000  prisonniers  dont  un 
général,  le  général  Spork,  huit  pièces  d'artillerie  avec  leurs  cais- 
sons et  bagages  (1). 

Peu  de  jours  après,  le  général  Delmas  quitta  l'armée. 

J'appris  aussi,  quelque  temps  après,  que  le  général  Moreau 
ayant  envoyé  un  de  ses  aides  de  camp  prévenir  le  général  Saint- 
Cyr  de  ce  qu'il  savait  des  projets  de  l'ennemi  et  l'engager,  en  con- 
séquence, à  garder  encore  son  commandement,  celui-ci  répondit 
qu'il  avait  son  congé. 

(1)  Cinq  pièces,  selon  Moreau  (Morean  au  Premier  Cousu),  Meramingen,  20  prairial, 
A.  H.  G.).  Le  général  Spork  et  une  douzaine  d  ol'Gciers  étaient  au  nombre  des  prisonniers 
faits  dans  la  Journée  par  la  division  Kiclicpance  (Kichepance  à  Moreau,  Gulenzell, 
1<)  prairial,  A.  H.  G.).  Le  nombre  total  des  prisonniers  s'élevait  à  •2  000  (Dessolle  à  Le- 
courbe,  Keilmiinz,  Il  prairial,  A.  H.  G.).  Moreau  proposa  à  Kray  d'échanger  Spork  pour 
le  général  Colli,  détenu  eu    Autriche  (Moreau  à  Kray,  Memmingen,  18  prairial,  A.  H. G.) 


RÔLE    l)i-:    GOUVIOM    SAINT-OYR   A    MESSKII5CH  7 

Le  général  Moreau  n'aurait  probablement  pas  fait  faire  cette 
démarche,  s'il  se  fût  alors  ressouvenu  (|ue,  le  jour  de  la  bataille  de 
Messkirch,  le  général  Saint-Cyr  aurait  pu  prononcer  un  mouve- 
ment pour  contribuer  à  décider  plus  tôt  du  sort  de  cette  bataille, 
puisque,  dès  les  4  heures  après  midi,  il  avait  pris  sans  obstacles  la 
position  qui  lui  avait  été  ordonnée;  et  ce  ne  fut  i\uk  la  nuit  que 
le  succès  de  notre  armée  fut  assuré.  Le  général  Moreau  savait 
pourtant  bien  que  son  aide  de  camp  Delelée  (1),  le  seul  officier  qui 
avait  pu  arriver  jusqu'au  général  Sainl-Cyr  pendant  cette  bataille, 
avait  été  extrêmement  surpris  de  l'entendre  répondre  à  ce  qu'il 
lui  disait  (que  le  général  Moreau  avait  envoyé  vers  lui  plusieurs 
officiers  qui  n'avaient  pas  pu  passer  et  que,  comme  il  n'était  pas 
fort  éloigné  du  champ  de  bataille  et  qu'entendant  le  canon  et  la 
fusillade,  il  avait  espéré  (|u'il  avancerait  prol)ablement  vers  Mess- 
kirch) :  "  Ah  !  je  suis  resté  tranquille  parce  que  j'étais  persuadé  que 
le  général  Moreau  saurait  bien  se  tirer  d'affaire.  ^ 

Si  l'attaque  de  la  part  de  l'ennemi,  dans  cette  circonstance  de 
changement  qui  venait  d'avoir  lieu  dans  une  partie  des  comman- 
dements, fut,  pour  le  général  Moreau,  un  surcroit  d'embarras,  et 
s'il  éprouva  des  contrariétés,  il  en  fut  bien  dédommagé  par  le 
brillant  succès  obtenu  dans  cette  journée. 

J'ai  cru  devoir  faire  cette  digression  avant  de  dire  que  je  ne  res- 
tai qu'un  instant  avec  le  général  en  chef,  et  que  le  général  Laho- 
rie  (2),  chef  d'état-major  du  corps  de  réserve,  me  donna  l'ordre 
verbal  que,  dès  que  je  serais  arrivé  à  Kettershausen,  quartier  géné- 
ral de  ma  division  placée  en  avant  de  ce  village,  la  droite  au  Hasel 

(1)  Delelée  (Jacques-François-]Vicolas\  né  le  17  septembre  1761,  à  Prez-en-Pail 
(Mayenne);  soldai  au  régiment  de  Maine,  de  1781  à  1783;  volontaire  au  l"  bataillon  de 
la  Mayenne,  le  18  septembre  1791;  sous-lieutenant,  le  24  février  1793;  lieutenant,  le 
1er  germinal  an  II;  aide  de  camp  de  Moreau,  le  4  thermidor  an  IV;  capitaine,  le  14  ven- 
démiaire an  V;  chef  de  bataillou,  le  H  thermidor  an  VII;  colonel,  le  15  ventôse  an  IX; 
réformé  par  suite  de  l'affaire  de  Moreau,  il  fut  remis  en  artivité  en  1810;  il  mourut  le 
15  décembre  de  la  même  année  à  l'armée  de  Portugal  (A.  A.  G.). 

(2j  Lahorie  (Victor-Claude  Fanneau), né  le  5  janvier  1766,  à  Javron  (Mayenne);  volon- 
taire, le  5  mars  1793;  sous-lieutenant,  le  !«'' juillet  1793;  adjudant  général,  le  17  pluviôse 
an  VII;  général  de  brigade,  le  21  floréal  an  VIII,  en  non-activité,  le  l"  vendémiaire 
an  X;  retraité,  le  9  fructidor  an  XI,  avec  une  pension  de  2  500  francs  (A.  A.  G.).  Impliqué 
dans  le  procès  de  Moreau  et  condamné  au  bannissement,  il  était  revenu  à  Paris,  et  y 
ai  ait  vécu  pendant  six  ans,  réfugié  dans  la  famille  Hugo  et  se  dérobant  aux  recherches  de 
la  police.  En  1810,  il  se  livra  à  Savary  :  celui-ci  le  fit  arrêter  et  conduire  à  Vincennes, 
puis  à  la  Force  où  l.ahorie  connut  Malet  qui  l'entraîna  dans  son  équipée  [Lettres  et  docu- 
ments pour  servir  à  F  histoire  de  Joachim  Murât,  III).  Convaincu  de  conspiration,  Lahorie 
fat  condamné  à  mort  et  fusillé  le  28  octobre  1812  {\.  A.  G.). 


8        MÉMOIRKS   KT   JOUHNAl  X    l)V   GKXERAL   DKCAKY 

Bach,  et  la  gauche  à  la  (îùnz,  de  faire  occuper  Krumhach  par 
un  fort  détachement,  et  de  faire  occuper  la  route  de  Bahenhausen 
à  Kirchhaslach.  Il  m'annonça  que  ma  division  serait  aujjmentée 
du  6'  régiment  de  chasseurs  à  cheval,  et  que  le  général  de  i)rigade 
Dehilly  (1)  viendrait  servir  sous  mes  ordres. 

L'adjudant  général  Plauzonne  (2)  était  le  chef  d'état-major  de 
cette  division.  Pour  exécuter  cet  ordre,  j'ordonnai  que  deux  batail- 
lons et  quatre  compagnies  de  la  100'  demi-brigade,  avec  deux 
escadrons  du  13'  de  cavalerie,  le  tout  sous  les  ordres  du  chef  de 
brigade  Ritay  (3),  se  dirigeraient  sur  Babenliausen  et  que  ce  com- 
mandant appuierait  la  droite  de  sa  ligne  à  l'enceinte  de  la  ville,  la 
droite  à  la  route  de  Bahenhausen  à  Kirchhaslach,  et  la  gauche  à 
la  route  de  Bahenhausen  à  Krumhach,  un  escadron  en  avant  de 
son  centre  pour  se  lier  avec  l'autre  escadron  et  trois  compagnies 
d'infanterie  qu'il  établirait  sur  la  rive  gauche  du  ruisseau  qui 
traverse  Kirchhaslach,  faisant  occuper  par  ses  postes  ce  village 
ainsi  que  les  débouchés  sur  Loppcnhauscn  en  avant  de  son  front. 

En  rendant  compte  de  cette  disposition  et  qu'on  n'avait  pu  rien 
apprendre  de  l'ennemi  dans  le  courant  de  la  journée,  n'ayant  vu 
que  quelques  patrouilles  dans  les  environs  de  Blaichen,  je  fis 
l'observation  que  j'avais  jugé  Krumhach  comme  trop  avancé  pour 
le  faire  occuper  par  le  fort  détachement  que  j'y  avais  envoyé,  vu 
le  mouvement  que  j'avais  fait  faire  sur  Bahenhausen  qui  m'avait 
été  désigné  comme  point  de  réunion.  Je  proposai  de  n'occuper 
Krumhach  que  faiblement  et  comme  point  d'observation  (4). 

(1)  Debilly  (Jean-Louis),  né  le  31  juillet  1763,  à  Dreux;  sertit  dans  la  <[ar<le  natio- 
nale parisienne;  employé  à  l'état-niajor  de  l'armëe  des  côtes  de  Brest,  eu  1793,  adjudant 
général  chef  de  bataillon,  le  l"' juillet  1703:  chel'de  brigade,  le  lô  pluiiiôse  an  III; 
général  de  brijjade,  le  12  thermidor  an  VII;  mort  à  Auerstaedt,  le  1-4  octobre  1806 
(A.  A.  G.).  Voir,  au  sujet  de  ce  général,  l'intéressante  étude  publiée  par  le  lieutenant 
LoTTi.\,  Un  chefd'èlal-major  sous  la  Révolution. 

(2)  Plauzonne  (Louis-Auguste-Marchand),  né  le  7  juillet  1774,  à  Fontainebleau;  sous- 
lieuienaat,  le  l"'  janvier  1790  ;  lieutenant,  le  4  mai  1792  ;  capitaiue,  le  I  0  juin  179:2;  chef 
de  bataillon,  le  29  floréal  an  V;  adjudant  commandant,  le  20  floréal  an  VIII;  colonel  du 
5°  de  ligne,  le  3  août  1806;  général  de  brigade,  le  5  juin  1809:  chef  d'éLat-major  de 
l'armée  de  Catalogne,  le  17  septembre  181 1  ;  tnéle  7  septembre  1812  à  la  Moskowa  (A.  A.  G.). 

(3)  Ritay  (Jean-Marie),  né  le  2Ô  octobre  1761 ,  à  Porlet  (Haute-Garonne)  ;  soldat  au  3'  ré- 
giment d'infanterie,  le  19  juillet  1781  ;  sergent,  le  19  mars  1785;  adjudant,  le  15  sep- 
tembre 1791  ;  lieutenant,  le  I'"' mai  1792  ;  adjudant-major,  le  29  juin  1792  ;  chef  de  batail- 
lon, le  28  frimaire  au  111;  chef  de  brigade,  le  8  thermidor  an  VU;  général  de  brigade,  le 
3  nivôse  an  XIV  ;  retraité,  le  19  octobre  1808  ;  mort  à  Portet.  le  12  avril  1819  (A.  H.  G). 

(4)  Decaen  demandai)  en  même  temps  à  Lahorie  de  presser  l'arrivée  du  6^  de  chas- 
seurs (Plauzonne  à  Lahorie,  Keltershauseu,  16  prairial,  A.  A.  G.). 


COMPOSITION    DE    LA   DIVISION    DECAKN  0 

n  prairial.  — Je  fus  prévenu  par  le  chef  d'élat-major  (|ue  la 
division  Delnias  repasserait  l'iller,  le  lendemain,  pour  prendre  posi- 
tion en  arrière  d'Ober-Roth,  et  que  les  divisions  IVey  et  Legrand 
repasseraient  aussi  Tlller;  ([ue  ma  division  devait  rester  en  position 
à  Ebershansen  où  je  devais  concentrer  mes  forces;  et  que  je  devais 
replier  le  poste  de  Krumbach  pour  faire  place  au  corps  du  géné- 
ral Lecourbe. 

Ces  dispositions  furent  exécutées. 

18 prairial.  —  Le  général  Debilly  étant  arri\é,  j'organisai  la 
division. 

La  1"  brigade,  aux  ordres  de  ce  général,  fut  composée  :  de 
la  100'  demi-brigade  (2  300  hommes),  3"  bataillon  de  la  50" 
(650  hommes),  \1'  de  dragons  (550  hommes,  590  chevaux), 
deux  pièces  de  4. 

La  2"  brigade,  commandée  par  le  général  Durutle  (I)  :  de  la 
4'  demi-brigade  de  ligne  (2  200  hommes),  deux  escadrons  du 
13'  de  cavalerie  (160  hommes,  180  chevaux),  deux  pièces  de  4. 

La  réserve  :  une  compagnie  d'artillerie  légère  commandée  par 
le  capitaine  Valée  (2),  2"  compagnie  du  3'  régiment  (149  hommes, 
206  chevaux),  un  escadron  du  13"  de  cavalerie  (80  hommes, 
90  chevaux) . 

Cette  division  se  composait  alors  d'environ  6  000  combattants. 
Peu  de  jours  après,  elle  fut  augmentée  du  6'  régiment  de  chas- 
seurs à  cheval  ayant  plus  de  600  chevaux  (3),  ce  qui  lui  donnait 
environ  1  500  hommes  de  cavalerie,  et  d'un  bataillon  de  grena- 
diers d'environ  500  hommes.  C'étaient  plus  de  7  000  combattants. 

(1)  DuruUe  (Joseph-François),  né  le  14  juillet  1767,  à  Douai,  volontaire,  le 
\"  airil  1792;  sous-lieutenant,  le  "28  août  1702;  capitaine  au  19«  dragons,  le  20  avril 
1793;  adjudant  général  chef  de  brigade,  le  9  sendéraiaire  an  II;  général  de  brigade,  le 
4  vendémiaire  an  VIII  ;  général  de  division,  le  9  fructidor  au  XI,  employé  à  l'île  d'Elbe 
en  l'an  XIII,  à  l'armée  d'Italie  en  1809,  en  Hollande  en  1810,  à  la  Grande  Armée  eu 
1813;  retraité,  le  1"  août    1815    (A.  A.  G.). 

(2)  Valée  (Sylvain-Charles),  né  le  18  décembre  1773,  à  Brienne  le-Chàteaa  ;  élève 
d'artillerie,  le  6  octobre  1792;  lieutenant,  le  \"  jnin  1793;  capîtiiiie  au  3«  d'artillerie  à 
cheval,  le  8  floréal  an  111;  chef  d'escadrons,  le  10  vendémiaire  an  XL;  colonel,  le  12  jan- 
vier 1807  ;  général  de  brigade,  le  18  juillet  1809  ;  général  de  division,  le  6  août  1811; 
gouverneur  général  par  intérim,  puis  effectivement,  de  l'Algérie  de  1837  à  1841  ;  maré- 
chal de  France  depuis  le  1 1  novembre  1837,  il  mouiut  à  Paris,  le  15  août  1846 
(A.  A.  G.). 

(3)  Decaen  rendait  compte  de  l'arrivée  du  6«  chasseurs  'e  18  prairial  (Decaen  à 
Lahorie,  Kettershausen,  18  prairial,  A.  H.  G.). 


10      MKMOIRES   ET   JOrRMAUX    DU    r.KNÉRAL   DECAEN 

Elle  se  trouva  alors  placée,  la  droite  dans  la  direction  d'un  vil- 
lage entre  Waltenhausen  et  Ehershausen,  et  la  gauche  à  la  route 
de  Kettershausen  à  Molirenliausen,  dans  la  direction  de  Tafertsho- 
fen,  ayant  des  postes  à  Nattenhausen  et  au  pont  de  Seifertsiiofen, 
ainsi  qu'à  VV^Tltenberg,  pour  se  lier  avec  Krumbach  (1). 

19  et  20 prairial.  —  La  division  garda  sa  position.  Le  6"  chas- 
seurs étant  arrivé,  il  fit  partie  de  la  brigade  Debilly  ;  le  1  T'  dragons,, 
de  celle  de  Durulte;  et  le  13°  de  cavalerie  forma  la  réserve  (2). 

21  prairial.  —  J'exécutai  l'ordre,  qui  m'avait  été  adressé  la 
veille,  de  relever  à  la  pointe  du  jour  les  troupes  du  général  Mont- 
richard  sur  Krumbach  et  Nieder-Raunau  qu'elles  devaient  aban- 
donner pour  se  porter  sur  Mindelheim,  et  de  prolonger  ma  droite 
en  remontant  la  Kammlach  ou,  du  moins,  m'éclairer  jusqu  à 
Aletshausen. 

A  cet  effet,  le  général  Durutte  reçut  l'ordre  de  relever  les 
troupes  du  général  \Iontrichard  aux  postes  de  Krumbach  et  de 
Nieder-Raunau,  ainsi  que  de  placer  sa  brigade,  la  gauche  à 
Ehershausen,  occupant  ce  village,  ayant  un  bataillon  en  réserve  à 
la  tête  du  bois  entre  Ehershausen  et  Olgishofen  ;  et,  en  outre,  de 
faire  occuper  par  un  escadron  et  quelque  infanterie  le  village  de 
Waltenhausen,  avec  un  avant-poste  vers  Aletshausen,  sur  la 
Kammlach,  pour  éclairer  son  flanc  droit,  ainsi  que  de  pousser  des 
reconnaissances  au  delàde  la  Kammlach  sur  la  route  de  Kirchheim  ; 
enfin,  de  former  une  avant-garde  pour  couvrir  le  front  de  sa  bri- 
gade, ayant  sa  droite  au  village  d'Ebershausen  et  sa  gauche  en 
arrière  de  Krumbach,  se  liant  avec  la  droite  de  la  brigade  Debilly, 
cette  avant-garde  chargée  d'éclairer  les  débouchés  en  avant  de 
Krumbach,  principalementceux  d'Ebershausen  et  deDeisenhausen, 
ainsi  que  de  tenir  en  avant-poste  Nieder-Raunau,  et  do  couvrir  les 
routes  de  Babenhausen  et  de  Mindelheim. 

[\)  "  La  division  est  concentrée  à  la  position  indiquée,  et,  afin  d'avoir  mes  poste» 
liés  avec  ceux  de  la  division  Monirichard,  ils  sont  avancés  jusqu'à  Deisenhausen...  • 
(Decaeu  à  Lahorie,  18  prairial.  A.  H.  G.). 

(2)  "  La  reconnaissance  poussée  aujourd'hui  par  le  général  Debilly  a  déposlé  l'ennemi 
d'Ober-Blaichen.  F,lle  l'a  suivi  jusqu'à  Uuler  [Blaicheu]  où  elle  a  trouvé  son  infanterie 
qui  s'est  mise  en  mesure  de  défendre  le  village.  On  a  vu  environ  un  escadron  de  hus- 
sards de  Blankenstein  et  une  quarantaine  de  Tyroliens  »  (Decaen  à  Lahorie,  Ketters- 
hausen, 19  prairial,  A.  H.  G.). 


DKBILLY   ATTAyUK   A   DE  ISKîtHAUSKX  11 

En  rendant  compte  de  ces  dispositions,  je  dis  que  j'avais  cru 
devoir  appuyer  davantage  vers  la  droite,  ignorant  la  nouvelle  posi- 
tion occupée  par  les  troupes  du  général  Lecourbe. 

Le  chef  d'état-niajor  de  la  réserve  me  manda  que  la  division 
resterait  encore  le  lendemain  en  position;  mais  qu'il  devait  être 
poussé  des  reconnaissances  un  peu  fortes  sur  les  routes  deGiinz- 
burg,  Thanbausen  et  de  Burgau,  avec  recommandation  expresse 
de  ne  pas  se  compromettre  ;  que  le  général  Lecourbe  marchait  sur 
Augsbourg  et  se  rapprocherait  en  même  temps  de  Zusmarshausen, 
et  que  le  mouvement  ne  serait  achevé  que  le  23;  qu'il  me  trans- 
mettrait les  ordres  du  général  en  chef  pour  ce  jour,  et  que,  si  ma 
division  était  attaquée  sur  Krumbach,  je  devais  me  retirer  d'abord 
sur  Ebershausen  et,  de  là,  en  avant  de  Babenhausen  où  le  géné- 
ral Grandjean  (l),qui  avait  remplacé  le  général  Delmas,  recevrait 
les  troupes  en  retraite. 

22  prairial.  —  Les  reconnaissances  ordonnées  allaient  partir 
lorsque  l'ennemi  attaqua  vivement  le  poste  du  pont  de  Deisen- 
hausen  et  força  tous  les  avant-postes  de  la  brigade  Debilly  de  se 
replier.  Je  lui  avais  recommandé  de  ne  rien  engager  entre  Dei- 
senhausen  et  Seifertshofeu.  L'ennemi  suivit  leur  mouvement  avec 
deux  pièces  de  canon,  deux  bataillons  d'infanterie  et  deux  divi- 
sions de  hussards.  J'arrivai  sur  le  terrain  au  moment  où  l'ennemi, 
qui  s'était  enfilé  dans  le  chemin  creux  entre  Nattenhausen  et 
Seifertshofeu,  venait  d'être  chargé  par  un  piquet  du  6'  de  chas- 
seurs, deux  compagnies  de  la  100' et  une  de  la  50',  qui  lui  tuèrent 
trois  hommes  et  lui  firent  une  quinzaine  de  prisonniers. 

Nous  eûmes,  dans  la  journée,  trois  hommes  tués,  32  blessés  et 
un  prisonnier  (2) .  Le  capitaine  Pierre  d'Houy,  officier  de  correspon- 
dance du  général  Debilly,  eut  un  cheval  tué  sous  lui  ;  un  brigadier 


(1)  Grandjean  (Charles-Louis-Dieudoiiné),  né  le  29  décembre  1768,  à  Nancy;  sous- 
lieutenant  au  105*,  le  II  mai  1792;  adjoint  à  l'état-major  de  l'aimée  du  llhin,  le 
21  mai  1793;  adjudant  général  chef  de  bataillon,  le  23  prairial  au  II;  réformé,  le 
25  prairial  au  III;  réintégré  comme  adjudant  .cjénéral  chef  de  brigade,  le  24  germinal 
an  IV;  général  de  brigade,  le  (i  germinal  an  VII;  général  de  diiision,  le  12  pluviôse 
an  XIII,  servit  aus  armées  d'Espagne  eu  1808,  d'Allemagne  en  1809;  mis  en  non-acti- 
vité en  1815,  en  disponibilité  en  1818,  il  fut  retraité  en  18iG  {\.  .\.  G.). 

(2)  Cependant  un  rapport  de  Gyulai,  daté  de  \enburg,  12  juin  1800  (K.  K.  A..  VI 
ad  186,  c),  dit  que  les  Français  laissèrent,  dans  cette  jouruée,  130  prisonniers  aux 
mains  des  Autrichiens 


12      MKMOIHMS    KT  JOUHMAIJX    DU    GENERAL   DECAEN 

(le  <liass*!iii's  (lu  G'  ciil  aussi  deux  chevaux  tués  sous  lui.  Le  chef 
de  hataillon  de  la  50%  qui  commandait  les  avant-postes,  se  dis- 
tin;{ua  en  tenant  tête  toute  la  journée  à  l'ennemi  qui  lui  était  hien 
supérieur  et  auquel  on  ne  montra  que  ce  hataillon,  une  compa- 
gnie de  la  100-  et  un  pi(|uet  de  chasseurs  à  cheval. 

Je  rendis  compte  que  l'ennemi  avait  fait  sa  retraite  et  que  la 
brigade  de  gauche  avait  repris  ses  positions;  que  la  brigade  de 
droite  observait  seulement  Krumbach  par  des  avant-postes  car, 
ainsi  que  je  l'avais  déjà  annoncé,  ce  poste  n'était  point  tenable, 
vu  sa  position  et  celle  de  l'ennemi.  Je  dis  aussi  que  j'avais  cru, 
pendant  assez  longtemps,  que  l'ennemi  ne  voulait  pas  s'en  tenir 
à  une  simple  reconnaissance;  qu'il  était  venu  devant  notre 
gauche  avec  le  5"  bataillon  d'infanterie  légère,  un  bataillon  de 
Valaques,  trois  escadrons  de  Ferdinand,  un  de  Blankenstein  et 
deux  pièces  de  canon;  que  le  général  Gyulai  commandait  l'at- 
taque et  que,  voyant  de  la  résistance,  il  s'était  déterminé  à  la 
retraite. 

J'informai  qu'une  reconnaissance  du  13'  régiment  de  cava- 
lerie, dirigée  sur  la  droite,  avait  trouvé  l'ennemi  de  l'autre  côté 
de  la  Mindel,  et  que  les  paysans  avaient  assuré  qu'il  occupait 
Kirchheim. 

Je  reçus  l'ordre  de  quitter,  le  lendemain,  ma  position  entre 
10  et  11  heures  du  matin  pour  aller  me  placer  en  arrière  de 
Krumbach,  couvrant  la  route  de  cette  ville  à  Babenhausen, 
appuyant  ma  droite  à  Nieder-Raunau  et  éclairant  par  des  postes  le 
cours  de  la  Kammlacb.  Je  fus  prévenu  que  le  général  Leclerc  (1), 
qui  commandait  aussi  une  division  de  la  réserve,  prendrait  posi- 
tion eu  avant  de  Breitenthal,  la  droite  à  la  Giinz,  et  que  le  générai 
Grandjean  prendrait  la  sienne  en  avant  de  Kettershausen  ;  que  le 
général  en  chef  aurait  son  quartier  général  à  Babenhausen;  et  il 
me  fut  recommandé  de  pousser  des  reconnaissances  sur  les  routes 
de  Giinzburg  et  de  Burgau  et  sur  Thanhausen  (2). 

(1)  Leclerc  (Victor-Emmainiel),  né  le  17  mars  111^2  à  Pontoise  ;  lieutenant  au  2"  ba- 
taillon de  Seine-et-Oise,  le  19  octobre  1791  ;  sou» -lieutenant  au  12"  régiment  de  cavale- 
rie, le  1"'  décembre  1792;  adjudant  général  chef  de  bataillon,  le  28  frimaire  an  II;  chef 
de  brigade,  le  30  germinal  an  II;  général  de  brigade,  le  17  floréal  an  V;  général  de 
division,  le  9  fructidor  an  VII;  commandant  en  chef  l'armée  de  Saint-Domingue,  le 
3  brumaire  an  X;   mort  à  Saint-Domingue,  le  11  brumaire  an  XI  (A.  A.  G.). 

(2)  L'ordre  ne  parle  pas  de  Thanhausen  (Lahorie  à  Decaeu,  Memmingen,  22  prai- 
rial. A.  H.  G). 


COMBAT   DK    KRUMBACH  13 

23 prairial.  — D'après  cet  ordre,  j'ordonnai  au  générai  Debilly 
de  prendre  position  en  arrière  de  Krumbach  et  de  le  garder  en 
avant-poste,  et  de  placer  deux  bataillons  et  deux  escadrons  en 
arrière  de  Deisenhausen  qui  serait  aussi  gardé  en  avant-poste.  J'or- 
donnai au  général  Durutte  de  prendre  position  avec  toute  sa  bri- 
gade à  Hohen-Raunau,  laissant  l'escadron  placé  à  Waltenberg  et 
les  postes  de  cavalerie  et  d'infanterie  sur  la  route  de  Babenhausen 
à  Krumbach.  Je  lui  recommandai  d'éclairer  la  rive  droite  de  la 
Kammlach  par  des  reconnaissances  sur  la  Mindel  dans  la  direction 
de  Mindeizell. 

Je  me  portai  à  la  brigade  Debilly  pour  être  présent  au  mouve- 
ment que  ce  général  était  chargé  d'opérer  sur  Krumbach.  Les 
postes  ennemis,  repoussés,  se  retirèrent  sur  la  droite  de  la  Kamm- 
lach. Mais,  vers  les  3  heures,  à  la  hauteur  de  Billenhausen,  il 
s'engagea,  d'une  rive  à  l'autre  de  la  Kammlach,  une  canonnade  qui 
dura  jusqu'au  soir.  Ayant  d'abord  pensé  que  cette  dispute  ne  dure- 
rait pas  longtemps  et  que,  d'ailleurs,  elle  avait  peu  d'importance, 
je  ne  jugeai  pas  à  propos  d'envoyer  informer  le  général  en  chef 
de  ce  qui  se  passait  (1).  Mais  le  bruit  du  canon  l'ayant  engagé  à 
se  rendre  sur  les  lieux,  je  fus  étonné  de  le  voir  arriver  vers  les 
7  heures  du  soir,  dans  le  moment  même  où  deux  compagnies  de 
la  100"  demi-brigade,  qui  avaient  reçu  ordre  de  passer  la  Kamm- 
lach et  de  se  porter  sur  les  hauteurs  en  avant  de  Krumbach,  pour 
couvrir  le  chemin  d'Augsbourg  dont  elles  avaient  déposté  l'en- 
nemi qui  s'y  était  établi,  furent  ensuite  attaquées  par  une  nom- 
breuse cavalerie  dont  elles  repoussèrent  trois  fois  la  charge,  mais 
qui,  n'ayant  point  reçu  de  secours  des  hommes  de  leur  corps  qui, 
au  lieu  de  les  défendre  à  l'entrée  de  Krumbach,  s'étaient  amusés 
à  piller,  furent  obligées  de  céder  au  nombre  (2) . 

(1)  "  Le  généra]  en  chef  est  prévenu  indirectement,  citoyen  général,  que  la  division  du 
général  Decaen  est  aux  prises  avec  l'ennemi.  Il  a  donné  ordre  au  général  Grandjean,  qui 
est  en  position  en  avant  de  Kettershausen,  de  le  soutenir;  mais  pour  mettre  le  général 
Decaen  pleinement  en  mesure  de  se  maintenir,  le  général  en  chef  vous  invite  à  tpnir  à  sa 
disposition  deux  bataillons  et  deux  escadrons  avec  deux  pièces,  pour  l'assurer  dans  sa 
position,  si  cela  devenait  nécessaire.  Ce  détachement  sera  disposé  de  manière  à  passer 
la  Giinz  avec  célérité  sur  la  demande  du  général  Decaen  que  je  vous  prie  d'instruire 
directement  de  cette  disposition  '  i^Lahorieà  Leclerc,  Babenhausen,  2-3  prairial,  A.  H.  G,). 

(2)  •  D'après  les  rapports  de  quelques  prisonniers,  nous  avions  devant  nous  trois  di- 
visions de  Ferdinand,  un  bataillon  de  Mlhanoiicb,  un  régiment  de  Bannal,  deux  compa- 
gnies de  chasseurs  wurlembergeois,  cinq  pièces  de  canon  ;  le  général  Gyulat  comman- 
dait l'attaque...  »  (Plauzonne  à  Lahorie,  Lbershausen,  23  prairial,  A.  A.  G.). 


14      MKMOIRES    KT   JOURNAUX    DU    GEVERAL   DECAEM 

J'éprouvai  un  bien  vif  déplaisir  de  voir  ainsi  tomber  au  pouvoir 
de  l'ennemi  ces  braves  dignes  d'un  meilleur  sort.  Cent  quarante- 
trois  furent  faits  prisonniers  par  la  faute  de  ceux  qui  devaient  les 
soutenir.  Je  fus  d'autant  plus  peiné  de  cet  événement  que  je  le 
regardai  comme  un  mauvais  début  dans  mon  nouveau  commande- 
ment, et  que  j'avais  compté  sur  un  meilleur  résultat,  à  la  fin  d'une 
journée  pendant  laquelle  l'ennemi  n'avait  pas  eu  le  moindre  avan- 
tage, et  snrloul  (juo  cola  se  fut  passé  presque  sous  les  yeux  du  géné- 
ral en  cbef.  \ous  eûmes,  en  outre,  huit  hommes  tués  et  trente- 
huit  blessés. 

Le  chef  de  brigade  Laffon  (1),  commandant  le  6'  de  chasseurs, 
qui  s'était  porlé  sur  Deisenhausen,  en  avait  chassé  l'ennemi  et  lui 
avait  fait  cinq  prisonniers. 

Le  général  en  chef  m'ordonna  de  garder  ma  position  le  lende- 
main et  de  me  borner  à  la  rectifier. 

24 prairial.  —  J'établis  mon  quartier  général  à  Ebershausen. 
Je  rendis  compte  que  l'ennemi  avait  gardé  les  mêmes  positions 
que  le  général  en  chef  lui  avait  reconnues  la  veille,  ayant  seule- 
ment rapproché  ses  avant-postes  à  la  hauteur  de  l'endroit  d'où 
des  pièces  faisaient  feu  sur  Krumbach;  que  le  village  d'Ober-Blai- 
chen  et  celui  de  Billenhausen  étaient  également  occupés  par  lui, 
d'après  le  rapport  du  chef  de  brigade  du  6*^  de  chasseurs  qui  avait 
été  chargé  d'occuper  ces  villages  en  avant-postes  ;  que  les  recon- 
naissances dirigées  sur  Alindelzell  n'avaient  point  rencontré  l'en- 
nemi, mais  que  celles  envoyées  sur  l  rsberg  avaient  rencontré  ses 
patrouilles  à  la  hauteur  d'Edenhausen  ;  que  les  troupes  enne- 
mies qui  s'étaient  opposées  à  notre  établissement  à  Ober-Blaichen 
étaient,  en  infanterie,  le  5"  bataillon  d'infanterie  de  chasseurs  et 
un  autre  de  Hongrois,  et  environ  600  chevaux,  tant  de  hulans 
que  de  Ferdinand-hussards;  et  qu'on  avait  fait  à  l'ennemi  sept 
prisonniers. 

Le  bataillon  de  grenadiers  commandé  par  le  chef  de  bataillon 
Fririon  (2)  arriva  à  la  division  :  il  fut  placé  à  Waltenberg. 

Il)  Laffon  (Joseph),  né  le  2  octobre  1759,  à  Souilhe  (Lot-et-Garonne)  (?)  ;  dragon 
au  régiment  de  Languedoc,  le  I"  airil  1177;  adjudant,  le  "28  avril  1788;  lieutenant,  le 
2-2  mai  \7M  .  capilaino,  le  l.j  août  179-2.  rlief  d'escadrons,  le  14  ffermina!  an  II;  chef 
de  brigade,  le  1"  floréal  an  II;  retraité,  le  9  mai  1808  (.1.  A.  G.). 

(2)  Fririoa  (Franyois-Joseph  ,  né  le  12  septembre  1771,  à  Pont-à-Mousson  ;  volontaire 


DECAEIV    SE    PORTE    SUR   ETTEMBEUREM  15 

25  prairial.  —  Je  reçus  Tordre  de  réunir  ma  division,  à 
3  heures  après  midi,  sur  les  hauleurs  du  village  de  Billeuhausen 
et  de  me  porter  sur  Ettcnbeuren,  en  jetant  un  parti  sur  Burten- 
bach,  ce  parti  devant  éclairer  sa  droite  vers  Zusmarshausen.  Je 
devais  aussi  envoyer  des  reconnaissances  sur  Jettingen  (I). 

Je  fus  prévenu  d'avoir  soin,  avant  de  prendre  position  à  Ettcn- 
beuren, d'attendre  à  la  hauteur  de  IVeuburg  que  le  général  Leclerc, 
qui  devait  s'y  placer,  y  fut  arrivé,  et  qu'il  avait  ordre  d'y  être 
rendu  à  4  heures  précises;  que  les  troupes  du  général  Lecourbe, 
avec  lesquelles  je  devais  faire  communiquer  les  miennes  par  des 
reconnaissances,  passeraient  ce  même  jour  la  Zusam  et  pren- 
draient position  à  droite  et  à  gauche  de  Zusmarshausen,  peut-être 
même  en  avant;  que  la  division  du  général  Grandjean  viendrait 
prendre  position  en  avant  de  Ingstetten  et  qu'elle  y  serait  rendue 
à  5  heures;  que  le  parc  de  réserve  serait  placé  sur  les  hauteurs 
en  arrière  d'Ebershausen  ;  que  le  général  en  chef  s'établirait  à 
Krumbach. 

Je  fus  prévenu  que  le  corps  de  réserve  porterait,  de  ce  jour,  le 
nom  de  centre  de  l'armée,  et  que  les  divisions  qui  composaient 
cette  réserve  prendraient  le  nom  des  généraux  qui  les  comman- 
daient. 

Je  fus  aussi  prévenu  que  le  corps  de  troupes  du  lieutenant  géné- 
ral Grenier  devait  se  mettre  en  marche  dans  la  journée  pour  porter 
sa  droite  sur  Ichenhausen  ;  que,  comme  il  était  à  croire  qu'il  n'ar- 
riverait qu'assez  tard  à  cette  position,  cette  circonstance  ne  devait 
retarder  mon  mouvement  qu'autant  que  j'aurais  devant  moi  des 
forces  qui  nécessiteraient  un  engagement  incertain. 

Les  reconnaissances  envoyées  le  matin  sur  la  route  de  Burgau 
avaient  rapporté  que  l'ennemi  était  à  Wettenhausen. 

Toutes  les  troupes  de  la  division  reçurent  l'ordre  de  se  réunir  à 


au  48«  d'infanterie,  le  1"  février  1791;  sous-lieutenant,  le  15  septembre  1791  ;  lieute- 
nant, le  13  mai  1792;  capitaine,  le  3  nivôse  an  III;  chef  de  bataillon,  le  16  floréal 
an  Vin  ;  major  au  39«  d'infanterie,  le  30  frimaire  an  XII;  colouel  du  69",  le  10  fé- 
vrier 1807;  cjénéral  de  brigade,  le  22  juin  1811  ;  retraité,  le  1^''  août  1815;  commandant 
le  département  de  l'Allier,  puis  de  la  Haute-Saône,  en  1831  ;  retraité,  le  1=''  octobre  1833 
(A.  A.  G.I.  IVe  pas  confondre  avec  l'adjudant  général  Fririon  qui  servait  à  l'état-major 
général  (Cf.  la  situation  donnée  par  CiBRiiX-IVIisAS,  Campagne  des  Français  en  Alle- 
magne, 1800,  page  232).' 

^  (1)  "  Lauingen  »  d'après  le  registre  de  correspondance  de  Moreau.  Le  manuscrit  de 
Decaen  porte   «  lalingen  » . 


16      MEHIOIIUCS    KT   JOLRNAl  X    DU    GENERAL   DECAE.V 

3  heures  de  raprès-midi  sur  les  hauteurs  de  Billenhausen,  à  la 
rive  droite  de  la  Kammlach.  .M'étant  rendu  au  lieu  du  rassemhle- 
ment  et,  de  là,  aux  avant-postes,  et  n'apercevant  plus  de  vedettes 
ennemies,  je  demandai  alors  depuis  quand  les  ennemis  étaient 
disparus;  et,  d'après  la  réponse  qu'il  y  avait  plus  de  deux  heures, 
je  recommandai  au  général  Debilly  qu'il  faudrait,  à  l'avenir,  que 
les  commandants  [de]  sa  ligne  d'avant-postes  ne  négligeassent 
pas,  en  pareille  circonstance,  non  seulement  de  prévenir  des 
mouvements  de  l'ennemi,  mais  même  de  ne  pas  attendre  d'ordres 
pour  faire  suivre  un  mouvement,  parce  qu'il  était  essentiel  de 
savoir  toujours,  autant  que  possible,  la  direction  (ju'il  prenait  et 
sur  quel  point  il  prenait  poste. 

Ma  division  étant  réunie,  et  dès  que  je  fus  informé  que  les 
troupes  du  général  Leclerc  étaient  en  position  à  Neuburg,  je 
donnai  l'ordre  au  général  Debilly  de  diriger  sa  brigade  sur  Etten- 
beuren,  en  suivant  la  route  de  Burgau  et  de  s'éclairer  sur  sa  droite. 

Je  le  prévins  qu'il  faudrait  pousser  l'ennemi  autant  qu'il  ne 
présenterait  pas  de  forces  trop  nombreuses;  à  cet  effet,  je  mis 
trois  pièces  d'artillerie  légère  à  sa  disposition.  Je  lui  recommandai 
le  plus  grand  ordre  dans  la  marche  des  troupes,  et  que  son 
infanterie  marchât  toujours  par  section  autant  que  le  terrain  le 
permettrait. 

Je  lui  donnai  l'ordre  de  prendre  position  en  avant  d'Ettenbeuren, 
sa  gauche  dans  la  direction  d'Ichenhausen  où  les  troupes  du 
général  Grenier  devaient,  le  soir,  prendre  position,  et  d'avoir  sa 
droite  vers  la  Mindel  dans  la  direction  de  Burteubach  qui  serait 
occupé  par  un  parti  de  la  brigade  Durutte,  ainsi  que  de  pousser 
ses  avant-postes  jusqu'à  Klein-Beuren,  s'éclairant  sur  Burgau  et 
sur  Jettingen,  se  liant  par  sa  gauche  avec  les  avant-postes  du 
général  Grenier. 

Le  général  Durutte  reçut  l'ordre  de  suivre ,  avec  sa  brigade , 
le  mouvement  de  Debilly ,  de  prendre  position  en  arrière  d'Etten- 
beuren, la  gauche  dans  la  direction  d'Ichenhausen,  et  la  droite 
vers  Burtenbach;  et,  lorsque  sa  brigade  serait  à  Langenhaslach, 
de  détacher  cent  chevaux  pour  se  rendre  à  Burtenbach,  où  le 
commandant  prendrait  poste  militairement,  et  d'où  le  comman- 
dant enverrait  des  partis  jusqu'à  Jettingen,  ainsi  que  vers  Zus- 
marshausen  pour  se  lier  avec  les  troupes  du  général  Lecourbe. 


COiMBATS   D'A\  AXT-POSTES  17 

La  brigade  Debilly  arriva  à  Eltenbeureii  en  poussant  devant 
elle  les  ennemis  qu'elle  rencontra  et  qui  ne  firent  point  de  résis- 
tance; mais  lors(|ue  Tavant-garde  de  cette  brigade  déboucha  de  ce 
village,  Fennemi  tira  sur  elle  avec  cinq  pièces  de  canon.  Cepen- 
dant, dès  qu'il  vit  les  dispositions  que  je  faisais  pour  l'éloigner,  il 
s'empressa  de  se  retirer,  par  le  pont  de  U  ettenhausen,  sur  la  route 
de  Gïmzburg.  Alors  je  fis  prendre  à  la  division  la  position  qui 
m'avait  été  prescrite  par  l'ordre  du  jour.  J'établis  mon  quartier  à 
Ettenbeuren  et,  dans  mon  rapport,  j'annonçai  que,  d'après  le  dire 
des  déserteurs,  nous  avions  devant  nous  les  hussards  de  Ferdinand, 
ceux  de  Blankenstein,  des  cuirassiers  et  200  hommes  d'infanterie 
du  régiment  de  Mihanovich  ;  que  nos  avant-postes  étaient  à  la  hau- 
teur de  W  ettenhausen  et  que  nous  étions  liés  par  notre  gauche 
avec  les  troupes  du  général  Grenier. 

26 prairial.  —  L'officier  commandant  la  découverte  envoyée 
dès  le  matin  sur  Knoringen  rendit  compte  qu'il  avait  appris  que, 
dans  cet  endroit,  350  hommes  du  régiment  de  Ferdinand  et  de 
Blankenstein-hussards  et  de  chasseurs  de  Le  Loup  y  avaient  passé 
la  nuit  et  en  étaient  partis  de  bonne  heure;  que  l'ennemi  avait  des 
postes  aux  villages  d'Hammerstetten  et  Anhausen  sur  la  gauche  de 
la  rivière,  et  qu'ils  s'étaient  retirés  à  l'approche  de  notre  parti  de 
chasseurs;  mais  que,  dès  qu'il  avait  quitté  Knoringen  pour  revenir 
à  Klein-Beuren,  il  avait  aperçu  descendre  dans  le  premier  de  ces 
villages  environ  200  hommes  de  cavalerie  (1). 

Le  général  Durutte  m'informa  que,  s'étant  avancé  sur  la  route 
de  Knoringen  à  Gïmzburg,  il  avait  vu  des  partis  ennemis  dans  les 
bois  à  droite  et  à  gauche  de  Leinheim;  que,  près  de  Reisensburg, 
il  avait  vu  une  redoute  à  laquelle  les  habitants  lui  avaient  dit 
qu'on  travaillait  depuis  un  mois,  qu'il  n'y  avait  point  de  canons, 
et  qu'il  avait  aussi  vu  environ  deux  escadrons  de  hussards  sur  ce 
point,  dont  la  moitié  avaient  monté  à  cheval  dès  qu'ils  l'avaient 
aperçu. 

Vers  les  11  heures  du  matin,  l'ennemi  entreprit  de  repousser 
mes   avant-postes  de  gauche  :  je   les  fis   soutenir  (2).  Alors   il 

(1)  Deux  cent  ciaquaole,  selon  Plauzonne  (Plauzoïine  à  Lahorie,  Ettenbeuren,  26  prai- 
rial, A.  H.  G.). 

(2)  a  L'ennemi    se    présente    avec  deux  bataillons,    cinq  pièces    de    canon  et    près  de 

II.  2 


18      MimOIRES   ET   JOURXAUY   DU    GE.VERAL   DECAE.V 

s'engagea  une  assez  vive  canonnade  qui  n'eut  d'autre  ellel  que  le 
bruit;  j'en  donnai  avis  au  «jènéral  en  chef  (1). 

Je  reçus  l'ordre  de  mettre  ma  division  en  marche  à  4  heures 
précises  de  l'après-midi  et  d'aller  prendre  position  en  arrière  de 
Knôringcn  et  de  Bureau.  Je  fus  prévenu  que  la  division  Grandjean 
arriverait  ce  même  jour  avant  5  heures  à  Ettenheuren,  et  que  le 
général  (îrenier  porterait  sa  droite  en  avant  de  Hochwang. 

Par  post-scriptum,  on  me  mandait  (|ue,  d'après  l'avis  d'une 
attaque  de  l'ennemi  sur  ma  gauche,  le  général  Grandjean  rece- 
vait l'ordre  de  marcher  de  suite  à  mon  appui;  et  que,  dans  la  sup- 
position que  ce  mouvement  de  la  part  de  l'ennemi  ne  serait 
qu'une  reconnaissance,  je  devais  prendre  la  position  indiquée,  et 
que  le  général  Grenier  recevait  l'ordre  de  faire  appuyer  sa  droite 
sur  Wettenhausen. 

Après  la  réception  de  cette  lettre,  j'écrivis  au  général  Lahorie 
que  nous  étions  toujours  en  présence,  l'ennemi,  d'un  côté  de 
Wettenhausen,  et  nous,  de  l'autre,  ayant  la  Kammlach  pour  ligne 
de  séparation,  et  que  je  faisais  l'observation  au  général  en  chef  que 
je  ne  pourrais  exécuter  le  mouvemen!  (jui  m'était  ordonné  qu'au- 
tant que  le  général  Legrand  pousserait  ce  qu'il  avait  devant  lui, 
ne  pouvant  m'engager  dans  la  vallée  de  la  Kammlach  si  ma  gauche 
ne  se  trouvait  pas  dégagée. 

Alais  en  attendant  que  les  troupes  du  général  Grenier  eussent 
opéré  leur  mouvement  pour  s'appuyer  sur  Wettenhausen,  afin 
que  l'ennemi  fût  forcé  de  l'abandonner,  je  m'avançai  moi-même 
avec  un  parti,  au  travers  des  bois,  dans  la  direction  de  Burgau. 
Ne  rencontrant  point  d'ennemis,  j'arrivai  jusqu'à  la  grande  route 
d'Augsbourg  à  Ulm.  Cependant,  comme  il  faisait  nuit  et  que  je 
n'avais  pas  de  guide,  je  ne  pus  pas  juger  dans  quelle  position  je 
me  trouvais  relativement  à  Burgau,  ni  de  combien  j'en  étais  éloi- 


4  000  chevaux.  Il  attaque  Wettenhausen.  Nous  ne  pourons  pas  encore  juger  si  c'est  une 
attaque  positive.  Les  dispositions  sont  prises  pour  le  recevoir  (Plauzonne  à  Lahorie, 
Etteubeurcn,  26  prairial,  A.  H.  G.). 

(I)  •  L'ennemi  met  beaucoup  de  lenteur  et  de  mollesse  dans  son  attaque  :  il  fait  feu  de 
cinq  pièces  de  la  hauteur  en  arrière  de  Wettenhausen.  Il  s'est  porté  entièrement  sur 
notre  gauche  (rive  gauche  de  la  Kammlach).  On  n'aperçoit  rien  sur  la  droite  ni  en  avant 
de  la  vallée.  Le  général  pense  que,  si  le  général  Legrand  faisait  un  mouvement  devant  lui, 
on  pourrait  bientôt  connaître  quelle  est  l'intenlion  de  l'ennemi  et  le  forcer  à  se  détermi- 
ner. Les  partis  poussés  parnotre  cavalerie  ne  rapportent  rien  de  l'ennemi  •  (Plauzonne  à 
Lahorie,  Ettenbeuren,  26  prairial,  A.  H.  G.), 


DECAEX'   S'AVANCE    SIR   BLHGAU  19 

<jné.  Je  revins  alors  sur  mes  pas  et  je  laissai  un  fort  poste  à  quel- 
que distance  du  point  jusqu'où  j'étais  allé;  je  donnai  ordre  au 
commandant  de  bien  se  garder,  d'envoyer  de  fréquentes  patrouilles 
et  de  prendre,  dès  le  point  du  jour,  une  connaissance  parfaite  de 
l'endroit  où  nous  nous  étions  avancés,  ainsi  que  de  s'approcher  de 
Burgau  le  plus  près  qu'il  lui  serait  possible  et  de  m'en  rendre 
compte.  Je  retournai  à  Klein-lieuren,  où  je  passai  le  reste  de  la 
nuit  et  où  je  reçus  une  lettre,  datée  de  Krumbacli  à  11  heures  du 
soir,  par  laquelle  le  général  en  chef  me  faisait  prévenir  qu'il  venait 
d'envoyer  l'ordre  au  lieutenant  général  Lecourbe  de  venir  prendre 
position  de  suite,  la  gauche  à  Burgau  et  la  droite  près  du  Danube, 
à  la  hauteur  de  Lauingen;  qu'au  moyen  de  ce  mouvement,  qui  ne 
pourrait  peut-être  se  faire  que  le  lendemain  un  peu  tard,  je  me 
trouverais  bien  couvert  et  que  j'aurais,  en  cas  où  l'ennemi  vien- 
drait m'attaquer,  un  renfort  puissant  qui  me  mettrait  à  même  de 
seconder  le  général  Legrand  s'il  était  attaqué;  (jue  le  général  en 
chef  serait  bien  aise  de  recevoir  de  mes  nouvelles  et  d'apprendre 
de  moi  tous  les  mouvements  que  l'ennemi  pourrait  faire  et  que  je 
serais  à  même  de  découvrir  et  d'apprendre. 

21  prairial.  —  Le  mouvement  de  la  division  Legrand  pour 
s'approcher  de  Wettenhausen  ayant  déterminé  l'ennemi  à  la 
retraite  pendant  la  nuit,  alors,  dès  le  jour,  je  mis  ma  division  en 
marche  pour  aller  prendre  la  position  qu'elle  devait  occuper  la 
veille  et  je  m'avançai  sur  Burgau. 

L'officier  auquel  j'avais  recommandé  d'envoyer  des  reconnais- 
sances, dès  le  point  du  jour,  sur  cette  ville,  me  rendit  compte  que, 
dès  que  l'ennemi  avait  aperçu  nos  troupes,  il  l'avait  évacuée.  J'en 
informai  de  suite  le  général  Lahorie,  lui  annonçant  que  j'allais 
la  faire  occuper,  que  je  n'avais  pas  pu  rendre  compte  la  veille  au 
soir  que  j'étais  près  de  Burgau,  car  l'obscurité  ne  m'avait  pas  per- 
mis d'apercevoir  que  j'en  étais  aussi  rapproché.  Je  rendis  compte 
<jue  la  division  prenait  position,  la  gauche  en  arrière  de  Knoringen 
et  la  droite  à  la  Mindel,  ayant  une  avant-garde  en  avant  de  Bur- 
gau, sur  la  route  de  Gùnzburg. 

Dès  que  je  fus  arrivé  à  Burgau,  j'écrivis  de  nouveau  au  général 
Lahorie  que  ma  division  était  établie  en  arrière  de  Burgau  et  de 
Knoringen,  ayant  un  corps  d'avant-garde  sur  la  rive  gauche  de  la 


20      MiaiOIRKS   ET  JOIHNALX    DU   GENERAL   DECAEX 

Kammlach,  placé  en  avant  de  Knoiingen  pour  observer  et  défendre 
les  déhonchés  de  Giinzhnrg  et  d'Offingen;  que,  ne  voyant  point 
appuyer  a  ma  hauteur  les  divisions  de  ma  droite  et  de  ma  gauche, 
je  n'avais  pas  cru  convenable  de  m'établir  en  avant  de  Burgau  et 
de  Knoringen,  étant  d'ailleurs  favorisé  par  les  avantages  du  ter- 
rain ;  mais  que  je  m'empresserais  de  me  placer  en  avant  de  ces 
endroits  dés  que  les  divisions  voisines  seraient  en  ligne,  si  cela 
entrait  dans  les  dispositions  du  général  en  chef.  En  finissant  cette 
lettre,  j'appris  (jue  les  troupes  du  général  Lecourbe  étaient  à  une 
lieue  de  Burgau;  alors  je  transmis  cet  avis  et  je  donnai  l'ordre  au 
général  Durutlo  de  faire  passer  tous  ses  avant-postes  vers  notre 
droite,  sous  les  ordres  du  général  Debilly,  chargé  de  l'avant-garde 
sur  la  roule  de  Burgau  à  Giinzburg. 

Je  rendis  compte  encore  au  général  Lahorie  qu'en  visitant  les 
avant-postes,  j'avais  reconnu  par  moi-même  que  l'ennemi  avait 
Totalement  abandonné  Giinzburg;  qu'on  n'avait  aperçu  qu'environ 
cent  chevaux  de  l'ennemi  sur  la  rive  gauche  de  la  Giinz;  que  le 
général  Legrand  s'était  avancé  avec  appareil  et  lui  avait  envoyé 
plusieurs  volées  de  canon. 

J'écrivis  en  outre  que  les  dispositions  de  l'ennemi  à  la  hauteur 
de  Leinheim  démontraient  qu'il  avait  l'intention  d'accepter  une 
bataille  en  avant  de  Giinzburg;  ([u'il  avait  établi  trois  redoutes 
pentagonales  disposées  pour  recevoir  chacune  cinq  à  six  bouches 
à  feu,  liant  le  village  de  Leinheim  avec  des  bois  qui  s'étendaient 
à  gauche  vers  la  Kammlach  ;  que  cette  position,  perpendiculaire  à 
la  chaussée  de  Burgau  sur  Giinzburg,  était  appuyée  par  sa  droite  à 
d'autres  bois  (|ui  se  prolongeaient  le  long  de  la  Giinz  et  qui  nous 
l'auraient  rendue  accessible;  qu'une  autre  redoute,  plus  grande 
que  les  autres,  était  établie  en  seconde  ligne  entre  Burgau  et 
Reisensburg;  que  je  me  proposais  de  les  faire  détruire  à  moins 
que,  d'après  les  reconnaissances  que  le  général  en  chef  en  pour- 
rait ordonner,  elles  ne  fussent  jugées  nécessaires. 

28  prairial.  — Je  reçus  deux  lettres  du  général  Dessolle  (1), 
chef  de  l'état-major  général.  Par  l'une,  il  m'annonçait  l'envoi  d'un 

(1)  Dessolle  (Jeaii-Josepli-Paul-Augustin),  né  le  3  octobre  1767,  à  Auch;  capitaine  au 
]er  bataillon  de  la  légioa  des  Montagnes,  en  1792;  adjudant  général  chef  de  bataillon,  le 
11  vendémiaire  an  II;  chef  de    brigade,    le  25   prairial  an  III;  général    de    brigade,   le 


LECOURBE    VA   TE\iTER   LE    PASSAGE    DU   DAX^UBE     21 

brevet  d'une  grenade  d'Iionneur  que  le  général  on  chef  avait 
accordée,  sur  ma  demande,  au  citoyen  Denis,  brigadier  de  la 
2"  compagnie  du  3'  régiment  d'artillerie  légère;  et  l'autre,  l'envoi 
d'un  brevet  de  sous-lieutenant  pour  le  maréchal  des  logis  Coffin, 
du  6"  régiment  de  chasseurs  à  cheval,  avec  recommandation  de 
leur  témoigner  la  satisfaction  du  général  en  chef  de  la  manière 
distinguée  avec  laquelle  ils  servaient. 

Je  reçus  l'ordre  d'envoyer  le  17*  de  dragons  pour  être  momen- 
tanément aux  ordres  du  lieutenant  général  Grenier,  et  je  fus  pré- 
venu que  le  G'  de  hussards,  qui  arrivait  à  l'armée,  suppléerait  au 
besoin  à  remplacer  le  17"  de  dragons. 

Je  fus  aussi  prévenu  que  la  division  resterait  en  position  ce 
«lême  jour  (1). 

29  prairial.  —  Ayant  reçu,  à  6  h.  30  du  matin,  une  lettre  du 
chef  de  l'état-major  de  l'aile  droite  pour  me  prévenir  que  le  géné- 
ral Lecourbe  commencerait  son  attaque  sur  Hôchstâdt  et  Dillin- 
gen,  et  qu'il  m'invitait  à  me  tenir  prêt  à  marcher  pour  le  soute- 
nir, et  que  j'en  recevrais  sans  doute  l'ordre  du  général  eu  chef  s'il 
ne  m'était  déjà  parvenu,  j'écrivis  sur-le-champ  au  général  Lecourbe 
que  j'allais  de  suite  faire  part  au  général  en  chef  de  ce  qu'il  me 
mandait;  et  que,  d'après  ses  ordres,  je  marcherais  pour  remplir 
«es  intentions. 

Ayant  transmis  de  suite  au  général  en  chef  ce  que  m'avait  écrit 
le  général  Lecourbe  et  demandé  ses  ordres,  le  général  Lahorie  me 
répondit  que  l'intention  du  général  en  chef  était  effectivement  que 
je  me  tinsse  prêt  pour  me  porter,  à  la  première  demande  du  géné- 
ral Lecourbe,  sur  Dillingen  ou  Hochsfadt,  pour  le  soutenir  sur  le 

12  prairial  an  U;  «jénéral  de  division,  le  2i  germinal  an  VII;  conseiller  d'Etat;  employé 
à  l'armée  d'Espagne  en  1808,  à  la  Grande  Armée  en  1812;  retraité,  le  19  août  1812; 
commandant  en  chef  de  la  garde  nationale  de  Paris;  destitué  en  1815;  mort  à  Paris  m 
1828  (A.  A.  G.). 

(1)  A  rette  date,  Decaen  rendait  compte  à  Morean  qu'il  avait  exécuté  la  recounais- 
«aace  qnc  celui-ci  avait  ordonnée,  et  indiquait  différentes  positions  que  pourrait  occuper 
sa  division.  Il  ajoutait  :  •  L'officier  du  G''  de  chasseurs,  que  vous  avez  vu  hier  et  qui  a 
été  accusé  d'avoir  pris  un  cheval  et  de  l'argeui,  .se  trouve  coupable.  Le  chef,  auquel  j'avais 
renvoyé  cet  officier,  a  porté  lui-même  la  plainte  pour  qu'il  soit  traduit  à  une  commis- 
sion, Mais  les  officii'rs  l'ont  engagé  à  faire  ses  efforts  pour  que  le  coupable  ne  soit  pas 
jugé.  Ils  lui  ont  fait  donner  sa  démission.  Je  vous  demande  pour  ces  officiers,  s'il  est 
possible,  que  vous  l'acceptiez.  J'attendrai  votre  réponse...  »  (Decaen  à  Moreau,  Burjrau, 
28  prairial,  A.  H.  G.).  La  démision  fut  acceptée  par  Moreau  (Lahorie  à  Decaen,  Dillin- 
gen, 3  messidor,  A.  H.  G.). 


22      MKAIOIRES    ET   JOIRXAIX    DU   GEXERAL   DECAEN 

point  où  le  passage  serait  forcé  par  ses  troupes  ;  que,  dans  ce- 
moment,  je  devais  réunir  ma  division  dans  là  direction  de  Dillin- 
gen,  en  la  rapprochant  de  ce  point;  et  que,  dans  la  supposition 
où  le  général  Lecourbc  ne  me  préviendrait  d'aucun  mouvement  à 
faire  dans  la  journée,  de  me  mettre  en  marche  le  lendemain,  » 
2  heures  du  matin  au  plus  tard,  pour  arriver  à  une  demi-lieue  au 
plus  de  Dillingen,  disposé  à  marcher  sur  ce  point  ou  sur  Hochslâdt. 

Je  fus  prévenu  que  le  général  Grandjean  se  mettrait  en  marche 
à  2  heures  précises  du  matin,  pour  se  porter  par  Aisliugen,  la 
droite  à  la  route  de  Dillingen,  à  la  hauteur  d'Aislingen  (1). 

Il  me  fut  recommandé  d'instruire  fréquemment  des  événements 
qui  arriveraient  dans  la  soirée,  et  surtout,  si  le  général  Lecourhe 
me  demandait  de  marcher  avant  2  heures  du  matin,  a6n  de  faire 
exécuter  au  général  Grandjean  son  mouvement  aussitôt  que  je 
commencerais  le  mien. 

J'annonçai  de  suite  au  général  Lecourhe  que,  d'après  l'ordre 
que  je  venais  de  recevoir  du  général  en  chef,  je  me  porterais  avec 
ma  division,  à  sa  première  demande,  sur  Dillingen  ou  sur  Hochs- 
tadt;  mais  que,  dans  le  cas  où,  dans  la  journée,  je  ne  serais  pas 
par  lui  appelé  (faisant  l'observation  qu'il  était  10  heures  du 
matin),  je  ne  me  mettrais  en  marche  (jue  le  lendemain  à  2  heures 
du  matin,  pour  arriver  sur  un  point  d'oii  je  pourrais  me  porter  ou 
sur  Dillingen  ou  sur  Hochstadt;  que  j'avais  désigné  Aislingen  pour 
lieu  de  rassemblement  puisque,  de  là,  je  pouvais  me  rendre  sur 
celui  qu'il  me  désignerait.  Je  le  prévins  (jue,  si  je  n'avais  pas  de 
ses  nouvelles  dans  la  soirée  encore,  je  serais  à  Aislingen,  de  ma 
personne,  le  lendemain  à  4  heures  du  matin. 

A  la  fm  du  jour,  j'écrivis  au  général  Lahorie  qu'il  n'avait  point 
eu  de  moi  de  rapport  le  matin  parce  que  je  n'avais  rien  à  lui  man- 
der, mais  que,  depuis  midi,  l'ennemi  avait  établi  sur  la  rive  gauche 
du  Danube,  en  face  d'Offingen  et  en  remontant  le  fleuve,  quelques 
postes  de  Manteaux-Rouges  et  de  dragons  de  Wurtemberg. 

N'ayant  point  reçu  de  nouvelles  du  général  Lecourhe,  je  donnai 
ordre  au  général  Debilly  de  réunir  son  avant-garde  au  pont  d'Offin- 
gen afin  d'en  partir  à  2  heures  du  matin  pour  se  rendre  à  Baumgar- 
len,  où  il  devait  réunir  toute  su  brigade,  et  de  partir  de  cet  endroit 

il)  L'adjudant  «(ëiiéral  Perriu,  chef  d'état-raajor  de  Grandjean,  dit  :  «  Sur  le»  hauteurs 
d'Aislingen  »  (Perrin  à  Lahorie,  29  prairial,  A.  H.  G.). 


DECAEN   DEMANDE    DES   ORDRES   A   LECOIÎRBE         23 

pour  se  rendre  à  Aislingeii  où  il  recevrait  de  nouveaux  ordres. 

Le  général  Durutte  reçut  l'ordre  de  réunir  sa  brigade  près  de 
IJurgau  et  d'en  partir  à  2  heures  précises  du  matin,  pour  se 
rendre  aussi  à  Aislingen  en  suivant  la  marche  du  général  Debilly 
par  Baumgarteu. 

La  réserve,  avec  l'artillerie  et  les  équipages,  reçurent  l'ordre  de 
se  rendre  aussi  sur  Aislingen,  en  passant  par  Rofingen  et  Mehren- 
stetten,  et  j'envoyai  un  officier  d'état-major  au  quartier  général 
pour  prévenir  que  j'avais  dirigé  toute  ma  division  sur  Aislingen  et 
que  j'y  serais  rendu  de  ma  personne  à  4  heures  du  matin,  ainsi 
que  je  l'avais  mandé  au  général  Lecourhe.  Mon  officier  d'état- 
major  me  rapporta,  le  lendemain  matin,  à  Aislingen  une  lettre  du 
général  Lahorie,  datée  du  29  à  minuit,  dans  laquelle  il  me  man- 
dait qu'il  venait  de  recevoir  à  l'instant  mon  avis  de  la  marche  de 
ma  division  et  du  lieu  que  j'avais  choisi  pour  son  rassemblement; 
que,  d'après  l'heure  à  laquelle  je  serais  rendu  sur  Aislingen,  je  me 
trouverais  pleinement  en  mesure  de  soutenir  le  général  Lecourbe; 
mais  qu'il  était  indispensable  que  la  division  dépasse  Aislingen  dans 
sa  position  pour  arriver  sur  la  route  de  Dillingeu  parce  que  le 
général  Grandjean,  avec  ses  cinq  bataillons  et  ses  deux  régiments 
de  cavalerie,  se  placerait  entre  Aislingen  et  Weisingen  pour  \ 
attendre  les  ordres  de  son  mouvement  ultérieur  sur  Dilliugen.  11 
me  prévint  (|ue  le  général  en  chef  allait  se  rendre  à  Aislingen  même. 

30  prairial.  —  Cette  nouvelle  disposition  fut  exécutée,  et  la 
division  prit  sa  position  en  masse  de  manière  à  pouvoir  se  mettre 
en  marche  au  premier  ordre;  et  des  reconnaissances  furent 
envoyées  pour  s'approcher  des  ponts  de  Lauingen  et  de  Dillingeu, 
afin  de  reconnaître  dans  quel  état  ils  étaient  et  travailler  à  leur 
réparation  aussitôt  que  cela  serait  possible. 

Ne  recevant  pas  de  nouvelles  du  général  Lecourbe  et  ayant 
entendu  une  canonnade  du  côté  de  lîlindheim,  entre  les  5  et 
6  heures  du  matin,  j'envoyai  aussitôt  un  de  mes  aides  de  camp 
pour  informer  ce  général  de  la  position  que  je  tenais  et  pour  lui 
demander  ses  ordres. 

Quelque  temps  après,  je  reçus  une  lettre  du  général  Lahorie, 
dans  hujuelle  il  me  mandait  que  le  général  en  chef  venait  d'être 
prévenu  par  le  général  Lecourbe  que  son  passage  avait  man(|ué 


24  MÉMOIRES  ET  JOURNAUX  DU  GENERAL  DECAEN 

sur  Dillingen  (1)  et  qu'il  se  portait  sur  Blindlieim  pour  en  tenter 
un  nouveau  sur  ce  point;  et  que  l'intention  du  général  en  chef 
était  que  je  me  tinsse  prêt  à  soutenir  le  mouvement  du  général 
Lecourbe  et  de  me  diriger,  sur  sa  demande,  vers  le  point  où  il 
aurait  forcé  le  passage,  s'il  était  assez  heureux  pour  y  parvenir; 
et  il  me  fut  répété  que  le  général  en  chef  allait  venir  me  voir  et 
qu'il  allait  s'établir  à  Burgau. 

Mon  aide  de  camp,  de  retour  de  sa  mission  et  qui,  par  sa  prompte 
diligence,  avait  fait  crever  son  cheval,  m'annonça  que  le  général 
Lecourbe  ne  lui  avait  pas  donné  d'ordre  à  me  transmettre.  Comme 
il  était  alors  en  plein  succès,  il  ne  voulut  probablement  pas  qu'on 
eût  à  dire  qu'il  avait  été  secondé  dans  son  opération.  Ce  singulier 
procédé  me  donna  un  peu  d'humeur.  J'en  informai  de  suite  le 
général  eu  chef  par  un  officier  que  j'envoyai  vers  lui,  ainsi  que 
pour  le  prévenir  que,  d'après  le  succès  du  passage  et  en  attendant 
ses  ordres,  puisque  le  général  Lecourbe  n'avait  pas  jugé  à  propos 
de  m'en  donner,  j'avais  fait  travailler  à  réparer  les  ponts  de 
Lauingen  et  de  Dillingen  et  que  j'allais  toujours  faire  rapprocher 
une  partie  de  mes  troupes  du  pont  de  Dillingen  qu'on  m'avait 
annoncé  pouvoir  être  réparé  vers  les  6  heures  du  soir,  s'il  n'arri- 
vait pas  d'événements  contraires  aux  travaux. 

Enfin  le  général  en  chef  étant  arrivé,  il  m'ordonna  de  faire 
avancer  le  reste  de  ma  division  vers  le  pont  de  Dillingen  où  je  me 
rendis  de  suite  avec  lui.  Mous  arrivâmes  au  moment  où  les  répa- 
rations venaient  d'être  terminées,  entre  6  et  7  heures  du  soir. 

Comme  le  général  Lecourbe,  en  poursuivant  l'ennemi  en  remon- 
tant la  rive  gauche  du  Danube,  avait  dépassé  Dillingen,  le  général 
en  chef  passa  sur-le-champ  de  l'autre  côté  du  fleuve.  Je  le  passai 
avec  lui.  Mais  dès  que  nous  fûmes  de  l'autre  côté  du  pont,  on 
entendit  le  canon.  Alors,  d'après  les  ordres  du  général  en  chef,  je 
fis  avancer  au  trot,  pour  nous  suivre,  le  6'  régiment  de  chasseurs, 
le  13"  de  cavalerie  et  ma  compagnie  d'artillerie  légère;  et  mon 
infanterie  reçut  l'ordre  de  marcher  avec  diligence. 

A  une  lieue  environ  de  Dillingen,  nous  rencontrâmes  le  général 
Lecourbe  dans  sa  voiture  et  qui  revenait  vers  nous.  Il  rendit 
com^pte  au  général  en  chef  de  sa  position  et  de  celle  de  l'ennemi 

(1)  Decaeo,  qui  s'était  porté  vers  Dillingen,  avait  pris  l'échec  de  Lecourbe  pour  une 
fausse  attaque  (Plauzonne  à  Liihorie,  .lislingeii,  30  prairial,  .\.  H,  G  ). 


SLCCHS   DES   FRAXÇAIS  25 

qui,  ayant  reçu  un  renfort  considérable  de  cavalerie  envoyé 
d'Ulm,  avait  repris  Toffensive.  Xous  continuâmes  d'avancer  pour 
aller  au  soutien  des  troupes  du  général  Lecourhe. 

Lorsque  nous  fûmes  arrivés  sur  le  terrain,  que  le  général  en 
chef  eut  vu  l'état  des  choses,  et  que  la  cavalerie  de  la  division 
Grandjean  (le  -4"  de  hussards  et  le  IP  de  dragons)  eut  rejoint,  il 
prit  la  résolution  non  seulement  d'arrêter  le  mouvement  de  l'en- 
nemi, mais  encore  de  le  rejeter  au  delà  de  la  Brenz  :  en  consé- 
quence, il  ordonna  une  nouvelle  attaque. 

Ce  que  m'avait  fait,  le  matin,  le  général  Lecourhe,  me  fit 
demander  au  général  en  chef  si  c'était  de  lui-même  ou  de  ce  géné- 
ral que  je  recevrais  des  ordres.  Le  général  en  chef  m'ordonna  de 
me  placer  à  la  gauche  de  notre  ligne  et,  quand  elle  s'ébranlerait 
pour  se  porter  en  avant,  de  marcher  rapidement  avec  mes  deux 
régiments  de  cavalerie  et  mon  artillerie  légère  pour  combattre 
l'ennemi  sur  son  flanc  droit.  Au  moment  opportun,  j'exécutai  cet 
ordre  avec  célérité  et,  lorsque  ma  colonne  fut  arrivée  à  la  proxi- 
mité de  l'ennemi,  j'en  ordonnai  le  déploiement.  Bientôt  après, 
mon  artillerie  eut  commencé  son  feu.  Cette  manoeuvre  audacieuse 
et  promptement  exécutée  contribua  beaucoup  au  succès  (|ui  cou- 
ronna cette  glorieuse  journée;  car,  malgré  les  efforts  de  l'ennemi 
contre  les  charges  vigoureuses  que  le  général  en  chef,  qui  se 
trouva  plusieurs  fois  dans  la  mêlée,  dirigea  contre  lui,  il  fut  par- 
tout culbuté.  On  lui  prit  plus  de  quatre  cents  chevaux  sans  ceux 
qui  restèrent  sur  le  champ  de  bataille.  Pendant  celte  action, 
la  37"  demi-brigade  d'infanterie  s'empara  de  Gundelfingen.  On 
combattait  encore  à  11  heures  du  soir.  Enfin  l'ennemi,  jeté  au 
delà  de  la  Brenz,  nous  abandonna  ses  positions. 

Après  le  combat,  je  m'établis  à  Ober-Medlingen  avec  toute  ma 
division  ayant  des  avant-postes  pour  se  garder  sur  la  Brenz  (1). 

(1)  •  Le  général  Decaeii  a  appris  ce  soir  par  les  habitants  du  pays  que  le  général  Szla- 
ray  avait  son  quartier  général  établi  à  Gundelfingen  depuis  quatre  jours,  et  que  le  parc  de 
réserve  de  l'artillerie  autrichienne  est  à  Xôrdlingen.  Le  général  Decaen  me  charge  encore 
de  vous  prévenir  qu  il  a  sa  division  assemblée  près  de  Gundelfingen,  une  brigade  eu  avant 
de  cette  ville,  et  l'autre  à  droite,  éclairant  les  routes  de  Langcnau  et  de  Stotzingea  et  pro- 
visoirement celle  qui  conduit  sur  Giengen.  Il  vous  prie  de  faire  porter  le  plus  tôt  possible 
la  division  Leclerc  pour  garder  cette  dernière  route.  Les  avant-postes  de  la  division  sont 
placés  verslaBreni  et  s'en  rapprocheront  le  plus  possible.  On  aperçoit,  dans  ce  moment- 
ci,  l'ennemi  en  mouvement  devant  ses  feux  eu  filant  sur  sa  droite.  Le  général  Sztaray  et 
le  général  Nauendorf  sont  partis  hier  de  Gundelfingen  pour  Dillingen  »  (Hamelinaye  à 
Lahorie,  Gundelfingen,  30  prairial,  A.  H.  G.). 


CHAPITRE   II 

Le  ()'■  chasseurs  enlève  deux  colonnes  d'éqaipajjes  autrichiens.  —  L'armée  du  lUiin  à  la 
poursuite  de  l'ennemi.  —  Elle  se  porte  sur  X'eresheim.  —  Lecourbe  attaque  l'arrière- 
fjarde  autrichienne.  —  Kray  propose  un  armistice.  —  Moreau  le  refuse.  —  Decaen, 
rharf[r'  d'aller  occuper  Munich,  s'y  rend  à  marches  forcées.  —  Entrée  de  Decaen  à 
Anjrsbourg.  —  Le  corps  de  Merveldt  refoulé.  —  Debilly  enlève  Dacliau.  —  Les 
.Autrichiens  se  retireut  vers  Munich.  —  La  population  de  cette  capitale  se  porte  au- 
devant  des  Français.  —  Entrée  de  Decaen  à  Munich.  —  Il  prend  posseasiou  de  la 
ville.  —  Ses  éjjards  pour  le  «[ouseruement  prov  isoire  laissé  par  l'Electeur.  —  Decaen 
établit  son  quartier  général  à  Xympbenburg. 

i"  messidor.  — Au  jour,  leG""  régiment  de  chasseurs  fut  envoyé 
à  la  reconnaissance  de  renncmi  sur  la  grande  route  d'L'lm.  Dans 
la  matinée,  ce  régiment  fil  son  retour  :  il  était  tombé  sur  une 
colonne  d'équipages  de  l'ennemi  et  s'en  était  emparé.  On  me  fit 
le  rapport  qu'il  avait  ses  avant-postes  au  village  de  Soutlieim  et, 
à  une  demi-lieue  en  arrière,  environ  quatre  escadrons  et  trois 
pièces  de  canon,  et  qu'à  8  heures  du  matin,  ils  avaient  fait  leur 
retraite,  excepté  huit  hommes.  Ce  convoi  se  retirait  sur  Llm  par 
les  communications  entre  le  Danuhe  et  la  chaussée  d'Ulm.  Le  pre- 
mier rapport  de  cette  capture  annonça  la  prise  de  plus  de  400  voi- 
tures chargées  d'avoine  et  de  divers  effets.  .Ayant  de  suite  transmis 
cette  nouvelle  au  général  Lahorie,  il  m'écrivit  que  l'intention  du 
général  en  chef  était  que  je  prisse  les  moyens  nécessaires  pour  que 
les  chevaux,  voitures  et  denrées  qui  avaient  été  pris  fussent  mis  en 
réserve  jus(|u'à  ce  que  le  général  en  chef  etît  déterminé  l'emploi 
(ju'ii  voulait  en  faire;  et  (|ue  le  prix  de  ces  divers  objets  serait 
payé  de  suite  au  régiment  d'après  la  taxe  qui  serait  déterminée. 

Je  reçus  l'ordre  de  tenir  la  division  réunie  prête  à  marcher  au 
moment  où  le  général  Grenier,  qui  était  en  marche  pour  Lauingen 
et  (îundelfingen,  serait  arrivé  sur  ce  point;  et  qu'aussitôt  que  ses 
troupes  arriveraient  sur  (Iundelfingen,  je  devais  me  mettre  en 
marche  pour  aller  prendre  position,  la  gauche  à  Brenz  que  j'oc- 


U.VE    CAPTURE    Dl    6'   CHASSEURS  2T 

cuperais,  prolongeant  ma  droite  dans  la  direction  d'Hermarin- 
gen  (1),  et  que  je  pourrais  occuper  Kloster-Medlingen.  Mon  quar- 
tier général  resta  dans  ce  village.  Je  fus  prévenu  que  le  général 
Grandjean  prendrait  position,  la  gauche  en  arrière  de  Hermarin- 
gen,  la  droite  vers  Sachsenliausen,  et  que  le  général  Leclerc  pre- 
nait position  sur  Wittislingen  et  Frauenriedhausen  ;  que  le  corps 
du  général  Grenier  venait  occuper  Lauingen,  Gundelfingen  et  se 
prolongerait  sur  la  Brenz  vers  Brenz. 

En  rendant  compte  de  l'exécution  de  cet  ordre,  je  dis  que  nos 
avant-postes  couvraient  Sontiieirn  et  (ju'ait  moment  où  ils  se 
plaçaient,  l'ennemi  dirigeait  par  la  route  d'Ulm  une  faible  recon- 
naissance. 

J'annonçai  la  marche  sur  Dillingen  des  voitures  prises  sur 
l'ennemi,  qu'il  n'y  en  avait  que  160,  nombre  infiniment  moins 
considérable  qu'on  ne  l'avait  supposé  et  que  50,  toutes  chargées 
d'avoine,  étaient  demeurées  embourbées  dans  les  marais  entre  la 
Brenz  et  le  Danube,  et  que  le  général  Legrand  en  était  prévenu; 
qu'on  m'avait  aussi  fait  le  rapport  que  2  000  sacs  de  grain  et 
plusieurs  caisses  d'habillements  étaient  abandonnés  sur  la  grande 
route  d'Ulm,  à  une  lieue  et  demie  de  Brenz  ;  que  j'allais  m'entendre 
avec  le  général  Legrand  pour  les  faire  enlever. 

Le  chef  de  l'état-niajor  du  centre  me  manda  que  des  renseigne- 
ments parvenus  au  général  en  chef  lui  annonçaient  que  l'ennemi, 
après  avoir  repassé  en  grande  partie  le  Danube,  marchait  sur 
nous,  ce  qui  donnait  à  supposer  une  attaque  de  sa  part  pour  le 
lendemain  matin;  que,  quel  que  fût  le  but  de  l'ennemi  dans  ce 
mouvement,  il  importait  d'être  en  mesure  devant  lui,  de  manière 
non  seulement  à  le  recevoir,  mais  encore  à  suivre  sa  retraite  si  sa 
marche  sur  la  Brenz  n'avait  d'objet  que  de  la  couvrir,  comme  il 
était  probable;  (jue  l'intention  du  général  en  chef  était  que  mes 
troupes  fussent  sous  les  armes  à  la  pointe  du  jour,  et  qu'à  la  même 
heure,  des  reconnaissances  fussent  envoyées  pour  rapporter  des 
nouvelles  de  l'ennemi. 

2 messidor  — Le  général  Debilly  me  rendit  compte  que,  dans 
la  reconnaissance  qu'il  avait  faite  lui-même  le  matin,  l'ennemi 

(1)  L'ordre  signé  Lahorie  dit  «...  de  Lauiii3en  »  (^Lahorie  àDecaeii,  Dillingen,  1='  mes- 
sidor, A.  H.  G.). 


28   MKMOIRES  KT  JOURNAUX  DU  GÉNÉRAL  DECAEN 

n'avait  présenté  que  quelques  {)atrouilles;  qu'on  s'était  tlrailllé  un 
instant;  qu'il  en  avait  été  de  même  sur  le  front  de  la  division  de 
gauche;  que  l'ennemi  avait  repris  ses  postes  de  la  veille  en  avant 
de  Stotzingen  ;  que,  pour  essayer  d'obtenir  des  renseignements, 
il  allait  envoyer  un  parlementaire  pour  réclamer  un  officier  de 
santé  qui,  quelques  jours  avant,  avait  été  fait  prisonnier. 

J'informai  le  général  en  chef  (jue  l'officier  envoyé  en  parlemen- 
taire avait  vu  sortir  de  Slolzingen  un  bataillon  qui  se  dirigeait  vers 
le  Danube  dans  la  direclion  de  Schwarzenwang  et  une  division  de 
cavalerie  qui  marchait  par  sa  gauche  sur  le  Lonthal;  que  je  pen- 
sais que  l'ennemi,  ayant  un  aussi  fort  détachement  à  Stotzingen, 
voulait  établir  sa  ligne,  la  droite  au  Danube,  à  la  hauteur  de 
Riedhausen,  la  gauchepassant  par  Stotzingen,  au  Lonthal,  en  avant 
de  Stetten  et  à  la  hauteur  d'Ulrich  (1)  ;  que  j'avais  reconnu  moi- 
même  un  camp  d'infanterie  assez  considérable  à  la  hauleur  et  à 
droite  d'Eschingen  (2),  et  un  de  cavalerie  sur  la  lisière  du  bois 
à  gauche;  que  je  supposais  que  l'ennemi  n'avait  pas  autant  de 
forces  à  Stotzingen  sans  avoir  établi  un  échelon  considérable  à 
la  hauteur  d'Albeck  ou  de  Langenau;  que  les  découvertes  avaient 
reconnu  un  poste  de  cavalerie  et  d'infanterie  à  Oberberg  (3)  ;  que, 
le  matin,  il  n'y  en  avait  pas;  que,  sur  la  route  de  Stotzingen,  à  une 
lieue  d'Ober-Weiler  (-4),  on  avait  aperçu  des  vedettes  ennemies 
et,  à  la  droite  du  premier  de  ces  villages,  environ  600  chevaux. 

Je  fus  prévenu,  de  la  part  du  général  en  chef,  que  ma  division 
serait  remplacée  dans  sa  position  de  Brenz  par  les  troupes  du  lieu- 
tenant général  Grenier,  et  de  la  mettre  en  marche  pour  aller 
prendre  position,  la  gauche  à  Sachsenhausen  qu'elle  devait  occu- 
per, et  la  droite  se  prolongeant  vers  Burghagel,  où  appuierait  la 
division  Grandjean  par  sa  gauche;  ([ue  ce  général  partirait  de  sa 
position  actuelle  de  manière  à  être  rendu  à  6  heures  du  soir  à  la 
nouvelle  qu'il  devait  prendre;  (jue  je  devais  exécuter  mon  mou- 
vement pour  la  même  heure;  que  je  devais  laisser  mon  cordon 
d'avant-postes,  si  le  lieutenant  général  Grenier  se  trouvait  dans 
le  cas  de  retarder  son  mouvement. 


(1)  Peut-être  faut-il  lire  Hiirbeu. 

(2)  Ce  nom  n'a  pu  être  identifié. 

(3)  Oberberg  se  troiuait  à  300  mètres  au  nord  de  Burgberg, 

(4)  Ce  nom  n'a  pu  être  identifié. 


MOREAU   A   LA    POURSUITE    DE    KRAY  29 

J'annonçai  au  général  en  chef  que  j'avais  pris  la  position  ordon- 
née, mais  seulement  avec  une  partie  de  mon  infanterie,  trois 
bataillons  étant  restés  avec  le  général  Debilly  pour  garder  Brenz, 
Sontheim  et  Bergcnueiler  ainsi  que  le  débouché  d'Hermaringen, 
puisque  le  général  Grandjean  l'avait  laissé  ouvert  sans  m'en  pré- 
venir, de  sorte  qu'il  avait  fallu  l'attaquer  et  le  reprendre  à  l'en- 
nemi qui  l'avait  défendu  un  instant  avec  deux  pièces  de  canon; 
qu'on  lui  avait  tué  cinq  hommes  et  pris  un  Manteau-Rouge;  que 
je  venais  d'écrire  aux  généraux  \ey  et  Grenier  pour  que  mes 
troupes  fussent  relevées  et  qu'ils  se  lient  avec  moi  vers  Sach- 
senhausen. 

Je  prévins  que  je  n'avais  pas  pris  exactement  ma  position  dans 
la  direction  de  Sachsenhausen  à  Burghagel,  le  terrain  ne  me  le 
permettant  point;  que  ma  droite  était  refusée  dans  la  direction 
d'Ober-Bechingen  et  que  j'étais  à  cheval  sur  le  chemin  de  Burgha- 
gel  àLauingen,  Sachsenhausen  étant  fortement  occupé,  et  gardant 
les  différentes  routes  qui  conduisaient  sur  Giengen;  que  l'ennemi 
n'avait  qu'une  observation  en  arrière  de  cet  endroit  et  des  tirail- 
leurs en  avant;  que  j'avais  aperçu  des  feux  de  l'ennemi  au  delà 
de  la  Brenz  vers  Stetten. 

Je  fis  l'observation  que  le  6'  de  chasseurs  diminuait  beaucoup; 
que,  fatiguant  extrêmement,  il  ne  suffisait  pas  à  faire  le  service  des 
avant-postes.  Je  redemandai  le  17'  ou  un  autre  régiment  (1). 

3  messidor .  — J'avais  établi  mon  quartier  général  à  Haunsheim. 
Ma  division  resta  dans  sa  position  le  30. 

Je  reçus  une  lettre  du  général  Lahorie.  11  me  mandait  qu'il 
avait  reconnu  (jue  la  position  qui  m'avait  été  indiquée  la  veille 
n'était  pas  tenable  et  qu'il  s'était  proposé  de  me  faire  prévenir  de 
la  prendre  en  refusant  la  droite  comme  je  l'avais  prise;  que  ce 
([ui  l'en  avait  empêché,  c'était  la  persuasion  où  il  était  que  le  géné- 
ral Moreau  était  avec  moi;  qu'il  prévenait  le  général  Leclerc  de  se 
porter  en  arrière  d'Ober-Bergheim  pour  me  soutenir  en  cas  d'at- 
taque; que  le  général  Grandjean,  de  son  côté,  se  replierait  sur  ce 


(Il  Decaen  ajoutait  :  •  J'ai  demandé  au  général  en  chef  si,  au  lieu  du  bataillon  de  la 
50',  il  voulait  me  douner  un  bataillon  d'infanterie  légère.  Faites  en  sorte  d'obtenir  ce 
bataillon,  car  mon  infanterie  de  ligne,  avec  la  meilleure  volonté,  n'entend  point  ce  ser- 
vice >  (Decaen  à  Lahorie,  Haunsheim,  2  messidor,  A.  H.  G.). 


30      AIEAIOIRES   ET   JOURXALX   DU   GENERAL   DECAEX 

poinl,  ce  (jiii  iikî  perniclliait  de  soutenir  plus  fortement  le  point 
(le  Sachsenhausen  (jui  était  mauvais  par  la  nature  du  terrain. 

Le  «jénêral  Debilly  rejoignit  Sachsenhausen  avec  ses  troupes.  Il 
en  fit  le  rapport  que  ses  avant-postes  avaient  été  attaqués,  la  veille 
au  soir,  par  deux  divisions  de  hussards  de  Blankenstein  et  Ferdi- 
nand; que  l'ennemi,  qui  n'avait  d'abord  montré  que  deux  com- 
pagnies d'infanterie,  en  avait  fait  déboucher  six  autres  par  le  village 
<le  Stotzingen;  qu'elles  s'étaient  avancées  par  la  gorge  à  la  tête  de 
laquelle  il  avait  placé,  le  matin,  quatre  compagnies  de  la  50"; 
qu'elles  avaient  chargé  une  fois  sans  pouvoir  arriver  jusqu'à  la  hau- 
teur de  nos  troupes,  mais  qu'à  la  seconde  charge,  elles  commen- 
çaient à  atteindre  la  sommité  du  bois  lorsque  le  chef  de  bataillon 
Gengoult  (1)  avait  marché  sur  elles  et,  par  un  feu  très  vif,  les 
avait  forcées  de  rentrer  dans  le  défilé;  que  la  cavalerie  ennemie, 
(|ui  avait  paru  d'abord  vouloir  se  retirer,  s'était  ensuite  avancée 
d'environ  200  toises  vers  l'escadron  du  G%  mais  voyant  que  son 
infanterie  n'avait  pas  pu  percer,  elle  avait  tourné  bride;  que  la  50" 
avait  eu  deux  hommes  blessés  et  un  prisonnier,  cl  (|ue  l'ennemi 
avait  eu  deux  hommes  tués  et  trois  chevaux. 

Le  premier  rapport  du  général  Durutte  m'annonça  que  l'en- 
nemi avait  peu  de  monde  dans  (iiengen;  qu'on  n'avait  aperçu  que 
quelques  petits  pelotons  de  cavalerie.  Peu  de  temps  après,  il  me 
fit  prévenir  que  Giengen  était  abandonné  de  l'ennemi  et,  par  un 
troisième  rapport,  que,  d'après  les  renseignements  qu'il  avait  pu 
prendre  dans  cet  endroit,  l'ennemi  faisait  un  grand  mouvement 
sur  sa  gauche  ;  qu'ayant  cependant  appris  qu'une  partie  des  troupes 
qui  étaient  dans  les  environs  de  (iiengen  s'étaient  retirées  par 
Herbrechtingen,  il  avait  envoyé  une  reconnaissance  sur  cet  endroit, 
et  (|ue  le  chef  d'escadrons  Alonlaulon  (2),  qui  la  commandait,  lui 

(1)  Gengoult  (  Louis-Tliomas),  n<'' le  21  di'cembre  1767,  à  Toul  ;  soldat  au  8'  d'infan- 
terie, le  11  juillet  1784:  congédié  comme  fourrier:  soldat  au  7''  bataillon  de  la  Meurtlie, 
le  20  juillet  1792:  capitaine,  le  28  juillet  1702;  chef  de  bataillon,  le  II  nitôse  an  IV; 
major,  le  30  frimaire  an  XII;  colonel  du  .")6«,  le  13  mailSOti;  généralde  brigade,  le 
6  aoûl  1811  ;  disponible,  le  l"  janvier  1810:  retraite,  le  l*'"'  janvier  1825;  lieutenant  gé- 
néral, le  19  novembre  1831  ;  retraité,  le  1"^"^  janvier  1833;  décédé  à  Toul,  le  13  juin  1846 
(A.  H.  G.). 

(2)  Montaulon  (Jean),  né  le  19  janvier  1754,  à  Serviau  (Héraulli;  dragon  au  régiment 
de  Languedoc,  le  l''  mars  1774;  maréchal  de.«  logis  chef,  le  1'^  septembre  1784;  sous- 
lieutenant,  le  30  mars  1791;  lieutenant,  le  l'' jauvier  1792;  cupilaine,  le  2  juin  1792; 
chef  d'escadrons,  le  12  nivôse  an  IV;  major  au  S''  chasseurs,  le  6  brumaire  an  XII; 
retraité,  le  12  septembre  1800  (A.  A.  G.). 


L'ARMÉE    SE    PORTE    SUR    MERESHEIM  31 

avait  rapporté  qu'en  approchant  de  ce  village,  il  avait  aperçu  à 
peu  près  deux  escadrons  de  cavalerie  et  un  camp  dont  il  n'avait 
pu  juger  la  force. 

Le  général  Durutte  ajoutait  qu'on  venait  de  l'assurer  que  l'en- 
nemi s'était  retiré  devant  Hermaringen;  qu'il  semblait  ([ue  celte 
armée  se  portait,  une  partie  sur  Neresheim,  et  une  autre,  sur  l  Im, 
car  il  avait  rencontré  un  guide  ([ui  avait  assuré  avoir  conduit 
400  hommes  de  (ïiengen  à  Oggenhausen. 

Je  transmis  ces  rapports  au  général  en  chef  dont  je  reçus  l'ordre 
de  me  mettre  en  marche  le  lendemain,  à  8  heures  précises  du 
matin,  pour  me  porter  par  Landshausen  et  Fleinheim  sur  Auern- 
heim  et  de  prendre  position  à  gauche  de  ce  village,  parallèlement 
à  la  route  de  Neresheim;  que,  dans  la  supposition  où  je  ne  ren- 
contrerais pas  l'ennemi  sur  ce  chemin,  je  me  porterais  sur  Ne- 
resheim  où  je  prendrais  position,  la  droite  à  la  route  qui  y  conduit, 
la  gauche  refusée  suivant  la  nature  du  terrain. 

Je  fus  prévenu  (jue  le  général  Lederc  partirait  aussi  à  8  heures 
du  matin  pour  se  porter  par  Zôschingen  et  Fleinheim  sur  Auern- 
heim,  où  il  prendrait  position,  la  droite  au  village,  la  gauche  dans 
la  direction  de  Neresheim;  et  qu'au  cas  où  il  ne  trouverait  pas 
l'ennemi,  il  se  porterait  sur  Neresheim,  la  gauche  à  la  chaussée, 
et  la  droite  vers  les  hauteurs. 

4  messidor .  —  Les  découvertes  envoyées  dès  le  jour  sur  Her- 
hrechtingen  reconnurent  (jue  le  camp  ennemi  subsistait  toujours 
et  qu'il  paraissait  même  avoir  été  renforcé,  car  on  y  avait  aperçu 
plus  de  fumée  que  la  veille;  et  elles  avaient  appris  qu'il  y  avait 
une  cavalerie  considérable  à  Anhausen  et  que  les  avant-postes 
ennemis,  qui  étaient  la  veille  sur  la  gauche  de  la  Brenz,  avaient 
été,  vers  le  matin,  sur  la  droite. 

La  division  fut  mise  en  marche  à  8  heures  du  mjatin.  Après 
avoir  débouché  des  hauteurs  entre  le  Danube  et  la  plaine  de  Xe- 
resheim,  je  lui  fis  faire  une  halle,  ne  pouvant  avancer  dans  celle 
plaine  avant  l'attaque  du  général  Lecourbe  sur  l 'arrière-garde  de 
l'armée  ennemie  faisant  sa  retraite  de  Neresheim  sur  Nordiingen. 

La  route  traversant  une  forêt,  ce  corps  d'arrière-garde,  composé 
d'une  nombreuse  cavalerie  et  de  quelque  infanterie,  défendait 
l'entrée  de  ce  défilé  et  fit  d'abord  résistance;  mais  [il  fut]  vigou- 


32      MEMOIRES    ET   JOIRXALX   DU   GENERAL   DECAEX' 

reusement  attaqué  par  les  troupes  du  général  Lecourhe  soutenues 
d'une  division  du  centre  et  de  la  réserve  de  cavalerie  de  l'armée. 

Au  moment  de  cette  attaque,  le  lieutenant  général  Grenier 
ayant  aussi  débouché  des  hauteurs  avec  tout  sou  corps  ,je  me  remis 
eu  marche  avec  ma  division  pour  chasser  un  parti  ennemi  qui,  à 
la  faveur  de  bouquets  de  bois,  couvrait  la  droite  de  son  arriére- 
garde.  Ce  mouvement,  avec  celui  du  général  Grenier  à  ma  gauche 
et  de  la  division  Leclerc  qui  s'ébranla  également  à  ma  droite,  favo- 
risèrent essentiellement  l'attaque  du  général  Lecourbe,  et  bientôt 
l'arriére-garde  ennemie  fut  obligée  d'abandonner  sa  forte  position. 
La  majeure  partie,  faisant  sa  retraite  sur  Nôrdlingen  par  la  route 
de  la  forêt,  y  fut  poursuivie  jusqu'à  9  heures  du  soir  par  les 
troupes  de  ce  général  qui  débouchèrent  de  l'autre  côté  de  cette 
forêt  malgré  le  feu  d'une  nombreuse  artillerie  et  (|ui,  ensuite, 
prirent  leur  position  devant  le  plateau  de  Nordlingen  où  l'armée 
autrichienne  s'était  placée.  On  fit  à  l'ennemi  150  prisonniers. 

La  marche  de  pres(jue  toutes  les  divisions  de  l'armée  française, 
descendant  simultanément  des  hauteurs  dans  la  plaine  de  Neres- 
heim  et  s'avançant  ensuite  dans  le  plus  bel  ordre,  fut  un  magni- 
fique spectacle  qui  excita  parmi  les  troupes  les  plus  vifs  sentiments 
de  joie  et  de  satisfaction. 

D'après  de  nouveaux  ordres  du  général  en  chef,  jedounai  ordre 
à  la  brigade  Debilly  de  s'établir,  la  gauche  à  Ober-Riffingen,  et  la 
droite  dans  la  direction  d'Unter-Riffingen,  se  gardant  sur  les 
routes  d'Aalen  et  de  Boptingen,  se  liant  par  la  gauche  à  la  divi- 
sion Ney  et  par  la  droite,  à  celle  du  général  Leclerc. 

La  brigade  Durutte  fut  placée  en  seconde  ligne,  à  la  lisière  du 
bois.  J'établis  mon  quartier  général  à  Auernheim. 

5  messidor.  —  Je  fus  prévenu  que,  d'après  l'ordre  du  général 
en  chef,  les  divisions  Leclerc  et  Grandjean  relèveraient,  devant 
.\6rdlingen,  les  troupes  du  général  Lecourbe  qui  se  portait  sur 
Harburg;  que  le  général  Grenier  marcherait  dans  la  journée  sur 
Boplingen  et,  par  les  hauteurs  en  avant  d'Herdtfeldhausen,  sur 
les  hauteurs  qui  dominent  Nordlingen  dans  la  direction  de  ces 
deux  points,  et  qu'il  éclairerait  en  même  temps  les  routes  de 
Lauchheim  et  d'Ellwangen;  que  ce  mouvement  devait  commencer 
à  8  heures  du  matin  et  que,  dès  que  les  troupes  du  général  Gre- 


MOREAU   ENVOIE    DECAEM   A    MUVICH  33 

nier  arriveraient  à  la  hauteur  de  la  position  que  j'occupais,  je 
devais  marcher  par  ma  droite  pour  venir  l'appuyer  à  la  chaussée 
de  Xeresheim  à  Nordlingen,  à  une  lieue  et  demie  en  arrière  de 
celte  ville. 

Le  général  Dehilly  m'informa  que  l'ennemi  avait  tenu  poste 
toute  la  nuit  à  Trochtelfingen,  que  les  patrouilles  qu'il  y  avait 
envoyées,  tant  la  veille  au  soir  que  le  matin,  avaient  fait  le  coup 
de  fusil  avec  le  régiment  de  Kinsky,  et  que  deux  déserteurs 
avaient  dit  que  tout  leur  régiment  était  dans  Trochtelfingen  ;  que 
la  reconnaissance  poussée  sur  Hohenberg  avait  vu,  en  arrière  de 
cet  endroit,  de  forts  postes  d'infanterie  et  de  cavalerie;  que  celle 
qui  avait  été  envoyée  vers  Aalen  n'avait  rien  vu,  mais  qu'elle 
avait  appris,  de  l'avant-garde  du  général  INJey  à  Beuren,  que  l'on 
avait  aperçu  beaucoup  d'équipages  ennemis  filer  sur  Ellwangen. 

Le  17"  de  dragons  rentra  à  la  division  et,  lorsqu'elle  eut  pris  sa 
nouvelle  position,  je  fus  voir  ce  qui  se  passait  de  l'autre  côté  de  la 
forêt,  entre  les  deux  armées  qui  se  fusillaient  et  se  canonnaient, 
principalement  à  notre  gauche. 

Le  soir,  à  mon  retour  à  Neresheim  où  j'avais  établi  mon  quartier 
général,  je  fus  chez  le  général  en  chef  qui  venait  de  faire  son 
retour  de  devant  Nordlingen.  Il  m'apprit  que  le  général  Kray  lui 
avait  envoyé  un  parlementaire  pour  lui  annoncer  la  conclusion 
d'un  armistice  entre  les  deux  armées  d'Italie,  laissant  cependant 
ignorer,  dans  sa  dépêche,  ce  qui  avait  amené  cette  suspension  (1  ) ,  et 
(ju'il  lui  en  avait  proposé  une  pour  les  deux  armées  du  Rhin.  Le 
général  Moreau  ajouta  :  «  J'ai  refusé  cette  proposition,  voulant 
attendre  des  dépêches  du  gouvernement  qui  m'instruiront  de  ce 
qui  s'est  passé  d'extraordinaire  en  Italie,  et  qui  ne  peuvent  pas 
tarder  d'arriver.  « 

Ensuite,  il  me  dit  :  «  Decaen,  vous  sentez-vous  de  force  pour 
aller  à  Munich?  «  Je  repartis  :  ci  Mon  général,  de  quelle  mission 
voulez-vous  me  charger?  — Mais,  y  aller  avec  votre  division  parce 
que,  si  l'ordre  m'arrive  de  suspendre  les  hostilités,  il  est  d'un 
grand  intérêt  pour  l'armée  que  nous  ayons  la  Bavière  pour  avoir 
de  bons  cantonnements  et  pour  les  contributions.  «  Je  répondis  que 
j'étais  flatté  de  cette  mission  et  que  j'étais  prêt    à    exécuter  ses 

(1)  La  bataille  de  Marengo,  livrée  dix  jourj  auparavant. 

11.  3 


3V      MlhlOIRKS   KT   JOURNAUX   DU    GEXKRAL   DECAE.V 

ordres,  en  faisant  néanmoins  l'observation  que  ma  division  était 
bien  faible  pour  m'éloigner  à  une  aussi  grande  distance.  Alors  il 
me  dit  que  son  intention  était  de  l'augmenter  d'une  partie  de  la 
réserve  de  cavalerie,  ce  qui  donnerait  probablement  lieu  à  l'en- 
nemi, quand  il  connaîtrait  ce  mouvement,  de  penser  que  c'était  la 
plus  grande  partie  de  l'armée  qui  avait  passé  le  Lecli,  et  (jue  j'au- 
rais, en  outre,  à  ma  disposition  les  troupes  qui  étaient  à  Friedberg, 
au  delà  d'Augsbourg. 

Il  me  fit  ensuite  cette  question  :  ;■■  Dans  combien  de  jours 
comptez-vous  pouvoir  arriver  à  Muuicb?  —  Cela,  dis-je,  dépendra 
de  la  distance  et  des  obstacles  que  je  pourrai  rencontrer.  Et  en 
combien  de  jours  jugez-vous,  mon  général,  que  je  doive  y 
arriver?  —  Il  faut,  me  répondit-il,  que  dans  quatre  jours,  quatre 
jours  et  demi,  vous  soyez  dans  cette  capitale.  •  J'assurai  que  je 
mettrais  la  plus  grande  célérité,  et  je  priai  le  général  en  chef  de 
désigner  le  2'  de  carabiniers  dans  le  détachement,  parce  que  je 
chargerais  son  chef,  le  colonel  Caulaincourt,  du  commandement 
de  ma  réserve  de  cavalerie,  ce  qui  me  fut  accordé;  et,  sur-le-champ, 
le  général  en  chef  m'expédia  l'ordre  suivant  : 

Le  général  de  division  Decaeii  partira  dans  la  journée  pour  se  diriger  à 
marches  forcées  sur  Munich  par  Hochstàdt  et  Augsbourg. 

Il  sera  renforcé  d'un  escadron  du  8^  de  cavalerie,  du  2"  de  carabiniers  et 
du  9«  régiment  de  cavalerie  avec  trois  pièces  d'artillerie  légère. 

Le  général  Decaen  aura  à  sa  disposition  le  détachement  laissé  sur  le 
Lech  au-dessus  d'Augsbourg,  mais  il  sera  chargé  de  couvrir  ce  point. 

Il  lui  est  particulièrement  recommandé  de  se  couvrir,  sur  sa  gauche, 
contre  les  partis  qui  viendraient  d'Ingolstadt  et  du  bas  Lech  et  de  la  Paar, 
et  sur  sa  droite,  contre  les  partis  qui  viendraient  du  Tyrol. 

Arrivé  à  Munich,  il  y  recevra  des  instructions  ultérieures  et  jugera  s'il 
lui  est  possible  de  prendre  position  en  avant  de  cette  ville,  ou  s'il  ne  serait 
pas  préférable  de  la  prendre  en  arrière.  Il  se  réglera,  à  cet  égard,  sur  la 
uatur<?  du  terrain  et  les  forces  qu'il  pourra  avoir  à  combattre. 

Le  général  en  chef  : 
Signé  :  More  au. 

Je  reçus  du  général  Lahorie  la  lettre  suivante  : 

Par  la  nature  de  votre  destination  et  passant,  avec  le  corps  de  troupes 
que  vous  conunandez,  sur  le  terrain  occupé  par  celles  du  lieutenant  géné- 
ral Lecourbe,  il   devient  important  et  nécessaire,  mon  cher  général,  que 


DECAEjV   se   porte    sur  AUGSBOURG  35 

vous  entreteniez  avec  lui  des  relations  continuelles  sur  les  différents  évé- 
nements militaires  qne  vous  pourrez  avoir.  C'est  l'intention  du  général  en 
chef.  Je  m'empresse  de  vous  la  transmettre. 

6  messidor.  —  Les  troupes  de  la  division  et  celles  qui  devaient 
y  être  réunies  reçurent  de  suite  Tordre  de  leur  marche  et  de  rece- 
voir leurs  vivres  pour  deux  jours.  La  brigade  Debilly  commença 
le  mouvement  vers  minuit  (1).  La  division,  passant  par  Neresheim 
et  Witlislingen,  arriva  à  Hôchstadt  entre  10  et  11  heures  du  malin. 

La  brigade  Durutte,  avec  le  parc  et  les  équipages,  furent  placés 
en  échelons  en  arrière  d'Hochstadt;  et,  pour  que  les  troupes 
puissent  faire  la  soupe  et  se  reposer,  elles  furent  prévenues  que  là 
halte  serait  de  quatre  heures. 

A  trois  heures  après  midi,  tout  le  détachement  se  mit  en  marche 
pour  passer  le  Danube  et  se  rendre  à  Wertingen.  La  tète  de  la 
colonne  y  arriva  vers  8  heures  du  soir.  Le  général  Debilly  reçut 
l'ordre  d'envoyer  le  6"  de  chasseurs  jusqu'à  Rieblingen,  sur  la 
grande  roule  d'Augsbourg,  et  de  placer  ses  autres  troupes  en  avant 
de  Werlingen,  dans  les  villages  à  une  demi-lieue  et  à  un  quart 
de  lieue  à  droite  et  à  gauche  de  cette  route.  II  fut  prévenu  (jue 
sa  brigade  devait  être  réunie,  le  lendemain  à  3  heures  du  malin, 
à  Rieblingen  et  d'en  partir  pour  marcher  sur  Augsboiirg.  La  bri- 
gade Durutte  resta  à  Werlingen,  ainsi  que  le  parc  et  les  équipages. 
J'y  établis  aussi  mon  quartier  général,  et  la  réserve  occupa  les 
villages  en  arrière  et  les  plus  rapprochés  de  cet  endroit. 

7  îiiessidor.  —  Le  lendemain,  à  3  heures  du  malin,  cette  bri- 
gade avec  le  parc,  les  équipages  et  la  réserve  se  mirent  en  marche 
pour  suivre  le  mouvement  du  général  Debilly. 

Je  me  portai  à  la  tète  de  la  colonne,  et  quand  elle  eut  débouché 
dans  la  plaine  d'Augsbourg,  à  environ  quatre  lieues  de  cette  ville, 
je  lui  fis  faire  une  halte.  Toutes  les  troupes,  en  arrivant  successi- 
vement sur  ce  point,  reçurent  une  distribution  d'eau-de-vie  (on  en 
avait  fait  conduire  à  la  suite  de  l 'avant-garde),  et  je  donnai 
l'ordre  qu'après  deux  heures  de  repos,  tout  le  détachement  se 
mettrait  en  marche  pour  arriver  à  Augsbourg. 

(1)  "...  La  division  du  «jéuéral  Decaeii...  partit  dOhmenheim  à  2  heures  du  matin  et 
arriva  dans  la  journée  à  Wertingen,  se  dirigeant  sur  Munich...  »  (Rapport  signé  [^ahurie, 
Nôrdiingen,  G  messidor,  A.  H.  G.). 


36   MÉMOIRES  ET  JOURMAUX  DU  GENERAL  DECAEN 

La  ivunion  sur  le  même  point  de  toutes  les  troupes  qui  le  com- 
posaient causa  une  vive  satisfaction  et  fit  oublier  la  fatigue.  On  fit 
alors  des  conjectures  sur  la  cause  de  ces  marches  forcées  et  de  la 
réunion  d'une  partie  de  la  réserve  de  cavalerie  à  la  division.  La 
parfaite  intelligence  des  soldats  français  leur  fit  préjuger  qu'ils 
allaient  à  Munich. 

Vers  les  9  heures  du  matin,  je  partis  du  lieu  de  rassemblement 
avec  un  pi(|uet  de  ciiasseurs  pour  me  rendre  à  Augsbourg.  J'y  entrai 
entre  10  et  11  heures.  Aussitôt  mon  arrivée,  je  donnai  l'ordre 
aux  autorités  de  cette  ville  de  faire  transporter  sur-le-champ,  entre 
iiugsbourg  et  Friedberg,  du  pain,  de  la  viande,  de  la  bière  et  de 
l'eau-de-vie  pour  10  000  hommes,  et  de  l'avoine  et  du  foin  pour 
3  000  chevaux.  Cette  demande  excita  la  plus  grande  surprise.  On 
n'avait  pas  eu  la  moindre  nouvelle  de  notre  marche.  On  ne  vou- 
lait pas  croire  que  tant  de  troupes  arriveraient  aussi  promptement. 
On  fit  des  représentations  qu'il  y  avait  impossibilité  de  satisfaire  à 
une  pareille  demande,  et  on  finit  par  m'envoyer  une  députation. 

Je  dis  à  cette  députation  que,  dans  une  grande  ville  comme 
Augsbourg,  les  difficultés  présentées  devaient  facilement  s'apla- 
nir. Je  lui  notifiai  que,  si,  à  1  heure,  ce  que  je  leur  avais  fait 
requérir  n'était  point  arrivé  sur  le  lieu  indiqué,  à  i  heure  et 
demie  10  000  hommes  entreraient  dans  la  ville,  et  que  je  les 
mettrais  à  discrétion  chez  l'habitant.  Cette  déclaration  mit  fin  aux 
remontrances  et  on  s'occupa  avec  la  plus  grande  activité  de  faire 
ce  (|ue  j'avais  demandé. 

A  2  lieures,  la  tète  de  la  colonne  arriva  à  la  porte  d'Augs- 
bourg  (1).  Elle  fut  aussitôt  dirigée  en  deliors  de  la  ville  pour 
aller  prendre  sa  position  de  l'autre  côté,  avec  défense  à  qui 
que  ce  soit  d'y  entrer.  Toutes  les  troupes,  dont  le  nombre  causait 
le  plus  grand  étonnement  aux  habitants  qui  les  voyaient  passer 
autour  de  leurs  remparts,  furent  prendre  leur  position  entre  cette 
ville  et  Friedberg.  Elles  furent  prévenues  qu'elles  y  resteraient 
jusqu'à  6  heures  du  soir;  et,  comme  on  avait  mis  toute  célérité 
à  conduire  au  camp  tout  ce  qui  avait  été  demandé,  les  troupes 
reçurent  leurs  distributions  sans  le  moindre  retard. 

(1)  "...  La  division  du  général  Decaen,  qui  continuait  de  marcher  sans  autre  repos  que 
des  haltes  de  quatre  heures  par  jour,  arriva  à  .Auîisbourjj  à  2  heuies  du  matiu...  "  (Hap- 
port  signé  Lahoric,  Donauivïirth,  7  messidor,  A.  H.  G.). 


DECAEX   A   AUGSBOURG  37 

Aussitôt  après  le  renvoi  de  la  dcputation  des  autorités  d'Augs- 
bourg,  j'écrivis  au  général  de  brigade  Boyé  (1),  commandant  des 
troupes  qui  gardaient  Friedberg,  que,  le  général  en  cbef  les 
ayant  mises  à  ma  disposilion,  je  le  prévenais  que  ma  division 
prendrait  position  à  la  fin  du  jour  en  deçà  el  au  delà  de  la  Paar, 
à  clieval  sur  la  cbaussée  de  Friedberg  à  Dachau,  poussant  des 
avant-postes  au  delà  de  la  Glon  s'il  était  possible;  que,  pour 
correspondre  à  ce  mouvement,  je  l'engageais  à  pousser  sa  ligne 
jusqu'en  arrière  de  Dasing  sur  la  route  de  Friedberg  à  Aicbach, 
avançant  des  bussards  sur  Aicbach  et  qui  pousseraient  de  fré- 
quentes reconnaissances  qui  puissent  observer  l'ennemi  sur  le 
débouché  d'Ingolsladt.  Je  l'engageai  aussi  à  porter  un  corps  à 
Statzling,  couvrant  le  pont  de  Lechhausen  et  observant  Aicbach. 
Je  mis  à  sa  disposition  deux  escadrons  du  17'  de  dragons. 

J'écrivis  au  général  Lecourbe  que,  la  mission  dont  j'étais  chargé 
me  mettant  dans  le  cas  de  m'entretenir  avec  lui  sur  les  événements 
militaires,  je  le  prévenais  que,  le  soir,  le  corps  que  je  comman- 
dais prendrait  position  sur  la  Paar,  et  que  mon  avant-garde  passe- 
rait au  delà.  Je  l'informai  de  ce  ([ue  j'avais  ordonne  au  général 
Boyé.  Je  l'engageai  à  me  faire  part  s'il  avait  marché  vers  JVeu- 
burg  et  à  quelle  hauteur  ses  troupes  étaient  dans  cette  partie, 
ainsi  que  du  point  où  il  croyait  pouvoir  les  avancer  le  lendemain, 
ajoutant  que  les  avis  qu'il  me  donnerait  me  seraient  utiles. 

J'écrivis  aussi  au  général  Nausouty  (2)  qui  commandait  un  petit 
corps  d'observation  à  Landsberg,  sur  le  haut  Lech.  Je  le  prévins 
que  j'allais    prendre   position    sur   la    Paar;  que,  le  lendemain, 


(1)  Boyé  (Charles-Joseph),  né  le  11  février  1702,  à  Ehrenbreilsleiri  ;  hussard  au 
légiment  de  Couflans,  le  12  féïrier  mS;  fourrier,  le  2  juillet  1780;  adjudant,  le  7  juin 
1785;  sous-lieulenant,  le  18  septembre  1791  ;  lieutenant,  le  17  juin  n9i;  capitaine,  le 
29  octobre  1792;  chef  d'escadrons,  le  21  mai  1793;  chef  de  brigade,  le  G  floréal  an  II; 
général  de  brigade,  le  22  prairial  an  III;  démissionnaire,  le  24  floréal  an  IV;  remis  eu 
activité,  le  12  Iherraidor  au  VII;  employé  à  la  Grande  Armée  en  l'an  XIII;  à  l'armée 
d'Espagne  en  1808;  retraité  en  1812;  naturalisé  Français  par  ordonnaucc  du  2  janvier 
1817;  mort  le  16  mai  1832  (A.  A.  G.). 

(2)  Nausouty  (Elienne-Marie-Antoine-Champion  de),  né  le  30  mai  17G8,  à  Bordeaux; 
cadet,  puis  sous-lieutenant  au  régiment  de  Bourgogne,  le  26  mars  1785;  capitaine,  le 
6  avril  1788;  lieutenant-colonel,  le  4  avril  1792;  chef  de  brigade,  le  19  brumaire  an  II, 
général  de  brigade,  le  12  fructidor  an  VII;  g('néral  de  division,  le  3  germinal  an  XI; 
employé  à  la  Grande  Armée  en  l'an  XIV;  Ecuyer  de  l'Empereur;  colonel  général  des  dra- 
gons, le  16  janvier  1813;  commandant  la  cavalerie  de  la  Garde,  le  29  juillet  1813; 
commissaire  dans  la  IS""  division,  en  avril  1814;  capitaine  lieutenant  de  la  1"  compa- 
gnie de  mousquetaires,  en  1814;  mort  à  Paris,  le  12  février  1815  (A.  A.  G.). 


38      AlÉMOIRES   ET   JOI'RMAIX   DU   GENERAL   DECAEN 

j'avancerais  sur  Dachaii  el  même  plus  loin,  si  je  le  pouvais;  et  je 
lui  demandai  de  pousser  quelques  partis  sur  ma  droite,  si  cela  lui 
clail  possible,  ainsi  que  de  me  donner  quelques  renseignements 
sur  la  force  des  ennemis  dans  la  partie  qu'il  gardait  et  vers 
Munich. 

Enlin  j'«''crivis  au  général  Moreau  : 

Ma  division  est  arrivée  hier  à  VVertingcn,  mon  général,  Tavant-garde  à 
Rieblingen.  Aujourd'hui,  h  2  heures,  elle  est  entrée  à  Augsbourg.  Elle 
va  prendre  quelques  heures  de  repos;  ensuite,  elle  passera  la  Paar. 
li'avant-garde,  soutenue  par  un  échelon,  avancera  encore,  s'il  est  possible 
jusque  sur  la  Glon.  Je  compte  être  demain  en  position  à  Dachau  et,  le 
soir,  être  peu  éloigné  de  Munich,  pour  y  entrer  le  lendemain  de  bonne 
heure  et  même  plus  tôt  s'il  n'y  a  pas  d'obstacles  majeurs. 

Je  préviens  le  général  Xansouly  pour  qu'il  pousse  quelques  partis  sur 
ma  droite.  Je  charge  le  général  Boyé,  auquel  je  laisse  deux  escadrons  de 
dragons,  de  me  couvrir  vers  Aichach  et  Pottnies  et  d'avancer  vers  Aichach, 
en  rai.son  des  mouvements  de  l'ennemi. 

J'ai  prévenu  le  général  Lecourbe,  selon  vos  intentions.  L'on  m'a  dit 
que  l'ennemi  avait  montré,  dans  la  partie  que  je  vais  parcourir,  environ 
1  000  chevaux,  9  pièces  d'artillerie  avec  peu  d'infanterie.  Ce  sont  des 
hussards  de  Meszaros,  de  Grenz,  et  des  huians  du  2=  régiment.  Ils  sont 
venus,  il  y  a  trois  jours,  attaquer  Fricdberg. 

Vers  les  G  heures  du  soir,  je  me  rendis  au  camp.  J'ordonnai  la 
marche  de  mes  troupes.  Je  recommandai  au  général  Debilly, 
quand  il  aurait  passé  la  Paar,  de  s'avancer  au  delà,  le  plus  loin 
qu'il  lui  serait  possible,  mais  surtout  ses  avant-postes,  ayant  égard 
à  la  fatigue  des  troupes,  et  de  prendre  la  position  qu'il  jugerait  la 
plus  convenable. 

Le  général  Durutte  reçut  l'ordre  de  suivre  ce  mouvement  avec 
sa  brigade,  la  réserve,  le  parc  et  les  équipages,  de  passer  aussi 
tout  au  delà  de  la  Paar,  et  d'y  prendre  sa  position  en  arrière  du 
général  Debilly,  et  de  placer  ses  troupes  en  raison  de  la  localité 
et  de  l'espace  qu'il  y  aurait  entre  cette  rivière  et  la  brigade 
Debilly. 

Les  corps  furent  prévenus  de  laisser,  en  passant  à  Friedberg, 
leurs  éclopés  et  leurs  hommes  fatigués.  Mais  aucun  soldat  n'y 
voulut  rester,  tant  il  y  avait  de  courage  et  d'ardeur  et  de  désir 
d'arriver  au  but  où  on  devait  atteindre. 

Je  rentrai  à  Augsbourg  pour  y  passer  la  nuit  et  pour  y  recevoir 


LE   CORPS   DE    MERVELDT    REFOULE  39 

plus  lût  les  ordres  que  le  général  en  chef  pourrait  m'envoyer, 
ainsi  que  les  lettres  ou  avis  que  les  généraux  Lecourbe,  Boyé  et 
Nansouty  pourraient  m'adresser. 

Entre  11  heures  et  minuit,  un  officier  envoyé  par  le  général 
Del)illy  m'annonça  que  ce  général  avait  forcé  l'ennemi  à  lui  céder 
le  village  de  Rinenthal,  qu'il  aurait  pu  pousser  encore  plus  loin, 
mais  que,  d'un  côté,  la  fatigue  extrême  des  troupes  et,  de  l'autre, 
la  nature  du  terrain  l'avaient  déterminé  à  tenir  ses  troupes  au 
bivouac  en  arrière  de  Rinenthal,  en  faisant  occuper  ce  village  par 
quelques  compagnies  d'infanterie  et  en  le  couvrant  de  postes  de 
cavalerie;  et  qu'il  attendait  mes  ordres  dans  cette  position. 

Je  reçus  aussi  un  rapport  du  général  Diirutte.  11  m'informait 
que  la  division  avait  passé  la  Paar,  ainsi  que  je  l'avais  désiré,  et 
avait  placé  ses  troupes  entre  Rinenthal,  que  le  général  Debilly 
avait  fait  occuper,  et  le  village  de  Hiïgelshart  ;  que  l'ennemi  avait 
un  peu  tiraillé  dans  un  bois  au  delà  de  Rinenthal,  mais  qu'il  lui 
avait  paru  qu'il  n'y  avait  que  peu  de  monde. 

Il  me  fut  aussi  apporté  une  lettre  du  général  Boyé,  écrite  à 
10  heures  du  soir.  Il  me  mandait  qu'à  l'instant  il  recevait  un 
courrier  du  lieutenant  général  Lecourbe  qui  lui  annonçait  que 
son  (|uartier  serait,  le  lendemain,  à  Rain,  (jue  sa  droite  serait 
portée  vers  Pottmes  et  Schrobenhausen,  et  qu'il  l'avait  chargé 
de  prévenir  le  général  Nansouty  de  mon  mouvement  et  de  l'en- 
gager à  faire  quelque  tentative  sur  l'Animer  See. 

Le  général  Boyé  m'annonçait,  en  outre,  qu'il  tâcherait  de  se 
rendre  maître  d'Aichach,  le  lendemain,  où  il  établirait  son  avant- 
garde,  en  gardant  toujours  les  points  de  Friedberg  et  de  Lech- 
hausen;  enfin  que  le  général  Lecourbe  l'avait  prévenu  de  mou 
mouvement;  et  il  me  demanda  de  lui  laisser,  pour  quelques  jours, 
les  deux  escadrons  du  17°  de  dragons  (1). 

8  messidor.  —  J'expédiai  l'ordre  au  général  Debilly  de  se 
mettre  en  marche  à  3  heures  du  matin  et  de  continuer  à 
s'avancer  sur  Dachau.  Je  lui   recommandai  d'attaquer  vivement 


(1)  "  Vers  minuit,  200  hussards  de  Ferdinand  voulurent  surprendre  Relirosbath, 
croyant  ne  rencontrer  qu'un  faible  parti  :  ils  furent  reçus  par  le  3"^  bataillon  do  la  50^ 
qui  leur  tua  5  hommes  et  5  chevaux.  Ils  se  retirèrent  en  désordre  et  laissèrent  un  pri- 
sonnier... »   (Decaen  à  Lahorie,  marche  sur  l(lunich,  7  messidor,  A.   H.  G.). 


40      AIKMOIRES    ET    JOURXALX   DU    GEXERAL   DEGAEX 

rennemi  et  de  le  pousser  vigoureusement;  que  le  reste  de  la  divi- 
sion le  suivrai!;  et  il  fut  prévenu  que  je  n'allais  pas  tarder  à  mon- 
ter à  cheval  pour  aller  le  rejoindre. 

En  marchant  pour  me  rendre  à  la  tête  de  la  colonne,  je  reçus 
une  lettre  du  général  Dehilly  dans  laquelle  il  répétait  ce  qu'il 
m'avait  fait  dire,  le  soir,  par  l'officier  qu'il  m'avait  envoyé;  et  il 
ajoutait  que  ses  reconnaissances  lui  faisaient  dire  qu'elles  rencon- 
traient l'ennemi,  qu'il  paraissait  en  force  à  Rossbach,  qu'il  mon- 
trait du  monde  et  qu'on  ne  savait  ce  qui  pouvait  se  trouver  en 
arrière  du  bois;  que,  d'après  le  rapport  des  prisonniers,  il  y  avait 
un  fort  détachement  de  cavalerie  aux  ordres  d'un  général  ;  qu'il 
y  avait  des  hussards  de  Meszaros,  de  Blankenstein  et  de  Grenz, 
ainsi  que  des  hulans. 

Lorsque  j'eus  rejoint  le  général  Debilly,  je  fis  serrer  sur  l'en- 
nemi en  faisant  soutenir  le  piquet  d'avant-garde  et  les  éclaireurs 
par  le  6'  de  chasseurs,  deux  escadrons  du  17'  de  dragons,  trois 
pièces  d'artillerie  légère  et  le  13"  de  cavalerie,  marchant  en  éche- 
lons, à  l'appui  les  uns  des  autres,  avec  ordre  à  toute  la  colonne 
de  suivre  ce  mouvement. 

Lorsque  nous  approchâmes  de  Rossbach  (1),  l'ennemi,  qui  était 
posté  sur  la  hauteur  en  arrière,  sur  un  plateau  découvert  mais 
environné  de  bois,  prétendit  arrêter  notre  marche  en  nous  tirant 
quelques  coups  de  canon.  Alors,  trois  pièces  d'artillerie  légère 
furent  mises  en  batterie  pour  lui  répondre  et  deux  bataillons 
d'infanterie  furent  envoyés  pour  s'emparer  des  bois  sur  sa  droite 
et  sur  sa  gauche.  Mais,  dès  que  l'ennemi  aperçut  l'infanterie, 
il  se  décida  à  la  retraite  et  il  se  jeta  dans  le  défilé  qu'il  avait  der- 
rière lui.  Il  fut  poursuivi  vivement  par  le  6"  de  chasseurs  pendant 
une  demi-lieue.  Je  fis  ensuite  prendre  position  à  toute  la  division 
sur  le  terrain  d'où  on  venait  de  chasser  l'ennemi. 

Le  général  Merveldt,  qui  commandait  ce  détachement,  était 

(1)  Rossbach  se  trouve  à  uii  peu  plus  de  2  kilomètres  au  nord-ouest  d'Orthofen. 
Deraen  écrit  daulre  part  :  ^  La  dixisiun,  réunie  à  Rehrosbach,  se  mit  en  mouvement  à 
4  heures  du  malin,  son  atant-garde  chassant  devant  elle  400  chevaux  du  2^  réfîiment  de 
hulans  et  de  Ferdinand-hussards,  en  arrière  d'Odeizhausen.  M.  de  Merveldt,  qui  y  était 
établi,  voulut  disputer  la  position  avec  800  chevaux  et  quatre  pièces  de  canon.  Il  s'encja- 
gea,  pendant  une  denii-henrc,  une  canonnade  assez  vive;  mais  l'arrivée  de  1  infanterie  et 
les  dispositions  prises  le  déterminèrent  à  une  retraite  précipitée  jusqu'au  delà  du  village 
d'Orthofen,  où  la  division  fit  halle  en  arrière  de  cet  endroit...  »  (Decaen  à  Lahurie, 
marche  sur  Munich,  8  messidor,  .\.  H.  G.). 


DEBILLY  EMLEVE  DACHAU  41 

sorti  si  précipitamment  de  son  logis  qu'il  avait  laissé,  entre  autres 
choses,  une  bonne  carte  de  la  Bavière  qui  me  lut  ensuite  très  utile. 

Une  brasserie  qui  était  à  Rossbach,  bien  approvisionnée,  donna 
le  moyen  de  faire  faire  une  distribution  de  bière  à  toute  la  division 
et,  après  quelques  heures  de  repos,  nous  reprîmes  notre  marche 
et  la  poursuite  de  l'ennemi. 

Il  s'était  établi  à  Ober-Roth,  croyant  sans  doute  que  nous 
n'avancerions  pas  sur  lui  aussi  promptement;  mais  il  fut  bientôt 
forcé  de  déguerpir  et  nous  le  suivîmes  sur  la  roule  de  Dachau. 

Nous  ne  pûmes  arriver  en  vue  de  cette  ville  que  vers  la  fin  du 
jour,  car  une  forte  pluie  qui  tombait  depuis  midi  avait  ralenti  la 
marche  de  la  division. 

L'ennemi  fut  de  nouveau  rencontré  devant  Dachau,  paraissant 
disposé  à  nous  empêcher  d'y  entrer,  et  on  me  rapporta  qu'il  avait 
quelques  postes  d'infanlcrie.  Les  chasseurs  à  cheval,  en  éclaireurs, 
soutenus  de  quelques  pclolons,  s'approchèrent  le  plus  près  pos- 
sible de  l'ennemi  et  tiraillèrent  avec  lui  pour  faciliter  de  recon- 
naître si  je  pouvais  me  rendre  maître  de  celte  ville  sans  attendre 
au  lendemain.  Après  cette  reconnaissance,  je  me  déterminai  à 
faire  faire  cette  attaque,  parce  que  je  ne  voulais  pas  laisser  à  l'en- 
nemi le  temps  de  recevoir  des  renforts  qui  pouvaient  lui  venir  de 
Munich  pendant  la  nuit,  ni  de  couper  le  pont  sur  l'Amper,  sur 
lequel  je  devais  passer  le  lendemain.  Je  m'y  déterminai  encore 
parce  qu'il  aurait  fallu  faire  rétrograder  la  division  de  plus  d'une 
lieue  pour  être  à  la  proximité  d'un  village  pour  avoir  de  l'eau. 
Alors  j'ordonnai  au  général  Debilly  d'attaquer  Dachau  avec  la 
100"  demi-brigade  et  de  l'enlever  de  vive  force. 

L'ennemi  fit  une  faible  résistance.  Il  fit  sa  retraite  sur  la  route 
de  Munich,  n'ayant  pas  eu  le  temps  d'endommager  le  pont;  notre 
avant-garde  passa  aussitôt  de  l'autre  côté  de  la  rivière  et  y  établit  ses 
postes.  On  ne  fit  que  quelques  prisonniers.  J'entrai  dans  la  ville  à 
II  heures  du  soir,  et  toute  la  division  prit  position  derrière  Dachau. 

9  messidor.  —  Le  lendemain,  vers  4  heures  du  matin,  un 
courrier  m'apporta  une  lettre  du  général  Moreau.  Il  me  mandait  : 

Je  suis  à  Augsbourg,  mon  cher  général,  et  j'attends  avec  impatience  de  vos 
nouvelles.  Il  parait  qu'on  n'aura  pas  pu  vous  opposer  une  grande  résistance; 
alors  je  m'attends  qu'on  aura  voulu  entrer  en  négociation,  et  je  viens  pour 


42       MEMOIRES   ET   JOLRXAIX    DU   GÈ.VERAL   DEGAEX' 

cet  objet.  D'après  votre  rapport,  je  m'acheminerai  demain  vers  Munich; 
peut-être  même  ne  l'attendrai-je  pas.  Le  général  Lecourbe  doit  se  porter 
aujourd'hui  sur  Schrobenhausen  ;  le  général  Xansouty  aura  poussé  sur 
l'Ammer  See.  Cela  vous  couvre  autant  que  possible.  Il  est  inutile  de  vous 
dire  combien  il  importe  que  vos  troupes  se  conduisent  bien.  Si,  en  atten- 
dant l'issue  des  négociations,  on  vous  demandait  avec  grande  instance  à  ne 
pas  occuper  la  ville  avec  beaucoup  de  troupes,  il  ne  faut  pas  insister  là- 
dessus,  mais  seulement  vous  assurer  une  porte  et  le  pont  de  l'Isar.  Le  reste 
sera  l'objet  d'une  négociation.  Vous  avez  fait  bonne  diligence  et  il  parait 
que  vous  n'avez  pas  de  traînards. 
Salut  et  attachement. 

Signé  :  Moreau. 

Augsbourg,  le  8  messidor  an  VIII, 
aux  Trois  Maures. 


Je  remis  au  courrier  un  accusé  de  réception  de  la  lettre  du 
général  en  chef  auquel  j'annonçai  que  je  me  conformerais  à  ce 
(|u'il  me  prescrivait.  Je  joignis  à  ma  lettre  un  duplicata  du  rapport 
déjà  envoyé  au  général  Laliorie  par  mon  chef  d'état-major  qui  lui 
avait  écrit  que  j'avais  mandé  au  général  en  chef  que  j'espérais  être 
arrivé  à  Dachau  à  2  heures  après  midi  et  que  je  n'avais  pu  y  arri- 
ver qu'à  11  heures  du  soir  fl),  empêché  par  le  mauvais  temps  et 
occupé  à  chasser  à  peu  près  900  chevaux  et  trois  pièces  de  canon 
avec  lesquels  le  général  Merveldt  avait  essayé  de  me  disputer  le 
terrain,  depuis  la  Paar  jusqu'à  Dachau;  que,  l'ennemi,  qui  avait 
cédé  partout,  paraissant  vouloir  défendre  Dachau,  le  général 
Debilly,  avec  la  100"  demi-brigade,  l'avait  emporté  de  vive  force; 
que  les  habitants  assuraient  qu'il  n'y  avait  pas  d'Autrichiens  à 
Munich;  que  j'espérais  me  mettre  en  marche  à  8  heures  du  malin 

(1)  "■..  (L'arant-garde)  arriva  deraiit  Dachau  entre  7  et8  heures  du  soir.  Tout  devait 
faire  présumer  que  l'ennemi  passerait  i'.Amper  sans  résistance;  mais  les  approches  diffi- 
ciles de  Dachau,  à  cause  d'un  terrain  très  raarécageui  devenu  encore  plus  impraticable 
par  une  pluie  extrêmement  abondante  qui  durait  depuis  les  2  heures  après  midi,  enga- 
gèrent sans  doute  l'ennemi  à  s'opposer  ou  au  moins  à  retarder  l'entrée  dans  Daciiau  : 
il  mit  cinq  pièces  de  canon  en  batterie.  On  se  canonna  assez  viienient  de  part  et 
d'autre.  Mais,  ayant  reconnu  de  l'infanterie  à  l'ennemi,  il  fallut  attendre,  et  dès  que  les 
premiers  bataillons  de  la  division  eurent  débouché,  les  dispositions  d  allaque  furent 
faites  :  on  mircha  sur  Dachau  qui  ne  fut  emporté  que  vers  les  11  heurrs  du  soir.  Il 
fallut  enfoncer  les  portes  à  coups  de  hache.  On  n'y  lit  qu'une  vinglaine  de  prisonniers 
de  l'infanterie  bavaroise  et  des  hulans.  L'ennemi  avait  proGlé  de  l'ongcurité  ponr  faire  sa 
retraite,  mais  l'attaque  faite  par  le  général  Dohilly  fut  tellement  brusque  que  ce  qui  res- 
tait d'ennemis  ne  put  achever  de  couper  le  pont  de  l'.^mper...  »  (Marche  de  la  divisioD 
Decaen  sur  Munich,  A.  H.  G.). 


ARRIVEE    DES    FRANÇAIS   A   MUNICH  4S 

pour  Mimioh  ;  que  la  grande  fatigue  des  troupes  m'empêchait  d'y 
arriver  plus  tôt. 

La  position  de  Dachau  permettant,  au  jour,  de  découvrir  fort 
loin  dans  la  plaine  de  Munich,  l'ennemi  n'y  étant  pas  aperçu,  la 
division  ayant  à  sa  suite  du  pain,  de  l'eau-de-vie  et  de  l'avoine,  on 
en  fit  des  distrihutions  pour  deux  jours,  et  toutes  les  troupes 
reçurent  l'ordre  de  se  mettre  en  marche  à  8  heures,  excepté  un 
bataillon  et  50  chevaux  que  je  laissai  à  Dachau  pour  me  couvrir 
de  ce  côté. 

Le  général  Debilly,  qui  s'était  porté  en  avant  avec  le  6°  régi- 
ment de  chasseurs,  m'envoya  prévenir,  par  un  officier  qui  me  ren- 
contra à  une  lieue  de  Dachau,  que  son  avant-garde  avait  trouve  au 
village  de  Moosach  un  piquet  de  l'ennemi  laissé  eu  observation  et 
que,  d'après  une  conférence  avec  le  commandant  de  ce  piquet,  il 
avait  été  convenu  qu'il  allait  se  retirer  de  suite  au  delà  de  l'Isar, 
ce  qui  s'était  exécuté  sur-le-champ.  Le  général  Debilly  me  mandait 
qu'il  avait  fait  suivre  l'ennemi  par  un  escadron  de  chasseurs  com- 
mandé par  le  chef  Montaulon.  Je  ne  tardai  pas  à  rejoindre  ce 
général. 

Peu  de  temps  après  mon  arrivée  à  la  tète  de  la  colonne,  se  pré- 
senta un  député  envoyé  par  les  magistrats  chargés  provisoirement 
du  gouvernement  pour  demander,  au  nom  del'Llecteur,  protection 
pour  la  ville  de  Munich.  (C'était  M.  de  Cetlo  (1),  ex-ambassadeur 
de  î5avière  auprès  du  Directoire).  Je  lui  dis  que  je  prendrais  toutes 
les  dispositions  convenables  pour  assurer  la  trancjuillité  de  cette 
capitale;  que  ses  habitants,  qui  n'étaient  pas  coupables  de  ce  que 
leur  souverain  s'était  mis  à  la  solde  de  l'Angleterre,  pouvaient  se 
reposer  sur  la  générosité  de  la  nation  française  et  de  son  gouver- 
nement, sur  l'ordre  et  la  discipline  de  l'armée,  ainsi  que  sur  la 
bienveillance  du  général  en  chef,  et  que  je  comptais,  de  mon  côté, 
sur  la  loyauté  des  Bavarois  qui  avaient  beaucoup  plus  d'intérêt  à 
être  nos  amis  que  uos  ennemis. 

Lorsque  nous  approchâmes  de  Munich,  je  fus  agréablement 
surpris  de  rencontrer  sur  la  roule  trois  à  quatre  mille  personnes 
des  deux  sexes;  beaucoup  s'étaient  avancées  à  plus  d'une  denii- 

(1)  Cetlo,  conseiller  du  duc  de  Dem-Ponts,  puis  snn  chargé  d'affaires,  reçut  en 
1800  le  litre  d'envoyé  de  l'électeur  Palatin  à  Paris  {Inventaire  sommaire  des  .archives 
(lu  département  des  .affaires  étrangères,  Correspondanee  politique,  II    p.  "3;. 


44      AUniOIHES    ET   JOLRXAIX    DU   GEXERAL   DEGAEM 

lieue  au-devant  de  nous.  La  plus  grande  confiance,  je  pour- 
rais même  dire  la  joie  se  peignait  sur  toutes  les  figures.  Arrivant 
dans  une  ville  française,  nous  n'aurions  certainement  pas  vu  plus 
de  curieux  venir  ainsi  à  notre  rencontre. 

A  un  quart  de  lieue  de  Munich,  je  fis  faire  une  halle.  J'ordon- 
nai que  la  hrigade  Dehilly  traverserait  la  ville  pour  aller  prendre 
position,  une  partie  sur  la  rive  droite  de  l'Isar,  et  l'autre,  sur  la 
gauche,  afin  de  défendre  le  pont;  que  le  général  Durulte  établirait 
le  bataillon  de  grenadiers  dans  la  ville  avec  un  bataillon  de  la 
4*  de  ligne,  et  que  le  reste  de  sa  brigade  serait  placé  en  avant  de 
Munich,  la  droite  vers  l'Isar  et  de  manière  à  couvrir  les  routes  de 
Freising,  d'Ingolstadt  et  de  Ratisbonne;  que  deux  pièces  d'artille- 
rie légère  seraient  envoyées  à  chaque  brigade  qui  avaient  chacune 
deux  pièces  de  4. 

Le  chef  de  brigade  Caulaincourt  (1),  commandant  la  réserve 
eut  l'ordre  de  se  placer  en  arrière  de  Munich,  de  manière  à 
pouvoir  se  porter  au  soutien  des  deux  brigades,  si  cela  devenait 
nécessaire. 

J'entrai  ensuite  en  ville,  suivi  d'un  escadron  de  cavalerie.  La 
garde  bourgeoise  qui  était  à  la  porte  ayant  présenté  les  armes  et 
les  ayant  ensuite  déposées,  je  les  fis  reprendre  en  leur  faisant  dire 
que  je  ne  voulais  pas  qu'ils  fussent  désarmés,  qu'ils  feraient  leur 
service  conjointement  avec  les  troupes  françaises  pour  maintenir 
le  bon  ordre  et  assurer  la  tranquillité  de  leurs  concitoyens.  Ils 
reprirent  leurs  armes  en  me  faisant  leurs  remerciements  et  en  me 
témoignant  la  plus  vive  satisfaction.  Je  fus  au  pont  de  l'Isar  que 
je  voulais  reconnaître,  et,  à  la  porte  par  laquelle  je  devais  sortir,  il 
se  passa  la  même  chose  qu'à  celle  par  laquelle  j'étais  entré. 

Après  avoir  passé  le  pont  de  l'Isar,  traversé  le  faubourg  sur  la 
rive  droite  et  reconnu  le  terrain  au  delà,  je  rentrai  dans  Munich  au 
moment  où  la  brigade  Debilly  se  trouvait  déjà  au  milieu  de  la  ville. 

(1)  Caulaincourt  (Armarid-Aufjusliii-Louis  de|,né  à  Caulaincourt  (.\isne  ,1e  9  décembre 
1772;  cavalier  au  7"  régiment,  le  8  décembre  17SS  ;  sous-lieulenant,  le  7  juillet  17.S9:  aide 
de  camp  du  général  Caulaincourt,  le  23  décembre  1791  ;  volontaire  au  17"'  bataillon  de  Pari», 
le  24  août  179;};  passé  au  lô''  chasseurs;  maréchal  des  logis,  le  IG  floréal  an  II;  capi- 
taine et  aide  de  camp  d'.Auberl-Dubayet,  le  8  germinal  an  III  ;  chef  d'escadrons,  le  5  nivôse 
an  IV;  chef  de  brigade,  le  11  thermidor  an  VIII;  aide  de  camp  du  Premier  Consul,  le 
12  thermidor  an  X;  général  de  brigade,  le  11  fructidor  an  XI;  général  de  division,  le 
12  pluiiùse  an  XIll;  grand  écuycr  cavalcadour  de  l'Empereur,  duc  de  Vicence;  retraité, 
le  l"août  1815;  mort  eu  1827  (.1.  A.  G.). 


LE    GOUVERNEMENT   ELECTORAL   PROVISOIRE         45 

Je  fus  flatté  de  voir  toutes  les  croisées  garnies  de  spectateurs  et 
l'empressement  avec  lequel  ou  arrivait  de  tous  les  côtés  pour  voir 
les  Français.  A  ce  ravissant  spectacle,  il  semblait  que  nous  étions 
plutôt  des  libérateurs  que  des  ennemis. 

Je  fus  descendre  à  l'auberge  du  Grand-Cerf.  J'écrivis  sur-le- 
cliamp  au  général  Moreau  : 

Je  vous  annonce,  mon  «jénéral,  que  j'ai  pris  possession  de  Munich 
aujourd'hui  à  midi.  Les  Autrichiens  avaient  laissé  un  seul  piquet  pour 
nous  altendre. 

Sans  doute  que,  par  cet  arran<5[ement,  ils  avaient  été  cliar<{és  de  faire 
notre  avant-garde  jusqu'au  delà  de  l'isar  car,  après  une  conférence  avec 
mon  officier  d'avant-poste,  ils  sont  partis  sans  faire  le  coup  de  pistolet. 

D'après  les  renseignements  que  j'ai  pris,  M.  de  Merveldt  n'avait  pas, 
dans  la  partie  de  pays  que  j'ai  parcourue  hier,  plus  de  troupes  que  celles 
que  j'ai  chassées. 

Toutes  les  troupes  bavaroises  sont  au  delà  de  l'isar,  je  ne  sais  pas 
encore  sur  quel  point. 

Les  magistrats  chargés  du  gouvernement  provisoire  ont  seulement 
envoyé  un  député  pour  demaiuler,  au  nom  de  l'Klectcur,  protection  pour 
.Munich.  J'appelle  à  l'instant  ces  messieurs  pour  leur  demander  quelles 
ont  été  les  dernières  volontés  de  leur  maître  à  son  départ. 

Mon  avant-garde  occupe  le  faubourg  en  avant  de  l'isar.  Demain,  je  pous- 
serai des  partis  pour  avoir  des  nouvelles  de  l'ennemi  qui  s'est  retiré  sur 
Laudsliut. 

J'ai  pris  position  de  manière  à  couvrir  les  différents  débouchés  qui 
arrivent  sur  Munich,  surtout  du  côté  du  Danube. 

V.n  attendant  le  moment  ou  j'aurai  le  plaisir  de  vous  voir,  je  vous  salue 
respectueusement. 

Cette  lettre  n'était  pas  encore  fermée,  lorsque  les  membres  du 
gouvernement  se  présentèrent.  Ils  se  firent  annoncer  avec  le  titre 
de  membres  composant  le  gouvernement  intérimistique  (1).  11^ 
renouvelèrent,  au  nom  de  l'Électeur,  la  demande  de  protection 
pour  la  ville.  Je  leur  demandai  en  quel  lieu  élait  leur  souverain. 
(Je  savais  déjà  qu'il  n'avait  quitté  Munich  que  pendant  la  nuit  pré- 
cédente.) Ils  répondirent  qu'ils  l'ignoraient.  «  Mais,  »  leur  dis-je, 
"  puisque  vous  me  demandez  protection  en  son  nom,  et  que  vous 
vous  dites  gouvernant  en  son  absence,  il  a  dû  vous  laisser  des  ins- 
tructions? Et  il  vous  a  sans  doute  fait  part  s'il  voulait  continuer  la 

[})  '  Interimistisch.  >  C'étaient  le  comte  Marauilzky,  le  baron  d'Hertlinjj  et  le 
comle  de  Torring  (Le  j^oiivernemeiit  intérimistique  au  géuéral  Decaen,  4-  juillet  1800, 
Papiers  Decaen,  in-f.  77,  3tj,  p-  3). 


46      MEMOIRES   ET   JOURXALX   DU    GEX'ERAL   DECAEX 

guerre  ou  bien  prendre  un  parti  plus  convenable  aux  intérêts  de 
la  Bavière,  celui  d'abandonner  la  coalition  et  surtout  de  cesser  de 
vendre  aux  Anglais,  pour  de  l'or,  le  sang  de  ses  sujets  pour  com- 
battre contre  les  Français,  vos  alliés  naturels,  conduite  fort  extra- 
ordinaire de  sa  part,  laquelle,  avec  ce  qui  s'est  passé  en  1796, 
après  la  visite  que  nous  étions  déjà  venus  vous  faire,  l'exposent 
personnellement  à  tout  perdre  en  même  temps  qu'il  fait  le 
malbeur  du  ])ays,  tandis  qu'en  abandonnant  la  coalition  le  plus 
promptement  possible,  il  peut,  non  seulement  prévenir  cette  calas- 
troplie,  mais  encore  recueillir,  par  l'effet  de  cet  abandon,  des 
avantages  précieux  tant  pour  lui  que  pour  le  peuple  bavarois.  « 

D'après  leur  réponse  négative,  je  leur  dis  :  ..  Puisque  vous 
n'avez  pas  d'instructions,  vous  ne  pouvez  pas  prendre  le  titre  que 
vous  prenez.  Vous  ne  voulez  pas  non  plus  me  dire  où  est,  en  ce 
moment,  votre  Électeur.  Je  veux  bien  (jue  vous  ayez  quelques  motifs 
d'en  faire  mystère;  cependant  il  n'est  point  sans  vous  indiquer  en 
quel  lieu  vous  pourrez  communiquer  avec  lui,  ne  serait-ce  que 
pour  l'informer  du  résultat  de  la  demande  faite  en  son  nom  pour 
la  protection  de  sa  capitale.  Alors  comment  pourrez-vous  lui 
transmettre  ma  réponse  ainsi  que  les  conditions  que  je  puis  vous 
imposer?-;  A  ces  arguments,  ces  messsieurs  déclarèrent  qu'ils  s'en 
rapportaient  à  la  générosité  française,  qu'ils  mettaient  toute  leur 
confiance  dans  la  bonté  du  général  en  chef  de  l'armée.  Ils  ajou- 
tèrent :  tt  Nous  vous  donnons  l'assurance  que  notre  Electeur  a  fait 
tous  ses  efforts,  mais  vainement,  pour  ne  pas  reprendre  les  armes 
contre  la  France,  et  (|ue  c'est  avec  le  plus  vif  désir  et  la  plus 
grande  impatience  qu'il  espérait  l'heureux  moment  où  il  lui  serait 
possible  de  reformer  de  nouveaux  liens  de  paix  et  d'amitié  avec 
le  Premier  Consul,  chef  de  votre  gouvernement.  « 

D'après  cette  déclaration,  je  leur  dis  :  «  Puisque  vous  me  parlez 
ainsi  et  que  je  crois  pouvoir  compter  sur  votre  assertion,  vous  pou- 
vez avoir  toute  confiance  dans  la  garantie  que  je  vous  donne  d'une 
parfaite  protection  non  seulement  pour  la  ville  de  Munich,  mais 
encore  pour  tout  le  pays  que  j'occupe  avec  mes  troupes  et  que  je 
ferai  occuper,  parce  que  je  suis  persuadé  que  vous  ferez,  de  votre 
côté,  tout  ce  (ju'il  sera  possible  de  faire  pour  contribuer  à  alléger 
les  maux  de  la  guerre  qui  pèsent  sur  votre  pays.  Je  vous  promets, 
d'ailleurs,  de  rendre  au  général  en  chef  un  compte  exact  de  vos 


LKS   FRAYÇAIS   S'IX^STALLEMT   A   MUNICH  47 

honncs  dispositions.  Je  vous  préviens  que  voire  bourgeoisie  ne  sera 
pas  désarmée,  et  que,  même,  j'ai  déjà  exprimé  aux  postes  des 
portes  par  lesquelles  j'ai  passé,  (|u'elle  participerait  aux  mesures 
que  je  vais  ordonner  pour  le  maintien  de  l'ordre  et  de  la  tranquil- 
lité de  votre  cité.  5?  Ces  messieurs  s'en  retournèrent  alors  fort 
satisfaits. 

Après   leur  départ,  j'ajoutai   à  ma  lettre  au  général  en  chef  : 

Les  magistrats  vieinient  de  m'annonccr  que  l'Electeur  avait  toutes  les 
dispositions  pour  renouer  avec  le  gouvernement  français;  ils  m'ont  de- 
mandé de  pouvoir  envoyer  un  député  pour  avoir  ses  pouvoirs,  ce  que  j'ai 
accordé . 

Ensuite,  des  ordres  furent  donnés  pour  que  les  troupes  desti- 
nées à  rester  dans  la  ville  fussent  casernées.  Le  colonel  de  la 
100"  demi-brigade  fut  nommé  commandant  de  la  place.  Les 
postes  des  portes  et  de  l'intérieur  furent  composés  de  troupes 
françaises  et  de  bourgeois,  et  une  proclamation  annonça  aux 
habitants  que  leurs  personnes  et  leurs  propriétés  seraient  res- 
pectées, qu'ainsi  ils  pouvaient  se  livrer  à  leurs  occupations  avec 
sécurité. 

Il  fut  recommandé  aux  avant-postes  de  ne  laisser  passer  qui 
[que]  ce  soit  voulant  aller  du  côté  de  l'ennemi.  Comme  il  y  avait 
quelques  émigrés  restés  en  ville,  ils  furent  prévenus  de  ne  pas 
avoir  d'in(|uiétude. 

Je  fis  écrire  au  général  Nansouty  pour  le  prévenir  de  mou 
entrée  à  Munich.  Il  fut  informé  de  la  position  donnée  aux  troupes 
de  la  division  et  il  fut  invité  de  communiquer  fréquemment  avec 
moi. 

Des  ordres  furent  donnés  pour  mettre  des  gardes  à  l'arsenal,  à 
l'hôpital  militaire,  aux  archives,  aux  magasins  et  aux  principaux 
établissements,  ainsi  que  de  s'emparer  des  lettres  de  la  poste.  Dès 
l'instant  de  l'arrivée  des  troupes  dans  un  endroit  où  il  y  avait  des 
bureaux  de  poste,  j'ai  toujours  eu  le  soin  d'y  faire  prendre  les 
lettres  qui  pouvaient  s'y  trouver  parce  que,  fort  souvent,  ou  y 
trouve  de  fort  bons  renseignements  sur  l'ennemi,  car  il  y  a  tou- 
jours des  indiscrets,  et  on  remettait  aux  directeurs,  après  la  visite, 
celles  (|ui  n'étaient  pas  utiles. 

Il  me  fut  oiiert  de  prendre  mon  quartier  au  palais  de  l'Electeur, 
ce  que  je  refusai.  Alors  on  me  désigna  l'hôtel  du  comte  deTatten- 


48      MÉMOIRES    ET  JOURVAUX   Dl    GÉXÉRAL   DECAEX 

baril  où,  apivs  le  dîner,  un  connier  du  général  en  chef  m'apporta 
la  lettre  ci-après  : 

Lecourbe  a  un  très  vijjoureux;  combat  du  coté  de  X'euburg,  L'armée 
s'y  porte,  ce  qui  m'empêche  de  me  rendre  à  Munich  où  je  présume  que 
vous  êtes  arrivé.  Gardez  bien  votre  gauche,  surtout  :  il  parait  que  l'ennemi 
marche  en  Bavière  par  Ingolstadt  et  Xeustadt.  Xe  vous  entêtez  pas  à  tenir 
Munich  si  vous  trouviez  des  forces  trop  considérables.  Xous  y  reviendrons 
toujours  quand  nous  voudrons  :  mais  si  l'ennemi  veut  tenir,  il  faut  le 
battre,  et  je  liens  surtout  à  ce  qu'aucun  corps  de  l'armée  n'éprouve  d'échec. 

Comme  Sainte-Suzanne  doit  actuellement  être  en  pleine  marche,  je  ne 
me  presserai  pas  beaucoup,  à  moins  que  je  ne  trouve  très  beau  jeu  puisque, 
dans  les  cinq  ou  siv  jours,  son  corps  peut  être  assez  avancé  pour  donner 
beaucoup  d'inquiétude  à  l'ennemi.  Surtout,  placez-vous  bien,  et  ne  vous 
compromettez  pas. 

Salut  et  attachement. 

Signé  :  Moreau. 

Je  répondis  sur-le-champ  au  général  en  chef  : 

Par  l'annonce  que  je  vous  ai  faite  de  la  prise  de  possession  de  Munich, 
mon  générai,  je  vous  ai  prévenu  que  je  me  suis  particulièrement  occupé 
de  ma  gauche  dans  la  position  que  j'ai  donnée  à  mes  troupes.  J'ai  même 
laissé  à  Dachau  un  bataillon  et  50  chevaux  pour  me  couvrir. 

Je  ferai  tout  pour  que  vos  intentions  soient  remplies. 

Comme  vous  ne  me  parlez  pas  de  contributions  et  que  vous  êtes  incer- 
tain du  moment  que  vous  viendrez  ici,  j'ai  demandé  deux  millions  à 
Munich,  300000  francs  pour  demain,  700  000  francs  dans  vingt-quatre 
heures  et  le  surplus  dans  quatre  jours. 

Je  présume  que  je  recevrai  une  réponse  à  ma  lettre  de  ce  matin  et  que 
vous  me  ferez  connaître  vos  intentions  dans  le  cas  où  vous  resteriez  quelque 
temps  avant  de  venir  à  Munich. 

Je  prévins  que  j'allais  prendre  mon  quartier  général  à  Nym- 
phenburg. 

Vu  ce  que  m'avait  mandé  le  générai  Moreau  dans  sa  lettre,  dont 
je  reçus  le  duplicata  quelques  heures  après  lui  avoir  envoyé  son 
courrier  avec  ma  réponse,  j'ordonnai  la  plus  grande  surveillance 
et  que  toutes  les  troupes  fussent  sous  les  armes  à  2  heures  du 
matin;  et,  après  avoir  envoyé  ma  réquisition  pour  la  contribution 
de  deux  millions,  je  partis  pour  Xymphenburg,  avec  une  com- 
pagnie de  grenadiers  et  un  escadron  de  cavalerie,  pour  y  établir 
mon  quartier  général. 


CHAPITRE   III 

Moreau  félicite  Decaen  de  son  rapide  succès.  —  Réquisitions  imposées  à  la  ville  de 
Munich.  —  Sur  l'innitalion  de  Moreau,  Decaen  relire  une  contribution  en  argent.  — 
Moreau  arrive  à  IVymphenburg.  —  La  brigade  Debilly  «ur  la  rive  droite  de  l'Isar.  — 
Merveldl  pousse  600  chevaux  à  ParsdorI'.  —  Leur  attaque  sur  Riem  échoue.  —  La 
diviaion  Decaen  s'étend,  au  sud,  jusque  vers  Schâftlaru.  —  Mervcldt  reste  vers 
Oberndorf.  —  L'armée  autrichienne  en  retraite.  —  La  division  Decaen  passe  eu  entier 
sur  la  rive  droite  de  l'Isar.  —  Mauvais  traitements  infligés  par  les  Autrichiens  à  des 
officiers  français.  —  Plaintes  de  Moreau  à  Kray  à  ce  sujet. 

10  messidor.  —  Le  lendemain,  dans  la  matinée,  je  reçus,  par 
un  couiTier,  une  lettre  du  général  Laliorie  datée  de  Donauwortli 
le  9,  à  11  heures  du  soir. 

11  m'écrivait  : 

Le  général  en  chef  a  reçu  votre  lettre  de  ce  jour  (1).  On  ne  pourrait 
pas  mettre  plus  de  célérité  que  vous  en  avez  apporté  dans  votre  marche  sur 
Munich.  Le  général  Moreau  me  charge  de  vous  prévenir  qu'il  se  rendra 
demain  matin  à  Augsbourg,  d'où  il  partira  pour  vous  rejoindre.  Si  l'on 
vous  proposait  des  négociations,  prévenez-le  de  suite  et  entamez-les 
jusqu'à  son  arrivée. 

Cette  lettre,  sans  me  faire  connaître  le  résultat  du  combat  do 
Neuburg,  me  faisant  préjuger  qu'il  avait  été  à  notre  avantage,  je 
ne  pressai  pas  le  premier  paiement  de  la  contribution  que  j'avais 
imposée,  lorsque  les  membres  du  gouvernement  me  firent  deman- 
der, par  M.  de  Cetlo,  un  passeport  pour  le  député  qu'ils  voulaient 
envoyer  à  l'Electeur.  Mais  je  demandai  la  communication  de  la 
dépêche  qu'on  voulait  lui  envoyer.  M.  de  Cetto  me  fit  diverses 
observations  afin  d'éluder  cette  communication,  et  il  fut  jusqu'à 
me  dire  qu'elle  était  écrite  en  langue  allemande.  Je  lui  représen- 
tai que  ses  observations  n'étaient  pas  raisonnables,  et  qu'il  fallait 
agir  avec  moi  de  bonne  foi;  que  je  ne  pouvais  pas  permettre  des 
communications  du  côté  de  l'ennemi  sans  en  connaître  les  motifs, 

(1)  «  C'était  celle  écrite  le  matin,  de  Dachau  »  (Xote  de  Decaen). 

II.  4 


50      MEMOIRES   ET   JOURNAUX    DU   GENERAL   DECAEN 

et  que  je  n'aurais  pas  même  dû  avoir  la  peine  de  demander  ce 
qu'on  mandait  à  rKlccteur  dans  une  dépèclie  qu'on  lui  adressait 
dans  ces  circonstances,  siirloul  lorsque  je  donnais  un  passeport  au 
porteur.  «  Enfin,  pour  vous  prouver,  lui  dis-je,  combien  je  suis 
loin  de  chercher  à  contrarier  vos  communications,  et  que  je  suis 
plutôt  porté  à  les  favoriser,  il  ne  faut  écrire,  dans  cette  lettre,  que 
ce  qu'on  veut  que  je  sache;  pour  le  surplus,  comme  c'est  une 
personne  de  confiance  qui  est  envoyée,  eh  bien  !  qu'on  la  charge 
de  dire  verbalement  ce  qu'on  ne  veut  pas  qui  vienne  à  ma  con- 
naissance. 15  M.  de  Cetto  trouva  ce  moyen  on  ne  peut  pas  meil- 
leur. Il  retourna  faire  part  de  mes  observations.  La  dépèche  me 
fut  ensuite  adressée,  et,  après  avoir  pris  connaissance  de  son  con- 
tenu, je  la  renvoyai  avec  le  passeport. 
J'écrivis  au  général  en  chef  : 

Je  vous  adresse,  mon  général,  différentes  lettres  dont  plusieurs  ont  été 
interceptées,  les  autres  prises  à  la  poste  (1).  Celles  qui  sont  dans  le  petit 
paquet  avec  les  gazettes  sont  celles  qui  m'ont  paru  donner  le  plus  de  rensei- 
gnements sur  la  marche  de  l'armée  autrichienne  et  les  intentions  du  géné- 
ral Kray.  V^ous  y  trouverez  aussi  un  ordre  donné  k  un  officier  d'aller  faire 
couper  le  pont  de  l'^reising.  Cet  officier,  qui  a  été  pris  en  faisant  son  retour 
il  Munich,  m'a  dit  que  les  troupes  bavaroises  étaient  à  Landshut. 

Mes  reconnaissances  d'hier  et  d'aujourd'hui  n'ont  plus  trouvé  d'Autri- 
chiens. Comme  j'avais  de  l'argent  et  des  lettres  à  faire  remettre  pour  des 
officiers  prisonniers  de  guerre,  j'envoie  mon  aide  de  camp  qui  me  donnera 
des  nouvelles  du  lieu  où  a  pris  poste  M.  de  Merveldt. 

Je  vous  ai  prévenu,  mon  général,  que  j'avais  permis  aux  membres  du 
gouvernement  provisoire  d'envoyer  auprès  de  l'Electeur.  Ils  m'ont  commu- 
niqué leur  demande  qui  porte  le  caractère  de  la  bonne  foi  et  des  instances 
assez  vives  pour  que  l' l'électeur  s'occupe  d'une  pacification. 

On  a  trouvé  à  l'arsenal  15  000  fusils  dont  12  000  bons  et  de  calibre, 
6  000  pistolets  dont  le  calibre  est  petit,  300  sabres  pour  la  cavalerie, 
200  pour  l'infanterie,  10  000  livres  de  poudre  de  guerre.  Il  y  a  quelques 

(1)  Parmi  ces  leUrcs  inlerceplées,  l'une  était  particuliùrement  intéressante  pour 
le  général  Moreau.  Elle  élaift  adressée  pir  un  M.  Wolf  à  rÈ!e<teur  du  Bauière  et  datée 
dlnffolstidt  le  '28  juin,  à  10  heures  du  matin.  D'après  ?a  lettre,  les  Français  s'olaient 
retirés  le  27,  à  la  nuit  tombante,  d'une  partie  de  Keiiburg,  mais  malgré  cela,  l'armée  autri- 
chienne se  retirait,  le  28,  jusque  sous  les  murs  d  Ingolstadt  sur  trois  colonnes.  Le 
camp  «e  trouvait  devant  Ingolstadt  où  le  général  liray  n'était  pas  encore  arrivé  le  2", 
mais  devait  y  cire  cerlaincment  avant  11  heures,  le  28...  Enfin  il  ajoutait  que  le  plau  du 
gi'néral  Kray  était  d'occuper  Rain,  de  gagner  le  Lech,  et  de  se  joindre  aux  généraux 
Mericldt  et  Ueuss  ;  mais  que  les  Français  l'avaient  prévenu  et  avançaient  sur  la  rDUte  de 
Oonanuorlli  jiis(ju'à  Neuburg,  et  que  la  rom-unnication  entre  In,']olstadt  et  Munich  serait 
bientôt  interceptée,  l'avant-garde  des  França's  ayant  dépassé  Lichlenau...  (Extrait  de 
lettres  saisies  à  Munich,  28  juin  1800,  A.  H.  G.). 


DKCAEN   RETIRE    UNE   CONTRIBUTION  51 

pièces  de  canon  ot  des  affûts  de  rechange.  V^euillez  nie  marquer,  mon  géné- 
ral, si  vous  voulez,  et  sur  quel  point,  que  j'ordonne  l'évacuation. 

J'ai  laissé  les  gai'des  armées.  Ce  sont  des  Suisses  et  la  bourgeoisie. 

On  est  maintenant  à  prendre  connaissance  de  l'hôpital.  Je  vous  préviens 
que  j'ai  fait  une  réquisition  de  4000  paires  de  souliers,  2  000  paires  de 
bottes,  1  200  aunes  de  drap  tant  bleu  que  vert  et  blanc  (1). 

Je  me  propose  de  vous  demander  votre  agrément  pour  les  distributions 
en  gratification  aux  officiers  de  la  division. 

Il  me  parvint  un  rapport  du  chef  de  bataillon  Link  que  j'avais 
laissé  à  Dacliau.  Il  rendait  compte  (ju'on  l'avait  informé  que  l'en- 
nemi se  rassemblait  à  Fiirstenfeld  et  à  Bruck,  sur  l'Amper,  et 
qu'il  y  avait  envoyé  une  découverte  d'infanterie  et  de  cavalerie 
pour  en  être  assuré;  que  les  ponts  sur  la  route  de  Munich,  qui 
avaient  été  rompus,  seraient,  le  lendemain,  parfaitement  rétablis; 
et  que  le  parc,  (|ui  était  resté  à  Dachau,  en  était  parti  pour  arriver 
sur  Munich .  Il  annonçait  (|u'il  avait  dix-neuf  prisonniers  de  guerre, 
dont  deux  blessés,  et  qu'il  demandait  des  ordres  à  leur  égard. 

Je  reçus,  dans  l'après-midi,  du  général  Moreau,  une  lettre  datée 
d'Augsbourg,  le  10  messidor. 

Il  m'écrivait  : 

Il  est  très  probable  que  je  vous  verrai  ce  soir  à  Nymphenburg.  L'ennemi 
s'est  retiré  de  Neuburg.  Le  général  Grenier  l'occupe,  les  généraux  Leclerc 
et  Grandjean  sont  à  Pôttmes  et  Schrobenhausen. 

J'attends  vos  rapports  sur  la  retraite  de  l'ennemi  et  les  forces  qui  restent 
encore  à  l'Klecteur. 

Je  ne  vous  avait  donné  aucune  instruction  sur  les  contributions,  car  je 
ne  voulais  pas  qu'on  en  lève  sur  Munich.  C'est  sur  la  Bavière  qu'il  faut  les 
avoir  et  non  sur  une  ville  qui  ne  peut  me  donner  que  fort  peu  de  chose. 
Ainsi  arrangez-vous  pour  l'ctirer  votre  demande  car,  si  on  adoptait  ce  sys- 
tème, il  nous  ferait  perdre  8  à  10  millions. 

Vous  pouvez  dire  aux  magistrats  que  je  vous  ai  chargé  de  retirer  votre 
demande  parce  que  je  veux  traiter  directement  avec  les  agents  de  l'Klec- 
teur. Vous  vous  bornerez  à  faire  fournir  à  vos  troupes  les  subsistances. 
Salut  et  attachement. 

Signé  :  Moreau. 

P.' S.  —  Mon  courrier  était  de  retour  ici  à  3  heures  avec  l'officier  que 
vous  m'avez  envoyé. 

(1)  Le  goiiBerneraent  provisoire  de  Miinicli  décida,  comme  il  n"y  avait  pas  de  magasins 
de  bollrs  et  de  souliers  à  Munich,  de  faire  travailler  à  leur  coufection  tous  les  cordon- 
niers delà  ville  (Le  <i[Ourernemeut  intérimistique  à  Decaen,  -4  juillet  1800,  Papier»  Dectcn 
in-f»  77,  39,  p.  3).  Decaen  avait  aussi  demande  3  000  chapeaux  (Kelevé  des  réquisi- 
tions. Papiers  Decaen  in-f»  77,  39,  p.  9). 


52      MEMOIRES   ET   JOUR\AL\   DU   GENERAL   DECAEN 

Cet  officier  était  celui  envoyé  pour  porter  ma  dèpèclie  annon- 
çant mon  entrée  à  Munich. 
Je  répondis  sur-le-champ  : 

Comme  j'ai  eu  l'honneiir  de  vous  le  dire  hier,  mon  général,  en  vous 
annonçant  la  contribution  que  j'avais  imposée,  c'est  que,  n'ayant  point 
d'instructions  à  cet  égard,  l'annonce  que  vous  me  faisiez  de  la  marche  de 
l'ennemi  en  Bavière  pouvant  nie  priver  de  vous  voir  ici,  et  supposant  le 
cas  d'une  marche  rétrograde,  alors  j'avais  cru  devoir  rapporter  quelque 
chose  pour  les  besoins  de  l'armée.  Cette  contribution  ne  fut  imposée 
qu'après  l'arrivée  de  votre  courrier.  Je  n'ai  encore  rien  reçu;  je  ne  rece- 
vrai rien.  Je  vais  retirer  toutes  les  demandes  que  j'ai  faites. 

Je  vous  ai  dépêché  un  officier  pour  vous  faire  mes  rapports  ;  mais, 
comme  vous  ne  paraissiez  pas  décidé  à  vous  rendre  ici  encore  aujourd'hui, 
je  joins  à  la  présente  une  note  que  j'ai  fait  tirer  d'une  correspondance  que 
je  vous  ai  envoyée. 

Je  donnai,  dans  cette  lettre,  une  analyse  de  la  dernière  que 
j'avais  écrite;  et  j'y  ajoutai  que  M.  de  Merveldt  s'était  retiré  sur 
la  route  de  Schleissheim,  qu'environ  250  chevaux  avaient  pris  la 
route  du  Tyrol,  que  d'autres  avaient  passé  sur  la  droite  de  l'Isar 
pour  aller  vers  Freising. 

Le  même  courrier  m'apporta  une  lettre  du  général  Lahorie  dans 
laquelle  il  me  faisait  son  compliment  de  mon  entrée  à  Munich. 
c.  Xous  voilà  «  ,  disait-il,  n assurés  d'un  charmant  quartier  général 
de  plus,  pendant  les  loisirs  d'un  armistice,  quand  il  aura  lieu.  « 

Il  me  demandait  de  lui  faire  part  de  la  position  de  mes  troupes, 
et  il  m'informait  que  le  général  Grandjeau  avait  pris  la  sienne, 
dans  la  journée,  à  Schrobenhausen,  et  qu'il  enverrait  des  partis 
sur  Pfaffenhofen  et  sur  la  route  de  Geisenfeld;  que  le  général 
Gudin  était  placé  en  arrière  de  lui  sur  la  route  de  Munich;  que  la 
droite  du  général  Lecourbe  dépassait  la  route  d'Augsbourg;  que  le 
général  Leclerc  était  placé  sur  Pôttmes  et  qu'on  tenait  Neuburg. 

Il  me  recommandait  d'envoyer  des  partis  sur  Pfaffenhofen  et  de 
lâcher  d'avoir  des  renseignements  positifs  sur  les  mouvements  de 
l'ennemi  et  sa  marche. 

Le  même  courrier  m'apporta  aussi  une  lettre  d'un  des  aides 
de  camp  du  général  en  chef  pour  m'anuoncer  son  départ  d'Augs- 
bourg, le  lendemain,  de  grand  matin,  et  que  le  général  en  chef 
me  priait  de  faire  établir  des  escortes  sur  la  route  jusqu'à  Euras- 
burg. 


MOREAU  A   XYMPHEYBIIRG  53 

Les  reconnaissances  envoyées  pendant  la  journée  ne  trouvèrent 
de  postes  ennemis  que  sur  la  route  de  Landshut. 

Je  donnai  Tordre  au  chef  de  brigade  Caulaincourt  de  se  rendre, 
avec  le  2'  régiment  de  carabiniers  et  une  compagnie  d'infanterie,  à 
Lnter-Sendling.  Il  fut  chargé  de  garder  et  d'éclairer  les  débouches 
du  Tyrol. 

11  messidor.  — Le  général  en  chef  arriva  à  Xymphenburg  dans 
la  matinée.  Il  me  témoigna  sa  satisfaction  de  la  célérité  avec 
laquelle  j'avais  marché  sur  Munich.  Il  ne  me  donna  point  d'ordre 
concernant  la  division. 

12  messidor.  —  Ayant  présumé  que  le  général  Lahorie  accom- 
pagnerait le  général  .Moreau,  je  n'avais  pas  répondu  à  sa  dernière 
lettre  pour  l'informer  de  ma  position  qu'il  m'avait  mandé  de  lui 
indiquer.  Je  lui  fis  part  de  ce  que  j'avais  rapporté  verbalement  au 
général  en  chef,  que  la  brigade  Debilly  était  chargée  de  la  défense 
du  pont  de  l'Isar,  occupant  en  avant-poste  le  faubourg  ou  village 
de  Haidhausen,  ayant  ses  avant-postes  au  delà  du  village  pour 
éclairer  les  différents  débouchés,  et  notamment  celui  de  Landshut; 
que  l'ennemi  avait  encore,  dans  la  journée  du  II,  sur  cette  route, 
à  quelque  distance,  des  postes  fournis  par  trois  divisions  de  hus- 
sards de  Meszaros,  de  Grenz  et  du  2"  de  hulans  (1)  ;  que  la  brigade 
Durutte  gardait  la  route  de  Freising  et  de  Pfaffenhofeu  sur  laquelle 
on  n'avait  pas  trouvé  d'ennemis;  que  mon  aide  de  camp  était  allé, 
le  10,  jusqu'au  delà  de  Bruck  et  que,  partout,  il  avait  appris  que 
les  ennemis  étaient  très  éloignés;  que  ma  réserve,  établie  en 
arrière  de  Munich,  dont  l'infanterie  qui  était  en  ville  faisait  partie, 
formait  ma  ligne,  la  droite  vers  l'Isar  à  Settingen  (2),  le  centre  à 
Neuhausen,  la  gauche  vers  Moosach  qui  était  occupé,  ainsi  que 
Dachau  où  j'avais  toujours  un  bataillon  et  un  escadron. 

Je  lui  mandai  que  j'avais  fait  garder  et  éclairer  les  débouchés 
du  Tyrol;  qu'on  n'y  avait  pas  non  plus  rencontré  l'ennemi,  mais 
qu'il  était  arrivé  trois  déserteurs  du  corps  de  Salis  à  la  solde  de 
l'Angleterre,  désertés  de  leur  dépôt  établi  à  Wolfratshausen,   et 

(1)  Il  ajoutait  qu'un  déserteur  du  2"  hulans  arait  dit  avoir  déserté  à  sept  lieues  de  .Xym- 
phenburg (Decaen  à  Lahorie,  Mympheaburg,  12  messidor,  A.  H.  G.). 

(2)  Peut-être  Sendling. 


5V      MEMOIRKS   ET  JOURNAUX   DU   GENERAL   DECAEY 

(jui  en  étaient  partis  dans  la  nuit  de  notre  entrée  à  Munich  pour 
se  diriger  sur  le  Tyrol. 

Je  lui  dis  qu'ayant  écrit  au  général  Xansouty,  dès  mon  arrivée 
il  Municli,  il  m'avait  répondu,  la  veille,  de  Landsberg,  qu'il  avait 
fait  rétablir  les  ponts  sur  l'Amper,  et  qu'il  avait  envoyé  un  poste 
sur  Diessen,  à  l'extrémité  supérieure  du  lac;  que  l'ennemi  avait 
abandonné  cette  partie  et  qu'il  croyait  qu'il  avait  pris  poste  à 
U'eilheim. 

Je  l'informai  qu'un  envoyé  de  Hesse-Darmstadt,  qui  avait  passé 
par  Munich  dans  la  journée  du  11,  avait  assuré  avoir  vu  l'armée 
autrichienne  dans  la  plus  grande  confusion  vers  Ingolstadt,  et 
qu'elle  faisait  route  pour  Braunau  (1). 

13  messidor.  —  Le  général  en  chef  repartit  pour  Augsbourg. 
Pendant  son  court  séjour,  il  avait  reçu  une  députation  du  gou- 
vernement provisoire  de  Bavière. 

Il  avait  vu  avec  plaisir  tout  ce  qu'il  y  a  de  curieux  dans  les 
beaux  jardins  de  Nymphenburg,  et,  dans  la  matinée  du  12, 
nous  avions,  pendant  quelques  heures,  chassé  le  cerf  et  le  san- 
glier. 

Je  l'avais  informé  que  le  chef  de  brigade  Caulaincourt  m'avait 
confirmé  son  premier  rapport,  que  l'ennemi  qui  était  devant  le 
général  Nansouty  avait  repassé  l'Isar.  Le  général  en  chef,  avant 
son  départ,  me  donna  l'ordre  de  faire  occuper  Baierbrun  et  de 
garder  le  pont  de  Schâftlarn  sur  l'Isar,  et,  en  outre,  de  commu- 
niquer fréquemment  avec  les  troupes  du  général  Mansouty,  établi 
à  Landsberg  qui  gardait  cette  partie.  Il  me  recommanda  aussi  de 
faire  faire  une  forte  reconnaissance  à  la  droite  de  l'Isar,  et  princi- 
palement sur  la  route  de  Munich  à  Vienne.  Il  m'avait  prévenu  que 
le  général  Lecourbe  ferait  occuper  Freising. 

En  conséquence,  toute  ma  réserve  de  cavalerie  reçut  l'ordre 
d'occuper  les  villages  de  Laim,  Pasing,  Fûrstenried  (2),  Unter- 


(1)  Decaeu  ajoutait  :  «  Voilà  tout  ce  que  je  puis  te  dire  pour  satisfaire  à  ta  demande. 
Fais  en  sorle.de  venir  bioniôt  me  voir  dans  le  beau  château  dont  je  suis  commandant. 
J'ai  fait  établir  une  correspondance  à  Ober-Kotb.  Si  on  établissait  un  poste  à  Euras- 
burg,  alors  nous  pourrions  communiquer  bien  plus  facilement  5  (Decaen  à  Lahorie,  Nym- 
pheiiburg,   l'2  messidor,  A.  H.  G.). 

(2)  Fiirgtenried  «e  trouve  à  1300  mètres  au  nord-ouest  de  Forstenried  indique  sur  le 
1/100  000^  allemand. 


UXE    ATTAQUE    DE    MERVELDT    REPOUSSÉE  55 

Sendling  et  aulres  villages  sur  la  route  de  Munich  à  Landsberg 
ou  à  sa  promixité.  Un  bataillon  et  un  escadron  de  dragons  furent 
mis  à  la  disposition  du  chef  de  brigade  Caulaincourt  pour  faire 
occuper  Baierbrun.  II  lui  fut  recommandé  de  pousser  ses  avant- 
postes  jusqu'à  Schaftlarn  pour  garder  le  pont  de  l'Isar  et  les  che- 
mins aboutissant  sur  ce  village;  et  d'avoir  aussi  des  avant-postes 
à  la  hauteur  de  Schaftlarn  sur  la  route  de  Munich  à  Starnberg  (1), 
s  éclairant  vers  le  lac  de  U  iirm  See;  enfin,  d'envoyer  fréquemment 
des  partis  sur  la  route  de  Landsberg  pour  communiquer  avec  les 
troupes  du  général  \ansouty. 

Toute  ma  réserve  de  cavalerie,  ainsi  placée  à  quelques  lieues 
de  Munich  vers  le  Tyrol,  était  plutôt  pour  faciliter  la  nourriture 
dos  chevaux  et  ménager  les  ressources  des  environs  de  celle  ville 
que  pour  s'opposer  à  l'ennemi  qui  ne  pouvait  pas  se  présenter  fort 
nombreux  en  cavalerie  en  venant  du  Tyrol. 

Je  donnai  l'ordre  au  général  Debilly  de  passer  avec  sa  brigade 
sur  la  droite  de  l'Isar  pour  y  prendre  position  et  de  pousser,  le 
lendemain  à  la  pointe  du  jour,  une  reconnaissance  appuyée  d'in- 
fanterie et  d'artillerie  en  avant  de  lui  et  principalement  sur  la 
route  de  Vienne.  Il  lui  fut  recommandé  de  chasser  l'ennemi  assez 
loin  pour  avoir  des  renseignements  positifs  et  de  faire  soigneuse- 
ment observer  sa  gauche.  Il  fut  prévenu  que  le  général  Durutte, 
qui  garderait  sa  position  jusqu'à  nouvel  ordre,  mettrait  à  sa  dispo- 
sition, pour  la  journée,  deux  escadrons  du  13"  de  cavalerie,  et 
qu'ensuite  de  sa  reconnaissance,  ses  avant-postes  devraient  être 
établis  depuis  Giesing,  à  sa  droite,  jusqu'en  avant  de  Bogenhausen 
à  sa  gauche,  leur  ligne  passant  par  Ramersdorf,  Josephsburg, 
Baumkirchen  et  Zamdorf. 

14  messidor  (3  juillet).  —  Je  rendis  compte  au  général  Moreau 
que  la  reconnaissance  envoyée  sur  la  route  de  Vienne  avait  trouvé 
600  chevaux  du  corps  de  Merveldt,  qu'ils  avaient  été  poussés  jus- 
qu'à Parsdorf'sur  la  route  de  Braunau;  qu'ayant  voulu  venir  à 
Riem,  ils  avaient  eu  trois  hommes  et  six  chevaux  tués  et  plusieurs 
blessés;  qu'un  dragon  du  17°  avait  été  grièvement  blessé  et  que 
son  cheval  avait  été   tué;   qu'un    parti   envoyé   sur  la   route  de 

(1)  Decaeii  fait  ici  une  erreur.  Holieii  Scliâftlarn  se  trouve  sur  la  route  de  Muuich  à 
VVoll'ratshausen. 


56   MEMOIRES  ET  JOURNAUX  DU  GENERAL  DECAEN 

Freising  jusqu'à  Ismaning  n'avait  trouvé  qu'une  faible  patrouille; 
que  celui  envoyé  sur  la  route  de  Landshut  jusqu'à  Aschheim 
n'avait  aussi  vu  qu'une  patrouille  de  l'ennemi;  que  les  troupes 
envoyées  à  Baierbrun  s'y  étaient  établies ,  et  qu'on  occupait 
Schâfllarn  pour  la  garde  du  pont;  qu'on  gardait  et  éclairait  aussi 
la  route  de  Starnberg  à  Munich  ;  que  dix  hussards  ennemis  étaient 
venus,  la  veille,  à  Schàftlarn;  que  je  venais  d'avoir  avis  qu'un 
corps  de  3  000  à  4000  hommes  des  troupes  du  prince  de  Reuss 
arrivait  aujourd'hui  à  Tolz  pour  chercher  à  se  joindre  au  général 
Merveldt;  que  ce  mouvement,  me  paraissant  relatif  à  la  position 
que  l'armée  autrichienne  venait  prendre  sur  l'Isar,  ne  me  donnait 
point  d'inquiétude;  que,  comme  j'étais  aussi  établi  au-dessous  de 
Munich  de  manière  à  faire  observer  l'Isar  jusqu'à  Dietersheim  et 
communiquer  avec  les  troupes  du  général  Lecourbo  qui  seraient  à 
Freising,  je  le  priais  d'ordonner  qu'elles  communiquent  avec  les 
miennes.  Je  lui  adressai  plusieurs  demandes  pour  des  officiers 
qui  méritaient  d'être  élevés  en  grade  et  que  je  lui  avais  recom- 
mandés. 

Je  fis  écrire  au  général  Nansouty  pour  le  prévenir  de  l'occupa- 
tion de  Baierbrun  et  de  Schàftlarn,  ainsi  que  du  placement  de  la 
réserve  de  cavalerie  sur  la  route  de  Starnberg  à  Munich,  et  de 
l'ordre  donné  de  communiquer  fréquemment  avec  ses  troupes;  et 
il  fut  invité  à  faire  de  même  de  son  côté. 

15  messidor  (4  juillet).  —  Il  fut  écrit  au  général  Lahorie  pour 
l'informer  des  nouvelles  positions  occupées,  le  14,  par  une  partie 
des  troupes  de  la  division.  Il  n'y  avait  eu  rien  de  nouveau  dans  la 
journée. 

16  messidor  (5  juillet).  —  Je  rendis  compte  au  général  en  chef 
que  le  détachement  envoyé  sur  Baierbrun,  après  avoir  établi  ses 
avant-postes  à  Schàftlarn,  avait  poussé,  le  15,  une  reconnaissance 
sur  Wolfratshausen  ;  qu'à  trois  quarts  de  lieue  de  cet  endroit,  elle 
trouva  60  hussards  ennemis  qu'elle  chassa  vigoureusement  jus- 
qu'à VVolfratsiiausen;  qu'elle  en  avait  tué  six  et  blessé  plusieurs, 
et  que  nous  n'avions  eu  qu'un  cheval  de  blessé;  qu'il  était  arrivé 
un  déserteur  du  1"  bataillon  de  Manfredini,  lequel  avait  rapporté 
que,  depuis  deux  jours,  deux  bataillons  de  son  régiment,  avec  un 


DECAEX  ETEXD  SA  DROITE  VERS  LE  SUD     57 

régiment  de  Croates  de  nouvelles  levées,  s'étaient  établis  à  Bene- 
dictbeuern;  qu'ils  avaient  six  pièces  d'artillerie  et  que  c'était  le 
général  Griinne  qui  commandait;  que  ses  troupes  étaient,  dix 
jours  avant,  à  Schongau  où  était  resté  le  3'  bataillon  de  Manfredini. 

Je  dis  au  général  en  chef  que,  si  j'étais  plus  fort  en  infanterie, 
je  lui  proposerais  de  prolonger  ma  droite  jusqu'à  U'olfratshausen 
pour  être  plus  à  même  de  surveiller  les  mouvements  de  l'ennemi 
vers  le  Tyrol,  parce  qu'en  même  temps  je  ferais  avancer  sur 
Starnberg  jusqu'à  la  Wiirm,  à  la  partie  supérieure  du  lac;  qu'alors, 
avec  une  réserve  établie  à  Baierbrun  et  un  échelon  à  Schàftlarn, 
je  serais  en  mesure  et  solidement  appuyé,  et  qu'avec  un  bataillon 
de  plus,  je  pourrais  faire  ce  que  je  proposais;  que,  la  veille,  il  était 
arrivé  à  mes  avant-postes  sur  la  rive  droite  quatre  hussards  et  un 
brigadier;  qu'ils  avaient  rapporté  que  le  2^  régiment  de  hulans, 
deux  divisions  de  hussards  de  Barco ,  deux  de  Kaiser,  avec 
2  000  hommes  d'infanterie  bavaroise  aux  ordres  de  AI.  de  Mer- 
veldt,  étaient  établis  vers  Oberndorf,  au  delà  de  la  forêt  d'Ebers- 
berg;  que  les  reconnaissances  envoyées  sur  les  différentes  routes 
pour  arriver  à  Munich  n'avaient  vu  que  des  patrouilles  ennemies 
qui  s'étaient  retirées;  mais  que  celle  des  dragons  qui  était  allée 
sur  Perlach  était  tombée  dans  une  embuscade  et  y  avait  perdu 
trois  dragons  et  trois  chevaux;  que,  ramenée  jusqu'aux  avant- 
postes,  les  hussards  avaient  été  poussés  à  leur  tour;  que  quelques- 
uns  avaient  été  blessés  et  qu'on  en  avait  fait  un  prisonnier  avec 
son  cheval. 

Je  fis  l'observation  que  ce  régiment  était  médiocre  pour  le  service 
des  avant-postes,  qu'il  n'avait  pas  d'officiers  et  qu'il  serait  néces- 
saire d'y  faire  passer  quelques  jeunes  gens  vigoureux. 

Je  reçus  une  lettre  du  général  Lahorie,  datée  le  15,  de  Porn- 
bach,  par  laquelle  il  m'informait  que,  d'après  les  rapports  des 
reconnaissances  dirigées  sur  Landshut,  il  paraissait  que  l'ennemi 
se  retirait  décidément  sur  Passau  et  Braunau,  et  qu'il  avait  dirigé 
un  assez  fort  détachement  de  Landshut  sur  la  route  de  Munich; 
qu'il  m'en  prévenait  pour  que  je  me  misse  bien  en  mesure  sur 
ma  gauche  que  je  pouvais  renforcer  sans  inquiétude,  et  que  le 
général  Lecourbe  devait  marcher  avec  une  division  de  Pfafienhofen 
à  Freising  où  l'ennemi  n'avait  pas  même  d'infanterie;  que  tout 
cela  prouvait  bien  sa  retraite  au  delà  de  l'Isar. 


58      ilEMOlHKS    KT  JOL'H.VAIX   DL'   GKXERAL    DKCAE.V 

17  messidor  (6  juillet) .  —  Je  rendis  compte  au  général  en  chef 
que  la  lettre  pour  le  général  Kray  qu'il  m'avait  envoyée  avait  été, 
aussitôt  (|u'elle  m'avait  été  remise,  portée  aux  avant-postes;  que 
l'officier  chargé  de  cette  mission  avait  été  jusqu'à  Riem  où  on 
n'avait  trouvé  qu'un  faible  poste  de  hussards  de  Kaiser;  que  l'en- 
nemi avait  retiré,  dans  l'après-midi,  ses  hulans  (1)  sur  la  ligne 
devant  moi,  et  (jue  c'était  tout  ce  que  j'allais  lui  annoncer  si,  à 
l'instant,  il  ne  m'était  pas  arrivé  un  homme  d'Erchingqui  m'avait 
rapporté  (|ue  des  chevau-légers  y  avaient  pris  poste  dans  la  nuit 
du  15  au  16;(|u'à  Ismaning,  où  nous  n'avions  trouvé  personne,  il 
y  avait  des  hussards  et  des  chevau-légers;  que  M.  de  Kray  était  à 
Erding  avec  un  corps  de  15  000  hommes;  que  M.  Gyulai  était  à 
Plicning  avec  7  000  hommes,  et  (|ue  le  bruit  était  répandu  dans  le 
pays  que  les  Bavarois,  sous  les  ordres  de  M.  de  Birkenfeld,  devaient 
arriver  à  Landshut  pour  se  réunir  à  .\I.  de  Kray  ;  que  cet  homme 
paraissait  de  bonne  foi;  qu'il  avait  déjà  servi  les  généraux  Férino 
et  Abbatucci;  au  surplus,  que  j'étais  en  mesure  et  me  tenais  sur 
mes  gardes;  cependant,  que  je  lui  demandais  ses  instructions  dans 
le  cas  où  ces  messieurs  viendraient  m'attaquer;  que  les  dragons 
du  IT'  s'étaient  encore  fait  prendre  quatre  hommes,  par  leur  faute, 
en  allant  sur  Wolfratshausen. 

Le  général  en  chef  me  manda,  dans  une  lettre  de  ce  jour,  que 
la  division  Montrichard  allait  se  placer  entre  Freising  et  ^lunich  ; 
qu'ainsi  je  pouvais  être  sans  nulle  inquiétude  à  gauche;  de  bien 
veiller[sur]  ma  droite  jusqu'à  ce  qu'il  m'eût  fait  soutenir  plus  forte- 
ment, et  que,  le  lendemain  ou  après,  le  quartier  général  serait  aux 
environs  de  Munich  ;  de  tâcher  d'avoir  des  nouvelles  de  mon  front  et 
du  corps  de  M.  de  Reuss,  et  de  les  lui  faire  passer,  le  soir,  à  Freising. 

Cette  lettre  étant  arrivée  peu  de  temps  après  celle  que  je  venais 
d'envoyer,  et  n'ayant  pas  d'autres  renseignements  à  faire  parvenir, 
ie  ne  fis  pas  de  nouveau  rapport  (2). 

18  messidor  (7  juillet).  —  Je  rendis  compte  au  général  en  chef 
qu'un  déserteur  de  Kaiser,  arrivé  le  matin,  avait  rapporté  que  le 

(1)  «...  Le  2°  régiment  «Je  hulans  a  ëto  releré  p.ir  les  hussards  de  Kaiser...  •  (Plau- 
zonne  à  Laliorie,  \ymplieuhur;[,  lii  messidor,  A.  H.  G.). 

(2)  Le  général  Decaen  fit,  ce  même  jour,  arrêter  uae  réquisitioa  de  24  000  rations  de 
pain  que  le  général  Montriihard  acait  frappée  sur  Munich  Plauzoaae  à  Lahorie, 
.Vympheuburg,  17  messidor,  A.  H.  G.). 


DECAEIV   ET    LES   AUTORITES   DE    ML\îICH  59 

général  Merveldt  était  parti  pour  le  Tyrol  avec  le  corps  à  ses 
ordres;  qu'il  était  remplacé  devant  moi  par  le  général  de  Rosen- 
berg  qui  avait  avec  lui  trois  divisions  de  Kaiser,  deux  divisions  de 
dragons  (1)  et  six  pièces  d'artillerie  sans  infanterie;  que  je  n'avais 
pas  pu  acquérir  la  certitude  que  M.  de  Kray  fût  à  Erding;  que 
j'avais  seulement  appris  qu'il  était,  il  y  a  trois  jours,  à  Landshut; 
que  ce  déserteur  avait  aussi  rapporté  que  son  régiment  avait  quitté 
Landshut  pour  venir  vers  Munich  ;  que  les  cuirassiers  de  Lorraine, 
avec  de  l'infanterie,  avaient  marché  sur  Braunau. 

Je  l'informai  que  les  ennemis  avaient  occupé,  la  veille,  U'olfrats- 
liausen  avec  600  hommes  d'infanterie  et  quelques  hussards;  que 
mes  découvertes  avaient  trouvé,  le  matin,  beaucoup  de  patrouilles 
en  campagne,  et  qu'on  avait  tiraillé  pendant  environ  une  heure  à 
l'entrée  du  bois  de  Bogenhausen  que  les  hussards  ennemis  vou- 
laient fouiller. 

Je  fis  l'observation  que  j'étais  bien  faible  en  infanterie,  que 
j'avais  au  plus  4000  combattants  de  cette  arme. 

Je  prévins  le  général  en  chef  que  mon  chef  d'état-major  avait 
fait  part  au  général  Lahorie  des  désordres  qui  se  commettaient  sur 
les  derrières  de  l'armée;  que  les  assassinats  s'y  manifestaient 
d'une  manière  effrayante,  et  que  le  8"  de  hussards  était  particu- 
lièrement désigné  pour  commettre  ces  affreux  excès. 

Je  reçus  une  lettre  du  général  Lahorie,  datée  de  Freising  le  17, 
pour  m'annoncer  que  le  général  en  chef,  en  approuvant  mes 
dispositions,  l'avait  chargé  de  me  prévenir  que,  le  lendemain,  les 
divisions  Montrichard  et  Grandjean  seraient  en  arrière  de  Munich 
pour  me  soutenir,  au  besoin,  et  que  toute  l'infanterie  de  ma  divi- 
sion, à  l'exception  de  la  garde  de  la  ville,  pourrait  passer  l'Isar, 
ce  qui  me  mettrait  à  môme  de  bien  recevoir  le  général  Kray  s'il  se 
présentait  devant  moi. 

Sur  les  plaintes  qui  me  furent  faites  que  les  autorités  de  Munich 
mettaient  beaucoup  de  lenteur  et  peu  de  bonne  volonté  à  satis- 
faire aux  demandes  qui  leur  avaient  été  faites  pour  les  besoins  de 
la  division  et  de  l'armée,  j'écrivis  aux  membres  du  gouvernement 
provisoire  que,  jusqu'à  ce  moment,  j'avais  pris  les  moyens  les 
plus  convenables  envers  eux  et  leurs  administrés,  persuadé  qu'ils 

(1)  La  lettre  originale  porte  :  Ferdinand-Drajons  (A.  H.  G.). 


60   MEMOIRES  ET  JOURNAUX  DU  GENERAL  DECAEN 

s'empresseraient  de  me  mettre  dans  le  cas  de  continuer  à  agir  de 
la  même  manière;  mais  que  le  retard,  le  défaut  même  de  satis- 
faire aux  réquisitions  qui  leur  avaient  été  faites,  m'obligeait  de 
leur  notifier  que  j'allais  user  strictement  des  droits  dont  jusqu'à 
présent  je  n'avais  pas  voulu  faire  usage. 

19  messidor  (8  juillet).  —  Je  fus  informé  par  le  général 
Durutte  que  la  division  Montrichard,  qui  était  à  sa  gauche  jusqu'à 
Dietershcim,  élait  partie  pendant  la  nuit. 

Une  lettre  du  général  Lahorie,  datée  de  Freising  le  19,  m'an- 
nonça que  le  général  en  chef  l'avait  chargé  de  me  prévenir  (jue 
je  pouvais  faire  rentrer  les  détachements  qui  étaient  à  Schaftlarn 
et  à  Dachau. 

Le  général  en  chef  et  son  quartier  général  arrivèrent  à  Nym- 
phenburg.  Je  voulus  porter  le  mien  à  Munich,  mais  le  général 
Moreau  voulut  que  je  restasse  avec  lui. 

Je  lui  rendis  compte  que  le  chef  de  brigade  Caulaincourt  m'avait 
informé  que  l'ennemi  avait  attaqué,  à  1  heure  du  matin,  le 
poste  du  pont  de  Schaftlarn;  que  sa  force  consistait  en  cavalerie 
qui  avait  été  repoussée  par  notre  infanterie  et  avec  perte;  qu'il 
n'était  point  arrivé  d'autres  forces  à  W  olfratshausen  que  celle 
précédemment  annoncée;  que,  selon  lé  dire  de  deux  espions, 
l'ennemi  aurait  reçu  un  grand  renfort  de  cavalerie  dont  la  prin- 
cipale force  était  établie  au  couvent  de  Beuren  (1),  à  neuf  lieues 
de  Baierbrun,  et  prolongeait  sa  gauche  vers  l'AmmerSee;  qu'il 
annonçait  aussi  qu'un  escadron  de  hussards  du  d"  et  deux  com- 
pagnies de  notre  infanterie  légère  étaient  arrivés  à  2  heures  du 
matin  à  l'abbaye  de  Schaftlarn  et  qu'ils  s'y  étaient  établis;  qu'il 
faisait  l'observation  que  le  mouvement  de  nos  troupes  chassait 
l'ennemi  de  Wolfratshausen  ;  [que]  cela  lui  ôterait  une  de  ses 
communications  les  plus  essentielles  avec  la  rive  droite  de  l'Isar 
et  le  forcerait  nécessairement  à  s'éloigner,  et  qu'alors  nous  aurions 
un  front  plus  resserré  et  moins  difficile  à  garder;  que  la  division 
Montrichard  avait  fait  halte  sur  la  route  de  Landsberg,  vis-à-vis 
Laim. 

Je  fus  prévenu  par  le  général  Lahorie  que  la  division  aux  ordres 

(1)  Peut-être  Benedictbeuren.  Il  y  a  ueuf  lieues  de  cette  localité  à  Baierbrun. 


LA   DIVISIOM   DKCAEM   PASSE    L'ISAR  61 

du  général  Leclerc  viendrait,  le  lendemain,  prendre  position  sur 
Freisiug,  éclairant  en  même  temps  le  cours  de  l'Isar  jusqu'à  Gar- 
cliing;  que  la  division  Grandjean  partirait  de  Freising  à  2  heures 
du  matin  au  plus  tard  et  viendrait  se  placer  sur  la  rive  gauche  de 
risar  sur  Unter-Sendling  et  Oher-Sendiing,  avec  une  réserve  sur  la 
Wiirm,  vers  Steinkirchen  ;  que  cette  division  serait  en  réserve  de 
la  mienne  et  qu'elle  arriverait  en  position  vers  les  9  heures  du 
matin;  que,  d'après  ces  dispositions,  la  rive  gauche  de  l'Isar  étant 
gardée,  je  ferais  passer  celle  rivière  à  toutes  mes  troupes,  à  l'excep- 
tion de  la  réserve  de  cavalerie  qui  resterait  jusqu'à  nouvel  ordre 
en  deçà  de  l'Isar,  et  que  je  ferais  exécuter  mon  mouvement  à 
9  heures  du  matin  au  plus  tard  (1). 

20  messidor  (9  juillet).  —  En  conséquence  de  cet  ordre,  la 
hrigade  Durutte  passa  l'Isar  à  7  heures  du  matin  ot  prit  position  à 
la  tète  du  village  de  Haidhausen,  la  droite  à  la  route  de  Bogen- 
hausen,  et  la  gauche  vers  l'Isar,  s'éclairant  devant  elle. 

La  hrigade  Dehilly  prit  position,  sa  gauche  dans  la  direction 
de  la  droite  de  la  position  du  général  Durutte,  et  sa  droite  vers 
l'Isar,  se  gardant  et  s'éclairant  également  devant  son  front. 

Le  chef  de  hrigade  Caulaincourt,  auquel  on  avait  déjà  mandé 
de  faire  rapprocher  de  lui  le  hataillou  et  l'escadron  de  dragons 
étahlis  à  Baierhrun  et  à  Schaftlarn,  eut  l'ordre  de  les  diriger,  avec 
la  compagnie  de  la  100"  qu'il  avait  aussi  à  sa  disposition,  pour 
venir  passer  l'Isar  au  pont  de  Munich  pour  rejoindre  leur  hrigade. 

\  I)  Decaen  écrivait  à  Moreau,  le  19  measidor  : 

■  Croyaut  avoir  le  plaisir  de  vous  voir  hier  soir,  mon  général,  je  ne  vous  avais  point 
fait  pirt  des  renseiijnements  que  m'avaient  procurés  trois  déserteurs  bavarois  qui  avaient 
quitté  leur  corps  dans  la  marche  d'Erding  sur  Wasserburg.  La  colonne  dont  ils  faisaient 
partie  n'était  composée  que  d'infanterie  bavaroise  avec  de  la  cavalerie  autrichienne  et  de 
l'infanterie  (ils  n  ont  pu   me  désigner  les  corps). 

-  Ils  ont  dit  qu'en  partant  de  Landshut,  on  avait  répandu  le  bruit  qu'on  marchait  sur 
Munich,  mais  que,  depuis  Erding,  on  a  annoncé  que  c'était  sur  Braunau 

-  Quatre  autres  déserteurs,  canonuiers  bavarois,  désertés  de  Hohenlinden,  route  de  Was- 
serburg, ont  fait  le  même  rapport.  Us  ont  ajouté  que  la  désertion  était  très  grande  parmi 
les  Bavarois,  qui  ne  sont  pas  contents  d  aller  vers  l'Autriche. 

■  Comme  la  division  de  Xlontrichard  marche  vers  le  haut  Isar,  je  présume,  mon  général, 
que  je  serai  dans  le  cas  de  rappeler  les  troupes  que  j'ai  établies  vers  Schaftlarn.  Cepen- 
dant, mon  uénéral,  je  ue  donnerai  l'ordre  de  rentrer  que  d'après  votre  approbation. 

■  Xe  pourrai- je  pas  aussi  faire  rentrer  ce  que  j'ai  à  Dachau? 

"  Je  vous  salue  respectueusement.  " 

(Decaeu  à  Moreau,  iVymphenburg,  19  messidor  au  VIII,  .\.  H.  G.). 


62      AIK.MOIRES   ET   JOURXAUX   DU    GÉXERAL   DECAEX 

Il  fut  prévouu  (|up,  jiis(|u'à  nouvel  ordre,  la  réserve  de  cavalerie 
reslerait  daus  les  villages  (ju'cUe  occupait. 

L'ordre  fut  aussi  douué  au  bataillon  établi  àDacbau  d'en  partir 
pour  venir  passer  l'Isar.  L'artillerie  légère,  l'ambulance  et  tout  ce 
qui  appartenait  à  la  division,  excepté  le  parc  de  réserve  qui  resta 
à  Neuliausen,  passèrent  aussi  cette  rivière  et  furent  placés  au  vil- 
lage de  Haidbausen,  à  la  tête  du  pont. 

21  messidor  (10  juillet).  —  Je  rendis  compte  au  général  eu 
cbef  que  la  division  avait  été  placée  de  manière  à  couvrir  et  éclai- 
rer toutes  les  avenues  sur  Munich  à  la  droite  de  l'Isar;  que  le 
général  Durutte  m'avait  fait  le  rapport  que  tout  annonçait  la 
retraite  de  l'armée  autrichienne;  que  trois  déserteurs  avaient 
assuré  que,  la  veille,  elle  avait  marché  sur  la  route  de  Braunau, 
ne  laissant  que  de  la  cavalerie  devant  nous;  que  c'était  une  partie 
des  dragons  légers  de  Kinsky  et  des  hussards  de  Kaiser;  enfin  que 
le  général  Durutte  avait  reconnu  les  avant-postes  ennemis  à 
Kirchtrudering  (1),  à  Riem  et  dans  les  bois  devant  Eglfing,  mais 
qu'ils  n'avaient  aucun  poste  près  de  l'Isar;  que  le  général  Debilly 
annonçait,  dans  son  rapport,  qu'il  avait  eu  avis  que  le  corps 
d'émigrés,  fort  de  3  000  hommes  environ,  avait  passé  l'Inn  à 
Rosenheim,  il  y  avait  deux  jours,  et  s'étendait  maintenant  d'Ai- 
bling  jusqu'à  la  forêt  d'Auzing,  couvrant  les  routes  d'Innsbruck; 
qu'en  avant  d'Auzing,  il  y  avait  un  camp  de  5  000  à  6  000  hommes, 
en  grande  partie  Bavarois;  que  c'était  une  arrière-garde;  que  les 
principales  forces  de  l'ennemi  étaient  sur  l'Inn;  que  le  mouve- 
ment fait  par  la  division  avait  amené  de  l'infanterie  sur  tous  les 
villages  en  avant  du  bois  qu'occupait  le  bataillon  de  la  50'. 

Le  général  en  chef  me  donna  l'ordre  de  mettre  en  marche  ma 
division  à  5  heures  du  soir  pour  la  porter  eu  avant,  et  de  lui  faire 
prendre  position,  la  droite  en  arrière  de  Haar  sur  la  chaussée  de 
Wasserhurg,  d'occuper  Feldkirchen,  route  de  Braunau,  et  de  cou- 
vrir la  route  d'Erding  et  de  faire  passer  l'Isar  à  ma  réserve  de 
cavalerie.  Je  fus  prévenu  que  la  division  Grandjean  passerait 
l'Isar  pour  aller  se  placer  entre  cette  rivière  et  la  chaussée  de 
\\  asserburg  et  qu'elle  devait  occuper  Perlach. 

(1)  A  caiiron  '2  kilomèlrcs  au  sud-ouest  tic  Riem. 


DECAEV   S'ETABLIT   A    KIRCHTRUDERING  63 

Le  général  en  clief  me  remit  une  lettre  adressée  au  général 
Kray,  pour  être  remise  aux  avant-postes. 

J'ordonnai  au  général  Dchilly  de  rassembler  sa  brigade  en 
avant  de  Strasstrudering,  ne  laissant  à  la  position  qu'il  tenait  que 
des  postes  de  cavalerie  en  observation  jusqu'à  l'arrivée  des  troupes 
du  général  Grandjean,  et  de  se  mettre  en  marche  à  5  heures  pré- 
cises pour  aller  prendre  position  en  arrière  du  village  de  Haar, 
chaussée  de  Uasserburg,  gardant  cette  route  et  tous  les  débouchés 
sur  le  front  de  sa  ligne  passant  par  Gronsdorf  et  Salmdorf,  et 
ayant  sa  gauche  vers  la  ferme  d'Oberndorf.  Il  lui  fut  recommandé 
de  pousser  ses  avant-postes  le  plus  loin  possible  sur  la  route  de 
Zorneding  selon  les  localités  et  les  ennemis  qu'il  rencontrerait,  et 
d'éclairer  sa  droite  qu'il  pourrait  lier  avec  les  postes  du  général 
Grandjean  (|ui  occuperait  Perlach,  et  par  sa  gauche,  avec  ceux 
du  général  Durutte,  dont  une  partie  de  la  brigade  prendrait  posi- 
tion à  Feldkirchen,  et  qui  pousserait  ses  avant-postes  vers  Pars- 
dorf. 

Il  fut  ordonné  au  général  Durutte  de  rassembler  sa  brigade  sur 
la  route  de  Braunau  entre  Riem  et  Zamdorf  pour  5  heures  du  soir 
et,  aussitôt  après,  de  se  mettre  en  marche,  en  suivant  cependant 
le  mouvement  du  général  Debilly  qui  serait  à  sa  droite,  et  d'aller 
prendre  position  en  éclairant  sa  gauche,  la  droite  vers  la  ferme 
d'Oberndorf  et  sa  gauche  à  la  tète  du  village  de  Feldkirchen, 
poussant  ses  avant-postes  jusqu'à  Parsdorf,  s'il  était  possible,  et, 
vers  sa  gauche,  jusqu'à  Kirchheim,  et  de  se  lier  avec  les  troupes  à 
sa  droite. 

Il  fut  prévenu  que  les  grenadiers  réunis  resteraient  à  Riem  et 
que  la  réserve  de  cavalerie  serait  en  arrière,  chargée  d'éclairer 
jusqu'à  Aschheim  sur  la  route  d'Erding. 

Je  partis  de  Xymphenburg  pour  suivre  le  mouvement  de  mes 
troupes  devant  lesquelles  les  ennemis  se  replièrent  dès  qu'ils  les 
aperçurent  en  marche.  J'établis  mon  quartier  général  à  Kirch- 
trudering. 

Je  rendis  compte  que  la  division  avait  pris  la  position  (jui 
m'avait  été  prescrite  et  que  les  avant-postes  avaient  été  poussés  le 
plus  loin  possible.  J'annonçai  que  la  lettre  du  général  en  chef 
pour  M.  de  Kray  serait  portée  à  ses  avant-postes  le  lendemain  de 
grand  matin. 


6V      ME.MOJRES   ET   JOL'RMAIX    DU   GENERAL  DECAEN 

22  messidor  (11  juillet).  —  Je  reçus,  pendant  la  nuit,  une 
dépêche  du  général  en  chef.  Elle  contenait  une  autre  lettre  pour 
AI.  de  Kray,  et  le  général  Moreau  m'écrivait  : 

Je  vous  envoie  ci-joint,  mon  cher  général,  un  billet  doux  pour  M.  de 
Kray,  le  mets  sous  cachet  volant  pour  que  vous  le  lisiez.  Vous  le  cachete- 
rez  ensuite  et  le  ferez  passer  demain  matin  de  très  bonne  heure  à  vos  avant- 
postes  :  cela  sera  à  l'appui  de  l'autre. 

Le  général  Moreau  se  plaignait  amèrement,  dans  ce  billet  doux, 
des  mauvais  traitements  et  des  actes  de  barbarie  exercés  sur  nos 
prisonniers  (plusieurs  officiers  avaient  été  sabrés  cruellement;  il  y 
en  avait  même  eu  de  tués  après  avoir  rendu  leurs  armes)  ;  et  il 
demandait  énergiquement  à  M.  de  Kray  de  faire  cesser  de  telles 
horreurs;  autrement,  que  le  salut  de  son  armée  l'obligerait  à 
ordonner  des  représailles  (c'était  principalement  à  l'alftiire  de 
Neuburg  que  ces  atrocités  avaient  été  commises). 

Lorsque  les  officiers  envoyés  aux  avant-postes  de  l'ennemi 
furent  de  retour,  j'écrivis  au  général  en  chef  que  l'une  des  lettres 
avait  été  remise  à  Zorneding  à  un  lieutenant-colonel  de  hussards 
de  Blankenstein  qui  avait  aussi  des  hulans  avec  lui;  et  que  l'autre 
avait  été  portée  à  Parsdorf,  occupé  par  des  dragons  de  Ferdinand. 
Je  l'informai  que  trois  déserteurs,  un  hulan,  un  Manteau-Rouge  et 
un  Bavarois,  avaient  fait  la  même  déclaration  que  l'armée  autri- 
chienne était  derrière  l'inn,  que  seulement  l'arrière-garde  était  de 
ce  côté. 

J'annonçai  que  j'allais  rectifier  ma  position  jusqu'à  ce  que  je 
reçusse  des  instructions  pour  passer  outre,  et  que  le  pays  que  j'oc- 
cupais élait  absolument  sans  ressources. 

J'ordonnai,  dès  le  matin,  que  les  grenadiers  réunis  et  le  9'  de 
cavalerie  fussent  occuper  Aschheim  et  Kirchheim,  route  de  Munich 
à  Erding;  que  l'escadron  de  cuirassiers  allât  s'établir  à  Dornach. 

Il  fut  ordonné  au  général  Durutte  de  faire  occuper  Parsdorf. 

Le  général  Debilly  me  dit,  dans  son  rapport,  que  l'ennemi 
avait,  la  veille,  dans  le  village  de  Haar,  100  hommes  d'infanterie 
et  300  chevaux;  qu'il  avait  rectifié  sa  position,  prise  assez  tard,  et 
qu'il  avait  maintenant  un  bataillon  en  avant  de  Haar  et  un  poste 
de  cavalerie  jusqu'au  delà  de  l'embranchement  du  chemin  de 
Vaterstetten  à  la  route  de  Zorneding;  qu'il  allait  chasser  l'ennemi 
de  Weissenfeld,  ainsi  que  ses  vedettes  placées  sur  d'autres  points. 


LA  DIVISION   DECAEM   COUVRE    MUNICH  65 

Il  ajoutait  qu'il  était  bien  lié  avec  les  troupes  de  sa  gauche  et  qu'il 
avait  envoyé  un  parti  reconnaître  le  premier  poste,  à  sa  droite,  de 
la  division  Grandjean,  et  qu'il  m'avait  envoyé  trois  déserteurs. 

Le  rapport  du  général  Durutte  informait  que,  les  ennemis 
ayant  quelques  hussards  à  Weissenfeld,  il  les  en  avait  fait  partir 
en  leur  montrant  un  peloton  de  dragons,  et  que  l'ennemi  occu- 
pait encore  Kirchheim  et  Parsdorf,  et  que  la  patrouille  qu'il  avait 
envoyée  à  Aschheim  y  avait  trouvé  le  9"  de  cavalerie. 

Je  fus  prévenu,  par  une  lettre  du  général  Lahorie,  que  la  divi- 
sion garderait  sa  position  pendant  la  journée. 


CHAPITRE  IV 

Le  (jiiarlier  gênerai  autrichien  établi  à  Haag.  —  Kray  demande  une  suspension  d'armes. 

—  Moreau  l'accorde.  —  Armistice  de  Parsdoi  f.  —  Satisfaction  des  troupes  françaises 
à  cette  nouvelle.  —  L'armée  du  Rhin  occupe  la  Bavière.  —  Decaeu  reste  à  Munich  où 
il  réprime  des  abus.  —  Singulière  demande  de  Lecourbe  à  Moreau.  —  Decaen  con- 
seille à  Moreau  de  la  refuser.  —  Xéanmoins   Morean  cède  aux  instances  de  Lecourbe. 

—  Le  gouiernement  pourvoit  aux  emplois  vacants  à  l'armée  du  Rhin.  —  Cette  mesure 
indispose  Moreau  qui  entend  les  réserver  aux  ofBciers  qui  ont  fait  la  campagne.  — 
Certains  émigrés  demandent  à  rentrer  en  France.  —  On  le  leur  refuse.  —  Emplace- 
ments des  troupes  françaises.  —  Renseignements  recueillis  par  Decaen  sur  l'armée  de 
Kray. 

23  messidor  (12  juillet).  —  Je  rendis  compte  au  générai  en 
ciief  que,  d'après  les  rapports  de  trois  grenadiers  désertés  le  20  de 
Haag,  les  huit  bataillons  qui  étaient  campés  dans  cet  endroit 
avaient  dû  faire  une  marche  pour  se  porter  sur  Isen;  qu'ils 
disaient  que  M.  de  Kray  avait  son  quartier  général  à  Haag,  et  qu'ils 
n'avaient  connaissance  que  d'un  bataillon  de  Ferdinand  et  d'un 
de  Manteaux-Rouges  qui  étaient  dans  cette  partie;  que  six  autres 
déserteurs  n'avaient  donné  aucune  nouvelle;  qu'un  dragon  de  La 
Tour,  parti  la  veille  d'Erding,  avait  dit  avoir  entendu  la  fusillade 
de  ce  côté;  que  les  ennemis  avaient  quitté  Zorneding  où  mes 
troupes  avaient  pris  poste;  qu'un  nombre  de  trente  chevaux  et 
150  Manteaux-Rouges  s'étaient  retirés  sur  Eglharting;  qu'ils 
devaient  avoir  un  corps  de  troupes  à  Ebersberg;  qu'ils  occupaient 
aussi  Eggelburg,  Kirchseeon  et  Berghofen. 

Une  lettre  du  général  Kray,  remise  aux  avant-postes,  m'ayant 
été  apportée,  je  l'envoyai  de  suite  par  un  officier  au  général 
Moreau.  Cet  officier  revint  dans  l'après-midi  avec  une  réponse  que 
je  fis  passer  de  suite. 

Le  "énéral  Lahorie  arriva  le  lendemain  matin  à  mon  quartier 
(jénéral  et  m'apprit  que  M.  de  Kray  avait  demandé  une  suspen- 
sion d'armes  pour  traiter  d'un  armistice,  et  qu'il  allait  à  Parsdorf 
pour  eet  effet;  que,  par  ordre  du  général  en  chef,  je  devais  faire 


SUSPENSIOXf   DES   HOSTILITES  67 

prévenir  sur  ma  ligne  qu'il  y  avait  suspension  d'hostilités;  qu'ainsi 
je  pouvais  rétablir  mon  quartier  général  à  Munich. 

25  messidor  (14  juillet).  —  Le  lendemain,  l'adjudant  com- 
mandant Hamelinaye  (I),  que  j'avais  laissé  à  Kirchtrudering, 
m'adressa  un  rapport  du  chef  de  brigade  Caulaincourt  informant 
que  les  Autrichiens  avaient  in(|uiété  nos  vedettes,  sur  la  route 
d'Erding,  et  après  la  suspension  d'hostilités;  et  que  ce  chef  allait 
se  transporter  aux  avant-postes  pour  s'en  plaindre. 

Cet  adjudant  général  m'informait  aussi  qu'il  était  arrivé  six  dé- 
serteurs pendant  la  nuit  ;  que  trois  de  ces  déserteurs  avaient  déclaré 
que  le  général  de  Rosenberg  était  arrivé  dans  la  matinée  du  24  à 
Riexing,  route  d'Erding,  avec  deux  divisions  de  dragons  de  Ferdi- 
nand, deux  de  hussards  du  même  nom,  un  bataillon  d'infanterie 
et  six  pièces  de  canon;  qu'une  compagnie  d'infanterie,  une  divi- 
sion de  hussards  et  une  de  dragons,  avec  deux  pièces  d'artillerie, 
s'étaient  portées  en  avant  et  avaient  pris  position  à  Gelting  et  à 
Pliening. 

Ce  rapport  fut  de  suite  transmis  au  général  en  chef,  à  Munich. 
Je  fis  prévenir  les  généraux  Debilly,  Durutte  et  le  chef  Caulaincourt 
que  mon  quartier  général  s'établissait  à  Munich. 

26  messidor  (15  juillet  1800).  —  Je  rendis  compte  au  général 
en  chef  qu'on  avait  été  aux  avant-postes  autrichiens  à  Pliening 
afin  de  savoir  la  cause  de  l'agression  commise  par  les  avant-postes 
ennemis  ;  que  les  officiers,  dont  un  lieutenant-colonel  de  hulans, 
un  lieutenant  de  Kinsky  et  un  capitaine  de  Ferdinand  (ce  qui  con- 
firmait les  rapports  des  déserteurs,  que  M.  de  Rosenberg  s'était 
rapproché  deFreising),  s'étaient  excusés  en  disant  qu'ils  n'avaient 
été  informés  qu'à  9  heures  du  malin  de  ce  jour  de  la  suspension 
qui  avait  lieu  et  qu'ils  avaient  été  prévenus  que  cette  suspension 
était  indéfinie. 

(1)  Hamelinaye  (Jacques-Fëlix-lan  de  la),  né  le  '2i  février  1769,  à  Montauban  (Ille-et- 
Vilaine)  ;  soas-lieutenaut,  le  12  octobre  1701  ;  lieutenant,  le  30  vendémiaire  an  II;  capi- 
taine, le  19  ventôse  an  II  ;  chef  de  bataillon,  le  ^  thermidor  an  VU;  aide  de  camp  de 
Beruadotte,  le  ti  floréal  an  VIII;  adjudant  commandant,  le  16  prairial  an  VIII;  aide  de 
camp  du  maréchal  Bernadolte,  le  24  février  1807;  général  de  brigade,  le  12  juin  1S09  ; 
chef  d'élat-major  du  général  Decaen  en  Hollande,  le  7  décembre  1813;  général  de 
division,  le  1.5  janvier  1814;  retraité,  le  2  décembre  18;i3;  mort  à  Rennes,  le  14  avril 
(1861  A.  A.  G.). 


68      MÉMOIRES   ET   JOURiVAUX   DU   GENERAL   DECAEN 

J'annonçai  au  général  en  chef  qu'il  était  arrivé  treize  déserteurs 
depuis  le  25  an  soir,  et  qu'on  avait  trouvé,  dans  une  chapelle  à  la 
droite  de  la  route  qui  conduit  à  Ricm,  52  caisses  remplies  d'obus, 
et  que  le  nombre  [des  obus?]  était  d'environ  1  200;  que  les  recon- 
naissances envoyées  sur  la  route  de  Wasserburg  avaient  été  jus- 
qu'auprès d'Ebersberg  ;  qu'elles  n'avaient  trouvé  que  de  faibles 
postes  de  hussards  de  Blankenstein. 

Ce  même  jour,  le  général  en  chef  m'écrivit  : 

Je  vous  préviens,  citoyen  général,  que  je  viens  de  conclure  un  armistice 
avec  M.  de  Kray.  V^euillez  suspendre  en  conséquence  toute  hostilité.  Je 
vous  ferai  connaître  incessamment  la  ligne  que  doit  occuper  l'armée. 

Munich,  le  26  messidor. 

Copie  de  cette  lettre  fut  envoyée  aux  généraux  de  brigade  et  au 
chef  de  brigade  Caulaincourt  pour  qu'ils  fissent  connaître  aux 
troupes  sous  leurs  ordres  la  conclusion  de  l'armistice  dont  la  con- 
vention fut  mise,  le  lendemain,  à  l'ordre  de  l'armée  et  à  l'ordre  de 
la  division. 

Cette  nouvelle  fut  reçue  avec  joie  par  les  troupes  qui,  quoique 
victorieuses  depuis  l'ouverture  de  la  campagne,  étaient  bien  aises 
de  cesser  de  combattre  et  de  prendre  du  repos;  et  surtout  parce 
qu'on  espérait  que  cet  armistice  serait  bientôt  suivi  d'un  traité 
de  paix.  Autrement,  il  aurait  beaucoup  mieux  valu  profiter  de 
suite  de  notre  position,  de  nos  succès,  ainsi  que  de  l'ascendant  que 
nous  avions  pris  sur  l'ennemi  que  nous  n'aurions  pas  probable- 
ment eu  beaucoup  de  peine  à  rejeter  encore  loin  de  l'Iun,  tant  il 
y  avait  de  découragement  dans  son  armée. 

Le  premier  article  de  la  convention  énonçait  qu'en  cas  de  reprise 
d'hostilités,  elle  ne  pourrait  avoir  lieu  sans  être  précédée  d'un 
avertissement  de  douze  jours  à  compter  de  l'heure  où  la  notifica- 
tion en  serait  parvenue  au  quartier  général  de  l'armée  opposée. 

Le  général  en  chef  ayant  limité  l'espace  de  lerrain  que  chacun 
des  corps  occuperait  pendant  la  durée  de  l'armistice,  l'arrondisse- 
ment de  Munich  fut  destiné  à  ma  division,  chargée  de  garder  par 
des  postes  la  partie  de  la  ligne  de  démarcation  déterminée  par 
l'article  2  de  la  convention,  partant  du  village  de  Helfendorf,  sur 
la  chaussée  d'Aibling,  et  se  prolongeant  à  gauche  par  Ebersberg, 


ARMISTICE   DE    PARSDORF  69 

Isen,  Lengdorf,  et  allant  de  là  vers  les  sources  de  la  Vils  dont  elle 
descendait  la  rive  gauche  jusqu'à  Vilsbiburg. 

En  me  faisant  connaître  ces  dispositions,  le  général  en  chef  me 
chargea  d'envoyer  un  officier  d'élat-major  pour  s'entendre  avec 
ceux  de  l'armée  autrichienne;...  qu'il  avait  été  convenu  que  M.  de 
Kray  ferait  envoyer,  de  son  côté,  afin  de  s'accorder  sur  la  cession 
qui  devait  nous  être  faite  des  villages  qui  devaient  être  compris 
dans  notre  ligne,  ainsi  que  pour  fixer  le  moment  où  nos  avant- 
postes  pourraient  s'avancer  sur  cette  ligne. 

Je  chargeai  de  cette  mission  l'adjudant  commandant  Plauzonue, 
mon  chef  d'élat-major. 

Je  reçus  l'ordre  de  faire  diriger  sur  le  corps  de  réserve  de  ca- 
valerie, commandé  par  le  général  d'Hautpoul,  le  détachement  de 
ce  corps  de  réserve  qui  avait  été  réuni  à  ma  division  pour  marcher 
sur  Munich. 

Je  fus  prévenu  que  les  divisions  Grandjean  etLeclerc  devaient  se 
mettre  en  marche  pour  aller  prendre  leurs  cantonnements  de  l'autre 
côté  du  Danube,  et  que  je  devais  attendre  jusqu'au  30  pour  en- 
voyer des  troupes  de  ma  division  à  Freising  et  Moosburg  (l). 

28  messidor  (17  juillet).  —  Il  me  fut  annoncé  que  le  général 
Leclerc  avait  reçu  l'ordre  de  laisser  à  Freising  les  deux  bataillons 
de  la  14'  d'infanterie  légère  qui  étaient  sous  son  commandement 
et  qui  passaient  sous  le  mien  avec  un  des  régiments  de  chasseurs 
de  sa  division;  que  ce  régiment  lui  serait  remplacé  par  le  13'  de 
cavalerie  auquel  je  devais  donner  des  ordres  de  partir  de  suite 
pour  se  rendre  à  Zusmarshausen  où  il  recevrait  ceux  de  son 
emplacement;  que  le  bataillon  de  la  14'  d'infanterie  légère  déta- 
ché à  la  division  Grandjean  serait  aussi  envoyé  à  Freising. 

Mon  chef  d'état-major,  ayant  fait  son  retour,  annonça  qu'il  avait 
rencontré  à  Parsdorf  deux  officiers  envoyés  par  le  général  de 
Rosenberg;  qu'il  était  convenu  avec  eux  que,  le  lendemain  29, 
dès  la  pointe  du  jour,  il  dirigerait  nos  avant-postes  sur  divers 

(1)  t  D'après  l'ordre  du  g(''ni>ral  en  chef,  le  gênerai  de  division  Dccaen  donnera  ordre 
au  2<^  rôgiracnt  de  carabiniers,  au  9"  de  cavalerie  et  à  l'escadron  du  8"  régiment  de  cava- 
lerie, lesquels  ont  étc  détachés  à  sa  divisiou,  d'en  partir  demain  à  3  ou  4  heures  du 
malin,  avec  la  demi-compagnie  d'artillerie  légère  qui  était  attachée  à  ce  détachement, 
pour  86  rendre  à  Dachau,  où  iU  resteront  aux  ordres  du  général  d'Hautpoul...  •  (Moreau 
à  Decaea,  Munich,  '26  messidor,  A.  H.  G.). 


70   MEMOIRES  ET  JOLKXAUX  DU  GEXERAL  DECAEX 

points  do  la  ligne  de  démarcation;  (m'il  avait  écrit  à  ce  général 
pour  le  prévenir  de  ce  mouvement;  qu'il  lui  avait  envoyé  la 
nomenclature  des  villages  dont  l'occupation  par  nous  avait  été 
convenue  avec  ses  officiers,  et  qu'il  l'avait  invité  de  donner  des 
ordres  pour  que  ces  villages  soient  cédés  ;  qu'il  avait  aussi  écrit  au 
général  de  Rosenberg  qu'étant  également  chargé  de  faire  occuper 
Lengdorf  et  de  diriger  notre  ligne  en  descendant  la  Vils  jusqu'à 
Vilshiburg,  il  le  priait  d'inviter  M.  le  général  de  Gyulai  à  nous 
céder  aussi  ce  terrain  k  notre  gauche. 

L'adjudant  commandant  Plauzonne  avait  aussi  prévenu  le  com- 
mandant du  G"  de  chasseurs  de  faire  avancer  quelques  postes  sur 
divers  points  de  la  ligne  à  l'heure  convenue. 

D'après  ce  rapport,  je  donnai  des  ordres  pour  le  placement  des 
troupes  de  la  division  et  l'établissement  des  postes  sur  la  ligne 
de  démarcation. 

Il  fut  ordonné  au  général  Debilly  de  fournir  des  troupes  de  sa 
brigade  pour  la  garnison  de  Munich  et  d'avoir  des  postes  sur  la 
ligne,  ayant  leur  droite  à  Helfendorf,  route  d'Aibling,  et  leur 
gauche  vers  Isen  ;  et  au  général  Durutte,  de  s'établir  à  Freising 
avec  une  partie  de  ses  troupes  et  d'avoir  des  postes  sur  la  ligne, 
depuis  Isen  pour  sa  droite  presqu'ii  Vilshiburg  exclusivement. 

Les  noms  des  villages  inclus  dans  chaque  partie  de  la  ligne 
qu'ils  devaient  faire  occuper  par  leurs  troupes  leur  furent 
indiqués. 

Il  leur  fut  recommandé  d'avoir  des  noyaux  de  troupes,  soit 
d'infanterie,  soit  de  cavalerie,  selon  la  nature  du  pays,  dans  les 
principaux  endroits  de  cette  ligne,  lesquels  auraient  des  postes 
d'observation  sur  les  principales  communications,  et  de  ne  faire 
occuper  que  par  quelques  hommes  les  villages  intermédiaires  afin 
de  s'en  assurer  la  possession. 

Il  leur  fut  dit  aussi  de  mettre  quelques  troupes  en  cantonne- 
ment dans  les  meilleurs  endroits,  entre  la  ligne  de  démarcation  et 
l'Isar,  pour  former  une  espèce  de  deuxième  ligne,  choisissant  de 
préférence  ceux  placés  sur  les  grandes  communications.  Ils  furent 
prévenus  que  les  troupes  de  leur  première  ligne  vivraient  chez 
l'habitant,  à  moins  que  les  ressources  du  pays  ne  le  permissent 
pas;  et,  en  cas  d'impossibilité,  de  m'en  informer;  et  qu'aussitôt 
après  l'établissement  des  troupes,  auxquelles  il  serait  recommandé 


DECAEX   RETOIRYE    A   MLXICH  71 

dp  respecter  les  personnes  et  les  propriétés,  les  chefs  de  corps 
devraient  s'occuper  de  la  tenue  et  de  l'instruction,  et  de  défendre 
toute  communication  entre  leurs  troupes  et  les  /autrichiens. 

Les  compagnies  de  grenadiers  réunies  en  bataillon  reçurent 
l'ordre  de  rentrer  à  leurs  corps  respectifs;  le  bataillon  de  la  50% 
celui  de  tenir  garnison  à  Munich  jusqu'à  nouvel  ordre. 

29  messidor  (18  juillet).  —  Il  fut  expédié  l'ordre  aux  deux  ba- 
taillons de  la  14'  et  le  10'  de  chasseurs,  que  le  général  Leclerc 
avait  dû  laisser  à  Freising  pour  faire  partie  de  ma  division,  de  se 
mettre  en  marche,  le  30,  pour  arriver  à  Munich. 

Le  général  en  chef  me  dit  que  ma  division  avait  encore  à  garder 
la  partie  de  la  ligne  de  démarcation  depuis  Valley,  passant  par 
Gmund,  en  suivant  la  Vive  droite  du  Tegern  See,  traversant  l'Isar 
à  la  hauteur  de  sou  confluent  avec  le  Jachen  et,  de  là,  vers  la  Loi- 
sach  et  Murnau,  liant  mes  postes  avec  ceux  des  troupes  du  général 
Lecourbe  avec  lequel  je  devais  me  concerter. 

Alors  je  convins  avec  ce  général,  qui  était  venu  voir  le  général 
en  chef,  que  mes  postes  ne  dépasseraient  pas  la  Loisach. 

30  messidor  (19  juillet).  — Je  fis  donc  partir  un  bataillon  de  la 
14'  légère  et  deux  escadrons  du  10'  de  chasseurs  pour  aller  occu- 
per cette  autre  partie  de  la  ligue  de  démarcation,  et  j'envoyai  mon 
chef  d'état-major  établir  ces  troupes,  le  général  Debilly,  qui  devait 
en  avoir  la  surveillance,  étant  alors  occupé  à  placer  ses  autres 
postes. 

Le  bataillon  de  la  50'  eut  ordre  de  partir  le  lendemain  de  Mu- 
nich pour  se  rendre  à  Augsbourg. 

La  garnison  de  Munich  resta  composée  de  deux  bataillons  de  la 
100*  et  de  deux  de  la  14'  et  de  deux  escadrons  du  10'  de  chasseurs. 
Toutes  ces  troupes  furent  casernées. 

Le  matériel  de  l'artillerie,  ainsi  que  celui  des  équipages,  des 
vivres  et  de  l'ambulance,  furent  placés  à  Haidhausen,  sur  la  gauche 
de  risar.  Les  canonniers,  les  hommes  du  train  de  ces  différents 
services  furent  cantonnés  dans  cet  endroit  et  dans  les  villages  aux 
environs. 

Les  officiers  de  la  garnison  de  Munich  étant  logés  chez  l'habi- 
tant, où  ils  devaient  avoir  la  table,  je  recommandai  au  comman- 


72   MEMOIRES  ET  JOLUNAUX  DU  GEXERAL  DECAEX 

dant  de  la  place  de  convenir,  avec  les  magistrats,  des  lieux  où  les 
officiers  pourraient  se  réunir  par  corps  ou  bataillon  pour  manger 
ensemble,  que  ces  tables  seraient  présidées  par  des  cbefs,  et  que 
ce  serait  moins  onéreux  pour  les  particuliers  et  plus  convenable 
pour  les  officiers. 

L'armistice  avait  fait  affluer  à  Munich  beaucoup  d'officiers  de 
tous  grades  et  de  toutes  armes  et  surtout  des  employés  des  admi- 
nistrations qui  s'y  faisaient  donner  le  logement  et  des  tables  dont 
plusieurs  étaient  assez  splendides,  et  qui,  même,  en  allant  visiter 
Nymphenburg,  quoique  ce  fût  le  quartier  du  général  en  chef,  s'y 
faisaient  servir  à  manger  à  toute  heure  dans  les  dépendances  du 
château,  se  disant  attachés  au  grand  quartier  général,  et  en  si 
grand  nombre  que  le  grand  maréchal  de  la  cour,  que  l'Electeur 
avait  fait  rester  à  Munich,  vint  me  représenter  qu'on  ne  pourrait 
pas  suffire  aux  consommations  à  Nymphenburg,  s'il  fallait  que  le 
maitre  d'hôtel  eût  à  fournir  journellement  à  plus  de  800  personnes 
comme  cela  était  arrivé  le  jour  précédent,  et  qu'il  me  priait  de 
prendre  en  toute  considération  ses  représentations,  ainsi  que  pour 
Munich  où  il  était  aussi  obligé  de  faire  fournir  pour  un  grand 
nombre  de  tables. 

D'abord,  je  lui  dis  que  le  général  en  chef  n'entendait  pas 
qu'il  y  eût  de  tels  abus  à  son  quartier  général  et  qu'il  ignorait 
complètement  qu'on  y  servît  d'autres  tables  que  la  sienne,  et  qu'il 
fallait  demander  des  ordres  à  ce  sujet  à  ua  de  ses  aides  de  camp  ; 
au  surplus,  que  je  ferais  part  de  ses  représentations  au  général  en 
chef  lorsque  j'aurais  le  plaisir  de  le  voir. 

Etant  allé  à  Nymphenburg,  je  parlai  au  général  Moreau  de  ces 
abus.  Il  me  chargea  de  les  faire  cesser  et  de  débarrasser  Munich 
de  son  encombrement,  et  il  me  dit  de  revenir  avec  lui  à  Nymphen- 
burg où,  le  lendemain,  j'établis  mon  quartier  général. 

Alors  je  donnai  des  ordres  qui  mirent  une  fin  aux  abus  dans 
cet  endroit,  et  je  notifiai  au  commandant  de  Alunich  de  prendre 
les  mesures  les  plus  strictes  pour  que  toutes  les  personnes  qui 
n'étaient  pas  attachées  à  ma  division  ou  qui  ne  seraient  pas 
munies  d'un  ordre  du  général  en  chef  et  qui  seraient  établies  en 
ville,  eussent  à  en  sortir  sans  retard  et  que,  désormais,  les  magis- 
trats n'expédieraient  de  billets  de  logement  que  lorsqu'il  aurait 
autorisé  ceux  qui  en  réclameraient. 


SINGULIÈRES   EXIGENCES   DE    LECOURBE  73 

i"  thermidor  (20  juillet).  —  Ayant  appris  que  Tofficier  autri- 
chien qui  occupait  Isen  prétendait  y  rester,  sous  le  prétexte  qu'on 
avait  déterminé  une  autre  ligne  de  démarcation,  je  fis  envoyer  au 
chef  du  17'  de  dragons,  chargé  des  avant-postes  dans  cette  partie, 
un  extrait  de  la  convention,  et  il  fut  mandé  au  général  Durutte,  si 
on  faisait  encore  la  moindre  difficulté  pour  céder  ce  village,  de 
s'adresser  au  général  Gyulai;  et  que,  si  ce  général  ne  faisait  pas 
droit,  je  réclamerais  du  général  Kray  l'exécution  de  la  convention. 

En  me  promenant  avec  le  général  Aloreau,  il  me  fit  part  que  le 
général  Lecourhe,  ayant  été  visiter  le  palais  del'Electeurà  Munich, 
lui  avait  demandé  la  permission  d'y  prendre  six  tahleaux  pour 
ajouter  à  sa  collection.  Fort  étonné  de  cette  communication,  je 
dis  au  général  Moreau  que  je  trouvais  une  pareille  demande  bien 
singulière  et  que  je  pensais  qu'elle  devait  être  refusée;  que,  si  le 
général  Lecourhe  aimait  les  tahleaux,  on  ne  pouvait  pas  lui  per- 
mettre de  se  satisfaire  d'une  manièie  aussi  inconvenante  ;  d'ailleurs 
que,  s'il  y  avait  lieu  d'extraire  quelques  ohjets  d'art  de  la  Bavière, 
comme  on  l'avait  fait  en  Italie,  ce  ne  pourrait  être  que  pour  enri- 
chir les  musées  de  la  France  et  d'après  des  conventions.  Le  géné- 
ral Moreau  parut  goûter  mes  observations.  Mais,  sollicité  de  nou- 
veau, il  ne  put  pas  se  décider  à  un  refus.  Alors  le  général  Lecourhe, 
muni  d'une  autorisation,  fit  enlever  les  tahleaux  qu'il  avait  choisis 
d'après  les  conseils  du  docteur  Percy,  son  guide  essentiel  dans  la 
recherche,  l'examen  et  l'appréciation  des  ohjets  d'histoire  natu- 
relle, de  médailles,  de  tableaux,  d'ouvrages  scientifiques,  etc., 
dont  ce  général  était  devenu  un  très  grand  amateur. 

Quelques  jours  après,  je  fus,  pour  la  première  fois,  visiter  le 
palais  de  l'Élecleur  et  je  vis  que,  dans  chacune  des  six  places  res- 
tées vides,  on  avait  eu  le  soin  d'en  faire  remarquer  la  cause  par  ce 
très  gracieux  souvenir  :  ci  Ce  tableau  a  été  enlevé  par  le  général 
Lecourhe.  ■>•: 

J'écrivis  à  MM.  les  membres  du  gouvernement  provisoire 
qu'ayant  besoin  d'avoir  des  renseignements  sur  les  localités  du 
pays  occupé  par  ma  division,  je  les  invitais  de  nommer,  pour  être 
à  ma  disposition,  MM.  Gazzi,  Schneider  et  Wolf.  Ils  étaient  employés 
dans  les  eaux  et  forêts  et  m'avaient  été  désignés  comme  très 
dévoués  aux  Français. 

Ma  demande  ne  plut  pas  à  MM.  du  gouvernement  électoral. 


74   MKMOIRI':S  ET  JOURNAUX  DU  GEXERAL  DECAEX 

Ils  m'adressôrent  iiup  uote  pour  m'aimoncer  qu'on  avait  fait  con- 
naître mon  désir  aux  personnes  indiquées;  néanmoins,  qu'on  ne 
pouvait  se  dispenser  d'observer  que,  ces  personnes  étant  en  activité 
de  service,  leur  présence  à  Munich  était  de  moment  à  autre  indis- 
pensable pour  les  objets  mêmes  qui  intéressaient  les  besoins  de 
l'armée,  de  manière  que  leur  déplacement  ne  pourrait  avoir  lieu 
sans  beaucoup  d'inconvénients;  qu'on  avait  l'honneur  de  me  pré- 
venir (jue  je  trouverais,  dans  chaque  chef-lieu  de  bailliage,  des 
hommes  capables  de  me  fournir  sur  les  localités  tous  les  rensei- 
gnements que  je  pourrais  désirer,  et  qu'on  avait  eu  l'attention, 
pour  la  facilité  du  service  de  l'armée  française,  de  leur  adjoindre 
des  interprètes  pour  les  deux  langues. 

Je  ne  donnai  point  de  suite  à  ma  demande  parce  que  le  général 
en  chef,  auquel  je  communiquai  cette  réponse,  devait  ordonner, 
dans  peu  de  temps,  l'organisation  d'une  commission  de  routes  qui 
produirait  les  renseignements  dont  on  aurait  besoin. 

Je  fus  invité  par  le  général  Dessolle,  chef  de  l'état-major  géné- 
ral, de  lui  adresser  les  ordres  que  je  pourrais  recevoir  du  ministre 
de  la  Guerre  pour  faire  reconnaître  quelque  officier  que  ce  fût 
dans  un  des  corps  sous  mon  commandement  avant  de  les  faire 
mettre  à  exécution. 

Cette  disposition  avait  été  ordonnée  par  le  général  en  chef  parce 
que  plusieurs  officiers  avaient  été  envoyés  de  Paris  à  difi'érents 
corps  pour  y  remplir  des  emplois  vacants  auxquels  le  général  en 
chef  désirait  lui-même  pourvoir,  soit  en  y  nommant  provisoire- 
ment, soit  en  proposant  les  sujets  au  gouvernement,  tt  parce  que»  , 
disait-il  avec  raison,  «  il  n'était  pas  juste  que  ces  places  fussent 
données  à  d'autres  officiers  que  ceux  qui  servaient  directement 
sous  ses  ordres  et  qui  méritaient  de  l'avancement  pour  s'être  dis- 
tingués en  diverses  occasions  pendant  lacampage  ;  que,  d'ailleurs, 
c'était  nuire  à  l'émulation  dans  son  armée  et  y  causer  du  mécon- 
tentement. V  Ces  envois  du  ministre  lui  donnèrent  de  riuimeur  et 
il  fit,  à  ce  sujet,  de  vives  représentations. 

5  thermidoi'  (24  juillet).  —  J'ai  déjà  dit  qu'il  y  avait  à  Munich 
des  émigrés  et  qu'ils  n'avaient  été  nullement  inquiétés.  Après 
l'armistice,  plusieurs  demandèrent  des  passeports  pour  aller  en 
France.  Mais,  d'après  les  ordres  du  général  en  chef,  je  refusai  de 


DES    EMIGRES    VEILE.VT    RENTRER   EN    FRANCE        75 

les  viser.  Les  moins  raisonnables  vinrent  me  faire  leurs  réclama- 
tions, en  manifestant  d'une  manière  fort  singulière  leur  surprise 
de  mon  refus  et  alléguant  que  leurs  affaires  les  appelaient  en 
France,  et  qu'alors  on  ne  pouvait  pas  leur  refuser  de  passeport. 
Je  me  bornai  d'abord  à  leur  répondre  qu'on  ne  pouvait  pas  leur 
en  donner.  Mais,  voyant  leur  persévérance  à  me  faire  des  obser- 
vations déplacées,  je  fus  obligé  d'ajouter  qu'il  y  avait  de  leur  part 
trop  d'indiscrétion  car,  quand  l)ien  même  le  général  en  clief 
signerait  leurs  passeports,  ils  ne  pourraient  mettre  le  pied  sur  le 
territoire  français  sans  s'exposer  à  être  arrêtés  et  à  être  condam- 
nés à  la  peine  capitale  puisque,  sous  cette  peine,  une  loi  leur  en 
défendait  l'entrée.  Ceci  mit  fin  à  toute  réclamation;  seulement, 
un  d'entre  eux  me  dit  :  a  Eh  bien  !  j'irai  en  France  sans  passeport 
et  il  en  arrivera  ce  qui  pourra.  " 

Le  général  Durutte  me  prévint  que  les  Autrichiens  avaient  cédé 
Isen.  Ils  abandonnèrent  aussi  plusieurs  autres  villages  de  notre 
ligne  que  le  général  Debilly  fit  occuper. 

Je  donnai  des  ordres  pour  qu'on  ne  put  passer  au  delà  de  mes 
avant-postes  sans  un  permis  d'un  chef  militaire  français,  et  pour 
([ue  les  personnes  qui  viendraient  du  côté  de  l'ennemi  ne  fussent 
pas  non  plus  empêchées  de  passer  cette  ligne,  mais  en  recomman- 
dant de  les  faire  escorter  jusqu'au  quartier  général  le  plus  voisin 
de  l'endroit  où  elles  se  présenteraient  (1). 

7  thermidor  (25  juillet) .  — Les  membres  du  gouvernement  élec- 
toral m'ayant  demandé  un  passeport  pour  un  envoyé  auprès  de 
l'Electeur,  je  leur  fis  réponse  que  j'allais  en  référer  au  général  en 
chef  qui,  jusqu'alors,  avait  donné  à  ce  sujet  une  autorisation  spé- 
ciale; et,  en  informant  le  général  Moreau  (2)  de  cette  nouvelle 

(1)  -  Veuillez  bien,  mon  cher  général,  me  dire  si  le  parc  d'artillerie  du  centre,  laissé 
à  Dachau,  doit  faire  momentanément  partie  de  ma  division,  pour  que  j'en  fasse  surreil- 
ler  la  police,  et  que  j'en  ordonnne  l'établissemeut  en  distribuant  les  hommes  et  les  che- 
vaux dans  les  environs  de  Dachau,  car  cette  commune,  par  les  passages  fréquents  et  par 
le  séjour  des  troupes,  est  extrêmement  fatiguée. 

«  Comme  il  y  avait  une  compagnie  de  la  50''  attachée  à  la  garde  de  ce  parc  où  il  se  trouve 
une  compagnie  de  canonniers,  j'ai  ordonné  que  cette  compagnie  de  la  50«  se  rende  à 
Augsbourg;  elle  partira  demain  »  (Decaen  à  Dessolle,  Xymphenburg,  6  thermidor,  A.  H.  G.). 

(2)  La  letlre  de  Decaea  est  peut-être  du  10  thermidor.  Moreau  lui  écrivit  en  effet,  le  IX  : 
«  J'ai  reçu,  citoyen  général,  votre  lettre  du  10  et  la  réclamation  des  magistrats  de  Munich 
qui  y  était  jointe.  Je  vous  autorise  à  délivrer  tous  les  passeports  que  vous  jugerez  néces- 
saires pour  faciliter  le  commerce  et  l'approvisionnement  de  la  ville  de  Munich  ;  vous  n'en 


76   MEMOIRES  ET  JOURNAUX  DU  GÉNÉRAL  DECAEN 

demande,  je  lui  dis  (|iic  je  l'aurais  prié  de  l'accorder  si ,  entre  autres 
choses,  je  n'avais  pas  été  informe  que  l'Electeur  avait  donné 
l'ordre  qu'on  recueillit  ses  revenus  pour  les  lui  envoyer. 

Je  reçus  de  l'ctat-major  général,  établi  à  Augshourg  avec  le 
général  en  chef,  un  tableau  de  l'emplacement  des  divisions  ou 
corps  de  l'armée.  Il  indiquait  ce  qui  suit  : 

La  droite,  sous  les  ordres  du  général  Lecourbe,  occupe  le  Splii- 
gen,  dans  les  Grisons.  Son  front  se  prolonge  vers  la  gauche,  le 
long  de  la  ligne  de  démarcation,  jusque  sur  Etial,  vers  la  haute 
Loisach.  Sa  ligne  de  profondeur,  depuis  Ettal  auStaffel  See;  de  ce 
lieu  à  Weilheim,  elle  longe  la  rive  gauche  de  l'Ammer,  jusqu'à 
la  tête  de  l'Ammer  See;  de  Diessen,  elle  se  dirige  sur  Landsberg, 
Mindelhcim,  Kellmiinz,  sur  l'Iller,  et  Ehingen,  sur  le  Danube; 
remontant  ensuite  le  Danube,  elle  occupe  tout  le  pays  delà  rive 
droite  de  ce  fleuve,  tenant  cependant  sur  la  rive  gauche  Riedlingen 
et  Fridingen  ;  de  ce  point,  elle  s'éloigne  du  Danube  en  suivant 
la  route  de  Tutilingen  à  Rottueil;  elle  occupe  ce  dernier  point 
inclusivement,  en  retombant  sur  Geisingen,  Engen  et  Stockach 
jusqu'au  lac  de  Constance  (1). 

La  division  aux  ordres  du  général  Decaen  occupe  le  terrain 
compris  entre  la  ligne  de  démarcation  et  la  rive  droite  de  l'Isar. 
Son  extrême  droite  s'étend  jusqu'à  Murnau,  entre  la  Loisach  et  le 
Staflel  See,  pour  se  lier  au  corps  du  général  Lecourbe.  La  gauche 
appuie  à  Vilsbiburg,  sur  la  route  de  Landshut  à  Braunau,  pour  se 
lier  à  la  droite  du  corps  d'armée  du  général  Grenier.  Tout  le  pays 
entre  la  rive  gauche  de  Tlsar  et  la  partie  du  Lech  non  comprise 
dans  l'arrondissement  du  lieutenant  général  Lecourbe  ne  devra 
pas  être  occupé,  afin  de  ménager  les  ressources  d'un  terrain  où 
l'armée  aurait  à  se  rassembler  en  cas  d'hostilités. 

L'aile  gauche,  sous  les  ordres  du  lieutenant  général  Grenier, 
appuie  sa  droite  à  Vilsbiburg;  elle  prolonge  son  front  le  long  de 
la  ligne  de  démarcation  déterminée  par  l'armistice,  jusqu'aux 
sources  de  la  Redniiz.  Elle  occupe  tout  le  terrain  compris  entre 
cette  ligne  de  démarcation  et  la  ligne  de  profondeur  qui,  partant 


accorderez  aucun  aux  rmigrés  Le  général  d'Haulpoul  ne  peut  frapper  aucune  imposition  par- 
tielle; quant  aux  contributions  en  denrées,  elles  doitent  touieg  rfre  adressées  aux  baillis 
par  le  commissaire  ordonnateur  •'  (Xloreau  à  Decaen,  Au|jsbourg,  18  thermidor,  A.  H.  G.). 
(1)  Voir  les  cartes  du  volume  1"'  des  Mémoires  et  Journaux  du  général  Decaen. 


EMPLACEMENTS   DE    L'ARMEE    DU   RHIM  77 

de  Landshut,  passe  à  Mainburg,  Geisenfeld,  Schrobenhausen, 
Neuburg,  Monbeim,  et  remonte  la  rive  gauche  de  la  Wôrnitz,  se 
dirige  vers  les  sources  de  la  Rednitz. 

La  division  aux  ordres  du  général  Leclerc  prend  ses  cantonne- 
ments sur  la  Zusam,  depuis  Zusmarsbausen  jusqu'à  Donauwôrtli 
inclusivement,  comprenant  l'espace  entre  le  Danube  et  la  Zusam 
depuis  Zusmarsbausen  jusqu'à  la  Mindel,  ainsi  que  la  plaine  sur 
la  rive  gauche  du  Danube. 

L'espace  compris  entre  les  routes  de  Wertingen  et  Zusmarsbau- 
sen, riller  et  la  route  de  Alindelheim  à  Kellmiinz  restera  sans 
troupes,  ayant  eu  à  nourrir  une  partie  de  l'armée  pendant  un 
mois. 

La  division  de  cavalerie  aux  ordres  du  général  d'Haulpoul  a  pour 
arrondissement  la  rive  gauche  de  l'Eger  eu  le  remontant  jusqu'à 
Klosterzimmern  ;  de  là,  prenant  la  direction  de  Birkhausen  et 
Wengeubausen,  en  suivant  la  route  de  Dinkelsbiibl.  Cette  division 
occupe,  depuis  VV^engenhauscn,  tous  les  cantonnements  sur  cette 
route  jusqu'à  Dinkelsbiibl  inclusivement. 

La  division  aux  ordres  du  général  Graudjean  cantonne  sur  Xôrd- 
lingen,  IJopfingen,  Laucbbeim  et  Elhvangen,  embrassant  dans 
sou  arrondissement  l'espace  compris  entre  ces  villes,  celle  d'Aalen 
et  la  rive  gauche  du  Danube. 

Le  corps  de  flauqueurs  de  gauche,  sous  les  ordres  du  général 
Richepance,  formant  le  blocus  d'Llm,  occupe  les  positions  qui  en- 
vironnent cette  place.  Il  prend  ses  cantonnements  dans  le  pays 
compris  entre  Gmiind,  Schorndorf,  Cannstatt,  Urach  etBlaubeuren, 
occupant  les  vallées  de  la  Fils  et  de  la  Rems  dans  cet  intervalle,  et 
tenant  Stuttgart  par  un  piquet  de  police. 

Le  corps  du  bas  Rhin,  sous  les  ordres  du  lieutenant  général 
Sainte-Suzanne,  prend  ses  cantonnements  dans  la  Franconie,  le 
long  de  la  ligne  de  démarcation. 

Ayant  reçu,  avec  cette  indication  d'emplacement,  une  lettre  par 
laquelle  on  me  mandait  que,  n'ayant  porté  ma  droite  que  jusqu'à 
Helfendorf,  je  devais  la  prolonger  jusqu'à  Murnau  et  me  lier  avec 
la  gauche  des  postes  du  général  Lccourbe ,  j'écrivis  que  je  ferais 
ce  qui  me  concernait  dans  les  dispositions  générales,  mais  en  fai- 
sant l'observation  que,  si  ma  droite  n'avait  pas  été  placée  à  Murnau, 
c'est  qu'il  avait  été  convenu  (jue  ce  serait  à  la  Loisach  qu'il  appuie- 


78      MEMOIRES   ET   JOURATAUX   DU   GENERAL   DECAEX 

rait  sa  gauche;  cependant  que,  puisqu'il  faisait  occuper  Ettal  et 
U'eilheim,  il  était  plus  naturel  que  ses  troupes  gardassent  le 
débouché  par  lequel  on  arrivait  sur  Alurnau,  puisqu'à  Ettal,  elles 
n'en  étaient  qu'à  une  petite  lieue,  et  que  moi,  faisant  garder  ce 
débouché,  ma  ligne  serait  prolongée  de  cinq  lieues. 

11  thermidor  (30  juillet).  —  Ayant  donné  ordre  au  général 
Debilly  de  prolonger  par  sa  droite  la  ligne  d'avant-postes  de  la  di- 
vision jus(ju'à  Murnau,  selon  les  dispositions  qui  m'avaient  été 
transmises,  ce  général,  étant  allé  sur  les  lieux  pour  l'exécution  de 
cet  ordre,  me  rendit  compte  (jue  les  Autrichiens  avaient  élevé  des 
difficultés  pour  l'occupation  de  Gmund  et  de  Tegernsee.  Je  lui  fis 
donner  par  mou  chef  d'état-major,  qui  était  allé  précisément  placer 
des  troupes  sur  cette  partie  de  la  ligne,  une  explication  des  arran- 
gements qui  avaient  eu  lieu  alors  entre  lui  et  les  officiers  autri- 
chiens, ainsi  que  des  ordres  qu'il  avait  donnés  en  conséquence  au 
commandantdes  troupes  fi'ancaises  (jui  devaient  occuper  lesendroits 
au  sujet  des(|uels  il  s'élevait  une  nouvelle  contestation.  Le  général 
Debilly,  ainsi  informé,  fit  abandonner  aux  Autrichiens  leurs  pré- 
tentions (1). 

15  thermidor  (3  août).  —  Cet  officier  m'ayant  adressé  des  rap- 
ports d'émissaires  qu'il  avait  employés  pour  avoir  des  nouvelles  de 
ce  qui  se  passait  du  côté  de  l'ennemi,  et  ces  rapports  ne  donnant 
que  de  faibles  renseignements,  je  lui  fis  l'observation  ([ue  les  dires 
de  la  plupart  était  bien  vagues,  ou  bien  que  ce  n'étaient  que  des 
répétitions  des  nouvelles  des  gazettes  ou  apprises  très  facilement 
et  que,  néanmoins,  ils  faisaient  valoir,  en  exprimant  que,  pour  les 
recueillir,  ils  avaient  couru  les  plus  grands  dangers. 

Je  lui  recommandai  donc  de  faire  en  sorte  d'obtenir  de  ces  émis- 
saires de  meilleures  informations  et  qu'elles  fussent  du  moins  une 
compensation  de  l'argent  <ju'on  leur  donnait;  qu'à  cet  effet,  il  fal- 
lait leur  déterminer  un  ou  plusieurs  objets  sur  lesquels  on  voulait 
être  informé  ;  que,  pour  le  surplus,  c'était  à  leur  désir  d'obliger  ou 


(1)  A  U  date  du  1 1  thermidor,  l'armislice  ne  semblait  pas  deïoir  se  prolonger  bien  long- 
temps :  iloreau  rendait  compte  au  ministre  que,  dès  qu'on  Tondrait  reprendre  les  hostili- 
tés, l'armée  serait  prête  à  marcher,  et  qu'il  vallail  mieux  le  faire  -  plus  tôt  que  plu» 
tard   -   (Moreau  au  ministre,  .iugsbourg,   !1  thermidor,  A.  H.  G.). 


INSTRUCTIONS   DE    DECAEN   A   SES   GENERAUX         79 

de  la  récompense  qu'on  s'en  rappoilait  pour  avoir  des  nouvelles 
sur  des  choses  récemment  faites  ou  sur  des  projets  qu'on  devait 
exécuter. 

M  Par  exemple  1',  lui  disais-je,  "  dans  le  moment  présent  que 
ces  émissaires  rapportent  qu'on  travaille  jour  et  nuit  sous  la  con- 
duite d'ingénieurs,  il  faut  qu'ils  disent  d'une  manière  positive  que 
c'est  là  et  là  qu'on  s'occupe  de  travaux,  si  c'est  sur  la  rive  droite 
ou  la  rive  gauche  de  l'Iun,  si  les  troupes  travaillent,  ou  seulement 
les  paysans  v  ;  qu'il  fallait  se  servir  de  leurs  déclarations  pour 
établir  des  séries  de  faits  sur  lesquels  on  voulait  être  instruit. 

Je  lui  renouvelai  aussi  ma  recommandation  d'avoir  des  émis- 
saires sédentaires  dans  plusieurs  endroits,  tels  que  Innsbruck,  Alt- 
Oetting  etPassau  car,  rarement,  les  émissaires  ambulants  faisaient 
(juelque  chose  essenliellement  utile. 

Je  lui  demandai  aussi  de  m'informer  quelles  étaient  les  troupes 
autrichiennes  placées  devant  la  ligne  de  ses  postes  et  comment 
elles  étaient  établies  sur  celle  qu'ils  devaient  garder;  depuis  quel 
point  jusqu'à  tel  autre  il  y  avait  des  troupes  de  tel  régiment  et  quels 
étaient  les  officiers  généraux  qui  commandaient.  Enfin,  je  lui 
mandai  de  recommander  à  ses  avant-postes  de  l'informer  lors- 
(ju'ils  apercevraient  des  changements  de  troupes  sur  la  ligne  de 
l'ennemi.  Une  note  semblable  fut  adressée  au  général  Durutte. 

16  thermidor  (4  août).  —  J'informai  le  général  en  chef  que 
j'avais  appris  que  14  bataillons  étaient  arrivés  des  Etats  hérédi- 
taires; qu'on  disait  qu'ils  avaient  servi  à  compléter  les  différents 
régiments  de  l'armée  du  général  Kray,  que  l'on  portait  à 
40  000  hommes;  qu'on  avait  annoncé  l'arrivée  d'un  corps  de 
30  000  hommes  pour  le  Tyrol;  que  déjà,  7  000  avaient  rejoint  les 
troupes  aux  ordres  du  prince  de  Reuss  dont  le  (|uartier  général 
était  à  Lesins  (1),  ce  (|ui  lui  donnait  une  force  active  de 
15  000  hommes;  qu'on  ajoutait  que  l'Electeur  de  Bavière  réunis- 
sait ses  troupes  dans  le  Haut-Palatinat  et  que  ce  corps  serait  de 
30  000  hommes,  tout  entier  à  la  solde  de  l'Angleterre;  enfin  qu'il 
y  aurait,  en  outre  de  ces  forces,  un  corps  de  réserve  vers  Enns; 
([ue  les  émigrés   étaient   toujours  au   delà  de   Rosenheim;    que 

(1)  Peut-être  Lienz,  aui  con6as  du  Tyrol  et  de  la  Cariiilhic. 


80   MEMOIRES  ET  JOURNAUX  DU  GENERAL  DECAEM 

d'autres  rapports  d'Innshnick  m'annonçaient  que  des  forces  autri- 
chiennes se  concentraient  vers  Scliwaz  et  Braune<jken  (1)  ;  que 
tous  les  officiers  pensionnés  mais  encore  en  état  de  servir  et  une 
partie  des  officiers  des  gardes  du  corps  allemands  et  hongrois 
avaient  reçu  l'ordre  de  se  rendre  à  l'armée;  que  le  parc  d'artil- 
lerie et  l'équipage  de  ponts  étaient  en  arriére  de  Braunau; 
qu'on  approvisionnait  celte  place;  qu'on  travaillait  avec  heau- 
coup  d'activité  à  rétablir  et  construire  des  ponis  sur  l'Inn,  depuis 
les  montagnes  jusqu'au  Danube;  et  que  beaucoup  d'habitants 
étaient  employés  à  ces  travaux  ;  que,  quoiqu'on  dît  dans  l'armée 
autrichienne  (d'après  tous  les  travaux,  les  renforts  reçus  et  à 
recevoir,  l'arrivée  de  quelques  remontes  de  cavalerie)  que,  si  la 
guerre  recommençait,  l'hin  devait  être  le  tombeau  des  Français, 
il  continuait  cependant  de  régner,  dans  cette  armée,  un  très  grand 
mécontentement  et  la  désertion  y  était  toujours  considérable;  que 
les  Autrichiens,  n'ayant  point  de  confiance  dans  la  levée  en  masse 
du  Tyrol,  l'avaient  congédiée  à  l'exception  des  corps  de  chasseurs; 
qu'on  prétendait  que  la  cause  de  ce  renvoi  venait  de  ce  que  cette 
masse  avait  exercé  des  vengeances  contre  des  pillards  de  l'armée 
impériale,  et  parce  que  ce  qu'on  appelait  Tyroliens  allemands  et 
Tyroliens  bavarois  paraissaient  unis  pour  ne  faire,  autant  que  pos- 
sible, que  leurs  volontés;  qu'on  répandaitdans  le  paysd'Innsbruck 
que  si  les  généraux  Mêlas  et  Kray  avaient  mis  de  la  sincérité  à  traiter, 
il  n'en  était  pas  de  même  du  ministre  Thugut  qui,  très  mécontent, 
mettait  tout  en  œuvre  pour  servir  et  faire  servir  le  parti  anglais. 

17  thermidor  (5  août).  —  Les  membres  du  gouvernement  élec- 
toral m'ayant  fait  la  demande  de  faciliter  le  commerce,  afin  de 
contribuer  à  l'approvisionnement  de  Munich,  en  permettant  le 
libre  passage  de  notre  ligne  d'avant-postes,  j'avais  soumis  cette 
réclamation  au  général  en  chef  qui,  dans  sa  réponse,  m'autorisa 
à  délivrer  tous  les  passeports  (|ue  je  jugerais  nécessaires  pour  cet 
objet,  mais  de  n'en  accorder  aucun  aux  émigrés  (2). 

Les  magistrats  bavarois  furent  de  suite  informés  que  leur 
demande  avait  été  octroyée. 

(1)  Peut-i'tre  s'a^it-il  de  Bruneck,  an  sud  de  Ra(teaberg,  el  à  70  kilomètres  enviroo  au 
sud-est  d  Itinsbnick,  dans  le  Puster  Thaï. 

(2)  La  lettre  de  Moreau  est  du  18  thermidor.  (Voir  la  note  2  p.  "5). 


REiX'SEIGXEMENTS    RECUEILLIS   PAR   DECAEM  81 

Le  chef  de  l'êtat-major  général  me  fit  counaître  que  rintention 
du  général  en  chef  était  que  je  donnasse  des  ordres  pour  que  les 
diligences  qui  se  rendraient  d'Augsbourg  à  Innsbruck,  Salzhurg  et 
Linz,  fussent  favorisées,  comme  les  courriers  destinés  pour  ces 
endroits,  de  passer  librement  en  se  conformant  aux  dispositions 
prescrites  pour  les  passeports. 

Il  me  manda  aussi  que,  le  général  en  chef  ayant  considéré  que 
les  charges  que  supportaient  les  communes  désignées  pour  lieux 
d'étapes  [étaient  trop  grandes],  j'étais  invité  à  ménager  ces  com- 
munes situées  dans  l'arrondissement  de  mes  cantonnements. 

29  thermidor  (17  août).  —  Ayant  eu  l'avis  que  le  général  en 
chef  était  pour  (|uel(|ues  jours  absent,  je  rendis  compte  au  général 
Dessolle,  chef  de  l'état-major  général  de  l'armée,  que  j'avais  appris 
que  les  ennemis  avaient  beaucoup  de  forces  dans  le  Tyrol,  une 
partie  venue  de  rAulriche  et  l'autre  d'Italie;  que  les  principaux 
rassemblements  étaient  vers  Innsbruck,  Schwaz  et  Kufstein;  que 
le  général  Mêlas  (|uitlait  le  commandement  de  l'armée  d'Italie  et 
était  remplacé  par  le  général  Kray  (|u'on  disait  déjà  parti  d'Alt-Oet- 
ting,  et  que  c'était  Î\I.  de  Rovcredo  (1)  qui  avait  pris  son  comman- 
dement, mais  que  je  croyais  que  c'était  M.  de  Klenau,  et  que  le 
prince  de  Reuss  avait  donné  sa  démission  ;  que  les  habitants  du 
Tyrol,  fatigués  d'être  constamment  sous  les  armes  depuis  (juatre 
ans,  avaient  envoyé  le  baron  de  Reinhart  à  Vienne  pour  solliciter 
afin  d'avoir  la  paix  ;  que,  provisoirement,  ils  étaient  rentrés  dans 
leurs  foyers,  laissant  seulement,  dans  quelques  cantons,  une  com- 
pagnie pour  les  ordonnances. 

(1)  Ce  nom,  s'il  est  exact,  est  peul-ètre  un  titre,  car  il  ne   figure    pas  dans    l'annuaire 
militaire  autrichien  de  1800. 


CHAPITRE   V 

Moreau  veut  faire  lever  la  carte  de  la  Bavière.  —  11  décide  la  formation  d'une  commis- 
sion de  roules.  —  Decaen  notifie  cette  décision  au  gouvernement  électoral  provisoire. 
• —  Mauvaise  volonté  des  membres  de  ce  gouvernement.  —  La  mission  du  commissaire 
Neveu.  —  Protestation  du  gouvernement  électoral.  —  Fermeté  de  Decaen.  —  Les 
membres  du  gouvernement  électoral  s'exécutent.  —  On  prévoit  la  rupture  de  l'armis- 
tice. —  Decaen  chargé  de  reconnaître  un  camp  pour  l'armée  entre  l'Isar  et  l'Inn.  — 
11  rend  compte  de  sa  mission  à  Moreau.  —  Il  propose  la  position  de  Hohenlindeu.  — 
Ses  raisons.  —  Les  troupes  de  Decaon  s'établissent  veis  Hellendorf.  — •  L'armistice 
prolongé.  —  L'empereur  cède  L'im,  Philippsburg  et  Ingolstadt.  —  Renseignements 
fournis  par  Decaen  sur  les  Autrichiens.  —  La  reprise  des  hostilités  semble  probable. 
—  Une  adresse  somme  l'Electeur  de  mettre  un  terme  à  la  guerre. 

3  fructidor  (21  août).  — Je  reçus  une  lettre  du  chef  de  l'état- 
major  général  m'annoucant  que  le  général  en  chef,  ayant  l'inten- 
tion de  profiter  du  repos  dont  nous  laissait  jouir  l'armistice  pour  se 
procurer,  sur  les  pays  qui  avaient  été  le  théâtre  de  ses  campagnes, 
les  renseignements  topographiques  les  plus  exacts  et  les  plus  dé- 
taillés, venait  de  distribuer  sur  le  territoire  de  la  Souabe  la  plus 
grande  partie  des  officiers  du  génie  et  ingénieurs  géographes  pour 
faire  lever  les  parties  les  plus  intéressantes  de  ce  cercle  sous  les 
rapports  militaires,  telles  que  le  cours  des  fleuves  et  les  chaînes  de 
montagnes  qui  les  traversent;  qu'il  désirait  opérer  le  même  travail 
sur  la  Bavière  ;  mais  que,  comme  le  nombre  des  officiers  aptes  à 
cette  opération  se  trouvait  épuisé,  il  avait  pensé  d'utiliser  les  offi- 
ciers et  employés  dont  le  gouvernement  électoral  se  servait  pour  ce 
genre  de  travail;  qu'après  avoir  pris  des  renseignements,  il  avait 
décidé  qu'il  serait  formé  à  Munich,  sous  la  direction  de  l'adjudant 
général  d'Abancourt  (1),  une  commission  de  routes  formée  de 
MM.  Millier,  Grunberg,  Gazzi  et  Lrschneider  (2)  qui  possédaient 
les  talents  y  requis  ;  qu'à  la  diligence  de  cette  commission  serait 

(1)  D'Abancourt  mourut  à  Munich  le  27  nivôse  an  IX. 

(2)  Ces  noms  dilférent  un  peu  de  ceux  qui  sont  cités  page  73  et  plus  loin. 


LEVE  DE  LA  CARTE  DE  LA  SOUABE        83 

organisé  un  bureau  géotopograpliique,  auquel  seraient  attachés 
les  dessinateurs  nécessaires  pour  fournir,  aux  demandes  du  géné- 
ral en  chef  ou  du  chef  de  Tétat-major  général,  des  cartes  et  autres 
renseignements  relatifs  à  l'électorat  de  Bavière  et  Haut-Palatinat  ; 
qae  cette  commission  serait  également  chargée  d'indiquer,  par 
district,  les  guides  les  plus  intelligents  et  les  plus  sûrs  pour  la  con- 
duite des  colonnes,  supposé  que  les  hostilités  dussent  recommen- 
cer; que  les  fonds  nécessaires  à  cet  établissement  seraient  à  la 
charge  du  gouvernement  électoral;  qu'il  lui  serait  libre  d'attacher 
prés  de  cet  établissement  un  commissaire  chargé  de  surveiller 
l'emploi  des  fonds  et  de  tenir  la  correspondance;  que  le  général 
en  chef  s'en  reposait  sur  mon  zèle  du  soin  d'organiser  ce  bureau 
de  manière  à  ce  qu'il  pût  procurer  des  résultats  satisfaisants.  Enfin 
on  m'annonçait  l'envoi  de  l'adjudant  général  d'Abancourt,  chargé 
de  se  concerter  avec  moi  et  le  gouvernement  pour  cet  objet. 

Aussitôt  la  réception  de  cette  lettre,  je  notifiai  aux  membres  du 
gouvernement  électoral  que,  le  général  en  chef  ayant  décidé  qu'il 
serait  établi  à  Munich  une  commission  de  routes  sous  la  direction 
de  l'adjudant  général  d'Abancourt,  cette  commission  serait  com- 
posée de  .\L\I.  Grunberg,  etc.;  de  vouloir  bien,  à  cet  effet,  leur 
donner  les  ordres  convenables;  et  que  l'adjudant  général  d'Aban- 
court leur  communiquerait  ses  instructions;  que,  cette  commission 
ayant  besoin,  pour  ses  travaux,  de  former  un  bureau  topographique, 
on  mettrait  à  sa  disposition  les  personnes  instruites  dans  cette  par- 
tie et  qu'elle  indiquerait,  ainsi  que  les  cartes,  documents  et  autres 
objets  utiles  à  son  établissement  et  à  ses  travaux  dont  l'adjudant 
général  d'Abancourt  ferait  la  demande. 

Je  notifiai  aussi  aux  membres  du  gouvernement  électoral  qu'ils 
pourvoiraient  aux  dépenses  en  argent  que  cet  établissement  exige- 
rait, qu'ils  pourraient  y  avoir  une  commission  chargée  de  surveil 
1er  l'emploi  des  fonds  et  même  de  tenir  la  correspondance. 

Ce  même  jour,  je  reçus  une  note  des  membres  du  gouverne- 
ment électoral  dans  laquelle  on  disait  : 

La  nomination  d'une  commission  composée  de  personnes  employées  au 
service  de  l'Etat  pour  l'établissement  d'un  bureau  topographique  entraîne 
nécessairement  l'insuffisance  de  ces  mêmes  individus  pour  vaquer  aux  fonc- 
tions auxquelles  ils  sont  attachés.  Un  changement  de  cette  nature  tient  plus 
ou  moins  à  la  forme  établie  pour  l'administration  du  pays  et,  sous  ce  rap- 


81.      MÉMOIRES   ET   JOURiYAUX   DU   GÉNÉRAL   DECAEN 

port,  lo  r[()ii\criicmeiit  électoral  se  trouve  d'autant  moins  autorisé  à 
seconder  la  décision  du  général  en  chef  que  le  général  Decaen  vient  de 
lui  notifier,  par  sa  lettre  du  3  fructidor,  que  l'article  8  de  la  convention 
concernant  un  armistice  entre  les  armées  respectives  porte  expressément 
que  le  maintien  des  formes  actuelles  établies  clans  les  Etats  compris  dans 
la  ligne  de  démarcation  est  mis  sous  la  sauvegarde  de  la  loyauté  française. 

Le  gouvernement  électoral  se  voit,  en  conséquence,  dans  le  cas  de  faire 
passer  sous  les  yeuv  de  Son  Altesse  Électorale  la  susdite  lettre  du  général 
Decaen  et  d'attendre  les  instructions  qne  ce  souverain  lui  fera  parvenir  à 
ce  sujet.  Il  croit,  en  même  temps,  devoir  observer  que  les  frais  que  l'établis- 
sement d'un  bureau  topograpbique  occasionnera,  et  qui  doivent  être  à  la 
charge  du  pays,  seraient  une  nouvelle  contribution  qui  surpasse  les  moyens 
dont  le  gouvernement  peut  disposer  lorsqu'il  a  les  plus  grandes  difficultés 
à  vaincre  pour  remplir  celle  des  six  millions. 

Le  gouvernement  électoral  se  flatte  que  le  général  Decaen,  avant  de 
prendre  des  mesures  ultérieures,  ne  se  refusera  pas  de  communiquer  au 
général  en  chef  les  motifs  qui  l'empêchent  de  l'emplir  immédiatement  ses 
vues. 

4  fructidor  (22  août) .  — Je  fis  à  cette  note  la  réponse  suivante  : 

La  série  d'observations  que  présente  le  gouvernement  électoral  pour  ne 
pas  satisfaire  à  la  demande  relative  à  l'établissement  d'une  commission  de 
routes,  décidé  par  le  général  en  chef,  prouve  sans  restriction  que  c'est  une 
absolue  mauvaise  volonté. 

Le  général  Decaen  a  à  se  ressouvenir  que,  déjà,  on  lui  a  fait  des  ohser- 
vations  sur  cet  objet,  observations  qu'il  crut  alors  ne  pas  devoir  relever. 
Mais  aujourd'hui,  cet  établissement  doit  avoir  lieu  et  le  général  ne  peut 
concevoir  comment  on  regarde  qu'un  bureau  topographique  pour  l'utilité 
d'une  armée  qui  a  conquis  un  pays  soit  un  changement  dans  une  admi- 
nistration qu'on  a  bien  voulu  laisser  subsister;  enfin  que,  pour  appuyer  de 
telles  objections,  on  ait  recours  cà  un  article  de  convention  auquel  on  donne 
une  interprétation  qu'on  croit  applicable. 

Le  général  Decaen  ne  peut  différer  l'exécution  des  ordres  qui  lui  ont  été 
transmis  et,  certes,  le  général  en  chef,  auquel  il  ne  manquera  pas  de  com- 
nmniquer  les  réponses  du  gouvernement  électoral,  sera  loin  d'être  satisfait. 

En  même  temps  que  j'avais  notifié  au  gouvernement  électoral  la 
décision  du  général  en  chef  pour  la  formation  d'une  commission 
de  routes,  etc.,  j'avais  écrit  aux  membres  de  ce  gouvernement  : 

Je  vous  préviens,  Messieurs,  que  le  citoyen  Neveu,  commissaire  spéciale- 
ment nommé  par  le  gouvernement  français  et  accrédité  auprès  de  moi  par 
le  général  en  chef  Moreau,  est  chargé  de  choisir,  dans  les  différentes 
demeures  de  l'Électeur  et  dans  les  établissements  publics  de  la  ville  de 
Munich,  les  objets  d'art  et  de  science  qni  peuvent  servir  à  compléter  et 
embellir  les  musées  et  bibliothèques  de  la  République  française. 


LA   MISSIOM   DU    COMMISSAIRE    NEVEU  85 

Vous  voudrez  donc  bien  donner  des  ordres  pour  que  les  objets  qu'il 
demandera  lui  soient  remis  sans  délai;  il  en  sera  fait  un  état  double  qui 
sera  de  lui  signé  et  par  une  personne  que  vous  désignerez  à  cet  effet. 

Il  sera  aussi  nécessaire  que  vous  fassiez  procurer  au  citoyen  Neveu  tout 
ce  qui  pourra  lui  être  utile  et  dont  ce  connnissaire  pourra  faire  la  demande. 

Faites,  Messieurs,  que  la  galerie  Électorale,  par  laquelle  doit  commen- 
cer ce  conmiissairc,  soit  à  sa  disposition  sans  retard,  et  qu'il  n'éprouve 
aucun  empêchement  dans  l'exécution  prompte  de  la  mission  dont  il  est 
chargé,  car  vous  en  seriez  personnellement  responsables. 

Cette  communication  donna  encore  plus  d'humeur  à  ces  mes- 
sieurs. Voici  leur  note  : 

Le  gouvernement  électoral  a  reçu  la  lettre  par  laquelle  le  général  Decaen 
lui  fait  part  de  la  commission  spéciale  dont  le  citoyen  Xeveu  est  chargé  par 
le  gouvernement  français  relativement  aux;  objets  d'art  et  science  dans 
les  demeures  de  l'Electeur  et  dans  les  établissements  publics  de  la  ville  de 
Munich. 

La  nature  de  cette  commission  est  d'autant  plus  inattendue  que  les  objets 
en  question  entrent  incontestablement  dans  la  catégorie  des  propriétés  dont 
l'article  8  de  la  convention  concernant  un  armistice  entre  les  arnu''es  res- 
pectives garantit  le  maintien,  en  les  mettant  sous  la  sauvegarde  de  la 
loyauté  française. 

liC  gouvernement  électoral  a  pensé  en  outre  que,  moyennant  la  contri- 
bution de  six  millions  imposée  sur  la  Bavière,  ce  pays  avait  acquis  une 
sûreté  de  plus  pour  le  respect  des  propriétés  publiques  et  particulières. 

L'on  ne  se  permet  pas  de  douter  que  ces  considérations,  si  elles  avaient 
été  connues  du  gouvernement  français  à  l'époque  de  la  mission  du  citoyen 
Neveu,  ne  lui  eussent  paru  suffisantes  pour  ne  point  l'ordonner  et  l'on  ne 
saurait  se  refuser  à  la  conviction  que  le  gouvernement  français  voudra  bien 
la  retirer,  dès  qu'il  sera  informé  des  motifs  qui  s'y  opposent,  à  moins  de 
blesser  les  engagements  les  plus  sacrés  et  de  traiter  la  Bavière  avec  une 
rigueur  à  laquelle  elle  ne  doit  pas  s'attendre,  après  tous  les  efforts  qu'elle 
vient  de  faire  pour  l'armée  française. 

Le  gouvernement  électoral  se  flatte  que  le  général  en  chef  x'oudra  bien 
appuyer  l'exposé  ci-dessus  près  du  gouvernement  français  et,  à  cet  effet,  le 
général  Decaen  est  prié  de  le  conmiuniquer  au  général  en  chef. 

Munich,  21  août. 


J'envoyai  sur-le-champ,  en  réponse  à  celte  note,  celle  ci-après  : 

Le  général  de  division  Decaen  pense  que  le  gouvernement  électoral  a 
donné  à  l'article  8  de  l'armistice  arrêté  entre  le  général  en  chef  de  l'armée 
française  et  celui  de  l'armée  autrichienne  une  toute  autre  interprétation  que 


86      MEMOIRES   ET  JOURNAUX   DU   GEiYERAL   DECAEN 

celle  qui  lui  est  convenable.  11  observe  au  fjouvernement  électoral  que 
c'est  le  général  Moreau,  auquel  la  réclamation  sera  adressée,  qui  a  conclu 
cet  armistice,  que  c'est  lui  qui,  depuis,  lui  a  donné  Tordre  de  protéger  le 
commissaire  Xeveu  dans  l'exécution  de  la  mission  dont  il  a  été  chargé  par 
le  gouvernement  français. 

Ainsi,  le  général  Decaen  ne  peut  se  permettre  le  moindre  retard  à  l'exé- 
cution de  ces  ordres. 

Il  invite  les  membres  du  gouvernement  électoral  de  ne  pas  l'obliger  de 
recourir  aux  voies  de  rigueur  :  elles  ne  lui  sont  point  agréables. 

Après  avoir  fait  expédier  cette  dernière  note,  j'écrivis  au  géné- 
ral Dessolle  : 

Voyez,  mon  cher  général,  par  les  pièces  ci-jointes  une  discussion  qui 
s'établit  entre  le  gouvernement  électoral  et  moi.  Je  me  dispense  de  vous 
faire  aucune  réflexion  à  cet  égard,  mais  vous  verrez,  par  mes  réponses,  à 
quel  parti  je  suis  décidé  et  certes,  je  suivrai  la  marche  que  j'ai  promis  de 
tenir,  à  moins  que  vous  ne  me  disiez  d'en  user  autrement. 

6  fructidor  (2-4  août).  —  Je  reçus  la  réponse  du  général  Des- 
solle, datée  du  5  (1).  Elle  n'était  relative  <ju'à  la  commission  de 
routes,  mais  elle  suffisait  pour  mettre  fin  aux  observations  pré- 
sentes et  futures  du  gouvernement  électoral.  II  m'écrivait  : 

Je  reçois,  mon  cher  général,  votre  lettre  et  la  note  du  gouvernement 
électoral  de  Bavière  relative  à  la  création  d'une  commission  de  routes. 
Pour  toute  réponse,  le  général  en  chef  vous  ordoime  d'avoir  à  faire  exé- 
cuter ses  dispositions  sur-le-champ.  Veuillez,  par  un  reste  d'intérêt,  ôter 
de  la  tête  de  Messieurs  composant  le  gouvernement  électoral  que  les  ordres 
du  général  en  chef  aient  besoin  de  la  sanction  de  l'Electeur  de  Bavière. 
Une  pareille  opinion  pourrait  leur  être  nuisible.  V^euillez  me  rendre  compte 
dans  les  vingt-quatre  heures  de  l'exécution  de  cet  ordre.  Vous  pouvez 
communiquer  ma  lettre  à  ces  messieurs. 
Salut  et  amitié. 

1  fructidor  (25  août) .  —  Je  lui  écrivis  : 

Les  membres  du  gouvernement  électoral  n'ont  point  attendu ,  mon 
cher  général,  que  je  sois  dans  le  cas  de  leur  communiquer  votre  réponse 
pour  exécuter  ce  qu'ils  avaient  comme  refusé  par  leurs  notes  autant  indis- 
crètes que  maladroites.  Ils  se  sont  effectués  aussitôt  après  avoir  reçu  les 

(1)  Le  ministre  de  la  j^uerre,  à  ce  moment,  avait  prévenu  Moreau  que  les  hostilités 
recommenceraient  du  4  au  9  septembre  ;  Moreau  chargea  Dessolle  d'en  informer  le  géné- 
ral de  l'armée  ennemie,  et  l'invita  à  se  préparer  saus  bruit  [Moreau  à  Dessolle,  Stras- 
bourg, 6  fructidor,  A.  H.  G.). 


ON   PREVOIT    LA   RUPTURE    DE    L'ARMISTICE  87 

i-éponses  à  leurs  notes.  Je  vous  l'aurais  dit  plus  tôt  si  Tadjudant  général 
d'Abancourt,  qui  avait  à  vous  communiquer  ses  premières  opérations, 
n'était  point  parti  pour  aller  vous  voir.  J'aime  à  croire  que  MM.  les 
membres  du  gouvernement  électoral  ne  s'écarteront  plus  de  la  voie  qu'ils 
doivent  tenir;  autrement,  je  vous  promets  qu'ils  y  seront  bientôt  rame- 
nés (1). 

10  fructidor  (28  août) .  —  Je  reçus  du  général  DessoUe  une 
lettre  datée  du  9,  dans  laquelle  il  me  mandait  : 

Le  général  en  cbef  vous  invite  ci  reconnaître  le  plus  tôt  possible,  entre 
risar  et  l'Inn,  un  camp  pour  l'armée  sur  les  communications  de  Braunau 
et  de  Wasserburg.  Veuillez  m'accuser  la  réception  de  cette  lettre... 

Et  par  post-scriptum  : 

Cette  disposition  vous  fait  connaître  qu'il  pourrait  se  faire  que  les  hos- 
tilités recommençassent;  mais  le  général  en  chef  vous  invite  à  ne  pas 
ébruiter  les  causes  de  la  reconnaissance  que  vous  allez  faire. 

Aussitôt  la  réception  de  cette  dépêche,  je  me  rendis  sur  les  lieux 
pour  remplir  la  mission  dont  j'étais  ciiargé.  Pendant  que  je  m'en 
occupais,  il  me  parvint  une  autre  lettre  du  général  Dessolle,  datée 
du  11.  Il  m'écrivait  . 

Je  vous  préviens  que  l'armée  a  ordre  de  se  réunir  pour  prendre  position 
du  22  au  23  en  avant  de  Munich. 

Le  corps  du  lieutenant  général  Lecourbe  prendra  position  sa  gauche 
appuyée  'à  l'Isar  et  sa  droite  à  Reutte.  En  conséquence,  vous  replierez 
toutes  les  troupes  sous  vos  ordres  qui  sont  sur  la  rive  gauche  de  l'Isar  à 
proportion  qu'elles  seront  relevées.  Vous  vous  lierez  par  votre  droite  à  la 
gauche  du  général  Lecourbe  et  renforçant  votre  ligne  depuis  cette  rivièi'e 
principalement  sur  le  débouché  du  Tegern  See  et  de  Rosenheim. 

Vous  donnerez  au  général  Gudin  tous  les  renseignements  que  vous 
aurez  pu  acquérir  sur  la  partie  de  la  ligne  que  vous  lui  abandonnerez. 
Vous  mettrez  vos  troupes  en  mouvement  de  manière  à  être  réuni  le  20 
en  avant  de  Munich,  prêt  à  occuper  la  droite  du  camp  que  le  général  en 
chef  vous  a  chargé  de  reconnaître. 

Il  est  nécessaire  que  vous  activiez  tous  vos  moyens  d'espionnage  pour 
connaître  les  mouvements  de  l'ennemi  et  les  points  de  ses  principaux  ras- 
semblements afin  de  faire  juger  quels  sont  les  points  offensifs  et  défensifs. 

L'ordonnateur  en  chef  va  prendre  des  mesures  pour  les  subsistances  de 

(1)  A  la  date  Hu  7  fructidor,  Moreau  annonçait  à  Augereau,  commandant  l'armëe 
gallo-balave,  la  rupture  de  l'armistice  (Moreau  à  Augereau,  sans  indication  de  lieu, 
1  fructidor,  A.  H.  G). 


88      MEMOIRES   ET   JOURXAUX    DU   GENERAL   DECAEN 

l'armée  ;  je  le  préviens  de  s'adresser  à   vous  pour  appuyer  toutes  ses   de- 
mandes près  du  gouvernement  électoral. 

Le  général  en  chef  vous  recommande  aussi  de  ne  pas  tolérer,  dès  ce 
moment,  d'autres  communications  avec  l'armée  ennemie  que  celles  éta- 
blies quand  les  hostilités  sont  en  pleine  activité  (l). 

14  fructidor  (1"  septembre).  —  Rentré  le  14  à  mon  quartier 
général  à  Xympbeuburg  (2),  j'annonçai  au  général  Desselle  que 
j'adressais  au  général  en  chef  mon  rapport  sur  la  reconnaissance 
qui  m'avait  été  ordonnée;  que,  d'après  la  lettre  du  11,  j'avais  fait 
cesser  toute  communication  avec  l'armée  ennemie;  que  les  ordres 
étaient  donnés  pour  quitter  la  ligne  que  je  tenais  sur  la  rive  gauche 
de  risar  et  la  céder  aux  troupes  du  général  Gudin. 

Je  lui  fis  l'observation  que,  mes  troupes  devant  être  réunies  le 
20  en  avant  de  Munich,  il  ne  m'avait  pas  marqué  quel  jour  la 
partie  de  la  ligne  depuis  Isen  jusqu'à  Vilsbiburg,  que  je  tenais, 
serait  occupée  par  une  autre  division. 

Je  lui  adressai  une  note  de  ce  qui  se  trouvait  en  magasina  Mu- 
nich, ce  qui  pouvait  nourrir,  en  pain,  50  000  hommes  pendant 
dix  jours  et  5  000  chevaux,  en  avoine,  pendant  le  même  temps; 
mais  qu'en  foin,  le  magasin  n'était  pas  aussi  bien  fourni.  Je  lui  fis 
l'observation  que,  malgré  mes  demandes  au  commissaire,  je  n'en 
savais  point  le  motif  et  que,  comme  il  n'était  pas  de  la  division,  je 
n'avais  pas  autant  exigé. 

Je  lui  mandai  que  je  n'avais  encore  vu  aucune  personne  envoyée 
par  l'ordonnateur  en  chef,  ainsi  (|u'il  me  l'avait  annoncé  ;  qu'il 
était  cependant  essentiel  de  s'occuper  de  cette  partie  parce  que  le 
pays  que  devait  occuper  l'armée  offrait  peu  de  ressources,  surtout 
en  foin,  puisque  la  majeure  partie  du  terrain  était  couverte  de 
bois. 

Je  lui  dis  qu'Erding  pouvait  être  un  excellent  endroit  de  manu- 
tention intermédiaire  et  qu'entre  Munich,  Ebersberg  et  Helfendorf, 
il  n'y  avait  pas  d'endroit  susceptible  d'un  tel  établissement;  qu'il 

(1)  Pour  ce  dernier  paragraphe,  le  registre  de  correspondance  de  Moreaii  donne  une 
légère  variante  :  "  Veuillez  donner  des  ordres  pour  que  toutes  communications  entre  les 
deuï  armées  soient  tout  à  fait  interrompues,  excepté  celles  du  général  en  chef  Moreau  et 
du  général  Kray  »  (Registre  de  correspondance  de  Moreau,  sans  indication  de  lieu, 
11  fructidor,  f»  115,  .\.  H.  G.). 

(2)  Le  13  fructidor.  Moreau  rendait  compte  au  Premier  Consul  qn  il  serait  en  mesure 
d'attaquer  le  24  fructidor  (11  septembre)  si  l'empereur  n'avait  pas  raiifié  les  prélimi- 
naires de  paix  (Moreau  à  Bouapartc,  sans  iudication  de  lieu,  13  fructidor,  A.  B.  G.). 


POSITION  AVAiYTAGIUSE    DE    HOHEXLIiVDEM  89 

faudrait  que  le  pain  vînt  de  Munich,  pour  la  droite  du  corps  d'ar- 
mée qui  serait  sur  la  rive  droite  de  i'Isar,  c'est-à-dire  depuis  Val- 
ley jus([u'au  fleuve  ;  enfin  que,  pour  une  partie  de  la  division  Gu- 
din,  Wolfratshausen  pourrait  être  un  point  convenable  en  raison 
de  sa  grande  communication  avec  Munich. 

J'écrivis  au  oénéral  en  chef  ({ue  je  désirais  que  le  lieu  que  j'avais 
choisi  pour  la  position  de  l'armée  sur  les  débouchés  de  Braunau 
et  de  Wasserburg  fût  tel  (ju'il  le  désirait;  qu'ayant  pensé  qu'il 
n'avait  pas  entendu  que  je  m'occupasse  de  tous  les  débouchés  qui 
menaient  à  Braunau,  je  n'avais  bien  fait  attention  qu'à  ceux  par 
lesquels  on  pouvait  se  diriger  sur  cet  endroit  et  sur  Wasserburg  en 
partant  de  Munich  et  de  Freising;  que  le  camp  que  j'avais  jugé 
convenable  d'être  occupé  sur  les  débouchés  de  ces  deux  points  avait 
sa  droite  sur  la  hauteur  d'Ebersberg,  vers  Grafing,  son  centre  à 
Hohenlinden,  et  sa  gauche  en  arrière  d'Isen,  vers  Forstern, 
laquelle  on  pourrait  cependant  prolonger  aux  sources  de  la  Vils, 
pour  avoir  bien  tous  les  débouchés  par  lesquels  on  arrive  par 
Dorfen  sur  la  grande  communication  de  Braunau. 

Je  n'entrerai  pas,  lui  dis-je,  dans  les  détails  des  avantages  que  donne 
celte  position,  soit  pour  l'offensive,  soit  pour  la  défensive.  Il  faudrait  pour 
cela  avoir  des  données  sur  les  opérations  à  entreprendre  ou  faire  des  sup- 
positions. 

La  droite  du  camp,  sur  la  hauteur  d'Ebersberg,  est  une  excellente  posi- 
tion. Il  y  a  un  champ  de  bataille,  et  on  ne  peut  y  arriver  du  côté  de 
l'ennemi,  sur  le  flanc  et  sur  le  front,  que  par  des  défilés. 

De  cette  position,  on  peut  très  bien,  par  des  chemins  praticables,  ma- 
nœuvrer ou  sur  le  débouché  de  Rosenheim  ou  sur  celui  de  Haag,  Mailets- 
kirchen,  entre  Ebersberg  et  Hohenlinden.  C'est  un  point  intéressant  si, 
absolument,  on  voulait  agir  sur  Wasserburg.  Je  dis  :  absolument,  car  les 
approches  de  cet  endroit,  d'après  les  renseignements,  sont  assez  difficiles. 

Pour  l'offensive  et  la  défensive,  le  point  de  Hohenlinden  est  très  essen- 
tiel, car  c'est  un  point  central  de  communication  pour  Ebersberg,  Wasser- 
burg, Haag  et  Dorfen.  C'est  aussi  à  Hohenlinden  que  se  réunissent  les 
chaussées  de  Munich  et  d'Erding  à  Braunau.  H  y  a  aussi  d'assez  bonnes 
communications  en  arrière  de  cette  position  pour  longer  le  camp. 

En  avant  de  Munich  et  aux  environs  d'Erding,  les  localités  sont  conve- 
nables pour  faire  le  rassemblement  des  troupes  qu'on  destinerait  à  occuper 
la  position  de  Hohenlinden  (c'est  ainsi  que  je  la  nomme),  et  pour  les  y 
diriger.  Connue  il  y  a  sept  lieues  de  Munich  à  Ebersberg  et  à  Hohenlin- 
den, et  que,  le  jour  où  l'armée  prendrait  cette  position,  les  avant-gardes 
se  porteraient  plus  en  avant  pour  éloigner  l'ennemi   à  qui,  je  crois,   il 


90      MEMOIRES   ET   JOURNAUX   DU   GEXERAL   DECAEN 

serait  difficile  d'en  prendre  une  parallèle,  en  avant  de  Tlnn,  sans  courir 
de  grands  risques,  on  pourrait  tn-s  bien  prendre  des  positions  de  marche 
aux  lieux  ci-après  :  pour  la  colonne  marchant  sur  Ebersberg,  à  Zorneding  ; 
pour  celle  sur  Hohenlinden,  entre  Anzing  et  Parsdorf;  enfin,  pour  la 
gauche,  qui  partirait  d'Erding,  vers  Hôrlkofen  et  Walpertskirchen. 

Je  ne  parle  pas  des  débouchés  de  Rosenheim,  n'ayant  point  eu  l'ordre 
d'en  prendre  une  connaissance  relative  à  la  position  de  Hohenlinden.  De- 
main, j'irai  sur  les  lieux  pour  en  faire  une  reconnaissance  exacte. 

n fructidor  (4  septembre).  —  Aussitôt  mon  retour,  je  fis  au 
général  en  chef  le  rapport  suivant  : 

Si  la  position  de  Hohenlinden  présente  des  avantages  pour  agir  sur  Was- 
serburg  et  Braunau,  celle  de  Helfendorf,  de  laquelle  on  peut  assez  facile- 
ment communiquer  à  Hohenlinden  par  Ebersberg,  n'en  offre  pas  moins, 
pour  agir  sur  Rosenheim  et  le  Tyrol,  soit  pour  l'assiette  du  camp,  soit 
pour  les  mouvements  de  troupes  qu'on  voudrait  faire  exécuter  sur  Rosen- 
heim et  Kufstein  ou  sur  le  Tegern  See,  ou  pour  repasser  l'Isar  à  Tolz  pour 
opérer  sur  Innsbruck  par  le  débouché  de  IMittenwald. 

Du  camp  de  Helfendorf,  on  peut  se  porter  sur  Rosenheim  par  la  grande 
chaussée  et  par  un  chemin  qui,  de  Helfendorf,  passe  par  Ober-Laus,  etc.. 
Cependant,  cette  comnmnication,  ainsi  qu'une  autre  qu'on  trouve  à  Valley, 
en  passant  la  Mangfall,  débouche  sur  la  grande  chaussée  aux  environs 
d'Aibling. 

La  communication  par  Valley  est  peu  praticable  pour  les  voitures  ; 
mais,  comme  la  nature  du  pays  présente  une  position  assez  forte  pour 
empêcher  l'approche  d'Aibling,  cette  communication  de  Valley  pourrait 
faciliter  l'entreprise  qu'on  voudrait  faire  sur  Aibling  qui  est,  en  outre, 
couvert  par  la  Glonn  dont  les  bords  sont  très  marécageux. 

J'ai  aussi  remarqué  que  le  terrain  entre  la  Glonn  et  la  Moosach  présente- 
rait une  position  défensive  assez  favorable  à  l'ennemi,  si  les  communica- 
tions avec  Rosenheim  et  Wasserburg  sont  aisées,  ou  s'il  y  avait  un  pont 
jeté  sur  l'Inn  devant  l'abbaye  de  Rott.  On  ne  communique  de  Rott  sur  la 
l'ive  droite  de  l'Inn  que  par  un  bac. 

On  ne  peut  bien  communiquer  avec  Kufstein  que  par  la  grande  chaussée 
qui  part  d'Aibling,  y  passe  la  Mangfall  et  suit  l'Isar  parallèlement.  Il  en 
est  bien  une  autre  à  travers  les  montagnes,  mais  bien  difficile;  d'après  les 
renseignements,  on  ne  peut  même  être  encore  assuré  si  ce  chemin  est  pra- 
ticable pour  les  voitures  depuis  Fischbachau  où  il  passe  la  îieizach,  jusqu'à 
Kufstein.  Ce  chemin  passe  à  VVeyarn  où,  avant  d'arriver,  il  y  a  un  pont 
sur  la  Mangfall,  et  ensuite  par  Miesbach.  Tout  le  terrain  en  arrière  de  la 
Mangfall,  dans  une  profondeur  assez  étendue,  présent-  la  plus  belle 
assiette  d'un  camp  de  rassemblement,  soit  qu'on  veuille  agir  ou  sur  Ro- 
senheim ou  sur  le  Tyrol  en  passant  l'Isar  à  Tôlz,  parce  qu'il  ne  faut 
guère  compter  sur  une  principale  opération  par  la  route  du  Tegern  See  sur 


DKCAEiM    liXPLORE    LA   REGIOiV  91 

Innsbruck  ou  Hall,  puisque  TAchen  See  présente  un  obstacle  qu'on  peut 
(lire  insurmontable.  Lorsqu'on  approche  de  l'Achen  See,  on  ne  trouve  point 
de  moyen  pour  vaincre  cet  obstacle  qui  consiste  dans  une  interruption  de 
communication,  la  route  n'étant  point  praticable  pour  des  chariots  de 
guerre  ;  car,  étant  arrivé  à  Achensee,  on  est  obligé  d'embai-quer  les  voi- 
tures sur  le  lac  qui  a  plus  d'une  lieue  et  demie  de  longueur  ;  et,  dans  les 
montagnes,  il  règne  une  chaussée  par  laquelle  on  ne  peut  passer  qu'avec 
des  voitures  du  pays,  et  la  sortie  de  ce  défilé,  ainsi  que  le  point  de  débar- 
quement, sont  défendus  par  une  trentaine  de  pièces  de  canon.  Ces  batte- 
ries sont  établies  depuis  longtemps. 

Ce  camp,  qui  serait  établi  sur  le  beau  plateau  de  Valley,  avec  l'avan- 
tage des  communications  précitées,  avec  de  beaux;  appuis  pour  les  flancs, 
aurait  tout  son  front  couvert  par  la  Mangfall  qui  n'est  abordable,  quoique 
avec  les  plus  grandes  difficultés,  que  par  Valley,  Weyarn  et  Gmund. 
C'est  auprès  de  ce  village  qu'elle  sort  du  Tegern  See.  Ce  serait  pourtant  à 
Gmund  qu'il  serait  plus  facile  de  déboucher  :  il  y  a  un  chemin  qui  conduit 
sur  Kufstein  par  Fischbachau. 

Les  communications  de  Valley  sur  Munich  et  Helfendorf  sont  d'excel- 
lentes chaussées.  Elles  sont  également  bien  bonnes  de  Valley  et  de  Weyarn 
sur  Tolz.  On  a  bientôt  gagné  la  grande  route  qui  conduit  de  Rosenheim  à 
Tolz  en  passant  à  Holzkirchen.  La  communication  de  Gmund  à  Tôlz, 
quoique  de  village  à  village,  est  très  praticable;  de  Tolz,  il  y  a  une  com- 
munication qui  remonte  l'Isar  et  qu'on  dit  praticable  avec  des  voitures 
jusqu'à  Riss,  en  passant  par  Lenggries  où  il  y  a  un  pont  sur  l'Isar  et  une 
communication  peu  commode  avec  Benedictbeuern. 

De  Riss,  on  va  par  un  chemin  assez  difficile  à  la  mai.son  dite  Hagelhau- 
sen  (1).  Cette  communication  pourrait  bien  faciliter  les  approches  de  Hall 
et  surtout  servir  à  tourner  le  débouché  de  Mittenwald  qu'on  dit  être  très 
difficile.  11  serait  peut-être  possible  que  cette  communication  offrit  quelques 
facilités  pour  vaincre  les  obstacles  que  donne  l'Achen  See. 

La  communication  de  Tolz  à  Benedictbeuern,  où  se  trouvent  les  grandes 
routes  qui  conduisent  à  Innsbruck,  soit  en  passant  entre  l'Achen  See  et  le 
Walchen  See,  est  praticable.  La  communication  en  passant  par  IMurnau  sur 
Mittenwald  est  la  plus  belle.  Ce  pays  est  plat  et  ouvert,  tandis  que  celle 
par  les  lacs  est  un  défilé  continuel.  Mais  celle-ci  est  plus  courte  que  l'autre 
de  quatre  lieues,  car  de  Benedictbeuern  à  Innsbruck,  il  y  a  seize  lieues,  et, 
par  Murnau,  il  y  en  a  vingt.  Benedictbeuern,  au  lieu  de  WoUratshausen, 
que  j'avais  indiqué  comme  pouvant  servir  de  point  pour  une  manuten- 
tion, etc.,  présente  beaucoup  plus  d'avantages  par  sa  situation  et  ses  bonnes 
connnunications. 

Au  surplus,  mon  général,  l'adjudant  général  Guyot  (2),  qui  a  fait  avec 

(1)  Hagelhiitte  sur  le  1/300  000"  de  Liebenow,  Purschhùtte  sur  le  1/100  000=  allemand 
et  le  1/75  000"  autrichien. 

(2)  Guyot  (Éticnue),  né  le  1"''  mai  1767,  à  Mantoche  (Haule-Saône)  ;  volontaire  au 
1"  bataillon  de  la  Haute-Saône,  en  août  1791  ;  lieutenant,  le  6  septembre  1791;  aide  de 


92   MEMOIRES  ET  JOURNAUX  DU  GENERAL  DECAEX 

moi  cette  reconnaissance,  répondra  très  bien  aux  questions  que  vous  pour- 
rez lui  faire  sur  les  objets  que  j'ai  traités  ou  que  j'aurais  omis. 

Uno  lettre  du  chef  de  l'état-major  général,  sous  la  date  du  14, 
m'informa  que,  d'après  les  ordres  du  général  en  chef,  les  troupes 
du  lieutenant  général  Grenier  relèveraient  les  miennes,  du  20  ati 
21,  vers  Vilsbiburg;  que  le  général  Grenier  serait,  vers  le  20,  sur 
Freising;  qu'il  avait  adressé  à  l'ordonnateur  en  chef  copie  de  tout 
le  paragraphe  de  ma  lettre  relatif  aux  approvisionnements. 

18  fructidor  (5  septembre)  (1) .  —  Je  mandai  au  général  Debilly 
de  se  préparer  à  faire  faire  un  mouvement  à  sa  brigade  du  20  au 
^1 ,  mais  de  donner  préalablement  des  ordres  pour  que  ce  qu'il  avait 
d'infanterie  et  de  cavalerie  cantonné  sur  la  route  de  Alunich  à 
Hohenlinden  et  à  la  gauche  de  cette  route,  quittât  ses  cantonne- 
ments, excepté  ce  qui  formait  la  ligne  et  qui  resterait  jusqu'à  ce 
qu'il  fût  ^remplacé,  et  qui,  au  fur  et  à  mesure,  appuierait  sur  sa 
droite;  que,  comme  il  était  présumable  que  la  division  marcherait 
vers  Helfendorf,  il  serait  convenable  que  les  troupes  dont  je  lui 
ordonnais  le  mouvement  fussent  rapprochées  de  ce  point  et  pris- 
sent leurs  cantonnements  entre  la  chaussée  qui  conduit  à  Ebers- 
berg  et  celle  qui  va  à  Helfendorf. 

Le  général  Durutte  fut  prévenu  que  le  général  Grenier  devait 
faire  relever  sa  ligne  d'avant-postes  du  20  au  21  (ces  postes  appuie- 
raient vers  leur  droite  lorsqu'ils  seraient  remplacés)  ;  que  la  por- 
tion de  ses  troupes  qui  était  entre  l'Isar  et  la  ligne  de  démar- 
cation devait  cantonner,  le  lendemain,  à  Erding  et  environs, 
ainsi  qu'à  Hohenlinden  et  environs;  que,  le  20,  les  troupes  qui 
occupaient  Freising  viendraient  à  Erding  et  celles  qui  seraient  à 
Erding  cantonneraient  à  Schwaben  et  environs. 

Le  général  en  chef  arriva  à  IVymphenburg.  Le  chef  de  l'état- 
major  m'avait  donné  avis  que,  le  16,  le  quartier  général  viendrait 


camp  du  {{éncTal  Bourcier,  le  ^7  oclobre  1793;  chef  d'escadrons,  le  17  pluviôse  an  VII; 
adjudant  général,  le  :25  messidor  an  VII  ;  tlicf  de  brigade,  le  15  nivôse  an  IX  ;  général 
-de  brigade,  le  .3  niuôse  an  XIV  ;  lue  sur  le  champ  de  bataille  de  Kleinenfeld  (Prusse), 
le  8  juin  1S07  (A.  A.  G.). 

(1)  A  cette  date,  le  gouvernement  électoral  prévint  Decaen  qu'il  venait  d'expédier  les 
coramissions  qui  lui  avaient  été  demandées  pour  MM.  Grnnberger,  Millier,  Gazzi  et 
L'rschneider  par  une  lettre  de  Plauzonne  en  date  du  18  fructidor  (Le  gouvernement  élec- 
toral  à  Decaen,    Munich,   5   septembre   1800,   Papiers   Decaen,  in-f"  77,  39,  p.  'To). 


L'ARMISTICE    PROLONGE  9a 

à  Munich  et  que  rétat-major  général  resterait  à  Augsbourg  jus- 
([u'à  nouvel  ordre. 

20  fructidor  (7  septembre) .  —  En  conséquence  d'un  ordre  ver- 
bal ([ue  me  donna  le  général  en  chef,  les  généraux  de  brigade  de 
ma  division  reçurent  celui  de  faire  partir  leurs  troupes  de  leurs 
cantonnements  le  21,  pour  aller  occuper  la  position  de  Helfendorf 
où  elles  devaient  arriver  successivement  le  22  et  le  23  (1). 

La  brigade  Debilly  devait  garder  et  défendre  la  chaussée  de 
Rosenheim  et  la  communication  qui  conduit  de  cette  chaussée  à 
Valley  et  se  lier  vers  ce  dernier  endroit  avec  la  gauche  du  lieute- 
nant général  Lecourbe.  Il  devait  aussi  couvrir,  avec  ses  troupes 
légères,  la  brigade  du  général  Durutte  qui  devait  aussi  camper 
près  de  Helfendorf,  la  droite  vers  la  chaussée  de  Rosenheim  et  la 
gauche  vers  Zinneberg.  Les  avant-postes  de  la  1"  brigade  devaient 
se  lier,  à  leur  gauche,  avec  ceux  de  la  division  Richepance  qui 
devait  prendre  sa  position  vers  Ebersberg. 

Le  quartier  général  de  la  division  devait  être  à  Hohenkirchen  (2). 

2 i  fructidor  (8  septembre).  —  Après  ([uelques  communications 
par  écrit  entre  les  généraux  en  chef  des  deux  armées,  le  général 
Moreau  me  ht  part  (|ue  l'armistice  était  prolongé  de  plusieurs 
jours  (3).  Alors,  d'après  ses  intentions,  je  mandai  au  général 
Debilly  que  les  troupes  de  sa  brigade  ([u'il  avait  encore  à  Munich 
y  resteraient  jus(|u'à  nouvel  ordre,  que  celles  qui  étaient  sur  la 
rive   gauche   de   l'Isar   seraient  relevées    par  celles  du   général 


(1)  1  La  division  ain  ordres  du  général  Decaeii  se  rassemblera  à  mesure  qu'elle  sera 
relevée  dans  les  postes  qu'elle  occupe  sur  la  ligne  de  démarcation  et  ira  camper,  en  partie, 
le  2'2,  et  en  totalité,  le  2.3,  vers  la  position  d'Heifendorf,  la  droite  à  Valley  inclusiiement  ; 
sa  gauche  appuiera  à  la  Glonn  et  communiquera  par  Zinneberg  avec  la  droite  de  la  divi- 
sion du  général  Richepance  qui  prendra,  le  21,  la  position  d'Ebersberg. 

'i  Le  général  Decaen  est  prévenu  que  le  général  Grandjean  prendra,  le  22,  position  sur 
Zorneding  entre  les  routes  de  Munich  à  Wasserburg  ei  à  Itosenheim,  en  réserve  des 
deux  autres  divisions  du  centre,  et  que  le  corps  du  général  Lecourbe  aura  sa  gauche 
sur  la  Mangl'all  vers  Darching...  »  (Ordre  de  mouvement  de  Moreau  aux  trois  divisions 
du  centre,  19  fructidor,  A.  H.  G.). 

(2)  La  carte  de  Joseph  Dirwald,  de  1813,  de  même  que  le  1/300000*  de  Liebenow,. 
porte  Heclienkirchen,  comme  l'avait  orthographié  Decaen. 

(3)  C'est  à  cette  date  que  Moreau  avisait  le  général  en  chef  de  l'armée  impériale  que, 
d'après  la  demande  du  comte  de  Lehrbach,  ministre  plénipotentiaire  de  l'empereur,  les 
troupes  françaises  s'abstiendraient,  jusqu'à  nouvel  ordre,  de  toute  hostilité  (Moreau  au 
général  en  chef  de  l'armée  impériale,  Kympheuburg,  21  frutidor,  A.  H. G  .). 


94   MEMOIRES  ET  JOURNAUX  DU  GEXERAL  DECAEX 

Lecourbe  et  que  la  ligne  que  devait  garder  la  division  s'étendrait 
depuis  la  droite  de  l'Isar  jusqu'à  la  route  de  Rosenheim  àXIunich. 
Il  lui  fut  prescrit  des  dispositions  pour  la  garde  de  cette  ligne 
ainsi  que  pour  celle  de  la  chaussée  de  Helfendorf  à  Rosenheim. 

Le  général  Durutte  reçut  l'o^-dre  de  cantonner  sa  brigade  dans 
plusieurs  villages  entre  Zinneberg  et  Helfendorf. 

Les  communications  se  continuèrent  entre  les  commandants  des 
deux  armées.  Mais,  le  1"  jour  complémentaire,  le  général  en  chef 
me  dit  que  je  devais  préparer  ma  division  à  faire  un  mouvement. 
En  conséquence  de  cet  avis  et  de  ses  intentions,  je  mandai  au 
général  Debilly  que  le  général  Lecourbe  devait  faire  relever  les 
troupes  de  sa  i)rigade  placées  vers  Valley  et  sur  le  débouché  de 
Helfendorf  à  Rosenheim,  et  de  donner  des  ordres  pour  que  ces 
troupes  appuyassent  à  gauche  au  fur  et  à  mesure  qu'elles  seraient 
relevées  et  de  rassembler,  le  lendemain,  toute  l'infanterie  auprès 
de  Helfendorf  et  la  cavalerie  entre  cet  endroit  et  Zinneberg. 

Il  fui  mandé  au  général  Durutte  de  rassembler  son  infanterie 
et  cavalerie  aux  environs  de  Lindach,  etc..  On  resta  ainsi,  en 
attendant  le  résultat  des  négociations,  jusqu'au  2'  jour  complé- 
mentaire (1). 

2'  jour  complémentaire  (19  septembre).  —  Le  général  en  chef 
me  désigna  alors  une  nouvelle  position  que  devait  prendre  ma 
division.  D'après  quoi,  j'ordonnai  au  général  Debilly  de  placer  sa 
brigade,  le  lendemain  avant  midi,  sur  la  hauteur  en  arrière  de  Gra- 
fîng,  la  gauche  à  la  chaussée  d'Ebersberg  à  Wasserburg,  occupant 
Grafing  et  gardant  les  débouchés  conduisant  à  Wasserburg,  Rott 
et  Rosenheim;  et  il  fut  prévenu  que  la  grande  chaussée  de  Was- 
serburg à  Munich  serait  gardée  par  le  général  Richepance. 

J'avais  composé  la  brigade  du  général  Debilly  du  6'  régiment  de 
chasseurs  à  cheval,  du  2"  bataillon  de  la  14'  d'infanterie  légère  (2), 
de  la  100'  d'infanterie  de  ligne,  de  deux  pièces  de  canon  de  4. 

Le  général  Durutte  reçut  l'ordre  de  placer  aussi,  ce  même  jour 
avant  midi,  sa  brigade  composée  du  10'  de  chasseurs  à  cheval,  de 


(1)  Lp  27  fructidor,  le  ministre  de  la  (juarre  ëcrirait  à  Moreau  de  reprendre  les  hosti- 
lités si  l'empereur  ne  cédait  pas  (Le  ministre  à  Moreau,  27  fructidor,  A.  H.  G.}. 

(2i  Uecacn  donne  la  même  indication,  cinq  lignes  plus  bas,  dans  la  composition  de 
la  brigade  Durutte. 


LA   REPRISE    DES   HOSTILITES   IMMINENTE  95 

la  4"  d'infanterie  de  ligne,  du  2"  bataillon  de  la  1-4"  légère,  de  deux 
pièces  de  4,  sur  les  hauteurs  en  arrière  de  Grafing,  la  droite  vers 
AIxing  et  Bruck,  dans  la  position  la  plus  convenable. 

Il  lui  fut  recommandé  de  laisser  un  demi-bataillon  d'infanterie 
légère  avec  un  escadron  de  chasseurs  entre  sa  droite  et  Glonn, 
établis  de  manière  à  garder  cette  partie  et  à  se  lier  avec  les  troupes 
du  général  Lecourbe  qui  devaient  appuyer  leur  gauche  versZinne- 
berg,  ainsi  que  de  garder,  sur  l'étendue  de  son  front,  les  chemins 
conduisant  surRott  et  Rosenheim. 

Le  chef  de  brigade  Saint-Dizier,  commandant  le  17°  de  dragons 
auquel  fut  réuni  le  1"  bataillon  de  la  14"  légère,  reçut  l'ordre  de 
prendre  position  en  avant  de  Zorneding,  près  le  village  d'Eglhar- 
ting,  la  gauche  à  la  chaussée  de  Munich  à  Ebersberg  et  la  droite 
vers  Ilching. 

Il  fut  ordonné  au  capitaine  Valée,  commandant  la  compagnie 
d'artillerie  légère,  de  se  rendre  à  Zorneding,  lieu  aussi  désigné  pour 
le  quartier  général  de  la  division.  L'artillerie  de  position,  le  parc  et 
les  équipages  furent  placés  à  Haar,  village  en  arrière  de  Zorneding. 

Le  général  en  chef  étant  allé  à  Hohenlinden  pour  reconnaître 
cette  position  et  voir  en  même  temps  les  troupes  du  lieutenant  gé- 
néral Grenier  arrivées  vers  ce  point,  je  reçus  une  lettre  du  chef  de 
l'état-major  général.  Il  m'annonçait  l'envoi  de  plusieurs  exem- 
plaires du  Moniteur^  contenant  les  préliminaires  de  paix  signés  à 
Paris  par  le  comte  de  Saint-Julien,  et  que  l'empereur  avait  refusé 
de  ratifier. 

Il  me  recommandait  de  les  faire  connaître  de  suite  à  tous  les 
corps  de  ma  division  pour  qu'ils  puissent  juger  de  la  modération 
du  gouvernement  français  et  par  conséquent  de  son  désir  bien  pro- 
noncé de  faire  la  paix. 

Le  général  Dessolle  avait  ajouté  en  post-scriptum  : 

Le  général  Lahorie,  que  le  général  en  chef  a  envoyé  pour  faire  une 
dernière  proposition,  sera  de  retour  ce  soir  ou  demain  matin,  et,  comme 
il  est  à  présumer  que  ses  propositions  ne  seront  pas  acceptées,  on  sera 
dans  le  cas  de  recommencer  de  suite  les  hostilités  et  vous  en  serez  prévenu. 

Le  général  en  chef  revint  le  soir  à  Nymphenburg. 

3' jour  complémentah'e  (20  septembre) .  — Le  lendemain  ma- 
tin, pour  passer  le  temps,  en  attendant  le  résultat  de  ce  dont  il 


96      MEMOIRES   ET   JOl  RX'ALX   Dl    GEXERAL   DECAEN 

avait  chargé  le  général  Laliorie,  il  monta  à  cheval.  L'ayant  accom- 
pagné, nons  allâmes  au  travers  la  plaine  de  Munich  jusqu'à  la 
grande  route  où  il  voulait  voir  passer  la  division  de  réserve  de  ca- 
valerie; et  lorsqu'elle  fut  passée,  il  voulut  faire  forcer  quelques 
lièvres.  C'était  pendant  cet  amusement  qu'un  courrier  lui  apporta 
la  dépèche  du  général  Lahorie  pour  lui  rendre  compte  qu'il  venait 
de  signer  une  convention  d'une  nouvelle  suspension  d'armes. 

La  prolongation  de  l'armistice  avait  été  fixée  à  45  jours,  à  comp- 
ter du  3'  jour  complémentaire  (20  septembre),  y  compris  15  jours 
d'avertissement  pour  la  reprise  des  hostilités  si  elles  devaient  avoir 
lieu. 

Le  général  en  chef  rentra  de  suile  à  Nymphonhurg.  Dans  la 
soirée,  le  général  Lahorie  lui  apporta  la  convention  dont  suit  le 
premier  article. 

Sa  Majesté  Impériale  et  Royale,  sur  la  demande  du  Premier  Consul 
de  la  République  française,  et  dans  la  vue  de  donner  une  preuve  de  son 
désir  d'arrêter  le  fléau  de  la  guei're,  consent  à  ce  que  les  places  de  Phi- 
lippsburg,  Ulm,  avec  les  forts  qui  en  dépendent,  et  Injjolstadt,  lesquelles 
sont  comprises  dans  la  lijjne  de  démarcation  qui  a  été  fixée  par  la  conven- 
tion du  17  juillet  dernier  (26  messidor),  soient  remises  à  la  disposition  de 
rarmée  française  comme  gage  de  ses  intentions  (1). 

D'autres  articles  concernaient  l'exécution  de  celui  ci-dessus. 

Par  l'article  7,  le  général  en  chef  de  l'armée  du  Rhin  s'enga- 
geait à  faire  cesser  sur-le-champ  les  hostilités  à  l'armée  de  la  Ré- 
publique française  en  Italie  dans  le  cas  où  la  reprise  en  aurait  eu 
lieu. 

La  ligne  de  démarcation  restait  la  même  que  celle  fixée  par  la 
précédente  convention. 

L'article  9  annonçait  que  l'armée  française  du  Rhin  reviendrait 
et  s'arrêterait  sur  les  deux  rives  de  l'Isar  et  l'armée  impériale 
d'Allemagne  sur  les  deux  rives  de  l'Inn,  chacune  à  une  distance  de 
3  000  toises,  soit  de  ces  rivières  ou  des  places  de  leur  cours;  et 
qu'il  serait  seulement  placé  une  chaîne  d'avant-postes  sur  la  ligne 
de  démarcation. 

Cette    prolongafion  d'armistice,  consentie   par  l'empereur  qui 

(1)  La  remise  des  places  d'UIra,  Philippsburg  et  lagolstadt  avait  été  consentie  par 
l'empereur,  représenté  par  le  comte  de  Lehrbatli  et  le  général  Lauer  (Moreau  au 
ministre,  .\yniplieiiburg,  3«  complémentaire  an  VIII,  A.  H.  G.). 


CESSIOM   D'ULM,   PHILIPPSBURG   ET    IXGOLSTADT      97 

n'avait  pas  voulu  ratifier  les  préliminaires  de  paix  et  qui,  dans 
cette  circonstance,  sacrifiait  trois  places  de  guerre,  fut  attri- 
buée à  ce  que  non  seulement  son  armée  n'était  pas  en  mesure  de 
recommencer  les  hostilités,  mais  encore  à  ce  qu'étant  venu  la  voir, 
il  ne  l'avait  pas  trouvée  en  bon  esprit.  Cette  armée  était  mécon- 
tente. Quelques  révoltes  partielles  s'y  étaient  manifestées. 

Lorsque  cette  nouvelle  convention  fut  connue  de  notre  armée, 
les  soldats  disaient  qu'ils  venaient  de  faire  une  campagne  de  vingt- 
quatre  heures. 

Dès  ce  même  jour,  le  chef  de  l'état-major  général  m'écrivit  que, 
d'après  les  dispositions  du  général  en  chef,  je  continuerais  à  occu- 
per Munich  et  à  former  le  cordon  des  troupes  sur  la  ligne  de  dé- 
marcation en  avant  de  l'Isar,  passant  ce  fleuve  pour  m'étendre 
par  la  droite  jusqu'à  la  rivière  l'Animer  dont  j'occuperais  les  deux 
rives,  liant  ma  droite  à  la  gauche  du  lieutenant  général  Lecourbe 
qui  continuerait  à  couvrir  le  débouché  de  Reutte;  que  j'étendrais 
ma  gauche  jusqu'à  Freising  que  j'occuperais;  que  je  devais  com- 
mencer mon  mouvement  le  lendemain. 

Aussitôt  la  réception  de  ces  dispositions,  je  donnai  les  ordres 
convenables  pour  leur  exécution  et  de  même  pour  celles  qui  étaient 
à  exécuter,  selon  la  convention  d'armistice,  relativement  au  cordon 
de  troupes  que  je  devais  former  sur  la  partie  de  la  ligne  de  démarca- 
tion que  je  devais  garder  ainsi  que  pour  le  placement  des  troupes, 
ayant  égard  à  la  distance  déterminée  par  ladite  convention. 

Pendant  le  mois  de  vendémiaire  et  jusqu'au  moment  où  il  fut 
question  de  se  préparer  à  recommencer  les  hostilités,  je  m'occu- 
pai de  ce  qui  était  relatif  à  l'administration,  selon  les  ordres  trans- 
mis par  le  chef  de  l'état-major  général  de  l'armée,  ainsi  qu'à  faire 
recueillir  des  nouvelles  de  ce  qui  se  passait  dans  l'armée  autri- 
chienne et  donner  des  indices  sur  les  intentions  du  cabinet  de 
Vienne  de  vouloir  traiter  de  la  paix  ou  de  recommencer  les  hosti- 
lités lorsque  le  délai  fixé  par  la  dernière  convention  d'armistice 
serait  expiré. 

Comme  quelques-uns  des  renseignements  obtenus  faisaient  con- 
jecturer que  ce  cabinet  n'avait  pas  l'intention  de  faire  la  paix, 
quoiqu'il  eût  fait  traiter  d'une  nouvelle  suspension  d'hostilités,  je 
vais  transcrire  des  extraits  de  quelques  rapports  qui  me  parvinrent 
pendant  la  durée  de  ce  nouvel  armistice. 

II.  7 


98   MÉMOIRES  ET  JOURMAUX  DU  GÉXÉRAL  DECAEX 

16  vendémiaire  (8  octobre).  —  1'  Des  lettres  authentiques  de 
Prague  et  de  Vienne  portent  que  l'empereur  a  fait  de  nouvelles 
proclamations  en  Hongrie  et  en  Bohème  pour  exciter,  dans  ces 
deux  royaumes,  à  hâter  l'insurrection,  d'un  côté,  et  le  rassemble- 
ment des  volontaires,  de  l'autre.  On  porte  à  30  000  liommes  le 
aombre  des  volontaires  en  Bohème,  dont  une  grande  partie  se 
porte  déjà  vers  les  frontières.  La  capitale  est  absolument  sans 
garnison  :  ce  sont  les  bourgeois  qui  montent  la  garde  ;  on  travaille 
dans  l'arsenal  avec  beaucoup  d'activité. 

L'ennemi  poursuit  ses  travaux  interrompus;  les  habitants  des 
bords  de  l'Inn  sont  employés  derechef  à  travailler  aux  retranche- 
ments de  Kraiburg. 

On  écrit  de  Vienne  que,  malgré  le  changement  de  ministère, 
M.  de  Thugut  continue  non  seulement  d'influer  sur  les  affaires, 
mais  de  les  diriger  comme  auparavant,  d'autant  plus  que  M.  de 
Lehrbach  est  sa  créature. 

20  vendémiaire  (12  octobre).  — 2"  On  confirme  la  nouvelle 
que  les  Autrichiens  font  une  tète  de  pont  devant  Kraiburg,  en  deçà 
del'Inn.  Ils  emploient  journellement  à  cet  ouvrage  1  200  paysans. 
Ils  ont  mis  en  réquisition  57  000  arbres,  ce  qui  causera  la  dévasta- 
tion de  presque  toutes  les  forêts  dans  les  environs  de  Neu-Oetting. 

A  Miihldorf,  on  fait  de  pareils  retranchements.  L'ennemi  se 
prépare,  à  Deggendorf,  à  jeter  sur  un  pont  le  Danube. 

Les  ennemis  réunissent  des  forces  dans  les  environs  de  Rosen- 
heim.  Le  corps  de  Condé  se  concentre  davantage.  Son  quartier 
général  s'est  établi  de  nouveau  dans  cet  endroit  dont  il  s'était 
éloigné  de  douze  lieues  après  la  dernière  convention. 

On  écrit  de  l'assau  que,  d'après  un  nouvel  ordre  de  l'empereur, 
loute  communication  est  sévèrement  défendue  avec  l'armée  fran- 
çaise; qu'on  n'y  doute  plus  de  la  guerre  (1). 

23  vendémiaire  (15  octobre).  — 3°  L'ennemi  fait  aussi  faire 
des  retranchements  à  Kraiburg,  sur  la  rive  droite  de  l'Inn.  On  y 

(1)  Le  21  vendémiaire,  Moreau  frappa  sur  la  Bavière  une  réquisition  de  "27  600  quin- 
taux de  fromeat,  9  200  quintaux  de  seigle,  57  000  quintaux  de  foin,  57  000  quintaux  de 
paille,  et  .32  000  sacs  d'avoine  (Le  jjouïernement  électoral  provisoire  à  Decaou,  25  oc- 
tobre 1800,  Papiers  Decaen,  in-f"  77,  39,  p.  33). 


RENSEIGMEMENTS  FOURNIS  PAR  DECAEM      99 

travaille  avec  beaucoup  d'activité.  3  000  paysans  y  soûl  employés 
journellement,  ainsi  que  des  soldats,  à  l'exception  dos  troupes 
hongroises. 

On  répare  avec  beaucoup  de  diligence,  à  Wasserburg,  les  retran- 
chements qui  ont  été  beaucoup  endommagés  par  les  pluies  conli- 
nuelles. 

L'ennemi  fait,  dans  tout  le  pays,  des  réquisitions  immenses  en 
tous  genres  et  ne  paye  rien.  Les  paysans  employés  aux  ouvrages 
devant  Wasserburg,  Kraiburg  el  Miihldorf  ne  sont  pas  payés  non 
plus.  Le  corps  de  Coudé  fait  de  même.  Les  environs  d'Aibling  et 
de  Rosenheim  sont  presque  entièrement  dépouillés.  Ce  corps  qiiitle 
l'habit  russe  le  1"  du  mois  de  novembre  et  prendra  l'uniforme 
anglais.  Toute  exportation  est  défendue;  on  ne  laisse  même  plus 
passer  du  sel. 

L'Electeur  a  ordonné,  il  y  a  quatre  jours,  une  nouvelle  levée 
de  recrues  dans  le  haut  Palalinat  et  dans  le  pays  bavarois  occupé 
par  l'armée  autrichienne. 

26  vendémiaire  (18  octobre).  —  On  vient  d'arrêter  à  Slraubing 
le  nommé  Kienmayer,  libraire,  parce  qu'on  a  trouvé  chez  lui  une 
brochure  ayant  pour  titre  la  Voix  de  Vopinion  publique  sur 
Maximilien-Josephj  Electeur  de  Bavière,  avec  une  atliesse  de 
l'armée  autrichienne  à  l'empereur  François  II. 

La  traduction  de  cette  adresse  était  jointe  au  rapport.  Voici  cette 
pièce  : 

C'est  avec  une  surprise  mêlée  de  douleur  que  nous  avons  appris  que  lu 
ne  veux  toi-même  donner  à  nous  et  à  la  Patrie  cette  paix  dont  nous 
sommes  depuis  si  longtemps  privés. 

Permets-nous,  du  moins,  de  t'exprimer  là-dessus  nos  sentiments  d'une 
manière  pleine  de  la  vénération  qui  t'est  due,  mais  en  même  tenqis  de  te 
parler  à  cœur  ouvert. 

Nous  combattons  depuis  neuf  ans  contre  une  nation  qui,  loin  de  nous 
avoir  jamais  offensés,  a  si  souvent,  au  contraire,  mérité  et  notre  estime 
et  notre  admiration.  Jusqu'à  présent,  personne  d'entre  nous  ne  s'est  avisé 
de  demander  quelle  est  la  raison  qui  nous  força  de  poursuivie  cette  nation 
et  de  sacrifier,  sur  les  champs  de  bataille,  la  vie  de  100  000  des  nôtres. 
Nous  obéissons  parce  que  nous  sommes  accoutumés  à  obéir,  et  nous  ne 
nous  embarrassions  pas  du  reste. 

Mais,  peu  à  peu,  le  bandeau  tombe  de  dessus  nos  yeux.  Nous  voyons 
que  nous  ne  versons  notre  sang  que  pour  l'or  des  .anglais  qui  tomJ)e  dans 


100     MEMOIRES   ET   JOURXAL'X   DU   GENERAL   DECAE.V 

la  poche  de  tes  ministres.  .Vous  voyons  que  tu  fais  un  jeu  de  notre  vie  et 
que  tu  veux  te  précipiter  toi-même,  nous  et  tes  provinces  dans  une  ruine 
entière,  avec  une  cécité  inconcevable. 

Tu  n'as  qu'à  le  faire  quant  à  toi;  nous  ne  voulons  pas  t'en  empêcher. 
Mais  de  nous  entraîner,  nous  et  nos  compatriotes,  dans  ton  abîme,  ohl 
pour  le  coup,  tu  n'y  réussiras  pas. 

De  continuer  la  guerre  dans  ce  moment-ci  ne  veut  dire  autre  chose 
que  d'abîmer  l'Autriche.  Considère  les  choses  dans  leur  véritable  point  de 
vue  et  tu  concevras  cette  vérité  avec  nous. 

En  Italie,  les  fruits  d'une  campagne  entière  sont  perdus.  Une  armée 
éparpillée  (la  sixième  qu'on  a  détruite  en  Italie)  y  fait  seule  ton  espoir;  et 
c'est  avec  celle-ci  que  tu  comptes  conquérir  treize  forteresses  bien  défen- 
dues et  de  battre  une  armée  supérieure  et  victorieuse?  Il  est  impossible  que 
tu  puisses  avoir  cette  idée. 

Ce  serait  donc  en  .Allemagne  que  tu  voudrais  renaître?  Regarde  autour 
de  toi.  Ton  armée  mécontente,  vaincue  et  mal  menée,  n'est  éloignée  de 
toi  que  de  quelques  journées.  Vis-à-vis  d'elle  se  trouvent  campés 
100000  Français  pleins  de  courage  et  animés  du  désir  de  se  battre. 
50  000  hommes  de  troupes  fraîches  arrivent  du  Main.  Elles  peuvent,  en 
peu  de  jours,  pénétrer  de  la  Franconie  en  Bohême.  î.e  Tyrol  sera  la  pre- 
mière victime  de  la  campagne  rouverte.  Masséna  et  .Moreau  s'uniront  et 
inonderont  tes  Etats  héréditaires  avec  une  force  irrésistible.  Si  le  héros 
Bonaparte  commande  l'armée  en  personne,  certes,  le  sort  de  T-Autriche 
sera  entre  ses  mains  en  peu  de  semaines,  et  tu  seras  alors  obligé  de  de- 
mander une  paix  plus  que  déshonorante. 

Mais  supposons  qu'il  nous  réussira  de  repousser  les  Français  jusqu'au 
Rhin;  qu"auras-tu  gagné  pour  lors?  Toute  une  campagne  sera  encore 
pour  rien  ;  tu  auras  perdu  100  000  sujets  pour  essayer,  dans  le  printemps 
prochain,  un  nouveau  passage  du  Rhin. 

Tu  ne  peux  pas  t'attendre  à  une  nouvelle  coalition;  et  puis,  quel  avan- 
tage te  porterait-elle?  Il  t'en  résulterait  ce  que  tu  as  eu  des  précédentes. 
Nous  avons  combattu  à  côté  des  Prussiens,  des  Russes  et  des  Bavarois  sans 
succès.  Il  nous  en  reste  la  triste  expérience  que  des  armées  combinées  ne 
valent  rien. 

Réfléchis  donc  bien  à  ce  que  tu  veux  entreprendre.  Tu  cours  risque  de 
nous  voir  retirer,  fatigués  d'une  éternelle  guerre,  jusqu'aux  portes  de  la 
résidence...  .Alors  le  peuple  te  commandera  la  paix.  Rappelle-toi  Louis 
Capet,  et  prends  garde,  d'empereur  François  II,  de  ne  pas  devenir  François 
de  Habsbourg.  Quant  à  ta  vie,  lu  peux  être  tranquille;  on  te  connaît  assez: 
pour  croire  d'avoir  mérité  la  mort.  Mais  ton  Thugut,  Lehrbach,  Saurau, 
ton  conseil  auiique  de  guerre,  oui,  même  ton  impératrice,  pourraient,  en 
cas  d'une  plus  longue  manie  pour  la  guerre,  devenir  victimes  de  sa  fureur. 

1"  brumaire  (23  octobre).  — 4"  Plusieurs  lettres  arrivées  par 
le  dernier  courrier  de  Prague,  Passau  et  Vienne,  disent  que  jamais 


LA   PAIX   DOUTEUSE  101 

l'armement  n'a  été  plus  sérieux  dans  les  Etats  autrichiens,  ni  sa 
force,  pendant  tout  le  cours  de  ces  neuf  ans  de  guerre,  plus  impo- 
sante qu'elle  l'est  aujourd'hui.  La  plus  grande  force  de  l'ennemi 
estdirigéevers  l'Allemagne.  Ou  la  porte,en  Italie, à60 000  hommes, 
outre  les  insurgés  toscans  et  la  nouvelle  armée  napolitaine  (|ui 
doit  être  encore  renforcée  par  les  Russes  dont  le  nomhre  est  porté 
à  14000  hommes. 

Les  vœux  des  hahilants  et  de  l'armée  sont  toujours  pour  la  paix. 
Ce  n'est  que  la  force  qui  fait  prendre  les  armes  aux  peuples  en 
Hongrie,  en  Bohème,  dans  la  Moravie  et  dans  le  Tyrol.  Ce  n'est 
plus  le  même  enthousiasme  qui  les  animait  avant  le  traité  de 
Léohen. 

On  assure  (|u'il  y  a  un  mécontentement  général  dans  la  Dalma- 
tie  ex-vénitienne,  qui  se  communique  par  la  Dalmatie  autrichienne 
jusque  dans  la  Croatie.  Les  uns  sont  agiles  du  désir  de  se  défaire  de 
leur  nouveau  maître;  les  autres  ne  peuvent  plus  supporter  la  dure 
nécessité  de  voir  emmener  de  force  une  multitude  d'hahitanls 
pour  l'armée  et  d'être  chargés  d'éternelles  réquisitions  pour  le 
transport  des  vivres  destinés  pour  l'armée  d'Italie. 

D'après  tous  les  avis,  on  doute  de  la  paix,  malgré  le  congrès  de 
Lunéville.   La  cour  de  Vienne  montre  heaucoup  d'assurance  (1). 

8  brumaire  (30  octobre) .  —  5"  On  doute  que  le  congrès  ait  lieu. 
On  allègue  à  ce  sujet  que  le  comte  de  Cohenzl,  qui  doit  se  rendre 
à  Paris,  doit  demander  (|ue  l'armée  française  se  retire  d'abord 
derrière  le  Rhin,  et,  vu  la  lenteur  qu'il  mit  à  son  voyage,  on  en 
conclut  le  peu  d'empressement  de  l'Autriche  à  faire  la  paix. 

Il  y  avait  cependant  quelques  jours,  — je  ne  me  rappelle  pas 

(1)  Le  l"'  brumaire,  Desselle  écrivait  à  Decaen  :  "  L'évêché  de  Freising,  citoyen  rjénô- 
ral,  et  la  seigneurie  de  Frauenhauseu,  faisant  partie  du  cerile  de  Baiière,  ont  été  inxés 
par  la  commission  électorale,  le  premier  à  1~'2  190  francs,  et  la  seconde  à  21  5i8  francs. 
D'après  une  note  remise  au  payeur  géuéral,  l'un  paraîtrait  avoir  donné  en  acompte 
64  "231  francs,  et  l'autre,  s'être  acquittée  en  entier.  Cependant,  les  recherches  faites  à  cet 
égard  n'ayant  donné  aucune  certitude,  le  général  en  chef  vous  invite  à  vous  faire  repré- 
senter, sous  quarante-huit  heures,  les  quittances  des  sommes  qu'on  prétend  avoir  été 
payées,  et,  dans  le  cas  où  on  ne  se  conformerait  pas  à  la  demande  que  vous  en  ferez, 
vous  enverrez  à  l'évèché  de  Freising  et  à  la  seigneurie  de  Frauenhauseu  les  exëcuiioiis 
militaires  suffisantes  pour  les  rontiaiudre  à  payer  sans  retard  les  sommes  auxquelles 
ils  ont   été  taxés. 

'  Je  TOUS  invite  à  m'aceuser  la  réception  de  la  présente  et  à  me  faire  part  des  disposi- 
tions que  vous  aurez  prises  pour  remplir  les  intentions  du  général  en  chef  ^  (Desselle  à 
Deeaeu,  Augsbourg,  l"  brumaire,  A.  H.  G.). 


102      MKAIOIRES    KT  JOURXAUX    DU    GEMÉRAL   DECAEX 

exactement  le  jour,  —  que  le  comte  de  Cobenzl  avait  passé  par 
Munich.  Lorsque  j'appris  qu'il  y  était  arrivé,  je  recommandai  de 
faire  tout  ce  qui  serait  possible  pour  savoir  ce  qu'il  pourrait  dire 
sur  le  sujet  de  sa  mission.  Il  ne  s'arrêta  qu'environ  deux  heures 
dans  une  auberge  de  cette  ville.  Ou  ne  put  rien  savoir.  Mais  à 
Augsbourg,  où  on  le  suivit,  on  apprit  que,  quelqu'un  lui  ayant 
demandé  si  on  pouvait  se  flatter  (jue  la  paix  serait  bientôt  con- 
clue, il  avait  répondu  qu'il  ne  pouvait  rien  dire  à  ce  sujet,  attendu 
qu'on  ne  pouvait  pas  traiter  sans  le  concours  de  leurs  amis  les 
Anglais.  Lorsque  ceci  me  fut  rapporté,  je  l'écrivis  sur-le-champ 
au  général  Moreau.  Il  était  alors  à  Paris,  et  j'ajoutai  que,  d'après 
ce  dire  de  M.  de  Cobenzl  et  les  nouvelles  qui  m'étaient  déjà  par- 
venues, il  y  avait  tout  lieu  de  présumer  que  le  cabinet  autrichien 
n'était  point  disposé  pour  la  paix,  qu'il  ne  la  signerait  que  lorsqu'il 
y  serait  absolument  forcé. 

On  parle  d'une  descente  des  Anglais  en  Egypte. 

La  partie  du  Tyrol  qu'on  appelle  communément  le  Tyrol  alle- 
mand est  toute  en  armes.  Les  volontaires  reçoivent  journellement 
trente  kreuzer  en  monnaie  de  cuivre,  ce  qu'on  payait  auparavant 
en  papier.  Malgré  leur  ferme  résolution  de  défendre  leur  pays,  les 
Ktats  du  Tyrol  ont  envoyé  plusieurs  députés  à  Vienne  pour  y  solli- 
citer la  conclusion  de  la  paix.  On  assure  très  positivement  que  les 
habitants  ont  juré  de  ne  point  laisser  entrer  les  Français  dans  le 
pays,  vu  le  ressentiment  qu'ils  gardent  encore  contre  eux  pour 
avoir  incendié  quelques  villages  en  1796;  et  cette  résolution  ne 
dérive  nullement  de  [l'idée  dej  défendre  l'empereur,  mais  tout 
uniment  leurs  propriétés,  ce  qu'ils  prouvent  en  disant  :  'i  II  nous 
importe  peu  que  les  Français  aillent  à  Vienne,  pourvu  (ju'ils  ne 
])assent  pas  par  notre  pays,  n 

Le  Tyrol  italien  pense  tout  différemment.  Il  paraît  qu'il  penche 
beaucoup  à  voir  arriver  un  changement  dans  le  pays.  Les  habi- 
tants ont  refusé  de  répondre  à  l'invitation  de  l'empereur  de  se 
lever  en  masse,  sous  prétexte  qu'ils  n'ont  pas  d'armes;  mais  que, 
si  on  leur  fournissait  des  armes,  des  munitions  et  des  vivres,  ils  ne 
manqueraient  pas  de  volera  la  défense  du  pays.  La  courde  V'ienne 
n'a  trouvé  ni  praticable  ni  avantageux  de  nourrir  un  peuple  si 
nombreux. 

La  disette  dans  tout  le  Tyrol  est  extrême,  l'ne  chopine  de  vin,  qui 


RE\'FORTS   AUTRICHIEMS   DA\S   LE    TYROL  103 

coûtait  dix  sous  il  y  a  quelques  mois,  se  vend  aujourd'hui  trente- 
cinq  sous;  et  ainsi,  tout  à  proportion.  Cette  disette  est  augmentée 
par  la  présence  et  le  passage  continuels  des  troupes  nombreuses  et 
par  la  défense  d'exportation  en  tout  genre  faite  par  les  Cisalpins. 
Pour  y  remédier,  l'empereur  a  permis,  en  Hongrie,  l'exportation 
libre  du  vin,  du  blé  et  des  bœufs  pour  l'armée  d'Italie. 

Il  ne  cesse  pas  d'arriver  des  troupes  fraîches  dans  le  Tyrol.  Les 
régiments  y  sont  tous  au  complet,  ce  qui  est  d'autant  plus  surpre- 
nant qu'il  y  avait  des  régiments,  il  y  a  quatre  mois,  réduits  à 
soixante  hommes,  nommément  celui  de  iSpleny. 

Si  la  guerre  continue,  il  serait  très  essentiel  de  gagner  les  Tyro- 
liens en  faveur  des  Français  ;  il  faudrait,  pour  cela,  suivre 
l'exemple  du  général  français  qui,  avant  le  premier  armistice, 
avait  permis  d'exporter  une  certaine  quantité  de  blé  pour  les  habi- 
tants de  Reulte.  Cet  acte  de  bienveillance  s'est  répandu  dans  le 
Tyrol,  et  on  en  parle  encore  avec  une  vive  reconnaissance,  et  on 
ne  manque  pas  de  dire,  de  bonne  foi,  que  les  Français  ne  sont 
pourtant  pas  si  méchants  comme  les  Autrichiens  cherchent  à  le 
leur  persuader.  Il  est  certain  qu'en  les  traitant  avec  douceur,  ik 
déposeront  cette  haine  qu'ils  portent  contre  eux  aujourd'hui. 


CHAPITRE   VI 

Decaeu  charge'"  de  fournir  de  nouveaux  renseignements.  —  La  guerre  va  recommencer. 
—  Des  rapports  précis  et  dëtaillés  ne  permettent  plus  d'en  douter.  —  Préparatifs  des 
Autrichiens.  —  lis  fortifient  la  ligne  de  l'Inn.  —  Emplacements  de  leurs  troupes.  — 
Les  hostilités  doivent  reprendre  le  7  frimaire.  —  Pour  presser  la  rentrée  des 
réquisitions.  Decaen  place  des  garnisaires  chez  dix  notables  de  Munich.  —  Le  gouver- 
nement électoral  lui  fait  des  représentations.  —  Decaen  en  reconnaît  le  bien  fondé.  — 
Son  irritation  conire  le  commissaire  Mathieu-Faviers.  —  Les  troupes  de  Montrichard 
appuient  vers  leur  gauche.  —  La  division  Decaen  se  resserre.  —  Les  rapports 
annoncent  de  constants  mouvements  des  Autrichiens  vers  l'Inn.  —  Le  mécontentement 
en  Bavière.  —  On  y  est  disposé  à  un  soulèvement  contre  l'Électeur.  —  Projet  d'une 
république  bavaroise  sous  l'égide  de  la  France.  —  On  demande  à  Decaen  de  le  favori- 
ser. —  II  refuse.  —  Raisons  qu'il  en  donne.  —  Moreau  les  approuve.  —  Composition 
de  la  division  Decaen  au  1"'  frimaire.  —  L'aile  droite  française  serre  sur  le  gros  de 
l'armée.  —  Légers  dissentiments  entre  Decaen  et  Debilly. 

10  brumaire  (1"  novembre).  —  Je  reçus  une  lettre  du  général 
Dessolle,  datée  de  Ratisbonne  le  9.  Il  me  mandait  : 

N'ayant  pas  encore  reçu  d'ordres  du  gouvernement  (1)  pour  prolonger 
l'armistice,  il  est  important  que  je  connaisse,  mon  cher  général,  tous  les 
mouvements  que  peut  faire  l'ennemi.  Je  vous  prie  donc  d'envoyer  des 
émissaires  et  de  prendre  tous  les  moyens  pour  découvrir  ce  qui  se  passe  au 
delà  de  l'Inn.  Si  vous  êtes  averti  de  quelque  mouvement  de  troupes,  veuillez 
me  le  faire  connaître.  Je  compte  avoir  le  plaisir  de  vous  voir  après-demain. 

Pour  satisfaire  à  cette  invitation,  des  émissaires  furent  de  suite 
expédiés  sur  divers  points,  avec  les  instructions  ci-après  : 

1°  Désigner  la  force  des  troupes  qu'ils  rencontreraient  sur  leur 
route,  avec  les  noms  des  régiments; 

2°  S'informer  des  endroits  où  les  magasins  sont  établis; 

3°  Si  l'ennemi  fait  des  mouvements  et  dans  (juelles  directions; 
s'il  arrive  des  troupes,  soit  de  la  Bohème,  soit  de  la  Hongrie,  et  en 
quel  nombre  : 

4°  En  quel  état  sont  les  retranchements  auxquels  on  travaille  à 

(1)  •  Le  général  en  chef  était  encore  à  Paris   •  (Mote  de  Decaen). 


LA   GUERRE    VA   RECOMMEMCER  105 

Kraiburg,  Mùhidorf  et  Wasserhurg  ;  s'ils  sont  pourvus  trartillerie; 
quel  est  le  nombre  de  pièces  et  leur  calibre; 

5"  Remarquer  si  on  construit  de  nouveaux  ouvrages  et  sur  quels 
points; 

6*  S'informer  du  lieu  où  se  trouve  le  parc  d'artillerie,  et  dans 
quels  endroits  sont  établis  les  hôpitaux; 

7°  Apprendre,  si  cela  est  possible,  qui  commandera  l'armée  au- 
trichienne d'Allemagne,  et  si  on  espère  que  ce  sera  le  prince 
Charles  ;  et  qui  commandera  l'armée  d'Italie  ; 

8°  Ce  qu'on  dit  de  la  paix  et  de  la  guerre  ;  quelle  est  l'opinion  à 
l'égard  du  congrès  de  Lunéville;  enfin  s'informer  de  l'esprit  qui 
règne  dans  les  Etats  de  l'Autriche,  c'est-à-dire  s'il  y  aurait  mécon- 
tentement ou  indifférence  dans  le  cas  où  les  hostilités  se  renouvel- 
leraient. 

11  brumaire  (2  novembre).  —  Le  général  Dessolle  arriva  à 
Munich  comme  il  me  l'avait  annoncé.  Le  lendemain  était  le  terme 
des  quarante-cinq  jours  de  suspension  d'hostilités  selon  la  conven- 
tion du  3"^  jour  complémentaire  (20  septembre).  Ainsi  nous  atten- 
dions des  ordres  du  gouvernement  pour  traiter  d'une  nouvelle 
prolongation  d'armistice  ou  bien,  selon  ladite  convention,  pour 
prévenir  l'ennemi  de  la  reprise  des  hostilités,  ou  enfin  à  recevoir 
de  sa  part  cet  avertissement.  Xous  restâmes  dans  cette  attente  jus- 
qu'au 20  brumaire  qu'il  arriva  au  général  Dessolle  une  dépêche 
du  général  en  chef  dans  laquelle  il  lui  annonçait  que,  d'après  les 
ordres  du  Premier  Consul,  il  fallait  se  préparer  à  recommencer  la 
guerre,  l'Autriche  se  refusant  à  faire  une  paix  séparée  de  ses  amis 
les  Anglais,  tandis  que  ceux-ci  la  poussaient  à  la  guerre. 

20  brumaire  (11  novembre).  —  Alors  le  général  Dessolle,  con- 
formément aux  instructions  du  général  eu  chef,  expédia  un  offi- 
cier pour  le  quartier  général  de  l'armée  autrichienne,  porteur  de 
la  notification  que  les  hostilités  recommenceraient  après  quinze 
jours  expirés,  à  dater  de  l'heure  à  laquelle  cette  notification  serait 
remise. 

D'après  les  instructions  que  me  donna  verbalement  le  général 
Dessolle,  je  mandai  aux  généraux  de  brigade  de  ma  division  qu'à 
compter  du  22  courant,  toutes  communications  devraient  cesser 


106      MlhlOIRES    ET  JOURNAUX   DU   GÉNÉRAL   DECAEN 

aux  avant-postes,  et  de  prescrire  à  leurs  avant-postes  qu'on  devait 
s'en  tenir  striclement  à  celles  usitées  lorsque  les  hostilités  étaient 
en  pleine  activité;  cependant,  qu'il  n'était  rien  changé  à  l'ordre 
relatif  aux  officiers  autrichiens  ou  courriers  porteurs  de  dépêches; 
mais  de  faire  recommander  aux  officiers  et  sous-officiers  chargés 
de  les  escorter  de  ne  les  laisser  communiquer  avec  qui  que  ce  soit 
(|u'avec  des  officiers  de  l'armée. 

Le  général  Dehilly  reçut  en  outre  l'ordre  de  renforcersa  [ligne] 
et  de  la  prolonger  par  sa  gauche  jusqu'à  Zinneberg  exclusivement 
où  appuierait  la  droite  du  général  Durutte.  Il  lui  fut  recommandé 
de  porter  son  attention  surtout  sur  le  débouché  d'Ettal  sur  Mur- 
nau;  de  concentrer  ses  troupes  de  manière  à  ce  qu'en  six  heures 
de  temps  chaque  bataillon  pût  être  réuni  à  chaque  point  central, 
ces  points  devant  être  Murnau,  Weilheim  et  Tolz  pour  une  partie, 
et  Holzkirchen  et  Wolfratshausen  pour  l'autre  partie;  que  ce  qui 
lui  resterait  de  cavalerie  non  employée  sur  la  ligne  d'avant-postes 
sur  la  gauche  de  l'Isar  ne  devrait  pas  être  éloigné  de  Tôlz  de  plus 
de  deux  marches. 

Ce  général  fut  invité  d'établir  son  quartier  au  centre  de  sa  bri- 
gade pour  être  en  mesure  de  pouvoir  surveiller  sa  ligne.  Il  fut 
prévenu  que  deux  pièces  de  4,  et  des  caissons  de  munitions  et 
de  cartouches  lui  étaient  envoyés.  Il  lui  fut  recommandé  de  se 
faire  rendre  compte  sans  retard  de  l'état  de  l'armement,  et  que, 
s'il  man(|uait  des  armes,  les  chefs  de  corps  devaient  sur-le-champ 
adresser  leurs  états  de  demandes  pour  qu'ils  fussent  envoyés  au 
général  Eblé,  commandant  en  chef  l'artillerie  de  l'armée. 

Ces  dernières  dispositions  furent  mandées  au  général  Durutte 
auquel  il  fut  aussi  ordonné  d'établir  ses  avant-postes  de  la  manière 
la  plus  convenable  pour  garder  tous  les  débouchés  depuis  la  droite 
du  lieutenant  général  Grenier  jusqu'à  Zinneberg. 

Un  des  émissaires  envoyés  aux  nouvelles  était  de  retour  le  18 
et,  par  son  rapport,  que  je  communiquai  au  général  Dessolle,  on 
apprit  que  le  régiment  de  hussards  des  frontières  était  à  Haag; 
que  le  baron  Daniel,  colonel  de  ce  régiment,  commandait  provi- 
soirement tonte  la  chaîne  de  postes  jus(ju'à  Wasserburg,  montant 
à  6  000  hommes,  dont  2  000  de  cavalerie;  qu'à  Ampfing,  il  avait 
trouvé  deux  escadrons  de  Kinsky;  qu'à  .\Iiihldorf  et  dans  les  envi- 
rons, il  y  avait  3  000  à   4  000  hommes  récemment  arrivés  de  la 


PRt:PARATIFS   ALTlllCHlENS  107 

Bohême  et  de  la  Hongrie  et  qui  devaient  être  incorporés  dans  plu- 
sieurs régiments;  que  la  garnison  était  d'environ  500  hommes; 
qu'on  y  attendait  le  prince  Ferdinand  qui  commanderait  le  centre; 
que  3000  hommes  travaillaient  aux  retranchements  qui  ceignaient 
toute  cette  ville  dont  on  pouvait  parcourir  la  circonférence  dans 
une  demi-heure;  qu'il  y  avait  aussi  beaucoup  d'ouvriers  employés 
à  faire  des  chevaux  de  frise  ;  qu'il  y  avait,  à  Mùhldorf,  un  immense 
magasin  rempli  de  foin,  d'avoine  et  de  farine,  et  il  assurait  que 
le  bâtiment  avait  180  pas  de  longueur  et  68  pas  de  largeur;  que, 
dans  Alt-Oetting,  il  y  avait  des  Bavarois,  notamment  le  régiment  de 
dragons  de  Heidelberg  et  le  régiment  d'infanterie  de  Rothenhau- 
sen;  que  le  ([uartier  général  du  duc  de  Deux-Ponts  était  dans  cet 
endroit;  que  le  corps  bavarois,  depuis  Alt-Oetting  jusqu'à  Marktl, 
montait  à  6  000  hommes;  qu'il  avait  parlé  à  plusieurs  officiers 
bavarois  qui  affirmaient  que  l'Electeur  avait,  dans  ce  moment, 
30  000  hommes  à  la  solde  de  l'Angleterre  ;  que,  d'après  leur  asser- 
tion, il  régnait  dans  l'armée  palatine  un  mécontentement  général 
surtout  contre  les  Autrichiens;  qu'à  Marktl,  il  avait  trouvé  les 
chevau-légers  de  Fugger  au  nombre  de  500;  qu'il  était  arrivé 
le  15  à  Braunau;  que  la  tête  de  pont  de  ce  côté-ci  de  l'Inn  était 
déjà  achevée;  que  les  retranchements  étaient  garnis  de  chevaux 
de  frise;  qu'il  y  avait  aperçu  12  à  15  pièces  de  canon  du  calibre 
de  18;  que,  de  l'autre  côté  de  l'Inn,  en  sortant  de  la  ville,  à 
gauche  du  chemin  de  Scharding,  il  avait  vu  environ  150  pièces  de 
canon  ({u'on  disait  destinées  pour  les  retranchements  qui  étaient 
très  considérables,  sur  la  rive  droite  de  l'Inn,  et  que  15  000  à 
20  000  hommes  pourraient  aisément  s'y  défendre;  (ju'il  n'y  avait 
que  500  hommes  à  Braunau;  que  c'était  le  général  Colloredo 
qui  y  commandait;  qu'il  n'y  avait  point  de  magasins;  mais  qu'à 
Ried,  il  y  en  avait  de  très  considérables,  remplis  de  foin,  d'avoine 
et  de  farine;  ([u'il  avait  appris  ({u'il  y  en  avait  aussi  à  Neumarkt, 
au  delà  de  Salzburg;  que  les  deux  bataillons  de  chasseurs  qui  se 
trouvaient  à  Braunau  avaient  été  rappelés  en  Bohême  pour  se 
joindre  à  leurs  compatriotes,  chaque  seigneur  ou  propriétaire  four- 
nissant des  chasseurs  en  proportion  du  nombre  de  leurs  sujets; 
[qu']  on  prétendait  que  la  levée  en  Bohême,  en  Silésic  et  en 
Moravie  s'élèverait  à  60  000  hommes  qui  seraient  commandés 
parle  prince  Charles;  qu'il  avait  appris  à  Altheim,  où  le  prince 


108      MKMOIRKS   ET   JOURMALX   DU    GEXERAL   DECAEY 

de  Ligne  «Hait  avec  deux  bataillons  de  son  régiment  et  une  divi- 
sion de  La  Tour-dragons,  que  trois  régiments  d'infanterie 
devaient  y  arriver  incessamment;  que,  vers  Scharding,  sur  le  ter- 
ritoire bavarois,  il  y  avait  1  500  liulans,  et  que  les  babitants  de 
cette  contrée  se  plaignaient  beaucoup  de  leurs  excès;  que,  depuis 
Braunau  jusqu'à  Scharding,  l'ennemi  avait  élevé  une  vingtaine 
de  batteries  toutes  prêtes  à  recevoir  des  canons;  que,  dans  Scliâr- 
ding,  il  y  avait  400  bommes  de  différents  régiments  d'infanterie 
et  quelques  détachements  de  chevau-légers  ;  que,  dans  Passau, 
où  il  était  arrivé  le  15,  à  9  heures  du  soir,  était  le  quartier  général 
Kollowrat,  il  n'y  avait  que  400  hommes  d'infanterie  du  régi- 
ment de  Wenkheim;  mais  que,  dans  les  environs,  il  y  avait 
4000  hommes;  qu'il  était  revenu  de  Passau  par  Vilshofeu  et 
Landshut;  qu'à  Vilshofen,  l'ennemi  avait  enlevé  le  pont  sur  le 
Danube. 

Dans  toute  sa  route  depuis  Haag  jusqu'à  l'assau,  il  n'avait  ren- 
contré aucune  troupe  en  marche,  ni  aperçu  aucune  trace  des 
mouvements  d'une  armée. 

On  doutait  partout  de  la  paix,  et  les  Autrichiens  eux-mêmes 
prétendaient  que  le  congrès  de  Lunéville  n'était  qu'un  prétexte 
pour  gagner  du  temps,  l'intention  de  l'empereur  n'étant  que  de 
calmer  les  esprits  avec  l'apparence  de  désirer  la  paix. 

On  lui  avait  dit,  à  Passau,  qu'on  y  préparait  des  quartiers  pour 
un  corps  considérable  de  la  levée  hongroise.  On  y  disait  aussi  que 
le  quartier  général  autrichien,  qui  était  encore  à  Wels,  devait  se 
porter  en  avant.  Il  y  avait  aussi  appris  que  le  parc  d'artillerie  et 
les  pontons  étaient  encore  dans  les  environs  de  Uels.  Il  avait 
observé  que  le  mécontentement  chez  les  sujets  autricliiens,  aussi 
bien  que  dans  l'armée,  était  au  plus  haut  point.  On  se  déchaînait 
contre  la  disparition  entière  du  numéraire  et  contre  les  maux  de 
la  guerre. 

Dans  la  partie  de  la  Bavière  où  il  avait  passé,  les  habitants 
détestaient  jusqu'à  la  mémoire  de  l'Électeur  et  disaient  des  injures 
contre  les  .Autrichiens. 

Dans  les  pays  héréditaires  de  l'Autriche,  le  bruit  y  était  répandu 
au  sujet  de  l'assassinat  tenté  sur  le  Premier  Consul,  et,  en  général, 
les  habitants  disaient  que,  si  les  Français  estimaient  le  prince 
Charles,  ils  n'aimaient  pas  moins  Bonaparte. 


LE    CORPS   DE    CONDÉ    VERS   ROSEMHEIM  109 

D'un  autre  émissaire,  qui  fit  son  retour  à  Munich  dans  la  soirée 
du  20,  on  eut  les  renseignements  ci-après  : 

On  travaillait  toujours  aux  retranchements  de  Wasserburg, 
mais  il  y  a  seulement  300  ouvriers,  paysans  et  soldats.  La  garni- 
son est  composée  du  régiment  de  milices  wurtembergeois.  C'est 
le  colonel  Mixich  qui  commande  à  Wasserburg  où  on  attend  le 
contingent  de  Souabe  d'environ  3  000  hommes. 

Six  compagnies  de  chasseurs  wurtembergeois  occupent  la  ligne 
depuis  Wasserburg  jusqu'à  Rosenheim.  A  une  lieue  de  la  première 
ville,  il  y  a  une  batterie  construite  au  bord  de  rinn,sur  la  rive  droite. 

Le  corps  de  Condé,  fort  encore  de  3  500  hommes,  occupe 
Rosenheim,  Aibling  et  l'étendue  de  pays  jusqu'à  Fischbachau,  en 
deçà  de  l'inn,  et  jusqu'à  Alarquarlstein  vers  Salzburg.  La  chaîne 
des  avant-postes  est  gardée  par  des  hussards  des  frontières  et  par 
des  fantassins  de  Gradisca. 

Le  prince  de  Condé  a  sou  quartier  général  à  Rosenheim.  La 
garnison  est  composée  de  1  200  hommes.  Le  duc  d'Enghien  est 
à  Aibling  et  commande  la  cavalerie;  mais  il  n'a  avec  lui  que 
300  hommes.  Le  corps  de  Condé  a  son  magasin  à  liranneuburg. 
A  Kufstein,  il  y  a  deux  compagnies  de  Bender  commandées  par 
un  colonel.  Les  habitants  ne  permettent  à  aucun  individu  du  corps 
de  Condé  d'y  entrer. 

A  Worgl,  quatre  lieues  de  Kufstein,  il  y  a  un  magasin  rempli 
de  blé  et  de  fourrage.  Le  principal  magasin  de  l'ennemi  est  à 
Hall,  qu'on  augmente  journellement  au  moyen  d'une  quantité  de 
bateaux  chargés  de  blé  arrivant  par  l'Inn.  On  a  fait,  le  10  bru- 
maire (7  novembre),  à  Worgl,  une  réquisition  de  36  000  quintaux 
de  foin.  Ce  même  jour,  trois  compagnies  de  chasseurs  tyroliens 
ont  passé  par  Worgl  pour  aller  prendre  poste  au  défilé  d'Achen- 
Thal.  On  a  appris  de  ces  Tyroliens  que  le  nombre  des  chasseurs 
de  leur  pays  organisés  et  armés  montait  à  13  000  hommes  qui 
avaient  reçu  ordre  de  se  porter  sur  différents  points  indiqués.  La 
levée  en  masse  est  ordonnée. 

Quinze  bataillons  de  troupes  de  ligne  avaient  passé,  il  y  avait 
quinze  jours,  par  le  Tyrol  pour  se  rendre  en  Italie. 

Cet   émissaire    avait    rencontré    à   Miihlthal   (J)   des  quarlier- 

(1)  Mùhlilial,  qui  ne  Ggure   plus  sur  les  cartes  modernes,  est  porté  sur  la  carte  de  la 


no      MÉMOIRES   ET   JOTRXAUX   Dl    GÉXÉRAL   DECAEX 

maîtres  qui  arrivaient  pour  préparer  des  logements;  d'après  leurs 
assertions,  12  bataillons  étaient  attendus  successivement.  On  avait 
mis,  dans  cet  endroit,  12  000  bottes  de  foin  en  réquisition  parce 
qu'on  y  attendait  aussi  de  la  cavalerie  et  des  équipages. 

Il  avait  rencontré  150  bas-officiers  détachés  de  l'armée  d'Italie, 
destinés  partie  pour  la  Bohème,  partie  pour  la  Hongrie,  pour 
l'instruction  des  levées. 

On  disait  le  général  IVIack  déjà  arrivé  eu  Italie. 

Les  soldats  se  flattaient  que  le  prince  Charles  commanderait 
l'armée  d'Allemagne. 

21  brumaire  (12  novembre).  —  Le  général Dessolle  retourna  à 
Augsbourg.  Je  partis  aussi  de  .\Iunich  pour  aller  vers  les  frontières 
du  Tyrol.  Pendant  ce  voyage,  je  reçus  deux  lettres  de  ce  général. 
11  me  mandait,  dans  l'une,  que  le  commissaire  ordonnateur  en  chef 
m'avait  transmis,  par  l'intermédiaire  du  commissaire  des  guerres 
de  ma  division,  l'état  des  denrées  à  fournir  par  difierents  états  oc- 
cupes par  les  troupes  à  mes  ordres,  pour  la  formation  des  magasins 
de  réserve  indiqués  par  l'ordre  général  de  l'armée  du  1  "  brumaire; 
que  le  salut  de  l'armée  commandait  de  grandes  précautions,  pour 
assurer  les  subsistances  dans  tous  les  cas. 

Profitez  donc,  (me  disait-il)  des  derniers  moments  que  vos  troupes 
occuperont  les  Etats  pour  que,  d'ici  au  1"  frimaire  prochain,  les  deux  tiers 
des  denrées  qui  y  ont  été  requises  soient  rentrées  dans  les  magasins  dési- 
gnés dans  l'ordre  précité. 

Je  crois  inutile  de  vous  déduire  d'autres  raisons  pour  vous  prouver  que 
l'exécution  de  cette  mesure  est  de  la  plus  grande  importance  pour  les  suc- 
cès de  l'armée.  Je  connais  votre  prévoyance.  Cela  me  suffit  pour  me  con- 
vaincre que  vous  ne  négligerez  aucun  des  moyens  qui  sont  en  votre  pou- 
voir afin  de  remplir  le  but  que  s'est  proposé  le  général  en  chef  en  prenant 
ces  dispositions. 

Par  l'autre  lettre,  le  général  Dessolle  me  disait  qu'il  m'avait 
écrit  de  profiter  des  derniers  moments  où  je  devais  rester  dans  mes 
cantonnements  pour  faire  rentrer  les  denrées  mises  en  réquisition; 
(|ue,  s'étant  fait  représentera  l'instant  l'étatde  situation  des  maga- 
sins, il  s'était  aperçu  que  l'article  des  avoines  était  bien  au-dessous 

Bavière  de  Joseph  Diruald,  de  1S13,  à  800  mètres  enuroii  à  l'est  de  Saiut-Peter,  à  10  kilo- 
mètres environ  au  S.-S.-E.  d'Innsbrutk. 


DECAEM   REXTRE    A   ML.MCH  111 

des  quantités  qu'il  avait  lieu  d'espérer  être  rentrées  à  cette  époque  ; 
qu'il  donnait  ordre  à  l'ordonnaleur  en  chef  de  faire  partir  à  l'ins- 
tant des  agents  sur  tous  les  points  pour  faire  rentrer,  par  tous  les 
moyens,  les  avoines  qui  avaient  été  mises  en  réquisition.  Enfin  il 
me  recommandait  d'aider  ces  agents  de  toute  mon  autorité. 

Comme  j'avais  autorisé  d'ouvrir  les  lettres  qui  m'arriveraientdu 
quartier  général  pendant  mon  absence,  ces  deux  lettres  avaient  été 
de  suite  communi(|uées  au  commissaire  des  guerres  de  la  division 
qui  avait  aussitôt  transmis  au  gouvernement  bavarois  ce  qu'expri- 
mait le  général  Dessolle  sur  le  peu  d'approvisionnement  en  avoine  ; 
et  ce  commissaire  avait  ajouté  : 

Ces  deux  lettres  ne  sont  que  confirmatives  des  plaintes  que  je  vous  ai 
manifestées  plusieurs  fois  sur  la  lenteur  des  versements  et  notamment  par 
ma  lettre  du  21  de  ce  mois.  11  n'est  donc  plus  tenqis  de  recourir  à  aucune 
réclamation.  Le  contingent  auquel  le  gouvernement  bavarois  a  été  imposé, 
doit  être  fourni  sans  délai  ni  restriction,  et  c'est  là  oîi  mes  prétentions  se 
bornent  (l).  Le  général  Decaen,  à  son  retour,  ne  pourra  que  partager 
avec  moi   un  sentiment  de  sévérité  que  commande  fintérét  de  l'armée. 

26  brumaire  (17  novembre).  —  De  retour  à  Alunicb,  ayant  ap- 
pris que  les  demandes  réitérées  du  commissaire  des  guerres  étaient 
restées  sans  effet,  j'ordonnai  des  exécutions  militaires  pour  le  len- 
demain. 

Je  reçus  une  lettre  du  général  Dessolle.  Il  me  mandait  : 

Je  n'ai  pas  reçu  d'autres  nouvelles  du  général  en  chef  depuis  mon  dé- 
part de  Munich.  Ainsi  nous  en  sommes  toujours  à  nos  premières  instruc- 
tions. J'ai  reçu  réponse  de  l'archiduc  Jean.  Chouard  (2)  n'a  pu  arriver  à 
lui  que  le  22  à  6  heures  du  matin.  Ainsi  c'est  pour  le  7  frimaire,  à  la 
même  heure,  qu'il  faudra  recommencer  d'en  découdre,  s'il  ne  survient 
rien  de  nouveau.   Xos  magasins  en  grains  sont  assez  bien  approvisionnés. 

(1)  "  Ce  commissaire  aïait  reçu  une  réponse  hanlaine,  on  peut  même  dire  imperti- 
nente, à  sa  lettre  du  21    •  i^Xote  de  Decaen;. 

(2)  Chouard  (Louis),  né  le  15  août  1771,  à  Strasbourg;  aspirant  au  corps  royal  d'ar- 
tillerie, le  28  septembre  1789;  lieutenant  au  1"''  bataillon  du  Bas-Rhin  eu  1791;  sous- 
lieutenant  au  9*^  de  cavalerie,  le  25  janvier  1792;  lieutenant,  le  1"'  avril  1793,  capitaine, 
le  29  brumaire  an  II;  aide  de  camp  du  général  Delmas,  le  15  brumaire  an  VII:  nommé 
chef  d'escadrons  sur  le  champ  de  batiille,  le  16  germinal  an  VU;  aide  de  camp  dn  géné- 
ral Moreau,  le  22  floréal  an  VII;  colonel  du  2<^  cuirassiers,  le  6  nivôse  au  XIV;  général 
de  brigade,  le  6  août  1811  ;  commandant  l'arrondissement  de  Huningue,  le  5  septem- 
bre 1814;  retraité,  le  l"^!^  août  1815;  commandant  le  déparlement  de  la  Marne,  le  14  jan- 
vier 18.31;  commandant  le  département  de  la  Meurthe  et  une  brigade  de  cavalerie,  le 
27  juin  1833;  retraité,  le  1"  octobre  1833  (A.  A.  G.). 


112      MKMOIRES   ET  JOIRXALX   DU   GENERAL   DECAE.V 

Pressez  le  <]ouvernei)icnt  électoral  de  verser  autant  d'avoine  qu'il  le  pourra. 
Pour  le  foin,  nous  verrons  de  nous  aider  avec  de  la  paille. 

27  brumaire  (18  novcmhie).  —  J'écrivis  au  général  Dessoile  : 

J'étais  allé  vers  les  frontières  du  Tyrol  lorsque  vos  lettres  relatives  aux 
approvisionnements  sont  arrivées.  Pendant  mon  absence,  on  a  renouvelé  à 
MAI.  du  gouvernement  électoral  les  instances  les  plus  vives  pour  qu'on 
accélère  les  rentrées  des  avoines  et  fourrages.  A  mon  retour,  n'ayant 
trouvé  que  des  promesses  ou  des  observations  pour  résultat,  puisque  nous 
n'avons  pas  pour  plus  de  10  000  chevaux  pendant  trois  ou  quatre  jours, 
j'ai  ordonné  qu'il  y  ait  aujourd'hui  des  exécutions  militaires  chez  dix  des 
principaux  de  Munich  et  surtout  chez  les  membres  du  gouvernement.  Ma 
rigueur  va  sans  doute  me  faire  recevoir  une  de  leurs  lettres  où,  de  nou- 
veau, ils  vont  répéter  que  je  suis  difficile  à  satisfaire  et  surtout  que  leur 
grandeur  magistrale  a  été  froissée,  s'ils  n'en  disent  pas  plus.  Mais  je  vais 
en  rire,  et  j'aurai  de  l'avoine.  Vous  allez,  je  crois  bien,  recevoir  leurs 
plaintes.  Ils  vont  exposer  qu'ils  ont  déjà  rempli  plus  de  la  moitié  de  la 
réquisition,  ce  qui  est  vrai.  Mais  comme  on  a  mangé  sur  ces  rentrées,  puis- 
qu'il n'y  avait  en  magasin  qu'au  jour  le  jour,  il  n'en  reste  plus  qu'un 
tiers,  et  il  faut  encore  que  les  distributions  soient  faites  jusqu'au  1"  frimaire. 

Dans  ma  tournée,  qui  avait  pour  but  de  reconnaître  le  débouché  de  la 
Loisach  et  du  VValchen  See,  j'ai  reconnu  que  les  routes  étaient  en  bon  état, 
ce  qui  n'est  pas  ainsi  entre  Augsbourg  et  Munich.  J'ai  ordonné  qu'un 
officier  d'élat-major  se  rende  aujourd'hui  sur  cette  route  et  mette  en 
réquisition  tous  les  paysans  des  villages  pour  travailler  aux  réparations 
faites  à  cause  de  la  proximité  des  bois.  Si  vous  ordonniez,  mon  cher  géné- 
ral, qu'il  en  fût  fait  autant  du  côté  d'Augsbourg,  cela  serait  plus  vite  ter- 
miné. 

D'après  le  dire  des  habitants  de  la  haute  Bavière,  l'hiver  ne  sera  pas 
rigoureux.  Ils  m'ont  assuré  que  les  grandes  communications  ne  sont 
jamais  impraticables. 

Xe  serait-il  pas  possible  que  l'aile  droite  vint  relever  mes  avant-postes 
à  Etlal  et  même  dans  la  vallée  de  la  Loisach?  Encore  ma  ligne  serait-elle 
très  longue  à  replier  lorsqu'il  faudra  que  je  me  réunisse. 

Les  garnisaires  qui  avaient  été  placés  pour  forcer  l'exécution  des 
versements  déterminèrent  les  membres  du  gouvernement  électoral 
à  m'adresser  une  note  qui  me  fut  présentée  par  l'un  d'eux,  et 
(|u'ils  appuyèrent  de  la  réquisition  (jui  leur  avait  été  faite  par  le 
commissaire  ordonnateur  en  chef,  ainsi  ([ue  de  la  correspondance 
réciproque  à  ce  sujet.  Ce  commissaire  s'étant  écarté  des  dispositions 
prescrites  par  le  général  en  chef,  il  en  résultait  que  le  gouverne- 
ment électoral  n'était  point  en  retard  pour  les  versements  qu'il 


EQUITE   DE   DECAEN  113 

devait  faire   opérer.  Alors,  je  répondis  à  cette  note  par  la  sui- 
vante : 

D'après  la  connaissance  prise  par  le  général  de  division  Decaen  du 
contenu  de  la  note  de  MiM.  les  membres  du  gouvernement  électoral  en 
date  du...  et  des  pièces  à  l'appui,  pour  démontrer  qu'il  y  a  une  erreur 
pour  l'evécution  militaire  ordonnée  :  puisqu'il  n'y  a  point  eu  de  retard 
apporté  pour  remplir  la  réquisition  du  21  vendémiaire,  le  général  Decaen 
a  arrêté  les  suites  de  cette  exécution  militaire.  Mais  il  prévient  J\IVI.  les 
membres  du  gouvernement  électoral  que  le  commissaire  .Mathieu-Faviers, 
qui  a  causé  cet  acte  de  rigueur  par  la  manière  dont  il  a  tenu  sa  correspon- 
dance avec  le  gouvernement  électoral,  n'avait  pas  le  droit  de  rien  changer 
aux  ordres  du  général  en  chef  comme  il  l'a  fait  par  cette  correspondance 
en  tout  contraire  aux  dispositions  de  l'arrêté  dont  il  a  été  donné  commu- 
nication. 

Ainsi  MM.  les  membres  du  gouvernement  électoral  doivent  regarder 
toutes  les  dispositions  contraires  à  cet  arrêté  comme  non  avenues  et  exécu- 
ter celles  qu'il  prescrit,  dont  les  principales  sont  que  la  réquisition  frappée 
doit  être  remplie  indépendamment  de  la  subsistance  journalière  qui  a  été 
fournie  dans  le  mois  de  brumaire,  et  que,  pour  le  troisième  tiers  à  effec- 
tuer, il  ne  sera  point  pris  en  compte  des  versements  des  bons  antérieurs  à 
l'arrêté. 

Le  général  Decaen  aime  à  croire  que  MM.  les  membres  du  gouverne- 
ment électoral  feront  tout  ce  qu'il  est  convenable  pour  qu'il  n'y  ait  point 
de  retard  dans  le  complément  des  approvisionnements  demandés  et  néces- 
saires aux  besoins  de  l'armée. 

Après  l'envoi  de  cette  note,  j'écrivis  au  général  Dessolle  : 

Si  j'avais  quelque  autorité  sur  le  commissaire  Mathieu-Faviers,  je  vous 
assure  que  je  le  ferais  prendre  par  quatre  gendarmes  pour  le  faire  jeter 
hors  de  l'armée,  si  je  ne  me  décidais  pas  à  le  mettre  à  une  commission 
militaire,  que  personne  n'a  jamais  mieux  méritée  que  lui. 

Si  l'armée  manque  de  fourrages  et  d'avoine,  c'est  au  commissaire  Mathieu 
seul  qu'il  faut  en  attribuer  la  cause  :  les  pièces  que  je  vous  adresse  avec  la 
présente  le  démontrent  évidemment.  L'arrêté  du  général  en  chef  pour  la 
formation  des  magasins  de  réserve  n'a  point  été  suivi  par  ce  commi.ssaire 
pour  frapper  ses  réquisitions  :  il  ne  faut  que  le  lire,  et,  surtout,  sa  lettre 
d'envoi  aux  membres  du  gouvernement  bavarois. 

Le  commissaire  Matliieu  a  fait  plus  encore...  Dans  le  moment  où  ces 
magasins  ne  sont  pas  en  état  de  fournir  à  nos  besoins  et  que  vous  recom- 
mandez de  presser  les  versements,  le  commissaire  Mathieu  s'est  permis 
d'accorder  une  prime,  en  disant  au  gouvernement  électoral  que  s'il  four- 
nit deux  tiers  de  la  réquisition  au  1"  frimaire,  il  prendra  en  compte,  pour 
le  troisième  tiers,  les  réquisitions  partielles  antérieures  à  la  date  de  l'ar- 
rêté du  général  en  chef,  tandis  que  l'article  (>  de  cet  ari'êté  dit  très  daire- 

II  8 


114      MÉMOIRES   ET   JOURNAUX   DU   GÉNÉRAL   DECAEN 

ment  que  les  bons  des  troupes  ne  peuvent  être  remis  en  paiement  de  cette 
réquisition.  Quelle  conduite  inconcevable!...  Aussi  les  membres  du  «gou- 
vernement électoral,  auxquels  j'avais  envoyé  des  exécutions  militaires, 
comme  je  vous  l'ai  annoncé  ce  malin,  de  me  démontrer  que  mon  exécu- 
tion était  illégale,  puisque,  d'après  la  manière  d'agir  du  commissaire 
Mathieu,  au  1"  frimaire  ils  auront  fait  les  versements  qu'il  leur  a  deman- 
dés et  qu'ils  auront  des  bons  à  représenter  pour  le  troisième  tiers.  Et  pour- 
tant, nous  n'aurons  presque  rien  en  magasin  puisque  un  tiers  au  moins  a 
déjà  été  consonnné  et  qu'un  autre  ne  sera  fourni  qu'en  bons,  si,  de  suite, 
mon  cher  général,  vous  n'ordonnez  pas  que  la  réquisition  du  commissaire 
Mathieu  est  annulée  et,  en  même  temps,  que  vous  ne  fassiez  frapper 
une  autre  réquisition  dans  la  forme  prescrite  par  l'arrêté  du  général  en 
chef. 

J'ai  prévenu  les  membres  du  gouvernement  que  cette  mesure  allait  être 
prise  et  qu'ils  aient  à  faire  leurs  dispositions  de  sorte  que,  quoique  le 
commissaire  Mathieu  soit  sorti  des  bornes  qui  lui  étaient  prescrites,  il 
n'arrive  point  que  l'armée  éprouve  la  moindre  difficulté  pour  ces  besoins. 

29  hrumaire  (20  novembre).  — En  réponse  à  celte  lettre,  le 
général  Dessolle  m'écrivit  que  l'ordonnateur  lui  avait  répondu 
que  ce  n'était  point  les  bons  de  troupes  qu'il  admettrait  en  réduc- 
tion de  paiement  du  troisième  tiers  de  la  réquisition,  mais  seu- 
lement les  réquisitions  partielles  des  commissaires  des  guerres 
|)endant  l'intervalle  entre  la  consommation  de  la  réquisilion  de 
l'avant-dernier  trimestre  et  l'établissement  de  celle  du  21  vendé- 
miaire pour  le  trimestre  actuel  ;  qu'il  lui  avait  défendu,  vu  les  cir- 
constances où  nous  nous  trouvions,  d'accepter  de  pareilles  com- 
pensations qui,  d'ailleurs,  étaient  légitimes,  et  qu'il  l'avait  en 
même  temps  autorisé  à  frapper  sur  la  Bavière  une  réquisition  de 
15  000  quintaux  d'avoine  et  de  plusieurs  milliers  de  quintaux  de 
foin  et  de  paille  en  avance  sur  la  réquisition  à  frapper  sur  le  tri- 
mestre prochain,  et  lui  avait  dit  de  motiver  cette  mesure  sur  la 
rapidité  des  mouvement  de  l'armée  et  sur  les  obstacles  provenant 
des  mauvais  chemins  (|ui  ne  permettaient  pas  d'amener  sur  la  pre- 
mière ligne,  assez  à  temps,  les  magasins  que  nous  avions  en 
arrière. 

Il  m'annonçait  qu'il  allait  donner  des  ordres  pour  la  réparation 
des  chemins  depuis  Augsbourg  jusqu'à  l'endroit  oii  j'avais  fait 
commencer  ;  mais  qu'il  attendait  que  la  division  Richepance  eût 
passé. 

11  me  mandait  aussi  qu'il  avait  donné  l'ordre  au  général  Mon- 


ON    PREPARE    LA   REPRISE    DES   OPÉRATIONS         115 

(richard  de  relever  mes  postes  depuis  la  Loisacli  jusqu'à  l'Isar. 
Le  général  Dehilly  fut  prévenu  de  eet  avis,  et  des  ordres  lui 
furent  donnés  pour  faire  passer  sur  la  rive  droite  de  Tlsar  ce 
qu'il  avait  des  troupes  de  sa  brigade  sur  la  rive  gauche,  ainsi  que 
ses  postes  quand  ils  seraient  relevés,  et  de  les  placer  dans  les  nou- 
veaux cantonnements  qui  lui  furent  indiqués. 

50  hrumaire  (21  novembre).  —  Les  renseignements  qui  me 
parvinrent  à  la  fin  de  brumaire  apprirent,  entre  autres  choses, 
<[ue  Fartillerie  qui  avait  été  envoyée  des  bords  de  Flnn  en  Bohême, 
après  le  premier  armistice,  était  en  mouvement  pour  se  porter,  une 
partie  vers  Straubing  et  Ratisbonne;  et  l'autre,  renforcée  par  trois 
bataillons,  se  portait  vers  Schiirding,  liraunau  et  W  asserburg  ;  [que] 
les  batteries  le  long  de  l'Inn,  depuis  Passau  jusqu'à  Miihldorf,  ve- 
naient d'être  garnies  avec  des  pièces  de  différents  calibres  et  que 
tous  les  ouvrages  de  Braunau,  en  deçà  et  au  delà  de  1  Inn,  étaient 
achevés  et  garnis  d'artillerie  ;  (juauprès  de  Straubing,  on  formait 
en  toute  diligence  un  grand  magasin  de  farine,  avoine,  etc.. 

Les  divers  rapports  annonçaient  des  mouvements  de  troupes  se 
dirigeant  sur  différents  points  ainsi  ([ue  des  transports  de  \ ivres  et 
de  munitions. 

Le  quartier  général  était  toujours  à  Wels.  Cependant  plusieurs 
généraux  et  officiers  supérieurs  avaient  rejoint  leurs  corps  res- 
pectifs. 

L'archiduc  Charles,  disait-on,  commanderait  indubitablement 
la  levée  en  masse  de  la  Bohême.  Les  troupes  paraissaient  très  ani- 
mées par  la  gratification  de  deux  mois  de  gages  accordée  par 
l'empereur. 

Un  grand  corps  de  cavalerie  se  portait  au  delà  de  l'Eger. 

Les  dernières  recrues  qui  manquaient  encore  pour  compléter 
les  différents  corps  venaient  d'arriver  de  la  Moravie,  et  l'armée 
d'Allemagne  serait  de  100  000  hommes. 

On  présumait  ([ue  les  Autrichiens  dirigeraient  leurs  plus  grandes 
forces  sur  Wiirzburg  et  que  c'était  là  qu'ils  voulaient  attaquer 
avec  vigueur. 

L'armée  n'était  pas  contente  de  l'archiduc  Jean,  et  il  n'était  pas 
encore  décidé  qui  commanderait  l'armée  d'Allemagne. 

Les  officiers  sont  très  mécontents.  Ils  jurent  contre  la  guerre, 


ne      MKWOIRES    lOT   JOURNAUX   DU   GKXKRAL   DECAEN 

les  généraux  et  les  minisires,  et  disent  qu'il  faudrait  <|ue  les 
Français  allassent  à  Vienne  pour  faire  revenir  l'empereur  de  son 
égarement  où  Font  conduit  des  ministres  mal  intentionnés. 

Les  Bavarois,  sous  les  ordres  du  duc  de  Deux-Ponts,  étaient 
])lacés  entre  Miihldorf  et  Oetting. 

L'IOlecteur  continuait  la  levée  extraordinaire  pour  former  son 
armée. 

Le  peuple  bavarois  commence  à  manifester  un  esprit  mutin,  ce 
qui  est  excité  par  les  charges  de  guerre  qu'ils  ont  à  supporter. 

L'élat-major  général  de  l'armée  autrichienne  est  composé  des 
généraux  Schmidt,  Lutz,  Kouheics  (1),  Weyrother,  Stipsics  et 
Lauer.  Ces  deux  derniers  sont  constamment  auprès  de  l'archiduc 
Jean. 

On  a  été  fort  étonné,  au  quartier  général,  à  l'arrivée  de  la 
dénonciation  de  l'armistice.  On  a  expédié  des  courriers  et  des 
estafettes  sur-le-champ. 

Le  sentiment  de  plusieurs  officiers  est  que  leur  armée  n'agira 
(|ue  défensivement  sur  le  centre,  et  qu'elle  attaquera  avec  vigueur 
les  Français  du  côté  du  Tyrol  et  par  la  Franconie  pour  les  tour- 
ner. On  porte  leur  armée  du  Tyrol  à  60  000  combattants. 

On  répand,  dans  l'armée  autrichienne,  que  40  000  Russes  sont 
déjà  arrivés  dans  la  Galicie. 

Les  officiers  autrichiens  comptent  sur  un  nouvel  armistice.  Ils 
disent  que  l'empereur  ne  tardera  pas  à  céder  encore  quelques 
places. 

Les  habitants  de  l'Autriche,  poussés  à  bout  par  le  manque  de 
numéraire,  les  contributions,  les  prestations  de  vivres  et  four- 
rages, les  logements  et  les  transports,  etc.,  sont  fort  indifférents 
sur  ceux  qui  remporteront  la  victoire,  soit  Autrichiens  ou  Français, 
pourvu  que  la  guerre  finisse. 

La  Révolution  française  avait,  dès  son  commencement,  jeté  des 
germes  de  liberté  dans  les  divers  états  de  l'Allemagne.  Les  inva- 
sions des  armées  françaises  dans  ce  pays,  leurs  victoires,  la  con- 
quête de  l'Italie  et  la  création  de  la  République  cisalpine  avaient 
beaucoup  contribué  à  faire  désirer  un  tout  autre  système  de  gou- 
vernement que  celui  qui  existait  pour  l'Allemagne   en    général 

(1)  Peut-èlre  fuut-il  lire  Juerczick. 


PROJET    DU\E    REPUBLIQUE    BAVAROISE  117 

et  d'après  lequel  on  gouvernait  les  divers  états  de  l'empire  ger- 
manique. 

Tous  les  hommes  instruits  considéraient  qu'un  changement 
indispensahle  devait  incessamment  s'opérer,  parce  qu'ils  jugeaient, 
par  l'opinion  qui  régnait  alors,  produite  par  les  lumières  (pii 
s'étaient  répandues,  que  les  esprits  y  étaient  fort  hien  disposés  et 
qu'ils  y  étaient  même  excités  par  tout  ce  qu'on  avait  souffert 
depuis  plusieurs  années  pendant  lesquelles  la  plus  grande  partie 
de  l'Allemagne  avait  été  le  théâtre  d'une  guerre  dont  les  peuples 
de  cet  empire  étaient,  de  toute  manière,  les  victimes. 

D'ailleurs,  les  Allemands,  qui  étaient  fort  loin  de  considérer 
comme  pernicieux  les  principes  de  la  nation  française,  voulaient, 
comme  cette  grande  nation,  l'aholissement  des  privilèges  et  des 
droits  féodaux  et  être  gouvernés  par  des  lois  et  non  par  l'arbi- 
traire, et  ils  espéraient  hientôt  jouir  de  ce  bonheur  qu'ils  considé- 
raient comme  un  grand  dédommagement  des  maux  en  tous  genres 
qu'ils  avaient  soufferts  avec  résignation. 

Mon  seulement  ils  ne  voyaient  plus  avec  indifférence  comme 
par  le  passé  les  ventes  d'hommes  que  plusieurs  de  leurs  petits 
princes  faisaient  à  l'Angleterre,  mais  encore  ils  en  étaient  très 
irrités. 

Le  mécontentement  excité  en  Bavière  par  les  maux  de  la  guerre 
et  parce  que  son  Electeur  avait  reçu  un  subside  des  Anglais,  à 
l'imitation  de  l'Autriche  qu'alors  on  détestait,  était  porté  à  un  tel 
point  que,  pendant  la  première  suspension  d'armes,  on  vint  m'in- 
former  qu'on  était  disposé  à  un  soulèvement  contre  l'Electeur  et 
son  gouvernement;  que,  si  je  voulais  favoriser  le  mouvement,  on 
allait  tout  préparer  pour  l'entreprendre,  et  que  l'étendard  de  la 
liberté  bavaroise  serait  arboré  à  Munich  et  dans  toute  la  partie  de 
la  Bavière  occupée  par  l'armée  française  (1). 

Je  répondis  alors  que  je  ne  pensais  pas  qu'il  fût  dans  l'intention 
du  gouvernement  français  qu'il  fût  donné  une  protection  appa- 
rente à  une  pareille  entreprise,  d'autant  plus  que  je  croyais  que 
son  système  était  d'atteindre  à  la  paix  générale  le  plus  tôt  que 
cela  lui  serait  possible;  qu'il  s'écarterait  donc  de  ce  système  s'il 

(I)  La  république  que  l'on  se  proposait  alors  de  fonder  à  Munich,  sous  les  auspices 
de  la  France,  aurait  compris  la  Franconie,  la  Souabe,  la  Uaiière  (Lettre  au  général  en 
chef  de  l'armée  du  Uhin,  8  août  1800,  A.  H.  G.). 


118      MÉMOIRES   ET   JOUR\\^UX   DU   GE\ERAL   DECAE.V 

|)i(>  logea  il  une  insiirrerlion  en  Bavière  où  les  Autrichiens  avaient 
encore  leur  armée.  J'ajoutai  qu'il  fallait  réllécliir  sur  un  tel  pro- 
jet et  surtout  considérer  les  suites  et  les  effets  de  la  Révolution 
française;  que,  si  l'anéantissement  des  abus,  l'abolition  des  privi- 
lèges et  des  droits  féodaux,  la  liberté  des  cultes,  etc.,  ainsi  que  le 
désir  de  voir  exister  un  meilleur  gouvernement,  étaient  des  motifs 
bien  puissants  pour  engager  à  marcher  vers  le  but  qu'on  s'était 
proposé,  il  fallait  aussi  mettre  en  balance  tout  ce  (|ui  pourrait 
arriver  d'une  révolution  qu'on  ne  pourrait  peut-être  pas  conduire 
comme  on  le  voudrait;  ainsi,  qu'il  faudrait  plutôt  tâcher  de  remé- 
dier à  ce  dont  on  se  plaignait  par  des  mesures  qui,  avec  le  temps, 
amélioreraient  le  gouvernement  actuel  de  la  Bavière  au  lieu  d'agir 
pour  le  renverser;  que,  d'un  autre  côté,  il  fallait  aussi  faire  atten- 
tion que,  si  le  gouvernement  français  ne  voulait  pas  accorder  sa 
protection,  je  trouvais  que  la  population  de  la  Bavière  était  trop 
faible  pour  agir  seule,  et  le  pays  étant  surtout  en  contact  avec  la 
Prusse  et  l'Autriche  qui  feraient  certainement  tous  leurs  efforts 
pour  y  comprimer  toute  entreprise  en  faveur  de  la  liberté. 

On  ne  fut  pas  satisfait  de  ma  réponse  et  de  mes  observations. 
Néanmoins  on  revint,  quelques  jours  après,  me  faire  de  nouvelles 
sollicitations  auxquelles  je  mis  fin  en  disant  que  le  général  en 
chef  était  à  Augsbourg;  (|u'on  allât  vers  lui,  et  que,  s'il  accueil- 
lait les  propositions,  il  m'ordonnerait  ce  qu'il  jugerait  convenable; 
et  qu'alors  je  ferais  ce  qu'il  me  prescrirait. 

Quand  j'eus  l'occasion  de  parler  de  ces  propositions  au  général 
Moreau,il  me  dit  que  j'avais  bien  répondu  et  que,  lui-même,  avait 
fait  entendre  que  ce  qu'on  demandait  ne  pouvait  pas  se  faire;  qu'il 
fallait  donc  rester  tranquille. 

Je  dois  dire  aussi  que  ceux  qui  désiraient  un  nouvel  ordre  de 
choses  en  Bavière,  et  qui  agissaient  pour  pouvoir  parvenir  à  l'éta- 
blir, étaient  tous  distingués  par  leur  mérite  personnel,  leur  ins- 
truction, la  considération  dont  ils  jouissaient  dans  la  société,  et 
qu'eu  outre  ils  étaient  tous  propriétaires. 

Le  non-succès  de  leurs  premières  démarches  leur  fit  beaucoup 
de  peine,  car  ils  croyaient  bien  sincèrement  mettre  à  exécution, 
sous  l'égide  de  l'armée  française,  tout  ce  qu'ils  avaient  prémédité. 

Cependant  ils  ne  désespérèrent  pas  que  l'avenir  pourrait  être 
plus  favorable  à  leur  patrie  et  à  leurs  desseins.  On  continua  de 


GOMPOSITIOX   DE    LA   DIVISIOX    DECAE.V  119 

répandre  des  pamplilels  et  il  en  parut  plusieurs  dans  le  moment 
où  il  fut  question  que  les  hostilités  allaient  probablement  recom- 
mencer. 

Entre  autres  brochures,  on  remarqua  l'adresse  des  députés  des 
Etats  de  Bavière  à  l'Electeur,  dans  laquelle  toutes  les  voix  réunies 
demandaient  la  convocation  des  Etats  encore  dans  le  courant  de 
Tannée. 

Un  autre  ouvrage,  attribué  au  comte  de  Rieg  (1),  ayant  pour 
litre  :  Un  mot  à  l'oreille  et  au  cœur  de  Maximilien- Joseph  II, 
était  un  libellé  contre  les  patriotes  qui,  pour  y  risposter,  publiè- 
rent l'Agonie  de  la  noblesse  et  des  j^retres  dans  la  Bavière,  et 
un  autre,  le  Baiser  fraternel  républicain^  l'an  I"  de  la  liberté 
germanique. 

Depuis  la  notification  faite  aux  Autrichiens  que  la  suspension 
des  hostilités  devait  cesser  le  7  frimaire,  tous  les  corps  de  notre 
armée  cantonnés  dans  la  Souabe,  le  Wurtemberg  et  la  Franconie 
avaient  reçu  l'ordre  de  marcher  en  Bavière. 

Dès  le  jour  de  cette  notification,  les  troupes  de  ma  division 
avaient  reçu  l'ordre  de  se  préparer  à  se  mouvoir  au  premier  ordre. 
La  ligne  d'avant-posles  avait  été  renforcée  et  la  surveillance  avait 
été  recommandée. 

Cette  division  se  composait  alors  de  8  044  combattants. 

Demi-brigades  : 

1 4<^  d'infanterie  légère 2  202 

4«  de  ligne 1  844 

J00«  de  ligne 2083 

6129 

Cavalerie  : 

6^  régiment  de  chasseurs G54 

10^  régiment  de  chasseurs 608 

17«  régiment  de  dragons 514 

Artillerie  : 

3«  compagnie  du  5*  d'artillerie  à  pied 62 

2°  du  3'  à  cheval 77 

8  044 

(1)  Peut-être  faut-il  lire  Rieger. 


120      MEMOIRES   ET  JOURNAIX   DU   GENERAL   DECAE.Y 

Pour  pouvoir  diriger  cette  division  avec  plus  de  facilité  sur  le 
point  (jui  me  serait  désigné,  j'avais  fait  passer  l'Isar  à  la  majeure 
partie  des  troupes. 

2 frimaire  (23  novembre).  —  La  brigade  du  général  Debilly 
fut  réunie  vers  Tolz,  \\  olfratshausen  eX  dans  l'espace  compris 
entre  la  rive  droite  de  l'Isar  et  la  cliaussée  de  Municli  à  Tolz  par 
Holzkircben.  Celle  du  général  Durutte  fut  concentrée  sur  Erding 
et  environs,  excepté  les  troupes  en  garnison  à  Municb  qui  devaient 
y  rester  jusqu'à  nouvel  ordre. 

3  frimaire  (24  novembre) .  —  Le  général  Debilly  fut  prévenu 
que,  les  troupes  de  l'aile  droite  ayant  reçu  l'ordre  d'occuper  tous 
les  débouchés  de  la  rive  gauche  de  l'Isar,  il  devait,  en  conservant 
sa  ligne  d'avant-postes  sur  la  rive  droite,  concentrer  sa  brigade  à 
Holzkircben  et  s'y  établir  lui-même,  et  qu'il  recevrait  des  ordres, 
le  lendemain,  pour  se  rendre  à  la  position  qui  serait  indiquée  pour 
la  division. 

Il  fut  ordonné  au  général  Durutte  de  placer  ses  troupes  à  Riem 
et  environs,  sans  rien  changer  à  ses  avant-postes  sur  la  ligne,  qui 
le  rejoindraient  lorsqu'ils  seraient  relevés  par  les  troupes  des  autres 
divisions  de  l'armée. 

4  frimaire  (25  novembre).  —  Le  général  Lahorie,  chef  de 
l'état-major  du  centre  de  l'armée,  m'adressa  l'ordre  du  général  en 
chef  daté  du  4,  que  je  vais  transcrire  : 

La  division  du  général  Decaen  se  mettra  en  marche  de  manière  à  être 
arrivée,  le  6,  dans  la  position  suivante  :  une  faible  brigade  sera  placée, 
jusqu'à  l'arrivée  des  troupes  de  l'aile  droite,  à  la  position  de  HeUendorf 
pour  couvi'ir  le  débouché  de  Rosenheim;  elle  étendra  sa  gauche  jusqu'à 
Zinneberg.  Le  surplus  de  la  division,  à  l'exception  de  quelques  compagnies 
(qui  resteront  jusqu'à  nouvel  ordre  pour  la  garnison  de  Munich),  prendra 
position  à  Zorneding,  en  réserve  de  la  division  auv  ordres  du  général  Ri- 
chepance  qui  prendra,  le  6,  position  sur  Ebersberg  avec  deux  brigades 
et  qui  sera  réunie  en  entier,  le  7,  sur  celte  position  dont  la  gauche 
appuiera  à  Mailctskirchen  et  la  droite  s'étendra  jusqu'à  la  Moosach,  vers 
Alxing. 

Le  général  Decaen  est  prévenu  que  le  général  commandant  l'aile  droite 
a  ordre  de  diriger  des  troupes  sur  la  position  d'Helfendorf,  pour  couvrir 
la  route  de  Rosenheim.  A  leur  arrivée,  qui  probablement  aura  lieu  le  7, 


DECAEN   S'ÉTABLIT   A   ZOR\EDL\G  121 

le  général  Decaen  fera  replier  par  Moosacli  sur  Zorneding,  à  moins  d'ordres 
ultérieurs. 

Le  général  Decaen  est  invité  à  prévenir  du  lieu  où  s'établira  son  quar- 
tier général.  Celui  du  général  Moreau  s'établira  après-deuiain  matin  à 
Anzing,  sur  la  route  de  Munich  à  Hohenlinden. 

Le  général  Decaen  est  prévenu  que  le  général  Grandjean  prendra  au- 
jourd'hui position  en  avant  de  Parsdorf,  la  gauche  à  la  chaussée  de 
Hohenlinden,  la  division  placée  perpendiculairement  à  la  route,  et  que  la 
réserve  de  cavalerie  se  placera  en  arrière  de  Parsdorf,  en  avant  de 
Munich. 

En  conséquence  de  ce  qui  m'était  prescrit,  le  capitaine  Valée, 
commandant  l'artillerie,  reçut  Tordre  de  faire  partir  de  Bruck  (1) 
et  environs,  où  ils  étaient  cantonnés,  l'artillerie  légère  et  le  parc 
de  la  division  pour  se  rendre,  le  5  à  Haidhausen,  et  le  6  à  Zorne- 
ding et  Haar. 

Il  fut  mandé  au  général  Durutte  qu'il  devait,  le  6,  faire  occu- 
per Neukirchen  et  plusieurs  autres  villages  aux  environs  de  Zorne- 
ding; qu'il  tiendrait  seulement,  avec  les  troupes  à  ses  ordres,  les 
avant-postes  entre  la  gauciie  du  général  Debilly,  qui  appuyait  à  la 
Glonn,  et  la  droite  du  général  Richepance  qui  devait  appuyer  à 
AIxing. 

Ce  qu'il  y  avait  de  troupes  de  cette  brigade  à  Munich  devait  en 
partir  le  5  pour  être  aussi  cantonné,  le  G,  aux  environs  de  Zorne- 
ding. 

Le  général  Durutte  fut  prévenu  que  le  quartier  général  de  la 
division  serait  établi,  le  6,  dans  ce  village. 

Mon  chef  d'état-major  écrivit  au  général  Debilly  : 

Le  général  de  division  me  charge  de  vous  transmettre  les  dispositions 
suivantes  : 

Vous  prendrez  position  avec  votre  brigade  à  Helfendorf,  chaussée  de 
Munich  à  Roscnheim,  gardant  les  débouchés  qui  conduisent  sur  Rosenheim 
et  Rott,  et  vous  liant  par  votre  gauche  avec  les  troupes  qui  seront  éta- 
blies i\  Zinneberg.  Vous  vous  mettrez  en  marche  demain  5,  et  vous  vous 
établirez  après-demain  G  en  position. 

Les  troupes  de  l'aile  droite  devant  vous  relever  dans  cette  position,  dès 
qu'elles  arriveront,  vous  vous  formerez  sur  la  route  de  Zorneding,  et  vous 
vous  dirigerez  sur  ce  point,  à  moins  que  vous  ne  receviez  un  ordre  con- 
traire. V'ous  avertirez  le  général  de  division  à  Zorneding  dès  que  les 
troupes  de  l'aile  droite  se  présenteront  pour  vous  relever.  Le  général  de 

(1)  A  25  kilomètres  à  l'ouest  de  Municii. 


J22      MÉMOIRES   ET   JOIR.VALX   Dl    GE.VERAL   DECAEÎV 

division  attend  de  vous  un  rapport  sur  les  troupes  ennemies  qui  se  trou- 
vent devant  vous. 

Dans  l'ordre  du  3,  le  chef  d'état-major  avait  prévenu  le  général 
Dehilly  que  les  distributions  se  feraient  le  lendemain,  en  pain  et  en 
viande,  jus(|u'au  8,  et  que  les  ordres  avaient  été  donnés  en  consé- 
quence au  commissaire  des  guerres.  Une  lettre  de  ce  général  au 
chef  d'état-major  lui  annonça  : 

Je  recois  l'ordre  du  4  pour  rassembler  mes  troupes  à  Helfendorf  le  6,  et 
couvrir  les  débouchés  de  Uosenheim  et  Rott.  11  sera  ponctuellement  evécuté. 

Les  troupes  qui  sont  devant  moi  sont  les  mêmes  que  celles  dont  je  vous 
ai  parlé  dans  mon  dernier  rapport.  C'est  toujours  Bender- Infanterie  et 
quelques  hussards  de  Grenz. 

Montaulon  me  mande  à  l'instant  que  l'ennemi  est  maintenant  retiré  à 
deux  lieues  en  arrière  la  ligne.  Les  fourriers  de  toutes  armes  sont  ici 
depuis  ce  matin  pour  recevoir  les  vivres  jusqu'au  8  inclus.  11  ne  s'est 
encore  présenté  aucun  administrateur.  Je  les  retiendrai  jusqu'à  demain  et 
je  vous  dirai  si  on  s'est  conformé  à  vos  dispositions. 

Le  chef  de  l'état-major  reçut  une  autre  lettre  du  général  Debilly 
datée  du  5.  Il  lui  mandait  : 

Après  avoir  fait  attendre  les  troupes  pendant  24  heures,  les  préposés 
sont  enfin  arrivés  ce  matin.  Celui  aux  viandes  fait  abattre  en  ce  moment, 
et  il  est  4  heures.  Vous  verrez,  par  la  copie  de  l'ordre  ci-joint,  comment 
ce  service  est  organisé.  Vous  devez  mieux  savoir  que  moi  à  qui  vous  en 
prendre  d'un  retard  si  long  et  si  fatigant. 

Je  vous  ai  mandé  hier  que  les  avant-postes  autrichiens  s'étaient  retirés 
à  deux  lieues  en  arrière.  Ils  sont  revenus  ce  matin  à  la  pointe  du  jour, 
chantant  et  portant  lauriers  en  tête  (1).  Les  paysans  montrent  aussi  beau- 
coup de  gaité.  Ils  donnent  des  nouvelles  si  diverses  que  je  ne  puis  ajouter  foi 
à  aucune.  Les  ofliciers  autrichiens  ont  ramené  leurs  équipages  sur  la  ligne. 

Les  émigrés  suisses  sont  à  Rosenheim. 

Le  débouché  sur  lequel  les  ennemis  ont  jeté  le  plus  de  monde  est  sur  le 
Tegern  See.  On  fait  nombre  de  6000  à  8  000  hommes  chargés  de  le  défendre. 

Le  premier  paragraphe  de  cette  lettre  manifestait  de  l'humeur. 
Le  retard  dont  se  plaignait  le  général  Debilly  était  efTectivement 
fâcheux;  mais  le  chef  d'état-major,  qui  avait  donné  ses  ordres, 
n'était  pas  la  cause  s'ils  n'avaient  pas  été  ponctuellement  exécutés. 
Ce  général  savait  fort  bien  qu'il  survient  des  obstacles  imprévus 
qui  contrarient  et  retardent  l'exécution  des  dispositions  les  mieux 

(1)  u  Les  Autrichiens  ont  l'usage  de  porter  une  branche  de  buis,  laurier  ou  autre 
rameau  rert  à  leur  coiffure  lorsqu'ils  sont  ea  guerre  »  (Xole  de  Decaen). 


DKBILLY    MECOMTI^NT  123 

ordonnées.  Mais  comme  je  savais  (lu'il  avait  élé  méconlent  de 
n'avoir  plus  son  quarlier  général  à  Munich  depuis  la  seconde  sus- 
pension d'hostilités,  changement  qui  n'avait  eu  lieii  qu'en  raison 
de  l'ordre  qui  m'avait  fait  occuper  plus  de  terrain  à  ma  droite, 
j'attribuai  cette  observation  inconvenante  à  un  reste  de  mauvaise 
humeur  :  cependant,  j'étais  loin  de  penser  que  ce  général  me  don- 
nerait lieu,  dès  le  lendemain,  de  lui  écrire  moi-même  que  je  n'étais 
pas  satisfait  de  sa  manière  d'agir. 

6 frimaire  (27  novembre) .  —  Ayant  attendu  à  Munich  les  ordres 
du  général  en  chef  avant  de  partir  pour  me  rendre  à  mon  quartier 
général,  mon  chef  d'état-major,  d'après  l'instruction  qui  venait  de 
m'ètre  donnée  verbalement,  écrivit  de  suite  au  général  Debilly  : 

Le  général  de  division  me  charge  de  vous  mander  sur-le-chatnp  les  dis- 
positions suivantes  : 

Vous  ne  vous  dirigerez  pas  sur  Zorneding  comme  il  avait  été  précédem- 
ment convenu;  mais,  aussitôt  que  vos  troupes  auront  été  relevées  à  Hel- 
fendorf,  vous  vous  établirez  à  liindach,  Munster  et  Sciilacht.  Vous  ferez 
relever  les  posies  du  général  Durutle  à  Zinnel)erg  et  à  la  droite  du  général 
Richepance.  Vous  lierez  vos  postes  par  la  droite  avec  ceiiv  de  l'aile  droite. 

Cette  position  vous  est  indiquée,  plus  pour  servir  de  réserve  à  la 
gauche  de  Taile  droite,  qu'à  tout  autre  service.  Vous  ferez  vos  dispositions 
en  conséquence;  et  surtout,  vous  ferez  reconnaître  les  débouchés  par 
lesquels  vous  pourriez  vous  rendre,  pour  être  utile  à  l'aile  droite,  sur  Hel- 
fendort",  au  premier  ordre  que  vous  recevrez. 

V'ous  préviendrez  le  général  à  votre  droite  de  ces  dispositions  et,  aus- 
sitôt votre  établissement,  vous  en  ferez  le  rapport  au  général  de  division  ù 
Zorneding. 

J'ordonne  au  commandant  d'artillerie  de  diriger  sur-le-champ  quatre 
caissons  de  cartouches  et  de  pierres  à  feu  en  suffisante  quantité  sur  Schlacht 
par  Zorneding.  Ils  ont  ordre  de  marclier  jusqu'à  votre  brigade  en  relayant 
dans  les  villages.  Envoie/-  au-devant  pour  leur  direction  à  chacun  de  vos 
bataillons.  Si  les  caissons  de  votre  brigade  fussent  venus  étant  vides  au 
parc,  les  bataillons  en  eussent  eu  une  suffisante  quantité. 

Après  cet  ordre  expédié,  je  partis  pour  me  rendre  à  mon  quar- 
tier général.  Pendant  la  route,  mon  chef  d'état-major  reçut  du  gé- 
néral Debilly  l'avis  suivant  : 

11  est  10  heures,  et  toute  ma  brigade  se  trouve  réunie  à  Helfendorf.  J'ai 
vu  hier  le  général  Roussel,  et  je  sais  que  je  ne  serai  relevé  qu'à  midi  dans 
ma  position.  J'en  partirai  aussitôt  pour  Zorneding. 


iVt      MKMOIRES    KT   JOIR.VAUX    1)1!   GEMEKAL   DECAEX 

L'ordonnance  qui  apporta  cette  lettre  ayant  dit  que  le  général 
Debilly  était  arrivé  de  sa  personne  à  Zorncding,  ce  qui  faisait  ju 
ger  que  l'officier  qui  lui  avait  été  envoyé  le  matin  lui  porter  des 
ordres  ne  l'avait  pas  rejoint,  mon  chef  d'état-major  me  précéda 
pour  informer  ce  général  des  dispositions  qui  lui  avaient  été  en- 
voyées, ainsi  que  pour  arrêter  le  mouvement  des  troupes  de  sa  bri- 
gade. Mais,  lors  de  mon  arrivée  à  Zorneding,  il  me  rendit  compte 
que  le  général  Debilly  prétendait  avoir  raison,  «  parce  qu'il  s'était 
conformé  ponctuellement  » ,  disait-il  «  à  l'ordre  qu'il  avait  reçu  » , 
et  (|u'en  outre  il  lui  avait  fait  quelques  observations  fort  déplacées. 

De  suite,  j'écrivis  à  ce  général  : 

Informé  que  vous  étiez  de  votre  personne  à  Zorncding,  je  vous  avais 
envoyé  le  chef  de  Tétat-major  de  la  division  pour  vous  prévenir  qu'un 
olficicr  vous  avait  été  envoyé  sur  Helfendorf  pour  vous  donner  de  nou- 
veaux ordres.  Je  devais  croire  que  votre  brigade  devait  être  encore  à  Hel- 
fendorf car,  d'après  les  instructions  qui  vous  ont  été  adressées  le  4,  vous 
auriez  dû  apercevoir  que  je  n'avais  pas  présumé  que  les  troupes  de  l'aile 
droite  arriveraient  aussi  tôt  à  leur  position,  puisque  je  vous  avais  dit  que 
ce  serait  le  G  que  vous  vous  établiriez  à  Helfendorf.  D'un  autre  côté,  mon 
instruction  vous  disait  de  vous  diriger  sur  Zorneding  aussitôt  que  vous 
.seriez  relevé  ;  je  vous  disais  aussi  de  me  prévenir  aussitôt  que  les  troupes 
de  l'aile  droite  se  présenteraient. 

Vous  auriez  dû  juger,  citoyen  général,  que,  vous  deniandant  d'être  pré- 
venu, c'était  afin  de  vous  indiquer  remplacement  de  votre  brigade.  Je 
n'entre  dans  ces  détails  que  pour  vous  prouver  que  l'ordre  que  je  vous 
avais  donné  était  très  clair  et  que,  si  vous  l'eussiez  suivi,  vous  vous  seriez 
trouvé  dans  le  cas  d'exécuter  le  nouveau  que  je  vous  ai  adressé  et  dont  je 
joins  une  copie  à  la  présente. 

Cependant  comme  il  ne  faut  pas  que  les  troupes  souffrent  de  cette  ma- 
nière d'agir,  établissez-les  pour  la  nuit  le  plus  convenablement.  Informez- 
moi  du  lieu  où  elles  seront;  et  demain,  une  heure  avant  le  jour,  vous  ras- 
semblerez votre  brigade,  pour  aller  prendre  l'établissement  qui  vous  a  été 
indiqué  par  l'ordi-e  précité. 

Au  contenu  de  cette  lettre,  qui  ne  pouvait  pas  être  autrement, 
surtout  d'après  ce  qui  m'avait  été  rapporté  des  mauvaises  observa- 
lions  faites  par  le  général  Debilly.,  au  lieu  de  se  rendre  auprès  de 
moi  dès  qu'il  avait  appris  mon  arrivée,  ce  qui  m'aurait  sans  doute 
évité  de  lui  écrire,  il  me  fit  une  réponse  dans  laquelle  il  s'écarta 
de  toutes  convenances.  Voici  cette  réponse  : 

Si  vous  aviez  eu  la  bonté,  citoyen  général,  de  m'indiquer,  dans  chacun 
de  vos  ordres,  le  point  où  je  devais  communiquer  avec  vous,  vous  auriez 


U\E    LETTRE    L\   PEU   VIVE    DE    DEBILLV  125 

été  informé  de  bonne  heure  de  l'arrivée  des  troupes  du  lieutenant  jjjéiu'- 
ral  Lecourbc  à  Helfendorf.  J'ai  dû,  puisque  vous  ne  m'annonciez  aucun 
chan(}cment  dans  votre  établissement,  vous  écrire  à  Munich,  et  j'ai  textuel- 
lement suivi  ce  que  vous  me  dites  dans  l'instruction  du  4  :  Fous  avertirez 
le  général  de  division  dès  que  tes  troupes  de  l'aile  droite  se  présenteront 
pour  vous  relever  dans  votre  position. 

Ci-joint  la  copie  de  la  lettre  que  je  vous  ai  écrite  ce  matin  d'Helfendorf. 

Quand  votre  adjudant  commandant  est  venu  près  de  moi,  il  était  trop 
tard  de  m'apprendre  que  vous  m'aviez  expédié  un  officier  de  l'état-major. 
Si  je  l'avais  reçu,  je  me  serais  conformé  aux  dispositions  dont  il  était  por- 
teur; ne  l'ayant  pas  vu,  je  n'ai  eu  rien  de  mieux  à  faire  que  de  mettre  à 
exécution  l'ordre  du  4  :  Le's  troupes  de  l'aile  droite  devant  vous  relever 
dans  cette  position,  dès  qu'elles  arriveront,  vous  vous  formerez  sur  la 
route  de  Zorneding,  et  vous  vous  dirigerez  sur  ce  point  à  moins  que 
vous  ne  receviez  un  ordre  contraire.  Vous  ne  vous  êtes  pas  ménagé  le 
moyen  de  savoir  promptement  quand  je  serais  relevé  à  Helfendorf.  Il  est 
possible  que  vous  n'ayez  pas  dû  compter  sur  une  marche  aussi  rapide  de 
la  part  de  la  division  Roussel;  mais  ce  calcul  m'est  étranger  et  les  pré- 
somptions, en  service  militaire,  se  taisent  devant  un  ordre  aussi  formel  que 
celui  dont  je  suis  porteur. 

Je  me  suis  établi  le  6,  à  9  heures,  sans  que  vous  m'ayez  désigné  celle  à 
laquelle  je  devais  me  réunir  :  c'était  cependant  un  article  essentiel  dans 
votre  instruction.  Elle  était  assurément  très  claire  et  je  prouverai  devant  qui 
de  droit  que  je  l'ai  suivie  avec  la  plus  grande  exactitude.  \e  me  dites  pas 
que  les  troupes  sont  exposées,  ce  soir,  à  souffrir  de  ma  manière  d'agir  ; 
c'est  votre  manière  de  commander  qui  les  exposera,  ce  soir,  à  quelques  dé- 
sagréments. 

Jusqu'à  ce  que  je  prenne  demain,  à  5  heures,  la  position  que  vous  m'as- 
signez par  l'ordre  dont  je  reçois  une  copie  (l'original  m'arrivera  peut-être 
demain),  voici  l'établissement  de  ma  troupe  pour  ce  soir  : 

Deux  escadrons  du  &  à  Zorneding,  deux  autres  à  Ober-Pfraniern,  le 
1"  bataillon  d'infanterie  légère  et  l'artillerie  à  Zorneding. 

La  100"  bivouaquera  en  arrière  de  ce  village. 

J'aime  mieux,  d'accord  avec  les  chefs,  la  tenir  là  que  de  faire  faire 
encore  quelques  heures  de  chemin  à  des  troupes  qui  ont  déjà,  pour  la  plu- 
part, dix  à  douze  heures  de  marche  par  une  journée  aussi  affreuse. 

J'ai  l'honneur  de  vous  prévenir  que  les  avant-postes  d'infanterie  du 
Walchen  See  ne  sont  pas  encore  rentrés;   ceux  d'infanterie  et  de  cavalerie 
depuis  Lenggries  jusqu'à  Grub  ne  sont  pas  relevés.  Le  général  Roussel  n'a 
relevé  ceux  sur  la  Glonn  que  jusqu'à  Ober-Laus. 
Salut  et  fraternité 

Signé  :  Debillv. 

D'après  le  style  de  celte  lettre,  qui  me  donnait  la  mesure  de  ce 
que  je  devais  attendre  du  général  Debilly  pendant  la  campagne 


126   MKMOIRES  KT  JOURXALX  DU  GKXÉRAL  UECAEX 

qui  allait  s'ouvrir,  je  considénii  qu'il  valait  mieux  m'ahstcnir  de 
lui  écrire  pour  lui  en  faire  seiilir  loute  rimperlinence,  ainsi  que 
pour  lui  démontrer  que,  quoiqu'on  lui  eût  mandé  que,  s'il  ne  rece- 
vait pas  de  nouveaux  ordres,  il  devait  quitter  sa  position  d'Helfen- 
dorf  quand  il  y  serait  relevé  par  les  troupes  de  l'aile  droite,  s'il 
eût  fait  la  moindre  réflexion  sur  l'ensemble  de  cet  ordre  d'après 
le(juel  il  ne  devait  prendre  cette  position  que  le  6,  il  se  serait  cer- 
tainement déterminé,  vu  la  marche  qu'il  avait  fait  faire  le  matin  à 
sa  brigade  et  vu  le  mauvais  temps  et  le  chemin  qu'il  avait  encore 
à  parcourir,  à  ne  pas  pousser  son  infanterie  jusqu'à  Zorneding, 
mais  plutôt  à  la  cantonner  entre  cet  endroit  et  Helfendorf,  puis- 
qu'il avait  bien  pris  celte  résolution  pour  une  partie  de  sa  cavale- 
rie. J'aurais  aussi  pu  lui  donner  l'ordre  de  se  rendre  de  suite  au 
quartier  général  de  l'armée,  ce  qu'il  aurait  sans  doute  préféré  à 
toute  autre  mesure;  mais  j'aimai  mieux  prendre  le  parti  de  for- 
mer ma  division  d'une  autre  manière  pour  le  décider  à  demander 
lui-même  d'aller  servir  dans  une  autre  division. 

Il  fut  donc  ordonné  au  général  Durutte  d'occuper,  le  lendemain 
matin,  avec  sa  brigade,  la  position  que  devait  prendre  celle  du 
général  Debilly  selon  l'ordre  ((ui  Uii  avait  été  adressé  à  Helfendorf. 
Je  formai  une  avant-garde  du  6"  régiment  de  chasseurs  et  du 
3'  bataillon  de  la  14'  d'infanterie  légère,  qui  faisaient  partie  de  la 
brigade  Debilly.  Le  commandement  de  cette  avant-garde  fut  donné 
au  chef  de  brigade  Laffon,  commandant  le  6°  de  chasseurs.  D'ail- 
leurs cette  disposition  ne  pouvait  être  que  favorable  au  bien  du 
service. 

Cet  excellent  officier  de  troupes  légères  reçut  l'ordre  de  prendre 
le  commandement  des  avant-postes  établis  entre  l'aile  droite,  vers 
la  Glonn,  et  la  division  Richepance  vers  Alxing,  et  de  s'occuper 
principalement  du  débouché  de  lloosach.  Il  fut  prévenu  que 
c'était  sur  ce  point  qu'il  devait  concentrer  le  plus  son  infanterie. 
Il  lui  fut  recommandé  d'envoyer  à  Schlacht  pour  prévenir  le  gé- 
néral Durutte  du  lieu  où  il  s'établirait  de  sa  personne,  de  lui  don- 
ner avis  des  mouvements  de  l'ennemi  sur  son  front  ainsi  qu'au 
général  de  division  à  Zorneding;  enfin  que,  s'il  n'avait  rien  de 
nouveau  à  10  heures,  il  devrait  pousser  des  partis  pour  avoir  des 
nouvelles  de  l'ennemi. 


CHAPITRE   VU 

La  hrigade  Debilly  placée  cii  seconde  lijpie.  —  La  l«?gion  polonaise  de  Kiiiaziewici  est 
mise  sons  les  ordres  de  Decaen.  —  Reconnaissance  de  Montrichard  sur  Aiblin<].  — 
Pointe  poussée  par  LalTon  sur  Beihartinjf.  —  Les  Antricliiens  sont  fort  peu  nombreux 
devant  Decaen.  —  La  reconnaissance  de  Monlrieliard  s'arrête  à  un  quart  de  lieue 
d'Aiblinjj  —  Les  troupes  du  corps  de  Condé  sifjnal^es  vers  Rosenheim.  —  La  jjancbe 
de  l'armée  doit  se  porter  eu  avant  le  10  frimaire.  —  L'arrivée  de  la  légion  polonaise 
porte  l'effectif  (le  la  division  Decaen  à  10  000  hommes.  —  Dfcaen  chargé  de  recon- 
naître rinn  et  ses  points  de  passage.  —  Combat  d'Anipfing.  — Decaen  sans   nouvelles. 

—  Son  inquiétude.  —  Des  ordres  lui  arrivent  enfin.  —  Cause  de  ce  retard.  —  Decaen 
doit  se  rassembler  sur  Zorneding.  —  Il  se  rend  à  Anzing  auprès  de  Morean.  —  Accueil 
flatteur  de  ce  dernier.  —  Decaen  mis  sous  les  ordres  de  Grenier.  —  Ses  observations. 

—  Il  est  chargé  de  suivre,  le  lendemain,  le  mouvement  de  Richepance  sur  Hoheri- 
linden.  —  Confiance  des  généraux  français  dans  le  succès.  —  Bataille  de  Hohenlinden. 

—  Rapport  de  Decaen.  —  Decaeii  chargé  d'envelopper  la  tète  de  pont  de  Wasserburg. 

7  frimaire  (28  novembre).  —  I>e  général  Debilly  lecut  des 
ordres  pour  le  placement  de  sa  brigade  en  seconde  ligne  de  la  bri- 
gade Durutte. 

Le  (juarlier  général  de  la  division  resia  à  Zorneding. 

Je  fus  prévenu  par  le  général  l^aliorie,  clief  d'élat-major  des 
trois  divisions  du  centre  de  l'armée  et  de  la  réserve,  sous  les  ordres 
immédiats  du  général  Moreau,  que  la  légion  polonaise  du  Da- 
nube (1),  composée  de  trois  bataillons  d'infanterie,  quatre  esca- 
drons de  cavalerie  (2)  et  une  compagnie  d'artillerie  légère,  était 
destinée  pour  faire  partie  de  ma  division;  que  cette  légion  arrive  ^ 
rait  dans  la  journée  et  1-e  lendemain  à  Alunicli,  et  d'adresser  des 
ordres  à  son  commandant,  le  général  Kniaziewicz  (3). 

(1)  Il  avait  été  question,  quelque  temps  auparavant,  d'envoyer  la  légion  polonaise  en 
Italie.  Mais  le  l'2  fructidor  précédent  (30aoûl),  le  chef  de  brigade  de  la  cavalerie  polo- 
naise, Albert  Turski,  avait  écrit  au  ministre  de  la  guerre  que  les  officiers  polonais  préfé- 
raient donner  leur  démission  plutôt  que  de  partir  pour  l'armée  d'Italie  et  de  servir  sous 
Dombrowski.  Albert  Turski  comnanduit  alors  la  légion  en  l'absence  du  général 
Kniaziewicz,  qui  faisait  une  cure  à  Baden  (Turski  au  ministre,  Gengenbacb,  12  fructi- 
dor, A.  H.  G.). 

(2)  «  Cinq   cents  chevaux  »   (Laborie  à  Decaen,  Munich,  1  frimaire  an  IX,  A.  H.  G.) 

(3)  Kniaziewicz  (Charles),  né  eu  Courlande  en  I"/62,  général  de  brigade  commandant 


128      MKMOIRKS   ET   JOURNAUX    DU   GKXERAL   DKCAEN 

Il  mo  manda  (|ue  rintonlioii  du  ff»'Mi(''ial  en  chef  était  que  j'en- 
voie, le  lendemain,  un  bataillon  de  la  4'  d'infanterie  légère  au 
général  Uichepanrc,  pour  faire  partie  de  sa  division;  et  par  post- 
scriptum  :  ^  Bonaparte  est  parti  pour  l'Italie;  ainsi,  en  Italie 
comme  ici,  on  peut  espérer  guerre  courte  et  bonne,  i: 

Je  fis  prévenir  le  général  Ricliepance  que  le  1"  bataillon  de  la 
l^*^  d'infanterie  légère  serait  dirigé,  le  lendemain  matin,  sur 
Ebersberg  pour  être  mis  à  sa  disposition. 

Il  fut  adressé  des  ordres  au  général  Kniaziewicz  pour  diriger 
les  colonnes  de  sa  légion,  les  8  et  9,  sur  Zorneding. 

Je  rendis  compte  au  général  en  chef  que  les  partis  qui  avaient  été 
envoyés  pour  avoir  des  nouvelles  de  l'ennemi  avaient  trouvé  des 
postes  de  hussards  de  Meszaros  et  de  Grenz  et  d'infanterie  légère; 
que  le  terrain  entre  la  gauche  de  l'aile  droite  et  la  division  Riche- 
pance  était  couvert  par  un  petit  corps  d'avant-garde  dont  j'avais 
donné  le  commandement  au  chef  de  brigade  Laffon.  J'informai 
des  positions  que  j'avais  fait  prendre  aux  deux  brigades  de  la  divi- 
sion dont  une,  concentrée  sur  Lindach,  était  à  même  de  se  porter 
sur  Helfendorf  au  premier  avis.  Je  fis  l'observation  que  les  com- 
munications pour  s'y  rendre  de  Zorneding  étaient  difficiles  mais 
cependant  praticables,  et  qu'on  s'occupait  de  les  réparer  (1). 

8  frimnii'e  (29  novembre).  —  Je  reçus,  pendant  la  nuit,  une 
lettre  du  général  Lahorie  datée  d'Anzing,  le  7.  Il  me  mandait  : 

Le.s  reconnaissances  poussées  aujourd'hui  sur  les  roules  de  Rosenheini, 
de  VV^asserburg  et  de  Haag  ne  laissent  guère  de  doute  sur  les  dispositions 
de  reiuiemi  à  ne  pas  recevoir  d'efforts  eu  avant  de  Tlnn.  Le  général 
Kichepance  est  arrivé  à  une  lieue  de  Wasserhurg,  et  le  général  (irenier, 
près  de  Haag. 

Le  général  Moreau,  pour  s'assurer  positivement  encore  de  la  position  et 
des  desseins  des  ennemis,  a  cru  devoir  ordonner  demain  de  nouvelles  recon- 
naissances plus  rapprochées  de  l'Inn  avant  de  changer  la  position  de 
rarmée. 

En  conséquence,  le  général  Alontrichard  poussera  demain  une  forte 
reconnaissance  sur  Aibling  et  uu'^me  établira  son  avant-garde  vers  ce  point 

lu  l"  logioii  polonaise  en  juillet   1797;  rommandant  la  légion  polonaise  dite  du  Danube, 
le  28  novembre  1790,   démissionnaire,  le  3  mai  1801  ;    commandant  la  18'  division  d'in- 
(anti'rie  (."»"  corps  de  la  Grande  Armée),  eu  ISPi  ;   blessé  grièvement  à  la  jambe  droite,  le 
28  novembre  1812,  au  passage  de  la  Bérésina(A.  H.  G.). 
(1)  Plauzouue  à  Lahorie,  Zoruedin;],  7  frimaire  (A.  H.  G.). 


DECAEN   A   ZIXXEBERG  129 

si  l'ennemi  n'y  forme  pas  d'obstacle  sérieux.  Pour  le  seconder  dans  ce 
mouvement,  l'intention  du  général  en  chef  est  que  tu  fasses  marcher  ta 
brigade  de  droite  sur  la  Glonn;  elle  longera  ce  ruisseau  et  suivra  la  route 
qui  conduit  à  Aibling.  ï/objet  de  ce  mouvement  est  de  soutenir,  par  une 
diversion,  les  troupes  qui  se  dirigeront  d'Hellendorf  sur  Aibling.  11  n'est 
pas  à  croire  que  l'ennemi  y  soit  très  en  force. 

.Au  reste,  le  général  Montrichard  a  ordre  de  ne  pas  se  compromettre. 
Tu  donneras  la  même  instruction.  Ton  avant-garde  pourrait  s'établir  entre 
la  Glonn  et  la  Moosach,  vers  Beiharting,  si  l'ennemi  a  abandonné  cette 
partie. 

.Aussitôt  la  réception  de  cette  lettre,  il  fut  mandé  au  chef  Laffon 
de  marcher,  à  8  heures  du  malin,  avec  les  troupes  à  ses  ordres, 
pour  faire  une  reconnaissance  sur  Beiharting,  en  se  dirigeant  par 
Rolirsdorf,  laissant  un  escadron  et  deux  compagnies  d'infanterie 
au  débouché  de  Moosach  sur  lîruck  dont  il  pourrait  cependant  se 
faire  flanquer  sur  sa  gauche  jusqu'à  la  hauteur  qu'il  jugerait  con- 
venable; qu'il  devrait  essayer,  sans  se  compromettre,  d'établir  ses 
avant-postes  sur  lieiharting,  se  liant  par  sa  droite  avec  le  général 
Montrichard  et  observant  les  débouchés  sur  Wasserburg,  Rott  et 
Rosenheim. 

Il  fut  prévenu  que  le  mouvement  qui  lui  était  prescrit  avait 
pour  but  de  soutenir  une  reconnaissance  sur  Aibling  que  devait 
faire  le  général  Montrichard,  ainsi  que  pour  s'y  établir  si  l'ennemi 
n'y  apportait  pas  d'obstacles  sérieux;  et  que  j'avais  donné  ordre 
au  général  Durutte  d'envoyer  un  bataillon  à  Zinneberg  pour  être 
utile,  s'il  y  avait  lien,  soit  à  lui,  soit  au  général  Montrichard. 

Le  général  Durutte  fut  prévenu  de  ce  qui  avait  été  ordonné  au 
commandant  de  l'avant-garde.  Il  fut  adressé  un  ordre  au  com- 
mandant de  la  légion  polonaise  de  la  cantonner  à  Zorneding  et 
dans  les  villages  aux  environs. 

Je  partis  dès  le  matin  pour  me  rendre  à  Zinneberg,  afin  de 
reconnaître  les  localités  et  suivre  le  mouvement  de  mon  avant- 
garde. 

De  retour  dans  cet  endroit,  j'informai  le  général  Lahorie  que 
cette  avant-garde  était  totalement  arrivée  à  Beiharting  à  3  heures 
après  midi,  et  qu'elle  n'avait  vu  que  huit  à  dix  hussards  de  l'en- 
nemi ;  que  les  paysans  avaient  dit  au  chef  Laffon  qu'il  y  avait  tout 
au  plus  200  hommes,  tant  infanterie  que  cavalerie,  dans  l'étendue 
de  pays  qu'il  avait  parcourue  et  que  c'était  le  cordon  qui  avait  été 
u.  9 


130      MKMOIRES   ET  JOLRYAUX    DU   GEXERAL   DECAEX 

établi  dînant  l'armistice;  que  ces  hommes  s'étaient  retirés  sur 
Rott,  et  que  plusieurs  postes  étaient  partis  dès  4  heures  du  matin. 

Je  mandai  que  j'étais  moi-même,  à  3  heures  après  midi,  à  Bei- 
harting,  et  (ju'ou  n'avait  alors  encore  rien  vu  ni  entendu  de  la 
division  Monlrichard,  et  que  c'était  seulement  à  mou  retour  à  Zin- 
neberg  que  j'avais  trouvé  une  lettre  dont  je  lui  envoyais  copie. 
(Cette  lettre  informait  (jue  des  troupes  de  cette  division  avaient 
trouvé  l'ennemi  à  une  demi-lieue  en  deçà  d'Aibling,  qu'elles 
s'étaient  avancées  jusqu'à  un  quart  de  lieue  de  cet  endroit,  d'où 
elles  étaient  revenues  établir  leurs  postes  en  avant  de  Fcldkirchen). 

Je  dis  que  l'ennemi  me  paraissait  être  absolument  en  arrière  de 
rinn  puisque,  de  la  hauteur  de  Jakobsberg,  d'où  l'on  voyait  très 
bien  Aibling  et  presque  tout  le  pays  jusqu'à  Rosenheim,  je  n'avais 
aperçu  aucun  ennemi.  J'annonçai  que  j'avais  poussé  des  partis  sur 
Rott  et  sur  Rosenheim  par  le  chemin  qui  passe  au  village  de 
Schmidhausen  où  se  trouvaient  mes  postes  les  plus  avancés;  qu'on 
pouvait  y  passer  avec  de  l'artillerie  et  d'autant  mieux  que  les 
Autrichiens  avaient  bien  fait  réparer  le  chemin  de  Beiharting; 
qu'une  partie  de  la  brigade  Durutte  avait  été  placée  vers  Zinne- 
berg  et  Rohrsdorf,  de  manière  à  soutenir  au  besoin  l'avant-garde. 

Plus  lard,  je  fis  rendre  compte  au  général  Lahorie  que  le  chef 
Laffou  m'avait  informé  de  Beiharting,  à  7  heures  du  soir,  que  les 
avant-postes  ennemis  étaient  encore,  à  5  heures  du  soir,  à  Hogling, 
sur  la  route  de  Rosenheim  (ce  village  ne  se  trouvait  pas  sur  nos 
cartes),  à  peu  près  deux  escadrons  de  Condé  et  un  piquet  de  Grenz- 
hussards;  que  l'ennemi  avait  également  des  postes  à  Bruck- 
hausen  (1). 

9 frimaire  (30  novembre).  —  Je  reçus,  pendant  la  nuit,  une 
lettre  du  général  Lahorie  datée  d'Anzing,  le  8,  à  11  heures  du 
soir.  Il  me  mandait  : 

D'après  les  mouvements  de  l'ennemi,  il  est  probable  que  nous  ne  l'atten- 
drons pas  de  ce  côté  de  l'Inn. 

Dans  cet  état  de  choses,  la  droite  devant  être  refusée  à  cause  du  Tyrol, 
tu  n'auras  d'autre  mouvement  à  faire  demain  que  de  jeter  une  partie  de 
la  division  à  la  hauteur  d'Aibling  entre  la  Glonn  et  i'Attel. 

(I)  Probablement  Brockmuhie,  du  1  100  000^  allemand,  sur  le  Mangrall,  à  3  kilomètre» 
euviron  à  l'ouest-sud-ouest  de  Hôgliog. 


COMPOSITION   DE    LA   LÉGIOX   POLONAISE  131 

Le  général  Montrichard  prendra  position  avec  quelques  troupes  à  Aiblinjr 
même. 

Le  général  Richepance  se  placera  devant  Wasserburg,  do  manière  à  con- 
tenir ce  qui  pourrait  en  sortir,  tant  sur  la  route  d'Ebersberg  que  sur  celle 
de  Rosenheim  et  de  Haag. 

Le  général  Grandjean  se  portera  sur  Hohenlinden,  avec  un  détache- 
ment sur  Haag,  et  le  général  d'Hautpoul  sur  Anzing. 

Le  général  Moreau  s'établira  demain  matin  à  Haag.  Tu  pourras  envoyer 
là  tes  ordonnances. 

Je  fis  donner  des  ordres  pour  l'exécution  de  ce  qui  était  prescrit 
dans  cette  lettre  pour  ma  division;  et  je  fis  adresser  aux  généraux 
de  brigade  et  au  commandant  de  l'avant-garde  ]des  exemplaires 
d'une  proclamation  du  général  en  chef  à  l'armée,  avec  recom- 
mandation de  la  faire  lire  aux  troupes.  (Je  n'en  ai  point  con- 
sei-vé  d'exemplaire).  Mon  quartier  général  resta  établi  à  Zinne- 
berg. 

Mon  chef  d'état-major  rendit  compte  au  général  Laliorie  de 
l'établissement  de  la  division,  en  lui  annonçant  qu'une  brigade 
était  établie  en  échelon  entre  Hohenthann  et  Alailling,  en  soutien 
de  l'avant-garde  postée  à  Beiharting  et  environs  ;  qu'une  autre 
brigade  avait  Zorneding  pour  centre  de  ses  cantonnements;  que  la 
légion  polonaise  occupait  Aloosach,  Buch,  ayant  un  bataillon  et 
100  chevaux  sur  Dorfen,  Loitersdorf  et  Xiclasreuth;  qu'une 
reconnaissance  avait  rencontré  l'ennemi  à  une  lieue  et  demie  au 
delà  de  Beiharting,  l'avait  poussé  et  avait  occupé  Aibling  jusqu'au 
moment  où  les  troupes  de  la  division  Montrichard  y  étaient  arri- 
vées. Il  fut  exposé  que  la  légion  polonaise  avait  un  besoin  urgent 
de  chaussures  et  de  vêtements,  et  il  fut  demandé  (juil  y  fut  satis- 
fait incessamment. 

La  légion  polonaise,  forte  de  2  200  hommes  d'infanterie, 
480  hommes  de  cavalerie  et  une  compagnie  d'artillerie  légère, 
réunie  à  la  division,  celle-ci  se  trouva  composée  de  10000  com- 
battants, non  compris  le  i*"  bataillon  de  la  -i"  de  ligne,  resté  à 
Munich,  et  le  1"  bataillon  de  la  14"'  d'infanterie  légère  envoyé  à 
la  division  Richepance,  douze  pièces  d'artillerie  légère  et  six  pièces 
de  4  de  bataille. 

10 frimaire  (X"  décembre).  —  Il  était  10  heures  du  matin 
■lorsque  je  reçus  une  lettre  du  général  Laborie,  datée  de  la  veille 


132      MliMOIRKS   ET   JOURNAUX   DU    GÉNÉRAL   DECAEX 

à  10  heures  du  soir.  Il  était  noté  en  marge  qu'elle  était  partie  de 
Haag  le  10  au  matin. 

On  m'annonçait,  par  cette  lettre  : 

Domain,  le  {{énéral  Lecourhe  doit  se  porter  sur  Aibling  et  niêuie  s'ap- 
procher davantajje  de  Uosenheim.  Il  est  en  znt'nic  temps  charjjé  de  recon- 
naître le  cours  de  l'Inn  au-dessus  et  au-dessous  de  Rosenheim.  Il  le  remon- 
tera aussi  loin  que  cela  sera  possible. 

1/ intention  du  général  en  chef  est  que  tu  portes  le  corps  de  Laffon  très 
prc's  de  l'Inn  ou  plutôtsur  rimi  même,  pour  en  reconnaître  le  cours,  afin  de 
juger  bien  exactement  du  point  susceptible  d'un  passage. 

L'inqwrtance  de  cette  reconnaissance,  ([ui  devra  avoir  lieu  entre  Rosen- 
heim et  Wasserburg,  particulièrement  depuis  Rott,  a  déterminé  le  général 
en  chef  à  t'inviter  à  la  faire  toi-même  sur  les  points  principaux  afin  de 
lixer  davantage  ses  idées  sur  cette  partie  du  cours  de  l'Inn. 

Le  général  Kichepance  enveloppe  sur  cette  rive  la  tète  de  pont  de  Was- 
serburg. Le  général  Grenier  est  placé  entre  Ampfing  et  Haag.  L'ennemi  a 
encore  des  forces  en  avant  de  Haag. 

Tu  peux  placer  tes  troupes  entre  l'Attel  et  la  Glonn...  (1). 

Aussitôt  la  réception  de  cette  lettre,  il  fut  mandé  au  chef  Laffon 
d'envoyer  sur-le-champ  à  Rain  un  escadron  et  deux  compagnies 
d'infanterie  (ce  détachement  devait  pousser,  de  Rain  vers  Hochstiitt, 
Schechen  et  Marieuherg,  des  partis  sur  l'Inn,  le  plus  près  possible, 
et  s'y  établir  s'il  ne  rencontrait  pas  d'obstacles)  ;  d'envoyer  égale- 
ment un  escadron  et  deux  compagnies  sur  Lampferding,  qui  enver- 
raient de  même  des  partis  sur  l'Inn  vers  Rott. 

Le  général  Lahorie  fut  informé  par  mou  chef  d'état-major  que 
j'avais  concentré  aux  environs  de  Zinneberg  la  brigade  qui  était 
cantonnée  vers  Zornediug;  que  celle  établie  en  échelon  entre 
Hohenthann  et  Mailling  avait  été  placée  à  Beiharting;  que  l'avant- 
garde  était  établie  en  arriére  de  Rott  et  que  la  légion  polonaise 
occupait  le  terrain  entre  Alxing  et  Ilching;  qu'un  détachement 
de  lavant-garde  occupait  en  remontant  l'Inn,  Hochstâtt,  Sche- 
chen et  Marienberg,  et  se  liait  avec  les  troupes  du  général  Le- 
courhe; (|u'on  n'avait  vu,  dans  toute  la  journée,  qu'une  patrouille 
de  l'ennemi  sur  la  rive  gauche  de  l'Inn  que  nos  troupes  garnis- 
saient à  présent;  que  l'ennemi  avait  brûlé  le  pont  de  Rosenheim 
vers  4  h.  30. 

(I)  «  ...  caiitoniu'es  en  arrière  do  Beiliurtin<j  •  (Lahorie  à  Decaeu,  Haag,  9  fri- 
maire, 10  heures  du  soir,  A,  H.  G.). 


DECAEN   VA   RECONNAITRE    L'IXfN  133 

J'écrivis  en  outre  au  général  Laliorie  : 

11  était  plus  de  10  heures  lorsque  j'ai  reçu  ta  lettre  pour  faire  appro- 
cher LatTon  de  l'Inn  et  m'y  rendre  nioi-mèine  pour  en  faire  la  reconnais- 
sance. 

Malgré  toute  ma  diligence,  je  n'ai  pu  y  arriver  qu'au  soleil  couchant, 
«t  je  n'ai  donc  pu  faire  grande  besogne.  Demain,  dès  le  jour,  je  ferai  la 
reconnaissance  que  le  général  on  chef  désire,  et  j'en  ferai  le  rapport  au  plus 
tôt.  Ce  soir,  j'ai  abordé  l'Inn  devant  Rott  et  je  l'ai  remonté  jusqu'à  Feld- 
kirchen.  On  m'a  dit  qu'il  y  a  un  gué  dans  cette  partie;  mais  je  n'ai  pas 
encore  acquis  assez  de  détails  pour  m'en  expliquer. 

L'Inn  coule  dans  un  vallon  de  600  à  700  toises  de  largeur.  Les  bords 
■de  ce  vallon  sont  assez  escarpés.  La  rive  droite  domine,  et  le  fleuve  coule 
à  peu  près  au  pied  de  cet  escarpement.  La  largeur  du  fleuve  peut  être  de 
4)0  à  70  toises.  Je  m'arrête  sur  ces  détails  parce  que  je  n'en  suis  pas  encore 
assez  sûr.  J'ai  vu  les  feux  d'environ  trois  bataillons  sur  la  rive  droite  de- 
vant Ilosenheim. 

Il  n'y  a  que  quelques  postes  devant  moi.  Ce  matin,  des  Wurtembergeois 
qui  étaient  devant  Rott  sont  descendus  vers  Wasserburg. 

Les  chemins  de  Beiharting  à  Rott,  sans  être  impraticables,  sont  diffi- 
ciles. 

J'avais  gardé,  ce  matin,  le  courrier,  parce  que  j'avais  cru  pouvoir  faire 
un  rapport  ce  soir,  et  il  l'aurait  rapporté;  demain,  je  l'en  chargerai. 

Plauzonne  te  fait  connaître,  par  une  lettre,  la  position  donnée  aujourd'hui 
à  la  division. 

Dis-moi  quel  résultat  vous  avez  de  l'affaire  d'aujourd'hui.  A  en  juger 
par  le  feu,  elle  paraît  bien  sérieuse. 

J'ai  établi  le  quartier  général  de  la  division  à  Beiharting  ;  mais,  ce 
soir,  je  couche  ici.  Berckheim  (1)  te  dira  la  route  qu'il  aura  tenue  pour 
arriver  à  Haag;  on  y  compte,  d'ici,  cinq  lieues. 

il  frimaire  (2  novembre).  —  Dès  le  malin,  je  montai  à  cheval 
pour  faire  la  reconnaissance  qui  m'avait  été  recommandée.  Cepen- 
dant, j'étais  élonné  de  n'avoir  pas  encore  reçu  de  lettre  du  géné- 
ral Lahorie  pour  ce  que  je  devais  faire  pendant  cette  journée. 
D'ailleurs,  je  désirais  d'apprendre  quel  avait  été  le  résultat  de  l'af- 
faire de  la  veille  (2),  dont  j'avais  entendu  la  vive  canonnade,  et 

(1)  Berckheim  (Sigismond-Frédérie),  né  à  Ribeanvillé  (Haut-Rhin i,  le  0  maimS; 
soiis-lieutenant  dans  le  régiment  de  La  Alarck,  infanterie  allemande,  le  12  mai  1189;  lieu- 
tenant, le  8  avril  1792;  adjoint  à  l'adjudant  général  Plauzonne,  le  30  prairial  an  VIII; 
capitaine,  le  iQ  messidor  au  VIII;  chef  d'escadrons,  le  3  thermidor  au  XIII;  major,  le 
0  mai  1806;  colonel,  le  1"  avril  180";  général  de  brigade,  le  12  juillet  1809;  général 
de  division,  le  3  septembre  1813;  inspecteur  général  de  cavalerie  en  1818;  décédc' à 
Paris.  le  28  décembre  1819  (A.  A.  G.). 

(2)  Le  combat  d'Ampfing. 


13'^      AIlhFOIRKS   ET   JOURNAUX   DU   GÉNÉRAL   DECAEN 

j'éprouvais  do  vagues  iuquiéluclcs.  Mais,  comme  j'avais  fait 
partir  une  reconnaissance  pour  savoir  où  se  trouvaient  les  postes 
de  la  droite  du  général  Ricliepance,  et  qu'en  descendant  la  rive 
gauche  de  l'Inn,  je  me  rapprochais  de  cette  division,  je  comptais 
<jue  je  ne  tarderais  pas  à  recevoir  quelques  nouvelles,  soit  par  le 
rapport  que  ferait  le  commandant  de  cette  reconnaissance  que  je 
devais  rencontrer  à  son  retour,  soit  par  ce  que  pourrait  me  dire  le 
chef  d'un  parti  que  le  général  Richepance  aurait  envoyé  pour 
(•ommuni(|uer  avec  mes  postes,  qui  devaient  se  lier  avec  les  siens. 

Je  fus  donc  bien  surpris  lorsque,  vers  midi,  étant  alors  à  près 
de  deux  lieues  de  Rott,  l'officier  envoyé  aux  nouvelles  m'apprit 
(ju'étant  allé  jusqu'à  la  vue  de  W  asserburg,  il  n'avait  trouvé  aucun 
poste  de  la  division  Richepance,  et  (|u'on  l'avait  informé,  dans  mi 
des  villages  qu'elle  avait  occupés,  que  les  troupes  en  étaient  parties 
à  minuit. 

D'après  cette  information  et  l'incertitude  ou  plutôt  rin([uiétude 
qu'elle  me  donnait,  je  m'acheminai  sur-le-champ  pour  retourner 
à  Rott,  présumant  que,  s'il  n'y  était  pas  arrivé  d'ordre  pour  moi, 
il  ne  pouvait  pas  tarder  à  en  parvenir,  .l'y  trouvai  ellectivement 
nne  lettre  qui  venait  d'y  être  apportée  :  mais,  à  sa  suscription,  fort 
mal  mise,  puisqu'on  avait  écrit  Decean  pour  Decaen,  et  Zimubeg 
pour  Zinnehei-g,  je  ne  pensai  pas,  en  l'ouvrant,  qu'elle  pouvait 
être  du  général  Lahorie. 

Sous  la  date  de  Haag,  à  6  heures  du  soir,  il  me  mandait  : 

L'ennemi  ayant  rassemblé  une  partie  considérable  de  son  armée  sur  la 
route  de  iMùhldorf  à  Haag,  le  général  Grenier  a  été  obligé  de  se  replier 
sur  Haag,  mon  cher  Dccaon.  Cette  disposition  de  rennemi  donnant  à  sup- 
poser au  gétu'-ral  en  chef  que  l'archiduc  est  disposé  à  combattre  entre  l'Inn 
et  risar,  il  se  décide  à  rassembler  l'armée  pour  lui  livrer  bataille. 

D'après  cela,  il  donne  ordre  au  général  Richepance  d'arriver  demain  de 
bonne  heure  sur  Ebersberg. 

Tu  quitteras  aussi  demain  ta  position  pour  venir  te  rassembler  sur 
Zorncding  où  je  te  transmettrai  les  intentions  ultérieures  du  général  en 
chef. 

L'armée  se  formera  sur  Anzing,  suivant  les  apparences,  pour,  de  là, 
aller  combattre  l'ennemi. 

Le  général  Hardy  a  été  blessé. 

.le  recevais  donc,  à  une  heure  après  midi,  un  ordre  de  mouve- 
ment pour  ma  division  dont  les  troupes  avaient  à  faire  au  moins 


IX   LAPSUS   RETARDE    UX   ORDRE  135 

cinq  à  huit  heures  de  marche,  et  qui  ne  pouvait  commencer  à 
s'opérer  qu'au  moment  où  elle  aurait  dû,  presque  totalement,  être 
réunie  à  la  nouvelle  position  indiquée. 

Heureusement  encore  que  j'avais  recommandé,  la  veille,  en 
partant  de  Beiharting  pour  me  rendre  à  Rott,  de  m'y  adresser 
toutes  les  lettres  qui  pourraient  arriver  pour  moi,  et  sans  retard, 
car  certainement,  d'après  la  suscription  extraordinaire  de  celle 
que  je  venais  de  recevoir,  on  aurait  pu,  sans  conséquence,  différer 
d'expédier  un  exprès  pour  me  l'apporter. 

Je  fis  sur-le-champ  expédier  des  ordres  qui  furent  portés  par 
des  officiers,  avec  la  recommandation  de  faire  la  plus  grande  dili- 
gence pour  faire  marcher  toutes  les  troupes  sur  Zorneding. 

Il  fut  mandé  au  général  Durutte  de  faire  placer  sa  hrigade  à  la 
gauche  de  la  chaussée  de  Munich  à  Ehersberg,  la  droite  à  Zorne- 
ding, occupant  ce  village,  et  de  laisser,  cependant,  un  escadron 
et  deux  compagnies  d'infanterie  pour  garder  le  débouché  de  Bei- 
harting jusqu'à  nouvel  ordre  (ce  détachement  vint  plus  tard  se 
joindre  à  la  hrigade)  ;  au  général  Dehilly,  de  placer  sa  gauche  à 
Zorneding,  ayant  sa  droite  vers  Buch;  au  général  Kniaziewicz,  de 
faire  prendre  position  à  sa  légion  à  Xeukirciien,  sur  la  chaussée 
de  Munich  à  Ebersherg;  et  au  chef  Laffon,  de  quitter  les  bords  de 
l'Inn  et  de  concentrer  ses  troupes  à  Alxing  et  Moosach,  et  de  pré- 
venir, à  Zorneding  où  le  quartier  général  de  la  division  serait  éta- 
bli, du  moment  oîi  il  serait  rassemblé. 

Aussitôt  mes  ordres  expédiés,  je  remontai  à  cheval,  afin  d'arri- 
ver le  plus  tôt  possible  à  Zorneding,  espérant  que  j'y  trouverais 
de  nouvelles  instructions  qui  m'y  auraient  été  adressées,  et  pour  in- 
former, de  là,  où  je  serais  plus  à  la  proximité  du  quartier  général 
de  l'armée,  de  la  cause  qui  avait  donné  lieu  au  retard  mis  à 
prendre  la  position  qui  m'avait  été  indiquée. 

Entre  Rott  et  Beiharting,  je  reçus  une  lettre  du  général  Lahorie, 
encore  datée  de  Haag  le  11 .  Il  m'écrivait  : 

J'imagine,  mon  cher  Decaen,  que  tu  auras  reçu  l'ordre  de  ton  mouve- 
ment sur  Zorneding,  avec  l'avis  de  la  retraite  du  gcncral  Uichepance  sur 
Ebersberg.  L'année  ennemie  a  débouché  presque  entière  de  Miihldorf  sur 
la  division  du  général  Grenier,  sur  la  route  de  Haag  et  sur  l'isen. 

Le  général  en  chef  n'a  pas  cru  devoir  laisser  échiner  sans  objet  ce  corps 
de  troupes;  il  l'a  fait  replier  sur  Haag  et,  de  là,  sur  Hohenlinden. 


136      MEMOIRES   ET  JOLKXALX   DL    GEXERAL   DECAEY 

Il  réunit  l'armée  à  Anzing  pour  combattre  l'archiduc  puisqu'il  est  dis- 
posé à  se  battre  entre  l'Inn  etl'lsar.  C'est  le  moyen  d'en  unir  promptement. 

Si  tu  n'avais  pas  reçu  encore  l'ordre  de  venir  reprendre  la  position  de 
Zorneding,  ceci  t'en  servirait. 

Tu  vois  qu'aujourd'hui  tes  troupes  doivent  être  réunies  sur  ta  gauche 
plutôt  que  sur  ta  droite. 

Arrivé  à  Zorneding  vers  les  5  heures,  je  pris  des  informations 
s'il  y  avait  une  communication  de  cet  endroit  à  Anzing  où  je  pré- 
sumais que  le  quartier  général  de  l'armée  pourrait  être  établi, 
d'après  ce  qui  m'avait  été  mandé,  qu'elle  devait  se  rassembler  sur 
ce  point;  ou  bien  que,  là,  je  saurais  le  lieu  où  serait  le  général 
en  chef. 

Comme  il  y  avait  un  chemin  assez  praticable  à  travers  la  forêt, 
et  que  le  maître  de  la  poste  aux  chevaux  m'assura  qu'un  de  ses  pos- 
tillons pourrait,  avec  une  petite  voiture,  me  conduire  à  Anzing, 
alors,  au  lieu  d'écrire  pour  rendre  compte,  je  préférai  me  rendre 
auprès  du  général  en  chef,  attendu,  d'ailleurs,  que,  mes  troupes  ne 
pouvant  prendre  que  fort  tard  leur  position  et  qu'il  serait  possible 
qu'on  m'eût  expédié  des  ordres  pour  un  mouvement  le  lende- 
main, avant  d'être  informé  de  ce  relard  et  de  ce  qui  y  avait  donné 
lieu,  et  qu'en  outre,  dans  la  supposition  que  les  troupes  seraient 
arrivées  de  bonne  heure  à  Zorneding,  on  pourrait  me  prescrire  de 
me  rendre,  avec  toute  ma  division,  à  une  distance  un  peu  forte  de 
cet  endroit,  ainsi  que  d'arriver  sur  le  point  indiqué  d'assez  bonne 
heure;  enfin  que,  lorsque  je  recevrais  cet  ordre,  il  ne  serait  peut- 
être  plus  temps  d'adresser  des  observations  pour  démontrer  les 
difficultés  de  la  ponctuelle  exécution,  je  partis  pour  Anzing  où 
j'arrivai  vers  les  7  heures  du  soir. 

Le  général  .\foreau  y  étant,  je  me  rendis  de  suite  auprès  de  lui. 
\le  voyant  entrer,  il  manifesta  sa  surprise  d'une  manière  bien 
flatteuse  en  disant  :  «  Ah  !  voilà  Decaeu;  la  bataille  sera  gagnée 
demain!  15  et  il  m'embrassa.  En  s'exprimant  ainsi,  le  général 
Moreau  pensait  certainement  aux  10000  combattants  dont  je 
venais  lui  annoncer  la  prochaine  arrivée  pour  participer  à  l'exé- 
cution de  ses  projets.  Cependant  je  dis  :  a  Qu'aurai-je  donc  le 
bonheur  de  faire  pour  contribuer  à  ce  brillant  succès?  r.  Le  géné- 
ral me  répondit  :  >t  Votre  division  sera  réunie  demain  au  corps  du 
général  Grenier  •  qui  élait  alors  à  écrire  ses  ordres  d'après  ceux 


LA   VEILLEK    DE    HOHE\LI\DEX  137 

que  lui  avait  donnés  le  général  eu  chef,  avec  le(|uel  étaient  aussi 
le  général  Dessolle  et  Grouchy,  qui  venait  d'arriver  à  l'armée  et 
qui  devait  prendre,  le  lendemain,  le  commandement  de  la  pre- 
mière division  du  centre,  déjà  depuis  longtemps  sous  les  ordres 
du  général  de  brigade  (irandjean. 

Je  témoignai  au  général  Grenier  combien  j'étais  flatlé  de  servir 
sous  ses  ordres  et  je  lui  demandai  sur  quel  point  ma  division  devait 
marcher  le  lendemain.  Il  me  répondit  que  c'était  sur  la  gauche  de 
Hohenlinden  et  qu'il  fallait  que  j'y  fusse  arrivé  au  plus  tard  vers 
11  heures  du  matin.  J'observai  que,  pour  cette  heure,  cela  était 
impossible.  Le  général  en  chef  m'en  ayant  demandé  la  cause,  je 
lui  rendis  compte  que,  n'ayant  pu  diriger  mes  troupes  que  fort 
tard  sur  Zorneding,  parce  que  je  n'avais  reçu  l'ordre  de  mon 
mouvement  qu'à  une  heure  après  midi,  tandis  qu'il  aurait  dû  être 
alors  presque  totalement  opéré,  et  (]ue  ce  retard  provenait  sans 
doute  de  la  suscription  de  la  lettre  ([ue  je  lui  montrai;  qu'ainsi, 
ma  division  ne  serait  probablement  rassemblée  à  la  position  de 
Zorneding,  qu'entre  10  et  1 1  heures  du  soir,  ayant,  pour  s'y  rendre, 
des  chemins  de  traverse  étroits,  dans  un  pays  montueux  et  difficile; 
que  les  troupes  seraient  extrêmement  fatiguées;  que  je  ne  pourrais 
donc  pas  les  mettre  en  marche  de  très  grand  matin,  comme  cela 
devait  se  faire,  pour  être  rendues  à  l'heure  fixée  sur  le  terrain  indi- 
qué; que,  le  chemin  qu'elles  avaient  à  parcourir  étant  fort  mauvais 
et  un  défilé  continuel,  je  prévoyais  que,  vers  2  heures,  au  plus  tôt, 
la  tète  de  ma  colonne  pourrait  bien  y  arriver,  et  dans  le  moment 
où  l'on  serait  sans  doute  le  plus  fortement  aux  prises;  mais  que 
ce  n'était  pas  cela  qu'il  fallait;  que  c'était  au  contraire  toute  la  divi- 
sion, pour  pouvoir,  au  besoin,  contribuera  porterie  coup  décisif. 

Le  général  Aloreau,  entendant  ces  observations  et  y  ayant  égard, 
me  fit  cette  question  :  «  Mais  vous  pouvez  suivre  le  mouvement 
de  Richepance?  —  Sur  quel  point,  mon  général,  le  dirigez-vous? 
—  Mais  je  le  fais  partir  d'Ebersberg  pour  se  porter  par  Christoph 
sur  Maitenbeth.  —  Dans  ce  cas,  je  suis  on  ne  peut  mieux  placé 
pour  suivre  ce  mouvement  :  mes  troupes  les  plus  éloignées  ne 
sont  qu'à  trois  lieues  au  plus  d'Ebersberg,  et  j'ai  la  chaussée  pour 
m'y  rendre,  ce  qui  me  facilitera  de  marcher  avec  plus  de  rapidité 
et  avec  tout  l'ensemble  possible.  » 

Après  m'avoir  demandé  si  toute  ma  division  serait  réunie  dans 


138      MKMOIRES   ET  JOLR\AU\   DU   GENERAL   DECAEN 

la  soiive  et  que  j'eus  répondu  affirmativement,  mais  à  500  hommes 
près  qui,  ayant  été  placés  à  des  avant-postes  éloignes,  ne  rejoin- 
draient que  le  lendemain,  le  général  Moreau  dit:  «Eli  bien!  Je 
voulais  faire  tourner  l'ennemi  par  10  000  hommes.  Il  le  sera  alors 
par  20000.  Mais,  à  quelle  heure  croyez-vous  pouvoir  arriver  sur 
Chrisloph?  ^  Je  dis  que  je  ne  pouvais  pas  bien  le  préciser;  cepen- 
dant que  je  ferais  mon  possible  pour  que  la  plus  fjrande  partie  de 
mes  troupes  y  fût  arrivée  avant  midi.  Le  général  Moreau  fut  satis- 
fait. Ensuite  le  général  Lahorie  me  remit  l'ordre  ci-après  : 

La  disposition  de  renneiiii  donnant  à  présumer,  mon  cher  Decaen,  que 
son  intention  est  d'attaquer  demain,  ce  qui,  probablement,  aura  lieu  sur 
Isen  et  sur  la  route  de  Haag  à  Hohenlinden,  le  général  en  chef  me  charge 
de  te  prévenir  que  le  général  Richepance  a  ordre  de  quitter  sa  position 
d'Ebersberg  de  manière  à  être  rendu  à  8  heures  du  matin  sur  Christoph 
pour,  de  là,  recevoir  et  combattre  l'ennemi  qui,  de  Haag,  se  dirigerait  sur 
Hohenlinden.  Tâche,  mon  ami,  d'envoyer  sur  Ebersberg,  de  très  bonne 
heure,  un  détachement  pour  couvrir  le  débouché  de  Wasscrburg.  Avec  le 
reste  de  ta  division,  tu  suivras  le  mouvement  du  général  Richepance.  Le 
général  Lecourbe  a  ordre  d'envoyer  demain,  dans  la  journée,  des  troupes 
pour  couvrir  Ebersberg,  ce  qui  te  laissera  toute  ta  division  disponible  pour 
le  mouvement  sur  la  route  de  Haag. 

Le  général  Moreau,  en  cas  d'attaque,  se  rendra  demain  de  bonne  heure 
à  Hohenlinden  où  tu  le  préviendras  de' ta  position. 

Je  remis  au  général  en  chef  une  note  sur  la  reconnaissance  que 
j'avais  faite  le  matin  sur  la  rive  gauche  de  l'Inn,  entre  Rott  et 
Wasserburg.  L'Inn,  dans  cette  partie,  olfre  la  plus  grande  difficulté 
pour  un  passage.  Il  coule  dans  un  vallon  qui  se  maintient  dans 
une  largeur  de  1  000  à  1  200  toises,  et  dont  les  escarpements 
sont  très  rapides;  son  cours  se  soutient  constamment  vers  la  partie 
Est  du  vallon,  en  sorte  que  la  rive  droite  domine  de  beaucoup  la 
rive  opposée  et  rendrait  bien  difficile  tout  rassemblement.  Je  n'ai 
pu  m'assurer  précisément  s'il  existait  des  gués;  sa  largeur  est  de 
60  à  70  toises,  et  le  courant  très  rapide.  Le  point  d'Attel,  où  la  ri- 
vière de  ce  nom  se  jette  dans  l'Inn,  m'a  paru  le  moins  désavanta- 
geux de  ceux  que  j'ai  observés. 

Je  fus  invité  à  rester  à  souper.  En  l'attendant,  l'on  causait  et 
l'on  faisait  des  conjectures  :  entre  autres,  que  l'ennemi  serait  sans 
doute  fort  étonné  en  apercevant,  le  lendemain,  notre  armée  en 
mouvement  pour  recevoir  son  attaque,  ou  plutôt  pour  l'attaquer 


COXFIAXCE    DES   FRANÇAIS   DAMS   LA   VICTOIRE      139 

nous-mômcs  ;  que  si,  dans  sa  confiance  que  nous  étions  en  pleine 
retraite,  il  s'était  engagé  avec  sécurité  dans  le  défilé  de  la  forêt, 
entre  Maitenbeth  et  Hohenlinden,  comme  l'espérait  le  général  en 
chef,  nous  devions  nous  attendre  à  un  grand  résultat  des  dispo- 
sitions qu'il  avait  ordonnées. 

On  appréhendait  même  que  quelque  circonstance  ne  détermi- 
nât l'ennemi  à  mettre  de  la  circonspection  et,  pour  peu  qu'il  fît  la 
réflexion  qu'il  n'avait  combattu,  le  10,  avec  des  forces  très  supé- 
rieures, que  contre  une  portion  d'une  armée  toujours  victorieuse 
pendant  toute  la  campagne,  et  qui  n'avait  alors  pour  but  que  de 
reconnaître  sa  position  et  quels  étaient  ses  desseins. 

Mais,  durant  cetle  conversation,  on  vint  annoncer  au  général  en 
chef  qu'il  venait  d'arriver  des  fuyards  qui  rapportaient  qu'à  la 
nuit  close,  l'ennemi  avait  fait  une  attaque  sur  Hohenlinden.  Le 
général  .\Iorcau  les  fit  venir  pour  les  interroger  lui-même. 
C'étaient  deux  musiciens  qui  avaient  pris  la  fuite  dès  les  premiers 
coups  de  fusil  et  qui  répondirent  à  ses  questions  que,  comme 
cela  ne  les  regardait  pas,  tout  ce  qu'ils  avaient  à  dire,  c'est  que, 
l'ennemi  ayant  atla(|ué,  et  ayant  même  entendu  le  canon,  il& 
s'étaient  empressés  de  s'éloigner  du  feu. 

Loin  que  cette  nouvelle  excitât  la  moindre  inquiétude,  elle  ajouta 
à  notre  espoir  que  l'ennemi  s'était  aussi  bien  engagé  que  le  général 
en  chef  le  désirait.  Aussi,  pendant  le  souper,  on  ne  s'entretint  que  du 
bon  succès  (|u'on  se  flattait  d'obtenir,  le  lendemain;  et  même  quel- 
qu'un dit:  «Il  faut,  d'avance,  rédiger  le  bulletin  :  10000  prisonniers, 
50  pièces  de  canon  et  l'archiduc  Jean,  général  en  chef  de  l'armée 
autrichienne,  i^  De  mon  C(jté,  je  dis  au  général  Grouchy  :  a  C'est  toi, 
mon  ami,  qui  es  destiné  à  recevoir  le  premier  choc  de  l'ennemi  qui 
mettra  sans  doute  de  l'ardeur  et  de  l'acharnement  à  vouloir  s'em- 
parer de  Hohenlinden,  ainsi  que  du  point  de  section  des  routes  de 
Munich  et  de  Freising.  Mais  comme,  avec  tes  troupes,  et  le  lieute- 
nant général  Grenier  avec  les  siennes,  vous  serez  encore  plus  tenaces 
et  plus  vigoureux,  j'espère  bien  que  le  général  Richepance  et  moi 
nous  arriverons  au  moment  opportun  pour  seconder  vos  efforts 
et  pour  faire  décider  la  victoire  en  faveur  de  notre  armée.  » 

Je  repartis  du  quartier  général  à  11  heures.  A  mon  arrivée  à 
Zorneding,  j'appris  que,  vers  10  heures,  toutes  mes  troupes 
étaient  arrivées  à  leurs  positions. 


iUO      MKAIOIRES   ET   JOURXALX   DU   GEXERAL   DECAEX 

Je  fis  (le  suite  expédier  Tordre  au  clief  Laffon  d'èlre  r«''uni,  le 
lendemain  12  frimaire,  à  5  heures  du  malin,  et  de  se  mettre 
en  marche  pour  Ehersherg  où  il  devait  être  rendu  à  7  heures. 

L'ordre  de  se  former  en  colonne  sur  la  chaussée  cl  de  se  mettre 
en  marche  à  la  même  heure,  pour  arriver  successivement  à  Ebers- 
berg,  fut  envoyé  aux  généraux  de  brigade. 

Il  fut  notifié,  dans  ces  ordres,  que  loules  les  voilures,  hors  celles 
essentielles  des  services  de  rartillerie  et  de  Tambalance,  devaient 
être  renvoyées  au  parc,  en  arrière  de  Zorneding. 

Il  fut  mandé  au  commissaire  des  guerres  de  faire  diriger  de 
Teau-de-vie  sur  Ebersberg,  pour  qu'il  en  fût  fait  une  distribution 
aux  troupes  dès  qu'elles  y  arriveraient. 

Mon  chef  d'état-major  écrivit  au  général  Richepance  pour  le 
prévenir,  de  ma  part,  qu'en  consécjuence  des  ordres  du  général  en 
chef,  je  serais  rendu,  le  lendemain  vers  les  7  heures  du  malin, 
à  Ebersberg,  et  que  je  suivrais  son  mouvement  sur  Christoph  ; 
que  je  l'invitais  à  laisser  des  avant-postes  en  avant  d'Ebersberg,  sur 
le  débouché  de  U'asserburg,  et  que  mon  avant-garde  les  relèverait. 

12 frimaire  (3  décembre).  — On  m'apporta  une  lettre  du  gé- 
néral Richepance,  datée  du  11  à  minuit.  Il  m'écrivait  : 

V^ous  l'tcs  sans  doute  prévenu,  mon  cher  général,  que  la  division  que  je 
commande  doit  se  porter  sur  Christoph,  ce  qui,  devant  être  e.vécuté  pour 
7  heures  du  matin,  me  met  en  marche  dès  les  4  ou  5  heures,  et  me  fait 
abandonner,  dès  ce  moment,  la  grande  route  de  Wasserburg  sur  Ebers- 
berg que  je  vous  crois  destinée. 

Je  pense  que  vous  devez  être  prévenu  que  l'ennemi,  qui  occupe  les  bois 
en  avant  de  Tulling,  est  venu,  ce  soir,  ;ï  la  nuit  tond)antc,  montrer  à  mes 
avant-postes  qui  occupent  ce  village  un  corps  de  500  à  600  chevaux,  avec 
quelque  infanterie.  Je  les  crois  destinés  à  agir  demain  et,  par  conséquent, 
soutenus  par  d'autres  troupes  plus  en  arrière.  Voyez,  mon  général,  pesez 
dans  votre  sagesse  s'il  ne  convient  pas  que  vous  occupiez  le  terrain  à 
mesure  que  je  l'abandonnerai. 

La  réponse  à  la  lettre  que  j'avais  fait  écrire  au  général  Riche- 
paucem'arriva  vers  4  heures.  Elle  était  datée  du  J2,  à  2  h.  30.  En 
voici  la  teneur  : 

J'ai  reçu,  mon  cher  général,  l'ordre  d'attaquer  aussitôt  mon  arrivée  à 
Christoph  :  en  laissant  mes  avant-postes,  ce  .serait  m'aftaiblir  d'autant,  et 
je  pense,  d'ailleurs,   qu'ils  seraient  compromis.  Je  vous  prie  donc  de   les 


DECAEiY   MECONTEXT   DE   RICHEPANCE  141 

faire  relever  par  des  troupes  de  la  division  que  vous  commandez,  le  plus 
tôt  possible. 

Cette  réponse  me  donna  un  peu  d'humeur,  car  il  n'y  avait 
aucun  inconvénient  pour  le  général  Richepance  de  s'affaiblir 
momentanément  du  nombre  d'hommes  qui  gardaient  les  avant- 
postes  et  que  je  lui  avais  demandé  d'y  laisser,  puisque  je  devais 
suivre  de  près  son  mouvement  afin  de  le  soutenir  ;  tandis  qu'il 
importait  pour  nos  deux  divisions  que  le  débouché  sur  U'asserburg 
restât  gardé;  d'ailleurs  ces  postes  couvraient  son  flanc  droit  ainsi 
que  la  queue  de  sa  colonne  et  ils  empêchaient  les  partis  ennemis 
de  pénétrer  dans  l'intervalle  qui  se  trouverait  entre  les  deux  divi- 
sions jusqu'à  ce  que  j'eusse  opéré  ma  jonction.  D'un  autre  côté,  en 
levant  ces  postes,  c'était  faire  trop  tôt  connaître  à  l'ennemi  qu'on 
était  en  mouvement,  ce  qui  pouvait  le  déterminer  à  s'y  mettre  lui- 
même,  soit  pour  attaquer  directement,  soit  pour  se  borner  seule- 
ment à  vouloir  s'assurer  de  la  direction  qu'on  aurait  pu  prendre. 
Enfin,  il  pourrait  arriver  qu'obligé  de  repousser  l'ennemi  qui  se 
serait  avancé  sur  le  terrain  abandonné  par  la  division  Richepance, 
il  en  pourrait  résulter  un  retard  d'opérer  ma  jonction  avec  lui. 

Cependant,  je  ne  lui  adressai  point  d'observations  (jui  auraient 
été  inutiles  puisqu'il  m'avait  annoncé,  dans  sa  première  lettre, 
(jue,  se  mettant  en  marche  dès  4  à  5  heures  du  matin,  il  aurait, 
dès  ce  moment,  abandonné  la  grande  route  de  \\  asserburg  qu'il 
me  croyait  destinée.  Alors  je  m'attendis  à  faire  repousser  l'ennemi 
qui  me  présenterait  un  obstacle;  cependant,  je  fis  écrire  au  géné- 
ral Richepance  par  mon  chef  d'état-major  : 

Je  vous  ai  mandé  aujourd'hui  que  la  division  du  général  Decaen  serait 
rendue  à  7  heures  à  Ebersberg.  11  est  impossible  qu'elle  y  soit  rendue  plus  tôt. 

Avant  de  partir  de  Zorneding,  je  reçus  une  lettre  du  général 
Lahorie.  Il  me  mandait  : 

I/cnnemi  s'est  effectivement  porté  hier  au  soir  sur  Hohenlinden  avec  un 
corps  assez  nombreux  d'infanterie,  cavalerie  et  artillerie.  Le  général 
Grandjean  a  ordre  de  tenir  jusqu'à  la  dernière  extrémité  en  arrière  de 
Hohenlinden  pour  couvrir  la  chaussée;  il  éclairera  en  même  temps  sa 
droite  pour  couvrir  la  roule  de  Hohenlinden  à  Zorneding  et  même,  s'il  le 
peut,  celle  d'Ehersberg.  Xéannioins  le  général  en  chef  te  laisse  à  juger  s'il 
ne  te  conviendrait  pas  de  couvrir  un  peu  ces  débouchés.  Au  reste,  le  général 
Richepance  a  ordre  d'attaquer  de  bonne  heure  et  avec  la  plus  grande 


142      MÉMOIRES   ET   JOURNAUX   DL    GEXÉRAL   DECAEM 

vigueur  par  Christoph  sur  Maitenbeth,  et  de  faire  tous  ses  efforts  pour 
être  maître  de  la  coinniunication  de  Haag  sur  Hoheiilinden. 

Je  n'ai  pas  besoin,  mon  ami,  de  t'engagera  presser  ton  mouvement  et 
à  suivre  avec  la  plus  grande  vigueur  celui  du  général  Richepance;  la  briè- 
veté des  jours  oblige  de  combattre  de  bonne  heure. 

Si  votre  mouvement  combiné  réussit,  l'ennemi  payera  cher  sa  tenlalive 
sur  la  chaussée  de  Hohenlinden.  Dorme  le  plus  souvent  possible  de  tes  nou- 
velles au  général  en  chef  qui  sera  à  Hohenlinden.  Je  t'embrasse! 

Comme  il  est  possible  que  le  général  Richepance  ne  puisse  pas  débou- 
cher par  Christoph  sur  Maitenbeth,  il  a  ordre  de  prendre,  à  gauche  de  ce 
point,  un  débouché  plus  rapproché  de  Hohenlinden,  s'il  s'en  trouve;  il 
t'en  préviendra.  Tu  suivras  alors  son  mouvement;  mais  il  a  ordre  de 
faire  d'abord  tous  ses  efforts  pour  déboucher  par  Maitenbeth. 

Arrivé  vers  7  heures  à  Ebersherg,  je  fis  continuer  la  marche  à 
la  colonne  jusqu'au  delà  du  villacre  d'Oherndorf,  où  se  trouve  le 
chemin  qui  vient  joindre  la  chaussée  de  U'asserhurg  à  Ebersberg 
et  qui  conduit  à  Maitenbeth,  passant  par  Abersdorf  et  Christoph; 
et  l'avaut-garde  reçut  l'ordre  d'élairer  particulièrement  sa  droite 
et  de  faire  halte  près  Oberndorf  pour  reposer  un  moment  ses 
troupes  et  serrer  la  colonne. 

Le  général  Dehilly  reçut  l'ordre  de  faire  suivre  ;ï  sa  brigade  le 
mouvement  de  la  brigade  Durutte,  mais  de  laisser  à  Ebersberg  un 
bataillon  de  la  100'  avec  les  deux  pièces  de  canon  attachées  à  cette 
demi-brigade  et  deux  escadrons  du  l'*"  de  dragons,  pour  couvrir 
le  débouché  de  U'asserhurg  et  tenir  la  communication  avec  Hohen- 
linden. Il  fut  prévenu  qu'un  escadron  du  10'  et  deux  compagnies 
de  la  14'  allaient  arriver  de  leurs  cantonnements  à  Ebersberg  et 
qu'ils  seraient  sous  ses  ordres,  ainsi  que  deux  pièces  de  8  que  le 
commandant  d'artillerie  avait  reçu  l'ordre  de  lui  laisser. 

Il  fut  observe  à  ce  général  qu'il  était  essentiel  qu'il  eût  une 
partie  de  ses  troupes  sur  la  hauteur  d'Oherndorf,  pour  couviir  le 
chemin  qui  conduit  sur  Sfeinhoring,  et  qu'il  envoyât  des  partis  sur 
la  route  de  Uasserburg,  sur  Christoph,  ainsi  que  de  faire  éclairer 
la  route  de  Wasserburg  surGrafing;  qu'il  devait  plus  particuliè- 
rement s'occuper  du  point  d'Ebersberg  que  du  surplus  de  sa  bri- 
gade, dont  il  donnerait  la  direction  au  chef  de  brigade  Saint-Dizier, 
commandant  le  17'  de  dragons;  que,  lorsque  les  troupes  du  géné- 
ral Lecourbe,  (|ui  marchaient  sur  Ebersberg,  y  seraient  arrivées,  il 
ferait  alois  replier  sa  troupe  sur  la  division  (jui  se  dirigeait  sur 


PREMIERS  COUPS  DE  CA\ON  A  HOHEXLINDEN   143 

Christoph  pour  soutenir  celle  du  général  Richepance  qui  devait 
attaquer  l'ennemi.  Il  fut  recommandé  au  général  Debilly  de  me 
tenir  informé,  sur  la  route  de  Clirislopli  à  Maitenbetli,  de  ce  qui 
pourrait  arriver  de  nouveau. 

Vers  8  heures,  j'envoyai  un  officier  porter  l'ordre  au  chef 
de  brigade  Laffon  de  marcher  sur  Christoph,  et  aux  généraux 
Kniaziewicz  et  Durutte  ainsi  qu'au  commandant  des  troupes  de  la 
brigade  Debilly,  qui  devaient  accompagner  la  division,  de  suivre 
successivement  lavant-garde  et  sans  laisser  le  moins  possible  d'in- 
tervalle entre  cliaque  corps. 

La  légion  polonaise  se  trouvait,  après  lavant-garde,  avoir  la 
droite  de  la  division,  par  l'effet  du  prompt  mouvement  opéré  la 
veille  pour  revenir  prendre  la  position  de  Zorneding.  Je  ne  chan- 
geai pas  cet  ordre,  préférant  engager  un  des  premiers  ce  corps 
étranger  de  nouvelle  formation,  plutôt  que  de  le  garder  comme 
réserve. 

Xous  finissions  le  déjeuner  et  nous  allions  prendre  le  café, 
quand  le  premier  coup  de  canon  se  fit  entendre;  il  était  un  peu 
plus  de  8  heures.  Laissant  le  café,  je  montai  vite  à  cheval,  et  je 
me  rendis  rapidement  à  Oberndorf.  Toutes  les  troupes  étaient  en 
marche. 

Les  éclaireurs  envoyés  sur  la  droite  avaient  trouvé  quelques 
ennemis  au  debà  du  village  de  Steiuhoring.  Je  fis  détacher  sur-le- 
champ  un  escadron  et  une  compagnie  d'infanterie  légère  de  la 
brigade  Debilly  pour  observer  l'ennemi  de  ce  côté. 

Comme  la  canonnade  et  la  fusillade  me  faisaient  juger  qu'on 
était  fortement  aux  prises  sur  Christoph  et  sur  Hohenlinden,  je  fis 
dire  au  chef  Laffon  de  presser  sa  marche,  et  que  je  ne  tarderais 
pas  à  le  rejoindre;  et  que,  s'il  trouvait  l'ennemi,  de  l'aborder 
franchement  et  avec  vigueur. 

En  avançant  dans  la  colonne  pour  arriver  à  la  tète,  je  recom- 
mandai au  chef  Saint-Dizier  et  au  général  Durutte,  si,  pendant 
leur  marche,  l'ennemi  se  présentait  sur  l'un  ou  sur  l'autre  de 
leurs  flancs,  de  lui  faire  face  et  de  le  combattre  vigoureuse- 
ment. 

En  passant  dans  les  rangs  des  Polonais,  je  fus  très  satisfait  de 
l'ardeur  que  manifestaient  les  officiers  et  les  soldats.  Xe  parlant 
pas  leur  langue,  je  leur  exprimai  par  mes  regards  que  je  comptais 


14V      MKMOIRES    ET   JOUR.YAUX   DU   GEXERAL   DECAE.V 

sur  leur  valeur  et  (jue,  bientôt,  ils  allaient  avoir  roccasion  d'en 
donner  des  preuves. 

Le  chemin  (jue  nous  suivions  ne  permettait  de  marcher  que  sur 
trois  de  front,  ce  qui  prolongeait  infiniment  la  colonne.  \ous  ap- 
prochions de  Christoph  lorsqu'il  survint  un  obstacle  :  c'était  la 
rencontre  de  voitures  de  vivandiers,  d'artillerie  et  autres  équipages 
de  la  divi.sion  Richepance  qui  rétrogradaient  par  ce  chemin.  Mais 
ayant  reconnu  qu'à  la  gauche,  la  localité  permettait  d'y  faire  mar- 
cher la  troupe  en  faisant  faire  par  les  sapeurs  les  ouvertures  et 
passages  nécessaires,  l'embarras  ne  dura  qu'un  instant. 

La  légion  polonaise  quitta  subitement  le  chemin,  se  forma  aus- 
sitôt par  section  et  ensuite  par  pelotons,  et  continua  d'avancer.  Le 
reste  de  la  colonne  suivit  la  même  direction  dans  le  même  ordre. 

Aiin  de  débarrasser  le  chemin,  il  fut  indiqué  un  terrain  pour 
par(|uer  d'abord  les  voitures  de  la  division  Richepance  et  l'ordre 
fut  donné  pour  qu'elles  fussent  dirigées  sur  Ebersberg  lorsque  la 
queue  de  la  colonne  serait  passée. 

Peu  de  temps  après  ce  dégagement,  j'arrivai  sur  le  plateau  de 
Christoph  ;  il  tombait  alors  beaucoup  de  neige.  J'y  trouvai  le  géné- 
ral de  brigade  Sahuc  (1),  commandant  la  réserve  de  cavalerie  du 
général  Richepance,  et  le  capitaine  Reiset  (2),  aide  de  camp  de 
ce  dernier.  Celui-ci  m'informa  que  la  seconde  brigade  de  cette 
division  était  postée  un  peu  plus  loin,  ayant  été  empêchée  par 
l'ennemi  de  suivre  la  première,  à  la  tète  de  laquelle  était  son 
général  (3).  Survint  ensuite  le  général  Drouet  qui  me  dit  qu'il  ne 
pourrait,  ainsi  que  le  général  Sahuc,  rejoindre  le  corps  qui  les 
précédait  (|ue  lorsque  je  les  aiderais.  Je  leur  dis  que  bientôt 
j'allais  pouvoir  les  satisfaire. 

(1)  Sahuc  '  Louis-Michel-.^ntoine  ,  m-  le  7  jaavier  1755.  à  Mello  (Oise);  caialier  au 
Royal-Lorraine,  le  2  août  177-2  ;  maréchal  des  logis  chef,  le  1"^  mai  1779;  quartier- 
mailre  trésorier  avec  rang  de  lieutenant,  le  30  août  1789;  lieutenant-colonel,  le  22  juil- 
let 1792,  chef  de  brigade,  le  20  messidor  an  II,  général  de  brigade,  le  4  fructidor 
an  VII;  général  de  division,  le  3  nivôse  an  XIV;  mort  à  Francfort-sur-le-Main,  des 
suite.»,  dune  maiadie  de  nerfs,  le  24  octobre  1813  {A.  A.  G.). 

i'2)  Reiset  (.Marie-.^utoiue),  né  le  29  novembre  1775,  à  Colmar;  dragon  au  14«  régi- 
ment, le  8  avril  1794;  sous-lieutenant,  le  26  décembre  1795:  lieutenant,  le  25  décem- 
bre 1790,  aide  de  camp  de  Richepance,  le  30  avril  1800;  capitaine,  le  18  juin  1800; 
chef  d'escudrons,  le  15  juin  1801.  colonel,  le  31  mars  1809;  général  de  brigade, 
le  8  février  1813;  lieutenant  des  gardes  du  corp»  du  roi,  le  1"  juin  1814;  lieutenant 
général,  le  30  juillet  1823;  commandant  h  division  de  Catalogne,  le  22  septembre  1824; 
mort  à  Rouen,  ht  25  murs  1836    A.  .-1.  G.  . 

(3)  Cf.  Souvenirs  du  lieutenant  général  vicomte  de  Reiset,  t.  I,  p    96-98. 


DEGAEN  APPUIE    RICHEPA\'CE  145 

La  neige  qui  tombait  m'empêchait  de  voir  ce  qui  se  passait  et 
de  juger  la  localité;  je  ne  pouvais  me  régler  que  d'après  le  feu 
que  j'entendais  et  sur  les  renseignements  qu'on  pouvait  me  don- 
ner. Entendant  aussi  la  fusillade  à  ma  droite,  je  demandai  ce  que 
c'était.  Quel(|u'un  ayant  dit  :  i.  Oh  !  c'est  l'ennemi  qui  nous 
tourne T  ,  je  repartis  de  suite  :  "  Eh  bien!  s'il  nous  tourne,  nous  le 
tournerons  à  notre  tour,  d  Mais,  pendant  ce  court  entrelien,  la 
tète  de  la  légion  polonaise  arrivait  et,  en  même  temps,  le  chef  de 
bataillon  Delelée,  aide  de  camp  du  général*  en  chef,  envoyé 
d'Hohenlinden  pour  avoir  des  nouvelles.  Je  le  fis  retourner  de 
suite  pour  dire  au  général  Moreau  qu'en  arrivant  sur  le  plateau  de 
Chrisloph,  j'avais  trouvé  les  choses  un  peu  embrouillées,  mais 
([u'il  n'eut  pas  d'inquiétude;  que  j'espérais  que,  bientôt,  tout  irait 
au  mieux. 

Pour  représenter  l'ensemble  des  opérations  de  ma  division 
durant  cette  brillante  journée,  je  ne  puis  mieux  faire  que  de  répé- 
ter ce  que  j'écrivis,  le  lendemain,  au  général  en  chef,  auprès 
duquel  j'avais  aussitôt  après  le  dénouement  de  l'affaire,  envoyé 
mon  frère,  alors  mon  aide  de  camp,  pour  l'informer  de  ce  qui 
venait  de  se  passer  et  lui  annoncer  que  j'allais  continuer  d'agir 
selon  les  circonstances.  Voici  donc  ce  rapport  : 

D'après  vos  ordres,  mon  général,  de  suivre,  le  12,  le  mouvement  de  la 
division  Richepance  qui  devait  attaquer  l'ennemi  sur  Maitenbeth,  je  me 
suis  mis  en  mouvement  de  Zonieding  à  5  heures  du  matin,  suivant  la 
chaussée  de  \\  asserburg  jusqu'au  delà  du  village  d'Oberndorf,  en  avant 
d'Ebersberg,  où  se  trouve  le  chemin  qui  conduit  à  Maitenl)eth  passant  par 
Aber.sdorf  et  Christoph. 

L'avant-garde  ayant  reçu  l'ordre  d'éclairer  particulièrement  sa  droite,  les 
flanqucurs  avaient  trouvé  quelques  ennemis  au  delà  du  village  de  Steinhô- 
ring.  La  division  Richepance  n'ayant  laissé  aucune  troupe  pour  couvrir  le 
débouché  de  VVasserburg,  j'ai  envoyé  un  escadron  et  une  coaqiagnie  d'in- 
fanterie légère  pour  observer  sur  Steinhoring,  et  le  mouvement  n'a  point 
été  retardé.  Je  l'ai  même  pressé,  car  on  était  alors  fortement  aux  prises 
sur  Christoph  et  sur  Hohenlinden. 

Mon  avant-garde,  aux  ordres  du  chef  de  brigade  Laffon,  arrivant  sur  le 
plateau  de  Christoph  (il  pouvait  être  10  h.  30)  trouva  la  brigade  aux 
ordres  du  général  Drouet  et  la  réserve  du  général  Richepance  aux  ordres 
du  général  Sahuc. 

L'ennemi,  étonné  du  mouvement  du  général  Richepance,  en  même 
temps  qu'il  était  attaqué  vers  Hohenlinden,  en  avait  fait  un  autre  pour 
pointer  vers   Wasserburg  afin  de   se    rejoindre  à  un   corps  de   plus   de 

ir.  10 


146      MKMOIRES   ET   JOLRXAUX   DU   GEMERAL   DECAEN 

3  000  hommes  qui  avait  sans  doute  marché  d'Albaching  vers  Zell  et  Wall. 
Ce  mouvement  avait  séparé  la  brigade  du  général  Drouet  du  général  Riche- 
pance;  et,  en  même  temps,  les  tirailleurs  d'un  autre  corps  ennemi  débou- 
chaient des  bois  sur  le  phileau  de  Christoph  où  la  réserve  de  la  division 
Richepance  se  trouvait  sans  pouvoir  agir,  vu  la  proximitédes  bois,  n'ayant 
point  de  terrain  en  arrière  d'elle,  et  la  neige  tombant  en  grande  quantité. 
Une  réserve  de  munitions  et  quelques  équipages  qui  suivaient  cette  divi- 
sion, par  leur  marche  rétrograde  dans  des  chemins  très  difficiles,  auraient 
pu  être  bien  nuisibles,  si  le  chef  Laffon  n'avait  point  franchi  vigoureuse- 
ment cet  ol)stacle.  11  n'y  avait  pas  un  instant  à  perdre  :  le  chef  Laffon, 
auquel  j'avais  recommandé  d'aborder  franchement  l'ennemi,  mit  toute  la 
vigueur  qu'exigeait  une  telle  circonstance.  Il  donna  l'ordre  au  3«  bataillon 
de  la  14%  commandé  par  le  chef  Massard,  et  à  un  escadron  de  son  régi- 
ment, commandé  par  l'intrépide  Montaulon,  d'attaquer  l'ennemi,  ce  que 
cette  troupe  fit  aussitôt,  et  le  repoussa  vivement.  Mais  la  force  de 
î'ennemi  obligeait  déjà  les  nôtres  à  la  retraite  lorsque  je  les  fis  soutenir 
par  un  bataillon  de  la  légion  polonaise,  tandis  que  le  général  Kniaziewicz 
déboucha  du  défilé  de  Christoph  pour  seconder  le  général  Drouet  afin  qu'il 
puisse  se  joindre  au  général  Richepance  qui  avait  pénétré  sur  Maitenbeth. 
Ce  mouvement,  également  exécuté  avec  vigueur,  procura  les  plus  grands 
avantages.  Le  général  Drouet  opéra  sa  jonction;  le  bataillon  de  la  14%  sou- 
tenu par  le  bataillon  de  la  légion  polonaise  dirigé  par  le  chef  Laffon,  mit 
l'ennemi  dans  une  telle  situation  que,  l)'('iitôt  en  déroute,  on  amena  de 
toutes  parts  des  prisonniers  et  des  canons. 

Ce  spectacle  de  succès  fut  d'autant  plus  ravissant  qu'à  ce  beau  moment 
la  neige  cessa  de  tomber  et  (|ue  le  soleil  se  montra  dans  toute  sa  splendeur. 
Il  semblait  que  cet  astre  divin  avait  voulu  éclairer  notre  triomphe. 

Le  surplus  de  la  division  avait  été  formé  en  échelons,  et  j'avais  laissé 
un  corps  de  l  200  hommes  d'infanterie,  600  chevaux  et  quelques  pièces 
d'artillerie  aux  ordres  du  général  Debilly,  sur  le  point  d'Ebersberg, 
chargé  d'éclairer  la  route  de  Wasserburg,  couvrir  le  mouvement  que 
je  faisais  sur  Christoph,  et  tenir  la  communication  entre  Ebersberg  et 
HebenlindcM  jusqu'à  ce  que  des  troupss  de  l'aile  droite,  qui  devaient 
venir  le  remplacer  sur  ce  point,  y  fussent  arrivées;  mais  elles  n'y  vinrent 
point. 

M'apercevant  que  l'ennemi  mettait  de  l'opiniâtreté  vers  la  gauche,  je 
donnai  l'ordre  au  général  Durutte  de  mettre  sa  brigade  en  mouvement  et 
de  la  diriger  sur  le  point  où  le  feu  me  paraissait  le  plus  vif.  Déjà  le  géné- 
ral Durutte,  qui  avait  été  informé  qu'un  corps  ennemi  d'environ 
900  hommes  était  à  sa  proximité  et  cherchait  à  se  faire  jour,  envoya  deux 
compagnies  du  2'=  bataillon  de  la  14%  dont  les  carabiniers,  pour  seconder 
ceux  qui  étaient  aux  prises  avec  une  partie  de  ce  corps  ennemi.  Ces  com- 
pagnies étaient  dirigées  par  l'adjudant-major  Cornille  qui,  aussitôt  qu'il 
aperçut  l'ennemi,  et  le  vojant  disposé  à  se  défendre,  s'avança  seul,  et  cria 
en  allemand,   à  l'aide  de  camp  du  général  Spannochi  de  se  rendre  avec 


RAPPORT   DE    DECAEX  147 

cette  troupe;  que,  si  elle  faisait  feu,  elle  serait  passée  au  fil  de  rêpêe.  Les 
ennemis  mirent  bas  les  armes. 

Le  général  Durutte  avait  exécuté  son  mouvement,  que  j'avais  suivi,  et 
il  allait  déboucher  sur  la  «grande  chaussée  de  Hohonlinden  à  Haag;  mais 
ajant  trouvé  la  division  (îrouchy  s'avançant  sur  Haag,  et  jugeant,  par  le 
mouvement  de  cette  division,  que  la  gauche  pouvait  se  passer  de  mon  ren- 
fort, je  pris  la  résolution  de  diriger  la  plus  grande  partie  de  mes  troupes 
sur  Haag,  passant  par  Albaching,  afin  de  couper  autant  que  possible  les 
communications  de  l'ennemi  avec  Wasserburg. 

Tandis  que  j'ordonnais  ce  mouvement,  —  il  était  alors  environ  3  h.  30, 
—  le  général  Kniaziewicz,  que  j'avais  chargé  de  rester  sur  le  point  de 
€hristoph  pour  couvrir  mon  flanc  droit,  me  fit  prévenir  qu'il  était  attaqué 
vivement  par  ce  corps  de  3000  hommes  (pi'il  avait  eu  tout  le  jour  devant 
lui.  L'affaire  s'engageait.  Le  général  Kniaziewicz  soutenait  très  bien  l'at- 
taque; mais  la  marche  que  je  faisais  faire  sur  Albaching,  menaçant  la 
droite  de  ce  corps  ennemi,  l'obligea  bientôt  à  la  retraite.  Il  fut  pour- 
suivi; mais  la  nuit,  qui  empêcha  de  profiter  de  sa  fuile,  empêcha  aussi 
aux  troupes  que  je  dirigeais,  excepté  à  quelques  tirailleurs,  de  déboucher 
dans  la  plaine  d'Albaching.  L'ennemi  avait  alors  cinq  escadrons  de  cava- 
lerie et  trois  pièces  d'artillerie  qui  battaient  à  mitraille  le  débouché. 

Le  résultat  de  la  journée  a  donné  à  la  division  plus  de  3  000  prison- 
niers, 50  officiers  dont  2  colonels,  et  7  pièces  de  canon  ;  et  elle  n'a  perdu 
que  286  honnnes,  tant  tués  que  blessés,  dont  six  officiers. 

Les  2*  et  3'  bataillons  de  la  14%  le  1"  bataillon  de  la  4^  d'infanterie  de 
ligne,  la  légion  polonaise  et  un  escadrorj  du  0°  régiment  de  chasseurs  se 
sont  conduits  avec  la  plus  grande  bravoure.  Si  les  autres  troupes  eussent 
eu  l'occasion  de  donner,  on  doit  croire,  par  le  zèle  qu'elles  ont  montré, 
qu'elles  auraient  imité  ceux  qui  ont  combattu  l'ennemi. 

Parmi  tous  les  officiers  qui  se  sont  distingués,  mon  général,  je  vous 
recommande  particulièrement  le  chef  d'escadrons  Montaulon,  pour  que 
vous  lui  accordiez  la  réconipense  que  ses  belles  actions  lui  méritent  et  sur- 
tout sa  conduite  à  la  bataille  du  12  :  ajant  eu  son  cheval  tué,  à  pied,  il 
s'est  mis  à  la  tête  de  l'infanterie.  Ce  grand  dévouement,  avec  les  disposi- 
tions du  chef  Laffon  et  la  conduite  distinguée  du  général  Kniaziewicz,  ont 
fait  beaucoup  aux  succès  de  cette  journée. 

Un  chasseur  du  6%  nommé  Côtebœuf,  et  un  hulan  de  la  légion  polonaise 
nommé  Ivisen,  se  trouvant  ensemble  dans  le  bois  au  commencement  de 
l'affaire,  ayant  aperçu  une  cinquantaine  d'hommes,  se  sont  concertés  pour 
les  charger.  Le  chasseur,  fort  avancé,  leur  criant  de  se  rendre,  et  criant  : 
u  En  avant,  la  4»!  n  cette  troupe  a  mis  bas  les  armes.  Mais  l'ennemi,  ne 
voyant  que  ces  deux  hommes,  reprenait  ses  armes  pour  s'en  servir  lorsque 
le  hulan,  reconnaissant  de  ses  compatriotes,  leur  a  parlé  dans  sa  langue  et 
leur  a  dit  de  le  suivre,  ce  qu'ils  ont  fait  aussitôt. 

L'adjudant  commandant  Plauzonne  et  les  officiers  de  l'état-major  se  sont 
particulièrement  distingués  dans  cette  journée. 


1V8      MliAIOIIlES   ET   JOIR.VAIX   DU   GEXERAL   DECAEX 

Les  troupes  aux  ordres  du  «[énéral  Dchilly,  restées  sur  le  point  d'Ebers- 
herg,  en  conimuni(juant  avec  Hohenlinden,  ont  dégagé  une  compagnie  de 
la  108"  enveloppée  par  l'ennemi,  et  ont  fait  300  prisonniers. 

J'ai,  ci-devant,  énoncé  le  motif  qui  m'a  fait  anticiper  de  citer 
mou  rapport  au  général  en  chef.  Il  me  reste  donc  à  dire  que,  la 
nuit  ayant  empêché  d'ajouter  au  succès  de  la  journée,  j'ordon- 
nai que  les  troupes  resteraient  à  leurs  emplacements  respectifs, 
d'allumer  leurs  feux  et  d'établir  leurs  gardes. 

Je  crus  devoir  retourner  à  Ebersberg  pour  être  plus  à  proximité 
de  recevoir  des  ordres  pour  ce  ([u'il  y  aurait  à  faire  le  lendemain 
et,  dés  mon  arrivée,  entre  10  et  11  heures,  je  fis  éciire  au  général 
Lahorie  que  ma  division  avait  pris  position  en  avant  de  Mailenbeth, 
et  la  droite  en  avant  de  Christoph,  poussant  des  avant-postes  à  une 
lieue  de  Haag;  que  j'aurais  voulu  aller  jusque-là;  mais  que  la  nuit 
m'avait  empéclié  de  forcer  un  corps  de  quatre  bataillons  qui,  avec 
quelques  pièces  d'artillerie  et  de  la  cavalerie,  avait  attaqué  vers 
les  3  h.  30  le  général  Kniazieuicz;  que  j'adresserais  le  lendemain 
le  rapport  de  la  journée;  que  la  division  avait  fait  plus  de  3000  pri- 
sonniers dont  50  officiers  et  7  pièces  de  canon  ;  que  le  général  Mon- 
trichard  n'était  point  arrivé  à  la  position  qu'il  devait  prendre  (1). 

l'A  frimaire  (4  décembre).  —  Pendant  la  nuit,  je  reçus  du  gé- 
néral Lahorie  l'ordre  ci-après,  daté  d'Anzing  : 

Le  général  Moreau  me  charge  de  te  prévenir,  mon  clier  Decaen,  de  te 
porter  demain,  vers  midi,  sur  Haag  pour  le  couvrir  sur  la  route  de  Was- 
scrburg,  ayant  une  brigade  de  disponible  pour  être  portée  au  besoin  sur  la 
route  de  Aliibldorf  où  se  portent  les  divisions  Richepance  et  Groucby. 

Cet  ordre  est  subordonné  à  l'arrivée  des  troupes  du  général  Lecourbe 
pour  couvrir  le  débouché  d'Ebersberg. 

Le  général  iMoreau  sera  demain  à  Haag. 

Le  général  Richepance  prendra  position  en  avant  de  Ramering,  et  le 
général  Grouchy,  sur  Reichertsheim  et  Aschau. 

L'officier  envoyé  au  quartier  général  me  rapporta  une  lettre  du 
général  Lahorie.  Il  me  marquait  : 

Je  reçois  à  l'instant  le  rapport  de  l'adjudant  général  Plauzonne  sur  ta 
belle  affaire  d'hier,  mon  cher  Decaen.  Je  te  fais  avec  grand  plaisir  mon 
compliment  sur  ton  brillant  succès. 

(1)  Plauzonne  à  I.aliorie,  Ebersberg,   \i  frimaire,  A.  H.  G. 


DECAEN   SE    PORTE    SUR   HAAG  149 

Je  t'ai  envoyé  cette  nuit  les  intentions  du  général  en  chef  pour  ta  posi- 
tion d'aujourd'hui  qui  est  absolument  celle  que  tu  te  proposais  de  prendre, 
c'est-à-dire  sur  Haag  et  en  avant  de  cette  ville,  une  partie  sur  la  route  de 
Wasserburg,  le  reste  en  réserve  vers  Ilanisau,  prêt  à  soutenir  les  divisions 
Grouchy  et  Richepance,  si  elles  étaient  ramenées  des  positions  qu'elles 
doivent  prendre,  la  dernière,  sur  Ramering,  et  l'autre,  sur  Ileichertsheim 
et  Aschau. 

Le  général  Moreau  sera  aujourd'hui  à  Haag  où  j'espère  te  voir. 

Ainsi,  d'après  ces  ordres,  la  division  se  mit  en  marche  entre 
11  heures  et  midi  sur  Haag,  y  prit  position,  le  général  Durutle, 
ayant  sa  gauche  à  la  roule  qui  conduit  à  Wasserburg;  la  légion 
polonaise  y  appuyait  sa  droite,  la  gauche  vers  l'Inn,  Tavaut-garde 
couvrant  le  front  de  la  division  sur  les  différents  débouchés  de 
Wasserburg,  éclairant  par  la  gauche  vers  l'Inn,  par  la  droite,  vers 
Albaching,  et  poussant  ses  postes  en  deçà  de  l'Achenbach  (1),  se 
liant  avec  le  détachement  aux  ordres  du  général  Debilly  qui  avait 
gardé  sa  position  à  Ebersberg,  ayant  ses  avant-postes  à  Tulling, 
attendu  que  les  troupes  de  l'aile  droite,  qui  avaient  dû  le  relever 
dès  la  veille,  n'étaient  pas  encore  arrivées. 

La  division  se  trouva  disposée  de  manière  à  pouvoir  marcher 
par  sa  gauche  sur  la  route  de  Miihldorf,  où  le  général  Richepance 
poursuivait  l'ennemi. 

Avant  de  partir  d'Ebersberg  pour  me  rendre  à  Haag,  un  rapport 
du  chef  LafTon  m'informa  que  l'ennemi  s'était  retiré  d'Albaching 
vers  minuit  et  demi;  que  ce  village  était  celui  où  l'ennemi  était, 
la  veille  au  soir,  en  position,  et  d'où  il  nous  avait  tiré  plusieurs 
coups  de  canon;  que  cet  endroit  avait  été  pillé  par  lui  et  qu'il  y 
avait  laissé  beaucoup  de  blessés  français  et  autrichiens.  Lorsque  je 
passai  dans  ce  village,  je  donnai  des  ordres  pour  les  soins  à  don- 
ner à  ces  blessés,  ainsi  que  pour  leur  transport;  les  Français  pro- 
venaient de  l'afiFaire  du  10.  Beaucoup  de  ces  malheureux  blessés 
n'avaient  pas  encore  été  pansés.  C'était  un  spectacle  bien  pénible! 
Cependant,  dès  que  nos  troupes  étaient  entrées  dans  ce  village, 
on  avait  commencé  par  leur  procurer  tous  les  secours  qu'il  était 
alors  possible  de  leur  donner;  on  s'était  surtout  empressé  de  faire 
extraire  du  milieu  d'eux  les  cadavres  des  malheureux  qui  avaient 
déjà  succombé. 

(1)  C'est  le  nom  que  donne  le  1/50  000'  bavarois.  Decaen  avait  écrit  l'Ach.  Le 
1/100  000»  allemand  dit  :  Nasenbach. 


150      MEMOIRES   ET   JOIK.XAIX   DU   GÉXERAL   DECAEX 

Arrivé  au  quarlier  général,  je  reçus  du  général  en  chef  des 
témoignages  de  sa  satisfaction.  Il  m'écrivit  eu  outre  la  lettre  sui- 
vante : 

Au  quartier  général,  à  Haag. 
Le  16  frimaire  an  IX  de  la  Répablique. 

Le  général  en  chef  Moreau  au  général  de  division  Decaen. 

Je  vous  prie,  citoyen  général,  de  témoigner  à  votre  division  combien 
j'ai  à  me  louer  de  sa  conduite  à  l'affaire  du  12.  Sa  récompense  la  plus 
douce  sera  sûrement  la  reconnaissance  nationale  pour  les  services  impor- 
tants que  l'armée  vient  de  rendre  à  la  République.  Veuillez  joindre  à 
votre  rapport  le  nom  des  braves  qui  ont  mérité  des  récompenses  pour  des 
actions  distinguées  ;  je  m'empres.serai  de  les  faire  connaitre  au  gouverne- 
ment. Salut  et  attachement! 

Signé  :  Moreau 

...  et  de  nombreuses  félicitations  pour  la  part  que  ma  division 
avait  prise  à  la  grande  victoire  remportée  la  veille.  Elle  était  vrai- 
ment éclatante,  cette  victoire,  tant  par  ses  trophées  que  par  les 
résultats  qu'on  devait  en  espérer. 

Plus  de...  (1)  prisonniers  et  plus  de  100  pièces  de  canon 
étaient  tombés  en  notre  pouvoir. 

J'appris  aussi  les  détails  qui  suivent  (2)  :  

...  Ayant  demandé  au  général  en  chef  ce  que  j'avais  à  faire  le 
lendemain,  il  me  chargea  d'envelopper  la  tête  de  pont  de  U  as- 
serburg. 

En  conséquence,  il  fut  mandé  au  général  Debilly  de  rassembler 
ses  troupes  à  la  pointe  du  jour  sur  Tulling,  et  de  se  diriger  sur  la 
route  de  Uasserburg  jusqu'à  Edling,  sur  l'Ebrach,  où  il  se  tien- 
drait en  observation,  gardant  les  débouchés  de  Wasserburg,  éclai- 
rant sa  gauche;  que,  lorsque  les  troupes  aux  ordres  du  chef  Lafifon, 
arrivant  de  Haag  sur  Edling,  se  présenteraient,  il  ferait  un  mouve- 
ment par  sa  droite  et  irait  prendre  position  derrière  l'Atlel,  la 
droite  vers  l'Inn,  ayant  une  avant-garde  sur  cette  rivière;  que,  s'il 


(\)  Le  chiffre  nian.|ue  dans  le  manuscrit.  Dessoile  dit  :  11  000  prisonniers  dont 
119  officiers,  entre  antres  les  généraux  Deroy  et  Spannochi.  Moreau  dit  :  10  000  prison- 
niers, 200  caisBons  et  80  bouches  à  feu.  Cf.  commandant  E.  Picard,  Hohenlinden,  p.  23(i. 

(2)  Suivent  trois  pages  pages  blanclics  dans  le  manuscrit. 


DECAEM   FAIT    SLRVEILLER   L'IViV  151 

éprouvait  des  obstacles  pour  arriver  à  Ediing,  il  ne  s'engagerait 
pas,  et  en  donnerait  avis  au  général  de  division;  mais  que,  quand 
il  serait  informé  de  l'arrivée  de  la  colonne  venant  de  Haag,  alors 
il  prendrait  les  mesures  nécessaires  pour  favoriser  le  débouché  de 
cette  colonne  sur  Edling,  laquelle  devait  pousser  des  avant-postes 
sur  les  points  les  plus  convenables  en  approchant  de  U  asserburg. 
Il  fut  recommandé  à  ce  général  de  lier  ses  postes  par  leur 
gauche  avec  ceux  du  chef  Laffon,  et  de  faire  surveiller  les  bords 
de  rinn  depuis  ses  postes  sur  Wasserburg  jusqu'à  la  Rott  et  de 
communiquer  avec  les  troupes  de  l'aile  droite  (|ui  devaient  être 
au  delà  de  cette  rivière. 


CHAPITRE  VIII 

La  division  Decacu  investit  la  lête  de  pont  de  Wasserburg.  —  Emplacement  des  troupes 
de  cette  diiisiou.  —  Decaen  reçoit  l'ordre  de  se  porter  sur  la  Glonn.  —  Lecourbe  va 
tenter  le  passa'je  de  l'Inn.  —  Les  divisions  Decaen  et  Grouchy  sont  mises  à  sa  dispo- 
sition. —  Debilly  obserie  Wasserburg.  —  Decaen  se  rend  d'Ebersberg  à  Beiharting.  — 
En  attendant  les  ordres  de  Lecourbe,  il  fait  rassembler  sa  dlsision  dès  le  lever  du  jour. 
—  Il  ne  reçoit  des  nouvelles  de  Lecourbe  qu'à  midi.  —  Lecourbe  lui  annonce  qu'il 
va  tenter  le  passage  de  l'Iun  vis-à-vis  Rleubeuern.  —  Il  juge  inutile  que  Decaen  le 
suive  vers  \eubeuern.  —  Decaen  se  porte  sur  Aibling.  —  Sur  1  ordre  de  Moreau,  il 
va  passer  l'Inn  à  Xeubeuern,  derrière  Lecourbe.  —  Decaen  chargé  de  se  placer  en 
réserve  de  Lecourbe.  —  Debilly  quitte  la  division  Decaen.  —  Lacour  le  remplace.  — 
Lecourbe  marche  sur  la  Salzacfa.  —  Decaen  arrive  à  Waging.  —  Moreau  fait  protéger 
les  salines. 


14 frimaire  (5  décembre).  —  Des  ordres  furent  expédiés  au 
chef  Laffon  et  aux  généraux  Durutte  et  Kniaziewicz,  qui  leur  indi- 
quaient les  positions  qu'ils  devaient  prendre  dans  la  journée,  ainsi 
que  les  directions  qu'ils  devaient  suivre  pour  aller  s'y  établir  afin 
de  compléter  l'investissement  de  la  tète  de  pont  de  Wasserburg. 

Les  détachements  qui  avaient  passé  d'une  brigade  à  l'autre,  les 
jours  précédents,  durent  rentrer  dans  leurs  corps  respectifs. 

On  prévint  que  le  quartier  général  de  la  division  serait  à  Ebers- 
berg,  ainsi  que  le  parc  et  les  équipages,  et  que  le  pain  et  la  viande 
seraient  distribués  pour  deux  jours. 

Le  général  Kniaziewicz  m'annonça  que  sa  troisième  colonne 
l'avait  rejoint.  Dans  l'après-midi,  je  me  rendis  à  Edling  pour  con- 
naître le  résultat  du  mouvement  que  j'avais  ordonné  et,  le  soir,  je 
fus  à  Ebersberg. 

Je  fis  écrire  au  général  Lahorie  que  la  division  était  placée 
comme  suit  :  la  légion  polonaise,  en  arrière  de  l'Achenbach, 
couvre  Haag,  ayant,  sur  la  route  de  Wasserburg,  une  forte  avant- 
garde  qui  pousse  ses  avant-postes  le  plus  près  possible  de  \\  asser- 
burg;  le  chef  Lafibn,  établi  à  la  hauteur  d'Edling,  couvre  la 
chaussée  de  Wasserburg  à  Ebersberg,  ayant  ses  avant-postes  jus- 


DKCAEM   INVESTIT    WASSERBURG  153 

qu'à  Rcilmeluing;  le  général  Dcbilly,  en  arrière  de  l'Attel,  pousse 
en  avant  de  cette  rivière  une  avant-garde  dont  les  avant-postes 
gardent  tous  les  débouchés  de  Wasserhurg  et  observent  Tlnn  depuis 
TAttel  ius(|u'à  la  Rott;  le  général  Durutte  est  établi  h.  TuUing,  sur 
la  route  de  Uasserburgà  Ebersberg,  avec  trois  bataillons  et  quatre 
escadrons;  l'avant-garde  a  poussé  l'ennemi  jusqu'au  delà  de  Reit- 
mehring,  chaussée  de  W'asserburg  à  Ebersberg  (ce  village,  à  une 
lieue  de  Wasserburg,  en  est  séparé  par  un  bois  peu  profond,  mais 
dont  le  débouché  parait  avantageux  à  l'ennemi  qui  nous  a  fait  feu, 
sur  ce  point,  avec  trois  pièces  de  canon)  ;  que  j'étais  dans  l'inten- 
tion de  ne  point  forcer  ce  point  et  de  ne  rien  tenter  jusqu'à  ce 
que  je  connusse  les  intentions  du  général  en  chef  à  cet  égard; 
qu'un  paysan  qui  disait  avoir  été  enfermé,  pour  les  travaux  de  la 
tète  de  pont  de  W'asserburg,  pendant  six  semaines,  avait  rapporté 
que  les  ouvrages  étaient  défendus  par  3000  hommes  et  50  bouches 
à  feu;  qu'il  avait  vu  passer,  pendant  la  nuit  du  12  au  13,  700  bles- 
sés venant  de  Haag  et  Mehring  (I)  pour  entrer  à  Wasserburg;  que 
je  priais  le  général  Lahorie,  dans  le  cas  où  il  y  aurait  un  mouve- 
ment d'ordonné  à  la  division,  de  donner  directement  des  ordres 
au  général  Kniaziewicz  établi  de  sa  personne  à  Haag,  afin  qu'il  se 
réunisse  promptement  à  la  division. 

Il  lui  fut  aussi  annoncé  que  les  troupes  du  général  Montrichard, 
arrivées  en  position  à  Ebersberg  à  11  heures  du  matin  (2),  y 
étaient  encore  à  10  heures  du  soir,  l'heure  à  laquelle  ou  écrivait 
celte  lettre. 

15 frimaii'e  (6  décembre).  —  La  division  resta  dans  ses  posi- 
tions, excepté  une  partie  de  la  légion  polonaise  qui  revint  de  Haag 
à  Ebersberg. 

Une  lettre  du  général  Lahorie  m'annonça  : 

Le  général  Lecourbe  a  achevé  ses  reconnaissances  et  compte  être  prct 
pour  le  17  à  faire  son  passage,  qu'il  tentera  au-dessus  de  Rosenheim. 

La  nécessité,  pour  lui,  de  laisser  beaucoup  de  troupes  depuis  Feldkirch 
jusqu'à  son  point  de  passage  a  déterminé  le  général  en  chef  à  mettre  à  sa 
disposition,  pour  son  premier  mouvement,  deux  divisions  du  centre,  la  tienne 

(1)  Rechtmehring  ou  Freimelirinjf,  à  eusiron  5  kilomètres  au  S. -S. -G.  de  Haa^ij. 

(2)  A  midi,  d'après  une  lettre  de  l'adjudant  commandant  Plauzonne  à  Lahorie,  Ebers- 
berg, 14  frimaire,  10  heures  du  soir  (A.  H.  G.), 


15i      MEMOIRES    ET  JOURVAUX   DU   GENERAL   DECAEX 

et  celle  du  {jcnéral  Groucliy.  Ce  dernier  est  en  marche  aujourd'hui  pour 
arriver  demain  soir  en  avant  de  Zinneberg,  passant  par  Ebersberg. 

Tu  mettras,  de  ton  côté,  ta  division  en  marche  de  manière  à  arriver 
aussi,  demain  1(5,  au  soir,  sur  la  Glonn  à  Beihartinjj  et  Tuntenhausen  ; 
mais  il  est  nécessaire  que  tu  continues  à  masquer  par  un  détachement  la 
tête  de  pont  de  VVasserhur;^.  Je  suppose  qu'il  te  faudra  laisser  pour  cela 
deux  bataillons,  trois  escadrons  et  deux  pièces.  La  connaissance  que  tu  a* 
du  pays  ne  me  permet  pas  de  rien  fixer  h  cet  égard. 

C'est  avec  regret  que  je  vois  la  nécessité  de  morceler  ainsi  ta  division, 
inon  ami.  Mais  la  longueur  et  la  rapidité  des  marches  des  autres  divisions- 
ne  permet  pas  de  (aire  autrement  ;  au  reste,  tu  juges  bien  que  ce  détache- 
ment ne  tardera  pas  à  te  rejoindre. 

Donne,  je  te  prie,  ordre  de  suite  à  une  compagnie  d'artillerie  légère  de 
ta  division  de  partir  pour  Aibling,  où  elle  sera  à  la  disposition  du  général 
Lecourbe  qui  paraît  avoir  besoin  de  nombreuses  batteries  pour  l'établisse- 
ment de  son  pont. 

La  légion  polonaise  ayant  deux  marches  à  faire,  j'ai  cru  utile,  ainsi  que 
me  le  demandait  Plauzonne,  de  lui  donner  ordre  directement  de  se  mettre 
en  marche  aujourd'hui  pour  Lbersberg,  où  elle  prendra  tes  ordres  ulté- 
rieurs. 

Bonjour,  mon  ami!  Si  l'opération  du  passage  de  l'Inn  réussit,  j'espère 
que  notre  campagne  sera  bientôt  finie.  Le  général  Moreau  sera  probable- 
ment encore  aujourd'hui  à  Haag. 

Je  fis  à  cette  lettre  la  réponse  suivante  : 

Je  viens  de  recevoir,  mon  cher  Lahorie,  ta  lettre  d'aujourd'hui.  Mes- 
reconnaissances  sur  la  route  de  \\  asserburg  ont  rapporté  que  l'ennemi 
paraissait  avoir  un  assez  bon  nombre  d'infanterie  dans  le  bois  en  avant  de 
la  tète  de  pont;  c'est  sans  doute  pour  protéger  les  abatis  qu'il  fait  faire.  Il 
a  tiré  le  canon  sur  les  reconnaissances  qui  se  sont  avancées  sur  la  route 
d'Ebersberg. 

J'ai  cru,  mon  cher  Lahorie,  que,  pour  ne  pas  donner  à  l'ennemi  l'idée 
d'un  mouvement  de  troupes,  il  fallait  laisser  à  l'observation  des  détache- 
ments des  mêmes  corps,  et,  comme  le  pays  est  très  coupé,  l'enceinte  de  la 
tète  du  pont  assez  étendue,  et  qu'il  y  a  deux  grands  débouchés  a  observer, 
que  trois  bataillons  seraient  nécessaires  pour  cette  ob.sîervation.  Je  laisserai 
le  général  Debilly  devant  Wasserburg  avec  un  bataillon  de  la  légion  polo- 
naise, un  bataillon  de  la  14"'  et  un  de  la  100'  avec  deux  pièces  d'artillerie 
légère,  un  escadron  du  6"  de  chasseurs,  un  du  17^  dragons  et  150  hus- 
sards ;  au  besoin,  on  pourrait  disposer  du  bataillon  de  la  100''  qui  est  établi 
entre  la  Kott  et  l'Attel. 

Si  je  donne  au  général  Lecourbe  une  compagnie  d'artillerie  légère,  il  ne 
me  restera  rien;  mais  je  lui  envoie,  pour  arriver  demain  de  bonne  heure 
à  Aibling,  quatre  pièces  de  8  et  deux  obusiers  servis  par  l'artillerie  à 
pied,  ce  <]ui,  pour  le  but  qu'il  a  à  remplir,  fera  encore  un  meilleur  effet. 


DECAEiX   CHARGE   DE    SOUTENIR   LEOOURBE  155 

Je  fis  ensuite  mander  au  général  Dehilly  de  prendre,  au  reçu  de 
Tordre,  le  commandement  des  troupes  qui  devaient  rester  pour 
l'observation  de  la  tête  de  pont  de  Wasserburg.  Elles  lui  furent 
désignées  ainsi  qu'il  est  dit  ci-dessus,  et  leur  emplacement  lui  fut 
indiqué.  Comme,  d'après  ces  dispositions,  les  troupes  de  sa  brigade 
non  employées  devant  Wasserburg  devaient  suivre  le  mouvement 
du  surplus  de  la  division,  on  lui  écrivit  de  [leur]  donner  des  ordres 
de  partir  le  lendemain  à  la  pointe  du  jour,  sous  le  commandement 
du  chef  Saint-Dizier,  pour  aller  cantonner  dans  les  villages  aux 
environs  de  Beiliarting  où  serait  établi  le  quartier  général  de  la 
division. 

Il  lui  fut  dit  de  faire,  d'après  sa  reconnaissance  des  localités, 
telles  dispositions  qu'il  jugerait  nécessaires,  tant  pour  l'observa- 
tion de  la  tète  de  pont  que  pour  repousser  les  attaques  de  l'en- 
nemi ;  cependant,  si  l'ennemi  sortait  avec  des  forces  trop  considé- 
rables, de  ne  point  s'engager,  mais  de  faire  ce  que  les  circonstances 
prescriraient  de  plus  favorable. 

J'écrivis  au  général  Lecourbe  pour  le  prévenir  que  j'envoyais, 
pour  être  à  sa  disposition,  une  batterie  de  quatre  pièces  de  8  et 
deux  obusiers  servis  par  une  compagnie  d'artillerie  à  pied. 

Le  chef  LafTon  et  le  général  Durutte  reçurent  l'ordre  de  partir 
le  lendemain,  à  8  heures  du  matin,  pour  aller  cantonner  à  Tun- 
tenhausen  et  Beiharting  et  autres  villages  qui  leur  furent  dési- 
gnés . 

Il  fut  mandé  au  général  Kniaziewricz  que,  si  le  général  Lahorie 
avait  omis,  en  lui  donnant  l'ordre  de  se  rendre  à  Ebersberg,  de  le 
prévenir  de  laisser  ses  avant-postes  devant  Wasserburg,  il  fallait 
de  suite  faire  reprendre  ces  postes  et  qu'il  fallait  qu'un  des  batail- 
lons de  la  légion  avec  150  uhlans  restassent  sur  le  point  qu'il  oc- 
cupait et  fussent  établis  pour  tenir  l'observation  devant  la  tête  de 
pont  de  Wasserl)urg;  que  le  général  Debilly  leur  donnerait  des 
ordres,  et  que  ce  détachement  ne  tarderait  pas  à  le  rejoindre; 
enfin,  qu'aussitôt  après  les  distributions  faites  à  la  légion  à  Ebers- 
berg, il  devait  en  partir  pour  aller  cantonner  ^dans  les  villages 
de  Weiching,  Holzen  et  autres,  sur  la  route  et  en  arrière  de 
Beiharting. 

Le  général  Debilly  me  rendit  compte  de  la  position  de  ses  troupes 
devant  Wasserburg,  et  que,  sur  sa  droite,  l'ennemi  avait  jeté  une 


156   MÉMOIRES  ET  JOURXAUX  DU  GÉXÉRAL  DECAEX 

trentaine  de  chevaux  et  quelques  liommes  d'infanterie  qui  s'étaient 
avancés  tout  près  d'Ober-Kott;  (|u'on  avait  marché  sur  eux  et 
qu'on  les  avait  poursuivis  sans  pouvoir  les  atteindre;  mais  que 
les  postes  qui,  maintenant,  observaient  l'Inn  du  plus  près  possible 
empêcheraient  de  pareils  passages. 

16  frimaire  ij  déceml)re). — Je  partis  d'Ebersberg  pour  me 
rendre  à  Beiharting,  m'attendant  à  faire  un  mouvement  le  lende- 
main, de  bonne  heure,  selon  l'avis  que  devait  me  transmettre  le 
général  Lecourbe.  Je  fis  donner  des  ordres  pour  que  la  division  fût 
rassemblée  en  avant  et  en  arrière  de  Beiharting  à  7  heures  du 
matin. 

n frimaire  (8  décembre).  —  Ce  ne  fut  qu'à  midi  (jue  je  reçus 
de  ce  général  la  lettre  suivante  : 

Je  vous  préviens,  citoyen  général,  que,  demain,  à  la  pointe  du  jour, 
j'effectue  un  passage  de  l'Inn,  vis-à-vis  Neubeuern.  Votre  division  étant 
destinée  à  seconder  mon  corps,  je  pense  que  vous  aurez  des  ordres  de  vous 
tenir  prêt  à  suivre  mon  mouvement. 

Mais  je  ne  crois  pas  qu'il  soit  nécessaire  que  vous  le  suiviez  sur  Xeu- 
beuern  :  je  pense,  après  avoir  l)alayé  la  rive  droite,  faire  proinptement 
réparer  le  pont  de  Rosenhcim.  Tenez-vous  en  mesure  à  cet  effet. 

Vous  feriez  bien,  je  pense,  de  faire  tirer  quelques  coups  de  canon  sur 
les  camps  ennemis,  qui  se  trouvent  vis-à-vis  de  Kobel  et  Thannoù  existent 
des  gués. 

Je  fis  envoyer  sur-le-champ  une  copie  de  cette  lettre  au  général 
Lahorie,  et  lui  fis  écrire  (1)  (ju'ayant  compté  de  marcher  sur 
Aibling,  mes  troupes  avaient  été  rassemblées  au  point  du  jour, 
et  que,  d'après  cette  lettre,  j'allais  m'y  diriger  avec  la  division; 
qu'elle  y  serait  formée  de  manière  à  pouvoir  agir  sur  le  point 
convenable,  d'après  les  ordres  que  j'attendais  du  général  en 
chef. 

La  division,  mise  de  suite  en  marche,  fut  entièrement  établie 
aux  environs  d' Aibling  vers  4  heures  de  l'après-midi.  L'avant- 
garde  fut  placée  en  avant  de  cet  endroit,   ayant  sa  droite  à  la 

(1)  Daus  celte  lettre,  se  trouvait  le  passage  suivant  :  «  ...  Le  généra!  Lecourbe  dit  de 
tirer  des  coups  de  canon  vis-à-ïis  Kobel  et  Thauu,  et  aucune  carte  n'indique  ces  points. 
D'un  autre  côte,  il  sera  tard  quand  il  [Dccaen]  arrivera  sur  I  Inn,  le  mouvement  ne  pou- 
vant être  plus  prompt  puisque  ce  n'est  qu'à  midi  que  le  général  Lecourbe  lui  a  écrit  » 
(Plauzonne  à  Lahorie,  Beiharting,  17  frimaire,  .^.   H.  G.). 


DEBILLV   OBSERVE    WASSERBURG  157 

chaussée  de  Rosenlieim,  et  les  autres   brigades   échelonnées   en 
arrière  et  à  peu  de  distance  de  ce  corps. 

Avant  de  partir  de  Beiharting,  j'avais  donné  avis  de  ma  marche 
et  de  la  position  que  j'allais  prendre  au  général  Grouchy  à  Zinne- 
herg.  J'en  reçus  cette  réponse  : 

Mon  cher  Decaen,  le  général  Lecourbc  m'a  marqué  de  prendre  position 
avec  ma  division,  domain  18  à  9  heures  du  matin,  i\  la  croisée  du  chemin 
de  Kutstein  à  Roscnheim.  En  conséquence,  je  me  mets  en  mouvement, 
afin  d'aller  bivouaquer  pendant  quelques  heures  en  arrière  d'Aibling  et 
me  rendre  ensuite  au  point  indiqué.  J'imagine  que  je  recevrai  de.  lui  ou 
du  général  en  chef  de  nouveaux  ordres  sur  ce  que  j'aurai  à  faire  pendant 
la  journée  de  demain.  Ce  soir,  vers  10  heures,  je  serai  de  ma  personne  à 
Aibling.  Ainsi  j'espère,  mon  ami,  que  j'aurai  le  plaisir  de  vous  y  embras- 
ser. Xous  nous  concerterons,  en  outre,  relativement  à  notre  manière  d'agir. 
Je  vous  end)rasse  bien  amicalement  et  vous  remercie  de  ni'avoir  instruit 
de  votre  position. 

Le  général  Dehilly,  établi  à  Edling,  m'écrivit  : 

Il  y  a  eu  quelques  engagements  de  postes,  ce  matin,  sur  la  ligne,  à 
droite;  ils  ont  été  suscités  par  Tennenii  ;  mais  ils  n'ont  pas  eu  de  suites. 
Les  vedettes  ont  fini  par  rester  à  leur  enqdacement. 

La  brigade  du  général  Bonct  vient,  ce  soir,  do  lier  ses  postes  avec  la 
légion  polonaise.  Les  vivres  manquent  à  la  troupe  et  on  ne  m'annonce 
aucune  distribution. 

11  s'est  fait  toute  la  journée  beaucoup  de  mouvements  de  troupes  et  voi- 
tures sur  la  droite  de  l'Inn,  soit  pour  reinontor,  soit  pour  descendre  la 
rivière.  In  bataillon,  que  l'on  croit  bavarois,  est  venu  camper  ce  soir 
dans  les  bois  en  face  de  l'abbaye  d'Attel  ;  il  a  avec  lui  une  pièce  de  canon. 

J'ai  devant  moi,  en  avant  de  W^asserburg,  sur  la  chaussée  d'Ebcrsberg, 
de  l'infanterie  et  de  la  cavalerie  wurtembergeoises.  Les  Polonais,  du  côté 
de  Gars,  ont  devant  eux  des  Szekler-hussards. 

Le  général  Laborie  m'ayant  fait  dire  verbalement,  par  l'officier 
d'état-major  qui  lui  avait  porté  la  copie  de  la  lettre  du  général 
Lecourbe,  que  le  général  Grenier  donnerait  des  ordres  aux  troupes 
que  j'avais  devant  Wasserburg,  et  (|ue,  le  lendemain,  de  bonne 
heure,  le  général  en  chef  serait  à  Aibling,  j'écrivis  au  général 
Debilly  : 

Vous  rendrez  compte  directement  au  lieutenant  général  Grenier,  établi 
à  Haag,  de  ce  qui  pourrait  vous  arriver  sur  le  point  de  Wasserburg  où 
vous  êtes  en  observation.  Vous  lui  ferez  part  de  votre  établis.sement.  Le 
chef  de  l'état-major  prévient  le  général  Grenier  pour   qu'il  donne   des 


158      MEMOIRES   ET   JOUR\'AUX   DU   GENERAL   DECAEX 

ordres  afin  (lu'il    soit  pourvu   à    la  subsistance  de  vos  troupes,   pendant 
qu'elles  vont  rtre  partagées  de  la  division. 

18 frimaire  (9  décembre).  —  X'ayant  reçu,  pendant  la  nuit  et 
surtout  le  lendemain  matin,  nioidres,  ni  avis  du  général  Lecourbe, 
je  n'en  fus  nullement  surpris;  car  lors  du  passage  du  Danube,  il 
avait  agi  de  la  même  manière.  Il  avait  la  manie  de  ne  pas  vouloir 
être  secondé,  afin  de  se  réserver  à  lui  et  à  son  corps  d'armée  la 
gloire  du  succès  des  entreprises  dont  il  était  cliargé.  Mais  le  géné- 
ral Moreau,  arrivé  à  Aibling,  ayant  été  informé  que  le  général 
Lecourbe  avait  effectué  son  passage  sans  obstacles  à  Xeubeuern, 
nous  donna  l'ordre,  au  général  Groucliy  et  à  moi,  de  marcber  sur 
ce  point  avec  nos  divisions. 

Vers  midi,  toutes  les  troupes  du  général  Lecourbe  étant  passées 
sur  la  rive  droite  de  l'Inn,  ma  division  passa  sur  le  pont  de 
bateaux  immédiatement  après. 

Deux  bataillons  de  Kaunitz,  deux  de  Bcnder,  plusieurs  corps 
d'émigrés  sous  les  ordres  du  prince  de  Condé  et  du  duc  d'Engbien, 
les  dragons  de  Miinster,  arrètèrenlpendantquelques  beuresl'avant- 
garde  du  général  \Iontricbard. 

La  position  de  l'ennemi  était  avantageuse;  le  plateau  était 
escarpé.  Alais  les  troupes  qui  avaient  passé  l'Inn,  étant  arrivées 
successivement,  repoussèrent  bientôt  l'ennemi  cl  le  suivirent  au 
delà  de  la  bauleur  de  Rosenbeim. 

Les  troupes  de  ma  division  n'eurent  aucun  engagement.  Celles 
du  général  Lecourbe  firent...  (1). 

Le  général  en  cbef  me  donna  l'ordre  de  m'établir  parallèlement 
à  la  cliausséede  Rosenbeim  à  Salzburg,  la  gaucbe  vers  Rosenbeim, 
la  droite  vers  Steplianskircben,  poussant  en  avant  du  front  de  la 
division  de  forts  délacbements  sur  tous  les  déboucbés  qui  condui- 
sent sur  Wasserburg. 

Cette  position,  prise  à  la  bâte,  n'était  que  provisoire.  La  diffi- 
culté des  cbemins,  la  fréquence  des  défilés  dans  un  pays  montueux 
et   marécageux   (jui,  même,  eiit  été  impraticable  sans    la  gelée, 


(1)  La  phrase  est  inaclievc-e.  Peut-être  Decaeii  voulait-il  indiquer  ici  le  nombre  de  pri- 
sonniers faits  par  Lecourbe.  Celui-ci  déclare  n"aïOir  «  pas  perdu  un  seul  homme  pen- 
dant le  passafje  -  et  avoir  fait  >  de  500  à  6C'0  prisonniers  «  (Lecourbe  à  Molitor,  Rosen- 
beim, 19  frimaire  an  IX,  \.  H.  G.). 


DECAKN   PASSE    L'INAf   DERRIERE    LECOURBE         159 

n'avaient  permis  aux  troupes  que  d'arriver  fort  tard  aux  points 
qui  leur  avaient  été  désignés;  mon  (|uartier  général  fut  établi  à 
(jrehering. 

IQJî'imatre  {H)  décembre).  —  Dès  le  matin,  je  rectifiai  cette 
position  en  portant  la  division  à  hi  bauteur  de  Graben,  sur  la 
route  de  Rosenbeim  à  Wasserburg;  Tavant-garde  fut  placée  ou 
vivant  de  Zaisering,  et  la  réserve,  àGebering.  De  forts  partis  furent 
envoyés  sur  divers  points. 

Mon  cbef  d'étal-major  ayant  envoyé  au  général  Laborie  le  rap- 
port indiquant  les  mouvements  de  la  division  le  jour  précédent, 
ainsi  (|ue  les  positions  que  ses  troupes  avaient  successivement 
occupées,  et  demandé  qu'un  convoi  de  pain  qui  était  resté  sur  la 
gaucbe  de  l'Inn  fût  dirigé  sur  la  division  lorsque  le  pont  de 
Rosenbeim  serait  rétabli,  vers  2  beures  après  midi  arriva  la 
réponse  ci-après,  datée  de  Rosenbeim. 

Je  vous  renvoie,  mon  cher  Plauzonnc,  le  maréchal  des  lojjis  qui  m'a 
remis  votre  rapport;  il  diri<![era  lui-môme  votre  convoi  de  pain. 

Aujourd'hui  la  division  du  général  Uichopance  se  porte  sur  la  route  de 
Wasserburg;  le  général  (îrouchy,  à  la  croisée  du  chemin  de  Roseiilieim  à 
Wasserburg  et  Salzhurg.  Le  (général  Lccourbe  doit  suivre  le  mouvement 
de  l'ennemi  sur  Salzhurg. 

Comme  la  journée  se  passera  à  se  former,  le  général  Decaen  se  placera 
sur  la  route  de  Salzhurg,  à  la  gauche,  ou  plutôt  en  réserve  du  généial 
Lecourhe;  car  je  suppose  les  mouvements  de  l'ennemi  sur  les  routes  de 
Wasserburg  et  de  Salzhurg. 

Dans  la  supposition  où,  entre  ces  deux  conununications,  il  y  aurait  une 
position  et  une  route  qui  vienne  couper  la  route  de  Wa.sserhurg  à  Salz- 
hurg, vers  Ohinjij  par  exemple,  le  «jénéral  Decaen  y  jettera  son  avant-garde. 
11  liera  sa  gauche  avec  le  ojénéral  Uichepance,  si  la  nature  du  pays  le  per- 
met. Ce  dernier  doit  marcher  sur  la  route  de  VVas.serhurg  aussi  loin  qu'il 
le  pourra  sans  obstacle  et  sans  se  compromettre.  Son  mouvement,  (piand 
même  il  serait  un  peu  décousu  du  reste  de  l'armée,  ne  peut  présenter  d'in- 
■convcnient.  .Je  vous  prie  de  mettre  cette  note  sous  les  yeux  du  général 
Decaen. 

Je  fis  de  suite  mettre  en  marche  la  division,  et  je  lui  fis  prendre 
position  en  ariière  de  Scbwabering.  L'avant-garde  fut  dirigée  sur 
Halfing.  Pendant  sa  route,  elle  devait  rallier  à  Miibldorf  un  parti 
commandé  par  le  chef  d'escadrons  Alontaulon,  détaché  dès  le  matin 
pour  aller  éclairer  le  pays  et  avoir  des  nouvelles. 


160       MEMOIRES   ET   JOURNAUX   DU   GENERAL   DECAEN 

Le  général  Lecourbe  eut  une  division  à  Seebruck,  la  droite  au 
lac  de  Cliiem  See. 

Quand  je  fus  arrivé  à  Sclivvahering,  où  le  quartier  général  de  la 
division  fut  établi,  j'écrivis  au  chef  Laffon  : 

Je  pense  que  votre  jonction  s'est  effectuée  et  que  vous  avez  établi  vos 
troupes  comme  nous  en  sommes  convenus. 

Le  chemin  qui  conduit  de  Mùhldorf  sur  Obing  n'est  guère  praticable, 
d'après  les  renseignements  que  je  me  suis  procurés;  mais  il  eviste  une 
assez  bonne  communication  passant  par  Halfing,  Amerang  et  de  là,  k  Fra- 
bertsham,  où  Ton  trouve  la  grande  chaussée  qui  conduit  de  Wasserburg  à 
Salzburg.  C'est  sur  ce  point  qu'il  est  intéressant  de  pousser  un  parti,  le 
plus  tôt  possible,  afin  d'intercepter  cette  communication  à  l'ennemi. 

Le  ciief  Laffon  m'informa  que  sa  jonction  s'était  opérée  àMiihl- 
dorf  avec  Montaulon,  et  qu'il  allait  envoyer  des  postes  ainsi  que  je 
le  lui  avais  recommandé. 

Mon  chef  d'état-major  fit  connaître  au  général  Lahorie  le  place- 
ment de  la  division,  et  il  lui  fit  part  de  ce  qui  avait  été  recom 
mandé  au  commandant  de  l'avant-garde,  ainsi  que  des  renseigne- 
ments obtenus  sur  les    meilleurs   chemins   pour   arriver   sur   la 
chaussée  de  Salzburg. 

20 frimaire  (11  décembre).  — Pendant  la  nuit,  je  reçus  du  gé- 
néral Lahorie  la  lettre  ci-après,  datée  de  Rosenheim,  à  1 1  heures 
du  soir  : 

Le  général  Richepance  est  arrivé  ce  soir  jusqu'à  Holzhausen  sans  ren- 
contrer l'ennemi  et  il  a  ordre  de  se  porter  demain  sur  Wasserburg  (il  avait 
passé  l'inn  à  Rosenheim).  L'intention  du  général  en  chef  est  que  tu  marches 
avec  ta  division  sur  Frabertsham.  11  parait  que  tu  préféreras  de  te  diriger 
par  HalOng  et  Amerang  qui  offrent  une  bonne  comnmnication  ;  ce  sera  en 
même  temps  un  avantage  pour  le  général  Richepance  dont  tu  te  trouveras 
plus  rapproché. 

Si  le  général  Richepance  peut  rétablir  la  communication  de  Wasserburg 
avec  la  rive  gauche  de  l'Inn,  il  fera  partir  de  suite  pour  te  rejoindre  toutes 
tes  troupes  de  Wasserburg  moins  une  compagnie  d'infanterie  française  et 
le  bataillon  polonais  qui  y  resteront  jusqu'à  l'arrivée  du  général  Grenier 
qui  a  ordre  de  marcher  de  suite  sur  Wasserburg  aussitôt  qu'il  pourra  y 
passer  la  rivière. 

Le  général  en  chef  me  charge  de  te  recommander  de  ne  pas  te  com- 
mettre avec  des  forces  supérieures  si,  contre  toute  apparence,  l'ennemi  se 
trouvait  en  forces  trop  considérables  devant  toi.  Le  général  Richepance  a 
ordre  de  jeter  des  partis  jusque  sur  Frabertsham  pour  communiquer  avec  toi. 


DECAEIV   SE    PORTE    SUR   OBIMG  161 

Le  général  Lecourbe,  qui  a  passé  TAlz  aujourd'hui  à  Seebruck,  marche 
demain 'sur  Traunstein,  et  le  général  Grouchy  se  portera  en  réserve  sur 
Seebruck,  en  échelon  sur  la  route  de  Salzburg. 

Vu  ce  qui  m'élait  recommandé,  les  commandants  de  brigade 
reçurent  l'ordre  d'avoir  leurs  troupes  rassemblées  entre  9  et 
10  heures  du  matin  à  Halfing,  et  de  les  y  conduire  par  les  che- 
mins les  plus  courts  et  les  plus  praticables. 

De  ce  lieu  de  rassemblement,  la  division  marcha  par  Amerang 
sur  Obing,  chaussée  de  VVasserburg  à  Salzburg,  où  elle  prit  posi- 
tion en  avant  et  en  arrière  de  ce  village,  ayant  une  avant-garde  de 
la  brigade  Durulte  placée  à  la  hauteur  de  Rabenden,  qui  devait 
envoyer  un  parti  sur  Altenmarkt  et  des  patrouilles  vers  la  division 
(irouchy. 

Le  chef  Laffbn,  avec  toutes  ses  troupes,  fut  chargé  de  flanquer  la 
gauche  de  la  division,  et  d'aller  prendre  position  à  Feldkirchen, 
endroit  vers  lequel  Montaulon  avait  à  l'avance  été  dirigé,  d'en- 
voyer un  parti  sur  Trostberg  et  d'éclairer  sur  la  rive  gauche  de 
l'Alz  jusqu'à  Tacherting. 

Le  quartier  général  de  la  division  fut  établi  à  Obing. 

Un  premier  rapport  du  chef  I^afTon  m'apprit  qu'il  était  arrivé 
à  la  position  de  Feldkirciien  à  9  heures  du  soir,  que  les  chemins 
étaient  assez  mauvais  surtout  pour  l'artillerie;  que,  n'ayant  pas 
trouvé  le  chef  d'escadrons  Montaulon,  qui  était  devant  lui,  il  y 
avait  apparence  qu'il  s'était  porté  à  Trostberg  et  que,  selon  mes 
instructions,  il  allait  envoyer  un  parti  sur  Tacherting  et  se  lier  par 
des  patrouilles  avec  les  avant-postes  du  général  Durutte;  qu'il 
n'avait  trouvé  aucun  parti  ennemi;  qu'il  paraissait  qu'il  n'avait 
passé  par  Feldkirchen  que  très  peu  de  monde;  que,  d'après  les 
renseignements  qu'il  avait  pris,  l'ennemi  était  à  dix  lieues  sur  la 
roule  de  Salzburg. 

Le  général  Durutte  me  rendit  compte  que  l'ennemi  n'occupait 
pas  Altenmarkt;  qu'il  y  était  allé  avec  25  chevaux  ;  qu'il  avait  ap- 
pris que  l'ennemi  tenait  un  poste  à  Stein,  au  delà  d'Altenmarkt, 
sur  la  route  de  Salzburg;  que  la  colonne  ennemie  qui  s'était  reti- 
rée la  nuit  précédente  et  le  matin  par  Altenmarkt  s'était  divisée 
en  deux  corps  qui  avaient  marché,  l'un  directement  sur  Trauns- 
tein, l'autre  sur  IVaging,  route  de  Salzburg;  qu'Allenmarkt  était 
sur  la  rive  droite  de  l'Alz,  que  cette  rivière  lui  avait  paru  torren- 
n.  11 


162      MÉMOIRES   ET  JOLRXALX   DU   GÉXÉRAL   DECAEY 

tueuse  et  peu  profonde;  que,  le  lendemain  matin,  il  enverrait  trois 
ou  quatre  compagnies  d'infanterie  avec  un  escadron  de  chasseurs 
s'emparer  du  pont  d'Altenmarkt  et  qu'il  ferait  pousser  des  recon- 
naissances en  avant  de  la  rivière  sur  les  routes  de  Traunstein  et  de 
Salzburg. 

Je  fis  mander  sur-le-champ  au  général  Durutte  qu'étant  allé 
lui-même  jusqu'à  Alteumarkt,  il  aurait  dû  laisser  un  poste  pour 
la  garde  du  pont  sur  l'Alz  et,  dès  son  retour  à  Rabenden,  envoyer 
des  troupes  sur  Altenmarkt,  afin  de  pouvoir  garder  l'embranche- 
ment des  deux  routes  ci-dessus,  ce  qu'il  lui  était  recommandé  de 
faire  le  plus  tôt  possible. 

Il  fut  rendu  compte  au  général  Lahorie  de  l'emplacement  de  la 
division  ainsi  que  des  renseignements  qu'on  avait  eus  pendant  la 
journée;  et  (|ue  le  parti  de  Montaulon  et  d'autres  détachements 
de  l'avant-garde  avaient  fait  une  centaine  de  prisonniers  (1). 

J'avais  appris,  pendant  la  journée,  que  l'ennemi  avait  quitté 
Wasserburg  la  veille  au  soir. 

Les  troupes  laissées  en  observation  devant  cette  ville  avaient 
reçu  l'ordre  de  passer  l'Inn,  dès  que  la  communication  avait  été 
rétablie,  pour  rejoindre  la  division. 

Le  général  Debilly  leur  avait  fait  prendre  position  à  Pfaffing  (2), 
entre  Wasserburg  et  Obiug.  Il  m'en  fit  informer  par  son  aide  de 
camp  qui  me  remit  de  sa  part  la  lettre  suivante  : 

Je  vous  préviens,  citoyen  général,  (ju'en  vertu  de  ma  demande  au  géné- 
rale Desselle,  j'obtiens  de  passer  à  d'autres  ordres  qu'aux  vôtres. 

Veuillez  bien  me  dire  si  je  dois  attendre,  pour  partir,  larrivée  du  général 
Lacour. 

Malgré  tous  les  désagréments  que  j'ai  éprouvés  à  votre  division  et  qui 
ne  peuvent  rester  ignorés,  je  tiendrai  ma  brigade  tant  que  je  pourrai  y 
être  utile  et,  tout  ressentiment  cessant,  je  ferai  à  sa  tète  tout  ce  que  com- 
portent mes  faibles  talents  et  uki  bonne  volonté. 
J'ai  l'honneur  de  vous  saluer. 

Le  général  Dessolle  m'avait  prévenu  que  le  général  Lacour  (3) 

(1)  »  ...  Son  avant-garde  (celle  de  Decaen)  a  fait  une  quarantaine  de  prisonniers  de  la 
garnison  de  Wasserburg  qui  s"est  retirée  hier  sur  Salzburg  par  Allenmarkt...  =  (Plau- 
zonne  à  Lahorie,  Obing,  20  frimaire,  .\.  H.  G.). 

(•2)  PfafGng  se  trouve  à  800  mètres  à  peine  au  \.-\.-E.  d'Obing. 

(3)  Lacour  (Bernard-\icolasj,  né  le  25  janvier  1771,  à  Ivoy  lArdeiinesi;  soldat  au 
18«  régiment,  le  20  septembre  1789;  sergent,  le  11  mai  1790;  sous-lieutenant,  le 
15  novembre  1791  ;  adjudant  général    chef  de  bataillon,  le  21  mivôse  an  II;  chef  de  bri- 


DEBILLY   QUITTE   LA   DIVISION   DECAEN  163 

viendrait   remplacer  le  général  Debilly,  auquel  je  fis   celte  ré- 
ponse : 

Il  n'est  pas  nécessaire,  citoyen  général,  que  le  général  Lacoursoit  arrivé 
à  la  division  pour  vous  rendre  à  votre  nouvelle  destination.  Quant  aux; 
désagréments  que  vous  dites  avoir  éprouvés  et  qui  ne  peuvent  rester  igno- 
rés, si  vous  pensez  que  ce  soit  pour  votre  avantage,  je  vous  engage  à  leur 
donner  toute  la  publicité  que  vous  jugerez  convenable. 

11  fut  ordonné  aux  troupes  composant  le  détachement  de 
rejoindre,  le  lendemain,  leurs  corps  respectifs.  La  brigade  du 
général  Debilly  fut  provisoirement  commandée  par  le  chef  de  bri- 
gade Saint-Dizier. 

21  frimaire  (12  décembre).  —  Un  nouveau  rapport  du  chef 
Laffbn  me  parvint  le  matin  :  il  m'apprenait  que  Montaulon  s'était 
porté,  dans  la  soirée,  avec  les  troupes  sous  ses  ordres,  à  Heretsham  ; 
qu'il  avait  rendu  compte  que  l'ennemi  était  toujours  en  pleine 
retraite,  et  qu'à  Schnaitsee,  il  y  avait  une  vingtaine  d'hommes  à 
pied  qui  en  étaient  partis  à  4  heures  de  l'après-midi. 

Il  annonçait  qu'il  avait  ordonné  à  cet  officier  supérieur  d'en- 
voyer des  patrouilles  sur  tous  les  points  pour  tâcher  de  ramasser 
les  traînards;  qu'il  paraissait,  d'après  tous  les  rapports,  que  l'en- 
nemi se  retirait  sur  Salzburg,  et  que  les  dernières  troupes  avaient 
couché  à  Tittmoning;  qu'un  déserteur  des  dragons  de  La  Tour, 
qui  venait  d'arriver,  avait  dit  que  100  liommes  de  son  régiment 
étaient  partis  à  2  heures  du  matin  de  cet  endroit,  d'où  il  avait 
déserté  ;  qu'il  m'observait  que  les  chemins  étaient  extrêmement 
mauvais  surtout  pour  l'artillerie. 

Le  général  Durutte  rendit  compte  que  la  croisière  des  route^s  en 
avaut  d'Altenmarkt  était  gardée;  que,  si  elle  lue  l'avait  pas  été  dès 
le  soir,  c'est  que  je  lui  avais  prescrit  d'établir  son  avant-garde  à  la 
hauteur  de  Rabenden;  qu'il  avait  envoyé  un  bataillon  jusqu'il 
Schivarzau  pour  garder  les  débouchés  venant,  de  Trostberg  et  Feld- 
kirchen,  aboutir  à  la  grande  route;  (ju'il  n'avait  pas  envoyé,  la 
veille,  vers  la  division  Grouchy,  car  le  10"  de  chasseurs,  à  cheval 
depuis  7  heures  du  matin,  n'était  arrivé  à  sa  position  qu'à  la  nuit, 

gade,  le  25  prairial  an  III;  jjënéral  de  brigade,  le  li  thermidor  au  VIII;  ficiiéra!  de 
dirisioii,  le  12  juillet  1809;  mort  le  28  juillet  1809,  à  Gaudensdorf,  i'aubourg  de  Vienne, 
des  suites  de  blessures  reçues  à  \Va<jram  (A.  A.  G.). 


164      MEMOIRES   ET  JOLRXALX   DL    GEXERAL   IJEGAEX 

et  que  les  chevaux  étaient  trop  fatigués;  mais  qu'un  détachement, 
commandé  par  un  officier,  était  parti  dès  le  matin  et  qu'il  m'en 
donnerait  des  nouvelles  à  son  retour;  qu'il  envoyait  un  Autrichien 
qui  se  disait  déserteur  et  que,  pendant  la  nuit,  il  avait  envoyé 
quatre  prisonniers. 

Je  reçus,  entre  8  et  9  Jieurcs,  une  lettre  du  général  Lahorie, 
encore  datée  de  Rosenheim,  à  1   heure  du  matin,  il  m'écrivait  : 

Le  général  on  chef  me  cliarge  de  te  prévenir,  mon  cher  Decaen,  que  le 
général  Lecouihe  s'est  porté  hier  en  avant  de  Traunstein,  et  qu'il  marche 
aujourd'hui  sur  la  Salzach.  11  n'a  rencontré  qu'une  faible  arrière-garde 
qu'il  a  repliée  avec  le  8«  de  hussards. 

Le  général  Grouchy  se  porte  aujourd'hui  sur  Traunstein  pour  le  sou- 
tenir. 

Le  général  Richepance  a  ordre  de  se  porter  sur  Altenmarkt.  L'intention 
du  général  en  chef  est  que  lu  passes  l'AIz  et  que  tu  prennes  position  en 
avant  de  cette  rivière,  sur  la  route  de  Salzhurg;  lu  seras  soutenu,  au  hesoin, 
par  le  général  Richepance.  Ton  avant-garde  éclairera  aussi  loin  qu'elle 
le  pourra  le  pays  entre  la  route  de  Salzhurg  et  la  Salzach,  et  approchera 
de  celte  rivière  dans  la  direction  de  Laufen  particulièrement,  mais  sans  se 
compromettre. 

L'ennemi  a  évacué  les  têtes  de  pont  de  Mùhldorf  et  de  Kraihurg.  Le 
général  Grenier  se  portera  aujourd'hui  dans  la  direction  de  Burghausen  et 
Salzhurg. 

Prends,  mon  ami,  tous  les  renseignements  possibles  sur  la  nature  des 
communications  qui  mènent  de  la  route  de  Salzhurg,  à  ta  liauteur,  sur 
Laufen  et  la  Salzach  entre  Burghausen  et  Salzhurg. 

Le  général  Moreau  se  rend  aujourd'hui  à  Traunstein  pour  suivre  le 
mouvement  du  général  Lecourbe.  Il  parait  que  l'ennemi  se  concentre  der- 
rière la  Salzach;  mais  je  le  crois  parti  un  peu  tard. 

Aussitôt  la  réception  de  cette  lettre,  des  ordres  furent  donnés 
pour  l'exécution  de  ce  qui  m'était  prescrit.  Arrivé  à  Waging,  je 
remis  à  l'adjudant  commandant  Normand  (1),  qui  m'avait  ap- 
porté le  matin  des  ordres,  le  rapport  ci-après  adressé  au  général 
Lahorie  : 

Ayant  reçu  mon  ordre  de  mouvement  très  tard  (il  était  plus  de 
8  heures,  mon  cher  Lahorie),  je  n'ai  pu  arriver  de  bonne  heure  en  posi- 

ili  Xormaïui  i  Jean-François-Gaspard),  né  en  17"'2  à  Xantos;  capitaine,  puis  chef  de 
bataillon  à  la  légion  nantaise  depuis  l'an  II;  chef  de  brigade,  le  14  lliermidor  an  VI  ; 
député  au  Conseil  des  Cinq  Cents,  en  germinal  an  V;  adjudant  commandant,  le  15  ther- 
midor an  I\  ;  destitué  le  17  messidor  an  XII  ;  réinléjjré,  le  25  février  1809;  général  de 
brigade,  le  30  août  1811  ;  mort  à  Vilna,  le  17  janvier  1813  (.\.  A.  G.J. 


DKCAEN   A   WAGIX'G  165 

tion.  EnGn  je  suis  établi,  à  7  heures,  une  brigade  en  avant  de  Waging, 
ayant  une  avant-garde  à  Petting  qui  doit  pousser  ses  postes  à  Schonram 
où  se  trouve  renibranchement  des  routes  qui  conduisent  à  Laufen  et  à  Tei- 
sendorf,  avec  ordre  de  pousser  des  partis  le  plus  près  possible  de  Salzburg. 

Laffon  a  marché  de  Feldkirchen  pour  passer  l'Alz  au  delà  de  Har- 
ting  (1),  et  venir  à  Altering  (2)  alin  de  pousser  des  partis  sur  la  Salzach, 
Laufen  et  Tittnioning,  et  prendre  des  renseignements  sur  la  nature  des 
communications.  Le  sui'plus  de  ma  division  est  en  arrière  de  Waging. 

Je  n'ai  point  vu  d'ennemi.  Mes  rapports  m'annoncent  que  toutes  ses 
troupes  ont  marché  sur  Laufen  et  Salzburg.  Il  en  est  passé  à  Waging  en- 
viron 20000,  avec  les  généraux  Hohenlohe,  Baillet,  Roschowsky,  Hesse- 
Homburg,  Eszterbazy,  et  deux  antres  dont  on  n'a  pu  me  dire  1-es  noms. 

Les  régiments  de  La  Tour,  Waldeck,  Herzog  Ferdinand-hussards  et 
cuirassiers  sont  les  seuls  régiments  qu'on  ait  pu  me  désigner  et  vingt 
pièces  d'artillerie.  Les  Bavarois  et  les  Wurtembergeois  faisaient  partie 
de  ces  troupes.  Les  dernières  troupes  ennemies  sont  parties  ce  matin  à 
8  heures  d'ici,  et  de  Tittnioning,  pendant  la  nuit. 

Le  passage  de  l'ennemi  à  Waging  a  commencé  avant-hier,  la  nuit,  jus- 
qu'à 3  heures  hier  après-midi. 

Les  ennemis,  officiers  et  soldats,  sont  d'une  humeur  du  diable  contre 
l'archiduc  Jean  qui  a  dû  être  hier  à  Teisendorf.  Ils  estiment  leurs  pertes  à 
15  000  hommes  et  100  pièces  de  canon. 

Ils  ont  fait  une  tète  de  pont  à  Laufen,  commencée  dès  le  mois  de  juillet. 

La  Salzach  est  peu  large,  mais  jirofonde. 

Je  vais  te  dire  ce  que  j'ai  appris  sur  la  nature  des  communications,  selon 
que  tu  me  les  demandes. 

De  Waging  à  Tittnioning,  il  n'existe  qu'une  mauvaise  communication 
passant  par  Mauerhain  et  Tengling.  Les  habitants  du  pays  y  passent  rare- 
ment avec  leurs  charrettes;  ils  embarquent  sur  le  lac  à  une  demi-lieue 
de  Waging  et  débarquent  au-dessus  de  Lampoding  où  il  se  trouve  un 
assez  bon  chemin. 

De  Tittnioning  à  Burghausen,  il  y  a  une  chaussée  qui  règne  le  long  de 
la  Salzach  et  qui  remonte  de  Tittnioning  à  Laufen.  Il  y  a  une  bonne  com- 
munication de  Harting  (3)  à  Tittnioning. 

De  Waging  à  Laufen,  il  faut  suivre  la  chaussée  de  Salzburg  jusqu'à 
Schonram  ;  il  y  a  une  grande  route  qui  conduit,  de  là,  à  Laufen  ;  c'est  la 
seule  communication. 

De  Waging  à  Traunstein,  il  n'y  a  de  communication  que  pour  passer  à 
pied  et  à  cheval;  les  transports  qu'on  a  à  faire  de  Waging  à  Traunstein  se 
font  préférablement  à  bras. 


(1)  Peut-être  faut-il  lire  Gainliartio;;,  à  1  800  mètres  au  M.-O.  de  Troslberg. 

l2)  Peut-être  Allerfiaij,  à  5  kilomètre»  à  l'ouest  de  Tittmoiiing. 

(3)  Voir  la  note  1  ci-dessus.  Le  registre  de  Decaen,  conservé  aux  Archives  de  la 
Guerre,  porte  :  «  ...  de  Trostberg  à  Tiltmoniug  »  (Correspondauce  des  divisions  du 
centre  et  de  la  réserve,  A.  H.  G.). 


166      MKAIOIRES   ET   JOURXAIX   DU   GENERAL   DECAEN 

Je  te  ferai  part  de  ce  que  j'aurai  de  nouveau,  si  cela  en  vaut  la  peine. 
Fais  en  sorte  que  je  reçoive  mes  ordres  de  bonne  heure.  J'ai  trouvé  ici  un 
espion  envoyé  hier  par  Claparède  (1).  Il  ne  sait  rien.  Sa  manière  de  ré- 
pondre auv  interrogations  qui  lui  ont  été  faites  m'a  paru  louche;  il  sera 
envoyé  demain  à  l'état-major.  (2) 

Je  fus  prévenu  par  une  lettre  de  Tétat-major  général  que  l'in- 
tention du  général  en  chef  était  qu'à  l'instant  où  les  troupes  occu- 
peraient un  terrai»  où  se  trouveraient  des  salines,  il  y  fût  placé 
des  sauvegardes  ayant  les  ordres  de  s'opposer  aux  moindres  dégra- 
dations et  de  protéger  les  propriétés  des  personnes  chargées  de  la 
surveillance  de  ces  salines.  Cet  ordre  fut  de  suite  transmis  à  tous 
les  chefs  de  corps. 

(1)  Claparède  lAIichel),  né  le  28  aoûl  1770,  à  Gignac  (Héraull)  ;  capitaine  an  4«  batail- 
lon de  l'Hérault,  le  5  février  1793;  chef  de  bataillon,  le  26  messidor  an  VII;  nommé 
«jénéral  de  brigade  par  le  commandant  en  chef  de  l'armée  de  Saint-Domingue,  le 
17  thermidor  an  X;  général  de  division,  le  8  octobre  1808;  employé  en  Espagne  en  1808, 
à  l'armée  du  Rhin  en  1809,  en  Espagne  en  ISIO  et  1811,  à  la  Grande  Armée  en  1812; 
commandant  la  place  de  Paris,  le  15  juillet  1815;  inspecteur  général  d'infanterie  de 
1815à  1818;  en  disponibilité,  le  1"  octobre  1830;  mort  à  Montpellier,  le  23  octobre  1842 
(A.  A.  G.). 

(2)  Decaen  ajoutait  dans  sa  lettre  :  »  J'apprends  que  le  général  Galiaui  [peut-être 
Candiani]  était  du  nombre  des  généranx  et  que  les  cuirassiers  [étaient  ceux]  d'Anspacb 
et  de  Zeschwitz,  des  Bavarois  et  Wurtembergeois  »  (Correspondance  des  divisions  du 
centre  et  de  la  réserve,  A.  H.  G.  ). 


CHAPITRE    IX 

Decaen  chargé  do  reconnaître  la  Salzach  vers  Laufen.  —  Son  tnitiative  est  couronnée  de 
succès.  —  Ses  troupes  francliisscnt  la  Salzach  à  Laufen.  —  Le  pont  est  réparé  pen- 
dant la  nuit.  —  Moreau  à  Laufen.  —  Canonnade  violente  vers  Salzburg.  —  Inquié- 
tude de  Moreau.  —  La  brigade  Durutte  sur  la  ri\e  droite  de  la  Salzach.  —  Elle  est 
dirigée  immédiatement  sur  Salzburg.  —  Combat  d'Anthering.  —  Decaen  pousse  un 
détachement  vers  Seekirchen.  —  Il  est  arrêté  par  la  nuit  devant  Bergheim.  —  Des 
rapports  annoncent  la  retraite  des  Autrieiiiens.  —  Dès  le  jour,  Montaulon  se  porte 
vers  Salzburg.  —  L  armée  autricliiennc  se  retire  sur  Neumarkt.  —  Decaen  lance  à 
sa  poursuite  Laffun  avec  tout  son  régiment.  —  Il  entre  à  Salzburg  avant  Lecourbe, 
et  le  fait  sentir  à  ce  dernier.  —  Durutte  nommé  commandant  de  Salzburg.  —  Devant 
Moreau,  Decaen  se  fait  un  malin  plaisir  de  confondre  Lecourbe. 

22 frimaire  (13  décembre).  — L'adjudant  commandant  Guyot, 
de  rélat-major  général,  m'apporta,  pendant  la  nuit,  la  lettre  du 
général  Lahorie,  ci-après  transcrite,  datée  de  Traunstein,  le  21  fri- 
maire : 

L'intention  du  général  en  chef,  mon  cher  Decaen,  est  que  tu  te  portes 
demain  devant  Laufen.  Peut-être  seras-tu  forcé  à  prendre  la  chaussée  de 
Salzburg  jusqu'à  Teisendorf.  Tu  te  régleras  à  cet  égard  sur  les  renseigne- 
ments que  tu  te  seras  procurés  pour  les  communications. 

Le  général  Richepance  viendra  se  placer  sur  la  roule  de  Teisendorf  à 
Laufen,  en  réserve,  et  prêt  à  te  soutenir  au  besoin,  mais  aussi  disposé  à 
marcher  sur  Salzburg  en  cas  d'événement. 

La  division  du  général  Grouchy  suivra  le  mouvement  du  général  Lecourbe 
sur  Salzburg.  Ce  dernier  n'a  pu  passer  aujourd'hui  la  Saalach,  l'ennemi 
ayant  détruit  le  pont  sur  cette  rivière.  11  a  pris  deux  pièces  de  canon  à  la 
faible  arrière-garde  qu'il  a  eu  à  pousser  pour  arriver  sur  la  Saalach. 

P. -S.  —  L'intention  du  général  en  chef  est  que  tu  fasses  demain  des 
reconnaissances  sur  la  Salzach,  soit  pour  découvrir  un  point  de  passage  le 
plus  commode,  soit  pour  en  trouver  un  pour  jeter  un  équipage  de  pont 
qui  est  à  ce  moment  à  la  suite  de  l'armée.  Informe-toi  aussi  des  gués  qui 
peuvent  exister  sur  cette  rivière. 

Pour  accomplir  les  intentions  du  général  en  chef,  je  fis  donner 
l'ordre  au  général  Durutte  de  se  mettre  en  marche  à  la  pointe  du 
jour,  de  se  diriger  sur  Petting,  occupé  par  son  avant-garde,  et  de 


168      MEMOIRES   ET   JOURNAUX   DU   GÉiVÉRAL   DECAEN 

porter  cette  avant-garde  à  l'embranchement  des  routes  de  Laufen 
et  Tcisendorf,  pojissant  des  partis  sur  Laufen. 

Il  fut  ordonné  aux  deux  autres  brigades  de  la  division,  placées 
en  arrière  de  Waging,  de  partir  aussi  à  la  pointe  du  jour,  et  de  se 
diriger  sur  cet  endroit  où  il  serait  donné  de  nouveaux  ordres. 

Un  rapport  du  chef  Laffon  m'informa  que,  la  veille,  il  n'était 
arrivé  à  sa  position  à  Altering  (])  qu'à  11  heures  du  soir;  qu'il 
avait  eu  des  chemins  très  mauvais;  que  l'infanterie  avait  eu  de  la 
peine  à  marcher  tant  il  y  avait  de  glace;  qu'il  n'avait  pu  envoyer 
sur-le-champ  des  partis  sur  les  points  que  je  lui  avais  désignés,  les 
troupes  étant  trop  fatiguées;  cependant  qu'avant  le  jour,  il  en  en- 
verrait. Il  annonçait  qu'environ  60  hommes  de  cavalerie  de  l'en- 
nemi étaient  encore  à  Altering  (2),  à  3  heures  de  l'après-midi;  que 
le  chemin  de  ce  village  à  Tittmoning,  selon  les  renseignements 
qu'il  s'était  procurés,  n'était  pas  bon;  que  ceux  pour  aller  à  Lau- 
fen étaient  passables  ;  que,  pendant  sa  marche,  il  n'avait  pas  ren- 
contré un  seul  ennemi;  que,  suivant  les  renseignements,  l'ennemi 
avait  passé  la  Salzach  à  Laufen,  et  qu'il  avait  des  postes  en  avant 
de  cet  endroit. 

Le  maréchal  des  logis  qui  m'avait  apporté  ce  rapport  fut  chargé 
de  reporter  de  suite  au  chef  Laffon  l'ordre  de  ce  qu'il  avait  à 
faire. 

II  lui  fut  mandé  que,  la  division  devant  se  porter  dans  la  journée 
devant  Laufen,  il  devait  se  mettre  en  marche  au  reçu  de  cet  ordre, 
poussant  un  fort  détachement  devant  lui,  et  d'aller  prendre  posi- 
tion vers  Lângdorf  (3),  la  gauche  vers  la  Salzach  et  la  droite  vers 
le  petit  lac  d'Abtsdorfer  See;  de  jeter  des  postes  en  avant  de  lui 
de  manière  à  pousser  autant  que  possible,  mais  sans  se  compro- 
mettre, l'ennemi  dans  la  tète  de  pont  de  Laufen;  d'envoyer  un 
détachement  vers  Friedolfing,  chargé  d'observer  le  cours  de  la 
Salzach  depuis  sa  gauche  jusque  vers  Tittmoning;  de  charger  l'offi- 
cier commandant  ce  détachement  de  prendre,  sur  la  nature  de  cette 
rivière,  sur  les  gués,  etc.. ,  tous  les  renseignements  qu'il  pourrait 
recueillir  et  de  me  les  faire  parvenir  le  plus  tôt  possible. 

Lorsque  les  deux  brigades  furent  arrivées  à  Waging,  je  leur  fis 

(1)  Voir  la  note  2  page  165. 

(2)  Ibid. 

(3)  Peut-être  Leobendort. 


DECAEX    ARRIVE   A    LALFE.Y  JG9 

continuer  leur  marche  pour  rejoindre  les  troupes  qui  s'avançaient 
vers  Laufen. 

En  me  rendant  à  la  tète  de  la  division  pour  la  diriger  suivant 
les  circonstances,  on  m'apporta  un  rapport  adressé  au  général 
Durutte  par  le  commandant  de  son  avant-garde,  annonçant  qu'il 
était  allé,  le  soir,  placer  un  poste  au  village  de  Schônram  où  se 
trouve  la  croisière  des  routes  de  Salzburg  et  de  Laufen  ;  qu'il  y 
avait  trouvé  le  détachement  qui  avait  été  envoyé  vers  Salzburg 
pour  avoir  des  nouvelles,  et  qu'il  y  avait  aussi,  dans  ce  village,  un 
officier  général  avec  un  escadron  du  9'  de  hussards,  des  troupes  du 
général  Lecourhe;  ([ue  cet  officier  général  était  allé  jusque  devant 
Laufen;  qu'il  y  avait  vu  l'ennemi  en  force,  tant  en  cavalerie  qu'en 
infanterie,  la  cavalerie  composée  de  dragons  de  La  Tour  et  de 
hussards.  Ce  rapport  énonçait,  en  outre,  que  les  postes  ennemis 
sur  la  route  de  Salzburg  étaient  à  un  demi-quart  de  lieue  de 
Schônram;  que  l'officier  général  devait  partir  avec  l'escadron 
pour  rejoindre  son  corps  d'armée;  que  des  reconnaissances 
seraient  envoyées,  à  la  pointe  du  jour,  sur  les  deux  routes  de  Lau- 
fen et  de  Salzburg. 

Lorsque  je  fus  arrivé  au  village  de  Schônram,  je  me  dirigeai,  à 
la  tète  de  la  division,  sur  Laufen.  Il  était  environ  midi  lorsque  mon 
avant-garde  arriva  devant  cette  ville.  J'avais  déjà  appris  par  le 
retour  des  patrouilles  que  le  pont  était  coupé  et  que  l'ennemi  était 
sur  la  droite  de  Salzach. 

Je  désignai  alors  les  positions  que  devaient  occuper  les  troupes. 
J'en  fis  entrer  dans  Laufen.  Je  chargeai  les  généraux  Durutte  et 
Kniaziewicz  de  faire  faire  et  de  faire  eux-mêmes  des  reconnais- 
sances de  la  Salzach  pour  y  chercher  des  endroits  guéables  ou 
quelques  points  de  passage  favorables. 

Je  fus  moi-même  reconnaître  dans  quel  état  était  le  pont  et 
quelle  était  la  position  que  l'ennemi  occupait. 

La  perspective  de  réussir  à  faire  passer  la  Salzach,  m'étant 
offerte  par  un  concours  de  circonstances  favorables  et  inattendues, 
me  fit  prendre  la  résolution  de  tenter  l'entreprise,  qui  fut  cou- 
ronnée du  plus  grand  succès. 

Cependant  à  tous  les  motifs  qui  me  déterminèrent  à  cette  opéra- 
tion, dont  l'heureux  résultat  devait  être  du  plus  grand  avantage 
pour  l'armée  et  très  glorieux  pour  les  troupes  de  la  division  et 


170      AIK.MOII'.I' S    KT  JOIHXAUX   DU   GKXKRAL   DECAEX 

pour  moi,  j'o[)|)osais  iiilêrieurcmoiil  (|u'on  ne  m'avait  ordonné  que 
des  reconnaissances  et  non  un  passage,  et  que,  par  conséquent,  je 
m'exposais  à  de  très  sévères  reproches  si  cette  opération  ne  réus- 
sissait pas  et  surtout,  s'il  arrivait  qu'un  nomhre  d'hommes  y 
fussent  sacrifiés  par  un  revers.  Mais  excité  par  ma  confiance  que, 
si  un  tel  événement  arrivait,  le  général  Moreau  ne  m'en  saurait 
pas  mauvais  gré,  persuadé  que  j'avais  voulu  faire  pour  le  mieux, 
alors  je  ne  pensai  plus  qu'à  faire  tout  ce  qui  était  possihle  pour 
atteindre  le  hut  (|ue  je  m'étais  proposé. 

Lorsque  je  pus  me  flatter  que  les  troupes  qui  étaient  passées 
sur  l'autre  rive  de  la  Salzach  pouvaient  s'y  mainlenir,  je  chargeai 
l'adjudant  commandant  Guyot,  (|ui  avait  vu  tout  ce  qui  s'était  passé, 
de  se  rendre  auprès  du  général  en  chef  pour  lui  en  rendre  compte 
et  pour  lui  dire  qu'en  attendant  ses  ordres,  j'allais  employer  tous 
les  moyens  pour  faire  passer  de  nouvelles  troupes  de  l'autre  côté 
de  la  Salzach,  et  que  j'allais  faire  travailler  à  la  réparation  du 
pont  de  Laufen. 

En  réponse  à  mon  message,  je  reçus  une  lettre  du  général 
Lahorie,  datée  de  Teisendorf.  Il  me  mandait  : 

Guyot  m'a  appris  ton  heureux  passage  à  Laufen,  mon  cher  Decaen  ;  je 
m'en  réjouis  pour  l'armée  dont  cela  couronne  la  campagne.  Tu  permettras 
bien  aussi  à  mon  amitié  de  trouver  un  plaisir  particulier  à  ce  que  cette 
expédition  soit  ton  ouvrage.  Il  parait  que  l'ennemi  a  fait  bien  des  sottises 
et  qu'il  en  fallait  beaucoup  de  sa  part  pour  réussir.  .Mais  il  ne  faut  plus 
songer  aujourd'hui  qu'au  résultat. 

On  t'envoie  douze  pontons  pour  jeter  un  pont.  Je  suppose,  d'un  autre 
côté,  que  celui  de  Laufen  sera  rétabli  demain  malin. 

Le  général  Richepance  a  ordre  de  marcher  pour  se  mettre  en  ligne  avec 
toi,  ou,  du  moins,  aussitôt  le  rétablissement  du  pont.  La  division  Grou- 
chy,  moins  son  avant-garde,  arrivera  aussi  demain  à  Laufen.  Elle  y  sera 
avant  9  heures  du  matin,  s'il  est  possible. 

L'intention  du  général  en  chef  est  que  tu  prennes  position  en  avant  de 
Laufen,  sur  les  principaux  débouchés,  aussitôt  que  tu  pourras  passer  ta 
division.  A  l'arrivée  du  général  Richepance,  tu  te  resserreras  sur  ta  droite. 

Demain  matin,  le  général  Moreau  ira  de  bonne  heure  à  Laufen. 

P.  S.  —  Les  pontonniers  qui  te  conduisent  un  équipage  de  pont  n'ont 
pas  eu  de  pain  du  tout,  aujourd'hui,  ni  aucune  espi'ce  de  subsistance.  On 
ne  leur  a  même  pas  laissé  le  temps  de  se  reposer.  Je  les  recommande  à  ta 
sollicitude.  Je  crains  que  léipiipage  de  pontons  n'arrive  un  peu  tard.  Fais 
tout  le  possible  pour  le  rétablissejnent  du  pont  de  Laufen  avant  le  jour 
Ecris-moi  des  qu'il  sera  rétabli. 


PASSAGF,    DE    LA   SALZACH  171 

Pour  faire  connaîlre  comment  re  passage  fut  entrepris  et  mené 
à  bien,  je  ne  puis  mieux  i'exposer  qu'en  transcrivant  dans  son 
entier  le  rapport  écrit  que,  deux  jours  après,  j'adressai  au  général 
en  chef  : 

Mon  général, 

Je  devais  faire  prendre  position  à  la  division,  le  22,  devant  I,aufen,  et 
faire  des  reconnaissances,  pour  parvenir  au  passage  de  la  Salzacli.  Les 
reconnaissances  et  le  passage  se  sont  faits  en  même  temps.  La  vigueur  des 
troupes,  l'intrépidité  de  quelques  braves,  l'activité  des  générauv  Durutlc 
et  Kniazieuicz  et  des  officiers  de  l'étai-major  m'ont  fait  effectuer,  connue 
par  enchantement,  un  passage  difficile  tant  par  les  obstacles  de  la  nature 
que  par  la  présence  de  trois  bataillons  autrichiens  du  régiment  de 
Gmund  (1),  six  pièces  d'artillerie  et  plus  de  400  chevaux,  partie  des  cui- 
rassiers, l'autre  de  Grenz-hussards,  tous  commandés  par  le  général  Lôpper. 

Ma  division  était  partie  de  sa  position  de  Waging  à  7  heures  du  matin; 
je  l'avais  dirigée  sur  Laufen  en  passant  par  Làngendorf  (2). 

Lue  colonne  aux  ordres  du  clief  de  brigade  lialTon  qui,  depuis  quelques 
jours,  m'avait  servi  à  flanquer  la  division,  était  partie  d'Altering  (3)  pour 
se  porter  sur  la  Salzach,  remonter  cette  rivière  jusqu'à  liaufen  et  laisser  un 
détachement  à  Friedolfing  pour  éclairer  sur  cette  rivière  jusqu'à  Tittmo- 
ning. 

Il  était  environ  midi  lorsque  mon  avant-gardo  arriva  en  avant  de  Lau- 
fen ;  des  patrouilles  avaient  déjà  annoncé  que  le  pont  était  coupé,  mais  que 
l'ennemi  était  placé  sur  la  rive  droite.  L'ennemi,  qui  avait  son  artillerie 
sur  une  position  très  avantageuse,  n'avait  fait  aucune  disposition  pour 
nous  empêcher  l'approche  de  la  rivière,  au-dessus  et  au-dessous  de  Laufen  ; 
il  n'avait  pas  même  daigné  nous  honorer  d'un  coup  de  canon.  J'ai  donc 
eu  la  facilité  de  reconnaître  l'état  du  pont  dont  on  avait  détruit  quatre 
arches,  de  faire  garnir  d'infanterie  tout  ce  qui  l'exigeait,  de  placer  l'arlil- 
krie  et  de  déployer  la  division  sur  les  hauteurs  au  débouché  des  bois.  Je 
ne  sais  pas  si  ces  dispositions  ont  effrayé  l'ennemi  car,  au  premier  coup  de 
canon  qui  a  été  tiré  et  qui  était  le  signal  pour  engager  la  fusillade  et  ca- 
uonner  sur  la  tête  de  pont,  la  cavalerie  ennemie  fit  un  mouvement  de 
retraite  très  précipité.  Le  feu  de  l'artillerie  la  gênait  beaucoup  sur  la  route 
de  Salzburg  où  elle  se  dirigeait. 

Beaucoup  de  barques  retirées  par  l'ennemi  sur  la  rive  droite  me  ten- 
taient bien  ;  mais  la  saison  ne  permettait  pas  d'exciter  de  se  mettre  à  la 
nage  pour  s'en  emparer. 

J'étais  pourtant  à  la  recherche  des  moyens  qui  pourraient  me  procurer 

(1)  On  na  pu  identifier  ce  nom.  Le  registre  74  (correspondance  des  divisions  do 
centre  et  de  la  réserve,  A.  H.  G.)  porte  :  1p  régiment  de  Mnnd. 

(2)  Peut-être  Leobendorf. 

(3)  Peut-être  Alterfing. 


172      MEMOIRES    F':T   J0UR\AL\   DU   GEXERAL   DECAEX 

quelques-uns  de  ces  bateaux  lorsque  le  «général  Durutte,  que  j'avais  eharj^é 
de  luire  retnoiiter  la  Salzach  afin  de  reconnaître  quelque  endroit  «{uéable 
ou  quelque  point  de  passa;|e  favorable,  me  (it  annoncer  (|ue  trois  intré- 
pides cbasseurs  de  la  14*  d'infanterie  légère  s'étaient  déterminés  à  se  jeter 
à  la  nage  pour  aller  prendre  une  barque  qui  avait  été  aperçue  à  une 
demi-lieue  au-dessus  du  pont  de  Laufen  ;  que  c'était  le  nommé  Bernard, 
tambour,  qui  leur  avait  donné  l'exemple.  Les  deux  autres  sont  Lemàle  et 
Perrin,  du  même  bataillon.  Ces  intrépides  soldats,  ayant  à  lutter  contre  la 
rigueur  de  la  saison,  eurent  encore  plus  à  faire  contre  le  courant  de  la 
Salzach  qui  les  reporta  deux  fois  à  la  rive  d'oii  ils  étaient  parvenus,  avec 
toutes  les  peines  possibles,  à  arracher  leur  bateau  ;  enfin  ils  ne  purent  ache- 
ver leur  pénible  tâche  que  lorsque  deux  d'entre  eux  se  furent  jetés  de 
iiouveau  à  la  nage  et,  au  moyen  d'une  corde  qui  était  à  la  barque,  ils 
parvinrent  à  arriver  à  la  rive  gauche. 

Ce  trait  de  courage,  auquel  on  ne  peut  donner  de  nom,  inspira  le  plus 
grand  enthousiasme.  Bientôt  un  grand  nombre  de  cha.sseurs  de  la  14%  iï  la 
tète  desquels  se  mirent  le  capitaine  Jean  et  l'adjudant  major  Cornille, 
entra  dans  la  rivière  pour  pa.sser  un  de  ses  bras  qui  n'avait  que  deux 
pieds  d'eau,  s'embarqua  et  descendit  ensuite  sur  l'autre  rive. 

Je  saisis  avec  empressement  ce  trait  de  dévouement.  Je  me  déterminai  à 
jeter  300  ou  400  hommes  sur  la  rive  droite,  dont  deux  compagnies  de  la 
4*  de  ligne,  commandés  par  le  capitaine  Cazeneuve  et  le  lieutenant  Duval- 
dreux,  qui  se  mirent  la  plus  grande  partie  à  l'eau,  connne  les  soldats  de  la 
14'=  légère,  quoique  des  chasseurs  du  10*  voulussent  les  passer  au  delà  du 
premier  bras  de  la  rivière  sur  leurs  chevaux  ;  et  je  fis  des  dispositions 
pour  leur  protection,  et  surtout  en  faisant  fusiller  et  canonner  fortement 
l'ennemi  qui  était  placé  et  embusqué  à  la  tète  du  pont.  On  s'empara  en- 
core de  quelques  autres  bateaux. 

li'adjudanl  commandant  Plauzonne  passa  la  rivière  pour  aller  prendre 
la  direction  des  troupes  qui  n'étaient  pas  même  au  nombre  de  cent,  s'em- 
parèrent bientôt  d'un  petit  village  par  lequel  passe  la  route  de  Salzburg, 
barricadèrent  les  débouchés  par  lesquels  on  pouvait  venir  sur  eux,  y  lais- 
sèrent quelques  hommes  et  s'avancèrent  ensuite,  en  échelons  et  dans  le  plus 
grand  silence,  jusqu'à  la  tète  du  pont.  L'emiemi,  qui  ne  s'occupait  que  de 
ce  point,  —  le  jour  linissait,  —  attaqué  à  l'inqiroviste  par  des  cris  et  les 
baioimettes  d'une  poignée  d'honnnes,  fut  mis  en  fuite.  On  fit  plus  de  cent 
prisonniers  dont  quatre  officiers  (Ij. 

(1)  Decaen  ne  dit  pas  que  son  jeune  frère,  alors  sous-lieutenant  au  6*  chasseurs,  accora- 
pa<jnait  Plauzonne  dans  ce  hardi  coup  de  main.  Voici  d'ailleurs  le  rapport  de  Durulle 
(sans  date  ni  lieu)  sur  ce  passaije  : 

•■  Mon  général,  je  ne  bous  fais  point  de  rapport  sur  l'attaque  de  Laufen  parce  que  je 
n'ai  fait  qu'exécuter  vos  ordres;  mais  la  justice  que  je  dois  aux  troupes  que  j'ai  l'hoD- 
neur  de  commander  m'impose  le  devoir  de  vous  faire  un  rapport  particulier  sur  le  pas- 
sage de  la  Salzach. 

"  Lorsque  vous  me  prescrivîtes  de  lâcher  de  trouver  le  gué  que  uons  présumions 
devoir  exister  à  une  demi-lieue  à  droite  de  Laufen  et  de  le  passer  avec  de  la  cavalerie  et 


PASSAGK    DE    LA   SALZAGH  173 

Ce  succès  ne  fut  point  troublé.  11  fut  possible  de  faire  passer  des  bateaux 
à  la  rive  droite  et  bientôt  plus  de  800  hommes  furent  de  l'autre  côté  et 
bien  établis,  de  sorte  qu'on  put  bientôt  s'occuper  de  travailler  à  la  répara- 
tion du  pont. 


de  l'infaaterie  en  croupe,  je  pris  avec  moi  des  bateliers  qui,  disait-on,  devaient  con- 
naître très  bien  ce  gué.  Je  leur  offris  en  vain  des  sommes  considérables  ;  mais  les 
menaces  les  plus  violentes  ni  l'attrait  des  récompenses  les  plus  grandes  ne  purent  jamais 
les  engager  à  me  dire  autre  chose  qne  le  fond  de  celte  rivière  était  tellement  mobile  qu'il 
leur  était  impossible  de  me  désigner  des  endroits  guéables. 

i^  Ne  pouvant  alors  exécuter  vos  ordres,  je  réfléchissais  aux  moyens  de  passer  cette 
rivière,  lorsque  je  sis  plusieurs  bateaux  vers  la  positiou  de  l'ennemi,  qu'il  avait  retirés 
de  son  côté,  et  un  autre  plus  loin,  à  droite,  qui  n'était  pas  gardé. 

t  Je  demandai  alors  au  2'"  bataillon  de  la  14"  légère  si,  parmi  les  soldats  de  ce  batail- 
lon, il  n'y  avait  pas  quelques  bons  nigeurs  qui  voulussent  bien  passer  la  Salzach  à  la 
nage  pour  aller  prendre  le  bateau  qui  était  isolé  sur  la  rive  droite.  On  garda  un  moment 
le  silence.  L'approche  de  la  nuit  et  la  rigueur  de  la  saison  rendaient  cette  entreprise  aussi 
difficile  que  dangereuse;  mais,  ayant  réitéré  une  seconde  fois  cette  proposition,  le  nommé 
Beruard,  tambour,  sortit  des  rangs  et  me  dit  que,  s'il  était  suivi  par  quelques  camarades, 
il  irait  prendre  ce  bateau;  et  il  eicita  aussitôt  plusieurs  volontaires  qui  savaient  nager  à 
le  suivre. 

"  Deux  chasseurs  du  même  bataillon,  nommés  Leniàie  et  Perrin,  se  jetèrent  aussitôt  à 
la  nage  avec  lui  et  traversèrent  la  rivière.  Ils  tentèrent  en  vain  deux  fois  d'amener  ce 
bateau  sur  la  rive  gauche;  la  violence  du  courant  les  rejetait  sur  la  riie  droite.  Je  leur 
conseillai  alors  de  se  jeter  de  nouveau  à  la  nage  et  de  tirer  ce  bateau  avec  la  corde  qui 
s'y  trouvait  attachée  icrs  la  rive  gauche,  ce  qui  fut  aussitôt  heureusement  exécnlé. 

«■  Dès  que  j'eus  ce  bateau,  je  fis  passer  cette  rivière,  en  deux  traversées,  à  une  tren- 
taine d'hommes  du  2'^  bataillon  de  la  14"  demi-brigade  légère,  commandés  par  le  capi- 
taine Jean  et  le  citoyen  Cornille,  adjudant  major  de  ce  bataillon,  auxquels  j'ordonnai  d'al- 
ler s'emparer  des   baleaux  (|ui  étaient  près  de  la  ville  sur  la  rive  droite. 

^  Vous  êtes  alors  arrivé.  Vous  avet  vu  ainsi  que  moi  que,  malgré  tous  leurs  efforts,  ils 
ne  purent  les  mettre  à  Hot  parce  qu'ils  étaient  à  sec  sur  le  rivage,  et  tous  très  pesants. 
Ce  détachement  se  jeta  alors  dans  un  petit  hameau  pour  faire  face  à  des  hussards  qui 
venaient  les  attaquer,  ils  le»  repoussèrent  et  se  maintinrent  jusqu'à  la  nuit  dans  cette 
positiou  qui  était  prolégëe  par  le  feu  de  notre  artillerie. 

"  Quoique  tout  devait  nous  présager  que  ce  détachement  aurait  élé  pris,  l'adjudant 
commandant  Plauzonne  et  le  jeune  Decaen,  sous-lieutenant  au  {]"  régiment  de  chasseurs  à 
cheval,  vous  offrirent  d'aller  joindre  ce  détachement  pour  l'exciter  à  attaquer  le  pont  de 
Laufen  par  la  rive  droite.  En  applaudissant  à  leur  zèle,  vous  m'ordonnâtes  de  faire  sou- 
tenir cette  attaque  par  deux  compagnies  du  l""'  bataillon  de  la  4"  demi-brigade;  elles 
furent  commandées  par  le  capitaine  Careneove  qui  leur  montra  l'eiemple  de  passer  un 
bras  de  la  rivière  dans  l'eau  jusqu'à  la  ceinture. 

.>  Dès  que  l'adjudant  commandant  Plauzonne  et  le  jeune  Decaen  furent  de  l'autre  côté, 
ils  marchèrent  aussitôt  avec  les  trente  hommes  de  la  14'  vers  le  pont  de  Laufen  qui  était 
défendu  par  deux  cents  hommes  et  soutenu,  sur  la  hauteur,  par  trois  bataillons  d'infan- 
terie et  deux  pièces  de  canon.  Le  citoyen  Flandre,  sergent,  marchait  à  la  tète  de  ce  déta- 
chement :  il  parlait  allemand  aux  Autrichiens  pour  leur  faire  croire  qu'ils  étaient  des 
leurs,  de  sorte  que  nos  troupes  se  trouvèrent  au  milieu  d'eux  sans  qu'ils  s'en  aperçussent. 
Dès  qu'ils  lirent  feu,  une  grande  partie  des  troupes  qui  défendaient  le  pont  se  rendit  et 
l'autre  se  sauva. 

«  Les  batailluns  qui  étaient  sur  la  hauteur,  étonnés  de  cette  attaque,  se  retirèrent  avec 
leur  artillerie.  C'est  ainsi  que  nous  devons  au  dévouement  d'une  centaine  de  braves  le 
passage  heureux  de  la  Salzach. 

•  Je  dois  des  éloges  particuliers  au  citoyen  Cornille,  adjudant  major  du  2"  bataillon  de 
la  li'  demi-brigade  légère  :  cet  officier  a  passé  la  rivière  avec  ce  détachement  sans  être 


174      MKMOIKKS   ET   JOURNAUX   DU   GENERAL   DECAEX 

Le  «jênéral  Durutte,  le  chef  de  bri,i[acle  Mortières  (l),  le  capitaine  d'artil- 
lerie Valée,  le  lieutenant  du  jjénie  Michaud,  qui  passèrent  sur  la  rive  droite, 
mirent  tout  le  zMe  et  toute  l'activité  qu'exigeaient  les  circonstances. 

Pendant  la  nuit,  on  construisit  un  pont  volant.  Le  capitaine  Dattessen, 
de  la  L4%  et  mon  aide  de  camp  Labisse  en  accélérèrent  la  construction  de 
manière  qu'au  point  du  jour  il  commença  à  servir  pour  passer  l'artillerie 
^t  une  partie  de  la  cavalerie  de  la  division.  Le  grand  pont  fut  praticable 
pour  l'infanterie  et  la  cavalerie  entre  9  et  10  heures  du  matin. 

Le  général  Kniaziewicz,  qui  avait  été  chargé  de  faire  reconnaître  la  Sal- 
zach  au-dessous  de  Laufen,  n'avait  pas  trouvé  d'endroit  guéable.  Si  ses 
troupes  avaient  aperçu  quelques  bateaux,  sans  doute  qu'elles  auraient 
cherché  à  les  posséder;  car  plusieurs  Polonais  s'étaient  avancés  pour  son- 
der la  rivière  et  la  passer  à  la  nage  au  besoin.  Un  sergent-major  nommé 
Gzyszkouski  leur  en  a  donné  l'exemple  :  il  se  jeta  à  l'eau  pour  voir  si  la 
rivière  était  praticable  au  gué;  mais  elle  avait  plus  de  huit  pieds  de  pro- 
fondeur. 

Je  vous  demande,  mon  général,  des  récompenses  distinguées  pour  les 
officiers  et  soldats  dont  je  vous  ai  cité  les  noms.  J'ai  aussi  beaucoup  à  me 
louer  de  l'adjudant  commandant  Guyot  qui  est  resté  avec  moi  pendant 
toute  cette  opération  et  qui,  par  son  zèle  et  son  exemple,  a  beaucoup  con- 
tribué au  succès  de  cette  journée. 

J'ajouterai,  mon  général,  que  les  officiers  qui  ont  passé  les  premiers  sur 
la  rive  droite  m'ont  fait  le  rapport  que  mon  frère,  qui  était  avec  eux,  avait 
bien  fait  son  devoir. 

23  frimaire  (14  décembre).  —  Je  fus  prévenu,  entre  A  et 
5  heures  du  matin,  que  l'équipage  de  pontons  était  arrivé.  Alors, 
avec  le  chef  de  bataillon  d'artillerie  Xeigre  (2)  qui  le  comman- 

commandé.  Son  intelligence  à  disposer  les    posles    de    son  bataillon  est  aussi  précieuse 
que  son  activité  et  sa  bravoure. 

^  Mes  éloges  n'ajouteront  rien  sans  doute  à  votre  estime  pour  l'adjudant  général  Plau- 
zonne;  depuis  longtemps  le  général  en  chef  a  su  l'apprécier,  et  il  a  prouvé  dans  cette 
journée  qu'aux  connaissances  militaires  il  savait  à  propos  [...]  être  téméraire. 

..  Permettez-moi  aussi  de  vous  faire  observer  que  votre  jeune  frère  a  su  prouvera 
notre  division  qu'il  ne  voulait  pas  vous  le  céder  eu  bravoure. 

-  Signé  :  Dlrutte.    ■ 

(1)  Laplanche-Morfiéres  (Claude-Joseph  Delaplanche  de  Morthiêres,  d'après  l'acte  de 
naissance),  né  le  28  juin  1"7'2  à  Aulnay  (Aube)  ;  page  à  la  Grande  Ecurie,  le  "25  avril  1185  ; 
sous-lieutenant,  le  6  février  1788;  lieutenant,  le  20  mars  1701;  capitaine,  le  9  juil- 
let 1702;  lieutenant-colonel,  le  27  mai  1703;  chef  de  brigade,  le  28  fructidor  an  IV; 
général  de  brigade,  le  11  liuctidor  an  XI  ,  mort  de  maladie  à  Ctieti,  le  28  octobre  18(J6 
(A.  A.  G.). 

(2)  Decaen  fait  une  erreur  :  Neigre  était  alors  seulement  capitaine.  Neigre  (Gabriel), 
né  le  28  juillet  177i,  à  la  Fère  ;  enfant  de  troupe  au  2«  d'artillerie  en  1780;  eurôlé 
volontaire  audit  régiment,  le  lijnillet  1790;  sergent  en  1703;  capitaine,  le  10  jan- 
vier 1"94-;  capitainu  au  1"  bataillon  de  pontonniers,  le  2  avril  1797;  chef  de  bataillon, 
le  2  octobre  1802;  colonel,  le  12  janvier  1807;  général  de  brigade,  le  10  janvier  1813; 


MORE  AU    A    LALFEN  175 

dait,  je  me  rendis  sur  le  bord  de  la  Salzach  pour  lui  indiquer  l'en- 
droit que  j'atais  reconnu,  la  veille,  fort  peu  éloigné  et  au-dessus 
du  pont  qu'on  réparait,  et  qui  m'avait  paru  oifrir  le  plus  de  possi- 
bilité et  de  commodité  pour  y  jeter  les  pontons  (1). 

Eclairés  avec  des  fanaux,  nous  finies  cette  nouvelle  reconnais- 
sance sur  les  deux  rives  de  la  Salzach.  Le  point  le  plus  favorable 
étant  déterminé,  les  pontonniers  travaillèrent  avec  le  plus  grand 
zèle  et  la  plus  grande  activité;  néanmoins,  l'obscurité  et  le  cou- 
rant rapide  delà  Salzach  rendaient  le  travail  difficile,  et  ces  con- 
trariétés ne  permirent  pas  que  le  nouveau  pont  fût  praticable 
avant  10  heures  du  malin. 

Le  général  Moreau  arriva  à  Laufen  entre  8  et  9  [heures].  Il  me 
fit  des  compliments  sur  le  succès  de  mon  opération.  Je  lui  rendis 
compte  qu'au  moyen  du  petit  pont  volant  que  j'avais  pu  faii'c  éta- 
blir, on  avait  déjà  pu  faire  passer  une  partie  de  l'artillerie  et  un 
peu  de  cavalerie,  et,  avec  les  bateaux,  l'infanterie  de  la  brigade  du 
général  Durulte  qui,  pendant  la  nuit,  avait  fait  garder  tous  les 
débouchés  qui  viennent  sur  Laufen,  particulièrement  ceux  de 
Salzburg  et  de  Neumarkt;  que  le  passage  des  troupes  se  conti- 
nuait; qu'on  travaillait  avec  activité  à  établir  les  pontons;  qu'on 
ne  tarderait  pas  k  pouvoir  passer,  mais  seulement  avec  l'infanterie 
et  la  cavalerie,  sur  le  pont  à  la  réparation  duquel  on  n'avait  pas 
discontinué  de  travailler  pendant  toute  la  nuit. 

J'accompagnai  le  général  en  chef  qui  se  rendit  au  pont  pour 
voir  par  lui-même  où  les  choses  en  étaient.  On  entendait  une  très 
vive  canonnade  du  côté  de  Salzburg.  Le  général  Moreau  me  dit 
qu'il  avait  fait  prévenir  le  général  Lecourbe  que,  d'après  le  succès 
inattendu  de  mon  heureux  passage,  c'était  sur  Laufen  qu'il  allait 
faire  agir  l'armée  et  que,  dés  les  premiers  coups  de  canon  qu'il 
avait  entendus  depuis  qu'il  était  parti  de  Teisendorf,  il  avait  envoyé 

général  de  division,  le  25  novembre  1813;  inspecteur  général  d'artillerie  en  1814,  puis, 
comme  lieutenant  général,  membre  du  comité  de  l'artillerie;  inspecteur  général  de  celle 
arme  jusqu'en  1839  et  1840;  décédé  le  8  août  184",  à  Nogent-sur-Marne  (A  A.  G.). 
(1)  La  veille,  Decaen  avait  écrit  à  Laliorie  :  «  Il  serait  bien  nécessaire,  mon  clier 
Laborie,  qu'on  m'envoie  des  sapeurs  et  [que]  quelques  officiers  entendus  viennent  pour 
la  réparation  du  pont  de  Laufen,  dont  quatre  arches  sont  coupées.  Les  charpentiers  de 
la  ville  sont  du  côlé  de  l'ennemi  et  se  sont  évadés  pendant  la  discussion.  Mes  sapeurs  et 
un  officier  du  génie  de  la  division  sont  restés  à  Rosenheira.  Je  n'ai  qu'un  officier  du 
génie  ici  qui  fait  ce  qu'il  peut,  mais  je  prévois  que  ce  sei'a  très  long  à  réparer  si  lu 
n'envoies  pas  de  suite  à  mon  aide.  Guyot  t'a  déjà  rendu  com[^'te.  Je  ferai  demain  mon 
rapport  "  (Decaen  à  Lahorie,  Laufen,  "22  frimaire,  A.  H.  G). 


176      MÉMOIRES    ET   JOLRYAUX   DU   GEXERAL   DECAEM 

lin  de  ses  aides  de  camp  auprès  du  général  Lecourhe  pour  lui 
dire  de  ne  pas  s'engager  et  surtout  de  ne  pas  se  compromettre. 

Enfin,  entre  9  el  10  heures,  on  put  se  servir  du  pont,  mais 
réparé  à  la  hâte  et  pendant  la  nuit;  el,  vu  les  largeurs  entre  les 
piles,  on  n'avait  pu  rétablir  (ju'une  partie  de  ce  qui  avait  été 
détruit.  Cette  reconstruction,  faite  avec  des  longerons  jetés  d'une 
arche  à  l'autre  et  recouverts  de  planches,  ne  permettait  pas,  à 
cause  du  peu  de  largeur  et  surtout  du  balancement,  qu'on  put  pas- 
ser facilement  et  rapidement;  mais  c'était  toujours  un  nouveau 
moyen  pour  améliorer  le  passage  des  troupes  de  l'autre  côté  de  la 
rivière,  eu  attendant  que  le  pont  de  pontons  fût  achevé. 

Ainsi  on  fit  passer,  d'abord  pour  l'essai,  un  cavalier  à  pied 
tenant  son  cheval  par  la  bride,  et,  successivement  et  de  cette 
manière,  la  cavalerie  ainsi  que  l'infanterie  défilèrent  par  un.  Ce 
qui  appartenait  à  l'artillerie  et  aux  ambulances  continua  à  se  ser- 
vir du  pont  volant.  Les  autres  équipages  vinrent  plus  tard  rejoindre 
la  division. 

La  canonnade  continuait  à  se  faire  entendre  toujours  très  vive- 
ment du  côté  de  Salzburg.  Le  général  en  chef,  à  qui  cela  donnait 
(|uelque  inquiétude,  renvoya  de  nouveau  auprès  du  général 
Lecourhe  pour  lui  annoncer  que  ma  division  se  mettait  en  marche 
pour  aller  vers  Salzburg  par  la  rive  droite  de  la  Salzach. 

Dès  que  la  cavalerie  de  la  brigade  Durutte  eut  rejoint  son  infan- 
terie, je  quittai  le  général  Moreau  qui  me  recommanda  de  faire 
marcher  avec  le  plus  de  célérité  possible  et  de  faire  faire  un  grand 
feu  d'artillerie  dès  que  je  rencontrerais  l'ennemi,  ce  qui  contri- 
buerait à  produire  une  diversion  favorable  au  général  Lecourhe 
contre  le([uel,  d'après  les  rapports  (|ui  étaient  déjà  parvenus,  l'en- 
nemi avait  déployé  la  plus  grande  partie  de  ses  forces  et  qui 
étaient  plus  nombreuses  que  celles  aux  ordres  de  ce  général. 

Je  donnai  donc  l'ordre  au  général  Durutte  de  diriger  sa  brigade 
sur  la  chaussée  de  Salzburg,  et  aux  autres  corps  de  la  division,  à 
fur  et  à  mesure  qu'ils  seraient  formés  sur  la  droite  de  la  Salzach, 
celui  de  suivre  en  échelons  son  mouvement,  éclairant  et  couvrant 
successivement  les  communications  à  leur  gauche;  à  la  droite,  on 
trouve  la  rivière  toujours  très  rapprochée  de  la  route  jusqu'à 
Salzburg. 

Le  général  Dnrulle  s'avança  sans  rencontrer  d'ennemi  jus([u'à 


BATAILLE    DE    SALZBURG  177 

la  tète  du  défilé  qui  existe  depuis  Laufen  jusqu'à  une  demi-lieue 
d'Anthering  où  le  terrain,  ouvert  dans  une  largeur  d'environ 
800  toises,  facilite  l'action  de  toutes  les  armes.  L'ennemi  avait  une 
observation  d'environ  600  chevaux,  des  cuirassiers  de  Mack  et  de 
Grenz-hussards,  avec  une  pièce  de  canon  et  environ  200  hommes 
d'infanterie  qui  voulurent  contester  le  débouché,  à  quoi  ils  ne 
réussirent  pas,  quoique  le  général  Durutte  n'eût  alors  avec  lui 
qu'un  escadron  du  10''  régiment  de  chasseurs  et  une  pièce  de  4.  Il 
poussa  l'ennemi  même  au  delà  d'Anthering,  après  lui  avoir 
démonté  son  canon  et  sabré  quel(|ues  hommes.  Il  attendit  ensuite 
que  la  division  fut  serrée  et  (|ue  l'artillerie  fût  arrivée. 

Le  feu  du  combat  du  général  Lecourbe  était  toujours  très  vif. 
Je  désirais  pouvoir  faire  au  plus  tôt  la  diversion  qui  m'avait  été 
recommandée  ;  mais,  malgré  la  plus  grande  célérité,  ce  ne  fut  que 
vers  les  3  h.  30  (1)  que  j'eus  suffisamment  de  moyens  pour  enga- 
ger une  affaire  qui  pouvait  devenir  sérieuse  par  le  rapprochement 
qu  on  faisait  de  l'armée  ennemie  (|ui  devait  mettre  tous  ses  efforts 
pour  [m']  empêcher  de  pénétrer  jusqu'au  village  de  Bergheim; 
car  alors  sa  retraite  de  Salzburg  et  surtout  de  la  rive  gauche  de  la 
Salzach,  oùil  était  pour  la  plus  grande  partie  engagé  avec  le  géné- 
ral Lecourbe,  lui  serait  devenue  très  difficile,  surtout  pour  l'opérer 
par  la  chaussée  de  Neumarkt  (2) . 

Aussitôt  que  l'avant-garde  aux  ordres  du  chef  Laflbn  qui,  après 
avoir  passé  au  pont  de  Laufen,  avait  suivi  immédiatement  la  bri- 
gade Durutte,  fut  arrivée  devant  Anthering,  je  lui  fis  reprendre  la 
tête  de  la  division  et  marcher  de  suite  en  avant,  soutenue  par  la 
brigade  Durutte  et  par  la  légion  polonaise. 

J'avais  fait  rester  en  réserve,  près  de  ce  village,  la  brigade  com- 
mandée par  le  général  Lacour  (il  était  arrivé  la  veille  à  la  divi- 
sion), en  attendant  l'arrivée  des  troupes  du  général  Richepance. 
J'avais  donné  ordre  au  général  Lacour  de  détacher  un  bataillon  et 
200  chevaux,  et  de  les  envoyer  sur  Seekirchen,  pour  menacer  la 
droite  de  l'ennemi  et,  en  outre,  gagner  l'avantage  du  terrain  en 
s'emparant  des  hauteurs. 


i  1 1  La  copie  du  rapport  de  Decaen  du  2  nivôse  qui  est  aux  Archives  de  la  Guerre 
porte  -  7  h.  30...      1!  y  a  là  probablement  un  lapsus. 

I  "2  i  Jusqu'ici,  cette  narration  cile  presque  teituellement  le  rapport  de  Decaen  à 
Moreau,  daté,  le  2  nitôse,  de  Neuhofen,  et  qui  est  aux  Archives  de  la  Guerre. 

n,  12 


178       MKMOIRES   ET   JOURX'ALX   DU   GÉXÉRAL   DECAEX 

L'avant-garde,  après  avoir  chassé  rennemi  depuis  Antliering, 
le  trouva  formé  en  arrière  du  ruisseau  qui  coule  du  U  aller  See  a 
la  Salzacli,  au  villaj;e  de  Bergheini,  à  rembranclioment  de  la 
route  de  Salzhurg  à  Mattsee  et  à  Laufen.  Il  occupait  une  belle  et 
forte  position  (1).  La  canonnade  s'engagea  vivement  des  deux 
C(Mos,  mais  la  nuit  empêcha  de  faire  plus  que  de  le  repousser  au 
delà  du  ruisseau  du  U'allcr  See. 

Quand  le  feu  eut  cessé,  on  plaça  les  avant-postes,  et  les  troupes 
restèrent  au  bivouac  sur  le  lieu  (ju'elles  occupaient. 

Un  officier  que  j'avais  envoyé  informer  le  général  en  chef  de 
mon  arrivée  à  Anthering  et  de  ce  qui  s'était  passé  m'avait  dit,  à 
son  retour,  qu'il  avait  annoncé  que  j'occupais  Bergheim;  mais, 
lorsque  je  fus  revenu  à  Anthering,  où  je  pris  mon  quartier,  j'écri- 
vis au  général  Lahorie  : 

C'est  une  erreur  qui  a  été  commise,  mon  cher  Lahorie,  que  d'avoir 
annoncé  que  mes  troupes  s'étaient  emparées  de  Bergheim.  L'ennemi  a  dé- 
fendu ce  village  avec  six  pièces  de  canon  et  de  l'infanlerie.  La  fin  du  jour 
a  empêche  de  faire  les  dispositions  convenables  pour  l'attaquer.  La  poisi- 
tion  est  favorable  à  l'ennemi  :  Bergheiin  est  sur  une  hauteur  peu  éloignée 
de  la  Salzach,  et  un  marais  devant  le  iront.  IMais  demain,  au  jour,  on 
reconnaîtra  mieux  la  position. 

Mes  avant-postes  ont  été  établis  à  peu  de  distance  de  ceux  de  l'ennemi. 
On  le  fera  observer  pendant  la  nuit.  La  division  est  établie  en  échelons 
flepuis  ce  point  jusqu'au  village  d'Anthcring.  Le  général  Lacour  a  poussé 
un  bataillon  sur  Seekirchen  avec  de  la  cavalerie  ;  il  doit  pousser  des 
postes  jusqu'à  cet  endroit. 

J'apprends  que  le  général  Richepance  n'a  pas  suivi  mon  mouvement. 
Il  aurait  cependant  été  utile  qu'il  eût  avancé  quelques  troupes,  afin  qu'on 
puisse  éclairer  les  débouchés  qui  viennent  de  Neumarkt  sur  la  route  de 
Laufen  à  Salzhurg.  On  a  fait  une  centaine  de  prisonniers  des  régiments  de 
Stain  et  Benyowsky,  dont  deux  officiers,  et  pris  un  drapeau. 

Je  n'ai  pu  avoir  de  renseignements  sur  les  projets  de  l'ennemi.  On  m'a 
appris  seulement  que  les  petits  postes  établis  sur  le  débouché  où  je  me 
trouve  avaient  reçu  l'ordre  de  se  retirer  sur  Xeumarkt,  s'ils  étaient 
forcés. 

Ln  bataillon  de  Stain  et  un  escadron  de  cavalerie  sont  à  Burghausen  (i). 

(1)  '  ...  Il  avait  sept  pièces  de  canon  en  batterie,  avec  plusieurs  bataillons,  dont  deux 
de  Stain,  les  autres  de  Benyowsky,  Weiiklieim  et  Ferdinand.  A  la  nouvelle  de  mou  mou- 
vement, ces  corps,  ijui  formaient  une  réserie  à  Salibiirg,  étaient  venus  prendre  celte 
position  ..  "  (Decaen  à  Moreau,  A'eubofeu,  2  nivôse,  A.  H.  G.). 

(2)  Le  renseignement  était  exact  i  L'archiduc  Jean  à  Kienmajfer,  Teisendorf,  11  dé- 
ceml)re,  K.  K.  Archiv,  XII,  200). 


LES   AUTRICHIEXS   EVACUEXT    SALZBURG  179 

On  a  tué  quelques  cuirassiers  de  Mack  avec  des  hussards  de  Grenz.   Mon 
artillerie  n'a  aucunement  souffert.  J'ai  eu  peu  de  blessés  (1). 

Les  prisonniers  ont  dit  que  les  régiments  d'infanterie  dcBenyowski^  Stain, 
Wenkheim  et  Ferdinand  devaient  être  devant  moi  (2). 

La  réponse,  datée  de  Laufen  à  minuit,  m'annonça  : 

J'attendais  ton  rapport  avec  bien  de  l'impatience,  mon  cher  Decaen, 
pour  en  faire  part  au  général  en  chef  qui  est  parti  pour  Teisendorf  et  que 
je  vais  rejoindre  pour  le  mouvement  de  l'armée. 

On  t'a  trompé  quand  on  t'a  assuré  que  le  général  Richepance  ne  marchait 
pas  pour  te  soutenir  (;î).  11  a  une  brigade  sur  la  roule  de  Salzburg  ;  il  en  a 
jeté  une  autre  sur  celle  de  liurghausen,  dont  on  n'a  pas  encore  de  nouvelles 
de  ce  point.  Je  lui  écris  de  se  diriger  de  manière  à  couvrir  les  débouchés 
de  Neumarkt,  disposé  en  même  temps  à  le  soutenir  sur  la  route  de  Salz- 
burg. Il  est  à  croire  que  cette  division  sera  dirigée  sur  Xeumarkt;  alors 
Grouchy  la  remplacera  sur  la  roule  de  Salzburg,  en  réserve  de  ta  division. 

Fais  faire,  je  le  prie,  des  reconnaissances  demain  au  point  du  jour  et 
envoies-en  le  résultat  à  Laufen  oij  sûrement  le  général  en  chef  viendra  de 
bonne  heure. 

24 frimaire  (15  décembre).  —  Les  rapports  qui  me  furent  faits 
pendant  la  nuit  présagèrent  que  l'ennemi  s'occupait  de  sa  retraite  ; 
et  que,  sur  Seekirclien,  on  avait  trouvé  peu  de  troupes.  Les  feux 
qui  avaient  été  allumés  en  assez  grande  quantité  ne  furent  point 
entretenus. 

Toutes  les  troupes  de  la  division  avaient  reçu  l'ordre  d'être  sous 
les  armes  une  heure  avant  le  jour.  Dès  qu'il  parut,  le  comman- 
dant de  l'avant-garde  me  fil  annoncer  que  ses  avant-postes  l'avaient 
prévenu  que  l'ennemi  avait  abandonné  sa  position;  et  que,  sur- 
le-champ,  il  avait  envoyé  le  chef  d'escadrons  Monlaulon  avec  un 
détachement  vers  Salzburg,  Je  fis  de  suite  mettre  en  marciie  la 
division  et  je  fis  dire  au  chef  Laffon  d'appuyer  son  détachement 
avec  toute  sa  cavalerie. 

On  prit  quelques  Iraineurs  qui  déclarèrent  que  toute  l'armée 
autrichienne  se  dirigeait  sur  Neumarkt. 

(1)  ■  Une  liiiritaiiie  de  chasseurs  des  ()<^  et  10"  tivaieut  reru  des  coups  de  sabre  » 
(Note  de  Decaen  i. 

(2)  Decaen  ajoutait  :  ....  Le  général  Fririon  et  sou  cl.eial  sont  tellement  fatigués  que 
Fririon  me  fait  l'honneur  de  passer  la  uuit  avec  moi.  Fais-moi  passer  au  plus  tôt  ce  que 
le  général  en  chef  veut  que  je  fasse  demain  »  [\.  H.  G.). 

(3)  La  transcription  de  cette  lettre  qui  existe  au.v  Archives  de  la  Guerre  (1800,  Armée 
du  Rhin,  Registre  73,  f"  153,  verso)  porte  :  ...  marchait  pour  te  soutenir...  •;  c'est 
une  erreur  de  copie. 


ISO      MÉMOIRES    ET   JOURNAUX   DU   GENERAL   DECAEN 

Le  parti  envoyé  sur  Salzburg  y  entra  entre  8  et  9  heures  du  ma- 
tin. J'avais  iTJoiut  le  chef  Lafibn  auprès  de  Salzburg.  Je  l'envoyai 
avec  tout  son  régiment  à  la  poursuite  de  l'ennemi  sur  la  route  de 
Neumarkt  où  il  fit  quelques  centaines  de  prisonniers  (1),  et,  sans 
un  fort  brouillard  qui,  pendant  la  nuit  et  dès  le  matin,  avait  empê- 
ché de  s'apercevoir  du  moment  où  les  postes  ennemis  avaient  fait 
leur  retraite,  on  aurait  eu  sans  doute  l'occasion  de  lui  faire  beau- 
coup plus  de  mal. 

Comme  je  présumais  que  le  général  Richepance  avait  reçu  l'ordre 
de  se  diriger  par  Seekirchen  sur  X'eumarkt,  je  fis  placer  ma  divi- 
sion en  avant  de  Salzburg,  la  droite  en  avant  de  Ncubaus  où  se 
trouve  la  route  de  Rottenmann.  Je  fis  envoyer  un  parti  sur  cette 
route  jusqu'à  l'Aber  See  :  j'avais  appris  que  le  corps  de  Condc  y  fai- 
sait sa  retraite.  La  gauche  de  la  division  fut  appuyée  à  la  Salzach  au 
village  de  Bergheim. 

Lorsque  je  fus  entré  a  Salzburg,  je  traversai  cette  ville  pour 
aller  reconnaître  l'état  du  pont  sur  la  Salzach.  L'ennemi  l'avait 
laissé  intact.  Alors  j'envoyai  mon  aide  de  camp  Labisse  pour 
annoncer  au  général  en  chef  mon  entrée  à  Salzburg,  et  que  toute 
l'armée  autrichienne  faisait  sa  retraite  sur  la  route  de  IVeumarkt; 
qu'en  attendant  ses  ordres,  j'avais  envoyé  à  sa  poursuite  toute  la 
cavalerie  de  mon  avant-garde;  que  j'avais  aussi  envoyé  un  parti 
sur  l'arrièrc-garde  du  corps  de  Condé  qui  s'était  retiré  à  Rotten- 
mann (2)  ;  que  mes  troupes  placées  en  avant  de  Salzburg  avaient 
leur  droite  à  Neuhaus  et  leur  gauche  à  Bergheim;  et  que  mon 
intention  était  de  faire  entrer  seulement  un  bataillon  et  un  esca- 
dron dans  la  ville;  que  je  n'avais  fait  mettre  (jue  des  gardes  aux 
portes,  avec  celle  de  la  bourgeoisie  à  laquelle  j'avais  fait  laisser  les 
armes. 

Je  chargeai  aussi  mon  aide  de  camp  de  dire  au  général  en  chef 
que  je  le  priais  de  se  rendre  le  plus  tôt  possible  à  Salzburg,  parce 
(jue  cela  empêcherait  toute  discussion  avec  le  général  Lecourbe  qui 


(1)  «  ...  J'ai  fait  conduire  au  moins  trois  cents  prisonniers  que  nous  avons  faits  sur 
Salzbiir<j.  Je  crois  n'avoir  perdu  qu'un  chasseur  de  mon  régiment,  qui  a  été  haché  par 
des  dragons  de  La  Tour...  ■   (Laffon  à  Decaen,  Seekirchen,  24  frimaire,  A.  H.  G.). 

(2)  Le  renseii^ncment  était  exact.  L'archiduc  Jean,  mécontent  des  Condéens,  à  la  négli- 
gence desquels  il  attribuait  les  revers  de  la  journée  du  9  décembre,  les  avait  renvoyés  à 
Kottcamann  (L'archiduc  Jean  à  l'empereur,  Teisendorf,  10  décembre,  R.  K.  Archiv,  XII, 
173.) 


DECAEN  ENTRE  A  SALZBURG  181 

aurait  sans  doute  de  l'humeur  de  ce  que  j'y  fusse  entré  avant  lui 
qui  avait  combattu,  la  veille,  toute  la  journée,  voulant  y  entrer  le 
premier. 

Comme  je  m'attendais  ([ue  les  troupes  du  général  Lecourbe,  au 
travers  desquelles  mon  aide  de  camp  allait  passer  pour  remplir  sa 
mission,  ne  tarderaient  pas  à  se  présenter,  puisque  ce  passage  indi- 
querait l'entrée  des  troupes  de  ma  division  dans  la  ville,  je  fis  don- 
ner la  consigne  de  n'en  laisser  entrer  aucune  des  premières  avant 
l'arrivée  du  général  en  chef;  et,  si  le  général  Lecourbe  se  pré- 
sentait, de  ne  lui  faire  aucune  observation,  et  de  me  faire  prévenir 
sur-le-champ  de  son  arrivée. 

Je  me  rendis  ensuite  aux  portes  de  la  ville  afin  de  reconnaître 
le  pays  à  l'extérieur  sur  chacun  de  ces  points.  Je  trouvai  à  ces 
portes,  comme  aux  deux  premières  par  lesquelles  j'étais  déjà  entré 
et  sorti,  un  député  des  magistrats  et  des  gardes  bourgeoises.  On 
m'y  présenta  aussi  des  suppliques  réclamant  la  protection  du 
général  en  chef  et  celle  de  l'armée  française.  J'en  donnai  l'as- 
surance. 

J'étais  rentré  dans  l'intérieur  vers  11  heures  pour  descendre  de 
cheval  lorsqu'on  me  prévint  de  l'arrivée  du  général  Lecourbe.  Xous 
nous  rencontrâmes  sur  la  place  de  l'évéché.  Il  m'aborda  assez 
froidement  et  me  témoigna  sa  surprise  qu'on  eût  dit  à  ses  pre- 
mières troupes  qu'elles  ne  pouvaient  pas  entrer;  que,  Salzburg 
étant  devant  son  front,  c'était  à  son  corps  d'armée  de  l'occuper.  Je 
lui  répondis  (jue  les  circonstances  avaient  changé  cette  disposition 
ordinaire  et  que,  mes  troupes  y  étant  entrées  les  premières,  il  était 
tout  naturel  que  j'eusse  pris  des  mesures  pour  le  maintien  du  bon 
ordre;  (jue,  jusqu'alors,  il  n'y  était  encore  entré  que  des  troupes 
de  ma  division  que  pour  la  garde  des  portes  ;  au  reste,  que  le  géné- 
ral en  chef,  que  j'avais  fait  prévenir,  n'allait  sans  doute  pas  tarder 
à  arriver  et  qu'il  donnerait  sa  décision;  et  que,  quoiqu'il  fut  pré- 
sumable  qu'il  me  donnerait  l'ordre  de  marcher  sur  les  traces  de 
l'ennemi,  je  ne  voulais  pas  céder,  quant  à  présent,  un  droit  acquis 
par  ma  division;  cependant  que,  pour  mettre  une  fin  convenable  à 
cette  contestation,  je  lui  proposais  de  faire  entrer  seulement  un 
bataillon  et  un  escadron;  qu'il  occuperait  la  moitié  de  la  ville  du 
côté  de  la  Salzach  ;  que  je  ferais  la  même  chose  dans  l'autre  moi- 
tié, et  que  le  général  Durutte,  que  j'avais  désigné  pour  comnian- 


182      MÉMOIRES   ET  JOURNAUX   DU   GENERAL   DECAEN 

dcr  à  Salzburjj,  conimandcrait  le  tout.  Le  général  Lecourbe  ac- 
cepta cette  proposition.  Nous  nous  séparâmes  et  je  fus  à  mon 
quartier  où,  de  suite,  je  fis  écrire  aux  magistrats  : 

Le  général  Decaen,  dont  les  troupes  occupent  Salzburg,  vous  prévient. 
Messieurs,  qu'il  a  nommé  commandant  de  la  ville  le  général  de  brigade 
Durulle.  C'est  avec  ce  général  que  vous  devez  entrer  en  relations  pour  la 
police  intérieure  et  généralement  tout  ce  qui  concerne  les  intérêts  de  votre 
ville. 

L'ordre  ci-après  fut  adressé  au  général  Durutte  . 

Le  général  Durutte  prendra  position  de  la  manière  ci-après  : 
Il  portera  sa  bri<]ade  sur  la  route  de  Linz  passant  par  Neuniarkt  jus- 
qu'au village  de  Xeuliaus.  Il  occupera  ce  village  et  celui  de  Sollheim.  Il 
placera  son  bataillon  d'infanterie  légère  sur  la  route  qui  conduit  à  Ischl. 
Ses  avant-postes  s'avanceront  jusqu'à  Hamschof  (1).  Il  enverra  des  partis 
sur  cette  route  pour  avoir  dos  nouvelles  de  l'ennemi  dans  cette  partie  et, 
s'il  est  possible,  jusipi'au  lac  Aber  See.  Il  laissera  un  bataillon  en  ville,  et 
il  y  aura  un  escadron  de  dragons. 

Jusqu'à  nouvel  oi'dre,  le  général  Durutte  prendra  le  commandement  de 
Salzburg.  11  est  prévenu  que  le  général  Lecourbe  aura  aussi  un  bataillon 
et  un  escadron  en  ville;  mais  c'est  le  général  Durutte  qui  sera  cbargé  de 
maintenir  l'ordre.  Les  portes  de  Hallein  et  de  Teisendorf  seront  occupées 
par  les  troupes  du  général  Lecourbe. 

Il  ne  s'était  passé  que  fort  peu  de  temps,  et  des  plaintes  m'étaient 
déjà  faites  que  des  officiers  du  corps  d'armée  du  général  Lecourbe 
avaient  fait  diverses  réquisitions. 

Pour  y  mettre  fin,  j'écrivis  au  général  Lecourbe  : 

Nous  sommes  convenus,  mon  cher  général,  de  tenir  garnison  par  moi- 
tié à  Salzburg  jusqu'à  l'arrivée  du  général  en  chef.  Mes  troupes  ne  se  sont 
permis  aucune  réquisition.  J'ai  cbargé  le  général  Durutte  du  maintien  de 
l'ordre;  de  tous  côtés,  il  m'arrive  des  plaintes  pour  des  réquisitions  par- 
tielles faites  par  des  officiers  particuliers.  Je  vous  engage  de  faire  que  ces 
désordres  n'existent  pas.  S'il  y  a  quelques  ressources  à  Salzburg,  il  faut 
qu'elles  soient  pour  l'armée  et  non  pour  quelques  individus.  Je  pense  que 
vous  ne  voulez  pas  en  agir  autrement. 

Mon  chef  d'état-major  écrivit  de  ma  part  au  général  Durutte  : 

Le  général  Decaen  me  charge  de  vous  mander,  mon  général,  d'adresser 
une  proclamation  aux  habitants  pour  les  assurer  des  mesures  de  police  qui 
seront  prises  pour  la  sàreté  et  la  tranquillité  intérieures  de  la  ville. 

(1)  Peut-être  faut-il  lire  .\m  Hofe,  ou  Hof,  à  JO  kiloinèires  à  lest  de  ^eullaus,  sur  la 
route  de  Salzburg  à  Ischl. 


LiVK    KSI'IKGLKRIE    DE    DECAE.V  183 

Il  vous  cliarge  de  mander  à  toutes  les  autorités  de  n'obtempérer  à  au- 
cune espèce  de  réquisitions,  quelles  qu'elles  soient,  si  elles  ne  sont  visées  du 
chef  d'état-major  ou  de  lui. 

Enfin  le  fjéuéral  en  chef  ariva  à  Salzburg  vers  une  heure  de 
raprès-midi.  Lorsque  j'en  fus  informé,  je  me  rendis  auprès  de  lui. 
Le  général  Lecourbe  m'avait  précédé.  11  prétendit  que  ses  troupes 
étaient  arrivées  à  Salzburg  d'un  côté  en  même  temps  que  les 
miennes  y  enti-aient  de  l'autre.  Alors  je  lui  dis  :  c  Si  cela  était,  vos 
premières  reconnaissances  n'auraient  pas  trouvé  la  porte  fermée 
et  un  de  mes  postes  en  avant,  et  on  n'aurait  pas  eu  la  peine  de 
vous  l'ouvrir  lorsque  vous  vous  êtes  présenté.  •'  C'était  une  espiè- 
glerie que  j'avais  voulu  faire  pour  lui  faire  sentir  que  sa  trop  vive 
impatience  pendant  la  journée  de  la  veille  ne  l'avait  pas  servi  à 
souhait.  Je  dirai  plus  loin  ce  que  j'appris  à  ce  sujet.  Après  cette 
première  réponse,  je  tirai  de  ma  poche  toutes  les  suppliques  que 
j'avais  reçues  aux  portes,  et  j(^  les  présentai  au  général  en  chef,  en 
disant  au  général  Lecourbe  :  «  Si  vous  êtes  entré  comme  moi, 
vous  devez  en  présenter  les  mêmes  preuves.  «  Cela  ne  fut  pas 
poussé  plus  loin.  Le  général  en  chef  approuva  et  ne  changea  rien 
aux  dispositions  qui  avaient  été  convenues. 

Lorsque  le  général  Lecourbe  fut  sorti,  j'entretins  le  général 
Moreau  de  ce  que  j'avais  fait  depuis  que  je  l'avais  quitté  à  Laufen, 
et  je  lui  dis  que  je  souhaitais  qu'il  entrât  dans  ses  vues  de  me  déta- 
cher pour  aller  communiquer  avec  l'armée  d'Italie  dont  je  présu- 
mais ((ue  les  heureux  succès  de  ses  opérations  ne  pouvaient  pas 
tarder  de  la  faire  avancer  vers  Klagenfurl,  et  que  je  pensais  qu'il 
suffirait  de  me  donner  seulement  une  brigade  d'infanterie  de  plus. 
Le  général  Moreau  me  répondit  (|ue  cela  ne  se  ponvnit  pas,  car  ce 
serait  encore  traverser  le  front  du  général  Lecourne  qui  avait  été 
assez  mécontent  que,  dans  la  campagne  précédente,  j'eusse  été 
détaché  sur  Munich. 

Je  ne  tardai  pas  à  apprendre  que,  malgré  que  le  général  Moreau 
eût  prévenu  le  général  Lecourbe  de  ne  pas  engager  d'affaire 
devant  Sazlburg,  puis(|u'il  allait  faire  manœuvrer  par  Laufen,  son 
désir  ardent  d'entrer  à  Salzburg  l'avait  emporté;  et  qu'à  cet  ellet, 
il  avait  voulu  tàler  l'ennemi  qu'il  rencontra  avec  l'intention  de 
combattre  et  (jui  avait  des  forces  supérieures;  (jue  cet  essai  avait 
amené  l'engagement  qui  s'était  ensuite  soutenu  de  part  et  d'autre 


184      AIEMOIRES   ET   JOURXAIX    DL    GEXKRAL   DECAEiV 

avec  la  plus  grande  opiniâtreté  et  dont  l'avantage  aurait  été  pro- 
bablement en  faveur  de  l'ennemi,  sans  la  diversion  que  le  général 
en  chef  m'avait  ordonné  de  faire  et  qui  produisit  un  tel  effet  sur 
l'armée  autrichienne  que,  dès  qu'elle  entendit  les  coups  de  canon 
tirés  en  débouchant  sur  Anthering,  elle  ne  soutint  plus  le  combat 
que  pour  couvrir  la  retraite  de  ses  troupes  par  le  pont  deSalzburg. 
Il  était  d'autant  plus  fâcheux  ou  plutôt  très  pénible  pour  le  gé- 
néral en  chef  et  pour  toute  l'armée  que  le  général  Lecourbe  se 
fût  ainsi  engagé  qu'il  perdit  plus  de  1  500  braves  en  tués  et  bles- 
sés, parmi  lesquels  d'excellents  officiers,  seulement  par  ambition 
de  vouloir  entrer  un  jour  plus  tôt  dans  une  ville,  tandis  que  le 
passage  de  la  Salzach  à  Laufen  en  avait  fait  présumer  la  posses- 
sion sans  coup  férir  ou,  du  moins,  avec  une  perte  beaucoup  moins 
considérable.  Aurait-elle  même  été  plus  grande,  elle  n'aurait  pas 
été  jugée  inutile  et  intempestive  comme  celle  faite  par  l'entêtement 
du  général  Lecourbe,  et  qui  excitait  les  plus  vifs  regrets. 


CHAPITRE    X 

Diirulte  reste  à  Sahbtirg.  —  Decaen  suit  Rirhepance  sur  Vôcklaraarkt.  —  Decaeii  à 
Vôcklamarkt.  —  La  poursuite  des  Autrichiens  coiitiDue.  —  Hicliepauce  culbute  leur 
arrière-<jarde  à  Scliwanenstadt.  —  Decaen  fe  dirige  sur  Wels.  —  Combat  de  W'els. 
—  Succès  de  Laffon.  —  Decaen  passe  sur  la  rive  droite  de  la  Tranu.  —  L'archiduc 
Charles  propose  à  Morea»  une  suspension  d'hostilités.  —  Decaen  conseille  à  ce  der- 
nier de  la  refuser  et  de  marcher  sur  Vienne.  —  Belle  réponse  de  Moreau.  —  La 
marche  vers  l'est  continue.  —  Decaen  à  Kremsmiinsler.  —  Il  y  apprend  la  suspension 
des  hostilités.  —  Excès  de  confiance  de  Richepancc.  —  Decaen  à  Neuliofen.  —  L'ar- 
chiduc Charles  tardant  à  répondre,  l'armée  française  continue  son  mouvement  en 
avant.  —  Griiutie,  Weyrolher  et  Lahorie  discutent  les  conditions  d'un  armistice.  — 
Convention  de  Sleyr.  —  Decaen  s'établit  à  Enus.  • —  II  va  passer  quelques  jours  à 
Munich. 


25 frimaire  (IG  décembre).  — Ayant  reçu  l'ordre  de  diriger  ma 
division  sur  iVeumarkt,  mise  en  marche  à  10  heures  du  matin,  elle 
y  fut  cantonnée  et  dans  les  villages  aux  environs. 

Deux  escadrons  et  un  bataillon  restèrent  à  Salzburg  avec  le  gé- 
néral Durutto.  Dans  la  soirée,  je  reçus  du  général  Lahorie  la  lettre 
ci-après  : 

Tu  sais  sans  doute,  mon  cher  Decaen,  que  le  général  Richepance  a  pris 
position  en  avant  de  Strassvvalchen. 

Demain,  il  marchera  sur  Vôcklamarkt,  éclairant  en  même  temps  la  route 
de  Frankenburg.  [^'intention  du  général  en  chef  est  que  ta  division  marche 
sur  Frankenmarkt.  L'ennemi  opposera  peut-être  une  résistance  un  peu 
soutenue  sur  ce  point;  alors  tu  te  mettras  en  ligne  à  droite  du  général 
Richepance  et  vous  pousserez  l'ennemi  de  concert. 

Le  général  Grouchy  marchera  pour  prendre  position  sur  Strass walchen, 
en  réserve  de  vos  deux  divisions. 

La  réserve  de  cavalerie  arrivera  à  Meuhaus.  Une  division  de  l'aile  droite 
longe  l'Aber  See  pour  se  porter  sur  Gmunden. 

La  brièveté  des  jours  oblige  à  des  marches  un  peu  courtes  (1). 

26  frimaire  (17  décembre).  —  La  division,  rassemblée  en  avant 
de  Strassualchen   (2),  suivit  le  mouvement  de  la  division  Riche- 

(1)  «  La  terre  était  couverte  de  neige  »  (Note  de  Decaen). 

(2)  "  A  11  heures  du  ma'.in...  »  (Decaen  à  Moreau,  Neuhofen,  2  nivôse,  A.  H.  G.). 


18(')   MEMOIRES  ET  JOLRXAUX  DU  GENERAL  DECAEX 

pance  qui  avait  trouvé  une  forte  arrière-garde  en  avant  de  Fran- 
kenmarkt  et  (|u'elle  poussa  jusqu'au  delà  de  Vocklamarkt. 

L'opposition  de  cette  arrière-garde  n'exigea  cependant  pas  que 
j'entrasse  en  ligne;  mais  la  brièveté  du  jour  ne  permit  pas  à  cette 
division  de  se  porter  en  entier  au  delàde  Frankenniarkt;  la  mienne 
prit  position  eniro  cette  ville  et  Strasswalchen. 

J'envoyai  mon  rapport,  et  le  général  Laliorie  m'écrivit  de 
Neumarkt  : 

.!e  te  préviens,  mon  cher  Decaeri,  que  le  jjénéral  Ilichepance  a  ordre  de 
se  Miettre  en  marche  demain  à  11  heures  précises  du  matin  pour  se  porter 
par  Red!  sur  les  hauteurs  en  avant  de  Ungenach,  couvrant  en  même  temps 
la  comnmnication  d'Ainivalding  sur  Wolfsefjg. 

Le  «H'néral  (îrcnier  arrivera  avec  la  tète  de  sa  division  en  arrière  de 
Haa<;  et  l  nterliaajj,  et  le  général  Grouchy,  en  réserve  sur  Bierbaum. 
I/intention  du  général  en  cliel"  est  que  tu  marches  directement  par  Bier- 
baum sur  Viicklabruck  et  que  tu  forces  cette  position  de  front,  en  même 
temps  qu'elle  sera  débordée  par  le  mouvement  du  général  Ilichepance. 

Tu  enverras  des  partis  sur  ta  droite  vers  Gmunden  pour  communi- 
quer avec  le  corps  du  général  Lecourbe  qui  se  portera  en  partie  sur  ce 
point. 

Le  général  Moreau  sera  demain  à  Frankenniarkt.  Règle  ton  mouvement, 
pour  l'heure,  sur  celui  du  général  Richepance  (1). 

27  frimaire  (18  décembre).  —  La  division,  rassemblée  à 
11  heures  du  matin  à  Hierbaum,  fut  dirigée  sur  Vocklabruck,  d'où 
je  fis  écrire  au  général  Laliorie  : 

Le  général  Decaen  est  arrivé  à  VÔL^klabruck  sans  avoir  eu  rien  à  faire. 
Le  général  Richepance  a  poussé  l'ennemi  jusqu'à  deux  lieues  au-delà  de 
cette  ville  sur  la  route  de  Schwanenstadt.  La  division  a  pris  position  à 
Vocklabruck,  ayant  son  corps  d'avant-garde  à  Regau,  à  l'embranchement 
des  deux  routes  sur  Gmunden  et  Schwanenstadt. 

Il  a  poussé  un  parti  sur  (îniunden  pour  avoir  des  nouvelles  du  général 
Montrichard.  Il  vous  fera  part  de  ce  qu'il  pourra  savoir  d'intéressant. 

Le  général  Richepance  parait  avoir  fait  beaucoup  de  mal  à  l'ennemi  :  il 
a  pris  le  généra!  liOpper.  Sa  division  est  toujours  suivie  d'un  train  consi- 
dérable des  équipages  qui  nous  gène  dans  nos  marches.  Xe  pourrait-il  pas 
les  diminuer? 

(Il  Le  '2H,  Kiiiazico/icz  écrivait  à  Decaen  :  ■■  Je  vous  fais  remeltre,  eu  même  temps 
(]ue  ma  leUre,  général,  uu  drapeau  uurtembergeois  qui,  après  le  passaye  de  la  Salzacli,  fut 
pris,  à  l'aile  gauche,  par  mes  tirailleurs,  au  moment  où  l'euiiemi,  voulant  cacher  sa 
làchelé,  le  séparait  du  bàtun  ;Kuiaziewicz  à  Decaen,  Grosskissendorf  |^?],  '26  frimaire. 
A.  H.  G.). 


DECAEX    MARCHE    SUR   WELS  187 

Le  général  Dunitfe  rejoignit  la  division  avec  le  détachement 
qui  avait  été  laissé  avec  lui  à  Salzburg. 

Le  parti  qui  avait  été  envoyé  surGmunden  apprit,  à  son  retour, 
qu'il  y  avait  trouvé  Tennemi  et  rencontré  les  avant-postes  de  la 
division  Montricliard  dans  les  environs  de  cette  ville. 

Je  reçus  du  général  Lahorie  une  lettre  datée  de  Frankenmarkt. 
II  me  mandait  : 

Il  faut  achever  l'arim-e  ennemie  par  des  marches  non  interrompues, 
mon  cher  Decaen.  En  conséquence,  le  général  Richepance  reçoit  l'ordre  de 
marcher  demain  de  concert  avec  toi  sur  W  els. 

Il  est  possible  que  vous  ne  puissiez  pas  arriver,  mais  vous  prendrez 
position  le  plus  près  possible  de  ce  point.  Je  suppose  que  vous  arriverez  au 
moins  à  la  hauteur  dcFalspach. 

Le  général  Grouchy  viendra  se  placer  en  réserve  sur  Lambach.  Le  géné- 
ral Aloreau  s'établira  à  Schivanenstadt.  Il  ira  demain  suivre  le  mouvement 
des  divisions  du  centre  sur  \\  els. 

28 frimaire  (19  décembre).  —  La  division  fut  mise  en  marche 
à  9  heures  du  matin  sur  la  route  de  Schwanenstadt  pour  atteindre 
le  but  indi([ué  dans  l'ordre  ci-dessus;  mais  les  Autrichiens,  dont 
Tarchiduc  Charles  était  venu  prendre  le  commandement  et  dont 
sa  présence  avait  ranimé  le  courage,  s'oi)stinérent  à  défendre 
Lambach.  Cependant,  le  général  Richepance,  auquel  j'avais  seule- 
ment envoyé  un  régiment  de  chasseurs,  les  culbuta  et  fit  encore 
un  assez  grand  nombre  de  prisonniers,  au  nombre  desquels  le 
prince  de  Liechtenstein  et  le  général  Meczery;  et,  comme  les 
Autrichiens  passèrent  la  Traun  pour  aller  sur  Kremsmiinster,  la 
division  Richepance  les  y  suivit.  Alors  je  dirigeai  la  mienne  sur 
Wels,  dont  mes  avant-postes  s'avancèrent  à  trois  quarts  de  lieue, 
mais  un  peu  tard  dans  la  soirée. 

La  division  fut  placée  en  arrière  de  Gunskirchen,  la  droite  à  la 
Traun  et  la  gauche  dans  la  direction  de  Irnharting.  L'avant-garde, 
qui  s'était  établie  dans  ce  premier  village,  y  avait  fait  22  pri- 
sonniers. 

Je  revins  à  Lambach  d'où  j'envoyai  un  officier  au  quartier  géné- 
ral pour  informer  de  ma  position  et  (|ui  me  rapporta  la  lettre  ci- 
après,  datée  de  Schwanenstadt  : 

I/inlention  du  général  en  chef,  mon  cher  Decaen,  est  que  lu  te  portes 
demain  sur  VV^elsoii  tu  passeras  la  Traun  pour,  de  là,  te  diriger  surKrems- 


188   MEMOIRES  ET  JOUR\AU\  DU  GENERAL  DECAEX 

munster.  La  distance  et  la  nécessité  de  t'éclairer  sur  ta  gauche  ne  te  pei- 
niettraient  probablement  pas  d'arriver  au  delà  de  Taxelberg.  Le  général 
Grenier  arrivera  dans  la  journée  avec  une  division  en  réserve  de  la  tienne, 
en  avant  de  Wels. 

liC  général  Uichcpance,  soutenu  du  générai  Grouchy,  se  portera  de  Lam- 
baf:h  sur  Kremsmûnster  où  arrivera  le  général  Lecourbe  par  Gmunden. 

Le  général  Moreau  sera  demain  à  Wels. 

Je  préviens  le  général  Uichepance  de  te  renvoyer  ton  régiment  à  Guns- 
kirchen. 

29  frimaire  (20  dêcenibre).  —  A  la  pointe  du  jour,  la  division 
fut  rassemblée  et  marclia  sur  U  els.  Il  était  9  heures  du  matin 
lorsque  l'avant-garde  entra  dans  cette  ville.  Elle  s'approcha  de 
suite  du  pont  sur  la  Traun  ;  l'ennemi  l'avait  coupé  (1).  Il  avait 
laissé  une  cinquantaine  d'hommes  pour  l'observer  et  en  retarder 
la  réparation.  Il  fallut  éloigner  ces  ennemis  pour  travailler  au 
pont.  Les  chasseurs  du  3'  bataillon  de  la  14'  légère  y  mirent  tout 
le  zÀ'le  et  toute  l'intelligence  possibles.  Plusieurs  d'entre  eux  par- 
vinrent à  l'autre  rive  en  descendant  et  grimpant  d'une  arche  à 
l'autre  à  la  faveur  des  longerons  qui  avaient  été  jetés  du  pont.  Le 
capitaine  Schmidt,  de  la  3'  compagnie,  qui  fut  blessé  d'un  coup  de 
feu  en  abordant  à  l'autre  rive,  fut  un  des  premiers  qui  donna 
l'exemple. 

Un  carabinier  de  ce  bataillon,  nommé  Jean  Masse,  se  conduisit 
avec  bien  de  la  bravoure.  Ce  fut  lui  qui,  le  j)remier,  avait  trouvé 
ce  moyen  de  passage.  Quoique  seul  pour  arriver  à  l'autre  rive,  il 
n'en  courut  pas  moins  sur  les  Autrichiens  qui  s'y  trouvaient.  Il  fit 
mettre  bas  les  armes  à  huit  d'entre  eux  et  cassa  leurs  fusils.  Il  les 
amenait  prisonniers  lorsque  ceux-ci,  s'apercevant,  auprès  du  pont, 


1 1)  Voici  le  compte-rendu  de  Decaen  : 
Mes  premières  troupes  sont  entrées  à  Wels  à  9  heures  du  matin,  mon  jjénéral,  mais 
je  n'ai  pu  aller  plus  loin,  l'eniierai  ayant  beaucoup  endommagé  le  pont.  Je  m'empresse  de 
le  faire  réparer.  Il  e«t  raidi  :  et  ce  ne  sera  que  vers  les  1  heures  que  je  pourrai  m'en 
semir.  L'ennemi  avait  laissé  quelques  postes  qui  sont  partis  après  quelques  coups  de 
fosil.  J  ai  déjà  de  I  inlauterie  qui  a  passé  avec  quelques  baleaux  sur  la  rive  droite.  J'ai 
poussé  sur  L.ini  un  parti  qui  n'est  pas  rentré;  mais,  d'après  les  rapporis  qui  me  sont 
procurés,  l'ennemi  a  fait  remonter,  pour  passer  la  Traun  hier,  les  carabiniers  d'Albert, 
avec  5  000  hommes  d'infanterie  et  plus  de  100.)  voilures. 

■i  J'ai  trouvé  à  la  poste  différentes  lettres  que  je  vous  envoie,  mon  général;  quflques- 
nnes  sont  intéressantes. 

-  L'armée  ennemie  se  concentre  sur  Steyr.  Aussitôt  que  j'aurai  d'autres  renseigne- 
ments, mon  général,  je  vous  en  ferai  part  (Decaen  à  Moreau,  Wels,  '19  frimaire, 
A.  H.  G.). 


COMBAT   DE    WELS  189 

qu'il  ('tait  seul  et  voyant  quelques  hussards  qui  s'avançaient  pour 
les  délivrer,  s'échappèrent  de  lui  qui,  aussitôt,  ne  manqua  pas  de 
leur  tirer  quelques  coups  de  fusil. 

Le  chef  de  bataillon  Alassard,  que  je  chargeai  de  faire  passer 
son  bataillon  aussitôt  (|ue  des  bateaux  qui  étaient  à  l'autre  rive 
seraient  à  sa  disposition,  fit  bien  son  devoir.  Il  arriva  que,  la  pre- 
mière banjue  dont  on  avait  pu  disposer  étant  petite,  il  s'y  était 
mis  trop  de  monde  et  qu'elle  fit  naufrage.  Ce  chef  de  bataillon 
était  du  nombre  des  embarqués  ;  mais,  heureusement,  il  n'y  eut 
aucun  accident. 

J'avais  ordonné  au  chef  de  brigade  Laffon  d'envoyer,  dès  le 
matin,  un  parti  sur  la  route  de  Linz,  et  Montaulon  fut  chargé  de 
cette  mission.  Il  trouva  l'ennemi  qui  protégeait  un  convoi.  Il  en 
fit  attaquer  la  queue  par  vingt  hommes  à  la  tête  desquels  étaient  les 
sous-lieutenants  Rignier  et  Gillard,  soutenus  par  le  surplus  de 
leur  escadron.  L'ennemi  fut  aussitôt  mis  en  déroute.  Plus  de 
600  prisonniers,  tant  infanterie  (|ue  cavalerie,  furent  amenés  avec 
plus  de  200  chevaux.  Au  moins  80  hommes  de  cavalerie,  qui  ne 
furent  point  j)ris,  furent  sabrés  (1). 

Le  général  Grenier  arriva  vers  une  heure  avec  une  division  qui 
fut  se  placer  en  avant  de  Wels,  sur  la  route  de  Linz.  Pendant 
qu'on  travaillait  aux  réparations  du  pont,  je  fis  ouvrir  et  traduire 
quehjues  lettres  (ju'on  avait  prises  au  bureau  de  la  poste.  Il  y  en 
avait  plusieurs  de  Vienne  qui  annonçaient  qu'on  y  était  dans  de 
vives  alarmes  et  qu'on  n'y  doutait  pas  d'y  voir  bientôt  arriver  l'ar- 
mée française. 

On  trouva  dans  une  de  ces  lettres  cette  singulière  phrase  : 
't  La  Sybille  a  dit  qu'après  une  longue  guerre,  les  Français  vien- 
draient jusque  dans  la  plaine  de  Wels,  et  qu'alors  on  ferait  la 
paix.  -1^ 

On  trouva  aussi  une  pièce  signée  de  plusieurs  archevêques  et 
émigrés  qui  résidaient  alors  à  Vienne;  je  ne  me  souviens  point  de 
leurs  noms. 

C'était  une  délibération  pour  servir  de  réponse  à  des  questions 


(1)  Dans  son  rapport,  Decaeu  ajoutait  :  ^  ...  Ce  nouvel  acte  d'intrépidité  de  Montaalon 
arec  ses  braves  ajoute,  mon  général,  aui  autres  traits  rapportés  dans  l'état  des  services 
de  ce  chef  d'escadrons  que  je  \ous  adresse...  »  (Decaen  à  Moreau,  Neuhofen,  2  nivôse. 
A.  H.  G.). 


190      MiaiOIHKS    ET   JOURVAUX   DU    GKXÉRAL   DECAKX 

<|ui  leur  avaient  élé  soumises  par  des  curés  français  sur  le  serment 
prescrit  par  la  constitution  de  Tan  VIII. 

Je  me  rappelle,  entre  autres  choses,  qu'on  disait,  dans  celte 
pièce  :  <i  Les  soussignés,  consultés  pour  savoir  si,  dans  l'état 
actuel  des  choses  en  France,  on  peut  prêter  le  nouveau  serment 
exigé  pour  remplir  publiquement  les  fonctions  sacerdotales,  sont 
d'avis  que,  dans  aucun  temps,  la  puissance  temporelle  ne  peut 
rien  prescrire  à  la  puissance  spirituelle.  Mais,  dans  les  circons- 
tances où  l'Eglise  est  militante,  s'il  y  a  cas  de  nécessité,  on  peut 
se  soumettre,  mais  avec  la  restriction  mentale  ;  et  nous  appuyons 
cette  opinion  de  celle  de  saint  Thomas  de  Cantorhery  durant  le 
schisme  d'Angleterre.  ••  Je  remis  cette  pièce  avec  les  autres  lettres 
au  général  Moreau  qui  arriva  à  U  els  dans  l'après-midi. 

Le  pont  ne  put  être  rétabli  qu'à  .3  heures  (I),  malgré  l'activité 
des  officiers  du  génie  Bodson  et  Alichaud. 

Dès  que  la  réparation  fut  achevée,  je  fis  passer  la  division  sur  la 
rive  droite  de  la  Traun,  et  chaque  brigade  formée  fut  aussitôt  diri- 
gée sur  Kremsmiinsler;  mais  lavant-garde  ne  put  arriver  que  pour 
avoir  ses  avant-postes  sur  Sipbachzell  où  elle  trouva  l'ennemi, 
<|uoi(|ue  la  division  Richepancc  fût  déjà  arrivée  à  Kremsmiinster. 

La  nuit  avait  empêché  le  chef  Laffon  déjuger  que  c'était  fort 
peu  de  monde  (|ui  n'avait  pu  se  retirer  sur  Sieyr  et  qui  occupait 
Sipbachzell  pour,  de  là,  se  diriger  sur  .\euhofen. 

.Alors  la  division  prit  sa  position,  placée  en  échelons  depuis 
Leombach  jusqu'à  la  Traun,  et  des  partis  furent  envoyés  surNeu- 
hofen  et  sur  Ebersberg. 

J'étais  rentré  à  Wels  et  je  me  trouvais  avec  le  général  en  chef 
quand  on  lui  apporta  une  lettre  de  l'archiduc  Charles.  Cette  lettre 
annonçait  que,  d'après  les  égards  et  les  témoignages  d'estime  dont 
ils  s'étaient  donné  des  preuves  pendant  la  campagne  de  l'an  IV, 
il  était  persuadé  que  le  général  .\Ioreau  accueillerait  favorablement 
la  proposition  qu'il  lui  faisait  d'une  suspension  d'hostilités,  d'au- 
tant mieux  qu'il  lui  donnait  l'assurance  (|ue  sa  démarche  n'avait 
d'autre  but  (jue  de  pouvoir  enfin  parvenir  à  traiter  de  la  paix. 

Je  demandai  au  général  Aloreau,  qui  m'avait  fait  part  de  cette 
proposition,  s'il  était  dans  son  intention  d'y  avoir  égard,  tandis  (|ue 

(1)  •  ...  après  raidi.  .  "  (Decaen  à  Moreau,  Ncuhofen,  2  nivôse,  A.  H.  G.). 


BELLE    «EPONSE    DE    MOREAU  191 

nous  ('tions  aussi  rapprochés  de  Vienne  où  nous  avions  la  perspec- 
live  d'arriver  sons  peu  de  jours,  puisque  le  reste  de  l'armée  anlri- 
chienne  ne  pouvait  plus  être  un  ohstaele,  et  (|u'il  serait  bien  glo- 
rieux pour  lui  et  pour  son  armée  de  faire  cette  conquête;  (|ue, 
déjà  deux  fois,  on  avait  ainsi  interrompu  le  cours  de  nos  succès. 

Le  général  Moreau  me  répondit  :  i-  Mais,  Decaen,  la  con(juèle 
de  la  paix  vaut  encore  mieux,  et  je  suis  persuadé  que  le  prince 
Charles  ne  se  serait  pas  autant  avancé  qu'il  le  fait  dans  cette 
circonstance  s'il  n'avait  pas  la  certitude  que  l'empereur  ne 
désavouera  pas  le  motif  de  sa  proposition.  D'ailleurs,  dans  ce 
moment  où  l'armée  du  Rhin  est  déjà  très  avancée,  je  n'ai  encore 
aucune  nouvelle  des  opérations  de  l'armée  d'Italie  commandée  ])nr 
Brune,  (|ui  peut  être  encore  sur  le  Mincio.  J'ignore  si  celle  des 
Grisons,  commandée  par  Macdonald,  a  pu  pénétrer  dans  le  Tyrol  ; 
celle  d'Augereau  n'est  encore  qu'à  Wùrzhurg.  Ainsi,  plus  nous 
avancerons  et  plus  nous  nous  engagerons  sans  appui  dans  les 
Etats  de  l'Autriche,  et  plus  nous  nous  rapprocherons  des  forces 
qu'elle  peut  encore  réunir  et  concentrer  pour  arrêter  nos  succès. 
Or,  puisqu'ils  veulent  enlin  la  paix,  il  vaut  beaucoup  mieux  en 
traiter  au  plus  tôt  que  de  les  réduire  au  désespoir  et  nous  exposer 
nous-mêmes  aux  chances  de  la  guerre  qui  peuvent  aussi  nous 
devenir  contraires,  v 

Auparavant  que  le  général  en  chef  eut  reçu  la  lettre  de  l'archi- 
duc, je  l'avais  informé  (|ue,  depuis  son  premier  rapport,  Laffon 
m'avait  mandé  que  la  division  Richepance  n'était  pas  entrée  à 
Kremsmùnster  ;  que  l'ennemi  l'occupait. 

Le  général  en  chef  m'avait  aussi  indi(|ué  le  mouvement  (|ue  ma 
division  devait  faire  le  lendemain,  et  j'avais,  en  consé(|uence,  fait 
donner  l'ordre  à  Laflbn  de  se  diriger  sur  Kremsmùnster  et  d'y 
forcer  l'ennemi  s'il  n'opposait  pas  trop  d'obstacle,  ce  (jui  était  pré- 
sumable,  car  la  division  Richepance  devait  aussi  s'y  diriger.  Je  lui 
lis  mander,  si  cette  division  y  était  arrivée  avant  lui,  de  faire  de 
suite  un  à  gauche  et  de  marcher  sur  Xeuhofen  oii  il  recevrait 
de  nouveaux  ordres  ;  mais  que,  dans  le  cas  où  la  division  Riche- 
pance n'aurait  pas  encore  pris  poste  à  Kremsmùnster,  il  l'y  atten- 
drait, en  observation,  en  éclairant  particulièrement  la  roule  de 
Steyr;  et  qu'aussitôt  qu'il  apercevrait  la  tête  de  la  division  Riche- 
pance, il  devait  exécuter  son  mouvement  sur  Neuhofen.  Il  lui  fut 


192      MEMOIRES   ET  JOURNAUX   DU   GENERAL   DECAEN 

recommandé  de  prendre  des  renseignements  sur  les  communica- 
tions, surtout  sur  celles  qui  partent  sur  TEnns  et  au  delà;  qu'en 
faisant  sa  marche  sur  Xeuliofen,  il  devait  jeter  un  fort  parti  en 
infanterie  et  cavalerie  à  sa  droite,  qui  se  dirigerait  sur  la  rivière 
d'Enns,  en  passant  par  Wolfern,  Gleimk  et  Siein,  sans  se  compro- 
mettre, et  prendrait  poste  à  ce  dernier  endroit,  s'il  était  possible. 

Il  fut  prévenu  que  la  division  marcherait  de  Leombacli  sur  \'eu- 
hofen,  si  la  communication  le  permettait,  et  de  prendre  des  infor- 
mations si,  du  village  de  Sipbachzell  à  Neuhofen,  le  chemin  était 
passable,  et  de  faire  en  sorte  que,  le  lendemain  à  7  heures,  son 
rapport  fût  arrivé  à  Leombach. 

Le  général  Lacour,  qui  était  dans  ce  village  avec  sa  brigade, 
eut  l'ordre  d'en  partir  à  7  heures  du  malin,  de  marcher  sur  Xeu- 
hofen  et  de  forcer  l'ennemi  s'il  le  rencontrait.  Il  fut  informé  de 
l'ordre  de  marche  du  chef  Laffon  et  que  le  surplus  de  la  division 
serait  aussi  dirigé  sur  Xeuliofen  ;  il  lui  fut  aussi  recommandé  de 
prendre  des  renseignements  sur  les  communications  et  d'en  laisser 
une  note  à  Leombach  où  j'arriverais  de  bonne  heure. 

Lorsque  je  quittai  le  général  Moreau,  il  me  dit  qu'ayant  chargé 
le  général  Lahorie  de  conférer  avec  le  général-majx)r  comte  de 
Griinne,  (jui  avait  apporté  la  lettre  de  l'archiduc  Charles,  le  mou- 
vement qui  avait  élé  décidé  pour  ma  division  ne  s'exécuterait  pas 
jusqu'à  nouvel  ordre.  Je  fis  donner  avis  de  cette  suspension  au  chef 
Laffon  et  aux  généraux;  mais,  le  lendemain  matin,  le  général 
Lahorie  m'écrivit  : 

Exécute,  de  suite,  mon  cher  Decaen,  le  niouveinent  qui  avait  été  arrêté 
hier  pour  ta  division  et  que  les  circonstances  avaient  fait  suspendre.  I/in- 
tention  du  général  en  chef  est  qu'il  se  fasse  sans  retard  et  avec  vigueur. 

30  frimaire  (21  décembre).  —  Aussitôt  la  réception  de  cet 
ordre,  des  officiers  furent  envoyés  pour  faire  mettre  toutes  les 
troupes  en  marche  et  pour  exécuter  ce  qui  avait  été  ordonné. 

En  partant  de  Wels,  je  fus  à  Leombach  oi'i,  d'après  les  rensei- 
gnements «|ue  j'y  trouvai  sur  les  communications,  la  légion  polo- 
naise et  la  brigade  Durutle  furent  dirigées  sur  Kremsmïmster, 
pour  suivre  ensuite  les  troupes  de  Laffon  sur  le  chemin  de  Xeuho- 
fen,  la  brigade  Durutte  devant  prendre  sa  position  à  Kematen. 

Lorsque  j'arrivai  à  Kremsmiiuster  vers  les  4  heures  de  l'après- 


EXCES  DE  COMFIAXCE  DE  RICHEPAXCE      193 

midi,  j'appris  qu'il  y  avait  suspension  d'hostilités;  que  les  ennemis 
s'en  étaient  prévalu  d'avance,  et  qu'ils  en  avaient  tiré  un  grand 
avantage  pour  faire  passer  par  le  pont  de  Kremsmiinster  un 
assez  grand  nombre  de  troupes  et  de  l'artillerie  qui  seraient  indubi- 
tablement restées  en  notre  pouvoir  par  le  résultat  des  mouvements 
combinés  sur  ce  point,  si  le  général  Ricliepance  n'avait  pas  été 
trop  confiant  à  croire  à  cette  nouvelle  qui  n'était  encore  alors  que 
prématurée  et  qui  ne  lui  avait  été  donnée  que  par  un  général 
ennemi.  Cependant  le  général  Richepance  ne  fut  pas,  jusqu'à  la 
fin  du  passajjc  des  Autrichiens,  dupe  de  la  ruse  dont  on  s'était 
servi  pour  se  sauver;  car  il  arrêta  subitement  la  marche  d'une 
partie  de  leur  colonne  qu'il  retint  prisonnière. 
J'écrivis  de  Neuhofen  au  général  Lahorie  : 

Ma  division  est  en  position  la  droite  à  Kematen,  la  gauche  à  X'euhofen, 
ajant  une  brigade  à  cheval  sur  la  chaussée  qui  conduit  à  Enns,  poussant 
des  partis  sur  celte  ville  et  sur  la  rivière,  ainsi  que  sur  Ehelsberg.  Mon 
avant-garde  est  placée  à  une  lieue  et  demie  en  avant  de  Neuhofen,  sur  le 
chemin  qui  conduit  de  cet  endroit  à  Steyr  et  qu'on  m'a  assuré  être  prati- 
cable pour  les  voitures,  poussant  des  partis  sur  Steyr  et  sur  la  rivière,  vers 
Dietach  et  Stein. 

Le  chef  LaiTon,  qui  avait  marché  ce  matin  sur  Kremsmùnster  pour  se 
diriger  ensuite  sur  Xeuhofen,  n'ayant  pas  encore  appris  la  suspension 
d'armes,  a  chassé  devant  lui  environ  200  hommes,  tant  infanterie  que  cava- 
lerie; il  leur  a  nu^-me  fait  tirer  trois  à  quatre  coups  de  canon.  Le  général 
Lacour,  qui  avait  marché  par  la  traverse  de  Leombach  ;ï  Neuhofen,  par 
un  chemin  assez  difficile  pour  l'artillerie,  a  coupé  la  retraite  à  ces  mes- 
sieurs qui  sont  de  différents  corps.  iXous  avons  aussi  deux  ofhciers  du 
régiment  du  prince  Charles. 

Je  m'attendais,  ce  matin,  à  une  trêve.  Mais  les  derniers  mots  sont-ils 
dits? 

Pendant  la  nuit,  je  reçus  du  général  Lahorie  la  lettre  suivante, 
datée  de  Wels  : 

Je  te  préviens,  mon  ami,  que  le  général  en  chef,  sur  la  demande  d'un 
armistice  par  l'archiduc,  a  cru  devoir  borner  le  mouvement  de  demain  et 
d'après-demain  à  se  trouver  maître  des  ponts  sur  l'Enns  à  Steyr  et  à  Enns. 
Cela  a  lieu  en  attendant  des  pouvoirs  que  l'archiduc  Charles  doit  deman- 
der à  Vienne  et  obtenir  ou  non  dans  quarante-huit  heures. 

D'après  cette  convention,  le  général  Lecourbe  tiendra  le  pont  de  Steyr, 
le  général  Richepance  cantonnera  sa  division  aux  environs  de  Steyr,  et 
le  général  Grouchy,  sur  Kremsmùnster.  Cantonne  aussi  ta  division  sur 
l'Enns. 

11.  13 


194      :ilKMOIRES   ET   JOURXAUX   DU   GÉNÉRAL   DECAEN 

i"  nivôse  (22  décemlnej.  —  Je  transmis  de  suite  le  premier 
paragraphe  de  cette  lettre  aux  généraux  de  brigade,  ainsi  qu'au 
chef  Laffon  auquel  je  mandai  de  mettre  ses  troupes  en  marche 
pour  aller  cantonner  à  Thann,  Piihring  et  dans  d'autres  villages, 
et  de  placer  seulement  de  simples  postes  d'observation  sur  l'Enns. 

Le  général  Durutte  fut  prévenu  qu'il  devait  rester  à  Kematen  et 
d'y  cantonner  sa  brigade  et  dans  les  villages  à  une  lieue  aux  envi- 
rons, et  de  préférer  ceux  les  plus  rapprochés  de  l'Enns. 

Il  fut  annoncé  au  général  Lacour  de  s'établir  à  Sankt-Marien  et 
de  faire  aussi  cantonner  ses  troupes  dans  les  villages  qu'il  avait 
déjà  à  sa  disposition,  et  qu'il  pouvait  étendre  surtout  sa  cavalerie 
vers  Kremsdorf  et  Hargelsberg,  et  de  faire  observer  par  des  postes 
les  routes  d'Ebelsberg;  et  au  général  Kniaziewicz,  d'établir  sa 
légion  en  cantonnement  à  Alendorf,  Holzing,  Maizelsdorf  et  autres 
endroits  en  avant  de  Neuhofen,  les  plus  près  du  chemin  condui- 
sant de  ce  lieu  à  Steyr. 

2  nivôse  (23  décembre).  — Le  quartier  général  de  la  division 
resta  établi  à  Neuhofen.  Je  reçus,  dans  la  matinée,  un  billet  du 
général  Lahorie.  Il  me  mandait  : 

Reste  en  position  jusqu'il  nouvel  ordre,  mon  cher  Decaen.  l'établis  les 
troupes  aujourd'hui  comme  tu  pourras. 

On  a  envoyé  m'annoncer  qu'un  officier  général  viendra  traiter  d'un  armis- 
tice et  qu'un  courrier  est  parti  pour  faire  conclure  la  pai.v  par  M.  Cobenzl. 

Je  lui  écrivis  dans  l'après-midi  : 

Je  t'adresse,  mon  cher  Lahorie,  mon  rapport  sur  le  passage  de  la  Sal- 
zach.  Les  marches  de  farmée  m'ont  empêché  de  faire  cet  envoi  plus  tôt. 
Je  reste  encore  en  retard  pour  faire  parvenir  les  rapports  sur  les  auti-es 
opérations  de  la  division  depuis  ce  passage.  Je  vais  me  hâter  afin  qu'ils  te 
parviennent  au  plus  tôt. 

11  n'existe  pas  de  ponts  sur  l'Enns  entre  Steyr  et  Enns.  La  position  que 
tient  la  division  Richepance,  la  situation  des  villages  et  surtout  la  manière 
dont  les  maisons  qui  en  dépendent  sont  dispersées,  me  demanderont 
quelque  tenqis  pour  me  former  si  les  circonstances  veulent  que  je  passe  ;ï 
Steyr  ou  à  lînns  :  je  suis  à  peu  près  au  centre  pour  l'un  et  l'autre.  Ainsi, 
mon  cher  Lahorie,  préviens-moi  de  bonne  heure  s'il  arrive  qu'on  soit  obligé 
de  donner  suite  aux  hostilités,  afin  que  je  mette  le  moins  de  retard  pos- 
sible pour  effectuer  le  passage  de  l'Enns.  Je  t'envoie  un  maréchal  des  logis. 

Je  t'envoie  un  drapeau  et  la  lettre  qui  annonce  sa  capture.  Je  te  serais  obligé 
de  me  dire  si  vous  l'avez  reconnu  pour  être  de  l'uniforme  wurteinhergeois. 


DECAEN  A   NEUHOFEXr  195 

Je  reçus  du  général  en  chef  la  lettre  ci-après  : 

Je  reçois  à  l'instant,  citoyen  général,  votre  rapport  sur  le  passaj^e  de 
Laufen  et  le  drapeau  que  vous  avez  envoyé.  Recevez  mes  félicitations  sur 
cette  affaire  brillante  :  elle  couvre  votre  division  d'une  gloire  nouvelle. 
Veuillez  lui  faire  connaitrc  combien  je  sais  l'apprécier  et  quels  éloges  une 
conduite  aussi  distinguée  lui  vaudra  delà  République  entière.  Je  me  hâte- 
rai de  faire  connaître  au  gouvernement  les  braves  qui  se  sont  particulière- 
ment distingués.  Xul  doute  qu'ils  ne  reçoivent  les  récompenses  qu'ils 
méritent.  Salut  et  attachement! 

Signé  :  Morioau. 

P. -S.  —  Lahorie  est  à  Steyr.  Votre  division  passera  probablement  dans 
cette  ville. 

Le  général  Dessolle  me  fit  la  demande  d'envoyer  un  détache- 
ment de  25  hommes  de  cavalerie  avec  un  officier  pour  aider  à 
escorter  près  de  3  000  prisonniers  réunis  à  U  els. 

Je  reçus,  dans  la  soirée,  la  lettre  ci-après  que  le  général  en  chef 
m'avait  fait  écrire  par  l'adjoint  Rapatel,  datée  de  Wels. 

Le  général  en  chef  me  charge,  mon  cher  général,  de  vous  prévenir  que 
le  général  Lahoric  est  parti  cet  après-midi  pour  Steyr  et  que,  si  demain 
il  ne  traite  pas  définitivement  avec  l'ennemi,  votre  division  passera  l'Emis 
à  Steyr.  Le  général  Lahorie  vous  écrira  de  cette  ville  (l). 

Vu  le  contenu  de  cette  lettre,  je  mandai  au  «général  Lacour  (jiie 
l'incertitude  dans  laquelle  j'étais  si  la  division  ferait  une  marche 
le  lendemain  me  faisait  le  prévenir,  surtout  d'après  ce  qu'ii 
m'avait  annoncé  des  difficultés  de  se  réunir  promptement,  de  don- 
ner des  ordres  pour  que  chaque  corps  qu'il  commandait  fût  ras- 
semblé, le  lendemain  à  8  heures  du  matin,  sur  un  des  points  qu'il 
occupait,  le  plus  rapproché  de  Steyr,  pour  le  mettre  ensuite  en 
marche  au  premier  ordre  pour  se  rendre  au  lieu  de  rassemblement 
de  la  division,  qui  lui  serait  indiqué  si  elle  devait  passer  l'Enns. 

3  nivôse  (24  décembre).  — Vers  8  heures  du  matin,  je  reçus 
du  général  Lahorie  la  lettre  suivante,  datée  de  Steyr  : 

Le  délai  accordé  est  expiré,  mon  cher  Decaen,  et  l'on  n'a  encore  aucune 
nouvelle  de  l'ennemi.  D'après  cela,  le  général  Richepance  qui,  déjà,  s'était 

(1)  La  lettre  portait  en  poat-scriptum  :  "  J'ai  reçu  votre  lettre  et  le  paquet  pour  le 
général  Lahorie  ■■   (.\.  H,  G.). 


190      MllMOIRl^S   KT  JOURNAUX   DU   GENERAL  DECAEN 

établi  à  iiiic  lieue  d'ici  avec  son  avaiit-jjaiflc,  reçoit  l'ordre  de  passer  l'Enns 
avec  toute  sa  division  et  de  se  porter  sur  Snnkt-Peter  et  Seitenstetten,  ayant, 
s'il  est  possible,  son  avant-jjarde  sur  l'Yhbs. 

La  division  du  ;|énéral  Montricbard  passera  l'Enns  apri's  lui  pour 
remonter  la  rive  droite  de  cette  rivière. 

Ta  division  devra  déboucher  de  Steyr  après  ces  deux  divisions.  La  briè- 
veté des  jours  et  la  distance  ne  te  permettront  probablement  que  de  te  for- 
mer en  avant  de  Steyr,  à  fjaucbe  du  général  Richepance,  c'est-à-dire  sur 
Salabei'jj. 

Est-ce  qu'il  n'existe  pas  de  pont  à  Plaick,  vis-à-vis  de  Cabin  (1)?  Cela 
t'abrégerait  bien  du  chemin. 

Je  présume  que  tu  pourras  passer  à  midi. 

Des  ordres  furent  sur-le-champ  donnés  pour  mettre  en  marche 
la  division.  Le  passage  des  deux  divisions  qui  la  précédaient  sur 
Sleyr  ne  permit  que  de  porter  l'avant-garde  vers  Salaberg.  Le 
surplus  de  la  division  fut  placé  en  avant  et  en  arrière  de  Steyr.  J'y 
établis  mon  quartier  général. 

On  vit  enfin  arriver  le  comte  de  Griinne,  général-major, 
accompagné  du  colonel  de  Weyrotlier,  envoyé  par  l'archiduc 
Charles  pour  traiter  d'un  armistice.  Le  général  Lahorie  en  régla 
avec  eux  les  dispositions. 

4  nivôse  (25  décembre).  —  La  division  fut  cantonnée  à  Steyr 
et  dans  les  villages  aux  environs. 

.l'adressai  au  général  Aloreau  le  rapport  des  opérations  de  la 
division  depuis  le  moment  où,  après  le  passage  de  la  Salzach,  elle 
avait  marché  sur  Salzhurg,  jusqu'à  celui  de  son  arrivée  à  Steyr. 
Mais,  attendu  que  si  je  transcrivais  ici  ce  rapport,  ce  ne  serait  que 
répéter  ce  que  j'ai  énoncé  déjà,  jour  par  jour,  je  me  borne  donc  à 
dire  que  je  le  terminai  en  recommandant  au  général  en  chef  tous 
ceux  qui  s'étaient  distingués  pendant  cette  glorieuse  campagne  et 
dont  les  noms  avaient  été  cités. 

Une  convention  d'armistice  fut  signée  dans  la  journée  et 
envoyée  au  général  Moreau. 

5  nivôse  (2(3  décembre).  —  Les  troupes  séjournèrent  dans  leurs 
cantonnements.  Elles  se  réjouirent  à  la  nouvelle  de  cette  conclu- 

(1)  La  lettre  de  Lahorie  porte  ■  Cabin  ».  Il  l'iul  peut-être  lire  Gaissiog.  sur  l'Emis 
même,  ou  plus  vraisemblablement  Kaiiaiiig,  à  4  kilomètres  à  l'est  de  Gaissiiig.  (17.  plaa 
autrichien  au  J/-2S800''  de  la  basse  .'lutriche,  Archives  des  Cartes,  A.  H.  G.). 


DECAEN   A   STEYR  197 

«ion  qui  leur  assurait  le  repos  au  moins  pour  le  reste  de  T hiver. 
Je  reçus  du  général  Dessolle  la  lettre  ci-apr«'s,  datée  de  Krenis- 
miinster  : 

Le  général  en  chef,  désirant  distribuer  ù  chacun  des  militaires  qui  se 
sont  particulièrement  distingués  depuis  l'ouverture  de  la  campagne  les 
récompenses  au\(pielles  ils  ont  droit,  conformément  à  l'arrêté  des  Consuls 
du  4  nivôse  an  V  III,  je  vous  invite,  mon  cher  général,  à  m' adresser 
dans  le  plus  bref  délai  le  rapport  particulier  des  traits  de  bravoure 
qui  ont  eu  lieu  depuis  la  reprise  des  hostilités,  dans  la  division  à 
vos  ordres,  et  désigner,  dans  ce  rapport,  d'une  manière  claire  et  précise, 
les  sous-officiors  et  soldats  que  vous  croyez  les  plus  dignes  de  ces  récom- 
penses, ainsi  que  les  officiers  qui,  par  leur  conduite  dans  les  différentes 
affaires,  vous  auront  paru  mériter  de  l'avancement.  Déjà  plusieurs  rap- 
ports sont  parvenus  au  général  en  chef;  mais  il  attend,  pour  statuer  sur  les 
demandes  qu'elles  contiennent,  la  réception  de  ceux  qui  lui  manquent.  Je 
ne  puis  donc  trop  vous  engager,  mon  cher  général,  à  n'apporter  aucun 
retard  à  l'envoi  de  ce  travail. 

Les  intentions  du  général  en  chef  furent  remplies.  Les  rapports 
demandés  lui  furent  envoyés  peu  de  jours  après  la  réception  de 
cette  lettre. 

0  nivôse  (27  décembre) .  —  Le  général  Lahorie,  resté  à  Slej  r, 
m'adressa  la  lettre  suivante  : 

Ci-joint,  mon  ami,  un  exemplaire  de  la  convention  d'armistice  entre 
les  deux  armées  pour  être  mis  à  l'ordre  de  la  division.  Ta  division  occu- 
pera le  canton  de  la  Traun  sans  passer  la  rivière  de  ce  nom.  Indépendam- 
ment de  cet  arrondissement,  elle  aura,  au  delà  de  l'Enns,  tous  les  canton- 
nements compris  dans  le  triangle  formé  par  le  confluent  de  l'Enns  dans  le 
Danube  et  une  ligne  tombant  de  Cabin  (1)  sur  le  Danube  à  la  hauteur  de 
IVeinberg,  passant  par  Cabin,  Guttenhofen  etOber  Walling. 

A  l'exception  de  cet  arrondissement,  tout  le  pays  désigné  sur  la  carte  de 
r.Autriche  sous  la  dénomination  de  Viertel  Ob  deni  Wienervvald  jusqu'à  la 
ligne  de  démarcation  sera  occupé  par  le  général  Richepance. 

Le  général  Grouchy  occupera,  avec  sa  division,  le  quartier  comm  sous 
la  dénomination  de  Lansrucht  (?)  qu'il  partagera  en  partie  avec  le  général 
Grenier. 

Ton  mouve;ncnt  pourra  être  complété  après-demain  pour  l'établissement 
de  tes  cantonnements. 

Les  troupes  devront  vivre  dans  le  pays.  Peut-être,  cependant,  se  trouvera- 
t-on  forcé  de  faire  faire  des  distributions  régulières  de  pain. 

(Il  Voir  la  noie  tle  la  page  précédente. 


198       MUMOIHF.S   ET   JOIRXAIX   DU   r.K.VERAL   DECAEX 

En  mrnic  lemps  que  les  troupes  seronl  réparties  chez  les  habitants,  les 
mesures  les  plus  sévères  devront  être  prises  pour  arrêter  le  cours  des  exac- 
tions particulières  et  de  la  dévastation  auxquelles  ont  pu  servir  d'excuse, 
pendant  cette  caiiipajjne,  les  niarclies,  les  besoins,  les  combats  multipliés 
et  la  lifjueur  de  la  saison. 

Le  matériel  entier  de  rartilleric  devra  être  envoyé  h  Wels  où  sera  réu- 
nie toute  l'artillerie  du  centre  sous  la  direction  du  commandant  du  parc  de 
cette  partie  de  l'armée,  pour  la  réparation  dont  le  matériel  peut  être  sus- 
ceptible. Les  chevaux,  après  cette  marclie,  devront  rentrer  dans  l'intérieur 
de  ta  division. 

.le  suppose,  mon  ami,  que  tu  as  donné  des  ordres  pour  le  renvoi  des 
chevaux  et  voitures  ([ue  le  besoin  de  ta  division  avait  fait  prendre  ou 
requérir  sur  nos  derrières,  et  que  tu  as  pris  des  mesures  pour  l'enlèvement 
des  chevaux  volés  ou  inutiles  à  la  suite  des  corps,  du  parc,  etc.,  dans  ta 
division. 

Nous  nous  établirons  à  Salzbur;|. 

Botijour,  mon  cher  Decaen,  je  t'embrasse. 

Tu  m'enverras  l'état  de  tes  cantonnements  dès  qu'il  sera  achevé. 

Voici  la  convention  : 

Sa  Afajesté  l'Empereur  et  Roi  voulant  traiter  de  suite  de  la  paix  avec  la 
République  française,  quelle  que  soit  la  détermination  de  ses  alliés,  les 
jjénéraux  en  chef  des  armées  française  et  impériale  en  Allemagne  désirant 
arrêter,  autant  qu'il  est  en  leur  pouvoir,  les  maux  inséparables  de  la  guerre, 
sont  convenus  de  traiter  d'un  armistice  et  suspension  d'armes;  et,  à  cet 
effet,  ont  chargé  respectivement  de  pouvoirs  spéciaux,  savoir  le  général 
en  chef  Moreau  :  le  général  de  brigade  Victor  Panneau  Lahorie;  et 
S.  A.  R.  l'archiduc  Charles,  le  général-major  comte  de  Grùnne  et  le  colonel 
de  Weyrother,  de  Tétat-major,  lesquels  ont  airêté  ce  qui  suit  : 

Article    premikr. 

La  ligne  de  démarcation  entre  la  position  de  l'armée  gallo-batave  en 
Allemagne,  sous  les  ordres  du  général  Augereau,  dans  les  cercles  de  West- 
phalie,  du  Haut  Rhin,  et  de  Franconie  jusqu'à  Baiersdorf,  sera  déterminée 
particulièrement  entre  ce  général  et  celui  de  l'armée  impériale  et  royale 
qui  lui  est  opposée. 

De  Baiersdorf,  cette  ligne  passe  à  Erlangen  et  X'uremberg,  Neumarkt, 
Parsberg,  I^aaber,  Stadt  am  Hof  et  Ratisbonne,  où  elle  passe  le  Danube 
dont  elle  longe  la  rive  droite  jusquW  l'Erlauf  qu'elle  remonte  jusqu'à  sa 
.source,  passe  à  .Markt  Gaming,  Kogeisbach,  (lostling,  Steibsbach  (I),  Mand- 
ling,  Leopoldstein,  Eisener/,  Vordernberg  et  Leoben,  sur  la  rive  gauche 
de  la  .Mur  jusqu'au  point  où  cette  rivière  coupe  la  route  de  Salzburg  à 

(1)  Martens  et  Hùfffr  (Quellen  zur  Gescliichte  des  Zcitaltcrs  dcr  /ranzosisclicn  Révolu- 
tion, I,  p.  508;  indiquent  :  Ilemnifii.  Le  manuscrit  de  Decaen  porte  Steibsiiach.  Il  faut 
peut-être  lire  •  Steiiibaclistlilag,  à  environ  '2  300  mètres  au  sud-est  de  Gôstlinj. 


ARMISTICE    DE    STEYR  199 

Klagenfurt  qu'elle  suit  jusqu'à  Spittal,  remonte  la  chaussée  de  Vïrone 
])ar  Lienz  et  Biiven  jusqu'à  Botzeu  ;  de  là,  passe  à  Meran,  Glurns  et  Saiikt- 
Marin,  et  arrive,  par  Boraiio,  dans  la  Valteline  où  elle  se  lie  avec  l'année 
d'Kalie. 

Article    2. 

La  carte  d'Allemagne  par  Chauchard  servira  de  règle  dans  les  discus- 
sions qui  pourraient  s'élever  dans  la  ligne  de  démarcation  ci-dessus. 

Article   3. 

Sur  les  rivières  qui  sépareront  les  deux  armées,  la  cession  ou  la  conser- 
vation des  ponts  sera  réglée  par  des  arrangements  particuliers  suivant  que 
cela  sera  jugé  utile  soit  pour  les  besoins  des  armées,  soit  pour  ceux  du 
commerce;  les  généraux  en  chef  des  deux  armées  respectives  s'entendront 
sur  ces  objets,  ou  en  délégueront  le  droit  aux  généraux  commandant  les 
troupes  sur  ces  points.  La  navigation  des  rivières  restera  libre,  tant  entre 
les  armées  que  pour  le  pays. 

Article  A. 

li'armée  française  non  seulement  occupera  exclusivement  tous  les  points 
de  la  ligne  de  démarcation  ci-dessus  déterminés,  mais  encore,  pour  mettre 
un  intervalle  combiné  entre  les  deux  armées,  la  ligne  des  avant-postes  de 
l'armée  impériale  sera,  dans  toute  son  étendue  à  l'exception  du  Danube,  à 
un  mille  d'.AIlemagne  au  moins  de  distance  de  celle  de  l'armée  française. 

Article  5. 

A  l'exception  des  sauvegardes  ou  gardes  de  police  qui  seront  laissées  ou 
envoyées  dans  le  Tyrol  par  les  deux  armées  respectives  et  en  nombre  égal 
mais  qui  sera  le  moindre  possible  (ce  qui  sera  réglé  par  une  convention 
particulière),  il  ne  pourra  rester  aucune  autre  troupe  de  Sa  Majesté  l'Em- 
pereur dans  l'enceinte  de  la  ligne  de  démarcation. 

Celles  qui  se  trouvent  en  ce  moment  dans  les  Grisons,  le  Tyrol  et  la 
Carinthie  devront  se  retirer  immédiatement,  par  la  route  de  Klagenfurt,  sur 
Bruck  pour  rejoindre  l'armée  impériale  d'Allemagne  sans  qu'aucune 
puisse  être  dirigée  sur  l'Italie. 

Elles  se  mettront  en  roule,  des  points  où  elles  sont,  aussitôt  l'avis  donné 
de  la  présente  convention,  et  leur  marche  sera  réglée  sur  le  pied  d'une 
poste  et  demie  d'Allemagne  par  jour. 

Le  général  en  chef  de  l'artnée  française  du  Rhin  est  autorisé  à  s'assurer 
de  l'exécution  de  cet  article  par  des  délégués  chargés  de  suivre  la 
marche  des  troupes  impériales  jusqu'à  Bruck. 

Les  troupes  autrichiennes  et  les  troupes  impériales  qui  pourraient  avoir 
à  se  retirer  du  Haut  Palatinat,  de  la  Souabe,  de  la  Eranconie,  se  dirige- 
ront par  le  chemin  le   plus  court  au  delà  de  la  ligne  de  démarcation. 

L'exécution  de  cet  article  ne  pourra  être  retardée,  sous  aucun  prétexte,  au 
delà  du  temps  nécessaire,  eu  égard  aux  distances. 


200      MEMOIRES   ET  JOL'RNAUX   DU   GÉNÉRAL   DECAEiY 


Articlk  6. 

Les  forts  de  Kul'stein  et  de  Scharnitz  et  les  autres  points  de  fortifica- 
tion permanente  dans  le  Tyrol  seront  remis  en  dépôt  iï  rarmée  française 
pour  être  rendus  dans  le  même  état  où  ils  se  trouvent  à  la  conclusion  et 
ratification  de  la  paix,  si  elle  suit  cet  armistice  sans  reprise  d'hostilités. 
Les  débouchés  de  Finslermùnz,  Xauders  et  autres  points  de  fortification  de 
campagne  dans  le  Tyrol  seront  mis  à  la  disposition  de  l'armée  française. 

Article  7. 

Les  magasins  appartenant,  dans  ce  pays,  à  l'armée  impériale  sont  laissés 
à  sa  disposition. 

Article  8. 

La  forteresse  de  W'ûrzburg,  en  Franconie,  la  place  de  Braunau,  dans  le 
cercle  de  Bavière,  seront  également  remises  en  dépôt  à  l'armée  française 
pour  être  rendues  aux  mêmes  conditions  que  les  forts  de  Ivufstein  et  de 
Scharnitz. 

Article  9. 

Les  troupes  tant  de  l'Empire  que  de  Sa  Majesté  Impériale  et  Royale  qui 
occupent  ces  places  les  évacueront,  savoir  la  garnison  de  U  ûrzburg,  le 
16  nivôse  (6  janvier  1801);  celle  de  Braunau,  le  14  nivôse  (4  janvier), 
et  celles  des  forts  du  Tyrol,  le  18  nivôse  (8  janvier). 

Article  10. 

Toutes  les  garnisons  sortiront  avec  les  honneurs  de  la  guerre  et  se 
rendront  avec  armes  et  bagages  par  le  chemin  le  plus  court  à  l'armée 
impériale. 

Il  ne  pourra  être  rien  distrait  par  elles  de  l'artillerie,  des  munitions  de 
guerre  ou  de  bouche  et  d'approvisionnements  de  tout  genre  de  ces  places,  à 
l'exception  des  subsistances  nécessaires  pour  la  route  jus(|u'au  delà  de  la 
ligne  de  démarcation. 

Article  11. 

Des  délégués  seront  respectivement  nommés  pour  constater  l'état  des 
places  dont  il  s'agit,  mais  sans  que  le  retard  qui  serait  apporté  à  cette 
mission  puisse  en  entraîner  dans  l'évacuation. 

Article  12. 

Les  levées  extraordinaires  ordonnées  dans  le  Tyrol  seront  immédiatement 
licenciées  et  les  habitants  renvoyés  dans  leurs  foyers.  L'ordre  et  l'exécu- 
tion de  ce  licenciement  ne  pourront  être  retardés  sous  aucun  prétexte. 

Article  13. 

Le  général  en  chef  de  l'armée  du  Rhin  voulant,  de  son  côté,  donner  à 
S.  A.  R.  l'archiduc  Charles  une    preuve  non    équivoque  des    motifs   qui 


ARMISTICE    DE    STEYR  201 

l'ont  déterminé  à  demander  l'évacuation  du  Tyrol,  déclare  qu'à 
l'exception  des  forts  de  Kufstein,  Scharnitz  et  Finstermûnz,  il  se  bornera 
à  avoir,  dans  le  Tyrol,  les  sauvegardes  ou  gardes  de  police  déterminées 
dans  l'article  5  pour  assurer  les  communications.  Il  donnera,  en  même 
temps,  à  tous  les  habitants  du  Tyrol  toutes  les  facilités  qui  sont  en  son 
pouvoir  pour  leur  subsistance  ;  et  l'armée  fiançaisc  ne  s'immiscera  en  rien 
dans  le  gouvernement  du  pajs. 

Articlk  14. 

La  portion  du  territoire  de  TEmpire  et  des  États  de  S.  M.  l'Empereur 
comprise  dans  la  ligne  de  démarcation  est  mise  sous  la  sauvegarde  de 
l'armée  française  pour  le  maintien  du  respect  des  propriétés  et  des  formes 
actuelles  du  gouvernement  des  peuples. 

Les  babilanls  de  ces  pays  ne  seront  point  recherchés  pour  raisons  des 
services  rendus  à  l'armée  impériale,  ni  pour  opinions  politiques,  ni  pour 
avoir  pris  une  part  active  à  la  guerre. 

Article  15. 

Au  moyen  des  dispositions  ci-de.ssus,  il  y  aura,  entre  l'armée  gallo- 
batave,  celle  du  Khin  et  l'année  de  Sa  Majesté  Impériale  et  Royale  et  de 
ses  alliés  dans  l'empire  ge!niani((ue,  un  armistice  et  suspension  d'armes 
qui  ne  pourra  être  moindre  de  trente  jours. 

A  l'expiration  de  ce  délai,  les  hostilités  ne  pourront  recommencer 
qu'après  quinze  jours  d'avertissement,  comptés  de  l'heure  où  la  notifica- 
tion de  rupture  sera  parvenue;  et  l'armistice  sera  prolongé  indéfiniment 
jusqu'à  cet  avis  de  rupture. 

Articlk  16. 

Aucun  corps  ni  détachement,  tant  de  l'armée  du  Rhin  que  de  colle  de 
Sa  Majesté  Impériale  en  Allemagne,  ne  pourra  être  envoyé  aux  armées 
respectives  en  Italie  tant  qu'il  n'y  aura  pas  d'armistice  entre  les  armées 
française  et  impériale  dans  ce  pays. 

L'inexécution  de  cet  article  serait  regardée  comme  une  rupture  immédiate 
de  l'armistice. 

Articlk  17. 

Le  général  en  chef  de  l'armée  du  Rhin  fera  parvenir  le  plus  prompte- 
ment  possible  la  présente  convention  aux  généraux  en  chef  des  armées 
gallo-batave,  des  (Irisons  et  d'Italie,  avec  la  pressante  invitation,  particuliè- 
rement au  général  en  chef  do  l'armée  d'Italie,  de  conclure  de  son  côté  une 
suspension  d'armes.  Il  sera  donné  en  môme  temps  toute  facilité  pour  le 
passage  des  officiers  ou  courriers  que  S.  A.  R.  l'archiduc  Charles  croira 
devoir  envoyer  soit  dans  les  places  à  évacuer  ou  dans  le  Tyrol  et,  en  géné- 
ral, dans  les  pays  compris  dans  la  ligne  de  démarcation,  durant  l'armistice. 

Fait  double  à  Steyr,  le  4  nivôse  an  IX  (25  décembre  1800) . 
Signé  :  le  général-major  comte  de  Gri  xxe,  le  colonel  de  Weyrother  et 
le  général  de  brigade  Lahorie. 


202   MEMOIRES  ET  JOURXAUX  DU  GENERAL  DECAEX 

Ainsi  se  Icrniina  celto  helle  campagne,  si  courte  par  sa  durée  et 
si  grande  par  ses  résultats,  et  qui  offrit  à  ma  division  différentes 
occasions  de  se  distinguer. 

Je  ne  puis  nrem])èrlier  de  dire  (jue  j'éprouve  eiicore  une  bien 
vive  satisfaction  en  écrivant  en  ce  moment,  (|uoi(jue  vingt-quatre 
ans  soient  expirés,  que,  comme  réserve,  ou  admira  la  justesse  de  ses 
mouvements  et  que,  dans  les  attaques,  on  lui  sut  gré  de  sa  conduite. 

La  précision  et  la  hardiesse  de  ses  manœuvres  h  la  bataille  de 
Hohenlinden,  sa  célérité  et  son  audace  au  passage  de  la  Salzach 
lui  valurent  les  louanges  de  l'armée  et  les  témoignages  de  la  satis- 
faction particulière  du  général  en  chef. 

Plus  de  iOOO  prisonniers  dont  70  officiers,  sept  pièces  de  canon 
enlevées  sur  le  champ  de  bataille  et  un  drapeau,  beaucoup  d'équi- 
pages, des  magasins  considérables  pris  à  Salzburg,  à  Wels,  furent, 
pour  cette  division,  les  avantages  de  cette  campagne  qui  ne  lui 
coûta  pas  300  hommes. 

Aussitôt  la  réception  de  la  lettre  précédente,  je  fis  mettre  le 
contenu  de  la  convention  à  l'ordre  du  jour  de  la  division  et  je 
donnai  les  ordres  ci-après  : 

Au  chef  de  brigade  Laffon. 

Les  cantonnements  qui  vous  sont  désignés,  mon  cher  Laffon,  sont  la 
ville  d'Enns  et  ses  environs.  Mais,  comme  le  corps  du  général  Grenier, 
qui  occupe  cette  contrée,  ne  l'a  pas  totalement  abandonnée,  vous  ne  pour- 
rez y  faire  votrf  établissement  que  lorsque  les  troupes  de  ce  général  auront 
fait  leur  mouvement,  qu'il  faut  faire  de  suite  observer  pour  occuper,  à  fur 
et  à  mesure  qu'if'^  seront  abandonnés,  les  villages  qui  sont  sur  la  rive 
droite  de  l'Kims  compris  dans  la  ligne  ci-nprès. 

Cette  ligne  part  de  Ivanning,  près  TEnns,  tombant  directement  sur  le 
Danube,  et  dans  laquelle  sont  compris  Kanning,  Guttenhofen,  Ober-VVal- 
ling  et  Miltcr-Au. 

Venez  demain  soir  à  Enns  où  sera  établi  le  quartier  général  de  la  divi- 
sion. .Je  réglerai  définitivement  vos  quartiers. 

An  (jcnéral  Duriitle. 

Aussitôt  que  les  troupes  qui  environnent  Stejr  et  qui  occupent  cette 
ville,  autres  que  celles  de  votre  brigade,  mon  clier  général,  en  seront  parties, 
vous  les  caiitomierez  dans  le  terrain  conq)ris  dans  la  ligne  ci-aprcs  tracée  : 

Toute  la  vallée  de  la  Steyr,  depuis  Sierning  jusqu'à  Grûnburg,  le  terrain 


EMPLACEMEXTS   DE    LA   DIVISIOX   DECAEiY  203 

compris  entre  la  Steyr  et  l'Enns,  celui  compris  sur  la  rive  droite  de  celte 
rivière  jusqu'aux  limites  du  canton  de  l'Ybbs,  enfin  ce  qui  est  entre  l'Enns 
depuis  Steyr  jusqu'à  Kronstorf  exclusivement,  et  une  ligne  tirée  de  ce 
village  passant  par  Losensteinleiten,  Matzelsdorf;  ces  deux  villages  ne 
sont  point  à  votre  disposition. 

Le  quartier  général  sera  établi  à  Enns.  Je  vous  informerai  de  la 
manière  dont  il  sera  pourvu  à  la  subsistance  de  vos  troupes. 

Au  général  de  brigade  Lacour. 

Votre  brigade  devra  partir  demain  de  sa  position,  mon  cher  général, 
pour  aller  prendre  ses  cantonnements  dans  le  pays  compris  dans  la  ligne 
de  démarcation  ci-après  tracée  : 

La  rive  droite  de  la  Traun  depuis  Weisskirchen  jusqu'au  Danube,  et 
de  Weisskirchen,  tirant  une  ligne  droite  sur  Sankt  IVolfang  (1),  passant 
ensuite  à  Matzelsdorf,  Losensteinleiten,  Hofkirchen  et  Sankt  Florian,  et, 
de  là,  suivant  la  gauche  du  ruisseau  qui  passe  devant  Sankt  Florian 
jusqu'au  Danube.  Tous  les  lieux  par  où  passera  la  ligne  feront  partie  de 
vos  cantomiements. 

Vous  ferez  votre  établissement  le  plus  tôt  possible  ;  en  raison  de  la  marche 
que  votre  troupe  doit  faire  pour  s'y  rendre,  vous  laisserez  votre  artillerie 
légère  à  Steyr  :  l'officier  qui  la  commande  en  préviendra  l'état-major. 

Le  quartier  général  de  la  division  sera  établi  à  Enns. 

Au  général  Kniazieivicz. 

Le  général  Kniazieivicz  cantonnera  sa  légion  dans  la  ligne  de  démarca- 
tion ci-après  :  tout  le  pays  entre  la  Traun  et  l'Alm,  tout  celui  compris 
entre  l'Alm  et  la  chaussée  qui  conduit  de  Wels  à  Steyr  pa.ssant  par  Krems- 
mùnster  et  Hall,  jus(ju'à  Sierning  exclusivement,  d'où  il  sera  tiré  une 
ligne  droite  passant  par  Adlwan;;,  Voitsdorf,  Vorchdorf,  jusqu'à  l'Alm. 

îiC  général  kniaziewicz  aura  à  sa  disposition  tous  les  villages  compris 
dans  celte  ligne  de  démarcation  et  tous  ceux  par  lesquels  traverse  la  ligne 
qui  en  forme  les  limites,  excepté  le  village  de  Schergendorf  et  ce  qui  se 
trouve  en  avant  de  ce  village  vers  \\  els,  entre  la  Traun  et  la  chaussée  de 
Kremsmûnster. 

Le  général  Kniaziewicz  établira  ses  troupes  dans  leurs  cantonnements  le 
plus  tôt  possible,  et  de  la  manière  la  plus  convenable  en  raison  des  localités. 

Le  quartier  général  de  la  division  sera  établi  à  Enns,  et  il  sera  indiqué 
la  manière  dont  il  sera  pourvu  à  la  subsistance  des  troupes. 

7  nivôse  ('28  décembre).  —  Je  partis  de  Steyr  pour  me  rendre 
à  Enns,  où  je  résidai  presque  constamment  jusqu'au  départ  de  i'ar- 

(1)  Wolfangslein  sur  le  1/75  000°  aiitriciiien. 


204      MKMOIRES   ET  JOLRXAUX   DL'    GÉNÉRAL   DECAEX 

niée  pour  rolournor  on  France,  après  la  ratification  du  traité  de 
paix  de  Lunêville. 

Comme  je  n'ai  entrepris  de  rédiger  ce  journal  (|ue  pour  me 
créer  de  l'occupation,  je  me  suis  décidé  à  le  conliiiuer,  (juoi(|u'il 
ne  s'agisse  plus  que  de  dispositions  relatives  aux  inlérèlsde  l'armée 
et  pour  la  maintenir  dans  le  meilleur  état  sous  tous  les  rapports; 
et  ensuite  de  sa  marche  de  retour,  après  avoir  séjourné  pendant 
plus  de  trois  mois  pour  ainsi  dire  aux  portes  de  la  capitale  des  Etats 
autrichiens,  oii  elle  n'était  pas  entrée  parce  que  son  chef,  (|ui  n'en 
avait  pas  eu  l'ambition,  avait  généreusement  suspendu  ses  armes 
dès  que  les  ennemis  lui  avaient  déclaré  (ju'enfin  ils  demandaient 
la  paix. 

9  nivôse  (30  décembre).  —  Je  fus  informé  par  le  général  Du- 
rutte  qu'à  Steyr  on  avait  trouvé  des  grains  dans  plusieurs  maga- 
sins; mais  que  la  plus  forte  partie  était  réclamée  pour  appartenir 
à  la  compagnie  des  mines  de  Styrie,  pour  la  subsistance  des  ou- 
vriers; cependant  que,  vu  les  circonstances,  les  magistrats  de  cette 
ville  en  disposaient  pour  la  nourriture  des  habitajils.  J'ordonnai 
qu'ils  en  eussent  la  libre  disposition  et  qu'on  ne  mit  la  main  (jue 
sur  ce  qui  appartenait  à  l'armée  autrichienne. 

10  nivôse  (31  décembre).  —  Le  général  Kniazievvicz  envoya 
l'état  des  villages  dans  lesquels  sa  légion  était  cantonnée  et  m'an- 
nonça (|ue,  dans  peu  de  jours,  il  m'adresserait  les  renseignements 
que  je  lui  avais  recommandé  de  prendre,  ainsi  (|u'aux  autres  géné- 
raux de  brigade,  sur  la  population  et  les  ressources  dans  leurs 
arrondissements. 

11  nivôse  (J  "  janvier  1801).  —  Je  reçus  du  général  Lahorie 
une  lettre  datée  de  Salzburg,  le  0.  Il  me  mandait  (1)  : 

La  rcnln'o  dos  coiilrihutions  de  rAutricho  éprouvera,  ;!  ce  qu'il  parait, 
beaucoup  d'obstacles,  tant  par  la  rareté  du  numéraire  ([ue  par  la  mau- 
vaise volonté  du  pays.  Je  n'ai  pas  besoin  de  l'engager  à  faire  connaître 
que  tu  traiteras  le  pajs  avec  la  dernière  sévérilé  en  cas  du  moindre  relard 

(Il  CeUe  lettre  débutait  ainsi  :  «  Je  le  préïiens,  mon  ilier  Dec.icii,  que  le  payeur  et 
la  poste  (lu  centre  s'clahiirunt  à  Linz  au  lieu  de  Wi*!».  La  rentrée  des  conlributio:is  de 
l'Autriche  éprouvera,   etc..  »  (Laliorie  à  Decaeii,  Salzburg,  9  nivôse,  A.  H.  G.). 


DECAEX   A   EXXS  205 

pour  le  paiement  des  contributions  ou  pour  des  arrangements  avec  le 
payeur  général.  L'intention  du  général  en  chef  est  que  tu  donnes  à  ce  der- 
nier toutes  les  facilités  possibles  en  force  armée^  etc..  (1). 

11  me  fut  annoncé  par  le  général  Duriitte  que  le  capitaine  d'ar- 
tillerie Alalliieu  était  parvenu  à  établir  à  Steyr  un  atelier  pour  la 
réparation  des  armes.  En  conséquence  de  cet  avis,  des  ordres 
furent  donnés  pour  que  les  corps  de  la  division  y  envoyassent  les 
armes  qui  avaient  besoin  d'être  réparées. 

Le  cbef  de  Télat-major  de  la  division  transmit  à  cbacun  des 
corps  l'extrait  ci-après  d'une  dépècbe  du  cbef  de  l'état-major  gé- 
néral, datée  de  Salzburg,  le  0  nivôse  : 

Le  général  en  chef,  désirant  connaître  la  situation  de  l'armée  au  mo- 
ment de  la  cessation  des  hostilités,  me  charge  de  vous  écrire  pour  que  vous 
ayez  à  prévenir  tous  les  corps  d'adresser  un  état  de  situation  exact  de  tous 
les  hommes  présents  sous  les  armes,  au  moment  actuel. 

Ces  états,  par  vos  soins,  devront  être  rendus  au  quartier  général  dans 
huit  jours  à  dater  de  la  réception  de  la  présente. 

Le  général  en  chef  pourra  ainsi  s'occuper  à  réparer  de  suite  les  pertes 
que  les  corps  ont  essuyées  pendant  la  campagne,  en  ordonnant  au\  géné- 
raux inspecteurs,  soit  d'infanterie,  soit  de  cavalerie,  de  diriger  sur  les 
corps  les  plus  faibles  les  recrues  ou  remontes  nécessaires  pour  les  porter  au 
complet.  Les  corps  feront  ensuite  dresser  successivement  l'état  de  leurs 
besoins,  soit  en  armement,  habillement  et  équipement  pour  que  le  géné- 
ral d'artillerie  ou  l'ordonnateur  en  chef  puissent  s'occuper  de  suite  des 
mojens  d'y  pourvoir. 

Par  le  dernier  paragraphe,  il  était  dit  : 

J'espère  que  vous  voudrez  bien  mettre  tous  vos  soins  à  l'exécution 
des  dispositions  contenues  dans  cette  lettre  et  que  vous  partagerez  l'intérêt 
qu'y  met  le  général  en  cbef. 

Malgré  le  besoin  que  la  cour  de  Vienne  a  de  la  paix,  son  obstination  à 
faire  la  guerre  jusqu'à  ce  jour  doit  nous  engager  à  nous  préparer  à  la 
continuer  avec  avantage,  s'il  était  nécessaire,  en  nous  préparant  pendant 
l'armistice. 

12  nivôse  (2  janvier).  —  Le  général  Durutle  annonça  l'arrivée 
à  Steyr  du  1  '  bataillon  de  la  14"  d'infanterie  légère  qui  avait  été 


(1)  Lahorie  ajoutait,  en  post-scriptum  :  -  Fais-moi  le  plaisir  de  faire  remettre  celle 
lettre  ci-joiate  au  fjétiéral  Ricliepame.  Fai»  établir  une  torrespoudauce  entre  Linz  et  tou 
quartier  «jénéral.  J  écris  aux  «jéuéraux  Grouchy  et  Riihepauce  pour  <|ue  cette  chaîne  soit 
formée  sans  interruption  •  jLahorie  à  Decaeu,  Salzburg,  9  nivôse,  A.  H.  G.). 


206       MKMOIRES   ET   JOIR-VAIX   DU    GEXERAL   DECAE.Y 

détaché  à  la  division  Ricliepance  à  Touverture  de  la  campagne; 
qu'il  n'avait  point  encore  envoyé  un  état  exact  de  ses  cantonne- 
ments parce  que,  la  plupart  des  habitants  du  pays  ayant  abandonné 
leurs  foyers,  ils  n'y  rentraient  que  peu  à  peu  et  qu'autant  qu'ils 
étaient  instruits  des  mesures  prises  pour  assurer  leur  tranquillité; 
et  que,  pour  ne  point  les  efTrayer,  il  ne  faisait  faire  que  des  mou- 
vements partiels  ;  qu'il  y  avait  encore  quelques  bailliages  où  il  ne 
pouvait  envoyer  personne,  tels  que  celui  de  Steinbach  qui  avait 
été  en  partie  brûlé  parce  que  les  habitants  avaient  eu  l'imprudence 
de  faire  feu  sur  les  troupes  du  général  Lecourbe  ;  que  je  verrais, 
par  un  tableau  qu'il  m'adressait,  à  lui  remis  par  le  capitaine  du 
cercle,  que  la  population  du  pays  était  assez  considérable,  mais 
qu'il  était  rare  d'y  trouver  vingt  maisons  réunies  (1). 

19  nivôse  (0  janvier).  — Par  une  lettre  de  l'état-maj  or  général,  je 
fus  prévenu  que  le  général  en  chef  avait  décidé  que  les  troupes  qui 
se  rendraient  de  Linz  à  Munich  seraient  dirigées  par  Wels,  Schwa- 
nenstadt,  Frankenmarkt,  Xeumarkt,  Salzburg,  Waging,  Stein, 
Uasserburg  et  Ebersberg;  mais  que,  comme  il  n'existait  d'établis- 
sements militaires  que  dans  les  places  de  Munich,  Wasserburg, 
Salzburg,  Wels  et  Linz,  il  devenait  indispensable  que  les  troupes 
marchant  en  corps  prissent,  dans  ces  places,  les  subsistances  néces- 
saires pour  les  jours  où  elles  logeraient  dans  les  communes  où  il 
n'existait  point  de  magasins. 

20  nivôse  (10  janvier).  —  Le  général  Durutte  annonça  que  la 
compagnie  des  sapeurs  qui  était  à  Steyr  avait  reçu  ordre  du  géné- 
ral du  génie  Clémencet  (2)  de  se  rendre  à  Salzburg. 


(1)  La  répartilion  en  cantonnements  du  pays  occupé  n'allait  pas  toujours  sans  cer- 
tains tiraillements  entre  les  généraux  français,  témoin  la  lettre  suivante  de  Lahorie  à 
Decaen  : 

«  Le  jjcnéral  Groucliy  se  plaint  que  tu  aies  laissé  les  chevaux  de  ton  parc  dans  son 
canton.  Cependant,  il  était  convenu  que  le  matériel  de  l'artillerie  seul  resterait  à  Wels; 
le  c[énéral  Grouchy  ne  peut  effectivement  nourrir  cette  jjrande  quantité  de  chevaus,  ayant 
déjà  tous  ceuï  du  parc  «jéuéral  du  centre.  Donne  des  ordres,  mon  ami,  pour  faire  rentrer 
<lans  ton  canton  les  chevaux  de  ton  parc.  Je  sais  bien  que  tes  cantonnements  en  seront 
uu  peu  foulés,  mais  nous  ne  devons  pas  vieillir  dans  ce  pays;  aussi  il  n'y  a  pas  <]rand 
mal  à  le  fjru<jer  un  peu  =  (Lahorie  à  Decaen,  Salzbur;[,  18  nivôse  an  IX,  A.  H.  G.  i. 

(2j  Clémencet  (Louis),  né  le  30  janvier  174",  à  Màcon  ;  lieutenant  en  1770;  capitaine, 
le  5  décembre  1782;  lieutcnaiit-colonel,  le  8  novembre  1792;  général  de  brigade,  le 
10  frimaire  an  III;  mort  à  Paris,  le  3  prairial  au  XIII  (A.  A.  G.). 


DECAEX   A   EXiMS  207 

21  nivôse  (11  janvier).  —  Le  chef  de  l'élat-major  de  la  division 
reçut  du  général  Lahorie,  remplissant  par  inlérim  les  fonctions  de 
chef  de  Tétat-major  général,  Tordre  suivant  : 

Le  général  en  chef  de  l'armée  du  Rhin,  ù  la  prière  de  la  plupart  des 
ofticiers,  sous-officiers  et  soldats  prisoimiers  de  guerre  blessés  de  Tarniée 
de  Sa  Majesté  Impériale  et  Royale  qui  se  trouvent  encore,  dans  l'étendue 
de  la  Bavière,  de  l'Autriche  et  de  l'évèché  de  Salzburg,  dans  l'arrondis- 
sement de  l'armée  française,  a  ordonné  que  tous  ces  prisonniers  de  guerre 
seraient  immédiatement  renvoyés  à  l'armée  impériale  et  dirigés  par  Enns 
sur  la  route  de  Vienne.  Le  chef  de  l'état-major  de  l'armée  du  Rhin  a  l'hon- 
neur de  prévenir  AI.  le  chef  de  l'état-major  de  l'armée  de  Sa  Majesté 
Impériale  et  Royale,  en  l'invitant  à  donner  des  ordres  immédiatement  pour 
que  ces  prisonniers  soient  reçus  aux  avant-postes. 

L'état  des  prisonniers  de  guerre  envoyés  sera  dressé  par  duplicata  dont 
un  sera  signé  par  l'officier  de  l'armée  impériale  chargé  de  les  recevoir  aux 
avant-postes. 

Cet  ordre  était  accompagné  d'une  lettre  d'envoi  dans  laipudle 
étaient  indiquées  les  dispositions  d'exécution  (jui  furent  remplies 
exactement  (1). 

23  nivôse  (13  janvier).  —  Il  arriva  une  lettre  du  général  Laho- 
rie, datée  de  Salzhurg,  le  21  nivôse,  pour  le  chef  de  l'état-major 
de  la  division,  énonçant  ce  qui  suit  : 

Le  général  en  chef,  voulant  connaître  les  consommations  de  denrées 
qui  ont  lieu  à  l'armée,  me  charge  de  vous  inviter  à  m'adresser  dans  le 
plus  bref  délai,  et  à  dater  du  1"  frimaire  dernier,  un  étal  par  décade  des 
denrées  en  pain,  viande,  litjuides,  foin,  paille  et  avoine,  qui  ont  été  reçues 
et  distribuées  dans  la  division  du  corps  d'armée  dont  le  détail  vous  est  confié. 

Ces  états  indiqueront  sommairement  les  denrées  reçues  pendant  la 
décade  et  d'où  elles  proviennent,  celles  qui  auront  été  distribuées  et  versées 
sur  d'autres  divisions,  avariées,  etc.,  et  ce  qu'il  en  reste  de  disponible  le 
dernier  jour  de  la  décade. 

Vous  continuerez  à  m'adresser  ces  états  jusqu'à  nouvel  ordre,  en  y 
joignant  ceux  des  magasins  des  places  occupées  par  les  troupes  de  la  divi- 
sion dont  le  détail  vous  est  confié. 

(1)  Uq  Hongrois  du  uom  de  Charles  Birony,  qui  avait  été  lieuteuaut-coloncl,  et 
employé  par  le  roi  de  Naples  à  diverses  missions  diplomatiques  auprès  de  la  cour  de 
Vieune,  s'était  présenté  à  Decaen  quand  celui-ci  était  entré  à  Munich,  quelques  mois  plus 
tôt...  »  l.a  nécessité  m'a  forcé  de  recourir  directement  au  général  Decaen  qui,  par  sa 
bonté  ordinaire,  me  présenta  au  général  Desselle...,  ^  écriiait-il;  et  il  ])roposait  de  lever  un 
corps  hongrois  afin,  disait-il,  «  de  pouvoir  être  utile  à  l'armée,  d'uue  part,  et  pour  rani- 
mer l'espoir  de  mes  compatriotes  en  Hongrie...  >•  Cette  proposition  n'avait  pas  abouti 
(Birony  au  général  en  chef,  Munich,  21  nivôse  an  IX,  A.  H.  G.). 


208      MÉMOIHKS    KT   JOUR.VAUX   DU   GÉNÉRAL   DECAEX 

En  m'cnvoyant  les  étals  particuliers  des  gardes-magasins  visés  des  com- 
missaires des  guerre  ou  commandants  de  place,  en  l'absence  des  commis- 
saires des  guerres,  vous  serez  dispensé  de  m'adresser  un  état  général. 

Le  général  en  chef  compte  sur  votre  exactitude  dans  l'evécution  des 
présentes  dispositions. 

Quelques  jours  auparavant,  le  17  nivôse,  j'avais  écrit  au  com- 
missaire des  guerres  de  la  division,  Maljean,  de  me  faire  un  rap- 
port, le  lendemain  matin,  de  quels  moyens  il  avait  pourvu  à  la 
subsistance  des  troupes  de  la  division  depuis  qu'elle  était  établie 
dans  le  canton  de  la  Traun,  à  dater  du  2  niv^ôse;  que  ce  rapport 
devait  faire  connaître  les  quantités  consommées,  quelles  denrées, 
d'où  elles  étaient  provenues,  si  c'élaient  des  ressources  du  pays  ou 
des  magasins  pris  sur  l'ennemi,  et  de  déterminer  les  quantités  four- 
nies par  l'un  et  l'autre;  enfin  ajouter,  pour  tout  ce  qui  avait  été 
requis  aux  différents  baillis,  le  nom  de  la  commune  où  il  avait 
frappé  la  réquisition,  et,  en  donnant  une  note  des  réquisitions, 
dire  si  elles  avaient  été  acquittées  ou  ce  qu'il  fallait  encore  verser 
pour  les  compléter;  d'ajouter  à  ce  rapport  une  note  qui  me  fît 
connaître  l'état  des  magasins  de  l'armée  autricbienne  dont  il  avait 
dû  prendre  la  surveillance  depuis  l'établissement  de  la  division. 

Il  fut  prévenu  que  j'avais  fait  donner  ordre  aux  gardes  établies 
à  cbaque  magasin  pris  sur  l'armée  autricbienne  de  n'en  laisser 
rien  distraire,  ni  même  d'y  laisser  entrer  qui  que  ce  soit  jusqu'à 
nouvel  ordre. 

J'avais  écrit  cette  lettre  et  j'avais  pris  cette  mesure  parce  que 
j'avais  été  informé  qu'il  s'était  commis  des  abus  et  des  dilapida- 
tions préjudiciables  aux  intérêts  de  l'armée. 

26  nivôse  [\Q  janvier).  —  Les  troupes  de  la  division  étant 
alors  bien  établies  dans  leurs  cantonnements,  et  toutes  les  dispo- 
sitions ayant  été  prises  pour  assurer  leur  subsistance,  j'avais  pré- 
venu le  général  en  chef  que  je  me  proposais  d'aller  passer 
quelques  jours  à  Munich.  Je  me  mis  donc  en  route  pour  y  aller 
directement  en  passant  par  Braunau. 


CHAPITRE   XI 

Decaen  va  voir  Moreau  à  Salzburg.  —  Visite  à  la  saline  de  Hallein.  —  La  h'gion  polo- 
naise dirigée  sur  Strasbourg..  —  Moreau  et  Decaen  visitent  la  mine  de  sel  de  Berchtes- 
gaden.  —  Une  agréable  surprise.  —  Une  chasse  au  cerf  sur  le  Konigs  See.  —  Com- 
ment s'était  conclu  le  mariage  de  Moreau.  —  Un  on-dil  tendancieux,  —  Remarques 
blessantes  de  Moreau  sur  la  famille  du  Premier  Consul.  —  Un  propos  de  la  belle-mère 
de  Moreau  sur  les  Bonaparte.  — •  Decaen  retourne  à  Enns.  —  L'armée  se  prépare  à 
rentrer  en  France.  —  On  attend  les  ordres  du  gouvernement  à  ce  sujet.  —  La  division 
Decaen  se  dirige  sur  Munich.  —  Gratifications  accordées  aux  généraux.  —  Durutte 
demande  à  rester  à  la  division  Decaen.  —  Demande  peu  délicate  de  l'Electeur  de 
Bavière.  —  Sur  les  instances  de  Decaen,  elle  est  rejetée  par  Moreau.  —  Laffon  refuse 
le  brevet  de  général  de  brigade  pour  conserver  son  régiment.  — Les  troupes  françaises 
vont  repasser  le  Rhin.  —  Decaen  à  Ulm.  —  Il  se  dirige  sur  Strasbourg  par  Sigma- 
ringen,  'l'uttliugeu,  Douaueschingen,  Villingen  et  la  vallée  de  la  Kinzig.  —  Il  va  rendre 
compte  à  Moreau,  dès  sun  arrivée  à  Strasbourg,  de  l'esécution  des  ordres  qu'il  avait 
reçus. 

Mois  de  pluviôse.  —  Pendant  que  j'étais  à  Munich,  je  reçus 
une  lettre  du  général  Laliorie,  du  3  pluviôse.  Il  m'apprenait  qu'on 
attendait,  à  Salzhurg,  pour  le  lendemain  ou  le  surlendemain, 
un  courrier  venant  de  Lunéville,  et  que  toutes  les  chances  étaient 
à  la  paix.  Quelques  jours  pFus  tard,  il  m'envoya  une  copie  de  la 
convention  d'armistice  entre  les  armées  française  et  autrichienne 
en  Italie,  signée  à  Trévise,  le  26  nivôse,  par  le  comie  de  Hohen- 
zollern,  lieutenant  général,  et  le  baron  deZach,  d'une  part,  et  par 
le  général  Marmont  et  le  colonel  Sébasiiani,  de  l'autre. 

Je  reçus  encore  à  Munich,  du  général  Lahorie,  [une  lettre] 
du  11.  Il  me  disait  que,  deux  jours  avant,  il  m'avait  envoyé  le 
modeste  armistice  de  Brune  et  que  je  verrais,  par  celui  joint  à  sa 
lettre,  que  nos  négociateurs  avaient  mieux  jugé  que  les  généraux 
Brune  et  Marmont  la  position  de  l'armée  autrichienne  en  Italie,  et 
que  cela  n'était  pas  flatteur  pour  deux  militaires  conseillers  d'Etal. 

X'ayaut  pas  retrouvé  dans  mes  papiers  cet  armistice  de  Luné- 
ville  que  je  crois  être  les  préliminaires  de  paix,  je  ne  puis  me  res- 
souvenir de  ce  qui  avait  donné  lieu  à  cetle  critique. 

Peu  de  jours  après  la  réception  de  cette  lettre,  quoique  le  géné- 
II.  14 


210       MEMOIRES   ET   JOIRXAIX    DU    GENERAL   DECAEX 

jal  Lahorie  m'eût  engajjé  i\  rester  encore  à  Munich,  puisque  nous 
avions  un  nouvel  armistice,  je  quittai  cette  ville  pour  aller  à 
Salzburg  voir  le  fiénéral  Moreau. 

Durant  mon  séjour,  je  Taccompajjnai  dans  la  visite  qu'il  voulut 
faire  à  la  saline  de  Halleiu.  Arrivés  à  Hallein,  nous  fûmes,  de  là, 
transportés  sur  la  sommité  de  la  montagne  qui  renferme  la  mine, 
montés  sur  une  voiture  traînée  par  deux  chevaux  et  construite 
pour  porter  au  moins  une  douzaine  de  personnes  enfourchées  et 
placées  les  unes  derrière  les  autres. 

Parvenus  à  l'ouverture  de  la  mine,  nous  entrâmes  dans  un 
local  destiné  à  des  logements  de  mineurs  et  à  d'autres  usages.  Là, 
on  nous  fit  prendre  des  vêlements  de  mineurs  par-dessus  nos 
liabits,  leur  coiffure  et  leur  petit  tablier  de  cuir;  ensuite,  nous 
descendîmes  par  des  rampes  successives  jusqu'à  une  certaine  pro- 
fondeur, tenant  à  la  main  une  bougie  allumée  que  l'on  nous  avait 
remise  à  chacun  à  l'instant  du  départ. 

Mais,  pour  arriver  plus  bas,  un  des  mineurs  qui  nous  guidaient 
s'asseyait,  ayant  sous  lui  son  tablier,  sur  deux  pièces  de  bois  pla- 
cées parallèlement  à  peu  de  distance  Tune  de  l'autre  et  disposées 
presque  verticalement,  et  l'un  de  nous  prenait  sa  place  derrière 
ce  mineur  et  s'appuyait  sur  lui  à  le  toucher,  puisqu'il  fallait  que 
les  jambes  dépassent  le  corps  de  celui  qui  le  précédait.  On  se 
mettait  ainsi  cinq  à  six  et  même  plus,  les  uns  derrière  les  autres; 
le  mineur  s'avançait,  en  raison  du  nombre,  pour  laisser  derrière  lui 
la  place  suffisante  pour  ceux  dont  il  était  chargé  d'^assurer]  la 
conduite. 

Lorsque  chacun  de  nous  avait  fait  sa  disposition,  mis  sous  lui 
son  tablier  et  fait  passer  sous  son  bras  droit  un  cordage  qui  ser- 
vait de  conducteur,  alors,  le  mineur,  prévenu,  abandonnait  son 
point  d'appui  et,  dans  la  minute,  en  glissant  sur  le  derrière,  nous 
nous  trouvions  avoir  atteint  le  but.  Cette  manière  singulière  et 
non  dangereuse  de  se  précipiter  ainsi  à  une  grande  profondeur, 
plus  de  cent  pieds,  nous  amusa  beaucoup  et  d'autant  plus  que, 
pour  arriver  aux  galeries  inférieures,  nous  eûmes  à  répéter  trois 
fois  ce  nouvel  exercice. 

Une  autre  surprise  aussi  fort  agréable,  ce  fut  d'entrer  dans  des 
chambres  spacieuses  de  forme  ronde,  ayant  sept  à  huit  pieds  d'élé- 
vation, et  de  les  trouver  illuminées  au  moyen  de  lampions  tout 


VISITE    A    LA   SALIXE    DE    HALLEIX  211 

autour.  On  nous  dit  que,  dans  ces  chambres,  doul  la  partie  basse 
était  soigneusement  glaisée  pour  empêcher  les  infiltrations,  on 
introduisait,  au  moyen  de  pompes  et  de  conduits,  la  quantité  d'eau 
suffisante  pour  les  remplir;  que  l'eau  devait  y  séjourner  au  moins 
durant  six  semaines;  que,  pendant  ce  temps  (égal  à  celui  qu'il  fal- 
lait pour  remplir  la  chambre),  cette  eau  dissolvait  le  sel,  qui  se 
détachait  de  la  partie  supérieure  de  celte  chambre  où  il  se  trouvait 
mélangé  d'une  certaine  quantité  de  terre.  On  voyait  cependant 
une  grande  quantité  de  sel  pur,  mais  divisé  en  fragments  de 
diverses  formes  et  grosseurs,  et  dont  les  couleurs  variées,  qui  se 
trouvaient  alors  frappées  de  la  lumière,  produisaient  un  assez  bel 
effet. 

On  nous  dit  aussi  (jue,  pendant  que  l'eau  séjournait  dans  ces 
chambres,  elle  s'élevait  en  proportion  de  ce  ([u'elle  détachait  elle- 
même  [de  sel]  de  la  partie  supérieure,  lequel,  précipité  au  fond, 
contribuait  à  son  élévation;  enfin  que,  quand  cette  eau  était  suffi- 
samment saturée,  elle  était,  par  des  canaux,  conduite  aux  chau- 
dières dans  lesquelles,  après  avoir  bouilli  pendant  quelques  heures, 
le  sel  se  cristallisait. 

A'ous  ressortîmes  de  l'intérieur  de  cette  mine  par  une  galerie 
longue  de  plus  de  800  toises,  ouverte  pour  en  faciliter  l'exploita- 
tion. 

Il  avait  fallu,  nous  dit-on,  quarante  années  pour  ^a  rendre 
praticable  et  utile,  puisqu'il  n'y  avait  qu'un  seul  homme  de  front 
qui  y  travaillait  pour  la  percer.  Elle  traverse  une  masse  de  marbre 
rouge;  elle  n'a  que  six  pieds  d'élévation  et  n'en  a  pas  quatre  de 
large.  Elle  a  été  percée  en  ligne  droite,  ce  qui  fait  apercevoir  bien- 
tôt le  jour  extérieur  et  ce  qui  cause  une  nouvelle  surprise,  car  il 
ne  produit  que  l'effet  d'une  étoile.  La  pente  de  cette  galerie  est 
bien  ménagée  dans  toute  sa  longueur  pour  faciliter  les  transports 
de  ce  que  l'on  fait  sortir  de  l'intérieur  de  la  mine;  et  on  y  a  seule- 
ment pratiqué  quelques  évasements  ou  gares  pour  faciliter  le  pas- 
sage des  mineurs  qui  vont  et  viennent  dans  cette  galerie,  avec  des 
petites  voitures  dans  la  forme  de  celle  qui  nous  avait  transportés 
sur  la  montagne,  mais  très  légères,  traînées  par  un  mineur  et 
poussées  par  un  autre.  Nous  nous  plaçâmes  plusieurs  sur  une  de 
ces  voitures  et  nous  fûmes  menés  avec  assez  de  célérité  jusqu'à 
l'extérieur   de   la    montagne   dans    l'intérieur   de   laquelle    nous 


212      MÉMOIRES   ET   JOURNAUX   DU   GÉNÉRAL   DECAEN 

étions  enliés  par  le  sommet  pour  descendre  à  au  moins  600  pieds 
de  profondeur. 

Nous  reprîmes,  à  la  sortie,  nos  cliapeaux  et  nos  armes  qu'on  y 
avait  apportés  et,  après  avoir  quitté  notre  uniforme  de  mineurs, 
nous  fûmes  visiter  le  local  où  l'on  cuisait  le  sel  ainsi  que  toutes, 
les  dépendances  de  cet  établissement;  ensuite  nous  retournâmes  à 
Salzburg. 

18 pluviôse  (7  février).  —  Le  général  Lahorie  m'écrivit  que 
l'intention  du  général  en  chef  était  que  je  donnasse  ordre  à  la 
légion  polonaise  de  partir  sans  délai  pour  Strasbourg  pour  y  tenir 
garnison,  etc.,  etc..  Mais,  d'après  quelques  observations  que  je 
fis,  je  ne  donnai  que  le  21  l'ordre  suivant  : 

La  lé,q[ion  polonaise,  selon  les  intentions  du  j^énéral  en  chef,  devant 
être  réunie  à  Strasbourg  pour  qu'il  soit  plus  facilement  pourvu  à  son  en- 
tière organisation  ainsi  qu'à  l'ensemble  de  son  administration,  elle  partira 
de  ses  cantonnements  en  deux  colonnes,  le  25  et  le  27  pluviôse.  Elle  sera 
dirigée  sur  Strasbourg  par  Braunau,  Munich,  Augsbourg,  Ulm,  Stockach 
et  V'illingen.  La  première  colonne  sera  formée  de  la  cavalerie,  de  la  com- 
pagnie d'artillerie  légère,  dont  tout  le  matériel  resterai  Wels  jusqu'à  nou- 
vel ordre,  et  d'un  bataillon  de  la  légion.  La  deuxième  colonne  sera  com- 
posée du  surplus  de  la  légion. 

Chaque  colonne  aura  ses  logements,  ses  subsistances  et  voitures  pour 
transport  d'équipages  aux  lieux  marqués  dans  la  feuille  de  route  jointe  au 
présent. 

A  son  départ,  chaque  colonne  aura  ses  subsistances  jusqu'à   Braunau. 

Un  officier  sera  envoyé  quarante-huit  heures  d'avance  pour  prévenir 
aux  lieux  de  passage  pour  les  logements,  les  subsistances,  etc.. 

Le  général  Decaen,  en  témoignant  toute  sa  satisfaction  à  la  légion 
polonaise,  lui  annonce,  de  tout  son  cœur,  que,  s'il  fallait  encore  com- 
battre les  ennemis  de  son  pays,  il  la  reverrait  avec  le  plus  grand  plaisir 
faire  partie  de  ses  compagnons  d'armes. 

Il  reconunande  au  chef  de  chaque  colonne  de  maintenir  pendant  la 
marche  l'ordre,  la  discipline  et  le  respect  aux  propriétés,  devoirs  qui 
doivent  toujours  être  familiers  aux  corps  distingués. 

Le  général  Moreau  ayant  voulu  visiter  aussi  la  mine  de  sel  de 
Berchtesgaden,  exploitée  d'une  autre  manière  que  celle  de  Hallein, 
je  l'accompagnai.  Xous  y  allâmes  par  la  vallée  de  l'Alm. 

Le  lendemain  de  notre  arrivée,  nous  fûmes  voir  la  mine.  Xous 
y  entrâmes  sans  le  cérémonial  de  travestissement  de  mineur.  Mais 
en  arrivant  au    lieu    d'exploitation    qu'on    avait   illuminé,   nous 


UME   CHASSE   AU   CERF   SUR   LR    KOENIGS   SEE        213 

<eùmes  la  surprise  d'entendre  une  musique  guerrière.  Celte  cli.ir- 
«nante  surprise  avait  été  préparée  par  le  chef  de  brigade  Gautier  (1) 
en  cantonnement  à  Berchtesgaden  avec  quelques  troupes  et  son 
^tat-major. 

La  musique,  rillumination,  les  mineurs  aux  travaux  et  la  déto- 
nation des  mines  chargées  auxquelles  l'on  mit  successivement  le 
feu,  nous  offrirent  un  spectacle  intéressant  et  (|ii'on  ne  peut 
dépeindre.  Mous  vîmes  ensuite  briser  et  réduire  en  morceaux  por- 
tatifs pour  un  seul  homme  les  éclats  détachés  par  l'effet  de  la 
poudre.  Les  fragments,  de  la  mine,  sont  ensuite  transportés  à  l'ex- 
térieur et  jetés  dans  l'eau  afin  de  s'y  dissoudre,  parce  qu'ils  con- 
tiennent des  parties  terreuses  de  quatre  à  cinq  sur  cent,  et,  quand 
l'eau  est  suffisamment  imprégnée  de  sel,  elle  est  conduite  à  la 
bouilloire. 

Pendant  notre  diner  avec  l'évèque  de  Berchtesgaden,  Son  Émi- 
nence  nous  fit  la  galanterie  de  faire  faire  de  la  musique.  Il  fau- 
drait l'avoir  entendue  et  vu  les  musiciens  qui  l'exécutaient  pour  se 
faire  une  idée  de  cette  singulière  parade;  car,  parmi  de  jeunes 
musiciens  qui  jouaient  avec  des  instruments  ordinaires,  on  avait 
intercalé  des  hommes  d'une  cinquantaine  d'années,  portant  per- 
ruque, ayant  une  mise  assez  bizarre,  faisant  leur  partie  avec  des 
jouets  d'enfant  et  gardant  un  sérieux  inexprimable. 

Nous  séjournâmes  à  Berchtesgaden  pour  avoir  le  plaisir  de 
chasser  le  cerf.  Le  lendemain,  et  pour  cette  chasse,  nous  allâmes 
sur  le  bord  du  Konigs  See  pour  nous  y  embarquer  afin  de  pour- 
suivre sur  le  lac  les  cerfs  qui  devaient  s'y  jeter,  du  côté  où  ils 
seraient  forcés  par  les  paysans,  pour  se  sauver  sur  l'autre  rive. 
Nous  ne  tardâmes  pas  à  voir  descendre  de  la  montagne  où  l'on  fai- 
sait la  battue  unedouzainede  cerfs  et  bichesqui,  bientôt,  entrèrent 
dans  le  lac.  Nos  bateaux  furent  aussitôt  dirigés  pour  les  poursuivre. 
Mais,  de  ces  animaux  à  la  nage  dont  on  n'apercevait  que  la  tête  et 
sur  lesquels  nous  ne  pûmes  tirer  que  de  fort  loin,  aucun  ne  reçut 
le  coup  fatal. 

(1)  Gaulier  (Nicolas-Hyaciulhe),  iié  le  5  mai  m4,  à  Loudéac  ;  lieutenant  au  i"  bataillon 
des  CôteB-du-Nord,  le  23  septembre  n92;  capitaine,  le  14  vendémiaire  an  V;  chef  de 
bataillon  aide  de  camp  de  Masséna,  le  17  pluviôse  an  VII;  nommé  adjudant  général  chef 
de  brigade  sur  le  champ  de  bataille  par  le  fjéiiéral  commandant  en  chef  l'armée  du 
Danube,  le  3  vendémiaire  an  VIII;  général  de  brigade,  le  12  pluviôse  an  XIII;  décédé  à 
Vienne,  le  14  juillet  1809,  des  suites  de  blessures  reçues  à  l'affaire  du  6  (A.  A.  G.). 


21V  MÉMOIRES  ET  JOURNAUX  DU  GEMERAL  DECAEN 

Aprôs  celle  chasse,  pour  nous,  d'un  nouveau  genre,  nous  revînmes 
déjeuner  à  Berchlesgaden.  On  nous  servil  du  poisson  du  Kônigs 
See.  Ce  poisson,  un  peu  plus  gros  que  la  grosse  sardine,  mais 
rouge  cl  (jui  est  très  délicat,  est  la  seule  espèce  qui  soit  pêchée 
dans  ce  lac  (|u'on  dit  avoir  plus  de  mille  pieds  de  profondeur;  et 
on  ne  le  pèche  que  pendant  quelques  mois  de  l'année,  car  il  dis- 
paraît. 

Xous  fûmes,  le  soir,  de  retour  à  Salzhurg. 

Le  général  .\Ioreau,  qui  était  allé  à  Paris  pendant  la  suspension 
d'armes  qui  avait  eu  lieu  pendant  notre  campagne  d'été,  s'y  était 
alors  marié.  En  causant  de  diverses  choses  dans  la  voiture  où  nous 
étions  seuls,  je  lui  en  témoignai  mon  étonnemeut  en  lui  disant 
que  je  n'aurais  pas  pensé  qu'il  eût  formé  ce  nœud  pendant  la 
guerre  et  que,  fait  pendant  le  peu  de  temps  qu'il  était  demeuré  à 
Paris  lors  de  son  dernier  voyage,  ce  ne  pouvait  être  que  la  suite 
d'un  projet  bien  antérieur.  Il  me  dit  qu'il  n'avait  vu  que  quelques 
fois  dans  le  monde  la  personne  avec  laquelle  il  s'était  marié, 
Mlle  Hulot,  fille  du  trésorier  général  de  l'île  de  France,  et  que 
ses  amis  lui  avaient  conseillé  de  se  marier.  Surpris  de  cette  fin  de 
réponse,  je  ne  pus  m'empècher  de  répliquer  :  i.  Je  ne  croyais  pas 
que  le  général  Moreau  se  fût  marié  par  le  conseil  d'amis.  —  Ils 
m'ont  représenté,  11  dit-il,  «que  cela  était  nécessaire  pour  mes  inté- 
rêts; car,  tant  que  je  resterais  garçon,  je  n'y  songerais  pas.  Croi- 
riez-vous  que,  lorsque  j'ai  pris  le  commandement  de  cette  armée, 
je  devais  30  000  francs?  r,  Il  n'en  fut  pas  dit  davantage  sur  ce  sujet, 
mais  cela  amena  le  général  Moreau  à  me  dire  :  "  Bonaparte  et  sa 
femme  ont  voulu  me  faire  entrer  dans  leur  famille,  et  j'ai  bien 
su  l'éviter.  J'avais  été  diner  avec  eux  à  la  Malmaison.  Après  le 
dîner,  ayant  trouvé  le  journal  du  soir  sur  la  cheminée  du  salon, 
je  voulus  le  parcourir;  mais  j  ayant  trouvé  :  On  dit  que  le  général 
Moreau  doit  épouser  Mlle  Hortense  Deauharnais,  je  glissai  vite 
le  journal  sous  la  pendule.  Mais,  peu  de  temps  après,  Bonaparte,^ 
qui  avait  tourné  dans  le  salon,  s'approcha  de  la  cheminée,  retira 
le  journal  de  dessous  la  pendule,  et  à  peine  avait-il  jeté  les  yeux 
dessus  qu'il  éleva  la  voix  et  dit  :  «  On  parle  de  vous  dans  ce  jour- 
nal. »  Quel(|u'un  lui  ayant  demandé  ce  que  l'on  disait,  alors  il 
avait  lu  la  nouvelle  »  . 

En  écoutant,  j'éprouvai  une  vive  sensation  de  curiosité  d'ap- 


REMARQIES   BLESSAXTES   SUR   LES   BONAPARTE     215 

prendre  la  suite  du  dialogue  et  surtout  la  réponse  du  général 
Moreau  qui  venait  de  se  vanter  d'avoir  bien  paré  ce  coup  qui. 
n'était  plus,  pour  lui,  inattendu.  Mais  je  fus  extrêmement  étonné 
quand  j'entendis  qu'il  avait  répondu  :  et  Je  ne  veux  pas  me  marier. 
Cela  porte  malheur.  V^oyez  Jouhert  "  ,  et  qu'alors  on  ne  lui  avait 
plus  rien  dit. 

Que  le  général  Moreau  n'ait  pas  voulu  épouser  Hortense,  c'était 
une  chose  toute  simple;  mais  il  me  semble  qu'il  devait  s'abstenir 
de  faire  une  réponse  aussi  brusque  et  aussi  singulière,  tandis  que, 
prévenu  de  ratta(|ue  qu'on  pouvait  lui  faire,  il  devait  éluder  cette 
proposition  d'une  manière  honnête  et  plus  satisfaisante.  Il  le 
devait  et  le  pouvait  d'autant  plus  que,  peu  de  jours  après  cette 
scène  et  avant  de  revenir  à  l'armée,  il  contracta  son  mariage. 

Lorsqu'il  était  arrivé  à  Paris,  Bonaparte,  Premier  Consul,  lui 
avait  offert  une  paire  de  pistolets  enrichis  de  diamants  en  lui 
adressant  les  compliments  les  plus  flatteurs. 

Mais  son  plus  grand  tort,  au  sujet  de  cette  adroite  proposition 
de  mariage,  qu'il  avait  si  singulièrement  repoussée,  c'est  que  je 
lui  ai  entendu  répéter  publiquement,  plusieurs  fois,  qu'on 
avait  voulu  le  faire  entrer  dans  celte  f...  famille,  mais  qu'il  avait 
bien  su  s'en  débarrasser. 

J'appris  aussi,  dans  le  temps,  et  même  à  l'armée,  que  la  dame 
Hulot,  sa  belle-mère,  ayant  lu  cet  On  dit,  etc..  dans  le  journal, 
s'était  servie  de  cette  expression  triviale  :  t  .Ah!  ce  n'est  pas  pour 
eux  que  le  four  chauffe!  i 

Comme  ces  deux  traits  de  mépris  n'ont  pu  rester  ignorés  de 
Bonaparte  et  de  toute  sa  famille,  en  raison  de  leur  grande  publi- 
cité, il  est  assez  probable  qu'ils  ont  pu  être  la  cause  première  de 
ce  qui  est  arrivé  ensuite  au  général  Moreau. 

26 pluviôse  (15  février).  —  Je  partis  de  Salzburg  pour  retour- 
ner à  Enns  où  j'arrivai  le  même  jour  (1) .  Le  général  .Moreau  devait 
aller  incessamment  à  Strasbourg  chercher  Mme  Moreau,  et  je]fus 
informé,  le  30,  (ju'il  était  parti  le  matin  du  28. 

(1)  U  y  a  environ  l'20  kilomètres  de  Salzburg  à  Emis,  par  Wels  et  Ebersberjj.  «  Je  fi« 
mou  voyage  très  heureusement,  mon  cher  Lahorie.  Je  te  remercie  bien  de  ton  attention. 
J'arrivai  le  même  jour  à  Enns.  Je  rencontrai  au  relai  de  Kleinmiiachen  (?)  le  marquis  de 
Gallo  que  tu  auras  peut-être  reçu  à  Salzburg.  Voilà  mon  voyage.'...  »  (I)ecaen  à  Lahorie, 
Enns,  -20  pluviôse  an  IX,  A.  H.  G.). 


216      MEMOIRES   ET   JOURNAl  X    DU   GENERAL   DECAEX 

Je  reçus  du  général  Kniazicwicz  la  lettre  ci-après,  écrite  de 
Munich.  Elle  était  sans  date. 

Ayant  appris,  citoyen  général,  que  la  légion  a  reçu  ordre  de  se 
rendre  à  Strasbourg,  je  m'empresse  d'arriver  à  Salzburg,  croyant,  mon 
général ,  de  vous  y  trouver  encore  pour  pouvoir  vous  témoigner  en  personne 
et  au  nom  de  mes  compatriotes  les  sentiments  d'estime  qu'ils  vous  portent, 
ayant  eu  l'avantage  d'être  sous  vos  ordres  dans  une  campagne  qui  a  cou- 
vert de  nouveaux  lauriers  les  armées  françaises  et  leurs  chefs.  Agréez  donc, 
citoyen  général,  par  la  présente,  l'aveu  sincère  de  ces  sentiments  dont  sont 
pénétrés  mes  compatriotes  et  surtout  moi  qui  ai  l'honneur  de  vous  assurer 
de  la  parfaite  considération  avec  laquelle,  etc.,  etc.. 

1" ventôse  (20  février).  — Je  reçus  une  lettre  du  général  Lalio- 
rie,  datée  du  29.  Il  m'écrivait  : 

Les  États  de  la  Haute  Autriche  montrent,  de  toute  manière,  tant  de  mau- 
vaise volonté,  particulièrement  relativement  à  nos  magasins  que,  peut-être, 
il  sera  nécessaire,  mon  ami,  d'en  venir  à  des  exécutions  militaires  pour  les 
moyens  de  transport.  J'ai  donné  là-dessus  des  instructions  à  l'ordonnateur 
Nourry,  en  le  prévenant  que  tu  lui  donnerais,  dans  ton  cercle,  toutes  les 
facilités  possibles  ou  plutôt  tous  les  moyens  de  sévérité  qu'il  te  demanderait. 

J'espère  que  nous  tirerons  parti  de  la  marine  d'Enns.  Fais-la  garder 
soigneusement.  Il  faut  rassembler  de  l'argent  pour  les  gratifications  et  celui 
qui  proviendra  de  ces  objets  sera  le  premier  à  donner. 

En  réponse  j'écrivis  : 

D'après  les  ordres  du  chef  de  l'état-major  de  l'artillerie,  mon  cher 
Lahorie,  on  avait  fait  partir  de  l'arsenal  de  la  marine  d'Enns  une  ving- 
taine de  voitures  chargées  des  meilleurs  cordages  et  quelques  caisses  de 
clous,  etc..  Cette  évacuation  a  fait  paraître  un  des  négociants  avec  les- 
quels tu  as  traité  à  Amstetten,  car  il  a  un  laisser-passer  signé  de  toi.  C'est 
celui  qui  est  de  Fribourg.  Il  a  demandé  qu'on  suspende  cette  évacuation, 
disant  qu'il  voulait  faire  l'acquisition  de  tous  les  bateaux  et  de  leurs  agrès. 
Je  lui  ai  répondu  que  je  ne  pouvais  acquiescer  à  sa  demande  qu'autant 
qu'il  ferait  une  soumission  convenable,  et  pour  cela,  je  l'ai  adressé  au 
commissaire  Nourry,  le  prévenant  que  le  départ  d'un  nouveau  convoi,  prêt 
à  se  mettre  en  route,  serait  différé  jusqu'à  ce  matin  ;  que  je  devrais  avoir 
un  avis  du  commissaire  qui  m'informerait  si  on  était  entré  en  arrange- 
ment. Je  n'ai  aucune  nouvelle. 

Mais,  d'après  ce  que  tu  me  dis  du  retard  apporté  par  les  États,  on 
n'enlèvera  plus  rien  jusqu'à  ce  que  tu  donnes  un  nouvel  avis.  Préviens-en 
le  général  Eblé,  vu  que  si  on  se  trouve  réduit  à  la  nécessité  de  se  servir  des 
bateaux,  il  est  indispensable  d'avoir  ce  qui  est  utile  à  leur  manœuvre  (1).. 

(1)   Dans  cette  lettre,   dont    Decaeii    n'a    reproduit   qne    la   première    partie  dans  ses 


L'ARMEE    VA   RE.VTRER   EX   FRAX'CE  217 

Je  fis  donner  des  ordres  pour  rexécution  du  contenu  de  la  cir- 
culaire ci-après,  datée  du  5  ventôse  : 

Le  général  en  chef  désirant,  mon  cher  général,  avoir  un  travail  com- 
plet, sur  les  opérations  et  marches  de  l'armée  pendant  la  dernière  cam- 
pagne, je  vous  prie,  en  conséquence,  de  vouloir  bien  donner  des  ordres 
pour  que  les  officiers  du  génie  attachés  à  votre  division  soient  chargés 
d'une  partie  de  ce  travail,  savoir  :  les  communications  détaillées  dans  l'ins- 
truction ci-jointe. 

Les  circonstances  exigeant  que  cette  opération  soit  terminée  sous  peu 
de  jours,  il  est  important  de  prescrire  à  ces  officiers  d'y  mettre  la  plus 
grande  activité. 

9  ventôse  {'21  février).  —  Je  reçus  du  général  Lahorie  la  lettre 
circulaire  ci-après,  datée  du  7  : 

Le  général  en  chef  vient  de  me  prévenir,  mon  cher  général,  de  pré 
parer  l'armée  à  son  mouvement  qui,  probablement,  aura  lieu  incessam- 
ment. Il  a  pensé  que  la  première  chose  à  faire  était  de  se  débarrasser  des 
hôpitaux  et  des  parcs  d'artillerie.  En  conséquence,  son  intention  est  que 
toute  l'artillerie  de  l'armée  (à  l'exception  de  l'artillerie  qui  restera  avec 
les  divisions)  soit  réunie  de  suite  au  parc  central  de  chaque  corps  de 
troupe  avec  tous  les  caissons  de  cartouches  des  demi-brigades;  et  que  les 
chefs  de  corps  fassent  retirer  et  encaisser  les  cartouches  en  distribution  et 
celles  restantes  pour  les  envoyer  de  suite  à  la  même  destination. 

21  ventôse  (12  mars) .  —  Je  fus  informé,  par  une  lettre  du  géné- 
ral Lahorie  du  19,  que,  plusieurs  demandes  d'autorisation  d'aller 
à  Vienne  lui  ayant  été  adressées,  il  ne  voulait  point  se  mêler 
d'en  faire  la  demande  au  prince  Charles;  qu'il  avait  laissé  celte 
faculté  au  général  Grouchy,  et  que  je  pouvais  aussi  demander 
des  passeports  pour  Vienne,  à  l'archiduc,  pour  les  officiers  aux- 
quels je  croirais  pouvoir  sans  inconvénient  accorder  cette  faveur, 
mais  seulement  pour  très  peu  de  jours  et  de  suite;  qu'il  estimait 
que  ma  division  ne  se  mettrait  en  marche  que  vers  le  25  ou  30  ;  que 
la  division  Richepance  la  précéderait  peut-être,  comme  plus  éloignée. 

mémoires,  il  disait  encore  à  Laliorie  •  «  ...  Je  puis,  si  je  veux,  avoir  une  correspondance 
de  facteur  avec  un  philosophe!  Oui,  mon  cher  Laliorie,  me  voilà  lancé  pour  la  recherche 
des  matériaux  scienliGques  I  A  cet  égard,  je  ne  voudrais  pas  faire  autre  chose,  car  je  ne 
me  sens  pas  digne  de  feuilleter  un  incunable.  Je  te  donne  ma  parole  que  la  charge 
sera  complète!  Je  ne  puis  agir  différemment  d'après  les  démarches  qu'on  vient  de  faire... 
Aussi,  par  une  circulaire,  j'invite  tous  ceux  qui  sont  à  inviter  de  m'aider  de  tous  leurs 
moyens  pour  que  je  puisse  prouver  à  mon  commettant  que  j'étais  digne  de  sa  confiance. 
J'ai  déjà  un  catholicon.  Adieu,  je  t'embrasse  de  tout  mon  cœur  ^  (Decaen  à  Lahorie, 
Enns,  1"  ventôse,  A.  H.  G). 


218      MEMOIRES   ET   JOURNAUX   DU   GENERAL   DECAEN 

Il  me  donnait  avis  (|u'il  attendait  le  général  Moreau  pour  le  20. 
A  cette  lettre  était  jointe  une  circulaire  du  général  en  chef,  datée 
de  Munich,  le  17  ventôse,  dont  suit  le  contenu  : 

Le  général  en  chef  au  (jénéial  de  division  Decaen. 

Le  traité  de  paix  de  Lunéville,  citojen  général,  qui  vient  de  mettre  le 
gouvernement  français  en  relations  d'amitié  avec  tous  les  peuples  du  con- 
tinent, lui  impose  de  quitter  avec  tous  les  ménagements  possibles  le  pays 
occupé  par  les  armées  de  la  République. 

J'ai  reçu,  à  cet  égard,  les  ordres  les  plus  positifs.  Les  désordres  qui 
auraient  lieu  seraient  nécessairement  l'objet  d'une  foule  de  réclamations  et 
forceraient  le  gouvernement  à  des  mesures  sévères  contre  les  chefs,  seule 
réparation  qu'il  serait  en  son  pouvoir  de  donner. 

Veuillez  donc,  citojen  général,  prendre  tous  les  moyens  qui  seraient 
en  votre  pouvoir  pour  que  la  discipline  la  plus  exacte  soit  maintenue  pen- 
dant toutes  les  marches.  Vous  exigerez  que  tous  vos  subordonnés  ne 
s'écartent  ]ias  de  leur  poste,  sous  quelque  prétexte  que  ce  soit.  Vous  vou- 
drez bien  également  établir  votre  quartier  général  au  centre  des  troupes  à 
vos  ordres  et  être  à  portée  de  faire  droit  à  toutes  les  plaintes  qui  pourraient 
vous  être  adressées. 

Je  ne  doute  pas,  citoyen  général,  de  votre  empressement  à  me  seconder 
pour  que  la  renti'ée  de  l'armée  du  Uhiii  en  France  soit  aussi  honorable  que 
ses  campagnes  ont  été  glorieuses.  Vous  sentez  combien  il  m'en  coûterait 
d'avoir  à  désigner  au  gouvernement  des  vexations  ou  des  désordres  qu'il 
ne  pourrait  plus  se  dispenser  de  réprimer,  comme  une  satisfaction  due  à 
des  peuples  amis. 

Je  vous  salue. 

Signé  :  More.^u. 

4  vciitàse  (15  mars).  — Je  reçus  du  général  Lahorie  la  lettre 
ci-aprés,  datée  du  22  : 

Mox  CHER  Decaen, 

Le  général  Moreau  est  enfin  arrivé;  mais  on  ne  sait  encore  rien  du  dé- 
part de  l'armée.  Cependant  il  y  a  beaucoup  à  croire  que  l'armée  recevra 
des  ordres  de  mouvement  avant  la  fin  du  mois. 

Je  donne  aujourd'hui  ordre  à  la  division  Ilichepancc  de  se  rassembler 
par  brigades  en  avant  de  la  Traun;  ci-joint  copie  de  ma  lettre  à  ce  sujet. 

Je  t'engage  à  replier  sur  la  rive  gauche  de  la  Traun,  le  25,  les  troupes 
de  ta  division  sur  la  route  de  Vienne. 

Je  t'écrirai  probablement  sur  tout  le  mouvement  dans  trois  jours.  Je 
vois  que  le  temps  qui  nous  reste  ne  permettrait  pas  d'accorder  des  permis- 
sions pour  Vienne;  il  m'a  paru  même  que  ces  permissions  n'entraient  qu'à 


PREPARATIFS   DE    DÉPART  219- 

demi  dans  ropinion  du  général  Aloreau.  Ainsi   regarde  comme  non  avenu' 
ce  que  je  t'ai  écrit  ;ï  cet  égard. 

Dans  la  copie  de  la  lettre  au  général  Ricliepance,  il  était  dit  : 

L'intention  du  général  en  chef,  citoyen  général,  est  que,  laissant  un  es- 
cadron seulement  sur  la  ligne  de  démarcation,  v^ous  repliiez  vos  troupes  sur 
la  rive  droite  de  laTraun,  resserrées  par  brigades,  de  manière  à  être  prêtes 
à  passer  la  Traun,  partie  sur  Steyr  et  partie  sur  Enns,  si  vous  en  recevez 
l'ordre. 

Cet  ordre  ne  changeant  rien  à  l'arrondissement  de  la  division  aux  ordres- 
du  général  Decaen,  je  suppose  que  votre  quartier  général  restera  établi  à 
Seitenstetten.  Je  vous  prie  de  m'en  prévenir. 

Le  service  des  vivres  et  fourrages  de  votre  division  devra  être  assuré 
jusqu'au  30. 

Pour  copie  conforme,  signé  :  Lahorie. 

D'après  ce  qui  m'était  mandé,  je  fis  donner  ordre  aux  géné- 
raux de  brigade  de  lever  leurs  cantonnements,  et  qu'immédiatement 
après  avoir  rassemblé  leurs  troupes,  ils  devaient  les  mettre  en 
marche  et  les  conduire  sur  la  rive  gauche  de  la  Traun  où  elles 
devaient  arriver  le  27  et  être  placées  jusqu'à  nouvel  ordre,  savoir  : 
la  brigade  Durutte,  entre  Lambach  et  Schwanenstadt,  occupant  ces 
deux  endroits  et  les  villages  circonvoisins,  l'autre  brigade,  à  Wels 
et  dans  les  villages  entre  cette  ville  et  Lambach. 

L'infanterie  de  lavant-garde  fut  dirigée  par  Neuhofen  sur  Lam- 
bach pour  faire  partie  de  la  brigade  Durutte,  et  le  6'  de  chas- 
seurs, commandé  par  le  chef  de  brigade  Lafifon,  vint  occuper 
Enns  ainsi  que  plusieurs  villages  des  environs  sur  la  rive  gauche 
de  l'Enns. 

Le  commissaire  des  guerres  reçut  l'ordre  d'assurer  les  vivres 
pour  leur  marche  au  delà  de  la  Traun  et  pendant  qu'elles  pour- 
raient séjourner  sur  la  rive  gauche  de  cette  rivière. 

26  ventôse  (17  mars).  —  Je  reçus  l'ordre  de  marche  du  centre 
de  l'armée,  daté  de  Saizburg  le  25,  dans  lequel  il  était  énoncé  : 

La  division  auv  ordres  du  général   Decaen  se  mettra  en  marche  le  28, 
pour  arriver  par  Lambach,   Laufen,   Waging,   Wasserburg  et  Ebersberg 
ur  Munich  où  elle  devra  être  arrivée  le  treizième  jour  de  sa  marche,  c'est- 
à-dire  le  9  germinal,  y  compris  un  séjour,  le  troisième  jour  de  sa  marche, 
et  un  second  séjour  sur  Wasserburg. 

Le  10  germinal,  cette  division  continuera  son  mouvement  pour  arriver 


220   MKMOIRES  ET  JOURNAUX  DU  GEMERAL  DECAEM 

le  11  sur  Friedberg  et  environs,  où  elle  séjournera  le  12;  elle  y  recevra 
des  ordres  ultérieurs. 

Dans  rétablissement  de  ses  cantonnements,  elle  appuiera  cotjstamment  à 
gauche  en  retraite. 

Le  mouvement  de  retraite  du  centre  de  l'armée  des  états  de  la  Haute 
Autriche  devant  occasionner,  dans  la  Souabe,  une  prolongation  de  séjour, 
les  divisions  des  généraux  Grouchi  et  Richepance,  au  passage  de  Tlnn, 
devront  être  toutes  pourvues  de  subsistances  en  tous  genres  pour  quatre 
jours,  à  leur  départ  de  Braunau. 

Celle  du  général  Decacn  en  sera  pourvue  pour  deux  jours  à  sa  sortie  du 
territoire  de  l'Autriche. 

Pour  rendre  moins  onéreuse  cette  disposition  au  pays,  les  magasins 
d'armée  réunis  à  Braunau  sont  mis  à  la  disposition  du  commissaire  ordon- 
nateur du  centre  de  l'armée  pour  contribuer  à  assurer  le  service. 

La  régence  de  la  Haute  Autriche  devant  se  charger  d'assurer  le  service 
des  subsistances,  les  généraux  de  division  du  centre  sont  invités  à  envoyer, 
au  reçu  du  présent,  un  officier  d'état-major  avec  leur  connnissaire  des 
guerres  à  Linz  pour  s'entendre  avec  le  commissaire  ordonnateur  du  centre 
de  l'armée  afin  que  les  troupes  soient  pourvues  de  tout  ce  qui  leur  est  né- 
cessaire, de  manière  à  ce  que  tous  les  désordres  qui  se  commettraient  ne 
puissent  être  excusés  par  des  prétextes  de  besoins  auxquels  il  n'aurait  pas 
été  pourvu.  Une  disposition  principale  sera  le  renvoi  exact  des  voitures  de 
transport  dont  le  nombre  devra  d'ailleurs  être  réduit  autant  que  possible. 

Les  généraux  de  division  du  centre  prendront,  à  cet  égard,  ainsi  que  pour 
ce  qui  tient  au  maintien  de  l'ordre  et  d'une  discipline  sévère  dans  la  marche, 
toutes  les  mesures  qu'ils  jugeront  les  plus  sûres  pour  parvenir  à  ce  but. 

Cet  ordre  était  accompagné  d'une  lettre  du  général  Lahorie.  Il 
me  mandait  : 

Ci-joint,  mon  cher  Decaen,  l'ordre  de  marche  du  centre  de  l'armée.  Tu 
y  prendras  ce  qui  concerne  ta  division.  Dans  six  jours,  le  général  Moreau 
sera  à  Munich.  Je  t'envoie,  mon  ami,  deux  bons  de  gratification  du  géné- 
ral en  chef  pour  toi. 

Celui  de  10  000  francs  est  la  gratification  accordée  aux  généraux  de  di- 
vision. Je  n'ai  pas  besoin  de  te  dire  que  l'autre  (1)  est  une  marque  parti- 
culière de  l'estime  du  général  Moreau  pour  toi.  11  désire  que  ce  sentiment 
donne  à  cette  gratification  son  principal  prix  à  tes  yeux  ;  je  t'embrasse,  etc.. 

Les  dispositions  antécédentes  que  j'avais  fait  exécuter  à  la  divi- 
sion l'ayant  mise  en  mesure  d'opérer  ce  mouvement  de  retraite 
au  premier  ordre,  je  n'eus  autre  chose  à  faire,  en  le  recevant,  que 
d'ordonner  ce  qui  était  à  faire  pour  lui  assurer  ses  subsistances 

(1)  .  Il  était  de  15  000  francs  »  {Noie  de  Decaen). 


DECAEN   SE   DIRIGE    SLR    SALZBURG  221 

pendant  sa  route  (1),  et  à  prescrire  ce  qui  était  convenable  pour  le 
maintien  de  l'ordre  et  de  la  discipline  ainsi  que  pour  le  renvoi 
exact  des  voitures  de  transport  requises  pour  les  besoins  du  service 
et  qu'on  remplacerait  à  mesure  qu'on  entrerait  dans  un  pays 
d'une  autre  souveraineté. 

28  ventôse  (19  mars).  —  Je  partis  d'Enns  avec  mon  état-major 
et  une  partie  du  6"  régiment  de  chasseurs  pour  me  rendre  à 
Kremsmiinsler,  après  avoir  fait  expédier  l'ordre  au  général  Durutte 
de  se  mettre  en  marche  le  lendemain  pour  aller  cantonner  à 
Vocklabruck  et  environs,  et  à  la  brigade  Lacour,  de  se  placer  à 
Schuanenstadt,  Lambach  et  environs. 

L'autre  partie  du  6'  de  chasseurs,  avec  le  chef  Latfou,  faisant 
notre  arrière-garde,  vint  cantonner  dans  les  environs  de  Krems- 
miinster. 

29  ventôse  (20  mars).  — Je  marchai  de  Kremsmiinster,  avec 
l'arrière-garde,  sur  Lambach  où  fut  établi  le  quartier  général  de  la 
division.  Le  6*  de  chasseurs  y  fut  cantonné,  et  dans  les  environs. 
J'envoyai  l'ordre  au  général  Durutte  d'arriver  avec  ses  troupes  à 
Frankenmarkt  et  de  répartir  sa  brigade  dans  cette  ville  et  dans  les 
villages  voisins,  et  à  l'autre  brigade,  de  s'établir  à  Vocklabruck  et 
autres  endroits  peu  éloignés. 

30  ventôse  (21  mars).  —  L'arrière-garde  reçut  l'ordre  de  mar- 
cher de  Lambach  sur  Schwanenstadt  et  de  cantonner  entre  cette 
ville  et  l'Ager. 

En  me  rendant  de  Lambach  à  Vocklabruck,  je  reçus  la  lettre 
ci-après  du  général  Lahorie,  datée  de  Salzburg,  le  29  : 

Que  diras-tu  du  gouvernement  qui  n'a  encore  envoyé  aucun  ordre,  mon 
cher  Decaen?  Je  te  suppose  demain  sur  Frankenmarkt  où  tu  seras  peut- 
être  arrivé  dès  aujourd'liui.  Séjournes-y  encore  après-demain  en  t'étendant 
un  peu  jusque  vers  Strasswalchen. 

Le  silence  du  gouvernement  va  obliger  de  suspendre  le  départ  d'une 
partie  du  centre  ;  car  enfin  il  vaut  encore  mieux  résider  en  Autriche  que 
d'achever  de  ruiner  la  Bavière.  Envoie-moi  une  ordonnance  pour  m'indi- 

(Ij  Decaen  rendait  compte,  le  27  nivôse,  qu'il  avait  pourvu  aus  moyens  de  faire  sub- 
sister la  division  jusqu'à  la  Salzacli  et  qu'il  arriverait  lui-même  à  Munich  le  7  germinal 
(Decaen  à  Lahorie,  Enns,  27  nivôse,  A.  H.  G.) 


222      MÉMOIRES    ET  JOURNAUX   DU   GÉNÉRAL   DECAEN 

(juer  ton  quartier  génôral.  Je  ne  te  parle  point  du  service  de  tes  subsis- 
tances dans  l'évêché  de  Salzburg  parce  que  la  régence  m'a  assuré  t'avoir 
■envoyé  un  agent  pour  cela. 

En  réponse  à  cette  lettre,  j'écrivis  : 

Ma  division  cantonnera  aujourd'hui  entre  l'Ager  et  la  frontière  de  l'évè- 
<'hé  de  Salzburg,  ayant  mon  arrière-garde  de  l'autre  côté  de  l'Ager. 

J'avais  ordonné  mon  séjour  pour  demain;  ainsi,  mon  cher  Lahorie,  tes 
intentions  seront  remplies. 

Demain,  je  prendrai  mon  quartier  général  à  Ncumarkt,  où  j'attendrai 
tes  ordres  que  je  te  prie  de  m'adresser  de  bonne  heure,  parce  que  si  le  sé- 
jour n'est  pas  prolongé,  alors  je  continuerai  mon  mouvement  déjà  ordonné 
pour  le  2.  Je  verrai  sans  doute  ù  Neumarkt  le  commissaire  de  la  régence  de 
Salzburg.  Ce  silence  du  gouvernement  a  quelque  chose  de  singulier;  il 
conduit  à  faire  bien  des  réflexions. 

Si  le  mouvement  est  suspendu,  j'aurai  le  plaisir  de  te  voir  après-demain. 

i"  germinal  (22  mars),  —  Le  général  Lahorie  m'écrivit  de 
Salzburg,  le  1*^'  germinal  : 

Le  silence  du  gouvernement  a  définitivement  déterminé  le  général  en 
chef  à  suspendre  le  mouvement  du  centre,  mon  cher  Decaen.  En  consé- 
quence, tu  laisseras  une  brigade  dans  la  partie  de  la  Haute  Autriche  qui 
confine  à  l'évêché  de  Salzburg  vers  Gmunden,  Schôrfling,  Franken- 
markt,  etc.,  sur  la  route  de  Laufen. 

Tu  pourras  envoyer  au  besoin  dans  deux  jours,  ici  ou  environs,  un 
bataillon  et  un  escadron,  et  tu  établiras  le  reste  de  ta  division  sur  Laufen 
et  arrondissement,  dans  l'évêché. 

Ton  quartier  général  sera  à  Laufen. 

Envoie-moi  l'état  de  l'emplacement  que  tu  donneras  à  ta  division.  Je  ne 
sais  quand  nous  partirons  d'ici.  Je  suppose  que  ce  ne  sera  qu'à  l'arrivée 
de  l'ordre  d'évacuation. 

Dans  la  journée,  je  reçus  la  lettre  suivante  : 

MOM  CHER  DeO.'XEN, 

Tu  pourras  conserver,  dans  la  Haute  Autriche,  pour  la  moitié  de  ta  divi- 
sion qui  doit  y  rester,  tout  l'arrondissement  qu'occupait  hier  la  totalité. 

En  conséquence  de  ces  nouvelles  dispositions,  le  général  Durutte 
reçut  l'ordre  de  marcher,  le  lendemain,  sur  Laufen  avec  sa  brigade 
et  de  s'y  établir  en  cantonnement  et  dans  les  environs;  cependant 
de  laisser  un  bataillon  et  un  escadron  (|ui  recevraient  des  ordres 
pour  une  autre  destination. 


MOREAU  ET  DECAEX  A  SALZBL'HG        223 

Il  fut  mandé  au  général  Lacour  de  faire  occuper  par  nue  parlie 
de  ses  troupes  les  cantonnements  que  devait  quitter  la  1"  brigade, 
et  au  commandant  de  l'arrière-garde,  d'étendre  les  siens  vers 
Gmunden  et  Schorfling. 

2  germinal  (23  mars).  —  Je  partis  de  Xeumarkt  pour  me 
rendre  à  Laufen  où  fut  établi  le  quartier  général  de  la  division. 
Le  bataillon  et  l'escadron  qui  devaient  aller  sur  Salzburg  y  furent 
envoyés. 

3 germinal  (24  mars).  —  Je  séjournai  à  Laufen. 

4 germinal  (25  mars).  —  Je  reçus  du  général  Laborie  la  lettre 
ci-après  : 

L'ordre  du  gouvernement  est  enfin  arrivé,  mon  cher  Decaen.  Le  géné- 
ral en  chef  part  domain  pour  Municli.  Son  intention  est  que  tu  viennes 
t'établir  ici.  Mets-toi  en  route  de  ta  personne  au  reçu  de  cette  lettre  pour 
venir  dîner  avec  nous.  Le  général  eu  chef  aura  plusieurs  choses  à  te  com- 
muniquer. 

Je  partis  de  suite  pour  Salzburg.  Le  général  Moreau  me  fit 
l'honneur  de  me  présenter  à  Madame. 

Il  me  répéta  qu'il  partirait  le  lendemain  pour  Munich.  Il  me  dit 
que  je  devrais  rester  encore  plusieurs  jours  à  Salzburg  et  que  ma 
division  resterait  dans  l'évèché  et  dans  la  Haute  Autriche  qu'elle 
occupait  encore;  qu'à  ce  sujet,  le  général  Laborie  me  transmet- 
trait ses  ordres  ;  qu'il  me  recommandait  particulièrement  la  ville 
de  Salzburg  où  il  avait  voulu  que  je  vienne  le  remplacer,  pendant 
que  les  troupes  de  l'aile  droite  achèveraient  leur  mouvement  pour 
repasser  la  Salzacb,  et  jns(ju'an  jour  où  les  troupes  de  l'armée 
devaient  définitivement,  selon  le  traité  de  paix,  quitter  le  territoire 
autrichien  ;  qu'il  ne  partirait  pas  de  Munich  que  je  n'y  fusse  arrivé. 

Le  général  Laborie  me  remit  l'ordre  ci-après  : 

D'après  l'échange  des  ratifications  du  traité  de  Lunéville  et  l'ordre  de 
détail  de  dislocation  de  l'armée  par  le  ministre  de  la  guerre,  le  général 
Decaen  est  prévenu  que  la  100*  demi-brigade  doit  passer  à  l'aile  gauche 
de  l'armée. 

11  est  prévenu,  en  même  temps,  que  le  général  Richepance  a  ordre 
d'envoyer,  pour  le  7,  sur  Schwanenstadt,  la  48°  demi-brigade  pour  se 
réunir  à  la  100*  et  suivre  son  mouvement. 


224      MEMOIRES   ET   JOURMAU\   DU   GE.VERAL   DECAEX 

Le  général  Decaen  mettra  ces  deux  demi-brigades  sous  les  ordres  du 
général  Durutte  et  les  fera  diriger  par  Freising,  Rain,  Donauwôrth,  \^ôrd- 
lingen  et  Hall  sur  Mergentheini  où  cette  brigade  devra  arriver  le  30  ger- 
minal précis.  Elle  y  sera  sous  les  ordres  du  lieutenant  général  Grenier, 
qui  commande  l'aile  gauche  de  l'armée. 

Le  général  Decaen,  avec  le  reste  de  sa  division,  continuera  à  occuper 
révêché  de  Salzburg  et  la  portion  du  territoire  de  l'Autriche  où  elle  se 
trouve,  de  manière,  cependant,  à  avoir  évacué  le  territoire  autrichien  le  14. 

Le  général  Decaen  disposera  la  totalité  de  sa  division  pour  passer  l'Inn 
dans  la  journée  du  L5  germinal  et  se  dirigera  sur  Munich.  La  colonne  qui 
aura  évacué  l'Autriche  pourra  passer  l'Inn  à  Mùhldorf.  L'autre  passera  ce 
fleuve  <\  Wasserburg. 

Le  général  Decaen  se  mettra  en  marche  sur  Munich  et  Augsbourg  de 
manière  à  arriver  à  Munich  en  trois  jours  et  à  Augsbourg  en  trois  jours. 
Il  y  séjournera  le  septième  jour  de  sa  marche  de  l'Inn. 

Arrivé  à  Augsbourg,  le  général  Decaen  recevra  des  ordres  de  mouve- 
ments ultérieurs.  Il  est  prévenu  que  le  général  Moreau  s'établira  demain, 
pour  quelques  jours,  à  .Munich. 

Le  général  Decaen  laissera  les  troupes  bavaroises  prendre  possession  de 
Burgliausen,  Reichenhall,  et  se  cantonner  dans  la  Bavière,  le  général  en 
chef  ayant  accordé  cette  autorisation. 

5  germinal  (26  mars).  —  Pour  rexécution  de  cet  ordre,  j'écri- 
vis d'abord  au  général  Durutte  : 

D'après  les  instructions  que  j'ai  reçues  du  général  en  chef,  mon  cher 
général,  vous  devez  faire  partie  de  l'aile  gauche  de  l'armée  commandée 
par  le  lieutenant  général  Grenier,  dont  vous  recevrez  des  ordres  à  Mergent- 
heini, en  Franconie,  pour  votre  brigade  qui  va  être  composée  des  48'  et 
100"  demi-brigades,  laquelle  doit  être  ai'rivée  à  Mergenlheim  le  30  germi- 
nal précis  en  suivant  l'itinéraire  de  marche  ci-joint. 

Ces  demi-brigades  arriveront  à  Burghausen  le  12  et  le  13  de  ce  mois. 
C'est  là  qu'elles  sont  prévenues  de  recevoir  vos  ordres.  J'en  ai  donné  pour 
qu'elles  reçoivent,  à  cet  endroit,  le  pain  pour  quatre  jours,  etc.,  etc.. 

Renouvelez  auv  corps  mes  recommandations  pour  le  maintien  de  l'ordre 
et  de  la  discipline,  et  le  renvoi  des  voitures. 

Vous  savez,  mon  cher  général,  que  c'est  par  l'effet  de  la  nouvelle  com- 
position de  l'armée,  en  suite  des  ordres  du  ministre  que  vous  vous  trouvez 
séparé  de  la  division.  Xe  doutez  pas  que  j'aurais  eu  la  plus  grande  satis- 
faction si,  ensemble,  nous  eussions  reconduit  les  troupes  dans  notre  patrie 
après  les  avoir  fait  combattre  pour  la  gloire  de  la  République  et  pour  lui 
donner  la  paix. 

Je  vous  embrasse,  etc.. 

Le  général  Durutte  m'ayant  témoigné  qu'il  serait  bien  plus  satis- 
fait de  rester  à  la  division  et  qu'il  me  priait  de  l'obtenir  du  gêné- 


DURUTTE    MAIMTEIVU   A   LA   DIVISIOM   DECAEM       225 

rai  en  chef,  je  lui  adressai  cette  réclamation  e(  je  lui  demandai 
avec  instance  de  l'accueillir  favorablement.  Comme  le  général 
Lacour  avait  quitté  la  division  depuis  plusieurs  jours,  des  ordres 
furent  envoyés  au  commandant  de  la  48'  demi-brigade  pour  les 
recevoir  à  son  arrivée  à  Schwanenstadt.  Cesordreslui  prescrivaient 
de  s'établir  à  Vocklabruck  et  environs  jusqu'au  11  qu'il  devait  en 
partir  pour  arriver,  le  13,  à  Burghausen  où  il  recevrait  de  nou- 
veaux ordres. 

Il  fut  mandé  au  commandant  de  la  100'  de  céder  Vocklabruck 
à  la  48',  de  replier  ses  troupes  sur  Frankenmarkt  qui  était  à  sa 
disposition,  et  d'étendre  ses  cantonnements  vers  la  route  de  cette 
ville  à  liurgbausen  où  il  devait  arriver  le  12;  et  qu'il  y  trouverait 
des  ordres. 

9  germinal  (30  mars).  —  Je  reçus  de  Munich,  sous  la  date  du 
8,  une  lettre  du  général  Lahorie.  Il  m'écrivait  : 

D'après  la  répujjnance  qu'a  témoignée  le  général  Duruttc  de  suivre  la 
destination  des  100'  et  48*  demi-brigades,  le  général  en  chef  s'est  déter- 
miné, mon  cher  Decaen,  à  confier  ce  commandement  au  général  Lacour 
qui  ira  prendre  ces  corps  à  leur  passage  à  Mûhldorf. 

Le  général  Durutte  reste  à  ta  division. 

Je  m'empressai  d'annoncer  cette  nouvelle  à  ce  général  et  je  fis 
sur-le-champ  expédier  l'ordre  aux  commandants  des  100'  et  48" 
de  continuer  leur  marche  de  Burghausen  sur  Mûhldorf,  pour  y 
passer  l'Inn,  la  première,  le  14,  et  l'autre,  le  15;  et  ils  furent 
prévenus  que,  dans  cette  ville,  le  général  Lacour  leur  donnerait 
des  ordres. 

Le  ]  7'  de  dragons,  faisant  partie  de  la  brigade  qui  quittait  la 
division,  reçut  l'ordre  de  prendre,  le  11,  ses  cantonnements  àlVeu- 
markt  et  environs,  et  le  12,  près  de  Salzburg,  sur  les  deux  rives 
de  la  Salzach. 

11  fut  mandé  au  chefLaffon,  commandant  l'arrière-garde,  d'éta- 
blir, le  11,  ses  cantonnements  en  échelons  depuis  Vocklabruck 
jusqu'à  Frankenmarkt,  et  le  12,  depuis  cette  ville  jusqu'à  IVeu- 
markt. 

12  germinal  (2  avril) .  — Je  fis  donner  l'ordre  au  général  Durutte 
de  lever  ses  cantonnements  le  lendemain,  de  rassembler  ses  troupes 

11.  15 


226      MÉMOIRES   ET  JOURNAUX    DU   GÉNÉRAL   DECAEN 

et  de  se  diriger  sur  Waging  où  il  placerait  sa  brigade,  et  dans  les 
TÏllages  au  delà.  Il  fut  prévenu  que  le  11"  de  dragons  serait,  ce 
même  jour,  dirigé  pour  le  rejoindre  ;  qu'il  devait  marcher,  le  14,  sur 
Altenmarkt  et,  le  jour  suivant,  sur  VVasserhurg,  et  y  passer  Tlnn. 

13  germinal  (3  avril).  —  Les  dernières  troupes  de  Taile 
droite  étant  arrivées  à  Salzburg,  il  fut  ordonné  au  commandant 
de  Tarriére-gardede  quitter,  le  lendemain,  le  territoire  autrichien, 
de  se  replier  sur  Neumarkt  et  de  s'établir,  depuis  cette  ville,  dans 
les  villages  sur  la  route  de  Salzburg  où  il  enverrait  un  escadron. 

14  germinal  (4  avril).  —  Aussitôt  le  départ  des  dernières 
troupes  de  l'aile  droite,  la  garnison  de  Salzburg  fut  dirigée  sur 
Waging  pour  rejoindre  ensuite  la  brigade  Durutle. 

Je  fis  donner  l'ordre  au  commandant  de  l'arrière-garde  de  se 
mettre  en  marche  de  bonne  heure,  le  lendemain,  pour  arriver  à 
Salzburg  et  y  passer  la  Salzach. 

15  germinal  (5  avril).  —  Je  quittai  Salzburg  avec  les  dernières 
troupes  de  l'arrière-garde  dont  la  tète  arriva  sur  Waging.  L'autre 
partie  prit  ses  cantonncm^its  eu  arrière  sur  la  rive  gauche  de  la 
Saalach.  Je  donnai  des  ordres  au  commandant  de  l'arrière-garde 
pour  la  continuation  de  sa  marche  j usqu'à  Wasserburg  et  Munich. 
Monté  en  voiture  et  mené  par  des  clievaux  de  poste,  j'arrivai  ce 
même  jour,  mais  assez  tard,  à  U  asserburg. 

16  germinal  {Q  avril).  —  Après  avoir  donné  des  ordres  au 
général  Durutte  pour  marcher  sur  Muuicii,  je  montai  en  voiture 
pour  m'y  rendre.  A  mon  arrivée,  je  rendis  compte  au  général  en 
chef  (jue  les  dernières  troupes  de  l'aile  droite  n'étaient  arrivées 
que  le  13  à  Salzburg  ;  que  mon  arrière-garde  avait  quitté  le  terri- 
toire de  l'Autriche  le  14;  que  je  n'étais  parti  de  Salzburg  que  le  15 
avec  mes  dernières  troupes  qui  ne  passeraient  l'Inn  que  le  17  et 
n'arriveraient  sur  Munich  que  le  20. 

n  germinal  (7  avril).  —  Je  dînai  avec  le  général  Moreau.  On 
lui  apporta  une  lettre.  Après  l'avoir  lue,  il  me  dit  :  ..  Decaeu,  on 
m'informe  que  l'Electeur,  désirant  rentrer  incessamment  dans  sa 


DEMANDE   INDISCRÈTE    DE    L'ÉLECTEIR  227 

capitale,  afixé  le  jour  de  cette  rentrée;  mais  que,  comme  la  lotalilé 
des  troupes  françaises  n'auront  pas  encore  passé  Flsar  et  au  delà 
de  Alunich,  on  me  demande  que  leur  passage  ail  lieu  en  dehors 
de  celte  ville.  Qu'en  pensez-vous?  v 

Je  répondis  que  j'étais  fort  étonné  d'une  aussi  singulière 
demande  et  que  je  pensais  que  l'Electeur  pouvait  fort  bien  attendre 
que  nous  fussions  partis  ;  qu'il  ne  lui  fallait  plus  que  quelques  jours 
de  patience.  ^  Mais  ce  qui  m'étonne  davantage  et  qui  me  détermine 
à  vous  prier  de  ne  pas  accorder  une  pareille  demande,  c'est  (ju'elle 
€st  inconvenante.  Je  dois  même  dire  que  c'est  une  insulte  pour  les 
troupes  de  ma  division  qui,  depuis  leur  entrée  dans  celte  capitale, 
au  mois  de  juin  dernier,  et  pendant  qu'elles  y  ont  séjourné,  ainsi 
que  dans  plusieurs  parties  de  la  Bavière,  n'ont  donné  aucun  sujet 
de  plainte.  15 

J'ajoutai  :  ;'•  Monsieur  l'Electeur  ne  se  montre  pas  fort  recon- 
naissant de  tout  l'intérêt  que  je  n'ai  cessé  de  porter  aux  Bavarois, 
surtout  aux  habitants  de  Munich,  je  puis  dire,  même,  à  ce  qui  l'in- 
téressait personnellement.  » 

[Et  je  dis]  d'ailleurs  que  les  vaincjueurs  ne  devaient  pas  être 
assimilés  aux  vaincus.  A  ce  sujet,  je  rappelai  qu'en  marchant  sur 
Munich,  lorsquej'eus  promis  aux  agents  de  l'Electeur  de  faire  res- 
pecter sa  capitale  dont  il  venait  de  fuir  avec  la  plus  grande  préci- 
pitation, le  commandant  de  mou  avant-garde  avait  obligé  les 
Autrichiens  à  passer  en  dehors  de  la  ville  pour  aller  de  l'autre 
côté  de  l'Isar;  que  c'était  ce  même  commandant  qui  était  chargé 
de  l'arrière-garde,  et  que  c'était  Montaulon. 

Le  général  Moreau  m'accorda  la  satisfaction  de  ne  pas  accorder 
ce  qu'on  lui  avait  demandé. 

18 germinal  (8  avril).  —  Le  général  Moreau  parlil  de  Alunich 
pour  se  rendre  à  Augsbourg. 

Les  troupes  de  la  division  arrivèrent  à  Munich  oîi  je  les  fis  loger 
€t  dans  les  faubourgs. 

Je  donnai  les  ordres  pour  leur  départ  le  lendemain  et  pour  con- 
tinuer leur  marche  sur  Augsbourg  où  elles  devaient  arriver  le  21. 

19  germinal  (9  avril). — In  bataillon  de  la  4''  demi-brigade 
était  resté  à  Munich  pour  la  garde  de  cette  ville,  des  magasins 


228      MÉMOIRES   ET   JOURMAU.V   DT   GEMERAL   DECAEN 

et  des  hôpitaux,  etc..  Il  était  caserne.  Ayant  appris  qu'on  voulait 
le  loger  chez  l'habitant  sous  un  autre  prétexte  que  celui  de  rendre 
libre  la  caserne  qu'il  occupait  afin  de  la  préparer  pour  les  troupes 
bavaroises,  j'écrivis  au  commandant  de  ce  bataillon  que  je  venais 
d'être  informé  que  le  gouvernement  bavarois  se  disposait  à  lui 
annoncer,  s'il  ne  l'avait  pas  déjà  fait,  que,  pour  témoigner  combien 
il  avait  à  se  louer  de  la  bonne  conduite  de  la  A'  demi  brigade 
pendant  qu'elle  avait  tenu  garnison  à  Munich,  il  consentait  que  ce 
bataillon  loge  chez  l'habitant  pendant  les  deux  jours  qu'il  avait 
encore  à  y  rester;  mais,  attendu  que,  depuis  le  moment  où  les 
troupes  françaises  étaient  entrées  dans  cette  ville,  il  n'avait  pas 
dépendu  de  ce  gouvernement  de  désigner  tel  ou  tel  logement 
pour  les  soldats  de  la  République,  et  que,  si  elles  avaient  été 
casernées,  c'était  à  cause  de  la  discipline  et  pour  la  facilité  du 
service,  ce  bataillon  ne  devait  donc  quitter  son  quartier  qu'à  l'ins- 
tant de  son  départ.  Et  [j'ajoutai]  que  je  rendais  ce  chef  de 
bataillon  responsable  de  l'exécution  de  mes  ordres. 

20  germinal  (10  avril).  —  L'arrière-garde  étant  arrivée  sur 
Munich,  je  fis  donner  l'ordre  au  chef  Laffon  d'y  faire  entrer  un 
escadron  avec  son  état-major,  et  de  cantonner  le  surplus  sur  la 
rive  droite  de  l'Isar;  de  se  mettre  en  marche,  le  lendemain,  pour 
arriver  une  partie  sur  Dachau  et  l'autre,  en  arrière,  dans  les; 
villages  sur  la  route  de  Munich,  et  de  continuer  ensuite  sa  marche- 
pour  arriver  le  23  sur  Augsbourg. 

Après  avoir  fait  donner  l'ordre  au  commandant  du  bataillon, 
de  la  A'  de  précéder,  le  lendemain,  l'arrière-garde  pour  se  rendre 
aussi  à  Dachau  et,  de  là,  à  Augsbourg,  je  montai  en  voiture  à 
8  heures  du  soir  et  quittai  Munich. 

21  germinal  (11  avril).  — J'arrivai  à  Augsbourg.  Le  général 
Moreau  en  était  parti  de  la  veille;  mais  j'y  trouvai  l'ordre  ci- 
après  : 

La  division  du  ;T[i'néral  Decaen  est  composée  des  corps  ci-apirs  :  14'^  demi- 
brigade  d'infanterie  légère  ;  4'  denii-brigadc  d'infanterie  de  ligne  ;  16*^^  demir- 
brigade  d'infanterie  de  ligne  ;  27"  demi-brigade  d'infanterie  de  ligne  ;  1"  ba- 
taillon de  la  65%  à  Ulm;  17'  de  dragons;  1"  de  chasseurs  à  cheval;  6«  de 
chasseurs  à  cheval  ;  10"  de  chasseurs  à  cheval  ;  20"  de  chasseurs  à  cheval;, 
avec  les  2%  4"^  et  6*  compagnies  du  3'  régiment  d'artillerie  à  cheval. 


l\  BEAU   GESTE   DE    LAFFOM  229 

Les  généraux  de  brigade  Sahuc  et  Durutte  sont  attachés  à  cette  division 
avec  l'adjudant  connnandant  Plauzonne. 

Cette  division  s'établira  d'abord  entre  le  Lech  et  le  Danube.  La  division 
se  mettra  ensuite  en  marche  pour  arriver  sur  la  rive  droite  du  Ilhin. 

L'époque  de  l'arrivée  des  troupes  près  de  ce  fleuve  ainsi  que  les 
points  où  elles  devaient  efl'ectuer  leur  passage  ayant  été  changés 
par  un  ordre  ultérieur,  je  ne  les  énonce  point.  Les  régiments  de 
chasseurs  1"  et  20%  qui  passaient  à  la  division  avec  le  général 
Sahuc,  étaient  déjà  cantonnés  entre  Giinzburg  et  Augsbourg.  La 
27'  tenait  garnison  dans  cette  ville.  Je  fixai  les  cantonnements  du 
surplus  de  la  division  entre  Batzenhofen  et  Augsbourg. 

23  germinal  (13  avril).  —  .^lon  arrière-garde  arriva  à  Fried- 
berg.  Klle  reçut  l'ordre  d'y  cantonner  et  dans  les  environs  jusqu'à 
nouvel  ordre  (1). 

25  germinal  (15  avril).  —  J'adressai  au  général  Lahorie  le  bre- 
vet d'un  sabre  d'honneur  accordé  au  digne  Aloutaulon.  Le  chef  de 
brigade  Lafion,  en  me  présentant  ce  brevet,  exprimait  une  joie  et 
une  satisfaction  plus  vives  que  si  ce  titre  eût  été  pour  lui-même, 
tant  il  avait  d'amitié  pour  sou  brave  camarade.  Je  demandai  que 
cette  récompense  fût  annoncée  par  l'ordre  de  l'armée. 

Précédemment,  l'excellent  chef  Laffon  avait  encore  refusé  une 
fois  le  brevet  de  général  de  brigade,  préférant  rester  au  comman- 
dement de  son  G*"  de  chasseurs  qu'il  regardait  comme  sa  famille. 
Quel  rare  et  bel  exemple  ! 

Je  mandai  au  général  Lahorie  (2)  qu'il  avait  dû  recevoir  une 

(1)  Le  24  germinal,  Decaen  écrivait  à  Laliorie  : 

'  Je  t'adresse,  mou  cher  Lahorie,  une  réclamation  que  m'avait  renvoyée  le  f[énéral  en 
chef  :  tu  lerras,  au  bas,  la  réponse  du  chef  de  brigade  qui  est  suffisante  pour  l'aire  droit 
à  la  demande  du  réclamant. 

•^  L'adjudant  général  Bertrand  a  dû  te  remettre  ta  carte  et  l'itinéraire  de  marche  de  la 
division.  Je  resterai  ici  jusqu'au  4;  le  5,  je  serai  à  l)lm,  le  G  à  Biberach,  le  0  à 
Donaueschingen  et,  vers  le  \i  ou  le  13,  à  Offenburg.  Je  t'indique  les  lieux  où  on  me 
trouverait  si  lu  avais  quelque  ordre  à  m'adrosser. 

«  Les  Bavarois  étalent  si  impatients  d'entrer  à  Munich  qu'à  peine  ils  ont  pu  attendre 
qu'on  ait  relevé  les  postes  pour  entrer,  et  si  je  n'avais  pas  fait  une  erreur,  ils  auraient 
langui  jusqu'au  23.  puisqu'il  est  arrivé  que  le  6°  aura  fait  la  route  de  Salzburg  à  Augs- 
bourg sans  séjour...  Je  crois,  du  coup,  avoir  acquis  des  droits  à  la  reconnaissance  bava- 
roise, .idieu,  mon  cher  Lahorie.  Veui-tu  m'obliger  de  me  dire  quand  tu  seras  à  Stras- 
bourg? Adieu,  je  t'embrasse  ^  (Decaen  à  Lahorie,  Augsbourg,  24  germinal,  A.  H.  G.). 

(2)  Decaen  à  Lahorie,  Augsbourg,  25  germinal  an  IX  [.\    H.  G.). 


2.30      MEMOIRES   ET   JOIRX'AUX   DU   GENERAL   DECAEX 

demande,  afin  qu'il  me  fût  donné  des  ordres  de  fournir  des 
troupes  pour  des  exécutions  militaires  relativement  à  des  voitures 
dont  les  administrations  disaient  avoir  besoin  (le  nombre  de  ces 
voitures  était  de  880  à  quatre  colliers,  et  12  sacs  dans  cbacune), 
pour  transporter  des  denrées  s'élevant,  en  grains,  à  17  000  quin- 
taux et  5  000  sacs  d'avoine;  et  que  j'avais  répondu  qu'on  s'adres- 
sa 1  directement  à  lui  pour  cet  objet,  car  la  manière  de  présenter 
cette  demande  ne  m'avait  pas  paru  aussi  claire  que  je  l'aurais  dé- 
siré; qu'on  m'avait  parlé  des  grands  intérêts  du  gouvernement,  de 
conférence  sans  résultat,  de  consignation  de  1  200  à  1  500  louis 
pour  faire  une  chose  plutôt  qu'une  autre  dont  je  n'avais  pas  voulu 
entendre  les  détails,  me  résumant  à  demander  une  note  officielle 
à  laquelle  on  joindrait  un  arrêté  du  général  en  chef  qu'on  m'avait 
cité  et  qui  devait  autoriser  une  pareille  mesure. 

J'annonçai  que  mes  dernières  troupes  quitteraient  le  lendemain 
Friedberg. 

J'écrivis  aux  magistrats  d'Augsbourg  la  lettre  suivante  : 

J'ai  déjà  reçu  beaucoup  de  plaintes  sur  ce  qu'en  plusieurs  endroits  du 
territoire  qui  dépend  de  votre  souveraineté,  Messieurs,  et  encore  aujour- 
d'hui, auprès  de  Langweid,  on  y  attaque  à  main  année  les  hommes  et  les 
équipages  de  l'armée  française.  Comme  on  ne  doit  accuser  de  ces  délits 
que  les  habitants  mêmes  du  pays,  puisqu'il  n'est  point  encore  arrivé  que 
ces  excès  aient  été  commis  envers  d'autres  individus,  je  vous  engage  à 
prendre  des  mesures  pour  que  ces  crimes  ne  se  répètent  plus;  car  je  vous 
préviens  qu'il  sera  intligé,  pour  le  moindre  événement  de  ce  genre,  les  peines 
les  plus  exemplaires;  et  je  tiens  parole.  Prévenez  vos  administrés  que  les 
communes  sur  le  territoire  desquelles  se  commettront  les  délits  seront,  par 
leurs  habitants  et  leurs  propriétés,  responsables. 

Je  vous  préviens  encore  que  si  je  reconnais  la  moindre  négligence  dans 
l'autorité  supérieure  à  mettre  un  frein  à  cette  conduite  délojale,  ce  sera 
particulièrement  elle  qui  en  supportera  la  punition, 

26  germinal  [16  a\ri\) .  —  Je  reçus  du  général  Lahorie  la  lettre 
ci-après,  datée  de  Stuttgart,  le  23  : 

Je  te  préviens,  mon  cher  Decaen,  que,  d'après  les  ordres  du  gouverne- 
ment, la  4»  demi-brigade  de  ligne  devra  passer  le  Rhin  à  Strasbourg  le 
15  floréal,  pour  continuer  sa  marche  le  même  jour  sur  Nancy;  le  batail- 
lon du  65»  devra  passer  le  15  pour  se  rendre  à  Metz;  la  14^  légère  devra 
passer  le  10  ou  le  20,  à  Huningue;  la  16*  légère  devra  passer  le  17  ou  le 
18,  à  Hrisach;  le  17"' de  dragons,  à  Strasbourg  le  14,  pour  Pont-à-Mousson  ; 


DECAEN   A   AUGSBOURG  â3l 

le  20'  de  chasseurs,  à  Strasbourg  le  16,  pour  Arras;  le  1"  de  chasseurs,  à 
Strasbourg  le  26,  pour  Comniercj  ;  le  G""  de  chasseurs,  à  Strasbourg  le  26, 
pour  Strasbourg;  et  le  10'  de  chasseurs,  à  Strasbourg  le  30,  pour  Stenay. 

La  27''  demi-brigade  de  ligne  devra  continuer,  dès  ce  moment,  sa 
marche  pour  arriver  à  Strasbourg  où  je  suppose  qu'elle  arrivera  vers  le 
10  floréal. 

Le  pays  entre  le  Rhin  et  les  montagnes  étant  épuisé,  il  est  nécessaire, 
mon  cher  Decaen,  que  tu  combines  ton  mouvement  de  manière  que  les 
troupes  n'aient  qu'un  séjour  près  du  Rhin  sur  la  rive  droite. 

Le  général  Sainte-Suzanne  a  reçu  du  gouvernement  les  ordres  de  route 
de  tous  les  corps;  ainsi  il  sera  bon  que  tu  lui  envoies  d'avance  ainsi  qu'à 
moi  l'itinéraire  des  troupes  de  ta  division. 

L'artillerie  légère  entrera  à  Strasbourg  avec  le  6°  de  chasseurs. 

Le  caissier  du  payeur  Labouillerie  est  chargé  de  te  remettre  un  effet  sûr 
pour  25  000  francs. 

29  germinal  (19  avril).  —  Un  courrier  m'apporta  la  réponse  à 
ma  lettre  du  25,  au  sujet  des  magasins.  Le  général  Lahorie,  sous 
la  date  du  28,  m'adressait  la  copie  d'une  lettre  du  généra!  en  chef 
aux  membres  du  comité  de  Souabe,  datée  de  Stuttgart,  le  27.  En 
voici  le  contenu  : 

Je  vous  préviens.  Messieurs,  ([ue  je  donne  ordre  au  général  Decaen  de 
rester  cantonné  avec  les  troupes  sous  ses  ordres  à  Augsbourg  et  envi- 
rons jusqu'à  ce  que  les  magasins  de  l'armée  qui  existent  dans  cette  ville 
soient  totalement  évacués.  J'autorise,  pour  cet  effet,  une  réquisition  de 
voitures  à  frapper  sur  les  bailliages  de  la  Souabe  les  plus  voisins  d'Augs- 
bourg,  à  moins  que  les  administrateurs  généraux  ne  trouvent  des  acqué- 
reurs qui  veuillent  acheter  les  dits  magasins. 

Je  compte  assez  sur  votre  attachement  à  votre  pays  pour  être  persuadé 
que  vous  seconderez  de  tout  votre  pouvoir  l'exécution  de  la  réquisition  de 
voitures  pour  l'objet  ci-dessus  désigné,  comme  étant  le  moyen  le  plus  sur 
d'accélérer  le  départ  de  l'armée  française  de  vos  contrées. 

Signé  :  More.iil-. 
Pour  copie  conforme. 

Signé  :  l'adjudant  commandant  :  Bkrtr.axd. 

30  germinal  (20  avril) .  —  Le  général  Lahorie  m'ayant  annoncé, 
dans  sa  lettre  d'envoi,  qu'il  parlait  le  lendemain  pour  Strasbourg, 
j'écrivis  au  général  en  chef  : 

Votre  lettre  du  27  germinal  relative  à  la  vente  des  magasins  d'Augs- 
bourg,  mon  général,  a  produit  le  meilleur  effet.  Le  marché  s'est  passé  de 
suite.  Depuis,  j'ai  appris  que  les  entraves  qu'on  a  apportées  ne  sont  point. 


232      MEMOIRES   ET  JOURNAUX   DU   GENERAL   DECAEN 

autant  qu'on  Ta  expose,  du  fait  du  comité  car,  dès  l'instant  qu'il  a  eu  con- 
naissance de  vos  intentions,  ses  membres  ont  agi  avec  la  meilleure  volonté. 

Comme  la  27""  avait  reçu  l'ordre  pour  se  mettre  en  marche  le  29  (1)  et 
que  j'ai  différé  son  départ  jusqu'à  aujourd'hui,  parce  que  ce  départ 
devait  avoir  lieu  dans  le  moment  même  où  ces  messieurs  recevaient  votre 
arrêté,  je  vous  préviens,  mon  général,  que  la  27"=  ne  peut  arriver  à  Stras- 
bourg que  le  14.  Lahorie  me  l'avait  demandée  pour  le  10  floréal. 

Mes  dernières  troupes  quitteront  Augsbourg  le  6  floréal,  à  moins  d'ordres 
contraires,  et  Ulm,  le  13.  Comme  ces  troupes  ne  doivent  entrer  à  Stras- 
bourg que  le  26  et  le  30,  elles  séjourneront  encore  quelques  jours  aux 
sources  du  Neckar  avant  de  repasser  le  Rhin. 

En  conséquence  de  Tordre  du  23  qui  fixait  les  jours  où  les  diffé- 
rents corps  devaient  repasser  le  Rhin,  j'avais  donné  des  ordres  de 
marche  au  général  Durutte,  qui  commandait  ceux  désignés  pour 
passer  ce  fleuve  le  14  et  le  15,  et  au  général  Sahuc  pour  les  autres, 
qui  devaient  effectuer  ce  passage  du  16  au  20. 

6  Jloréal  (26  avril).  —  J'avais  fait  cantonner  en  échelons, 
depuis  Augsbourg  jusqu'à  Ulm  et  Erbach,  les  trois  régiments  de 
chasseursqui  me  restaient  avec  l'artillerie  légère.  Je  partis  d'Augs- 
bourg  pour  me  rendre  à  Ulm  et  je  lis  avancer  successivement  ces 
troupes  vers  cette  ville  (2) . 

7  Jloréal  (27  avril).  —  A  mou  arrivée  à  Ulm,  je  reçus  la  lettre 
ci-après  du  général  Lahorie,  datée  de  Stuttgart,  le  6  : 

Tu  sais,  mon  cher  Decaen,  que,  d'après  les  ordi-es  du  gouvernement,  le 
Brisgau  doit  être  occupé  par  des  troupes  françaises  jusqu'à  l'arrivée  du  duc 
de  Modène.  Ces  troupes  sont  la  16"  de  ligne  et  le  23"  régiment  de  cavalerie. 
Tu  dirigeras,  en  conséquence,  la  16"  demi-brigade  sur  Fribourg  et  envi- 
rons pour  le  18  et  le  20. 

Comme  le  bataillon  de  la  65"  qui  est  en  garnison  à  Stuttgart  doit  en 
partir  le  10  pour  se  rendre  à  Strasbourg,  donne  des  ordres  à  un  des  batail- 
lons de  la  16"  de  ligne  de  se  rendre  à  Stuttgart  pour  y  tenir  garnison.  Le 
chef  de  ce  bataillon  remplira  les  fonctions  de  commandant  d'armes.  Donne- 
lui  l'ordre  d'arriver  de  sa  personne  à  Stuttgart  le  0  de  ce  mois,  pour  qu'il 
puisse  recevoir  de  l'adjudant  commandant  Uapatel  les  instructions    néces- 

(1)  "  J'en  avais  préienu  Lahorie  »  (Note  de  Decaen).  Cette  lettre  qui  prévenait 
Lahorie  est  du  2"  germinal  (A.  H.  G.). 

(2)  "  ...  La  lenteur  qui  a  été  apportée  pour  la  vente  des  magasins  fait  retarder  l'éva- 
cuatioD  d'Augsbourg.. .  »  (Decaen  à  Lahorie,  Ulm,  5  floréal,  A.  H.  G.  ).  Cette  lettre  estdatée 
d"UIm  le  5,  alors  que  Decaen,  dans  ses  mémoires,  semble  dire  qu'il  ne  quitta  Augsbourg 
que  le  6. 


DECAEN   SE    DIRIGE    SUR   STRASBOURG  233 

saires.  Ce  bataillon  restera  à  Stuttgart  jusqu'au  24  de  ce  mois,  époque  à 
laquelle  il  recevra  de  l'état-major  général  l'ordre  direct  de  se  rendre  à  Fri- 
bourg,  les  régiments  de  cavalerie  de  la  réserve  devant  avoir  passé  à  Stutt- 
gart pour  le  24  de  ce  mois. 

Des  ordres  furent  aussitôt  expédiés  directement  au  commandant 
la  16"  demi-brigade,  qui  ne  devait  être  alors  éloignée  d'Ulm  que 
de  deux  jours  de  marche,  de  diriger  sur  Stuttgart  un  de  ses  batail- 
lons, par  le  cbemin  le  plus  court,  du  point  où  il  serait  rencontré, 
et  de  le  faire  devancer,  selon  Tordre,  par  le  chef  de  bataillon;  et 
il  fut  prévenu  que,  de  Donauescbingen,  où  il  devait  se  séparer  de 
la  brigade  dont  il  faisait  partie,  il  devait  aller  cantonner  jusqu'à 
nouvel  ordre  à  Fribourg  et  environs,  où  le  bataillon  qu'il  devait 
détacher  le  rejoindrait  plus  tard. 

Pendant  mon  séjour  à  Ulm,  je  fis  cantonner  les  trois  régiments 
de  chasseurs  et  l'arlillerie  légère  sur  la  rive  gauche  du  Danube 
depuis  cette  ville  jusqu'à  Sigmaringen,  le  10"  de  chasseurs,  dési- 
gné pour  passer  le  Rhin  le  30,  formant  l'arrière-garde  (1). 

i3Jloréal  (3  mai).  —  Je  quittai  Ulm  pour  me  rendre  à  Sigma- 
ringen. Toutes  les  troupes  de  la  colonne  avaient  reçu  l'ordre  de  se 
mettre  en  marche  le  même  jour,  pour  arriver  successivement  sur 
Tuttlingen,  d'où  elles  devaient  se  diriger  sur  Rottvveil  et  Villingen 
et  y  cantonner  dans  les  environs  jusqu'à  nouvel  ordre. 

Pendant  qu'ellesopéraient  leur  mouvement,  je  restai  deux  jours 
à  Sigmaringen;  de  là,  je  me  rendis  à  Villingen  en  passant  par 
Tuttlingen  et  Donauescbingen  (2),  attendu  qu'il  n'y  avait  pas  de 
relais  de  poste  de  Tuttlingen  à  Rottweil  et  Villingen. 

21Jloréal  (11  mai).  —  Je  fis  entrer  dans  la  vallée  de  la  Kinzig 
le  1"  et  le  6"  régiments  de  chasseurs  et  les  compagnies  d'artillerie 


(1)  Le  8  floréal,  Decaen  se  trouvait  à  Stockach  où  il  était  venu  pour  plusieurs  causes, 
•  entre  autres  pour  faire  le  commissaire  des  guerres,  car  quand  on  se  repose,  comme 
d'usage,  sur  ce  que  ces  messieurs  doivent  l'aire,  on  ne  Irouse  rien.  J'avais  pourtant 
donné  asseï  tôt  l'itiuéraire  de  la  marche  des  troupes  qui  devaient  trouver  de  l'avuiae  et 
du  fourrage  à  Messkirch  pour  quatre  jours,  et  le  commissaire  Giroux  m'avait  garanti 
que  je  ne  devais  point  avoir  d'inquiétude.  D'après  la  preuve  que  j'ai  du  contraire,  il 
«erait  bien  possible  que  Villingen  et  Rottweil  ne  soient  pas  mieux  approvisionnés  que 
Messkirch...  ^  (Decaeu  à  Lahorie,  Stockach,  8  floréal,  A.  H.   G.). 

(2)  Le  8,  Decaen  écrivait,  cependant,  de  Stockach  :  »  ...  Demain,  je  serai  à  Donaues- 
cbingen...  »  (Decaen  à  Lahorie,  Stockach,  8  floréal  .\.  H.  G.)- 


23V      MÉMOIRES   ET  JOURNAUX   DU   GÉNÉRAL  DECAEX 

lôgôro  (|ui  (levaient  repasser  le  Rhin  sur  le  pont  de  Kehl,  le  26;  et 
le  10'  vint  de  Rottvieil  à  Villingen.  Toutes  ces  troupes  continuè- 
rent leur  mouvement  les  jours  suivants. 

24Jloréal  (14  mai).  —  Les  premières  arrivèrent  à  Offenburg  et 
furent  cantonnées  entre  cette  ville  et  le  Rhin,  sur  la  route  de 
Strasbourg,  et  y  séjournèrent  le  lendemain. 

25  Jioréal  {\o  mai).  — Je  leur  ordonnai,  de  Gengenbach  (1),  où 
j'avais  établi  mon  quartier  général,  de  passer  le  Rhin  le  26,  sur  le 
pont  de  Kehl,  pour  se  rendre  à  Strasbourg,  où  elles  devaient  rece- 
voir de  nouveaux  ordres.  Le  10'  de  chasseurs,  qui  ne  devait  y  arri- 
ver que  le  30,  resta  dans  ses  cantonnements  dans  la  vallée  de  la 
Kinzig  à  Gengenbach  et  environs. 

28 floréal  (18  mai).  —  Je  me  rendis  à  Offenburg  avec  ce  régi- 
ment qui  y  cantonna  et  dans  les  villages  sur  la  route  de  Kehl. 

30 floréal  (20  mai).  — Je  partis  d'Offenburg  après  avoir  fait 
mettre  en  marche  le  10'  de  chasseurs  pour  repasser  le  Rhin  et  se 
rendre  à  Strasbourg  afin  de  recevoir  de  nouveaux  ordres. 

Aussitôt  mon  arrivée  dans  cette  ville,  je  fus  rendre  compte  au 
général  en  chef  de  l'exécution  de  ses  derniers  ordres,  et  je  lui  dis 
que  je  n'avais  jamais  eu  qu'à  me  louer  de  la  bonne  conduite  de 
ma  division  car  elle  n'avait  donné  lieu  à  aucune  plainte. 

Je  lui  dis  aussi  que  les  habitants  des  lieux  où  j'avais  passé,  sur- 
tout depuis  Augsbourg,  m'avaient  témoigné  la  plus  vive  satisfaction 
que  l'armée  française  leur  eût  donné  la  paix. 

(1)  Voir  les  cartes  du  volume  I. 


BONAPARTE   ET    DECAEN 


BONAPARTE    ET    DECAEIV 


Mémorial  de  ma  vie  militaire  depuis  le  retour  de  l'armée  du  Rhin 
sur  le  territoire  français,  après  la  paix  de  Lunéville^jusquen 
mars  1803,  que  je  quittai  la  France  pour  aller  reprendre  pos- 
session de  nos  établissements  dans  l'Inde,  rendus  par  le  traité 
d'Amiens,  et  les  gouverner  en  qualité  de  capitaine  général. 

Je  rends  compte  ensuite  de  mon  voyage  jusque  devant  Pondi- 
chéry  ;  des  causes  qui  m'empêchèrent  de  déharqtier  et  m'obli- 
gèrent à  me  replier  sur  Vile  de  France  ;  enjin  de  mon  séjour 
dans  cette  île  jusqu'au  moment  où,  j'en  pris  le  commaîidement, 
ainsi  que  des  autres  établissements  français  à  l'est  du  cap  de 
Bonne-Espérance . 


CHAPITRE  PREMIER 

De  Strasbourg,  Decaen  se  rend  à  Paris.  —  Desselle  le  présente  à  Bonaparte.  —  Sur  la 
demande  de  celui-ci.  Decaen  expose  à  sa  façon  la  bataille  de  Hohenlinden.  —  Il  fait 
ressortir  les  talents  et  la  sagacité  de  Moreau.  —  Moreau  tient  un  conseil  de  guerre 
avant  la  bataille.  —  On  y  prédit  la  ïictoire.  —  Rôle  de  la  division  Decaen.  —  Con- 
duite peu  politique  de  Moreau  à  l'égard  de  Bonaparte.  —  Origine  des  dissentiments 
entre  Bonaparte  et  Moreau.  —  Susceptibilités  et  jalousies  féminines.  —  Decaen 
cherche  à  rapprocher  Moreau  du  Premier  Consul.  —  Singulières  objections  de 
Moreau.  —  Decaen  les  réfute  avec  sa  brusquerie  et  sa  franchise  habituelles.  —  Un 
dîner  aux  Tuileries  le  14  juillet.  —  De  fougueux  Vendéens  y  coudoient  de  purs  répu- 
blicains. —  Prévenances  de  Bonaparte  pour  les  officiers  de  l'armée  du  Rhin.  — Appré- 
ciations de  Bonaparte  sur  les  émigrés  et  les  prêtres.  —  Decaen  lui  cite  un  exemple 
frappant  de  restriction  mentale.  —  Il  se  montre  surtout  hostile  aux  grands  prélats  et 
aux  hauts  fonctionnaires  ecclésiastiques  de  1  ancien  régime. —  Decaen  exprime  à  Bona- 
parte le  désir  d'aller  dans  l'Inde.  —  Appréciations  de  Moreau  et  de  Bonaparte  sur 
Leclerc.  —  Démarche  loyale  de  Decaen  auprès  de  Bernadotte.  —  Réflexions  de  Decaea 
sur  la  perte  de  Saint-Domingue  et  la  cession  de  la  Louisiane.  —  Moreau  fête  par  un 
dîner  l'anniversaire  de  Hohenlinden.  —  Decaen  en  profite  et  fait  une  nouvelle  tentative 
pour  le  rapprocher  du  Premier  Consul. 

A  mon  arrivée  à  Strasbourg,  le  1"  prairial  an  IX  (20  mai  1801), 
j'informai  verbalement  le  général  Moreau,  que  je  n'avais  pas  vu 


238   MEMOIRES  ET  JOURNAUX  DU  GEXERAL  DECAEN 

depuis  Munich,  de  l'exécution  de  ses  ordres  concernant  les  troupes 
formant  l'arrière-garde  de  l'armée,  auxquelles  je  venais  de  faire 
repasser  le  Rhin,  sur  le  pont  de  Kehl,  pour  aller  ensuite  dans 
les  garnisons  fixées  par  le  ministre  de  la  guérie. 

Le  gouvernement,  en  ordonnant  la  dislocation  de  l'armée,  ayant 
en  même  temps  autorisé  les  officiers  généraux  de  résider  où  bon 
leur  semblerait  en  attendant  de  nouvelles  lettres  de  service,  je 
ne  fis  qu'un  court  séjour  à  Strasbourg.  Je  me  mis  en  route  pour 
Paris. 

Le  général  Aloreau  devant  tarder  à  s'y  rendre,  je  demandai  au 
général  Dessolle,  chef  de  l'état-major  de  l'armée  du  Rhin,  qui 
était  alors  parfaitement  avec  le  Premier  Consul,  de  vouloir  bien 
me  présenter  à  ce  grand  général,  que  je  ne  connaissais  encore 
que  par  sa  haute  réputation. 

Nous  allâmes  à  la  Malmaison.  J'exprimai  au  général  Bonaparte 
tout  le  plaisir  que  j'éprouvais  de  le  voir  et  de  le  connaître,  et  que, 
depuis  bien  longtemps,  je  désirais  jouir  de  cette  satisfaction.  11 
me  dit,  avec  beaucoup  d'amabilité  :  "  Il  y  a  longtemps  que  je 
vous  connais,  moi!  ^  Et,  de  suite,  il  me  demanda  de  lui  donner 
une  explication  sur  le  mouvement  d'une  des  divisions  autri- 
chiennes, à  la  bataille  de  Hohenlinden,  contre  laquelle  j'avais 
encore  combattu  à  la  fin  de  la  journée,  parce  qu'il  n'avait  pas 
conçu  le  mouvement  de  cette  division  et  quel  avait  été  son  but. 
Je  dis  :  «  Si  j'avais  une  carte,  il  me  serait  plus  facile  de  vous  le 
faire  juger.  —  Non,  cela  n'est  pas  nécessaire.  «  Alors,  je  lui 
demandai  de  commencer  mon  récit  par  l'énoncé  de  quelques  anté- 
cédents. Je  pensai  à  cela,  parce  que  j'avais  appris  qu'il  avait  été 
dit  qu'on  devait  plus  au  hasard  qu'aux  combinaisons  la  grande  vic- 
toire de  Hohenlinden,  et  j'étais  bien  aise,  puisque  l'occasion  s'en 
présentait,  d'exposer  que  le  gain  de  cette  bataille  décisive  était  dû 
aux  talents  militaires  et  à  la  sagacité  du  général  Moreau,  ainsi 
qu'aux  dispositions  qu'il  avait  ordonnées,  et  [qui  furentj  exécutées 
par  son  armée  avec  la  plus  grande  précision  de  la  part  de  ses 
généraux  et  avec  la  plus  haute  valeur  parles  autres  officiers  et  par 
les  soldats. 

J'énonçai,  le  plus  brièvement  possible,  les  mouvements  de  notre 
armée  et  leur  but  avant  de  recommencer  les  hostilités.  Je  dis 
quelque  chose  des  projets  qu'on  supposait  aux  Autrichiens.  J'ajou- 


E.\TRETIEN   SUR    HOHENLINDEX  239 

tai  que  le  général  en  chef  avait  prescrit,  dans  les  ordres  à  ses 
«[énéraux  pour  marcher  à  l'ennemi,  (|ui  n'avait  alors  que  des 
postes  en  avant  de  l'Inn  et  dont  on  ignorait  les  points  de  rassem- 
blement de  ses  principales  forces,  de  ne  pas  engager  avec  lui 
d'affaires  sérieuses  si  on  le  rencontrait  supérieur,  parce  qu'en  ce 
cas,  il  voulait  le  combattre  avec  toute  l'armée;  qu'en  consé- 
quence, l'aile  gauche,  commandée  par  le  lieutenant  général 
Grenier,  s'était  avancée  par  la  vallée  d'Isen  et  par  la  route  de  Haag, 
et  que  le  10  frimaire  (1"'  décembre  1800),  elle  avait  rencontré 
l'armée  ennemie  qui  avait  débouché  presque  en  entier  par  Miihl- 
dorf;  qu'alors,  un  combat  opiniâtre  s'était  engagé,  et  que  le 
général  Moreau,  qui  avait  suivi  cette  affaire,  ayant  jugé  les  inten- 
tions de  l'ennemi,  avait  ordonné  un  mouvement  rétrograde  à  son 
aile  gauche,  ainsi  qu'aux  trois  divisions  du  centre  qui  s'étaient  aussi 
avancées  vers  l'Inn  et  qui  agissaient  immédiatement  sous  les  ordres 
du  général  en  chef;  que  je  m'étais  porté,  avec  lavant-garde  de  ma 
division,  jusqu'à  l'abbaye  de  Rott,  sur  le'  bord  de  l'Inn,  pour  y 
chercher  dans  ses  environs  si  on  pourrait  entreprendre  d'y  passer 
ce  fleuve;  que  le  général  Lecourbe,  commandant  l'aile  droite, 
avait  aussi  fait  faire  des  reconnaissances  sur  plusieurs  autres  points 
pour  le  même  objet;  que,  n'étant  arrivé  qu'à  la  fin  du  jour, 
j'avais  été  obligé  de  remettre  au  lendemain  malin  pour  faire  ma 
reconnaissance,  de  laquelle  je  m'occupais,  lorsqu'un  officier,  que 
j'avais  envoyé  avec  un  parti  pour  communiquer  avec  la  division 
du  général  Richepance  qui  avait  marché  sur  W  asscrburg,  me  fit 
le  rapport  vers  midi  (j'étais  alors  à  deux  heures  de  Rott)  que  les 
troupes  de  cette  division  avaient  fait  leur  retraite  à  minuit;  et 
qu'aussitôt  cette  nouvelle,  j'étais  retourné  à  l'abbaye,  espérant  y 
trouver  des  ordres,  ayant  recommandé  à  mon  chef  d'état-major, 
(jue  j'avais  laissé  à  Beiharling  avec  la  division,  de  m'envoyer  toutes 
les  lettres  qui  arriveraient  pour  moi;  qu'en  arrivant,  ou  m'en 
avait  remis  une  qui  venait  d'être  apportée,  datée  de  Haag,  et  que, 
dans  cette  lettre,  il  m'était  prescrit  d'aller  prendre  position  à  Zor- 
neding  avecma  division;  ([u'on  m'y  annonçait  que,  le  mouvement 
de  l'ennemi  donnant  à  supposer  au  général  en  chef  que  l'archi- 
duc Jean  était  disposé  à  combattre  entre  l'Inn  et  l'Isar,  il  se  déci- 
dait à  rassembler  l'armée  pour  lui  livrer  bataille;  que,  seh)n  cet 
ordre,  j'aurais  dû  commencer  mon  mouvement  pendant  la  nuit; 


2V0      MÉMOIRES   ET   JOURNAUX   DU    GÉMERAL   DECAE.V 

(|u'api('S  avoir  ordonné  la  marche  de  mes  troupes  et  recommandé 
la  plus  grande  célérité,  j'étais  allé  de  suite  à  Zorneding,  pour 
informer,  de  là,  où  je  serais  plus  à  la  proximité  du  quaitier  géné- 
ral de  l'armée,  de  ce  qui  avait  donné  lieu  au  retard  de  mou  mou- 
vement; qu'en  route,  j'avais  reçu  une  lettre  encore  datée  de  Haag, 
par  laquelle  j'étais  prévenu  qu'une  partie  de  l'armée  devait  se  ras- 
sembler près  d'Anzing;  qu'alors  je  n'avais  pas  perdu  de  temps 
pour  me  rendre  dans  ce  village,  comptant  y  trouver  le  général  en 
chef  afin  de  le  prévenir  que  mes  troupes  n'arriveraient  que  fort 
tard  à  leur  position,  ce  qui  pourrait  peut-être  faire  changer  les 
dispositions  que  l'on  me  chargerait  d'exécuter  le  lendemain;  que 
le  général  Moreau  m'avait  témoigné  sa  satisfaction  de  me  voir  en 
disant  :  «Ah  !  voilà  Decaen  !  La  bataille  sera  gagnée  demain  "  (En 
s'exprimant  ainsi,  le  général  Moreau  pensait  aux  JOOOO  hommes 
que  je  rapprochais  de  lui;  néanmoins,  je  fus  très  flatté  de  ce  bon 
accueil  et  très  content  d'être  venu  moi-même  rendre  compte)  ; 
qu'ayant  demandé  au  général  Moreau,  avec  lequel  étaient  les 
généraux  Grenier,  Dessolle  et  Grouchy,  ce  que  j'aurais  à  faire 
pour  contribuer  au  gain  de  la  bataille,  il  m'avait  dit  :  «  Votre 
division  passe  sous  les  ordres  du  général  Grenier  •;  ;  qu'alors  je 
demandai  à  ce  général  sur  quel  point  je  devais  arriver  et  à  quelle 
heure  ;  mais  que,  d'après  sa  réponse  qu'il  fallait  être  rendu  le  len- 
demain, à  11  heures  du  matin,  à  la  gauche  du  village  de  Hohen- 
liudcn,  j'avais  fait  l'observation  que  cela  m'était  impossible,  en 
raison  de  la  distance  que  j'avais  à  parcourir  et  de  l'étal  des  che- 
mins; et  que  c'était  tout  au  plus  si,  à  2  heures  après  midi,  la 
tête  de  ma  colonne  pouvait  être  arrivée  sur  le  terrain  qui  m'était 
indiqué,  et  dans  le  moment  où  l'on  serait  sans  doute  le  plus  forte- 
ment aux  prises;  que  ce  n'était  certainement  pas  cela  qu'il  fallait, 
mais  bien  toute  la  division,  pour  pouvoir,  au  besoin,  contribuer  à 
porter  le  coup  décisif;  que  le  général  Aloreau,  entendant  mes 
observations,  m'avait  fait  cette  (juestion  :  -  Mais  vous  pourrez  bien 
suivre  le  mouvement  de  Richepance?  —  Sur  quel  point,  mon 
général,  le  dirigez-vous?  —  Mais,  je  le  fais  partir  d'Ebersberg 
pour  se  porter  par  Christoph  sur  iMaiteubeth.  — Je  suis  on  ne 
peut  pas  mieux  placé  pour  suivre  ce  mouvement,  mes  troupes 
les  plus  éloignées  n'étant  qu'à  trois  lieues  d'Ebersberg,  et  j'ai 
la    chaussée    pour   m'y    rendre,    ce    qui    me   facilitera   de    mar- 


HEUREUSES   DISPOSITIONS   DE    MOREAU  241 

cher  avec  plus  de  rapidité  et  avec  tout  rensembic  possible  "  ; 
qu'après  m'avoir  demandé  si  toute  ma  division  serait  réunie 
dans  la  soirée,  et  que  j'eus  répondu  affirmativement,  mais  à 
500  hommes  près  qui,  phicés  à  des  avant-postes  éloignés,  ne 
rejoindraient  que  durant  la  nuit,  le  général  Moreau  avait  dit  : 
((  Eh  bien!  Je  voulais  faire  tourner  l'ennemi  par  10  000  hommes; 
il  le  sera  alors  par  20000.  Mais  à  quelle  heure  pourrez-vous  arri- 
ver sur  Christoph?  —  Je  ne  puis  pas  le  préciser,  mais  je  ferai 
mon  possible  pour  que  la  majeure  partie  de  mes  troupes  y  soient 
avant  midi  n  ;  enfin  (jue  le  général  Moreau  avait  décidé  que  je  sui- 
vrais la  division  Richepance,  et  (jue  des  ordres  m'avaient  été  don- 
nés en  conséquence. 

Après  ce  préliminaire,  je  donnai  mon  explication  en  ces 
termes  :  "  L'archiduc  Jean,  nous  croyant  en  pleine  retraite  tan- 
dis que  nous  nous  préparions  à  lui  livrer  bataille,  avait  fait  mar- 
cher son  armée,  par  la  vallée  d'Isen  et  par  la  grande  route  de 
Haag,  sur  Hohenlindeu,  et  il  avait  dirigé  une  division  sur  son  flanc 
gauche  par  Albachiug  pour  se  porter  par  la  route  de  Wasserburg 
à  Ebersberg.  Le  général  qui  la  commandait  avait  mis  du  retard  à 
exécuter  ses  ordres,  autrement  il  aurait  pu  inquiéter  la  droite  de 
la  colonne  Richepance  qui  avait  laissé  celte  route  pour  prendre  le 
chemin  de  Christoph,  et  retarder  sou  mouvement;  et,  ce  que  le 
général  autrichien  n'avait  pas  fait  contre  cette  colonne,  il  aurait 
pu  l'exécuter  contre  la  mienne  lorsque  je  lui  fis  prendre  la  même 
direction.  Cependant,  au  moment  où  la  plus  grande  partie  de 
mes  troupes  était  engagée  sur  celte  nouvelle  direction,  mes  éclai- 
reurs  avaient  fait  annoncer  qu'ils  avaient  rencontré  quelques 
ennemis  sur  la  route  de  Wasserburg,  et  j'avais  envoyé  un  parti  de 
dragons  et  d'infanterie  pour  les  observer  en  attendant  l'arrivée 
d'une  partie  de  la  brigade  Debilly  que  j'avais  laissée  à  Ebersberg 
où  elle  devait  être  relevée  par  une  des  divisions  de  l'aile  droite  de 
l'armée.  Or,  n'ayant  pas  d'inquiétude  de  la  part  de  l'ennemi  que 
j'aurais  eu  à  combattre  s'il  n'avait  pas  mis  de  retard  à  s'avancer, 
j'avais  hâté  la  marche  de  mes  troupes  pour  arriver  sur  le  plateau 
de  Christoph,  parce  qu'on  se  battait  alors  vivement  vers  Hohen- 
linden.  n 

Je  ne  fis  pas  le  récit  des  différentes  dispositions  que  j'avais 
ordonnées,  soit  pour  arriver  sur  le  plateau  de  Christoph,  soit  pour 
II.  16 


242      MEMOIRES    ET   JOIRXALX   DU   GEMERAL   DECAEX 

combattre  les  onnomis  qui  furent  rencontrés  à  sa  proximité,  soit 
enfin  pour  rétablir  la  jonction  d'une  partie  de  la  division  Ricbe- 
pance  que  j'avais  trouvée  sur  ce  plateau  et  qui  avait  été  séparée  de 
l'autre  partie,  à  la  tète  de  laquelle  ce  général  avait  marché  sur 
Maitenbeth,  par  des  ennemis  arrivés  sur  le  flanc  gauche  de  la 
colonne  française  et  qui  l'avaient  coupée. 

Mais  je  dis  au  Premier  Consul  que  le  général  Kniaziewicz,  avec 
une  partie  de  la  légion  polonaise  que  j'avais  dirigée  sur  la  droite 
de  Christoph  pour  contribuer  à  rétablir  la  jonction  des  troupes 
de  Richepance,  s'était  trouvé  en  présence  de  ce  corps  de  l'armée 
autrichienne  que  l'on  aurait  dû  plus  tôt  rencontrer,  et  avec  lequel 
les  ennemis  qui  avaient  coupé  la  colonne  française  voulaient 
opérer  leur  jonction  :  ce  qui  avait  été  contrarié  par  l'arrivée  de 
mon  avant-garde  conduite  par  le  chef  de  brigade  Laffon,  du  6"  de 
chasseurs  à  cheval;  qu'il  était  résulté  des  dispositions  que  j'avais 
ordonnées,  et  du  combat  qui  s'était  engagé,  que  les  troupes  sépa- 
rées de  celles  à  la  tète  desquelles  se  trouvait  le  général  Riche- 
pance l'avaient  rejoint;  et  que,  bientôt  après,  la  victoire  s'était 
décidée  en  notre  faveur  car,  de  toutes  parts,  les  troupes  de  ma  divi- 
sion avaient  amené  des  prisonniers,  au  moins  3  000,  et  sept  pièces 
de  campagne;  cependant,  qu'on  entendait  encore  une  vive  canon- 
nade sur  la  gauche,  et  (jue  j'avais  envoyé  la  brigade  Durutte  du 
côté  du  feu  pour  être  employée  au  besoin;  qu'ayant  suivi  le  mou- 
vement de  cette  brigade,  j'avais  aperçu,  au  moment  qu'elle  allait 
déboucher  sur  la  grande  route  de  Hohenlinden  à  Haag,  la  divi- 
sion Grouchy  qui  y  poursuivait  l'ennemi;  qu'ayant  alors  jugé,  par 
la  marche  de  cette  division,  que  la  gauche  n'avait  pas  besoin  de 
mon  renfort,  j'avais  fait  faire  une  contremarche  à  la  brigade 
Durutte  et  pris  la  résolution  de  diriger  la  plus  grande  partie  de 
mes  troupes  sur  Haag  en  passant  par  Albaching,  afin  de  couper 
autant  que  possible  la  communication  de  l'ennemi  avec  U  asser- 
burg;  que,  dans  cette  circonstance,  le  général  Kniaziewicz,  que 
j'avais  chargé  de  rester  sur  Christoph  pour  couvrir  mon  flanc 
droit,  m'ayant  fait  prévenir  qu'il  était  vigoureusement  attaqué  par 
le  corps  devant  lequel  il  était  en  observation,  je  lui  fis  annoncer 
que  je  marchais  pour  l'appuyer;  que  le  combat  était  sérieusement 
engagé  et  que  ce  général  soutenait  fort  bien  l'attaque;  mais  que 
mon  mouvement  sur  Albaching  ayant  menacé  la  droite  de  l'en- 


L'ATTITUDE    DE    MOREAU   lYDISPOSE    BOIVAPARTE      243 

nemi,  il  avait  bientôt  fait  sa  retraite;  et  qu'il  avait  été  poursuivi 
jusqu'à  la  nuit,  etc.,  etc... 

Le  Premier  Consul  me  témoigna  qu'il  était  satisfait  de  mon 
explication. 

Ayant  appris  l'arrivée  du  général  Moreau  à  Paris,  mais  qu'il  était 
parti  de  suite  pour  Orsay,  chtàleau  dont  sa  belle-mère  avait  fait, 
depuis  peu  de  temps,  l'acquisition,  je  m'empressai  d'aller  le  saluer. 
Il  me  demanda  si  j'avais  vu  le  Premier  Consul.  «  Oui,  il  m'a 
fort  bien  reçu.  —  Il  aurait  été  bien  difficile.  «  Ce  fut  tout  ce  qu'il 
me  dit  à  ce  sujet. 

Peu  de  jours  après  cette  visite,  étant  allé  voir  le  général  Dcs- 
solle,  je  lui  demandai  si  le  général  iloreau  avait  été  voir  Bona- 
parte. D'après  sa  réponse  affirmative,  je  lui  exprimai  que  j'aurais 
bien  voulu  être  présent  à  l'entrevue.  Il  me  dit  qu'il  l'avait  accom- 
pagné, qu'on  avait  eu  un  abord  assez  froid;  que,  néanmoins,  cela 
s'était  bien  passé. 

Je  me  plaisais  donc  à  penser  que  les  nuages  de  mauvaise 
bumeur  qui  s'étaient  élevés  entre  ces  deux  généraux  qui  venaient  de 
conquérir  la  paix,  étaient  totalement  dissipés.  Mais  les  intrigues, 
les  jalousies  et  les  indiscrétions  de  quelques  personnes  firent  non 
seulement  renaître  leur  mécontentement  mutuel,  mais  encore 
elles  le  cbangèrent  en  une  haine  réciproque  dont  les  effets  furent, 
dans  la  suite,  si  funestes  au  général  Moreau,  et  portèrent,  je  crois, 
préjudice  aux  destinées  et  aux  intérêts  de  la  France. 

Ce  général,  qui  avait  pris  la  résolution  de  ne  pas  aller  le 
dimanche  aux  Tuileries,  comme  tous  les  autres  officiers  généraux, 
sénateurs,  etc.,  et  qui,  je  crois,  ne  retourna  plus  voir  Bonaparte, 
accepta  un  dîner  qui  lui  fut  offert  par  les  Bretons  alors  à  Paris. 
Je  fus  invité  à  ce  dîner.  Je  comptais  assister  à  une  joyeuse  fête  de 
famille.  Mais  je  fus  tellement  désappointé  en  voyant  la  manière 
embarrassée  du  héros  de  cette  fête,  ainsi  que  celle  des  convives, 
enfin  de  tout  ce  qui  s'y  passa,  que  je  dis  à  quelqu'un  qui  m'en 
demanda  des  nouvelles  que  je  n'y  avais  vu  de  chaleur  et  de  viva- 
cité que  dans  le  feu  d'artifice  tiré  par  Ruggieri. 

L'étonnante  et  si  peu  politique  conduite  du  général  Aloreau  ne 
laissait  pas  d'embarrasser  les  officiers  qui  avaient  servi  sous  ses 
ordres.  J'étais,  certes,  de  ce  nombre.  Mais  le  bon  accueil  que 


2V4      MEMOIRES   ET  JOURNAUX   DU   GENERAL   DECAEN 

m'avait  fait  lo  Premier  Consul  lorsque  je  lui  avais  été  présenté 
et,  ensuite,  quand  j'étais  allé  le  voir,  soit  à  la  Malmaison,  soit 
aux  Tuileries,  me  faisait  repousser  les  insinuations  défavorables  à 
son  égard,  surtout  lorsqu'on  me  disait  qu'il  était  plus  qu'indiffé- 
rent pour  les  officiers  généraux  de  l'armée  du  Rhin,  que  je  devais 
eu  juger  par  ce  qui  avait  lieu  à  l'égard  de  Moreau,  que  c'étaient 
ceux  qui  avaient  servi  en  Italie  qui  avaient  et  qui  auraient  toutes 
les  faveurs. 

Comme  je  ne  trouvais  rien  d'extraordinaire  que  IJonaparle  se 
fût  entouré  des  généraux,  ses  compagnons  d'armes  en  Italie,  dont 
il  avait  apprécié  le  caractère,  la  capacité,  le  dévouement  à  sa 
personne,  je  ne  voyais  qu'une  pomme  de  discorde  dans  ces  insi- 
nuations. Je  faisais  des  vœux  pour  qu'une  prompte  et  parfaite 
réconciliation  pût  bientôt  s'opérer,  principalement  dans  l'intérêt 
de  la  chose  publique,  ainsi  que  pour  dégager  les  officiers  de 
l'armée  du  Rhin  de  la  position  équivoque  dans  laquelle  la  façon 
d'agir  du  général  Moreau  les  avait  placés  entre  lui  et  le  chef  du 
gouvernement.  Mais  je  vis  avec  peine  que  ce  général  se  laissait 
trop  facilement  influencer  par  son  épouse  et  sa  belle-mère,  ainsi 
que  par  quelques  autres  personnes  qui  avaient  su  prendre  un 
trop  grand  ascendant  sur  lui;  et  qu'il  persistait  dans  sa  résolu- 
tion de  se  tenir  à  l'écart. 

Avec  cela,  au  lieu  de  se  borner  à  ne  recevoir,  à  la  campagne,  que 
quelques  amis,  il  y  avait,  surtout  le  dimanche,  un  assez  grand 
nombre  de  personnes  qui  allaient  lui  rendre  visite,  les  unes,  pour 
avoir  seulement  le  plaisir  de  le  voir,  d'autres,  par  curiosité  de 
savoir  ce  qui  s'y  passait,  enfin  les  mécontents  de  l'époque,  car  il 
y  eu  a  sous  tous  les  gouvernements,  et,  bien  certainement,  le  len- 
demain, le  Premier  Consul  était  informé  de  ce  qui  avait  été  dit 
à  son  sujet,  ainsi  que  des  critiques  exercées  sur  son  administra- 
tion, etc..  etc.. 

A  cet  égard,  le  général  Moreau  n'étant  pas  très  réservé,  ce  qui 
excitait  le  dire  des  mécontents  ou  de  ceux  qui  voulaient  le  flatter, 
tout  cela  devait,  naturellement,  déplaire  à  Bonaparte. 

Dans  le  public,  on  se  demandait  quelles  pouvaient  être  les 
causes  de  mésintelligence  entre  deux  hommes  qui  s'étaient  si  bien 
entendus  pour  faire  triompher  les  armées  de  la  République.  Les 
uns  répondaient  :  «  Il  faut  l'attribuer  à  une  mutuelle  jalousie»  ; 


SUSCKPTIBILITES   ET   JALOUSIES   FÊMl.VINES        2V5 

d'autres  disaient  (|ue  Moreau  avait  à  se  plaindre  des  procédés  du 
Premier  Consul  tant  envers  lui  qu'à  l'égard  de  sou  épouse  :  celle- 
ci  étant  allée  un  jour  à  la  Mahnaison,  pendant  que  son  mari  était 
encore  à  l'armée,  continuant  ses  opérations  à  la  suite  de  la  bataille 
de  Holienlinden,  [Bonaparte]  n'avait  pas  même  daigné  lui  en 
demander  des  nouvelles;  et  qu'une  autre  fois  s'étant  présentée 
avec  sa  belle-mère  pour  faire  une  visite  à  Mme  Bonaparte,  on 
n'avait  pas  voulu  les  recevoir. 

J'ai  entendu  le  général  Moreau,  étant  encore  à  l'armée,  se 
plaindre  avec  amertume  du  premier  de  ces  griefs.  Quant  au 
second,  il  est  positif  que  Mme  Moreau  et  sa  belle-mère  s'étant  pré- 
sentées à  la  Malmaison  pour  voir  Mme  Bonaparte,  n'ayant  pas  été 
admises  sur-le-cbamp  et  s'en  trouvant  formalisées,  elles  s'en 
retournèrent,  après  avoir  chargé  de  dire  que  la  femme  du  général 
Moreau  n'était  pas  faite  pour  attendre.  Il  est  également  certain 
que  Mme  Bonaparte  était  alors  dans  le  bain,  et  qu'elle  s'était 
même  empressée  d'en  sortir  quand  on  lui  annonça  ces  deux 
orgueilleuses  qui  n'eurent  pas  la  patience  d'attendre  qu'elle  fût 
habillée  pour  les  recevoir. 

Ce  sont  cependant  à  des  choses  d'aussi  peu  d'importance  que 
l'on  doit  attribuer  les  premières  causes  de  rupture  des  liens 
d'union  politique  qui  s'étaient  formés  entre  Bonaparte  et  Moreau, 
à  l'époque  du  18  brumaire,  et  dont  il  résulta  des  propos  et  des 
expressions  de  mépris  rapportées  aux  uns  et  aux  autres  par  des 
gens  trop  officieux  qui  alimentèrent  une  haine  réciproque  qui,  de 
plus  en  plus,  devint  implacable. 

Le  Premier  Consul  venant  exactement  tous  les  dimanches  aux 
Tuileries  pour  la  parade  et  pour  y  donner  audience,  j'y  allais 
assez  régulièrement  et,  chaque  fois,  Savary  ou  Rapp,  ses  aides  de 
camp,  (jue  je  connaissais  depuis  longtemps  et  qui  savaient  que  le 
général  Moreau  m'avait  toujours  témoigné  de  l'amitié,  venaient 
me  demander  des  nouvelles  de  sa  santé  ou  s'il  était  à  Paris.  Je 
leur  répondais  d'abord  selon  ce  que  j'avais  appris.  Mais  ensuite, 
croyant  qu'il  y  avait  affectation  de  leur  part  et  surtout  d'ajouter  à 
leur  demande  pourquoi  on  ne  le  voyait  pas  aux  Tuileries,  je  leur 
dis  que  je  l'ignorais  et  que,  pour  le  savoir  positivement,  ils  devaient 
aller  le  lui  demander,  ce  qui  vaudrait  beaucoup  mieux  que  de 
s'adresser  à  moi  qui  ne  pouvais  pas  satisfaire  leur  curiosité. 


246      MEMOIRES   ET  JOURNAUX   DU    GENERAL   DEGAEN 

Ces  questions  me  déterminèrent  d'aller  à  Orsay  avec  l'intention 
d'en  faire  part  au  général  Moreau.  Me  trouvant,  après  le  dîner, 
un  moment  seul  avec  lui,  je  lui  dis  :  «  Des  aides  de  camp  du  Pre- 
mier Consul  m'ont  demandé  plusieurs  fois  des  nouvelles  de  votre 
santé  et  si  vous  étiez  à  Paris.  Mais  comme  ils  ont  ajouté  pourquoi 
l'on  ne  vous  voyait  point  aux  Tuileries,  je  leur  ai  répondu  que, 
pour  le  savoir,  ils  n'avaient  qu'à  vous  en  faire  la  demande.  Néan- 
moins, s'il  vous  plaisait  de  me  dire  quel(|ue  chose  à  ce  sujet,  je 
vous  assure  que  je  le  leur  transmettrais  exactement,  n  Je  fus  fort 
étonné  de  cette  réponse  :  «  Je  suis  trop  vieux  pour  me  courber.  ••■> 
Et  le  sentiment  que  j'en  éprouvai  me  fit  répliquer  à  l'instant  : 
V.  Qui  s'est  courbé  le  premier?  N'avez-vous  pas  reçu  une  paire  de 
pistolets  l'année  dernière?  N'êtes-vous  pas  un  des  principaux  coo- 
pérateurs  du  18  brumaire?  Quoi!  Parce  que  nous  nous  rappro- 
chons du  chef  du  gouvernement  qui  nous  fait  bon  accueil,  vous 
prétendez  que  nous  fléchissons  le  genou?  Qui,  plus  que  vous,  a 
contribué  à  l'élévation  de  Bonaparte  et  à  consolider  le  gouverne- 
ment? Ne  me  dites-vous  pas,  l'année  dernière,  à  Nympheuburg,  à 
votre  retour  de  Paris,  lorsque  je  vous  demandai  comment  le  gou- 
vernement marchait,  que  cela  allait  très  bien,  et  qu'il  n'y  avait  que 
Bonaparte  capable  de  tirer  la  France  de  sa  position  difficile?... 
Quelles  sont  donc  les  causes  de  votre  changement  d'opinion?  ii 

Le  général  Moreau  se  borna  à  me  répondre  que  Bonaparte  était 
fort  mal  entouré  ;  — il  se  servait  même  d'expressions  méprisantes;  — 
et  que  les  choses  n'allaient  pas  comme  elles  devaient  aller.  Je  lui 
répliquai  :  a  Mais  ce  ne  sera  pas  en  vous  tenant  à  l'écart  et  seu- 
lement en  critiquant  ce  qui  se  fait  que  vous  pourrez  espérer  qu'il 
sera  remédié  au  mal  dont  vous  vous  plaignez.  J'ignore  si  vous 
avez  fait  quelques  conditions  avec  Bonaparte,  avant  de  l'aider  à 
monter  sur  le  trône;  mais,  dans  tous  les  cas,  il  me  semble  qu'il 
vous  convient  plus  qu'à  qui  que  ce  soit  de  faire  des  représenta- 
tions. Ce  n'est  donc  qu'en  vous  rapprochant  du  gouvernement, 
et  en  lui  faisant  vos  observations,  qu'il  pourra  agir  selon  vos  vues, 
et  (|u'il  pourra  être  employé  d'autres  hommes  que  ceux  que  vous 
jugez  incapables  (l).  «  Il  ne  fut  rien  dit  de  plus,  parce  que  plu- 

(1)  Defacii  n'était  pas  soûl  à  doimer  ce  conseil  à  Moreau.  Déjà,  au  comraeucement 
de  novembre  1800,  le  général  Sauviac  engageait  Moreau  à  embrasser  le  parti  du  Premier 
Cousul,    et   souhaitait   que    l'inimitié  qui,  disait-il,  par  suite  de  faux  rapports,  le»  avait 


L\    DINER  AUX    TlILERIES  247 

sieurs  personnes  s'approchèrent  de  nous.  C'était  l'heure  de  monter 
en  voiture  pour  retourner  à  Paris  où  je  rentrai  peu  satisfait  des 
singulières  objections  du  général  Moreau. 

Ayant  été  invité  de  diner  aux  Tuileries  le  jour  anniversaire  du 
14  juillet,  je  me  trouvai  placé  auprès  de  l'abbé  Sieyès.  Il  me  fit 
l'observation  que,  s'il  y  avait  quehjue  chose  d'extraordinaire  dans 
celte  réunion,  où  nombre  de  personnes  devaient  être  étonnées  de 
se  trouver  ensemble,  c'était  de  ne  pas  y  voir  le  général  Moreau, 
et  d'y  apercevoir  l'abbé  Dernier.  Et  il  ajouta  :  a  Savez-vous  la 
cause  de  l'absence  du  général?  —  C'est  probablement,  n  lui  dis- 
je,  "  parce  que,  depuis  son  retour  de  l'armée,  il  n'a  pas  voulu  se 
présenter  ici  comme  tout  le  monde.  J'ignore  les  vraies  causes  de 
cette  résolution  de  sa  part.  Et  on  ne  l'aura  pas  invité.  Mais  vous 
me  surprenez  beaucoup  en  me  disant  que  nous  dinons  avec  l'abbé 
Dernier,  l'un  des  principaux  instigateurs  et  auteurs  do  la  funeste 
guerre  de  la  Vendée,  qui  a  prêché  et  fanatisé  le  peuple  de  ce 
malheureux  pays,  qui  a  été  le  chef  d'état-major  de  Stofflet,  enfin 
qui  a  fait  commettre  toutes  sortes  d'horreurs  sur  les  Républi- 
cains. —  Vous  l'auriez  fait  sans  doute  fusiller  si  vous  aviez  pu  le 
prendre  "  ,  me  dit  Sieyès.  Lui  ayant  répondu  affirmativement  et 
que  j'aurais  certainement  éprouvé  le  même  sort  si  je  fusse  tombé 
au  pouvoir  de  cet  abbé  ;  u  Eh  bien!  v  me  dit  Sieyès,  «  voilà  les 
révolutions  :  aujourd'hui  vous  dinez  tous  les  deux  à  la  même 
table.  « 

Plus  la  fausse  politique  du  général  Moreau  et  la  maligne 
influence  qu'on  exerçait  sur  lui  le  faisaient  persister  dans  son  oppo- 
sition, plus  le  Premier  Consul  témoignait  de  bienveillance  aux 
généraux  de  l'armée  du  Rhin,  et  principalement  à  ceux  qui 
s'étaient  distingués  pendant  la  dernière  campagne.  Comme  chef 
du  gouvernement,  il  élait  certes  de  son  intérêt  de  les  rallier  à  lui, 
et  de  dissiper  les  préventions  de  préférence  qu'on  lui  avait  sup- 
posées pour  ceux  de  l'armée  d'Italie  :  et  c'est,  sans  doute,  à  cause 
de  cela  qu'il  faisait  un  très  bon  accueil  aux  premiers,  et  qu'il 
avait  pour  eux  beaucoup  de  prévenances,  soit  lors  des  visites  par- 
ticulières qu'on  allait  lui  faire  à  la  Malmaison,  soit  aux  Tuileries, 
les  jours  de  parade.  Enfin,  lorsqu'il  nomma  des  inspecteurs  d'in- 
divises, lît  place  à  un  rapprochemeat  sincère  (Sauviac  à  Moreau,  sans  indication  de  lieu, 
14  brumaire  an  IX,  armée  du  Rhin,  Correspondance). 


248       MÉMOIRES   ET   JOURNAUX   DU   GENERAL   DECAEN 

fanteiie  et  de  cavalerie,  la  majeure  partie  de  ces  inspections  fut 
donnée  à  des  généraux  de  l'armée  du  Rhin. 

Je  pensais  que  Bonaparte  était  bien  contrarié  de  réloignement 
de  Moreau.  Je  présumais  qu'il  désirait  une  réconciliation,  car 
j'observais  que,  quand  il  apercevait  le  frère  de  ce  dernier,  alors 
tribun,  il  s'en  approchait  toujours  pour  causer  avec  lui. 

Pour  ce  qui  me  concerne,  je  dirai,  entre  autres  choses,  qu'ayant 
fait  la  demande  d'une  place  de  conseiller  à  la  cour  d'appel  de  Caen 
pour  un  de  mes  meilleurs  amis  (M.  Lasseret,  avocat  chez  lequel 
j'étudiais  au  moment  de  mon  départ  pour  l'armée  en  1792,  lorsque 
la  Patrie  fut  déclarée  en  danger),  cette  nomination  m'avait  été 
accordée  sur-le-champ,  et  que  des  demandes  d'emploi  que  j'avais 
faites  pour  plusieurs  autres  personnes,  cependant  avec  discrétion, 
furent  également  bien  accueillies  (1). 

Le  Premier  Consul  avait  l'habitude,  après  les  dîners,  aux  Tui- 
leries, d'aller  causer  avec  l'un  ou  l'autre  ;  et,  un  jour  que  je  me 
trouvais  auprès  du  général  Gudin,  il  s'approcha  de  nous  et  nous 
demanda  comment  nous  nous  portions,  si  nous  étions  satisfaits? 
Après  notre  affirmation,  le  général  Gudin  lui  ayant  exprimé  com- 
bien il  était  agréable  aux  officiers  généraux  de  recevoir  des  témoi- 
gnages de  considération,  Bonaparte  nous  dit  :  «  J'espère  bien  que 
cette  considération  s'accroîtra  de  plus  en  plus.  Mais  nous  avons 
encore  deux  choses  qui  nous  embarrassent,  les  prêtres  et  les 
émigrés.  Quant  aux  émigrés,  s'ils  ne  se  conduisent  pas  bien,  nous 
les  f. ..  à  la  porte.  Les  prêtres,  quoique  je  n'y  tienne  pas  beaucoup, 
nous  tâcherons  de  les  faire  vivre,  parce  qu'un  grand  nombre  a 
servi  la  cause  de  la  Révolution.  Dans  ce  moment,  je  fais  négocier 
avec  Rome.  «  Ensuite  il  dit  :  «N'est-ce  pas  une  chose  monstrueuse 
que,  depuis  tant  de  siècles,  la  France  soit  dépendante  de  Rome,  et 
qu'elle  le  soit  aussi  des  consistoires  d'Allemagne?  Il  y  a  encore 
des  archevêques  et  des  évèques  qui  prétendent  à  des  droits  spiri- 
tuels. Mais  je  les  mettrai  aux  prises  avec  le  pape.  « 

A  cette  époque,  l'opinion  n'était  favorable  ni  aux  prêtres,  ni 
aux  émigrés.  Je  me  permis  de  dire  au   Premier  Consul   que,  si 

(1)  Sur  le  rapport  qui  lui  si<]nalait  la  demande  faite  par  Decaen  en  faveur  de  Lasseret 
et  porte  la  date  du  13  prairial  an  IX  (2  juin  1801),  Bonaparte  apposa  la  décision  sui- 
vante :  «  Ken\oyé  au  consul  Cambacérès  pour  me  faire  counaître  si  ce  citoyen  a  les  qua- 
lités requises.  Je  désirerais  déférer  à  la  demande  du  général  Decaen,  qui  est  uu  officier 
i'un  grand  mérit     Si(/né  :  Bonaparte.  »  {Correspondance  de  .Vapoléon,  a"  5596). 


OPINIO.VS   SUR   LE    CLERGÉ    FRANÇAIS  249 

c'était  une  chose  indispensable  d'entretenir  des  prêtres,  il  fallait 
bien  le  faire;  mais  aussi,  qu'il  faudrait  les  organiser  de  manière  à 
ce  que  l'on  pût  exercer  sur  eux  une  grande  surveillance,  car 
c'étaient  des  gens  bien  dangereux.  J'ajo  utai  c  :  Si  je  m'exprime 
ainsi,  c'est  que  j'ai  le  souvenir  de  leur  conduite  lorsqu'on  leur 
demanda  le  serment,  et  de  tout  ce  qu'ils  ont  fait  dans  la  Vendée  où 
j'ai  fait  la  guerre.  Enfin,  j'ai  recueilli  dernièrement  une  preuve 
bien  évidente  de  leur  mauvaise  volonté  à  se  soumettre.  V^oici  le 
fait  :  lorque  j'entrai  à  Wels,  en  Autriche,  à  la  fin  de  la  dernière 
campagne,  je  fis  prendre  les  dépèciies  au  bureau  de  poste  afin 
d'avoir  des  nouvelles  ;  et  l'on  trouva,  parmi  les  lettres  qui  me  furent 
apportées,  une  pièce  signée  de  plusieurs  archevêques  et  évêques 
émigrés,  alors  à  Vienne.  Je  la  remis  au  général  Moreau  qui  l'aura 
sans  doute  envoyée  au  ministre  de  la  police.  Ces  prélats,  consultés 
par  plusieurs  prêtres  s'ils  pouvaient  prêter  le  serment  prescrit  par 
la  constitution  de  l'an  VIII,  décidaient  que  la  puissance  tempo- 
relle ne  pouvait  rien  prescrire  à  la  puissance  spirituelle;  cepen- 
dant, qu'il  était  des  circonstances  où  l'Église  militante  permettait 
la  soumission  selon  la  nécessité  ;  que,  dans  ce  cas,  il  fallait  la  faire, 
mais  toujours  avec  une  restriclion  mentale,  't  Et,  comme  des  avo- 
cats, V  dis-je,  "ils  citaient  dos  autorités  dans  leur  délibération,  entre 
autres  Thomas  de  Cantorbéry  à  l'occasion  du  schisme  d'Angle- 
terre. —  Ils  nous  en  font  bien  d'autres,  n  dit  le  Premier  Consul. 
Je  répliquai  :  a  Eh  bien!  il  faudra  les  obliger  à  se  marier,  comme 
les  ministres  protestants,  ce  qui  contribuera  à  une  garantie  de  leur 
conduite.  « 

Je  ne  me  suis  pas  écarté  de  la  vérité  en  disant  qu'à  cette  époque 
l'opinion  n'était  pas  favorable  aux  prêtres  catholiques  romains. 
L'on  appréhendait  surtout  et  avec  raison  le  rétablissement  du  haut 
clergé  dont  les  membres,  quelque  surveillance  qu'où  pût  exercer, 
rechercheraieut,  partons  les  moyens  qui  leur  sont  propres,  à  res- 
saisir le  degré  de  puissance  dont  ils  avaient  été  déchus  par  l'ellet 
de  la  Révolution.  D'ailleurs,  on  était  convaincu,  par  l'expérieuce 
de  plusieurs  années,  que  le  ministère  de  ces  prêtres  titrés  n'était 
nullement  essentiel  au  bien-être  de  la  nation  et  on  avait  encore 
le  souvenir  de  leur  luxe,  de  leur  orgueil,  de  la  conduite  scan- 
daleuse de  la  plupart  d'entre  eux,  enfin  de  l'ambition  de  quel- 
ques-uns à  s'initier  dans    les  affaires  temporelles  pour  parvenir 


250      MEMOIRES    ET  JOUR.VALX    l)V   GEXEUAL    DECAE.V 

aux  premières  ambassades  et  aux  ministères  des  affaires  civiles, 
moyens  essentiels  pour  se  faire  nommer  cardinaux. 

D'un  autre  côté,  il  est  constant  que,  pendant  le  temps  que  la 
France  n'avait  pas  eu  dans  sou  sein  tous  ces  officiers  supérieurs 
de  la  milice  romaine,  les  mœurs  de  ses  habitants  n'étaient  pas  plus 
relâchées  qu'avant  la  Révolution.  Je  dis  plus;  c'est  qu'en  l'absence 
de  ces  hauts  fonctionnaires  et  (juoiqu'on  n'eut  même  vu  ni  prêtres, 
ni  moines  pendant  plusieurs  auuées,  les  mœurs  s'étaient  beaucoup 
améliorées  parce  que  l'amour  du  travail,  l'industrie,  l'instruction 
et  l'obéissance  aux  lois  avaient  fait  les  plus  grands  progrès,  et 
qu'ils  servent  plus  efficacement  à  l'amélioration  des  mœurs  que 
la  paresse,  l'ignorance,  la  superstition,  la  confession  auriculaire, 
l'hypocrisie,  la  fréquentation  journalière  des  églises  pour  assister 
à  la  célébration  de  mystères  incompréhensibles,  ou  pour  entendre 
des  chants  et  des  prières  en  langue  latine  que,  souvent,  le  prêtre 
lui-même  ne  comprend  pas. 

L'opinion  n'était  pas  plus  favorable  au  retour  des  premiers 
émigrés  surtout.  Car  ou  avait  le  pressentiment  que,  s'étant  armés 
contre  la  Patrie  et  ayant  fomenté  contre  elle  des  guerres  exté- 
rieures et  intestines,  ils  ne  seraient  dociles  qu'en  apparence;  que 
leurs  serments,  comme  celui  des  prêtres,  ne  seraient  prêtés 
qu'avec  une  restriction  mentale;  qu'ils  agiraient  sourdement  et 
de  consort  avec  ces  prêtres;  et  qu'ils  saisiraient  l'occasion  qui 
pourrait  se  présenter  pour  opérer  une  contre-révolution  :  les  uns, 
afin  de  reprendre  leurs  titres  honorifiques  et  féodaux  abolis  par 
l'Assemblée  Constituante,  mais  surtout  leurs  biens,  confisqués  en 
raison  de  leur  félonie;  les  autres,  leur  influence  religieuse,  mais 
principalement  une  grande  partie  de  leurs  biens  temporels  dont 
cette  même  assemblée  avait  disposé  pour  les  besoins  de  l'Etat. 

Ayant,  un  jour,  accompagné  le  général  Oudinot  qui  voulait 
demander  à  Bonaparte  l'inspection  de  la  gendarmerie,  et  n'ayant 
pu,  à  notre  arrivée  à  la  Alalmaison,  lui  être  présentés,  nous 
fûmes  fort  surpris,  en  rentrant  à  Paris,  d'être  atteints,  dans  les 
Champs-Elysées,  par  un  courrier  qui  nous  apportait  l'invitation 
de  retourner  pour  diner  avec  le  Premier  Consul. 

En  me  promenant  avec  lui,  après  le  dîner,  il  me  demanda  où 
j'en  étais  pour  ma  fortune.  Je  lui  répondis  :  ;.  Mon  général,  j'ai 
mon  épée  pour  le  service  de  ma  patrie.  —  C'est  bien  !  Mais  que 


DECAEM   DÉSIRE    ALLER   1)A\S    L'IYDE  251 

voulez-vous  faire?  —  Ce  qu'il  vous  plaira.  Mais  comme  je  suis  un 
des  moins  anciens  généraux  de  division,  il  faudra  probablement 
((ue  je  reste  dans  mes  foyers.  —  Vous  voudriez  bien  faire  la 
guerre?  —  Certainement,  mais  on  ne  la  fait  plus,  n 

Enhardi  par  ces  marques  d'intérêt,  je  lui  dis  :  «  Comme  j'es- 
père (|ue  nos  possessions  dans  l'Inde  nous  seront  rendues,  si  vous 
faites  aussi  la  paix  avec  l'Angleterre,  je  voudrais  bien  être  trouvé 
digne  de  votre  confiance.  — Est-ce  que  vous  avez  été  dans  ce  pays- 
là?  —  Non  pas,  mais  je  suis  jeune  et,  désirant  faire  quelque  chose 
d'utile,  je  voudrais  bien  remplir  cette  mission  qui,  je  crois,  ne 
sera  pas  briguée  par  beaucoup  de  personnes,  attendu  la  distance 
entre  la  France  et  cette  partie  du  monde.  El,  s'il  faut  y  passer  dix 
années  de  ma  vie  pour  attendre  l'occasion  favorable  d'agir  contre 
les  Anglais,  que  je  déteste  à  cause  de  tout  le  mal  qu'ils  ont  fait  à 
notre  patrie,  j'y  suis,  dès  ce  moment,  déterminé  avec  la  plus 
grande  résignation.  «  Il  me  répondit  que  ce  que  je  désirais  pour- 
rait bien  mètre  accordé.  Je  pris  congé  de  lui,  bien  satisfait  de 
taut  de  bienveillance. 

Cette  idée  d'aller  dans  l'Inde  m'avait  été  suggérée  par  la  lecture 
des  mémoires  de  La  Bourdonnaye  et  de  Dupleix,  et  par  ce  que 
j'avais  entendu  dire,  dans  ma  jeunesse,  des  combats  du  bailli  de 
Suffren;  et  je  fus  peut-être  plus  déterminé  à  en  faire  la  demande 
parce  que,  la  signature  des  préliminaires  de  paix  avec  l'Angleterre 
étant  connue  depuis  quelques  jours,  on  s'occupait  déjà  de  la 
reprise  de  possession  de  nos  colonies;  et  que  je  ne  me  souciais 
pas  d'aller  à  Saint-Domingue  avec  le  général  Leclerc,  que  l'on 
fut  aussi  surpris  de  voir  nommer  pour  commander  cette  expédi- 
tion que  l'on  avait  été  étonné  quand  on  avait  appris  sa  nomination 
au  commandement  du  corps  d'armée  qui  avait  été  dirigé  sur  le 
Portugal,  après  la  paix  de  Lunéville,  parce  qu'il  y  avait  certaine- 
ment un  grand  nombre  de  généraux  qui  devaient,  sous  tous  les 
rapports,  avoir  la  préférence.  Mais  it  était  le  beau-frère  du  Pre- 
mier Consul;  et  c'est  à  cette  considération  et  peut-être  plus  encore 
aux  sollicitations  de  sa  femme  devenue,  depuis,  princesse  Borghèse, 
qu'il  devait  ces  faveurs. 

Je  connaissais  cet  officier  général  qui  avait  commandé  une  divi- 
sion à  l'armée  du  Rhin  jusqu'à  l'armistice  après  la  bataille  de 
Marengo.  Il  ne  s'était  non  seulement  pas  distingué  dans  celte 


252   MÉMOIRES  EX  JOURNAUX  DU  GÉNÉRAL  DECAEN 

campagne,  mais  encore  le  général  Moreau  en  faisait  fort  peu  de 
cas.  J'ai  même  entendu  dire  à  ce  général  que  Mme  Leclerc,  avec 
laquelle  il  était  très  bien,  l'ayant  prié  de  demander  au  Premier 
Consul  que  son  mari  fût  employé  à  l'armée  du  Rhin,  Bonaparte 
lui  avait  répondu  :  ''  Que  voulez-vous  en  faire?  Il  n'est  propre  à 
rien  "  ;  que  Mme  Leclerc  ayant  pressé  de  nouveau  le  général 
Moreau  de  renouveler  sa  demande  dans  l'espérance  que,  servant 
sous  ses  ordres,  son  mari  aurait  l'occasion  de  faire  revenir  des 
fâcheuses  préventions  que  Bonaparte,  qui  n'avait  pas  voulu  l'em- 
mener en  Egypte,  avait  contre  lui,  puisqu'â  son  retour  il  lui  avait 
demandé  qui  l'avait  fait  général  de  division;  qu'enfin,  Bonaparte 
avait  cédé  aux  nouvelles  instances  du  général  Moreau,  en  lui 
disant  :  u  Puisque  vous  voulez  Leclerc,  vous  l'aurez.  « 

La  réponse  que  m'avait  faite  le  Premier  Consul,  lorsque  je  lui 
avais  parlé  de  l'Inde,  fut  pour  moi  un  encouragement  de  persister 
dans  mon  projet.  Or,  ayant  appris  que  Bernadotte  avait  des  vues 
pour  cette  mission,  je  voulus  moi-même  m'en  assurer.  J'allai  le 
voir,  je  lui  fis  part  de  mes  intentions  et  je  lui  dis  que  s'il  avait  les 
mêmes  vues,  je  servirais  avec  plaisir  sous  ses  ordres.  Mais  son 
intention  était  d'aller  à  la  Louisiane.  Il  s'occupait  alors  de  ce 
qu'il  avait  à  proposer  pour  son  établissement.  Il  me  dit,  entre 
autres  choses,  qu'il  demandait  10  000  hommes  de  troupes. 

Si  Bernadotte  fût  allé  gouverner  ce  beau  pays,  et  qu'on  lui  eût 
fourni  les  moyens  qu'il  souhaitait,  il  aurait  certainement  attiré  à 
la  Louisiane  un  grand  nombre  de  Français;  et,  dans  peu  d'années, 
nous  y  aurions  possédé  une  superbe  colonie.  Mais  il  est  assez  pro- 
bable qu'elle  se  serait  déclarée  indépendante  lorsque  Bonaparte 
se  fit  nommer  empereur. 

Étant  allé  aux  Tuileries  le  jour  même  que  le  Moniteui'  contenait 
la  constitution  de  Toussaint-Louverture,  apportée  au  Premier 
Consul  par  le  colonel  Vincent,  et  y  ayant  aperçu  le  général  Leclerc 
qui  revenait  du  Portugal,  je  fus  à  lui.  Je  m'informai  de  sa  santé. 
Après  celte  politesse,  je  lui  demandai  si  ce  qu'annonçait  le  Moni- 
teur au  sujet  de  Saint-Domingue  ne  changerait  pas  quelque  chose 
aux  dispositions  pour  la  reprise  de  possession  de  cette  colonie. 
Mais,  avec  un  ton  de  suffisance,  et  en  singeant  Bonaparte  en  agi- 
tant, comme  lui,  ses  doigts  sur  sa  tabatière,  il  dit  :  «  Je  ne  crois 
pas  que  cela  puisse  se  passer  sans  tirer  le  canon.  —  Eh  bien, 


IDEES   DE    DECAEIV    SUR    SAINT-DOMIX^GUE  253 

ivpliquai-je,  ce  sera  un  grand  malheur!  Car  vous  aurez  contre 
vous  le  ciel,  la  terre  et  les  nègres.  Et  s'il  faut  (|ue  vous  fassiez  la 
guerre  dans  l'intérieur,  vous  aurez  les  plus  grandes  difficultés  à 
faire  vivre  vos  troupes.  —  Ali!  quant  aux  subsistances,  je  ne 
puis  pas  avoir  plus  de  difficultés  que  celles  que  je  viens  d'éprou- 
ver en  Portugal;  et,  à  Saint-Domingue,  nous  aurons  les  Améri- 
cains qui  aideront  à  nous  approvisionner.  —  C'est  vrai;  mais 
avec  de  l'argent  et  de  l'argent,  ils  vous  apporteront  des  viandes 
salées  et  des  farines;  et  en  même  temps,  ils  fourniront  aux  noirs 
de  la  poudre  et  du  plomb.  i> 

Le  Premier  Consul  ayant  paru  dans  le  salon,  je  laissai  le  géné- 
ral Leclerc  et,  comme  je  n'étais  pas  satisfait  de  ce  (|u'il  venait 
de  me  répondre,  après  avoir  salué  Bonaparte,  je  lui  dis  :  «  Je 
pense,  mon  général,  que  vous  êtes  satisfait  des  nouvelles  de  Saint- 
Domingue  publiées  par  le  Moniteur'i  —  Sans  doute;  mais, 
dans  ce  pays-là,  où  nous  n'avons  pas  pu  nous  présenter  con- 
venablement depuis  longtemps,  on  a  cru  devoir  y  prendre  des 
dispositions  qui,  je  l'espère,  seront  facilement  changées  lorsque 
nous  nous  y  présenterons  avec  des  forces  imposantes,  ii  —  Quelle 
différence  entre  cette  réponse,  faite  avec  complaisance,  et  ce  que  je 
venais  d'entendre  dire,  d'un  ton  ridicule,  au  nouveau  capitaine 
général!  Il  trouva  malheureusement,  quelques  mois  après,  les  obs- 
tacles et  les  maux  que  je  lui  avais  prédits,  et  ses  coups  de  canon  ne 
purent  les  surmonter.  Il  ne  tarda  pas,  lui-même,  à  être  victime  de 
la  maladie  qui,  en  peu  de  temps,  dévora  tant  de  braves. 

Ce  fut  une  grande  faute  d'entreprendre  de  soumettre  Saint-Do- 
mingue par  les  armes.  Après  avoir  fait  d'immenses  sacrifices 
d'hommes  et  d'argent,  on  se  vit  dans  la  nécessité  d'abandonner 
aux  noirs  la  partie  française  de  cette  île;  et,  plus  tard,  on  fut 
expulsé  de  l'autre  partie  qui  nous  avait  été  cédée  par  l'Espagne. 
Tandis  qu'en  prenant  les  conseils  d'une  sage  politique,  on  serait 
sans  doute  parvenu  à  rétablir,  à  Saint-Domingue,  une  domination 
convenable  et  analogue  aux  circonstances  et  aux  changements  qui 
s'y  étaient  opérés  depuis  la  première  insurrection.  Mais  on  avait 
prétendu  y  rétablir  l'esclavage!  On  manqua  à  la  foi  promise  aux 
mulâtres;  on  s'irrita  des  dispositions  faites  par  Toussaint-Louver- 
ture  au  lieu  de  le  ménager  et  de  prendre  avec  lui  des  tempéra- 
ments et  de  se  servir  de  son  infiuence  qui,  sans  doute,  aurait  con- 


254      MÉMOIRES   ET   JOURNAUX   DU   GÉXERAL   DECAEY 

tribiié  cfficacomont  à  conduire  et  arriver  au  seul  but  qu'on  devait 
alors  se  proposer,  celui  de  conserver  à  la  France  la  possession  de 
cette  grande  et  belle  propriété  coloniale  dont  la  population,  aidée 
du  climat,  après  avoir  combattu  pour  la  liberté  qu'on  voulait  lui 
ravir,  termina  sa  lutte  avec  la  métropole  en  proclamant  son  indé- 
pendance, et  en  prenant  tous  les  moyens  propres  pour  la  défendre 
et  la  conserver. 

Ce  fut,  sans  doute,  l'espoir  déçu  de  soumettre  Saint-Domingue 
aussi  facilement  qu'on  se  l'était  persuadé  et  la  prévision  que, 
dans  le  cas  d'une  procbaine  guerre  avec  l'Angleterre,  nous  ne 
pourrions  pas  soutenir  la  colonie  de  la  Louisiane  (les  Espagnols 
nous  l'avaient  rétrocédée,  et  les  Américains  la  voyaient  avec  incjuié- 
tude  retournée  eu  notre  pouvoir),  qui  déterminèrent  Bonaparte 
d'en  faire  la  vente  au  gouvernement  américain,  lequel  s'empressa 
de  saisir  l'occasion  extraordinaire  qui  se  présentait  d'incorporer 
aux  Ktats-lnis  ce  vaste  territoire  dont  la  possession  était  pour 
eux  d'une  si  haute  importance  sous  tous  les  rapports. 

Ainsi  les  fautes  commises  pour  se  rétablir  à  Saint-Domingue 
influèrent  pour  la  cession  de  la  Louisiane,  et  privèrent  à  la  fois  la 
nation  française  de  la  possession  de  deux  immenses  pays  dont  elle 
pouvait  espérer  des  avantanges  incalculables. 

Le  général  Moreau  était  rentré  à  Paris  et  j'allais  assez  souvent 
le  voir.  Quelques  jours  avant  l'anniversaire  de  la  mémorable 
bataille  de  Hohenlinden,  12  frimaire  (3  décembre),  il  me  dit  qu'il 
se  proposait  de  le  célébrer  en  réunissant  à  dîner  tous  les  officiers 
généraux  alors  à  Paris  qui  étaient  à  cette  bataille,  et  qu'il  n'en  invi- 
terait point  d'autres.  J'acceptai  de  tout  cœur  cette  invitation. 

En  causant  avec  lui  avant  de  nous  mettre  à  table,  je  lui  rappelai 
qu'il  m'avait  dit  que  notre  réunion  ne  devait  être  composée  (|ue  de 
Hobenlindeux.  —  a  .\Iais  il  n'y  en  a  pas  d'autres,  excepté  mon 
frère  le  tribun.  —  Ce  n'est  pas  la  présence  de  votre  frère  qui  me 
fait  faire  cette  remarque;  c'est  celle  du  ministre  de  la  guerre  Ber- 
thier.  —  Ah  !  je  l'ai  invité  pour  que  l'on  ne  dise  pas  que  nous  fai- 
sons des  conspirations.  «  Fort  étonné  de  cette  repartie,  je  lui  dis  : 
Il  Comment,  mon  général,  pouvez-vous  avoir  une  telle  pensée?  Je 
crois  (|u'il  vaudrait  beaucoup  mieux  vous  rapprociier  du  gouver- 
nement. —  Moi,  je  n'ai  rien  à  lui  demander.  —  Vous  êtes  bien 
heureux!  Mais,  si  ce  n'est  pas  pour  vous,  vous  devriez  du  moins  le 


DKCAEM    CHERCHE    A   CONJURER   L'ORAGE  255 

faire  dans  rinlérét  de  la  l'alrie  que  vous  avez  toujours  si  hien  ser- 
vie, ainsi  que  pour  l'avantage  de  tant  d'officiers  qui  ont  été  sous 
vos  ordres,  et  qui  ne  peuvent  pas,  comme  vous,  se  passer  d'être 
employés  par  le  gouvernement.  D'ailleurs,  il  en  est  un  très  grand 
nombre  dont  vous  connaissez  la  modestie  et  qui  attendent  que 
vous  fassiez  valoir  leurs  services  distingués  et  leur  désintéresse- 
ment. —  Mes  recommandations  leur  seraient  plus  nuisibles  que 
favorables.  —  Je  sais  que  c'est  la  réponse  que  vous  avez  faite  à 
plusieurs  qui  vous  ont  demandé  d'apostiiler  leurs  mémoires  :  ils 
vous  sont  attacbés  et  vous  les  forcerez  de  s'éloigner  de  vous  et  à 
s'adresser  directement  au  Premier  Consul.  —  C'est  ce  qu'ils  ont<à 
faire  de  mieux,  car  je  ne  puis  rien.  — Pardonnez-moi;  je  crois 
(|ue  vous  pourriez  beaucoup,  si  vous  le  vouliez;  et  je  souliaite  de 
tout  mon  cœur  que  tous  ceux  qui  vous  parlent  le  fassent  avec 
autant  de  franchise  que  moi.  « 


CHAPITRE   II 

Deraen  nommé  inspecteur  général  d'infanterie.  —  Il  se  rend  à  Lyon,  puis  à  Marseille.  — 
Les  dépouilles  d'un  pape  sous  une  remise  d'auberge.  —  De  Marseille.  Decaen  se  rend 
à  Toulon.  —  II  a  une  discussion  avec  l'amiral  Ëmmeriau.  —  Après  son  inspection,  il 
rentre  à  Paris.  —  Le  Premier  Consul  lui  annonce  qu'il  ira  dans  l'Inde  comme  capi- 
taine général.  —  Decaen  va  saluer  Moreau.  —  Sa  situation  entre  Bonaparte  et  Moreau 
est  délicate.  —  Sa  rectitude  de  conduite  lui  fait  éviter  tous  les  écueils.  —  Première 
entrevue  de  Decaen  avec  Decrès.  —  Accueil  hautain  que  lui  fait  ce  dernier.  —  Decaen 
s'en  plaint  à  Bonaparte.  —  Sa  deuxième  entrevue  avec  Decrès.  —  Decaen  prépare  son 
expédition  —  Il  soumet  ses  projets  et  sl'S  pians  au  Piemier  Consul.  - —  Composition  de 
1  expédition,  troupe  et  chefs.  —  Decaeu  expose  à  Dessolle  ses  idées  sur  la  constitution 
des  troupes  indigènes.  —  Ses  propositions  sont  adoptées,  à  quelques  modifications  près. 

J'avais  été  nommé  un  des  douze  inspecteurs  généraux  d'infan- 
terie. Je  devais  faire  mon  inspection  dans  la  8'  division  et  en 
Corse.  Mais,  sur  la  demande  que  je  fis  au  ministre  de  faire  mettre 
un  bâtiment  à  ma  disposition  pour  passer  dans  cette  île,  ma  mis- 
sion fut  bornée  à  la  8'  division  militaire. 

L'objet  le  plus  essentiel  de  cette  inspection  était  de  congédier 
un  huitième  des  soldats  de  l'armée  par  réforme,  retraite  et  congés 
absolus.  Ce  fut  pour  ce  motif  et  celui  de  mettre  l'armée  sur  le 
pied  de  paix  que  cette  inspection  générale  se  passa  pendant 
l'hiver. 

Je  partis  de  Paris  à  la  fin  de  décembre  1801,  pour  me  rendre  à 
Lyon  où  j'arrivai  le  même  jour  que  le  Premier  Consul,  qui  y 
venait  pour  présider  la  Consulta  italienne  qui  le  nomma  président 
de  la  République  Cisalpine.  Les  Lyonnais  lui  exprimèrent  toute 
leur  joie  de  le  voir  au  milieu  d'eux.  Je  fus  le  saluer  et  lui  deman- 
der SCS  ordres.  Ensuite,  je  quittai  Lyon  pour  aller  à  Marseille 
commencer  mon  inspection. 

A  l'auberge  de  la  poste  de...,  où  je  m'étais  arrêté,  j'appris,  de 
la  maîtresse  de  cette  auberge,  (|ue,  peu  de  jours  auparavant,  les 
restes  du  pape  Pie  VI,  décédé  à  Valence,  transportés  incognito  à 
Marseille  pour  y  être  embarqués  et  conduits  à  Civita-Vecchia  et,  de 


DECAEN   IXSPECTEUR   GÉNÉRAL   D'INFANTERIE      25T 

là,  à  Rome,  avaient  été  déposés  sous  la  remise  de  cette  auberge;  et 
que  les  officiers  municipaux  de  l'endroit,  ayant  appris  fort  tard 
que  ces  dépouilles  mortelles  étaient  ainsi  reléguées  comme  une 
voiture  de  bagages,  avaient  délibéré  à  ce  sujet;  (|u'ensuife  ils 
étaient  venus  offrir  aux  conducteurs  leur  église,  lieu  beaucoup 
plus  convenable  pour  ce  précieux  dépôt,  mais  que  ceux-ci,  de  fort 
mauvaise  humeur  qu'on  les  eût  réveillés  pour  cette  proposition, 
avaient  répondu  que  le  pape  était  très  bien  où  il  était  pour  y  pas- 
ser la  nuit. 

Après  avoir  inspecté  les  troupes  en  garnison  à  Marseille,  je  me 
rendis  à  Toulon.  J'eus,  dans  cette  ville,  une  discussion  assez  vive 
avec  le  contre-amiral  Emmeriau,  relativement  aux  prétentions 
que  MM.  les  marins  ont  l'habitude  de  s'arroger,  dans  les  ports  de 
mer,  à  l'égard  des  troupes  et  des  officiers  de  l'armée  de  terre.  J'en 
informai  le  ministre  de  la  guerre.  Je  ne  fus  point  satisfait  de  la 
décision  qu'il  prit  à  ce  sujet  avec  le  ministre  de  la  Marine,  et  je 
me  réservai  d'en  parler  au  Premier  Consul,  à  mon  retour  à  Paris. 

Après  avoir  inspecté  les  troupes  en  garnison  à  Draguignan,  An- 
tibes  et  Nice,  je  revins  à  Marseille.  Ensuite,  je  fus  inspecter  celles 
stationnées  à  Aix,  à  Manosque,  à  l'Isle  (1)  et  à  Carpentras,  et  je 
terminai  mon  inspection  par  les  troupes  de  la  garnison  d'Avignon 
où  il  n'y  avait  que  quelques  jours  que  le  préfet,  Pelet  de  la 
Lozère,  protestant,  avait  installé  l'évêque  nommé  pour  ce  diocèse 
depuis  le  Concordat. 

L'examen  que  j'avais  fait  des  comptabilités  des  corps  que  j'avais 
inspectés,  dans  le  nombre  des(|uels  se  trouvaient  plusieurs  demi- 
brigades  qui  venaient  d'arriver  d'Egypte,  m'ayant  donné  lieu  de 
remarquer  beaucoup  d'irrégularités,  même  des  désordres  et  point 
d'uniformité  en  ce  qui  concernait  la  comptabilité  de  l'habillement, 
je  proposai  au  ministre,  dans  mon  rapport  d'inspection,  d'établir 
cette  comptabilité  selon  le  mode  adopté  pour  la  solde,  et  de  ne 
fournir  l'habillement  que  sur  les  jouruées  de  présence.  Je  démon- 
trai qu'il  en  résulterait  pour  le  gouvernement  une  économie  an- 
nuelle de'  plusieurs  millions.  J'eus  la  satisfaction  de  voir  que  ce 
que  j'avais  proposé  fut  prescrit  dans  l'un  des  articles  du  nouveau 
règlement. 

(1)  Probablement  l'Isle-sur-Sorgues,  dans  le  département  de  Vaucluse. 

U.  17 


258   MÉMOIRES  ET  JOURNAUX  DU  GENERAL  DECAEN 

Après  avoir  parcouru  la  Provence  pendant  plusieurs  mois,  je  fis 
mon  retour  à  Paris  au  mois  de  floréal. 

Le  lendemain  de  mon  arrivée,  j'allai  à  la  Malmaison  pour  voir 
le  Premier  Consul.  Il  m'invita  à  déjeuner  avec  lui  dans  son  cabi- 
net. Après  mes  réponses  à  ses  questions  sur  mon  inspection,  et  lui 
avoir  parlé  de  mon  altercation  avec  le  commandant  de  la  marine 
à  Toulon,  dont  M.\I.  les  ministres  ne  lui  avaient  rien  dit,  il  me 
demanda  si  je  pensais  toujours  à  l'Inde;  et,  sur  ma  réponse  affir- 
mative, il  me  dit:  "Eh  bien!  Vous  irez.  —  En  quelle  qualité? 
—  Mais,  capitaine  général.  Allez  voir  le  ministre  de  la  marine. 
Dites-lui  qu'il  vous  communique  tous  les  documents  relatifs  à 
cette  expédition.  » 

En  rentrant  à  Paris,  je  fus  .souhaiter  le  bonjour  au  général  Mo- 
reau  qui,  comme  à  son  ordinaire,  me  fit  un  très  bon  accueil.  Il  y 
avait  deux  personnes  avec  lui.  La  conversation,  interrompue  à  mon 
arrivée,  reprit  son  cours.  J'ignorais  que,  pendant  mon  absence  de 
quatre  mois  de  la  capitale,  l'inimitié  ou  plutôt  la  haine  entre  ce 
général  et  le  Premier  Consul  s'était  de  plus  en  plus  invétérée.  Mais, 
entendant  traiter  celui-ci  sans  ménagement,  je  pensai  qu'il  me 
convenait,  dans  ma  position,  de  ne  pas  y  être  indifférent.  Alors  je 
dis  que  je  venais  de  déjeuner  avec  lui,  et  qu'il  m'avait  annoncé 
que  je  serais  capitaine  général  à  Pondichéry.  «  Ah  !  En  voilà 
encore  un  d'exilé  »  ,  dit  le  général  Moreau.  «  Non  pas,  mon  géné- 
ral :  car  avant  d'être  nommé  inspecteur,  j'avais  témoigné  à  Bona- 
parte le  désir  d'aller  aux  Indes,  lorsqu'un  jour  il  me  demanda  ce 
que  je  voulais  faire;  et  j'ai  été  fort  surpris,  ce  matin,  quand  il  m'a 
donné  cette  marque  de  son  souvenir  et  de  sa  bienveillance,  v  Ce 
que  je  venais  de  dire  et  que  la  loyauté  m'avait  fait  exprimer  dans 
cette  circonstance  n'étonna  point  le  général  .Aloreau  qui  connais- 
sait ma  franchise  et  (jui  se  souvenait  sans  doute  des  observations 
que  je  m'étais  précédemment  permis  de  lui  faire,  au  sujet  de  la 
fâcheuse  résolution  qu'il  avait  prise  de  se  tenir  éloigné  du  chef  du 
gouvernement. 

Dans  la  soirée  de  ce  même  jour,  j'allai  au  ministère  de  la  Ma- 
rine. Dès  que  j'eus  salué  le  ministre  Decrès,  il  m'engagea  à  passer 
dans  une  pièce  voisine  du  salon  où  il  recevait.  Alors,  sans  préam- 
bule, son  coude  appuyé  sur  la  cheminée,  et  d'un  ton  fort  dégagé, 
il  m'adressa  cette  interpellation  :  «  C'est  vous  qui  êtes   allé  à  Tou- 


PREMIÈRE    ENTREVUE   AVEC   DEGRÉS  259 

Ion?  -■  Je  lui  répondis,  en  le  regardant  de  manière  à  lui  faire  sen- 
tir son  impertinence  :  «  Oui,  c'est  moi  qui  suis  allé  à  Toulon!  » 
Avec  un  ton  moins  brusque  :  ^  Vous  n'étiez  pas  en  uniforme  quand 
vous  vous  êtes  présenté  pour  entrer  dans  l'arsenal?  —  J'étais  en 
uniforme.  —  On  m'a  cependant  écrit  le  contraire.  —  Je  n'ai  pas 
pour  habitude  de  mentir;  et  j'ai  trouvé  fort  extraordinaire  que 
vous  et  le  ministre  de  la  Guerre  vous  vous  soyez  permis  de  décider 
dans  cette  affaire  que  j'avais  demandé  de  soumettre  au  Premier 
Consul,  auquel  je  m'en  suis  plaint  ce  matin,  et  aucjuel  j'ai  dit  que 
le  poste  à  la  porte  de  l'arsenal  s'étant  permis  de  vouloir  m'en  refu- 
ser l'entrée,  j'avais  passé  outre;  mais  ce  n'est  pas  pour  cela  (lue 
je  suis  venu  :  c'est  pour  vous  prévenir  que  le  Premier  Consul  m'a 
dit  de  lous  demander  communication  des  documents  concernant 
Pondicbéry  et  autres  établissements  dans  l'Inde,  où  je  dois  aller 
capitaine  général,  n 

Le  ministre,  quoiqu'il  me  parût  fort  surpris  de  cet  avis,  croyant 
sans  doute  que  je  ne  m'en  apercevais  pas,  me  dit  avec  un  ton  de 
suffisance  :  «  Le  courrier  Moustache  ne  m'a  pas  encore  apporté 
d'ordre  à  ce  sujet  (ce  courrier  portait  ordinairement  les  dépèches 
de  Bonaparte  aux  ministres).  — Eh  bien!  j'attendrai  que  vous 
ayez  vu  le  courrier  Moustache;  et  afin  que  vous  puissiez  m'en 
informer,  je  vais  remettre  mon  adresse  chez  votre  concierqe.  •■■  En 
disant  ces  dernières  paroles,  je  lui  tournai  le  dos. 

Dès  le  lendemain  matin,  j'allai  à  la  Alalmaison  faire  part  au 
Premier  Consul  qu'il  fallait  que  le  courrier  Moustache  apportât  un 
ordre  au  ministre  de  la  Marine  pour  que  je  puisse  avoir  de  lui  les 
documents  sur  l'Inde.  Et,  dans  la  soirée  de  ce  jour,  je  reçus  une 
invitation  de  me  rendre  au  ministère  le  lendemain,  à  0  heures  du 
malin.  J'ignore  si  le  courrier  Moustache  avait  apporté  au  ministre 
Decrès  une  leçon  de  civilité,  ou  bien  si  elle  lui  avait  été  donnée 
verbalement,  mais  je  n'eus  alors  qu'à  me  féliciter  de  son  bon 
accueil  et  surtout  de  son  empressement  à  me  présenter  les  docu- 
ments qu'il  devait  me  communiquer.  Après  en  avoir  pris  connais- 
sance, j'adressai  au  Premier  Consul  la  lettre  suivante  : 

Je  ne  connais,  mon  général,  les  Indes  Orientales  que  d'après  les  mv- 
moires  qui  présentent  notre  situation  militaire,  politique  et  commerciale 
dans  cette  partie  du  monde  avant  et  depuis  1789,  et  qui  [font  connaître  la 
puissance  colossale  de  la  nation  anglaise,  puissance  dont  ^  les  avantages  ont 


260      MEMOIRES   ET   JOLRXAIX   Dl    GE.VEISAL   DECAE.V 

tant  infliiê  dans  la  lutte  terminée  par  le  traité  d'Amiens,  qui  stipule  que 
seulement  nos  possessions  territoriales  au  Bengale  et  aux  côtes  de  Coro- 
niandel  et  de  Malabar  nous  seront  rendues. 

Si  l'ile  de  Ceylan  avait  été  restituée  auv  Hollandais,  non  seulement 
nous  nous  retrouverions  dans  l'état  où  nous  étions  avant  la  guerre,  mais 
par  notre  alliance  avec  ceux-ci,  quoique  les  Anglais  aient  anéanti  Tippoo- 
Sahib,  nous  serions  incontestablement  bien  plus  puissants,  soit  pour  notre 
existence  pendant  la  paix,  soit  pour  l'exécution  des  projets  du  gouverne- 
ment, s'il  voulait  attaquer  le  point  le  plus  sensible  de  la  nation  anglaise. 

Ceylan  servait,  par  son  port  de  Trinquemaley,  pour  l'abri  des  vais- 
seaux de  commerce  que  l'hivernage  surprenait  à  la  côte  de  Coromandcl, 
mais  plus  encore  pour  les  vaisseaux  de  l'Etat  qu'on  laissait  dans  les  mers 
de  rinde.  Le  voisinage  de  l'île  Ceylan  était  en  outre  d'une  très  grande 
ressource  pour  Pnndichéry  ;  et,  en  cas  de  guerre,  il  aurait  été  pour  nous 
de  la  plus  haute  importance.  Trinquemaley,  devenu  anglais,  rend  nos 
établissements  à  la  côte  de  Coromandel  encore  plus  précaires  qu'ils  n'ont 
jamais  été,  tandis  que,  dans  cette  possession,  les  Anglais  trouvent  un  port 
et  une  relâche  qu'ils  n'avaient  point.  Il  n'y  a  pas  de  doute  que  Trinque- 
maley ne  devienne,  pour  les  Anglais,  un  objet  de  la  plus  grande  impor- 
tance. On  doit  présumer  qu'ils  vont  en  faire  un  établissement  de  construc- 
tion et  un  entrepôt  principal  de  leur  commerce  des  Indes  et  de  la  Chine. 
Ceylan,  devenant  la  clef  et  le  boulevard  des  possessions  anglaises  au 
Bengale  et  à  la  côte  de  Coromandel,  doit  porter  le  gouvernement  français 
à  avoir  un  autre  systcme  pour  la  conservation  de  ses  établissements,  la 
protection  de  son  commerce  et  ses  vues  ultérieures  sur  l'Inde. 

Avant  la  guerre,  le  commandement  de  toutes  les  possessions  fran- 
çaises à  l'est  du  cap  de  Bonne-Espérance  était  sous  les  ordres  d'un  seul 
chef  qui  faisait  sa  résidence  habituelle  à  Pondichéry. 

Dans  les  circonstances  actuelles,  convient-il  de  diviser  ce  commande- 
ment, c'est-à-dire  que  les  îles  de  France,  de  Bourbon,  Rodrigue,  les  Sey- 
chelles,  et  les  établissements  qu'on  est  dans  le  cas  de  faire  sur  l'île  de 
Madagascar  forment  une  de  ces  divisions?  Et  que  Pondichéry,  Chanderna- 
gor  et  autres  possessions  dans  l'Inde  forment  l'autre  division? 

Je  vais  comparer  l'état  de  ces  établissements  avant  la  guerre  avec  ce 
qu'ils  sont  à  présent,  et  le  rapport  qui  existait  à  cetle  époque  entre  l'île  de 
France  et  Pondichéry,  et  celui  (jue  cette  île  doit  avoir  maintenant  avec 
lous  nos  établissements  sur  le  continent  indien. 

Pondichéry  a  été  longtemps  considéré  comme  lieu  principal  des  opéra- 
tions commerciales,  politiques  et  militaires  des  Français  dans  cette  partie 
du  monde.  C'était  leur  premier  établissement;  il  avait  servi  de  point 
d'appui,  il  avait  été  un  moment  respectable  et  respecté;  le  souvenir  de  sa 
splendeur  et  l'espoir,  sans  doute,  de  lui  rendre  son  lustre  l'ont  toujours 
emporté  sur  la  considération  qu'on  aurait  dû  avoir  pour  les  événements 
qui  avaient  donné  la  prépondérance  à  la  nation  anglaise,  et  sans  changer 
le  sjstème  de  vouloir  toujours  faire  de   Pondichéry   une  place  d'armes. 


VUES   DE    DECAEN   SUR   L'I\1)E  261 

Pondichcry  était  donc  l'ortifié  et  approvisionné,  mais  toujours  inlrurtiieu- 
senient,  excepté  quand  il  fut  défendu  par  Dupleix. 

I/ile  de  France  présentait  des  avantaj]es  inappréciables  par  ses  ports, 
«a  position  et  son  voisinage  de  Madagascar.  Mais,  avec  des  avantages  aussi 
marqués  et  aussi  essentiels,  on  n'avait  l'habitude  de  ne  voir  que  Pondi- 
chéry  et  on  ne  voulait  pas  s'en  départir. 

Le  gouvernement,  en  décidant  que  les  fortifications  de  Pondichéry  ne 
doivent  plus  être  relevées,  ne  considère  cet  établissement  et  ceu\  de  Kari- 
kal,  Mahé  et  Chandernagor  que  comme  des  comptoirs  et  postes  d'observa- 
tion, ne  voulant  y  établir  de  troupes  que  pour  paraître  tenir  <\  la  posses- 
sion et  protéger  le  commerce,  reporte  toutes  ses  vues  sur  l'île  de  France. 
Mais  cette  détermination  doit-elle  obliger  à  former  deux  divisions  de  com- 
mandement pour  les  possessions  au  delà  du  cap  de  Bonne-Espérance? 
Pour  parvenir  à  la  résolution  de  cette  question,  je  vais  faire  les  observa- 
tions suivantes. 

Dans  les  circonstances  actuelles,  un  capitaine  général  dans  l'Inde  sera 
plus  fort  par  les  titres  et  par  la  confiance  qui  lui  seront  accordés  par 
■son  gouvernement  que  par  les  soldats  qu'il  pourra  avoir  à  sa  disposition. 

Les  Anglais,  qui  sont  toujours  disposés  à  faire  de  mauvaises  chicanes, 
mettraient  sans  doute  bien  moins  de  ménagements  s'ils  s'apercevaient  que 
le  capitaine  général  qui  résiderait  à  Pondichéry  n'aurait  de  rapports 
qu'avec  son  gouvernement  en  Europe,  et  que,  par  son  isolement,  il  serait 
obligé  d'attendre  d'Europe  ses  instructions  pour  la  conduite  qu'il  aurait  à 
tenir,  tandis  que  l'ile  de  France  serait  toujours  un  porte-respect  dès  qu'on 
saurait  se  servir  des  moyens  qui  pourraient  y  être  disponibles.  D'un  autre 
■côté,  si  les  intentions  du  gouvernement  sont  telles  qu'il  veuille  que  le 
•capitaine  général  qu'il  envoie  dans  l'Inde  puisse  lui  servir  pour  des  vues 
ultérieures,  ne  convient-il  pas  que  ce  capitaine  général  ait  des  rapports 
continuels  avec  le  point  principal,  avec  la  place  d'armes,  s'il  y  a  à  pré- 
parer, s'il  y  a  à  surveiller? 

Le  gouvernement  a  peut-être  quelques  motifs  qui  le  mettent  dans  le  cas 
"de  former  cette  division.  Sans  vouloir  les  pénétrer,  j'observe  que,  si  ces 
motifs  sont  relatifs  aux  habitants  des  îles  de  France  et  Bourbon,  il  me 
«emble  qu'il  y  a  possibilité  de  faire  cette  division,  pour  ce  qui  a  rapport 
à  l'administration  civile,  mais  qu'il  est  essentiel  de  laisser  ensemble  tout 
ce  qui  a  rapport  au  militaire.  Je  me  suis  borné  à  le  présenter  succincte- 
ment, parce  qu'il  est  de  principe  que  celui  qui  commande  la  place  doit 
commander  la  citadelle;  cette  comparaison  peut  être  énoncée  pour  l'ile  de 
France  et  nos  possessions  dans  l'Inde. 

Je  vous  demande  donc,  mon  général,  de  vouloir  bien  prendre  en  consi- 
dération mes  observations,  et  de  vouloir  bien  m'accorder  un  instant  d'en- 
tretien pour  cet  objet.  J'ai  l'honneur,  etc..  » 

Le  Premier  Consul,  que  j'eus  l'houneur  de  voir  quelques  jours 
après  lui  avoir  adressé  cette  lettre,  me  dit  :  «  Il  convient,  quant  à 


202      MEMOIRES   ET  JOL'R.VAUX   DU   GENERAL   DECAEN 

présent,  que  la  division  du  commandement  qui  a  été  déterminée 
soit  maintenue.  Vous  aurez  assez  à  faire  à  Pondicliéry.  D'ailleurs, 
vous  seriez  trop  éloigné  de  l'île  de  France,  où  il  importe  de  chan- 
ger au  plus  tôt  le  mode  d'administration  qui  s'y  est  introduit 
depuis  plusieurs  années.  Et  comme  il  importe  de  faire  rentrer 
incessamment  cette  colonie  et  ses  dépendances  sous  la  main  du 
gouvernement,  il  est  indispensable  qu'un  chef  soit  sur  les  lieux 
spécialement  chargé  de  procéder  à  l'organisation  qu'elles  doivent 
recevoir,  ainsi  que  pour  surveiller  ponctuellement  l'exécution  des 
nouvelles  [dispositions  qui  seront  prescrites  pour  leur  administra- 
tion. « 

Le  ministre  de  la  Marine  m'adressa,  avec  une  lettre  en  date  du 
3  messidor  an  X,  un  extrait  des  registres  des  délibérations  des- 
Consuls  de  la  République,  en  date  du  29  prairial,  énonçant  : 

i  Le  général  de  division  Decaen  est  nommé  capitaine  général 
des  établissements  français  dans  l'Inde,  etc..  » 

Il  avait  d'abord  été  décidé  que  quatre  vaisseaux  de  ligne, 
plusieurs  frégates  et  quelques  navires  de  transport  seraient  em- 
ployés pour  l'expédition;  que  2  400  hommes  de  troupes  de  diffé- 
rentes armes  passeraient  dans  l'Inde,  ainsi  qu'un  nombre  d'offi- 
ciers pour  servir  dans  des  bataillons  de  Cipayes  qui  devaient  être 
levés. 

Mais,  pour  ne  pas  donner  d'ombrage  aux  Anglais,  ces  disposi- 
tions furent  modifiées.  Le  Premier  Consul,  eu  m'annonçant  le 
changement,  me  dit  de  m'occuper  de  mon  expédition  en  ce  qui 
concernait  les  troupes,  les  officiers  et  les  fonctionnaires  civils;  et, 
laissant  le  tout  à  mon  choix,  il  me  recommanda  de  la  bien  com- 
poser, qu'elle  était  peu  nombreuse  et  que,  dans  le  pays  où  je  devais 
aller,  il  fallait  donner  une  bonne  opinion  de  notre  nation;  qu'il 
ne  fallait  pas,  comme  autrefois,  envoyer  loin  de  la  France  des^ 
hommes  tarés;  qu'il  convenait  beaucoup  mieux  de  les  y  garder, 
parce  qu'il  était  plus  facile  de  les  y  surveiller. 

L'expédition  devant  partir  au  commencement  de  l'automne,  j& 
m'occupai  activement  de  ce  que  j'avais  à  faire. 

Je  présentai  au  Premier  Consul  l'exposé  ci-après  : 

;;  J'ai  riionneur  de  vous  présenter,  mon  général,  d'après  votre  ordre,  le 
projet  pour  l'expédition  qui  doit  se  rendre  aux  Indes  Orientales,  en  vous- 


DECAEN  SOUMET  SES  PLANS  A  BONAPARTE    263 

priant  de  vouloir  bien  prononcer  l'acceptation  des  différents  articles  pro- 
posés : 

Article  premier. 

Ce  sera  du  port  de  Lorient  que  partira  l'expédition.  Plusieurs  causes 
militent  pour  celte  préférence  :  1"  on  n'aura,  à  Lorient,  qu'à  s'occuper  de 
cet  objet,  tandis  qu'à  Brest,  les  occupations  y  sont  multipliées  pour  les 
autres  expéditions;  2"  on  a  bien  plus  de  connaissances  et  d'habitude  à 
Lorient  que  dans  les  autres  ports  pour  préparer  celles  destinées  pour 
l'Inde;  3"  il  est  certain  que,  l'armement  se  faisant  à  Lorient,  les  équi- 
pages seront  mieux  composés  en  matelots  et  particulièrement  en  offi- 
ciers mariniers,  ce  qui  est  à  prendre  beaucoup  en  considération  pour 
un  voyage  de  long  cours,  et  surtout  pour  les  stations  dans  les  mers  de 
l'Inde.  Les  marins  qui  partent  de  ce  port  soutiennent  mieux  que  les 
autres  les  longs  voyages.  Il  y  a  encore  d'autres  causes  que  je  crois  inutile 
d'énoncer. 

Article  2. 

L'expédition  devra  mettre  à  la  voile  du  15  septembre  au  I"  octobre, 
époque  de  rigueur  pour  arriver  dans  l'Inde  en  bonne  mousson. 

Article  3. 

La  marine  disposera  les  vaisseaux  nécessaires  pour  le  transport  des 
troupes,  agents  civils,  provisions,  munitions,  armes,  etc..  Ces  vaisseaux 
seront  en  nombre  suffisant  pour  ce  transport  et,  entre  autres  choses,  pour 
que  le  pavillon  français  reparaisse  dans  les  mers  de  l'Inde  avec  un  appa- 
reil respectable,  ce  qui  est  d'autant  plus  essentiel  pour  notre  reprise  de 
possession  que  cet  appareil  produira  le  meilleur  effet  surtout  aux  yeux  des 
princes  indiens.  Il  est  aussi  très  convenable  d'avoir  égard  au  long  voyage, 
pour  que  les  vaisseaux  ne  soient  point  encombrés,  un  trop  grand  nombre 
d'hommes  à  bord  étant  nuisible  à  la  santé  des  équipages  et  des  passagers. 
Ainsi,  pour  qu'on  puisse  fixer  le  nombre  des  vaisseaux  en  raison  des  pas- 
sagers, le  nombre  en  est  détaillé  ci-après. 

Savoir  : 

Un  bataillon  d'infanterie  de  ligne  au  complet  de  paix,  et  un  bataillon 
d'infanterie  légère  pris,  comme  l'a  décidé  le  Premier  Consul,  dans  une  des 
demi-brigades  de  cette  arme  dont  l'effectif  est  faible.  Ces  deux  bataillons 
ensemble  ne  formeront,  pour  être  embarqués,  officiers  non  compris,  qu'un 
total  de  900  hommes;  car  il  faut  supposer  que,  malgré  qu'il  sera  recom- 
mandé aux  demi-brigades  d'extraire  et  de  remplacer  les  hommes  qui,  par 
leur  âge  ou  autres  causes,  ne  seraient  pas  jugés  capables  d'être  embarqués, 
la  route,  les  maladies,  etc.,  donneront  un  déficit  qui,  indubitablement, 
réduira  ces  deux  bataillons  à  ce  nombre,  à  l'époque  de  la  revue  d'embar- 
quement. Ainsi  il  faut  donc  compter,  en  infanterie,  à  embarquer 
900  hommes. 


264      MÉMOIRES   ET   JOURXAUX   DU   GENERAL   DECAEN 

État-major  pour  ces  deuv  bataillons  et  ofûciers  des  compagnies  : 

1  chef  de  brigade, 

2  chefs  de  bataillon, 

1  quartier-niaitre, 

2  adjudants-majors, 
2  officiers  de  santé, 

2  adjudants  sous-officiers, 

1   tambour-major, 

1   caporal  tambour, 

4  maîtres  ouvriers, 

8  musiciens. 
Officiers  :     18  capitaines, 
18  lieutenants, 
18  sous-lieutenants. 

Total  ...     78 

J'insérai  dans  cet  article  un  tableau  détaillé  de  la  solde  annuelle 
pour  ces  deux  bataillons,  et,  compris  celles  de  Tétat-major  et 
des  officiers  des  compagnies,  elle  s'élevait  : 

A  la  somme  de 273  687  fr.  75 

Compagnie  de  gardes  du  capitaine  général,  composée  de 
3  officiers  et  de  60  sous-officiers,  trompettes,  chas- 
seurs et  hussards.  Solde  annuelle 15  412  fr.  15 

Une  compagnie  d'artillerie  légère,  armée  de  ses  pièces  et 
wursts,  composée  de  4  officiers,  64sous-officiers,  trom- 
pettes et  artilleurs,  avec  12  soldats  du  train.  Solde 
annuelle  de  cette  compagnie 27  590  fr.  20 

11  sera  levé  un  bataillon  de  Cipayes  composé  de  dix 
compagnies  et  organisé  selon  qu'on  l'avait  adopté  pré- 
cédemment. De  ces  dix  compagnies,  six  seront  levées 
à  Pondichéry,  deux  à  Chandernagor,  une  à  Karikal, 

une  à  Mahé.  La  solde  de  ce  bataillon,  pour  les  natu-  

rels  du  pays,  coûtera  annuellement /  224  320  fr.    » 

[et]  pour  les  officiers  français  qui  formeront  le  cadre  de  ce  } 

bataillon,  celle  de (    46  100  fr .    » 

Total  de  la  solde  de  ce  bataillon 270  420  fr .   » 

Je  présentai  aussi  un  tableau  indicatif  de  la  solde  annuelle 
attribuée  à  chaque  grade  et  aux  fusiliers  du  bataillon  de  Cipayes. 

L'êlat-major  de  cette  expédition  sera  composé  selon  le  tableau  suivant  : 

1  capitaine  général Mémoire. 

2  généraux  de  brigade  (solde  du  grade 

et  moitié  en  sus) 45  000  fr . 


Total. 


Total. 


Total  . 


Total  . 


Total . 


ORGANISATIOX   DE    L'EXPÉDITION  265 

Report 45  000  fr. 

1  adjudant  comniaiidant  (solde  du  grade 

et  moitié  en  sus) 10  300 

10  aides  de  camp  et   adjoints    (solde   du 

grade  et  moitié  en  sus) 32  625 

1   commissaire  des  guerres,  non  compris 

les  frais  de  bureau 6  000 

10  officiers  à  la  suite  pour  être  employés 
dans  différents  services  (2  capi- 
taines, 4  lieutenants  et  4  sous-lieu- 
tenants), non  compris  les  frais  de 

bureau 18  /oO 

25  Total 112675  fr. 

Génie  : 

1  chef  de  bataillon  commandant 6  750  fr. 

2  capitaines 6  750 

2  lieutenants  (dont  un  de  1"  classe)  .  .  .  4  200 

"5  Total 17  700  fr. 

Artillerie  : 

1   chef  de  bataillon  commandant 6  700  fr . 

1   capitaine  (2"  classe) ^^  000 

1   lieutenant  (1"  classe) 2250 

3"  Total UÎ^SO  fr. 

Officiers  de  santé  : 

1  médecin '^000  fr. 

2  chirurgiens  de  1"  classe 4  500 

4  chirurgiens  de  2''  classe "^  50" 

2  chirurgiens  élèves -  400 

1   pharmacien  de  !'•  classe 2  250 

1  élève 1^00 

n  Total 20850  fr. 

Principaux  aijcnts  civils  : 

1   préfet  colonial, 

1  trésorier, 

1  juge  supérieur  à  Pondichéry, 

1  juge  de  la  Chauderie  (pour  les  Indiens) , 

1  juge  pour  Chandernagor, 

1  juge  pour  Mahé, 

4  greffiers. 


266   MEMOIRES  ET  JOLRMAUX  DU  GENERAL  DECAEN 

Agents  secondaires  : 

18  agents  pour  être  placés  dans  les  différents  comptoirs, 
non  compris  les  principaux  établissements. 

Comme  il  est  nécessaire  que  quelques  personnes 
passent  dans  l'Inde  comme  secrétaires  et  interprètes,  on 
fixe  leur  nombre  à 

30 

Total...  48 

Récapitulation  du  nombre  des  passagers  d'après  lequel  on  peut  fixer 
celui  des  vaisseaux  nécessaires  au  transport  : 

44 Etat-major  général,  génie  (direction),  artillerie 

(direction),  officiers  de  santé, 

978 Infanterie, 

24 Officiers  pour  les  Cipayes, 

80 Artillerie, 

63 Cavalerie, 

10 Principaux  agents  civils, 

48 Agents  secondaires. 

Total...      1247  hommes. 

J'observe,  relativement  au  transport,  qu'il  est  convenable  de  prendre  en 
considération  le  nombre  d'officiers  et  agents  civils  faisant  partie  de  cette 
expédition  qui  doivent  occuper  plus  de  place  sur  le  vaisseau  que  le  soldat. 

Article  4. 

Les  troupes  ci-après  seront  celles  auxquelles  il  sera  donné  des  ordres 
pour  faire  partie  de  l'expédition  : 

Un  bataillon  de  la  IOl)«  demi-brigade,  en  garnison  à  Metz; 

le  3'"  de  la  ^i""  légère,  en  garnison  à  Mantes; 

un  détachen)ent  &  chasseurs,  en  garnison  à  Brisach  ; 

un  détachement  9"  hussards,  en  garnison  à  Brisach; 

une  compagnie  du  6'^  régiment  d'artillerie  légère,  en  garnison  à  Rennes. 
Chaque  détachement  de  chasseurs  et  hussards  sera  composé  ainsi  : 

1  sous-lieutenant, 

2  maréchaux  de  logis, 
2  brigadiers, 

1   trompette, 
25  cavaliers. 

Total  . . .         lÛ 

Il  sera  particulièrement  recommandé,  dans  l'ordre,  que  les  officiers 
soient  choisis  tant  pour  leur  constitution  que  pour  leurs  mœurs  et  leurs 
moyens,  et  qu'il  n'en  parte  pas  qui  aient  plus  de  trente-six  ans;  que  les 


COMPOSITIO\'    DE    L'EXPEDITIOM  26T 

sous-offîciers  et  soldats  soient  également  clioisis  et  que  les  mauvais  sous- 
officiers  ne  soient  pas  compris. 

11  sera  aussi  recommandé  que  la  masse  soit  remise  pour  chaque  homme 
et  qu'il  soit  habillé  de  neuf  autant  que  possible  et  bien  armé. 

Des  selles  et  des  brides  neuves  pour  les  détachements  de  hussards  et  de 
chasseurs,  et  des  harnais  pour  les  chevaux  de  l'artillerie  légère  seront  em- 
barqués ainsi  que  12  pièces  d'artillerie  : 

4  obusiers, 
4  pièces  de  8, 
4  pièces  de  4, 
6  wursts, 
G  caissons. 

Il  sera  embarqué  provisoirement,  avec  cette  artillerie,  un  approvision- 
nement double  en  munitions,  surtout  en  fer  coulé. 

Deux  mille  fusils  neufs  pour  armer  les  Cipayes  et  avoir  des  armes  de 
rechange. 

Six  cents  sabres  pour  le  même  objet. 

La  quantité  de  poudre  et  de  balles  n'est  pas  déterminée,  ainsi  que  diffé- 
rents autres  objets  de  détail  et  de  rechange.  Le  directeur  de  l'artillerie  en 
présentera  l'état. 

Il  sera  pourvu  à  l'approvisionnement  en  étoffes  nécessaires  pour  l'ha- 
billement des  Cipayes  ainsi  que  pour  celui  des  troupes  européennes  en  drap 
de  Lodève. 

Il  sera  fourni  aussi  1  200  gibernes  complètes,  600  baudriers  pour  les 
sabres,  et  30  caisses  de  tambour  avec  leurs  colliers. 

Au  surplus,  chaque  chef  présentera,  pour  sa  partie,  au  ministre,  les  états 
détaillés  des  objets  nécessaires. 

Article  5. 

Les  officiers,  militaires  et  civils  ci- après  désignés  seront  mis  à  la  dispo- 
sition du  ministre  de  la  Marine,  afin  qu'ils  puissent  recevoir  leurs  ordres 
et  s'occuper  des  préparatifs  pour  ce  qui  regarde  leurs  emplois  respectifs  : 

Le  général  de  brigade  Montigny,  pour  Chandernagor; 

le  général  de  brigade  Vandermaëscn,  pour  Pondichéry; 

le  chef  de  brigade  Sainte-Suzanne,  pour  commander  l'infanterie.  {Nota  : 
le  Premier  Consul  a  bien  voulu  me  promettre  que  le  citoyen  Sainte- 
Suzanne,  chef  de  bataillon  de  la  59%  serait  élevé  au  grade  de  chef  de  bri- 
gade. Ce  chef  a  déjà  commandé  les  Cipayes.  Il  est  âgé,  mais  il  connaît  les 
habitudes  des  Indiens)  ; 

le  chef  de  bataillon  Ilichemont,  pour  le  génie; 

le  citoyen  Dupleix  pour  préfet  colonial  (le  citoyen  Dupleix  a  beaucoup 
d'instruction  sur  l'administration,  la  politique  et  le  commerce  de  l'Inde; 
il  n'est  pas  un  homme  ordinaire;  la  gloire  de  son  pays  l'anime;  neveu 
du  célèbre  Dupleix,  il  voudra  marcher  sur  ses  traces)  ; 


268      MEMOIRES   ET   JOURNAUX   DU    GENERAL   DECAEN 

le  citoyen  Laurent- Dieudomié  Martin  pour  juge  supérieur  à  Pondi- 
chéry  (Ce  citoyen  a  été  employé  vingt-trois  ans  dans  la  judicature.  Il  a  été 
procureur  du  roi  pendant  quatorze  ans  à  Châlons-sur-Marne  et,  depuis  la 
Révolution,  il  a  constamment  siégé  dans  divers  tribunaux,  et  particulière- 
ment au  tribunal  du  département  de  la  Seine). 

J'aurai  l'iionneur,  mon  général,  de  vous  présenter  le  tableau  de  propo- 
sition des  officiers  et  agents  que  je  n'ai  pas  indiqués,  lorsque  vous  aurez 
porté  votre  décision  sur  les  principales  demandes  que  je  vous  soumets. 

Aperçu  de  la  dépense  annuelle  des  troupes  stationnées  dans  l'Inde  et 
pour  les  différents  établissements,  dans  lesquelles  dépenses  on  ne  comprend 
pas  les  frais  de  transport  ni  ceux  de  station  pour  les  bâtiments  de  l'Etat. 

Etat-major  de  la  colonie. 

Solde  des  différents  officiers,  en  prenant  pour  base  l'arrêté  du.  .  . 

La  somme  de 112  675  fr. 

Le  traitement  du  capitaine  général  et  le  supplément 
qui  est  nécessaire  aux  deux  généraux  de  brigade, 
surtout  pour  celui  qui  réside  à  Cbandernagor.  Mémoire. 

Troupes. 

Infanterie  française 550  324  \ 

Gardes " 57  228  684  732  fr. 

Artillerie 77  180  ) 

Génie,  direction 17  700 

Artillerie,  direction 11  950 

Officiers  de  santé 20  850 

Dans  les  sommes  affectées  à  cbaque  arme,  on  com- 
prend la  solde,  la  subsistance  (à  raison  de  0  fr.  50) 
—  la  ration  étant  composée  de  16  onces  de  pain, 
8  onces  de  riz,  12  onces  de  viande  fraîche  et  com- 
pris l'eau  et  le  bois,  les  ustensiles  et  fournitures 
habituellement  faites  aux  troupes  servant  dans 
rinde  —  le  logement,  l'habillement,  l'entretien, 
les  fourrages,  et  les  remontes  d'après  la  fixation 
des  masses  affectées  à  chaque  homme,  ainsi  que  les 
journées  d'hôpitaux,  au  dixième  de  l'effectif,  à  rai- 
son de  2  francs  par  jour. 

Corps  de  Cipayes 270  420 

Dans  cette  sonnne,  on  ne  comprend  que  la  solde,  à 
laquelle  on  ne  doit  ajouter  que  celle  de  la  dépense  de 
rhabillement  et  du  logement  de  ces  troupes,  aux- 
quelles il  n'est  fourni  aucune  subsistance,  qu'on  peut 
évaluer  à  30  francs  par  honune,  et  pour  les  961  à  28  830 

A  reporter l  147  157  fr. 


DEPENSES   DE    L'EXPEDITION  269 

Report 1  147  157  fr 

Achat  de  chevaux. 

Dans  les  deux  articles  de  dépense  pour  la  cavalerie  et 
l'artillerie,  la  somme  comprise  pour  les  remontes 
n'est  que  dans  la  proportion  fixée  pour  les  rem- 
placements, l'achat  des  chevaux  pour  les  deux 
armes  à  raison  de  500  francs  par  cheval  et,  déduc- 
tion faite  du  montant  de  la  remonte,  à  la  somme  de  56  626 

El  pour  les  48  chevaux  de  trait  qui  n'ont  été  compris 
ni  pour  l'achat  ni  pour  le  remplacement  aussi,  à 
500  fr.  l'un 24  000 

Agents  civils. 

Préfet  colonial Mémoire. 

Le  trésorier 6  000  i 

Le  préposé-receveur 2  400  /  ,  ^  o„ „ 

¥         '       •  m  K\(\  /  IboOO 

Le  prépose -payeur 1  400  ( 

Au  trésorier,  frais  de  bureau 6  000  I 

Garde-magasin  général 3  000  /  ^  jj_- 

4  commis  aux  détails 4  800  ' 

Garde-magasin,    officier  de  port  et  employés  de  la 

marine Mémoire. 

Officiers  de  justice 20  000 

Etat-major  de  place 4  000 

Police 14000 

Grande  voirie 10  000 

Directeur  de  la  Monnaie 2  400 

Imprimeur 1  500 

ToTAi 1  304  283  fr. 

Aux  sommes  à  porter  au  présent  état,  on  ajoutera  celles  portées  pour 
mémoire  seulement  ainsi  ([ue  ce  qui  sera  fixé  pour  les  dépenses  générales 
qui  doivent  comprendre  : 

Les  travaux  de  fortification,  si  on  en  rétablit.  Mémoire. 

Les  réparations  des  bâtiments  militaires  et  civils  et 
autres  travaux  publics,  loyers  de  maisons,  maga- 
sins et  logements,  en  argent.  — 
Transports  dans  les  différents  ports  de  l'Inde.  — 
Supplément  de  dépense  au  grand  prévôt.  — 
'    Frais  de  voyage  d'Inde  en  Inde.  — 
Subsistance  des  officiers  de  marine  et  autres  restés  à 

terre.  — 

Frais  de  journées  d'hôpitaux  pour  les  malades  autres 

que  les  troupes.  — 


370      AIKMOIRES   ET  JOLRXAUX   DU   (ÎE.YERAL   DECAEM 

Achat  d'huile  à  hrùler  pour  les  troupes  et  entretien 

désarmes.  Mémoire 

Dépenses  politiques.  — 

Frais  au  dehors.  — 

Pensions  des  veuves  et  anciens  militaires.  — 

On  porte  également  pour  mémoire  les  frais  d'établis- 
sement de  Chandernagor,  Karikal,  Mahé  et  Vanaon 
ainsi  que  le  traitement  des  agents  employés  dans 
les  petits  comptoirs  cy.  — 

On  estime  que  pour  faire  face  aux  dépenses  énoncées 
dans  les  deux  précédents  articles,  il  conviendrait 
d'allouer,  pour  la  première  année,  une  somme  de 
800000  fr.  qu'il  faudrait  augmenter  si  le  but  du 
gouvernement  est  de  donner  quelque  présent  de 
prix  aux  princes  du  pays  et  s'il  veut  qu'on  acquitte 
les  dettes  contractées  lors  du  siège,  et  les  arrérages 
des  pensions.  S'il  fallait  fortifier,  on  suppléera  pro- 
visoirement aux  fortifications  par  l'artillerie  légère.  800  000  fr. 
Cette  somme,  réunie  à  celle  ci-dessus,  compose  un 


total  général  de  dépense  de 2  10i283  fr. 

J'ai  l'honneur,  etc..  » 

Le  mode  d'organisation  des  Cipayes,  leur  solde,  etc.,  devant 
être  réglés  par  le  Conseil  d'Ktat,  le  général  Dessolle,  chargé  du 
rapport,  me  demanda  une  note  à  ce  sujet.  Je  lui  écrivis,  le 
19  messidor  : 

Comme  vous  allez,  mon  cher  général,  lous  occuper,  au  Conseil  d'Etat, 
du  mode  d'organisation  et  de  traitement  pour  les  corps  de  Cipayes  qui 
doivent  servir  dans  nos  établissements  de  l'Inde,  je  vous  présente  cette 
note  contenant  quelques  observations  qui,  je  crois,  peuvent  être  prises  en 
considération . 

Dans  un  projet  relatif  à  l'expédition,  que  j'ai  remis  au  Premier  Consul, 
j'avais  compris  l'organisation  d'un  bataillon  de  Cipayes  à  dix  compagnies. 
Je  n'avais  pas,  alors,  acquis  des  renseignements  que  j'ai  eus  depuis;  et  j'ai 
reconnu  avoir  commis  une  erreur  relativement  au  nombre  d'officiers  euro- 
péens que  je  demandais  pour  former  le  cadre  de  ce  bataillon,  puisqu'il  est 
indispensable  de  composer  ainsi  ce  corps. 

J'avais  donné  la  préférence  à  un  bataillon  composé  de  10  compagnies  à 
deux  bataillons  de  chacun  5  pour  plusieurs  motifs  :  entre  autres,  j'y  trouvais 
plus  d'économie;  et,  comme  il  est  nécessaire  d'avoir  des  Cipayes  à  Chander- 
nagor, Karikal,  Mahé,  alors,  dans  chacun  de  ces  établissements,  on  aurait 
levé  des  compagnies,  deux  dans  le  premier  et  une  dans  les  deux  autres,  et 
six  compagnies  à  Pondichéry;  enfin,  parce  que  j'avais  pensé  que  le  gou- 
vernement ne  voulait  pas  qu'il  fût  levé  plus  de  1  000  à  1  200  hommes. 


RAPPORT   DE   DECAEXf   A   DESSOLLE  271 

Mais,  si  rintention  du  gouvernement  est  de  porter  cette  levée  jusqu'à 
1  800  ou  2  000  hommes,  je  pense,  mon  cher  général,  qu'on  ne  peut  pas 
adopter  un  meilleur  mode  de  formation  que  celui  de  deux  bataillons  de 
chacun  neuf  compagnies  dont  une  de  grenadiers. 

Depuis  que  la  France  a  eu  des  Cipayes  à  sa  solde,  les  formations  de  ces 
corps  ont  varié,  et  surtout  celles  des  compagnies.  Comme  je  n'ai  point  été 
sur  les  lieux,  je  ne  prononcerai  point  quelle  a  été  la  meilleure  de  celles  adop- 
tées, mais  il  me  semble  que,  d'après  l'expérience,  on  doit  accorder  la  préfé- 
rence à  celle  de  1792,  en  y  apportant  cependant  quelques  changements  qui 
peuvent  être  préférables  au  bien  de  la  chose,  surtout  en  ne  laissant  exister, 
entre  la  formation  de  nos  bataillons  et  celle  des  Cipayes,  que  la  différence  in- 
dispensable. Pous  donner  plus  de  clarté  à  ma  proposition,  j'ai  cru  qu'il  con- 
venait de  mettre  en  parallèle  l'organisation  de  1792  et  celle  que  je  présente. 

Etal-major  selon  la  formation  de  1792  : 

Colonel  commandant 8  000  fr. 

Lieutenant-colonel B  000 

Lieutenant-colonel  en  second 5  000 

Quartier-maître 1  800 

1"  rissaldar  ou  chef  de  bataillon  indien 3000 

2«  rissaldar 2  400 

A  chaque  adjudant-major  indien I  200 

lorsqu'il  ne^^sera  quegemnadar I  050 

Au  chirurgien  indien I  500 

Supplément  pour  remèdes 900 

Deux  adjudants  de  bataillon  indiens  à 500 

Un  tambour-major 450 

Un  caporal  tambour 300 

A  chaque  musicien 210 

A  chaque  maître-ouvrier 210 

Etat-major  selon  la  formation  proposée  : 

Un  chef  de  brigade  commandant 8  000  fr. 

Un  chef  de  bataillon G  000 

(Ce  chef  de  bataillon  serait  chargé  de  l'adminis- 
tration, instruction,  police  et  discipline;  enfin,  il 
remplirait  les  fonctions  de  major) . 

Un  quartier-maître 1  800 

1"  rissaldar 3  000 

2'  rissaldar 2  400 

A  chaque  adjudant-major  indien 1  050 

(Les  adjudants-majors  ne  seraient  que  gemnadars 
ou  lieutenants) . 

Un  chirurgien-major 1  500 

Suppléments  pour  remèdes 900 


272      MÉMOIRP]S   ET   JOURMAUX   DU   GENERAL   DECAEN 

Deux  adjudants  de  bataillon  à 500  fr. 

Un  tambour-major 450 

Un  caporal-tambour 300 

A  chaque  musicien 210       (4  maiicien») 

A  chaque  maître-ouvrier 210       (3  maitrei-ooTr.) 

Selon  la  formation  de  1792,  rétat-major  des  deux:  bataillons  coûtait 
34  270  francs. 

li'état-major  des  deux  bataillons  de  Cipayes  composés  comme  ci-dessus 
coûterait,  pour  la  solde  annuelle,  32  920  francs,  ce  qui  diminue  la  dé' 
pense  de  1  350  francs  par  an. 

Le  chef  de  brigade  et  le  chef  de  bataillon  suffiraient  pour  la  surveillance 
dans  toutes  les  parties.  On  ne  peut  présenter  d'objection  que  pour  le  com- 
mandement à  la  manœuvre.  Mais,  à  cet  égard,  ce  poste  serait  rempli  par 
le  capitaine  de  1"  classe  de  chaque  bataillon. 

La  formation  de  1792  n'adopte  point  d'adjudants-majors  européens.  Je 
les  crois  pourtant  très  nécessaires  pour  la  surveillance  des  détails  du  ser- 
vice et  de  l'instruction,  d'autant  mieux  encore  que  la  formation  proposée 
ne  comprend  point  d'adjudants  sous-officiers  européens. 

Les  adjudants-majors  indiens  n'auraient  que  le  grade  de  gemnadar  ou 
lieutenant.  Ils  n'auraient  leur  avancement  qu'en  passant  au  grade  de 
soubdars  dans  une  compagnie.  Je  me  propose  de  ne  présenter  que  deux 
officiers  indiens  par  compagnie  :  un  soubdar  ou  capitaine,  un  gemnadar 
ou  lieutenant.  Comme  on  ne  doit  réellement  considérer  ces  officiers 
[que]  comme  de  premiers  sous-officiers,  il  devrait  paraître  égal  de 
n'employer  par  compagnie  que  deux  gemnadars  ou  lieutenants;  mais 
l'usage,  et  surtout  ce  grade  existant  dans  les  corps  de  Cipayes  anglais,  il 
convient  de  ne  rien  innover  à  cet  égard.  Mais  on  peut  n'employer  que  ces- 
deux  officiers  (un  soubdar  et  un  gemnadar)  par  compagnie,  et  remplacer 
le  deuxième  gemnadar  par  un  sous-lieutenant  européen;  alors,  on 'aurait 
quatre  officiers  européens  par  compagnie  dont  un  capitaine,  deux  lieute- 
nants, un  sous-lieutenant.  Il  n'y  aurait  qu'un  supplément  à  ajouter  [à  la 
solde]  d'un  gemnadar  pour  fournir  celle  du  sous-lieutenant  européen. 

Plusieurs  avantages  résulteraient  de  cette  formation;  le  service  s'en 
ferait  mieux  ;  on  aurait  des  officiers  pour  former  des  cadres  au  besoin  ; 
enfin,  n'est-il  pas  plus  convenable  de  favoriser  des  Français  plutôt  que  des 
Cipayes,  puisqu'à  la  rigueur  on  pourrait  se  dispenser  d'avoir  des  officiers 
indiens,  surtout  des  rissaldars  ou  chefs  de  bataillon?  Les  Anglais  n'en  em- 
ploient point  de  ce  grade. 

Je  présume  que  ce  qui  a  pu  en  faire  créer  pour  le  service  français, 
c'était  pour  avoir  des  moyens  de  faire  le  recrutement. 

Je  vais  maintenant  présenter  la  formation  que  je  crois  qu'il  convient 
d'adopter  pour  chaque  compagnie  : 

1  capitaine  européen, 
'  1  lieutenant  en  1", 


ORGANISATIOX    DKS   TROUPES   INDIGÈNES  273 

1    lieutenant  en  2% 
I   sous-lieutenant, 

1   soubdar, 
1   gemnadai*, 

1  sergent-major  indien, 
4  sergents, 

8  caporaux, 
8  appointés, 
80  fusiliers, 

2  tambours, 
1   écrivain. 

Total  des  Indiens.  . .      100 

4  officiers  européens. 

Total  giôxkral  ...      110 

Il  n'y  a  de  changement,  dans  cette  formation,  avec  celle  de  1792  que 
l'augmentation  du  sous-lieutenant  européen  et  la  suppression  du  deuxième 
.sergent-major  qui  serait  remplacé  par  un  écrivain  dont  la  solde  serait 
moindre  de  plus  de  la  moitié;  ces  écrivains  étaient  employés  avant  la  for- 
mation de  1792.  Quoique  les  appointés  ne  soient  plus  employés  dans  la 
formation  des  bataillons  européens,  je  crois  qu'il  faut  en  créer  dans  les 
bataillons  cipayes.  C'est  un  des  moyens  de  les  attacher  au  service  français, 
surtout  puisque  ces  hommes  ne  contractent  point  un  service  pour  un 
temps  déterminé  et  ne  sont  au  service  qu'autant  qu'ils  le  veulent. 

Enfin,  si  l'on  adopte  le  quatrième  officier  européen  par  compagnie,  on 
peut  très  bien  composer  ces  compagnies  de  88  fusiliers  puisqu' entre  autres 
choses  les  officiers  sont  en  proportion. 

Un  bataillon  deCipayes  dont  les  compagnies  seraient  composées  comme  je 
l'ai  ci-devant  exposé  donnerait,  sans  l'état-major,  un  effectif  de  990  hommes, 
officiers  européens  et  indiens  compris,  qui  coûterait  annuellement,  pour  la 
solde,  la  somme  de  265  480  francs. 

En  voici  le  détail  par  grade  : 

1   capitaine  de  grenadiers  h  2  700 2  700  fr. 

1   capitaine  de  1"  classe  à  3  000 3  000 

3  capitaines  de  2"  classe  à  2  400 7  200 

4  capitaines  de  3«  classe  à  2  000 8  000 

9  lieutenants  à  1  600 14  400 

9  lieutenants  ;\  1  500 13  500 

9  sous-lieutenants  à  1  400 12  600 

1    soubdar  de  grenadiers  h  1  250 1  250 

8  soubdars  de  fusiliers  à  1  050 8  400 

9  gemnadars  dont  1  à  900  et  8  à  750 6  900 

1   avaldar  ou  sergent-major  de  grenadiers  à  540  .  540 

II.  18 


274      MÉMOIRES   ET   JOURNAUX   DU   GEMÉRAL   DECAEM 

4  avaldars  ou  sergents  de  jifrenadiers  à  450 1  800  fr. 

8  naicks  ou  caporauv  de  «{renadiers  à  300 2400 

8  appointés  de  grenadiers  à  240 l  020 

2  tambours  de  grenadiers  à  210 420 

80  grenadiers  à  210 1(3  800 

1  écrivain  à  210 210 

8  premiers  avaldars  de  fusiliers  à  450 3  600 

32  avaldars  à  360 II  520 

64  naicks  ou  caporaux  à  240 15  360 

64  appointes  à  210 13  440 

16  tambours  à  180 2  880 

640  fusiliers  à  180 115  200 

8  écrivains  à  180 1  440 

990  Effectif  d'un  bataillon  =  Dépenses 265  480  fr. 

X   2 

Total  pour  deux  bataillons ....      530  960  fr. 
Pour  l'état-major  des  deux:  bataillons 32  920 

Total  gkxérai 563  880  fr. 

Avec  la  solde  affectée  à  chaque  grade,  on  n'aura  aucune  indemnité  à 
payer  aux  officiers  français  et  indiens,  mais  on  sera  obligé,  lors  de  la  levée 
des  bataillons,  de  faire  l'avance,  aux  officiers  indiens,  de  tout  leur  habille- 
ment et  équipement,  dont  on  exerce  la  retenue  proportionnellement 
chaque  mois.  On  fait  aussi,  aux  officiers  français,  une  partie  de  ces  avances, 
surtout  pour  les  effets  d'Europe  qui  leur  sont  nécessaires,  et  dont  la 
retenue  s'exerce  de  la  même  manière.  Ainsi,  pour  faire  toutes  ces  fourni- 
tures, il  y  avait  un  magasin  où  tous  ces  effets  étaient  avancés  au  prix  de 
facture,  c'est-à-dire  tous  frais  d'achat,  transport,  etc..  comptés. 

Les  sous-officiers  et  soldats  cipayes  ne  sont  fournis  d'aucune  subsistance. 
Ils  ne  font  point  de  dépenses  d'hôpital  ;  on  ne  leur  donne  que  le  logement 
qui  n'est  pas  très  dispendieux. 

Depuis  que  la  France  a  pris  des  Cipayes  à  son  service,  on  a  toujours 
habillé  et  équipé  les  sous-officiers  et  soldats  cipayes.  L'habillement  et 
équipement  consistait  : 

Savoir  : 

Un  habit  de  drap  vert 17'  10»  v' 

Deux  gilets  croisés  de  toile  de  coton 5  12  6 

Un  surtout  de  toile  pinasse 6  5  '^ 

Deux  caleçons  doublés  en  toile  de  colon 6  5  » 

Une  loque  de  bétille 6  17  6 

Une  ceinture  de  toile  bleue 3  2  6 

Deux  paires  de  sandales 3  15  • 

49'    7«  6'' 


ORGAMISATIOX   DES    TROUPES   INDIGÈNES  275 

Ces  effets  devaient  durer  trois  ans  et,  pour  être  remboursé  de  cette 
fourniture,  on  exerçait  une  retenue  de  15  deniers  par  jour  ou  de  1'  17'  (v' 
par  mois. 

Je  pense  que,  pour  attacher  les  Cipayes  au  service  français  et  en  faciliter 
le  recrutement,  on  doit  rapprocher  leur  salaire  de  celui  que  donnent  les 
Anglais,  sans  qu'il  soit  absolument  nécessaire  de  porter  ce  salaire  au  taux 
de  celui  qu'ils  donnent  et  qui  consiste  dans  6  roupies  par  mois  (environ 
15  francs),  deux  roupies  et  demie,  lorsqu'ils  quittent  la  garnison,  en  sup- 
plément; ils  ont,  en  outre,  une  quantité  de  riz.  Avec  cette  solde,  les  soldats 
cipayes  anglais  sont  habillés  et  équipés  de  tout,  sans  qu'il  leur  soit  exercé 
de  retenue. 

On  fera  la  fourniture  du  premier  habillement  et  de  tout  l'équipement 
ci-devant  désigné  aux  Cipa\es,  et  on  n'exercera  plus  sur  eux  qu'une  rete- 
nue de  douze  deniers  au  lieu  de  quinze,  ce  qui  leur  fera  une  augmentation 
de  trois  deniers  de  solde  par  jour. 

Le  Cipaye  serait  tenu  de  s'entretenir  de  caleçons  et  de  sandales,  effets  qu'il 
use  le  plus;  c'est  ce  que  l'on  considérerait  comme  petit  équipement.  Le  sol 
de  retenue  fournirait  à  ce  petit  équipement;  et  tous  les  trois  mois,  on  lui 
en  ferait  le  décompte;  mais,  avant  de  lui  faille  le  premier,  il  faudrait  qu'il 
eût  une  niasse  de  18  francs.  Ce  moyen  contribuerait  encore  à  attacher  le 
Cipaye  au  service,  parce  qu'on  lui  remettrait  son  décompte  et  sa  masse 
lorsqu'il  le  quitterait,  ou  à  sa  famille,  en  cas  de  décès. 

Je  demande  donc  que  le  gouvernement  affecte  annuellement,  pour  cette 
dépense,  les  mêmes  soldes  qu'il  passe  annuellement  à  chaque  soldat  fran- 
çais pour  sa  niasse  d'habillement  et  d'entretien,  dont  une  est  de  25  francs, 
et  l'autre  de  8,  en  tout  33  francs  :  ce  qui  serait  une  dépense  à  ajouter  à 
la  solde  des  deux  bataillons  de  62 139  francs,  et  ferait  un  total  de 
625  010  francs,  état-major  compris,  pour  laquelle  ces  deux  bataillons 
seraient  fournis  de  tout,  même  du  logement,  excepté  cependant  la  fourni- 
ture des  fusils,  sabres,  gibernes  et  buffleterie  qui  sont  envoyés  d'Europe. 

Les  Anglais  ajoutent  aux  avantages  qu'ils  donnent  aux  Cipayes  celui 
d'adopter,  par  régiment,  IGO  enfants  d'officiers,  sous-officiers  et  Cipayes 
auxquels  ils  donnent,  lorsqu'ils  ont  atteint  l'âge  de  cinq  ans,  deux  roupies 
et  demie  par  mois  et  un  petit  habillement,  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  en  âge 
d'être  soldats. 

On  donne  de  l'instruction  à  ces  enfants  et  ils  deviennent  de  très  bons 
sous-officiers  et  officiers.  Je  ne  propose  pas  d'en  accepter  un  tel  nombre; 
mais  ne  conviendrait-il  pas  d'en  adopter  au  moins  quatre  par  compagnie? 
Cette  méthode  des  Anglais  me  paraît  très  bonne  à  suivre. 

Voilà,  mon  cher  général,  ce  que  j'ai  pu   à  la  hâte  vous  réunir  sur  ce 
corps  de  Cipayes.  Contribuez,  je  vous   prie,  à  ce  qu'au  moins  une  bonne 
partie  de  mes  propositions  soient  admises. 
Salut  et  amitié. 

Le  mode  d'organisation  que  j'avais  proposé  dans  cette  lettre 
ainsi  que  la  fixation  de  la  solde  furent  adoptés,  à  quelques  modifî- 


276      MlhlOIRES   ET  JOURNAUX   DU    GENERAL   DECAEX 

cations  pivs,  et  déterminés  par  un  arrêté  des  Consuls  du  28  fructi- 
dor an  X. 

Le  nombre  des  grenadiers  et  fusiliers,  pour  chaque  compagnie, 
ne  fut  porté  qu'à  64  hommes  au  lieu  de  80  que  j'avais  proposé. 
Ainsi  la  force  de  chaque  compagnie  fut  fixée  à  94  hommes,  officiers 
compris,  dont  4  européens,  au  lieu  de  110;  chaque  bataillon,  à  840, 
la  demi-brigade  de  deux  bataillons  à  1  692,  enfin,  y  compris  l'état- 
major,  à  1  713. 

Quant  à  la  solde,  cello  : 

Ou  dicf  de  l)ataillon  européen  fut  réduite  à.  .  5  000  au  lieu  de  6  000 

Ou  1"  rissalciar  à 2  400  —  3  000 

Ou  2"  rissaldar  à I  800  —  2  400 

Soubdars  de  grenadiers  à. 1  200  —  1  250 

Adjudant-major  geninadar    900  —  1 050 

Sergent-major  de  grenadiers  à 510  —  540 

Sergents  de  grenadiers  à 420  —  450 

(iaporaux  de  grenadiers  à 270  —  300 

Maîtres-ouvriers  de  grenadiers  à 180  —  210 

Les  augmentations  ci-après  eurent  lieu  : 

Au\  adjudants-majors  européens  . 2  100  au  lieu  de  2  000 

Capitaine  de  3=  classe 2  100  —  2000 

Aux  adjudants  et  sous-officiers  indiens 575  —  500 

Tambour  de  grenadiers 240  —  210 

Ecrivain-fourrier  grenadier 300  —  210 

Musicien 270  —  210 

Tambour  de  fusiliers 210  —  180 

Fourrier-écrivain  de  fusiliers 270  —  180 

Les  masses  d'habillement  et  d'entretien  furent  accordées,  mais 
réduites,  l'une,  de  25  à  18  francs,  et  l'autre,  de  8  à  6,  24  francs 
pour  les  deux  au  lieu  de  33,  pour  chatjue  iiomnie. 

La  retenue  par  jour  fut  fixée  à  8  centimes  au  lieu  de  12  deniers 
et  la  masse  de  18  francs  prescrite,  ainsi  que  le  décompte,  comme 
j'avais  proposé  de  les  établir. 

Ainsi,  d'après  les  dispositions  déterminées  par  l'arrêté  des  Con- 
suls, la  dépense  pour  les  deux  bataillons  de  Cipayes  et  leur  état- 
major  était  réduite  à  la  somme  de  550002  francs  pour  la  solde 
et  les  masses  d'habillement  et  d'entretien,  au  lieu  de  celle  de 
625  019  francs,  énoncée  et  détaillée  dans  ma  lettre  au  général 


ORGANISATIOX    DES    TROUPES    IMDIGÈMES  277 

Dessolle,  différence  en  moins  de  75  017  francs,  attendu  la  réduc- 
tion de  16  hommes  par  compagnie. 

L'admission  de  quatre  enfants  de  Cipayes  par  compagnie  fut 
adoptée.  On  leur  accordait  la  demi-.solde  à  l'âge  de  cinq  ans.  La 
préférence  devait  être  donnée  à  ceux  des  soldais  et  ensuite  des 
sous-officiers  avant  ceux  des  officiers. 


CHAPITRE    III 

On  accélère  les  préparatifs  de  l'expédition.  —  Démêlés  de  Decaen  avec  le  ministre  de  la 
Marine.  —  Decaen  en  appelle  au  Premier  Consul.  —  Il  se  charge  d'emmener  tiOO  noirs. 
—  Xouvclle  discussion  de  Decaeo  avec  Decrès.  —  Decaen  organise  son  bataillon  afii- 
cain.  —  État-major  et  fonctionnaires  de  Decaen.  —  Au  cours  d'un  entretien  aipc 
Decaen,  Bonaparte  se  plaint  \iuement  de  Moreau.  —  Ses  reproches  sur  la  conduite  de 
celui-ci.  —  Decaeu  défend  Moreau.  —  Bonaparte  attribue  la  conduite  de  Moreau  à 
l'influence  de  la  femme  et  de  la  belle-mère  de  celui-ci  et  aux  conseils  de  Laborie, 
Frcsnière  et  Normand.  —  11  semble  encore  porter  quelque  intérêt  à  Moreau.  — 
Decaen  lui  insinue  que  Moreau  pourrait  être  facilement  ramené.  —  Réponse  découra- 
geante du  Premier  Consul  ;  >■  C'est  un  sable  mouiant!  »  —  Causes  du  mécontentement 
de  Laborie.  — •  Uernières  tentatives  de  Decaen  pour  rapprocher  Moreau  de  Bonaparte. 

II  fut  décidé  que  rexpcdition  partirait  de  Brest,  et  que  le  vaisseau 
le  Marengo,  de  74,  les  frégates  la  Belle-Poule,  VAtalante,  la  Sé- 
millante avec  la  fliite  la  Nécessité  et  quelques  uavires  de  com- 
merce, transporteraient  dans  l'Inde  les  troupes,  bagages,  etc.. 

Savoir  : 

600  lioiiimes,  3'^  bataillon  de  la  100"  demi-brigade 

de  ligne  ; 
320  bommes,  bataillon  d'infanterie  légère,   3^  de 

la  IS-^  ; 
100  bommes,    compagnie   d'artillerie    légère     du 

6''  régiment; 
60  hommes,  garde  du  capitaine  général,  formée 

de  détacbements  de  cbasseurs  et  bussards  ; 
16  ouvi'iers  d'artillerie. 


ToTAi 1  096 

58  officiers  de  ces  corps  ; 
78  pour  les  Cipayes; 

18  officiers  généraux,  d'état-major  et  des  directions 
d'artillerie  et  de  génie. 

ToT.^L  GIÎXÉR.^L.  . .       1250 

Ml,  avec  le  préfet,  les  fonctionnaires  civils,  les  employés,  les 
femmes  et  les  enfants  et,  en  outre,  les  domestiques,  il  y  avait  à 
transporter  environ  I  iOO  personnes. 


NOUVEAUX   DEMELES   AVEC   DECRIS  279 

Les  dispositions  à  faire  par  la  marine  pour  le  dépari  de  l'expé- 
dition n'ayant  pas  été  terminées  afin  de  mettre  à  la  voile  au  mois 
d'octohre,  ce  départ  fut  ajourné  an  printemps  prochain. 

Au  mois  de  nivôse,  je  reçus  une  lettre  du  ministre  de  la  Marine, 
datée  du  13,  m'annoncant  que  «  l'intention  du  gouvernement 
étant  que  je  me  rendisse  bientôt  au  poste  (jui  m'était  assigné,  il 
s'empressait  de  me  prévenir  qu'il  avait  donné  des  ordres  pour  que 
je  fusse  payé,  à  Paris,  de  quatre  mois  d'avance  sur  mon  traitement 
fixé  à  70000  francs.  » 

Alors,  tous  les  préparatifs  furent  accélérés.  Les  troupes  qui 
étaient  déjà  stationnées  dans  les  environs  de  Brest  reçurent  des 
ordres  pour  y  arriver,  ainsi  que  les  officiers,  etc.,  qui  devaient 
s'y  rendre;  et  tout  ce  qui  devait  faire  partie  de  l'expédition  en 
hommes  et  en  matériel  y  arriva  successivement. 

J'allais  assez  souvent  voir  le  Premier  Consul,  soit  pour  lui  faire 
des  demandes  relativement  à  l'expédition,  soit  pour  le  prier  de  lever 
les  difficultés  que  je  rencontrais  auprès  du  ministre  de  la  Marine. 

J'eus  avec  ce  ministre  une  assez  vive  discussion  parce  qu'il  avait 
fait  remplacer  la  flûte  qui  devait  être  employée  au  transport  par 
le  navire  la  Câte-d'Or,  affrété  au  commerce  et  qui  offrait  moins 
de  capacité.  Lui  ayant  fait,  à  cet  égard,  des  représentations  et 
qu'il  n'y  avait  pas  suffisamment  de  bâtiments  pour  transporter  le 
personnel  et  le  matériel,  et  que  les  troupes  seraient  trop  mal  à 
l'aise  pour  une  aussi  longue  traversée,  je  lui  dis  qu'ennuyé  des 
contradictions  ([ue  j'éprouvais  journellement,  je  finirais  par 
prendre  un  parti;  et,  à  sa  réplique  que  je  me  conformerais  sans 
doute  aux  ordres  du  gouvernement,  je  lui  ripostai  (|ue  je  ne  ferais 
(|ue  ce  que  je  jugerais  me  convenir. 

Peu  de  jours  après  cette  discussion,  étant  allé  voir  le  Premier 
Consul,  il  me  dit  :  c  Vous  êtes  donc  en  (juerelle  avec  le  ministre 
de  la  Marine?  —  Oui,  mon  général,  et  cela  ne  peut  pas  être 
autrement,  parce  que,  le  ministre  n'étant  contredit  par  personne 
lorsqu'il  vous  soumet  ses  dispositions,  vous  lui  accordez  ce  (|u'il 
vous  demande;  et  ce  sera  toujours  de  même  si  vous  n'êtes  pas 
mon  avocat.  ••  Il  se  mit  à  rire  et  me  dit  :  >t  Eh  bien!  je  serai 
votre  défenseur,  n  Mes  observations  contribuèrent  à  faire  ajouter 
à  la  Côte-cVOr  deux  autres  navires. 


280      MKMOIHKS   ET   JOIR.YAUX   DU    GIÎiVÉRAL   DECAEX 

Cependant,  mon  dépari  de  Paris  n'eut  pas  lieu  aussi  tùt  (jue  je 
l'avais  présume,  attendu  qu'étant  allé  voir  le  Premier  Consul,  il 
me  dit  :  "  Comme  Richepance  nous  a  embarrassés  de  1  500  noirs 
qui  sont  arrivés  à  Brest,  qu'il  a  extraits  de  la  Guadeloupe  et  qu'il 
avait  d'abord  envoyés  aux  Ktats-l  nis,  où  l'on  n'a  pas  voulu  les 
recevoir,  ces  bommes  ont  été  déposés  au  bagne  en  attendant  qu'on 
leur  donne  une  destination.  Ne  pourriez-vous  pas  nous  débarras- 
ser d'une  partie?  v  Je  répondis  :  a  Mon  général,  je  crois  cela  pos- 
sible, du  moins  pour  600  dont  je  formerai  un  bataillon  qui  en 
remplacera  un  des  deux  de  Cipayes  que  je  dois  lèvera  mon  arrivée 
à  Pondicbéry.  Si  mon  expédition  était  composée  de  plus  d'Eu- 
ropéens, je  vous  proposerais  de  me  donner  tous  ces  noirs,  car  je 
crois  qu'en  traitant  bien  ces  bommes,  on  en  tirera  un  aussi  bon  parti 
et,  peut-être,  meilleur  que  des  Indiens.  Je  ne  vous  demande  pas 
de  remplacer  le  deuxième  bataillon  de  ceux-ci  par  des  Africains  : 
parce  que  je  crois  qu'il  est  indispensable  d'avoir  aussi  des  troupes 
indiennes  pour  le  service  des  établissements.  C'est  un  usage  établi 
(|u'on  ne  peut  pas  s'empécber  de  suivre,  et  qu'il  est  politique 
d'entretenir;  d'ailleurs,  je  crois  que  si  l'on  ne  s'y  conformait  pas, 
cela  pourrait  produire  un  mauvais  effet  dans  l'Inde,  et  que  les 
Anglais  n'en  seraient  pas  fàcbés.  —  C'est  bien.  Vos  observations 
sont  justes.  Allez  voir  le  ministre  de  la  Marine  et  entretenez-vous 
de  cela  avec  lui.  - 

Les  noirs  dont  il  s'agit  avaient  servi  à  la  Guadeloupe  pour 
repousser  les  Anglais  et  conserver  cette  colonie  à  la  Répu- 
bli(|ue.  Je  crois  que  si  le  Premier  Consul  avait  été  bien  informé  de 
ce  (|ui  s'était  passé  dans  cette  île,  le  général  Ricbepance  aurait 
reçu  d'autres  instructions  que  celles  qui  lui  furent  données.  Mais 
on  avait  commis  la  même  faute  qu'à  Saint-Domingue,  de  vouloir 
y  rétablir  le  même  régime  qu'avant  la  Révolution. 

Ce  capitaine  général,  après  avoir  subjugué,  à  la  Guadeloupe, 
les  noirs  qui  s'étaient  révoltés  lorsque  le  contre-amiral  Lacrosse  (I  ) , 
d'après  les  ordres  du  gouvernement,  avait  entrepris  d'y  réta- 
blir l'esclavage,  ce  capitaine  général,  dis-je,  avait  considéré  .qu'il 
y  aurait  du  danger  à  conserver  dans  cette  colonie  tous  les  noirs 
qui  avaient  fait   partie  de  la  force  armée.  Alors,  il  avait  pris  la 

(1)  I^acrosse,  d'après  l'iitit  général  de  la  maria e  de  l'an  XI,  était  coutre-aniira!  depuis 
le  l"-'  Tcadémiaire  an  V  et  avait  été  capitaine  gdaéral  de  la  Guadeloupe  jusqu'en  l'au  XI. 


DKCAEiV   EMMÈXURA   U.Y   BATAILLOM   DE    NOIRS     281 

résolution  de  faire  expédier  pour  les  Etats-Unis  tous  ces  braves 
gens  si  mal  récompensés  de  leurs  services,  croyant  qu'on  trouve- 
rait facilement  à  les  vendre!  Mais,  la  spéculation  ayant  été  repous- 
sée par  les  Américains,  on  se  trouva  forcé  de  faire  voile  pour  un 
port  de  France. 

Quelques  mois  auparavant  qu'il  fût  question  des  noirs  arrives 
à  Brest,  j'étais  allé  à  la  Malmaison.  Après  avoir  salué  Bonaparte 
(|ui  était  dans  le  salon  avec  plusieurs  personnes,  entre  autres 
l'amiral  Truguet  (I)  et  le  général  Vauhois  (2),  il  me  dit,  d'un  air 
fort  satisfait  :  ci  J'ai  reçu  de  bonnes  nouvelles  de  Ricbepance.  Il 
a  eu  du  succès  à  la  Guadeloupe.  —  Tant  mieux,  mou  géné- 
ral. —  Il  ne  lui  reste  plus  qu'à  soumettre  quelques  bandes  de 
révoltés  dont  il  espère  pouvoir  bientôt  venir  à  bout,  n  Alors 
quelqu'un  observa  qu'on  n'en  pourrait  finir  qu'en  les  exterminant, 
et  cliacun  fit  des  réflexions  sur  ce  sujet,  et  énonçant  ([ue  c'était 
le  seul  moyen  à  pratiquer.  Je  me  permis  d'exprimer  mon  opinion 
par  ces  seules  paroles  :  "  Et  le  sucre!  Qui  le  produira,  quand  il 
n'y  aura  plus  de  nègres?  v  Alors  Bonaparte  tourna  le  dos  et  il 
ue  fut  plus  question  de  la  Guadeloupe,  où  les  derniers  300  noirs, 
(jui  avaient  combattu  pour  conserver  leur  liberté,  préférèrent  se 
faire  sauter  ensemble  par  l'explosion  d'une  mine  plutôt  que  de 
reprendre  les  chaînes  de  l'esclavage! 

Au  sujet  des  noirs  arrivés  à  Brest,  j'allai,  dès  le  même  jour 
qu'il  en  avait  été  question  avec  le  Premier  Consul,  pour  en  causer 
avec  le  ministre  de  la  Marine.  Mais  ue  l'ayant  pas  rencontre,  j'y 
retournai  le  lendemain;  et  il  débuta  ainsi  :  u  C'est  donc  vous, 
général,  qui  avez  dit  au  Premier  Consul  qu'on  pouvait  emmener  à 
I*ondichéry  une  partie  des  noirs  venus  de  la  Guadeloupe?  —  Oui, 
c'est  moi,  parce  que  je  crois  cela  possible.  — Mais  vous  n'avez  pas 
réfléchi  que  si  vous  étiez  obligé  de  revenir  à  l'île  de  France,  vous 
ue  pourriez  pas  y  introduire  ces  noirs?  —  Il  est  certain  que  je  n'ai 
pas  eu  celte  idée.  Cependant,  si  vous  n'avez  pas  d'autre  objection 

(1)  Truguet  (Laiirent-Jeaii-Fraarois)  était  vice-amiral  depuis  le  6  veudémiaire  an  III, 
et  conseiller  d'Étal  (Etal  général  de  la  marine  de  l'an  XI). 

(2|  Belgrand-Vaubois  (Claude-Henri),  né  le  1'=''  octobre  1748  ;  élève  d'artillerie,  le 
10  décembre  1709;  lieutenant,  le  7  juin  1770;  capitaine,  le  5  avril  1787;  chef  du 
3i"  bataillon  de  la  Drôme  ;  général  de  brigade,  le  6  septembre  1793;  général  de  division, 
le  19  floréal  an  lU;  commandant  de  Malte  jusiju'au  9  floréal  an  VII;  entré  au  Sénat  en 
brumaire  an  IX;  commandant  d'une  division  de  gardes  nationales  de  réserve,  à  Ostende, 
le  15  août  1809;  rentré  au  Sénat,  le  29  septembre  180D,  il  mourut  en  1839  (4.  A.  G.). 


282      MÉMOIHES   ET   JOUR.MAUX   DU   GENEUAL   DECAEX 

k  me  faire,  vous  no  cluingorcz  pas  mon  opinion:  attendu  que,  si 
les  circonstances  voulaient  mon  retour  de  Pondicliéry  à  l'île  de 
France,  il  faudrait,  pour  reffectuer,  que  la  mer  fût  libre,  et  que 
j'eusse  des  bâtiments  pour  y  embarquer  ces  noirs.  Or,  tant  que  la 
faculté  existera  de  faire  cette  traversée,  je  ne  vois  pas  (|u'il  y  ait 
lieu  de  revenir  dans  cette  colonie.  Et  en  cas  de  guerre,  si  les  An- 
glais voulaient  prendre  Pondicliéry,  comme  ils  ne  l'attafjueraient 
qu'après  l'avoir  bloqué  par  mer,  il  n'y  aurait  pas  à  songer  à  une 
retraite  sur  l'île  de  France.  —  Mais,  que  ferez-vous  dans  ce  cas? 
—  Ab  !  c'est  autre  chose!  J'agirai  selon  les  circonstances.  ■^  Il  ne 
fut  alors  rien  dit  de  plus  sur  ce  sujet.  Alais,  le  jour  suivant,  je 
reçus  le  billet  ci-après  : 

Paris,  le  21  niiôse  au  \I  de  la  République. 

Le  Ministre  de  la  Marine  et  des  Colonies... 

Nous  aurons  600  noirs  pour  le  bataillon  africain.  Veuillez,  mon  cher 
général,  travailler  de  suite  à  leur  projet  d'organisation,  vêtements,  etc., 
et  me  faire  un  rapport.  Venez  dîner  ce  soir  avec  moi  pour  en  causer. 

Je  m'occupai  de  suite  du  projet  de  l'organisation  que  j'avais 
jugé  convenable  de  donner  à  ce  bataillon.  Je  le  remis  au  ministre 
et,  le  30  nivùse,  il  m'adressa  la  lettre  dont  suit  un  extrait  : 

Le  Premier  Consul  a  approuvé,  le  24  de  ce  mois,  la  formation  d'un 
bataillon  de  chasseurs  africains  composé  de  614  noirs  qui  faisaient  autre- 
fois partie  de  la  force  armée  de  la  Guadeloupe,  et  qui  doivent  tenir  lieu, 
jusqu'à  concurrence  de  leur  nombre,  du  corps  de  Cipayes  que  vous  êtes 
autorisé  à  lever  dans  l'Inde. 

L'intention  du  gouvernement  est  que  vous  vous  occupiez  sans  délai  de 
l'organisation  de  ce  bataillon. 

J'ai  donné  des  ordres  au  préfet  maritime  du  3^  arrondissement  afin 
qu'il  soit  confectionné  le  plus  tôt  possible,  pour  chaque  homme,  un  habit- 
veste  sur  le  drap  destiné  aux  Cipayes,  et  tous  les  accessoires  de  l'habille- 
ment  seront  achetés  à  Brest. 

Tous  les  objets  d'armement  et  d'équipement  et  de  vêtement  seront  trans- 
portés à  Pondichéi-y,  avec  le  bataillon  de  chasseurs  africains,  sur  des  biiti- 
ments  (\m  vont  être  frétés  à  co  sujet,  et  qui  seront  escortés  par  le  brick  le 
Bélier  de  sorte  (]ue  ce  corps,  à  son  débarquement,  sera  pourvu  de  tout  ce 
(pii  lui  est  nécessaire  pour  être  de  suite  en  activité  de  service. 

.Aussilùt  la  réception  de  cette  lettre,  je  mandai  au  général  Vau- 
dermacsen,  déjà  arrivé  à  Brest  depuis  quelque  temps,  de  s'occu- 


LKS  COLLABORATELKS  DE  DECAEX         283 

per  aclivcinent  de  la  formation  de  ce  hataillon  el  do  tout  ce  nui 
lui  était  relatif,  selon  les  instructions  que  je  lui  adressais;  et  j'écri- 
vis au  préfet  maritime  pour  l'inviter  de  vouloir  bien  faire  tout  ce 
(|ui  lui  serait  possible  pour  que  ces  cliasseurs  fussent  promptement 
habillés  et  é(|uipés... 

Vandermaësen  était  un  excellent  officier.  Il  avait  servi  avec  moi 
à  l'armée  du  Rhin,  et  il  avait  accepté  la  proposition  que  je  lui 
avais  faite  de  m'accompagner  dans  l'Inde.  Destiné  à  commander 
les  troupes,  je  l'avais  chargé  de  recevoir  le  bataillon  de  la  109'  et 
de  l'inspecter,  ainsi  que  d'organiser  le  bataillon  d'infanterie  légère 
et  ma  compagnie  de  gardes. 

Le  ministre  de  la  .Marine  m'avait  proposé  le  général  Monti- 
gny  (1)  pour  commander  à  Chandernagor.  Cet  officier  général,  déjà 
âgé,  avait  servi  dans  l'Inde  pendant  longtemps.  Ayant  acquis  beau- 
coup de  connaissances  sur  ce  pays,  il  pouvait  encore  y  être  utile. 

J'avais  fait  choix  de  l'adjudant  commandant  Binot  (2)  pour  mor. 
chef  d'état-major.  Cet  officier  était  fort  intelligent;  il  avait  surtout 
très  bien  servi  en  Egypte  et  il  m'avait  témoigné  le  désir  de  venir 
avec  moi. 

L'adjudant  commandant  Darsonval  (3)  m'avait  aussi  demandé 
d'être  employé  dans  l'Inde.  Je  le  proposai  pour  le  commandement 
de  Alalié,  à  la  cote  Alalabar. 

Le  poste  de  Karikal,  à  la  côte  de  Coromandel,  fut  destiné  à  un 
parent  du  chef  de  brigade  Lauriston  (4),  qui  m'avait  prié  de  le 

(Ij  Moutigny  (Fraurois-Emmauuel  Dehaies),  né  le  7  auût  1743  à  Versailles;  sous- 
lieuteuant,  le  2  août  1768;  lieuteuaut.  le  17  juin  1770;  capitaine,  le  -4  mars  1772; 
rang  de  major  dans  les  troupes  des  colonies,  le  28  janvier  177G;  colonel,  le  3  septem- 
bre 1778;  général  de  brigade,  le  21  germinal  an  VIII;  retraité,  le  18  février  1812; 
mort  le  27  juin  1810  {H.  A.  G.j. 

(2)  Binot  (Louis -François),  né  le  7  april  1771,  à  Paris,  caporal  au  9^  bataillon  de 
Paris,  le  5  septembre  1792;  sous-lieutenant,  le  20  messidor  an  II;  lieutenant  aide  de 
camp,  le  14  germinal  an  III;  capitaine,  le  1*''  germinal  an  V;  chef  d'escadrons  à  l'armée 
d'Orient,  le  13  nivôse  an  VIII;  chef  de  brigade,  le  l'^"'  fi-uctidor  an  I\  ;  adjudant  com- 
mandant, le  10  floréal  an  X  ;  employé  aux  Indes  Orientales,  le  10  thermidor  an  X  ; 
employé  au  camp  de  Saint-Omer,  le  11  ventôse  an  XIII;  général  de  brigade,  le  22  no- 
vembre 1806;  tné  à  Eylau,  le  8  février  1807  (A.  A.  G.). 

(o)  Darsonval  (Jean-François  Angol  ,  né  le  1'=''  décembre  1762,  à  Paris;  soldat  dans 
Chartres-Infanterie,  en  1777;  sert  auï  Antilles,  puis  entre  dans  la  légiou  belge,  le 
l'-^  mars  1792  ;  capitaine,  le  1*'^  novembre  1792;  chef  de  bataillon,  le  3"  complémentaire 
an  VII  ;  colonel,  le  17  vendémiaire  au  VIII;  adjudant  commandant,  le  3  messidoi' 
an  XII;  employé  à  l'île  de  France,  à  la  Grande  Armée,  en  Espagne,  maréchal  de  camp, 
le  18  mars  1818  (A.  A.  G.). 

(i)  Lauriston  (Jacques-Aleiandre-Bernard  Lavv  de),  né  le  l'^''  février  1768,  à  Pondi- 
chéry;  élève  d'artillerie,  le  1"'  septembre  1784;  lieutenant,  le  l'^  septembre  1785;  capi- 


284      MÉMOIHES   ET   JOURNAUX   DU    GENERAL   DECAEX 

demander  au  Premier  Consul  dont  il  «Hait  un  des  aides  de  camp  et 
d'o!)tenir  aussi  le  grade  de  chef  de  brigade  pour  ce  parent,  nommé 
de  Kerjean,  lequel,  en  qualité  de  lieutenant-colonel,  avait  com- 
mandé le  régiment  de  Poudichéry  et  était  resté  dans  celte  ville 
depuis  qu'elle  était  tombée  de  nouveau  au  pouvoir  des  Anglais. 
Cet  officier  me  renvoya  ses  lettres  de  service,  que  je  m'étais  em- 
pressé de  lui  adresser  dès  mon  arrivée  sur  la  rade  de  Pondichéry, 
motivant  son  refus  sur  ce  qu'il  avait  fait  assurer  sa  vie  par  une 
compagnie  anglaise  qui  avait  entrepris  ces  sortes  d'assurances. 

le  général  Alarescot  (1),  inspecteur  du  génie,  avait  désigné  le 
chef  de  bataillon  Ricbemont  pour  sous-directeur,  excellent  officier 
et  qui  avait  été  très  satisfait  de  sa  nomination. 

Les  chefs  de  bataillon  Duché  et  Lerch,  bons  officiers,  comman- 
daient les  deux  bataillons  d'infanterie.  Lorsque  Vandermaësen 
avait  passé  l'inspection  de  celui  de  la  109%  il  n'y  avait  admis  que 
les  soldats  de  bonne  volonté  et  bien  constitués.  Celui  d'infanterie 
légère  avait  aussi  été  formé  de  tous  hommes  partant  volontai- 
rement. J'avais  proposé,  pour  commander  ces  deux  bataillons,  le 
chef  de  bataillon  Sainte-Suzanne,  que  j'avais  fait  nommer  chef  de 
brigade. 

J'avais  choisi,  pour  commander  ma  compagnie  des  gardes,  le 
lieutenant  Suchet,  brave  et  bon  officier  de  cavalerie.  Il  fut  élevé 
au  grade  de  capitaine  et  mon  frère  fut  nommé  son  lieutenant. 
Cette  compagnie  fut  formée  de  chasseurs  et  de  hussards  de  bonne 
volonté  détachés  de  divers  régiments.  Le  capitaine  Grosjean  com- 
mandait la  compagnie  d'artillerie  légère.  C'étaient  aussi  tous 
hommes  de  bonne  volonté  du  6"  régiment. 

taiue,  le  22  août  1791;  chef  de  brigade,  le  "  février  nDÔ  ;  démissionnaire,  le 
5  avril  1796;  remis  en  activité.  le  5  mars  1800;  aide  de  camp  du  Premier  Consul  la 
même  année;  fjénéral  de  brigade,  le  13  septembre  1802;  général  de  division,  le 
jer  février  1805;  ambassadeur  en  Russie,  en  1811  ;  commandant  la  U»"  compagnie  des 
mousquetaires  gris,  le  20  féiricr  1S15;  ministre  secrétaire  d  Etat  de  la  maison  du  roi, 
le  l'"'  novembre  1820;  maréchal  de  France,  le  0  juin  182;i;  décédé  à  Paris,  le 
10  juin  1828  (A.  A.  G.). 

(1)  Marescot  (Armand-Samuel  i,  né  le  l"  mars  1758;  sous-lieulenant  à  l'école  de 
Alézières,  le  l"""  janvier  1778;  aspirant,  le  1"  janvier  1780,  lieutenant,  le  13  jan- 
vier 178i;  capitaine,  le  l''"'  avril  1701  ;  chef  de  bataillon,  le  16  brumaire  an  II;  chef  de 
brigade,  le  l"^'  thermidor  an  II;  général  de  brigade,  le  15  fructidor  an  II;  général  de 
division,  le  18  brumaire  an  111;  commandant  en  chef  le  génie,  à  la  Grande  Armée;  sert 
à  l'armée  de  Portugal;  destitué,  le  7  septembre  1808;  nommé  premier  inspecteur  géné- 
ral du  génie  ])ar  le  gouvernement  j)rovisoire,  le  7  avril  1814;  retraité  du  18  octobre  1815 
(A.  A.  G.). 


PROCHAIIV   DEPART    DE    L'EXPÉDITION  285 

Je  n'eus  de  difficultés  que  pour  avoir  un  sous-directeur  d'artil- 
lerie, et  je  laissai  à  Brest  le  directeur  désigné,  le  chef  de  bataillon 
Florence  Duhois,  parce  qu'il  voulait  être  nommé  chef  de  hrigade 
avant  de  monter  à  hord. 

Le  citoyen  Léger,  commissaire  ordonnateur  à  Brest,  qui  avait 
été  commissaire  de  la  marine  à  Pondichéry,  fut  nommé  préfet 
colonial. 

Le  contre-amiral  Linois  commandait  les  bâtiments  de  l'expé- 
dition. 

Le  ministre  m'ayant  prévenu,  le  10  pluviôse,  que,  d'après  le 
dernier  rapport  reçu  de  Brest,  il  était  certain  que  tous  les  prépara- 
tifs concernant  la  marine  seraient  achevés  pour  que  l'expédition 
mette  sous  voile  dans  les  premiers  jours  de  ventôse,  et  n'ayant 
plus  que  quelques  objets  à  régler  avec  le  ministre,  je  mandai  au 
général  Vaudermaësen  de  réunir  à  Brest,  pour  le  1"  dudit  mois, 
tout  le  personnel  qui  avait  reçu  l'ordre  de  se  diriger  sur  Morlaix, 
et  je  le  prévins  que  je  partirais  de  Paris  dans  les  premiers  jours  de 
la  troisième  décade  de  pluviôse. 

J'avais  aust^i  à  faire  décider  par  le  Premier  Consul  si  la  somme 
d'un  million,  destinée  pour  Pondichéry,  serait  fournie  parle  Trésor 
en  piastres  d'Espagne  ou  en  lettres  de  change  sur  Aladras,  comme 
le  prétendaient  les  ministres  de  la  Marine  et  du  Trésor,  tandis  que 
je  soutenais  qu'on  devait  embarquer  des  piastres,  attendu  qu'il 
pouvait  arriver  que  les  lettres  de  change  ne  fussent  pas  acquittées 
;i  Madras  et  qu'alors  je  me  trouverais  dans  le  plus  grand  embarras; 
d'ailleurs,  qu'il  était  impolitique  et  peu  convenable  d'avoir  recours 
aux  Anglais  pour  un  pareil  service,  et  surtout  pour  commencer  un 
établissement,  ajoutant  que,  plus  tard,  ou  pourrait  user  de  ce 
moyen  pour  nous  faire  des  fonds,  mais  (ju'il  était  prudent  d'at- 
tendre que  le  préfet  eût,  sur  les  lieux,  pris  des  renseignements  et 
proposé  les  voies.  Mes  raisons  prévalurent  et  l'ordre  fut  donné  que 
le  million  en  piastres  fût  envoyé  à  Brest. 

J'avais  encore  à  demander  au  Premier  Consul  s'il  ne  me  donne- 
rait pas  des  instructions  particulières.  Lorsque  je  lui  en  parlai,  je 
lui  dis  que  celles  que  le  ministre  devait  me  donner  ne  me  parais- 
saient pas  suffisantes,  qu'elles  seraient  copiées  sur  celles  qu'avait 
eues  M.  de  Bellecombe  eu  1778  et  que  j'avais  choisies  comme  les 
plus  convenables  de  celles  qui  m'avaient  été  communiquées.  Le 


286      MIÎMOIRKS   ET   .101  R.VAIX   DU   GE.VKIîAL   DECAEX 

l'rcmior  Consul  me  répondit  :  •  \Iais  loiil  cela  n'est  qu'un  proto- 
cole! Mais  quelles  instructions  [voulez-vous]  que  je  vous  donne 
pour  agira  une  distance  aussi  éloignée?  Vous  ferez  pour  le  mieux, 
en  raison  des  circonstances.  •'  Je  lui  fis  l'observation  que  je  dési- 
rais avoir  un  aperçu  de  ma  règle  de  conduite  relativement  à  ses 
vues  sur  l'Inde.  Il  me  dit  qu'il  me  donnerait  une  instruction  par- 
ticulière. 

Le  ministre  m'écrivit,  le  10  pluviôse  : 

Le  Preniicr  Consul  désirant,  o[(''nôral,  que  toutes  les  personnes  qui 
composent  re\pédition  de  riiulc  soient  l'cnducs  très  iiicessaiiîmont  an  port 
d'end)arquonicnt,  je  vous  invite  à  faire  vos  dispositions  pour  partir  sans 
perte  de  lenqis.  Vous  trouverez  ci-joint  l'ordre  de  départ  qui  vous  servira 
de  passeport  jusqu'à  Brest. 

Un  des  derniers  jours  que  je  restai  à  Paris,  étant  allé  voir  le 
Premier  Consul  pour  lui  parler  encore  de  l'expédition  de  l'Inde, 
je  fus  très  étonné  de  l'entendre  me  dire  :  ;•  Decaen,  le  général 
lloreau  se  conduit  mal;  je  serai  forcé  de  le  dénoncer  àla  France. 
Ces  paroles  m'ayant  ému  jusqu'aux  larmes,  je  répliquai  :  ^  Mon 
général,  il  y  a  des  personnes  qui  vous  trompent  à  l'égard  du 
général  Aloreau;  et  d'autres  qui  lui  disent  du  ma!  de  vous.  Tout 
cela  est  très  fâcheux,  mais  il  n'est  pas  possible  qu'il  agisse  contre 
les  intérêts  de  la  République  qu'il  a  si  constamment  bien  servie. 
—  Vous  êtes  bon,  vous,  et  vous  croyez  que  tout  le  monde  vous  res- 
semble. Moreau  correspond  avec  Pichegru.  —  Mon  général,  cela 
n'est  pas  possible!  — J'ai  une  lettre  qui  le  prouve.  L'on  tient  en 
prison  un  abbé  David  qui  en  était  porteur.  Je  puis  vous  la  mon- 
trer. —  Comment!  Après  ce  que  le  général  Moreau  avait  écrit  de 
Pichegru  à  l'époque  de  la  journée  du  18  fructidor?  Je  connais  cet 
abbé  David  :  il  a  fait  imprimer  une  histoire  de  la  campagne  de 
Pichegru  en  Hollande.  Il  m'a  toujours  paru  fort  attaché  à  ce  géné- 
ral. Je  savais  qu'il  désirait  beaucoup  de  le  voir  rentrer  en  France. 
Il  vint  chez  moi  l'année  dernière  pour  m'en  parler.  Il  me  dit  : 
..  Eh  bien!  mon  cher  général,  nous  n'aurons  donc  point  la  satis- 
faction de  voir  rentrer  Pichegru?  Pourquoi  cette  exception?  Ne 
faut-il  pas  à  tout  péché  miséricorde?  -^  Je  lui  dis  que  c'était  très 
bien  de  pardonner  les  offenses,  mais  que  Pichegru  n'aurait  pas  dû 
aller  chez  les  Anglais,  nos  imj)lacables ennemis;  que  Barthélémy, 
llarbé-AIarbois  et  autres  n'avaient  pas  agi  comme  lui  (et  pourquoi 


BONAPARTE    SE   PLAIXT   DE    MOREAU  287 

n'avait-il  pas  cherche  à  rentrer  en  France  après  le  18  hru- 
maire?);  que  Picliegru,  ayant  ainsi  aggrave  ses  torts,  il  s'était 
mérité  l'exception  faite  à  son  égard.  [J'ajoutai]  que  l'abhé  David 
ne  fut  sans  doute  pas  satisfait  de  ma  réponse  car  il  ne  vint  plus 
me  voir;  que,  prohahlemenl,  le  général  Moreau  avait  accueilli  ses 
sollicitations,  appuyées  de  quelques  mauvais  conseils  donnés  par 
d'autres  personnes,  car  j'avais  entendu  dire  que  ce  n'était  que  par 
égard  pour  le  général  Hloreau  (|ue  ÎMchegru  avait  été  compris  sur 
la  list(!  d'exception,  et  (ju'alors  on  était  parvenu  à  déterminer  le 
premier  à  écrire  à  l'autre  pour  lui  prouver  que  ce  n'était  pas  lui 
(|iii  était  un  ohstacle  à  son  retour  en  France. 

Après  ces  observations  de  ma  part,  Bonaparte  dit  :  -  Convenait- 
il  au  général  Moreau  de  se  tenir  éloigné  du  gouvernement,  et  d'af- 
fecter de  ne  pas  être  en  uniforme  quand  il  s'est  présenté?  Je  n'ai- 
mais pas  les  membres  du  Directoire,  mais  j'ai  toujours  su  me 
tenir  dans  les  bornes  du  respect  dû  aux  chefs  du  gouvernement. 
Le  général  Moreau  a  rendu  de  grands  services,  mais  cela  ne  l'au- 
torise pas  à  faire  le  frondeur,  et  à  rallier  autour  de  lui  les  per- 
sonnes aux([uelles  le  gojivernement  s'est  trouvé  obligé  de  mani- 
fester son  mécontentement.  En  agissant  ainsi,  le  général  Moreau 
ne  montre-t-il  pas  qu'il  donne  son  approbation  à  leur  conduite? 
Cela  ne  peut  produire  que  le  plus  mauvais  effet.  D'ailleurs  n'est-il 
pas  entretenu  au  service  de  la  République?  Il  reçoit  son  traitement 
de  général  en  chef,  ses  aides  de  camp  lui  sont  conservés.  Ainsi, 
ne  devrait-il  pas  avoir  plus  de  circonspection?  Moi  aussi,  comme 
militaire,  j'ai  rendu  des  services  et  je  ne  crois  pas  (lu'on  ait,  jus- 
qu'à présent,  de  reproches  à  me  faire  de  mon  administration.  On 
dit  que  je  travaille  pour  les  Bourbons  :  mais  je  ne  suis  pas  tombé 
du  ciel  ici!  Je  sers  ma  gloire!  Si  le  général  Moreau  peut  avoir 
quelque  sujet  de  se  plaindre,  ce  n'est  pas  avec  des  mécontents  qu'il 
doit  s'en  entretenir.  Il  a  occupé  un  poste  élevé  qui  lui  donne  de 
l'influence,  et  une  mauvaise  influence  sur  l'opinion  entrave  la 
marche  du  gouvernement.  La  France  a  besoin  de  repos. 

"  Le  Concordat  avec  le  pape  lui  a  déplu.  Je  ne  me  soucie  pas 
des  prêtres,  mais  il  y  avait  besoin  et  même  nécessité  de  s'en  occu- 
per pour  rétablir,  de  ce  côté,  la  tranquillité.  Le  général  Moreau  ne 
vint  point  à  la  cérémonie  de  Notre-Dame;  mais  sa  jeune  femme 
s'y  montra,  affectant  la  moquerie.  Et,  le  soir,  il  se  présenta  chez 


28,S       MKVIOIRES    ET   JOURNAUX    DU    GE.VEHAL   DECAEX 

le  ministre  de  la  Ciuerre  pour  diner  avec  tous  les  généraux  qui 
avaient  assisté  à  cette  cérémonie,  conduit  par  son  inconséquence, 
pour  se  mofiuer  aussi  de  leur  condescendance.  Alais  il  éprouva  le 
désagrément  de  ne  pas  être  admis,  parce  qu'il  n'était  pas  en  uni- 
forme. Quand  il  y  a  des  choses  qui  ne  conviennent  pas,  on  doit 
savoir  prendre  son  parti.  On  n'agit  point  de  cette  manière;  on 
s'éloigne  entièrement.  Enfin  on  n'affecte  pas  de  se  montrer  comme 
un  chef  de  frondeurs.  Je  voudrais  que  le  général  Woreau  eût  de 
l'ambition.  Je  voudrais  qu'il  fût  comme  Bernadotte.  Eh  bien!  Je 
la  servirais,  cette  ambition...  Est-ce  de  l'argent  qu'il  lui  faut?  J'ai 
déjà  laissé  à  sa  disposition  un  cinquième  de  toutes  les  contributions 
qu'il  a  levées  en  Allemagne,  et  il  lui  en  est  resté  quatre  millions. 
Comme  chef  de  l'État,  je  pourrais  lui  en  demander  compte  et 
regarder  comme  insuffisant  l'aperçu  qu'il  a  adressé  au  ministre 
de  la  (îuerre,  qu'il  a  fait  imprimer  et  dans  lequel  il  a  annoncé, 
avec  trop  de  jactance,  qu'il  avait  fait  verser  huit  cent  et  quelques 
mille  francs  dans  la  caisse  de  Strasbourg.  Pendant  son  séjour  dans 
cette  ville,  il  a  donné  des  ordres,  de  sa  seule  autorité,  et  affecté  des 
fonds  pour  ériger  plusieurs  monuments,  ainsi  que  pour  assurer  le 
traitement  des  militaires  invalides  qui  devaient  en  être  les  gar- 
diens (1).  î' 

Le  général  Moreau  avait,  effectivement,  affecté  des  fonds  pour 
réédifier,  à  Salzbach,  le  monument  de  Turenne,  ainsi  que  pour  en 
élever  un,  près  du  pont  de  Kehl,  au  général  Desaix,  tué  à  Marengo  ; 
un  autre,  à  la  plaine  des  Bouchers,  près  le  polygone  de  Strasbourg, 
au  général  Kléber,  assassiné  en  Egypte;  un  troisième,  à  Neuf-Bri- 
sach,  au  général  Beaupuy,  tué  au  combat  d'Emmendingen,  sur  la 
rive  droite  du  Rhin,  près  Fribourg,  lors  de  la  retraite  du  général 
Moreau  en  1796;  enfin  un  quatrième,  à  Huningue,  au  général 
Abbatucci,  tué  en  défendant  la  tète  de  pont  devant  cette  place  en 
janvier  1797. 

Le  général  Moreau  avait  ordonné,  au  sujet  de  ces  monuments, 
des  dispositions  (ju'il  aurait  dû  préalablement  faire  agréer  du 
gouvernement;  mais  il  prétendait  qu'il  avait  du  s'en  dispenser, 
parce  qu'il  n'avait  disposé  (jue  des  fonds  appartenant  à  son  armée; 

(1)  Le  22  lendétniaire  an  IX,  Moreau  prit  un  arrôté  relatif  à  la  surveillance  des  monu- 
ments tie  Tiirenne,  Kléber,  Desal\  et  Beaupuy.  Les  gardiens  des  monuments  devaient 
avoir  un  traitement  de  500  francs  i.irrèté  de  Moreau,  22  vendémiaire  an  IX,  A.  H.  G.). 


DECAEX  DEFEND  MOREAU  289 

et  que  c'était  au  nom  de  cette  armée,  dont  il  était  le  chef,  qu'il 
faisait  ériger  ces  monuments  à  la  mémoire  et  à  la  reconnaissance. 
Il  était,  à  cet  égard,  dans  l'erreur;  car  il  ne  pouvait  pas,  sans  l'ap- 
probation du  gouvernement,  ordonner  de  telles  dispositions  dans 
l'intérieur  de  la  République.  D'ailleurs,  la  dislocation  de  l'armée 
était  déjà  ordonnée  et  exécutée. 

Lorsque  le  Premier  Consul  eut  fini  d'exprimer  ses  griefs  contre 
le  général  Moreau,  je  lui  demandai  s'il  voulait  me  permettre 
quebjues  observations.  Je  lui  dis  d'al)ord  qu'on  avait  été  étonné 
qu'on  n'eût  pas  fait  une  réception  d'apparat  à  ce  général  lors  de  son 
retour  de  l'armée,  tandis  qu'à  la  même  époque  on  avait  remarqué 
qu'il  avait  été  ordonné  des  dispositions  pour  bien  recevoir  l'ambas- 
sadeur de  Russie;  et  que  c'était  probablement  ce  contraste  qui 
avait  été  la  cause  que  les  amis  du  général  Moreau  s'étaient  réunis 
pour  lui  offrir  un  dîner  et  une  fête  au  jardin  de  Ruggieri,  à 
laquelle  j'avais  été  invité.  (J'ai  déjà  eu  l'occasion  de  parler  de 
cette  triste  fête).  Le  général  Bonaparte  me  répliqua  :  ;t  Le  géné- 
ral Aloreau,  après  avoir  repassé  le  Rhin,  resta  plusieurs  jours  à 
Strasbourg.  Il  en  partit  sans  annoncer  son  départ,  et  il  passa  par 
Paris  pour  se  rendre  à  son  château  d'Orsay,  d'où  il  vint,  en  frac, 
m'annoncer  son  retour.  Il  était  accompagné  du  général  Des- 
solle.  15 

Je  coutinuai  en  disant  :  "  Mon  général,  on  fut  fort  étonné,  à 
l'armée,  lorsqu'on  apprit  (|ue  plusieurs  généraux,  dont  on 
savait  que  le  général  Moreau  n'était  pas  satisfait,  avaient  été 
employés  aussitôt  leur  arrivée  à  Paris;  et  l'on  disait  même  : 
a  II  paraît  qu'il  faut  mal  servir  à  cetle  armée  pour  s'assurer 
"  la  faveur  du  gouvernement.  »  Je  vous  prie  de  croire  que  je 
ne  suis  pas  le  délateur  de  mes  camarades;  je  veux  seulement 
vous  entretenir  de  ce  que  je  suppose  avoir  donné  de  l'humeur  au 
général  Moreau.  Tout  le  monde  savait  que  ce  général  avait  plu- 
sieurs motifs  d'être  mécontent  de  la  manière  dont  le  général 
Gouvion  Sainl-Cyr  avait  servi  depuis  le  commencement  de  la  cam- 
pagne. Je  ne  vous  parlerai  que  de  lui,  et  vous  l'avez  envoyé  com- 
mander en  Italie.  —  Si  le  général  Moreau  avait  porté  une  plainte 
contre  cet  officier  général  et  que,  sans  y  avoir  égard,  le  gouverne- 
ment lui  eût  confié  un  nouvel  emploi,  ce  serait  une  juste  observa- 
tion; mais  Saint-Cyr  a  présenté  une  lettre  dans  laquelle  on  faisait 
"•  19 


290      MEMOIRES   ET   JOUIIXAL'X   DU    GEXERAL   DECAEX 

son  éloge,  et  qui  l'autorisait  à  quitter  Tarmée  du  Rhin  pour  raison 
de  santé.  Il  n'y  a  pas  eu  non  plus  de  plainte  contre  les  autres  géné- 
raux (|ui  ont  quille  celle  armée.  J'ai  assez  d'ennemis,  je  ne  veux 
pas  en  augmenter  le  nombre.  Je  ne  pouvais  pas  leur  refuser  de 
l'emploi,  parce  que  le  gouvernement  ne  doit  pas  faire  attention  à 
ce  que  des  officiers  généraux  ont  quelques  différends  entre  eux 
parce  qu'ils  ne  se  conviennent  pas,  et  ce  n'est  pas  une  raison  pour 
qu'il  se  prive  de  leurs  services.  D'ailleurs,  celui  qui  a  des  difficultés 
avec  l'un  sert  souvent  très  bien  avec  l'autre.  » 

Je  dis  ensuite  :  "  Le  général  Moreau  a  eu  beaucoup  d'humeur 
de  ce  que  plusieurs  nominations  qu'il  avait  faites  dans  l'armée 
n'avaient  pas  été  confirmées;  que  des  récompenses  qu'il  avait 
demandées  n'avaient  point  été  accordées,  et  surtout  que  le  ministre 
eût  envoyé  plusieurs  officiers  de  son  choix  pour  remplir  des  places 
vacantes  dans  plusieurs  régiments;  et  sa  mauvaise  humeur  était 
telle  qu'après  la  bataille  de  Hohenlinden,  il  avait  fait  annoncer, 
par  un  ordre  du  jour,  qu'il  n'avait  pas  fait  de  demandes  d'avance- 
ment, qu'il  ne  les  adresserait  que  lorsque  les  antécédentes  seraient 
accordées.  — Je  sais  cela,  el,  à  cet  égard,  il  y  a  eu  entre  le 
ministre  et  le  général  une  correspondance  fort  désagréable.  Au 
reste,  toutes  les  demandes  faites  par  Moreau  ainsi  que  ses  nomina- 
tions provisoires  ont  été  accordées  ou  confirmées,  et  il  n'y  a  eu 
qu'un  très  petit  nombre  d'officiers  envoyés  à  l'armée  du  Rhin  pour 
les  emplois  vacants.  —  .Maintenant,  mon  général,  il  s'agit  d'une 
chose  beaucoup  plus  importante  :  j'ai  entendu  dire  que,  depuis  le 
traité  de  Lunéville,  le  général  Moreau  avait  eu  l'intention  de  mar- 
cher avec  son  armée  sur  Paris  pour  renverser  le  gouvernement. 
Ce  bruit  n'a  pu  être  répandu  que  par  les  ennemis  de  ce  général 
pour  vous  irriter  contre  lui.  D'abord,  je  suis  certain  qu'il  n'a  point 
eu  cette  pensée  et  je  crois  pouvoir  vous  le  démontrer  en  vous 
disant  :  1°  Que  j'étais  assez  dans  son  intimité  pour  ne  m'être  pas 
aperçu  s'il  avait  eu  l'idée  d'une  entreprise  aussi  extravagante. 
Non,  il  n'a  jamais  eu  cette  idée.  II  a  donné  trop  de  preuves  de 
son  patriotisme,  et  il  n'était  pas  dans  son  caractère  de  la  conce- 
voir. 2"  Lors(|ue  le  général  Moreau  fil  sou  retour  de  Paris,  après 
avoir  reçu  de  vous  une  paire  de  pistolets  d'honneur,  il  vint  résider 
au  château  de  Nymphenburg.  J'y  avais  mon  quartier  général  ; 
il  voulut  que  je  restasse  avec  lui.  J'étais  presque  tous  les  jours  son 


DECAEN  DÉFEXD  MOREAU  291 

seul  compagnon  de  chasse.  A  Tune  de  nos  haltes,  il  me  vint  à 
l'idée  de  lui  demander  comment  allait  le  gouvernement.  Je 
n'avais  l'honneur  de  vous  connaître  que  par  votre  grande  réputa- 
tion. Il  me  répondit  :  ii  Decaen,  cela  va  très  hien,  on  ne  peut  pas 
«  mieux!  Il  n'y  avait  que  Bonaparte  qui  pouvait  tirer  la  France  de 
«  la  position  difficile  dans  la(|uelle  elle  se  trouvait  lorsqu'il  a  pris 
«  les  rênes  de  son  gouvernement,  i-  Et,  pendant  tout  le  temps  de  sa 
résidence  à  A'ymphenburg,  lorsqu'il  était  question  de  vous,  il  n'en 
parlait  jamais  (|u'avec  admiration.  Ainsi,  jusqu'à  cette  époque,  ou 
ne  peut  pas  dire  que  le  général  Moreau  avait  de  mauvaises  inten- 
tions. 

«  Depuis  la  bataille  de  Hohenlinden,  la  dernière  suspension 
d'armes  et  le  traité  de  Lunéville,  je  me  suis  trouvé  plusieurs  fois 
en  petit  comité  avec  le  général  .Moreau,  mais  je  n'ai  jamais  en- 
tendu un  seul  mot  qui  pût  faire  pressentir  qu'il  eût  jamais  pensé  à 
ce  ([u'on  lui  a  si  méchamment  imputé.  Mais  je  lui  ai  entendu  dire, 
un  jour  que  l'on  causait  sur  le  retour  prochain  de  notre  armée 
en  France  :  v.  Je  proposerai  au  Premier  Consul  une  expédition 
«contre  l'Angleterre,  et  je  lui  demanderai,  pour  cela,  de  choisir 
a  40000  hommes  de  l'armée  du  Rhin.  •»  —  Tout  ce  que  vous  me 
dites  là  est  vrai,  mais  il  n'a  plus  été  de  même  depuis  l'arrivée  de 
sa  femme  àSalzhurg.  Cependant,  ce  n'est  pas  à  cette  jeune  femme 
que  j'attribue  son  changement  de  conduite.  C'est  à  l'influence  de 
sa  belle-mère,  qui  est  intrigante,  et  aux  conseils  pernicieux  de  ces 
trois  petits  co(|uiiis  de  Lahorie,  de  Fresnière  (I)  et  de  \ormand. 
Ce  drôle,  qui  était  du  Conseil  des  Cinq-Cents,  colportait,  avant  le 
18  fructidor,  en  faveur  des  Bourbons.  Toutes  leurs  intrigues  et 
leurs  mauvais  conseils  finiront  par  perdre  Moreau.  « 

Après  la  finale  de  cette  repartie,  qui  me  sembla  encore  annoncer 
quelque  intérêt  pour  ce  général,  j'allais  demander  à  Bonaparte 
s'il  voulait  me  permettre  de  prévenir  le  général  Moreau  qu'il  lui 
importait  d'adopter  un  autre  système.  Alais  la  prompte  réflexion 
que  celui-ci  pourrait  prendre  en  mauvaise  part  ce  que  je  lui  dirais, 
ou  bien  qu'il  n'en  ferait  pas  plus  de  cas  que  des  observations  que 

(1)  Fresnière  était  secrétaire  de  Moreau.  Le  16  février  1804,  Murât,  alors  ,([on\erDeu 
de  Paris,  donna  l'ordre  de  l'arrêter.  Mais  Fresnière  avait  eu  le  temps  de  se  mettre  en 
sûreté.  Moreau  venait  lui-même  d'être  arrêté  et  conduit  au  Temple  [Lettres  et  document 
pour  servir  <i  l histoire  de  Joacitim  Murât,  publiés   par  le  prince   Murât,  tome  III,  p.  26 

€121). 


292      MEMOIRES   ET  JOURMAIX    DU    GEYERAL   DEGAEM 

je  m'étais  déjà  permis  de  lui  faire,  me  porta  à  substituer  ces  pa- 
roles :  "  Je  suis  persuadé,  mon  général,  que  s'il  était  possible  que 
vous  fassiez  faire  une  démarcbe  auprès  du  jjénéral  ]\Ioreau,  vous 
le  ramèneriez  facilement  vers  vous,  n  II  me  répondit  ces  seuls  mots  r 
«  C'est  un  sable  mouvant!  •  J'en  fus  si  atterré  que  je  ne  trouvai 
plus  rien  à  dire. 

Le  général  Aloreau,  qui  aurait  pu  se  permettre  d'offrir  ses  bom- 
mages  à  une  des  personnes  les  plus  distinguées  de  la  capitale,  ou 
plutôt  de  la  France,  fut  engagé  par  les  adroites  intrigues  de  la 
dame  Hulot,  veuve  d'un  trésorier  de  la  marine  à  l'île  de  France,  à 
épouser  sa  fille.  C'est  à  ce  mariage,  dont  on  fut  fort  étonné,  que 
l'on  a  attribué,  et  je  ne  crois  pas  que  l'on  se  soit  trompé,  le  com- 
mencement de  la  mésintelligence  entre  ce  général  et  le  Premier 
Consul;  car,  après  cette  union,  l'orgueil,  la  jalousie  et  la  vanité 
excitèrent  celte  dame  Hulot  qui  influença  la  jeune  épouse  jusqu'au 
point  que  ces  dames  eurent  la  prétention  que  la  compagne  du  gé- 
néral Aloreau  devait  jouir  d'autant  de  considération  que  Mme  Bo- 
naparte. Au  lieu  d'étouffer  les  premiers  germes  de  cette  gloriole, 
le  général  Aloreau  s'en  trouva  artificieusement  subjugué.  De  là, 
cet  accroissement  de  mésintelligence  et  de  baine  qui  conduisit  ce 
célèbre  général  sur  le  banc  des  accusés;  ensuite  à  implorer  la 
clémence  de  Bonaparte,  afin  de  pouvoir  passer  sur  une  terre  étran- 
gère, enfin  à  revenir  en  Europe  pour  y  ternir  ou  plutôt  y  perdre 
tant  de  gloire  et  tant  de  reconnaissance  (ju'il  avait  acquise  en 
combattant  pour  la  Patrie,  en  s'abaissant  jusqu'à  devenir  l'un  des 
conseillers  et  l'un  des  conducteurs  des  cosaques  qui  vinrent,  plus 
tard,  en  ravager  le  sol  ;  et  qui,  avant  de  revoir  cette  belle  France 
qu'il  aurait  dû  toujours  défendre  et  qu'il  venait  désoler,  termina 
sa  vie  par  la  plus  terrible  catastrophe,  puisqu'il  fut  tué  par  un 
boulet  français!  !  ! 

Laborie  était  mécontent  de  ne  pas  avoir  été  nommé  général  de 
division.  Il  était  de  petite  taille;  sa  pbysionomie  était  laide  sans 
être  repoussante.  Mais  il  avait  beaucoup  d'esprit  et  de  capacité.  Il 
avait  une  grande  ambition  qu'il  affectait  de  dissimuler.  Il  se  ju- 
geait utile  et  surtout  propre  à  la  diplomatie.  Il  avait  acquis  un 
grand  empire  sur  le  général  Moreau;  et  c'était  au  point  qu'il  était 
parvenu  à  devenir,  sans  commission,  le  cbef  de  l'état-major  de 
l'armée,  en    supplantant   le  général  D.'ssolle  qui  n'en    remplis- 


DERNIERS   EFFORTS   DE    DECAEN  293 

sait  plus  les  fonctions  que  pour  ce  qui  «'■tait  le  moins  imporlant. 

Je  pensais  que,  si  le  Premier  Consul  eût  nommé  Laliorie  géné- 
ral de  division  et  employé  aux  affaires  étrangères,  surtout  à  une 
ambassade,  objet  de  ses  secrètes  pensées,  il  l'aurait  alors  détaché 
du  général  Moreau. 

On  me  dit,  dans  le  temps,  que  Laliorie,  ayant  accompagné  ce 
général  dans  un  de  ses  voyages  à  Paris,  avait  déplu  à  Bonaparte 
parce  (|u'il  avait  voulu,  auprès  de  lui,  trop  faire  l'important,  rela- 
tivement aux  opérations  de  l'armée;  et  surtout  parce  qu'ayant  été 
secrétaire  du  général  Beauharnais,  au  commencement  de  la  guerre 
de  la  Révolution,  il  avait  commis  quelques  indiscrétions  à  l'égard 
de  la  veuve,  Joséphine,  mariée  à  Bonaparte. 

J'étais  lié  d'amilié  avec  Lahoric  depuis  plusieurs  années.  Lors- 
qu'il fut  question  du  Consulat  à  vie,  il  me  demanda  si  j'avais  signé 
pour  :  t  Oui  i  ,  fut  ma  réponse.  —  a  Eh  bien!  moi,  j'ai  signé 
non.  —  Tu  aurais  beaucoup  mieux  fait  de  ne  rien  signer,  car  ton 
opposition  affectée  ne  servira  qu'à  t'attirer  encore  plus  la  haine  de 
Bonaparte,  i 

L'adjudant  commandant  Normand  se  serait  aussi  détaché  du 
général  Moreau  si  on  l'eût  promu  au  grade  de  général  de  bri- 
gade. Il  était  bien  loin  de  pouvoir  être  comparé  à  Lahorie  pour 
l'esprit  et  les  talents.  Il  se  prévalait  singulièrement  d'avoir  été 
membre  du  Conseil  des  Cinq-Cents  et  de  ce  qu'il  avait  une  figure 
et  une  tournure  à  plaire  aux  dames.  Aussi  voulait-il  passer  pour 
homme  à  bonnes  fortunes.  Selon  lui,  il  était  vain(|ueur  de  toutes 
celles  (|u'il  entreprenait  de  convoiter.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  réel, 
c'est  (|u'il  était  très  propre  à  l'intrigue.  Dans  les  premiers  temps 
de  mon  retour  de  l'armée,  il  me  proposa  plusieurs  fois  des  parties 
de  campagne  (jue  je  refusai  parce  que  je  ne  voulais  pas  m'engager 
dans  les  coteries. 

Lorsque  j'eus  une  conversalion  aussi  longue  et  aussi  extraordi- 
naire avec  le  Premier  Consul,  j'avais  déjà  pris  congé  du  général 
Moreau;  mais  quand  j'aurais  encore  eu  à  lui  faire  ma  visite  d'adieu, 
je  n'aurais  pas  pu  me  permettre  de  lui  dire  un  seul  mot  de  cette 
conversalion  confidentielle,  puisque  Bonaparte  ne  m'avait  point 
fait  entendre  qu'il  m'y  autorisait.  D'ailleurs,  si  j'avais  eu  cette 
autorisation  précise  ou  simplement  implicite,  l'esprit  du  général 
Moreau  avait  alors  été  élevé  et  était  entretenu  à  un  si  haut  degré 


294      MKMOIRKS    ET   JOURNAUX    DU    (ÎICXÉRAL   DRCAKM 

do  liaino  contre  le  Premier  Consul  (|iril  aurait  indubitablement 
fort  ma!  accueilli  mon  message;  et  s'il  en  eût  fait  part  à  ses  trop 
intimes  conseillers,  ils  n'auraient  pas  manqué  de  lui  répéter  que 
c'était  une  nouvelle  preuve  qu'on  le  redoutait,  car  ils  étaient  par- 
venus à  le  persuader  qu'on  n'oserait  jamais  rien  entreprendre 
contre  lui. 

Cependant  mon  attacliement  pour  le  général  Moreau,  me  por- 
tant à  désirer  de  pouvoir,  avant  de  traverser  la  mer,  lui  trans- 
mettre un  avis  que  l'orage  le  menaçait,  j'allai  voir  le  général  Don- 
zelot  (1),  alors  adjoint  du  ministre  de  la  Guerre  et  sur  la  prudence 
et  la  discrétion  duquel  je  pouvais  me  reposer.  Néanmoins,  sans 
lui  faire  une  entière  confidence  de  ma  conversation  avec  le  Pre- 
mier Consul,  je  lui  en  dis  suffisamment  pour  qu'il  fût  pénétré 
de  l'importance  qu'il  y  avait  que  le  général  Aloreau,  auquel  il 
était,  comme  moi,  très  attaclié,  fût  prévenu  de  mettre  plus  de  cir- 
conspection dans  sa  conduite.  Je  dis  en  outre  au  général  Donze- 
lot  :  it  Comme,  par  votre  position,  vous  pouvez  savoir  bien  des 
choses,  le  général  Moreau  ne  trouvera  probablement  pas  extraor- 
dinaire (]ue  vous  lui  donniez  cet  avis;  et,  venant  de  vous,  il  ne 
fera  sans  doute  pas  mépris  de  ce  que  vous  lui  direz,  v  Donzelot 
me  promit  de  faire  la  démarche  et  de  bien  s'acquitter  du  sujet. 

Pour  ne  plus  y  revenir,  je  dirai  (|u'à  mon  arrivée  à  Brest,  j'y 
trouvai  le  beau-frère  du  général  Aloreau,  le  lieutenant  de  vaisseau 
Hulot,  commandant  la  corvette  le  Bélier  qui  devait  faire  partie  de 
l'expédition  de  l'Inde.  H  me  demanda  comment  j'avais  laissé  sa 
famille  et  le  général,  à  mon  départ  de  Paris.  Je  lui  répondis  : 

»  Tous  jouissent  d'une  bonne  santé.  Mais  je  vous  conseille  d'écrire 
sur-le-champ  à  votre  mère  qu'elle  use  incessamment,  ainsi  que 
votre  sœur,  de  toute  l'influence  qu'elles  peuvent  avoir  sur  l'esprit 
du  général  Moreau  pour  (ju'il  se  rapproche  au  plus  tôt  du  Premier 
Consul,  autrement  il  se  plongera  dans  des  embarras  et,  peut-être, 

des  malheurs  que,  trop  tard,  il  ne  lui  seraitplus  possible  d'éviter,  v 

(1)  Doiuelot  (  Franrois-Xaïier),  né  le  6  janvier  1764,  à  Mamirolle  (Doiibs)  ;  soldat  au 
Royal-Marine  Iiil'anlerie,  le  28  octobre  nS3  ;  sous-lieutenant  an  '21'  réjjiraent  de  cava- 
lerie, le  '2-2  septembre  1792;  lieutetiant,  le  24  mars  1793;  adjudant  géni'r.l  chef  de 
bataillon,  le  Ij  mai  1793;  chef  de  brigade,  le  Iti  prairial  an  II;  nommé  «jénéral  de 
bri'fadc  par  le  jjénéral  en  chef  de  l'armée  d  Orient,  le  ô  messidor  an  VII,  gênerai  de 
division,  le  (J  <lécembre  ISO";  fjonverneur  des  îles  lonierineî',  en  avril  1810,  ijouverneur 
de  la  Marliniqne,  le  13  août  1817:  retraité,  le  l"  mai  1832;  mort  à  Ville-Evrard,  le 
11  juin  1843  (A.  A.  G.I. 


DEPART   POUR   L'INDE 


DEPARI    POLR    I/INDE 


CHAPITRE    PREMIER 

Inslruclions  du  ministre  de  la  Marine  à  Decaen.  —  Ordres  pour  la  reprise  de  possession 
des  élablissemenls  français  de  l'Inde.  —  Reconstilnlion  des  archives.  —  Reiiseigneraenls 
et  instructions  sur  ces  établissements.  —  Pondicliéry  chef-lieu  des  possessions  fran- 
çaises. —  La  population.  —  lietenus  et  dépenses.  —  Bonaparte  met  1  800  000  francs  à 
la  disposition  de  Decaen  pour  la  première  année,  eu  plus  des  revenus  du  pays.  — 
Troupes.  —  Fortifications.  —  Bonaparte  projette  de  faire  fortifier  Pondichéry  et  Kari- 
kal.  —  Bâtiments  civils  et  militaires.  —  Marine.  —  Commerce.  —  Justice.  —  La  Cliau- 
derie.  —  J'olice.  —  Cultes.  —  Uispositions  générales. 

Tout  étant  disposé  pour  mon  prochain  départ,  le  ministre  me 
remit  un  mémoire  pour  me  servir  d'instructions.  Comme  elles 
étaient  fort  étendues  et  en  partie  communes  au  préfet  colonial,  je 
vais  seulement  en  relater  les  principales  dispositions,  et  surtout  les 
plus  essentielles  concernant  la  poliliqueet  la  reprise  de  possession. 

L'article  3  du  traité  d'Amiens  restitue  à  la  Répuljjique  française  toutes 
les  possessions  et  colonies  qui  lui  apparlientienl  et  qui  ont  été  occupées  ou 
conquises  par  les  forces  britanniques  dans  le  cours  de  la  guerre  actuelle. 

C'est  d'après  cette  stipulation  que  doit  s'opérer  la  reprise  de  possession 
des  établissements  français  dans  les  Indes  Orientales.  Déjà  le  gouverne- 
ment britannique  a  donné  des  ordres  pour  lever  toutes  les  difficultés  sur 
cette  rétrocession  et  le  général  Decaen,  chargé  par  le  Premier  Consul  de 
recevoir  ces  possessions,  au  nom  de  la  Képul)Iique,  est  porteur  d'une  ex- 
pédition des  ordres  adressés  par  lord  Hobart  tant  au  marquis  de  Wel- 
lesley  qu'à  l'amiral  commandant  les  forces  d'Angleterre  en  Asie. 

On  doit  expliquer  ici  les  établissements  et  dépendances  dont  la  rétroces- 
sion doit  s'opérer. 

Le  traité  de  paix  ne  les  indiquant  que  sous  la  désignation  générale  de 
ce  qui  appartenait  à  la  France  avant  la  dernière  (juerre,  on  est  obligé 
de  remonter  au  traité  de  paix  du  3  septembre  1783  qui,  aux  articles  13, 
14,  15,  relate  notre  propriété  en  Asie  à  cette  époque. 

On  joint  à  ce  mémoire  un  exemplaire  du  traité  de  paix  lui-même  qui 
est  essentiellement  nécessaire  pour  instruction  au  capitaine  général.  A  la 
lecture  des  articles  précités,  on  voit  qu'ils  forcent  de  remontera  la  connais- 
sance des  possessions  que  la  France  avait  avant  la  guerre  de  1778. 


298      MKMOIRKS   ET   JOLRVAIV    I)L    (i  ÉXÉ  RAL   DEGAKX 

A  cette  époque,  les  établissements  français  dans  les  Indes  étaient  : 

1°  Sur  la  côte  de  Coroniandel  :  I*ondicliérj . 

2°  Karikal  et  les  quatre  nanf/am  [?|  qui  Tavoisinent. 

L'article  14  du  traité  de  1783  porte  qu'il  sera  annexé  à  Pondichéry  les 
deux  districts  de  Velanour  et  de  Bahour,  pour  lui  servir  d'arrondisse- 
ment; et  comme  ces  deux  districts  nous  appartenaient  avant  la  guerre 
dernière,  nous  devrons  rentrer  immédiatement  dans  leur  possession. 

A  la  côte  de  Malabar,  nous  possédons  Mabé  ;  au  Bengale,  Chandernagor. 

La  France  avait  aussi  des  loges  ou  factoreries,  avec  le  droit  d'entre- 
tenir des  agents,  à  Vanaon  et  Masulipatam,  sur  la  côte  d'Orissa;  à  Calicut 
(côte  Malabar);  à  Surate  (golfe  de  Cambaj);  à  Mascate  (golfe  Persique)  ; 
à  Moka  (mer  Ilouge)  ;  et  enfin  dans  les  anciennes  factoreries  du  Bengale 
désignées  à  l'article  4  de  la  convention  signée  à  Versailles,  le  31  août 
1787,  dont  copie  est  jointe  aux  présentes  instructions.  Chacune  de  ses 
dispositions  devra  être  suivie  dans  la  présente  rétrocession  et  dans  cha- 
cune des  relations  ultérieures  qui  en  résulteront. 

II  est  à  observer  que,  par  l'état  actuel  des  choses,  on  ne  présente  le  droit 
de  la  France  à  ces  propriétés  que  sous  le  rapport  de  celui  qui  résulte  de 
ses  traités  avec  l'Angleterre. 

Mais  elle  a  des  droits  primitifs  résultant  de  ses  relations  antérieures  avec 
les  princes  d'Asie  depuis  qu'elle  a  acquis  d'abord  ces  possessions. 

Les  titres  originaux  doivent  être  restés  à  Pondichéry,  parce  qu'il  a  été 
d'usage,  dans  chacune  des  guerres  précédentes,  que  les  archives  ont  été 
confiées  à  quelqu'un  des  notables  du  pays  qui,  à  la  paix,  les  réintègre 
entre  les  mains  des  agents  délégués  par  le  gouvernement. 

Le  défaut  de  toute  relation  avec  nos  établissements  d'Asie,  depuis  la 
guerre  dernière,  laisse  ignorer  ce  qui  a  eu  lieu  à  cet  égard,  lors  de  leur 
occupation  par  les  Anglais;  mais  on  peut  présumer  que  les  moyens  em- 
plojés  précédemment  pour  conserver  les  archives  n'auront  pas  été  négligés, 
et  le  premier  soin  du  capitaine  général  et  du  préfet  colonial  devra  être  de 
faire  les  démarches  nécessaires  pour  recouvrer  ce  dépôt. 

La  réintégration  devient  d'autant  plus  intéressante  que  copie  de  ces 
archives,  qui  avait  été  envoyée  en  Kurope,  se  retrouverait  aujourd'hui 
difficilement  dans  les  bureaux  du  ministère  où  elles  ont  éprouvé  divers 
déplacements  dans  le  cours  de  la  Révolution. 

Pour  tous  les  documents  nécessaires  à  la  réinstallation  du  gouvernement 
français  dans  ses  établissements  d'Asie,  on  ne  peut,  ;'i  défiiut  d'autres 
pièces,  que  renvoyer  aux  mémoires  de  Dupleix  dont  l'autorité  est  récon- 
nue par  les  Anglais  eux-mêmes,  au  point  que  la  Cour  des  directeurs  de  la 
Compagnie,  en  donnant  à  la  France  les  districts  de  Bahour  et  de  Velanour, 
conformément  à  l'article  4  du  traité  de  1783,  précise  l'étendue  de  ces  dis- 
tricts sur  le  tevte  des  mémoires  de  Dupleix. 

Il  est  à  observer  que  la  restitution  qui  eut  lieu  à  cette  époque  porta  sur 
80  aidées,  tandis  qu'il  semblerait,  par  le  mémoire  de  Dupleix,  que  ces 
districts  n'étaient  composés  que  d'environ  7G  aidées.  Mais  il  est  vrai  qu'on 


LKS   POSSESSIONS   FRAXÇAISES   DE    L'IX'DE  299 

retrouve,  dans  ce  même  niônioire,  au  n»  6,  des  pièces  à  l'appui  que  les 
districts  dont  il  s'agit  étaient  coni|)oscs  de  80  aidées;  et  cette  pièce  est  de 
toute  authenticité  :  aussi,  c'est  le  nombre  de  HO  aidées  cpii  nous  fut  restitué 
à  la  paix  de  1783  et  qui  doit  nous  être  rendu  dans  la  présente  rétroces- 
sion. 

Comme  il  est  nécessaire  de  faire  connaître  au  gouvernement  chacun  des 
détails  relatifs  A  nos  établissements  d'Asie,  le  capitaine  général  et  le  préfet 
colonial  devront  adresser  au  ministre  copie  de  toutes  les  pièces  dont  ils 
parviendront  à  recouvrer  les  originauv,  avec  les  plans  y  relatifs,  de  ma- 
nière à  pouvoir  reformer  à  Paris  un  nouveau  dépôt  d'archives  sur  cette 
partie. 

Territoire  et  Population. 

Pondichéry  est  le  chef-lieu  des  établissements  de  la  République  en  Asie 
et  la  résidence  ordinaire  du  capitaine  général.  Son  territoire  s'étend  au 
sud  jusqu'à  deu.v  lieues,  et  environ  une  demi-lieue  dans  le  nord. 

La  population,  qui  était,  en  1776,  de  50000  Indiens  et  environ  1 000  Eu- 
ropéens, a  toujours  diminué  depuis  cette  époque;  les  malheurs  de  la 
guerre  ayant  porté  atteinte  au  commerce,  la  population  s'est  réduite,  avec 
les  moyens  d'industrie. 

Jusqu'à  ce  que  la  France  ait  repris  la  consistance  qu'elle  avait  autrefois 
dans  cette  contrée,  le  capitaine  général  et  le  préfet  colonial  ne  peuvent  en 
augmenter  la  population  qu'en  attirant  les  familles  indiennes  par  l'équité 
de  leur  administration  et  la  protection  locale. 

Le  préfet  colonial  ne  négligera  pas  de  faire,  chaque  année,  un  recense- 
ment général,  famille  par  famille,  de  tous  les  habitants  des  villes  apparte- 
nant à  la  République.  Il  distinguera  les  Européens,  Français  ou  autres,  des 
Indiens  et  enverra  le  tout  au  ministre. 

Karikal  est  situé  à  trente  lieues  au  sud  de  Pondichéry. 

Le  territoire  français,  dans  cette  partie,  est  composé  de  quatre  nangans  [f] 
ou  districts  qui  composent  environ  quatre  lieues  carrées. 

La  France  possède  Karikal  à  titre  de  conce.ssion  de  la  part  du  roi  de 
Tanjaour  (1)  depuis  1738. 

L'article  il  du  traité  de  1783,  nous  en  a  rendu  la  propriété  qui  nous 
est  garantie  par  celui  d'Amiens. 

Pour  accroître  sa  population,  on  pourra  attirer  des  Juifs  dans  cette  ville, 
et  la  tolérance  religieuse,  ainsi  ([ue  la  douceur  du  gouvernement,  favori- 
seront cette  mesure. 

L'établissement  des  Français  à  Mahé  remonte  à  llH. 

Cette  ville  est  la  seule  que  la  République  possède  à  la  côte  de  Malabar, 
distante  d'environ  ?.0  lieues  à  l'ouest  de  Pondichéry.  Elle  n'est  pas  moins 
importante  pour  le  commerce  que  par  son  voisinage  avec  les  états  des 
Mahrattes.  Elle  l'était  bien  davantage  quand  Tippoo-Sultan  était  sur  le 

(1)  Prol)ablement  Taiijore. 


300      MiaiOlHKS   ET   JOLIIMAIX   DU    GÉNÉRAL   DECAEY 

tronc  de  Mysore.  La  mort  de  ce  prince  et  le  partage  de  ses  états  apportera 
des  clian;i[einents  notables  dans  notre  politique  et  nos  relations  commer- 
ciales dans  cette  partie. 

On  ne  connaît  point  le  litre  primitif  en  vertu  duquel  l'ancienne  com- 
pagnie des  Indes  s'est  établie  à  Cbandernagor.  On  sait  seulement,  par  des 
lettres  patentes  du  mois  de  février  1701,  qu'alors  ce  comptoir  faisait  par- 
tie des  possessions  françaises. 

Cbandernajjor  fut  d'ab(jrd  Ircs  négligé;  mais,  par  les  soins  de  Dupleix, 
il  était  parvenu  à  l'état  le  plus  florissant  avant  que  les  Anglais  eussent 
fait  la  conquête  du  Bengale. 

Dans  les  trois  dernières  guerres,  cette  ville  est  tombée  au  pouvoir  des 
Anglais  et  elle  sera  toujours  dans  rijnpossibilité  de  se  défendre  parce  que, 
non  seulement  elle  est  enclavée  dans  les  possessions  britanniques,  mais 
encore  parce  que  nous  n'avons  que  la  liberté  de  l'entourer  d'un  fossé  pour 
l'écoulement  des  eauv  (Art.  13  du  traité  de  Versailles). 

Quoique  Chandernagor  soit  ainsi  dans  la  dépendance  des  Anglais,  ce 
n'est  pas  moins  un  point  intéressant  pour  notre  commerce  et  pour  les 
revenus  qu'il  donne  à  la  République. 

Le  voisinage  de  Calcutta  permet  aussi  de  se  procurer  des  notions  pré- 
cieuses sur  la  conduite  et  les  projets  de  nos  rivaux  et  de  connaître  ainsi  les 
phases  de  leur  situation  politi|ueau\  Indes. 

Les  loges,  comptoirs  et  établissements  du  commerce  français  au  Ben- 
gale relèvent  tous  de  Chandernagor. 

Tout  ce  qui  concerne  Chandernagor,  loges  et  dépendances  du  Bengale, 
est  déterminé  par  la  convention  du  31  août  1787,  qui  devra  servir  de 
règle  au  capitaine  général  pour  les  instructions  que  donnera  le  capitaine 
général  à  l'officier  commandant  ces  établissements. 

C'est  \h  que,  surtout,  il  faudra  s'attacher  à  prévenir  ou  à  arrêter,  par 
des  voies  conciliatoires,  les  tracasseries  qui  pourraient  avoir  lieu  soit 
relativement  à  des  rapports  de  commerce,  soit  dans  les  affaires  conten- 
tieuses. 

Chandernagor,  étant  éloigné  d'environ  400  lieues  de  Pondichéry  et 
réunis.sant  sous  sa  dépendance  un  assez  grand  nombre  de  loges  et  comp- 
toirs, forme,  pour  ainsi  dire,  une  colonie  séparée,  quoique  le  gouver- 
neur en  soit  subordonné  au  capitaine  général  et  qu'il  ait  également  des 
instructions  à  recevoir  du  préfet  colonial  pour  la  partie  administrative. 

On  compte,  à  Chandernagor,  environ  130  Européens  et  124  000  Indiens. 
La  France,  qui  possédait  autrefois  les  quatre  cercers  ou  provinces  du 
Xord,  n'a  plus,  dans  cette  partie  de  l'Inde,  que  les  deux:  loges  Masulipatam 
et  Yanaon. 

Ces  deuv  factoreries  ont  pour  objet  de  protéger  le  commerce  dans  cette 
contrée.  Le  pavillon  français  est  arboré  dans  ces  loges,  qui  sont  dirigées 
chacune  par  un  agent  français.  A  la  loge  de  Yanaon  est  attachée  une 
petite  propriété  dont  les  revenus  peuvent  couvrir  les  frais  de  l'établisse- 
ment. 


RF.VEXrS   ET   DEPF'^NSES  301 

Les  loges  de  Surate  et  de  Calicut  sont  à  la  côte  Malabar  ce  que  Masuli- 
patani  et  Yanaon  sont  à  la  côte  Coromandel.  On  s'est  procuré,  sur  la 
loge  de  Surate,  une  note  qu'on  joint  pour  information  à  ce  mémoire.  Cette 
note  devra  être  vérifiée,  et  il  est  à  désirer  que  le  gouvernement  en  reçoive 
de  pareilles  sur  chacun  de  nos  établissements. 

Quoique  les  agents  français  ;ï  Mascate  et  à  Moka  aient  le  titre  de  com- 
missaires des  relations  commerciales,  ces  loges  n'en  dépendent  pas  moins 
des  établissements  de  la  République  en  Asie,  et  l'administration  particu- 
lière doit  en  être  immédiatement  subordonnée  à  l'administration  géné- 
rale de  l'Inde. 

Ce  principe  est  fondé  sur  ce  qu'il  se  fait  peu  d'armements  en  Europe 
pour  Moka  et  jamais  pour  \[ascate,  et  qu'ainsi  un  des  buts  essentiels  de  ces 
comptoirs  est  de  favoriser  et  soutenir  le  commerce  d'Inde  en  Inde,  lequel 
est  sous  l'administration  spéciale  de  l'administration  de  Pondichéry. 

On  ne  parle  pas  ici  de  la  loge  de  Canton,  non  seulement  parce  qu'elle 
est  très  éloignée  du  chef-lieu  de  nos  possessions  dans  l'Inde,  mais  encore 
parce  que  les  armements  pour  la  Chine  se  font  en  Europe  et  qu'il  n'y  a 
guère  de  communications  entre  Canton  et  Pondichéry.  Il  sera  cependant 
ordonné  à  l'agent  de  la  République  en  Chine  de  correspondre  avec  le 
capitaine  général  et  le  préfet  colonial  toutes  les  fois  que  l'occasion  se  pré- 
sentera de  leur  rendre  compte  de  l'état  du  commerce  et  des  événements 
politiques  de  cette  contrée. 

Revenus  et  dépenses. 

Ce  mémoire  contenait  renonciation  détaillée  des  domaines  et 
revenus  dans  l'Inde  dont  le  total  était  porté  à  1  174  175  francs; 
et,  à  la  suite,  il  était  dit  : 

...  On  ne  se  dissimule  pas  que  la  somme  de  ce  revenu  ne  sera  pas, 
dans  la  première  année,  ce  qu'elle  était  avant  notre  dépossession  ;  et  il 
sera  important  que  le  préfet  fasse  connaître  les  rentrées  sur  lesquelles  on 
pourra  compter,  ainsi  que  l'aperçu  de  la  dépense  annuelle  raisonnée  et 
présentée  dans  la  forme  usitée  d'un  budget. 

D'après  les  ordres  du  Premier  Consul,  chacune  des  personnes  emplojées 
dans  nos  établissements  partira  de  France  avec  six  mois  de  son  traite- 
ment, etc...  Quant  aux  soldats,  trois  mois  seulement  leur  seront  payés 
avant  de  partir;  les  trois  autres  mois  seront  remis  au  conseil  d'adminis- 
tration du  corps  pour  assurer  la  solde  du  temps  à  courir  sur  ces  avances 
après  le  débarquement. 

Le  Premier  Consul,  prenant  en  considération  l'état  des  forces  et  de  l'ad- 
ministration destinées  à  servir  dans  les  mers  d'Asie  et  les  dépenses  aux- 
quelles donneront  lieu  leur  solde  et  autres  frais  accessoires  que  nécessi- 
tera notre  établissement  en  Asie,  a  ordonné  que,  pour  y  parvenir, 
1  800  000  francs  seront  embarqués  sur  l'escadre  destinée  à  la  rétrocession, 
et  mis  à  la  disposition  de  l'administration.  Cette  somme,  avec  les  revenus 


.302      MI-mOlRKS    KT   JOURNAIX   DU   GKXERAL   DKCAEiY 

du  pays,  devra  excéder  la  dépense  de  tous  les  établissements  pendant  une 
année  à  compter  du  jour  du  départ. 

I.e  Premier  Consul  a  décidé  que,  sur  cette  somme,  200  000  francs 
seraient  employés  aux  fortifications  extraordinaires,  aux  présents  à  faire 
aux  gens  du  pays,  aux  frais  de  courrier  et  à  toutes  autres  dépenses  qui 
ne  peuvent  cire  prévues  dans  le  cours  ordinaire  de  l'administration. 
Ces  fonds,  comme  tous  les  autres,  devront  être  versés  dans  la  caisse  du 
payeur,  et  il  ne  pourra  en  être  disposé  que  d'après  les  ordres  du  capi- 
taine général  et  sur  une  ordonnance  du  préfet  colonial. 

Troupes. 

Si  l'on  ne  considérait  les  possessions  de  la  République  que  comme  des 
établissements  purement  commerciaux,  quelques  Européens  avec  un  corps 
de  Cipayes  suffiraient  pour  la  garde  des  premiers  fonctionnaires  et  la 
police  des  villes.  Mais  comme  la  dignité  de  la  République  ne  comporte  pas 
une  situation  si  précaire,  qu'elle  mettrait  ses  établissements  à  la  merci  de 
la  moindre  insurrection  des  natifs,  l'intention  du  Premier  Consul  est 
d'entretenir,  des  ce  moment,  à  Pondichéry  une  force  armée  assez  considé- 
rable, et  qui  puisse  facilement  s'accroître  suivant  les  circonstances. 

Les  troupes  destinées  pour  les  garnisons  de  l'Inde  sont... 

(L'cnumération  en  a  élô  faite  précédemment). 

Le  Premier  Consul  s'en  rapporte,  sur  le  rétablissement  militaire  de 
Karikal  et  de  Mabé,  à  la  sagacité  du  capitaine  général,  pour  le  nond)re 
d'Européens  cl  de  Cipajes  qui  doivent  en  composer  les  garnisons;  quant  à 
Cbandcrnagor,  il  ne  peut  y  être  entretenu  que  des  Cipayes. 

\aQ  capitaine  général  se  conformera,  pour  les  nominations  aux  emplois 
vacants  dans  les  troupes,  à  ce  qui  lui  est  prescrit  dans  l'arrêté  du  28  fruc- 
tidor an  X. 

Fortifications. 

De  tontes  les  places  que  la  République  possède  aux  Indes,  Pondicbéry 
•est  la  seule  qui,  dans  l'ancien  système,  ait  été  fortifiée;  ce  n'est  pas  que 
Mabé,  le  seul  point  d'appui  que  nous  ayons  à  la  côle  Malabar,  ne  soit  très 
important  sous  les  points  de  vue  militaire  et  politique;  mais  cette  pro- 
priété secondaire  isolée,  ceinte  par  des  nations  que  les  Anglais  dominent  en 
maîtres,  ne  pourrait  être  mise  en  état  de  défense  sans  des  sacrifices 
^-normes  et  insuffisants  en  cas  dbostilités. 

Il  n'en  est  pas  de  même  de  Karikal;  c'est  encore  un  problème  à 
résoudre  de  savoir  si  cette  place  ne  serait  pas  préférable  à  Pondicbéry  pour 
être  le  cbef-lieu  de  l'établis.sement  français. 

La  plus  grande  étendue  de  son  territoire,  l'importance  de  ses  revenus, 
les  avantages  militaires  de  sa  situation,  celui  d'être  située  sur  une  l'ivière 
dans  le  voisinage  d'un  établissement  neutre,  semblent  donner  du  poids  à 
l'opinion  de  ceux  qui  pensent  que  celte  place  réclame  la   préférence  sur 


FORTIFICATIONS,    MARIiXI-:,    COMMERCK  :i03 

Pondicliôry  pour  notre  établissement  militaire.  Cependant,  comme  jusqu'à 
présent  Pondicliéry  a  été  préféré,  il  serait  inconvenant  de  changer  de  sys- 
tème à  cet  égard  sans  un  profond  examen.  Le  capitaine  général  devra 
donc  éclairer  cette  question  pai'  lui-même,  et  il  enverra  au  ministre  un 
mémoire  très  détaillé  à  ce  sujet  pour  être  soumis  à  l'examen  du  Premier 
Consul. 

Dans  cet  état  de  choses,  Pondichéry  sera,  jusqu'à  nouvel  ordre,  le  clief- 
lieu  des  établissements  français;  mais  il  faudra  se  borner  à  fermer  la  ville 
d'un  bon  fossé  pour  la  mettre  à  l'abri  d'un  coup  de  main,  empêcher  la 
désertion  et  donner  protection  aux  Indiens  qui  viendraient  s'y  établir. 

Quelle  que  soit  l'opinion  du  capitaine  général  sur  la  préférence  à  accor- 
der à  Karikal  sur  Pondichéry,  il  fera  dresser  des  plans  exacts  de  ces  deux 
places  et  de  leur  territoire;  il  fera  dresser  un  système  de  défense  qu'il 
jugera  devoir  être  proposé  pour  l'une  et  l'autre  de  ces  places.  Ce  projet, 
devant  pré.senler  l'état  des  travaux  à  faire  et  des  dépenses  qu'ils  exigent, 
sera  arrêté  dans  un  conseil  auquel  seront  appelés  le  préfet  colonial,  le 
général  commandant  les  troupes,  l'officier  en  chef  du  génie  et  le  comman- 
dant de  l'artillerie  ;  et  il  en  sera  adressé  une  expédition  au  gouvernement. 

Il  est  bien  entendu  que  le  capitaine  général  aura  soin  de  réclamer 
l'exécution  de  l'article  l^i  du  traité  d'Amiens,  relativenient  à  la  remise  des 
fortifications  et  autres  ouvrages  existant  dans  les  places  de  l'Inde  au 
moment  de  la  signature  des  préliminaires,  ou  construits  depuis  l'occupa- 
tion de  ces  places  par  l'ennemi. 

B  aliment  s  civils  et  militaires. 

L'objet  des  bâtiments  civils  étant  commun  au  capitaine  général  et  au 
préfet  colonial,  ils  prendront  connaissance  de  ceux  appartenant  à  la  Répu- 
blique; mais  avant  d'entreprendre  de  nouvelles  constructions,  le  préfet 
fournira  un  recensement  exact;  il  y  joindra  l'état  de  ceux  que  le  capitaine 
général  et  lui  penseront  qu'il  est  nécessaire  de  construire  ou  d'augmenter, 
avec  le  devis  do  la  dépense.  11  adressera  le  tout  au  ministre  qui  fera  passer 
les  ordres  du  Premier  Consul. 

Marine. 

Le  capitaine  général,  le  préfet  colonial  et  le  connnandant  des  forces 
navales,  en  conservant  chacun  la  portion  d'autorité  qui  lui  est  attribuée, 
doivent  toujours  se  réunir,  toutes  les  fois  qu'il  s'agira  de  l'avantage  du 
service,  de  l'honneur  national  et  de  l'affranchissement  de  la  puissance 
française  dans  les  Indes.  Ils  sentiront  que  ce  but  ne  peut  être  atteint  qu'au- 
tant qu'il  régnera  entre  eux  la  plus  parfaite  harmonie. 

Commerce. 

Quoique  le  gouvernement  n'ait  pas  encore  statué  sur  la  question  de 
savoir  comment  se  fera  le  coannerce  français  de  l'Inde,  il  est  probable, 
cependant,  qu'au  moins  pendant  les  premières  années,  il  sera  libre  à  tous 


304      MEMOIRES   ET   JOUHXAUX   DL    GEiVERAL   DECAEX 

les  armateurs  français.  Si  l'expérience  fait  ultriicurement  prévaloir  le 
système  d'une  compagnie,  il  sera  donné  des  instructions  spéciales  à  ce 
sujet.  En  attendant,  il  est  expressément  recommandé  de  donner  au  com- 
merce français  toute  la  prot  -ction  et  l'appui  dont  il  a  besoin  à  une  dis- 
tance éloignée  de  la  métropole  et  dans  les  contrées  soumises  à  une  nation 
toujours  prête  à  user  cvclusiveinent  des  mojens  que  lui  donne  l'exercice 
de  la  souveraineté. 

Ils  écarteront  cependant  avec  sagesse  les  prétextes  déplacés  que  pour- 
raient élever  les  négociants. 

Justice.  Tribunal  d'appel. 

Depuis  l'année  1701,  il  existait  à  Pondichéry  un  tribunal  sous  le  titre  de 
Conseil  supérieur. 

Ce  conseil  était  présidé  par  les  administrateurs  en  chef  de  la  colonie  et 
composé  de  négociants  et  notables  français,  lesquels  étaient  appelés  en 
nombre  suffisant  pour  rendre  gratuitement  la  justice. 

En  1770,  on  pensa  qu'il  serait  plus  convenable  et  plus  avantageux  de 
composer  le  conseil  supérieur  de  magistiats  titulaires,  à  l'instar  de  ceux 
des  autres  colonies;  mais  cette  organisation  ne  dura  que  jusqu'en  1784.  A 
cette  époque,  on  reconnut  que  la  nature  des  affaires  et  le  peu  d'étendue 
des  propriétés  que  les  individus  possédaient  aux  Indes  n'exigeaient  point 
un  établisscnient  aussi  considérable  et  aussi  dispendieux,  et,  par  ledit  du 
mois  d'août  de  cette  année,  on  remit  à  peu  près  en  vigueur  les  dispositions 
de  celui  de  1701. 

Cet  ordre  de  choses  devra  être  maintenu,  sauf  le  titre  de  conseil  supé- 
rieur qui  sera  remplacé  par  celui  de  tribunal  d'appel,  conformément  à 
l'arrêté  des  Consuls  du  29  prairial  an  X. 

Le  capitaine  général  occupera  la  place  d'honneur  au  tribunal  d'appel 
toutes  les  fois  qu'il  jugera  convenable  d'y  prendre  séance.  Ce  tribunal  sera 
conqiosédu  préfet  colonial  qui  le  présidera  ou,  en  son  absence,  de  celui  qui 
en  remplira  les  fonctions,  du  plus  ancien  officier  d'administration,  pourvu 
qu'il  soit  âgé  de  vingt-cinq  ans,  et  de  négociants  français  ou  notables  habi- 
tants au  moins  du  même  âge. 

Les  juges  seront  au  nombre  de  trois  au  moins,  quand  le  tribunal  jugera 
en  matière  civile,  et  de  cinq  au  moins,  en   matière  criminelle. 

Un  commissaire  du  gouvernement,  choisi  par  le  capitaine  général  et 
dont  la  nomination  sera  soumise  au  Premier  Consul,  exercera  le  ministère 
public.  Les  membres  du  tribunal  et  les  greffiers  seront  aussi  nommés  par 
le  capitaine  général  sur  la  présentation  du  préfet  colonial.  Us  prêteront 
tous  entre  ses  mains  la  promesse  de  fidélité  à  la  République  française. 

Quant  à  la  distribution  de  la  justice  dans  les  établissements  secondaires 
et  conqiloirs  de  l'Inde,  elle  continuera  d'avoir  lieu  ainsi  qu'il  est  prescrit 
par  les  édils  de  1776  et  d'août  1784.  Dans  tous  les  cas  où  l'appel  des  juge- 
ments rendus  par  le  Conseil  supérieur  avait  lieu  en  Europe,  il  sera  porté 
devant  les  Consuls  en  Conseil  d'Etat. 


JUSTICE    ET    TRIBUNAUX  305 

Dans  le  cas  où  le  tribunal  d'appel  sortirait  des  bornes  de  ses  pouvoirs 
soit  en  rendant  des  jugements  sur  des  matières  dont  la  connaissance  appar- 
tiendrait au  chef  de  l'administration,  soit  en  prononçant  sur  des  contesta- 
tions qui  ne  seraient  pas  de  sa  compétence,  le  Premier  Consul  autorise  le 
capitaine  général,  après  avoir  pris  l'avis  du  préfet  colonial,  à  suspendre 
provisoirement  l'exécution  de  ces  jugements.  Il  n'usera  néanmoins  de  ce 
pouvoir  que  dans  les  circonstances  où  l'ordre  public  pourrait  être  com- 
promis et  où  il  y  aurait  du  danger  à  attendre  la  décision  du  gouverne- 
ment. Il  aura  soin,  au  surplus,  de  rendre  compte  au  ministre  des  motifs 
qui  auront  nécessité  de  pareilles  mesures. 

Le  capitaine  général  a  également  le  droit  de  faire  surseoir  à  l'exécution 
de  la  peine  de  mort  dans  le  cas  où,  nonobstant  un  jugement  rendu,  il 
penserait  que  le  condamné  est  susceptible  de  grâce,  ou  d'une  commutation 
de  peine;  mais,  conformément  à  l'édit  du  mois  d'août  1784,  il  sera  tenu 
de  prendre  l'avis  du  préfet  colonial  et  du  commissaire  du  gouvernement, 
et  le  sursis  aura  lieu  sur  la  décision,  qu'il  fera  parvenir  au  gouvernement 
avec  l'opinion  motivée  des  deux  magistrats  précités,  pour  être  soumise  à 
l'evamen  et  décision  du  Premier  Consul. 

Le  préfet  colonial  apportera  le  plus  grand  soin  dans  le  choix  des 
notables  qu'il  présentera  au  capitaine  général  pour  remplir  les  fonctions 
de  juges.  Avant  de  leur  donner  le  droit  de  prononcer  sur  la  fortune  et 
l'existence  des  citoyens,  il  faut  qu'ils  offrent  une  garantie  certaine  pour  leur 
moralité,  leur  expérience  et  la  pratique  des  vertus  publiques  et  privées. 
Mais,  en  môme  ten)ps,  il  est  nécessaire  que  le  capitaine  général  et  le  préfet 
colonial  environnent  les  juges  de  considération  et  d'égards,  afin  que  leur 
caractère  soit  respecté  par  les  habitants  et  qu'ils  se  pénètrent  de  la  dignité 
de  leurs  fonctions. 

Le  capitaine  général  nommera  de  même,  sur  la  présentation  du  préfet 
colonial,  les  notaires  et  huissiers,  et  délivrera  des  commissions  aux  titu- 
laires. 

Quoique  le  capitaine  général  ait  le  droit  de  siéger  au  tribunal  d'appel, 
il  ne  doit  prendre  aucune  part  à  ce  qui  concerne  l'ordre  judiciaire,  afin 
qu'on  ne  puisse  même  supposer  que  le  tribunal  soit  influencé  par  la  pre- 
mière autorité  de  la  colonie.  Il  se  renfermera  dans  les  attributions  qui  lui 
sont  dévolues  tant  par  l'arrêté  d'organisation  du  21  fructidor  an  X  que 
par  les  présentes  instructions,  de  manière  que  la  force  armée  n'intervienne 
jamais  que  pour  prêter  main-forte  à  l'exécution  des  jugements,  maintenir 
les  égards  dus  aux  magistrats,  et  assurer  le  cours  de  la  justice. 

Chauderie. 

Indépendamment  de  tous  les  tribunaux  établis,  il  en  est  un  connu  sous 
le  nom  de  Chauderie,  destiné  à  rendre  la  justice  aux  Malabars  et  aux 
autres  noirs  indiens. 

Ce  tribunal  sera  présidé  par  un  magistrat  que  nonunera  le  capitaine 
général  sur  la  présentation  du  préfet  colonial. 

u.  20 


306      MÉMOIRES   ET  JOLR\'ALX   DU   GÉNÉRAL   DECAEY 

Les  Indiens  portent  à  la  Chauderie  toutes  les  contestations  qui  s'élèvent 
entre  eux,  et  quelquefois,  nirnie,  celles  qu'ils  peuvent  avoir  avec  les 
Européens. 

Aucun  règlement  ne  donne  au  président  de  la  Chauderie  le  droit  de  juger 
en  dernier  ressort;  mais  les  Indiens,  qui  tiennent  plus  à  leurs  usages  qu'à 
toutes  les  lois  écrites,  appellent  rarement  de  ses  jugements.  Mais  toutes  les 
fois  qu'il  y  aura  lieu  à  une  peine  afflictive,  l'affaire  devra  être  révisée  par 
lé  tribunal  d'appel^  soit  sur  la  demande  des  parties,  soit  sur  l'intervention 
du  commissaire  du  gouvernement. 

L'importance  réelle  de  la  Chauderie  et  la  considération  que  l'opinion 
donne  à  ce  tribunal  font  sentir  la  nécessité  de  n'en  donner  la  direction 
qu'à  un  homme  dont  l'intégrité  soit  bien  connue  et  qui  soit  instruit  des 
lois  et  coutumes  des  Indiens.  Il  serait  même  à  désirer  qu'il  sût  leur  langue, 
et  s'il  n'est  pas  possible  de  trouver  ces  qualités  réunies  dans  la  même  per- 
sonne, on  doit  au  moins  s'attacher  à  faire  un  choix  qui  excite  la  conûance 
et  commande  les  égards  des  indigènes  comme  des  Européens. 

Police. 

La  police  générale  s'exerce  par  le  capitaine  général  et  le  préfet  colonial. 

La  police  particulière  est  attribuée,  sous  leur  autorité,  au  commissaire 
général  de  police,  sauf  l'appel  à  radministir.lion  ou  aux  tribunaux. 

11  remplit  les  fonctions  attrii)uées  en  K.aope  aux  commissaires  généraux 
de  police,  juges  de  paix  et  magistrats  de  sûreté,  en  tout  ce  qui  n'est  pas 
contraire  aux  usages  du  pays. 

Indépendamment  de  ces  attributions,  le  commissaire  général  de  police 
est  chargé  de  constater  les  naissances,  mariages,  décès  des  Européens  éta- 
blis à  Pondichéry,  à  tenir  les  registres  à  cet  effet,  d'en  délivrer  des  extraits; 
et  sa  signature,  avec  le  contre-seing  d'un  commis  greffier  ad  hoc  nommé 
par  le  préfet  colonial,  équivaudra  à  celle  des  officiers  à  ce  préposés  dans 
les  municipalités  de  la  République 

Le  commissaire  général  de  police  est  nommé  par  le  capitaine  général 
sur  la  présentation  du  préfet  colonial. 

Les  premiers  fonctionnaires  de  la  colonie  doivent  surveiller  avec  la  plus 
grande  attention  la  conduite  du  commissaire  général  de  police.  Les  abus 
qui  excitent  ordinairement  le  plus  de  réclamations  et  qui  entraînent  le 
plus  d'inconvénients  sont  les  dénis  de  justice,  la  lenteur  des  décisions,  les 
acceptions  de  personnes,  la  facilité  de  recevoir  des  présents  et  la  mise  à 
prix  de  la  justice. 

Culte. 

Les  dispositions  essentielles  relatives  au  culte  catholique  sont  déterminées 
par  l'arrêté  des  Consuls  du  Lî  messidor  an  X,  dont  l'application  aux  colo- 
nies orientales  est  prescrite  par  l'arrêté  du  12  frimaire  an  XI. 

Mais,  s'il  est  une  région  où  la  tolérance  religieuse  soit  nécessaire,  c'est 
particulièrement  dans  les  Indes. 


ACTES   DE    L'ETAT    CIVIL.    lAIMIGRATION  307 

DispositioJis  générales. 

Les  habitants  européens  des  colonies  orientales  ne  sont  pas  assez  nom- 
breux pour  être  représentés  et  administrés  par  des  niaj![istrals  pris  parmi 
les  citoyens.  Ce  qui  s'est  passé  en  1790  à  Pondichéry  et  Chandernagor 
•démontre  évidennncnt  que  l'autorité  supérieure  doit  être  concentrée  entre 
le  capitaine  c[énéral  et  le  préfet  colonial  pour  l'avantage  public  et  privé 
En  effet,  les  magistratures  civiles  qui  s'étaient  formées  i\  cette  époque  en- 
vahirent bientôt  toutes  les  attributions  du  gouverneur  et  de  l'intendant; 
et,  sous  le  prétexte  d'établir  de  l'ordre  et  de  la  surveillance,  elles  désorga- 
nisèrent toutes  les  parties  du  service  et  bouleversèrent  la  colonie. 

Il  n'y  aura  donc  point  d'administration  municipale  dans  les  villes  fran- 
çaises de  l'Inde. 

Les  fonctions  exercées  en  France  par  les  maires  et  les  adjoints  pour 
donner  une  forme  légale  aux  actes  civils  seront  remplies  par  le  commis- 
saire général  de  police  assisté  d'un  connnis  greffier,  sous  l'autorité  du  pré- 
fet colonial.  11  se  conformera,  pour  les  diverses  formalités  à  suivre  en  cas 
de  naissance,  mariage  et  décès,  ainsi  que  pour  la  rédaction  de  ces  actes, 
aux  dispositions  des  lois  et  arrêtés  actuellement  en  vigueur  ou  qui  pour- 
raient être  promulgués  ultérieurement. 

Quant  aux  Indiens,  ils  conserveront  leurs  usages  civils  et  ne  dépendront, 
pour  la  police  générale  ou  particulière,  que  du  capitaine  général  et  du 
préfet  colonial,  suivant  la  natuie  des  affaires  (|ui  exigeront  l'intervention 
de  leur  autorité  ou  celle  de  leur  préposé  à  la  police,  et  conformément  à  ce 
qui  a  eu  lieu  dans  les  temps  antérieurs. 

Il  est  spécialement  reconnnandé  au  capitaine  général  et  au  préfet  colo- 
nial d'empêcher  le  commerce  illicite  des  enfants  des  Indiens  que  l'on  a 
souvent  dérobés  à  leurs  familles,  ou  que  l'on  a  même  obtenus  à  prix  d'ar- 
gent de  parents  avides  pour  les  réduire  en  esclavage.  L'intention  du  gou- 
vernement est  que  les  Indiens  qui  seraient  convaincus  d'avoir  fuit  cet 
infâme  trafic  soient  sévèrement  punis. 

L'usage  de  la  presse  doit  être  interdit  toutes  les  fois  qu'elle  pourrait  ser- 
vir d'instrument  à  la  calonmic  et  à  la  sédition  et  lorsque  les  écrivains 
attenteraient  aux  bonnes  mœurs  et  aux  ménagements  que  la  politique  com- 
mande. Le  préfet  colonial  défendra  expressément  d'imprimer  sans  autori- 
sation tout  écrit.  Les  délinquants  seront  punis  selon  la  gravité  des  cas. 

Le  capitaine  général  et  le  préfet  colonial  surveilleront  avec  le  plus  grand 
soin  toutes  les  personnes  qui  viendront  s'établir  dans  l'Inde;  ils  prendront 
des  renseignements  positifs  sur  leur  situation,  leur  profession,  leur  état  de 
fortune  et  leurs  vues,  et  déploieront  toute  la  sévérité  nécessaire  contre 
ceux  dont  la  conduite  l'exigera. 

D'un  autre  côté,  le  capitaine  général  ne  doit  délivrer  qu'avec  beaucoup 
de  réserve  des  passeports  pour  l'intérieur.  11  pourra  même  désavouer 
publiquement,  s'il  le  juge  à  propos,  les  Français  établis  auprès  des  princes 
<le  l'Inde.   Ces    précautions  sont  d'autant  plus  nécessaires  que  l'inconsé- 


:308      XIKMOIKES   ET   JOURiVAlX   DU   GENERAL  DECAEN 

quence  ou  Tambition  de  quelques  particuliers  pourraient  donner  lieu  à  des 
soupçons,  peut-être  même,  à  des  réclamations  de  la  part  des  puissances  voi- 
sines. 

Il  n'y  a  point  d'émigrés  dans  nos  établissements  de  l'Inde. 

Le  capitaine  général  proclamera,  en  arrivant,  l'amnistie  générale  pour 
la  désertion. 

Si  des  particuliers,  de  quelque  état  et  qualité  qu'ils  fussent,  fomentaient 
des  divisions  dans  la  ville  et  tentaient  de  troubler  l'ordre  et  la  tranquillité 
publique  ou  qu'ils  entretinssent  au  dehors  des  intelligences  suspectes,  le 
capitaine  général  et  le  préfet  colonial  sont  autorisés  à  les  renvoyer  en 
France,  à  la  charge,  par  eux,  de  motiver  l'ordre  qui  serait  expédié  à  cet 
effet  et  d'en  rendre  compte  au  ministre. 

Le  capitaine  général  étant  chargé  des  relations  extérieures  et  recevant 
des  instructions  particulières  sur  cet  objet,  le  Premier  Consul  l'autorise  à 
disposer  annuellement  d'un  fonds  spécial  qui  ne  pourra  excéder 
200  000  francs,  et  il  rendra  compte  au  Ministre  de  l'emploi  qu'il  en  aura 
fait. 

Au  surplus,  la  situation  de  la  France  aux  Indes  exigeant  que  les  déposi- 
taires de  l'autorité  paraissent  se  borner  à  diriger  l'administration  et  pro- 
téger le  commerce,  il  est  essentiel  de  n'entretenir  au  dedans  et  au  dehors 
qu'un  très  petit  nombre  d'agents  du  pays. 

Le  capitaine  général  et  le  préfet  colonial  ont  la  faculté  de  se  transporter 
dans  les  divers  établissements  de  l'Inde,  mais  ils  sentiront  que  la  distance 
des  lieux  et  l'absence  de  l'autorité  de  la  ville  principale  ne  leur  permettent 
point  d'entreprendre  ces  voyages  à  moins  d'utilité  reconnue. 

Les  présentes  instructions  devront  servir  de  base  à  celles  que  le  capi- 
taine général  et  le  préfet  colonial  remettront  aux  chefs  des  établissements 
secondaires.  Ce  qui  leur  est  prescrit  sous  le  point  de  vue  général  doit  être 
particulièrement  exécuté  dans  tous  les  lieuv  soumis  à  la  domination  de  la 
République,  et  il  est  indispensable  que  les  comptes  soient  rendus  partout 
de  la  même  manière,  afin  que  le  compte  général  qui  sera  envoyé  au  ministre 
soit  en  même  temps  précis  et  méthodique. 

Le  Ministre  de  la  Marine, 
Signé  :  Df.crès. 

P. -S.  —  Le  contre-amiral  commandant  les  forces  navales  stationnées 
dans  les  mers  d'Asie  vous  communiquera  ses  instructions  et  devra  se  con- 
certer avec  vous  sur  tous  les  objets  qui  pourront  intéresser  les  intérêts  de 
nos  établissements,  ceux  de  vos  opérations  et  de  votre  correspondance 
avec  la  métropole  ou  tout  autre  lieu. 

Signé  :  Degrés. 


CHAPITRE   II 

Dtcaen  prend  congé  de  Bonaparte.  —  Instructions  particulières  du  Premier  Consul.  — 
Bonaparte  prévoit  le  cas  d'une  guerre  avec  l'Angleterre  dans  un  avenir  rapproché.  —  L'ad- 
judant commandant  Binot  précédera,  dans  l'Inde,  le  gros  de  l'expédition  de  Deraen  — 
Instructions  qu'il  reçoit  de  celui-ci.  —  Decaen  quitte  Paris.  —  Premier!  démêlés  avec 
le  contre-amiral  Linois.  —  Decaen  déclare  au  préfet  maritime  de  Brest  qu'il  refuse  de 
voyager  sur  le  vaisseau  amiral.  —  Le  préfet  maritime  tranche  le  différend.  —  Les 
troupes  s'embarquent.  —  Ordre  du  jour  de  Decaen.  —  L'expédition  quitte  Brest.  — 
Parcimonie  de  Linois.  —  Les  troupes  souffrent  de  la  soif.  —  Decaen  veut  faire  aug- 
menter la  ration  d'eau.  —  Ses  instances  auprès  de  Linois  qui  se  retranche  derrière 
le  règlement.  —  Linois  cède  enfin.  —  Arrivée  au  Cap  de  Bonne-Espérance. 

Ayant  demandé  au  Premier  Consul  à  présenter,  avec  mon 
épouse,  nos  hommages  à  Mme  Bonaparte  et  prendre  congé,  nous 
fiimes  invités  à  venir  déjeuner  à  Saint-Cloud;  et  le  lendemain, 
lorsque  je  fus  aux  Tuileries  pour  recevoir  ses  derniers  ordres,  il 
me  remit  les  instructions  que  je  relaterai  ci-après.  Il  m'embrassa 
en  me  souhaitant  bon  voyage  et  du  bonheur.  Après  l'avoir  remer- 
cié, je  lui  témoignai  le  désir  d'avoir  son  portrait  qu'il  me  promit; 
et  je  le  reçus  à  l'île  de  France. 

Enfin  je  demandai  au  Premier  Consul  la  permission  de  lui  écrire 
directement  pour  les  choses  que  je  croirais  ne  devoir  commu- 
niquer qu'à  lui  seul  :  il  me  donna  cette  autorisation. 

I.\STRLCTIONS  DU  PREAIIKR  CONSUL 
AU  NOM  DU  PEUPLE  FRANÇAIS 


Du  11  nivôse,  l'an  XI 
de  la  Képublique  une  et  indivisible. 

Bonaparte,  Premier  Consul  de  la  République,  au  capitaine  général 
des  possessions  françaises  dans  les  Indes. 

Le  ministre  de  la  .Marine  a  remis  au  capitaine  général  des  instructions 
sur  l'administration  de  l'Inde,  et  sur  les  différents  droits  et  prérogatives 


310   MEMOIRES  ET  JOLRXALX  DU  GÉXÉRAL  DECAEM 

dont  nos  établissements  et  notre  commerce  doivent  jouir  dans  cette  contrée; 
mais  le  Pretnier  Consul  a  cru  devoir  signer  lui-même  les  instructions  ser- 
vant de  base  à  la  direction  politique  et  militaire  qui  doit  être  observée. 

Le  capitaine  «{énéral  arrivera  dans  un  pays  où  nos  rivaux  dominent, 
mais  où  ils  pèsent  également  sur  tous  les  peuples  de  ces  vastes  contrées. 

Il  doit  donc  s'attacher  à  ne  leur  donner  aucun  sujet  d'alarme,  aucun 
motif  de  dissension,  et  à  dissimuler  le  plus  possible  les  vues  du  gouverne- 
ment. 

Il  doit  s'en  tenir  aux  relations  indispensables  pour  la  sûreté  et  l'appro- 
visionnement de  nos  établissements;  et  il  s'étudiera  à  ne  mettre  aucune 
affectation  dans  les  communications  qu'il  aura  avec  les  peuples  ou  les 
princes  qui  supportent  avec  le  plus  d'impatience  le  joug  de  la  Compagnie 
anglaise  et  à  ne  lui  donner  aucune  inquiétude.  Les  Anglais  sont  les  tyrans 
des  Indes.  Ils  sont  inquiets  et  jaloux  :  il  faut  s'y  comporter  avec  douceur, 
dissimulation  et  simplicité. 

Six  mois  après  son  arrivée,  le  capitaine  général  expédiera  en  France, 
avec  ses  dépêches,  un  des  officiers  ayant  le  plus  sa  confiance,  pour  faire 
connaître,  dans  un  mémoire  détaillé,  tout  ce  qu'il  aura  recueilli  sur  la 
force,  la  situation  et  la  disposition  d'esprit  des  différents  peuples  de  l'Inde 
ainsi  que  sur  la  force  et  la  situation  des  divers  établissements  anglais.  Il 
présentera  ses  vues  et  les  espérances  qu'il  pourrait  avoir  de  trouver  de 
l'appui,  en  cas  de  guerre,  pour  pouvoir  se  maintenir  dans  la  presqu'île, 
en  indiquant  la  quantité  et  la  qualité  de  troupes,  d'armements  et  de  pro- 
visions dont  il  aurait  besoin  pour  nourrir  la  guerre  pendant  plusieurs 
campagnes  au  centre  des  Indes.  Il  doit  apporter  la  plus  grande  attention 
dans  la  rédaction  et  les  expressions  de  ce  mémoire,  parce  que  tous  les 
termes  en  seront  pesés,  et  que  ses  expressions  pourront  servir  h  décider, 
dans  des  circonstances  imprévues,  la  marche  et  la  politique  du  gouverne- 
ment. 

Pour  nourrir  la  guerre  aux  Indes  pendant  plusieurs  campagnes,  il  faut 
raisoTiner  dans  l'hypothèse  que  nous  ne  serions  pas  les  maîtres  de  la  mer, 
et  que  nous  aurions  A  espérer  peu  de  secours  considérables. 

Il  paraîtrait  difficile  qu'avec  un  corps  d'armée,  on  pût  longtemps  résis- 
ter aux  forces  nombreuses  que  peuvent  opposer  les  .Anglais,  si  l'on  n'a  des 
alliances  et  une  place  servant  de  point  d'appui  où,  dans  un  cas  extrême,  on 
put  capituler  et  se  ménager  ainsi  la  faculté  de  se  faire  transporter  en 
France  ou  à  l'île  de  France  avec  armes  et  bagages,  sans  être  prisonniers, 
sans  compromettre  l'honneur,  et  sans  se  priver  d'un  corps  considérable  de 
Français. 

l'n  point  d'appui  doit  avoir  le  caractère  d'une  place  forte  :  il  doit  avoir 
aussi  un  port  ou  une  rade  où  des  frégates  et  des  bâtiments  de  commerce 
soient  à  l'abri  d'une  force  supérieure.  Quelle  que  soit  la  nation  à  laquelle 
appartînt  cette  place,  portugaise,  hollandaise  ou  anglaise,  le  premier  projet 
paraît  devoir  tendre  à  s'en  emparer,  dès  les  premiers  mois,  en  calculant 
sur  l'effet  d'une  force  européenne  si   inattendue  et  indéterminée.   Après 


INSTRUCTIONS   PARTICl  LIKRES   DE    BOXAPARTK        311 

avoir  l'ait  un  plan  d'alliance  et  de  jjuerre  avec  une  force  demandée,  il  fau- 
drait établir  ce  que  croirait  devoir  faire  le  capitaine  général  si,  au  lieu  de 
cette  force  entière,  on  ne  lui  en  envoyait  que  la  n)oitié. 

Après  avoir  pensé  aux  alliances  et  à  un  point  d'appui,  les  objets  qui 
intéressent  le  plus  une  armée,  dans  une  campagne,  sont  les  vivres  et  les 
munitions  de  guerre,  objets  que  le  capitaine  général  traitera  également 
dans  le  plus  grand  détail. 

Six  mois  après  cet  envoi,  le  capitaine  général,  dans  un  nouveau  mé- 
moire, traitera  les  mômes  questions  en  y  ajoutant  les  nouvelles  connais- 
sances qu'il  aura  pu  acquérir. 

Ainsi,  il  est  établi  que,  tous  les  six  mois,  le  capitaine  général  enverra 
en  France  des  officiers  sûrs,  avec  des  mémoires  traitant  toujours  le.<;  mêmes 
questions  et  confirmant,  modifiant  ou  contredisant  les  idées  des  mémoires 
précédents. 

Si  la  guerre  venait  à  se  déclarer  entre  la  France  et  l'Angleterre  avant  le 
l"  vendémiaire  an  XIII,  et  que  le  capitaine  général  en  fût  prévenu  avant 
de  recevoir  les  ordres  du  gouvernement,  il  a  carte  blanche  et  est  autorisé 
à  se  replier  sur  l'ilc  de  France  et  le  Cap,  ou  à  rester  dans  la  presqu'île, 
suivant  les  circonstances  où  il  se  trouvera  et  les  espérances  qu'il  pourrait 
concevoir,  sans  cependant  exposer  notre  corps  de  troupes  à  une  capitula- 
tion honteuse  et  notre  armée  à  jouer  un  rôle  qui  ajouterait  à  notre  discré- 
dit aux  Indes,  et  sans  diminuer,  par  l'anéantissement  de  nos  forces,  la 
résistance  que  peut  présenter  l'ile  de  France  en  s'y  repliant. 

On  ne  conçoit  pas,  aujourd'hui,  que  nous  puissions  avoir  la  guerre  avec 
l'Angleterre  sans  y  entraîner  la  Hollande. 

Un  des  premiers  soins  du  capitaine  général  sera  de  s'assurer  de  la  situa- 
tion des  établissements  hollandais,  portugais,  espagnols,  et  des  ressources 
qu'ils  pourraient  offrir. 

La  mission  du  capitaine  général  est  d'abord  une  mission  d'observation 
sous  les  rapports  politiques  et  militaires,  avec  le  peu  de  forces  qu'il  réunit, 
et  une  simple  occupation  de  comptoirs  j>our  notre  connnerce.  Mais  le  Pre- 
mier Consul,  bien  instruit  par  lui  et  par  l'exécution  ponctuelle  des  instruc- 
tions qui  précèdent,  pourra  le  mettre  à  portée  d'acquérir  un  jour  cette 
gloire  qui  prolonge  la  mémoire  des  hommes  au  delà  de  la  durée  des  siècles. 

Le  Premier  Consul, 

Skjnc  :  BoxAPARTK. 

Une  frégate  devait  être  détachée  de  la  division  pour  la  précéder 
au  Cap  de  Bonne-Espérance  et  dans  l'Inde,  ayant  à  son  bord  le 
préfet  colonial  qui  devait  préparer  des  rafraîchissements  au  pre- 
mier lieu,  et  faire,  à  son  arrivée  à  Pondichéry,  des  dispositions 
pour  les  logements  et  la  subsistance  des  troupes.  .Mon  chef  d'élat- 
major  devait  aussi  s'embarquer  sur  cette  frégate  pour  recevoir  lu 
rétrocession  de  ce  principal  établissement. 


312      MÉMOIRES   ET  JOURMAL'X   DU   GÉNÉRAL   DECAEX 

Avant  mon  départ  de  Paris,  je  rédigeai  l'instruotion  ci-après 
pour  l'adjudant  commandant  Binot;  et  elle  fut  datée  à  bord  du 
Marengo,  le  14- ventôse  : 

La  frégate  de  la  République  la  Belle-Poule,  sur  laquelle  vous  êtes  em- 
barqué, citoyen  commandant,  est  désignée  pour  arriver  à  Pondichéry  avant 
la  division  que  le  gouvernement  envoie  aux  Indes  Orientales  pour  l'exécution 
de  l'article  3  du  traité  d'Amiens,  en  date  du  4  germinal  an  X,  ainsi  conçu  : 

Cl  Sa  Majesté  Britannique  restitue  à  la  République  française  et  à  ses  alliés 
savoir  :  Sa  .Majesté  Catholique  et  la  République  batave,  toutes  les  posses- 
sions et  colonies  qui  leur  appartiennent  respectivement  ou  qui  ont  été 
occupées  ou  conquises  par  les  forces  britanniques  dans  le  cours  de  la 
guerre  actuelle,  etc..  •i 

En  conséquence  de  ce  traité  et  en  vertu  des  pouvoirs  qui  m'ont  été 
donnés  par  le  Premier  Consul,  je  vous  ai  choisi,  citoyen,  pour  recevoir  du 
commandant  de  Sa  Majesté  Britannique  à  Pondichéry  la  restitution  de  cet 
établissement. 

Je  me  borne,  quant  à  la  restitution,  à  cette  disposition  générale  parce 
que  le  citoyen  Léger,  préfet  colonial,  que  vous  accompagnez,  est  revêtu 
d'une  autorité  avec  laquelle  il  vous  donnera  tous  les  renseignements  et 
documents  qui  vous  seraient  utiles;  mais  encore,  sur  le  rapport  que  vous 
lui  feriez  d'obstacles  qui  vous  seraient  présentés,  ce  que  je  suis  loin  de 
prévoir,  il  pourra  traiter  directement  avec  le  gouverneur  de  Madras  et 
avec  le  gouverneur  général  à  Calcutta,  auxquels  vous  ferez  parvenir,  aus- 
sitôt votre  arrivée  à  la  côte  de  Coromandel,  les  lettres  que  je  vous  remets 
pour  ces  gouverneurs,  dans  lesquelles  je  leur  annonce  le  caractère  dont 
vous  êtes  revêtu. 

Vous  êtes  en  outre  chargé,  citoyen  commandant,  des  dispositions  mili- 
taires nécessaires  pour  recevoir  les  troupes  destinées  à  former  la  garnison 
de  Pondichéry  et  de  celles  qui  devront  être  réparties  plus  tard  dans  nos 
autres  établissements.  Ces  dispositions  consistent  particulièrement  dans  la 
reconnaissance  des  localités  convenables  pour  les  loger.  Pour  cela,  encore, 
vous  ferez  votre  rapport  au  préfet  colonial  qui  ordonnera  les  dispositions 
subséquentes. 

Le  capitaine  du  génie  Dehon,  qui  vous  accompagne,  préparera,  à  cet 
égard,  tout  ce  que  la  nature  des  lieux  et  l'état  actuel  des  établissements 
militaires  lui  offriront. 

Aussitôt  votre  débarquement,  vous  vous  occuperez  de  la  levée  de  deux 
compagnies  de  Cipayes  auxquelles  vous  attacherez  provisoirement  les  offi- 
ciers destinés  pour  ce  corps,  et  qui  passent  également  sur  la  frégate.  V^ous 
trouverez  à  Pondichéry  un  nombre  plus  que  suffisant  de  Cipayes  et  d'offi- 
ciers précédemment  au  service  de  la  France  pour  entrer  dans  la  formation 
provisoire  que  je  vous  prescris.  Ainsi,  il  faudra  fixer  votre  choix  de  ma- 
nière que,  lors  de  l'organisation  définitive,  ces  hommes  ne  puissent  point 
être  réformés.  Je  me  repose  au  surplus  sur  votre  zèle  et  vos  talents  pour 


LETTRE    AU   MARQUIS   DE    WELLESLEY  313 

tout  ce  que  je  n'aurai  pas  prévu,  dans  la  présente,  sur  la  mission  dont  je 
vous  charge. 

Je  vais  de  suite  transcrire  les  lettres  annoncées  dans  cette  ins- 
truction. 

L'une,  au  marquis  de  Wellesley,  gouverneur  général  des  posses- 
sions anglaises  dans  l'Inde,  datée  de  Brest,  le  13  ventôse  an  XI  : 

MlLORD, 

J'ai  l'honneur  d'annoncer  à  Votre  Excellence  qu'en  m'honorant  du 
commandement  général  des  établissements  français  aux  Indes  Orientales, 
le  Premier  Consul  de  la  République  m'a  donné  ses  ordres  pour  suivre 
l'exécution  du  traité  d'Amiens  et  des  conventions  respectives  entre  nos 
deux  nations. 

C'est  dans  ces  dispositions,  Milord,  que  la  frégate  de  la  République  la 
Belle-Poule  se  présentera  à  la  côte  de  Coromandel. 

Le  citoyen  Léger,  préfet  colonial,  et  le  colonel  Binot,  adjudant  com- 
mandant, qui  me  précèdent,  sont  directement  autorisés  pour  recevoir  la 
restitution  de  Pondichéry  et  de  ses  dépendances,  ainsi  que  de  faire  pré- 
parer tout  ce  qui  est  nécessaire  pour  la  réception  des  troupes  que  le  gou- 
vernement français  envoie  dans  cette  partie  du  monde. 

Je  charge  le  colonel  Binot  de  vous  faire  parvenir  la  présente,  à  laquelle 
je  joins  un  paquet  qui  a  été  envoyé  par  ordre  de  Sa  Majesté  Britannique. 

J'ai  aussi  l'honneur  de  prévenir  Votre  Excellence  que,  successivement, 
j'enverrai,  dans  chacun  des  établissements  qui  doivent  être  rendus  à  la 
France  des  personnes  autorisées  pour  reprendre  possession.  Je  me  per- 
suade facilement  que  vos  ordres  préviendront  toutes  difficultés  à  cet  égard. 

Je  suis  infiniment  flatté  que  le  Premier  Consul  m'ait  mis  dans  le  cas 
d'avoir  des  rapports  avec  vous.  Je  vous  prie  d'être  persuadé  que  je  m'oc- 
cuperai sans  cesse  des  moyens  qui  peuvent  contribuer  à  entretenir  la  plus 
parfaite  harmonie  et  à  rendre  durable  l'amitié  qui  doit  exister  entre  nos 
(^eux  nations. 

Recevez,  Milord,  l'assurance  de  ma  haute  considération. 

L'autre  lettre  était  adressée  : 


Au  gouverneur  du  fort  Saint-Georges  y  à  Madras,  et  Président 
en  Conseil,  etc.. 

Brest,  13  ventôse  an  XI. 

Monsieur  le  Gouverneur, 

Le  Premier  Consul,   en   m'honorant  du  commandement  des  établisse- 
ments français  aux  Indes  Orientales,   m'a  donné  ses  ordres  pour  suivre 


314      .MÉMOIRES   ET   JOURX^AUX   DU   GENERAL   DECAEX 

l'exécution  du  traité  d'Amiens  et  des  conventions  respectives  entre  nos 
deuv  nations. 

C'est  d'après  ces  dispositions  que  j'ai  l'Iionneur  de  vous  annoncer  que  la 
frégate  de  la  République  la  Belle-Poule  se  présentera  à  la  côte  de  Coro- 
mandel... 

Le  surplus  du  contenu  de  cette  lettre  était  dans  les  mêmes 
termes  que  dans  la  précédente. 

Enfin  je  partis  de  Paris  le  27  pluviôse,  avec  mon  épouse  accom- 
pagnée d'une  de  ses  sœurs.  Croyant  la  paix  assurée  pour  longtemps, 
il  y  avait  dix-huit  mois  que  je   m'étais  marié. 

J'arrivai  à  Brest  le  3  ventôse.  La  marine  s'occupait  des  derniers 
préparatifs  pour  que  l'expédition  mette  sous  voile  dès  que  les 
vents  seraient  favorables. 

Je  passai  la  revue  des  troupes.  Je  les  trouvai  bien  sous  tous 
les  rapports  et  surtout  bien  disposées  à  entreprendre  leur  long 
voyage.  Je  vis  aussi  les  chasseurs  africains.  Ce  bataillon  était 
superbe.  C'étaient  tous  hommes  de  taille  de  grenadiers.  Ils  étaient 
presque  tous  créoles  de  la  Guadeloupe,  et  presque  tous  mulâtres 
de  deuxième,  troisième  et  quatrième  génération.  C'était,  à  peu 
d'hommes  près,  plutôt  une  troupe  blanche  qu'une  noire.  Ils  étaient 
parfaitement  exercés,  ayant  été  enrégimentés  dans  cette  colonie. 

Le  préfet  Calfarelli  avait  secondé  le  général  Vandermaësen  en 
tout  ce  qu'il  avait  désiré  pour  le  choix  des  hommes,  les  habiller, 
coiffer,  armer  et  équiper.  L'uniforme  que  j'avais  proposé  leur  al- 
lait à  merveille.  Enfin,  ce  bataillon  pouvait  être  mis  en  parallèle 
avec  ceux  d'ancienne  formation,  et  tous  ces  hommes  paraissaient 
satisfaits  et  reconnaissants  du  changement  à  leur  précédente  et 
malheureuse  situation,  et  qu'on  les  eût  ainsi  organisés.  Les  offi- 
ciers attachés  à  ce  bataillon  de  chasseurs  les  commandaient  avec 
plaisir. 

Comme  c'était  à  moi  qu'il  appartenait  de  désigner  les  troupes 
qui  devaient  être  embarquées  sur  chacun  des  bâtiments  de  l'expé- 
dition, selon  le  nombre  qu'ils  pouvaient  en  contenir,  je  fus  en  rade 
pour  reconnaître  dans  chacun  d'eux  les  emplacements  destinés 
aux  passagers.  J'étais  accompagné  du  préfet  maritime,  du  préfet 
colonial  et  du  général  Vandermaësen.  Je  fus  convaincu  que  les 
représentations  que  je  n'avais  cessé  de  faire  au  ministre  de  la  Ala- 
rine  sur  l'exiguïté  des  moyens  de  transports,  étaient  fondées;  et 


PREMIERS    DÉMÊLÉS   AVEC    LIX'OIS  315 

(|ue,  par  conséquent,  ces  l)àtnnents  contiendraient  trop  de  monde 
pour  y  être  au  moins  passablement  pour  un  aussi  long  voyage. 
Mais  il  fallait  partir  et  s'arranger  alors  pour  le  mieux,  sauf  les 
inconvénients  qui  pourraient  résulter  de  l'encombrement. 

Je  n'avais  pas,  non  plus,  été  satisfait  de  la  part  de  logement  que 
le  contre-amiral  Linois  m'indiqua  pour  moi  et  ma  famille,  à  bord 
du  Marengo  :  l'on  n'y  avait  fait  aucune  disposition  particulière,  ainsi 
que  cela  avait  eu  lieu  à  bord  des  vaisseaux  sur  lesquels  les  autres 
capitaines  généraux  s'étaient  embarqués,  parce  que  ces  arran'je- 
ments,  principalement  pour  le  général  Leclerc,  avaient  été  trouvés 
trop  dispendieux.  C'était  une  singulière  parcimonie  du  ministre  de 
la  Marine,  et  surtout  d'avoir  prescrit  cette  lésinerie  pour  la  der- 
nière expédition  :  de  sorte  que  je  fus  obligé  de  faire  l'acquisition, 
à  Brest,  des  lits,  meubles,  linge,  couverts  et  ustensiles  qui 
m'étaient  nécessaires,  quoique  le  ministre  m'eût  assuré,  avant  mon 
départ,  que  je  trouverais,  à  bord  du  vaisseau,  tout  ce  qu'il  me  fau- 
drait, et  que  l'amiral  Linois  était  cliargé  de  pourvoir  à  tout  ce  qui 
convenait  pour  le  logement  et  la  table. 

De  retour  de  cette  visite  peu  satisfaisante,  on  se  réunit  chez  le 
préfet  maritime  pour  procéder  à  la  répartition  des  passagers  sur 
chacun  des  bâtiments.  Quoique  j'eusse  pris  la  résolution  d'éviter 
toute  altercation  avec  le  commandant  de  la  marine  employée  à 
cette  expédition,  voulant  faire  exception  avec  les  commandants  de 
terre  et  de  mer  des  autres  expéditions  (|ui  avaient  eu  entre  eux  de 
vives  contestations,  la  manière  dont  le  contre-amiral  Linois  m'avait 
indiqué  mon  logement  et  la  part  peu  convenable  qu'il  en  avait 
faite  me  forcèrent  d'oublier  ce  que  je  m'étais  promis  :  je  débutai  par 
dire  que  je  m'embarquerais  à  bord  du  transport  la  Côte-d'Or,  avec 
les  passagers  que  pourrait  contenir  ce  bâtiment.  Cette  déclaration 
causa  une  vive  surprise.  Le  préfet  Cafarelli  m'en  ayant  demandé  la 
raison  et  ajouté  que  cela  ne  pouvait  être  ainsi,  attendu  que  le 
Marengo  avait  été  destiné  pour  mon  passage,  je  lui  répliquai  : 
a  Comme  vous  avez  vu  la  part  du  logement  qu'on  m'a  faite,  et  la 
manière  dont  on  m'en  a  donné  l'indication,  en  commençant  par 
me  faire  voir,  non  sans  affectation,  la  chambre  du  contre-amiral, 
celle  du  capitaine  de  vaisseau,  et  ensuite,  ce  qui  m'était  réservé, 
je  suis  persuadé  que  je  serai  beaucoup  mieux  à  bord  du  navire 
du  commerce  que  je  viens  de  citer,  mais  surtout  que  son  capitaine 


316   MEMOIRES  ET  JOURNAUX  DU  GENERAL  DECAEN 

aura  pour  moi  des  égards.  «  Alors,  le  contre-amiral  Linois,  sur 
qui  les  coups  avaient  porté,  prit  la  parole  pour  dire  que  je  n'avais 
fait  nulle  observation  à  son  bord.  —  «  Non!  Je  n'en  ai  point  fait, 
parce  que  ce  n'était  pas  le  moment;  et  d'ailleurs,  je  ne  voulais  pas 
y  élever  de  discussion  sur  ce  sujet.  Mais  vous  voyez,  à  présent  qu'il 
s'agit  de  s'en  occuper,  que,  depuis  ce  matin,  je  n'ai  rien  oui)lié.  '■■> 
Le  contre-amiral  aurait  peut-être  pu  mieux  sortir  d'embarras, 
mais  il  s'y  enfonça  davantage  en  me  disant  :  "  Nos  règlements 
portent  que  lorsque  les  vice-amiraux  ou  contre-amiraux  monte- 
ront un  vaisseau,  les  capitaines  céderont  leur  chambre,  la  pre- 
mière de  tribord,  et  ils  passeront  dans  la  première  de  bâbord.  — 
Je  n'entends  point  contester  vos  règlements,  et  vous  le  voyez  par 
le  parti  que  j'ai  pris  et  que  je  viens  d'annoncer.  Cependant,  je  dois 
vous  dire  que,  pouvant  avoir  la  prétention  fondée  d'avoir  la  pre- 
mière place  à  bord  du  vaisseau,  on  ne  pourrait  pas  du  moins  me 
contester  l<i  seconde.  Mais  il  ne  s'agit  plus  de  cela,  puisque  je  suis 
décidé  à  m'cmbarquer  sur  la  Cote-d'Or  et  à  vous  laisser  jouir  de 
toute  la  plénitude  de  vos  règlements,  et  de  votre  vaisseau.  5  Alors 
le  préfet,  qui  n'avait  pas  vu  avec  plaisir  les  dispositions  de  Linois 
et  qui  était  contrarié  de  ne  pas  avoir  été  autorisé  à  faire  pour  moi 
ce  qu'il  avait  précédemment  ordonné  pour  les  autres  capitaines 
généraux,  représenta  qu'il  était  impossible  que  je  tienne  à  ma  résolu- 
tion, parce  qu'il  serait  singulier  et  môme  ridicule  qu'un  capitaine 
général  fût  embarqué  sur  un  navire  de  commerce,  tandis  qu'il  y 
avait  un  vaisseau  et  des  frégates,  et  qu'il  ne  pouvait  pas  y  condes- 
cendre, qu'il  en  recevrait  des  reproches  du  ministre,  n  Mais  ne 
m'a-t-on  pas  obligé  à  prendre  ce  parti?  Au  reste,  comme  je  serais 
fâché  qu'il  vous  fût  adressé  le  moindre  reproche,  je  vais  envoyer 
sur-le-champ  un  de  mes  aides  de  camp  à  Paris  porter  une  lettre 
au  Premier  Consul,  dans  laquelle  je  le  prierai  de  vouloir  bien  don- 
ner une  décision  qui  règle  comment  le  contre-amiral  Linois  doit 
loger  ma  famille  et  moi  sur  le  vaisseau  qui  a  été  destiné  pour  me 
transporter  dans  l'Inde,  à  moins  que,  pour  ne  pas  retarder  le 
départ  de  l'expédition,  vous  ne  preniez  sur  vous  de  donner  une 
décision.  D'ailleurs,  il  y  a  des  antécédents;  et  je  ne  prétends  pas 
exiger  pour  moi  plus  qu'il  n'a  été  fait  pour  les  autres  capitaines 
généraux.  Enfin,  il  ne  s'agit  que  de  chambres  sans  le  moindre 
ameublement.  « 


DECISION   DU   PREFET    MARITIME  317 

Le  préfet,  qui  avait  voulu  sans  doute  laisser  Tinitiative  au  contre- 
amiral  sur  le  parti  qu'il  y  avait  à  prendre,  pour  lui  procurer  l'oc- 
casion de  réparer  son  inconséquence  du  matin,  à  laquelle  il  venait 
d'ajouter  son  observation  réglementaire,  et  qui,  depuis,  avait  gardé 
le  silence,  le  préfet,  dis-je,  prononça  que  je  devais  occuper  la  pre- 
mière chambre  de  bâbord  destinée  au  capitaine  du  vaisseau  et 
celles  sur  le  même  côté  qui  m'étaient  indispensables  et,  en  outre, 
la  moitié  de  la  grande  chambre  dans  laquelle  on  établirait  une 
séparation,  si  je  ne  voulais  pas  la  laisser  commune  entre  moi  et 
le  contre-amiral. 

Ce  premier  point  ainsi  déterminé,  on  procéda  à  la  répartition 
des  troupes  et  des  autres  passagers  sur  chaque  bâtiment. 

Comme  il  avait  été  décidé  qu'une  des  frégates  précéderait  l'ex- 
pédition et  en  serait  détachée  quand  nous  serions  arrivés  à  la  hau- 
teur des  Canaries  pour  se  rendre  d'abord  au  Cap  de  Bonne-Espé- 
rance et  ensuite  à  Pondichéry  (on  ne  devait  pas  relâcher  à  l'île  de 
France)  pour  préparer  tout  ce  qui  pouvait  être  nécessaire  pour  le 
rafraîchissement  des  troupes  et  et  des  équipages  au  Cap  et  pour  les 
premières  dispositions  d'établissement  dans  l'Inde,  la  Belle-Poule 
fut  désignée.  Elle  était  commandée  par  le  capitaine  de  vaisseau 
Bruilhac.  Le  préfet  colonial  s'y  embarqua  avec  sa  famille,  ainsi 
que  l'adjudant  général  Binot,  mon  chef  d'état-major,  auquel  je 
donnai  des  instructions  (1)  pour  la  reprise  de  possession  de  Pon- 
dichéry, avec  des  lettres  que  j'adressai  à  ce  sujet  aux  gouverneurs 
anglais  de  Madras  et  de  Calcutta.  Mon  aide  de  camp  Lefebvre 
s'embarqua  aussi  sur  cette  frégate. 

Le  général  Vandermaësen  fut  embarqué  sur  la  frégate  la 
Sémillante,  commandée  par  le  capitaine  de  frégate  Motard,  le 
général  Alontigny,  sur  VAtalante,  commandée  par  le  capitaine  de 
frégate  Beauchêne. 

Les  troupes  et  les  autres  passagers  furent  répartis  sur  le  vais- 
seau et  les  frégates  en  raison  de  leur  capacité,  ainsi  que  le  trans- 
port la  Cote-cl'Oroii  fut  embarqué  le  colonel  Sainte-Suzanne.  Il  y 
avait  encore  un  transport,  la  Marie-Françoise ,  pour  porter  des 
vivres  et  divers  autres  objets,  sur  lequel  on  mit  aussi  quelques 
passagers.  Enfin,  les  chasseurs  africains  devaient  partir  sur  des 

(1)  ''  Cei  instructions  et  les  lettres  ont  déjà  été  transcrites  «  (Note  de  Decaen). 


318      MEMOIRES   ET  JOURNAIX   DU   GÉNÉRAL   DECAEX 

navires  du  commerce  qui  ne  devaient  pas  tarder  à  mettre  sous 
voile  et  qui  seraient  convoyés  par  la  corvette  le  Bélier  comman- 
dée par  le  lieutenant  de  vaisseau  Hulot. 

Les  troupes  s'embarquèrent  le  10  ventôse  et  les  autres  passa^jers, 
le  lendemain. 

Le  13,  j'écrivis  au  ministre  de  la  Marine  la  lettre  suivante  : 

Brest,  le  13  ïenlôse  an  XI. 

J'ai  riioniieur  de  vous  annoncer,  oitojen  ministre,  que  je  me  rends  à 
bord  du  Marcngo,  puisque  les  vents  sont  favorables  et  qu'enfin  les  prépa- 
ratifs sont  achevés.  Je  présume  que  nous  n'aurons  pas  d'obstacles  pour 
nous  empêcher  d'appareiller  aujourd'hui  même.  Depuis  mou  arrivée  à 
Brest,  je  n'ai  point  eu  le  plaisir  de  correspondre  avec  vous  parce  que  j'ai 
.su  que,  par  chaque  courrier,  vous  aviez  connaissance  de  l'état  des  choses. 
J'avais  cependant  beaucoup  à  vous  dire.  Le  premier  objet,  c'était  de 
réunir  mes  oliservations  à  celles  que  je  pense  vous  avoir  été  faites  par  le 
préfet  maritime  et  par  le  contre-amiral  Linois  sur  l'encombrement  inévi- 
table qui  a  lieu  à  bord  des  bâtiments  destinés  pour  l'expédition,  vu  leur 
capacité  pour  tant  d'hommes  et  tant  d'elfets.  La  Càle-d'Or  est  surtout 
celui  qui  me  présente  plus  d'inquiétude  pour  la  santé  de  la  quantité  de 
soldats  qu'on  y  a  embarqués.  Je  n'ajoute  rien  de  plus  sur  cet  objet,  puisque 
le  conseiller  d'Ktat  Cafarelli  vous  instruira  de  tout  lorsqu'il  aura  le  plaisir 
de  vous  voir.  11  a  bien  voulu  se  charger  d'une  lettre  que  j'adresse  au 
Premier  Consul,  dans  laquelle,  entre  autres  choses,  je  fais  une  demande 
dont  j'espérais  vous  entretenir  au  moment  même  si  le  temps  me  l'avait 
permis. 

Cette  demande  est  relative  à  ce  que  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  dire  de  la 
part  du  Premier  Consul,  lorsque  je  vous  fis  mes  adieux,  sur  ce  que  mes 
instructions  ne  disent  rien  de  mes  rapports  avec  l'ile  de  France.  Je  remets 
à  votre  souvenir  que  vous  me  promîtes  une  solution  que  je  pense  m'être 
indispensable.  Vous  avez  aussi  oublié  d'annoncer,  dans  vos  instructions, 
qu'une  corvette  serait  à  ma  disposition  spéciale.  Je  vous  prie  de  m'adresser 
un  ordre  afin  qu'il  ne  naisse  aucune  difficulté  à  cet  égard,  puisqu'il  a  été 
décidé  que  cela  était  nécessaire. 

J'ai  l'honneur  de  vous  adresser  tous  les  états  de  situation,  selon  vos 
ordres,  avec  un  mot  que  j'ai  mis  à  l'ordre  pour  les  troupes,  dont  l'esprit 
est  excellent.  Je  joins,  à  divers  rapports,  plusieurs  demandes  que  je  vous 
prie  d'accueillir  favorablement.  \'e  trouvez  pas  de  trop,  citoyen  ministre, 
que  je  vous  prie  de  faire,  des  Indiens,  un  objet  de  vos  sollicitudes  et  de 
leur  eu  donner  une  preuve,  dès  le  mois  de  septeud)re,  eu  leur  adressant  ce 
qui  sera  nécessaire  à  leurs  besoins.  Si  le  capitaine  Barré,  désigné  précé- 
demment pour  être  du  premier  voyage,  était  choisi  à  cette  époque  pour 
nous  apporter  des  nouvelles,  ce  serait  encore  une  preuve  de  vos  excel- 


L'EXPEDITION   QUITTE   BREST  319 

lentes  dispositions  que  je  vous  prie  de  faire  précéder  d'un  ordre  positil 
pour  que  le  deuxième  convoi  qui  doit  se  rendre  dans  l'Inde  soit  au  plus  tôt 
sous  voile. 

Agréez,  etc. 

Voici  ce  que  j'avais  dit  aux  troupes  par  l'ordre  du  jour,  le 
12  ventôse  : 

Vous  quittez  la  France  pour  vous  rendre  dans  ses  possessions  les  plus 
éloignées.  Le  Premier  Consul  a  mesuré  la  distance  qui  va  nous  séparer  de 
lui.  Sans  cesse  occupé  du  bonheur  du  grand  peuple,  il  ne  peut  oublier 
que  vous  êtes  de  la  famille.  Attentif  à  prévenir  vos  besoins,  je  le  secon-*" 
derai  de  tout  mon  pouvoir;  mais  n'oubliez  jamais  que  votre  bonne  con- 
duite peut  seule  réaliser  les  espérances  du  gouvernement.  Soldats,  mon- 
trez-vous toujours  dignes  de  vous-mêmes,  toujours  Français!  Les  enfants 
de  la  victoire  doivent  être  les  amis  du  bon  ordre  et  de  la  paix. 

Enfin,  nous  mîmes  à  la  voile  dans  l'après-midi  du  15  ventôse 
(5  mars  1803).  Après  être  sortis  de  la  rade  de  Brest,  nous  trou- 
vâmes la  mer  fort  agitée  :  le  vent  soufflait  avec  violence;  les  ma- 
rins disaient  que  c'était  une  brise  carabinée,  mais  nous  faisions 
bonne  route.  Le  mal  de  mer  ne  tarda  pas  à  accabler  tous  les 
passagers,  même  la  plupart  des  officiers  de  la  marine  et  la  plus 
«grande  partie  de  l'équipage.  Le  contre-amiral  et  le  capitaine  de 
vaisseau  Larue  furent  plus  de  vingt-quatre  heures  sans  pouvoir 
sortir  de  leur  lit.  Moi,  je  n'eus  (jue  de  légers  symptômes  d'indis- 
position ;  j'attribuai  de  n'être  pas  malade  comme  tant  d'autres 
■aux  soins  que  je  pris  de  mon  épouse,  ainsi  qu'à  mon  occupation 
pour  contenir  dans  nos  chambres  tous  les  objets  que  le  grand  rou- 
lis du  vaisseau  aurait  dérangés  de  leur  place  et  brisés;  et  surtout, 
parce  que  je  montais  fréquemment  sur  le  pont  pour  voir  ce  (|ui 
s'y  passait. 

On  ne  peut  pas  se  faire  l'idée  des  effets  divers  produits  par  le 
mal  de  mer  sur  l'équipage  et  les  nassagers  pendant  les  premiers 
jours  de  navigatiou,  par  un  gros  temps,  et  surtout  le  spectacle 
<ju  ofifrait  le  Marengo,  où  nous  étions  plus  de  1  100  personnes. 

Pendant  la  première  nuit,  malgré  tous  les  signaux  de  conserve 
faits  à  bord  du  Marengo,  la  frégate  V Atalante  ci  les  deux  transports 
se  séparèrent  de  la  division,  et  nous  n'en  eûmes  de  nouvelles  ([ue 
longtemps  après. 

Le  vent  s'étaut  calmé,  nos  malades  reprirent  successivement  de 


320      MÉMOIRES   ET  JOURNAUX   DU    GENERAL   DECAEN 

la  nourriture  et  leur  gaîtê,  surtout  après  que  nous  eûmes  doublé 
le  cap  Finisterre. 

Je  dirai,  eu  passant,  que  le  contre-amiral  Linois,  notre  conduc- 
teur et  notre  chef  de  pension,  n'avait  ordonné  ses  provisions  que 
pour  nous  faire  servir  une  table  très  mesquine,  quoiqu'il  eût  reçu 
une  indemnité  fort  raisonnable  et  que  le  ministre,  auquel  j'avais 
demandé  si  je  devais  m'occuper  en  quelque  chose  de  cet  objet, 
principalement  à  cause  des  dames,  m'eût  dit  de  ne  pas  y  penser, 
qu'il  était  persuadé  que  le  contre-amiral  ferait  les  choses  au 
mieux.  Mais  Linois,  d'une  avarice  extrême,  avait  plus  songé  à  ses 
bénéfices  qu'à  bien  traiter  ses  pensionnaires. 

Cependant,  il  voulut  s'excuser  sur  le  mauvais  temps  que  nous 
avions  essuyé  en  partant,  attendu  que  ses  grandes  provisions  avaient 
été  diminuées  par  la  perte  d'une  très  maigre  et  très  petite  vache 
bretonne  et  de  quelques  volailles  chétives,  qui  n'avaient  pas  sur- 
vécu au  mal  de  mer.  Il  attribuait  à  cette  fatalité,  inouïe  pour  lui, 
la  disetle  qu'il  nous  fit  éprouver  dès  les  premiers  jours  de  notre 
navigation.  Ainsi,  en  raison  d'une  perte  aussi  sensible  pour  ce 
contre-amiral,  qui  l'avait  sans  doute  prévue  et  qui  n'avait  rien  fait 
pour  y  suppléer,  il  fut  certes  bien  aise  de  pouvoir  commencer  à 
nous  habituer  au  bœuf  et  au  lard  salé,  aux  fèves  et  aux  haricots, 
enfin,  à  peu  de  chose  près,  aux  vivres  de  l'équipage.  Néanmoins, 
pour  nous  faire  passer  le  temps  (jue  nous  demeurions  à  table,  il 
eut  recours  aux  paroles  de  consolation  en  nous  faisant  valoir,  avec 
un  ton  d'assurance  et  en  voulant  que  nous  en  fussions  persuadés 
comme  lui,  qu'il  se  proposait,  pour  nous  dédommager,  de  renou- 
veler ses  provisions  au  Cap  de  Bonne-Espérance,  où  il  en  ferait 
d'abondantes,  parce  que  tout  y  était  à  fort  bon  marché. 

Afin  de  s'assurer  si  sa  table  était  assez  grande,  il  la  vérifia  lui- 
même  avec  des  assiettes  et  des  chaises  qu'il  plaça  autour;  mais, 
après  les  avoir  éloignées  et  rapprochées  plusieurs  fois  et  bien 
acquis  la  conviction  qu'il  n'arriverait  pas  à  y  placer  tout  son 
monde,  il  eut  recours  au  charpentier,  auquel  il  recommanda  la 
plus  grande  exactitude  pour  que  cette  table  ne  contînt  que  dix- 
sept  couverts,  dont  dix  pour  les  passagers  qui,  par  leurs  grades 
militaires,  ou  qui  y  sont  assimilés  en  raison  de  leurs  fonctions, 
pouvaient,  ainsi  que  leurs  femmes,  être  admis  à  ce  qu'on  appelle 
la  première  table.  Mes  frère  et  beau-frère  en  furent  exclus  parce 


DECAEN   CO.VTHE    LIXOIS    ET    LES   RÈGLEAIEIVTS     321 

(ju'ils  n'étaient  pas  officiers  supérieurs  :  l'un  était  capitaine  et 
l'autre,  lieutenant.  Je  n'avais  pas  prévu,  à  Paris,  cette  exception 
singulière,  car  j'aurais  demandé  qu'il  fût  donné  pour  eux  une 
indemnité  au  contre-amiral  qui  fit  valoir,  à  leur  égard,  les  règle- 
ments. Avec  les  dix  passagers,  il  faut  le  compter  et  ses  deux  adju- 
dants, ainsi  que  le  capitaine  du  vaisseau  et  son  second,  le  capitaine 
de  frégate  Vrignaud,  le  meilleur  et  le  plus  capable  de  tous  les  offi- 
ciers de  la  marine  qui  étaient  à  bord.  Enfin,  le  nombre  dix-sept 
était  complété,  chaque  jour,  par  deux  invités  qui  venaient  prendre 
leur  part  d'un  dîner  qui  ne  valait  guère  mieux  que  celui  dont  on 
les  dérangeait  :  car  l'officier  de  la  marine  chargé  de  pourvoir  à  la 
subsistance  des  passagers  admis  à  la  seconde  table  n'avait  pas 
non  plus  très  bien  pourvu  aux  approvisionnements;  mais,  du 
moins,  il  pouvait  s'excuser  sur  ce  que  l'indemnité  accordée  pour 
ses  bôles  était  loin  d'égaler  celle  que  le  contre-amiral  avait  reçue 
pour  les  siens,  auxquels  il  avait  bien  soin  d'anuoncerque  certaines 
choses  servies  sur  la  table  devaient  y  reparaître  tel  nombre  de  fois. 

Son  vin  ordinaire  allait  de  pair  avec  le  reste,  et  l'extraordinaire, 
qu'il  était  allé  chercher  au  meilleur  marché  et  dont  il  offrait 
quelques  bouteilles,  était  de  la  plus  mauvaise  qualité.  Mais  heu- 
reusement que  je  pus  y  suppléer  par  une  partie  de  celui  quej'avais 
fait  embarquer  pour  mon  usage  à  Pondicliéry. 

Lorsque  nous  fûmes  par  la  iiauleur  des  Canaries,  la  Belle-Poule 
se  sépara  de  la  division  pour  nous  précéder  au  Cap  de  Bonne- 
Espérance.  Quelques  jours  de  calme  nous  contrarièi-ent  pour  pas- 
ser la  ligne  équinoxiale.  Il  ne  tombait  pas  de  pluie,  et  l'excessive 
chaleur  faisait  beaucoup  souffrir  de  la  soif  ceux  qui  n'avaient  que 
leur  ration  d'eau.  Quelques  soldats  crurent  pouvoir  se  désaltérer 
avec  de  l'eau  de  mer,  mais  ils  en  furent  très  incommodés. 

Dès  que  je  fus  informé  que  l'on  souffrait  beaucoup  d'être  privé 
d'un  supplément  d'eau,  j'avais  demandé  au  contre-amiral  d'en 
ordonner  la  distribution  :  il  m'avait  opposé  les  règlements.  Je  lui 
avais  fait  quebjues  observations  que  j'avais  cru  suffisantes  pour 
l'engager  à  passer  outre,  et  j'avais  cru  l'avoir  déterminé.  Mais 
cette  distribution  n'ayant  point  eu  lieu,  je  lui  renouvelai  plus  vive- 
ment ma  réclamation.  Je  lui  dis  que  les  hommes  ne  devaient 
point  souffrir  d'une  soif  extrême  qui  en  contraignait  quelques-uns 
ci  vouloir  l'apaiser  avec  de  l'eau  de  mer,  quand  il  n'y  avait  pas 
II  21 


322      MEMOIRES   ET   JOURNAUX   DU   GENERAL   DECAEiY 

nécessité  absolue  de  s'en  tenir  à  la  stricte  exécution  de  ses  rèjjle- 
mcnts;  d'ailleurs,  qu'il  y  avait  à  bord  beaucoup  plus  d'eau  qu'il 
n'en  fallait  pour  arriver  jus()u'au  Cap  de  Bonne-Espérance,  où  il  la 
remplacerait  si  facilement;  et  que,  (|uand  bien  même  il  n'y  aurait 
que  le  nécessaire,  on  ne  devait  pas  refuser  ce  supplément,  sauf  à 
le  retrouver  soit  par  la  pluie  (|ui  tomberait,  soit  en  diminuant  la 
ration  ordinaire,  si  cela  devenait  indispensable,  lorsque  nous 
aurions  atteint  une  latitude  où  la  clialeur  ne  mettrait  plus  les 
hommes  dans  l'état  de  souffrance  où  ils  étaient  et  qu'on  pouvait 
calmer  et  faire  cesser  par  quelques  gouttesd'eau  que  je  demandais 
de  leur  faire  distribuer. 

Ces  nouvelles  remontrances  eurent  leur  effet.  On  donna  de  l'eau 
en  quelque  sorte  à  discrétion,  pendant  plusieurs  jours,  et  la  con- 
sommation qu'exigea  ce  supplément  ne  fut  pas  considérable.  Je 
crois  que  la  privation  contribue  à  exciter  le  besoin,  lorsqu'on  pense 
que  ceux  qui  peuvent  contribuer  à  le  satisfaire  en  ont  les  moyens, 
mais  qu'ils  s'y  refusent  par  mauvaise  volonté. 

Le  soixantième  jour  de  notre  départ  de  Brest,  nous  étions  en  vue 
du  Cap  de  Bonne-Espérance.  Xous  ne  pouvions  pas,  dans  cette  sai- 
son, jeter  l'ancre  à  Table  Bay,  près  de  la  ville.  On  fit  donc  route 
pour  doubler  le  cap,  afin  d'aller  dans  la  baie  de  False  où  nous 
n'entrâmes  que  le  soixante-quatrième  jour.  Avant  d'atteindre  le 
mouillage  de  Simon's  Bay,  nous  fûmes  au  moment  d'être  jetés  à  la 
côte  par  l'ignorance  du  contre-amiral  et  de  ses  officiers  sur  la  loca- 
lité, et  nous  ne  fûmes  préservés  de  ce  danger  que  parce  qu'lieu- 
reusement  le  vent  changea  subitement  et  on  ne  peut  pas  plus  à 
propos. 


CHAPITRE  m 

Decaen  débarque  et  te  rend  au  Cap.  —  Le  gouverneur  du  Cap,  Janssens,  est  en  vojaçje 
dans  l'intérieur  de  la  colonie.  —  Decaen  va  visiter  le»  vignobles  de  Constance.  —  Les 
militaires  ayant  causé  quelques  désordres  à  Simon's  Baj,  Linois  leur  défend  de  des- 
cendre à  terre.  —  Decaen  trouve  celle  défense  excessive.  —  Il  prie  Linois  de  révo- 
quer son  ordre.  —  Un  rapport  de  Decaen  au  ministre  de  la  Marine  sur  l'Inde.  — 
D'autres  noies  politiques  de  Decaen  sur  la  colonie  du  Cap.  —  Nouvelle  d'une  prochaine 
rupture  entre  la  France  et  l'Angleterre  —  Cependant  Decaen  ne  peut  y  croire  — 
Noies  détaillées  sur  le  Cap.  —  Conquête  des  Anglais.  —  Reprise  de  possession  du  Cap 
par  les  Hollandais.  —  Rôle  de  l'agent  anglais  Pringle.  —  Les  fonctionnaires  hollan- 
dais.—  Le  capitaine  du  transport  la  Càte-d'Or  se  plaint  des  officiers  passagers.  —  Les 
hommes  ayant  caust*  du  scandale  dans  une  escale  à  Ténériffc,  Decaen  prie  Vandermaë- 
sen  de  séiir.  —  L'expédition  quitte  le  Cap  de  Bonne-Espérance.  —  Les  amours  et  le 
mariage  de  l'évéque  Talleyrand.  —  Un  amusant  incident  égaie  la  traversée.  ^  Linois 
fait  des  économies  sur  ses  pensionnaires.  —  L'expédition  en  vue  di;  l'île  de  France.  — 
Linois,  se  retranchant  derrière  ses  ordres,  refuse  de  communiquer  avec  la  terre.  — 
Arrivée  de  Decaen  devant  Pondichéry.  —  La  frégate  la  Belle-l'oulc  s'y  trouve  déjà, 
mais  encadrée  entre  deux  vaisseaux  anglais.  —  Inquiétudes  de  Decaen. 

Le  Marengo  ne  fut  pas  plus  lot  à  l'ancre  que  le  contre-amiral, 
qui  craignait  de  faire  trop  de  dépense  à  nous  donner  quelques 
vivres  rafraicliissants,  me  demanda  si  je  me  proposais  de  bientôt 
descendre  à  terre.  Je  lui  répondis  que,  puis(jue  nous  devions  faire 
quelques  jours  de  relâche,  je  n'y  descendrais  probablement  que  le 
surlendemain,  le  21  floréal,  parce  que  j'irais  de  suite  à  Table  Bay 
où  j'allais  envoyer  à  l'avance  me  préparer  un  logement.  Il  ne  fut 
pas  joyeux  de  celle  réponse.  Néanmoins,  il  fît  les  choses  grande- 
ment pour  le  déjeuner  :  on  ajouta  au  service  ordinaire  quelques 
radis  et  deux  œufs  pour  chacun  des  convives;  mais  il  ne  manqua 
pas  de  leur  apprendre  que  les  œufs  frais  étaient  hors  de  prix  à  False, 
puisqu'il  avait  fallu  les  payer  dix  liards  pièce.  Je  ne  donne  ces  dé- 
tails que  pour  m'amuser  des  souvenirs  qui  me  sont  restés  de  son 
incomparable  ladrerie,  en  attendant  que  j'aie  à  raconter  des 
choses  beaucoup  plus  intéressantes. 

Le  lendemain  de  l'arrivée,  une  partie  des  troupes  et  des  é(|ui- 
pages  ayant  été  autorisés  de  descendre  à  terre,  quelques-uns  d'entre 


32V      MiaiOIHKS   ET  JOL'RXAUX    DU   GEXERAL   DECAEN 

eux  y  firent  (|uelques  soltiscs.  Dos  plaintes  ayant  été  portées,  je 
prescrivis  d'infliger  une  punition  aux  délinquants  qui  étaient  mili- 
taires, et  j'ordonnai  des  dispositions  qui  réglaient  le  nombre  de 
ceux  qui  pourraient  chaque  jour  descendre  à  terre  pendant  la  durée 
de  la  relâche  (les  officiers  pouvaient  y  aller  selon  leur  volonté), 
ainsi  que  les  mesures  à  prendre  à  terre  pour  le  maintien  du  bon 
ordre;  et  je  donnai  communication  au  contre-amiral  de  ce  que 
j'avais  ordonné,  eu  l'invitant  de  faire,  de  son  côté,  ce  qu'il  jugerait 
convenable  relativement  aux  hommes  des  équipages. 

Je  quittai  ensuite  le  Marengo  avec  ma  famille  et  mes  aides  de 
camp  pour  nous  rendre  à  Simon's  Bay  où  nous  dinàmes  et  passâmes 
la  nuit;  et  le  22,  dès  le  matin,  nous  nous  mimes  en  roule  sur  des 
voitures  du  pays  attelées  chacune  de  huit  chevaux,  selon  l'usage, 
qui  nous  menèrent  avec  célérité  à  la  ville  du  Cap.  Nous  descen- 
dîmes à  la  maison  de  la  famille  française  Delaître,  où  mon  loge- 
ment avait  été  disposé,  parce  qu'au  Cap  de  Bonne-Espérance  il  n'y 
avait  point  d'auberges  et  que  ses  habitants  se  faisaient  un  plaisir 
de  douuer  l'hospitalité  aux  voyageurs  et  de  les  bien  héberger  et 
alimenter  moyennant  une  raisonnable  rétribution  pour  le  temps 
de  la  résidence. 

Le  général  Janssens  était  en  voyage  dans  l'intérieur.  Je  fus 
présenter  mes  hommages  à  Madame  et  faire  une  visite  à  W.  Demist, 
commissaire  général  chargé  de  l'organisation  de  la  colonie.  JVous 
n'eûmes  qu'à  nous  féliciter  de  l'excellent  accueil  qu'on  s'empressa 
de  nous  témoigner.  Ou  nous  j^dounaj  plusieurs  fêtes  cà  la  ville  et  à  la 
campagne.  Xous  allâmes  aussi  à  Constance.  .\I.  Klontz,  propriétaire 
du  vignoble  qui  produit  ce  vin  délicieux  si  renommé,  nous  fit  la 
meilleure  réception  :  il  nous  engagea  à  visiter  sa  belle  cave  ainsi 
(jue  ce  précieux  mais  très  petit  vignoble  avec  lequel  il  remplit  ses 
tonneaux  :  on  a  voulu  l'accroître  eu  plantant  de  la  même  vigne 
sur  les  terrains  contigus,  mais  on  n'y  récolte  que  des  vins  d'une 
qualité  inférieure,  ainsi  que  dans  les  autres  endroits  où  l'on  a 
cherché  à  recueillir  de  ce  vin  de  Constance  de  première  qualité. 

Je  fis  l'acquisition  de  quelques  alverames  [?j  (l'alverame  contient 
80  bouteilles)  de  rouge  et  d'autres  de  blanc,  — je  donne  la  préfé- 
rence au  dernier,  —  au  prix  de  75  piastres  l'uue.  Nous  fûmes 
ensuite  visiter  le  propriétaire  Colins,  (|ui  récolte  aussi  du  vin  de 
Constance.  Après  son  bon  accueil,  il  nous  montra  ses  vignes  et  ses 


LETTRE    DE    DECAEV   A   LIXOIS  325 

tonneaux, et  nous  engagea  de  goûter  ses  vins  excellents.  J'en  ache- 
lai  deux  alverames,  mais  au  prix  de  60  piastres  l'une,  attendu  la 
diflerence  avec  le  vrai  Constance  :  néanmoins  il  en  vendit  une 
plus  grande  quantité  que  M.  Klontz  à  des  personnes  de  ma 
société. 

Cependant,  toutes  ces  agréables  distractions  ne  m'empêchèrent 
pas  de  faire  quelques  observations,  ainsi  que  de  prendre  et  de  faire 
prendre  divers  renseignements  dont  il  sera  question  plus  loin.  Il 
faut  auparavant  dire  que,  dès  le  jour  de  mon  arrivée  à  la  ville,  je 
fus  informé  que  le  contre-amiral  avait,  depuis  mon  départ,  refusé 
l'autorisation  de  transporter  à  terre  les  militaires  qui  devaient  y 
descendre,  tandis  que  les  marins  continuaient  à  jouir  de  cette  fa- 
veur. Je  reçus  aussi  une  lettre  dans  laquelle  il  me  faisait  part  de 
sa  résolution  et  de  ses  motifs.  Alors  je  lui  mandai  ce  (|ui  suit  : 

J'ai  vu,  par  votre  lettre,  que  vous  aviez  prononcé,  d'aprôs  la  demande 
du  commandant  des  troupes  bataves  h  Simon's  Bay,  la  défense  de  descendre 
à  terre.  Cette  défense  est  bien  rigoureuse  si  elle  est  sans  exception  pour 
aucun  des  passagers  et  surtout  si,  comme  me  Va  rapporté  le  général  V'an- 
dermaësen,  votre  ordre  annonce  que  les  hommes  des  équipacjes,  n'ayant 
point  pris  part  aux  désordres  qui  ont  eu  lieu,  ne  sont  point  compris  dans 
celte  mesure. 

Je  ne  vous  dirai  pas  que,  par  le  résultat  d'un  examen  fait  de  la  con- 
duite des  uns  et  des  autres,  on  aurait  certainement  trouvé  que  les  hommes 
des  équipages  descendus  à  terre  ont  aussi  fourni  des  ivrognes  et  des  tapa- 
geurs; mais  je  vous  observerai  qu'un  ordre  qui  établit  une  telle  distinc- 
tion peut  très  bien  ronqire  les  liens  qui  tenaient  en  harmonie  les  équi- 
pages et  les  troupes,  ce  qui  serait  bien  plus  désagréable  que  l'infraction  à 
la  discipline  par  quelques  hommes  ivres  de  mauvaises  boissons. 

Il  est  vrai  que  tous  les  délits  commis  à  bord,  sans  distinction  de  per- 
sonne sont  réprimés  d'après  les  lois  maritimes.  Mais  la  circonstance  pré- 
sente n'offre-t-elle  pas  quelque  exception?  Le  délit,  s'il  en  existe  qui 
puisse  entraîner  peine  afflictive,  a  été  commis  à  terre  :  je  crois  donc  que 
ceux  qui  en  sont  soupçonnés,  dépendant  directement  de  l'autorité  qui 
m'est  confiée,  doivent,  dans  ce  cas,  y  être  soumis;  car  je  ne  pense  pas, 
comme  vous,  que  tous  les  individus  embarqués  pèsent  sur  voire  responsa- 
bilité ;  q\.  ]  en  ai  toujours  été  tellement  convaincu  que  j'ai  fait  ce  que  les 
circonstances  m'ont  prescrit.  L'ordre  du  jour  dont  je  vous  adresse  de  nou- 
veau copie  vous  en  fournira  une  nouvelle  preuve.  Je  pense  que,  d'après 
cette  petite  explication,  à  laquelle  je  me  suis  cru  obligé,  votre  ordre  d'hier 
n'aura  pas  tout  son  effet,  car  il  arriverait  (pie  le  plus  grand  nombre 
d'hommes  descendus  à  terre,  et  beaucoup  d'autres  qui  n'y  sont  pas  encore 
allés,  seraient  privés  d'un  agrément  salutaire. 


326      MEMOIRES   ET   JOIR.VAIX   DU   GEXERAL   DECAEM 

Anssilùt  la  ivccption  de  colle  réponse,  le  eonlrc-aniiial  révoqua 
son  ordre  trop  sévère  et  (|iii  n'était  pas  é(jiiitable,  et  les  disposi- 
tions (|ne  j'avais  prescrites  ayant  été  bien  exécutées,  il  n'y  eut 
plus  de  plaintes. 

I.e  contre-amiral  m'ayant  prévenu  qu'il  y  avait,  sur  la  rade  de 
Simon's  IJay,  un  navire  danois  auquel  il  croyait  pouvoir  confier 
ses  dépêches  pour  le  ministre,  et  que  les  préparatifs  pour  la  con- 
tinuation de  notre  voyage  ne  tarderaient  pas  à  être  terminés, 
et  donné  eu  même  temps  quelques  nouvelles,  je  lui  écrivis,  le 
2G  floréal  : 

Je  vous  remercie,  mon  cher  général,  de  la  note  que  vous  aviez  jointe  ù 
votre  lettre,  que  j'ai  reçue  aujourd'hui. 

D'après  vos  conjectures  sur  la  Belle-Poule,  il  faudra  bien  prendre  le 
parti  de  coiitiinier  notre  voyage  sans  l'attendre  plus  longtemps,  c'esl-à- 
dire  ne  pas  retarder  plus  que  l'époque  que  vous  présumez  suffisante  pour 
que  l'eau  et  les  provisions  soient  faites,  d'autant  mieux  que  les  nouvelles 
que  vous  m'annoncez  et  qui  me  confirment  celles  qui  m'avaient  été  déjà 
très  assurées,  mais  dont  j'attends  de  plus  grands  détails,  nécessitent  notre 
plus  pronq)te  apparition  à  cause  des  motifs  que  je  vous  communiquerai 
lorsque  j'aurai  le  plaisir  de  vous  voir,  ce  que  j'espère  pour  le  29  au  plus 
tard,  .levais  aussi  avoir  terminé  ma  corresjiondance  avec  le  ministre,  que 
mou  séjour  ici  rendra  un  peu  étendue,  et  je  la  remettrai,  comme  vous,  au 
Danois  qui  est  eu  rade.  Cependant,  j'aurais  désiré  avoir  une  occasion  plus 
nronqite  et  même  plus  sure. 

Après  avoir  fait  nos  adieux  et  nos  remerciements,  surtout  à 
Mme  Janssens,  nous  quittâmes  la  ville  du  Cap  de  Bonne-Espérance 
le  jour  précité,  pour  retourner  à  Simon's  Bay;  et  le  lendemain,  je 
fermai  ma  dépêche  pour  le  ministre  de  la  Marine,  datée  du  Ma- 
rengo,  en  rade  de  False  Bay,  le  30  floréal  an  XI.  En  voici  le 
contenu  : 

ClTOVEX    MiXISTBE, 

.l'ai  l'honiieur  de  vous  annoncer  que,  le  10  floréal,  soixante-quatrième 
jour  de  notre  départ  de  Brest,  le  vaisseau  le  Maretigo  et  la  frégate  la 
Sémillante  ont  mouillé  dans  la  rade  de  Simon's  Bay.  Dès  le  15,  nous 
avions  reconnu   le  cap  de  Bonne-Espérance. 

La  traversée  a  été  on  ne  peut  pas  plus  heureuse.  Le  contre-amiral  Liuois 
vous  eu  donnera  les  détails,  .['ajouterai  seulement  que  nous  n'avons  eu  de 
maladies  que  quelques  indispositions. 

Il  me  serait  inlinimeut  agréable  de  pouvoir  vous  donner  d'aussi  bonnes 


RAPPORT   AL    MINISTRE    DE    LA   MARIXE  327 

nouvelles  de  toute  la  division  ;  mais,  depuis  la  soitie  de  Brest,  les  trans- 
ports la  Côle-d'Or  et  la  Marie-Françoise  sont  restés  ignorés. 

La  I régate  VAlalante  était  aussi  restée  constamment  séparée;  mais  nous 
l'avons  trouvée  au  mouillage  de  Simon's  Bay  où  elle  était  du  jour  précédant 
notre  arrivée. 

Le  général  Montigny  est  k  bord  de  cette  frégate;  sa  santé,  altérée  par 
les  suites  de  l'accident  qui  lui  a  fait  perdre  un  doigt,  devient  de  jour  en 
jour  meilleure.  Ce  général  vous  a  instruit  lui-même  de  cet  accident,  lors 
de  sa  relâche  à  Sao  Tliiago.  Au  reste,  cette  frégate  a  aussi  été  très  heureuse 
dans  son  voyage. 

Selon  vos  instructions,  citojen  ministre,  la  frégate  la  Belle-Poule,  à 
bord  de  laquelle  est  le  préfet,  qui  devait  nous  précéder  tant  au  Cap  de 
Bonne-I'spérance  qu'à  Pondichéry,  reçut  l'ordre  de  se  séparer  de  la  divi- 
sion le  19  germinal.  X'ous  nous  trouvions  alors  par  la  hauteur  des  Cana- 
ries ;  mais  la  lielle-Poule  n'a  pas  encore  paru  ;  et  nous  nous  trouve- 
rons sans  doute  obligés  de  quitter  ces  parages  sans  en  avoir  de  nouvelles. 
J'en  aurais  encore  beaucoup  plus  d'inquiétude  si  le  contre-amiral  ne  pré- 
sumait pas  que,  contrariée  par  les  vents,  cette  frégate  aurait  été  empêchée 
de  venir  à  l'un  ou  à  l'autre  mouillage  du  Cap  de  Bonne-Kspérance,  ce 
qu'elle  avait  cependant  ordre  de  faire  puisque,  entre  autres  choses,  on  devait 
laisser  au  Cap  un  agent  provisoire  en  attendant  le  citoyen  Broussonet, 
nommé  à  cette  place;  et  que  le  préfet  devait  y  faire  les  dispositions  que 
vous  lui  avez  prescrites,  tant  pour  fournir  aux  besoins  que  la  relâche  pour- 
rait nécessiter  que  pour  ceux  des  bâtiments  de  la  deuxième  division  qui, 
j'aime  à  le  croire,  ne  sont  pas  éloignés  d'arriver.  Autrement  ce  serait 
encore  une  contrariété  fort  désagréable,  puisque  beaucoup  d'objets  de  pre- 
mière nécessité  pour  notre  établissement  sont  restés  pour  être  chargés  sur 
ces  bâtiments,  vu  que  ceux  de  la  premii-re  division  n'avaient  pu  les  con- 
tenir. 

J'avais  pris  le  parti  de  désigner  un  oflicicr  supérieur  pour  accompagner 
le  préfet,  afin  de  traiter,  dès  son  arrivée  à  la  côte  de  Coromandel,  de  la 
remise  de  Pondichéry,  et  à  cet  effet,  je  lui  avais  remis  une  lettre  pour  le 
gouverneur  des  établissetnents  anglais,  avec  celle  à  son  adresse  dont  vous 
m'aviez  chargé  en  me  donnant  vos  derniers  ordres.  Kntre  autres  motifs 
qui  m'avaient  fait  prendre  ce  parti,  lequel  je  crois  que  vous  trouverez 
convenable,  c'était  celui  de  ne  point  être  retardé,  pour  le  débarquement  des 
troupes,  aussitôt  leur  arrivée,  par  des  délais  que  pourrait  entraîner  la 
reprise  de  possession.  Je  joins  copie  de  la  lettre  écrite  au  gouvernement  de 
Calcutta,  et  des  instructions  données  à  l'adjudant  général  Binot.  La  non 
apparition  de  la  Belle-Poule  au  Cap  de  Bonne-Espérance  me  fait  craindre 
qu'elle  ne  soit  en  retard  pour  l'evécution  des  premières  dispositions. 

Conformément  à  vos  ordres,  j'ai  adressé  au  général  Magallon  le  paquet 
que  vous  m'aviez  envoyé  pour  lui.  J'ai  profité  du  départ  de  la  goélette 
V Aigle,  venant  de  Marseille,  du  port  de  70  tonneaux,  seule  occasion  que 
j'aie  trouvée  pour  l'ile  de  France. 


328      MEMOIRES    ET   JOLRX'AUX   DU   GÉXÉRAL   DECAEX 

Lorsque  ce  rapport  vous  parviendra,  vous  aurez  sans  doute  été  informé 
directement  qu'un  envoyé  de  l'iman  de  Mascate  était  venu  à  l'ile  de  France, 
où  il  était  arrivé  le  16  pluviôse  dernier;  que  l'objet  de  sa  mission  était  de 
demander  l'amitié  du  ,q[ouvernement  français  et  des  secours  en  hommes, 
armes  et  munitions,  parce  que  l'iman  craignait  les  Anglais;  que  cet  envoyé 
avait  fait  présent,  de  la  part  de  l'iman,  de  plusieurs  chevaux  arabes,  et 
qu'après  avoir  resté  un  mois  à  l'île  de  France,  où  il  avait  été  fort  bien 
traité,  il  était  reparti  pour  Mascate,  très  satisfait,  emportant  avec  lui  des 
canons  de  divers  calibres.  Je  tiens  ce  rapport  du  capitaine  du  navire  le 
Mentor,  de  Bordeaux,  en  relâche  actuellement  à  False  Bay  d'où  il  doit 
se  rendre  au  Sénégal. 

En  adressant  votre  lettre  au  général  Magallon,  je  l'ai  invité  à  me  faire 
connaître  quel  avait  été  l'objet  de  la  démarche  qu'avait  fait  faire  l'iman  de 
Mascate,  en  le  prévenant  que  je  devais  envoyer  un  commissaire  des  rela- 
tions commerciales  auprès  de  lui,  afin  que  je  puisse,  vu  cette  démarche, 
prescrire,  plus  particulièrement  qu'on  n'avait  pu  le  faire  en  Europe,  la  règle 
de  conduite  qu'on  doit  tenir  à  Mascate. 

Le  capitaine  du  Mentor  a  aussi  rapporté  qu'on  était  très  tranquille 
à  l'île  de  France,  mais  que  les  affaires  commerciales  y  étaient  dans  un  très 
mauvais  état  ;  que  les  marchandises  de  l'Inde  y  étaient  ;'i  très  haut  prix  ; 
qu'il  y  avait  des  projets  d'armements  pour  divers  endroits  de  celte  partie 
du  monde,  mais  que  la  crainte  de  la  guerre  faisait  suspendre  toutes  les 
opérations.  La  nouvelle  de  l'arrivée  de  la  division  va  rassurer  à  cet  égard. 
J'ai  en  outre  annoncé  au  général  Magallon  que  j'espérais  arriver  à  la  côte 
de  Coromandel  pour  la  fin  de  juillet.  On  nous  fait  même  espérer  que  nous 
y  serons  plus  tôt,  parce  que  la  mousson  nous  est  favorable.  J'ai  aussi 
invité  ce  général  d'en  prévenir  le  commerce. 

A  ces  nouvelles  de  l'ile  de  France,  se  réunit  celle  du  retour  du  bataillon 
qui  était  à  Batavia.  Mais  une  nouvelle  d'une  très  haute  importance  et 
dont  le  Premier  Consul  est  sans  doute  déjà  informé,  puisqu'un  bâtiment 
anglais  a  été  expédié  pour  l'annoncer  au  cabinet  de  Saint-James,  c'est  la 
guerre  entre  les  Mahrattes  et  les  Anglais  :  guerre  qu'on  attribue,  d'une 
part,  à  l'extrême  ambition  de  lord  VVellcsley;  et  de  l'autre,  à  la  crainte 
que  les  Français,  retournant  dans  l'Inde,  n'eussent  le  projet  de  rechercher 
1  alliance  des  Mahrattes  pour  agir  de  concert  contre  la  puissance  anglaise. 

Il  est  possible  encore  que  la  régence  de  Bombay,  jalouse  d'égaler  en 
puissance  et  en  gloire  les  deux  autres  présidences,  et  qui  convoitait  depuis 
longtemps  le  (îuzarate,  dont  la  possession  la  rendrait  au  moins  égale  aux 
deux  autres,  n'ayant  pu  trouver  le  moyen  d'arriver  à  son  but,  pendant 
1  existence  de  \annah-Furnaveze,  un  des  ministres  les  plus  habiles  qu'ait 
fournis  l'Hindoustan,  et  auquel  sont  dus  en  grande  partie  les  progrès  de  la 
nation  confédérée  qu'il  dirigeait,  que  cette  régenoe  ait  saisi  l'occasion  de 
la  mort  de  ce  ministre  pour  donner  un  nouveau  développement  à  .sa  poli- 
tique. 

Holkar  et  Scindiah    étaient  puissants  ;  ils  étaient  même  redoutés  des 


RAPPORT    Al    AIIIVISTRK    DE    LA   MARIXR  329 

Anglais;  mais  on  savait  qne  Scindiah  avait  l'ambition  de  remplacer  Xannah- 
Furnaveze  au  niinistôrc  de  Poonah  (1),  et  l'opposition  qu'y  mettait  Holkar. 
Rien  ne  pouvait  donc  être  plus  favorable  que  de  telles  circonstances  ou  de 
tels  prétextes  pour  faire  accéder  le  marquis  de  Wellesley  au  but  qu'on  s'était 
proposé  ;  on  a  donc  entretenu  la  mésintelligence.  Enfin  tout  a  été  telle- 
ment conduit  que  Holkar  et  Scindiab  en  sont  venus  aux  mains  à  quelques 
milles  de  Poonah,  où  leurs  deux  armées  s'étaient  rassemblées,  pour  faire 
valoir  leurs  prétentions.  Scindiah  a  été  tellement  battu  que  Ir»  Peschwah,  qui 
est  revêtu  du  titre  de  chef  de  la  confédération  et  qui  n'est  réellement  qu'un 
mannequin  au  nom  duquel  tous  les  actes  d'autorité  sont  faits,  et  qui  était 
protégé  par  Scindiah  qui  prétendait  être  son  ministre,  a  été  obligé  de  fuir 
de  Poonah,  et  de  se  sauver  à  Basain  (2),  sous  la  protection  des  Anglais  qui, 
dès  lors,  se  sont  déclarés  ouvertement  pour  Scindiah,  et  ont  fait  avec  lui  un 
traité  par  lequel  ils  se  sont  obligés  de  faire  régner  le  Pesciuvah  cpi'ils  ont 
maintenant  sous  leur  protection;  d'aider  de  tous  leurs  moyens  Scindiah 
pour  combattre  Holkar,  aux  conditions  qu'ils  auront,  pour  leur  part  des 
fruits  de  cette  guerre,  la  possession  entière  du  Guzarate  ;  qu'il  y  aura  une 
garnison  anglaise  de  10000  hommes  dans  Poonah  ;  enfin  que  la  province 
de  Cattak,  qui  sépare  leurs  possessions  du  Bengale  de  celle  de  la  côte 
d'Orissa,  leur  sera  remise  en  toute  propriété. 

Toutes  réflexions  que  je  me  permets  de  faire  en  ce  moment,  c'est  que  le 
retour  du  pavillon  français  dans  les  mers  de  l'Inde,  si  notre  traversée  est 
courte,  peut  contribuer,  par  l'effet  seul  du  hasard,  à  faire  une  diversion 
avantageuse  en  faveur  de  Holkar,  parce  que  les  Anglais,  qui  sont  naturel- 
lement ombrageux  de  leur  haute  puissance,  ne  se  dégarniront  peut-être 
pas  autant  qu'ils  l'auraient  fait  si  nous  étions  encore  éloignés,  pour  réunir 
plus  de  moyens  et  donner  suite  à  leurs  projets  pour  la  fin  desquels  il  ne 
leur  manque  plus  qu'une  scène  à  jouer,  celle  de  détruire  Holkar.  Sans 
m'écarter  de  la  marche  qui  m'est  tracée,  aussitôt  mon  arrivée  à  la  côte 
Coromandel,  et  même  plus  tôt,  si  les  circonstances  me  le  permettent  ou 
quelques  nouvelles  avantageuses  m'y  engagent,  je  me  bâterai  d'expédier 
pour  Surate  :  c'est  maintenant  le  point  le  plus  intéressant  pour  avoir  des 
nouvelles,  puisque  c'est,  à  n'en  plus  douter,  dans  cette  partie  de  l'Hindous- 
tan  que  la  compagnie  anglaise  va  s'élever  au  plus  haut  degré  au([uel  son 
ambition  ait  pu  prétendre,  ou  préparer  sa  chute.  De  telles  circonstances, 
citoyen  ministre,  me  font  apprécier  de  plus  en  plus  combien  serait  utile  un 
nombre  de  bâtiments  légers  pour  être  employés  à  se  porter  avec  célérité 
sur  les  points  intéressants;  et  dès  ce  moment,  si  la  division  avait  une  cor- 
vette, on  n'aurait  pas  pu  l'employer  plus  utilement  que  de  la  faire  partir 
de  suite  pour  la  côte  Malabar  et  le  golfe  de  Cambay. 

J'ai  profité  du  séjour  de  la  division  à  la  baie  de  False  pour  aller  visiter 
a  ville  du  Cap  de  Bonne-Kspérance,  rendue  aux  Hollandais,  le  17  février 

(1)  Ou  Poona. 

(2)  Ou  Bassein. 


3:}0      MEMOIRES    l'T   JOl  R\^ALX    1)1    GKXERAL   DECAEX 

dernier.  J'ai  êU'  fort  bien  reçu  du  commissaire  général  charjjé  de  l'organi- 
sation de  la  colonie,  et  du  gouverneur  par  intérim,  le  gouverneur  Jans- 
sens  étant  allé  depuis  un  mois  dans  l'intérieur  du  pays  pour  rétablir  l'bar- 
nionie  entre  les  Cafres  et  les  colons  des  possessions  boUandaises,  qui  sont 
souvent  en  querelle.  Ce  gouverneur,  qui  doit  visiter  toute  la  colonie,  ne 
doit  être  de  retour  que  dans  deux  mois.  Comme  j'ai  beaucoup  à  vous  dire 
sur  cet  établissement  bollandais,  je  joins  des  notes  à  la  présente  à  laquelle 
j'ajoute  que  les  autorités  et  les  babitantsde  la  colonie  ont  montré  beaucoup 
de  prévenance  et  d'obligeance  pour  les  Français. 

Comme,  dans  ce  moment,  il  n'y  a  pas,  en  rade  de  Simon's  Bay,  de  bâti- 
ments destinés  pour  un  port  de  France,  mais  seulement  un  danois  en 
retour  de  Manille  pour  Copenhague,  qui  n'espère  appareiller  que  dans  di\ 
à  douze  jours,  et  une  corvette  hollandaise  qui  ne  doit  être  expédiée  pour 
l'Europe  que  dans  trois  semaines,  je  ne  peux  pas  vous  annoncer  par  quelle 
voie  mes  dépêches  vous  parviendront.  Je  les  laisse  en  duplicata  à  M.  I)u- 
niesny,  capitaine  de  port  à  Simon's  Bay,  dont  le  contre-amiral  vous  entre- 
tient particulièrement;  il  les  remettra  aux  premiers  bàlinienls  qui  appa- 
reilleront, autant  néanmoins  que  les  occasions  seront  sûres... 

Le  capitaine  danois  a  rapporté  qu'à  son  départ  de  Manille,  on  n'avait 
encore  rien  reçu  pour  les  besoins  de  cette  colonie  ;  qu'elle  paraissait  fort 
négligée;  qu'il  n'y  avait  aucun  moyen  de  défense,  surtout  en  approvi- 
sionnements; qu'il  était  présumable  (|u'on  y  trouverait  un  grand  nombre 
de  défenseurs  parmi  les  gens  du  pajs,  mais  qu'il  y  avait  dénuement  d'offi- 
ciers ;  et  que  le  gou veneur  était  très  âgé. 

Il  a  ajouté  que  les  Anglais  n'avaient  rien  entrepris  contre  cette  posses- 
sion de  l'Espagne,  pendant  la  dernière  guerre,  et  qu'il  n'y  avait,  dans  la 
rade  de  Manille,  ni  dans  les  parages,  aucun  bâtiment  de  guerre. 

J'ai  l'honneur  d'être,  etc.. 

Dans  une  lettre  de  même  date  que  la  précédente,  je  dis  au 
ministre  : 

J'ai  l'honneur  de  vous  adresser  particulièrement  une  note  contenant 
quelques  renseignements  sur  les  principaux  agents  du  gouvernement  batave 
au  Cap  de  Bonne-Espérance  ainsi  que  sur  un  M.  Pringle,  lai.ssé  par  les 
Anglais  lors  de  leur  départ,  personnage  qu'il  est  nécessaire  d'éloigner,  à 
cause  de  son  influence. 

J'ai  aussi  l'honneur  de  vous  prévenir  qu'en  causant  avec  le  commissaire 
général  de  l'arrivée  du  citoyen  Broussonet  pour  commissaire  des  relations 
commerciales,  il  m'a  fait  part  de  la  disposition  dans  laquelle  il  était  de  le 
bien  recevoir  quant  à  sa  personne,  mais  qu'il  était  impossible  qu'il  fût 
accueilli  pour  le  titre  que  lui  a  conféré  le  gouvernement  français,  attendu 
que,  depuis  plus  de  deu\  siècles,  les  Hollandais  s'étaient  fait  une  règle  de 
n'avoir  dans  leurs  colonies  aucuns  agents  envoyés  par  les  gouvernemet)ts 
étrangers;  qu'il  tiendrait  à  cette  disposition  si  le  citoyen  Broussonet  ne  lui 
représentait  point  l'aveu  du  gouvernement  batave,  ou  si  lui-même  ne  rece- 


AGISSE  M  I']\TS   AXGLAIS   Al    CAP  331 

vait  point  des  ordres  ù  cet  égard.  11  a  ajouté  qu'en  agissant  ainsi  il  ne 
ferait  que  suivre  le  parti  qu'il  avait  déjà  adopté  envers  ce  M.  l'ringle,  qui 
avait  déjà  fait  plusieurs  démarches  pour  être  reconnu  comme  agent  du 
gouvernement  anglais;  je  laisse  ici  un  mot  à  M.  Broussonet  pour  lui 
annoncer  que  je  vous  informe  delà  difficulté  qu'on  se  propose  de  lui  élever 
lorsqu'il  se  présentera  dans  cette  colonie.  J'ai  l'honneur,  etc.. 

Supplément  à  cette  lettre  : 

Le  commissaire  général  Demist  a  jugé  sans  doute  insulTisant  tout  ce  qu'il 
m'a  dit  dans  notre  conversation  à  l'égard  de  M.  Broussonet  :  il  m'a  remis, 
à  mon  départ,  la  note  dont  je  vous  adres.se  aussi  une  copie.  Je  n'ai  pas  cru 
qu'il  fût  nécessaire  d'y  répondre,  d'autant  mie  i\  qu'il  m'a  paru  inutile 
d'entamer  une  discussion  politique  qu'on  n'aurait  pu  résoudre  ici;  que,  d'un 
autre  côté,  je  n'avais  point  de  rapports  directs  avec  le  Cap  de  Bonne-Espé- 
rance, ni  reçu  de  vous  aucune  instruction  particulière  pour  cette  colonie. 
Je  me  suis  donc  borné  à  faire  apercevoir  au  commissaire  général  que  ce 
M.  Pringle,  qu'il  ne  prétend  considérer  que  conmie  simple  particulier 
chargé  d'affaires  de  commerce,  recevait,  en  public,  de  lui  et  de  plusieurs 
membres  formant  l'autorité,  des  égards  tellement  marqués  que  je  m'étais 
persuadé  qu'il  était  un  agent  accrédité;  que  cette  persuasion  ne  m'était 
pas  seulement  personnelle;  qu'elle  était  partagée  par  beaucoup  d'habitants 
du  Cap;  enfin  que,  lorsqu'on  parlait  de  M.  Pringle,  on  ne  le  qualifiait  pas 
autrement  que  de  commissaire  anglais.  Je  n'ai  pas  non  plus  laissé  ignorer 
à  M.  Demist  que  Pringle  faisait  autre  chose  que  de  recueillir  des  fonds  pour 
ses  commettants;  qu'ujie  de  ses  principales  occupations  était  d'y  répandre 
des  nouvelles  qu'on  lui  adressait  d'Iùirope;  que,  pendant  mon  séjour  au 
Cap,  il  avait  osé  donner  pour  nouvelle  certaine  que  la  guerre  allait  être 
bientôt  déclarée  entre  la  France  et  l'Angleterre;  qu'un  bâtiment  parti  de 
Londres  le  4  mars  lui  avait  annoncé  que,  décidément,  Malte  devait  rester 
aux:  Anglais,  etc..  J'ai  observé  à  .M.  le  commissaire  général  que  ces  nou- 
velles ne  tendaient  qu'à  alarmer  les  colons  et  empêcher  les  relations  com- 
merciales, enfin  à  tenir  dans  l'inquiétude  ces  mêmes  colons  auxquels  il 
faut  des  idées  plus  riantes  sur  l'avenir,  et  qui  les  éloignent  du  désagré- 
ment qu'ils  ont  éprouvé  pendant  la  guerre. 

Je  n'avais  pas  dû  croire  à  la  véracité  de  cette  nouvelle  d'une  pro- 
chaine déclaration  de  guerre,  et  elle  devait  me  paraître  supposée, 
parce  que  le  navire  par  lequel  on  citait  qu'elle  avait  été  apportée 
était  parti  de  Londres  le  -i  mars,  et  que  nous  avions  mis  à  la  voile 
le  5;  et  que  je  devais  penser  que  si,  alors,  il  eut  existé  entre  la 
France  et  l'Angleterre  des  contestations  telles  (|u'on  eût  dû  prévoir 
une  guerre  imminente,  le  départ  de  notre  expédition  aurait  élé 
prudemment  suspendu. 

Ce  qui  avait  contribué  encore  plus  à  ne  pas  me   faire  croire  à 


332      MEMOIRES   ET   JOURNAUX   DU   GEXERAL   DECAEX 

folle  nouvelle,  el  même  à  ne  pas  me  causer  la  moindre  incer- 
titude dans  mon  opinion,  c'était  ce  qu'on  avait  dit  au  sujet  de 
Malte,  attendu  que  j'avais  appris  du  Premier  Consul  que  les  An- 
glais, ayant  élevé  quelques  difficultés  pour  rendre  cette  île  ainsi 
que  le  Cap  de  Bonne-Espérance,  s'étaient  enfin  décidés  à  exécuter 
l'article  du  traité  d'Amiens  concernant  leur  remise,  et  qu'ils  ne 
garderaient  ni  Alalte,  ni  le  Cap  de  Bonne-Espérance;  ainsi,  en 
voyant  qu'ils  avaient  rendu  cette  colonie  aux  Hollandais,  depuis 
que  la  difficulté  élevée  avait  été  aplanie,  je  pouvais  bien  me  per- 
suader que  l'île  de  Malte  devait  aussi  être  rendue  à  la  Russie  qui, 
selon  le  traité  de  paix,  devait  l'occuper. 

Il  n'y  avait  donc  que  des  nouvelles  d'Europe  postérieures  au 
4  mars  et  transmises  autrement  que  celle  qu'on  avait  répandue 
qui  pouvaient  m'apprendre  si  la  guerre  devait  recommencer  et, 
dans  ce  cas,  m'engager  à  prendre  un  parti  :  soit  de  rester  au  Cap 
de  Bonne-Espérance,  soit  d'aller  à  l'île  de  France,  et  d'attendre  a 
l'un  ou  à  l'autre  endroit  de  nouveaux  ordres,  si  j'avais  aperçu  que 
l'expédition  pouvait  être  compromise  en  continuant  notre  voyage 
pour  arriver  à  Pondicliéry. 

A'oies  sur  la  colonie  du  Cap  de  Bonne-Espérance 
adressées  au  Ministre. 

X'ayant  point  eu  le  tenqis  sullisant  pour  acquérir  tout  ce  que  l'on  pou- 
vait désirer  sur  la  totalité  de  la  colonie,  et  que,  d'ailleui's,  on  m'a  assuré 
qu'il  y  avait  eu,  jusqu'à  présent,  fort  peu  de  changement  pour  l'intérieur 
du  pays  depuis  les  derniers  renseignements  qu'on  doit  trouver  dans  nos 
arcliives,  et  particulii-rement  dans  le  voyage  de  John  Barrow,  traduit  de 
l'anglais  par  Grandpré,  ces  notes  contiennent  plus  particulièrement  ce 
qui  est  relatif  à  la  presqu'île,  à  l'état  militaire  et  politique  actuel  de  la 
colonie. 

J'ajouterai  ce  que  j'ai  appris  sur  ce  qui  s'est  passé  lorsqu'elle  est  tombée 
au  pouvoir  des  Anglais,  ainsi  que  pendant  le  temps  qu'ils  l'ont  eue  en 
leur  possession;  enfin  les  causes  pour  lesquelles  elle  n'a  pas  été  restituée 
aux  Hollandais  aussitôt  qu'ils  s'y  sont  présentés. 

La  prescprile,  dont  la  pointe  la  plus  Sud  est  le  cap  de  Bonne-Espérance, 
est  formée  par  la  baie  de  Table  et  la  baie  de  False  qui  ne  laissent  entre 
elles  qu'im  isthme  assez  étroit  qui  ne  présente  qu'une  grève  très  basse  et 
presque  de  niveau,  et  qui  permetti'ait  de  croire  que  la  mer  la  couvrit 
autrefois.  Le  reste  de  la  péninsule  est  traversé,  dans  sa  plus  grande  Ion- 


NOTES   SLR   LA   COLO.MIC   DU   CAP  333 

gueur,  par  une  chaîne  de  montagnes  d'où  se  détachent  différents  con- 
treforts. 

C'est  sur  la  plaj]e  la  plus  Sud  de  la  baie  do  la  Table  qu'est  assise  la 
ville  du  Cap.  A  peu  de  distance  en  arrière,  s'élève,  presque  à  pic,  la  mon- 
tagne de  la  Table  dont  l'extrémité  orientale  n'est  séparée  de  la  montagne 
du  Diable  que  par  un  ravin  étroit  et  de  difficile  accès,  tandis  que  l'extré- 
mité occidentale  laisse  entre  elle  et  la  Tète  du  Lion  un  col  assez  large  et 
très  praticable,  dont  les  pentes,  du  côté  de  la  haute  mer,  conduisent  à  la 
petite  baie  de  Van  Camps. 

Toutes  les  fortifications  permanentes  de  cette  place  consistent  en  une 
forteresse  située  sur  le  bord  de  la  mer,  à  droite  de  la  ville,  et  une  batterie 
casematée  placée  à  sa  gauche... 

Je  ne  cite  pas  tout  le  contenu  du  rapport  sur  la  reconnaissance 
de  ces  fortifications  que  je  fis  faire  par  des  officiers  du  génie  alors 
avec  moi,  et  inséré  dans  mes  notes.  Je  me  borne  à  en  extraire  ce 
qui  suit  : 

...  Cette  forteresse,  appelée  le  château  de  Bonne-Espérance,  est  en 
général  de  fort  mauvaise  défense.  Sa  maçonnerie  a  beaucoup  de  relief  au- 
dessus  de  la  fausse  braie  et  peut  être  ruinée  de  fort  loin. 

Les  bastions  en  sont  très  petits,  et  le  terre-plein  de  la  fausse  braie  est  si 
étroit  qu'on  peut  à  peine  y  manœuvrer  une  pièce.  Les  fossés  ne  sont  ni 
assez  larges  ni  assez  profonds.  Indépendannnent  de  tous  ces  inconvénients, 
elle  est  dominée  à  portée  de  canon  par  une  hauteur  qui  est  un  contrefort 
de  la  montagne  du  Diable. 

L'intérieur  est  occupé  par  des  bâtiments  militaires  et  par  la  maison  du 
gouverneur. 

La  batterie  dite  d'Amsterdam,  construite  à  grands  frais,  avait  été  jugée 
aussi  défectueuse  dans  son  tracé  que  dans  sa  construction 

Après  la  description  de  cet  ouvrage  et  le  développement  des 
causes  de  sa  défectuosité,  il  est  dit,  dans  ce  rapport  : 

Le  mauvais  emplacement  de  cette  batterie  et  son  insuffisance  ont  déter- 
miné les  Hollandais  à  placer  sur  sa  gauche,  en  se  rapprochant  de  l'entrée 
de  la  baie,  une  seconde  batterie  dans  le  terre-plein  de  laquelle  est  un  gril 
à  rougir  les  boulets.  IClle  a  l'avantage  de  voir  l'ennemi  de  plus  loin,  et  de 
l'avoir  plus  longtemps  sous  son  feu.  Cette  batterie  est,  pour  le  moment,  mal 
tenue  et  en  mauvais  état.  Elle  est  construite  en  terre.  Entre  la  batterie 
d'Amsterdam  et  la  ville,  se  trouve  une  première  batterie  de  16  pièces.  Le 
reste  de  la  plage,  jusqu'à  l'entrée  de  la  baie  offre  encore  deux  batteries, 
l'une  de  10  pièces  et  l'autre  de  8. 

A  la  droite  de  la  forteresse  commence  une  ligne  continue,  tracée  en  cré- 


33V      AIKMOIIÎKS   ET   JOUR\AU\    DU   GENERAL   DECAEN 

mailli're  le  long  de  la  haie,  et  garnie  de  canons  de  distance  en  distance.  A 
(300  toises,  à  peu  près,  elle  s'appuie  ù  un  fort  étoile  armé  d'artillerie.  Sa 
direction  devient  alors  perpendicnlaire  à  la  mer;  elle  s'élève  vers  la  mon- 
tagne du  Diable,  et  va  se  terminer  à  un  petit  village  à  600  toises  environ 
du  fort  étoile.  Elle  ne  présente,  dans  cet  espace,  que  des  lignes  droites  flan- 
quées par  des  redans  fermés  à  la  gorge,  formant  des  espèces  de  redoutes 
carrées,  enfilées  par  les  angles  opposés.  Comme  la  droite  de  ces  lignes 
n'aboutit  point  à  la  montagne,  on  a  cherché  à  l'appuyer  par  une  forte  bat- 
terie placée  en  avant  d'elle  sur  la  croupe  d'un  contrefort.  Cette  batterie  a 
un  réduit  palissade  d'un  double  rang  de  palissades  inclinées. 

Les  Anglais  ont  encore  jeté,  en  avant  de  cet  ouvrage,  en  s'élevant  jus- 
qu'au sommet  du  dernier  contrefort  qui  ai)outit  à  la  grève  qui  commu- 
nique de  Kalsc  à  Table  Bay,  quelques  autres  batteries  auxquelles  ils  ont 
ajouté,  pour  la  sûreté  de  leurs  gardes,  des  réduits  en  maçonnerie  appelés 
hloc-haus.  Ils  sont  crénelés  et  la  porte  en  est  défendue  par  des  niûchi- 
coulis  en  bons  madriers  qui  reposent  sur  des  poutrelles  avancées. 

Hors  des  lignes,  en  avant  du  fort  étoile  dont  il  a  été  ([uestion  plus  haut, 
se  trouvent  encore  deuv  batteries  avec  bloc-hnus,  pour  la  défense  du  fond 
de  la  baie;  presque  toutes  ces  différentes  batteries  sont  munies  d'un  gril  à 
rougir  les  boulets. 

Telles  sont  en  partie  les  dispositions  défensives  prises  contre  un  débarque- 
ment effectué  au  fond  de  la  rade  ou  à  False  Bay  ;  elles  supposent  néces- 
sairement l'impossibilité  de  tourner  les  lignes  et,  de  plus,  .une  garnison 
assez  nombreuse  pour  bien  garder  un  développement  aussi  considérable. 
Les  Anglais  paraissent  avoir  senti  cet  inconvénient.  On  remarque,  fort  en 
arrière  des  lignes,  dans  l'espace  compris  entre  la  citadelle  et  la  montagne 
du  Diable,  deuv  grands  bastions  qui  ne  sont  point  terminés,  et  dont  la 
position  annonce  évidemment  l'intention  de  se  concentrer  dans  une  en- 
ceinte plus  resserrée,  à  moins  qu'ils  n'aient  voulu  en  faire  des  points  de 
retraite  ou  de  protectiori  dans  le  cas  où  les  lignes  auraient  été  forcées. 

Ces  lignes,  à  les  considérer  telles  qu'elles  sont,  sans  même  avoir  égard 
à  leur  trop  grand  développement,  paraissent  être  fort  mal  appuyées  à  leur 
droite;  il  serait  facile  de  pénétrer  entre  leur  extrémité  et  la  grande  batterie 
qui  la  protège.  Cette  batterie  elle-même  est  mal  défendue,  et  à  de  trop 
grandes  distances,  par  les  blor.-haus  qui  ne  se  soutiennent  que  faiblement 
entre  eux.  Au  reste,  les  rades  de  False  Bay  et  de  Table  Bay  ne  sont  pas 
les  seuls  points  où  l'on  ait  à  redouter  un  débarquement.  Au  revers  des 
montagnes  se  trouve  la  petite  baie  de  Van  Camps  où  il  serait  facile  de  jeter 
des  troupes  qui  pourraient  pénétrer  par  le  col  qui  se  trouve  entre  la  Table 
et  la  Tètedn  Iiion,ou  hmger  la  côte  et  arriver  derrière  la  croupe,  ou  même 
passer  entre  la  croupe  et  la  Tète  du  Lion.  Ce  point  était  d'une  trop  grande 
importance  pour  échapper  à  la  surveillance  des  Hollandais.  Us  se  sont 
emparés  de  la  position  du  col  par  quelques  batteries  placées  sur  le  revers 
à  différentes  hauteurs,  et  en  ont  établi  deux  autres  sur  la  plage  même.  Ces 
ouvrages  sont  extrêmement  imparfaits. 


NOTES   SUR   LA   COLOXII-]    DU   CAP  335 

Entre  Van  Camps  Bay  et  False  Bay,  il  en  existe  une  autre  appelée 
Hout  Bay.  Klle  est  beaucoup  plus  spacieuse  que  celle  de  V^an  Camps.  Son 
entrée  est  au  sud-est.  11  peut  y  mouiller  di\  vaisseaux,  qui  se  trouvent 
abrités  par  un  croebct  formé  par  la  pointe  ouest.  A  l'extrémité  de  celte 
pointe  est  une  batterie  placée  sur  la  côte  de  l'est.  Cette  baie  se  trouve  ren- 
fermée entre  deux  cbaines  de  montagnes  qui  la  séparent  de  l'an  Camps  Bay 
et  de  False  Bay.  La  première  chaîne  n'a  point  de  débouchés  dans  la  baie 
de  V^an  Camps.  Les  communications  de  la  seconde  descendent  dans  la  vallée 
qui  se  trouve  entre  le  défilé  de  Aluizenberg  et  l'extrémité  du  bassin  de 
Constance.  lies  batteries  dont  cette  anse  est  armée  sont  insuffisantes  pour 
empêcher  un  débarquement:  mais  le  col  qui  forme  la  communication  dont 
nous  venons  de  parler  doit  offrir  une  position  aisée  à  défendre,  ce  qui  de- 
viendrait plus  facile  encore  si  l'on  choisissait  pour  position  centrale  l'em- 
placement d'un  ancien  camp  anglais  qu'on  juge  comme  la  position  la  plus 
convenable  à  occuper  pour  un  corps  mobile,  pour  se  porter,  de  là,  sur  les 
points  de  la  presqu'île  qui  pourraient  être  attaqués  et  mi^nie  pour  agir 
contre  un  corps  qui,  ayant  débarqué  sur  une  autre  partie  de  la  côte  s'avan- 
cerait dans  la  presqu'île. 

Si  la  presqu'île  présente  autant  de  points  accessibles  et,  dans  ce  moment, 
si  peu  de  moyens  de  défense,  la  côte  orientale  et  occidentale  de  la  colonie 
offre  aussi  plusieurs  points  de  débarquement,  entre  autres  :  la  baie  de  Sal- 
dagne  qui  n'est  qu'à  30  lieues  du  Cap,  et  dans  laquelle  la  flotte  aux  ordres 
de  l'amiral  Lucas  se  rendit  aux  Anglais,  et  la  baie  de  Rio  dal  Goa  (1)  ou 
la  baie  de  la  Téte-\oire,  entre  le  21"  et  le  28^  degré  de  latitude  (2). 

La  baie  de  Rio  dal  Goa  est  jugée  la  meilleure  de  toute  la  côte  de  la  colo- 
nie à  l'est  du  cap  de  Bonne-Espérance.  Il  faut  que  les  Anglais  aient  espéré 
en  tirer  parti  car,  pendant  leur  séjour,  ils  l'ont  souvent  visitée.  Ils  y 
avaient  fait  construire  des  batteries,  placé  des  troupes  et  élevé  un  hloc-haus 
construit  entre  les  deux  rivières  qui  se  jettent  dans  cette  baie,  pour  se 
garantir  des  attaques  des  Cafres.  Les  Hollandais  n'avaient  jamais  placé  de 
poste  dans  cet  endroit  quoique,  dans  le  voisinage,  il  y  ait  un  asse^;  bon 
nombre  de  colons.  Mais,  depuis  leur  reprise  de  possession,  ils  y  ont  envoyé 
115  hommes  de  troupes  européennes  et  24  canonnicrs. 

Le  général  Dundas,  qui  commandait  les  troupes  anglaises,  avait  encore 
été  visiter  la  baie  de  Rio  dal  Goa  depuis  que  la  paix  était  connue. 

D'un  autre  côté,  cette  baie  était  un  objet  de  la  sollicitude  des  Anglais, 
car  ils  craignaient  (|ue  les  colons,  très  peu  satisfaits  de  leurs  nouveaux 
maîtres,  ne  réunissent  des  moyens  pour  les  inquiéter.  Les  Anglais  avaient 
cependant  un  as.sez  bon  nombre  de  troupes  pour  la  garde  de  la  colonie, 
puisqu'ils  ont  constamment  entretenu  7  à  8  000  hommes;  et  il  faut  réelle- 
ment entretenir  une  Torce  armée  considérable  si  l'on  veut  se  garantir  contre 
une  grande  entreprise.  Un  état  militaire  de  6  000  honnnes  n'aurait  rien  de 

(1)  Peut-êire  Delagoa  Bay,  ou  plus  vraisembliiblemeiit  Algoa  Bay. 

(■2)  Delagoa  Bay  se  Irouve  vers  le  "26"  degré  de  latitude,  et  Algoa  Bay  à  la  même  lali- 
tiide  que  le  Cap,  eolre  le  23"  et  le  2i«  degré  de  longitude  est. 


336      MÉMOIIIES   ET   JOURMAUX   DU   GÉXÉRAL   DECAE.V 

superflu;  encore  faudrait-il  que  celui  qui  serait  chargé  de  leur  commande- 
ment entendit  parfaitement  la  tactique  convenable  au  genre  de  défense  qu'il 
faut  employer  sur  ce  théâtre. 

Ln  objet  non  moins  important  à  prendre  en  considération,  c'est  celui 
d'un  établissement  autre  que  toutes  les  fortifications  actuelles,  qui  sont 
absolument  nulles;  et  surtout  qu'il  soit  déterminé  un  plan  pour  ce  poste 
qui  sera,  naturellement,  en  cas  de  rupture,  recherché  par  les  Anglais  qui 
en  ont  senti  plus  que  qui  que  ce  soit  toute  l'importance,  puisqu'ils  en 
avaient  fait  un  lieu  de  dépôt  pour  acclimater  les  troupes  qu'ils  faisaient 
passer  dans  l'Inde  ;  que  c'était  ce  même  dépôt  qui  avait  fourni  3  000  hommes 
pour  augmenter  le  corps  d'armée  qui  avait  marché  contre  Tippoo-Sahib,et 
qu'on  avait  eu  pour  expérience  que  les  troupes  ainsi  acclimatées  avaient 
perdu  beaucoup  moins,  par  le  climat  de  l'Inde,  que  celles  qui  étaient  arri- 
vées directement  d'Kurope. 

Le  gouvernement  batave  a  besoin  d'être  pressé  pour  qu'il  s'occupe  de  ce 
point  important,  car  sa  situation  militaire  au  Cap  de  Bonne-Espérance 
n'est  rien  moins  que  respectable.  On  met  sous  les  yeux  l'état  des  troupes 
employées  dans  ce  moment  à  la  garde  de  la  colonie  (1). 

L'effectif  de  toutes  armes  n'était  que  de  2  172  hommes. 

Tous  ces  corps  sont  formés,  à  l'exception  des  dragons  —  240 — ,  d'étran- 
gers, la  plupart  Allemands,  Hongrois,  Polonais  et  quelques  Français. 

Le  gouvernement  batave  avait  sans  doute  présumé  qu'on  retrouverait 
au  Cap  toute  l'artillerie  qui  y  était  lorsque  cette  colonie  fut  prise  par  les 
Anglais;  mais  ceux-ci  n'ont  laissé  que  de  très  mauvaises  pièces,  des  affûts 
et  des  fers  coudés  qui  ne  valent  pas  mieux.  Ils  ont  emporté  toutes  les 
pièces  de  métal,  entre  autres  celles  de  24  qui  étaient  dans  la  batterie  cou- 
verte du  fort  d'Amsterdam.  On  observe  enfin  qu'il  n'y  a  pas  un  seul  offi- 
cier du  génie  d'arrivé. 

Avant  de  faire  connaître  l'esprit  qui  règne  au  Cap  de  Bonne- Espérance, 
on  va  rapporter  ce  qui  se  passa  lorsque  les  Anglais  s'en  emparèrent  en 
1795,  et  ce  qui  a  eu  lieu  quand  les  Hollandais  ont  voulu,  d'après  le  traité 
d'Amiens,  en  reprendre  possession. 

Conquête  des  Anglais. 

Les  Anglais  ont  débarqué  à  Simon's  Bay,  le  16  de  juin  1795,  sans 
aucune  résistance.  Le  général  Craig  fit  dire  au  gouverneur  hollandais  qu'il 
venait  au  secours  de  cette  colonie  pour  la  conserver  au  stathouder.  Le 
gouvernement  délibéra  quelque  temps  sur  cette  étrange  proposition  et,  à 
la  fin,  refusa  d'y  souscrire.  Les  Anglais  étaient  déjà  arrivés  devant  le  défilé 
de  Muizenberg  gardé  par  une  force  suffisante,  et  il  ne  tenait  dans  cette 
occasion  [qu' au  gouvernement  hollandais  de  les  anéantir,  n'étant  qu'une 
poignée  d'hommes,  la  plupait  des  recrues  destinées  pour  l'Inde.  Cependant 
des  renforts  parvenus  aux  Anglais  les  mirent  bientôt  en  état  de  forcer  ce 

(1)  -  Cet  élal  dt-si^nait  les  uoras  dei  différents  corps  et  leurs  forces  -(\ote  de  Decaen). 


LKS   ANGLAIS   RESTITUENT    LE   CAP  337 

passage,  si  fort  par  lui-même.  Ils  arrivèrent  devant  la  ville  du  Cap  et, 
après  plusieurs  pourparlers,  ils  prirent  possession  du  fort  et  de  toute  la 
ville,  le  21  de  septembre. 

Ils  doivent  une  conquête  si  aisée  à  la  lâcheté  et  tï  la  trahison  de  quelques 
individus  corrompus  par  un  certain  M.  Pringle,  alors  agent  de  la  Compa- 
gnie anglaise.  Le  commandant  hollandais,  le  colonel  Gordon,  Kcossais  de 
nation,  se  brûla  la  cervelle  à  cette  occasion.  Le  gouverneur  fut  conduit  en 
Angleterre  d'oîi  il  passa  en  Hollande,  sans  avoir  jamais  essuyé  le  moindre 
désagrément. 

Les  Anglais  ne  furent  pas  sitôt  maîtres  de  la  ville  que  l'amiral  hollan- 
dais Lucas  arriva  avec  6  ou  7  bâtiments  dans  la  baie  de  Saldagne  où  il  se 
laissa  prendre  par  l'ennemi  en  lui  abandonnant  toute  sa  flotte.  C'est  dans 
celte  occasion  que  M.  Claris,  alors  commaTidant  en  second  et  maintenant 
capitaine  de  port,  a  si  puissamment  secondé  les  Anglais. 

Bientôt  après,  lord  iMacartney  arriva  pour  établir  une  nouvelle  organi- 
sation dans  cette  colonie.  C'est  à  lui  que  les  colons  doivent  la  prospérité 
dont  ils  ont  joui  depuis;  car,  dans  l'intention  de  garder  cette  colonie,  il 
avait  donné  de  la  force  auv  lois  et  accordé  de  la  protection  aux  propriétés. 
L'importation  des  marchandises  anglaises  était  libre  de  tout  impôt  :  on 
n'exigeait  que  8  pour  100  de  toutes  les  autres.  Les  traites  sur  l'Angleterre 
ne  perdaient  que  G  à  8  pour  100,  tandis  qu'aujourd'hui,  on  paie,  poiïr 
toutes  les  marchandises,  10  pour  100,  et  les  traites  sur  l'Angleterre  perdent 
25  à  30  pour  100. 

Reprise  de  possession. 

L'escadre  hollandaise,  chargée  des  troupes  qui  devaient  reprendre  pos- 
session du  Cap  de  Bonne-Espérance,  arriva  le  24  septembre.  Le  général 
anglais,  qui  avait  reçu  ses  ordres,  déclara  aussitôt  qu'il  était  disposé  à 
évacuer  la  citadelle  et  les  forts,  ce  qu'il  exécuta  même  en  ne  laissant  que 
quelques  hommes  dans  la  citadelle.  Mais  l'autorité  chargée  par  le  gou- 
vernement batave  de  reprendre  cette  possession  crut  qu'il  était  important, 
pour  donner  plus  de  solennité,  de  remettre  au  1"  janvier  1803.  Sur  ces 
entrefaites,  le  contre-ordre  arriva.  Ce  fut  la  veille  même  du  jour  fixé  pour 
la  reddition.  Cet  ordre  avait  été  expédié  en  Iripiicata.  Ce  fut  le  dernier 
qui  arriva  le  premier  Le  général  Dundas  fit  débarquer  ses  troupes,  dans  la 
nuit  même,  et  fit  reprendre  les  postes  qu'il  avait  abandonnés,  sans  aucune 
opposition.  Les  Hollandais  se  trouvèrent  réduits  à  camper.  Ils  formèrent 
leur  camp  à  Wynberg,  à  gauche  de  la  route  qui  conduit  du  Cap  à  Sinion's 
Bay,  presque  en  face  de  Constance,  où  ils  restèrent  jusqu'à  ce  qu'on  eût 
reçu  d'Europe  de  nouveaux  ordres.  Enfin,  ces  ordres  étant  arrivés,  les 
Anglais  évacuèrent  tout  le  territoire  de  la  colonie,  le  21  février  dernier, 
rendant  les  fortifications,  les  magasins,  les  bâtiments,  les  jardins,  etc., 
dans  le  plus  mauvais  état. 

A  ces  cadeaux,  ils  ont  joint  celui  d'un  rassemblement  de  Hottentots, 
H.  22 


338      MEMOIRES   ET   JOIRXAIX    Dl    GEXERAL   DECAEX 

qu'ils  avaient  fait  plutôt  pour  un  hut  politique  que  militaire,  quoiqu'il 
eût  l'apparence  d'un  corps,  puisqu'ils  y  avaient  attaché  des  officiers  euro- 
péens et  qu'ils  avaient  armé  une  partie  de  ce  rassemblement,  dont  le 
nombre,  d'environ  900,  était  composé  d'un  tiers  de  femmes  et  d'enfants. 
On  prétend  qu'ils  comptaient,  en  cas  d'attaque,  lâcher  ce  rassemblemetit 
pour  engager  les  Hottentots  de  l'intérieur  à  se  soulever  contre  les  paysans 
hollandais,  afin  que  ceuv  qui  auraient  agi  au  nom  du  gouvernement 
batave  n'eussent  pu  en  tirer  aucun  service. 

11  y  avait  cinq  ans  que  les  Anglais  entretenaient  ce  rassemblement,  qui 
leur  a  fait  une  excessive  dépense,  puisque  chaque  Hottentot  était  payé  à 
16  s.  (l)  de  France  par  jour,  une  livre  et  demie  de  viande,  une  livre  de 
pain,  et  autres  avantages;  aussi,  ils  se  les  étaient  fortement  attachés. 

Les  Hollandais  n'ont  pu  se  dispenser  de  continuer,  dans  le  premier 
moment,  à  traiter  les  Hottentots  comme  l'avaient  établi  les  Anglais;  mais 
la  dépense  étant  excessive,  et  ne  pouvant  tirer  aucun  service  de  cette 
troupe  dont  l'esprit  ne  vaut  absolument  rien,  ne  pouvant  pas  cependant 
les  licencier,  dans  la  crainte  que,  réunis  en  bandes,  ils  ne  commissent  des 
désordres,  le  gouvernement  a  pris  le  parti  de  les  entretenir  sur  le  même 
pied,  jusqu'à  ce  qu'il  ait  pu  parvenir  à  les  faire  prendre  comme  domes- 
tiques par  les  colons,  ce  qui  s'exécute  journellement,  car  déjà  plus  de  300 
sont  renvoyés. 

J'ai  vu  le  reste  de  ce  ras.semblement.  Il  ne  s'y  trouve  plus  que  quelques 
vrais  Hottentots,  et  peu  d'hommes  capables  de  porter  les  armes.  Les 
officiers  qui  les  commandent  leur  reconnaissent  deux  qualités  bien  con- 
traires à  ce  qui  constitue  l'homme  de  guerre  :  ils  sont  ivrognes  et  pares- 
seux. On  assure  cependant  que  quelques-uns  d'eux  sont  bons  chasseurs,  et 
qu'ils  sont  surtout  excellents  pour  être  guides  dans  l'intérieur  du  pays.  Les 
Hollandais,  précédemment,  en  entretenaient  pour  cela  un  certain  nombre, 
ce  qu'ils  comptent  faire  encore,  mais  sur  un  pied  moins  dispendieux  que 
celui  établi  par  les  Anglais.  On  m'a  assuré  que  les  Anglais,  pendant  qu'ils 
ont  possédé  le  Cap  de  Bonne-Espérance,  ont  fait  une  dépense  qui  se  monte 
à  plus  de  10  millions  de  livres  sterling. 

L'esprit  de  parti,  la  nu'-fiance  dans  la  plupart  des  chefs,  le  manque 
d'union  même  entre  les  Hollandais  venus  d'Europe  et  ceux  qui  sont  nés 
dans  le  pays,  les  intérêts  divisés  des  colons  composés  d'hommes  de  diffé- 
rentes nations,  surtout  l'influence  que  les  Anglais  paraissent  avoir  sur  cette 
colonie,...  toutes  ces  causes  doivent  faire  adopter  au  gouvernement  batave 
un  système  propre  à  diriger  cet  établissement  et  à  le  conserver.  On  est  loin 
de  penser  que  le  commissaire  chargé  maintenant  de  l'organisation  de  cette 
colonie  puisse  remplir  cet  objet. 

Enfin,  on  croit  avoir  le  droit  de  dire  que  les  Anglais  ont  une  grande 
influence  en  Europe  sur  plusieurs  membres  du  gouvernement  actuel  de  la 
République  batave    (gouvernement  dans  lequel  on   ne  parait   pas  avoir 

(1)  Le  manuscrit  porte  :  •  16'  de  France.  •  Peut-être  faut-il  lire  :  Sols. 


LES   AGISSKME.VTS   AXGLAIS  339 

beaucoup  do  confiance  à  cause  de  la  manière  dont  le  pouvoir  exécutif  est 
oi'ganisé)  par  la  nomination  qu'on  a  faite  de  plusieurs  personnes  pour 
occuper  des  emplois  dans  la  colonie. 

Il  y  a  également  très  peu  de  confiance  dans  la  force  militaire  :  les 
hommes  qui  la  composent  sont  presque  tous  étrangers;  mais  surtout  parce 
que,  depuis  qu'elle  est  arrivée,  il  y  a  eu  plusieurs  révoltes  :  on  vient  de 
condamner  trois  hommes  à  la  mort  pour  ce  fait,  evemple  qui  ne  peut 
cependant  pas  produire  l'effet  qu'exige  la  discipline,  parce  que  le  jugement 
doit  être  envojé  en  Europe  pour  être  sanctionné. 

A'oles  paiiicnlières. 

L'opinion  publique  à  l'égard  du  gouvernement  actuel  du  Cap  de  Bonne- 
Espérance  est  très  partagée  à  cause  des  différents  partis  qui  régnent  actuel- 
lement et  dont  chacun  est  guidé  par  un  intérêt  particulier. 

Le  gouverneur  .lanssens  jouit  de  peu  de  confiance  de  la  part  des  colons, 
comme  homme  d'Etat,  mais  il  est  recommandahle  par  son  patriotisme  et 
son  attachement  au  gouvernement.  Il  est  vrai  ([ue  ce  gouverneur,  étant 
lié  par  la  présence  du  commissaire  général  Demist,  n'a  pu  encore  donner 
aucune  preuve  de  ses  talents  administratifs.  Ce  gouverneur  est  maintenant 
dans  l'inlérieur.  On  prétend  (pi'il  n'a  entrepris  si  promptement  cette  course 
que  dans  l'intention  d'acquérir  un  poids  aux  yeux  du  gouvernement  batave, 
afin  de  contrc-balancer  l'autorité  du  commissaire  général,  ou  même  de 
l'éloigner  de  là  colonie  le  plus  tôt  possible.  Le  but  de  son  voyage  est  de 
terminer  les  différends  qui  existent  entre  les  Cafres  et  quelques  peuples  voi- 
sins, de  réprimer  les  incursions  des  premiers  qui  ont  déjà  enlevé  une  grande 
quantité  de  bestiaux  sur  le  territoire  de  la  colonie;  et  même  de  rétablir 
les  anciennes  relations  entre  les  colons  et  les  Cafres  qui  paraissent  n'avoir 
plus  la  même  amitié  envers  les  Hollandais,  depuis  la  conquête  des  Anglais. 

M.  Demist,  commissaire  général,  passe  pour  un  homme  doué  de  grands 
talents  et  consommé  dans  l'administration  civile.  Revêtu  d'une  autorité 
presque  illimitée,  il  est  plus  craint  qu'il  n'est  aimé.  On  attendrait  beau- 
coup de  son  habileté  dans  l'adminislration  si,  d'un  autre  côté,  il  ne  ren- 
contrait pas  la  jalousie  du  gouverneur;  car  l'on  a  remarqué,  dès  l'arrivée 
de  ces  deux  personnages,  une  froideur  et  une  mésintelligence  réciproques 
qui  mettent  beaucoup  d'entraves  aux  vues  que  l'on  suppose  au  gouverne- 
ment batave.  Ce  commissaire  est  taxé  généralement  d'être  la  cause  si  la 
colonie  n'a  pas  été  remise  plus  tôt  par  les  Anglais,  pour  avoir  voulu 
différer  jusqu'au  1"  janvier  afin  qu'il  y  eût  plus  de  solennité. 

M.  de  Salis,  premier  conseiller  et,  en  l'absence  du  gouverneur,  chargé 
de  ses  fonctions,  parait  plus  uni  avec  le  commissaire  général  qu'il  ne  l'est 
avec  le  gouverneur.  Il  passe,  d'après  la  voix  générale,  pour  un  zélé  parti- 
san des  Anglais.  Tous  les  emplois  de  sa  compétence  sont  conférés  à  ceux 
qui  les  ont  servis  avec  le  plus  de  zèle;  il  est  très  lié  avec  tous  ceux  qui  sont 
connus  pour  avoir  favorisé  la  conquête  de  ceux-ci. 


3V0      MKMOIRES   ET   JOIRXAUX   DU   GENERAL   DECAEXJ 

Ccu\  qui  ne  sont  pas  ici  à  la  disposition  des  Anglais  disent  que  rien  ne 
pouvait  mieux  manifester  l'influence  qu'on  avait,  en  Europe,  sur  quelques 
membres  du  jjouvernement  batave  qu'en  envoyant  pour  commandant  du 
port  un  M.  Glaris  qui  contribua  puissamment  a  la  reddition  de  la  flotte 
hollandaise  auv  ordres  de  l'amiral  Lucas  dans  la  baie  de  Saldagne.  Ce 
Glaris  parait  extrèniement  lié  avec  Prin<i[le  dont  je  parle  ci-après. 

Il  y  a  environ  douze  ans  que  M.  Pringle  habite  le  Cap  :  avant  la  con- 
quête de  cette  colonie,  il  était  l'agent  de  la  Compagnie  anglaise;  il  avait 
beaucoup  contribué  è.  la  facilité  de  cette  conquête  en  travaillant  l'esprit  des 
chefs  et  en  les  corrompant  par  divers  moyens.  Pendant  le  séjour  des 
Anglais,  il  a  été  constamment  le  commissaire  de  leurs  troupes;  aussi  a-t-il 
beaucoup  gigué  Depuis  leur  départ,  il  a  repris  son  premier  emploi,  mais 
il  conserve  toujours  une  très  grande  influence  qui  ne  saurait  diminuer,  vu 
les  égards  marqués  que  M.  Demist,  commissaire  général,  et  M.  de  Salis, 
gouverneur  j9ar  intérim,  s'empressent  de  lui  témoigner. 

Je  terminai  ma  correspondance  avec  le  ministre  par  cette  lettre, 
datée  du  1"  prairial  : 

En  vous  annonçant  mon  départ  de  cette  rade,  citoyen  ministre,  j'ai 
l'honneur  de  vous  renouveler  ma  prière  de  ne  pas  perdre  de  vue  la  famille 
indienne  ;  les  circonstances  la  rendent  de  plus  en  plus  un  objet  particulier 
de  votre  sollicitude.  J'aime  à  me  persuader  que  vous  ave^  pris  en  considé- 
ration les  différentes  demandes  que  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  faire,  lors  de 
mon  départ  de  Brest.  Si  mes  notes  sur  le  Cap  de  Bonne-Espérance  méri- 
tent quelque  approbation,  vous  m'obligerez  beaucoup  de  ne  pas  les  laisser 
ignorer  au  Premier  Consul  ;  vous  ajouterez,  citoyen  ministre,  auv  témoi- 
gnages d'intérêt  que  vous  m'avez  déjà  donnés. 

Agréez,  etc. 

Tout  étant  disposé  pour  mettre  à  la  voile  au  premier  bon  vent, 
j'écrivis  au  général  Janssens,  le  4  prairial,  la  lettre  suivante  : 


Monsieur  lk  Gouverxklr, 

Pendant  le  si'^'our  que  je  viens  de  faire  dans  le  chef-lieu  de  votre  gou- 
vernement, il  n'a  manqué,  pour  compléter  ma  satisfaction,  que  celle  de 
vous  y  voir.  Je  ne  quitterai  point  la  colonie  sans  vous  en  témoigner  mes 
regrets  :  si  quelque  chose  peut  les  diminuer,  c'est  l'accueil  vraiment  obli- 
geant que  nous  avons  reçu  de  Mme  Janssens.  Ses  honnêtetés  multipliées 
m'ont  fait  agréablement  préjuger  de  vos  intentions  personnelles.  \os  Eran- 
cais  ont  été  généralement  bien  accueillis  par  vos  habitants;  il  m'est  doux, 
en  partant,  d'emporter  de  nouvelles  preuves  de  lainitié  réciproque  de  nos 
nations.  Une  fois  installé  à  Pondichéry,  je  désire  bien  sincèrement,  Mon- 
sieur le  Gouverneur,  que  quelques   relations  politiques  ou  commerciales 


PRIXCIPAUX   PERSOMNAGES   DU   CAP  341 

nie  mettent  ù  mrme  de  resserrer  encore  les  liens  qui  unissent  la  France  et 
la  Hollande,  et  de  vous  donner  particulièrement  des  témoignages  de  ma 
haute  considération. 
J'ai  riionneur,  etc.. 

P. -S.  —  Trouvez  bon,  Monsieur  le  Gouverneur,  qu'en  payant  un  tri- 
but d'estime  aux  personnes  que  j'ai  eu  l'avantage  de  connaître,  je  vous 
rappelle  particulièrement  MM.  Dumesny,  employé  à  Simon  's  Bay,  et  Henry, 
connnandant  les  troupes  au  Ca|).  Je  me  plais  à  penser  que  ces  deu\  mes- 
sieurs ont  acquis  des  droits  à  votre  confiance. 

Ayant  reçu,  ce  même  jour,  une  lettre  de  M.  la  commissaire 
général  Demist,  au  sujet  de  M.  Broussonet,  je  lui  fis  celte  réponse  : 


Monsieur  i-e  Commissaire, 

En  faisant  part  au  gouvernement  français  de  notre  conversation  à 
l'égard  de  M.  Broussonet,  j'avais  prévu  le  désir  que  vous  me  témoignez 
dans  votre  lettre.  Ce  que  vous  m'aviez  fait  l'honneur  de  me  dire  de  vive 
voix  m'avait  paru  plus  que  sufflsant  pour  chercher  à  prévenir  cette  diffi- 
culté et  épargner,  sous  ce  rapport,  un  désagrément  à  M.  Broussonet.  Je 
me  flatte,  cependant,  que  nos  relations  commerciales  ne  pourront  en  souf- 
frir, et  que,  le  gouvernement  français  ayant  prévu  tout  incident  de  cette 
nature,  son  envoyé  se  présentera  muni,  au  moins,  des  titres  qui  ont  jus- 
qu'à présent  suffi  pour  faire  reconnaître  nos  agents  commerciaux  dans 
votre  colonie. 

Agréez,  etc.. 

Le  transport  la  Cote-cVOr  arriva  dans  cette  journée  au  mouil- 
lage de  Simon's  Bay  :  il  aiait  fait  une  relâche  à  Ténériffe.  Le  capi- 
taine de  ce  navire,  ayant  à  remplacer  son  eau,  à  faire  des  provi- 
visions  et  quelques  travaux  indispensables,  il  ne  pouvait  partir 
avec  nous  qu'autant  que  le  vent  serait  contraire  durant  la  relâche 
dont  il  avait  besoin.  Ainsi  le  contre-amiral  lui  donna  Tordre  de  ne 
pas  perdre  de  temps,  afin  de  continuer  incessamment  sa  route 
pour  arriver  à  Pondichéry. 

Le  contre-amiral  m'ayant  transmis  les  justes  plaintes  que  le 
capitaine  de  la  Côte-d'Or  lui  avait  portées  au  sujet  des  passa<jers 
qu'il  avait  à  son  bord,  j'écrivis  au  général  Vandermaësen  ce  qui 
suit  : 

Si  j'ai  eu  lieu  d'être  mécontent  du  peu  de  caractère  du  chef  de  brigade 
Sainte-Suzaime  pendant  la  traversée  de  la   Côte-d'Or,  pour  n'avoir  pas 


:iV2      MKMOIRKS   ET  JOURXAIX   DU   GENERAL   DECAE.Y 

mis  fin  à  (les  tracasseries  qui  n'auraient  jamais  dà  naître  entre  les  officiers 
passagers  et  le  capitaine  de  ce  hiîtimcnt  parce  que,  si  les  officiers  avaient 
quelques  sujets  de  mécontentement,  le  chef  de  brigade  devait  prendre  à  cet 
égard  les  mesures  convenables  pour  les  faire  cesser,  et  surtout  empêcher 
des  correspondances  et  des  délibérations  que  n'autorise  point  la  discipline, 
j'ai  encore  un  sujet  de  mécontentement  beaucoup  plus  vif  â  manifester. 

Le  cbef  de  brigade  ne  devait  pas  consentir,  lors  de  la  reldcbe  à  Téné- 
riffe,  que  le  bataillon  descendît  à  terre  pour  y  séjourner  pendant  le  temps 
qu'on  serait  au  mouillage;  et  encore,  dans  ce  cas  répréhensible,  il  ne 
parait  point  avoir  pris  les  mesures  convenables  pour  maintenir  la  disci- 
pline et  l'ordre,  si  essentiels  pour  inspirer  le  respect  qu'on  doit  avoir  pour 
les  troupes  de  la  République.  Ces  fautes  ont  produit  le  plus  mauvais  effet. 
Les  soldats  de  ce  bataillon  ont  commis  des  evcès,  et  ont  laissé  à  Ténériffe 
la  plus  mauvaise  réputation.  On  est  doublement  coupable  lorsqu'on  se 
conduit  mal  chez  les  étrangers;  on  viole  le  droit  le  |)lus  sacré,  celui  de 
l'hospitalité.  Faites  connaître,  mon  cher  général,  au  chef  de  brigade,  aux 
officiers  et  sous-officiers  du  bataillon  de  la  18%  que  j'étais  loin  de  m'at- 
tendre,  de  leur  part,  à  cette  manière  d'agir.  Faites-vous  rendre  compte  de 
tout  ce  qui  s'est  passé. 

Le  chef  de  brigade  Sainte-Suzanne  m'a  annoncé  qu'en  partant  de  Téné- 
riffe, di\  hommes  lui  manquaient  à  l'appel,  et  que  cinq  étaient  restés  à 
l'hôpital.  Faites-vous  représenter  les  ordres  donnés  pour  prévenir,  empê- 
cher et  arrêter  les  désordres,  ainsi  que  les  preuves  qui  constatent  les 
démarches  qu'on  a  faites  pour  avoir  les  div  hommes  qui  manquent.  Faites- 
vous  rendre  compte  du  motif  qui  a  obligé  de  laisser  cinq  hommes  à  l'hô- 
pital de  Ténériffe.  Inspectez  ce  bataillon  et  assurez-vous,  je  vous  prie,  si, 
pendant  la  traversée,  on  s'est  occupé  de  l'instruction,  de  l'entretien  des 
armes,  habillement,  etc...  Si,  de  tous  les  renseignements  que  je  vous 
invite  de  prendre,  vous  n'avez  pas  un  résultat  favorable,  punissez  sévère- 
ment ceu\  (|ui  sont  coupables.  Mais  comme  il  n'est  que  trop  réel  que  ce 
bataillon  s'est  fort  mal  conduit  à  Ténériffe,  vous  ordonnerez  qu'il  ne  des- 
cendra à  terre,  pendant  la  relâche  de  la  Cote-d'Or  sur  cette  rade,  que  le 
nombre  d'hommes  nécessaires  pour  rapporter  auv  autres  les  objets  qui  leur 
sont  absolument  indispensables.  Mais,  dans  aucun  cas,  il  ne  pourra  être 
envoyé  à  la  fois  plus  de  quatre  hommes  par  compagnie;  encore  faudra-t-il 
qu'ils  soient  en  bonne  tenue,  sans  armes,  et  accompagnés  de  sous-officiers 
qui  en  seront  responsables.  Un  officier  sera  de  police  pour  la  surveillance, 
et,  à  la  moindre  plainte,  on  sera  privé  de  descendre  à  terre.  Vous  ordon- 
nerez au  chef  de  brigade,  au  chef  de  bataillon,  à  l'adjudant-inajor  et  auv 
capitaines  les  arrêts  pendant  deux  jours,  sauf  l'augmentation  de  cette  puni- 
tion contre  ceu\  que  vous  en  trouverez  susceptibles. 

Enfin,  le  7  prairial,  nous  mîmes  à  la  voile  pour  sortir  de  la 
baiedeFalse;  et  le  8,  nous  voyuàmes  avec  bon  vent  vers  notre 
ileslinalion. 


MARIAGI':    ET    DIVORCE    DE    TALLEYRAMD  343 

En  parlant  de  la  ville  de  Honne-Espérance,  j'ai  omis  de  dire 
que  j'y  avais  vu  M.  Grantz,  dont  la  femme,  née  à  Cliandernagor, 
était  devenue  la  maîtresse  du  ci-devant  évêque  d'Autun,  le  citoyen 
Talleyrand  de  Périgord,  ministre  des  affaires  étrangères  de  la 
République  française  sous  le  Directoire  et  l'empereur  Napoléon. 
J'avais  trouvé  fort  singulier  que  ce  M.  Grantz,  après  avoir  fait  de 
fort  mauvaises  affaires  au  Bengale,  d'ailleurs  fort  peu  intéressant 
par  lui-même,  fut  devenu  un  des  conseillers  de  la  régence  de  la 
colonie  (|uoique,  dans  le  conseil,  toutes  les  affaires  s'y  traitassent 
en  hollandais  dont  il  ne  savait  pas  un  mot;  mais  il  devait  cet 
emploi  à  la  protection  de  l'évôque-ministre,  qui  tenait  éloigné, 
par  une  place  honorable  et  lucrative,  son  très  complaisant  pro- 
tégé, afin  de  jouir  plus  à  son  aise  de  tous  les  charmes  de  la  belle 
Indienne  que  Monseigneur  posséda  ensuite  conjugalement.  Il  fut 
autorisé  à  cette  fin  respectable  par  le  Très  Saint-Père,  qui  combla 
ce  très  cher  fils  de  ses  bénédictions,  après  avoir  annulé  sa  bulle 
épiscopale  et  lui  avoir  donné  l'absolution  de  toutes  ses  fornica- 
tions, en  l'exhortant  à  mener  à  l'avenir  une  vie  plus  régulière 
et  surtout  moins  scandaleuse. 

On  peut  ignorer  si  cet  évêque  métamorphosé  en  mari  a  commis 
des  infidélités  à  sa  belle  et  tendre  moitié  ;  mais  ce  que  tout  le 
monde  sait,  c'est  que  Mme  Grantz,  devenue  femme  d'évêque  par 
l'autorité  du  Saint-Siège,  a  été  répudiée  par  la  seule  volonté  de 
son  très  cher  époux,  après  le  retour  des  Bourbons.  Il  s'était  adroi- 
tement persuadé  (ju'il  ne  pouvait  pas  cumuler  les  fonctions  de 
mari,  après  avoir  été  évêque,  avec  celles  de  premier  ministre  du 
roi  Louis  XVIII,  au  retour  ducjuel  il  avait  tant  contribué...  en  cal- 
Guknt  probablement  que  ses  services  seraient  récompensés 
par  une  nouvelle  faveur  papale  (jui  le  purifierait  de  ses  nouvelles 
iniquités...  en  les  couvrant  du  chapeau  de  cardinal!  Mais,  jusqu'à 
présent,  les  considérations  pour  les  sacrements  de  l'ordre  et  du 
mariage,  ou  d'autres  causes,  n'ont  pas  permis  à  ce  caméléon  de 
subir  cette  autre  métamorphose. 

La  faveur  des  vents  réguliers  nous  aurait  fait  faire  plus  de  che- 
min chacjue  2i  heures  si  le  capitaine  du  Marengo  avait  eu  plus 
d'expérience  et  surtout  moins  d'inquiétude  quand  les  officiers  de 
<|uart  faisaient  porter  de  la  voile.  Sa  crainte  qu'il  n'arrivât  des  ava- 
ries à  la  mâture  lui  avait  fait  prendre  tant  de  précautions  pour  la 


344      MÉMOIRES   ET   JOURiVAUX    DU   GÉNÉRAL   DRCAEN 

bien  tenir  (jue  le  gréement  n'ayant  plus  l'élasticité  nécessaire  à  la 
marche  du  vaisseau,  il  cessa  tout  à  coup  d'avancer,  quoiqu'il  fût 
couvert  de  voile  et  que  le  vent  fût  toujours  le  même. 

Les  marins  expérimentés  savaient  bien  à  quoi  attribuer  cette 
immobilité;  mais  le  capitaine  prétendit  qu'elle  provenait  d'une 
autre  cause.  Il  ordonna  des  changements  dans  l'arrimage,  il  fit 
transporter  le  lest  volant  d'une  place  à  l'autre  et  conduire  des 
canons  de  l'arrière  à  l'avant.  Tout  cela  n'aboutit  qu'à  donner  de  la 
gaieté  aux  soldats  et  aux  matelots;  elle  éclata  encore  plus,  lorsqu'ils 
virent  qu'une  augmentation  de  voilure,  ordonnée  par  le  capitaine, 
n'influait  pas  plus  que  le  déplacement  des  canons,  etc.,  à  activer 
le  mouvement  de  ce  vaisseau.  Enfin  cet  inhabile  conducteur  fut  se 
coucher.  iVos  deux  frégates  se  mirent  en  panne  pour  nous  attendre. 

Cependant,  dès  qu'on  eut  préjugé  que  le  capitaine  s'était 
endormi,  son  second  ordonna  de  dérider  les  haubans,  et  alors  le 
Marengo  reprit  son  allure  qui  égalait  assez  souvent  celle  des  fré- 
gates, qu'il  dépassait  même,  selon  les  officiers  de  quart,  et  lorsqu'ils 
osaient  se  permettre  de  faire  porter  plus  de  voile  pendant  que 
leur  chef  dormait. 

Son  réveil  fut  suivi  d'une  scène  quasi  tragi-comique  lorsque, 
le  matin,  il  se  présenta  sur  le  pont.  D'abord,  il  exprima  sa  joie  en 
voyant  le  Marengo  cingler  avec  célérité,  et  il  devint  encore  bien 
plus  joyeux  quand  on  lui  rendit  compte  de  sa  marche  durant  la 
nuit  ;  et  chacun  riait  de  son  apparente  persuasion  que  c'était  à  lui 
qu'on  devait  l'heureux  dénouement  survenu  pendant  qu'il  s'était 
abandonné  aux  douceurs  du  sommeil.  Mais  cette  joie  si  vive  n'eut 
qu'un  moment.  Elle  se  changea  en  une  espèce  de  fureur,  qui  fit 
rire  encore  plus,  lorsqu'il  apprit  ce  qu'on  avait  osé  faire  sans  sa 
permission  et  qu'il  n'en  avait  pas  fallu  davantage  pour  remettre  le 
vaisseau  en  activité.  Une  pareille  infraction  fut  brusquement  répri- 
mandée, et  son  auteur  fut  condamné  aux  arrêts,  levés  cependant  à 
l'heure  du  déjeuner,  parce  que  le  contre-amiral  était  parvenu  à 
calmer  le  furieux  et  à  le  convaincre  qu'il  fallait  pourtant  conti- 
nuer notre  route  et  qu'il  était  tout  naturel  d'avoir  eu  recours  au 
seul  moyen  propre  à  faire  cesser  l'obstacle.  II  ajouta  que  le  capi- 
taine Vrignaud  n'avait  agi  sans  en  prévenir  son  supérieur  (|ue 
parce  qu'il  n'avait  pas  voulu  troubler  son  repos,  mais  (jue  ce 
qu'il  avait  ordonné  était  si  simple  et  si  nécessaire  qu'il   n'avait 


IMCIDENTS   DE    THAIERSÉE  845 

pas  eu  l'idée  qu'on  dût  s'en  fàclier,  et  surtout  lui  infliger  une 
punition. 

Le  rontre-amiral  se  bornait  à  prescrire  la  route,  mais  les  détails 
de  la  manœuvre  étaient  réservés  au  capitaine  du  vaisseau,  respon- 
sable, et  aux  officiers  sous  ses  ordres  immédiats. 

Nous  n'éprouvâmes  plus  de  contrariétés  dans  notre  navigation. 
Je  dirai  encore,  en  passant,  que  Linois  ne  manqua  pas  de  nous 
annoncer  qu'il  avait  fait,  à  Simon's  Bay,  d'immenses  provisions  qui 
lui  avaient  coûté  beaucoup  d'argent,  ce  que  nous  eûmes  lieu  d'ap- 
précier durant  le  voyage.  Cependant  nous  eûmes  sous  nos  yeux 
ce  qu'après  la  volaille  mise  dans  les  cages,  il  y  avait  de  plus  remar- 
quable :  c'étaient  quebjues  boisseaux  d'oignons  et  des  potirons  logés 
dans  un  filet  attaché  en  dehors  de  la  galerie  du  vaisseau.  Une 
dame  ayant  cru  apercevoir  des  melons  en  témoigna  sa  satisfaction 
au  contre-amiral.  «  Comment,  Madame?  Mais  ce  sont  des  poti- 
rons! J'avais  déjà  fait  assez  de  dépense,  sans  acheter  des  melons 
qui  n'étaient  pas  à  bon  marché.  Croiriez-vous  que  ce  (|ue  vous 
voyez  dans  ce  filet  me  coûte. . .  ?  »  Je  ne  me  rappelle  plus  la  somme  ; 
c'était  (juelques  florins. 

Les  passagers  nourris  à  la  seconde  table  manifestèrent  un  grand 
mécontentement;  et  ils  en  avaient  le  sujet.  L'officier  de  marine 
chargé  de  l'entretenir  n'avait  fait  que  fort  peu  de  provisions. 
Quand  on  s'en  aperçut,  on  voulut  en  connaître  le  motif.  Pour 
s'excuser,  il  prétendit  qu'on  lui  avait  volé  au  Cap  la  plus  grande 
partie  de  l'argent  qu'il  devait  employer.  On  en  vint  à  l'examen  de 
ses  comptes  dont  le  résultat  fut  moins  que  satisfaisant;  et  on  s'ar- 
rêta au  soupçon  assez  fondé  qu'il  avait  joué  cet  argent.  On  lui 
adressa  assez  de  reproches  de  ce  qu'il  n'avait  pas  fait  connaître 
en  temps  opportun  qu'il  avait  perdu  l'argent  de  la  communauté; 
car  alors  on  aurait  pu  y  remédier.  Mais  comme  c'était  la  seule 
satisfaction  (ju'on  pouvait  se  donner,  quel([ues  officiers  passagers 
se  réservèrent  d'en  obtenir  une  d'un  autre  genre,  lors([u'on  des- 
cendrait à  terre.  Il  fallut  donc  se  résigner  à  supporter  avec 
patience  les  privations  occasionnées  par  le  déficit  et  la  mauvaise 
gestion. 

Ce  qui  était  arrivé  au  sujet  de  l'immobilité  du  Marengo,  les 
débats  relatifs  au  mauvais  pourvoyeur,  une  comédie  jouée  par  des 
timonniers  et  des  sous-officiers,  les  amusements  que  le  bon  vent 


3V6      AIKMOIRES   ET  JOIR.X'AUX    DU   GliXERAL    DECAEM 

ot  le  beau  Iciiips  porinottaienl  aux  soldats  et  aux  matelots,  enfin 
un  pou  (le  musique  tous  les  soirs  dans  la  grande  chambre,  tout 
<ela  faisait  diversité,  durant  une  navigation  en  pleine  mer  fort 
ennuyeuse  et  qui  n'offrait  pour  aspect  que  le  ciel  et  l'eau  ;  mono- 
tonie qui  n'était  troublée  que  par  quelques  oiseaux  qui  parcouraient 
l'espace,  ou  par  des  requins  qu'on  apercevait  à  la  surface  de  l'onde 
et  dont  on  attrapait  quelques-uns.  Alors,  grande  fête  pour  ceux 
(jui  aimaient  à  s'en  rassasier.  Le  contre-amiral  voulut  un  jour 
orner  sa  table  d'un  plat  de  requin;  mais  il  fut  si  bien  accueilli 
qu'on  n'en  vil  plus  reparaître. 

Nous  eûmes  la  satisfaction  d'arriver  en  vue  de  l'île  Bourbon  et 
d'en  approcher  pour  bien  voir  sur  le  rivage  sans  recourir  aux 
lunettes.  Quoique  le  ministre  eût  prescrit  de  ne  point  relâcher  à 
l'île  de  France,  le  contre-amiral  aurait  bien  pu  prendre  sur  lui  de 
suspendre,  pendant  quelques  heures,  le  cours  du  voyage,  sans  y 
jeter  l'ancre,  pour  quérir  quelques  provisions  rafraîchissantes. 
Mais  il  répondit  négativement  à  plusieurs  passagers  qui  lui  deman- 
dèrent si  cela  aurait  lieu,  attendu,  disait-il,  qu'il  ne  pourrait  pas 
faire  communiquer  avec  cette  île  sans  que  cela  lui  occasionne  une 
grande  dépense.  Néanmoins,  en  voyant  le  vaisseau  contourner 
d'assez  près  une  grande  partie  de  l'île,  on  espérait  que  le  contre- 
amiral  prendrait  la  résolution  d'ordonner  de  s'arrêter  lorsqu'on 
serait  vis-à-vis  un  point  favorable  à  la  communication.  Mais  la 
route  fut  continuée  et  la  direction  prise  à  travers  l'archipel  des 
Seychelles,  navigation  moins  ennuyeuse  à  cause  de  l'aspect  des 
lies.  Nous  approchâmes  de  très  près  celle  de  Galega.  De  là,  nous 
allâmes  pour  traverser  les  Maldives,  par  le  canal  du  Neuf  (1). 
Après  ce  passage,  nous  ne  tardâmes  pas  à  respirer  les  émanations 
balsami([ucs  de  Ceylan.  Enfin,  après  avoir  doublé  la  pointe  méri- 
dionale de  cette  île,  nous  nous  trouvâmes,  à  la  pointe  du  jour,  le 
22  messidor,  à  l'atterrage  de  Porto-Novo  où  une  escadre  anglaise 
était  au  mouillage  et  qui  détacha  deux  bâtiments  pour  venir  nous 
reconnaître;  nous  prîmes  notre  direction  sur  celui  de  Pondichéry. 

Je  devais  me  croire  au  terme  de  notre  long  et  heureux  voyage. 
Cependant,  cette  escadre  anglaise,  que  j'étais  étonné  de  voir  alors 
dans  ces  parages,  me  donna  un  défavorable  pressentiment  qui  ne 

(I)  l'robablement  le  canal  du  0*^  deyré. 


DEGAEN  DEVANT  POXDIGHÉRY         347 

put  que  s'accroître  lors(|u'en  approchant  de  la  côte,  je  vis  que  la 
frégate  la  Belle-Poule,  malgré  la  grande  satisfaction  de  la  voir 
arrivée  dans  la  rade  de  Pondicliéry,  y  était  mouillée  entre  un  vais- 
seau et  une  frégate  des  Anglais,  et,  en  outre,  que  le  pavillon  de 
cette  nation  flottait  encore  sur  notre  possession. 

Le  contre-amiral,  qui  se  réjouissait  et  surtout  d'être  bientôt  dé- 
barrassé de  ses  passagers  pour  avoir  plus  de  profit,  m'ayant  de- 
mandé si  je  comptais  descendre  à  terre  aussitôt  que  le  vaisseau 
serait  à  l'ancre,  je  lui  manifestai  mon  pressentiment  en  lui  répon- 
dant :  «  Je  n'entrerai  à  Pondichéry  que  lorsque  le  pavillon  fran- 
çais y  sera  arboré.  « 


CHAPITRE  II 

Lettre  de  Decaen  au  ministre.  —  Arrivée  à  Pondichéry.  —  Decaen  écrit  au  gouverneur 
de  Madras  pour  demander  l'exécution  des  clauses  du  traité  d'Amiens.  —  L'escadre 
anglaise  se  met  sous  voile*.  —  Elle  mouille  au  sent  de  la  division  française.  —  Arrivée 
inattendue  du  Itélier  —  Il  apporte  à  Decaen  l'ordre  de  rallier  l'île  de  France  en  cas 
de  rupture  entre  la  France  et  l'Angleterre.  —  Devant  les  mesures  que  prennent  les 
Anglais,  Decaen  décide  de  se  rendre  immédiatement  à  1  île  de  France.  —  Ses  ordres 
à  l'adjudant  commandant  Binot.  —  Abnégation  du  préfet  colonial  Léger  qui  aban- 
donne sa  famille.  —  Les  bâtiments  de  Linois  échappent  pendant  la  nuit  à  la  surveil- 
lance de  la  flotte  anglaise.  —  Arrivée  à  l'île  de  France.  —  La  Ilelle-I'oule  échappe  aux 
Anglais.  —  La  Càle-(C Or,  capturée  par  eus,  est  rendue.  —  Difficultés  qu'éprouve  Decaen 
à  faire  parseuir  ses  rapports  en  France.  —  iVouselles  instructions  à  Binot. 

Ce  (jui  eut  lieu  ensuite  est  ènoucé  dans  la  lettre  ci-après,  que 
j'adressai  au  ministre,  sauf  quelques  détails  et  quelques  faits  que 
je  pourrai  rapporter  à  la  suite  de  cette  lettre,  et  que  je  ne  jugeai 
pas  à  propos  d'y  insérer  ou  que  je  ne  crus  pas  nécessaire  de  trans- 
mettre. Cette  lettre  était  sous  la  date  du  10  fructidor  : 


Citoyi:n  Ministre, 

Si  je  n'avais  qu'à  vous  annoncer  mon  arrivée  à  la  côte  de  Coromandel, 
mon  rapport  aurait  été  on  ne  peut  pas  plus  satisfaisant.  Mais  les  événe- 
ments qui  se  sont  succédé  ont  extrêmement  influé  sur  le  plaisir  que  je 
devais  naturellement  éprouver  d'être  arrivé  à  une  destination  aussi  éloignée 
avec  des  troupes  jouissant  de  la  meilleure  santé. 

Il  aurait  été  bien  favorable  que  le  Bélier  fût  arrivé  deux;  jours  plus  tôt 
dans  la  rade  de  False  Bay,  où  la  contrariété  des  vents  avait  retenu  la  divi- 
sion jusqu'au  7  prairial,  ou  qu'au  moins  il  eût  pu  nous  atteindre  avant 
Pondichéry. 

.auparavant  de  vous  entretenir  du  parti  que  j'ai  dû  prendre,  lorsque 
votre  dépêche  du  20  ventôse  m'a  été  remise,  je  vais  vous  faire  un  exposé 
de  la  situation  des  choses  à  mon  arrivée  à  la  côte  Coromandel. 

Le  contre-amiral  Linois,  en  vous  rendant  un  conqjte  particulier  des 
mouvements  de  la  division,  vous  annonce  que,  le  22  messidor  au  point  du 
jour,  nous  nous  trouvâmes  â  l'atterrage  devant  Porto-\'ovo,  où  l'escadre 
anglaise  était  au  mouillage.  Aussitôt  que  cette  escadre  nous  aperçut,  il  en 


PROTESTATIO.Y   DE    DEGAEY  349 

fut  détaché  deuv  bâtiments  pour  nous  reconnaître.  Xous  fûmes  bientôt  en 
vue  de  Pondichéry  où  je  vis  flotter  encore  le  pavillon  anglais  et,  avec 
étonnement,  la  Belle-Poule  mouillée  entre  un  vaisseau  et  une  frégate  de 
cette  nation. 

.)e  crus  d'abord  que  la  frégate  la  Belle-Poule  n'était  en  rade  que  depuis 
quelques  jours,  et  à  cela  j'attribuai  le  relard  de  la  reprise  de  possession. 
Mais  aussitôt  les  rapports  qui  me  furent  faits  de  ce  qui  s'était  passé  depuis 
l'arrivée  de  cette  frégate  (1),  je  ne  jugeai  pas  qu'il  fût  convenable  de 
rester  plus  longtemps  dans  un  tel  état  d'incertitude.  Je  demandai  au  contre- 
amiral  d'expédier  la  Belle-Poule  pour  Madras  afin  qu'un  de  mes  aides  de 
camp  renn't  au  gouverneur  la  lettre  dont  copie  est  ci-jointe  n"  4.  En  voici 
Ifcontenu  : 

A  bord  du  Marengo,  en  rade  de  Pondichéry, 
le  22  messidor  an  \I. 

MOXSIELR    LE    GOUVERXELR, 

J'avais  eu  l'honneur  de  vous  annoncer,  par  ma  lettre  du  13  ven- 
tôse apportée  à  la  côte  Coromandel  par  la  frégate  française  la 
Belle-Poule,  que,  pour  l'exécution  du  traité  d'Amiens,  j'avais 
chargé  le  colonel  Binot  de  reprendre  possession  de  Pondichéry. 
11  m'était  naturel  de  penser  que  la  restitution  de  cet  établisse- 
ment n'éprouverait  point  de  retard,  vu  le  temps  écoulé  depuis  le 
traité  d'Amiens,  vu  l'exécution  de  ce  traité,  en  Eui'ope,  dans 
toutes  ses  parties,  et  surtout  que  quelques  difficultés  qui  avaient 
paru  s'élever  sur  des  objets  relatifs  à  ce  même  traité  étaient  abso- 
lument aplanies  lorsque  le  Premier  Consul  m'a  ordonné  de  venir 
reprendre  possession  des  établissements  français  aux  Indes  orien- 
tales. 

La  frégate  la  Belle-Poule  est  depuis  vingt-cinq  jours  en  rade  do 
Pondichéry,  et  en  arrivant  aujourd'hui  avec  la  division,  je  vous 
avoue,  .Monsieur  le  Gouverneur,  que  j'ai  éprouvé  de  l'étonnement 
de  ce  que  la  restitution  n'avait  point  encore  eu  lieu.  L'obstacle  seul 
qu'on  me  présente  est  l'attente  des  ordres  de  Son  Excellence  le 
gouverneur  du  fort  William.  J'ai  pensé,  Monsieur  le  Gouverneur, 
que  vous  pourriez  anticiper  sur  cette  réponse  d'autant  mieux  que, 
Pondichéry  se  trouvant  à  la  proximité  du  fort  Saint-Georges,  on 
avait  précédemment  l'usage  de  traiter  avec  ce  gouvernement  pour 
tous  les  rapports  relatifs  à  la  côte  Coromandel.  S'il  y  a  d'autres  con- 
sidérations qui  peuvent  empêcher  la  restitution,  ce  qui  serait  contre 
mon  attente,  je  vous  prie  de  vouloir  bien  me  les  communiquer.  En 
vous  faisant  mes  reinercîments.  Monsieur  le  Gouverneur,  de  tous 


{V\  '  Le  préfet  vous  en  atait  informé  par  ses  dépêches  dont  je  vous  adresse  des  copies 
sous  les  numéros  1,  '2,  .3.  Xota  :  Elles  sont  transcrites  à  la  fiu  de  ce  cahier  el  cotée» 
A.  »  (Mote  de  Decaeii)  Voir  ces  lettres  p.   3"9  à  381. 


350   MÉMOIRES  ET  JOURNAUX  DU  GENERAL  DKCAEN 

les  bons  procédés  que  vous  avez  ordonnés  pour  les  Français  pré- 
cédemment arrivés  à  cette  côte,  j'ai  l'honneur  de  vous  assurer  de 
ma  haute  considération. 

P. -S.  —  Désirant  avoir  une  prompte  réponse,  j'ai  pris  le  parti 
de  vous  envoyer  un  de  mes  aides  de  camp  pour  porter  cette  lettre. 

Le  motif  de  cette  démarche  avait  pour  but  d'avoir  une  réponse  prompte 
et  suffisante  pour  que  je  puisse  en  induire  et,  de  là,  prétexter,  s'il  y  avait 
lieu,  au  refus  de  l'exécution  du  traité  d'Amiens,  afin  de  faire  de  suite  rem- 
barquer tout  ce  qu'avait  apporté  la  Belle-Poule  (débarquement  qu'une 
première  noie  du  conseil  de  Madras,  n"  5  (1),  et  r imprévoyance  d'une 
nouvelle  aussi  inattendue  que  la  supposition  d'une  rupture  prochaine 
avaient  pu  enqager  à  exécuter)  pour,  d'après  ces  dispositions,  agir  selon 
que  les  circonstances  ultérieures  l'auraient  ordonné. 

Les  évolutions  faites  par  l'escadre  anglaise  qui  se  mit,  quelques  heures 
après  notre  arrivée,  toute  sous  voile,  escadre  qui  n'était  sortie  de  Trinque- 
malé  el  n'avait  paru  à  la  côte  que  depuis  quelques  jours,  l'annonce  que 
nous  fit  le  capitaine  du  vaisseau  anglais,  en  nous  rendant  visite,  que  l'ami- 
ral Rainier  devait  venir  le  soir  même  au  mouillage,  avec  toute  son  escadre 
dans  la  rade  de  Pondichéry,  la  situation  dans  laquelle  nous  avions  trouvé 
la  Belle-Poule  qui  était,  en  effet,  tenue  en  surveillance,  le  temps  qui 
s'était  écoulé  depuis  la  demande  de  reprendre  possession,  les  bruits  de 
guerre,  etc.,  etc.,  tout  enfin  militait  pour  faire  faire  des  conjectures  dont 
il  était  réellement  difficile  d'entrevoir  le  résultat. 

Cependant  l'escadre  anglaise,  à  laquelle  s'étaient  ralliés  le  vaisseau  et  la 
frégate  que  nous  avions  dans  la  rade  de  Pondichéry,  mouilla  entièrement 
à  la  fin  du  jour,  mais  seulement  à  trois  quarts  de  lieue  au  vent  à  nous, 
ce  qui  me  fit  croire  alors  que  si  l'amiral  anglais  ne  détournait  pas  ses 
idées  d'une  rupture,  sur  laquelle  on  avait  pu  lui  donner  l'éveil,  il  parais- 
sait au  moins  disposé  à  mettre  quelque  procédé  dans  sa  manière  d'agir. 

Commeje  devais  rendre  à  cet  amiral  le  paquet  de  son  gouvernement 
que  vous  m'aviez  remis,  citoyen  ministre,  je  le  lui  envoyai  avec  la  lettre 
n"  G,  présumant  que  cela  pourrait  ralentir  son  zèle  observateur  jusqu'à  ce 
que  j'eusse  une  réponse  de  Madras  qui  me  mit  à  même  d'exécuter  ce  que 
je  vous  ai  précédemment  annoncé.  L'amiral  me  fit  dire  que  j'aurais  sa 
réponse  le  lendemain.  Je  lui  avais  écrit  ce  qui  suit  : 


A  bord  du  Marcngo,  en  rade  de  Pondictiéry, 
le  2  !  messidor  an  \I. 

MoxsiEiR  l'Amiral, 

J'ai  l'honneur  de  vous  adresser  une  lettre  qui  nie  fut  remise  en 
Europe  par  ordre  de  S.  1\L  Britannique.  Quoique  cette  lettre  soit 

(1)  Voir  cetle  noie  p.  385. 


ORDRI']    \)K    RALLIKR   L'ILE    DE    FRANCE  351 

d'une  date  c'loic[n(''e,  je  puis  vous  assurer  qu'aucune  des  disposi- 
tions qu'elle  contient  n'a  éprouvé  de  c]ian<];ement  et  que  nos  deux 
gouvernements  ont  de  plus  en  plus  resserré  les  liens  de  pai\  et 
d'amitié  qu'ils  s'étaient  promis  par  le  traité  d'Amiens  et  que  je 
m'empresserai  d'entretenir  dans  cette  partie  du  monde.  Agréez,  etc.. 

Mais,  sur  ces  entrefaites,  le  brick  le  Bélier  fut  signalé,  le  Bélier  que  je 
ne  devais  voir  arriver  qu'avec  les  Africains,  etc.  !... 

Aussitôt  qu'il  eut  mouillé,  son  commandant  vint  à  bord  et  remit  vos 
ordres.  En  voici  la  transcription  : 


Paris,  le  20  ventôse  an  XI  de  la  République   française, 
à  1 1  heures  du   soir. 

Le  Ministre  de  la  Marine  et  des  Colonies  au  général  Decacn. 

I,e  gouvernement,  Général,  apprend  que  l'Angleterre  fait  un 
armement  extraordinaire.  Ce  n'est  pas  une  rupture,  mais  cela  jette 
un  nuage  sur  ses  intentions.  Dans  cet  état  de  choses,  l'expédition 
ne  doit  pas  aller  à  Pondicbéry  s'exposer  inconsidérément  aux 
chances  des  événements  :  le  contre-amiral  Linois  reçoit  l'ordre  de 
la  conduire  à  File  de  France.  Vous  y  débarquerez  et  attendrez  les 
ordres  que  je  vous  adresserai  incessamment  d'après  les  circons- 
tances. 

Mais,  dans  le  cas  d'hostilités,  il  serait  possible  que  les  bâtiments 
porteurs  de  mes  dépèches  fussent  interceptés  :  dans  ce  cas,  dès  que 
la  rupture  entre  la  France  et  l'Angleterre  vous  serait  connue  d'une 
manière  authentique,  quoique  par  voie  indirecte,  vous  remettrez 
au  général  Magallon  la  lettre  ci-jointe,  à  cachet  volant,  et  vous  vous 
ferez  reconnaître  pour  capitaine  général  des  îles  de  France  et  de  la 
Réunion,  et  le  citoyen  Léger,  pour  préfet  colonial. 

Je  joins  ici  deux  exemplaires  de  l'organisation  de  ces  deux  iles, 
arrêtée  par  le  gouvernement  le  13  pluviôse  dernier. 

Le  général  Magallon  servira  sous  vos  ordres  à  l'île  de  France 
comme  votre  lieutenant  général;  mais  vous  observerez  que  ces 
dispo.sitions  doivent  rester  secrètes  jusqu'à  leur  exécution,  et  que 
cette  exécution  ne  doit  avoir  lieu  qu'autant  que  vous  aurez  con- 
naissance certaine  d'une  rupture  entre  la  France  et  l'Angleterre. 

Le  contre-amiral  Linois  vous  donnera  connaissance  des  instruc- 
tions que  je  lui  donne  sur  la  direction  des  forces  confiées  à  son 
commandement. 

Je  désire  que  le  brick  le  Bélier,  qui  vous  remettra  ces  dépêches, 
vous  rallie  assez  tôt  pour  pouvoir  m'ètre  renvoyé;  dans  le  cas  con- 
traire, il  restera  à  vos  ordres. 

Je  vous  transmettrai  le  plus  tôt  possible  des  avis  sur  l'état  des 
choses,  et  ils  seront  accompagnés  des  ordres  du  gouvernement  sur 


352      MEMOIRES    ET  JOURMAUX   DU   GEXERAL   DECAEN 

Tépoquc  à   laquelle  vous  devrez  quitter  l'ile  de  France,   s'il  y  a 
lieu,  pour  suivre  votre  destination  primitive. 

Signé  :  Degrés. 

Dans  un  tel  état  de  choses,  citoyen  ministre,  il  fallait  prendre  un  parti 
relatif  à  notre  situation  dont  un  evposé  succinct  est  nécessaire  pour  justifier 
Ja  célérité  du  départ  de  la  division  et  les  autres  mesures  qui  ont  précédé  ce 
mouvement. 

D'abord,  vos  ordres;  en  second  lieu,  l'escadre  anglaise,  forte  de  cinq 
vaisseaux  de  ligne,  trois  frégates  et  deux  corvettes,  se  tenant,  depuis  notre 
arrivée,  à  trois  quarts  de  lieue  au  vent  à  nous,  ayant  continuellement  plu- 
sieurs de  ses  bâtiments  sous  voile,  en  un  mot,  étant  dans  un  état  absolu 
de  surveillance  et  paraissant  attendre  la  première  occasion  pour  agir 
offensivement ;  enfin,  qu'il  n'était  pas  prudent,  d'après  de  telles  disposi- 
tions de  l'amiral  anglais,  vu  aussi  le  retard  mis  à  la  restitution  de  Pondi- 
chéry,  ainsi  que  le  renvoi  d'un  jour  à  l'autre  pour  avoir  la  réponse  du 
marquis  de  VV^ellesley,  laquelle  devait  déjà  être  arrivée  (car  le  colonel 
Cullen,  qui  avait  été  désigné  comme  commissaire  pour  la  restitution  des 
établissements  à  la  côte  Coromandel  et  qui  était  venu,  le  matin,  me  rendre 
visite,  m'avait  flatté  de  me  remettre  cette  réponse  avant  même  de  retour- 
ner à  terre,  en  annonçant  qu'il  espérait  qu'on  allait  la  lui  apporter),  qu'il 
n'était  pas  prudent,  dis-je,  d'attendre,  sur  la  rade  de  Pondichéry,  le  dé- 
nouement de  nos  incertitudes  sur  la  paix  ou  sur  la  guerre;  convaincu, 
surtout,  que,  par  le  moyen  de  la  caravane,  les  Anglais  seraient  les  pre- 
miers informés,  je  pensai  donc  qu'il  fallait  au  plus  tôt  se  diriger  sur  l'ile 
de  France. 

Le  préfet  colonial  se  trouvant  à  bord  au  moment  de  la  réception  de  vos 
dépêches,  réuni  au  contre-amiral  Linois,  je  leur  présentai  ce  parti  comme 
le  plus  convenable,  surtout  si  son  exécution  était  prompte  et  secrète. 

Il  fallait  de  la  promptitude,  parce  que  si  les  Anglais  recevaient,  d'un 
moment  à  l'autre,  l'annonce  d'une  rupture,  notre  embarras  devenait  de 
plus  en  plus  extrême. 

Il  fallait  du  secret  pour  ne  point  être  empêché  dans  l'appareillage.  Vous 
savez,  citoyen  ministre,  que  les  Anglais  ne  sont  point  scrupuleux,  et  sur- 
tout dans  l'Inde,  pour  commettre  des  liostilités  lors  même  que  la  guerre 
n'est  point  déclarée;  et  je  regarde  bien  comme  une  insulte  le  mouillage  du 
vaisseau  et  de  la  frégate  de  cette  nation  à  tribord  et  à  bâbord  de  la  Belle- 
Poule. 

Il  fallait  du  secret  afin  de  n'être  pas  observés  dans  notre  marche  et 
laisser  l'amiral  anglais  dans  l'incertitude  de  notre  direction. 

Le  contre-amiral  Linois  aura  l'honneur  de  vous  donner  de  plus  amples 
détails  sur  l'attitude,  les  démarches  et  les  actions  de  l'escadre  anglaise. 
Mais  la  surveillance  exercée  par  cette  escadre  jusqu'à  faire  traverser,  pen- 
dant la  nuit,  notre  mouillage  par  des  canots  à  la  voile,  la  rencontre  faite 
par  la  division  de  deux  avisos  sous  le  vent  de  Pondichéry,  dont  un  signala 


LES   ANGLAIS   OCGUPKXT    ENCORE    LA   PLACE        353 

notre  marche  en  brûlant  un  artifice  (signal  auquel  l'escadre  anj][laise 
répondit  par  deux  coups  de  canon  suivis,  un  instant  après,  d'un  troisième 
coup,  pour  faire  sans  doute  appareiller  cette  escadre),  enfin  une  telle  con- 
duite qui  n'était  pas,  à  coup  sûr,  celle  d'un  état  de  paix,  m'a  prouvé  de 
plus  en  plus  qu'il  fallait  agir  proniptenient  et  secrètement. 

D'après  celle  détermination,  je  donnai  donc  l'ordre  ci-joint,  n°  7,  à 
l'adjudant  commandant  hinot.  Le  préfet  colonial  laissa  une  instruction  au 
citoyen  Mottet  qui  fut  désigné  pour  chef  d'administration,  et  le  contre- 
amiral  se  disposa  pour  faire  appareiller  le  soir  même. 

Ordre  dont  il  s'agit  : 

A  bord  du  Marengo,  en  rade  de  Pondichéry, 
le  23  messidor. 

Aujourd'hui,  mon  cher  Binot,  quelques  circonstances  changeant 
les  dispositions  du  Premier  Consul  et  m'obligeant  de  changer  votre 
emploi,  je  vous  adresse  des  lettres  de  service  pour  prendre  le  com- 
mandement en  chef  de  Pondichéry  et  pour  y  suivre  la  reprise  de 
possession  de  cet  établissement  conformément  au  traité  d'Amiens, 
c'est-à-dire  recevoir  la  réponse  du  gouverneur  général  des  éta- 
blissements anglais,  réponse  qui  est  attendue  depuis  l'arrivée  de  la 
frégate  la  Relie-Poule  dans  cette  rade. 

Si  cette  réponse  est  favorable,  vous  suivrez  tout  ce  qui  sera 
nécessaire  pour  terminer  cette  reprise  de  possession,  .le  vous  laisse 
les  troupes  précédemment  débarquées;  elles  serviront  à  la  garde 
du  pavillon  de  l'établissement.  Toutes  les  instructions  relatives  à  ce 
que  devait  en  faire  le  capitaine  général  et  le  préfet  colonial  vous 
sont  aussi  remises  pour  que  vous  agissiez  selon  les  vues  du  gou- 
vernement. Le  citoyen  Mottet  remplacera  provisoirement  le  préfet 
colonial. 

Toutes  ces  dispositions,  mon  cher  Binot,  ne  sont  que  momenta- 
nées; cependant  s'il  arrivait  que,  contre  mon  attente,  il  y  eût  une 
reprise  d'hostilités,  et  que,  de  quelque  manière  que  ce  soit,  vous  en 
fussiez  prévenu  authentiquement,  vous  entreriez  en  arrangement 
avec  le  gouverneur  anglais,  afin  d'obtenir  la  capitulation  la  plus 
honorable.  Il  faudrait  faire  en  sorte  de  vous  faire  transporter, 
avec  votre  détachement,  à  l'île  de  France,  ou  au  moins  en  France. 

Vous  m'adresserez  à  l'ile  de  France  votre  correspondance,  parce 
que  j'ai  donné  des  ordres  pour  que,  de  là,  on  me  fasse  parvenir 
vos  dépèches.  Vous  allez  recevoir  une  note  particulière  pour 
l'emploi  que  vous  devez  faire  des  fonds  qui  seront  laissés  à  Pondi- 
chéry, parce  que  je  [ne]  donne  à  personne  connaissance  du  mou- 
vement que  j'opère 

Il  faudra  faire  cesser  les  travaux,  qui  ne  seront  repris  qu'après 
de  nouveaux  ordres. 

Je  sens  bien,  mon  cher  Binot,  que  cette  situation  sera  pour  vous 

II.  23 


354      MEMOIRES   ET   JOLR.VAIX    DU   GEXERAL   DECAE.V 

très  désafjréable,  mais  les  événomcnts  me  conduisent.  Croyez  aux 
regrets  que  j'éprouve  en  me  séparant  de  vous  de  cette  manière. 

Vous  trouverez,  j'espère,  un  dédommagement  dans  votre  zèle  et 
dans  le  service  important  que  ces  circonstances  inattendues  vous 
feront  rendre  à  votre  pajs.  Je  vous  salue.  » 

Pour  agir  ainsi,  je  raisonnai  dans  cette  hypothèse  :  si  la  guerre  n'a 
point  lieu,  la  chose  est  toujours  égale  pour  Pondichéry,  puisque  le  com- 
mandant Binot  continuera  de  suivre  la  restitution  de  cet  établissement,  et 
le  mouvement  rétrograde  de  la  division  ne  pourra,  dans  tous  les  cas,  être 
considéré  que  comme  une  mesure  de  prudence;  si,  au  contraire,  il  existe 
déjà  une  rupture  en  Europe,  on  ne  peut  pas  trop  accélérer  le  départ  pour 
se  rendre  à  l'ile  de  France,  puisque  ce  sera  exécuter  à  la  lettre  les  ordres 
du  gouvernement,  etc.,  etc.. 

Ainsi,  ce  raisonnement  joint  aux  circonstances  que  je  vous  ai  précé- 
demment exposées  me  conduisirent  à  ne  point  même  tenter  de  faire  rem- 
barquer ceux  qui  étaient  descendus  à  terre,  le  préfet  colonial  excepté  :  il 
avait,  comme  moi,  sa  destination  éventuelle. 

Ensuite,  des  dispositions  furent  faites  pour  qu'on  ne  connût,  à  Pondi- 
chéry, le  départ  de  la  division  que  lorsqu'elle  ne  serait  plus  dans  la 
rade.  Car  si,  par  la  moindre  démarche  ostensible,  notre  projet  de  départ 
avait  été  dévoilé,  l'escadre  anglaise  y  aurait  probablement  apporté  des 
entraves. 

Si  encore  il  y  avait  eu  possibilité  d'embarquer  avec  célérité  ce  qu'il  y 
avait  à  terre!...  Mais,  citoyen  ministre,  vous  connaissez  la  côte  Coroman- 
del  :  il  y  avait  tout  au  plus  douze  sc/iellinç/ues  pour  le  service  de  la  rade 
de  Pondichéry,  et  encore  ne  pouvait-on  disposer  de  ces  moyens  de  trans- 
port que  d'après  l'autorisation  du  capitaine  de  port  anglais. 

11  a  donc  fallu  s'éloigner  de  ce  théâtre  où  la  division  n'avait  pas,  heu- 
reusement, encore  effectué  en  entier  son  débarquement.  Car,  citoyen 
ministre,  dans  quelle  situation  plus  fâcheuse  encore  ne  me  serais-je  pas 
trouvé,  puisque,  après  ce  qu'on  m'avait  assuré  à  Brest,  que  la  moitié  au 
moins  de  ce  qui  était  nécessaire  était  embarqué,  j'ai  vu,  à  mon  grand 
étonnement,  que  le  vaisseau  et  les  frégates  n'avaient  rien  transporté  de 
ces  effets,  ayant  tout  au  plus  l'emplacement  nécessaire  pour  les  vivres  et 
les  passagers.  Les  canons,  les  armes,  les  munitions,  effets  d'habillement, 
d'équipement,  etc.,  les  équipages  du  préfet  et  les  miens  sont  restés,  pour 
la  plus  grande  partie,  à  Brest  :  ils  devaient  être  transportés  par  la 
deuxième  expédition.  La.  Côte-d' Or  et  la  Marie-Françoise  étaient  chargées 
de  la  première  partie. 

Par  ma  dépèche  qui  vous  annonce  l'arrivée  de  la  division  à  l'île  de 
France,  j'ai  l'honneur  de  vous  rendre  compte  des  événements  ultérieurs  à 
notre  départ  de  la  rade  de  Pondichéry... 

Je  vais  compléter  cet  exposé  par  le  récit  de  quelques  détails  que 
je  ne  jugeai  pas  à  propos  d'y  insérer. 


DECAEN   DÉCIDE   DE    QUITTER   L'INDE  355 

Dos  que  la  corvette  qui  nous  apportait  des  dépêches  fut  reconnue, 
par  les  signaux  d'usage,  pour  être  le  Bélier  (ju'on  n'attendait  pas 
aussi  tôt,  nous  en  augurâmes  qu'il  devait  être  chargé  d'une  mis- 
sion très  extraordinaire. 

Le  contre-amiral  fit  donner  de  suite  les  signaux  de  mouillage  à 
distance  et  de  défense  de  communiquer  avec  le  hàtiment  arrivant. 
Aussitôt  qu'il  fut  à  l'ancre,  le  signal  fut  donné  à  son  commandant 
de  se  rendre  à  bord  du  Marengo,  et,  dès  qu'il  y  fut  monté,  son 
canot  eu  fut  éloigné. 

Dans  mon  rapport  au  ministre,  j'ai  énoncé  notre  élonnement 
de  l'arrivée  de  cette  corvette  et  de  l'objet  de  sa  mission,  notre  em- 
barras et  ses  causes,  quel  était  le  parti  qui  avait  été  pris  et  les 
ordres  que  j'avais  donnés  eu  conséquence,  enfin  notre  départ. 

Mais  j'ai  encore  à  dire  (|ue,  pour  parvenir  au  dénouement,  je 
commençai  par  demander  au  contre-amiral  Linois  s'il  croyait  pos- 
sible de  faire  rembar(|uer  les  troupes  et  autres  personnes  descen- 
dues à  terre,  quoique  je  fusse  convaincu  de  l'impossibilité  :  j'en 
ai  déduit  les  raisons  dans  mon  rapport,  et  la  Belle-Poule  n'était 
même  plus  là  pour  les  reprendre  à  son  bord.  Mais  il  fallait  com- 
mencer par  dire  (|uel(|ue  chose  pour  arriver  à  une  solution. 

A  cette  question,  le  contre-amiral  répondit,  sans  préambule  : 
f.  Je  ne  dois  pas  compromettre  les  bâtiments  de  ma  division  pour 
m'occuper  de  ce  reml)ar(|uement.  v  Extrêmement  surpris  d'une 
pareille  réponse,  je  répli(|uai  :  <.<■  Il  me  semble,  et  je  crois  Mon- 
sieur le  préfet  de  mon  avis,  (|ue  nous  ne  devons  pas  laisser  à  Pon- 
dichéry  ceux  qui,  malheureusement,  y  sont  débarqués,  sans  avoir 
préalablement  bien  considéré  quels  moyens  on  pourrait  employer 
pour  les  rembarquer,  et  sans  être  bien  convaincus  de  l'impossibilité 
de  les  emmener  avec  nous,  attendu  que  vous  devez,  comme  moi, 
mettre  autant  d'intérêt  au  salut  des  troupes  et  des  passagers  qui 
sont  maintenant  à  Pondichéry  que  j'en  porte  à  la  conservation  des 
bâtiments  que  vous  commandez.  « 

Le  contre-amiral,  pressé  par  cette  observation  assaisonnée  d'un 
j)eu  d'humeur,  ne  trouva  d'autre  parti  à  m'offrirque  de  convoquer 
un  conseil  où  il  allait  appeler  les  capitaines  des  frégates.  Je  relevai 
vivement  cette  proposition  par  ces  paroles  :  'i  Un  conseil  !...  C'est 
moi  qui  suis  le  conseil!...  Pouvez-vous  mettre  à  la  voile  à  minuit? 
Si  vous  le  prévoyez,  ordonnez  vos  dispositions  en  conséquence.  » 


356      AIKMOIRES   ET  JOURNAUX   DU   GliVERAL   DECAEM 

Je  ne  pouvais  exprimer  rien  (|iii  dût  le  lirer  plus  promptement 
de  son  extrême  embarras  :  aussi  ne  fit-il  pas  longtemps  attendre 
sa  réponse  affirmative. 

Ce  parti  pris,  je  dis  à  M.  Léger  :  «  Je  viens  de  vous  communi- 
quer les  intentions  du  gouvernement  qui  vous  concernent.  Vous 
allez  avoir  un  grand  sacrifice  à  faire,  celui  de  vous  séparer  de  votre 
famille,  sans  même  pouvoir  lui  faire  part  que  vous  èles  obligé 
de  l'abandonner  à  Pondicliéry  avec  tous  ceux  (|u'à  notre  grand 
regret  nous  nous  voyons  forcés  d'y  laisser.  Mais,  dans  la  position 
difficile  où  les  circonstances  nous  ont  placés,  la  Patrie  réclame  de 
vous  un  nouveau  service.  Je  suis  trop  persuadé  de  votre  dévoue- 
ment à  ses  intérêts  pour  avoir  le  moindre  doute  de  votre  coura- 
geuse résignation.  •! 

Le  préfet  m'ayant  répondu  qu'il  était  très  flatté  de  la  bonne 
opinion  que  j'avais  conçue  de  lui,  et  qu'il  était  disposé  à  faire  tout 
ce  qui  pouvait  être  utile,  je  lui  dis  :  «  Voici  ce  dont  il  s'agit.  L'ad- 
judant commandant  Binot  est  ici  dans  ce  moment,  mais  je  ne  crois 
pas  convenable  de  l'informer,  (|uant  à  présent,  de  la  part  (jui  lui 
est  réservée  dans  ce  fâcheux  état  de  choses,  ainsi  qu'à  votre  chère 
famille  et  à  nos  autres  intéressants  délaissés.  Ils  n'apprendront  que 
trop  tôt  cette  accablante  nouvelle!  Or,  je  vais  de  suite  écrire  les 
ordres  que  j'ai  à  donner  à  l'adjudant  commandant.  Je  vais  vous 
les  remettre.  Vous  allez  retourner  à  terre  où  vous  dresserez  des 
instructions  pour  la  personne  que  vous  voulez  désigner  pour  chef 
de  l'administration.  Ensuite,  vous  mettrez  vos  ordres  et  les  miens 
dans  un  tiroir  dont  vous  rapporterez  la  clef  après  avoir  dit,  chez 
vous,  que  vous  dînerez  à  bord,  ayant  à  nous  entretenir  ensemble 
des  dispositions  relatives  à  notre  prochain  débarquement,  et  qu'à 
ce  sujet  vous  êtes  venu  chercher  des  documents  indispensables  que 
vous  aviez  oublié  d'apporter  avec  vous.  Enfin,  il  faut  que  vous  ame- 
niez quelqu'un  sur  (|ui  vous  pouvez  compter,  qui  ne  quittera  le 
Marengo  (|u'à  l'instant  où  on  aura  mis  sous  voile  :  alors  il  repor- 
tera votre  clef,  avec  un  mot  de  lettre,  à  une  autre  personne  de 
confiance  à  lacjuelle  vous  recommanderez  ponctuellement  de 
n'ouvnr  le  tiroir  ([ue  demain  au  jour,  d'y  prendre  les  ordres  que 
vous  allez  y  serrer,  et  de  les  porter  ou  envoyer  à  leur  adresse,  à 
moins  que  vous  ne  jugiez  plus  à  propos  de  confier  toute  la  mission 
à  celui  que  vous  allez  ramener  avec  vous.  « 


ABi\ÉGATIO\   DU    PRKFKT    LÉGER  357 

Lorsque  j'eus  donné  au  préfet  ce  que  j'avais  à  lui  remettre,  il 
s'en  alla  à  terre  pour  s'occuper  des  dispositions  convenues,  accom- 
pagné du  commandant  Binot  qui  était  venu  me  voir  lorsqu'il  avait 
aperçu  le  Bélier  à  l'ancre.  Je  n'avais  heureusement  pas  eu  lieu  de 
l'engager  à  dîner,  parce  qu'il  m'avait  dit  que  le  commissaire  an- 
glais l'avait  invité.  Cette  circonstance  m'avait  mis  un  peu  à  l'aise  : 
mais  j'éprouvai  un  sentiment  très  pénible,  au  moment  de  me  sépa- 
rer de  cet  intéressant  et  brave  officier  (1),  en  pensant  qu'il  me  quit- 
tait avec  la  confiance  de  revenir  à  bord  le  lendemain  matin,  tandis 
que,  probablement,  je  serais  déjà  fort  loin  de  lui,  et  qu'alors  il 
éprouverait  la  plus  grande  consternation  que  nous  fussions  ainsi 
disparus,  enfin  qu'il  serait  dans  l'embarras  et  abandonné  à  lui- 
même,  sans  en  avoir  été  autrement  prévenu  que  par  l'ordre  (|u'il 
recevrait,  et  dont  le  préfet,  avec  lequel  il  retournait  à  Pondicbéry, 
était  porteur. 

M.  Léger  revint  à  bord  pour  l'heure  du  dîner,  accompagné  de 
son  confident.  Il  n'avait  même  pas  voulu  ajouter  un  mouchoir  à 
celui  qu'il  avait  dans  sa  poche,  et  il  avait  quitté  sa  famille  en  lui 
disant  qu'il  serait  rentré  en  ville  avant  la  nuit. 

A  peine  le  Marengo  avait-il  été  au  mouillage  que  Aime  Léger 
avait  envoyé  complimenter  Mme  Decaen,  en  lui  faisant  annoncer 
qu'elle  désirait  et  espérait  la  voir  bientôt  descendre  à  terre,  et 
qu'elle  lui  offrait  à  dîner  dès  ce  jour.  J'aurais  bien  pu  engager 
mon  épouse  à  partager  ma  résolution  de  n'aller  à  Pondicbéry  que 
lorsque  le  pavillon  français  y  serait  arboré,  mais  je  n'avais  pas 
jugé,  pour  autres  que  pour  moi,  les  circonstances  suffisantes  pour 
s'abstenir  d'aller  à  terre  passer  quelques  heures,  attendu  qu'on  en 
ressent  le  désir  et  le  besoin,  surtout  après  un  long  voyage.  Méan- 
moins,  d'après  mes  pressentiments,  je  dis  à  ma  dame  que  je  dési- 
rais sa  promesse  de  revenir  dès  le  lendemain  matin,  et  elle  m'en 
donna  l'assurance.  Cependant  elle  n'était  pas  encore  de  retour 
quand  je  lus  la  dépêche  apportée  par  le  Bélier.  J'éprouvai  donc 
une  assez  vive  inquiétude,  causée  par  la  crainte  qu'elle  n'eût  cédé 
aux  pressantes  instances  qu'on  aurait  pu  lui  faire  de  rester  plus 
longtemps  à  la  ville,  parce  que  je  prévoyais  que  je  ne  pourrais  pas 
l'empêcher  de  satisfaire  à  cet  engagement,  puisqu'en  l'envoyant 

(  1  )  »  Je  n'ai  point  eu  la  satisfaction  de  le  reroir  :  nommé  «jéuéral  de  brigade  à  son  retour 
en  Europe,  il  fut  tué  sur  le  champ  de  bataille  »  (IVote  de  Decaen). 


358      MÉMOIRES   ET   JOLR.\AL\    DU    GÉXÉRAL   DECAEN 

clierclior  à  l'improvisto,  c'était    (loiinoi-  lioii   ;i    des  conjectures, 
mais  en  outre  à  l'éveil  qu'il  était  si  important  de  suspendre. 

Mon  in{iuiétude  ne  fut,  heureusement,  que  passagère,  car  je  ne 
tardai  pas  à  éprouver  la  seule  satisfaction  qui  pouvait  la  faire  ces- 
ser par  le  retour  si  désiré. 

Après  le  coucher  du  soleil,  je  demandai  au  contre-amiral  de  me 
faire  disposer  une  embarcation,  parce  que  je  désirais  aller  à  hord 
de  chacun  des  bâtiments  de  la  division.  lime  proposa  de  m'accom- 
pagner.  Il  avait  déjà  donné  ses  ordres  pour  les  préparatifs  prélimi- 
naires du  départ. 

Je  fis  cette  démarche  pour  prévenir  moi-même  les  commandants 
des  troupes  d'annoncer,  le  lendemain  matin,  à  leurs  subordonnés 
que  nous  étions  en  route  pour  l'île  de  France,  où  nous  serions 
allés  directement  si  le  Bélier,  qui  m'en  avait  apporté  l'ordre,  nous 
eût  rejoints  au  Cap  de  Bonne-Espérance,  et  que  c'était  en  raison  de 
cet  ordre,  dont  l'exécution  avait  été  ainsi  retardée,  que  nous  étions 
si  subitement  partis  de  la  rade  de  Pondichéry.  Je  chargeai  ces 
commandants  de  leur  exprimer  de  ma  part  que,  persuadé  de  leur 
bon  esprit  et  de  leur  courage,  je  ne  doutais  pas  qu'ils  supporte- 
raient avec  patience  et  résignation  les  privations  qui  résulteraient 
de  la  contrariété  de  n'avoir  pu  faire  aucune  provision  pour  la  nou 
velle  traversée. 

J'avais  considéré  comme  chose  essentielle  de  faire  cette  commu- 
nication afin  de  tranquilliser  autant  que  possible,  eu  indiquant 
ainsi  le  but  de  notre  marche  rétrograde  sans  en  faire  connaître  la 
vraie  cause  :  attendu  que,  probablement,  nous  serions  encore 
plus  d'un  mois  à  la  mer  avant  d'arriver  à  notre  nouvelle  destina- 
tion, et  qu'il  importait  de  ne  pas  laisser  les  esprits  dans  l'incerti- 
tude ainsi  que  de  prévenir  l'ennui  qui  serait  résulté  de  trop  de 
circonspection  et  aurait  influé  sur  la  santé  qu'assez  d'autres 
causes  pouvaient  contribuer  à  altérer. 

Après  être  allé  à  bord  des  frégates,  je  montai  sur  le  Bélier 
pour  annoncer  à  son  commandant  de  se  piéparer  à  suivi'c  la 
division,  ainsi  que  pour  le  prévenir  que,  jusqu'à  nouvel  ordre,  il 
se  conformerait  à  ceux  qui  lui  seraient  transmis  par  le  contre- 
amiral. 

La  chaleur  de  la  journée  avait  été  excessive.  Ayant  descendu 
dans  la  petite  chambre  de  cette  corvette  pour  nous  entretenir  avec 


L'EXPEDITION    ECHAPPE    AUX    AXGLAIS  359 

son  commandant,  j'y  éprouvai  un  malaise  qui  so  dissipa  lorsque 
jo  fus  redescendu  dans  le  canot. 

Pendant  noire  course,  la  brise  du  soir,  journalière  dans  cette 
saison,  s'était  levée,  et  elle  était  devenue  tellement  forte  que 
quand  nous  arrivâmes  au  Marengo,  il  y  eut  impossibilité  de  pou- 
voir remonter  à  bord  par  les  ccMés  du  vaisseau.  Xous  fûmes  donc 
obligés  d'avoir  recours  à  l'écbelle  de  poupe;  mais,  par  le  défaut 
d'usage  de  grimper  de  celte  manière  et,  en  outre,  soit  que  je  me 
ressentisse  de  mon  malaise  à  bord  du  Bélier,  soit  que  mes  bras 
fussent  trop  comprimés  dans  mon  babit,  ce  ne  fut  qu'avec  la  plus 
grande  difficulté  que  je  parvins  à  francbir  une  partie  des  enflé- 
cbures  de  cette  écbelle  à  pic  et  vacillante.  Enfin,  lorsque  j  eus 
atteint  la  galerie  de  la  dunette,  je  dis  à  un  des  timoniers  qui 
étaient  venus  pour  m'aider  de  bien  me  saisir  au  collet  pour  que 
je  puisse  entrer  dans  cette  galerie.  Ce  secours  me  vint  fort  à  pro- 
pos, car  je  serais  peut-être  tombé  à  la  mer.  Mes  forces  étaient  tel- 
lement épuisées  (jue  je  fus  forcé  d'aller  de  suite  sur  mon  lit  pour 
me  remettre  de  ma  fatigue. 

Pendant  notre  absence  du  Marengo,  on  s'était  occupé  à  lever  les 
ancres.  Mais,  à  l'beure  fixée  pour  mettre  à  la  voile,  on  n'avait  pas 
pu,  malgré  tous  les  efforts,  parvenir  à  déraper  la  dernière;  alors, 
le  contre-amiral  ordonna  de  couper  le  câble.  Cette  opération  ne 
fut  pas  plus  tôt  faite  que  le  messager,  porteur  de  la  clef  du  tiroir,  des- 
cendit dans  son  embarcation,  après  avoir  été  chargé  de  nos  com- 
pliments de  condoléances  pour  tous  ceux  que  nous  délaissions;  et 
déjà  le  vaisseau  s'éloignait  de  Pondicliéry  et  de  l'escadre  anglaise. 
Elle  nous  aurait  extrêmement  embarrassés,  si  elle  avait  plus  tôt 
découvert  nos  intentions  et  si,  surtout,  elle  eût  tenté  d'en  entra- 
ver l'exécution  (1),  car  nous  n'aurions  pu  lui  résister  longtemps  : 
non  seulement  parce  ([u'elle  était  très  supérieure,  mais  encore 
parce  que  nos  bâtiments  n'étaient  armés  que  sur  le  pied  de  paix,  et 
(ju'ils  étaient  très  encombrés;  enfin,  qu'on  n'avait  eu  le  temps  que 
de  faire  des  dispositions  très  incomplètes  pour  soutenir  un  combat. 

Nous  étions  donc,  sous  ce  rapport,  dans  une  situation  très  fâ- 
cheuse puisqu'en  cas  d'agression  il  fallait  ou  nous  y  dérober  par 
la  fuite,  ce  qui  était  honteux  !  ou  bien,  pour  l'honneur  du  pavillon, 

(1)  '  J'ai  dit,  dans  mon  rapport  au  ministre,  ce  qu'elle  fit  quand  elle  eut   le  premier 
avis  de  notre  départ  »  (Note  de  Decaen). 


360      MEMOIRES   ET   JOLRXALX   DU   GEXERAL   DECAEN 

recevoir,  avec  le  plus  grand  désavantage,  un  combat  qui  ne  pou- 
vait être  que  de  courte  durée  mais  qui,  sans  doute,  aurait  été  pour 
nous  très  meurtrier,  attendu  la  quantité  d'hommes  qui  se  trou- 
vaient sur  nos  bâtiments. 

Cet  armement  sur  pied  de  paix,  et  surtout  pour  se  rendre  à  une 
distance  aussi  éloignée,  était  bien  inconsidéré.  Rien  ne  Ta  mieux 
justifié  que  la  position  difficile  dans  laquelle  nous  nous  sommes 
trouvés,  sur  la  rade  de  Pondichéry,  et  de  laquelle  nous  nous 
sommes  si  heureusement  débarrassés. 

Cet  exemple  aura  probablement  fait  abolir  cet  usage  dans  notre 
marine,  en  lui  donnant  une  preuve  aussi  palpable  qu'un  bâtiment 
de  guerre  ne  doit  jamais  sortir  du  port  sans  son  armement  com- 
plet :  puisqu'il  peut  être  surpris,  à  la  mer  ou  en  relâche  en  pays 
étranger,  par  la  nouvelle  d'une  guerre  prochaine  ou  déclarée,  et 
que,  dans  ce  cas,  le  vaisseau,  son  commandant  et  l'équipage  se 
trouvent  exposés  à  être  tous  compromis. 

Un  bâtiment  de  guerre  ne  doit  pas  non  plus  être  autant  encom- 
bré de  troupes  et  de  passagers  que  l'étaient  ceux  de  notre  division  : 
car  ce  sont  des  économies  qui  peuvent  produire  les  plus  funestes 
résultats. 

Je  rendis  compte  au  ministre  de  notre  traversée  de  Pondichéry 
à  l'ile  de  France,  par  la  lettre  ci-après  dans  laquelle  j'informai  de 
la  réunion  de  la  Belle-Poule  à  la  division,  ainsi  que  des  nouvelles 
que  j'avais  reçues  du  commandant  Binot  : 

J'ai  l'honneur  de  vous  annoncer  que,  le  26  thermidor,  après  une  tra- 
versée de  trente-quatre  jours,  la  division  a  mouillé  au  port  nord-ouest  de 
cette  colonie,  où  la  Belle-Poule  était  arrivée  le  matin. 

Xous  avions  tous  besoin  d'une  relâche.  Les  circonstances  avait  rendu  la 
traversée  pénible  :  car  c'était  le  sixième  mois  de  mer.  Aussi  le  scorbut  se 
manifestait-il  d'une  manière  à  inquiéter  si  nous  eussions  été  forcés  de  la 
tenir  plus  longtemps. 

Cependant,  malgré  tout,  j'ai  l'avantage  de  vous  annoncer  que,  des 
suites  de  cette  maladie,  nous  n'avons  perdu  que  trois  militaires;  les  marins 
n'ont  pas  été  plus  malheureux. 

Selon  vos  instructions,  j'ai  fait  opérer  le  débarquement  des  troupes  qui 
sont  ici  établies  tant  bien  que  mal.  Dans  les  lettres  communes  que  le  préfet 
colonial  et  moi  avons  l'honneur  de  vous  adresser,  vous  avez  le  tableau  de 
notre  situation  et  celui  des  iles  de  France  et  Bourbon  lequel,  quant  aux 
ressources,  est  analysé  dans  le  rapport  de  l'ordonnateur  Chanvallon,  fait 
dans  une  conférence  tenue  à  notre  arrivée.  Ce  rapport  est  joint  à  ma  lettre. 


CAPTURK    DE    LA    "   COTE-D'OR  »  361 

Avant  de  vous  exposer,  citoyen  ministre,  quelle  conduite  j'ai  tenue  à 
l'île  de  France  depuis  que  j'y  fais  mon  séjour  (ce  qui  fera  l'objet  d'une 
lettre  particulière),  je  vais  vous  rendre  compte  de  ce  qui  s'est  passé  à  la 
côte  Coromandel  depuis  le  départ  de  la  division,  d'oi'i  vous  conclurez  si 
nos  conjectures  étaient  fondées  et  si  les  circonstances  qui  m'ont  fait  agir 
permettaient  de  prendre  un  autre  parti. 

La  Belle-Poule,  sortie  de  la  rade  de  Pondichéry  le  22  messidor  au  soir, 
y  était  arrivée  le  23  au  matin.  Mon  aide  de  camp  avait  dû  en  revenir  par 
terre,  parce  qu'il  avait  été  supposé  que  ce  serait  plus  prompt  qu'avec  la 
Belle-Poule  qui  se  trouva  cependant  le  20,  à  7  heures  du  matin,  en  vue 
de  Pondichéry,  où  le  capitaine  Bruilhac  reconnut  au  mouillage  une  par- 
lie  de  l'escadre  anglaise  dont  le  commandant  faisait  des  signaux  d'après  les- 
quels un  vaisseau  et  deux  frégates  appareillèrent  pour  lui  donner  chasse. 

Mais  comme  la  Belle-Poule  avait  une  marche  supérieure,  cette  division 
anglaise  ne  fut  plus  aperçue  le  lendemain. 

Le  contre-amiral  Linois  vous  donne  à  cet  égard  tous  les  détails  qui  le 
concernent,  et  vous  fera  connaître  les  motifs  qui  ont  empoché  que  la  Côle- 
d'Or  n'eût  fait  route  avec  la  division  depuis  la  sortie  de  Brest. 

C'est  sur  ce  bùtiment  que  le  commodore  Rainier  a  exercé  l'hostilité  la 
plus  complète.  Connnc  les  moindres  détails  de  cette  affaire  doivent  vous 
être  connus,  je  vous  adresse  toutes  les  pièces  qui  en  font  foi  (1). 

Aussitôt  que  je  fus  informé  de  cet  acte  d'hostilité  qui  ne  laissait  plus 
d'incertitude  sur  la  cause  de  la  conduite  précédente  de  ce  commodore 
(c'était  le  jour  même  du  mouillage  de  la  division  à  l'ile  de  France  qu'un 
brick,  parti  le  30  messidor  de  la  rade  de  Pondichéry  et  à  bord  duquel 
s'étaient  embarqués  furtivement  les  citoyens  Cavaignac,  Bruix  et  deux  autres 
personnes,  m'en  apporta  la  nouvelle),  je  jugeai  prudent,  après  en  avoir 
conféré  avec  le  contre-amiral  Linois  et  le  préfet  colonial,  de  demander 
au  gouvernement  de  l'ile  de  France  de  mettre  un  embargo  provisoire  sur 
tous  les  bâtiments  anglais  qui  seraient  ou  viendraient  au  mouillage;  et  il 
fut  de  suite  exécuté. 

Pouvait-on  supposer  que  la  conduite  hostile  du  commodore  n'était  pas 
le  résultat  d'ordres  reçus  et  que,  pour  en  avoir  agi  ainsi,  il  n'y  avait  pas 
de  déclaration  de  guerre  en  Europe  ou  au  moins  indubitable;  et  qu'à  cet 
égard,  le  gouvernement  anglais  de  l'Inde  n'avait  pas  reçu  des  avis?... 

Mais  il  en  a  été  tout  autrement,  citoyen  ministre. 

La  Côle-d'Or  est  entrée  à  l'ile  de  France  le  3  fructidor. 

Dans  le  nombre  des  pièces  que  m'a  adressées  le  commandant  Binot,  la 
lettre  du  commodore  Rainier  est  digne  de  fixer  votre  attention  et  donne 
une  bien  juste  idée  de  la  position  dans  laquelle  nous  nous  trouvions, 
dans  la  rade  de  Pondichéry,  lorsque  le  capitaine  du  Bélier  m'y  remit  vos 
ordres. 

Si  la  mauvaise  foi  anglaise  n'était  pas  à  son  terme,  il  ne  faudrait  réflé- 

(1)  "  Elles  sont  transcrites  à  la  fin  de  ce  cahier  et  cotées  B.  C."  (Mote  de  Decaen).  Voir 
ces  lettres  p.  387  à  392. 


362      MKMOIRES    K'I  JOUR.VAUX    DU   GEXÉRAL   UKCAEM 

ihir  qu'un  moment  sur  la  conduite  des  ajjcnts  de  cette  nation  dans  l'Inde 
pour  être  convaincu  qu'elle  a  réellement  atteint  le  plus  haut  degré.  Je  ne 
veux  faire  (|u'une  observation  pour  le  démontrer. 

Le  gouvernement  de  Madras  s'est  déclaré  iiuompélent  pour  rendre  Pon- 
dicliéi  y  (voir  la  pièce  n"  1)  ;  il  a  répété  cette  même  déclaration  dans  sa 
réponse  à  ma  dépêche  (n"  2)  ;  et  ce  même  gouvernement,  qui  avait  pré- 
tendu n'avoir  aucun  droit  à  exercer,  a  pu  obliger  le  commodore  Rainier 
à  annoncer  que  sa  conduite  était  désapprouvée  et  conséquemment  à 
relâcher  la  Côle-d Or,  qui  fut  néanmoins  escortée  par  une  frégate  anglaise 
jusqu'à  la  ligne  (1). 

Celte  disposition  du  gouvernement  de  Madras  coïncidant  avec  ce  que  les 
papiers  publics  m'avaient  appris  sur  ce  qui  se  passait  en  Europe,  c'est-à- 
dire  qu'il  y  avait  toujours  incertitude  sur  la  paix  ou  sur  la  guerre  (incer- 
titude qui  n'empêchait  cependant  pas  les  bâtiments  du  commerce  d'entrer 
dans  les  ports  ou  d'en  sortir,  quoiqu'il  j  eût  des  croisières)  et  d'après  les 
rapports  apportés  par  la  Côte-d'Or,  l'embargo  fut  aussitôt  levé. 

Les  troupes  embarquées  sur  ce  bâtiment  se  portaient  bien.  Elles  des- 
cendirent à  terre  le  lendemain.  On  s'est  occupé,  depuis,  de  débarquer  les 
effets  qui  étaient  à  son  bord.  Il  y  avait,  sur  ce  navire,  bien  peu  de  choses 
pour  les  besoins  de  l'établissement. 

J'ai  beaucoup  à  me  plaindre  de  la  manière  dont  l'embarquement  a  été 
ordonné,  puisque  les  objets  les  plus  nécessaires  sont  restés  à  Brest,  excepté 
une  partie  embarquée  sur  la  Marie-Françoise  qu'on  ne  peut  présumer  que 
perdue.  Le  Malabar,  arrivé  ici  le  14  fructidor  et  parti  de  Brest  six 
senjaines  après  la  division,  n'en  a  pas  apporté  de  nouvelles. 

C'est  vraiment  ridicule  qu'on  ait  pu  fréter  un  si  petit  navire  que  la 
Marie-Françoise  et  surtout  qu'on  l'ait  chargé  d'armes  et  de  munitions 
ainsi  que  d'autres  objets  qui  étaient  indispensables,  soit  que  j'eusse  des- 
cendu à  Pondichéry,  soit  que  vous  m'eussiez  ordonné  d'autres  dispositions 
que  celle  de  me  rendre  à  l'ile  de  France. 

J'ai  l'honneur,  etc.. 

Cette  lettre,  écrite  le  20  fructidor,  ne  put  partir  qu'à  la  fin  de 
i)rumaire,  (juoique  j'eusse  recherché,  par  plusieurs  propositions  au 
contre-amiral,  de  faire  parvenir  nos  dépêches  en  France  beaucoup 
plus  tôt. 

Je  lui  avais  écrit,  le  7  fructidor,  ce  qui  suit  : 

La  conférence  que  nous  avons  eue  avec  le  capitaine  Baudin  nous  a 
assurés  qu'il  n'a  plus,  pour  avoir  terminé  sa  mission,  qu'à  opérer  son 
retour  en  France  :  mais  aussi  il  nous  a  prévenus  que  deux  obstacles  s'op- 
posaient à  ce  qu'il  l'entreprît  bientôt  directement.  L'un,  c'est  le  manque  de 
quehjues  approvisionnements   indispensables,    qu'il   n'espère    pas  obtenir 

(1)  «  Voir  à  la  fin  de  ce  cahier  les  deux  pièces  dont  il  s'agit,  cotées  à  la  marge  B  el 
D  •'  (\ole  de  Decaen).  Voir  ces  pièces  p.  38."}  el  397. 


DECAEX   ET    LIVOIS  363 

dans  celle  colonie  à  l'époque  qu'il  avait  précédemment  fixée  pour  son 
départ,  vu  l'état  actuel  des  ressources  de  l'administration,  laquelle, 
annonce-l-il,  ne  lui  fournit  pas  même  les  besoins  journaliers,  ce  qui 
l'oblige  par  conséquent  à  consommer,  dans  celte  station,  les  approvision- 
nements de  mer  qu'il  a  à  son  bord.  L'autre,  c'est,  dit-il,  que  la  saison 
actuelle  n'est  pas  celle  qui  lui  en  procurera  une  favorable  pour  trans- 
porter en  France  les  animaux  et  plantes  vivantes  qu'il  a  recueillis  dans  le 
cours  de  son  voyage.  Le  capitaine  IJaudin  paraît  se  proposer  de  parer  à 
ces  deux  inconvénients  en  quittant  au  plus  tôt  ce  port  pour  se  rendre  au 
Cap  de  Bonne -Espérance  où,  par  son  crédit,  il  s'approvisionnera  et 
attendra,  dans  cette  relâche,  l'époque  convenable  pour  les  objets  qu'il 
transporte. 

La  mission  du  capitaine  Baudin  le  rend  probablement,  sous  quelques 
rapports,  indépendant  de  votre  commandement.  Mais,  général,  dans  les  cir- 
constances présentes  qu'il  est  de  la  plus  grande  nécessité  que  le  gouverne- 
ment soit  informé  des  événements  qui  ont  eu  lieu  à  la  côte  Coromandel, 
ainsi  que  de  notre  retour  à  l'île  de  France,  et  de  ce  qui  s'est  passé  ulté- 
rieurement, je  pense  que,  puisque  le  bâtiment  monté  par  le  capitaine  Bau- 
din est  en  état  de  reprendre  la  mer,  aux  obstacles  près  qu'il  nous  a  pré- 
sentés, il  y  aurait  possibilité  que  ce  capitaine  put  rendre  un  très  grand 
service  à  la  chose  publique  :  d'abord  nous  serions  assurés  de  la  remise  de 
nos  dépêches,  dans  quelque  état  que  soit  la  politique  de  l'Europe;  en 
second  lieu  elles  arriveraient  plus  tôt  que  par  tout  autre  mojen  à  employer 
puisque  les  bâtiments  auxquels  vous  pourriez  donner  cette  destination  et 
le  Marenqo  même  ne  seront  pas  encore,  de  quelque  temps,  en  état  de 
remettre  à  la  voile.  .Ainsi,  s'il  n'y  a  réellement  que  le  défaut  de  quelques 
approvisionnements  et  la  raison  convenable  pour  les  objets  vivants  qui 
empêcheraient  le  capitaine  Baudin  de  se  rendre  au  plus  tôt  en  France,  je 
crois  qu'il  est  très  facile  de  le  tranquilliser  à  cet  égard  et  de  le  mettre  à 
même  de  partir. 

Le  rapport  de  nos  dépêches  en  France  est  certes  a.ssez  important  pour 
qu'on  puisse  bien  le  préférer  au  transport  de  quelques  animaux,  etc..  qui 
pourront  aussi  bien  être  transportés  plus  tard,  et  auxquels  on  pourra 
donner  ici  tous  les  soins  nécessaires 

Vous  pouvez  assurer  le  capitaine  Baudin  que  je  ne  négligerai  rien  à  cet 
égard . 

Quant  h  l'autre  obstacle,  il  peut  être  également  aplani  par  la  fourniture 
de  quelques  objets  d'approvisionnement,  d'autant  mieux  qu'il  a  apporté  la 
meilleure  volonté  à  remettre,  pour  votre  division,  plusieurs  choses  qu'il 
avait  en  superflu,  disposition  qui  me  persuade  que  cet  officier  ajoutera  à 
son  zèle  et  à  son  dévouement  en  se  préparant  a  partir  dans  peu  de  jours 
pour  se  rendre  en  Europe  avec  toute  la  diligence  possible. 

Voilà  ce  que  j'ai  cru  devoir  répondre  à  votre  lettre  d'hier,  au  lieu  de 
faire  une  invitation  officielle  au  capitaine  Baudin  auquel  il  convient  plu- 
tôt, je  crois,  que  vous  communiquiez  vous-même  les  motifs  sur  lesquels  je 


3G4      MKMOIRKS   ET   JOL'RXALX   DU   GKXERAL   DECAE.V 

repose  mes  sollicitations  pour  qu'il  porte  au  plus  tôt  à  notre  gouverne- 
ment des  dépêches  essentielles  et  qui  vous  intéressent  comme  moi. 
J'ai  l'honneur,  etc.. 

Le  conlro- amiral  Linois  m'ayant  fait  une  communication  de 
laquelle  il  résultait  que  je  ne  pouvais  pas  compter  sur  le  départ 
du  Géographe,  je  lui  fis  cette  réponse  : 

Eh  bien  !  Puisque  la  communication  que  le  capitaine  Baudin  vous  a 
faite  de  ses  instructions  vous  a  porté  à  une  détermination  autre  que  celle 
que  vous  aviez  d'abord  jugée  possible,  et  que  vos  reflétions  vous  ont  fait 
peser  ponr  ne  pas  compromettre  votre  responsabilité,  je  supposerai,  pour 
le  moment,  qu'il  n'a  pas  même  été  question  que  le  Géographe  aura  pu  être 
dans  le  cas  d'anticiper  son  retour  en  France. 

Cependant,  je  vous  annonce  que  je  ne  suis  point  d'accord  avec  vous  dans 
la  supposition  que  vous  faites  que  nos  »  dépêches  pour  rendre  compte  de 
ce  qui  s'est  passé  à  la  côte  Coromandel,  etc.,  ne  sont  pas  d'une  impor- 
tance et  d'un  asse>!  grand  intérêt  politique  pour  que  le  capitaine  Baudin,  si 
son  vaisseau  eût  été  prêt  à  reprendre  la  mer  et  se  rendre  au  Cap  de  Bonne- 
Espérance,  ainsi  qu'il  vous  l'avait  exposé,  n'eût  pas  absolument  pu  chan- 
ger sa  direction,  hâter  son  retour  et  nous  laisser  la  certitude  de  rendre  nos 
rapports. 

Le  premier  aperçu  que  vous  me  donnez  de  la  dépense  qu'auraient  occa- 
sionnée, pour  le  fret  seulement,  les  plantes  vivantes  et  les  animaux  qu'au- 
rait lais.sés  le  capitaine  Baudin  à  l'île  de  France,  s'il  avait  été  dans  le  cas 
de  partir  de  suite  pour  l'Europe,  présente  effectivement  une  somme  consi- 
dérable. 

Mais  je  vous  prie  de  me  croire  assez  disposé  à  la  défense  des  intérêts  de 
l'Etat  pour  ne  pas  lui  faire  faire  de  dépenses  inutiles,  et  surtout  pour 
empêcher  qu'on  lui  en  occasionne  légèrement  de  déplacées.  Au  reste, 
toutes  ces  idées  de  faire  partir  le  capitaine  Baudin  doivent  s'évanouir, 
puisque  vous  m'annoncez  que  son  navire  ne  sera  prêt  que  dans  un  mois, 

Je  suis  fort  aise  que  lesdeuY  avisos  soient  bientôt  dans  le  cas  d'appa- 
reiller; mais  au  lieu  d'en  expédier  un  à  l'époque  que  vous  le  jugez  dispo- 
nible, le  20  de  ce  mois,  si  le  Marengn,  qui  doit  retourner  en  France 
d'après  les  instructions  du  ministre,  peut  être  mis  dans  le  cas  d'opérer  son 
retour,  je  trouve  qu'il  est  inutile  de  le  faire  devancer  par  une  corvette  qui, 
sous  beaucoup  de  rapports,  peut  nous  être  utile  dans  ces  mers,  et  particu- 
lièrement le  Bélier. 

J'ai  l'honneur,  etc.. 

Le  général  Magallon  (1)  m'ayant  prévenu  qu'un  navire  de  com- 
merce était  prêt  à  partir  pour  l'Inde,  je  désignai  un  officier  pour 

(1)  Alors  jjouvcrneur  de  l'île  de  France.  Cf.  :  H.  I'rextoit,  l  IU  de  France  sous  Dccaen. 


RELATIONS   AVEC   LES   DAXOIS   A   TRAX'QUEBAR       365 

s'y  embarquer  et  pour  porter  une  dépèelie  au  commandant  Binot. 
Je  remis  à  cet  officier  la  lettre  suivante  pour  le  général  Auker, 
gouverneur  de  Tranquebar,  établissement  danois,  dont  j'avais  déjà 
reçu  des  offres  de  service  : 


9  fruclidor. 

Je  regrette,  Monsieur  le  Gouverneur,  que  les  circonstances  m'aient  privé 
de  vous  annoncer  plus  tôt  combien  il  me  sera  ajijréable  d'avoir  avec  vous 
des  rapports  et  d'entretenir  les  liens  d'amitié  qui  unissent  nos  deux 
nations.  J'espère  comme  vous.  Monsieur  le  Gouverneur,  que  les  différends, 
qui  se  sont  élevés  entre  la  République  française  et  le  gouvernement  an- 
glais seront  terminés  sans  une  nouvelle  guerre,  et  malgré  le  commodore 
Uainier  qui  n'est  pas  probablement  sans  se  repentir  d'un  acte  d'hostilité 
tel  que  celui  qu'il  a  fait  commettee  sur  le  bâtiment  français  la  Côte-d'Or.. 

Comme  je  suis  encore  ici  dans  l'attente  du  dénouement  de  la  lutte  qui 
existe  en  Europe,  le  bâtiment  qui  porte  ma  dépèche  se  rendra  à  Tranque- 
bar atin  de  s'assurer,  avec  protection,  Monsieur  le  (îouverncur,  s'il  lui  est 
possible  d'arriver  jusqu'à  Pondichéry.  Si  l'impossibilité  existait,  obligez- 
moi.  Monsieur  le  Gouverneur,  de  faire  procurer  à  l'officier  que  j'ai  chargé 
de  se  présenter  devant  vous  pour  vous  assurer  de  ma  haute  considéra- 
tion les  moyens  nécessaires  pour  qu'il  puisse  se  rendre  auprès  du  colonef 
Binot  que  j'ai  chargé  de  suivre  les  négociations  pour  la  restitution  de  nos- 
établissements.  Ce  service  que  vous  rendrez  à  la  République  française,  je- 
vous  en  aurai  une  reconnaissance  particulière.  Agréez,  etc.. 

Voici  ce  que  j'écrivis,  le  10  fructidor,  au  commandant  Binot  : 

J'ai  reçu,  mon  cher  colonel,  les  dépêches  que  vous  m'avez  adressées  par 
V Alfred  et  la  Côte-d'Or.  Ce  dernier  bâtiment  a  mouillé  au  port  nord-ouest 
de  l'île  de  France,  le  3  de  ce  mois,  où  la  division  était  arrivée  avec  la  Belle- 
Poule,  le  28  thermidor,  après  une  traversée  favorable. 

Je  suis  on  ne  peut  pas  plus  satisfait  de  votre  manière  d'agir  dans  la 
position  extraordinaire  où  vous  a  mis  le  prompt  départ  de  la  division,  et 
surtout  la  conduite  de  l'amiral  anglais  Rainier. 

Je  me  trouve  encore  ici  dans  l'incertitude  de  la  paix  ou  de  la  guerre^ 
puisque  je  n'ai  pas  reçu,  à  l'île  de  France,  de  nouvelles  dépêches  du  gou- 
vernement. Le  Malabar  seulement,  qui  devait  faire  partie  de  la  seconde- 
expédition,  nous  a  apporté  des  vivres.  Il  est  sorti  de  Brest  le  7  floréal. 
C'est  par  ce  bâtiment  que  sont  arrivés  les  lettres  et  les  journaux  (jue  je- 
vous  envoie. 

Cependant,  j'aime  à  me  persuader  que  la  paix  sera  maintenue,  si  on 
peut  se  fonder,  pour  cette  conjecture,  sur  le  laps  de  temps  qui  s'est  déjà 
écoulé  depuis  le  commencement  des  discussions  entre  notre  gouvernement 
et  celui   d'Angleterre,    sur   la  médiation   de   la  Prusse  et  de  la  Russie- 


366      MÉMOIRES   ET   JOURNAUX   DU   GÉNÉRAL   DECAEX 

annoncée  par  les  journauv,  sur  la  difficulté  qu'éprouve  le  cabinet  de 
Saint-James  pour  renouer  une  coalition  sur  le  continent,  sur  l'attitude 
imposante  et  les  ressources  de  notre  nation;  à  moins  que  le  Premier 
Consul  ne  juge  qu'il  appartient  à  l'honneur  du  peuple  français  de  tirer 
une  vengeance  de  la  conduite  de  l'amiral  Rainicr  tant  envers  la  division 
que  pour  les  hostilités  qu'il  a  ordonné  de  commettre  sur  la  Côle-d'Or, 
quoique  la  conduite  de  cet  amiral  ait  déjà  été  désapprouvée  par  le  gouver- 
nement de  Madras  qui,  je  crois  aussi,  ne  s'est  ainsi  comporté  que  parce 
<|u'il  lui  sera  arrivé,  par  la  caravane,  des  nouvelles  d'Europe  autres  que 
celles  qu'il  avait  quand  je  suis  arrivé  à  la  côte  Coromandel. 

Pour  l'un  et  l'autre  cas,  mon  cher  colonel,  il  n'y  a  point  de  doute  que 
vous  ne  soyez  informé  avant  moi  de  ce  qui  aura  été  décidé  en  Europe,  car 
les  Anglais  ont,  par  terre,  leur  correspondance  prompte  et  très  active. 

Par  l'instruction  que  je  vous  ai  laissée,  le  23  messidor,  le  cas  de  guerre 
est  prévu.  Je  sais  bien  que,  si  cet  événement  avait  lieu,  votre  position 
serait  difficile;  cependant  il  faudrait  faire  tous  vos  efforts  pour  avoir  le 
meilleur  traitement  :  obtenir,  en  autres  choses,  votre  transport  aux  îles 
de  France  ou  Bourbon,  et  le  pis  aller,  en  France.  En  conservant  l'énergie 
que  vous  avez  montrée  à  ces  messieurs  en  leur  représentant  que  c'est  sur 
leur  foi  particulière  que  vous  avez  été  mis  dans  le  cas  de  débarquer  avec 
vos  troupes,  puisqu'ils  étaient  comme  vous  confiants  dans  l'exécution  du 
traité  d'Amiens,  en  continuant  de  vivre  dans  la  meilleure  intelligence  avec 
le  colonel  Cullen,  placé  pour  être  l'intermédiaire  entre  vous  et  le  gou- 
vernement de  Madras,  je  ne  rejette  pas  l'idée  (]u'on  n'eût  la  prétention  de 
vouloir  montrer  un  caractère  de  loyauté.  Mais  aussi,  mon  cher  colonel, 
il  faudra  bien  surveiller  la  discipline  de  vos  troupes;  empêchez  les  indis- 
crétions; je  suis  fâché  de  celle  qui  a  été  commise  par  le  sous-lieutenant 
Muller  et  que  vous  avez  autorisée;  ceci  pourrait  vous  être  très  préjudi- 
ciable dans  le  cas  dont  il  est  question,  et  même  si  cet  indiscret  venait  à 
«tre  arrêté,  il  faudrait  absolument  le  désavouer  (I).  J'aurais  voulu  égale- 
ment que  vous  n'eussiez  pas  retenu  autant  d'officiers  de  Cipayes,  et  que 
vous  eussiez  pris  le  parti  de  profiter  de  la  Côle-d'Or  pour  renvoyer  tous 
ceu\  des  officiers  qui  n'avaient  point  débarqué  avec  vous.  C'est  un 
embarras  que  vous  vous  êtes  laissé,  et  une  diminution  de  vos  moyens 
d'existence. 

J'aime  pourtant  à  croire  que  nous  ne  tarderons  pas  encore  longtemps 
sans  avoir  un  parti  décisif.  Si  les  différends  qui  se  sont  élevés  en  Europe 
étaient  terminés  et  que,  par  suite,  le  gouvernement  anglais  de  l'Inde  vous 
fit  la  restitution  de  Pondichéry,  de  concert  avec  le  chef  d'administration 
Mottet,  et  en  vous  conformant  aux  instructions  qui  vous  ont  été  laissées, 
vous  feriez  provisoirement  tout  ce  qu'il  serait  essentiel  de  faire;  et  comme 
il  n'est  pas  douteux  que  j'aurais  aussi  bientôt  des  nouvelles  officielles  de 
notre  gouvernement,  je  vous  laisserais  le  moins  possible  dans  l'incertitude. 

(W  1.  Cet  officier  était  parti  de  Pondichéry  pour  aller  chez  le»  Mahrattes  '  (\ole  de 
Decaeii). 


XOUVELLES   IMSTRICTIOXS   A   BI\OT  367 

Vous  étendriez,  s'il  y  a  lieu,  vos  dispositions  sur  Karikal,  car  il  est  extrê- 
mement utile  qu'on  occupe  cet  établissement  puisqu'il  fournit  des  res- 
sources. 

C'est  le  capitaine  Saint-Mihiel  qui  vous  rendra  mes  dépêches,  dans 
lesquelles  vous  trouverez  l'exemplaire  d'un  roman  qui  doit  vous  servir 
pour  m'annoncer  ce  que  vous  auriez  de  secret  à  m'apprendre,  parce  qu'il 
est,  sous  tous  les  rapports,  nécessaire  de  mettre  la  correspondance  poli- 
tique à  l'abri  de  toute  connaissance  des  Anjjlais  que  vous  avez  dû  recon- 
naître pour  être  extrêmement  ombrageux  (1). 

Vous  joindrez  à  vos  premières  dépêches  un  état  de  situation  des  militaires 
el  employés  civils  qui  sont  à  Pondichéry. 

D'après  la  situation  de  vos  finances,  vous  déterminerez  provisoirement 
le  traitement  de  chacun.  Vous  savez  que  la  nourriture  et  la  solde  des 
troupes  doivent  être  en  privilège.  Tous  ceux  qui  sont  descendus  à  terre 
des  bâtiments  de  la  division  autres  que  la  Belle-Poule  ne  recevront  de 
traitement  qu'autant  que  vous  serez  assuré  de  six  mois  de  ressources  pour 
les  troupes;  et  même,  il  ne  faudra  donner,  provisoirement,  à  tous  les  offi- 
ciers et  emplojés,  que  le  traitement  simple.  Le  supplément  sera  acquitté 
quelques  jours  plus  tard. 

Le  Diliyent,  qui  n'avait  été  expédié  que  pour  m'apporter  des  dépêches, 
ayant  appris  à  Tranquebar  que  la  division  avait  quitté  la  rade  de  Pondi- 
chéry, est  rentré  aujourd'hui. 

Dans  les  journaux  que  je  vous  envoie,  les  articles  Variétés  (n"'  28  et  30, 
mois  de  ventôse)  sont  intéressants  :  ils  vous  donneront  une  idée  de  l'An- 
gleterre. Vous  connaîtrez  l'état  de  la  France  par  l'arrêté  du  gouvernement 
<|ui  a  ordonné  l'exposé  de  la  situation  de  la  République. 

Il  ne  sera  pas  mal  que,  sans  affectation,  vous  fassiez  connaître  ces 
pièces  importantes  que  la  Gazette  de  Madras  n'annoncera  pas.  Dites  à 
■ceux  qui  vous  environnent  que  je  suis  bien  impatient  de  me  trouver  au 
milieu  d'eux.  Adieu,  mon  cher  Binot. 

(1)  «  J'indiquai  la  manière  de  se  servir  de  ce  roman  pour  la  correspondance  »  (\'ote 
■de  Decaen). 


CHAPITRK    V 

La  mission  de  Cavaignac  à  Mascate.  —  Decaen  reiit  rétablir  l'autorité  du  gouverneur  de 
l'île  de  France.  —  Linois  s'y  montre  assez  peu  disposé.  —  Mesures  que  prescrit  De- 
caea.  —  Kecoramandations  de  Uecaen  à  Cavaignac.  —  L'Atalaji(e  transportera  Cavai- 
gnac à  Mascale.  —  Cette  frégate  fera  aussi  une  reconnaissance  des  côtes  de  l'Inde  et 
de  la  situation  politique.  —  Decaen  rend  compte  au  ministre  de  la  Alariue  du  sort  de 
la  Côle-d'Or.  —  Pénurie  de  ressources  à  l'île  de  France.  —  Lne  lettre  de  Linois  au 
ministre  de  la  Marine.  — -  Cavaignac  chargé  de  faire  parvenir  de  Mascate  à  Constanti- 
nople  et  à  Paris  des  lettres  de  Decaen.  —  Correspondance  du  préfet  colonial  Léger 
a»ec  le  ministre  à  son  arrivée  à  Pondichéry.  —  Correspondance  échangée  entre  Binot 
et  les  Anglais,  le  gouverneur  du  fort  Saint-Georges  et  l'amiral  Rainier  et  Decaen. 

Dès  les  premiers  jours  de  mon  arrivée  à  l'ile  de  France,  j'avais 
témoigné  an  contre-amiral  Linois  mon  désir  qu'il  désignât  et  fît 
préparer  la  frégate  qui  devait  porter  le  résident  destiné  pour  Mas- 
cate; et,  le  12  fructidor,  je  lui  adressai  cette  demande  officielle  : 

J'ai  eu  le  plaisir  de  iii'entreteiiir  avec  vous  sur  rutilité  qu'il  y  avait 
qu'une  frégate  de  la  division  pût  mettre  au  plus  tôt  sous  voile  afin  de 
transporter  à  la  côte  d' .Arabie  le  citoyen  Cavaignac,  nommé  par  le  Premier 
Consul  résident  auprès  de  l'iman  de  Mascate.  l'euillez  bien  me  faire  con- 
naître pour  quelle  époque  les  dispositions  préparatoires  de  la  frégate  que 
vous  avez  désignée  seront  terminées,  parce  qu'il  est  essentiel,  sous  beau- 
coup de  rapports,  que  cet  agent  du  gouvernement  soit  au  plus  tôt  rendu  à 
sa  destination.  J'ai  l'honneur,  etc.. 

Ayant  eu  lieu  défaire  l'observation  que  les  capitaines  des  navires 
arrivant  dans  la  colonie  ne  paraissaient  devant  le  gouverneur 
(ju'aprés  avoir  été  conduits,  pour  faire  leur  déclaration,  devant  des 
membres  de  l'assemblée  coloniale  qui  en  composaient  le  Directoire, 
je  jugeai  convenable  de  faire  entendre  que  ce  n'était  pas  ce  mode 
(|ui  devait  être  suivi  :  il  en  résulta  bien  un  changement,  mais  les 
nouvelles  dispositions  n'étant  pas  encore  celles  qui  devaient  être 
pratiquées,  je  mandai  au  contre-amiral  ce  qui  suit  : 

15  fructidor. 

Si  les  temps  antérieurs  ont  pu  préjudicier  à  l'autorité  des  gouverneurs, 
à  l'île  de  France,  et  qu'il  ait  été  possible  qu'on   l'ait   même  méconnue 


MISSION   DE    CAVAIGXAC  369 

jusqu'à  usurper  leurs  pouvoirs,  les  circonstances  actuelles,  les  intentions 
de  notre  gouvernement,  que  vous  connaissez  comme  moi,  nous  pré- 
viennent des  dispositions  qu'il  est  essentiel  d'exécuter. 

Vous  savez  quel  étonnement  j'ai  marqué,  en  entrant  dans  cette  colonie, 
de  voir  qu'on  s'attribuait  un  pouvoir  qui  n'appartient  qu'au  gouverneur, 
en  recevant  avant  lui  les  déclarations  des  capitaines  des  navires  arrivant 
au  mouillage,  tandis  qu'on  ne  devrait  exercer  qu'une  police  particulière 
sous  l'autorité  de  ce  même  gouverneur. 

Mes  remarques,  suiifies  d'observations,  ont  bien  apporté  un  change- 
ment; mais,  avec  les  nouvelles  dispositions,  que  le  journal  d'hier  seul 
m'a  fait  connaître,  on  n'a  point  encore  atteint  le  but,  et  il  ne  peut  l'être 
qu'autant  que  la  mesure  proposée  sera  exécutée.  Je  vous  avais  demandé, 
et  je  vous  renouvelle  ma  demande  que,  comme  commandant  des  forces 
navales,  vous  ne  permettiez  pas  que  qui  que  ce  soit,  excepté  le  pilote  qui 
sera  cependant  encore  tenu  de  se  rendre  au  vaisseau  amiral  pour  y  recevoir 
des  ordres  avant  d'aller  à  bord  du  navire  arrivant,  de  communiquer  avec 
aucun  bâtiment  reconnu  pour  venir  d'Europe,  du  Cap  de  Bonne-Espérance, 
de  l'Amérique  ou  de  l'Inde,  avant  qu'un  officier  de  votre  commandement 
n'ait  reçu  le  rapport  du  capitaine  sur  la  situation  des  affaires  politiques 
entre  la  France  et  l'Angleterre,  parce  qu'il  est  de  toHte  nécessité  que,  dans 
le  cas  où  la  guerre  viendrait  à  être  déclarée,  la  nouvelle  en  soit  donnée  à 
la  colonie  d'une  manière  qui  ne  puisse  troubler  la  tranquillité. 

Dans  ce  cas,  toute  communication  devra  être  interdite  avec  le  bâtiment 
qui  apporterait  cette  nouvelle  jusqu'au  moment  où  je  vous  préviendrais 
qu'il  n'y  aurait  pas  d'inconvénient  de  lever  la  défense. 

L'importance  de  mes  demandes  me  persuade  que  vos  ordres  seront  le 
plus  tôt  possible  donnés  pour  l'exécution  de  cette  urgente  mesure. 

J'ai  l'honneur,  etc.. 

Le  contre-amiral,  (jui  ne  voyait  pas  les  choses  comme  moi,  et 
qui,  d'ailleurs,  s'était  laissé  aller  à  l'influence  de  quelques  per- 
sonnes, c'est-à-dire  des  meneurs  ([ui  s'étaient  arrogé  le  pouvoir 
et  qui  prétendaient  le  conserver,  m'ayant  notifié  son  refus  de  faire 
ce  que  je  lui  avais  demandé,  je  lui  écrivis  de  nouveau  à  ce  sujet,  le 
18  fructidor,  et  je  lui  marquai  : 

Je  suis  fâché  que  vous  donniez  à  la  proposition  que  je  vous  ai  faite  une 
toute  autre  interprétation  que  celle  qui  réellement  lui  convient.  Une  mesure 
conunandée  par  les  circonstances  n'aurait  apporté  aucun  changement  dans 
les  règlements  sanitaires;  et  assurément  la  première  visite  à  bord  des 
navires  arrivant,  faite  de  la  manière  et  pour  les  causes  que  je  vous  ai 
expliquées,  n'aurait  pas  été  préjudiciable  à  l'autorité,  et  ne  vous  aurait 
pas  fait  sortir  de  vos  attributions. 

Mais  votre  refus  peut  fournir  des  résultats  fort  désagréables  et  nuire  aux 
intérêts  de  la  République. 

I'.  24 


370      AIÉMOIRES   ET   JOLR.VAUX   DU   GEXKRAL   DEGAEX 

Les  instructions  qu'on  nous  a  donnres  doiient  sans  doute  diri<i[er  notre 
conduite,  mais  il  arrive  bien  souvent  qu'elles  n'ont  point  prévenu  sur  des 
événements  qu'on  doit  prendre  pour  réjjulateurs,  et  nous  sommes  dans  ce 
cas.  Enfin  si,  malgré  mes  observations,  vous  tenez  toujours  à  l'inexé- 
cution de  ce  que  je  vous  ai  proposé,  je  vous  demande  que,  dans  le  cas  de 
nouvelles  authentiques  qui  annonceraient  la  guerre,  toutes  les  personnes 
qui  auront  communiqué  avec  les  bâtiments  qui  les  auront  apportées 
soient  retenues  à  votre  bord,  que  toute  communication  avec  la  terre  leur 
sera  interdite,  ainsi  qu'au  bâtiment  arrivant.  Je  vous  demande,  en  outre, 
qu'aussitôt  que  ces  nouvelles  vous  seront  connues,  de  ne  les  faire  parvenir 
qu'à  moi  seul  :  jugez  maintenant  si  je  puis,  et  si  je  dois  conférer,  sur  de 
telles  dispositions,  avec  le  gouverneur  de  cette  colonie  dont  l'autorité  est 
toujours  entravée. 

J'ai  l'honneur,  etc.. 

Il  me  fut  assuré  ([ue  ces  nouvelles  dispositions  seraient  ponc- 
tuellement exécutées. 

En  attendant  d'être  informé  du  jour  où  la  frégate  V Atalante 
pourrait  sortir  du  port  pour  aller  à  Alascate,  j'écrivis,  le  10  fruc- 
tidor, au  citoyen  Cavaignac  qu'elle  devait  y  transporter  : 

liOrsque  le  Premier  Consul  vous  a  donné  la  mission  honorable  de  rési- 
dent auprès  de  l'iman  de  Mascate,  on  ignorait  alors  que  ce  prince  avait 
envoyé  auprès  du  gouverneur  de  l'ile  de  France.  Vous  étiez  chargé  d'as- 
surer l'iman  des  intentions  du  premier  magistrat  du  peuple  français,  qui  a 
voulu  lui  donner  une  marque  de  sa  haute  considération  en  lui  envoyant 
une  personne  distinguée  pour  entretenir  plus  particulièrement  les  rap- 
ports d'amitié  et  les  relations  de  commerce  qui  n'ont  jamais  été  troublées, 
entre  les  Français  qui  ont  fréquenté  la  côte  d'Arabie  et  ses  habitants,  que 
par  des  corsaires  qui,  se  trouvant  éloignés  de  la  surveillance  et  du  frein,  se 
sont  portés  à  quelques  excès.  Vous  deviez  commencer  vos  relations  avec 
l'iman  en  lui  donnant  un  témoignage  bien  marqué  de  la  pensée  du  gou- 
vernement de  France  à  l'égard  des  pirateries  exercées  sur  le  commerce  d'une 
nation  avec  laquelle  il  ne  veut  avoir  que  des  rapports  d'amitié,  puisque 
vous  avez  été  chargé  spécialement  de  prendre  des  informations  et  donner 
des  renseignements  qui  puissent  mettre  à  même  d'indemniser  des  pertes 
réellement  éprouvées.  I^a  démarche  qu'a  fait  faire  l'iman  de  Mascate  con- 
tribue à  rendre  votre  mission  bien  plus  agréable,  puisque  vous  ne  pouvez 
pas  douter  de  recevoir  le  meilleur  accueil.  Le  gouverneur  de  l'île  de 
France  vous  a  préparé  cet  avantage  par  les  rapports  qu'il  a  eus  avec 
liman  et  la  réception  qu'il  a  faite  à  son  envoyé. 

C'est  donc  sous  ces  auspices,  citoyen  résident,  que  vous  allez  vous  rendre 
à  un  poste  qui  peut  présenter  beaucoup  d'intérêt,  et  dont  vous  pourrez  sur 
les  lieux  apprécier  beaucoup  mieux  l'importance.  I^a  frégate  qui  doit  vous 
transporter  à  votre  résidence  sera  prête  à  mettre  sous  voile  dans  peu  de  jours. 


DEPART   DE    CA\  AIGXAC   POUR  MASCATE  371 

Si  les  insiructions  qui  vous  ont  été  données,  lesquelles,  sans  doute,  ne 
vous  laissent  rien  à  désirer,  ne  vous  disent  pas  que  vous  devez  corres- 
pondre autant  avec  moi  qu'avec  le  ministre  des  relations  extérieures  et 
celui  de  la  marine,  je  vous  préviens  que  les  intentions  du  jfouvernement 
sont  telles  qu'il  est  indispensable  que  vos  rapports  soient  avec  moi  comme 
si  j'étais  le  seul  avec  lequel  vous  dussiez  être  en  relation,  Mascate  étant 
compris  dans  la  dépendance  du  commandement  dont  je  suis  honoré. 

Comme,  jusqu'tY  ce  jour,  on  n'a  eu,  sur  la  puissance  de  l'iman  de 
Mascate,  que  des  notions  très  imparfaites,  et  qu'il  est  important  d'avoir 
le  plus  tôt  possible  des  données  certaines  alin  de  pouvoir  statuer  quels 
peuvent  être  effectivement  les  avantages  que  la  France  peut  retirer 
de  ses  rapports  avec  ce  prince  d'Arabie  dont  il  faut  connaître  le  pays,  les 
peuples,  les  richesses,  les  forces  de  terre  et  de  mer,  les  relations  com- 
merciales, etc.,  etc.,  j'ai  choisi  le  citoyen  Mécusson,  officier  du  génie, 
pour  vous  accompagner  et  participer  iY  recueillir  tous  ces  renseignements 
essentiels. 

Je  lui  remettrai  une  note  pour  les  objets  dont   il  aura  principalement  à 
s'occuper.  Vous  voudrez  bien,  par  votre  crédit,  faciliter  à  cet  officier  tous 
les  moyens  nécessaires  pour  remplir  sa  mission. 
J'ai  l'hoimeur,  etc.. 

Le  contre-amiral  Liuois  in'ayant  annoncé,  le  23  IVucticlor,  (lue 
YAlalante  serait  prête  à  partir  le  2G,  je  lui  mandai  de  suite  : 

Puisque  la  frégate  YAlalante  pourra  appareiller  le  26  de  ce  mois,  je 
serai  fort  aise  qu'elle  ne  retarde  pas  son  départ  car,  avec  l'utilité  qu'il  y 
a  que  la  personne  que  le  Premier  Consul  a  choisie  pour  résider  auprès  de 
l'iman  de  Mascate  soit  au  plus  tôt  rendue  à  son  poste,  il  y  a  encore  plu- 
sieurs considérations  qui  me  portent  à  désirer  qu'une  frégate  française 
paraisse  dans  ces  mers.  Je  m'en  suis  particulièrement  entretenu  avec  vous. 

Le  séjour  de  cette  frégate  dans  la  rade  de  Mascate  ne  doit  y  être  pro- 
longé que  le  temps  nécessaire  à  l'agrément  et  à  la  réception  du  résident. 
Mais  quoiqu'il  y  ait  utilité  que  YAlalante  ne  mette  pas  trop  de  retard  à 
se  rallier  à  votre  division,  il  est  néanmoins  fort  important  que  le  capitaine 
Beauchéne  reçoive  de  vous  des  instructions  qui  le  mettent  ù  même  de  por- 
ter quelques  regards  sur  les  côtes  de  l'Hindoustan.  Ce  qui  est  relatif  à  la 
marine  anglaise  est  certainement  un  objet  d'attention;  mais  des  renseigne- 
gnements  bien  nécessaires  encore  dans  les  circonstances  actuelles,  c'est 
de  savoir  dans  quelle  position  politique  les  Anglais  sont  à  l'égard  des 
Mahrattes,  Holkar  et  Scindiah;  s'ils  continuent  d'être  en  guerre  avec  eux, 
et  en  faveur  de  qui  les  avantages  se  sont  prononcés. 

Si  le  capitaine  Beauchéne  peut  arriver  jusqu'aux  côtes  de  Guzarate,  soit 
dans  le  golfe  de  Kutch,  ou  dans  celui  de  Cambay,  il  acquerrait  certaine- 
ment beaucoup,  non  seulement  sur  les  Mahrattes  et  les  Anglais,  mais  encore 
sur  les  dispositions  de  paix  ou  de  guerre  des  différents  peuples  du  nord  de 


372      MÉMOIRKS   ET   JOURXAUX   DU   GEXERAL   DECAEX 

rH'mdoustan,   et   notainmoiit   de   Malimoud  Schah,  roi  des  Afrjhans,   qui 
domine  sur  presque  tous  les  peuples  entre  llndus  et  la  Perse. 

Si  la  mousson  ou  quelques  autres  obstacles  trop  difficiles  à  vaincre  ne 
permettaient  pas  d'arrriver  sur  le  Guzarate,  VAtalante  éprouverait  peut- 
être  moins  de  dilTicultés  à  le  faire  depuis  Surate  jusqu'à  Goa,  côte  qu'il 
serait  aussi  très  essentiel  de  visiter,  dans  le  cas  uu'me  où  elle  aurait  pu 
atteindre  le  premier  but.  Après  avoir  ainsi  montré  le  pavillon  français 
vers  les  dominations  anglaise  et  mahratte,  ce  qui,  sous  beaucoup  de  rap- 
ports, n'est  pas  indifférent,  il  conviendrait  encore,  si  les  difficultés  de  la 
navigation  ne  s'y  opposent  point,  que  VAtalante  revînt  à  Mascate  pour 
y  prendre  les  dépêches  du  résident  auquel  le  capitaine  Bcauchêne  com- 
muniquera les  nouvelles  politiques  qu'il  aura  pu  recueillir  à  la  côte 
opposée,  afin  que  le  citoyen  Cavaignac  en  rende  compte  directement  en 
France. 

A  Mascate,  le  capitaine  Beauchêne  pourra,  par  le  moyen  du  résident, 
avoir  à  son  bord  un  homme  parlant  la  langue  des  côtes  qu'il  entreprendra 
de  visiter  (1). 

La  pénurie  dans  laquelle  les  circonstances  nous  mettent,  surtout  relative- 
ment aux  vivres  de  bord,  me  fait  aussi  vous  proposer  de  diriger,  s'il  n'j  a 
pas  d'impossibilité  trop  grande,  la  frégate  VJllalante  sur  une  des  relâches 
de  .Madagascar,  parce  que,  là,  elle  se  procurerait  des  vivres  frais  et  à  bon 
compte,  ce  qui  ajoutera  à  son  approvisionnement,  sera  une  économie  et 
lui  donnera  par  conséquent  des  moyens  de  plus  pour  remplir  sa  mis- 
sion. 

Le  préfet  doit  vous  écrire  pour  vous  faire  part  des  propositions  que  je 
lui  ai  faites  à  ce  sujet  et  pour  Mascate,  si  on  ne  peut  aller  à  Mada, 
gascar. 

Il  ne  nie  reste  plus  qu'à  vous  demander  de  donner  les  ordres  pour  l'ein 
barquement  du  résident  auprès  de  liman  de  Mascate  et  des  personnes  qu 
l'accompagnent,  au  nombre  de  deux,  selon  l'état  ci-joint. 

La  qualité  du  citoyen  Cavaignac  détermine  le  traitement  et  la  considéra- 
tion dont  il  doit  jouir,  mais  je  vous  recommande  particulièrement  le  capi- 
taine du  génie  Mécusson  que  je  charge  d'accompagner  le  résident.  Je  désire 
qu'il  soit  traité  comme  officier  supérieur.  Je  vous  préviens  aussi  qu'il  est 
possible  qu'il  fasse  son  retour  avec  VAtalante. 
J'ai  l'honneur,  etc.. 

Je  chargeai  le  citoyen  Cavaignac  de  faire  parvenir,  par  la  voie 
de  Constantinople,  une  dépêche  ponr  le  ministre  de  la  .Marine 
(elle  était  en  chiffres).  Dans  cette  dépèche,  j'analysai  mon  rapport 

fl)  ^  Mais  c'était  chose  plus  facile  à  indiquer  qu'à  trouver  :  il  aurait  fallu  avoir  le 
hasard  de  rencontrer  quelque  renégat  français  ou  autre  Européen  qui  eût  parlé  I  li'n- 
douslaui  ou  le  maure.  Cependant,  arec  le  portugais  qu'on  parle  dans  l'Inde,  on  pouvait 
se  procurer  des  renseignements  "  (\ole  d»  Decaen). 


RAPPORT   Ï)K   DIsCAKX   AU   MIMSTRE  373 

de  ce  qui  s'était  passé  depuis  notre  départ  de  False  llay,  jus(|u';i 
notre  arrivée  à  Tile  de  France,  et  j'y  ajoutai  ce  qui  suit  : 


Ile  (le  France,  le  28  fructidor. 

Fia  Côte-d'Or.  étant  arrivée  deux  jours  après  notre  départ,  fut  som- 
mée daller  nioudler  à  côté  de  l'escadre  anglaise.  Le  commandant  Binot 
témoigna  à  l'amiral  sa  surprise  d'une  telle  violation  des  traités  :  il  en 
reçut  une  réponse  hautaine,  qui  ne  l'empêcha  cependant  pas  de  donner 
l'ordre  au  capitaine  d'appareiller  pour  se  rendre  à  l'île  de  France,  ce  qui 
fut  exécuté,  le  26  messidor,  quoique  ce  bâtiment  fût  très  surveillé.  Mais 
chassé  et  atteint  à  quelques  milles,  il  fut  sommé  de  se  rendre  et,  sur  son 
refus,  canonné  de  plusieurs  bordées  à  portée  de  pistolet  accompagnées  de 
feu  de  mousqueterie.  La  Côte-d'Or,  forcée  de  se  rendre,  fut  dirigée  sur 
Pondichérj  oîi,  de  nouveau,  elle  mouilla  portant  pavillon  anglais. 

Cet  acte  de  l'amiral  anglais  est  bien  l'hostilité  la  plus  caractérisée;  mais 
le  lord  Clive,  président  du  conseil  de  .Madras,  auquel  s'adressa  le  colonel 
Binot  pour  savoir  dans  quel  état  il  devait  se  considérer  afin  d'agir  selon 
les  circonstances  et  les  instructions  que  je  lui  avais  remises,  a  désapprouvé 
la  conduite  de  l'amiral  qui,  lui-même,  annonça  qu'on  l'avait  désavoué  et  il 
s'exprime  ainsi,  dans  une  lettre  en  date  du  20  juillet  : 

«  J'ai  la  satisfaction  de  vous  annoncer  que  le  vaisseau  la  Côte-d'Or 
est  dans  ce  moment  à  votre  disposition,  le  gouvernement  du  fort 
Saint-Georges  m'ayant,  par  sa  dépêche  du  10  du  présent,  que  je 
n'ai  reçue  que  ce  matin  par  un  exprès,  signifié  son  entière  désap- 
probation de  la  détention  de  ce  vaisseau,  en  réponse  à  la  lettre  que 
j'écrivis  pour  soumettre  à  ses  sages  et  respectables  conseils  ma 
conduite  dans  cette  mesure,  immédiatement  après  que  je  l'eus 
adoptée,  etc.,  etc..  n 

Enfin  la  Côte-d'Or  est  entrée  à  File  de  France,  le  3  fructidor.  Une  fré- 
gate l'avait  escortée  jusqu'à  la  ligne. 

Avec  l'incertitude  sur  ce  qui  se  passe  en  Europe  et  les  pouvoirs  éven- 
tuels que  vous  m'avez  adressés,  je  suis  ici,  citoyen  ministre,  dans  une 
situation  fort  désagréable. 

Il  y  a  beaucoup  à  dire  sur  la  mauvaise  administration  de  cette  colonie  : 
nous  avons  trouvé  de  la  bomie  volonté  de  la  part  du  gouverneur  et  de 
lordonnateur ;  mais,  toujours  dépendants  de  l'assemblée,  ils  n'ont  rien  à 
leur  disposition.  Celle-ci,  dont  on  est  fort  las,  s'attend  néanmoins  à  quitter 
d'un  jour  à  l'autre  sa  puissance,  l'organisation  et  les  administrateurs  étant 
annoncés  par  les  derniers  Moniteurs  parvenus. 

Ce  nouvel  ordre  de  choses  est  désiré  avec  bien  de  l'impatience  par  les 
bons  colons.  Au  reste,  les  meneurs  et  les  intrigants  seront  tenus  très  faci- 
lement aussitôt  qu'on  réunira  justice  et  sévérité. 


:j74      MEMOIRES   ET   JOURNAUX   DU    GÉXÉRAL   DECAEM 

Si  le  mojcii  que  j'emploie  pour  vous  faire  parvenir  ce  rapport  avait  été 
plus  facile,  je  serais  entré  dans  quelques  détails  que  vous  aurez  plus  tard. 
Je  vais  seulement  vous  observer,  avec  M.  Lé^er  qui,  dans  ces  nouvelles 
circonstances,  a  donné  encore  une  grande  preuve  de  son  zèle  et  de  son 
dévouement  en  s'embarquant,  n'emportant  rien  avec  lui  et  ayant  laissé  sa 
famille  à  l'ondichéry  afin  de  se  rendre  à  Tile  de  France  pour  y  attendre, 
comme  moi,  vos  instructions  ultérieures,  quoiqu'il  n'ait  point  connais- 
sance des  dispositions  que  vous  m'avez  communiquées. 

Xous  vous  observons  donc,  citoyen  ministre,  qu'en  arrivant  à  l'île  de 
France  nous  avons  trouvé  les  ma<5asins  vides,  le  <i[ouvernement  sans  res- 
sources et  sans  crédit,  ses  premiei's  ao[ents  annulés  et  réduits  à  riuimiliation 
de  recevoir,  mois  par  mois,  de  faibles  secours,  pour  le  prêt  des  troupes 
et  pour  cuv-mémes,  d'une  a.ssemblée  coloniale  qui  continue  abusivement 
d'exercer  la  souveraineté  qu'elle  a  usurpée,  percevant  des  impôts  qu'elle 
a  établis  et  dos  droits  qui  entraient  autrefois  dans  la  caisse  de  la  marine. 
Ce  n'est  pas  seulement  dans  les  magasins  du  service  que  l'on  éprouve  le 
désastreux  effet  de  l'état  actuel  de  la  colonie.  L'assemblée,  qui  ne  peut  se 
dissinmler  qu'elle  ne  devrait  pas  exister,  n'a  pris  aucune  mesure  pour 
employer  les  ressources  dont  elle  dispose  à  former  des  approvisionnements 
pour  la  «garnison. 

Xous  sommes  forcés  d'aclietcr  le  blé,  chez  les  particuliers,  au  prix  exor- 
bitant de  27  fr.  50  le  quintal.  La  viande,  que  nous  nous  procurons  au 
jour  le  jour,  coiîte  55  centimes  la  livre,  et  il  résulte  de  tous  les  besoins  du 
soldat  qu'un  homme  coûte  ici  plus  que  deux  dans  l'Inde. 

Si  nous  sommes  retenus  ici  encore  quelques  mois,  et  que  la  colonie  ne 
fournisse  à  aucune  partie  de  nos  dépenses,  nos  ressources  se  trouveront 
absorbées,  et  à  notre  retour  dans  l'Lide,  nous  serons  hors  d'état  de  suffire 
au  service. 

La  Bi'.lle-Poute  avaW.  porté  à  Pondichéry  30  400  piastres  Ces  fonds  y 
ont  été  laissés  pour  faire  exister,  jusqu'à  décision,  les  troupes  et  les  agents 
civils  débarqués  dans  l'Inde,  et  pour  subvenir  au  paiement  des  premières 
dispositions  qu'on  avait  commencées  pour  la  reprise  de  possession. 

Cette  distraction  d'environ  200  000  francs  nous  a  laissé  720  000  francs 
de  disponible,  sur  quoi  il  a  fallu  prendre  les  dépenses  extraordinaires  de 
l'établissement  momentané  que  nous  faisons  ici,  et  quoique  nous  nous  bor- 
nions à  la  solde  des  salariés  et  aux  fournitures  pour  les  troupes,  nous 
sommes  forcés  de  vous  faire  remarquer  que,  nos  dépenses  devant  augmenter 
avec  l'épuisement  successif  des  objets  de  consommation  dont  le  remplace- 
ment ne  parait  assuré  ni  par  l'état  des  récoltes,  ni  par  la  situation  de  la 
colonie  en  bestiaux,  il  deviendra  indispensable  de  faire  de  nouveaux  fonds 
pour  le  service  de  l'Inde  bien  plus  tôt  que  vous  ne  l'aviez  calculé,  puisque 
les  ressources  locales,  sur  lesquelles  vous  aviez  compté,  n'ont  pas  lieu. 
Xous  sonunes  menacés  de  voir  sous  peu  la  livre  de  viande  à  plus  de  20  sols. 
Le  prix  du  pain  s'élèvera  de  même  en  raison  du  déficit  de  la  récolte  ([ui, 
dans  plusieurs  cantons,  ne  donnera  pas  même  la  semence. 


U\i   PROJET    DE    DEGAKN   SIR   L'IXDE  375 

11  serait  utile  d'envoyer  acheter  des  blés  au  Cap  de  lionne-Espérance  ou 
dans  le  <{olle  Pcrsiquc;  mais  le  commerce  n'en  n'offre  aucun  moyen  depuis 
longtemps  :  il  est  paralysé  par  l'abus  de  l'admission  des  navires  anglais 
et  américains  qui  font  même  le  cabotage  dans  les  deux  îles.  Quoique  vous 
ajcz  exprimé  l'intention  précise  de  faire  subsister  la  division  des  forces 
navales  par  des  envois  assortis  de  vivres,  il  arrive  cependant  qu'on  est 
obligé  de  lui  faire  des  fournitures  prises  dans  la  colonie.  L'envoi  par  le 
Malabar  n'a  pas  procuré  de  secours  en  farines,  et  si  les  vaisseaux  doivent 
reprendre  la  mer  avant  l'arrivée  d'un  nouvel  envoi,  on  sera  forcé  d'en 
acheterdcs  Aniéricains  qui,  depuis  longtemps,  sont  les  seuls  qui  en  apportent. 
Ce  sont  des  opérations  ruineuses,  et  il  est  douteux  qu'on  puisse  les  faire  à 
crédit.  .Mais  on  doit  espérer  de  voir  rentrer  bientôt  dans  les  mains  du  gou- 
vernement les  ressources  et  l'autorité  qu'une  assemblée  sans  aveu  emploie 
depuis  la  Révolution  sans  en  rendre  compte. 

J'ai  pen.sé,  citoyen  ministre,  qu'il  convenait  que  le  résident  destiné  pour 
Mascafe  fût  au  plus  tôt  à  son  poste  où,  sous  beaucoup  de  rapports,  il  peut 
être  très  utile.  C'est  aussi  un  moyen  de  vous  donner  de  nos  nouvelles  car 
le  citoyen  Cavaignac  entreprendra  de  vous  faire  parvenir  cette  dépèche.  Il 
peut  y  réussir  si,  comme  j'aime  à  le  croire,  l'iman  est  toujours  dans  les 
bonnes  intentions  qu'il  a  dernièrement  manifestées. 

S'il  est  nécessaire  que  vous  soyez  informé  de  notre  situation  et  des  évé- 
nements dont  j'ai  rhomieur  de  vous  faire  un  rapport,  il  n'est  pas  non  plus 
indifférent  que  le  Premier  Consul  sache  que  la  puissance  anglaise  éprouve, 
dans  ce  moment,  une  commotion  telle  que,  si  elle  avait  des  suites  et  qu'on 
augmentât  d'efforts,  il  en  pourrait  bien  résulter  des  événements  fâcheux 
pour  cette  puissance  dont  la  force  sur  ce  théâtre  éloigné  de  l'œil  observa- 
teur ne  m'a  pas  paru,  au  premier  aperçu,  aussi  formidable  qu'on  la  sup- 
pose. Je  voudrais  bien  avoir  séjourné  quelques  mois  sur  ce  continent!  Qu'il 
m'aurait  été  favorable  qu'à  l'époque  où  je  suis  abordé  à  la  côte  Coroman- 
del,  la  division  eût  été  de  3  à  4  vaisseaux  de  ligne,  avec  le  même  nombre 
de  frégates,  et  3000  Européens  aussi  bien  portants  et  d'aussi  bonne  volonté 
que  ceux  qui  m'accompagnaient!  J'y  suis  arrivé  à  l'instant  où  les  Anglais 
avaient  été  obligés  de  diriger  tous  leurs  moyens  vers  le  nord  pour  y  sou- 
tenir contre  les  Mahrattes  une  guerre  qu'ils  termineront  peut-être,  mais 
qui  aurait  pu  prendre  un  tout  autre  caractère  dans  un  moment  où  les  habi- 
tants de  l'île  deCeylan,  déjà  fatigués  du  joug,  ont  égorgé  toutes  les  troupes 
anglaises  qui  avaient  été  établies  dans  l'intérieur  de  l'île,  et  surtout  à 
Kandy.  On  en  évalue  le  nombre  à  1  800,  dont  beaucoup  d'Européens,  ce 
qui,  joint  aux  pertes  occasionnées  par  les  maladies,  donnait  beaucoup 
d'embarras  aux  différentes  présidences  et  surtout  au  gouverneur  Wel- 
lesley. 

Si,  dans  les  circonstances  présentes,  on  pouvait,  par  la  voie  de  Constan- 
tinople,  faire  faire  des  démarches  auprès  de  Mahmoud  Schah,  dont  la  rési- 
dence est  à  Caboul,  —  il  est  de  la  secte  d'Omar,  —  ce  serait  une  facilité 
pour  l'engager  à  la  guerre.  Il  règne  sur  les  Afghans  et  les  Abdallis,  et  sa 


376      AIEMOIRRS   ET   JOURNAUX   DU   GENERAL   DECAEV 

puissance  est  de  plus  en  plus  redoutée  des  Anglais  qui,  dans  leurs  gazettes, 
lui  donnent  beaucoup  de  loitanges.  Il  est  présumable  que,  dans  ce  moment 
difficile,  ils  font  négocier  auprès  de  lui.  Ils  ont  fait  partir  un  nouvel  am- 
bassadeur pour  la  Perse,  mais  on  m'a  assuré  que  ce  pays  est  toujours 
semé  de  divisions.  Par  l'ambassade  qu'ils  envoyèrent,  lorsque  le  Premier 
Consul  fit  la  conquête  de  l'Kgjptc,  ils  demandèrent  au  roi  régnant  (c'était 
alors  Babakan  Serdar)  de  faire  alliance  avec  lui,  de  ne  jamais  donner 
passage  au\  Français,  et  que  toutes  les  fois  que  Zeman  Scbah,  auquel 
Mahmoud  Schah  a  succédé,  marcherait  vers  l'Inde,  de  l'attaquer  du  côté  de 
l'ouest  pour  l'obliger  à  retourner  sur  ses  pas.  Cette  démarche  n'eut  pas 
alors  le  succès  attendu. 

Si  la  guerre  était  inévitable,  je  serais  bien  fâché  de  rester  dans  l'inac- 
tion, surtout  aussi  peu  éloigné  d'un  théâtre  où  je  pourrais  si  utilement 
servir.  Veuillez  bien  dire  au  Premier  Consul,  citoyen  ministre,  que  j'ose- 
rais bien  porter  la  guerre  dans  l'Hindoustan  l'année  prochaine  avec  une 
certitude  de  succès  si,  avec  six  vaisseaux  de  ligne,  on  apportait  à  l'île  de 
France  3  000  hommes  de  troupes  choisies,  dont  deux  compagnies  d'artille- 
rie légère,  500  hommes  de  cavalerie  et  le  reste  en  infanterie,  payés  de  six 
mois  de  leurs  appointements,  et  si,  avec  les  munitions,  etc.,  il  y  avait 
quatre  millions.  Je  donnerai  à  cet  aperçu  le  développement  convenable. 

Vous  a\ez  sans  doute  reçu  mes  dépèches  adressées  du  Cap  de  Bonne- 
Espérance  :  elles  vous  annonçaient  que  ce  poste  n'était  pas  suffisamment 
défendu  et  que  les  Anglais  y  conservent  une  grande  influence. 

Pour  espérer  les  succès  dans  une  correspondance  parterre,  il  serait  bien 
essentiel  que  nous  eussions  un  agent  à  Bassora,  car  un  second  suffirait  à 
Bagdad. 

J'ai  l'honneur,  etc. 

J'ajoutai  à  cette  dépèche  la  copie  de  la  lettre  ci-après  du  contre- 
amiral  Linois  au  ministre  de  la  Marine,  datée  du  17  fructidor  : 

Géxér.^l  mixistre, 

Me  référant  à  la  lettre  du  général  Decaen,  je  me  borne  à  vous  faire 
connaître  le  dénûment  extrême  de  la  colonie.  Il  est  indispensable  que  vous 
envoyiez,  pour  la  division,  des  salaisons,  farines,  vins.  N'envoyez  plus  de 
biscuit  :  il  peut  avec  avantage  se  confectionner  ici.  Nous  avons  encore 
pour  soixante  jours  de  vivres  arrivés  par  le  Malabar.  Il  est  urgent  de  nous 
faire  passer  des  câbles  et  munitions  navales  de  toutes  espèces,  à  l'exception 
d'ancres,  de  poudre  et  boulets.  J'ai  deux  mois  de  solde  pour  les  équipages. 
Ces  fonds  employés,  il  ne  me  reste  rien  ;  je  ne  puis  compter  sur  les  res- 
sources de  la  colonie.  Point  de  nouvelles  de  la  Marie-Françoise.  \iAla- 
lanle  transporte  à  Mascate  l'agent  Cavaignac. 
Salut  respectueux. 

Signé  :  Lixois. 


RKCONXAISSAXCE    \  KRS   L'ARABIE    ET    L'INDE       377 

Enfin,  je  remis  au  citoyen  Cavaignac  les  lignes  ci-après  que 
j'adressai  au  général  Brune,  ambassadeur  de  la  République  fran- 
çaise à  Constantinople  : 

26  fructidor  an  XI,  île  de  France. 

Je  vous  prie,  mon  cher  général,   de  faire  parvenir  cette  dépèche  au 
ministre  de  la  Marine  par  un  courrier  extraordinaire. 
Recevez,  etc.,  etc.. 

Postérieurement  au  départ  du  résident  pour  Mascate,  j'écrivis 
encore  au  ministre,  au  sujet  de  l'iman,  la  lettre  suivante,  datée  du 
30  fructidor  : 

J'ai  déjà  eu  l'honneur  de  vous  prévenir,  citoyen  ministre,  que  j'avais 
demandé  au  contre-amiral  Linois  d'expédier  une  frégate  pour  Mascate, 
afin  de  porter  à  son  poste  le  résident  que  le  Premier  Consul  a  choisi  pour 
être  auprès  de  l'iman.  Vous  avez  aussi  été  informé  par  le  général  Magallon 
de  la  démarche  que  ce  prince  avait  faite  auprès  de  lui;  mais  ce  n'est  pas  le 
seul  motif  qui  m'a  lait  souhaiter  que  nous  ayons  quelqu'un  à  Mascate  car, 
d'après  les  pièces  que  le  général  Magallon  m'avait  adressées  par  le  Diligent 
qu'il  jugea  nécessaire  de  m'expédier,  plus  particulièrement  encore  pour 
nie  faire  part  des  bruits  de  guerre,  je  n'ai  pas  vu  plus  de  désirs,  de  la  part 
de  l'iman,  d'avoir  des  rapports  avec  les  Français  que  ceux  que  lui  et  ses 
prédécesseurs  avaient  manifestés.  L'envoyé  de  l'iman  est  plutôt  venu  à  l'ile 
de  France  pour  des  réclamations  de  navires  capturés  que  pour  des  raisons 
politiques.  J'en  ai  jugé  par  la  note  secrète  que  vous  a  annoncée  le  général 
Magallon  dans  sa  lettre  du  26  ventôse;  en  voici  la  traduction  : 

«  Au  xoM  DE  Dieu, 

«  L'exposition  de  la  demande  est  pour  faire  rendre  les  navires  qui 
ont  été  pris,  l'un  appartenant  au  nommé  Djouher,  et  l'autre  sur- 
nommé le  Bédouin,  ainsi  que  13  000  piastres  qui  furent  prises  sur 
ces  deux  navires.  Cette  demande  est  fondée  sur  ce  que  nous  avons 
étant  à  vous,  par  la  bonne  intelligence  qui  règne  entre  nous,  qui- 
conque se  déclare  notre  ennemi,  en  enlevant  ou  en  prenant  notre 
bien,  doit  être  aussi  le  vôtre,  de  même  que  vos  amis  sont  les  nôtres. 
Si  vous  désirez  envoyer  à  Zanzibar  ou  à  .Mascate  un  agent  chargé 
de  vos  affaires,  qu'il  y  vienne.  L'amitié  sera  encore  plus  stable  et 
plus  sincère  des  deux  côtés.  L'ennemi  ne  doit  être  que  l'ennemi 
pendant  la  guerre,  de  même  que  l'ami  est  toujours  véritable  ami. 

"  Salut.  )• 

Cette  note  est  sans  signature,  et  n'est  vraiment  autre  chose  qu'un  sou- 
venir que  cet  envoyé  a  laissé  pour  qu'on  n'oublie  pas  les  intérêts  de  son 


378      MKMOIRKS   ET   JOIUMAUX   UU   GKiVKRAL   DKCAE.V 

maître.  J'ai  donc  ('té  plus  détcriniiié,  pour  hâter  l'arrivée  du  citoyen  Ca- 
vaignac,  par  les  anciennes  relations  avec  l'inian,  par  la  belle  situation  de 
Mascatc  et  de  son  port,  par  les  intentions  du  gouvernement  d'y  avoir  un 
agent,  enfin,  par  la  nécessité  ([ue  m'ont  présentée  les  circonstances. 

D'abord  la  saison  était  la  plus  favorable,  puisque  la  frégate  Y AtalanU, 
partie  le  26  de  ce  mois,  arrivera  à  la  côte  d'Arabie  av.  commencement  du 
renversement  de  la  mousson  et  à  une  épocpie  où  l'escadre  anglaise  n'aura 
pas  encore  effectué  son  retour  de  la  côte  Coromandel.  Cette  frégate  pourra 
donc  aussi,  en  outre  la  mission  dont  elle  est  chargée,  être  dirigée  vers  le 
Guzarate,  Bombay  et  la  côte  Malabar  jusqu'à  Goa;  montrer  le  pavillon 
français;  avoir  des  renseignements  sur  les  forces  navales  anglaises,  ap- 
prendre des  nouvelles  sur  la  situation  de  la  guerre  entre  les  Mahrattes  et 
les  Anglais  et  sur  les  divers  événements  qui  ont  eu  lieu  dans  celte  partie 
du  monde,  ainsi  que  sur  les  dispositions  de  guerre  ou  de  pai\  dans  les- 
quelles peuvent  être  les  peuples  du  nord  de  l'Inde;  rapporter  ces  nou- 
velles au  résident  à  .Mascate,  qui  fera  encore  son  possible  pour  vous  les 
transmettre;  car  j'aime  à  me  persuader  qu'il  réussira  à  vous  faire  par- 
venir les  dépêches  intéressantes  dont  je  lai  chargé.  L'espoir  de  ce  succès 
a  encore  été  une  des  causes  qui  m'a  fait  le  plus  désirer  que  cette  expédi- 
tion ne  soit  point  retardée. 

Mais  s'il  y  a  une  importance  majeure  de  pouvoir  disposer  l'iman  à 
nous  être  utile  pour  parvenir  à  correspondre  par  la  voie  de  terre  ainsi 
que  pour  avoir  des  renseignements  sur  ce  qui  se  passe  dans  l'Inde  et  à 
vous  en  tenir  informé,  il  n'est  pas  moins  intéressant,  dans  le  cas  où  la 
guerre  serait  inévitable,  d'avoir  un  lieu  sur  lequel  on  puisse  avoir  quelque 
confiance,  et  duquel  on  tirerait  pour  l'ile  de  France  des  grains,  du 
soufre  et  du  salpêtre,  etc.,  enfin  tous  les  secours  et  moyens  qu'il  peut 
offrir. 

Mais  comme,  malgré  mes  recherches,  je  n'ai  pu  acquérir  que  des 
notions  très  imparfaites  sur  la  puissance  réelle  de  l'iman,  j'ai  fait  passer  à 
Mascate  le  capitaine  du  génie  .Mécusson  ;  il  y  fera  une  reconnaissance  telle 
qu'avec  les  notes  qu'adressera  le  résident  Cavaignac,  il  ne  restera  plus, 
je  l'espère,  rien  à  désirer  sur  ce  que  l'on  doit  attendre  de  nos  rapports 
avec  cette  partie  du  monde. 

Comme  j'ai  déjà  eu  l'honneur  de  vous  dire,  citoyen  ministre,  ([ue,  pour 
avoir  une  correspondance  par  terre  avec  espérance  de  succès,  il  convien- 
drait que  nous  eussions  un  agent  à  Bassora,  il  est  possible  que  du  minis- 
tère des  relations  extérieures  on  vous  réponde  qu'il  y  a  toujours  eu  quel- 
qu'un à  cette  destination,  ce  qui  est  vrai;  mais  le  citoyen  Rousseau,  qui 
était  chargé  de  cette  mission,  et  auquel  son  fils  a  succédé,  faisait,  comme 
celui-ci,  sa  résidence  à  Bagdad,  et  n'avait  qu'un  agent  à  Bassora;  tandis 
que,  sous  tous  les  rapports,  il  conviendrait  beaucoup  mieux  que  l'agent 
principal  fût  résident  à  Bassora  et  qu'il  y  eût  un  agent  secondaire  à  Bag- 
dad. Je  vous  prie  de  prendre  ceci  en  considération. 
J'ai  l'honneur,  etc.. 


RAPPORTS   DU   PRIiFET   LEGER   AU    MIXISTRE        379 
COPIES   DES   LETTRES    DU    PRÉFET    COLOMAL 

ANNEXÉES     SOLS    LES     NUMEROS      1 ,     2     ET     3 

A    MA     LETTRE    AU     MINISTRE     DE     LA     MARINE     SOUS     LA     DATE 
DU     10     FRUCTIDOR     AN     XI. 

A  \»  1 


A  Pondichéry,  le  9  messidor  an  \I. 

Léger,  préfet  colonial  des  établissements  français  dans  l'Inde, 
au  général  Decrès,  ministre  de  ta  Marine  et  des  colonies. 

Général, 

Un  petit  bâtiment  part  pour  l'île  de  France  :  j'en  profite  pour  rendre 
compte  à  Votre  Excellence  de  notre  heureuse  arrivée  à  Pondichéry.  La 
traversée  n'a  été  que  de  dix-neuf  jours  depuis  Madagascar  :  nous  sommes 
arrivés  le  15  juin,  26  prairial,  sans  accident  et  sans  perte  d'honnne. 

Les  lettres  de  créance  données  par  le  capitaine  général  au  commandant 
Binot  pour  réclamer  la  remise  de  la  place  ont  été  remises  à  l'officier 
anglais  qui  commande  à  Pondichéry;  et,  sur  l'envoi  qui  en  a  été  fait  à 
Madras,  le  gouverneur  a  répondu  qu'il  ne  pouvait  faire  la  remise  avant 
d'avoir  reçu  les  ordres  du  gouverneur  général  de  Calcutta. 

Mais,  en  attendant  cette  réponse,  on  a  permis  le  débarquement  des 
troupes;  et  des  ordres  ont  été  donnés  au  colonel  CuUen,  nommé  commis- 
saire britannique  pour  la  remise,  de  s'occuper  des  détails  préparatoires  et 
d'avoir  pour  nous  tous  les  égards  possibles.  Je  n'ai  qu'à  me  louer,  en 
effet,  des  procédés  de  ce  connnissaire. 

Toutes  facilités  me  sont  données  pour  préparer  les  logements  des  troupes, 
les  hôpitaux,  et  pour  assurer  les  subsistances. 

On  espère  que  la  réponse  sera  prompte  et  conforme  à  nos  désirs.  Je 
dois  cependant  vous  observer  qu'on  attribue  le  retard  de  la  remise  à  des 
alarmes  occasionnées  par  des  dépt'ches  du  11  mars,  reçues  par  Constan- 
tinople.  On  a  paru,  un  moment,  craindre  de  voir  recommencer  les  hosti- 
lités. Depuis  deux  jours,  on  est  plus  calme,  et  les  gens  qui  raisonnent  s'élè- 
vent au-dessus  des  murmures  populaires  qui  tendaient  à  donner  une 
méfiance  très  dangereuse. 

Le  capitaine  Bruilhac,  en  raison  de  ces  premiers  bruits,  a  demandé  à 
retenir  à  bord  une  partie  des  troupes  passagères,  se  trouvant  trop  faible- 
ment armé.  C'est  une  petite  augmentation  de  dépense,  puisque  les  soixante 
hommes  qu'il    a    retenus  consomment  à  bord  une    ration  de  vin  qu'ils 


380      AIKMOIHES    VA'   JOURNAUX   DU    GK-VKHAL    DKCAEX 

n'auront  point  à  terre.  J'ai  cru  devoir  consentira  cette  disposition  qui  met 
cette  frégate  dans  un  état  de  force. 

11  est  impossible  de  se  faire  une  idée  de  l'état  de  destruction  de  toutes 
les  propriétés  nationales.  Le  gouvernement  seul  a  été  conservé.  Les  autres 
maisons  nationales  ne  pourront  être  réparées  qu'à  grand  frais.  On  a  détruit... 

Le  surplus  de  celte  lettre  annonçait  quel(|ues  dispositions  provi- 
soires pour  le  logement  des  troupes,  etc...  et  Je  prévoyais  bien  -.  , 
disait  le  préfet,  'i  que  noire  po.sition  serait  peu  agréable  dans 
les  commencements;  mais  je  ne  croyais  pas  trouver  ces  établisse- 
ments publics  si  complètement  détruits,  v  Enfin,  il  terminait  cette 
lettre  par  le  paragrapbe  suivant  : 

...  Je  suis  trop  peu  lixé  encore  sur  le  motif  de  l'expédition  militaire  des 
Anglais  à  Poonah  pour  hasarder  d'en  donner  des  détails.  Le  fait  cat  qu'ils 
sont  à  Poonah  comme  auxiliaires  ou  gardes  d'honneur  du  peschvvah.  L'ex- 
périence fait  connaître  ce  que  cette  expression  signilie.  Bientôt  le  peschuah 
sera  pensionné,  c'est-à-dire  prisonnier.  D'autres  chefs  mahrattes  sont  mé- 
contents. L'arrivée  de  la  division  peut  donner  de  l'inquiétude  aux  Anglais. 
Salut,  etc.. 

Signé  :  Légkr. 

A  N»  2. 


Pondichéry,  le  19  messidor. 

Léger,  préfet,  etc.,  au  ministre  de  la  Marine. 

Depuis  le  9  de  ce  mois,  date  de  la  lettre  que  j'ai  eu  l'honneur  de  vous 
écrire  pour  rendre  compte  de  notre  arrivée,  notre  position  n'a  pas  changé. 

Le  gouvernement  de  iMadras  n'a  pas  encore  reçu  de  réponse  du  gouver- 
neur général  de  Calcutta. 

Le  conunissaire  délégué  à  Pondichéry  a  fait  toutes  les  dispositions  pour 
améliorer  en  ce  qui  le  concerne  l'exécution  de  la  remise. 

Il  n'existait  ni  pavillon  anglais  ni  nuit  pour  la  place.  Il  a  fait  rétablir 
le  mât  qui  existait  anciennement,  et  le  pavillon  britannique  qui  flotte  sur 
la  ville  indique  que  nous  n'en  avons  pas  encore  pris  possession. 

Le  courrier  de  Madras  nous  apprit  hier  que  de  nouveaux  pa(juets,  reçus 
par  la  caravane,  datés  de  Londres  du  26  mars  paraissaient  augmenter 
l'inquiétude  générale  à  Madras  sur  la  durée  de  la  paix.  On  parle  d'une 
alliance  de  la  France  avec  la  Russie,  et  du  dessein  manifesté  de  partager 
l'empire  de  la  Turquie.  Votre  excellence  conçoit  combien  ces  nouvelles 
rendent  notre  situation  fâcheuse. 

Leson-dit  ne  doivent  pas  m'cmpècher  de  continuer  les  dépenses  pour 


RAPPORTS   DU   PRKFET    LÉGER   AU   MINISTRE        381 

les  hôpitaux  et  pour  le  lojjeinent  des  troupes.  Si  les  affaires  politi(|ues 
avaient  chan<}é  en  Europe,  vous  ne  nous  abandonneriez  certainement  pas; 
jnais  il  est  bien  différent  d'être  protégé  ou  d'être  vengé. 

Sans  doute,  si  la  guerre  se  déclarait,  et  si  des  forces  un  peu  marquantes 
nous  arrivaient  en  ce  monient,  il  ne  serait  peut-être  pas  difficile  de  faire 
une  révolution  dans  l'Inde.  I^a  guerre  des  Anglais  contre  les  Malirattes  a 
créé  un  allié  puissant.  Ce  serait  à  la  côte  de  Bombay  qu'il  faudrait  opérer 
le  débarquement.  On  assure  que  Holkar  s'est  racconniiodé  avec  Scindiah; 
ces  deu\  chefs  réunis  et  soutenus  par  la  France  pourraient  faire  changer 
la  situation  des  Anglais.  Une  circonstance  particulière  peut  faire  croire 
qu'ils  en  auraient  la  crainte. 

La  Gazette  de  Madras,  qui  ne  manque  jamais  d'annoncer  les  plus  petits 
événements,  qui  rapporte  scrupuleusement  l'arrivée  des  plus  petits  bâti- 
ments, n'a  rien  dit  de  l'arrivée  de  la  frégate  française  :  la  remarque  en  a 
été  faite  même  par  les  Indiens,  et  le  silence  affecté  de  la  Gazette  produira 
l'effet  contraire.  Les  bruits  populaires  grossissent  le  nombre  des  vaisseaux 
et  des  soldats  attendus. 

La  division  anglaise  qui  était  à  Trinquemalé  est  mouillée  en  ce  moment 
sur  Gondelore  (1).  Ce  voisinage  a  paru  inquiéter  le  capitaine  Bruilhac  qui 
désirerait  recevoir  en  soldats  son  complet  d'armement.  Si  j'aperçois  quelques 
dispositions  qui  doivent  donner  des  craintes,  je  ne  balancerai  pas  à  l'armer 
de  manière  à  ce  qu'il  ait  toutes  les  chances  possibles  pour  échapper  à  l'en- 
nemi. Mais  j'avoue  que  je  répugne  à  l'idée  de  voir  la  frégate  appareiller  sur 
des  craintes  qui  n'ont  encore  d'autre  fondement  que  des  bruits  populaires. 

J'ai  fait  ces  observations  au  capitaine,  mais  je  ne  puis  m'opposer  à  son 
départ  si  des  manœuvres  douteuses  de  la  part  de  la  division  anglaise  le 
mettaient  dans  le  cas  de  se  voir  menacé. 

Le  citoyen  Bruiv  désirait  se  rendre  à  Tranque])ar.  J'ai  fait  la  demande 
d'un  passeport  pour  lui  au  commissaire  anglais  :  il  me  l'a  refusé  en  me 
montrant  l'article  de  ses  instructions  (|ui  lui  défend  de  donner  des  passe- 
ports aux  étrangers,  qui  doivent  s'adresser  à  Madras  pour  les  obtenir.  Je 
cite  cette  circonstance  pour  que  vous  jugiez  des  mesures  de  rigueur  qui 
annoncent  autant  de  crainte  qu'elles  prouvent  de  despotisme  politique. 
Salut,  etc.. 

Signé  :  Léger, 

A  N»  3. 

Léger,  préfet,  etc.,  au  ministre  de  la  Marine,  etc..., 
datée  du  '21  messidor. 

\ous  avons,  depuis  trois  jours  une  escadre  anglaise  mouillée  en  rade  de 
Gondelore  (2) .  Elle  est  forte  de  cinq  vaisseaux  de  ligne  et  de  quatre  frégates. 

(1)  Cuddalore. 

(2)  Id. 


382      MKMOIRES   ET   JOURNAUX   DU   GÉMÉRAL   DECAEXJ 

Le  vaisseau  le  Trident,  détaché  de  cette  escadre,  vint  mouiller  avant-hier 
soir,  à  7  heures,  en  rade  de  Pondichéry,  près  de  la  frérfate  la  Belle-Poule. 
Le  capitaine  Bruilhac  s'était  rendu  à  bord  aussitôt  qu'on  avait  reconnu  le 
projet  du  capitaine  anglais  de  venir  en  rade.  Les  choses  se  sont  passées 
avec  décence,  et  aucune  démarche  de  part  ni  d'autre  n'a  été  dans  le  cas 
d'altérer  la  bonne  harmonie  dont  nous  éprouvons  les  heureux  effets  dans 
nos  rapports  avec  lajj^ent  du  gouvernement  anglais. 

Le  capitaine  de  la  Belle-Poule  prend  toutes  les  mesures  commandées  par 
la  prudence,  mais  je  désire  qu'il  n'y  mette  aucune  affectation  qui  puisse 
être  regardée  comme  un  acte  de  méfiance. 

Rien  jusqu'ici  ne  peut  en  inspirer,  et  j'ai  des  preuves  que  Tordre  a  été 
donné  à  tous  les  agents  répandus  dans  la  province  de  nous  donner  toutes 
facilités  pour  nos  approvisionnements. 

Il  existe,  à  la  vérité,  des  usages  qui  procurent  aux  chefs  anglais  certains 
avantages  pécuniaires  et  dont  le  montant  se  paie,  en  dernier  résultat,  par  le 
consommateur.  Ce  serait  en  vain  que  j'en  demanderais  la  suppression.  Il 
vaut  mieux  se  résigner  à  cette  petite  exaction  que  de  faire  une  fausse 
démarche. 

SUjné  :  Lkger. 

Je  vais  aussi  transcrire  la  lettre  que  je  reçus  de  l'adjudant  com- 
mandant Binot,  aussitôt  que  le  Marengo  fut  à  l'ancre  sur  la  rade 
de  Pondichéry. 

Pondicliéry,  le  22  messidor  an  \I. 
Mox  GÉXlCRflL, 

J'ai  l'honneur  de  vous  rendre  compte  qu'après  une  relâche  de  7  jours 
dans  la  rade  de  I''oulpoinle,  ile  de  Madagascar,  la  frégate  est  arrivée  le 
2G  prairial  devant  Pondichéry,  sans  avoir  éprouvé  aucune  contrariété  ni 
perdu  un  seul  homme,  ayant  seulement  de  malades,  dans  le  détachement, 
un  olficier  et  trois  soldats.  Aussitôt  le  mouillage  opéré,  j'ai  envoyé  près  le 
connnandant  de  Pondichéry  le  capitaine  Lefebvre,  votre  aide  de  camp, 
pour  lui  porter  la  lettre,  dont  vous  avez  copie  sous  le  n°  1. 

Dans  la  même  journée,  le  lieutenant-colonel  Denieuron,  commandant 
les  troupes  britanniques,  me  répondit  (Vojez  le  n"  2). 

Après  avoir  communiqué  au  préfet  colonial  la  réponse  du  commandant 
de  Pondicliéry,  il  fut  arrêté  qu'afin  de  pouvoir  nous  occuper  de  suite  des 
préparatifs  nécessaires  pour  la  réception  des  troupes,  nous  débarquerions 
le  lendemain  avec  le  capitaine  du  génie  Dehon. 

Les  visites  d'usage  rendues  au  connnandant  de  Pondichéry  et  au 
lieutenant-colonel  Cullen,  commis.saire  du  gouvernement  anglais,  chargé 
de  la  remise  des  possessions  françaises  dans  l'Inde,  nous  sommes  allés 
reconnaître  les  établissements  convenables  au  logement  des  troupes. 


CORRESPOX'DAXCK    DR    BIXOT  383 

T,c  30,  nous  avons  arrêl(?  :  1"  (|uc  ri'<]lisc  dos  capucins  servirait  à  loger 
le  bataillon  de  la  IOÎ)<^;  2"  que  le  magasin  général  et  le  hangar  des 
Cipajes  anglais,  situé  au  bord  de  la  nier,  seraient  disposés  ])our  le  batail- 
lon de  la  18^  légère;  3"  que  les  bangars  situés  près  l'iiôlel  de  la  Monnaie 
serviraient  à  la  compagnie  des  gardes  et  à  celle  de  l'artillerie  légère;  4°  que 
le  ci-devant  atelier  du  génie  logerait  l'escouade  d'ouvriers  d'artillerie; 
5"  qu'il  serait  construit  des  hangars,  dans  l'enclos  des  missionnaires,  pour 
recevoir  200  malades. 

Les  devis  faits  par  le  capitaine  du  génie  ont  été  remis  au  préfet  colonial; 
les  travaux  ont  été  commencés  de  suite  et  s'activent  le  plus  possible. 

Le  même  jour,  j'ai  reçu  de  Madras  la  lettre  (Vojez  le  n»  3).  Les  nou- 
velles difficultés  qu'on  apportait  à  me  rendre  Pondicliéry  m'engagèrent  à 
en  référer  sur-le-champ  au  préfet  colonial,  conformément  h  vos  instructions. 
I,es  gazettes  anglaises,  arrivées  le  nuMiie  jour,  apporti'rent  des  bruits  de 
guerre  que  lés  Anglais  ne  manquèrent  pas  d'accréditer  parmi  les  habitants, 
tout  en  nous  disant,  à  nous,  qu'ils  n'en  croyaient  rien  :  ceci  me  Gt  con- 
sentir, d'après  l'avis  du  préfet,  à  la  demande  du  capitaine  commandant  la 
frégate  la  Belle-Poule  de  lui  laisser  à  son  bord  la  moitié  du  détachement, 
afin  de  porter  son  équipage  au  complet  de  guerre. 

Le  2  messidor,  moitié  du  détachement  débarqua,  au  contentement  du 
préfet  et  à  l'étonnement  des  officiers  anglais  qui  ne  s'attendaient  pas  à  voir 
des  troupes  aussi  bien  portantes  et  en  aussi  bonne  tenue.  Pendant  la  tra- 
versée et  depuis  !e  débarquement,  je  n'ai  eu  qu'à  me  louer  de  l'ordre  et 
de  la  discipline  de  ce  détachement. 

A  la  tète  des  officiers  de  la  lOf!*  et  de  ceux  des  Cipayes,  nous  avons 
été  saluer  AL  Demeuron  qui,  le  même  jour,  nous  invita  à  dîner. 

Les  deux  colonels  anglais  Demeuron  et  Cullen  cherchent,  par  tous  les 
procédés  les  plus  honnêtes,  à  nous  faire  oublier  le  retard  que  le  gouver- 
nement de  Madras  apporte  à  nous  rendre  Pondichéry.  Ils  donnent  pour 
raison  que  le  lord  Clive  n'a  pu  ordonner  que  cette  place  me  fut  rendue 
avant  que  les  lettres  dont  j'étais  porteur  pour  M.  le  manpiis  de  Wellesley 
ne  fussent  parvenues  au  conseil  de  Calcutta,  d'où  les  ordres  seront  donnés 
au  conseil  de  Madras  pour  la  restitution  de  nos  établissements. 

Le  8,  le  lieutenant-colonel  Cullen  nous  a  donné  un  diner  où  il  a  porté 
un  toast  au  I*remier  Consul,  tout  le  monde  debout  et  découvert.  J'y 
répondis  par  un  autre  à  Sa  Majesté  Britannique.  Au  diner,  à  un  bal  et 
souper  qu'avait  donnés  antérieurement  M.  le  colonel  Demeuron,  les  toasts 
par  lui  portés  avaient  toujours  été  insignifiants;  m'étant  aperçu  qu'il 
affectait  de  ne  pas  vouloir  en  porter  un  au  Premier  Consul,  je  me  suis 
cru  dispensé  de  répondre. 

Satisfait  que  le  colonel  Cullen  ait  rendu  à  notre  premier  magistrat  ce 
que  l'honnêteté  exige,  et  comiaissant  le  désir  qu'il  avait  de  posséder  une 
médaille  représentant  le  Premier  Consul,  je  lui  en  adressai  une  le  lende- 
main. Il  m'en  témoigna  de  suite  sa  reconnaissance  dans  une  lettre  dont 
vous  avez  copie  (n"  -4) 


38V      iMKMOIRKS   ET   JOURXALX   DU   GEMERAL   DECAEM 

Le  citoyen  Lefebv  re  vous  fera  connaître  les  bruits  de  guerre  répandus 
par  les  Anglais,  le  prétendu  blocus  du  port  de  Brest  par  une  escadre 
anglaise.  J'attends  d'ici  à  demain  la  réponse  du  lord  Welleslcy.  Si  elle 
tardait  plus  longtemps,  il  y  aurait  lieu  de  croire  qu'ils  apportent  de  la 
mauvaise  volonté  k  nous  rendre  nos  établissements. 

Je  vous  prie,  mon  général,  de  me  faire  connaître  vos  ordres  sur  le 
débarquement,  surtout  de  vos  malades,  afin  qu'ils  trouvent  tout  disposé 
pour  les  recevoir. 

Renvoyez-nous  le  plus  tôt  possible  votre  aide  de  camp,  pour  que  nous 
sachions  si  vous  avez  fait  une  heureuse  traversée  et  si  vous  jouissez,  ainsi 
que  votre  famille,  d'une  bonne  santé. 
J'ai  l'honneur,  etc.. 

Signé  :  Binot. 

Suivcnl  les  copies  des  lettres  jointes  à  la  précédente. 


Lettre  n»  1 . 

En  rade  de  Pondichëry  le  26  prairial, 
an  XI  de  la  République. 

L'adjudant  commanlanl  Binot,  etc.,  à  Monsieur  le  commandant 
des   troupes  de  Sa  Majesté  Britannique  à  Pondichëry . 

Le  général  Decaen,  capitaine  général  des  établissements  français  aux 
Indes  Orientales,  en  m'ordonnant  de  m'embarquer  sur  la  frégate  de  la 
République  la  Belle-Poule  qui  précède  l'arrivée  de  la  division  française 
à  la  côte  de  Coromandel,  m'a  muni  de  pouvoirs  nécessaires  pour  rece- 
voir la  restitution  de  rétablissement  de  Pondichéry,  suivant  le  traité 
d'Amiens. 

Je  vous  envoie,  en  conséquence,  le  citoyen  Lefebvre,  aide  de  camp  du 
capitaine  général,  alin  de  connaître  le  jour  où  je  pourrai  faire  débarquer 
les  troupes  à  mes  ordres  et  les  envoyer  relever  celles  de  Sa  Majesté  Britan- 
nique dans  les  différents  postes  de  la  ville. 

Je  charge  le  citoyen  Lefebvre  de  vous  remettre  un  paquet  à  l'adresse  de 
M.  le  gouverneur  de  .Madras,  qui  mérite  d'autant  plus  d'être  reconnnandé 
qu'il  contient  des  dépêches  de  votre  gouvernement  et  du  capitaine  général 
Decaen  à  M.  le  marquis  de  Wellesley. 

Je  suis  flatté.  Monsieur,  que  cette  heureuse  circonstance  me  procure 
l'avantage  de  faire  votre  connai.ssance  et  de  vous  assurer  de  mes  très 
humbles  civilités. 

Pour  copie  conforme  : 
L'adjudant  général  :  Signé  :  Bi.\ot. 


CORRESPOXDAXCK    DE    BINOT  :i85 


Lettre  n°  2. 


Pondichëry,  le  15  juin  1803. 


Au  général  L.  Binol,  chef  de  V  état -major  de  l'expédition  des  Indes 
Orientales,  à  bord  de  la  frégate  la  Belle-Poule,  en  rade  de 
Pondichéry. 

Général, 

Votre  aide  de  camp,  citoyen  Lefebvre,  m'a  remis,  avec  la  lettre  dont  vous 
m'honorez,  un  paquet  pour  le  gouvernement  de  Madras.  Je  l'adresse  au  Très 
Honorable  Gouverneur  en  Conseil,  en  demandant  ses  ordres  qui  fixeront  le 
jour  auquel  les  troupes  sous  vos  ordres  pourront  débarquer  et  prendre 
possession  de  l'établissement.  Je  ne  puis  le  permettre  plus  tôt,  n'étant 
muni  d'aucun  pouvoir  à  cet  effet. 

Je  crois  néanmoins  ne  pas  m' écarter  des  intentions  du  gouvernement  bri- 
tannique en  prenant  sur  moi  de  permettre  que  tous  les  officiers,  civils  et 
militaires,  qui  auront  votre  approbation,  descendent  pour  leurs  affaires 
particulières. 

Je  donne  des  ordi-es  pour  que  vos  officiers  de  santé  trouvent  tous  les 
secours  qu'on  peut  leur  donner  pour  l'établissement  temporaire  de  leur 
hôpital,  dont  les  malades  peuvent  descendre  dès  aujourd'hui. 

Un  logement  provisoire  se  prépare  pour  vous.  Général,  et  je  ferai  tout 
ce  qui  dépendra  de  moi  pour  que  tout  ce  qui  est  sous  vos  ordres  souffre 
le  moins  possible  de  l'état  inévitable  qu'occasionne  la  distance  d'ici  à 
Madras. 

Je  suis,  avec  la  plus  haute  considération,  etc.. 

Signé  :  De.meuro.v,  lieutenant-colonel  commandant. 
Pour  copie  conforme  : 
Signé  :  L.  Bixot. 


Lettre  n"  3  (date  omise) . 

B  Au  général  Binot,  commandant  les  troupes  françaises 

à  Po7idichéry . 

Monsieur, 

Paragraphe  1'".  —  J'ai  l'honneur  de  vous  accuser  la  réception  de  la  dépèche 
adressée  par  vous  au  Très  Honorable  Lord  Clive,  et  des  dépèches  incluses 
envoyées  de  la  part  de  Son  Evccllence  le  général  Decaen,  et  je  suis  chargé 
II.  25 


386      MliMOlRKS   ET   JOURNAUX   DU    GENERAL   DECAEN 

de  vous  féliciter  de  la  part  de  Sa  Seijjncurie  le  Gouverneur  en  Conseil 
sur  votre  arrivée  dans  l'Inde,  à  l'effet  de  recevoir  la  restitution  des  posses- 
sions qui  doivent  être  rendues  à  la  République  de  France,  conformément 
aux  termes  du  traité  de  pai\  définitif  conclu  à  Amiens. 

2^  —  J'ai  l'honneur  de  vous  faire  savoir,  de  la  part  du  Très  Honorable 
Gouverneur  en  Conseil,  que  la  dépêche  adressée  par  Son  Excellence  le 
général  Decaen  à  Son  Excellence  le  Très  Noble  marquis  de  W'cllesley  a 
été  cîivoyée  en  conséquence  à  Son  Excellence,  au  fort  William  ;  et  qu'aus- 
sitôt que  les  ordres  de  Son  Excellence  en  Conseil  auront  été  reçus  pour 
effectuer  la  restitution  des  possessions  françaises  sur  les  côtes  de  Coroman- 
del  et  de  Malabar,  les  arrangements  nécessaires  seront  pris  à  cet  effet  par 
le  Gouvernement  du  fort  Saint-Georges,  sans  aucun  délai. 

3".  —  Je  suis  chargé  de  vous  informer  que,  jusqu'à  ce  que  ces  ordres  aient 
été  reçus  de  la  part  de  Son  Excellence  le  Très  Noble  Gouverneur  en  Con- 
seil, l'officier  commandant  à  Pondichéry  a  reçu  des  ordres  pour  vous  aider 
de  tout  son  pouvoir  à  l'effet  d'accommoder  aussi  convenablement  que  pos- 
sible les  troupes  qui  sont  sous  vos  ordres  dans  cette  place. 

4^  —  Le  J'rès  Honorable  Gouverneur  du  fort  Saint-Georges  en  Conseil 
ayant  pris  la  résolution  de  nommer  le  lieutenant-colonel  Cullen  commis- 
saire de  la  part  du  Gouvernement  britannique  pour  effectuer  la  restitution 
des  établissements  de  Pondichéry  et  de  Karikal,  aussitôt  que  les  ordres  et 
les  instructions  de  Son  Excellence  le  Très  Noble  Gouverneur  général  en 
Conseil  auront  été  reçues  pour  ce  sujet,  j'ai  l'honneur  de  vous  informer  de 
la  part  de  Sa  Seigneurie  en  Conseil  que  toutes  les  communications  qui 
auront  rapport  à  ce  sujet  vous  seront  faites  par  le  canal  de  cet  officier. 
J'ai  l'honneur  d'être,  etc.. 

Signé  :  G.  Buchax,  secrétaire  en  chef. 

Pour  traduction  conforme  : 

Signé  :  Lefebure. 

Pour  copie  conforme  : 
Signé  :  Bixot. 


Lettre  n°  4. 


Pondichéry,  le  28  juin  1803. 

A  Monsieur  Binot,  adjudant  commandant. 
Monsieur, 

J'ai  eu  l'honneur  de  recevoir  votre  lettre  avec  la  médaille  du  Premier 
Consul. 
Je  ne  puis  vous  exprimer  combien  je  suis  flatté  de  cette  marque  de  votre 


L'INCIDENT    DE    LA    '   COTE    D'OR   »  387 

considération  et  de  votre  estime.  Je  la  conserverai  avec  ce  soin  qui  est  dû 
à  la  ressemblance  de  l'un  des  plus  grands  hommes  qui  aient  existé  dans  les 
temps  anciens  et  modernes,  et  comme  un  gage  de  l'amitié  personnelle  qui 
règne  entre  nous. 

J'ai  l'honneur  d'être,  etc.. 

Signé  :  Cullem,  lieutenant-colonel 
et  commissaire  britannique. 
Pour  copie  conforme  : 

Siyné  :  L.  Binot. 


Pièces  annexées  à  la  lettre  écrite  au  ministre  de  la  Marine,  le 
20  fructidor  an  XI,  et  relatives  au  navire  la  Côte-d'Or,  arrêté  et 
ensuite  relâché  par  les  Anglais. 

Pondichëry,  le  28  messidor  an  XI. 

B.  C.  ^-  Binot,  adjudant  commandant,  etc.. 

au  général  Decaen,  etc.. 

J'ai  eu  l'honneur  de  vous  informer,  mon  Général,  par  le  vaisseau  la 
Côte-d'Or,  de  tout  ce  qui  s'est  passé  depuis  votre  départ  et  de  la  réponse 
que  j'ai  reçue  du  lord  Clive  à  votre  adresse. 

J'attends  toujours  la  décision  du  conseil  de  Calcutta;  le  colonel  Cullen 
m'assure  qu'elle  doit  arriver  incessamment. 

L'amiral  Rainier,  auquel  je  me  suis  plaint  de  l'arrestation  de  la  Côte- 
d'Or  (voir  n°  1),  m' ayant  répondu  d'une  manière  insignifiante  (n°  2),  je 
lui  ai  de  nouveau  écrit  pour  lui  faire  sentir  combien  son  procédé  était 
déplacé,  en  le  prévenant  qu'aussitôt  c|ue  ce  vaisseau  aurait  pris  des  vivres, 
je  lui  donnerais  des  ordres  pour  une  nouvelle  destination  (voir  le  n"  3) . 

Le  même  jour,  je  me  suis  empressé  de  communiquer  au  capitaine  de  la 
Côte-d'Or  l'ordre  que  m'avait  laissé  l'amiral  Linois;  dans  la  même  nuit, 
il  a  reçu  son  exécution. 

Les  Anglais  qui,  selon  toute  apparence,  n'ont  aucune  envie  d'agir  osten- 
siblement envers  nous,  ont  laissé  partir  notre  vaisseau  de  nuit,  quoique 
pouvant  bien  l'en  empêcher,  et  se  sont  contentés  de  le  faire  suivre  par 
deux  frégates.  J'espère  qu'il  sera  assez  heureux  pour  arriver  à  sa  destina- 
tion. 

Il  paraît  que  l'amiral  anglais  est  furieux  de  ne  pouvoir  retenir  nos  bâti- 
ments. Il  me  fit  dire,  le  matin  du  départ  de  la  Côte-d'Or,  par  le  colonel 
Cullen,  combien  il  était  surpris  que  je  donnasse  des  ordres  aux  bâtiments 
qui  étaient  dans  la  rade,  et  que,  bientôt,  je  verrais  les  frégates  anglaises 
ramener  notre  bâtiment. 


388      MEMOIRES   ET   JOURNAUX   DU   GEXERAL   DECAEM 

J'ai  répondu  que  je  désirais  que  Monsieur  l'amiral  m'adresse  par  écrit 
ce  qu'il  pensait  de  ma  conduite  et  de  ce  qu'il  avait  dessein  de  l'aire  envers 
nos  bâtiments,  et  qu'enfin  il  me  tardait  d'apprendre  si  nous  avions  la  paix 
ou  la  jjucrre. 

La  flotte  anglaise  est  toujours  en  rade,  forte  de  cinq  vaisseaux  et  trois 
frégates. 

Le  citoyen  liruiv  m'ayant  témoigné  le  plus  grand    désir  d'aller  vous 
rejoindre,  connaissant  son  zèle  pour  tout  ce  qui  peut  intéresser  son  pays, 
je  lui  ai  permis  de  partir  et  je  l'ai  chargé  de  mes  paquets. 
J'ai  riionneur,  etc.. 

SUjné  :  Bixot. 


B.  C.  \»1. 


Au  quartier  général,  à  Pondichéry, 
le  24  messidor  an  XL 


L'adjudant  commandant  L.  Binot,  chef  de  i étal-major  de  l expédition 
des  Indes  Orientales,  à  Monsieur  l'amiral  Rainier,  commandant  les 
forces  navales  de  Sa  Majesté  Britannique  dans  les  mers  de  l'Inde. 

Ce  n'est  pas  sans  le  plus  grand  étonnement  que  je  me  trouve  forcé  de 
vous  demander  quelle  peut  être  la  raison  qui  vous  a  engagé  à  faire 
mouiller  près  de  vos  vaisseaux  un  bâtiment  de  la  République  française 
qui  se  dirigeait  sur  Pondichéry,  lieu  de  sa  destination. 

J'étais  loin  de  m'attcndre,  Monsieur,  à  pareil  procédé  de  votre  part  au 
moment  où  je  suis  sur  le  point  de  reprendre  possession  de  la  ville. 

Pour  copie  conforme  : 

Signé  :  Bixot. 


B.  C.  \o  2. 


A  bord  du  Cenlurwn,  en  rade  de  Pondichéry, 
le  14  juillet  1803. 


Monsieur, 


Avant  de  faire  une  réponse  directe  à  votre  lettre  où  vous  me  demandez 
si  péremptoirement  la  raison  qui  m'a  fait  mouiller  le  transport  français  la 
Càte-d'Or  près  de  mon  pavillon,  hier  soir,  je  vous  prie  de  me  faire  la 
grâce  de  m'infornu'r  par  quelle  autorité  vous  faites  usage  du  style  que 
vous  avez  employé  en  vous  adressant  à  moi,  à  cette  occasion,  vu  que  je  ne 
puis  reconnaître  aucun  autre  quartier  général  à  Pondichéry  que  celui  qui 


L'INCIDEXT   DE    LA    "   COTE-D'OR   »  ;589 

y  est  établi  par  le  gouvernement  britannique  du  fort  Saint-Georges,  jusqu'à 
ce  que  ce  gouvernement  vous  ait  mis  en  pouvoir  de  reprendre  possession 
de  cet  établissement  de  la  République  française  à  laquelle  l'arrestation  du 
susdit  transport  ne  causera  point,  je  vous  assure,  le  moindre  délai. 
J'ai  l'honneur  d'être,  etc.. 

Signé  :  Peter  Raimkr, 

Vice-amiral  et  commandant  en  chef  l'escadre 
de  Sa  Alajesté  Britannique  aux  Indes  Orientales. 

A  Monsieur  Binot,  adjudant  commandant,  etc.  . 
B.C.  N"3. 

Au  quartier  général  de  Pondiclu'-ry, 
le  -Q  messidor  an  XI. 

L'adjudant  commandant  Binot,   etc.,    à  Monsieur  l'amiral    Rainier. 

J'ai  l'honneur  de  vous  observer,  Monsieur,  que  d'après  des  pouvoirs 
qui  m'ont  été  donnés  par  le  capitaine  général  des  établissements  français 
dans  l'Inde  pour  en  recevoir  la  restitution,  et  l'agrément  que  m'a  donné 
le  gouvernement  britannique  du  fort  Saint-Georges  de  m'établir  à  Pondi- 
chéry  avec  les  troupes  sous  mes  ordres,  je  me  trouve  suffisanmient  auto- 
risé pour  y  prendre  mon  quartier  général,  ([uoique  en  y  reconnaissant  la 
souveraineté  anglaise. 

Quant  à  l'arrestation  du  vaisseau  la  Côlc-d'Or,  je  vous  répéterai  que 
rien  ne  me  parait  plus  extraordinaire  que  votre  procédé,  et  que  vous  per- 
sistiez à  le  tenir  sous  votre  surveillance. 

Je  vous  préviens  donc.  Monsieur,  qu'aussitôt  que  ce  bâtiment  aura  pris 
des  vivres,  je  lui  donnerai  des  ordres  pour  une  nouvelle  destination. 

Pour  copie  conforme  : 
Signé  :  L.  lii.xoT. 


Pondichéry,  29  messidor. 

JB.  L.    L.  Binot,  adjudant  commandant,  etc.,  au  général  Decaen, 
capitaine  général,  etc.. 

J'ai  l'honneur  de  vous  rendre  compte  qu'en  conséquence  des  ordres  de 
l'amiral  Linois,  la  Côte-d^ Or  uvaÀi  quitté  la  rade  de  Pondichéry  le  26  mes- 
sidor. Elle  vient  d'être  ramenée  en  rade  par  les  Anglais,  après  avoir  été 
traitée  de  la  manière  la  plus  hostile,  comme  vous  le  verrez  par  le  rapport 


390      MEMOIRES   ET   JOUHMAUX   DU   GENERAL    DECAEM 

ci-joint.  Je  n'ai  que  le  temps  d'envoyer  furtivement  ce  paquet  à  bord  de 
Y  Alfred  où  déjà  le  citoyen  Bruix  est  embarqué. 

J'adresse  de  nouvelles  plaintes  au  conseil  de  Madras  contre  l'amiral 
Rainier  et  je  demande  :  comment  dois-je  considérer  ma  position  à  Pondi- 
chéry  après  un  acte  d'hostilité  aussi  marqué? 

Le  colonel  Cullen  est  toujours  t'i  me  répéter  que  rien  n'est  moins  pro- 
bable que  la  guerre.  Je  voudrais,  de  bien  bon  cœur,  qu'il  dise  vrai,  mon 
Général,  car  nous  ne  tarderions  pas  à  vous  revoir,  et  moi,  je  serais  le  plus 
heureux  des  hommes  puisque  je  me  trouverais  hors  des  mains  de  la  nation 
la  plus  perfide. 

Je  vous  prie  de  ne  pas  oublier  celui  qui  vous  est  bien  sincèrement 
attaché. 

Signé  :  L.  Bixot. 


B.  C.  Rapport  du  commandant  de  la  Côte-d'Or. 

Le  24  messidor  au  \I  de  la  République  française. 

A  3  heures,  j'ai  eu  connaissance  des  navires  mouillés  devant  Pondi- 
chéry,  au  nombre  de  trois  et  un  brick.  En  môme  temps,  j'ai  eu  connais- 
sance de  trois  bâtiments  au  vent  à  moi,  dont  un  grand  par  mon  travers 
et  un  quatrième  à  terre  de  moi,  cherchant  à  me  rencontrer.  J'ai  pris  ces 
vaisseaux  pour  des  bâtiments  de  la  Compagnie.  Mais,  à  une  lieue  et  demie 
des  vaisseaux  mouillés,  je  les  ai  reconnus  anglais,  et  le  pavillon  anglais 
sur  Pondichéry.  J'ai  été  bien  surpris  de  ne  pas  y  trouver  la  division, 
d'après  ce  que  m'avait  dit  un  petit  bâtiment  français  que  j'avais  rencontré 
et  qui  s'était  trouvé  avec  la  division,  le  12  de  ce  mois,  par  le  61"  de  lon- 
gitude et  par  [le]  4"  de  latitude  nord.  Mes  ordres  portant  de  me  rendre  à 
Pondichéry,  j'ai  continué  ma  route. 

Le  vaisseau  qui  était  à  terre  de  moi  a  viré  de  bord,  arboré  son  pavil- 
lon et  assuré  d'un  coup  de  canon.  J'ai  cru  que  c'était  pour  me  faire  mettre 
le  mien,  ce  que  j'ai  fait.  Mais,  ma  route  me  faisant  passer  devant  lui,  j'ai 
vu  avec  surprise  que,  quand  il  a  été  dans  mes  eaux,  il  a  laissé  porter  à 
courir  comme  moi.  Si  nous  eussions  été  en  guerre,  tous  ces  vaisseaux 
n'auraient  pas  mieux  fait  pour  m'empéchcr  de  leur  échapper. 

J'ai  passé  à  la  poupe  du  général  anglais  qui  m'a  dit  de  mouiller  der- 
rière lui,  ce  que  j'ai  fait,  croyant  que  la  rade  cù  ils  étaient  était  celle  des 
gros  bâtiments.  Aussitôt  mouillé,  un  officier  du  vaisseau  amiral  est  venu  à 
bord  et  m'a  dit  qu'il  y  avait  deux  jours  que  la  division  était  partie,  com- 
posée du  Marengo,  de  V  Alalante,  de  la  Sémillante  et  du  Bélier  ;  que  la 
Belle-Poule  était  partie  le  même  jour  pour  Madras,  et  qu'il  ignorait  où 
était  allé  le  général  et  la  division;  que  le  général  Linois  avait  prié  le 
général  anglais  de  me  dire  de  mouiller  pour  l'attendre. 


L'IXCIDEXT   DE    LA    '   COTE-D'OR   "  391 

Mais  quelle  a  été  ma  surprise  de  voir  revenir  au  mouillage  les  vaisseaux 
qui  étaient  dehors,  et  de  les  voir  mouiller  l'un  à  tribord  et  l'autre  à 
bâbord,  le  troisième  derrière! 

Le  vaisseau  qui  était  derrière  m'a  envoyé  un  officier  me  dire,  de  la  part 
du  général,  que  je  pouvais  aller  mouiller  demain  devant  Pondichérj ,  par 
six  brasses,  en  face  de  la  ville;  que  j'y  resterais,  d'après  les  ordres  du 
général  Linois,  sous  les  ordres  du  général  de  mer  et  que  le  colonel  Sainte- 
Suzanne  serait,  d'après  les  ordres  du  général  Decaen,  sous  les  ordres  du 
colonel  Cullen,  commandant  à  Pondichéry  ;  qu'il  n'y  avait  pas  encore 
d'ordre  pour  remettre  la  place,  et  qu'il  n'y  avait  que  les  malades  et  les 
femmes  qui  étaient  à  terre.  A  7  heures,  je  me  suis  rendu,  avec  le  colonel 
Sainte-Suzanne,  à  bord  de  l'amiral  pour  avoir  quelques  détails  :  mais, 
en  nous  recevant  très  honnêtement,  on  nous  a  dit  que  l'amiral  se  couchait 
de  très  bonne  heure  et  qu'il  reposait. 

Le  25  messidor. 

Le  lendemain  matin  à  8  heures,  le  petit  bâtiment  français  que  j'avais 
rencontré,  deux  jours  avant,  a  passé  le  long  de  mon  bord,  et  m'a  dit 
qu'on  avait  voulu  l'arrêter  à  Gondelore  (I),  mais  qu'il  avait  continué  sa 
route  et  qu'on  n'avait  pas  employé  la  force  pour  l'y  contraindre.  J'ai 
appareillé  et  mouillé,  par  huit  brasses,  vis-à-vis  de  Pondichéry,  le  pavillon 
au  0.-\'.-0.  Il  était  alors  11  heures.  Il  est  venu  une  schellingue  de  la  terre 
qui  nous  a  dit  que  le  général  Binot  était  à  terre  avec  les  troupes  qu'avait 
apportées  la  Belle-Poule.  Aussitôt  nous  avons  reçu  l'invitation  de  descendre, 
M.  Sainte-Suzanne  et  moi.  Nous  nous  sommes  rendus  chez  le  général  Binot 
qui  nous  a  dit  que  tout  ce  que  nous  avaient  dit  les  Anglais  était  faux,  que 
le  général  Linois,  la  nuit  de  l'arrivée  du  Bélier,  avait  appareillé  :  il  m'a 
remis  un  ordre,  pour  copie  conforme,  du  général  Linois  avec  injonction 
de  l'exécuter;  mais  la  grande  surveillance  des  chaloupes  des  vaisseaux  qui 
étaient  venus  au  même  mouillage  que  moi,  et  disposés  de  manière  qu'ils 
étaient  depuis  le  X.-E.  au  S.-S.-O.,  en  outre,  calme,  je  n'ai  pu  l'exécuter. 

Du  26  messidor. 

Sur  les  10  heures  du  soir,  j'ai  mis  une  embossure  sur  mon  câble,  et  à 
11  heures,  je  l'ai  fait  couper;  faible  brise  du  S.-S.-E.  J'ai  abattu  sur 
bâbord,  fait  mettre  le  petit  foc  et  la  grande  voile  d'étai,  le  cap  au  nord, 
j'ai  tiré  le  foc  de  derrière,  après  avoir  dépassé  le  vaisseau  le  plus  près  de 
moi,  j'ai  laissé  tomber  la  misaine.  J'avais  fait  au  plus  un  quart  de  lieue 
que  j'ai  vu  des  coups  de  fusil  qu'on  tirait  du  rivage,  et  des  signaux  à  bord 
des  vaisseaux.  J'ai  alors  fait  toutes  voiles  le  long  de  la  côte  que  je  côtoyais 
de  très  près,  où,  de  distance  en  distance,  il  y  avait  des  embarcations  d'où 
partaient  des  coups  de  fusil,  et  une  qui  nous  suivait  et  tirait  aussi  fréquem- 

(1)  Cuddalore. 


392      MEMOIRES   ET   JOURVAIX   DU   GENERAL   DECAEN 

xnent.  Vers  minuit,  la  brise  a  pris  faveur.  Cinglé  à  l'E.-N.-E.,  tout  en  voiles 
et  bonnettes;  à  3  heures,  j'ai  distingué  une  frégate  qui  était  dans  mes  eaux. 

A  5  heures  et  demie,  elle  était  dans  ma  hanche  du  vent,  et  m'a  hélé  en 
arborant  son  pavillon.  J'ai  mis  le  mien.  Voici  le  pourparler  : 

Demande  du  capitaine  anglais.  —  L'amiral  anglais  vous  fait  dire  de 
virer  de  bord  et  de  revenir  au  mouillage. 

Réponse.  —  Je  ne  peux  pas,  je  suis  ma  destination;  je  n'ai  point 
d'ordres  à  recevoir  de  l'amiral  anglais,  étant  en  paix  avec  sa  nation. 

Demande.  —  Répétition  de  la  sommation  de  virer  de  bord  et  de  le 
suivre;  qu'il  m'y  forcerait  et  qu'il  m'en  arriverait  malheur. 

Réponse.  —  Que  je  ne  pouvais  faire  ce  qu'il  désirait. 

Demande.  —  Répétition  de  la  môme  menace;  que  c'était  pour  la  der- 
nière fois,  oui  ou  non. 

Réponse.  —  Mon,  non. 

Aussitôt,  il  a  tiré  un  coup  de  pistolet  (nous  étions  à  cette  portée).  La 
mousqucterie  et  son  artillerie  font  feu  sur  moi  et  à  dessein  de  me  couler, 
puisqu'un  boulet  a  porté  à  fleur  d'eau,  un  autre  dans  le  corps  du  vaisseau 
et  les  autres  dans  les  voiles.  J'ai  fait  amener  le  pavillon.  La  frégate  a 
continué  de  tirer.  J'ai  fait  amener  mes  perroquets  et  carguer  mes  basses 
voiles  et  mis  en  panne.  Alors  le  feu  a  cessé.  Deux  officiers  sont  venus  à 
bord  et  m'ont  dit  que  le  capitaine  m'ordonnait  de  retourner  à  Pondichéry. 
J'ai  demandé  :  «  Avons-nous  la  guerre?  "  [L'un]  a  répondu  :  «  Je  ne 
crois  pas.  —  Vous  avez  tiré  sur  moi  quoique  nous  ne  soyons  pas  en  guerre  ; 
mon  navire  ne  m'appartient  plus.  J'en  fais  l'abandon  ;\  votre  capitaine  :  il 
peut  en  disposer  à  son  gré.  »  Il  m'a  dit  qu'il  allait  rester  à  bord  et  qu'il 
me  priait  de  faire  manœuvrer  pour  retourner  à  Pondichéry  :  craignant  de 
nouvelles  violences  et  voulant  éviter  de  nouveaux  malheurs,  et  l'usage  étant 
que,  lorsqu'un  vaisseau  est  amené,  il  est  sous  les  ordres  de  celui  qui  l'a 
forcé,  j'ai  fait  voile  pour  Pondichéry,  escorté  parla  frégate  la  Terpsichore. 

Signé  :  Dufresxe-Laigle. 

Xous,  soussignés,  certifions  le  contenu  véritable.  En  foi  de  quoi  nous 
avons  signé  pour  servir  où  besoin  sera. 

En  rade  de  Pondichéry,  le  29  messidor  an  XI. 

Signé  :  Sainte-Suzanne,  chef  de  bataillon; 
Cavaigxac,   résident  à  Mascate  ; 
Lerch,  chef  de  bataillon. 

Pour  copie  conforme  : 

L'adjudant  commandant  :  Signé  :  L.  Bixot. 


RAPPORT   DE    BI.MOT   A   DEGAEX  393 

B.  C. 

A  bord  de  la  Colc-d'Or,  le  27  messidor  an  XI. 

Le  chef  de  brigade  Sainte -Suzanne,  commandant  l'infanterie  fran- 
çaise de  l'expédition  de  l'Inde,  à  Monsieur  l'amiral  Rainier,  com- 
mandant les  forces  navales  anglaises. 

Je  suis  élonnc  de  l'acte  hostile  que  vous  venez  de  faire  exercer  envers 
la  Côte-d'Or  à  bord  duquel  je  commande  trois  cents  hommes,  sous  le 
prétexte  inouï  qu'il  était  parti  de  la  rade  de  Pondichéry  sans  vos  ordres. 

Depuis  quand,  Monsieur  l'Amiral,  les  vaisseaux  et  les  soldats  français 
sont-ils  sous  les  ordres  des  généraux  de  l'Angleterre?  Et  pourquoi,  lorsque 
nos  deux  nations  sont  en  paix,  s'est-on  permis  à  notre  égard  des  mesures 
hostiles  et  une  violation  ouverte  du  droit  des  gens?  Xous  naviguions  sous 
la  foi  des  traités  et  nous  étions  loin  de  penser  que  nous  avions  en  vous 
des  ennemis.  Je  n'ai  cédé.  Monsieur  l'Amiral,  qu'à  la  fusillade  et  à  plusieurs 
bordées  à  la  portée  du  pistolet,  parce  que,  comme  vous  le  savez  bien,  je 
n'avais  ni  canons,  ni  cartouches;  et  que  votre  frégate,  maîtresse  de  ses 
manœuvres  et  de  la  marche  sur  un  bâtiment  de  commerce,  s'est  pru- 
demment placée  sur  le  vent  à  nous.  C'est  ainsi  que  cet  officier  s'est  pro- 
curé une  gloire  facile  sur  un  bâtiment  non  armé  et  sur  des  hommes  sans 
défense. 

Etant  votre  prisonnier,  ainsi  que  ma  troupe,  je  vous  prie.  Monsieur 
l'Amiral,  de  vouloir  bien  donner  des  ordres  pour  son  débarquement  et  sa 
subsistance. 

Pour  copie  conforme  : 

Le  chef  de  bataillon  :  Signé  :  Sainte-Suzanne. 
Pour  copie  conforme  : 
L'adjudant  commandant  :  Signé  :  L.  Binot. 


Pondichéry,  le  4  thermidor  an  XI. 

L.  Binot,  adjudant  commandant,  au  général  Decacn, 
capitaine  général,  etc.. 

J'avais  eu  l'honneur,  mon  Général,  de  vous  accuser  la  réception  de  vos 
instructions,  en  date  du  23  messidor  dernier,  par  le  transport  la  Côte-d'Or 
lorsqu'il  partit  de  cette  rade,  dans  la  nuit  du  26  au  27,  en  exécution  des 
ordres  de  l'amiral  Linois  dont  je  lui  avais  adressé  copie.  Mais  la  conduite 
hostile  des  Anglais  envers  ce  bâtiment,  ayant  forcé  le  capitaine  d'amener 
son  pavillon  et  de  se  considérer  comme  prisonnier,  obligea  le  colonel 
Sainte-Suzanne  à  jeter  une  dépêche  à  la  mer  :  elle  contenait  les  copies  ci- 
jointes  de  ma  lettre  au  colonel  Cullen,  dans  laquelle  je  lui  faisais  connaître 


39V      MEMOIRES   ET   JOURNAUX   DU   GENERAL   DECAEN 

les  nouveaux;  pouvoirs  dont  vous  m'aviez  revêtu,  de  sa  réponse  (n"  1),  de 
deux  autres  lettres,  dont  une  à  l'amiral  Rainier  et  l'autre  au  colonel  CuUen, 
relative  à  l'arrestation  de  la  Côte-d'Ov  (voir  le  n"  2). 

J'ai  à  vous  rendre  compte  de  ce  qui  s'est  passé  depuis  le  29  messidor 
que  la  Côte-d'Or  a  été  i-amenée  de  force  au  mouillage  de  Pondichéry  par 
une  frégate  anglaise. 

Le  citoyen  Bruix,  que  j'ai  fait  partir  sur  le  bâtiment  marchand 
V Alfred,  le  30  du  mois  dernier,  vous  porte  le  rapport  du  capitaine  sur 
l'insulte  faite  à  notre  pavillon.  J'enjoins  ici  une  autre  copie  (n°  3). 

Au  moment  où  V Alfred  a  appareillé,  la  Côte-d'Or  était  encore  retenue 
par  l'amiral  anglais,  et  je  venais,  en  conséquence,  de  lui  écrire  la  lettre 
dont  copie  sous  le  n»  4;  et  au  lord  Clive,  à  Madras,  celle  dont  la  copie 
porte  le  n»  5. 

Le  colonel  Sainte-Suzanne,  prévenu  que  je  le  considérais,  ainsi  que  sa 
troupe,  comme  prisonnier  des  Anglais,  d'après  l'hostilité  commise  envers 
le  bâtiment  qu'il  montait,  était  au  moment  de  recevoir  de  l'amiral  Rai- 
nier et  du  colonel  Cullen  tous  les  secours  que  je  m'obstinais  à  lui  refuser 
ouvertement,  lorsque,  le  1"  thermidor,  il  est  arrivé  de  Madras,  à  l'amiral 
Rainier,  une  dépêche  portant  désapprobation  de  sa  conduite  envers  le 
transport  la  Côte-d'Or,  ce  qui  l'a  obligé  de  m'écrire,  le  lende  main,  la 
lettre  dont  copie  n"  6. 

J'ai  de  suite  ordonné  au  capitaine  Dufresne  de  repartir  pour  l'île  de 
France.  Mais,  sur  l'observation  qu'il  n'avait  pas  d'eau,  je  lui  ai  permij 
d'en  faire,  en  lui  enjoignant  d'y  apporter  la  plus  grande  célérité. 

J'attends  une  réponse  à  la  lettre  que  j'ai  écrite  à  Madras. 

Je  suis  presque  assuré  que  le  conseil  enverra  des  commissaires  pour 
réparer  l'insulte  faite  à  notre  pavillon,  et  j'ose  croire  que,  cette  circons- 
tance ne  faisant  qu'accélérer  la  reddition  de  la  place,  nous  serons  assez 
heureux  pour  vous  voir  revenir  sous  deux  mois. 

J'aurais  bien  désiré  que,  dans  vos  instructions,  l'arrivée  de  la  Côte- 
d'Or  y  eût  été  prévue  car  en  l'envoyant  à  l'île  de  France,  n'est-ce  pas  lui 
faire  faire  un  faux  mouvement?  Je  ne  puis  cependant  point  prendre  sur 
moi  de  lui  ordonner  de  rester  ici,  d'après  l'ordre  du  contre-amiral  Linois. 
Lefebvre,  que  j'ai  chargé  d'entretenir  quelques  relations  avec  des  per- 
sonnes sûres,  tant  à  Madras  qu'à  Tranquebar,  vous  donne  quelques  détails 
sur  ce  qui  se  passe  dans  l'Hindoustan.  Il  paraît  que  tout  ce  qu'il  y  a  de 
petites  fortifications  sur  la  côte  va  être  démoli  et  même  jusqu'à  30  ou 
40  lieues  dans  les  terres.  Il  y  a,  dans  ce  moment,  à  Gondelore  (1),  un  offi- 
cier du  génie  chargé  de  la  démolition  de  son  mauvais  fort.  Cette  mesure 
paraît  dictée  par  la  nécessité  où  sont  les  Anglais  de  mettre  en  campagne  le 
plus  de  troupes  possible. 

J'ai  l'honneur,  etc.. 

Signé  :  L.  Iîinot. 

(1)  Cuddaloie. 


RÉCLAMATIOX   DE   BINOT    A   LORD   CLIVE  395 


N"  4. 

Pondichéry,  le  20  messidor  an  XI. 

//.   Binot,  adjudant  commandant,  à  Monsieur  l'amiral  Rainier. 

D'après  le  compte  que  vient  de  me  rendre  le  chef  de  brigade  Sainte- 
Suzanne,  commandant  l'infanterie  française  de  l'expédition  de  l'Inde,  sur 
la  conduite  hostile  qu'a  tenue,  envers  le  transport  la  Côte-d'Or,  une  des 
frégates  à  vos  ordres,  je  n'ai  plus  lieu  de  douter  que  la  guerre  ne  soit 
déclarée  entre  nos  deux  nations. 

Je  vous  préviens  donc  qu'en  conséquence  de  ce  malheureux  événement, 
je  considère  les  troupes  françaises  à  bord  de  la  Côte-d'Or  comme  prison- 
nières, et  que  tant  que  vous  vous  opposerez  à  leur  départ,  je  cesserai  de 
nroccupcr  de  leurs  besoins  en  tout  genre. 

Il  me  reste.  Monsieur  l'Amiral,  à  vous  prier  de  vouloirjbien  adoucir  la 
captivité  des  troupes  françaises  en  donnant  vos  ordres  pour  qu'il  leur  soit 
fourni  les  rafraîchissements  dont  elles  ont  grand  besoin.  Je  vous  en  aurai 
une  obligation  toute  particulière. 

Pour  copie  conforme  : 
Signé  :  L.  Bi\ot. 


N"  5. 

A  Pondichéry,  le  29  messidor  an  XL 

L'adjudant  commandant  Binot,  chej  de  l'ctat-major  de  l'expédition 
de  l'Inde,  à  Monsieur  le  Gouverneur  du  fort  Saint-Georges  y  pré- 
sident du  conseil  de  Madras. 

J'ai  l'honneur  de  témoigner  ù  Votre  Excellence  mon  étonnemcnt  sur 
l'acte  d'hostilité  qui  a  été  exercé  envers  le  vaisseau  de  la  République  fran- 
çaise la  Côte-d'Or,  chargé  de  trois  cents  hommes  de  ses  troupes. 

Ce  bâtiment,  ayant  appareillé  dans  la  nuit  du  25  au  26  du  courant,  de 
la  rade  de  Pondichéry,  pour  se  rendre  à  une  destination  que  m'avait 
chargé  de  lui  donner  le  capitaine  général  Decaen,  a  été  arrêté  dans  sa 
marche,  à  environ  40  milles  de  Pondichéry,  par  une  frégate  envoyée  à  sa 
poursuite  par  Monsieur  l'amiral  Rainier. 

Le  capitaine  de  la  frégate,  après  l'avoir  atteint,  l'a  sommé  de  revenir  à 
Pondichéry.  Sur  le  refus  fait  par  le  capitaine  du  vaisseau  de  se  rendre  à 
cette  sonniiation,  et  après  avoir  répondu  qu'il  n'avait  point  d'ordres  à 
recevoir  de  M.   l'amiral  anglais,  et  qu'il  suivrait  sa  destination,  la  som- 


396      MÉMOIRES   ET   JOURNAUX   DU   GÉATÉRAL   DEGAEXf 

mation  répétée  une  deuxième  et  troisième  fois,  même  refus  de  la  part  du 
capitaine  du  vaisseau  de  s'y  rendre,  il  a  été  fait  sur  lui,  à  portée  de 
pistolet,  une  décharge  de  mousqucteric  et  d'artillerie  dirinjée  de  manière 
qu'un  boulet  est  entré  à  fleur  d'eau  dans  le  corps  du  bâtiment,  le  reste  de 
la  bordée,  dans  les  voiles. 

Le  capitaine  ajant  fait  amener  son  pavillon,  le  feu  n'a  pas  moins  con- 
tinué, et  ce  n'est  qu'après  que  le  bâtiment  a  été  mis  en  panne  que  la  fré- 
jjate  a  cessé  son  feu  :  deux  officiers  anglais  arrivés  à  bord,  le  capitaine 
leur  a  remis  son  vaisseau  qu'ils  ont  dirigé  sur  Pondicbéry. 

Le  chef  de  brigade  Sainte-Suzanne  s'est  constitué  prisonnier  ainsi  que  la 
troupe  sous  ses  ordres. 

D'après  un  acte  aussi  hostile,  je  ne  doute  nullement  que  la  guerre  ne 
soit  déclarée  entre  nos  deux  nations. 

Monsieur  l'amiral  Rainier  n'a  rien  respecté.  J'ai  eu  l'honneur  de  le 
prévenir,  par  ma  lettre  du  25  courant,  qu'aussitôt  que  ce  bâtiment  aurait 
pris  des  vivres,  il  partirait  pour  une  nouvelle  destination.  Qui  a  donc  pu 
porter  Monsieur  l'amiral  à  agir  aussi  hostilement  envers  la  nation  fran- 
çaise, arrivant  ici  sur  la  foi  des  traités?  Je  viens  en  conséquence  de  le  pré- 
venir que  je  considérais  le  vaisseau  comme  prise  faite  par  la  nation  anglaise 
et  la  troupe,  prisonnière;  que  je  cessais,  dès  ce  moment,  de  m'occuper  de 
ses  besoins. 

J'ose  me  flatter  qu'il  aura  pour  elle  tous  les  égards  qu'elle  mérite. 

Ce  malheureux  événement  me  met  dans  le  cas  de  demander  à  Votre 
Excellence  une  explication  sur  ma  position  ici. 

Je  suis  venu,  d'après  les  ordres  du  capitaine  général,  pour  recevoir  la 
restitution  des  établissements  français  à  la  côte  de  Coromandel.  Je  suis 
débarqué  avec  un  détachement  de  200  hommes,  sur  l'invitation  du  colo- 
nel Demeuron,  commandant  alors  à  Pondicbéry,  et  sur  la  piomesse  que 
m'a  donnée  Monsieur  le  lieutenant-colonel  Cullen,  commissaire  de  Sa 
Majesté  Britannique,  de  me  remettre  sous  peu  nos  établissements.  Depuis 
plus  d'un  mois,  j'attends  votre  réponse  et  l'exécution  de  la  promesse  :  j'ai 
tout  lieu  de  croire  qu'elle  ne  sera  pas  satisfaisante,  et  avec  d'autant  plus 
de  raison  que  des  hostilités  ont  été  commises  envers  un  vaisseau  chargé 
de  troupes  de  la  République  française. 

Le  général  Decaen,  capitaine  général,  avant  son  départ,  m'ayant  remis 
ses  instructions  pour  attendre  la  restitution  des  établissements  français,  je 
prie  Son  Excellence  de  vouloir  bien  me  dire  si  elle  aura  lieu,  et  si  la  con- 
duite de  l'amiral  Rainier  envers  les  représentants  de  la  République  fran- 
çaise dans  l'Inde  a  été  commandée  et  approuvée  par  vous,  Monsieur  le 
Gouverneur. 

J'ai  l'honneur,  etc.. 

Pour  copie  conforme  : 
Signé  :  L.  Binot. 


REPONSE    DE    LORD   CLIVE    A   DECAEN  397 


M^'  6. 

A  bord  du  Centurion,  en  rade  de  Pondichéry, 
le  20  juillet  1803. 

A  Vadjudant  commandant  L,   B'inot,  chef  de  Vétat-major  français 

à  Pondichérij. 

Monsieur, 

J'ai  à  vous  annoncer  la  réception  de  votre  lettre  d'hier,  en  réponse  à 
laquelle  j'ai  la  satisfaction  de  vous  annoncer  que  le  vaisseau  la  Côte-d'Or 
est,  dès  ce  moment,  à  votre  disposition,  le  gouvernement  du  fort  Saint- 
Georges  m'ayant,  par  sa  dépêche  du  16  du  présent,  que  je  n'ai  reçue  que 
ce  matin  par  un  exprès,  signifié  son  entière  désapprobation  de  la  détention 
de  ce  vaisseau,  en  réponse  à  la  lettre  que  j'écrivis  pour  soumetti'e  à  ses 
sages  et  respectables  conseils  ma  conduite  dans  cette  mesure,  immédiate- 
ment après  que  je  l'eus  adoptée. 

Vous  calculerez  l'espace  de  temps  que  j'ai  attendu  pour  cette  décision, 
et  soyez  assuré  que  je  n'ai  pas  eu  d'autre  motif  pour  ramener  la  Côte- 
d'Or  en  rade,  et  pour  sa  courte  et  subséquente  détention.  Telle  est  égale- 
ment la  nature  de  l'explication  que  j'ai  annoncée  dans  ma  réponse  à  la 
lettre  que  m'écrivit  hier  le  chef  de  brigade  Sainte-Suzanne. 
J'ai  l'honneur  d'être,  etc.. 

Signé  :  Peter  Rainier. 

Pour  traduction  conforme  : 
Siijné  :  L.  Bixor. 


A  Son  Excellence  le  Général  Decaen,  capitaine  (jênéral 
des  étahlissemenls  français  dans  les  Indes  orientales,  etc.. 

Monsieur, 

Paragraphe  1".  —  J'ai  eu  l'honneur  de  recevoir  la  lettre  qui  m'a  été 
remise  par  l'aide  de  camp  de  Votre  l'excellence,  qui  est  arrivé  au  fort 
Saint-Georges  ce  matin  ;  et  j'ai  aussi  l'honneur  de  profiter  de  cette  occasion 
pour  vous  accuser  la  réception  de  la  lettre  de  Votre  Excellence  qui  m'a 
été  transmise  à  l'arrivée  du  colonel  Binot  à  Pondichéry. 

2".  — J'ai  profité  de  la  première  occasion  pour  faire  écrire  au  colonel 
Binot,  à  l'effet  de  faire  savoir  à  cet  officier  que  la  dépêche  adressée  par 
Votre  Excellence  à  Son  Excellence  le  Très  Noble  marquis  de  Wellesley  a 
été  envoyée  de  suite  au  fort  William,  et  de  lui  faire  connaître  la  nécessité 
où  j'ai  été  de  m'adresser  à  Son  Excellence  le  Gouverneur  Général  en  Conseil, 
à  l'effet  de  recevoir  les  instructions  de  Son  Excellence  pour  tout  ce  qui  con- 


398   MÉMOIRES  KT  JOURXAUX  DU  GENERAL  DECAEN 

cerne  la  restitution  des  établissements  coloniaux   français    dans    l'Inde. 

3«.  —  En  me  référant,  en  conséquence,  à  une  explication  à  ce  sujet,  j'es- 
pc-re  que  Votre  Kvcellencc  ne  trouvera  pas  mauvais  que,  l'exécution  de  la 
teneur  du  traité  d'Amiens  dépendant  des  ordres  du  «[ouvcrnement  suprême 
du  Benfjale,  il  ne  nie  sera  pas  possible  d'anticiper  les  ordres  que  j'attends 
de  Son  Excellence  le  Tri-s  Xoble  Gouverneur  Général  en  Conseil  à  ce  sujet, 
et  tandis  que  je  regrette  le  désagrément  que  Votre  Excellence  peut  éprou- 
ver du  retard  de  la  restitution  de  l'établissement  de  Pondichéry  sous  l'au- 
torité de  la  République  française,  j'espère  que  Votre  Excellence  sera 
assurée  qu'aucun  délai  n'a  eu  lieu  qu'il  ait  été  possible  au  gouverne- 
ment de  l'Inde  d'éviter. 

4^  —  J'aurai  l'honneur  de  communiquer  à  Son  Excellence  le  Très  Noble 
Gouverneur  Général  en  Conseil  copie  de  la  dépèche  que  j'ai  récemment 
reçue  de  Votre  Excellence. 

5^  — En  transmettant  à  Votre  Excellence  l'expression  de  mes  félicitations 
sur  son  arrivée  dans  l'Inde  à  l'effet  de  prendre  le  commandement  des 
possessions  qui  sont  sur  le  point  d'être  rendues  à  la  République  fran- 
çaise, conformément  à  la  teneur  du  traité  d'Amiens,  je  prends  la  liberté 
d'assurer  Votre  Excellence  que  j'ai  éprouvé  la  plus  grande  satisfaction  des 
sentiments  qu'exprime  Votre  Excellence  relativement  aux  soins  qu'il  nous 
a  été  possible  d'avoir  pour  le  détachement  de  troupes  arrivé  sur  la  frégate 
la  lielle-Poulc,  conformément  aux  ordres  ([ue  j'ai  fait  donner  aux  officiers 
anglais  à  Pondichéry  à  ce  sujet;  et  je  me  tiatte  que  Votre  Excellence  sera 
assurée  de  la  satisfaction  que  j'éprouverai  en  continuant  à  [maintenir]  les 
relations  d'amitié  entre  les  gouvernements  de  nos  états  l'espectifs  dans  l'Inde. 

6^  — J'ai  l'honneur  de  faire  savoir  à  Votre  Excellence  que  j'ai  donné  des 
instructions  au  lieutenant-colonel  Cullen,  que  j'ai  nommé  commissaire  de 
la  part  du  gouvernement  britannique  pour  effectuer  la  restitution  des  éta- 
blissements de  Pondichéry  et  de  Karikal,  pour  qu'il  continue,  par  tous  les 
moyens  qui  seront  en  son  pouvoir,  à  accommoder  les  troupes  qui  sont 
arrivées  à  Pondichéry  sous  les  ordres  de  Votre  Excellence. 

7^  — Je  prie  Votre  Excellence  de  recevoir  l'assurance  de  ma  haute  consi- 
dération, et  j'ai  l'honneur  d'être,  etc.. 

Signé  :  Clive, 

Fort  Sainl-Georges,  le  12  juillet  1803. 


Lettre  de  mon  aide^  de  camp. 
Mon  Géxéual, 

J'avais  déjà  eu  l'honneur  de  vous  écrire  par  la  Càte-cl'Or  lorsqu'elle 
partit  pour  la  première  fois  de  la  rade  de  Pondichéry.  Mais  son  retour 
extraordinaire  et  son  séjour  de  quelques  jours  ici  me  fournissent  les  moyens 


RAPPORT    DE    LEFEBVRE  399 

de  recomiuencer  ma  lettre  et  d'ajouter  quelque  chose  à  ce  que  je  \ous 
mandais. 

Conformément  aux  ordres  que  je  reçus  de  vous,  le  22  messidor,  pour 
porter  vos  dépêches  à  Madras,  je  me  suis  rendu  à  bord  de  la  Belle-Poule 
qui  a  mis  à  la  voile  entre  8  et  9  heures  du  soir.  Mous  avons  mouillé,  le 
lendemain  23,  en  rade  de  Madras,  après  douze  heures  de  traversée.  Le 
capitaine  Bruilhac  m'envoya  à  terre  dans  son  canot. 

Je  me  rendis  d'abord  chez  le  major  de  place,  et  de  suite  chez  le  lord  Clive 
qui  était  à  la  campagne.  Je  lui  remis  la  dépèche  dont  vous  m'aviez  chargé 
et  me  disposai  de  suite  à  me  remettre  en  l'oute,  par  terre,  pour  vous  rap- 
porter la  réponse  que  je  n'avais  pu  avoir  que  le  lendemain  à  midi. 

Je  ne  perdis  pas  un  instant  pour  me  conformer  à  l'ordre  que  vous 
m'aviez  donné  de  faire  toute  la  diligence  possible. 

Je  repartis  de  Madras  immédiatement  et  j'arrivai  à  Pondichéry  le  25, 
à  5  heures  du  soir.  Je  remis  à  l'adjudant  commandant  Binot  la  lettre  de 
lord  Clive  en  lui  témoignant  combien  je  regrettais  de  ne  pas  pouvoir  vous 
la  donner  moi-même. 

Ma  première  question,  en  apprenant  le  départ  de  la  division,  fut  de 
m'informer  si  vous  aviez  eu  la  bonté  dépenser  à  moi  en  partant,  et  si  vous 
aviez  laissé  quelque  instruction,  à  mon  égard,  au  général  Binot.  Mais  votre 
départ  précipité  n'a  sûrement  pas  permis  que  je  fusse  excepté  de  vos  dis- 
positions générales;  en  conséquence,  je  ne  puis  m'empècherde  me  regarder 
toujours  comme  à  mon  poste  auprès  de  celui  que  vous  avez  revêtu  de  tous 
vos  pouvoirs,  puisque  le  motif  qui  vous  détermina  à  m'envoyer  avec  lui  en 
avant  était  l'utilité  qu'il  pouvait  tirer  de  quelques  connaissances  que  j'ai 
du  pays  où  nous  sommes  maintenant. 

Permettez,  mon  Général,  qu'en  regrettant  l'événement  qui  me  sépare  de 
vous  une  seconde  fois,  je  me  recommande  à  votre  souvenir  :  je  profiterai 
de  la  première  occasion  pour  me  rendre  à  votre  quartier  général,  dès  que 
le  général  Binot  voudra  bien  m'expédier  près  de  vous.  La  circonstance  est 
trop  délicate  et  trop  critique  pour  que  je  puisse  penser  à  l'abandonner 
dans  ce  moment;  et  je  m'estimerai  toujours  très  heureux  de  partager  avec 
lui  toutes  les  chances  bonnes  ou  mauvaises  qu'il  pourra  courir,  persuadé 
qu'en  cherchant  à  me  rendre  utile,  je  me  conformerai  à  vos  intentions  et 
que  c'est  le  seul  moyen  de  me  conserver  des  titres  à  votre  bienveillance. 

Depuis  que  je  vous  ai  écrit  par  le  brick  V Alfred,  les  nouvelles  politiques 
n'ont  pas  changé  de  caractère.  Il  est  certain  que  le  général  Perron,  qu'on 
croyait  à  Calcutta,  est  toujours  au  camp  de  Scindiah,  et  il  parait  que  la 
réconciliation  de  ce  prince  avec  Holkar  n'est  plus  douteuse.  Moodajee 
Boucelah  [?J  tient  sur  pied  une  armée  formidable  et  l'on  s'attend  à  chaque 
instant  à  une  déclaration  positive  de  sa  part  en  faveur  de  la  régence  de 
Poonah,  si  les  Anglais  ne  se  désistent  pas  de  leurs  prétentions  sur  les 
rives  du  Toombudra  (1).  II  y  a  apparence  que  Boucelah  envahira  le  Bengale, 

(1)  Le  Tungabhadra. 


400      MEMOIRES   ET   JOURNAUX   DU   GEXERAL   DEGAEN 

tandis  que  Scindiah  et  Holkar  réunis  pourront  dicter  à  rarmée  de  Poonah 
les  lois  qu'ils  jugeront  convenables. 

FjCS  Anglais,  à  la  côte,  sont  loin  d'être  tranquilles;  ils  démolissent  toutes 
leurs  forteresses  à  30  milles  dans  l'intérieur,  probablement  dans  la  craintte 
que  les  Français,  en  cas  d'hostilité,  ne  fassent  un  débarquement  sur  quelque 
point  de  la  côte,  oà  ils  se  maintiendraient  aisément,  puisque  la  présidence 
de  Madras  n'a  pas  mille  Européens  disponibles  depuis  la  côte  d'Orissa  jus- 
qu'au cap  Comorin. 

La  démolition  du  fort  de  Gondelore  se  poursuit  avee  beaucoup  d'ardeur 
et  est  sur  le  point  d'être  achevée. 

Le  général  Binot  vous  donnera  les  détails  de  toutes  nos  transactions  avec 
le  gouvernement  de  Madras;  c'est  pourquoi  je  ne  vous  en  entretiendrai 
pas. 

J'ai  l'honneur,  etc. 

Signé  :  Stanislas  Lefebvre  (1). 

(1)  Pour  le  séjour  de  Decaen  à  l'île  de  France,  voir  la  remarquable  thèse  de  H.  Pre.v- 
toi;t,  l'Ile  de  France  sous  Decaen. 


GOXCORDAMCE 


DES 


CALENDRIERS  RÉPUBLICAIN  ET  GRÉGORIEN 


CONCORDANCE  DES  ANNÉES 


CORRESPONDANTS 

1             CORRESPOADANTS 

pour  les  quatre  derniers  mois 

1       pour  les  huit  premiers  mois 

de  l'année  grégorienne 

\          ANS 

\           de  l'année  grégorienne 

(quatre  premier!  de  l'aonée  répablicaÏDe) 

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(huit  deroierB  de  l'année  répnblicaine) 

auï  années   grégoriennes 

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aux  années  grégoriennes 

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1795 

IV 

1796 

1796 

V 

1797 

1797 

VI 

1798 

1798 

VII 

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1799 

VIII 

1800 

1800 

IX 

1801 

1801 

X 

1802 

1802 

XI 

1803 

1803 

XII 

1804 

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XIII 

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1805 

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CONCORDANCE  DES  MOIS  ET  DES  JOURS 


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COXCORDANCE   DES  MOIS  ET  DES  JOURS 

(Suite) 


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COXCORDAXCE  DKS  MOIS  ET  DES  JOURS 

(Suite) 


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CONCORDANCE  DES  JOURS  COMPLEMENTAIRES 


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1802 

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1804 

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INDEX  ALPHABÉTIQUE 


POUR     LES     TO.MKS     I     ET    II 


Aach,  I,  199,   2n  à  iiô,  228.  229,  300. 

Aach  (f),  I.  224.  22i. 

Aalen,  I,  117,  122  à  127;  II,   32,  33,  77. 

Aarau,  I,  283,  200. 

Ab.îxcoirt  (u').  II,  82,  83.  87. 

AiiiiATUcci,  I,  85  à  92,  97;  II,  58,  288. 

AuuALLis  (les),  II,  375. 

Abersdorf,  II,  142,  145. 

Abcr-Sec,  II,  ISO,  182.  185. 

Abreschwiller,  I,  10. 

Abtsdorfer-See,  II.  168. 

Achenbach,  II,  149.  152. 

Achen-See,  II.  91. 

Achen-TIuil,  II,  109. 

Achkarren,  I.  275,   276. 

Adelshofeii,  I,  388,  391. 

Adetsbac/i,  I.  366,  368,  388. 

Adige  (1).  I,  303. 

Adlwançi,  I,  203. 

Affenlhul,  I,  104. 

."Ifghaxs  (les),  II,  375. 

Ager  (f),  II,  22,  222. 

A/ilen,  I.  161,  162, 

Aibling,  II,  62,  68.  70,  90,   99,  109,  129 

à  132,  154,   156  à  158. 
Aichucli,  II,  37  à  39. 

Ain  (Volontaires  de  l'j,  I,  10.  12,  75,  79. 
Aisliiigen,  II,  22  à  24. 
Aisne,  I,  211. 
Aix,  II,  257. 
AlaiSj  l,  7. 

Atbaching,   II,    146,   147,  149,  241,   242. 
Albech,  II,  28. 

Albert  (Cuirassiers,  d'),  I,  334.  378. 
Albittk,  I,  4. 
Aldi/tgen,  I,  170. 
Atcndorf,  II.  194. 
Aleiiçon,  I.  202,  366,  367. 
Alelshausen,  II,  10. 


.Wred  (!•),  II,  366,  399. 

Algérie,  I,  261  ;  II,  9. 

Allemagne,  I,  207;  II.   101,  116,  117. 

Allemagne    (Armée   d).    I.    11.   116,  173, 

196,  200,  213,  240,  328;  II,  11. 
Alleshaiisen,  I,  159,   161. 
Allier  (Département  de  1),  II,  15. 
Alm  (1),  II,  203,  212. 
Almendsiio/en,  I,  171. 
Alpes  (.Armée  des),  1,  35. 
Alpes  (^Légion  des},  I.  328. 
Alpirsbaeh,  I,   196. 
Alsace,  I,  6,  323. 
Alsace  (Régiment  d'),  I,  328. 
Alsheim,  I,  347. 
Altdorf,  I,  329. 
Altexbruck,  I,   376,   383,   391,  394,  395, 

398. 
Altenmarkt,  II,   161,  163,  164,  226. 
Altering,  II,  165,  168,  174. 
Aliheim,  II,  107. 
Altikon,  I,  285  à  287. 
Alikircb,  I.  283. 
Allmùhl  (1),  I,  150. 
AU-Oelling,  II,  79,  81,  107. 
Alxing,  II,  95,    120,    121,  126,  132,    135. 
Ah  (1).  II,  161,  162,  164,  165. 
Ambjise,  I,  65. 
Ameimig,  II,  160,  161. 
Amérique,  I,  6,  7. 
Amertshofev ,  I,  138,  153. 
Amiens,  I,  9,  71  ;  II,  260.  297,  299,  303, 

312,  314,  332,  ;366. 
Amis   de   la   République   (les),    I,    11,   73, 

78,  79. 
Ammer  See,  II,  39,  42,  60,  76,  97. 
Amper  (1'),  II,  41,  42,  51,  54. 
Ampjing,  II,  106,   132. 
Amsterdam,  I,  194. 


408     MKAIOIRKS   ET  JOUR\tAUX   DU   GKIVERAL   DECAEM 


Amsterdam  (Batterie  d),  11,  333,  334,  336. 

AmsteUcn,  11,  217. 

Andalousie,  1,   1  li. 

Ande'fingen,  1,   285,  286,   287,  288,  309. 

Ang-^rs,  I.  20,  54,  81,  82. 

Angleterre,  1,   400;  II.  43,  45,  53,   117, 

291,  335  à  401. 
Angleterre  (Armée  d"),  1,  9.  189,  190. 
Axr.oixKMK  (dlc  d"),  1,  12. 
Anhauscn  (8  km.  E.-S.-E.  de  Gûnzburg), 

II,  17. 
Anli(iusen{%Vva.  S.  de  Heidenbeim),  II,  31. 
Anjou  (Régiment  d),  I,  11,  38. 
Ankkr,  II,  .366. 
Anselfingen,  I,  199,  217. 
Anspach,  I,   103. 

Anspach  (Cuirassiers  d),  I,  95,  102,  167, 
•  387,  393. 
Anlhering,  II.  177.  178,  184. 
Antibes,  II,  257. 
Anvers,  I    90,  148,  328. 
Anùng,  II,  62.  90,   121,   128,    130,    134, 

135,  148,  240. 
Appenweier,  I,  97,  98  à   101. 
Aquitaine  (Régiment  d'),  I,  109. 
Arabie,  II,  370  à  373,  378. 
Ardennes,  I,  244,  247. 
Ardennes  (rtrmée  des),  I,  23,  313. 
Ardennes  (Volontaires  desj,  I.  247. 
Argentat,  I,  105. 
Ariège,  I,   194. 
Arles,  I,  35. 
Arras,  II,  231. 
Artois  (Régiment  d),  I,  129. 
Asbach,  I,  136,  338. 
Aschau,  II.  148,  149. 
Asc/ilieiin,  II,  56,  63  à  65. 
-assemblée  Législative.  I.  3,  4,  9. 
Aismannshardt,  I,  159. 
Alalante(l"),  11,278,  370  à  372,  378,  390. 
Altel,   II,    130,   132,    138,  150,  153,  154, 

157. 
Allenueiler,  I,   159. 
AiiifcBT-DL'UAVKT  (Voir  Dlb.avkt). 
Auch.  I.  399:  II,  20. 
Auenheim,   I,   345,  356  à  358,  409,  415, 

416. 
Aucrnlieim,  II,  31,  32. 
Auaslacdl,  II,  8. 
Aufhaufen,  1,  125. 
Au//io/tn,   1,  159 
AlGUliKAI.  II.  191,  198. 
Augsbourg.  I,  136  i  138,  151,  154 .11,  II, 

1.1,   18,  26,  34  à  38,   41,   42,   49,  51, 

52.  54,  71,  77.  81,  102,  114    119,  212, 

224,  227  à  231,  233,  234. 
Aunis  (Régiment  d).  I,  II,  54. 


Autriche,  I.  7,    90,  430;  II.  6.  100,  105, 

130,  187,  188,  191,  193,  204,  224. 
Auxonne,  1.12 
Avignon,  II,  257. 
A/.ivcouRT  (u),   I,  10,  15,  25,  59. 

Jfabenhausen,  II,  5,  6,  8,  10  à  13. 

Baeharach,  I,  5. 

L'iickingen,  II,  28. 

Baden,  I,  106,  283  à  285,  290. 

Bagdad,  II,  376,  378. 

Bahlingen,  I,  172,  180  à  182. 

Bahour,  II,  298. 

Baierbrun,  II,  54  à  57,  60,  61. 

Baiersdorf,  II,   198. 

Baierthal,  I,  339,  341,  393,  402,  405. 

Baillut,  I,  157,  II,  165. 

Baldingen,  I,  171,  198. 

Bàle,    I,    194,   274,  282,   283,  288,   296, 

305,  308,  311,  312,  443. 
Bah/eld,  I,  401,  402. 
Balzheim,  II,  4. 
Bahlwfen,  I,  104. 
Bamberg  (Dragons  de),  I,  331. 
Bandegg,  I,  294,  307. 
Baiiiial  iRégimiMit  de),  II,  13. 
Bara,   I,  167,   168,  201. 
Baraguey  dHilliers,  I,  327,  328,  330. 
BAhUK-MARnois,  II,  286. 
Barcelone ,  I,  360. 
Barco  (Hussards  de),    I,    294,  298,  307; 

II,  57. 
Bàrenthal,  I,  167. 
Barère,  I,  57,  58,  €8,  69,  71. 
Barras,  1,  317,  319  à  322. 
Barré,  II,  318. 
Barris,  I,  H. 
Barrow  (John),  II,  332. 
B.ARTHÉLKUv,  I,  20,  2:{. 
Barthkldmy  (Directeur),  I,  322;  II,  286. 
Basadingen,  I,  286,  289.  291. 
Bas- Rhin  I,  167. 
Bas-Rhin  (Division  du),  I,  307. 
Bas-Rhin  (Volontaires  du),  I,  10,    75,   77, 

79. 
Bassein,  II.  329. 
Bassigny  (Régiment  de),  I,  9. 
Bassora,   II,  376,  378. 
Balania,  II,  328. 
Batavie,  I.  90,  114. 
Balaiie  (Armée  de),  I,  368. 
Bnlzcnho/en,  II,  229. 
Baidi.n,  II,  364,  365. 
Baumgarlen,  II,  22,  23. 
Baum/.irclicn,  II,  55. 
Bausclilott,  I,   118. 
Bavarois,  II,  100,  116,  165.  227,  228. 


lvdp:x  alphabetiqui'] 


409 


Bavière,  II.  33,   41,   43,  4->,  48,   51,  52, 
54,  83,   85,  86,  114.    Il"  à   119,  200. 
207,  221,  224,  '211. 
Bazirk,  I,  68. 

Biîini  (Régiment  de),  1,  339. 
BcAtcHÊvK,  II,  317,  371,  372. 
Hkmfils,  I,  133. 

UeaujoUis  (Régiment  de),  I,  261. 
Bkal'harxais,  II,  293. 
Bi:alhar\ais  (Hortkvse    de),  II,  214,  215, 

293. 
Bkauhar.vais  (Josiîphixk  dk)  (Voir  Joskphixk). 
BiiALPL'v,  20,  24,  25.  49,  54,  55,  80,  8i, 
94  à  96,   104,    130,    132   à    137,  liO  à 
147,   151,    152,    160  à   164,   168.    170, 
173  à  177,  179,  239.317,  438;  II,  288. 
Bkal'Rgard,  I.  415. 
Beanvaisis  (Régiment  de).  I,  9. 
Bkc-de-Likvrk,  1,  92,  118. 
BiicHOT,  I.  132,  145,  173,  181. 
BiiCKiiR,   I,  203,  238,  251,  254,  255,  261 
à  265,  270,  281,  418,  425,  427,  428,  434. 
Bk.x>lkt,  I.  418 

llrihartltuj,  II,  129  à  135,  154.  à  157,  239, 
Belfort,  I,  109. 

Bélier  (le),  II,  351,  356  à  362,  390. 
Bi:i.i,AVÈ.\E,  I,  85,  89,  96.  106.  108. 
Bkllkcomiih  (ok),   h,  285. 
Belle-Poule  (la),   II,  278,  324,  347  à  368. 

3S2  à  399. 
Bellhein,  I,  347,  349,  353. 
Beiuler  (Régiment  de),  II,  122,    158. 
llcnediclbcuern,  II,  57,  60,  91. 
Benfeld,  I.  194. 

Bengale,  II,  260,  298,  299.  329,  343. 
Benken,  I,  288.  289,  291,  294. 
Benjowsky  (Régiment  de),  II,  178,  179. 
Bknzkbenk,   I,   223,   237,   238,   240,  242, 
243,  245  à  248,   252  à    264,  269.  305, 
417  à  419,  423  à  427,  432  à  436,  439. 
Bera,  I,  145. 
Bkraiid,  I,  173. 

Bercfilesgatlen,  II,  212  à  214. 
BratcKHEiM,  II,   13'i. 
Bcrgcnweiler,  II,  29. 
Berghausen,  I,  347. 
Bergheim,    II,  177,  17S,  180. 
Bcrghofen,  II,  66. 

Bergslrasse  (la).  I,  360,  389,  399,  400. 
BÉRii,,  I,  70. 
Berlin,  I,  328. 
Bkrxadotte,  I,  303,  315,  317,   318,   322; 

H,  252,  254,  288. 
Bernard,  II,  172. 
Bermer,  II,  247. 
Bkrhv  (Duc  de),  I,  134,  173. 
Bertix,  I,  401. 


Bertraxd,   I,  247,  261   à  264,   267.  275, 
281  à  284,  292.  295,  304,  307;  II,  231. 

Besançon,  I,  240. 

Bessièrrs,  I.  248. 

Bettighofeii,  I,   159. 

Beizcnweiler,  I,  160. 

Beuren,  I.  125;  II,  33. 

Beurmaxx,  I,  10. 

Beirmaxx  (jeune).  I.  29. 

Beulelibiich,  I,  121. 

Biber  (la).  I,   155. 

Biberach,  I,  100,  151,  159,  161,  203,  221, 
264;  II,  4. 

Bidnssoa  (la),  I,  145. 

Biebrich.  I,  8,  15,  16. 

Biegelhof.  I,  388. 

Bierbaum,  II.  187. 

Bielingen,  1,294. 

Billenhausen,  II,  13,  14  à  16. 

Bingeii.  I,  5,  167. 

Bi.vot.  II,  283,  312,  313,  317.  327,  353  à 
368,  372,  379,  382  à  398. 

Biichheim,  I,  194. 

Birkexfeli)  (M.  de).  II,  58. 

BIschmannshauien,  I,  160 

Bischweier,  I,  109. 

Bissingen,  I,  135. 

Bilielbrunn,  I,  219. 

Blaichcn,  II,  8. 

Btamo?it,  1,  200. 

Blaxchaud,  I.  25. 

Blankenburg,  I,   136. 

Blankenloch,  I,  375. 

Blunkenstein   (Hussards  de),    I,  357.  386, 

387;  II,  10,  12,  17,  30.  40.  64,  68. 
Blâsheim,  I.  194. 
Blau  (la),   1,  156,  157. 
Bluubeuren,  II,  4,  77. 
BlinJ/uim,  I,  136;  II,  23,24. 
Blois,  I,  65. 
Bioss,  I,  80. 

Blol-  (de),  I,  6,  8,  29.  35,  70. 
Blumberg,  I,  198. 
Bdhingen,  I,  122. 
Bodersweier,  I.  195,  356. 
Bodtnan,  I,  223,  227. 
Bodsox,  II,  190. 
Bogenliausen,  H,  55,  59,  61. 
Bohême,  I,  3;  II,  98,  100,  101,  104,  107, 

110,  115. 
Boi.sGÉRARD.  I,  32.  89,  320,  321. 
Bolbec,  1,  400. 
Bolsenheim,  I,  194. 
Bolz/iurst,  I,  101,  103,  194. 
homhach,  I,  172. 
Bombay,  II,  328,  378,  381. 
Bombel,  I,  349. 


410     MKMOIRKS   KT   JOURVAUX    DU    GKVERAL   DEGAEN 


UovsPAitTi:,  I,  359,  3<)0,  374;  II,  6 
46.  8«.  06,  100,  105,  108.  129, 
■215,  -238,  247  à  24S,  250.  252. 
256  à  259,  262,  263.  271.  278  à 
284  à  287.  289.  291.  292,  293, 
301  à  305,  308  à  311,  316,  318. 
332,340  à  400. 

BoN.'iPAiiTK  (Madame)  (Voir  Joskphixe) 

BoxKT.  I.  366,  368.  376.  386.  388. 
401.  403.  405.  411  ;   II.  6.  157. 

BoxvAMv.  I,  415. 

Bonne- Espérance  (Cap  de),  II.  260. 
317. 

Boos,  I,  25,  59. 

Bopfingen,  I,    124,  125,  127,  II,  32, 

Bordeaux,  I,  m;  II,  37,  328. 

BoRCiiKSB  (Prixciissi:),  II,  251. 

BoRDESOULLK,    I,    173. 

llorniio,   II,    199. 
BoUingen,  I.   167. 
BolCmingen,  I.  283. 
Bolzen,  II,  199. 

BOLUKKT.    I.    181. 

Boucliers  (plaine  des),  II.  288. 

BoiLAM),  I.  151.   165. 

Boulogne  (Camp  de).  I,  11. 

Bourbon  {ilcj,  II.  260,  291.  346.  367 

BoLiiciEit.  I,   167;  II.  92. 

Bourg-Libre,  I,  283. 

Bourgneuf,  I,   134. 

Bourgogne  (Uégiment  de),  II,  37. 

Boussay,  I,  89. 

Bovi:,  II,  37  à  39. 

Brauixk  (baron  de),  I,  84. 

Brackenluim,  I,  368. 

Brastelburg,  I,  125. 

Bn.UM,  1,  91. 

Braunau,  II,  54,  55,  57.  59,  61 

80,87.  89.  90,  107,  115,  200, 
llrannegkcn,  II,  80. 
Braunlin je»,   I,  237. 
Bregen:,,  I,  153. 
Breitenlhul,  II,  12. 
Bremgarten,  1,  314. 
Brenz,  II,  26  à  29. 
Brcns,  (la),  II,  25,  27    29,   31. 
Brest,  II,  263,  279,  2S0  à  282, 

294,  313,    314,    315,   ;318,    : 

327,  340,  384. 
Brest   (Armée   des   côtes  de),    1 

II,  8. 
Bretagne  (Kégimeiit  de),  I,  38. 
Breiltn,  I,  327,  333,  334.  336, 

343,   345,    360,    365,  367  à 

379,  387,  388,  390. 
Bret:ienlttim,  I,  8. 
Brianron,  I,  328. 


44, 
214, 
254, 
282, 
294, 
328. 


391, 


311, 


77. 


à  63 
208, 


76, 
220. 


285, 
319, 


286, 
322, 


,    80,   83; 


Brie,  I,  lOi. 

Brienne,  I,  65;  II,  9. 

Brigach  (la).  I.  235,  231. 

Brisacli,   I.    173,   184,    260,    420:    II,    3, 

2:iO,  267. 
Brisgau,   II,  2;}2. 
Brixen,  II,  199. 
Brogen.  I,   197,  246,  249. 
Bholssoxet,  II,  .327,  330,  331,3*1. 
Bruclihausen,  I,  410. 
Bruchliauserhof,  I,  410,  411,  412. 
Bruchsal,    I,   327,  331   à  335,   340,   341, 

343  à  345,  359  à  365,  367,  369,  371, 

372,  374,  375,  377  à  394,  397. 
Brack  (sur  l'Amper),  II,  51,  53,  121. 
Bruck  (9  km.  S.-O.  d'Lbersberg),  II,  95, 

129. 
Bruck  l'en  .\ntriehe,   15   km.   E.   de  Leo- 

ben),  II,  199. 
Brucklmusen,  II.  130. 
Bruqg,  I,  283,  284,  290,  311. 
Brûhl,  I,  411. 

BRUii.Hic,  II,  317,  379  à  382,  399. 
Biiuix,  II,  ;î62,  381,  388,  390,  396. 
Bruxk,  II,  209,  377. 
Bruxsvvick  (Duc  db),  I,  3. 
Bubi'sheim,  I,  154. 
Bucli,  II,  131,  135. 
BucHAX,  II,  386. 
Buchau,  I,  160,  161. 
Bûche  nau,  I,  368,  369,  380,  382,  384. 
Buchersried,  I,  139. 
BuchhoU,  I,  181. 
Buclithalen,  I,  294. 
Bucklung,  I,  105. 
Budenheim,  I,   5,   7. 
Bûhl,  I,  97,  99,  104,  105,  264. 
Bulach,  I,  117. 
BtguET,  I,  12,  49. 
Burgau.  I,   154,  155;  II,  3,    11,    12,    15, 

16,  18  à  21,  23,  24. 
Burgbcrg,  II,  28. 
Burglingel,  II,  28,  29. 
Burgos,  I,  11. 
Bargliausen,  II,  164,  165,  178,   179,  224, 

225. 
Burqweiler,  I,  203,  209. 
Barkhein,  I,  276. 
Burrenhof,  I,  161. 
Bartenbach,  I,  154;  II,  15,   16. 
Busenbach,  I,    117. 
Bussen,  I,  159,    161,  166. 


340,  342, 

369,   377, 

Cubin.   II,   197. 
Caboul,  II,  375. 
Cadix,  I,  114,  400. 

Caen,  1,  i,  4,  84.  94, 

185, 

190 

INDKX   ALPHABETIQUE 


411 


Caffarkli.i,  II,  3U,  318. 

Cai'hks,  II,  335,  338,  339. 

Cajazzo,  I,  32. 

Colculta.   II,  300,   312,  317,    327,  379  à 

309. 
Calicut,  II,  298,  301. 
Calvados,  I,  3,  4. 
Calvados  (Volontaire!  du),  I,  3,   4,   5,  7, 

10,  73.  94. 

Cambay  (golfe  de),  II,  298,  329,  371. 

Canada,  I.  217. 

C/inarics,  II,  317,  321,  327. 

Cl.VCLAUX,  I,  80. 

Cannslalt,  I,  117,  119,  120;  II,  77. 

Canton,  II,  301. 

Cap  de  lionne- Espérance  (Ville  du),  I,  m, 

H.  260  264, 311,  317.  320,  322  à  324, 

326  à  345,  359. 
Cap  de  Bonne-Espérance  (Colonie  du),  II, 

321,  375. 

ClRDEXflU,   I,  358. 

Carmagnole  (île  de  la),  I,  13. 

Carinihie,  II,  199. 

C.iK.\'oT,  I.   146,  322. 

Carpenlras,   II,  2.t7. 

CiRRiox-Nis.is,  II,   15. 

Casscl,  I,  10,  59. 

Catalogne  (Armée  de),  I,  m,  35,  195,  328; 

11,  8. 
Caltak,  II,  329. 

C.4ULAIXC0URT  (général  en  1791),  II,  44. 

C.tLLAlXCOURT     (DfC     Dli      V'iCliVCK,      ArmA\D- 

Auf.i;sTi\-LouiS()E),  11,44,  53  à  55,  60,61. 

Caul/»incqlrt  (Augisth-Jeam-Gauriisl  de),  I, 
211. 

Caulaincourt,  I,  211;  II,  4i,  67,  68. 

Cav.^igxac,  II,  362.  368  à  378,  392. 

Cazi:n'i;i;ie,  II,  172. 

Cent  Jours  (les),  I,   173. 

Ceiiire  (Légiou  dn),  I,  328. 

Cktto  (l'Kl,  II,  43,  49,  50. 

Ccuennes  (Chasseurs  des),  I.  20. 

Ceylan  {Ile  de).  H,  260,  346,  375. 

Ch.abot,  I,  67,  71. 

Chadklas,  1,  7,  23,  49,  72. 

Chalbos,  I,  108,  126,  145,  159. 

Clidlons-sur- Marne,  II. 

C/iampagnt,  I,  3,  4. 

C/iandcrnagor,  II,  265,  267,  270.  283, 
298,  WO,  302.  307,  343. 

CkanvaUon,  II. 

Charente,  I,  158. 

Cliarenle-Injérieure,  I,  97. 

Charles  (Arcliiduc),  91,  92,  93,  104,  108, 
110,  114.  115,  147,  153,  157,  161,  162, 
165, 168,  181,  202,207,  209,  212,  220, 
224,  256,  299,  307,  332,  343,  345,  353 


à  356,  368,  384,  387,  391 ,  392,  398, 

414;  11.115,  187,  191,  à  193,  196, 

200,  217. 
Charmes,  I,  12,  362. 
Chassiecq,  I,  158. 
Chateaubriand,  l,  82. 
Châleau-Gonlitr,  I,  80. 
Châtellerault,  1,  20. 
Chaichard,  II,  199. 
Chauderie  (la),  II,  265. 
Chef  de  Bois,  I,  20. 
Cherbourg,  I,  190,  320. 
Cherbourg  (Armée  des  Côtes  de),  I,  9 
Chkriv,  I,  288,  299,  303,  307,  309  à 

313,  314. 

ClIEVARDlN,    I,    10. 

Chiem  See,  II,  160. 

Chine,  II,  301. 

ChoUet,  I,  288. 

Chouans,  I,  ii. 

Cholard,  II,   111. 

Christoph,  II,  137,  138,  140,  142  à 

145  à  148,  240  à  242. 
Civiia-l'ecchia,  II,  256. 
Ci,AiRïAi.  (Mlle  DE),   I,  81. 
Claparède,  II,  166. 
C1.A110,  I[    300. 
Clkmexcet,  I,  206. 
Clisson,  I,  80. 

Ci.iVE  (Lord),  II,  373,  383  à  400. 
Closterhoh,  1,  153, 
Closterhojlinqen,  I,  157. 
CoBEXZL,   II,   101,  102,  194. 
Cobourg  (Dragons   de),  I.   299,   307, 
CoEHORN,  I,  108,  116,  125,  137,  145, 

226. 
COFFIV,   I,  21. 
CoLAiD,  I,  185,  307,  327  à  337,  340  à 

351  à  359,  374  à  378,  384  à  392, 

397  à  399,   401,  402,  405  à  407, 

à  413;  II,  4. 
Colins,  II,  324. 
Coi.Li,  II,  6. 

Colmar,  I,  190,  193,  194. 
Colombes,  I,  4. 
CoLI.OREDO,    II,    107. 
Colonel-Général  (Régiment),   I,    116, 
Comité   de    Salut   public,    I,   49,    51, 

53,  57,  59,  69,  82,  84. 
CoHMKHCV,   II,   231. 
Comorin  (Cap),  II,  400. 
COMPÉRK,  I,   220. 
Condé,  I,  57. 
CoxDÉ   (Prince  ue),  II,  98,   99,    109, 

158. 
Condom,  I,  126. 
Conflans  (Régiment  de),  II,  37. 


399, 
198, 


,  83. 
311, 


144, 


332. 
210, 


348, 
395, 
409 


338. 
52, 


130, 


412      MÉMOIRES   ET  JOURXAUX   I)U    GKMERAL   DECAE.V 


•298, 


196. 


400. 
287, 


Constance,  I,  '201 ,  -203.  216,  2-26,  228.  343, 

430. 
Constance  (près  le   Cap),  II,    323  à  325, 

335,  337. 
Constantinople.  I,  9;  II,  372.  à  379. 
Convention    (la),    I,  5.  6,  9.   12,   18.   24. 

25.  46,  50   à  52,  57,  59  à  71. 
Copenhague,  II.  330. 
CoRViLLE,  II.  146,   172.  173. 
Corny,  I.  12,  104 
Coromaiulel  (Cale  de),  II.  260,   281. 

312  à  314.  327  à  329.  34S  à  400. 
Corrèze,  I,  105,  196. 
Corrèze  (Volontaires  de   la),    I,    105, 
Corse,  1,  89,  II.  256. 
CosTK.  I,  219,  220,  290,  300,  304. 

CÔIKBOELF,    II,    147. 

Càte-d'Or,  1,  296. 

Côte-d'Or  (la),  II,  279,  316,  341 ,  362  à 

Côlc-d'Or  (Volontaires  delà),  I.  129, 

352. 
Cdiiroiiiie  (Régiment  de  la).  I    193. 
CoLhVILLE.  I.    183. 
CiiAiG,  II.  336. 

Croates  (Héyirnent  des),  I.  226;  II,  57. 
Croatie,  II,   101. 
Croix-Chapeau,  I,  97. 
Cuddalore,  II,  381. 
Clk.vot,  1,  115. 

rLLLKN,  II.  352,  366,  379  à  400. 
Cu.NÉo,   1,   115. 
CusTi.vE,  I,  5,  25,  5i,  57  à  61,  68. 

Dachan,  II,  37  à  43,  48,  49,  51,  53,  60 
à  62.  228. 

Dnchenheim,  I.  297. 

Dachsen,  I,  289  à  292,  297. 

D.icLO.N,  I,  392,  394. 

Dalheim,  I,  3,  12  à  14. 

Dnlmalie,  1.  90;  II,  101. 

Damas,  I,  24,  49. 

D.4MPIKRRE  (Picot  de),  I,  23. 

DflMKL,  II,  106. 

Daxtox.  I,  60. 

Ùanul^  (le),  I.  128,  136.  137,  139,  141. 
146  à  148.  151.  154  à  159.  16>.  166, 
1K7.  191.  193,  199,  201.  204.  205, 
216,  243.  325,  327,  430;  II.  3,  4.  19, 
22,  24,  26  à  28,  31,  35.  45,  98.  158, 
197.  19S,  202.  203.  229,  233. 

Danube  (Armée  du).  I.  199.  201,  203, 
21X,  220  à  22»,  225,  226,  228.  234, 
238,  253  à  255.  261,  262.  266.  268. 
281.  296,  304,  305,  307,  31(1,  311,  316, 
317,417,  418,  423,  420,  430,  439,  443, 
444. 

Daiizig,  I,  247. 


Darching,  II,  93. 

Darsowai,,  II,  203. 

Dasing,  II,  37. 

Datessen,  II,   174. 

Datlhausen,  I,   159. 

Daiichingen,  I,   169,  197. 

DaudenztU,  I.  338. 

Dailta.vke,  1,  208,  213,  418,  420. 

D.uiD,  II,  286,  287. 

Dax,  I,  358. 

Debilly,  II,  3.  8  à  11.  16,  17,  20.  22,  23, 

26  à  35.   .38  à  44.    48.   53,   55.   61    à 

67,    70.    71.    75.    79.    92  à    94,    106. 

120   à   122,   126,   127,    135,    142.  143, 

146  à   150,    152  à   157,  162,  163,  241. 
Dkbrv,  I,  307 

Dkcae.v  (Madame),  II,  358,  359. 
Dec  ze,  J,  281 

Decrks.  II.  268.  269,  278.  .308.  348  à  352. 
Dkdo.v,  I,  89,  292,  300. 
Deygingen,  I,   135. 
Dcggendorf,  II,  98. 
Dehlingen,  I,   128. 
Dkhov,  II.  312,  382. 
Deisenhausen,  H,  3,   10,   11,  13,  14, 
Deisdingen,  I,   198. 

DEL.ibOHDE,  I,  352,  359  à  367,  374,  375. 
Delaitre,  II,  324, 
Delalriers.  1.  II. 
Dei.elke.  II,  7,  145. 
Délie,  I,  189. 
Delmas,  I,  105.  106,   108,  115,  121,    122, 

130.  138  à  liO,  151;   II,  6,  9.  14. 
DEHKinov.  II.  382  à  386,  394. 
DiiMisT,  II,  324,  .331,  339  à  348. 
Devis.  II.  21. 

Denkingen,  I.  2(2,  210.  211. 
Deprkz-Cua.^sikr.  1.  5. 
Desaix.    I.  94  à  97,    100,   102.  104,  107, 

109,  110.  114,  115,  119.  123.  132,  136. 

139   à   152.  160,    162  à   167,  170,   175 

à  185,  189.  2.39.  317.  438;  II.  288. 
Désexfa.v.s.  1.  247.  252,  256.  264.  267,  271, 

286  à  2S8,  290.   291    i   298,  356,  424, 

426,  433,  435,  441. 
Desfravcs.  I.  10. 
Dksmarrb-;,  I.  82. 

DkSMOI  TIERS,   I.   405. 

Desnovers.  I,  109. 

Dessollk.  II,  6,  20,  75.  81,  86  à  88,  95, 

105,    106.    110  à   114,    137.    162     195. 

197,  2.38,  241,  243,  271,  278,  2S9.  292. 
Deutwang ,  I,  201. 
Deux-Ponts,  I.  188. 
Delx-Poxts  (Dlc  ut).  II,  43,  107.  116. 
Dbvahat.  I,  376. 
DiiVALx,  I,  418. 


IMDEX   ALPHABÉTIQUE 


413 


Devav,  I,  101,  16-2. 

Di;vii,i.i;ris.  I,  115,  126,  132. 

Diable  (Montagne  du),  II,  33  J,  33 i. 

Diekehof,  I,  289. 

Dielheim,  I,  337,  330,  400,  i02. 

Diessen,  11,  54,  76. 

Diessenliofen,  I,  287,  290,  à  -299. 

Dietach.  H,   193. 

Dictcrsheim,   II,  56,  60. 

Ditilingen,   l,  156. 

Dijon,  I,  287,  352. 

Diligent  (le),  II,  367,  378. 

Uillingcn,  I.  321,  325,  327. 

Dihberg,  I,  338. 

Dinkelsbûld,   II,  77. 

Directoire  (le),  I,  85.  109,  111,  112,  115, 
118.  120,  133,  135,  137,  141,  143,  145, 
146,  153,  160,  165,  176,  179  à  189, 
197,  220,221,  234,253,  280,  296, 309, 
310,  313à32i,  359,360,  417,  429,  431, 
432,  438,  443,  4ii;  H,  287. 

Dirwald,  II,  93. 

Dol,  I,  80. 

Donaufschtngen,  I,  170,  171,  198,  230, 
232,  235,  236,  237,  251,  299,  423,425, 
434;  II,  4,  233. 

Donauuorlh,  I,  128,  135,  153;  II,  36,  49, 
50,  77,  22 i. 

DoxzKUiT,  II,  293. 

Dordogne,  I,  54. 

Dorf,  I,  167. 

Dorfen,  II,  131. 

Dormich,  II.  64. 

Douai,  I,  145;  II,  9 

DoLAv,  I.  46,  48,  49,  66. 

Double- Tenaille,  I,  48. 

Doubs  (Volontaires  du),  I,  38. 

Draguignan,  II,  257. 

Dreisam  (la),  I,   184. 

Dhouet  (dErlon),  I,  261;  II,  14i  à   146. 

Drouot,  I.  95. 

Druisheim,  I,  136. 

Di  DAYKT,  I,  9,  15, 16,  19,  24,  26,  28,  33.  46, 
49,  51,  52,  61  à  65,  (>9,  80,  83;  II,  44. 

DUBRETOX,    I,   11,   42,  49. 

Dicassou,  I,  115,  137,  145,  163,  181. 

Dlché,  II,  284. 

DuFOiii,  I,  190. 

Dufri.s.ve-Laiulk,  II, 

DuHESME,  I.  128,  13i,  135,  152. 

Dl  L.aUllE.\S,   I,    11. 
DtMÉXIEl'X,    I,    119. 

DtMES.w,  II,  341. 

DCMOIXI.V,  I,    10. 

Dlndas.  Il,  335,  337. 
DfMotRiEz,  I,  25. 
Dunkerque,  I,  200,  367. 


Diintingen,  I,   149. 

DurLuix,  II,  251,  261,  267,  298,  300. 

DuPLiiix,  II,  267. 

DiPoxT,  I,  277. 

Dirouv,  1,  228. 

Durlach,  I  117.333,  344,  361  à  363,  367 
à  369,  372,  375,  378,  382. 

Dûrmevtingen,  I,  159,  165. 

Dûrrheim,  I,  198. 

Durtul,  1,  20,  81. 

DiRiTTE,  II,  9  à  11,  13,  16.  17,  20,  23. 
30  à  32,  35,  38,  39,  44,  53,  55,  60  à 
65,  67.  73,  75,  79,  92,  94,  106,  120, 
121,  123,  126,  127,  129,  130,135,  142, 
143,  146,  147,  149,  152,  155,  161  à  163, 
169,  170,  172,  174,  175  à  177,  181, 
182,  185.  187,  192.  194.  202.  204  à 
2M6,  219.  221.  222,  224  à  226.  2  29, 
•-'32,  242. 

DlIVALDREi;X,   II,    173. 

DuviG.vAU,  I,  186. 

Ebchberg,  H,  193,  194. 

Ebersbcrg,  II,  57,  66,  68.  69,  88  à  90,  92, 

9i,95,  120, 128,  131,  134,  135,  137.  140. 

142,   144  à    146,   148,    149,  152,  153   à 

157,  206,  219,  240,  241. 
Ebersliauscn,   II,  9  à  11,   13  à  15. 
Ebi'igen,  I,  167,  230. 
EuLK,  I.  114;  II,  106.  216. 
Ebnat,  I,  117.  123,  124,  125. 
hbnel,  I,  172. 
Ebrach  (1),  II,   150. 
Eclilis/iausrn,  I,  155. 
Echsheim,  I,  138. 
Edenhdusen,  II,   li. 
Ëdingen,  I.  412. 
Edling,  II,  150  à  152,  157. 
Eger  (!'),  II,  77.  115. 
Eggelburg,  II,  66. 
Eglfing,  II,  62. 
Eglharling,  II,  66,  95. 
Eglisau.  l,  290. 

E(/ypte,  1,  96;  II,  102.  283.  288. 
Ehekirchen,  I,   152. 
EIdngen,  I,  217,  223,  228;  II,  76. 
Ehrenbreiutein.  II,  37. 
Ehrstâdl,  I,  .388. 
Eichelberg,  I,  146.  397. 
Eiclistâtt.  I.  139.  147  à  150. 
Eichstetten,  1,  178,   184.  275,  27(i. 
Eigeltingen.  I,  199,  216,  223  à  226.  228. 
Eisenerz,  II.  198. 

Elbe  (Corps  d'observation  de  1),  I,  352. 
Elbe,  II,  9,  106. 
Elchingen,  I.  125. 
ELECTKLn  Palatin,  II,  43,  45  à  47,  49  à  51, 


414  MEMOIRES  ET  JOURNAUX  DU  GÉNÉRAL  DECAEN 


72,  13,  16,  79,  99,  108,  IIG,  117,  119, 
_   -227. 

Electeir  de  BftviKRK  (Voir  le   précédent). 
Elgersweier,  I,  195. 
Ellgau,  I,    137. 
Ellikon,  I,  290,  291,  297. 
Ellmendingen,  I,    IIS. 
Elseiiz,  1,  3SS,  390,  391. 
Elsenz  (Ij,  I,    339.  361,  393,  305  à  397, 

402. 
EUwangen,   I,    123,    124;  II,  32,   33,    77. 
Elz  [V),  I,  172,  175,  176,  178  à  181. 
Etzach,  I,  238  à  241,  246,  251,  253,  255, 

260,  261,  263.264,  270,418,  419,  421, 

423,  425,  427,  434,  439. 
Emmend'ngen,l,  172,  175,  176,  178àlX0; 

II,  2S8. 
Emmkri.il,  II,  257. 
Endersbach,  I,  120. 
Eiidingen,  I,   172. 
Enftr  (Val  d'),  toir  Val  d'Enfer. 
Enyen,  1,  193,  199,  216  à  219,  223,  227  à 

229,  299;  II,  4,  76. 
Enghiux  (Uucd),  II,   109,  158. 
Enzhojfen,  I,   167. 
Enns.  II,  79,    185,    193  à   195,  202,  203, 

207,  215,  216,  219,  221. 
Enns  (1),  II,  193,  194,  196,  197,  202,  219. 
Ensithaufen,  I,   167. 
Ensislieim,  I,  167 
Enz  (1),  I.  118,  368. 
Eppingen,   I,  334,  336,  361   à  363,   365, 

367,  368,  388,  391. 
Erbach,  I,  158;  II,  4,  232. 
Erheshûdeslieim,  I,  5. 
Erching,  II,   58 
Enling,  II,  58  à  63,   64,  66,  67,  88,  89, 

90,  92. 
Erlach,  I,  101,  102. 
Erhingcn,  II,  198. 
Erlauf(\'),  II,  199. 
Erlenrhein,  1,  90,  91,  184. 
Eiixoir,  I,  197,  201,  204,   208,  210,  215, 

223,  226,  231,  233,  233,  242,  247,  249. 

252  à  257,  259,  260  à  266,  268  à  271, 

288,  296,  303  à  306,  310,  311,  316,319, 

321,  324,  327,  400,417  à  422.  424  à  428. 

429,  431  à  43S,  440,  4i2  à  444. 
Ersingen,  I,  118,  159. 
Erslein.  I,  267,  271,  275,  312. 
Erzherzo,i{  Cari  (Ri'yiment),  I,  307. 
Escfiul  (T),  I.  90. 
Escliau,  I,  194. 
Esenltausen,  I,  203,  200,  210. 
Es/iagne,  1,  97.    116,  195,  196,  232,  415; 

II.  2S5. 
Espagne  (.irmée  dj,  I,  96,  134,  145,  167, 


173,  195,  200.  211,  213,  261,  285,  288, 
338,  352,  367;  II,  11,  21,  37. 

EspyiGXK,  I,  365,  399. 

Espalai»,  1,   11. 

Essling,  I,  309. 

Esterhazy  (Kégiment  d),  I,  96;  II,  165. 

Éials-Unis,  I,  10;  II,  280,  281. 

Etlval,  I,  10. 

EtUil,  11,  76,  70,  106,  112. 

Ettenbeuren,  II,  3,  15  à  18. 

Etilingen,  I,  1(9,  111,  112,  115,  117,  386. 

Eurashurg,  II,  52,  54. 

Eure  (l/olontaires  de  1'),  I,  10. 

Eutini/en,  I,   118. 

Eylau,  I.  198. 

Fahe  liay,  II.  322,  323,   326,   328,  ;329, 

332,  ;«3,  335,  342,  378. 
Falspach,   II,  187. 
Famars,  I,  23, 
FAico.N.viiT,  l,  96,  99,  100,  102,  133,  145, 

148  à  150,  164,  166,  178. 
Farorile  (Bois  de  U),  1,  106. 
Fédérés  ualionaux,  I,  11,  74,  77. 
Feder  See,  1,  159. 
Fegerslieim,  I,   104. 
Feldkirch,  II,  153. 
Feldkhchen    (15   km.   N.    de    Rosenheim), 

II,  133. 
FeWi-//c/(É'n(24km.  O.-IV.-O.  deRosenheJm), 

II,  130. 
Fcldkirchen  [l'iVm.  E.  de  Munich),  11,62, 

63. 
Feldkirchen   (3   km.   N.-O.   de  Troslberg), 

II,   161,   163. 
Feldkirchen  (^24  km.  E.  de  Wasserburg},  II, 

165. 
Fi:mi,  I,  20. 

Ferdinand  (Dragons  de).  II,  50. 
Ferdinand  (Régiment d'infanterie),  II,  178, 

170. 
Ferdinand  (Hussards  de),  1,  153,  154,  249, 

279,  208;  II,   12  à  14,  17,  30,  39,  40, 

6i,  66,  67,  165. 
FÉRixo,  I.    90,    92,    100,   137,   150,    161, 

181,  194,  198.  206,  211,  217,  222,  223. 

225,  226  à  232,  237,  246,  255,  307,  314, 

420:  II,  58. 
Finislcrre  (Cap),  II,  320. 
Fischbachuu,  II,  90,  91. 
Feuerbach,  I,   120. 
Feuertltalen.  I,  287  à  290. 
Fils,  II,  77. 

Finstermûnz,  II,  200,  201. 
Flandre,  II,   173. 
Flehingrn^  I,  343. 
Fleinheim,  II,  31. 


IXDEX   ALPHABÉTIQUE 


415 


,Floceliire  (/>a),  voir  la  Flocelikre. 
Florence  Dubois,  II,  285. 
Flurlingen,  I,  281,  289. 
Fontaine,  1,  209. 
Fontainebleau,  II,  8. 
Fiirch,  I,  104,  106. 
Forêt-Noire,  l,  1()6.    168,  195,  223,  296, 

417,  418,  430. 
Font,   I,  3(32,   365,   369,  370,   376,  391, 

397,  398,  402. 
Forstcnried,  II,  54. 
ForciiEB.  I,  11,  214. 
Foulpointe,  II, 
Fraherslhnm,  II,   160. 
Francfort,  I,  25,  48,    62,    314.   330,   376. 
FitANçois  II,  II,  99,  100. 
Franconie,  II,  4,  77,  116,  119,   199,  200, 

224. 
Francs  (Les  chasseurs),  I,  80. 
Francs  (Li'gion  des),  1,  15,  17,   20  à  22, 

26,  33,  34. 
Frankenburg,  II,  185. 
Frankemnarkl,  II,    185  à   187,   206,   221, 

222   225. 
Frankent/ial,  I,  84. 
Frauenfeld,  I,  287,  288,  295,  297. 
Fraucnricdhausen,  II,  27. 
Freinhausen,  I,   143. 
Freising,  II,  44,  50,  52  à  54,  56  à  61,  67, 

69,  71,  89,  92,  97,  139,224. 
FnKSNiKRE,  II,  278,  291. 
Freudenstadi,  I,  196,   198,  420. 
FnE\TAG,  1,  377. 
Frihourg,  I,   172,   177,   179.  255,   272  à 

276,    279,    281,  420;   II,  4,  216,  232, 

233. 
Friedberq.  I,  137;   II,  34,36  à  39,   220, 

229,  230. 
Fbiedbi.sheiu,  1,  219. 
FriedeUheim,  I,  84. 
Fbidixgkx,  I,  167,  201  ;  II,  76. 
Friedolfing,  II,  168. 
Frimont,  I,  113. 
Frioul,  I,  340. 

Fbibio.x  (Fra.vçois-Joshph),  II,  14, 
Fhiriox,  II,  15. 
Fbôhi.ich,  I    199. 
Fhomkm,  I.  300 
Fronweiler,  I,  203. 
Fugger  (Chevan-légers  de),  II.  107. 
Fûrfeld,  I,  367,  368. 
FiRSTKXBERii  (Prixce  de),  I,  212. 
Fûrstenfeld,  II,  51. 
Fûrstenricd,  II,  54. 
Furiwangen,  I,  170,  223,  238  à  243,  245, 

246,  249,  250  à  255,  263,  269,  270,  423, 

425.  426,  434,  435,  437,  439,  441. 


Gabions  (Redoute  des),  I,  36,  37,  38. 

Gaden,  I,  146. 

Gaggenau.  I,  1 17. 

Gulicie,  II,  116, 

Gambslieim,  I,  93,  94. 

Garcliing,  II,  61. 

G.ARXIKR,   I,  69. 

Gars,  II,  157. 

Garten/eld,  I,   12. 

Gaudensdorf,  II,   163. 

Gaudix,  I,  35. 

Gauangelloc/i,  I,  393,  395,  396. 

Gavtikr,  II,  213. 

Gazax.  I,  98.  102,    105  à   110.   112,   115, 

117,   118,   122  à  131.   136,  139  à  149, 

154,  160,  162,  171,  172,  175  à  181. 
Gizzi,  II.  73,  82,  92. 
Gehering,  II,  159. 

Geisen/cld.  I,  139  à  146;  II,  52,  77. 
Geisingen.  1,  168,  198,  199,  216,  228,232; 

II,  4,  76. 
GmsT,  I,  186. 
Geliing,  II,  67. 

Gemmingen  (Régiment  de j,  I,  165. 
Gmappe,  I,   134. 
Genève,  I,  10. 
Gengenbach,  I,  195,  263,  264,   316,   420 

429;  II,  234. 
Gb.xgollt,  II,  30. 
Gentil,  I,  284. 
Géographe  (le),  II,  364. 
GliBARD,  I,  300. 
Gertneisheim,  347  à  3i9. 
Gernsbacli,  I,   117. 
Gersiheim,  I,  267. 
Giengen,  II,  25,  29  à  31. 
Giesenhard,  I,  291,  297. 
Giesing,  II,  55. 
Giffamoni,  I,  338. 
GlLLABD,   II,  189. 

Girard,  I,  231,  232. 

Gironde  (Armée  de  la),  I,  m. 

Girone,  1,  104. 

Glaris,  h,  337. 

Glcimh,  II,  192. 

Glogau,  I,  314. 

Glon  (la).  II,  37,  38,  93, 

Glonn  (la),  II,  82,  95,   121,  125,  126.  129, 

130,  132,   1,34. 
Glolter  (la),  I,  181,  182. 
Glurns,  II,  199. 
Gmûnd,  I,  121,   122;  II,  77. 
Gmund,  II,  71,  78,  91. 
Gmundeii,  II,  185,  186  à  188,  222,  223. 
Goa,  II,  .372,  378. 
Gochsheim,  1,343,    360,   361,  363.  365   à 

3b8,  370,  377,  388  à  390. 


16     MÉMOIRES    RT   JOIRXALX    1)1     GÉXÉKAL   DECAKX 


Goffeld,  I.  5. 

Gollingkrcul,  I,  152. 

GondeUhehn^  I,  334. 

Gondre ville,  I,  113. 

Gonsenheim,  I,  22. 

Gôppingen,  I,   121. 

Gordon,  II,  337. 

Gorgon  (la),  I,  400. 

Gorheim.  1,  107. 

Goslliiuj,  II,  198. 

Goulus,  1,  104,  199,  -219,  iîi,  242,  247, 

248,  424,  440,  441. 
GoLviov  SAivT-Cvn,  I,  117  à  119,  121,  122, 

125  à   132,  134,  137,  145,  150  à  152, 

156  à  Itil,  164  à  166,  169  à  172,  185, 

187,  195 à  199,  20i, 21 1, 216 à  220,  226, 

230,  232,   420;  II,  3  à  7,  289. 
GoiY,  I,  10. 
Groben  (10  km.  S.-S.-E.  de  Philippsburgi, 

I,  361,  362.  367,  396;  II,  159. 
Graben  yZ  km.  IV. -E.   de  Rosenlieim),   II, 

159. 
Gradisca  (Régiment  de),  I,  226,  379. 
Grujing.  II,  94.  95,  142. 
Grande-Armée  (la).  I,   94,  116,  145,   167, 

195,  196,  198,  213,  228.  240.  247,  261, 

285,  288,  31  i,  328,  33S,  360,  352,  373, 

399,  400:  II.  9,  21.  37. 
Gravdjkax.  II.  11,  12,  13.  15.  18,  22,  23, 

25.  27  à  29,  32.  51.  52,  59.  61  à  63,  65, 

69,  77,  93,  121,  136,  141. 
Graxdprk,  II,  332. 
Graxtz.  II,  343. 
Grasse,  i,  98. 
Graceggia,  I,  90. 
Gravelle  (la),  I,  82. 
Greding,  I,    148. 
GRiaiiv,  I.  205 
Grkmer,  II,  5.    15  à  18,  21,  26  à  29,  32, 

51,  76,  92,  95,  106,  128,  136,  137.  139, 

157,  160,  16i,  186,  188.  189,  197,202, 

224,  239,  240. 
Grenz  (Hussards  de),  I,  226,  299;  II.  38, 

40.  53,  122.   128,  130.  171,  177,  179. 
Griesluim,  I,  98,  139,  146. 

r.RIM.^LD,   I.    190. 

Grisons,  I,    197,  407,  430;  II,   199.  200. 

Grisons    .Armée  desi,  II,  191. 

Grombach,  I,  364,  ."^67  à  369,  380  à  382, 

388. 
Gronsdorf,  II,  63. 
Grosjkax,  II,  284. 
Gross-Keppach^  I,  121. 
Gross-Huc/ien,  I,  125  à  127. 
Gross-Sor/ieim,  I,  ISî. 
Grossstadelho/en,   I,  210.  211. 
Grulchv,  II,  139,  147  à  149,  154,  157  à  1.59, 


161,  163,  164,  167,  170,  179,  185  à  188, 

193,  197,  217.  220,  240,  242. 
Groliingen,  I,  117, 
Grub,  II,  125. 
Grunbach,  I,   121. 
Grimikrg,  II,  83. 
Grûnburg,  II,  202. 
Grfiningeii,  I,  171,  237. 
GRii.vxK,  II,  57,  192,  196,  198,  201. 
Grûn-lVelteribach,  I,  117. 
Guadeloupe,   I,   201  ;  II,  280  à  282,   314. 
GuDiN,  I,  365,  373,  413  ;  II,  52, 87,  89,  248. 
GuKRi.v,  I,  38. 

Gundelfingeri,  I.  156;  II,  25  à  27. 
Gundelsdorf,  I,  138,   153. 
Gûndlingen,  I,  275  à  277. 
Gunskirchen,  II,  187,  188. 
Gunlalingen,  I,  287. 
Guntersblum,  I,  6. 
Gûnz  (la),  I,   151,  15i,  155;  II,  8,  12,  13, 

20. 
Gûnzburg,  I,  151,  154,    155;    II,    11,    12, 

17,  19,  20,  229. 
Gustavi-Burg,  I,  17,  31. 
Gulach,  I,  195. 
Gutach  (la),  I,  263. 
Gutenzell,  II,  6. 
Gutershofen,  I,  161. 
Gu'.tenhofen,  II,  197,  202. 
Givoi,   II,  91,  167,  170,  174. 
Guzarate,  il,  328,  329,  371,  372. 
GviL.Ai,  I,  94,  4:36;  II,  11   à    13,  58,   70, 

73. 
Gyulai  (Régiment  de),  I,  226. 

GZVSZKOIVSKF,    II,    174. 

Haar,  II,  62  à  64,  95,  121,  131. 

Haag,   II,  66.  89,    106,    108,   128,  132  à 

135,  138,   142,    147  à   149,  150  à   154, 

15",  186,  2;}9,  240  à  242. 
Hagenbach,  I,  3.51. 
Hogelhausen,  II,  91. 
Haguena'i,  I,  85. 

Haidhuvsen,  II,  53,  61,  62,   71,   121. 
HallÇl  km.  E  -S.-K.  de  Kremsmiinsterl,  II, 

203. 
Hall    60  km.  N.-E.  de  Stuttgart),  11,224. 
Hall  ,12   km.   E.-X.-E.  dinmbrucki,   II. 

91,  109. 
Hainaut  (Volontaires  du),  I,  9,  134. 
Haljing,  II,  159,   161. 
H.illein,   II,   182,  210,  212. 
Hambrâcken,  I,  360  à  362,  365.  385,  396. 

HAMKLrN.IVK,    II,    25. 

HammcrstcHen,  II,  17. 
Haraucourl.  I,  129. 
Harburg,  II.  32. 


IXTDEX   ALPHABETIQUE 


417 


Hardt.  I,  197. 

Hardy.  Il,  134. 

Hfirgehberg,  II,  194, 

Harling,   II,  165. 

Hosel  Rnch,  II,  7. 

Husingen.  I,  "283. 

HaslachJ,  193,  254,  255,  260 à  263.  268, 

208,  305,  419,  4i0.  421,  427,  444. 
Hasselbach,  I,  388. 
Hastrel.  I,  217,  254,  418. 
Hattingen,  I,  199.  216. 
Haueueberstein,  I,  106. 
Haunsheim,  II,  29. 
Hauptslein  (Fort),  I,  12,  48. 
Hausach,  I,  195,  254,  260,  261,  262. 
Haunstellen,   I,  137. 
Hduic-Giironne  iDépartemeutj,  II,  8. 
Httutc-Saàne  (Département),  II,  15,  91. 
Haute-Saône  (Volontaires  delà),  I,  10.  73, 

75,  77  à  79, 
Haul-Palalinal,  II,  79,  83. 
Haltpoul  (d'),  I,  198,  231,  315,  316,  331. 

344,  345,  364,  385,  386,391,  392,  398 

à  400,  402,  405,  406,  408  à  413  ;  II,  69, 

77. 
Haut-Rhin,  I,  189;  H,  1.33. 
Haut-Rhin  (Corps  du),  I,  102,  103. 
Haut-Rhin  (Volontaires  du),  ),  5,   10,  12, 

73,  75,  77. 
Hauwald,  1,  349. 
H.AXO,  I,  10.  80. 
Hayange,  I,  213. 
Hebsack,  I,  121. 
Hechlsheim,  I,  8. 
Hechenliirchcn,  II.  93. 
Hecklingen,  I,  173. 
Heideck,  I,  149. 

Heidelberg,  I,  334,  407,  412  ;  II,  107. 
Heidelsheim,  I,  366,  367,   383,  384,  386, 

388,  389,  392  à  394. 
Heidenheim,  I,  156. 
Heilberg,  I,  362. 

Heilbrànn,  331.  334  à  368.  372,  388. 
Heiligenberg,  I,  210. 
Heimbacli,  1,    172,  175. 
Helfendorf,  II,  68,    70,    77,    88,  90  à  94. 

120  à  126,  128,  129, 
Helmsheim,  I,  383. 
Helmstadt,  I,  338,  393. 
Helvétie,  I.  90,  221,  344,  354. 
Helvétie  (Armée  d),  I,  198,  272,  281,  297, 

316,  332,  429,  430. 
Helvétie  (Division  d"),  1,307. 
Hemisho/en,  I,  214. 
Hkxriot,  I,  157,  158,  163.  170.  171,371, 

373. 
Henry,  II,  341. 

II. 


Hérault  (Département  de  1'),  II,  30. 
Herhlingen,  I,  294. 
Herbrechtitigcn,  II,  30,  31. 
Hcrdlfeldhausen,  I,  132,  133;  II,  32. 
Heretsham,  II,   163. 
Hermaringen,  II,  27,  29,  31, 
HevRti.ino  (B.mox  d'),  II,  45. 
Herxheimweiher,  I,  348. 
Hesse-Cassel,  I,  66. 
Hesse-Darmstadt,  II,  54. 
Hksse-Homburg,  II,  165. 
Heubach,  I,  122. 

HiiUDEi.ET,  I,  287,  290,  297,  307,  308. 
Hilsbach,  I,  362,  366,  368,  388,391,  393, 

401. 
Hindousian,  II,  328,  .329,  371  à  .400. 
Hirschhorn,  I,  338,  339. 
HOBART,  II,  297. 
Hochberg,  I,  117.  120. 
HocBK,  I,  83,  186,  415. 
Hochemmingen,  I,   198. 
Hochheim,  I,  8,  15. 
Hôchsladt,  II,  21,  22,  34,  35,  132. 
Hochstetten,  I,  274  à  277,  281. 
Hoc/iicnng,  II,  18. 
Hockenheim,  1,  342,  384,  391,  402. 
Hoerdt,  I,  348,  349,  351. 
Hof.  II,  182. 
Hoffenheim,  I,  339,  402. 
Ho/kirc/ien.  II,  203. 
Hofweier,  I,  195. 
Hogling,  II.  130. 
Hohen-Altheim,  I,  135. 
Hoheii-Asperg ,  I,   119. 
Hohenberg,  I,  146;  II,  33. 
Hobcngofl,  I,  5. 
Hobcnlinden,  I,  340;  II,  61,   89,  90,   92, 

95,    121,    1,35  à   148,    202,   209,   2.38, 

240  à  242,  245,  2.U,  290,  291 
HoBEXLOUE    (Pri.\ce   de) ,   I,    50,    58,  367, 

368.  399;  II,  165. 
Hoheii-Raunau,  II,   13. 
Holienreiclien,  I,  136. 
Hohcn-Schaf liant,  II,  55. 
Hohcntluniitj  I,   131. 
Hohenticiel,  I,  199,  287.  294. 
Hohenwart,  I,  138. 
Holchen  (la),  I,  99,  101.  102. 
HoLKiR.  II,  328,  329,  371,  381,  399,  400. 
Hollande,  I,  44,  126,   173.  189,  211,  213, 

296,  376,  382,  397  ;   II,  9,  286,  331  à 

.341. 
Hollande  (Armée  de),  I,  m. 
Holle 'Il  h  al  (Voir  Val  d'Enfer). 
HOLLOSSY,   I,   387. 
Hohcn,  I,  136,  153. 
Hohen  i^a),  I,  420;  il,   155. 

27 


418     MEMOIRES   ET   JOURN^AUX  DU   GENERAL   DECAEX 


Hoizing,  II,   194. 

Hohkirchen.   II,  106,   1-20. 

Hohhauien,  I.  184. 

Hongrie,  I,  3;  II,  98,  101,  103,   104,  107, 

110;  II.  336. 
Hoppingen,  I,   135. 
Horlknfen,   II,  00. 
HoTb,  I,  230. 
Hout  Bmj,  II,  335. 
Hornherg,  I,   195  à  197,  231,  237  à  230, 

244  à  263,  269,   270,  208,   305,   306, 

418  à  421,  425,  426,  433  à  444. 
Horrenberg,  I,  337,  339.  303,  305,  306, 

400  à  403. 
Hosskirch,  I,  209. 

HOTTEXTOTS,   II,  337. 

HOTZE,  I,   115. 
HoccH.iRi),  I,  57. 

HOÙV   (PlKRRE  D),    II,    11. 

Hu.îRD,  I,  314. 

Hùjinqen,  I,  233. 

Hûgelsharl,  II,  39. 

HiGO,  II.  7. 

Hllot,  II,  214,  292. 

Hli.ot (Lieutenant  de  vaisseau  i,  II,  294,  318. 

HiLOT  (Madame  I,  II,  215,  292,  294. 

HiLOT  (Mademoiselle),  II,    214,  202,  294. 

HuxiBERT,  I,  10,  82,  83,  297,  320. 

Hundspfot,  1,  349. 

Huningue,    I,   90,    153,    185,   282  à  284, 

304,  308;  II,  230,  288 
HissENET.  I,  371,  373. 
Hultenheim,  I,  375,  391,  395,  396. 
Hyères,  1,   195. 

latingen  (V.  Jetlingerù. 

Ichenhausen,  II,   15,   16. 

Ihringen,  I,  274  à  276,  270. 

Ilching,  II,  95,  132. 

Ile  de  France.   I,   m;    II,   262,   310,  311, 

318,  328,  332,   346.  352    à  355,  360  à 

400. 
mer(V),  I,   153;  II,  4,  6,  9,  76,  77. 
niingen,  I,   118. 
lllkirch,  I,  194,  267. 
lllmensee,  I,  203,  210. 
Ill-lVickersheim,  I,    194. 
Ilm  (1),  I,  145,  146. 
Ilmendorf,  I,  146. 
Indes.  I,  m,  145;  II,  251,  260,  263,  278, 

286,   297  à  319,  32S,  .3.36,  .340  à  400. 
Indre  (Dë|)artemeDl  de  1),  I,  173.  198,282. 
Indre  (Volontaires  de  1),  I,  198. 
Ingerkingen,  I,   159. 
Ingohtadt,  139,  140.  143,  146.  148  à  150; 

II,  34,  .37.  44,  48,  50.  54.  96. 
Jngitctten,  II.  15. 


Inn,  II,  62,  69,  80,  82,  87,  96,  98,  104, 
107.  109,  115,  128,  1.30,  1.32  à  136, 
149,  150,  151,  153,  154,  156,  157  à  159, 
160,  162,  224,  225,  226,  239. 

Innshruck,  II,  62,  79  à  81,  90,  91. 

Inzigko/en,  I,   166,  167. 

Irlande.  I,  10,  320. 

Irnhnrling,  II,  187. 

Isar  ri),  II,  42,  44,  45.  49,  52  à  57,  59 
à  62,  71,  76,  82,  87,  88  à  97,  106,  115, 
120,   1.34,  136,  227,  228,  2.39. 

hchl.  II,   182. 

hcn,  II,  69.  70,  88,   1.35,  239,  241. 

Islc  (1'!,  II,  257. 

Ismaning,  II,  56,  58. 

Italie,  I.  90,  213.  221,  318,  355;  II,  129, 
201,  209,  244,  289. 

Italie  (.'irmée  d),  1,  12,  35,  90,  134,  158. 
189,  194.  106,  296,  303,  321,  328,  427, 
430;  II,  5,  9,  33,  100.   101. 

Ihlingen,  I,  388. 

IviSE.v,  II,  147. 

Jachen,   II,  71, 

Jakobsberg,  II,  130. 

Javsse.vs,  II,  323  à  326,  330.  3.39,  340. 

J.ïRi.ov,  I,  267,  273. 

Javron,  II.  7. 

Jea\  (.Irchiduc),  II,  115,  165,  178,  180, 
2,39. 

Je»\  (Capilaine),  II,  172,  173. 

Je.ix  Bo.v  Siixt-Axdrb,  I,  68. 

Jersey,  I,  126. 

Jettingen,  I,  155;  II,  15,  16. 

JoBi,  I,  104,  109,  117.  122,  127,  149,  167. 
375.  396. 

JoBERT,  I,  96,  104,  109. 

JOBIV,  1,   119. 

Jôckgrim,  I,  348. 

Johlinqen.  I,  377,  386. 

Joinville,  I,  65. 

JoRDV,  I.  415. 

Joséphine,  II,  .309. 

Josep/isburg,  II,  55. 

JOLBERT,  II,  215. 

JouRD.4.\,  I,  193,  199,  202  à  204,  206  à  208, 
211,  212,  218.  220  à  223.  225.  227  à 
2.36,  240,  242,  244,  256,  247,  252,  255, 
259,  268  à  272,  281,  296,  303,  306, 
310,316,  319,  321,  327,  400,  420,  424 
à  426,  428  à  436,  438,  439,  441. 

Julie V,  I,  188. 

Jwignau.  I,  166. 

Jura.  I,  90,  109,  206. 

Jura  (Corps  d'observation  du),  I.  248. 

Jura  (Volontaires  du),  I,  10.  74,  75,  77  à 
79,  109,  145. 


I\'DEX    ALPHABÉTIQUE 


419 


Kaiser  (Carabiniers),  I,  378. 

Kaiser  (Hussards),   I,  298,  388,   393;  II, 

57  à  50. 
Kaiser  (Régiment),  1,  1(J5  ;  11,  b'i. 
Kaiserslnulern,  I,  50. 
A'ntkreute.  1,  202. 
Kalkreuth,  I,  23  à  25,  27,  48,  49. 
Kiimmlnch  (la),  1,  154;  II,  10,  12,  13,  16, 

18,  20. 
Kimdy,  II,  375. 
Kittining.  II,  202. 
h'nnzacli  (la),  I,  159. 
Kapjnl,  I,  104. 
lùiriknl.  II,   261,   270,  283,   297   à  299, 

302,  ;i03. 
Km-ltd^rf,  I,  376,  391.  394,  .395,  308. 
Karlsruhr.  I.  117. 
Kartung,   1,  105. 
I<as(el,  I,  5,  6,  8,  9,  15,  16  à  18,  25,  26, 

4-2,  46,  48,  72,  74,  76,  78,  355. 
Kaslel  (Légion  de),  I,  15,   17,  26,  31,  33. 
Kaunitz  (Régiment  de),  II,  158. 
Kavanagli  (Cuirassiers  de).   I,   89,  95,  99. 
Kehl,  I,  11,  89,  90,  02  à  94,  134,  175,  184, 

185,  195,  266,  267,  297,  327,  345,  352, 

355  à  357,  359,  371,  414,  415,  420,  428  ; 

II,  3,  234,  238,  288. 
Kellmûnz,  II,  6,  76,  77,  193. 
Kcmaien,  II,  192,  194. 
Kenzingen,  I,   166,    172,   173,    176  à  179. 
Kerjean  (de),  II.  284. 
Kerzfi-ld,  I,  194. 
Kesselostlieim.  I,  135. 
Ketsch,  I,  331,  411. 
Keltershausen,  II,  3,  7  à  10,   12,  13. 
Kienmaveb,  1,307;  II,  3,  99,  178. 
Kieselbronn,  I,   118. 
Kll.MAI.VE,  I,   190. 

Kinsky  (Régiment  de).  II,  33,  62,   106. 
Kinzig  (hj,  I,  94,  97,  100,  103,  168,  255, 

261,  263,  298,  299,  305,  358,  416,  419, 

421,  II,  233. 
Kirrhardt,  I,  388. 
Kirchdorf,  I,  197,  198. 
Kirchhaslach,  II,  8. 
Kirchheim  (5  km  S.-O.  de  Heidelberg),   I, 

411. 
Kirchheim  (15  km.  N.  de  Mindelheim),  II, 

10,  12,  63,  64,  65. 
Kirnachlhal,  I,  241, 
Kirchseeon,  II,  Giî. 
Kirchtrudering,  II,  62,  63,  67. 
Kirchweiler ,  I,  86. 
KlagenfuH,  II,  183,  199. 
Kléher.  I,  3,  5  à  7,  0,  11  à  16,  21,  22,  25, 

26,  30,  31,  33,  35,  37  à  43,  49,  51,  52, 

59,  80,  82,  84,  189,  317,  438;  II,  288. 


Klein  (.général),  I,  200,  307. 

Ki.Eiv  (historien),  I,  25,  41. 

Kb'iii-licureit.  II,  16,  17,  19. 

Klcinnifcld,  II,  92. 

l<lcin-He.ppacli,  I,   121. 

Klein- Holland,  I,  344. 

Klein-Salvalor,  I,  139,   140. 

hlein-Sorheim,  I,  135. 

Kleinstenhach,  1,  118. 

Kle\au,  II,  81. 

Klixglkr.  I,  9. 

Ki.o\Tz,  II,  324,  325. 

Kloslerholz.  I,  136. 

K/ostcr-lfedlingen,  H,  27. 

Kloslerzimmern,  II,  77. 

Kmaziewicz,  II,  127,  135,  143,  146  à  148, 

152,  153,  155,  169,  171,  174,  186,  194, 

203,  204,  216,  242. 
Kniehis,  I,  195. 
Knitllingen.  I,  334,  368,  379. 
Knoringen,   I,   154,   173;  II,   17  à  20. 
Kohd,  II,  157. 
Kocher  (la),  I,  122,  123. 
Kogelsbach,  II,  198. 

KOLLOWRATH,    II,     108. 

Konigsbac/i,  I,   118. 

Konigsberg,  I,  114. 

KonigsbroiiH,  I,  123,  127. 

Koiiigs-See,  II,  213,  214. 

Konzenberg,  I,  168. 

Kork,  I,  89,  94,  130,  195,  357. 

Kornweslheim,  I,  120. 

KospoTH,  I,   162. 

Koslheim,  I,  9,   15  à  17,  20,  63. 

KOUHEICS,  II,    116. 

Krafft.  I,  267. 

Kraiburg,  II,  98,  99,  105,  164. 

Kraich  (la),  I,  367,   369,   384,  385,   388, 

391 
Kray,  II,  4,  6,  26,  33,  49,  50,  58,  59,  63, 

64,  66,  68,  69,  73,  79,  80,  81,  88. 
Kremsdorf.  II,  194. 
liremsmiinster,  II,  185,  187  à  193,  197,  203, 

221 
Kronau,  I,  347,  360,  362,  383,  401  à  403. 
lironsiorf,  II,  203. 

Krumbach,  I,  233,  210;  II,  3,  8  à  15,  19. 
Krummenschiliach,  I,  238,  243,  246,  254, 

298. 
Kuhardt,  I,  349. 
Kundol/ingen,  I,  288,  289. 
Kuppenkeim,  I,  106  à  108. 
Ku/slein,  II,  S],  90,  117,  200,  201, 
fiutck  fgolle  de;,  II,  371. 

l.fiabcr,   II,   198. 
Lakissk,  II,   174. 


420     MÉMOIHES    ICT  JOURXAIX    DU    GENERAL   DECAEN 


L.4B0ISSIÈRE,  I,   158,  173. 

Labouillerie.  II.  '231. 

La  Bolrdoxnave.  II,  2ôl. 

LacoHBK,  I,  358. 

Lacombe  Saixt-Miciirl,  II.  360. 

LicosTR.  I.  340  à  342,  363,  365,  366.  368, 

370,  376,  383,  3«6  à  394,  396  à  403,  405. 

408,  410.  411,  413. 
LACOLn.I.'242.244.  II,  152,  162,  163,  177, 

192  à  195,  203.  221,  223,  225. 
LicRoix,  I.  67.  68,  383,  395,  398. 
Lacrossk,  II,  280. 
Lacy  (Régiment  de).  I,  307. 
L.AFKox,  II.  14.  126  à  130,  132.  133,  135. 

143,  145  à  147,  149   à   152,    155,    H^O. 

161,   163,  168,  171,  177,  180,  193,  194' 

203,  209,  219,221,  225,  228,229,  242. 
La  Flocelière,  I,  415. 
Lahorie,  II,  7  à  10.    12,  13,  17  à  27,  29, 

34  à  36,  39,  40,  42.  49,  52  à  54,  56  à 

60.   65,  66,  95,   96,    120,    127,    128   à 

138,  141,  148,  152,  153  à  155,  157,  159, 

160,  162.  164,  170,  178,  186,  187,  192 

à  197,  201,  204  à  207,  209,  210,   212, 

215  à  223,  225.  229  à  231,  233,  278, 

291,  292,  293. 
Laim,  54.  60. 
La  Marck    (Réyiment   d'infanterie  de),   II, 

133. 
Lambach,  I,  340;  II,  187.  219,  221. 
Lambkrt,  I,  129  à  131,  139,  147,  167. 
Lambesc  (Prince  dh),  I,  378. 
La  Mobile,  I,  9. 
Lampferding,  II,  132. 
Lampoding,  II,  165. 
Lami're,  I,  10. 
La  Naudière,  1,  80. 
Landau,  I,  5.  6,  9,  10,  17,  60,  66,  67,  345, 

347,  351.  352.  392. 
Landeck,  I.  172,  175. 
Landeriho/en,  I.   150. 
Landes  (Volontaires  de»),  I,  26,  339. 
Landsberg,  II,  37,  54,  55,  60,  76. 
Landshatuen,  |15  km.  E.-\.-E.  de  Bruch- 

sal),  I,  399,  391.  394. 
Landshnusen    (15    km.    S.  de    Neresheim), 

II,  31. 
Landshut,  II,  45,  50.  53,  55  à  59,  61,  76, 

77. 
Langenau.  1,  155;  II,  25,  28. 
Langenbnick,  h  139,  141  à  143. 
Langenbrùcken,  I,  331 ,  332,  364,  399,  401 , 

402. 
Langenitorf,   II,  171. 
Ltingenemliiigen,  I,   166. 
Langetihasliich,  II,   16. 
Langenmooten,  I,  153. 


Langensleinbach,  I,  116,  118. 

Langliursl,  I,  195. 

Langncdoc  (Ré,c[imeDt  de),  II,   14,  .30. 

Lan,^weid,  I.    137,  138;  II,  2;30. 

Langwieten,  I,  288  à  290. 

Lawks,  I,  362. 

L.AXOUfURÈDE,  I,   386. 

Lansrucht,  II.  197. 

Larevelliére-Lépealï,  I,  146,  322. 

La  RiBoisiÈRE,  I,  48,  49. 

Laroche,  I,  122,  126,  268,  311,  312,  331, 

332,  335,  337,  338,  346,  353. 
La  Rochelle  (.-irmée  des  Côtes  de),   I,  10, 

80. 
Larue,  I,  20. 

Larl'E  (Capitaine  de  vaisseau),  II,  319. 
Lasseuet,  I,  4;  II,  248 
La  Tour,  I,  99,  103,  139,  144.  145.  150, 

161,  168. 
La  Tour  (Dragons  de),    I,  226,  299,  307; 

II,  66,  163,  165,  169, 
Laubbach.  I,  203. 
Lauchheim.  I.   123;  II,  32,  77. 
Lacier,  II,  96,  116. 
Lau/en,  1,  287,  293.  293;  H.   165,    167  à 

171,  172,  174.  175,  177,  179,  184,  195, 

219.  222.  223. 
Lauffen,  I.  198,  368,  372. 
Lauingen,  II,   15.  19,  23,  24,  26,  27,  29. 
Laupheim,  I,   159. 
Lalrevt-Dieldoxxé  Martix,  II,  268. 
Lairistox,  II,  283. 
Lausanne,  I.  96. 
Lauterbach,  1,  136,   196. 
Laulerbourq,  I,  351. 
Laval.  I,  287. 
Laval  I,  80,  82. 
Lebarbier,  I,  266. 
Lebarox,  I,  225. 
Lebel,  I,  393. 
Lech  (le).  I,  128,  135  à  138,  151,  153;  II, 

34,  37,  50,  76,  229. 
Lechhausen,  II,  37,  39. 
Leclerc,  II.  12,  13,   15,   16,  25,    27,    29, 

31,  32,  51,  .52,   61,   69,   71,  77,    251, 

252,  253.  315. 
Lecoixtre,  I,  4. 
Lecoirbe,  I,  109,  307,  327.  329,  345,  357, 

359  à  361,  372,    379.   386,    387,  392, 

397,  398,  406,  407,  408,  409,  412,  413. 

414;   II,  3,  6,  9,   U,   15,  16,  19  à  25. 

26,  31,  32,  34,    37  k  39,   42,   48,  52, 

54,  56,  57,  66,  71,  73,  76,  77,  87,  94, 

95,  97,  125,  132,  138,  142.  118,  152  à 

158,  159,  160,  161,  164,  167,  169,  176, 

180,  181  à  183,  184,   186,  206,  229. 
Le  Dieudeville,  1,  25. 


INDEX   ALPHABÉTIQUE 


421 


Lkfaivre,  I,  37. 

Lefebvre   faénéral),  I,    198  à  200,   202  à 

204,  206,  208  à  212. 
Lefkb\re,  h,  317,  382  à  386,  391,  396  à 

400. 
Lefévre,  I,  418,  422. 
Lefol,  I,  338,  339. 
Lefraxc,  I,  339,  344. 
LegeUhurst.  I,  194. 
Legkndre,  I,  67. 
LÉGER,  II,  285,  312,  313,  356,  357,  374, 

379  à  383. 
Légion  des  Montagnes,  II,  20. 
Légion  Polonaise,  II,  127,  143,   144,  145, 

147,  15-2  à  155,   157,   174,  209 
I.EGRAND,  I,  307,  352,  359;  II,  9,  18  à  20, 27. 
Lkcras,  I,  108. 
Lf.hoxgrb,  I,  278. 
Lehhbach  (comte  de),  I,  338;    II,   93,  96, 

98,  100. 
Leimen,  I,  41 1. 
Leimersheim,  I,  348,  349. 
Lein  (la),  I,  121. 
Leinheim,  I,   155:  II,  17,  20. 
Leipheim,  I,  155,  156. 
Leipzit,  I,  105,  116,  248. 
Lehach  (la),  II,  90. 
Lb  Loup,  I,  357. 
Le  Loup  (Chasseurs  de),  I,  116.  130,  286, 

294;  II,   17. 
Lem.iihk,  I,  306. 
Leuale,  II,  172,   173. 
Lemoixe,  I,  190. 
Lengdorf,  II,  69,  70. 
Lenggries,  II,  91,  125. 
Levormaxd  (voir  Kormaxd). 
Leoben,  II,   101,  198 
Leomhach,  II,  190,  192,  193. 
Leopoldstein,  II,  198. 
Lebcb,  II,  284,  392. 
Le  Teil,  I,  8,  90. 
Leth,  I,  392. 
Le  Teiel,  I,  90. 
Leutesheim,  I,  356. 

Leval,  I,  200.  212,  331  à  335,  342,  346. 
Lkvasselr,    I.  40.   49.  94,  99,    102,  104, 

109,  119,  145,  147. 
Levenehr  (Chevan-légers  de),  I.  130. 
Lrirault.  I,  243,  250,  356,  440. 
Lichtenau,  II,  50. 
LiEBExow,  II,  91,  93. 

LiECHTEXsTEix,  I,  117,  122,  123;    II,  187. 
Liehenhach,  I,  104. 
Lienz,  II,  79,   199. 
Liggersdorf,  I,  201. 
Lille,  I,   148. 
Limhourg,  I,  328. 


Limmat  (la),  I,  355. 

Lindach,  II,  94,  123,  128. 

Lliigenfeld,  I,  345,  347,  349. 

Liiigolsheim,  I,  194. 

LiXK,  II,  51. 

Lixois,  II,  285,  315  à  400. 

lAnsenberg  (Fort),  I,  48. 

Linx,  I,  89,  94,  97. 

Linz,  II,   81,    183,  189,  204  à  206,  220, 

Lipsheim,  I,  194. 

Liptingen.  I,  220,  305,  316,  417,  444. 

Lobkouitz  (Cherau-légers  de),  I,  122. 

Loffingen,  I,  232. 

Loire  (la),  I,  65,  195,  240,  367. 

Loisach,  II,  71,  76,  77,  112. 

Loitersdorf,  II,  131. 

Lontlwl.  II,  28. 

Loppcnliausen,  II,  8. 

LÔPPKR,  II,  186, 

Lorch,   I,  121. 

LoRGE,  I,  188,  307. 

Lorient,  II,  263. 

Lorrach,  I,  274,  298. 

Lorraine,  I.  16. 

Lorraine-Cuirassiers,  II,  59. 

Loscnsteinlcilen,  II,  203. 

Lot-et-Garonne,  I,  12. 

LoTHRixGEX  (Carl),  I,  391,  399. 

LOTTIV,    II,    8, 

Loudéac,  II,  213. 

Loiidon  (Chasseurs  de),  I,  298. 

Lolis-Ferdixaxd  de  Prusse,  I,  24,  26,  27. 

LoLis  \VI,  II,  100. 

Louisiane,  I,  9;  II,  252,  254. 

Lubersac,  I,  196. 

Lucas,  II,  ;i35,  337,  340. 

Lucerne.  I,  329. 

Luc/ton,  I,  328. 

Ludwigsburg,  I,  117,   119,  120. 

Lugano,  I,  10. 

Lunéville,  I,  89;  II,  101,  105,    108,   204, 

209,  218,  223,  251,  290,  291. 
LuTZ,  II,  116. 
Luxembourg,  I,  9. 
Luxembourg  (Légion  de),  I,  126. 
Luxembourg  (Palais  du),  I,  359. 
Luzerel,  I,  173. 
Lyon,  I,  193;  II,  256. 

M4CART.NEr  (Lord),  II,  337. 
Macdoxald,  II,  191. 
M.HCK,  II,  110,  177,  179. 
Mack  (Cuirassiers  de),  I,  299. 
A/âcon,  II,  206. 

.Uadagasear,  II,  261,  .372,   379,  382. 
Madras,  II,  285,  313,  317,  349  à  400. 
Magallox,  II,  327,  328,  364,  377. 


422       MEMOIRES   ET   JOLRXAUX    DU   GEMERAL   DECAEM 


Magdebourg,  l,  114. 

Mahé,  II,  261,  267,  270,  283,  208,   299, 

302,  303. 
MuhlsleUen,  I.   16". 
Mahmoid  Sa)«H,  II,  372,  .576. 
Maubatti-r,  II,  299,  328,  .366,  371  à  381. 
Mailand  ^Cuirassiers  de),    I,  378,  393. 
.Uiiiletshrchcn,  H,  89,   120. 
Mailleboit  (Légion  de),  I,  189. 
Maillezais,  I,  415. 

Mailling,  II,    131,  132. 
Miiin  (le),   1,  8,   16  à  20,  31,  63,  100. 
Mainburg,  I,  139,  146;  II,  77. 
Maitenbeth,  II,  137,  139,    142,    143,  145, 

146,  148,  240,  242. 
Maine  (Régiment  de),  II,  7. 
Mai.von'i,   I,   10. 
Malabar   (Côte    de),    II.    260,  283,    298  à 

303,  329,  .365,  375  à  378,  386. 
Mnlagu,  I,  340. 

Maldives  (lies),  II,   346. 
MflLET,   II,    7. 
Matines,  I,  134. 
Mauea.v,  II,  208. 
Malmaison  (la),  II,    214,   238,   244,  245, 

247,  249,  258,  259,  261. 
Malscb,  I,  104,  109  à   1 15,  340,  363,  389, 

403. 
Malte,  II,  331,  332. 
Malterdingen,  I,   172. 
Mahhausen,  I,  153. 
Mamirolle,  II,  294. 
Manching,  I,   141,   143. 
Màmlling,  II,  198. 

Manfredini  (Régiment),  I,  226;  II,  56,  57. 
Mungfall  (la),   II,  90,  01,  93,   130. 
Maxgi\',  I,  12,  25.  412. 
Manille,  II,  330. 
Mamiheim,  I.  6,  206,  307,  310,  324,  328 

à  331,  345  à  347,  353  à  360,  365,  .368, 

375,  379,  387,  397,  407  à  415. 
Munosque,  II,  257. 
Manteam-Rouges,  I,  249,   250,  298,  368, 

369,  379,  386;  II,  22,  29,  64,  66. 
Manies,  II,  266. 
Manloche,  II,  91. 
Manioue,  I,  10;  11,  5. 
MiR.îis,  I,  300. 
Marauitzkv  (comte),  11,  45. 
Marbach,  I,  135,  197,   198,231. 
Marce.*u,  1,  82.  317,  4Ss. 
Marchthal,  I,  162. 
Marengo,  II,  33,  251,  288. 
Marengo   (le),    II,   278,   312,   315,    323   à 

326,  343  à  349,   353  à  359,  363,   364. 

382,  390. 
Marktl,  II.   107. 


M/iRCOGVET,  I,  97,  104,  108.  110.  111,  115. 
121,  122,  125,  126,  133,  139,  140,  U4. 
145,  149,  164   f  74. 

Marescot,  11,  284. 

Mariazell,  1,  197. 

Mahibox-Mo.vtalt  (Voir  Montaut)  . 

Marie-Fr.mçoise  (la),  11. 

Maricnberg,  II,  1.32. 

Marienborn,  I,  8.  15,  22.  24  à  27,  29, 
34,  36,  46,  48,  50,  62. 

.\Iarig.\y  (Boiii.v  de),  I,  15,  20  à  22,  24,  26, 
80,  81,  380,  383. 

Marillac,  I,  10,  12. 

Marhtgaming,  II,  198. 

Markolsheim,  I,  272. 

Marlen,  I,  420. 

Marmo\t,  II,  200. 

Marne,  I,  338. 

Marne  (Volontaires  de  la),  I,  338. 

Mahons,  I,  292. 

Mars  (Fort  de),  1,  16,  20,  32,  48,  72.  74, 
76,  78. 

Marseille,  II,  256,  257,  327. 

Marthalen,  I,  287,  289  à  292,  297. 

Martix,  I,  20. 

Martinique  (la).  II,  294. 

Ma.s.  I,  108.  115,  145,  165. 

Mascate,  II,  298,  301,  .328,  368,  370  à 
372,  375  à  378. 

Massard,  II,  146,  189. 

Masse  (Jea\),  II,  188. 

MissKNA,  I,  197,  230,  272,  280  à  283,  288, 
300,303,304,306,  307,309,311  à  314, 
318,  319,  324,  332,  354,  355,  368,  384, 
387,  398.  420,  423;  II,  100,  213. 

Masulipatum,  II,  298,  300,  .301. 

Mathieu.  Il,  205. 

Matiiieu-Favibrs,  II,  113,  114. 

Mauenheim.  I,   199. 

Matzelsdorf,  II,  194,  203. 

Mauerham,  II,   165. 

Mauern,  1,  146,  147. 

Mal'rb,  I,  63. 

Maximiliex-Joseph  II  (Voir  Électklr  Pala- 
tin). 

Mayenee,  I,  ii.  1  à  13,  15  à  31,  34  à  36, 
45  à  50,  52  à  68,  70  à  74,  76  à  78, 
80,  04,  103,  185,  187,  247,  317,  329, 
355,  397,  398. 

Mayenee  (Armée  de),  1,  II,  65,  68  à  70, 
80,  83,  190.  201,  328. 

Mayenne  (Département  de  la\  II,  7. 

Mayenne  (Volontaires  de  la)  11,  7. 

Mayenne-el-Loire  (Volontaires  de).  1,  288. 

M  eaux,  1,  4. 

Mechtenheim,  1,  344. 

MÉcLssox,  II,  371,  372,  378. 


INDEX   ALPHABÉTIQUE 


423 


MucziiHV,  II,  187. 

Mehrensletten,  II,  23. 

Mêlas,  II.  80,  81. 

Mello,  II,  144. 

Melun,  I,  240. 

Memmingcn,  II,  4,  6,  12 

Meiujen,  1,  199,  204,  205. 

Mentor  (le),  11,  328. 

Menzingen,  359  à  368,  389,  391. 

Meran,  II,    199. 

Mi-rdingen,  I,  275,  2'6. 

Mergenlheim,  II,  224. 

Meriihausni,  I,  294. 

MiiRLi.v  DE  Thio.nville,   I,   3,  5,  9.   13,  14, 

21,  24,  26.  28,  40,  49,  50,  52,  60  à  62, 

67,  68  à  71,    83,   84,  230,  232,  236  à 

238,240,  241,  246,  253,417,423,434, 

439. 
Merlin  (Redoute),  I,  40.  42. 
Mertinyeii.  I,  136,  153. 
Merveldt,  I,  436;  II,  26,  40,  42,  45,  49, 

50,  52,  55  à  57,  59. 
Me»\4RD,  I,  307. 

Messkirch,  I,  200.  201;  II,  3,  4,  7. 
Meszaros  (Régiment    de),   I,  226;    II,  38, 

40,  53,  128. 
Metz,  I,  5,  9,  47,  49,  53,  56,  57,  58,  352, 

415;  II,  230,  266. 
Meurthe,  I,  10,  129,  200. 
Meurihe  (Volontaires  de  la),  I,  10,  74,  77, 

362;   II,  30. 
Meuse,  I,  89,  148,  187,  188. 
Mel'SNIEH,  I,    8,  15,  17  à    19,  29,  31,  63. 
Metiiiiier  (lie),  I,  63 
Mevhr,  I,  299. 
Mézières,  I,  8. 
Michald.  II,  174,   190 
Michel  Wallis  (Voir  VVallis). 
Micsbach,  II,  90. 
Mignotte,  I,  12,  49,  50.  53. 
MihaDoiieh  (Régiment  de),  II,  13.  17. 
Mincio,  II.  191. 
Mindel  (la),  I,  151,  154,  155;  II,  12,   13, 

16,  19,  77. 
Mindelheim,  II,   10,  76,  77. 
MindeUell,  II,  13,  14. 
Minderreuli,  I,  161. 
Mingolsheim,  1,331  à  333,335,364,  368, 

389,  395,  398,  400  à  403. 
MissiRE,  I,  108,113,  115,  129,   132,  140, 

142,  145,  175.  176.  181. 
Mitrowsky  (Régiment  de).  I,  226. 
Mittenwald,  II,  90,  91. 
MiUer-Au,  II,  202. 
MixicH,  II,  109. 
Mockenlohe,  I,  148.  150. 
MouÈ.\E  (Duc  de),  II,  232. 


Mohrenhauscn,  II,   10. 

Mokringen,  1,   168,  198. 

Moka,  II,  228,  301. 

MoLiTOR,  I.  213;  II.  158. 

Momhach,  I,  7,  21,  22. 

Miinchweiler,  I,  170,   171,    197,  198,  238. 

.Uonhrim,   II,  77. 

Mon.sieur  (Régiment  de),  I,  126. 

Montagnes-Moires  (Voir  Forêt- Noire). 

Montargis,  I,  65,  373. 

Moniauban  (Ille-it-Vilaine),  II,  67. 

MoxiAiLO.v,  II,  30,  43.  122,  146.  147,  159 

à  163,  179,  189,  227,  229. 
Mo.vTAUT,  I.  57.  58,  65,  67,  68,  69. 
Mont-de-Marsan,  I,  339. 
Montélimar,  I,  340. 
MOXTFOHT,  I,    35. 

Mo.vTiGW,  II,  266,  267,  283,  317,  327. 

MoNTRicHABD,  I.  89,  90,  91,  92,  118,  120. 
156;  II,  3,  10,  58  à  61,  114,  127  à 
131,   148,  153,  186,  187,  196. 

Mont-Terrible,  I,  84. 

Mc.vTioisiN.  I,  145. 

MoonAJUi'.  BoicuLAH.  II,  399. 

Muosach,  11,43,    53,90,    120,   121,  126 

129,  131,  135. 
Moosach  (la),  II,  129. 
Moosburg,  II,  69. 
Moravie,  II,    101,   115. 

MoREAL,  I,  85,  89,  90,  93,  95  à  97,  100, 
107,   lOil,  111    à   115,    118,120,    128  à 

130.  132  à  135,  137,  141,  143.  145  à 
147.  150,  151.  153.  157,  160,  161.  166 
à  167,  170.  176.  195,  203,  221,  231, 
238,  303,  317,  318,  321,  323,  324,  359, 
371,  374,  433,  438;  II.  4  à  7,  15.  21, 
24,  25  à  29,  31  à  34.  38.  39.  41.  42. 
45  à  64,  66  à  76,  78  à  92,  100,  102, 
115,  121,  129  à  132,  136  à  139,  148  à 
152,  154,  158,  164,  170,  175,  183,  186 
à  190,  192,  195,  196.  198,  205  à  208, 
209  à  220,  224,  226  à  228,  231,  237 
à  241,  243  à  245,  247  à  249,  252,  254, 
258,   259,   278,  286  à  294. 

Morlaix,  II,  285. 

Mortier i:.s,  II,  174. 

Môsbach,  I,  104. 

MosiiL,    I,   96,    98,    109,    119.   131,    144. 

181.  183. 
Moselle,  I.  12,  104,  114,  187,    188,  213, 

376. 
Moselle  (Armée  de  la),  I,  5,  6,  26,  49,  57, 

59,  65. 
Moselle  (Volontaires  de  la),  I,  213,  232. 
Moskowa  (la),  I,  211;  II,  8. 
Motard,  II,  317. 
MoTTiiT,  II,  353,  366. 


424     MKMOIRKS   KT  JOIRX'AUX   DU   GÉNÉRAL   DECAKN 


MouLi.v,  I,  83. 

MoiisTiOHK,  II,  253. 

Mu(j(jetislurm,  I,  109,  110. 

Mùfildorf,  II,  m,  99,  10.".  à  107,  110,  l.U, 

135,   148,   149,  159,  100,  I<j4,  2'i4,  'i'>5, 

238. 
Mûlilhausen,  I,   169. 
Mûlillieim,  I,   168,  217,  224. 
MûhUlwl,  II,  109. 
Muizenbcrg,  II,  335. 
i\luLi.Kn,  II,  82,  92. 
Mlxler  (Lëonard).  I,  327,  330,  343,  345, 

354,  357. 
Mliler  (sou8-lieuleiianl),  II,  366. 
Miill/ieim,  I,  287. 
Miinclimiinster,  I,  146. 
Munderkingen,  I,  159. 
Mundiiujen,  I,  179. 
Munich,  II,  26,  33  à  36,  38  à  62.  64  à  75, 

80,  82  à  90,  92  à   97,   105,  109  à   112, 

117,  120  à  123,  127,  131,  135,  139,  206 

à  212,  216,  218  à  228,  238. 
Munster  (23    km.    S.-E.    de    Munich),    II, 

123. 
Mûnsler,  I,  15. 

Munster  (Dragons  de),  II,   158. 
Miinzes/ieim,  I,  343,  359,  365,  366,  367, 

370,  389,  390,  392. 
Munzingen,  I,  270. 
Murg  (la),  II,   198. 
Ml'rit,  II,  7,  291. 
Murg  (la),  I,   108,  117 
Murnau,  II,  71,  76  à  78,  91,   106. 
Mutsclielbach,  I,  118. 
MuUerstadi,  I,  329,  347. 
Mysore,  II,  299. 

^aGLE,  I.  108,  115,  145,  155,  163,   181. 

Nagold  (h),  1,   118. 

Ma\.\ah  FuRNAïKZE,  II,  328,  329. 

Nancy,  I,  49,  56,  57,  60,  61,  65,  68;   H, 

11,  230. 
NftxsouTV,  II,  37  à  .39,  42,  47,  54  à  56. 
Nantes,  I,  80. 
Naples,  I,  90,  96,  195. 
\'ai'i,i:s  (Roi  dk)  ;  II,  207. 
Naples  (Armée  de  ,  I,  134,  145,   189;  II,  5. 
Nimnbuch  (le),  II,   149. 
Nassau  (Cuirassiers  de),  I,  209. 
Nassau-Infanterie  (Régiment  de),  I,  8;  II, 

5. 
Nassenfeîs,  I,  147  à  149. 
Nuttcnhausen,  H,   11. 
Nattes  (de),  I,  11,  40,  49. 
Naudn-s,  II,  200. 
Nade.vdorf,  1,  155,  157,  168,  202.  224,  307  ; 

II,  25. 


Navarre  (Régiment  de),  I,  7. 

Nécessité  (la),  II,  278. 

Neckar  (le),    I,   119,    120,   168,  196,    197, 

198,  335,  338,  339,  353,  397,  430,  II, 

233. 
Neckurait.  I,  346,  353,  354,  376,  381,  407, 

412. 
Neckarbischofsheim,  I,  366,  368.  388,  S93. 
Neckargemûnd.  I,  334,  338. 
Neckarsteiiiacli,  I,  338. 
Negrellos,  I,  268. 
Nennslhigen,  I.   139,    149. 
NErGiiK,  II,  174. 
Nenzingen,    I,    199,  216,    223,   227,    233, 

307. 
Neresheim,  I,  126  à  128,  130  à  133,   1.35; 

II,  26,  31  à  .33,  .35. 
Xeubeuern,  II,   152,   156.   158. 
Neubrunn,  I,  203.   210,  211. 
Neuburg,   I,  137,  139,  147  à   152  ;  11,  11, 

15,   16,  37,  48  à  52,  64,  77. 
Neudorf,  II,  283,  391. 
Neuenburg,  1,  343. 
Nenf-Brisacli,    I,  9,  267,  278,  279,   282; 

II,  288. 
Neuhaus,  II,   180,  182,   185. 
Ncuhausen  (10  km.  Nord  de  Villingen),  I, 

197. 
Neuliausen  (3   km.    Sud    d'Engen),   1,    217 

à  220. 
Neuhmisen  (6  km.  O.-N.-O.  de  Munich),  II, 

53,  62. 
Neuhofen,  I,  190  à  194,  219. 
Neukirchen  II,  121,  135. 
Neuviarkt,  II,   139. 
Neumarkt(1\  km.  N.-E.   de  Salïburg),  II. 

107,  175,  177  à  183, 185, 186, 198,222. 

223.  225,  226. 
Neumûhl,  I,  89,  94,  195,  345,  356  à  358. 
Neu-Oelting,   II,  98. 
Nmpfot,  I,  349. 
Neustadt  (Palatinat  bavarois),    I,    6.  186  à 

188,  347. 
Neustadt  (entre  Ingolstadt  et  Kelheim),  I, 

129,  140,   146,  147;  II,  48. 
Neustadt  (entrée  du  Val  d'En(er),  I,  170  à 

172,  198,  229,  230;  II,  4. 
Neuthor,  I,  48. 
Neveu,  II,  82.  84  à  86. 
Nev,  I,   307,   331,  334  à  337,  339,  345, 

346,  356,   361   à   363,   365  à  368,  375, 

384  à  387,    389,    390,  391,    393,    395 

à  397.  399  à  406,  409,  413;  II,  6,  9, 

29,  ,32,  33. 
Nice,  II,  25". 

NlCUVILLE,    I,    12. 

Niclusreuth,  II,  131. 


INDEX    ALPHABÉTIQUE 


425 


Nieder-.irnbach,  I,  138. 

Niedercscliach,  I,  197. 

Nieder-Iiiycllieim,  I,  5. 

Nieder-Marthalen,  I,  287. 

Mieder-Haunau,   II,  3,   10,    12. 

Nieder-Rimsingen,  I,  279. 

Nieder-Sand,  \,   194. 

Nieder-Sclioiienfeld.  I,  137. 

Nieder-Schop/heim,  I,  195. 

Niederweier,  I,  109 

Nièvre.  I,  285. 

Nièvre  (VotoDtaires  de  la),  I,  75,  79. 

Nimburg,  I,   175,  180  à   184. 

NiMis,  I,  186,  187. 

KOGARET,    I,  386. 

NoizET.  I,  398. 

Nord  (Dëpartement  du),  I,  247. 

IVord  (Armée  du),  I,    5,  23,  82,  96.  114, 

145,  196,  198,  200,  340. 
Nord  fLé,q[iou  du),  1,  104. 
Nord  (Volontaires  du),  1,  247. 
Nordcndnrf,  I,   136. 
Nordhausen,  I,  267. 
Nôrdlingen,  I,  125,  131,  132,  135;  II,  25, 

31  à  33,  35,  77,  224. 
NoBM^tND.  II,  164,  278,  291,  293. 

NOSTITZ,    1,    161. 

NouRHV,  II,  216. 

Nouvelle-Orléans  (la),  I,  10. 

NouvioN,  I,  .307. 

Nuremberg,  I,  148;  II,  198. 

Nusplingen,  I,   167. 

Nussbach,  I,  240.  244,  245,  250.  251,  257, 

426.  4:i5,  439,  440. 
Nustloch,  I,  403  à  405,  407,  408. 
Nymphenburg,  II,  26,  48,  49,  51,  53,  54, 

58,  60,  61,  63.  72,  75,  88,  92,  93,  95, 

96,  246,  290. 

Ober-Acker,  I,  383.  389,  390,    392,  394, 

401. 
Ober-Arnbach,  I,  138. 
Oher-Baldingen,  I,    199. 
Ober-Beckingen,   II,  29. 
Oberberg,  II.  28. 
Ober-Bergheim,  II,  29. 
Ober-Biegelhof,  I,  388. 
Ober-Blaichen,  II,  10,   14. 
Ober-Bobingen,  I,   122. 
Ober-Derdingen,  I.  390. 
Oberdorf.  I,   125. 
Oberehnheini,  I,  194. 
Obereschach,  I,   197. 
Obergrombach,  I,  361,  382,  383. 
Oberkirch,  I,  102,  104,  195,  420. 
Ober-Kirncck,  I,  121. 
Ober-Kochen,  I,  123. 


Ober-L/ms,  II.  90,  125. 

Obcr-.Uerllingen,  II,  3,  25. 

Oberndorf  (15  km.  !V.-[V.-0.  de  Roftaeil), 

I,  196,  198,  230. 

Oberndorf  [h  km.  S.-O.   de  Rain),   I,  153. 
Oberndorf  (\0  km.  E.  de  Munich),  II.  49, 

63. 
Oberndorf  (11    km.    S.    de   Holienlinden), 

II,  57,  142    143,   145. 
Obcr-Pframern,  II,  125. 
Ober-Riffingen,  1,  125,  130;  II,  32. 
Ober-Rimsingen,  I,  275,  279. 
Ober-Both    (8    km.    N.-E.    de    Kellmiinz), 

II,  9. 
Ober-Roth  (9  km.    M.-O.   de   Dachau),  II, 

41,  54. 
Ober-Rott,  II,  156. 
Ober-Sendlhig,   II,  61. 
Obersiadion,  I,  159. 
Obentein,  I,  159. 
Ober-S/etten,  I,  199. 
Ober-Thûrheim,  I,  154. 
Ober-Urbach,  I,  121. 
Ober-U'alling,  II,    197,   202. 
Oberweier,   I,   109. 
Oberwil,  I,  283. 
Obing.  II,   159,   162. 
Océan  (Armée  des  Côtes  de  1),   I.  9,  198, 

340. 
Ochsenbach,  I,  202. 
Odenheim,    I,    343,  360,   361,  363,  365  à 

367,  370,  387,  389,  390  à  394.  396,  399 
à  401. 
O'Donel  (Chasseurs  d"),  I,  298,  307. 
Oensbach.  I.   103,   104. 
Oerlingen.  I,  291,  297. 
Oeslringen,  I,  333,  343,  363.  370,  387.  389, 

394,  398.  400  à  403. 
Oetling,  II,  116. 
Oewis/ieim,  I,  386,  389,  394. 
Offenburg,  I,  97  à  100,  103.  195,  254,  264 

à  266,  269,   298,   306,    356,    368,  420, 

427,  437,  443.  444;  II,  23i. 
Offingen,  II,  20,  22. 
Oftersiieim,   I.   331,   332,   346,   405,  407, 

410,  411. 
Oggelshausen,  I,  162, 
Oggenkausen,  II,  31. 
Oggersheim,  I,  329. 
Ohhbach,  I,  195. 
Ohmenheim,  I,  128,  130;  II,  35. 
Oise  (Département  de  1"),  I,  352. 
Olgis/wfen.   II,   10. 
Oos,  1,  104,  105. 
Oosbach,  I,  105,  106. 
Orissu,  II,  298,  329,  400. 
Orléans,  I,  65,  68  à  71. 


426      MKMOIRKS    ET   JOURNAUX   DU    GÉX'ERAL   DECAEM 


Orne  (Volontaires  de  1).  I,  201,  366. 

Orsay,  II,  '289. 

Orsinyen,  1,  222,  226,  SOT. 

Ortenberg,  I,  195. 

(hthofen,  II,  40. 

Oitinyen,  I,  291.  297. 

OstendorJ,  I,   137. 

Oitrach,  I,  203.  205.  207  à  213,  417. 

Ostrach  (l),  I,  205,  206,  208. 

Ostwald,  1,  194. 

Otlerbach  (I"),  I,  349. 

Oltersweier,  I,  105. 

Ottmarsheim,  I,  282 

OïDixoT.  I,  181,  287,  296,  297.  307.  327, 

328;  II.  250. 
Ouest  (Armée  de  1),  I.  9,  10,  54. 
Ouiihe,  I,  267. 
OïBK  (d'),  I,  5,  7,  8,  14  à  16,   18,  20,  22, 

24  à  38,  41  à  49,  58,  59,  66. 

Paar  (la),  I,    138,    139,    142,    143,    147; 

II,  34,  37  à  39,  42. 
PAILI..1RD,  I,  285,  286,  291,  293,  296,  297. 
PftJOL,  I.  240,  241,  245,  249,    250,  251, 

275,  276,  279,  300,  425,  439,  441. 
Palalinal,  I,  185,  321;  II,    199. 
Paol'kt,  I,  179. 
Parodies,  I,  287   à  289.  295,   298.    301, 

307;  II,  3, 
Paris,  I,  3,  23,  25,  51,  57,  61,  82,  84,  89. 

90,96,  103.   118,  159,  188,    196,  200, 

213.  220.  232,  288.  296,  315  à  330,  322 

à  324.  327,  328.  352.   359,  431,  444; 

II.  31,  37,  43,  74,  133,  206.  214. 
Paris  (Chasseurs  de),  I,   10.   195. 
Paris  (Volontaires  de),  I,  200. 
Parsberg,  II,  194. 

Parsdorf,    II.  49,   55,  63  à    69,   90,  121. 
Pasc.HL,  I,  20,  27. 
Pasing,  II,  54. 

Passau,  II,  57,  79,  98,  100,  108,  115. 
Patty,  I,  96. 

P.ITISSIBR,    I,   371. 

Pellegrini-lnfanterie  (Régiment  de) ,  I,  1 10. 

Pellet,  h,  257. 

Perlach,  II,  57,  62,  63. 

Pkbcv,  II.  73. 

Pkrqiit,  I,  96. 

Pbrrix,   I,  210,  240.  241.  251,  253,  257, 

259,  260.  418,  421.  425.  434  à  442. 
Perrim  (adjudant  général).  II,  22. 
Pkrrix  (chasseur).  II,  172,  17,  3. 
Perrox.  II.  399. 
Perse,  II.  372.  376. 
Persique  (Golfe),  II.  375. 
Peschwah  (lb),  II,  329,  380. 
Pelerzell,  I,  243,  245,  246.  249. 


Pctit-Koblenz,  I.  287. 

Petite-Pierre  (la),  I,  167. 

Petrasch.  I,  166,  108. 

Petling.   II.   166. 

PJaffenlw/en,  I,  141,  143,  145,  146;  II, 
52,  53,  57. 

Pf,.ffenweiler,  I,  236,  237. 

Pfaffing,  II,  162. 

PfalzpainI,  I,  149. 

Pfersbach,  I,   121. 

l'fohren,  I,  171.  198,   199,  232. 

l'forzheim,  I,   117,  118,  333,  372,  378. 

P/rungen,  I.  i03,  206,  207,  209. 

P/uhl,  I.  157,  158. 

PJullendorf,  I,  193,  197,  199  à  208,  210  à 
212,  214,  220  à  222,  226,  430. 

Pfûnz,  I,   150. 

Phalsbourg,  I,   5. 

Philippsburg,  I,  221,  327,  331,  332,  335 
à  344,  354,  355,  365,  375,  384,  385, 
388,  391,   397.    398,  414;   II,   82,  96. 

Picard  (Comu.i.xd^xt),  II,  150. 

Picardie  (Kégiment  de),  I,  8. 

PicHiiGRi.  I,  84,  90,  324;  II,  286,  287. 

Pie  VI.  II,  256. 

Piété nfeld,  I,  148,  149,   150. 

l'illnitz,  I,  3. 

Pinard.  I.  97. 

Pncuox,  I,  277. 

Pithiviers,  I,  65. 

Place,  I,  103. 

Plankstadt,  I,  331. 

Planksiadterebene,  I,  412. 

Plai'zoxxe.  II.  8,  13,  17,  18,  24,  58,  69, 
70,  92,  133,  147,  148,  153,  159,  173, 
229. 

Pleikaris/orst,  I,  412. 

Plessier  (le),  I.  352. 

Pliening,  II,  58,  67. 

Plobsheim,  I,  194,  267. 

Ploérmel,  I,  11. 

Plûderhausen,  I,   121. 

Pobenhausen,  l,  138. 

Pobenhausen,  I,   146. 

Poissov,  I,  358. 

Poitou  (Régiment  de),  I,  200. 

Poivre,  I,  11. 

Poligny,  I,   10. 

Poméranie,  I,  213. 

POUMIRR,   II,   5. 

PoxcK,  I,  145,  183. 

Pondichéry,  I,  ni;  II,  258  à  262,  265,  267, 
270,  280  à  282,  284,  285,  294,  298  à 
;}04,  306,  307,  311  à  313,  317,  321, 
327,  332,  340,  341,  346,  347,  349  à 
360,  365  à  369,  374  à  400. 

Pont-à-Mouison,  I,  56;  II,  14,  230. 


INDEX   ALPHABETIQUE 


427 


Pont  Couvert,  1,  312. 
Pont-des -Morts,  I,  32,  63. 
l'ontoise,  1,  4;  II,  12. 
Ponlorso?!,  I,  80. 
l'oonali,  11,  329,  3S0,  399.  400. 
l'ornhach,  I,  140,  143,  II,  57. 
l'or  tel,  II,  8. 
l'oHo-Novo,  II,  346,  .'M8 
l'ortuffat,  I,  96,  195,  268;  11,253 
Portugal  (Armée  de),  I,  114,  196. 
Paumes,  I,  138,  150,  152,  153;  II,  51,  52. 
Prague,  II,  98,  100. 
PRiixrouT,  II,  364,  400. 
Prez-en-Pail,  II,  7. 
Prieir,  I,  68.  81. 

Pri.vgle,  II,  323,  330,  331,  337,  340. 
Provence,  II,  258. 
Prudhommi:,   I,  10. 
Prusse,  1,  9,  362,  365. 
Prusse  (Roi  de),  I,  30,  41. 
Pûhring,  II,  194. 
Purschhûtte,  II,  91. 
Puster  Tlial,  II,  80, 
Pyrénées  (Armée  des),  I,  173. 
Pyrénées-Occidentales  (Armée  des),  I,  126. 
Pyrénées-Orientales    (Armée   des),    I,    m, 
189,   194. 

Québec,  1,  217. 
Querbach,  1,  195,  356. 

Rabenden,  II,  161  à  163. 

liadol/zetl,  I,  208,  216,  227. 

Raglovich,  I,  93. 

Bain,  I,  128,   136  à  138,    150,    151,   153; 

II,  39,  50,  224. 
Eain    (12  km,    O.-IV.-O.    de    Rosenheim), 

II,  132. 
R.*i\iER  (Amiral),  II,  350,  361  à  ,397. 
Raismes,  I,  23. 
Ramering,  II,  148,  149. 
Ramer sdorf,  II,  55. 
Ramsau,  II,  149. 
Rapatel,  I,  103;  II,   195,  232. 
Rapp,  II,  245. 
Rastatt,   I,    104  à    113,    303,    306,    356, 

386. 
Rathhaus,  I,  275,  276. 
Ratishonne,  I,  145,  146,  148,  150;  II,  44, 

104,   115,  198. 
Ratlenherg,  II,  80. 
Ruuenberg,  I,  339  à  341,  343,  363 
Rauenlhal,  1,   109. 
Ravensburg,  I.  203,  206  à  208. 
Rechberg,  I,  122. 
Rechlmering,  II,  153, 
Redl,  II,   186. 


Rcdnitz  (la),  II,  76,  77. 

Hegau,  II,   186. 

Rehrosbach,  II,  39,  40. 

Reichenhall,  II.  224. 

Heichertsheim,  II,  148,   149. 

Reichertshofeu,  I,  139.  142,  143,  147. 

Reilien,  I.  368,  388. 

Heims,  I,  261. 

Reims  (Chasseurs  de),  I,  261. 

Reisensburg ,  II,   17,  20. 

Rei.vhart  (Baro.v  de),  II,  81. 

Reisensburg,  II,  17,  20. 

Reiset,   144. 

Rcilhaslach,  I,  200. 

Rcilmehring,  II,  153. 

Remberweiller,  I,  204. 

RemeUsho/en,  1,   156. 

Rems  (la).  I,  117,  121,   122;  II,   77. 

RÉ.\iv,  I,  172. 

Reîich  (la).  I,  99,  100,  102,  103. 

Renchéri,   I,  98  à  101,  104 

Rennes,  I,  103;  II,  67. 

Renquishausen,  I,  167. 

Républicains  (Les  chasseurs),  I,  10,  74,  78. 

République  Cisalpine,  II,  116. 

République  (Volontaires  de  la),  1,   10. 

Hetligheim,  I,  343,  363. 

Reubell,  I,  5,  9,  14,  24,  25.  28,  35,  49, 

50,  52,  59,  61,  62.  67  à  71,  146,  189, 
319  à  322,  324. 

Réunion  (Ile  de),  II.  351, 

Reuss  (Prince  de),  II,  50,  56,  58,  79,  81. 

Reutte,  II,  87,  97,  103. 

Revigny,  I,   148. 

Rev.mer,  I,  85,  96,  151,  167,  170,  180, 
184,  185. 

Rheinau,  I,  290  à  292,  297. 

Rhein/elden,  I,  84,  283,  284,  312. 

Rheingau,  I,  15. 

Rheinklingeu,  I,  286,  287,  292  à  295,  301  ; 
II,  3. 

Rheinu'ald,  I,  314. 

Rheinzabern,  I,  345,  347,  348,  349. 

Rhin,  I,  5,  8,  13  à  20,  29,  44  à  49.  60.  67. 
70.  85.  89  à  94,  104,  119,  131,  166  à 
175,  184  à  194,  221,  242,  256,  267, 
270,  272,  273.  276,  282,  285  à  287. 
289  à  300,  307,  310,  325,  327  à  335, 
344  à  355,  372  à  387,  397,  407,  412  à 
414,  416,  420,  430;  II,  3,  100,  101, 
191,    199  à  201,  218,  229  à  234,  289. 

Rhin  (Armée  du),  I,  5,  6,    8,  15,  26,  49, 

51,  57.  .59,  61,  67,  94,  134,  186,  303, 
317,  318,320  à  324,  345;  II,  1  à  247, 
251,  252,  254,  283,  288  à  291. 

Rhin  (Chasseurs  du),  I,  90. 

Rhin  (Corps  d'observation  du),  I,  367. 


428     MKMOIRES   ET   JOIRNAIX   DU    GENERAL   DECAEN 


Uliin-et-MoseUe  (Arrat-e  de),  I,  8,  11,  54, 
57.  M,  85,  S-,  89,  90,  114,  115,  130, 
138,  157,  162,  109,  170,  178,  181,  183, 
185,   187. 

mbenurillè.  II.    133. 

Richard,  I,  81. 

KiCHKMOXT,    II,   283. 

liicken,  l,  388. 

RicMBPaxcK,  I,  190;  II,  3,  4,  6,  77,  93,  94, 

114,   120,  121,  123,  120,  128,  130,  131, 

134  à  138,   139   à    146,    148,    149,  159. 

160,   164,  167,  170,  177,  178,  185,  187, 

190,  191,  193,  194,  196,  197.  205,  206. 

218,  219,  220,  223,  239,  240,  241.  242. 

280,  281. 
Bieblingen,  II,  35,  38. 
Bied,  II,   107. 
Rieden,  I,   154. 
Riedhmisen   (7    km.    .\.    de    Giinzburg),    I. 

155;  II,  28. 
Riedhausen  (7  km.  S  -E.  d'Ostracli),  I,  203, 

209. 
RiedUngen,  I,   166;  II,  4,  76. 

RlI'.FFKL,   I,    50 

RiEG  (comte  de),  II,   119. 

Riegel,  I,  172. 

Riem,  II,  55,  58,  63.   68.   120. 

Rietheim,   l,    168,  236. 

Riexing,  II,  67. 

Riexingen,  I,   119. 

Uir.MER,  II,   189. 

Riiientheil,  II,  39. 

Ringgenweiler,  I,  204. 

Rio  del  Goa,  II,  335. 

Riom,  I,  228 

Riss  (la),   I,  159. 

Riss,  H,  91. 

Ristissen,  I,  159. 

RlTAY,   II,    8. 

Rivet,  I,   145,  176,   181. 

libdersheim,  I,  347. 

Rdemeber,  I,  319. 

Rvfingcn,  II,  23. 

Rohibach.  I,  245,  388,  391,  407,  411. 

Rodrigue  (île),   II,  260. 

Rohrenfels,  I,    151. 

Rohrsdorf,  II,  129,   130. 

Riihrwangen,  I,  159. 

Roi  (Dragons  du),  I,  328. 

Rome,  II,  257. 

Rome  (Armée  de),  I,  145.  195. 

RoscHou'SKv,  II,  165. 

RosENUERc,  II,  59,  67,  69,  70. 

ROSK.VUUSCH,  I,    149. 

Rosenheim.  Il,  62,  79,  87,  89,  90.  93  à 
95,  98.  99.  109.  120  à  122,  127  à  129, 
130  à  132.  153, 156, 157  à  159. 160,  164. 


Rossbach,  II,  40,  41. 

Rossignol,  I,  80. 

Rotleninann,  11,   180. 

Roth,  I,  186,  188,  332,  345,  362.  364,  384. 

395,  402,  403. 
Both  (la),  1,  156. 
Riilhctibach,  I,   171. 
Bolhenberg,  I,  343. 
Bollienhaiisen,  II,   107. 
Bolhiceil,  I,  276. 
Bon,  II,  90,  94,  95,  121,  122,  129.  130, 

132  à  135,  138,  239. 
Boit  (la).  I,  153,   154. 
Botlutn  (la),  I.  159. 
Bolticeil,  I,  168,  170,  196,  197,  198,  230, 

232;  II,  76,  2.33,  2;34. 
Rouge  (Mer),  II,  298. 
RoYEREDO  (de).  II,  81. 
Bouen,  I,  190;  II,  144. 
Rousseau,  II,  378. 
Roussel,  I,  359.  362.  363,  366,  369,  370 

à  372,  378,  379  à  384.  392,  402.  405  à 

407,  411,  413;  II,   123,   125. 
Royal-Lorraine  (Régiment),  II,  144. 
RuBï,  I.  198,  229,  230. 
Rudler.  I,  186,  187. 
Budolfingen,  I,  290  à  292. 
Buffey-sur-Seille,  I,   109. 
Ruffiv,  I,  400. 
Ru.;gieri,  II.  243,  289. 
RuHL,  I,  67. 
Bûlzheim,  I,  348,  349. 
Buichweiler,  I,  203,   208  à  210. 
Bussheim,  I,  391,  395. 
Russes,  II,  100,  101.  116. 
Bussie,  I,  96,  114;  II,  332,  365,  380. 

Saal{\i),  I,  367,  369,  383. 

Saalach(\!i),  II.   166,  226 

Sachsenhausen,  II,  27  à  30. 

Sahuc,  II,  144,   145,  229,  2.33. 

Saint-Chamans  (Régiment  de),  I,  5. 

Saint-Charles  (Fort),  I,  11,  39,  41  à43,  48. 

Saint- Cloud,  II,  309. 

Sainte-Croix,  I,  8,  29,  39. 

Saint-Cvr  (Voir  Gouuox). 

Sai\t-Dizier,  II,  95,  142,  143,  155. 

Saint-Domingue,  I,  11  ;  II.  12,  252,  253, 
280,  281. 

Sainte-Elisabeth  (Fort),  I,  12,  29,  33,  39, 
43,  48. 

SAI.\TE-Suz^^'xE  (Bru.veteau  db),  1. 11,  37,  42. 
49,  89,  94,  97,  99  à  104,  108,  110,  113 
à  115, 119, 120, 123, 125, 128,  132.136, 
137,  140,  143,  151  à  154,  157,  161,  166, 
à  168,  170  à  172.  176,  183.  186,  188, 
239;  II,  3. 4,  6, 48,  77, 231 ,  267, 284,  317. 


INDEX   ALPHABETIQUE 


429 


Saintk-Suzanne,   II,  267,    284,    317,   341, 

342,  391  à  397. 
SahU-Gcorf/fs.    II,   349,   373,  386  à  397. 
Saint-Jaraos  (Cabinet  de),  II,  328,  36(j. 
Saint-Jean  (île),  I,   33. 
Sahit-Jcan  de.  Hnhrbach,   I,   114. 
Saint-Joseph  (Fort),  I,   11,  14,  38,  40,  43. 
Saint-Julien,  I,  314. 
S.iint-Jlliem  (Comte  du),  II,  95. 
Saint-Louis,  1,  283. 
Saint-Médard  de  Limeuil,  I,  54. 
Saint-Michel,  I,  3tîO. 
Sai.xt-Mihikl,  II,  367. 
Saint-Mabord,   I,   10. 
Saint  Domingtte,  II,  251,  254. 
Saintoii<]e  (liëgimeiit  de),  I,  10 
Saint- Philippe  (Fort),    I,   11,  29,   33,  36, 

à  43,  48. 
Saint-Pierre  (île),    I,  15,  16,  33,   44,  48, 

72,  75,  76,  79. 
Saint- liémij-Chaussèe ,  I,  247. 
SaiJiT-SuLPicii,  I,  405. 
Salaberg,  II,  196. 
Saldagne,  II,  335,  340. 
Salem,  I,  203,  210  226. 
Salette,  I,  198. 
"Salis  (de),  II,  339,  340- 
Salis  (Corps  de),  II,  53. 
Salmansweil,  I,  203,  226. 
Salm,  I,  343. 
Salmdorf,  II,  63. 

Salm-Salra  (Kégiment  de),  I,  10,  29. 
Salzach  (la),    1,  12;    II,  152,    164  à  180, 

184,   194,   196,  202,  223  à  226. 
Sahbach.  II,  288. 
Sahhurg,  I,  12;  II,  81,    107,  158  à  171, 

175,   178  à  187,    196,  198,  202  à  212, 

214  à  216,  219,  221  à  226,  291. 
Sambre-pt-Meuse  (Armée  de),  1,139,  144, 

147,  185,  198,  328. 
Sand,  I,  89,  97,  98. 
Sandizell,  I,  152. 
Sandweier,  I,  105,   106 
Sankt-Floriiin,  II,  203. 
Sankt-Georgen,  1,  238,  240  à  255,  269,  418, 

419,421,  425  à  427,  434,435,439,440. 
Sankl-Kastl,  I,  141,   142. 
Sankt-Katharinentkal,    I,    282,   286,    292, 

294,  301,  307,  428. 
Sankt-Leon,  I,  384. 
Sankt-Ludwig,  I,  283. 
Sankt-Mârgcn,  I,  171. 
Sankt-Murien,  II,  194. 
Sankt-.Uarin.  II,  199. 
Saône-et-Loire  (Département  de),  I,  134. 
Saône-et-Loire  (Volontaires  de),  I,   10,  73, 

99,  133. 


Sao  Thingo,  II,  327. 

Sarre  (Département  de  la),  I,   31.4. 

Sarre  (la),  I,  49. 

Sarielouis,  I,  19,  49  à  51,  57,  61  ;  II,  5. 

Sasbach.  I,   104. 

Sauiiau,  II,   100. 

Savabv,  I,  80,  190;  II,  7,  245. 

Saxe,  I,  96,  195. 

ScAi-KORT,   I,  145,  155. 

Sf;HAAL,  I,  8,  15,  26,  33,  46,  49. 

Schabenhausen,  I,   197, 

Schnffhouse,  1,  229.    230,  285  à  290,  294, 

295,  298  à  300,  306,  308;  11,  4. 
Scliâfllarn,  II,  49,  54  à  57,  (JO,  61. 
Schammach,  1,  161. 
Schàrding,  II,  107,   108,   115. 
Scluirnitz.  II,  200,  201. 
Schatthausen,  I,  402. 
Schauernhcim,   I,  347. 
Scheer,  I,  166. 

SCHKGLIXSKV,    I,    8,    9. 

Schemmerberg,  I,  159. 

Schechen,  II,   132. 

ScHKRKR,  I,  189,  190,  444. 

Schergendorf,  II,  203. 

Schiltach,  I,  196,  254,  433. 

Schiltach  (la),  I,  419. 

Schiltigheim,  I,  185, 

SCHI.\'I!R,    I,   392. 

Schlacht,  II,  123,   126. 

Schiaden  (Régiment),  I,  37. 

Schaltl,  I,  288.  289. 

Schleisshach,  I,  146. 

Schleisstieim,  II,  52. 

Schlesladt,  I,  8,  9,  96,  193,  194,  267,  272. 

Sc/unidhnusen,  II,   130. 

SCHHIDT  (Gé.VlÎRAI,),    II,    116. 
SCHMIDT,    II,    188. 

ScHMiTZ,  1,  126,  127. 

Schmutter  (la),  I,  136,  153. 

Schnaitsec,  II,   163. 

Schneider,  II,  73. 

Schonach,  I,  240,  246,  249,  251,  425,  439. 

Schonberg  (Régiment  de),  I,  5. 

Schônenbach,  I,  241,  245,  250. 

Sctiongau,  II,  57. 

Sclionram,  II,   165,   l(î9. 

Schomcald,  I,  240,  246,  251,  434,  439. 

Schorjling,  II,  222,  223. 

Schorndorf,  I,  117,  121;  II,  77. 

Schramberg,  I,  196,  197,   230,  246,  263, 

433. 
Schrobenhausen,  I,  138,  152,  153;  II,  39, 

42,  51,  52,  77. 
Schuttenwald,  I,  195. 
Schutter  (la),  I,  420. 
Sckwabcn,  II,  92. 


430  MEMOIRES  ET  JOURNAUX  DU  GENERAL  DECAEN 


Schwabering,  M,   lôO,   1()0. 

Schtcaig,  I.  \H\. 

Schu-iincnHiidl,    II,    186,    187,    206,   219, 

221    223    22.") 
Schwarzboch  (la),  I.  3:58. 
Schicannii,  II,  163. 
Scharzenicang,  II,  28. 
Schwiiz,  II,  80,  81. 
Schtccmli,  II,  4. 

Schtrennlnf/en.  I,  167,  169,  170,  197,  198. 
Schwetzingeii,  1,  327,  331,  332,  335,  337, 

339,  345,  346.  376,  405  à  413. 
Scimiebcrdingeii,  I     117,   118,   119. 
ScivDHH,  II,  328,  330,  371,  381,  .399,  400. 
Sebastiim,  II,  209. 
Se  flan,   I,  7 

Seebmck,  II,  160,  161. 
Seekirck,  1,  161,  162;   II,  177,    178,  179. 
Segré,  I,  82.  84. 
Seguix,  I,  37. 
Seifeitshofen,  II,   10,   II. 
Seine,  1,  96. 
Seine-et-Oise,  I,  89. 
Seine-et-Oise  (Volontaires   de),  I,   10,  75  ; 

II,  12. 
Seine-Inférieure,  I,  400. 
Seine-Inférieure  (Volontaires  de  la),  I,  415. 
Seitensletten,  II,  196,  219. 
Seilingen,  I,   168. 
Selgeisiceiler,  I,  201. 
Selz,  I,  306,  352. 
Sémillanle  (la),  II,  278,  326,  390. 
Sexarens,  I,  373. 
Sendling,  II,  53. 
Sénégal,  II,  32S. 
Sens,  I,  65,  68,  69. 
Seychelles  (îles),  II,  260,  346. 
Servian,  II,  30. 
Sickingen,  I,  368. 
Sierning,  II,  202,  203 
SiEvÈs,  I,  316,  318;  II,  247. 
Sigmaringen,  I,  166,  167,  201 ,  204;  II,  209, 

233. 
Silèiie,  I,  314. 

SlMABDET,    1,    181. 

Simmtsweiler,  I,  125. 

Simon's  liny,  II,  322  à  3.30,  336  à  345. 

Simonswald,  I,  176. 

Singen,  II,  294,  299,  307. 

Sinsheim,  I,   327,    331,  332,   334  à  340, 

366,  393. 
Sinziieim,  I,   106. 
Sion,  1,  392. 
Sipbnehzell,  II,   190,  192. 
Sissach,  I,  283. 
Smolensk,  I,  373. 
Sojlingen,  I,  157. 


SOLANO,  I,   114. 

Sollheim,  II,   182. 

SOLMIflC,  I,  30O. 

Sommerau,  1,  2J5,  251,  252,  426,  435. 

Sondernheim,  I,  349. 

Sontkeim  (15  km.  0.  de  Laupheim),  I,  1.59. 

Sontheim  (13  km.  N.-E.  de  Lan,'jenau),  II, 

26,  27,  29. 
Souabe,  II,  82,   117,   119,  199,   220,  231. 
SoiiDR.îNY,  I,  57,  58. 
SouHAM,  I,  193,  196,  197,  202  à  204,  207, 

208,  210,  213.   215  à  219,  222  à  248, 

254,  259,  268  à  271,  304,  306,  307,  .327, 

356,  379,  424,  428,  4.33,  440,   441  ;  II, 

3,  4. 
Souilhr,  II,   14. 
SoLLT.  I.  193,  203,  205,  206,  208,  212,  214, 

217  à  220,  230,  238,  246,  253,  254,  256, 

260  à  269,  287,  290,  307,  319.  324,  419, 

422,  427,  433. 
SouvoROF,  I,  355 
Spaichingen,  I,  168. 
Spaxxochi,  II,  146,   150. 
Spire.  I,  6,  342,  345,  347,  376. 
Spinal,  II,  199. 

Spieny  (Ré.giment  de),  I,  226;  II,   103. 
Splûgen,  II,  76. 
Spôck,  I,  202,  205,  211. 
Spork,  II,  6. 

Sladelhofen,  I,  101,  211. 
Sladion,  I.  159,  161. 
Stadt-am-Hof,  II,  198. 
Staffel-See,  II,  76. 
Slafflangen,   I,  162. 
Stain  (Régiment  de),  II,  178. 
Starck,  I,  306  . 
Starnberg,  II,  55-57. 
Slàtzling,  II,  37. 
Staude,  I,  250. 
Sleibsbach,  II,  198. 
Stein   (sur    le   Rhin,   20  km.    E.-S  -E.   de 

Schaffhou.'e),  I,  285,  287.  291,  293,  294, 

296,  297,  298,  300,  301. 
Stein  (3  km.    \.   de  Steyr),   II,  192,    193. 
Steinach,  I,  195,  261,  262,  420. 
Steinbach,  I,  105, 

Steinbach  (Haute-.^utriche),   II,  206. 
Steingriff,  I,   138,  153. 
Steinhausen,  I,  161,  162. 
Steinheim,  I,  156. 
Steinhijring,  II,  142,  143,  145. 
Sleinkirchen,  II,  61. 

Steinsfurth,   I,   336,   366,   368,  388,   393. 
Steisslingen,  1,  220,  228,  233,  307. 
Stenay,  II,  231. 
Stengelhof.  I,  412. 
Steplumskirchen,  II,  158. 


IxVDEX   ALPHABÉTIQUE 


431 


Stetlen  (5  km.  N.-O.  de  IVeresheim),  I,   125 

à  128. 
Sletlcn  (10  km.   N.-E.    de    Tuttlingen),  I, 

166,  168. 
Stetlen  (17  km.    0.    de  Heilbronn),  1,  368. 
Stetlen  (9  km.  IV. -E.  de  Langenau),  II,  28. 

29. 
Slettfeld,  I,  332. 
Steyr,   II,    191,    19.3    à    197,    201    à    206, 

219. 
Steyr  (la),  II,  202,  203. 
Sxirsics.  II,  116. 
Stockach,  I,  165,  193,  199  à  201,  208,  213 

à  222,  225,  226,   298,  299,   307,   430; 

II,  4,  7b,  212. 
Stoi'flkt,  II,  247. 
Stotzingen,  II,  25,  28,  30. 
Strasbourg,  I,   10,  84,  94,  116,  184,  186, 

189,  190,  196,  240,  254,  259,  267  à  271, 

296,  303,  306,  309  à  319,  324,  327,  328, 

345,  347,  352,  353,  355,  356,  358,  359, 

374,  409,  414,  415,  429  ;  II,  4,  86,  209, 

212,  215,  230  à  232,  234,  237,  238,  288, 

289. 
Strats,  I,   156. 
Strassberg,  I,  167. 
Strasstrudering,  II,  63. 
Strasswalchen,  II,  185,  186,  221. 
Straubing,  II,  95,  115. 
Stuttgart,  I,  120,  314;  II,  77,  230  à  232. 
Styrie  (la).  II,  204. 
SlCHET,   II,  284. 
Suffersheim,  I,  148. 
Sdffrex  (Baili.i  dk),  II,  251. 
Suisse,  I,  84,  356,  392,  407. 
Sulgen,  I,  196. 
Sulz.  I,  196,  230. 
Sundkeim,  I,  92,  185,  195. 
Sunthausen,  I,  198. 
Surale,  I,  298,  301,  329,  372. 
SzekJer  (Hussards),  I,  99,    101,   102,  110, 

306,  331  à  335,  338,  343,  377,  392,  393  ; 

II,  157. 
SZT.ÏRAY,  I,    101  ,   II,  25. 
Sïtaray  (Régiment  de),  I,  294,  298,   342, 

378,  384.  387,  414. 

Table-Bay,  II,   322,   323,  332  à  334. 

Tafertshofen,  II,  10. 

TAI.LEYRAXD,   II,   323,   343. 

Tanjore,  II,  298. 

Targe,  I,  20  à  22. 

Tarn  (Département  du),  I,  198,  360. 

Tarn -et- Garonne,  I,  11,  12. 

TATTENBâCH  (Comte  de),  II,  47. 

Taxelberg,  II,  188. 

Tegem-See,  II,  71,  78,   87,   90,  91.   122. 


Teiscndorf,  II,  165.  170,  175,    179,    182. 

Tenir iffe,  II,  -323,  341,  342. 

Trngh'iig,  II,  165. 

'l'erpsifliore  (la),   II. 

Tète  du  Lion,  II,  333,  335. 

Télé  .Voire  (Baie  de  la),  II,  335. 

Tkaingen,  II,  4, 

Tlianhniisen,  II,   11,   12. 

Thann,  II,   156,   194. 

T/iann/icim,  I,  237. 

Tharreau,  I,  227,  288,  290,  307,  409,  414 

à  416,  II,  3. 
Thengen,  I,  198,  294,  307. 
T/ieningen,  I,  172,  175  à  181,   184. 
Thiengen,  1,  274. 
T/iionville,  I,  232,  330. 
ThoirHlc,   I,  90. 

TllOMlS  UE   C.4.\T0RUÉRV,    II,    190,  249. 
Thorn,  I,  10,  200. 
TiiiGLT,  II,  80,  98,  100. 
Thuningen,  I,  198. 

Thur  (la),  I.  285  à  287,  290,  293,  297. 
Thlbiot,  I,  61,  67. 

Thurn-Infanterie  (Régiment  de),  I,  84. 
Ticfenbach,  I,   16*2,  397. 
Tippoo-Sa/ilb,  II,  260,  299,  336, 
Tittingen,  I,  149. 

Tittmoning,  II,  163,  165,  168.  171. 
Ttih,  II,  56,  90,  91,  106,  120. 
Tonnerre,  I,  32. 
TiJRRixG  (Comte  de)  II,  45. 
Tiiss  (la)  II,  297.  298, 
Toul,  I,  113,  195;  II,  30. 
Toulon,  II,  258,  259. 
Toulouse,  I,  71. 
Tours,  I,  8.  65. 
Touss.iixT,  I,  107. 

TOUSS.AIXT-LOLUERTURE,    II,    252. 

Tranqucbar,  II,  365,   367,  381,  396. 
Traun  (la),  II,    187,    188,  190,  203,  208, 

218,  219. 
Traunstein,   II,    161,    162,    164,  165,   167. 
Travot,  I,  10. 
Trcvise,  II,  209 
Triberg.    I,    170,    223,    237    à   245,    249 

à  263,  268  à  270,  283,  303,  305,  316, 

418  à  429,  432,  444. 
Trident  (le),  II,  382. 
Trinquemalc,  II.  260,  350,  381. 
Trochtelfingen,  I.  125;  II,  33. 
Trossingen.  I,   169. 
Trostberg,  II,  161,   163. 
Troyes,  I,  65, 
Truglet,  II,  281. 
Trûllikon,  I,  290,  291.  294. 
Truttikon.  I,  297. 
Tuileries  (Palais  des)  II,  244  à  248. 252, 309. 


432      MKMOIRKS   KT  JOURNAUX    DU    GENERAL   DECAEN 


Tulling,  II,   140.    149,   150,    153. 

Tmujnbhnilra,   II,  .iOit. 

'J'iintnihtiuscn,  II,   154. 

TlHK.VXB,    II,   -iSS. 

Turf/uii;  II,  380. 

Tl'iiiik.iu,   I,  81. 

TrnsKi  (Albkrt),  II,  m. 

Tutti I II fjcii,    1,    un,    198,   208,   2IG,    220, 

230:  11,  76,  209,  233. 
Tijrol,  II,  34,  52  à  59,  79  à  81,  90.  100 

à  103,  112,  116.  130,  199  à  201. 
Tyroliens  (Chasseurs),  II,   10. 

Vhstadl,  I,  332,  34-2.  361.  364,  366,  .369. 

370.  379,  384.  385,  388,  389,  391,  392, 

394,  395.  397.  399. 
Uebcrlingen,  I.  226. 
Uliwiescn,  I.  286  à  290,  295,  308. 
Ulm,    I.    151,    153,    156,   157,  158;  II,  4, 

18,  25  à  27,  31,  77,  82,  96,  209,  212, 

233,  234. 
Unadingen,  I,  230. 
Unsern-Herrn,  I,   139. 
[Jntei-Biildingcn.  I,   199. 
Unler-Bicgellwf,  I,  388. 
Unter-Bissingen,  I,   135. 
Unter-IUaichen,  II,   10. 
Unler-Gromhaeh,  I,  378,  380,  382   à  386. 
Unter-Koclicn,  I,  123. 
UnleriSwissheitn,    I,    370,    392,    394,    395, 

399. 
Unter-Hiffingeii,  I,   128,  130;  II,  32. 
Inter-Scndling,  II,  5;î,  54,  61. 
Untingcn,  I,    149 
l'rticli,  II,  77. 
llrloffen,  I,  99,   101. 
Ursberg,  II,   14. 
Urscuxeider,  II,  82,  92. 
Utrecht,  I,  392. 
Uttenheim,  I,   194. 
Uuenweiler,  I,  159  à  161. 

V.ICHOT,   1,  82. 

Vaiblingen,  I,  121. 

Vaihingen.  I,   118,  120,  368,  369. 

Vaillsxt,  I,  215,  233. 

VaUques  (Régiment  de),  I,  226,  368,  375; 

II,  12. 
Val  d  Enfer,  I,    166.  170,  172,  255,  420; 

II,  3. 
VflLKii,  II,  9,  95,  121,  174. 
Valence,  I,   12;  II,  256. 
Valenciennes.  I,   11,  26,  57,  67. 
Valley,  II,  71,  89  à  91,  93,  94. 
Viilognes,  I,  94. 
Valverde,   1,  415. 
Van-Camps  (baie  de),    II,    333   à   335. 


V;)XD4MME,    I,  152,    167,     171,    184.    190, 

201,  254,  259  à  269.  272,   273,  275  à 

285,    287,  288,    290    à  299,   301,    ,303, 

.304,  306  à  309,  420,  428. 
VAXDKRH/ii';.si:x,   I,  145,  152,   173,  420;  II, 

262,  267,  283  à  285,  314,  317,  ,325,  ,341. 
Var  (Volontaires  du).  I,  98. 
Varsovie,  I,  9. 
Vnterstelten,  II,  64. 
Vatrix.  I.  388. 
Valdois,  II,  281. 
Vaucluse,  I,  213. 
Vaugirard,  I.  97. 
Vecsey  (Hussards).  I,  226,  298,  .307,  378. 

393,  401 
Velanour,  II,  298. 
Vendée,  I,  ii,  12,   49,  60,  63,  64,   68,   69. 

71,  415. 
Vendôme,  I,  20. 
Venise,  I,  328. 
Verdun,  I,  89. 

Vkrink,  I,  18,  32,  48,  49,  70. 
Vérin gen,  I,   166. 
Veringendorf,  I,   167. 
Verxaxge,  I,  20,  22.  29,  34. 
Vérone,  II,   199. 

Versailles,  I,  11,    145,217;  II,  298.  300. 
Verviers,  1,  267. 
ViALiaxES,  I,  218. 

ViDALOT  DU  SiRAT,    I,    11,  49,  57  à  59. 
tienne,  1,250;    II.    54,  55,    81,    97,   98, 

100  à    102,   116,    189,   205,    207,   213, 

217,  218,  249. 
Vieux-Brisach,  I,  184,  267,  271  à  274,  278. 
Vieux-lViesloch,  I,  340. 
Village-Xeuf,  I,  283. 
Villedieu,  I,   198. 
Villingen,   I,  166,   168   à   171,    193.    196, 

à  198.  223,  229  à  231.  233  à  238,  316, 

387.  429,  433,  441;  II,  209,  212,  223, 

234. 
Vils  (la).  II,  69,  70,  89. 
Vilsbibiirg,  II,  69,  70,  76,  88,  92, 
Vilshofen,  II,  108 
ViMEL'x,  1,  9,  49,  80. 
Vincennes,  II,   7. 
VixcEXT,  H,  252. 
Vireux,  I,  247. 
Vitré,  I,  82. 
Vivarais,  I,  8. 

Vôcklabruck,    I,   340;    II,    186,    221,  225. 
Vocklamarkt,  II,  185,  186. 
Vohburg,  I,   140.  146. 
Vokrenbach,  I,   170,    171,  198,  230,    232, 

2.37,  238,   241,  543,    245,    250  à   252. 

419,  421,  423,  426,  434,  435. 
loitsdorf,  II,  203. 


IMDEX    ALPHABETIQUE 


433 


Volontaires   tlu  siège   de    Mayence,    I,    "20 

79. 
Volturne,  I,  32. 
lorchdorf,  II,  203. 
Vordernbery,  II,  198. 
Vosge$,  I,  10,  12,  362. 
Vo»ge»  (Volonlaires  des),    I,     10,    12,    73 

à  75,   77  à  79, 
Vrig.vaud,  II,  321,  344. 

Wagrnlwfen,  I,   151. 

IVagliaûsel,    I,    361,    .36i,  37 i,  376,    395, 

403. 
Wagliuj,  II,  152,  164,  165,  16.S,  171,206, 

219,  226. 
lUagram,  I,  244. 
Wagthurst,  I,  103. 
Waibstadi,  1,  337,  393 
Il  (tin,   II,  4. 

U  iilchen  See,  II,  91,  125. 
Waldbeuren.  I,  193,  203,  206  à  209,  210. 
Waldeck  (Régiment  de),  II,  165. 
U'aldliauscn,  I,  123  à  125,  209. 
U'aldhirch,   I,    ISl,   238.   241,   246,  249, 

251,    255,    263,    419,    421,    423,    426, 

435. 
U'aldmo$slngen,   I,  196. 
Wall,  II.   146. 
U'iiller  See,  II,   178. 
U'alldorf.  I,  327.  332,  335,  339,  345,  3(iO, 

361,   384,   389,  391,  395,  396,   398  à 

403. 
Wallis  (Régiment  Oliiier),  I,  212. 
Wallis  (Kégimenl  Mich-l),  I,  173. 
U  alpertsl.irc/ien,  il,  90, 
Uiiltcnberg,  II,  10,   13,  14. 
ll'ultenktnisen,  II,   10. 
W aller swe ter,  I,   195. 
Warasdin  (R('giment  de),  1.22»   . 
lUartenherg.   I,   198,   199. 
Wasselonne,  I,  5. 
U'asser,  I,   172,  176,    180. 
Wasserburg,  II,  61  à  63,  68,  87,  89,  90, 

9f,  94,  99,  105,   106,  109,    115,  127  à 

129,  131  à  134,  138,  140  à  142,  145  à 

155,    157  à   lrt2,    163,  206,   219,   224, 

226,  239,  24 i,  242. 
ll'eicliiitg,  II,   155. 
Weier,  I,  195. 
ll'eigheim,  I,  198. 
U'eilier,  1,  332,  360  à  362. 
U'ciler,  I,  393,  397. 
IFeilheim  (~  km.  IV. -0.  de  Tiiltlingen),    I, 

167,  221. 
U'eilheim  (12  km.  S.  de  lAmmer-See).  II, 

54,  76,  78,  106. 
Weiiiberg,  II,  197. 
II. 


lUeingarten,    I,  359,  361,  363,  369,  372, 

375,  377,  380,  386  à  388,  390. 
IVeisenau,  I,  8,  9,  11,  17,  39,  62. 
Wcisingen,  II,  23. 
Weissenburg.  I,  148,  149. 
Weissevfeld,  II,  64,  65. 
U'eistenkirchen,  I,  147,  148,  150. 
Weissenlhal,  I,  365. 
lUeisskirchen,  II,  203. 
Wkilesley,  II,   297,   312,   328,  329,  352, 

375,  383  à  386,  .397,  398. 
ll'els,  II,   108,  115,  187  à  195,  198,  202 

à  204,  206,  212,  215,  219,  249. 
Welsche  (Fort),  I,  12,  41,  43,  48. 
U'elschingen,  I,  217. 
IVtmding,  I,  135. 
Wengenhausen,  II,  77. 
ll/enklieim,  II.  108,  179. 
Wertingen,  I,  153,   154;    II,  35,    38,  77. 
IVcstendorf,  136. 
WestermaiVN,  I,  81,  82. 
Wcslplialie,  I,  114. 
ll'ettcnhiitisen,  II,   15,   17  à   19. 
ll'eyarn,  II,  90,  91. 
VViîVROTHEit,  II,  116,  196,  198,  201. 
IVtden,  I,  291. 
Wieblingen,  I,  412. 
Il'iesbaden,   I,  48. 
Il'iesenthal.  I,  331,  332. 
Wiesloclt,  I,   327,  334,  335,   337,    339  à 
346,  363,  383,  384,  387,  389,  391,  395, 
396,  39S  à  405,  40«,  414. 
U'ildenbuich,  I,  289,  291,  292. 
William  (fort),  II,  349,  3S6    397. 
Winden,  I,  138. 
WilhUitt,  I,  89,  94  à  97,  193  à  195,  264 

à  266,  420. 
U'intertitur,  1 ,  282 à 285. 290,  309, 420,422. 
ll'tttislingen,  II,  27,  35. 
lUohlfarlsweier,  I,  117. 
Wolfach,   I,  195,  196,  254,  260. 
IVolfern,   II,  192. 
WoM',  I,  393. 
WOLF,  II,  50. 
WOLF,  II,  73. 
Wolfangstein,  II,  203. 
ll'olfralslmusen,  II,  53,  55  à  60,   89,  91, 

106,  120. 
U'oUerdingen,  I,  231  à  233,  237. 
U'orgl,  II,   109. 
Il  omis,  I,  6. 
llôtnitz  (la),  II,  77. 
liurm  (la),  I,  118. 
ll'ûrm  (la),  II,  57,  61. 
Uiinn  See,  II,  55,   57. 
Wurtemberg,  I,  379;  II,  4,  119. 
Wurtemberg  (Prixce  de),  I,  368. 

28 


43i.   MÉMOIRES  ET  JOURNAUX  DU  GÉXKUAL  DECAKX 


Wurlembergeois  (Chasseurs) ,  II,   13. 
W,  urtcmbergcols  (Dragons  i,  II,  i2. 
llûrzburg,  II,  115,  191,  :200. 

Yanaon,  II,  270,  20S,  300,  301. 
Ybi,  II,  196,  203. 
U'ynberg,  II,  337. 

Zahlbach,  I,  37,  38. 

Zaisenliausen,  I,  390. 

Zaisering,  II,   1Ô9. 

Znmdorf,  II,  55. 

Zanzibar,  II,  377. 

Zastrow  (de),  I,  25,  50. 

Zach  («.liRON  de),  II,  209. 

Zatzenliausen,  I,   119,  120. 

Ztiskam,  I,  3-48. 

Ze/Z  (dans  la  \allée  de  la  Kinzig),  I,  259, 

262,  2G4. 
Zell  (12  km.  0.-\.-0.  de  Wasserbuig  ,  II, 

146. 


Zcninn  Scliali,  II,  376. 

Zmtheni,  I,  332,  370,  389,  394,  .{!•!!,  401. 

Zieaco,  I,  89. 

Ziegelei,  I,  396. 

Zimmerhof,  I,  368. 

Zimmern,  I,  199. 

Zinneberg,   II,   93  à   95,    106.   120,    121, 

123,   129  à  1.32,  134,  154.  157. 
Zornetlincj,    II,   63,   64,   66,    90,    93,   95. 

120,  121,  123  à  129,   131,    1.52.    1.34  à 

138,   1.39  à    141.    143,    145,   239,   240. 
Zoschingen,  II,  31. 
Zucher.ng,  I,  138,  139. 
Zunstceier,   I,   195. 

Zurich,  I,  282  à  285,  303,  307  à  313.  332. 
Zusam(]a),  I,  136,  153;  II,  15,  77. 
Zusamzell,  I,  153,  154. 
Zusmarshausen,   I,   153;   II,    11,    15.    16, 

69,  77. 
Zuzenhausen,  I,  337,   400. 


TABLE    DES   MATIÈRES 


InTI! 


pages 


ODLCTIOM . 


ARMÉE   DU   RHIN 


CHAPITRE    PREMIER 

Detat'ii  uommé  duisioiiiiaire.  —  Il  succèile  à  Ricliepaiire  à  la  tête  d'une  division 
de  la  réserve.  —  Un  commissaire  des  guerres  Insillé.  —  Vaudamme  et  Gouvion 
Saint-Cyr  quittent  l'armée.  —  Rôle  de  Gouvion  Saint-Cyr  à  Messkirch.  —  Com- 
position et  emplacements  de  la  division  Decaen  le  18  prairial.  —  Le  quartier 
général  à  Rettershausen.  —  Decaen  relève  IMontricliard  vers  Krumbach  et  iMieder- 
Raunau.  —  Debilly  attaqué  à  Deisenhausen.  —  Decaen  péril  143  hommes  à 
Krumbach.  —  Il  se  porte  sur  Ettenbeuren.  —  Combats  d'avant-postes.  —  Decaen 
s'avance  surBurgau.  —  Lecourbe  tente  le  passage  du  Danube.  —  Decaen,  chargé 
de  le  soutenir,  est  irrité  de  ses  procédés.  —  La  division  Decaen  franchit  le 
Danube  à  DiUingen.  —  Succès  des  Français.  —  Decaen  s'établit  à  Obcr- 
Aledlingen 3 

CHAPITRE    II 

Le  6"  chasseurs  enlève  deux  colonnes  d'équipages  autrichiens.  —  L'armée  du  Rhin 
à  la  poursuite  de  l'ennemi.  —  Elle  se  porte  sur  Meresheim.  —  Lecourbe  attaque 
l'arrière-garde  autrichienne.  —  Kray  propose  un  armistice.  —  Moreau  le  refuse. 

—  Decaen,  chargé  d'aller  occuper  Munich,  s'y  rend  à  marches  forcées.  — 
Entrée  de  Decaen  à  Augsbourg.  —  Le  corps  de  Merveldt  refoulé.  —  Debilly 
enlève  Dachau.  —  Les  Autrichiens  se  retirent  vers  Munich.  —  La  population  de 
cette  capitale  se  porte  au-devant  des   Français.  —  Entrée  de  Decaen  à  Munich. 

—  Il  prend  possession  de  la  ville.  —  Ses  égards  pour  le  gouvernement  provisoire 
laissé  par  l'Electeur.  —  Decaen  établit  son  quartier  général  à  A'ymphenburg ....        26 

CHAPITRE    III 

Uorcau  félicite  Decaen  de  son  rapide  succès.  —  Réquisitions  imposées  à  la  ville  de 
Munich.  —  Sur  l'invitation  de  Moreau,  Decaen  retire  une  contribution  en  argent. 

—  Moreau  arrive  à  i\'ymphenburg.  —  La  brigade  Debilly  sur  la  rive  droite  de 
risar.  —  Merveldt  pousse  (iOO  chevaux  à  Parsdorf.  —  Leur  attaque  sur  Riem 
échoue.  —  La  division  Decaen  s'étend,  au  sud,  jusque  vers  Schàftiarn.  —  Mer- 
veldt reste  vers  Oberndorf.  —  L'armée  autrichienne  en  retraite.  —  La  division 
Decaen  passe  en  entier  sur  la  rive  droite  de  llsar. — Mauvais  trailcments  infligé» 

par  les  Autrichiens  à  des  officiers  français.  —  Plaintes  de  Moreau  à  Kray  à  ce  sujet.       49 


436     MEMOIRICS   ET   JOURVAUX    DU    GEXTERAL    DECAE.V 


CHAPITRE    IV 

Le  qiiarlier  i]éi)éral  •lulrichieu  établi  à  Haa'f.  —  '^'"ay  (lemaude  une  suspension 
d'armes.  —  Moreau  l'accorde.  —  .-Irmistice  de  Parsdorf.  —  Satisfaction  des 
troupes  françaises  à  cette  nouvelle.  —  L'armée  du  Rhin  occupe  la  Bavière.  — 
Decaen  reste  à  Munich  où  il  réprime  des  abus.  —  SintfuliiTe  demande  de 
Lecourbe  à  Moreau.  —  Decaen  conseille  à  Moreau  de  la  refuser.  —  .Véanmoins 
Moreaa  cède  aux  instances  de  Lecourbe.  —  Le  «jouvernement  pourvoit  aux 
emplois  vacants  à  l'armée  du  Rhin.  —  Cette  mesure  indispose  .Moreau  qui 
entend  les  réserver  aux  officiers  qui  ont  fait  la  campaijne.  —  Certains  émiffrés 
demandent,  à  rentrer  en  France.  —  On  le  leur  refuse.  —  Emplacements  des 
troupes  françaises.  — •  Renseignements  recueillis  par  Decaen  snr  l'armée  de 
Kray Gti 

CH.IPITRE    U 

Moreau  veut  faire  lever  la  carte  de  la  Bavière.  —  Il  décide  la  formation  d'une  com- 
mission de  routes.  —  Decaen  notifie  cette  décision  an  gouïernement  électoral 
provisoire.  —  Mauvaise  lolmité  des  membres  de  ce  jjouiernemeiit.  —  l.a  mission 
du  commissaire  \eveu.  —  Protestation  du  fjouveruement  électoral.  —  Fermeté 
de  Decaen.  —  Les  membres  du  gouvernera<"nl  électoral  s'exécutent.  —  On  pré- 
Toit  la  rupture  i!e  l'armistice.  —  Decaen  char<jé  de  recoiinaîtie  un  camp  pour 
l'armée  entre  l'Isar  et  l'Inu.  —  Il  rend  compte  de  sa  mission  à  Moreau.  —  Il 
propose  la  position  de  Holieulinden.  —  Ses  raisons.  —  Les  troupes  de  Decaen 
s'établissent  vers  Hell'endorf.  —  L'armistice  prolongé.  —  L'empereur  cède  L'Im, 
Pliilippsburg  et  logolstadt.  —  Renseignements  fournis  par  Decaen  sur  les  .autri- 
chiens. —  La  reprise  des  hostilités  semble  probable.  —  Lue  adresse  somme 
l'Electeur  de  mettre  un  terme  à  la  guerre 82 

CHAPITRE    VI 

Decaen  chargé  de  fournir  de  nouveaux  renseignements.  —  La  guerre  va  recommen- 
cer. —  Des  rapports  précis  et  détailles  ne  permettent  plus  d'en  douter.  —  Pré- 
paratils  des  Auirichiens.  —  Ils  fortifient  la  ligne  de  1  Inn.  —  Emplacemeuts  de 
leurs  troupes.  —  Les  hostilités  doivent  reprendre  le  7  frimaire.  —  Pour  presser 
la  rentrée  des  réquisitions,  Decaen  place  des  garnisaires  chez  dix  notables  de 
Munich.  —  Le  gouvernement  électoral  lui  fait  des  représentations.  —  Decaen  en 
reconnaît  le  bien  fondé.  — Son  irritation  contre  le  commissaire  Mathieu-Faiiers. 
—  Les  troupes  de  Montrichard  appuient  vers  leur  gauche.  — La  diiision  Decaeu 
se  resserre.  —  Les  rapports  annoncent  de  constants  mouvements  des  Autrichiens 
vers  rinn.  —  Le  mécontentement  en  Bavière.  —  On  y  est  disposé  à  un  souléie- 
ment  contre  l'Electeur.  —  Projet  d'une  république  bavaroise  sous  l'égide  de  la 
France  —  On  demande  à  Decaen  de  le  favoriser.  —  Il  refuse.  —  Raisons  qu'il 
en  donne.  —  Moreau  les  approuve,  —  Composition  de  la  diiision  Decaen  au 
!«'■  frimaire.  —  L'aile  droite  française  serre  sur  le  gros  de  l'armée.  —  Légers 
dissenliments  entre  Decaen  et  Debilly 104 

CHAPITRE    VII 

La  brigade  Debilly  placée  en  seconde  ligne.  —  La  légion  polonaise  de  Kniazieuicz 
est  mise  sous  les  ordres  de  Decaen.  —  Reconnaissance  de  Montrichard  sur 
Aibîing.  —  Pointe  poussée  par  Lal'fon  sur  Beihartitig.  —  Les  Autrichiens  sont 
fort  peu  nombreux  devant  Decaen.  —  La  reconnaissance  de  Montrichard  s  ar- 
rête à  un  (|uart  de  lieue  d'Aibling  —  Les  troupes  du  corps  de  Condé  signalées 
vers  Roseuhcim.    —   La  gauche  de   l'armée   doit   se   porter  en  avant   le  10  fri- 


TABLK    DKS   MATIÈRES  437 

maire.  —  L'arrivëe  de  la  légion  polonaise  porte  l'efleclif  de  la  division  Decaen 
à  10000  hommes.  —  Decaen  cliar;|é  de  reconnaître  l'Inu  et  se»  points  de  pas- 
sage. ^  Combat  d'Anipfing.  —  Decaen  sans  noutelles.  —  Son  inquiétude.  — 
Des  ordres  lui  arri\ent  enfin.  —  Cause  de  ce  relard.  —  Decaeu  doit  se  rassem- 
bler sur  Zorneding.  —  Il  se  rend  à  .Auzing  auprès  de  Moreau.  —  Accueil  flat- 
teur de  ce  dernier.  —  Decaen  mis  sous  les  ordres  de  Grenier.  —  Ses  observa- 
tions. —  Il  est  cliaigé  de  suivre,  le  lendemtia,  le  mouvement  de  Richepauce  sur 
Hohenjindeu.  —  (lonliauce  de.n  généraux  français  dans  le  succès.  —  Bataille  de 
Hohenlinden.  —  Rapport  de  Decaen.  —  Decaen  chargé  d'envelopper  la  tète  de 
pont  de  Wasserburg 127 

CHAPITRE    VIII 

La  division  Decaen  investit  la  tète  de  pont  de  Wasserburg.  —  Emplacement  des 
troupes  de  cette  division.  —  Decaen  reçoit  l'ordre  de  se  porter  sur  la  Glonn.  — 
Lecourbe  va  tenter  le  passage  de  llnn.  —  Les  diusions  Decaen  et  Grouchy  sont 
misen  à  sa  disposition.  —  Debilly  observe  Wasserburg.  —  Decaen  se  rend 
d'Ebcrsberg  à  Beiharting.  —  En  attendant  les  ordres  de  Lecourbe,  il  fait  ras- 
sembler sa.  division  dès  le  lever  du  jour.  —  Il  ne  reçoit  des  nouvelles  de  Lecourbe 
qu'à  midi.  —  l^ecourbe  lui  annonce  qu'il  va  tenter  le  passage  de  l'Inn  vis-à-vis 
MeuKfuern.  —  Il  juge  inutile  que  Decaen  le  suive  vers  Meubeuern.  —  Decaen 
se  porte  sur  Aibliiig.  —  Sur  l'ordre  de  Moreau,  il  va  passer  l'Inn  à  Neubenern, 
derrière  Lecourbe.  —  Decaen  chargé  de  se  placer  en  réserve  de  Lecourbe.  — 
Debilly  quitte  la  division  Decaen.  —  Lacour  le  remplace.  —  Lecourbe  marche 
sur  la  Salzach.  —  Decaen  arriie  a  Waging.  —  Moreau  fait  protéger  les  sa- 
lines       152 


CHAPITRE    IX 

Decaen  chargé  de  reconnaître  la  Salzach  vers  Laufen.  —  Son  initiative  est  couron- 
née de  succès.  —  Ses  troupes  franchissent  U  Salzach  à  Laufen.  — -  Le  pont  est 
réparé  pendant  la  nuit.  —  Moreau  à  Laufen.  —  Canonnade  violente  vers  Saizburg. 

—  Inquiétude  de  Moreau.  —  La  brigade  Durutte  sur  la  rive  droite  de  la  Salzach. 

—  Elle  est  dirigée  immédiatement  sur  Saizburg.  —  Combat  d  .-Vuthering.  — 
Decaen  pousse  un  détachement  vers  Seekirchen.  —  Il  est  arrêté  par  la  nuit 
devant  Bergheim.  —  Des  rapports  annoncent  la  retraite  des  .autrichiens  —  Dès 
le  jour,  Muntaulon  se  porte  vers  Saizburg.  —  L'armée  autrichienne  se  retire  sur 
Neumarkt.  —  Decaen  lance  à  sa  poursuite  Laffou  avec  tout  son  régiment.  —  Il 
entre  à  Saizburg  avant  Lecourbe,  et  le  lait  sentir  à  ce  dernier.  —  Durutte 
nommé  commandant  de  Saizburg.  —  Devant  Moreau,  Decaen  se  fait  un  malin 
plaisir  de  coufondre  Lecourbe J6" 

CHAPITRE    X 

Durutte  reste  à  Saizburg.  —  Decaen  suit  Richepauce  sur  Vôcklamarkf.  —  Decaen 
à  Vôcklamarckt.  —  La  poursuite  des  .\utrichiens  continue.  —  Richepauce  i!il- 
bute  leur  arrière-garde  à  Sclivvauenstadt.  —  Decaen  se  dirige  sur  Wels.  —  Combat 
de  Wels    —  Succès  de  Laffou.  —  Decaen  passe   sur  la  rive  droite  de  la  Traun. 

—  L'archiduc  Charles  propose  à  Moreau  une  suspension  d'hostilités.  — •  Decaen 
conseille  à  ce  dernier  de  la  refuser  et  de  marcher  sur  Vienne.  —  Belle  réponse 
de  Moreau.  —  La  marche  vers  l'est  continue.  — ■  Decaen  à  Kremsmiinster.  —  Il 
y   apprend  la   suspension  des   hostilités.  —  Excès  de   confiance  de  Richepance. 

—  Decaeu  à  Neubofen  —  L'archiduc  Charles  tardant  à  répondre,  l'armée  fran- 
çaise continue  son  mouvement  en  avant.  —  Grunne,  Weyrother  et  Lahorie  dis- 
cutent les  conditions  d  un  armistice.  —  Convention  de  Stcyr.  —  Decaen  s  éta- 
blit à  Euns.  —  Il  va  passer  quelques  jours  à  Munich 185 


438     M K MOIRES    HT  JOIRXALX   DU    GKiVEUAL   DEGAE.V 


CHAPITRE    XI 

Uecai'ii  va  voir  Moreiii  à  S,ilzbur;[.  —  Visite  à  la  saliue  de  Hallein.  —  Li  légion 
polonaise  dirigée  sur  Strasbourg.  —  Moreau  et  Decaen  visitent  la  mine  de  sel 
de  Berclitesgaden  —  Une  agréable  surprise.  —  Une  chasse  au  cerf  sur  le  Kônigs 
See.  —  Comment  s'éta;t  conclu  le  mariage  de  Moreau.  — 'Un  on-ilit  tendan- 
cieux.—  Remarques  bles;anlesde  Woreau  sur  la  l'amille  du  Premier  Consul.  — 
Un  propos  de  la  belle-mère  de  Moreau  sur  les  Bonaparte.  —  Decaen  retourne  à 
Euus.  —  L'armée  se  prf'pare  à  rentrer  en  France.  —  On  attend  les  ordres  du 
gouvernement  à  ce  sujet.  —  La  division  Decaen  se  dirige  sur  Munich.  —  Grati- 
licalioDs  accordées  aux  généraux.  —  Durulte  demande  à  rester  à  la  division 
Decaen.  —  Demande  peu  délicate  de  lElecteur  de  Bavière.  —  Sur  les  instances 
de  Decaen,  elle  est  rejelée  par  Moreau.  —  LalTou  refuse  le  brevet  de  général  de 
brigade  pour  conserver  son  régiment.  —  Les  troupes  françaises  vont  repasser  le 
Rhin.  —  Decaen  à  Ulm.  —  Il  se  dirige  sur  Strasbourg  par  Sigmaringeu,  Tutt- 
lingen,  Donaueschingen,  Villingen  et  la  vallée  de  la  Kiuzig.  —  Il  va  rendre 
compte  à  Moreau,  dès  son  arrivée  à  Str.isbourg,  de  l'exécution  des  ordres  qu'il 
avait  reçus ti09 


BOXAPARTiC    ET    DECAEN 


CHAPITRE    PREMIER 

De  Strasbourg,  Decaen  se  rend  à  Paris.  —  Dessolle  le  présente  à  Bonaparte.  —  Sur 
la  demande  de  celui-ci,  Decaen  expose  à  sa  façon  la  bataille  de  Hohenliuden.  — 
Il  fait  ressortir  les  talents  et  la  sagacité  de  Moreau.  —  Moreau  tient  un  conseil 
de  guerre  avant  la  bataille.  —  On  y  prédii  la  victoire.  —  Rôle  de  la  division 
Decaen.  —  Conduite  peu  politique  de  Moreau  à  l'égard  de  Bonaparte.  —  Origine 
des  dissentiments  entre  Bonaparte  et  Moreau.  —  Susceptibilités  et  jalousies  fémi- 
nines. —  Decaen  cherche  à  rapprocher  Moreau  du  Premier  Consul.  —  Singulières 
objections  de  .Moreau.  —  Decaen  les  réfute  avec  sa  brusquerie  et  sa  l'rancliise 
habituelles.  —  Un  dîner  aux  Tuileries  le  14  juillet.  —  De  fougueux  Vendéens  y 
coudoient  de  purs  républicains;  —  Prévenances  de  Bonaparte  pour  les  officiers 
de  l'armi'e  du  Rhin.  —  Appréciations  de  Bonaparte  sur  les  émigrés  et  les  prêtres. 
—  Decaen  lui  cite  un  exemple  frappant  de  restriction  mentale.  —  Il  se  montre 
surtout  hostile  aux  grands  prélats  et  aux  hauts  fonctionnaires  ecclésiastiques  de 
l'ancien  régime.  —  Decaen  exprime  à  Bonaparte  le  désir  d'aller  dans  l'Iude.  — 
Appréciations  de  Moreau  et  de  Bonaparte  sur  Leclerc.  —  Démarche  loyale  de 
Decaen  auprès  de  Bernadotte.  —  Réûexions  de  Decaen  sur  la  perte  de  Saint-Do- 
mingue et  de  la  Louisiane.  —  Moreau  fête  par  un  dîner  l'anniversaire  de  Hohen- 
liuden. —  Decaen  eu  profite  et  fait  une  nouvelle  tentative  pour  le  rapprocher 
du  Premier  Consul 237 


CHAPITRE    II 

Decîcn  nommé  inspecteur  général  d'infanterie.  —  Il  se  rend  à  Lyon,  puis  à  Mar- 
seille. — •  Les  dépouilles  d'un  pape  sous  une  remise  d'auberge.  —  De  Marseille, 
Decaen  se  rend  à  Toulon.  —  Il  a  une  discussion  avec  l'amiral  Emmeriau.  — 
Après  son  insi)ection,  il  rentre  à  Paris,  —  Le  Premier  Consul  lui  annonce  qu'il 
ira  dans  l'Inde  comme  capitaine  général.  —  Decaen  va  saluer  Moreau.  —  Sa 
situation  entre  Bonaparte  et  Moreau  est  délicate.  —  Sa  rectitude  de  conduite  lui 
fait  éviter  tous  les  écueils.  —  Première   entrevue  de   Decaen  avec  Décrus.    — 


TABLE    DES    .MATIERES  439 

Accueil  hautain  que  lui  fait  ce  dernier.  —  Decaen  s"en  plaint  à  Bonaparte.  — 
Sa  deuxième  entrerue  avec  Uecrôs.  —  Decaen  prépare  son  ei[p('dition.  —  11  sou- 
met ses  projets  et  ses  plans  au  Premier  Consul.  —  Composition  de  l'expédition, 
troupe  et  chefs.  —  Decaen  eipnse  à  Dessolle  ses  idées  sur  la  constitution  des 
troupes  indigènes.  —  Ses  propositions  sont  adoptées,  à  quelques  modifications 
près 2.5(> 

CHAPITRF,    III 

On  accélère  les  préparatifs  de  l'expédition.  —  Démêlés  de  Decaen  avec  le  ministre 
de  la  Marine.  —  Decaen  en  appelle  au  Premier  Consul.  —  Il  se  charge  d'emmener 
600  noirs.  —  \'ouTelle  discussion  de  Decaen  avec  Decrès.  —  Decaen  organise  son 
bataillon  africain.  • —  Etat-major  et  fonctionnaires  de  Decaen.  —  Au  cours  d'un 
entretien  avec  Decaen,  Bonaparte  se  plaint  vivement  de  Moreau.  —  Ses  reproches 
sur  la  conduite  de  celui-ci.  —  Decaen  défend  Aloreau.  —  Bonaparte  attribue  la 
conduite  de  Moreau  à  l'influence  de  la  femme  et  de  la  belle  mère  de  celui-ci 
et  aux  conseils  de  Lahoric,  Fresnière  et  Normand.  —  11  semble  encore  porter 
quelque  intérêt  à  Moreau  —  Decaen  lui  insinue  que  Moreau  pourrait  être  facile- 
ment ramené.  —  Uépouse  décourageante  du  Premier  Consul  :  «  C'est  un  sable 
mouvant!  "  —  Cause  du  mécontentement  de  Lahorie.  —  Dernières  tentatives  de 
Decaen  pour  rapprocher  Moreau  de  Bonaparte '118 


DEPART   POUR   L'I.VDE 


CHAPITRE   PREMIER 

InstruclioKS  du  ministre  de  la  Marine  à  Decaen.  —  Ordres  pour  la  reprise  de  pos- 
session des  établissements  français  de  l'Inde.  —  Reconstitution  des  archives.  — 
Renseigiieraents  et  instructions  sur  ces  établis.'^ements.  —  Pondichéry  chef-lieu 
des  possessions  françaises.  —  La  population.  —  Revenus  et  dépenses.  —  Bona- 
parte met  1  800000  francs  à  la  disposition  de  Decaen  pour  la  première  année, 
en  plus  des  revenus  du  pays.  —  Troupes.  —  Fortifications.  —  Bonaparte  pro- 
jette de  faire  fortifier  Pondichéry  et  Karikal.  —  Bâtiments  civil»  et  militaires.  — 
Marine.  —  Commerce.  —  Justice.  —  La  Chauderie.  —  Police.  —  Cultes.  — 
Dispositions  générales 297 

CHAPITRE    II 

Decaen  prend  congé  de  Bonaparte.  —  Instructions  particulières  du  Premier  Consul. 
—  Bonaparte  prévoit  le  cas  d'une  guerre  avec  l'Angleterre  dans  un  avenir  rap- 
proché —  L'adjudant  commandant  Binot  précédera,  dans  l'Inde,  le  gros  de  l'ex- 
pédition (le  Decaen.  —  Instructions  qu'il  reçoit  ds  celui-ci.  —  Decaen  quitte 
Paris.  —  Premiers  démêlés  avec  le  contre-amiral  Linois.  —  Decaen  déclare  au 
préfet  maritime  de  Bre.-it  ([u'il  refuse  de  voyager  sur  le  vaisseau  amiral.  —  Le 
préfet  maritime  tranche  le  différend.  —  Les  troupes  s  embarquent.  —  Ordre  du 
jour  de  Decaen.  —  L'expédition  quitte  Brest.  —  Parcimonie  de  Linois.  —  Les 
troupes  soulïrent  de  la  soif.  —  Decaen  veut  faire  augmenter  la  ration  d'eau.  — 
Ses  instances  auprès  de  LInnis  qui  se  retranche  derrière  le  règlomeut.  —  Linois 
cède  enfin.  —  Arrivée  au  Cap  de  Bonne-Espérance.  ...    300 

CHAPITRE    III 

Decaen  débarque  et  se  rend  au  Cap.  —  Le  gouverneur  du  Cap,  Janssens,  est  en 
voyage  dans  l'intérieur  de  la  colonie.  —   Decaen  va  visiter  les  vignobles  de  Cons- 


440     MKMOIRES    ET   JOIRVAUX    I)L    GEVEKAL   DECAEM 

tance.  —  Les  militaires  ayant  causé  quelques  désordres  à  Simon's  Bay,  Linois 
leur  défend  de  desrendre  à  terre.  —  Dec.ien  trouve  cette  défense  excessive.  — 
Il  prie  Liuois  de  révoquer  son  ordre.  —  Un  rapport  de  Decaen  au  ministre  de 
la  Marine  sur  l'Inde.  —  D'autre»  notes  politiques  de  Decaen  sur  la  colonie  du 
Cap.  —  Nouvelle  d'une  prochaine  rupture  entre  la  France  et  l'.Angleterre.  — 
Cependant  l'ecaen  ne  peut  y  croire.  —  \otes  délaillces  sur  le  Cap.  —  Conquête 
de»  Anglais.  —  Reprise  de  possession  du  Cap  par  les  Hollandais.  —  Rôle  de 
l'agent  anglais  Pringle.  —  Les  fonctionnaires  hollandais.  — ■  Le  capitaine  du 
transport  la  Côtc-d'Or  se  plaint  des  olGciera  passagers.  —  Les  hommes  ayant 
causé  du  scandale  dans  une  escale  a  Ténérii'fe,  Decaen  prie  Vandermaësen  de 
sévir,  —  L'expédilion  quitte  le  Cap  de  Bonne-Espérance.  — •  Les  amours  et  le 
mariage  de  l'évêque  Talleyrand.  —  Lu  amusant  incident  égaie  la  traversée.  — 
Linois  fait  des  économies  sur  ses  pensionnaires  —  L'expédition  en  vue  de  l'île 
de  France.  —  Linois,  se  retranchant  derrière  ses  ordres,  refufe  de  communi- 
quer avec  la  terre.  —  .■\rriv('e  de  Decaen  devant  Pondichéry.  —  La  frégate  la 
/!rllr-/'oule  s'y  trouve  déjà,  mais  encadrée  entre  deux  vaisoeaui  anglais.  — 
liiquiéludes  de  Decaen 323 

C  H. A  PITRE    IV 

Lettre  de  Decaen  au  ministre.  —  Arrivée  à  Pondichéry.  —  Decaen  écrit  au  gou- 
verneur de  Madras  pour  demunHer  I  exécution  des  clauses  du  traité  d  Amiens.  — 
L  escadre  anglaise  se  met  sous  ïr)iles.  —  Elle  mouille  au  lent  de  la  division  fran- 
çaise. —  Arrivée  inattendue  dn  Hélicr.  —  Il  apporte  à  Decaen  l'ordre  de  rallier 
1  île  de  France  en  cas  de  rupture  entre  la  France  et  l'Angleterre.  —  Devant  les 
mesures  que  prennent  les  Anglais,  Decaen  décide  de  se  rendre  immédiatement  à 
l'îie  de  Fiance.  —  Ses  ordres  à  l'adjudant  commandant  Binot.  —  Abnégation 
du  préfet  colonial  Lé^er  qui  abandonae  sa  famille.  —  Les  bâtiments  de  Linois 
échappent,  pendant  la  nuit,  à  la  surveillance  de  la  flotte  anglaise.  —  Arrivée  à 
l'île  de  France.  —  La  Hellr-l'oule  <''cha()pe  auv  Anglais.  —  La  Càtc-d'Or,  cap- 
turée par  eux,  e>t  rendue  —  Difficultés  qu'épionve  Decaen  à  faire  parvenir  ses 
rapports  en  France.  —  i\oiivelles  instructions  à  Binot 3-48 

CHAPITRE    V 

La  mission  de  Cavaignac  à  Mascate.  —  Decaen  veut  rétablir  l'autorité  du  gouver- 
neur de  1  île  de  France.  —  Linois  s'y  montre  assez  peu  disposé.  —  Mesures 
que  prescrit  Decaen.  —  Recommandations  de  Decaon  à  Cavaignac.  —  L'  Unliinle 
transportera  Cavaignac  à  Mascate.  —  Celte  frégate  fera  aussi  une  reconnaissance 
des  côtes  de  l'Inde  et  de  la  situation  politique.  —  Decaen  rend  compte  au 
ministre  de  la  Marine  du  sort  de  la  Côte-d'Or.  —  Pénurie  de  ressources  à  l'île 
de  P'rance.  —  Une  lettre  de  Linois  au  ministre  de  la  Marine.  —  Cavaignac 
chargé  de  faire  parvenir  de  .Mascate  à  Constantiuople  et  à  Paris  des  lettres  de 
Decaen.  —  Correspondance  du  préfet  colonial  Léger  avec  le  ministre  à  son 
arrivée  à  Pondichéry.  —  Correspondance  frliangée  entre  Binot  et  les  .Anglais, 
le  gouverneur  du  fort  Saint-Georges  et  l'amiral  Rainier  et  Decaen 368 

Co.\(ORDA\ci-;  DK.S  cai;vDRiEns  Riii'(  ulicaiv  et  ghkgorik.v 401 

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