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LES
FACETIES DE POGGE
FLORENTIN
I
LES FACÉTIES
DE POGGE
FLORENTIN
TRADUVrioy NOUVELLE ET INTEGRALE
accompagnée des moralitez de Guillaume Tardif
SUIVIE DE LA
DEvSGRIPTION DES BAINS DE BADE (XV^ SIECLE)
ET DU DIALOGUE
UN VIEILLARD DOIT-IL SE MARIER?
Edition annotée, précédée d'une
NOTICE SUR POGGE, SA VIF, SON ŒUVRE, SES TRADUCTEURS
I'\R
PIERRE DES BRANDES
PARIS
' GARNIER FRÈRES, LIBRAIRES-ÉDITEURS
6, RUE DES SAINTS-PÈRES, 6
Vjntversi'fàs"
p(V
LE POGGE"
SA VIE. SON ŒUVRE ET SES TRADUCTEURS
\IK m: POGGIO iUSAlXlOLLIM
Jly avilit déjà cifKj ans que lïiuieur du Decamcron
n'était plus, lorsque naquit le Pogge, « ce Voltaire floren-
tin; » ]»ersonnage grave, érudit, l'un de ceux que l'on a
appelé les « (3ladiateurs de la République des Lettres »,
plus connu pour son recueil de facéties que pour ses autres
écrits et les services signalés qu'il rendit aux lettres. Son
nom n'évoque en efl"et qu'une idée peu morale et la faute en
est uniquement à ce livre de malheur, « or, tout homme ami
de la décence. ditGinguené. trouvera que c'est une puni-
ti-jn assez forte de l'avoir fait, que de n'être connu de la
plupart de leux qui lisent, que par celte débauche d'esprit,
■<piès une vie aussi longue, aussi laborieuse et aussi utile
t. L'u.«ag(.' a j. révalu en France de dire I.c Pofjffe comme on
i\\i I.v Danic, mais Voltaire, en citant ce savant dans son Esmi
sur les Minirs parmi les premiers restauraleurs des lettres, l'ap-
pelle de son nom italien Poggio, après lui Ginguené dans son
Hisfoire lillcraire d'Italie, Ch. Nisard dans ses Gladiateurs de ta
Rifiuhlique des lettres, et bien d'autres, ont conservé la forme
italienne tl nous avons suivi leui- exemple comme absolument
logique.
\ I I.NÏRODI'CTIOIN
aux lettres que le fut celle de l'auteur (1).» Les eompa-
ti'iotes de Rabelais, ceux dont les aïeux, dans le bon vieux
temps, se délectaient des mystères, des fabliaux et des
contes, ceux qui ont savouré les œuvres de La Monnoie,
de La Fontaine, et toutes les productions élégantes, mais
cantharidéesdu dix-huitième siècle, trouverontcejug-ement
un peu trop sévère, rogge.en ce genre, avait de nombreux
devanciers et il a eu depuis de plus nombreux imitateurs.
Si ce n'est point une excuse, on trouvera du moins la justi-
fication de l'auteur en ce qu'il vivait, comme dit La Mon-
noie, '< dans un siècle de bonne foi et d'ingénuité, où il
était permis à la plume d'exprimer ce que le cœur sen-
tait (2). »
C'est dans la petite ville de Terranuova (3) en Toscane,
au pied du massif Cemenlino, sur les rives d'un afiluenl
de l'Arno, que naquit en L3S0, Poggio Bracciolini, dont
le père Guccio(i) Bracciolini exerc^ait les fonctions héré-
ditaires dans sa famille, de notaire grefl'ier dans un petit
village voisin appelé Lanciuolino. (]etle famille était de
souche ancienne et possédait des armoiries « parlantes »:
un dextrochère armé d'un javelot (5). Le nom de Poggio (6)
qui l'ut donné à l'enfanl, était celui du grand-père qui avait
légué à son fils des propriétés assez considérables; mais
soit par son imprudence, soit par des revers, celui-ci eut
le malheur de recourir aux usuriers, qui le saisirent et
\. GiXGUKXK. — Histoire liUéraire dltalie t. :">, ctiap. IX,
p. 321.
;'. La Monnoik. — (Euvres choisies,!. 11, p. [li.
3. Aujourd'hui Terr.inuova-Bracciolini, prêt'. d'Are/.zo.
1. Guccio, corruption d'.inituurio, diminulil" d'.l/TiVyn :
Henri.
5. Partie d'argent à de\tre et de i/ueulcs à senestre au de\-
trochi'M-e (livachinlutii) en avant de gueules et en arrière d'ar-
gent armé d'unjavjlot de gueules [tanteola ,3lvcc un cliefd'azar
chargé de trois fleurs de lys d'or Kistelhuber).
0. P(><j<iin \ient de Podin, corruption du PoiUuh, nom d'un
>aint cMÔque de l''!orencc.
INTRODUCTION VII
l'obligèrent à s'oiiftiir pour échapper à leurs pour-
suites (l), eu eiumcuaul avec lui ses trois enfants dont
une lille, Catharina, qui plus tard, épousa Ghello Dini
do Trojana, d'où sont sortis les comtes dol Maestro (2).
Le siècle des Pétrarque et des Boccace allait bientôt
finir, radieux précurseur d'un siècle plus radieux encore,
et dans toute l'Italie, surtout dans l'Italie libre, s'épa-
nouissait la renaissance des lettres et des arts. P^lorence,
entre toutes les villes, se distinguait par le zèle avec
letjuel elle encourageait les arts libéraux; elle attirait
dans son sein les savants les plus distingués auxquels
elle donnait des traitements considérables, pourenseigner
dans des écoles fréquentées par une foule nombreuse
d'étudiants avides de s'instruire et de se former sous de
tels maîtres, A peine âgé de dix-huit ans, Poggio, déjà
grave, ardemment épris du désir d'apprendre, d'acquérir
celte érudition substantielle nouvellement dégagée du
fatras de l'ancienne scolaslicjue, vint à Florence suivre
les leçons de Giovani Malpaghino, dit Jean de Ravenne,
qui enseignait la langue latine. Ce maître avait été lui-
même le disciple, le secrétaire, le familier de Pétrarque;
pendant quinze années, il avait puisé à cette source vive
les éléments les plus purs de la morale, de l'histoire et de
la poésie.
Poggio se trouva sur les bancs avec quantité de jeunes
gens qui devaient, un jour, inscrire leurs noms dans les
fastes littéraires d'Italie, entre autres PoUa Strozza,
le Méi^L'ne, Leonardo d'Arezzo, Iloberto Ruflio, Paulo
Vergerio, Vincentino, Guarino le Veronais, Omnebuono,
Carlo Aretino, Ambrogio Traversari et Francesco Bar-
ba ro,
.V la même époque, un de ces savants chassés de leur
p.itrie par la chute de l'Empire d'r)rient. et qui vinrent
1. SUEPHERII, J.i'i' (i( l'uijifiii.
2. p. RlSTELHlBER cf..
Mil IM'RUbUCTloN
demander nfi-iye aux universités d'Italie, apportant en
échange renseignement des lettres grecques qu'ils lirent
relleurir magnifiquement, Emmanuel Chrysoloras, se fixa
à Florence où toute l'élite de la jeunesse se pressa à ses
leçons. Poggio fut non seulement son élève, son admi-
rateur, mais aussi son ami. L'amitié tient souvent une
large place dans la direction des études et l'émulation
entraîne également; Niccolo Niccoli étudiait la langue
hébraïque, Poggio ne la négligea pas non plus.
Vers li02, Poggio ayant terminé ses études, à peine
âgé de vingt-deux ans, se rendit à Rome pour y chercher
fortune. Les Inimanistes comme on les appelait, les réno-
vateurs des belles lettres, étaient fort recherchés pour
leur savoir, les formes nouvelles, élégantes de leur art
d'écrire toutes choses, leur conversalionbrillante exempte
de pédanterie; les princes les prenaient pour secrétaires,
leur confiaient des missions. Ils étaient en grande^ faveur
auprès dos Républiques et les papes eux-mêmes, qui con-
tribuèrent au puissani mouvement de la Renaissance,
s'empressèrent de s'attacher les plus brillants de la jeune
pléiade, qui rédigèrent pour eux les actes de la chancel-
lerie pontificale, en une langue dont l'Eglise avait malheu-
reusement oublié les beaulés. En 1402, Poggio fut nommé
p:»r Boniface IX, rédacteur des lettres pontificales, emploi
qu'il conservera pendant plus de cinquante années.
Les secrétaires apostoliques étaient des olliciers du
pape, chargés de rédiger, en latin, la correspondance, les
brefs, et en général tous les actes émanés des souverains
pontifes et portés à la connyissancedes peuples. Us étaient,
s'il faut en croire Poggio, médiocrement rétribués et
gagnaient à peine de quoi vivre avec décence. Quoi-
qu'ils fussent moins à la cour que sur les confins, n'étant
au foml que des employés de cabinet, les secrétaires
apostoliques ne laissaient pas, aux yeux du public, d'avoir
un air de courtisans. Le public pousse en effet très loin
rilliisinii ;'i cet égJird, et pour lui, est homme de cour qui-
imk(»I)1<;tio>' ijt
conque en porte seuleinenl les galons. Aussi payaient-ils
fort clierpour entretenir cette illusion. I^es fonctions plus
relevées fie secrétaire particulier des papes, auxquelles
Pog-gio fut promu ensuite, sous le pontificat de Jean XXIII
et de SCS quatre successeurs, ne le mirent pas plus à son
aise. Il est à présumer, observe Nisard, que les occasions
de faire fortune par l'influence que donne un emploi, et
contrairement aux devoii's qu'il impose, se présentaient
alors quelquefois; mais où elles manquèrent à Poggio,
ou il n'eut pas l'art ou la volonté d'en profiter. Il vécut
cinquante ans dans cet état de domesticité brillante et
d'indigence relative (1); mais il fut estimé, aimé des huit
papes qui se l'étaient légué comme un des acquêts du
patrimoine de Saint-Pierre, et de son propre aveu, il n'en
reçut jamais le moindre déplaisir. Si donc sa vie fut sans
profit, elle fut aussi sans nuages. C'était une compensa-
tion. (2)
On était alors aux heures les plus troublées de l'his-
toire d'Italie, l'anarchie étendait ses horreurs sur le
royaume de Naples, la Lombardie était déchirée par une
foule de petits tyrans, le Milanais, la ^'énétie et même
la Toscane étaient dévastées par le fer et le feu, les Etats
de l'Eglise et les villes indépendantes subissaient les
incursions et le pillage de troupes de bandils armés.
Le schisme d'Occident afîaiblissait plus encore l'autorité
spirituelle de la papauté, que les luttes guerrières n'avaient
Minoindri son pouvoir temporel. Les pontifes proclamés
par les deux partis se livi'aient des assauts qui désolaient
profondément les âmes, envenimaient les passions, rui-
naient la paix générale. Au milieu de ces orages, Poggio
\. « Ses appointement.s étaient si modiques qu'il était sou-
vent obligé d'y suppléer par des travaux particuliers pour
fournir aux dépenses les plus nécessaires. (Ginguenk: cf. p 3()i
PociGi Opcva, cf. p. 32.)
2. Ch. Nisard. — Les (iladiatuurs de la Rrpuhlifiur iU:s iftlva,
t. r.p. ltS-110.
X INTRODUCTION
passa presque calme, tandis que ses amis et ses prulco-
teurs en éprouvaient les néfastes effets.
Sa patrie ayant été mise à feu et à san^- par une incur-
sion de Galeazzo, que l'empereur Winceslas venait <ie
créer duc de Milan. Poggio en éprouva une extrême dou-
leur. A la nouvelle qu'une foule de malheureux habitants
étaient traînés en captivité, il écrivit inin^édiatement, au
.chancelier de Sienne, une lettre toute pleine de In sensi-
liililé de son âme : (1)
(1; « J'aurais désiré que notre correspondance lut provoquée
par un molif tout autre que le malheur d'un homme auquil je
porte le plus viPintérêt, et qui a été emmené prisonnier avec
sa femme et ses enfants, tandis quM était occupé à labourer
mes champs. On m'apprend que ce malheureux languit dans
les prisons de Sienne arec un de ses fils; un autre de ses en-
fants âgé seulement de cinq ans, a disparu et l'on ne sait s'il
est mort ou vivant. Est-il rien de plus épouvantable qu'un sort
pareil? Que tous ces fléaux retombent sur la tète de ceux qui
en sont la cauîu! Mais, hélas! les malheureux laboureurs pâ-
tissent pour les crimes des autres. Quand je songe au triste
sort de ceux pour qui j'intercède auprès de vous, mes larmes
inondent mon papier.
« L^ lamental)le aspect du père, la figure liàvj et pâle de I9
mère, la douleur immense du malheureux fils, présentent à
mon esprit un tableau que je ne puis supporter.
« Ces infortunés ont tout perdu, sauf la vie, et n'ont rien
pour la soutenir. Leurs ravisseurs demandent dix florins pour
la rançon du père et quarante pour celle du (ils. Ils sont sur-
tout, plus dans l'impossibilité de payer cette somme, queja
rapacité des soldats leur a enlevé tout ce qu'ils possédaient, et
si la charité ne vient pas à leur secours, ils seront contraints
de finir leurs jours en captivité. C'est donc avec la plus vive
instance que je prends la liberté de vous recommander le sort
de cette famille infortunée, et je 'vous prie de faire tous vos
efforts pour ([u'elle puisse recouvrer la liberté au plus bjis
prix possible. Si les prières d'un ami peuvent vous toucher, je
vous supplie de nouveau de vous intéressera ces malheureux.
Vous pouvez, par vos soins, obtenir que leur rançon soit ré-
duite. Du reste, quelle que soit la somme qu'il l'aille payer,
j'en ferai l'avance. Je compte sur mon ami Pietro pour vous
seconder si cela est nécessaire. Je vou.* prie en outre, de me
l.MIUlUUt TIMN \I
.S'isolaiil ;iii milieu des sédiutions de la coui", par suito
df la modicité de ses ressources, qui opposaient aux plai-
sirs une barrière infranchissable, |)eut-étre aussi parce
(jue son caractère l'en éloignait, Poggio consacra ses loi-
sirs à Tétude et à la fréquentation des personnes dont la
conversation pouvait éclairer son esprit, et lui faire acquérir
les qualités aimables de l'homme du monde.
Son premier protecteur, Boniface IX, étant mort le
l" octobre 14o». Poggio trouva la même faveur auprès de
son successeur, Innocent VII, qui lui témoigna plus d'une
fois sa bienveillance. Le secrétaire profita de sa situation
pour faire connaître au Pape l'étroite amitié qui le liait
à Leonardo Bruni d'Arezzo, un camarade d'études, à Flo-
rence. Prévenu par Leonardo lui-même du désir qu'il
avait d'obtenir des fonctions dans la chancellerie du Saint-
Siège, Poggio s'attacha aussitôt à vanter continuellement
les mérites de son condisciple; il crut ne pouvoir mieux le
faire connaître, qu'en communiquant les lettres qu'il re-
cevaitdelui,aux différents personnages qui, par leur rang
ou leurs fonctions, approchaient le plus de la personne du
pape. En effet, ces soins constants d'une ingénieuse
affection, firent enfin parvenir jusqu'à Innocent, le nom
de Leonardo, et le pontife, favorablement disposé pour un
homme dont l'éloge retentissait de tous côtés, ordonna de
luiécriredeserendreàRome; ily arriva le2i mars 1405 1 .
Mais l'accueil (|u'il verni du pape, lorsqu'il fut admis en
sa présence, quoique favorable à certain s égards, le plongea
dans une amère déception. Le souverain pontife lui déclara
en présence de la cour, qu'il paraissait réellement avoir
toute lacapaciténécessairepour les fonctions qu'il désii ait
faire savoir ce que vous pouvez laire, ou, pour mieux dire, de
ce que vous aurez fait; car je .suis persuadé que vous voudrez
tout ce que vous pouvez. Je me hnle de Unir cette lettre, afin
d«! ne pas prolonger la captivité de ceux que je vous recom-
mande. »
1. Leonardo Areïiso : Mrhi rila, p. 31.
Ml IMROUrr.TION
remplir, mais que l'extrême discrétion qu'elles exigeaient
était presque incompatible avec sa grande jeunesse. La
vérité était que Leonardo avait un concurrent émérite,
Jacopod' An gelo, son ancieni'i val à l'université de Florence,
mais de beaucoup plus âgé que lui et, peut être aussi,
mieux à la cour, où il était connu depuis plusieurs années.
Poggio prit une part très vive aux chagrins de son ami.
Sur ces entrefaites, le pape Innocent ayant reçu des lettres
du duc de Berry, qui exigeaient une réponse dans des
formes toutes spéciales, prit le parti d'ordonner à chacun
des compétiteurs de rédiger des projets qui seraient lus
et examinés par une commission spéciale. Or, il arriva
que les rédactions de Leonardo réunirent tous les suffrages ,
le pape, abandonnant ses premières préventions, accorda
aujeune homme, l'emploi de rédacteurdes lettres pontifi-
cales ; cette communauté d'occupations unit encore davan-
tage Poggio et Leonardo dans une intimité sans nuages,
que la mort seule, après de longues années, vint inter-
rjmpre (I).
Innocent VII étant mort au commencement de l'année
l'iOe, la lutte reprit entre le pape d'Avignon, Benoît XIII,
Ift nouveau pape romain Grégoire XII, et les cardinaux qui
nant à peine d'élire ce dernier, s'empressèrent de le
il(''poser pour le remplacer par un troisième pontife qui
])v\l le nom d'Alexandre V. Les employés de la chancel-
lerie romaine consultant, les uns leurconscience, les autres
leurs intérêts, suivirent les cardinaux ou restèrent lidèles
à Grégoire. Leonardo fut parmi ces derniers tandis que
Poggio. se tenant dans une prudente réserve, en ne prenant
parti ni pour l'un ni pour les autres, se retira à Florence
et se lia étroitement avec un autre érudit, Niccolo Niccoli.
Poggio reprit bientôt ses fonctions près d'Alexandre V
avec son ami Leonardo, qui s'était à son tour, retiré à Flo-
rence, où il exerça momentanément les hautes fonctions
1. ShKI'IIERD. cf.. cil. 1.
INTfioDlCTK» Xlli
de chan clier, Tandis que Poggio se continait dans le céli-
l):d, Loonardo épou>ait une jeune iille de qualité de son
pays. Ce mariage lui attira une foule de plaisanteries de
la part de ses amis, qui s'ég"ayèrentfortà son sujet. Poggio
lui écrivit tout ce qu'on disait à Rome et, sur un ton iro-
nique, il lui demanda son opinion sur le mariage d'après
sa récente expérience. Leonardo lui répondit aussitôt sur
le ton d un homme fort satisfait de son nouvel état, non
sans se plaindre toutefois des frais de la noce :
(( Il est incroyable, lui mande-t-il, combien il on coîite
pour se marier. J'ai épuisé, pour les repas de noce,
le marché, les boutiques des pâtissiers, des confiseurs,
des marchands de volailles et de gibier; mais tout cela
n'est encore rien auprès de ce qu'il m'en a coûté pour l'ha-
billement et la parure de ma femme; c'est une dépense
(jui n'a pas de bornes. Do sorte que j'ai, dans une seule
nuit, consommé mon mariage et dépensé tout mon
bien » (1).
Le nouveau marié prenait non seulement en bonne
part les plaisanteries de ses amis, mais il ajoutait encore
sa bonne humeur à leur gaîté maligne; car il ne passait
pas pour généreux; peut-être n'était-il qu'économe à une
époque où l'on se plaignait, non sans raison, de la trop
grande dépense qui se faisait d'ordinaire aux noces.
Mais des événements autrement importants allaient
troubler de nouveau la quiétude des employés pontificaux.
Jean XXIII, sur l'insistance de l'empereur Sigismond,
s'était enfin décidé à convoquer, à Constance, le concile
œcuménique qui devait mettre tin au schisme d'Occident,
extirper les hérésies et rétablir la discipline dans l'Eglise,
(l'est à regret et avec de noirs pressentiments, que
Jean XXIII quitta Rome pour se rendre à Constance, où
il arriva le 28 octobre 1*14, accompagné de la plupart des
oiUciers de sa cour, parmi lesquels se trouvait Poggioque
1. Lei.nakd") AReriMi, Melii riln : Eiii^loho IIJ,
XIV IMRODUCriON
Leonardo vint rejoindre deux mois plus lard, car il av.iit
pris le chemin des écoliers, par les Alpes et le lac «le
Constance.
A peine Jean XXIII fut-il arrivé, que l'empereur Sigis-
mond l'engagea, pour mettre fin au schisme, à résigner
la tiare sous la condition que ses compétiteurs feraient de
même. Jean, tout en déclarant qu'il était prêt à le faire,
opposa tous les moyens dilatoires qu'il lui fut possible
d'employer, puis enfin céda, conti-aint et forcé de lire
l'acte de sa résignation en plein concile. Ne se croyant
plus en sûreté, il prit le parti do s'enfufi- secrètement de
Constance avec la connivence du duc d'Autriche. A cet
effet, le duc imagina de donner un grand tournoi, le
20 mars 1414, et tandis que la pompe magniiiqne de cette
fête occupait tous les regards, Jean sortit de la ville,
déguisé en postillon, s'alla réfugier en Suisse, d'où il
adressa au concile des protestations et des demandes que
les pères ne purent que rejeter, tant elles étaient peu
admissibles et même raisonnables.
Cet événement donna à Poggio des loisirs forcés, que
vint douloureusement troubler la mort de son maître
Chrysoloras qui assistait au concile en qualité de délégué
de l'empereur d'Orient. Poggio prononça l'éloge funèbre
de cet homme éminent, et composa une pièce de vers en
son honneur.
Il vit brûler Jean IIus et Jérôme de Prague ; dans une
longue lettre à son ami Leonardo, qui avait regagné sa
ville natale, il raconte en détail le jugement et le supplice
de Jérôme, dont il admire l'éloquence et l'intrépidité, il se
fait l'écho des invectives de l'hérésiarque contre le luxe,
la corruption et tous les abus de la cour de Rome.
Son paganisme, ou, pour mieux dii-e, son indifférence
absolue en matière de religion, dit Louis Pastor, ressort
d'une façon indiscutable du texte de cette fameuse lettre.
Il y parle de Jérôme dans les termes les plus élogieux,
mais il faudrait bien se garder de conclure, de in, fjiril
INTRODUCTION XV
partagea les opinions de cet infortuné; loin de là, le mot
do martyre n'avait pas pour lui plus de sens que celui
d'hérésie. Ce qui provoque uniquement sou admiration,
c'est le courage dont Jérôme a fait preuve devant la mort,
ce courage lui rappelle (]aton ou Mucius Scœvola, et il
constata que le condamné a parlé devant le concile avec
une éloquence qui approchait des plus beaux exemples
de l'antiquité. De la sentence de l'autorité ecclésiastique,
il ne dit pas un mot; tout au plus exprime-t-il, en pas-
sant, un regret de ce qu'une si noble intelligence ait
donné dans l'hérésie, « si toutefois, ajoute-t-il, ce qu'on
lui reproche est véritable ». Mais ce doute ne le tourmente
pas longtemps, et il continue du ton le plus détaché: « il
ne m'appartient pas de porter un jugement en cette
matière; je me tranquillisais en m'en remettant à celui
des hommes qui passent pour plus sages » (l).
Leonardo effrayé du ton d'indépendance de cette lettre,
peut-être plus effrayé pour lui-même que pour son auteur
qu'elle compromettait bien davantage, s'empressad'écrire
à son ami une verte semonce, plutôt qu'un charitable
avertissement :
n J'ai reçu avant hier, par Barbaro, votre lettre sur le
jugement de Jérôme de Prague; j'en admire l'élégance,
mais vous semblez donner beaucoup plus de mérite aux
talents et au caractère de cet hérétique, que je ne l'aurais
voulu : vous ne manquez pas, il est vrai, d'y^joindre fré-
quemment des restriction s convenables, mais vous montrez,
somme toute, une trop grande sympathie pour sa cause, et
je crois de mon devoir de vous engager à vous exprimer,
dorénavant, avec beaucoup plus de circonspection sur de
semblable matière » (2).
Malgré l'exemple du bonheur conjugal de son ami Leo-
nardo, Poggio restait inébranlable dans son état de céli-
1. L. PyvsTOR, Histoire dea Papes, liifrotluctioii, p. 37-3S.
V. Leonardo Abetino, Epistola IV,
\vi lîSïRODUCTION
bat. s;if!s pour cela s'astreindre à une rigoureuse conti-
nence, comme on le verra plus tard. Un autre de ses amis,
Guarino de Vérone, essaya de leconvertii-en lui envoyant
le Traité du Mariage {l), que venait de publier Francesco
Barbaro, mais le célibataire endurci répondit à cette spi-
rituelle persuasion :
« Je vous remei'cie, mon cher Guarino, du petit volume
que vous avez bien voulu m'envoyer, ma reconnaissance
serait sans bornes si j'avais envie de me marier, mais je
vous avouerai que la lecture de ce traité m'a ôté le peu
d'inclination qui me restait pour cet état. Gomment
se flatter de trouver une femme qui réunisse toutes
les qualités qui rendent une épouse accomplie? Ce-
pendant, trêve de plaisanterie, aussitôt que j'ai reçu
l'ouvrage, je me suis mis à le lire; le sujet m'en a paru si
original, le plan si bien conçu et le style si heureux, que
j'en ai achevé la lecture le même jour. Je l'ai relu ensuite
avec plus d'attention; c'est un travail que l'auteur a su
rendre fort piquant par les anecdotes qu'il cite ; le charme
de sa composition m'a ravi; à mon avis, ce traité mérite
de figurer à côté des Offices de Cicéron. Vous savez que
je ne sais pas complimenter, et que je dis toujours exac-
tement ce que je pense : on y distingue une noble éléva-
tion de pensées, qui convient à l'homme le plus grave;
exhortez donc Barbaro à cultiver un talent dont les pre-
miers fruits sont si délicieux » (2).
Quand Poggio sera « un vieillard ", on le verra rai-
sonner autrement sur le mariage.
Guarino communiqua cette lettre à Barbaro qui, très
sensible aux compliments d'un homme qu'il prisait si haut,
s'empressa d'enli-er directement en lelation avec Poggio.
C'est Barbaro qui lui suggéra l'idée d'aller fouiller les
vieilles bibliothèques des monastères, ))our y rechercher
1. De re uxoria.
1. VofiQ] Opéra (Iradnit par Shkphebd : l,ifc of Pi>(]fl<a.)
INTRODUCTION XVII
de précieux maiiuscrils. et que Poggio se liâla de meltre
à exécution, dès les premiers jours du printemps. Ni la
rigueur de la saison, ni l'état déplorable des routes ne
purent le détourner de son dessein; avec une persévérance
et une activité étonnantes, il se rendit plusieurs fois aux
lieux qui lui avaient été signalés comme devant contenir
les objets de ses recherches. Son zèle infatigable fut ré-
compensé par la découverte d'un grand nombre de manus-
crits des auteurs classiques, que les admirateurs de l'an-
tiquité désiraient en vain depuis longtemps. Sa principale
expédition fut à la célèbre abbaye de Saint-Gall, en
compagnie de ses amis et collègues, Cincio Kustico et
Barthélémy de Montepulciano. L'abbé, qui était alors
Henri de Gundellingen, accueillitlesvoyageurs avecbien-
veillance et leur ouvrit, non seulement la bibliothèque,
mais encore une tour dans laquelle on avait transporté un
grand nombre de livres, tant à cause de l'incendie qui
détruisit presque tout Saint-Gall, en 131i, qu'à cause des
troubles qui désolaient depuis longtemps le pays (1).
D'après le récit de Cincio, les irois explorateurs trou-
vèrent dans la bibliothèque, les trois premiers livres et la
moitié du quatrième des Argonautiques de "Valérius
Flaccus, l'abrégé de huit discours de Cicéron, par Asco-
nius Pedianus Laclance : de utroqiie Iiomine ; l Architec-
ture de Vitruve, le Commentaire de Priscien sur Virgile,
et un livre écrit sur écorte. « Celui-ci, dit Cincio, bien
qu'il contint des caractères peu lisibles et fort incomplets,
je le pressai sur mon cœur avec vénération à cause de son
âge. >i Quant à Poggio, il raconte qu'il trouva dans la tour,
un Quintilien entier, mais souillé d'ordures et de pous-
sière (2i. Il mentionne aussi Flaccus et Pedianus, dont les
manuscrits étaient comme ensevelis dans des cachots
1. Weidmann, (rcsrhichie dn- Bibliollick vo)i S. Gallen, 1841.
d'après P. Rislelhuber.
Z. Quelques auteurs ont prétendu à tort qu'il avait trouvé le
O'iiiiliJirri chei un ciiarcutier de Con^tance.
XVIII INTRODUCTION
obscurs et humides, au fond d'une tour où l'on n'aurait
même pas, selon son expression, voulu jeter des crimi-
nels condamnés à mort (1). L'abbé de Saint-Gall, peu sou-
cieux de ses trésors, laissa Poggio et ses amis emporter
tous les manuscrits qu'ils voulurent, et le chroniqueur
Riiliner parle même de deux voitures pleines, qui furent
dirigées sur Constance.
Encouragé par ses amis et mis en goût par les résultats
heureux de ses premières recherches, Poggio continua de
voyager en Allemagne et en France, fouillant les réduits
les plus secrets des couvents. C'est dans un de ces voyages
qu'il découvrit à Langres, chez les moines de Cluny, le
discours de Cicéron pour Cœcina, qu'il se hâta de tran-
scrire pour l'envoyer à ses amis. Les vieux auteurs qui
doivent leur résurrection aux laborieuses recherches de
Poggio, sont en si grand nombre, que l'on pourrait presque
dire qu'il a ressuscité la littérature antique. A ce métier,
il usa sa santé et appauvrit sa bourse car, d'un côté il dut
suffire seul à la besogne, par suite delà maladie qui rete-
nait Bartholomeo de Montepulciano, et de l'autre, payer de
sa bourse et ses dépenses personnelles et celles de Nico-
las de Trêves, qu'il employait à des recherches dans les
monastères d'Allemagne, où il ne pouvait se rendre lui-
même (2). Ce ne fut cependant que l'eiïet d'un moment,
car, toute sa vie, il se passionna pour la recherche des
vieux textes, dont la découverte faisait sa joie la plus
pure ainsi que le bonheur des humanistes ses contempo-
rains, presque tous ses amis et ses admirateui's.
Entre temps, pour se reposer et reprendre haleine,
Poggio fit une excursion aux bains de Bade, pendant l'été
delH5, etil écrivit à cette occasion à son ami Niccolo
Niccoli, une lettre, véritable tableau des mœurs des cités
1. P. RisTELULiiKR. l^cs coulcs (h Poffijv, ïnlrod. 7-9.
2. Nicolas do Tn-v, s trouva entre autres dou/e comédifts de
Plaulf.
INTRODIXTION XI \
balnéaires allemandes au coinnienceineiit du (luiiiziéiiie
siècle (1).
« Celte scène de mœurs fort piquante, dit Antony
Mei'oy (2), nous oiïre une nouvelle preuve de l'instabilité
de la mode. Le Bade qui lui sert de cadre, n'est pas celui
où l'on allait naguère exposer sa bourse, bien qu'il soit,
comme lui, placé à quelques milles des rives du Rhin.
Au temps où le Bade actuel n'était encore qu'un maigre
village, celui dont parle Pogge était la capitale assez opu-
lente d'un petit comté allemand devenu suisse, et englobé
maintenant dans le canton de Zuri("h. Si la faveur publique
a changé le lieu de ses récréations thermales, cette des-
crii)li()n nous apprend qu'au moyen âge déjà, les bains
étaient un simple prétexte de distractions. Baden-Baden
était hier encore, on le sait, un rendez-vous de chercheurs
et de chercheuses d'aventures, une exposition perma-
nente de personnages plus ou moins officiels, plus ou
moins célèbres, et surtout un vaste salon de jeux.
« Les baigneurs de Bade-llelvétie étaient surtout, au
dire de Pogge, des gens pleins de sanlé. en quête de sen-
sations d'amour et de voluptueuses impressions. Les
amants, les galants, les femmes sensuelles, les stériles
aspirants à la fécondité, celles qui désiraient montre;' leurs
étolfes d'or et d'argent, et les formes que celles-ci revo-
taient, s'y rendaient en foule. Au milieu de ces réunions
bruyantes et avides de plaisirs, quelle figure auraient pu
faire des malades et des infirmes"? Les pauvres diables
(|ui cherchent la santé du corps se trouvaient là, comme
dans tous les bains adoptés par la mode, en très faible
mintM'ité. »
Bien que la ville de Constance, pendant la durée du
1. La traluclion de cette let'.re est à la suite des Facclies.
V. Anfonin Meray. Introduction à sa traduction delà lettre
de Po2:ge : Les bains de Bri'le. — Eililion I. Lisenx.
XX INTRODUCTION
Concile, ail été absolument transformée (1), que les plaisirs
et les distractions de toutes sortes s'y fussent donné
rendez-vous, il ne paraîtra pas étonnant que sur l'immense
quantité d'étrangers venus là, ils s'en soit trouvé un très
grand nombre qui aient éprouvé le désir de s'aller distraire
en un lieu aussi pittoresque que Bade, "attirés surtout par la
renommée des mœurs éti'anges de cette station balnéaire.
Les gens d'églises, cardinaux, prêtres, moines, comme
les grands seigneurs, les mondains et les soudards, fré-
quentèrent assidûment les eaux de Bade, se souciant fort
peu de l'opinion publique, qui n'avait pas alors les préju-
gés et la morale d'aujourd'hui.
1. La Liste des membres du Co)nih' et des autres élraïujers fjui se
trouvèrent alors à Constance, par Gebhard Daciier, comprend :
princes, députés, chevaliers, etc., l'.30(); prélats, prêtres, théo-
logiens, 18.000: laïcs, 80.000, dont : orfèvres, ^55; marciiands
détaillants, 330; banquier.^, 242; cordonniers, 70; pelletiers, 48;
apothicaires, 4'i: forgerons, 92; confiseurs, 7.5; boulangers, 250;
cabaretiers pour les vins d'Italie, 83; vivandiers, 43; changeuri
de monnaie, 48; tailleurs, 228; hérauts d'armes ou crieurs
publics, 65; Boutïons, bateleurs, jongleurs. 340; barbiers, 306;
courtisanes, environ 700.
Mais à propos de ce dernier article, Daclier ne fait mention
que des femmes dont il put trouver la demeure. La Liste de
Vienne porte le chiffre des femmes publiques à 1.500 ('). En
dehors de ces femmes qui faisaient ouvertement leur commerce,
il y en avait nombre d'autres que leur situation ou leur pudeur
relative retenaient dans l'ombre. Du reste, le commerce de
la galanterie allait très bien, et si les bouquetières s'enrichis-
saient en vendant une fleur de lis un 5ol, trois roses un sol,
un ciloyea de (constance put s'acheter une maison, après avoir
vendu sa femme 500 ducats aux employés de la chancellerie du
Roi def Piomains ('*) et certaines courtisanes pouvaient se
retirer avec 800 florins d'économies ('*').
C) Itetn XVC Mereirices raçiabiiiidœ. (Liste de Vienne).
(**} Llem (juidam eicis ('ousta)itiencis rendidit u.rorem suam can-
cellariis Jieqis pro VC ducutis, pro (fuilnis pecuriiis euiit domum.
(Ibid.).
(***J Item dicitur. (jinul ini't iiie)rtrir lurraln est VHIC porenos
(Ibid.)
hNTRODlCTlON \X1
Le uouveau souverain pontife, Martin V, ayant levé les
séances du Concile le 22 avril 1418, à la satisfaction gé-
nérale, quitta lui-même Constance le Ki mai suivant;
Poggio l'accompagna dans ses pérégrinations, car en
raison des troubles qui régnaient alors dans ses Etats, il
fut impossible à ce pape de regagner la Ville éternelle.
Martin V se dirigea d'abord vers SchalTouso etprit ensuite
la route de Genève, où il arriva le 17 juin: le 12 septembre
seulement il en repartait, traversait les Alpes et venait
successivement, s'établir à Milan et à Manloue.
Poggio, qui ne paraît pas avoir eu, alors, d'emploi à la
cour de Martin V, sortit inopinément de Mantoue avec
une telle précipitation, qu'il ne dit même pas adieu à se
amis les plus intimes. Un silence mystérieux, et sans
doute motivé, cache les véritables motifs de sa résolution ;
peut-être eut-elle pour cause le chagrin de voir complè-
tement évanouies toutes ses espérances de fortune; peut-
être aussi, fut-il réduit à prendre la fuite pour se soustraire
aux persécutions qu'aurait pu lui attirer la liberté de ses
opinions sur les alïaires de l'Eglise et à propos de laquelle
son ami Leonardo lui avait donné de si salutaires avis(l).
Poggio se réfugia en Angleterre auprès de Beaufort,
évêque de Winchester, qu'il avait connu à Constance. Ce
prélat, connu sous le titre de cardinal de Beaufort, parent
du roi d'Angleterre, jouissait d'une prodigieuse fortune.
Il avait engagé Poggio à le venir trouver, lui promettant
monts et merveilles et il ne lui donna qu'un maigre béné-
fice, ne s'occupa nullement de lui, soit qu'il n'en eut pas
le temps, soit plutôt, qu'il n'en eut pas la volonté. Seul,
éloigné de ses amis, dans un pays de mœurs indilTérentes,
privé de livres, n'ayant rien pour lui rappeler sa chère
antiquité, Poggio, abreuvé de dégoût et dévoré d'ennui,
s'éloigna bientôt de ce pays barbare, revint au gai soleil
1. Shepiibud. cf. p. 1 l;î.
XM! InTRODUCTIOIV
de l'Italie et finit par recouvrer sa charge de secrétaire
auprès de Martin V, vers la fin de 1420.
Poggio dit lui-môme (l), qu'il obtint la place sans trop de
dilTicullé et l'on s'est demandé comment Martin V, qui se
montrait d'ordinaire très sévère à l'égard de ses subor-
donnés sur le chapitre des mœurs et de la tenue, ait pu
prendre à son service « un libertin de cette espèce.»
C'est que ce pape était comme Innocent VII, épris des
belles lettres, qu'il avait le culte de la science, des arts
et de la paix. Il ne pouvait, en conséquence, oublier que
Poggio avait été le rédacteur de la bulle remarquable
lancée le !«'' septembre 1406, par laquelle Innocent faisait
connaître sa volonté de restaurera Rome, les études des
sciences et des arts libéraux, dans cette Université fondée
par Boniface VIII. Le style général de cette bulle et par-
ticulièrement l'éloge de la ville éternelle qui la termine
sont du plus pur style humaniste. « Il n'est pas sur la
terre, y est-il dit, de ville plus illustre ou plus noble que
Rome, de ville où les études que nous voulons restaurer
ici, aient joui d'une égale splendeur; car, c'est ici que la
la littérature latine a été fondée, que le droit civil a été
pris par écrit; c'estici que les nations l'ont reçu; ici est
également le siège du droit canon. C'est à Rome qu'a été
créée toute philosophie et toute doctrine; c'est tout au
moins Rome qui en a hérité des Grecs. En conséquence,
si d'autres villes enseignent des sciences étrangères,
Rome n'enseigne que sa science propre » (2).
Le premier soin de Poggio en rentrant à Rome, fut de
renouer avec ses amis toutes ses anciennes relations
d'autrefois et d'en resserrer même plus étroitement les
liens. Tous les jours, leur ennuyeuse besogne terminée à
la chancellerie, ils se divertissaient dans des conversa-
tions dos plus légères. Celte réunion se tenait en un lieu
1. PooGitj. Epistol. édit. Toaelli t. 1, p. 87.
2. PAfciou cf. t. I, p. 206.
lîVTRODIOTION XXI II
habituel, que par une sorte d'efTusion, de fiaiichise, ils >
appelaient le Bugiale, c'est-à-dire fa forge aux men-
songes (1). C'est là que furent contées les Facéties que
l'of^gio réunira plus tard en volume, après les avoir ;
écrites au jour le jour, en latin, pour se faire la main, se \
perfectionner dans la langue de Gicéron, de Térenceetde '
Piaule. ^
Une autre réunion, composée de Oianozzo Monelti, /
Giovani Aurispa, Gaspard deBologne, Leonardo et Carlo
d'Arezzo. Poggio et d'autres savants en grand nombre,
avait lieu en plein air soir et matin, près du palais du
pape, on y discutait amicalement sur toutes les questions
de littérature. Régulièrement, on y voyait arriver en hâte
monté sur un mulet, accompagné de deux serviteurs,
chargés de livres achetés en route, Thomas Parentucelli,
secrétaire du cardinal Albergali. Jeune, il offrait déjà le
type du vieux savant bouquineur et discoureur. De ma-
nières fort simples, il ne s'occupait guère de sa personne
et des usages de la cour, tout l'argent qu'il pouvait se
procurer était dépensé dans ses fréquentes visites aux
boutiques des libraires; aux heures de loisirs, il se ren-
dait aux réunions des humanistes ou aux séances de l'aca-
démie deSan-Spirito. A peine descendu de son mulet, il
entrait avec vivacité dans la discussion littéraire com-
mencée par les beaux esprits, ou la controverse philoso-
phique et théologique de gens doctes et pieux.
Poggio profita du calme politique pour continuer ses
études de la langue grecque, entre autres, et pour rédiger
divers ouvrages, particulièrement son Dialogue sur
l'Avarice, qu'il dédia, en 1429, au cardinal Prosper
Colonna, neveu du pape.
Dans ce dialogue, Poggio donne lii)re cours à sa haine
contre les moines. Du moment que, lui, lettré, érudit,
amateur des arts, a jugé que les moines sont ignorants,
!. Buqiale, dérivé de l'italieu burjia, nieûsonge.
XXIV INTUOiJUtTlOiN
grossiers, sans amour pour l'antiquité, ceux-ci niéritenî.
plus que son mépris et il leur adresse ses rudes invec-
livt'S. Il ne trouve pas d'expressions assez acerbes, assez
blessantes, pnur flétrir Thypocrisie, l'avarice, la suffi-
sance, l'immoralité des moines; il les poursuit des traits
de sa satire et de son ironie, il les en crible à tous propos,
sans qu'on sache trop pourquoi, dans ses lettres, ses
harangues, ses traités; rien n'égale en violence, les injures
à leur adresse accumulées dans ses dialogues sur l'Ai'n-
rice et sur la Misère hmnaine.
Or, si les moines savaient on quel estime le secrétaire
du pape les tenait tous, Poggio n'ignorait pas que ceux-ci
avaient, pour ses théories païennes et le dérèglement de
ses mœurs, le plus profond mépris.
En 1431. Eugène IV succède à Martin V. Le nouveau
pape était un homme saint et ami des lettres, il promit
en ceignant la tiare, de réformer la cour pontificale dans
son chef et dans ses membres ; il fit beaucoup, mais ne
put tenir toutes ses promesses, Poggio et ses compagnons,
malgi'é le peu de moralité de leurs mœurs et de leurs
écrits, restèrent à la Curie où l'on avait besoin de gens
aussi experts dans les lettres.
Malgré le mérite personnel d'Eugène IV, son pontificat
ne fut pas heureux. Une sédition excitée cà Rome, obligea
ce pape à s'enfuir, il ne put même s'échapper que par
une espèce de miracle, déguisé en moine et monté sur une
petite bîîrquo qui, descendant le Tibre, le conduisit à
Oslie, de là il se retira à Livourne et (inalement à Flo-
rence,
Dans le tuiuulte, les serviteurs du pape se dispersèrent ;
chacun d'eux pourvut à son salut en consult;int la pru-
dence ou la crainte. La plupart se i-éfugièrent .sur de
légères barques côtières, dans l'intention de rejoindre
leur maître, mais leur naAigation fut malheureuse ; ils
l'.uiibèrent presejue tous dans les mains d'impitoyables
pirates corses, qui volèrent leur argent et tout ce qu'ils
INTRODUCTION \XV
enipurtaienl. Les ulliciers du Sniiit-Siège, qui so rtiiidireiit
par terre à Florence, éprouvèrent d'auti-es dangers. Pug-
gioeut le inallieur de rencontrer une troupe de soldats de
Picciniao qui l'onunena prisonnier, dans l'espoir d'extor-
i}uer de lui, pour sa rançon, une somme d'argent considé-
rable. Dès que la nouvelle en lut connue en Toscane, ses
amis et particulièrement Ambrozio Traversari, prirent le
plus vif intérêt à son infortune; ce dernier recourut à
Francesco Poppio pour lui faire rendre la liberté, sans
ranyon.par son entremise; mais ces démarches ne réussi-
rent pas, les grossiers et farouches soldats qui le rete-
naient, furent sourds à toutes prières; probablement
même, que le vif intérêt qu'excita leur prisonnier, leur
lit hausser le prix de sa délivrance. Poggio voyant qu'il
ne sortirait de prison qu'à prix d'argent, paya la somme
exigée de lui, et qui était très onéreuse relativement
au modique élat de sa fortune, puis il se rendit à Flo-
rence. (1)
Dans toute autre circonstance que celle de la fuite
d'Eugène I"V, Poggio se serait facilement consolé de
l'infortune qu'il avait éprouvé en suivant le soit de
son maître. Le transport de la cour pontificale à Flo-
rence le ramenait dans les lieux où il avait fait ses
premières éludes; il regardait depuis longtemps la capi-
tale de la Toscane comme un asile hospitalier, où se perdait
le sentiment de ses peines dans les doux épanchements
de l'amitié. Mais le sort se plaît à faire évanouir les plus
agréables espérances.
Lorsqu'au terme de son voyage. Poggio aperçut de loin
les tours de Florence, il éprouva une amère tristesse en
pensant qu'il ne verrait pas son illustre protecteur, Gosme
1. Pastob. 1. p. 2'Ji.
1. Poggio. Ilistor. de Vaiiclat. FDiliin.r.
1. NlSABP. cf. 1.1.
XXVI INTRODUCTIOiN
de Médecis, parmi les amis qui s'empresseraient de le
féliciter sur son retour dans la patrie. Les intrigues
d'une faction rivale l'avaient depuis peu fait bannir de
Florence et exposé à la haine et aux insultes journalières
d'un impudent libelliste. Tant que Gosme fut proscrit,
Poggio garda le silence et l'insulteur triompha aisément
d'un homme qu'enchaînait l'autorité.
L'insulteur était le professeur Francesco Filelfo ou
Philelphe, dont le nom avait eu jusque-là un grand reten-
tissement; des monarques, des républiques, des princes
de tous rangs s'étaient disputés à qui le posséderait,
comme si les services qu'ils attendaient de lui leur eus-
sent été une force et sa personne un ornement. Il ne lui
avait manqué que l'esprit de conduite, pour se maintenir
dans la position éminente où il était déjà, à vingt-deux
ans, etpour monter plus haut encore. Poggio, lui, manquait
de tous les avantages physiques, et des faveurs obte-
nues par Filelfo, et s'il n'avait pas encore de motifs
pour le haïr, il en avait déjà beaucoup d'en être
jaloux (1).
Filelfo s'était emporté contre Cosme et ses partisans, à
propos des dépenses de l'Etat et d'une réduction qu'on
voulut faire sur ses appointements; il répandit sur eux
des torrents d'injures, dans une suite de satyres. Sa haine
se dirige particulièrement contre Niccolo Niccoli, qu'il
traite d'envieux, d'ennemi des gens de bien, d'emporté,
de perfide, de blasphémateur; il lui reproche de se vau-
trer dans les plus infâmes voluptés.
Il y avait un an à peine que Cosme était banni, lorsque
le parti du peuple se releva et le rappela dans sa patrie.
Ses ennemis durent fuir à leur tour. Tremblant pour lui-
même, Filelfo se réfugia à Sienne. Poggio saisit l'occa-
sion pour se venger de l'orgueilleux professeur. Il écrivit
d'abord, à Cosme, une lettre pour le féliciter de son heu-
1. D. NiSAUD. cf. [). W), etc.
INTRODUCTION XXVil
reiix retour. Il avait préféré, dit-il, lui rendre ce devoir
sous cette forme, à l'honneur de s'en acquitter de vive
voix, parce qu'il voulait laisser à tous ceux qui étaient
assez bons pour s'amuser de ses chétifs écrits, un témoi-
gnage public des sentiments qui l'animaient à son
égard. Il y a, dans cette attention délicate, du courtisan
au moins autant que de l'ami, dit Ch. Nisard; ce devoir
rempli, il trempa dans le fiel le plus acre cette plume qui
venait de distiller le miel le plus doux, et sous prétexte
de réhabiliter Niccoli.il publia contre l'ennemi de Gosme
et le sien, une invective, où il entasse sans scrupule, tous
les termes injurieux et grossiers que lui fournissait
abondamment la langue latine. Il est fort difTicile de tra-
duire les invectives de Poggio, car le langage de la
décence n'a pas la richesse de celui de l'obscénité,
et les équivalents honnêtes qui les suppléent sont bien-
tôt épuisés (1).
Une violente fureur s'empara de Fileifo, à la publication
de ce libel, immédiatement il rendit les coups en tra-
vestissant, dans une nouvelle satire, les écrits et le carac-
tère de Poggio, A cette satire, celui-ci répliqua par une
nouvelle invective qu'il termine par ce torrent d'in-
jures :
« Est-il quelqu'un, Fileifo, qui ne te voue un souverain
mépris? Si quelques hommes fréquentent encore ta mai-
son et te témoignent des égards, ce ne peut être que ceux
qui se dédommagent auprès de ta femme, de ton insuppor-
table radotage; bouc puant, monstre cornu, fourbe mé-
chant, calomniateur, boute-feu, puisse la divine Provi-
dence t'écraser et t'anéantir comme l'ennemi des gens de
bien; si tune peux t'empêcher de vomir des injures, eh
bien! écris des satires contre ceux qui font leur cour à
ta femme, exhale la puanteur de ta poitrine surles liber-
tins qui ornent ta tète de cornes.»
1. Ch. Nisabd cf.
XXVIIl INTRODUCTION
Après avoir lu la première invective et la première sa-
tire,ou se demande ce que, par la suite, pourront encore
se dire les deux adversaires. Eh bien! le répertoire esliné-
pnisable, l'injure va crescendo, l'ordure déborde à flot ;
les libellistes cherchent l'un et l'autre à se surpasser en
violence. Quoiqu'il en soit, Filelfo paraît avoir eu l'avan-
(ag-e dans ce combatpeu glorieux, mais il ne le dut qu'aux
armes dont il se servit. Une invective en prose est une
massue lourde et difTicile à manier; tandis que les traits
de la satire, aiguisés par la poésie, blessent souvent plus
profondément.
Quatre fois, dans l'intervalle de quelques années, les
deux adversaires se lancèrent à la figure les crachats de
l'invective et les traits de la saliro, puis un beau jour ils
se réconcilièrent. Comment? On dit que c'est à la sollici-
tation de Cosme de Médicis, qui avait lui-même fait sa paix
avec Filelfo. Les détails manquent, c'est dommage, caron
aurait vwulu voir comment ces deux hommes, après s'être
publiquement déshonorés l'un l'autre, s'y sont pris pour
se réhabiliter à leurs propres yeux et s'embrasser en-
suite.
De la part de Filelfo, la réconciliation ne fut qu'appa-
rente, car aussitôt la mort de Cosme, il eut l'occasion
d'écrire, pour se défendre de s'être attiré la haine des plus
illustres savants : « Qu'à la vérité, il avait toujours pro-
fondément méprisé trois des plus illustres drôles à qui il
ait jamais eu alTaire; c'est-à-dire Niccoli, Poggio et Pie-
tro Candido, égotits infects de toutes les méchancetés,
de toutes les saletés qui sont l'apanage d'une vie désho-
norée. ))
Poggio, de son côté, dans ses Faccties, Irànsmelira àla
postérité le nom de Filelfo d'une façon plus durable, que
l'auteur même des satires n'aura pu le faire, il lui infli-
gera le s( eau du ridicule, en le mettant en scène dans un
de ses contes, d'une manière si drolatique, si burlesque,
i}uo le rôle (|u'il lui fait jouer dériderait l'homme le plus
1MR01)LT.TI0> XXIX
lleginatique et le contraindrait à sourire, malgré le rigo-
risme de sa pudibonderie. Le rêve de François- P/iilclp fie
inventé de toute pièce par Poggio, a été imité par Rabe-
lais, La Fontaine, et quantité d'auteurs de France ou d'ail-
leurs.
Vers 14o6, pendant le conseil de Bâle, Poggio prit des
dispositions pour se préparer une demeure à l'heure delà
retraite. Il acheta une maison de campagne en Toscane,
dans l'agréable territoire du Valdarno.
Poggio reçut alors des magistrats une marque de con-
sidération fort honorable. Un brevet formel l'affranchit,
ainsi que ses enfants, du paiement des impôts et de toutes
les autres taxes publiques. La Seigneurie de Florence
moliva cette faveur sur la communication que Poggio
venait de lui faire, de la résolution de finir ses jours dans
sa patrie, et sur ce que ses occupations littéraires le met-
taient dans l'impossibilité de supporter les mêmes char-
ges que tous les citoyens de Florence, qui avaient la
faculté de s'enrichir par le commerce ou par des emplois
lucratifs (1;.
Quand il eut fait l'acquisition de sa maison, délicieuse
retraite encombrée de manuscrits précieux, de statues
antiques et d'objets d'art, il voulut y mettre un gai rayon
de soleil, qui illuminât tout autour de lui. Poggio, alors
âgé de cinquante cinq ans, songea à contracter une union
légitime, à prendre une femme qui put faire la joie de ses
derniers jours et prendre soin de sa vieillesse.
Le mariage de Poggio, dit Alcide Bonneau, (2) est un
curieux épisode de sa vie. Ses amis l'adjuraient depuis
longtemps, de faire cesser l'irrégularité de sa conduite.
Chargé de fonctions ecclésiastiques, sans cependant être
engagé dans les ordres, il ne semblait pas redouter le
discrédit que ses mœurs jetaient sur lui; il s'amusait
l. Shepherd cf. p. 234.
?. .\LriDK Bonneau. Un vieillard doit-il se marier? p. VIII.
ÏXX INTRODUCTION
même à rire aux dépens des autres. Mais à mesure qu'il
vieillissait, les reproches devenaient plus vifs et il arriva
même à l'un de ses protecteurs, le cardinal de Saint-Ange,
de le tancer un jour vertement. Ce prélat ayant été très
malheureux dans son entreprise militaire contre les
hérétiques, Poggio se permit à son égard, un léger persi-
flage. Un homme aigri par les revers s'irrite facilement des
saillies d'un esprit caustique, aussi le cardinal de Saint-
Ange fut-il vivement blessé de la lettre de Poggio, et son
humeur éclata dans la réponse qu'il lui fit, lui déclarant
qu'il en prenait bien à son aise pour un homme perdu de
réputation, qui avait une maîtresse et desbàtards. C'était
là le refrain que Poggio entendait continuellement autour
de lui, depuis quelque temps. A cela, Poggio répondit sur
un ton badin : — « Vous me reprochez d'avoir des enfants,
ce qui ne convient pas à un homme d'église, et de les
avoir eus d'une concubine, ce qui est un déshonneur pour
un laïque. Je pourrais vous répondre que j'ai des enfants,
ce qui n'est pas défendu à un laïque, et que je les ai eus
d'une concubine, ce qui esl la coutume des ecclésiasti-
ques depuis le commencement du monde... Quant à vos
conseils sur le genre de vie que je dois suivre, je vous
déclare que je ne dévierai pas de la roule que j'ai suivie
jusqu'à présent. Je ne veux pas être prêtre; je ne ve-,ix
pas de bénéfices... (1). »
Trois ans après, les conseils du cardinal revinrent à sa
mémoire, ses passions fougueuses s'étant calmées, fati-
gué d'ailleurs de sa vie agitée, il porta un œil d'envie sur
les soins et les alTections domestiques, qui augmentent les
charmes ^et adoucissent les chagrins de la vie humaine,
il résolut de prendre une compagne pour ses vieux jours,
et son choix tomba sur Vaggia (2), fille de Ghino Menente
de Biiondelmonte, d'une famille distinguée, et ill'épousa
1. Poggio. Hpistolœ — 27.
2. Irtf/f/j'a diminutif de Servnggia,
liNTROIH» riO.\ \\\l
dans les derniers jours de décembre 14;i5. Celte jeune
fille avait dix-huit ans et six cents florins de dot, mais les
considérations de fortune influèrent très peu sur le choix
de Poggio, il préférait assurément la jeunesse, la beauté
et les vertus de , son épouse à tous les trésors du
monde.
Sans doute, avant de contracter ce mai'ioge Poggio pesa
longuement les avantages et les inconvénients qui pou-
vaient résulter de la grande disparité d'âge, on en a la
preuve dans diverses lettres et surtout dans son dialogue :
Un Vieillard doit-il se marier? dans lequel il a mis toute
son ingéniosité, car c'était sa propre cause qu'il plaidai*.
Il s'agissait pour lui, non seulement d'excuser le mariage
d'un homme de son âge, ce qui après tout, n'est pas un
crime, mais surtout de démontrer, par vives raisons, que
c'est avec une jeune lille,non avec un veuve qu'on doit se
marier à cet âge. Ni Poggio, ni Vaggia n'eurent lieu de se
plaindre de cette union (1).
La résolution de Poggio de changer de conduite et de
contracter un mariage légitime est sans doute digne
d'éloge, mais quels durent-être ses remords quand il se
vit forcé d'abandonner sa vieille maîtresse? se demande
Shepherd. Cette maîtresse avec laquelle il vécut près de
trente ans, au vu et au su du public, étaitune femme mariée
nommée Luccia, de laquelle il eut quatorze enfants, dont
quatre seulement vivaient encore au moment do la sépa-
1. Charles Xisarcl, dans les Gladiateurs de la Republique des
lettres, prétend que Pocrgio eût du émettre une théorie abso-
lument inverse que celle qu'il a soutenue dans son dialogue et
y conformer sa conduite, puis il termine par ces paroles par
trop sévères : « Il est sûr qu'il n'y a que des motil's honteux
qui puissent déterminer un houime, dans les conditions où était
Poggio, à agir comme il a fait, et les motifs sont ou la cupi-
dité, ouïe libertinage, ou la vanité, quelquefois les trois réunis.
Mais qu'on choisisse celui qu'on voudra, il est également sur
que Pogîîio, uialyré toutes ses belles phrases, a cède à l'une ou à
l'autre». T. I, p. liG-li?.
\\\n IMHdbl CTION
l'iitioii (•! avaient ngc d'iioiiimt'. l'oggio ne semble j>as
s'être laipsf» importuner outre mesure par les remords; à
|iarlir de son mariage, son ancienne femme et ses enfants
pai-aissaient avoir été pour lui, comme s'ilsn'cxistaicntpas.
Laurent Valla. dans sa mauvaise humeur contre son adver-
saire, prétend que Poggio les laissa tranquillement mou-
rir de faim. C'est une énormité qui n'a aucun fondement.
Il paraît, au CDntraire. ([ue les enfants naturels avaient
acquis la légitimation i)ar deux actes authentiques, dtmt le
premier est une bulle pontilicale ot le second un décret de
la (Seigneurie de Florence qui, en considération du retour
de Poggio dans son pays natal, l'exempta, lui et ses fils, de
tout impôt et cela trois ans avant son mariage. Ces fils
légitimés conservaient tous leurs droits, même dans
!e cas où leur père auraitd'autres enfants. Rien n'empêche
donc de croire que Poggio assura, de façon ou d'autre,
l'avenir de la fenune qu'il quittait et des enfants qu'il
avait eus d'elle, remaicjue judicieusement Alcide Bonneau;
que s'il n'en a plus parlé jamais, cette absence de
préoccupation et de la sérénité de son esprit à leur égard,
témoignent précisément en faveur des dispositions qu'il
avait du prendie.
Au bout de deux ans de mariage, Poggio eut un fils.
(1438; qu'il nonuna Pietro-P<iolo et i{ui fut le premier di^ sa
nouvelle et nomlireuse famille.
Kn 1 V'iO, toujours confiné dans sa retraite, Poggio publia
un JHalo<^uc sur la Noblesse, qui accrut beaucoup sa répu-
tation; on en loua la sagesse, le plan et le style, La con-
clusion que Poggio place dans la bouche de son ami Nic-
colo, est en faveur de la théorie de Platon contre celle
d'Aristoto: il déclare que la vei-lu est la véritable source de
la noblesse.
Au cours de son dialogue, Poggio passe en revue la
noblesse de quelques Etats, or voici ce qu'il dit sur celle
de France, au xv= siècle: « Les Français ont sur la noblesse
des idéfs uniformes: les nobles de ce pays habitent la
IMHulUClln.N XXXin
(anipagne et plaignent ceux d'entre eux qui sont contraints
de demeurer dans les villes, méprisent les marchands
.^omme une race d'êtres vils et dégradés; la prodigalité et
l'insouciance de l'avenir, y sont les traits distinctifs d'un
caractère noble. Les bourgeois opulents et les feudataires
des barons recrutent incessamment, en France, l'ordre de
la noblesse. Dès que les fils des négociants, ou môme les
commerçants retirés des affaires, ont acquis une terre et
(ju'ils vivent à la campagne de ce revenu, ils entrent dans
une sorte de noblesse secondaire, et transmettent à leurs
descendants l'état de l'aristocratie; les grands barons
décorent d'un titre nobiliaire, les terres qu'ils donnent à
leur serviteurs et à leurs officiers. »
Le principal interlocuteur de ce dialogue était Laurent
(leMédicis, frère de Cosme; cet homme illustre mourut
peu après, le 23 septembre 1440. Sa perte faisait regretter
à Poggio, à la fois un frère, un père ou un ami il). Tant
que celui-ci vécut, il put impunément négligerla fortune;
Laurent prévenait ses embarras et ses besoins.
Poggio, reconnaissant, se hâta de composer l'éloge
funèbre de ce grand Florentin.
Poggio eut, pendant cette période, d'autres deuils à déplo-
rer, ses meilleurs amis Xiccolo Niccoli, Nicolas Albergati,
cardinal de Sainte-Croix, et Leonardo Bruni moururent
successivement à peu d'années de distance. Il soulagea
sa douleur en payant un tribut à leur mémoire, par d'élo-
quentes oraisons funèbres.
Eugène IV étant mort le 23 février 1447, le 6 mars, le
cardinal Thomas Parentucelli fut élu pape et prit le nom
de Nicolas V.
Aussitôt que le fils du petit médecin du village de Sazano
fut élu pape, en dépit de sa pauvreté, de sa naissance
roturière, de son extérieur si peu imposant et de sa jeu-
!. PoGGi opéra, p. "278.
XXXIV INTRODUr.TIO
liesse, (il n'avait que quarante-cinq ans) Poggio s'cm
pressa de lui rappeler le passé, par une lettre de félicita-
tions dans laquelle il exposait éloquennment les espérances
et les vœux des humanistes : « Je vous en supplie Saint-
Père, ne laissez pas effacer de votre mémoire le souvenir
de vos anciens amis; au milieu des soins de toute sorte
qui vont vous accabler, ne négligez pas celui de penser
à eux. Faites que l'on trouve beaucoup d'hommes sem-
blables à vous, alin que ce siècle voie refleuiir les arts
libéraux, qui semblent à peu près morts et disparus par la
faute du temps. On attend de vous seul, ce que tantd'autres
ont négligé de faire. A vous seul revient la charge et
l'honneur de rondrc aux études scientifiques, leur ancienne
dignité et leur ancien lustre, de faire revivre les arts les
plus nobles. » Et Poggio savait bien que sa requête irait
droit au cœur du pape. En effet elle fut favorablement écou-
téeetNicolas V fit une place encore plus large aux huma-
nistes, qui furent bientôt assez nombreux pour former une
véritable cour des Muses et qui prirent une telle situation
qu'il fallutcompter aveceux ; leurarrogancemêmesemani-
festa maintes fois, ainsi que leurs vaniteuses prétentions.
Ne prétendaient-ils pas, par exemple, avoir dans les céré-
monies,lepassurlesévôques, euxqui pourla plupartétaient
desimpies clercs ou plus ordinairement des laïcs sans
mœurs et qui pis est sans foi ! Tous ces hommes, sous l'in-
iluence d'une passion excessive pour les beautés des écri-
vains classiques, arboraient franchement l'étendard du
paganisme, prétendaient tout modeler exactement sur l'an-
tiquité, les mœurs, les idées, rétablir la prépondérance de
l'esprit païen et détruire radicalement l'état de choses exis-
tant, considéré par eux comme une dégénérescence (1). Le
choix de tels hommes a été un problème pour les histo-
riens ecclésiastiques et Pastor écrit : « C'est là une de ces
fautes qu'on ne peut ni comprendre ni excuser. Gomment
1. Pastob, cf. I, p. 16.
INTRODUCTION XXXV
Nicolas V, assurément l'un des types les plus purs de la
Renaissance chrétienne, en vint-il à fermer presque
complètement les yeux sur les dangers delà fausse Renais-
sance? C'est un phénomène qu'on ne peut expliquer que
par l'entraînement du moment » (1).
Poggio vit son sort s'améliorer par les largesses de
Nicolas V, et il put dorénavant, se consacre)' presque
entièrement à ses plaisirs littéraires.
C'est alors qu'il composa son Dialogue sur les Vicissi-
tudes de la Fortune, qu'il dédia au pape, son protecteur,
comme il lui avait dédié déjà, en qualité d'ami, son Dia-
logue sur le malheur des Princes. L'entretien sur les vicis-
situdes de la fortune esl le plus intéressant de tous les
dialogues de Poggio : l'écrivain y donne des leçons de la
plus haute philosophie, toutes basées sur des faits célè-
bres, et présente' le tableau des principales révolutions
arrivées en Italie à la fin du xiv« siècle et dans les pre-
mières années du xve; il dévoile la doctrine des principes
politiques des gouvernements de cette époque, il donne
enfin l'itinéraire très remarquable du voyageur vénitien
Conti (2).
Infaligaable, Poggio publie successivement son Dialo'
1. PoGGi Opéra.
"2. Nicolas Conti avait visité la Syrie, la Palestine, la Babylonie
la Perse, les Indes, Cevlan, le Malabar, Sumatra et la Chine,
puis à son retour, Calicut, l'Ethiopie, la Mer Rouge, l'Egypte.
Ati Caire, il perdit sa femme. E.sfln, après un voyage de vingt-
cinq année?!, tl rentra à Venise, sa patrie, en 1444. Ses récits
exercèrent presque autant d'influence que ceux de Marco Polo.
Le pape Eugène IV s'y intéressa si vivement, qu'il roleva Conti
de sa lausse apostasie (le voyageur, pour plus de facilité et de
sécurité, avait pris les vêtements orientaux et simulait les pra-
tiques de la religion musulmane), sans autre condition que de
raconter sincèrement ses aventures à Pogtrio. La rédaction
latine fut traduite en portugais par Valentin P'eruandez. sur
l'ordre du roi Emmanuel, et une traduction italienne en fut faite
par Giombattista Ramusio.
XXXVI LM'RODUCilU.>i
^ue sur l'Hypocrisie, dirigé contre l'anli-pape Félix \',
Amédée de l^avoie, puis sa traduction latine de l'Histoire
de Diodore de Sicile — qu'il dédie, enlémoignagederecon-
naissance au souverain pontife, enfin, sa version latine de
la Cyropédie de Xénophon qu'il eut la malencontreuse idée
de dédier à Alphonse d'Aragon. Les Napolitains, jaloux,
décrièrent Poggio auprès de leur prince, qui eut la fai-
blesse de prêter à des critiques intéressés, une oreille
trop complaisante. Le malheureux auteur fut fort alî'ecfé
de celte déconvenue, et jura de saisir la première occasion
de rétracter tout ce qu'il avait dit à la louange du prince.
Parmi les partisans de ce dernier, un des plus fougueux
adversaires de Poggio, en cette occasion, était un certain
grec, Georges de Trébizonde, devenu secrétaire de Curie,
homme d'un savoir médiocre et d'une réputation surfaite.
C'est un des types les plus antipathiques des Grecs de
l'époque : vaniteux, fanfaron et querelleur, il se faisait haïr
de tout le monde. Sous l'effet des critiques des vrais
savants, la célébrité de cethomme décrutrapidement. Peut-
être cette disgrâce aigrit-elle son caractère et devint-elli-
l'origine de ses violents démêlés avec Poggio.
« Nicolas "V" s'était montré peu scrupuleux dans le
choix de ses collaborateurs, écrit l'historien des Papes de
la Renaissance (1). Il devait se produire des scandales;
c'était inévitable. Comme Florence, au temps de Niccoli,
Home devint le théâtre d'une chronique scandaleuse dont
les savants fournissaient le sujet. Pendant des années, ou
n'entendit parler que des querelles acrimonieuses des
latinisants contre les grécisants, ou des grécisants ou des
latinisants entre eux. Ce qui s'échangea d'accusations et
d'injures est inimaginable. Parfois même, on en vint aux
coups. »
L'animosité entre Georges de Trébizonde et Poggio
linit par éclater au théâtre de Pompée, où les secrétaires
1. Pastor, cf., I. II, p. 187.
i.Mimhi iiioN
WVVll
du souverain ponlife s'étaient réunis pour corriger, entre
eux, certains documents de la chancellerie; elle fut occa-
sionnée par quelques remarques satyriquesde Poggio sur
le style du grec, son confrère. Les premiers mouvements
lie Georges furent terribles, il frappa violemment le vieux
Poggio au visage; celui-ci furieux, ne se contenta pas de
lui proposer un duel, il rendit, sur le champ, coup pour
coup; les deux adversaires se battirent sans armes, avec
une telle furie, que leurs collègues eurent toutes les peines
du monde à les séparer; et après s'être réciproquement
meurtris de coups, ils convinrent dévider leur querelle à
la pointe de l'épée, Le Pape lui-même dut s'entremettre.
A la suite de cet esclandre, Georges, dont l'inutilité était
démontrée, fut exilé de Rome, il se réfugia à Naples où il
fut accueilli avec empressement.
En liSO, année de Jubilé, un prodigieux concours de
pèlerins se rendit à Rome et concentra dans cette ville le
foyer de la peste qui menaça toute l'Italie. Le Pape fut
obligé de se réfugier pendant les chaleurs, à Fabriano,
dans la marche d'Ancône, jusqu'à ce que l'abaissement de
la température eût fait diminuer l'intensité du fléau. Poggio
profita de ce changement de résidence du pontife, pour
aller voir sa petite maison du Valdarno et renouer desrela-
tions avec ses vieux amis.
C'est pendant ces vacances forcées, qu'il utilisa
ses loisirs à préparer la publication des Facéties, volume
qui devait le plus conti'ibuer à sa renommée, tout en l'éga-
rant sur les vrais mérites de l'auteur. C^e livre eut en effet
une vogue générale, éclatante et populaire; il se répandit
à la fois en Italie, en Allemagne, en France et en Angle-
terre. Il en sera parlé ultérieurement.
Poggio, durant son séjour momentané à Terranuova
reçut la visite de Benedetto Aretino, célèbre juris-
consulte, de Niccolo de Foligni, habile médecin et do
Carlo Aretino, chancelier de Florence : ces hôtes furent
accueillis avec une cordialité empressée, et leur conver-
XXXVIIl INTRODUCTION'
satien lui fournit les matériaux d'un ouvrage intitulé :
Histoire Coni'ivale ou w Propos de tables contradictoires »,
qu'il dédia en l'iSl, au cardinal Prosper Colonna.
Le 24 avril liSo.la place de chancelier delà République
étant devenue vacante par suite de la mort de Carlo Are-
tino, la réputation de Poggio,son dévouement à la famille
de Médicis, alors toute puissante en Toscane, fixèrent sur
lui les suffrages de ses concitoyens, qui l'appelèrent à un
emploi que deux de ses amis avaient successivementoccupé
avec distinction.
La perspective des honneurs dont il allait jouir dans sa
patrie, ne lui fit pas quitter sans un amer chagrin, la cour
pontificale, où il exerçait depuis environ cinquante
et un ans, des fonctions honorables quoique peu lucratives;
mais la tristesse brisa particulièrement son cœur quand
il prit congé de l'illustre pontife qui l'avait comblé de
nombreux témoignages d'estime et de bonté (1).
Nicolas V lui-même, ne le vit pas partir sans regret, il
lui permit de conserver, à titre honorifique, la qualité de
secrétaire pontical, ce dont se montre fort scandalisé, le
récent historien des papes de la lionaissance, le docteur
Pastor (2).
Ce n'est pas sans regret non plus, que Poggio dit adieu
à tous ses vieux amis éprouvés, à tous ces compagnons
des bons et des mauvais jours, à tous ces savants parmi
lesquels il occupait une place éminente, à tous ces joyeux
compagnons du bugiale et des villini des environs de
Rome, où l'on devisait si joyeusement et si librement
sur tout et sur tous, voire même sur le souverain pontife.
Poggio quitta définitivement Rome au mois de juin l'iSo
et vint à Florence, prendre possession de la charge émi-
nente qu'il tenait de la confiance de ses compatriotes.
Il reçut bientôt une nouvelle preuve de l'estime publi-
1. SlIEI'IIERD, cf., S(J3-3G4.
2. Pastok, cf., t. II, p. 180-182,
INTRODUCTION XXXIX
que, il fut nommô l'un des « Pxieurs_(ies_ Arts ». Ce
litre était celui des syndics des diiïérentes corpora-
tions de la ville; les attributions de ces magistrats com-
prenaient entre autres, la conservation du bon ordre et le
maintien des franchises du peuple llorentin.
Les soins et les occupations de sa place de chancelier
et ses fonctions de prieur des arts, ne le détournèrent pas
entièrement, ni de ses travaux ni de ses querelles litté-
raires, et ne lui firent pas non plus oublier ses haines, ses
rancunes et ses animosités. Peu après son retour à Flo-
rence, il eut avec Laurent Valla. professeur éminent et
polémiste acerbe, une guerre déplume presque aussi vio-
lente que celle qu'il avait eue avec Filelfo; il s'y livra avec
toute son àcreté d'humeur et cette intempérance de lan-
gage qui avait déjà flétri sa plume, et qui maintenant,
déshonoraient sa vieillesse. La querelle avait déjà com-
mencé avant le départ de Rome, et dura assez de temps
pour amuser la galerie et soulever le dégoût de quelques
honnêtes gens. « Filelfo, qui le croirait? dit Charles
Nisard, Filelfo lui-même, cet homme si batailleur, si fier
et si implacable, eut horreur de ces scandaleux débats.
Il écrivit aux deux champions une très longue lettre où il
leur débite, sur les avantages de la modération, des lieux
communs pleins de sens et d'à-propos, mais qu'on ne peut
s'empêcher de trouver plaisants dans la bouche d'un
homme qui avait si longtemps méconnu ces avantages.
Aussi, ses conseils n'eurent-ils aucun effet » (1). Filelfo,
du moins, prouva par là, combien il est plus aisé d'offrir
de sages avis que de bons exemples.
En prenant possession de la charge de chancelier de la
République, Poggio prononça un fort beau discours
dans lequel il annonce qu'il a pris la résolution d'em-
[•loyer désormais à l'étude, le reste de sa vie, et malgré
1. Ch. Nisard. Les Gladiateurs de la république des lettres. T. I,
p. 258.
XL INTRODUtlTlO.N
son zèle pour les alïaires générales et ses fonctions, il tint
parole.
Le premier fruit de ses études fut son Dialogue sur le
malheur de la destinée humaine; peu après, parut sa tra-
duction critique de VAne, de Lucien, qu'il prétend avoir
été le prototype de VAne d'or, d'Apulée.
La place que Poggio occupait, mettait entre ses mains
toutes les facilités pour écrire l'Histoire de Florence [l],
aussi se mit-il avec ardeur à ce travail qu'il no put mal-
heureusement achever, car la mort vint l'interrompre le
30 octobre 1459(2).
Le 2 novembre suivant, Florence lui fit des funérailles
solennelles et sa dépouille fut inhumée dans l'église de
Sainte-Croix.
Son portrait, peint par Antonio Polaioulo, et donné par ses
enfants, fut placé dans le palais dit Proconsolo, et ses
concitoyens témoignèrent d'une manière encore plus écla-
tante, leur reconnaissance de l'honneur que ses talents
avaient fait rejaillir sur la Toscane, en lui érigeant une
statue sur la façade même de l'église Santa-Maria-del-
Fiore. La destinée de cette statue a été singulière; le
Grand duc de Toscane ayant ordonné de faire divers
changements au portail de l'église, on la transporta
dans une autre partie du bâtiment et elle est entrée dans
la composition d'un groupe qui représente les douze
apôtres (3).
l L'Histoire de Florence, écrite par I^oggio eu latin, t'utachevée
et traduite en ilalicn par Jacques Bracciolini, l'uude ses fils.
Cette traduction, iuiprimée à Venise en 1470 et réimprimée
souvent, fut seule connue pendant lougtemps. L'origiual latin
ne lut publié à Venise qu'eu 1715, par J.-B. llecanali, avec des
notes biographiquei trop sommaires sur Pog-io.
'2. Alcide Bonne ju prétend qu'il mourut un peu promaturt-
ment à soixante-dix neuf ans sonnés, pour avoir étj trop aimé
par sa femme.
3. REnANATf. Vtia l'ai/ii.
IMHOUUCÏION XLI
Poggio. on inoiii'jint, laissait cinq lils de sun mariage
(ie Vaggia de Buondelmonle, doni la félicité conjugale,
dit un biographe, résista au temps et dépassa de beaucoup
1rs limites de la lune de miel.
Pietro-Paolo naquit en ]i38, prit l'habit de dominicain
et fut promu prieur de Santa-Maria-della-Minerva, à
Rome, fonctions qu'il exerça jusqu'à sa mort arrivée en
l'i64.
Giovanni- Batista na(|uit (>n li;j9; il obtint le grade de
docteur en droit civil et en droit canon, fut ensuite cha-
noine do Florence et d'Arozzo, recteur de l'église Saint-
.lean-de-Latran, accolyte du souverain Pontife et clore
assistant de la Chambre. Il a composé en latin, les vies de
Niccolo Piccinino, fameux condotière du temps, et do
Dominico (".opranico, cardinalde Formo.ll mouratenl470.
Jacopo naquit en li41 ; il fut le seul des enfants de Poggio
qui n'embrassa pas l'état ecclésiastique. Ce fut un littéra-
teur distingué, il mit en italien VJIistoire de Florence
écrite par son père et la continua ; il publia une traduction
de la Cyropcdie et de l'Histoire des quatre empereurs
romains; il écrivit diverses compositions originales, un
commentaire sur Le Triomphe de la Renommée^ de
Pétrarque, qu'il dédia à Laurent de Médicis ; un traité sur
les causes de la guerre entre la France et l'Espagne; la
vie (h' Fi'ippo Scolario. dit Pippo Spano. Entré au service
du cardinal Riario, ennemi acharné des Médicis, il était
son secrétaire en 1478 et fut engagé par lui, dans la con-
spiratior. dos Pazzi. Le cardinalRiario parvint à s'échap-
per, mais le malheureux Jacopo subit le sort de la plupart
des autres conjurés, qui furent pendus aux fenêtres du
Palais de Justice de Florence.
Giovanni-Francesco, né en 1447, fut comme Giovanni-
Batisla, chanoine de Florence et recteur de Saint-Jean-
de-Latran. Appelée Rome, il devint camérier du Pape,
abréviatour dos lettres apostoliques. Léon X, qui l'avait
en grandi' estime, le pi'it pour secrétaire. Il mourut à
XLIl INTRODUCTION
Rome le 25 juillet 1522, et fut ensevoli dans l'église de
San-Gregorio, où son tombeau se voyait encore au temps
de Recanati (1715).
Filippo naquit en 1450; c'est de sa naissance que Poggio
se félicite dans une lettre à Carlo Arelino, en lui annon-
çant que, quoique septuagénaire, il vient d'avoir un fils
plus fort et plus beau que tous ses aînés. Filippo obtint à
l'âge de vingt ans, un canonicat à Florence, mais il n'entra
pas dans les ordres et se retira de l'état ecclésiastique,
pour épouser une jeune fille appartenant à une famille
illustre et dont il eut trois filles.
Outre ces cinq fils, Poggio eut encore une fille, Lucrczia,
qu'il maria de bonne heure à un Buondelmonte.Onne sait
si celte fille provenait de son mariage, ou si elle était un
des quatorze enfants qu'il avait eus précédemment de sa
maîtresse.
La vie de Poggio Bracciolini a été plusieurs fois écrite ;
on doit noter les travaux de Recanati, de Venise, et de
Jacques Lenfant, mais la biographie la plus complète est
due à un Anglais, W. Shepherd ; cet ouvrage, traduit en
français en 1819 (1), aussitôt son apparition, est comme le
résumé des nombreux panégyriques de l'écrivain Floren-
tin, et sur lesquels il renchérit encore au point de négliger
la critique et d'éviter le blâme. Le livre de Shepherd a
un autre défaut fâcheux, c'est que la figure de Poggio se
dégage avec peine, du milieu d'innombrables digressions
et qu'elle est réduite au rôle d'accessoire, quand elle
devrait en être le principal. Le traducteur avait bien senti
le défaut, car il prend la précaution de dire dans sa pré-
face, que «l'auteur a jugé avec raison, que la vie de Poggio
devait être à la fois un tableau politicpie et une exposition
détaillée des mœurs, des usages, des coutumes du quin-
zième siècle. » L'excuse n'est admissible qu'en partie. En
effet, tout ce qui constitue raml)ianl de l'individu, tout
(i) Par le C<jmtk dk L\uhepin, snivant Oiurard.
INTRODUCTION Xl.lll
co qui L'onlribuo à le faire connaître et apprécier, tout cela
est bon, utile et doit être présenté d'une manière plus ou
moins détaillée ou condencée, mais faire un cours d'his-
toire à propos d'une biographie, n'est pas admissible. 11
n'y a jamais de trop longues biographies, il n'y a que trop
souvent surabondance de détails oiseux et de hors
d'œuvre.
C'est à l'œuvre de Shepherd que l'on a eu recours pour
écrire cette notice, avec l'aide des autres historiens et de
divers critiques qui font autorité en la matière, tels que
P.-L. Ginguené, auteur d'une Histoire littéraire d'Italie,
et Charles Xisard, dont les deux volumes sur Les Gladia-
teurs de laRépuhlique des Lettres avl xv, xvi etxvii^ siècles ,
ont été d'un précieux secours, llistclhuber et Liseux ont
esquissé, eux aussi, une courte biographie de Poggio, mais
trop succincte, trop insignifiante pour être de quelque
utilité. Quant aux grands dictionnaires, aux encyclopé-
dies, ils se sont cantonnés, comme toujours, dans une
désespérante banalité, se contentant de se copier les
uns les autres, selon leur déplorable routine. Les
écrivains qui se sont occupé de l'époque de la Re-
naissance et des Humanistes en particulier, sont trop
nombreux pour qu'il en soit fait mention ici, mais dont on
on a, du reste, trouvé l'indication au cours du présent
travail.
M.IV INTRODUCTION
II
LK LIVRE DES FACÉTIES
PogLcio Composa co recueil, coninu' on l'a vu, en des
jours de loisirs forcés, dans l'isolement de sa maison de
campagne du Valdarno; jusqu'alors, ces histoires étaient
restées sur des feuilles volantes écrites au jour le jour,
tout autant pour se l'aire la main au latin que pour une;
satisfaction personnelle. C'étaient les échos de ces réu-
nions quotidiennes des secrétaires de la Curie romaine,
en ce loca! cju'ils avaient baptisé le biigiale, c'est-à-dire
la botte à potins, la niche à cancans, la fabrique de men-
songes {bugia), en un mot quelque chose comme, àe nos
jours, un bureau de rédaction de journal, un café ou un
cercle de gens de lettres, avec la même « blague », le
même esprit frondeur, la même verve acerbe, pimentée,
ne reculant devant aucun détail, ne mâchant pas le mot,
" appelant un chat un chat, et Rollet un fripon ». La
plupart des joyeux habitués de ce cercle se montraient
plus occupés d'historiettes piquantes, de i-éparties spiri-
tuelles, que d'entretiens sérieux; ils apportaient les nou-
velles du jour, les anecdotes plaisantes; ils censuraient
tout, librement; les sarcasmes de ces rieurs n'épargnaient
personne, pas même le souverain pontife, qui était d'ordi-
naire mis le premier sur la sellette. Les traits piquants
et les contes île toute espèce qui égayaient la conversation
de cette joyeuse compagnie, ont fourni en grande partie, les
matériaux du livre célèbre des Facéties.
Celle intempérance de langage, cette critique perpé-
fiK'IU' qui ne respectait ni les gi-iinds. ni Ips prêtres, ni les
IM Kultl ( TliiN XLV
iiislitutioris, ni iiit'nie la religion, ne lut pas sans exercer
une néfasle inlluence sur les mécontents et les rêveurs.
l 'astor remarque fort justement, à notre sens, qu'il y a une
corrélation étroite entre les écrits de Poggio, de Valla,
de Filelfo. pleins de railleries et de sarcasmes toujours
riMiouvelés. sur le compte du clergé et des moines, et la
( onduile de Poccaro, ce révolté honnête homme, ce con-
spirateur qui avait juré de risquer sa propre vie, pour
arracher Rome, sa patrie, au joug de la « servitude » et
(|ui prouva par ses actes, que ce n'étaient'point de vaines
})aroles(r. La preuve de cette corrélation n'cst-elle pas
dans ce fait, que les humanistes, tlaii'ant un danger, se
hâtèrent de protester hautement contre la conjuration et
les conjurés. Cette conduite produisit l'effet désiré; il ne
vint pas un instant à l'idée du Pape, de faire supporter
aux amants de l'antiquité la peine des excès commis par
les amants de la liberté.
Un écrivain reproche presque à Guillaume Tardif
'l'avoir, en traduisant les histoires sans gène de Poggio,
•mpromis la prose frant;aise avec ce spécimen de la cor-
ruption italienne. — quelqu Un certainement va se trou-
ver, pournousappliquer le même reproche. En traduisant
les Facf'ties. les Bains de Bade elle dialogue Lniteillard
doit-il se marier? nous avons eu une toute autre intention
que de satisfaire une « cui-iosité malsaine », comme dit
le vieux <liché. Nous avons voulu faire simplement œuvre
détude, il serait même superllu d'insister sur ce point, elde
chercher à nous disculper d'une faute que nous ne recon-
naissons pas avoir commise. La lecture, des passages
atténués suflira à le prouver, et l'on verra que nous avons
été maintes fois volontairement /rarfi/^orc, etnon tradutore:
iMr il y a des limites que l'on ne doit pas franchir.
1. Voir snr Poccaro et sa conspiration: — Pastor. Uistuire des
Papea, t. II, ch. VI, p. 99. — H. pe l'Epinoy. Renie dex quesHnux
hisloriqucf.
\LVI INTUOlJL'CTItiN
Un avocat érudit, M. Charles Rocher, et l'éiriinent
Anatole de Monlaiglon, savant professeur à l'école des
Ciiartes, lion net ojiomnie s'il en lut, ont écrit justement,
à propos des facéties de Pogg-io et de leur traducteur
Guillaunie^Tarilif, des pages qui présentent excellemment,
la riposte aux observations ou aux cris de porcs elTarou-
chés que pourraient, en cette occurence, faire entendre
certaines gens pudibonds, plus on apparence qu'en réalité
« Il ne faut point alUcher trop de puritanisme, dit
M. Charles Rocher, et surtout en vouloir aux érudils ((ui
ressuscitent des auteurs plus ou moins décolletés. Sous
certains rapports, ces publications peuvent être regardées
comme utiles et même nécessaires; elles aident à l'his-
toire et forment une des pièces indispensables de ce
musée secret qu'il faut se résoudre à parcourir lorsque
l'on veut se rendre compte des temps qui no sont plus.
Comment comprendre, en elTot, une é])oque si on ne l'in-
terroge dans toutes ses manifestations artisti((ues et lilt-é-
raires. En un moment donné, la philosophie, l'art, la
littérature, les vices et les bassesses de l'esprit comme
ses générosités et ses vertus, sont autant de faces de la
vie collective, lesquelles se correspondent et s'expliquent
de manière qu'aucun aspect de ce tout organique ne peut
être éliminé sans que l'harmonie de l'ensemble éprouve
une lacune et soull're d'un vide regrettable. Essayez donc
de peindre l'Ualie au xvi« siècle en mettant de côté Paul
Jove ou l'Arétin. Autant vaudrait juger le xviu'^ siècle
sans Voltaire et Rousseau. »
Un mauvais livre est toujoui's une mauvaise action,
mais ceux qui prétendent écrire l'histoire n'ont point le
droit de considérer ce livre comme non avenu.
Ce livre est un téixioignage ; il évoque des tendances, des
liabitudes intellectuelles, un régime disparu; à ce titr ■,
il fautle relire, sauf à le mettre dans un coin et à ne lui : c-
corderquela valeur d'un symptôme moral ou politique.
D'après Anatole de Montaiglon, juge très expert en
INTRODUCTION XLVII
vieille lillératuie, les Facéties de Poggio sej)erdent^ans
l'ensemble et sont un accident, une escapade, entre nulle,
de l'esprit rieur et graveleux de nos ancêtres. Il va beau-
coup de vrai dans co Dit; à bien voir les choses, le péché
littéraire de Guillaume Tardif, traducteur de Poggio, est
moins grosqu'il ne semble etil trouve dans les antécédents
historiques force circonstances atfénuantes. Que d'expres-
sions grasses et de peintures scabreuses, dans les fabliaux,
les canzones et les sirventes! On ne peut pas reprocher
aux trouvères et aux troubadours, la timidité de langage.
Poggio vivait à la cour romaine; Gaguin, religieux et chef
d'ordre, se risqua dans des allégories dont il vaut mieux ne
v'\enA'\ve\ la Calandre sortit de la plume d'un cardinal (1).
N'en déplaise à La Bruyère, Rabelais n'était point le
charme de la canaille, mais bien le mets des délicats; ses
plaisanteries, ses immoralités, ses incongruités semblent
ne se pavaner là, que pour llatter le goût de François le""
et de sa cour, et pour faire passer le reste, c'est-à-dire le
fond si large, si lumineux, si humain. Le ilabelais
bachique, dévergondé constitue un crime de la mode; le
novateur, l'apôtre de l'avenir, le (^réateur de la langue,
le vrai Rabelais, enfin, réside dans de plus hautes régions
de l'intelligence. Jusqu'au milieu du .\vii« siècle, la litté-
rature française conserve son ton grivois, ses grosses
railleries, ses impudences épicées. Henri IV et son entou-
rage se permettent publiquement, en paroles et en actions
des hardiesses plus étranges que celles de Gargantua.
Les Historiettes, de Talmans des Réaux, sont pain bénit
à côté du Cabinet satyrique, véritable monceau d'ordure,
qui courait les ruelles sous Louis XIII.
9 C'est seulement à partir de Boileau. de Corneille et
1. Bernardo Dovizi. cardinal Biubien.v l'iTO-lô'iO. La Calendria
ist la plus ancienne comédie inoderne connue, elle semble
imitée des Mihtecluiws de Plvute. elle est écrite dans le style
• \i^ ncface. avec lequel elle rivalise d'indécence.
XI.VIIl INTRODUCTION
(le Racine, que la littérature se châtie, se forme au res-
pect et prend cet air de noblesse et de dignité qu'elle ne
quittera plus, du moins en public, et à titre officiel. Le
diable peut-être, n'y perd rien. Les Mémoires de Saint-
Simon nous révèlent, dans cette cour majestueuse de
Louis XIV, des scandales incroyables, et nous montrent
pas mal de ducs, marquis, voire même de princes du
sang, qui parlent en crocheteurs et agissent en laquais.
Au xvui' siècle, la muse ne s'échappe que trop en liberti-
nages équivoques, en dissipations libertines, mais l'ins-
piration s'est épurée. La bonne compagnie a pris le des-
sus, la police des lettres se fait sérieusement, la décence,
ou tout au moins le décorum, a passé dans les mœurs, et si
la plume ou le crayon s'émancipent trop fort, c'est en
cachette, dans la pénombre des salons ou dans les repaires
anonymes. Un mauvais livre ne l'ait plus les délices de la
cour et de la ville, c'est du fr-uit défendu, le ragoiit de
quelques débauchés. )>
11 n'y a donc pas à son dédire, dirons-nous encore avec
de Montaiglon : la pudeur de la pensée et la retenue du
langage sont des vertus absolnment modernes, où le
moyen âge n'a rien à voir. Les maîtres de la poésie cour-
toise ressemble à une volée de moineaux babillards ctlas-
sifs. Les plus honnêtes de nos conteurs, Christine de Pisan
elle-même, abondent en graveliires brutales. Est-ce là,
comme le répèle trop une certaine école, un regain de la
veine gauloise, un tribut delajoyeuseté et de la gaillardise
françaises, en un mot, une affaire de physiologie et de tem-
pérament national ? Non certes : les écrivains allemands,
italiens, espagnols, anglais en font autant et même pis. On
ne doit voir dans ces licences et ces intempérances, qu'un
point des rudesses sociales, l'excès d'une civilisation
encore mal dégrossie. Au moyen âge, l'esprit était à la
fois, trop fougueux et trop naïf pour s'assouplir et se con-
tenir. L'équilibre des sens et de l'imagination procédé
dune culture savante, d'un étiage moral assez prononcé.
INTRODUCTION \I,IX
l)ans If s races jeunes, restoniac. la force musculaire, la
vie physique exultent, la chair domine le verbe ; la sensa-
lion rapide, l'essor immédiat, le désir prompt et vivace
coulent comme une eau vive et jaillissent en expressions
véhémentes, en chants désordonnés, en récits d'une cru-
dité l'udimenl.iire. Il n'y a point là parti pris, corruption
raisonnée, mais bien inconscience de la rèo^le, oubli ou
plutôt ignorance de la pudeur. L'homme primitif devient
en littérature, un poulain vicieux, un animal rétif et sans
frein. De là. ces exubérances, ces énormités qu'on
retrouve à chaque pas dans les auteurs des anciens temps,
et presque dans le livre d'Heures d'Anne de Bretagne, la
plus intègre des femmes.
Enfin, concluerons-nous, (avec M. Rocher et Dieu nous
garde de jouer avec cette chose respectable entre toutes
qu'on nomme la pudeur publique), ce qui est vraiment
dangereux, vraiment malsain, ce ne sont point les histoires
court vêtues que nous a léguées la fantaisie de nos pères;
c'est la dépravation froide, le cynisme philosophique, le
libertinage grave et par la raison démonstrative. Là-dessus
nous sommes pleinement de l'avis de Macaulay, lorsqu'il
écrit : « Nous avons peine à croire que dans un monde aussi
plein de tentations que celui-ci, un homme qui aurait été ver-
tueux s'il n'avait pas lu Aristophane et Juvénal, devienne
vicieux parce qu'il les a lus. Celui qui, exposé à tous les
courants d'un état de société semblable au nôtre, craint de
s'exposer aux inlluences de quelques vers grecs et latins,
agii.selonnous, comme le voleurqui demandait aux shérifs
de lui faire tenir un parapluie au-dessus de la tête, depuis
la porte de Newgate jusqu'à la potence, parce que la mati-
née était pluvieuse et qu'il craignait de prendre froid ».
C'est parler d'or, la décence, néanmoins, est la condition
des œuvres vraiment belles; mais en quoi consiste la
décence en matière d'art? Si vous êtes trop collet monté, \
adieu les épanchements, les saillies, les propos de table, 1
comme dit Luther, adieu les médisances innocentes, les l
L INTRODUCTION
plaisanteries, les quiproquos et tout cet ensemltle de jolis
riens dont se compose le menu bagage de la vie.
Les propos du /jiii>ia/e sonlde dilîérenles sortes, les uns
sont de simples bons mots qui tirent leur finesse, leur
force, leur subtilité, de là-propos, du fait même, ou de
celui (jui les dit, d'autres ne sont pas autre chose que ce
qu'on appelle aujourd'hui en journalisme des nouvelles
à la main; si l'on continue à chercher dans lejournalisme,
des équivalents, on trouve des échos, des faits divers :
c'est le veau à deux têtes, c'est le dragon né de la vache
qui précède le serpent de mer du « Constitutionnel », c'est
la bataille des geais et des pies, la pluie de sang, l'homme
qui jeûne deux ans, les visions et les apparitions fantas-
tiques. Tout comme un journaliste daujourd'hui, Poggio
a ses tètes de turc, sur lesquelles il frappe sans cesse,
les moines, d'abord, les médecins ensuite, puis ses enne-
mis personnels ou ceux de ses amis, car il a l'amitié fidèle,
tenace autant que la rancune implacable.
C'est tout cela qui nous fait connaître en détail, la vie
quotidienne et l'esprit do cette époque lointaine, avec plus
de facilité peut-être, que nos journaux d'aujourd'hui, avec
leur mille et mille contradictions, ne permettront à nos
arrière-petits-neveux de se faire une idée bien exacte,
bien nette de notre vie au jour le jour et de notre esprit,
de cetesprit parisien dont on ne peut sentir toute la saveur,
tout le pénétrant, toute la subtilité, au bout de quelques
instants, parce que l'embiant n'est plus le même, ou que
l'esprit s'est transformé.
11 y a également les contes dont un érudit franrais du
siècle dernier, Legrand d'Aussi, soutient que Poggio a
pris la plupart dans les fabliaux répandus en Europe par
les trouvères, durant les xii"-' et xni>' siècles, et dont la
fertile imagination, dit-il, a créé d'inépuisables richesses
pour les romanciers et pour les poètes (1).
1. 0)1 trouvera en note des diverses l'acéties, leur oiiL;ine. On
INTRODUCTION 1,1
Si Poggio a imité, ou s'il a simplement reproduit dos
contes déjà populaires, peu importe et Ion ne saurait lui
en faire reproche; il a lui-même été imité par d'innom-
brables auteurs, qui ne se sont fait aucun scrupule de_
prendre leur bien où ils le trouvaient. Rabelais recueillit
vraisemblablement lui-même, durant ses voyages, les
différents contes d'origine italienne qu'ilainsérés dansses
écrits; il est facile de s'apercevoir en particulier, qu'il ne
lut pas sans plaisir et sans quelque fruit, le livre des
Facéties de Poggio; ces emprunts du spirituel curé de
Meudon prirent depuis, une nouvelle célébrité lorsque La
Fontaine les orna du charme de son inimitalde esprit;
j\ÂMjieaii^/Hans Carvel, que celui-ci donne comme imité
de Rabelais, est presque la traduction du songe de
Filelfo. T'n autre conte : Les Quiproquo, a beaucoup
de ressemblance avec l'historiette intitulée : Aventure
surprennnte d'un fou/on anglais. La Fontaine doit aussi à
Poggio, le sujet de la charmante fable : Le Meunier, son
/ils et l'âne, qu'il a traitée à sa façon magistrale, changeant
en véritable drame l'esquisse légèrement tracée par le
conteur Florentin, qui avait aperçu et saisi le but moral si
heureusement et si agréablement développé par le grand
fabuliste, mais le modèle lui-même ne manque pas de
charme dans sa simplicité. La I-'ontaine peut tenir aussi
de Poggio, les sujets des fables du Coq et du Renard, de
In Feniinc noyée et du Charlatan. Quant au conte des
deux Parentes, Legrand d'Aussy toujours impitoyable.
peut indiquer les fabliaux suivants du recueil de Legrand d'Aussy
La Culotta des Cordeliers. le Testament de rAne, du Vilain et de sa
Fenune, du Prétendu alias de la Fenitne contrariante, le Meunier
d'Àlens, le Vilain de liailleul alias le Conte de la femme qui fist
accroire à son mari qu'il était mort, le Conte de la bourgeoise d'Or-
léans alias de la dame qui fil battre son mari. Legrand d'Aussy
veut même que l'.inneau de Merlin ait servi de prototype à l'auneau
du rêve de Filelfo. Enfin, Le Vilain, devenu Médecin qui aurait
inspiré Poggio, avant notre grand Molière.
I.ll INTRODUCTIOIN
déclare que Poggio l'a trouvé dans le XII" livre de Josepli,
qui le prêle au juif Hircan, assis à la table de Ptolémée.
L'éditeurdes œuvres de l'oggio, François-Joseph-Michel
Noël, dans ses <-urieuses recherches sur lus origines elles
imilaiions àesFacc/ies, indique un bien plus grand nombre
dcmpruntsfailspar Poggio, à l'anliquité el au moyen âge.
(-)n en trouvera la menlion dans les noies de celte Iraduc-
lion. Os notes ont été, autant que possibli-. classées cliro-
nologiquement,les origines d'abord, les iniitations ensuite,
jusqu'au xvni« siècle inclus.
Les Facéties devaient être le premier ouvrage qu'on
imprimai de Poggio, remarque de Montaiglon; elles
eurent dès leur apparition, le plus grand succès. Ce serait
presque un livre à faire, que la bibliographie sérieuse des
éditions des Facéties, dont le nombre est étonnant au
xv*^ siècle: les plus célèbres elles plus curieux imprimeurs
les ont reproduites. Les éditions sans date, qu'on regarde
comme les premières, sont aux environs de 1 470. L'une sort
de l'atelier du couvent de Sainl-Eusèbe, à Rome; l'autre,
des ateliers d'Ulric llan, une autre encore est peut-être
de Vindelin de Spire. Puis, et comme sans interruption,
on trouve les éditions: d'Andréas Gallus à Ferrare (1471);
d'Antoine Koburger, à Nuremberg avant et en l'i75; en
l'i77, de Jean Roppard, de Christophe Valdarfer à Milan,
de Petrus Cœsaris à l'aris; en 1481, de Léonard Pachcl
et dl'lrich Scinzinzeller encore à Milan; de \'eniso en
1487 et 1588 el, pour clore celte première période, do
Michel Lenoir à Paris.
Peu de livres ontà leur bilan une telle suite d'honneurs.
Il fut encore très réimprimé au xvi'' siècle, et jusqu'à
Cracovie en 1592; mais le xvin'' siècle le négligea et il faut
aller jusqu'aux dernières années de ce siècle-là. pour
trouver les deux petits volumes de F. J. M. Noël, faits
avec soin, mais non exempts de fautes; fautes qui n'ont
pas toutes disparues dans la dernière édition latine, pu-
bliée avec une traduction par Isidore Liseux en 1878.
j.
1
INTRODUCTION
GUIf.LACMK TAP.DIF l.T r.KS TRADUCTEfiRS FRANÇAIS DK POGOIO
Pogge nous apprend lui-même, que ses Facéties étaient
traduites dans toutes les langues et servaient à la dis-
traction de la lionne société de l'Europe civilisée du
\ve siècle.
Quelle fut la première traduction française?
La première en date que nous connaissions, est celle que
vers 1480 il), Guillaume Tardif, du Puy en Velay, écrivit
pour divertir son maître le roi de France, Charles VIII,
et peut-être bien aussi, sa souveraine, AnnedeBretagne,
d'intègre mémoire. Cette traduction fut publiée sans nom
de traducteur et eut de nombreuses éditions, notamment
vers 1510 à Paris, chez « laveufve feu Jehan Trepperel ».
puis celles de Jehan Bonfons, en 1549, et de Nicolas
Bonfons. en 1574. Le bibliographe Brunet indique aussi
celles de Lyon, Pellet, 1600; Rouen, Jean du Cor, 1602 et
Paris, Couturier, 1605. « Parleur date, dit de Montaiglon.
ce sont comme les éditions de Costé, à Rouen, une trace
de décadence en même temps et de popularité encore
réelle, et il est étonnant que de là. la traduction de Tardif
n ait pas passé dans la Bibliothèque bleue.
Les premières éditions ont 115 facéties, puis les sui-
vantes tombent successivement à 112 cl même à 80.
I. l.a première éililion des FacHii'x di' Poçiqc est de 1170.
LIV INTRODUCTION
Les éditeurs du wi!» siècle, malgré les dates données
ci-dessus, sont ceux qui ont le plus négligé l'œuvre de
Poggio; pour le retrouver, il faut aller jusqu'au xvni«, qui
s'est repris plus d'une fois aux curiosités littéraires du
passé.
Au xv« siècle également, le Révérend Frère Julien, des
Augustins de Lyon, docteur en théologie, a aussi traduit
aucunes ioyeuses facéties de Pogge, à la suite de son livre
Des subtilles liysioires el fables de Jisope, translatées de
latin en francoys el aussi d'Avian et de Alphonse, imprimé
à Lyon, chez Malhis, en 1484. Pour être plus concise que
celle de Guillaume Tardif, la traduction du Frère Julien
n'est guère plus littérale. Les quelques facéties dont il a
fait choix sont des premières du recueil — de ngïves gra-
vures sur bois ornent quelques-unes; le marin de GaiMe
rentrant au logis, le fou et le cavalier à la porte du méde-
cin qui immerge les fous dans une mare, la vache qui
met bas un dragon , le veau à deux têtes, le monstre
moitié homme moitié poisson, le renard, le coq et les
chiens.
La traduction publiée en 1712 à Amsterdam, chez Jean-
Frédéric Bernard, petit in-12 de 240 pages, frontispice
gravé par Lamswelt, a pour litre : Les Contes de Pogge,
Florentin, ai'ec des réflexions. Les réflexions nouvelles,
dit Montaiglon après Brunet, attribuées par les uns à
David Durand, qui les a désavouées, k Frédéric Bernard
et même à Langlet Dufresnoy par les autres, sont dans
tous les cas, puériles quand elles ne sont pasridicules(l),
mais il faut remarquer qu'il n'y a pas un conte qui ne soit
dans Tardif, et il y en a même une quarantaine do moins.
Les réflexions dans le guùt nouveau ont remplacé ses
moralités naïves, mais avec l'orthographe modernisée,
c'est la vieille traduction qui est le texte de la nouvelle.
1 On trouvera en note (juelques-unes des réflexions de l'édi-
lion d'Anisterdain (171Î).
INTRODUCTIOiN LV
On peut même dire d'après quelle famille d'éditions ce
démarquage de linge a été fait. En elTet, la réimpression
de Bonfons, 1573, n'a plus que soixante-treize facéties;
celle de Bernard n'en a pas davantage.
Très peu de temps après paraissait l'ouvrage de Jacques
Lenfant : Pog^inna, ou la vie, le caractère, les sentences
et les bons mots de Pogge, Florentin, avec une Histoire de
la République de Florence et un supplément de diverses
pièces importantes, Amsterdam, Pierre Humbert, 1720,
'1 vol. in-t2. Le recueil des bons mots de Pogge et des
hommes de son temps (II, p. 159-272) a 136 articles.
L'ordre n'est pas le même que dans les autres recueils, et
Lenfant a ajouté vingt-cinq articles qu'il a extraits d'autres
ouvrages de Pogge.
Des quantités de recueils de contes, d'anas des xvk,
xvii« et xviu"' siècles, tels que Les contes à rire ou Récréa-
tions françaises. — Les nouveaux Contes à rire. — Roger
Bontemps en belle humeur. — Le Tombeau de la Mélan-
cliolie. — Histoires facétieuses et morales. — Le Passe-
temps agréable. — Le facétiewi- réveille-malin. — Facé-
ties et mots subtils. — Dictionnaire d anecdotes ei Nouveau
Dictionnaire d'anecdotes, etc., etc., ont traduit ou imité
nombre des Facéties de Pogge, sans compter les faiseurs
d'épigrammes : Bernard de la Monnoye, Grécourt,
J.-B. Rousseau, Mérard de Saint-Just, Baraton, Lebrun,
etc., qui, comme nos grands conteurs Béroald de Ver-
ville, Taburot des Accords, Bonaventure des Périers,
La Fontaine, Voltaire, etc., ont pris leur bien là où ils
le trouvaient, dans le domaine public où l'esprit retombe
fatalement.
En 1799, un érudit, un savant, un écrivain intarissable,
Cadet de Gassicourt, publiait lui aussi, la traduction de
quelques facéties de Pogge, principalement celles imitées
par La Fontaine (1). Dreux du Radier l'avait précédé dans
1. « Recherches sur quelques faLles de La Fontaine » clans
lef YeiUéex dea Mu:<-'s, II année, n° IX. frimaire, an VIll, p '217.
1,VI INTRODUCTION
ses essais, snns savoir que c'était du l'oggio qu'il Iradui-
sail(l}.
De nos jours, remarque deMontaiglon, plusieurs traduc-
teurs se sont occupés des Facéties, et leurs volumes sont
devenus tout à fait rares.
L'un est de M. -P. Ristelhuber : Les Contes de Po<;<ie
Florentin, avec introduction et notes, (Paris, Alphonse
Lemerre, 1867, petit in-8o carre . Le traducteur no donne
que 112 facéties, dont la bonne moitié se trouve dans Tardif,
mais dont 5*.) n'y figurent pas (2).
L'année suivante, Gustave Brunet, l'érudit bibliographe,
a fait paraître, à cent exemplaires seulement : Quelques
contes de Pogge, traduits pour la première fois en fran-
çais par Pjiilomeste junior, (Genève, chez J. Gray et fds,
1868, in-12, 68 pages}. Il s'est certainement servi du texte
de Noël, car les titres sont traduits des nouveaux titres
donnés par cet éditeur de Poggio. L'ordre est entièrement
changé, si M. Brunet a 107 articles, tous sont loin
d'être de Poggio; sans entrer dans le détail, qui deman-
derait une table de concordance, les articles 29 à 90
c'est-à-dire la plus grande partie, soit 61 articles, ne sont
pas dans les Facéties et viennent de recueils italiens du
même genre. Il a été annoncé une traduction des 271 fa-
céties de l'édition de Noël, dont le texte devait être de
M. O. Steicher et qui devait être accompagné d'eaux-
foi'tes par Henry Grenier de Saint-Martin. La guerre
franco-allemande a interrompu le travail qu'elle a fait
abandonner, malgré les nombreuses souscriptions déjà
re(,tues, et c'est pour y suppléer que M. Anatole de Mon-
taiglon publia la traduction de Guillaume Tardif, chez
Léon Willem, eu 1878. (in-8'' L. II. :i51i.
2. Dreux du Radier. — Ilrcrralimis liislorii/ues. vie. (1767).
;'. M. Ristelhuber est mort en I8'.J'.). bibliothécaire à Stras-
bourg, sa patrie. C'était un érudit fort estimé. Nous avons parfois
ini« ses noies à profit. Son livre n"a été tiré qu'à 200 exem-
plaire!' numéroté.s.
INïRODl CTION |,VII
Le savant polygraphc souhaitait qu'une traduction com-
plète des CGLXXIII facéties, fut faite avec soin. Cle vœu a
été peu de temps après réalisé par le bibliophile Isidore
Liseux, dans sa petite collection elzévirienne si recherchée
de certains amateurs spéciaux. L'éditeur a donné le texte
latin avec sa traduction élégante et soignée, mais ce qui
ne laisse pas de surprendre chez cet amateur de littéra-
ture spéciale, c'est de voir qu'il a, par une pudibondei-ie
fort comique en tel personnage, laissé des phrases ou des
mots en latin qui, de celte façon, « bravent l'honnêteté ».
N'est-ce pas l'histoire du parapluie du condamné de
Newgate! Quoiqu'il en soit, cette édition d'Isidore Liseux
est excellente et nous a été fort utile, tant pour le texte
(jue pour la traduction 1).
Mais revenons à Guillaume Tardif et à sa traduction.
Cette traduction, publiée sous l'anonymat que Brunet
lui-même n'a point cherché à percer, est-elle bien de
Guillaume Tardif? Nul ne peut le contredire, attendu que
le traducteur en a revendiqué la paternité, dans la dédicace
qu'il a faite au roi Charles VIII, de son livre des Apo-
logues de Laurent Valla : « Et pour vostre Royale Majesté
« entre ses grans affaires récréer, vous ay translaté le plus
« pudiquement que j'ay pu, Les Facécies de Page. »
Quel est cet homme qui s'intitule « Liseur » du roi
Charles VIII, et natif du Puy en Velay'!*
« Tardif naquit au Puy, on saurait en douter, écrit son
biographe et compatriote, Charles Rocher; certains bio-
p-raphes inscrivent vers 1440, la date de sa naissance; ses
ouvrages latins accompagnent son nom de l'épithète
Aniciensis; dans ses livres français, les Apologues, les
1. Les Facclies île PoçKie traduites en Français, avec le texte latin
■ ' U'ion complète. Deux vol. Petite collectiou elzévirienne. —Bien
(I i"anonvme on sait qu'elle est l'œuvre d'un latiniste érudit, qui
a li-jduit plusieurs ouvrages pour cette coUeciion. Notamment
!( Dialogue de Pogjiio .• Un cieillard doit-il se marier?
I.VIII INTRODICTIO.N
DUz moraux, la fauconnerie, on retrouve le nom de sa
ville natale, le Puy en Velay. Quelle était sa famille? »
Et M. Rocher, après avoir remué bien des paperasses,,
n'a rien irouvé de plus qne cette note des Chroniques
d'Etienne Médicis, bourgeois du Puy ; « En ce temps
« (1475) flourissoit et estoit en bruyt en ladicte ville du
« Puy maistre Guillaume Tardif, natif de ladicte ville, qui
« moultscientic'.fique homme estoitdesingulièreéloquence,
« lequel composa certain livret de grammaii-e, lequel j'ay
" veu en mes tendres jours en impression et seintituloit
« ainsi : Grammatica Guillernii Thadivi Aniciensis; et en
« d'autres sciences fut approuvé et élégant et do noble
« engin et très agu en (lisputacion... » et c'est tout.
Les biographes et les historiens semblent avoir quelque
peu oublié ou négligé maître Guillaume Tardif du collège
de Navarre. Par contre, un Florentin, nommé P^rancesco
Florio, qui résidait au couvent de Marmoutier, ayant en
1467, composé une historiette fort leste dans le goût erotique
italien de la fin du xv" siècle (1), dédiait son œuvre à
Guillaume Tardif, qu'il qualifie de maître, depuislongtemps
expérimenté dans la lutte de Vénus et de Mars, et de très
habile maître de rhétorique.
Si, à cette date, Guillaume Tardif jouissait déjà d'une
certaine notoriété, « il est également permis de croire,
dit M. Ch. Rocher, qu'à la même époque, il se poussa
à la cour et obtint la faveur de Louis XI. Ce prince,
accablé de travaux et d'intrigues, se plaisait fort à ou-
blier les soucis du pouvoir, dans l'entretien des petites
gens et surtout des lettrés ; Tardif put très bien parvenir
jusqu'à lui et s'en faire valoir. Cette conjecture se fonde
sur des apparences parfaitement vraisemblables. Tardif
1. De Ditobus amantibus seu deamore Camilli et Emiliœ Arclino-
rum liber. F'elicitor expletus est Turonis et eilitus domo
Domini Guillermi archiepiscopi Turoneuin l'iGT. — Gii. Rocihku,
Introduction à Tardif.
INTRODUCTION LIX
dédia sa Rhétorique à Charles VIII encore dauphin. Cet
hommage à l'héritier présomptif de la couronne suppose
de hautes protections; un usage, qui avait force de loi,
n'admettait la dédicace aux personnes royales qu'après
autorisation préliminaire »(1). Un autre motif, qui permet
de croire aux accointances de Tardif à la cour, c'est sa
liaison avec Angelo Catho, une des grandes figures des
cours de Louis XI et de Charles VIII, l'ami de Comines.
En 1483, Charles VIII, à son avènement, nomma Tardif
son lecteur, charge modeste qui ouvrait les portes du
palais, et oiïrait la table et les distractions des déplace-
ments royaux. La fréquentation des seigneurs et des pré-
lats semble même avoir favorablementdéteintsurlemaître
liseur. Il y gagna cette politesse, cette désinvolture, le ton
vif et délibéré.
Uniquement réduit à sa cellule scolastique, il fut resté
probablement un érudit prétentieux, épais, frotté au beau
monde, initié aux manières des hautes régions, il se dé-
crassa et s'aiguisa. Simple pédagogue dans sa grammaire
et sa rhétorique, il devint beau diseur, moraliste aimable
et subtil dans ses traductions de Valla et de Poggio (2).
Jean Reuchlin, l'ami d'Erasme, le célèbre philosophe,
la gloire de la science allemande au xvie siècle, celui que
Luther et Melanchton essayèrent d'entraîner dans la
Réforme, était venu, dans sa jeunesse, à Paris vers 1473;
dans un de ses ouvrages (3), parlant des maîtres qu'il a
connus et desquels il a reçu l'enseignement, il cite « le
maître de rhétorique Tardif, du Puy en Velay, qui se
tenait dans la rue Sainte-Geneviève » et ce nom, associé
à ceux de Lapierre, de Jaquin, de Tipherne et d'IIermo-
1. Gh. Rocher, ibid.
2. Ibid.
3. Spéculum oculare.
LX INTRODUCTION
nynie, par nu huinine tel que Jean Reucliliii, démontre (lé-
remptoirement le crédit et l'autorité du professeur.
Guillaume Tardif n'était pas moins estimé des savants
de France, et Louis de Rochechouart, évoque de Saintes,
l'un des érudits amateurs les plus estimés de l'époque,
aimait et approuvait le maître, à la louange duquel il com-
posait une pièce de vers latins, que Guillaume Tardif
publia en tête de son édition de Solin.
Ce n'est point ici la place de parler des œuvres de
Guillaume Tardif, nous nous contenterons de parler seu-
lement de sa traduction de Pog'gio.
La Renaissance italienne avait pénétré en France et
l'art nouveau avait tout rénové; comme tous ses contem-
porains, Guillaume Tardif s'était laissé entraîner dans le
courant. C'est par songoùt pour Htalie; par ses aspira-
tions vers l'inconnu, vers l'avenir, qu'iPappartient réelle-
ment à cette époque, et c'est par là aussi, qu'il tient sa
place dans la Renaissance française; son contingent dans
l'œuvre commune est léger, mais il compte au milieu des
tentatives de l'esprit nouveau.
« Comment se termina la carrière de Tardif ? Même
incertitude que pour ses débuts. Il lleurit, suivant Du
Bouloy, jusqu'à la fin du x\« siècle — c'est bien vague.
C'est en vain que nous avons interrogé nos archives,
registres etobits, dit M. Charles Rocher, pour savoir où
et quand trépassa Tardif. La mort a hien tenu son
secret (1). »
C'est encore au compatriote de Guillaume Tardif, à
celui qui a restauré sa mémoire en sa ville natale,
que nous emprunterons cette appréciation de la traduction
de Poggio('J).
« Sous certains rapports, les œuvres de ce genre
T
1. Charles Rocheh. Introiluclion à (J. Tardif,
i. Ibid. p. 08.
IMRODLlTlU.N l,\l
peuvent être regardées comme utiles et même nécessaires;
elles aident à l'histoire et forment une des pièces indispen-
sables de ce musée secret, qu'il faut bien se résoudre à par-
courir lorsque l'on veut se rendre compte des temps qui ne
sont plus. Comment comprendre une époque si on ne l'iu-
terroge dans toutes ses manifestations artistiques ou litté-
raires... Ce livre est un témoignage, il évoque des ten-
dances, des habitudes intellectuelles, un régime disparu .
à ce titre, il faut le relire. Il est clair que cette œuvre est
un signe du temps. Voilà Tardif qui met une foule de
turpitudes en bon français pour divertir son maître, le roi
de France. Un tel écrit et un tel personnage en disent plus
long sur le xv* siècle que bien des sermons et des disser-
tations! Il est donc vrai qu'en supprimant cette traduction
des Facéties on perdrait un élément critique important,
sur Charles VIII et son entourage. » Ce n'est pas seule-
ment un échantillon de style, mais encore un curieux reQet
des mœurs qui régnaient aux environs de 1480 sur notre
sol et venaient d'outre-monts.
< Tardif, dit Anatole de Montaiglon, ne forme point une
exception; ses libertés, dont il messiérait d'adoucir l'au-
dace, s'excusent d'autant plus, étant donné le lieu où
s'écoula sa vie, qu'il ne semble guère s'en douter, et qu'il
encadre, vis-à-vis d'un gros mot, d'une facétie très leste,
et cela sans malice, une pensée irréprochable, une
rétlexion sincèrement religieuse. Au demeurant, Tardif
est chrétien et honnête homme ; ses défauts, ou si l'on veut,
ses vices, ne lui appartiennent pas en propre, ils lui sont
inoculés par l'atmosphère ambiante. S'il eut vécu de notre
temps, il aurait, selon toute apparence, offert l'exemple
de la régularité et du bon goût. »
Il faut que les amoureux quand même du moyoa âge en
passent parla. « Nous valons mieux que nos pères sous le
rapport des mœurs publiques et des délicatesses de bien
vivre ».
L'œuvre de Guillaume Tardif n'est pas une traduction
LXII îNTRODUCTION
littérale, c'est plutôt une adaptation, une imitation par-
fois, où percent davantage lës'mœurs françaises et où le
sel gaulois domine la causticité italienne.
Que l'on prenne par exemple la xxxvi« facétie qui est là
xxvii^ du recueil de Tardif et que l'on compare la traduc-
tion ci-dessous avec notre traduction littérale.
UNO PRESTRE QUI ENSEPVELIT SON CIUEN
EN TERRE BENOISTE
et commence en latin :
lirat sacerdos in thuscia, etc.
Ung Prestre fust en Thuscie, curé riche et puissant,
lequel demouroyt emmy les champs et luy valloit son
bénéfice tant que merveilles. Or adonc estoit en Thuscie
ung Evesque rapineux et du tout adonné à la pécune, ce
que bien congnoissoit ce maistre et riche Curé, lequel,
pour soy farcer et moquer de son Evesqae, enfouyt ung
chien mort qu'il avoit en son cymetière en la présence de
tous ses paroissiens, bien présupposant que, incontinent
que l'Evesque le scauroit et que ilviendroità la congnois-
sance, le ferait citer et convenir pour le mettre en prison
pour luy faire payer une bonne amende; mais il n'en
challoyt au Curé, car il estoit riche et avoit assez argent.
Ainsi fust ce chien ensepulturé en terre benoiste par ledict
Curé, dont les nouvelles bientost en allèrent à l'Evesque,
qui fut moult joyeulx, car il scavoit bien que ledict Curé
estoit fort riche et qu'il en auroiL une bonne amende. Si
envoya l'Evesque hastivement cinq de ses clercs et no-
taires au vilaige où demouroit ce maistre Curé, lequel fut
cylé à comparoir devant son Evesque, dont il ne s'esmaya
guières, car bien scavoit par où il en devoit eschapper. Si
preust ce dict Curé cinquante ducats, qu'il mist en sa
IMRODUCTION L\lll
bourse, monta sur son cheval et s'en alla devant sou
Evesque, lequel de premjère venue commença à blasmer
et luy dire paroUes rigoureuses, tant que c'estoit mer-
veilles, et luy impropéra ce qu'il avoit faict de son chien
en disant que ce estoit contre la religion chrétienne, que
il seroit pugny et mis en une prison, et de faict com-
manda l'Evesque que le Prestre fust mené en prison,
equel respondit :
« Père Sainct, saufve votre Révérence, je n'ay pas
desservy estre emprisonné pour tant se je ay mis mon
chien en terre benoiste, car se vous scaviés la grande sai-
gesse et entendement dont estoit ledict chien, vous
raesmes diriés qu'il avoit bien desservy d'être ensépulturé
entre hommes et spéciallenient pour le beau sens et enten-
dement qu'il a eu en la mort pour le beau testament qu'il a
faict ; car le pouvre chien, congnoissant vostre nécessité
et indigence, en sa dernière voulenté vous a laissé et
donné par testament cinquante pièces d'or que je vous
apporte.
— O » dist l'Evesque, « Curé, voy là ung bon chien.
"Vrayment, veuce que tu dis qu'il a fait si beau testament,
il avoit desservy grant honneur et sépulture entre les
hommes, et n'ay point de cause de le mettre en prison, a
Ainsi fust le Prestre absouls de son Evesque d'avoir
ensépulturé son chien en terre benoiste par les cinquante
ducats qu'il eust du testament du chien.
Si Guillaume Tardif a mis beaucoup du sien dans sa
traduction de Poggio, c'est qu'il était lui-même un conteur,
qu'il avait l'humeur de son pays et qu'il vivoit en un siècle
d'inventions comiques. Il n'a point inventé ses contes,
ses apologues, — La Fontaine, le maître des maîtres, n'a
pas trouvé non plus le canevas de ses fables. — La seule
originalité de Tardif c'est le style pur, coulant, indépen-
dant et franc. Dans sa traduction des Apologues de Valln
I.XIN INTRODK.TION
l'omme dans -celle des Facéties de Poggio, il ne cherche
pas à lutter av^ec le texte, il eng^'aisse pour ainsi dire le
sujet, le récit s'anime, l'expression est pittoresque, elle
sonne gaiement à l'oreille. Sa langue est de bonne race,
elle est empreinte de la clarté française et de la malice
gauloise.
(iuillaume Tardif a fait })récéder sa traduction des Fa-
céties d'une dédicace de son œuvre au roi Charles VIII, et
de la traduction à sa manière, de l'avertissement de Poggio
à ses lecteurs; ces deux morceaux méritaientd'ètre repro-
duits et ils nous serviront de transition entre celte trop
longue bien qu'incomplète étude sur le traducteur et
l'œuvre de Poggio.
PlEKRK DES BrANDES.
DEDICACE
AT" ROI CHARLES VJII
ET
Prologue de la traduction des Facéties
PAR
GuiLLAiMK Tardif
A vous, très Ckestien Roy de FaANcr. CHARLES,
HtfYTKSME de ce nom, est présenté ce petit livre françois
contenant la substance des Ditz joyeulx et plaisantes
Facécies que autrefïois agréga et met en livre le bien lité-
réet facécieux homme Poge, Florentin auquel livre icelluy
orateur usa selon la matière subjecte. de termes latins,
(fort?) élégamment exquis e réthoriques. Mais pour cause
que tels termes a tous gens ne sont pas communs, je.
simple d'entendement, considérant que la matière est
jouyeus et récréative à qui bien la comprent, aiïin que
vous principalment. qui. selon commune renommée
prenez, plaisir et délectation aux escripturesy puisses pas-
ser a iculnefTois temps, si vostre bon plaisir est délire ou
escoater le contenu en ce présent livre, el autres gens de
biv:n pareillement, me suis ingéré selon mon debille
ftsperit etpetite capacité, à translater les paroUes latines
du ilicl Poge et traicter en parolles françoises au mieulx
que j'ai peu, l'intencion de luy, ainsi que ses paroles latines
en touchent. Mais, pourtant que les motz latins n'offencen
LXVI INTRODUCTION
pas tant les oreilles des auditeurs, quelque ville chose
qu'ilz dénottent, que font les motz françois quant ils
touchent de choses vérécondieuses et especialmente des
œuvre de nature, je ne ay point voulu ne convenir les
molz latins seullement en motz françois et z'endant françois
pour latin sans plus, ains ai voulu exprimer les sentences
touchant ce cas en paroUes couvertes, non déclarantes si
vulgairement le sens littéral du latin. Par (juay, les lec-
teurs ou auditeurs de cestuy présent livre, ne doivent
imposer fauceté en la Translation par tant que elle ne soit
totalement faicte, au sens littéral, mais, j'en excuse
l'intencion du translateur, qui non par arrogance l'a ainsi
faict, mais espérant complaire à chascun en esvitant mes-
mement l'excusation du dit Poge, Florentin, principal
acteur du dessus dict livre qui se escuse de tant que par
son intencion a usé de tant de mots reputy (t) vilz et in-
fâmes à l'occasion de la substance dénotée par eulx ainsi
qu'il opert au commencement de son livre, lequel com-
mence ainsi : Multos quidem. etc.
(I.) Le texte, évidemment iautil', donne « de tant que par
.«on intension réputere, »
PROHEME
Pour plus évidentement congnoislre la cause priiici-
palle de cestuy livre, ainsi comme l'Acteur en son Prohème
le touche, nous devons noter que Poge, Florentin, fut ung
très lettré homme, grand orateur et plain de belle éloquence,
lequel estoi natif du pays de Florence, et, pour les belles
prééminences et dons de grâce qu'il avoit en luy, fut ap-
pelle en Court de Romme, là où, avecques plusieurs aultres
notables Clerz. entre lesquels il estoit, fut faict ung esdict
que chascun d'iceulx upporteroit tous les jours fus après
disner ou soupper, aulcune chose joyeulx pour recréer
l'entendement ainsi que le texte le touche qui dict : Multos
futuras esse arbiiror, qui lias nostras confabulaliones
etc. Poge dit à ses compaignons : « Je présuppose, arbitre,
juge et croy plusieurs estres au temps advenir qui répu-
teront nos présentes confabulations estre j^hoses légières
et mains dignes d'estre présentées devant les hommes
gravez, saigeset bienlettréz ou pour tant qne la substance
d'icelles est légière ou pourtant que la manière de les
narrer et descripre ne procédera pas de la langue si élo-
quente que ces grans gens vouldroyent ouyr », en quoy il
adpert que Poge, Florentin, ne fut pas seul inventeur des
dictes Facécies pour tant qu'il parle au pluriel nombre et
les appelles, nostres en faisant son propos, lequel il excuse
disant ainsi : « Quitus ogo respondeam ; mais, s'il est
I.XVIII IM'HODUCTU»
ainsi, » dislPoge, « que les futurs, comme dit est, vueil-
Icnt incréper ce présent livre pour les causes dessus dictes,
je leur répondz que j'ay leu en ^plusieurs lieux noz prédé-
ces'^eurs très saiges et plus grands hommes en science
que nous ne sommes avoir acquis grandes louenges et
grans honneursen prenant délectation euFacécies, Narra-
tions de fables et Dictz joyulx, gardée tous jours honnes-
teté, et no reputoyent pas y'celle choses villes ne dignes
de l'épréhension, mais de louange, parquoi il me suffist
prendre, si alléguer les faits d'iceulx pour mon exéusation,
et ce que plus désoneste pour moy je répute, c'est le temps
que j'y ai perdu en choses inutiles, loquel eust mieulx
valu que je l'eusse employé àdescripre aulcunement aul-
cune chose joyeuse selon l'inimitation de noz saiges mais-
tros prédécesseurs comme ainsi soit que le labeur de ce
faire ne soit point des honneste, mais lont l'oué les saiges
et réputé comme convenable et nécessaire aux gens de
bien pour tant premier que celluy qui ce faict évite oysi-
veté et si donne cause aux lecteurs et auditeurs de son
livre de l'éviter et souvente foys retourne leurs pensées
de aulcunes mauvaises cogitations; avecques ce il est utile,
mesmes aux gens contemplatifs et studieux, de récréer
leurs entendemens paraulcune manière de jeulx honnestes
pour les ramener à hilarité et plaisance. » Et par ainsi, dit
Poge, Florentin, la manière de son livre et respond à ceulx
qui la vouldi'oyent blasmer. Api'ès se excuse de procédi'r
à son livre touchant les parollcs et l'éloquence; disant
ainsi : « Eloqiienciani vero, etc. ; « je trouve » dit l*oge,
« chose moult difiicile, fors à celluy qui est bien curi(^ux,
scavoir mettre grande rétliorique et user de liaulte élo-
quence en parlant de petites choses, comme exprimer
Facéciesen laforme ou le dit joyeultd'aultruy.ainsicomme
il a esté dit, comme il soit ainsique plusieurs choses sont
qui ne pourroient deumement en plus a ornéement estre
racomptées qu'en la manière que ceulx d'ont ils procèdent
leii racomptent, combien (jue aulcuns vouldrent estimer
IMUOIUCTION LXlX
(jue je dyi' cecy pour escuser la coulpe de mon entende-
ment, auxquelz je me consens, non vouilantprendre arro-
gance en may de dire que mieulx faire ne pensent, mais
les exorle et supplie., se mieulx faire scaivent qu'ils le
facent, alfm que de la langue latine en nostre vieil aage
nous puissions aulcune chose acquérir; car en ce mons-
treront-iis la heautté de leur entendement et ne soyent
pas si vigoureux indicateurs que il veuillent du toutblas-
mer et vitupérer notre présente œuvre, spécialement de
inoy qui l'ai escript et en ay fait au mieulx que je ay peu,
car en ce que j'ay faict, n'a point esté pour ofTenceraulcun.
mais seullemenf pour passer le temps et donner à mon
espérit aulcune récréation »
Ainsi linist Poge, le Préambule de son Livre puis com-
mença la narrative ainsi comme il s'ensuvt :
LES
FACÉTIES DE POGGE
FLORENTIN
LES
FACÉTIES DE POGGE
FLORENTIN
Avis aux gens prudes de ne pas censurer
le ton léiier des Facéties l .
Bien des gens assurément, h\(\n\eToiii ces facéties
quils taxeront de babioles peu dignes d'un homme
grave, peut-être bien parce qu'ils les auraient
voulues contées dune façon plus enjolivée et dans
un style plus élégant. A cela, je répondrai, qu'au
cours de mes lectures, j'ai remarqué que nos aïeux,
hommes doctes et sages, se délectaient de contes,
lie bons mots, de plaisanteries et que, loin de les
trouver repréhensibles, nous devrions au contraire
les féliciter, et cela me vaudra leur estime. Qui donc
osera trouver à redire de ce que j'aurai cherché à
les imiter, faute de mieux, en passant à écrire le
1. ye œmiilis cnrpant Faceliaruui opus, piopler eloquenlUe temii-
(itfni. — Le sens le plus exact serait à mes adrersaires, à mes
ennemis.
LES F.VCKïrES DE I'0G(;E
temps que d'autres dissipent en commérages dans
les réunions, surtout si mon travail n'est point
sans mérite et sans ai^Tément pour les lecteurs. Il
est ])on, en effet, je dirai même nécessaire, d'arra-
cher notre esprit à ses fatigantes et continuelles
préoccupations et de le distraire agréablement par
de joyeuses plaisanteries. Vouloir chercher des
effets de style en des choses aussi minimes, alors
qu'il s'agit simplement de rendre avec toute sa
saveur et son esprit un bon mot ou une joyeuseté,
me parait excessif. Il y a des choses qui n'ont
point besoin d'être enjolivées, mais que l'on doit,
au Contraire, reproduire telles qu'elles ont été dites
par les personnages mis en scène.
On estimera, peut-être, cjue je cherche à pallier
une faute (jui tient à mon manque d'esprit, d'ac-
coi. i, mais alors j'engage ceux qui sont de cet
avis à reprendre, à leur tour, ces facéties, à les
travailler à leur fantaisie, ils feront à notre temps
l'honneur d'avoir enrichi la langue latine, en la
rendant facile aux choses légères. Quant à moi, je
n'ai pas voulu faire autre chose que d'essayer, s'il
était possible, d'exprimer en latin sans tomber
dans l'absurde, ce qui semblait jusqu'ici fort dif-
ficile. Il était par conséquent tout à fait inutile
d'enjoliver ou d'employer un style pompeux, et si
l'on trouve que je n'ai pas raconte avec trop de
maladresse, je n'en demande pas davantage.
Mais que les censeurs rigides et les critiques
acerbes se dispensent de lire ces wenus jtropos,
LES FACETIKS DE PUtiGE 3
je ne puis les appeler autrement '. Je ne veux ùlrc
lu que par des esprits gais, par des gens bons
vivants comme Lucilius par les Consentins et
les Tarentins - . Quant aux imbéciles, je ne leur
défends pas de penser ce qu'ils voudront, je leur
demande seulement de ne pas faire un crime à un
auteur d'avoir voulu se distraire en exerçant son
intelligence.
1. Voici comment Pogge absout ses facéties, dans sa
deuxième iiirridce contre Valla. « Qu'importe qu'elles naient
pas le suli'i'age d'un imbécile, d'un fou, d un rustre, d'un
barbare i Elles sont rechercliées, lues et goiitées de t .s les
savants, répandues dans toute l'Italie, en France, en Espagne,
en Allemagne, en Angleterre et partout où on entend le latin, d
"2. Le seul passage de Lucilius auquel puisse en quelque
sorte se rapporter ces mots esi le suivant :
Persium non euro légère hoc. Lselium Decimum volo.
(Frag. Cl. £".(• incerto sat. Uh)-o.).
Le vers est dans Cicéron, De Chat. 1. L 11, c. VL où Crassus,
un des interlocuteurs, rapporte que Lucilius avait coutume de
dire qu'il ne souhaitait ni des lecteurs ignorants, ni des lec-
teurs très savants. Par contre. Cic(n'on, De Fi}iibiis L 3. se
déclare fort éloigné du souhait de Lucilius, et demande les lec-
teurs les plus haliiles. Enfin, dans De RcpitbUcn. il avait rap-
porté la pensée de Lucilius en l'approuvant, comme il parait
par la préface de Pline (Hist. )tat. 1), qui après un si grand
exemple, se fait honneur de l'adopter (R.)
PliEMIKIÎE iwcirriE
Wnii pauvre matelot de Ga'ète ^ .
Les habitants de (iaete, ceux du peuple, vont
ordinairement gagner leur vie sur mer. L'un
d'eux, extrêmement pauvre, ayant laissé au logis
une jeune femme et un chétif mobilier, ne re-
\ iut qu'au bout de «inq ans, après avoir cherché
fortune en divers pays. Aussitôt débarqué, il se
rend en toute hâte à la maison pour voir sa
femme 'qui, dans l'intervalle, désespérant du
retour de son mari, avait eu des relations avec
un autre homme . Dès qu'il fut entré, il constata
<pie sa demeure était en grande partie restaurée,
embellie et même agrandie. Surpris, il demande
à sa fcoiine comm.^nt leur petite maison, autrefois
si délabrée, est devenue si ])elle. La femme ré-
pond aussitôt que c'était par un elï'et de la grâce
1. Fnhuht prima cujusdnm Cajcinui paiiperis vaucleri : — Guil-
laume Tardif : D'uug pouvre pescheur, qui loua et dépita Dieu
tout en une heure. 1, p. 7. — Noël 1,5; 113 ;Lenfant t. II, p. IG'i.
— RisTàLnuBF.K I. p. 5; Liseux, I,tomeI, p. 7. — Philippi Her-
.voTiMi : Faceliœ addiincnla, p. 279, De Benedictione Dei. — Dicl.
il.iiiecdotes : Le Matelot de relour, t. I, p. 19?. — Nourcaii Dkt.
d'.lnccdotcs, t. 2, p. îf,:.
6 LES FACETIES DR P0(;(;E
de Dieu qui vient au secours de tout le monde :
« Que Dieu soit béni ! » dit 1 liomme, <( pour tout
ce qu'il a fait pour nous. » Voyant ensuite dans
la chambre à coucher un lit magnifique et de
beaux meubles, point en rapport avec la condi-
tion de sa femme, il lui demande encore comment
tout cela était venu. Celle-ci affirme derechef
que c'était par la bonté de Dieu, et Thomme
rendit de nouveau grâce à Dieu pour sa grande
libéralité. Or, tandis que celui-ci continue à s'ex-
tasier devant diverses autres choses nouvelles en
sa maison, tout autant que sur les largesses di-
vines, voici qu'un charmant bambin de trois ans
passés vient faire toutes les caresses d'un enfant
à sa mère. Le mari regarde et s'enquiert à qui il
est; la femme répond qu'il est à elle. Stupéfait,
l'homme demande comment la chose a pu se faire
pendant son aljsence, et la femme d'affirmer en-
core que c'est par la grâce de Dieu. Alors le mari
indigné de cette surabondance de grâce divine
qui est allée jusqu'à lui faire des enfants en son
absence, s'exclama : « Je devais déjà beaucoup
de grâces à Dieu, je lui suis encore fort recon-
naissant d'avoir, de telle façon, pris soin de mes
affaires ». 11 trouvait, en effet, que Dieu avait poussé
l'attention un peu trop loin, eu s'occu[)ant même
de lui procurer des enfants en son absence.
En ccsle Fiicécie esl donné à entendre qu'il n'est rien
si suliUl et nudicieulx (|iie une niaulvaise femme, rien
plus prompt ne moins lionteulx pour controver mensonges
LES FACETIES DE POGGE
et excusations, et, à caste cause, iiu'il n'est homme si
ignorant qui auculnes loys ne congnoisse ou apperçoive
une partie de sa malice et mensonge K
II
D'un médecin qui guérissait les fous "^ .
Quelques-uns de nous parlaient des peines inu-
tiles et, je dirai presque de la folie des gens qui
élèvent des chiens et des faucons pour faire la
chasse aux oiseaux. Paul de Florence dit alors : —
« Le fou de Milan avait bien raison de se moquer
d'eux. » Comme nous lui demandions ce que c'était
que cette histoire, il ajouta : — « Il y avait autrefois
un médecin Milanais qui soignait spécialement les
1. De tnedico qui demeninf; et insaiios cuvabal, N iel, I, 7. —
GniLL. Tardif : D'unfi Médecin qui guarissoit les fols, démoniades
et enragez, II. p. II. — Lenfant, t. II. Ristelhubbr II, p. 6.
— LisEux. II. t. I. p. 10. — MoRLiNi : Novelbr, nov. 77. — Stba-
PAROLA Le Niacevoli nolti ; nott. 13 (traduction Liseux.)
"2. « Tous ceux qui me disent papa ne sont pas pourtant mes
enl'auts, » dira un père sage et judicieux, un père qui ne croit
que ce qu'il voit et ce qu'il lait. Le Pyrrhonisme e^t une cliose
tout à l'ait nécessaire dans le mariage. Absentez-vous un
moment de chez vouî, i'ortuaés maris, oa travaille tandis que
vous n'y êtes pas, à l'accroissement. Neuf mois ensuite, un
petit rous-mème, prclendu tel du moins, se présente à vous.
Voilà, fortunés époux, de qui la tète est destinée à recevoir
les honneurs du Dieu Cocuage: voilà par quel secret vous de-
venez pères 'Réflexion de l'èdilion d'Amsterdam, 1712, p. 6.)
8 LES l'ACKTIKS UE l'OGGE
maniaques et les aliénésel se chargeait de les guérir
en un laps de temps déterminé. Voici en quoi con-
sistait son traitement, il avait dans sa maison uiio
cour, et dans cette cour une mare remplie d'une eau
sale et fétide dans laquelle il faisait entrer tout
nu, les malades qu'on lui amenait, et les y main-
tenait en les attachant à des pieux ; les uns plon-
geant jusqu'au genou, les autres jusqu'à l'aine,
d'autres encore plus haut selon le degré de folie.
Il les laissait ainsi macérer dans l'eau, et à la
diète, jusqu'à ce qu'ils donnent des preuves de
guérison. On lui amena entre autres, un fou qu'il
immergea jusqu'aux cuisses ; au bout de quinze
jours, ayant recouvré son bon sens, l'individu
demanda au médecin de le retirer de l'eau, ('eliii-
ci le lui accorda, à condition qu'il ne sortirait pas
de la cour. Quelques jours après, il eut la faculté
de se promener par toute la maison, pourvu qu il
ne franchit pas la porte ; pendant ce temps ses
compagnons, qui étaient nombreux, croupis-
saient toujours dans l'eau.
Or, un jour, étant sur le pas de la porte, qu'il
n'osait point franchir, ( retenu par la crainte de la
mare), il voit venir un jeune gentilhomme à
cheval, faucon au poing et suivi de deux chiens
de chasse. Lorscfue le jeune homme fut plus près,
le fou qui, dans sa démence, avait perdu le sou-
venir de ce qu'il avait vu, lui dit: — «llolà! écoutez-
moi, je vous prie, une minute, et dites-moi, s'il
vous plaît, sur quoi êtes-vous monté et dans quel
LES KACKTIKS l»E POGciE 9
Imt ? — C'est un cheval, et je vais à la chasse,
répondit le jeune homme. — Et ce <[ue vous tenez
>ur le poinii'. comment l'appelez-vous, et à (}uoi
cela vous sert-il ? — C'est un faucon dressé à
prendre les sarcelles et les perdrix. — Et ces
botes qui vous suivent, quelles sont-elles et à quoi
sont-elles bonnes? — Ce sont des chiens dressés
à la chasse et à faire lever les oiseaux. — Mais ce
gibier dont la chasse exige tant d'appareil, tout
compte fait au bout de l'année, qu'est-ce qu'il
vaut ? — Je ne sais trop, ça ne doit pas excéder
six ducats. — Et que coûtent le cheval, les
chiens et le faucon? — Cinquante ducats d'or.
Alors, tout stupéfait de la sottise du jeune cheva-
lier, il lui dit : — Holà ! éloigne-toi vite avant que le
médecin ne rentre, car s'il te surprenait ici, il te
jugerait le plus grand fou du monde et, pour te
guérir, il te plongerait avec les autres malades,
au milieu, au plus profond de la mare, et tu en
aurais jus(|u'au menton ' .
l.Le Médecin, c'est-à-dire une espèce d'houime, je ue dis
pas fol, mais qui se ci'cit sage; un homme intf^ressé, qui
uagno beaucoup par l'odorat et l'allouchement, un homme qui
(ie.ine, un animal qui vit de corruption et qui se plait dans le
dé-ordre; un homme enlinqui guérit souvent ceux qui sont en
lionne santé, et tue presque toujours ceux qui sont malade.--.
La folie est de toutes les maladies la plus épidémique; elle
attaque depiiis le sceptre jusqu'à la houlette. La folie de
quelque |)rince e<t de mettre ses sujets à la besace pour deve-
nir le Roi des f/HCU.r; c'est encore de Ulcher la proie pour l'uiiihrc
• onime le chien de la fable. Hylas se croit le [)lus savant et ]<!
|)lus spirituel du monde, parce qu'il se sent gros et gras, et
iair chanoine. La folie des Coheincns, peuple iièffi-e, habitant
10 LES FACÉTIES DE l'OGGE
(Vest pour prouver que la chasse est la plus
iiTaude des folies, sauf pour les gens riches, de
temps en temps, et comme exercice corporel seu-
lement.
III
D'un Gascon qui se levait fort tard K
Lorsque nous étions à Constance, il y avait un
jeune homme plein d'esprit, de la tribu des Gas-
cons 2, nommé Bonac, (jui se levait tous les
jours fort tard. Gomme ses amis le taquinaient
dans les ténèbres de l'ii^norance, tout près du fraliniatias, est
de quereller un homme qui prêche l'hérésie de la raison et du
bon goût. Mais l'aimable l'olie du sire Harpagon, cet heureux
voleur, est d'accrocher, avec le secours de la banqueroute,
deux ou trois cent mille francs; et la folie de bien des ge.is est
de lui faire la cour. Autre folie: tel, parmi les heureux Ai
siècle, se croit avoir de l'esprit, qui n'a rien que le bonlieur.
Voici une autre folie, c'eàt de méditer sur des contes à dormir
debout (Réflexion de l'édition d'Amsterdam 1712}.
1. De Bonacio Giiasci qui lam tarde e leclo surgebat. Opéra II.'.
Tardif : D'un liscoiier paresscitl.rAU,p. l,j. — Noël, 1,11; II, 'i. —
LeNFANT, t. II, p. 168. — RlSTKLliUliER, III, p. 9. — LiSEUX, t.l, p. 14.
— L. Garon : Le chasse-e}ntiiij : cent. IV. 77. Le Facelieux Ré~
I cil-Malin, Plaisante excuse d'un paresseux, p. 328. — Dods-
i.EY. Select Fables.— Induslry and slolh, L. 2, t. 21, p. 101. —
LoTicHii scholia a Àpltthonii Pro(njiiiiiastnata, a Roilolpho Agri-
enla latinilnte donata, p. 28.
2. On a aussi traduit i)ar lionaccio de la fainille des Guasci. II
n'y a pas plus de raison pour l'un ou pour l'autre sens; Gas-
con parait plus vraisemblable. Pogge cite lui-même plusieurs
histoires qui lui ont été contées par dos F'rançais.
LES FACETIKS DE l'OGGE U
sur sa paresse et lui demandaient ce qu'il pou-
vait bien faire au lit, il leur répondit en souriant :
— « J'écoute plaider et replaider. Chaque matin,
en effet, se présentent à moi, dès nionréveil, deux
ligures vêtues d'habits de femmes, à savoir : la
Diligence et la Paresse. L'une m'exhorte à me
lever, à agir, à ne pas rester au lit toute la jour-
née ; l'autre lui riposte vertement, m'engage à ne
pas bouger : il fait froid, il vaut mieux rester
dans la tiédeur du lit, le corps a besoin de repos,
et Ion ne peut pas toujours travailler. La pre-
mière rétorque ces arguments et ainsi, pendant
qu'elles disputent et se répondent, moi, juge im-
partial, n'inclinant ni pour l une ni pour l'autre,
j'écoute les plaidoiries avec l'espoir que les parties
finiront par se mettre d'accord. Si donc, je me lève
si tard, c'est que j'attends l'issue du débat » i .
î. La Paresse a son mérite; elle devient vertu principale,
vertu nécessaire, en certains états. Qu'est par exemple un
ecclésiastique sans la paresse? S'il s'amuse à consoler les
malades, à exiiortiser un trompeur, à fairo en un mot tout ce
qui s'appelle fonctions pastorales, l'ecclésiastique perdra son
eubompoint, sa santé, ses aises. Si le marchand s'amuse à
servir les uns les autres, à moins de tant de profit, il prendra
pour sur l'intérêt de son temps. L'époux, s'il n'est paresseux
à examiner la conduite de sa chère épouse, perdra peu à peu
e repos. Je conclus, aujourd'hui la paresse est une vertu de
grand proàl. Bi'lh'xion de l'édition d'Amsterdam, 1712, p. 17-18.)
12 LES FACÉTILS DE l'fMjlJE
IV
D'un Juif devenu ch.rclieii par persuasion L
Beaucoup de gens engageaient certain Juif à
embrasser la foi de Jésus -Clirist, mais celui-ci ne
pouvait se décider à faire le sacrifice de ses biens.
Plusieurs lui conseillaient de les donner aux
pauvres, parce que, selon le précepte de FEvan-
^le, qui est la vérité môme, il lui serait rendu
au centuple. Persuadé enfin, il se convertit et
distribua sa fortune aux pauvres, aux malheu-
reux et aux mendiants. Ensuite, pendant presque
un mois, il fut honorablement traité par différents
chrétiens. Il fut choyé et fêté pour tout ce qu'il
venait de faire. Cependant, il menait une exis-
tence précaire, et attendait chaque jour le centuple
promis. Comme les gens se lassaient peu à peu
de le nourrir, les liôtes se firent rares, Notre
homme devint alors si misérable, qu'on dut le
conduire à l'hôpital, où il fut pris d'un flux de
sang- par le bas, qui le réduisit à la dernière extré-
mité. Il désespérait de jamais guérir, et il avait
également perdu l'espoir de rentrer dans le fameux
\.I)e Judeo noiDittUonitn ^mrsn Chrislintio facto, opéra I\'.(;uil-
LAUME 'I'audif: /J'ttiKj Juif qui ff fiM cltieslieinier par ii:i(irtali(m
d'anlcHiis clircslicris. IV, p. iN. — N'oel, I, 11.— Lisicux, t, I,
IV, p. le.
LES F.VCÉTIES DE POilGE 13
« centuple ^), lorsqu'un jour, éprouvant le besoin
de prendre l'air, il sortit de son lit, et s'en alla
dans une prairie voisine pour soulager son ventre.
Là, lors(]Li'il eut fait ses besoins, en cherchant une
poignée d'herbe pour se torcher le derrière, il
trouva un chill'on roulé, tout plein de pierres
précieuses. Par ce fait, étant redevenu riche, il
put consulter les médecins, se guérir, acheter une
maison et des terres, vivre depuis lors dans l'abon-
dance. Tout le monde lui répétait : — « Eh bien!
est-ce (|ue nous ne vous l'avions pas prédit, que
Dieu vous rendrait tout au centuple ? » — « Oui,
répondit-il, mais avant, il a permis que je fasse du
sang- jusqu'à en mourir. »
Ce mot s'applique à ceux qui sont lents à rendre
ou à reconnaître un bienfait • .
En cesle Facécie est donné à enlendre que ung- bien
faict ne sera jamais trop tard conféré à ung liomme
ingrat, car il est toujours perdu.
1. L'exemple «Ij la charité du Juif et de. l'exliortnlinn cliré-
licnne à douner sou bien aux pauvres, ont l'un cl l'autre leur
mérite. Les suites, une rencontre près des pierreries, nous
rai)p9llent dans la mémoire ce qui se passe tous les jours.
L'avare exhorte à la libpralitë, le fourbe prè he la vertu. Don-
nez votre bien, t'jites boire et manger à vos dépens, soyez
misérable après, et si l'on vous aide ensuite, je consens que le
Pontif Bacbuc, l'oracle des Toqués, sut déclaré le Cicéron de
nos jour:y. (Ri'llc.i ions de l'édition d'AmsIerdain, 171;').
li LES FAf.ÉTIES DE l'OGGE
V
D'un imbécile qui croyait que sn femme avait
deux perlais '.
Un paysan de nos campagnes, peu avisé et nul-
lement expert avec les femmes, se maria. Or, il
arriva, qu'étant au lit, la femme lui tourna le clos,
mettant ses fesses au bon endroit. Le mari en eut
tout de même grande satisfaction. Tout surpris,
notre homme demande à sa femme si elle n'aurait
[)as deux pertuis. Celle-ci fit unsigneaflirmatif. —
Ho, lio! reprit-il, un seul me suffit, l'autre est
superflu. La femme, qui était rusée et que le curé
de la paroisse courtisait, répondit aussitôt. — Nous
pouvons faire l'aumône avec le second; donnons-
le à l'Eglise et à notre curé, cela lui fera extrê-
mement plaisir et ne te privera en rien puisqu'un
seul te suffit. L'homme approuva, tant pour être
agréable au curé, que pour se débarrasser du su-
perflu. Or donc, on invite le curé à souper, on lui
conte l'affaire et, le repas achevé, tous trois se cou-
chent dans le même lit : la femme au milieu, le
1. l)v hoiiiini' iiisutsii (jiii e.iisliiiiaiil (hios ciuiikis in it.rore.
Noël. I, 3. II 4-7. — G. Tardif : D'un fol hinimw (pii otyda que
sa fennnv l'usl deux secvctz de nfiliirc. v. p. '21. — Liseux, 1, p. 18.
— Phii.ii'pi Hermotimi. Addinicnift ml Farclias JSchclianas : De
rustico existiniente uxorem duos cunnus habere, p. 280. — Jus
J'aroclii. Fabclla e Pog|t,'-io desumpla, citée par(Mil(.'t, t. II, p. 5).
LUS FACETIKS ItK \>()iJtiK 15
mari par devant, rautro par derrière, pour qu'il
prit possession de ce qui lui était oiïcrt. Le prêtre,
ardent, vorace, entama le premier le morceau
dejîuis longtemps désiré, si bien que la femme
poussait des soupirs retentissants. Le mari eut
alors peur qu'on empiéta sur son domaine.
— Respecte biennos conventions, mon ami, dit-il,
use tant que tu voudras de ta part, mais ne touche
pas à la mienne. — Le prêtre repartit : — Que Dieu
m'en fasse la grâce! Je n'ai nulle envie de ton
bien et ne demande qu'à user de celui de l'Eglise.
A ces mots, notre imbécile se calme, et engage
le curé à jouir en toute liberté de ce qui a été
concédé à l'Eglise.
En cesle Facécie est donné à entendre que jamais
homme n'est bien assoie que par femme et qu'il n'est rien
qu'on ne puisse persuader à ung- sot.
VI
D'une veuve qui. par luxure^ se livra
à un pauvre L
L'espèce des hypocrites est, de toutes, la pire qui
existe. Comme on en parlait une fois dans une
réunion où je me trouvais, et qu'on disait que tout
1. De ridua accetisa libidine ciimpaupere. Noël I. 15. II 7-8.
GuiLL. Tardu' : VI. D'une reufre qui fui amoureuse ' d'unij
pauvre, j). '24. — Liseux, t. I, p. 2i. — Fmii.ippi Hermotimi ;
10 LES FACÉTIKS DK VlM.HE
leur vient à profusion, (ju ils convoitent les digni-
tés tout en dissimulant leurs convoitises, qu'ils
semblent suljii* les honneurs inalgré eux, et uni-
quement pour obéir h des ordres su{)érieurs, un
des assistants dit alors : — « Ils ressein!)lent à un
certain Paul, le Bienheureux, qui habite Pise, un
de ceux qu'on appelle ordinairement des apôtres,
qui s'asseyent devant les portes sans rien deman-
der. » L'ayant prié de nous expliquer la chose, il
nous dit : — « O Paul, qu'à cause de la sainteté de
sa vie on a surnommé le Bicnlieurcii.r, venait
s'asseoir quehjuei'ois à la j)orte dune veuve qui lui
faisait l'aumône d'un peu de nourriture. Celle-ci.
à force de regarder cet homme, qui était un fort
beau gars, s'éprit de lui: or, un jour, après lui
avoir donné à manger, elle l'invita à revenir le
lendemain, lui promettant un bon repas. Après
quelque temps de ce manège, elle le pria d'entre)'
manger chez elle, ce à quoi il s'empressa d'accé-
der. Alors, quand il eut le ventre plein de vic-
tuailles et de vin, la femme impudique n'y tenant
plus, se mit à l'embrasser, à le caresser et lui dé-
clara qu'il ne sortirait pas avant de l'avoir connue.
Lui, feint de résister et de n'être point ému par la
lubricité de la dame (fui le presse de plus en plus
si tendrement, qu'à la fin il succombe. — (( Puiscpic
Adiineuta ctc : Quoiiiodo livpocrita sino peccare jieccavcrit. —
j\IoNTAiNGE : Estais. L. II, ch. 1."), t. II, p. 10, ('■dit. Oarnicr. —
Fahellaa Piniffio desuiiipln : MuWieris conscianlia. [Milel II, p. K).
— J. B. Rousseau, Iîpi(ira)tinif' '■ Un quii'liste ardent coriiine
un tison, édit. f'-.r.ier.
uy- f.v<:i-:tik!s i>;: pocgk i:
« tu vrux comnicttro im si ui-iuid [x'-'-lié, lui dil-iK
« ({uc Dieu soit témoin que ce sera ton œu\ r»-. et
« (juil n y aura nullement do ma faute. Pie.îils
« toi-même cette chair maudite, fais-en ce (jue
u tu voudras, quant à moi. je n'y mettrai môme
« [)as la main. » VA, comme l'arc était jjandé. elle
ajusta le trait. Or donc, puisipril ne sciait point,
par abstinence, touche lui-même, c'est la damo
qui endossa le péidié ^ .
Eu ceste l'aoécio, est clonu'! à entendre que pliisieni's
faigiiPiit eslres suTiples comiiio aygnenulx, ([ui sont can-
Iclenx t-onunc rrynars t*' inesnicnieiii faignaiis qii'ilz n'ont
cnfc do ce ([iiiiz voudroyeiit jà tiMiii".
Vil
D'ii/i ch'rqiic à cheval -.
Une fois, j'allais au palais du Pape, passe un d(î
nos cavaliers à palltuin, assurément fort préoc-
cupé, puisqu'il ne s'aperçut pas que quelqu'un se
1. Qui ne compatirait aux besoins pressants de la bunno
dame veuve l un ])auvro jri-.se. eUo le rycliauffe, et le pauvr>-,
obll^rant et coui-tois, la rccbanlïe à son tour, par le sccouis du
rameau béni, plus salulaire que celuy de la bibylie (lumée;
par ce rameau, dis-je, qui ranime la vigueur mourante des
dames. Ocelles merveilles n"op('re-t-il pas dans notre siècle,
ce lameux rameau ? (/ît''/'('r«'>'' de 1 édition d'Amsterdam. 1712).
■.\ De i'(i>irstic palliato.OpffTix VII. — Gdillaume Tardif. />»//(/
Jeune Cheralii-r ijui se l'arsa dr inni l'rcuiue. Vil, p. 27. — Nokl,
I. !7: — I.isEux t. 1, n' Vil, p. l'i.
18 LES FACÉTIES DE l'OGGE
ilécouvrait pour le saluer. Mais celui-ci, croyant
que c'était de la part de Tévêque orgueil et arro-
ijance, s'écria : — « Celui-là n'a pas laissé la
moitié de son âne à la maison, il l'emmène bien
tout entier avec lui; » voulant dire par là, que
c'est le fait d'un âne de ne pas répondre aux poli-
tesses.
En ceste Facéeie est donné à entendre (jiu' celliiy est
hien asne, de quelque estât (ju'il soit, qui ne porte honneur
à ceulx qui luy portent.
VIII
Un mot de ZuccJiaro i.
iSous traversions une ville, le très facétieux Zuc-
charo et moi, lorsque nous rencontrâmes une noce.
C'était le lendemain du jour où la mariée était ve-
nue s'installer dans la maison conjugale. Nous
nous arrêtâmes quelques instants pour nous amu-
ser à regarder danser ces hommes et ces femmes.
Alors, Zuccharo dit en riant : — « Ces gens-là ont
consommé hier leurs droits matrimoniaux; moi, il
y a beau temps que j'ai consommé mes patrimo-
niaux. » C'était un mot plaisant sur son propre
1. Dirtnilt Zucchari. Opéra VIII: Guillaume Tardii'. Ung dit
joyeiilx que l'oifqc raconiple d'uinj sici' coinpnùjiion, nommé Za-
canis. VIII, p.'i'.J. Noël I, 18. Il' '.); Liseux t.'l, n° VIII, p. 25.
Dcmocriliis rideits ; Molla calaiiiilas sola, p. 232.
LKS FACETIES DE l'0(,(iE 19
compte, car il avait, eiicli'et. vendu sou patrimoine
et dissipé l'argent au jeu et en ])onne chair.
Hn ceste l^'acécie esl donné à entendre que tel se cuyde
aiu-nlfies foys rallier de aullruy qui se raille de soi-
mosnu-s.
IX
D'an Podestat '.
Un podestat envoyé à Florence, prononra le
jour de son entrée dans la ville un long et insipide
discours devant les notables réunis, selon la cou-
tume, dans la cathédrale. Probablement pour se
mieux; faire valoir, il commença par dire qu'il avait
été sf'-nateur à Rome, puis lit une interminable
énumération de tout ce qu'il avait fait, et même de
ce c[ue d'autres avaient fait pour sa plus grande
gloire. Après cela, il entreprit de décrire par le
menu son départ de Rome, son escorte, les pre-
miers jours de son voyage, sa visite à Sutri- et
toutes ses moindres actions, point par point, jour
par jour, les lieux où il s'était rendu, où on l'avait
reçu. Au bout de plusieurs heures, il n'était pas
1. I)i' PrirlDi-c. Opéra IX'. — Guillaume Tardif. De unff Pir-
losl qui fut reprinz de trop se louer IX, p. .31 ; — Noël I, 18. —
RiSTELHUBER IV, p. II. — LiSEU.X t. I, n" IX, p. 20.
2. Petite ville remarquable par son amphithéâtre antique. La
tradition en fait la patrie de Ponce-Pilate et y place un exploit
de Camille, de Rome, ainsi qu'une aventure de Roland. (Ris-
TELHUIiER.)
20 LES l'ACKTir.S DE i>o(;(;e
encore au récit de son arrivée à Sienne. Tonte
rassemblée était énervée pai' la longuenc de cet
odieux discours dont on ne prévoyait pas la fin, et
la journée semblait dcvoii' se })asser uniquement
à entendre des niaiseries. Or, comme la nuit ap-
prochait, un des assistants d'humeur plaisante, se
penchant à l'oreille du Podestat, lui dit : — « Il se
fait tard, c[ue Votre Seigneurie se hâte si elle veut
arriver aujourd'hui même à Florence, jour fixé
pour son entrée, sinon, elle va perdre son emploi. »
A cet avis, notre homme aussi bête que locjuace,
déclara qu'il était à Florence.
En cesto Facécic sont dcspriso/, rcnlx qui vculloiit se
donner gloire poui- leurs ]>caul.\ i'ailz, ceulx aussi (|iii Irop
haliondenl vu laiig'aige vain cl (|iii('!i leurs propos ap|>li('-
quent chcses inutiles et vaines parenllièsos qui ne servent
en rien en la matière subjeete et ainsi que lediel l'revosl,
qui, à l'heure qu'il devoit l'aii'e son pi'éaiid)iil(> et dii'c au
yénat do l'iorcnce l(;s causes ])ourqiioy il estdit envoyé
vers eux allegayf ses heaulx laits l't le chemin par le(|uel
il estoit venu.
X
D'une f'e /Il me qui Ironijxi son mari '.
Pietro, un de mes cauiarades, me raconta jadis
une histoire plaisante très caractéristique de l'as-
tuce de la fcmuie. 11 était en relation avec une
1. />(• iiiuliei-r (/iKC tinnn (Icfiniulnrit: Opéra .\. — XoiiL I, ÎQ.
II, *J-1I. — Guillaume 'J'aiiiiii': /f'itnc ffniiiii; (tdnUnt: ifui /i.i/
LKS FACÉÏIKS DK l'OGGE 2f
femme mariée àuiipaysan peu malin, qui nocl.-im-
bulait ires souvent par les cb.-imps, pour éviter ses
ci'éauf iers. [n jour, que le galant était auprès de
la Icmme, le mari, qu'on n'attendait pas. arriva
à la tombée de la nuit. La femme fit aussitôt ca-
cher sc)n amant sous le lit, puis se retournant vers
son mari, elle le tança d'importance pour être re-
venu, au risque, aftirmait-elle, d'être pris et con-
duit en prison. — « Comment, dit-elle, les soldats
du podestat sont venus pour te prendre, ils ont
fouillé toute la maison: je leur ai dit que tu avais
Ihahitudc de coucher dans les champs, alors ils
sout partiseu promettant de revenir bientôt. » Terri-
fié, notre homme cherchait un moyen de se sauver,
mais les portes de ;la ville étaient déjà fermées.
— « Hue vas-tu faire, malheureux! s'exclama la
coucher son inary en nnç/ colmnliirr tandis quelle avec son anuj. X,
p. 34. — RisTELiiuBER : V, p. l'2. — LisEux. X, p. 28.
Ce conte était déjà très ancien au temps de Pogge et il a
été depuis raainleet mainte fois imité. M. Ristelhuber a donné
sur ce point de précieuses indications. — Pour l'origine : la 15or-
goise dOrliens. — Mkon : l'ablian.r et contes, édition do Barbazan.
— Leghand d'Aussy : Fabliaux, t. III, p. 411. — Raymond
Vidal, dans Raynouard : Choir des poésies originales des trouba-
dours, t. m, p. 398. — BoccACE : Decameron , 8° journée, 7* nou-
velle, p. 371, éd. Garnier. — 7/ pecarone di ser Giovani Fioren-
tino. — Cent nouvelles nouvelles, nouv. 88, p. 368, él. Garnier.
« Le Cocu sauvé. » — H. P^stienxe : Introduction an traité de la
conformité des merveilles anciennes avec les modernes, 15(JC. « Le
Golonibicr. :) — Malespini: Ducenta novelle. t. I,p. 01. — Àddi-
tamenta IJkhmoti.mi, p. ISô.n De nstulia nuilicris cujusdam. » — La
Fo.NTA'NE : Contes. « Le Cocu battu et content, » p. 3'i, éd. Gar-
nier. — liiiger Bontemps en belle humeur. ColognelGTO, p. 64. —
Dancol'ht : Œuvres : théâtre. . « Le Tuteur. » — Contes à rire
ou Récréniions françaises, 1787, t. I, p. 13U.
22 l-KS FACÉTIES 1»E l'OGdV,
le m me ; si lu es pris, lu es perdu! » Tout trem-
blant, il lui demanda conseil; celle-ci, prompte à
la ruse, lui dit: — « Monte dans le col< mbier, j'en
fermerai la porte après avoir retiré l'échelle, tu
pourras ainsi passer la nuit trancjuille sans que
personne ne se doute de ta présence. » Ce qui fut
dit fut fait ; elle ferma la porte, enleva l'échelle,
ôtant de la sorte à son mari tout moyen de sortir,
puis elle revint trouver son amant, cju'elle tira de
sa cachette. Alors, celui-ci. pour faire croire au
retour des sbires du podestat, se mit à faire grand
bruit, comme s'il y avait beaucoup de gens dans
la maison, tandis que la femme de son côté pre-
nait la défense du mari — c{ui tremblait de tous
ses membres dans sa prison. Enfin, après avoir
fait beaucoup de bruit, la femme et l'amant se
mirent au lit et toute la nuit sacrifièrent à Vénus,
tandis que le mari se tenait blotti dans la tiente
au milieu des pigeons.
En ceste Facécie sont deux clioses à noter, dit jtre-
inièrement, la nianlvaiselié et fallacc de une reiniiu',
qui si prompte est à trouver quelque déception ctcautetle
pour faire son désir, secondement la ygriareté de
rhoiiime, qui peut-estre sçavoit ]>ieii le cas de sa fenune
et (pie elle luy faisait faulceté, mais toutefois, par crainte
de estre mis en prison, luy souffroit et endiiroil, ce qui
])eut advenir à plusieurs qui pai' pouvre et meschant f>ou-
vernement ou crainte, soulFrcni faire de grans injustices à
leurs filles et à leurs femmes ; car tel y a qui doit de l'ar-
gent, dont il est obligé du corps, qui seroit content que sa
femme se habandonnast et qu'il en (istleincongnu et l'igno-
rant, adin »[iH' il ne l'ust mis en prison, mesme l'oucher en
LES FACKÏII'.S DE l'OGGE 23
quelque galethas en ung liel plain de pulces el de punaises
tant ([uo sa femme seroit à son bon jilaisir.
XI
D'un prcti'e qui ignorail la date de la
FC'le des Rameaux '.
Le bourg d'Aello est ce qu'on appelle un trou
perdu dans les montagnes des Apennins. Là, ré-
sidait un prêtre plus fruste et plus ignorant que
les paysans. Gomme on n'y avait aucune notion
du temps et du calendrier, il oublia, par ignorance,
d'indiquer le Carême à ses ouailles. Etant venu à
Terra-Nova, précisément un jour de marché, (le
samedi avant les Rameaux), il remarqua que les
prêtres faisaient provision de branches d'olivier et
de palmes pour le jour suivant. Très intrigué d'a-
bord, il ne tarda pas à s'apercevoir de sa faute, le
Carême allait donc finir sans avoir été observé
dans sa paroisse. Uentré dans son village, il pré-
1. De Saccrdolc (jui itjiiovahal solonititatem Palmanim. Opéra
XI, — Guillaume Tardif. D'un sol Prestre qiti ignorait ledhnan-
che de Pasqnes fleuries, XI, p. 39. — Noël I, 22; II, 11 et 12,—
Lenfant, tome II, VIII, p. 168; — Ristelhuber, VI, p. 14. —
Lisnux, XI t. I, p. 30. — Les cent Nouvelles nouvelles ; nov. 8'J.
Lesperdri.r changées en poissons, édit. Garnier, p. 371. — Males-
l'i.Ni. II, nov. 62. — Grksset, Œuvres : Le Cnrènie impromptu.
Kdit. Garnier.
li'est aus.si le fond.s d'une épij^ramine de Th. Morus, dans
laquelle un curé anuon(,aQt la fête de Saint-André, avertit
ses paroissi' ns, le lendemain, qu'ils ont dû jeûner la veille.
•^'i LES FA( triES ItE l'OfJOE
para les rameaux d'olivier et les palmes pour 1(^
jour suivant. Le dimanche donc, s'adressant à ses
paroissiens, il leur dit : « C'est aujourd'hui que
l'on a l'habitude de distribuer des rameaux d'oli-
vier et des palmes. Pâques sera par conséquent
dans huit jours. Nous ne jeûnerons pas plus de huit
jours cette année, ce sera tout notre Carême. Voici
pourcjuoi : A cause du froid excessif de cette an-
née et de la difficulté des chemins, le Carnaval fut
tardif et long- à venir à travers nos montagnes;
c'est pourquoi, le Carême, lui aussi, a été tardif
et lent, si lent même qu'il n'a plus qu'une semaine,
ayant dû laisser les autres en route. Aussi, profitez
du peu de temps qui reste, pour vous confesser et
faire pénitence '. »
« Eu cesle Facécie est monstre romme souvent eiïoys
les simples i>'ens. qui ne sont pas lettres, errent aux Gom-
mandemenls <le Dieu par la fanlle de leurs Recteui's
eeclésiasticques qui sonl ipfuares ei non cognoissans qui
est un grant vice dans l'Eglise. »
XII
Des piiysans chargés (Vcichelef un criicifi.i' ^
Des paysans du môme village furent chargés
d'acheter à Ocrejjo un crucifix de bois, pour le
placer dans leur église. Ils se rendirent chez un
1. i)e nisliris miticiis inlcrroiinlis an rclleiil crucifi.iuni vivion an
inorliann nh (ipijuc eincre. Opéra Xll; — Glillau.mk Tardif.
LES FAitriES l>K POGGE 25
fabricant. Celui-ci voyant, au preniici' mot, qu'il
avait atlaire à des yens bornés, à de vraies bûches,
voulut se gausser d'eux et leur demanda s'ils
voulaient un crucifix vivant ou mort. Los bons-
hommes, après s'être consultés quelques mi-
nutes à l'écart, déclarèrent qu'ils le préfé-
raient vivant, car si leurs concitoyens ne le trou-
vaient pas bien ainsi, ils seraient à même de le
tuer.
— vif. XII, p. 5-.': —Noël I. ri; IL 12-li; — Lenfant I L II, IX,
p. 109. — RisTELuuBER, VIII, p. 16: — LiSEUx, 1. 1, n" XII, p. 3'2.
i)'Ouvii.LE. Les ciiiiles au.c heures prrdues ; De certains marguil-
liers de village. Noutellc BiblioiJièqiie des Romans, an VII, t. III,
[). 215. — la question inipn'nie de Guyétaxd (1700) a aussi pour
objet saint Sébastien; ce conte est en quarante-quatie vers,
même Bihiiolhcque, p. 21"). Cette lacétie, qu'en Provence on met
sur le dos des gens des Martigues, a été reproduite ou imitée
.11 tous lieux : il n'y a que l'objet de l'emplAte qui varie. —
Exempli; :
L'EXPÉIUENT CCJRIEUX
D'un saint Stbastien voulant avoir l'image,
Comme plus expérimentés,
Deux paysans sont députés
Par la commune d'un village...
« Le voulez-vous vivant ou mort? »...
Leur demanda le peintre. A décider l'affaire,
L'un et l'autre surpris, hésilèrent d'abord.
— « Faites-le vivant pour bien faire. »
Dit à la fin l'un deux, en se frappant le front.
— (( Morgue ! Cesl fort bien dit et mieux imaçjinère,
Répond l'adjoint, nos gens seront
Toujours à temps, mon cher compère,
De le tuer, quand ils voudront. »
De Boblognb
Àm}(semciil d'un septuagénaire. 1780. p. 115.
2
26 LES FACÉTIES DE POCGE
En ceste Facécie sont farcez les sols messaig-iers, que
quand ilz vont en aucuins messaige, ne demandent point,
premier que partir, toutes les choses qu'ilz ont à faire, et
i'aiilt souvente IToys qu'ilz aient de une peine deux.
XIII
Réponse faite au duc de Milan par son
cuisinier ^.
Le vieux duc de Milan, prince raffiné en toutes
choses - , avait un cuisinier hors ligne, qu'il
avait envoyé en France se perfectionner dans l'art
culinaire. Pendant la guerre qu'il soutint contre
les Florentins, le duc reçut un jour un messager
porteur de mauvaises nouvelles qui lui troublèrent
la tête. S'étant mis à table peu après, il trouva je
ne sais quel goût désagréable aux plats qu'on lui
1. Dictum coci ilhtslH.'minu duci Mediolanoiai Inthiiuin. Opéra
XII. — GuiLLA>uME Tardif, XIII, p. 44. — Noël, I 24; II 15. —
RiSTELHUBER, VIII, p. 17. — LiSEux, XIIl, touie I. p. 33. —
Le Tombeau de la Mclaiirholie : Facétie du cuisinier du duc de
Milan, p. 104.
2. Jean-Marie Visconti, ûls et successeur de Jean Gaiéas, né
en 1389. Assassiné le 16 mai 1412. Bandello raconte qu'il avait
fait emprisonner sa mère et rempli Milan de massacres. 11 se
taisait livrer ks malheureux serfs, que les juges condamnaient
pour les chasser aux chiens courants dans un parc. Son pifjueur,
Squercia Gevanco, avait nourri des dogues de chair humaine
pour les accoutumer à cet exeri;ic >. Ea revanche, il fit entériner
vif un curé qui refusait la sépulture aux pauvres gens. A la
suite d'une conspiration., il fut massacré à la porte de i'Kglise
Saint-Gothard et son corps recueilli par une courtisane.
LES FAt:KTir.S l)K VOiAW. 27
servait : il les renvoya et manda son cuisinier,
auquel il reprocha de ne pas savoir son métier.
Mais le cuisinier, gjii ne mâchait pas ses mots,
répliqua : — « Si les Florentins vous ont enlevé le
iroùt et l'appétit, est-ce ma faute? Mes plats sont
exquis et accommodés avec art, mais les Florentins
vous échauflent la bile et vous font perdre l'appé-
tit. » Le duc, homme d'esprit, se mit à rire de la
repartie facétieuse et libre de son cuisinier.
En ceste Facécie est donné à entendre que ung- servi-
teur ne se doit niouvoii- de chose que son Seigneur luy dit
quant il est ennuyé, mais doit à son pouvoir essayer à lui
donner quelque récréation.
XIV
Autre bon mol du même cuisinier au même
prince '.
Au cours de la même guerre, le susdit cuisi-
nier voyant le Duc inquiet et contrarié se mit
encore à le plaisanter : — « Il n'y a rien déton-
nant à ce que le Duc soit tourmenté, il veut deux
choses impossibles : ne pas avoir de frontières
et engraisser Francesco Barbavare - , l'homme
I. Ejiisdcitt coci (Uiium ad pneUbalum illustiem priticipem. Opéra
XIV. — Guillaume Tardif. XIV, p. 'i7. — Noël I, îb. — Liseux,
tome I, XIV, p. S.5.
î. Favori du duc Galéas-Mario Visc.jiili.
28 LES FACÉTIF.S DE POiiOE
le plus gras et le plus cupide qu'il soit! » Il
raillait ainsi à la fois, et l'ambition immodérée
de dominer du duc, et l'insatiable envie de ri-
chesse et de dignités de Francesco.
Geste Facécie monli'c (\uo ceulx sont repris et raillez
c^ui se lourinenlent et prennent souley de faire choses
mpossibles à enx eL plus que leur l'iKUillé ne pou*
porter.
XV
Reqiiéle du mrnie cuisinier nu même prince '.
(l'est ce même cuisinier qui, voyant le grand
nombre des quémandeurs de faveurs de tous
genres, choisit le moment où le Duc était à table
pour le prier instamment de faire de lui un âne.
Celui-ci, très intrigué par cette demande, s'enquit
pourquoi il aimerait mieux être un Ane plutôt qu'un
homme : — « C'est que j'ai remarqué, répondit le
cuisinier, que tous ceux que vous avez élevés et
que vous avez comblés d'honneur et de dignités,
sont tellement bouffis d'orgueil et de vanité, qu'on
les dirait métamorphosés en ânes. C'est pour-
1. l'clilio ejusdem coci ad pr^idiclum priiiciprni. Opéra XV.
Guii.L.vuME Taudip XV, p. 41). — Noël, I 2(1; Il 15-10. — Li-
?ELx. t. I, n" XV, p. .Sfj. Ekasmus Ehnehl's, Germanus, Phil
Melanchtonis œqualis. (Épigrammo latine ciU'e par Milct,
p. I.j). — Ilisloires facctieuses cl nitn-alrs : L'Ane pi-/'r('rt^ .tu
clicval. p. J.'j.
I.KS rACETIKS 1>K l'ntiGK '^\)
(juoi jo voudrais que vous iissiez oiialniHCjii cl*'
moi un âne ' . »
Eli coste Faoécie sont repi'ins les Seigneurs que, s'ilz
ont ung bon serviteur qui les a servis loyaument, ne lui
tiennent compte de le pourveoir, mais pourvoyent plus
lost ung nouveau venu que riens ne sçaura et qui aulcun
l)on service à son maislre laict n'aura, ce qu'on voit sou-
vent advenir. Sont rej)rins aussi ceulx qui donnt'nt les
]>énélices, oflices -et dignitez. à gens ygnares et iiisulU-
sans de les obtenir.
XVI
Le Vicomte Januolo -.
Un jour, un individu de sa connaissance, ayant
demandé à Antonio Lusco, homme très instruit et
plein d'esprit, de vouloir Lien examiner une lettre
qu'il adressait au Pape, celui-ci lui conseilla di-
verses corrections et suppressions. Le lendemain,
le susdit individu lui soumit de nouveau la lettre,
comme s'il avait suivi ses conseils. Après un coup
d'œil Lusco s'écria — : ' Me prends-tu donc pour
1. L'application so peut faire à tous les liommes en général.
Ils récompensent non seulement le mérite, mais selon le caprice
car les fausses vues de ceux qui les servent, qui les flattent et
<[ui figurent d'être leurs amis. Les Princes surtout sont dans
cette fâcheuse situation. Pour être à coup sur récompensé
d'eux, il faut presque toujours êlrd un sot, mais un sot
etfronté. [Réflexion de l'édition d'Amsterdam, ITLÎ)-
2. De Jannoln Vicecomile. 0,>era XVI: — Guillaume Tardif:
XVI, p. 5-2. — XoEL I, 29. — LiSEux, n XVI, tome 1, p. 'M.
30 -LES FACÉTIES DE l'0(iGE
le vicomte Jeannot? » Comme nous lui demandâmes
ce que signifiait cette exclamation, il nous dit :
— « Jannoto, notre ancien gouverneur de Vi"
cence, était un brave homme, mais tout aussi lourd
de corps que d'esprit. Très souvent, il faisait venir
son secrétaire, lui ordonnait d'écrire quelques
lettres au vieux duc de Milan, il en dictait lui-
même une petite partie et les formules de poli-
tesse; quant au reste, il laissait faire le secrétaire
qui lui rapportait bientôt la correspondance ter-
minée. Jannoto prenait la lettre et la trouvait inva-
riablement mal écrite, mal rédigée. — « ('a ne vaut
rien, disait- il, va-t-en corriger ça.» — Le secrétaire,
qui connaissait bien la sottise et les manies de
son patron, revenait au bout d'un moment avec la
même lettre, à laquelle il n'avait pas changé une
virgule, tout en affirmant qu'il l'avait corrigée et
recopiée. Le vicomte prenait la lettre en main,
comme pour la lire, donnait un coup d'œil et décla-
rait: — « Cette lettre va très bien, mets mon sceau
et envoie-là au Duc. » Et c'était chaque fois la
môme chose ^ .
1. L'application de ce conte est encore d'une bien grande
étendue. Ceux qui jugent sur rétiquelte forment un peuple
fort quant au siècle jjrésent. Je ne sçai lequel l'emporte des
deux en grandeur. Les mauvais juges, ou le peuple tributaire
du Dieu Cocuage. Quoi qu'il en soit, le premier comprend les
Itelits maîtres, garçons lieaux esprits, précieuses, ])édants,
savantes, jaloux, envieux, etc. Il n'en e->t aucun de ceux-là»
qui ne soit capable de faire un argument aussi définitif que
celui de Maître Janotus de Braqmardo sur les dociles de Paris
que Gargantua avait emportées, {lié flexion de l'édition d'Ams-
terdam, 171;', conte Xlll, p. 48).
LES fa<:eiiks i»k I'ogge 31
Kn ceste Facécie sont repris les ouUrecuydéz qui cuy-
dent plus saiges que eulx déi-epvoir, ceulx ainsi qui, par
arrogance ou prééminence d'ofTice ou dignité qu'ilz ont
en eulx. feignent et cuydent plus entendre et congnoistre
((uilz ne font, ainsi que Jannot le Vicomte.
XVII
Le tailleur de Visconti K
(Pour fdiie peiidaiil à l'hisloire précédente)
Le pape Martin Y- avait chargé Antonio Lusco 3
de rédiger une lettre ; après en avoir pris connais-
sance, le pontife ordonna de la soumettre à
lexamen d'un de nos amis, dans lequel il avait
pleine contîance. Mais cet ami, qui était à table
1. De sutore (fuudatn Vice(0)nitis per riani coinparadottis. Opéra
XVII. — Guillaume Tardif : Facécie et siunlitude semblable
d'un couslurier à uni^ Vicomte. XVII, p. 55. — Noël I, 28.
— RiSTELHUBER IX, p. 12. — LiSEux, tome I, p. 39.
2. Olto Golonna, élu pape le il novembre 1417, prit le nom de
Martin V; décéda le 21 février 1431.
3. Antonio Lusco, secrétaire de Martin V et colIè>rue de Pogge.
En ri23, Martin V l'envoya à Milan pour engager Philippe Vis-
conti à renouveler la paix avec les Florentins, mais l'ambassade
resta sans résuliat. En 14"2'i, Francesco Barbaro, préfet de Vi-
cence, fit venir Lusco, pour l'aider à ravoir les lois de la ville,
et, grâce à ScS conseils, cette entreprise délicate fut terminée
heureusement. Lusco est un des interlocuteurs du dialogue de
Pogge : De carielate fortuiia. du dialogue sur l'avarice, et de la
troisième histoire conviviale. Il naquit à \'icence et ajjpai'tenait
à une famille noble qui tlorissait encore en 17"23. [R .
32 I-ES FACKIIES DE l'OlUiE
et quelque peu pris de vin, désapprouva la lettre
et demanda (|u'elle lui fût représentée à un autre
moment. Antonio dit alors à Bartolomeo de Bardi,
qui se trouvait là : — « Je vais faire pour ma. let-
tre, comme, autrefois, le tailleur de ce grand
iiourmand de Jean Galeas Visconti '. Demain,
avant qu'il ne mange ou Ijoive, je lui rapporterai
la lettre et il la trouvera parfaite. » — Puis, pour
satisfaire la curiosité de Bartolomeo. Lusco ajouta :
— « Jean Galeas Visconti, père de l'ancien duc
de Milan, était un homme grand, gras, de forte
corpulence; quand il s'était bien rempli la be-
daine de victuailles et de boisson, (ce qui lui arri-
vait fort souvent , au moment de se mettre au lit
il faisait appeler son tailleur et l'accablait de re-
proches, prétendant qu'il lui avait fait un haut-
de-chausses trop étroit, et lui ordonnait de l'élar-
gir de façon à ce qu'il ne le gênât plus : — « Il
sera fait comme vous l'ordonnez, disait le tailleur,
et demain celaira très bien. » — Puis, prenant le
vêtement, il le jetait sur un porte-manteau, sans y
faire aucun changement. Quand on lui disait :
— « Pourquoi n'clargissez-vous pas ce vêtement,
que le ventre de Monseigneur fera craquer? »
1. Jean Galeas Visconti, (ils de Galeas ]I et de Blanche de
Savoie, né en 1347, fut le premier de .sa maison qui porta le
litre de duc; il acheta ce titre de rcmpereur Winceslas, au
prix de cent mille florins. Il no méditait rien moins que l'em-
pire de l'Italie. II avait déjà l'ait faire une couronne et tous
les ornements royan,\ qu'il tenait prêts à Maiignan, dans sa
villa, )or.squ"il y mourut de la peste l.,- .'5 septcMuUre 1 'iO"2. {!{}.
I.KS FACKTIES DK l'OfW.K 33
— 11 répondait : « Deinaiu. quand MoDseitineur
se lèvera, que sa digestion sera laite, et qu il aura
cilié, le haut-de-ehausses sera trop large. — Le
matin, en eftet, il rapportait le vêtement, et Jean
Galeas disait en le mettant : — « ('.a va très bien
maintenant, il ne me gêne plus de nulle part. » —
Antonio disait lui aussi (|ue sa lettre serait très
bien, quand le vin aurait été cuvé.
En ceste Facécie sont reprins les gloutons qui tant em-
plissent leur ventre, qu'ilz en perdent sens et entendement
<t ne soaivent en quoi estât ilz sont, ainsi que le Gouver-
neur du Pa|)e Martin, qui, en son yvrognerie et repleclion
du vin, ti'ouvji l'Epistolle faulce et au matin, à jung, la
trouva bonne: pareillement Jehan, \'iconte, qui trouva au
soir et quant il fust plain, son pourpoint trop estroit, et,
au matin, après sa digestion faicte et qu'il eust vuidé son
ventre, le trouva assez large.
XVIII
Phiinle faite a Faciito Cane au sujet (V un vol '.
Quelqu'un se plaignant à Facino Cane qui
fut un homme cruel et un général renomme à
cette époque, d'avoir été en chemin, dépouillé de
(1» (Jiieriinonia spnlii causa ad Facinuin Canem fucin. Opé-
ra XVIII. — Guillaume Tardif. Da complainclc de uiuj ponire
hotnntc à nmj cnpilaine de riens d'armes XVIII, p. 59. — Noël, 1,
p. :}(); II, p. 10. — KI3TELHUBER X. p. 21. — LiSEUX t. î. p. 42. —
l'onles à rire nu Récrèalious françaises : D'un capitaine el d'ua
pay.i.nn, t. I. p. 21.
34 T,KS FACETIES DE 1»(X1GE
son manteau par un soldat de sa troupe ; Facino '
remarqua que l'homme portait un bon habit et
lui demanda s'il l'avait quand il fut volé. Celui-ci
ayant répondu affirmativement : — « Va-t-en, ré-
pliqua le général, celui que tu accuses de t'avoir
volé n'est pas un de mes soldats, car un des miens
ne t'aurait pas biissé un aussi bon pourpoint. )>
1-^n ceste Facécie sont repréiiendez et ])lasmez loiis
maulvais Capitaines qui soustiennent leurs subjectz en
maulvaiseté et excusent ce qu'ils font par aulcunes rail-
leries, en se moquant de ceulx qui sont blessez 2.
XIX
Exhorlation cï un Cardinal aux soldats
du Pape ■'.
Pendant la guerre qu'il soutenait dans le Picentin
contre les ennemis du Pape, et dont il était l'ins-
1. Condottiere, tyran d'Alexandrie, né vers 1300. Son prénom
était Bonilace, dont Facino e.st un diminutif. iSa veuve Béatrice
de Tenda, épousa Philippe Marie Visconti, qui en l'il8, la fit
périr sur 1 éoliafaud, à la suite d'une accusation calomnieuse
d'adultère. La vie de Cane se trouve dans la liioçirafia piemoittcsi'
de Tenivelli (R).
2. Le Peager Silonus n'a pas tout à lait tant de charité
quand il a ôté le manteau, il ote fort bien l'habit et tant
ensuite jusqu'à la chemise. Malheur à qui suivant trop scru-
puleusement l'iCvangile, ne se revenjie pas à l'enlèvement du
juste au corps! {Ri'lh'.iion de l'édition d'Amsterdam, ITIJ).
3. ExhoHatio fardiiialis ad armiqeros ponlificis. Opéra XIX.
— Guillaume Tardif. XIX, p. (il, — Noël, 1. p. 31 : II, 17-1!).
LES FAi;ET1ES de l'OGGE 35
tig^itour, le Cardinal d'Espagne étant venu à l'aimée
au moment décisif où il fallait vaincre ou être
vaincu, ranimait les combattants par de beaux
discours. Il leur al'lirmait, par exemple, que ceux
qui seraient tués dans Faction, souperaient avec
Dieu et les anges; car tous les péchés seraient
pardonnes à ceux qui voleraient à la mort. Après
— RisTELHLBER XIX p. 22. — LisEDx, touie I, p. 43. — Recueil
(le dirers discouis in-4% p. 38. — B. des Périers, nouv. C ;
Des joyeux propos que tenait celuy qu'on menait pendre
au tril)et île Monfaucon. Edit. Garnier, p. 2 47. — Etienne: Apo-
"gie, eh. I, § 20; — Tombeau de la mclaucolicie, p. 86 et 237;
— Le Facétieux Réveil-matin. Plaisantes responces que fit un
criminel à un P. Confesseur; — D'Ocville, Coules : D'un qu'on
menait pendre; — Rogcr-Ihnitemps en belle humeur, p. 73 et 84;
— Le passe-temps açiréablc, 171ô, in-12 p. 331 et 332; — Gal-
LiEN DE Salmorenc : Le Biériaire des polilifiues, 1769; — Prior,
Poelical Works. The Thief and tlie Cordelier, ballade. —
Dart Boeroni": Il Dialoghista ital. Tedesco, 794, p. 210.
Les imitateurs de ce conte, qui sont en grand nombre, ont
mis la plaisanterie, tantôt dans la bouche d'un voleur cju'on
mène pendre, tantôt dans celle d'un moine qui l'exhorte. ^ oici
une imitation en vers, qui est elle-même une traduction d'Owen.
poète anglais qui a écrit des épigrammes en latin.
Un moine exhortant un voleur,
Qu'incessamment on allait pendre,
— « Que vous allez, dit-il, au ciel avoir d'honneur I
Le souper vous y doit attendre.
— .\h 1 répond le voleur, il ne me convient pas
D'oser prétendre à cette grâce.
Vous pourriez, vous-même, à ma place,
Aller prendre un si bon repas.
Le Passe-temps agréable, p. 331.
Lebru.n a aussi traduit Owen (1719). — Mérard de Saixt-
JusT également '1777) et Prior a suivi la même version dans la
longue ballade qu'il a faite sur ce conte. — Soureaux contes à
rire : L'image de Saint-Sébastien. — Conti da ridere, t. I,
p. 141.
30 I.KS I-ACÉTIF.S Di; i'OGfiE
avt/iL employé toutes lesexliorlations que son zèle
lui inspirait, le cardinal se retirait du champ de
bataille, lorsqu'un de ses soldats, qui l'avait en-
tendu, lui dit : — < Pourquoi ne veux-tu pas venir
souper avec nous ? » — < Ce n'est pas encore
l'heure de mon diner, répondit-il, je n'ai pas
d'appétit. »
Eu C'jste Facécie sont desprisézet blasinéz les lasches
Capitaines qui sont ])ien contens et admonestent assez
leUiH siihjects d'eulx mettre es dangiers auxquels eux-
mesiiies ne se vonldroient pas bouter et seroient contens
d'avoir le pnniflit et l'iionneui' dont les aullres auroyent
eu lu peine, le travail et les dangiers.
XX
Réponse à un Patriarche ^.
Le Patriarche de Jérusalem qui dirigeait toute
la (Uiancellerie apostolique, ayant un jour con-
voqué les avocats pour examiner une certaine
cause, fit à plusieurs de sévères reproches. L'un
d'eu--, Thomas Biraco, lui répondit assez verte-
ment au nom de tous. Le Patriarche se tournant
aJors vers lui, lui dit : — « Tu as une mauvaise
tc(e. r, Mais celui-ci, qui avait la riposte prompte
1. rriinrchff ir.^imnsio. Opùra XX; — Noël, I, IVl; II,
20. — l.isEux. lome I, p. 44. —Dvinoctitns ridviis : Malum caput,
p. 73.
LES F.VCKTIKS 1)K POGGE 37
et spirituelle, répliqua : — « Vous le dites fort bien
et fort justement, on ne peut pas être plus véridi-
(jucCar, si j'avais une bonne tête, nos affaires s'en
trouveraient mieux; et cette controverse serait
inutile. » — « Tu le reconnais donc toi-même,
reprit le Patriarche, » — « Ce n'est pas moi, c'est
ma tète que j'incrimine «, répartit Biraco, en se
moquant du Patriarche qui était à la tête de tous
les avocats et que l'on considérait, en effet,
comme une tête un peu dure.
XXÎ
Siif le pape Urbain VI '.
Une autre plaisanta de même, légèrement, le
pape Irbain VI. 11 discutait, je ne sais à propos
de quoi, avec un peu trop de chaleur, le Pape lui
dit : — (( Tu es une mauvaise tète. » — « C'est
précisément ce que le peuple dit de vous, Saint-
Père », répliqua l'autre.
!. De Uili'iiio Poutif>cc xe.rlo. Opéra XXI. — Noël, I, .'53; — Len-
?AM, tome II, n° 1. [). 157; — Liseux, tome I, p. 45.
38 LES FACÉTIES 1)K J'0(i<,E
XXII
D' un prêtre gui, an lieu de ses ornements,
portait des chapons a son évêque •
Un évêque d'Arezzo, nommé Angelo 2 , que nous
avons connu, convoqua un jour ses prêtres cnni
cappis et cottis 3 à un synode ; prescrivant à tous
ceux qui avaient quelque dignité, d'apporter
leurs chappes et leurs aubes. Un prêtre qui ne
possédait aucun de ces vêtements, restait chez lui
fort ennuyé, ne sachant comment faire. Sa gou-
vernante le voyant tête basse, l'air songeur, lui
demanda la cause de sa peine. Celui-ci lui dit que
1. De sacerdote qui, loco oniaUis, capones episcopo portai.
Opéra XXII. — Guillaume Tardif. XX, p. G3. — Noël, I, 33.
— RiSTELHUBER, XXII, p, 23. — LiSEUx, toiiie I, p. 40.
'2. M. Angelo de'Fiebindaccii e Ricasoli, évêque de Sera,
d'A versa, de Florence, de Faenza, enfin d'Arezzo en 1391 (le
soixante-dixième) sous le pontificat de Bonifaco IX; il mourut
en l'i03. Scipion Ammirato raconte qu'il renonça solennelle-
ment au nom et aux armes des Ricasoli, parce qu'ils avaient été
éloignés des fonctions de la République par une sorte d'ostra-
cisme renouvelé des Grecs et se fit appeler de Serapliini, après
avoir adopté un écu où l'on voyait deux anges vêtus de blanc
et dans l'attitude de la prière, en pointe la liare et en chef les
armes de la République de Florence (Uguelli Ilalia sacra,
I, 428). R.
3. La chape était le vêtement appelé aussi pluvial parce qu'il
fut adopté égalemenl parles prêtres pour se préserver delà pluie
I)endant les processions. Colla ne s'applique plus qu'aux vêle-
LES FACETIES HK l'OfiGE 39
c'était parce que l'évêque ordonnait de se rendre
au synode cuni rappis et cottis. — « Ehl^icn, mon
maître, s'exclama-t-elle, vous ne comprenez pas
que l'évêque vous demande d'apporter capponi,
cotti, c'est ce qu'il faut lui porter. » Le prêtre
suivit le conseil de cette femme, . emporta des
chapons cuits et fut bien rec^u par l'évêque qui
déclara même en riant, qu'il était le seul de tout
le clerg-é qui eut compris le mandement.
En ceste Facécie est montré le vicedeaulcuns Prestres
qui niieulx ayinent employer leur revenu à meschantes
plaisances et en vanitéz que ilz ne font à quérir ce qui
leur est utile et nécessaire selon Testât sacerdotal, ainsi
que le Curé qui miculx aymoit nourrir une chambrière
que acheter des chappes et vestements sacerdolaulx;
ceulx aussi qui sont Prestres ayant bénéfices et cures
d'âmes et ne sauraient exposer la teneur d'ung Mandement,
non plus que la chambrière du Curé qui exposa cum cappis
et cottis « avecques chappons cuitz ». Premièrement sont
farcéz les Prélatz que sont négligents a pugnir et corriger
les delTaultes et meschancetez pour prendreaulcuns dons,
ainsi que l'Évesque Angelot, qui réputa son Curé avoir
justement fait son devoir et bien entendu la teneur de
son Mandement, et mieulx que tous les aultrcs, pour ce
qu'il lui apporta deux chappons.
:iients de femme. Les équivalents donnés par Du Cange •Jiuea,
''(/a, ramisia superanea) ne peuvent pas davantage se traduire
ixactement, mais dans la circonstance, colta désigne l'aube
ùu le rochet, Cappa el Colla. Le fond de cette facétie est un
jiju de mots, un à peu près, comme l'on dit, et même des plus
mauvais, qui n'a de sens qu'en italien. Au lieu de Cappa et
Colla, chappe el cotte, la servante entend capponi colti, chapons
cuits.
iO I.F.S FAGKTIES DK POG(iE
XXIII
D' un anù qui supporUiit avec peine de se voir
préférer bien des gens moins probes el moins
instruits ^
Dans la Curie Romaine, c'est presque toujours la
faveur qui prédomine tout, et il y a très rarement
place pour la vertu et le talent. L'intrigue et l'in-
térêt du moment dirigent tout, à moins que ce ne
soit l'argent qui est lu, vraiment, le Maitre de la
Terre. Un de mes amis supportait avec peine de
se voir préférer des gens bien au-dessous de lui
quant au savoir et à la vertu. Il se plaignait à
Angeloto, cardinal de Saint-Marc, de ce qu'on ne
tenait aucun compte de ses mérites, de ce qu'on lui
préférait des gens qui ne le valaient sous aucun
raj)port, et faisait ressortir ses études laborieuses.
Le Cardinal, qui était toujours disposé à railler
les vices de la Curie, lui dit: — « Ici, la science et
l'éducation ne servent à rien. Mais prends cou-
rage, et pendant quelque temps tâche de désap-
prendre ce que tu sais et d'apprendre les vices
que tu ignores, tu pourras ainsi compter te faire
bien venir du Pape.
1. />(' ainicu gui ;r(irr fiTfhdl niiilids sifii pr.ifcni dach-iita vl
prubitatc iiifcriores. 0])ci-a WIIl: — Nokl, 1, 3i; — Liskux,
toaie I, j). i^.
LES FACÉTIES OE l'OCKlE 'il
XXIV
D'une feimnc ]njslcri<iiie '.
Une femme de mon village, que l'on considérait
comme frénétique, était conduite par son mari et
ses parents vers une autre femme qui passait pour
sorcière et sur laquelle on comptait beaucoup
pour guérir la malade. Arrivé à un gué de l'Arno,
on plaça la femme sur les épaules de l'homme le
pius robuste ; aussitôt la voilà qui commence à
remuer des fesses comme si elle besoignait et à
crier plusieurs fois de toutes ses forces : « Je veux
être f...! » Elle faisait ainsi connaître sa maladie.
Celui qui la portait fut pris d'un tel rire, qu'il
tomba avec elle dans l'eau. Les autres s'excla-
fèrent pareillement en apprenant de quel mal
souffrait la femme et quel remède lui était
nécessaire pour guérir. Ils dirent alors au mari : —
(' Vois-tu, ta femme n'a pas besoin de meilleur
médecin que toi. » — Alors, pendant que ces gens
s'en retournaient chez eux, le mari administra le
bon remède à son épouse et celle-ci recouvra son
bon sens. Il n'y a pas de meilleur remède à la
folie des femmes.
1. T)e miiliere freiirtica : Opéra WIV. — Xoel, I, 35; II, .20.
— LiSEUx n" XXIV: t. I, p. V.). — Philippi Her.motimi. À(I(h'-
menla etc ■" De curatione mulieris phrenetira. p. ii^i.
42 LES FACÉTIES I>E l'IMiGE
xxv
Su/' les rives du Pô .
Deux femmes, de celles qui servent à soulager
la pauvre humanité, allaient en bateau, à Ferrare,
on compagnie de gens de la Curie. En voyantpasser
les voyageuses, une autre femme qui se trouvait
sur la rive du Pô, cria aux hommes : — « Tas d'im-
béciles! croyez-vous donc que les putains vont
vous manquer à Ferrare? Allez, vous en trou-
verez certainement phis que d'honnêtes femmes
à Venise ! n
XXVI
VAbbé (le Sept/ /no '-.
L'AbJié de Septimo, homme de forte corpulence
et très gras, se rendant un soir, assez tard, à Flo-
rence, demanda en route à un paysan s'il pensait
(fuil ])ourrait franchir la porte. L'Abbé voulait
dire s'il arriverait à la ville avant la fermeture des
1. De tiiulicic supva Paditiii nstaiilc. Opéra, XXV. — Nokl, 1,36.
— LiSEux XXV; t. I, p. .SI.
2. Dr abhatc Septimi. Opéra XXVI ; — Guillaume Tardif.
De nnçi (jins Àlibé qui, par une réponse à deux ententes fat raillé
il'eslre firos.XXI, p. 00. — Noei,, I, .'57; II, 20--21. — Liseux, t. I,
p. .53. — De niocritus ridens, p. 24(). — Le Tombeau de la Mélancholie,
p. un. — Le Facétieux Uéccil-Mntiu, p. 43. — Conli du liidere,
I". II, p. 'il\. — Nouvelle méthode Italieiine de Fort-Iloyal. — The
Moriiimi iliroii.'cle. 25 januarv 1707.
LES KACKIIKS DK l'OdGE /l3
portes. Le paysan lui répondit, en se jouant de son
embompoint : — « Tiens, une charrette de foin y
passe bien, pourquoin'y P'»sseriez-vous pas aussi ! »
En ceste Facécie, par la réponse à deux ententes,
fut farce le gros et gras Abbé, qui bien monstroit que le
plus de son soulcy n'estoit pas de jeusner à pain et à
l'oaue, pour garder sa bonne religion, mais il aymoit
niieulx à nourrir son corps qui tant estoit plain et gras et
gros, dont le rusticque se railla quant il respondit que l'Abbé
passeroit bien la porte de une cité puisque une cliariottée
de foin y passoit, combien que en la demande l'Abbé ne
l'entendist pas ainsi, mais demandoit s'il pourroit entrer
en la porte, c'est-à-dire venir en la Cité avant que les
portes fussent fermées, y
XXVII
D'iif/c fille de\>eniie gi'osse de la ville
Constance L
Un illustre évêque d'Angleterre, pour démon-
trerde quelle liberté on jouissaitpendant le concile
de Constance 2, racontait devant une nombreuse
assemblée de Prélats, le fait suivant : — « Il eut à
1. Ciris Constantix soror gioiida fada, Opéra, XXVII. —
Noël, I, 37; 11, 21-23.— Lenfant, l'oggiana, II. t. II. p. 160.
— RlSTELHUXER II" XIII, p. 2.S. — LiSEUX, XXVII, t. I, p. 53.
De Moulinet: La Vraye hisloive comique de Frattcian, lf)33 Liv.VI.
— Lrasmi apophtefpni, L. 3, p. 173. — Diogen. I^aert : Vita
Arislippi. — JoAN. Pannonius : De Syliia (Epi^ramme). — Fabella
V Poggia desumpta : Fasciculus spinarum (Milet, t. Il, p. 22.
2. Ea lili.
41 LES FACÉTIES DE POGGE
(^lonstaiice, un citoyen, dont la sœur non mariée
devint enceinte. Lorsque le frère s'aperçut de
l'entlure du ventre, il saisit son épée, demanda
où et comment la chose s'était faite, faisant mine
de vouloir frappersa sœur. La jeune tille terrifiée,
s'écria que c'était l'œuvre du Concile et que c'était
du Concile qu'elle était grosse. A ces mots, le
frère, plein de respect pour le Concile, n'osa
punir sa sœur infirme. Lorscjue les autres deman-
daient la liberté en toutes autres choses, lui
préférait celle de faire l'amour à sa guise. »
XXXVIll
Un mol de l'Empereur Sigismond '.
Quelqu'un s'étant plaint devant ["Empereur
Sigismond, qu'on manquait de liberté à Constance,
LA COURTISANE DE ROME
Une courtisane de Rome
Belle et fort enjouée, ayant pr'.'S de vingt ans,
Avait de tous états quantité de galants.
Et ne refusait aucun liomine.
Elle fit tant l'amour qu'elle eut le ventre plein.
Un jour qu'elle était en feslin,
Quelqu'un lui demanda parmi la bonne chère.
Qui de l'enfant était le père?
« C'est le Sénat, dit-elle, et le peuple romain.
Ba RATON Poéses, ITfl.")
1. SiqismuiiJi iiniteratnnts dichuii. Opéra XXVIll. — NoEt., I,
18; II '23. — Lenfant t. II, III, p. KJi. — Risteliiuher, XIV
p. 20. — I.isKux, tome I, p. 54. — Donocritus r(V/('//,v .- Parrhesia
ajjud bonos principe.-^, p. ilK!.
I.KS FACKIIKS HK l'0(;GK 'i5
celui-ci dit-il : — "Eh quoi, si l'on n'avait pas ici
pleine liberté, vous ne })ai'leriez pas avec autant
d'indépendance. » Voulant dire par là, que quand
on a son franc parler, c'est un signe de grande
liberté.
XXIX
Un pi'opos de Lorenzo, prèlrc romain '.
Le jour où le Romain Angelotto- fut fait car-
dinal, par le pape Eugène, un prêtre spirituel
regagnait sa maison, tout joyeux, enchanté, plein
de contentement et d'allégresse. Ses voisins lui
ayant demandé ce qui pouvait bien lui causer une
pareille joie, il répondit : — « F*ar faite ment. C'est
que je suis plein d'espoir, depuis que les imbéciles
1. Didum sacerdotis Laurenlii romani. Opéra XXIX. — Noël,
I, 39. — Lenfant, t. II, IV, p. IGl. — Ristelhùber, XY,
p. 27. — LiSEDX, tome I, p. 55.
'2. Angelotto Fusco, de Rome, évêque de Cava, fut fait cardi-
nal en 1431, par Eugène IV. Il était riche et avare. II allait la
nuit, dérober les brides et les clievêtres dans les étables de ses
voisins. Ayant été une fois surpris sur le fait par un palefrenier,
il reçut, incognito, de rudes bastonnades. Un jour que tous ses
domestiques étaient sortis, à la réserve de son valet de chambre,
nommé .Antonel de la Roche, qui était élevé chez lui comme
l'enfant de la maison, il sV-ndormit profondément sur son lit.
Le valet de chambra se ré.^oIut à tuer son maître pour avoir
son argent. II [)rit une daL'ue et une épée dont il le perça
coup sur coup, et, pour l'achever, il lui cassa la tête avec un
ràtt-au d'argent, dont lu Cardinal se servait pour nettoyer son
46 LES FACÉTIRS l»E 1>0(JGE
sont créés cardinaux, mon tour ne saurait donc
tarder, puisque Angelotto, qui est bien plus sot
que moi, vient d'être fait cardinal. »
X\.\
Coin'ersaliofi de Nicolas d'Aiiagin K
Nicolas d'Anagni s'est moqué de la môme façon
du Pape Kugène - qui, selon lui, ne favorisait
que les sots et les imbéciles. Un jour, au Palais,
plusieurs d'entre nous causaient comme d'ordi-
naire de mille choses; quelques-uns se plai-
gnaient beaucoup de l'injustice du sort qu'ils
trouvaient toujours contraire. Nicolas, homme
très docte, très spirituel, à la langue très affilée,
nous dit alors : — « Il n'y a pas un homme au
parc. Anlonel ayant pris tout ci^ qu'il vduhit, all.i, tout bai-
gné do lanues, chez un neveu du cardinal, lui annoncer l'as-
sassinat de son oncle. Ils coururent en:,eni!)le à l'hôtel d'An-
gelotto, (]ui donnait encore signe de vie. domine le meurtrier
se tenait à une fenêtre, jetant de grands cns. le Cardinal, qui
ne pouvait plus parler, montra de la main, celte fenêtre à son
neveu, voulant lui désigner par 1 1, celui qui avait fait le coup:
« Voyez, dit 1 assassin, il fait signe ({ue les meurtriers sont
entrés par la fenêtre ». (je])en(lant Antonel fui arrêté, puis
écartelé en 1444. {R)
i. Cniifahidalin Nicolai Aiiafiiniii. Opéra XXX. — Noici,, I, ;i9.
— RiSTKLHUBER, XVI, p. 2H. — LiSEUx, tom.- I, p. 5(i.
2. Kugène IV. Gabriel Condolmero, de Venise, élu |)ape, le
23 mars 14LU. mort le .'î f-vricr l'i'û.
LES FACETIKS l>E l'OGGK 47
monde envers qui la fortune se soit montrée aussi
injuste (ju'envers moi. Ainsi, n'est-ce pas aujour-
d'iiui le règne de la sottise, ne voyons nous pas
chaque jour, porter aux plus hautes dignités et
appeler aux charg-es, presque tous les imbéciles
mêmes, jusqu'à Angelotto. Eh bien, entre tous, je
suis le seul qui n'ai rien pu obtenir; il n'y a
personne d'aussi maltraité par le sort que moi. »
XXXl
Prodige '.
La nature a produit cette année plusieurs phé-
nomènes en divers lieux. Ainsi, sur le territoire
de Sinigaglia, dans le Picentin, une vache à mis
bas un énorme dragon. Sa tête était plus grosse
que celle d'un veau, son cou, long d'une aune,
son corps massif et bien plus grand que celui
d'un chien. La vache qui le mit bas, s'étant re-
tournée fut très épouvantée, dès qu'elle l'aperçut,
elle poussa un grand mugissement et voulut s'en-
fuir, mais le dragon, se dressant tout à coup, lui
entoura les jambes de derrière avec sa queue, et
appliquant sa gueule aux mamelles, il suça tout
1. /)(' /'/'(K/jf/io. Opéra XXXI. — Guillaume Tardif; Des mons-
tres et pvndiijes merveilleux qui parurent sur terre au temps que
cestuy livre fut faict XXII, p. l)><. — Xoel I, 40. — Liseux
tome I, p. ô7.
48 LES FACETIES DE POGGE
le lait, puis, ayant lâché la vache, il s'enfuit
clans la forêt voisine. Les mamelles et la partie
des jambes qui avaient été touchées par le dragon
restèrent longtemps noires et comme calcinées.
Les bergers du troupeau dont faisait partie la
vache, affirmaient avoir vu le prodige. La même
vache a depuis fait un veau. Tout cela se trouve
dans une lettre adressée de Ferrare.
XXXII
xUitre prodige '.
Hugo de Sienne, homme remarquable, le pre-
mier médecin de notre époque, m'a aussi raconté
qu'il est né, à Ferrare, un chat à deux tètes, et
qu'il l'a examiné à loisir.
XXXIII
Autre Dionsire -.
Il est aussi prouvé qu'au mois de juin, dans les
environs de Padoue, il est né un veau à deux tètes,
sur un seul corps, et dont les pattes de devant et
1. Dictum Maqislvi Huqonis Soiotsis. Opéra XXXII. — Guil-
laume Tardif; XXIII, p. 71. — Noël I, 40. — Liseux, tome I,
p. 50.
2. Aliud '^de Monstro. Opéra XXXIII. — Guillaume Taudif:
XXIII, p. 72.— Noël I, i2. — Liseux tome I. p. hd.
LES F.vr.ETIKS l»E l'OCliE
(le derrière étaient doul)les. quoique soudées Tune
à l'autre. On. promenait ce phénomène, (juon mon-
trait pour de l'are-ent, et beaucoup de personnes
aflirment lavoir vu.
XXXIV
Encore un phénomcne •.
Il est également constant qu'on a exhibé à
Ferrare, l'image d'un monstre trouvé dernière-
ment sur les rivages de la Dalmatie. C'était un
homme jusqu'au nombril, et à partir de là, c'était
un poisson, dont la partie inférieure se divisait
en deux queues. Il avait la barbe longue et deux
cornes au-dessus des oreilles, deux gros seins,
une large bouche, des mains formées de quatre
doigts seulement et allant jusqu'aux aisselles,
en outre deux nageoires, comme les poissons,
au bas ventre. On racontait aussi de quelle façon
il avait été pris. Des femmes lavaient du linge
sur le rivage, lorsque le monstre, poussé par la
laim, en saisit une par les mains et la tira de
toutes ses forces. L'eau était basse, la femme put
lutter en poussant de grands cris, pour appeler
ses compagnes à son secours. Celles-ci accoururent
1. .l/i«f/ de Mnnslro. Opéra XXXIV. — Guillaume Tabdif ;
XXV, p. 73. — Noël I, 42. — Liselx tome I, p. 60.
50 LKS FACÉTIES DE POGGE
toutes les cinq et tuèrent, à coups de hâtons et
de pierres, le monstre qui ne put s'échapper à
cause du peu de profondeur de l'eau. Elles le tirè-
rent sur le rivage, où sa vue leur causa un grand
etfroi. Le corps était plus grand et plus liros (jue
celui d'un homme. J'en ai vu limage en bois qu'on
avait apportée deFerrare. Ce qui tendrait à prouver
<|ue le monstre avait saisi la femme pour la dévo-
rer, c'est <|u'on a constaté qu'un certain nombre
d'enfants qui, à différentes époques, étaient allés
se baigner sur ce rivage, n'ont jamais plus reparu;
d'où l'on a conclu que le monstre les a tous em-
portés.
Pour bien morallement eongnoistre et entendre que
cest que nous dénote la narration que fait Poge, F"'loren-
tin, de ces choses monstrueuses et terribles et merveil-
leuses, interposées et mises en Facécies et en ces ditz
joyeulx estans en délivre, car c'est pour nous enseigner
que nous ne devons pas toujours vacquer et employer
tout nostre temps aux Facécies et choses fort joyeuses et
esbatemens et parolles récréatives dictes par grande
plaisance, mais aulcunes foys et mesmement selon le
temps et les jours comme au temps de pénitence et de
dévotion, nous devons imposer et mettre à noz félicitez
et plaisances mondaines, la sovenance des choses de
nostre benoist Saulveur et Rédempteur Jésus-Christ, qui
sont merveilleuses et admiratives en nostre entendement,
ainsi que les choses monstrueuses sont en Nature, des-
(juellcs cy-devant en ces quatre parties 1 a fait Poge,
Florentin, mention.
1. GuilLiume Tardif a réuni sous un seul numéro los (£ua.
tre facclios précédentes.
LES FACÉTIES DE POGGE 51
xxxv
Facétie très réussie sur le pape Boniface '.
Le pape Boniiace IX - était un Napolitain de la
famille des Tomacelli. Or, dans le peuple, on
appelle tomacelli des tripes de porc grasses
bourrées de foie gras haché très menu. La seconde
année de son pontificat, Boniface se rendit à
Pérouse, accompagné de ses frères et de beau-
coup dalliés de leur maison, qui étaient venus
vers lui, poussés par la cupidité des richesses et
du lucre. Boniface entra dans la ville au milieu
d'une foule de grands personnages, parmi lesquels
étaient ses frères et d'autres membres de sa
famille. Aux curieux qui demandaient les noms
de ceux qui formaient le cortège, on répondait de
tous côtés — : « Celui-ci, c'est Andréa Tomacello...
celui-là, «'/est Giovanni Tomacello ». Un énumérait
tant et tant de Tomacelli, qu'un quidam facétieux
s'écria : — « Oh ! oh ! ce cochon avait donc un bien
gros foie, qu'on en a fait tant et de si grands^
tomacelli. »
l.Pulchrafacelia hislnouù ad lioiiifaciiim papain. Opéra XXXV-
— Noël I. ii. — Lbnfant t. II, X p. 170. — Ristelhubkr
XVII, p. 30. — I,isBcx t. I, p. 02.
2. Klu pape le 2 novembre 1.3H9, mort le 1" octobre UOi.
52 LES FACETIES DE POGGE
XXXVl
D'un prêtre qui fil un cnlerrenieul ii sou cltieii ',
Il y avait en Toscane un curé de campagne très
riche cjui, ayant perdu un chien qu'il aimait beau-
coup, Tenterra dans le cimetière. En apprenant
le fait, l'Evêque, qui connaissait la fortune du
prêtre, le fit venir afin de lui infliger une punition,
comme s'il avait commis un grand crime. Muni
de cinquante ducats d'or, le curé se rendit à l'ap-
pel. L'Evèque lui reprocha amèrement d'avoir
donné la sépulture à un chien et ordonna de le
mettre en prison. L'ecclésiastique, homme malin,
dit alors : — « 0 Père, si vous saviez quelle fut
rintelligence de ce petit chien, vous ne seriez pas
surpris cju'il ait mérité l'honneur d'être inhumé
parmi des hommes; sa sagacité fut surhumaine
pendant sa vie, elle apparut plus grande encore
1. De sacerdnie qui caiiictilum sepcliril. Opéra XXXVI. — Guil-
laume Tardif : XXVI, p, 78; — Noël I, i45, H 'l'.i-H; — L'exfant.
t. II XXI. p. 170; — RisTELHUBER XVlll, p. 31; — Llseox, t. J.
p. 64. — Origine : Rutebeuf, trouvère du xiir siècle : « Le Ti's-
tament de l'âne ». Imitations : Les Cent iiouvelles, nouvelle 9ii :
Ne Tt'slament cynique. — Conviriales serinones (a Joanne
Gastio}. — Do.MiNicHi : Facétie e uiotti arguti. — Malespini ;
Coine lusse un mercutante castigato pcr haver sepolto un cane
in Iiiogo -sacro. — Vacalerio : L'.l;ra(/ia in Uvenla — Jean de
LA Roque : Voyage de Syrie et du Mont Libati. — Dk Théis : Le
Sinf/c de Lafontaine : Le Testament cynique. — Sedaine :
Recueil de poésies. Le Testament cynique. — Barihi';le.viv Imbert :
(hoir de fidiliftnr miit en rers.
LKS FACETIKS !>E l'(i(',(iK 53
au moment de sa mort. — « Qu'est-ce à dire?
demanda le Prélat. — lia, reprit le pi'ètre, fait
son testament, lorsqu'il sentit que la vie lui échap-
pait et connaissant votre gêne, il vous a légué cin-
quante ducats d'or. » En entendant cela, FEvêque
donna son consentement à la sépulture, approuva le
testament, empoohales ducats et pardonna au curé.
En cesle Facécie est monstre nng- grant vice régnant
en l'Eglise par l'avarice des Préiatz, qui se corrunipent
par pécune et sont conlens de leurs subjels. quelque mal
qu'ilz facent, sans le pugnir, mais quilz leur baillent de
l'argent, combien que le péché soit grant et notoire, ainsi
(|ue le Prestre qui ensepvelit son chien en terre benoiste
publiquement devant tous les paroissiens, qui est ung
péché merveilleux, et en fut absoulz pour donner cin-
ipiante pièces d'or du testament du chien.
XXXVIl
D'un seigneur (jui (iccusd injustement
un lion} nie riche '.
Il y avait a Cingoli ', bourg du Picentin, un
homme excessivement riche dont le seigneur bien
1. ])c (ijranno qui homini pecnnioso causas iiijaslas iiijecit. Opé-
ra XXXVII; — Guillaume Tardif : Du tirant prince qui imposa
crime capital à ung de ses subjectz pour avoir son argent, XXVII,
p. Kl. — NoelI, 4; II 28. — Lenfant, t. II, XI, p. 17t. — Rfs-
telhui!ErXIX,p. 33. — Liseux t. I, p. GG. — -Esopus Camkrarii.
Fahul(C Jîsopar plures quingeiilis : Rex et subditus.
2. Anciennement Cingulum, fortifié dans la guerre punique
par Labiénus et mentionné par César, II. Cir. I, tô, et Cicéron,
ad Udr. Vil, 2.
LKS FACFrriES L>E l'OGGK
renseigiir cherchait a accaparer la fortune, et,
sous un prétexte quelconque à lui extorquer ses
ducats. L'ayant fait comparaître devant lui, il lui
déclara qu'il était accusé de crime de lèse-majesté.
L'homme protesta n'avoir jamais rien fait contre
le pouvoir et la dignité de son seigneur qui sou-
tenait le contraire et qui finalement lui déclara
qu'il allait avoir la tête tranchée. Le malheureux
<|ui ne soupçonnait rien demanda ce qu'il avait
bien pu faire : — « Tu tiens cachés dans ta maison
mes ennemis, des rebelles qui conspirent contre
moi, » répondit le tyran. L'autre comprenant
enfin qu'on en voulait à son argent et préférant per-
dre ses ducats plutôt que la vie, répondit: » —
C'est vrai, Monseigneur, mais faites-moi accompa-
gnerpar vos soldats et je vouslivrerai sur-le-champ
cesennemis, ces rebelles. » Ce cjui lui fut accordé.
Aussitôt, il mène les soldats au colï're dans lequel
étaient enfermés ses écus et l'ayant ouvert il leur
dit : — u Saisissez-les et qu'il n'en reste pas trace,
car ce ne sont pas uniquement des ennemis et des
rebelles pour Monseigneur, mais aussi pour moi. »
En les livrant au tyran, notre homme évita la
peine qui le menaçait.
LES KACEIIKS DE |>0(UiE 55
En cestre présente Facéoie est réprouvé m\(r grant
vice qui règne en aulcuns Seigneurs, qui par leur maul-
vaise tyrannie, cupidité et maulvaistié, quant il/. S(,-ay-
vent aulciin bon niarcliant ou laboureur avoir assemblé
aulcun peu de l)ions à grant peine et travail, jamais ne
cesseront tantqu'ilz luy ayent osté par cautelle ou impo-
sition d'aulcun mal qui n'est pas vray, ainsi que le tirant
de Piscène, qui imposa au simple homme avoir soutenu
ses ennemys, laquelle chose estait faulce, à prendre au
sens simple, mais au sens compost et moral disoit vray. Ses
deniers qu'il toUoit au bon homme, estoyent cause de sa
damnation. Oiiltre plus y est monstre que l'abondance de
avoir en ce monde ne nous est guières salutaire, car quant
aulcun pouvre homme aura quelque chose, jamais le riche
ne cessera tant qu'il luy ait faict perdre, et est souvent
sou corps on danger, ainsi, ([ue au pouvre Piscénienà qui
pour avoir ses deniers on imposoit crime de lèse-majesté,
et pour ce dist on en commun langaige : « Qui son chien
veut tuer, il luy met en sus la vaige. »
XXXVIII
Un sermon extrè/nc/nent coitrl '.
Le jour de la fête d'un bourg- situé dans nos
montagnes, des gens étaient venus en foule des
1. De relicjioso qui sennonem xuccinlissiniutn habuit. Opé-
ra XXXVIll". — Gnn.LAUME Tardif : XXVIII, p. 84. —Noël I,
'i8; II, '2H--1'.). — Lbnfant t. II, XIII, p. 172. — Ristelhdber
XX, p. ;]4. — LisEux t. I, p. 68. — Bkroalde de Vekvillk. Le
moyen de parvenir, XXXVII, Sermon du curé de Buzancoi,
Kditioa Garnier, p. 17. — H. Estienne .• Àpoloqie, th. :î6, § 18.
— Nitçi/v vénales, siée Thésaurus ridendi et jocondi, Brevissiina
Concio. — FRiscHLfNi FacefifT, p. 51. De Sacriliculo (iœtzio —
Sermons facflieu.r, éd. Delarue p. i't^.
56 LES FÀCKÏIKS IJE l>0(i(;E
pays voisins, car c'était la solennité de Saint-
Etienne. Un religieux devait, comme de coutume,
faire un sermon au peuple. Lorsque le religieux
se disposa à monter en chaire, il était déjà
tard, les prêtres avaient faim, et redoutaient un
long sermon. Un prêtre, puis un autre, vinrent
le prier à l'oreille d'être bref. Celui-ci se laissa
facilement convaincre et après Fexorde habituelle,
il ajouta : — « Mes frères, l'année passée, à cette
même place et devant ce même auditoire, j'ai parlé
delà sainteté de la vie et des miracles de votre Saint
Patron, je n'ai rien omis alors de ce que j'avais
appris et étudié dans les Saintes Kcritures, je pense
que tout cela est encore présent à votre mémoire.
< )r, comme depuis cette époque, il n'a rien fait de
nouveau, que je sache, faites le signe de la Croix,
dites le ConfiteoreA tout ce qui s'ensuit. »
Là-dessus le prédicateur descendit de chaire.
En cesle présente Facécie sont réprouvez deux vices. Le
premier, c'est deaulcunes i>-ens d'Et^lise (|iii deussenteslre
a lumière des aultres et vouloir (|ue on enseignasl leur
peuple, mais ce sont ceulx a qui plus ennuyé la parole de
Dieu, pareillement aussi les glouttons qui à'wwi parleur
gourmandise et désordonnée affection d'avoir haslivement
les piedz dessoubz la tahie, qu'ils voudrayent([u'ils neusl
(pie troys molz à la Messe. Secondement, y est le vice des
prédicateurs touché qui à l'appétit d'aultruy néchissent à
dii'8 ce qui est requis en prédication, comme i'aindre à
blasmer ung vice, pour laiil que Monseigneur ou Madame
en est onlaiché, ou laisser le principal de sa prédication
et ce qui miculx plairoil aux lions et aux just( s pour corn-
LRS FVCKIIKS DE l'iXUiF. 57
plaire à trois ou quatre gourmandeaulx, ainsi que lefistlc
beau I*ère (le Saint Eslienne, quifist le court sermon pour
avoir à disner.
XXX IX
Dfôlr (le conseil de Miiiacio à un paysan ' .
La paysan qui était monté sur un arbre pour
cueillir des châtaignes, en tombant, se brisa une
cote. Un nommé INIinaccio, homme très facétieux
sétaut approchédeluipourle consoler, lui dit, entre
autres choses, qu'il lui indiquerait un moyen pour
ne jamais tomber d'un arbre : — (du aurais dû me
le donner avant, dit le patient, mais cela pourra
mètre utile plus tard. » Minaccio lui dit alors : —
u Fais toujours en sorte de ne jamais descendre
plus vite que tu n'es monté. De cette façon, tune
tomljoras jamais. -»
1. Facedssiinuin consilium Minacii ad rusticum. Opéra XXXIX.
— Guillaume Tardif : Ung lacécieux et joyeulx conseil dunni
à ung rusticque qui se esloit rompu les costes en cueillant des
cliastaiiTaes, XXIX, p. 87. — Noël I, 49; II, 29. — Ristelhubeu
XXI, p. 35. — LiSKUx t. I, p. G9. — ^Esopus Caïuerarii :
Fahidœ : Rusticus.
"2. Bien desgc^ns donnent de pareiLs conseils. Non contents de
conseiller après coup; toute la consolation qu'ils apportent,
c'est de se moquer de nos bévues. Vils flatteurs, si vous réus-
sisses dans vos projets téméraires ; ils vous applaudissent,
espérant de profiler do votre fortune. Lâcties amis, si vous
«chouez. ils vous bernent cruellement. {Ri'-Hexioii de la traduc-
tion de 171?).
58 LES FAr.ÉTlKS DE IMXiiiE
En ce facécieux conseil sonl f;ircés ceiilx (nii trop se
lient en fortune et quant, par petits jours et longs travaux
ils sont montez jusque en hault de la roë de Fortune ainsi
que le rustique à son chastaigiiier ; ilz s'en org-ueillissenl
et leur est advis que jamais ne leur doit faillir, mais il no
fault que une heure soubdaine et une petite occasion pour
les faire trébuscher et tout perdre, par tant, qu'ilz ne se
donnent point aussi bien garde de descendre que de
monter.
XL
Autre bon mol de Miiiaccio K
Miiiraccio ayant perdu en jouant aux clés le peu
d'argent qu'il possédait et même ses vêtements (il
était très pauvre) vint s'asseoir tout en larmes à la
porte d'une taverne. Un habitué le voyant tout
triste : — « Qu'as-tu donc? » — lui demanda-t-il.
— « (>h! rien, répondit Minuccio. — «Comment
1. Eujusdm Minaccii lusoris rcspoitsio. Ojjera XI. — Noël I,
5tl; II, \.'9. — RisTELHDBER XXII, p. ;]6. — LisEox XL. t. I, p. 70.
— Leneant : Poggiana, t. II, XII, p. 172. — Roger Bnntcmps
en belle liumenr, D'une femme paresseuse. — « M. M , (jue l'on
croyait riche, quoiqu'il dût plus qu'il n'avait de vaillant, se
promenait sans rien dire, dans son manteau, la veille de ses
fiançailles, dans la salle de sa future belle-mère. Elle lui
dit plu^^ieu^s fois • « Qu'avez-vous, monsieur? » il lui répondit
chaque fois : « Madame, je n'ai rien. » Huit jours après
son mariage, sa belle-mère, voyant une foule de créan-
ciers, à c(uoi elle ne s'était pas attendue, dit : « Monsieur,
vous m'avez trompée! » — « Madame, lui r('!pli(iua-t- il,
je vous avais avertie que je n'avais rien, w {Menagiana I,
lOC).
LES FACÉTIES DE PO<i<.K 59
rien, mais alors pourquoi pleures-tu? — k C'est
précisément parce que je n'ai rien. » Très étonné,
l'ami reprit : — « Puisque tu n'as rien, pourcpioi
verser ainsi des larmes ! — « C'est justement parce
que je n'ai rien. » L'un des interlocuteurs ne
comprenait pas autrement que Minaccit) pleurait
pour rien. Or ce dernier n'éprouvait précisément
de la peine que parce qu'après avoir joué, il ne
lui restait plus fien.
XLI
Réponse d'un espiègle à un borgne qui allait
acheter du blé '.
A une époque où les vivres étaient très chers
à Florence, un pauvre borgne se rendit au mar-
ché dans l'intention d'acheter quelques mesures
de froment. 11 s'enquit du prix. Un nouveau
venu lui ayant demandé combien se vendait le
setier de blé : — (^ 11 coûte les yeux de la tête »
rcpondit-il, indiquant par là son excessive chèreté.
En entendant ces mots, un gamin répliqua : —
«Pourquoi doncas-tu pris un sac de grande dimen-
sion, quand tu savais bien que tu ne pouvais
acheter qu'un demi-setier ? »
I. JJepauperc monoculo qui frumentum empturus eral. Opéra 41.
— Noël I, 50. — Liseux t. I, p. 72.
60 LES FACKTIKS l>K \'n(U,K
XUl
D'un ho/finie qui dcnuutdd pardon à sa femme
pendant qu'elle élaiL malade'^.
Pour consoler sa femme qui était si gravement
malade quelle agonisait presque, le mari lui
rappelait combien il avait toujours été bon époux,
et la suppliait de lui pardonner la peine qu'il
avait pu lui causer. Il lui fit remarquer, entre
autres choses, que jamais il n'avait failli à ses
devoirs conjugaux, excepté lorsque elle était indis-
posée et cela ])our ne pas la fatiguer. Alors, la
femme, toute malade quelle était, s'écria : — ^< Par
ma foi I je ne pourrai jamais te pardonner cela,
car oncques ne fus si faible, si abattue au point
de ne pouvoir besoigner. »
Cela prouve que les hommes ne doivent
jamais demander un pareil pardon h leurs fem-
mes, car ils s'exposent à un refus bien mérité.
I%ii ccsle pi-eseiite Facécie sont rcpriiis (oas les ypo-
ci'iles qui demandent à Dioa pardon d'uiu' nioschanle
chose donl ilz font diflicullrs plus gi'andc que do c(! qu'il/.
1. 1 (V f/(u' iniilievi didii ((■(fi-ola csset veiiiain poslularil. Opei'a
XLII. — Noël I, 51; II, '•?'.). — CIuillaume 'I'akdif : De l'homme
qui demanda i)ardon à ^a femme quaml elle se motiroit, XXX,
p. SU. — KlSTKLHOliER XXllI, |), 'M. — LlSEUX XLII, I, p. 73.
I.i's cent nouvelles iinuvelles. \C. La boanc malade, odit.
Garniei-, p. 37.J. — Phil. Hermoti.mi ; AddUamcnln., Mulier iu
a^'one cujus roi inarila vci veiiiam dai'c noIiuTi., p. I8l.
LES FACÉTIES KE I'0(i(iE 61
ont Dieu offensé; ceulx aussi sont reprins (|iii demandent
iliosi's injustes à deniauder et que de droit on leur peut
nyer. ainsi que la foninie qui denya à son mary pardon
([iiil ne lavait pas assez secousse, parlant que jamais
t-n si mauvaise disposition elle ne avoit esté, (ju'elle ne
leusl lùen attendu s'il luv eust voulu faire K
XLIII
D' une jeu rc femme qui trouvait son mari mes-
quinement organisé 2.
l njeune seigneur, très beau, earçon, avait épousé
la tille de Nereo de Pazzi, chevalier Florentin,
homme éminent et très distingué entre ses contem-
porains. Quelques jours après, la jeune femme
étant venue, comme il convient, chez son père,
ne parut pas aussi joyeuse, aussi contente qu'une
1. F^a peste da benêt de mari, qui refusait à sa femme le plus
salutaire de.s restaurans. La bonne dame avait raison de refu-
sera pareil époux la remission de ses péchéi. Puisse le Dieu
Cocuage accabler de toute sa malédiction un tel misérable I
Puisse pareil mary être autant méprisé (|ue les écrits de l'ex-
travagaLt Bordelon ! puisse-t-on le sitHer partout, comme ou
sifJle le goût des Wallons (a).
(Rcfhwioii de l'édition d'Amsterdam. 1712).
a. Cela |)0urrait s'appliquer admirablement à la littérature
et aux arts de nos Belges d'aujourd'hui.
2. hc adolescentnla qu.f rirum de pann priapn accuisaiil —
Noël 1, 52; II, ;{0-7. — Guill.\ume T.\rdif : De la belle fiJe
qui cuidoit (|ue son mary deust avoir la Marquât aussi grant
que celle d'iing asne, XXXI, p. 91. — Liseux XLll, I, p. 71.
l'iiii.ippi IIehmotimi. Addiitmnta : Recens nupta etc, p. '286. —
Cinl i\oi(i-cUf's iioHcellrs, nouv. 80. — n La bonne Mesure », Edit.
63 LES FACÉTIES DE POGGE
jeune mariée a riiabitudc de l'être. Elle avait,
au contraire, l'air contrarié, songeur et les yeux
baissés. Sa mère la prenant à part, dans un coin
de la chambre : — « Eh bien, fit-elle, tout s'est-il
bien passé, comme tu voulais? — Oh non! répon-
dit la jeune femme en pleurant, car tu ne m'as
pas mariée à un homme... il lui . manque ce qui
constitue un homme, il n'a rien ou [presque rien
de ce qu'il faut en mariage ». Fort attristée, la
mère fît part de l'aventure au père. Petit à petit,
la chose transpira parmi les parents et les
femmes qui avaient été invités à un festin, si bien
que toute la maison était pleine de lamentations
et de gémissements sur le sort de cette pauvre
fille qui, disait-on, avait été non mariée, mais
sacrifiée. Enfln, le nouvel époux, en l'honneur
de qui le repas était donné, arrive à son tour, il
trouve tous les visages tristes, les mines décon-
Garnier, p. ,341. — Gt;RARD Dicoeus : « Puppia ». - Fabclla e
Poçjgio desumpta : Priapus asinus (Milet, t. Il, p. 33).
LA FEMME DISCRÈTE
De son cornarJ, une gente ('pousée,
Mal festoyée, en un lieu .se plaignait
D'être par lui, chaque nuit abusée;
Un compagnon qui cette plainte oyait.
Pour dotromper cette garce criait :
— Je suis témoin qu'il en a comme un rustre.
— Las! dit Callios, redoublant son ennui,
Notre poulain, qui compte à peine un lustre,
En a, parbleu, quatre fois plus que lui. »
El Iai Juste Plainte, Epigrammes et contes du XVII siècle.
Voir Appendices.
LKS FACÉTIKS 1»K POGGE 63
fites; très étrangement surpris, il en demande la
cause, mais personne n'osait dire tout haut le
motif do celle tristesse générale. Cependant, un
parent plus osé se risque à lui dire que sa jeune
femme prétendait quil lui manquait tout ce qu'il
faut pour faire un homme. — « Ce n'est que
ta qui vous chagrine, fît le jeune homme en
riant, eh bien ! je vous réponds que ça ne trou-
blera pas longtemps la gaité du festin, car j'aurai
])ientôl raison de cette accusation ». Lorsque
tout le monde se fut assis à table, hommes et
femmes, à peine avait-on commencé à manger,
le jeune marié se levant tout à coup, dit : — « Mes
chers parents, je veux vous faire juges de l'ac-
cusation portée contre moi. » Et, aussitôt, sortant
de dessous son pourpoint court, selon la mode, les
pièces à conviction, les étale sur la table et prie la
société émerveillée de dire si vraiment elles étaient
à dédaigner. — Si les femmes pensaient en elles-
mêmes que leurs maris eussent dû en avoir
autant, les maris, de leur côté, convenaient que
le jeune homme était leur maître, aussi tous
furent-ils unanimes à blâmer la jeune mariée.
« — Pourquoi me blâmer et vous moquer de
moi? riposta celle-ci. — Notre âne, qui n'est
pourtant qu'une bète, il en a long comme <a (et
elle étendait le bras , tandis que mon mari qui
est un homme n'en a pas moitié autant ». La
naïve enfant croyait (jucn cela l'homme devait
être supérieur ci la bète.
64 LES FACÉTIES DE ITKWIE
En cesle Facécie sont repriiis ceux qui ne sont jamais
assouvis, mais tant plus ont de biens et plus en désirent
ainsi que la jeune fille, qui tant esloit bien foui-nyc cl
pourvene de inarv ayant si bel instrument que merveilles
et plus que tous les aultres hommes, toutesfoys n'estail-
elle point contente et assouvie, mais desiroit que son
mary eust le petit bras aussi grant (pie ung" asne '.
XLIV
Singulière inconséquence d'un prédicaLeuv -,
s
Un Frère peu circonspect, prêchant un jour
à Tivoli, avec véhémence et indignation contre
l'adultère s'écria: — « C'est un péché si épouvan-
table, que j'aimerais mieux coucher avec dix
1. La bonne dame avait raison d'aimer ce qui est j^raïul et
gros. Je suis de son parti, et tiens qu'eflectivement bien est
asne, celuy qui se marie, sans avoir les lacultos de l'asne. I.a
beauté de la dimension est souverainement dotée contre le
cocuage, au moins pour quelques semaines. Je ne dis rien
davantage sur ce compte ; parce que pour bien éclaircir les.
choses, il iaut aux dames des démonstrations. {Rrllcrinn de
l'édition d'.Amsterdam).
"2. De prxdicatore qui poliiis decem vir^ivies quam niipfain iinnni
cliçiebal. Opéra XLIV. — Noël I, 55; II, :J8-9. — Lenfant: /'o;/-
(liano, t. II, p. 217. — Guill. Tardif XXXIl. p. 97. — Risibi'.-
iiUHER XXIV, p. 38. — LisEux XLIV, t. I, p. 78. — Girar dk
Dijon : Delilhv poclarum (jaUorum, t. I, p. Ih'l. — Faceliarum
lichfUnnovum, De Virgine quodam, lib. II, p. I(l5. — Hermotini,
Addilamenta p. 289. — J.IJ. Rousseau. Epig. « Un cordclier prê-
chait », ('dit. Garnier. — Montaigne, lissais. — Beroald de Ver-
vii.LE. Le Moiffu (le parvenir, édit Garnier. — Bernard de la
MoNNOYE. AdilUerio deleslniia.
LES FACÉTIES DE l'OdCK 65
pucelles qu'avec une femme mariée. » — Beau-
coup parmi ses auditeurs étaient de son avis.
En cesle Facécie sont reprouvés ceulx qui exposent
textes des Esoritures à leur appétit et sans considérer
l'entendement de Facteur, ne regarder la lin où il pré-
tend.
XLV
Comment on enseii^ne la luxure ^.
Un autre prédicateur que j'ai connu, un nommé
Paolo. prêchant à Secia contre la luxure, se
laissa aller à dire qu'il y a des gens si lascifs
et si interrompants que pour se procurer une plus
grande jouissance, ils mettent un coussin sous
les fesses de leur femme. Ceux de ses auditeurs
qui ne connaissaient pas le procédé s'empres-
sèrent naturellement de l'expérimenter l .
l. De Paulo qui ignoratitihus uonuuUis luxunam commoiit.
Opéra XLV. —Noël' 1,55; II, 40. — Liseux XLV 1. 1, p. 79. —
Piiiuppi Hermotimi. Addimenta : Concia dequorum, etc. p. 280.
— Les Muses en belle humeur, p. "28. — « Les Coussins des Du-
chesses. »
2. « Les p'tit's dames qui vont à la messe. »
Metr des coussins sous leurs genoux,
Eir fraient bien mieux d'ies mett'...
Chausiu' populaire.
GO l,KS F.VCÉTIFCS DE I»0(;(1K
XLVl
Le confesseur 1.
Une jeune feninie, qui me l'a raconté plus tard,
étant allée à confesse pendant le carême, s'accusa,
entre autre, de ne pas être restée fidèle à son
mari. Alors, le confesseur qui était fort libidineux
lui mit on main le cierge do saint Priape, la sup-
pliant d'avoir pitié de lui. La jeune femme toute
confuse se retira vivement, et comme sa mère, qui
se tenait près de là, s'informait de ce qui lui
arrivait, celle-ci raconta l'audace du confes-
seur.
En cest-e Facécie est donné à entendre que ung confes-
seur doit e.stre souverainement chaste, car s'il ne l'est
aulcunefloys quant à hiy viennent aulcunes belles jeunes
feiniiies qui pàradventure lui recoignoissent avoir Insclié
l'agiiillettc, il pourra estre surprins et embrasé de luxure,
parquoy soubz ombre de absolution, il pourra donner au
pêclié de la pénitente augmentation, ainsi que le monstre
Frère Frappnrt qui disait à la filie (fue point ne la assoui-
droit tant que elle l'cusl desi'oidy.
1. De. coiijfssdrc. Oprra XLVl. Noël I, 55; II, 40. — Guill.
Taki.h- XXXlll, p. Oît. — LisKiix \.I,VI, t. I, p. 80.
LES FACÉTIKS DE PlXUiK (}7
XLVII
Piqtidiile t'épouse (('11 ne femme '.
l ne fois un homme causant avec une femme,
lui demanda pourquoi l'homme et la femme ayant
eu a le jouissance à faire l'amour, ce sont plutôt les
hommes qui sollicitent les femmes. Celle-ci lui
ré[)ondit : — (( On a eu grandement raison de faire
que ce soit plutôt les hommes qui recherchent les
femmes. (ïar, en effet, nous autres, nous sommes
toujours prêtes et disposes à faire l'amour, mais
v<»us non; nous perdrions notre temps à vous solli-
citer quand A'ous ne seriez pas en mesure.
El! coste joyeuse respoiise il n'y a point de sens moral,
mais il esta noter en ce que il niect, par la response de
1. Respnnsio uiulieris faccla. Opéra XLVII. — Guillaume Tar-
dif : XWIV. Joyeuse response d'une femme à ung homme
touchant le bas mestier, p. 102. — Liseux, XLVII, t. 1 p. 81. —
Philippi IIermoti.mi. Addenda^ etc. : t'.ur masculus fœmeliam
potius do coïtu interpeilet, quam fœmella masculum, p. 290
el "291. — Beroald de ^'KRV1LLE : /,(' moyen de parreiiir, édition
• la uii-r.
KPIGRAMMW
l'oui-quoi, disait Jaiiot k Péronnelle,
Ayant au cas plus de plaisir que nous.
Faut-il pourtant que courrions après vou> f
<;•; n'est justice. — Oui-dà ! Jean de Nivelle
l"'audrait-il pas vous prier à rebours '.
Kh ! pauvres dialdes que vous êtes,
Pour vous, nous sommes toujours prêtes,
Mais vous ne l'êtes pas toujours.
].es Muses en belle Imiiieiir, p. 9.
68 LES FACÉTIES DE i>0<i(iR
la femme recepvoir: il s'entend de celles qui ontvoulonté
de ce l'aire, et tousjours n'est pas à dire à toute heure, car
à telle heure les pourroit-on requérir que la cheminée
serait abattue, mais toujours est à entendre qu'elles sont
plus souvent disposées que les hommes •.
XLVIII
Le Moine mendianl ijiii, au moment de la i^uerre,
parle de paix à Beniardo -.
Au moment de la dernière guerre des Floren-
tins avec le duc de Milan, une loi fit défense de
parler de paix, sous peine de mort. Bernard
Manecti, homme à l'esprit facétieux, étant venu
1. Les plaisirs del'ainour adoucissent l'humeur de la femme'
veut-elle grondera qu'on la mette au lit. — A-t-elle quelque accès
de l'olie qui l'empêche de dormir? donnez-lui une dose purga-
tive de sagesse. La salutaire bénédiction matrimoniale répare les
défauts du tempérament dans le sexe, depuis la Pucelle de
quatorze ans, jusqu'à la vieille de quatre-vingts. Elles sont
toutes toujours prêtes à goûter du fruit de l'arbre de vie, et
le dévorent sans pouvoir s'en rassasier. li'homme a ses heures
de relâche; mais la femme est insatiable. Cet arbre de vie
est le remède souverain de dame Lyse. Dernièrement, elle
avait une migraine extraordinaire. On appelle médecin et chi-
rurgien ; on seringue, on purge, point de guérison pour Lyse.
L'amour vient à son tour examiner cette maudite et opiniâtre
migraine. Un gros et frais galant s'avise de servir d'apothi-
caire à la ])onno dame Lyse. Opération merveilleuse ! A mesure
que le lavemi;nl entrait, la migraine décampait. Knlin, à force
de lavements, Lyse recouvra la santé, et la migraine déiogi'e alla
prendre parti ailleurs. (flcy/cito/i de l'édilion trAmsterdam, 1712).
2. De Mendïco fratre qui f empare belli Bernaido pacon notnina-
ril . Opéra XLVIll. — Noi:i, I, 'û ; H. 'i3. — Ouii.i.au.mk Tardik :
LKS FACKIIKS ItK \'iu,r,E Ci)
au Marché-Vieux, je ne sais ti'op })ûur quelle
emplette, fut accosté par un de ces moines
mendiants qui, dans les carrefours, implorent la
charité des passants. Sa première parole à Ber-
nard ayant été : — « La paix soit avec toi ! » Celui-ci
répliqua de suite : — « Ne sais-tu pas (jue c'est un
crime capital de parler de paix ! Je m'éloigne,
ajouta -t- il, de peur qu'on ne me croie ton
com[)lic(\ » Ce disant, il se retira, se débar-
rassant ainsi des importunités de ce pas grand
chose.
En leste joyeuse narration n'a pas grant sens moral,
sinon que ceulx, qui sont ingras de donner poui- l'amour
(le Dieu, treuvent exeusation de ne donner point, ainsi
que le médecin qui dit au pouvre que, s'il parloit de la
paix il serait destruict '.
D'untr Médecin qui joyeusement escondit UDg pouvre qui lui de-
uiandoit l'aumosae, XXXV, p. 104. — Ristelhuber XXV, p. 40.
— LiSEUx t. I, p. 82. — GuiccARDiNi : UHore di iccreatiottc,
lôôô; traduction de Belleforest, p. 71.
1. L'éditeur d'Amsterdam, 171-2, qui a copié la traduction de
<Tuillaume Tardif, a lu comme lui Mrdico pour Meitdicoet il en
a prolité pour dauber i^ur les Mi'di'ciiis. — '< Un médecin, dit-il,
n'est un être né pour faire du bien. .le veux cependant croire
qu'à cet égard il y ait quelque exception à la règle. Gela n'. in-
pèche pas qu'un médecin charitable ne soit une chose aussi rare
qu'une pucelle de quinze ans, un Théologien sans passions, un
Wallon qui ait du bon goût et un C...apncin solide dans ses ser-
mons. Voici les qualités les plus ordinaires des médecins de
noSjOurs. Médecin avare, vain, hâbleur, ignorant; un médecin
étourdi, impruJent, téméraire, inexorable, libertin. Monsieur
Bahys tire du pot de chambre le plus clair de ses revenus : on
le paye pour avoir senti le mal de son patient, qu'il tue deux
jours après; il s'étonne ensuite de ce que le malade n'est pas
mort plus tôt. »
70 LKS FACÉTIES 1»K l'OGGE
XLIX
Historictle de Ffoiiçois Pliilelphe l.
Causant un jour, cniro camarades, du chcUi-
mcnt qui devrait être infligé aux épouses adul-
tères, Bonifa» e Salutate émit l'avis que le plus
efficace était celui dont un habitant de Bologne,
son ami, avait menacé sa femme. — « Lequel,
demandâmes-nous? » — « Mon Bolonais, reprit-il,
homme d'ailleurs peu estimable, a une femme
fort prévenante, qui a des attentions pour moi.
Un soir que j'allais la trouver, j'entendis, avant
d'entrer, les deux époux qui se querellaient. Le mari
1. Fabula Francisa l'inlclphi. Opéra XLIX. — Guillaume Tar-
dif : De l'homme qui menassa .sa femme de lui faire .sa maison
plaine d'enfans, XXXVl, p. 106. — Noël I, .58; II, 14-46. — Li-
.sEux t. I, p. 83. — Cent Noiivellcs unitrellcs. Nouv. XCl. « La
femme obéissante.» Edition Garnier, p. 375 — Beroalu de Ver-
vii.LK : Ix Moyen de parreiii)-. Edition Garnier. — Anony.mk
(cité par Milet, t. 11, p. 45). Ulfio Maritalin, fabella. — Contes
à rire on Récréations françaises, t. I, p. 73. D'une jeune femme
à son mari. — Guillaume Bouchet : Les serées. V serée. ■ — /,<•
iiuge 'h T.o Fonlainr. Conte : « La femme repentante. »
LA FEMME INCOBRIGIBLE
Si tu ne finis ton tapage,
Sais-tu bien ce que je ferai ?
Je planterai là le ménage,
Margot, je t'al)andonnerai.
Tu me regretteras, car, maudite femelle!
Je. veux te laire, avant d'accomplir ce dessein.
Un quarteron d'enfants. — Un quarteron, dil-elle,
Fais-le-moi tout à l'heure et décampe demain.
Sri)ai\e : l'oésies.
LES FACÉTIES DE l'0(i(iE 71
reprochait à sa femme son inconduite ; celle-ci,
suivant rhaJjitude, niait tout : — « Jeanne!
Jeanne ! écoute, finit par dire le mari, je ne te
frapperai point, je ne te souffletterai pas; mais je
te le ferai tant et tant, t[ue la maison sera pleine
d'enfants, puis te plantant là, seule avec eux, je
partirai. » — Un éclat de rire accueillit (^ette
révélation et tout le monde trouva bien imaginé,
le genre de supplice à 1 aide duquel cet imbécile
voulait se vencer des infidélités de sa femme ' .
Histoire d/iiii histi-ioii l'acontée par
le Cardinal de Bordeaux ^
Avant son élection au souverain pontificat,
Grésroire XII, durant le conclave et même
1. Le nouveau genre de supplice, dont le mari menaçait sa
femme un peu trop galante aurait été sans doute terrible si
tous les coups eussent iiorté. La bonne dame, à force d'avoir
des enfants, auroit eu bien des peines et ss seroit usée au
métier. Et puis l'abondance d'un mets délicieux rassasie enfin.
Oui, dira quelque censeur de mes Rvfte.riniis, si ce même mets,
était porté continuellement par un mari. Je me rends à ce
censeur raisonnable; un mari est incapable de rassasier une
femme; un mari est une chose odieuse; c'est un mets froid et
insipide; c'est une soupe réchauffée; c'est un mari. {Réflexion
de rédition d"Amslerdam, 1712.}
2. Cardiiinlis Uuididaleiisix de histrioite. Opéra L. — Guil-
laume Tardif : Du Cardinal qui raconta la facécie pour se far-
cer du Pape, XXXVll, p. 108. —Noël I, .59. — Lenfant : Po;/-
(fiatta t. II. XIV, p. 173. — Ristelhuber, XXVI, p. 41. — Liseux.
t. L p. 85.
72 LKS FACETIES Dr. I'0(;<;e
après, sétait engagé à mettre fin au schisme
qui désolait alors rÉglise. Pendant quelque
temps, il demeura ferme dans ses résolutions et
donna sa parole d'abdiquer le Pontificat s'il le
fallait. Séduit ensuite par la douceur du pouvoir,
il oublia i)romesses et serments, ne se souvenant
plus des engagements qu'il avait pris. Le Car-
dinal de Bordeaux, homme grave et d'une expé-
rience consommée, voyait avec peine ces choses
et m'en parla un jour : — « Le Pape, dit-il, a fait
comme ce bateleur de Bologne qui promettait de
s'envoler en l'air. » Je lui demandai de me conter
cette histoire : — « Il y avait récemment à Bologne,
ajouta le Cardinal, un histrion qui fit annoncer au
public qu'il s'élancerait du haut d'une tour située
près du pont Saint-Rapharl et volerait jusqu'à
plus d'un mille au delà des murs. Au jour
fixé, tout le peuple de Bologne se rendit à l'en-
droit indiqué et durant toute la journée souffrit
de la chaleur et de la faim. Les yeux tournés vers
la tour, tous attendaient que l'homme prit son
essor. De temps en temps, l'acrobate se montrait
au faite de l'édifice, battait des ailes; faisant
semblant de vouloir s'élancer dans l'espace. La
foule alors l'acclamait. Après le coucher du soleil,
le saltimbanque, ne voulant pas qu'on pût dire
qu'il n'avait rien fait, tourna le dos aux spectateurs
et leur montra son derrière. 11 était nuit close
quand les habitants regagnèrent leurs demeures,
luen attrapés et brisés de fatigue. C'est ainsi que
LES I ACKTIES I>E POGGE 73
notre Pontife, après un bel étalage de promesses,
s'est acquitté en faisant volte-face.
l']ii cette Facécie sont reprins ceulx qui empirent de
l)ien avoir, et quant ilz sont en pouvreté, recongnoissants
Dieu le Créateur, font rage de le bien servir et honorer,
mais après que, par la permission de Dieu, Fortune, qui
est niuable, les a eslevez en aulcunes dignitez, ilz ou-
blient tout le bon propos que ilz avoient par avant. Ainsi,
Grégoire, avant qu'il fust Pape, faisoit triumphe de bien
l'aire et de bien proposer, mais, après qu'il fust esleu en
la dignité, son propos changea totallement et fîst pis que
c'est prédécesseur que tant blasmoit.
LI •
Réponse de Ridolfo à Bavnaho l.
On rapporte un mot plein de sagesse de Ri-
dolfo, de Gamerino. Pendant que Barnabo^, de
la famille des Visconti, seigneurs de Milan, assié-
1. Responsin Redolplii nd Beruabovem. Opéra LI. — Noël I,
61. — Lenfant : Poggiana, t. II, XVlll, p. 186. — Ristelhu-
BER XXVll, p. 43. — LisEux, t. 1, p. 87. Philipp Hermotimi.
Addimciita, etc. Facetum obsessi,etc,p. 293.
2- Barnabe Visconti, seigneur de Milan, mort en 1385, passa
.sa vie entière à fruerroyor. Sa passion pour la chasse fêtait une
calamité pulilique. Dans un mémo temps, il eut trente-six en-
fants vivant?; et dix-huit femmes enceintes de lui. En 1385, il
fut arrêté par son neveu Jean Galéas et enfermé. Une de ses maî-
tresses. Domina Porri. resta volontairement prisonnière avec lui
dans le château de Trezzo, et le soigna jusqu'à son dernier jour.
Ridolpho 11 de Varano, célèbre condottiere, s'empara de la
souveraineté de Gamerino, après avoir assassiné son oncle. En
1376, il lut opposé par les Florentins au cardinal de Genève,
qui, avec une armée française, menaçait Bologne. R.
74 LES FACETIES DE PO('.!,K
gcait la ville do Bologne ; le souverain Pontife
avait confié la défense de cette cité à. Ridolfo,
auerrier aussi distingué que politique habile.
Celui-ci. afin de mieux protéger la ville, ne sor-
tait jamais des murs. Un jour, dans une escar-
mouche, un cavalier ayant été fait prisonnier, il
fut conduit à Barnabo qui, entre autres questions,
lui demanda pourquoi Ridolfo ne venait pas
lui livrer bataille. Le cavalier donna diverses
raisons et fut relâché. Ridolfo l'ayant interrogé
sur ce qui se passait dans le camp ennemi et sur
ce que lui avait demandé Barnabo, apprit com-
ment il avait été excusé : — «Tu n'as pas bien
répondu, s'écria-t-il, retourne près de Barnabo et
dis lui : Ridolfo ne sort pas de la ville pour t'em-
pécher d'y entrer. »
LU
Autre réponse plaisante de Ridolfo 1.
Pendant la guerre des Florentins contre le
pape Grégoire X 2, Ridolfo suivit tour à tour
1. Mia respoiisin facela Ridolphi. Opéra 1,11. — Ristelhubbr
XXIX. p. 4:.. — LiSEux t. 1, p. 89. — Lenfant t. II, XVlll, p. 186.
'2. Il faut Grégoire XI : Pierre Roger naquît au château de
Mauinont. p;uois:e de Roziers, diocèse de Limoges, on 1330; il
fut l'iu papii le .'(I décembre 1370 et mourut le .!7 mars 1378 à
Rome. Voulant faire cesser les troubles qui d(^solaient l'Italie,
il parlil d'Avignon le 13 septembre 1370 ol entra triomphale-
ment à Rome le 17 janvier 1377. C'est le dernier pape sorli de
l'Esili-'-e (le Fiance.
LES FACKTIKS DE l'UtKiE 75
les partis opposés, s'alliant tantôt avec l'un,
tantôt avec l'autre. Interrogé sur celte mobilité et
pourquoi il faisait ainsi volte-face : — « C'est,
répondit-il, parce que je ne puis rester longtemps
couché sur le même côté. »
LUI
Comnieiit Ridolfo fut représenté pa?' les Floren-
tins sous l(( figure d'un traître ^.
Peu après, les Florentins ayant accusé Ridolfo
de trahison, le firent exposer en effigie sur les
places publiques. Celui-ci ayant appris que Flo-
rence lui envoyait des ambassadeurs pour con-
clure la paix, se mit au lit le jour de leur
arrivée, fit fermer les fenêtres, allumer du
feu (on était au mois d'août) et s'enveloppa de
fourrures. On fit entrer les ambassadeurs qui
demandèrent aussitôt à Ridolfo s'il était malade :
— (( De froid, leur répondit-il. Je suis morfondu
d'avoir été si longtemps exposé au grand air
sur vos murs. » Il faisait ainsi une allusion ironi-
i. Ve coilein quoinodo a Florentinis pvo prodilore depkdts est.
Opéra LV. — Guillaume Tardif : Comment Rodolphe se farsa
(le ceuls de Florence qui l'avoyent fait peindre en leur cité
comme prodileur, XXXIX, p. 113. — Noël I, 64 ; II, 40. — Len-
FA.VT t. II, XIX, p. 187. RiSTJBLHUnER XXX, p. 4(i. — LiSEUX
t. I, p. 90. Democriles rtdvns, p. 4; Imaginarii supplicii irrisio.
76 LKS FACKTIES DF. l>0<i(JE
que à son portrait qui avait été affiché à Florence
et qu'on fit disparaître aussitôt après la conclu-
sion de la paix K
LIV
De la blessure faite à Ridolfo par un
tireur à l'arc 2.
Quelques habitants de Gamerino, afin dépasser
le temps, s'exerçaient au tir à l'arc, en dehors
de cette ville. L'un d'eux, ayant lancé maladroite-
ment sa flèche, blessa lésrèrement Ridolfo qui se
trouvait dans l'assistance. On arrêta le coupable
et chacun émit son avis sur le châtiment qui
devait être infligea ce malheureux. Un courtisan,
pour plaire au Prince, proposa de trancher la
main qui, désormais, ne devait plus tirer de l'arc.
Ridolfo fit mettre l'archer en liberté et dit en le
congédiant : — « L'avis est bon, mais il eût été
plus utile avant que je ne fusse blessé. » Réponse
pleine de sagesse et d'humanité.
1 Un homme qui veut se venger, à quelque prix que ce soit,
risque de faire bien des sottises. La vengeance va bien loin
quelquefois, mais toujours est-il sur (ju'avant de se jnettre en
chemin, elle congédie la raison. (Ri'tlcxion de l'édition d'Ams-
terdam.)
2. De quodam qui Redolphum saqiUamlo valneravil. Opéra LU.
— Noël I, G2. — Ristelhuber XXVlll; p. i'i. — Lenfant XX,
p. 187. — LiSEux t. I, p. 91.
LKS FACÉTIKS DE l'OdCiK 77
LV
Anecdote siif Maiicini •.
Un paysan de mon village, nommé Mancini,
homme iort simple, se servait, pour transporter
du blé à Figline -, d'ànes qu'il louait à chaque
voyage. Un jour qu'il revenait du marché, harassé
de fatigue, il enfourcha la meilleure de ses bêtes.
En approchant du terme de sa course, l'idée lui
vint de compter ses ânes qui le précédaient sur la
route. Oubhant celui qu'il montait, il s'imagina
qu'il lui en manquait un. Troublé, il confie, à son
arrivée, la garde des ânes à sa femme en lui recom-
mandant de les rendre au propriétaire et toujours
perché sur la même monture, il retourne au
marché distant de sept milles. Chemin faisant, il
s'enquiert auprès des passants s'ils n'ont pas
trouvé un âne égaré. Tous répondent négative-
ment. Triste et désolé, il regagne le soir sa mai-
son, ne pouvant se consoler davoir perdu son
1. Fahula Mancini. Opéra LUI. — Guillaume Tardif: Une fable
de ung lourdault qui quérait l'asne sus quoy il estoit monté,
XXXVllI, p. ;i. — Noël I, 63; II, 47-48. — Liseox t. I, p. 92.
— Philippi Hermotimi A'Iilimenla. De rustico, p. 294. —
Roqer Uonlemps en belle humeur. — De trois hommes qui cher-
chaient, l'un son cheval, l'autre son couteau et le troisième ses
lunettes, p. 243. — Harduin : I.'dne vetronvé. — Voir Appen-
dice.
2. Figlini, village d'.Vvigliana. Ilist. de Potcnza.
LES KACETIES DE i'0(i(;E
àne. Enfin, en entendant la voix de sa femme, il
met pied à terre et reconnaît alors seulement
la bête qu'il venait de chercher avec tant de sol-
licitude.
En ceste Facécie n'y a pas giant sens réduclif à mora-
lité, mais y sont reprins ceiilx qui, par faulle de bonne
inquisition et de bon regard, faillent à faire leurs beso-
gnes, ainsi que Mancini qui, en comptant ses asnes, ne
eut point de considération à celluy sus qui il estoit monté ;
pour tant le cuyda il avoir perdu et eût beaucoup de
peine à le chercher, et semblableraent font plusieurs qui,
aussitost qu'ilz ymaginent une chose la veullent faire et
le commencent, et puis perdent leur peine par faulte de
regarder la fin a quoy ilz en peuvent venir.
LVI
De celui qui mit sa charrue sur son épaule l.
Un autre paysan, aussi rustaud, nommé Piero,
ayant labouré jusqu'à midi, ses bœufs tombaient
de fatigue et lui-même n'en pouvait plus. Pour
regagner le village, il attache sa charrue sur son
âne et grimpe dessus ; puis le voilà parti précédant
ses boeufs. Accablé sous un poids trop lourd, l'âne
pliait sous le fardeau, son maître voyant qu'il
1. hv illo ipii aralntiii snpei- liiniici-inn p<»-lavil. Oj)era LVI. —
Guillaume ïariiIf : De celuy qui monla sur son asne sa char-
rue à son cul, XL, p. IKi. — Nokl I, (iô : H, il). — Liseu.x t. 1,
p. !)'/. — PiuLii'pi Hermotimi : AiUliiiiinla, ilc. p. 21*4.
LES FArÉTIES DE l'OtiOE 79
n'irait pas loin, descend, place la charrue sur
son épaule et remonte sur sa bète en disant:
— « ïu peux marcher droit maintenant; ce n'est
plus toi, mais moi qui porte la charrue. »
Eln ceste Facécie ne a point de sens moral, mais seule-
ment y est niontn'' la sotie et imbécilité d'uno' liomnie qui
cuydoit soulager son asne pour avoir sa charrue à son col
et estre monté dessus.
LVII
Réponse ingénieuse de Dante, poète florentin l.
Dante Alighieri-, notre poète Florentin, fut
quelque temps lliôte à Vérone du vieux Cane
délia Scala - , prince très généreux. Cane avait à
sa cour un autre Florentin, de basse extraction,
ignorant, maladroit, bon à rien, sauf à rire. Les
1. Respotmio cle(ia)is Danlis, poelw flo)-entini. Opéra LVil. —
Guillaume Tabdif • Une élégante responce d'un poète Florentin
nommé Dante, XLl, p. 1 18. — Noël I, GG; II, 50. — Ristelhu-
BER XXXI, p. 47. — LisEux t. I, p. 95. — Philippi Hermotimi :
AddiniCHla, p. 290.
2. Cane, appelé Grande, accueillit Dante en 1317. 11 traitait
avec uno égale libéralité les guelfes ses prisonniers et les gibe-
lins réfugiés. Au nombre des premiers, on comptait Saguccio
Mujio Gazzata, historien de Roggio et narrateur reconnaissant
des magnificences de la cour de Vérone. Elle accueillait à la
fois les guerriers, les écrivains, les courtissans, les clercs, les
poêles et les bouffons. Ces hôtes divers occupaient des apparte-
ments où l'on distinguait les attributs de leur situation sociale
et de leur pro'ession; pour les prédicateurs, le paradis; pour
les guerriers, des scènes de triomphe; pour les poètes, les bou-
quets des muses, etc. (R.)
80 LES FACÉTIES DE POGGE
inepties, je ne dirai pas les facéties qu'il débitait,
avaient plu à Cane, qui l'avait comblé de riches
présents. Dante, homme instruit, aussi réservé que
savant, le méprisait et c'était justice. — « Com-
ment se fait-il, lui dit un jour le Florentin, que
tu sois pauvre et misérable, toi qui passes pour
sag-e et avisé, tandis que je suis riche, moi, .qui
suis sot et ignorant? » — « Quand j'aurai trouvé
un maître dont les goûts seront conformes aux
miens, comme cela t'est arrivé, il m'enrichira
bien aussi. » Réponse sérieuse et pleine de sa-
gesse, car les grands se plaisent toujours dans la
société de ceux qui leur ressemblent.
En ceste responce est réprovée la honteuse condition
d'aulcuns Seigneurs qui plus prennent grand plaisir à
pourveoir gens folz et inutiles que gens saiges et prudens,
par quoy ilz sont réputez ingratz, ce qu'on dit en commun
proverbe :
A tel Seigneur tel mesgnie,
A tel maistre tel varlet,
A fol Seigneur fol serviteur.
et si est ce une des grandes congnoissances que ung
Seigneur puisse donner de sa folie que de prendre délec-
tation et plaisance aux faitz des folz '.
1. « Ce conte m'inspire la Morale et je ne suis nullement
d'humeur de rire. Oa voit tous les jours des fols orgueilleux et
ensevelis dans leurs thrésors se moquer d'un sage couvert de
haillons, et mépriser la vertu réduite à la mendicité. Cerlai-
ncmcnt Ja sagesse serait à celuy qui la possède une bien
fâcheuse épine, si elle n'avait le bonheur d'être satisfaite d'elle-
même. Aux insultes que les riches insolens lui font, elle oppose tous
le» cuisans soucis des richesses. {Rrflv.tiotis de l'rdil d'AmsIctihun.)
LES FACETIES DE POCdE 81
LVIIl
Plaisait II' réponse du même poète ^.
Un jour, Dante dinait entre l'ainé et le plus
jeune des Cane '-. Pour le vexer, les valets de
ces deux seigneurs jetèrent en cachette des os aux
pieds du poète. La table ayant été enlevée, tous
les regards se tournèrent vers Dante ; les convives
s'étonnaient de ne voir des os que devant sa place.
Mais lui, en homme à la repartie prompte : — « Il
n'y a rien d'étonnant à ce que les chiens aient
dévoré leurs os, mais moi je ne suis pas un chien. »
En celte responce peut ou noter une aultre vile et mau-
vaise condition qui est, en aulcuns seigneurs, de se farcer
d'ung simple et saige homme, s'ils l'ont avec eux, et en
1. Ejusddii poetœ facela responsio. Opéra LVIU. — Guillaume
Tardif : Aultre joyeuse responce dudict Dantes, poète floren-
tin. XLll. p. 121. — Noël I, 67; 11,50-51.— Histelhubkr XXXll,
p. 'i8. — LisEU.K, t. I, p. 96. — Pour l'origine: Josèphe, I, Xll,
ch. IV. — F^KGRAND d'Aussy, « Les deux parasites. » II, 238. —
Imitations: Le parangon des uouvelles honiteates, f. XXll. —
Coinirales Sermones, t. I, p. 168. — Dominichi, p. 121. — Gi-
raldi : De (jlih'catommili, nel Moule Ref/ale. — Favoral : Contes
et discours facétieux. — Dcntocritus ridens, p. 75. — Irrisio in
auctoreiu. — Addiinciila Heriuolimi, p. 290. — Àpposilum poetœ
responsum.
2. <Jane II de la Scala, petit neveu de Cane I, succéda à Mar-
tin II le 3 juin 1351, épousa Elisabeth, fille de lempereur
Louis de Bavière et fut transpercé d'un coup d'épée par son
frère, Cane Signore, comme il traversait Vérone à cheval, le 14
décembre 1359.
82 LES FACÉTIES DE POGGE
veullent quasi faire leur fol, ainsi que les chiens que j'ay
devant ditz que prenoyenl plaisir à ieurfarcer et moquer
du poète Dante pour ce qu'il estoit homme très simple
et de très humble condition. (Guillaume Tardif) '.
LIX
lï une femme qui s'obstinait à appeler
son mari pouilleux -.
On parlait un jour de l'opiniâtreté des femmes,
dont l'entêtement est tel qu'elles préfèrent mourir
que de changer d'avis. — « Une femme de mon
pays, dit alors un des assistants, se disputait conti-
nuellement avec son mari, elle persistait dans ses
assertions et voulait avoir le dernier mot. Un jour
qu'ils se querellaient violemment, elle traita son
mdivi de pou iileu.v. Pour lui faire retirer cette ex-
pression, il la roua de coups, jouant des poings
et des pieds ; mais plus il la frappait, plus elle
1. Ce n'est pas assez que la folie préside ici-bas; le comble
de loprobre pour la sai'csse est qu'elle serve à réjouir la folie. —
(Réllexioii de l'édiL. d'Àinsleixlam.)
1. De muliere obstinata qu;r rirum pcdicnlosunt vocaril. Opé-
ra LIX. — Guillaume Tardif : De la femme obstinée qui appelle
son mari pouilleux, XLIU, p. \T.]. — Noël I, GS; II, 51-53. —
RisTELHUBSR XXXlll, p. 49. — LisEcx, t. I, p. 97. — Oiiiiine :
— Poi'sivs de Marie de France, t. il, p. 379. — .1 sélection of
lalin slaries, fvom inss, of the Ihirleenlh an foiirleentli cenlitry,
cd. hij Thomas Wrii:ht. — Le Pré tondu. Fabliaux de Legram».
t. II, p. ;!3.j. — Imitations : — Beuoald de Veuvjlle, Moyen de
lES FACKTIES DE l'OGGE 83
rappelait pouilleux. Le mari s'étaiit lassé, mais
voulant cependant vaincre son obstination, la
descendit, à l'aide d'une corde, dans un puits,
menaçant de la noyer si elle prononçait encore
le mot. Ayant de l'eau jusqu'au menton, elle
criait encore : pouilleux! Alors, afin de l'empêcher
tout à fait de parler, le mari la plongea com-
j)l élément dans l'eau, espérant que le danger
de mort, dans lequel elle se trouvait, la ferait
taire. Dans l'impossibilité de se faire entendre
elle étouffait . la femme exprima alors par le
geste, ce que sa bouche ne pouvait dire. Levant
les mains au-dessus de sa tête, et appuyant l'un
contre l'autre les ongles de ses pouces, elle
rappela ainsi à son mari qu'il était pouilleux,
(^'est ainsi, en effet, que les femmes écrasent
habituellement les poux.
En ceste Faeécie est montrée la merveilleuse pertina-
cité et obstination de une maulvaise femme qui aymeroit
mieux mourir que de faire au contraire de son oppinion
quelque chose que ce fust, ainsi que celle que, quant elle
fut au puis et ne peut plus parler, pour monstrer sa mau-
Parveniv XCll, La Femme opiniâtre, édit. Garnier, pase .377.
— Àbslentùis, dans Fabula' variorum auctonuii. cara H. Nevelti,
p. 587. — De Mulicrc ab turdas verberala. — Tabourot, Biçiarr
ures et touches du Seifjueur des Accovds, Vil. — Costo : Il Fug-
gilozzio, diriso in ottn giornate, p. 3.39. — Thrésor des n'u-rations.
couloianl histoires facétieuses et honnestes. — L. Garon, Le Chasse-
euHuy, Centurie IV, S. — d'Ocvills, Contes, t. Il, p. 12ô. —
Democritus i-ideus, p. 121. — Mulievum perlinacin. — Fiischlini
facetiœ, p. 13, de Fiscellario. — Rivikre Dufresny : (Fuvres.
« L'esprit de contradiction ». — Gellert : Fabeln und Evzahlun-
f/''»*,t. 1, p. 55. — Die Widcrsprocherin.
84 LES FACETIES DE POGGE
vaislié, boula les bras dessus l'eaue et, faignant à tuer
des poulx, ainsi que les femmes les tuent entre leurs doys,
pour monstrer évidemment que en son couraige elle appe-
loit son mary pouilleux. Et est aussi monstre que c'est
grant folie à ung homme cuyder convertir une maulvaise
femme et obstinée; car mieulx aymeroyent mourir que se
convertir, et, pour tant, dit Monseigneur Saincl Bernard,
en son Epistole « De la chose familière » : Malam uxorem
citius risii quam baculo castigabis; tu chastiras plutôt
une maulvaise femme par toy rire, ne tenir compte de tout
ce qu'elle dira ou fera, que tu ne feras par battre à coups
de baston (1).
LX
De Vhominc qui cherchait sa femme
noyée dans le fleuve 2.
Un paysan dont la femme s'était noyée, la cher-
chait en remontant le cours d'eau. Un passant
étonné de le voir agir ainsi, lui conseilla de
1. J'applique ce conte à la plupart de nos savants, dont
l'obstination est telle, qu'on les hacherait en pièces, ijlutôt que
de les obliger à démoi-dre de ce iju'ils ont une fois conçu, lis
sont femmes sur cet article, (ficy/crio// de l'édition d'Amsterdam
1712).
Ce conte tire peut-être son origine du proverbe Italien :
Chi stà neir aquà sino alla gola,
Ben 0 ostinato se merce non grida.
L De co (jui tixorviii in Puinine pcieinpIatH fiHwrcbat. Opéra LX.
Guillaume Tardif : De cellity (jui arait fjptli sa fvniniv eu la
rivière cl l'alloil chvrclier coiilifinciil l'eaue, XLIV, p. 12lj. —
LES FACÉTIES DE I'0(.(;E 85
suivre au contraire le fil de l'eau : — « F*oint
du tout, répondit notre homme, comme cela je
ne la retrouverai jamais. Pendant sa vie, ma
femme était si acariâtre, si difficile à vivre,
si contrariante, qu'elle aura voulu qu'après sa
mort, son corps surnageât en remontant le cou-
rant. »
En ceste Eacécie doit estre entendu le sens figuratif,
comme en l'aultre, qui conclud que c'est follie de cuyder
amender une maulvaise femme et obstinée, car elle
aymerait mieulx mourir, mais que celle qui ayma mieulx
estro noyée que passer une planche à l'apétit de son
mary. Conclud aussi ceste Facécie le dict joyeulx du
mary qui en la noyant luy dist qu'elle allast aval l'eaue,
puis alloit chercher au contraire pour monstrer que
tout l'opposite de ce qu'il vouloit elle faisoit quand elle
vivuvt.
NoKL I, (39; M, 53-o0. — Ristslhuber XXXiV, p. 52. — Liseox.
LX, p. 99. — Marie de France, 9(3.— Legrand d'Aussy, t. II,
330 : Du Villain et .sa l'emme. — Arlotti Ma\nardi Facecie,
— Imitations: — CoriXiivales sermoiies, I, p. 309. — Dominichi,
p. 64. — Faenii Fnbulœ, p, 13. — Hulsbusch : Sylrœ sermonnm,
p. 33. _ Verdizotti : Cento favole, fav. 53. — Pavesio : Il Tarqo,
elle conticne i:iO facole, p. 31. — Zabata : Biporlo de viandanti,
p. 81. — Le Chassc-ennuy, cent. IV, 6.— Nvçia- vénales, p. 78.
— Dii-erlissemciils cuiicnr, p. 19. — Vacalerio, p. 24.— La Fon-
taine, liv. III, lab. 10.
80 LKS FACKÏIES DE l'CH.dE
LXl
DUin roiiirier qui voulait se faire anoblii' 1.
Un serviteur du duc d'Orléans 2^ homme vivant
d'une manière grossière et sans la moindre édu-
cation, demanda à ce prince de l'anoblir. En
France, la noblesse peut s'acquérir en achetant
des terres, dont le produit sert au propriétaire à
mener la vie aristocratique ■^. Le duc connais-
sant bien son homme, lui répondit : — « Je pour-
rais très facilement te faire riche, mais noble,
c'est impossible ^.
1. De rustico qui nobilem seficri quœrebal. Ûpera lAl. — Guil-
laume Tardif : XLV, p. 15i9. — Noël I. 7(3. — Ristelhuber
XXXV, p. 53. — -LisEux, t. I,'p. ion.
. 2. Louis I" de France, frère cadet du roi Charles VI, ne
on 1.371, mari de Valentine Visconti, fille du duc de ."\Iilau;
as.5assiné le 23 novembre li07.
3. La propriété féodale était le signe caractérisiique de la
nol)lesso : Point de Seigneur sans terre, disait- on, et ce fut seu-
lement vers la fin du xrii" siècle, que les rois crurent pouvoir
conférer la nol)lesse. On phice sous Philippe III le Hardi, le
premier anoblissement. Il accorda la nohlesse à son orfèvre
Raoul. (R)
■\. L'empereur Sigismond. ayant un jour anobli un docteur
qui, dans une solennité, aima mieux se ranger yjarmi les nobles
que parmi les docteurs, il se moqua de lui en disant qu'en un
jour il pouvait faire mille gentilsliommrs mais qu'en mille ans
il no pourrait faire un docteur. Le Clinsse-ennuif, cent. I,
37, 3!).
î
LES FAî.KTlES l)i: l'O: GK 87
En ce chapitre dessus mis et noté que les nobles de
droicte noblesse ne pocèdent point de richesse, mais de
mœurs, ainsi que nous avons par ung- exemple d'ung
Empereur Hoinmain qui fist ung esdit de une sienne
seulle fille qu'il avait nommée Philomène; ce fut que
celluy qui le plus noble se trouverait aurait sa fille en
mariaige. Pourtant s'assemblèrent tous les fils des
Roys et des Princes du pays, "qui déclarèrent leurs no-
blesses originelles et leurs grandes et riclios parentés.
Avecques ce y vint ung puissant parfaict riciie homme,
gracieulx. lionneste et bien morigéné, combien que d'ex-
traction do haut lieu ne fust pas venu, mais de simples
gens, bien aymez de tous, et, pour le dernier, demanda
avoir ceste fille en mariaige sans alléguer aultre chose
sinon que, si le père voyoit qu'il fust sulfisanl d'avoir sa
fille qu'il luy donnast. Adoncques le père, qui eut ouy
racompter les noblesses d'ung chascun, avecques son
Conseil regarda lequel estoit le plus noble et fut trouvé
que l'ung venu de plus hault lieu, esLoit présumptueux
et plain d'orgueil, l'auitre estoit crapuleux et paillart,
l'aultre prodigue et fol dépenseur, si que tous furent
trouvez coupables de aulcun vice qui honnist noblesse
et qui le noble faict vilain, jusques au dernier, qui estoit
de petit lieu, mais estoit homme de très bonne vie, ver-
tueux, saigeetbien morigéné, prisé et honnoré de chascun
nou réprouvé par aulcun vilain vice qui fut en luy, par
quoy le père do Philomène avecques son Conseil ordonna
et conclu»! que le dernier comme le plus noble aurait sa
fille en mariaige, en baillant pour raison ce que dit le
Métrificateur :
Moribiis et vita nobilitatur Jiomo, etc ;
« l'home est ennobly par les bonnes meurs qui sont en
lui et par la bonne vie dont il est. »
88 LES FACÉTIES DE l'OCJGE
LXII
Le bel outil de Guillaume '.
Il y avait dans mon village de Tcrrn-Nova, un
charpentier nommé Guillaume, qui était admira-
blement outillé de l'aveu même de sa Iciiime à ses
voisines. Celle-ci étant morte, il épousa ime jeune
fille assez naïve, appelée Antonia, à lai|uelle les
commères parlèrent du bel outillage de (iuillaume.
La première nuit qu'elle coucha avec son mari,
elle se mit à trembler et n'osait s'approcher de
lui, tant elle avait peur. Celui-ci, comprenant ce
1. De Giiilliclino qui hahehat yriapeam suppelleciUem fornw-
sutn. Opéra L\.ll. — Noël I, 71; II, 61. — Guillaume Taudif :
De celuy qui list croire à .sa femme qu'il avait deux outils, ung
petit et uûg grant, XLVl, p. 13-2. — Liseux LXll, 1. 1, p. 101.
LE DOUBLE OUTIL
CONTE
Gui pour l'ainour avait certain talent,
Dont la grandeur par tous était vantée;
Sa t'einnie Alix, la première nuitée,
En redoutait leffort trop violent.
Pour rassurer la timide novice :
— Ne craij;ncz rica, lui dit-il, j'en ai doux ;
Le plus petit fera d'abord l'office. —
Alix consjnt là-dessus à ses vœux.
Bien que le choc fut des plus vigoureux,
Elle soulfrit le tout en patience.
Même en trois jours étant laite au tranti an,
— Vous pourriez bien, lui dit-elle, je pen-e,
User sans risque, à cette heure, du graud.
B. LA MONNOYE.
LES FACÉTIES DE l'OGliE 89-
qui causait la frayeur de cette enfant, lui dit pour
la consoler : — u On t'a dit vrai, mais jaideux
outils, un i;rand et un petit. Je me sers du petit
pour commencer, cela va tout seul ; j'emploie le
grand si besoin est. » La jeune femme étant ras-
surée, le charpentier s'excrima de son petit outil
et les choses allèrent pour le mieux. Au bout
d'un mois, habituée au maniement du premier,
elle dit à son mari, en lui faisant des mamours :
— « Mon ami, pourquoi n'emploierais-tu pas
l'autre, le grand?» Le charpentier qui s'était servi
jusque-là d'un outil merveilleusement grand, ne
put s'empêcher de rire des bonnes intentions de
sa femme et c'est lui-même qui m'a conté l'his-
toire.
LXllI
Hépousc d'une femme de Pise 1.
La femme Sambacharia, de Pise, était prompte à
la risposte. Un farceur s' étant approché d'elle lui
dit : — « Le prépuce de l'âne vous salue. » — « Ma
foi, tu as bien l'air de son ambassadeur, » — ré-
pliqua-t-elle aussitôt, en lui tournant les talons
sur cette malicieuse riposte.
1. Respoitsio niiins mulicris PisaïKC. OparOi LWU. — Noël 1,72.
— LisEux lAlll, t. I, p. 1(13.
90 LES FACÉTIES DE J'OddE
LXIV
Bon mot d'a/ie nuiironc '.
Une femme adultère avait [)endii toutes sor-
tes de vêtements aux fenêtres ; cadeaux de ses
amants. Une matrone, en passant, vit l'étalage et
s'écria : — « En voilà une qui fait ses robes,
comme l'araignée fait sa toile, avec son cul, et qui
étale ce beau produit. »
En ceste facécie etdict joyeulx sont, réprouvés les folles
femmes qui ont totalement perdu honte et sont bien con-
tentes de porter pulilicquement ce que cliascun cognoist
bien quelles ont gaigné honteusement à la meschanceté
de leur corps, ainsi que folle fe/uine qui pendait ses
vestemens aux fenêtres, acquis par adultère.;
LXV
Un bon avis -.
A l'époque des vendanges, quelqu'un étant
venu demander à un de nos concitoyens facétieux
de lui prêter (juelques tonneaux, celui-ci répon-
1. Diiiiim malroiifr quœ restes adiillenc ad fniesti-as cn)ispecil.
Opéra lAlV. — Noël I, 72. — Guillaume Tardif : Le dict d'une
matrone qui met les vestemenls d'une inërétrice aux fenestres,
XLVII. p. 13G. — LiSEUx LXIV, t. 1, p. 104.
"2. Mouitio cnjudam. Opéra LXV. — N'oel L T3. — (tuillaUiME
Tardif: La description d'une folle requeste, .XLVIU, p. 13S. —
LiSEu.K LXV, t. I, p. lOô.
LES FA( KTIES DE l'OGGE 91
(lit. — I* Si j'entretiens ma femme toute l'année,
c'est pour m'en servir ([uand j'en ai besoin. >^ —
Voulant dire parla, qu'il ne faut jamais demander
à autrui de vous prêter ce qui lui est nécessaire.
En ceste demande et requeste ainsi esconduite est
montré comment l'on doit demander aulcunes choses ou
non, c'est que celluy, à qui on fait la demande et requeste,
ne ayt point nécessairement à faire de ce qu'on demande
et requiert, ainsi que, en ce temps de vendenges et qu'il
estoit plaine vinée, avoit nécessairement affaire de ses
vaisseaulx celluy à que on les demandoit et requeroit et
aussi, au contraire à l'opposile, pour refus et pour mons-
trer à l'aultre qu'il ne les luy devoit pas demander ne
requérir et considérer la grande vinée qui estoit,
luy demandoit-il sa femme, dont jamais il ne se fust
delToit.
De ceste Facécie, dit Chaton en son livre, qui disoit à
son fils :
Quod jusluDi est petito, ncl quod videatur honestuni.
C'est-à-dire: « Demande ce qui est juste à demander
ou qui soit veu honeste.
Xun slultiuii est pelere quod posait jure negari.
« Car chose folle, dit Chaton, est de demander ce qui
de droit peut cstre nyé », ainsi que fait celluy à qui on
demandait des vaissaulx desquelz nécessairement il
avoit affaire.
LES FACETIES DE l'OCUiE
LXVI
Mol d'un PériLsieii à sa femme '.
Les gens de Péruse ont la réputation d'être de
bons vivants et d'un commerce facile. Une femme
de cette ville, une nommée Pétruccia, avait
demandé à son mari de lui acheter des chaus-
sures pour aller à la fête, le lendemain. Le mari
les lui donna, puis, il lui recommanda de faire
cuire, avant de partir, une poule pour son dîner.
Le femme, sa cuisine terminée, s'étaut mise sur
le pas de porte, vit passer un jeune homme qu elle
aimait beaucoup; aussitôt elle rentre, lui fait
signe de venir la trouver et de metiro à profit
1. Dicftim pevHaini ad uxorem. Opéra LXVI. — Nokl I, 74; II,
G2-.5. — Guillaume Tardif XLlX. p. 140. — Iv.skox LXVI, t. l,
p. lOG. — Les Cent Nouvelles nouvelles, n" 93. La Postillonne sur
le dos, édition Oarnier, p. 381. — Roç/cr-Uonlemps eu belle
hnineuf : D'un mary à sa femme, p. 30. — Le FacJtieux Réveil-
Matin, p. 184. — Milet : Calcei, fabslla, t. II, p. f.L — Recueil
(le pièces curieuses et nouvelles, tant en prose r/u ra vers. 1694 :
Grégoire revenant de boire... (Couplet). Voir Appendices.
LES SOULIERS A DURER LONGTEMPS
CONTE
Maraol, feignait d'être de fête.
Afin de Iroiujjcr .son balourd,
l">t fit tant |iar humble requête,
Qu'elle eut des souliers de veloiir>.
Mais tandis (ju'il va par la ville,
Elle fait venir son valet.
Qui vous l'empoigne et vous rallile
Ainsi qu'un grain de chapulet.
LKS FACKTIES DK l'dCtiK 93
l'absence du mari; puis, afin d'aller plus vite en
besogne, elle grimpe l'escalier et s'étend par terre,
mais de telle façon qu'on pouvait l'apercevoir de
la porte. Pendant que la femme et son galant
jouaient à la l)ête à deux dos, les jambes de celle-
ci croisées sous les fesses de celui-là; le mari
arriva avec un ami qu'il avait invité à dîner en
tête à tète, car il pensait que sa femme, qu'il
croyait déjà partie, ne rentrerait que fort tard.
Arrivé au pied de l'escalier, notre homme, qui
précédait son hôte, aperçut sa femme battant l'air
de ses pieds. — « Ohé ! Pétruccia, lui cria-t-il, par
la cul de l'âne! (c'était son juron habituel), si c'est
ta façon de te promener, jamais tu n'useras ces
souliers-là ' ».
En ceste facécie est monstre seulement que c'est de la
joyeuseté de une facécieuse personne, car il en est de si
plaisants que, (juelque mal qui leur adviengne, ilz ne
Des jambes son cul elle accole,
Cependant qu'au branle du cul.
Ses pieds faisaient la cabriole,
Voici revenir son cocu.
Alors il cria de la porte,
Voyant ce nouveau passe-temps,
— « Si tu vas toujours de la sorte,
Tes souliers dureront longtemps. »
SuiOGNES : Cabiiicl safijriqxe.
1. rt Rien n'e--t comparable au maneigo de la bonne dame;
maneige inestimable chez le sexe; parce ciu'il est souveraine-
ment salutaire, (j'est ce maneige qui purge, desseiche, nettoie,
balaie, arrache les humeurs peccantes qui résident dans le
corps des dames sujettes à l'opilation. Je consens donc qu'une
dame qui s'apperçoit qu'elle guérit de ce maudit mal, par une
94 LKS F.VCÉTIES DE POGGE
s'en sçaui'oyenl desconforter; mesme en leur adversitez
disent de li-ès bons et très joyeux proverbes, ainsi que le
Perrusien. quand il vit Pétruce sa femme qui se jouoit
avec son amy t-l que elle n'avait garde de user ses soul-
liers neufz.
LXVII
Propos plaisant d-iin jeune Jtonnue ^
Une paysanne prétendait que si ses oies ne se
portaient pas bien, c'était certainement qu'une voi-
sine leur avait jeté un sort en les admirant sans
avoir ajouté : « Dieu les bénisse ! » comme on le
fait ordinaii'ement. En entendant cela, un jeune
homme s'écria : — « Je comprends maintenant
pourquoi mon aiguillette fait [)iteuse mine depuis
quelques jours. C'est parce (juon a trop fait son
éloge et qu'on a oublié d'ajouter la bénédiction.
Je parierai qu'elle est ensorcelée, car elle n'a point
dose de société d'amour chaale le sacré cantique : témoiguaut
ainsi ii la déesse ( '.y pris une reconnaissance immortelle.
Grande Reine de Cythère,
1>epuis l'àjïo de treize ans,
En nous voire fds oj)ère
Le ])lus prompt des restaurais
Quand il va dans le trou bedou
Dou, etc.
Rr 11 PI- ion de l'édilion d'AmsIcrdam.
1. J'erlncfliDit (liclutn citjusdam adnlei'cenlis. Opéra LXVII. —
Noël 1, 7."). — Liseux LWil, t. I, p. 108.
m;s fackties de Vin\r,T. 95
relevé la lé(e depuis. Dis donc, je t'en prie, Dieu
la bénisse I afin qu'elle retrouve son ancienne
vieueur. »
LXVIIl
D'à II fameux imbécile '.
Le père d'un de mes amis fré({uentait la femme
d'une espèce d'imbécile qui était bègue. Une nuit,
s'étant rendu chez cette femme, dont il croyait
le mari absent, il frappa assez fort à la porte en
contrefaisant la voix du mari pour se faire ouvrir.
L'imbécile, qui était à la maison, dit en entendant
cette voix : — « Jeanne, Jeanne, ouvre donc, on
dirait que c'est moi. »
LXL\
D'un paj/suii (/iii portaiL une oie à vendre '-.
In jeune paysan allait à Florence vendre une
oie ; une dame facétieuse le voyant, lui demanda en
riant le prix de son oie et celui-ci lui répondit :
.1 De riro slolido (jiii siviulantcm cocein ciedidit se ipsum esse.
Opéra LWll!. —Noël 1, 75. — Liseux LXVIIl, t. I, p. 109.
1. De rusliid qui atisercin retialem deferebat. Opéra LXIX. — Li-
sEtJX t. I, p. 1 10. — Fabliaux : Leorand, t. III. La Dame et le curé.
— EusTACHE d'Amiens, I. III. I.c Uouchi-r d'AbheviUe. — Boccace.
Le Dccanieroii Vlll, journée i et 'l, nouvelles, p. 35i. édition
Garnier. — C'eut Nouvelles nouvelles, nouvelle ^VllI. La porteuse
du rcHlrc cl du dos p. 75, édition Garnier. — B. de la Mon-
"96 LES FACÉTIES T)E I'0<1(;E
« Vous pouvez la i)ayer très facilement. — Que
veux-tu dire, repartit la dame. — D'un seul coup,
affirma le paysan. — Tu veux rire, reprit la dame,
mais viens tout de même chez moi et nous ferons
marché. « Arrivé à la maison, le jeune homme ne
voulut pas changer son prix et la dame se décida à
l'accepter. Mais comme dans la dispute elle eut le
dessus, quand elle réclama l'oie, le paysan refusa
en disant qu'elle ne s'était pas soumise, que c'était
lui au contraire qui avait eu le dessous. Ils recom-
mencèrent donc l'affaire et le jeune homme se con-
duisit admirablement. La dame réclama alors l'oie,
le paysan refusa derechef, prétextant qu'ils étaient
simplement quitte à quitte, car il n'avait accepté
que pour effacer l'affront qu'il avait essuyé. Ladis-
cussiondurait depuis longtemps déjà, quand le mari
rentra ; il s'enquit de ce qui se passait. — « Je
voulais, expliqua la femme, te régaler d'un bon
repas et ce maudit-là veut m'en empêcher, il était
convenu avec moi de vingt sols, luaintenanl qu'il
NOYE : Rusticus corpos vendus, fabella. — La Fontaink. Contes.
A femme avare, galant escroc, p. 123, édition Garnier. — Collé :
l'oinédie sous le même titre. — Le SiiKje de La Fontaine : La
double altitude, t. I, p. 76, et Le Mortier (Mola) imité par
Francisco Swertus: Poet. liehj. delicias. — Bbuklian. Facetiu' :
Faclum cuju-dam Francigenro, L. 3, p. 183. — Riiçiia- venalis,
p_ 73. — d'Ouville. Contes : Subtilité d'un homme pour faire
déclarer son voisin cocu par lui-même, 11 partie. — Roçjev-
liontenips en belle humeur. — Contes à rire ou Récréation fran-
çaise, t. 2, p. 128. — Nouveau.r contes à lire, p. 63. — Mérakd
DE Saint-Just : lispièçflerics, Joyeusetés, etc., t. I, p. 138. —
NoGARET : iViuV.s parisiennes. — Imbert : Nouvelles Historiettes en
vers. Le marché rompu, p. IS!).
LES FACETIES DE l'OdliE 97
est entré, il change d'avis et réclame deux fois plus
— Hé ! hé ! s'exclama l'homme, il ne faut pas que
pour si peu de chose, nous ne puissions faire un
bon repas. Tiens, voilà ce (|ue tu réclames. » Et le
paysan s'en alla, après avoir tiré profit de la femme
et du mari.
LXX
De V avare auquel on fit boire de V urine l.
Un de nos collègues de la Curie, homme d'une
avarice sordide, venait souvent à l'heure du repas
de ses domestiques et goûtait leur vin pour voir
s'il avait été assez étendu d'eau. Il donnait à en-
tendre qu'il n'ag"issait ainsi qu'afin de se rendre
compte de la bonne qualité de la boisson. S'étant
aperçus de ce manèg^e, ses gens complotèrent et
mirent sur la table, à l'heure oiî le visiteur était
attendu, de l'urine fraîche à la place du vin. Notre
homme arriva, en effet, avala d'un trait l'urine,
puis, crachant et vomissant à demi, il quitta la
salle avec de grands gestes, poussant de grands
cris et proférant mille menaces contre les auteurs
de ce tour pendable. Les domestiques, de leur côté,
terminèrent le repas au milieu des éclats de rire.
L'instigateur de cette mauvaise plaisanterie m'a
raconté plus tard le fait ; il en riait encore.
1. De avarn qui luinam derinstavit. Opéra LXX. — Noël l, 78.
— LiSEuxLXX. p. 11-2.
98 LES FACKTIES DE POGGE
LXXI
Confession incomplète cVun berger l.
Certain pâtre, habitant de cette partie du
royaume deXaples où le brigandage est un métier,
vint un jour pour se confesser. Agenouillé aux
pieds du prêtre : — «Pardonnez-moi, mon Père,
dit-il en pleurant, car j'ai grandement péché. » Le
prêtre l'exhorte à faire un aveu sincère, mais le
pénitent s'y reprend à plusieurs fois avant de
parler, comme un homme qui a commis un crime
épouvantable. Enfin, sur les instances du confes-
seur, il finit par dire : « Un jour de jeûne, comme
je faisais du fromage, quelques gouttes du lait
que je battais, ont jailli dans ma bouche et je ne
. 1. De (juodam paatore simulatim confttente. Opei-a LXXI. —
Noël I, 79. — RisTELHUBER XXXVl, p. 54. — Ltseux, t. I, p. 113.
— Stan. Jui.lien, Siao li Slao (Journal asiatique), t. IV, p. 103.
— B. DES PÉRiERS, nouv. XI: Du pi-ebstre et du masson qui se
confessoit à luy. On peut rapprocher de celte facétie, le conte
suivant :
LE PÉNITENT NAÏF
Un dimanche, pendant la messe,
T^n paysan avait volé du foin;
11 vint s'en accuser le soir même à confesse.
A l'aveu d'un toi cas, son vieux curé le presse
D'i.-n expliquer les détails avec soin.
— Dans cette grande circonstance,
Pour fixer votre pénitence,
Mon fils, dit-il, il est besoin
LES FACETIES DE l'UliGE 99
les ai pas rejotées. » Le prêtre, qui connaissait les
mœurs de la contrée, après avoir dit, moitié en
souriant, que c'était mal de n'avoir pas observé
le carême, demanda au berger s'il n'avait pas
d'autres méfaits sur la conscience, s'il n'avait
jamais, par exemple, dépouillé ou assassiné
quelque voyageur, de concert avec ses camarades.
— « Oh I que si, fit l'homme, j'en ai tué et volé
plus dun avec les amis, mais cela arrive si sou-
vent chez nous qu'on n'y attache pas d'impor-
tance. » Le confesseur eut beau remontrer que le
vol et le meurtre étaient deux grands crimes, le
berger, croyant que ces faits, habituels dans le
pays, ne tiraient pas à conséquence, demandait
seulement l'absolution pour le lait qu'il avait bu.
Chose déplorable que l'habitude du péché, car
elle fait prendre les plus grands crimes pour de
simples peccadilles.
Que, sur la quantité des bottes par vous prises,
Vous n'alliez pas ici commettre de méprises.
Le villageois confus, que le remords poursuit.
Repond : — Mon Père... oh ! devinez? — Cinquante?
— Ah ! mon Père, nenni. — Quarante?
— Davantage, mon Père. — Et combien donc? soixante.
— Je ne puis vous en faire au juste le déduit,
-Mais de crainte d'erreur, mettez la charretée,
Car nous devons aller, nous deux notre épousée.
Chercher le reste cette nuit.
GoBET {an viii).
BI5LIOTHECA
100 LES FACETIES DE POGGE
LXXII
Joueur emprisonné pour avoir joué ^.
Dans le bourg de Terra-Nuova, des peines sont
édictées contre ceux qui jouent aux dés. Un de
mes amis, pris en flagrant délit, tomba sous le
coup de la loi et lut conduit en prison.
Quelqu'un lui ayant demandé pour quelle cause
il avait été incarcéré : — « Notre Podestat, répon-
dit-il, m'a condamné à la prison parce que j'avais
joué mon argent. Que serait-il arrivé si j'avais
joué le sien ? »
1. T)e lusore proptcr lusum i)t carcere truso. Opéra LXXll. —
Noël I, 80; \ï, 70-71. — Liseux, t. I, p. 116. — DemocrUus ridens ■
Tobis est frangitur, p. 99. — Lod. GiuccuRraNi : Ho)-e di reére-
asione. Un bel motte salvar talhora ultrui da danno et da
vergogna. p. 20i.
LE JOUEUR
Séminara de Vérone
Perdit au jeu son argent.
C'était pi'es(jue son vaillant.
Aussitôt on l'emprisonne,
Par ordre du Podeslâ.
C'est ainsi qu'en ce lieu-là
Le Gouverneur on appelle.
— l^arbleu ! dit Séminara,
La chose est assez nouvelle !
Pour avoir joué mon bien,
Le Podestâ me fait prendre;
Que pourrais-je pis attendre.
Si j'avais joué le sien,
A moins qu'il ne me fit pendre?
Bakaton : Pnésies, 1705.
LES F.vr.KTIES DE POGGE 101
LXXIII
Leçon donnée par un père à son. fils qui
s'enivrait i.
Vainement, un père s'était efforcé de guérir le
penchant décidé de son fils pour l'ivrognerie. Un
jour, rencontrant dans la rue un homme saoul,
les habits en désordre, honteusement vautré et
entouré d'une multitude d'enfants qui riaient et
se moquaient de lui, le père appela son fils, afin
que ce triste exemple lui inspirât la haine du vice.
Dès que le jeune homme eut aperçu l'ivrogne :
— (( Dites-moi donc, père, fit-il, où trouve-t-on le
xm avec lequel cet homme s'est enivré, car j'en
voudrais boire aussi. » Loin de l'efi'rayer, le
spectacle qu'il avait sous les yeux réveillait en lui
sa honteuse passion.
LXXIV
D'un jeune homme de Pérouse 2
Hispina, de Pérouse également, était un jeune
patricien dont la conduite désolait sa famille. Un de
1. De pâtre fUiuin ebrium redarguente. Opéra LXXUl. — Noël I.
81. — LisEux, t. I, p. 117. — Absle)nii Fabuhc : De pâtre lilium
ad virtutes frustia adhortante, fol. 77.
"2. De adolescente Perusino. Opéra LXX1V^ — NoelI, 81 ; II, 71,
— LiSEUx, t. 1, p. 118. — Beroald de Vebville : Le moyen de
parvenir. — X. Decanusprudcns, tabella, cité par Milet, t. II, p. 72.
6.
102 !ES FACEiriS DE ]'()<i(iE
ses proches, Simone Cecolo, sage vieillard, estimé
de tous, l'ayant un jour pris à part, le pressa de
changer de vie en lui montrant la laideur du vice
etles charmes delà vertu. « — Vous parlez, Simone,
lui répondit-il, comme il convient à un homme
éloquent, mais j'ai bien souvent entendu de pareils
discours, de plus beaux même, cependant je n'ai
jamais voulu mettre en pratique de si excellents
conseils. » Le précédent n'avait pas mieux réussi
par l'exemple, que celui-ci par ses exhortations.
LXXV
Le duc d'Anjou montre à liidolfo un riche
bagage ^.
Dans une réunion de savants, on blâmait un jour
la manie folle de ceux qui, au prix de beaucoup
de peines et de soins, cherchent à se procurer des
pierres précieuses. — « Ridolfo de Camerino, dit
l'un des assistants, donna à ce sujet une leçon au
duc d'Anjou - qui marchait sur Naples. Etant
f. De duce Anderfavensi qni pvcliosam suppellcctilein Redolpho
oslendit. Opéra LXXV. — Guillaume Tardif : Du duc d'Anyers,
qui monstra une belle couverture de lict toute seiuc j de pierre-
ries, L, p. 143. — Noël I, 82. — Lenfant, t. II, XXI, p. 187. —
RiSTELHUBER XXXVll, p. 5G. — LiSEUX, t. 1, p. 119.
"2. Louis m d'Anjou, né le 25 septembre 1403, entra à Naples
en 1423 et mourut à Casenja le 15 novembre l'i34. U avait été
appel' par le pape Martin V.
LES FACÉTIES DE PO<w;E 103
venu voir le duc dans son camp, ce prince lui
montra des objets de grande valeur, entre autres
des perles, des saphirs, des escarboucles et autres
pierres précieuses. Après avoir tout examiné,
RidoU'o demanda au duc combien il estimait ces
richessesetquelle utilité il en tirait. Le duc répondit
qu'elles étaient d'un grand prix, mais sans utilité
réelle. « — Eli bien, ajouta Ridolfo, je vais vous
montrer deux pierres qui mont coûté dix florins
et qui m'en rapportent deux cents chaque année ».
En entendant cela, le duc fut émerveillé. Ridolfo
le conduisit alors au moulin qu'il avait fait cons-
truire et lui montra les deux meules de pierre
auxquelles il avait fait allusion, en disant qu'elles
l'taient autrement utiles et bien plus profitables
que toutes les pierres précieuses.
En ceste Facécie sont reprins ceulx qui mettent trop
leur curiosité aux choses vaines et inutiles, comme en
superfiuitez de vesteniens et en achats de pierres pré-
cieuses, car la superûuité des vestenients se part et les
pierres ne servent de riens, sinon à folle plaisance, et
parl'opposite monstre corne on doit mettre sa curiosité à
choses utiles et prollitables, ainsi que llodolphus à
son moulin, qui luy valloit annuellement d«^ux cents
llorins.
lOi LES FACKTJES DE l'OGGE
LXXVI
Du même Ridolfo K
Un habitant de Gamerino désirant voyager pour
son plaisir, Ridolfo lui conseilla d'aller jusqu'à
Macerata ^ . Quand celui-ci fut de retour, Ridolfo
lui dit : — Vous avez vu toute la terre? Qu'y
a-t-il, en effet, dans le monde ? Des collines, des
montagnes, des plaines, des champs cultivés, des
terres en friche, des bois et des forêts, toutes
choses contenues dans l'étendue de terrain que
vous avez parcourue.
LXXVll
Excuse d'un liahltant de Pérouse '^.
Un Pérusien possédait un tonneau rempli d'un
vin savoureux et excellent ; mais ce tonneau était
tout petit. Quelqu'un lui envoya demander du
1. De eodein Hiilolfo. Opéra LXXVI. — Noël I, Ni. — [^en-
FANT, t. II, XXII. p. 188. — RlSTELHUliER XXVlll, p. 57. — Li-
SEux LXXVI, p. VU. — Les Nourelles littéraires du 23 février
171'.) ont publié les vers d'un auteur anonyme; qui donnent à
peu prè.s le même conte.
2. Ville de 10.0011 habitants située sur une montagne d'où
l'on a vue sur l'Adrialique et les Apennins. Aux environs sont
les ruines de Melvia Ricina, bâtie par Septime Sévère.
3. Facetissimum (lict)iin cujumhm Pentsiiti. Opéra LXXVI I. —
Guillaume Tardif : L'excuse d'un Pérusien à qui on deman-
dait du vin, LI, 140. — Noël I, 84; 11, 71-74. — Risteluubeu
LKS FACETIES DE POCGE 105
vin par un enfant, avec une cruche énorme. Notre
homme, ayant pris la cruche, la flaira. « — Oh!
dit-il. ce vase sent excessivement mauvais. Jamais
je n'y mettrai de mon vin; va et rapporte-le à celui
qui t'a envoyé. »
En ceste présente excuse n'y a pas grant sens moral,
mais y est à considérer la promptitude et habilleté d'en-
tendement au Perrusien, qui, voyant qu'on le requéroit
oultre raison, trouva le moyen de se excuser par faindre
(jue le pot qui luy avait mandé estoit puant et ne l'escon-
duit pas par emportement, car il est assez vraysemblable
que se on luy eust aporté ung petit pot, que pour peu de
chose il ne se fust point excusé.
LXXVIII
Dispute de deux femmes pour une pièce
de toile i.
Deux femmes de Home, avec lesquelles j'ai eu
des rapports, aussi dissemblables par l'âge que
par la beauté, étaient allées chez un de nos con-
frères de la Curie, tant pour le plaisir que
pour de l'argent. 11 fit deux fois l'amour avec la
XXXIX, p. 58. — LiSEUX, t. I, p. 122. — Nicolas de Troyes :
Le (jrand Parangon des nouvelles, nov. XXIV. — Beroald de
Vbrvili.e, Moyen de parvenir GVI : Conte de la bouteille d'osier.
Edit. Garnier, p. 382.
1. Conlentio duarum meretricum de tella linea. Opéra LXXVIII.
— XoEL 1,85. — Guillaume Tardif : LU, p. 148.— Liseox
XLXVIII, t. I, p. 123.
lOG LES FACÉTIES DE l'OOGE
plus jolie et s'offrit encore la seconde, pour qu'elle
ne crut pas qu'il la dédaignait et surtout pour
l'engager à revenir avec sa compagne . <juand
elles le quittèrent, il leur fit présent d'une pièce
de toile entière, sans spécifier quelle portion
revenait à chacune. Arrivées dans leur cham-
bre, au moment de partager, la dispute surgit.
L'une voulait avoir les deux tiers de la toile,
puisqu'elle avait travaillé double ; l'autre pré-
tendait que c'était pour elles deux et que
chacune devait en avoir la moitié. Si Tune
avait besoigné double, l'autre prétendait avoir eu
à cause de cela double peine. En faisant ainsi
valoir chacune leurs raisons, des paroles elles en
vinrent aux coups, se griffèrent et se prirent aux
cheveux. Les voisins, puis les maris accoururent,
ignorant le motif de la dispute, chaque femme
prétendant que c'était Lautre qui avait commencé.
Les maris, prenant fait et cause pour leur femme,
à leur tour se battirent à coups de pierres et de
bâton, jusqu'à ce (|ue la foule les sépara. Chacun
deux, enfermé actuellement dans samaison, sans
même connaître l'objet de la querelle des femmes,
a pour son adversaire une vendetta profonde,
comme on en a à Rome. Pendant ce temps,
la pièce de toile est toujours intacte entre les
mains d'un tiers, et les deux femmes cherchent
en cachette à s'entendre pour partager. On
demande un docteur pour trancher cette question
de droit.
{
LKS FACETIES I>E l'0(i(iK 107
En ce chapitre est monstre que des faillies qui souvent
advient des procès, c'est de ce que les deux parties liti-
gieuses et adverses ne veullent réellement dire, no décla-
rer la cause de leur litige et controversée par laquelle on
les pourroit bien facilement mettre daocord et hors de
de toute inimitié ou controverse, mars tout aiusi que les
deux femmes, qui ne vouloyent dire pourquoy le desbat
estoit meu, se taisent et pour tout n'y a ni saige juge qui
en saiche que déterminer.
LXXIX
Le coq et le renard 1.
Un renard, pressé par la faim, cherchait un
stratagème pour s'emparer de quelques poules,
réfugiées à la suite d'un coq, au sommet d'un
1. Bc gallo et vulpe. Opéra LXXIX. — Guillaume Tardif : La
fable d'un Coq et d'un Regnard, LIH, p. 151. — Ristelhuber
XL, p. ôO. — LiSEux, t. I, p. 125. — Origine ; — ^P]sope,
3ti. 88. — Marie de France, 52 : Le Renard et les Pigeons.
— hnitations : — Pulci : Il Morgante, ., C, IX, st. 20. —
Steinhovel : Yerdeutschung der fabeîn Esops.., 24. — Ysopo,
Burgos 149G, — Esopus, Delft 1498, — Faerne, 89. — Hau-
DKNT, 36(>. — Àpohtgites de Esope en rithme françoise, p. 36.
— GuÉROULT : Emblèmes, p. 2. — Guicciardini : Corne beiie
ri)i\angono larolla alla tvappola gli aslitti. — Verdizotti 25. —
Pavesio, 3i. — HÉGEMpN : I.a Colomhière, li. — Walch : Deca^
fabulantm. 4. — La Fontaine, 1. II, fab. 15 : Benseradb :
Œuvres, 77. — Dryden : dans Le Spectateur, t. VI, p. 302. —
Leheau : Carmina et orationes, 1, 13. — Florian, 1. IV, fab. 2.
Gadet-Gassicol'rt; Irad. dans « Recherches sur quelques fables
de La Fontaine », Vrillées des Muses, 2 années, n" IX. Frimaire
an VIII, p. 217.
108 LES F.UIÉTIES DE l'OGGE
arbre élevé. S'étant approché, le renard salua poli-
ment : — « Que fais-tu là-haut ? dit-il au coq ; tu
ignores donc la bonne nouvelle qui est arrivée? »
— « Absolument, répondit celui-ci ; dis-nous la
donc. )) — « Je viens exprès pour t'en faire part,
et afin qu'elle soit pour toi un sujet de joie. Tous
les animaux ont tenu un grand conseil et juré entre
eux une paix éternelle. Il faut bannir toute crainte;
aucun animal ne peut être traqué ni molesté par
un autre, la paix et la concorde doivent régner
entre eux; chacun peut aller sans défiance où il
lui plaît, même seul. Descendez et nous fêterons
ensemble ce beau jour. » Le coq devina la ruse
du renard : — « C'est là une bonne nouvelle qui
m'est fort agréable, et tout en disant cela, il
regardait de côté et d'autre en se dressant sur ses
ergots. — « Mais que regardes-tu ainsi », dit le re-
nard. — « Deux chiens qui viennent de ce côté au
grand galop et la gueule ouverte. » Tout trem-
blant, le renard s'écrie : — « Dieu! il faut que
je me sauve avant leur arrivée. » — « Mais
pourquoi fuir, tu n'as rien à redouter, puisque
la paix est faite. » — « Je crains, reprit le renard,
que peut-être ces chiens n'aient pas eu connais-
sance du traité. » Ainsi ce fut par ruse que la ruse
fut déjouée.
En ceste Fable sont reprins les traistres f[ui par blan-
derncns de ficlives parolles déçoyvent aultruy, ainsi que
le Regnard cuydoit décepvoir et trahir les poulies pour
leur dire que paix perpétuelle estoil ordonnée entre les
LF,S F.VCKTIES 1>E I><i(;(il-: 109
besles : mais voulentiers telz trompeurs sont mocquez par
leur mucquerie mesmes, ainsi que l'on dit communé-
ment :
Tromperie est de tel estre
Que (lui trompe trompé doit estre,
ainsi que le Regnard fut trompé du Coq, qui luy donna à
entendre que deux grans chiens venoyent vers luy la
gueulle bée, parquoy il eut si très grant paour qu'il s'en-
fuit.
LXXX
Propos ironique. '.
Un homme, libre dans ses paroles, ayant eu
l'audace de tenir dans le palais pontifical des pro-
pos inconsidérés, en les accompagnant de grands
gestes : — « Que dis-tu donc? s'écria un de ses
amis, tu as lair d'un fou. » — " Gela ferait bien
mon affaire, répondit-il; je nai pas d'autre moyen
de conquérir les bonnes grâces de nos gou-
vernants ; car c'est actuellement le règne des
sols; eux seuls, ont le maniement de toutes les
atl'aires. «
1. Faccluin dictnm. Opéra LXX.X. — Noël II, 8(1. — Liseux,
t. I. p. 1-27.
110 LES FACETIES DE l>OG(iE
LXXXI
Entre un Floi-entin et un Vénitien
à propos de la paix K
La paix avait été conclue pour dix ans entre les
Vénitiens et le duc de Milan. - Dans cet inter-
valle, eut lieu la première guerre entre les Flo-
rentins et ce duc. 3 Les afTaires des Florentins
périclitaient, lorsque les Vénitiens, au mépris de
leur traité, attaquèrent le duc, qui ne se méfiait
pas d'eux, et occupèrent Brescia, dans la crainte
que le duc victorieux ne tournât contre eux toutes
ses forces. Peu après, un Florentin et un Véni-
tien s'entretenaient de ces événements. — « Vous
nous devez la liberté, disait le Vénitien ; c'est grâce
à notre coopération que vous l'avez obtenue. » —
« En aucune manière, » répondit le Florentin,
pour rabattre la jactance de son interlocuteur;
« Vous ne nous avez pas faits libres, mais nous,
nous avons fait de vous des traîtres. »
1. Disceptalio inter Florciiiinum et Venctnm. Opéra LXXXI. —
Lenfant XXIII, p. 1U4. — Noël II, 81. — Ristelhuber XLI, 60.
— LisEux, t. I, p. 1-28. — Lenfant, t. II, XXIII, p. 11)4.
2. Philippe Marie Visconti, second fils de Jean Galras, né
en 131)1, mort en liiT. Avec lui finit la souveraineté de la mai-
son Visconti. [R)
3. En li-23.
LES FACETIES DE l'iM.iiE lU
LXXXII
Comparaison faite par Antonio Lnsco i.
Ciriaco, citoyen d'Ancône, -, grand parleur,
insupportable bavard, déplorait un jour, en notre
présence, la chute et la destruction de l'empire
romain, se montrant on ne peut plus affligé de
cet événement. Antonio Lusco. docte personnage,
qui était présent, ne put s'empêcher de rire de la
sotte affliction de cet homme. — << Ciriaco, dit-il,
me remet en mémoire un habitant de Milan, qui,
un jour de fête, écoutant un de ces chanteurs,
dont le métier consiste à réciter aux badauds,
dans les rues, les exploits des paladins, en enten-
dant célébrer la mort de Roland, c[ui succomba,
il y a environ sept cents ans, sur le champ de
bataille, se mit à fondre en larmes. Rentré chez
1. Comparalio Anlonii Lusci. Opéra LXXXII. — Noël II, 84-86.
— LeNFAXT, t. II. XXIY, p. liji. — Rl«TELHUBER XLII, 61. —
LiSEUXj t. I. p. 160. — Voir aux appendices, la pièce intitulée :
Ijirmcs sur la mort de Pin lare.
i. Ciriaco, né à AncoQs vers 1303, commença dès l'âge de neuf
ans à montrer pour les voyages une passion dont il fut pénétré
tinte sa vie. Il passa trois t'ois en Orient, revint en Italie et
ourut vers la tin du xv' siècle. Il était l'ami du pape Eugène IV.
- lU voyage d'Orient fut mis au jour en 16G4 à Rome par Moro-
i; son Itinéraire, ou relation de son voyage en Italie pour en
tiidier les antiquités, a été imprimé à Florence en 1742, par
l'abbé Mebus; enfin, d'autres fragments sur les antiquités d'Ita-
lie ont encore paru en 1763 à Pesaro, avec des notes d'Anibal
digli Abati Olivier! (Rj.
11::^ LES FAGÉÏILS DE l'0(iG£
lui. triste et abattu, sa femme lui demanda s'il
avait été victime de quelque accident: — « Hélas!
s'écria-t-il, ma femme, je suis mort. » — « Que
t'est-il donc arrivé, mon mari? Remets-toi et viens
diner )>. Mais le mari continuait à gémir et ne vou-
lait prendre aucune nourriture. Sur les instances
réitérées de sa femme, qui le suppliait de lui dire
la cause d'une si grande douleur, il lui dit : —
« Tu ne connais donc pas la nouvelle que je viens
d'apprendre à l'instant? » — « Laquelle, mon
ami? » — « Roland est mort, lui, le seul défen-
seur de la Chrétienté. » Après avoir calmé la
douleur stupide de son mari, la femme eut beau-
coup de peine à le faire mettre à table.
LXXXIII
Du chanteur qui annonça quil déclamerait
la « Mort d'Hector » '.
Un des assistants raconta ensuite un autre trait
de semblable insanité. — « In de mes voisins, dit-
il, homme simple, entendit un de ces mêmes rap-
sodes annoncer à la fin d'une de ses séances, afin
d'allécher le public, que le lendemain il décla-
merait la Mort d'Hector. Notre homme alors
1. Ui' caiilore qui piirdixil se « Mortein IJvcloris » rccitalunnn.
Opéra LXXXIII. — Noël II, 87. — Lenfant, t. II, XXV, 190. —
LiSEux, t. I, ]). 132.
I.F.S FACKTIKS DK l'fXitiK 113
s'empresse cr<»l)tenir, à prix d'argent, qu'Hector,
brave guerrier, ne serait pas si tôt mis à mort. Le
récit fut donc remis au jour suivant. La dupe
paya de nouveau, paya encore, afin de prolon-
ger la vie du héros. Enfin, l'argent étant venu
à manquer, il dut se résignera entendre raconter
la mort du guerrier, et pendant le récit il versa
d'abondantes larmes, en donnant des marques
d'une profonde douleur.
LXXXIV
De la femme qui fît celle qui est cV moitié
morte '.
Un bonhomme de S arda, village de nos mon-
tagnes, surprit sa femme en flagrant délit avec un
voisin. Aussitôt celle-ci fit mine de s'évanouir et
se laissa choir à terre, comme si elle était morte.
Le mari s'approche, croit que sa femme est
morte, et, tout en larmes, se met à la frictionner.
Olle-ci, comme reprenant ses sens, entr'ouvre
peu à peu les yeux. Son mari lui demande
alors ce qui lui était arrivé, elle lui dit qu'elle
avait été frappée de frayeur ; or, comme pour la
rassurer, l'imbécile lui promettait tout ce qu'elle
désirerait ou ordonnerait : — « Je veux, dit-elle,
1 . De iiiullicrc quir ne rirn itemiinorliiain oslendit. Opéra LXXXI \'.
— XoEL I. 86. — LisEux LXXXIV, t. I, p. 13.3,
[[.{ LES FACETIES DE l'OGGE
que tu jures ((ue lu u'as rieu vu. » Aussitôt qu'il
eût juré, la femme contrefit celle qui revient à
la santé.
LXXXV
Bonne plaisanterie iViin chevalier flx^rentin ^.
Hosso de Ricci, chevalier florentin, homme très
courageux et austère, avait une femme vieille et fort
peu jolie, nommée Telda. Il jeta les yeux sur une
servante de la maison et, comme il l'importunait
très fréquemment, celle-ci crut devoir en infor-
mer sa maiiresse. Telda conseilla alors à cette fdle
d'accéder au désir de Rosso, et de lui donner ren-
dez-vous dans un endroit obscur, où elle irait,
elle, Telda, en son lieu et place. Rosso vint; en ettet,
caressa longuement sa femme, qu'il prenait pour
la servante; mais, pris tout à coup de défaillance,
il ne put rien faire. — « Ah! chevalier de merde!
s'écria la femme, si c'eut été la chambrière, tu
n'aurais pas raté ton coup. » Le chevalier répli-
qua : — « Oh! Telda, ma mie, pardieu! ce com-
pagnon-là a bien plus de nez que moi. Car, si j'ai
pu te prendre pour la chambrière, il ne s'est pas
1. Faccla jocnlio milili!; florentiiti. Opéra LXXXV. — Xoel I,
S.S; Jl. 8S-!)n. — (?iuii,LAU.MB Tardif, 1. LVII : D'un;,'- chevalier
rifii-enlin qui cuidait tenir sa chambrière el il tciioit sa l'ininie,
LUI, p. 15.'). — LiSEUX, t. I. ]). 13'i. — X. Vinia Diualiir, fabella :
citée dans Milet, t. H. p. SS.
LES FAC.KTIES DE POt.flE 115
trompé, lui. Dès qu'il a senti ta sale charog-ne, il
est rentré chez moi ù reculons. »
En ceste Facécie est réprouvé le vice de ceulx qui
veulent honnir leur maison ainsi que RolTus, qui eust esté
content d'avoir violée en sa maison une bonne preude
fille, ce que jamais homme de bien ne doit faire, mais la
doit delTendre et garder. D'aullre part y est monstre une
belle condition que doyvent avoir tous loyaulx serviteurs,
c'est de jamais ne vouloir faire deshonneur en la maison
de leur maître, non plus que la bonne chambrière de RofTus
qui. pour supplications, admonestemens de dons ou pro-
messes, oncques ne voulut consentir à la volenté de son
maîstre qui la requeroit de deshonneur 1 .
LXXXVI
Du chevalier qui avait une femme trop
bavarde -.
Un gentilhomme de Florence, appartenant à la
haute noblesse, avait une femme très méchante
1. « La bonne vieille édentée se trompait fort, de croire qu'à
cause que la nuit tous les chats sont Çiris. ils soient aussi égale-
ment aimaljles. Al)us: certaine chose met de la difitërence entre
chair et chair. Quand on vient à prendre une place, quelque
t'avurable que soit la capitulation, il est impossible de profiter
de sa conquête, si la place est démantelée. En fait de prise, le
plus irrand profit qui revienne au conquérant, c'est le bon état
des fortifications; dès qu'elles sont ruinées, la place est une
bicoque à charge. (Ri'(lexio)i de l'édition d'Amsterdam).
"2. De milite qui iixorcm habebat liliqiosam. Opéra LXXXVI. —
XoEL I, .s8. — Le.\f.\nt, t. II, XXVI, p. 190. — RistelhuberXLIII,
p. Iii3. — Li?EL-x. t. I. p. 1.36.
116 LES F.VCKTJES DE l'OCGE
et surtout fort babilJarde. Elle allait chaque jour
se confesser à un leligieux, ou, comme on dit
ordinairement, à son Directeur, et lui révélait les
méfaits et les défauts de son mari. Le confesseui-
n'épargnait en conséquence au chevalier ni ses ob-
servations, ni ses ré[)rimandes. Un jour, la femme
ayant demandé au prèire de mettre la j)aix dans
son ménage, celui-ci engagea le mari à venir se
confesser à lui, moyen assuré de rétablir l'har-
monie et la concorde entre les époux. Le gen-
tilhomme consentit, mais lorsque le religieux
l'invita à commencer l'aveu de ses fautes : — « Ce
n'est vraiment pas la peine, dit le pénitent, car
ma femme vous a souvent raconté toutes les fautes
que j'ai pu commettre et bien d'autres encore '. »
LXXXVll
D^ un charlatan qui soignait les ânes '-.
Il y avait autrefois à Florence, un homme auda-
cieux et roublard, qui n'exerçait aucun métier.
Ayant lu, dans un livre de médecine, le nom et
1. Rien ne pèse tant qu'un secret;
Le porter loin est difficile aux dames,
Et je sais même sur ce fait
Bon nombre d'hommes qui sont des femmes.
(La Fontaine, fab. I, VIII, fi.)
2. De Irnierario qui nsinos curahnl. Opéra LXXXV'Il. — (iuii.-
LAU.ME Tardif : De celluy qui contrefaisoit le Mfdecin et don-
LES F.VCKTIES DE l'otWiE
l'efficacité de certaines i)ilules ré[)ulées infailliljles
clans toutes sortes de maladies, cet homme pré-
somptueux [lensa qu'avec ces seules pilules on
pouvait se passer de médecin. Après donc en
avoir fabriqué une grande quantité, il laissa la
ville et parcourut les villages et les fermes en
se faisant passer pour médecin. Il administrait
ses pilules à tort et à travers, pour toutes les
maladies indifféremment ; par hasard, elles ren-
dirent la santé à quelques personnes. La renom-
mée ayant grandi cet ignorant parmi les gens
simples, un homme qui avait i)erdu son âne,
vint lui demander s'il ne connaissait pas un
remède pour faire retrouver les baudets. L'em-
pirique répondit affirmativement et recommanda
au [)aysan d'avaler six de ses [)ilules. Celui-
ci les prit et se retira. Le lendemain, pendant
qu'il cherchait sa bête, le remède fît effet. Forcé
de se retirer dans un endroit marécageux où
il y avait des roseaux, notre homme aperçut son
âne qui paissait par là. Transporté d'admiration,
il [)orta aux nues la science et les pilules du pré-
tendu docteur, et de toutes parts, comme vers un
nait des pilules pour troiiver les asnes perdus, LV, p. IGlK — •
XoEL I, NT; 11, 91-95. — Ristelhuiser XLIV, p. (ii. — Liseux
LXXXVIl. p. 137. — Lenfant, t. II, XXVII, p. 196.
Cent nouvelles, nouv. 70 : L'asne reirouré. Edit. Garnler,
p. 339. — Bon. des Periers, nouv. XCIV : Du pauvre homme de
village qui trouva son ;"ine. — Bouchet Sééres; sévée X. — M.\les-
piNi, I, nouv. 81 : Di un inedko che rimnava lutte le infermità
cou iina sola sorte de cUstcvi. — De Théis : Le Sinçje de La Fou-
lame, p. 06, !■■ partie: L'Ane retrouvé.
H8 i-ES f\(;f;ties de pogue
nouvel Esculape, les iens de la campa,i:'ae accou-
rurent vers celui qui avait des remèdes, môme
pour faire retrouver les ânes.
En ceste Facécie est monstre comme plusieurs, des-
soubz l'ayde de Fortune, acquièrent bon bruyt sans
l'avoir desservy et même par le bruit que les ruslicques
leurs donnent, et qui présument de eulx choses impos-
sibles, ainsi comme ce fol qui se disoit médecin et rien
n'y sçavoit. Les fols et incongnoissans y couroyent pour
tant que ils euidoyent que il fist choses impossil)les, à
l'occasion de ce qu'il donna des pilules au bon homme
i|ui, en allant au retraict, trouva son asne, lequel aussi
bien eust il trouvé quant il y fust allé sans manger des
pilules, mais néanmoins creut il que les pilules luy
eussent faict retrouver.
LXXXMII
Réponse de Pierre de EgJiis '.
Dans une émeute, les citoyens de Florence
s étaient armés les uns contre les autres et se
batlaient pour changer la forme du gouverne-
ment; un des chefs venait d'être tué par ses
adversaires au milieu de l'efFervesccnce ,:;énérale.
Un spectateur éloigné voyant les épées nues, les
liommes courant çà et là, demanda à ses voisins
e que cela signifiait : — « On se partage là-bas les
1. ComiKuado Pétri de Efiliù. Opcra LXXXMII. — Xoel I, ilO.
— LisEUx, t. I, p. 13!).
LES F.Vr.ÉTIKS DE l'ôdGE 119
magistratures et les charges de la cité », répondit
l'un d'entre eux, nouiiné Pietro do Eghis. — « Je
ne désire point, répliqua le questionneur, de
choses qui coûtent si cher ! » et sur-le-champ il se
l'etira.
LXXXÏX
D'un rebouteur '.
Plusieurs de mes collègues, tous g'ens de gais
propos, étant venus souper avec moi, ce fut tout
le temps du repas un feu roulant de plaisanteries.-?
L'un deux nous conta plaisamment cette histoire :
— " Un nommé Cecchino, médecin à Arezzo. fut
appelé près d'une charmante jeune fdle qui s'était
déboité le genou en dansant. Pour le remettre, il
fut obligé de manier longuement la jambe et la
cuisse de la jeune fille ; or comme la peau était
blanche et douce, cela produisit chez lui un certain
eil'et dont il fut fort gêné. Quand le membre fut
redressé, il poussa un soupir de satisfaction, puis
lorsque la patiente s'enquit ce qui lui était dû
pour ses soins, le médecin lui répondit qu'elle ne
lui devait rien. — Celle-ci demanda pourquoi : —
« Nous sommes quittes, lui dit-il, car nous nous
sommes rendu le même service l'un à l'autre. »
1. Be mcdico. Opéra LXXXIX. — Xoel L 01 ; II, 95. — Guil-
laume Tardif : D'unir médecin qui redresse la jambe à une ti-ès-
belle jeune fille, LVÏ, p. IGi. — Liseux LXXXIX, t. I, p. liO.
120 LES FACETIES DE l'OGGE
En ceste Facecie sont réprouvés les serviteurs avari-
cieulx qui jamais ne se tiennent contens de sallaire qu'on
leur baille, mais murmurent toujours et désirent avoir
plus que ils n'ont gagné. Ceulx ne font pas comme le
Médecin qui ne demanda rien à la fille pour liiy avoir re-
dressé son membre et se tint content d'elle pour ce que
en luy maniant la cuisse, elle luy avait le sien dressé et
ainsi fut mérite pour mérite '.
xc
Plaisanterie sur un cavalier vénitien qui ne
reconnaissait pas son clieval '-.
Quelques doctes personnages discourant sur la
bêlise et la stupidité d'un grand nombre de gens,
Antonio Lusco, homme pétri d'esprit, raconia
qu'un jour, allant de Romeà Vicence, il avait pris
pour compagnon de route un Vénitien qui lui
parut n'être monté que très rarement à cheval. A
1. Le bon Esculape était un sot, do ne pas deir.ander à la fille
une gucrison plus complète. Un bienfait en demande un autre;
la fille l'aurait servi de tout son cœur. Ne sait-on pas que la
reconnaissance a de tout temps été la vertu ravorite des dames.
Elles la possèdent depuis la naissance de l'univers. On dit
qu'Eve n'avait j)êché que par trop de reconuaissance et pour
remercier Messire Lucifer de l'avoir servie à propos. (iî(>/?M(0/(
de l'édition d'Amsterdam).
2. Jocatio citjrisdam Vmicli (jui ciikkiii siium non cognoieval.
Opéra XC. — Guillaume Tardif: LVIl, j). 160. — Noël 1, Wl;
II, 95. — Lenp.\nt, XXVIII, p. 1!j7. — Risthliiuber XLV, p. fid
— LiSEUx, t. I, p. 141. — 15oNAVic.\TURE DES PÉRiERS : Nouvcllvs :
LES FACKTIES DE l'OiUiE 121
Sienne, ils descendirent dans une hôtellerie où se
trouvaient également beaucoup d'autres voya-
geurs avec leurs montures. Le matin, pendant
que chacun se préparait au départ, notre Véni-
tien se tenait seul près de la porle, immobile et
tout botté. Lusco. surpris du flegme et de la pla-
cidité de son compagnon, qui restait tranquille
tandis que presque tous étaient déjà en selle, lui
dit de montera cheval s'il voulait partir avec lui et
s'informa de ce qu'il attendait : — « Certes je vou-
drais bien partir avec vous, dit le Vénitien, mais
au milieu de ces chevaux, je ne distingue pas le
mien. J'attends que chaque voyag-eur ait monté
le sien et, comme cela, je reconnaîtrai j»our
mien celui qui sera resté à l'écurie. » Lusco,
voyant la sottise de ce lourdaud, de cette bûche,
retarda un peu son départ afin de lui donner le
temps nécessaire de prendre comme sien l'unique
cheval resté le dernier à l'écurie.
En ceste Facécie sont farcéz les paresseux et négli-
gens que par leur meschanceté et négligence descon-
gnoissent parniy les diligens ce qui leur est utille et atten-
dent à prendre leur part que tous les aultres ayent [irins.
De niaistre Arnaud, qui emmena la haquenée d'un italien en
Lorraine et la vendit au bout de neuf mois. Nouv. XXIV.
Edit. (larnier, p. 83. — le Chasse-oiiiny. cent. IV, 31. — « Les
habitants amphibies de Venise ne passaient pas à Rome pour
habiles écuyers. « Murano renferme une curiosité qu'on nous
fit voir avec un certain orgueil, un cheval, animal plus chimé-
rique à Venise que la licorne. le irfiffon, les coquecigrues, les
boucs volants et les cauchemars. Richard 111 y crierait en
vain : Mon royaume pour un cheval. (Th. (iACTiKR, Italia !S.')5.)
122 LES F.Vf.KTIKS DE l'OIWiE
dont aulcunes foys il advient qu'ils sont très mal partis ;
ceuix sont seniblaltles au sot Vénicien, qui attendoit que
tous eussent prins leurs chevaulx pour congnoistre le
sien.
XCI
Pfopos de Carlo de Bologne '.
Lorsqu'on veut témoigner du mépris à quel-
qu'un, on lui dit communément : Je te laisserais
cent fois par jour au cabaret pour Vécot. Un
individu qui se disputait avec Bajello, de Bologne,
lui jeta, dans une réunion, celte phrase à la tête.
Il croyait ainsi, faire valoir ses qualités et dé-
précier Bajello. Mais ce dernier, prompt à la
riposte répliqua : — « Je te l'accorde très facile-
ment, car on est toujours prêt à accepter
en gage les objets précieux, ceux qui ont de la
valeur. Mais toi, insigne coquin, tu es si vil, tu
vaux si peu, qu'on aurait beau te promener dans
tous les cabarets, tous les bouges, personne ne te
prendrait en gage, pas même pour un écu. »
Cela dit, les rieurs furent du coté de Bajello, qui
battit ainsi le mauvais plaisant avec ses propres
armes.
1. Diclum Caroli Boiioiiiettsis. Opéra XCI. — Nokl I, it3; II, 97.
— LiSEUxI, p. 1 'i3. — Roçicr Bontcmps cii hellr humeur : Réplique
joyouse et plaisante, p. 'il8. — Le Facrlieu.r Rrreit Malin, p. 319.
— LÎARATOx : Poésies : Les Marchands. — Coiili dn vidcre, t. Il,
p. 173.
LES FACÉTIES DK l'0(;(,E 123
XCII
Le \'ieil usurier et son ami '.
Aux exhortations cFun ami qui le pressait d'aban-
donner son métier pour penser au salut de son àme
et prendre un peu de repos, s'efForçant ainsi de le
persuader qu'il ferait sagement de s'atFranchir de
tant d'inquiétudes et de rompre avec sa vie indigne,
un vieil usurier répondit : — « Conformément à
ton désir, je renoncerai à ma profession ; mes
créances rentrent si mal qu'il me faudrait, dans
un avenir prochain, de gré ou de force, fermer
boutique. » Ainsi, il renonçait à l'usure, non par
conscience de l'infamie qui en résulte, mais par
crainte de perdre ce qu'il avait gagné.
XCIII
De la rihaude devenue mendiante -.
On venait de raconter l'histoire précédente
dans notre cercle, lorsqu'un de mes collègues
1. />(.' fii'iieratore seite velinqnente funms timoré perdendi parla.
Opéra XCII. — Nobl I, 94. — Lisecx I, p. 145.
2. De uievetrice sene mendicanie Opéra. XCIII. — Xoel I,'.i2;II,
97. — Guillaume Tardif : De une Mcretrice ancienne men-
diante, LVIII. p. 169. — LiSEUx XCIII. t. I, p. 146. — Laur.
.Islenui trab. De Ermita ef Milit. fab. ôO ; et De Sève oh impo-
leuliam lihirirem cantis reliiicjuanle, lab. 74; ei De lupaquise Re-
lirjioni addisccrat. lab. 134. — C'est le proverbe français: (Juatid
le diable derieiit i ieux, il se fait ermite.
124 LES F-V-KTIKS DK I'(K;(;E
ajouta : — « Cet usurier me fait penser à une
vieille fille de joie qu'il nommai qui, toute décré-
pite, demandait Taumône pour vivre.
— « Ayez pitié, disait-elle, d'une femme qui a
» renoncé au péché et à l'art de paillardise. » Un
homme, <jui la connaissait bien, lui ayant
reproché de se livrer à la mendicité ; elle lui ré-
pondit : — « Que veux-tu que je fasse? personne ne
veut plus de moi. — Alors, repartit cet homme,
ce n'est donc pas de bonne volonté que tu ne
pêches plus, mais bien parce (|ue tu n'en trouves
plus les moyens. »
En cecy peuvent prendre toutes les jeunes femmes une
moulte bonne exemple de non habandonner leurs corps
aux infametez du pêclié de luxure, et se par faulte de
continence elles sontcheues en ce pèche, de soy retourner
et amender bien soubdain sans attendre que impotance
les contraigne de aller mendier en leurs vieillessas quand
elles ne pourront plus accomplir leurs mauldictes et
dampnables volentez, car ceux qui ont congnu leurs des-
tinées n'en ont point de pitié.
XCIV
D'un docteur cl d'un ii^norani '.
Le pape Martin causait un jour avec ses secré-
taires ; on citait des anecdotes plaisantes. Le
1. De doctore el impcrito. Opéra XCIN'. — Guii-lacme Tardif :
Comment un<r Docteur, Légat dessoubz le pape Martin, fut re-
prins (l'ignorance, LIX, p. 171. — Noël I. 'J(i. — Ristelhubkh
XLVJ, p. G7. — LiSBUx, t. I, p. 174.
l
I.F.S FA( KTIKS I>K l'(K.(iE 125
pape raconta alors quiiii docteur de Brtlogne
sollicitant avec importunité un urado du Léeat ^
celui-ci finit par le traitei' d'idiot et de fou. A ces
mots, le docteur répondit : — « Depuis quand
avez-vous reconnu que je suis fou? » — Le légat
ayant indiqué l'heure qui avait précédé : — « Ce
n'est pas exact, répliqua le docteur, vous vous trom-
pez ; je fus bien fou le jour où je vous reçus doc-
teur en droit civil, malgré votre ignorance des
lois. » Le légat était, en effet, docteur (juoique
peu docte, et les paroles qui venaient d'être
prononcées étaient une allusion à son igno-
rance.
En ceste Facécie sont redarguéz les clercs, serviteurs
et disciples, qui par leur oultrecuydance veullent des-
priser, corriger et reprendre leurs supérieurs, desquels
ils tiennent toute la science qu'ils ont. ainsi comme le sot
Légat qui voulut despriser et appella publi([uement fol le
Docteur qui luy avait donné son degré et sans mérite
mais par faveur, l'avoit passé Docteur. En quoy est à
noter que les degrez, les noms magistraulx, les dignitez
et otrices, ne sont pas toujours données à ceulx qui l'ont
bien mérité, mais à ceulx qui ne sçavent riens, ainsi
mesme qu'il apparoistra cy après.
1. AI[)lionse, cardinal de Saint Eusiachc.
120 LES FACETIKS DE l'oKCE
XGV
Moi de l'Ei'êqiie cVAleth '.
Un autre, l'Evoque d'Aleth -, je crois, racon-
tait ce bon mot d'un Romain. Cet homme ren-
contra le Cardinal de Naples 3 , personnage
sans esprit et sans mérite, qui sortait de chez le
Pape. Selon son habitude, le Cardinal riait sans
discontinuer et le Romain ayant demandé à son
compagnon s'il devinait pourquoi son Eminence
riait ainsi. — « Je l'ignore », fut-il répondu. —
1. Bii'ium episcopi Electensis. Opéra XGV. — Guillaume Tar-
dif : Le dit de l'Evesque de Lactense, LX, p. 173. — Lenfant,
I. II, XXIX, p. 197. — RisTELHUBER XLVII, p. 68. — Noël 1,96;
II, 98. — LiSKUx, t. I, p. l-'i8.
•^. Pierre III Assablit, Limousin, de l'ordre des Augustins,
neveu de Pierre Amelio, évêque de Trente et patriarche d'Alexan-
drie, et son successeur, en 1403, dans les charges de Sacristc,
de confesseur et de bibliothécaire apostolique, prieur de l'abbaye
de Saint-Martin de Bordeaux, abbé cominandalaire de Plaim-
hois. de l'ordre des Prémontrées, évêque d'Oloron, de Condom,
et en 1421 d'Aletts. En li30 il se fit roprésonter au Concile de
Narbonne par Pierre de Chambonut; en 1431, il apposa son sceau
à la Lettre que Bertrand Roberti écrivit à l'abbé d'.Aniane pour
prendre possession de l'évèché de Montpellier; en 1432, il assista
Eug-ène IV dans l'entrevue qu'il eut avec les ambassadeurs de
Si^'ismond; en l'i35, il signa la lettre desévèques delà province
de Xarbonne aux pères réunis à Bàle. 11 mourut en l'i'iU (Voy.
Gftilia Chnsliana, Paris 1739. t. VI. col. -277). (fl).
3. Thomas Brancaccio, Napolitain, neveu de Jean XXIII (Voy.
Ciacoiiius. Vit(r et res qcsio puniificirni. Rnin:i' 1677, t. Il,
COL6-23).
I.KS FAI.ETIKS l>K l'()(i(;E 127
u Eh bien, il rit de la Jjôtise du Pape qui a fait
Cardinal un imbécile tel que lui. »
En ceste Facécie, comme à celle de devant, est mont-
tré comme les dignitez, offices et bénéfices, ne sont pas
toujours donnez à gens dignes et suffîsans, mais souvent
à gens imbécilies, ignares et non vallables.
XCVI
Mot plaisant d'un abbé^.
Un autre nous dit ensuite deux bons mots dus
à des légats, abbés de l'Ordre de Saint-Benoit. -
Le (Concile de Constance ^ les avait députés près
de Pierre de Luna, ^ reconnu auparavant comme
Pape, en Espagne et en France. Dès que celui-ci
les aperçut : — « Voici deux corbeaux qui m'ar-
rivent >, s'écria-t-il. — u II n'y a là rien de sur-
prenant, répondit l'un des envoyés, à ce que des
corbeaux soient attirés par une charogne ». Allu-
sion à l'excommunication prononcée par le Con-
cile, condamnation qui faisait, pour ainsi dire,
d'un homme un cadavre.
1. Facetnrn dictiim mjnsdam abbatis. Opéra XGVI. — Xoel I,
97. — Lènkant, t. II, XXX. p. 198. — Ristelhuber XLVIII,
p. G9. — LisEux, t. I, p. Ii9.
■2. Lambert de Stok, allemand, et Bernard de la Planche,
français.
3. En l'ilT.
4. AntijMiM- Benoît XHI. alors à Paniscola, en Aragon.
128 LES FACETIES DE POGdE
XCVII
Mot plaisant '.
Ce môme Pierre de Lima défendant ses droits
avec chaleur devant les deux abbés, leur dit :
— « Ici est l'Arche de Noé », voulant dire parla
qu'il possédait seul toute l'autorité du Siège Apos-
tolique. — « Dans l'Arche de Noé, lui répondit
un des abbés, il y avait beaucoup de bêtes. »
XCVllI
Evénements extraordinaires racontés par
mon copiste -.
Jean, mon copiste, à son retour du pays qu'on
nomme Bretagne, m'a raconté pendant le repas,
vers le huitième jour des ides d'octobre, l'avant
dernière année du Pontificat de Martin V, des
faits surnaturels dont il prétendait avoir été le
témoin, or il est instruit et ennemi du mensonge.
Le premier fait a trail à une pluie de sang qui
1. Dicliini facclHin. Ojiera XCVII. — Noël l, '.)H. — Lenfant,
t. II. XXX, p. 198. — RrsTELHi'iiER XLIX, 7(1. — Liseux, t. I.
p. !.")(). lîoNAVENTURK Diîs Pkrikks : Nouvcl LXVI. p. 181. Edit.
(iarnier.
2. MirnliUin pcr lihrariuni dkla. Opéra XCVIil. — Noël I, 08.
— Liseux, t. i. p. lôO.
LES FACETIKS DE l'OGCE 129
serait tombée entre la Loire, le Berry et le
l*oitou ; les pierres en furent teintes. Les liisto-
l'iens ayant souvent narré de semblables pro-
diges, celui-là paraîtra moins extraordinaire.
Mais je n'aurais jamais ajouté foi au fait suivant,
si Jean ne me l'avait affirmé par serment. En la
fête des apôtres Pierre et Paul, c'est-à-dire au
mois de juin, deux moissonneurs de son pays qui
avaient laissé du foin dans leur pré, craignant
de le perdre, allèrent le lier en bottes au mépris
de la solennité du jour. Il y avait pour une heure
de travail, mais par la volonté de Dieu, ces
hommes restèrent bien plus longtemps en ce
lieu, nuit et jour occupés à botteler le foin sans
relâche, ne prenant ni nourriture, ni repos. Ils
restèrent plusieurs jours sans pouvoir sortir du
champ et sans que les passants, qui les prenaient
pour des fous, pussent s'approcher d'eux et leur
demander l'explication de ce qu'ils voyaient.
XCIX
M iidcule lise punition du mépris des suints '.
Un autre de mes collègues de la Curie, Rollet,
originaire de Rouen, m'a affirmé qu'il avait été
témoin d'un miracle analogue provoqué par le
1. Mirabile judicium ex conlemplu saialonmi. — Oixjra X<;JX. —
XoEL I. ion. — LisELx, t. I, p. 15-2.
130 LES FACÉTIES DE POGGE
mépris des Saints. Près du château de cette ville,
est située une paroisse placée sous la vocable de
Saint Gothard. Un jour qu'on célébrait la fête
patronale avec solennité et que tous les habitants
de la paroisse assistaient à une magnifique pro-
cession, une toute jeune fille (|ui appartenait à
une autre paroisse, se moqua des assistants, tourna
en dérision la cérémonie, blasphéma le nom du
Saint, et, pour montrer le peu de casquelle faisait
de son culte, elle dit qu'elle allait se mettre à filer;
elle prit en effet quenouille et fuseau. Aussitôt la
quenouille et le fuseau se fixèrent entre ses mains
et ses doigts en lui causant une vive douleur, et
il fut impossible de les en arracher. L'étourdie,
qui avait perdu la voix, faisait comprendre
par ses gestes, à défaut de la parole, la souf-
france qu'elle endurait et quel en était le
motif. Un grand nombre de personnes étant sur-
venues, on mena la jeune fille à l'autel du Saint
qu'elle avait si gravement offensé et à qui elle fit
un vœu. A l'instant, elle recouvra la voix ; sa que-
nouille et son fuseau lui tombèrent des mains.
lloUot prétendait que cet incident s'était produit
dans sa paroisse et il paraissait si sûr de ce qu'il
racontait, que malgré mon scepticisme, je n'ai pas
trouvé l'histoire indigne de foi.
LES FACKTIES L>E rO(i(iE 131
C
Plais((nle histoire il'iin vieillard
qui porUi son à ne '.
En devisant entre eux, les secrétaires du Pape,
disaient que se régler sur l'opinion du vulgaire,
c'estse soumettre à un misérable esclavage, attendu
qu'il est impossible de plaire à tout le monde,
chacun pensant à sa manière, et lun trouvant bon
ce que l'autre n'approuve pas. L'un d'entre eux
rapporta, comme preuve à l'appui, une anecdote
(juil se souvenait avoir vue autrefois reproduite
par la plume et par le pinceau, en Allemagne :
1. Facetissinuttii de sene (luodam qui poiiacit asi)nim super se.
Opéra C. —Noël L 101 ; II, 98-118. — Ristelhuber L, 71. —
LisEux, t. I, p. 154. Traduit aussi par Cadet-Gassicourt dans
le Jnunial des Muscs, — Origines : — .Esopus Camerarii, 185.
— Fabeln aus deti Zeiten der Miunisiiiqer (fin du xiu' siècle),
■'i2 : Vouuiischuldigem Spotte. — Imitations .• — Ysopo, collect.
22. — Barletta, fer. 6, hod. 1. — Gobin (Robert) : Les loups
lai'issans. — Jaernb, 100. — Hulsbusch, p. 259. — Verdi-
zoTTE, I i(cette première fable n'est pas de Verdizotte, l'édi-
teur l'a fait traduire comme dédicace). — Pavezio, 106. —
Du Fail : Contes et discours d'Eutrapel. c. 7. — Widbram :
Del poel. ç/erm. pars. 2, p. 1064. — Bruscambille ; Œuvres,
in-12, p. 70. — Mémoires de Racan sur la rie de Malherbe: dans
divers traités d'histoire, par Pierre de Saint -Glas, abbé
de Saint-Ussans. — Cf. Œnrres de Malherbe, I, XCl. —
La Monnaye a traduit cette fable en vers grecs (Œuvres choi-
sies, t. III, p. 50. — Desforges-Maillard : Œuvres en verset
en prose, II. Le graveur bohémien Wenceslas Hollard fit gra-
ver ce sujet en cinq planches à Francfort en 1620. — La Fon-
taine : Fables. Edit. Garnicr (B).
132 LES FA( ÉTIF.S DE lM)(i(iE
« lu vieillard, dit-il. cheminait avec son lils ot
se rendait au marché pour y vendre son Ane qui,
libre de tout fardeau, trottait devant eux. Des
paysans (jui travaillaient dans les champs, les
voyant passer, blâmèrent le vieillard, de laisser
l'animal sans aucune charge : Pourquoi n'étaient-
ils pas montés dessus, cela leur eut été utile à
tous les deux, le père à cause de son âge avancé
et le fils à cause de sa jeunesse? Alors le vieil-
lard mit le jeune homme sur le baudet et conti-
nua sa route. Nouvelle rencontre, nouveaux repro-
ches. — « Quelle insanité que celle de ce bonhomme
cassé j)ar l'Age qui met un plus robuste que lui
sur la bête, et tout exténué suit la bête ! » Chan-
geant d'avis, le vieillard fait descendre le
garçon et prend sa place. Un peu plus loin, il
s'entend encore blâmer. — «Quoi! disait-on, sans
égard pour le jeune âge de son lils, ce vieillard le
traîne comme un valet, et se prélasse sur l'Ane !»
Emu par ce reproche, le vieillard prend son fils
en croupe et, en ce nouvel équipage continue sa
route. D'autres passants s'étant informés si l'ani-
mal lui aj)partenait, l'homme répondit affirmati-
vement. On lui reprocha alors do. n'en avoir pas
plus soin que s'il appartenait à autrui. La bête
n'était pas assez forte pour porter un si lourd
fardeau, un seul homme suffisait bien pour elle.
Perdant la tète au milieu d'avis si divers, notre
vieillard ne savait (]ue faire : «juc l'Ane fut sans
cavalier, qu'il en eut un, (piil en eut deux, c'était
I.KS FACKTIKS J>K IMMWiK 133
à chaque pas un nouveau blâme. Enfin, attachant
les pieds du baudet et les suspendant à un bAton
dont il prit un bout et donna Vautre à son fils, ils
se dirigèrent dans cet attirail vers le marché. A ce
spectacle nouveau, les passants pouffaient de rire,
se moquaient à cœur joie de la bêtise du fils et
plus encore de celle du père. Furieux, le vieillard
qui s'était arrêté au bord de la rivière, jeta par
dépit son une tout ligotté dans l'eau, et rentra'
chez lui. Ainsi, ce bonhomme, en voulant plaire
à tout le monde, non seulement ne satisfit per-
sonne, mais qui pis est, perdit son Ane.
CI
Gi-(uide ignorance (F un homme ^
Un jour on donnait lecture à haute voix, devant
les Prieurs de Florence, de lettres dans lesquelles
il était question d'un homme peu en faveur auprès
de la République, dont le nom (Paolo, par
exemple), revenant souvent, on lui accolait par-
fois l'épithète de susdit. Un des assistants, homme
sans instruction, croyant que l'épithète susdit^
indiquait un titre honorifique renfermant un
vrand éloge, comme qui dirait : très sage, très
1. IlDtniins marima impo-iliu. Opéra CI. — Noël 104. — Li-
SKU.X. t. I, p. 158.
LES FACKTIKS DE POG(.E
savant, jeta les hauts cris en disant : — « (/est
indigne d'appeler susdit un misérable, un ennemi
de sa patrie.
Cil
Autre balourdise '.
Mon compatriote, ^latteozio, fit aussi rire t<mt
le monde à ses dépens, un jour de fête, qu'il avait
été chargé de présider à l'organisation d'un diner
d'ecclésiastiques. Lorsqu'à la fin du repas, il fallut
remercier les convives, dont plusieurs étaient
venus de fort loin, ce fut à lui, qu'en qualité de
doyen d'Age, échut l'iionneur de prendre la parole:
— « Mes Pères, excusez-nous, dit-il, excusez-nous
s'il nous a manqué quelque chose, nous n'avons
})U vous traiter selon vos mérites, faire ce que
nous devions, mais seulement selon nos moyens
et comme il convenait k Votre Ignorance. » Dans
sa simplicité, Matteozio (jui avait cherché un mot
à eifet, croyait faire ainsi le plus beau compli-
ment à ses invités, équivalent à Votre Prudence
ou Votre Sagesse.
1. .{lia homiiiis impcndn. Opéra ('II. — Noël 1, 105. — I.iseux.
1, p. 109.
I
Li-S FACKTIIS m; l'OHiiK 135
cm
D'un vieillard barbu '.
Antonio Lus( o, homme aimable et instruit entre
tous, nous raconta après cliner, une bien plaisante
histoire.. Ordinairement lorsque quelqu'un ;i fait
un pet, les personnes présentes disent : A la
barbe de celui qui ne doit rien ci personne !
Un jour, à Vicence, un vieillard à la barbe luxu-
riante fut appelé par un créancier devant le Gou-
verneur de la ville (c'était Ugolotto Biancardo,
homme savant et austère . Le vieillard, avec un
Ilot de paroles, prétendit et affirma sur tous
les tons (ju il ne devait rien à personne. —
« Retire-toi au plus vite, lui dit Ugolotto, afin
d'éloigner de nous cette barbe dont la puante
odeur nous incommode. » Le vieillard abasourdi,
demanda pounjuoi sa barbe était si infecte. —
« C'est, lui répondit le Gouverneur, parce qu'elle
est pleine de tous les pets que lâchèrent jamais
les hommes. Ne sais-tu pas qu'on les envoie
tous à la barbe de celui (|ui ne doit rien à
personne? » Cette boutade calma l'agitation du
vieillard et fit rire tous les assistants.
1. De qitodam seiic baihnlo. Opéra Clll. — Xoei. 1, lOG. — Li-
^i V t I, p. IGO.
136 l.KS KACKTIES DE POGGE
CIV
Le notaire ignorant '.
Nous dinions un soir dans le palais pontifical
et il y avait parmi les convives, quelques-uns
des secrétaires du pape. On vint à parler de ceux
dont la science et l'habilité consistent à répéter
des formules toutes faites, sans se préoccuper de
leur raison d'être, se bornant à dire que nos pères
nous les ont laissées telles. — « Ces gens-là, nous
dit un bon vivant, Carlo de Bologne, ressemblent
à certain notaire, mon compatriote (il nous cita le
nom). Deux individus étant venus chez lui pour
faire dresser un contrat de vente, il prit la plume,
commença à écrire; demandant les noms des com-
parants; l'un dit qu'il se nommait Jean et l'autre
Philippe.» — « L'instrument ^c'estle terme dont on
se sert) ne peut pas servir entre vous, dit alors le
notaire, il ne peut être dressé ainsi. » Les clients
demandent pounjuoi. » — « L'acte ne peut avoir de
valeur lé.aale que si le vendeur s'appelle Conrad
et l'acheteur Tite (il n'admettait (jue ces noms
inscrits dans son formulaire.) Les contractants
1. Coiiipai'alio ijinrdnin l'arali Itoiidiiirusis de (juaildin imlario.
Opéra lO'i. —Noël I, KiT. — Lenfant, t. 11. XXXI, p. l'.C). —
HlSTBLUL'BER Ll, 7 'l . — LiSEUX, t. 1, p. \6i. — HeROALI) DE
X'erville. Le iiioycii dr pnrrciiir, X. éJit. flaiTiipr p. '1\. —
l.e Chassp-etiiiiiij, cent. \'. N.
LES F.VCKTIES ItE l'OCCE 137
curent beau e\pli<|uer ([u'ils ne pouvaient prendre
des noms qui ne leur appartenaient pas, le notaire
fut inflexible, ses formules étaient ainsi laites, il
envoya promener les deux hommes. Ceux-ci se
rendirent chez un autre notaire, laissant là cet
imbécile qui se serait cru coupai )le de i'.uix, s'il
eût changé un seul mot à ses formules.
GV
D'uit docteur florentin ^
Tout en causant, on en vint un jour sur la sottise
des gens qui sont envoyés en qualité d'ambassa-
deurs - auprès des Princes; comme on en citait
quelques-uns, Antonio Lusco nous dit en riant. —
<( Vous n'êtes pas sans avoir entendu parler de
l'audace de ce florentin (fit-il en me regarchint),
que le peuple de Florence avait envoyé autrefois
auprès de la reine Jeanne de Naples ^ ? Cet
1. De Ddctoiv jhtrcittinn nd rcfiiiiain dcslitialo qui coiiciihituni
postuttarit. Opéra CV. — Noël I, 108. — Liseix CV, t. I, p. 164.
2. « Oratores. »
3. Jeanne II, reine de Naples, née en 1370, morte en l'i35.
Klle était fille de Cliarles de Durazzo, roi de Naples, et de
Mariruerite de Durazzo. Jeanne succéda (1414), à son (Vère La-
dislas. Elle était alors veuve de Guillaume d'Autriche, son
premier mari, dont elle n'avait pas eu d'enfants. Avant de
monter sur le trône, elle s'< tait éprise du comte Pandolfello
Alapo, selon les uns son échanson, Sflon les autres son maître
138 LES FACr.ïIF.S DE J>OGGE
individu nommé Francesco, était docteur en
droil^. quoique fort ignorant. Lorsqu'il eût fait
connaître à la reine l'objet de sa mission, celle-
ci le convoqua à une nouvelle audience pour le
lendemain. Or, dans l'intervalle il entendit dire
que la Reine ne dédaignait pas les hommes, sur-
tout cjuand ils étaient bien râblés. Urdonc, s'étant
présenté à l'audience de la Reine, après avoir
parlé de diverses choses, il lui dit qu'il désirait
l'entretenir en particulier. Croyant qu'il avait au-
près d'elle une mission secrète, dont il ne pouvait
l'entretenir devant tout le monde, elle le fit venir
dans une chambre retirée, et là, notre triple sot,
qui avait de lui-même la meilleure opinion,
demanda à la reine de coucher avec elle. Celle-
ci, sans se troubler, jeta un coup d'oeil sur
l'homme et dit : — « Est-ce que les Florentins
vous ont chargé de faire cette démarche ? » L' am-
bassadeur interloqué, rougit. Alors, sans plus
s'émouvoir, la reine le congédia en l'engageant
à se faire donner un mandat en règle. ]
d'hôtel. Leur commerce tenu secret pendant le règne de Ladislas»
ne fut plus un mystère pour personne lorsque Jeanne eut hérité
(le lo couronne de Xaplos. Elle le nomma son grand cham-
bellan et lui accorda toute sa contiance. Après lui avoir donné
ditrhistorienOrainoune, (7 doiniiiio dcUa pcrsona. elle lui donna
(/ domiiiico (lel rcijno. Pandolfelio se montrait tort jaloux dos
seigneurs, à qui la reine lérnoignait de la bienveillance, crai-
gnant toujours que la fantaisie ne lui prit de se remarier; ce
fut edectivement le parti auquel elle se di'cida, sur les instan-
ces de son conseil.
LES FACÉTIES DE l'Ot.GE 139
CM
D'ttii homme qui coucha avec le diable sous la
forme d'une femme
Cincio, un très docte personnage île Rome, m'a
conté plusieurs fois une histoire imllement risible,
et qu'un de ses voisins, qui n'était j)oint un imbécile
racontait comme lui étant arrivée. Voici le fait :
Cet individu, une belle nuit que la lune brillait de
toute sa splendeur, se leva, croyant que c'était
le petit jour, pour aller à sa vigne. On sait que les
Romains ont Iha bitude de bien soignerleurs vignes ,
Après avoir passé la porte d'Ostie, (où il dût même
éveiller les gardiens (jui dormaient), il remarcjua
qu'une femme marchait en avant de lui. Pensant
que cette femme allait faire ses dévotions à Saint-
Paul - et sentant tout à coup monter en lui l'envie
de forniquer, il hâta le pas, se mit à suivre la
femme, pensant, comme elle était seule, arriver
facilement à ses fins. A un coude du chemin,
étant tout près d'elle, il la saisit dans ses bras, la
coucha par terre et la prit de force, sans cjue
celle-ci proféra la moindre parole. Quand 'ce fut
1. l)i hoiniiie qui rliabolum iit imaqitie mulieris cori>ioril. Opéra
CVI. — Noël I, IKi: II, 119. — Liseux CVI, t.' I, p. 166. —
D. Otho Melandiu, Joco-Scria : De Milite quodam, p. 31. — De
Rosset: Histoires tragiques de noire temps.
2. Saiiit-Paul-liors-tfs-miirs, éf'Iise de Rome.
110 LES F.VClvTIKS DK l'OGGE
fini, la femme disparut en laissant une odeur de
soufre. L'homme sentant sous lui la terre couverte
d'herbe, se releva un peu effrayé, et rentra chez
lui. Tout le monde déclara que c'était une illu-
sion du Démon.
CVH
Autre histoire contée par AuiieloUo ^
Angelotto, évêque d'Anagni était présent quand
Cincio conta cette histoire, et il nous en dit une
autre du même genre. — « Un de mes parents (il
nous cita son nom) se promenant une nuit dans la
ville déserte, rencontra une femme qu'il jugea
assez belle et il alla coucher avec elle. Aussitôt
après, pour l'épouvanter, elle se changea en un
homme affreusement laid, — « Qu'as-tu fait là,
dit-elle, espèce d'imbécile; hein! je t'ai joliment
attrapé . » Mais celui-ci, sans se troubler, lui
répliqua: — « Soit, mais j'ai sali ton cul. »
1. M\i(i fabula pci- Atuichiilnm dicta. Opéra CV'll. — Noei. I,
111. — LisEux CVll. t. L p. lOS.
LES FACKTIKS l)K J'OïK.E lil
CVlll
D' lin avocat qui avait reçu des figues et des
pèclies de son client •.
Antonio Lusco. homme plein d'érudition et
d'entrain, nous entendant blâmer le manque de
reconnaissance de ceux qui sont aussi disposés à
faire travailler les autres, que peu enclins à rému-
nérer leurs services, dit : — « Mon amiVincenzio
était l'avocat d'un homme possesseur d'une grande
fortune, mais plus avare encore qu'il n'était
riche. Vincenzio avait maintes fois plaidé pour lui
et n'avait jamais pu en tirer un denier. Un jour,
une grave affaire se présenta, et le client vint prier
l'avocat de soutenir sa cause. Avant l'audience, il
lui fit même parvenir, à titre d'encouragement,
des figues et des pêches. Au tribunal, les adver-
saires eurent beau entasser les arguments, Vin-
cenzio resta bouche close ; malgré leurs attaques
réitérées, il demeura muet. (Chacun s'étonnait et
le client surtout, qui s'informa de ce (jue signifiait
pareil silence ; il reçut cette réponse : — « Les
pêches et les figues que vous m'avez envoyées en
cadeau, m'ont tellement glacé les lèvres, que je suis
dans l'impossibilité de prononcer un seul mot. »
1. Dv adrocaln fini fiais ri perfiicn ah tnio lUiqaide acccpernl.
Opéra GVIII. — Noël ), Il\>. — Liseux, t. 1. |). {&.).
l-i2 LES FACKTIKS DE POiUlE
CIX
Ruse d'un médecin i.
Un médecin peu instruit, mais très rusé, visitait
ses malades en compagnie d"un élève. Suivant
riiabitude, il leur tâtait le pouls et si la situation
s'était aggravée, il en rendait responsable le ma-
lade, insinuant qu'il avait dû manger des figues,
une pomme ou toute autre chose défendue. Le plus
souvent, les malades avouaient, et le Médecin pa-
raissait avoir un don de seconde vue, qui lui per-
mettait ainsi de deviner les écarts de régime de
ceux que le mal travaillait. Le disciple, qui ne
revenait pas dune pareille perspicacité, finit par
demander au Médecin comment il pouvait bien se
rendre compte de ces faits par le battement du
pouls, parrattouchement ouquelqueautreprocédé.
Alors, le Médecin voulant récompenser les atten-
tions de son aide, se décida à lui révéler son secret.
— « Lorsque j arrive chez un malade, dit-il, je jette
un coup d'ô'il rapide dans la chambre et si j'aper-
(;ois par terre des restes de fruit ou tout autre dé-
tritus de n'importe quoi; par exemple, des écorces
1. l)v niciliai iii lisilaliiiiir injuninrHiii rcrsitln. Opéra CIX. —
Guillaume Tardif : Facécic d'un toi Alédccin qui dist que xxng
malade avoit manji;o uiilt asne, LXI, ]). 174. — Noël I, 113; H,
1 lu. — LiSEUx. t. I, p. 171. — BouciiKT. Sihres. Sérée X. —
Rnqer lioulvmps en belle humeur. SimpliriU- d'un apprenti iné-
lieoin, p. 29. — Noureaux co)ttes à rire. L'apprenti médecin.
LKS FACr.lIKS 1)K l'OdiiK i 13
de châtaignes, des coquilles de noix, des trog-nons
de pommes, quoi que ce soit, enfin, je suppose que
mon client en a mangé et j'accuse sa gourmandise
d avoir aggravé le mal; et ainsi, en cas d'issue
fatale, j'écarte de moi toute responsabilité.
A quelque temps de là, l'élève s'étant mis, lui
aussi, à exercer la médecine, voulut à son tour
mettre en pratique le même procédé. 11 accusait
les malades d'avoir mangé ceci ou cela, d'après
les vestiges qu'il apercevait. Un pauvre paysan
lavant un jour fait appeler, il lui promit de
lui rendre promptement la santé pourvu qu'il
se soumit exactement au régime prescrit. Après
avoir indiqué la quantité de nourriture à pren-
dre, il dit qu'il rcA'iendrait le lendemain. 11
fut exact, mais le mal avait fait de grands progrès.
Trop peu instruit et trop borné pour en découvrir
la cause, il jeta les yeux autour de lui, mais ne vit
de déchets d'aucune sorte. 11 était très perplexe,
lorsqu'en regardant sous le lit, il y vit le bat d'un
Ane. Aussitôt, il s'empresse d'établir ainsi le diag-
nostic : — « Enfin, je vois pourquoi vous allez si
mal, vous vous êtes permis un tel excès que je
suis étonné de vous avoir trouvé en vie. Comment,
en danger comme vous l'êtes, avoir mangé un âne !
— <( Pour le médecin, le bat de l'àne indiquait
qu'on avait dû faire cuire l'animal, comme un os
révèle l'existence d'un plat de viande. Pris en
flagrant délit d'insanité, ce praticien ridicule fit
rire tout le monde à ses dépens.
144 LES FACETIES DE l'OGGE
En cesteFacécie estmonslré quesoubz umbre d'aulcunes
sciences, plusieurs inconveniens adviennent. ainsi que,
soubz la confidence que les gens avoyent en ce fol clerc
soulz umbre de ce qu'Use disoit Médecin, ils se rneltoyent
entre ses mains sans congnoistre si ce qu'il leur bailloit
estoil bon ou maulvois, dont il advenoit que aulcunes foys
que plusieurs périssoyent entre ses mains.
ex
Du juge qui préleiid que les deux parties
ont gagné ^
Dans la province de Bologne est située une ville
qui s'appelle Medicina. On y nomma en qualité de
Podestat (c'est ainsi qu'on dit) un homme illettré
et sans éducation. Deux j)laideurs, qui avaient à
débattre des intérêts d'argent, vinrent le trouver.
Le premier prétendait qu'il était créancier et que la
dette était certaine. Le Podestat interpella alors le
débiteur : — « (Test mal agir, lui dit-il, quede ne pas
payer ce que tu dois. » Celui-ci répondit qu'il ne
devait absolumentrien, s'étant déjà libéré. Le ma-
gistrat se retournant immédiatement vers le créan-
cier, lui reprocha de réclamer ce qui ne lui était pas
dû. Sur une nouvelle affirmation, avec preuves à
1. De (IkoIjus i)i rr peciiiiiniid liiiiidulilius. — Opéra (JX. —
Guillaume Tardit : LXil, ji. 178. — Xoi.l 1, IIG. — Liseu.x. t. 1>
]>. 174.
LES FACKTIKS DE VOGGE 145
l'appui, faite par le créancier, le Podestat s'em-
porta contre le débiteur et lui reprocha de nier
une chose si évidente. Mais celui-ci, accumu-
lant maintes raisons pour prouver qu'il avait
pavé, le juge tança vertement l'adversaire qui
osait réclamer le paiement d'une dette soldée.
Après avoir ainsi réprimandé tantôt l'un, tantôt
l'autre, ce magistrat inepte s'écria : — (( Les
deux parties ont gagné et perdu, elles peuvent
se retirer! » Puis, il leva la séance sans avoir
tranché la difficulté! Cette histoire fut racon-
tée entre aaiis, un jour que l'on reprochait à un
personnage de notre connaissance de changer
souvent d'opinion sur le môme sujet ^
En ceste Facécie est monstre ung inconvénient, qui
souvent advient en justice, c'est que, pour tenir les judi-
catures et principaulx sièges, on ne regarde guières quel
homme on y met, et pour tant ne peuvent bien estre dis-
cutez les causes et querelles litigieuses qui viennent
devant luy, quant il ne congnoist le Droîct et ce qui est en
justice requis, non plus que le Potestat du Chasteau de
Boulongne.
t. Ce juge était aussi habile homme que celuy qui dormoit
sur son siège judicial. C'est aujourd'hui chose ordinaire de
voir sur les tribunaux, juges ignorants et incapables. On peut
en ce siècle monter sur le tribunal, pourvu qu'on soit appuyé
de quelque éclat de noblesse ou d'argent. Cet illustre siège ne
reçoit plus que des gens avides et résolus de prendre partout
et toujours. 0 mœurs! 0 siècle! où l'injustice se pare du beau
nom et de l'extérieur de la justice. {Reflexion de l'édition
d'Amsterdam).
146 LES FACKTIES DE POGGE
CXI
Uuu médecin ignorant qui, d V examen des urines
d'une femme^ diagnostiqua quelle avait
besoin d'un mari '.
Une femme de chez nous, nommée Jeanne, et
que j'ai connue, était souffrante. Un médecin, aussi
malin qu'ignorant, appelé pour lui donner ses soins,
demanda de son urine. Gomme d'habitude, une
jeune servante encore pucelle fut chargée de ce
soin, mais celle-ci ayant oublié la prescription,
présenta de sa propre urine au lieu de celle de
la malade. Le médecin diagnostiqua aussitôt que
la femme avait besoin d'un mari. Le mari, ayant
été informé du diagnostic, après avoir bien
diné s'alla coucher avec sa femme. ^lais celle-
ci, qui était rien moins que disposée à cause de
sa maladie, et ignorant en outre l'ordonnance du
médecin, fut fort surprise par la nouveauté de la
chose et se mit à se lamenter. « — Que fais-tu donc,
mon ami, tu vas me tuer. — Tais toi! répliquait
le mari. Je dois t'administrer le meilleur remède
1. De medico iudocio (/ui iiiinip (p-alia iïidicavit inullicvem coitu
iitdiçicrc Opéra CXI.— Xobl 1. 117; 11, lU). — Guillaume Tak-
Dit' : D'ung fol Médef:in. qui jutrea que une femme avait be-
soiutf pour sa sauté ilo coiripa^rnio d'homme, LXUI, p. 181. —
LiSKUX GXI, t. i, p. l'iG. — llistinrcs facétieuses et morales :
Tromperie par l'urine, p. 133.
LKS F.VCKTIES HE l'OOGK 147
que le médecin a prescrit pour ta guérison, pour
te rendre ta santé. » En vérité, il ne se trompait
pas; quatre fois clans la nuit, il observa les jjres-
criptions du médecin, et le lendemain, lu fièvre
avait disparu. Ainsi, la fraude dont le médecki
avait été victime amena la euérison.
cxn
D'un mari <ini pareillement rendit la santé
(L sa femme '.
Un cas semblable advint dans la cité de Valence,
ainsi que nous le dit un autre de nos collè-
gues, à l'appui de Thistoire précédente. Il nous
raconta qu'un jeune notaire était marié depuis peu,
lorsque sa jeune femme tomba gravement malade,
au point que tout le monde croyait qu'elle allait
mourir et que les médecins eux-mêmes l'avaient
abandonnée. La jeune femme gisait, sans voix,
les yeux clos, sans pouls, semblable à un cadavre.
Le mari se désolait de se voir enlever une épouse
I. De viro qui u.coreiit agnttam coçinniil, et poslea conialuit-
Opéra L'Xll. — Nokl I, 118, II, 120. — Guillaume Tardif : Ung
autre cas semblable advenu au chasteau de Valence, LXIV,
p. 183. — LiSKUx, CXII, t. 1, p. 178. — Cent Nouvelles nouvelles :
Le Mari médecin; nouv. XX., édit. (Jarnier. p. H'.]. — Ibid.
l'l,'Abbes;e g-uérie ; nouv. XXI. p. 8'.). — Coiiti da ridere. D'una
di fresca marilata. p. 36. (Voir Apiiendiccs).
148 LES FACETIES 1>E l'OC'.E
qu'il avait si peu possédée et (ju'il adorait. 11
résolut de la posséder encore une fois, avant
quelle ne mourut. Sous prétexte d"une confidence
secrète, dont je n"ai pas gardé souvenance, il éloi-
gna tout le monde et se rapprocha de sa femme.
Aussitôt celle-ci, comme si son mari lui eut in-
fusé une nouvelle vie, commença à reprendre ses
esprits, elle rouvrit les yeux, recouvra peu à peu
la parole, et d'une voix tendre appela son mari.
Celui-ci, tout joyeux, lui demanda ce qu'elle vou-
lait : — <' A boire, dit-elle, » puis, lorsqu'on lui
eut fait prendre quekjue nourriture, elle se réta-
blit tout à fait.
Ce beau résultat était dû à laccomplissement
des devoirs conjugaux. Cet exemple prouve donc
que c'est un remède souverain pour les maladies
des femmes ' .
1. Guillaume Tai'dif n'a point mis de moralitcs à ces deux
facvcies, mais à la lin de celle-ci, il reprend pour son compte la
refli'xion de l'auteur en ces termes :
« Par ces deux exemples, dit Poggc, que on peut arguer et con-
clure que aulx maladies des femmes, la souveraine médecine
est avoir compaignie d'homme pour les ravoir. »
— Les bonnes dames auroient été bien dangereusement ma-
lades; si le jeu de la bête à deux dos n'avoit pas été capa-
ble de les guérir. Le mariage est la vie des femmes. Le seul
bymen donne la couleur à leur teint. Une fille sècbe-t-elle sur
pié i envoyez-la sacrifier au dieu Amour pendant quelques
heures; elle reviendra, sur ma parole. Secret expérimenté.
{Répexioii de l'édition d'Am.«terdani .
LES FACÉTIES DE POGGE 149
CXIII
Homme illettré demandant à l'Archevêque de
Milan la dignité d'archiprêtre i.
On se plaint parfois du malheur des temps, et
nous ne parlons pas de l'insuffisance des hommes
qui occupent dans l'Eglise les premières dignités ;
on laisse de côté des gens pleins de savoir et de
sagesse et on confie les permières places à des
ignorants, à des gens sans aucune valeur. A ce pro-
pos, Antonio Lusco nous dit : — « Ce n'est pas plus
spécialement le fait des souverains Pontifes, que
celui des autres princes. On les voit admettre,
dans leur intimité, des fats, des gens pervers, et
ne faire aucun cas des hommes les plus estima-
bles. Il y avait autrefois, ajouta-t-il, à la cour
de Cane, l'ancien prince de Vérone, un ecclésias-
tique, bon vivant, appelé Nobili, sans instruction
aucune, ni éducation, mais qui, par ses propos
plaisait beaucoup) au Prince. Il en avait reçu, pour
cette raison, divers bénéfices. Un jour, Cane envoya
à l'Archevêque do Milan, gouverneur de cette ville,
une ambassade composée d'hommes distingués;
Noliili se joignit à eux. Leur mission remplie, les
1. De \mmine. non litleralo qui dUjiiilaU'm qtiaindatn archipn's-
hyleralus ah nrrhiepiscopo Mi'tlinlanensi postulavit. Op-ra GXIII.
— NoKL I, 119. — Lenfaxt. t. H, XXXill, p. Hï). — Lissux, t. I,
113, p. 180.
150 LES FACÉTIES DE POGGE
ambassadeurs allaient se retirer , quand Xobili,
dont les discours facétieux avaient eu le don de
plaire à l'Archcvôque, obtint du prélat la per-
mission de solliciter ce qu'il voudrait. Sans hésiter,
il réclama une charge très importante d'archi-
prêtre. L'archevêque ne put s'empêcher de
sourire dépareille prétention : — « Réfléchis donc à
ce que tu viens de demander, dit-il, cotte charge
est trop lourde pour tes épaules, car tu es com-
plètement illettré, totalement ignorant. » — « C'est
vrai, répliqua aussitôt Nobili, avec son sans-gène
habituel, mais je croyais pouvoir faire comme
chez nous. A Vérone, ce ne sont pas les gens ins-
truits qui obtiennent des bénéfices ; on ne les
donne qu'aux ignorants et aux imbéciles. » La
réponse de cet homme nous parut plaisante; il
croyait que parce qu'on agissait sottement à Vé-
rone, il devait en être ainsi partout ailleurs.
GXIV
D'une coiirlisnne qui se plaignait de la
méchante farce d'un barbier '.
Il y a à Florence des magistrats qu'on appelle
Préposés aux bonnes nuï'iirs, qui sont chargés
1. De mereliiie conquercntc de tonsoris inalcficio. Opéra CXIV.
— Noël I, \i[. — Guillaumi-; Tardif : De la Mrrelrice qui se
complaignoit du Barbier qui Tavoit coupée, LXV. p. ISii. — Lx-
SELx GXIV, t. I, 18-2.
LES F\r.KTIES DE l'OGOE 151
spécialement de rendre la justice aux femmes
publiques, et de les empêcher de circuler dans
toute la ville, sous peine de correction.
Une de ces femmes vint un jour se plaindre
auprès d'eux de l'outrage et du préjudice que lui
avait fait subir un barbier. Elle l'avait fait venir
au bain pour la raser et il lui avait coupé « un
petit loppin de maujoint ' » avec son rasoir, si bien
qu'elle fut obligée de ne voir personne pendant
plusieurs jours. Elle l'accusait donc de lui avoir
causé préjudice, et réclamait, en conséquence,
le gain perdu.
On demande quelle doit être la sentence ?
Pogge demande quelle doit estre la sentence future de
ce cas : Geste judicature ne termine point Pogge et ne met
point la sentence des magistrats pour tant qu'elle est trop
ambiguë, mais en laisse le jugement à gens cognoissant
le traict du mestier.
GXV
D\in religieux auquel se confessait une veuve. '-.
Un religieux, de ceux qu'on dit de l'observance,
entendait la confession d une jolie veuve de Flo-
1. Mnujoiiil (mal joint\ expression pittoresque de Guillaume
Tardif.
.!. De relùjioso cui ridua coiifïtehatnr. Opéra CXV. — Xoel I,
127; IL 121. — GoiLLALME Tardif, LXVI, p. 187. — LtSEUx
CXV, t. I, p. 18'i. — Bebnabd dk la Monnoye : Poésies latines;
Pa-nitentia et penitenlia, v.° X.
152 LES FACÉTIES DE POGGE
rence. Aliii de parler plus bas, elle se pressait
contre lui et tenait son visage près du sien ; or son
souffle juvénile Unit par émoustiller tant et si bien
le bonhomme (celui qui avait la tète basse), qu'il se
redressa et se mit à tourmenter le pauvre moine.
Torturé par l'aiguillon, et ne pouvant plus tenir en
place, le confesseur invita la dame à se retirer;
celle-ci demanda alors quelle pénitence il lui
imposait. — « Une pénitence ! s'exclama le moine,
mais c'est vous qui me la faites subir. »
En ce chapitre est montré comme ung liomme d'église,
et spécialement ung Religieux, se doit garder de rappro-
chement des femmes, car en leur regarder, avecques la
temptation de l'ennemy , la chair de l'homme se peut émou-
voir et faire donner consentemant à un péché.
CXVI
D'un homme qui fit le mort devant sa femme ^.
Dans le bourg de Monte varchio, proche de chez
nous, un jardinier que je connais, étant rentré un
jour chez lui, après son travail, pendant que sa
jeune femme était allée laver du linge, eut la
curiosité de savoir ce qu'elle ferait s'il était morl et
comment elle prendrait la chose. Il s'étendit donc
1. De. vivo f/ui suœ uxori morluum se oslendit. Opcra CXV'J. —
Guillaume Tardif : De celluy qui fist le mort devant sa iemmp,
I.XVII, p. 18'J. — Noël I, 123. — Liskux, t I, p. 185.
LES F.VrETIES 1>E POGGE 153
tle tout son long" par terre, dans la cour, allongé
sur le dos. dans la position d'un cadavre. A son
retour, la jeune femme chargée de linge, aperce-
vant son mari inanimé, elle le croyait du moins,
hésita un instant pour savoir si elle donnerait
un libre cours à sa douleur, où si elle commen-
cerait par manger ; il était midi sonné et elle se
trouvait encore à jeun. Pressée par la faim, elle se
décide à prendre son repas, fait griller un mor-
ceau de lard sur les charbons, et le dévore glou-
tonnement, sans boire, pour aller plus vite. La
viande étant salée, la soif se fit vivement ressen-
tir; la femme prit alors une cruche et descendit à
la cave pour tirer du vin. Elle remontait, lorsque
survint à l'improviste une voisine qui venait cher-
cher du feu. Aussitôt, en dépit de sa soif, la femme
laisse la cruche échapper de ses mains et comme
si son mari venait d'expirer à Tinstant, elle pousse
des cris, se lamente, et déplore ce trépas à grands
flots de paroles. En entendant ces gémissements
et ces sanglots, tous les voisins accoururent ,
extrêmement surpris d'une mort si soudaine.
L'homme gisait là, en effet, les yeux fermés et re-
tenant avec tant d'art sa respiration, qu'il semblait
réellement avoir rendu le dernier soupir. Lors-
que la plaisanterie eut assez duré, au milieu des
exclamations et des larmes de la femme qui ne ces-
sait de s'écrier : — « Mon pauvre homme ! Que
faire maintenant ? » — c( Rien de bon, ma chère
femme, dit-il, en ouvrant les yeux, si tu ne vas pas
9.
loi LES FACÉTIES DE l'OGGE
l)oirc tout (le suite. » Dans Tassistance, les ('clats
de rire succédèrent alors aux larmes, surtout quand
on apprit l'histoire et qu'on connut le motif pour
lequel la lenime avait tant de soif '.
Kn ceste Fac(''cie est inonirée l'amour de aulcunes
femmes dont elles arment leurs marys et le deuil qu'elles
feroyent pour eulx, se ilz estoyent morts.
CXVII
U une jeune fcuinie par trop naïve de Bologne "-.
Une jeune Bolonaise nouvellement mariée se
plaignait auprès d'une très honnête matrone, sa
voisine, de ce que son mari lui administrait de
sérieuses et fréquentes volées. La matrone lui en
ayant demandé la raison, celle-ci lui répondit que
1. La Science de Lien pleurer est, de toutes les sciences, celle
que les l'emmes entendent le mieux. Elles savent former mé-
thodiquement un concert d'aifliction, où rien ne manque,
sinon la vraye douluur. Les l'emmes ont cet avantage encore,
qu'elles savent i)lcurer par imitation. De là celle liariiionie de
lantes entre dix ou douze femmes assistant au départ funèbre
d'un époux mourant. Enfin le prédicateur Dorus, qui toute sa
vie s'est donné bien de la peine pour avoir le (on d'un pleu-
reur, n'approche point de l'heureux naturel des fc-mme*. Il
réussit si peu à les imiter, que quand il prêche en pleurant,
il nous fait crever de rire. {Ri-flexion de l'édition d'.A.mster-
dam).
2. l)t Bononiensi adoksceulula sunplki. 0[)L-ra CXVU. — Xoel
1, !2ô. — Guillaume Tardif : De une jeune femme de l^oulongne
qui ne sçavoit comment comjjlaire à son mory, LXVIII, j). lijl.
— LisEux, CXVII, t. I, p. 187.
1
LES FAi.KIIKS I)K l'UGGE 155
son mari était furieux do ce qu'elle ne remuait pas
plus qu'une souche tandis qu'il accomplissait ses
devoirs conjugaux. — « Pourquoi donc, dit la ma-
trone, ne faites- vous pas au lit ce que désire votre
mari? — Mais je ne sais pas ce qu'il faut faire,
personne ne m'a enseigné la manière de s'y
prendre; car si je le savais, soyez certaine que je ne
me laisserais pas rouer de coups par mon mari. »
Etonnante naïveté decettejeunefille, qui ne soup-
çonnait même pas cecjue la nature même enseigne
aux femelles. J'ai, depuis, raconté cette histoire à
ma femme pour l'amuser.
En ceste Facécie est. monstre qu'il est de bonnes per-
sonnes et de simples femmes qui bien peu cognoissent de
maulvaiselié; mais à l'appointe il en est beaucoup qui trop
en sçaivent.
CXVIII
Réponse cF un confesseur à propos
d'une femme K
Barnabo, Prince de Milan, aimait passionnément
les femmes. Un jour qu'il se trouvait dans un en-
droit écarté de son jardin, seul avec une femme
qu'il aimait et entrain de la caresser avec ardeur,
1. ReKpoHsio coiifessoris ad Barnaborem principem de muUiere
fada. Opéra CXVllI. — Noël I, {'20; II, 122. — Guillaumk Tar-
dif: LXIX, p. 10:?. — Lbnfant : Pof/7i'a;(«, CXXV, t. H, p. 260.
— LisEux GXVIII, t. I, p. 185.
15G LES FACETIES DE POGGE
arrive à l'improviste un certain religieux, un con-
fesseur, qui avait, à cause de sa sagesse et de son
expérience, libre accès auprès du prince. Barnabo
rougit et fut fort vexé de l'arrivée inopinée de son
confesseur; mais, se remettant, il lui posa cette
question insidieuse : — « Que feriez-vous si vous
aviez une pareille femme dans votre lit? » Le reli-
gieux répondit : — « Je vois bien ce que je devrais
faire, mais je ne sais pas ce que je ferais. » Cette
réponse calma la colère du Prince, tout en mon-
trant que son interlocuteur était homme suscep-
tible de faillir comme lui aussi.
En ceste responseestmonlré que nonobstant la religion,
ung' homme de soy ne doit pas tant présumer qu'il s'en
dye ci juste qu'il ne voudrait point pêcher; ilsedoitrépu-
ter humain et enclin à pêcher comme ung aultre non
Religieux.
LE PAS GLISSANT
Sur un gazon, je pris moine explorant
Jeune Lais, ayant jeunesse et grâce. —
« Qu'eusses-tu fait, le trouvant à ma place,
« Me requiért-il, avec objet tentant.
« Comme cettuy, couché sur la fougère?
« — Si me voyois, lui dis-je, en un tel cas.
a Fort bien je sais, ce que je devrais faire;
c Ce que ferais, c'est ce que je ne sais pas. o
MÉRARD DE Saint-Just : Lcs Espicgleines joycuscs. t. I.
LES FACETIES DE POGGE 157
CXIX
D'un seri'iteitr oublieux qu'on charge d'un
poids énorme '.
Un des membres de la famille Albizzi, Robert,
homme d'une grande bienveillance et profondé-
ment instruit, avait un domestique niais, ou-
blieux, lourd d'esprit, qu'il gardait à son service
plutôt par charité que pour son utilité person-
nelle. 11 lui avait, certain jour, donné une commis-
sion pour son ami Dego qui habitait près du pont
de la Trinité : — « Qu'y a-t-il de nouveau, lui de-
manda celui-ci, dès quïl le vit. » Le valet ayant
oublié la recommandation de son maître , ab-
sorbé, l'air stupide, cherchait la réponse qu'il
devait faire. Dego, qui connaissait bien notre
homme, voyant sou silence, ajouta : « — Je sais
ce que tu viens chercher. » Sur ce, il lui montre
un énorme mortier de pierre. « — Prends-le, con-
tinua Dego, et porte-le au plus tôt à ton maître
qui l'attend. » Robert à son tour, apercevant de
loin le malheureuxgarçon, le mortiersur les épaules
comprit qu'on avait voulu le punir de son
manque de mémoire : — « Nigaud, lui cria-t-il
1. De serco obhvioso ex pondère defatigato. Opéra CXIX.
NoKL I, 127. — LisBux I, p. 190.
158 LES FACÉTIES DE PO(i(iE
lorsqu'il fut assez proche, tu n"as pas fait exacte-
ment ma commission; retourne immédiatement ;
je n'ai pas besoin d'un mortier si grand, apporte-
m'en un plus petit. » Le pauvre diable, couvert
de sueur et pliant sous le faix, reconnut qu'il
s'était trompé, retourna chez Dego et ht un troi-
sième voyage pour rapporter un autre mortier.
Telle fut la punition de son oubli.
CXX
D'un homme qui veut dépenser mille florins
pour se faire connaître et la l'èponse qu'on lui
fait 1.
Un habitant de Florence, notre compatriote,
jeune homme d'une intelligence bornée, disait à
un de ses amis qu'il avait l'intention de dépenser
mille florins pour parcourir le monde et se faire
connaître. Et l'autre, qui connaissait à fond notre
homme, de répondre : — « Tu ferais bien mieux
d'en dépenser deux mille pour rester inconnu. »
1. De homine qui )iuUe porenns nilt e.rpendere ni coaiioscatui;
eî responsio in eum facta. Opéra CXX. — Nokl I, l'28; il, l'?3. —
LisEUx, t. I, p. 192. — J.-B. Rousseau : Epùirammes; Un iat
partant pour un voyage. Edit. Garnicr, p. 115. — Ut muaduni
noscas, ccntuin scstertia poscis.
Qa-ji melius, ne sis cognitus, ipsedaros — dans MiLet. Pixjiii
iinitationvs, p. 'i"25.
LES FACÉTIES 1>K l'OGGE 159
GXXI
Plaisanterie de V illustre Dante (1).
Dante, notre poète, pendant son exil à Sienne,
venait de temps à autre dans l'église des Minimes.
Le coude appuyé sur l'autel, il s'abimait dans la
méditation. Un jour, un importun vint le trouver
et le fatigua de ses questions. Alors Dante de lui
dire : « — Quelle est la plus grosse bête de la
terre?» — « L'éléphant! » répondit l'interlocu-
teur. — « 0 éléphant ! laisse-moi, car des pensées
plus élevées que ton verbiage, me préoccupent ;
cesse donc de m'ennuver. »
1. Jocatio Daiilis clavissimi. Opéra CXXI. — Xoel I, 129; II,
1 "23-124. — RiSTELBUBER LUI, 77. — LiSEux II, p. 5. — d'Abgens :
ie//re5)»!(p5 lettre i9. — B. de La.Monnoyj[: Puella molestum
arigehs.
D'UN IMPORÏUX
« Bren, laissés ruoy, » ce disoit une
A un sot qui lui desplaisoit.
Ce lourdaud tousjours l'importune;
Pu s j'oiiy quelle lui disoit :
(' La plus grosse beste qui soit,
Monsi' iir, comme est-ce qu'on l'appelle? —
Un i'l(jphant, Madamoyselle.
Me scîiible qu'on le nomme ainsi. —
Pour Dieu, Eléphant (ce dit-elle)
Va-t-en donc, laisse moy icy. »
Cl. Marot, Jipigraintne 206.
160 LES FACÉTIES DE FOGGE
CXXII
De la femme qui accouche au bout de
douze mois '.
Un citoyen de Florence qui était allé en voyage,
en rentrant chez lui au bout d'un an, trouva sa
femme entrain d'accoucher; ce dont il fut fort
vexé, car il soupçonna sa femme. Cependant
comme il n'était sûr de rien, il s'enquit auprès
d'une voisine, matrone respectable et fort expéri-
mentée, de savoir si un fils pouvait lui naître au
bout de douze mois. Celle-ci, voyant à quel imbé-
cile elle avait à faire, lui répondit : — « Assuré-
ment, car si ta femme a vu un Ane le jour où elle
a conçu, elle a du porter une année entière,
comme les ânesses. » Le mari goba l'histoire,
remercia bien la matrone de l'avoir délivré d'un
léger soupçon, et d'avoir préservé sa femme d'un
grand scandale, finalement il endossa la pater-
nité de l'enfant.
En ceste Facécie est donnée à congnoi.stro aux hommes
mariez qui on jeunes femmes qu'ilz ne soyent point dési-
1. Jucunda responsio unius inulievis, fada ad quemdam quœren-
tem an uxor sua per xii tnenscs posset parcrc Opora CXXII. —
NoBL I, l'2U; II, 123. —Guillaume Tardif LXX, p. 195. — Ris-
TELHL'HER LIV, p. 78. — LisKL'x CXXII, t. Il, p. 6. — MaffistH
Slrnpini Idesl. C^sakis Uusini Capriiria inacavonica, p. lO-i.
LES FACETIES DE VOW,E 161
rans ni envieux de aller aux loingtainsvoyaiges, aux moins
pour y demeurer longuement, car par l'ennuy de leur
demeure leurs femmes pourroyent faire ainsi que celle qui
porta l'enfant douze moys. à la façon et mode des asnes.
CXXIII
Question incoin'cnante d'un prêtre '.
Un jour de fête solennelle que tous les fidèles
étaient accourus en foule à l'église Saint-Marc,
hors la porte de Pérouse, le curé Cicero termina
le sermon d'usage en disant : — « Mes frères, je
désire cjue vous me tiriez d'un grand embarras.
Pendant ce Carême, j'ai entendu vos femmes en
confession, aucune n'a oublié de déclarer qu'elle
était restée fidèle à son mari. Vous, au contraire,
m'avez tous déclaré avoir forniqué avec les femmes
desautres. Eh bieni pour ne pas me laisser plus
longtemps dans l'incertitude, je désire donc savoir
de vous quelles sont ces femmes avec lesquelles
vous avez forniqué et où elles sont -.
Geste ([uestion ne luy fut point respondue, pour la cause
du débat qui s'en pouvoit ensuivir, et pour tant que toutes
1. IulPirogalio obsceiia cujusiiaui saccrdolis. Opéra CXXIII. —
Noël I, 130; II, 126. — Guillaume Tardif : Lue lolle demande
que. etc., LXXI. p. 11)7. — Ristelhdber : Un doute, LVI, p. 79.
— LisEux CXXIII, t. II, p. 8. — Babatox : Pœsies, Les
paysannes (1700). — J.-B. Rousseau: Epixfiamme; Dans un
village un jeudi de l'absoule... Ed. Garnier.
2. Le texte porte : (Ju<r ani ulnnain yint isUr mulieres fututœ.
162 LES FACÉTIES DE POGGE
les femmes soustenoient qu'elles l'iissenl toutes preudes
femmes, etii'y eust controversie, sinon entre elles et leurs
marys, après qu'ilz furent à l'iiostel et, n'y eust celle qui ne
tist la jalousie de son mary.
GXXIV
Plaisanterie au sujet cVun ambassadeur de
Pérou se '.
A Fépoque où les Florentins étaient en guerre
avec le pape Grégoire, les habitants de Pérouse
qui avaient abandonné le parti du souverain
Pontife pour celui de Florence, envoyèrent dans
cette ville des ambassadeurs, afin de solliciter du
secours. L'un d'eux, un docteur, commença sa
longue harangue en prononçant ces mots à titre
de préambule : — « Donnez-nous de votre huile. »
Un joyeux compère qui détestait les circonlocu-
tions, l'interrompit : — « Qu'est-ce que cette huile?
Tu demandes de l'huile, quand ce sont des soldats
qui nous manquent. Tu ne te souviens donc pas
que ce sont des armes et non de l'huile qui nous
sont nécessaires? » — « Mais ce texte est tiré de
l'Ecriture Sainte », repartit le docteur. — « La
belle affaire, répliqua son interlocuteur, nous
sommes les ennemis de l'I^^clise, et c'est dans
1. Rideiifla rujusdam hominis ndren^iis Omloron J'crusinnnim.
Opéra CXXXIV. — Noël, I, 131. — Liseux, I. 11. ]>. ïi.
LES F.V( KÏIKS DE POGGE 163
l'Ecriture Sainte que tu vas chercher un appui ! »
Tous se mirent à rire, en présence de l'entrain de
celui cfui venait d'arrêter ainsi le flux de paroles
inutiles que le docteur allait débiter, et l'on
traita la question.
cxxv
Les Ambassadeurs de Pérouse et le Pape
Urbain '. •
La ville de Pérouse ayant envoyé à Avignon,
auprès d'Urbain V trois ambassadeurs, ceux-ci
trouvèrent le pontife très malade. Cependant,
pour ne pas leur faire subir une longue attente,
Urbain ordonna de les introduire près de lui, en
les prévenant toutefois qu'ils eussent à expliquer
en peu de mots le but de leur mission. L'un d'eux,
solennel docteur, qui, en route, avait préparé un
long discours pour l'adresser au Saint-Père, sans
tenir compte du mal dont souffrait Sa Sainteté,
et quoiqu'elle gardAt le lit, débita un tel fatras
de paroles, que le Pape en témoigna à plusieurs
reprises de l'ennui. Toutefois, lorsque ce mala-
droit eut cessé de pérorer, Urbain, avec sa cour-
1. Dr oratoHhtis peruaiuis ad pnntifui'in l'ihanum. Opéra CXXV.
— NoelI, 1.3'^; II, i2(i. — Lenfaxt. t. II, XXXV, p. 201. — Li-
SKCX, t. II. p. 11. — 1. DeniDcriliis ridens: G;iiTulitas odiosa. p.T'i.
164 LES FACÉTIES DE POGGE
toisie liabituelle, s'cnquit auprès des autres am-
bassadeurs s'ils avaient quelque chose à ajouter.
L'un d'eux, qui s'était aperçu du manque de tact
de son compagnon et de la contrainte qu'en avait
éprouvée le Pape, dit: — « Très Saint-Père, nos
instructions portent expressément que si vous ne
consentez sur l'heure à accorder ce que nous
sollicitons, nous ne sortions pas de votre palais
avant que notre collègue n'ait déclamé de nou-
veau sa harangue. » Ces paroles enjouées ayant
fait sourire le souverain Pontife, ordre fut donné
d'expédier immédiatement l'atfaire.
CXXVI
Propos insensés des ambassadeurs de
Florence '.
Les ambassadeurs que la ville de Florence
envoyait en France étant arrivés à Milan, vou-
lurent, par déférence, présenter leurs hommages
à Barnabo, seigneur de cette ville. Lorsqu'ils
furent en présence du prince, celui-ci leur de manda
qui ils étaient : — « Nous sommes, répondirent-ils,
citoyens et envoyés de Florence, s'il vous plaît »
(ainsi que cela se dit communément par politesse).
1. Insuhum diclitin oratorum Florciitiïinrutn. Opéra CXXVI. —
NoblI, 133. — LisEux, t. II, p. 1:1.
I
I,ES FACKTIES DE l'OG<iE IGo
Aprcsun excellent accueil, ils prirent congé du sou-
verain. Déjà ils avaient gagné Verceil, lorsqu'en
repassant dans leur mémoire ce qu'ils avaient
fait ou dit jusque-là, ils se souvinrent des termes
qu'ils avaient employés en parlant à Barnabo. L'un
d'eux ayant fait remarquer qu'ils avaient eu lort
de se servir de ces mots : « S'il vous plait », car,
que ce fut ou non son plaisir, ils étaient bel et bien
citoyens et ambassadeurs de Florence; tous parta-
gèrent son avis, reconnurent que ces mots avaient
été prononcés à tort et pouvaient compromettre
leur dignité. D'un commun accord, ils retournèrent
donc à Milan pour se rétracter et demandèrent
audience nu prince. Le plus âgé (ce devait être aussi
le plus instruit,) prit la parole: — « Prince, dit-
il, en arrivant à Verceil, nous nous sommes rap-
pelés que nous vous avions dit : Nous sommes
citoyens et envoyés de Florence, s'il vous plait.
C'est à tort et sans réflexion que nous avons
employé ces termes, car que vous le vouliez ou
non, nous sommes citoyens et envoyés de Flo-
rence. » Le prince, habituellement très sérieux,
éclata de rire en entendant formuler cette
vaine préoccupation : — « Allez, dit- il, je suis
content de vous, vous êtes bien tels que je
crovais. »
d66 LES FACÉTIES DE POC.GE
GXXYII
Mol plaisant de Jean-Pierre de Sienne '.
Giovanni Pietro, citoyen de Sienne, toujours prêt
à rire et à plaisanter fut un jour, invité à Rome
])ar Bartolomeo de Bardi, à venir boire un coup.
C'était le matin, en été. Nous nous rencontrâmes
là plusieurs amis, venus, non tant pour nous
rafraîchir, que pour faire enrager notre hôte.
Suivant l'habitude, on offrit à chacun une bou-
chée de pain ; tous en prirent et se mirent à
manger. Seul Giovanni Pietro conservait son mor-
ceau dans la main. On s'enquit du motif qui Tem-
pèchait de manger: — « Bartolomeo, dit-il en
riant, ton pain est le plus humble et le plus modeste
que j'aie jamais rencontré; plusieurs fois je l'ai
approché de ma bouche ; il s'est obstiné à ne vou-
loir passer qu'après le vin ». La boutade de cet
homme nous fit rire. Elle prouvait que le manger
ne doit pas toujours précéder le boire, surtout
lorsqu'on est très altéré.
1. Fcticle (liclu)n i'tijusduin Johannis Peiri. Sencnsis. Opéra
CXXVII. — Noël 1, 135. — Liseux, t. II, p. 15.
LES FACETIKS DE l»0(i(;E Kil
GXXVlll
D'un mari qui (i\'(iil fuit faire a sa femme une
loiletle d'un grand prix '.
Un mari qui avait fait faire à sa femme une toi-
lette d'un grand prix, se plaignait de ce que l'ac-
complissement de ses devoirs d'épouxlui revenaient
à pas moins d'un ducat d'or en moyenne chaque
fois. — « Tiens, lui répliqua sa femme, c'est ta
faute, que ne le fais-tu tant de fois que ça ne te
coûte plus qu'un sou. »
1. De vivo qui uxovi vestem magiii pvetii fecevat. Opéra CXXVIIl
— Noël 1. 1-26: II, 12f;. — Gdillaume Tardif LXXII, p. 19'J. —
LiSKUx CXXVIII, t. II, p. 16. — Tombeau de la Melancholie :
Réponse plaisante d'une femme à son mary qui se plaignoit
qu'elle lui coustait trop. p. 107. — Bbroald de Vervillk :
Moyen de parvenir. Voir édition (iarnier. — Lod. Guicciarim.
Hore di Reereatione. p. 254. — Le joujou des demoiselles, p. 25.
— J.-B. Rousseau : Epigra)nme « En plein chapitre un moine
à son retour, » p. lUd — Bouchet, Serées 111° sérée. Le Ménagu.
— Contes à rire ou Récréations françaises, t. I. La femme de bon
appétit.
D'UN AM.ANT A SA MYE
L'autre jour un amant disoit
A sa Mai.stresse en bonne vois,
Que chascun coup qu'il luy faisoit.
Lui coustoit doux écus ou trois.
Elle y contredis! : toute fois
Ne pouvant le cas dénier,
Luy dict : faictes le tant de fois
Qu'il ne vous couste qu'un denier.
Clem. Marot. Epigram ;CCLIX,édit. Garnier.
1G8 II'^S FACKTIKS DE POdGE
En ceste Facécie est à noter, comme dit monseigneur
Saincl Bernard, que de femme désirante superfluité d'a-
bits somptueux et (>ultre son estât n'est point volontiers
juste et honneste en couraige; oullre y est l)ien à noter la
folie do aulcuns hommes qui pour obéyr à la folle volonté
d'une femme qui désire eslre parée magnifiquement et
plus que à elle ne appartient, exposent tant du leur qu'en
la fin ilz s'en repentent, quand ils cognoissent leur follie et
leur grande prodigalité.
CXXIX
Plais a m récit d'au médecin '.
Le Cardinal de Bordeaux - m'a raconté qu'un
individu de son pays étant rentré tard chez lui,
se plaignit d'une douleur à lajamhe. Sa femme
alors se mit à frictionner avec de l'huile de roses,
la jambe malade, la couvrit d'étoupe et de laine,
1. Rpcilalio jocoso de medico. Opéra CXXIX. — Noël I, 13(i; II,
128. — RisTELHUBER LVI. p. 811. — LiSEL'x, t. !), p. 17. — Len-
FANT, t. II, LV, p. 216. — DoMiNiCHi, Facctic Mollis 32G. —
LoD GuicciAKDi.M. Ilorc di ricreaz-ioid Poseraitircnza pcncp. I'i6.
— Des PÉRiERS. Coules et Noucetles : Nouv. XI : D'un docteur en
décret qu'un bœuf blessa si fort qu'il no sçavoit en quelle
jambe c'estoit, édit. Garnier, p. 41. — Tabourot des Accords.
HiyaiTures du Seigneur des Accords : Gaulard, Coules.
2. François de Aguzzoni, né à Urbino. Cinquante-quatrième
archevêque de Bordeaux en l.'^Si). En 139-5, il fut envoyé par
l;ioniface IX comme nonce en Espagne, pour faire cesser le
schisme. En 1505 il fut fait par Innocent VIII cardinal du litre
des Quatre-Saiiits-Couronnés. En 1408, il se nmdit en France
dans l'intérêt de l'union de l'Eglise, le 17 mars il assista à l'en-
trée de Charles VI à Paris. En 14(19, il fit partie du Concile de
Pise. II mourut à Florence, en août 1412.
LKS F.Vt.KTIKS I»E l'U(i(iK KIQ
puis appliqua sur le tout une bande de toile.
Le patient continuait, maliiré ces soins, à se
plaindre et demandait, en gémissant, un méde-
cin. Il en vint un qui, peu à peu, avec beau-
coup de précautions, découvrit la jambe (le
malade, pendant ce temps manifestait la plus vive
douleur), et le médecin déclara, après l'avoir
bien palpée, qu'il n'y avait aucun mal. Alors le
campagnard de dire : — « C'est donc de celle-ci
(jue je souffre », et il présenta l'autre jambe.
Amusante naïveté d'un homme qui attend de con-
naître l'opinion du médecin, pour savoir où il a
mal.
cxxx
De l homme qui trouva de for eu. dormaut '.
Un de nos amis racontait qu'une nuit, en rêve,
il avait trouvé de l'or. — « Prends garde, lui dit
un des auditeurs, qu'il ne t'en advienne comme à
un de mes voisins qui vit son or se changer en
ordures. » Sur notre demande, il nous raconta le
songe de cet individu : — « Mon voisin rêva une
nuit, que le diable l'avait conduit au milieu d'un
1. De homiiic ijiti in somuis aurum rcpcriehal. Opéra CXXX. —
XoEL I, 137; H, l-29-13(l. — Liskux, t. Il, p. 18. — Bkroald de
Vkrville : Le Moyen de pavretiir, édit. Garnici*. — Deliliœ
poelarum GoUoium : Somniuin Aureum. — G. Grécourt :
Coûtes. Le trésor découvert. — Scaianiuzza, poema placciole
)tel veinac(}lo Vene:;i(uio, canto X. slanz i : 11 .sfiguo aureo.
10
170 IKS FACKTIKS DK VO(A',¥.
champ poiu' y déterrer un trésor. Il trouva beau-
coup d'or... Il n'est pas permis, lui dit alors le
démon de l'enlever maintenant, fais une marque
à l'endroit de manière à pouvoir seul le recon-
naître. Notre homme ayant demandé quel signe
il pourrait bien employer : — Chie dessus, dit
le diable, c'est le meilleur moyen pour que per-
sonne ne suppose qu'il y a de l'or dessous, toi
seul connaîtras le secret. La chose fut trouvée
parfaite, mais le rêveur, se réveillant aussitôt,
constata qu'il s'était horrii>lement lâché le ventre
dans son lit. Il se lève alors au milieu des excré-
ments et de l'infection, puis, voulant prendre
l'air, il pose sur sa tète un capuchon dans lequel
un chat venait de faire ses ordures. Furieux de
l'odeur infecte qui le poursuivait, il s'empressa de
se laver la tête et les cheveux. C'est ainsi qu'un
rêve d'or s'évanouit dans l'oidure.
CXXXI
/>'//// Secrctdirc de V Empereur Frédéric II '.
Pierre des Vignes 2. homme plein de savoir
et d'une grande habileté, fut secrétaire de l'Em-
1. De quoduin secri'ltirio Friilerici inipcrahiris. Opéra <iXX.XI.
— NOKL I. 138. — l.ENKANl, t. 11, XXXV'1I,|). ^1. — Rl.STEI.HU-
i.KR LVll, p. 82. — I.isEux, t. H, p. '20.
■.;. Ou plus exactement de la Vigne, selon lliiilIard-lJré-
liolles, Vie cl Cnrirspinidniia' tir l'irnr (k la Viijiii', IHG-'i. Il
LKS FACÉTIES HK I'0(.(;e 171
pereiir Frédéric. A répoquc où il faisait la guerre
au Pape Alcxandi-e III, ce souverain ayant envahi
les Etats de l'Eglise prêta l'oreille aux calomnies
des Barbares contre Pierre qui était Italien et lui
fit crever les yeux. Poussé ensuite par le repentir
car il avait agi injustement), il admit sa victime
dans son Conseil privé. Le besoin d'argent s'étant
fait sentir, Pierre des Vignes conseilla à Frédéric
de faire la guerre à l'Eglise avec les ressources
de l'Eglise elle-même, de saisir et de faire fondre,
pour l'entretien des troupes, les objets d'or et
d'argent qui ornaient les édifices religieux, parmi
lesquels figuraient les célèbres chaincs d'or qui
entouraient alors la cathédrale de Pise. Ce conseil
plut à l'Empereur, qui dépouilla les temples
naquit vers 1190, fut juge de la Grande Cour de 1225 à 12 17,
puis protonotaire ou le premier des seerélaires de Frédéric II.
Il mourut à la lin d'avril 1249. Il est étonnant que M. Huillard.
citant le « récit apocryphe « do Trithèmc;, ne cite pas aussi celui
de Pogge, qui oftre avec lui des analogies, et se trouve anté-
rieur d'un siècle. Pogge ne croyait pas faire un conte, et lorsque,
par exemple, il dit que les Barbares, c est-à-dire les Allemands,
jalousaient Pierre, on n'a qu'à se rappeler que vers la fia de
son règne, Frédéric II s'entourait de nobles allemands, tels que
IJerthold, margrave de Holienliurg, etc. D'autre part, des auteurs
à peu près contemporains, Ricordani, Villani, Fulgose, sou-
tiennent que Pierre fut victime de la jalousie des courtisans.
M. Huillaid incline vers le récit de Matthieu Paris, selon lequel
Pierre, gagné par les promesses du pape, aurait décidé un mé-
decin à empoisonner Frédéric, et cependant il n'ose afdrmer
que Pierre ait été coupable. Mais il nous semble plus naturel,
dirons-nous avec Lenfant, do s'en rapporter à Pogge sur un fait
arrivé en Italie, qu'à un aiiteur anglais, tel que Matthieu Paris.
Là où Pogge se trompe plutôt, c'est quand il rapporte que l'em-
pereur se repentit de son injustice (R).
172 l-ES FACF.TIES DE POCUJE
sacrés au profit de son armée : — « Sire, dit alors
Pierre des Vignes, j'ai enfin vengé l'injure que
vous m'avez injustement faite. Vous étiez odieux
aux hommes, mais en vous faisant commettre ce
sacrilège, j'ai attiré sur vous la malédiction de
Dieu. Désormais, toutes vos entreprises tourneront
mal )'. Frédéric, cependant, gagna bien encore
quelques victoires, mais Alexandre finit par briser
son orgueil. Ce fait nous montre qu'il ne faut pas
employer les choses sacrées à des usages pro-
fanes, Dieu punissant toujours les transgresseurs
de sa loi.
CXXXII
D'un juif mangé par un Florentin i.
Deux Juifs, habitants de Venise, étant allés à
Bologne, l'un d'eux y tomba malade et mourut.
Le survivant, soucieux de ramener à Venise le
cadavre de son compagnon, mais sachant qu'il
était défendu de le faire ostensiblement, coupa
le corps en plusieurs morceaux, puis le mit dans
une petite tonne après y avoir ajouté des aro-
mates et du miel, de telle sorte qu'il s'en exhalait
une odeur suave. Il conlia, en le recommandant
1. De jiideo morluo assumiila l<iii(ii-<uiler iii cibum pcr Flovcnti-
nuin. Opéra CXXXII. — Xoel 1, 140. — Ristelhuber LVIIl, p. 8'i.
— LiSEUx, t. II, p. 22.
LES FACETIES DE POGGE 173
Wvenient, ce dépota un autre Juif qui retournait
à Venise. Celui-ci gagnait Ferrare par le canal et
beaucoup de passagers avaient pris place dans le
bateau, lorsqu'un Florentin vint s'asseoir près de
la tonne. La nuit venue, notre homme, alléché par
la délicieuse odeur qui s'exhalait de cette bar-
rique, soupçonna qu'elle renfermait d'excellentes
pro\'isions de bouche. Il l'ouvrit donc à la dérobée
et se mita goûter le contenu ; or le mets lui parut
si succulent, qu'il passa toute la nuit à vider petit
à petit la tonne. A Ferrare, le Juif sortit du bateau,
mais en reprenant la tonne, il la trouva si légère
qu'il comprit qu'elle était vide. Il protesta haute-
ment alors, contre le vol qu'il prétendait lui avoir
été fait du corps de son coreligionnaire. De cette
façon, le Florentin apprit qu'il servait de sépul-
cre à un Juif.
CXXXllI
Vision de François Philelplie ^.
François Philelphe, jaloux de sa femme, ne
vivait pas à la pensée qu'elle pourrait avoir affaire
à d'autres; aussi, jour et nuit, était-il toujours en
1. Visio Francisci Philelphi. Opéra CXXIII. — Noël I, 141, II.
135. — GoiLLAUME Tardif LXXIV, p. 201. — Liseux CXXXIII,
t. II, p. 24. — Cent Nouvelles noitveUes, nov. XI. L'encens du
diable, p. 48, édition Garnier. — Ludovico Ariosuo, Satyr :
10.
174 LES FACKTIKS DE PO(;(JE
éveil. Une nuit qu'il rêvait (car nous nous occupons
fréquemment en rêve des mêmes choses qui nous
préoccupent éveillés), il vit un démon qui lui pro-
mit la sécurité ù l'égard de sa femme, s'il voulait
suivre son conseil. Philelphe, toujours endormi,
accej)te avec grand plaisir et promet même une
récompense. — « Prends donc cet anneau, dit le
démon, garde-le avec soin à ton doigt et jamais
ta femme ne pourra, à ton insu, coucher avec un
autre. » La joie l'ayant réveillé, Philelphe s'aper-
çut qu'il avait le doigt dans le pertuis de sa
femme. En cll'et, cet anneau est le remède par exel-
lence contre la jalousie, en empêchant les femmes
d'être incontinentes àl'insu de leur maris .
En cesle Facecie est reprouvé ung très grand vice, ((ui
peult advenir aussi bien à homme que à femme, c'est
jalousie, qui procède d'une folle mélancolie, soit à droit
ou à tort, car, si c'est à droit que l'homme soil jaloux de
sa femme, pour néant s'en tempêterat il, car, si elle ne ne
le veut, il ne la poui-ait garder de faire sa voulonté, ne elle
aussi luy : si c'est à tort, c'est encore plus mal fait, ctpiMdt
estre ce cause, d'ung grand mal, et n'est jugement contre
la l)onté de Dieu de présumer, l'ung sui* l'aultre vice qui
n'est pas vrai ni certain 1.
L'Anella. — Rabki.ais : Pautaçfrm-l, Liv. 111, ch. XXVIII, —
La Fontaine. Coules : L'anne.iu d'Hans Carvel, conte, p. 120.
édition Garnier. — Bkunard de la Monnoyk : Aunuliis l'Iiilolœ'
— Pbioh, Bans C'arucrs riiKj, or, a cliaime aijniiisl oukvldom.
1. L'anneau doit toujours être porté au gros doi^l, afin qu'il
ne se gâte point. C'est aussi là l'unique ninyen d'empêcher
qu'il ne se jasse rien chez la femme au préjudice du l'époux.
Après tout, celte pièce est la première pièce du ménage. Si
cette pièce n'est bien conservée, ad'cu la tranquillité de
LKS l-'ACKTIKS DK l'(»G(iE 175
CXXXÏV
Dnil buveur '.
Certain ivrogne, buveur remarquable, fut pris
dune fièvre, qui, naturellement, redoubla sa soif.
Comme les médecins mandés cherchaient le
moyen de couper la fièvre et la soif: — « Occupez-
vous seulement de la fièvre, dit le malade, laissez-
moi le soin de guérir la soif. »
En cesle Facécie est monslré que c'est à une j)ersonne
de mettre son cueur en ielicilé à yvrongnerie et comment
l'époux et de l'épouse, .\dieu la paix du ménage. {Rcflcxioit de
l'édition d'Amsterdam).
1. De polatore. Opéra CXXXIV. — Guillaume TardU' : Du bon
buveur qui ne voulut point estre garry de sa soif. LXXIV,
p. 20i. — RisTELHUBER LIX, p. 85. — LisEux, t. II, p. 2(5.
Democritus ridens. p. l'iT. — Baraton, Poésies : La Migraine
et la Soif. — J.-B. Rousseau, lypigr. : Ortain ivrogne après
maint long repas, p. 378, édit. (Tarnier. — Gristianus H. Herus :
Epiçiramme « Bibus » dans. Delicia- poctorion Vunoruin — N. de
tA (.jiRAiDiÈRE. Epigramme :
EPIGRAMMK
Un bon vieux biberon oyant un jour Iraiter,
A trois grands médecins, du vrai moyen d'ûter
La lièvre d'une soif qui le rendoit tout blême.
— Messieurs, ce leur dit-il, prenez (ant seulement
Le souci de m'ôler la (ièvre promplement.
Car je me saurai bien oter la soif moi-même.
176 LES FACETIES DE POG(iE
il y a grant dangier, ce depuis que une foys il est mis en
granl peine, jamais l'on peust en oster, ainsi que le
malade qui estoit en fièvre périlleuse, et toutes foys il ne
vouloit pas qu'on luy ostast la soif et la grant altération,
qui estoit angmentalive de sa douleur et la première
chose qu'on luy deust oster, mais seuUement désiroitestre
sus bout pour aller, avecques sa grande soif que il
avoit, boire à la taverne du bon vin que tant il aimoit.
GXXXV
Facétie (VEverardo Lupi '.
Le Cardinal de Gonti -, gros personnage, plein
d'embonpoint, revenait un jour de la chasse.
Mourant de faim, car il était midi environ, il
descendit pour prendre son repas. Comme il
était tout en nage, on était en été, il demanda
que quelqu'un vint le rafraîchir avec un éventail.
Les valets étant occupés à droite et à gauche, le
Cardinal pria un certain Everardo Lupi, secrétaire
apostolique, de lui faire du vent. — u Mais, dit ce
dernier, je ne connais pas vos habitudes à cet
1. Facetiun Eberhardi, sciiploris Apaxtolici qui ad CardUialis
conspectum vcntris crcpilion dcdi/. Opéra OXXXV^ — Noki, I, 143.
— Guillaume Tardif : Du cardinal (lui l'ut evenlé du cul, LXXV,
p. 200. — LisEux, t. II, p. '27.
2. Le cardinal de Conti et Alto de Conli dont il est ques-
tion au numéro suivant étaient de nobles Romains, d'une
famille très ancienne qui a donné à l'Eglise de nombreux
prélats.
LES F.VCKTIKS DE PoGGE 177
égard? — Fais comme tu l'entendras et suivant
ion inspiration — « Très volontiers, » répliqua
Everardo et levant la cuisse droite, il tira des
profondeurs de son ventre le plus retentissant
des pets : — <• Voilà comment je m'y prends
toujours, » ajouta-t-il. L'assistance était nom-
breuse et tout le monde éclata de rire.
En ceste Facécie n'y a point de sens moral, mais est
monstre seullement que c'est simplesse a ung homme de
bien de soy faire servir à ung serviteur et homme non
aprins et qui ne congnoist ce qu'il doist faire; car c'est
grant advanture s'il fait rien qui soit à point, ainsi que
l'Escripvain qui devoit esvenler le Cardinal de la flabelle
et il l'esventa du cul, ainsi qu'il avoit accoustumé de
faire.
CXXXYI
Plaisanterie (F un autre Cardinal ^
C'est de la même manière que le Cardinal de
Tricarico répondit aux remontrances d'Atto de
Conti. Le Cardinal était très libre en ses allures.
Un jour, à la chasse, Otto ayant fuit tout son
possible pour lui inspirer des pensées sérieuses,
l'Eminence, après l'avoir regardé fixement un
instant, se pencha sur l'encolure de son cheval :
1. Facetta allerius fanlhialis jucundissima. Opéra CXXXVI. —
LisEux, t. H. p. 2J<. — XoBL I, 144.
LES FACETIES DE POGGE
— « A ta barbe ! » dit-elle, en lâchant un gros pet,
puis s'éloigna sans ajouter un mot ; indiquant
ainsi le cas qu'il faisait des admonestations qui
lui avaient été adressées.
CXXXVII
D'une feniiiic ijui décotivi-il son cul en vouUinl se
couvrir lu Icte i.
Une femme qui s'était fait raser les cheveux
à la suite d'une maladie, ayant été appelée au
dehors par une voisine, oublia dans sa précipi-
tation de se couvrir la tête. La voisine se mit à la
blaguer de ce qu'elle montrait atout le monde son
cn^ne déplumé et fort laid, (lelle-ci, relovant
1. De muliere qua-, cum capui coopoire ri'llet culum drlcrit.
Opéra CXXXVIII. —Noël I, l'i'i; JI, 158. — Liseux OXXXVIII,
t. II, p. 29. — Henrichmann prEel'acione ad Bebelium. /Je inepsa
quœdam mulicrciila.
MADRIGAL
Lise, de qui Tesprit est délicat et fin,
Trouvant en pleine nuit des voleurs en chemin,
Pour se mettre à cf)uvert de leur sombre pillage,
Mit sa ju[)e sur son visage.
Dans celle action qu'elle fit,
Je vois les traits d'un bel esprit,
Et d'une prudence aclicvéc.
('ar la mignonne sçait fort bien,
Que c'est un frraiid secret qu'une jupe levée,
A qui veut acquérir ou conserver du bien.
Poésies choisies, III partie, p. 3G7.
I.KS FACKTIKS l)K l'M(,t;K 179
aussitôt ses jupons pour couvrir sa tête chauve,
découvrit sou cul. l^es passants rirent beaucoup
de cette femme, qui, pour éviter une petite
honte, commellait une grosse indécence. Ceci
s'adresse aux gens qui, pour palier une faute
légère, en commettent une beaucoup plus grave.
CXXXVllI
llisloii'c (l'uii //i)/iin)c t/ui (i\'((il envoyé des lettres
a sa femme et à un négociant '.
Francisco de Ortana, chevalier napolitain à
•jui le roi Ladislas avait confié le gouvernement
de Pervuse, reçut un jour deux lettres : l'une de sa
femme, l'autre d'un marchand Génois, auquel il
devait quelque argent, (^elle de sa femme le rappe-
lait à la maison, lui parlait de la fidélité promise,
de ses devoirs conjugaux et le priait de rentrer au
plus vite. L'autre lui réclamait de l'argent prêté.
Au marchand, il répondit naturellement qu'il lui
rembourserait bientôt et lui demandait un petit
délai. Ouant à sa femme, il lui prodigua de
douces paroles et par ses tendresses s'efforçait
d'adoucir ses regrets : il lui écrivit qu'il allait
1. l'ucelissima cujusilaiu (jui liltcras usons mcrcaloritiue iniserat.
Op.Ta CXXIX. — NoKL I, 145; H, l.'ÎO. — (Iuili.aume Tardif
LXXVI, p. 20X. — Lknpant, Pof/r/ja/m, t. II. — Ristelhubkr LX,
p. Kti. — LisEOX CXXIX, t. Il, p. 30.
180 LKS FACÉTIES DE JMXiOE
bientôt partir, qu'il ferait son possible pour la
dédommager des plaisirs perdus, et comme il était
tout aussi amoureux qu'elle, il ne se gêna pas pour
employer des expressions assez lestes; il lui disait,
par exemple, en terminant qu'il la baiserait et re-
baiserait de toutes les façons. En mettant les sus-
criptions de ses lettres, il adressa au marchand
celle qu'il écrivait à sa femme, et à sa femme celle
qui était pour le marchand. La femme, quand elle
reçut cette missive fut bien étonnée de n'y pas
lire un mot de réponse à ce c^u'elle demandait. Le
Génois lut et relut la sienne, n'y trouvant que des
bêtises, des histoires de femmes, la principale
chose était qu'il allait revenir, qu'il se promettait
de bien faire l'amour et un tas de facéties de ce
genre. Le marchand crut à une farce, se rendit
chez le roi, montra la lettre en se plaignant qu'on
lui promit de l'amour en remboursement de ses
écus, criant bien fort qu'il avait été assez foutu
dedans le jour où il avait prêté son argent. Tout
le monde s'esclafa de rire, mais ce fut bien pis
encore cjuand on apprit cj[ue les doux lettres
s'étaient trompées d'adresse.
En ceste Facécii' n'y a [Miiiit do sen^ moral, mais y esl
monslrc, comme mig- homme ({ui fait lettres missives con-
tenantes diverses choses, qnaut il en a commencé une, il
doit achever de tout poinlz, au devant de faire les aulti-es,
ou y prendre si bien garde qu'il n'en soif pointdéceu ainsi
que Françoys,qui signa les lettres du marchand pour bail-
ler à sa fenmie, et ]iar opposite celles do sa f(.Miimc poui-
bailler au marchand.
LKS FACETIES DE POGGE 181
CXXXIX
Histoife d' un homme qui grondait
souvent sa femme '.
Un de mes confrères nommé Dante avait une
femme qui passait pour légère. Souvent, ses amis
l'ayant engagé à veiller à l'honneur de sa maison,
il faisait à sa femme de vifs reproches. Celle-ci
protestait de son honnêteté à grand renfort de
larmes et de serments, et disait que ces histoires
étaient le fait des mauvaises langues, de gens qui
voulaient brouiller leur ménage. Ces belles paroles
et d'autres du même genre persuadèrent le mari,
et comme ses amis continuaient à accuser sa
femme, il leur dit : — « Holà ! ne me cassez plus
la tête à ce sujet, si elle pêche, pouvez-vous le
savoir mieux qu'elle ?. » Les amis déclarèrent
que cela leur était impossible — (< Eh bien! reprit
le mari, elle affirme que vous mentez, et j'ai plus
de confiance en elle qu'en vous. »
1. Fabula Datitis qui sœpius uxoretn suain incveiiubul. Opéra
CXXXIX. — Noël I, \'u; II, I3!J. Poq<iiana, t. II. p. 173. —
LisBcx CXXX, t. II, p. 33.
182 LES FACÉTIES DE POGGE
CXL
Testament cTiin vicllard eu faveur
(F une femme '.
Pietro Massini, notre concitoyen, était d'un esprit
fort caustique ; vieux, et tout proche de son dernier
jour, il fit son testament par lequel il ne laisait
rien de plus à sa femme que sa dot. Celle-ci, fort
mécontente, se plaignit amèrement à son mari de ce
qu'il ne lui laissait rien, et comme elle le suppliait
en pleurant abondamment de lui assurer ses vieux
jours, le moribond lui dit : — « Faites venir le
notaire et les témoins, pour que je teste en faveur
de ma femme. « Ceux-ci n'ayant point tardé à
venir, il dit aux témoins, en disignant sa femme.
— « Voyez-vous, cette femme, elle me fend la tète
pour que je lui laisse quelque chose. Eh bien !
uni([uement pour faire comme tout le monde, je
veux bien céder, et je vous prends à témoin que
je lui laisse le pertuis le plus infecte et le plus
large qui soit de toutes les femmes de cette ville. »
Et tout le monde de s'en aller sur ces mots.
1. Tcstatia cujusdam senis faclœ u.coris. Opéra GXL. — Noël 1,
l'i8; II, l;W. — LisEux CXL, t. II, p. 3i. — Beuoald de Verville:
Moyen de parionir. — Le Facétieux Rneil matin, p. 341. —
Lazzauekli ua Guubio l.Li Cicccidc, I. i)art. sonetto l'27; 11
testamenla dcH' aulore.
LKS FACETIES DE POG(JE 183
en éclatant do rire, laissant la pauvre feniiue
honteuse et désappointée.
Eli cette Facécio est monstre une puniliuu que les inaiil-
vaises femmes ont aulcunes foj-s de leurs niarys quant elles
se sont mal gouvernées et que leurs marys les ont mal cor-
rig-ées. Et en la fin, ilz les égênent et privent de tous leurs
l>iens, fors de ce que par contraincte elles doyvent avoir;
encore, si leurs marys leur pouvoyent osier vulentiers le
ferovent.
CXLI
De i(( fenime ([iii demande remède
a un p l'être -.
Zuccaro, le meilleur compagnon qui se puisse
rencontrer, racontait souvent qu'une de ses voi-
sines dont labeauté n'était pas à dédaigner, restant
stérile, demanda, à mainte reprise, à son confesseur
s'il ne connaissait pas un remède pour avoir des
enfants, (^elui-ci lui répondit enfin affirmativement,
et lui dit de le venir trouver un jeudi, jour propice
à la chose. Lorsque cette femme, qui mourait d'en-
vie d'avoir des enfants, fut chez le prêtre, celui-ci
lui dit : — « Je vais employer un charme qui fait
1. Narralio (iiiwdam/iicltari de vtullierepresbijlero mcdelam quœ~
renie. Opéra CXLt. — Noël I, liiJ; II, IJO. — Goillaume Tar-
dif : De la femnKj qui se conseille de ung confesseur pour avoir
des enfans, LXXVIII, p. ^l'i. — Liseux CXLI, t. II, p. 30.
Bernard de p,a Monnoye : Maffia ^Saluralis.
18'i LES FACETIES DE POGGE
que l'on croit réelles des choses qui ne sont abso-
lument que des illusions. Armez-vous donc de
patience et de courage. Vous croirez que je vous
caresse, que je vous baise et vous embrasse,
et que môme, j'agis comme votre mari dans l'in-
timité la plus grande. Il n'en sera rien cependant,
mais cela vous paraîtra réellement être ainsi par
la puissance des paroles magiques. » La femme,
se fiant au compère, accepta en disant qu'elle
ne serait point troublée par ses sorcelleries.
Le prêtre, après avoir fait mille passes caba-
listiques et murmuré des mots mystérieux à
l'oreille de la femme, finit en l'embrassant, parla
jeter sur le lit, et comme celle-ci toute tremblante
lui demandait ce qu'il faisait, le compère répon-
dit : — « Est-ce que je ne vous avais pas prévenu
d'avance que vous prendriez des illusions pour des
réalités. » Il fit, par deux fois, subir à la pauvre cré-
dule l'opération magique, en lui persuadant que
ce n'était qu'illusion ; et celle-ci rentra chez elle
persuadée qu'elle avait rêvé.
En ceste Facécie est monstre une fulace, par laquelle
sont déceuz moins simples gens, quant ilz vont quérir con-
seil à quelque ung à ([ui ilz ont conlidence, et celluy par
persuasions et donner faux à i-ntendre le droit, ainsi comme
le prestre qui deçeut la fille de confession, laquelle, de la
simplesse et imbécilité, en bonne confidence s'en allait
conseiller à luy, afin que il luy donnast enseignement pour
avoir des enfans; soubz umbre de bien la conseiller, il la
decepvoit en luy faisant croire tout le contraire que c'estoit
vray.
LES FACETIES I>E I'0(W;E 183
ex LU
D'un ennile qui séduisit beaucoup
de femmes ',
Il y avait à Padoue, du temps de François le
septième duc. un certain ermite appelé Ansimirio
que l'on vénérait comme un saint et qui, sous le
couvert de la confession, abusa de bon nombre de
dames et des plus nobles. La chose s'étant
ébruitée i car l'hypocrisie ne peut demeurer long-
temps cachée;, l'ermite fut arrêté par le Prévôt,
il avoua ses nombreux méfaits, et on le conduisit
par devant le duc Francisco. Celui-ci, ayant
auprès de lui un de ces secrétaires, demanda au
1. De evmila (/ui mnltns mnllieies in conmhita hahint. Opéra
CXLII. — XoEL I, 151; II, l.)2. — Guillaume Tardif LXXIX,
p. 218, Po(/r/ia?ia, t. Il, p. 207. — Estienne : Àpolloqie, ch. XXI,
§ B. — Chroniques burlesques, p. 293. La curiosité bien payée.
— Histov-es (galantes : Les bas verts, p. 119.
LA CURIOSITÉ PUNIE
Un cordelier connu pai* ses prouesses,
Fut convaincu de vivre en débauché.
— Oui, j'ai, dit-il, j'ai maintes fois couché
Avec nonnains, baronnes et duchesses.
De les nommer, le prince le somma.
Dames sans nombre, à l'instant il nomma.
— Point de réserve ou vous damnez votre âme,
Reprit Artliur, Dieu vous écoute ici.
— Ah ! reprit l'autre, étant la chose ainsi,
A cette liste ajoutez... votre femme.
MÉN'ARD DE Saint-Just, Espii'qk'ries Joyeuses.
186 LES FACÉTIES DE POGGE
bonhomme, histoire de s'amuser, les noms des
dames qu'il avait connues. L'ermite en cita un
grand nombre, dont une bonne partie apparte-
naient à la cour du duc ; le secrétaire les inscrivait
tous pour pouvoir s'en amuser. Lorsqu'il eut fini
ses révélations, le duc lui demanda s'il n'avait
pas oublié quelques noms. Lhomme déclara avec
persistance que c'était tout; mais le secrétaire
l'ayant durement menacé d'employer la force, s'il
ne dénonçait pas toutes les femmes : — « Ajoutez-
y aussi la vôtre », dit l'ermite avec un soupir. A
ces mois, la plume s'échappa des doigts du secré-
taire piqué au cœur. Le duc partit d'un grand
éclat de rire, dit que c'était bien fait, et qu'un
homme qui avait eu tant de plaisir à la honte des
autres méritait d'être compris dans la môme con-
frérie.
En ceste Facécie y a ung très bon sens moral pour cevilx
qui veullont dospriscr aultruy cl sont bien ayses quand ilz
oyent dire quelque macule sus leur prochain pour les des-
priser et ne i-Cf^-ardent pas qu'il en ont autant et plus sur
eulx, ainsi que le secrétaire <]ui y(»u1u scavoir les noms
des femmes (|ui se estoyent mal portées avec l'hermite
pour desju'iser leurs marys et toutes foys la sienne n'en
avait p;is moins. Ainsi appert ([ue volontiei's un railleuret
despriseur d'auUrui est souventes foys le plus raillé ettou-
jours le plus desprisé.
LES FACETIES DE POGGE 187
CXLIIÏ
1/ un jeune florentin surpris cf^'ec sa helle-nière '.
Un jeune homme de Florence était l'amant de
sa belle-mère. Or, un jour son père les surprit en
llagrant délit ; sous le coup de cette chose mons-
trueuse, il se mit à invectiver son tils de la plus
dure façon. Celui-ci, en balbutiant, cherchait à
excuser son crime. Comme la dispute prenait de
grandes proportions, un voisin attiré par les cris
vint pour mettre la paix. S' étant enquis du motit
de la querelle, personne ne souffla mot, à cause du
déshonneur de la famille, mais il insista tellement
que le père finit par dire. — C'est la faute de mon
fils.
1. i)e florentino quodam jiivene qui novercam siiam pibegit.
Opéra CXLIII. — Xoi-l I, 182; II, 143. — Guillaume Tardif :
De ung Florentin qui cogneut la femme de son père, LXXX,
p. 221. — LiSEUx CXLIII, t. II, p. iO. — Cenl Nouvelles noii-
rellcs, nouv. L. Change pour change, p. 223, édition Garnier.
— Le Singe de Sa Fontaine : Le gascon discret.
LA RÉCIPROQUE
Un très beau gars de dix-sept ans
Caressait au lit sa grand-mère.
Lorsque, sur l'heure, entre son père,
Celui du jeune homme, s'entend.
— Que vois-je, dit-il, jarnidienne!
Tu baises ma mère, fripon!
— Eh ! parbleu, repart le mignon.
Papa, vous baisez bien la mienne.
MÉNARD DE Saint-Just, Espiègleries.
188 LES FACÉTIES DK TOdUE
— Mais non, répliqua le fils, c'est lui qui a com-
mencé, il a fait plus de mille fois l'amour avec ma
mère, sans que je lui aie jamais rien dit, et ne
voilà-t-il pas que pour une fois que je touche à sa
femme, bêtement sans réflexion, il se met à crier
comme un fou. » Le voisin ne put s'empêcher de
rire à cette plaisante réponse, et il emmena le père
pour le consoler de son mieux.
En ceste Facécie n'y a pas granl sens figuratif, mais
y est montré ung grantvice dont eu plusieurs escriptures
est faif.te mention d'aulcunes faul(;es noverques, ([ui sont
incontinentes et impudirques, que mêmes avecques les
enfans de leurs marys, veuUent communiquer, ainsi que
cell'^ dont est faicte icy dessus mention.
CXLIV
A propos; cVun porlrait de Sdinl-François'^ .
Des religieux de l'drdre des Frères Mineurs
désirant faire exécuter un tableau représentant
Saint-François, firent venir un peintre. Ils
n'étaient pas d'accord sur le sujet à traiter. L'un
désirait que le saint fut représenté avec ses
stigmates, un autre, qu'on le montrât prêchant le
peuple, un troisième proposait une nouvelle atti-
1. Disccptatii) Fialnim Minontm pro imagine sancli Francisa
fmuhi. Opern CXLIV. — Xoei, I, i:)3; 11. l'i:^. — Liskux, t. II.
]). 4?. — KisTKi.iiunicR LXII, p. Sti. — Lbnfant. 1. II. lA'l, p. ;M(i.
LKS FACÉTIES DE FOGGE 189
tilde. La journée s'acheva, sans qu'après la dis-
cussion aucun avis ne prévalut. Les religieux
allèrent se coucher, laissant le peintre dans un
grand embarras. Prenant ces hésitations pour une
moquerie, il peignit, à titre de représailles,
Saint Frant^^ois jouant de la flûte, d'autres disent
pendu par le cou, puis il s'esquiva prompte-
ment. Lorsque les relig-ieux eurent vu cette
peinture, ils cherchèrent l'artiste pour lui repro-
cher son inconvenance, mais il était déjà loin. A
leur avis, il avait on ne peut plus gravement outra-
gé la Religion et mérité ainsi un châtiment exem-
plaire.
CXLY
D'un prêtre de Florence qui était allé
en Hongrie ^
D'après un usage établi dans le royaume de
Hongrie, ceux qui ont les yeux malades, s'appro-
chent de lautel après la messe, et l'Officiant
verse sur eux l'eau des ablutions, en récitant
quelques textes tirés des Saintes Ecritures, afin
de leur rendre la santé. Il y a longtemps déjà,
un prêtre de Florence accompagna en Hongrie,
1. De saceidole Florentino "^qui in IIuiKjaiiaiti iceral. Opéra
CXLY. — XoKL I, l.^'i; II, 143. — Liseux, t. II, p. 43. — Ri3-
TELHUBER LXIII, p. 90. — Lenfant, t. II, VIII, p. 217.
11.
190 LkS FACÉTIES DE P0<.(1E
Philippe, surnommé l'Espagnol , Cet ecclésias-
tique, ayant un jour célébré la messe en présence
de FEmpereur Sigismond, plusieurs assistants
qui souffraient du mal aux yeux s'approchèrent,
suivant la coutume, afin d'être aspergés avec
l'eau du calice. L'Officiant, supposant que le
mal dont on se plaignait provenait de l'ivro-
gnerie et du manque de soin des infirmes, prit le
calice, comme il l'avait vu faire et répandant le
contenu sur ceux qui l'entouraient, il dit en italien:
« Andatcmene, che siale morli a ghiado! »
autrement : « Fichez le camp, allez vous faire
couper le cou! » L'Empereur comprit parfaite-
ment et ne put s'empêcher de sourire. Le lende-
main, ayant répété, pendant le repas, les paroles
du prêtre, il provoqua l'hilarité générale; seuls,
ceux qui avaient mal aux yeux ne prirent pas la
chose si gaiement.
CXLVI
Réponse d'un paysan à son propriétaire ^
Un paysan de chez nous, à qui son propriétaire
demandait en quelle saison il avait le plus de tra-
vail répondit : — u Au mois de mai. » Cela parut
1. Responsio lustici ad pairntium sui fundi. Opéra GXLVI. —
Noël J, 15G; II, 144. — Lenfant, t. II, p. 209. — Liseux GXLVI,
t. II, p. 'i5.
LES FACKTIES DE l'OGGE 191
assez surprenant, car à cette époque, il y a ordi-
nairement peu de chose à faire dans les champs.
Voyant lair étonné du propriétaire, le paysan
ajouta : — u Eh oui! puisqu'il nous faut alors
besoigner nos femmes et les vôtres. »
CXLVII
Ridicule alloculion '.
Certain Romain, bien connu, grimpa un jour
sur un mur entouré de roseaux et se mit à parler
à ces derniers comme s'il eût harangué le peuple,
à propos des affaires de la ville. Pendant qu'il
pérorait, un vent léger ayant courbé les tiges
des roseaux, notre extravagant orateur feignit de
croire que c'étaient des hommes qui inclinaient
la tête devant lui en signe d'assentiment : — « Pas
tant de révérences, s'écria-t-il, Messieurs les
Romains, je suis le moindre d'entre vous. »
Cette exclamation est depuis passée en pro-
verbe.
1. Ridicuîosi hominis diclum. Opéra CXLVII. — Noël I, 156;
II, 144-14Ô. — Poçigiana, t. II, p. 2()5. — Liseox, t. II, p. 46. —
RisTELHUBBR LXIV, p. 9 1 . — BoN. DES Périers, nouv. LXXVI :
Du légiste qui se voulut exercer à lire et de la harangue qu'il
fit à sa première lecture, p. 198, édit. Garnier. — Pascal :
Pensées : L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la
nature, mais c'est un roseau pensant.
19,? LES FACÉTIES DE POGGE
CXLVIII
A propos du vol d'un porc •.
En certain bourg- du Picentin, il est dusage
d'inviter les voisins à dîner, lorsqu'en hiver on tue
un porc. Un villageois, voulant se soustraire à cette
coutume, demanda conseil à son compère : — « Tu
diras demain, répondit celui-ci, que ton cochon
a été volé pendant la nuit. » Efi'ectivement, tan-
dis que notre homme était sans défiance, l'animal
fut enlevé parle compère avant le lever du soleil.
Le matin venu, le propriétaire, constatant la dis-
parition de l'animal, s'écria : — « On ma volé mon
cochon !» — « Fort bien, compère, dit l'autre, c'est
là ce que je t'ai appris. » Le volé jurant par tous
les Dieux que ce qu'il avançait était l'exacte
vérité : — « De mieux en mieux, lu mets à mer-
veille en pratique ce que je t'ai enseigné hier »,
insista le malin. La dupe, ainsi bernée, prit le
parti de se retirer.
1. Derisio hnniinis forcuni occitleve voleiilis. Opéra CXLA'llI. —
XoEL l, lj7; H, 145. — Liseux, t. Il, p. 47. — RtHjer liniileinps
Cil belle liumeiiv : D'un homme qui déroba le pourceau de son
voisin pour une subtile inventioti, p. 152, traduit dans —
Coiiti lin riileie, t. II, p. 31, — Dictionnaire d'aiwcdoles, l. I,
p. '.iSS. — lirocalious l'raiiraises, t 1, p. IVi.
LES FACKTIES DE l'UGGE 193
CXLIX
Bon mot de Faciiio Cane '.
Faciiio Cane, général au service de la faction
Gibeline ', s'étant emparé de Pavie, d'après les
ordres reçus, pilla d'abord les biens des Guelfes.
Cette besoene achevée, il livra aussi les maisons
des Gibelins, sous prétexte (ju'on y avait entassé
les trésors des Guelfes. Les Gibelins vinrent se
plaindre, déclarant qu'il était inique de les dé-
pouiller eux aussi : — « Vous avez raison, mes en-
fants, » répondit Facino Cane, « tous vous êtes
Gibelins, mais vos biens sont Guelfes •'. » Cette
interprétation permettait ainsi de s'approprier
indistinctement les biens de l'une ou de l'autre
faction.
1. I)iil\t)ii Facini Canis. Opéra CXLIX. — Noël I, 158; II, 143.
— RisTKi.HUBER LXV. p. 92. — LiSKux, t. II, p. 48. — Lenfant,
t. II. XL. p. 20S et 2G5.
2. Les Gibelins turent priaiilivciiiLiit ^1138) les partisans de
la famille de Ilohenslaufen, et les Guelfes ceux de la maison
de Bavière. A la fin tlu xiv" siècle, ces mots avaient perdu leur
signification primitive; ils restaient dans la Péninsule comme
des mots de ralliement à l'usage des partis ennemis.
3. En 1403, les bouchers de Milan vendaient publiquement
au marcbé la chair des Gibelins, (fl).
194 LES FACÉTIES DE l'OGGE
CL
D'un jeune homme inexpérimenté qui ne con-
nut point sa femme la première nuit de ses
noces K
Un jeune homme de Bologne, niais et sot
autant qu'il est possible de l'être, avait épousé
une jeune fille fort jolie; mais, n'étant point au
courant des choses, il ne put arriver à consommer
le mariage la première nuit de ses noces. Le len-
demain matin, comme un de ses camarades lui
demandait si tout s'était bien passé, il répondit:
— « Mal, car j'ai eu beau chercher, il ne m'a pas été
possible de trouver l'entrée dont on m'avait parlé.»
Voyant sa bêtise, l'ami lui dit : — « Tais-toi, je t'en
supplie, et ne dis absolument rien à personne, car
si cela se savait, quelle honte pour toi ! » Le jeune
homme demanda aide et conseil à son camarade.
— « Ecoute, lui dit celui-ci; si tu veux m'ofï'rir un
bon diner, je me charge de t'ouvrir la porte; mais
pour cela il me faut bien huit jours, la besogne
n'est pas commode! » Le sot y consentit et secrète-
ment l'introduisit, la nuit, près de sa femme, pen-
1. De Adolescente qui ignarns renim uxurem prima nocle tion
coçfitovit. Opéra CL. — Noël I, 158. — Guillaume Tardif : Du
jeune sot qui ne sceul trouver le lieu pour habiter sa femme la pre-
mière nuyt, LXXXI, p. 22i. — Liseux CL, t.'Jl, p. 49.
LES FACKTIF.S ItK l'oddE 195
dant que lui-même se couchait en un autre lit. Au
bout du temps convenu, la voie étant ouverte sans
qu'il y ait d'épines à redouter, gràoe à son travail,
l'ami appela l'époux, lui dit qu'il avait beaucoup
sué à son service, mais qu'enfin l'ouverture qu'il
avait tant cherchée était maintenant pratiquée. La
jeune femme, mise au courant par son mari de ce
qui s'était passé, loua beaucoup le travail de cet
ami et notre idiot, très satisfait d'avoir enfin une
femme perforée, remercia son camarade et paya
le souper.
En ceste facétie n'a point de sens moral, mais seiille-
ment y est monstrée une bénivolence de ungjhomme, c'est
d'estre si simple que bailler sa femme à percer, laquelle
chose ne feroient pas beaucoup de gens, témoing-s ceux
qui cecy verront.
GLI
Singulière raison d'un berger '.
La femme d'un berger de Riva, bourg très froid
de la montagne, avait de fréquents rapports avec
son curé, il en résulta un enfant, qu'elle éleva
dans la maison de son mari. Lorsque cet enfant eut
1. De uxore parloris quœ de sacerdole filium hobuit, Opéra CLI.
— Noël, I, 161, II, 146. — Lenfant : Poqgiana, t. II, p. 209.
LiSEUx, CLI, t. I, 32. — D'un Posiore Nouvelle méthode italienne
de iMM. de Port-Royal, 1736, p. 152. Anonyme (cité parj Noël).
Conscientia postoris, t. II, p. 116.
196 LES FACÉTIES DE POGGE
atteint VAge de sept ans, le prêtre avec de bonnes
paroles fit comprendre au berger que puisqu'il en
était le père, il désirait en conséquence l'emmener
avec lui au presbytère. — « Point du tout, répliqua
le berger, je veux pour moi cet enfant né dans ma
maison. Ce serait en effet méconnaître mes intérêts,
comme ceux de mon maitre, si, après avoir fait
couvrir ses brebis par les béliers des voisins, je
m'avisais de donner à ces étrangers les agneaux,
sous prétexte qu'ils sont les produits de leurs
béliers .
CL II
Le paysan cl les ânes chargés de froment '.
Un paysan s'étant présenté dans l'Assemblée
des Magistrats de Pérouse pour y solliciter une
grâce, sa demandef ut traitée de malhonnête parl'un
d'eux. Le lendemain, notre liommc, mieux con-
seillé, conduisit chez celui \:.\\\ ;r,(Uf re{)oussé sa
requête, trois ânes chargés de blé. (Juatre jours
après, l'opposant, ayant changé d'avis, plaida avec
chaleur la cause du paysan. Pendant qu'il discou-
rait, son voisin s'adressant aux autres : — « Enten-
1. De rusiico qui asinos oiiiislO!< (hdu.ril fnnneiilo. Opéra CLII.
— Noël I, IGl; H, 147. — Ristelhoubr LXVII, p. !)î. — Lkn-
FANT, t. 11, XLll, p. -Ml. — Li.stux, t. II, p. bli.
LES FACKTIES I)K l'(H,(iK 197
dez-vous. dit-il comme les ânes braient, » Allusion
aux sacs de blé acceptés '.
CLIIl
D' un poin're et cl' un riche '-.
Lu riche, soigneusement enveloppé dans de
ihauds vêtements, se rendait pendant l'hiver à
Bologne. Au milieu des montagnes, il rencontra
1. « Il y avait un bon paysan qui avait gagné son procès et
était allé parler à son procureui-, qui lui avait donné avis d'aller
voir le conseiller qui avait été rapporteur, afin qu'il le remer-
ciât. Ce bonhouime allant, pensait en lui-même que possible
il lui faudrait donner quelque chose; toutefois il s'assura qu'il
aurait tant de conscience qu'il ne lui demanderait plus rien,
vu que pour payer les épices, il avait même été contraint de
vendre sa vache, seul reste de son bien. Le pauvre homme vint
saluer monsieur son rapporteur, qui lui dit : Mon bon ami, je
vous sais bon gré de m'étre venu voir; je prends plaisir à m'em-
ployer pour les gens de bien; remerciez Dieu que vous ayez eu
tel qui vous a conservé votre droit... » Or, il y avait dans la
même salle une peinture qui faisait une chasse en un paysage
où il y avait plusieurs sortes d'animaux que ce paysan se mit
à regarder. Le conseiller lui dit : « Que regardez-vous là, bon-
homme?— « Je regarde si, entre tant de bêtes qu'on vous
donne, ou qu'on emploie pour vous apporter de l'argent, je ne
verrai point ma vache; au moins que la moitié y fut, pour ce
que vous l'avez bien eue et davantage. » — Beroald de Ver-
viELE . Moyen de parvenir, LXXV; édit. Garnier, p. 270.
2. Facetum diction pauperis ad dirilem fnqintem. Opéra CLIII.
— Noël I, 161; II, 147. — Ristelhuuer LXVIII, p. !)4. — Li-
SEDx, t. H, p. 54. — Lenfant, t. Il, LIX, p. 218. Dictionnaire
d'anecdotes, 1781, t. I, p. 3.j2. D'un Gascon qui n'avait pas froid
l'hyver. — Passe-temps açfri'ablcs. p. 21(i. — Noureaux contes à
rire, p. 212. — Contes à rire on Récréation française, p. .^)2.
198 LES FAr.ÉTIES DE POGGE
un pauvre paysan couvert seulement d'un
justaucorps tout usé. Admirant le renoncement de
cet homme, si légèrement vêtu pendant que la
neige tombait et faisait rage, il lui dit : « Le froid
ne t'incommode donc pas? » — « Nullement! »
répondit avec gaieté le malheureux. Stupéfait de
cette parole, le riche ajouta : — « Je suis transi
dans mes fourrures et toi qui es à peine couvert,
tu ne ressens pas le froid; c'est extraordinaire. » —
« Ah! dit le paysan, si vous portiez, comme moi,
tous vos vêtements sur le dos, vous n'auriez pas
froid. »
CLIV
D'un montagnard qui voulait épouser une jeune
fille K
Un montagnard du bourg de Pergola devait
épouser la fille d'un de ses voisins. Après l'avoir
1. De moiitann qui filliam desponsare volebal. Opéra CUV. —
Noël, Probata fœconditos I, 162, II, 148. — Guiki.aumk Tardif :
D'unij inonlnuiiiinjs qui reffusoit une jeune fille puarce qu'elle esloil
trop jeune, LXXXIII. p. '2'27. — Liseux, CLIV, t. Il, p. 55. —
RisTKLHUBER, LXIX, j). '.}('). — Le Tnmlieau de la mélaneholie :
Plaisant traité de mariage, p. 106. — Gekahdus Dicœus. Pro-
bata fœconditas (en vei's latins). — (iuiL. Bouchet. Sérées. —
LoD. GuiciARDiM. Hore di i-icreatimie, p. 255.
EPI GRAMME
Blaize aimait certaine donzelle,
II l'épousa. Dès la première nuit,
En la caressant il lui dit :
],F,S FACÉTIES DE 1'0(;(;E 199
bien examinée, il refusa sous prétexte que la fille
était trop délicate et trop jeune. — « Elle est plus
mûre que tu ne crois, répliqua l'imbécile de père,
la preuve c'est quelle a déjà eu trois garçons avec
le clerc do notre curé '. »
l-]n ceste facétie est montré une des déceptions du
mariage, car aulcunes foys tel croy de prendre femme
pucelle qui bien la prend aultre, ce qu'il ne feroit pas
quand on luy dirait ainsi que dit le père de la fille, qui
dist au niontenoys qu'elle avait eu trois enfans du
clerc au curé de la fille, ce que beaucoup de gens ne
diroient pas de leur fille, et en eust elle eu demye dou-
zeine.
CLY
La dime '- .
Il y avait à Bruges, ville célèbre de l'occident,
une jeune femme par trop niaise, qui se confessait
k son curé. Celui-ci lui demanda, entre autres
choses, si elle payait bien les dîmes qu'elle devait
— « J'ai peur que nos plaisirs, dans quelques mois, Machelle,
Ne te coûtent bien du tourment?
— Ne crain's rien, lui répond la naïve femelle,
Blaize, j'accouche heureusement. »
Anonyme, XVIII» siècle, cité par Milel.
1. Guillaume Tardif ajoute plaisamment : « Lors fut ledict
monténoys plus descouraigé que jamais, car le père luy allè-
guoit ung' accident en sa fille, qui n'estoit pas bon pour aider
à faire le marclié; pourtant s'en retourna sans marchander.
2. De preshytera qui adolescoilnlœ (leci)tias dure pnrccpit. Opéra
CLV. — XoEL, I. 1G3, II, liO. — Guillaume Tardif, LXXXIII :
200 LES FACÉTIES DE POGGE
au clergé, mrme celle de l'amour à laquelle elle \
était ég-alement tenue. La jeune femme, ne vou-
lant rien devoir à j^ersonne, paya cette dime sur-
le-champ. Pour expli(|uer son retour tardif à la
maison, elle conta, sans aucun embarras, la chose
à son mari. Notre homme ne dit rien, mais à quatre
jours de là, il invita le curé à diner avec quelques
personnes, pour donner plus d'importance à l'af-
faire. Lorsque tout le monde fut à table, il raconta
d'abord l'histoire, puis se tournant vers le prêtre,
il lui dit : — « Puisqu'il te faut la dime de tout ce
qui est à ma femme, tu prendras aussi celle-là. »
l']t aussitôt, il fit mettre sur la table, devant le
prêtre, un vase rempli de merde et d'urine de sa
femme, que celui-ci fut contraint d'avaler jusqu'au
bout.
En ceste Facécie peult estre notée la maulvoislié d'ung-
maulvois conseiller que soubz umbre de vérité, donne en-
tendre auculne faulceté, comme le curé qui, soubz umbre
de confession et de payer et acquitter la décime, déçeut
la pouvre simple l'emine qui adjousta foy à ses ditz.
De celuy qui fisl mançfer au prestre la disme des estvoiis de sa
femme, p. '2"20. — Liseux. CLV, t. II, p. 56. — Les Cent Nouvelles
7wuvelles, XXXII. — Les Dames Dismées, p. 151. Edit. Garnier.
— La Fontaine. Contes : Les Cordeliers de Catalogne. Edit.
Garnier p. 6'i. — Gavin : Le passe-pai-tont de l'E(jlise romaine,
t. I, p. 347. Relation de ce qui est arrivé à un moine Irlandais.
— Frisciilini : Faceti(C. De quelle conli tente.
LES FACETIES ])E POGGE 201
CLVI
D\in médecin qui viola la femme malade
d'un tailleur '.
Un certain tailleur de Florence pria un médecin
de sa connaissance, d'aller voir sa femme qui
était soulfrante. Le médecin se rendit à la maison
à un moment où le tailleur était absent, et malgré
la résistance de la femme, abusa d'elle dans son
lit. Le mari, en revenant chez lui, rencontra le
médecin qui sortait et celui-ci lui déclara ([u'il
avait fait tout ce qu'il fallait pour guérir sa
femme; mais, en entrant, le tailleur trouva celle-ci
en larmes et toute abattue.
Ayantapprislaperfidie du médecin, notre homme
dissimula d'abord, puis au bout d'une huitaine de
jours, muni d'une étoffe fort belle, il se rendit
auprès de la femme dudit médecin, lui conta que
\.Be medico qui uxorem suions iufirtnatn subeçiit. Opéra CLVI.
— Noël I, 164, II, 130. — Ristelhuber : Le Talion LXXI, p. 98.
— LiSKUx, CLVI, t. II, p. h~i. — BoccACE, VIII. .Journée Nou-
velle, 8, p. 39Î, Edit. Garnier. — Cent Nouvelles nourelles, III :
La Pesche de l'aueau, Edit. Garnier, p. 13. — Libru délia origine
delli volgari pvoverbi di Aloyse Cinthio degli Fabeitii : prov.
XVI. — Straparola. 7.C Piaceioli notli VI. L. — Boxaventure
DES Perriers. NouicUes récréations, nouv. IX. De celui qui
acheva loreille de l'enfant à la l'eiume de son voisin, Edit-
Garnier, p. 35. — Estienne. .l^o/of/ie, ch. XVI fi 10. — Malespini
I, nov. 45. — La Fontaine. Contes : Liv. II, Edit. Garnier,
p. 57, I : Le Faiseur doreilles et le racconunodeur de moules.
— De Tuéis : Le singe de la fontaine, t. I, p. 124.
202 LES FACÉTIES DE POdGR
c'était son mai'i qui l'envoyait vers elle, pour lui
faire un vêtement de dessous, ce qu'on appelait
une cotte. l*our cela, disait-il, il fallait que la
femme, fort bien faite, se déshabillât en grande
partie atin de pouvoir bien prendre exactement
les mesures du corps. Quand, loin de tous re-
gards, elle se fut mise à nu, le tailleur s'en empara
par force, rendant au médecin ce que celui-ci lui
avait baillé, ce dont il l'informa plus tard.
CLVII
D' un Florenlin fiancé à la fille d'une vcuveK
Un Florentin, qui se croyait très malin, étant
fiancé à la tille d'une veuve, venait souvent,
comme c'est l'habitude, rendre visite à sa future,
même en l'absence de la mère. C'est en cette cir-
constance qu'il lit plus ample connaissance avec
1. De FloreiiliiKi qui filitiin ridiKP desponsarcrat. Opéra (>LVI[.
— Noël, I 165,11. 151. — Guillaume Taudif, LXXXIV. p. 232.
— RisTELHOBKR, LXXII. Lcs avcux i)tdisc)-cts, p. 100. — Liseux,
GLVII, t. II, p. 59. Les Cent Nouvelles nouvelles, n" VIH. Garce
pour yarce, édition Garnier, p. 30. — Malespini. I nov. 18. —
D'Où VILLE : Naïveté d'une dame à son mari. — Fkischlini,
p. 18 : Par pari relalum. — La. Fontaine. Coûtes Liv. V.
conte 5. Les aveux indiscrets, édit. Garnier, p. 387. — Coules à
rire: La liancée ingénue, p. 100. — Ingénuité d'une femme à
son mari la première nuit de ses noce.s, ibid., p. 73. — Récn-a-
(ioiis françaises d'un liancé à sa fiancée, p. 72.
LES FACKTIES DE POGGE . 203
la fille. Rien qu'à la mine de son enfant, la mère
devina ce qui s'était passé, elle se mit à la gron-
der vertement, à lui reprocher d'avoir déshonoré
la maison, finalement lui déclara que son mariage
n'était point encore chose décidée, et qu'elle ferait
tout pour l'empêcher. F.e Florentin, qui guettait le
départ de la veuve, s'empressa d'accourir et trou-
vant la jeune fille tout affligée, lui en demanda la
cause. Il comprit, alors, que l'on voulait rompre
le mariage. — « Eh bien, qu'est-ce que tu en dis?
fit-il. — Je veux obéir à ma mère, répondit la
jeune fille. — Cela t'est facile, » répliqua le
fiancé. Comme elle cherchait la façon de s'y
prendre, celui-ci lui dit : — « Tu étais dessous
la première fois, il faut maintenant que tu te
mettes dessus, et par ce moyen inverse, notre
mariage sera rompu. » Elle y consentit et l'union
projetée fut rompue. Plus tard, elle se maria
avec un autre, et le jeune homme, de son côté,
épousa une autre femme. Le jour des noces de
celui-ci, les deux anciens fiancés s'étant rencontrés,
ne purent s'empêcher de sourire au souvenir du
passé. La mariée, ayant remarqué la chose, en eut
quelques soupçons; la nuit même, elle demanda à
son époux ce qui avait provoqué ses sourires.
Celui-ci hésita, mais comme elle insistait, il lui
conta la sottise de son ex-fiancée. « — Que Dieu la
confonde ! s'écria la mariée, était-elle assez bête
d'aller conter cela à sa mère ! Qu'avait-elle
besoin de dire ce que vous aviez fait ensemble.
20i LES FACÉTIES DE PO(i<,E
}
Tiens, moi, notre domestique m'a lait plus de
cent fois la chose. Eh bien ! je n'en ai jamais rien
dit à ma mère. » i.e mari se tut, comprenant que •
c'était la monnaie de sa pièce.
I
CLVITl
D'un tisiii-ier de Vicence '.
Un usurier de Vicence insistait continuellement
près d'un Religieux, prédicateur distingué et jouis-
sant d'une grande intluence, afin qu'il employât
l'autorité de sa parole contre les usuriers pour que
leur odieux commerce, très répandu dans la ville,
fut maudit. Le Religieux ne pouvait comprendre
tant d'importunité à ce sujet. Quelqu'un, surpris
1. De fœniratorc Vicciifino. Opéra GLVIII. — Noël J, 167; ll^,
151-154. — RisTKLHUBER LXXllI, p. lui. — Lenfant, t.II.XLIlI,
p. 209. — LisEux, t. II, p. (ri. — Estienne, Apologie, oh. XVI,
(; IG. — Baraton, poésie : L'Usurier. — Oottsched : («rammaire
allemande, 1736, p. 521. — Desforges-Maillard, Poésie '■
L'Usurier et son Curé. — Dessillons, Faiclhi cite par Noi'l.
— Dictionnaire d'auecdotes, t. Il, p. 382.
Un orateur prêchait contre l'usure,
Et di^monfrait par la Sainte Ecriture,
Que ce trafic est réprouvé de Diou.
« Le lieau sermon, dit un fosse-mathieu,
Puissé-je voir cefle mâle éloquence
Produire ici mainte conversion!
Pour moi, bientôt, ([uelle fortune immense,
Si j'étais seul de la profession !
Harduin : Aliiiauach des Muses, 17X(I.
LES FACÉTIES DE l'OGGE 205
de l'ardeur que notre homme déployait pour faire
vilipender le métier dont il vivait, lui demanda
quelle était la cause de son zèle étonnant : —
« C'est, dit-il, qu'il y a tant d'usuriers à Vicence,
que peu de clients viennent chez moi et que je
n'ai aucun gain. Si l'on persuade aux autres de
cesser leur commerce, le proiit qu'ils en retirent
me reviendra. » Je tiens cette histoire du Reli-
gieux, qui me l'a contée depuis en riant.
CLIX
Histoire très plaisante du cuisinier GianninoK
Giannino, maître queux de Baronto de Pistoja,
qui avait exercé l'art culinaire à Venise, raconta
au diner des secrétaires cette histoire très amu-
sante. Un imbécile de Vénitien, ayant reçu un
soufflet, voulait absolument avoir des fils pour
venger cette injure; mais comme sa femme était
stérile, il pria un de ses amis fort habile dans
l'art de faire des enfants, de venir à son aide.
Celui-ci promit d'y mettre tout son zèle et prit le
rôle du mari. Un jour donc, que pour ne pas gêner
l'opération, il se promenait par la ville, pendant
qu'on labourait son champ, il se trouva face à
Fabula facetissitna Ja II lùiii cnqiii. Opéra CLIX. NoioL 1, 168.—
LisEUx, CLIX, t. JI, p. 03.
206 LES FACÉTIES I)K l'UGGE
face avec son ennemi toujours plus menaçant.
— « Holà ! fit-il en secouant la tête, tais-toi, imbé-
cile. Tu ne sais pas ce qui se perpètre contre toi
à la maison. Car si tu t'en doutais, non seulement
tu cesserais de m'injurier, mais tu tremblerais
pour toi. Car il se fabrique, tu peux me croire,
il se fabrique celui qui sera mon vengeur! »
GLX
Du cavalier Vénitien qui portait ses
éperons dans sa poche '.
Il (Giannino) nous raconta aussi un autre trait
de même force. Un habitant de Venise étant monté
à cheval pour aller en villégiature, portait ses
éperons dans su poche. Le cheval allait lente-
ment et marchait comme à regret et le cavalier lui
talonnait les flancs en disant: — « Tu n'avances
pas, si tu savais ce que j'ai dans ma poche, tu
changerais d'allure. »
1. De fatuo Vcnelo qni equilans calcaria in sinu gestehat. Opéra
CLX. — Noël I, 16i); II, 154-157. — Liseux, t. II, p. G4. —
Vauguelin DE LA Fresnaye : Salyrcs. — «Je nialcoinpare à colon
Chevalier, etc. — Lodovico Arioso : Satyr V. — Henricos
Babehus : Af<iumc)tlum facwlianini, Lih. H, Gelasius : fabuUe.
— Le facétieux réveil matin, p. 90. — lUxjcr-liontetnps en belle
humeur : Niaiserie d'ua cordelier. — J. B. Rousseau, lîpi-
ijram : Un noble fut dans Venise estijné; édit. Garnier.
I
LES FACÉTIES DE POtifiE 207
CLXI
/)"//// Vé/iilicn slupide qui fui roulé par un
cita r hit (tu '.
Il nous conta encore une autre histoire qui nous
lit beaucoup rire. 11 était venu à Venise un char-
latan ambulant, nous dit-il, qai avait fait peindre
sur son enseigne un Priape divisé par plusieurs
cercles. Un quidam de Venise s'élant approché,
demanda ce que signitiaient ces cercles. Le charla-
tan, en manière de rire, lui dit que son Priape
était fait de telle nature, que si avec une femme,
on n'employait que la première partie, il engen-
drait des marchands; avec la seconde des soldats;
avec la troisième des généraux; enfin avec la qua-
trième des Papes ; le prix variant selon la qualité
des personnages demandés. Notre idiot le crut;
après en avoir parlé à sa femme, il manda le
charlatan dans sa maison et fit marché avec lui
pour qu'il lui procréa un fils militaire. Lorsque
celui-ci se fut, avec la femme, mis à la besogne,
le mari, feignant de se retirer, se cacha sous les
De Vetieto insano quein pharniacapola circum fora nous dcrisil.
Opéra, CLXI. — Noël, I 160. — Liselx, CLXI, t. II, p. 6b.
B. UE lA MoNNOYE : Vcxillarius et Mercator. — Anonyme :
« Papjc fabricatur » cité par NoëL — Robbé de Beauveset a
imité cette facétie de même que Andbk Guarles Caillau, dans
Tricolor.
208 LES lACÉTIES DE POiiOE
draperies du lit, puis quand il les vit bien en train
de confectionner le militaire sur commande, il
donna une vigoureuse poussée dans le derrière
de riiommc pour bénéficier de la quatrième por-
tée. — « Par les saints Evangiles de Dieu, celui-là
sera pape! » s'écria-t-il, croyant avoir joué un
bon tour au charlatan.
GLXII
Un cheval récalcitrant ^
Certains Vénitien, monté sur un cheval de
louage, s'était mis en roule pour ïrévise; un do-
mestique le suivait à pied. Chemin faisant, l'ani-
mal ayant lancé une ruade, le valet fut atteint à
la jambe. Emporté par la douleur, ce dernier ra-
massa une pierre, et, à titre de vengeance, la jeta
sur le cheval, mais contre sa volonté, elle vint
1. De Yenelo (\ni, Trcrisium proficiscens, a servo in renés lapide
percHSsus est. Op>;ra CLXII. — Noël I, 171; II, 161-102. — Ris-
TELHUKER LXXlV, p. 103. — LiSEUx, t. Il, p. 67. — Lenf.vnt,
t. II, LXI, p. 219. — EsTiENNE : Apolofiie, ch III, § 5. —
/,(' Faa'tieu.r Rércil-nialin, p. lOli. — Montaigne, Essais. —
Menaqiana : « Un Vénitien qui n'était jamais sorti do Venise,
et qui, pour cette raison, ne devait pas être bon cavalier,
étant monté pour la première fois sur un cheval rétif qui ne
voulait pas même avancer, quoiqu'il lui fit sentir l'éperon,
tira son mouchoir de sa poche, et l'ayant exposé au vent, il
dit : « Je ne m'étonne plus si ce cheval n'avance pas, il rcnto è
coiilrario, le vent est contraire. » T. 1, p. .394.
LES FACÉTIES DE l'OtiGE 209
frapper son inaitie au bas des reins. Ce niais crut
que le couj) venait de sa bête, et comme son valet
marchait avec peine, par suite de sa blessure, il se
mit à le taquiner : — « Je ne puis aller plus vite,
répondit le serviteur, car votre cheval, en ruant?
m'a fait çrand mal. » — « Ne fais pas attention,
répliqua le maître, cet animal est très vicieux;
il vient à l'instant de m'envoyer un grand coup de
pied dans le dos. »
CLXIII
Le renard et le paysan K
Certain renard que poursuivaient des chiens de
chasse, se réfugia près d'un paysan qui battait du
blé sur son aire, implorant protection contre ceux
qui allaient l'atteindre, et promettant, en retour,
de ne jamais faire de victimes parmi les poules
1. De vulpe a vustko in palea abscondila quœ fuqnbatur a cani-
bus. Opéra (ILXIII. — Xoel I, 171; II, 16-> 16'i. — Liseux, t. II,
p. 68. Cette facétie imitée d'EsoPE, fable 127, a servi de thème à
une infinité d'auteurs avant et depuis Pogge, laissant de côté les
poésies latines, on citera particulièrement : Benserade, Fables
d'Esope, en quatrains : Le Bûcheron et le Loup. — J. Baudouin,
Fables d'Esope : Le Loup et les Chasseurs. — F. M., Nouveau
recueil des fables d'Esope : Le Bûcheron et le Loup, p. 48. —
Pierre DA la Fresnay, i<a6/es d'Esope traduites en vers français :
Le Bûcheron et le Renard. — Venero.ni, Favote scelte Délia
Volpeetdel villano. — Dodsley; Scelecled fabl, The farmer and
the sta?.
210 LES FACÉTIES DE POGGE
de celui qui le sauvait. Le paysan accepta ces
conditions et prenant de la paille avec sa fourche,
il couvrit l'animal afTolé. Peu après, un chas-
seur arriva, puis un second, suivant la piste, ils
demandèrent au villageois s'il n'avait pas aperçu
un renard qui fuyait et quelle direction il avait
pris? Notre homme répondit très haut, qu'il s'était
échappé de tel coté, mais en même temps, par ses
mouvements de tête et par la direction de son re-
gard, il indiquait la cachette ou était blotti le fugi-
tif. Les chasseurs, ajoutant foi de préférence aux
paroles qu'aux gestes, continuèrent leur route.
Alors le paysan, délivrant le renard, lui dit : —
« Sois fidèle à tenir tes promesses, mes paroles
t'ont sauvé, on m'a cru lorsque j'ai prétendu que tu
n'étais pas là. » Mais le renard, qui l'avait échappé
belle et qui avait suivi entre les interstices des brins
de paille, la pantomime du paysan, s'empressa de
riposter: — « Certes, tes paroles ont été bonnes,
mais tes gestes mauvais. » Ceci est à l'adresse
des gens qui disent d'une manière ^ei agissent
d'une autre.
I
.
LES FACÉTIES DE l'O'WiE 2H
CLXIV
Bonne foi d'un (icheteiir ^
Un habitant de Florence, que je connais, fut
obligé d'acheter un cheval à Rome. S'étant abou-
ché avec un maquignon, celui-ci iixa le prix à
vingt-cinq ducats d'or, somme beaucoup trop
élevée eu égard à la valeur de l'animal. L'acqué-
.reur offrit de donner comptant quinze ducats et
de rester débiteur des autres. Le marchand
accepta. Mais le lendemain, il vint demander le
reliquat; ce à quoi le Florentin se refusa absolu-
ment en disant : — « Souviens-toi bien de nos
conventions, n'a-t-il pas été entendu que je reste-
rais ton débiteur; or, si je te solde, je ne le serai
plus. » -
CLXV
Bouffonnerie de Gonnelln -,
Gonnella, bouffon autrefois très renommé, pro-
mit, moyennant quelques écus, de faire d'un
1. De Florenlino qui equum emerat. Opéra CLXIV. — Noël, I,
173; II, 165. — LisEux. t. II, p. 70. — Dksbillon, Hmploiis
fides, vers latin.s. cité par Milet, ainsi que L^s deux épiyrammes
latines de Janus Pannonius; Deliciospoctarum liongarorum, p. 248.
2. Beaumarchais a repris ce mot pour un compte : — « Je
préférerai vous devoir toute ma vie que de renier ma dette un
seul instant. » — Firjaro.
.'3. Faceiissimum histrioiiis Gonelkc, Opéra CLXV. — Noël, I,
173. — LisEUx, l. II, p. 71.
212 LES FACÉTIES DE POGtiE
certain Florentin un devin, perpective très flat-
teuse pour ce dernier. Le bateleur l'ayant donc fait
mettre au lit avec lui, lâcha tout doucement une
grosse vesse, recommandant à son compagnon de
mettre sa tête sous les draps. Aussitôt dit, aussitôt
fait, mais suffoqué par la mauvaise odeur, le futur
devin retire promptcment la tète. « — Je vois
bien que tu as pété, » dit-il. — Et Gonnella de
répondre : — « C'est exact, verse donc tes ducats,
tu as deviné juste. »
GLXVI
Autre plaisanterie de Gonnella K
Un quidam possédant la môme envie, d'être
transformé en devin, fit part de son désir à
Gonnella- — « Je le veux bien répondit le bouffon.
1. AUeva facetia de u)W qui diriiiaïc rolvhai. Opora CLXVI. —
Noël 1, 174; II, 167. — Guillaume Tardif : Facécie de celluy
qui voulut esti-e devin, LXXXV, p. "23(). — Ristëlhober LXXV,
p. lO'i. — LisEUx, t. 11, p. 72. — Facecie (Ici Gonnella composta
perl maestro F)-aiicesco dicta macstio Rayiioldo de Manlua, Bolo-
f(na, per Justiniano da Rubiera, lô06. — Le BujfoKerie del
Gonella (in ottave rime), — Baruazan : Le fabian de la merde,
111, 3.5. — G. RouciiET : Sérées — 10° série. — Babeeianus :
Facetitv. « De Mercator et Judea », 1. Il, p. 104. — Flogel :
Hoftiarren p. 314. — Mori.ini norelUr. — Scelta di Facecie del
piacano Arlotto. — Norellc di Saciietti. — Bebeliana opuscula
nota, 1508. — Del Fiilciispicfiel, hïA. 35. {R).
2. Gonnella fut boulïbn du marquis Xicolasd'Esle (1411) et de
son fil.s Bosco, duc de Ferrare.
LES FACÉTIES DK P()(;(iE 213
une seule pilule suffira pour cela. » Ayant donc
confectionné avec des excréments une petite bou-
lette, il la mit dans la bouche de l'imbécile. Notre
homme écœuré par la puanteur a aussitôt des
nausées : — « Mais c'est de la merde que tu m'as
donné » s'écrie-t-il. — « Assurément, reprit
Gonnella, tu as de>dné. » Là-dessus, il empoche
la somme promise.
En ceste Facécie n'i a point de sens moral, mais y est
monstre seullement la folle crédence d'ung sol homme, qui
créoit que ung aultre luy peust apprendre une chose im-
])0ssible. que laultre mesme ne sçavoit pas.
CLXVII
Prodiges racontés au pape Eugène '.
Au mois d'octobre de la présente année, le
pape Eugène étant revenu à Florence, on entendit
parler de certains faits prodigieux paraissant tel-
lement authentiques, qu'il faudrait être fou pour
les nier. Ils étaient racontés dans une lettre venue
de Côme. et affirmés par des gens considérables
qui les tenaient de témoins oculaires. Dans un
lieu situé à cinq milles de Gôme environ, on
aurait vu, vers le crépuscule, à la vingtième
1. Dp prodUfiis nunciatis Enijenio Papir. Opéra CLXVII. —
Noël I, 174. — Liseux, t. II, p. 73.
214 LES FACÉTIES DE l'OfiliE
heure, uae multitude de chiens, à peu près qua-
tre mille, paraissant de couleur rousse et se
dirigeant vers rAllemagne. Celte troupe, for-
mant comme un prcuiier corps de bataille, était
suivie d'une innombrable quantité de bœufs et de
moutons ; des cavaliers, des fantassins divisés en
escadrons et en compagnies venaient ensuite. Un
grand nombre portaient des armures ; ils for-
maient une véritable armée ; les uns avaient la
tète à peine esquissée, les autres en manquaient.
Un géant, monté sur un haut palefroi, dirigeait à
l'arrière-garde, une immense quantité de botes de
somme d'espèces variées. L'interminable défilé
continua pendant trois heures, on le vit dans dif-
férentes localités. Il existe, de ce fait, de nom-
breux témoins, hommes et femmes qui s'appro-
chèrent (le très près, afm de mieux se rendre
compte du prodige. La nuit venue, cet étrange
spectacle s'évanouit et il n'en resta plus trace.
CLXVIII
Autres faits prodigieux (1).
Peu après, on apprit de Rome des faits extra-
ordinaires et qu'on ne peut révoquer en doute,
puisqu'il en reste encore des traces. Le 20 sep-
1. Mirandntn (•o«.spio>»/f/HH(. Opéra CI. X\'lll. — Noël I, 17G. —
LisEux, t. Il, p. 7ô.
LES FAIKTIKS DK l'OlitiK 215
tembre, une rafale de vent s'étant déehainée sur
les murs du château abandonné de Borgeto,
situé à six milles de la ville, les ruines s'écrou-
lèrent, ainsi qu'une église très ancienne qui se
trouvait tout près. Les pierres étaient répan-
dues de telle sorte, qu'elles semblaient avoir été
dispersées par la main des hommes. Une hôtel-
lerie, où étaient descendus des voyageurs de toutes
classes et dans laquelle beaucoup de gens s'étaient
réfugiés, eut son toit soulevé par la tempête et
emporté à peu de distance sur la route. Personne
ne fut blessé. La tour de l'église Sainte-Rufine, à
dix milles de Rome, sur l'autre rive du Tibre, à
Casai, près de la mer, fut arrachée de ses fonde-
ments et s'etfondra sur le sol. On était encore
sous le coup de ces événements et on en cher-
chait la cause, lorsque deux bouviers de Casai,
laissant leur travail, vinrent à Rome, poussés par
l'étrangeté des faits. Ils racontèrent qu'ils avaient
souvent vu se promener dans les bois d'alentour
un cardinal, surnommé le Patriarche, mort récem-
ment, des suites d'une blessure, au môle
d'Adrien. Il était recouvert d'un vêtement de lin,
suivant l'usage adopté pour les cardinaux, sa tête
était coiffée de la barrette, comme de son vivant ;
il semblait triste, se lamentait et gémissait. Au
moment où se déchaîna ce violent o«iragan, ils le
virent dans les airs, au milieu du tourbillon,
étreindre la tour dans ses bras et la précipiter à
terre de toutes ses forces. De plus, des chênes,
216 LES FACÉTIES DE PCXiGE
des yeuses d'une grosseur extraordinaire furent
complètemeut arrachés et projetés au loin. De
prime abord, on n'ajouta pas foi à ces récits,
mais de nombreuses personnes survinrent, qui
en affirmèrent l'authenticité.
CLXIX
A propos d'un notaire nialJionnête de
Florence ^
Un notaire de Florence, auquel sa charge rap-
portait peu, chercha une supercherie pour se
procurer de l'argent. Avisant un jeune homme,
il lui demanda si on lui avait remis les cinq cents
florins prêtés par son père décédé, à une personne
morte également. Le jeune homme, qui ne con-
naissait nullement l'affaire, répondit que cette
créance n'était pas inscrite dans les livres de son
père. Le notaire prétendit alors qu'elle résultait
d'un contrat passé par lui, et engagea le jeune
homme à lever, à beaux deniers comptants, une
expédition de l'acte afin de faire valoir son droit
devant le Podestat. Cité à comparaître, le fils du
prétendu débiteur nia cette dette, affirmant que
son père n'avait jamais rien emprunté à personne,
1. De Notario Florentiuo falso. Opéra CLXIX. — Noël J, 178.
— RiSTELHUBER LXXVI, p. 105. — LiSEux, l. II, p. 77. — Len-
FANT, t. II, p. 230, LXXVII.
LKS FACÉTIKS I»F. l'()(,(,K 217
aucune trace d'une dette de ce genre ne ligurant
sur ses livres, mention qui eut dû exister suivant
les habitudes des commerçants. De suite, le
défendeur alla trouver le notaire, l'accusant
d'avoir rédigé un acte faux relatif à une conven-
tion qui n'avait jamais existé. — « Mon enfant,
répondit le notaire, vous ignorez à quelle date
remontent les faits. Vous n'étiez pas né lorsque
votre père emprunta cet argent, mais peu après
il le rendit ; j'ai moi-même libellé la quittance, »
Moyennant iinance, le jeune homme retira l'acte
et évita un procès. Par sa rouerie, le notaire
empocha ainsi des deux côtés.
CLXX
D'iti) moine qui bouta a travers une planche
percée * .
11 y a dans le Picentin, une ville qu'on ap-
pelle Jesi : dans cette ville, un moine nommé
Lupo. aimait une jeune pucelle et la poursuivait
de ses ardentes sollicitations, tant et si bien
1. De inoitaco qui misil per foramen labuhr priapton. Op^^ra.
CLXX NoKL, I, ITÛ, II, 167. — Guillaume tardif. LXXXVI. —
p. 238. — LiSEUx, CL.\X. t. II, p. T.). Les cent youvelles itourelles :
Le.i lacqs d'amour, p. 330, édit. Garnier. — Anonyme. Priapu-
sillaquealus, vers latins cités par Milet, t. II, p. 167. — Beroald
DE VERViLLE l Le Moyeu de Pariettir, édit. Garnier, — Bern. de
LA Monnaye : Sluscipalœ.
13
:218 1-F,S FACKTIKS DK I'<h,«,K
qu'elle liait par céder. Mais, craignant qu'il lui lit
trop de mal, elle hésitait cependant encore. Le
moine lui dit qu'il mettrait entre eux deux une
planche percée d'un trou, comme ces meurtrières
par où on lance le trait. En conséquence, il se
procura une planchette de sapin fort mince percée
d'un trou au milieu, puis vint à la dérobée trouver
la jeune lilie. Sétant déshabillé, il s'apprêtait
à un délicieux régal; mais le frère Priape qui
sommeillait encore, ne tarda pas à se réveil-
ler sous la douce effluve de la jeune fille. Bou-
tant le nez à travers le trou de la planche, frèie
Priape se redressa, lit le beau tant et si bien (ju'il
se trouva comme étranglé dans l'étroite ouverture,
où il ne pouvait ni avancer, ni reculer sans de
vives douleurs. La jouissance espérée se changeait
en supplice, et la souffrance arrachait au moine
des gémissements et des cris de douleur. La jeune
fille, le voyant ainsi, l'embrassait et cherchait
tous les moyens de le soulager, mais elle n'arrivait
au contraire, qu'à augmenter et à accroître sa
gène. Le malheureux souffrait comme un cru-
cifié, demandant de l'eau fraîche, espérant par ce
moyen se dérider. La jeune fille, qui redoutait les
gens de la maison, n'osait pas en aller demander;
cependant, émue par les cris et les souffrances,
elle s'y décida enfin et put donner une douche
abondante au frère Priape, ce (jui fit disparaître
la cong^estion et le remit peu à peu dans son état
normal. Le moine, entendant du bruit dans la
LES FACETIES DR l'OdCE 211)
maison et ne se souciant pas d'être surpris, retira
la tète de frère Priape du trou de la planche, non
sans lui faire mainte écorchure. Rentré au cou-
vent, il fut obligé de se faire soigner par un
médecin et naturellement l'aventure s'ébruita. Si
chacun payait aussi cher ses vices, bien des gens
seraient infiniment plus continents.
En cesle facéoie est monstrée l'incontinence d'iing- Reli-
gieux qui n'a point de crainte de dellloi-er une vierge, et
aussi il en fut pngny et n ■ permit pas Dieu que de la
chose sorlist ellet ainsi que la faulce et mauvaise vou-
lenté du moyne le désiroit.
CLXXI
Horrible histoire d' iiii jeune gdrcon
antlirop op h âge ' .
Je raconterai, parmi mes menus propos, un
l'ait horrible, abominable, inouï jusqu'à l'heure
actuelle et qui m'a paru invraisemblable jusqu'à
ce qu'une lettre d'un des secrétaires du Roi ne
m'eut aftirtné son exactitude. Voici en quels
termes k peu près. Près du bourg de Somma
situé au milieu des montagnes, à dix milles de
Xaples, des actes monstrueux ont eu lieu. Uu
enfant Lombard, d'environ treize ans, a été arrêté
1. Honibile de puero qui infaitlnlos coinedvbat. Opéra CLXXI.
— Noël 1, 181. — Liseux, t. II. p. 82.
2-JO LES FACKTJKS 1)K l'OGGK
et conduit devant le Podestat. Il était accusé
d'avoir dévoré deux enfants de trois ans. Après
les avoir attirés par ses caresses dans une
caverne, il les pendit, puis les coupant en mor-
ceaux, mangea de suite une partie des chairs
palpitantes et fit cuire le reste. Il avoua avoir
ainsi fait servir à d'horribles repas, d'autres
victimes, car, assura-t-il, nul mets n'était
plus savoureux, et il espérait recommencer lors-
que la chose lui serait possible. Etait-on en
présence d'un fou ? Les réponses, pleines de
sagacité qu'il lit sur tous les points, prouvèrent
plus encore sa férocité que son insanité.
CLXXII
D'un chevalier florentin qui, feignant de sortir,
se cacha secrètement dans la chambre de sa
femme '.
Un chevalier florentin podagre, que pour son
honneur je ne nommerai pas, avait une femme
qui faisait de l'œil à l'intendant de sa maison. Le
mari, s'en étant aperçu, lit, un jour de fête, sem-
blant de sortir, mais s'alla cacher secrètement
dans la chambre de sa femme, (^elle-ci, croyant
1. De Equité floreiitiiii) (jui, fnnieiis xc iluruin Joras iiiscia cotijnge
in eubiculo latuit. Op.-ra CLXXII. — Noël, 1, 18;f. — Lisbux,
CLXX;i, t. II. p. 84.
LES FACETIES DE J'OfitiE 221
que son mari était bien loin, appela l'intendant
à la dérobée. — «Je veux, dit-elle après quelques
premiers compliments, (jue nous jouions ensemble
à quelque jeu.» Ce à quoi il accéda. — « Faisons
semblant de faire la guerre, dit la femme, nous
ferons la paix ensuite. » I/homme demanda de
quelle façon. — « Luttons un peu, répondit-elle, et
quand tu m'auras renversée à terre, tu lanceras
ton dard dans ma blessure d'amour, et nous
ferons ensuite la paix avec des baisers mutuels.»
Cela plut beaucoup à l'homme (jui avait souvent
entendu louer la paix par tout le monde, surtout
quand une paix si délectable était promise. Lors-
qu'ils furent à terre, prêts à cimenter la paLx, le
mari, sortant de sa cachette, s'écria : — « J'ai fait
plus de cent fois la paix, depuis que je suis au
monde, mais je ne veux pas que celle-ci se fasse à
ma façon. » A ces mots, les deux amants se sau-
vèrent sans avoir signé la paix.
CLXXllI
D'un chaste qui Ji'élail que paillard L
Un de nos concitoyens, qui voulait se faire pas-
ser pour chaste et dévot, fut un jour surpris par
1. Dv (iniiflain rolcnle se ridcii snnuiur castilnds. in adullrrio
vniiiprvbenKO. Opéra. CLXXII. — Xoei-, 1, 18i.— LisBux. CLXXlII.
— I>'un fini voulait se faire passer pour chaste et qui fut pris en
jlfKjraiit dr lit fie paillardise, t. II. p. 86.
:i^ LES FACÉTIES DE POGdE
un de ses amis en conversation déshonnête.
Celui-ci lui fit des reproches très durs, de ce que,
prêchant hi chasteté, il se laissait aller au péché.
— « Oh I oh ! fît le cafard, ce n'est point la luxure
qui me pousse, ainsi que tu pourrais le penser,
mais pour abaisser, humilier cette misérable
chair, et pour me décharger les reins par la même
occasion. » (^e sont bien là les pires hypocrites
qui ne se privent de rien, mettant leurs appétits
et leur scélératesse sous un couvert d'honnêteté.
CLXXIV
Même su /et ^ .
Un ermite qui habitait Pise, du temps de Pietro
Gambacorta, introduisit un soir dans sa cellule,
une fille de joie avec laquelle il besoigna, la nuit
Ad idem. Opéra. GLXAIV. — Xoeu I, 185. II. 171. — Liseux,
GL.\.\IV, t. II, p. 817.
« Scaraninuche Ilennite. pièce très froiile, si die n'eut i)a.s été
licencieuse, dans laquelle un ermite velu en iiioiue, monte la
nuit, j)ai' une échelle, à la fenêtre d'une i'umme mariée, el y
reparaît de temps en temps, ea disant : n ijiicsta é fer mortificar
h carne. « — {Vie de Molière, notice du Tai-luffc . Noël dit avoir
lu quehiue part que» certains Jancenistes exagérés avaient, an
temps de Luu s XIV, une fayon foute particulière de pi>cher
sans j)écher — ce qu'ils ai)i.elaient : itiorlijh')- la iiH)rtificalio>i.
J.-B. RoussE.vu, dans ses Kpieji-ammes. a rimé plusieurs
Remèdes contre la chair {édit. Garnier), dont celle-ci :
Brûle du feu de la concupiscence.
Frère Thibault vint trouver son frardien.
Jeûnez, mon fils, lui dit sa Révérence.
LES FACKTIKS DF. l'OGGE 223
même, mie vingtaine de fois, et sans cesse en fré-
tillant des fesses, comme pour échapper au crime
de luxure, il répétait ces mots que disent les srens
du peuple : Doiudtti carne cativella\ » c'est-à-
dire : ■( Mortifie-toi donc, misérable chair I » La
fille de joie ayant raconté la chose, le moine fut
chassé de la ville.
ClAXV
D^un pauvre Jioinme qui gagnait sa vie avec sa
barque ^ .
Un pauvre homme gragnait sa vie en transpor-
tant les voyageurs dans son bateau d'une rive à
l'autre d'un fleuve. Ln jour, que personne ne
s'était fait passer et qu'il s'en retournait triste-
ment chez lui, quelqu'un apparut au loin, qui
le hélait. Le passeur revint sur ses pas. dans l'es-
Thibault jeûna, le jeùue n'y fit rien.
Lors derechef Thibault se plaint — Eh hi^n!
Joignez au jeune et discipline et haire,
Dit le vieillard. — Mais, las! le pauvre hère
Sentit la chair encore plus regimber. —
Vertu de froc! Succombez y donc, frère.
Tant que d'un an n'y puissiez retomber.
1. De paiiper qui iiarictila vicliiin quœrchat. Opéra, (U,XX\'. —
NoEL, I. 185, II, 173. — LisEux. CL.XXV, t. II, 88. Marie de
France : Le Vilain et le Loup. — Imilaticns : Le Chasse-
oiituy, cent. III, 61. — Le fao'tieux Réreil-matiu, j). 4118. — L.a
Gibecière de Morne, nn le Thrésoi- du Ritlicule. p. 294. — Le Colo-
rier facélien.r. p. "23. — lioijer-BonteinpK en Belle-Humeur.
p. 406.
LES FACETIES DE IHXiGE
poir d'un peu de gain. Mais lorsqu'il réclama
son salaire, l'individu lui déclara qu'il n'avait
point le sou, lui olfrant, en compensation, de le
payer d'un bon conseil. — « Ce n'est pas avec de
bons conseils que je nourrirai ma famille qui
meurt de faim, » observa le batelier. — Je ne
puis te donner autre chose » répondit le voyageur.
Le pauvre homme, fort en colère, demanda quel
était ce bon conseil. — « Voici, dit l'étranger :
Ne passe jamais personne sans t'être fait payer
d'avance, et ne dis jamais à ta femme qu'il y en
a d'autres qui sont peut-être mieux montés que
toi. )) Là-dessus, le batelier étant rentré tout
triste, sa femme lui demanda de quoi acheter du
pain. A cela il répondit qu'au lieu d'argent on
lui avait donné de bons conseils, et il raconta
l'histoire en détail, même les bons conseils qu'on
lui avait donnés. Lorsqu'il parla de la chose inté-
ressante, la femme tendit l'oreille. — « Eh quoi,
mon ami, fit-elle, tous les hommes ne sont donc
pas égaux? — Bah ! il y a entre eux de grandes
différences, répliqua le mari. Tiens, par exemple
notre curé nous dépasse tous de moitié. » Et ce
disant, pour mieux donner une idée de la mesure,
il étendit lavant-bras. Aussitôt, la femme s'étant
rendue chez le prêtre, ne voulut pas sortir avant
d'avoir vérifié par elle-même si son mari avait dit
vrai. Ainsi donc, la sagesse était tournée en im-
bécillité et le batelier apprit (ju'il ne faut jamais
parler de ce qui peut nous porter préjudice.
LES FACKTIES DE \'UiH,E
GLXXVI
Solfise (Ti/n Milduciis qui (ivail écrit sa
confession ^ .
Certain Milanais, soit par sottise, soit par hypo-
crisie, soit qu'il redoutât quelque écart de mé-
moire, écrivit ses fautes longuement détaillées sur
une immense leuille. S'étant ensuite rendu, pour
se confesser, chez Antonio d<^ Rauda, Milanais, de
l'Ordre des Frères Mineurs, homme très instruit
et directeur expérimenté ; il lui présenta son
manuscrit en le priant de le lire. — « C'est ma
confession », dit-il. Le père, homme avisé et pru-
dent, comprenant de suite que cette lecture lui
demanderait beaucoup de temps, et sachant, de
plus, qu'il avait alfaire à un individu niais et
bavard, se contenta de faire quelques ({uestions
au pénitent : — « Je te donne l'absolution de tous
les péchés que tu as inscrits sur cette pancarte »
ajouta-t-il. Notre homme s'informant alors de la
pénitence qui lui était infligée : — « Pendant tout
ce mois, répondit le religieux, tu liras sept fois [)ar
jour ce que tu as écrit». Le ■Milanais eut beau
crier à limpossibilité, le confesseur ne céda pas.
Ainsi fut punie la prolixité d'un imbécile.
1. f)t' qnodani iuKuho Mi'diolanensi (jui in scriptis porreril pcc-
cnta sua sacerdati. Opéra CLXXVI. —Noël I. 187. — Lenfant,
t. II, XI.V, p. -211. — RisTELiiuiiEu LXXVIII. p. 107. — Ltseux,
t. Il, p. lH.
13.
220 LKS FACÉIllS LU. Imm,(,K
CLXXVII
Jactance d'un individu confondue par son
cotnpagnon ' .
Un indivklu, d"une Scintô chancelante et loin
d'être favorisé des dons de la fortune, faisait sa
cour. Invité à diner, un soir dV'té, [)ar les parents
de sa fiancée, il vint accompagné d'un ami au<|uel
il avait donné pour consigne de renchérir sur tout
ce qu'il dirait. — « Le beau pourpoint, comme
il vous habille bien, dit la future belle-mère », —
(( Oh, rép )ndit notre homme, j'en ai un beaucoup
plus élégant » ; et l'ami d'ajouter, — « Sans parler
d'un autre deux fois plus riche ». Le beau-père
s'étant informé du nombre de domaines qu'il
possédait, il indiqua une petite propriété, sise hors
la ville, et dont les revenus suffisaient à son entrc-
1. De fjnodain qui visilaudo alftnes tixoris ralelml a aocio com-
)iiritdaii. Opéra CLXXVII. — Xoel I. 18S; II, 174-170. — Liseox,
t II, p. U'I. Babel. FarwIitv.De siipor!iO adolescente, L. 5. j). IGli.
— Bebo.vld de Verviule : Moyen de l'aiTenii-, édit. Oarnier.
— Hisinire comique de Fvaiicioii, t. 4, p. 219, édit. 1G41.
LK -MKNTKUR KT SOX V.VLKT
Un habitant des bords de la Garonne,
A tou.s propos effronlément contait
Ses biens en l'air : c'était toujours son prone.
Mais son valet, simple et rustre personne,
Qu'à chaque instant le croiyeur attestait,
S.ins y penser ton ours le démentait;
LF.S FACÉTIES DE l'OC.dK 227
tien. — « Oublies-tu donc cette autre terre bien
plus considérable, qui te procure de si importants
bénéfices? » repartit le camarade. Ainsi, chaque
fois que notre homme avançait quelque chose,
l'ami renchérissait. Pendant le repas, comme le
gendre prenait peu de nourriture, le beau-père
lencourageait à faire honneur aux difTérents mets :
— « Pendant l'été, ma santé laisse à désirer, dit
l'invité » ; et son compagnon, qui croyait le servir
en soutenant son rôle de hâbleur, de s'exclamer :
— « C'est bien plus grave qu'il ne dit ; il se porte
mal l'été et l'hiver c'est encore pire ». A ces mots,
les assistants se mirent à rire aux dépens de celui
qui. pour avoir recherché des éloges menson-
gers, ne recueillait qu'un ennui pour prix de sa
sottise....
Tant qu'il lui dit : — « Si sur ce que j"avance
Tu n'enchéris toi-même de moitié,
Prends pour certain que sur ta covporaiice,
I loups c!e liâton vont j)leu.oir sans pilié.
Le Drôle eut peur, et jura sur sa vie
De n'y manquer. Le maître, en compagnie.
Dit que la foudre a brûlé son château. — •
' Vous en ave/, par lionlienr un plu? b^au, »
Dit le valet, secondant sa manie. —
L'instant d'après, l'on p.irle de bateau;
Triste voiture, où l'on trouve un tombeau,
Quand sur les (lots les vents se font la guerre :
Le maitre dit : — « Je suis poltron sur l'eau, r, —
(i Oui, répond l'autre, et même sur la terr.'. »
Deforges-Maii.lard.
22» 1>KS FACÉTIES DE ['0(.(1E
CLXXVIII
Vn mot de Pasquiiio de Sienne si/r un pet
du corps de VÉtat ' .
A la suite de troubles politiques, Pasquino, de
Sienne, homme retors et plein de gaieté, fut
exilé ; il vint habiter Ferrarc. Un de ses compa-
triotes, citoyen de peu d importance, le visita en
se rendant de Venise à Sienne. Pasquino lui fit
bon accueil. Au cours delà conversation, le voya-
geur promit ses bons offices, offrit sa protection
une fois rentré à Sienne : — u Je fais partie, ajou-
ta-t-il par vanité, du Corps de l'Elat. » — (( Plaise
à Dieu, répondit Pasquino, que ce corps lâche un
pet, afin que toi et tes pareils soyez expulsés
promptemenH » Avec cette plaisanterie, le vaniteux
personnage n'eut ({ue ce qu'il méritait.
CLXXIX
De cet une de docteur, si idiot qiCil parlait
latin à la chasse aux oiseau.r- .
Un docteur de Milan, homme peu instruit
et borné, voyant qu'un oiseleur se disposait
1. De Pasquino (juodaiit Seneimi qui tmpnsuil cuidain e.r statu
ut creparet. Opéra CLXXVII. — Xoel I, 189. — Liseux, t. II, p. 94.
?. De (Inclore qui littvrali sernioiie loquehatur in aribus capicndis it
indoclHS erat. Opéra CLXXIX. — Xoel I, 190. — RisiKLiiuiiER
I.XXX.p. 108. — I.isELX, t.II,p.90. — Lenfant, t. II. LXIV.p. l'i;'.
LES F.VCÉTIF.S I)K l'iXitJK 22^)
à chasser des oiseaux avec une chouette, lui
demanda de Faccompai^ner. Il était très dési-
reux de voir pareil spectacle. Le chasseur y con-
sentit et plaça notre homme sous la hutte de feuil-
la.iie, à coté de la chouette, en lui recommandant
bien de garder le silence afin de ne pas etfrayer
les oiseaux. Ceux-ci apparurent bientôt en grand
nombre. Aussitôt, le maladroit docteur s'écria : —
(( En voilà beaucoup, tirez le filet! » En entendant
le bruit de la voix, les oiseaux s'envolèrent à tire
d'aile. Gourmande par sou compagnon, le doc-
teur promit de se taire. Les oiseaux, ayant repris
confiance, revinrent, le stupide docteur dit alors
en latin : — « Avês pennultœ siuit- » ^ persuadé
qu'en s'exprimant ainsi il ne serait pas compris.
Les oiseaux disparurent sans retour. L'oiseleur,
perdant tout espoir de réussir, invectiva vivement
son compagnon qui n'avait pu s'empêcher de
parler. — « Mais, dit ce dernier, les oiseaux
comprennent donc le latin .' » Ce pauvre docteur
pensait que ce qui avait fait fuir les oiseaux, ce
n'était pas le son de la voix humaine, mais le sens
des paroles prononcées, comme si les oiseaux
avaient compris qu'ils devaient s'enfuir.
1. (( 11 y a beaucoup d'oiseaux, o
1?30
LES FACETIES DE l'0(i(iE
CLXXX
Ce quune femme prit pour un compliment^ ,
Une femme mariée de Sienne, ayant fini de
besogner avec son amant, causait avec lui. Celui-
ci eut laffront de lui dire cju'il n'était jamais
passé par route aussi large. La femme, prenant
cela pour un compliment répondit : — « Tu es
bien gentil, mais je ne mérite point pareil com-
pliment. Combien je voudrais que tu dises vrai !
car j "en serais très fière et m'en estimerais bien
davantage ».
CLXXXl
Plaisant propos cV une jeune femme en couche '' .
Une jeune femme de Florence, assez niaise,
sur le point d'accoucher, depuis assez long-
1. De tiiUiere se credoile ad laiidem Iraiti, coiifilendo htliorcni
rulram hnbere. Opéra CLXXX. — \oel. I. 190. — Liseux.
CLXXX, t. II. p. 98.
2. De adolesceiiiula lahoranîe cr pai-tii fnrctutn. Opéra CLXXXl.
— XoEL. I, 191 II, 176.— LisEux CLXXXl, t. II, p. 8'.). — Perchk :
La membriancide, oggiunteel libru. — Baudius Batavus — Puer
(iravidits, cités par Noël, t. II. p. 17(i, et Lcnfnnl malade — épi-
gramiuc idem. p. 180.
PROCÈS JUGE SANS APPEL
Deux gars étaient sur le même palier.
L'un franc Picanl et l'autre de Provence)
Oui d'une Agnès. leur commun attelier;
LKS lACtTIKS 1)K l'iXKiK 231
temps déjà, souffrait de vives douleurs, et la
sage-femme, une chandelle à la main, examinait
la place, pour voir si l'enfant n'allait pas bientôt
se présenter. — « Regardez donc aussi de l'autre
cO»té. lui (lit l'idiote, car mon mari a quelquefois
travaillé par là ».
CLXXXII
(jiaiid éloi^e d' un jeune Hontuin i .
Un jeune Romain, d'une grande beauté, aussi
honnête que lettré, était chaleureusement loué
par l'un de nous pour sa rare élégance et ses
bonnes mœurs. Ne sachant comment exprimer son
enthousiasme et mettre le comble à ses paroles
élogieuses. notre confrère ajouta : — « Je crois,
qu'à son àg-e Jésus-Christ devait lui ressembler,
je ne me le fig^uro pas autrement ». Magnifique
appréciation de la beauté 1 Xi Cicéron, ni Démos-
thènes n'ont, en ce genre, rien dit déplus exquis.
Kind ~ctrin.iipnt tour à tour l'innocence.
Le papiur but. — Ça de qui le jjoupon?
Demanda le juye à la mère! —
Ilélns! Mon.fieur, dit-elle, c'est selon;
Moi-même en suis en peine la ijreniière ;
Si toute fois j'accouche par devant,
ri'est au Picard qu'appartiendra l'enfant:
Au Provençal, s'il me vient par derrière.
Mérard de Saint-Jlst.
1. De quinlain (pii Romanum ndolescentuliim admodnm landaril .
Opéra CLXXXII. — Noël I, l'.t3. — Liseu.m, t. II, p. 100.
232 IKS KACÉriES I»E POiif.E
CLXXXIII
Vd'u.r différents i .
A Florence, plusieurs personnes ayant lié con-
versation, chacun formait pour son bonheur un
vœu particulier ; c'est assez l'ordinaire. — « Je
voudrais être Souverain-Pontife », disait Tun,
« Moi Roi » s'exclamait un autre ; un troisième
désirait autre chose. Un gamin, tant soit peu
havard. (jui écoutait, dit : — « Moi, je voudr<iis
être melon ». — <( VA pourquoi ça » ? lui demanda-
t-on. — (( C'est parce que tout le monde me sen-
tirait le derrière », répondit-il; souvent, en ell'et,
les personnes qui désirent acheter un melon le
flairent en dessous.
En ceste Facécie sont raillez les souhaycteurs qui
souhaictent et désirent ce qu'ils ne peuvent, ne doivent
avoir; dont le garson se farea, qui. ouyant les inuliles
re([uestes et souhaitz, recjuist d'eslre pompon, affin (pie
tous Un allassent sentir le cul.
1. De plurihiis ijui dirersa hona sibi optahaitl. Opéra CLXXXII'.
— (luiLL.\UME Tahdif: De ceiluy qui désira esire pompon aliin
qu'on luy fleurist le cul. LXXXVII, p. ^'lO. — Noël 1, i'.)3; II,
130. — LisEUX, t. JI, p. 101. Roijvv lionlemps en belle humeur,
p. 19. — /.(' Fncvtii'u.i HntilMaliii. p. 19.3. — Nut;:.- venal'.-s
— 48.
I.KS FACETIES DE POCJdE 233
CLXXXIV
Ditii marchiuid qui faisait l éloge
(/(' S(t femme > .
Certain marchand faisant l'éloge de sa femme,
en présence d'un seigneur dont il dépendait, aftir-
ma. entre autres choses, que jamais elle n'avait
fait un pet. l'^tonnement du seigneur qui ne peut
croire la chose: — «Je te parie un bon diner, dit-il,
qu'avant trois mois cela arrivera bien des fois. »
Le lendemain, le seigneur lit demander au mar-
chand de lui prêter cinq cents ducats d'or, pro-
mettant de solder son emprunt dans la huitaine.
La somme paraisssait bien forte au pauvre diable
et ce ne fut qu'à regret qu'il consentit h re-
mettre l'argent. Le jour impatiemment attendu de
l'échéance étant venu, le préteur alla réclamer
ses écus. Le seigneur, simulant une grande gène,
et disant qu'il était obligé de faire face à des
engagements urgents, sollicita du marchand un
nouveau prêt, en promettant de rendre le tout
avant la lin du mois. Le bonhomme ne céda pas
1. De mercalore qui. laudando u.rorem snatn, asse)-el)'it cnm nnti-
quam crepilum ivlidisse. Opéra CLXXXIV. — Guii lau.me Tardif :
Du marchant qui se vanta que jamais sa femme n'avoit fait de
pet au lict, LXXXVIII. — Xokl I. l'.)4; II. 131. — Liseux. t. II.
p. 102.
Qui securi (Innitinnt. Par.silypi. liv. 111. antore sai|i. Kn.-, 1031.
234 i.cs FActriEs iJE i'0(i(;E
de suite, allégua sa jiauvreié, mais à la lia, crai-
i;nant de perdre le moulant de son premier prêt,
il compta, en soupirant, cinq cents autres ducats.
Rentré chez lui ijieii triste, la tète à l'envers, en
proie à toutes sortes de préoccupations et d'inquié-
tudes, il passait les nuits sans sommeil. Pendant
ces veilles, il entendit maintes fois sa femme se
soulager en dormant. Le mois étant écoulé, le
seigneur fil venir le marchand : — « Kh bien, dit-
il, peux-tu prétendre maintenant (]ue tu n'as
jamais entendu péter ta femme » — « Hélas!
avoua le marchand, en confessant son erreur,
cela est arrivé tant de fois, que ce n'est pas un
diner, mais tout mon patrimoine qui y passe-
rait. » Là-dessus, l'argent ayant été rendu, le
repas fut payé. Bien des choses échappent à ceux
qui ont le sommeil lourd.
Vin ceste I-'acécie sont l'eprins le paresseux et non diU-
gents qui n'ont point de sollicitude en leur famille, carung
bon mesnager doit avoir tant de soing et de sollicitude à
l'entour de ses négoces qu'on ne devrait rien l'aire en sa
maison, pas sa femme ung pet, qu'il ne le sçoust; mais
ainsi n'estoit pas le dict marchant, qui gagea que sa
femme n'avoil jamais fait pet et la cuydoit pour tant qu'il
n'en avoit rien ouy, car. incontinent qu'il estoit couché,
il s'endormoit sans avuii- aulcun soulcy, et pour ce luy
emprunta le gentilhoiiinie son argent, alFin de luy donner
soing, dont il perdit le dormir, et veillant tant qu'il oyt
le pet de sa femme, dont il perdit le soupper, mais il en
bout sa pari.
Li:S FACKÏIKS DK l'Ot.(lK -^Sb
CLXXXV
Sa:^i' rc/uynse a un (((loinnidlciir '^ .
Louis de Mai-silio - , df l'Ordre des Augustins,
qui habitait il y a peu de tenîps Florence, était
un religieux d'une giMUile intelligence et dune
profonde doctrine. Devenu vieux, il avait élevé et
initié aux belles lettres, un jeune homme sans
fortune, nommé Jean, son compatriote. Nous
lavons connu, il était très instruit. Certain Flo-
rentin, son condisciple (quelques étudiants assis-
taient aux leçons du niaitre ), poussé par la jalousie,
se mit à décrier sournoisement Jean auprès du
vieillard. Cette délation se répétant souvent,
Louis de Marsilio, véritable modèle de sagesse,
demanda au calomniateur depuis quand il con-
naissait son camarade : — « Depuis un au, » ré-
I. Sipii'iitissiiiin rcsponsio conU-a (lelractonein. Opéra (XXXX^'.
— Noël I, 1%; II, 131. — Lenfant, t. II, XLVI, p. -211. — Ris-
TELHLHER LXXX. 109. LiSELX t. II, p. 104. G UICCIARDINI : ffoJT
(fi Recreaziotte : Gli hoinini costanli, p. 1 iO.
5. Mirsilio devint supérieur d'un couvent d'Augustins silué
dans la province de Pise. Sa r putation litlérjire lui procura
des fonctions dans la chancellerie de la République de Flo-
rence, et en 1:)82, le gouvernement Toscan le mit au nombre
des Di^gociateurs (ju'il chargea de conclure la paix entre Charles
de Hongrie et le duc d'Anjou. 11 s'acquit une telle estime parmi
les Florentins, que la Seigneurie de cette République pria Bo-
nitace de le nommer évèque de Florence. La lettre qui fut
écrite à cette occasion a été rapportée par Mehus dans sa Vie
d'.\nibrosio Traversari. (fi).
236 I-KS FACÉriKS l»E P0(.(;E
pondit-il. — <' Je m'étonne, répliqua le vénérable
maître, que tu te croies assez habile, ou que tu me
juges assez dépourvu de raison, pour aflirmer
que tu as connu, en un an, la nature et le caractère
d'un jeune homme, mieux que je n ai pu le faire
depuis dix ans qu'il vit avec moi. )> Sage réponse
qui, en flétrissant la méchanceté du calomniateur,
rehaussait le mérite du calomnié. Si cet exemple
était suivi, les envieux et les détracteurs seraient
plus circonspects.
CLXXXVI
P/û/sante /•épouse à l'usage de (jiirhiucs
évê<ines ^ .
Un ami ayant questionné le même Louis de
Marsilio, sur la signification qu'avaient les deux
pointes dont sont terminées les mitres : — * L'une
symbolise l'Ancien Testament, répondit-il, et
l'autre le Nouveau que les évêques devraient
savoir par cœur. » L'interrogateur ajouta : —
« Que veulent dire les deux espèces de bande-
lettes qui retombent de la mitre sur les reins'-.
1. fnccla iTspdiisiu iiiidlis cjiiscdpis (niDniimninta. Opéra
CLXXXVI. — NoKL 1, l'JT. — Lknfant, t. Il, XLVII, p. -IVl. —
HiSTELHUHER LXXXI, p. III. — I.ISEIX, l. II. p. 10(i.
"2. Les deux fanons qui pendent de la uiilre sont les cordons
qui servaient à tenir celle coid'uie dans .son étal primitif. l)k-
tiointnirv tics niiliijniirs Chir-iciiin's. par l'ahlié .Marligny. 1865.)
I.KS F.Vi KTIKS l>K \>IH,(:V. 2;i7
« Cela indique, répliqua Marsilio, qu'ils ne
possèdent complètement, ni l'un, ni l'autre. »
Plaisante réponse, s'appliquant à certains prélats.
CLXXXVll
Un bon mot si/f François Philelphe 1 .
Au palais Apostolique, au cercle des secrétaires
un jour qu'il se trouvait, comme d'habitude,
beaucoup de doctes personnages, la conversation
tomba sur la vie ignoble et crapuleuse du misé-
rable François Philelphe 2 . Comme on l'accusait
de tous les crimes, quelqu'un demanda s'il était
d'origine noble. Un de ses confrères, homme
charmant et quelque peu farceur, dit avec un air
grave : — « Certainement et sa noblesse est même
des plus illustres, car son père mettait chaque
matin des vêtements de soie. » Voulant dire par
là qu'il était fils de prêtre, parce que les prêtres
ont en eit'et la coutume d'employer des vêtements
de soie quand ils officient.
1. Facelum diclum cnjiisdam in francisoiin Pliilelphiiin. Opéra
CLXXXVll. — XoEL, I. 11J8, II, 178. — Ristelhuber. LXXXII
p. 11-2. — LisEux, CLXXXVll, t. II, p. 107. Enricus Cordus. —
Delicœ Poetarum Germait : la .^mulum.
2. Il a été question de Philelphe à maintes reprises. Voir ce
qui a été dit do lui dans la notice sur Pogg-e.
238 I.l> KAf.KriK^ liK i'UGijE
CLXXXVIIl
Pldisdiiterte sur le même i.
Un autre non moins plaisant ajouta : « Il n'y a
là rien d'étonnant si ce descendant de Jupiter a
essayé de marcher sur les traces de ses ancêtres,
en enlevant une nouvelle Europe et un autre
Ganymède. » Cet homme voulait dire par là que
Philelphe avait amené en Italie une jeune vierge
grecque, tille de Jean Chrysoloras, qu'il avait
séduite, et que, par contre, il avait pour ses
charmes emmené en Grèce un jeune garçon de
Padoue.
CLXXXIX
Le iiolciire devenu maquereau -.
Il y avait à Avignon un notaire français, très
connu de la curie romaine qui, s'étant amouraché
d'une fdle publique, abandonna son étude et se fît
maquereau. Aux calendes de janvier, c'est-à-dire
(hi premier de l'an, il enJossa un nouveau cos-
tume sur la manche duquel il avait mis cette ins-
1. Contni enindeiH facclin. Opéra (JLXXXVJII. — Noei, : .1 aiipra.
- LisiEux, CLXXXVIIl, t. I[, p. lus.
2. Ve Icnoite farlo e.r nolario. Opéra i XXXXVIII. — XoEi., I, l'j:).
LisEix. CLXXXVIIl, t. II. p. Kl'J.
I.KS FACKTIKS IiF. I'(m,(,1-; 230
cription en lalin et en fraurais : De bene in
melius. De bien en mieux. Apparemment qu'il
trouvait le métier de maquereau plus honorable
que son ancienne profession.
cxc
Piaisanle inani'h'e de débari-asser
un Jtopital ' .
Le cardinal de Bari - , d'origine napolitaine,
possédait à Verceil, dans la Gaule Citérieure, un
hospice qui lui donnait peu de revenus, tant
étaient grandes les dépenses qu'on y faisait pour
1. FaceliDn cnjusdam Peirelli ut lihi'rarel hospitale a sordidis.
Opéra CX'>. — Guillaume Tardif : Joyeuse manière de chasser
les pauvres de ung Hospital, LXXXIX, p. '245. — Ristelhuber
LXXXIII, p. 113. — LisEux, t. n, p. IIU. — X.EL I, '20li: II, 18-2.
— Lenfaxt, t. II, LXXXVII, p. 235. — iMéon, Le vilain mire,
t. III, p. 1-13. — Legraxd d'Aussi, t. I, p. 398. — Chénier :
Fragmens du cours de littérature fait à l'Athénée de Paris tn
1806 et 1807, p. 90. — Ms. de Berui, 6M, fol. 4'.). — Vo.v Pfaffen
Amis, dans : Benecke Beilrafje zin- Kenuliiiss der altdexilschen
Sptache, Goett. part, II, p, 533. Imitalions : Die Eulettspieçiel,
hist. 17. — BoucHET : Sérées 30- série — Gibedt)-e de Morne p.
i5C. — ('ourier lacélieux, p. 129. — L'iiipital de Verciel. —
Histoires plaisatites et récréatives, p. 1 9.
'2. Loudolphe de Maremaur, l'ail cardinal diacre de Saii.t-
Xicolas in (jarcere en 1381. Il lut envoyé en 1409 à la diète de
Francfort par le collège des Cardinaux qui av.. ient renom é à
l'obédience de l'antipape Benoit Xlll et de Grégoire XII. Il as-
sista au Concile de Pise et à celui île Constan e. où il mourut
en l'iin. Le jour de ses funérailles, l'évèque de Lodi fit un dis-
cours où il ne dit pas un mot du cardinal, mais s'étendit sur
les défauts des ecclésiastiques. R,.
•^4(J LES FACKTIKS DE l'OOGE
soigner les pauvres. Un jour, il envoya un de
ses gens, nommé Petrillo, pour toucher ses
rentes. Celui-ci, ayant trouvé l'hôpital encombré
d'infirmés et surtout de fainéants qui épuisaient
les ressources de l'établissement, s'alfubla de la
robe d'un médecin, fit assembler les malades,
visita leurs plaies : — « Je ne vois, dit-il alors,
qu'un onguent de graisse humaine qui soit sus-
ceptible de guérir des ulcères de cette nature.
Aujourd'hui môme, je vais, en conséquence, tirer
au sort celui d'entre vous qui sera plongé vivant
dans l'eau bouillante et cuit pour le salut de
tous. » Saisis d'épouvante, en entendant ces
paroles, tous se hâtèrent de déguerpir, dans la
crainte d'être désignés par le sort. Tel fut le pro-
cédé qu'employa -Petrillo pour débarrasser l'hos-
pice de l'entretien de fous les malades peu inté-
ressants.
En ceste Facécie n'y a point de sens moral, mais est
seulement la joyeuse subtilité que trouva ce Vicaire pour
faire vuider les pouvres malades de l'hostel, qui a si
grande habondance y venaient que le revenu dudict
hospital ne proflltoit en aulcune chose au Maistre d'iceluy,
mais despuis prollita.
LES FACKIIKS DK l'IXidK 241
CXGI
PldisdiUe histoire criui précepteur qui abusa de
toute une famille ' .
Un habitant de Florence avait chez lui un jeune
homme pour faire l'instruction de ses fils. Celui-ci,
suivant l'habitude, abusa de la servante, puis de
la nourrice, puis de la maîtresse de la maison,
enfin de ses élèves. Le père, qui était un homme
assez spirituel, ayant su la chose, fit venir en
secret le jeune précepteur dans sa chambre et lui
dit : — « Maintenant que tu as abusé de tout le
monde ici (grand bien te fasse!), je ne veux pas
qu'il y ait d'exception, et j'entends y passer
tout comme les autres.»
CXCII
Le plus agréable des bruits - .
Sous le pontificat de Boniface IX, certaines
personnes discutaient la question de savoir quel
1 . Facetta cujusdam qui snbagitabat omnes de domo. Opéra, CXC.
— Noël, I, 201. Il, 183. — Liseux, CXCl, t. II, p. 112. — Ber-
nard DE LA. MoNNOYE, Fomiihis Forluiiatus. — J. B. Rousseau,
Epi(jramme. Un percepteur logé chez un Génois, édition Gar-
nier. — La Chaussée, Les Bonnets, conte ;
« Aux pieds d'un confesseur un ribaud pénitent,
Développant sa conscience...
2. ne sono jucuudiore inter ceteras. Opéra 191, — Noei I, p. 202;
II, 187. —Liseux, t. II, p. 113.
14
2i2 I.KS FACETIES DE P0(;(;E
était le plus flatteur et le plus agréable de tous
les bruits. On n'était pas craccord. Lito dlmola,
secrétaii'e du cardinal de Florence, du vrai cardi-
nal, émit l'avis qu'aucun bruit ne flattait plus
avantageusement les oreilles d'un aftamé que
celui d'une cloche. Il est d'usage, effectivement,
chez les Cardinaux d'annoncer aux familiers, le
dîner et le souper, en sonnant la cloche. Klle ne
se fait certes pas entendre aussi promptement
t[ue le désireraient certains appétits féroces, mais
aussi, lorsqu'on l'entend, son bruit procure par
avance aux alfamés une délectable satisfaction.
Toute l'assistance se rangea à l'avis de Lito, ceux
surt(jut dont l'expérience en ce point, s'était
formée à la suite d'une attenic parfois bien
lon£;ue.
Le Passe-letnps agirable, p. "21-!.
EPIGRAMME
On disputait dans une compagnie,
Des Amphions de France et d'Italie
Lequel devait avoir le pas, et puis
Quels instruments surtout avaient le prix.
Lutii, vioIoD, haut-hois, flùt, parta^ie
Des amateurs les discoidans airs,
Et tour à tour chacun a l'avanlage.
Adonc le point demeurait indécis,
Quand un Gascon, qui dans un coin assis
Ne di.-ait mot, du cercle se rapproclie.
Et gravement s'écrie : — « Ali '■ nii s amis 1
Le Roi de tous... — C'est... — Quel ?... ic lunrnc-broche.
X. Journal de Paris, 1797.
ir.S KACKTIKS l»r. l'OllGK 2-'i3
CXCIII
Du fils (Vun Prince, muet par ordre de son père
a cause de sa méchante langue
\ n jeune homme, fils d'un prince d'Espagne,
avait une langue tellement méchante, tellement
enfiélée et c[ui lui avait attiré de nombreuses
haines, que son père lui ordonna de garder un
perpétuel silence, auquel le jeune hommese sou-
mit. Sur ces entrefaites, ayant été conviés tous
deux à un festin donné par le roi et auquel la reine
assistait, le jeune homme absolument muet servit
fort adroitement son père. La Reine (qui était
impudique) crût qu'il était réellement sourd-muet:
pensant en tirer profit, elle jiria le père de lui
accorder son fils pour son service personnel.
L'ayant obtenu, elle l'employa à ses affaires les
plus secrètes, de sorte qu'il fut souvent témoin
de son inconduite. Au bout de deux ans. le père
se trouva dans un semblable festin pendant lequel
le fils du prince servit la Reine. Le Roi, qui avait
vu fréquemment le jeune homme que tout le
monde croyait sourd-muet, demanda au père si
son fils était sourd-muet de naissance ou par acci-
l)r filio principi mulo. j}i.ssu palris. proplcr Unçjuam inaledican) .
Opéra CXCV. — Nokl, I. 202. — Ristelhuber, p. 115. — LiSEt x
p. ll'i.
LES FACETfES DE P0(;(;E
dent. Le père répondit que ce n'était ni l'un
ni l'autre, mais bien par ordre, à cause de sa
mauvaise lan.eue. Le roi demanda alors que la
parole lui fut rendue. Le père résista très lon,^-
temps. disant qu'il redoutait un scandale, mais le
roi ayant insisté, le père finit par ordonner à son
lils de parler si cela lui faisait plaisir. Aussitôt, se
tournant vers le roi, le jeune homme lui dit :
— (( Vous avez une femme plus effrontée, plus
impudique que la dernière des putains. » Le Roi
l'empêcha de parler davantage. 11 arrive que des
gens qui ont rarement l'occasion de parler, ne
peuvent cependant pas s'empêcher de mal parler.
CXGIV
Histoire cViin liiteiir ^ .
Daccono degli Ardinghelli, citoyen de Florence,
ayant été nommé tuteur, administra longtemps
la fortune de son pupille, finalement la dilapida
par ses excès dans le boire et le manger. Lorsque
le moment de rendre compte de sa gestion fut
arrivé, le juge l'invita à présenter ses livres
d'entrée et de sortie; ce sont les termes d'usace.
I. Cujusd'iin luldris fnrliini. 0[»era l'.t^i. — Xoel I, Jlt'i; II, iS8.
— LiSKUX, t. II, p. IKi. — NitqdTCiinli'x : Di>quo(laai belltione,
p. 83. — MoM:mcs Delicio' poëlarutn (iaUornm : Tutor.
LES FACETIKS DE l'<i(i(;E
Daccono, montrant alors sa bouche et son cul,
dit : — « Je n'ai pas d'autres livres, voici pour
rentrée, voilà pour la sortie. »
CXGV
Diui Frère (jiii abusa tV une femme par le
moyen d'une ruse malicieuse
Certain Frère mendiant avait jeté les yeux sur
une jeune commère fort appétissante, et se mourait
damour pour elle. Comme il n'osait pas lui faire
de proposition déshonnête, il imagina une ruse
pour arriver à ses fins. Pendant plusieurs jours, il
s'enveloppa l'index de linge et fit mine de souffrir
atrocement. Voyant qu'il souffrait depuis si long-
temps, la commère lui demanda s'il avait essayé
des remèdes : — « Beaucoup, lui répondit le
frère, mais rien n'y fait; il y en a un cependant
qu'un médecin ma indiqué, mais il est de telle
nature que je ne puis en user et qu'on ne peut y
penser sans rougir. Là femme l'ayant engagé à
parler sans crainte, puisqu'il s'agissait de soula-
ger un tel mal, le frère lui dit avec un air pudi-
bond (]u'il lui faudrait se faire couper le doigt s'il
De Fratre qui coijnovU commatrem malitia facéla. Opéra
CXCV. — NoiiL, CXCIV-I.205. — Liseux, GXCV. T. II, p. 119.—
Cent Nouvelles nourelles, nouv. XCV : Le doigt du moine guéri,
p. W>, édit. Garnier. — Gkkcourt, Contes : I.e mal d'aventure.
— Ln Massera (jrala, faille vénitienne, 17'.i'i.
14.
îc/iO LES FA<;KTIKS Dr. l'OCdE
ne pouvait l'introduire et le maintenir quelque
temps dans certain pertuis secret, pour que la
chaleur fasse mûrir l'abcès, mais que par pudeur
il n'oserait jamais faire pareille demande à une
femme. La commère, mue de compassion, s'offrit
pour l'opération. Le frère lui dit (jue, par pudeur,
il voulait (|ue cela se fit en un lieu obscur, car
il n'oserait jamais en plein jour, profiter d'un
tel service. La commère n'y voyant aucun mal
y consentit. Etant donc entré en un lieu sombre
et la femme s'étant couchée, le frère introduisit
dans ledit pertuis, le doigt de sa main, d'abord,
puis il lui substitua celui de Priape ; cela fait,
il s'écria : — « L'abcès est crevé, il a jeté son
pus. » Et voilà comment le doigt fut guéri.
CXCVl
Plaisdiilcii'e à propos cCun caidinal grec
portant une longue harhe^ .
Un cardinal romain, Anpelotto, personnage
très jovial, voyant un cardinal grec - venir à
1. Faci'lhsimum \ni\v\()Hi dictum de Cardinale qraco harlialn.
Opéra CXCV. — Noël I. 20(i: II, isn. — RisTRi.iitMm LXXXV,
p. Wtl— LiSEUX, t. il, p. M'.). — l.HNFANT. t. II, LXXVI.p. *230.
— R(t(jev Jioiiteinps m hcllc hnnwur : Plaisante réponse d'une
villageoise, p. 381. — Le Passe-leinps atiréablc, p. '^12.
2. Le cardinal Bessarion. Né à Trebizonde en 1389. En U.i'J,
le pape Eu^t'ne I\' le cn'-a cardinal-])rrtrc du titre des Saints
I.KS FACETIES DE l'OClGE l'/iT
la ('ui'ie avec une longue barbe, et entendant
beaucoup de personnes manifester leur étonne-
ment de ce cjuil ne la lit point raser pour se con-
former à la coutume générale, dit : — " lia raison
d'agir ainsi; au milieu de tant de chèvres, ne faut-
il pas un bouc ? »
CXCVIl
-l propos (f un cavalier corpulent ^ .
Certain cavalier, pourvu d"un ventre proémi-
nant, entrait à Pérouse. Quelques habitants
(ils aiment à plaisanter en cette ville), lui
demandèrent, histoire de rire, pourquoi il avait,
contre l'habitude, sa valise devant lui. — « Pou-
vais-je faire autrement, repartit le jovial com-
père, dans une ville remplie de brigands et de
voleurs ? »
CXCVIIl
Plaisant propos d'un juge à un avocat'-.
On plaidait à Venise, devant un tribunal sécu-
lier, une cause relative à un testament. Les avo-
Apôtres. Sa maison était le rendez-vous de tous les amis des
letlres. Quand il sortait, on voyait dans son cortège Philelphe,
Pogge, Valla, etc. Il mourut à Ijavenne le 19 novembre 147'2.
1. De quodam équestre corpulento. — Liseux, t. II, p. 120.
2. Facetum ciijusdam judicis i}t advocaUnn qui allefjavil « Cle-
meiilinam » et « Norellam ». Opéra 191'.. — Noël I. -207: II, 190.
Ayant demande'' un joui*, par quel moyeu ou
pouvait se préserver du froid pendaut la nuit :
— « Voici, me dit quelqu'un, celui ({n'employait
— RiSTELHOBEU LXXXVI. p. 117. — LiSEUX, t. il, |J. 121. — Le.\-
FANT, t. II, LI, p. "21 'i. — EsTiKNNE : .{pitloifif, th. XXIX. ({4. —
licmocritns ridi'its, p. \'ti : Jiidcr indoclns. — CarpeiilanaïKi,
p. 325. — Oayot de Pitaval : Bihlinlhrfiue de cmir. de ville ri de
eampafiiie, II, l 'ri.
1. Remediitin nd frii/nf erilaitduju. Opéra C.XCVII. — NohL I,
2ilS. — LisEUx, t. Il, |). 122.
«'
248 LKS FACKTIKS l)K I'(m;(;K
cats des parties étaient là, détendant chacun les
intérêts de son client. L'un d'eux était prêtre; il ^
cita à l'appui de sa plaidoirie la Clémentine et la
Nove/lc, dont il lut quelques passages. Alors un
des .juges, fort âgé, ne connaissant pas ces noms
là (il u'avait avec Salomon qu'un commerce fort
restreint), interpella, d'un air furibond, l'avocat :
— « Que diable, s'écria-t-il, n'avez-vous pas honte
d'invo(juer devant nous le témoignage de femmes ^
impudiques et débauchées. Croyez-vous <jue leur ™
sentiment fera foi dans cette enceinte ? » Ce
magistrat ignorant s'était figuré que la Clé/ncntiiic
et la Novelle étaient, non pas des titres de lois,
mais le nom de personnes avec lesquelles l'avocat
vivait en concubinage. ;,
CXCIX
lienicde contre le fr(U(l '
I
LES FATÉTIES I)K l'0(;(iE 249
un de mes camarades, alors qu'il était étudiant.
Habitué à se vider le ventre après le repas, il s'en
abstenait cependant parfois et prétendait que les
matières, ainsi retenues, entretenaient, pendant
la nuit, la chaleur de son corps. » Ce remède est
tombé en désuétude.
ce
D'un prédicateur L
Le jour delà fête de Saint Christophe, un pré-
dicateur prononçait le panégirique de ce saint
devant une nombreuse assistance. U l'exaltait
surtout d'avoir porté le Christ sur ses épaules,
répétant à chaque instant : — «A qui est jamais
échu sur la terre, l'insigne privilège de porter le
Sauveur ? » Comme il répétait à satiété sa question:
— '< Qui a jamais obtenu une telle faveur ? »
— « L'àne qui porta le tils et la mère, » répondit
un plaisant obsédé, à la fin, de cette continuelle
interrogation.
Enceste Facécie n'y a point de sens moral, mais seule-
ment y est reprouvée la vaine et supersticieuse manière
(i'aulcuns Prédicateurs, trop continuans en vains propos.
1. De predkniorc (jiiddain. Opéra CXCVllI. — Guillaume ïar-
l'iF : D'un.L' prédicateur qui preschoit le jour de Saint-Grislofle,
XC. ],. ■:il. — NoEi. I. -208. — LiSEux, t. II, p. 1-23.
2c0
LES FA(.i:ili:S I)K l'OCCF.
I
CCI
De deux Doiiveaux mariés * .
Un charmant jeune homme de Vérone avait
épousé une toute jeune iille. S'abandonnant
phis que de raison aux plaisirs du mariage, son
visage s'altéra et son corps devint maigre et
débile. Dans sa sollicitude inquiète, sa mère
craignant de le voir tomber gravement malade,
le sépara de son épouse, le relégua loin d'elle à
la campagne. La jeune femme triste et regrettant
l'absent, apercevant deux moineaux qui se bec-
quetaient : — « Retirez-vous et bien vite, dit-elle,
si ma belle-mère vous 'voyait, elle ne manque-
rait pas de vous séparer. »
1. De adolesceulula sprjrefjata a vivo. Opéra GXCIX. — \oel I
i'OO ; II, 190-19-2. — LiSEUX, t. II, j). V2k. Dirliauiinivi' (Inxccdnlc!^
t. II, p. 193.
EI>IGR.\MME
Dame Gcrtrude avait un fils unique.
Beau, l'ait au tour, jeune époux de catin,
Jeunette aussi, qui du .soir an matin
Tant caressa qu'il en devint éliqui'.
De peur de pis, Gertrndo sépara
Le tondre couple. V.n vain, Catin ])leura,
Malj^ré ses pleurs, il fallut que la belle,
Trois mois entiers, couchât seule à l'écart,
Dans cette angoisse advint (]uc, de hasard,
\ sa fenêtre un jour la jouvencelle,
Contre le mur sous un toit fait exprès,
œn
Discussion héraldique ' .
Un Génois, patron d'un transport armé enguerre
contre les Anglais, pour le compte du roi de
France, portait un caisson sur lequel était peinte
une tête de bœuf. Un gentilhomme français s'en
aperçut et revendiqua ces armoiries comme lui
appartenant. Une querelle s'ensuivit et le Fran-
çais provoqua le Génois en duel, (le dernier
accepta le déti et se rendit sur le terrai a sans
aucun apparat, l'autre y vint après, en erande
pompe : « Quel est, dit le Génois, le molif qui
nous amène ici? » — « G'est répondit le Français
parce que tu as usurpé des armoiries ayant appar-
Vit des serins qui dans une volière
Faisaient l'amour. — « Ah ! dit-elle, pauvres!
Que vos plaisirs, que vos jeux sont donc... .Mais,
Dèpêche/.-vous, j'entends ma belle-mère. »
B. I)K LA Mo.NNOVE.
GRiicouBT : (.'oHli'x. La bagatelle.
1. /)(' (Uiorum coiilenlioiii' pio vodciii insiiitii annon(m. Opéra "200.
— (tuillaume Tardik : De celluy qui dit qu'il porloit une teste
de vache en ses armes, X(JI, p. -ïï). — Xoel I. 210; II, 192. —
LeXFANT, t. 11. XCIX, p. 21.3. — RiSTELHLIiER LXXXVII, p. US.
— LisELx, t. Il, p. 125. — GuicciARDi.M ! Ilofe (H Récreazione,
Una ijualcltc asiu::ia, etc. — Bouchet : Sén-es, sérée O'- — Demo-
critiis ridcns, p. Cli : Duelluin rilalum. — Roger Boxtemps en
beld' humeur : Plaisant duel sur des devises. — Le Passeletnps
a<iréable, p. 20;).
252 LES FACÈTfKS UV l'OGliE
tenu à mes ancêtres et à moi, avant d'être aux
tiens, je le jure. » — « Ouelles sont donc ces
insifînes? » reprit le Génois. — c( Une tète de
bœuf » répliqua le Français. — « Alors, ajouta le
Génois, tout combat est bien inutile, car ce n'est
pas une tête de bœuf, mais une tête de vache que
je porte. » Ce propos plaisant mit à néant la
jactance du Français.
En ceste Facécie n'y a point de sens moral, mais seule-
ment y est la joyeuse excuse que print le Gennevoys de
dire qu'il ne portoitpas la teste de ung beuFen ses armes,
mais portoit la teste d'une vache.
CCIII
D'un médecin qui donnait des remèdes
(lu lidsard l .
Il est d'usage à Home, pour obtenir une consul-
tation, de faire parvenir au médecin, un peu de
l'urine du malade et deux pièces d'arg-ent. J'ai
connu certain médecin qui écrivait sur des bouts
de papier, dans la soirée, divers remèdes pou-
vant être employés dans différentes maladies (on
nomme ces formules des recettes) et les jetait
1. Facetum medici qui sorte medelas dabdl. Opéra 201. — Noël
I, 211, II, 1!)8. — LlSEUX, t. II, p. 127. — BONAVENTUKE DES
PÉHiKRS, Coules; p. 257, Edit. Garnier. — Carabincria et matni-
scrics soldatesques : c. (i, p. 38. — Gahosse, Doctrine curieuse,
p. 392. — Dictionnaire d'Anecdotes, t. II, p. IflO.
LES FACETIKS DE POr.GE 253
pêle-mêle dans un petit sac. Le matin venu, on
lui apportait les urines pour obtenir une recette.
Plongeant alors la main dans le sac, le mé-
decin en retirait au hasard une formule et la pré-
sentant au client, il disait en italien : « Prega
Dio te la mandi buoiia, » autrement « Prie Dieu
qu'il te la baille bonne, n Triste perspective
réservée à ceux dont la santé dépendait de la
chance et non de la raison.
CCIV
Conseil à un débiteur ennuyé^.
Triste et mélancolique, un habitant de Pérouse,
circulait j)ar les rues de la ville. Quelqu'un lui
ayant demandé ce qui le préoccupait si fort ;
le promeneur répondit qu'il avait des dettes qu'il
ne pouvait acquitter. — « Bast! que tu es bête,
répliqua l'autre, laisse donc ton créancier s'en
inquiéter. »
En ceste Facécie est montré pour sens moral que le
soulcv des choses impossibles, ou dilllciles à nous, est
vain, comme quant ung bon marchant, qui a plusieurs
créditeurs, toutes fois par fortune ou inconvénient il pert
1. Exploratio ad hominem iristem ah pecumam debitam. Opé-
ra 202. — Guillaume Tardif : De celluv qui estoit marry pour
ce quil estoit en debte, XCIL p. 2.V2. — Noël I, 212; II, 198-199.
— LeNFANT. II. 141). — RlSTELHUIiER LXXXVIII . p. 119. —
254 LES FACÉTIES DE POGGE
ce dont il espère leur satisfaire, c'est foUie à luy de trop
se niélancolier quant il n'y a point de remède, non pas
aussi que il doive estre si négligent que de tous pointz
ne luy en chaille, ainsi que au Pérusien devant dict, que
l'aultre plus confortoit par facécie que aultrement, quant
il lui disoit qu'il laissast le soulcy de ses dettes à ceulx
à qui il devoit et qu'ilz estoient assez soulcyez comme il
les payeroit.
ccv
De la peine infligée ii des nieurlviers Grecs
et Génois ^
Des Génois habitant Péra, quartier près de
Constantinople où résident spécialement les
LiSKux, t. II, p. 128. — Democritus lidens : ^Ere dirutus — Ba-
RATON. Poésies : « L'Insolvable ». — Diction. d'AitecdoU's, II,
p. 191. — Gerardus DicŒus épigr. citée par Noël.
EPIGRAMME
Guillot se promenait triste, morne et rêveur;
« Qu'as-tu donc' lui dit dit Jean, d'où vient cette langueur .'
— Vraiment, reprit Guillot, je n'ai pas l'âme en fête;
Ce qui me rend triste comme tu vois,
Sont deux mille écus que je dois
Et qui me rompent Tort la tète;
Tout mon argent se monte à beaucoup moins,
Je ne saurais payer cette somme empruntée,
— Ah! pauvre fou! dit Jean, va, va, laisse ce soin
A celui qui le la prêtée. »
Sai.n't-Glas, Contes, 1672.
1. Depœnaiiiiposita Gracis et tieiiuensihus homicidis. OperA CCII.
— NoEL, I, 212. — Guillaume Tardif : I)es Grecs qui eurent la
barbe du visaige raize et aussi les Gennevois celle du cul, XCIII
p. Ih'i. — Lenfant, p. 247. — Ristelhuber, LXXXIX, p. 120.
Liseux, ccv, t. II, p. 129.
LES FACETIES DE POOGE 255
Génois, étant venus en ville pour les affaires de
leur négoce, se disputèrent avec des Grecs et
quelques-uns d'entre eux furent tués et blessés.
L'Empereur, près de qui on implorait justice de ce
meurtre, la promit prompte et bonne ; en consé-
quence, il ordonna qu'en expiation de leur crime,
les coupables eussent la barbe rasée, ce qui est
pour les Grecs une chose ignominieuse. Le Consul
des Génois de Péra, pensant qu'on se moquait de
lui, jura de venger lui-même ses compatriotes. A
quelque temps de là, des Génois étant entrés dans
Constantinople tuèrent et blessèrent un certain
nombre de Gi'ecs. L'Empereur aussitôt se plai-
gnit grandement au Consul de Péra en réclamant
un châtiment. Le Consul donna sa parole de
punir les coupables. Le jour fixé pour l'exécution,
il ordonna d'amener les coupables sur la place
publique, comme s ils allaient avoir la tête tran-
chée. La foule, composée de beaucoup de Grecs
et de toute la population de Péra, attendait
anxieuse ; les prêtres mêmes avec la croix s'y
trouvaient prêts à porter les cadavres en terre. Le
crieur public ayant fait faire silence, le Consul
ordonna de raser le cul aux coupables, déclarant
que les Génois, s'ils ne portent point de barbe au
menton, ils ont du moins du poil au cul. Ainsi,
Michel VllI Paléologue, pour réparer les ruines et accroître
la population de Constantinople, confirma en 1202, aux Génois,
aux Vénitiens et aux Pisans, la possession des divers quartiers
où ils s'étaient établis (l{ .
256 LES FACÉTIES DE l'OGGE
en rasant la figure des uns et le cul des autres, la
peine fut égale pour les malfaiteurs.
En ceste Facécie n'y a aulcuu sens moral, mais y est
seuUement monstrée la joyeuse recompense que les
Grecz eurent des Gennevois par le Prévost, qui dist :
« Les Giecz portent liarbe au visage et les Gennevois la
portent entre les fesses », et leur fisl raire le cul.
CCVl
Pourquoi les Romains dé^éuèrcfit ? '^ .
Aux Calendes de mai, les habitants de Rome
préparent et mangent le matin plusieurs variétés
de légumes qu'ils appellent vertus. Un jour, on
plaisantait entre amis, à propos de cet usage,
Francesco Lavegni, de Milan, qui était présent,
dit : — « Je ne m'étonne plus maintenant de ce
que les Romains aient dégénéré de leurs ancêtres,
puisque chaque année, ils anéantissent leurs
vertus en les mangeant. »
1. Facehtm coiiti-a Ronianos (jui cduiit a rirtules u Opéra 20'i.
Noël I. 214. — Liseux, t. II, p. 131.
LES FACÉTIES DE POGGE 257
GGVII
Vœii imprudent à la Vierge Marie i .
Me trouvant en Angleterre, j'ai entendu citer
un mot plaisant d'un capitaine de navire marchand,
irlandais d'origine. Le navire, ballotté par les
flots, fut assailli en pleine mer par une violente
tempête ; il était tellement désemparé que l'équi-
page désespérait du salut. Le capitaine fit vœu,
si l'on écnappait à ce g-rand danger, de donner à
certaine église placée sous le vocable de la Vierge
Marie, Mère de Dieu, très renommée par suite de
faveurs obtenues en pareilles circonstances, un
cierge aussi élevé que le grand mât. Le second,
blâmait un pareil vœu, parce qu'on ne trouverait
pas en Angleterre, assez de cire pour confec-
tionner un cierge de pareille dimension : — « Eh !
tais-toi donc, dit le capitaine, laisse-moi faire à
la Mère de Dieu toutes les promesses qu'il me
plaira pour nous tirer du péril. Si nous sommes
sauvés, elle se contentera bien d'une petite chan-
delle. »
1. De (pKtdani (pu cocit candelam Virijini Maria'. Opéra •JO-"). —
Noël 1, 21 i; II, lUô. — Lenfant II, L, p. 214. — Ristelhuber
XC, p. 122. — LisEox, t. II, p. 137. Promptuarium exetnplonim
ad usum pi-œdicantium secundum oi-dinem alphabeli, imprimé au
xv° siècle, traduit sous le nom de Fleur des commandeme>its de
Dieu, dans d'Artigny. — Noureau.r Mémoires d'histoire, de critique
et de littérature. Paris 1740-17.56. — Bebellian, Facet. I, II,
p. 102 : De rustico saialuui Mcolnuni inrocante.
258 LES FACÉTIES DE l'OGGE
CCVIIl
Histoire de celui qui fit également un vœu
à Saint Cyriaque ^ .
Dans une circonstance semblable, certain mar-
chand d'Ancône, ag-it de la même façon à l'égard
de Saint Cyriaque, patron de la cité et qu'on repré-
sente portant une longue barbe. Son navire étant
secoué par des vagues énormes, notre homme fît
vœu d'offrir une maison à Saint Cyriaque, dans
un délai qu'il fixa. La date indiquée étant passée.
le marchand vint se confesser et avoua au curé
de la paroisse le vœu qu'il avait fait. Le prêtre,
qui comprenait l'utilité que cela aurait plus tard
pour lui, exhorta son pénitent à accomplir sa
promesse. Le marchand répondit qu'il s'empres-
serait de décharger sa conscience d'une si lourde
préoccupation; toutefois, il ne s'exécutait pas
malgré des remontrances souvent réitéi'ées et
quelques fois un peu vives». In jourenfia, fatigué
peut-être de l'insistance de son curé, ou désirant
afficher par fanfaronnade son impiété, il répondit
à une nouvelle interpellation : — « De grâce, ne
me tracassez plus à ce sujet, j'ai roulé maintes
fois de plus longues barbes que celle de Cyria-
que. »
• 1. Facelnm item dr atiu t/Hifeiil volmn sancio Cyriaco. Opéra 20G.
— "Noël 1, 215. — Liseux, t. II, p. 133.
LES FACETIES DE POGGE 259
CCIX
D'une veuve qui désirait se remarier avec un
homme âgé K
Une femme veuve disait à une voisine que,
bien que la vie du monde n'ait plus de charme
pour elle, elle désirait, cependant, épouser un
homme âgé, plutôt pour avoir une société et
l'aider à supporter l'existence que pour tout autre
chose, car. il était l'heure pour elle de songer à
son salut et non point à la satisfaction de ses sens.
La voisine promit de lui trouver un mari à sa
convenance, et, dès le lendemain, elle vint dire à
la veuve qu'elle avait trouvé un sujet ayant toutes
I. Millier vidua quœ citpiebat hahere virum provecta œtate.
Opéra CGVII. — Noël, I, •:21G; II, 195. — Guillaume Tardif,
XCIV : De la vieille qui se voulut remarier et refusa ung
homme par laulte d'oustil, p. '258. — Ristelhuber. XCl : La paix
du Ménage, p. 123. — Liselx, II, p. 12.^. — Abstemius : Fabulœ
« De Vidua virum petente », p. 54. — Balthazar Bonifacl :
Historiœ ludicrœ : Pax conjugis. — Gérard Dicœus : Conjugii
pax. — GwEN : Uxor pia et Ad Marinuua '^cités par Noël}. —
G. BoucHET : Snres, sérée V. — Ldd. Guicciardixi : L'hore di
Ricreazioiie : L'hipocrisia mal potersi ricoprire, p. 21(1. — Le
Tombeau de la Mélancholie: Hypocrisie d'une jeune veuve, p. 112.
— Esope en belle humeur: « La jeune veuve amoureuse, p. 136.
— Baraton : Poésies : « L'Eunuque ». — Julien Scopan : Œuvres
diverses {[l'2Hj : La Veuve d'.Avignon, conte; I, p. 38. — Ano-
NYMB : (I Un mari et une femme vieux et qui vivoient depuis
longtemps ensemble se querellaient, le Mari dit à la femme :
Quand on est à notre âge, il ne faut pas se brouiller, parce
qu'on n'a pas de quoi se raccommoder ». — Sedaine: Œuvres,
c. .
260 LES FACÉTIES DE POGGE
les qualités désirées, particulièrement celle dont
il avait été surtout question. C'est-à-dire, qu'il
manquait de virilité. Mais la veuve se récria : —
« Je n'épouserai jamais cet homme-là. Car si le
Pacificateur (c'est ainsi qu'elle appelait l'outil à
fabriquer les hommes) fait défaut, quel Médiateur
(car on doit vivre en paix avec un mari) viendra
apaiser les querelles qui pourront surgir entre
nous ? »
En ceste Facécie est monstre comme les paroles ne
sont pas toujours la vraye urine du cueur et comme elles
sont contraires à la pensée, ainsi que de la vieille qui
disait qu'elle ne vouloit plus avoir compaignie d'homme;
toutefois, quant on luy en oiïroit un chastré, elle le refusa
disant que le membre génital est principal médiateur
pour mettre paix entre l'homme et la femme *.
1. L'homme porte avec lui la paix du ménage. Au salutaire
toucher de l'homme, vieille grondeuse met bas tout courroux,
jeune querellant s'apaise et prend patience. L'homme guérit les
souffrances et adoucit les humeurs, l'homme rétablit les forces,
ôte les causes des obstructions, donne l'esprit et le jugement,
rend parolle; redresse et restaure. L homme seul fait en la femme
plus de miracles que n'en ont fait ni saint François, ni tant
d'illustres saints du pieux et sacré Martyrologe. Enfin les mer-
veilles de l'homme en la l'eiume surpassent celles de frère Luca-,
quand prêchant au plus fort de l'hyver, il fait suer de détresse
les plus iioids de ses auditeurs. {}{('■ fierions de l'éd. d'.VmsIer-
dam, 171"2}.
LES FACETIES DE POGGE 261
ccx
D\iit moine qui engrossa une abbesse '.
Un Frère, de TOrdre des Minimes, aimait
l'abbessc de certain monastère de Rome (que j'ai
bien connue) et lui demandait, sans cesse, décou-
cher avec elle. Cette femme refusait toujours,
parce qu'elle craignait de devenir grosse et d'en-
courir de ce fait une punition des plus sévères.
Le Frère lui promit alors de lui apporter ce qu'il
appelle un brève - qu'il sutfit de porter suspendu
au cou par un fil de soie pour n'avoir jamais
d'enfant, et de cette façon être à même de faire
lamour sans crainte, avec qui lui plairait. Elle le
crut, parce qu'elle le désirait et le Frère posséda
maintes fois la femme. Au bout de trois mois,
celle-ci s'aperçut qu'elle était grosse, mais le Frère,
ayant flairé la chose, avait pris la fuite. L abbesse,
se voyant jouée, détacha le fameux brève et
l'ouvrit pour voir ce qu il contenait. Il portait ces
mots, en très mauvais latin : Tasca imbarasca,
non fcicias te supponi^ et non implebis tascani^.
1. De quodam fratre abbatissam i)npr(Fgnan(e. Opéra CCVIII.
— Guillaume Tardif, XCV, p. -261. — ' Ijseux, II, p. 13G. —
GiucciARDiNi, Hni-e di Ricreazione : Ne anche aile donne, etc.,
p. 167.
2. Amulette, talisman.
3. Cette phrase, en très mauvais latin de cuisine, n'csl qu'un
262 LES FACÉTIES DE l'oGOE
Il faut convenir que Tincantation est on ne peut
plus iafaillible pour éviter la fécondité.
En ceste Facécie n'est touché si non la légiereté de
croire qui fut en la dame, croyant que ung brevet la peut
garder de concepvoir ; mais est à supposer que la bonne
voulenté qu'elle avait au Saint luy faisait faire le pèleri-
nage et quelque excuse qu'elle fut, n'estoit que par cou-
vertun' d'aucune honte qu'elle avait.
CCXI
Spirituelle réponse ri un eiifiint précoce^
Ang-elotto, cardinal romain, esprit caustique,
prompt à la riposte, parlait beaucoup et la pru-
dence n'était pas toujours son fait. Pendant le
séjour du pape Eugène, à Florence, un enfant de
dix ans, charmant, espiègle, lui fut présenté. Fort
jeu de mots qui roule sur le sulistantif italipn in^cn qui sin-nific
poche, sac. besace, (jibeciève et un laiigag'e vulgairo renlre. Il faut
aussi remarquer que le mot .syic désigne la robe de bure monas-
tique droite et sans taille, c'est-à-dire en forme de sac. Eiilm
le mot tasca en langage ordurier signilie rulia, et dans cette
phrase, il serait employé, la première fols, par métonymie, ce
qui arrive très fréquemment. I.a signifiration de ce latin bizarre
serait donc : yourie flans l'etnbai-ras; ne le fais pas cheraucher, si
lu )ic roi.r pas le faire emplir le rentre.
1. Ciijusdani pueri )niran(la lesponsio in Angelollinn carclinaleni.
Opéra "211!). — <',L'iLt.AUME Tardif : Une joyeuse responce d'un
sage enfant à un fol cardinal, XCVl, p. 2(i:i. — Noël I, 218; II,
2()l--20'>. — RiSTELHUHER XCll. p. 124. — LiSEOX, t. II, p. 139. —
Ubsinus V'jiLiL's, dans hetilifr pnelantm qermanornm. « Scitum
puella r(\sponsiuin » — Le Passe-lemps açirrahle, p. 381. -
LES FACETIES DE POGGE 263
avisé, il adressa quelques mots seulement au car-
dinal, et des mieux tournés. Angclotto frappé
du sérieux et de la tenue de cet enfant, lui fit quel-
ques questions auxquelles celui-ci répondit avec
à propos; se tournant alors vers ceux qui l'en-
touraient, le Cardinal, dit : — « Ceux qui dès
l'enfance montrent tant d'esprit et de connais-
sances, voient, avec les années, leur intelligence
décroître et lorsque vient la maturité, ils ne sont
plus que des imbéciles, » Le gamin répartit sur
le champ : — « S'il en est ainsi, vous avez dû être
de bien bonne heure aussi savant que spirituel. »
Brusque et plaisante réponse (|ui abasourdit le
cardinal honteux d'être repris de sa sottise par
un enfant.
En ceste Facécie sontreprinz les solz et oullre-cuydéz
qui tant présument de leur personne que il leur est advis
liABATON : PorKics. L'Eut'ant spirituel. — « Quand ils ont tant
d'esprit, les entant-i vivent peu », Casimir Del.wigne : f,es
Enfants d'Edouard, I, 2.
ÈPIGRAMME
Comme un jour à la cour d'un célèbre monarque,
Devant je ne sais quels courtisans orgueilleux,
Un enfant de six ans, d'un esprit merveilleux.
Prononçait des propos très dignes de remarque.
L'un d'eux jura qu'un jour il serait un badau,
A cause qu'étant grand on est toujours lourdau.
Quand pendant son enfance on s'est montré si sage:
Lors l'enfant l'œilladant, lui dit tout froidement :
Au compte, Monsieur, pendant votre bas âge.
Vous étiez donc doué d'un grand entendement I
I .lima les PoclùjuesJ
26i LES FACÉTIES DE POGGE
que aultre ne les vaille et, quelque vertu ou don de grâce
que aultre ait plus que eulx, si le veuUent ilz desprimer
par une villaine niordance de langage qu'ilz ont entre
eux.
GGXII
V apprenti savetier et la femme de son
patron '.
L'apprenti dun cordonnier d'Arezzo revenait
souvent à la maison, prétextant qu'il y cousait
plus commodément les chaussures. Ces allées et
venues fréquentes éveillèrent les soupçons du
patron qui, un beau jour, en rentrant inopiné-
ment, trouva le gars entrain de besogner sa
femme. — « Voilà une couture pour laquelle je
ne te donnerai point d'argent, fit-il, et je te
charge de mes malédictions. »
CCXIIl
Plaisante histoire d'une jeune femme qui
faisait des pets ''.
Une jeune mariée allant voir ses parents avec
son époux, vit, en traversant une forêt, plusieurs
1. De disciprilo cerdonis qui subaqilahal nifureiii maqisiri.
Opéra CCX. — Noël, I, 219. — Liseux, GCXII, t. Il, p. 140.
2. Fncetia cujusdant adoh>s€ei((ul(e qmr itnitehal petiim. Opéra
I
LES FACÉTIES DE POCCE 265
bôlici's qui sautaient les breljis ; elle demanda
pourquoi ils allaient j)lutôt aux unes qu'aux autres.
Son mari lui répondit, en riant : — « (^est que
dès qu'une brebis a fait un pet le bélier la saute ».
Alors, elle lui demanda si c'était aussi l'habitude
des hommes. Comme il lui dit qu'il en était de
même, elle fit aussitôt un pet, et son mari gaie-
ment imita le bélier. Ils s'étaient à peine remis
en route, que la femme fit un nouveau pet et que
l'homme recommença la besogne. Enfin, ils
n'étaient pas sortis de la forêt que la femme, pre-
nant goût à ce jeu, fit un troisième pet, mais
l'homme, épuisé par le travail et le voyage,
se récria en disant : — « Non, tu chierais ton
cœur, (jue je ne t'en ferai pas davantage ! »
En ceste Facécie, il n'y a rien de moral ; c'est toute
matière salle, sinon en tant que la femme print en sa
fantasie la similitude que son marv lui bailla, disant que
les moutons habitoyent les brebis quand il les oyoient
peter, et pour tant pétait la jeune Mlle aflin que son mary
lui fist aiiisy.
CCXI. — XoEL I, -220; II, 204. — Guillaume Tardif, XCVII :
De la jeune femme mariée qui fist troys pets affin que son mary
l'habitast, p. 263. — Liseux, GCXIII, t. II, p. 141.— Tabourot
DES Accords : liiqarures. — Escvaicjncs Dijonnaises. Liv. I. —
D'OuviLLE •■ Elile des Contes : D'un paysan et d'une damoiselle,
p. 18.J. — Coules à rive ou Récréalioiis françaises, p. !5G. — Gré-
court : Contes, Etymologie de l'Aze to f...I t. 1. l.'ii. — Piron,
Œuvres.
266 LES FACÉTIES DE POGGE
CCXIV
Dire cl faire ' ,
Je connais un farceur qui demanda à un reli-
gieux ce qui était plus agréable à Dieu, dire ou
— faire : « Faire, répondit le religieux. » — « Alors
répliqua le plaisant, celui qui fait des chapelets a
plus de mérite que celui qui les dit. »
CCXV
D'un Egyptien qu'on chcj-chail a convertir- .
Un Egyptien, venu en Italie, fut encouragé par
un chrétien qu'il connaissait de longue date, à
entrer au moins une fois dans une église, pendant
la céh'bration d'une messe solennelle. Le mé-
créant y consentit et, mêlé aux fidèles, assista à
roftice. Or, quelques jours après, se trouvant en
compagnie, on lui demanda ses impressions au
sujet de la cérémonie. Il répondit (jue tout se
p.MSsait fort bien, mais qu'il avait remarqué
1. (Juid ait ncceplius Dca, dicere aut facere? Opéra 21 "2. — \oel
I, 221. — LisEux, t. IF, p. 142. — Lenkant, t. II. LXVI, p. 22:5.
2. De Eçnjfjto horlalo ad fidem. Oi)era 21.3. — Xoel 1, 221. —
Lenkant, t. II, p. 214. — Ristelhuber XtJlII, p. 120. — Liseu.x.
t. II, p. 113.
LES FACETIES DE l'OGGE 267
cependant que la charité faisait toutefois défaut :
car un seul manae et boit, ne laissant aux autres
ni une miette de pain, ni une goutte de vin.
En cesle responce est louché ung- grant argument et
ot obprobre que les Juifs ont contre les caestiens, c'est
assovoir que charité, qui est le principal commandement
de la loy est faillie entr'eulx, et pourtant ilz ne veuUent
croire à la lov des crestiens bonne.
CCXVI
^ De r Ei'êqiie espagnol qui mangea des perdreaux
en guise de poissons K
Un Evéquc espagnol, voyageant un vendredi,
s'arrêta dans une auberge et fit chercher du pois-
son par son domestique, mais celui-ci n'en pou-
vant trouver rapporta deux perdrix à son maitre.
L'évèque, les ayant payées, ordonna de les faire
cuire et de les lui servir. Très étonné, le domes-
tique, qui croyait les réserver pour le dimanche,
demanda à l'évèque s'il allait les manger un jour
de chair défendue. L"évc(]ue lui répondit : — « Je
les mangerai comme si elles étaient poissons. » Le
valet fut de plus en plus stupéfait : et l'évèque
1. De episcopo hispauo qui comedit perdices p)-o piscibus. Opéra
CCXIV. — Noël I, 22-2; II, 201). — Ri.-.tllhubeb. XCIV, p. 12G.
— LisEox, CCXVI, t. II, p. 144. — Les cent nourelles itouvelles,
nouv. 99. — J.a métamorphose. — Edit. Garnier. — Beroald
DE Vebviixb. Moyeit de parvenir, XXVI. — Edit. Garnier. —
Alexandre Dumas : Histoire du moine Goienflo.
268 LES FACETIES DE POGGE
ajouta : — ((Ne sais-tu pas que je suis prêtre ?
Eh bien ! est-il plus difficile de changer le pain
dans le corps du Christ, que des perdreaux en
poissons. <( Et, faisant le signe de la croix, il com-
manda aux perdreaux de se transmuer en pois-
sons.
En cesle facétie il n'y a que l'escuse de l'Evesque qui
dist qu'il pouvoyt par paroles faire de chair poisson aussi
bien comme il faisoit le pain le corps de Jésus-Christ.
CGXVII
Uun fou qui, dormant avec l'A/'chei'êque de
Cologne, déclara que celui-ci était un
quadrupède '.
Défunt l'archevêque de Cologne avait beaucoup
d'affection pour un fou qu'il faisait coucher avec
lui ^ Or, une fois que l'archevêque avait une
nonne dans son lit, le fou qui était couché aux
pieds s'aperçut qu'il y avait plus de jambes qu'à
l'ordinaire. Tàtant un pied, il demanda à qui il
était. L'archevêque répondit qu'il était à lui,
1. Dr falud ildniiiciilc cuin aixhiepiscopo Colottioiis (jui lU.rit
cHin (luadnipcdein. Opéra CCXV. — Nobl I, l'23. — I.i>eux,
(>CXVII, t. II, p. 145. — RiSTELHUBER, XCV,p. IVÎS. — ESTIKNNE.
ApoUxjie pour Ilérodole, ch. 39. — Bonaventure des Périers.
Contus, Edit. (larnier.
2. C'était dans les mœurs du temps, le dernier degré de
l'amitié. L'Arétin avait une place dans le lit de Jean de Mëdi-
cis, le Grand Diable : LeKcre, t. III. p. \li. iR .
LES FACÉTIES DE POGGE 269
se précipita à la fenêtre, en criant de toutes ses
forces : — « Accourez tous vt»ir un phénomène
nouveau et extraordinaire : Notre archevêque qu^
est devenu quadrupède ! » Il révéla ainsi la tur-
pitude de son maître.
(lelui qui se plaît dans la société d'un fou est
certainement plus fou que lui.
ainsi que le second puis un troisième et même un
quatrième. Alors le fou, se levant en toute hâte,
En ceste facétie est montré par expérience (}u il est bien
fol et très infâme qui se delect a ung l'ol, car un Fol ne
sçait quant il doit parler et souvent accuse ce qu'il doit
celer.
CCXVIII
Plaisanterie du pape Martin à un
ambassadeur importun l .
Un ambassadeur du duc de Milan insistait avec
acharnement pour obtenir je ne sais trop quelle
concession, dont le pape Martin ne voulait pas
entendre parler. Ce très importun ambassadeur
harcelait sans cesse le Pontife, il le suivit même
un jour jusqu'à sa chambre à coucher. Arrivé là,
le Pape, pour échapper à cette obsession, porta
la main à sa mâchoire — « Oh! fit il, que j'ai
mal aux dents! » et plantant là Fambassadeur, il
rentra chez lui.
1. Fncetum Martini Pontificis iii oratorvni tnolest it m. Opéra IIG.
— XoEL I, '22 i. — LisEux, t. II, p. 1 i7.
270 LES FACÉTIES DE POGGE
GCXIX
A propos du cardiiifil Angelotlo ' .
Dans un flot de paroles, quelqu'un récriminait
contre la vie et le caractère du défunt cardinal
Angeletto. Il fut, en effet, rapace, violent, sans
conscience. Un des assistants ajouta : — « Je
suppose bien que le diable l'a déjà mangé et chié
plusieurs fois, à cause de sa scélératesse. » Alors,
un plaisant de répliquer : — « Sa chair était si
mauvaise, qu'aucun diable, même avec un excel-
lent estomac, n'aura osé le manger de peur d'avoir
des vomissements. »
CGXX
Puissance d'un cadeau'^.
Autrefois, vivait à Florence un chevalier que
nous avons bien connu; de petite stature, mais
portant une barbe assez longue. Certain plaisant
se mit à le taquiner chaque fois qu'il le rencon-
trait, à tourner en dérision l'exiguité de sa taille
1. De (juodam qui danuiabat vilain ca)-iliiialis Àurjelolli. Opé-
ra 217. — \oelI, 2-2i. — Ristelhuiîkk XCVI. p. 129. — Liseux,
t. II, p. 14s.
?. De falKO (jiii niililctn l'ioriniliiium inidehat. Opéra 218. —
Noël I, 2-2.'). — Liseux, t. H. |). 140.
LES FACÉTIES DE P0(;(;E 271
et la longueur de la l)arbe; il y mit tant d'achar-
nement que cela devint agaçant. Informée de la
chose, la femme du chevalier fit venir notre
homme, lui fit accepter un bon repas et de plus
un vêtement, en lui recommandant de ne plus
molester son. mari à l'avenir. L'homme promit
et par la suite, chaque fois qu'il rencontra le
chevalier, il ne souffla plus mot. Surpris de ce
silence, on voulut le faire parler, on lui demanda
pourquoi il ne bavardait pas comme auparavant.
Alors, le doigt posé sur les lèvres, il dit : — « On
m'a rempli la bouche, afin que je ne puisse plus
parler. » Un excellent moyen de se concilier la
bienveillance . c'est de donner à manger aux
i^ens.
CCXXI
Singulière excuse dune femme stérile^.
La femme d'un seigneur fut répudiée par son
mari au bout de quelques années, pour cause de
stérilité. Lorsqu'elle fut rentrée à la maison pater-
nelle, son père lui-même, l'abjura en secret, de
lui dire pourquoi elle n'avait pas cherché à faire
1. Excusatio slerilitatis filiœ ad patron. Opéra CCXIX. —
Noël I, ^M; II, 210.— Guillaume Tardif, XCVIII: L'excura-
tion d'une fille qui ne pouvoit concepvoir enfans, p. 208. —
LiSEUx, CCXXI, t. II, p. 150. — Bebblian. Fahrl. L, t. Il —
Fabula tacetissima de pulchra Matronâ, p. ll'i. — Hisinires
272 LES FACÉTIES DE POGGE
nn enfant avec son mari ou avec d'autres ? —
« Mon père, répondit-elle, je vous jure que ce n'est
pas de ma faute, j'ai essayé tous les domestiques,
même les valets d'écurie, pour voir si je pourrais
concevoir, çà ne m'a servi de rien » . Le père plai-
gnit la malchance de sa fille qui n'était certaine-
ment pas stérile par sa faute.
En ceste Facécie est monstre ung ini'onvenient qui
peut souvent advenir en mariage, si ce n'est de la grâce
des femmes, c'est de engendrer un maulvais héritier ; car
pourroil estre de telles femmes que, quant elles verroyent
que leurs marys ne leur feroyent des enfans, essaye-
royent à en faire par autruy, ainsi que la Damoiselle
devant dicte, qui se excusait de stérilité pour avoir essayé
à d'autres qu'à son mary.
facétieuses et morales ; « D'une l'emine stérile, pour trop lais.-er
cultiver son jardin ».
A ALGIDON
ÊPIGRAMME
Vous êtes rude à votre femme
Pour que, sans faire d'enfant,
Vous l'ayez eue onze ou douze ans;
Mais considérez en voire âme
Que c'est le seul destin qui le veut.
Et que pour se rendre léconde
Elle fait tout ce qu'elle peut,
Et s'en adresse à tout le monde.
N. DE LA Giraldu":ke.
LES F.VCETIKS DK l'0(HiE 273
CCXXIl
Eu flagrant délil ^
Lo docteur Giovanni Andréa, de Bologne, d'une
renommée très répandue, fut surpris par sa
femme pendant qu'il besognait sa servante. La
femme, stupéfaite d'une cliose si peu ordinaire de
la part de son mari, se tournant vers lui : —
« Jean, lui dit-elle, où donc est ta sagesse à cette
heure? » Lui, répliqua aussitôt : — « Dans un
trou où elle est fort bien à son aise. »
1. Johaïuiis ÀH(lrc(e adulterium deprehenditur. Opéra CCXX. —
XoEL, I, 2-27; II, 211. — Liseux, CGXXII, t. II, p. 151. — Es-
TiENNB, Apologie pour Hérodote: Ch. 8.
LA PRUDENCE EN DÉFAUT
CONTE
Jean dit André, fameux docteur ès-lois,
Fut pris, un jour, au péché d'amourette.
H accollait une jeune soubrette.
Sa femme vint, fit un signe de croix :
— n Ho 1 ho ! dit-elle, est-ce vous? Non, je pense,
Vous, dont partout on vante la prudence.
Qu'est devenu cet esprit si subtil? —
Le bon André, poursuivant son négoce
(Honteux pourtant) : Ma foi, répondit-il.
Prudence, esprit, tout gît en cette fosse.
Bernard de la Monnoye.
274 LES FACÉTIES DK l'OCKJE
CCXXIII
D'un frère iniiicur qui fit le nez à un enfant^.
Un Romain, très facétieux, me conta dans une
réunion, la plaisante histoire qui était advenue ù
sa voisine. — « Un Frère, de l'Ordre des Minimes,
appelé Laurent, jetait des regards d'envie sur une
jeune femme très jolie, de son voisinage, (il me
1. De Fratre Minnrum qui fecil nosum puero. Opéra GGXXI. —
Noël, I, 227. — Guillaume Tardif, XCIX, p. 270. — Liseux,
CCXXIII, t. Il, p. 152. — Gerardus Dicibus. Bclkt(v pwtacum
llaiic. « Partus imperfectus. ». — Boxaventure des Perriers :
Contes et Nouvelles. Nouv. x. — Dicelui qui acheva l'oreille de
l'entant à la femme de son voisin. Edit. Garnier. — La Fon-
taine. Contes. — Le Faiseur d'oreilles et le Raccommodeur de
moules. Edit. Garnier. — Il y a aussi diverses pièces qui ont ce
conte pour lointaine origine : tel
1-ES CHEVEUX
La jeuQe Alix, ces jours derniers,
Je nu sais par (juelle aventure,
Ayant voulu jouera certain jeu,
11 lui fallut bientôt allonger sa ceinture.
— « Comment, lui dit certain plaisant,
Qui vous a fait si belle affaire;
Et qui diablr! est l'ignorant
Oui n'a pas fait à cet enfant
Tout ce qu'il aurait di'i lui faire. »
Fjt sur-le-ciiamp s'olfrit à le parfaire.
— « Non, répondit Alix à cet officieux,
Il me faut ouvrier qui travaille des mieux:
Vous prenez trop de soin, et cette affaire est nôtre,
Il n'y manque que les cheveux,
Mais sachez que je veux
Qu'on les plante l'un après l'autre. »
GnÉcouRT I Contes).
I
LES FACETIES DE POGGE 'Zlb
cita même son nom). Pour arriver à ses lins, il
demanda au mari d'être le parrain de son premier
né. Le Frère qui observait tout chez la jeune
femme, découvrit bientôt qu'elle était enceinte ;
or, venant la voir en présence de son mari, il lui
dit, comme un sorcier qui lit dans l'avenir, qu'elle
était grosse et qu'elle enfanterait un être qui lui
causerait beaucoup de chagrin. La femme pen-
sant qu'il voulait dire qu'elle aurait une fille
répondit : — « Quand bien même ce serait une fille
elle sera la bienvenue. » Mais le Frère, prenant
un air triste, affirma que la chose était plus grave,
tout en refusant d'en dire davantage. La femme,
par la suite, le supplia avec instance de lui révéler
ce dont elle était menacée, elle le pria même de
venir chez elle à linsu de son mari. Enfin, cédant
à ses prières, après avoir exigé le secret absolu, il
lui révéla qu'elle mettrait au monde un enfant
mâle qui n'aurait point de nez, ce qui cause la
laideur du visage la plus épouvantable. Terrifiée,
la jeune femme demanda s'il n'y avait aucun
remède. Le frère affirma que si, mais que pour
cela il fallait convenir d'un jour où il pourrait
coucher avec elle pour compléter la besogne
défectueuse de son mari et ajouter le nez à l'en-
fant. Bien que la chose lui fut extrêmement péni-
ble, elle s'y résolut cependant dans la crainte
d'avoir un enfant difi'orme. Le jour dit, le Frère
vint, puis revint plusieurs fois sous prétexte de
terminer son ouvrage, et comme la pauvre femme
27 G LES FACÉTIES DE l'OGGE
subissait Fopération sans broncher, il lui ordonna
de se remuer et d'aider i\ la façon, afin que
le nez fat très solidement implanté. Finale-
ment, elle accoucha, par hasard, d'un garçon
orné dun fort beau nez. La mère en fut émer-
veillée et le Frère déclara que c'était parce qu'il
n'avait pas ménagé sa peine. La femme, alors,
mit elle-même son mari au courant de ce qu'elle
avait fait pour éviter laflreuse aventure d'un
enfant sans nez, le mari approuva tout et se mon-
tra très satisfait de la besogne de son compère.
En ceste Facécie est monstre notoirement qu'il est plus
de compères que de amys, et que de grant aliance de
amitié, qui se faict soubz ombre de quelque compairaige,
est aulcune foys cause et couverture de plusieurs grans
maulx. Ainsy que le Frère Mineur qui soubz ombre de
bonne foy, déçeut la femme en demandant estro compère
du pauvre homme, puis soubz ceste conlidence trouva
moven de violer sa femme.
CCXXIV
D'ail Florentin très Tiieiiteur^ .
Il y avait jadis à Florence un homme si enclin
au mensonge, que jamais parole véridique ne
sortait de sa bouche. Certain jour, un ami qui
1. De tneiidncissimo l''lorenti)io. Opéra 222. — Noël I, 229; II.
2Ui. — Li.*Eux, t. H, p. l.w. — Lenfant, t. II, CXXXII, p. 264.—
BuucHKT : .S'''/r'('S. \>. 450.
LES FACETIES UE l'OOGE 277
avait été souvent sa victime, le rencontra. Avant
qu'il eut desserré les lèvres : — « Tu mens,
dit-il. » — « Comment cela se peut-il, répliqua
l'autre, je n'ai pas encore parlé. » — « Je
m'explique, reprit l'ami, si tu ouvres la bouche,
tu vas (lire un mensonge l ».
ccxxv
Comment un jaloux éprouva la vertu de
sa femme'^.
Un nommé Jean, habitant la ville de Gubbio,
extrêmement jaloux, ne savait quoi imaginer pour
savoir si sa femme se livrait à d'autres. Finale-
ment, après avoir mûrement réfléchi, il trouva ce
moyen qui ne peut venir que dans l'esprit d'un
jaloux : il se châtra lui-même ! afin que si sa
femme venait à avoir un enfant, elle ne put nier
l'adultère.
1. Le célèbre écrivain Barbey d'Aurevilly disait d'un autre
écrivain aussi hâbleur que gourmand : — « Il ne peut pas dire
un mot sans dire quatre mensonges. «
2. Zelotyptts quidam se caslraiit ut n.iofis probilalem cognoscerel.
Opéra CGXXIII. — Noël, I, p. 230. — Liseux, CCXXV, t. II,
p. 156. — EsTiENNE : Apologie pour Hérodote, t. II, ch. 5. —
Chyrœvs. Deliciœ poetavaum gevmanorum, épigranima. —
BoucHET : Séries, Ill'sérée, p. 358. — Lud. Goicciardini : Fore
di recreacione : Spediente mirabile da conoscer se la moglie fà
la fuse torte, p. 41.
16
278 LES FACÉTIES DE POGGE
CCXXVI
Réponse aux paroles cV an pi être ' .
Un jour de fête solennelle, au moment de
roffertoire, un prêtre florentin recevait, selon
l'usage, les offrandes des fidèles. A chacun, il
adressait les mots accoutumés : — « 11 vous sera
rendu cent pour un et vous posséderez la vie
éternelle. » A ces paroles, un vieux gentilhomme
qui remettait une pièce blanche, s'écria : —
« Qu'on me rembourse seulement le capital (comme
on dit vulgairement), je me déclarerai satisfait.
GGXXVII
D'un prêtre qui se trompa en prêchant'^ .
Autre histoire. Un curé prêchait un jour sur le
passage de l'Evangile dans lequel il est rapporté
que notre Sauveur avait nourri la foule de ses au-
diteurs avec cinq pains. Par distraction, au lieu de
1. Sacenlos ulferenlibitf; (jiiid dlcciis midircril. Opéra 'l'l'\. —
XoelI, 230. — LisEux, t. H, p. 157. — Lknfant, t. II, (1, p. 2i'i.
"2. Saccrdos prœdicavit et in numéro errarit a ceiiliiin » }jr:>
« tnillc » dicens. Opéra 225. — Guillaume Tai;dii'' : Du Pre»tre
qui en preschant print cinq cens pour cinq mille, C, p. 274. —
Noël I, 231; II, 218-219. — Risteluuiiek XCVII, p. 130. — Li-
SEUX, t. Il, p. 15«.
LKS FACKTIES DE l'(»f;(;E 279
dire cinq mille hommes, il dit cinq cent. De suite
son clerc lui fait remarquer à voix basse qu'il se
trompe de chiffre, l'Evangile indiquant cinq mille:
— « Tais-toi, imbécile, répondit le curé, ils auront
bien assez de peine à croire aux cinq cents. »
En cesle Facétie n'y a sinon la joyeuse excuse dudict
preslre, que se trouva reprins et dist que à peine le voul-
droit croire.
LE MIRACLE
Certain curé de son canton l'oracle,
(irie à PieiTot : — « Cours à mes paroissiens
Leur annoncer qu'à l'instant je reviens
Pour leur prêcher l'histoire et le miracle
Des deux poissons ainsi que des cinq pains
I>ont le Seigneur n 'urrit la multitude
Qui le suivit jusqu'en sa solitude. »
Alors Pierrot dit : — « Monsieur le Curé,
En l)eau surplis, en beau bonnet carré,
A'ient expliquer comment dans l'Evangile
En un désert et loin du grand chemin,
Pains et poissons au nombre de cinq mille.
D'autant de juifs apaisèrent la faim. »
Pierrot revient, rend compte du message,
Dit qu'on a ri, que même on rit encor.
— « Je crois bien, peste soit du butor I
Maudit lourdaud, avec ton verbiage!
C'est donc ainsi que tu rends mes leçons!
C> n'as-tu dit cinq pains et deux poissons.
Il auraient ri, monsieur, bien davantage. »
L.v C )VDA%nN'3.
280 LES FACÉTIES DE POGGE
CCXXVIII
Sdge réponse du Cardinal dWvignon au roi
de France ' .
Il m'a semblé iatéressant d'insérer parmi ces
menus propos, une sage réponse du cardinal
d'Avignon, homme de grand sens. A l'épocjue où
les souverains Pontifes résidaient à Avignon, ils
se faisaient précéder, afin d'augmenter la ma-
gnificence du cortège, de nombreux chevaux
couverts de housses, carapaçonnés et tenus en
main. Le roi de France trouvant ce faste exagéré,
demanda un jour au cardinal, si les Apôtres
avaient déployé semblable pompe : — « Certaine-
ment non, répondit le Prince de l'église, mais à
l'époque contemporaine des apôtres, les rois
vivaient aussi différemment, étant bergers et gar-
deurs de bestiaux. »
t. Sapiens diclitm Canlinalis .1ù-eiiionensis ad regon Fraiaid'.
Opéra 22(). — Noël I, 231; II, 219. — Liseux, t. II, p. l.V.l. —
Lenfant, t. II, CI, p. 2'i4. — Contes par un petit cousin de Rabe-
lais : « Le capucin y, conte XIII, p. 'i3. — Estienni: Apoioifie
pour Hérodote, C. 27, t. .'i, p. 11. — Bebeiian Facœiiœ « De
Ambitione, sacerdotum el Kpiscoporum », L. Ili. [>. 187. — Dic-
tion, d'anecdotes, t. I, 7'i, 120, 121.
LES FACÉTIES DE l'OiiilE 281
CCXXIX
Terrible aventure arrivée, ii saiiil Jean
de La Ira II '.
Ce n'est pas pour amuser, mais bien pour ins-
pirer l'horreur du crime, que cette épouvantable
histoire est rapportée. Un religieux romain, de
l'Ordre des Augustins, prêchait aux fidèles pen-
dant le Carême ; un jour que j'étais présent,
pour les exhorter à confesser leurs péchés, il dit
qu'il avait été témoin d'un miracle arrivé il y a de
cela six ans. S'étant levé après minuit pour venir
avec les autres chanter matines dans la basilique
de saint Jean de Latran. il entendit une voix qui
sortait de la tombe où. dix-huit jours auparavant,
on avait enseveli un citoyen de Rome. La voix,
par des appels réitérés, suppliait les religieux de
s'approcher. Ceux-ci, tout d'abord terrifiés, s'en-
hardirent peu à peu et s'approchèrent de l'endroit
où la voix se faisait entendre. Le mort leur dit de
ne point avoir peur, d'aller chercher le calice et
de lever la pierre. Les religieux s'étant rendus à
ses désirs, le mort se souleva, cracha dans le
calice une hostie consacrée ([u'il avait reçue
avant de mourir, puis il dit qu il était damné
1 . Terribile factum in Lateraneitsi ecclésia ipsa : Opéra CGXX\'II.
-Noël, I. ni; II, ^ÎO. — Liseux, CCXXIX, t. II. p. 106.
282 LKS F.VIÉTIES dp: I'OUGE
et soufTrait des tourments épouvantables, parce
qu'ayant abusé d'une mère et de sa tille, il ne s'en
était jamais accusé à confesse ; lorsqu'il eut dit
cela, le cadavre se recoucha dans la fosse.
ccxxx
D'un prédicateur qui criait bien fort ^ .
Un religieux, en prêchant au peuple, criait
très fort, suivant l'habitude des gens inintelli-
gents. Une des assistantes, en entendant ces éclats
de voix, véritaljles rugissements, se prit à pleurer
et le prédicateur s'en aperçut. Il attribua ce ré-
sultat à l'onction de sa parole et fut persuadé (jue
son sermon avait rappelé cette personne à l'amour
de Dieu, réveillé sa conscience, arraché ses larmes.
Il la fit venir chez lui et lui demanda la cause de
ses gémissements, si ce n'était pas le sermon
qui l'avait profondément touchée. La femme
répondit que son émotion avait été provoquée
par les cris et les éclats de voix du prédicateur.
— " Je suis veuve, dit-elle, et mon pauvre mari
m'avait laissé un âne qui m'aidait à gagner ma
vie. Il avait l'habitude de braire continuellement.
1. PredicalDr iiiiilliim rIaiiKiiis iiiiiiiiiiidi> CdiifuiulcbaHir. Opcra
228. — Guillaume Tardif : De ung |)rédicateur comparé à un
asne parce qu'il crioit ung peu trop hault en preschanl, Cil,
P.27.J. —XoEL 1,235; II, 220-223. — Ristelhubek XCVIII, p. 131.
— LisEux, t. II, p. 163. — Guy de Roye : Lr Doctrinal de
LES FACÉTIES DE l'0(i(;E 283
comme vous-même ; depuis sa mort, je suis dans
la misère et sans ressources, c'est pourquoi,
lorsque je vous ai entendu parler avec un organe
pareil à celui de mon âne, le souvenir de ce
pauvre animal m'a fait sangloter malgré moi. »
Ainsi fut confondue la suffisance de ce prédi-
cateur qui méritait plutôt le nom de braillard.
En ceste Facécie est montré comme les inutiles
manières des hommes, qu'on ne ose pas appertement
reprendre, sont reprinses pnr aucuns termes jocatifs et
facétieu.x. ainsi que la trop haulte manière de crier au
religieux, fut reprinse par la comparer au cri de l'asne
que la bonne femme avoit perdu. MIillaime Taudif.
Sapieiice. 8i. — Bareleti : Sermones : Serm. in prim. quadraiies.
dotiionicain. — Le cabinet saiyrique. — D'Ouville : Contes, II, '^'J'i.
— ya'ivelé (l'une femme. — De Parival : Historiettes facétieuses
cl morales n° 26. — Roger Bontemps en belle humeur, Vaine
uloire. — Menagiana, III, 48-3. — Contes par un petit cousin de
Rabelais, p. 194, conte LXXI : Le curé de village et la bonne
femme. — Lucasius : in épigram. p. 230. — B. de la Monnaye.
Canlor. — youveau.i contes à rire, p. 99. — Conti dandere. Natu-
ralezza d'una Contadina, t. I, p. 2i3. — Guyot de Pitaval.
IiibUoth('(jitc des gens de Cour.
CONÏE
Notre Vicaire, un jour de fête,
Cbantoitun Àf])ius gringoté,
Tant qu'il pouvoit, à pleinj tête.
Pensant d"Anette être écouté.
Anette, de l'autre colé,
Ploroit, attentive à son chant.
Donc le vicaire, en s'approchant.
Lui dit : — Pourqoi plorez-vous, tielle?
Ha! Messiie .Jean, ce dit elle.
Je plore un àne, qui m'est mori,
Qui avoit la voix toute telle,
(Jue vous, quand vous criez si fort. »
Mell'n de Saint-Gelaiï
284 LES FACÉTIES DE POGGE
CGXXXI
D' une jeune femme qui fut jouée par son
vieux mari '.
Un Florentin, déjà vieux, épousa une jeune
fille à laquelle des matrones avaient fait la
leçon pour résister au premier assaut de son
époux la nuit des noces, et même à ne céder que le
plus tard possible . Elle opposa donc un refus très
net. Le mari parc, loiite voile dehors cl en belle
allure, étonné de ce refus, lui demanda pour-
1. De Àdolescentula per senem maritum dvlusa. Opéra GCXXIX.
Noël, 1, 235; II, 223. — Guillaume Tardif, . Cil, p. 277. —
LisEUx, GCXXXI, t. I, p. 164. — Guillaume Bouchet : Serves :
Y" sérée. — Nouceanx contes à rire, Qui refuse, muse. p. 185. —
LuD." GuicciARDiNi '. Hore di ricreazionL' : «Donne perle piu rnes-
trarsi schife di cià, che Elle hanne maggior Vaghezza », p. 157.
SAISIR L'OCC.\SION AUX CHEVEUX
CONTE
Pierre, le Rouge, enfoncé dans ses draps,
Du Dieu d'nyiuen sentit la vive Hauiine
Le stimuler; il invite sa femme,
Incontinent à venir dans ses bras.
Elle priait et soudain de r<5pondre :
— « Attends un peu ». — Ses Falcrs aclievés
Et ses .[(jiiKS ainsi que Sts Ares,
Pierre avait eu le temps de se morfondre.
Elle entre au lit, mais 1 "époux refroidi
N'en fit semblant. Elleapprocbe, il ne bouge.
— « L'ami, vcu.'c-tu, j'ai dit, Pierre le Rou;.;e. »
— « Eh bien! tant mieux, mais moi j'ai déroidi. »
MÉRARD DE Saint- JusT
Espirffleries, Joyeuselés, etc.. t. I, p. 156.
LES FACÉTIES DE POGGE 285
quoi elle ne se rendait pas à ses désirs. La pucelle
répondit qu'elle avait mal à la tète ; le mari alors
désarma, se mit de flanc et dormit jusqu'au
matin. La jeune mariée voyant que son mari la
laissait tranquille, eut regret d'avoir suivi les
conseils des commères ; elle éveilla son époux et
lui dit qu'elle n'avait plus mal à la tête. — « Ah !
fit le mari. Eh bien moi, maintenant, j'aimai —
autre part' », — et il laissa sa femme pucelle
comme devant. Le conseil est donc bon, d'accep-
ter ce qui peut être profitable et plaisant quand
on vous l'offre.
En cesle Facécie est montré morallement ce que dit
Chalou à son lîlz, c'est qu'il ne doit pointrefuser la pre-
mière occasion de prendre une très bonne chose, car
aulcunes foys à grand prière on requiert après ce qu'on
a devant relTusé.
CCXXXII
Les culottes d'un Frère-Mineur
devenues reliques-.
Une histoire bien amusante et cjui mérite de
prendre place parmi ces historiettes est arrivée
1. Le texte renferme un jeu de mol qui aurait pu être tra-
duit- si les mots français avaient la même faculté que les mots
latins. — Duit puella) se non amplius dolere capul. Tum ille :
■I At eqo nunc doleo caïu/am ».
"2. De reliquiis bracarum cnjusdnm Minoris. Opéra CCXXX. —
Noël, I. 230; II, '220. — Guillaume Tardif : Des reliques des
286 LES FACÉTIES DE POCIGE
naguère à Amalia. Une femme mariée poussée, je
pense, jinr le désir do bien faire, confessait ses
péchés à un religieux de l'Ordre des Minimes.
Celui-ci, tout en parlant, se sentit envahi par la
concupiscence de la chair, et, à force de bi.lles
paroles, amena la femme à faire sa volonté en un
lieu à trouver convenable et discret. Il fut enten-
du que la femme, sous prétexte de maladie,
manderait chez elle le Frère pour la confesser :
on laisse, en eli'et, d'habitude les confesseurs en
tète-à-tête avec leurs pénitentes pour qu'ils puis-
sent, en toute liberté, s'occuper du salut de leurs
âmes. La femme, feignant donc d'être grave-
ment malade, se met au lit, fait appeler son
confesseur qui s'empresse d'accourir, et, comme
braves de Sainct-Françoys, c. III, p. 279. — Ristelhuber, XGIX.
— LisEux, CGXXXII, t. II, p. 165. — Apulée : Metamorphoseon,
lib. IX. — ic Livi'e du Chevalier de la Tour Landry : « D'un
bon liomme qui estoit cordier », ch. LXII. — Legrand D'Av.'iSY :
La culotte du Cordelier, t. II, p. 66. — Méon, t: III, p. 169. —
Sacchetti, Novelle, t. II, p. 166. — Mosuccio Salebnitano, Il
Norclliiio, t. I, p. ."jS. — SoBADiNo, Novelle, p. .38. — Estienne,
Apologie pour Horodote, ch. X.XI, § 3. — Euticius Cordus,
I)elici(v poetaruin (jerma nornm : Femoraïia. — D'Aroens, Lettres
juives, lettre CXI. — Recueil de poésies (/alanles : La Culotte de
S. Raimond, I, p. 121. — Le passe-partoul de l'Église romaine.
III, p. 415. — M. D., Contes mis en vers : « Nul n'est cocu qui ne
croit l'estre », ch. V, p. 18. — Nouveaux contes à rire: « Le Ma-
gicien », p. 160. — Veroier, Œuvres : « La Culotte », conte, —
Gbkcourt, (Euvres: n La Culotte et le Cordelier», conte. — Le
Sin<ic de La Fontaine, conle. — « Le Caleçon apothéose ». —
Contes et Poésies du cardinal Collier : La Culotte de Saint-Ray-
mond de Pennafurt, I, p. 179. — Casti, Novelle (jalauti : a Le.s
Broche di san Crillone », édition Garnier. — E. Villktard, Les
Culottes de Sainl-Griirun.
LKS FACETIES DE l'OCCE -^87
on les laisse seuls en tète-à-tète, ils purent à leur
aise s'en donner à maintes reprises. La chose
durant longtemps, quelqu'un survint dans la
chambre, et le Frère, comme si la confession ne
fut point achevée, sortit, mais revint le jour sui-
vant, et, posant ses culottes sur le lit, il se mit à
laver les péchés de la pénitente par le même
procédé que la veille. Le mari, qui ne soupçonnait
rien, trouvant que la confession était par trop
long"ue, entra dans la chambre. Le Frère effrayé
s'enfuit oubliant ses culottes. Le mari cria que ce
n'était point un Frère, mais un homme adultère,
et toute la maison se mit à crier au scandale à
la vue des braies délaissées par le moine. Le
mari, d'un bond, s'en fut sur les pas du Frère se
plaindre de Faffront qui venait de lui être fait,
menaçant de tuer le misérable. Le Prieur, qui
était un vieillard, apaise sa coh"'re et lui dit que
ses cris attirent la honte sur lui et sur toute sa
famille, que le silence et la discrétion valent mieux
pour empêcher le crime d'être connu. Ce à quoi le
mari répond que la chose est connue de tous,
puisqu'on a trouvé les culottes et qu'il n'y a plus
moyen de rien cacher. Le Vénérable Prieur ima-
gine cependant un expédient : il déclare que les
culottes sont celles de saint François que le Frère
avait apportées pour guérir la malade, qu'il ira
les chercher en procession et qu'il les rapportera
en grande pompe au couvent. La chose convenue,
le Prieur assemble les Frères, puis, revêtu des
288 LES FACÉTIES DE l'OOOt
ornements sacerdotaux et précédé de la croix, il
se rend à la maison, prend dévotement les culottes,
ainsi qu'on fait à l'ég^ard des saintes reliques, les
place sur un carreau de soie et les tenant sur ses
mains élevées, il les offre à baiser au mari, à la
femme, à toub les passants, enfin, il les rapporte
au couvent en grande cérémonie et au chant des
cantiques et les place dans le sanctuaire avec les
autres reliques.
Cependant, la ruse ayant été bientôt reconnue,
les délégués de la ville vinrent se plaindre de ce
qu'ils considéraient, à bon droit, comme une
injure.
En ceste Facécie n'y a rien moral, mais tant seulle-
ment y est monslrée la grande substilité qui se trouve
pour paillardise, tant en ce que la femme faignit estre
bien malade pour faire son plaisir avec le cordelier,
comme de couvrir par les cordeliers l'honneur, disant que
les brayes du cordelier estoient les brayes sainct Françoys
à double fons de toille neufve.
CCXXXIII
Le talisnidn contie la pesle^.
Dernièrement, étant allé à Tivoli pour y voir
1. De « hvcri » coi'tra peiiem ad rollum sitspeiidendo. Opéra
CCXXXI. — Noël, I, 2:]9. — Ristelhuiœr, C, p. 135. — Liseox,
Cr;XXXIII, t. II, p. i(J9. — Boucheï : Snres. serée 10. — Dit-
TicMMiNGius : De ritandis superlilionih)ts maçjicis apud Othonis
Mélandri Joco-feris laudatus, p. 91. — Dcmocrilus R'dens : Reme-
diuni oculorum, p. 32.
I.I.S KACKTIKS L»; l'tXU.K 2^<J
mes enfants que j'y avais envoyés de Kome, àcausc
de la peste, j'entendis une chose J>ien amusante et
qui iflérite d'être ra[)[)ortée ici. Peu de jours avant,
un moine, de ceux qui vont dans les bourgs voi-
sins prêcher aux paysans, leur promettait ce
qu'on appelle un breve^ qu'il leur suffirait de por-
ter au cou pour ne pas mourir do la peste, car
on redoutait déjà l'arrivée du fléau. Les paysans,
gens simples, séduits par cette promesse achetaient
les breve^ le prix qu'ils pouvaient et les sus-
[)endaient à leur cou au moyen d'un fil qui n'avait
jamais servi. Le Frère avait bien recommandé
de ne pas ouvrir les talismans avant quinze jours
écoulés, sans quoi ils perdraient tous leur vertu ;
puis, il était parti après avoir ramassé pas mal
d'argent. Mais la curiosité des hommes est telle,
qu'on ne tarda pas à ouvrir les brève sur lesquels
on put lire ces vers écrits en langue vulgaire :
Donna, se (ili, e cadeti lo l'uso,
Quando te flelti, lien lo ciiJo chiuso,
ce qui veut dire :
Femme, si quand tu files ton fuseau tombe,
En te baissant tiens le cul fermé.
Voilà (|ui enfonce toutes les ordonnances des
médecins et toutes les droiiues.
290 I-ES FACÉTIES DE POGGE
CCXXXIY
Bouche qiion aurait dû tenir ferinéeK
Le romain Angelotto, homme bavard et médi-
sant n'éparg'nait personne. Lorsque, par le malheur
des temps, je ne veux pas dire par suite de la
faiblesse humaine, il eut été élevé au cardi-
nalat, il resta bouche close dans le consistoire
secret, pendant quelques instant s. Suivant l'usage,
les nouveaux promus se taisent ainsi, jusqu'à ce
que le Pontife les ait autorisé à parler. Quelqu'un
s'étant informé au cardinal de Saint-Marcel de
ce qui s'était passé au Consistoire : — « Nous
avons, dit-il, ouvert la bouche à Aneelotto. » —
<( Oh! m"écriai-je, il eut été préférable de la lui
fermer avec un fort cadenas. »
CGXXXV
Moyen de se procurer un cheval parfait 'K
(Certain gentilhomme du Picentin, pria un jour
Uidolfo, de Camerino, dont il a déjà été question,
1. AngeloUi cardinalis os potins daudendum apenebatur. Opé-
ra ^32. — NOBL I, 2'tO. — RlSTtLHUBEU CI, p. 137. LlSKUX,
t. II, p. 171.
2. Èfjuum cxqnisiluiii pxrsInvU Rcdolphus se pctenli. Opéra 223.
Noël I, 241. — Liseux. t. II, p. 172.
l.K.S FACK.TIKS DK I>0(;(;k 291
de lui procurei' un iheval. Il le désirait tellement
beau et parfait, si exempt de tout défaut, que
jamais prince n'a possédé dans son haras sem-
blable merveille. Alors Kidolfo, pour lui com-
plaire, choisit dans son écurie une jument et un
étalon (c'est le nom donné), les envoya à son ami,
en lui faisant dire que dans Timpossibilité de
découvrir un cheval l'éunissant toutes les qualités
i voulues, il lui fournissait le moyen d'en faire faire
un à son gré. De ce qui précède, nous devons
conclure qu'il ne fa ut pas réclamer des choses telle-
ment parfaites, qu'on ne puisse les trouver, ou
(•tre obligé de refuser sans impolitesse.
CCXXXVI
Mol plaisant clans une querelle de femmes \
Une femme de la ville de Rome, que nous
avons connue, qui vivait de la prostitution, avait
une fille déjà grande et fort belle qu'elle avait
consacrée au culte de Vénus. Au cours d'une dis-
pute avec une de ses voisines exerçant le même
métier, elles en vinrent aux insultes et aux
injures. La voisine, comptant sur la protection de
1. Contenstio mulicnim extorsit dicluni risii po-diiittuni. Opéra
C(.ÎXXX1V. — NoKL, I, ■242. — Guillaume Taudu': Le dosbalde
deux feinines qui s'évantoyent d'avoir amvs, CIV, p. 28'2. —
LiSKUx, CGXXXVl, t. il, p. 17:5. —fi. Bouchet : Sérées, Ill'séréo.
2d2 1-ES FACETIES DE PfHiGE
quelque [»ersoniiage iutluent, adressait à la mère
et à la fille les plus terribles menaces. Mais la
mère, en tapotant de la main le haut des cuisses
de sa iille, s'écria : • — « Que Dieu me garde et
protège seulement cola, et je me iiche de tes sot-
tises et de les menaces ! » C'était très bien
répondu, car elle se liait dans un magnifique
protecteur dont ])caucoup se délectaient.
En ceste Facécie est monstre l'infànie et ordc condi-
tion de plusieurs qui se glorilient et ont conlidence de
leurs maléfices, ainsi que la vieille qui esloit macque-
relle de sa fille, se confidoiten l'ayde des ribaulx qu'elle
pouvoit attraii-e, et en signe de ce monstroit les cuisses
de sa fille, disant qu'elles luy valloyent un héritag-e.
CGXXXVII
D'il// p/'ri'/'c (jui se Jo/ia d'i//i laie qui voulaif
le snrprend/'e *.
Lu prêtre Taisait la méridienne avec la femme
d'un paysan. Celui-ci s'était couché sous le lit,
[)our les surprendre. Le prêtre ayant peut-être
|. S>ni:vriU)S lauiun ilvhisil se vapere volcitlem. Opcra Cl^XXW.
— XoEL, I, ^i?. — RiSTn:LHOBER,CII, p. 138.— LisEux.CCXXXXI.
t. Il, p. IT.'i. — Le Cieiilo NorvKc anlike (1525). — Les ceul Amt-
lelles iiourelles, nouvelle XIII, édit. Garnier. et La poiro
payée, nouv. XLVI, et Seigneur dessus, Seigneur dessous,
— Le Caliinel satirique, t. II, p. 282. — Le Chasse-eiinuij,
cent. V. — DOuviLLi: : Coules : D'un valet d'establo. 2° partie,
p. 72. — I,\ FoNT.vi.Niî : Coules : Le villageois (jui cJiLTclie .*oii
veau, r-ilit. Garnier. — Conoreve ; Works: Tlio iout look-
LES FACETIES DE l'OGi.Y. 2'J3
trop " Ijcsoiuné •> éprouva Cf»inine un vertige, et
ne soupçonnant pas le mari caché sous le lit,
s'écria : — « Oh ! il me semble voir toute la sur-
face de la terre ». — c Eh ! regarde donc si tu ne
vois pas, par hasard, où se trouve mon âne? »
sécria le paysan, ne songeant plus qu'à la béte
'|u'il avait égarée la veille, oubliant Tin jure pré-
sente.
GCXXXVllI
Avcitltire c.rlraordiiKiirc d'un foulon nnghds
avec sa feninie^ .
I.oi'sque j "étais en Angleterre, il arriva à un
foulon une histoire extrêmement amusante, bonne
iiig fur is lieifur. — The Sprighibj Muse (1770} : The Parson and
Maid, or, Collin in the appleiree. — Contes à rire on Récréa-
'ihits fra niaises, II, p. 94. — Roger Bontemps en belle humeur :
Histoire de deux amans », p. 380 et « Plaisante rencontre qui
arriva à un homme couché avec sa femme », p. 3'.)8; « Larcin
d"amour découvert dans un jardin », p. I'i9; « Plaisante ren-
contre de deux amans qui jouaient au jeu d'amour », p. 378;
« Mi&w colloque d'un jeune homme avec la L-mme d'un save-
tier qu'il entretenait. » — Le Facétieux Réreil-wnlin : « Les
deux amans », p. 3i8; « D'un trompeste qui l'ut refusé de loger
;'i son logi.î ordinaire par la maistresse, en l'ahscence de son
niarv et de l'aftVont que le trompeste lui fist, p. 2.')!. — Ilislaires
l'uriivuses et morales, p. 71. — Conti (la ridere : « Furto d'amor
^coperlo in giardmo », t. Il, p. 21. — GRi';r.ouuT : Contes : « Amant
dessus, amant dessous ». — EtRicius Cordis : Delicitr poelarum
l'icrmanor : « Tubicen ». — Anonyme : « Tubicen » cité par
Noel. — Babei.ianus : FacéthV : « Fabula Brassiconi », p. 168. —
.VxoxYME : « Votum Triplex » c'ilè par Noël. — Mercier de Com-
riÈiiXE : Le rillageois qui cherche son reau.
\. Fiilloni in y\filia accidil resmiiniulfi cum uxorc. Opéra
2'.)i I.KS FACETIES DE l'OdGK
à retenir. Cet homme, qui était marié, avait chez
hii bi^aucoup déjeunes gens et de servantes. Par-
mi ces dernières, il en distingua une tout parti-
culièrement, qui lui parut la plus jolie et la
mieux tournée et lui demanda, à maintes reprises,
de coucher avec elle. Celle-ci en informa sa mai-
tresse qui lui donna le conseil d'accorder un
rendez-vous à certain jour et à une heure déter-
minée, en un lien obscur et retiré, où la mai-
tresse se rendrait secrètement à la place de sa
servante. L'homme vint et besogna avec la femme,
qu'il était loin de soupçonner être la sienne.
L'affaire faite, en sortant delà chambre il rencontra
un de ses plus jeunes ouvriers à qui il conta son
histoire en l'engageant à aller, lui aussi, besogner
avec la servante. Le jeune homme ne se fit pas
prier, et la dame, croyant que c'était encore son
mari, se remit, sans rien dire, au travail et ce fut
CCXXXVI. — NoKL : l'iV silii cornua pvoiHoncns, I,. "243. —
(iuiLi,.vuA£E Taruii' : D'uiij: l'oullon d'Angleterre qui list che-
vaucher sa leinme à son varlet, C\, p. 28i. — Ristelhuber, C.III,
Les ([uiproquo. p. 130. — Liskux, t. II, p. 170. — ExaiKiiANi»
d'Oi.st: l.e Roman du Meunier (/■.l/eiu(xiii°siècl'0,éclit. F. Michel.
— Leurand d'Als^y, t. II, p. 413. — Sacchetti : Norel: nov. CCVl.
DoccACE : Décaineron, H° journt?e, nouv. 4, édit. (jarnier.
— Les Cent Nouvelles )iourelles, IX, édit. Garnier. — Mar-
GLKUiTE de France : Ileptomeroïi, nouv. VIII. — L. Guicciar-
uiNi : Dclti c l'alli piaceiioli. — Facétieuses jountées, p. 103
— BoL'CiiET : Sérées, .sérée VIH. — Othon Melaxdri : Joco-seria.
p. '?.)S. — Malespixi, 2° partie, novel 06. — Le l'asse-Teiups
;t;j:i'c'able, p. 27. — Amans lieureu.r, II, p. 10. — Piiilipi- Beroai.-
Di;s : Dcticiti- poelarunt liai. : '< Leno uxoris inscius » cité par
Noël. — La Fontaine: Contes: Le quipi'oquo, liv. •"). conte Vlil,
«'ilil. (larnier.
LES FACETIES DE POCGE 295
oiicore, pour la troisième fois, do môme, avec un
autre ouvrier que ie foulon lui dépêcha de sem-
blable faron. La femme, croyait toujours avoir
affaire à son mari, et les ouvriers à la ser-
vante. La dame étant sortie de la chambre aussi
secrètement qu'elle y était entrée, la nuit sui-
vante fit une scène à son mari qui se montrait si
froid envers elle et si ardent avec la servante, que
par trois fois, ce même jour, il avait besogné avec
elle-même, croyant être avec la dite servante. Le
mari ne souffla mot de son erreur, ni du péché de
sa femme dont il était seul cause.
En ceste Facécie est monstre que les marys sont atil-
cunes foys cause de mal que leurs femmes font, ainsi que
le FouUon qui, par voulente de corrompre la chambrière,
list violer sa femme à ses deux varlets.
GGXXXIX
Une confession à la façon toscane d' ahorcf
puis sans fard'.
In individu qui n'avait pas respecté la pudeur
(le sa sœur, vint à Rome pour se confesser de
ce crime, auprès d'un confesseur qui parlait
Toscan. Etant allé trouver celui qu'on lui indiqua,
il lui demanda, tout d'abord, s'il entendait bien le
1. Coiifessio lusca et postea hnisca. Opéra CCXXXVil. — Noël,
1, •24.-). — LisEux, (:<:xxxix, t. IT, p. I?."^.
i'jG LES FAl.ÉTir.S l>K l'OGGE
Toscan. Le prêtre répondit afliriuativemeiit et
notre homme lui dit. après beaucoup d'autres
fautes, qu'étant un jour seul dans une chaml)re
avec sa sœur, son arc étant bandé, il lui décocha
une flèche. — <- Quel crime ! s'écria alors le confes-
seur, avez-vous tué votre sœur? — Point du tout,
répliqua le pénitent, vous n'entendez donc pas le
Toscan? » — Si, parfaitement, puisque je suis du
pays ; ne m'avez-vous pas dit que votre arc étant
bandé, vous aviez décoché une flèche sur A^otre
sœur. — Ce n'est i)as ce que je veux dire, mais
bien que j'ai bandé mon arc, que j'y ai mis une
flèche et que je l'ai décochée sur ma sœur. —
Lavez-vous blessée à la figure ou à un endroit
quelconque de son corps? — Oh ! vous n'entendez
rien au Toscan. — J'ai parfaitement compris vos
paroles, mais il se pourrait bien que ce fut vous
qui ne sachiez pas le Toscan, fit le prêtre. — Je ne
dis pas, reprit le pénitent, que j'ai blessé ma
sœur, mais que mon arc étant bandé, je lui ai
décoché un trait ». Le confesseur faisant toujours
semblant de ne pas comprendre, le pénitent per-
sistait à dire qu'il n'entendait pas le Toscan et
continuait à parler de son arc et de sa llèche. —
« Si vous n'employez d'autres expressions, insista
le prêtre, je ne saur;ii jamais ce que vous voulez
dire » . L'autre, alors. qui avait tergiversé, retenu par
la pudeur, dit carrément, en termes vulgaires, qui!
avait abusé de sa sœur. — « Je comj)rends par-
faitement, maintenant, (jue vous parlez toscan
T.KS FACETIKS DK 1'U(,(;K 297
à un Toscan; » s'exclama le prêtre ; il lui imposa
une pénitence pour son aberration et Thomme
s'en alla. On ne doit pas se montrer si [)udibond
on paroles, quand on a été si impudique et si scé-
lérat dans ses actes,
CCXL
Comhal entre des pies et des geais '.
Dans le cours de la présente année 14ol, au
mois ^ d'avril, ua fait extraordinaire arriva aux
extrémités de la Gaule, dans la contrée qu'on
nomme actuellement la Bretagne. Des pies et des
geais, s'étant rangés en bataille dans les airs,
poussèrent des cris perçants et se livrèrent, tout
le long du jour, un combat acharné. Les geais
remportèrent la victoire, la terre fut jonchée des
corps des combattants, on trouva deux mille
geais et quatre mille pies. Gomment doit-on inter-
préter ce prodige? L'avenir le dira.
CGXLI
Bon mot de Francisco sur les fils des (Jéiiois'-.
In négociant Florentin, Francisco de Quarli,
qui habitait Gênes avec sa femme et sa famille,
1. De prwlia picarnm et qraculannn. Opéra 238. — Noël. I,
•2i(i: LisEux, t. II, p. 181.
'2. Faceliim dictum Fraucisci Gemtensiinu /i/îV''.<;.Oi)oraGCXXXIX.
298 I.KS FACKTIES DE POGGE
avait des enfants malingres et chétifs tandis que
les Génois ont ordinairement des enfants sains et
robustes. Quelqu'un ayant demandé à Francisco
pourquoi ses enfants étaient ainsi débilles et rachi-
tiques et que ceux des Génois étaient tout le
contraire, il répondit : « La chose est fort simple.
C'est que je suis seul à les faire, je crois, tandis
que pour les vôtres vous vous y mettez à plu-
sieurs. » C'est la vérité, car les Génois ne sont pas
plutôt mariés qu'ils vont, pendant de longues
années, naviguer sur mer. laissant leurs épouses
à la garde des autres, comme ils disent.
En cesle Facécie est seullement monstre comme joyeu-
sement le Florentin, se farsa desditz Gennevoys, qui
dcmandoyent pourquoy sesenfans estoyent si maigres.
CCXLII
Geste significatif mais grossier
(l'un Florentin ^
L'n de mes amis raconta en pleine société (|u'uu
Florentin, qu'il connaissait, avait une très jolie
femme (|ue suivaient beaucoup de galants dont
quel([ues-uns lui donnèrent àas sérénades (comme
— Noël, I, 248. — Ouillau-mk Tardif: (TVI. p. -im. ~ Liseux.
v'il, t. II, p. 1X2.
1. De facto mjuxdnm Flnrcntiui, juslo sed brulo. Opci-a CCXL.
— XoEL, 1, 247. — LisKux, CCXLII, t. 11, p. 183. — .Vnonyme :
(hauialio, vers lalins cités par No('I, p. 2.Î2.
LES FACÉTIES DE POGGE 299
ils disent) ordinairement la nuit, à la lueur des
torches , selon l'habitude et , dans la rue , en
face sa maison. Le mari, qui était un farceur,
réveillé une nuit par les trompettes, sortit de son
lit et vint à la fenêtre avec sa femme ; en voyant
la troupe bruyante et folâtre, il cria d'une voix
forte aux assistants de re£;arder un peu de son
côté. A ces mots, tous les yeux se fixèrent vers lui,
alors exhibant hors de la fenêtre un superbe Priape
dont il était muni, il dit aux gens qu'il pensait que
désormais, ils comprendraient l'inutilité de leurs
instances, puisqu'ils pouvaient constater que lui-
même possédait, pour satisfaire sa femme, beau-
coup mieux que pas un d'eux tous et que, par
conséquent, il espérait qu'on lui éviterait, à
l'avenir, de pareils ennuis. Ces paroles facé-
tieuses firent, en effet, cesser ces vaines pour-
suites.
GCXLIII
Drôle (le demaiulc d'un vieillard impuissant^ .
Une autre personne de la même société nous
conta une semblable histoire d'un Florentin, son
voisin, qui, quoique fort âgé, avait épousé une
1 . Facela pelitiu si'iii:i lahori'ni copulir nnn polciilis. Opéra CGXLl .
— Noël, t. I, liO. — Guillaume Tardif, CVII. Du viel homme
ijui se efforçoit do habiter sa femme, de })aour qu'on ne luy
habitast, p. 289. — Lisedx, GCXLIII. t. 11. p. 18.j.
300 LES lACETILS ]>E l'OGGE
jeune femme dont Ricardo deiili All)erti, jeune
homme noble et beau, devint amoureux, et il lui
fit donner en pleine rue, comme le précédent, des
sérénades par des musiciens et des chanteurs qui
vinrent souvent au milieu de la nuit interrompre
le sommeil du bonhomme. A la fin, celui-ci alla
trouver le père de Ricardo, après un long préam-
bule dans lequel il lui rappela leur vieille amitié
et les ser^dces qu'ils s'étaient mutuellement ren-
dus, il finit par lui dire qu'il ne voyait i)as pour-
quoi son fils voulait l'assassiner. A ces mots, le
père, stupéfait et bouleversé, s'écria qu'il saurait
bien empêcher lui tel crime et demanda, en même
temps, qu'on lui expliqua comment son fils pouvait
comploter un ]»areil dessein. Le bonhomme lui
dit : « Votre fils est fort amoureux de ma femme,
souvent il vient nous réveiller, elle et moi, avec
des flûtes et autres instruments; une fois éveillé,
pour empêcher ma femme de porter ses idées
ailleurs, je me vois oblii;é de besogner plus que
mes forces me le permettent. Cela arrive par trop
souvent et je ne puis suffire à la besogne, or si
votre fils ne cesse son ridicule manège, les veilles
qu'il m'impose causeront fatalement ma mort ». Le
père enjoignit à Ricardo de cesser sa plaisante-
rie, et le bonhomme ne fut plus jamais tracassé.
En (;este Facécie, n'y a point que ung- bon mot; c'est
que le vieillard accuse l'aultre de le voulloir tuer parlant
que à l'appétit de ses réveils il luy fait faire plus que sa
puissance et dont il se passerait bien.
LI'.S lACÉriKS I>E l'OGGE 301
CCXLIV
Amusante moquerie des Vénitiens
par une courtisane"^ .
Lorsque j'étais aux bains de Petriolo, un docte
personnage me raconta un mot plaisant d'une
courtisane, qu'il faut que j'inscrive parmi les
anecdotes de notre société.
« Il y avait à Venise, me dit-il. une putain chez
laquelle venaient des gens des nations les plus
diverses; un jour, on lui demanda de quel pays
étaient les honmies qui lui paraissaient le mieux
montés. La femme répondit que c'étaient les
Vénitiens. Gomme on lui en demandait la raison,
elle dit : « C'est parce que, même lorsqu'ils sont
en pays lointains , voire au-delà de la mer ,
ils visitent leurs femmes et leur font des enfants. »
Elle se moquait ainsi des Vénitiennes que leurs
maris, en voyageant, abandonnent aux attentions
des autres.
1, Faceliiiii iHclutii )nerelricis adjocans Veuelts. Opéra CCXLII.
— Noël : Quœ gens mentulaliar? I, p. 260 — Liseux, CCXLIV,
p. 187. — Bebelianus : Faceliœ : Da parto adulterïe cujusdam
mulieris, liv. I[, p. 106. — Roger Bonlemps en belle humeur. —
Subtile response d'une femme à une sage-femme, p. 208. —
Gausard: Contes dans les Bigarrures de T. des Accords.
30-^' LKS FACKTIRS liE POGGE
CCXLV
D'un igiioi-fint ([ul confondit des savants^.
Des Religieux s'entretenant de l'âge et des tra-
vaux de Notre Sauveur, disaient qu'il commença
sa prédication aprèsavoir atteint l'âge de trente ans.
Un homme aljsolument illettré qui se trouvait dans
l'assistance leur demanda, s'ils savaient ce que
Jésus avait fait imuKkliatement après avoir atteint
sa trentième année . Les Religieux indécis ,
émettaient des avis divers. — « Avec toute votre
science, reprit l'ignorant, vous ne découvrez pas
une chose bien facile à, savoir. » — (c Qu'a-t-il
donc fait. » — « Il est entré de suite dans sa
trenle-et-unième année. » On se mit à rire, et de
l'avis de tous, la plaisanterie fut trouvée excel-
lente.
GCXLVI
Réponse maligne, ii un marchand ciui accusait
les au 1res de folie'^.
(Jarlo (ierio, de Florence, un de ces banquiers
1. Faivlmii (lictitiii iiiditcli duclioirs lonfuiKleiia. Opéra ^'i3. —
XoEL I, 250; ]l, 2.JÔ-2J(i. — Liseux, t. II, p. 188. — B. de la
MoNNOYLf. Epiq. « Problema ». — Ilisloirc facétieuses ci morales :
« D'un paysan et de quelques prêtres. »
2. Salsnni Itoininis (lirlii)i) contra niercatorem aiins accusanleiti.
0|)era 2'i'i. — Xoei. I, 2".]. — Liseix. t. If. p. 190.
LES F.Vi.ÉTlKS DE l'OGGE ."^Oo
à l<( suite (le la Curie romaine, s'était rendu à
Avignon, comme font les négociants qui trafiquent
dans différentes contrées. A son retour à Rome,
on s'enquit dans un repas intime du genre de vie
que les Florentins menaient à Avignon. — « Tous
sont satisfaits et dune gaieté extravagante », ré-
pondit-il, « il leur suffît d'habiter cette ville un
an pour devenir fous. ■> Un des convives, Aldi-
gherio, très ami de la plaisanterie, s'informa alors
de la durée de son séjour. — «. Je suis resté six mois
seulement » . répondit Carlo. — <( Tu as alors l'esprit
bien faible, reprit Aldigherio, puisqu'il faut une
année aux autres et <]ae six mois t'ont suffi? » Ce
mot piquant nous fit tous sourire.
CCXLVII
J{é/>oiise d'une femme à un jeune homme
éperduement amoureux d'elle^
Ln jeune Florentin était éperdument épris
d'une dame noble et sage; souvent, il la poursui-
vait dans les églises et même ailleurs. Il épiait,
disîiit-il à ses amis, le moment favorable où il
pourrait lui faire entendre quelques mots qu'il
■ivait préparés avec soin et appris par cœur. Un
jour de fête, la dame étant venue à l'église Sainte-
1. liellum iiiulh'i-is lespoiisuni ad jHveiiem siioainnre llniiiiuilcin.
Opéra '2V<. — Xoei. I, 2ô'i.
;iU4 LES FACÉTIES ]\¥. l'OCi.E
Lucie, se dirigeait seule vers le bénitier, lorsqu'un
des amis du jeune homme lui dit que l'occasion
était très favorable pour parler. L'amoureux,
tout ému, perdit son SMUg-froid au point que son
ami fut obligé de le pousser et de le contraindre
à s'approcher. Arrivé près de la dame, la mémoire
lui faisant défaut, il oublia son compliment et
resta bouche close. L'ami insistait pour (jii'il i)ro-
nonçât un mot: — « Madame, s'efTorça-t-ildedire
alors, je suis votre serviteur ». Et la dame de
répondre immédiatement avec un sourire : — « Je
n'ai besoin d'aucun nouveau serviteur, car j'en ai
assez, trop môme, chez moi pour balayer la
maison et laver la vaisselle. » On a ri de la sottise
du pauvre garçon et on loua la verte réponse (pi'il
s'était attirée.
GCXLVni
Contre les vantards^.
C'était à l'époque ou l'empereur Frédéric ((jui
moui'ut à Buonconvento ^, ville du territoire de
Sienne 1, vint établir son camp à deux mille de Flo-
1. De iiohili fj)iodam teiiiporc l'iich/rici inipei-atnris tu a)niis pnr-
suiiicidi, sed nil facicnti. Opéra '^'iG. — Noël I, 200; II. '25(). —
RiSTELHi'iîKR CIV, p. l'il. — LisEux, t. Il, p. 193. — Fahulœ
.lisopicw, Camerarii : De (Jloriose in iprnaria lîellatore, p. 170.
2. Petite place sur l'Ombrone à quinze millos de Sienne, sur
l.» route de Sienne à Rome, doni il est question dans les Vom-
I.KS FACETIKS 1>K I>()(1GF. 305
renée, son ennemie ; beaiicouj) de ,i:entilshommes
s'armèreni })Our défendre leui- patrie et atta-
<] lièrent l'armée im[)ériale dans ses retranche-
ments. Un des plus fanfarons, a[)j)artciiant à une
illustre famille, étant monté à cheval, armé de
pied en cap, franchit les portes de la ville en gour-
mandant la lenteur des autres, leur rei)rochaat
d'aller doucement comme des lâches et criant que
fut-il seul, il marcherait à l'ennemi. Après avoir
ainsi parcouru un mille, galoi)ant toujours et ne
ménageant pas ses bravades, il rencontra quel-
([ues blessés qui revenaient de la lutte déjà com-
mencée, il ralentit le ])as de sa monture ; jtuis,
lorsque le bruit du combat vint jusqu'à lui et
<[u'il eut aperçu de loin la mêlée, il s'arrêta
comme pétrifié. Un de ceux cjui avaient entendu
ses rodomontades lui ayant demandé pourquoi il
n'avançait pas. il répondit, après avoir réfléchi un
instant : — <■ Je sens que je ne suis pas aussi intré-
pide que je le supposais. » Il faut bien se rendre
comi)te de son courage et de sa vigueur, pour ne
jamais promettre i)lu5 qu'on ne peut tenir.
iitciilaii-esde Montluc, t. J^ p. 412 et t. II. p. "iOl, éd. de la Sociélé
de l'Histoire de France. Frédéric ne mourut pas à Buoncon-
venlo, mais à Fiorentino, dans la Capitanate. Voy. sur lui
Simpson : Esquisse d'une histoire delà liltérafitre italienue. (K.)
30(3 > I.ES FACÉTIKS DK J'OG(JE
CGXLIX
D'un liominc qui demeura deux ans sans boire
ni manger ^
Le fait que je vais narrer semblera, je le crains,
plus fabuleux que le reste, car il s'agit d'une
chose contre nature, tenant du prodige ; on peut
cependant y ajouter foi, car il a été reconnu vrai.
Un nommé Jaccjues (]ui, sous le pontificat du pape
Eugène, remplissait, à la Curie romaine, les fonc-
tions de copiste, étant retourné dans son pays
natal à Noyon (Fr.ince), y tomba gravement
malade. Ce serait trop long de redire ici les péri-
péties de sou triste état de santé. De longues
années s'étant écoulées, la pensée lui vint de
visiter le tombeau de Notre Sauveur. Nicolas V
occupait alors le trône pontifical depuis cinq ans.
Notre homme revint donc à la Curie ; des voleurs
l'ayant dépouillé en route, il arriva pauvre et à
peine vêtu. Il visita les membres de la Curie,
mes voisins, personnages distingués et dont il
avait été autrefois connu. Il leur raconta (|ue
depuis sa convalescence, cpii remontait à deux ans,
il n'avait pu ni boire, ni manger, bien (ju'il eut
souvent essayé. D'une maigreur excessive, cet
I. De hoiiiiiic ifui pvr hiciiiiii(ni cihinii non sumpsU nccjue pnliiiii,
Opéra 2 'i7. — Xoi;i. I, ;'■">•",. — Li9Ei;\. t. Il, p. I'.)5. — Lenkam,
t. Il, XCIII. p. r.v.t.
i.KS FAciniES im; I'OUGk 307
homme est prêtre, sain d'esprit, récite assidûment
son offiee et je lai vu assister la messe. De nom-
breux; théologiens et médecins ont eu plusieurs
entretiens avec cet homme, ils ont examiné ce
cas singulier <|u"ils trouvent contre nature, mais
cependant tellement vrai qu'on ne peut le révo-
(juer en doute. Cha(jue jour, de nombreuses per-
sonnes viennent se renseigner près de lui et les
avis, à son sujet, sont partagés. Pour quelques-uns,
c'est un possédé du démon, et cependant rien en
lui n'ap})araît qui ne soit d'un homme prudent,
honnête et religieux: actuellement encore il fait
des écritures. D'autres prétendent ([ue la nature
mélancoli([ue de ses humeurs lui fournit sa nourri-
ture. Souvent, je me suis entretenu avec lui, per-
suadé que ce (|ue l'on racontait n'était pas exact.
Lui-même est surpris autant que qui que ce soit
de ce (jui lui arrive. Toutefois, il prétend n'avoir
pas cessé subitement de boire et de manger, mais
en avoir pris peu à peu l'habitude. Mon étonne-
nient serait peut-être plus grand, si je n'avais lu,
en feuilletant, il y a ((uelque temps, des annales
fpie j'avais copiées autrefois en France, qu'un cas
analogue s'est produit en Tau du Seigneur 822, à
l'époque de l'empereur Lothaire et du pape Pascal.
Une jeune lille, âgée d'environ douze ans, dans la
ville de Commercy 'territoire de Toul), ayant reçu
à Pà(jUes la sainte communion, s'abstint d'abord
de pain pendant six mois, puis se priva complète-
ment de boire et de m.iuger pendant trois ans; par
;;08 LES FACÉTIES DE POUCE
la suite, elle reprit son ancienne manière de vivre.
Celui dont j'ai rapporté l'histoire, es])ère qu'il en
sera ainsi pour lui.
CCL
lyiiii âne quou devail in si mire '.
Un tyran voulant contisquer les biens d'un de
ses sujets qui se vantait de réussir à tout, lui
demanda, en le menaçant de peines sévères, d'ap-
prendre à lire à son âne : — « ( Test chose impossible
répondit l'homme, si je n'obtiens un long terme
l)0ur faire cette éducation. » — « Prends tout le
temps nécessaire » dit le maître. Dix ans furent
1. J'nceliini Jiomiiiis dicluni nsiiiKin o-iidii-c pi-oiiiilleii!is. U[)eru
',"i.S. — XoEL I, 2.58; H, 3r)7-'2H3. — Ristelhl'ber CV, \), l'i3. —
LiSKCx, t. II, p. 199. — Origine : Von Pfai-fen : Aaiis, Y,181-3iri.
— Imitations : Abstenius : De gvammalica doccnte asinum 133.
— DU Eulrnspiegcl, hist. 29. — Se)i(1(iibodiiis, Novum lioneit chimi-
cKiii. p. 1U3. — Bon. des Périers, nouv. lAXXVIII (édit. Gar-
nier. — 'iuicciARDiNi : Coso oppo)iHna ed itlile, etc., p. 27.
— Meij T((bulario, en Valcncia — Le Tombeau de la mé-
lancolie, p. 20.5. — Democritus ridois, p. 42. — La Fontaine :
Fables, I, VI, fab. 19. — Rof/er Boicmps en belle humeur, p. 369:
lîon four d'Antoine Marlinus. — Boursault : Lettres nouvelles :
Le (lliarlataa et l'Ane, t. III, 39.'). — Bo«quili,on : Poésies an-
ciennes et modernes : L'adroit esclave, I, p. 1(1!). — I). Féli\
Maria Samaniego : Fabulas en casiellauo, para cl usa del real
seininario Yacconijado : Kl Charlatan. — J)cnii>critus )-ieens, p. 42.
CiiRAUD : Circulalor, cité par Millet. — Esope dr belle humeur :
I l'un esclave et d'un àne, p. 2f')9. — Desuillons I''abul;i' .Esop.,
[1 290. — Fables en musique (Unis le (foùt de l.'i l'onluitie : Le
l'.h.-tlicur elle Roi. L. II, p. 42.
I.KS FACI-.TIKS ln: i'0(,GE 309
oxieés. (lommc on tournait en dérision celui ([ui
avait la il- d'entreprendre une chose impossible,
il rassura, d'un mot, ses interlocuteurs : — « .le
n'ai rien (\ craindre, car avant ce temps, le
Prince, l'àne ou moi nous serons morts. » De là,
il faut conclure ((u'il est iirudent de traîner en
longueur et de différer le })lus possible Taccom-
plissenicnt d'une œuvre difficile.
CCLI
-l pi-ojios d'il// p/'cl/'e ig/io/ru/f ^
A l'occasion de la fête de rEpiphanic. un de
mes amis m'a rapporté un trait d'ignorance in-
croyable. Un curé, son compatriote, annonçait
ainsi à ses paroissiens (pie la fête de l'Epiphanie
était proche. Demain, disait-il, vous célébrerez
l'Epiphanie avec une grande dévotion, c'est une
fête solennelle, très solennelle. Je ne sais trop s'il
s'agit d'un homme ou d'une femme, mais peu
importe, il faut obsorverce jour avec le plus j)ro-
l'ond respect.
1. De Sacerdntc Epiplinnia an cir csset vel fannina ifiiioraiite
Ojiera 240. — Xoel I, iôH. — Liseux, t. II, p. 200. — I, enfant.
t. II, LXIX, p. 2-2:>.
310 LES FACÉTIES DK l'(»(iGE
CCLH
D'un usurier converti^.
Un homme ayant demandé un prêt à gros
intérêt à un vieil usurier (jui leiLiuait d'avoir
abandonné son métier, lui apporta en gage une
croix en argent dans laquelle avait été placée une
parcelle de la croix de Notre Sauveur. S'étant
informé près du vieillard, (juelle somme il con-
sentirait à lui avancer. — « Depuis longtemps,
répondit celui-ci, j'ai renoncé au péché d'usure,
mais allez trouver montils (et il indiqua son nom)
car il a vendu son àme lui, il traitera avec vous. »
Ce disant, il fait accompagner l'emprunteur par
un valet afm qu'il lui montrât la maison de son
lils. Ils étaient déjà loin, lorsque le vieillard cria
au domestique : — « Avant tout, dis à mon fils qu'il
ne manque pas de déduire le poids du bois. » Cet
1. Fciierato)- ficte peiiitcns in pn/as recerUvat. Opéra 251. — Nokl
I, 259. — RisTfiLHUBER GVJ, p. i'i4. — Lheux, l. II, p. 201.
M. L..., grand usurier, étant malade à l'extivuiilé, était
toujours d ms un assoupissement qui lais;nt ajjpréhender pour
lui. Se ^ parents faisaient tout leur possil)le, j)ai' des remèdes
ou autrement, pour l'en tirer. Son confesseur, \oyaiit qu'il re-
venait un peu, ne voulut pas perdre celte occasion favorable
de le faire ?onger à la mort. Pour cet effet, il prit sur la table
du malade un crucifi.^ en argent qu'il lui présent;! en l'exhor-
tant. Le malade regarda fixement le crut;ifix et dit à son confes-
seur: — « Monsieur, Je ne |)uis pas prêter grand chose Ik-des-
6us. » — 3Icua(/iaiia. 1, •3'iy.
LUS FACETIES DE l'0(;(iK :jll
liomuie qui se disait converti, redoutait que son
fils ne payât au poids de l'arg-ent, la relique de la
vraie Croix, estimant ce bois moins précieux que
le métal. Très facilement ainsi la nature reprend
le dessus.
CGLIII
Fable des oiseaux parleufs\
In individu retirant des oiseaux d'une cage où
ils étaient enfermés, les étranglait en étreignant
leurs têtes entre ses doigts. Par hasard, en faisant
cette besogne, il se prit à j)leurer. Alors un des
prisonniers dit aux autres : — « Ayez bon courage,
je vois qu'il pleure, il a donc pitié de nous. »
— « 0 mon tils, répliqua aussitôt le plus âgé des
pauvrets, ne regarde pas ses yeux, mais ses mains. »
11 montrait par là, qu'il faut s'attacher aux actes
et non aux paroles.
GGLIV
La manie des chaînes ^.
( Certain chevalier Milanais, guerrier assez brave,
1. \)c aviculis fabulosv et false loquenlibiis. Opéra 252. — Noël
I, 201 ; II, 2G7. — Liseux, t. II, p. 203. — Lknfant LXIV, p. 222.
.Esopiic Camepariis, p. 21i8.
2. Calenis variis collinn cinçjens stuUior œsthnalur. Opéra 253.
— Noël I, 202; II, 207. — Ri-,telhuker GVII, p. 145. — Liseux,
t. il, p. 204. — Lenfant, t, II, LXXI, [). 220.
312 I.ES FAr.FTlES DE I'im.uE
était venu en ([ualilé d'aml)assa(leur à Florence.
(Chaque jour, par obstention, il se parait de chaînes
diverses dont il s'ornait le cou. Niccolo Niccoli,
liomme très instruit aimant à plaisanter, s'aperçut
de la fatuité de notre chevalier et fit cette ré-
tlexion : — u Les autres fous ne sont attachés
({u'à une seule chaîne, mais il en faut plusieurs
pour satisfaire celui-ci. »
<:glv
Mol plaisant de liidolfo de Caiiierino\
Presque toutes les provinces des Etats de
l'Eglise abandonnèreut la cause du souverain
l^ontife, pendant la guerre qui eut lieu entre les
Florentins et le pape Grégoire XI. L^s habi-
tants de Recanati ayant envoyé un ambassadeur
à Florence, celui-ci témoigna aux Prieurs la gra-
titude de ses compatriotes pour les Florentins
(jui les avaient aidés à recon<{uérir la liberté. Il
s'emporta ensuite en termes peu mesurés contre
le Pape el ses ministres, mais surtout contre les
Voy. GoicciARin.Ni : La mua (jloria csser spcssr i-ipidala pa::ia.
— Dcnwcrilus lidciis, p. 83 : Supvriia slullitiic imlcr. — En l.").')!),
l'"rauçois 11 (it dix-huit chovalioi'S de Saint-Michel; ses clioix
(onibiTent si mal qu'on appela di'-.s lors le c<jllier de l'oidri", le
iiiUicr à loules bètes. De Thoue, liv. Will.
1. Facclum RcdolpJtidonnui Caineriiii in oralionem contra oin-
iics (loiiiinos iiireitlmn. 0|)era 2.')4. — Xoki. I, 2G'2. — Liseux, t. II,
).. m". — LicNFANT, t. Il, CVI, p. 2'i:.
l.KS FACÉTIES 1)£ 1>0GGK 31ù
princes et les seii:iieiirs ; il décria leur mauvais
nouvememeiit. maudit leurs crimes, sans tenir
aucun com[)te de la présence de Ridolfo, seigneur
de Camerino, .général au service de la Républi(|uc
de Florence et qui, en cette qualité, assistait aux
audiences des ambassadeurs. U s'en donna à
cœur joie. Ridolpho s'étant en([uis auprès de notre
liomme du uenre d'études auxquelles il s'était
livr*', et de la profession (ju'il exerçait, celui-ci
répondit cju'il était docteur en droit. Ridolpho lui
demanda alors coml)icn de temps il avait consa-
cré à cotte science : — « I^lus de dix ans » reprit
l'ambassadeur : — « Que je souhaiterais, s'écria
Ridolfo, vous voir })endant un an seulement
préoccupé d'acquérir du discernement. » Insinuant
ainsi combien il avait montré peu de tact en in-
vectivant les seigneurs devant lui.
CCLVI
Le vase d huile renversé *.
In arbitre ayant été désigné à deux plaideurs,
reçut de l'un un baril d'huile afin qu'il prononçât
une sentence en sa faveur. L'autre partie ayant
appris la chose, envoya un porc gras, en soUici-
1. De arhilrio iit cujus domo porcus oleum effudil. Opéra 2ô5. —
XoEi. I. 2(;3 ; II, 297. — Risteluurer CVIII, p. 1 10. — LiSEf.x, t. II,
p. 'lui. — CiuiccrATiinNi : Le Guidice iniqui darc le sentenlie, p. .")0.
314 LKS FACÉTIES DE l'OGCiE
tant une décisioa conforme à ses intérêts, l/ar-
bitre donna gain de cause à ce dernier. Celui
qui avait donné l'huile vint se plaindre de cette
sentence, alléguant le cadeau reçu et la parole
donnée : — <( Certain porc étant entré chez moi,
répondit l'arbitre, a trouvé ton huile, a brisé le
vase et répandu par terre le liquide, de telle sorte
que je n'ai plus pensé à toi. » Très adroite réponse
d'un arbitre vénal.
CCLVIl
Des Jeunes filles qui se moquent cVun cJtauve^
Deux jeunes filles, étant à la fenêtre d'une mai-
sou donnant sur un jardin, virent passer le jardi-
nier vieux et chauve qui s'en allait prendre sou
repas. A l'aspect de sa calvitie, elles lui deman-
dèrent s'il voulait connaître une recette pour faire
pousser les cheveux. L'homme ayant accepté, elles
— ScuEi-KiîR : Delitiii' poel. (jcrm. (>an'us et equi. — IJonocriliis
j-idciia : Oleum et opéra perdita, p. 7 et Judicia viemoiilnis,
p. (ly. — Roger Bontemps en belle humeur : De deux paysans qui
plaident. — Diclionn. d'anecdotes, t. II. p. 12N. — ^oureau dh-
liouu. d'anecdoics, p. 309.
1. Juccucularum a colro fjuodam facela delmio. Opéra CGLVl.
— NoKL, I, p. 2G4. — Guillaume Tardif. De deux jouvencelles
qui conseillèrent à ung Prince de laver sa te^te en pissat do
pucelle, p. 292. — Liseux, CCLVII, t. II, p. 208. — Anonyme :
Jtuplex calvities, vers latins cités par Noël, p. 270.
LKS FAI.ÉTIKS DE I'Oi.<.E 315
diront cii riant de se laver la tête avec l'urine de
sa femme. Mais celui-ci leur dit en les regardant :
« Votre recette n'est pas bonne, la preuve en est
que depuis trente ans ma femme arrose ce
petit compagnon, et cependant pas un poil n'y a
poussé ».
En ceste facécie est monstre que tous oonseilz ne sont
pas à croire, car il en est dont on voit par expérience quo
le contraire est vrav.
CCLVIII
Maille perd les causes ^
Enrico de Monteleone, avocat à la (^urie
Romaine, était très âgé et peu apte à la profes-
sion qu il exerçait. On l'appelait familièrement :
Messer perde il piato^ c'est-à-dire, Maître perd
les causes. Un jour, on lui demanda pourquoi il
ne gagnait pas les causes qui lui étaient confiées :
— « C'est, répondit il, que tous mes clients deman-
dent des choses injustes et dès lors, il faut bien
que toujours je succombe, puisque mes procès
sont continuellement mauvais ». Plaisante réponse
d'un is-norant.
I. /)(• iitessn- perde il piatn. Opéra 257. — Xoiîi. I, 2G.j. — I.i-
^l,L•\, t. II. p. ^Oî».
LF.S FACETIES DE l'OGliE
CCLIX
D'une chanson qui ]>Iill aux auhergislcs^.
l*ress<'' parla faim, un voyageur entra dans une
auberge, mangea et but à en tomber malade.
L'hôte ayant réclamé le paiement, notre homme
avoua qu'il n'avait pas d'argent, mais qu'il était
prêt à s'acquitter en chantant quelque chose. —
<( Je n'ai que faire de vos chansons, dit le tavernier,
c'est de l'argent c[u'il me faut. » — « Mais si j'en
chante une qui vous plaise, reprit le voyageur, la
prendrez-vous pour argent comptant?» — « Soit »
dit riiôte. Une, deux chansons furent exécutées,
mais aucune n'eût le don de plaire. — « .Mainte-
nant, dit le ^ oyageur, je vais vous en chanter une
1. />(' ccmtHena tabernariis placita. Opéra 258. — N'oel I, 5(i(i:
11. 271. — RiSTiiLHUBER CIX, p. 1 i7. — Ltseux, t. II, CCLIX.
|). 2 lu. • — J)il EulcHspiegel. liist. 61 — Moxtanus : ïï'(Y//i'»r;(';-.
— lî. DES Pkrieiîs. nouv. CXXII : De celiiy qui paya son hoste
en chansons. Edit. Garnier. — Fkischlixi, fac., p. 21 : Dolus
De sa boui'ie dessus la table,
Frappa, afin que je le notte
Et, comme chosj convenable.
Chanta ainsi à haute notte,
(! Faut payer ton hoste, ton hosle! »
Tout au long chanta ce couplet
Le varlet estant costo à coste,
Kespondit: « cela bien me idaist. »
La lUpiif frniirlu' du smilfii im.: .
LES FACETIES DE I>0('.«E 3l7
{jue VOUS trouverez certainement à votre goût. »
Mettant alors la main à sa l^ourse comme s'il allait
en délier les cordons, il entonna la chanson halji-
tuelle des voyageurs : Metti matio alla borsa, e
p(/L;a Vosle... Mettez la main à la bourse et payez
l'hnte : — " Celle-ci vous convient-elle? » dit-il,
quand il eût terminé. — « Assurément, » répondit
lauljergiste. « Alors, d'après notre convention,
nous voilà quittes puisque cette chanson vous a
été agréable », dit le voyageur. Lk-dessus, il
partit sans bourse délier.
CCLX
A propos d'un homme ?)iai^re '.
In de nos concitoyens, et, de plus mon ami
intime, est tellement maigre qu'il semble transpa-
rent, diaphane. Quelqu'un s'en étonnant demanda
d'où pouvait provenir cet état : — « C'est bien
simple, répondit un plaisant, il met une demi-
heure à prendre sa nourriture et il lui faut deux
heures pour s'en débarrasser. » C'était exact. Mon
ami a pour habitude d'être d'une lenteur exces-
sive lorsqu'il se purge le ventre.
1 . De (jracili quoilam faccta respoitsio. 0|i3ra 2.")^!. — NoelI, 2GI
- I.iSEUx, t H. p. -212.
18.
318 LES FACÉTIES DE POGGE
CCLXI
Amusante ic panse cVune femme dont
C encrier était vide^.
Une (lame de notre connaissance, femme <les
plus honnêtes, lit cette réponse à un messager
qui lui demandait si elle n'avait pas de lettres pour
son mari qui était absent depuis longtemps en
qualité d'ambassadeur de la République. —
« Comment voulez-vous que j'écrive, mon mari a
emporté la plume avec lui, en laissant lencrier
vide ». Facétieuse et décente réponse.
CCLXII
Sur le petit nombre des amis de Dieu'-.
Un de nos concitoyens, personnage caustique,
soutirait depuis longtemps d'une cruelle maladie.
Un religieux vint le visiter et lui dit des paroles
1. Faci'ta responsio miilicris iniqUlarc vaciium bahenlis. Opcra
CGLX. — Noël, I, 267. — Liseux. CGLXI, t. II, p. 213. — Ih-li-
iia; poctanim Gcnnanornin. — Passctons du sexe: « La Plume ».
— La Memahianeide (Aggiunta ab libro del Perche). « Dubio-
Solulione », p. 105. — Anonyme : Colamus, cite par Milet. —
D'Arnaud, Œurres : « La Pliiiiie de l'Amour ».
2. Rideiida de paiicitate ainicoriun JJeirespoïisio. Opéra 2tiL —
Noël I, 2(i3 ; II, 27i, — Liselx, p. 21i. — Lenfant, t. 1I,LXX1I.
p. 22 Behelian. Fficcli.i De ruslico appellaate a De«i, ail
iiposlolos, L. II, p. 107.
I.KS FACKTIES DE POliGE 319
réconfortantes. Entre autres, il lui rappela que
Dieu infligeait toutes sortes de maux à ceux qu'il
aime, afin de les corriger et de les purifier. — « 11
nest donc pas étonnant, répondit le malade, (ju'il
ait si peu d'amis; en les traitant de telle sorte,
il devrait même en avoir encore moins. »
CCLXllî
Le moine ((licteur, le Inique et le loup '.
In frère quêteur, religieux de l'Ordre de Saint-
Antoine, ayant reçu une certaine quantité de blé
d'un cultivateur, lui promit que ses affaires pros-
péreraient cette année-là, et que surtout ses brebis
seraient saines et sauves. Confiant dans ces
paroles, le paysan laissa errer ses brebis à l'aven-
ture et le loup en mangea quelques-unes. Notre
homme en fut fort contrarié, et quand, l'année
suivante, le prêcheur redemanda du grain, notre
honnnc lui refusa net et se plaignit de l'inanité de
ses promesses. Le religieux ayant demandé une
explication. — « Le loup, répondit le cultivateur,
m'a fait disparaître plusieurs brebis. » — « Le
loup, s'écria le religieux, est une méchante bête,
sans foi aucune, prends garde à elle. LUe serait
1. De Saiicli Aulniiii fraltc ot îaico ac bipo. Opéra 2G2. — Xoei,
I. 268. — RisTELHUBER CX, p. l'iO. — LisEux, t. II, p. '2i:.. —
Lknkant. I. Il, I.XIII, p. ni.
o;J0 LKS FACÉTIES 1>K I'0(;(;E
de force à tromper non .seulement Saint- Antoine,
mais Jésus-Christ même, si cela était possible. «
C'est le propre d'un imbécile de mettre sa con-
firmce dans les gens qui font profession de tromper.
CCLXIV
Compensation '.
Un individu vint, soit sérieusement, soit pour
s'amuser, f rouver un pr<Hre et lui dit qu'il voulait
1. De mirahili confilciili< el confessoi-is veciprocapro salisfaclimif
recompensa. Opéra CCLXIII. — Nosl, I, 270; II, 27."). — Guil-
laume Tahdif, GIX : De celluy qui le cuydoit railler du confes-
seur, et le confeiseur se railla de luv, p. 295. — Ristelhuber.
CXI, p. 151. — LisEux, GGLXIV, t. H. p. 216. — B. ue la Mon-
NovE : Par pari. — Gerardus Dicœus : /)elici:v poelar. Itahriun :
« Ad Pauluin ». — J.-B. Rousseau : Kpigram)iii\'< : « Certain
fhanoine à la taille légère... », édit. Garuier.
LE PARTANT QUITTE
Certain grivois, uujoiir à son curé,
Se con('e.«sait et d'un ton assuré
Semblait vouloir lui vantei' son mérite,
(' Jai, disait-il, de mon prochain médit;
Mjis par le bien qu'ensuite j'tn ai dit,
.l'ai réparé tout le mal; parlant quitte.
Certain bijou que l'on avait perdu,
Je l'avais pris, mais je l'ai ))ien rendu;
Variant quitte; et mon âme à tel point n'est méclianti.-
De retenir le bien qui ne m'appartient pas ».
l-^nfin, baissant la voix, il dit d'un ton jilus bas :
n Monsieur, avec votre servante.
J'ai... mais comment m'acquitter de ceci ?... »
Lors le curé, i>our rassurer son âme
Dit: « Monsieur, avec votre femme
J'en fis autant, et parlint quitte aussi ».
Gm'.oiunT.
IFS F.VCKTIES l>E l'OM.K 3il
confesser ses péchés. Le prctre liiivita à dire ce
dont il se souvenait, il déclara avoir volé je ne
sais quoi à un autre, lequel autre l'avait bien
davantage volé lui-même. Le prêtre dit : —
« Voleur ;i voleur, vous vous êtes rendu la
pareille ; — il y a compensation )>. L'homme
s'accusa ensuite de s'être battu avec un autre qui
Lavait aussi battu. Le prêtre déclara que la faute
et le châtiment se trouvaient égalisés de part et
d'autre. Le pénitent raconta plusieurs faits de
même nature et le prêtre disait toujours qu il y
avait compensation l'un par l'autre. Alors cet
individu lui dit : — « Il me reste maintenant un
péché si gros que je rougis et que je n'ose avouer
surtout parce qu'il vous intéresse énormément.
Le prêtre l'exhorta à mettre toute honte de côté
et à avouer franchement son crime, celui-ci, après
s'y être longtemps refusé, cédant enfin aux bonnes
paroles du confesseur, lui dit : — « J'ai couché
avec votre sœur. — Et moi, riposta le prêtre, j'ai
plus souvent couché avec ta mère ; comme pré-
cédemment, il y a compensation ». Ainsi donc la
parité des péchés' fait l'absolution des pécheurs.
]-^n cesle Facécie est monstre, premier comme aulcuns
lillement se confessent, qui, en disant leurs péchez,
ilièguent ceux de leurs voysins par manière d'excuse,
«jui rien ne vault. Pareillement est monstre comme on ne
se doit jamais railler en soy.
322 LKS FACETIES 1>E POGGE
CCLXV
Mots pleins de sel de deux jeunes Florentins^.
Un jeune homme de Florence descendait à
l'Arno en portant un de ces filets dans lesquels
on lave la laine, en chemin, il rencontra un
gamin bavard qui, pour se moquer, lui dit : — « A
quelle chasse vas-tu donc ? » L'autre répliqua :
— « Je vais au débouché du Lupanard prendre ta
mère dans mon filet. » — Eh bien ! riposta le
,i;amin, cherche bien, car tu dois y trouver sûre-
ment la tienne ». Ces mots sont l'un et l'autre
pleins de sel.
GCLXVI
D'un jeune homme qui pissa sur ht table'-.
Un jeune seigneur hongrois invité à diner par
un très noble Magnat un peu son allié, s'y ren-
dit à cheval avec ses laquais, car il avait un assez
1. Biiorum Floreulinornm adolrscentinm dicta sole ^repersa.
Opéra CCLXIV.— Noël, I, 273. — LisEux, CCLXV, t. II, p. 218.
2. Adolescenli confusio super mensam miiiqeiitis in conrivio.
OperaCCLXVI. — NoBL, I, 272. — Liseux, CCLXVIl, t. II, p. 21':).
— FuiDER. DoDEKiNDus : De moruni simplicitale : « Ocrea matula ».
liv. III, ch. VI. — Beroald i>e Verville : Le Moyen de parvenir,
édit. dornioi'.
LES FACETIES DE l'OfHlE 323
lont; trajet à faire. A sa descente de cheval, tout
le monde, hommes, femmes, enfants accoururent
auprès de lui et comme il était tard on le condui-
sit aussitôt à la salle à manger où le festin était
disposé. Ses mains lavées, on plaça le jeune
homme entre deux très jolies demoiselles, filles de
son hôte. Tourmenté par un besoin d'uriner, que
par pudeur il n'avait pas manifesté, et qu'il
n'avait eu la possibilité de satisfaire à la dérobée,
le pauvre garçon souffrait tellement qu'il ne pou-
vait ni manger ni boire. Tout le monde remarquant
son air préoccupé et son indifférence à goûter aux
mets, on l'exhortait h manger. A la iin, n'y tenant
plus, il glissa sa main droite sous la table et s'ar-
rangeait de façon à se soulager dans ses bottes,
lorsqu'au même instant sa voisine de droite lui
dit : — « Allons, voyons mangez donc !» — et
lui saisissant le bras, elle attira la main avec ce
qu'elle tenait et la table fut toute arrosée d'urine.
A ce spectacle insolite tout le mond s'esclafa de
rire et le jeune homme fut tout couvert de confu-
sion.
I.ES FACETIES LE PO(iGE
CCLXVII
Appropos iVune Florentine prise
en flagrant délit '.
La femme d'mi aubergiste des environs de Flo-
rence, femme très libre de mœurs, était au lit
avec son amant habituel, lorsqu'un autre survint
dans l'escalier. La femme se précipita au-devant
de lui, s'opposant avec véhémence et gros mots
à ce qu'il alla plus loin, lui déclarant qu'elle ne
pouvait le satisfaire pour l'instant et le priant de
s'éloigner. L'homme insistait etla querelle se pro-
longeait, h)rsque le mari apparut tout à coup qui
s'informa de ce qui se passait. La femme toujours
prompte à la ruse lui dit : — « C'est celui-là qui est
en colère et qui veut entrer pour battre cet autre,
qui s'est réfugié chez nous, et je tâche de l'em-
pêcher de commettre un crime. » Celui qui était
caché dans la chambre entendant cela, reprit cou-
rage et se mit à son tour à proférer des injures
auxquelles répondait le second feignant vouloir
euTrer de force. Le mari par trop betc demanda
de quoi il s'agissait, et se mit en devoir d'arranger
1. Catlidn coiisilia Florenlintr finniinr in fncinorc (Icprcliciisa-.
Opora GCLXVI.— Noël, I, p. '273. — LisEux, CCLXVII, t. II,
p. ll[. — EsTiENNE : Apolof/ie pour fJi'rodole, ch. XV. — Hoccack :
Contes, 8° journée, O nouvelle, édit, Garnier. — Coules à
lire, t. I, p. l.'ii. Leorand d'Aspy: Fabliaux :L-d Mauvaise femme,
t. III, p. »04. — Varirlrs nniHsanles •' Le Men?onire excusable.
LKS FACKÏIES DK, l'OtJiK 325
l'atlaire; parla aux deux adversaires, rétablit la
paix et cpii pi?; est leur oli'rit à boire, de sorte qu'à
l'adultère de sa femme il ajouta le prix de son vin.
Les femmes prises sur le fait ne sont jamais
embarrassées pour trouver quelque ruse.
CCLXVIII
Le mon qui parle '.
Il y avait à Florence une espèce de sot, nommé
Nigniaca, pas trop fou cependant et dassez belle
humeur. Quelques jeunes gens s'entendirent un
jour pour lui faire une farce; ils imaginèrent de
lui persuader qu'il était gravement malade. L'un
deux le rencontrant le matin, au moment de sa
sortie, lui demanda s'il souffrait, car il était tout
pâle et bien changé. — « Pas le moins du monde »,
répondit-il. In peu plus loin, un autre, ainsi que
cela était convenu, s'enquit s'il n'avait pas la
lièvre, sa figure émaciée. couverte de sueur déno-
tant la maladie. Notre pauvre garçon commençait
à douter de lui. ne s'imaginant pas qu'on le ber-
1. De moiino riro ad srpitUlirum deditclo, Inqitoile et risuin nin-
Li-iile. Opéra 267. — Noël I, 275: II, 281-285. — Liseux, t. H,
p. 223. — RisTELHUBER GXII, p. 151. — Jbhan de Boves, Fa-
bliaux : Le Villain de BaïUeul ou La femme qui lit croire à son
mari qu'il était mort, tdit. Le Grand d'Aussy, III, p. 324. —
JuBiNAL : Nouveau recueil de contes. — Boccace : Contes
cm, Edit. Garnier, t. I, p. ;3i2-3l(). — Grazzini : Novelie,
Dcito il J.asra. — Bon. des Périeus, nouv. LXVIII : De maistre
19
326 11':^ FACETIES DE J'OGGE
nait; il avançait à pas lents et timidement, quand
un troisième compère arrive, l'examine et après
l'avoir bien regardé lui dit : — « Ton visage indique
une fié vpe violente, une maladie sérieuse. » Ni-
gniaca prit peur alors, s'arrêta, se demandant avec
anxiété s'il n'a pas réellement la fièvre. Un qua-
trième complice survenant, aflirme que le cas est
très grave et manifeste son étonnement de ne pas le
voir au lit, rengage à regagner promptement sa
demeure, s'ofFrant de le reconduire et de le soigner
comme un frère. Le pauvre diable rebrousse alors
chemin, comme courbé sous son mal et regagne
sa couchette, avec l'attitude d'un homme qui va
expirer. Les compères accourent aussitôt, lui disent
qu'il a bien fait de se mettre aulit, puis l'un d'eux se
faisant passer pour médecin, lui tâte le pouls et
déclare la mort imminente. Alors, tous ceux qui
entouraient le grabat se mettent à dire : « La
mort vient, les pieds se refroidissent, la langue
balbutie, les yeux se voilent, il expire ! Fermons
lui donc les yeux, joignons lui les mains, enseve-
lisons-le. Quelle grande perte que celle de ce bon
garçon, notre ami! » Puis ils firent semblant
d'échanger entre eux des consolations.
Pendant ce temps, Nigniaca ne soufflait mot, ainsi
Bcrlhaud à qui on fit accroire qu'il csloit mort. — La Fon-
taine, Contes, VI, G. — Feronde ou Je Purgatoire. — Biblio-
thèque des Romatis, 1775-1789. — Illustres proverbes, p. 10. —
Hardolin : Le Mort parlant, conte; dans VAlmatiach des 3Iuses
de 1770. — Imiîert : NouceUes historiettes en vers, t. III, c. I : Le
mort vivant.
LES FAf rriKS I)K POC.GE 327
qu'il convient à un trépassé, il se croyait mort
véritablement. On le plaça dans un cercueil, elles
jeunes gens suivirent le convoi à travers la ville.
A ceux qui s'informaient du nom du défunt, on
répondait. « C est Xigniaca ({u"oni)orte en terre. »
— A mesure qu'on avançait, beaucoup de gens
vinrent pour rire, se joindre au cortège, et on
allait répétant toujours : — « C'est Nigniaca qui
est mort et qu'on porte au cimetière. » — Un
cabaretier en entendant cela, s'écria : — « Quelle
mauvaise bête, quel adroit voleur vous emportez-
là! Il méritait de finir suspendu au bout d'une
corde, » Alors l'imbécile entendant ce propos,
leva la tète : — « Si j'étais aussi bien vivant que
je suis mort, je te prouverais, pendard, que tu en
as menti par la gueule. » Les porteurs éclatant
de rire, abandonnèrent l'homme dans sa bière.
CCLXIX
Un problème embarrassant ^
Tout en se promenant, deux amis se deman-
daient lequel était plus agréable : faire l'amour ou
se lâcher le ventre. Tout à coup, apercevant une
1. De Dubio sophismate. Opéra CGLXIIl. — Noël, I, p. 277. —
LisEux, CCLIX, t. II, p. 227. — B. de la Monnoye : «Ollima».
Enricus Cerdus et Vervilliers : Deliciœ poct. Germanorum :
•'■ Amoris significatio ». — Béroald de Vkrville : Le Moyeïi,
flr panenir, édit. Garnier.
32S LES FACÉTIES DE 1'()(;(;e
femme qui n'avait jamais refusé ses faveurs aux
hommes, l'un dit: — « Interrogeons-la, elle est
experte en l'une et l'autre matière. — Point du
tout, fit l'autre, elle ne jugerait pas équitablc-
ment, car elle a plus souvent fait l'amour qu'elle
n'a cilié. »
CCLXX
Dt/fi inettitier irompé pcif sa femme qui lui
donna cinq <i'ii/k if in((nger (').
Voici encore une histoire bien connue à Maii-
toue. Il y a, près du pont de la ville, un moulin
dont le maître s'appelait Cornieola. Fn jour, on
était en été, celui-ci, étant assis près du pont, vit
passer une paysanne jeune et à point qui semblait
errante. Comme il se faisait tard, que le soleil se
couchait, le meunier engagea cette fille à aller
trouver sa femme. Celle-ci ayant accepté, il appela
son domestique et lui dit de conduire cette fille à
1. I)(; mulcii^ltn'i.rif) ab u.core decepto cl (jaiiKfHi' ■ ovis refccli).
Opéra CCLXIX. — Noël, I, 278. — Guillaume Tardif. CX :
D'ung meusnicr qui l'ut deçeu de sa reiiiiiie pai" luy-mesme,
p. 2'.)7. — Lisicux, CCLXX, p. 228. — Roncr-Binilrnips en belle
lnonem-, 15" aventure, p. 452. — Le i'acélicii.r Rnril-ninliii : « Plai-
sant discours d'un marchand de Gènes (jui fut cocu par le moyen
de son l'acteur », p. 152. — Ibid. De l'apprenti d'un drapier do
Lyon qui coucha avec sa inaistresse par rentreinise de sou
maislie, p. 195. — Voir le n" LXXXV, dont la donnée est
iduutique.
LES FAi.lVriF.S I>F. l'0(i(JE 320
sa femme, de lui faire donner une cliambre après
ravoir fait souper. Le valet étant parti, la meu-
nière qui avait compris que son mari avait des
intentions sur la jeune tille, la fit coucher dans
son propre lit et s'alla coucher elle-même dans la
chambre désignée pour la voyageuse. Le mari,
après avoir veillé assez longtemps, estimant que
son épouse dormait, entra furtivement au moulin
et s'alla dans la chambre où, ignorant la fraude, il
besogna sa femme qui ne soufflait mot. En sor-
tant, il dit à son domestique ce quil avait fait,
l'engageant à l'imiter; celui-ci profita de l'avis et
besogna avec la femme de son patron pendant que
Cornicula venait se mettre dans son lit douce-
ment de peur de réveiller sa femme qu'il y
croyait couchée. Le matin de bonne heure, il se leva
sans rien dire, persuadé qu'il avait possédé la
jeune fille. Lorsqu'il revint à l'heure du déjeuner,
sa femme lui servit d'abord cinq œufs frais. Tout
surpris de la nouveauté, il lui demanda la raison
de cette amabilité ; elle lui répondit avec un air
joyeux qu'elle lui offrait un œuf pour chaque
mille qu'il avait parcouru dans la nuit. Le bon-
homme comprit qu'il avait été pris dans ses pro-
pres filets, aussi fît-il semblant d'être le travailleur
unique, et goba les cinq œufs. La plupart du temps
les pervers tombent dans leurs propres pièges.
En ceste Facéoie est monstre comme souvent les trom-
peurs chéent au latz de tromperie aucjael ilz cuydenl met-
tre aultruv, comme de raison est.
330 LES FACÉTIES DE POGGE
CGLXXI
B"'le façon de nier la beauté \
Dans une rue de Florence, deux amis se prome-
naient en causant. L'un de haute taille, obèse et
brun de visage, apercevant une jeune tille qui
passait avec sa mère; dit : — « Voilà une belle et
gracieuse jeunesse. » — <■<■ On ne pourrait pas en
dire autant de vous, repartit la demoiselle que le
propos avait vexée. — Assurément si, répliqua le
promeneur, si l'on voulait mentir comme je viens
de le faire. »
CGLXXI I
Réponse plaisante mais peu Jioniiéte
cC une femme '-.
J'ai cru devoir consigner ici le propos un peu
salé d'une femme et que m'a rapporté un Espa-
gnol de mes amis. Un homme déjà sur le retour
1. Pulchriiin ilictuin pulchiiludiiiem '^.mentiens. Opéra 270. —
NoelI, 2X0; 11, 287-288. — Liseux, t. II, p. 231. — Tabourot
DES AcBOKDs. Toucliec : Dun jaloux et de sa femme. — Bebe-
LiANus. Faceliic : De puella deformi, L. I, p. 241. — Deutocrilus
ridcn.i : Rt feret, ita metes, p. 1.10. — Mrlhode italienne de
MM. de Povl'Ro'jal.
?. Facelum inulieris l'esponsum, sed paruni lioneslini). Opéra
Ci^LXXI. — Noël, I, 2S0; II, 288. — Guillaume Tardik : GXI,
p. 301. — Liseux, t. II. p. 2:]2. — Bonav. des Périers : Coules
LRS FACÉTIES 1>E l'Ol.GE 331
avait épousé une veuve, la première nuit, en s'ac-
([uittant de ses devoirs niatrimoniaux, il remarqua
que sa femme avait un logis infiniment plus grand
qu'il ne présumait. « — Ma femme, lui dit-il. ta
bergerie est vraiment trop vaste pour le nombre
de mes moutons ». Celle-ci répliqua : — « C'est ta
faute ! car mon défunt mari (Dieu ait pitié de son
àrae !) non seulement remplissait la bergerie, mais
même les béliers étaient souvent obligés de rester
à la porte ». — Réponse spirituelle et charmante.
En ceste facécie n'y a riens moral, mais y est une res-
el Nouvelles : De M"' La Fourrière qui logea un gentilhomme
au large, édit. Garnier. — Le Tombeau de la mélancboUe,
;i. 92 et Gentille rencontre du i:>eintre du roy, p. ill. — Bkroald
■ E Verville : Moyen de parrenir., édit. Harnier. — Bernard de
LA MoxNOYE : De la réponse de Margot Xoiron à un gentilhomme
[ui avoit couchi' avec elle; cité dans une édition de B. des
l'ériers, t. II, p. G, — Anonyme : Pro vagina macbœra, vers latins
ités par Noël. -^ Epigramme : Le bon Robin, qui se mit en
ménage; cité par le même. — Cabinet satyi-ifiue,t. I, p. 53. —
l.ex Muses en belle humeur, couplet : « Le Gros Guillot d'amour
■ pris », p. 10 (174'2j. « Couplets au Prévost des Marchands, sur
l'élargissement des rues », p. 10 (l~42î. Couplets : « Un jour,
' '-rtain avocat de maigre encolure.... p. 27 (1742). — Mérard de
~^AiNT-.Ju5T. Epieiileries, Joyeuselés, etc : « La Mesure de Saint-
Denys », conte, t. I, p. 129. — Le Joujou des Demoiselles : « La
porte cochère ». Epigramme.
G Capit de Dious!... disait un Gascon
.\ «a moitié qui faisait la niaise,
fl Pour des prémices, mon tendron.
Je me trouve bien à mon aise!
n Las! dit-elle, mon cher, je suis neuve à tel jeu.
Mais je ferai le bon Dieu juge,
Oue mes eaux seulement ont passé par ce litii,
« Vos eaux, sandis! — C'était donc le déiuire";'
X.
332 LES FACÉTIES DE l'OCdF.
ponse ardo, qui monstre que la petitesse du bétail aux
hommes faictles grandes estaljles aux femmes. Et ainsi
nul ne doit blasmer femme s'iltreuve graut logis, mais il
doit considérer que ces pièces sont trop petites pour le
icmplir.
CCLXXlll
Toul ce qui h rende ne loiiihe pas '.
Un vieil évêque de ma connaissance avait perdu
quelques dents et d'autres menaçaient de tomber,
ce dont il se lamentait. Un de ses familiers lui dit :
— « Xe craignez rien pour vos dents ». L'évêque lui
ayant demandé pourquoi, il répondit : — « Parce
que mes grelots branlent depuis quarante ans de
la même façon, et cependant ils ne sont jamais
tombés. »
(Conclusion '\
lime semble bon d'ajouter à ces menus projios
quelques indications sur le lieu, sur la scène pour
ainsi parler, où ils furent contés. C'est notre
1. /)c Dentibus casiim minaulibiis siniilihido obscena . Opéra
CCLXXn. — XoEL, I, 281. — LisEUX, CCLXXlll, t. II, p. tVi. —
AxoNY.ME : « Dentés », vers latins ci lés par Norl.
2. Coticlusio. Opéra 273. — Gun.i.ALMii Taudii : L'excusalion
de Pogge. Florentiu et fin de son livre, CXII, p ;;(I3. — Nokl I,
2Si. — RiSTELHUPI-.R, p. l.')'!. — I.Ii^K \. C il. p. 23'l.
I.KS FACKTIKS DK l'CMK.i: 333
Bugidic, véritable oflicine^eineiisoiiges, créée
parles secrétaires du Pape pour se distraire entre
eux. Jusqu'au poniilicat de .Martin V, en effet,
nous avions l'habitude de nous retirer dans une
salle commune de la Cour. On y apportait les
nouvelles, on s'entretenait de toutes sortes de
sujets, le plus souvent pour se distraire, mais
quelquefois aussi pour traiter des choses sérieuses.
On n'épargnait personne, nous ne ménagions pas
ceux qui nous déplaisaient, en commençant sou-
vent par le Souverain Pontife lui-même. 11 arrivait
ceci, <{ue plusieurs vinrent dans nos réunions de
peur d'être les premiers raillés. Au premier rang"
des causeurs se trouvait Razello, de Bologne, dont
j'ai rapporté certains traits dans ce livre. J'ai parlé
plusieurs fois aussi d'Antonio Lusco, esprit vif et
pénétrant, et du Romain (lencio, très enclin à la
plaisanterie. Enfin, j'ai à mon tour conté quelques
])onnes histoires. Actuellement, mes collègues sont
morts, la Bugiale n'existe plus; soit par la faute
des hommes, soit par celle du temps; la bonne
habitude de rire et de causer est aujourd'hui
perdue.
FIN
DES Facéties dk poggk florkmi.x
19.
DESCRIPTIOX
MES
BAINS DE BADE
Pi'ès Thurgau
AU XV SIÈCLE
NOTE PRÉLIMINAIRE
On a vu dans la notice que nous avons con-
sacrée à Pogge, en têie de ce volume, que cette
lettre fut écrite pendant l'été de lilo, alors que,
pour se distraire et mettre à profit les loisirs que
lui avait imposé la chute de son patron, le pape
Jean XXÏII, le secrétaire en disponibilité s'était
mis en route vers les bains renommés de Bade et
les monastères, où il se livra à une véritable chasse
aux plus précieux manuscrits des auteurs classi-
ques de l'antiquité, chasse couronnée des succès
les plus heureux et les plus beaux.
Cette lettre était bien connue des auteurs des
xv% xvi'" et wii*" siècles qui l'ont maintes fois mise
à profit, sans citer son auteur, bien entendu.
Ainsi, Sébastien Munster s'est servi, en grande
partie, de la lettre de Pogge pour rédiger la des-
cription des bains de Bade qu'il donne au livre 111
de s;i Cosniograpltie universelle^; et François
1. SÉiiAsr. Ml'nster, Cosmographitr uiiitersalis, Lib. VI, in
(juihus, etc. M. D. L. nicnse Martio, in-lol., t. 1", p. 388 et 39"2.
Oppidum IJadensk, ulgo obkr Baden, id est, Thennœ superiores.
P. 380 : Le titre de la gravure qui ocrupe les deux pages sui-
338 DESCRIPTION
de Belle-Forest' l'a traduite, cette fois, servile-
ment. Cependant, en dehors des renseignements
que fournit le Florentin, le géographe nous donne
une description topographique beaucoup plus
complète.
« Ce lieu, dit il. a esté cogneu et habité du
temps de Corneille Tacite et devant son temps,
veu qu'il faict mention d'iceluy, disant ainsi : C'est
un lieu délectable, ayant des eaux saines, un fort
chasteau, au pied duquel passe la rivière laqueHe
aujourd'huy on appelle Limmat -. Or, ceste ville
est au pays d'Ergovie •', et aussitost qu'on a
traversé ceste rivière, on entre en Thurgœu^
C'est une ville assez belle et riche, située presque
vantes 3U0-.301 : Civitas Badensis Helyhtica, quam ad dill'eren-
liatn thermarum quœ siiiit in Marchionatu liadensi, ruigo rocanl
Badeniam superiorem. sicnl aliam vocant inferiorem, respeclu habilo
ad Rhoii descensium, à qiio ulraque Badenio uno dislal milliario
Gennaiiico, à se veto dissident circiler vinçiinli )niltiaribys Germa-
nicis siipcriori ad austvnm, inferiori verù ad a(inilo)ie)ii posila-
Enfin, |). 390-391, une vue de la vilie : Desiçinatin civilalis
Badensis Ilclrelica', una cum oppidulo lliennantin. A la page 3SS.
se trouve une vignette représentant une piscine dans laquelle
se trouvent do.s i'einmes et des hommes autour d'une fontaine
élégante.
1. La Cosmo(j)-aphie iinircrseUc de tout le monde, en laquelle, etc.,
etc.. AiUeur en partie : Muxstkr, mais beaucoup phts augmentée,
ornée et enrichie, par François de Belle-For est, Comingeols,
etc., et à Paris, chez Michel Sonnius, rue Saint-Jacques, à
ri^lscu de Basic, MDLXXV, in-i'ol., p. 1081, avec la même vue
de Bade et la vignette qui, du reste, sert i)Our Joutes les villes
thermales : De la cille de Bade, r-nhiairement appelée Obkhbadhn,
c'est-à-dire : les hauts bains, p. lOSI.
'2. La Linth. rivière aftluenl de l'Aar, bassin ilu Rliin.
3. Ar^'ovie.
'i TurL'Ovie
MES li.VlNS DE BADE 339
au milieu des Lignes ; et pour ceste cause les
Suysses tiennent toutes leurs journées là. D'un
costé, elle a des montajines bien prochaines, et
dautie eosté coule une grande rivière navigable
et fort roidc, par laquelle on vient de Zurich jus-
({u'au Rhin. Un peu au dessoubz de la ville,
autant que le canon peut porter, il y a un village
qui est ibrt beau et plaisant, lequel est expressé-
ment basty pour les baings. »
C'est la description de la station balnéaire, que
Sébastien Munster emprunte à Pogge presque
littéralement^
Plus loin, il complète le tableau :
« La ville est située en un plaisant lieu ayant beau-
coup de vignes et de jardins, mais le vin est petit.
Anciennement, quand la ville avoit un seigneur à
part, qui estoit comte, y avoit un chasteau sur une
montagne, duquel on en voit encore quelques
apparences. L"an de Nostre Seigneur 1180, après
la mort de Henry, comte de Bade, ceste comtée
tondra par le moyen d'une femme es mains des
comtes de Kybourg. Et après que Hcrjuan, der-
nier «omto <1o Kybourg, fut allé de vie à trespas,
1. Dans l'ouvraire publié à Venise en 1553, par Thomas
Jlnta, sous le titre de: De Balnei oninia quœ e.iiant apiid
lirtecos, Laliitos et Àrabas, ctc, etc. Dans la partie rdalive aux
tiiermes allemands et suisses, rédigée par Conrard Gesxer,
iu letti'e de Pogge se trouve presque entièrement reproduite
p. -291), le compilateur na omis que ce qui était abso-
lument personnel, ou ce qui lui a semblé par trop en dehors
'le rhydrothérai)ie.
y'iO liKSIlUI'IKt.N
qui fut environ l'an de nostrc Uédemption !2()().
Il y eut dissension h cause de ceste comtée. mais
Raoul, comte de Habsbourg, qui fut depuis fait
Roy des Romains, la récent soubz son obéissance
et après luy elle demeura entre les mains des ducs
d'Autriche ju'îqu'au concile de Constance, auquel
temps les Suysses la saisirent par le commande-
ment de l'empereur Sigismond, lesquels démo-
lirent aussi le cliasteau. »
Ainsi donc, le Bade qui sert de cadre à la scène
de mœurs décrite par Pogge, n'est pas le Bade où
l'on allait naguères exposer sa bourse, bien qu'il
soit placé comme lui, à quelques milles des rives
du Rhin.
(( Si la faveur publique a changé le lieu de ses
récréations thermales, dit Anthony Meray, cette
description nous apprend qu'au moyen âge, les
bains étaient déjà un simple prétexte de distrac-
tions. Baden-Bade était hier encore, on le voit, un
rendez-vous de chercheurs et de chercheuses
d'aventures, une exposition estivale de person-
nages plus ou moins officiels, plus ou moins
célèbres, et surtout de vastes salons de jeux. »
Dans cette ville admirable, au dire du vieux
géographe, la vie était enchantée, on pouvait se
croire, ainsi que l'écrit Pogge, transporté dans
l'Eden ; cependant Bade n'est pas une exception,
si nous en croyons le poète (Conrad Gesner, qui a
fait un tableau poétique de Plombières, un siècle
plus tard.
DES BAINS 1>F, lt\l>E 311
'•• Un lac se montre tout d'iibord dans la vallée,
écrit Gesner, et est entouré de tous côtés d"au-
bei'iies. Là, on voit se baigner pêle-mêle dans
l'eau chaude, les femmes, les hommes, les enfants,
les jeunes fdles. le pauvre, le noble, le savant, le
vieillard attardé par l'âge et celui qui est plus
léger (à cause de la jeunesse), celui quia des
cicatrices et celui qui n'en a pas, celui qui a des
boutons et des ulcères, l'homme sain, celui qui
est malade. Un mur de près de deux cents pas de
long entoure la piscine.
« Là, vous verrez ceux qui sont plus riches
s'abriter sous des feuillages. L^ne grande partie
de malades à béquilles y sont plongés jusqu'au
menton. D'autres, appuyés sur des crosses, se
promènent dans l'eau...
« ...L'un crie, l'autre chante, un autre rit.
Celui-là tousse, l'autre crache, etc.. Il y en aqui
se plaignent et gémissent ; l'un fait l'éloge des eaux
et Jious apprend combien rapidement il a été
délivré de son mal ; — il montre sa main ou son
pied qui était malade. Un autre dit que les eaux
ne lui ont fait aucun bien et injurie cette eau qui
n'en peut mais. Ailleurs, on donne à un malade
qui le demande, à manger, ou à boire de l'eau
rafraîchie par celle d'un ruisseau qui vient mitiger
la chaleur de la source bouillante, et qui y est
conduite du tlanc de la montagne de près de
treize cents pas.
(' En dehors des maisons et de la piscine.
::;i2 DESCRIPTION
d'autres boivent, ou dinent, ou dansent joyeuse-
ment ; l'un dort, l'autre fait une excursion dans le
bois voisin. Celui-ci, qui se sent malade, appelle
un médecin. Un autre meurt et laisse tout ce
qu'il a aux moines, les plus exécrables des héri-
tiers, mais qui le sont en vertu d'une ancienne
coutume de l'endroit.
« C'est ainsi que l'on vit dans ces lieux, cepen-
dant l'argent diminue, la saison s'avance; alors
on voit revenir les uns tristes, le plus grand
nombre joyeux, ceux qui se sont baignés et ceux
qui ne l'ont pas fait... Et chacun se prépare à s'en
aller, car les habitants du pays sont inhospita-
liers, tiennent sottement à leurs coutumes, sont
arriérés et ineptes. En sorte que personne ne
voudrait demeurer chez eux et que chacun est
content de n'y être plus '. »
Ce que chante le poMo et ce qlie nous décrit
Pogge, Albert Durer nous le montre dans plu-
sieurs estampes bien connues des amateurs. On
voit, dans un bain public, six hommes, dont l'un,
d'un embonpoint remarquable, est assis au bord
d'un bassin, buvant dans une grande chope.
Deux autres sont accoudés sur le devant, et assis
dans l'eau : l'un tient une fleur, l'autre une espèce
de râteau ou strigille ; un quatrième est accoudé
sur le rebord d'une pompe à robinet. Ils écoutent
1. Traduction du D' Bonnefoy : Comment aulrefuis on faisait
Hi>a<ji' (les eait.r )ninrrales. (Annale.s de la Société d'hvdrol'igie
médicale de Paris, t. xviii.)
ItES BALNS JDE UADE 3 i3
la musique que font les deux autres avec une llùte
et un violon. En dehors du bain, au second plan,
une femme les regarde et semble aussi écouter.
Dans le fond, un paysage représente Aix-la-Cha-
pelle. Tous ces personnages, à l'exception de la
femme, sont presque entièrement nus. La piscine
est couverte dun toit, et n'est séparée de l'exté-
rieur que par une palissade composée de pieux
pointus à hauteur d'épaule '.
Cette estampe est, dit le docteur Bonnefoy, le
document iconographique le plus ancien que l'on
connaisse sur l'hydrologie-.
l*ogge nous dit bien que les bains de Bade ont
de merveilleuses propriétés ; mais il se contente
de ne nous en indiquer qu'une seule, il est vrai
que c'est la plus merveilleuse de toutes, « quasi
divine », celle de rendre les femmes « fertiles »,
comme écrit Belle-Forest.
Peut-être bien cette fertilité tenait-elle moins à
la vertu des eaux, qu'aux excellents et intimes
1. Voir D" Stractkr : J)e quelle manière prenait-on les bains
(lu temps de Charles Quint t'
2. On peut rapprochei- de cette gravure celle reproduite par
M. Charles Ephrussi, dans sa notice sur : Les bains de femmes,
d'ALBERT Durer avec cinq gravures hors texte. Nuremberg,
sans date. Ou y voit, comme dans le Bain d'hommes, six femmes
et deux enfants dans une salle de bain. « La composition, très
vivante d'ailleurs, est conçue tout a fait dans le goût natura-
liste; l'auteur n'a cherché ni à présenter au spectateur de
beaux modèles, ni à fondre cet ensemble un peu cru en lignes
harmonieuses... Que dire de lénorme créature assise à droite,
coiffée d'un si singulier bonnet de bain, monstrueusement
charnue, et dans laquelle l'artiste semble avoir voulu réunir
toutes les laideurs d'un réalisme outré. »
3'i-\ DRSCRIPTION
rapports entre baigneuses et baigneurs? mais
passons, et j^our ce que Pogge n'a point dit, adres-
sons-nous à Sébastien Munster. Voici donc ce que
traduit François de Belle-Forest, au sujet des
vorfus des eaux de Bade :
« Que si on veut cnquierir de la vertu de ces
baings. il faut sçavoir qu'il y en a plusieurs. Les
eaux sont meslées avec beaucoup de soutire et
peu d'alum, et cela est cause qu'elle échauffe et
seiche, consomme, ouvre et attire toute humeur
froide et nuisante.
« Elle est bonne pour remédier aux douleurs de
la teste, lesquelles procèdent du refroidissement
du cerveau, comme est la léthargie, perte de
mémoire, débilité des nerfs, apoplexie, esblouisse-
mens des yeux ot dureté d'ouyr. Elle consume
aussi le flegme et les humeurs froides desccndans
du cerveau, elle eschautfe ot deseiche Testomach,
elle ayde à la digestion, elle ouvre les oppilations
du foye et de la rate, elle appaise les trenchées du
ventre, qu'on appelle colique. Elle reprime ceste
douleur des membres qui procède du froid et
repurge la chair de diverses et beaucoup d'or-
dures. Mais elle est mauvaise pour tous ceux qui
ont la complexion chaude et seiche et qui sont
atténuez de ptisie. Elle ne sert pas de beaucoup
aussi aux vieilles eents ; et pour le faire court elle
profite plus aux femmes qu'aux hommes. »
Au point de vue de la conduite à tenir aux eaux,
la liberté la plus absolue régnait dans ces stations
DKS BALNS J>K llAhK 3 ',5
thermales, où les malades venaient au gré de leur
caprice, en dehors de toute direction médicale, où
même les gens bien portants accouraient, non
point pour se préserver des maladies, mais unique-
ment pour s'y livrer au plaisir. On n'y trouvait
point de médecin spécialement attaché à l'établis-
sement. Si un malade s'y trouvait plus soutirant,
on appelait le médecin de l'endroit, mais il n'y
avait pas ce qu'on appelle aujourd'hui de méde-
cins des eaux.
Chacun donc prenait les eaux qu'il voulait,
autant (|u"il voulait et à sa guise. Ceux à qui elles
étaient nuisibles mouraient, les moines héritaient
des morts et tout était dit.
Pogge parle d'ecclésiasticpaes qui fréquentaient
les bains de Bade, cela ne tirait pas grande con-
séquence en ce temps-là. car la population n'osait
se permettre de critiquer ouvertement la conduite
des gens d'église. « Ces escapades ecclésiastiques,
remarque Antony Méray, déridaient à peine les
physionomies si calmes, si pacifiques, si hospita-
lières des bons Allemands cjue notre auteur loue
avec tant d'effusion. Il y avait là, d'ailleurs, un
avant-goût d'harmonie si parfait, que personne ne
songeait à blâmer ses voisins. Tout ce qui se fai-
sait dans ce vallon paradisiaque semblait lavé par
un affluent du fleuve Lethé ; tout ce qui s'y disait
était couvert par le bruit de la formidable cata-
racte du Rhin et ne parvenait pas au delà des
rochers retentissants de Schaflbuse.
340 DESCHII'TKJ.N
« Une chose est particulièrement à remarquer
dans cet écho de la vie européenne d'il y a bientôt
cinq cents ans, observe encore judicieusement
Antony Méray dans «;■. préface à la lettre de
Pogge'. C'est l'étonnement profond qu'inspire
à ce Florentin, habitué aux pjïssions turbulentes,
aux caractères jaloux, soupçonneux, de ses con-
citoyens, la simplicité, la bonhomie, la placi-
dité sans pareille des braves indigènes de cette
partie de la Germanie. Jamais contraste plus
saisissant ne fut mieux pris sur le fait, ni plus
éloquemment expliqué. Pogge ne tarit pas sur la
différence inouïe qui existait entre la fièvre du
caractère florentin et la tranquillité souriante, iné-
branlable des riverains du Rhin, au xV siècle.
Leurs filles et leurs femmes lui semblèrent moins
occupées à conserver leur honneur intact qu'à
étendre, hors des limites ordinaires, leur prodi-
gieux amour de l'hospitalité. On douterait de la
véracité de Pogge, et l'on serait tenté de prendre
cette lettre charmante pour un éclair de son ima-
gination, s'il n'était resté des traces vivantes de
ce qu'il s'est plu à raconter avec de si gracieux
détails à son ami Niccolo. Ces mœurs limpides
et riantes ont par bonheur conservé des oasis, où
elles se défendent encore contre l'envahissement
du rigorisme qui tend à conquérir le monde et à
l'attrister,
1. Lisiiux, 187G.
DES BAl.NS DE BADE 347
« Dans plusieurs des bains de rAllemag-ne du
sud, à Gastim, près Saltzbourg, par exemple, la
légèreté des costumes et la familiarité entre naïades
et baigneurs ne s'éloignent guère de la descrip-
tion de Pogge. En Suisse, ceux qui ont habité
quelque temps l'intérieur du pays, connaissent la
facilité toute primitive des jeunes tilles de l'Ober-
land et des riveraines du lac des Quatre Cantons,
à permettre la constatation de leurs charmes.
Cette condescendance naïve rappelle le flirtage
des vierges américaines, avec moins d'accidents ;
car il est un droit, un seul peut-être, que leur pru-
dente simplicité réserve à l'époux que cette
attrayante complaisance a pour* but d'attirer.
Dans le Valais, les bains de Luèche, près de Sion,
offrent à peu près sans correction le tableau de
haute saveur décrit par Pogge '.
« Cn de mes amis, continue Antony Méray, eut
occasion de s'y rendre depuis Turin, il y a cjuelques
années, en très honorable compagnie. En par-
courant ma traduction des bains de Bade, près
Thurgau, il crut un moment qu'il s'agissait de
ceux de Luèche. tant les usages de la Suisse du
nord et de la Suisse du sud se ressemblaient,
malgré les quatre ou cinq siècles qui les séparent.
Son expérience m'a été très utile pour certains
détails que je ne m'expliquais pas très bien. J'ap-
1. Le D' Bonueloy, déjà cilé, a fait la moine constatation
qu'Antony Moray et son ami, et que font encore les touristes
d'aujourd'hui.
348 DESCRIPTION
pris de lui, entre autres choses, que les tables
flottantes sur lesquelles on servait, en pleine eau,
des repas à frais communs, usage florissant encor(i
à Luèclie, étaient fabriquées en liège. Les con-
vives, me dit-il, prennent en très bonne part les
chutes des verres, des plats et des bouteilles, que
la turbulence occasionne dans ces banquets
mouvants. Les visiteurs circulent encore, dans les
bains du Valais, autour des galeries qui surmon-
tent la pièce d'eau où se font les ébats féminins.
hk aussi les jolies baigneuses, demi nues, reçoivent
des pièces d'argent, des couronnes et des bou-
quets de fleurs, et en les recevant dans leur court
vêtement soulevé font, quelquefois, encore mur-
murer les Gâtons. »
Par contre, le voyageur a fait une constatatiou
importante : « T/est la différence notable qui existe
entre aujourdliuy et jadis dans lélément ecclésias-
tique, qui est aujourd'hui fort rare. Un prélat
français qui se trouvait avec la noble compagnie
piémontaise, s'arrêta à la porte. De quelque
manière qu'on essayât d'excuser à ses yeux le
badinage des vierges valaisanes, il refusa oljstiné-
mcnt de franchir le seuil de la piscine. Cette
manière légère de prendre les eaux lui semblait
un peu profane ; l'opinion d'aujourd'hui est de-
venue si sévère, d'ailleurs, à l'égard du clergé ! »
Et les mœurs sont heureusement bien changées
en certains points.
Antony Méray, homme spirituel et bon vivajit.
DES Bàl.NS DE BADE 349
s'écrie : « C est le cas de piendre poui' règle la
bienheureuse devise de l'ordre de la Jarretière :
Honni soil qui mal y pense ! Il faut se faire uu
cœur placide et un esprit simple ; il faut retrouver
la franchise de l'âge d'or, la bonhomie des gra-
cieux insulaires d'O'Taïti, au moment où les vais-
seaux de Bougainville y abordèrent, si l'on veut
goûter sans réflexions fâcheuses, ces scènes primi-
tives de l'Eden I »
Nous avons serré, autant qu'il est possible, le
texte de près, dans la traduction que nous don-
nons. Nous avons dû pour cela nous référer à
diverses éditions totales ou partielles de l'œuvre
de Pogge. Nous nous sommes arrêtés, de préfé-
rence, au texte de l'édition incunable, à longues
lignes, imprimée en caractères ronds, par Jehan
Petit, à Paris, sans date.
La première traduction française qui en ait été
donnée, avait été elle-même faite sur la traduc-
tion anglaise que W. Shepherd avait publiée dans
sa vie de Pogge. Aux fautes du premier tradnc-
teur vinrent s'ajouter celles du second. La prin-
cipale erreur de l'anglais Shepherd, c'est d'avoir
interprété le passage relatif aux Lettres hébraïques
de Jérôme de Sainte-Foi, de la manière suivante,
que nous reproduisons d'après la traduction
publiée en 1820 :
(( Si vous l'eussiez reçue (^ma lettre), vous m'au-
riez certainement écrit, ne fut-ce que pour me féli-
citer sur un nouveau genre d'étude que vous m'avez
350 DESCRIPTION
si souvent conseillé d'entreprendre. Je ne vois
pas que l'hébreu me soit jamais d'un grand secours
pour acquérir des connaissances philosophiques,
mais l'acquisition de cette langue contribuera à
mes progrès dans la littérature et je crois déjà en
savoir assez pour démêler les principes suivis par
Saint-Jérôme dans sa version de l'Ecriture
Sainte. »
Rien de semblable dans le texte.
La seconde traduction, celled'Antony Méray a été
publiée, en 18G8, ^arV Académie des Bibliophiles^
et une seconde fois par l'éditeur Liseux, en 187G,
sous le titre de : Les bains de Bade au A'*' siècle^
par PoGGE, Florentin. — Scène de Vcige d'oi\tia-
ditile pour la première fois. Elle est plus exacte,
élégante de style et soignée en tous points ; mais
quelques fautes n'ont pu cependant lui échapper :
fautes de lecture ou fautes de texte, on ne saurait
préciser. La principale que nous ayons relevée,
est dans le passage où Pogge raconte que ses
amis se mirent au bain, bien qu'ils ne connussent
point le langage des baigneuses et qu'ils dussent
se servir d'un interprète. Méray écrit : L'essentiel
était qu'ils fissent du bruit avec leurs lèvres, ce
qui ne signifie rien, tandis que la traduction litté-
rale du latin donne: Tout en agitant fréquem-
ment leurs éventails.
Anton y Méray a fait précéder la lettre de Pogge
d'une cliarmante et spirituelle introduction, dont
nous avons tiré profit largement, ainsi que de
DES BAINS DE BADE oôl
quelques notes fort judicieuses, mais trop rares,
dont il a aecompa.iiné le texte ; nous devions en
toute justice reconnaître ces emprunts et témoi-
gner de rincontestable utilité dont a été pour nous
le texte, les notes et la traduction même de cet
écrivain.
P. desB,
DESCRIPTION
DES
BAINS DE BADE
près Thnrgau
AU XV« SIÈCLE
Poggio, à son cher Niccolo.
Salutations empressées. Si tu te portes bien,
tant mieux, car moi je vais à merveille.
Je t'ai écrit de Constance, par un de mes col-
lègues, une lettre datée, si je ne me trompe, du
\ des calendes de mars. Si tu Tas reçue, tu as dû
bien rire en la lisant, car elle était émaillée de
choses fort plaisantes et assaisonnée de bon sel.
11 y était beaucoup question des Lettres Hébraï-
ques^ dont je m'occupais alors, et je me gaus-
1. Les Lettres llétjra'iques, dont il est ici question, sont l'ou-
vrage du Juii' Espagnol convci-ti, connu sous le nom de Jérôme
de Sainte-Foi ; il y énonce que les prédictions contenues dans
20.
354 UESCHIPTIO.N
sais de ce docteur, qui, comme tout bon Juif
devenu chrétien, est léger, vaniteux et inconstant;
aussi flagellais-je, d'une main leste, ces lettres et
leur doctrine fruste, grossière et barbare.
Je crains bien, cependant, que celte lettre ne te
soit pas plus parvenue que celle que j'ai écrite à
Leonardo d'Arrezo l , car je connais trop bien ton
exactitude pour ne pas croire que tu ne m'eusses
pas déjà répondu quelque chose de spirituel au
sujet de la conduite de ce docteur tout frais
émoulu, ce que du reste tu avais si bien prévu
dans maintes de nos conversations. Bien qu'elles
soient, à mon avis, d'aucune utilité pour l'étude de
la philosophie, elles peuvent cependant contribuer
à notre connaissance de l'humanité, d'autant plus
qu'en les traduisant j'ai appris à bien connaître
les mœurs de ce Jérôme.
Je t'écris de ces bains auxquels je suis venu
demander à mains jointes, de me rendre, en grâce
la Bible, relativement à Jésus-Chri.-t, étaient si évident^s
qu'elles attestaient si clairement sacjualiléde vrai Messie qu"il
se faisait fort de rallier à cette opinion tous les rabbins espa-
irnols, si le pape Benoît XIIJ, alors réfugié en Espagne, voulait
laire tenir une conterencj en sa présence. Cette conférenci'.
commencé le 7 février l'il3, en présence du Pape exilé, de plu-
sieurs cardinaux, d'une foule de prélats et des rabbins les
plus savants du royaume d'Aragon, ne finit que le 10 mai
suivant. Comme il arrive souvent, en pareil cas, l'orgueil et la
vanité du nouveau docteur y gagnèrent seuls quelque cha-
touillement. Chacun resta dans son opinion en dépit des efforts
de Jérôme de Sainle-P^oi. Il a composé aussi un traité contre
les erreurs dangereuses contenues dans le Talmud. (.Vo/r
d'ÂNT. Mkray).
1. Leonardo Brunis voir l'introduction).
DKS BAINS DE BAT»E 355
la santé, et j'ai pensé qu'une description de ce
pays, de ses agréments et des mœurs de ses habi-
tants, ainsi que des habitudes des baigneurs, te
serait agréable, et certes la chose en vaut la
peine .
On a beaucoup parlé des antiques bains de
Pouzzole, où tout le peuple romain accourait
poussé par l'attrait du plaisir ; mais je ne pense
pas qu'ils aient jamais pu approcher, ni même
être comparés à ceux-ci. Car l'attrait de Pouzzole ^
consistait bien plus dans le charme du site et la
magnificence des villas, que dans le caractère
aimable des habitants et l'usage des bains. Ici
au contraire, le paysage n'offre aucune distrac-
tion à l'esprit, ou du moins bien peu, tandis que
tout le reste est combiné pour le plaisir le plus
grand. Il m'a semblé que Vénus cyprienne et
toutes ses voluptés s'étaient transportées dans
cette station balnéaire; qu'on y observait fidèle-
ment ses préceptes et ses caprices voluptueux, et,
quoi qu'on n'y ait jamais lu les théories d'Hélio-
gabale, les gens m'ont paru suffisamment savants
et s-uffisamment instruits.
1. Poiizzoles ou Pozzuoli, à dix kiloiiiètrts de Naples, lundée
en 5"2'2 avant Jésus-Christ. La douceur de son climat, la l)eaulé
de son ciel y attirèrent les Romains. La priorité dura jusqu'à
la chute de l'Empire; elle l'ut ensuite ravagée par les bar-
bares, et, au moyen âge, par les Sarrasins, et plusieurs fois
bouleversée par les éruptions de la Sulfalare. Les Turcs la
détruisirent presque entièrement en 1550. — Grégoire. Dic-
tionnaiie, édition Garnier.
35(j J^JESCRIPTION
Mais avant d'entreprendre ma description, il
ne faut pas oublier de te tracer la route que j'ai
suivie depuis (Constance, pour te mettre à même
de bien voir dans quelle partie de la Gaule sont
situés ces bains.
Le premier jour, on s'embarque sur le Rhin
pour venir à Schaffouse. distante de vingt-quatre
milles ; de là, on parcourt à pied dix autres milles
parce que le fleuve en cet endroit s'engouffre
entre des montagnes abruptes et tombe à travers
un amoncellement de rochers ; puis nous arrivons
à un château qui domine le Rhin; c'est le Key-
sertuhl, cest-à-dire le siè^e de César en lanease
du pays. Je pense que ce nom lui vient d'un
camp romain, qui aurait été établi sur cette col-
line fort élevée dominant le fleuve très resserré en
cet endroit, et où un petit pont reliait la tlaule à la
Germanie. De ce chemin élevé, nous contemplons
la chute du Rhin qui se précipite de la montag-ne
au milieu des rochers épars, avec un bruit
effroyable et une sorte de lamentation, comme s'il
se plaignait lui-même de sa chute. Alors je me
ressouvins de tout ce que l'on raconte de ces
lieux dangereux, et je ne fus plus surpris que les
habitants d'alentour devinssent sourds au fracas
de ce fleuve se i)ris;int sur les rochers, et dont
le bruit retentit aussi loin que celui des cataractes
du Nil, c'est-à-dire à trois stades environ.
Près de là, se trouvent la ville assez florissante
de Badeii fce qui veut dire bain en allemand),
I>I.S lîAI.NS DE B-VDK 357
elle est située dans un cii(|ae de montagnes près
d'une grande rivière qui se jette dans le Rhin à
environ six milles de la ville. Non loin de là. on
rencontre une station charmante construite pour
les baigneurs avec des hôtelleries tout autour de
la place centrale et dans lesquelles viennent en
foule les étrangers.
Chaque maison a ses bains particuliers dont
l'usage est exclusivement réservé à ses hôtes. On
compte environ trente établissements tant publics
que privés ' . Il va deux établissements publics et
ouverts des deux côtés pour le bas peuple, et dans
ces piscines descendent pêle-mêle les femmes,
les hommes, les enfants, les jeunes filles et toute
la tourbe des populations environnantes - . Une
cloison légère, inoffensive, sépare bien dans ces pis-
cines les hommes d'avec les femmes, mais il n'en
est pas moins ridicule devoir de vieilles décrépites,
et des jeunes filles descendre toutes nues dans
l'eau et étaler aux regards des hommes leurs fesses,
1. « ...Sans ceux qui iettent leur bouillon outre la rivière,
DIX il y a aussi quelques maisons liasties, esquelles les villageois
et paysans se baignent coustuniièrement. Ainsi et deçà et de
là la rivière, et aussi dedans la rivière mesme sortent de« bouil-
lons d'eau chaude. La chaleur est si grande en la source au
lieu où IV'au sort hors de terre, qu'on ne la peut pas endurer.
iS. MfxsTER, trad. Belle-Forest).
2. Ouant aux baings publics, il n'y en a que deux, esquels, le
commun populaire se baigne; et l'eau et les ordures de tous
les autres descendent par là. — Et on n'y ferme point d'aiz.
Les baings qui sont par deçà la rivière, du costé de la ville.'
sont les plus grands, et ceux qui sont par delà sont appelez les
petits baings. s. .M. — li-F.).
358 DESCUII'TIO.N
leur ventre et le reste. Je me suis très souvent
amusé à ce eenre particulier de spectacle, cjui
évoquait à mon esprit les Florales Liidi^ , admi-
rant en mon for intérieur la simplicité de ces
bonnes gens qui ne détournaient point leurs yeux
de pareilles choses, n'y soupçonnant pas plus de
mal qu'ils n'en disaient.
Mais les bains des maisons particulières sont
plus élégants, les femmes y sont également sépa-
rées des hommes par une cloison percée de nom-
breuses ouvertures à travers lesquelles ils peu-
vent boire et causer ensemble, se contempler et
se caresser comme ils ont l'habitude de le faire
très fréquemment.
Des promenoirs établis au-dessus de la piscine,
1. Les Floralia, fcte en l'iionneur de la déesse Flora à Rome
et dans les campagnes. Ces fêtes furent de tout temps très
bruyantes et licencieuses; déjà au dernier siècle de la Répu-
blique, des courtisanes y figuraient, n'attendant que les accla-
mations de la foule pour se montrer toutes nues. Lanecdole de
Caton d'U tique, quittant le cirque (en l'an .55), pour ne pas
gêner les plaisirs des spectateurs à qui sa présence en impo-
sait, est célèbre. Ovide et Martial excusent cette licence, qui
paraît avoir eu à l'origine un sens symbolique. — D.^REMBERa
et S.\GLio. — Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines.
Menard. — Didinnnairede Mytholoçiie. Garnier, éditeur.
« Chacun sait que les Jeux llorau.r de Rome antique étaicut
célébrés par les courtisanes en l'honneur de P^lora, qui, après
avoir exercé fructueusement ce joyeux métier avait laissé S' s
biens à la République. Du Verdiur, soigneur de Vauprivas, dans
ses 7/;irtf/e.s des Dienr, dit que « cei'lains jeux furent ordonnas
en son honneur, lesquels étaient célébrés par les putains avec
grande lancivilè. » 11 faut tlonc bien se garder de les confondre
avec les Jeux floraux institués au commencement du XV'' siècle
par Clémence Isaure, création charmante, dont le but était de
donner de l'émulation aux poètes. {Snte (I'Antoine Méray).
DES BAINS l)i; BAI>E 359
permettent aux hommes daller contempler les
dames et de s'entretenir avec elles. Chacun étant
libre d'aller et de venir à sa guise d'un bain dans
l'autre pour regarder, causer, badiner et délasser
son esprit, et de se placer de façon à voir les
femmes presqu'entièrement nues entrer et sortir
de l'eau.
Chez elles, nulle contrainte, aucune entrave,
pas la moindre pensée mauvaise.
Dans plusieurs endroits même, l'entrée du bain
est commune, en sorte qu'un homme en entrant
peut frôler une femme nue et vice versa . Ceux-ci
n'ont pour tout costume cp.run simple caleçon ;
celles-là une chemise de lin ouverte de chaque
côté jusqu'aux jambes qui ne couvre ni le cou, ni
la poitrine, ni les bras, ni les épaules.
Sotivent ces dames font, dans la piscine, des
pique-niques auxquels les hommes assistent habi-
tuellement ; le repas est servi sur des tables flot-
tantes. Nous-mêmes, nous fûmes invités dans la
maison que nous habitions. Et, bien que j'eusse
versé mon écot au pique-nique, je ne voulus point
y prendre part, non point par pudeur, par timi-
dité ou sauvagerie, mais parce que j 'ignorais leur
langue. 11 me semblait en effet ridicule qu'un
Italien ne comprenant pas leur langage, demeu-
rât dans l'eau au milieu des dames, muet et
comme privé de langue, passant son temps uni-
quement à prendre des sorbets et à boire.
]>eux de mes compagnons entrèrent dans la
3(30 DESCRIPTION
piscine et se mirent avec beaucoup d'entrain à
caresser les dames, à boire et à manger avec elles,
à causer, mais au moyen d'un interprète tout en
agitant fréquemment leurs éventails. Quoi de plus
si ce n'est le tableau de Jupiter fécondant Danac
avec une pluie d'or et le reste. Mes compagnons
étaient toutefois vêtus d'une chemise de lin comme
ont coutume de l'être les hommes qui vont dans
le bain des dames.
Quant à moi, du haut de la galerie, je regar-
daistout cela, j'admirai ces mœurs, ces coutumes,
ces plaisirs, cette liberté, cette licence de vivre.
N'est-il pas stupéfiant de voir dans quelle sim-
plicité vivent ces gens, et la confiance de ces
maris qui laissent ainsi caresser leurs femmes
aux voyageurs, sans en être le moins du monde
émus ou troublés, qui prennent cela du meilleur
côté. Il n'est donc rien de si difficile qui ne soit
rendu facile par de telles mœurs. Ces gens enfin
ont vraiment toutes les dispositions possibles pour
embrasser la doctrine de Platon, qui veut que
tout soit en commun et, bien qu'ils ignorent cette
doctrine, ils n'ont certes point leurs pareils pour
la mettre en pratique.
Dans plusieurs de ces bains, les hommes se
mêlent aux femmes, bien que fous soient alliés
par le sang ou par l'amitié. On va trois ou quatre
fois par jour aux bains, on y passe la majeure
partie du temps à chanter, à boire, à danser en
clio'ur et à se mettre à l'eau de temps h autre. Il
1»KS l'.VINS DE KAbK 3C1
est en vérité extrêmement plaisant de voir des
jeune fdles nubiles, en pleine force de la jeu-
nesse, montrer leurs formes splendides sous le
costume complaisant des déesses ; et quand leurs
draperies légères voltigent en arrière, ou flottent
sur l'eau, tu croirais voir une autre Vénus.
Ces femmes ont l'habitude de solliciter, avec la
plus gracieuse gentillesse, une récompense, aux
hommes qui les regardent du haut des galeries.
Ceux-ci s'empressent de jeter des pièces de mon-
naie aux plus jolies qui tendent, les unes leurs
mains, les autres le pan soulevé de leur léger
vêtement; elles luttent alors entre elles et dans
leurs ébats laissent entrevoir leurs charmes les
plus secrets.
On leur jette aussi de belles couronnes de fleurs
dont elles ornent leurs têtes, tout en se jouant
dans l'eau.
Je suis, je l'avoue, captivé par tout ce que je
vois, par toutes ces attractions et comme je ne
prends que deux bains par jour, je passe tout mon
temps à visiter les autres établissements, à jeter
fréquemment des pièces de monnaie et des cou-
ronnes, tout comme les autres.
Où trouver le temps délire et d'étudier? Com-
ment s'isoler au milieu de ces symphonies de
trompettes, de cithares et de tous ces chants
qui vous enveloppent. Ce serait folie, surtout
si comme Chémès de V HeaiUontunorunienos
qui pense qu'étant homme, rien de ce qui
21
362 DESCIUI'TION
est humain ne doit être indifférent. Pour mettre le
comble à ma jouissance, il ne me manque hélas 1
que la parole, ce qui en est l'élément capital. I!
ne me reste donc qu'à aller et venir sur la galerie.
qui est entièrement libre et dont l'abord n'est sou-
mis à aucun règlement.
Outre ces multiples plaisirs, il y en a d'autres
non moins agréables. En dehors de la ville, au
bord de la rivière, s'étend une vaste prairie om-
bragée d'arbres en grand nombre, où l'on vient
en foule après le diner. On s'y livre à des jeux
variés; les uns dansent, d'autres chantent. La plu-
part jouent à la paume, mais pas comme chez
nous 1 , car ici, les hommes et les femmes si
lancent alternativement un ballon plein de grelots.
On le lance d'abord à une personne désignée, et
de tous côtés les joueurs accourent pour s'en empa-
rer, celui qui a pu le saisir, le lance de nouveau i
une autre personne ; parfois il feint de l'envoyer
d'un côté, et toutes les mains s'élèvent pour attra-
per le ballon que le joueur lance alors du côt<
opposé. Il y a une foule d'autres jeux qu'il serait
trop long d'énumérer, mais ce que j'en ai retenu
te fera comprendre combien cette société se rap-
proche de la secte d'Kpicure.
Je finis par m'imaginer que ce lieu est ce
jardin de délice, que les Hébreux nomment Ga-
nelom et dans lequel fut placé le premier homme.
I. En Italie.
DES BAINS HE lIAIiE :iô;<
En effet, si la volupté peut rendre la vie heureuse,
je ne vois point ce qui peut manquer ici pour
procurer à tous le bonheur parfait.
Maintenant, si tu veux savoir quelles sont les
vertus de ces eaux? elles sont multiples et variées,
elles sont d'une efficacité admirable, presque
divine; et je ne connais pas. dans le monde entier,
des bains plus favorables à la fécondité des
femmes, beaucoup de celles-ci qui étaient sté-
riles éprouvent les effets de leur vertu merveil-
leuse, aussi les baigneuses qui arrivent chaque
jour s'empressent-elles de suivre les préceptes et
d'user des remèdes recommandés à celles qui
n'ont point encore pu concevoir ' .
11 est cependant une chose digne de remarque
entre toutes, c'est la multitude innombrable de
gens nobles et vilains qui viennent ici de plus de
deux cent milles à la ronde, moins pour leur santé
que pour leurs plaisirs. Tous les libertins, tous
les viveurs, tous ceux qui passent leur vie dans les
plaisirs y viennent satisfaire leur passion. Beau-
coup feignent des maladies corporelles et ne
sont en réalité malades que desprit 2 .
1. « Que si oa se veut enquf^rir île la vertu de ces baings. il
faut sçavoir iju'il y en a plusieurs, mais une est surtout adi)ii-
rable et quasi divine, c'est qu'en tout le monde, il n'y a baings
^i [iropres pour rendre les femmes fertiles, que ceulx cy. Piu-
-ieurs femmes, qui y sont allées à cause de leur stérilité, ont
ixpérimenté ceste vertu merveilleuse. ;B-F.;
2. « Là aborde, voire des pays loinjjlain.s, un grand nombii'
de gens, tant gentilshommes que méchaniques. et plus pour y
30 1 nKSiUll'TION
Ainsi tu verras une foule de femmes aux formes
opulentes, venir ici, sans mari, ni parents,
suivies de deux servantes et d'un laquais ou tout
bonnement accompagnées de quelque vieille
dame de compagnie plus facile à tromper qu'à
rassasier. Quelques-unes arrivent, couvertes de
toute leur fortune, en robes de drap d'or ou d'ar-
gent, constellées de pierres précieuses et ayant
bien plutôt l'air d'aller à une noce que de venir
prendre des bains i .
On y voit aussi des vierges Vestales, ou pour
mieux dire Florales, des abbés, des moines, des
frères, des prêtres qui se conduisent avec beau-
coup moins de retenue que les autres, et quand
ils se baignent au milieu des femmes, la cheve-
lure pareillement ornée de rubans de soie, ils
semblent avoir dépouillé tout caractère religieux.
Tous n'ont qu'une seule et unique préoccupation:
prendre leurs plaisirs, que i)our y chercher médecine, ou j,'Ui -
rison de quelque maladie. Plusieurs amoureux, muguets, <l
qui passent leur vie en volupté, y viennentpourjouyr des chose-
désirées. (S. M. — B-F.i
1. (■ Plusieurs femmes aussi feignent d'esLre malade au cori)s
lesquelles toutesfois sont navrées au coîur. Ainsi on verra là
beaucoup de belles femmes sans leurs marys, et sans aucuns
de leurs parens, seulement accompaignées de deux ou troi-
servantes et d'un serviteur, ou de quelque vitnJie femme, la-
quelle sera plus aisée a estr^s deçiue, que propre k garder qu'on
ne paillarde. 11 n'y en a pas une qui n'y vienne bien attiffce,
l'une de dorures et bagues, l'autre des plus beaux habillemcn--
qu'elle pourra apporter, en sorte qu'on diroit qu'elles ne sont
point là venues pour se baigner, mais à quelque festin ou
nopce^ magnifiques. (S. M. — B-F.
ItKS UMNS DE B.VDF. SOo
• liasser la mélancolie, se livrer à la joie, ne pen-
-.er à rien autre qu'à samuser et à jouer. Il ne
sagit point de diviser ce qui est en commun, mais
au contraire de profiter de tout ce qui est com-
mun.
Il est vraiment extraordinaire de voir que dans
une telle réunion, de près d'un millier d'individus
de caractères si divers, dans cette foule surexcitée,
il ne se produit aucune discorde, aucune querelle,
pas la moindre imprécation, pas même un mur-
mure. Les maris voient sans s'émouvoir caresser
leurs femmes, et les laissent aller avec des étran-
gers ; le tête-à-tête ne les inquiète ni ne les
étonne; ils estiment que ce n'est qu'amabilité et
familiarité ' . C'est à tel point que le mot jalousie,
([ui torture presque tous les maris, n'existe pas
ici, qu'il n'a même jamais été prononcé ni entendu.
On ne connaît point ce genre de maladie, et l'on
n'a point de mot pour désigner cette souli'rance.
En effet, comment ces gens auraient-ils pu trou-
ver le nom d'une chose qui n'existe pas, puis-
qu'on est encore à trouver un jaloux parmi eux.
Oh ! combien ces mœurs diffèrent des nôtres.
Nous qui prenons toujours tout en mauvaise part,
1. « C'est une chose merveilleuse et cligne desbahissement
• |u'en une si grande multitude, qui est bien souvent de plu*
de mille personnes, il n'y a nulle riotte, ne débat, nulle sédi-
tion ne parolle noyseuse, nulle mandition ne murmure. Les
maris verront attoucher leurs femmes, et parler avec les étran-
gers, voire seules avec quebjue homme seul, et touLeslois ils
pensent qu'il n'y a point de mal. (S. M. — B.-F.)
:!r,6 DKSCRIITION
et qui pis est, nous délectons do la calomnie et dos
mauvais propos, qui des moindres choses enfin,
sommes portés à faire des crimes. Combien j "en-
vie la quiétude de ces gens et que je maudis la
perversité de notre esprit à nous, toujours in<]uiet,
toujours envieux et qui bouleversons ciel et terre
pour trouver la fortune. Aucun gain ne nous
contente, aucun lucre ne nous rassasie; pour
[>arer aux misères futures, nous nous plongeons
dans les misères du moment, nous vivons dans
d'éternelles inquiétudes; nous nous rendons mal-
heureux pour ne pas le devenir plus tard; on
cherchant les richesses, nous ne laissons en repos
ni l'esprit, ni le corps.
Ces gens, au contraire, se contentent de peu,
ils ne songent pas le moins du monde aux riches-
ses à venir, ils vivent au jour le jour, et chaque
jour pour eux est une nouvelle fête. S'ils sont
frappés par l'adversité, ils l'acceptent philosophi-
quement. Leur bonheur consiste à suivre cette
maxime : « (Jelui-là seul a vécu qui a hien vécu.»
Mais parlons d'autres choses, car mon l)ut n'est
pas de louer ou de criti((uer ces gens. Je ne
voulais, en écrivant, que cette lettre fût pleine que
de choses gaies et ((ue par elle tu pusses goûter au
loin, une faible partie des plaisirs (juo nous avons
ici.
Adieu, mon très ainïal>le xNiccolo, fais part do
ma lettre à Leonardo; car tout doit être commun
entre amis.
DKS ItMNS l»l. ll.\r>K 3(37
Salut, mon cher Xiccolo, à toi et à Leoiiardo;
>aluez Cosme • de ma part.
PoGGIO.
1. Le Cosme dont il est question est Cusme de Médicis, fils
: • Jean, premier personnage illustre de cette illustre race,
.'est le même qui, sans titre ni pouvoir officiel dans la répu-
blique de Florence, obtint une si grande influence sur la
direction des affaires publiques de sa patrie. Machiavel fait
de lui le plus grand éloge; la jalousie démocratique s'effaroucha
un moment de se* immenses richesses et de l'usage généreux
qu'il en faisait. En 1433. Cosme se vit exilé à Venise, mais un
TQ à peine s'était écoulé depuis la sentence de proscription,
ue les Florentins le rappelèrent. Ce qui lait l'éloge de Cosme,
est que tous les hommes d'esprit, Machiavel, Poggio et Leo-
aardo d'Ari /zo entre autres, l'avaient en singulière vénération.
Ant. Mer.w . Cosme mourut le 1" août 1464. C'est à lui que
Poggio écrivit la lettre qui se tronve plus loin, en lui envoyant
son dialogue : Un rieiUrn'd dnit-il se marier.
UN VIEILLARD
DOIT-IL SE MARIER?
DIALOGUE
NOTE PRELIMIXAIRE
Le dialogue : Un vieiUard doit-il se marier?
ne figure dans aucune édition des Œuvres corn-
l)lètes de Pogge et il n'en existait aucune publica-
tion à part, avant celle de 180".
(( On savait, dit M, Alcide Boniieau dans son
très excellent avant-propos, que Pogge lavait
composé quelque temps après son mariage ,
comme pour se disculper vis-à-vis de ses amis de
>es noces tardives ; qu'il était primitivement décidé
\ Cosme de Médicis; que des deux interlocuteurs,
l'un y blâniait, l'autre approuvait le mariage d'un
vieillard avec une jeune lille; qu'enfin, Apostolo
Zenon en avait eu en sa possession une copie :
mais là se bornaient les renseignements. W. She-
pherd en découvrit par hasard un manuscrit en
I8O0 à la Bibliothèque Xalionale de Paris ' , et
se hâta de le publier sous ce titre : Poggii Brac-
cioliiii Florentini-Dialogus . An seni sit uxor du-
if.NDA, circa an. 1^35 conscriptus, nunc primuni
typis mandatas et publici jnris factiis edente
Gii.iELMO Shki'HERd [Liverpoolise . tjjpi'^ Geo.
F. Ilarris, 1807, \\\-^") ».
1. Bibliothèque Nationale. M. S.
372 UN VIEILLARD lJ(.»rr-IL SK MARU.R
C'est sur cette édition de Liverpool que M. Al-
cide Bonneau a fait son excellente traduction
parue en 1877 dans la petite collection elzévirienne
d'Isidore Liseux. Malheureusement le texte donné
d'après un seul manuscrit contenait des erreurs de
copiste fort évidentes, mais qu'il avait été impossi-
ble de contrôler, il s'en suit donc que la première
traduction française devait suivre les défectuosités
du texte. M. Bonneau ne serait point tombé dans
cette défectuosité, très légère il faut l'avouer, sil
avait pris au lieu du texte de l'édition de Liver-
pool, celui de l'édition de Florence, 1823 i , iiiinc
adjuvante codice Laurenliano ad meliorem lec-
tioiiem redactus, publié par Shepherd lui-même
et dédié, comme précédemment à l'illustre éci'i-
vain Boscoe.
Dans le codex delà bibliothèque Laurentienne,
se trouve le texte de la lettre de Pogge à Gosme de
Médicis, le Magnifique, dont la copie ne se trouve
pas dans le manuscrit de la Bibliothèque nationale
et dont nous donnons ici la traduction en tète du
dialogue.
Quant aux circonstances dans lesquelles Pogge
écrivit ce dialogue, elles ont été suffisamment
expliquées dans la notice sur l'auteur, pour «ju'il
ne soit pas besoin de les rappeler ici.
1. Tifpiit Maijlu'riniiiy. iii-S', :!l pages.
POGGTO FLOREXTLX
au Très Magnifique
GOSME DE MÉDIGIS
SALUT
Il s'est élevé, il y a déjà ({uelque temps, entre
des hommes très doctes, notre ami Niccolo et Carlo
Aretino, une légère polémique sur cette question :
Convient-il à un vieillard de se marier? Après avoir
consacré à la mémoire de notre ami quelques pas-
sages de mes ouvrages. j"ai résolu aujourd'hui,
que j'en ai le loisir, de publier cette discussion,
tant à cause du mérite des polémistes, que parce
qu'ils paraissent confirmer mon opinion person-
nelle. Il ne manque pas en effet d'ignorants qui
s'imaginent qu'il est défendu à un homme avancé
en âge de songer au mariage, alors que, surtout
en raison même de son âge, il est devenu incapable
de gouverner ses affaires domestiques et que l'aide
d'une épouse lui est presque indispensable.
Bien que Carlo ait employé plus de mots et de
développements que je n'en rapporte, pour défen-
dre la cause de la vieillesse, cependant, je crois
que le peu que j'en dis, tel (jue cela m'est ifvenu
'■>~ t VS VIKILL.Vitl» IMIII-II. SK M.VniKH
H Fesprit, répond siiffisanimeiit sur presque tous
les points à l'opinion de Xiccolo.
Je vous adresse donc, à vous, homme i\ la fois
très sage et très docte celte dissertation, afin
qu'après l'avoir lue, vous me fassiez connaître
qu'elle opinion vous embrassez de préférence. Si
j'ai enlevé quelque chose à la vigueur d'argumen-
tation de Niccolo et à l'éloquence de (larlo, vous
n'en accuserez que la faiblesse de mon talent, qui
ne peut dépasser ses moyens. J'ai mieux aimé
tirer tout le parti possible de cette discussion, que
de laisser tomber dans l'oubli les parolesd'honimcs
aussi doctes, qu'il importiiit tant de connaître, ne
fut-ce qu'en substance.
Adieu.
POUGIO.
Florence, le 15' jour des Kalendes d'Avril.
\
UN VIIMLI.ARD
DOIT-IL SE MARIER?
jNiccolo Niccoli et Carlo Aretiiio, hommes très
instruits, auxquels je suis attaché par les liens de
la plus vive amitié, déjeunaient chez moi peu de
jours après mon mariage, ainsi que cela se pra-
ti(jue entre amis. Pendant le repas, cette question
fut soulevée : Un vieillard (c'était moi que l'inter-
rogation visait i doit-il S' i)}(trier?
On plaida diversement le pour et le contre : moi
je soutins bien entendu ma cause. Enfin, si vous
m'en croyez, dis-je, une fois sortis de table, nous
pourrons approfondir davantage ce sujet. No
dit-on pas que les cornemuses résonnent mieux
quand leur panse est pleine et g-onflée?
La table enlevée, on reprit la conversation à
-on point de départ. Niccolo ne cachait pas son
-entiment : — « Pour quel motif veux-tu donc, lui
dis-je, qu'un vieillard se prive des douceurs du
mariag"e. » Alors Niccolo prompt à la risposte en
376 L> viKiLL.uu) r»orr-iL se maiiikr
ébauchant un sourire : — « Je crois, dit-il, que non
seulement tous les hommes sont insensés, mais que
vous deux, en particulier, vous n'êtes pas en
pleine possession de votre bon sens, qu'il faudrait
employer l'ellébore pour purger le genre humain
d'une semblable extravagance. Arrivé jusqu'à un
âge avancé , tu as fait fi du mariage; libre tu vivais
à ta guise, quelle folie de te soumettre maintenant
à une servitude volontaire et de chercher ainsi une
nouvelle cause d'ennuis que tu ne supporteras
certainement pas toujours avec patience, et aux-
quels il te sera impossible de te soustraire! Assu-
rément, j'approuve Carlo, ici présent de s'être
marié à l'âge où l'on accomplit généralement cet
acte, au temps indiqué par Aristote dans sa Poli-
tique. Mais celui-là (et il me désignait du doigt)
il s'est chargé d'une besogne ingrate en entre-
prenant un métier nouveau, juste au moment où
sonnait l'heure de la retraite. Telle chose convient
parfaitement à la jeunesse, qu'un homme mûr doit
s'empresser de fuir. A d'autres de prôner le
mariage, si tel est leur bon plaisir, moi, j'ai tou-
jours été d'avis que, si c'est une grosse afl'aire à
tout âge, c'est une mauvaise affaire au déclin de la
vie ; les vieillards ont besoin de soins et c'est
folie que de les écraser sous le [)oids d'une femme.
Le vieillard est incapable de se suflire à lui-
même et aux charges du ménage; n'est-il pas
évident qu'il doit rechercher la tranquillité el
nom les fatigues d'un nouveau genre de vie? C'est
L"N MKII.I.AItn DOIT-II. SE MAIUEU 377
déjà assez pénible de vieillir, pourquoi s'embar-
rasser d'un surcroit d'inquiétudes? »
— « Tujuues les autres d'après toi, répondis-je,
toi qui n'as jamais pu entendre prononcer le nom
d'épouse et qui l'as en horreur à l'égal du rocher
de Sysiphe, toi qui ne connais aucun des agré-
ments et des charmes qui sont en elle. Si géné-
ralement la volupté a du prix, pourquoi l'inter-
dire aux vieillards? Quant à moi, jusqu'à l'heure
actuelle, je n'ai ressenti près de ma femme aucune
satiété, éprouvé aucun regret. Que dis-je, j'ai
trouvé en elle de jour en jour de si grandes con-
solations et de telle joies, que je regarde les céli-
bataires qui se privent des douceurs du mariage,
comme sevrés du bonheur suprême. »
— « Tu parles pour toi, reprit Niccolo. Tu t'es
adressé à une jeune fille bien élevée, soumise,
prévenante, de telle sorte que ce dont il faut te
féliciter, c'est de l'heureuse inspiration qui a
guidé ton choix, et nom fie la sagesse de l'acte en
lui-même. Une telle perfection étant Y oiseau
rare, nous n'avons pas à nous occuper du fait qui
s'est produit, mais de la conduite que tu aurais dû
tenir à ton âge. Ton mariage est hors de cause
et j'y applaudis de toutes mes forces, mais à la
manière dont un individu (tu en as ri toi-même)
approuva celui d'un sien ami. Je tiens de toi, j'en
ai souvenance, l'histoire de cet Anglais auquel un
camarade demandait s'il agirait sagement en épou-
sant une femme qu'il désignait, or, le mariage
:;78 l> \ ikii.i mil» imut-ii, sk mauiku
avait déjà eu lieu secrètement. L'anglais qui
était renseigné sur le peu de vertu de la personne
on question, lui conseilla de s'abstenir. Alors son
interlocuteur lui avoua que la situation était sans
remède, attendu qu'il était marié depuis long-
temps. L'autre faisant immédiatement volte face,
feignit d'avoir mal entendu le nom indiqué,
approuva et félicita vivement alors le mari. Je ne
l)làme pas ce qui est accompli et je t'estime heu-
reux d'avoir réussi; ce doit être rare. Au fond, je
me dis cependant que c'est montrer Inen peu de
sens à cinquante cinq ans, c'est bien ton âge
n'est-ce pas? que de s'aviser de prendre femme
pour augmenter à plaisir par de graves préoccu-
pations, le poids déjà si lourd des ans. Qu'arri-
verait-il si tu avais chez toi une femme dont les
goûts fussent opposés aux tiens, une femme aca-
riâtre? Tu rentres, elle t'accueille avec un visage
maussade et renfrogné ; tu sors, elle cherche des
discussions ; tu reste chez toi, elle t'assourdit et
et t'importune par un tlot de paroles. Quelle
fatigue! Quel ennui! Quel torture continuelle! Si
elle boit (cela s'est vu, si elle est débauchée,
paresseuse, dormeuse? Certes, la mort est préfé-
rable à une vie passée en compagnie de pareille
mégère.
De plus, celle qu'épousera le vieillard sera
vierge ou veuve; au début de la vie ou déjà mûre.
Ilst-ce une vierge? Combien sont dillérentes les
allures de l'adolescence, de la jeunesse, et ses
l.\ VlKM.l.AHIt 1><»H-II, SI. MARIKU 379
liésirs et ses inclinations; il semljle peu facile,
dans ce cas, que la jeune fille puisse sympathiser
avec un époux avancé en âge. La dissemblance des
goûts fera de leur existence une contradiction per-
pétuelle, jamais ils ne se placeront au même point
de vue pour juger les choses. Elle aimera à rire,
à jouer, à plaisanter, lui. appréciera le maintien
grave et une direction d'idée sérieuse; elle jouira
du meilleur appétit, lui aura un estomac délabré ;
elle le citera en justice, lui refusera de la suivre
à la barre. Incompatibilité d'humeur qui, après
avoir amené des querelles, ne tarde pas à dégénérer
en haine. Enfin, le viellard qui s'adresse ainsi à la
jeunesse, ne semble-t-il pas par trop lascif? Est-
ce une veuve? Si elle est jeune, elle se souviendra
des heures écoulées près dun jeune mari, elle
trouvera qu'elle a perdu au change et regrettera
le passé. Le souvenir toujours présent de celui
qui ne reviendra plus, la vie si attrayante menée
» deux alors, rendra le vieil époux plus que désa-
gréable. Reportant eu arrière sa pensée, à l'époque
des premières noces, elle fera sentir à quel point
elle regrette celui qui n'est plus, et cela sans
manifester tout haut ses sentiments, mais seule-
ment en montrant que le présent l'écœure.
En épousant une vieille femme, d'un âge assorti
au sien, vous n'aurez pas de postérité et votre
faiblesse réciproque vous rendra à charge l'un à
l'autre. Lorsque la maladie frappera l'un de vous,
ce sera déjà une lourde charge, mais si vous êtes
3î0 UN VIKILLAHD DOIT-IL SK MAUIKR
atteints tous les deux, la misère sera complète. Sans
compter que chaque jour pullulent mille tracas-
series, inspirant j)arfois aux époux jeunes ou
vieux, le reeret de s'être unis. Je n'ai fait allusion
qu'aux femmes vertueuses, à celle ({ui gardent
chastement la maison, quant aux autres, elles ne
méritent pas le titre d'épouses. Si, à tous les ennuis
quotidiens, vient se joindre le soupçon ou la cer-
titude de l'infidélité, il n'y a pas de plus atroce sup-
plice, de plus grande infortune. Quand je repasse
ces choses dans ma tête, je me figure qu'il est pré-
férable de vivre en dehors de pareils tracas, que de
tenter une aventure regardée comme dangereuse
par beaucoup de gens sages. Et cependant, nom-
breux sont ceux qui, lorsque la vie leur échappe,
songent à prendre femme. Pauvres fous! Harassés
et aspirant au repos, il se couchent, mais à la
place du sommeil ils ne trouvent qu'un lit plein
de ronces et d'épines!
L'observation me semble bien plus dangereuse
encore de la part de ceux qui aiment les lettres,
qui les cultivent avec distinction et y trouvent un
aliment raffiné pour leur intelligence. L'homme
est bien plus libre pour s'adonner à l'étude, s'il
n'est pas empêtré dans les embarras du mariage.
Autre inconvénient : la naissance des enfants
coïncide avec le moment où il n'est plus possible
au vieillard de leur incuhiuer les principes de la
vertu et de leur enseignei' une règle de conduite
pour l'avenir. Souvent, il meurt avant que ses fils
IN VIKII.I.Afll» I)(tlT-[l. Sh MARIER 381
liaient atteint l'âge de raison. Ceux-ci sont alors
confiés à la surveillance de tuteurs bien plus
empressés à rendre leurs fonctions lucratives, qu'à
se conformer à la volonté des parents. C'est ainsi
que pendant la vie, aucune véritable consolation
ne vous est procurée par vos enfants; mais, même
à votre lit de mort, vous n'avez pas à leur égard
cette foi dans l'avenir si bien faite pour adoucir les
derniers instants. Je sais que les choses ne se
passent pas toujours ainsi. A mon sens tu es heu-
reux; et à l'abri des préoccupations qui tour-
mentent le plus grand nombre, si ce que tu nous
as raconté de ta femme est exact. Toutefois, dans
les cas douteux, c'est le conseil le plus désinté-
ressé qu'il faut suivre. »
A ces mots j'éclatais de rire et me préparais à
réfuter les griefs de Niccolo, lorsque Carlo s'écria :
— « Laisse-moi répondre pour toi et tous les vieil-
lards. Leur cause et la tienne seront soutenues avec
plus de désintéressement par celui qui est encore
éloigné de l'âge mûr et qu'aucune passion, mais
la vérité seule, incite à prendre la parole. »
« Tu le vois, notre ami Niccolo préconise la loi
du célibat, qu'il s'est, sans raison, imposée au
nom de craintes chimériques et d'une certaine
sauvagerie austère répudiée dans les conditions
h abituelles de l'existence . Comment ne blâmerions-
nous pas une façon de vivre qui, si elle était mise
en pratique par tous, aboutirait à l'anéantissement
du genre humain en moins d'un siècle. L'union
38:i ly MKILLARD DUlT-IL SK MARIER
des sexes est indispensable à la conservation de la
ra.ce ; cette nécessité, Dieu l'a établie non seule-
ment pour l'homme, mais encore pour tous les
animaux. Je pense donc qu'on agit avec plus de
sagesse en suivant la loi commune, en se pliant
aux convenances sociales, en ayant des enfants
qui contribueront à la splendeur de la cité, plutôt
que de mener seul une existence stérile après avoir
fait fi de la coutume générale, de s'être privé de
cette parfaite et inaltérable amitié qui est la suile
du mariage, ainsi que d'une affection de toutes
les heures. 11 est honteux et contre nature que
l'homme, né pour vivre en société, annihile en lui
la faculté génératrice et dédaigne l'association
conjugale, la meilleure et la plus agréable de
toutes. Les êtres privés de raison sont poussés par
l'instinct seul au rapprochement du mâle et de la
femelle, en vue de la procréation et de la conser-
vation de leur espèce, et l'homme, doué d'intelli-
gence, dont la fécondité a une bien plus haute
portée que celle des brutes, donnerait, en ce point,
des signes d'infériorité? Ne pas user de la fa-
culté de reproduire, véritable don du Ciel, ce
serait vouloir aboutir à la destruction de la race.
Examine un peu, mon cher Niccolo, si tu n'es pas
dans l'erreur, s'il n'y a pas d'exagération à vou-
loir faire adoj)ter par un sage une manière d<'
vivre qui, fatalement, amènerait la disparition des
cités, du genre humain, du monde entier. Pour-
rait-il être taxé de sagesse, celui qui irait ainsi
UN MKlI.I.Altl» IKHI-ir. vK MAIUKU 381!
à rencontre de la loi et du but de la nature, de ce
principe qui est la base de toute vie bien ordonnée.
Il n'est pas exact de prétendre que le mariage
détourne des travaux littéraires. Leurs femmes ne
furent pas un obstacle aux loisirs studieux de So-
crate, de Platon, d'Aristote, de Tliéophraste. et.
chez nous, de Caton l'Ancien, de Marcus TuUius.
de Varron, de Sénèque, et de tant d'autres sa-
vants; bien plus, ils ont surpassé en érudition et
en mérites de tous genres ceux qui avaient dédai-
gné le lien conjugal. Celui qui s'abstient du ma-
riage tourne à l'adultère, devient victime de son
inconduite, s'enfonce dans la vie la plus odieuse.
Ne me cite pas en exemple la pureté de ta vie; il
en est bien peu qui soient vertueux au même de-
gré. Afin d'assurer une existence honorable, le
mariage doit être désiré. Par ces motifs, quand
même on n'en recueillerait pas d'autre avantage,
je recommande de prendre femme à tous ceux qui
sont en âge d'espérer une descendance, et cela
sans m'attarder à l'idée qui présente le mariage
comme une véritable servitude. La liberté absolue
consiste à vivre à sa guise. Tu la trouveras seule-
ment dans le mariage, car là, loin d'être esclave.
tu commandes en maître, tu es délivré de mille
pensées excentriques qui assiègent sans cesse les
célibataires ; ta femme est là, prête à obéir et à
t'être agréable.
Les vieillards surtout, je l'affirme, malgré
l'opinion contraire que tu émettais il y a un ins-
384 LN VIEILLARD DOIT-ll. SE MARIER
tant, doivent se marier. Exempts de libertinage,
d'étourderie , d'inconstance, d'imprévoyance, à
l'âge où ils s'engag-ent, ils sont plus aptes aux af-
faires, ont plus de prudence et peuvent ainsi re-
cueillir les fruits les plus sûrs et les meilleurs du
mariage. Ils savent ce qu'il faut fuir ou recher-
cher ; leur sagesse sert de guide à rinexpérience,
leur modération sait inspirer la retenue dans les
désirs. Si la jeune femme chancelle, ils la retien-
nent et façonnent à leurs habitudes ce caractère
encore indécis.
Et Niccolo de rire.
« Alors, tu te fais le champion de tous les vieil-
lards sans exception, et cependant bon nombre sont
pires que des enfants et n'ont pas plus de raison.
« On rencontre des fous à tout âge, reprit (^arlo,
autant parmi les jeunes gens que parmi les vieil-
lards, et pour tous, c'est chose également pénible.
Mais notre attention ne doit être attirée ici, ni par
celui-ci, ni par celui-là, nous plaidons la cause des
vieillards en général. Quant à moi, faisant appel à
la raison qui doit toujours nous guider, non seu-
lement je ne blâme pas le mariage des hommes
mûrs, mais j'y trouve des garanties qui font défaut
dans celui du jeune homme.
Et d'abord aucune loi, nulle coutume, que je
sache, ne détendent aux vieillards de prendre
femme. De même que le gouvernail du navire est
confié, avec raison, à celui qui est le plus avancé
en âge, ainsi, celui qui a une longue expérience de|j
UN MF.ILI.AlUt |H>1T-IL SK MAHIKR 385
la vie est mieux préparé à diriger un ménage. Telle
la vigne dont les sarments rampent à terre ne se
relève qu'en accrochant à un support ses vrilles
qui lui tiennent lieu de mains, telle la jeunesse si
faible est sujette à se laisser choir lorsque Tappui
protecteur d'une personne dans la maturité lui
manque. Loin de pouvoir diriger les autres, les
jeunes gens ont peine à se conduire eux-mêmes.
Que savent-ils des choses? Leur raison est-elle
suftisamment formée ? Pour ne citer qu'un des
inconvénients : il arrive souvent qu'une jeune fille
est destinée à épouser un garçon de son âge et qui
n'a encore subi aucune épreuve. A-t-il des quali-
tés morales, de la prudence? Se rend-il compte de
la manière dont il devra gouverner sa vie ? De
l'imprévoyance des époux, à un moment où le vice
a tant d'attraits, pourront résulter de grands trou-
bles dans l'avenir. Ces jeunes époux seront l'un
pour l'autre une cause perpétuelle d'angoisses en
s'adonnant à leurs passions, qui n'auront pas été
refrénées par une volonté trop vacillante et un
manque de prudence. Prenons un exemple. La
plupart des jeunes gens dissipent leur patrimoine
et, ])Our le reste de leur vie, sont réduits à la mi-
sère, partagée par leurs enfants ; le besoin fait
tomber les femmes dans la débauche. Bon nom-
bre d'entre elles doivent leur chute aux folles dé-
penses et aux extravagances de leurs jeunes ma-
ris ; ce qui prouve combien les parents ont eu tort
de leur confier leurs filles.
22
3!^'î IN VIKIL(AHI) liun-ll. SK MARIKIl
Quelle dilférence pour les vieillards! Leur vie
passée est connue, elle s'est étalée au grand jour.
De suite on est renseigné sur leur caractère et leur
manière de vivre, leur fortune, leurs revenus, leur
prudence, leur santé. On sait s'ils sont enclins .ni
vice ou portés à la vertu. A leur âge, il n'y a pas
à redouter de voir leurs habitudes se modifier en
bien ou en mal. La vieillesse est. par excellence,
l'âge auquel on est prudent, prévoyant, où l'on ne
laisse rien au hasard. Lun dirigera admirablemeni
sa femme, relèvera une fortune qui périclitait, fera
régner l'ordre au foyer domesii({ue. L'autre par
d'utiles conseils, calmera l'elfervescence juvénile
de sa compagne ; non seulement il conservera la
situation acquise, mais il fera en sorte d'accroître
la fortune pour ses enfants, (^omme les fruits,
l'homme voit venir l'époque de la maturité ; c'est
le bénéfice le plus appréciable de la vieillesse.
Qu'on ne me parle pas de ces vieillards souf-
freteux, cacochymes, d'une humeur morose, plus
insupportables souvent (jue les enfants ; il ne sau-
rait être (jucstion d'eux ici. Jeune ou vieux, tout
homme qui n'a pas la pleine possession de ses fa-
cultés doit être écarté. Toutefois, chez le jeum-
homme, la folie est plus triste, parce qu elle pro-
vient du peu de connaissance ([u'il a des choses et de
son manque d'habitude pour conduire une maison.
La vieillesse étant au plus haut degré l'âge
de l'expérience, de la vertu, de la sagesse, comme
elle apporte plus de diligence et témoigne plus
UN MKII.I.AUlt IM)H-II. SK AlAItlKH 387
dattention pour les intérêts du ménage, je pré-
tends que pour ravantaue de tous, pour l'appui
qu'en retire la communauté conjugale, pour le sou-
tien réciproque et la mutuelle assistance qu'il
procure, il est désirable que le vieillard s'engage
dans le mariage, môme lorsqu'il n"a pas d'espoir
d'avoir de postérité.
J'entends qu'il choisisse non seulement une
épouse, mais une épouse dans toute la fleur de la
jeunesse. Tout d'abord, le souffle pur et chaste
d'une jeune fille regaillardira la vieillesse et la
conservera dans son intégrité. A peine sortie de
l'enfance, la jeune tille, comme une cire molle,
prendra l'empreinte du caractère et de la volonté
de son mari, promptemenf elle s'habituera à sa-
tisfaire ses désirs, à régler ses goûts et ses répu-
gnances d'après ce qu'elle aura remarqué chez
lui. On éprouve moins de peine à diriger des tiges
tlexibles que de vigoureux rameaux, et une jeune
tille s'accoutumera avec moins de difficulté à la
façon de vivre, que ne le ferait une femme rendue
[dus exigeante par l'âge ou par l'épreuve d'une
première union. Obséquieuse, un signe de toi suf-
tira pour (ju'elle comprenne, n'ayant aucune mau-
vaise inclination, elle se fera facilement à tes ha-
l)itudes , cherchera à te plaire, te respectera,
apprendra à discerner le bien du mal. Pour at-
teindre ce but. tes conseils de chaque jour et le
uenre de vie que vous aurez adopté suffiront.
< hiant à ce qui est du devoir conjugal, à moins
388 UN VIEILLARD I»orr-IL SE MARIER
que la vieillesse ne s'y oppose complètement, tu
t'en acquitteras avec une modération que ta femme
elle-même — si elle est chaste — sera la pre-
mière à approuver, ne faisant rien que la raison
n'autorise et seulement en vue d'avoir des enfants.
Nous voyons les jeunes gens élevés dans les mo-
nastères, dans rimj)ossibilité où ils sont de sortir
et de s amuser, en perdre l'habilude et même l'en-
vie, ne plus penser à jouer et n'avoir pour les
choses extérieures qu'ils ont perdues de vue aucun
attrait. La privation continuelle vient à bout, chez
eux, de ce que l'âge et la nature sembleraient ré-
clamer. De même, on rencontre des jeunes tilles
qui, séparées du commerce des hommes et des
femmes, ne sont troublées par aucune tentation
charnelle. Il n'est pas surprenant alors que des
jeunes vierges mariées à des vieillards, imbues
des conseils et des recommandations de leurs
époux, dédaignentla séduction de voluptés quelles
ignorent et se conforment à la volonté de celui
qui leur est supérieur en âge, trouvant sage de se
régler d'après les lois de la prudence et de la rai-
son. Elles désireront surtout voir leurs maris bien
portants, mettant sa santé au-dessus de tout et la
préférant à des plaisirs qui passent rapidement.
Elles s'estimeront heureuses d'avoir été unies à
des hommes qui, c'est le point principal dans un
ménage, peuvent régler la vie d'intérieur et assu-
rer convenablement, suivant leur situation, le
train de la maison.
UN VIEILLARD DOIT-IL SE MAIllKR 380
Ainsi, à mon avis, il est préférable pour une
jeune fille d'épouser plutôt un vieillard qu'unjeune
homme. Malgré le vieil adage : Qui se ressemble
s'assemble, il sera sage pour elle de s'attacher à
un homme que son âge met à l'abri du besoin,
qui est prudent, vertueux, dont elle ne recevra que
de bons conseils pour se guider dans la vie, plu-
tôt que de se confier à un jeune homme dont la
conduite pourra lui donner des transes perpé-
tuelles, qui pourra mal tourner, sera inconstant,
sans prudence, sans règle de vie arrêtée et, par-
dessus tout, inhabile à élever ses enfants. Et s'il
suffit de l'inexpérience d'un seul pour compro-
mettre l'avenir de la famille, que sera-ce si deux
étourdis s'unissent dans l'âge des folles passions ?
Que de tristesse, quelle désolation dans ce mé-
nage ! Tous les jours on voit des jeunes gens aux-
quels la sagesse fait complètement défaut, n'ayant
aucune notion de la vie, aucune idée de la con-
duite à tenir; aussi, n'est-il pas nécessaire de s'at-
tarder à le prouver par le raisonnement.
Tu soutiens également qu'un vieillard sera
privé de diriger l'éducation de ses enfants, que
la mort viendra avant qu'il ait pu en faire des
hommes vertueux ; pour moi, je ne vois pas
pourquoi les jeunes gens seuls auraient ce pri-
vilège. Jeune ou vieux, nul ne connaît qu'elle
est la limite fixée à sa vie, toutefois, les chances
de bon tempérament et de longue existence ne
militent-elles j)as en faveur de ceux qui ont vigou-
•J'Jj l\ MKII.I.AHI» IH)ir-|!. SK MAHIKH
reusenient atteini la cinquantaine ? A travers le>
incertitudes et les difficultés de la vie, leur santé
s'est affermie contre les maladies et, par un
exercice continuel, ils ont accoutumé leur corps
à endurer la fatigue. Que déjeunes gens terrassés
par certaines maladies dont les hommes faitsn'ont
rien à redouter, car elles ont plus de prises sur
les premières années, semblables à la cire que
fait fondre un souffle plus chaud. Certes, aucun
âge n'est à l'abri, tous sont tributaires d'une foule
de maux, cependant le jeune homme est bien
plus exposé que le vieillard, soit qu'à son Age il
est naturellement frêle et délicat, soit parce que
ne gardant aucune mesure, il ne sait rien refuser
à ses passions, ce qui le prédispose aux plus graves
infirmités. Au contraire, l'homme mûr, d'une
santé robuste, éprouvée, trouvera dans son expé-
rience le moyen de lutter contre les maladies,
de les supporter mieux, ou de les éviter avec
plus de prudence ; cest pour lui un brevet de
longue vie. Ce serait donc un tort de ne pas faire
cas de celui qui peut se promettre encore vingt
ou trente années d'existence ; ce laps de lemps est
suffisant et au-delà pour l'éducation des enfants.
Ces derniers prendront de l'âge, leur intelligence
et leur sagesse se fortifieront sous la prévoyante
direction de parents instruits, tels, en un mot.
que sont les vieillards. Je vais plus loin, l'écUi-
cation dirigée par des vieillards présente un
avantage considérable, c'est (jue les enfants élevés
IN \ If.ll.l.Altl» |M)||-1I. St: MARIKH .1.1
par eux se font remarquer par leur douceur, leur
tempérance, leur jugement ; un prre jeune ne
sait inculquer à ses fils ni science, ni prudence,
ni direction de conduite, attendu qu'il en manque
lui-même.
Mais abrège à ton gré l'existence des vieil-
lards, cela empôche-t-il que leurs enfants ne
soient pour eux l'occasion d'une grande, d'une
profonde joie? Assurément non. Ils en bénéficient
durant cette période charmante de l'enfance où
la bonne éducation apprend à vénérer son père,
à être prévenant pour lui, obéissant, attentionné,
à épier ses moindres signes, à ne lui donner aucun
sujet de tristesse. Plus tard, les enfants gran-
dissent, ils secouent le joug de la famille, mé-
prisent la volonté paternelle, tournent en dérision
les bons avis, entêtés et rebelles, ils prétendent
vivre à leur u uise et deviennent pour leurs parents
la cause de cruels soucis. Ceux dont la vie s'achève
avant ces tristes jours, n'ont recueilli de leurs
enfants que de la joie sans aucun mélange d'amer-
tume.
En vérité, je ne sais quelle idée tu as Niccolo,
do détourner les vieillards du mariage. Ne peu-
vent-ils avoir des enfants? Ignorent-ils les soins
i|ue réclame une famille? Sont-ils capables de
gouverner un intérieur? ïe i)araissent-ils trop
affaiblis d'intelligence et de corps? Sans aller
chercher dans lanticjuité l'exemple de Caton
l'ancien, de Marcus Tullius et de tant d'autres
392 IN VIKILLARl) !)OIT-IL SK MARIER
personnages illustres, aussi instruits que sages,
qui, au déclin de leur vie, épousèrent des jeunes
filles, je pourrais citer un de nos contemporains,
Galeotto Malatesta. dont le nom et les actions
d'éclat aussi bien dans la paix que dans la guerre,
ont été admirées d'un bout à l'autre de F Italie. A
la fin de sa carrière, à l'Age de soixante-qua-
torze ans, il prit pour femme une enfant dont il
eut quatre fils ({ui, dans la suite, s'illustrèrent à
leur tour. L'un d'entre eux est Carlo Malatesta
que nous avons connu comme étant un des
hommes les plus lettrés et le plus habile général
de son temps. Assurément leur naturel d'élite les
inclinait déjà au bien, mais les leçons de leur
père, sa vertu, l'exemple de sa vie <|ui se dérou-
lait sous leurs yeux, les y conviait aussi fortement
Je me persuade, en effet, que ce qui a beaucoup
de valeur et pèse d'un grand poids dans l'édu-
cation des enfants, né d'un père âgé, c'est son
exemple, c'est sa vie entière qui les exhorte à la
vertu. Il y a certainement des jeunes gens ver-
tueux, mais leur influence se fait moins sentir,
parce (jue leurs (jualités semblent, pour ainsi dire,
l'apanage d'uu autre âge. La maturité, la loyauté,
la prudence, Texpérieuce paraissent, à première
vue, le lot de la vieillesse, et, de prime abord
nous attribuons aux vieillards une autorité dont
leur maturité et leur prévoyance les rend dignes.
Cette opinion a une influence heureuse sur la
jeunesse. Les enfants désireux d'imiter leur pèr<i
i .\ MKiLi.Ann iiuir-ii. sk maiuer 3<,)3
modèlent leur vie, règlent leurs habitudes sur
celle qu'ils ont constamment sous les yeux, ils
appiennent à obéir, à se rendre compte des
moindres nuances, ils ignorent, n'en ayant pas
l'exemple à la maison, ce qu'est une chose hon-
teuse, une obscénité, une parole indécente. Us
voient, au contraire, près d'eux, des modèles
d'honnêteté, de contenance, de modestie et de
i^ravité. Pénétrés de ces sentiments dès leurs plus
tendres années, si l'appui de leurs parents vient
à leur faire défaut, ils conservent pendant toute
leur existence la bonne direction imprimée dès
leur bas âge. De la sorte, ils deviennent souvent
des hommes distiniiués, ayant un cachet à part,
.le le répète : Sans s'arrêter aux avantages
particuliers, il faudrait dans l'intérêt i;énéral, que
tous les vieillards se mariassent et même prissent
déjeunes femmes, il importe beaucoup à l'Etat
d'avoir dans la Cité, nombre de citoyens graves,
prudents, honnêtes et dont la sagesse fasse contre-
poids à la folie des autres.
Ajoute ([ue c'est un grand charme dans la
vie <jue d'avoir à ses côtés une personne à laquelle
on puisse se confier complètement, communiquer
toutes ses pensées, discuter les décisions à prendre,
partager la joie, adoucir les regrets, enfin un
autre soi-même : consolation f[ui ne se rencontre
que dans l'amitié parfaite. Il n'y a pas à redouter
(jue Ion épouse ne t'affectionne pas, si elle sait
(]ue seule tu l'ainies tendrement, comme il con-
394 IN MKII.I.AHIi |IMIT-(I. SK MAhlI-.H
vient entre époux, que tu lui as gardé ta toi, que
tu la considères comme ta moitié et non comme
uiio domesti(jue, prévenances pour lesquelles les
vieillards se montrent très attentifs. Que de
jeunes gens trahissent et déchirent le contrat
conjugal. La passion ne bouillonne que trop à
leur âge et ne sait pas se contenir dans de justes
limites. Souvent une maîtresse est substituée à la
femme légitime. On garde le son, comme on dit,
))our la maison et on porte au dehors la farine.
De là, des discussions, des querelles, des haines
c[ui devraient être inconnues dans le mariage et
chez la femme, l'envie de rendre quelquefois
outrage pour outrage. Chez le vieillard, combien
sont modérés les désirs, leur fidélité conjugale
est inaltérable, leur amour uniquement réservé à
leur femme, leur raison toujours droite. A cet âge,
on nenvie plus le bien du voisin. L'aliection
mutuelle et les serments gardés procurent une si
Lirande béatitude, qu'aucune autre, en ce monde,
ne saurait la surpasser.
il est incontestable que la vieillesse reprend
vie et s'égaye au contact d'une jeune épouse. Tu
reproches aux vieillards de ne pas valoir grand
chose au lit, tandis que nous devons les en féli-
citer comme de leur principal mérite. Nous ne
devons accorder aux plaisirs sensuels, si nous
voulons être des hommes et non des brutes, que
juste ce qui est nécessaire pour la procréation des
enfants ; les animaux, eux-mêmes, ne désirent que
U> MKII.l.MUt liull-il SK MAlîlKlt 3',)5
cela, aller plus loin, c'est plus quo de la beslialité
et non le fait d'êtres raisonnables. Il est juste de ne
demander à la volupté que le moyen d'arriver au
but du mariage. La débauche est stigmatisée
comme honteuse et blâmable, non seulement chez
les vieillards, mais chez les jeunes gens. La mo-
dération des premiers en ce point, doit donc les
rendre recommandables. L'homme qui choisit en
tout la raison pour guide ; n'entreprend que ce
qui est utile ou indispensable. Si donc il découvre
chez sa femme quelque appétit déréglé, ainsi que
cela se produit chez les malades qui. étreints par
la lièvre, désirent manger une foule de choses dont
la saveur est agréable, mais absolument nuisibles,
il réfrénera ces envies au nom de la raison, et lui
enseignera à ne vouloir que ce que la nature
réclame et ce (jui est conforme à l'honnêteté.
En n'accordant pas qu'un vieillard puisse
épouser soit une jeune fille, soit une veuve, soit
une femme d'un âge mûr, laisse-moi te le dire,
Niccolo, ton jugement me parait en défaut; tous
ne peuvent te ressembler. Le vieillard aura par-
faitemenf raison d'épouser une jeune fille, il fera
d'autant mieux, que cet enfant, à la fleur de l'âge,
n'aura encore reçu que les impressions de la
famille, il la pliera à son gré, il lui fera adopter
sa manière de voir, il la façonnera à ses habi-
tudes, il la dirigera par son exemple et ses leçons.
Il lui apprendra à discerner ce (fui est bien, il lui
enseignera le mérite de la continence, en (juoi les
306 U-N MKir.i.AHH itnii-ii. m: marikh
femmes chastes diffèrent des débauchées, en un
mot les limites qu'on ne doit pas franchir. A moins
qu'elle ne soit inintelligente, ces sages conseils
auront sur elle un tel empire, que si son tempéra-
ment vigoureux s'insurge parfois, elle saura le
dompter et n'aura d'autre règle que la volonté de
son époux.
S'agit-il dune veuve au lieu d'une vierge?
Celle qui a connu un jeune mari se souviendra du
temps où il la délaissait, l'abandonnait pour
courir après une autre, où une aventurière lui
était préférée, où on ne lui réservait que des
paroles blessantes, trop heureuse quand les coups
n'accompagnaient pas les injures. Bien souvent
ses toilettes étaient vendues, ou données en cadeau
à une maîtresse. Tout cela lui revient à l'esprit
en même temps que l'inconséquence de la jeu-
nesse, les embarras de la vie, la fragilité de la
foi conjugale. Quel changement depuis qu'elle
est l'épouse d'un vieillard ! C'est avoir trouvé le
port après la tempête.
L'âge avancé de celle qu'il désire avoir pour
compagne, ne devra pas, non plus, faire reculer
le vieillard. Sans doute, il n'aura pas d'enfants,
mais il la recherchera pour le charme de son
esprit, pour que leurs deux faiblesses se prêtent
un mutuel appui. Ce (ju'un homme robuste ne
peul, (fuel({uefois, ne pas pouvoir faire seul, il y •
parvient en sadjoignant un être plus faible ; avec
un peu de secours, on réussit des choses pour
UN VIKILLARD Durr-IL SK MARIER 397
lesquelles oa était impuissant tout seul. Ainsi
encore, une main unique est maladroite, mais
deux mains s'assistant viennent à Ijout de grandes
difficultés. Ainsi, dans l'union qui nous occupe,
ce qui fait défaut à l'un, l'autre y supplée.
Tu as prétendu également que, selon les pro-
bal)ilités,lcs vieillards ont leurs jours comptés. Je
ne nie pas que pour eux le terme du voyage soit
})rochc. Mais leur vie n'en est que plus parfaite,
ils la terminent avec honneur. N'est-il pas préfé-
rable de vivre moins longtemps, mais vertueux,
que d'atteindre la longévité des cerfs dans la
lâcheté, la sottise, l'ignorance et l'erreur? Sou-
vent, plus l'existence se prolonge, plus elle pré-
sente de danger et devient tributaire du vice ;
celle des vieillards (je n'appelle ainsi que ceux
qui sont dignes de ce nom), tant courte soit-elle
est exempte de ce reproche. L'es]>rit vigilant, la
vigueur intellectuelle, la raison ont atteint leur
maturité. Elle est, pour ainsi dire, le sanctuaire
de la vertu où l'on savoure les fruits d'une vie
bien remplie.
C'est donc chose claire. Tourne toi de quel côté
que tu voudras, te A'oilà forcé de m'accorder que
la vieillesse rend d'utiles services dans le ma-
riage, qu'elle est à la hauteur des exigences de la
vie et que nous devons la désirer avec ardeur, si
nous voulons vivre dans la vertu et atteindre la
per fection. »
Avant qu'il eut terminp, jKiccolo s'écria :
7.^
398 UN VIEILLARD DOIT-IL SE MARIER
— « Pourquoi donc, Carlo, n'as-tu pas attendu
d'être un vieillard pour te marier, puisque l'âge
mûr te parait chose si désirable en ménage?
— (( Je n'interdis nullement, reprit Carlo, le ^
mariage aux autres périodes de la vie, si les cir- |;
constances permettent d'en contracte» un avec |
convenance et commodité. Ce que je soutiens, c'est :
qu'il serait injuste de le défendre à la vieillesse, ^
c'est-à-dire à l'âge qui olfre le plus de sécurité et s
de mérite. I
— « Très bien ! que chacun suive son penchant, *
ajouta Niccolo, à chacun sa manière d'envisager ^
la chose. Je me figure que tu n'as si bien soutenu la *^
thèse qu'afm d'être agréable à notre hôte, voulant,
jo suppose, solder son dîner en bonnes paroles et
ne pas rester son débiteur. Terminons cet entre-
tien. Je vais maintenant veiller attentivement sur
moi, pour que la folie des autres ne finisse par
me gagner. »
Gela dit, nous nous séparâmes.
FIN
8IBIIOTHECA
APPENDICES
MEMOIRE
Sur les Ouvrages de POGGE
[I\.i trait des Mémoires de Littérature de Salienare (Il
Peut-être que bien des personnes qui ne voudraient pas
se donner la peine de lire les ouvrages de Pogge, ne
seront pas fâchées d'en avoir quelque idée en parcourant
l'extrait que j'en vais donner. Les principaux ouvrages de
notre auteur (j'en excepte son Histoire de Florence) ont été
recueillis ensemble et réimprimés plus d'une fois. La
première édition ea parut en 1510, in-folio, à Strasbourg,
chez Jean Knoblouch ; ce fut à un certain Thomas D. Aucu-
parius. qui se donna le litre de Poète couronné, Poeta
laurentiis, qu'on eut l'obligation de ce recueil. 11 dit, dans
une espèce de dédicace à Sébastien Brandt, que de tous
les ouvrages de Pogge, on n'avait jusque-là imprimé que
les Facétix (2), et ayant ramassé divers écrits de cet
auteur, il avait cru rendre service à Pogge et aux gens de
lettres de les faire imprimer. Deux ans après, c'est-à-dire
en 1513. il s'en fit dans la même ville une nouvelle édition
fort augmentée, et sur celle-là se lit l'édition de Bàle en
1538. chez Henri Pierre, qui est la plus commune. Elle
porte pour titre : Poggii Florentin/ Oratoris et Pliilosoplii
1. La Haye, 171.5-1717, 4 vol. in-12.
2. Il paraît, par la bibliothèque de Gesner, .'dit. 1583, que
les Facetvc avaient été imprimées dès l'année 1 iT7, à Milan.
402 APPENDICES
Opéra, coUatione emendatorum exeniplarium recognita,
etc. Toutes ces éditions sont fort peu exactes, les fautes y
sont sans nombre, et je n'oserais décider quelle est la
moins fautive.
Nous allons donner le précis des différentes pièces qui
composent ce Recueil.
La première est une dispute sur V Avarice, elle est en
forme de dialogue ; je remarquei'ai, à cette occasion, que
la manière de publier des Traités en forme de Dialogues
a été fort usitée chez les Italiens. C'est ainsi que Pierius
Valerianus a composé son Traité du Mallieur des gens
de lettres [de InfeUcitate Litterntorum); Sébastien Cor-
radus sa Vie de Cicéron, sous ce titre obscur de Seb. Cor-
radi Quœstura ; Pierre Alcyonius son Traité de l'exil (De f
lixsilio). C'est ainsi encore que l'Arétin a publié ses
pièces sales, Boccace son Décaméron (1), Jean-Baptiste
Gelli, cordonnier et académicien de Florence, les Capricci
dcl Botaio. etc.
Pour venir donc à cotte première pièce, c'est une con-
versation entre Antonio Lusco, Cincio de Rome, Barto-
lomeo, de Monte-Pulciano, et quelques autres. Elle se tint
un jour d'été à la maison de campagne de ce dernier.
Après avoir soupe, la conversation tomba sur l'avarice et
sur la luxure ; l'hôte de la maison déclama vigoureuse-
ment contre ce premier vice qu'il soutint être beaucoup
plus grand que l'autre. « Car, dit-il, quoique les sages
« ayont dit que la luxure est la source de beaucoup de
« maux, néanmoins on tant qu'elle contribue à la propa-
« galion du genre humain, on pourrait dire que c'est un mal
« agréable, et qui ne fait de tort qu'à celui qui le com-
« met. Mais l'avarice n'est propre qu'à renverser la
« société, elle nuit, elle blesse, elle hait tout le monde;
1. Les contes qui composent le Décaméron ne sont pas en
forme de dialogues, mais ils furent rapportés on présence de
plusieurs pcr onnes qui s'étaient a.ssenililées.
APPENDICES 403
< éloig:née de tout ce (|iii est Idiiablo et honnête, c'est un
« monstre alTreux et horrible, formé pour la ruine de la
« société et du genre humain. Croyez-m'en, rien de plus
« vilain que l'avarice, rien de plus honteux, rien de plus
« horrible ; si l'on pouvait voir sa face, les Furies sortant
« en corps de l'enfer ne nous saui-aient eiïrayer davan-
« lage. Je ne veux pas me servir d'exemple pour n'of-
a fenser personne, mais s'il m'était permis, je prouve-
« rais démonstrativemenl qu'il n'y a nul mal, nul crime
0 qu'elle ne renferme en soi et qu'il n'y a aucune bonne
(( qualité qu'elle n'ôte à celui dont elle s'est emparée.
« Elle le dépouille de toute amitié, bienveillance, charité ;
« elle le remplit de haine, de fraude, de malice, d'impiété,
« rendant l'homme scélérat et cruel, en sorte que tous les
« autres vices rassemblés ne sont pas comparables avec
« l'avarice, tant cette tâche est énorme. » Il continue sur
ce ton là faire voir combien ce vice est énorme. Antonio
Lusco prit ensuite la parole et tâcha de prouver que l'Ava-
rice est un moindre mal que la luxure, que l'avarice rap-
porte divers biens et divers avantages à la société, et que
presque tout le monde est taché plus ou moins de ce vice.
Après qu'il eut fini son discours, André de Gonstantinople
lui répliqua et réfuta les arguments dont il s'était servi,
et il conclut par ces belles paroles de Cicéron : « Que
rien n'est plus la marque d'un petit génie et d'un esprit
borné, que d'aimer les richesses, et qu'il n'y arien de plus
honnête et de plus glorieux que de les mépriser, quand
on ne les a point, et quand on les a, de les employer en
bienfaits et en libéralités. Ni/iil esse tain nngusti, tamque
pari>i animi, quant amare divitias ; nihil honestius, niagni-
(îcentiusque quant pecuniam conteinnere, si non habeas :
si liaheas ad beneficenliam liberalitalentque conferre. »
Antonio applaudit à cela avec tous les autres et ils se
séparèrent ainsi.
On voit ensuite Vllistoire cnm'ii'iale. Pogge l'adresse
au cardinal Prosper de Colonna : il lui dit que le temps qu'il
404 Al'I'ENDICES
avait employé à composer ses ouvrages l'avnit beaucoup
aidé à supporter le malheur des temps; qu'il n'avait pu
songer sans regret et sans douleur (pie. (pioique avancT'
en âge, il était si peu à son aise, qu'il se trouvait obligé
de songer plus à gagner sa vie qu'à cultiver son esprit ;
que néanmoins la générosité du pape Nicolas V lui avait
ôté pour lors tout sujet de plainte, en sorte qu'il paraissait
être enfin réconcilié avec la fortune. Cette Histoire con-
viviale contient trois dissertations : voici à quelle occa-
sion elles furent faites. La même année que la peste
obligea Nicolas V de quitter Rome, notre auteur se retira
à Torre-Nuova, son lieu natal. Il y fut visité par Charles
Arétin, Benoit Arétin, jurisconsulte, et Nicolas F'ulginus,
fameux philosophe et médecin de profession. Après le
repas, ils agitèrent les trois questions qui sont le sujet
de ces dissertations. Dans la première, on discute qui
des deux doit faire; des remerciements, si c'est celui qui
est invité à un repas, ou bien celui qui a invité les autres.
Charles y\réliii y soutien! contre les autres que c'est
ce dernier qui doit remei'cier; c'était aussi le sentiment
de Démocrite : à ce que rapporte Sénèque quelque part»
il disait qu'il n'irait point à un festin s'il savait qu'on ne
l'en remercierait point.
l)ans la seconde dissertation, l'ogge propose la ques-
tion de savoir lequel des deux arts, de la médecine du du
droit civil, est le plus excellent. Nicolas Fulginus,
médecin, jjrend le i)arti de la médecine, et Benoit Arétin,
jurisconsulte, celui du droit. Ils parlent tour à tour et
chacun f;iil un éloge magnili(|ue de sa profession, méprise
et déclame contre celle de l'autre. Il me semble v(jir deux
chai'latans campés l'un proche de l'autre, (|ui, en vantant
leurs drogues et en décriant celles de leur voisin, tâchent
d'attirer à eux tout le monde et de débiter ainsi leur
marchandise.
La troisième dissertation est la meilleure. On y examina
si les anciens Romains ont eu tous la même langue, c'est-
APPENDICES 405
à-dire s'il y a ou une langue pour les gens de lettres, et
une autre dilTérente pour le commun jjeuple. Léonard
Arétin avait écrit une lettre à Blondus Flavius en faveur
de ce dernier sentiment ; Pogge soutient iei le premier, il
allègue les raisons sur lesquelles il se fonde et répond
ensuite aux objections de Léonard Arétin. Je ne saurais
entrer dans un si grand détail, je me contente de renvoyer
le lecteur à l'Histoire critique de la langue latine, par
M. Walchius, qui distingue aussi deux sortes de langues :
distinction pourtant qui ne fait rien contre Pogge. M. Wal-
chius dit qu'il y avait une langue savante, docta, et une
autre pour le peuple, plebeia, que la savante était celle
dont les anciens se servaient en écrivant, et que l'autre
était celle qu'ils employaient dans la conversation. Je ne
crois point que Pogge niât cela, mais il soutenait qu'il
n'y avait point deux langues différentes, l'une affectée
pour les gens au-dessus du commun et l'autre pour le
peuple. Ce qui fortifie, à mon avis, l'opinion de notre
auteur, c'est que, dans Térence et dans Plaute, les valets
parlent aussi bon latin que leurs maîtres. Et s'ils avaient
eu une langue à part, Térence et Plaute n'eussent pas
manqué de leur faire parler leur langage naturel, tout de
même que dans nos comédies on fait parler aux paysans
leur patois ordinaire. En agir autrement, ce serait pécher
directement contre les règles de l'art et du bon sens,
règles que les Anciens eux-mêmes nous ont données.
J'avoue, après cela, que les gens de qualité s'énoncent
plus noblement que ceux du commun, mais la langue est
toujours la même.
Passons au traité de la noblesse. Il parle de la manière
de vivre des nobles de Naples, de Venise, de Rome, d'Al-
lemagne, de France, d'Angleterre, d'Espagne, etc., il
recherche ensuite la nature de la vérital)le noblesse, et il
conclut qu'il n'y a que la vertu qui nous rende véritable-
ment nobles. Notre auteur parle un peu cavalièrement
dans ce traité, sur le chapitre des Vénitiens. Luurus Qui*
J3.
406 APPENDICES
rinus, patrice vénitien, lui répondit vivement. Au reste
Pogge, dans une lettre à Thomasius, philosophe et
médecin vénitien, dit n'avoir mal parlé de ceux de Venise
que pour se A^enger de quelques nobles Vénitiens, qu'il
s'imaginait avoir excité la guerre en Italie ; il ajoute que
d'ailleurs il ne voulait point de mal à la nation, qu'il avait
même eu dessein de se faire recevoir bourgeois à Venise
et de s'y retirer pour le reste de ses jours : que, dans cette
vue, il avait résolu d'en écrire l'histoire ; mais qu'ayant
été rappelé dans sa patrie, et y ayant obtenu un poste
honorable, il avait changé de sentiment.
Après cela suivent deux livres de La misère de In con-
dition /ii/niaine; ils sont précédés d'une lettre de Henri
Bebolius à Léonard Dur, abbé d'Adelberg, etc., dans le
cabinet duquel il avait trouvé ces traités en manuscrits.
Pogge attaque fortement les moines dans cet ouvrage ; il
dépeint au naturel leur luxe, leur fainéantise et leur mau-
vaise vie, il ne les ménage en aucune manière. Cela ne
dut pas sans doute le mettre guère bien dans leur esprit,
car avant ceci ils lui voulaient déjà du mal, comme il l'a
remarqué lui-même, à cause d'un Traité qu'il avait com-
posé contre les hypocrites. Dans le second livre, il parle
fort librement des cardinaux et des papes ; il atteste que,
de tous les prélats qu'il a connus pendant les cinquante
ans qu'il a passés à la cour de Rome, il n'en avait trouvé
aucun qui se crût être heureux en quelque manière et qui
ne regrettât son sort ; il ajoute que plusieurs papes se
sont plaints à lui en particulier de la servitude à laquelle
la tiare les assujétissait, et qu'ils détestaient en quelque
manière cette dignité; de là il passe à la conduite des
papes : il dit qu'il y en a eu plusieurs qui n'ont songé ni à
l'utilité dos chrétiens, ni à défendre la Foi ; que la plus
grande partie d'entre eux n'ont travaillé qu'à avancer et
à enrichir leurs parents, qu'ils n'ont presque eu ni doc-
trine ni religion, et qu'ils ont fait très peu de cas de la
vertu ; « en telle sorte, dit notre auteur, que si je n'eusse
APPENDICES iO?
cru que cela arrivait par la providence divine, je me plain-
drais quel([uefois cjue Dieu néglige entièrement ou les
hommes ou sa religion. » Notre auteur n'a garde d'oublier
les cardinaux : « 11 faudrait, dit-il, faire un grand livre, si
nous voulions décrire la vie, les mœurs et les vices de
beaucoup d'entre eux que nous connaissons. » On sent
bien que Pogge n'était plus attaché à la cour de Rome
lorsqu'il écrivait cela, pareil langage aurait été très mal
reçu ; il ne se déchargea le cœur que lorsqu'il fut en pays
de sûreté, c'est-à-dire loi'squ'il fut retourné à Florence;
aussi composa-t-il ce Traité immédiatement après son
arrivée (1). Le reste de ce livre est employé à faire
remarquer l'inconslance et la vicissitude de toutes les
choses de la vie, les révolutions qui sont arrivées dans
les empires, les ruines, les embrasements, les tremble-
ments de terre, la peste, la famine et les autres maux qui
ont affligé le monde.
La Description des ruines de lîoinc, par notre auteur,
est courle ; il y fait l'énumération des anciens monuments
des Romains qui s'étaient conservés jusqu'alors.
La pièce suivante est la traduction de l'Ane de Lucien,
comme elle est connue, nous ne nous y arrêterons point.
Ensuite viennent les Invectives ; ce mot indique assez
ce qu'on doit attendre; en effet, le contenu y répond par-
faitement bien. Pogge savait déclamer à merveille ; les
termes oflensants, les épithètes injurieuses ne lui coûtaient
rien. La première Invective regarde Amédée, duc de
Savoie, élu sous le nom de Félix V par le concile de Bâle.
Il l'accable d'injures, il ne se contente pas de le traiter
d'hérésiarque, de schismatique, il va jusqu'à l'appeler
l'Antéchrist, et comme l'autre alléguait en sa faveur le
1. C'est ce qui parait, dans les premières paroles de cet
ouvrage : « Septuagesimani idatis annum ayens, cum e romana
curia, in qua annis ferme quinquaginta lucram versalus, Flo-
rentiam revertissem.
401=! APPENDICES
concile de Bâle qui l'aviiit élevé à celle dignité, il déclame
très vivement contre ce concile, qu'il traite de concilia-
bule, de domicile de séditieux, de demeure de scélérats,
de maison de perfidie. Il dit que celle Assemblée était
composée d'apostats, de scélérats, de fornicaleurs, d'in-
cestueux, de déserteurs, de blasphémateurs et de tout ce
qu'il y a de g-ens infâmes, que cette canaille avait été cor-
rompue par cet anti-pape à idéaux deniers comptants.
Tout le reste de V fni>ecti\'e est sur le même ton.
La suivante est contre François Philelphe, savant et
poète renommé de ce temps-là, mort en 1481. Notre
auteur la composa pour venger son ami Niccolo d'une
satire que Philelphe, qui était naturellement fort médi-
sant, avait publiée contre lui. Il lui reproche que sa mère
gagnait sa vie à Rimini en nettoyant des boyaux: qu'il
avait été banni de sa ville; qu'il était non- conformiste ;
qu'ayant été pour cela chassé de Padoue, où il étudiait
sous Gasparin, il s'était retiré à Constantinople : qu'étant
là, il avait trouvé moyen de s'insinuer dans l'esprit du
fameux Chrysoloras. qui le reçut chez lui, qu'ensuite il
avait débauché sa fille et en avait joui ; que le père ayant
découvert cela, avait d'abord voulu le tuer, sur quoi il
s'était enfui ; que néanmoins la fille s'étant trouvée grosse,
le père, à foi-ce de sollicitations, avait enfin consenti au
mariage. Il lui reproche encore qu'il avait volé à son beau-
père des livres et beaucouj) d'autres choses, et que jxjur
faire consentir à ses infâmes désirs un jeune honune dont
il était amoureux, il l'avait placé dans son lit entre sa
femme et lui.
La seconde Invective de noire auteur contre Philelj)he
a été composée à l'occasion d'une nouvelle satire que ce
dernier avait publiée contre Niccolo. Pogge continue ici à
le traiter de scélérat ; il l'accuse d'avoir dérobé l'argent
d'un frère mineur à Bologne ; il lui reproche sa noire
ingratitude envers Niccolo, (|ui l'avait assisté dans sa
misère et lui avait rendu des services considérables; il
APPENDICES 409
ajouU' qu'il était en liorreurà tout ce qu'il y avait alors de
savants, à Charles Arélin, à Léonard Arétin, à Léonard
Jusliniani, à François Barbarus, à Guarin de Vérone, à
Nicolas Luscus, et qu'on l'avait banni do Florence.
Dans la troisième Invective, Poofge fait un détail de
toute sa vie aussi ample que s'il avait toujours été à ses
trousses ; le tout entremêlé de railleries, d'ironies, d'in-
jures, d'exclamations; en un mot, il emploie toutes les
figures de la rhétorique. Il faut avouer que si le quart de
tout ce que notre auteur reproc^lie à Philel|)he est véri-
table, c'était un grand scélérat.
La dernière Invective, qui n'en est pourtant pas une,
est intitulée ici : Invectiva ercnsntoria Possii et reconci-
lintoria quartn ciiin Francisco P/ii/c/p/io. C'est une espèce
de lettre de réconciliation à Philelphe; elle est écrite en
termes fort généreux, qui dans le fond ne signifient pas
grand chose, et en elTet il lui en avait trop dit pour pou-
voir se rétracter avec honneur.
Passons aux Invectives que notre auteur publia contre
Laurent Valla, célèbre grammairien de ce temps-là, mais
d'une humeur fort mordante, qui donna lieu à cette épi-
taphe :
« Uhc .' ul Valla silel .' sol tins fjui parcere non est,
Si ruaris luid ayat, nunc qnoqnc mordi'l htununi. »
« Eh! eh I Yalta ne dit mot, lui qui mordait fout le monde.
Demandez-vous ce qu'il fait? Il mord encore la poussière. »
Il ne se peut rien imaginer de plus fort que les quatre
invectives que l'on voit ici. Pogge traite Valla avec le
dernier mépris, il lui reproche une inlinilé de mauvaises
actions ; on y trouve à chaque page les épithètes de bestia,
latrator, furibundtis, insanus, convitiator, démens, Itœre-
ticus, monstrum, etc. Et de quoi s'agit-il donc? de quel-
ques mots, de quelques phrases que Valla avait comdam-
nées dans les Lettres de Pogge, comme peu latines. Hinc
410 APPENDICES
illie lacrim.v, voilà tout le sujet de la querelle. Valla avait
reproché à notre auteur les soulllets qu'il avait reçus de
George de Trébijonde. Pogge passe fort légèrement sur
cet article. Il répond simplement que, non seulement il
y avait eu des soulllets donnés, mais encore des coups de
pied et des coups de bâton, qu'il y avait eu aussi des
épées tirées : ÎVon eniin colapins tantuin, sed calcibus,
fustibus, ferra res acla est. Il se sert ensuite de récrimi-
nation; il dit que Valla, étant à la cour du roi de Naples,
eut querelle avec un certain chevalier Alphonse, qui le
jeta par terre et l'assomma à coups de pied et à coups de
poings. Un peu auparavant, il avait rapporté l'action va-
leureuse de Valla qui, ayant reçu par hasard à Naples un
coup de pied d'un âne, s'en vengea en le tuant à coups de
bâton.
Je viens aux Oraisons Funèbres de notre auteur, La
première contient le Panégyrique du Cardinal de Flo-
rence. S'il faut prendre au pied de la lettre tout le bien
que Pogge en dit, ce Cardinal était un homme d'un rare
mérite. Il était né à Padoue, et il s'était attaché particu-
lièrement à l'étude du droit, qu'il avait ensuite enseigné
et avec réputation. Après cela, le Pape Jean XXII l'avait
nommé Evêque de Florence et ensuite Cardinal; peut-être
qu'il serait devenu Pape s'il avait vécu plus longtemps.
Il mourut à Constance le 16 septembre 1417, pendant que
le Concile s'y tenait, et ce lut là que notre auteur récita
cette Oraison funèbre.
La seconde est destinée à l'éloge du Cardinal de Sainte-
Croix. Voici, en peu de mots, les faits historicpics de la
vie de ce Cardinal, que j'ai extraits de cette Harangue.
Il naquit à Bologne, il étudia en dr<jit dans l'Université
de cette ville; ensuite, dégoûté des choses de la vie, il
embrassa l'Ordre des Chartreux, le plus austère de tous.
Quelque temps après, il fut élu supérieur de son monas-
tère et ensuite nommé à l'évèché de Bologne, dignité
qu'on l'obligea malgré lui d'accepter, et dans laquelle il
APPENDICES 411
se signala par une infinité de belles actions. Martin V
l'envoya en France et en Angleterre pour faire la paix
entre ces deux rois; il se fit aimer et estimer de ces deux
princes, mais sa négociation échoua. Martin V crut ne
pouvoir mieux rendre justice à son mérite, qu'en lui don-
nant le chapeau de Cardinal. Il fut envoyé à Venise pour
faire la paix entre le Duc de Milan et les Vénitiens joints
aux Florentins qui se faisaient la guerre vigoureusement.
Il accommoda leurs diiïérends. mais la paix fut de courte
durée. Gela l'obligea à y retourner pour tâcher de mettre
fin à cette guerre, et, enfin, au bout de six mois, il leur
fit conclure le traité de paix à Ferrare. 11 fut envoyé dere-
chef en France, où il resta doux ans entiers. Il eut ordre,
en s'en retournant, de passer à Bâle, d'où il vint à Flo-
rence trouver le pape Eugène IV, qui avait succédé à
Martin V, et qui s'était retiré dans cette ville. Ce pape le
renvoya pour la troisième fois en France, car on était
persuadé qu'il n'y avait que le Cardinal de Sainte-Croix
qui pût porter les esprits à la paix. Etant revenu de là à
Florence, il fut renvoyé encore à Bàle, d'où il vint à Bo-
logne auprès du Pape, qui le députa à Nuremberg vers
Albert, roi des Romains, pour prévenir le schisme que
causa ensuite le Concile de Bàle. Enfin, à son retour de
cette ambassade à Ferrare, il demeura le reste de ses
jours auprès du Pape, qui le fit Grand Pénitencier. Il
mourut de la pierre, âgé de soixante-huit ans.
La troisième Harangue de Pogge a été faite sur la mort
de son ami Niccolo Niccoli, bourgeois de Florence. Il était
né dans cette ville, où son père était marchand; mais il
ne fut pas d'humeur à suivre cette profession, car il prit
goût à l'étude. Il s'attacha à Louis Marsigli, moine Augus-
tin, et des plus savants de ce temps-là. .Sa passion pour
les livres n'avait point de bornes. 11 en avait rassemblé
un si grand nombre de tous les coins de l'Europe, qu'il
avait formé la plus belle bibliothèque de l'Italie; et ce
qu'il y a de plus louable, c'est qu'il en laissait l'usage à
412 APPENDICES
tout le monde. Chacun y pouvait lire et transcrire ce qu'il
jugeait à propos. Ce fut lui qui fit venir à Florence Em-
manuel Chrysoloras, l'homme de son temps qui enten-
dait le mieux le grec; Guarin, Jean Aurispa, François
Philelphe, tous fort habiles gens. En un mot, c'était le
Mecenas de son temps, et, outre cela, l'homme le plus sa-
vant, le plus aimable qu'on puisse concevoir. Il ordonna,
par son testament, qu'on ferait une Bibliothèciue publique
de ses manuscrits, qu'il avait rassemblés au nombre de
huit cents. Il mourut enfin, âgé de soixante-treize ans.
La quatrième Oraison contient le Panégyrique de Lau-
rent de Médicis, qui avait été fort des amis de Pogge. On
y fait son éloge en termes généraux : on n'y apprend,
d'ailleurs, rien de particulier sur sa vie.
La dernière Harangue est adressée au Pape Nicolas V.
Le but de ce discours tend à exhorter ce Pontife à la
bénéficence et à la libéralité, à joindre la miséricorde à la
justice, et à écouter avec docilité les remontrances qu'on
pourrait lui faire. Je ne sais quelle était la coutume de
ces temps-là. mais aujourd'hui pareille Harangue serait
très mal reçue ; ce ne serait pas moins qu'un crime
d'Etat.
Les lettres de Pogge sont au n(»mbre de quarante-deux.
Je parle de celles qui sont dans ce recueil, car M. Reca-
nati [l'ie latine de Pogge) dit qu'il y en a qui n'ont ja-
mais été imprimées, et il en cite plusieurs fragments.
Celles qu'on voit ici sont la plupart sans date et ne sont
pas rangées dans un ordre chronologique.
Pendant le séjour (|ue Pogge fit à Constance, il alla
faire un tour aux bains de Thuringe, et il en fait une des-
cription fort naïve dans une lettre qu'il écrivit à Niccolo.
La liberté avec laquelle on y vivait, paraissait quelque J
chose d'inconcevable à un homme qui avait toujours de-*
meure delà les monts. Les hommes et les femmes,
vieilles et jeunes, entraient indifféremment dans les mêmes .,
bains, où ils se divertissaient et badinaient ensemble; leal
!
APPENDICES 413
maris voyaient, sans la moindre peine, les étrangers
patiner leurs femmes : la jalousie est un terme qui leur
était inconnu. Cela plaisait fort à notre auteur : ne se
lavant que deux fois par jour, il passait le reste du temps
à aller voir les bains et à jeter aux femmes, selon la cou-
tume, des bouquets de fleurs et de l'argent. Cela excitait
une espèce de combat entre elles à qui l'attraperait ; et
ce qu'il y avait de divertissant pour l'ogge. c'est qu'en se
chamaillant ainsi, elles laissaient voir leurs beautés les
plus cachées. Cette lettre mérite d'être lue, aussi bien
que la suivante adressée à Léonard Arétin.
(A^lle-ci contient la relation de ce qui s'était passé au
supplice de Jérôme de Prague. On ne saurait lire, sans
L'tro attendri, la Harangue que cet Hérésiarque prononça
devant ses juges passionnés et prévenus : « Quelle injus-
« tice ! dit-il ; pendant trois cent quarante jours que vous
« m'avez tenu enchaîné dans un cachot obscur et infect.
« destitué de toutes choses, vous avez toujours écouté
« mes ennemis, et vous me refusez une seule heure d'au-
« dionce. Ils ont eu le temps qu'ils ont voulu pour vous
« faire croire que je suis un hérétique, un ennemi de la
a Foi, un persécuteur dos ecclésiastiques, et c'est pour
« cela, sans doute, que vous ne voulez pas mentendre ;
« parce que vous m'avez jugé avant que d'avoir pu con-
n naître quel je suis. Cependant vous êtes des hommes et
« non des Dieux, vous êtes mortels et vous ne vivrez pas
« toujours. Vous n'êtes pas non plus infaillibles; il peut
« vous arriver de vous tromper vous-mêmes et d'être sé-
« duits par les autres. On dit que toute la lumière et la
« prudence est rassemblée ici ; il y va donc de votre gloire
f et de votre intérêt de ne rien faire légèrement, et sans
a une mûre délibération, de peur de commettre quelque
« injustice. Pour moi, je ne suis qu'un homme de peu
n d'importance, et quoiqu'il s'agisse ici de ma yie, je suis
« mortel, et c'est beaucoup moins pour mon propre inté-
« rêt i\ue je parle, qu'alin d'cmpêche-r que tant de per-
4l4 APPENDICES
« sonnes sages ne se portent à quel(iue résolution qui les
fi déshonore et qui soit de mauvais exemple. « Ce beau
discours ne servit de rien; et, pour trancher court, Jé-
rôme de Prague fut condamné à être brûlé vif, peine qu'il
endura avec toute la constance et la fermeté possible. Le
bourreau voulant mettre le feu par derrière, afin que
Jérôme ne le vit pas : « Mettez, dit-il, le feu par devant,
« car, si je l'avais craint, j'aurais bien pu l'éviter. »
« C'est ainsi, conclut Pogge, qu'a fini un homme excel-
lent au delà de toute créance. J'ai été témoin oculaire de
cette tragédie et j'en ai vu tous les actes. Je ne sais si
c'est obstination ou incrédulité qui le faisait agir; mais
vous eussiez cru voir la mort de quelqu'un des Philo-
sophes de l'antiquité. Mutins Scevola mit sa main dans le
feu et Socrate prit le poison avec moins de courage et
d'intrépidité, que Jérôme de Prague ne souiïrit le sup-
plice du feu. »
Une bonne partie des lettres qui suivent, ne sont pas
extraordinairement intéressantes; on y apprend pourtant
quelques particularités touchant Pogge. Quelques-unes
de ces lettres sont écrites à Guarin de Vérone, et à Léo-
nard Arélin; d'autres à Eneas Silvius, qui fut ensuite
Pape sous le nom de Pie II, à Charles Arétin, à Antoine
le Panormitan, à Cosme de Médicis, à Scipion de Ferrarc
à Jusliniani, à Franciscus Barbarus et à beaucoup
d'autres. On y voit aussi une lettre de Philippe-Marie,
duc de Milan, avec réponse de Pogge. La dernière lettre
est une longue dissertation apologétique contre Guarin de
Vérone, avec lequel il s'était brouillé pour avoir préféré
Scipion à César, dans le parallèle qu'il avait pid)lié de ces
deux grands hommes. Ils se réconcilièrent dans la suite.
Les lettres de notre auteur sont suivies d'un Traité de
sa façon, sur le /naUicar des Princes. Il est écrit en forme
de dialogue entre Charles Ai'étin, Niccolo, Cosme de
Médicis et Pogge. Ils y raisonnent fort librement sur les
bonnes et les mauvaises qualités des Princes.
APPENDICRS 415
Les Facctitr, ou Recueil des bons mots et des bons
contes, servent de clôture à ce volume, (^e seul ouvrage a
jilus contribué à faire connaître Pogge, que tout ce qu'il
a écrit d'ailleurs. Il fut le premier qui publia quelque
chose dans ce goilt-là, et il a été suivi d'une infinité
d'autres, qui. souvent, ont pillé ses contes, sans lui en
faire seulement honneur. C'est ainsi qu'on trouve dans
Rabelais, dans les Cent Nouvelles Nouvelles; dans
l'Arioste, dans les Ducento Novelle de Celio Malespini (1),
dans La Fontaine et dans divers autres, le conte de
l'Anneau de Hans Carvel, dont l'invention est due à
Pogge. Il nous apprend lui-même, dans la seconde /nfcc-
tc\'e contre Valla. que ses Facetiœ étaient répandues par
toute l'Italie, la France, l'Espagne, l'Allemagne, l'Angle-
terre et qu'elles étaient lues de tous ceux qui entendaient
le Latin et approuvées de tous les gens de Lettres :
« Sed qiiid iiif.rium, dit-il, Facetias ineas, ex quibusliher
constat, non plncere lioniini inhuinano, vasto, stupido,
agresti, démenti, harbaro, rusticano '.' Al ah reliquis ali~
quanto quant tu doctorilms prohantur, leguntur, et in ore
et nianihus liahcntur, ut, velis nolis, rumpantur licet tihi
Cadra ilia, diffusœ sint per univcrsani Italiani, et ad
Gallos usquc, Ilispanos, Gernianos, Britannos, cœte-
rasque nationes transniigrarint qui sciant loqui Latine. »
Un ouvrage aussi libre que ces Facetiœ, ne pouvait
manquer de censeurs. Gesner (Biblioth.) est un de ceux
qui se sont le plus déchaînés contre cet ouvrage; il l'ap-
pelle « opus turpissimuin et aquis incendioquc dignissi-
inuin ». L'abbé Trilhème ne l'a pas moins décrié dans son
Traité de Scrij)torihus Fcclesiasticis. Il en parle en ces
termes : « Spurcitiaruni opus, quod Facetias privnotavit,
ah illustruiin Virorum catalogo mérita censuimus repel-
lenduni, quaniani ejus lectia devatos aff'endit, ineautis
1. Mena^'iana, tome I, p. ,3G0.
416 APPENDICES
nocet. carnnics in/icit. » Erasme faisait allusion à cet
ouvrage lorsqu'il a dit : « Po^^ius, rahtila adeo indoctus,
ut etituusi i'cicaret ohscenitate, tainen indigniis cssei qui
legeretiir; adeo nuteiii ohsccnus, ut ctianisi doctissimus
fuisset, tnmen ossel a bonis viris rcjiciendus. » Remarquons
ici. par occasion, qu'Erasme s'est contredit sur le cha-
pitre de Pogge; car après en avoir parlé comme d'un
ignoi-ant, il en parle ailleurs tout autrement. Dans une
lettre à Cornélius Goudanus, il le traite de « c/r nec ine-
legans nec indoctus », et dans une autre au même il dit :
« (Juid.Knca Sylvie, qtiid Augustino Dato, quid Guarino,
qiiid Poggio, quid Gasparino cloqucntius? » Le bon
ermite Jacques-Philippe de Bergame (supp. Chron. ad
ann. 1417) a jugé plus favorablement de ces contes, aux-
quels il donne l'épithète de « pulcherriinus liber. » Cela
n'a pas empêché que le Concile de Trente n'ait mis cet
ouvrage dans V Indice e.i-purgatoire. »
Au reste, ou a fait des éditions sans nombre de ces
contes, qu'on a souvent joints à ceux de Henri Bebel, de
Nicodème Frischlin. d'Alphonse, roi d'Aragon, etc. On
les a aussi traduits en diverses langues.
Voilà les ouvrages contenus dans le volume in-folio.
Mais il en a fait beaucoup d'autres qui n'y sont pas l'en-
fermés, et que je vais coter après M. Recanati. Il a fait
V Oraison funi'bre de son ami Léonard Arétin, mort à Flo-
rence en 1443. M. Baluze publia le premier cette pièce,
dans le troisième volume de ses Miscellanca. M. Bayle
semble ne l'avoir pas connue, puisqu'il n'en fait aucune
mention dans son Dictionnaire à l'article de Léonard
Arétin, elle aurait néanmoins pu lui servir à perfectionner
cet article.
r)iitre cela, Pugge a composé un Dialogue contre les
lli/pocrites, (juelques livres sur la situation des Indes et
sur le dei'oir des Princes, une Harangue contre les Médi-
sans, une Dissertation dans laquelle il examine si un
vieillard doit se marier. Joignez à cela un Traité des por-
APPENDICES 417
traits des honiinos illustres de la famille des Bondelmonte,
et quelques écrits contre le Concile de Bàle; mais ces
deux derniers ouvrages, qui n'ont jamais vu le jour, se
sont perdus.
Il a traduit du grec de Xéuoplion, la Vie de Ci/rus, et
cinq livres de Diodore de Sicile, par l'ordre du Pape Ni-
colas V, dont il était secrétaire, et il la lui dédia; dans
celte dédicaie, il dit avoir traduit à sa prière la Vie de
Cl/rus. du grec <le Xénophon.
Enfin, l'ouvrage le plus considérable que Pogge com-
posa est VHistoire de Florence, écrite en latin. Son fils,
Jacques, s'avisa, je ne sais pounjuoi, de garder l'original
par devers lui et d'en publier une traduction italienne de
sa facMin. Elle parut j)0ur lu première fois à Venise, en
1476, in-folio, ensuite on la réimprima dans la même forme
à Florence, en 1494, et enfin les Giunti en donnèrent une
édition plus correcte dans 'la même ville, en 1598, in-'i^).
Ce n'a été qu'en 1715, que V Histoire latine de Pogge a vu
le jour sous ce titre : Poggii Historin Florentimi nunr pri-
muin édita, notisqne et Auctoris i'ita illustrata ab Jo.
Baptista Recanato, Patritin Veneto. Acadeniico Florentine.
Venetiis, 1715, in-4". Je n'entrerai point dans le détail
de cette histoire; je me contente de dire que Pogge a écrit
en très beau style, dans huit livres, ce qui s'est passé à
Florence depuis i:J50 jus{|u"à l'année 1455. Les notes de
l'éditeur qui servent à éclaircir, quelquefois même à cor-
riger le texte, sont curieuses. Au reste, personne n'ignore
qu'on a accusé notre historien d'avoir trop favorisé ses
concitoyens contre la vérité de l'histoire, et qu'à cette oc-
casion Sannazar lui reprocha, par une ingénieuse épi-
gramme, qu'en louant sa patrie, et qu'en blâmant l'ennemi,
il s'était montré bon citoyen, mais mauvais historien,
a Dum Patriam laudat, damnât dum Pogguis Hostcm,
Xec malus est Civis, ncc bonus Historiens. »
Pogge a fait quelques vers. C'est Paul Jove qui me
l'apprend dans l'Eloge de Manuel Chrysoloras. Il dit que
418 AI'l'E.MlICES
ce savant étant mort à Constance, Pogge lui dressa cette
épitaphe :
Hic est EmmaiiHcl sitits,
Sennoiiis dcctis Atlici.
Qui, (ium (jud'i-cn' opem Patriu
Affecta' stude, hue Ut,
Res belle cecidil tuis
lotis, Ilalia : hic tibi
Linguœ rcstitnit decus
Alticir, ante rcco)idit<v.
Res belle cecidit luis.
Votis E)ii)na)niel : solo
Co7tseciiltis in Italo
.Etenium decus es tibi
Quale Griecia non dédit
Ik'llo perdiln Grœcia.
J'ai lu encore, dans une lettre de Cornélius Goudanus
à Erasme, une Epigramme contre Laurent Valla, (jue
Cornélius attribue à Pogge. On y dit que depuis que Valla
est allé aux Enfers, Plulon n'ose plus p;irler latin et que
Jupiter aurait donné à ce critique une place dans les
cieux, s'il n'eût craint sa langue. On ne saurait mieux
exprimer l'humeur mordante d'un Grammairien : « In
Laurcntium inxeJiilur Pog'^ius lali tetrasticlio :
Infcrnus postquam dcfuclus Yalta peliiit,
Non andet Pluto vo'ba lalina lotjui.
Jupiter hune superis diiptatus lio)iore fuissel ;
Crnsovem linfpitr sed timet ipse su(r.
Trithènie rapporte ces mêmes vers dans son traité De
Scrlptoribus Ecclesiasticis, mais il ne dit pas (jiie Pogge
en soit l'auteur.
II
APPENDICES AUX FACETIES ^'^
XII (page 24)
LA QUESTION RÉSOLUE
CONTE
Des chevaliers de l'Arbalète,
Dans un village, au fond d'un parc,
Devaient Ijientôt chômer la fête
Du bien heureux Patron de l'Arc.
Suivant la mode et l'étiquette,
Tout est prévu, tout est réKl-^ ;
On rendit la pompe complelte.
Le chapitre fut assemblé.
Or, il advint sur l'entre faite
Que par les vers tout morcelé,
Leur saint dans l'Eglise étalé,
Depuis les pieds jusqu'à la tète.
En tous les sens était criblés,
Et, comme on allait se résoudre,
Dans sa niche mal acculé.
En un instant comme la foudre,
(I) On trouvera ici un certain nombre d'imitations des Facétie» de
Pogge que le défaut de place ou leur longueur n'ont pas permis de
mettre en note.
420 APPENDICES
De son piédestal écroulé,
Le Saint tombe, réduit en poudre,
Soudain, i^ronipts à remédier
A l'accident qui les consterne
On voit accourir Magisler, Marguiller,
Mathurin et Colas dont la tète gouverne
Kt la paroisse et le moùlier,
Et vite ensemble ils vont prier
Le Phidias de la ville procliaine,
D'en faire un autre sous huitaine.
Messieurs comment le voulez- vous?
En vie, ou mort, leur dit le statuaire? —
En vie, ou mort, entendez-vous. Compère?
Dit Mathurin ; lequel choisirons-nous?
Bon ! fit Colas, c'est à la fantaisie
De Monsieur le Curé que nous consulterons.
Qu'on le fasse toujours en vie.
S'il le faut mort, nous le tuerons
Poésies de Goyetand. ITOI.
XXXVI (pa^e 52)
LE TESTAMENT CYNIQUE
CONTE
Certain Curé, (c'est je crois, près de Nanle)
Depuis longtems avait un chien barbet.
Qu'il chérissait plus que sa gouvernante
Et presque autant que sa nièce BaJjet.
Quel chien aussi ! C'était un chien pariait,
Adroit en tout; fallait-il en cadence
Faire des sauts, faire la révérence,
Toujours tout prêt, on n'avait qu à parler.
Et ce n'est [las pour embellir l'Histoire :
Mais ce que chiens ne fout que par mémoire,
Semblait en lui l'ell'et du jugement.
Si l'on sonnait pour un enterrement
En gros bourdon, fut-il loin, fut-il proche,
Vite Barbet au premier coup de cloche
Courait porter à Monsieur le Curé
Son Rituel et son bonnet carré.
APPENDICES 421
Hélas! ce chien si digne de remarque
Mourut un jour peut être empoisonné.
Tant de méi-ile aurait touché la Parque,
Si la cruelle eut jamais pardonné.
Le désespoir du l'réUv infortuné
Alla plus loin que je ne saurais dirj :
C'est dire peu, qu'il l'ut jusiju'au délire.
Huit jours après, lorsqu'il sut modérer
Cette douleur, assez pour en pleurer.
Je veux, dit-il lui donner sépulture ;
Puis-je soulTrir qu'il serve de pâture ;
A des corbeaux exposé dans nos champs?
Va tel destin est fait pour les méchants.
De quelques ais fabriquons une bierre,
Et mettons le dedans le Cimetière.
Dans ce saint lieu, j'ai mis plus d'un chrétien
Qui sûrement ne valait pas mon chien.
Aussitôt dit, le Pasteur se dépêche.
Fait une fosse en quatre coups de bêche ;
Et de son long y campe le Barbet,
En souhaitant pour lui en l'autre vie
Joyeuse place à cùté du Baudet
De Dalaam, et du Chien de Tobie.
Il n'avait pas fini cette o;uvre pie,
Que le renom en courut loin de là
A son Évoque ; et de sa part voilà
Un Chicaneau qui vous cite le Prêtre,
Avant trois jours qu'il eut à comparaître
Sans nul délai devant l'Oilicial.
Lui comparu, l'Evéque au tribunal
Le tança fort. Il scaiblait à l'entendre
Que violer, renier, s'aller pendre,
N'était que rien près d'un tel attentat.
Cela blessait Dieu, les Lois et l'État.
C'était bien pis qu'hérétique, anathéme,
De mettre un Chien sans àme, sans baptême,
Dans un lieu saint. Pour sa péroraison
L'Èvéque dit : qu'on le mène en prison. —
An ! Monseigneur, avant votre sentence,
Dit le Pasteur, écoutez ma défense ;
Après cela vous verrez si j'ai tort.
Je puis sans crainte attester mon village
Que l'eu mon Chien lut digne de ce sort.
Si dans la vie il s'est montré fort sage,
Il le fit voir encore plus à sa mort.
422
APPENDICES
Car de ses biens, en faisant le partage,
A Monseii,'neiir il laisse en héritage,
Et de sa part j'apporte cent écus. —
L'Évèqne prit et dit : n'en parlons plus :
Cette fin là me semble méritoire. —
Lecteur malin, gardez-vous bien de croire
Que le Pasteur, avec ce moyen ci,
Dans notre siècle eut jamais réussi.
Sidoine.
XLIII (page Gl)
LA JUSTE PLAINTE
La Mari(^e au saut du lit jasait
Sur l'instrument de la paix de ménage,
Et discourant du marié disait: —
De son fétu neuf pouces sont l'aunage.
Neuf sont en gros ; quelle honte, à son âge!
Car entre nous, il a vingt ans et plus,
Et notre ânon, qui n'a pas d'avantage
Que dix-huit mois, porte un bon tiers de plus.
XLVII (page G7)
COUPLETS
Atr de Jocotide.
Jeanne et Jean disputaient tous deux
De leur vigueur extrême
Jean dit : — Je suis plus vigoureux.
Jeanne dit : — C'est moi-même.
Leur procès fut trouvé fort beau;
On fit une assemblée.
Qui décida que le fourreau
Valait mieux que l'épée.
Le débat de Jeanne et de Jean
APPENDICES 423
Fut trouvé raisonnable.
Mjis on rendit un jugement
Tout à fait éiiuitable.
Qui le blâmerait de nos jours,
Ne serait qu'une bête,
Car Jean ne le peut pas toujours
Et Jeanne est toujours prête.
Les M unes en belle humeur, p. 9
LV (page 77)
L'ANE RETROUVÉ
CONTE
Lucas à pied menait à son village
Six ânes, qu'à la foire il venait d'acheter.
Quand il eut bien marché, fatigué du voyage,
Sur l'un des animaux, il crut devoir monter.
Mais, quelle fut sa surprise et sa peine
De voir devant ses yeux cinq baudets seulement,
Au lieu de la demi-douzaine,
Qu'en partant il avait sous son commandementi
Trois fois le compte il recommence;
Et toujours oubliant l'âne qu'il a sous lui.
Trois fois de son mortel ennui.
Il sent croître la violence.
En sanglotant, le rusé villageois
i.elourne sur ses pas ; il court de droite à gauche,
Pendant quatre heures il chevauche
Par monts, par vaux et jusqu'au fond des bois.
Après s'être vainement mis à la torture.
Il regagne enfin sa maison;
Et sans descendre du grison,
A sa femme il déduit sa piteuse aventure.
a Calme-toi, pauvre sot, lui dit-elle tout net;
Tu n'en comptes que cinq, et moi j'en trouve sept.»
Haruuin.
424 APPENDICES
LXVI (page 9-2)
COUPLET
Gri'goiro
Revenant de boire
Trouva sa femme avec Lucas
Sur un lit. Ils ne dormaient pas
Le bonhomme en sourit et, refermant la porte ;
0 Courage, dit-il, mes enfans.
Si vous allez toujours de même sorte,
Vos souliers dureront longtems. »
Recueil de pièces curieuses et )iouveUes,
tant eu prose qu'en vers, La Haye. 169'j
LXXXllI fpage IL^}
LARMES SUR LA iMORT DE PINDARE
Une très docte demoiselle,
Et le fameux rimeur Chapelle,
Après avoir bien disserté
Sur la sublime poésie
De la charmante antiquité»,
Vuidoient un pot de malvoisie
Pour éviter l'oisiveté.
Quand i)ar hasard, dit mon histoire ^
11 lui revint dans la mémoire
Que, grâce à certains charlatans, ^
Pinlaro était mort à trente ans;
Pindare, ce plein d'harmonie,
Pindare, ce brillant génie !
Pindare qui pouvait encor
Nous donner un volume d'or.
Et là-dessus le bon Chapelle
Et la savante demoiselle
Cédant à leur vive douleur.
Se mirent à verser des pleurs,
I
APPENDICES 425
Maudissant la Parquo barbare,
Qui ravit au monde Pindare.
Un laquais qui pour lors entra,
En les voyant pleuror, pleura,
Et nul n'ayant un cœur de roche,
Le deuil gagna de proche en proche.
Par un vieux cocher désœuvro,
IJientôt Pindare l'ut pleuré.
Et ne voulut la cuisinière,
Etre à pleurer la dernière.
Il n'est pas jusqu'au marmiton
Qui ne pleura et tout de bon,
Tant c'étoit un combat bizarre,
A qui viendrait pleurer Pindare !
Et moi qui vous compte ceci.
Peu s'en faut que j'en pleure aussi.
Ne pleurons pourtant pas si vite,
Et de 1 histoire oyez la suite...
Au bruit des douloureux accens,
Des hëlas plaintifs et touchans,
Qu'on entendait du voisinage,
Accourut un Suisse, homme sage,
Qui s'étant fait instruire en gros,
Au sujet de tant de sanglots,
S'enquit si ce monsieur Pindare,
De qui vient toute la gabarre,
Etoit ami de la maison,
Ou parent de quelque façon.
S il fut au moins de la paroi -se.
Pour causer ainsi tant d'angoisse.
S'il étoit mort en bon chrélien.
Ou comme plusieurs ea \a'.irien...
El réponse ayant été l'aile,
Que c'étoit un charmant poète,
Un peu mécréant etpiyen,
D'ailleurs assez hommj de bien,
Qui composa des chansonnettes,
Ou plulùt des odes parfaites,
Et dans la Grèce trépassa,
Près de trois mille ans en-deça...
Aussitôt comme en vrai délire,
Le Suisse de rire, de rire.
De rire à s'en tenir les flancs,
Et vit-on dans le même lems.
Rire de !a même mnniôre,
24.
426,
APPENDICES
Le cocher et la cuisinière,
Autant en fit le laqueton.
Et le très dolent marmiton,
Et convint à Monsieur Chapelle,
De rire, ainsi qu'à la donzelle,
Et moi qui vous conte ceci,
Trouvez bon que je rie aussi.
Àlmanach des Muses, Poooiana XIV, T. r. Part, IV, p. 17i.
LXXXVII (page llU)
L'ANE RETROUVÉ
CONTE
De charlatans on n'a jamais manqué.
C'est un gibier grâce au ciel des moins rares.
On me dira que les gens sont bizarres.
Et qu'un fripon est bientôt démasqué.
J'en suis d'accord, mais nous aimons à croire,
C'est du Français le défaut dominant.
Un homme annonce un secret surprenant,
Et merveilleux; il fabrique une histoire;
Il vient de l'iado, apportant, pour tous maux
Remèdes prompts ! Lors, Messieurs lei badauds
D'aller en foule acheter de sa drogue.
Vous avez mal aux dents ? prenez cela.
Vous, c'est aux pieds ! Votre argent... Bon, voilà,
Pour vous guérir, dira-t-il d'un air rogue,
Un bonnet tare, quatre grains d'oripeau
Font d'un ignorant, un Gallien nouveau.
Un de ces gens habitait un village,
Dieu sait combien il avait de chalaas !
De l'aller voir, tous élaient diligens.
On le disait savant à trijde étage.
En peu de temps le nom da personnage
P'ut divulgué C'est Monsieur un tel,
Dont il avait; moyennant certain sel,
Guéri la fièvre; enfin de cent manières
On l'exaltait; le sort du charlatan,
Son grand remède, c'était force clistères,
Il ruinait tous les apothicaires.
Quatre valets sans cesse à tout venant
Diatribuaieut des bouillons salutairos.
APPENDICES 487,
Or un beau jour avienl qu'un paysan
Perd son baudet. Voilà-t-il pas le rustre
D'imaginer que l'Escupale illustre
Experl en lout saura lui déterrer
Cet animal qu'il n'a pu recouvrer.
Il court à lui, va, vient, tourne, s'empresse.
Pousse, coudoyé, et veut fendre la presse.
Le médecin qui de loin l'aperçoit,
l^'imajfinant que c'étoit un malade,
Lui dépêcha sur i'iieure une Auspessade,
Seringue eu main, le paysan reçut.
Sans dire mot, l'interne régalade,
Puis il partit, ne doutant nullement
Qu'il n^ truuvât son âne promptement.
A mi-chemin, sentant que le clistère,
Pour s échapper fai.soil de grands eli'orls
Il saccroupit .sur la verte lougère.
Et brusquement mit son liote dehors.
Par un hasard, qu on peut nommer unique,
A quatre pas, derrière des buissons
Moasieur son âne épluchait ses chardons.
Le bruit que lit, rendant le spé.ilique
Notre manant, eli'raya l'animal,
Qui sur-le-champ entonna sa musique,
Son doux hihan. « Ah 1 quest-ce par Saint-Gai,
Quentend-je là ( C est mon âne, je pense !
Eh ouil c'est lui ; bon sang ne peut mentir.
La belle cure ! Il faut en convenir.
Ce médecin a bien de la science. »
Le Siufje de La Fontaine, p. GG, I partie, 1773.
L.\.\XI.\ (page 119)
CHOU POUR CHOU
Lise en un bail s'étant démis la hanche,
Macé le jeune aussitôt fut mandé,
Bon r'habillcur. Lise était drue et blanche,
Wacé dispoi, gaillard et bien vidé.
H vit l'endroit, l'objet meut la puissance.
D'où l'on jjeit bien juger en conséquence
428 AlM'ENDir.KS
Que travaillant sur un si beau sujet.
Pas ne manqua dV" tre ému pai' l'objet.
Or quand la hanche en état l'ut remise
Le Gar.s voulut prendre congé de Lise,
Que vous faut-il, lui dit-elle, Macé? —
Rien; chou pour chou, r^^pond le bon Apôtre.
Je vous ai. Lise, un membre redressé;
Vous avez su m "en redresser un autre.
B, LA MONNOV
CXII fpage li?)
KPIGRAMME
Lise en so:i lit luttait contre la Parque.
La faculté la laissait sans espoir.
L'époux voulut lui donner une marque,
Même en mourant, du conjut^al devoir.
Lise revint : surpris de la revoir,
Son médecin dit : — « Ah! que j'ai de rej^ret.
Reprit l'épuux, quand je perdis mon père,
De n'avoir pas employé le secret ! »
A)iOHijme, livuv siècle
CXXXIV (page 175)
EPIGRAMME
A UN MÉDECIN
Une ardeur dôî-ècne mes veines,
M'altère et me gâte le cor|)s;
.le serai du nombre des morts,
t^i je n'ai la fin de mes peines.
Mais au lieu de m'en afranchir
Vous ne tàch-^z qu'à rafraîcliir
Mon palais, ma langue et ma lèvre;
Tout cela ne me sert de rien :
Monsieur, guérissez moi la fièvre;
Pour la soif, je l'oterai bien.
N. DE ; A GinAUDiÈRB
I
Al'l'EMJK.ÏS 429
MEME SUJET
Un bon vieux biberon ayant un jour traiter
A trois grands médecins, du vrai moyen d'ôter
La fi('vre d'une soif qui le rendait tout blême
Messieurs, le leur dit-il, prenez tant seulement
Le souci de m'ôter la fièsre protnptement.
Car je me saurai bien ôter la soif moi-même.
CXCI (page 241)
LES BONNETS
CONTE
Aux pieds d'un confesseur un ribaud pénitent
Développait sa conscience.
Pt're, lui disait-il, je viens bien repentant
Vous faire l'bumble confidence,
Oue la chair fut toujours mon péché dominant
Tant pis, dit le Pater, mais enfin, mon enfant,
Le tems, grâce à la providence,
Met fin à la concupiscence.
Voyons à quel excès vous vous êtes porté.
Par le dérèglement trop longtemps emporté.
X'êtes-vous pas contrit? — Si je le suis mon Père?
Ah! je ne puis assez gémir de ma misère!
Allons, tels sentiments montrent un vrai retour.
Parlez-doni:, dites-moi vos fautes sans détour.
Et n'oubliez surtout aucune circonstance.
La façon de pécher décide de l'offense.
Continuez — hélas I mon Père, une Beauté
Que le hazard m'offrit, et dont je fus tenté
Me fit perdre en un jour toute mon innocence
Je l'aimai, je la vis avec toute licence.
Et l'amour dans ses bras, au fond d'un cabinet...
Je vous entends... son nom ?... — On l'appelle Botmet-
liouitcl^ je la Connais; comment donc? adultère?
430 APPENDICES
Ah! mon ûls redoutez la céleste colère!
Mais, voyons... Que devint ce commerce odieux? —
Mon père il fut suivi d'un plus délicieux.
Une tendre lionnct, tendre, vive, gentille... —
Oh! oh! voici bien pis. Quoi! la mère et la fille! —
Cette joune Beauté, source de mes plaisirs
Devint bientôt pour moi l'idole de mes désirs...
Ah ! quel désordre alTreux!... l'inceste!... l'adultère
— Mon Père suspendez votre juste colère.
Je ne viens point ici pour prôner mes vertus,
Et tout ce que j'ai dit n'est encore que bibus. •
Appro ;cz que Bonnet, chef de cette famille,
Succéda dans mon lit, à sa femme, à sa fille, —
Et que son fils enfin y prit place à son tour
Que j'eus pour ce dernier le plus ardent amour —
Méchant! n'achève pas, dit le Prêtre en furie,
Je ne veux plus entendre une telle infamie,
Et puisque tout liointet doit être ta catin,
Tiens, Bourreau, prend le mien, et remplis ton destin.
La Chaussée
CXCVII (page 24';
LE MAUVAIS BAILLEUR
Gallot de Narmi, bossu par le devant
Et d'une bizarre ligure
Dans la ville de Sienne, entra sur sa monture.
Un cilatlin mauvais plaisant,
Lui dit ])our le railler : les autres d'nrdinaire
Portent leur jiMijuct par derrière,
Pourquoi ijortez-vous le votre devant vous.
C'est, répondit Uallot, qu'en pays de filoux
On agit de cette manière.
APPENDICES 431
CCI I ;itre 250)
LA BAGATELLE
Auprès d'un vieil Epoux, au lever de l'aurore
La jeune iris aperçut un moineau
Caresser sa moitié sur le bord d'un ruisseau,
Et pour recommencer encore,
Voler au sommet d'un berceau.
Pour voir le tendre amour de ce couple fidèle,
Puis en soupirant éveille son époux :
Mais au lieu d'écouter les désirs de la Belle,
Laissez là vos moineaux, lui dit-il en courroux,
Aimerez-vous toujours la BaçialellcY
Grecocrt, t. 2, p. 192.
CCIX (page 259)
LA PAIX DU MÉNAGE
Une veuve de cinquante ans,
Disait un jour à sa commère :
« Je peux me donner du bon tems,
J'ai chez moi bon vin, bonne chaire,
Pourtant si je savais par vous,
Un homme qui fit mon affaire,
Je le prendrais pour mon époux.
Qu'il soit complaisant, qu'il soit doux,
Peu m'importe qu'il soit fidèle,
Car, si j'en prends un, entre nous,
Ce n'est pas pour la bagatelle ».
— « Ah! reprit l'autre, quel bonheur!
J'ai votre affaire, un homme aimable,
Doux, charmant, bien fait, sociable;
Mais on l'a privé de l'honneur
De pouvoir créer son semblable,
Et pour femme de votre humeur.
Ce n'est rien. — Rien, répliqua-t-e'.ie,
Entre nous, si par malheur,
Il survenait une querelle;
Qui serait le médiateur?
Skdainb.
432 APPENDICES
II. MEME SUJET
A Paquelte, disait Mendoce,
« Avec vous riionime a seulement
Deux bons jours, celui de la noce,
Et celui de l'enterrement.
— Quel vieux conste! reprit Paquette
Content est mon mari, toujours.
Voulez-vous savoir la recelte,
C'est qu'il fait noce tous les jours ».
X.
III. ÉPIGRAMME
Pour amortir sa trop vive chaleur,
Certain Génois ne trouvant que sa chatte,
Lui fit ce dont la bète fut ingrate;
Car tout à coup, se mettant en fureur,
Elle rendit le sire en origène,
Pour un Génois, ce n'est petite peine,
Le notre donc, au désespoir réduit,
Prit un cordeau, l'accrocha, se pendit.
Sa femme accourt, aux pleurs lâchant la bonde,
Mais la servante examinant de près :
« Consolez-vous et Dieu lui fasse paix!
Il n'était plus propre à rien dans le monde ».
XX...
CCXl (page 2G2)
L'ENFANT SPIRITUEL
Jadis un amliassadcur
Étant chez un grand seigneur,
Y trouva, non sans surprise,
Un jeune enfant de six ans,
Plein d'esprit et de bon sens.
Comme un liomaie à barbe grise.
.\i'i'KM)ii.i:> .',:{.{
AprOs l'avoir admiré :
« Je crains bien, dit-ii au pèro,
Que ce front prématuré
En croissant, ne déjîénère;
Car on voit pour lordinaire
Que tous ces jolis enfans
Qu'on admire en leur jeunesse,
Lorsqu'ils sont devenus grand-i,
Paraissent lourds et pédans,
Sans esprit, ni gentillesse. »
Cet enfant qui l'écoutait.
Répondit d'un air fort sage :
« — Sans doute, Monsieur avait
Beaucoup desprit à mon âge ».
P'ARATON Poésies'.
CGXllI page 204 j
El VMOLO(ilE DE LASE-TE F....
Un jour de foire dans Chàlons.
Colas s'en allait à la ville
Monle sur le roi des ànons.
Animal soumis et docile
C'"'ntre l'usage des grisons.
N'étant qu'au milieu de sa rnnte.
Il fit rencontre de catin
Lasse, suant à grosse goutte,
Et faisant à pied le chemin.
La Belle, voyant son voisin
Qui s'en allait le vent en poupe.
Le coujura par S. Martin
De la laisser monter en croupe.
Un co^ur aussi dur qu'un rocher
Se fut attendri pour la Belle;
Elle était fraîche, encore pucelle.
Et sa main pouvait s'accrocher
Parfois au poucineau de la selle.
Mais ces menus dons des amans.
Que nous autres honnêtes gens,
.\vons baptisé pelitr «'ji'.
434 APrENDlCES
Sont nommés par certains manans,
Viande creuse et fausse monnoye.
De ces manans élail Colas;
Aus^i n'eu faisait-il grand cas.
Depuis lonteuis du la Donzelle
11 avait pris ville et faux bourgs.
Mais elle défendait toujours
Avec vigueur la citadelle.
Le gars en plus de vingt assauts
Fut repoussé sur la verdure,
Non sans force coups de fuseaux,
Sans mainte et mainte égratignuro;
Colas en avait le c(eur gros;
Aussi tout sec, piquant sa bête.
Néant, dit-il à la Requête,
Catin le flatte tendrement;
Le manant tousse fièrement.
Si l'une presse, l'autre chante,
Que faire en telle extrémité?
Catin n'avait point d'Atalante
Les pieds ni la légèreté ;
Puis c'était au cœur de l'été,
Peut être dans la canicule.
Colas gardait son quant à moi ;
Nécessité n'a point de loi.
Enfin la Belle capitule;
Arrêté fut qu'à chaque pet
Que ferait Messire Baudet,
Maître Colas et la bergère
Fei'aient un tous sur la fougère;
Le tout pour le soulagement
Et le repos de la monture,
Que toutefois grllfe, ni dent,
Façon aucune, aucun murmure
Ne seraient admis nullement,
Si non à pied, et promptement,
Le traité fait, la belle monte.
Le drôle aussitôt du talon
Frappe le flanc de son grison.
Maître baudet pète et san.s honte,
11 savait par cœur la leçon.
A cette e,sj)èce d'exercice
L'avait jadis dressé Colas,
Pour certaine Dame Thomas.
Martin ayant fait son office,
APl'KNDK.F.S 4?5
Colas descend, point de quartier,
Elle eut beau cent fois le prier,
11 l'emporte, il suc, il travaille,
Et d'une sanglante bataille
Revint tout couvert de laurier.
Tous deux remont^^nt, la fillette
Rajuste et mouchoir et cornette.
Bientôt après le villageois
Tournant vers elle le minois
Fut surpris de la voir plus belle.
C'était l'etfet d'un incarnat
Qu'elle avait acquis au combat.
Tout aussitôt ardeur nouvelle,
Coups dans les flancs et nouveau son;
Pour descendre moins de l'açon,
A la troisième pétarade
Catin vous fait une i;ambadé,
Tire Colas par ses babils,
Lui montrant un prochain taillis.
Ce bois lui donna l'estrapade.
Il en revint pâle et défait,
Et jurant conti'e le Baudet.
11 n'était au bout: la fillette
Avait découvert son secret. .
Elle talonne, l'ànon pèle
Lors dit Catin, n'entends tu pas? —
Quoi? répond l'autre — L'ase... écoute :
Si l'ase pète, dit Colas,
Palsangué que l'ase te foute.
PlHON
CCXXlll (page 274)
LA REPONSK IMPREVUE
Certain époux, peu fait au mariage,
Tançait un jour sa dolente moitié.
Et se plaignait que, Mcsser cocuago
Dans sa maison mettait souvent le pié.
La belle Alix pleurait, c'était pitic!...
Sur quoi lui dit Messer Bon : (,a mignonne.
436 APJ'ENblCES
Ne pleure plus, cette lois te pardonne,
Faisons la paix : Bien veux tout oublier...
Je me repens, s'écria la pauvretle,
Je nio repens... de quoi? poursuit l'f^poux?
D'avoir laissé la main gauche imparlaile
A cet enfant que Jean a fait pour vous.
CCXXXVll (page 292)
EPIGRAMME
Un médecin déjà sur l'âge
Commande un jour à son valet
Que sans relarder davantage
Il allât brider son mulet.
Le garçon se montrant habile,
Court à retable de ce pas
Et voulut prendre à la cheville
La bride qu'il n'y trouva pas
Il n'y eut coin, ni détour, ni place
Qu'il ne tâtonnât de sa main,
Faisant une horrible grimace
De voir son labeur être vain
Il monte à la chambre de son maître
Etourdi comme un hanneton,
Qui vis-à-vis d'une fenêtre
De sa femme tatait le c
Regardant comme à l'ébayc
Sa landie et ses landrions,
Il lui disait : hélas! m'amie.
Voici bien des brimborions.
Ce garçon entrant de furie
Lui dit, ayant oui cela,
Regardez, Monsieur, je vous prie
Si votre bride n'est point là.
1
I
APPENDICES 437
LE CHASSEUR
C0NT1-:
Un chasseur à l'art'ut sous un épais ormeau
Attendait sa proye on silence;
Lorsque donnant le bras à la belle Isabeau,
Lisis jiarait, et sous l'arbr.? s avance.
La solitude et la chaleur du jour.
Et mieux encor les conseils de l'amour.
Tout à s'arrêter les imite.
Sur la mousse nouvelle ils se laissent tomber.
Ah I qu'il est doux de succomber
Au désir que l'amour excite !
Alors ces fortunés amans
I.L'-norant les grands mots, qu'invoqua l'imposture,
Le peignent en l'envi leurs tendres sentimens,
Comme le prescrit la nature,
Plus d'une fois, dit-on, le chasseur curieux
Vit leur bonheur avec envie.
Et c'est là le sort de la vie :
Au gré de tout le monde est-on jamais heureux.
Cependant la jeune bergère
Se sentant agiter d'un scrupule tardif.
Disait d'un ton tendre et naïf. —
Qui nourrirait l'enfant, si je devenais mère? —
Va, dit Lisis avec chaleur ;
Va, celui qui voit tout en fera son afifaire.
Eh! non parbleu! s'écria le chasseur
J'ai bien assez de ceux dont je suis le père.
L. Marc
CGL (page 308)
LE CHARLATAN ET L'ANE
FAB'.E
A Vienne, un Charlatan, Médecin Empyrique,
Promit à 1 Empereur, pour quinze mille francs,
(Ju'il se lit avancer en beaux deniers comptans,
De faire parler grec une jeune bouriiiue.
Et s'il n'eu vient à bout au plus tard dans dix ans
438 APPENDir.RS
Consent d'êlre pendu dans la place publique.
Ses amis l'ayant trouvé
Au sortir de celte allaire,
Promirent tous un Salve
A sa fin palilmiaire
Eh! Messieurs I leur dit-il, n'ayez aucun effroi
Avant qu'on soit au bout d'un si long intervalle
L'âne, l'Empereur ou moi
11 faut que quelqu'un détale.
BOURSAULT
11. LE RHETEUR ET LE ROI.
FABLE
Ça, disait un Rhéteur,
Que l'on m'amène un âne,
Et j'en fait un Docteur,
Docteur portant soutane,
Expert,
Savant et disert
Le Prince avait chez lui,
Un Roussin d'Arcadie,
Et dit : dès aujourd'hui,
Je veux qu'il étudie,
Venez,
Et l'entreprenez.
Combien faut-il de tems,
Pour mettre à fin l'ouvrage?
Il ne faut que dix ans.
Répond le personnage,
Plus lin
Que le souverain.
Mais pour bien commencer
Pour.su it notre habile homme,
Il faudra m'avancer,
Considérable somme.
Le roi
Avait biun de quoi.
On fait donner l'argent,
Mais avec clause expresse,
Qu'on pende le Régent,
APPENDICES 4:^9
S'il manque à sa promesse
Soit t'ait
Dit maître Caquet.
Chacun le crut perdu,
Mais il ne fit qu'en rire.
Pour n'être pas pendu,
Sut-il alors bien dire,
Dix ans
Sont mes sûrs garans.
Pour éluder la Loi.
Le terme est salutaire.
L'âne, le Sire ou moi
Mourons avant l'afl'aire.
Ce mot
N'était pas d'un sot
Ainsi le Courtisan
Et quelque fois le Prince,
Sont par le Charlatan
Comme gens de Province,
Menés,
Et pris par le nez.
CCLXI (page 318)
LA PLUME DE L'AMOUR
Une temme avec son Amant
Se donnait licence parfaite,
Elle tenait d'une main satisfaite
Ce sceptre ; le premier vraiment,
Beau sceptre ; qu'à prix d'or, ni de sang on n'achète.
Pour un jiareil joyau, je le dis franchement,
Si l'on pouvait en faire emplette,
Je combattrais comme un athlète
Ou donnerais tout mon vaillant;
Mais reprenons notre aventure.
Certain Damon survenu là,
Par le trou peu discret d'une large serrure,
Tranquille spectateur regardait tout cela.
Le sceptre bas, notre amant se retire.
Verrous d'être ôtés doucement ;
'î'iO APPENDICES
Damon d entrer, la Dame de lui dira:
Paivlon. si vous avez aUendu (luehjue instant ;
.récrivais — Oh! l'éparl avec nn prompt sourire
Damon, que vous devez bénir votre tlestin!
C'est l'amour qui vous fait écrire,
Vous aviez la plume à la main.
D'Aknaud
CCLXVIII (page 3-25j
LE MORT PARLANT
CONTE
Jadis à Rome était un bon garçon.
Homme simplicc, animal si crédule,
Qu'on le voyait donner, sans nul soupçon,
Dans un panneau, tant fut-il ridicule.
Pour s'amuser certains drôles un jour
Firent complot de lui jouer un tour
D'espèce neuve, et trop cruel sans doute.
L'un de ces gars, aposto sur la route,
Vint l'aborder, d'un air stupéfait:
a Eh! mon ami, comme te voilà fait!
« S'écria-t-il, par quelle maladie
« Ta face est-elle à ce point enlaidie. »
« Malade, Moi! parbleu je n'en sais rien :
« Vous plai>:antez ; je me porte fort bien. »
Un autre arrive, et redoublant la dose
Lui fait, du moins, croire à demi la chose.
Mais un troisième enfin complètement
Le persuade. « Etcs-vous homme sage,
« De vous montrer avec un tel visage,
« Hors du logis, lui dit-il gravement?
« Ah! si j'étais en même circonstance,
« Des médecins attendant l'assistance
« Entre mes draps, je me tiendrais bien coi!
« Oui, dit Simplicc... Ah ! Messieurs je vous croi ;
« Vous m éclairez sur le mal (jui m'opresse :
([ Je suis au vrai d'une extrême faiblesse ,
« Veuillez m'aidera retourner chez moi!
Très volontiers on lui rend cetoflice;
On déshabille, on couche le jocrisse
Un faux docteur vient en robe, en rabat.
Se présenter auprès de son grabat
APPENDICES /i41
Tâtc son pouls, en secouant l'oreille ;
Dit quejamais fièvre ne lut pareille,
Que le malade, à ce qu'il peut en juger,
N'échappera d'un si pressant danger.
Les assistans conûrincnt ce présa^je :
A les ouïr, le mal croit par degrés;
Déjà ses yeux sont couverts d'un nuage ;
Déjà ses traits sont tous défigurés.
Remarquez-vous celte horrible grimace?
Ses pieds sont froids, sa langue s'embarrasse,
11 n'en peut plus. .\h ? le voilà passé.
Requiescat à jamais in pace.
Déclaré mort, il ne dit le contraire :
Seul contre tous prétendre avoir raison,
Même en tel cas lui semblait téméraire
A son destin on vit ce franc oison
Se résigner: on le vit sans murmure,
Prendre d'un mort et l'air et la posture,
Et se garder si bien d'ouvrir les yeux.
Qu'un vrai défunt ne s'en fut tiré mieux.
Incontinent, dans le creux d'une bière,
On étendit le corps du pauvre humain ;
Et tôt après on se mit en chemin,
Pour le conduire au prochain cimetière.
Mais observez que dans Rome, pour lors,
C'était déjà, comme aujourd'hui, l'usage
Qu'à découvert on transportât les morts,
Et qu'en entier se montrât leur visage.
Quelqu'un voyant le convoi s'approcher,
S'enquierl tout haut quel homme on va nicher
Si lestement dans sa maison dernière.
C'est, lui dit-on, Simplice. Ah I reprend-il.
Il est donc vrai que cet esprit subtil
Est pour toujours privé de la lumière!
Dieu soit loué de délivrer ces lieux
Du plu? grand sot qu'on ait vu sous les Cieux!
A ce propos choquant et malhonnête,
Le trépassé lève soudain la tête.
« 0 linsolant, qui vient me quereller
n Après ma mort, dit-il, tout en furie!
« 'Va, si Simplice était encore en vie
« Tu trouverais, coquin, à qui parler!
H.\RDUIN
Almanach des Muses, 1778
442 APPENDICES
CCLXXII (page 33(1)
I. EPIGRAMME
Un bon marchand prit pour femme une veuve,
Veuve gentille et de bon appétit.
Or désirant le soir lui donner preuve
De son amour, il fut tout étourdi.
0 ciel! dit-il, ô quelle chose étrange !
Mais... ou dirait une porte de grange. —
La veuve alors lui répondit : Mon Dieu!
Pour plaire à tous laut être bien habile :
Feu mon mari quand il hantait ce lieu,
Trouvait toujours la route difficile.
II. EPIGRAMME
Le bon Robin, qui se mit en ménage.
L'avait petit, las! que c'était pitié,
Et par malheur celui de sa moitié
Avait souffert de maint pèlerinage.
Robin bâillant le signe d'amitié
Du premier coup trop aisément engaine.
S'en plaint: Catin dit: qu'à cela ne tienne,
Va, mon ami, j'en louerai la moitié.
in. COUPLET
AIR DE JOCONDE
Le groi Guillot d'amour épris
Epousa Guillemette.
De la ville de Saint-Denys
Où l.'i noce fut faite.
En lui mettant, il fit un cri,
Disant, quelle ouverture! —
Apprens, lui dit-cllo, qu'ici
L'on a grande mesure.
Les muses en belle humeur p. 10. 1742.
I
AI'l'E.NDICES 443
IV. LA MESURE DE St-DENYS.
CONTE
La jeune Ervaise, adroite et bonne lame
Dans ses filets prit un certain Dcrans,
Un franc nigaud, qui la voulut pour femme,
Voire, en dépit d'amis et de parens.
Pour éluder la défense formelle
Faite au Curé, d'unir la péronnelle
Au jeune Gars, ils vont à St-Denys,
Lieu, dans ce tems hors de la compétence
De l'évêchë. Les voilà donc bénis!
Les voilà donc près de la jouissance.
Le soir arrive, au réduit amoureux
Notre galant, que le plaisir appelle,
Comme pensez, point ne fut paresseux,
A s'assurer si sa femme est pucelle.
Mais ne trouvant nulle diiïiculté,
Ah! ah! dit-il, c'est donc la vérité!
Mais elle, fine et faisant l'ignorante,
Qu'avez-vous donc, et qui vous mécontente?
Parbleu, dit-il, cette facilité
Vous m'entendez, j'aurais ducroire... Bas,
N'est-ce que ça? bon, bon, je me rassure
Eh mon ami ne savez vous donc pas,
Qu'à St-Denys, plus grande est la mesure?
V. HUICTAIN
De la réponse de Margot Noiron, à im Gentilhomme qui avait
couché avec elle.
Quelque Mignon en prenant congé d'une
Qui lui avait la nuict preste son cas,
Mille merci, dit-il, ma gente Brune,
Logé m'avez au large logé hault et bas
Elle feignit n'entendre tels ébats
Jusques à tant qu'il eusl garni la main.
Pardonnez-moi, car je ne pensais pas
Dit-elle alors, qu'eussiez si petit train.
hkk AI'l'hM>ir.K.s
VI. EPIGRAMME
Je sais, mon cher à quoi l'honneur m'engafre,
Dit une jeune veuve à son nouvel époux.
Deux jours après le mariage:
Je dois vous mettre à l'aise: ainsi rassurez-vous.
Je suis déjà trop convaincu, Madame
Répond Damis d'un air moins passionné que froid,
Qu'en m'engageanl à vous prendre pour femme,
Ce n'était point pour me mettre à l'étroit.
VII. LA PORTE COCHERE
KPIGRAMME
Je comptais sur toute autre chose
Disait Uave en exploitant Rose,
Sans accrocher, un fiacre entrerais la dedans.
Vous vous plaignez. Monsieur, dit Rose en femme sage.
De ce que j'ai pour vous, ouvert les deux batlans.
C'est que je vous croyais un plus gros équipage.
Le joujou des Demoiselles
VIII. COUPLET
AIR : La bonne aventure, ô gué:
Un jour certain Avocat
De maigic encolure,
Qui se disait délicat
Sur la créature,
Fut avec certain tendron.
Dont je ne dis pas le nom
En bonne aventure
Oguél
En bonne aventure.
APPENDir.ES /
Coiiime la Belle n'avait
Rien en miniature,
Et que la clef se perdait
Dedans la serrure,
Il s'écria tout confus : —
0 ciel? a-t-on jamais vu
Si grande ouverture.
L'avocat peu satisfait
De cette aventure.
Dit, qui peut vous avoir l'ait,
Pareille fêlure?
Que je sois décapité
Si je n'entrais tout botté
Dans cette ouverture, etc.
Oh 1 vraiment, lui répondit
La fine Commère,
Si vous l'avez trop petit,
Je ne puis qu'y faire.
Vous croyant un plus grand train
Y' avois ouvert à dessein
Ma porto cochère.
0 gué I etc.
Les Muses en belle humeur N° '27. 174<'.
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION
LE POGGE, SA VIE, SON OEUVRE ET SES TRADUCTEURS
I. — Vie de Poggio Bracciolini v
II. — Le livre des Facéties xliv
JII. — Guillaume Tardif et les traducteurs français de
Poggio LUI
Dédicace au roi Charles VIII et prologue de la traduc-
tion des Facéties par Guillaume Tardif lxv
LES FACÉTIES DE POGGE FLORENTIN
Avis aux gens prudes de ne pas censurer le ton léger
des Facéties 1
I. — D'un pauvre matelot de Gaëte 5
II. — D'un médecin qui guérissait les fous 7
III. — D'un gascon qui se levait fort tard 10
IV. — D'un juif devenu chrétien par persuasion 12
V. — D'un imbécile qui croyait que sa femme avait deux
pertuis 14
VI. — D'une veuve, qui, par luxure, se livra à un
pauvre 15
VII. — D'un évêque à cheval 17
VIII. — Un mot de Zuccharo 18
IX. — D'un podestat 19
X. — D'une femme qui trompa son mari 20
XI. — D'un prêtre qui ignorait la date de la fête des
Rameaux 23
XII. — Des paysans chargés d'acheter un crucifix .... 24
Appendice 419
XIH. — Réponse faite au duc de Milan par son cuisinier. 26
XIV. — Autre bon mot du même cuisinier au même
prince 27
XV. — Requête du même cuisinier au même prince . 28
XVI. — Le vicomte lannoto 29
448 TABLE DES MATIÈRES
XVII. — Le tailleur de ViscouU (Pour faire pendant à
l'histoire précédente) 31
XVIII. — Plainte faite à Facino Cane au sujet d'un vol. 33
XIX. — Exiiortation d'un cardinal aux soldats du Pape. 34
XX. — Réponse h un Patriarche 36
XXI. — Sur le pape Urbain VI 37
XXII. — D'une prêtre qui, au lieu de ses ornements por-
tait des chapons à son évoque 38
XXIII. — D'un ami qui supportait avec peine de se voir
préférer bien des gens moins probes et moins ins-
truits 40
XXIV. — D'une femme hystérique 41
XXV. — Sur les rives dû Pô 42
XXVI. — L'abbé de Seplimo 42
XXVII. — D'une fille devenue grosse de la ville de Cons-
tance 43
XXVIII. — Un mot de l'Empereur Sigismond 44
XXIX. — Un propos de Lorenzo, prêtre romain 45
XXX. — Conversation de Nicolas d'Agnani 46
XXXI. — Prodige 47
XXXII. — Autre prodige 48
XXXIII. — Autre monstre 48
XXXIV. — Encore un phénomène 49
XXXV. — Facétie très réussie sur le pape Boniface. . . 51
XXXVI. — D'un prêtre qui fit un enterrement à son chien. 52
Appendice 420
XXXVII. — D'un seigneur qui accusa injustement un
homme riche 53
XXXVIII. — Un sermon extrêmement court 55
XXXIX. — Drôle de conseil de Minaccio à un paysan . . 57
XL. — Autre bon mot de Minaccio 58
XLI. — Réponse d'un espiègle à un borgne qui allait
acheter du blé 59
XLII. — D'un homme qui demande pardon à sa femme
pendant qu'elle était malade 60
XLIII. — D'une femiiu' (jui trouvait son mari mesquine-
ment organisé 61
Appendice 422
XLIV. — Singulière inconséquence d'un prédicateur . . 64
XLV. — Comment on enseigne la luxure 65
XLVI. — Le confesseui' 66
XLVII. — Pi(iuante réponse d'une femme 67
Appendice 422
XLVMII. — Le moine mendiant, qui au moment de la
guorrc i>arlc de i)aix à Bcrnardo 68
TABLE I»ES MATIERES 449
XLIX. — Historiello de Fraiiijois Pliilelplie 70
L. — Histoire û'nn liisirion racontée par le cardinal do
Bordeanx 71
Ll. — Réponse do Ridolfo à Barnabo 73
LU. — Autre réponse plaisante de Ridolfo 74
LUI. — Comment Ridolfo fut représenté par les Iforon-
lins sous la figure d'un traître 75
LIV. — De la blessure faite à Ridolfo par un tireur à
l'arc 76
LV. — Anecdote sur Mancini 77
Appendice 423
LVL — De celui qui met sa charrue sur son épaule. . . 78
LVII. — Réponse ingénieuse du Danle, poète florentin . 79
LVIII. — Plaisante réponse du mêuie poète 81
LIX. — D'une femme qui s'obstinait à appeler son mari
pouilleux 82
LX. — De fliomme qui cherchait sa femme noyée dans
le fleuve 84
LXL — D'un roturier qui voulait se faire anoblir .... 86
LXIL — Le bel outil de Guillaume 88
LXIII. — Réponse d'une femme de Pise 89
LXIV. — Don mot d'une matrone 90
LXV. — Un bon avis 90
LXVI. — Mot d'un Péru.-ien à sa femme 92
Appendice 424
LXVII. — Propos plaisant d'un jeune homme 94
LXVIII. — D'un fameux imbécile 95
LXIX. — D'un paysan qui portait une oie à vendre ... 95
LX.\. — De l'avare auquel on fit boire de l'urine 97
LXXI. — Confession incomplète d'un berger 98
LXXII. — Joueur emprisonné pour avoir joué 100
LXXIII. — Leçon donnée par un père à son fils qui s'en-
ivrait ICI
LXXIV. — D'un jeune homme de Pérouse 101
LXXV. — Le duc d'Anjou montre à Ridolfo son riche
bagage 102
LXXVI. — Du môme Ridolfo 104
LXXVII. — Excuse d'un habitant de Pérouse 104
LXXVIII. — Dispute de deux femmes pour une pièce de
toile 105
LXXIX. — Le coq et le renard 107
LXXX. — Propos ironique 109
LXXXI. — Entre un l'iorenlia et un Vénitien à propos
de la paix 110
LXXXIL — Comparaison faite par Antonio Lusco .... 111
450 TABLE DES MATIÈRES
LXXXIII. — Du chanteur qui déclara qu'il déclamerait
la "Mort d'Heclor" 112
Appendice 124
LXXXIV. — Delà femme qui fit celle qui était à moitié
morte 113
LXXXV. — Bonne plaisanterie d'un chevalier florentin . 114
LXXXVI. — Duchevalierquiavaitune femmetrop bavarde. 115
LXXXVII. — D'un charlatan qui soignait les ânes .... 116
Appendice 426
LXXXVIII. — Réponse de Pierre de Eghis 118
LXXXIX. — D'un rebouteux 119
Appendice 427
XC. — Plaisanterie sur un cavalier vénitien qui ne recon-
naissait pas son cheval 120
XCI. — Propos de Carlo de Bologne 122
XCII. — Le vieil usurier et son ami 123
XGIII. — De la ribaude devenue mendiante 123
XCIV. — D'un docteur et d'un ignorant 124
XCV. — Mot de l'Kvèque d'Alelh 12G
XCVI. — Mot plaisant d'un abbé 127
XGVII. — Mot plaisant 128
XGVIII. — Evénements extraordinaires racontés par mon
copiste 128
XGIX. — Miraculeuse punition du mépris des saints . . 129
G. — Plaisante histoire d'un vieillard qui porta son âne. 131
CI. — Grande ignorance d'un homme 133
Cil. — Autre balourdise 134
cm. — D'un vieillard barbu 135
CIV. — Le notaire ignorant 136
GV. — D'un docteur florentin 137
CVI. — D'un homme qui coucha avec le diable sous la
forme d'une femme 139
CVII. — Autre histoire contée par Angelotto 140
CVIII. — D'un avocat qui avait reçu des figues et des
pêches de son cliiml 141
CIX. — Ruse d'un médecin 142 »■;
GX. — Du juge qui prétend que les deux parties ont gagné. 144
CXI. — D'un médecin ignorant qui, à l'examen des urines
d'une femme, diagnostiqua (lu'eilo avait b(\=oiii d'un
mari t4f>
CXII. — D'un ma.-i qui paroillonniit rendit la santé à sa
femme 147
Appendice '"-f^
CXIII. — Homme illettré demandant à l'archevêque de
Milan la dignité d'archiprétre 149
TABLE DES MATIÈRES 451
CXIV. — D'une courtisane qui se'piaignait de la méchante
farce d'un barbier 150
CXV. — D'un religieux auquel se confessait une veuve . 151 ~ ^
CXVI. — D'un lioinma qui fit le mort devant sa femme. 152 ^^'^'^
CXVII. — D'une jeune femme par trop naïve de Bologne. 154
CXVIII. — Réponse d'un confesseur à propos d'une femme. 155
CXIX. — D'un serviteur oublieux qu'on charge d'un
poids énorme 157
CXX. — D'un homme qui veut dépenser mille florins pour
se faire connaître, et de la réponse qu'on lui fait . . 158
CXXI. — Plaisanterie de l'illustre Dante 159
C.XXII. — De la femme qui accoucha au bout de douze
mois 160
CXXIII. — Question inconvenante d'un prêtre 161
CXXIV. — Plaisanterie au sujet d'un ambassadeur de
Pérouse 162
CXXV. — Les ambassadeurs de Pérouse et le pape
Urbain 163
CXXVI. — Propos insensés des Ambassadeurs de Florence. 164
CXXVII. — Mot plaisant de Jean-Pierre de Sienne. . . . 166
CXXVIII. — D'un mari qui avait fait faire à sa femme
une toilette d'un grand prix 167
CXXIX. — Plaisant récit d'un médecin 168
CXXX. — De l'homme qui trouva de l'or en dormant. . . 169
CXXXI. — D'un secrétaire de l'Empereur Frédéric II . . 170
CXXXII. — D'un juif mangé par un Florentin 172
CXXXIII. — Vision de François Philelphe 173
CXXXIV. — D'un buveur 175
Appendice 428, 429
CXXXV. — Facétie d'Everardo Lupi 176 \
CXXXVI. — Plaisanterie d'un autre cardinal 177 \
CXXX"VII. — D'une femme qui découvrit son cul en vou-
lant se couvrir la tète 178
CXXXVIII. — Histoire d'un homme qui avait envoyé des
lettres à sa femme et à un négociant 179
CXXXIX. — Histoire d'un homme qui grondait souvent
sa femme 181
CXL. — Testament d'un vieillard en faveur d'une femme . 182
CXLI. — De la femme qui demande remède à un prêtre. 183 "
CXLII. — D'un ermite qui séduisit beaucoup de femmes. 185
CXLIII. — D'un jeune florentin surpris avec sa belle-mère. 187
CXLIV. — A propos d'un portrait de Saint-François. . . 188
CXLV. — D'un prêtre de l'Iorence qui était allé en Hongrie 189
CXLVI. — lléponso d'un pavsan à son propriétaire ... 190
CXLVII. — Ridicule allocution 191
452 TABLE DES MATIERES
v CXLVIII. — A propos du vol d'un porc 192
CXLIX. — Bon mot de Fascino Cane 193
CL. — D'un jeune homme inexpérimenté qui ne connut
point sa femme la première nuit de ses noces. . . , 194
CLI. — Singulière raison d'un berger 195
CLII. — Le paysan et les ânes chargés do froment . . . 196
CLIIL — D'un pauvre et d'un riche 197
CLIV. — D'un montagnard qui voulait épouser unejeune
fille 198
GLV. — La dîme 199
CLVL — D'un médecin qui viola la femme malade d'un
tailleur 201
CLVn. — D'un Florentin (lancé à la fille d'une veuve . . 202
CLVllL — D'un usurier de Vicence 204
CLIX. — Histoire très plaisante du cuisinier Giannino . 205
CLX, — Du cavalier vénitien qui portait ses éperons dans
sa poche 206
CLXL — D'un vénitien slupide qui fut roulé par un char-
latan 207
CLXIL — Un cheval récalcitrant 20.S
CLXIIL — Le renard et le paysan 201J
CLXIV. — Bonne foi d'un acheteur 211
CLXV. — Bouffonnerie de Gonnella 211
GLXVL — Autre plaisanterie de Gonnella 212
CLXVIL — l*rodiges racontés au pape Eugène 213
CLXVIIL — Autres faits prodigieux 214
CLXIX. — A propos d'un notaire malhonnête de Florence. 216
CLXX. — D'un moine qui bouta à travers une planche. 217
CLXXI. — Horrible histoire d'un jeune garçon anthropo-
phage 219
CLXXn. — D'un chevalier (lorcnlin qui, feignant do sortir
se cacha secrètement dans la chambre de sa femme. 220
CLXXIIL — D'un chaste qui n'était que paillard .... 221
CLXXIV. — Même sujet 222
^ CLXXV. — D'un pauvre homme qui gagnait t^a vie avec
sa barque 223
CLXX'VL — Sottise d'un milanais qui avait écrit sa con-
fession 225
CLXX"VH. — Jactance d'un individu confondue par son
compagnon 226
CLXXVIIL — Un mot de Pascpiino de Sienne sur un pet
du corps de l'Etat 228
CLXXLX. — De cet âne de docteur, si idiot qu'il parlait
latin à la chasse aux oiseaux 228
CLXXX. — Ce qu'une femme prit p(jur un compliment . 230
TABLE DES MATIERES 453
(XXXXI. — Plaisant pioposd'unejeunefemmeencouchcs. 230
CLXXXII. — Grand élo^e d'un jeune romain 231
CLXXXIII. — Vœux différents 232
CLXXXIV. — D'un marchand qui faisait l'éloge de sa
femme 233
GLXXXV. — yage réponse à un calomniateur 235
CLXXXVI. — Plaisante réponse à l'usage de (juciques
évèques 236
CLXXXVII. — Un bon mot sur François Philelphe. . . . 237
GLXXXVIII. — Plaisanterie sur le même 238
CLXXXIX. — Le notaire devenu maquereau 238
CXC. — Plaisante manière de débarrasser un hôpital. . 239
CXCI. — Plaisante histoire d'un précepteur qui abusa
de toute une famille 241 "^
Appendice 429
CXGII. — Le plus agréable des bruits 241
CXGIIL — Du fils d'un prince, muet par ordre de son père
à cause de sa méchante langue 243
CXGIV. — Histoire d'un tuteur 244
CXCV. — D'un Frère qui abusa d'une feiimie par le moyen
d'une ruse malicieuse 245
GXGVL — Plaisanterie à propos d'un cardinal grec por-
tant une longue barbe 24(î
GXGVIL — A propos d'un cavalier corpulent 247
Appendice 430
CXCVin. — Plaisant propos d'un juge à un avocat. . . . 247
GXGLX. — Remède contre le froid 248
GC. — D'un prédicateur 249
CCI. — De deux nouveaux mariés 250
Appendice 431
CCII- — Discussion héraldique 251
CCin. — D'un médecin (jui donnait les remèdes au hasard. 252
GGIV. — Conseil à un débiteur ennuyé 253
CCV. — De la peine infligée à des meurtriers grecs et
génois 254
CCVL — Pourquoi les Romains dégénèrent 256
CCVn. — Vœu imprudent à la Vierge Marie 257
GCVIIL — Histoire de celui qui fit également un vœu à
Saint-Cyriaque 258
CCIX. — D'une veuve qui désirait se remarier avec un
homme âgé 259
Appendice 431, 432
GGX. — D'un moine qui engrossa une abbesse 261 ,-"•
GCXL — Spirituelle réponse d'un enfant précoce 262
Appendice 432
N
454 TAULE I>KS MATIÈRES
CCXII. — L'apprenti savetier et lu femme de son patron. 264
CCXIII. — Plaisante histoire d'une jeune femme qui fai-
sait des pets 264
Appendice 433
CCXIV. — Dire et faire 266
CCXV. — D'un Egyptien qu'on chercliait à convertir. . . 266
CCXVI. — De l'évèque espagnol qui mangea des poissons
en guise de perdreaux 267
GCXVII. — D'un fou qui, dormant avec l'Arciievê(jue de
Cologne déclara que celui-ci était un quadrupède . . 268
CGXVIII. — Plaisanterie du pape ilartiu à un ambassa-
sadeur importun 269
GGXIX. — A propos du cardinal AnLçclolto 270
CCXX. — Puissance d'un cadeau 270
CGXXI. — Singulière excuse d'une feinme stérile .... 271
CCXXII. — En flagrant délit 273
CCXXIII. — D'un frère mineur (pu fit le nez à un enfant. 274
Appendice 435
CCXXIV. — D'un Elorenlin très menteur 276
CCXXV. — Comment un jaloux éprouva la vertu de sa
femme 277
CGXXVl. — Réponse aux paroles d'un prêtre. ...... 278
CCXXVII. — D'un prêtre qui se trompa en prêciianl . . . 278
^GXXVIII. — Sage réponse du cardinal d'Avignon au roi
de France 280
CCXXIX. — Terrible aventure arrivée à Saint -.Jean-de-
Latran 281
CCXXX. — D'un prédicateur qui criait bien fort 282
GCXXXI. — D'une jeune femme (jui fut jouée par son
vieux mari 284
CCXXXII. — Les culottes d'un frère-mineur devenues
reliques 285
CCXXXIII. — Le tali.sman contr.' la peste 288
CC.XXXIV. — Bouche qu'on aurait du tenir fernuie. . . . 290
CCXXXV. — Moyen de se procurer un ciieval parfait . . 290
CCXXX'VL — Mot plaisant dans une querelle de femmes. 291
CGXXXVII. — D'un prêtre qui se joua d'un laïc qui vou-
lait le surprendre 292
Appendice 436, 437
CGXXXVlil. — Avenluroexlraordinaire il'un foulon anglais
avec sa femme 293
CCXXXIX. — Une confession à la faijon toscam; il'abord,
puis sans fard 295
CCXL. — Combat entre des pies et des geais . 237
CCXLL — Bon mot de Francisco sur les fils des Génois. 297
TAULK UES MATIERES 455
CCXLII. — Geste significatif, mais grossier d'un Florentin 298
GCXLIII. — Drôle de demande d'un vieillard impuissant. 299
CCXLIV. — Amusante moquerie des Vénitiens par une
courtisane 301
CCXLV. — D'un ignorant qui confondit des savants. . . 302
CCXLVI. — Réponse maligne à un marchand qui accusait
les autres de folie 302
CCXLVII. — Réponse d'une femme à un jeune homme
éperdumcnt amoureux d'elle 303
CCXLVIII. — Contre les vantards 304
CCXLIX. — D'un homme qui demeura deux ans sans boire
ni manger 306
CCL. — D'un àne qu'on devait instruire 308
Appendice 437, 438
CCLI. — A propos d'un prêtre ignorant 309
CCLII. — D'un usurier converti 310
CCLIII. — Fable des oiseaux parleurs 311
CGLI'V. — La manie des chaînes 311
CCLV. — Mot plaisant de Ridolfo de Camerino 312
CGLVl. — Le vase d'huile renversé 313
CCLVII. — Des jeunes QUes qui se moquent d'un chauve . 314
CCLVIII. — Maître Perd-les-Causes 315
CCLIX. — D'une chanson qui plut aux aubergistes .... 316
CGLX. — A propos d'un homme maigre 317
CCLXI. — Amusante réponse d'une femme dont l'encrier
était vide 318
Appendice 439
CGLXII. — Sur le petit nombre dos amis de Dieu 318
GGLXIII. — Le moine quêteur, le laïque et le loup. . . . 319
GCLXIV. — Compensation . . • 320
CCLXV. — Mots pleins de sel de deux jeunes Florentins. 322
CCLX'Vl. — D'un jeune homme qui pissa sur la table. . 322
CGLX"Vn. — A propos d'une Florentine prise en flagrant
délit 324
CGLXVllI. — Le mort qui parle 325
Appendice 440
GCLXIX. — Un problème embarrassant 327
CGLXX. — D'un meunier trompé par sa femme qui lui
donna cinq œufs à manger 328
CCLXXI. — Délie façon de nier la beauté 330
CGLXXn. — Réponse plaisante , mais peu honnête ,
d'une femme 330
Appendice - . 4'j2, 444
GCLXXIII. — Tout ce qui branle ne tombe pas 332
Conclusion 332
456 lAlil.K DK.S MAilÈRKS
DESCRIPTION I)i:s BAINS DK HADK
Al." XV° SIKCLE
Note prcfiminaire 337
Description des Bains de Bade 354
UN VIKILLARD I)()1T-IL SE MARIER?
Note prcliminnire 37 1
Poggc florentin an Très Magnilique Cosino de Médicis. . 373
Uu vieillard doit-il se marier? 375
APPENDICES
Ménnoire sur les ouvrages de Pogge (Extrait àe^ Mémoi-
res Littéraires de Salengre) 401
Appendices aux Facéties 4 H)
Index i.'.7
INDEX
A
Abbatk Voir Aniano, Marmoutiers,
Saint-Gail, Saint-Martin.
Abbé Mot plaisant d'un, 127 ; voir
bénédictins , Gundeltin},'en ,
Septimo.
Abbbsse eugrossée, 261.
Abcks Moyen de les faire crever,
245,
Ablutions Eau des, guérit tes
maux d'3'eux, 180.
Absence de l'époux. 25Ù.
Académie de San-Spirito xxiii,
AccoucHiîE naïve, 230.
Acheteur Bonne foi d'un. 211.
Adultkre 64, 273. — Châtiment
de r, 10. — Mo^'en pour prou-
ver r, 277. — Sermon sur 1",
G4. — Voir Mari, femme.
Aelo 23.
Affront que fit un amant à sa
maîtresse, comment compris,
230.
Aguzzoni (François) Cardinal ar-
chevêque de Bordeaux, 168.
Aiguillette nouée. 94.
Albergati Cardinal, xxiii, xxxiii.
Albbrti (Ricardo degli), 300.
Albizzi (Robert d'), 157.
Aldigbbrio 303.
Aleth I/évêque d", 12G.
Alexandre III pape, 171.
Alexandre V pape, xii.
Alexandrie (Italiei, 34.
Alexandrie Patriarche d'. — Voir
Amelio.
Allemagne Allemands, xviii.xxx vu,
3, 131, 214, 345, 347.
Allocution ridicule 191.
Alopo Pandolfello maitre d'hôtel,
chambellan et amant de
Jeanne de Naples, l37.
Alpes xiv, xxi.
Alphonse d'Aragon xxxvi. — Voir
Saint-Eustache.
Am.vlia 246.
Amants de femmes mariées, 21, 230,
— Surpris, 221. — Compliment
d'un ... à sa maîtresse, 230.
Ambassadeurs Bavards, 163. —
Importuns, 269. — Joués, 75.
— Rusés, 164. — Proposition
singulière d'un, 137. — Pro-
pos insensé d'un, 164. — Plai-
santerie sur un, 162. — Du
duc de Milan, 269.
Amédée de Savoie Voir Félix, v.
Amelio (Pierre), évêquede Trente,
patriarche d'Alexandrie, 126.
Ami habile dans l'art de faire des
enfants, 205. — Qui ouvre le
pertui de la femme de son
ami, 194.
Ammirato Scipion 38.
Amour ardcut. — Voir Jeunes ma-
riés. — Dîme d' — réclamée
par un confesseur, 19'J. —
Liberté de 1', 44. — Plaisir
d', 105. — Talisman contre
les risques de 1', 261.
Amoureux Econduit, 303. — Ridi-
cule, 304.
Amsterdam liv
Anagni 140.
Anagni (Nicolas d'j, 46.
Ancône 111. 258. — Marches d',
XXXVII.
■..'li
458
iNDEX
t
Andhéa Giovanni, docteur de Bo-
logne, 273.
Ane 18, 28, 8ii, 117. — Egaré, 77,
29.3. — Mangé par un malade,
143. — Porté par un viellard,
131. — Qui porta Jésus-Christ,
24i). — Trop chargé, 78. —
Qui braient, 197. — Vu par
une femme enceinte, IGO. —
D'or d Apulée, xl. — De Lu-
cien, ibid.
Anges Souper avec les, 35
Anoelotto Cardinal de Saint-Marc,
.38, 40. 45. 47. 140. 212. 24G,
270, 290.
Anglktekre Anglais, xxi, xxxvii,
3, 43, 257, 293, 377.
Aniane Abba3'e, 12G.
Anjou (Duc D) 235. — Bagages du,
102.
Anne de Bretagne xlix.
Anneau qui assure la fidélité des
femmes, 174. — De F. Filelfo,
174. — D Hans Carvel, 174.
Ansimirio Ermite séducteur à Pé-
rouse, 185
Antipape V. Papes. — Benoît XIII.
— Grégoire XII.
Antiquité Amour de 1 , xxiv.
Anthropophage Jeune, 219. —
Génois, 219.
Apennins 23.
Apothicaires xx.
Apôtres (Le.s), 2.'^0.
Appartements pour les guerriers,
les poètes, les prédicateurs,
79.
Apprenti savetier L'- et la femme
de son patron, 264.
Apulée xi..
Aragon 354. — Voir Alphonse.
Araignée Comparaison avec 1', 90
Arche de Noé. 128
ÂBCHER maladroit, 7G.
Archevi-oue De Cologne et son
fou, 208 — Devenu quadru-
pède, 2<;9. — De Milan, 149.
De Westmin.ster
Arcuipuntre illcttr>}. 149.
Architecture L' — de Vitruve,
XVII.
Ardinqhelli Daccomo degii, 244.
Aretin (Pierre l'i, x, xlvi.
Aretino Voir Bonedetto-Carlo.
Arezzo VI. vLii, 38, 119, 264, 354.
Voir Bruni, Leonardo.
Argent L' — maître de la terre, 40.
Argonautique.s Les — de Valerius
Flaccus, xvii.
Argovie, 338.
Ahlstophane xlix.
.'\ristotb XXXII, 383.
Armoiries de la famille Braccio-
lini, VI. — De l'évèque An-
gelo, ,38. — Disputées, 251.
Arno VI. 4i.
Assalbit iPierrei, évfique d'Aleth,
12(i. ^
Assassinat d'un Cardinal, 45.
ASCONIUS PeDIANUS XVII. /
Aube Vêlement sacerdotal, 38.
Augustins (Ordre des), liv, 126,
235.
Aumônes d'un mari ; le second
pertui de sa femme à l'église,
14.
AuRisPA Giovanni xxiu.
Autriche (Guillaume d'), 137. —
Duc d', XIV.
Avare 45, 97.
Av.arice Dialogue sur 1', xxiii.
Aventure du moine Lupo, 217.
AvERSA L'évoque d', 38.
Avignon xii. 74, 238, 280, 303. —
Cardinal d', 280.
Avocat Expédient d'un, 141. —
Prêtre, 248. — Plaidoyer d un
... pour un testament, 248.
B
I
Babylonie XXXV.
Badb Bains de ... en Tiirgovie,
xviii, XIX, 337, 367.
Badkn-Bade XIX, 340.
Bagage riche, 102.
Baigneurs Voir Bade, Raden ,
Lueclie, Plombières. Pouzo-
los. — Voir Bains. '
Bains Usage de.= , 150, 355. — î
Vertus, 363.
INDEX
459
lÎAISER DR l'AIX lU.
Hajello db Boioonb Bons mota
de, 1.22.
Balb Concile do, 1"2U.
Ballon- Jeu de. :jii2.
Banqi'iers .XX, 302.
Barbaho Franxesco Favori de Ga-
leas Visconli et préfet de
Vicence, vu, xvi, 27, 31.
Barbe 135. — D'un Cardinal, 347.
— Longue d'un chevalier, 270.
— Dos Génois 2')h. — Infecte,
135. — Dicton sur, 13."), 178.
Barbier xx. — Méchante farce
d'un ... à une courtisane, 150.
Bardi (Bartoloméo de), 32, 16G.
Barthélémy de Montepulciano ,
XVII, xvni.
Bari (Cardinal de). 239.
Barnabo Prince de Milan, 155, 164.
Bahonto de Pistoja, 205.
Barque 223. — Voir passeur.
Batteleur Voir Bouffon, charla-
tan, histrion.
Bavard, bavarde 1(12. — Moyen de
les faire taire, 271. — Voir am-
bassadeur, femme, podestat.
Bastonnade à un Cardinal, 45.
Bkau-fils Amant de sa beile-mère,
187.
Beaufort Cardinal de — évêque
de Westminster, xxi.
Beauté 231.
Bélier Quand sautent les brebis,
215.
Bellemèrk Voir Beau-fils. — Et
son gendre trop ardent, 250.
Benedbtto Aretino xxxvii.
Bénédictins Ordre, 127- — Voir
Abbaye.
BenoitXIII Antipape, xii, 239, 354.
Berger Conf-s-sion d'un, 98. —
Raisonnement singulier d'un,
195.
Bernard Saint, 1H8.
Bebn.vrd iFrédérici, Liv.
Bbrrt Duc de, xii. — Province,
129.
Bessarion Cardinal grec, 246.
Bète Qu'elle et la plus grosse, 159.
HiANCARDO UgolottO, 135.
BiiîiENA Gardin.Tl, xr.ii.
Bible Prophéties do la, 354.
BiBLiOTHKQUE Laurcntieiine. — V.
Florence. — Nationale. — V.
Paris.
Bienheureux Pauvres de Pise, 16.
Bienveillance Moyen de se la con-
cilier, 271.
BiRACo Thomas, avocat, chancelier
apostolique, 36
BOCCACE V, VII.
Bœufs fantastiques, 214. — Tète de
— emblème, 292.
BoGGio 79.
BOILEAU XLVIII.
Boire Quand? Iftj, 244.
Bologne Bolonais, 70, 72, 73, 74,
125, 136. 144, 154, 172, 194,
197, 273. — Bajello de, 122.
— Carlo de , 122, 136. —
Gaspardo, xxiii.
BoNAC, Bonaccio Gi'asco, Pares-
seux, 10.
BoNAVENTURE Voir Périer (des),
BONIFACE VIII xxii.
BoNiFACE IX Pape, viii, xi, xxii,
38, 51, 241.
BoNNXAU Alcide, xxi, xxii.
Bonne foi 211.
Bordeaux Cardintil de, 71, 168.
— .\bbaye de Saint-Martin, 126.
BoRGETTO Château, 215.
Borgne qui acheta du blé, 59.
Bouche des cardinaux fermée et
ouverte, 290.
Bouchers de .Milan qui vendaient
la chair des Gibelins, 193.
Bouffons xx. — Voir Gonella.
Boulangers xx.
Bouloy (du) lx.
BouQUETit.RE du Concile de Cons-
tance, XX
Bouviers Récit fantastique de
deux, 215.
Bracciolini Catherine, sœur de
Poggio, VII. — Guccio, père
de Poggio, VI.
Braies Voir Culolios.
Braomardo (M° Janotus dei, 30.
Brancaccio Thomas Cardinal do
Naples, 120.
460
INDEX
Bravache 30ù.
Brehis Ce qui leur advient quand
elles font un pot, ■205.
BuBTAG.NE Breioiis, 297. — Patrie
du copiste do Pojrge, 128. —
Evénement extraordinaire ar
rivé en, 12.S.
Bretagne (Anne de) lui.
' Brève » Voir Talisman.
Brigandage 98.
Bruges 199.
Bruit Le plu3 agréable, 241.
Brunbt (Gustave), bibliographe,
LIV. LVI.
Bruni I^eonardo, d'Arezzo. — Voir
Leonardo.
BUGIALE XXIII. xt.iv, L, 2.T?.
Bulles pontificales Rédactions
des, XXII.
BUONCONVENTO .304.
Buondelmonte (dbl) Mari de la
tille de Pogge, xlii. — Qhino
Menente (del), beau-père de
Pogge, XXX. — Vaggia alias
Servaggia (del), femme de
Pogge, XXX, XXXI.
Buveur Comment guérir la fièvre
et la soif, 17.").
C
Cabaret Façon de paver son écot
au, 122.
Gabaretiehs XX.
« Cabinet sattrique » Ouvrage
xLvm.
Cadeau Puissance d'un, 270.
Cadet do Gassicourt lv.
Cafard 222.
Caire xxxv.
« Calandre » (la) Ouvrage, xlvii.
Calicut xxxv.
Calomniateur Sage r^'^ponse à un,
235.
Camerino 7.^, 76, 2;'0.
Camille 19.
Candido Pietro xvviii.
Cane Bonil'aco ou Facino, condo-
tière Gibelin, 33, 149, 193. —
Délia Scala, "'».
Capitanatb 30-1.
Capranica Dnmenic.o xlii.
Caractère Ce qu'il faut pour con-
naître le, 236.
Cardinal Apparition d'un, 215.
— Barbu, 247. — Bouche
d'un, 290- — Albergati, xxiii.
— D'Agnani,4.i. — Angelotto,
290 — D'Avignon, 280. — De
Bari, .339. — Voir Beaufort.
— Bessarion (Grec), 246. —
Bibiena, xlvii. ~ Golona
(Prosperi, xxii. — De Fer-
me, XLII. — De Florence, 242.
— De Gènes, 73. — De Mare-
mour (Ludolphe), 239. — Ria-
rio, XLi. — Saint-Anges, xxx.
— Sainte-Croix, xxxiii. — De
Saint-Marc, 40. — Saint-Mar-
cel, 290.
Cardinaux xx.
Carême Impromptu, 23. — Confes-
sion du, 161. — Prédicateur
de, 101.
Carlo Aretino ou h'Arezzo vu,
xxiii, xxxii. XLII, 373, 37.T, 398
Gatho (Angelo) lix.
Caton l'Ancien 383, 391.
Cava 45.
Caval 215.
Cavaliers fantastiques, 214. — A
Palium, voir Ev>''que. — Qui
ne reconnaît pas son cheval,
120. — Corpulent, '247.
Cementino VI.
Centuple (le) 278.
César (Siège de), 350.
Ce Y LAN xxxv.
Chaîne d'or de la cathédrale do
Pise, 171.
Chair humaine des gibelins ven-
due par les bouchers de Milan,
193. — Voir Anthropophage,
Chien. — Singulière faconde
la mortifier, 222, 223.
Chaleur du corps 249.
CHAMnoNNET (Pierre do), 12l).
Giiancellekib apostolique, xxii,
30. — Voir Curie. — Do la
République <Io Florence ,
XXXIX.
INDEX
461
ClIANGEI-RS X\'.
CHANTRURS POI'UIAUIRS 111, 11,'.—
iRuso d'un), 112
Chapb 38.
Chapelet 266.
GlIAPONS ROTIS 38,
GHARiTh': Elle n'existe point A la
mesao, 207 — Da juif, 12.
Charlatan faiseur d'hommes, 207.
— Qui soignait les ânes, 116.
— Voir Histrion.
Charle.s VIII Roi de France, i.iii,
LVII, lvix, lxxi. l.XIV.
Charles de HoNaRtE 235.
(Charles db Napi.es 137.
Cn.vRME Voir Magie, Talisman.
Charogne 127.
Charrette do foin, 43.
Chasse Chasseur, 7, S. 176, 177,
209, 210. — .4.UX petits oiseaux,
228. — A la chouette, 229.
.li.VSTE ET PAILLARD 221.
iT à deux têtes, 48.
.hatiment singulier à des meur-
triers, 254. — De Dieu sur
des moissonneurs, 129. — Du
mépris des saints, 120. 130.
Châtré Jaloux qui s'est — lui-
même, 277.
Chelo-Dini de Trojan. beau-frère
de Poggio. VII. I
Cheval 9, 120. 211. — Parfait. — j
Moyen de se procurer, 290. —
Qui rue, 208 — De Cardinaux,
280.
Chevalier xx. — Comment traité,
114. —(Confession d'un|,ll5.
— (.Aventures d"un) — poda-
gre. 220.
Cheveux Femme qui se fait raser,
178. — Commenton les plante,
274.
Chien 81, 108. — Enterré en terre
bénite, 52. — Nourri de chair
humaine, 26. — De chasse, 7,
S. — Fantastique, 214-
Chine xitxv.
Cnni.STINE DE PiSAN XLVIIt.
Chrysolohas (Emmanuel). Savant
grec, viii, XIV, i:.H.
Chute du Rhin Voir SchafTouse.
CiCKRO Curé do Saint-Marc ft Flo-
rence. — (Question indiscrète
de), 1G1.
GicÉRON XVI, XVII, xvin, 3, 231.
Cierge extraordinaire, 257.
CiNCio de Rome, 129, 141.
ClNGOLI 53.
CiRiACo d'Ancône, 111.
Clémence Isaure 358.
« Clémentine » Loi, 248.
Clercs 199.
Cloches Son de la, 242. — Voir
Paris.
Gluny Ordre de, xvni.
CocoLA Simone. 102.
Cocu 5, 7, 30, 186, 187, 220, pasiim.
Collège de Navarre à Paris, lviii.
Cologne Aventure de l'archc-
vêque de, 268.
Colombier Où la femme enferme
son mari, 20 — Conte de La-
fontaine, 21.
Coi.ONNA Cardinal Prosper, xxin,
xxxviii. — Otto. — Voir Mar-
tin V.
Combat entre des pies et des geais
297.
GÔME 215.
Comines (Philippe de), lix.
Compagnon maladroit, 226.
Compliment Singulier d'un amant
à sa maîtresse, 230. — Voir
Eloges.
Co.mptes Façon singulière de ren-
dre desi, 244.
Concile Voir Bàle. — Constance
Pise.
Concubinage de Pogge xxiv, 248
Condom Evêque de, 126.
CoNDOiMERO (Gabriel). — Voir Eu-
gène IV.
Confesseur 241. — Libideneux,
66. _ Qui subit la pénitence
au lieu de l'imposer, 152, —
Réponse d'un ... à propos
d'une femme, 155. — Dans
l'embarras, 161. — Qui a re -
m^de centre la stérilité des
femmes, 183. — Qui réclame
la dimo d'amour ., comment
l)uni, Ut9. — Et celui qui a
462
IINDEX
écrit sa confession, 2'25. —
Qui courtise une femme ma-
riée, ^^m.
Confession d'un berger, 98. —
D'un paysan, 99. — D'un
homme dont la femme était
bavarde. 115. — D'une jolie
veuve, 151. — Employée pour
séduire les femmes, 185. —
Écrite d'un Milanais, 225. —
D'un marchand, 258. — Puni-
tion d'une ... incomplète, 281.
— Franche, 295. . — D'un
Toscan, 295.
GONKISEURS XX.
Conseils Bons ... en guise de sa-
laire et ce qui en advint,
223. — Singuliers, 51, 58.
gonsentins .3.
Consistoire secret 2!J0.
Conspiration Voir Pazzi. — Poc-
caro.
Constance xiii, xiv, xvii, xix, xx,
XXI, 10, 43, 129, 237, 353,
356.
constantinopi.b, 254.
Coq 107.
Cordonniers xx.
Corneille (Pierre), xlviii.
Consultation par l'urine, 252.
CoNTi Cardinal de ... comment
éventé, 176. — ,\lto de ... ro-
inoutrance à un cardinal et
réplique, 177.
CoNTi (Nicolas), voyageur véni-
tien, xxxv.
Gorhe.vux 127. V. Abbé
Cordelieks Voir Frères .Mineurs
ou Minimes.
GoKi's Chaleur du, 249 — de l'Etat
(pet sorti du), 22H.
Couches Propos d'une femme en,
230.
Cour ub Romb 103. Voir Curie.
Courtisane xx. — de Rome, 4Î. —
aux bains, 3fi4. — recueille le
corps de folle — bon mot, 201.
— Visconti. 20. — maltraitée
par un barbier, 150. — Usage
des, 65.
Coussins Usage des, (15.
Couture qui ne mérite point sa-
laire, 264.
Créanciers Comment les payer,
253.
Crieurs publics XX.
Crucifix mort ou vivant, 24.
Cuisinier du duc de Milan, ses
bons mots, '26, 27, 28. — vient
se perfectionner en FraneOj
26. — demande qu'on fasse de
lui un âno, 28. — vénitien,
205.
Cul 232, — rasé, 255.
Culottes de saint Frantois, 285.
— de saint Gritfon, 286. — de
saint Raymond de Penafort,
286. — dernières reliques, 282.
Culte de Vénus, 2!(1.
Curé qui reçoit d'un mari le se-
cond portuis do sa femme, 14.
— qui ignore la date du di-
manche des Rameaux, 23. —
enterré vif, 26. — indiscret,
161. — mieux monté que ses
paroissiens, 224, — et confes-
seur-dîme.
GuRiB 40, 42, 97, 105, 129, 247, 303.
— Voir Chancellerie pontifi-
cale.
• Cyropédie » Traduite par Pog-
giO, XXXVI, XLII.
D
Daccono Voir Ardinghelli.
Dalmatie 49.
DANAé 360.
Dante Alighieri Bons mots, 79, 80.
— Plaisanterie, 159.
Dante secrétaire de la Curie, 181
Débauche 102, 395.
Débiteur 253.
Dego 157.
Démon sous la forme d'une femme,
139. — Qiù fait voir un trésor
en rôvc, 169. — Moyen qu'il
donne ])Oii)- s'assurer ilola fidé-
lité des femmes, 174. — Qui a
mangé un cardinal, 270.
DÉMO.STIIÈNE 231.
INDEX
463
Dbstinéb humaine, ix,
Dbttb fantaisiste, '216. — Manière
de les payer, 211, '212.
Devin Comment on le devient, 212.
Devoirs conjugaïuc, GO.
Dévots 2'21.
Di.iBLE Voir Démon.
Diagnostic des maladies par un mé-
decin ignorant, 142. — Par un
élève, 143.
DiAM.iNTS trouvés dans un chiffon,
13.
Dieu Ce qui lui est le plus agréable,
266.
Dieu vous bénisse! 94.
Dijon 64. — Gérard de, 64.
Diligence Plaidoyer de cette vertu.
11.
Dimanche des Bameaux, 23.
Dïmb d'amour réclamée par un con-
fesseur, 199. — D'autre chose
payée par un mari, 200.
Diodobe de Sicile, xxxvi.
Dire et faire, 266.
Discours do la paresse et de la di
ligence, 11. — Fastidieux d'un
podestat, 19.
Dispute de femmes. 105,
Discussion héraldique, 259.
Docteur Bons mots d'un, 124, 273.
Qui croyait que les oiseaux
comprenaient le latin. 228.
Doigt Malade, par quoi guéri, 245.
Dovizi Bernardo. Voir Bibiena.
Dragon mis bas par une vache, 47.
Dreux du Radier auteur cité, lvi.
Droits du mariage, 18.
Duc Voir Milan.
Duel 251.
Durand (David), liv.
Durazzo (Charles), roi de Naples,
137. — (Jeanne), 137. — (La-
dislas), 137. — (Marguuerite),
137
E
LÉ.SIA3TIQUES Leur défaut, 239.
jRCB Voir Livre.
Ecot Payer son, 129,
Ecriture Sainte, 189. — Texte mal
expliqué. 162.
Eden 362.
Effigie Exposé en, 75.
Egoès (Piorre d"|, IIS.
Eglise Ennemis de 1' 162 —
Etats do r. 171. — Insuffi-
sance des dignitaires de 1'),
149. — Offrande à l', 14.
Egypte xxxv.
Egyptien Parole d'un ... qu'on vou-
lait convertir, 266.
Eléphant 159.
Eloge Grand ... d'un jeune romain
231.
Emmanuel roi de Portugal, xxxv.
Empereur de Constantinople. —
Justice de 1', 255. — Voir
Michel. — Sigismond, 44. —
Romains, xlii.
Empire d'Orient, vu, xiv. — Ro-
main, 111.
Employés de la chancellerie pon-
tificale, XXII, xxiii
Emprunt 233.
Enfant dévoré par un autre, 219.
Disputé, 195. — Fabriqué pour
venger son père, 205. — Fils
prêtre, 196. — Ivrogne, 101.
— Moyen pour en avoir. 183.
Né au bout de douze mois,
pourquoi, 160. — Précoce, 262.
— Des vieillards, 390. — Com-
ment un Frère fit le nez à un
— 274.
Engendrer Instrument pour ... &
volonté des papes, des soldats,
des marchands, '207.
Enterrement d un chien par un
prêtre, 52.
Eperons portés dans la poche, 206.
Epicure 3b2.
Epinoy (Henry de 1'), xlv.
Erasme lix.
Eroovie Voir Argovie.
Ermite .séducteur de femmos, 185.
Espagne xli, 3, 127, 189. '243, 354.
Cardinal d', 34. — Evêquo, 267.
Espii;Gi-ERiE à un borgne, 59.
E.STE (Nicolas d), 212. — Bosco d ,
duc di! Ferrare, 212.
V
461
INDEX
Etat Pet du corps de 1', 2 8.
Etats de l'Eglise, ix, passim.
Ethiopie xxxv.
Eugène iv pape, xxiv, xxv, 45, 46,
111, 126, 213, 246, 262.
KvANGiLB Sermon sur 1', 278 —
Préceptes, 12.
Eventail 176.
Eventer Singulier moyen d" ..
quelqu'un, 176.
EvÊQUES XX. — Allant à clioval, 17.
— Avisé. 38. — Repas maigre
d'un, 267. — Plaisant pro-
pos sur des, 2.'^6. — Mitres
des, 237. — Accepte le testa-
ment d'un chien, 52.
Expédient curieux, 25.
Expérience 23'i. — Des vieillards,
386.
Fabliau. \ l.
•» Facéties » xxiii, xxvin, xxxvii,
XLIV, XLIII.
Fa EN z A 38.
Faim 153, 242.
« Faire et dire ■», 266.
Fanfaronnade 226
Fanons de la mitre des évéqnes
(symbole), 2:10.
Farce Méchante ... d'un barbier à
une courtisane, 15. — Jouée à
un serviteur naïf, 157.
Faste des cardinaux, 280.
Faucon fauconnerie. 7, 8.
Faveurs accordées aux fous, aux
imbéciles, aux sots, 1011.
Febiudacci ( Angeio do), évAquo
d'Areïzo, 38
FécoNDiTé rJ8. Talisman contre
la, 261. — Par les bains de
Bade, ,363.
Félix v antipape, xxxvi.
Femme Adultère. 5, 14, 20, 64, 70,
90, 9.', 113. — Agée doit-elle
épouser un vieillard? 379. —
Aux bains, .357. — Havardo, 115.
— Battue par son mari, 154. —
Chung/îo en homme, 140. —
Comment s'assurer de leur
fidélité, 174. — Comment un
jaloux éprouve la vertu do sa
152, 174, 277. — Courtisée par
un frère Mineur, 2SC. — Con-
Iraiiantc, 85 — Dont le mari
fait l'éloge, 233. — Dont un
moine abusa par ruse. 245. —
Ce qu'une . . . prit pour un
compliment, 230. — En cou-
ches, 280. — Qui accouche au
bout de douze mois, 100. —
Entretenue, pourquoi, 91. —
Honnêtes de Venise, 42. — De
Gaëte, 5. ~ Hystérique, 41. —
Impudique (Voir Reine). —
Jeune doit -elle épouser un
vieillard. — Par trop naïve,
154 — Eloignée de son époux,
pourquoi? 250, — Noyée, Si,
— Qui faisait des pots. 264. —
Jouéo par un vieux mari, 284.
— Légère, 181. — Malade be-
sognAe par son mari, 146, 147.
— A... singulier remède, 201.
— Spirituelle, 60, — Mariée et
son amant, 230. — Obstinée,
82. — De paysans et do pro-
priétaires (quand besongnées).
191, — Piquante réponse d'une
— 67. — Pourquoi toujours prê-
tes, 67. — Qui a besoin d'un
mari, 146. — Qui a deux per-
tuis, 14. — Qui ignore le mé-
tier d'amour, 194. — Comment
l'apprend, 195. — Qui découvre
son cul on se couvrant la tète,
178. — Qui se dispute, 105. —
Qui fait faire le nez à son en-
fant, 274. — Qui n'a jamais fait
de pet, 233. — Qui pète en dor-
mant, 233. — Que son mari
gronde et eu qui il a confiance,
181. — A qui son mari fait
faire une riche toilotle, 167.—
Qui paye la dîme d'amour à
son confesseur, 1!lO. — Qui a
peur d'un bel outil, 88. —Qui
pleure son âne, 281. — Qui se
fait rosser, 150. — Qui reçoit
des lettres de «on mari adres-
INDEX
4()5
sèes à d'autres. 179. — Ré-
ponse à un amoureux, 303. —
.■\ un confesseur, m. — Qui
surprend son mari, 273. — Qui
veut jouer à un singulier jeu,
220. — D'un médecin violée.
201. — D'un savetier et son ap-
prenti,264. — D'un tailleurvio-
léo, 202. — Séduite par son
confesseur. ISô. — Stérile mal-
gréelle, 27) — Répudiée, 271-
— Demande remède à son con-
fesseur, 183. — Conduites exa-
minées par un prédicaleuri
1G7. — Et le testament d'un
vieillard, 180. — Filles publi-
ques, X. 42, 291. — Veuve qui
veut se remarier, 259. — Co
qui lui faut, 2G0. — Voir Dé-
mon.
Fermo Cardinal do, xlii.
Fernandez (Valentini, xsxv.
Férocité d'un jeune gari;on (Voir
Anthropophage).
Ferr.\re 42, 48, 49, 50, 173, 228.
Fesses fô, 223.
Festik Voir Repas.
FÊTE des S.~S, Pierre et Paul, 12!i.
— De village, 55.
Fiancé fanfaron, 226. — Comment
reprendre ce qu'il a donné,
202. — Trop pressé, 201.
FiÈTRE Comment guérie, 146. —
D'ivrogne, 175.
FiGUNi 77.
Fii.EFO (Francesco) ou Philelphe,
XXVI, xxvii, xxviii, XXIX, XXXIX,
XLV, Li, 70, 237, 238, 2'i7. —
Vision de ... 173.
FiLEUSE qui ne peut cesser de filer-
130.
Fille (jeune) aux bains, 357 et sui-
vantes. — Doit-elle épouser
un vieillard, 387. — Devenue
grosse, 43. — De joio, publi-
que, 222, 238. Voir Femmes.
1 — Na'ive, 203, 204. — Prolifère,
198.
Fils Passepar où son père a passé,
187. — Do prêtre, 2i7. — De
prince, 143.
Fiorentino 315.
Flagrant délit, 273.
Fleurs Prix dos ... pendant le Con-
cile de Constance, xx.
Flora Déesse, 358.
Florai.es (jeux). 358.
Floraux (jeux), 38.
Florence v, vi, vin, ix, xi, xri,
XXIV, XXV, XXVI, XXIX, xxxiir,
xxxvii, xxxviii, xxxix, xl,
xli, xlii, lviii, 7, 19, 26, 31,
42, 59, 08, 73, 74, 75, 79, 80,
110, 114, 115, 116, 118, 133,
137, 150, 151, 158, 150, 161,
162, 104, 172, 185,187, 189,201,
202, 211, 212, 213, 216, 220, 230,
232, 235, 242, 244, 262, 270,
276, 278, 298, 299, 302, 303, 304,
346, .367, 374. — Bibliothèque
Laurentienne, 372.
Florio (Francesco), lviii.
Folie 303. — De la chasse, 7, 9.—
Des femmes, 41. — Des gens
d'Avignon, 303. — D'Harpa-
gon, 10. — De princes, 9 Voir
Fou.
FoLiGNY (Nicolas de) . 'Voir Nicolas.
Forgerons xx.
Formules toutes faitesfroutine) 136.
Fortune mal administrée, 244. —
Ne fait pas le bonheur, 54. —
Vicissitude de la .. dialogue,
XXXV.
Fou couché avec un archevêque,
268. — Manière de les guérir.
Obtiennent les faveurs, 109.—^
Réflexion d'un. ..sur la chasse, 8.
Foulon Aventure d'un ... anglais,
293.
Franc-p.arler, 45.
France Français, v, vi, xviii, xxix,
xxxii, XXXIII, XLI, LUI, 73, 74,
86, -2.38, 251. — Roi (de), 280.
— On y connait les Facéties
3, 127. — Le cuisinier du duc
de Milan, vient s'y perfec-
tionner, 26. — Ambassadeurs
de Florence en ... 164. — No-
blesse de ... XXXII.
Francesco Docteuret ambassadeur
de Flon nce, 13S.
406
ÎNDKX
FEANCFOivr 239.
Fra.nchise dus Toscans, 29.').
Fi'.vNçois i°' roi de France, xi.vii.
Fhaxçois VII duc de Padoue, 18J.
Frédéric it empereur, 170, '^O^.
Frkres .M;no irs, 44, 188, 189, 22,").
Froid 17s. — Remède contre le ...
248.
Fusco (Angelûtto), évêquedeCava
45.
G
Qaete 4.
Gaguin savant, xi.vii.
Galeazzo général milanais, x,
Gambacorta (Pietro), 222.
Ganelom Voir Eden.
Garçon Voir Antropophage.
Gargantua 30.
Garonne (la), 220.
Gascon Paresseux et spirituel, 10,
226, 242.
Gaule 239, 297, 350.
Gassicourt (de). Voir Cadet.
Gazzolv historien, 79.
Geais 297.
Géant fantastique, 214-
GÈNES 73, 179.
Genève xxi.
GÉNOIS Fanfarons, 251, — Meur-
triers, 254. — Où ils ont la
barbe, 255. — Pourquoi ils
ont des enfants robustes, 297.
Gens les mieux montés, 201.
Gentilhomme français, 251. — Ré-
partie d'un, 278.
Georges (de Trébizonde), xxxvi.
GÉRio Carlo, 302.
Germanie 340, 350.
Gesner Conrad, 340.
Ge.ste expressif, 298.
Gevanco (Squercia), piqueur du duc
de Milan, 20.
GiANNiNO cuisinier. Ses forces, 205.
GiANOZZo Voir Jeannoto.
Gibelins 79, 193. — Leurs chairs
vendues cliez les boucliers,
193.
GiNOUENÉ V. VI.
Giovanni (Pietto), de Sienne, 106.
Girard (de Dijon), 04.
» Gladiateurs de la République
des Lettres », v, xxxi, xxxix,
XLii. Voir Nisard.
Gonella bouffon, 21!.
Grâce de Dieu. — Ce qu'une femme
entendait par la, 5.
Graisse humaine. — Onguent de,
240,
Grande Voir Cane.
Grèce Grecs, xxii, xxxvi, 238- —
Cardinal, 240, — Meurtriers,
25 i.
Grècourt lv.
Grégoire xii pape, xii, 71, 74, 102.
Grenier de Saint-Martin (Henri),
aquafortiste, lvi.
Gros (gens), 42.
GuARiNo le Veronnais, vu, xvi.
GuBMo 277.
Guelfes 79, 193.
Guerre 32, 68, 171. — Jeu de (laj
221.
Guerriers 79.
Guillaume d'Autriche, 137. — Ar-
chevêque de Tours, Lviii.
GuNDELFiNGEN (Henri de), abbé de
Saint-Gall, xvii.
H
Habsbomrg (Comtes de), 340.
H.VNs Carvel. Voir Anneau.
Harangue Singulière, 162. — En-
nuyeuse, 104.
« Heautontimoromenos » 361.
Hébreux Langue hébraïque, viii.
« Hector » Récit de la mort, 112.
Héliogabale 355.
Henri iv roi de France, XLVii.
— Comte de Bade, 339.
HÉRAi.niQUE 251.
Hérauts d'armes, XX.
HÉRÉSIE XIV.
Hermann comte de Kibourg, 333.
Hermonyme lix.
Heure (1') du salut. Voir Salut.
Hespina de Pôrouse, 101.
« Histoires convivales », xxxvm.
INDEX
467
llisTKioN qui devait s'euvoler, 71.
Voir Charlatan.
HoLi.ARD (Winceslasl, graveur. 131.
Hommes Pourquoi sollicitent les
femmes ot non les femmes les
hommes. 07. — Ne sont pas
également mon tés, 224. — Naïf,
16S. — .\us bains, 37r) et sui-
vantes. — Agé ne convient pas
à une veuve, 269. — Eunuque,
2ÙQ. Voir Outil.
Hongrie Superstition en, l'^9, 190.
HoNORiE (Charles de), 23.5.
HoNNEi-R Jo porter J.-C, 249.
HopiTii. Manière de débarrasser
un, 239.
Hostie Rendue par un mortdamni^,
281.
Hôtelleries 357. Voir Cabarets.
Hugo (de Sienne), médecin, 48.
HuiLL.\RD- Bréholles, cité, 170.
Humanistes vu, viii, xviii, xxii,
XXIII, XXXIV, XXXVI, XLIII.XLV.
Hus i-Jean). — Supplice de, xiv.
Hypocrisie xxiv, 185. — Dialogue
sur r. xxxvi.
Hystérie 41.
I
Ignorance Pris pour terme hono-
rifique, !34. — Des gens d'E-
glise. 149. — Des gens en
place. 40, — Du metierd'amour,
154, 195.
Ignorant 80. — Docteur en droit,
135. — Juge, 144. — Légat, 125,
Médecin, 142, 140. — Notaire,
136. — Prieur do Florence. 133.
Qui confond les savants, 202.
Obtiennent des emplois, 150.
Illetré voulant être archiprètre,
149.
Illusion Voir Magie.
Imbécile Batelier. 224. — Fameux,
95. — Faneurs ot honneurs,
45, 47, 150. — On en fait un
^ cardinal, 127. — Serviteur.
* 157. — Veut parcourir le monde
pour se faire connaître, 158.
— D'âge mùr, 803. Voir Mari.
Im.mo:<alitiî x.\iv.
Importun Réponse du Dante à (un)
159.
Imola 212.
Ince.ste 187.
Inconvenance d'un pnïdicateur,
161.
Indécence d'une femme, 178.
Indes xxxv.
Indiscrétion d'un curé, Itil. — Pu-
nie, 180.
Infamie Marqué (d'), 255.
Ingénuité d'une fille. 202.
Iniq'ité d'un seigneur. 5V
In-iustice du sort, 40.
Innocent vu pape, xi, xii, xxii.
Inscription singulière sur un vê-
tement, 238"
Intelligence précoce, 202.
Intérêt 40.
Intrigue 40.
B Invectives (les) ))dePogge,xxvii,
XXVIII, XXXIX.
Irlandais 200. — Capitaine de na-
vire, 257.
Italie lx. 3, 32, 74, 111, 171, 2(J6.
Ivrognerie, 101.
Jactance 220.
Jalousie inconnue aux bains de
Bade, 365. — Préservatif con-
tre la ... 174. — De F. Filelfo,
173.
Jaloux Comment éprouva la vertu
de sa femme, 277.
Jambe malade, KiS.
Jansénistes Mortification des, 222.
Jannoto vicomte (ou Ciamozza^gou-
verneur d<? Viceucc, ses bour-
des, 29. Voir Braqmardo.
Jaquin lix.
Jean Breton, copiste de Poggio,
ses récits, 128.
Jean Hus. Voir Hus
Jean xxiii pape, ix, xiii, xiv, 337.
Jean Modèle de sagesse, calomnié.
235.
Jean df> Ravonno. vu.
4t)0
INDEX
Jëannk de Naples, maîtresse de
Bou maître d'hôtel, 137. — Sin-
gulière proposition d'un am-
bassadeur à ... 138.
Jêhomb do Prague, xiv, xv,
JÉRÔME de Sainte-Foi, Juif con-
verti, 349, 3.53, 354.
Jérusaxem Patriarche (de). 36.
Jësi 'il7.
Jésus-Christ 231, 249, 302, 354.
Jeu Absorbe les patrimoines, 19.
— De la guerre et de la paix,
281. — Divers aux bains de
Bade, 3G2. — Puni, 100.
Jeux floraux, 358.
Jeux de Flore, 358.
Jeune Anecdotes sur lo, 23, 223.
Jongleurs Voir Bouffon.
Joueur puni, 100.
JovE Paul, xLvi.
Jubilé de lijO, xxxvii.
Juge Expédient (d'un), 144- — Igno-
rant, 247.
Juif Converti, 353. — Converti par
persuasion, 12. — Espaguol,
354. — Mangé par uu Floren-
tin, 172. "Voir J orôme de Sainle-
Foi.
Julien (le F'rére), liv.
JUI'ITER 300.
JUVÉNAL XLIX.
Kbysertuhl, 350.
KYBouurr (comte dei
339,
La Bruyère, xlvii.
Lactancb, xvu.
Ladislas (lo roi), 17!.i.
La Fontaine vi, xxix, li, lv, i.xm.
La Monnoye (Bernard de), vi, liv,
LV.
Lanciulino VI.
Langlet du Fresnoy, liv
Langues xviii.
Langues méchantCR, 243.
Lahierrk Ll.S.
La Planche (Bernard dot, bi^nA-
dictin, 127.
Larmes de femme?, 153.
La Roche (Antonio de), 45.
Latin Oiseaux qui comprenaient
lo ... 229.
Latran Voir vSaiht-Jean du
Laubepin fconito de), traducteur de
SLepherd, xLii.
Laurent frère Mineur, 274.
Lavegni (Francesco). — Bons mots
(do), 256.
La Vigne (Pierre de), 170.
Lazz.\relli da Oublie, « La Gic-
cride de, 182.
Lebrun poète, lv.
Legrand d'Aussy, l, lu.
Lenfant (Jacques), auteur de Fog
giana, xlii, lv.
Léon x pape, xli.
Leonardo Bruni d'Arozzo, ou
.•\rétino, vu, xi, xii, xiii, xiv,
XV, xxiii, xxxni, 354, 306.
Létiié Fleuve, 345.
Lettres Manière do les corriger.
30, 31. — Quiproquo à propos
de, 179.
« Lettres Hébraïques », Voir Jé-
rôme de Sainto-Foix.
LiRERTÉ de l'amour, 44. — Au Con-
cile de Constance.
Libertins aux bains de Bade, 303.
Ligues Suisses (les), 339.
Limmat Rivière, 338.
Limoges, 74.
Liseux (Isidore), éditeur, xlii.
LiTA d'Imola, 2-12.
Littérature Le mariage ne dé-
tourne pas de la, 383.
LlVOURNE xxiv.
Livres Vieux, xviii,. — Ecrit aur
écorce, xvii.
LoDi EvCquo de, 237.
Loire Fleuve, 129.
Loix Clémentine, 248. — NoviUe,
248.
LOMDARDIE IX, 217.
LoRENZO Prêtre romain, 45.
Louis xi lviii, ux.
Louis xiii xlviii.
INDEX
469
Louis XIV xi.viii.
Ia'CIBN XL.
Lucii.u's 3.
liUECHB Bains près de Sion, 347,
348.
I.PNA (Pierre), pape. 1-27, 128.
Lvpi (Kverardo). secrétaire aposto-
lique, comment éventa un car-
dinal. 176.
I.L-PO (le moinel. 217.
I.usco (.\Dtonioi. Bons mots, 2il,
;il, 111, 120, 13.5, 137. l'il, 14!l.
Luther l, lix.
Luxure 222, 223. — Comment on
l'enseigne. 65. — Sermon sur
la, er».
Lyon liv.
.M
Macaulay xi.ix.
Macerata 104.
-Machiavel 367.
-Maestro Comte del. vu.
Magie simulée, 1S4. Voir Sorcel-
lerie.
Magistrats préposés aux mœurs,
150.
Magistrature Ce qu'elle coûte
119.
-Mai Pourquoi c'est le mois où les
paysans besognent le plus,
160.
Maigre Comment un évéque fit ..
267.
Malabar xxxv.
.Malade Traitement des, 252. —
Moyen de les faire finir. 240.
Qui a mangé un âne, 143. —
Voir Femme.
Maladies des yeux. Comment gué-
ries, 189. — Soignées aux bains
de Bade, 344.
-Malatesta (Carlol, 392.
-Malatesta (Galeotto*, 392.
» M.ALHEUR de la destinée humai-
ne ». Dialogue sur, xl.
- .Malheur des Princes », xxxv.
Malpaghino (Giovannii. vu.
Malversations d'un tuteur: 244.
Mancini 77.
Manecti (Bernard;. Bons mois. 6S.
Manger 244.
Mantoue XXI.
Manuscrits Recherche d'anciens.
XVI, XVII, 337. 'Voir Livre.
MAguEREAi- Notaire devenu. 238.
Maquignon 211.
Marchands xx. — Engendré à vo-
lonté. 207. — Qui fait l'éloge
de sa femme, 233. — Pour-
quoi. — Dont la femme n'aja-
mais fait de pets, 233.
Marché singulier, 96.
Marco Polo. xxxv.
Marcus Tullius, ;»3, 391.
Maresmaur (Landolphe dei. cardi-
nal, 239.
Mari Qui donne à l'Eglise le se-
cond pertuis de sa femme, 14.
— Enfermé par sa femme dans
un colombier. — Qui guérit sa
femme, 41. — Qui demande
pardon à sa femme, 60. —
Lascifs, qui mettent des cous-
sins sous les fesses de leurs
femmes. 65. — Que sa femme
appelle pouilleux, 82. — Pour-
quoi il entretient sa femme, 91.
— Qui paie et est content, 90.
— En vendetla, 106. — Trompé
qui jure n'avoir rien vu, 113.
— Nécessaire à une femme,
146. — Qui besogne et guérit
sa femme malade. 146, 147. —
Qui fait le mort pour éprouver
sa femme, 152. — Qui bat sa
femme; pourquoi, 154. — Dont
la femme accouche au bout de
douze mois; pourquoi, 160. —
Questions d'un prédicateur sur
la conduite des maris de sa
paroisse, 161. — Qui avait fait
faire à sa femme une riche
toilette. 167. — Jaloux; moyen
de s'assurer de la fidélité de
sa femme. 174. — Qui se trompe
d'adresse en envoyant ses let-
tres, 189. — Qui complète le
paiement de la dîme de sa
femme au curé, 199. — Cocu
27
470
INDEX
avant la lettre, 284. — Qui
grondait souvent sa femme,
181. — Confiant dans la parole
de sa femme, 181. — Trompé,
181. — Puni de sa raillerie,
180. — Dont la femme est vio-
lée et qui viole la femme du
coupable, 201. — Ruse d'un...
pour surprendre sa femme,
220. — Qui besogne double,
231. — Qui fait l'éloge de sa
femme, 23.3, — Qui dit que sa
femme n'a jamais fait un pet,
233. — Eloigné de sa jeune
femme ; pourquoi, 2ôO. —
D'une jeune mariée, 264. —
Vieux qui se joue de sa jeune
femme, 284. — Trompé par un
frère mineur. 285. — Excla-
mations d'un mari trompé,
293. — Qui peut satisfaire sa
femme, 298. — Qui a de la
difficulté. 299. — Doléances
d'un ... âgé, 300. — Philosophie
des ... aux bains de Bade, 3U5.
Mariage Traité du .,. par F. Bar-
bare, XVI. — Ce qu'il en coûte,
XIII. — Célébration, 18. — Droits
du..., 18. — Promesse de ... rom-
pue. Voir fiancés. — Des vieil-
lards, 371 et suivantes. — De
Poggio. Voir Poggio.
Marie Voir Sainte Vierge.
Mariés Ignorants du métier d'a-
mour, 195. — Nouveaux, 250.
— Qui s'adonnent trop à l'a-
mour, 250.
MiRiÉE nouvelle. Soupçons d'une,
202. — Naïveté d'une, 204. —
Mal conseilléeet déçue la nuit
de ses noces, 284. — Qui fai-
sait des pets, 204.
.M.^RIGNAN 32.
Marmoutiers Abbaye, lviii.
Marsilio (Louis de). Augustin, 235.
Martin v pape, xxi, xxii, xxiv. —
Plaisanterie de, 209.
Martigues les. Naïveté des gens
des, 25.
ssjNi (Pietro), Florentin, 182.
TTEO.sio Bêtise de. 134.
M.YTRONE Bon mot d'une. 90.
Maujoint Mal joint. Expression u
pittoresque. — Ce qu'elle dé-
signe, 150.
Maumont Château, 74.
MÉDECIN 110, 119, 141. — Qui gué-
rissait les tous, 7; les ivro-
gnes, 175. — Ignorantdiagnos-
tique d'après les urines, 150.
— Prescrit un remède singu-
lier à une femme, 201. — Plai-
sant propos d'un, 108. — Qui
viole une malade, 201. — Dont
la femme est violée, 201. — Qui
donne des remèdes au hasard,
252. — Elève, 141. Voir Hugo.
MÉDIATEUR le. Ce ((ue c'est, 200.
Médicina Podestat de Bologne, 14'i .
Médicaments 168, 175. Voir Remè-
des.— Médecin.
MÉDicis Famille de, xxxviii.
Médicis (Gosme de),.\xv, xxvi, xxvii,
367, 371, 372, 373.— (Jean),
307. — (Laurent), xLi, xxxiii, —
— (Etienne), savant du Puy en
Velay, Lviii.
Mehus l'abbé, 111.
Melanchton lix, 28
Melon 232.
Mémoire défaut do, 157.
Menace singulière à un homme.
205. — A un cheval, 206.
Mendiant Voir Moines, pauvres,
bienheureux.
Menente Voir Buondelmonte.
Menetti (Gionozzo), xxiii.
Mensonge Voir Bugiaie.
Menteur 276. — Et son valet, 226.
Mer Monstre de, 49.
Mer Rouge, xxxv.
Merard de Saint-Just, lv.
Meray (Antony), xix.
Merde Dîma de la, 200. — En pi-
lules, 213.
MÈRE Sollicitude d'une ... contre
les ardeurs de nouveaux ma-
riés, 250.
Messe Cérémonies delà ...en Hon-
grie, 189. — Jugées par un
Egyptien, 260.
Messie Voir Jésus-Christ.
l.NDKX
471
Meules de moulins. Valeur des,
103.
Meurtriers Singulières punitions
de. r.l.
Michel viii Paléologue, 255.
Milan Milanais, ix, xxi. 7, 2G, 27,
28.30. 31.68, 73, 111, IM, 225,
2'.'8, 250. — Archevêque de,
1)9. — .\rchiprètre de, li'.l. —
Duc de, X, 149, 269. — Prince
de. 155. 164. Voir Visconti.
MiNACCio Bons mots de, 57, 58.
Mineurs ou Minimes frères, 188.
— Culottes d'un, 285. — Qui
fait le nez à un enfant, 274. —
Voir Moines.
Miracles 128. 129, 130, 278.
« Misère Humaine ». Dialogue,
XXIV. Voir Malheurs de la
Destinée.
Mitre Symbole de la ... des évè-
ques. 236.
Mœurs Magistrats préposés aux,
150.
Moindre le. Expression, 191.
.Moines libidineux et la pucelle,
217. — Et la fille de joie, 222.
— Et la femme mariée, 222.
— Qui abusa d'une temme. 245,
— Qui engrossa une abbesse,
Aux bains de Bade, 364. —
Immoralité des, xxiv. — Men-
diants. 65, 245. — Prêcheurs,
289. — Irlandais, 200.
Moineaux 250.
Moissonneurs punis, 129.
Montagnard Prétexte d'un ... pour
refuser une fille, 198.
MoNTAiGLON (Anatole de). Savant,
xlvi, lxiv,
MoNTEPULciANO Voir Barthélémy.
MONTEVARCHIO 152.
.MoNTFAUc.ON Gibet de, 35.
MoNTLUc I Biaise de), 305.
Montpellier
Monstre marin, 49.
MORONI 111.
Mort M.Tri qui faille ... 152. — Qui
parle. 281.
Mortification singulière, 222, 223.
Moulin Voir Meules.
Moutons fantastiques, 214.
Mot d'une jeune mariée, 250.
Musique aux bains, 361.
N
Naïveté 168. Voir Femme, Mariée.
Naples IX, xxxvi, xxxvii, 51, 98,
102, 126, 137, 219, 239, 355.
Voir Jeanne de.
Narbonne Concile de, 126.
Navarre Voir Collège de.
N.vviRE En péril, Î57, 258.
Nez Moine qui fait le ... à un en-
fant, 274.
Niccolo (de Foligni), xxxvii.
NiccoLo Niccoli, viii, xii, xv'.i,
XXVI, xxviii, xxxii, xxxiii, 346,
353, 356, 373, 374, 375, 381, 384,
391, 395, 396, 397, 398,
Nicolas v pape, xxxiii,xxxv, xxxvi,
XXXYIII.
Nicolas d'Anagni, 46.
Nicolas de Trêves, xviii.
Nil Cataractes du, 356.
NlSARD V, XXVII, XXXI, XSXIX, XLII.
NoBiLi Prêtre de Vérone, ignorant,
149.
«Noblesse» Dialogue sur la, xxxii.
Noblesse 86, 87. — De France
xxxii, XXXIII.
Noce Voir Nuit.
Noël (F.-J.-M.), éditeur du Pogge,
LU.
Notaire Ignorant. 136. — Malhon-
nête, 216. — Maquereau, 238.
" NovELLE » loi, 248.
Nuit Moj'en de se préserver du
froid pendant la, 248. — De
noce perdue pour un mari
isrnorant le métier d'amour
194.
o
Oberlanu Les filles de, 347.
Occasion La prendre aux cheveux.
284.
Occident Voir Schisme
472
INDEX
Oerejja. 24.
Oies Malades, 94. — A vendre, 95.
OisB.*;jx. Qui so becquettent, 2j().
— Qui comprenaient le latin,
2'29.
Oiseleur 228.
Oloron Evoque d'..., 12G.
Ombrone 304.
OmNEBUONO VII.
Onguent de graisse l.umaine, 240.
Opinion Versatilité des, 14ô.
Or trouvé en rêve, 169.
Or\ison funèbre dans laquelle il
n'est pas question du défunt,
239.
Ordre de Saint-Augustin, 281.
Ordure.s 100.
Orient Voir Empire.
Orléan.s (duc d') 80.
Ornement.s sacerdotaux, :^8.
Ortana (Francisco de), chevalier
Napolitain, sa méprise, 179.
OsTIE XXIV.
OrBLiEUX singulier, 157.
O.Tii, à fabriquor les hommes, 2t)0.
— Le bel 81
Pacificateur le. Ce que c'est, 200.
Padoue 48, 185.
Pagani.sme de la Renaissance,
XXXIV.
Paillardise Pourquoi une femme
y renonce, 124.
Pains Miracle des. Voir Miracle.
Paix Défense d'en parler, 08. —
Manière de la faire, 221. —
Baiser de ... 221. — Jeu do
la ... 221. — Du ménage, 200.
Palai.s apostolique, 109, 237. Voir
Curie.
Palefrenier 4.").
Paléologue Voir Michel.
Palestine xxxv.
Palium Cavalier à, 17.
Panaris Remède contre, 245.
Paolo prédicateur, 0,5.
Papes ix, 40, M, 74, 213, 232. Voir
Alexandre V, Benoît XIII, Ho-
niface IX, Eugène V, Gré-
goire XII, Innocent Vil, Jean
XXIII, Martin V, Nicolas V. I
— Guerres des ... contre les
ennemis, 34. — Contre les flo-
rentins, 102. — Contre Frédé-
ric II, 171. — Et les Huma-
nistes VIII. — D'Avignon, ix.
74, 280. — Souhait d'être ...
232. — Fabriquant de, 208.
Parentucelli (Thomas). Voir Ni-
colas V, XXIII, XXXIII.
Paresse Plaidoyer de la. 11.
Pari d'un dîner, 233.
Paris, lix, 36. — Bibliothèque Na-
tionale, 371. Voir Collège de
Navarre.
Parler mal, 244.
Pas glissant, 15,î.
Pasquino de Sienne, 228.
Passeur Mésaventure d'un, 223. —
Curiosité de sa femme, 224.
Pastor (Louis), historien despapes
XIV, xLV, xxxviii, cité passim,
Patriarche (le) d'Alexandrie. Voir
Cardinal. — de Jérusalem, 34.
Paul le Bienheureux, mendiant de
Pise, aventure, 15.
— d» Florence. 7.
Pauvres 12. — Refus de sépulture
aux, 2i. — Réponse d'un ...
mal vêtu à un riche, 197.
Pavie. 193.
<• Paysan (lei et le renard », fable,
209. — Réponse d'un, 42, 190.
— Quand travaillent le plus.
191. — Ruse d'un, 196. — Qui
achetait un crucifix, 24.
Pazzi Conspiration des, xli.
Pedianus Arronius, xvii.
Peine Voir Châtiment.
Pelletiers xx.
Pknitent 2'i1.
PÉNITENCE imposée par un confes-
seur, 225. — Imposée et subie
par le confesseur, ir)2.
Pkra (Gonstantinople), 254.
Perdrix baptisées poissons, 207.
PiiRE Qui fait faire ses enfants
pour lo venger, 205. — En ri-
valité avec son fils, 1H7.
IND2X
473
l*KRi;<)L\ lliS.
Pi5rouse 51, 9'2, 93, 101, 10'., 162,
lti4, 179, 196, îiT.
PERSB XXXV.
I'este de llfiO à Rome, xxxvii. —
Talisman contre, 2cSS.
Pertui Femme qui en a doux. —
Qui ne fut pas trouvé la nuit
dos noces, lOi. — Comment fut
ouvert, 195. — Légué par tes-
tament, 182.
Pet Ce que l'on dit quand on fait
un ... 135. — Fait pour éven-
ter un cardinal, 177. — Ré-
ponse à des remontrances, 178.
— De Gonella, 212. — Femme
qui n'a jamais fait un, 2.j3. —
Pari à propos de ... 233 —
Fait en dormant, 233. — Que
faisait unejeune mariée, pour-
quoi, 204. — Que font les bre-
bis, pourquoi, 205, — Du Corps
de l'Etat, 228.
Pétrarque vu, xlvii.
I'ktrili.o agent du cardinal de Bari
2'iO.
PhileU'HE Voir Filelfo.
Philippe l'Espagnol, 190.
Philosophie des baigneurs, des
habitants, des maris aux bain»
de Bade, 300.
Picardie Picard, 230.
PicciNiNo (Nicolo), condottiere, XXV,
XLII.
PiCENTiN 34, 47, 53, 192, 217, 290.
Pies Combat de ... contre des geais,
297.
PlERO 78.
Pierreries trouvées dans un chif-
fon, 13.
PlETRO 20.
Pillage en partie double, 193.
l'iLt.LES universelles, 117. — Qui
font retrouver les ânes, 117.
— De merde, 213.
Pindare Larmessurlamortde, 111.
PiSANs 255.
PiSB 16, 89, 222, 235. —Chaîne d'or
de la cathédrale, 171.
Plaideurs Singulière décision à
l'égard, 144.
Plaidoyer pour et contre, 196.
Pl\imbois .\bbaye de, 120.
Plainte d'une courtisanecontre un
barbier, 150.
Plaisirs Entrave aux, 250. Voir
Amour. Mariage.
Planchette percée, à quoi elle sert.
218.
Platon xxxii, 359, 383.
Plaute xviii, xlvii.
Pline 3.
PLOMmi':RE 340.
Pluie de sang en Bretagne, 128.
Pô 42.
l'occARO Romain séditieux, xlv.
Podestat loquace et vaniteux, 19.
PoDius (saint), évêque de Florence,
VI.
Poètes 79.
PoGGio 247. — Sa famille, vu. —
Son mariage, xxix. — Sa femme
XL, XLi. — Sa maîtresse, xxxi.
Ses enfants, xxxii, xl, 289. —
(Pietro Paolo), xxxii, xli. —
(Giovanni Battista), xli. — (Ja-
copo), XL, xli. — (Giovanni
Francesco), xli. — (Filipo),
xLii. — (Lucrezzia), xlii. —
Ses quatorze enfants naturels,
XLII.
« PoGGiANA » Ouvrage de Lenfant,
LV.
Poissons Faits avec des perdrix,
268. Voir Miracle.
Poitou, 129.
Palaiuolo Peintre, xl.
POLLA StROZZA VII.
Ponce-Pilate 19.
Porc 51. — Usage quand on tuo
un, 192. — Volé, 192.
PoRRi Domina Maîtresse do Bar-
nabe Visconti, 73.
Portrait De Saint-François, 188.
— De Poggio, XL.
Portugal xxxv.
Pouilleux 82.
Poules 209.
Pourpoint Trop étroit ou trop
large, 32.
Pouzzole Bains de, 355.
Prague Voir Jérôme.
27
-474
I.NDEX
PRÉCA.UTIOX Contre les voleurs,
247.
Percepteur Malhonnête, 24i.
Prédicateur Avisé, 56, 278. —
Braillard, 282. — Inconsé-
quent, 64. — Indiscret, 161,
204. — Répartie faite à uu,
249. — Voir Appartements.
Prémontri^.s (Ordre des), 126.
Prkt Fait par un ma;chand à son
seigneur, 233.
Prêtre xx. — Rusé, 36. — Igno-
i-ant, 23. — Adultère, 293. —
Aux bains de Bade, 348, 365.
Parole d'un, 278. — Erreur
d'un, 278. — Sermon d'un,
278. — Qui se joue d'un la'ic,
292. — Qui enterre son chien
en terre sainte, 52. — Facétie
d'un, 189. — Fils de, 196,
237. — Vêtements des, 237.
Pri.vpo Pour engendrer à volonté
des papes, des soldats ou des
marchands, 207.
Prieurs des Arts Syndic dos cor-
porations à Florence, xxxi.
Prince Fils de — muet par ordre,
243. — «Malheur des», xxxv.
Priscien xvii.
Prisonnier xxv. — Voir Joueur.
Procès Jugé sans appel, 230.
Prodiges 47, 48, 49, 213, 214.
Propos Plaisants d'une jeune
femme en couches, 230.
Propriétaire Question indiscrète
d'un, 190.
Protecteur Le meilleur ... des
putains, 292.
Provence 25, 230.
Prudence Voir Sagesse.
PucELLE Aventure avec un moine,
217. — Urine de, 146. —
Qu'il vaut mieux coucher avec
.... qu'avec femme mariée,
64.
Pudeur Relative, xx.
Puissance .Sacerdotale, 261.
Punition D'un fils de princo, 245.
— Voir Châtiment.
PuriLi-E Et tuteur, 244.
Puritanis.me En littérature, xLvi.
PuY LE En Velay, lui, lvii, lix.
Pyronisme 7.
Q
QuAiRE Gantons Les, 347.
Querelle DE FEMMES 291.
Question indiscrète D'un curé,
161. — Répétée à satiété, 249.
Quêteur Voir Moine mendiant.
QUINTILIEN XVII.
Quiproquo D'un juge, 248.
R
Rabbin 354. — Voir Juif.
Rabelais vi, xxix, xlvii, li.
Racine xlviii.
Railleur Puni, 186.
Rameaux Voir Dimanche.
Ramucio Giambta, xxv.
Randa (Antonio de), frère mineur,
225.
Raoul Voir Hobsbourg.
Raser Coutume des ecclésiasti-
ques de se, 247. — Voir Bar-
bier, Châtiment.
Ratiner Chroniqueur, xviii.
Ravenne VII, 247.
Rebouteur Prix de ses services à
une jolie fille, 119.
Recanati xlii.
Recettes Pourguérirlesmaladies,
2.52.
Réforme La, lix.
Refus De sépulture, 26.
Reine Impudique. 243, 244.
Reliques Voir Culottes.
Remède Contre la peste, 289. —
Donné au has;ird, 252. — Contre
la folie des femmes, 41. —
Pour les maux d'yeux, 189.
— Contre les panaris, 245. —
Contre le froid, 248.
Renaissance La va, xxxv, xxxvi,
xxxviii.
Renard 107, 209.
«Renommée* Le triomphe de la,
XI.II.
INDEX
475
Renommée Celui qui voulait ache-
ter Je la, 158.
RÉPARTIE Spirituelle d'un enfant,
262.
Rep.\s Bon. 96,243,249. — De noce,
xm. — Donné à un bavard,
261. — Des romains, 2.ï6. —
Dans les bains, 359. — Ecclé-
siastique, 133. — Singulier,
172. — Prix d'un service,
194. — Voir Souper.
Réponse A un colomniateur, 235.
RÉPUBLigrE DES Lettres Voir Gla-
diateurs.
Reuclin lix.
RÊVE De F. Filelfo, xxix. — D'or
et ce qu'il en advient, 109.
Rhin xix, 339, 340, 346, 356, 357.
Ri.vRio Cardinal, xlii.
RiBALDE Devenue mendiante, 123.
Ricasoli Voir Fiebindacci.
Ricci (Rosso de), de Florence,
aventure. 114.
Riche Dévalisé, 53. — Bien vêtu,
197,
Richesses 12.
RiDOLFo DE Camerino 102,104,290.
— Voir Varano.
ristelhuber xlii, lvi.
Riva 195.
RoBERTS (Bertrand), 126.
RocHECHouART (Louis de), évêque
de Saintes, lx.
Rocher (Charlesi, biographe de
G. Tardif, xli et suiv.
Roter i Pierre). —V. Grégoire XI.
Roi d'Angleterre, XXI. — De France,
2S0. — Des Romains, xx, 261.
— Bergers, 280. — Sortait
d'être, 232.
Roland Paladin, 11, 19.
RoLLET Secrétaire de Curie, origi-
naire de Rouen, 129, 130.
Rome viii, xui, xiv, xxi, xxiv,
XXXVI, XXXVII, XXXVIII, XXXIX,
XL, XLI. XLII, 19, 44, 45, 74,
105, 120, 126, 130, 181, 211,
214, 231, 252, 281, 289, 291,
295, 303, 340, 355, 358. —
Abbesse de .... engrossée,
261.
Romains Eloge, 231. — Maagent
leurs vertus, 2M. — Pourquoi
dégénèrent, 256. — Voir Roi.
Roseaux Pris pour des hommes,
191.
Roturier Qulvoulutsefaire noble,
86.
Rouen 129.
Rousseau (J.-B.), xlvi, lv.
Rozier.s 74.
RuFFio (Roberto), vu.
Ruse D'un moine libidineux, 245.
RusTico iCincio), xvii.
S
Sagesse Modèle de, 235. — Où
on la met, 273. — Des vieil-
lards. .384.
Saints Châtiments de ceux qui
méprisent les, 129, 130.
Saint André Fête de, 23.
SAINT-.A.NGE (de) Cardinal, xxx.
Saint.s-Apotres (des) Cardinal. —
Voir Bessarion.
Saint Bern-^rd 168.
Saint Christophe Fête, 249.
Saint Gtriaque Barbe de . —
Vœu à, 258.
Saint Etienne 56.
Saint EusTACHE (Alphonse de).
Cardinal de, 125.
Saint François d'assise 188.
Saint-Gal'.. .\bbayede, xvii, xvii
Saint-Gothard de Rouen, 130.
Saint-Jean-de-L.-^tran Eglise do
XLvii, 281.
Saint Jérôme 350.
Saint-Martin (Grenier de) Voir
Grenier.
Saint-î^icolas-in-carcere 239.
Saint Paul : Saint Pierre 129.
.Saint Sébastien 25, 35.
Saint-Siège ix, 128.
Saint Simon, xlviii.
Sainte-Croix-dk-Florence, lx.
Sainte-Croix Cardinal de, xxsiii
Sainte Vierge Marie Vceu à la ,
257.
Saintbs Evêque de, lv.
476
INDEX
Salaires Paye en bons conseils,
224.
Salut éternel L'heure du, 24C.
Sall'tate (Boniface), 70.
Sambacharia Réponse de la, 89.
San-Gregorio xlii.
San-Spirito Voir Académie.
Sang (Pluie de), 128.
Santa-Maria-del-fiore XL.
Santa-Maria-della-mi-nerva xlii.
Sarrazin 355.
Savetier Répartie d'un, 264.
Savoie Amédée. — Voir (Blanche
de). 32. — XXXVI.
Savoir 231.
Sazano xxxni.
ScALA (dïlla) Voir Cane.
SCHAFFOUSE XXI, 345, 356.
Schisme T2. — D'Occident, ix, xiv.
SCALARIA FilippO, XLII.
Secia 65.
Secret Lourd aux femmes, 116.
Secrétaire de Frédéric II, 170. —
Voir P. des Vignes. — Du
duc de Padoue, 165. — Pon-
tificaux, VIII, IX, XII, XXIV,
XXXVI, XKXVUl, XLII, XLIV. —
Voir Curie. — Voir Huma-
nistes.
Sédition xxiv. — Voir Pazzi, Poc-
caro.
Seigneur et le marchand, 233.
SÉNiîQUE 383.
Sentence curieuse à rendre, 151.
Septimo (L'abbé de), 42.
SÉPULTURE Chrétienne d'un chien,
XXX. — Singulière d'un juif",
172.
Séraphini Voir .A.ngelo.
SÉRÉNADES Aux femmes mariées,
297, 299.
Sermon très court, 55. — lucon-
sé.-juent, G'*. — Sur l'adul-
tère, 65. — Sur l'usure, 201.
Servante de curé, rusée, 38.
Serviteur oublieux, 157.
Shepher (W), Biographe de Pog-
giO, XLII.
Siège apostolique Voir Saint-
Siège.
SièoE do Bologne 74.
Sienne x, 19, 48, 120, 159, 166, 228,
230, 304.
SiGisMOND Empereur, xiii, xiv, 19,
44, 126, 190.
SiNIGAGLIA 47.
SiON en Valais, 347.
Soif 153. — Guérison de la, 175.
j Soldat engendré à volonté, 207.
— Encouragement à des, 33.
— Répartie d'un, 35.
SOLIN LX.
Somma 219.
Sommeil troublé, 233. — Lourd,
234.
SoRA Evêque de, 38.
Sorcière 41.
Sort, sortilège 94.
Sots Qui sont en faveur près dos
papes, 109,
Sottise Règne de la, 47.
Souhaits Voir Vœux.
Souliers à durer longtemps, 93.
Souper avec les anges, 35.
Sourd-muet par ordre, 243, 244.
Souverain pontife Voir Pape.
Spano pipi'o Voir Scolario.
Squercia Voir Gevanco.
Steicher (O.) lvi.
Stérilité Moyen pour la guérir.
173.
Stock (La.mbert deI Bénédictin.
127.
Strozza (Polla), VII.
Suisse xxi, xxvi, 339, 347.
Sumatra xxxv.
Susdit Pris pour un nom d'homme,
1.33.
SUTRI 19.
Synode d'Arezzo, 38.
Syrie xxxv.
Tables flottantes 359.
Taburot des Accords lv.
Tacite 338.
Tailleur xx. — De Visconti, 31.
— Dont la femme fut violée,
201.
TaLEMANS DBS RÉAI'X XLVII.
IMDEX
KT
Talion Peine du, 201, 202.
Talents 40.
Talisman Contre la peste, 288. —
Contre la fécondité....
Tardif |Gl'ill.\ume) xlv, lui à
Tarentins .3.
Telda Femme de Rosso de Ricci.
114.
Tempête 215, ?57, 258.
Tenda (Béatrice de) 3i. — Voir
Médicis.
Terranova ou mieux
TERRANUOVA-BRACcroLiNi Patrie de
Pogge. VI, sxxvii, 23, 88. 100.
Testament T.-^ncien, 23G. — Liti-
gieux, ■247. — D"un chien. 5'2.
— D'un vieillard, 182.
Tkte bonne. 37. — Mauvaise. 36.
— Voir Chat, Veau, "\'ache.
Théophraste 383.
Tibrb Fleuve, xxiv, 215.
Tipherne lix.
Tivoli 64, 28.- .
Toilette Prix d'une, 167.
Tomacello André, 51. — Giovan-
ni. 51.
ToMACELLi Famille, 51. — Voir
Boniface IX.
Tomacelli Tripes farcies, 51.
'Tonneau petit de bon vin, 104.
Toscane vi. ix, xxv. xxix, sxxviii,
XL, 52. -235, 296. — Voir Flo-
rence;
TouRNEBROCHE Bruit du, 242.
Tours lviii.
Traductions des Œuvres de Pog-
ge, LUI.
Traître 75. 110.
'TRANSUBSTArlATION 268.
Traversari .\mbrosio, vii, 235.
Trébizonde 246. — Georges.
Trente Evêque, 126.
Trésor Ce qu'est un .... trouvé en
rêve, 170. — Des églises, 171.
Trêves xviii. — Voir Nicolas.
Trévise 208.
Tricarico Cardinal de. — Singu-
lière réponse, 177.
«Triomphe (LE) de la Renommée»,
XLII.
TRISTK.SSB d'une jeune marine. 250.
Trouvères l.
Turgovie 238.
Turin 347.
Tuteur indélicat, 244. — Pièce de
Dancourt. 21.
u
ULciiRES Moyen de les guérir.
Université de Rome, xviv. — d'I-
talie. VII. VIII.
Urbain V Pape. 163.
Urb-ain VI Pape. 37.
Urine Consultations par les, 252.
— Dôme des. 200. — Bue par
un avare, 97. — De pucelle,
146. — De femme qui a besoiu
de mari, 146.
Usure, usurier 123, 124, 20.4
Vache Tète de .... emblème, 252.
— Qui met bas un dragon, 47.
Valais 347.
' Valdarno xxix. xxxvii, xliv.
Valence 147.
Valérius Flaccus xvii.
Valet d'un maître fanfaron, 226.
Valla (Laurent), xxxix, XLv, lvii,
lix, 3, 247.
Vaniteux comparé à un pet. 228.
Vantard 304.
Varana (Ridolfo II DE) 73, 74, 75,
76.
Varron 283.
Veau à deux têtes, 48.
Vel.vt (le) lui.
Vendanges 90.
Vendetta 106.
Vendredi Comment un évèque tit
maigre un. 2)7.
Venétie IX
Venise xxxv, 42, 46, 110, 120, 172.
205, 206, 207, '208, 228, 247, 301.
Ventre Bons mots sur le, 247, 262.
— Plein tout chaud, 249. —
Quand le vider, 249.
VÉNUS culte, 201. — Cyprienne,
355.
478
LNDEX
Verceil 1(55, '^311.
Vergerio Paolo vu.
Vérone 79, 149, 250.
Vertu (la) 40.
Vertus Mets des Romains, 256.
Vesse Voir Pet.
Vktement singulier d'un notaire,
238. — De soie, ce qu'ils signi-
fient, 237. — De filles publi-
ques, 90. — Voir Pourpoint.
Veuve qui séduit un pauvre. 15. —
Qui se confesse, 151. — Romp
le mariage de sa fille, 201. —
Qui veut se remarier, 359. —
Mariage de .... avec vieillard,
39G. — Compare son second
mari au premier, 230. — Voir
Femme.
ViCENCE 30, 31, 120, 135, 204.
Vieillard qui porte son âne, 131.
— Testament d'un, 182. —
Un .... doit-il se marier? xxxi,
371 et suiv.
Vienne (.Autriche), xx.
Vierge Un vieillard doit-il épou-
ser uue, 378.
Vignes de Rome, 139.
Vignes (Pierre des) V. La Vigne.
Vin bon, 104. — D'Italie, xx.
VinCENTINO VII.
ViNCENZio Avocat, 141.
Virgile xvii.
Visconti Barnabo, 73, 74. — Jean
Galéas, duc de Milan, 2ti, 73.
— Jean-Marie, duc do Milan,
27, 28, 30. — Son cuisinier, ses
exactions, ses chiens, sa mort,
2ij. — Philippe et son tailleur,
31, 34, 110.
Vision (la) de F. Filelfo. 173.
Vitruve xvii.
Vivandiers xx.
Vœux accomplis, 258. — à Saint-
Cyriaque, 251. — à la Sainte-
Vierge. 257. —Différents, ?32.
Voie large 230.
Voisine entremeteuse 259.
Vol Histrion qui devait prendre
son, 72 — Signe distinctif des
soldats de Cône, 36. — D'un
porc, 19,'.
Voleur Répartie d'un, 35, 247.
Voltaire v, xi.vi, lv.
Voyage Ce que l'on voit en. 101.
w
Wallon-'Wallonie C9.
WiNCESLAs Empereur, x.
Winchester xxi
X
Xenophon xxxvi.
Yeux Superstition pour la guéri -
son des, 189.
z
Zenolen Apostolo, 371.
Zurich xix, 339.
zuccharo 18, 183.
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