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Full text of "Les Facéties de Pogge Florentin"

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Univers ity  of  Ottawa 


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LES 


FACETIES  DE   POGGE 

FLORENTIN 


I 


LES    FACÉTIES 

DE  POGGE 


FLORENTIN 


TRADUVrioy    NOUVELLE   ET  INTEGRALE 

accompagnée  des  moralitez  de   Guillaume  Tardif 

SUIVIE    DE  LA 

DEvSGRIPTION  DES  BAINS  DE  BADE  (XV^  SIECLE) 

ET   DU    DIALOGUE 

UN  VIEILLARD  DOIT-IL  SE  MARIER? 

Edition  annotée,  précédée  d'une 
NOTICE    SUR   POGGE,   SA   VIF,    SON   ŒUVRE,    SES  TRADUCTEURS 

I'\R 

PIERRE    DES    BRANDES 


PARIS 
'    GARNIER  FRÈRES,    LIBRAIRES-ÉDITEURS 

6,    RUE    DES    SAINTS-PÈRES,    6 

Vjntversi'fàs" 


p(V 


LE    POGGE" 

SA  VIE.  SON  ŒUVRE  ET  SES  TRADUCTEURS 


\IK    m:   POGGIO    iUSAlXlOLLIM 

Jly  avilit  déjà  cifKj  ans  que  lïiuieur  du  Decamcron 
n'était  plus,  lorsque  naquit  le  Pogge,  «  ce  Voltaire  floren- 
tin; »  ]»ersonnage  grave,  érudit,  l'un  de  ceux  que  l'on  a 
appelé  les  «  (3ladiateurs  de  la  République  des  Lettres  », 
plus  connu  pour  son  recueil  de  facéties  que  pour  ses  autres 
écrits  et  les  services  signalés  qu'il  rendit  aux  lettres.  Son 
nom  n'évoque  en  efl"et  qu'une  idée  peu  morale  et  la  faute  en 
est  uniquement  à  ce  livre  de  malheur,  «  or,  tout  homme  ami 
de  la  décence.  ditGinguené.  trouvera  que  c'est  une  puni- 
ti-jn  assez  forte  de  l'avoir  fait,  que  de  n'être  connu  de  la 
plupart  de  leux  qui  lisent,  que  par  celte  débauche  d'esprit, 
■<piès  une  vie  aussi  longue,  aussi  laborieuse  et  aussi  utile 


t.  L'u.«ag(.'  a  j. révalu  en  France  de  dire  I.c  Pofjffe  comme  on 
i\\i  I.v Danic,  mais  Voltaire,  en  citant  ce  savant  dans  son  Esmi 
sur  les  Minirs  parmi  les  premiers  restauraleurs  des  lettres,  l'ap- 
pelle de  son  nom  italien  Poggio,  après  lui  Ginguené  dans  son 
Hisfoire  lillcraire  d'Italie,  Ch.  Nisard  dans  ses  Gladiateurs  de  ta 
Rifiuhlique  des  lettres,  et  bien  d'autres,  ont  conservé  la  forme 
italienne  tl  nous  avons  suivi  leui-  exemple  comme  absolument 
logique. 


\  I  I.NÏRODI'CTIOIN 

aux  lettres  que  le  fut  celle  de  l'auteur  (1).»  Les  eompa- 
ti'iotes  de  Rabelais,  ceux  dont  les  aïeux,  dans  le  bon  vieux 
temps,  se  délectaient  des  mystères,  des  fabliaux  et  des 
contes,  ceux  qui  ont  savouré  les  œuvres  de  La  Monnoie, 
de  La  Fontaine,  et  toutes  les  productions  élégantes,  mais 
cantharidéesdu  dix-huitième  siècle,  trouverontcejug-ement 
un  peu  trop  sévère,  rogge.en  ce  genre,  avait  de  nombreux 
devanciers  et  il  a  eu  depuis  de  plus  nombreux  imitateurs. 
Si  ce  n'est  point  une  excuse,  on  trouvera  du  moins  la  justi- 
fication de  l'auteur  en  ce  qu'il  vivait,  comme  dit  La  Mon- 
noie, '<  dans  un  siècle  de  bonne  foi  et  d'ingénuité,  où  il 
était  permis  à  la  plume  d'exprimer  ce  que  le  cœur  sen- 
tait (2).  » 

C'est  dans  la  petite  ville  de  Terranuova  (3)  en  Toscane, 
au  pied  du  massif  Cemenlino,  sur  les  rives  d'un  afiluenl 
de  l'Arno,  que  naquit  en  L3S0,  Poggio  Bracciolini,  dont 
le  père  Guccio(i)  Bracciolini  exerc^ait  les  fonctions  héré- 
ditaires dans  sa  famille,  de  notaire  grefl'ier  dans  un  petit 
village  voisin  appelé  Lanciuolino.  (]etle  famille  était  de 
souche  ancienne  et  possédait  des  armoiries  «  parlantes  »: 
un  dextrochère  armé  d'un  javelot  (5).  Le  nom  de  Poggio  (6) 
qui  l'ut  donné  à  l'enfanl,  était  celui  du  grand-père  qui  avait 
légué  à  son  fils  des  propriétés  assez  considérables;  mais 
soit  par  son  imprudence,  soit  par  des  revers,  celui-ci  eut 
le  malheur  de  recourir  aux  usuriers,  qui  le  saisirent  et 

\.  GiXGUKXK.  —  Histoire  liUéraire  dltalie  t.  :">,  ctiap.  IX, 
p.  321. 

;'.  La  Monnoik.  —  (Euvres  choisies,!.  11,  p.   [li. 

3.  Aujourd'hui  Terr.inuova-Bracciolini,  prêt'.  d'Are/.zo. 

1.  Guccio,  corruption  d'.inituurio,  diminulil"  d'.l/TiVyn  : 
Henri. 

5.  Partie  d'argent  à  de\tre  et  de  i/ueulcs  à  senestre  au  de\- 
trochi'M-e  (livachinlutii)  en  avant  de  gueules  et  en  arrière  d'ar- 
gent armé  d'unjavjlot  de  gueules  [tanteola  ,3lvcc  un  cliefd'azar 
chargé  de  trois  fleurs  de  lys  d'or   Kistelhuber). 

0.  P(><j<iin  \ient  de  Podin,  corruption  du  PoiUuh,  nom  d'un 
>aint  cMÔque  de  l''!orencc. 


INTRODUCTION  VII 

l'obligèrent  à  s'oiiftiir  pour  échapper  à  leurs  pour- 
suites (l),  eu  eiumcuaul  avec  lui  ses  trois  enfants  dont 
une  lille,  Catharina,  qui  plus  tard,  épousa  Ghello  Dini 
do  Trojana,  d'où  sont  sortis  les  comtes  dol  Maestro  (2). 

Le  siècle  des  Pétrarque  et  des  Boccace  allait  bientôt 
finir,  radieux  précurseur  d'un  siècle  plus  radieux  encore, 
et  dans  toute  l'Italie,  surtout  dans  l'Italie  libre,  s'épa- 
nouissait la  renaissance  des  lettres  et  des  arts.  P^lorence, 
entre  toutes  les  villes,  se  distinguait  par  le  zèle  avec 
letjuel  elle  encourageait  les  arts  libéraux;  elle  attirait 
dans  son  sein  les  savants  les  plus  distingués  auxquels 
elle  donnait  des  traitements  considérables,  pourenseigner 
dans  des  écoles  fréquentées  par  une  foule  nombreuse 
d'étudiants  avides  de  s'instruire  et  de  se  former  sous  de 
tels  maîtres,  A  peine  âgé  de  dix-huit  ans,  Poggio,  déjà 
grave,  ardemment  épris  du  désir  d'apprendre,  d'acquérir 
celte  érudition  substantielle  nouvellement  dégagée  du 
fatras  de  l'ancienne  scolaslicjue,  vint  à  Florence  suivre 
les  leçons  de  Giovani  Malpaghino,  dit  Jean  de  Ravenne, 
qui  enseignait  la  langue  latine.  Ce  maître  avait  été  lui- 
même  le  disciple,  le  secrétaire,  le  familier  de  Pétrarque; 
pendant  quinze  années,  il  avait  puisé  à  cette  source  vive 
les  éléments  les  plus  purs  de  la  morale,  de  l'histoire  et  de 
la  poésie. 

Poggio  se  trouva  sur  les  bancs  avec  quantité  de  jeunes 
gens  qui  devaient,  un  jour,  inscrire  leurs  noms  dans  les 
fastes  littéraires  d'Italie,  entre  autres  PoUa  Strozza, 
le  Méi^L'ne,  Leonardo  d'Arezzo,  Iloberto  Ruflio,  Paulo 
Vergerio,  Vincentino,  Guarino  le  Veronais,  Omnebuono, 
Carlo  Aretino,  Ambrogio  Traversari  et  Francesco  Bar- 
ba ro, 

.V  la  même  époque,  un  de  ces  savants  chassés  de  leur 
p.itrie   par   la    chute  de  l'Empire  d'r)rient.  et  qui  vinrent 


1.  SUEPHERII,   J.i'i'   (i(  l'uijifiii. 

2.  p.    RlSTELHlBER  cf.. 


Mil  IM'RUbUCTloN 

demander  nfi-iye  aux  universités  d'Italie,  apportant  en 
échange  renseignement  des  lettres  grecques  qu'ils  lirent 
relleurir  magnifiquement, Emmanuel  Chrysoloras,  se  fixa 
à  Florence  où  toute  l'élite  de  la  jeunesse  se  pressa  à  ses 
leçons.  Poggio  fut  non  seulement  son  élève,  son  admi- 
rateur, mais  aussi  son  ami.  L'amitié  tient  souvent  une 
large  place  dans  la  direction  des  études  et  l'émulation 
entraîne  également;  Niccolo  Niccoli  étudiait  la  langue 
hébraïque,  Poggio  ne  la  négligea  pas  non  plus. 

Vers  li02,  Poggio  ayant  terminé  ses  études,  à  peine 
âgé  de  vingt-deux  ans,  se  rendit  à  Rome  pour  y  chercher 
fortune.  Les  Inimanistes  comme  on  les  appelait,  les  réno- 
vateurs des  belles  lettres,  étaient  fort  recherchés  pour 
leur  savoir,  les  formes  nouvelles,  élégantes  de  leur  art 
d'écrire  toutes  choses,  leur  conversalionbrillante  exempte 
de  pédanterie;  les  princes  les  prenaient  pour  secrétaires, 
leur  confiaient  des  missions.  Ils  étaient  en  grande^  faveur 
auprès  dos  Républiques  et  les  papes  eux-mêmes, qui  con- 
tribuèrent au  puissani  mouvement  de  la  Renaissance, 
s'empressèrent  de  s'attacher  les  plus  brillants  de  la  jeune 
pléiade,  qui  rédigèrent  pour  eux  les  actes  de  la  chancel- 
lerie pontificale,  en  une  langue  dont  l'Eglise  avait  malheu- 
reusement oublié  les  beaulés.  En  1402,  Poggio  fut  nommé 
p:»r  Boniface  IX,  rédacteur  des  lettres  pontificales,  emploi 
qu'il  conservera  pendant  plus  de  cinquante  années. 

Les  secrétaires  apostoliques  étaient  des  olliciers  du 
pape,  chargés  de  rédiger,  en  latin,  la  correspondance,  les 
brefs,  et  en  général  tous  les  actes  émanés  des  souverains 
pontifes  et  portés  à  la  connyissancedes  peuples.  Us  étaient, 
s'il  faut  en  croire  Poggio,  médiocrement  rétribués  et 
gagnaient  à  peine  de  quoi  vivre  avec  décence.  Quoi- 
qu'ils fussent  moins  à  la  cour  que  sur  les  confins,  n'étant 
au  foml  que  des  employés  de  cabinet,  les  secrétaires 
apostoliques  ne  laissaient  pas,  aux  yeux  du  public,  d'avoir 
un  air  de  courtisans.  Le  public  pousse  en  effet  très  loin 
rilliisinii  ;'i  cet  égJird,  et  pour  lui,  est  homme  de  cour  qui- 


imk(»I)1<;tio>'  ijt 

conque  en  porte  seuleinenl  les  galons.  Aussi  payaient-ils 
fort  clierpour  entretenir  cette  illusion.  I^es  fonctions  plus 
relevées  fie  secrétaire  particulier  des  papes,  auxquelles 
Pog-gio  fut  promu  ensuite,  sous  le  pontificat  de  Jean  XXIII 
et  de  SCS  quatre  successeurs,  ne  le  mirent  pas  plus  à  son 
aise.  Il  est  à  présumer,  observe  Nisard,  que  les  occasions 
de  faire  fortune  par  l'influence  que  donne  un  emploi,  et 
contrairement  aux  devoii's  qu'il  impose,  se  présentaient 
alors  quelquefois;  mais  où  elles  manquèrent  à  Poggio, 
ou  il  n'eut  pas  l'art  ou  la  volonté  d'en  profiter.  Il  vécut 
cinquante  ans  dans  cet  état  de  domesticité  brillante  et 
d'indigence  relative  (1);  mais  il  fut  estimé,  aimé  des  huit 
papes  qui  se  l'étaient  légué  comme  un  des  acquêts  du 
patrimoine  de  Saint-Pierre,  et  de  son  propre  aveu,  il  n'en 
reçut  jamais  le  moindre  déplaisir.  Si  donc  sa  vie  fut  sans 
profit,  elle  fut  aussi  sans  nuages.  C'était  une  compensa- 
tion. (2) 

On  était  alors  aux  heures  les  plus  troublées  de  l'his- 
toire d'Italie,  l'anarchie  étendait  ses  horreurs  sur  le 
royaume  de  Naples,  la  Lombardie  était  déchirée  par  une 
foule  de  petits  tyrans,  le  Milanais,  la  ^'énétie  et  même 
la  Toscane  étaient  dévastées  par  le  fer  et  le  feu,  les  Etats 
de  l'Eglise  et  les  villes  indépendantes  subissaient  les 
incursions  et  le  pillage  de  troupes  de  bandils  armés. 
Le  schisme  d'Occident  afîaiblissait  plus  encore  l'autorité 
spirituelle  de  la  papauté,  que  les  luttes  guerrières  n'avaient 
Minoindri  son  pouvoir  temporel.  Les  pontifes  proclamés 
par  les  deux  partis  se  livi'aient  des  assauts  qui  désolaient 
profondément  les  âmes,  envenimaient  les  passions,  rui- 
naient la  paix  générale.  Au  milieu  de  ces  orages,  Poggio 

\.  «  Ses  appointement.s  étaient  si  modiques  qu'il  était  sou- 
vent obligé  d'y  suppléer  par  des  travaux  particuliers  pour 
fournir  aux  dépenses  les  plus  nécessaires.  (Ginguenk:  cf.  p  3()i 
PociGi  Opcva,  cf.  p.  32.) 

2.  Ch.  Nisard.  —  Les  (iladiatuurs  de  la  Rrpuhlifiur  iU:s  iftlva, 
t.  r.p.  ltS-110. 


X  INTRODUCTION 

passa  presque  calme,  tandis  que  ses  amis  et  ses  prulco- 
teurs  en  éprouvaient  les  néfastes  effets. 

Sa  patrie  ayant  été  mise  à  feu  et  à  san^-  par  une  incur- 
sion de  Galeazzo,  que  l'empereur  Winceslas  venait  <ie 
créer  duc  de  Milan.  Poggio  en  éprouva  une  extrême  dou- 
leur. A  la  nouvelle  qu'une  foule  de  malheureux  habitants 
étaient  traînés  en  captivité,  il  écrivit  inin^édiatement,  au 
.chancelier  de  Sienne,  une  lettre  toute  pleine  de  In  sensi- 
liililé  de  son  âme  :  (1) 

(1;  «  J'aurais  désiré  que  notre  correspondance  lut  provoquée 
par  un  molif  tout  autre  que  le  malheur  d'un  homme  auquil  je 
porte  le  plus  viPintérêt,  et  qui  a  été  emmené  prisonnier  avec 
sa  femme  et  ses  enfants,  tandis  quM  était  occupé  à  labourer 
mes  champs.  On  m'apprend  que  ce  malheureux  languit  dans 
les  prisons  de  Sienne  arec  un  de  ses  fils;  un  autre  de  ses  en- 
fants âgé  seulement  de  cinq  ans,  a  disparu  et  l'on  ne  sait  s'il 
est  mort  ou  vivant.  Est-il  rien  de  plus  épouvantable  qu'un  sort 
pareil?  Que  tous  ces  fléaux  retombent  sur  la  tète  de  ceux  qui 
en  sont  la  cauîu!  Mais,  hélas!  les  malheureux  laboureurs  pâ- 
tissent pour  les  crimes  des  autres.  Quand  je  songe  au  triste 
sort  de  ceux  pour  qui  j'intercède  auprès  de  vous,  mes  larmes 
inondent  mon  papier. 

«  L^  lamental)le  aspect  du  père,  la  figure  liàvj  et  pâle  de  I9 
mère,  la  douleur  immense  du  malheureux  fils,  présentent  à 
mon  esprit  un  tableau  que  je  ne  puis  supporter. 

«  Ces  infortunés  ont  tout  perdu,  sauf  la  vie,  et  n'ont  rien 
pour  la  soutenir.  Leurs  ravisseurs  demandent  dix  florins  pour 
la  rançon  du  père  et  quarante  pour  celle  du  (ils.  Ils  sont  sur- 
tout, plus  dans  l'impossibilité  de  payer  cette  somme,  queja 
rapacité  des  soldats  leur  a  enlevé  tout  ce  qu'ils  possédaient,  et 
si  la  charité  ne  vient  pas  à  leur  secours,  ils  seront  contraints 
de  finir  leurs  jours  en  captivité.  C'est  donc  avec  la  plus  vive 
instance  que  je  prends  la  liberté  de  vous  recommander  le  sort 
de  cette  famille  infortunée,  et  je  'vous  prie  de  faire  tous  vos 
efforts  pour  ([u'elle  puisse  recouvrer  la  liberté  au  plus  bjis 
prix  possible.  Si  les  prières  d'un  ami  peuvent  vous  toucher,  je 
vous  supplie  de  nouveau  de  vous  intéressera  ces  malheureux. 
Vous  pouvez,  par  vos  soins,  obtenir  que  leur  rançon  soit  ré- 
duite. Du  reste,  quelle  que  soit  la  somme  qu'il  l'aille  payer, 
j'en  ferai  l'avance.  Je  compte  sur  mon  ami  Pietro  pour  vous 
seconder  si    cela   est   nécessaire.  Je  vou.*  prie  en  outre,  de  me 


l.MIUlUUt  TIMN  \I 

.S'isolaiil  ;iii  milieu  des  sédiutions  de  la  coui",  par  suito 
df  la  modicité  de  ses  ressources,  qui  opposaient  aux  plai- 
sirs une  barrière  infranchissable,  |)eut-étre  aussi  parce 
(jue  son  caractère  l'en  éloignait,  Poggio  consacra  ses  loi- 
sirs à  Tétude  et  à  la  fréquentation  des  personnes  dont  la 
conversation  pouvait  éclairer  son  esprit,  et  lui  faire  acquérir 
les  qualités  aimables  de  l'homme  du  monde. 

Son  premier  protecteur,  Boniface  IX,  étant  mort  le 
l"  octobre  14o».  Poggio  trouva  la  même  faveur  auprès  de 
son  successeur,  Innocent  VII,  qui  lui  témoigna  plus  d'une 
fois  sa  bienveillance.  Le  secrétaire  profita  de  sa  situation 
pour  faire  connaître  au  Pape  l'étroite  amitié  qui  le  liait 
à  Leonardo  Bruni  d'Arezzo,  un  camarade  d'études,  à  Flo- 
rence. Prévenu  par  Leonardo  lui-même  du  désir  qu'il 
avait  d'obtenir  des  fonctions  dans  la  chancellerie  du  Saint- 
Siège,  Poggio  s'attacha  aussitôt  à  vanter  continuellement 
les  mérites  de  son  condisciple;  il  crut  ne  pouvoir  mieux  le 
faire  connaître,  qu'en  communiquant  les  lettres  qu'il  re- 
cevaitdelui,aux  différents  personnages  qui,  par  leur  rang 
ou  leurs  fonctions,  approchaient  le  plus  de  la  personne  du 
pape.  En  effet,  ces  soins  constants  d'une  ingénieuse 
affection,  firent  enfin  parvenir  jusqu'à  Innocent,  le  nom 
de  Leonardo,  et  le  pontife,  favorablement  disposé  pour  un 
homme  dont  l'éloge  retentissait  de  tous  côtés,  ordonna  de 
luiécriredeserendreàRome;  ily  arriva  le2i  mars  1405  1  . 
Mais  l'accueil  (|u'il  verni  du  pape,  lorsqu'il  fut  admis  en 
sa  présence,  quoique  favorable  à  certain  s  égards,  le  plongea 
dans  une  amère  déception.  Le  souverain  pontife  lui  déclara 
en  présence  de  la  cour,  qu'il  paraissait  réellement  avoir 
toute  lacapaciténécessairepour  les  fonctions  qu'il  désii  ait 

faire  savoir  ce  que  vous  pouvez  laire,  ou,  pour  mieux  dire,  de 
ce  que  vous  aurez  fait;  car  je  .suis  persuadé  que  vous  voudrez 
tout  ce  que  vous  pouvez.  Je  me  hnle  de  Unir  cette  lettre,  afin 
d«!  ne  pas  prolonger  la  captivité  de  ceux  que  je  vous  recom- 
mande. » 

1.  Leonardo  Areïiso  :  Mrhi  rila,  p.  31. 


Ml  IMROUrr.TION 

remplir,  mais  que  l'extrême  discrétion  qu'elles  exigeaient 
était  presque  incompatible  avec  sa  grande  jeunesse.  La 
vérité  était  que  Leonardo  avait  un  concurrent  émérite, 
Jacopod' An gelo,  son  ancieni'i val  à  l'université  de  Florence, 
mais  de  beaucoup  plus  âgé  que  lui  et,  peut  être  aussi, 
mieux  à  la  cour,  où  il  était  connu  depuis  plusieurs  années. 
Poggio  prit  une  part  très  vive  aux  chagrins  de  son  ami. 
Sur  ces  entrefaites,  le  pape  Innocent  ayant  reçu  des  lettres 
du  duc  de  Berry,  qui  exigeaient  une  réponse  dans  des 
formes  toutes  spéciales,  prit  le  parti  d'ordonner  à  chacun 
des  compétiteurs  de  rédiger  des  projets  qui  seraient  lus 
et  examinés  par  une  commission  spéciale.  Or,  il  arriva 
que  les  rédactions  de  Leonardo  réunirent  tous  les  suffrages , 
le  pape,  abandonnant  ses  premières  préventions,  accorda 
aujeune  homme,  l'emploi  de  rédacteurdes  lettres  pontifi- 
cales ;  cette  communauté  d'occupations  unit  encore  davan- 
tage Poggio  et  Leonardo  dans  une  intimité  sans  nuages, 
que  la  mort  seule,  après  de  longues  années,  vint  inter- 
rjmpre  (I). 

Innocent  VII  étant  mort  au  commencement  de  l'année 
l'iOe,  la  lutte  reprit  entre  le  pape  d'Avignon,  Benoît  XIII, 
Ift  nouveau  pape  romain  Grégoire  XII,  et  les  cardinaux  qui 
nant  à  peine  d'élire  ce  dernier,  s'empressèrent  de  le 
il(''poser  pour  le  remplacer  par  un  troisième  pontife  qui 
])v\l  le  nom  d'Alexandre  V.  Les  employés  de  la  chancel- 
lerie romaine  consultant,  les  uns  leurconscience,  les  autres 
leurs  intérêts,  suivirent  les  cardinaux  ou  restèrent  lidèles 
à  Grégoire.  Leonardo  fut  parmi  ces  derniers  tandis  que 
Poggio.  se  tenant  dans  une  prudente  réserve,  en  ne  prenant 
parti  ni  pour  l'un  ni  pour  les  autres,  se  retira  à  Florence 
et  se  lia  étroitement  avec  un  autre  érudit,  Niccolo  Niccoli. 
Poggio  reprit  bientôt  ses  fonctions  près  d'Alexandre  V 
avec  son  ami  Leonardo,  qui  s'était  à  son  tour,  retiré  à  Flo- 
rence, où  il  exerça  momentanément  les  hautes  fonctions 

1.   ShKI'IIERD.  cf..  cil.  1. 


INTfioDlCTK»  Xlli 

de  chan  clier,  Tandis  que  Poggio  se  continait  dans  le  céli- 
l):d,  Loonardo  épou>ait  une  jeune  iille  de  qualité  de  son 
pays.  Ce  mariage  lui  attira  une  foule  de  plaisanteries  de 
la  part  de  ses  amis,  qui  s'ég"ayèrentfortà  son  sujet.  Poggio 
lui  écrivit  tout  ce  qu'on  disait  à  Rome  et,  sur  un  ton  iro- 
nique, il  lui  demanda  son  opinion  sur  le  mariage  d'après 
sa  récente  expérience.  Leonardo  lui  répondit  aussitôt  sur 
le  ton  d  un  homme  fort  satisfait  de  son  nouvel  état,  non 
sans  se  plaindre  toutefois  des  frais  de  la  noce  : 

((  Il  est  incroyable,  lui  mande-t-il,  combien  il  on  coîite 
pour  se  marier.  J'ai  épuisé,  pour  les  repas  de  noce, 
le  marché,  les  boutiques  des  pâtissiers,  des  confiseurs, 
des  marchands  de  volailles  et  de  gibier;  mais  tout  cela 
n'est  encore  rien  auprès  de  ce  qu'il  m'en  a  coûté  pour  l'ha- 
billement et  la  parure  de  ma  femme;  c'est  une  dépense 
(jui  n'a  pas  de  bornes.  Do  sorte  que  j'ai,  dans  une  seule 
nuit,  consommé  mon  mariage  et  dépensé  tout  mon 
bien  »  (1). 

Le  nouveau  marié  prenait  non  seulement  en  bonne 
part  les  plaisanteries  de  ses  amis,  mais  il  ajoutait  encore 
sa  bonne  humeur  à  leur  gaîté  maligne;  car  il  ne  passait 
pas  pour  généreux;  peut-être  n'était-il  qu'économe  à  une 
époque  où  l'on  se  plaignait,  non  sans  raison,  de  la  trop 
grande  dépense  qui  se  faisait  d'ordinaire  aux  noces. 

Mais  des  événements  autrement  importants  allaient 
troubler  de  nouveau  la  quiétude  des  employés  pontificaux. 
Jean  XXIII,  sur  l'insistance  de  l'empereur  Sigismond, 
s'était  enfin  décidé  à  convoquer,  à  Constance,  le  concile 
œcuménique  qui  devait  mettre  tin  au  schisme  d'Occident, 
extirper  les  hérésies  et  rétablir  la  discipline  dans  l'Eglise, 
(l'est  à  regret  et  avec  de  noirs  pressentiments,  que 
Jean  XXIII  quitta  Rome  pour  se  rendre  à  Constance,  où 
il  arriva  le  28  octobre  1*14,  accompagné  de  la  plupart  des 
oiUciers  de  sa  cour,  parmi  lesquels  se  trouvait  Poggioque 

1.  Lei.nakd")   AReriMi,    Melii  riln   :   Eiii^loho    IIJ, 


XIV  IMRODUCriON 

Leonardo  vint  rejoindre  deux  mois  plus  lard,  car  il  av.iit 
pris  le  chemin  des  écoliers,  par  les  Alpes  et  le  lac  «le 
Constance. 

A  peine  Jean  XXIII  fut-il  arrivé,  que  l'empereur  Sigis- 
mond  l'engagea,  pour  mettre  fin  au  schisme,  à  résigner 
la  tiare  sous  la  condition  que  ses  compétiteurs  feraient  de 
même.  Jean,  tout  en  déclarant  qu'il  était  prêt  à  le  faire, 
opposa  tous  les  moyens  dilatoires  qu'il  lui  fut  possible 
d'employer,  puis  enfin  céda,  conti-aint  et  forcé  de  lire 
l'acte  de  sa  résignation  en  plein  concile.  Ne  se  croyant 
plus  en  sûreté,  il  prit  le  parti  do  s'enfufi-  secrètement  de 
Constance  avec  la  connivence  du  duc  d'Autriche.  A  cet 
effet,  le  duc  imagina  de  donner  un  grand  tournoi,  le 
20  mars  1414,  et  tandis  que  la  pompe  magniiiqne  de  cette 
fête  occupait  tous  les  regards,  Jean  sortit  de  la  ville, 
déguisé  en  postillon,  s'alla  réfugier  en  Suisse,  d'où  il 
adressa  au  concile  des  protestations  et  des  demandes  que 
les  pères  ne  purent  que  rejeter,  tant  elles  étaient  peu 
admissibles  et  même  raisonnables. 

Cet  événement  donna  à  Poggio  des  loisirs  forcés,  que 
vint  douloureusement  troubler  la  mort  de  son  maître 
Chrysoloras  qui  assistait  au  concile  en  qualité  de  délégué 
de  l'empereur  d'Orient.  Poggio  prononça  l'éloge  funèbre 
de  cet  homme  éminent,  et  composa  une  pièce  de  vers  en 
son  honneur. 

Il  vit  brûler  Jean  IIus  et  Jérôme  de  Prague  ;  dans  une 
longue  lettre  à  son  ami  Leonardo,  qui  avait  regagné  sa 
ville  natale,  il  raconte  en  détail  le  jugement  et  le  supplice 
de  Jérôme,  dont  il  admire  l'éloquence  et  l'intrépidité,  il  se 
fait  l'écho  des  invectives  de  l'hérésiarque  contre  le  luxe, 
la  corruption  et  tous  les  abus  de  la  cour  de  Rome. 

Son  paganisme,  ou,  pour  mieux  dii-e,  son  indifférence 
absolue  en  matière  de  religion,  dit  Louis  Pastor,  ressort 
d'une  façon  indiscutable  du  texte  de  cette  fameuse  lettre. 
Il  y  parle  de  Jérôme  dans  les  termes  les  plus  élogieux, 
mais  il  faudrait  bien  se  garder  de  conclure,  de  in,  fjiril 


INTRODUCTION  XV 

partagea  les  opinions  de  cet  infortuné;  loin  de  là,  le  mot 
do  martyre  n'avait  pas  pour  lui  plus  de  sens  que  celui 
d'hérésie.  Ce  qui  provoque  uniquement  sou  admiration, 
c'est  le  courage  dont  Jérôme  a  fait  preuve  devant  la  mort, 
ce  courage  lui  rappelle  (]aton  ou  Mucius  Scœvola,  et  il 
constata  que  le  condamné  a  parlé  devant  le  concile  avec 
une  éloquence  qui  approchait  des  plus  beaux  exemples 
de  l'antiquité.  De  la  sentence  de  l'autorité  ecclésiastique, 
il  ne  dit  pas  un  mot;  tout  au  plus  exprime-t-il,  en  pas- 
sant, un  regret  de  ce  qu'une  si  noble  intelligence  ait 
donné  dans  l'hérésie,  «  si  toutefois,  ajoute-t-il,  ce  qu'on 
lui  reproche  est  véritable  ».  Mais  ce  doute  ne  le  tourmente 
pas  longtemps,  et  il  continue  du  ton  le  plus  détaché:  «  il 
ne  m'appartient  pas  de  porter  un  jugement  en  cette 
matière;  je  me  tranquillisais  en  m'en  remettant  à  celui 
des  hommes  qui  passent  pour  plus  sages  »  (l). 

Leonardo  effrayé  du  ton  d'indépendance  de  cette  lettre, 
peut-être  plus  effrayé  pour  lui-même  que  pour  son  auteur 
qu'elle  compromettait  bien  davantage,  s'empressad'écrire 
à  son  ami  une  verte  semonce,  plutôt  qu'un  charitable 
avertissement  : 

n  J'ai  reçu  avant  hier,  par  Barbaro,  votre  lettre  sur  le 
jugement  de  Jérôme  de  Prague;  j'en  admire  l'élégance, 
mais  vous  semblez  donner  beaucoup  plus  de  mérite  aux 
talents  et  au  caractère  de  cet  hérétique,  que  je  ne  l'aurais 
voulu  :  vous  ne  manquez  pas,  il  est  vrai,  d'y^joindre  fré- 
quemment des  restriction  s  convenables,  mais  vous  montrez, 
somme  toute,  une  trop  grande  sympathie  pour  sa  cause,  et 
je  crois  de  mon  devoir  de  vous  engager  à  vous  exprimer, 
dorénavant,  avec  beaucoup  plus  de  circonspection  sur  de 
semblable  matière  »  (2). 

Malgré  l'exemple  du  bonheur  conjugal  de  son  ami  Leo- 
nardo, Poggio  restait  inébranlable  dans  son  état  de  céli- 

1.   L.  PyvsTOR,  Histoire  dea  Papes,  liifrotluctioii,  p.  37-3S. 
V.  Leonardo  Abetino,  Epistola  IV, 


\vi  lîSïRODUCTION 

bat.  s;if!s  pour  cela  s'astreindre  à  une  rigoureuse  conti- 
nence, comme  on  le  verra  plus  tard.  Un  autre  de  ses  amis, 
Guarino  de  Vérone,  essaya  de  leconvertii-en  lui  envoyant 
le  Traité  du  Mariage  {l),  que  venait  de  publier  Francesco 
Barbaro,  mais  le  célibataire  endurci  répondit  à  cette  spi- 
rituelle persuasion  : 

«  Je  vous  remei'cie,  mon  cher  Guarino,  du  petit  volume 
que  vous  avez  bien  voulu  m'envoyer,  ma  reconnaissance 
serait  sans  bornes  si  j'avais  envie  de  me  marier,  mais  je 
vous  avouerai  que  la  lecture  de  ce  traité  m'a  ôté  le  peu 
d'inclination  qui  me  restait  pour  cet  état.  Gomment 
se  flatter  de  trouver  une  femme  qui  réunisse  toutes 
les  qualités  qui  rendent  une  épouse  accomplie?  Ce- 
pendant, trêve  de  plaisanterie,  aussitôt  que  j'ai  reçu 
l'ouvrage,  je  me  suis  mis  à  le  lire;  le  sujet  m'en  a  paru  si 
original,  le  plan  si  bien  conçu  et  le  style  si  heureux,  que 
j'en  ai  achevé  la  lecture  le  même  jour.  Je  l'ai  relu  ensuite 
avec  plus  d'attention;  c'est  un  travail  que  l'auteur  a  su 
rendre  fort  piquant  par  les  anecdotes  qu'il  cite  ;  le  charme 
de  sa  composition  m'a  ravi;  à  mon  avis,  ce  traité  mérite 
de  figurer  à  côté  des  Offices  de  Cicéron.  Vous  savez  que 
je  ne  sais  pas  complimenter,  et  que  je  dis  toujours  exac- 
tement ce  que  je  pense  :  on  y  distingue  une  noble  éléva- 
tion de  pensées,  qui  convient  à  l'homme  le  plus  grave; 
exhortez  donc  Barbaro  à  cultiver  un  talent  dont  les  pre- 
miers fruits  sont  si  délicieux  »  (2). 

Quand  Poggio  sera  «  un  vieillard  ",  on  le  verra  rai- 
sonner autrement  sur  le  mariage. 

Guarino  communiqua  cette  lettre  à  Barbaro  qui,  très 
sensible  aux  compliments  d'un  homme  qu'il  prisait  si  haut, 
s'empressa  d'enli-er  directement  en  lelation  avec  Poggio. 
C'est  Barbaro  qui  lui  suggéra  l'idée  d'aller  fouiller  les 
vieilles  bibliothèques  des  monastères,  ))our  y  rechercher 

1.  De  re  uxoria. 

1.  VofiQ]  Opéra  (Iradnit  par  Shkphebd  :  l,ifc  of  Pi>(]fl<a.) 


INTRODUCTION  XVII 

de  précieux  maiiuscrils.  et  que  Poggio  se  liâla  de  meltre 
à  exécution,  dès  les  premiers  jours  du  printemps.  Ni  la 
rigueur  de  la  saison,  ni  l'état  déplorable  des  routes  ne 
purent  le  détourner  de  son  dessein;  avec  une  persévérance 
et  une  activité  étonnantes,  il  se  rendit  plusieurs  fois  aux 
lieux  qui  lui  avaient  été  signalés  comme  devant  contenir 
les  objets  de  ses  recherches.  Son  zèle  infatigable  fut  ré- 
compensé par  la  découverte  d'un  grand  nombre  de  manus- 
crits des  auteurs  classiques,  que  les  admirateurs  de  l'an- 
tiquité désiraient  en  vain  depuis  longtemps.  Sa  principale 
expédition  fut  à  la  célèbre  abbaye  de  Saint-Gall,  en 
compagnie  de  ses  amis  et  collègues,  Cincio  Kustico  et 
Barthélémy  de  Montepulciano.  L'abbé,  qui  était  alors 
Henri  de  Gundellingen,  accueillitlesvoyageurs  avecbien- 
veillance  et  leur  ouvrit,  non  seulement  la  bibliothèque, 
mais  encore  une  tour  dans  laquelle  on  avait  transporté  un 
grand  nombre  de  livres,  tant  à  cause  de  l'incendie  qui 
détruisit  presque  tout  Saint-Gall,  en  131i,  qu'à  cause  des 
troubles  qui  désolaient  depuis  longtemps  le  pays  (1). 
D'après  le  récit  de  Cincio,  les  irois  explorateurs  trou- 
vèrent dans  la  bibliothèque,  les  trois  premiers  livres  et  la 
moitié  du  quatrième  des  Argonautiques  de  "Valérius 
Flaccus,  l'abrégé  de  huit  discours  de  Cicéron,  par  Asco- 
nius  Pedianus  Laclance  :  de  utroqiie  Iiomine  ;  l Architec- 
ture de  Vitruve,  le  Commentaire  de  Priscien  sur  Virgile, 
et  un  livre  écrit  sur  écorte.  «  Celui-ci,  dit  Cincio,  bien 
qu'il  contint  des  caractères  peu  lisibles  et  fort  incomplets, 
je  le  pressai  sur  mon  cœur  avec  vénération  à  cause  de  son 
âge.  >i  Quant  à  Poggio,  il  raconte  qu'il  trouva  dans  la  tour, 
un  Quintilien  entier,  mais  souillé  d'ordures  et  de  pous- 
sière (2i.  Il  mentionne  aussi  Flaccus  et  Pedianus,  dont  les 
manuscrits    étaient   comme    ensevelis   dans  des   cachots 

1.  Weidmann,  (rcsrhichie  dn-  Bibliollick  vo)i  S.  Gallen,  1841. 
d'après  P.  Rislelhuber. 

Z.  Quelques  auteurs  ont  prétendu  à  tort  qu'il  avait  trouvé  le 
O'iiiiliJirri  chei  un  ciiarcutier  de  Con^tance. 


XVIII  INTRODUCTION 

obscurs  et  humides,  au  fond  d'une  tour  où  l'on  n'aurait 
même  pas,  selon  son  expression,  voulu  jeter  des  crimi- 
nels condamnés  à  mort  (1).  L'abbé  de  Saint-Gall,  peu  sou- 
cieux de  ses  trésors,  laissa  Poggio  et  ses  amis  emporter 
tous  les  manuscrits  qu'ils  voulurent,  et  le  chroniqueur 
Riiliner  parle  même  de  deux  voitures  pleines,  qui  furent 
dirigées  sur  Constance. 

Encouragé  par  ses  amis  et  mis  en  goût  par  les  résultats 
heureux  de  ses  premières  recherches,  Poggio  continua  de 
voyager  en  Allemagne  et  en  France,  fouillant  les  réduits 
les  plus  secrets  des  couvents.  C'est  dans  un  de  ces  voyages 
qu'il  découvrit  à  Langres,  chez  les  moines  de  Cluny,  le 
discours  de  Cicéron  pour  Cœcina,  qu'il  se  hâta  de  tran- 
scrire pour  l'envoyer  à  ses  amis.  Les  vieux  auteurs  qui 
doivent  leur  résurrection  aux  laborieuses  recherches  de 
Poggio,  sont  en  si  grand  nombre,  que  l'on  pourrait  presque 
dire  qu'il  a  ressuscité  la  littérature  antique.  A  ce  métier, 
il  usa  sa  santé  et  appauvrit  sa  bourse  car,  d'un  côté  il  dut 
suffire  seul  à  la  besogne,  par  suite  delà  maladie  qui  rete- 
nait Bartholomeo  de  Montepulciano,  et  de  l'autre,  payer  de 
sa  bourse  et  ses  dépenses  personnelles  et  celles  de  Nico- 
las de  Trêves,  qu'il  employait  à  des  recherches  dans  les 
monastères  d'Allemagne,  où  il  ne  pouvait  se  rendre  lui- 
même  (2).  Ce  ne  fut  cependant  que  l'eiïet  d'un  moment, 
car,  toute  sa  vie,  il  se  passionna  pour  la  recherche  des 
vieux  textes,  dont  la  découverte  faisait  sa  joie  la  plus 
pure  ainsi  que  le  bonheur  des  humanistes  ses  contempo- 
rains, presque  tous  ses  amis  et  ses  admirateui's. 

Entre  temps,  pour  se  reposer  et  reprendre  haleine, 
Poggio  fit  une  excursion  aux  bains  de  Bade,  pendant  l'été 
delH5,  etil  écrivit  à  cette  occasion  à  son  ami  Niccolo 
Niccoli,  une  lettre,  véritable  tableau  des  mœurs  des  cités 


1.  P.  RisTELULiiKR.  l^cs  coulcs  (h  Poffijv,    ïnlrod.  7-9. 

2.  Nicolas  do  Tn-v,  s  trouva  entre  autres  dou/e  comédifts  de 
Plaulf. 


INTRODIXTION  XI  \ 

balnéaires  allemandes  au  coinnienceineiit  du  (luiiiziéiiie 
siècle  (1). 

«  Celte  scène  de  mœurs  fort  piquante,  dit  Antony 
Mei'oy  (2),  nous  oiïre  une  nouvelle  preuve  de  l'instabilité 
de  la  mode.  Le  Bade  qui  lui  sert  de  cadre,  n'est  pas  celui 
où  l'on  allait  naguère  exposer  sa  bourse,  bien  qu'il  soit, 
comme  lui,  placé  à  quelques  milles  des  rives  du  Rhin. 
Au  temps  où  le  Bade  actuel  n'était  encore  qu'un  maigre 
village,  celui  dont  parle  Pogge  était  la  capitale  assez  opu- 
lente d'un  petit  comté  allemand  devenu  suisse,  et  englobé 
maintenant  dans  le  canton  de  Zuri("h.  Si  la  faveur  publique 
a  changé  le  lieu  de  ses  récréations  thermales,  cette  des- 
crii)li()n  nous  apprend  qu'au  moyen  âge  déjà,  les  bains 
étaient  un  simple  prétexte  de  distractions.  Baden-Baden 
était  hier  encore,  on  le  sait,  un  rendez-vous  de  chercheurs 
et  de  chercheuses  d'aventures,  une  exposition  perma- 
nente de  personnages  plus  ou  moins  officiels,  plus  ou 
moins  célèbres,  et  surtout  un  vaste  salon  de  jeux. 

«  Les  baigneurs  de  Bade-llelvétie  étaient  surtout,  au 
dire  de  Pogge,  des  gens  pleins  de  sanlé.  en  quête  de  sen- 
sations d'amour  et  de  voluptueuses  impressions.  Les 
amants,  les  galants,  les  femmes  sensuelles,  les  stériles 
aspirants  à  la  fécondité,  celles  qui  désiraient  montre;' leurs 
étolfes  d'or  et  d'argent,  et  les  formes  que  celles-ci  revo- 
taient, s'y  rendaient  en  foule.  Au  milieu  de  ces  réunions 
bruyantes  et  avides  de  plaisirs,  quelle  figure  auraient  pu 
faire  des  malades  et  des  infirmes"?  Les  pauvres  diables 
(|ui  cherchent  la  santé  du  corps  se  trouvaient  là,  comme 
dans  tous  les  bains  adoptés  par  la  mode,  en  très  faible 
mintM'ité.  » 

Bien  que  la  ville  de  Constance,   pendant   la  durée  du 


1.  La  traluclion  de  cette  let'.re  est  à  la  suite  des  Facclies. 
V.  Anfonin  Meray.  Introduction  à  sa  traduction  delà  lettre 
de  Po2:ge  :  Les  bains  de  Bri'le.  — Eililion  I.  Lisenx. 


XX  INTRODUCTION 

Concile,  ail  été  absolument  transformée  (1),  que  les  plaisirs 
et  les  distractions  de  toutes  sortes  s'y  fussent  donné 
rendez-vous,  il  ne  paraîtra  pas  étonnant  que  sur  l'immense 
quantité  d'étrangers  venus  là,  ils  s'en  soit  trouvé  un  très 
grand  nombre  qui  aient  éprouvé  le  désir  de  s'aller  distraire 
en  un  lieu  aussi  pittoresque  que  Bade,  "attirés  surtout  par  la 
renommée  des  mœurs  éti'anges  de  cette  station  balnéaire. 
Les  gens  d'églises,  cardinaux,  prêtres,  moines,  comme 
les  grands  seigneurs,  les  mondains  et  les  soudards,  fré- 
quentèrent assidûment  les  eaux  de  Bade,  se  souciant  fort 
peu  de  l'opinion  publique,  qui  n'avait  pas  alors  les  préju- 
gés et  la  morale  d'aujourd'hui. 

1.  La  Liste  des  membres  du  Co)nih' et  des  autres  élraïujers  fjui  se 
trouvèrent  alors  à  Constance,  par  Gebhard  Daciier,  comprend  : 
princes,  députés,  chevaliers,  etc.,  l'.30();  prélats,  prêtres,  théo- 
logiens, 18.000:  laïcs,  80.000,  dont  :  orfèvres,  ^55;  marciiands 
détaillants,  330;  banquier.^,  242;  cordonniers,  70;  pelletiers,  48; 
apothicaires,  4'i:  forgerons,  92;  confiseurs,  7.5;  boulangers,  250; 
cabaretiers  pour  les  vins  d'Italie,  83;  vivandiers,  43;  changeuri 
de  monnaie,  48;  tailleurs,  228;  hérauts  d'armes  ou  crieurs 
publics,  65;  Boutïons,  bateleurs,  jongleurs.  340;  barbiers,  306; 
courtisanes,  environ  700. 

Mais  à  propos  de  ce  dernier  article,  Daclier  ne  fait  mention 
que  des  femmes  dont  il  put  trouver  la  demeure.  La  Liste  de 
Vienne  porte  le  chiffre  des  femmes  publiques  à  1.500  (').  En 
dehors  de  ces  femmes  qui  faisaient  ouvertement  leur  commerce, 
il  y  en  avait  nombre  d'autres  que  leur  situation  ou  leur  pudeur 
relative  retenaient  dans  l'ombre.  Du  reste,  le  commerce  de 
la  galanterie  allait  très  bien,  et  si  les  bouquetières  s'enrichis- 
saient en  vendant  une  fleur  de  lis  un  5ol,  trois  roses  un  sol, 
un  ciloyea  de  (constance  put  s'acheter  une  maison,  après  avoir 
vendu  sa  femme  500  ducats  aux  employés  de  la  chancellerie  du 
Roi  def  Piomains  ('*)  et  certaines  courtisanes  pouvaient  se 
retirer  avec  800  florins  d'économies  ('*'). 

C)  Itetn  XVC  Mereirices  raçiabiiiidœ.  (Liste  de  Vienne). 

(**}  Llem  (juidam  eicis  ('ousta)itiencis  rendidit  u.rorem  suam  can- 
cellariis  Jieqis  pro  VC  ducutis,  pro  (fuilnis  pecuriiis  euiit  domum. 
(Ibid.). 

(***J  Item  dicitur.  (jinul  ini't  iiie)rtrir  lurraln  est  VHIC  porenos 
(Ibid.) 


hNTRODlCTlON  \X1 

Le  uouveau  souverain  pontife,  Martin  V,  ayant  levé  les 
séances  du  Concile  le  22  avril  1418,  à  la  satisfaction  gé- 
nérale, quitta  lui-même  Constance  le  Ki  mai  suivant; 
Poggio  l'accompagna  dans  ses  pérégrinations,  car  en 
raison  des  troubles  qui  régnaient  alors  dans  ses  Etats,  il 
fut  impossible  à  ce  pape  de  regagner  la  Ville  éternelle. 
Martin  V  se  dirigea  d'abord  vers  SchalTouso  etprit  ensuite 
la  route  de  Genève,  où  il  arriva  le  17  juin:  le  12  septembre 
seulement  il  en  repartait,  traversait  les  Alpes  et  venait 
successivement,  s'établir  à  Milan  et  à  Manloue. 

Poggio,  qui  ne  paraît  pas  avoir  eu,  alors,  d'emploi  à  la 
cour  de  Martin  V,  sortit  inopinément  de  Mantoue  avec 
une  telle  précipitation,  qu'il  ne  dit  même  pas  adieu  à  se 
amis  les  plus  intimes.  Un  silence  mystérieux,  et  sans 
doute  motivé,  cache  les  véritables  motifs  de  sa  résolution  ; 
peut-être  eut-elle  pour  cause  le  chagrin  de  voir  complè- 
tement évanouies  toutes  ses  espérances  de  fortune;  peut- 
être  aussi,  fut-il  réduit  à  prendre  la  fuite  pour  se  soustraire 
aux  persécutions  qu'aurait  pu  lui  attirer  la  liberté  de  ses 
opinions  sur  les  alïaires  de  l'Eglise  et  à  propos  de  laquelle 
son  ami  Leonardo  lui  avait  donné  de  si  salutaires  avis(l). 

Poggio  se  réfugia  en  Angleterre  auprès  de  Beaufort, 
évêque  de  Winchester,  qu'il  avait  connu  à  Constance.  Ce 
prélat,  connu  sous  le  titre  de  cardinal  de  Beaufort,  parent 
du  roi  d'Angleterre,  jouissait  d'une  prodigieuse  fortune. 
Il  avait  engagé  Poggio  à  le  venir  trouver,  lui  promettant 
monts  et  merveilles  et  il  ne  lui  donna  qu'un  maigre  béné- 
fice, ne  s'occupa  nullement  de  lui,  soit  qu'il  n'en  eut  pas 
le  temps,  soit  plutôt,  qu'il  n'en  eut  pas  la  volonté.  Seul, 
éloigné  de  ses  amis,  dans  un  pays  de  mœurs  indilTérentes, 
privé  de  livres,  n'ayant  rien  pour  lui  rappeler  sa  chère 
antiquité,  Poggio,  abreuvé  de  dégoût  et  dévoré  d'ennui, 
s'éloigna  bientôt  de  ce  pays  barbare,  revint  au  gai  soleil 


1.  Shepiibud.  cf.  p.    1  l;î. 


XM!  InTRODUCTIOIV 

de  l'Italie  et  finit  par  recouvrer  sa  charge  de  secrétaire 
auprès  de  Martin  V,  vers  la  fin  de  1420. 

Poggio  dit  lui-môme  (l),  qu'il  obtint  la  place  sans  trop  de 
dilTicullé  et  l'on  s'est  demandé  comment  Martin  V,  qui  se 
montrait  d'ordinaire  très  sévère  à  l'égard  de  ses  subor- 
donnés sur  le  chapitre  des  mœurs  et  de  la  tenue,  ait  pu 
prendre  à  son  service  «  un  libertin  de  cette  espèce.» 

C'est  que  ce  pape  était  comme  Innocent  VII,  épris  des 
belles  lettres,  qu'il  avait  le  culte  de  la  science,  des  arts 
et  de  la  paix.  Il  ne  pouvait,  en  conséquence,  oublier  que 
Poggio  avait  été  le  rédacteur  de  la  bulle  remarquable 
lancée  le  !«''  septembre  1406,  par  laquelle  Innocent  faisait 
connaître  sa  volonté  de  restaurera  Rome,  les  études  des 
sciences  et  des  arts  libéraux,  dans  cette  Université  fondée 
par  Boniface  VIII.  Le  style  général  de  cette  bulle  et  par- 
ticulièrement l'éloge  de  la  ville  éternelle  qui  la  termine 
sont  du  plus  pur  style  humaniste.  «  Il  n'est  pas  sur  la 
terre,  y  est-il  dit,  de  ville  plus  illustre  ou  plus  noble  que 
Rome,  de  ville  où  les  études  que  nous  voulons  restaurer 
ici,  aient  joui  d'une  égale  splendeur;  car,  c'est  ici  que  la 
la  littérature  latine  a  été  fondée,  que  le  droit  civil  a  été 
pris  par  écrit;  c'estici  que  les  nations  l'ont  reçu;  ici  est 
également  le  siège  du  droit  canon.  C'est  à  Rome  qu'a  été 
créée  toute  philosophie  et  toute  doctrine;  c'est  tout  au 
moins  Rome  qui  en  a  hérité  des  Grecs.  En  conséquence, 
si  d'autres  villes  enseignent  des  sciences  étrangères, 
Rome  n'enseigne  que  sa  science  propre  »  (2). 

Le  premier  soin  de  Poggio  en  rentrant  à  Rome,  fut  de 
renouer  avec  ses  amis  toutes  ses  anciennes  relations 
d'autrefois  et  d'en  resserrer  même  plus  étroitement  les 
liens.  Tous  les  jours,  leur  ennuyeuse  besogne  terminée  à 
la  chancellerie,  ils  se  divertissaient  dans  des  conversa- 
tions dos  plus  légères.  Celte  réunion  se  tenait  en  un  lieu 

1.  PooGitj.  Epistol.  édit.  Toaelli  t.  1,  p.  87. 

2.  PAfciou  cf.  t.  I,  p.  206. 


lîVTRODIOTION  XXI  II 

habituel,  que  par  une  sorte  d'efTusion,  de  fiaiichise,  ils  > 
appelaient  le  Bugiale,  c'est-à-dire  fa  forge  aux  men- 
songes (1).  C'est  là  que  furent  contées  les  Facéties  que 
l'of^gio  réunira  plus  tard  en  volume,  après  les  avoir  ; 
écrites  au  jour  le  jour,  en  latin,  pour  se  faire  la  main,  se  \ 
perfectionner  dans  la  langue  de  Gicéron,  de  Térenceetde  ' 
Piaule.  ^ 

Une  autre  réunion,  composée  de  Oianozzo  Monelti,  / 
Giovani  Aurispa,  Gaspard  deBologne,  Leonardo  et  Carlo 
d'Arezzo.  Poggio  et  d'autres  savants  en  grand  nombre, 
avait  lieu  en  plein  air  soir  et  matin,  près  du  palais  du 
pape,  on  y  discutait  amicalement  sur  toutes  les  questions 
de  littérature.  Régulièrement,  on  y  voyait  arriver  en  hâte 
monté  sur  un  mulet,  accompagné  de  deux  serviteurs, 
chargés  de  livres  achetés  en  route,  Thomas  Parentucelli, 
secrétaire  du  cardinal  Albergali.  Jeune,  il  offrait  déjà  le 
type  du  vieux  savant  bouquineur  et  discoureur.  De  ma- 
nières fort  simples,  il  ne  s'occupait  guère  de  sa  personne 
et  des  usages  de  la  cour,  tout  l'argent  qu'il  pouvait  se 
procurer  était  dépensé  dans  ses  fréquentes  visites  aux 
boutiques  des  libraires;  aux  heures  de  loisirs,  il  se  ren- 
dait aux  réunions  des  humanistes  ou  aux  séances  de  l'aca- 
démie deSan-Spirito.  A  peine  descendu  de  son  mulet,  il 
entrait  avec  vivacité  dans  la  discussion  littéraire  com- 
mencée par  les  beaux  esprits,  ou  la  controverse  philoso- 
phique et  théologique  de  gens  doctes  et  pieux. 

Poggio  profita  du  calme  politique  pour  continuer  ses 
études  de  la  langue  grecque,  entre  autres,  et  pour  rédiger 
divers  ouvrages,  particulièrement  son  Dialogue  sur 
l'Avarice,  qu'il  dédia,  en  1429,  au  cardinal  Prosper 
Colonna,  neveu  du  pape. 

Dans  ce  dialogue,  Poggio  donne  lii)re  cours  à  sa  haine 
contre  les  moines.  Du  moment  que,  lui,  lettré,  érudit, 
amateur  des  arts,  a  jugé  que  les  moines  sont  ignorants, 

!.  Buqiale,  dérivé  de  l'italieu  burjia,  nieûsonge. 


XXIV  INTUOiJUtTlOiN 

grossiers,  sans  amour  pour  l'antiquité,  ceux-ci  niéritenî. 
plus  que  son  mépris  et  il  leur  adresse  ses  rudes  invec- 
livt'S.  Il  ne  trouve  pas  d'expressions  assez  acerbes,  assez 
blessantes,  pnur  flétrir  Thypocrisie,  l'avarice,  la  suffi- 
sance, l'immoralité  des  moines;  il  les  poursuit  des  traits 
de  sa  satire  et  de  son  ironie,  il  les  en  crible  à  tous  propos, 
sans  qu'on  sache  trop  pourquoi,  dans  ses  lettres,  ses 
harangues,  ses  traités;  rien  n'égale  en  violence,  les  injures 
à  leur  adresse  accumulées  dans  ses  dialogues  sur  l'Ai'n- 
rice  et  sur  la  Misère  hmnaine. 

Or,  si  les  moines  savaient  on  quel  estime  le  secrétaire 
du  pape  les  tenait  tous,  Poggio  n'ignorait  pas  que  ceux-ci 
avaient,  pour  ses  théories  païennes  et  le  dérèglement  de 
ses  mœurs,  le  plus  profond  mépris. 

En  1431.  Eugène  IV  succède  à  Martin  V.  Le  nouveau 
pape  était  un  homme  saint  et  ami  des  lettres,  il  promit 
en  ceignant  la  tiare,  de  réformer  la  cour  pontificale  dans 
son  chef  et  dans  ses  membres  ;  il  fit  beaucoup,  mais  ne 
put  tenir  toutes  ses  promesses,  Poggio  et  ses  compagnons, 
malgi'é  le  peu  de  moralité  de  leurs  mœurs  et  de  leurs 
écrits,  restèrent  à  la  Curie  où  l'on  avait  besoin  de  gens 
aussi  experts  dans  les  lettres. 

Malgré  le  mérite  personnel  d'Eugène  IV,  son  pontificat 
ne  fut  pas  heureux.  Une  sédition  excitée  cà  Rome,  obligea 
ce  pape  à  s'enfuir,  il  ne  put  même  s'échapper  que  par 
une  espèce  de  miracle,  déguisé  en  moine  et  monté  sur  une 
petite  bîîrquo  qui,  descendant  le  Tibre,  le  conduisit  à 
Oslie,  de  là  il  se  retira  à  Livourne  et  (inalement  à  Flo- 
rence, 

Dans  le  tuiuulte,  les  serviteurs  du  pape  se  dispersèrent  ; 
chacun  d'eux  pourvut  à  son  salut  en  consult;int  la  pru- 
dence ou  la  crainte.  La  plupart  se  i-éfugièrent  .sur  de 
légères  barques  côtières,  dans  l'intention  de  rejoindre 
leur  maître,  mais  leur  naAigation  fut  malheureuse  ;  ils 
l'.uiibèrent  presejue  tous  dans  les  mains  d'impitoyables 
pirates  corses,  qui  volèrent   leur   argent   et  tout  ce  qu'ils 


INTRODUCTION  \XV 

enipurtaienl.  Les  ulliciers  du  Sniiit-Siège,  qui  so  rtiiidireiit 
par  terre  à  Florence,  éprouvèrent  d'auti-es  dangers.  Pug- 
gioeut  le  inallieur  de  rencontrer  une  troupe  de  soldats  de 
Picciniao  qui  l'onunena  prisonnier,  dans  l'espoir  d'extor- 
i}uer  de  lui,  pour  sa  rançon,  une  somme  d'argent  considé- 
rable. Dès  que  la  nouvelle  en  lut  connue  en  Toscane,  ses 
amis  et  particulièrement  Ambrozio  Traversari,  prirent  le 
plus  vif  intérêt  à  son  infortune;  ce  dernier  recourut  à 
Francesco  Poppio  pour  lui  faire  rendre  la  liberté,  sans 
ranyon.par  son  entremise;  mais  ces  démarches  ne  réussi- 
rent pas,  les  grossiers  et  farouches  soldats  qui  le  rete- 
naient, furent  sourds  à  toutes  prières;  probablement 
même,  que  le  vif  intérêt  qu'excita  leur  prisonnier,  leur 
lit  hausser  le  prix  de  sa  délivrance.  Poggio  voyant  qu'il 
ne  sortirait  de  prison  qu'à  prix  d'argent,  paya  la  somme 
exigée  de  lui,  et  qui  était  très  onéreuse  relativement 
au  modique  élat  de  sa  fortune,  puis  il  se  rendit  à  Flo- 
rence. (1) 

Dans  toute  autre  circonstance  que  celle  de  la  fuite 
d'Eugène  I"V,  Poggio  se  serait  facilement  consolé  de 
l'infortune  qu'il  avait  éprouvé  en  suivant  le  soit  de 
son  maître.  Le  transport  de  la  cour  pontificale  à  Flo- 
rence le  ramenait  dans  les  lieux  où  il  avait  fait  ses 
premières  éludes;  il  regardait  depuis  longtemps  la  capi- 
tale de  la  Toscane  comme  un  asile  hospitalier,  où  se  perdait 
le  sentiment  de  ses  peines  dans  les  doux  épanchements 
de  l'amitié.  Mais  le  sort  se  plaît  à  faire  évanouir  les  plus 
agréables  espérances. 

Lorsqu'au  terme  de  son  voyage.  Poggio  aperçut  de  loin 
les  tours  de  Florence,  il  éprouva  une  amère  tristesse  en 
pensant  qu'il  ne  verrait  pas  son  illustre  protecteur,  Gosme 


1.  Pastob.  1.  p.  2'Ji. 

1.   Poggio. Ilistor.  de  Vaiiclat.  FDiliin.r. 

1.  NlSABP.   cf.    1.1. 


XXVI  INTRODUCTIOiN 

de  Médecis,  parmi  les  amis  qui  s'empresseraient  de  le 
féliciter  sur  son  retour  dans  la  patrie.  Les  intrigues 
d'une  faction  rivale  l'avaient  depuis  peu  fait  bannir  de 
Florence  et  exposé  à  la  haine  et  aux  insultes  journalières 
d'un  impudent  libelliste.  Tant  que  Gosme  fut  proscrit, 
Poggio  garda  le  silence  et  l'insulteur  triompha  aisément 
d'un  homme  qu'enchaînait  l'autorité. 

L'insulteur  était  le  professeur  Francesco  Filelfo  ou 
Philelphe,  dont  le  nom  avait  eu  jusque-là  un  grand  reten- 
tissement; des  monarques,  des  républiques,  des  princes 
de  tous  rangs  s'étaient  disputés  à  qui  le  posséderait, 
comme  si  les  services  qu'ils  attendaient  de  lui  leur  eus- 
sent été  une  force  et  sa  personne  un  ornement.  Il  ne  lui 
avait  manqué  que  l'esprit  de  conduite,  pour  se  maintenir 
dans  la  position  éminente  où  il  était  déjà,  à  vingt-deux 
ans,  etpour  monter  plus  haut  encore.  Poggio,  lui,  manquait 
de  tous  les  avantages  physiques,  et  des  faveurs  obte- 
nues par  Filelfo,  et  s'il  n'avait  pas  encore  de  motifs 
pour  le  haïr,  il  en  avait  déjà  beaucoup  d'en  être 
jaloux  (1). 

Filelfo  s'était  emporté  contre  Cosme  et  ses  partisans,  à 
propos  des  dépenses  de  l'Etat  et  d'une  réduction  qu'on 
voulut  faire  sur  ses  appointements;  il  répandit  sur  eux 
des  torrents  d'injures,  dans  une  suite  de  satyres.  Sa  haine 
se  dirige  particulièrement  contre  Niccolo  Niccoli,  qu'il 
traite  d'envieux,  d'ennemi  des  gens  de  bien,  d'emporté, 
de  perfide,  de  blasphémateur;  il  lui  reproche  de  se  vau- 
trer dans  les  plus  infâmes  voluptés. 

Il  y  avait  un  an  à  peine  que  Cosme  était  banni,  lorsque 
le  parti  du  peuple  se  releva  et  le  rappela  dans  sa  patrie. 
Ses  ennemis  durent  fuir  à  leur  tour.  Tremblant  pour  lui- 
même,  Filelfo  se  réfugia  à  Sienne.  Poggio  saisit  l'occa- 
sion pour  se  venger  de  l'orgueilleux  professeur.  Il  écrivit 
d'abord,  à  Cosme,  une  lettre  pour  le  féliciter  de  son  heu- 

1.  D.  NiSAUD.  cf.  [).  W),  etc. 


INTRODUCTION  XXVil 

reiix  retour.  Il  avait  préféré,  dit-il,  lui  rendre  ce  devoir 
sous  cette  forme,  à  l'honneur  de  s'en  acquitter  de  vive 
voix,  parce  qu'il  voulait  laisser  à  tous  ceux  qui  étaient 
assez  bons  pour  s'amuser  de  ses  chétifs  écrits,  un  témoi- 
gnage public  des  sentiments  qui  l'animaient  à  son 
égard.  Il  y  a,  dans  cette  attention  délicate,  du  courtisan 
au  moins  autant  que  de  l'ami,  dit  Ch.  Nisard;  ce  devoir 
rempli,  il  trempa  dans  le  fiel  le  plus  acre  cette  plume  qui 
venait  de  distiller  le  miel  le  plus  doux,  et  sous  prétexte 
de  réhabiliter  Niccoli.il  publia  contre  l'ennemi  de  Gosme 
et  le  sien,  une  invective,  où  il  entasse  sans  scrupule,  tous 
les  termes  injurieux  et  grossiers  que  lui  fournissait 
abondamment  la  langue  latine.  Il  est  fort  difTicile  de  tra- 
duire les  invectives  de  Poggio,  car  le  langage  de  la 
décence  n'a  pas  la  richesse  de  celui  de  l'obscénité, 
et  les  équivalents  honnêtes  qui  les  suppléent  sont  bien- 
tôt épuisés  (1). 

Une  violente  fureur  s'empara  de  Fileifo,  à  la  publication 
de  ce  libel,  immédiatement  il  rendit  les  coups  en  tra- 
vestissant, dans  une  nouvelle  satire,  les  écrits  et  le  carac- 
tère de  Poggio,  A  cette  satire,  celui-ci  répliqua  par  une 
nouvelle  invective  qu'il  termine  par  ce  torrent  d'in- 
jures : 

«  Est-il  quelqu'un,  Fileifo,  qui  ne  te  voue  un  souverain 
mépris?  Si  quelques  hommes  fréquentent  encore  ta  mai- 
son et  te  témoignent  des  égards,  ce  ne  peut  être  que  ceux 
qui  se  dédommagent  auprès  de  ta  femme,  de  ton  insuppor- 
table radotage;  bouc  puant,  monstre  cornu,  fourbe  mé- 
chant, calomniateur,  boute-feu,  puisse  la  divine  Provi- 
dence t'écraser  et  t'anéantir  comme  l'ennemi  des  gens  de 
bien;  si  tune  peux  t'empêcher  de  vomir  des  injures,  eh 
bien!  écris  des  satires  contre  ceux  qui  font  leur  cour  à 
ta  femme,  exhale  la  puanteur  de  ta  poitrine  surles  liber- 
tins qui  ornent  ta  tète  de  cornes.» 

1.  Ch.  Nisabd  cf. 


XXVIIl  INTRODUCTION 

Après  avoir  lu  la  première  invective  et  la  première  sa- 
tire,ou  se  demande  ce  que,  par  la  suite,  pourront  encore 
se  dire  les  deux  adversaires.  Eh  bien!  le  répertoire esliné- 
pnisable,  l'injure  va  crescendo,  l'ordure  déborde  à  flot  ; 
les  libellistes  cherchent  l'un  et  l'autre  à  se  surpasser  en 
violence.  Quoiqu'il  en  soit,  Filelfo  paraît  avoir  eu  l'avan- 
(ag-e  dans  ce  combatpeu  glorieux,  mais  il  ne  le  dut  qu'aux 
armes  dont  il  se  servit.  Une  invective  en  prose  est  une 
massue  lourde  et  difTicile  à  manier;  tandis  que  les  traits 
de  la  satire,  aiguisés  par  la  poésie,  blessent  souvent  plus 
profondément. 

Quatre  fois,  dans  l'intervalle  de  quelques  années,  les 
deux  adversaires  se  lancèrent  à  la  figure  les  crachats  de 
l'invective  et  les  traits  de  la  saliro,  puis  un  beau  jour  ils 
se  réconcilièrent.  Comment?  On  dit  que  c'est  à  la  sollici- 
tation de  Cosme  de  Médicis,  qui  avait  lui-même  fait  sa  paix 
avec  Filelfo.  Les  détails  manquent,  c'est  dommage,  caron 
aurait  vwulu  voir  comment  ces  deux  hommes,  après  s'être 
publiquement  déshonorés  l'un  l'autre,  s'y  sont  pris  pour 
se  réhabiliter  à  leurs  propres  yeux  et  s'embrasser  en- 
suite. 

De  la  part  de  Filelfo,  la  réconciliation  ne  fut  qu'appa- 
rente, car  aussitôt  la  mort  de  Cosme,  il  eut  l'occasion 
d'écrire,  pour  se  défendre  de  s'être  attiré  la  haine  des  plus 
illustres  savants  :  «  Qu'à  la  vérité,  il  avait  toujours  pro- 
fondément méprisé  trois  des  plus  illustres  drôles  à  qui  il 
ait  jamais  eu  alTaire;  c'est-à-dire  Niccoli,  Poggio  et  Pie- 
tro  Candido,  égotits  infects  de  toutes  les  méchancetés, 
de  toutes  les  saletés  qui  sont  l'apanage  d'une  vie  désho- 
norée. )) 

Poggio,  de  son  côté,  dans  ses  Faccties,  Irànsmelira  àla 
postérité  le  nom  de  Filelfo  d'une  façon  plus  durable,  que 
l'auteur  même  des  satires  n'aura  pu  le  faire,  il  lui  infli- 
gera le  s(  eau  du  ridicule,  en  le  mettant  en  scène  dans  un 
de  ses  contes,  d'une  manière  si  drolatique,  si  burlesque, 
i}uo  le  rôle  (|u'il  lui  fait  jouer  dériderait  l'homme  le  plus 


1MR01)LT.TI0>  XXIX 

lleginatique  et  le  contraindrait  à  sourire,  malgré  le  rigo- 
risme de  sa  pudibonderie.  Le  rêve  de  François- P/iilclp fie 
inventé  de  toute  pièce  par  Poggio,  a  été  imité  par  Rabe- 
lais, La  Fontaine,  et  quantité  d'auteurs  de  France  ou  d'ail- 
leurs. 

Vers  14o6,  pendant  le  conseil  de  Bâle,  Poggio  prit  des 
dispositions  pour  se  préparer  une  demeure  à  l'heure  delà 
retraite.  Il  acheta  une  maison  de  campagne  en  Toscane, 
dans  l'agréable  territoire  du  Valdarno. 

Poggio  reçut  alors  des  magistrats  une  marque  de  con- 
sidération fort  honorable.  Un  brevet  formel  l'affranchit, 
ainsi  que  ses  enfants,  du  paiement  des  impôts  et  de  toutes 
les  autres  taxes  publiques.  La  Seigneurie  de  Florence 
moliva  cette  faveur  sur  la  communication  que  Poggio 
venait  de  lui  faire,  de  la  résolution  de  finir  ses  jours  dans 
sa  patrie,  et  sur  ce  que  ses  occupations  littéraires  le  met- 
taient dans  l'impossibilité  de  supporter  les  mêmes  char- 
ges que  tous  les  citoyens  de  Florence,  qui  avaient  la 
faculté  de  s'enrichir  par  le  commerce  ou  par  des  emplois 
lucratifs  (1;. 

Quand  il  eut  fait  l'acquisition  de  sa  maison,  délicieuse 
retraite  encombrée  de  manuscrits  précieux,  de  statues 
antiques  et  d'objets  d'art,  il  voulut  y  mettre  un  gai  rayon 
de  soleil,  qui  illuminât  tout  autour  de  lui.  Poggio,  alors 
âgé  de  cinquante  cinq  ans,  songea  à  contracter  une  union 
légitime,  à  prendre  une  femme  qui  put  faire  la  joie  de  ses 
derniers  jours  et  prendre  soin  de  sa  vieillesse. 

Le  mariage  de  Poggio,  dit  Alcide  Bonneau,  (2)  est  un 
curieux  épisode  de  sa  vie.  Ses  amis  l'adjuraient  depuis 
longtemps,  de  faire  cesser  l'irrégularité  de  sa  conduite. 
Chargé  de  fonctions  ecclésiastiques,  sans  cependant  être 
engagé  dans  les  ordres,  il  ne  semblait  pas  redouter  le 
discrédit  que    ses    mœurs  jetaient  sur  lui;  il  s'amusait 

l.  Shepherd  cf.  p.  234. 

?.  .\LriDK  Bonneau.  Un  vieillard  doit-il  se  marier?  p.  VIII. 


ÏXX  INTRODUCTION 

même  à  rire  aux  dépens  des  autres.  Mais  à  mesure  qu'il 
vieillissait,  les  reproches  devenaient  plus  vifs  et  il  arriva 
même  à  l'un  de  ses  protecteurs,  le  cardinal  de  Saint-Ange, 
de  le  tancer  un  jour  vertement.  Ce  prélat  ayant  été  très 
malheureux  dans  son  entreprise  militaire  contre  les 
hérétiques,  Poggio  se  permit  à  son  égard,  un  léger  persi- 
flage. Un  homme  aigri  par  les  revers  s'irrite  facilement  des 
saillies  d'un  esprit  caustique,  aussi  le  cardinal  de  Saint- 
Ange  fut-il  vivement  blessé  de  la  lettre  de  Poggio,  et  son 
humeur  éclata  dans  la  réponse  qu'il  lui  fit,  lui  déclarant 
qu'il  en  prenait  bien  à  son  aise  pour  un  homme  perdu  de 
réputation,  qui  avait  une  maîtresse  et  desbàtards.  C'était 
là  le  refrain  que  Poggio  entendait  continuellement  autour 
de  lui,  depuis  quelque  temps.  A  cela,  Poggio  répondit  sur 
un  ton  badin  :  —  «  Vous  me  reprochez  d'avoir  des  enfants, 
ce  qui  ne  convient  pas  à  un  homme  d'église,  et  de  les 
avoir  eus  d'une  concubine,  ce  qui  est  un  déshonneur  pour 
un  laïque.  Je  pourrais  vous  répondre  que  j'ai  des  enfants, 
ce  qui  n'est  pas  défendu  à  un  laïque,  et  que  je  les  ai  eus 
d'une  concubine,  ce  qui  esl  la  coutume  des  ecclésiasti- 
ques depuis  le  commencement  du  monde...  Quant  à  vos 
conseils  sur  le  genre  de  vie  que  je  dois  suivre,  je  vous 
déclare  que  je  ne  dévierai  pas  de  la  roule  que  j'ai  suivie 
jusqu'à  présent.  Je  ne  veux  pas  être  prêtre;  je  ne  ve-,ix 
pas  de  bénéfices...  (1).  » 

Trois  ans  après,  les  conseils  du  cardinal  revinrent  à  sa 
mémoire,  ses  passions  fougueuses  s'étant  calmées,  fati- 
gué d'ailleurs  de  sa  vie  agitée,  il  porta  un  œil  d'envie  sur 
les  soins  et  les  alTections  domestiques,  qui  augmentent  les 
charmes  ^et  adoucissent  les  chagrins  de  la  vie  humaine, 
il  résolut  de  prendre  une  compagne  pour  ses  vieux  jours, 
et  son  choix  tomba  sur  Vaggia  (2),  fille  de  Ghino  Menente 
de  Biiondelmonte,  d'une  famille  distinguée,  et  ill'épousa 

1.  Poggio.  Hpistolœ — 27. 

2.  Irtf/f/j'a  diminutif  de  Servnggia, 


liNTROIH»  riO.\  \\\l 

dans  les  derniers  jours  de  décembre  14;i5.  Celte  jeune 
fille  avait  dix-huit  ans  et  six  cents  florins  de  dot,  mais  les 
considérations  de  fortune  influèrent  très  peu  sur  le  choix 
de  Poggio,  il  préférait  assurément  la  jeunesse,  la  beauté 
et  les  vertus  de  ,  son  épouse  à  tous  les  trésors  du 
monde. 

Sans  doute,  avant  de  contracter  ce  mai'ioge  Poggio  pesa 
longuement  les  avantages  et  les  inconvénients  qui  pou- 
vaient résulter  de  la  grande  disparité  d'âge,  on  en  a  la 
preuve  dans  diverses  lettres  et  surtout  dans  son  dialogue  : 
Un  Vieillard  doit-il  se  marier?  dans  lequel  il  a  mis  toute 
son  ingéniosité,  car  c'était  sa  propre  cause  qu'il  plaidai*. 
Il  s'agissait  pour  lui,  non  seulement  d'excuser  le  mariage 
d'un  homme  de  son  âge,  ce  qui  après  tout,  n'est  pas  un 
crime,  mais  surtout  de  démontrer,  par  vives  raisons,  que 
c'est  avec  une  jeune  lille,non  avec  un  veuve  qu'on  doit  se 
marier  à  cet  âge.  Ni  Poggio,  ni  Vaggia  n'eurent  lieu  de  se 
plaindre  de  cette  union  (1). 

La  résolution  de  Poggio  de  changer  de  conduite  et  de 
contracter  un  mariage  légitime  est  sans  doute  digne 
d'éloge,  mais  quels  durent-être  ses  remords  quand  il  se 
vit  forcé  d'abandonner  sa  vieille  maîtresse?  se  demande 
Shepherd.  Cette  maîtresse  avec  laquelle  il  vécut  près  de 
trente  ans,  au  vu  et  au  su  du  public,  étaitune  femme  mariée 
nommée  Luccia,  de  laquelle  il  eut  quatorze  enfants,  dont 
quatre  seulement  vivaient  encore  au  moment  do  la  sépa- 

1.  Charles  Xisarcl,  dans  les  Gladiateurs  de  la  Republique  des 
lettres,  prétend  que  Pocrgio  eût  du  émettre  une  théorie  abso- 
lument inverse  que  celle  qu'il  a  soutenue  dans  son  dialogue  et 
y  conformer  sa  conduite,  puis  il  termine  par  ces  paroles  par 
trop  sévères  :  «  Il  est  sûr  qu'il  n'y  a  que  des  motil's  honteux 
qui  puissent  déterminer  un  houime,  dans  les  conditions  où  était 
Poggio,  à  agir  comme  il  a  fait,  et  les  motifs  sont  ou  la  cupi- 
dité, ouïe  libertinage,  ou  la  vanité,  quelquefois  les  trois  réunis. 
Mais  qu'on  choisisse  celui  qu'on  voudra,  il  est  également  sur 
que  Pogîîio,  uialyré  toutes  ses  belles  phrases,  a  cède  à  l'une  ou  à 
l'autre».  T.  I,  p.   liG-li?. 


\\\n  IMHdbl  CTION 

l'iitioii  (•!  avaient  ngc  d'iioiiimt'.  l'oggio  ne  semble  j>as 
s'être  laipsf»  importuner  outre  mesure  par  les  remords;  à 
|iarlir  de  son  mariage,  son  ancienne  femme  et  ses  enfants 
pai-aissaient  avoir  été  pour  lui,  comme  s'ilsn'cxistaicntpas. 
Laurent  Valla.  dans  sa  mauvaise  humeur  contre  son  adver- 
saire, prétend  que  Poggio  les  laissa  tranquillement  mou- 
rir de  faim.  C'est  une  énormité  qui  n'a  aucun  fondement. 
Il  paraît,  au  CDntraire.  ([ue  les  enfants  naturels  avaient 
acquis  la  légitimation i)ar deux  actes  authentiques,  dtmt  le 
premier  est  une  bulle  pontilicale  ot  le  second  un  décret  de 
la  (Seigneurie  de  Florence  qui,  en  considération  du  retour 
de  Poggio  dans  son  pays  natal,  l'exempta,  lui  et  ses  fils,  de 
tout  impôt  et  cela  trois  ans  avant  son  mariage.  Ces  fils 
légitimés  conservaient  tous  leurs  droits,  même  dans 
!e  cas  où  leur  père  auraitd'autres  enfants.  Rien  n'empêche 
donc  de  croire  que  Poggio  assura,  de  façon  ou  d'autre, 
l'avenir  de  la  fenune  qu'il  quittait  et  des  enfants  qu'il 
avait  eus  d'elle,  remaicjue  judicieusement  Alcide  Bonneau; 
que  s'il  n'en  a  plus  parlé  jamais,  cette  absence  de 
préoccupation  et  de  la  sérénité  de  son  esprit  à  leur  égard, 
témoignent  précisément  en  faveur  des  dispositions  qu'il 
avait  du  prendie. 

Au  bout  de  deux  ans  de  mariage,  Poggio  eut  un  fils. 
(1438;  qu'il  nonuna  Pietro-P<iolo  et  i{ui  fut  le  premier  di^  sa 
nouvelle  et  nomlireuse  famille. 

Kn  1  V'iO,  toujours  confiné  dans  sa  retraite,  Poggio  publia 
un  JHalo<^uc  sur  la  Noblesse,  qui  accrut  beaucoup  sa  répu- 
tation; on  en  loua  la  sagesse,  le  plan  et  le  style,  La  con- 
clusion que  Poggio  place  dans  la  bouche  de  son  ami  Nic- 
colo,  est  en  faveur  de  la  théorie  de  Platon  contre  celle 
d'Aristoto:  il  déclare  que  la  vei-lu  est  la  véritable  source  de 
la  noblesse. 

Au  cours  de  son  dialogue,  Poggio  passe  en  revue  la 
noblesse  de  quelques  Etats,  or  voici  ce  qu'il  dit  sur  celle 
de  France,  au  xv=  siècle:  «  Les  Français  ont  sur  la  noblesse 
des  idéfs  uniformes:   les  nobles  de  ce  pays  habitent  la 


IMHulUClln.N  XXXin 

(anipagne  et  plaignent  ceux  d'entre  eux  qui  sont  contraints 
de  demeurer  dans  les  villes,  méprisent  les  marchands 
.^omme  une  race  d'êtres  vils  et  dégradés;  la  prodigalité  et 
l'insouciance  de  l'avenir,  y  sont  les  traits  distinctifs  d'un 
caractère  noble.  Les  bourgeois  opulents  et  les  feudataires 
des  barons  recrutent  incessamment,  en  France,  l'ordre  de 
la  noblesse.  Dès  que  les  fils  des  négociants,  ou  môme  les 
commerçants  retirés  des  affaires,  ont  acquis  une  terre  et 
(ju'ils  vivent  à  la  campagne  de  ce  revenu,  ils  entrent  dans 
une  sorte  de  noblesse  secondaire,  et  transmettent  à  leurs 
descendants  l'état  de  l'aristocratie;  les  grands  barons 
décorent  d'un  titre  nobiliaire,  les  terres  qu'ils  donnent  à 
leur  serviteurs  et  à  leurs  officiers.  » 

Le  principal  interlocuteur  de  ce  dialogue  était  Laurent 
(leMédicis,  frère  de  Cosme;  cet  homme  illustre  mourut 
peu  après,  le  23  septembre  1440.  Sa  perte  faisait  regretter 
à  Poggio,  à  la  fois  un  frère,  un  père  ou  un  ami  il).  Tant 
que  celui-ci  vécut,  il  put  impunément  négligerla  fortune; 
Laurent  prévenait  ses  embarras  et  ses  besoins. 

Poggio,  reconnaissant,  se  hâta  de  composer  l'éloge 
funèbre  de  ce  grand  Florentin. 

Poggio  eut,  pendant  cette  période,  d'autres  deuils  à  déplo- 
rer, ses  meilleurs  amis  Xiccolo  Niccoli,  Nicolas  Albergati, 
cardinal  de  Sainte-Croix,  et  Leonardo  Bruni  moururent 
successivement  à  peu  d'années  de  distance.  Il  soulagea 
sa  douleur  en  payant  un  tribut  à  leur  mémoire,  par  d'élo- 
quentes oraisons  funèbres. 

Eugène  IV  étant  mort  le  23  février  1447,  le  6  mars,  le 
cardinal  Thomas  Parentucelli  fut  élu  pape  et  prit  le  nom 
de  Nicolas  V. 

Aussitôt  que  le  fils  du  petit  médecin  du  village  de  Sazano 
fut  élu  pape,  en  dépit  de  sa  pauvreté,  de  sa  naissance 
roturière,  de  son  extérieur  si  peu  imposant  et  de  sa  jeu- 


!.  PoGGi  opéra,  p.  "278. 


XXXIV  INTRODUr.TIO 

liesse,  (il  n'avait   que  quarante-cinq   ans)  Poggio  s'cm 
pressa  de  lui  rappeler  le  passé,  par  une  lettre  de  félicita- 
tions dans  laquelle  il  exposait  éloquennment  les  espérances 
et  les  vœux  des  humanistes  :  «  Je  vous  en  supplie  Saint- 
Père,  ne  laissez  pas  effacer  de  votre  mémoire  le  souvenir 
de  vos  anciens  amis;  au  milieu  des  soins  de  toute  sorte 
qui  vont  vous  accabler,  ne  négligez  pas  celui  de  penser 
à  eux.  Faites  que  l'on  trouve  beaucoup  d'hommes  sem- 
blables à  vous,  alin  que  ce  siècle  voie  refleuiir  les  arts 
libéraux,  qui  semblent  à  peu  près  morts  et  disparus  par  la 
faute  du  temps.  On  attend  de  vous  seul,  ce  que  tantd'autres 
ont  négligé  de  faire.  A  vous  seul  revient   la  charge  et 
l'honneur  de  rondrc  aux  études  scientifiques,  leur  ancienne 
dignité  et  leur  ancien  lustre,    de  faire  revivre  les  arts  les 
plus  nobles.  »  Et  Poggio  savait  bien  que  sa  requête  irait 
droit  au  cœur  du  pape.  En  effet  elle  fut  favorablement  écou- 
téeetNicolas  V  fit  une  place  encore  plus  large  aux  huma- 
nistes, qui  furent  bientôt  assez  nombreux  pour  former  une 
véritable  cour  des  Muses  et  qui  prirent  une  telle  situation 
qu'il  fallutcompter  aveceux ;  leurarrogancemêmesemani- 
festa  maintes  fois,  ainsi  que  leurs  vaniteuses  prétentions. 
Ne  prétendaient-ils  pas,  par  exemple,  avoir  dans  les  céré- 
monies,lepassurlesévôques,  euxqui  pourla  plupartétaient 
desimpies  clercs  ou  plus  ordinairement  des  laïcs   sans 
mœurs  et  qui  pis  est  sans  foi  !  Tous  ces  hommes,  sous  l'in- 
iluence  d'une  passion  excessive  pour  les  beautés  des  écri- 
vains classiques,  arboraient  franchement  l'étendard  du 
paganisme,  prétendaient  tout  modeler  exactement  sur  l'an- 
tiquité, les  mœurs,  les  idées,  rétablir  la  prépondérance  de 
l'esprit  païen  et  détruire  radicalement  l'état  de  choses  exis- 
tant, considéré  par  eux  comme  une  dégénérescence  (1).  Le 
choix  de  tels  hommes  a  été  un  problème  pour  les  histo- 
riens ecclésiastiques  et  Pastor  écrit  :  «  C'est  là  une  de  ces 
fautes  qu'on  ne  peut  ni  comprendre  ni  excuser.  Gomment 

1.  Pastob,  cf.  I,  p.  16. 


INTRODUCTION  XXXV 

Nicolas  V,  assurément  l'un  des  types  les  plus  purs  de  la 
Renaissance  chrétienne,  en  vint-il  à  fermer  presque 
complètement  les  yeux  sur  les  dangers  delà  fausse  Renais- 
sance? C'est  un  phénomène  qu'on  ne  peut  expliquer  que 
par  l'entraînement  du  moment  »  (1). 

Poggio  vit  son  sort  s'améliorer  par  les  largesses  de 
Nicolas  V,  et  il  put  dorénavant,  se  consacre)'  presque 
entièrement  à  ses  plaisirs  littéraires. 

C'est  alors  qu'il  composa  son  Dialogue  sur  les  Vicissi- 
tudes de  la  Fortune,  qu'il  dédia  au  pape,  son  protecteur, 
comme  il  lui  avait  dédié  déjà,  en  qualité  d'ami,  son  Dia- 
logue sur  le  malheur  des  Princes.  L'entretien  sur  les  vicis- 
situdes de  la  fortune  esl  le  plus  intéressant  de  tous  les 
dialogues  de  Poggio  :  l'écrivain  y  donne  des  leçons  de  la 
plus  haute  philosophie,  toutes  basées  sur  des  faits  célè- 
bres, et  présente'  le  tableau  des  principales  révolutions 
arrivées  en  Italie  à  la  fin  du  xiv«  siècle  et  dans  les  pre- 
mières années  du  xve;  il  dévoile  la  doctrine  des  principes 
politiques  des  gouvernements  de  cette  époque,  il  donne 
enfin  l'itinéraire  très  remarquable  du  voyageur  vénitien 
Conti  (2). 

Infaligaable,  Poggio  publie  successivement  son  Dialo' 


1.  PoGGi  Opéra. 

"2.  Nicolas  Conti  avait  visité  la  Syrie,  la  Palestine,  la  Babylonie 
la  Perse,  les  Indes,  Cevlan,  le  Malabar,  Sumatra  et  la  Chine, 
puis  à  son  retour,  Calicut,  l'Ethiopie,  la  Mer  Rouge,  l'Egypte. 
Ati  Caire,  il  perdit  sa  femme.  E.sfln,  après  un  voyage  de  vingt- 
cinq  année?!,  tl  rentra  à  Venise,  sa  patrie,  en  1444.  Ses  récits 
exercèrent  presque  autant  d'influence  que  ceux  de  Marco  Polo. 
Le  pape  Eugène  IV  s'y  intéressa  si  vivement,  qu'il  roleva  Conti 
de  sa  lausse  apostasie  (le  voyageur,  pour  plus  de  facilité  et  de 
sécurité,  avait  pris  les  vêtements  orientaux  et  simulait  les  pra- 
tiques de  la  religion  musulmane),  sans  autre  condition  que  de 
raconter  sincèrement  ses  aventures  à  Pogtrio.  La  rédaction 
latine  fut  traduite  en  portugais  par  Valentin  P'eruandez.  sur 
l'ordre  du  roi  Emmanuel,  et  une  traduction  italienne  en  fut  faite 
par  Giombattista  Ramusio. 


XXXVI  LM'RODUCilU.>i 

^ue  sur  l'Hypocrisie,  dirigé  contre  l'anli-pape  Félix  \', 
Amédée  de  l^avoie,  puis  sa  traduction  latine  de  l'Histoire 
de  Diodore  de  Sicile  —  qu'il  dédie,  enlémoignagederecon- 
naissance  au  souverain  pontife,  enfin,  sa  version  latine  de 
la  Cyropédie  de  Xénophon  qu'il  eut  la  malencontreuse  idée 
de  dédier  à  Alphonse  d'Aragon.  Les  Napolitains,  jaloux, 
décrièrent  Poggio  auprès  de  leur  prince,  qui  eut  la  fai- 
blesse de  prêter  à  des  critiques  intéressés,  une  oreille 
trop  complaisante.  Le  malheureux  auteur  fut  fort  alî'ecfé 
de  celte  déconvenue,  et  jura  de  saisir  la  première  occasion 
de  rétracter  tout  ce  qu'il  avait  dit  à  la  louange  du  prince. 

Parmi  les  partisans  de  ce  dernier,  un  des  plus  fougueux 
adversaires  de  Poggio,  en  cette  occasion,  était  un  certain 
grec,  Georges  de  Trébizonde,  devenu  secrétaire  de  Curie, 
homme  d'un  savoir  médiocre  et  d'une  réputation  surfaite. 
C'est  un  des  types  les  plus  antipathiques  des  Grecs  de 
l'époque  :  vaniteux,  fanfaron  et  querelleur,  il  se  faisait  haïr 
de  tout  le  monde.  Sous  l'effet  des  critiques  des  vrais 
savants,  la  célébrité  de  cethomme  décrutrapidement.  Peut- 
être  cette  disgrâce  aigrit-elle  son  caractère  et  devint-elli- 
l'origine  de  ses  violents  démêlés  avec  Poggio. 

«  Nicolas  "V"  s'était  montré  peu  scrupuleux  dans  le 
choix  de  ses  collaborateurs,  écrit  l'historien  des  Papes  de 
la  Renaissance  (1).  Il  devait  se  produire  des  scandales; 
c'était  inévitable.  Comme  Florence,  au  temps  de  Niccoli, 
Home  devint  le  théâtre  d'une  chronique  scandaleuse  dont 
les  savants  fournissaient  le  sujet.  Pendant  des  années,  ou 
n'entendit  parler  que  des  querelles  acrimonieuses  des 
latinisants  contre  les  grécisants,  ou  des  grécisants  ou  des 
latinisants  entre  eux.  Ce  qui  s'échangea  d'accusations  et 
d'injures  est  inimaginable.  Parfois  même,  on  en  vint  aux 
coups.  » 

L'animosité  entre  Georges  de  Trébizonde  et  Poggio 
linit  par  éclater  au  théâtre  de  Pompée,  où  les  secrétaires 

1.  Pastor,  cf.,  I.  II,  p.  187. 


i.Mimhi  iiioN 


WVVll 


du  souverain  ponlife  s'étaient  réunis  pour  corriger,  entre 
eux,  certains  documents  de  la  chancellerie;  elle  fut  occa- 
sionnée par  quelques  remarques  satyriquesde  Poggio  sur 
le  style  du  grec,  son  confrère.  Les  premiers  mouvements 
lie  Georges  furent  terribles,  il  frappa  violemment  le  vieux 
Poggio  au  visage;  celui-ci  furieux,  ne  se  contenta  pas  de 
lui  proposer  un  duel,  il  rendit,  sur  le  champ,  coup  pour 
coup;  les  deux  adversaires  se  battirent  sans  armes,  avec 
une  telle  furie,  que  leurs  collègues  eurent  toutes  les  peines 
du  monde  à  les  séparer;  et  après  s'être  réciproquement 
meurtris  de  coups,  ils  convinrent  dévider  leur  querelle  à 
la  pointe  de  l'épée,  Le  Pape  lui-même  dut  s'entremettre. 
A  la  suite  de  cet  esclandre,  Georges,  dont  l'inutilité  était 
démontrée,  fut  exilé  de  Rome,  il  se  réfugia  à  Naples  où  il 
fut  accueilli  avec  empressement. 

En  liSO,  année  de  Jubilé,  un  prodigieux  concours  de 
pèlerins  se  rendit  à  Rome  et  concentra  dans  cette  ville  le 
foyer  de  la  peste  qui  menaça  toute  l'Italie.  Le  Pape  fut 
obligé  de  se  réfugier  pendant  les  chaleurs,  à  Fabriano, 
dans  la  marche  d'Ancône,  jusqu'à  ce  que  l'abaissement  de 
la  température  eût  fait  diminuer  l'intensité  du  fléau.  Poggio 
profita  de  ce  changement  de  résidence  du  pontife,  pour 
aller  voir  sa  petite  maison  du  Valdarno  et  renouer  desrela- 
tions avec  ses  vieux  amis. 

C'est  pendant  ces  vacances  forcées,  qu'il  utilisa 
ses  loisirs  à  préparer  la  publication  des  Facéties,  volume 
qui  devait  le  plus  conti'ibuer  à  sa  renommée,  tout  en  l'éga- 
rant sur  les  vrais  mérites  de  l'auteur.  C^e  livre  eut  en  effet 
une  vogue  générale,  éclatante  et  populaire;  il  se  répandit 
à  la  fois  en  Italie,  en  Allemagne,  en  France  et  en  Angle- 
terre. Il  en  sera  parlé  ultérieurement. 

Poggio,  durant  son  séjour  momentané  à  Terranuova 
reçut  la  visite  de  Benedetto  Aretino,  célèbre  juris- 
consulte, de  Niccolo  de  Foligni,  habile  médecin  et  do 
Carlo  Aretino,  chancelier  de  Florence  :  ces  hôtes  furent 
accueillis  avec  une  cordialité  empressée,  et  leur  conver- 


XXXVIIl  INTRODUCTION' 

satien  lui  fournit  les  matériaux  d'un  ouvrage  intitulé  : 
Histoire  Coni'ivale  ou  w  Propos  de  tables  contradictoires  », 
qu'il  dédia  en  l'iSl,  au  cardinal  Prosper  Colonna. 

Le  24  avril  liSo.la  place  de  chancelier  delà  République 
étant  devenue  vacante  par  suite  de  la  mort  de  Carlo  Are- 
tino,  la  réputation  de  Poggio,son  dévouement  à  la  famille 
de  Médicis,  alors  toute  puissante  en  Toscane,  fixèrent  sur 
lui  les  suffrages  de  ses  concitoyens,  qui  l'appelèrent  à  un 
emploi  que  deux  de  ses  amis  avaient  successivementoccupé 
avec  distinction. 

La  perspective  des  honneurs  dont  il  allait  jouir  dans  sa 
patrie,  ne  lui  fit  pas  quitter  sans  un  amer  chagrin,  la  cour 
pontificale,  où  il  exerçait  depuis  environ  cinquante 
et  un  ans,  des  fonctions  honorables  quoique  peu  lucratives; 
mais  la  tristesse  brisa  particulièrement  son  cœur  quand 
il  prit  congé  de  l'illustre  pontife  qui  l'avait  comblé  de 
nombreux  témoignages  d'estime  et  de  bonté  (1). 

Nicolas  V  lui-même,  ne  le  vit  pas  partir  sans  regret,  il 
lui  permit  de  conserver,  à  titre  honorifique,  la  qualité  de 
secrétaire  pontical,  ce  dont  se  montre  fort  scandalisé,  le 
récent  historien  des  papes  de  la  lionaissance,  le  docteur 
Pastor  (2). 

Ce  n'est  pas  sans  regret  non  plus,  que  Poggio  dit  adieu 
à  tous  ses  vieux  amis  éprouvés,  à  tous  ces  compagnons 
des  bons  et  des  mauvais  jours,  à  tous  ces  savants  parmi 
lesquels  il  occupait  une  place  éminente,  à  tous  ces  joyeux 
compagnons  du  bugiale  et  des  villini  des  environs  de 
Rome,  où  l'on  devisait  si  joyeusement  et  si  librement 
sur  tout  et  sur  tous,  voire  même  sur  le  souverain  pontife. 

Poggio  quitta  définitivement  Rome  au  mois  de  juin  l'iSo 
et  vint  à  Florence,  prendre  possession  de  la  charge  émi- 
nente qu'il  tenait  de  la  confiance  de  ses  compatriotes. 

Il  reçut  bientôt  une  nouvelle  preuve  de  l'estime  publi- 

1.  SlIEI'IIERD,  cf.,  S(J3-3G4. 

2.  Pastok,  cf.,  t.  II,  p.  180-182, 


INTRODUCTION  XXXIX 

que,  il  fut  nommô  l'un  des  «  Pxieurs_(ies_ Arts  ».  Ce 
litre  était  celui  des  syndics  des  diiïérentes  corpora- 
tions de  la  ville;  les  attributions  de  ces  magistrats  com- 
prenaient entre  autres,  la  conservation  du  bon  ordre  et  le 
maintien  des  franchises  du  peuple  llorentin. 

Les  soins  et  les  occupations  de  sa  place  de  chancelier 
et  ses  fonctions  de  prieur  des  arts,  ne  le  détournèrent  pas 
entièrement,  ni  de  ses  travaux  ni  de  ses  querelles  litté- 
raires, et  ne  lui  firent  pas  non  plus  oublier  ses  haines,  ses 
rancunes  et  ses  animosités.  Peu  après  son  retour  à  Flo- 
rence, il  eut  avec  Laurent  Valla.  professeur  éminent  et 
polémiste  acerbe,  une  guerre  déplume  presque  aussi  vio- 
lente que  celle  qu'il  avait  eue  avec  Filelfo;  il  s'y  livra  avec 
toute  son  àcreté  d'humeur  et  cette  intempérance  de  lan- 
gage qui  avait  déjà  flétri  sa  plume,  et  qui  maintenant, 
déshonoraient  sa  vieillesse.  La  querelle  avait  déjà  com- 
mencé avant  le  départ  de  Rome,  et  dura  assez  de  temps 
pour  amuser  la  galerie  et  soulever  le  dégoût  de  quelques 
honnêtes  gens.  «  Filelfo,  qui  le  croirait?  dit  Charles 
Nisard,  Filelfo  lui-même,  cet  homme  si  batailleur,  si  fier 
et  si  implacable,  eut  horreur  de  ces  scandaleux  débats. 
Il  écrivit  aux  deux  champions  une  très  longue  lettre  où  il 
leur  débite,  sur  les  avantages  de  la  modération,  des  lieux 
communs  pleins  de  sens  et  d'à-propos,  mais  qu'on  ne  peut 
s'empêcher  de  trouver  plaisants  dans  la  bouche  d'un 
homme  qui  avait  si  longtemps  méconnu  ces  avantages. 
Aussi,  ses  conseils  n'eurent-ils  aucun  effet  »  (1).  Filelfo, 
du  moins,  prouva  par  là,  combien  il  est  plus  aisé  d'offrir 
de  sages  avis  que  de  bons  exemples. 

En  prenant  possession  de  la  charge  de  chancelier  de  la 
République,  Poggio  prononça  un  fort  beau  discours 
dans  lequel  il  annonce  qu'il  a  pris  la  résolution  d'em- 
[•loyer  désormais  à  l'étude,  le  reste  de  sa  vie,  et  malgré 

1.  Ch.  Nisard.  Les  Gladiateurs  de  la  république  des  lettres.  T.  I, 
p.  258. 


XL  INTRODUtlTlO.N 

son  zèle  pour  les  alïaires  générales  et  ses  fonctions,  il  tint 
parole. 

Le  premier  fruit  de  ses  études  fut  son  Dialogue  sur  le 
malheur  de  la  destinée  humaine;  peu  après,  parut  sa  tra- 
duction critique  de  VAne,  de  Lucien,  qu'il  prétend  avoir 
été  le  prototype  de  VAne  d'or,  d'Apulée. 

La  place  que  Poggio  occupait,  mettait  entre  ses  mains 
toutes  les  facilités  pour  écrire  l'Histoire  de  Florence  [l], 
aussi  se  mit-il  avec  ardeur  à  ce  travail  qu'il  no  put  mal- 
heureusement achever,  car  la  mort  vint  l'interrompre  le 
30  octobre  1459(2). 

Le  2  novembre  suivant,  Florence  lui  fit  des  funérailles 
solennelles  et  sa  dépouille  fut  inhumée  dans  l'église  de 
Sainte-Croix. 

Son  portrait,  peint  par  Antonio  Polaioulo,  et  donné  par  ses 
enfants,  fut  placé  dans  le  palais  dit  Proconsolo,  et  ses 
concitoyens  témoignèrent  d'une  manière  encore  plus  écla- 
tante, leur  reconnaissance  de  l'honneur  que  ses  talents 
avaient  fait  rejaillir  sur  la  Toscane,  en  lui  érigeant  une 
statue  sur  la  façade  même  de  l'église  Santa-Maria-del- 
Fiore.  La  destinée  de  cette  statue  a  été  singulière;  le 
Grand  duc  de  Toscane  ayant  ordonné  de  faire  divers 
changements  au  portail  de  l'église,  on  la  transporta 
dans  une  autre  partie  du  bâtiment  et  elle  est  entrée  dans 
la  composition  d'un  groupe  qui  représente  les  douze 
apôtres  (3). 


l  L'Histoire  de  Florence,  écrite  par  I^oggio  eu  latin,  t'utachevée 
et  traduite  en  ilalicn  par  Jacques  Bracciolini,  l'uude  ses  fils. 
Cette  traduction,  iuiprimée  à  Venise  en  1470  et  réimprimée 
souvent,  fut  seule  connue  pendant  lougtemps.  L'origiual  latin 
ne  lut  publié  à  Venise  qu'eu  1715,  par  J.-B.  llecanali,  avec  des 
notes  biographiquei  trop  sommaires  sur  Pog-io. 

'2.  Alcide  Bonne ju  prétend  qu'il  mourut  un  peu  promaturt- 
ment  à  soixante-dix  neuf  ans  sonnés,  pour  avoir  étj  trop  aimé 
par  sa  femme. 

3.  REnANATf.   Vtia  l'ai/ii. 


IMHOUUCÏION  XLI 

Poggio.  on  inoiii'jint,  laissait  cinq  lils  de  sun  mariage 
(ie  Vaggia  de  Buondelmonle,  doni  la  félicité  conjugale, 
dit  un  biographe,  résista  au  temps  et  dépassa  de  beaucoup 
1rs  limites  de  la  lune  de  miel. 

Pietro-Paolo  naquit  en  ]i38,  prit  l'habit  de  dominicain 
et  fut  promu  prieur  de  Santa-Maria-della-Minerva,  à 
Rome,  fonctions  qu'il  exerça  jusqu'à  sa  mort  arrivée  en 
l'i64. 

Giovanni- Batista  na(|uit  (>n  li;j9;  il  obtint  le  grade  de 
docteur  en  droit  civil  et  en  droit  canon,  fut  ensuite  cha- 
noine do  Florence  et  d'Arozzo,  recteur  de  l'église  Saint- 
.lean-de-Latran,  accolyte  du  souverain  Pontife  et  clore 
assistant  de  la  Chambre.  Il  a  composé  en  latin,  les  vies  de 
Niccolo  Piccinino,  fameux  condotière  du  temps,  et  do 
Dominico  (".opranico,  cardinalde  Formo.ll  mouratenl470. 

Jacopo  naquit  en  li41  ;  il  fut  le  seul  des  enfants  de  Poggio 
qui  n'embrassa  pas  l'état  ecclésiastique.  Ce  fut  un  littéra- 
teur distingué,  il  mit  en  italien  VJIistoire  de  Florence 
écrite  par  son  père  et  la  continua  ;  il  publia  une  traduction 
de  la  Cyropcdie  et  de  l'Histoire  des  quatre  empereurs 
romains;  il  écrivit  diverses  compositions  originales,  un 
commentaire  sur  Le  Triomphe  de  la  Renommée^  de 
Pétrarque,  qu'il  dédia  à  Laurent  de  Médicis  ;  un  traité  sur 
les  causes  de  la  guerre  entre  la  France  et  l'Espagne;  la 
vie  (h'  Fi'ippo  Scolario.  dit  Pippo  Spano.  Entré  au  service 
du  cardinal  Riario,  ennemi  acharné  des  Médicis,  il  était 
son  secrétaire  en  1478  et  fut  engagé  par  lui,  dans  la  con- 
spiratior.  dos  Pazzi.  Le  cardinalRiario  parvint  à  s'échap- 
per, mais  le  malheureux  Jacopo  subit  le  sort  de  la  plupart 
des  autres  conjurés,  qui  furent  pendus  aux  fenêtres  du 
Palais  de  Justice  de  Florence. 

Giovanni-Francesco,  né  en  1447,  fut  comme  Giovanni- 
Batisla,  chanoine  de  Florence  et  recteur  de  Saint-Jean- 
de-Latran.  Appelée  Rome,  il  devint  camérier  du  Pape, 
abréviatour  dos  lettres  apostoliques.  Léon  X,  qui  l'avait 
en  grandi'   estime,   le   pi'it  pour  secrétaire.   Il  mourut  à 


XLIl  INTRODUCTION 

Rome  le  25  juillet  1522,  et  fut  ensevoli  dans  l'église  de 
San-Gregorio,  où  son  tombeau  se  voyait  encore  au  temps 
de  Recanati  (1715). 

Filippo  naquit  en  1450;  c'est  de  sa  naissance  que  Poggio 
se  félicite  dans  une  lettre  à  Carlo  Arelino,  en  lui  annon- 
çant que,  quoique  septuagénaire,  il  vient  d'avoir  un  fils 
plus  fort  et  plus  beau  que  tous  ses  aînés.  Filippo  obtint  à 
l'âge  de  vingt  ans,  un  canonicat  à  Florence,  mais  il  n'entra 
pas  dans  les  ordres  et  se  retira  de  l'état  ecclésiastique, 
pour  épouser  une  jeune  fille  appartenant  à  une  famille 
illustre  et  dont  il  eut  trois  filles. 

Outre  ces  cinq  fils,  Poggio  eut  encore  une  fille,  Lucrczia, 
qu'il  maria  de  bonne  heure  à  un  Buondelmonte.Onne  sait 
si  celte  fille  provenait  de  son  mariage,  ou  si  elle  était  un 
des  quatorze  enfants  qu'il  avait  eus  précédemment  de  sa 
maîtresse. 

La  vie  de  Poggio  Bracciolini  a  été  plusieurs  fois  écrite  ; 
on  doit  noter  les  travaux  de  Recanati,  de  Venise,  et  de 
Jacques  Lenfant,  mais  la  biographie  la  plus  complète  est 
due  à  un  Anglais,  W.  Shepherd  ;  cet  ouvrage,  traduit  en 
français  en  1819  (1),  aussitôt  son  apparition,  est  comme  le 
résumé  des  nombreux  panégyriques  de  l'écrivain  Floren- 
tin, et  sur  lesquels  il  renchérit  encore  au  point  de  négliger 
la  critique  et  d'éviter  le  blâme.  Le  livre  de  Shepherd  a 
un  autre  défaut  fâcheux,  c'est  que  la  figure  de  Poggio  se 
dégage  avec  peine,  du  milieu  d'innombrables  digressions 
et  qu'elle  est  réduite  au  rôle  d'accessoire,  quand  elle 
devrait  en  être  le  principal.  Le  traducteur  avait  bien  senti 
le  défaut,  car  il  prend  la  précaution  de  dire  dans  sa  pré- 
face, que  «l'auteur  a  jugé  avec  raison,  que  la  vie  de  Poggio 
devait  être  à  la  fois  un  tableau  politicpie  et  une  exposition 
détaillée  des  mœurs,  des  usages,  des  coutumes  du  quin- 
zième siècle.  »  L'excuse  n'est  admissible  qu'en  partie.  En 
effet,  tout  ce  qui   constitue  raml)ianl   de  l'individu,  tout 

(i)  Par  le  C<jmtk  dk  L\uhepin,  snivant  Oiurard. 


INTRODUCTION  Xl.lll 

co  qui  L'onlribuo  à  le  faire  connaître  et  apprécier,  tout  cela 
est  bon,  utile  et  doit  être  présenté  d'une  manière  plus  ou 
moins  détaillée  ou  condencée,  mais  faire  un  cours  d'his- 
toire à  propos  d'une  biographie,  n'est  pas  admissible.  11 
n'y  a  jamais  de  trop  longues  biographies,  il  n'y  a  que  trop 
souvent  surabondance  de  détails  oiseux  et  de  hors 
d'œuvre. 

C'est  à  l'œuvre  de  Shepherd  que  l'on  a  eu  recours  pour 
écrire  cette  notice,  avec  l'aide  des  autres  historiens  et  de 
divers  critiques  qui  font  autorité  en  la  matière,  tels  que 
P.-L.  Ginguené,  auteur  d'une  Histoire  littéraire  d'Italie, 
et  Charles  Xisard,  dont  les  deux  volumes  sur  Les  Gladia- 
teurs de  laRépuhlique  des  Lettres  avl  xv,  xvi  etxvii^  siècles  , 
ont  été  d'un  précieux  secours,  llistclhuber  et  Liseux  ont 
esquissé,  eux  aussi,  une  courte  biographie  de  Poggio,  mais 
trop  succincte,  trop  insignifiante  pour  être  de  quelque 
utilité.  Quant  aux  grands  dictionnaires,  aux  encyclopé- 
dies, ils  se  sont  cantonnés,  comme  toujours,  dans  une 
désespérante  banalité,  se  contentant  de  se  copier  les 
uns  les  autres,  selon  leur  déplorable  routine.  Les 
écrivains  qui  se  sont  occupé  de  l'époque  de  la  Re- 
naissance et  des  Humanistes  en  particulier,  sont  trop 
nombreux  pour  qu'il  en  soit  fait  mention  ici,  mais  dont  on 
on  a,  du  reste,  trouvé  l'indication  au  cours  du  présent 
travail. 


M.IV  INTRODUCTION 


II 
LK    LIVRE    DES    FACÉTIES 


PogLcio  Composa  co  recueil,  coninu'  on  l'a  vu,  en  des 
jours  de  loisirs  forcés,  dans  l'isolement  de  sa  maison  de 
campagne  du  Valdarno;  jusqu'alors,  ces  histoires  étaient 
restées  sur  des  feuilles  volantes  écrites  au  jour  le  jour, 
tout  autant  pour  se  l'aire  la  main  au  latin  que  pour  une; 
satisfaction  personnelle.  C'étaient  les  échos  de  ces  réu- 
nions quotidiennes  des  secrétaires  de  la  Curie  romaine, 
en  ce  loca!  cju'ils  avaient  baptisé  le  biigiale,  c'est-à-dire 
la  botte  à  potins,  la  niche  à  cancans,  la  fabrique  de  men- 
songes {bugia),  en  un  mot  quelque  chose  comme,  àe  nos 
jours,  un  bureau  de  rédaction  de  journal,  un  café  ou  un 
cercle  de  gens  de  lettres,  avec  la  même  «  blague  »,  le 
même  esprit  frondeur,  la  même  verve  acerbe,  pimentée, 
ne  reculant  devant  aucun  détail,  ne  mâchant  pas  le  mot, 
"  appelant  un  chat  un  chat,  et  Rollet  un  fripon  ».  La 
plupart  des  joyeux  habitués  de  ce  cercle  se  montraient 
plus  occupés  d'historiettes  piquantes,  de  i-éparties  spiri- 
tuelles, que  d'entretiens  sérieux;  ils  apportaient  les  nou- 
velles du  jour,  les  anecdotes  plaisantes;  ils  censuraient 
tout,  librement;  les  sarcasmes  de  ces  rieurs  n'épargnaient 
personne,  pas  même  le  souverain  pontife,  qui  était  d'ordi- 
naire mis  le  premier  sur  la  sellette.  Les  traits  piquants 
et  les  contes  île  toute  espèce  qui  égayaient  la  conversation 
de  cette  joyeuse  compagnie,  ont  fourni  en  grande  partie,  les 
matériaux  du  livre  célèbre  des  Facéties. 

Celle  intempérance  de  langage,  cette  critique  perpé- 
fiK'IU'  qui  ne  respectait  ni  les  gi-iinds.  ni  Ips  prêtres,  ni  les 


IM  Kultl  (  TliiN  XLV 

iiislitutioris,  ni  iiit'nie  la  religion,  ne  lut  pas  sans  exercer 
une  néfasle  inlluence  sur  les  mécontents  et  les  rêveurs. 
l 'astor  remarque  fort  justement,  à  notre  sens,  qu'il  y  a  une 
corrélation  étroite  entre  les  écrits  de  Poggio,  de  Valla, 
de  Filelfo.  pleins  de  railleries  et  de  sarcasmes  toujours 
riMiouvelés.  sur  le  compte  du  clergé  et  des  moines,  et  la 
(  onduile  de  Poccaro,  ce  révolté  honnête  homme,  ce  con- 
spirateur qui  avait  juré  de  risquer  sa  propre  vie,  pour 
arracher  Rome,  sa  patrie,  au  joug  de  la  «  servitude  »  et 
(|ui  prouva  par  ses  actes,  que  ce  n'étaient'point  de  vaines 
})aroles(r.  La  preuve  de  cette  corrélation  n'cst-elle  pas 
dans  ce  fait,  que  les  humanistes,  tlaii'ant  un  danger,  se 
hâtèrent  de  protester  hautement  contre  la  conjuration  et 
les  conjurés.  Cette  conduite  produisit  l'effet  désiré;  il  ne 
vint  pas  un  instant  à  l'idée  du  Pape,  de  faire  supporter 
aux  amants  de  l'antiquité  la  peine  des  excès  commis  par 
les  amants  de  la  liberté. 

Un  écrivain  reproche  presque  à  Guillaume  Tardif 
'l'avoir,  en  traduisant  les  histoires  sans  gène  de  Poggio, 

•mpromis  la  prose  frant;aise  avec  ce  spécimen  de  la  cor- 
ruption italienne.  —  quelqu Un  certainement  va  se  trou- 
ver, pournousappliquer  le  même  reproche.  En  traduisant 
les  Facf'ties.  les  Bains  de  Bade  elle  dialogue  Lniteillard 
doit-il  se  marier?  nous  avons  eu  une  toute  autre  intention 
que  de  satisfaire  une  «  cui-iosité  malsaine  »,  comme  dit 
le  vieux  <liché.  Nous  avons  voulu  faire  simplement  œuvre 
détude,  il  serait  même  superllu  d'insister  sur  ce  point,  elde 
chercher  à  nous  disculper  d'une  faute  que  nous  ne  recon- 
naissons pas  avoir  commise.  La  lecture,  des  passages 
atténués  suflira  à  le  prouver,  et  l'on  verra  que  nous  avons 
été  maintes  fois  volontairement /rarfi/^orc,  etnon  tradutore: 
iMr  il  y  a  des  limites  que  l'on  ne  doit  pas  franchir. 


1.  Voir  snr  Poccaro  et  sa  conspiration:  —  Pastor.  Uistuire  des 
Papea,  t.  II,  ch.  VI,  p.  99.  —  H.  pe  l'Epinoy.  Renie  dex  quesHnux 
hisloriqucf. 


\LVI  INTUOlJL'CTItiN 

Un  avocat  érudit,  M.  Charles  Rocher,  et  l'éiriinent 
Anatole  de  Monlaiglon,  savant  professeur  à  l'école  des 
Ciiartes,  lion  net  ojiomnie  s'il  en  lut,  ont  écrit  justement, 
à  propos  des  facéties  de  Pogg-io  et  de  leur  traducteur 
Guillaunie^Tarilif,  des  pages  qui  présentent  excellemment, 
la  riposte  aux  observations  ou  aux  cris  de  porcs  elTarou- 
chés  que  pourraient,  en  cette  occurence,  faire  entendre 
certaines  gens  pudibonds,  plus  on  apparence  qu'en  réalité 

«  Il  ne  faut  point  alUcher  trop  de  puritanisme,  dit 
M.  Charles  Rocher,  et  surtout  en  vouloir  aux  érudils  ((ui 
ressuscitent  des  auteurs  plus  ou  moins  décolletés.  Sous 
certains  rapports,  ces  publications  peuvent  être  regardées 
comme  utiles  et  même  nécessaires;  elles  aident  à  l'his- 
toire et  forment  une  des  pièces  indispensables  de  ce 
musée  secret  qu'il  faut  se  résoudre  à  parcourir  lorsque 
l'on  veut  se  rendre  compte  des  temps  qui  no  sont  plus. 
Comment  comprendre,  en  elTot,  une  é])oque  si  on  ne  l'in- 
terroge dans  toutes  ses  manifestations  artisti((ues  et  lilt-é- 
raires.  En  un  moment  donné,  la  philosophie,  l'art,  la 
littérature,  les  vices  et  les  bassesses  de  l'esprit  comme 
ses  générosités  et  ses  vertus,  sont  autant  de  faces  de  la 
vie  collective,  lesquelles  se  correspondent  et  s'expliquent 
de  manière  qu'aucun  aspect  de  ce  tout  organique  ne  peut 
être  éliminé  sans  que  l'harmonie  de  l'ensemble  éprouve 
une  lacune  et  soull're  d'un  vide  regrettable.  Essayez  donc 
de  peindre  l'Ualie  au  xvi«  siècle  en  mettant  de  côté  Paul 
Jove  ou  l'Arétin.  Autant  vaudrait  juger  le  xviu'^  siècle 
sans  Voltaire  et  Rousseau.  » 

Un  mauvais  livre  est  toujoui's  une  mauvaise  action, 
mais  ceux  qui  prétendent  écrire  l'histoire  n'ont  point  le 
droit  de  considérer  ce  livre  comme  non  avenu. 

Ce  livre  est  un  téixioignage  ;  il  évoque  des  tendances,  des 
liabitudes  intellectuelles,  un  régime  disparu;  à  ce  titr  ■, 
il  fautle  relire,  sauf  à  le  mettre  dans  un  coin  et  à  ne  lui  :  c- 
corderquela  valeur  d'un  symptôme   moral  ou  politique. 

D'après   Anatole  de   Montaiglon,  juge  très  expert  en 


INTRODUCTION  XLVII 

vieille  lillératuie,  les  Facéties  de  Poggio  sej)erdent^ans 
l'ensemble  et  sont  un  accident,  une  escapade,  entre  nulle, 
de  l'esprit  rieur  et  graveleux  de  nos  ancêtres.  Il  va  beau- 
coup de  vrai  dans  co  Dit;  à  bien  voir  les  choses,  le  péché 
littéraire  de  Guillaume  Tardif,  traducteur  de  Poggio,  est 
moins  grosqu'il  ne  semble  etil  trouve  dans  les  antécédents 
historiques  force  circonstances  atfénuantes.  Que  d'expres- 
sions grasses  et  de  peintures  scabreuses,  dans  les  fabliaux, 
les  canzones  et  les  sirventes!  On  ne  peut  pas  reprocher 
aux  trouvères  et  aux  troubadours,  la  timidité  de  langage. 
Poggio  vivait  à  la  cour  romaine;  Gaguin,  religieux  et  chef 
d'ordre,  se  risqua  dans  des  allégories  dont  il  vaut  mieux  ne 
v'\enA'\ve\  la  Calandre  sortit  de  la  plume  d'un  cardinal  (1). 
N'en  déplaise  à  La  Bruyère,  Rabelais  n'était  point  le 
charme  de  la  canaille,  mais  bien  le  mets  des  délicats;  ses 
plaisanteries,  ses  immoralités,  ses  incongruités  semblent 
ne  se  pavaner  là,  que  pour  llatter  le  goût  de  François  le"" 
et  de  sa  cour,  et  pour  faire  passer  le  reste,  c'est-à-dire  le 
fond  si  large,  si  lumineux,  si  humain.  Le  ilabelais 
bachique,  dévergondé  constitue  un  crime  de  la  mode;  le 
novateur,  l'apôtre  de  l'avenir,  le  (^réateur  de  la  langue, 
le  vrai  Rabelais,  enfin,  réside  dans  de  plus  hautes  régions 
de  l'intelligence.  Jusqu'au  milieu  du  .\vii«  siècle,  la  litté- 
rature française  conserve  son  ton  grivois,  ses  grosses 
railleries,  ses  impudences  épicées.  Henri  IV  et  son  entou- 
rage se  permettent  publiquement,  en  paroles  et  en  actions 
des  hardiesses  plus  étranges  que  celles  de  Gargantua. 
Les  Historiettes,  de  Talmans  des  Réaux,  sont  pain  bénit 
à  côté  du  Cabinet  satyrique,  véritable  monceau  d'ordure, 
qui  courait  les  ruelles  sous  Louis  XIII. 

9  C'est  seulement  à  partir  de  Boileau.  de  Corneille  et 

1.  Bernardo  Dovizi.  cardinal  Biubien.v  l'iTO-lô'iO.  La  Calendria 
ist  la  plus  ancienne  comédie  inoderne  connue,  elle  semble 
imitée  des  Mihtecluiws  de  Plvute.  elle  est  écrite  dans  le  style 
•  \i^  ncface.  avec  lequel  elle  rivalise  d'indécence. 


XI.VIIl  INTRODUCTION 

(le  Racine,  que  la  littérature  se  châtie,  se  forme  au  res- 
pect et  prend  cet  air  de  noblesse  et  de  dignité  qu'elle  ne 
quittera  plus,  du  moins  en  public,  et  à  titre  officiel.  Le 
diable  peut-être,  n'y  perd  rien.  Les  Mémoires  de  Saint- 
Simon  nous  révèlent,  dans  cette  cour  majestueuse  de 
Louis  XIV,  des  scandales  incroyables,  et  nous  montrent 
pas  mal  de  ducs,  marquis,  voire  même  de  princes  du 
sang,  qui  parlent  en  crocheteurs  et  agissent  en  laquais. 
Au  xvui'  siècle,  la  muse  ne  s'échappe  que  trop  en  liberti- 
nages équivoques,  en  dissipations  libertines,  mais  l'ins- 
piration s'est  épurée.  La  bonne  compagnie  a  pris  le  des- 
sus, la  police  des  lettres  se  fait  sérieusement,  la  décence, 
ou  tout  au  moins  le  décorum,  a  passé  dans  les  mœurs,  et  si 
la  plume  ou  le  crayon  s'émancipent  trop  fort,  c'est  en 
cachette,  dans  la  pénombre  des  salons  ou  dans  les  repaires 
anonymes.  Un  mauvais  livre  ne  l'ait  plus  les  délices  de  la 
cour  et  de  la  ville,  c'est  du  fr-uit  défendu,  le  ragoiit  de 
quelques  débauchés.   )> 

11  n'y  a  donc  pas  à  son  dédire,  dirons-nous  encore  avec 
de  Montaiglon  :  la  pudeur  de  la  pensée  et  la  retenue  du 
langage  sont  des  vertus  absolnment  modernes,  où  le 
moyen  âge  n'a  rien  à  voir.  Les  maîtres  de  la  poésie  cour- 
toise ressemble  à  une  volée  de  moineaux  babillards  ctlas- 
sifs.  Les  plus  honnêtes  de  nos  conteurs,  Christine  de  Pisan 
elle-même,  abondent  en  graveliires  brutales.  Est-ce  là, 
comme  le  répèle  trop  une  certaine  école,  un  regain  de  la 
veine  gauloise,  un  tribut  delajoyeuseté  et  de  la  gaillardise 
françaises,  en  un  mot,  une  affaire  de  physiologie  et  de  tem- 
pérament national  ?  Non  certes  :  les  écrivains  allemands, 
italiens,  espagnols,  anglais  en  font  autant  et  même  pis.  On 
ne  doit  voir  dans  ces  licences  et  ces  intempérances,  qu'un 
point  des  rudesses  sociales,  l'excès  d'une  civilisation 
encore  mal  dégrossie.  Au  moyen  âge,  l'esprit  était  à  la 
fois,  trop  fougueux  et  trop  naïf  pour  s'assouplir  et  se  con- 
tenir. L'équilibre  des  sens  et  de  l'imagination  procédé 
dune  culture  savante,  d'un  étiage  moral  assez  prononcé. 


INTRODUCTION  \I,IX 

l)ans  If  s  races  jeunes,  restoniac.  la  force  musculaire,  la 
vie  physique  exultent,  la  chair  domine  le  verbe  ;  la  sensa- 
lion  rapide,  l'essor  immédiat,  le  désir  prompt  et  vivace 
coulent  comme  une  eau  vive  et  jaillissent  en  expressions 
véhémentes,  en  chants  désordonnés,  en  récits  d'une  cru- 
dité l'udimenl.iire.  Il  n'y  a  point  là  parti  pris,  corruption 
raisonnée,  mais  bien  inconscience  de  la  rèo^le,  oubli  ou 
plutôt  ignorance  de  la  pudeur.  L'homme  primitif  devient 
en  littérature,  un  poulain  vicieux,  un  animal  rétif  et  sans 
frein.  De  là.  ces  exubérances,  ces  énormités  qu'on 
retrouve  à  chaque  pas  dans  les  auteurs  des  anciens  temps, 
et  presque  dans  le  livre  d'Heures  d'Anne  de  Bretagne,  la 
plus  intègre  des  femmes. 

Enfin,  concluerons-nous,  (avec  M.  Rocher  et  Dieu  nous 
garde  de  jouer  avec  cette  chose  respectable  entre  toutes 
qu'on  nomme  la  pudeur  publique),  ce  qui  est  vraiment 
dangereux,  vraiment  malsain,  ce  ne  sont  point  les  histoires 
court  vêtues  que  nous  a  léguées  la  fantaisie  de  nos  pères; 
c'est  la  dépravation  froide,  le  cynisme  philosophique,  le 
libertinage  grave  et  par  la  raison  démonstrative.  Là-dessus 
nous  sommes  pleinement  de  l'avis  de  Macaulay,  lorsqu'il 
écrit  :  «  Nous  avons  peine  à  croire  que  dans  un  monde  aussi 
plein  de  tentations  que  celui-ci,  un  homme  qui  aurait  été  ver- 
tueux s'il  n'avait  pas  lu  Aristophane  et  Juvénal,  devienne 
vicieux  parce  qu'il  les  a  lus.  Celui  qui,  exposé  à  tous  les 
courants  d'un  état  de  société  semblable  au  nôtre,  craint  de 
s'exposer  aux  inlluences  de  quelques  vers  grecs  et  latins, 
agii.selonnous,  comme  le  voleurqui  demandait  aux  shérifs 
de  lui  faire  tenir  un  parapluie  au-dessus  de  la  tête,  depuis 
la  porte  de  Newgate  jusqu'à  la  potence,  parce  que  la  mati- 
née était  pluvieuse  et  qu'il  craignait  de  prendre  froid  ». 
C'est  parler  d'or,  la  décence,  néanmoins,  est  la  condition 
des  œuvres  vraiment  belles;  mais  en  quoi  consiste  la 
décence  en  matière  d'art?  Si  vous  êtes  trop  collet  monté,  \ 
adieu  les  épanchements,  les  saillies,  les  propos  de  table,  1 
comme  dit  Luther,  adieu  les  médisances  innocentes,  les   l 


L  INTRODUCTION 

plaisanteries,  les  quiproquos  et  tout  cet  ensemltle  de  jolis 
riens  dont  se  compose  le  menu  bagage  de  la  vie. 

Les  propos  du  /jiii>ia/e  sonlde  dilîérenles  sortes,  les  uns 
sont  de  simples  bons  mots  qui  tirent  leur  finesse,  leur 
force,  leur  subtilité,  de  là-propos,  du  fait  même,  ou  de 
celui  (jui  les  dit,  d'autres  ne  sont  pas  autre  chose  que  ce 
qu'on  appelle  aujourd'hui  en  journalisme  des  nouvelles 
à  la  main;  si  l'on  continue  à  chercher  dans  lejournalisme, 
des  équivalents,  on  trouve  des  échos,  des  faits  divers  : 
c'est  le  veau  à  deux  têtes,  c'est  le  dragon  né  de  la  vache 
qui  précède  le  serpent  de  mer  du  «  Constitutionnel  »,  c'est 
la  bataille  des  geais  et  des  pies,  la  pluie  de  sang,  l'homme 
qui  jeûne  deux  ans,  les  visions  et  les  apparitions  fantas- 
tiques. Tout  comme  un  journaliste  daujourd'hui,  Poggio 
a  ses  tètes  de  turc,  sur  lesquelles  il  frappe  sans  cesse, 
les  moines,  d'abord,  les  médecins  ensuite,  puis  ses  enne- 
mis personnels  ou  ceux  de  ses  amis,  car  il  a  l'amitié  fidèle, 
tenace  autant  que  la  rancune  implacable. 

C'est  tout  cela  qui  nous  fait  connaître  en  détail,  la  vie 
quotidienne  et  l'esprit  do  cette  époque  lointaine,  avec  plus 
de  facilité  peut-être,  que  nos  journaux  d'aujourd'hui,  avec 
leur  mille  et  mille  contradictions,  ne  permettront  à  nos 
arrière-petits-neveux  de  se  faire  une  idée  bien  exacte, 
bien  nette  de  notre  vie  au  jour  le  jour  et  de  notre  esprit, 
de  cetesprit  parisien  dont  on  ne  peut  sentir  toute  la  saveur, 
tout  le  pénétrant,  toute  la  subtilité,  au  bout  de  quelques 
instants,  parce  que  l'embiant  n'est  plus  le  même,  ou  que 
l'esprit  s'est  transformé. 

11  y  a  également  les  contes  dont  un  érudit  franrais  du 
siècle  dernier,  Legrand  d'Aussi,  soutient  que  Poggio  a 
pris  la  plupart  dans  les  fabliaux  répandus  en  Europe  par 
les  trouvères,  durant  les  xii"-'  et  xni>'  siècles,  et  dont  la 
fertile  imagination,  dit-il,  a  créé  d'inépuisables  richesses 
pour  les  romanciers  et  pour  les  poètes  (1). 

1.  0)1  trouvera  en  note  des  diverses  l'acéties,  leur  oiiL;ine.  On 


INTRODUCTION  1,1 

Si  Poggio  a  imité,  ou  s'il  a  simplement  reproduit  dos 
contes  déjà  populaires,  peu  importe  et  Ion  ne  saurait  lui 
en  faire  reproche;  il  a  lui-même  été  imité  par  d'innom- 
brables auteurs,  qui  ne  se  sont  fait  aucun  scrupule  de_ 
prendre  leur  bien  où  ils  le  trouvaient.  Rabelais  recueillit 
vraisemblablement  lui-même,  durant  ses  voyages,  les 
différents  contes  d'origine  italienne  qu'ilainsérés  dansses 
écrits;  il  est  facile  de  s'apercevoir  en  particulier,  qu'il  ne 
lut  pas  sans  plaisir  et  sans  quelque  fruit,  le  livre  des 
Facéties  de  Poggio;  ces  emprunts  du  spirituel  curé  de 
Meudon  prirent  depuis,  une  nouvelle  célébrité  lorsque  La 
Fontaine  les  orna  du  charme  de  son  inimitalde  esprit; 
j\ÂMjieaii^/Hans  Carvel,  que  celui-ci  donne  comme  imité 
de  Rabelais,  est  presque  la  traduction  du  songe  de 
Filelfo.  T'n  autre  conte  :  Les  Quiproquo,  a  beaucoup 
de  ressemblance  avec  l'historiette  intitulée  :  Aventure 
surprennnte  d'un  fou/on  anglais.  La  Fontaine  doit  aussi  à 
Poggio,  le  sujet  de  la  charmante  fable  :  Le  Meunier,  son 
/ils  et  l'âne,  qu'il  a  traitée  à  sa  façon  magistrale,  changeant 
en  véritable  drame  l'esquisse  légèrement  tracée  par  le 
conteur  Florentin,  qui  avait  aperçu  et  saisi  le  but  moral  si 
heureusement  et  si  agréablement  développé  par  le  grand 
fabuliste,  mais  le  modèle  lui-même  ne  manque  pas  de 
charme  dans  sa  simplicité.  La  I-'ontaine  peut  tenir  aussi 
de  Poggio,  les  sujets  des  fables  du  Coq  et  du  Renard,  de 
In  Feniinc  noyée  et  du  Charlatan.  Quant  au  conte  des 
deux  Parentes,    Legrand  d'Aussy  toujours  impitoyable. 


peut  indiquer  les  fabliaux  suivants  du  recueil  de  Legrand  d'Aussy 
La  Culotta  des  Cordeliers.  le  Testament  de  rAne,  du  Vilain  et  de  sa 
Fenune,  du  Prétendu  alias  de  la  Fenitne  contrariante,  le  Meunier 
d'Àlens,  le  Vilain  de  liailleul  alias  le  Conte  de  la  femme  qui  fist 
accroire  à  son  mari  qu'il  était  mort,  le  Conte  de  la  bourgeoise  d'Or- 
léans alias  de  la  dame  qui  fil  battre  son  mari.  Legrand  d'Aussy 
veut  même  que  l'.inneau  de  Merlin  ait  servi  de  prototype  à  l'auneau 
du  rêve  de  Filelfo.  Enfin,  Le  Vilain,  devenu  Médecin  qui  aurait 
inspiré  Poggio,  avant  notre  grand  Molière. 


I.ll  INTRODUCTIOIN 

déclare  que  Poggio  l'a  trouvé  dans  le  XII"  livre  de  Josepli, 
qui  le  prêle  au  juif  Hircan,  assis  à  la  table  de  Ptolémée. 

L'éditeurdes  œuvres  de  l'oggio,  François-Joseph-Michel 
Noël,  dans  ses  <-urieuses  recherches  sur  lus  origines  elles 
imilaiions  àesFacc/ies,  indique  un  bien  plus  grand  nombre 
dcmpruntsfailspar  Poggio,  à  l'anliquité  el  au  moyen  âge. 
(-)n  en  trouvera  la  menlion  dans  les  noies  de  celte  Iraduc- 
lion.  Os  notes  ont  été,  autant  que  possibli-.  classées  cliro- 
nologiquement,les  origines  d'abord,  les  iniitations  ensuite, 
jusqu'au  xvni«  siècle  inclus. 

Les  Facéties  devaient  être  le  premier  ouvrage  qu'on 
imprimai  de  Poggio,  remarque  de  Montaiglon;  elles 
eurent  dès  leur  apparition,  le  plus  grand  succès.  Ce  serait 
presque  un  livre  à  faire,  que  la  bibliographie  sérieuse  des 
éditions  des  Facéties,  dont  le  nombre  est  étonnant  au 
xv*^  siècle:  les  plus  célèbres  elles  plus  curieux  imprimeurs 
les  ont  reproduites.  Les  éditions  sans  date,  qu'on  regarde 
comme  les  premières,  sont  aux  environs  de  1 470.  L'une  sort 
de  l'atelier  du  couvent  de  Sainl-Eusèbe,  à  Rome;  l'autre, 
des  ateliers  d'Ulric  llan,  une  autre  encore  est  peut-être 
de  Vindelin  de  Spire.  Puis,  et  comme  sans  interruption, 
on  trouve  les  éditions:  d'Andréas Gallus  à  Ferrare  (1471); 
d'Antoine  Koburger,  à  Nuremberg  avant  et  en  l'i75;  en 
l'i77,  de  Jean  Roppard,  de  Christophe  Valdarfer  à  Milan, 
de  Petrus  Cœsaris  à  l'aris;  en  1481,  de  Léonard  Pachcl 
et  dl'lrich  Scinzinzeller  encore  à  Milan;  de  \'eniso  en 
1487  et  1588  el,  pour  clore  celte  première  période,  do 
Michel  Lenoir  à  Paris. 

Peu  de  livres  ontà  leur  bilan  une  telle  suite  d'honneurs. 
Il  fut  encore  très  réimprimé  au  xvi''  siècle,  et  jusqu'à 
Cracovie  en  1592;  mais  le  xvin'' siècle  le  négligea  et  il  faut 
aller  jusqu'aux  dernières  années  de  ce  siècle-là.  pour 
trouver  les  deux  petits  volumes  de  F.  J.  M.  Noël,  faits 
avec  soin,  mais  non  exempts  de  fautes;  fautes  qui  n'ont 
pas  toutes  disparues  dans  la  dernière  édition  latine,  pu- 
bliée avec  une  traduction  par  Isidore  Liseux  en  1878. 


j. 

1 


INTRODUCTION 


GUIf.LACMK    TAP.DIF    l.T    r.KS    TRADUCTEfiRS    FRANÇAIS    DK    POGOIO 


Pogge  nous  apprend  lui-même,  que  ses  Facéties  étaient 
traduites  dans  toutes  les  langues  et  servaient  à  la  dis- 
traction de  la  lionne  société  de  l'Europe  civilisée  du 
\ve  siècle. 

Quelle  fut  la  première  traduction  française? 

La  première  en  date  que  nous  connaissions,  est  celle  que 
vers  1480  il),  Guillaume  Tardif,  du  Puy  en  Velay,  écrivit 
pour  divertir  son  maître  le  roi  de  France,  Charles  VIII, 
et  peut-être  bien  aussi,  sa  souveraine,  AnnedeBretagne, 
d'intègre  mémoire.  Cette  traduction  fut  publiée  sans  nom 
de  traducteur  et  eut  de  nombreuses  éditions,  notamment 
vers  1510  à  Paris,  chez  «  laveufve  feu  Jehan  Trepperel  ». 
puis  celles  de  Jehan  Bonfons,  en  1549,  et  de  Nicolas 
Bonfons.  en  1574.  Le  bibliographe  Brunet  indique  aussi 
celles  de  Lyon,  Pellet,  1600;  Rouen,  Jean  du  Cor,  1602  et 
Paris,  Couturier,  1605.  «  Parleur  date,  dit  de  Montaiglon. 
ce  sont  comme  les  éditions  de  Costé,  à  Rouen,  une  trace 
de  décadence  en  même  temps  et  de  popularité  encore 
réelle,  et  il  est  étonnant  que  de  là.  la  traduction  de  Tardif 
n  ait  pas  passé  dans  la  Bibliothèque  bleue. 

Les  premières  éditions  ont  115  facéties,  puis  les  sui- 
vantes tombent  successivement  à  112  cl  même  à  80. 


I.  l.a  première  éililion  des  FacHii'x  di'  Poçiqc  est  de  1170. 


LIV  INTRODUCTION 

Les  éditeurs  du  wi!»  siècle,  malgré  les  dates  données 
ci-dessus,  sont  ceux  qui  ont  le  plus  négligé  l'œuvre  de 
Poggio;  pour  le  retrouver,  il  faut  aller  jusqu'au  xvni«,  qui 
s'est  repris  plus  d'une  fois  aux  curiosités  littéraires  du 
passé. 

Au  xv«  siècle  également,  le  Révérend  Frère  Julien,  des 
Augustins  de  Lyon,  docteur  en  théologie,  a  aussi  traduit 
aucunes  ioyeuses  facéties  de  Pogge,  à  la  suite  de  son  livre 
Des  subtilles  liysioires  el  fables  de  Jisope,  translatées  de 
latin  en  francoys  el  aussi  d'Avian  et  de  Alphonse,  imprimé 
à  Lyon,  chez  Malhis,  en  1484.  Pour  être  plus  concise  que 
celle  de  Guillaume  Tardif,  la  traduction  du  Frère  Julien 
n'est  guère  plus  littérale.  Les  quelques  facéties  dont  il  a 
fait  choix  sont  des  premières  du  recueil  —  de  ngïves  gra- 
vures sur  bois  ornent  quelques-unes;  le  marin  de  GaiMe 
rentrant  au  logis,  le  fou  et  le  cavalier  à  la  porte  du  méde- 
cin qui  immerge  les  fous  dans  une  mare,  la  vache  qui 
met  bas  un  dragon  ,  le  veau  à  deux  têtes,  le  monstre 
moitié  homme  moitié  poisson,  le  renard,  le  coq  et  les 
chiens. 

La  traduction  publiée  en  1712  à  Amsterdam,  chez  Jean- 
Frédéric  Bernard,  petit  in-12  de  240  pages,  frontispice 
gravé  par  Lamswelt,  a  pour  litre  :  Les  Contes  de  Pogge, 
Florentin,  ai'ec  des  réflexions.  Les  réflexions  nouvelles, 
dit  Montaiglon  après  Brunet,  attribuées  par  les  uns  à 
David  Durand,  qui  les  a  désavouées,  k  Frédéric  Bernard 
et  même  à  Langlet  Dufresnoy  par  les  autres,  sont  dans 
tous  les  cas,  puériles  quand  elles  ne  sont  pasridicules(l), 
mais  il  faut  remarquer  qu'il  n'y  a  pas  un  conte  qui  ne  soit 
dans  Tardif,  et  il  y  en  a  même  une  quarantaine  do  moins. 
Les  réflexions  dans  le  guùt  nouveau  ont  remplacé  ses 
moralités  naïves,  mais  avec  l'orthographe  modernisée, 
c'est  la  vieille  traduction  qui  est  le  texte  de  la  nouvelle. 

1  On  trouvera  en  note  (juelques-unes  des  réflexions  de  l'édi- 
lion  d'Anisterdain  (171Î). 


INTRODUCTIOiN  LV 

On  peut  même  dire  d'après  quelle  famille  d'éditions  ce 
démarquage  de  linge  a  été  fait.  En  elTet,  la  réimpression 
de  Bonfons,  1573,  n'a  plus  que  soixante-treize  facéties; 
celle  de  Bernard  n'en  a  pas  davantage. 

Très  peu  de  temps  après  paraissait  l'ouvrage  de  Jacques 
Lenfant  :  Pog^inna,  ou  la  vie,  le  caractère,  les  sentences 
et  les  bons  mots  de  Pogge,  Florentin,  avec  une  Histoire  de 
la  République  de  Florence  et  un  supplément  de  diverses 
pièces  importantes,  Amsterdam,  Pierre  Humbert,  1720, 
'1  vol.  in-t2.  Le  recueil  des  bons  mots  de  Pogge  et  des 
hommes  de  son  temps  (II,  p.  159-272)  a  136  articles. 
L'ordre  n'est  pas  le  même  que  dans  les  autres  recueils,  et 
Lenfant  a  ajouté  vingt-cinq  articles  qu'il  a  extraits  d'autres 
ouvrages  de  Pogge. 

Des  quantités  de  recueils  de  contes,  d'anas  des  xvk, 
xvii«  et  xviu"'  siècles,  tels  que  Les  contes  à  rire  ou  Récréa- 
tions françaises.  —  Les  nouveaux  Contes  à  rire.  —  Roger 
Bontemps  en  belle  humeur.  —  Le  Tombeau  de  la  Mélan- 
cliolie.  —  Histoires  facétieuses  et  morales.  —  Le  Passe- 
temps  agréable.  —  Le  facétiewi-  réveille-malin.  —  Facé- 
ties et  mots  subtils.  —  Dictionnaire  d  anecdotes  ei  Nouveau 
Dictionnaire  d'anecdotes,  etc.,  etc.,  ont  traduit  ou  imité 
nombre  des  Facéties  de  Pogge,  sans  compter  les  faiseurs 
d'épigrammes  :  Bernard  de  la  Monnoye,  Grécourt, 
J.-B.  Rousseau,  Mérard  de  Saint-Just,  Baraton,  Lebrun, 
etc.,  qui,  comme  nos  grands  conteurs  Béroald  de  Ver- 
ville,  Taburot  des  Accords,  Bonaventure  des  Périers, 
La  Fontaine,  Voltaire,  etc.,  ont  pris  leur  bien  là  où  ils 
le  trouvaient,  dans  le  domaine  public  où  l'esprit  retombe 
fatalement. 

En  1799,  un  érudit,  un  savant,  un  écrivain  intarissable, 
Cadet  de  Gassicourt,  publiait  lui  aussi,  la  traduction  de 
quelques  facéties  de  Pogge,  principalement  celles  imitées 
par  La  Fontaine  (1).  Dreux  du  Radier  l'avait  précédé  dans 

1.  «  Recherches  sur  quelques  faLles  de  La  Fontaine  »  clans 
lef  YeiUéex  dea  Mu:<-'s,  II  année,  n°  IX.  frimaire,  an  VIll,  p   '217. 


1,VI  INTRODUCTION 

ses  essais,  snns  savoir  que  c'était  du  l'oggio  qu'il  Iradui- 
sail(l}. 

De  nos  jours,  remarque  deMontaiglon,  plusieurs  traduc- 
teurs se  sont  occupés  des  Facéties,  et  leurs  volumes  sont 
devenus  tout  à  fait  rares. 

L'un  est  de  M. -P.  Ristelhuber  :  Les  Contes  de  Po<;<ie 
Florentin,  avec  introduction  et  notes,  (Paris,  Alphonse 
Lemerre,  1867,  petit  in-8o  carre  .  Le  traducteur  no  donne 
que  112  facéties,  dont  la  bonne  moitié  se  trouve  dans  Tardif, 
mais  dont  5*.)  n'y  figurent  pas  (2). 

L'année  suivante,  Gustave  Brunet,  l'érudit  bibliographe, 
a  fait  paraître,  à  cent  exemplaires  seulement  :  Quelques 
contes  de  Pogge,  traduits  pour  la  première  fois  en  fran- 
çais par  Pjiilomeste  junior,  (Genève,  chez  J.  Gray  et  fds, 
1868,  in-12,  68  pages}.  Il  s'est  certainement  servi  du  texte 
de  Noël,  car  les  titres  sont  traduits  des  nouveaux  titres 
donnés  par  cet  éditeur  de  Poggio.  L'ordre  est  entièrement 
changé,  si  M.  Brunet  a  107  articles,  tous  sont  loin 
d'être  de  Poggio;  sans  entrer  dans  le  détail,  qui  deman- 
derait une  table  de  concordance,  les  articles  29  à  90 
c'est-à-dire  la  plus  grande  partie,  soit  61  articles,  ne  sont 
pas  dans  les  Facéties  et  viennent  de  recueils  italiens  du 
même  genre.  Il  a  été  annoncé  une  traduction  des  271  fa- 
céties de  l'édition  de  Noël,  dont  le  texte  devait  être  de 
M.  O.  Steicher  et  qui  devait  être  accompagné  d'eaux- 
foi'tes  par  Henry  Grenier  de  Saint-Martin.  La  guerre 
franco-allemande  a  interrompu  le  travail  qu'elle  a  fait 
abandonner,  malgré  les  nombreuses  souscriptions  déjà 
re(,tues,  et  c'est  pour  y  suppléer  que  M.  Anatole  de  Mon- 
taiglon  publia  la  traduction  de  Guillaume  Tardif,  chez 
Léon  Willem,  eu  1878.  (in-8'' L.  II.  :i51i. 

2.  Dreux  du  Radier.  —  Ilrcrralimis  liislorii/ues.  vie.  (1767). 

;'.  M.  Ristelhuber  est  mort  en  I8'.J'.).  bibliothécaire  à  Stras- 
bourg, sa  patrie.  C'était  un  érudit  fort  estimé.  Nous  avons  parfois 
ini«  ses  noies  à  profit.  Son  livre  n"a  été  tiré  qu'à  200  exem- 
plaire!' numéroté.s. 


INïRODl  CTION  |,VII 

Le  savant  polygraphc  souhaitait  qu'une  traduction  com- 
plète des  CGLXXIII  facéties,  fut  faite  avec  soin.  Cle  vœu  a 
été  peu  de  temps  après  réalisé  par  le  bibliophile  Isidore 
Liseux,  dans  sa  petite  collection  elzévirienne  si  recherchée 
de  certains  amateurs  spéciaux.  L'éditeur  a  donné  le  texte 
latin  avec  sa  traduction  élégante  et  soignée,  mais  ce  qui 
ne  laisse  pas  de  surprendre  chez  cet  amateur  de  littéra- 
ture spéciale,  c'est  de  voir  qu'il  a,  par  une  pudibondei-ie 
fort  comique  en  tel  personnage,  laissé  des  phrases  ou  des 
mots  en  latin  qui,  de  celte  façon,  «  bravent  l'honnêteté  ». 
N'est-ce  pas  l'histoire  du  parapluie  du  condamné  de 
Newgate!  Quoiqu'il  en  soit,  cette  édition  d'Isidore  Liseux 
est  excellente  et  nous  a  été  fort  utile,  tant  pour  le  texte 
(jue  pour  la  traduction    1). 

Mais  revenons  à  Guillaume  Tardif  et  à  sa  traduction. 

Cette  traduction,  publiée  sous  l'anonymat  que  Brunet 
lui-même  n'a  point  cherché  à  percer,  est-elle  bien  de 
Guillaume  Tardif?  Nul  ne  peut  le  contredire,  attendu  que 
le  traducteur  en  a  revendiqué  la  paternité,  dans  la  dédicace 
qu'il  a  faite  au  roi  Charles  VIII,  de  son  livre  des  Apo- 
logues de  Laurent  Valla  :  «  Et  pour  vostre  Royale  Majesté 
«  entre  ses  grans  affaires  récréer,  vous  ay  translaté  le  plus 
«  pudiquement  que  j'ay  pu,  Les  Facécies  de  Page.  » 

Quel  est  cet  homme  qui  s'intitule  «  Liseur  »  du  roi 
Charles  VIII,  et  natif  du  Puy  en  Velay'!* 

«  Tardif  naquit  au  Puy,  on  saurait  en  douter,  écrit  son 
biographe  et  compatriote,  Charles  Rocher;  certains  bio- 
p-raphes  inscrivent  vers  1440,  la  date  de  sa  naissance;  ses 
ouvrages  latins  accompagnent  son  nom  de  l'épithète 
Aniciensis;   dans  ses  livres  français,  les  Apologues,  les 


1.  Les  Facclies  île  PoçKie  traduites  en  Français,  avec  le  texte  latin 
■  '  U'ion  complète.  Deux  vol.  Petite  collectiou  elzévirienne.  —Bien 
(I  i"anonvme  on  sait  qu'elle  est  l'œuvre  d'un  latiniste  érudit,  qui 
a  li-jduit  plusieurs  ouvrages  pour  cette  coUeciion.  Notamment 
!(   Dialogue  de  Pogjiio  .•  Un  cieillard  doit-il  se  marier? 


I.VIII  INTRODICTIO.N 

DUz  moraux,  la  fauconnerie,  on  retrouve  le  nom  de  sa 
ville  natale,  le  Puy  en  Velay.  Quelle  était  sa  famille?  » 
Et  M.  Rocher,  après  avoir  remué  bien  des  paperasses,, 
n'a  rien  irouvé  de  plus  qne  cette  note  des  Chroniques 
d'Etienne  Médicis,  bourgeois  du  Puy  ;  «  En  ce  temps 
«  (1475)  flourissoit  et  estoit  en  bruyt  en  ladicte  ville  du 
«  Puy  maistre  Guillaume  Tardif,  natif  de  ladicte  ville,  qui 
«  moultscientic'.fique  homme  estoitdesingulièreéloquence, 
«  lequel  composa  certain  livret  de  grammaii-e,  lequel  j'ay 
"  veu  en  mes  tendres  jours  en  impression  et  seintituloit 
«  ainsi  :  Grammatica  Guillernii  Thadivi  Aniciensis;  et  en 
«  d'autres  sciences  fut  approuvé  et  élégant  et  do  noble 
«  engin  et  très  agu  en  (lisputacion...  »  et  c'est  tout. 

Les  biographes  et  les  historiens  semblent  avoir  quelque 
peu  oublié  ou  négligé  maître  Guillaume  Tardif  du  collège 
de  Navarre.  Par  contre,  un  Florentin,  nommé  P^rancesco 
Florio,  qui  résidait  au  couvent  de  Marmoutier,  ayant  en 
1467,  composé  une  historiette  fort  leste  dans  le  goût  erotique 
italien  de  la  fin  du  xv"  siècle  (1),  dédiait  son  œuvre  à 
Guillaume  Tardif,  qu'il  qualifie  de  maître,  depuislongtemps 
expérimenté  dans  la  lutte  de  Vénus  et  de  Mars,  et  de  très 
habile  maître  de  rhétorique. 

Si,  à  cette  date,  Guillaume  Tardif  jouissait  déjà  d'une 
certaine  notoriété,  «  il  est  également  permis  de  croire, 
dit  M.  Ch.  Rocher,  qu'à  la  même  époque,  il  se  poussa 
à  la  cour  et  obtint  la  faveur  de  Louis  XI.  Ce  prince, 
accablé  de  travaux  et  d'intrigues,  se  plaisait  fort  à  ou- 
blier les  soucis  du  pouvoir,  dans  l'entretien  des  petites 
gens  et  surtout  des  lettrés  ;  Tardif  put  très  bien  parvenir 
jusqu'à  lui  et  s'en  faire  valoir.  Cette  conjecture  se  fonde 
sur  des  apparences  parfaitement  vraisemblables.  Tardif 


1.  De  Ditobus  amantibus  seu  deamore  Camilli  et  Emiliœ  Arclino- 
rum  liber.  F'elicitor  expletus  est  Turonis  et  eilitus  domo 
Domini  Guillermi  archiepiscopi  Turoneuin  l'iGT.  — Gii.  Rocihku, 
Introduction  à  Tardif. 


INTRODUCTION  LIX 

dédia  sa  Rhétorique  à  Charles  VIII  encore  dauphin.  Cet 
hommage  à  l'héritier  présomptif  de  la  couronne  suppose 
de  hautes  protections;  un  usage,  qui  avait  force  de  loi, 
n'admettait  la  dédicace  aux  personnes  royales  qu'après 
autorisation  préliminaire  »(1).  Un  autre  motif,  qui  permet 
de  croire  aux  accointances  de  Tardif  à  la  cour,  c'est  sa 
liaison  avec  Angelo  Catho,  une  des  grandes  figures  des 
cours  de  Louis  XI  et  de  Charles  VIII,  l'ami  de  Comines. 

En  1483,  Charles  VIII,  à  son  avènement,  nomma  Tardif 
son  lecteur,  charge  modeste  qui  ouvrait  les  portes  du 
palais,  et  oiïrait  la  table  et  les  distractions  des  déplace- 
ments royaux.  La  fréquentation  des  seigneurs  et  des  pré- 
lats semble  même  avoir  favorablementdéteintsurlemaître 
liseur.  Il  y  gagna  cette  politesse,  cette  désinvolture,  le  ton 
vif  et  délibéré. 

Uniquement  réduit  à  sa  cellule  scolastique,  il  fut  resté 
probablement  un  érudit  prétentieux,  épais,  frotté  au  beau 
monde,  initié  aux  manières  des  hautes  régions,  il  se  dé- 
crassa et  s'aiguisa.  Simple  pédagogue  dans  sa  grammaire 
et  sa  rhétorique,  il  devint  beau  diseur,  moraliste  aimable 
et  subtil  dans  ses  traductions  de  Valla  et  de  Poggio  (2). 

Jean  Reuchlin,  l'ami  d'Erasme,  le  célèbre  philosophe, 
la  gloire  de  la  science  allemande  au  xvie  siècle,  celui  que 
Luther  et  Melanchton  essayèrent  d'entraîner  dans  la 
Réforme,  était  venu,  dans  sa  jeunesse,  à  Paris  vers  1473; 
dans  un  de  ses  ouvrages  (3),  parlant  des  maîtres  qu'il  a 
connus  et  desquels  il  a  reçu  l'enseignement,  il  cite  «  le 
maître  de  rhétorique  Tardif,  du  Puy  en  Velay,  qui  se 
tenait  dans  la  rue  Sainte-Geneviève  »  et  ce  nom,  associé 
à  ceux  de  Lapierre,  de  Jaquin,  de  Tipherne  et  d'IIermo- 


1.  Gh.  Rocher,  ibid. 

2.  Ibid. 

3.  Spéculum  oculare. 


LX  INTRODUCTION 

nynie,  par  nu  huinine  tel  que  Jean  Reucliliii,  démontre  (lé- 
remptoirement  le  crédit  et  l'autorité  du  professeur. 

Guillaume  Tardif  n'était  pas  moins  estimé  des  savants 
de  France,  et  Louis  de  Rochechouart,  évoque  de  Saintes, 
l'un  des  érudits  amateurs  les  plus  estimés  de  l'époque, 
aimait  et  approuvait  le  maître,  à  la  louange  duquel  il  com- 
posait une  pièce  de  vers  latins,  que  Guillaume  Tardif 
publia  en  tête  de  son  édition  de  Solin. 

Ce  n'est  point  ici  la  place  de  parler  des  œuvres  de 
Guillaume  Tardif,  nous  nous  contenterons  de  parler  seu- 
lement de  sa  traduction  de  Pog'gio. 

La  Renaissance  italienne  avait  pénétré  en  France  et 
l'art  nouveau  avait  tout  rénové;  comme  tous  ses  contem- 
porains, Guillaume  Tardif  s'était  laissé  entraîner  dans  le 
courant.  C'est  par  songoùt  pour  Htalie;  par  ses  aspira- 
tions vers  l'inconnu,  vers  l'avenir,  qu'iPappartient  réelle- 
ment à  cette  époque,  et  c'est  par  là  aussi,  qu'il  tient  sa 
place  dans  la  Renaissance  française;  son  contingent  dans 
l'œuvre  commune  est  léger,  mais  il  compte  au  milieu  des 
tentatives  de  l'esprit  nouveau. 

«  Comment  se  termina  la  carrière  de  Tardif  ?  Même 
incertitude  que  pour  ses  débuts.  Il  lleurit,  suivant  Du 
Bouloy,  jusqu'à  la  fin  du  x\«  siècle  —  c'est  bien  vague. 
C'est  en  vain  que  nous  avons  interrogé  nos  archives, 
registres  etobits,  dit  M.  Charles  Rocher,  pour  savoir  où 
et  quand  trépassa  Tardif.  La  mort  a  hien  tenu  son 
secret  (1).  » 

C'est  encore  au  compatriote  de  Guillaume  Tardif,  à 
celui  qui  a  restauré  sa  mémoire  en  sa  ville  natale, 
que  nous  emprunterons  cette  appréciation  de  la  traduction 
de  Poggio('J). 

«  Sous  certains  rapports,   les    œuvres    de    ce    genre 


T 


1.  Charles  Rocheh.  Introiluclion  à  (J.  Tardif, 
i.   Ibid.  p.  08. 


IMRODLlTlU.N  l,\l 

peuvent  être  regardées  comme  utiles  et  même  nécessaires; 
elles  aident  à  l'histoire  et  forment  une  des  pièces  indispen- 
sables de  ce  musée  secret,  qu'il  faut  bien  se  résoudre  à  par- 
courir lorsque  l'on  veut  se  rendre  compte  des  temps  qui  ne 
sont  plus.  Comment  comprendre  une  époque  si  on  ne  l'iu- 
terroge  dans  toutes  ses  manifestations  artistiques  ou  litté- 
raires... Ce  livre  est  un  témoignage,  il  évoque  des  ten- 
dances, des  habitudes  intellectuelles,  un  régime  disparu  . 
à  ce  titre,  il  faut  le  relire.  Il  est  clair  que  cette  œuvre  est 
un  signe  du  temps.  Voilà  Tardif  qui  met  une  foule  de 
turpitudes  en  bon  français  pour  divertir  son  maître,  le  roi 
de  France.  Un  tel  écrit  et  un  tel  personnage  en  disent  plus 
long  sur  le  xv*  siècle  que  bien  des  sermons  et  des  disser- 
tations! Il  est  donc  vrai  qu'en  supprimant  cette  traduction 
des  Facéties  on  perdrait  un  élément  critique  important, 
sur  Charles  VIII  et  son  entourage.  »  Ce  n'est  pas  seule- 
ment un  échantillon  de  style,  mais  encore  un  curieux  reQet 
des  mœurs  qui  régnaient  aux  environs  de  1480  sur  notre 
sol  et  venaient  d'outre-monts. 

<  Tardif,  dit  Anatole  de  Montaiglon,  ne  forme  point  une 
exception;  ses  libertés,  dont  il  messiérait  d'adoucir  l'au- 
dace, s'excusent  d'autant  plus,  étant  donné  le  lieu  où 
s'écoula  sa  vie,  qu'il  ne  semble  guère  s'en  douter,  et  qu'il 
encadre,  vis-à-vis  d'un  gros  mot,  d'une  facétie  très  leste, 
et  cela  sans  malice,  une  pensée  irréprochable,  une 
rétlexion  sincèrement  religieuse.  Au  demeurant,  Tardif 
est  chrétien  et  honnête  homme  ;  ses  défauts,  ou  si  l'on  veut, 
ses  vices,  ne  lui  appartiennent  pas  en  propre,  ils  lui  sont 
inoculés  par  l'atmosphère  ambiante.  S'il  eut  vécu  de  notre 
temps,  il  aurait,  selon  toute  apparence,  offert  l'exemple 
de  la  régularité  et  du  bon  goût.   » 

Il  faut  que  les  amoureux  quand  même  du  moyoa  âge  en 
passent  parla.  «  Nous  valons  mieux  que  nos  pères  sous  le 
rapport  des  mœurs  publiques  et  des  délicatesses  de  bien 
vivre  ». 

L'œuvre  de  Guillaume  Tardif  n'est  pas  une  traduction 


LXII  îNTRODUCTION 

littérale,  c'est  plutôt  une  adaptation,  une  imitation  par- 
fois, où  percent  davantage  lës'mœurs  françaises  et  où  le 
sel  gaulois  domine  la  causticité  italienne. 

Que  l'on  prenne  par  exemple  la  xxxvi«  facétie  qui  est  là 
xxvii^  du  recueil  de  Tardif  et  que  l'on  compare  la  traduc- 
tion ci-dessous  avec  notre  traduction  littérale. 


UNO    PRESTRE    QUI    ENSEPVELIT    SON    CIUEN 
EN    TERRE    BENOISTE 

et  commence  en  latin  : 

lirat  sacerdos  in  thuscia,  etc. 

Ung  Prestre  fust  en  Thuscie,  curé  riche  et  puissant, 
lequel  demouroyt  emmy  les  champs  et  luy  valloit  son 
bénéfice  tant  que  merveilles.  Or  adonc  estoit  en  Thuscie 
ung  Evesque  rapineux  et  du  tout  adonné  à  la  pécune,  ce 
que  bien  congnoissoit  ce  maistre  et  riche  Curé,  lequel, 
pour  soy  farcer  et  moquer  de  son  Evesqae,  enfouyt  ung 
chien  mort  qu'il  avoit  en  son  cymetière  en  la  présence  de 
tous  ses  paroissiens,  bien  présupposant  que,  incontinent 
que  l'Evesque  le  scauroit  et  que  ilviendroità  la  congnois- 
sance,  le  ferait  citer  et  convenir  pour  le  mettre  en  prison 
pour  luy  faire  payer  une  bonne  amende;  mais  il  n'en 
challoyt  au  Curé,  car  il  estoit  riche  et  avoit  assez  argent. 
Ainsi  fust  ce  chien  ensepulturé  en  terre  benoiste  par  ledict 
Curé,  dont  les  nouvelles  bientost  en  allèrent  à  l'Evesque, 
qui  fut  moult  joyeulx,  car  il  scavoit  bien  que  ledict  Curé 
estoit  fort  riche  et  qu'il  en  auroiL  une  bonne  amende.  Si 
envoya  l'Evesque  hastivement  cinq  de  ses  clercs  et  no- 
taires au  vilaige  où  demouroit  ce  maistre  Curé,  lequel  fut 
cylé  à  comparoir  devant  son  Evesque,  dont  il  ne  s'esmaya 
guières,  car  bien  scavoit  par  où  il  en  devoit  eschapper.  Si 
preust  ce  dict  Curé  cinquante  ducats,   qu'il  mist  en  sa 


IMRODUCTION  L\lll 

bourse,  monta  sur  son  cheval  et  s'en  alla  devant  sou 
Evesque,  lequel  de  premjère  venue  commença  à  blasmer 
et  luy  dire  paroUes  rigoureuses,  tant  que  c'estoit  mer- 
veilles, et  luy  impropéra  ce  qu'il  avoit  faict  de  son  chien 
en  disant  que  ce  estoit  contre  la  religion  chrétienne,  que 
il  seroit  pugny  et  mis  en  une  prison,  et  de  faict  com- 
manda l'Evesque  que  le  Prestre  fust  mené  en  prison, 
equel  respondit  : 

«  Père  Sainct,  saufve  votre  Révérence,  je  n'ay  pas 
desservy  estre  emprisonné  pour  tant  se  je  ay  mis  mon 
chien  en  terre  benoiste,  car  se  vous  scaviés  la  grande  sai- 
gesse  et  entendement  dont  estoit  ledict  chien,  vous 
raesmes  diriés  qu'il  avoit  bien  desservy  d'être  ensépulturé 
entre  hommes  et  spéciallenient  pour  le  beau  sens  et  enten- 
dement qu'il  a  eu  en  la  mort  pour  le  beau  testament  qu'il  a 
faict  ;  car  le  pouvre  chien,  congnoissant  vostre  nécessité 
et  indigence,  en  sa  dernière  voulenté  vous  a  laissé  et 
donné  par  testament  cinquante  pièces  d'or  que  je  vous 
apporte. 

—  O  »  dist  l'Evesque,  «  Curé,  voy  là  ung  bon  chien. 
"Vrayment,  veuce  que  tu  dis  qu'il  a  fait  si  beau  testament, 
il  avoit  desservy  grant  honneur  et  sépulture  entre  les 
hommes,  et  n'ay  point  de  cause  de  le  mettre  en  prison,  a 

Ainsi  fust  le  Prestre  absouls  de  son  Evesque  d'avoir 
ensépulturé  son  chien  en  terre  benoiste  par  les  cinquante 
ducats  qu'il  eust  du  testament  du  chien. 


Si  Guillaume  Tardif  a  mis  beaucoup  du  sien  dans  sa 
traduction  de  Poggio,  c'est  qu'il  était  lui-même  un  conteur, 
qu'il  avait  l'humeur  de  son  pays  et  qu'il  vivoit  en  un  siècle 
d'inventions  comiques.  Il  n'a  point  inventé  ses  contes, 
ses  apologues,  —  La  Fontaine,  le  maître  des  maîtres,  n'a 
pas  trouvé  non  plus  le  canevas  de  ses  fables.  —  La  seule 
originalité  de  Tardif  c'est  le  style  pur,  coulant,  indépen- 
dant et  franc.  Dans  sa  traduction  des  Apologues  de  Valln 


I.XIN  INTRODK.TION 

l'omme  dans -celle  des  Facéties  de  Poggio,  il  ne  cherche 
pas  à  lutter  av^ec  le  texte,  il  eng^'aisse  pour  ainsi  dire  le 
sujet,  le  récit  s'anime,  l'expression  est  pittoresque,  elle 
sonne  gaiement  à  l'oreille.  Sa  langue  est  de  bonne  race, 
elle  est  empreinte  de  la  clarté  française  et  de  la  malice 
gauloise. 

(iuillaume  Tardif  a  fait  })récéder  sa  traduction  des  Fa- 
céties d'une  dédicace  de  son  œuvre  au  roi  Charles  VIII,  et 
de  la  traduction  à  sa  manière,  de  l'avertissement  de  Poggio 
à  ses  lecteurs;  ces  deux  morceaux  méritaientd'ètre  repro- 
duits et  ils  nous  serviront  de  transition  entre  celte  trop 
longue  bien  qu'incomplète  étude  sur  le  traducteur  et 
l'œuvre  de  Poggio. 

PlEKRK    DES    BrANDES. 


DEDICACE 


AT"    ROI   CHARLES  VJII 

ET 

Prologue  de  la  traduction  des  Facéties 

PAR 

GuiLLAiMK  Tardif 


A  vous,  très  Ckestien  Roy  de  FaANcr.  CHARLES, 
HtfYTKSME  de  ce  nom,  est  présenté  ce  petit  livre  françois 
contenant  la  substance  des  Ditz  joyeulx  et  plaisantes 
Facécies  que  autrefïois  agréga  et  met  en  livre  le  bien  lité- 
réet  facécieux  homme  Poge,  Florentin  auquel  livre  icelluy 
orateur  usa  selon  la  matière  subjecte.  de  termes  latins, 
(fort?)  élégamment  exquis  e  réthoriques.  Mais  pour  cause 
que  tels  termes  a  tous  gens  ne  sont  pas  communs,  je. 
simple  d'entendement,  considérant  que  la  matière  est 
jouyeus  et  récréative  à  qui  bien  la  comprent,  aiïin  que 
vous  principalment.  qui.  selon  commune  renommée 
prenez,  plaisir  et  délectation  aux  escripturesy  puisses  pas- 
ser a  iculnefTois  temps,  si  vostre  bon  plaisir  est  délire  ou 
escoater  le  contenu  en  ce  présent  livre,  el  autres  gens  de 
biv:n  pareillement,  me  suis  ingéré  selon  mon  debille 
ftsperit  etpetite  capacité,  à  translater  les  paroUes  latines 
du  ilicl  Poge  et  traicter  en  parolles  françoises  au  mieulx 
que  j'ai  peu,  l'intencion  de  luy,  ainsi  que  ses  paroles  latines 
en  touchent.  Mais,  pourtant  que  les  motz  latins  n'offencen 


LXVI  INTRODUCTION 

pas  tant  les  oreilles  des  auditeurs,  quelque  ville  chose 
qu'ilz  dénottent,  que  font  les  motz  françois  quant  ils 
touchent  de  choses  vérécondieuses  et  especialmente  des 
œuvre  de  nature,  je  ne  ay  point  voulu  ne  convenir  les 
molz  latins  seullement  en  motz  françois  et  z'endant  françois 
pour  latin  sans  plus,  ains  ai  voulu  exprimer  les  sentences 
touchant  ce  cas  en  paroUes  couvertes,  non  déclarantes  si 
vulgairement  le  sens  littéral  du  latin.  Par  (juay,  les  lec- 
teurs ou  auditeurs  de  cestuy  présent  livre,  ne  doivent 
imposer  fauceté  en  la  Translation  par  tant  que  elle  ne  soit 
totalement  faicte,  au  sens  littéral,  mais,  j'en  excuse 
l'intencion  du  translateur,  qui  non  par  arrogance  l'a  ainsi 
faict,  mais  espérant  complaire  à  chascun  en  esvitant  mes- 
mement  l'excusation  du  dit  Poge,  Florentin,  principal 
acteur  du  dessus  dict  livre  qui  se  escuse  de  tant  que  par 
son  intencion  a  usé  de  tant  de  mots  reputy  (t)  vilz  et  in- 
fâmes à  l'occasion  de  la  substance  dénotée  par  eulx  ainsi 
qu'il  opert  au  commencement  de  son  livre,  lequel  com- 
mence ainsi  :  Multos  quidem.  etc. 


(I.)  Le  texte,  évidemment  iautil',  donne      «  de  tant  que  par 
.«on  intension  réputere,  » 


PROHEME 


Pour  plus  évidentement  congnoislre  la  cause  priiici- 
palle  de  cestuy  livre,  ainsi  comme  l'Acteur  en  son  Prohème 
le  touche,  nous  devons  noter  que  Poge,  Florentin,  fut  ung 
très  lettré  homme,  grand  orateur  et  plain  de  belle  éloquence, 
lequel  estoi  natif  du  pays  de  Florence,  et,  pour  les  belles 
prééminences  et  dons  de  grâce  qu'il  avoit  en  luy,  fut  ap- 
pelle en  Court  de  Romme,  là  où,  avecques  plusieurs  aultres 
notables  Clerz.  entre  lesquels  il  estoit,  fut  faict  ung  esdict 
que  chascun  d'iceulx  upporteroit  tous  les  jours  fus  après 
disner  ou  soupper,  aulcune  chose  joyeulx  pour  recréer 
l'entendement  ainsi  que  le  texte  le  touche  qui  dict  :  Multos 
futuras  esse  arbiiror,  qui  lias  nostras  confabulaliones 
etc.  Poge  dit  à  ses  compaignons  :  «  Je  présuppose,  arbitre, 
juge  et  croy  plusieurs  estres  au  temps  advenir  qui  répu- 
teront  nos  présentes  confabulations  estre  j^hoses  légières 
et  mains  dignes  d'estre  présentées  devant  les  hommes 
gravez,  saigeset  bienlettréz  ou  pour  tant  qne  la  substance 
d'icelles  est  légière  ou  pourtant  que  la  manière  de  les 
narrer  et  descripre  ne  procédera  pas  de  la  langue  si  élo- 
quente que  ces  grans  gens  vouldroyent  ouyr  »,  en  quoy  il 
adpert  que  Poge,  Florentin,  ne  fut  pas  seul  inventeur  des 
dictes  Facécies  pour  tant  qu'il  parle  au  pluriel  nombre  et 
les  appelles,  nostres  en  faisant  son  propos,  lequel  il  excuse 
disant  ainsi  :    «   Quitus  ogo  respondeam ;  mais,  s'il  est 


I.XVIII  IM'HODUCTU» 

ainsi,  »  dislPoge,  «  que  les  futurs,  comme  dit  est,  vueil- 
Icnt  incréper  ce  présent  livre  pour  les  causes  dessus  dictes, 
je  leur  répondz  que  j'ay  leu  en  ^plusieurs  lieux  noz  prédé- 
ces'^eurs  très  saiges  et  plus  grands  hommes  en  science 
que  nous  ne  sommes  avoir  acquis  grandes  louenges  et 
grans  honneursen  prenant  délectation  euFacécies,  Narra- 
tions de  fables  et  Dictz  joyulx,  gardée  tous  jours  honnes- 
teté,  et  no  reputoyent  pas  y'celle  choses  villes  ne  dignes 
de  l'épréhension,  mais  de  louange,  parquoi  il  me  suffist 
prendre,  si  alléguer  les  faits  d'iceulx  pour  mon  exéusation, 
et  ce  que  plus  désoneste  pour  moy  je  répute,  c'est  le  temps 
que  j'y  ai  perdu  en  choses  inutiles,  loquel  eust  mieulx 
valu  que  je  l'eusse  employé  àdescripre  aulcunement  aul- 
cune  chose  joyeuse  selon  l'inimitation  de  noz  saiges  mais- 
tros  prédécesseurs  comme  ainsi  soit  que  le  labeur  de  ce 
faire  ne  soit  point  des  honneste,  mais  lont  l'oué  les  saiges 
et  réputé  comme  convenable  et  nécessaire  aux  gens  de 
bien  pour  tant  premier  que  celluy  qui  ce  faict  évite  oysi- 
veté  et  si  donne  cause  aux  lecteurs  et  auditeurs  de  son 
livre  de  l'éviter  et  souvente  foys  retourne  leurs  pensées 
de  aulcunes  mauvaises  cogitations;  avecques  ce  il  est  utile, 
mesmes  aux  gens  contemplatifs  et  studieux,  de  récréer 
leurs  entendemens  paraulcune  manière  de  jeulx  honnestes 
pour  les  ramener  à  hilarité  et  plaisance.  »  Et  par  ainsi,  dit 
Poge,  Florentin,  la  manière  de  son  livre  et  respond  à  ceulx 
qui  la  vouldi'oyent  blasmer.  Api'ès  se  excuse  de  procédi'r 
à  son  livre  touchant  les  parollcs  et  l'éloquence;  disant 
ainsi  :  «  Eloqiienciani  vero,  etc.  ;  «  je  trouve  »  dit  l*oge, 
«  chose  moult  difiicile,  fors  à  celluy  qui  est  bien  curi(^ux, 
scavoir  mettre  grande  rétliorique  et  user  de  liaulte  élo- 
quence en  parlant  de  petites  choses,  comme  exprimer 
Facéciesen  laforme  ou  le  dit  joyeultd'aultruy.ainsicomme 
il  a  esté  dit,  comme  il  soit  ainsique  plusieurs  choses  sont 
qui  ne  pourroient  deumement  en  plus  a  ornéement  estre 
racomptées  qu'en  la  manière  que  ceulx  d'ont  ils  procèdent 
leii  racomptent,  combien  (jue  aulcuns  vouldrent  estimer 


IMUOIUCTION  LXlX 

(jue  je  dyi'  cecy  pour  escuser  la  coulpe  de  mon  entende- 
ment, auxquelz  je  me  consens,  non  vouilantprendre  arro- 
gance en  may  de  dire  que  mieulx  faire  ne  pensent,  mais 
les  exorle  et  supplie.,  se  mieulx  faire  scaivent  qu'ils  le 
facent,  alfm  que  de  la  langue  latine  en  nostre  vieil  aage 
nous  puissions  aulcune  chose  acquérir;  car  en  ce  mons- 
treront-iis  la  heautté  de  leur  entendement  et  ne  soyent 
pas  si  vigoureux  indicateurs  que  il  veuillent  du  toutblas- 
mer  et  vitupérer  notre  présente  œuvre,  spécialement  de 
inoy  qui  l'ai  escript  et  en  ay  fait  au  mieulx  que  je  ay  peu, 
car  en  ce  que  j'ay  faict,  n'a  point  esté  pour  ofTenceraulcun. 
mais  seullemenf  pour  passer  le  temps  et  donner  à  mon 
espérit  aulcune  récréation  » 

Ainsi  linist  Poge,  le  Préambule  de  son  Livre  puis  com- 
mença la  narrative  ainsi  comme  il  s'ensuvt  : 


LES 

FACÉTIES    DE    POGGE 

FLORENTIN 


LES 

FACÉTIES   DE  POGGE 

FLORENTIN 


Avis  aux  gens  prudes  de  ne  pas  censurer 
le  ton  léiier  des  Facéties  l . 

Bien  des  gens  assurément,  h\(\n\eToiii  ces  facéties 
quils  taxeront  de  babioles  peu  dignes  d'un  homme 
grave,  peut-être  bien  parce  qu'ils  les  auraient 
voulues  contées  dune  façon  plus  enjolivée  et  dans 
un  style  plus  élégant.  A  cela,  je  répondrai,  qu'au 
cours  de  mes  lectures,  j'ai  remarqué  que  nos  aïeux, 
hommes  doctes  et  sages,  se  délectaient  de  contes, 
lie  bons  mots,  de  plaisanteries  et  que,  loin  de  les 
trouver  repréhensibles,  nous  devrions  au  contraire 
les  féliciter,  et  cela  me  vaudra  leur  estime.  Qui  donc 
osera  trouver  à  redire  de  ce  que  j'aurai  cherché  à 
les  imiter,  faute  de  mieux,  en  passant  à  écrire  le 

1.  ye  œmiilis  cnrpant  Faceliaruui  opus,  piopler  eloquenlUe  temii- 
(itfni.  —  Le  sens  le  plus  exact  serait  à  mes  adrersaires,  à  mes 
ennemis. 


LES     F.VCKïrES    DE    I'0G(;E 


temps  que  d'autres  dissipent  en  commérages  dans 
les  réunions,  surtout  si  mon  travail  n'est  point 
sans  mérite  et  sans  ai^Tément  pour  les  lecteurs.  Il 
est  ])on,  en  effet,  je  dirai  même  nécessaire,  d'arra- 
cher notre  esprit  à  ses  fatigantes  et  continuelles 
préoccupations  et  de  le  distraire  agréablement  par 
de  joyeuses  plaisanteries.  Vouloir  chercher  des 
effets  de  style  en  des  choses  aussi  minimes,  alors 
qu'il  s'agit  simplement  de  rendre  avec  toute  sa 
saveur  et  son  esprit  un  bon  mot  ou  une  joyeuseté, 
me  parait  excessif.  Il  y  a  des  choses  qui  n'ont 
point  besoin  d'être  enjolivées,  mais  que  l'on  doit, 
au  Contraire,  reproduire  telles  qu'elles  ont  été  dites 
par  les  personnages  mis  en  scène. 

On  estimera,  peut-être,  cjue  je  cherche  à  pallier 
une  faute  (jui  tient  à  mon  manque  d'esprit,  d'ac- 
coi.  i,  mais  alors  j'engage  ceux  qui  sont  de  cet 
avis  à  reprendre,  à  leur  tour,  ces  facéties,  à  les 
travailler  à  leur  fantaisie,  ils  feront  à  notre  temps 
l'honneur  d'avoir  enrichi  la  langue  latine,  en  la 
rendant  facile  aux  choses  légères.  Quant  à  moi,  je 
n'ai  pas  voulu  faire  autre  chose  que  d'essayer,  s'il 
était  possible,  d'exprimer  en  latin  sans  tomber 
dans  l'absurde,  ce  qui  semblait  jusqu'ici  fort  dif- 
ficile. Il  était  par  conséquent  tout  à  fait  inutile 
d'enjoliver  ou  d'employer  un  style  pompeux,  et  si 
l'on  trouve  que  je  n'ai  pas  raconte  avec  trop  de 
maladresse,  je  n'en  demande  pas  davantage. 

Mais  que  les  censeurs  rigides  et  les  critiques 
acerbes  se  dispensent  de  lire  ces  wenus  jtropos, 


LES    FACETIKS    DE    PUtiGE  3 

je  ne  puis  les  appeler  autrement  '.  Je  ne  veux  ùlrc 
lu  que  par  des  esprits  gais,  par  des  gens  bons 
vivants  comme  Lucilius  par  les  Consentins  et 
les  Tarentins  -  .  Quant  aux  imbéciles,  je  ne  leur 
défends  pas  de  penser  ce  qu'ils  voudront,  je  leur 
demande  seulement  de  ne  pas  faire  un  crime  à  un 
auteur  d'avoir  voulu  se  distraire  en  exerçant  son 
intelligence. 


1.  Voici  comment  Pogge  absout  ses  facéties,  dans  sa 
deuxième  iiirridce  contre  Valla.  «  Qu'importe  qu'elles  naient 
pas  le  suli'i'age  d'un  imbécile,  d'un  fou,  d  un  rustre,  d'un 
barbare  i  Elles  sont  rechercliées,  lues  et  goiitées  de  t  .s  les 
savants,  répandues  dans  toute  l'Italie,  en  France,  en  Espagne, 
en  Allemagne,  en  Angleterre  et  partout  où  on  entend  le  latin,  d 

"2.  Le  seul  passage  de  Lucilius  auquel  puisse  en  quelque 
sorte  se  rapporter  ces  mots  esi  le  suivant  : 

Persium  non  euro  légère  hoc.  Lselium  Decimum  volo. 

(Frag.  Cl.  £".(•  incerto  sat.  Uh)-o.). 

Le  vers  est  dans  Cicéron,  De  Chat.  1.  L  11,  c.  VL  où  Crassus, 
un  des  interlocuteurs,  rapporte  que  Lucilius  avait  coutume  de 
dire  qu'il  ne  souhaitait  ni  des  lecteurs  ignorants,  ni  des  lec- 
teurs très  savants.  Par  contre.  Cic(n'on,  De  Fi}iibiis  L  3.  se 
déclare  fort  éloigné  du  souhait  de  Lucilius,  et  demande  les  lec- 
teurs les  plus  haliiles.  Enfin,  dans  De  RcpitbUcn.  il  avait  rap- 
porté la  pensée  de  Lucilius  en  l'approuvant,  comme  il  parait 
par  la  préface  de  Pline  (Hist.  )tat.  1),  qui  après  un  si  grand 
exemple,  se  fait  honneur  de  l'adopter  (R.) 


PliEMIKIÎE  iwcirriE 


Wnii  pauvre   matelot   de  Ga'ète  ^  . 

Les  habitants  de  (iaete,  ceux  du  peuple,  vont 
ordinairement  gagner  leur  vie  sur  mer.  L'un 
d'eux,  extrêmement  pauvre,  ayant  laissé  au  logis 
une  jeune  femme  et  un  chétif  mobilier,  ne  re- 
\  iut  qu'au  bout  de  «inq  ans,  après  avoir  cherché 
fortune  en  divers  pays.  Aussitôt  débarqué,  il  se 
rend  en  toute  hâte  à  la  maison  pour  voir  sa 
femme  'qui,  dans  l'intervalle,  désespérant  du 
retour  de  son  mari,  avait  eu  des  relations  avec 
un  autre  homme  .  Dès  qu'il  fut  entré,  il  constata 
<pie  sa  demeure  était  en  grande  partie  restaurée, 
embellie  et  même  agrandie.  Surpris,  il  demande 
à  sa  fcoiine  comm.^nt  leur  petite  maison,  autrefois 
si  délabrée,  est  devenue  si  ])elle.  La  femme  ré- 
pond aussitôt  que  c'était  par  un  elï'et  de  la  grâce 


1.  Fnhuht  prima  cujusdnm  Cajcinui  paiiperis  vaucleri : —  Guil- 
laume Tardif  :  D'uug  pouvre  pescheur,  qui  loua  et  dépita  Dieu 
tout  en  une  heure.  1,  p.  7.  —  Noël  1,5;  113  ;Lenfant  t.  II,  p.  IG'i. 
—  RisTàLnuBF.K  I.  p.  5;  Liseux,  I,tomeI,  p.  7.  —  Philippi  Her- 
.voTiMi  :  Faceliœ  addiincnla,  p.  279,  De  Benedictione  Dei.  — Dicl. 
il.iiiecdotes  :  Le  Matelot  de  relour,  t.  I,  p.  19?.  —  Nourcaii  Dkt. 
d'.lnccdotcs,  t.  2,  p.  îf,:. 


6  LES    FACETIES    DR    P0(;(;E 

de  Dieu  qui  vient  au  secours  de  tout  le  monde  : 
«  Que  Dieu  soit  béni  !  »  dit  1  liomme,  <(  pour  tout 
ce  qu'il  a  fait  pour  nous.  »  Voyant  ensuite  dans 
la  chambre  à  coucher  un  lit  magnifique  et  de 
beaux  meubles,  point  en  rapport  avec  la  condi- 
tion de  sa  femme,  il  lui  demande  encore  comment 
tout  cela  était  venu.  Celle-ci  affirme  derechef 
que  c'était  par  la  bonté  de  Dieu,  et  Thomme 
rendit  de  nouveau  grâce  à  Dieu  pour  sa  grande 
libéralité.  Or,  tandis  que  celui-ci  continue  à  s'ex- 
tasier devant  diverses  autres  choses  nouvelles  en 
sa  maison,  tout  autant  que  sur  les  largesses  di- 
vines, voici  qu'un  charmant  bambin  de  trois  ans 
passés  vient  faire  toutes  les  caresses  d'un  enfant 
à  sa  mère.  Le  mari  regarde  et  s'enquiert  à  qui  il 
est;  la  femme  répond  qu'il  est  à  elle.  Stupéfait, 
l'homme  demande  comment  la  chose  a  pu  se  faire 
pendant  son  aljsence,  et  la  femme  d'affirmer  en- 
core que  c'est  par  la  grâce  de  Dieu.  Alors  le  mari 
indigné  de  cette  surabondance  de  grâce  divine 
qui  est  allée  jusqu'à  lui  faire  des  enfants  en  son 
absence,  s'exclama  :  «  Je  devais  déjà  beaucoup 
de  grâces  à  Dieu,  je  lui  suis  encore  fort  recon- 
naissant d'avoir,  de  telle  façon,  pris  soin  de  mes 
affaires  ».  11  trouvait,  en  effet,  que  Dieu  avait  poussé 
l'attention  un  peu  trop  loin,  eu  s'occu[)ant  même 
de  lui  procurer  des  enfants  en  son  absence. 

En  ccsle  Fiicécie  esl  donné  à  entendre  qu'il  n'est  rien 
si  suliUl  et  nudicieulx  (|iie  une  niaulvaise  femme,  rien 
plus  prompt  ne  moins  lionteulx  pour  controver  mensonges 


LES     FACETIES    DE    POGGE 


et  excusations,  et,  à  caste  cause,  iiu'il  n'est  homme  si 
ignorant  qui  auculnes  loys  ne  congnoisse  ou  apperçoive 
une  partie  de  sa  malice  et  mensonge  K 


II 

D'un    médecin  qui  guérissait  les  fous  "^ . 

Quelques-uns  de  nous  parlaient  des  peines  inu- 
tiles et,  je  dirai  presque  de  la  folie  des  gens  qui 
élèvent  des  chiens  et  des  faucons  pour  faire  la 
chasse  aux  oiseaux.  Paul  de  Florence  dit  alors  :  — 
«  Le  fou  de  Milan  avait  bien  raison  de  se  moquer 
d'eux.  »  Comme  nous  lui  demandions  ce  que  c'était 
que  cette  histoire,  il  ajouta  :  —  «  Il  y  avait  autrefois 
un  médecin  Milanais  qui  soignait  spécialement  les 

1.  De  tnedico  qui  demeninf;  et  insaiios  cuvabal,  N  iel,  I,  7.  — 
GniLL.  Tardif  :  D'unfi  Médecin  qui  guarissoit  les  fols,  démoniades 
et  enragez,  II.  p.  II.  —  Lenfant,  t.  II.  Ristelhubbr  II,  p.  6. 
—  LisEux.  II.  t.  I.  p.  10.  —  MoRLiNi  :  Novelbr,  nov.  77.  —  Stba- 
PAROLA   Le  Niacevoli   nolti  ;    nott.    13  (traduction  Liseux.) 

"2.  «  Tous  ceux  qui  me  disent  papa  ne  sont  pas  pourtant  mes 
enl'auts,  »  dira  un  père  sage  et  judicieux,  un  père  qui  ne  croit 
que  ce  qu'il  voit  et  ce  qu'il  lait.  Le  Pyrrhonisme  e^t  une  cliose 
tout  à  l'ait  nécessaire  dans  le  mariage.  Absentez-vous  un 
moment  de  chez  vouî,  i'ortuaés  maris,  oa  travaille  tandis  que 
vous  n'y  êtes  pas,  à  l'accroissement.  Neuf  mois  ensuite,  un 
petit  rous-mème,  prclendu  tel  du  moins,  se  présente  à  vous. 
Voilà,  fortunés  époux,  de  qui  la  tète  est  destinée  à  recevoir 
les  honneurs  du  Dieu  Cocuage:  voilà  par  quel  secret  vous  de- 
venez pères  'Réflexion  de  l'èdilion  d'Amsterdam,   1712,  p.  6.) 


8  LES     l'ACKTIKS   UE    l'OGGE 

maniaques  et  les  aliénésel  se  chargeait  de  les  guérir 
en  un  laps  de  temps  déterminé.  Voici  en  quoi  con- 
sistait son  traitement,  il  avait  dans  sa  maison  uiio 
cour,  et  dans  cette  cour  une  mare  remplie  d'une  eau 
sale  et  fétide  dans  laquelle  il  faisait  entrer  tout 
nu,  les  malades  qu'on  lui  amenait,  et  les  y  main- 
tenait en  les  attachant  à  des  pieux  ;  les  uns  plon- 
geant jusqu'au  genou,  les  autres  jusqu'à  l'aine, 
d'autres  encore  plus  haut  selon  le  degré  de  folie. 
Il  les  laissait  ainsi  macérer  dans  l'eau,  et  à  la 
diète,  jusqu'à  ce  qu'ils  donnent  des  preuves  de 
guérison.  On  lui  amena  entre  autres,  un  fou  qu'il 
immergea  jusqu'aux  cuisses  ;  au  bout  de  quinze 
jours,  ayant  recouvré  son  bon  sens,  l'individu 
demanda  au  médecin  de  le  retirer  de  l'eau,  ('eliii- 
ci  le  lui  accorda,  à  condition  qu'il  ne  sortirait  pas 
de  la  cour.  Quelques  jours  après,  il  eut  la  faculté 
de  se  promener  par  toute  la  maison,  pourvu  qu  il 
ne  franchit  pas  la  porte  ;  pendant  ce  temps  ses 
compagnons,  qui  étaient  nombreux,  croupis- 
saient toujours  dans  l'eau. 

Or,  un  jour,  étant  sur  le  pas  de  la  porte,  qu'il 
n'osait  point  franchir,  (  retenu  par  la  crainte  de  la 
mare),  il  voit  venir  un  jeune  gentilhomme  à 
cheval,  faucon  au  poing  et  suivi  de  deux  chiens 
de  chasse.  Lorscfue  le  jeune  homme  fut  plus  près, 
le  fou  qui,  dans  sa  démence,  avait  perdu  le  sou- 
venir de  ce  qu'il  avait  vu,  lui  dit: — «llolà!  écoutez- 
moi,  je  vous  prie,  une  minute,  et  dites-moi,  s'il 
vous  plaît,  sur  quoi  êtes-vous  monté  et  dans  quel 


LES     KACKTIKS    l»E    POGciE  9 

Imt  ?  —  C'est  un  cheval,  et  je  vais  à  la  chasse, 
répondit  le  jeune  homme.  —  Et  ce  <[ue  vous  tenez 
>ur  le  poinii'.  comment  l'appelez-vous,  et  à  (}uoi 
cela  vous  sert-il  ?  —  C'est  un  faucon  dressé  à 
prendre  les  sarcelles  et  les  perdrix.  —  Et  ces 
botes  qui  vous  suivent,  quelles  sont-elles  et  à  quoi 
sont-elles  bonnes?  —  Ce  sont  des  chiens  dressés 
à  la  chasse  et  à  faire  lever  les  oiseaux.  —  Mais  ce 
gibier  dont  la  chasse  exige  tant  d'appareil,  tout 
compte  fait  au  bout  de  l'année,  qu'est-ce  qu'il 
vaut  ?  —  Je  ne  sais  trop,  ça  ne  doit  pas  excéder 
six  ducats.  —  Et  que  coûtent  le  cheval,  les 
chiens  et  le  faucon?  —  Cinquante  ducats  d'or. 
Alors,  tout  stupéfait  de  la  sottise  du  jeune  cheva- 
lier, il  lui  dit  :  —  Holà  !  éloigne-toi  vite  avant  que  le 
médecin  ne  rentre,  car  s'il  te  surprenait  ici,  il  te 
jugerait  le  plus  grand  fou  du  monde  et,  pour  te 
guérir,  il  te  plongerait  avec  les  autres  malades, 
au  milieu,  au  plus  profond  de  la  mare,  et  tu  en 
aurais  jus(|u'au  menton  '  . 


l.Le  Médecin,  c'est-à-dire  une  espèce  d'houime,  je  ue  dis 
pas  fol,  mais  qui  se  ci'cit  sage;  un  homme  intf^ressé,  qui 
uagno  beaucoup  par  l'odorat  et  l'allouchement,  un  homme  qui 
(ie.ine,  un  animal  qui  vit  de  corruption  et  qui  se  plait  dans  le 
dé-ordre;  un  homme  enlinqui  guérit  souvent  ceux  qui  sont  en 
lionne  santé,  et  tue  presque  toujours  ceux  qui  sont  malade.--. 
La  folie  est  de  toutes  les  maladies  la  plus  épidémique;  elle 
attaque  depiiis  le  sceptre  jusqu'à  la  houlette.  La  folie  de 
quelque  |)rince  e<t  de  mettre  ses  sujets  à  la  besace  pour  deve- 
nir le  Roi  des  f/HCU.r;  c'est  encore  de  Ulcher  la  proie  pour  l'uiiihrc 
•  onime  le  chien  de  la  fable.  Hylas  se  croit  le  [)lus  savant  et  ]<! 
|)lus  spirituel  du  monde,  parce  qu'il  se  sent  gros  et  gras,  et 
iair  chanoine.  La  folie   des  Coheincns,   peuple   iièffi-e,   habitant 


10  LES     FACÉTIES    DE    l'OGGE 

(Vest  pour  prouver  que  la  chasse  est  la  plus 
iiTaude  des  folies,  sauf  pour  les  gens  riches,  de 
temps  en  temps,  et  comme  exercice  corporel  seu- 
lement. 


III 

D'un  Gascon  qui  se  levait  fort  tard  K 

Lorsque  nous  étions  à  Constance,  il  y  avait  un 
jeune  homme  plein  d'esprit,  de  la  tribu  des  Gas- 
cons 2,  nommé  Bonac,  (jui  se  levait  tous  les 
jours  fort  tard.    Gomme  ses  amis  le   taquinaient 


dans  les  ténèbres  de  l'ii^norance,  tout  près  du  fraliniatias,  est 
de  quereller  un  homme  qui  prêche  l'hérésie  de  la  raison  et  du 
bon  goût.  Mais  l'aimable  l'olie  du  sire  Harpagon,  cet  heureux 
voleur,  est  d'accrocher,  avec  le  secours  de  la  banqueroute, 
deux  ou  trois  cent  mille  francs;  et  la  folie  de  bien  des  ge.is  est 
de  lui  faire  la  cour.  Autre  folie:  tel,  parmi  les  heureux  Ai 
siècle,  se  croit  avoir  de  l'esprit,  qui  n'a  rien  que  le  bonlieur. 
Voici  une  autre  folie,  c'eàt  de  méditer  sur  des  contes  à  dormir 
debout  (Réflexion  de  l'édition  d'Amsterdam   1712}. 

1.  De  Bonacio  Giiasci  qui  lam  tarde  e  leclo  surgebat.  Opéra  II.'. 
Tardif  :  D'un  liscoiier  paresscitl.rAU,p.  l,j.  —  Noël,  1,11;  II,  'i.  — 

LeNFANT,  t.  II,  p.  168.  —  RlSTKLliUliER,  III,  p.  9.  —  LiSEUX,  t.l,  p.  14. 

—  L.  Garon  :  Le  chasse-e}ntiiij  :  cent.  IV.  77.  Le  Facelieux  Ré~ 
I  cil-Malin,  Plaisante  excuse  d'un  paresseux,  p.  328.  —  Dods- 
i.EY.  Select  Fables.—  Induslry  and  slolh,  L.  2,  t.  21,  p.  101.  — 
LoTicHii  scholia  a  Àpltthonii  Pro(njiiiiiastnata,  a  Roilolpho  Agri- 
enla  latinilnte  donata,  p.  28. 

2.  On  a  aussi  traduit  i)ar  lionaccio  de  la  fainille  des  Guasci.  II 
n'y  a  pas  plus  de  raison  pour  l'un  ou  pour  l'autre  sens;  Gas- 
con parait  plus  vraisemblable.  Pogge  cite  lui-même  plusieurs 
histoires  qui    lui  ont  été  contées  par  dos  F'rançais. 


LES     FACETIKS    DE   l'OGGE  U 

sur  sa  paresse  et  lui  demandaient  ce  qu'il  pou- 
vait bien  faire  au  lit,  il  leur  répondit  en  souriant  : 
—  «  J'écoute  plaider  et  replaider.  Chaque  matin, 
en  effet,  se  présentent  à  moi,  dès  nionréveil,  deux 
ligures  vêtues  d'habits  de  femmes,  à  savoir  :  la 
Diligence  et  la  Paresse.  L'une  m'exhorte  à  me 
lever,  à  agir,  à  ne  pas  rester  au  lit  toute  la  jour- 
née ;  l'autre  lui  riposte  vertement,  m'engage  à  ne 
pas  bouger  :  il  fait  froid,  il  vaut  mieux  rester 
dans  la  tiédeur  du  lit,  le  corps  a  besoin  de  repos, 
et  Ion  ne  peut  pas  toujours  travailler.  La  pre- 
mière rétorque  ces  arguments  et  ainsi,  pendant 
qu'elles  disputent  et  se  répondent,  moi,  juge  im- 
partial, n'inclinant  ni  pour  l  une  ni  pour  l'autre, 
j'écoute  les  plaidoiries  avec  l'espoir  que  les  parties 
finiront  par  se  mettre  d'accord.  Si  donc,  je  me  lève 
si  tard,  c'est  que  j'attends  l'issue  du  débat  »  i . 


î.  La  Paresse  a  son  mérite;  elle  devient  vertu  principale, 
vertu  nécessaire,  en  certains  états.  Qu'est  par  exemple  un 
ecclésiastique  sans  la  paresse?  S'il  s'amuse  à  consoler  les 
malades,  à  exiiortiser  un  trompeur,  à  fairo  en  un  mot  tout  ce 
qui  s'appelle  fonctions  pastorales,  l'ecclésiastique  perdra  son 
eubompoint,  sa  santé,  ses  aises.  Si  le  marchand  s'amuse  à 
servir  les  uns  les  autres,  à  moins  de  tant  de  profit,  il  prendra 
pour  sur  l'intérêt  de  son  temps.  L'époux,  s'il  n'est  paresseux 
à  examiner  la  conduite  de  sa  chère  épouse,  perdra  peu  à  peu 
e  repos.  Je  conclus,  aujourd'hui  la  paresse  est  une  vertu  de 
grand  proàl.  Bi'lh'xion  de  l'édition  d'Amsterdam,  1712,  p.  17-18.) 


12  LES     FACÉTILS    DE    l'fMjlJE 

IV 

D'un    Juif  devenu    ch.rclieii   par  persuasion  L 

Beaucoup  de  gens  engageaient  certain  Juif  à 
embrasser  la  foi  de  Jésus -Clirist,  mais  celui-ci  ne 
pouvait  se  décider  à  faire  le  sacrifice  de  ses  biens. 
Plusieurs  lui  conseillaient  de  les  donner  aux 
pauvres,  parce  que,  selon  le  précepte  de  FEvan- 
^le,  qui  est  la  vérité  môme,  il  lui  serait  rendu 
au  centuple.  Persuadé  enfin,  il  se  convertit  et 
distribua  sa  fortune  aux  pauvres,  aux  malheu- 
reux et  aux  mendiants.  Ensuite,  pendant  presque 
un  mois,  il  fut  honorablement  traité  par  différents 
chrétiens.  Il  fut  choyé  et  fêté  pour  tout  ce  qu'il 
venait  de  faire.  Cependant,  il  menait  une  exis- 
tence précaire,  et  attendait  chaque  jour  le  centuple 
promis.  Comme  les  gens  se  lassaient  peu  à  peu 
de  le  nourrir,  les  liôtes  se  firent  rares,  Notre 
homme  devint  alors  si  misérable,  qu'on  dut  le 
conduire  à  l'hôpital,  où  il  fut  pris  d'un  flux  de 
sang-  par  le  bas,  qui  le  réduisit  à  la  dernière  extré- 
mité. Il  désespérait  de  jamais  guérir,  et  il  avait 
également  perdu  l'espoir  de  rentrer  dans  le  fameux 


\.I)e  Judeo  noiDittUonitn  ^mrsn  Chrislintio  facto,  opéra  I\'.(;uil- 
LAUME 'I'audif:  /J'ttiKj  Juif  qui  ff  fiM  cltieslieinier  par  ii:i(irtali(m 
d'anlcHiis  clircslicris.  IV,  p.  iN.  —  N'oel,  I,  11.—  Lisicux,  t,  I, 
IV,  p.   le. 


LES     F.VCÉTIES    DE    POilGE  13 

«  centuple  ^),  lorsqu'un  jour,  éprouvant  le  besoin 
de  prendre  l'air,  il  sortit  de  son  lit,  et  s'en  alla 
dans  une  prairie  voisine  pour  soulager  son  ventre. 
Là,  lors(]Li'il  eut  fait  ses  besoins,  en  cherchant  une 
poignée  d'herbe  pour  se  torcher  le  derrière,  il 
trouva  un  chill'on  roulé,  tout  plein  de  pierres 
précieuses.  Par  ce  fait,  étant  redevenu  riche,  il 
put  consulter  les  médecins,  se  guérir,  acheter  une 
maison  et  des  terres,  vivre  depuis  lors  dans  l'abon- 
dance. Tout  le  monde  lui  répétait  :  —  «  Eh  bien! 
est-ce  (|ue  nous  ne  vous  l'avions  pas  prédit,  que 
Dieu  vous  rendrait  tout  au  centuple  ?  »  —  «  Oui, 
répondit-il,  mais  avant,  il  a  permis  que  je  fasse  du 
sang-  jusqu'à  en  mourir.  » 

Ce  mot  s'applique  à  ceux  qui  sont  lents  à  rendre 
ou  à  reconnaître  un  bienfait  • . 

En  cesle  Facécie  est  donné  à  enlendre  que  ung-  bien 
faict  ne  sera  jamais  trop  tard  conféré  à  ung  liomme 
ingrat,  car  il  est  toujours  perdu. 


1.  L'exemple  «Ij  la  charité  du  Juif  et  de.  l'exliortnlinn  cliré- 
licnne  à  douner  sou  bien  aux  pauvres,  ont  l'un  cl  l'autre  leur 
mérite.  Les  suites,  une  rencontre  près  des  pierreries,  nous 
rai)p9llent  dans  la  mémoire  ce  qui  se  passe  tous  les  jours. 
L'avare  exhorte  à  la  libpralitë,  le  fourbe  prè  he  la  vertu.  Don- 
nez votre  bien,  t'jites  boire  et  manger  à  vos  dépens,  soyez 
misérable  après,  et  si  l'on  vous  aide  ensuite,  je  consens  que  le 
Pontif  Bacbuc,  l'oracle  des  Toqués,  sut  déclaré  le  Cicéron  de 
nos  jour:y.  (Ri'llc.i  ions  de  l'édition  d'AmsIerdain,  171;'). 


li  LES    FAf.ÉTIES    DE    l'OGGE 


V 


D'un  imbécile  qui  croyait  que  sn  femme  avait 
deux  perlais  '. 

Un  paysan  de  nos  campagnes,  peu  avisé  et  nul- 
lement expert  avec  les  femmes,  se  maria.  Or,  il 
arriva,  qu'étant  au  lit,  la  femme  lui  tourna  le  clos, 
mettant  ses  fesses  au  bon  endroit.  Le  mari  en  eut 
tout  de  même  grande  satisfaction.  Tout  surpris, 
notre  homme  demande  à  sa  femme  si  elle  n'aurait 
[)as  deux  pertuis.  Celle-ci  fit  unsigneaflirmatif. — 
Ho,  lio!  reprit-il,  un  seul  me  suffit,  l'autre  est 
superflu.  La  femme,  qui  était  rusée  et  que  le  curé 
de  la  paroisse  courtisait,  répondit  aussitôt.  — Nous 
pouvons  faire  l'aumône  avec  le  second;  donnons- 
le  à  l'Eglise  et  à  notre  curé,  cela  lui  fera  extrê- 
mement plaisir  et  ne  te  privera  en  rien  puisqu'un 
seul  te  suffit.  L'homme  approuva,  tant  pour  être 
agréable  au  curé,  que  pour  se  débarrasser  du  su- 
perflu. Or  donc,  on  invite  le  curé  à  souper,  on  lui 
conte  l'affaire  et,  le  repas  achevé,  tous  trois  se  cou- 
chent dans  le  même  lit  :  la  femme  au  milieu,  le 


1.  l)v  hoiiiini'  iiisutsii  (jiii  e.iisliiiiaiil  (hios  ciuiikis  in  it.rore. 
Noël.  I,  3.  II  4-7.  — G.  Tardif  :  D'un  fol  hinimw  (pii  otyda  que 
sa  fennnv  l'usl  deux  secvctz  de  nfiliirc.  v.  p.  '21.  —  Liseux,  1,  p.  18. 
—  Phii.ii'pi  Hermotimi.  Addinicnift  ml  Farclias  JSchclianas  :  De 
rustico  existiniente  uxorem  duos  cunnus  habere,  p.  280.  —  Jus 
J'aroclii.  Fabclla  e  Pog|t,'-io  desumpla,  citée  par(Mil(.'t,  t.  II,  p.  5). 


LUS     FACETIKS    ItK    \>()iJtiK  15 

mari  par  devant,  rautro  par  derrière,  pour  qu'il 
prit  possession  de  ce  qui  lui  était  oiïcrt.  Le  prêtre, 
ardent,  vorace,  entama  le  premier  le  morceau 
dejîuis  longtemps  désiré,  si  bien  que  la  femme 
poussait  des  soupirs  retentissants.  Le  mari  eut 
alors  peur  qu'on  empiéta  sur  son  domaine. 
—  Respecte  biennos  conventions,  mon  ami,  dit-il, 
use  tant  que  tu  voudras  de  ta  part,  mais  ne  touche 
pas  à  la  mienne.  —  Le  prêtre  repartit  :  —  Que  Dieu 
m'en  fasse  la  grâce!  Je  n'ai  nulle  envie  de  ton 
bien  et  ne  demande  qu'à  user  de  celui  de  l'Eglise. 
A  ces  mots,  notre  imbécile  se  calme,  et  engage 
le  curé  à  jouir  en  toute  liberté  de  ce  qui  a  été 
concédé  à  l'Eglise. 

En  cesle  Facécie  est  donné  à  entendre  que  jamais 
homme  n'est  bien  assoie  que  par  femme  et  qu'il  n'est  rien 
qu'on  ne  puisse  persuader  à  ung-  sot. 


VI 

D'une  veuve  qui.  par  luxure^  se  livra 
à  un  pauvre  L 

L'espèce  des  hypocrites  est,  de  toutes,  la  pire  qui 
existe.  Comme  on  en  parlait  une  fois  dans  une 
réunion  où  je  me  trouvais,  et  qu'on  disait  que  tout 

1.  De  ridua  accetisa  libidine  ciimpaupere.  Noël  I.  15.  II  7-8. 
GuiLL.  Tardu'    :    VI.    D'une   reufre   qui   fui   amoureuse   '  d'unij 
pauvre,   j).  '24.  —  Liseux,   t.  I,   p.   2i.  —  Fmii.ippi  Hermotimi   ; 


10  LES     FACÉTIKS    DK    VlM.HE 

leur  vient  à  profusion,  (ju  ils  convoitent  les  digni- 
tés tout  en  dissimulant  leurs  convoitises,  qu'ils 
semblent  suljii*  les  honneurs  inalgré  eux,  et  uni- 
quement pour  obéir  h  des  ordres  su{)érieurs,  un 
des  assistants  dit  alors  :  —  «  Ils  ressein!)lent  à  un 
certain  Paul,  le  Bienheureux,  qui  habite  Pise,  un 
de  ceux  qu'on  appelle  ordinairement  des  apôtres, 
qui  s'asseyent  devant  les  portes  sans  rien  deman- 
der. »  L'ayant  prié  de  nous  expliquer  la  chose,  il 
nous  dit  :  — «  O  Paul,  qu'à  cause  de  la  sainteté  de 
sa  vie  on  a  surnommé  le  Bicnlieurcii.r,  venait 
s'asseoir  quehjuei'ois  à  la  j)orte  dune  veuve  qui  lui 
faisait  l'aumône  d'un  peu  de  nourriture.  Celle-ci. 
à  force  de  regarder  cet  homme,  qui  était  un  fort 
beau  gars,  s'éprit  de  lui:  or,  un  jour,  après  lui 
avoir  donné  à  manger,  elle  l'invita  à  revenir  le 
lendemain,  lui  promettant  un  bon  repas.  Après 
quelque  temps  de  ce  manège,  elle  le  pria  d'entre)' 
manger  chez  elle,  ce  à  quoi  il  s'empressa  d'accé- 
der. Alors,  quand  il  eut  le  ventre  plein  de  vic- 
tuailles et  de  vin,  la  femme  impudique  n'y  tenant 
plus,  se  mit  à  l'embrasser,  à  le  caresser  et  lui  dé- 
clara qu'il  ne  sortirait  pas  avant  de  l'avoir  connue. 
Lui,  feint  de  résister  et  de  n'être  point  ému  par  la 
lubricité  de  la  dame  (fui  le  presse  de  plus  en  plus 
si  tendrement,  qu'à  la  fin  il  succombe.  —  ((  Puiscpic 

Adiineuta  ctc  :  Quoiiiodo  livpocrita  sino  peccare  jieccavcrit.  — 
j\IoNTAiNGE  :  Estais.  L.  II,  ch.  1."),  t.  II,  p.  10,  ('■dit.  Oarnicr.  — 
Fahellaa  Piniffio  desuiiipln  :  MuWieris  conscianlia.  [Milel  II,  p.  K). 
—  J.  B.  Rousseau,  Iîpi(ira)tinif'  '■  Un  quii'liste  ardent  coriiine 
un  tison,  édit.  f'-.r.ier. 


uy-    f.v<:i-:tik!s  i>;:  pocgk  i: 

«  tu  vrux  comnicttro  im  si  ui-iuid  [x'-'-lié,  lui  dil-iK 
«  ({uc  Dieu  soit  témoin  que  ce  sera  ton  œu\  r»-.  et 
«  (juil  n  y  aura  nullement  do  ma  faute.  Pie.îils 
«  toi-même  cette  chair  maudite,  fais-en  ce  (jue 
u  tu  voudras,  quant  à  moi.  je  n'y  mettrai  môme 
«  [)as  la  main.  »  VA,  comme  l'arc  était  jjandé.  elle 
ajusta  le  trait.  Or  donc,  puisipril  ne  sciait  point, 
par  abstinence,  touche  lui-même,  c'est  la  damo 
qui  endossa  le  péidié  ^  . 

Eu  ceste  l'aoécio,  est  clonu'!  à  entendre  que  pliisieni's 
faigiiPiit  eslres  suTiples  comiiio  aygnenulx,  ([ui  sont  can- 
Iclenx  t-onunc  rrynars  t*' inesnicnieiii  faignaiis  qii'ilz  n'ont 
cnfc  do  ce  ([iiiiz  voudroyeiit  jà  tiMiii". 


Vil 

D'ii/i   ch'rqiic  à  cheval  -. 

Une  fois,  j'allais  au  palais  du  Pape,  passe  un  d(î 
nos  cavaliers  à  palltuin,  assurément  fort  préoc- 
cupé, puisqu'il  ne  s'aperçut  pas  que  quelqu'un  se 

1.  Qui  ne  compatirait  aux  besoins  pressants  de  la  bunno 
dame  veuve  l  un  ])auvro  jri-.se.  eUo  le  rycliauffe,  et  le  pauvr>-, 
obll^rant  et  coui-tois,  la  rccbanlïe  à  son  tour,  par  le  sccouis  du 
rameau  béni,  plus  salulaire  que  celuy  de  la  bibylie  (lumée; 
par  ce  rameau,  dis-je,  qui  ranime  la  vigueur  mourante  des 
dames.  Ocelles  merveilles  n"op('re-t-il  pas  dans  notre  siècle, 
ce  lameux  rameau  ?  (/ît''/'('r«'>''  de  1  édition  d'Amsterdam.  1712). 

■.\  De  i'(i>irstic  palliato.OpffTix  VII.  — Gdillaume  Tardif. />»//(/ 
Jeune  Cheralii-r  ijui  se  l'arsa  dr  inni  l'rcuiue.  Vil,  p.  27.  — Nokl, 
I.   !7:  —  I.isEux  t.  1,  n'  Vil,   p.    l'i. 


18  LES     FACÉTIES    DE    l'OGGE 

ilécouvrait  pour  le  saluer.  Mais  celui-ci,  croyant 
que  c'était  de  la  part  de  Tévêque  orgueil  et  arro- 
ijance,  s'écria  :  —  «  Celui-là  n'a  pas  laissé  la 
moitié  de  son  âne  à  la  maison,  il  l'emmène  bien 
tout  entier  avec  lui;  »  voulant  dire  par  là,  que 
c'est  le  fait  d'un  âne  de  ne  pas  répondre  aux  poli- 
tesses. 

En  ceste  Facéeie  est  donné  à  entendre  (jiu'  celliiy  est 
hien  asne,  de  quelque  estât  (ju'il  soit,  qui  ne  porte  honneur 
à  ceulx  qui  luy  portent. 


VIII 

Un   mot  de  ZuccJiaro    i. 

iSous  traversions  une  ville,  le  très  facétieux  Zuc- 
charo  et  moi,  lorsque  nous  rencontrâmes  une  noce. 
C'était  le  lendemain  du  jour  où  la  mariée  était  ve- 
nue s'installer  dans  la  maison  conjugale.  Nous 
nous  arrêtâmes  quelques  instants  pour  nous  amu- 
ser à  regarder  danser  ces  hommes  et  ces  femmes. 
Alors,  Zuccharo  dit  en  riant  :  —  «  Ces  gens-là  ont 
consommé  hier  leurs  droits  matrimoniaux;  moi,  il 
y  a  beau  temps  que  j'ai  consommé  mes  patrimo- 
niaux. »  C'était  un  mot  plaisant  sur  son  propre 


1.  Dirtnilt  Zucchari.  Opéra  VIII:  Guillaume  Tardii'.  Ung  dit 
joyeiilx  que  l'oifqc  raconiple  d'uinj  sici'  coinpnùjiion,  nommé  Za- 
canis.  VIII,  p.'i'.J.  Noël  I,  18.  Il'  '.);  Liseux  t.'l,  n°  VIII,  p.  25. 

Dcmocriliis  rideits  ;  Molla  calaiiiilas  sola,  p.  232. 


LKS    FACETIES    DE    l'0(,(iE  19 

compte,  car  il  avait,  eiicli'et.  vendu  sou  patrimoine 
et  dissipé  l'argent  au  jeu  et  en  ])onne  chair. 

Hn  ceste  l^'acécie  esl  donné  à  entendre  que  tel  se  cuyde 
aiu-nlfies  foys  rallier  de  aullruy  qui  se  raille  de  soi- 
mosnu-s. 


IX 

D'an  Podestat  '. 

Un  podestat  envoyé  à  Florence,  prononra  le 
jour  de  son  entrée  dans  la  ville  un  long  et  insipide 
discours  devant  les  notables  réunis,  selon  la  cou- 
tume, dans  la  cathédrale.  Probablement  pour  se 
mieux;  faire  valoir,  il  commença  par  dire  qu'il  avait 
été  sf'-nateur  à  Rome,  puis  lit  une  interminable 
énumération  de  tout  ce  qu'il  avait  fait,  et  même  de 
ce  c[ue  d'autres  avaient  fait  pour  sa  plus  grande 
gloire.  Après  cela,  il  entreprit  de  décrire  par  le 
menu  son  départ  de  Rome,  son  escorte,  les  pre- 
miers jours  de  son  voyage,  sa  visite  à  Sutri-  et 
toutes  ses  moindres  actions,  point  par  point,  jour 
par  jour,  les  lieux  où  il  s'était  rendu,  où  on  l'avait 
reçu.  Au  bout  de  plusieurs  heures,  il  n'était  pas 

1.  I)i'  PrirlDi-c.  Opéra  IX'.  —  Guillaume  Tardif.  De  unff  Pir- 
losl  qui  fut  reprinz  de  trop  se  louer  IX,  p.  .31  ;  —  Noël  I,  18.  — 
RiSTELHUBER  IV,   p.   II. —  LiSEU.X  t.   I,  n"  IX,  p.  20. 

2.  Petite  ville  remarquable  par  son  amphithéâtre  antique.  La 
tradition  en  fait  la  patrie  de  Ponce-Pilate  et  y  place  un  exploit 
de  Camille,  de  Rome,  ainsi  qu'une  aventure  de  Roland.  (Ris- 

TELHUIiER.) 


20  LES    l'ACKTir.S    DE   i>o(;(;e 

encore  au  récit  de  son  arrivée  à  Sienne.  Tonte 
rassemblée  était  énervée  pai'  la  longuenc  de  cet 
odieux  discours  dont  on  ne  prévoyait  pas  la  fin,  et 
la  journée  semblait  dcvoii'  se  })asser  uniquement 
à  entendre  des  niaiseries.  Or,  comme  la  nuit  ap- 
prochait, un  des  assistants  d'humeur  plaisante,  se 
penchant  à  l'oreille  du  Podestat,  lui  dit  :  —  «  Il  se 
fait  tard,  c[ue  Votre  Seigneurie  se  hâte  si  elle  veut 
arriver  aujourd'hui  même  à  Florence,  jour  fixé 
pour  son  entrée,  sinon,  elle  va  perdre  son  emploi.  » 
A  cet  avis,  notre  homme  aussi  bête  que  locjuace, 
déclara  qu'il  était  à  Florence. 

En  cesto  Facécic  sont  dcspriso/,  rcnlx  qui  vculloiit  se 
donner  gloire  poui-  leurs  ]>caul.\  i'ailz,  ceulx  aussi  (|iii  Irop 
haliondenl  vu  laiig'aige  vain  cl  (|iii('!i  leurs  propos  ap|>li('- 
quent  chcses  inutiles  et  vaines  parenllièsos  qui  ne  servent 
en  rien  en  la  matière  subjeete  et  ainsi  que  lediel  l'revosl, 
qui,  à  l'heure  qu'il  devoit  l'aii'e  son  pi'éaiid)iil(>  et  dii'c  au 
yénat  do  l'iorcnce  l(;s  causes  ])ourqiioy  il  estdit  envoyé 
vers  eux  allegayf  ses  heaulx  laits  l't  le  chemin  par  le(|uel 
il  estoit  venu. 


X 

D'une  f'e /Il me  qui  Ironijxi  son  mari  '. 

Pietro,  un  de  mes  cauiarades,  me  raconta  jadis 
une  histoire  plaisante  très  caractéristique  de  l'as- 
tuce de  la  fcmuie.  11   était    en  relation  avec  une 


1.  />(•  iiiuliei-r  (/iKC  tinnn  (Icfiniulnrit:    Opéra  .\. —  XoiiL  I,   ÎQ. 
II,  *J-1I.  —   Guillaume  'J'aiiiiii':  /f'itnc  ffniiiii;   (tdnUnt:  ifui   /i.i/ 


LKS     FACÉÏIKS    DK    l'OGGE  2f 

femme  mariée  àuiipaysan  peu  malin,  qui  nocl.-im- 
bulait  ires  souvent  par  les  cb.-imps,  pour  éviter  ses 
ci'éauf  iers.  [n  jour,  que  le  galant  était  auprès  de 
la  Icmme,  le  mari,  qu'on  n'attendait  pas.  arriva 
à  la  tombée  de  la  nuit.  La  femme  fit  aussitôt  ca- 
cher sc)n  amant  sous  le  lit,  puis  se  retournant  vers 
son  mari,  elle  le  tança  d'importance  pour  être  re- 
venu, au  risque,  aftirmait-elle,  d'être  pris  et  con- 
duit en  prison.  —  «  Comment,  dit-elle,  les  soldats 
du  podestat  sont  venus  pour  te  prendre,  ils  ont 
fouillé  toute  la  maison:  je  leur  ai  dit  que  tu  avais 
Ihahitudc  de  coucher  dans  les  champs,  alors  ils 
sout  partiseu  promettant  de  revenir  bientôt.  »  Terri- 
fié, notre  homme  cherchait  un  moyen  de  se  sauver, 
mais  les  portes  de  ;la  ville  étaient  déjà  fermées. 
—  «  Hue  vas-tu  faire,  malheureux!  s'exclama  la 


coucher  son  inary  en  nnç/  colmnliirr  tandis  quelle  avec  son  anuj.  X, 
p.  34.  —  RisTELiiuBER  :  V,  p.  l'2.  —  LisEux.  X,  p.  28. 

Ce  conte  était  déjà  très  ancien  au  temps  de  Pogge  et  il  a 
été  depuis  raainleet  mainte  fois  imité.  M.  Ristelhuber  a  donné 
sur  ce  point  de  précieuses  indications.  —  Pour  l'origine  :  la  15or- 
goise  dOrliens.  — Mkon  :  l'ablian.r  et  contes,  édition  do  Barbazan. 
—  Leghand  d'Aussy  :  Fabliaux,  t.  III,  p.  411.  —  Raymond 
Vidal,  dans  Raynouard  :  Choir  des  poésies  originales  des  trouba- 
dours, t.  m,  p.  398.  —  BoccACE  :  Decameron ,  8°  journée,  7*  nou- 
velle, p.  371,  éd.  Garnier.  —  7/  pecarone  di  ser  Giovani  Fioren- 
tino.  —  Cent  nouvelles  nouvelles,  nouv.  88,  p.  368,  él.  Garnier. 
«  Le  Cocu  sauvé.  »  —  H.  P^stienxe  :  Introduction  an  traité  de  la 
conformité  des  merveilles  anciennes  avec  les  modernes,  15(JC.  «  Le 
Golonibicr.  :)  —  Malespini:  Ducenta  novelle.  t.  I,p.  01.  —  Àddi- 
tamenta  IJkhmoti.mi,  p.  ISô.n  De  nstulia  nuilicris  cujusdam.  »  —  La 
Fo.NTA'NE  :  Contes.  «  Le  Cocu  battu  et  content,  »  p.  3'i,  éd.  Gar- 
nier. —  liiiger  Bontemps  en  belle  humeur.  ColognelGTO,  p.  64.  — 
Dancol'ht  :  Œuvres  :  théâtre.  .  «  Le  Tuteur.  »  —  Contes  à  rire 
ou  Récréniions  françaises,   1787,  t.  I,  p.  13U. 


22  l-KS     FACÉTIES    1»E    l'OGdV, 

le  m  me  ;  si  lu  es  pris,  lu  es  perdu!  »  Tout  trem- 
blant, il  lui  demanda  conseil;  celle-ci,  prompte  à 
la  ruse,  lui  dit:  —  «  Monte  dans  le  col<  mbier,  j'en 
fermerai  la  porte  après  avoir  retiré  l'échelle,  tu 
pourras  ainsi  passer  la  nuit  trancjuille  sans  que 
personne  ne  se  doute  de  ta  présence.  »  Ce  qui  fut 
dit  fut  fait  ;  elle  ferma  la  porte,  enleva  l'échelle, 
ôtant  de  la  sorte  à  son  mari  tout  moyen  de  sortir, 
puis  elle  revint  trouver  son  amant,  cju'elle  tira  de 
sa  cachette.  Alors,  celui-ci.  pour  faire  croire  au 
retour  des  sbires  du  podestat,  se  mit  à  faire  grand 
bruit,  comme  s'il  y  avait  beaucoup  de  gens  dans 
la  maison,  tandis  que  la  femme  de  son  côté  pre- 
nait la  défense  du  mari  —  c{ui  tremblait  de  tous 
ses  membres  dans  sa  prison.  Enfin,  après  avoir 
fait  beaucoup  de  bruit,  la  femme  et  l'amant  se 
mirent  au  lit  et  toute  la  nuit  sacrifièrent  à  Vénus, 
tandis  que  le  mari  se  tenait  blotti  dans  la  tiente 
au   milieu    des    pigeons. 

En  ceste  Facécie  sont  deux  clioses  à  noter,  dit  jtre- 
inièrement,  la  nianlvaiselié  et  fallacc  de  une  reiniiu', 
qui  si  prompte  est  à  trouver  quelque  déception  ctcautetle 
pour  faire  son  désir,  secondement  la  ygriareté  de 
rhoiiime,  qui  peut-estre  sçavoit  ]>ieii  le  cas  de  sa  fenune 
et  (pie  elle  luy  faisait  faulceté,  mais  toutefois,  par  crainte 
de  estre  mis  en  prison,  luy  souffroit  et  endiiroil,  ce  qui 
])eut  advenir  à  plusieurs  qui  pai'  pouvre  et  meschant  f>ou- 
vernement  ou  crainte,  soulFrcni  faire  de  grans  injustices  à 
leurs  filles  et  à  leurs  femmes  ;  car  tel  y  a  qui  doit  de  l'ar- 
gent, dont  il  est  obligé  du  corps,  qui  seroit  content  que  sa 
femme  se  habandonnast  et  qu'il  en  (istleincongnu  et  l'igno- 
rant, adin  »[iH' il  ne  l'ust  mis  en  prison,  mesme  l'oucher  en 


LES     FACKÏII'.S    DE    l'OGGE  23 

quelque  galethas  en  ung  liel  plain  de  pulces  el  de  punaises 
tant  ([uo  sa  femme  seroit  à  son  bon  jilaisir. 


XI 

D'un  prcti'e  qui  ignorail  la  date  de  la 
FC'le    des    Rameaux  '. 

Le  bourg  d'Aello  est  ce  qu'on  appelle  un  trou 
perdu  dans  les  montagnes  des  Apennins.  Là,  ré- 
sidait un  prêtre  plus  fruste  et  plus  ignorant  que 
les  paysans.  Gomme  on  n'y  avait  aucune  notion 
du  temps  et  du  calendrier,  il  oublia,  par  ignorance, 
d'indiquer  le  Carême  à  ses  ouailles.  Etant  venu  à 
Terra-Nova,  précisément  un  jour  de  marché,  (le 
samedi  avant  les  Rameaux),  il  remarqua  que  les 
prêtres  faisaient  provision  de  branches  d'olivier  et 
de  palmes  pour  le  jour  suivant.  Très  intrigué  d'a- 
bord, il  ne  tarda  pas  à  s'apercevoir  de  sa  faute,  le 
Carême  allait  donc  finir  sans  avoir  été  observé 
dans  sa  paroisse.  Uentré  dans  son  village,  il  pré- 


1.  De  Saccrdolc  (jui  itjiiovahal  solonititatem  Palmanim.  Opéra 
XI,  —  Guillaume  Tardif.  D'un  sol  Prestre  qiti  ignorait  ledhnan- 
che  de  Pasqnes  fleuries,  XI,  p.  39.  —  Noël  I,  22;  II,  11  et  12,— 
Lenfant,  tome  II,  VIII,  p.  168;  —  Ristelhuber,  VI,  p.  14.  — 
Lisnux,  XI  t.  I,  p.  30.  —  Les  cent  Nouvelles  nouvelles  ;  nov.  8'J. 
Lesperdri.r  changées  en  poissons,  édit.  Garnier,  p.  371.  —  Males- 
l'i.Ni.  II,  nov.  62.  —  Grksset,  Œuvres  :  Le  Cnrènie  impromptu. 
Kdit.  Garnier. 

li'est  aus.si  le  fond.s  d'une  épij^ramine  de  Th.  Morus,  dans 
laquelle  un  curé  anuon(,aQt  la  fête  de  Saint-André,  avertit 
ses  paroissi' ns,  le  lendemain,  qu'ils  ont  dû  jeûner  la  veille. 


•^'i  LES     FA(  triES    ItE    l'OfJOE 

para  les  rameaux  d'olivier  et  les  palmes  pour  1(^ 
jour  suivant.  Le  dimanche  donc,  s'adressant  à  ses 
paroissiens,  il  leur  dit  :  «  C'est  aujourd'hui  que 
l'on  a  l'habitude  de  distribuer  des  rameaux  d'oli- 
vier et  des  palmes.  Pâques  sera  par  conséquent 
dans  huit  jours.  Nous  ne  jeûnerons  pas  plus  de  huit 
jours  cette  année,  ce  sera  tout  notre  Carême.  Voici 
pourcjuoi  :  A  cause  du  froid  excessif  de  cette  an- 
née et  de  la  difficulté  des  chemins,  le  Carnaval  fut 
tardif  et  long-  à  venir  à  travers  nos  montagnes; 
c'est  pourquoi,  le  Carême,  lui  aussi,  a  été  tardif 
et  lent,  si  lent  même  qu'il  n'a  plus  qu'une  semaine, 
ayant  dû  laisser  les  autres  en  route.  Aussi,  profitez 
du  peu  de  temps  qui  reste,  pour  vous  confesser  et 
faire  pénitence  '.  » 

«  Eu  cesle  Facécie  est  monstre  romme  souvent  eiïoys 
les  simples  i>'ens.  qui  ne  sont  pas  lettres,  errent  aux  Gom- 
mandemenls  <le  Dieu  par  la  fanlle  de  leurs  Recteui's 
eeclésiasticques  qui  sonl  ipfuares  ei  non  cognoissans  qui 
est  un  grant  vice  dans  l'Eglise.   » 


XII 

Des  piiysans  chargés  (Vcichelef  un  criicifi.i'  ^ 

Des  paysans  du  môme  village  furent  chargés 
d'acheter  à  Ocrejjo  un  crucifix  de  bois,  pour  le 
placer  dans  leur  église.  Ils  se  rendirent  chez  un 

1.   i)e  nisliris  miticiis  inlcrroiinlis  an  rclleiil  crucifi.iuni  vivion  an 
inorliann  nh    (ipijuc   eincre.   Opéra  Xll;  —  Glillau.mk  Tardif. 


LES     FAitriES    l>K    POGGE  25 

fabricant.  Celui-ci  voyant,  au  preniici'  mot,  qu'il 
avait  atlaire  à  des  yens  bornés,  à  de  vraies  bûches, 
voulut  se  gausser  d'eux  et  leur  demanda  s'ils 
voulaient  un  crucifix  vivant  ou  mort.  Los  bons- 
hommes, après  s'être  consultés  quelques  mi- 
nutes à  l'écart,  déclarèrent  qu'ils  le  préfé- 
raient vivant,  car  si  leurs  concitoyens  ne  le  trou- 
vaient pas  bien  ainsi,  ils  seraient  à  même  de  le 
tuer. 


—  vif.  XII,  p.  5-.':  —Noël  I.  ri;  IL  12-li;  —  Lenfant  I  L  II,  IX, 
p.  109. — RisTELuuBER,  VIII,  p.  16:  — LiSEUx,  1. 1,  n"  XII,  p.  3'2. 
i)'Ouvii.LE.  Les  ciiiiles  au.c  heures prrdues ;  De  certains  marguil- 
liers  de  village.  Noutellc  BiblioiJièqiie  des  Romans,  an  VII,  t.  III, 
[).  215.  —  la  question  inipn'nie  de  Guyétaxd  (1700)  a  aussi  pour 
objet  saint  Sébastien;  ce  conte  est  en  quarante-quatie  vers, 
même  Bihiiolhcque,  p.  21").  Cette  lacétie,  qu'en  Provence  on  met 
sur  le  dos  des  gens  des  Martigues,  a  été  reproduite  ou  imitée 
.11  tous  lieux  :  il  n'y  a  que  l'objet  de  l'emplAte  qui  varie.  — 
Exempli;  : 

L'EXPÉIUENT     CCJRIEUX 

D'un  saint  Stbastien  voulant  avoir  l'image, 

Comme  plus  expérimentés, 

Deux  paysans  sont  députés 

Par  la  commune  d'un  village... 

«  Le  voulez-vous  vivant  ou  mort?  »... 
Leur  demanda  le  peintre.  A  décider  l'affaire, 
L'un  et  l'autre  surpris,  hésilèrent  d'abord. 

—  «  Faites-le  vivant  pour  bien  faire.  » 
Dit  à  la  fin  l'un  deux,  en  se  frappant  le  front. 
—  ((  Morgue  !  Cesl  fort  bien  dit  et  mieux  imaçjinère, 

Répond  l'adjoint,  nos  gens  seront 

Toujours  à  temps,  mon  cher  compère, 

De  le  tuer,  quand  ils  voudront.  » 

De  Boblognb 
Àm}(semciil  d'un  septuagénaire.   1780.  p.  115. 

2 


26  LES     FACÉTIES    DE    POCGE 

En  ceste  Facécie  sont  farcez  les  sols  messaig-iers,  que 
quand  ilz  vont  en  aucuins  messaige,  ne  demandent  point, 
premier  que  partir,  toutes  les  choses  qu'ilz  ont  à  faire,  et 
i'aiilt  souvente  IToys  qu'ilz  aient  de  une  peine  deux. 


XIII 

Réponse  faite  au  duc  de  Milan  par  son 
cuisinier    ^. 

Le  vieux  duc  de  Milan,  prince  raffiné  en  toutes 
choses  -  ,  avait  un  cuisinier  hors  ligne,  qu'il 
avait  envoyé  en  France  se  perfectionner  dans  l'art 
culinaire.  Pendant  la  guerre  qu'il  soutint  contre 
les  Florentins,  le  duc  reçut  un  jour  un  messager 
porteur  de  mauvaises  nouvelles  qui  lui  troublèrent 
la  tête.  S'étant  mis  à  table  peu  après,  il  trouva  je 
ne  sais  quel  goût  désagréable  aux  plats  qu'on  lui 

1.  Dictum  coci  ilhtslH.'minu  duci  Mediolanoiai  Inthiiuin.  Opéra 
XII.  —  GuiLLA>uME  Tardif,  XIII,  p.  44.  —  Noël,  I  24;  II  15.  — 
RiSTELHUBER,  VIII,  p.  17.  —  LiSEux,  XIIl,  touie  I.  p.  33.  — 
Le  Tombeau  de  la  Mclaiirholie  :  Facétie  du  cuisinier  du  duc  de 
Milan,  p.  104. 

2.  Jean-Marie  Visconti,  ûls  et  successeur  de  Jean  Gaiéas,  né 
en  1389.  Assassiné  le  16  mai  1412.  Bandello  raconte  qu'il  avait 
fait  emprisonner  sa  mère  et  rempli  Milan  de  massacres.  11  se 
taisait  livrer  ks  malheureux  serfs,  que  les  juges  condamnaient 
pour  les  chasser  aux  chiens  courants  dans  un  parc.  Son  pifjueur, 
Squercia  Gevanco,  avait  nourri  des  dogues  de  chair  humaine 
pour  les  accoutumer  à  cet  exeri;ic  >.  Ea  revanche,  il  fit  entériner 
vif  un  curé  qui  refusait  la  sépulture  aux  pauvres  gens.  A  la 
suite  d'une  conspiration.,  il  fut  massacré  à  la  porte  de  i'Kglise 
Saint-Gothard  et  son  corps  recueilli  par  une  courtisane. 


LES     FAt:KTir.S    l)K    VOiAW.  27 

servait  :  il  les  renvoya  et  manda  son  cuisinier, 
auquel  il  reprocha  de  ne  pas  savoir  son  métier. 
Mais  le  cuisinier,  gjii  ne  mâchait  pas  ses  mots, 
répliqua  :  — «  Si  les  Florentins  vous  ont  enlevé  le 
iroùt  et  l'appétit,  est-ce  ma  faute?  Mes  plats  sont 
exquis  et  accommodés  avec  art,  mais  les  Florentins 
vous  échauflent  la  bile  et  vous  font  perdre  l'appé- 
tit. »  Le  duc,  homme  d'esprit,  se  mit  à  rire  de  la 
repartie  facétieuse  et  libre  de  son  cuisinier. 

En  ceste  Facécie  est  donné  à  entendre  que  ung-  servi- 
teur ne  se  doit  niouvoii-  de  chose  que  son  Seigneur  luy  dit 
quant  il  est  ennuyé,  mais  doit  à  son  pouvoir  essayer  à  lui 
donner  quelque  récréation. 


XIV 

Autre  bon  mol  du  même  cuisinier  au  même 
prince  '. 

Au  cours  de  la  même  guerre,  le  susdit  cuisi- 
nier voyant  le  Duc  inquiet  et  contrarié  se  mit 
encore  à  le  plaisanter  :  —  «  Il  n'y  a  rien  déton- 
nant  à  ce  que  le  Duc  soit  tourmenté,  il  veut  deux 
choses  impossibles  :  ne  pas  avoir  de  frontières 
et    engraisser  Francesco  Barbavare  -  ,  l'homme 


I.  Ejiisdcitt  coci  (Uiium  ad pneUbalum  illustiem  priticipem.  Opéra 
XIV.  —  Guillaume  Tardif.  XIV,  p.  'i7.  —  Noël  I,  îb.  —  Liseux, 
tome  I,  XIV,  p.  S.5. 

î.  Favori  du  duc  Galéas-Mario  Visc.jiili. 


28  LES     FACÉTIF.S    DE    POiiOE 

le  plus  gras  et  le  plus  cupide  qu'il  soit!  »  Il 
raillait  ainsi  à  la  fois,  et  l'ambition  immodérée 
de  dominer  du  duc,  et  l'insatiable  envie  de  ri- 
chesse et  de  dignités  de  Francesco. 

Geste  Facécie  monli'c  (\uo  ceulx  sont  repris  et  raillez 
c^ui  se  lourinenlent  et  prennent  souley  de  faire  choses 
mpossibles  à  enx  eL  plus  que  leur  l'iKUillé  ne  pou* 
porter. 


XV 

Reqiiéle  du    mrnie  cuisinier  nu  même  prince  '. 

(l'est  ce  même  cuisinier  qui,  voyant  le  grand 
nombre  des  quémandeurs  de  faveurs  de  tous 
genres,  choisit  le  moment  où  le  Duc  était  à  table 
pour  le  prier  instamment  de  faire  de  lui  un  âne. 
Celui-ci,  très  intrigué  par  cette  demande,  s'enquit 
pourquoi  il  aimerait  mieux  être  un  Ane  plutôt  qu'un 
homme  :  —  «  C'est  que  j'ai  remarqué,  répondit  le 
cuisinier,  que  tous  ceux  que  vous  avez  élevés  et 
que  vous  avez  comblés  d'honneur  et  de  dignités, 
sont  tellement  bouffis  d'orgueil  et  de  vanité,  qu'on 
les  dirait    métamorphosés   en   ânes.    C'est  pour- 


1.  l'clilio  ejusdem  coci  ad  pr^idiclum  priiiciprni.  Opéra  XV. 
Guii.L.vuME  Taudip  XV,  p. 41).  —  Noël,  I  2(1;  Il  15-10.  —  Li- 
?ELx.  t.  I,  n"  XV,  p.  .Sfj.  Ekasmus  Ehnehl's,  Germanus,  Phil 
Melanchtonis  œqualis.  (Épigrammo  latine  ciU'e  par  Milct, 
p.  I.j).  —  Ilisloires  facctieuses  cl  nitn-alrs  :  L'Ane  pi-/'r('rt^  .tu 
clicval.  p.  J.'j. 


I.KS     rACETIKS    1>K    l'ntiGK  '^\) 

(juoi  jo  voudrais   que  vous  iissiez  oiialniHCjii   cl*' 
moi  un  âne  '  .   » 

Eli  coste  Faoécie  sont  repi'ins  les  Seigneurs  que,  s'ilz 
ont  ung  bon  serviteur  qui  les  a  servis  loyaument,  ne  lui 
tiennent  compte  de  le  pourveoir,  mais  pourvoyent  plus 
lost  ung  nouveau  venu  que  riens  ne  sçaura  et  qui  aulcun 
l)on  service  à  son  maislre  laict  n'aura,  ce  qu'on  voit  sou- 
vent advenir.  Sont  rej)rins  aussi  ceulx  qui  donnt'nt  les 
]>énélices,  oflices  -et  dignitez.  à  gens  ygnares  et  iiisulU- 
sans  de  les  obtenir. 


XVI 
Le   Vicomte  Januolo  -. 

Un  jour,  un  individu  de  sa  connaissance,  ayant 
demandé  à  Antonio  Lusco,  homme  très  instruit  et 
plein  d'esprit,  de  vouloir  Lien  examiner  une  lettre 
qu'il  adressait  au  Pape,  celui-ci  lui  conseilla  di- 
verses corrections  et  suppressions.  Le  lendemain, 
le  susdit  individu  lui  soumit  de  nouveau  la  lettre, 
comme  s'il  avait  suivi  ses  conseils.  Après  un  coup 
d'œil  Lusco  s'écria  —  :   '  Me  prends-tu  donc  pour 

1.  L'application  so  peut  faire  à  tous  les  liommes  en  général. 
Ils  récompensent  non  seulement  le  mérite,  mais  selon  le  caprice 
car  les  fausses  vues  de  ceux  qui  les  servent,  qui  les  flattent  et 
<[ui  figurent  d'être  leurs  amis.  Les  Princes  surtout  sont  dans 
cette  fâcheuse  situation.  Pour  être  à  coup  sur  récompensé 
d'eux,  il  faut  presque  toujours  êlrd  un  sot,  mais  un  sot 
etfronté.  [Réflexion  de  l'édition  d'Amsterdam,   ITLÎ)- 

2.  De  Jannoln  Vicecomile.  0,>era  XVI:  —  Guillaume  Tardif: 
XVI,  p.  5-2.  —  XoEL  I,  29.  — LiSEux,  n    XVI,  tome  1,  p.  'M. 


30  -LES     FACÉTIES    DE    l'0(iGE 

le  vicomte  Jeannot?  »  Comme  nous  lui  demandâmes 
ce  que  signifiait  cette  exclamation,  il  nous  dit  : 
—  «  Jannoto,  notre  ancien  gouverneur  de  Vi" 
cence,  était  un  brave  homme,  mais  tout  aussi  lourd 
de  corps  que  d'esprit.  Très  souvent,  il  faisait  venir 
son  secrétaire,  lui  ordonnait  d'écrire  quelques 
lettres  au  vieux  duc  de  Milan,  il  en  dictait  lui- 
même  une  petite  partie  et  les  formules  de  poli- 
tesse; quant  au  reste,  il  laissait  faire  le  secrétaire 
qui  lui  rapportait  bientôt  la  correspondance  ter- 
minée. Jannoto  prenait  la  lettre  et  la  trouvait  inva- 
riablement mal  écrite,  mal  rédigée.  —  «  ('a  ne  vaut 
rien,  disait- il,  va-t-en  corriger  ça.» — Le  secrétaire, 
qui  connaissait  bien  la  sottise  et  les  manies  de 
son  patron,  revenait  au  bout  d'un  moment  avec  la 
même  lettre,  à  laquelle  il  n'avait  pas  changé  une 
virgule,  tout  en  affirmant  qu'il  l'avait  corrigée  et 
recopiée.  Le  vicomte  prenait  la  lettre  en  main, 
comme  pour  la  lire,  donnait  un  coup  d'œil  et  décla- 
rait: —  «  Cette  lettre  va  très  bien,  mets  mon  sceau 
et  envoie-là  au  Duc.  »  Et  c'était  chaque  fois  la 
môme  chose  ^ . 

1.  L'application  de  ce  conte  est  encore  d'une  bien  grande 
étendue.  Ceux  qui  jugent  sur  rétiquelte  forment  un  peuple 
fort  quant  au  siècle  jjrésent.  Je  ne  sçai  lequel  l'emporte  des 
deux  en  grandeur.  Les  mauvais  juges,  ou  le  peuple  tributaire 
du  Dieu  Cocuage.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  premier  comprend  les 
Itelits  maîtres,  garçons  lieaux  esprits,  précieuses,  ])édants, 
savantes,  jaloux,  envieux,  etc.  Il  n'en  e->t  aucun  de  ceux-là» 
qui  ne  soit  capable  de  faire  un  argument  aussi  définitif  que 
celui  de  Maître  Janotus  de  Braqmardo  sur  les  dociles  de  Paris 
que  Gargantua  avait  emportées,  {lié flexion  de  l'édition  d'Ams- 
terdam, 171;',  conte  Xlll,  p.  48). 


LES    fa<:eiiks  i»k  I'ogge  31 

Kn  ceste  Facécie  sont  repris  les  ouUrecuydéz  qui  cuy- 
dent  plus  saiges  que  eulx  déi-epvoir,  ceulx  ainsi  qui,  par 
arrogance  ou  prééminence  d'ofTice  ou  dignité  qu'ilz  ont 
en  eulx.  feignent  et  cuydent  plus  entendre  et  congnoistre 
((uilz  ne  font,  ainsi  que  Jannot  le  Vicomte. 


XVII 

Le  tailleur   de    Visconti  K 

(Pour  fdiie  peiidaiil    à   l'hisloire  précédente) 

Le  pape  Martin  Y-  avait  chargé  Antonio  Lusco  3 
de  rédiger  une  lettre  ;  après  en  avoir  pris  connais- 
sance, le  pontife  ordonna  de  la  soumettre  à 
lexamen  d'un  de  nos  amis,  dans  lequel  il  avait 
pleine  contîance.  Mais  cet  ami,  qui  était  à  table 


1.  De  sutore  (fuudatn  Vice(0)nitis  per  riani  coinparadottis.  Opéra 
XVII.  —  Guillaume  Tardif  :  Facécie  et  siunlitude  semblable 
d'un  couslurier  à  uni^  Vicomte.  XVII,  p.  55.  —  Noël  I,  28. 
—  RiSTELHUBER  IX,  p.  12.  —  LiSEux,  tome  I,  p.  39. 

2.  Olto  Golonna,  élu  pape  le  il  novembre  1417,  prit  le  nom  de 
Martin  V;  décéda  le  21  février  1431. 

3.  Antonio  Lusco,  secrétaire  de  Martin  V  et  colIè>rue  de  Pogge. 
En  ri23,  Martin  V  l'envoya  à  Milan  pour  engager  Philippe  Vis- 
conti à  renouveler  la  paix  avec  les  Florentins,  mais  l'ambassade 
resta  sans  résuliat.  En  14"2'i,  Francesco  Barbaro,  préfet  de  Vi- 
cence,  fit  venir  Lusco,  pour  l'aider  à  ravoir  les  lois  de  la  ville, 
et,  grâce  à  ScS  conseils,  cette  entreprise  délicate  fut  terminée 
heureusement.  Lusco  est  un  des  interlocuteurs  du  dialogue  de 
Pogge  :  De  carielate  fortuiia.  du  dialogue  sur  l'avarice,  et  de  la 
troisième  histoire  conviviale.  Il  naquit  à  \'icence  et  ajjpai'tenait 
à  une  famille  noble  qui  tlorissait  encore  en  17"23.  [R  . 


32  I-ES     FACKIIES    DE    l'OlUiE 

et  quelque  peu  pris  de  vin,  désapprouva  la  lettre 
et  demanda  (|u'elle  lui  fût  représentée  à  un  autre 
moment.  Antonio  dit  alors  à  Bartolomeo  de  Bardi, 
qui  se  trouvait  là  :  —  «  Je  vais  faire  pour  ma.  let- 
tre, comme,  autrefois,  le  tailleur  de  ce  grand 
iiourmand  de  Jean  Galeas  Visconti  '.  Demain, 
avant  qu'il  ne  mange  ou  Ijoive,  je  lui  rapporterai 
la  lettre  et  il  la  trouvera  parfaite.  » — Puis,  pour 
satisfaire  la  curiosité  de  Bartolomeo.  Lusco ajouta  : 

—  «  Jean  Galeas  Visconti,  père  de  l'ancien  duc 
de  Milan,  était  un  homme  grand,  gras,  de  forte 
corpulence;  quand  il  s'était  bien  rempli  la  be- 
daine de  victuailles  et  de  boisson,  (ce  qui  lui  arri- 
vait fort  souvent  ,  au  moment  de  se  mettre  au  lit 
il  faisait  appeler  son  tailleur  et  l'accablait  de  re- 
proches, prétendant  qu'il  lui  avait  fait  un  haut- 
de-chausses  trop  étroit,  et  lui  ordonnait  de  l'élar- 
gir de  façon  à  ce  qu'il  ne  le  gênât  plus  :  —  «  Il 
sera  fait  comme  vous  l'ordonnez,  disait  le  tailleur, 
et  demain  celaira  très  bien.  »  —  Puis,  prenant  le 
vêtement,  il  le  jetait  sur  un  porte-manteau,  sans  y 
faire  aucun  changement.   Quand   on  lui  disait   : 

—  «  Pourquoi  n'clargissez-vous  pas  ce  vêtement, 
que    le   ventre  de  Monseigneur  fera  craquer?  » 


1.  Jean  Galeas  Visconti,  (ils  de  Galeas  ]I  et  de  Blanche  de 
Savoie,  né  en  1347,  fut  le  premier  de  .sa  maison  qui  porta  le 
litre  de  duc;  il  acheta  ce  titre  de  rcmpereur  Winceslas,  au 
prix  de  cent  mille  florins.  Il  no  méditait  rien  moins  que  l'em- 
pire de  l'Italie.  II  avait  déjà  l'ait  faire  une  couronne  et  tous 
les  ornements  royan,\  qu'il  tenait  prêts  à  Maiignan,  dans  sa 
villa,  )or.squ"il  y  mourut   de  la    peste  l.,-  .'5  septcMuUre  1 'iO"2.  {!{}. 


I.KS     FACKTIES    DK    l'OfW.K  33 

—  11  répondait  :  «  Deinaiu.  quand  MoDseitineur 
se  lèvera,  que  sa  digestion  sera  laite,  et  qu  il  aura 
cilié,  le  haut-de-ehausses  sera  trop  large.  —  Le 
matin,  en  eftet,  il  rapportait  le  vêtement,  et  Jean 
Galeas  disait  en  le  mettant  :  —  «  ('.a  va  très  bien 
maintenant,  il  ne  me  gêne  plus  de  nulle  part.  »  — 
Antonio  disait  lui  aussi  (|ue  sa  lettre  serait  très 
bien,  quand  le  vin  aurait  été  cuvé. 

En  ceste  Facécie  sont  reprins  les  gloutons  qui  tant  em- 
plissent leur  ventre,  qu'ilz  en  perdent  sens  et  entendement 
<t  ne  soaivent  en  quoi  estât  ilz  sont,  ainsi  que  le  Gouver- 
neur du  Pa|)e  Martin,  qui,  en  son  yvrognerie  et  repleclion 
du  vin,  ti'ouvji  l'Epistolle  faulce  et  au  matin,  à  jung,  la 
trouva  bonne:  pareillement  Jehan,  \'iconte,  qui  trouva  au 
soir  et  quant  il  fust  plain,  son  pourpoint  trop  estroit,  et, 
au  matin,  après  sa  digestion  faicte  et  qu'il  eust  vuidé  son 
ventre,  le  trouva  assez  large. 


XVIII 

Phiinle  faite  a  Faciito  Cane  au  sujet  (V un  vol   '. 

Quelqu'un  se  plaignant  à  Facino  Cane  qui 
fut  un  homme  cruel  et  un  général  renomme  à 
cette  époque,  d'avoir  été  en  chemin,  dépouillé  de 

(1»  (Jiieriinonia  spnlii  causa  ad  Facinuin  Canem  fucin.  Opé- 
ra XVIII.  —  Guillaume  Tardif.  Da  complainclc  de  uiuj  ponire 
hotnntc  à  nmj  cnpilaine  de  riens  d'armes  XVIII,  p.  59.  —  Noël,  1, 

p.    :}();   II,  p.    10. —   KI3TELHUBER  X.  p.  21.   — LiSEUX   t.   î.    p.  42. — 

l'onles  à  rire  nu    Récrèalious  françaises  :  D'un    capitaine  el  d'ua 
pay.i.nn,  t.   I.  p.  21. 


34  T,KS     FACETIES    DE    1»(X1GE 

son  manteau  par  un  soldat  de  sa  troupe  ;  Facino  ' 
remarqua  que  l'homme  portait  un  bon  habit  et 
lui  demanda  s'il  l'avait  quand  il  fut  volé.  Celui-ci 
ayant  répondu  affirmativement  :  —  «  Va-t-en,  ré- 
pliqua le  général,  celui  que  tu  accuses  de  t'avoir 
volé  n'est  pas  un  de  mes  soldats,  car  un  des  miens 
ne  t'aurait  pas  biissé  un  aussi  bon  pourpoint.   )> 

1-^n  ceste  Facécie  sont  repréiiendez  et  ])lasmez  loiis 
maulvais  Capitaines  qui  soustiennent  leurs  subjectz  en 
maulvaiseté  et  excusent  ce  qu'ils  font  par  aulcunes  rail- 
leries, en  se  moquant  de  ceulx  qui  sont  blessez  2. 


XIX 

Exhorlation   cï un  Cardinal  aux  soldats 
du   Pape  ■'. 

Pendant  la  guerre  qu'il  soutenait  dans  le  Picentin 
contre  les  ennemis  du  Pape,  et  dont  il  était  l'ins- 

1.  Condottiere,  tyran  d'Alexandrie,  né  vers  1300.  Son  prénom 
était  Bonilace,  dont  Facino  e.st  un  diminutif.  iSa  veuve  Béatrice 
de  Tenda,  épousa  Philippe  Marie  Visconti,  qui  en  l'il8,  la  fit 
périr  sur  1  éoliafaud,  à  la  suite  d'une  accusation  calomnieuse 
d'adultère.  La  vie  de  Cane  se  trouve  dans  la  liioçirafia  piemoittcsi' 
de  Tenivelli  (R). 

2.  Le  Peager  Silonus  n'a  pas  tout  à  lait  tant  de  charité 
quand  il  a  ôté  le  manteau,  il  ote  fort  bien  l'habit  et  tant 
ensuite  jusqu'à  la  chemise.  Malheur  à  qui  suivant  trop  scru- 
puleusement l'iCvangile,  ne  se  revenjie  pas  à  l'enlèvement  du 
juste  au  corps!   {Ri'lh'.iion  de   l'édition   d'Amsterdam,  ITIJ). 

3.  ExhoHatio  fardiiialis  ad  armiqeros  ponlificis.  Opéra  XIX. 
—  Guillaume  Tardif.  XIX,  p.  (il,  —  Noël,  1.  p.  31  :  II,  17-1!). 


LES     FAi;ET1ES    de    l'OGGE  35 

tig^itour,  le  Cardinal  d'Espagne  étant  venu  à  l'aimée 
au  moment  décisif  où  il  fallait  vaincre  ou  être 
vaincu,  ranimait  les  combattants  par  de  beaux 
discours.  Il  leur  al'lirmait,  par  exemple,  que  ceux 
qui  seraient  tués  dans  Faction,  souperaient  avec 
Dieu  et  les  anges;  car  tous  les  péchés  seraient 
pardonnes  à  ceux  qui  voleraient  à  la  mort.  Après 


—  RisTELHLBER  XIX  p.  22.  —  LisEDx,  touie  I,  p.  43.  —  Recueil 
(le  dirers  discouis  in-4%  p.  38.  —  B.  des  Périers,  nouv.  C  ; 
Des  joyeux  propos  que  tenait  celuy  qu'on  menait  pendre 
au  tril)et  île  Monfaucon.  Edit.  Garnier,  p.  2 47.  — Etienne:  Apo- 

"gie,  eh.   I,  §  20; —  Tombeau   de  la  mclaucolicie,  p.  86  et  237; 

—  Le  Facétieux  Réveil-matin.  Plaisantes  responces  que  fit  un 
criminel  à  un  P.  Confesseur; —  D'Ocville,  Coules  :  D'un  qu'on 
menait  pendre;  —  Rogcr-Ihnitemps  en  belle  humeur,  p.  73  et  84; 

—  Le  passe-temps  açiréablc,  171ô,  in-12  p.  331  et  332;  —  Gal- 
LiEN  DE  Salmorenc  :  Le  Biériaire  des  polilifiues,  1769;  —  Prior, 
Poelical  Works.  The  Thief  and  tlie  Cordelier,  ballade.  — 
Dart  Boeroni":  Il  Dialoghista  ital.  Tedesco,  794,  p.   210. 

Les  imitateurs  de  ce  conte,  qui  sont  en  grand  nombre,  ont 
mis  la  plaisanterie,  tantôt  dans  la  bouche  d'un  voleur  cju'on 
mène  pendre,  tantôt  dans  celle  d'un  moine  qui  l'exhorte.  ^  oici 
une  imitation  en  vers,  qui  est  elle-même  une  traduction  d'Owen. 
poète  anglais  qui  a  écrit  des  épigrammes  en  latin. 

Un  moine  exhortant  un  voleur, 
Qu'incessamment  on  allait  pendre, 

—  «  Que  vous  allez,  dit-il,  au  ciel  avoir  d'honneur  I 

Le  souper  vous  y  doit  attendre. 

—  .\h  1  répond  le  voleur,  il  ne  me  convient  pas 

D'oser  prétendre  à  cette  grâce. 

Vous  pourriez,  vous-même,  à  ma  place, 

Aller  prendre  un  si  bon  repas. 

Le  Passe-temps  agréable,  p.  331. 

Lebru.n  a  aussi  traduit  Owen  (1719).  —  Mérard  de  Saixt- 
JusT  également  '1777)  et  Prior  a  suivi  la  même  version  dans  la 
longue  ballade  qu'il  a  faite  sur  ce  conte.  —  Soureaux  contes  à 
rire  :  L'image  de  Saint-Sébastien.  —  Conti  da  ridere,  t.  I, 
p.  141. 


30  I.KS     I-ACÉTIF.S    Di;    i'OGfiE 

avt/iL  employé  toutes  lesexliorlations  que  son  zèle 
lui  inspirait,  le  cardinal  se  retirait  du  champ  de 
bataille,  lorsqu'un  de  ses  soldats,  qui  l'avait  en- 
tendu, lui  dit  :  —  <  Pourquoi  ne  veux-tu  pas  venir 
souper  avec  nous  ?  »  —  <  Ce  n'est  pas  encore 
l'heure  de  mon  diner,  répondit-il,  je  n'ai  pas 
d'appétit.  » 

Eu  C'jste  Facécie  sont  desprisézet  blasinéz  les  lasches 
Capitaines  qui  sont  ])ien  contens  et  admonestent  assez 
leUiH  siihjects  d'eulx  mettre  es  dangiers  auxquels  eux- 
mesiiies  ne  se  vonldroient  pas  bouter  et  seroient  contens 
d'avoir  le  pnniflit  et  l'iionneui'  dont  les  aullres  auroyent 
eu  lu  peine,  le  travail  et  les  dangiers. 


XX 

Réponse   à  un  Patriarche  ^. 

Le  Patriarche  de  Jérusalem  qui  dirigeait  toute 
la  (Uiancellerie  apostolique,  ayant  un  jour  con- 
voqué les  avocats  pour  examiner  une  certaine 
cause,  fit  à  plusieurs  de  sévères  reproches.  L'un 
d'eu--,  Thomas  Biraco,  lui  répondit  assez  verte- 
ment au  nom  de  tous.  Le  Patriarche  se  tournant 
aJors  vers  lui,  lui  dit  :  —  «  Tu  as  une  mauvaise 
tc(e.   r,  Mais  celui-ci,  qui  avait  la  riposte  prompte 

1.  rriinrchff  ir.^imnsio.  Opùra  XX;  —  Noël,  I,  IVl;  II, 
20.  —  l.isEux.  lome  I,  p.  44.  —Dvinoctitns  ridviis  :  Malum  caput, 
p.  73. 


LES     F.VCKTIKS    1)K    POGGE  37 

et  spirituelle,  répliqua  :  —  «  Vous  le  dites  fort  bien 
et  fort  justement,  on  ne  peut  pas  être  plus  véridi- 
(jucCar,  si  j'avais  une  bonne  tête,  nos  affaires  s'en 
trouveraient  mieux;  et  cette  controverse  serait 
inutile.  »  —  «  Tu  le  reconnais  donc  toi-même, 
reprit  le  Patriarche,  »  —  «  Ce  n'est  pas  moi,  c'est 
ma  tète  que  j'incrimine  «,  répartit  Biraco,  en  se 
moquant  du  Patriarche  qui  était  à  la  tête  de  tous 
les  avocats  et  que  l'on  considérait,  en  effet, 
comme  une  tête  un  peu  dure. 


XXÎ 

Siif   le  pape  Urbain   VI  '. 

Une  autre  plaisanta  de  même,  légèrement,  le 
pape  Irbain  VI.  11  discutait,  je  ne  sais  à  propos 
de  quoi,  avec  un  peu  trop  de  chaleur,  le  Pape  lui 
dit  :  —  ((  Tu  es  une  mauvaise  tète.  »  —  «  C'est 
précisément  ce  que  le  peuple  dit  de  vous,  Saint- 
Père  »,  répliqua  l'autre. 


!.  De  Uili'iiio  Poutif>cc xe.rlo.  Opéra  XXI. —  Noël,  I,  .'53;  — Len- 
?AM,  tome  II,  n°  1.  [).  157;  —  Liseux,  tome  I,  p.  45. 


38  LES     FACÉTIES    1)K    J'0(i<,E 


XXII 


D' un  prêtre  gui,  an  lieu  de  ses  ornements, 
portait  des  chapons  a  son  évêque  • 

Un  évêque  d'Arezzo, nommé  Angelo  2 ,  que  nous 
avons  connu,  convoqua  un  jour  ses  prêtres  cnni 
cappis  et  cottis  3  à  un  synode  ;  prescrivant  à  tous 
ceux  qui  avaient  quelque  dignité,  d'apporter 
leurs  chappes  et  leurs  aubes.  Un  prêtre  qui  ne 
possédait  aucun  de  ces  vêtements,  restait  chez  lui 
fort  ennuyé,  ne  sachant  comment  faire.  Sa  gou- 
vernante le  voyant  tête  basse,  l'air  songeur,  lui 
demanda  la  cause  de  sa  peine.  Celui-ci  lui  dit  que 


1.  De  sacerdote  qui,  loco  oniaUis,  capones  episcopo  portai. 
Opéra  XXII.  — Guillaume  Tardif.  XX,  p.  G3.  —  Noël,  I,  33. 
—  RiSTELHUBER,  XXII,  p,  23.  —  LiSEUx,  toiiie  I,  p.  40. 

'2.  M.  Angelo  de'Fiebindaccii  e  Ricasoli,  évêque  de  Sera, 
d'A versa,  de  Florence,  de  Faenza,  enfin  d'Arezzo  en  1391  (le 
soixante-dixième)  sous  le  pontificat  de  Bonifaco  IX;  il  mourut 
en  l'i03.  Scipion  Ammirato  raconte  qu'il  renonça  solennelle- 
ment au  nom  et  aux  armes  des  Ricasoli,  parce  qu'ils  avaient  été 
éloignés  des  fonctions  de  la  République  par  une  sorte  d'ostra- 
cisme renouvelé  des  Grecs  et  se  fit  appeler  de  Serapliini,  après 
avoir  adopté  un  écu  où  l'on  voyait  deux  anges  vêtus  de  blanc 
et  dans  l'attitude  de  la  prière,  en  pointe  la  liare  et  en  chef  les 
armes  de  la  République  de  Florence  (Uguelli  Ilalia  sacra, 
I,  428).  R. 

3.  La  chape  était  le  vêtement  appelé  aussi  pluvial  parce  qu'il 
fut  adopté  égalemenl  parles  prêtres  pour  se  préserver  delà  pluie 
I)endant  les  processions.  Colla  ne  s'applique  plus  qu'aux  vêle- 


LES     FACETIES    HK    l'OfiGE  39 

c'était  parce  que  l'évêque  ordonnait  de  se  rendre 
au  synode  cuni  rappis  et  cottis. —  «  Ehl^icn,  mon 
maître,  s'exclama-t-elle,  vous  ne  comprenez  pas 
que  l'évêque  vous  demande  d'apporter  capponi, 
cotti,  c'est  ce  qu'il  faut  lui  porter.  »  Le  prêtre 
suivit  le  conseil  de  cette  femme, .  emporta  des 
chapons  cuits  et  fut  bien  rec^u  par  l'évêque  qui 
déclara  même  en  riant,  qu'il  était  le  seul  de  tout 
le  clerg-é  qui  eut  compris  le  mandement. 

En  ceste  Facécie  est  montré  le  vicedeaulcuns  Prestres 
qui  niieulx  ayinent  employer  leur  revenu  à  meschantes 
plaisances  et  en  vanitéz  que  ilz  ne  font  à  quérir  ce  qui 
leur  est  utile  et  nécessaire  selon  Testât  sacerdotal,  ainsi 
que  le  Curé  qui  miculx  aymoit  nourrir  une  chambrière 
que  acheter  des  chappes  et  vestements  sacerdolaulx; 
ceulx  aussi  qui  sont  Prestres  ayant  bénéfices  et  cures 
d'âmes  et  ne  sauraient  exposer  la  teneur  d'ung  Mandement, 
non  plus  que  la  chambrière  du  Curé  qui  exposa  cum  cappis 
et  cottis  «  avecques  chappons  cuitz  ».  Premièrement  sont 
farcéz  les  Prélatz  que  sont  négligents  a  pugnir  et  corriger 
les  delTaultes  et  meschancetez  pour  prendreaulcuns  dons, 
ainsi  que  l'Évesque  Angelot,  qui  réputa  son  Curé  avoir 
justement  fait  son  devoir  et  bien  entendu  la  teneur  de 
son  Mandement,  et  mieulx  que  tous  les  aultrcs,  pour  ce 
qu'il  lui  apporta  deux  chappons. 


:iients  de  femme.  Les  équivalents  donnés  par  Du  Cange  •Jiuea, 
''(/a,  ramisia  superanea)  ne  peuvent  pas  davantage  se  traduire 
ixactement,  mais  dans  la  circonstance,  colta  désigne  l'aube 
ùu  le  rochet,  Cappa  el  Colla.  Le  fond  de  cette  facétie  est  un 
jiju  de  mots,  un  à  peu  près,  comme  l'on  dit,  et  même  des  plus 
mauvais,  qui  n'a  de  sens  qu'en  italien.  Au  lieu  de  Cappa  et 
Colla,  chappe  el  cotte,  la  servante  entend  capponi  colti,  chapons 
cuits. 


iO  I.F.S     FAGKTIES    DK    POG(iE 


XXIII 


D' un  anù  qui  supporUiit  avec  peine  de  se  voir 
préférer  bien  des  gens  moins  probes  el  moins 
instruits  ^ 

Dans  la  Curie  Romaine,  c'est  presque  toujours  la 
faveur  qui  prédomine  tout,  et  il  y  a  très  rarement 
place  pour  la  vertu  et  le  talent.  L'intrigue  et  l'in- 
térêt du  moment  dirigent  tout,  à  moins  que  ce  ne 
soit  l'argent  qui  est  lu,  vraiment,  le  Maitre  de  la 
Terre.  Un  de  mes  amis  supportait  avec  peine  de 
se  voir  préférer  des  gens  bien  au-dessous  de  lui 
quant  au  savoir  et  à  la  vertu.  Il  se  plaignait  à 
Angeloto,  cardinal  de  Saint-Marc,  de  ce  qu'on  ne 
tenait  aucun  compte  de  ses  mérites,  de  ce  qu'on  lui 
préférait  des  gens  qui  ne  le  valaient  sous  aucun 
raj)port,  et  faisait  ressortir  ses  études  laborieuses. 
Le  Cardinal,  qui  était  toujours  disposé  à  railler 
les  vices  de  la  Curie,  lui  dit:  —  «  Ici,  la  science  et 
l'éducation  ne  servent  à  rien.  Mais  prends  cou- 
rage, et  pendant  quelque  temps  tâche  de  désap- 
prendre ce  que  tu  sais  et  d'apprendre  les  vices 
que  tu  ignores,  tu  pourras  ainsi  compter  te  faire 
bien  venir  du  Pape. 


1.  />('  ainicu  gui  ;r(irr  fiTfhdl  niiilids  sifii  pr.ifcni  dach-iita  vl 
prubitatc  iiifcriores.  0])ci-a  WIIl:  —  Nokl,  1,  3i;  —  Liskux, 
toaie  I,  j).  i^. 


LES     FACÉTIES    OE    l'OCKlE  'il 

XXIV 

D'une  feimnc  ]njslcri<iiie  '. 

Une  femme  de  mon  village,  que  l'on  considérait 
comme  frénétique,  était  conduite  par  son  mari  et 
ses  parents  vers  une  autre  femme  qui  passait  pour 
sorcière  et  sur  laquelle  on  comptait  beaucoup 
pour  guérir  la  malade.  Arrivé  à  un  gué  de  l'Arno, 
on  plaça  la  femme  sur  les  épaules  de  l'homme  le 
pius  robuste  ;  aussitôt  la  voilà  qui  commence  à 
remuer  des  fesses  comme  si  elle  besoignait  et  à 
crier  plusieurs  fois  de  toutes  ses  forces  :  «  Je  veux 
être  f...!  »  Elle  faisait  ainsi  connaître  sa  maladie. 
Celui  qui  la  portait  fut  pris  d'un  tel  rire,  qu'il 
tomba  avec  elle  dans  l'eau.  Les  autres  s'excla- 
fèrent  pareillement  en  apprenant  de  quel  mal 
souffrait  la  femme  et  quel  remède  lui  était 
nécessaire  pour  guérir.  Ils  dirent  alors  au  mari  :  — 
('  Vois-tu,  ta  femme  n'a  pas  besoin  de  meilleur 
médecin  que  toi.  »  —  Alors,  pendant  que  ces  gens 
s'en  retournaient  chez  eux,  le  mari  administra  le 
bon  remède  à  son  épouse  et  celle-ci  recouvra  son 
bon  sens.  Il  n'y  a  pas  de  meilleur  remède  à  la 
folie  des  femmes. 


1.  T)e  miiliere  freiirtica  :  Opéra  WIV.  —  Xoel,  I,  35;  II,  .20. 
—  LiSEUx  n"  XXIV:  t.  I,  p.  V.).  —  Philippi  Her.motimi.  À(I(h'- 
menla  etc  ■"  De  curatione  mulieris  phrenetira.  p.  ii^i. 


42  LES     FACÉTIES    I>E    l'IMiGE 

xxv 

Su/'  les  rives  du  Pô    . 

Deux  femmes,  de  celles  qui  servent  à  soulager 
la  pauvre  humanité,  allaient  en  bateau,  à  Ferrare, 
on  compagnie  de  gens  de  la  Curie.  En  voyantpasser 
les  voyageuses,  une  autre  femme  qui  se  trouvait 
sur  la  rive  du  Pô,  cria  aux  hommes  :  —  «  Tas  d'im- 
béciles! croyez-vous  donc  que  les  putains  vont 
vous  manquer  à  Ferrare?  Allez,  vous  en  trou- 
verez certainement  phis  que  d'honnêtes  femmes 
à  Venise  !  n 

XXVI 

VAbbé  (le   Sept/ /no  '-. 

L'AbJié  de  Septimo,  homme  de  forte  corpulence 
et  très  gras,  se  rendant  un  soir,  assez  tard,  à  Flo- 
rence, demanda  en  route  à  un  paysan  s'il  pensait 
(fuil  ])ourrait  franchir  la  porte.  L'Abbé  voulait 
dire  s'il  arriverait  à  la  ville  avant  la  fermeture  des 


1.  De  tiiulicic  supva  Paditiii  nstaiilc.  Opéra,  XXV.  —  Nokl,  1,36. 
—  LiSEux  XXV;  t.  I,  p.  .SI. 

2.  Dr  abhatc  Septimi.  Opéra  XXVI  ;  —  Guillaume  Tardif. 
De  nnçi  (jins  Àlibé  qui,  par  une  réponse  à  deux  ententes  fat  raillé 
il'eslre  firos.XXI,  p.  00.  —  Noei,,  I,  .'57;  II,  20--21.  —  Liseux,  t.  I, 
p.  .53. —  De  niocritus  ridens,  p.  24().  —  Le  Tombeau  de  la  Mélancholie, 
p.  un.  —  Le  Facétieux  Uéccil-Mntiu,  p.  43.  —  Conli  du  liidere, 
I".  II,  p.  'il\.  —  Nouvelle  méthode  Italieiine  de  Fort-Iloyal. —  The 
Moriiimi  iliroii.'cle.  25  januarv   1707. 


LES     KACKIIKS    DK    l'OdGE  /l3 

portes.  Le  paysan  lui  répondit,  en  se  jouant  de  son 
embompoint  :  —  «  Tiens,  une  charrette  de  foin  y 
passe  bien,  pourquoin'y  P'»sseriez-vous  pas  aussi  !  » 

En  ceste  Facécie,  par  la  réponse  à  deux  ententes, 
fut  farce  le  gros  et  gras  Abbé,  qui  bien  monstroit  que  le 
plus  de  son  soulcy  n'estoit  pas  de  jeusner  à  pain  et  à 
l'oaue,  pour  garder  sa  bonne  religion,  mais  il  aymoit 
niieulx  à  nourrir  son  corps  qui  tant  estoit  plain  et  gras  et 
gros,  dont  le  rusticque  se  railla  quant  il  respondit  que  l'Abbé 
passeroit  bien  la  porte  de  une  cité  puisque  une  cliariottée 
de  foin  y  passoit,  combien  que  en  la  demande  l'Abbé  ne 
l'entendist  pas  ainsi,  mais  demandoit  s'il  pourroit  entrer 
en  la  porte,  c'est-à-dire  venir  en  la  Cité  avant  que  les 
portes  fussent  fermées,  y 


XXVII 

D'iif/c  fille  de\>eniie  gi'osse  de  la  ville 
Constance  L 

Un  illustre  évêque  d'Angleterre,  pour  démon- 
trerde  quelle  liberté  on  jouissaitpendant  le  concile 
de  Constance  2,  racontait  devant  une  nombreuse 
assemblée  de  Prélats,  le  fait  suivant  :  —  «  Il  eut  à 

1.  Ciris    Constantix    soror  gioiida   fada,    Opéra,    XXVII. — 
Noël,  I,  37;  11,  21-23.—  Lenfant,   l'oggiana,    II.  t.  II.  p.  160. 

—  RlSTELHUXER   II"  XIII,   p.  2.S.  —   LiSEUX,   XXVII,  t.   I,   p.   53. 

De  Moulinet:  La  Vraye hisloive  comique  de  Frattcian,  lf)33  Liv.VI. 

—  Lrasmi  apophtefpni,  L.  3,  p.  173.  —  Diogen.  I^aert  :  Vita 
Arislippi.  —  JoAN.  Pannonius  :  De  Syliia  (Epi^ramme).  —  Fabella 
V  Poggia  desumpta  :  Fasciculus  spinarum  (Milet,  t.  Il,  p.  22. 

2.  Ea   lili. 


41  LES     FACÉTIES    DE    POGGE 

(^lonstaiice,  un  citoyen,  dont  la  sœur  non  mariée 
devint  enceinte.  Lorsque  le  frère  s'aperçut  de 
l'entlure  du  ventre,  il  saisit  son  épée,  demanda 
où  et  comment  la  chose  s'était  faite,  faisant  mine 
de  vouloir  frappersa  sœur.  La  jeune  tille  terrifiée, 
s'écria  que  c'était  l'œuvre  du  Concile  et  que  c'était 
du  Concile  qu'elle  était  grosse.  A  ces  mots,  le 
frère,  plein  de  respect  pour  le  Concile,  n'osa 
punir  sa  sœur  infirme.  Lorscjue  les  autres  deman- 
daient la  liberté  en  toutes  autres  choses,  lui 
préférait  celle  de  faire  l'amour  à  sa  guise.  » 


XXXVIll 

Un   mol  de  l'Empereur  Sigismond  '. 

Quelqu'un  s'étant  plaint  devant  ["Empereur 
Sigismond,  qu'on  manquait  de  liberté  à  Constance, 

LA  COURTISANE  DE  ROME 

Une  courtisane  de  Rome 
Belle  et  fort  enjouée,  ayant  pr'.'S  de  vingt  ans, 
Avait  de  tous  états  quantité  de  galants. 

Et  ne  refusait  aucun  liomine. 
Elle  fit  tant  l'amour  qu'elle  eut  le  ventre  plein. 

Un  jour  qu'elle  était  en  feslin, 
Quelqu'un  lui  demanda  parmi  la  bonne  chère. 

Qui  de  l'enfant  était  le  père? 
«  C'est  le  Sénat,  dit-elle,  et  le  peuple  romain. 

Ba RATON  Poéses,  ITfl.") 

1.  SiqismuiiJi  iiniteratnnts  dichuii.  Opéra  XXVIll.  —  NoEt.,  I, 
18;  II  '23.  —  Lenfant  t.  II,  III,  p.  KJi.  —  Risteliiuher,  XIV 
p.  20.  —  I.isKux,  tome  I,  p.  54.  —  Donocritus  r(V/('//,v .- Parrhesia 
ajjud  bonos  principe.-^,  p.  ilK!. 


I.KS     FACKIIKS    HK    l'0(;GK  'i5 

celui-ci  dit-il  :  —  "Eh  quoi,  si  l'on  n'avait  pas  ici 
pleine  liberté,  vous  ne  })ai'leriez  pas  avec  autant 
d'indépendance.  »  Voulant  dire  par  là,  que  quand 
on  a  son  franc  parler,  c'est  un  signe  de  grande 
liberté. 


XXIX 

Un  pi'opos  de  Lorenzo,  prèlrc  romain  '. 

Le  jour  où  le  Romain  Angelotto-  fut  fait  car- 
dinal, par  le  pape  Eugène,  un  prêtre  spirituel 
regagnait  sa  maison,  tout  joyeux,  enchanté,  plein 
de  contentement  et  d'allégresse.  Ses  voisins  lui 
ayant  demandé  ce  qui  pouvait  bien  lui  causer  une 
pareille  joie,  il  répondit  :  —  «  F*ar  faite  ment.  C'est 
que  je  suis  plein  d'espoir,  depuis  que  les  imbéciles 


1.  Didum  sacerdotis  Laurenlii  romani.  Opéra  XXIX.  —  Noël, 
I,  39.  —  Lenfant,  t.  II,  IV,  p.  IGl.  —  Ristelhùber,  XY, 
p.   27.  —  LiSEDX,  tome  I,  p.  55. 

'2.  Angelotto  Fusco,  de  Rome,  évêque  de  Cava,  fut  fait  cardi- 
nal en  1431,  par  Eugène  IV.  Il  était  riche  et  avare.  II  allait  la 
nuit,  dérober  les  brides  et  les  clievêtres  dans  les  étables  de  ses 
voisins.  Ayant  été  une  fois  surpris  sur  le  fait  par  un  palefrenier, 
il  reçut,  incognito,  de  rudes  bastonnades.  Un  jour  que  tous  ses 
domestiques  étaient  sortis,  à  la  réserve  de  son  valet  de  chambre, 
nommé  .Antonel  de  la  Roche,  qui  était  élevé  chez  lui  comme 
l'enfant  de  la  maison,  il  sV-ndormit  profondément  sur  son  lit. 
Le  valet  de  chambra  se  ré.^oIut  à  tuer  son  maître  pour  avoir 
son  argent.  II  [)rit  une  daL'ue  et  une  épée  dont  il  le  perça 
coup  sur  coup,  et,  pour  l'achever,  il  lui  cassa  la  tête  avec  un 
ràtt-au  d'argent,  dont  lu  Cardinal  se  servait  pour  nettoyer  son 


46  LES    FACÉTIRS    l»E    1>0(JGE 

sont  créés  cardinaux,  mon  tour  ne  saurait  donc 
tarder,  puisque  Angelotto,  qui  est  bien  plus  sot 
que  moi,  vient  d'être  fait  cardinal.  » 


X\.\ 

Coin'ersaliofi  de  Nicolas  d'Aiiagin  K 

Nicolas  d'Anagni  s'est  moqué  de  la  môme  façon 
du  Pape  Kugène  -  qui,  selon  lui,  ne  favorisait 
que  les  sots  et  les  imbéciles.  Un  jour,  au  Palais, 
plusieurs  d'entre  nous  causaient  comme  d'ordi- 
naire de  mille  choses;  quelques-uns  se  plai- 
gnaient beaucoup  de  l'injustice  du  sort  qu'ils 
trouvaient  toujours  contraire.  Nicolas,  homme 
très  docte,  très  spirituel,  à  la  langue  très  affilée, 
nous  dit  alors  :  —  «   Il  n'y  a  pas  un  homme  au 


parc.  Anlonel  ayant  pris  tout  ci^  qu'il  vduhit,  all.i,  tout  bai- 
gné do  lanues,  chez  un  neveu  du  cardinal,  lui  annoncer  l'as- 
sassinat de  son  oncle.  Ils  coururent  en:,eni!)le  à  l'hôtel  d'An- 
gelotto,  (]ui  donnait  encore  signe  de  vie.  domine  le  meurtrier 
se  tenait  à  une  fenêtre,  jetant  de  grands  cns.  le  Cardinal,  qui 
ne  pouvait  plus  parler,  montra  de  la  main,  celte  fenêtre  à  son 
neveu,  voulant  lui  désigner  par  1 1,  celui  qui  avait  fait  le  coup: 
«  Voyez,  dit  1  assassin,  il  fait  signe  ({ue  les  meurtriers  sont 
entrés  par  la  fenêtre  ».  (je])en(lant  Antonel  fui  arrêté,  puis 
écartelé  en  1444.  {R) 

i.  Cniifahidalin  Nicolai  Aiiafiiniii.  Opéra  XXX.  —  Noici,,  I,  ;i9. 
—  RiSTKLHUBER,  XVI,  p.  2H.  —  LiSEUx,  tom.-  I,  p.  5(i. 

2.  Kugène  IV.   Gabriel  Condolmero,  de  Venise,  élu  |)ape,  le 
23  mars  14LU.  mort  le  .'î  f-vricr  l'i'û. 


LES     FACETIKS    l>E    l'OGGK  47 

monde  envers  qui  la  fortune  se  soit  montrée  aussi 
injuste  (ju'envers  moi.  Ainsi,  n'est-ce  pas  aujour- 
d'iiui  le  règne  de  la  sottise,  ne  voyons  nous  pas 
chaque  jour,  porter  aux  plus  hautes  dignités  et 
appeler  aux  charg-es,  presque  tous  les  imbéciles 
mêmes,  jusqu'à  Angelotto.  Eh  bien,  entre  tous,  je 
suis  le  seul  qui  n'ai  rien  pu  obtenir;  il  n'y  a 
personne  d'aussi  maltraité  par  le  sort  que  moi.  » 


XXXl 

Prodige  '. 

La  nature  a  produit  cette  année  plusieurs  phé- 
nomènes en  divers  lieux.  Ainsi,  sur  le  territoire 
de  Sinigaglia,  dans  le  Picentin,  une  vache  à  mis 
bas  un  énorme  dragon.  Sa  tête  était  plus  grosse 
que  celle  d'un  veau,  son  cou,  long  d'une  aune, 
son  corps  massif  et  bien  plus  grand  que  celui 
d'un  chien.  La  vache  qui  le  mit  bas,  s'étant  re- 
tournée fut  très  épouvantée,  dès  qu'elle  l'aperçut, 
elle  poussa  un  grand  mugissement  et  voulut  s'en- 
fuir, mais  le  dragon,  se  dressant  tout  à  coup,  lui 
entoura  les  jambes  de  derrière  avec  sa  queue,  et 
appliquant  sa  gueule  aux  mamelles,  il  suça  tout 


1.  /)('  /'/'(K/jf/io. Opéra  XXXI. —  Guillaume  Tardif;  Des  mons- 
tres et  pvndiijes  merveilleux  qui  parurent  sur  terre  au  temps  que 
cestuy  livre  fut  faict  XXII,  p.  l)><.  —  Xoel  I,  40.  —  Liseux 
tome  I,  p.  ô7. 


48  LES    FACETIES    DE    POGGE 

le  lait,  puis,  ayant  lâché  la  vache,  il  s'enfuit 
clans  la  forêt  voisine.  Les  mamelles  et  la  partie 
des  jambes  qui  avaient  été  touchées  par  le  dragon 
restèrent  longtemps  noires  et  comme  calcinées. 
Les  bergers  du  troupeau  dont  faisait  partie  la 
vache,  affirmaient  avoir  vu  le  prodige.  La  même 
vache  a  depuis  fait  un  veau.  Tout  cela  se  trouve 
dans  une  lettre  adressée  de  Ferrare. 


XXXII 

xUitre    prodige  '. 

Hugo  de  Sienne,  homme  remarquable,  le  pre- 
mier médecin  de  notre  époque,  m'a  aussi  raconté 
qu'il  est  né,  à  Ferrare,  un  chat  à  deux  tètes,  et 
qu'il  l'a  examiné  à  loisir. 


XXXIII 

Autre   Dionsire  -. 

Il  est  aussi  prouvé  qu'au  mois  de  juin,  dans  les 
environs  de  Padoue,  il  est  né  un  veau  à  deux  tètes, 
sur  un  seul  corps,  et  dont  les  pattes  de  devant  et 

1.  Dictum  Maqislvi  Huqonis  Soiotsis.  Opéra  XXXII. —  Guil- 
laume Tardif;  XXIII,  p.  71.  —  Noël  I,  40.  —  Liseux,  tome  I, 
p.  50. 

2.  Aliud '^de  Monstro.  Opéra  XXXIII.  —  Guillaume  Taudif: 
XXIII,  p.  72.—  Noël  I,  i2.  —  Liseux  tome  I.  p.  hd. 


LES     F.vr.ETIKS    l»E    l'OCliE 


(le  derrière  étaient  doul)les.  quoique  soudées  Tune 
à  l'autre.  On.  promenait  ce  phénomène,  (juon  mon- 
trait pour  de  l'are-ent,  et  beaucoup  de  personnes 
aflirment  lavoir  vu. 


XXXIV 
Encore  un  phénomcne  •. 

Il  est  également  constant  qu'on  a  exhibé  à 
Ferrare,  l'image  d'un  monstre  trouvé  dernière- 
ment sur  les  rivages  de  la  Dalmatie.  C'était  un 
homme  jusqu'au  nombril,  et  à  partir  de  là,  c'était 
un  poisson,  dont  la  partie  inférieure  se  divisait 
en  deux  queues.  Il  avait  la  barbe  longue  et  deux 
cornes  au-dessus  des  oreilles,  deux  gros  seins, 
une  large  bouche,  des  mains  formées  de  quatre 
doigts  seulement  et  allant  jusqu'aux  aisselles, 
en  outre  deux  nageoires,  comme  les  poissons, 
au  bas  ventre.  On  racontait  aussi  de  quelle  façon 
il  avait  été  pris.  Des  femmes  lavaient  du  linge 
sur  le  rivage,  lorsque  le  monstre,  poussé  par  la 
laim,  en  saisit  une  par  les  mains  et  la  tira  de 
toutes  ses  forces.  L'eau  était  basse,  la  femme  put 
lutter  en  poussant  de  grands  cris,  pour  appeler 
ses  compagnes  à  son  secours.  Celles-ci  accoururent 

1.  .l/i«f/  de  Mnnslro.  Opéra  XXXIV.  —  Guillaume   Tabdif  ; 
XXV,  p.  73.  —  Noël  I,  42.  —  Liselx  tome  I,  p.  60. 


50  LKS     FACÉTIES    DE    POGGE 

toutes  les  cinq  et  tuèrent,  à  coups  de  hâtons  et 
de  pierres,  le  monstre  qui  ne  put  s'échapper  à 
cause  du  peu  de  profondeur  de  l'eau.  Elles  le  tirè- 
rent sur  le  rivage,  où  sa  vue  leur  causa  un  grand 
etfroi.  Le  corps  était  plus  grand  et  plus  liros  (jue 
celui  d'un  homme.  J'en  ai  vu  limage  en  bois  qu'on 
avait  apportée  deFerrare.  Ce  qui  tendrait  à  prouver 
<|ue  le  monstre  avait  saisi  la  femme  pour  la  dévo- 
rer, c'est  <|u'on  a  constaté  qu'un  certain  nombre 
d'enfants  qui,  à  différentes  époques,  étaient  allés 
se  baigner  sur  ce  rivage,  n'ont  jamais  plus  reparu; 
d'où  l'on  a  conclu  que  le  monstre  les  a  tous  em- 
portés. 

Pour  bien  morallement  eongnoistre  et  entendre  que 
cest  que  nous  dénote  la  narration  que  fait  Poge,  F"'loren- 
tin,  de  ces  choses  monstrueuses  et  terribles  et  merveil- 
leuses, interposées  et  mises  en  Facécies  et  en  ces  ditz 
joyeulx  estans  en  délivre,  car  c'est  pour  nous  enseigner 
que  nous  ne  devons  pas  toujours  vacquer  et  employer 
tout  nostre  temps  aux  Facécies  et  choses  fort  joyeuses  et 
esbatemens  et  parolles  récréatives  dictes  par  grande 
plaisance,  mais  aulcunes  foys  et  mesmement  selon  le 
temps  et  les  jours  comme  au  temps  de  pénitence  et  de 
dévotion,  nous  devons  imposer  et  mettre  à  noz  félicitez 
et  plaisances  mondaines,  la  sovenance  des  choses  de 
nostre  benoist  Saulveur  et  Rédempteur  Jésus-Christ,  qui 
sont  merveilleuses  et  admiratives  en  nostre  entendement, 
ainsi  que  les  choses  monstrueuses  sont  en  Nature,  des- 
(juellcs  cy-devant  en  ces  quatre  parties  1  a  fait  Poge, 
Florentin,  mention. 


1.  GuilLiume  Tardif  a   réuni  sous  un  seul  numéro  los  (£ua. 
tre  facclios  précédentes. 


LES     FACÉTIES    DE    POGGE  51 

xxxv 

Facétie  très  réussie  sur  le  pape  Boniface  '. 

Le  pape  Boniiace  IX  -  était  un  Napolitain  de  la 
famille  des  Tomacelli.  Or,  dans  le  peuple,  on 
appelle  tomacelli  des  tripes  de  porc  grasses 
bourrées  de  foie  gras  haché  très  menu.  La  seconde 
année  de  son  pontificat,  Boniface  se  rendit  à 
Pérouse,  accompagné  de  ses  frères  et  de  beau- 
coup dalliés  de  leur  maison,  qui  étaient  venus 
vers  lui,  poussés  par  la  cupidité  des  richesses  et 
du  lucre.  Boniface  entra  dans  la  ville  au  milieu 
d'une  foule  de  grands  personnages,  parmi  lesquels 
étaient  ses  frères  et  d'autres  membres  de  sa 
famille.  Aux  curieux  qui  demandaient  les  noms 
de  ceux  qui  formaient  le  cortège,  on  répondait  de 
tous  côtés  —  :  «  Celui-ci,  c'est  Andréa Tomacello... 
celui-là,  «'/est  Giovanni  Tomacello  ».  Un  énumérait 
tant  et  tant  de  Tomacelli,  qu'un  quidam  facétieux 
s'écria  :  —  «  Oh  !  oh  !  ce  cochon  avait  donc  un  bien 
gros  foie,  qu'on  en  a  fait  tant  et  de  si  grands^ 
tomacelli.  » 


l.Pulchrafacelia  hislnouù ad lioiiifaciiim  papain.  Opéra  XXXV- 
—  Noël  I.  ii.  —  Lbnfant  t.  II,  X  p.  170.  —  Ristelhubkr 
XVII,  p.  30.  —  I,isBcx  t.  I,  p.  02. 

2.  Klu  pape  le  2  novembre  1.3H9,  mort  le  1"  octobre  UOi. 


52  LES     FACETIES    DE    POGGE 

XXXVl 

D'un  prêtre  qui  fil  un  cnlerrenieul  ii  sou  cltieii  ', 

Il  y  avait  en  Toscane  un  curé  de  campagne  très 
riche  cjui,  ayant  perdu  un  chien  qu'il  aimait  beau- 
coup, Tenterra  dans  le  cimetière.  En  apprenant 
le  fait,  l'Evêque,  qui  connaissait  la  fortune  du 
prêtre,  le  fit  venir  afin  de  lui  infliger  une  punition, 
comme  s'il  avait  commis  un  grand  crime.  Muni 
de  cinquante  ducats  d'or,  le  curé  se  rendit  à  l'ap- 
pel. L'Evèque  lui  reprocha  amèrement  d'avoir 
donné  la  sépulture  à  un  chien  et  ordonna  de  le 
mettre  en  prison.  L'ecclésiastique,  homme  malin, 
dit  alors  :  —  «  0  Père,  si  vous  saviez  quelle  fut 
rintelligence  de  ce  petit  chien,  vous  ne  seriez  pas 
surpris  cju'il  ait  mérité  l'honneur  d'être  inhumé 
parmi  des  hommes;  sa  sagacité  fut  surhumaine 
pendant  sa  vie,  elle  apparut  plus  grande  encore 


1.  De sacerdnie  qui  caiiictilum  sepcliril.  Opéra  XXXVI.  —  Guil- 
laume Tardif  :  XXVI,  p,  78;  —  Noël  I,  i45,  H  'l'.i-H;  —  L'exfant. 
t.  II  XXI.  p.  170;  —  RisTELHUBER  XVlll,  p.  31;  —  Llseox,  t.  J. 
p.  64.  —  Origine  :  Rutebeuf,  trouvère  du  xiir  siècle  :  «  Le  Ti's- 
tament  de  l'âne  ».  Imitations  :  Les  Cent  iiouvelles,  nouvelle  9ii  : 
Ne  Tt'slament  cynique.  —  Conviriales  serinones  (a  Joanne 
Gastio}.  —  Do.MiNicHi  :  Facétie  e  uiotti  arguti.  —  Malespini  ; 
Coine  lusse  un  mercutante  castigato  pcr  haver  sepolto  un  cane 
in  Iiiogo  -sacro.  —  Vacalerio  :  L'.l;ra(/ia  in  Uvenla  — Jean  de 
LA  Roque  :  Voyage  de  Syrie  et  du  Mont  Libati.  —  Dk  Théis  :  Le 
Sinf/c  de  Lafontaine  :  Le  Testament  cynique.  —  Sedaine  : 
Recueil  de  poésies.  Le  Testament  cynique.  — Barihi';le.viv  Imbert  : 
(hoir  de  fidiliftnr  miit  en  rers. 


LKS     FACETIKS    !>E    l'(i(',(iK  53 

au  moment  de  sa  mort.  —  «  Qu'est-ce  à  dire? 
demanda  le  Prélat.  —  lia,  reprit  le  pi'ètre,  fait 
son  testament,  lorsqu'il  sentit  que  la  vie  lui  échap- 
pait et  connaissant  votre  gêne,  il  vous  a  légué  cin- 
quante ducats  d'or.  »  En  entendant  cela,  FEvêque 
donna  son  consentement  à  la  sépulture,  approuva  le 
testament,  empoohales  ducats  et  pardonna  au  curé. 

En  cesle  Facécie  est  monstre  nng-  grant  vice  régnant 
en  l'Eglise  par  l'avarice  des  Préiatz,  qui  se  corrunipent 
par  pécune  et  sont  conlens  de  leurs  subjels.  quelque  mal 
qu'ilz  facent,  sans  le  pugnir,  mais  quilz  leur  baillent  de 
l'argent,  combien  que  le  péché  soit  grant  et  notoire, ainsi 
(|ue  le  Prestre  qui  ensepvelit  son  chien  en  terre  benoiste 
publiquement  devant  tous  les  paroissiens,  qui  est  ung 
péché  merveilleux,  et  en  fut  absoulz  pour  donner  cin- 
ipiante  pièces  d'or  du  testament  du  chien. 


XXXVIl 

D'un  seigneur  (jui  (iccusd  injustement 
un  lion} nie  riche  '. 

Il  y  avait  a  Cingoli  ',  bourg  du  Picentin,  un 
homme  excessivement  riche  dont  le  seigneur  bien 

1.  ])c  (ijranno  qui  homini  pecnnioso  causas  iiijaslas  iiijecit.  Opé- 
ra XXXVII;  —  Guillaume  Tardif  :  Du  tirant  prince  qui  imposa 
crime  capital  à  ung  de  ses  subjectz  pour  avoir  son  argent,  XXVII, 
p.  Kl.  —  NoelI,  4;  II  28.  —  Lenfant,  t.  II,  XI,  p.  17t.  —  Rfs- 
telhui!ErXIX,p.  33.  —  Liseux  t.  I,  p.  GG.  — -Esopus  Camkrarii. 
Fahul(C  Jîsopar  plures  quingeiilis  :  Rex  et  subditus. 

2.  Anciennement  Cingulum,  fortifié  dans  la  guerre  punique 
par  Labiénus  et  mentionné  par  César,  II.  Cir.  I,  tô,  et  Cicéron, 
ad    Udr.  Vil,  2. 


LKS     FACFrriES    L>E    l'OGGK 


renseigiir  cherchait  a  accaparer  la  fortune,  et, 
sous  un  prétexte  quelconque  à  lui  extorquer  ses 
ducats.  L'ayant  fait  comparaître  devant  lui,  il  lui 
déclara  qu'il  était  accusé  de  crime  de  lèse-majesté. 
L'homme  protesta  n'avoir  jamais  rien  fait  contre 
le  pouvoir  et  la  dignité  de  son  seigneur  qui  sou- 
tenait le  contraire  et  qui  finalement  lui  déclara 
qu'il  allait  avoir  la  tête  tranchée.  Le  malheureux 
<|ui  ne  soupçonnait  rien  demanda  ce  qu'il  avait 
bien  pu  faire  :  —  «  Tu  tiens  cachés  dans  ta  maison 
mes  ennemis,  des  rebelles  qui  conspirent  contre 
moi,  »  répondit  le  tyran.  L'autre  comprenant 
enfin  qu'on  en  voulait  à  son  argent  et  préférant  per- 
dre ses  ducats  plutôt  que  la  vie,  répondit:  »  — 
C'est  vrai,  Monseigneur,  mais  faites-moi  accompa- 
gnerpar  vos  soldats  et  je  vouslivrerai  sur-le-champ 
cesennemis,  ces  rebelles.  »  Ce  cjui  lui  fut  accordé. 
Aussitôt,  il  mène  les  soldats  au  colï're  dans  lequel 
étaient  enfermés  ses  écus  et  l'ayant  ouvert  il  leur 
dit  :  — u  Saisissez-les  et  qu'il  n'en  reste  pas  trace, 
car  ce  ne  sont  pas  uniquement  des  ennemis  et  des 
rebelles  pour  Monseigneur,  mais  aussi  pour  moi.  » 
En  les  livrant  au  tyran,  notre  homme  évita  la 
peine  qui  le  menaçait. 


LES     KACEIIKS    DE    |>0(UiE  55 

En  cestre  présente  Facéoie  est  réprouvé  m\(r  grant 
vice  qui  règne  en  aulcuns  Seigneurs,  qui  par  leur  maul- 
vaise  tyrannie,  cupidité  et  maulvaistié,  quant  il/.  S(,-ay- 
vent  aulciin  bon  niarcliant  ou  laboureur  avoir  assemblé 
aulcun  peu  de  l)ions  à  grant  peine  et  travail,  jamais  ne 
cesseront  tantqu'ilz  luy  ayent  osté  par  cautelle  ou  impo- 
sition d'aulcun  mal  qui  n'est  pas  vray,  ainsi  que  le  tirant 
de  Piscène,  qui  imposa  au  simple  homme  avoir  soutenu 
ses  ennemys,  laquelle  chose  estait  faulce,  à  prendre  au 
sens  simple,  mais  au  sens  compost  et  moral  disoit  vray.  Ses 
deniers  qu'il  toUoit  au  bon  homme,  estoyent  cause  de  sa 
damnation.  Oiiltre  plus  y  est  monstre  que  l'abondance  de 
avoir  en  ce  monde  ne  nous  est  guières  salutaire,  car  quant 
aulcun  pouvre  homme  aura  quelque  chose,  jamais  le  riche 
ne  cessera  tant  qu'il  luy  ait  faict  perdre,  et  est  souvent 
sou  corps  on  danger,  ainsi,  ([ue  au  pouvre  Piscénienà  qui 
pour  avoir  ses  deniers  on  imposoit  crime  de  lèse-majesté, 
et  pour  ce  dist  on  en  commun  langaige  :  «  Qui  son  chien 
veut  tuer,  il  luy  met  en  sus   la   vaige.   » 


XXXVIII 

Un  sermon   extrè/nc/nent  coitrl  '. 

Le  jour  de  la  fête  d'un  bourg-  situé  dans  nos 
montagnes,  des  gens  étaient  venus  en  foule  des 

1.  De  relicjioso  qui  sennonem  xuccinlissiniutn  habuit.  Opé- 
ra XXXVIll".  —  Gnn.LAUME  Tardif  :  XXVIII,  p.  84.  —Noël  I, 
'i8;  II,  '2H--1'.).  —  Lbnfant  t.  II,  XIII,  p.  172.  —  Ristelhdber 
XX,  p.  ;]4.  —  LisEux  t.  I,  p.  68.  —  Bkroalde  de  Vekvillk.  Le 
moyen  de  parvenir,  XXXVII,  Sermon  du  curé  de  Buzancoi, 
Kditioa  Garnier,  p.  17.  —  H.  Estienne  .•  Àpoloqie,  th.  :î6,  §  18. 
—  Nitçi/v  vénales,  siée  Thésaurus  ridendi  et  jocondi,  Brevissiina 
Concio.  —  FRiscHLfNi  FacefifT,  p.  51.  De  Sacriliculo  (iœtzio  — 
Sermons  facflieu.r,  éd.  Delarue  p.  i't^. 


56  LES     FÀCKÏIKS    IJE    l>0(i(;E 

pays  voisins,  car  c'était  la  solennité  de  Saint- 
Etienne.  Un  religieux  devait,  comme  de  coutume, 
faire  un  sermon  au  peuple.  Lorsque  le  religieux 
se  disposa  à  monter  en  chaire,  il  était  déjà 
tard,  les  prêtres  avaient  faim,  et  redoutaient  un 
long  sermon.  Un  prêtre,  puis  un  autre,  vinrent 
le  prier  à  l'oreille  d'être  bref.  Celui-ci  se  laissa 
facilement  convaincre  et  après  Fexorde  habituelle, 
il  ajouta  :  —  «  Mes  frères,  l'année  passée,  à  cette 
même  place  et  devant  ce  même  auditoire,  j'ai  parlé 
delà  sainteté  de  la  vie  et  des  miracles  de  votre  Saint 
Patron,  je  n'ai  rien  omis  alors  de  ce  que  j'avais 
appris  et  étudié  dans  les  Saintes  Kcritures,  je  pense 
que  tout  cela  est  encore  présent  à  votre  mémoire. 
<  )r,  comme  depuis  cette  époque,  il  n'a  rien  fait  de 
nouveau,  que  je  sache,  faites  le  signe  de  la  Croix, 
dites  le  ConfiteoreA  tout  ce  qui  s'ensuit.  » 
Là-dessus  le  prédicateur  descendit  de  chaire. 

En  cesle  présente  Facécie  sont  réprouvez  deux  vices.  Le 
premier,  c'est  deaulcunes  i>-ens  d'Et^lise  (|iii  deussenteslre 
a  lumière  des  aultres  et  vouloir  (|ue  on  enseignasl  leur 
peuple,  mais  ce  sont  ceulx  a  qui  plus  ennuyé  la  parole  de 
Dieu,  pareillement  aussi  les  glouttons  qui  à'wwi  parleur 
gourmandise  et  désordonnée  affection  d'avoir  haslivement 
les  piedz  dessoubz  la  tahie,  qu'ils  voudrayent([u'ils  neusl 
(pie  troys  molz  à  la  Messe.  Secondement,  y  est  le  vice  des 
prédicateurs  touché  qui  à  l'appétit  d'aultruy  néchissent  à 
dii'8  ce  qui  est  requis  en  prédication,  comme  i'aindre  à 
blasmer  ung  vice,  pour  laiil  que  Monseigneur  ou  Madame 
en  est  onlaiché,  ou  laisser  le  principal  de  sa  prédication 
et  ce  qui  miculx  plairoil  aux  lions  et  aux  just(  s  pour  corn- 


LRS    FVCKIIKS    DE    l'iXUiF.  57 

plaire  à  trois  ou  quatre  gourmandeaulx,  ainsi  que  lefistlc 
beau  I*ère  (le  Saint  Eslienne,  quifist  le  court  sermon  pour 
avoir  à  disner. 


XXX IX 

Dfôlr  (le  conseil  de  Miiiacio  à  un  paysan  ' . 

La  paysan  qui  était  monté  sur  un  arbre  pour 
cueillir  des  châtaignes,  en  tombant,  se  brisa  une 
cote.  Un  nommé  INIinaccio,  homme  très  facétieux 
sétaut  approchédeluipourle  consoler,  lui  dit,  entre 
autres  choses,  qu'il  lui  indiquerait  un  moyen  pour 
ne  jamais  tomber  d'un  arbre  :  — (du  aurais  dû  me 
le  donner  avant,  dit  le  patient,  mais  cela  pourra 
mètre  utile  plus  tard.  »  Minaccio  lui  dit  alors  :  — 
u  Fais  toujours  en  sorte  de  ne  jamais  descendre 
plus  vite  que  tu  n'es  monté.  De  cette  façon,  tune 
tomljoras  jamais.  -» 


1.  Facedssiinuin  consilium  Minacii  ad  rusticum.  Opéra  XXXIX. 
—  Guillaume  Tardif  :  Ung  lacécieux  et  joyeulx  conseil  dunni 
à  ung  rusticque  qui  se  esloit  rompu  les  costes  en  cueillant  des 
cliastaiiTaes,  XXIX,  p.  87.  —  Noël  I,  49;  II,  29.  — Ristelhubeu 
XXI,  p.  35.  —  LiSKUx  t.  I,  p.  G9.  —  ^Esopus  Caïuerarii  : 
Fahidœ  :  Rusticus. 

"2.  Bien  desgc^ns  donnent  de  pareiLs  conseils.  Non  contents  de 
conseiller  après  coup;  toute  la  consolation  qu'ils  apportent, 
c'est  de  se  moquer  de  nos  bévues.  Vils  flatteurs,  si  vous  réus- 
sisses dans  vos  projets  téméraires  ;  ils  vous  applaudissent, 
espérant  de  profiler  do  votre  fortune.  Lâcties  amis,  si  vous 
«chouez.  ils  vous  bernent  cruellement.  {Ri'-Hexioii  de  la  traduc- 
tion de  171?). 


58  LES     FAr.ÉTlKS    DE    IMXiiiE 

En  ce  facécieux  conseil  sonl  f;ircés  ceiilx  (nii  trop  se 
lient  en  fortune  et  quant,  par  petits  jours  et  longs  travaux 
ils  sont  montez  jusque  en  hault  de  la  roë  de  Fortune  ainsi 
que  le  rustique  à  son  chastaigiiier  ;  ilz  s'en  org-ueillissenl 
et  leur  est  advis  que  jamais  ne  leur  doit  faillir,  mais  il  no 
fault  que  une  heure  soubdaine  et  une  petite  occasion  pour 
les  faire  trébuscher  et  tout  perdre,  par  tant,  qu'ilz  ne  se 
donnent  point  aussi  bien  garde  de  descendre  que  de 
monter. 


XL 

Autre  bon  mol  de  Miiiaccio  K 

Miiiraccio  ayant  perdu  en  jouant  aux  clés  le  peu 
d'argent  qu'il  possédait  et  même  ses  vêtements  (il 
était  très  pauvre)  vint  s'asseoir  tout  en  larmes  à  la 
porte  d'une  taverne.  Un  habitué  le  voyant  tout 
triste  : —  «  Qu'as-tu  donc?  »  —  lui  demanda-t-il. 
—  «  (>h!  rien,  répondit  Minuccio.  — «Comment 


1.  Eujusdm  Minaccii  lusoris  rcspoitsio.  Ojjera  XI.  —  Noël  I, 
5tl;  II,  \.'9.  —  RisTELHDBER  XXII,  p.  ;]6.  —  LisEox  XL.  t.  I,  p.  70. 
—  Leneant  :  Poggiana,  t.  II,  XII,  p.  172.  —  Roger  Bnntcmps 
en  belle  liumenr,  D'une  femme  paresseuse.  —  «  M.  M  ,  (jue  l'on 
croyait  riche,  quoiqu'il  dût  plus  qu'il  n'avait  de  vaillant,  se 
promenait  sans  rien  dire,  dans  son  manteau,  la  veille  de  ses 
fiançailles,  dans  la  salle  de  sa  future  belle-mère.  Elle  lui 
dit  plu^^ieu^s  fois  •  «  Qu'avez-vous,  monsieur?  »  il  lui  répondit 
chaque  fois  :  «  Madame,  je  n'ai  rien.  »  Huit  jours  après 
son  mariage,  sa  belle-mère,  voyant  une  foule  de  créan- 
ciers, à  c(uoi  elle  ne  s'était  pas  attendue,  dit  :  «  Monsieur, 
vous  m'avez  trompée!  »  —  «  Madame,  lui  r('!pli(iua-t- il, 
je  vous  avais  avertie  que  je  n'avais  rien,  w  {Menagiana  I, 
lOC). 


LES     FACÉTIES    DE    PO<i<.K  59 

rien,  mais  alors  pourquoi  pleures-tu?  —  k  C'est 
précisément  parce  que  je  n'ai  rien.  »  Très  étonné, 
l'ami  reprit  :  —  «  Puisque  tu  n'as  rien,  pourcpioi 
verser  ainsi  des  larmes  !  —  «  C'est  justement  parce 
que  je  n'ai  rien.  »  L'un  des  interlocuteurs  ne 
comprenait  pas  autrement  que  Minaccit)  pleurait 
pour  rien.  Or  ce  dernier  n'éprouvait  précisément 
de  la  peine  que  parce  qu'après  avoir  joué,  il  ne 
lui  restait  plus  fien. 


XLI 


Réponse  d'un  espiègle  à  un  borgne  qui  allait 
acheter  du  blé  '. 

A  une  époque  où  les  vivres  étaient  très  chers 
à  Florence,  un  pauvre  borgne  se  rendit  au  mar- 
ché dans  l'intention  d'acheter  quelques  mesures 
de  froment.  11  s'enquit  du  prix.  Un  nouveau 
venu  lui  ayant  demandé  combien  se  vendait  le 
setier  de  blé  :  —  (^  11  coûte  les  yeux  de  la  tête  » 
rcpondit-il,  indiquant  par  là  son  excessive  chèreté. 
En  entendant  ces  mots,  un  gamin  répliqua  :  — 
«Pourquoi  doncas-tu  pris  un  sac  de  grande  dimen- 
sion, quand  tu  savais  bien  que  tu  ne  pouvais 
acheter  qu'un  demi-setier  ?  » 


I.  JJepauperc  monoculo  qui  frumentum  empturus  eral.  Opéra  41. 
—  Noël  I,  50.  —  Liseux  t.  I,  p.  72. 


60  LES     FACKTIKS    l>K    \'n(U,K 


XUl 


D'un  ho/finie  qui  dcnuutdd  pardon  à  sa  femme 
pendant  qu'elle  élaiL  malade'^. 

Pour  consoler  sa  femme  qui  était  si  gravement 
malade  quelle  agonisait  presque,  le  mari  lui 
rappelait  combien  il  avait  toujours  été  bon  époux, 
et  la  suppliait  de  lui  pardonner  la  peine  qu'il 
avait  pu  lui  causer.  Il  lui  fit  remarquer,  entre 
autres  choses,  que  jamais  il  n'avait  failli  à  ses 
devoirs  conjugaux,  excepté  lorsque  elle  était  indis- 
posée et  cela  ])our  ne  pas  la  fatiguer.  Alors,  la 
femme,  toute  malade  quelle  était,  s'écria  :  —  ^<  Par 
ma  foi  I  je  ne  pourrai  jamais  te  pardonner  cela, 
car  oncques  ne  fus  si  faible,  si  abattue  au  point 
de  ne  pouvoir  besoigner.  » 

Cela  prouve  que  les  hommes  ne  doivent 
jamais  demander  un  pareil  pardon  h  leurs  fem- 
mes, car  ils  s'exposent  à  un  refus  bien  mérité. 

I%ii  ccsle  pi-eseiite  Facécie  sont  rcpriiis  (oas  les  ypo- 
ci'iles  qui  demandent  à  Dioa  pardon  d'uiu'  nioschanle 
chose  donl  ilz  font  diflicullrs  plus  gi'andc  que  do  c(!  qu'il/. 


1.  1  (V  f/(u'  iniilievi  didii  ((■(fi-ola  csset  veiiiain  poslularil.  Opei'a 
XLII.  — Noël  I,  51;  II,  '•?'.).  —  CIuillaume  'I'akdif  :  De  l'homme 
qui  demanda  i)ardon  à  ^a  femme  quaml  elle  se  motiroit,  XXX, 

p.   SU.    —    KlSTKLHOliER   XXllI,    |),    'M.  —    LlSEUX   XLII,   I,   p.  73. 

I.i's  cent  nouvelles  iinuvelles.  \C.  La  boanc  malade,  odit. 
Garniei-,  p.  37.J.  —  Phil.  Hermoti.mi  ;  AddUamcnln.,  Mulier  iu 
a^'one  cujus  roi  inarila  vci  veiiiam  dai'c  noIiuTi.,  p.   I8l. 


LES    FACÉTIES    KE    I'0(i(iE  61 

ont  Dieu  offensé;  ceulx  aussi  sont  reprins  (|iii  demandent 
iliosi's  injustes  à  deniauder  et  que  de  droit  on  leur  peut 
nyer.  ainsi  que  la  foninie  qui  denya  à  son  mary  pardon 
([iiil  ne  lavait  pas  assez  secousse,  parlant  que  jamais 
t-n  si  mauvaise  disposition  elle  ne  avoit  esté,  (ju'elle  ne 
leusl  lùen  attendu  s'il  luv  eust  voulu  faire  K 


XLIII 

D' une  jeu rc  femme  qui  trouvait  son  mari  mes- 
quinement organisé  2. 

l  njeune  seigneur,  très  beau, earçon,  avait  épousé 
la  tille  de  Nereo  de  Pazzi,  chevalier  Florentin, 
homme  éminent  et  très  distingué  entre  ses  contem- 
porains. Quelques  jours  après,  la  jeune  femme 
étant  venue,  comme  il  convient,  chez  son  père, 
ne  parut  pas  aussi  joyeuse,  aussi  contente  qu'une 

1.  F^a  peste  da  benêt  de  mari,  qui  refusait  à  sa  femme  le  plus 
salutaire  de.s  restaurans.  La  bonne  dame  avait  raison  de  refu- 
sera pareil  époux  la  remission  de  ses  péchéi.  Puisse  le  Dieu 
Cocuage  accabler  de  toute  sa  malédiction  un  tel  misérable  I 
Puisse  pareil  mary  être  autant  méprisé  (|ue  les  écrits  de  l'ex- 
travagaLt  Bordelon  !  puisse-t-on  le  sitHer  partout,  comme  ou 
sifJle  le  goût  des  Wallons  (a). 

(Rcfhwioii  de  l'édition  d'Amsterdam.   1712). 
a.  Cela  |)0urrait    s'appliquer  admirablement  à   la  littérature 
et  aux  arts  de  nos  Belges  d'aujourd'hui. 

2.  hc  adolescentnla  qu.f  rirum  de  pann  priapn  accuisaiil  — 
Noël  1,  52;  II,  ;{0-7.  —  Guill.\ume  T.\rdif  :  De  la  belle  fiJe 
qui  cuidoit  (|ue  son  mary  deust  avoir  la  Marquât  aussi  grant 
que  celle  d'iing  asne,  XXXI,  p.  91.  —  Liseux  XLll,  I,  p.  71. 

l'iiii.ippi  IIehmotimi.  Addiitmnta  :  Recens  nupta  etc,  p.  '286. — 
Cinl  i\oi(i-cUf's  iioHcellrs,  nouv.  80.  —  n  La  bonne  Mesure  »,  Edit. 


63  LES     FACÉTIES    DE    POGGE 

jeune  mariée  a  riiabitudc  de  l'être.  Elle  avait, 
au  contraire,  l'air  contrarié,  songeur  et  les  yeux 
baissés.  Sa  mère  la  prenant  à  part,  dans  un  coin 
de  la  chambre  :  —  «  Eh  bien,  fit-elle,  tout  s'est-il 
bien  passé,  comme  tu  voulais?  — Oh  non!  répon- 
dit la  jeune  femme  en  pleurant,  car  tu  ne  m'as 
pas  mariée  à  un  homme...  il  lui .  manque  ce  qui 
constitue  un  homme,  il  n'a  rien  ou  [presque  rien 
de  ce  qu'il  faut  en  mariage  ».  Fort  attristée,  la 
mère  fît  part  de  l'aventure  au  père.  Petit  à  petit, 
la  chose  transpira  parmi  les  parents  et  les 
femmes  qui  avaient  été  invités  à  un  festin,  si  bien 
que  toute  la  maison  était  pleine  de  lamentations 
et  de  gémissements  sur  le  sort  de  cette  pauvre 
fille  qui,  disait-on,  avait  été  non  mariée,  mais 
sacrifiée.  Enfln,  le  nouvel  époux,  en  l'honneur 
de  qui  le  repas  était  donné,  arrive  à  son  tour,  il 
trouve  tous  les  visages  tristes,  les  mines  décon- 


Garnier,  p.  ,341.  —  Gt;RARD   Dicoeus  :  «  Puppia  ».    -  Fabclla  e 
Poçjgio  desumpta  :  Priapus  asinus  (Milet,  t.  Il,  p.  33). 

LA   FEMME  DISCRÈTE 

De  son  cornarJ,  une  gente  ('pousée, 
Mal  festoyée,  en  un  lieu  .se  plaignait 
D'être  par  lui,  chaque  nuit  abusée; 
Un  compagnon  qui  cette  plainte  oyait. 
Pour  dotromper  cette  garce  criait  : 

—  Je  suis  témoin  qu'il  en  a  comme  un  rustre. 

—  Las!  dit  Callios,  redoublant  son  ennui, 
Notre  poulain,  qui  compte  à  peine  un  lustre, 
En  a,  parbleu,  quatre  fois  plus  que  lui.  » 

El  Iai  Juste  Plainte,  Epigrammes  et  contes  du  XVII  siècle. 
Voir  Appendices. 


LKS     FACÉTIKS    1»K    POGGE  63 

fites;  très  étrangement  surpris,  il  en  demande  la 
cause,  mais  personne  n'osait  dire  tout  haut  le 
motif  do  celle  tristesse  générale.  Cependant,  un 
parent  plus  osé  se  risque  à  lui  dire  que  sa  jeune 
femme  prétendait  quil  lui  manquait  tout  ce  qu'il 
faut  pour  faire  un  homme.  —  «  Ce  n'est  que 
ta  qui  vous  chagrine,  fît  le  jeune  homme  en 
riant,  eh  bien  !  je  vous  réponds  que  ça  ne  trou- 
blera pas  longtemps  la  gaité  du  festin,  car  j'aurai 
])ientôl  raison  de  cette  accusation  ».  Lorsque 
tout  le  monde  se  fut  assis  à  table,  hommes  et 
femmes,  à  peine  avait-on  commencé  à  manger, 
le  jeune  marié  se  levant  tout  à  coup,  dit  :  — «  Mes 
chers  parents,  je  veux  vous  faire  juges  de  l'ac- 
cusation portée  contre  moi.  »  Et,  aussitôt,  sortant 
de  dessous  son  pourpoint  court,  selon  la  mode,  les 
pièces  à  conviction,  les  étale  sur  la  table  et  prie  la 
société  émerveillée  de  dire  si  vraiment  elles  étaient 
à  dédaigner.  —  Si  les  femmes  pensaient  en  elles- 
mêmes  que  leurs  maris  eussent  dû  en  avoir 
autant,  les  maris,  de  leur  côté,  convenaient  que 
le  jeune  homme  était  leur  maître,  aussi  tous 
furent-ils  unanimes  à  blâmer  la  jeune  mariée. 
«  —  Pourquoi  me  blâmer  et  vous  moquer  de 
moi?  riposta  celle-ci.  —  Notre  âne,  qui  n'est 
pourtant  qu'une  bète,  il  en  a  long  comme  <a  (et 
elle  étendait  le  bras  ,  tandis  que  mon  mari  qui 
est  un  homme  n'en  a  pas  moitié  autant  ».  La 
naïve  enfant  croyait  (jucn  cela  l'homme  devait 
être  supérieur  ci  la  bète. 


64  LES     FACÉTIES    DE    ITKWIE 

En  cesle  Facécie  sont  repriiis  ceux  qui  ne  sont  jamais 
assouvis,  mais  tant  plus  ont  de  biens  et  plus  en  désirent 
ainsi  que  la  jeune  fille,  qui  tant  esloit  bien  foui-nyc  cl 
pourvene  de  inarv  ayant  si  bel  instrument  que  merveilles 
et  plus  que  tous  les  aultres  hommes,  toutesfoys  n'estail- 
elle  point  contente  et  assouvie,  mais  desiroit  que  son 
mary  eust  le  petit  bras  aussi  grant  (pie  ung"  asne  '. 


XLIV 

Singulière  inconséquence  d'un  prédicaLeuv  -, 

s 
Un  Frère   peu  circonspect,   prêchant  un  jour 
à  Tivoli,  avec  véhémence  et  indignation  contre 
l'adultère  s'écria:  —  «  C'est  un  péché  si  épouvan- 
table,   que    j'aimerais  mieux   coucher    avec  dix 


1.  La  bonne  dame  avait  raison  d'aimer  ce  qui  est  j^raïul  et 
gros.  Je  suis  de  son  parti,  et  tiens  qu'eflectivement  bien  est 
asne,  celuy  qui  se  marie,  sans  avoir  les  lacultos  de  l'asne.  I.a 
beauté  de  la  dimension  est  souverainement  dotée  contre  le 
cocuage,  au  moins  pour  quelques  semaines.  Je  ne  dis  rien 
davantage  sur  ce  compte  ;  parce  que  pour  bien  éclaircir  les. 
choses,  il  iaut  aux  dames  des  démonstrations.  {Rrllcrinn  de 
l'édition  d'.Amsterdam). 

"2.  De  prxdicatore  qui  poliiis  decem  vir^ivies  quam  niipfain  iinnni 
cliçiebal.  Opéra  XLIV.  —  Noël  I,  55;  II,  :J8-9.  —  Lenfant:  /'o;/- 
(liano,  t.  II,  p.  217.  —  Guill.  Tardif  XXXIl.  p.  97.  —  Risibi'.- 
iiUHER  XXIV,  p.  38.  —  LisEux  XLIV,  t.  I,  p.  78.  —  Girar  dk 
Dijon  :  Delilhv  poclarum  (jaUorum,  t.  I,  p.  Ih'l.  —  Faceliarum 
lichfUnnovum,  De  Virgine  quodam,  lib.  II, p.  I(l5.  —  Hermotini, 
Addilamenta  p.  289.  — J.IJ.  Rousseau.  Epig.  «  Un  cordclier  prê- 
chait »,  ('dit.  Garnier.  —  Montaigne,  lissais.  — Beroald  de  Ver- 
vii.LE.  Le  Moiffu  (le  parvenir,  édit  Garnier.  —  Bernard  de  la 
MoNNOYE.  AdilUerio  deleslniia. 


LES     FACÉTIES    DE    l'OdCK  65 

pucelles  qu'avec  une  femme  mariée.  »  —  Beau- 
coup parmi  ses  auditeurs  étaient  de  son  avis. 

En  cesle  Facécie  sont  reprouvés  ceulx  qui  exposent 
textes  des  Esoritures  à  leur  appétit  et  sans  considérer 
l'entendement  de  Facteur,  ne  regarder  la  lin  où  il  pré- 
tend. 


XLV 

Comment  on  enseii^ne  la  luxure  ^. 

Un  autre  prédicateur  que  j'ai  connu,  un  nommé 
Paolo.  prêchant  à  Secia  contre  la  luxure,  se 
laissa  aller  à  dire  qu'il  y  a  des  gens  si  lascifs 
et  si  interrompants  que  pour  se  procurer  une  plus 
grande  jouissance,  ils  mettent  un  coussin  sous 
les  fesses  de  leur  femme.  Ceux  de  ses  auditeurs 
qui  ne  connaissaient  pas  le  procédé  s'empres- 
sèrent naturellement  de  l'expérimenter  l . 


l.  De  Paulo  qui  ignoratitihus  uonuuUis  luxunam  commoiit. 
Opéra  XLV.  —Noël' 1,55;  II,  40.  —  Liseux  XLV  1. 1,  p.  79.  — 
Piiiuppi  Hermotimi.  Addimenta  :  Concia  dequorum,  etc.  p.  280. 
—  Les  Muses  en  belle  humeur,  p.  "28. —  «  Les  Coussins  des  Du- 
chesses. » 

2.  «  Les  p'tit's  dames  qui  vont  à  la  messe.  » 
Metr  des  coussins    sous  leurs  genoux, 
Eir  fraient  bien  mieux  d'ies  mett'... 

Chausiu'  populaire. 


GO  l,KS     F.VCÉTIFCS    DE    I»0(;(1K 

XLVl 
Le  confesseur  1. 

Une  jeune  feninie,  qui  me  l'a  raconté  plus  tard, 
étant  allée  à  confesse  pendant  le  carême,  s'accusa, 
entre  autre,  de  ne  pas  être  restée  fidèle  à  son 
mari.  Alors,  le  confesseur  qui  était  fort  libidineux 
lui  mit  on  main  le  cierge  do  saint  Priape,  la  sup- 
pliant d'avoir  pitié  de  lui.  La  jeune  femme  toute 
confuse  se  retira  vivement,  et  comme  sa  mère,  qui 
se  tenait  près  de  là,  s'informait  de  ce  qui  lui 
arrivait,  celle-ci  raconta  l'audace  du  confes- 
seur. 

En  cest-e  Facécie  est  donné  à  entendre  que  ung  confes- 
seur doit  e.stre  souverainement  chaste,  car  s'il  ne  l'est 
aulcunefloys  quant  à  hiy  viennent  aulcunes  belles  jeunes 
feiniiies  qui  pàradventure  lui  recoignoissent  avoir  Insclié 
l'agiiillettc,  il  pourra  estre  surprins  et  embrasé  de  luxure, 
parquoy  soubz  ombre  de  absolution,  il  pourra  donner  au 
pêclié  de  la  pénitente  augmentation,  ainsi  que  le  monstre 
Frère  Frappnrt  qui  disait  à  la  filie  (fue  point  ne  la  assoui- 
droit  tant  que  elle  l'cusl  desi'oidy. 


1.  De.  coiijfssdrc.  Oprra  XLVl.       Noël  I,  55;  II,  40.  —  Guill. 
Taki.h- XXXlll,  p.  Oît.  —  LisKiix  \.I,VI,  t.  I,  p.  80. 


LES     FACÉTIKS    DE    PlXUiK  (}7 

XLVII 

Piqtidiile  t'épouse  (('11  ne  femme  '. 

l  ne  fois  un  homme  causant  avec  une  femme, 
lui  demanda  pourquoi  l'homme  et  la  femme  ayant 
eu  a  le  jouissance  à  faire  l'amour,  ce  sont  plutôt  les 
hommes  qui  sollicitent  les  femmes.  Celle-ci  lui 
ré[)ondit  :  — ((  On  a  eu  grandement  raison  de  faire 
que  ce  soit  plutôt  les  hommes  qui  recherchent  les 
femmes.  (ïar,  en  effet,  nous  autres,  nous  sommes 
toujours  prêtes  et  disposes  à  faire  l'amour,  mais 
v<»us  non;  nous  perdrions  notre  temps  à  vous  solli- 
citer quand  A'ous  ne  seriez  pas  en  mesure. 

El!  coste  joyeuse  respoiise  il  n'y  a  point  de  sens  moral, 
mais  il  esta  noter  en  ce  que  il  niect,  par  la  response  de 

1.  Respnnsio  uiulieris  faccla.  Opéra  XLVII.  —  Guillaume  Tar- 
dif :  XWIV.  Joyeuse  response  d'une  femme  à  ung  homme 
touchant  le  bas  mestier,  p.  102.  —  Liseux,  XLVII,  t.  1  p.  81.  — 

Philippi  IIermoti.mi.  Addenda^  etc.  :  t'.ur  masculus  fœmeliam 
potius  do  coïtu  interpeilet,  quam  fœmella  masculum,  p.  290 
el  "291.  —  Beroald  de  ^'KRV1LLE  :   /,('  moyen  de  parreiiir,  édition 


•  la   uii-r. 


KPIGRAMMW 

l'oui-quoi,  disait  Jaiiot  k  Péronnelle, 
Ayant  au  cas  plus  de  plaisir  que  nous. 
Faut-il  pourtant  que  courrions  après  vou>  f 
<;•;  n'est  justice.  —  Oui-dà  !  Jean  de  Nivelle 
l"'audrait-il  pas  vous  prier  à  rebours  '. 
Kh  !  pauvres  dialdes  que  vous  êtes, 
Pour  vous,  nous  sommes  toujours  prêtes, 
Mais  vous  ne  l'êtes  pas  toujours. 

].es  Muses  en  belle  Imiiieiir,  p.  9. 


68  LES     FACÉTIES    DE    i>0<i(iR 

la  femme  recepvoir:  il  s'entend  de  celles  qui  ontvoulonté 
de  ce  l'aire,  et  tousjours  n'est  pas  à  dire  à  toute  heure,  car 
à  telle  heure  les  pourroit-on  requérir  que  la  cheminée 
serait  abattue,  mais  toujours  est  à  entendre  qu'elles  sont 
plus  souvent  disposées  que  les  hommes  •. 


XLVIII 

Le  Moine  mendianl  ijiii,  au  moment  de  la  i^uerre, 
parle  de  paix  à  Beniardo  -. 

Au  moment  de  la  dernière  guerre  des  Floren- 
tins avec  le  duc  de  Milan,  une  loi  fit  défense  de 
parler  de  paix,  sous  peine  de  mort.  Bernard 
Manecti,  homme  à  l'esprit  facétieux,  étant  venu 


1.  Les  plaisirs  del'ainour  adoucissent  l'humeur  de  la  femme' 
veut-elle  grondera  qu'on  la  mette  au  lit. —  A-t-elle  quelque  accès 
de  l'olie  qui  l'empêche  de  dormir?  donnez-lui  une  dose  purga- 
tive de  sagesse.  La  salutaire  bénédiction  matrimoniale  répare  les 
défauts  du  tempérament  dans  le  sexe,  depuis  la  Pucelle  de 
quatorze  ans,  jusqu'à  la  vieille  de  quatre-vingts.  Elles  sont 
toutes  toujours  prêtes  à  goûter  du  fruit  de  l'arbre  de  vie,  et 
le  dévorent  sans  pouvoir  s'en  rassasier.  li'homme  a  ses  heures 
de  relâche;  mais  la  femme  est  insatiable.  Cet  arbre  de  vie 
est  le  remède  souverain  de  dame  Lyse.  Dernièrement,  elle 
avait  une  migraine  extraordinaire.  On  appelle  médecin  et  chi- 
rurgien ;  on  seringue,  on  purge,  point  de  guérison  pour  Lyse. 
L'amour  vient  à  son  tour  examiner  cette  maudite  et  opiniâtre 
migraine.  Un  gros  et  frais  galant  s'avise  de  servir  d'apothi- 
caire à  la  ])onno  dame  Lyse.  Opération  merveilleuse  !  A  mesure 
que  le  lavemi;nl  entrait,  la  migraine  décampait.  Knlin,  à  force 
de  lavements,  Lyse  recouvra  la  santé,  et  la  migraine  déiogi'e  alla 
prendre  parti  ailleurs. (flcy/cito/i  de  l'édilion  trAmsterdam,  1712). 

2.  De  Mendïco  fratre  qui  f empare  belli  Bernaido pacon  notnina- 
ril .  Opéra  XLVIll.  —  Noi:i,  I,  'û  ;  H.  'i3.  —  Ouii.i.au.mk  Tardik  : 


LKS     FACKIIKS    ItK    \'iu,r,E  Ci) 

au  Marché-Vieux,  je  ne  sais  ti'op  })ûur  quelle 
emplette,  fut  accosté  par  un  de  ces  moines 
mendiants  qui,  dans  les  carrefours,  implorent  la 
charité  des  passants.  Sa  première  parole  à  Ber- 
nard ayant  été  :  —  «  La  paix  soit  avec  toi  !  »  Celui-ci 
répliqua  de  suite  :  —  «  Ne  sais-tu  pas  (jue  c'est  un 
crime  capital  de  parler  de  paix  !  Je  m'éloigne, 
ajouta -t- il,  de  peur  qu'on  ne  me  croie  ton 
com[)lic(\  »  Ce  disant,  il  se  retira,  se  débar- 
rassant ainsi  des  importunités  de  ce  pas  grand 
chose. 

En  leste  joyeuse  narration  n'a  pas  grant  sens  moral, 
sinon  que  ceulx,  qui  sont  ingras  de  donner  poui-  l'amour 
(le  Dieu,  treuvent  exeusation  de  ne  donner  point,  ainsi 
que  le  médecin  qui  dit  au  pouvre  que,  s'il  parloit  de  la 
paix  il  serait  destruict  '. 


D'untr  Médecin  qui  joyeusement  escondit  UDg  pouvre  qui  lui  de- 
uiandoit  l'aumosae,  XXXV,  p.  104.  —  Ristelhuber  XXV,  p.  40. 
—  LiSEUx  t.  I,  p.  82.  —  GuiccARDiNi  :  UHore  di  iccreatiottc, 
lôôô;  traduction  de  Belleforest,  p.  71. 

1.  L'éditeur  d'Amsterdam,  171-2,  qui  a  copié  la  traduction  de 
<Tuillaume  Tardif,  a  lu  comme  lui  Mrdico  pour  Meitdicoet  il  en 
a  prolité  pour  dauber  i^ur  les  Mi'di'ciiis.  —  '<  Un  médecin,  dit-il, 
n'est  un  être  né  pour  faire  du  bien.  .le  veux  cependant  croire 
qu'à  cet  égard  il  y  ait  quelque  exception  à  la  règle.  Gela  n'.  in- 
pèche  pas  qu'un  médecin  charitable  ne  soit  une  chose  aussi  rare 
qu'une  pucelle  de  quinze  ans,  un  Théologien  sans  passions,  un 
Wallon  qui  ait  du  bon  goût  et  un  C...apncin  solide  dans  ses  ser- 
mons. Voici  les  qualités  les  plus  ordinaires  des  médecins  de 
noSjOurs.  Médecin  avare,  vain,  hâbleur,  ignorant;  un  médecin 
étourdi,  impruJent,  téméraire,  inexorable,  libertin.  Monsieur 
Bahys  tire  du  pot  de  chambre  le  plus  clair  de  ses  revenus  :  on 
le  paye  pour  avoir  senti  le  mal  de  son  patient,  qu'il  tue  deux 
jours  après;  il  s'étonne  ensuite  de  ce  que  le  malade  n'est  pas 
mort  plus  tôt.  » 


70  LKS     FACÉTIES    1»K    l'OGGE 

XLIX 

Historictle  de  Ffoiiçois  Pliilelphe  l. 

Causant  un  jour,  cniro  camarades,  du  chcUi- 
mcnt  qui  devrait  être  infligé  aux  épouses  adul- 
tères, Bonifa»  e  Salutate  émit  l'avis  que  le  plus 
efficace  était  celui  dont  un  habitant  de  Bologne, 
son  ami,  avait  menacé  sa  femme.  —  «  Lequel, 
demandâmes-nous?  »  —  «  Mon  Bolonais,  reprit-il, 
homme  d'ailleurs  peu  estimable,  a  une  femme 
fort  prévenante,  qui  a  des  attentions  pour  moi. 
Un  soir  que  j'allais  la  trouver,  j'entendis,  avant 
d'entrer, les  deux  époux  qui  se  querellaient.  Le  mari 


1.  Fabula  Francisa  l'inlclphi.  Opéra  XLIX.  —  Guillaume  Tar- 
dif :  De  l'homme  qui  menassa  .sa  femme  de  lui  faire  .sa  maison 
plaine  d'enfans,  XXXVl,  p.  106.  —  Noël  I,  .58;  II,  14-46.  —  Li- 
.sEux  t.  I,  p.  83.  —  Cent  Noiivellcs  unitrellcs.  Nouv.  XCl.  «  La 
femme  obéissante.»  Edition  Garnier,  p.  375  —  Beroalu  de  Ver- 
vii.LK  :  Ix  Moyen  de  parreiii)-.  Edition  Garnier.  —  Anony.mk 
(cité  par  Milet,  t.  11,  p.  45).  Ulfio  Maritalin,  fabella.  —  Contes 
à  rire  on  Récréations  françaises,  t.  I,  p.  73.  D'une  jeune  femme 
à  son  mari.  —  Guillaume  Bouchet  :  Les  serées.  V  serée.  ■ —  /,<• 
iiuge  'h  T.o  Fonlainr.  Conte  :  «  La  femme  repentante.  » 

LA  FEMME  INCOBRIGIBLE 

Si  tu  ne  finis  ton  tapage, 

Sais-tu  bien  ce  que  je  ferai  ? 

Je  planterai  là  le  ménage, 

Margot,  je  t'al)andonnerai. 
Tu  me  regretteras,  car,  maudite  femelle! 
Je.  veux  te  laire,  avant  d'accomplir  ce  dessein. 
Un  quarteron  d'enfants.  —  Un  quarteron,  dil-elle, 
Fais-le-moi  tout  à  l'heure  et  décampe  demain. 

Sri)ai\e  :  l'oésies. 


LES     FACÉTIES    DE    l'0(i(iE  71 

reprochait  à  sa  femme  son  inconduite  ;  celle-ci, 
suivant  rhaJjitude,  niait  tout  :  —  «  Jeanne! 
Jeanne  !  écoute,  finit  par  dire  le  mari,  je  ne  te 
frapperai  point,  je  ne  te  souffletterai  pas;  mais  je 
te  le  ferai  tant  et  tant,  t[ue  la  maison  sera  pleine 
d'enfants,  puis  te  plantant  là,  seule  avec  eux,  je 
partirai.  »  —  Un  éclat  de  rire  accueillit  (^ette 
révélation  et  tout  le  monde  trouva  bien  imaginé, 
le  genre  de  supplice  à  1  aide  duquel  cet  imbécile 
voulait  se  vencer  des  infidélités  de  sa  femme  '  . 


Histoire  d/iiii   histi-ioii  l'acontée  par 
le  Cardinal  de  Bordeaux  ^ 

Avant    son    élection    au   souverain    pontificat, 
Grésroire     XII,    durant    le    conclave     et     même 


1.  Le  nouveau  genre  de  supplice,  dont  le  mari  menaçait  sa 
femme  un  peu  trop  galante  aurait  été  sans  doute  terrible  si 
tous  les  coups  eussent  iiorté.  La  bonne  dame,  à  force  d'avoir 
des  enfants,  auroit  eu  bien  des  peines  et  ss  seroit  usée  au 
métier. Et  puis  l'abondance  d'un  mets  délicieux  rassasie  enfin. 
Oui,  dira  quelque  censeur  de  mes  Rvfte.riniis,  si  ce  même  mets, 
était  porté  continuellement  par  un  mari.  Je  me  rends  à  ce 
censeur  raisonnable;  un  mari  est  incapable  de  rassasier  une 
femme;  un  mari  est  une  chose  odieuse;  c'est  un  mets  froid  et 
insipide;  c'est  une  soupe  réchauffée;  c'est  un  mari.  {Réflexion 
de  rédition  d"Amslerdam,  1712.} 

2.  Cardiiinlis  Uuididaleiisix  de  histrioite.  Opéra  L.  —  Guil- 
laume Tardif  :  Du  Cardinal  qui  raconta  la  facécie  pour  se  far- 
cer  du  Pape,  XXXVll,  p.  108.  —Noël  I,  .59.  —  Lenfant  :  Po;/- 
(fiatta  t.  II.  XIV,  p.  173.  —  Ristelhuber,  XXVI,  p.  41.  —  Liseux. 
t.  L  p.  85. 


72  LKS     FACETIES    Dr.    I'0(;<;e 

après,  sétait  engagé  à  mettre  fin  au  schisme 
qui  désolait  alors  rÉglise.  Pendant  quelque 
temps,  il  demeura  ferme  dans  ses  résolutions  et 
donna  sa  parole  d'abdiquer  le  Pontificat  s'il  le 
fallait.  Séduit  ensuite  par  la  douceur  du  pouvoir, 
il  oublia  i)romesses  et  serments,  ne  se  souvenant 
plus  des  engagements  qu'il  avait  pris.  Le  Car- 
dinal de  Bordeaux,  homme  grave  et  d'une  expé- 
rience consommée,  voyait  avec  peine  ces  choses 
et  m'en  parla  un  jour  :  —  «  Le  Pape,  dit-il,  a  fait 
comme  ce  bateleur  de  Bologne  qui  promettait  de 
s'envoler  en  l'air.  »  Je  lui  demandai  de  me  conter 
cette  histoire  :  —  «  Il  y  avait  récemment  à  Bologne, 
ajouta  le  Cardinal,  un  histrion  qui  fit  annoncer  au 
public  qu'il  s'élancerait  du  haut  d'une  tour  située 
près  du  pont  Saint-Rapharl  et  volerait  jusqu'à 
plus  d'un  mille  au  delà  des  murs.  Au  jour 
fixé,  tout  le  peuple  de  Bologne  se  rendit  à  l'en- 
droit indiqué  et  durant  toute  la  journée  souffrit 
de  la  chaleur  et  de  la  faim.  Les  yeux  tournés  vers 
la  tour,  tous  attendaient  que  l'homme  prit  son 
essor.  De  temps  en  temps,  l'acrobate  se  montrait 
au  faite  de  l'édifice,  battait  des  ailes;  faisant 
semblant  de  vouloir  s'élancer  dans  l'espace.  La 
foule  alors  l'acclamait.  Après  le  coucher  du  soleil, 
le  saltimbanque,  ne  voulant  pas  qu'on  pût  dire 
qu'il  n'avait  rien  fait,  tourna  le  dos  aux  spectateurs 
et  leur  montra  son  derrière.  11  était  nuit  close 
quand  les  habitants  regagnèrent  leurs  demeures, 
luen  attrapés  et  brisés  de  fatigue.  C'est  ainsi  que 


LES     I  ACKTIES    I>E    POGGE  73 

notre  Pontife,  après  un  bel  étalage  de  promesses, 
s'est  acquitté  en  faisant  volte-face. 

l']ii  cette  Facécie  sont  reprins  ceulx  qui  empirent  de 
l)ien  avoir,  et  quant  ilz  sont  en  pouvreté,  recongnoissants 
Dieu  le  Créateur,  font  rage  de  le  bien  servir  et  honorer, 
mais  après  que,  par  la  permission  de  Dieu,  Fortune,  qui 
est  niuable,  les  a  eslevez  en  aulcunes  dignitez,  ilz  ou- 
blient tout  le  bon  propos  que  ilz  avoient  par  avant.  Ainsi, 
Grégoire,  avant  qu'il  fust  Pape,  faisoit  triumphe  de  bien 
l'aire  et  de  bien  proposer,  mais,  après  qu'il  fust  esleu  en 
la  dignité,  son  propos  changea  totallement  et  fîst  pis  que 
c'est  prédécesseur  que  tant  blasmoit. 


LI     • 

Réponse  de  Ridolfo    à  Bavnaho  l. 

On  rapporte  un  mot  plein  de  sagesse  de  Ri- 
dolfo, de  Gamerino.  Pendant  que  Barnabo^,  de 
la  famille  des  Visconti,  seigneurs  de  Milan,  assié- 

1.  Responsin  Redolplii  nd  Beruabovem.  Opéra  LI.  —  Noël  I, 
61.  —  Lenfant  :  Poggiana,  t.  II,  XVlll,  p.  186.  —  Ristelhu- 
BER  XXVll,  p.  43.  —  LisEux,  t.  1,  p.  87.  Philipp  Hermotimi. 
Addimciita,  etc.  Facetum  obsessi,etc,p.  293. 

2-  Barnabe  Visconti,  seigneur  de  Milan,  mort  en  1385,  passa 
.sa  vie  entière  à  fruerroyor.  Sa  passion  pour  la  chasse  fêtait  une 
calamité  pulilique.  Dans  un  mémo  temps,  il  eut  trente-six  en- 
fants vivant?;  et  dix-huit  femmes  enceintes  de  lui.  En  1385,  il 
fut  arrêté  par  son  neveu  Jean  Galéas  et  enfermé.  Une  de  ses  maî- 
tresses. Domina  Porri.  resta  volontairement  prisonnière  avec  lui 
dans  le  château  de  Trezzo,  et  le  soigna  jusqu'à  son  dernier  jour. 

Ridolpho  11  de  Varano,  célèbre  condottiere,  s'empara  de  la 
souveraineté  de  Gamerino,  après  avoir  assassiné  son  oncle.  En 
1376,  il  lut  opposé  par  les  Florentins  au  cardinal  de  Genève, 
qui,  avec  une  armée  française,  menaçait  Bologne.   R. 


74  LES     FACETIES    DE    PO('.!,K 

gcait  la  ville  do  Bologne  ;  le  souverain  Pontife 
avait  confié  la  défense  de  cette  cité  à.  Ridolfo, 
auerrier  aussi  distingué  que  politique  habile. 
Celui-ci.  afin  de  mieux  protéger  la  ville,  ne  sor- 
tait jamais  des  murs.  Un  jour,  dans  une  escar- 
mouche, un  cavalier  ayant  été  fait  prisonnier,  il 
fut  conduit  à  Barnabo  qui,  entre  autres  questions, 
lui  demanda  pourquoi  Ridolfo  ne  venait  pas 
lui  livrer  bataille.  Le  cavalier  donna  diverses 
raisons  et  fut  relâché.  Ridolfo  l'ayant  interrogé 
sur  ce  qui  se  passait  dans  le  camp  ennemi  et  sur 
ce  que  lui  avait  demandé  Barnabo,  apprit  com- 
ment il  avait  été  excusé  :  —  «Tu  n'as  pas  bien 
répondu,  s'écria-t-il,  retourne  près  de  Barnabo  et 
dis  lui  :  Ridolfo  ne  sort  pas  de  la  ville  pour  t'em- 
pécher  d'y  entrer.   » 


LU 

Autre   réponse  plaisante  de  Ridolfo  1. 

Pendant   la    guerre  des    Florentins  contre    le 
pape  Grégoire  X   2,  Ridolfo  suivit    tour   à    tour 

1.  Mia  respoiisin  facela  Ridolphi.  Opéra  1,11.  —  Ristelhubbr 
XXIX.  p.  4:..  —  LiSEux  t.  1,  p.  89.  —  Lenfant  t.  II,  XVlll,  p.  186. 

'2.  Il  faut  Grégoire  XI  :  Pierre  Roger  naquît  au  château  de 
Mauinont.  p;uois:e  de  Roziers,  diocèse  de  Limoges,  on  1330;  il 
fut  l'iu  papii  le  .'(I  décembre  1370  et  mourut  le  .!7  mars  1378  à 
Rome.  Voulant  faire  cesser  les  troubles  qui  d(^solaient  l'Italie, 
il  parlil  d'Avignon  le  13  septembre  1370  ol  entra  triomphale- 
ment à  Rome  le  17  janvier  1377.  C'est  le  dernier  pape  sorli  de 
l'Esili-'-e  (le  Fiance. 


LES     FACKTIKS    DE    l'UtKiE  75 

les  partis  opposés,  s'alliant  tantôt  avec  l'un, 
tantôt  avec  l'autre.  Interrogé  sur  celte  mobilité  et 
pourquoi  il  faisait  ainsi  volte-face  :  —  «  C'est, 
répondit-il,  parce  que  je  ne  puis  rester  longtemps 
couché  sur  le  même  côté.  » 


LUI 


Comnieiit  Ridolfo  fut  représenté pa?'  les  Floren- 
tins sous  l((  figure  d'un  traître  ^. 

Peu  après,  les  Florentins  ayant  accusé  Ridolfo 
de  trahison,  le  firent  exposer  en  effigie  sur  les 
places  publiques.  Celui-ci  ayant  appris  que  Flo- 
rence lui  envoyait  des  ambassadeurs  pour  con- 
clure la  paix,  se  mit  au  lit  le  jour  de  leur 
arrivée,  fit  fermer  les  fenêtres,  allumer  du 
feu  (on  était  au  mois  d'août)  et  s'enveloppa  de 
fourrures.  On  fit  entrer  les  ambassadeurs  qui 
demandèrent  aussitôt  à  Ridolfo  s'il  était  malade  : 
—  ((  De  froid,  leur  répondit-il.  Je  suis  morfondu 
d'avoir  été  si  longtemps  exposé  au  grand  air 
sur  vos  murs.  »  Il  faisait  ainsi  une  allusion  ironi- 


i.  Ve  coilein  quoinodo  a  Florentinis  pvo  prodilore  depkdts  est. 
Opéra  LV.  —  Guillaume  Tardif  :  Comment  Rodolphe  se  farsa 
(le  ceuls  de  Florence  qui  l'avoyent  fait  peindre  en  leur  cité 
comme  prodileur,  XXXIX,  p.  113.  —  Noël  I,  64  ;  II,  40.  —  Len- 

FA.VT  t.   II,   XIX,   p.    187.    RiSTJBLHUnER   XXX,  p.    4(i.    —   LiSEUX 

t.  I,  p.  90.  Democriles  rtdvns,  p.  4;  Imaginarii  supplicii  irrisio. 


76  LKS     FACKTIES    DF.    l>0<i(JE 

que  à  son  portrait  qui  avait  été  affiché  à  Florence 
et  qu'on  fit  disparaître  aussitôt  après  la  conclu- 
sion de  la  paix  K 


LIV 

De  la  blessure  faite  à  Ridolfo  par  un 
tireur  à  l'arc  2. 

Quelques  habitants  de  Gamerino,  afin  dépasser 
le  temps,  s'exerçaient  au  tir  à  l'arc,  en  dehors 
de  cette  ville.  L'un  d'eux,  ayant  lancé  maladroite- 
ment sa  flèche,  blessa  lésrèrement  Ridolfo  qui  se 
trouvait  dans  l'assistance.  On  arrêta  le  coupable 
et  chacun  émit  son  avis  sur  le  châtiment  qui 
devait  être  infligea  ce  malheureux.  Un  courtisan, 
pour  plaire  au  Prince,  proposa  de  trancher  la 
main  qui,  désormais,  ne  devait  plus  tirer  de  l'arc. 
Ridolfo  fit  mettre  l'archer  en  liberté  et  dit  en  le 
congédiant  :  —  «  L'avis  est  bon,  mais  il  eût  été 
plus  utile  avant  que  je  ne  fusse  blessé.  »  Réponse 
pleine  de  sagesse  et  d'humanité. 


1  Un  homme  qui  veut  se  venger,  à  quelque  prix  que  ce  soit, 
risque  de  faire  bien  des  sottises.  La  vengeance  va  bien  loin 
quelquefois,  mais  toujours  est-il  sur  (ju'avant  de  se  jnettre  en 
chemin,  elle  congédie  la  raison.  (Ri'tlcxion  de  l'édition  d'Ams- 
terdam.) 

2.  De  quodam  qui  Redolphum  saqiUamlo  valneravil.  Opéra  LU. 
—  Noël  I,  G2.  —  Ristelhuber  XXVlll;  p.  i'i.  —  Lenfant  XX, 
p.  187.  —  LiSEux  t.  I,  p.  91. 


LKS     FACÉTIKS    DE    l'OdCiK  77 

LV 

Anecdote  siif  Maiicini  •. 

Un  paysan  de  mon  village,  nommé  Mancini, 
homme  iort  simple,  se  servait,  pour  transporter 
du  blé  à  Figline  -,  d'ànes  qu'il  louait  à  chaque 
voyage.  Un  jour  qu'il  revenait  du  marché,  harassé 
de  fatigue,  il  enfourcha  la  meilleure  de  ses  bêtes. 
En  approchant  du  terme  de  sa  course,  l'idée  lui 
vint  de  compter  ses  ânes  qui  le  précédaient  sur  la 
route.  Oubhant  celui  qu'il  montait,  il  s'imagina 
qu'il  lui  en  manquait  un.  Troublé,  il  confie,  à  son 
arrivée,  la  garde  des  ânes  à  sa  femme  en  lui  recom- 
mandant de  les  rendre  au  propriétaire  et  toujours 
perché  sur  la  même  monture,  il  retourne  au 
marché  distant  de  sept  milles.  Chemin  faisant,  il 
s'enquiert  auprès  des  passants  s'ils  n'ont  pas 
trouvé  un  âne  égaré.  Tous  répondent  négative- 
ment. Triste  et  désolé,  il  regagne  le  soir  sa  mai- 
son,  ne    pouvant  se   consoler  davoir  perdu  son 


1.  Fahula  Mancini.  Opéra  LUI.  —  Guillaume  Tardif:  Une  fable 
de  ung  lourdault  qui  quérait  l'asne  sus  quoy  il  estoit  monté, 
XXXVllI,  p.  ;i.  —  Noël  I,  63;  II,  47-48.  —  Liseox  t.  I,  p.  92. 
—  Philippi  Hermotimi  A'Iilimenla.  De  rustico,  p.  294.  — 
Roqer  Uonlemps  en  belle  humeur.  —  De  trois  hommes  qui  cher- 
chaient, l'un  son  cheval,  l'autre  son  couteau  et  le  troisième  ses 
lunettes,  p.  243.  —  Harduin  :  I.'dne  vetronvé.  —  Voir  Appen- 
dice. 

2.  Figlini,  village  d'.Vvigliana.  Ilist.  de  Potcnza. 


LES     KACETIES    DE    i'0(i(;E 


àne.  Enfin,  en  entendant  la  voix  de  sa  femme,  il 
met  pied  à  terre  et  reconnaît  alors  seulement 
la  bête  qu'il  venait  de  chercher  avec  tant  de  sol- 
licitude. 

En  ceste  Facécie  n'y  a  pas  giant  sens  réduclif  à  mora- 
lité, mais  y  sont  reprins  ceiilx  qui,  par  faulle  de  bonne 
inquisition  et  de  bon  regard,  faillent  à  faire  leurs  beso- 
gnes, ainsi  que  Mancini  qui,  en  comptant  ses  asnes,  ne 
eut  point  de  considération  à  celluy  sus  qui  il  estoit  monté  ; 
pour  tant  le  cuyda  il  avoir  perdu  et  eût  beaucoup  de 
peine  à  le  chercher, et  semblableraent  font  plusieurs  qui, 
aussitost  qu'ilz  ymaginent  une  chose  la  veullent  faire  et 
le  commencent,  et  puis  perdent  leur  peine  par  faulte  de 
regarder  la  fin   a  quoy  ilz  en  peuvent  venir. 


LVI 

De  celui  qui  mit  sa  charrue  sur  son  épaule  l. 

Un  autre  paysan,  aussi  rustaud,  nommé  Piero, 
ayant  labouré  jusqu'à  midi,  ses  bœufs  tombaient 
de  fatigue  et  lui-même  n'en  pouvait  plus.  Pour 
regagner  le  village,  il  attache  sa  charrue  sur  son 
âne  et  grimpe  dessus  ;  puis  le  voilà  parti  précédant 
ses  boeufs.  Accablé  sous  un  poids  trop  lourd,  l'âne 
pliait   sous   le  fardeau,   son  maître  voyant  qu'il 


1.  hv  illo  ipii  aralntiii  snpei-  liiniici-inn  p<»-lavil.  Oj)era  LVI.  — 
Guillaume  ïariiIf  :  De  celuy  qui  monla  sur  son  asne  sa  char- 
rue à  son  cul,  XL,  p.  IKi.  —  Nokl  I,  (iô  :  H,  il).  —  Liseu.x  t.  1, 
p.  !)'/.  —  PiuLii'pi  Hermotimi  :  AiUliiiiinla,  ilc.  p.  21*4. 


LES     FArÉTIES    DE    l'OtiOE  79 

n'irait  pas  loin,  descend,  place  la  charrue  sur 
son  épaule  et  remonte  sur  sa  bète  en  disant: 
—  «  ïu  peux  marcher  droit  maintenant;  ce  n'est 
plus  toi,    mais  moi  qui  porte  la  charrue.   » 

Eln  ceste  Facécie  ne  a  point  de  sens  moral,  mais  seule- 
ment y  est  niontn''  la  sotie  et  imbécilité  d'uno'  liomnie  qui 
cuydoit  soulager  son  asne  pour  avoir  sa  charrue  à  son  col 
et  estre  monté  dessus. 


LVII 

Réponse  ingénieuse  de  Dante,  poète  florentin  l. 

Dante  Alighieri-,  notre  poète  Florentin,  fut 
quelque  temps  lliôte  à  Vérone  du  vieux  Cane 
délia  Scala  -  ,  prince  très  généreux.  Cane  avait  à 
sa  cour  un  autre  Florentin,  de  basse  extraction, 
ignorant,  maladroit,  bon  à  rien,  sauf  à  rire.  Les 


1.  Respotmio  cle(ia)is  Danlis,  poelw  flo)-entini.  Opéra  LVil.  — 
Guillaume  Tabdif  •  Une  élégante  responce  d'un  poète  Florentin 
nommé  Dante,  XLl,  p.  1 18.  — Noël  I,  GG;  II,  50.  —  Ristelhu- 
BER  XXXI,  p.  47.  —  LisEux  t.  I,  p.  95.  —  Philippi  Hermotimi  : 
AddiniCHla,  p.  290. 

2.  Cane,  appelé  Grande,  accueillit  Dante  en  1317.  11  traitait 
avec  uno  égale  libéralité  les  guelfes  ses  prisonniers  et  les  gibe- 
lins réfugiés.  Au  nombre  des  premiers,  on  comptait  Saguccio 
Mujio  Gazzata,  historien  de  Roggio  et  narrateur  reconnaissant 
des  magnificences  de  la  cour  de  Vérone.  Elle  accueillait  à  la 
fois  les  guerriers,  les  écrivains,  les  courtissans,  les  clercs,  les 
poêles  et  les  bouffons.  Ces  hôtes  divers  occupaient  des  apparte- 
ments où  l'on  distinguait  les  attributs  de  leur  situation  sociale 
et  de  leur  pro'ession;  pour  les  prédicateurs,  le  paradis;  pour 
les  guerriers,  des  scènes  de  triomphe;  pour  les  poètes,  les  bou- 
quets des  muses,  etc.  (R.) 


80  LES     FACÉTIES    DE    POGGE 

inepties,  je  ne  dirai  pas  les  facéties  qu'il  débitait, 
avaient  plu  à  Cane,  qui  l'avait  comblé  de  riches 
présents.  Dante,  homme  instruit,  aussi  réservé  que 
savant,  le  méprisait  et  c'était  justice.  —  «  Com- 
ment se  fait-il,  lui  dit  un  jour  le  Florentin,  que 
tu  sois  pauvre  et  misérable,  toi  qui  passes  pour 
sag-e  et  avisé,  tandis  que  je  suis  riche,  moi,  .qui 
suis  sot  et  ignorant?  »  —  «  Quand  j'aurai  trouvé 
un  maître  dont  les  goûts  seront  conformes  aux 
miens,  comme  cela  t'est  arrivé,  il  m'enrichira 
bien  aussi.  »  Réponse  sérieuse  et  pleine  de  sa- 
gesse, car  les  grands  se  plaisent  toujours  dans  la 
société  de  ceux  qui  leur  ressemblent. 

En  ceste  responce  est  réprovée  la  honteuse  condition 
d'aulcuns  Seigneurs  qui  plus  prennent  grand  plaisir  à 
pourveoir  gens  folz  et  inutiles  que  gens  saiges  et  prudens, 
par  quoy  ilz  sont  réputez  ingratz,  ce  qu'on  dit  en  commun 
proverbe  : 

A  tel  Seigneur  tel  mesgnie, 

A  tel  maistre  tel  varlet, 

A  fol  Seigneur  fol  serviteur. 

et  si  est  ce  une  des  grandes  congnoissances  que  ung 
Seigneur  puisse  donner  de  sa  folie  que  de  prendre  délec- 
tation et  plaisance  aux  faitz  des  folz  '. 

1.  «  Ce  conte  m'inspire  la  Morale  et  je  ne  suis  nullement 
d'humeur  de  rire.  Oa  voit  tous  les  jours  des  fols  orgueilleux  et 
ensevelis  dans  leurs  thrésors  se  moquer  d'un  sage  couvert  de 
haillons,  et  mépriser  la  vertu  réduite  à  la  mendicité.  Cerlai- 
ncmcnt  Ja  sagesse  serait  à  celuy  qui  la  possède  une  bien 
fâcheuse  épine,  si  elle  n'avait  le  bonheur  d'être  satisfaite  d'elle- 
même.  Aux  insultes  que  les  riches  insolens  lui  font,  elle  oppose  tous 
le»  cuisans  soucis  des  richesses. {Rrflv.tiotis de l'rdil   d'AmsIctihun.) 


LES     FACETIES    DE    POCdE  81 

LVIIl 

Plaisait  II'   réponse   du   même  poète  ^. 

Un  jour,  Dante  dinait  entre  l'ainé  et  le  plus 
jeune  des  Cane  '-.  Pour  le  vexer,  les  valets  de 
ces  deux  seigneurs  jetèrent  en  cachette  des  os  aux 
pieds  du  poète.  La  table  ayant  été  enlevée,  tous 
les  regards  se  tournèrent  vers  Dante  ;  les  convives 
s'étonnaient  de  ne  voir  des  os  que  devant  sa  place. 
Mais  lui,  en  homme  à  la  repartie  prompte  :  —  «  Il 
n'y  a  rien  d'étonnant  à  ce  que  les  chiens  aient 
dévoré  leurs  os,  mais  moi  je  ne  suis  pas  un  chien.  » 

En  celte  responce  peut  ou  noter  une  aultre  vile  et  mau- 
vaise condition  qui  est,  en  aulcuns  seigneurs,  de  se  farcer 
d'ung  simple  et  saige  homme,  s'ils  l'ont  avec  eux,  et  en 


1.  Ejusddii  poetœ  facela  responsio.  Opéra  LVIU.  —  Guillaume 
Tardif  :  Aultre  joyeuse  responce  dudict  Dantes,  poète  floren- 
tin. XLll.  p.  121.  — Noël  I,  67;  11,50-51.—  Histelhubkr  XXXll, 
p.  'i8.  —  LisEU.K,  t.  I,  p.  96.  —  Pour  l'origine:  Josèphe,  I,  Xll, 
ch.  IV.  —  F^KGRAND  d'Aussy,  «  Les  deux  parasites.  »  II,  238.  — 
Imitations:  Le  parangon  des  uouvelles  honiteates,  f.  XXll.  — 
Coinirales  Sermones,  t.  I,  p.  168.  —  Dominichi,  p.  121.  —  Gi- 
raldi  :  De  (jlih'catommili,  nel  Moule  Ref/ale.  —  Favoral  :  Contes 
et  discours  facétieux.  —  Dcntocritus  ridens,  p.  75.  —  Irrisio  in 
auctoreiu.  —  Addiinciila  Heriuolimi,  p.  290.  —  Àpposilum  poetœ 
responsum. 

2.  <Jane  II  de  la  Scala,  petit  neveu  de  Cane  I,  succéda  à  Mar- 
tin II  le  3  juin  1351,  épousa  Elisabeth,  fille  de  lempereur 
Louis  de  Bavière  et  fut  transpercé  d'un  coup  d'épée  par  son 
frère,  Cane  Signore,  comme  il  traversait  Vérone  à  cheval,  le  14 
décembre  1359. 


82  LES     FACÉTIES    DE    POGGE 

veullent  quasi  faire  leur  fol,  ainsi  que  les  chiens  que  j'ay 
devant  ditz  que  prenoyenl  plaisir  à  ieurfarcer  et  moquer 
du  poète  Dante  pour  ce  qu'il  estoit  homme  très  simple 
et  de  très  humble  condition.  (Guillaume  Tardif)  '. 


LIX 

lï une  femme  qui  s'obstinait  à  appeler 
son  mari  pouilleux  -. 

On  parlait  un  jour  de  l'opiniâtreté  des  femmes, 
dont  l'entêtement  est  tel  qu'elles  préfèrent  mourir 
que  de  changer  d'avis.  —  «  Une  femme  de  mon 
pays,  dit  alors  un  des  assistants,  se  disputait  conti- 
nuellement avec  son  mari,  elle  persistait  dans  ses 
assertions  et  voulait  avoir  le  dernier  mot.  Un  jour 
qu'ils  se  querellaient  violemment,  elle  traita  son 
mdivi  de  pou iileu.v.  Pour  lui  faire  retirer  cette  ex- 
pression, il  la  roua  de  coups,  jouant  des  poings 
et  des  pieds  ;  mais  plus  il  la  frappait,  plus  elle 


1.  Ce  n'est  pas  assez  que  la  folie  préside  ici-bas;  le  comble 
de  loprobre  pour  la  sai'csse  est  qu'elle  serve  à  réjouir  la  folie. — 
(Réllexioii  de  l'édiL.  d'Àinsleixlam.) 

1.  De  muliere  obstinata  qu;r  rirum  pcdicnlosunt  vocaril.  Opé- 
ra LIX.  —  Guillaume  Tardif  :  De  la  femme  obstinée  qui  appelle 
son  mari  pouilleux,  XLIU,  p.  \T.].  —  Noël  I,  GS;  II,  51-53.  — 
RisTELHUBSR  XXXlll,  p.  49.  —  LisEcx,  t.  I,  p.  97.  —  Oiiiiine  : 
—  Poi'sivs  de  Marie  de  France,  t.  il,  p.  379.  —  .1  sélection  of 
lalin  slaries,  fvom  inss,  of  the  Ihirleenlh  an  foiirleentli  cenlitry, 
cd.  hij  Thomas  Wrii:ht.  —  Le  Pré  tondu.  Fabliaux  de  Legram». 
t.  II,  p.  ;!3.j.  —  Imitations  :  —  Beuoald  de  Veuvjlle,  Moyen  de 


lES     FACKTIES    DE    l'OGGE  83 

rappelait  pouilleux.  Le  mari  s'étaiit  lassé,  mais 
voulant  cependant  vaincre  son  obstination,  la 
descendit,  à  l'aide  d'une  corde,  dans  un  puits, 
menaçant  de  la  noyer  si  elle  prononçait  encore 
le  mot.  Ayant  de  l'eau  jusqu'au  menton,  elle 
criait  encore  :  pouilleux!  Alors,  afin  de  l'empêcher 
tout  à  fait  de  parler,  le  mari  la  plongea  com- 
j)l élément  dans  l'eau,  espérant  que  le  danger 
de  mort,  dans  lequel  elle  se  trouvait,  la  ferait 
taire.  Dans  l'impossibilité  de  se  faire  entendre 
elle  étouffait  .  la  femme  exprima  alors  par  le 
geste,  ce  que  sa  bouche  ne  pouvait  dire.  Levant 
les  mains  au-dessus  de  sa  tête,  et  appuyant  l'un 
contre  l'autre  les  ongles  de  ses  pouces,  elle 
rappela  ainsi  à  son  mari  qu'il  était  pouilleux, 
(^'est  ainsi,  en  effet,  que  les  femmes  écrasent 
habituellement  les  poux. 

En  ceste  Faeécie  est  montrée  la  merveilleuse  pertina- 
cité  et  obstination  de  une  maulvaise  femme  qui  aymeroit 
mieux  mourir  que  de  faire  au  contraire  de  son  oppinion 
quelque  chose  que  ce  fust,  ainsi  que  celle  que,  quant  elle 
fut  au  puis  et  ne  peut  plus  parler,  pour  monstrer  sa  mau- 

Parveniv  XCll,  La  Femme  opiniâtre,  édit.  Garnier,  pase  .377. 
—  Àbslentùis,  dans  Fabula'  variorum  auctonuii.  cara  H.  Nevelti, 
p.  587.  —  De  Mulicrc  ab  turdas  verberala.  —  Tabourot,  Biçiarr 
ures  et  touches  du  Seifjueur  des  Accovds,  Vil.  —  Costo  :  Il  Fug- 
gilozzio,  diriso  in  ottn  giornate,  p.  3.39.  —  Thrésor  des  n'u-rations. 
couloianl  histoires  facétieuses  et  honnestes. —  L.  Garon,  Le  Chasse- 
euHuy,  Centurie  IV,  S.  —  d'Ocvills,  Contes,  t.  Il,  p.  12ô.  — 
Democritus  i-ideus,  p.  121.  —  Mulievum  perlinacin.  —  Fiischlini 
facetiœ,  p.  13,  de  Fiscellario.  —  Rivikre  Dufresny  :  (Fuvres. 
«  L'esprit  de  contradiction  ».  —  Gellert  :  Fabeln  und  Evzahlun- 
f/''»*,t.  1,  p.  55.  —  Die  Widcrsprocherin. 


84  LES     FACETIES    DE    POGGE 

vaislié,  boula  les  bras  dessus  l'eaue  et,  faignant  à  tuer 
des  poulx,  ainsi  que  les  femmes  les  tuent  entre  leurs  doys, 
pour  monstrer  évidemment  que  en  son  couraige  elle  appe- 
loit  son  mary  pouilleux.  Et  est  aussi  monstre  que  c'est 
grant  folie  à  ung  homme  cuyder  convertir  une  maulvaise 
femme  et  obstinée;  car  mieulx  aymeroyent  mourir  que  se 
convertir,  et,  pour  tant,  dit  Monseigneur  Saincl  Bernard, 
en  son  Epistole  «  De  la  chose  familière  »  :  Malam  uxorem 
citius  risii  quam  baculo  castigabis;  tu  chastiras  plutôt 
une  maulvaise  femme  par  toy  rire,  ne  tenir  compte  de  tout 
ce  qu'elle  dira  ou  fera,  que  tu  ne  feras  par  battre  à  coups 
de  baston  (1). 


LX 


De    Vhominc    qui  cherchait   sa  femme 
noyée   dans  le  fleuve  2. 

Un  paysan  dont  la  femme  s'était  noyée,  la  cher- 
chait en  remontant  le  cours  d'eau.  Un  passant 
étonné  de  le    voir   agir  ainsi,    lui  conseilla  de 


1.  J'applique  ce  conte  à  la  plupart  de  nos  savants,  dont 
l'obstination  est  telle,  qu'on  les  hacherait  en  pièces,  ijlutôt  que 
de  les  obliger  à  démoi-dre  de  ce  iju'ils  ont  une  fois  conçu,  lis 
sont  femmes  sur  cet  article,  (ficy/crio//  de  l'édition  d'Amsterdam 
1712). 

Ce  conte  tire  peut-être  son   origine  du  proverbe  Italien  : 

Chi  stà  neir  aquà  sino  alla  gola, 
Ben  0  ostinato  se  merce  non  grida. 

L  De  co  (jui  tixorviii  in  Puinine pcieinpIatH  fiHwrcbat.  Opéra  LX. 
Guillaume  Tardif  :  De  cellity  (jui  arait  fjptli  sa  fvniniv  eu  la 
rivière   cl    l'alloil    chvrclier    coiilifinciil  l'eaue,    XLIV,    p.   12lj.  — 


LES     FACÉTIES    DE    I'0(.(;E  85 

suivre  au  contraire  le  fil  de  l'eau  :  —  «  F*oint 
du  tout,  répondit  notre  homme,  comme  cela  je 
ne  la  retrouverai  jamais.  Pendant  sa  vie,  ma 
femme  était  si  acariâtre,  si  difficile  à  vivre, 
si  contrariante,  qu'elle  aura  voulu  qu'après  sa 
mort,  son  corps  surnageât  en  remontant  le  cou- 
rant.   » 

En  ceste  Eacécie  doit  estre  entendu  le  sens  figuratif, 
comme  en  l'aultre,  qui  conclud  que  c'est  follie  de  cuyder 
amender  une  maulvaise  femme  et  obstinée,  car  elle 
aymerait  mieulx  mourir,  mais  que  celle  qui  ayma  mieulx 
estro  noyée  que  passer  une  planche  à  l'apétit  de  son 
mary.  Conclud  aussi  ceste  Facécie  le  dict  joyeulx  du 
mary  qui  en  la  noyant  luy  dist  qu'elle  allast  aval  l'eaue, 
puis  alloit  chercher  au  contraire  pour  monstrer  que 
tout  l'opposite  de  ce  qu'il  vouloit  elle  faisoit  quand  elle 
vivuvt. 


NoKL  I,  (39;  M,  53-o0.  —  Ristslhuber  XXXiV,  p.  52.  —  Liseox. 
LX,  p.  99.  —  Marie  de  France,  9(3.—  Legrand  d'Aussy,  t.  II, 
330  :  Du  Villain  et  .sa  l'emme.  —  Arlotti    Ma\nardi  Facecie, 

—  Imitations:  —  CoriXiivales  sermoiies,  I,  p.  309.  —  Dominichi, 
p.  64.  —  Faenii  Fnbulœ,  p,  13.  —  Hulsbusch  :  Sylrœ  sermonnm, 
p.  33.  _  Verdizotti  :  Cento  favole,  fav.  53.  —  Pavesio  :  Il  Tarqo, 
elle  conticne  i:iO  facole,  p.  31.  —  Zabata  :  Biporlo  de  viandanti, 
p.  81.  —  Le  Chassc-ennuy,  cent.  IV,  6.—  Nvçia-  vénales,  p.  78. 

—  Dii-erlissemciils  cuiicnr,  p.  19.  —  Vacalerio,  p.  24.— La  Fon- 
taine, liv.  III,  lab.  10. 


80  LKS     FACKÏIES    DE    l'CH.dE 

LXl 

DUin  roiiirier  qui  voulait  se  faire  anoblii'  1. 

Un  serviteur  du  duc  d'Orléans  2^  homme  vivant 
d'une  manière  grossière  et  sans  la  moindre  édu- 
cation, demanda  à  ce  prince  de  l'anoblir.  En 
France,  la  noblesse  peut  s'acquérir  en  achetant 
des  terres,  dont  le  produit  sert  au  propriétaire  à 
mener  la  vie  aristocratique  ■^.  Le  duc  connais- 
sant bien  son  homme,  lui  répondit  :  —  «  Je  pour- 
rais très  facilement  te  faire  riche,  mais  noble, 
c'est  impossible  ^. 


1.  De  rustico  qui  nobilem  seficri  quœrebal.  Ûpera  lAl.  —  Guil- 
laume Tardif  :  XLV,  p.  15i9.  —  Noël  I.  7(3.  —  Ristelhuber 
XXXV,  p.  53.  — -LisEux,  t.  I,'p.  ion. 

.  2.  Louis  I"  de  France,  frère  cadet  du  roi  Charles  VI,  ne 
on  1.371,  mari  de  Valentine  Visconti,  fille  du  duc  de  ."\Iilau; 
as.5assiné  le  23  novembre  li07. 

3.  La  propriété  féodale  était  le  signe  caractérisiique  de  la 
nol)lesso  :  Point  de  Seigneur  sans  terre,  disait- on,  et  ce  fut  seu- 
lement vers  la  fin  du  xrii"  siècle,  que  les  rois  crurent  pouvoir 
conférer  la  nol)lesse.  On  phice  sous  Philippe  III  le  Hardi,  le 
premier  anoblissement.  Il  accorda  la  nohlesse  à  son  orfèvre 
Raoul.  (R) 

■\.  L'empereur  Sigismond.  ayant  un  jour  anobli  un  docteur 
qui,  dans  une  solennité,  aima  mieux  se  ranger  yjarmi  les  nobles 
que  parmi  les  docteurs,  il  se  moqua  de  lui  en  disant  qu'en  un 
jour  il  pouvait  faire  mille  gentilsliommrs  mais  qu'en  mille  ans 
il  no  pourrait  faire  un  docteur.  Le  Clinsse-ennuif,  cent.  I, 
37,  3!). 


î 


LES     FAî.KTlES    l)i:    l'O:  GK  87 

En  ce  chapitre  dessus  mis  et  noté  que  les  nobles  de 
droicte  noblesse  ne  pocèdent  point  de  richesse,  mais  de 
mœurs,  ainsi  que  nous  avons  par  ung-  exemple  d'ung 
Empereur  Hoinmain  qui  fist  ung  esdit  de  une  sienne 
seulle  fille  qu'il  avait  nommée  Philomène;  ce  fut  que 
celluy  qui  le  plus  noble  se  trouverait  aurait  sa  fille  en 
mariaige.  Pourtant  s'assemblèrent  tous  les  fils  des 
Roys  et  des  Princes  du  pays,  "qui  déclarèrent  leurs  no- 
blesses originelles  et  leurs  grandes  et  riclios  parentés. 
Avecques  ce  y  vint  ung  puissant  parfaict  riciie  homme, 
gracieulx.  lionneste  et  bien  morigéné,  combien  que  d'ex- 
traction do  haut  lieu  ne  fust  pas  venu,  mais  de  simples 
gens,  bien  aymez  de  tous,  et,  pour  le  dernier,  demanda 
avoir  ceste  fille  en  mariaige  sans  alléguer  aultre  chose 
sinon  que,  si  le  père  voyoit  qu'il  fust  sulfisanl  d'avoir  sa 
fille  qu'il  luy  donnast.  Adoncques  le  père,  qui  eut  ouy 
racompter  les  noblesses  d'ung  chascun,  avecques  son 
Conseil  regarda  lequel  estoit  le  plus  noble  et  fut  trouvé 
que  l'ung  venu  de  plus  hault  lieu,  esLoit  présumptueux 
et  plain  d'orgueil,  l'auitre  estoit  crapuleux  et  paillart, 
l'aultre  prodigue  et  fol  dépenseur,  si  que  tous  furent 
trouvez  coupables  de  aulcun  vice  qui  honnist  noblesse 
et  qui  le  noble  faict  vilain,  jusques  au  dernier,  qui  estoit 
de  petit  lieu,  mais  estoit  homme  de  très  bonne  vie,  ver- 
tueux, saigeetbien  morigéné,  prisé  et  honnoré  de  chascun 
nou  réprouvé  par  aulcun  vilain  vice  qui  fut  en  luy,  par 
quoy  le  père  do  Philomène  avecques  son  Conseil  ordonna 
et  conclu»!  que  le  dernier  comme  le  plus  noble  aurait  sa 
fille  en  mariaige,  en  baillant  pour  raison  ce  que  dit  le 
Métrificateur  : 

Moribiis  et  vita  nobilitatur  Jiomo,  etc  ; 

«  l'home  est  ennobly  par  les  bonnes  meurs  qui  sont  en 
lui  et  par  la  bonne  vie  dont  il  est.  » 


88  LES    FACÉTIES    DE    l'OCJGE 

LXII 

Le  bel  outil  de  Guillaume  '. 

Il  y  avait  dans  mon  village  de  Tcrrn-Nova,  un 
charpentier  nommé  Guillaume,  qui  était  admira- 
blement outillé  de  l'aveu  même  de  sa  Iciiime  à  ses 
voisines.  Celle-ci  étant  morte,  il  épousa  ime  jeune 
fille  assez  naïve,  appelée  Antonia,  à  lai|uelle  les 
commères  parlèrent  du  bel  outillage  de  (iuillaume. 
La  première  nuit  qu'elle  coucha  avec  son  mari, 
elle  se  mit  à  trembler  et  n'osait  s'approcher  de 
lui,  tant  elle  avait  peur.  Celui-ci,  comprenant  ce 


1.  De  Giiilliclino  qui  hahehat  yriapeam  suppelleciUem  fornw- 
sutn.  Opéra  L\.ll.  —  Noël  I,  71;  II,  61.  —  Guillaume  Taudif  : 
De  celuy  qui  list  croire  à  .sa  femme  qu'il  avait  deux  outils,  ung 
petit  et  uûg  grant,  XLVl,  p.  13-2.  —  Liseux  LXll,  1.  1,  p.  101. 

LE  DOUBLE  OUTIL 

CONTE 

Gui  pour  l'ainour  avait  certain  talent, 
Dont  la  grandeur  par  tous  était  vantée; 
Sa  t'einnie  Alix,   la  première  nuitée, 
En  redoutait  leffort  trop  violent. 
Pour  rassurer  la  timide  novice  : 

—  Ne  craij;ncz  rica,  lui  dit-il,  j'en  ai  doux  ; 
Le  plus  petit  fera  d'abord  l'office.  — 

Alix  consjnt  là-dessus  à  ses  vœux. 

Bien  que  le  choc  fut  des  plus  vigoureux, 

Elle  soulfrit  le  tout  en  patience. 

Même  en  trois  jours  étant  laite  au  tranti  an, 

—  Vous  pourriez  bien,  lui  dit-elle,  je  pen-e, 
User  sans  risque,  à  cette  heure,  du  graud. 

B.  LA   MONNOYE. 


LES     FACÉTIES    DE    l'OGliE  89- 

qui  causait  la  frayeur  de  cette  enfant,  lui  dit  pour 
la  consoler  :  —  u  On  t'a  dit  vrai,  mais  jaideux 
outils,  un  i;rand  et  un  petit.  Je  me  sers  du  petit 
pour  commencer,  cela  va  tout  seul  ;  j'emploie  le 
grand  si  besoin  est.  »  La  jeune  femme  étant  ras- 
surée, le  charpentier  s'excrima  de  son  petit  outil 
et  les  choses  allèrent  pour  le  mieux.  Au  bout 
d'un  mois,  habituée  au  maniement  du  premier, 
elle  dit  à  son  mari,  en  lui  faisant  des  mamours  : 
—  «  Mon  ami,  pourquoi  n'emploierais-tu  pas 
l'autre,  le  grand?»  Le  charpentier  qui  s'était  servi 
jusque-là  d'un  outil  merveilleusement  grand,  ne 
put  s'empêcher  de  rire  des  bonnes  intentions  de 
sa  femme  et  c'est  lui-même  qui  m'a  conté  l'his- 
toire. 


LXllI 

Hépousc   d'une  femme  de  Pise  1. 

La  femme  Sambacharia,  de  Pise,  était  prompte  à 
la  risposte.  Un  farceur  s' étant  approché  d'elle  lui 
dit  :  —  «  Le  prépuce  de  l'âne  vous  salue.  »  —  «  Ma 
foi,  tu  as  bien  l'air  de  son  ambassadeur,  »  — ré- 
pliqua-t-elle  aussitôt,  en  lui  tournant  les  talons 
sur  cette  malicieuse  riposte. 


1.  Respoitsio  niiins  mulicris  PisaïKC.  OparOi  LWU.  —  Noël  1,72. 
—  LisEux  lAlll,  t.  I,  p.  1(13. 


90  LES     FACÉTIES    DE    J'OddE 

LXIV 

Bon    mot   d'a/ie   nuiironc  '. 

Une  femme  adultère  avait  [)endii  toutes  sor- 
tes de  vêtements  aux  fenêtres  ;  cadeaux  de  ses 
amants.  Une  matrone,  en  passant,  vit  l'étalage  et 
s'écria  :  —  «  En  voilà  une  qui  fait  ses  robes, 
comme  l'araignée  fait  sa  toile,  avec  son  cul,  et  qui 
étale  ce  beau  produit.  » 

En  ceste  facécie  etdict  joyeulx  sont,  réprouvés  les  folles 
femmes  qui  ont  totalement  perdu  honte  et  sont  bien  con- 
tentes de  porter  pulilicquement  ce  que  cliascun  cognoist 
bien  quelles  ont  gaigné  honteusement  à  la  meschanceté 
de  leur  corps,  ainsi  que  folle  fe/uine  qui  pendait  ses 
vestemens  aux  fenêtres,  acquis  par  adultère.; 


LXV 

Un  bon  avis  -. 

A  l'époque  des  vendanges,  quelqu'un  étant 
venu  demander  à  un  de  nos  concitoyens  facétieux 
de  lui  prêter  (juelques  tonneaux,  celui-ci  répon- 


1.  Diiiiim  malroiifr  quœ  restes  adiillenc  ad  fniesti-as  cn)ispecil. 
Opéra  lAlV.  —  Noël  I,  72.  —  Guillaume  Tardif  :  Le  dict  d'une 
matrone  qui  met  les  vestemenls  d'une  inërétrice  aux  fenestres, 
XLVII.  p.  13G.  —  LiSEUx  LXIV,  t.  1,  p.  104. 

"2.  Mouitio  cnjudam.  Opéra  LXV.  —  N'oel  L  T3.  —  (tuillaUiME 
Tardif:  La  description  d'une  folle  requeste,  .XLVIU,  p.  13S. — 
LiSEu.K  LXV,  t.  I,  p.  lOô. 


LES     FA(  KTIES    DE    l'OGGE  91 

(lit.  —  I*  Si  j'entretiens  ma  femme  toute  l'année, 
c'est  pour  m'en  servir  ([uand  j'en  ai  besoin.  >^  — 
Voulant  dire  parla,  qu'il  ne  faut  jamais  demander 
à  autrui  de  vous  prêter  ce  qui  lui  est  nécessaire. 

En  ceste  demande  et  requeste  ainsi  esconduite  est 
montré  comment  l'on  doit  demander  aulcunes  choses  ou 
non,  c'est  que  celluy,  à  qui  on  fait  la  demande  et  requeste, 
ne  ayt  point  nécessairement  à  faire  de  ce  qu'on  demande 
et  requiert,  ainsi  que,  en  ce  temps  de  vendenges  et  qu'il 
estoit  plaine  vinée,  avoit  nécessairement  affaire  de  ses 
vaisseaulx  celluy  à  que  on  les  demandoit  et  requeroit  et 
aussi,  au  contraire  à  l'opposile,  pour  refus  et  pour  mons- 
trer  à  l'aultre  qu'il  ne  les  luy  devoit  pas  demander  ne 
requérir  et  considérer  la  grande  vinée  qui  estoit, 
luy  demandoit-il  sa  femme,  dont  jamais  il  ne  se  fust 
delToit. 

De  ceste  Facécie,  dit  Chaton  en  son  livre,  qui  disoit  à 
son  fils  : 

Quod  jusluDi  est  petito,  ncl  quod  videatur  honestuni. 

C'est-à-dire:  «  Demande  ce  qui  est  juste  à  demander 
ou  qui  soit  veu  honeste. 

Xun  slultiuii  est  pelere  quod  posait  jure  negari. 

«  Car  chose  folle,  dit  Chaton,  est  de  demander  ce  qui 
de  droit  peut  cstre  nyé  »,  ainsi  que  fait  celluy  à  qui  on 
demandait  des  vaissaulx  desquelz  nécessairement  il 
avoit  affaire. 


LES     FACETIES    DE    l'OCUiE 

LXVI 

Mol  d'un  PériLsieii  à  sa  femme  '. 

Les  gens  de  Péruse  ont  la  réputation  d'être  de 
bons  vivants  et  d'un  commerce  facile.  Une  femme 
de  cette  ville,  une  nommée  Pétruccia,  avait 
demandé  à  son  mari  de  lui  acheter  des  chaus- 
sures pour  aller  à  la  fête,  le  lendemain.  Le  mari 
les  lui  donna,  puis,  il  lui  recommanda  de  faire 
cuire,  avant  de  partir,  une  poule  pour  son  dîner. 

Le  femme,  sa  cuisine  terminée,  s'étaut  mise  sur 
le  pas  de  porte,  vit  passer  un  jeune  homme  qu  elle 
aimait  beaucoup;  aussitôt  elle  rentre,  lui  fait 
signe  de   venir  la  trouver   et  de  metiro  à   profit 

1.  Dicftim  pevHaini  ad  uxorem.  Opéra  LXVI.  —  Nokl  I,  74;  II, 
G2-.5.  —  Guillaume  Tardif  XLlX.  p.  140.  —  Iv.skox  LXVI,  t.  l, 
p.  lOG.  —  Les  Cent  Nouvelles  nouvelles,  n"  93.  La  Postillonne  sur 
le  dos,  édition  Oarnier,  p.  381.  —  Roç/cr-Uonlemps  eu  belle 
hnineuf  :  D'un  mary  à  sa  femme,  p.  30.  —  Le  FacJtieux  Réveil- 
Matin,  p.  184.  —  Milet  :  Calcei,  fabslla,  t.  II,  p.  f.L  —  Recueil 
(le  pièces  curieuses  et  nouvelles,  tant  en  prose  r/u  ra  vers.  1694  : 
Grégoire  revenant  de  boire...  (Couplet).  Voir  Appendices. 

LES  SOULIERS  A  DURER  LONGTEMPS 

CONTE 

Maraol,  feignait  d'être  de  fête. 
Afin  de  Iroiujjcr  .son  balourd, 
l">t  fit  tant  |iar  humble  requête, 
Qu'elle  eut  des  souliers  de  veloiir>. 
Mais  tandis  (ju'il  va  par  la  ville, 
Elle  fait  venir  son  valet. 
Qui  vous  l'empoigne  et  vous  rallile 
Ainsi  qu'un  grain  de  chapulet. 


LKS     FACKTIES    DK    l'dCtiK  93 

l'absence  du  mari;  puis,  afin  d'aller  plus  vite  en 
besogne,  elle  grimpe  l'escalier  et  s'étend  par  terre, 
mais  de  telle  façon  qu'on  pouvait  l'apercevoir  de 
la  porte.  Pendant  que  la  femme  et  son  galant 
jouaient  à  la  l)ête  à  deux  dos,  les  jambes  de  celle- 
ci  croisées  sous  les  fesses  de  celui-là;  le  mari 
arriva  avec  un  ami  qu'il  avait  invité  à  dîner  en 
tête  à  tète,  car  il  pensait  que  sa  femme,  qu'il 
croyait  déjà  partie,  ne  rentrerait  que  fort  tard. 
Arrivé  au  pied  de  l'escalier,  notre  homme,  qui 
précédait  son  hôte,  aperçut  sa  femme  battant  l'air 
de  ses  pieds.  — «  Ohé  !  Pétruccia,  lui  cria-t-il,  par 
la  cul  de  l'âne!  (c'était  son  juron  habituel),  si  c'est 
ta  façon  de  te  promener,  jamais  tu  n'useras  ces 
souliers-là  '  ». 

En  ceste  facécie  est  monstre  seulement  que  c'est  de  la 
joyeuseté  de  une  facécieuse  personne,  car  il  en  est  de  si 
plaisants  que,   (juelque    mal   qui  leur  adviengne,   ilz    ne 


Des  jambes  son  cul  elle  accole, 
Cependant  qu'au  branle  du  cul. 
Ses  pieds  faisaient  la  cabriole, 
Voici  revenir  son  cocu. 
Alors  il  cria  de  la  porte, 
Voyant  ce  nouveau  passe-temps, 
—  «  Si  tu  vas  toujours  de  la  sorte, 
Tes  souliers  dureront  longtemps.  » 

SuiOGNES  :  Cabiiicl  safijriqxe. 

1.  rt  Rien  n'e--t  comparable  au  maneigo  de  la  bonne  dame; 
maneige  inestimable  chez  le  sexe;  parce  ciu'il  est  souveraine- 
ment salutaire,  (j'est  ce  maneige  qui  purge,  desseiche,  nettoie, 
balaie,  arrache  les  humeurs  peccantes  qui  résident  dans  le 
corps  des  dames  sujettes  à  l'opilation.  Je  consens  donc  qu'une 
dame  qui  s'apperçoit  qu'elle  guérit  de  ce  maudit  mal,  par  une 


94  LKS    F.VCÉTIES    DE    POGGE 

s'en  sçaui'oyenl  desconforter;  mesme  en  leur  adversitez 
disent  de  li-ès  bons  et  très  joyeux  proverbes,  ainsi  que  le 
Perrusien.  quand  il  vit  Pétruce  sa  femme  qui  se  jouoit 
avec  son  amy  t-l  que  elle  n'avait  garde  de  user  ses  soul- 
liers  neufz. 


LXVII 

Propos  plaisant  d-iin  jeune  Jtonnue  ^ 

Une  paysanne  prétendait  que  si  ses  oies  ne  se 
portaient  pas  bien,  c'était  certainement  qu'une  voi- 
sine leur  avait  jeté  un  sort  en  les  admirant  sans 
avoir  ajouté  :  «  Dieu  les  bénisse  !  »  comme  on  le 
fait  ordinaii'ement.  En  entendant  cela,  un  jeune 
homme  s'écria  :  —  «  Je  comprends  maintenant 
pourquoi  mon  aiguillette  fait  [)iteuse  mine  depuis 
quelques  jours.  C'est  parce  (juon  a  trop  fait  son 
éloge  et  qu'on  a  oublié  d'ajouter  la  bénédiction. 
Je  parierai  qu'elle  est  ensorcelée,  car  elle  n'a  point 


dose  de  société  d'amour  chaale  le  sacré   cantique  :    témoiguaut 
ainsi  ii  la  déesse  ( '.y pris  une  reconnaissance  immortelle. 

Grande  Reine  de  Cythère, 
1>epuis  l'àjïo  de  treize  ans, 
En  nous  voire  fds  oj)ère 
Le  ])lus  prompt  des  restaurais 
Quand  il  va  dans  le  trou  bedou 
Dou,  etc. 

Rr  11  PI- ion  de  l'édilion  d'AmsIcrdam. 

1.  J'erlncfliDit   (liclutn  citjusdam  adnlei'cenlis.   Opéra    LXVII.  — 
Noël  1,  7.").  —  Liseux  LWil,  t.  I,  p.  108. 


m;s    fackties  de  Vin\r,T.  95 

relevé  la  lé(e  depuis.  Dis  donc,  je  t'en  prie,  Dieu 
la  bénisse  I  afin  qu'elle  retrouve  son  ancienne 
vieueur.   » 


LXVIIl 

D'à  II    fameux  imbécile  '. 

Le  père  d'un  de  mes  amis  fré({uentait  la  femme 
d'une  espèce  d'imbécile  qui  était  bègue.  Une  nuit, 
s'étant  rendu  chez  cette  femme,  dont  il  croyait 
le  mari  absent,  il  frappa  assez  fort  à  la  porte  en 
contrefaisant  la  voix  du  mari  pour  se  faire  ouvrir. 
L'imbécile,  qui  était  à  la  maison,  dit  en  entendant 
cette  voix  :  —  «  Jeanne,  Jeanne,  ouvre  donc,  on 
dirait  que  c'est  moi.    » 


LXL\ 

D'un  paj/suii  (/iii  portaiL  une  oie  à  vendre  '-. 

In  jeune  paysan  allait  à  Florence  vendre  une 
oie  ;  une  dame  facétieuse  le  voyant,  lui  demanda  en 
riant  le  prix  de  son  oie  et  celui-ci  lui  répondit  : 

.1  De  riro  slolido  (jiii  siviulantcm  cocein  ciedidit  se  ipsum  esse. 
Opéra  LWll!.  —Noël  1,  75.  —  Liseux  LXVIIl,  t.  I,  p.  109. 

1.  De  rusliid  qui  atisercin  retialem  deferebat.  Opéra  LXIX. —  Li- 
sEtJX  t.  I,  p.  1 10.  —  Fabliaux  :  Leorand,  t.  III.  La  Dame  et  le  curé. 
—  EusTACHE  d'Amiens,  I.  III.  I.c  Uouchi-r  d'AbheviUe. —  Boccace. 
Le  Dccanieroii  Vlll,  journée  i  et  'l,  nouvelles,  p.  35i.  édition 
Garnier. —  C'eut  Nouvelles  nouvelles,  nouvelle  ^VllI.  La  porteuse 
du  rcHlrc  cl  du  dos  p.  75,   édition  Garnier.  —  B.  de  la  Mon- 


"96  LES     FACÉTIES    T)E    I'0<1(;E 

«  Vous  pouvez  la  i)ayer  très  facilement.  —  Que 
veux-tu  dire,  repartit  la  dame.  —  D'un  seul  coup, 
affirma  le  paysan.  —  Tu  veux  rire,  reprit  la  dame, 
mais  viens  tout  de  même  chez  moi  et  nous  ferons 
marché.  «  Arrivé  à  la  maison,  le  jeune  homme  ne 
voulut  pas  changer  son  prix  et  la  dame  se  décida  à 
l'accepter.  Mais  comme  dans  la  dispute  elle  eut  le 
dessus,  quand  elle  réclama  l'oie,  le  paysan  refusa 
en  disant  qu'elle  ne  s'était  pas  soumise,  que  c'était 
lui  au  contraire  qui  avait  eu  le  dessous.  Ils  recom- 
mencèrent donc  l'affaire  et  le  jeune  homme  se  con- 
duisit admirablement.  La  dame  réclama  alors  l'oie, 
le  paysan  refusa  derechef,  prétextant  qu'ils  étaient 
simplement  quitte  à  quitte,  car  il  n'avait  accepté 
que  pour  effacer  l'affront  qu'il  avait  essuyé.  Ladis- 
cussiondurait  depuis  longtemps  déjà,  quand  le  mari 
rentra  ;  il  s'enquit  de  ce  qui  se  passait.  —  «  Je 
voulais,  expliqua  la  femme,  te  régaler  d'un  bon 
repas  et  ce  maudit-là  veut  m'en  empêcher,  il  était 
convenu  avec  moi  de  vingt  sols,  luaintenanl  qu'il 


NOYE  :  Rusticus  corpos  vendus,  fabella.  —  La  Fontaink.  Contes. 
A  femme  avare,  galant  escroc,  p.  123,  édition  Garnier.  —  Collé  : 
l'oinédie  sous  le  même  titre.  —  Le  SiiKje  de  La  Fontaine  :  La 
double  altitude,  t.  I,  p.  76,  et  Le  Mortier  (Mola)  imité  par 
Francisco  Swertus:  Poet.  liehj.  delicias.  —  Bbuklian.  Facetiu'  : 
Faclum  cuju-dam  Francigenro,  L.  3,  p.  183.  —  Riiçiia-  venalis, 
p_  73.  —  d'Ouville.  Contes  :  Subtilité  d'un  homme  pour  faire 
déclarer  son  voisin  cocu  par  lui-même,  11  partie.  —  Roçjev- 
liontenips  en  belle  humeur.  —  Contes  à  rire  ou  Récréation  fran- 
çaise, t.  2,  p.  128.  —  Nouveau.r  contes  à  lire,  p.  63.  —  Mérakd 
DE  Saint-Just  :  lispièçflerics,  Joyeusetés,  etc.,  t.  I,  p.  138.  — 
NoGARET  :  iViuV.s  parisiennes.  —  Imbert  :  Nouvelles  Historiettes  en 
vers.  Le  marché  rompu,  p.  IS!). 


LES     FACETIES    DE    l'OdliE  97 

est  entré,  il  change  d'avis  et  réclame  deux  fois  plus 
—  Hé  !  hé  !  s'exclama  l'homme,  il  ne  faut  pas  que 
pour  si  peu  de  chose,  nous  ne  puissions  faire  un 
bon  repas.  Tiens,  voilà  ce  (|ue  tu  réclames.  »  Et  le 
paysan  s'en  alla,  après  avoir  tiré  profit  de  la  femme 
et  du  mari. 


LXX 

De  V avare  auquel  on  fit  boire  de  V urine  l. 

Un  de  nos  collègues  de  la  Curie,  homme  d'une 
avarice  sordide,  venait  souvent  à  l'heure  du  repas 
de  ses  domestiques  et  goûtait  leur  vin  pour  voir 
s'il  avait  été  assez  étendu  d'eau.  Il  donnait  à  en- 
tendre qu'il  n'ag"issait  ainsi  qu'afin  de  se  rendre 
compte  de  la  bonne  qualité  de  la  boisson.  S'étant 
aperçus  de  ce  manèg^e,  ses  gens  complotèrent  et 
mirent  sur  la  table,  à  l'heure  oiî  le  visiteur  était 
attendu,  de  l'urine  fraîche  à  la  place  du  vin.  Notre 
homme  arriva,  en  effet,  avala  d'un  trait  l'urine, 
puis,  crachant  et  vomissant  à  demi,  il  quitta  la 
salle  avec  de  grands  gestes,  poussant  de  grands 
cris  et  proférant  mille  menaces  contre  les  auteurs 
de  ce  tour  pendable.  Les  domestiques,  de  leur  côté, 
terminèrent  le  repas  au  milieu  des  éclats  de  rire. 
L'instigateur  de  cette  mauvaise  plaisanterie  m'a 
raconté  plus  tard  le  fait  ;  il  en  riait  encore. 

1.  De  avarn  qui  luinam  derinstavit.  Opéra  LXX.  —  Noël  l,  78. 
—  LiSEuxLXX.  p.  11-2. 


98  LES     FACKTIES    DE    POGGE 

LXXI 

Confession  incomplète  cVun  berger   l. 

Certain  pâtre,  habitant  de  cette  partie  du 
royaume  deXaples  où  le  brigandage  est  un  métier, 
vint  un  jour  pour  se  confesser.  Agenouillé  aux 
pieds  du  prêtre  :  —  «Pardonnez-moi,  mon  Père, 
dit-il  en  pleurant,  car  j'ai  grandement  péché.  »  Le 
prêtre  l'exhorte  à  faire  un  aveu  sincère,  mais  le 
pénitent  s'y  reprend  à  plusieurs  fois  avant  de 
parler,  comme  un  homme  qui  a  commis  un  crime 
épouvantable.  Enfin,  sur  les  instances  du  confes- 
seur, il  finit  par  dire  :  «  Un  jour  de  jeûne,  comme 
je  faisais  du  fromage,  quelques  gouttes  du  lait 
que  je  battais,  ont  jailli  dans  ma  bouche  et  je  ne 


.  1.  De  (juodam  paatore  simulatim  confttente.  Opei-a  LXXI.  — 
Noël  I,  79.  — RisTELHUBER  XXXVl,  p.  54.  —  Ltseux,  t.  I,  p.  113. 

—  Stan.  Jui.lien,  Siao  li  Slao  (Journal  asiatique),  t.  IV,  p.  103. 

—  B.  DES  PÉRiERS,  nouv.  XI:  Du  pi-ebstre  et  du  masson  qui  se 
confessoit  à  luy.  On  peut  rapprocher  de  celte  facétie,  le  conte 
suivant  : 

LE    PÉNITENT    NAÏF 

Un  dimanche,  pendant  la  messe, 

T^n  paysan  avait  volé  du  foin; 
11  vint  s'en  accuser  le  soir  même  à  confesse. 
A  l'aveu  d'un  toi  cas,  son  vieux  curé   le  presse 

D'i.-n  expliquer  les  détails  avec  soin. 

—  Dans  cette  grande  circonstance, 

Pour  fixer  votre  pénitence, 

Mon  fils,  dit-il,  il  est  besoin 


LES     FACETIES    DE    l'UliGE  99 

les  ai  pas  rejotées.  »  Le  prêtre,  qui  connaissait  les 
mœurs  de  la  contrée,  après  avoir  dit,  moitié  en 
souriant,  que  c'était  mal  de  n'avoir  pas  observé 
le  carême,  demanda  au  berger  s'il  n'avait  pas 
d'autres  méfaits  sur  la  conscience,  s'il  n'avait 
jamais,  par  exemple,  dépouillé  ou  assassiné 
quelque  voyageur,  de  concert  avec  ses  camarades. 
—  «  Oh  I  que  si,  fit  l'homme,  j'en  ai  tué  et  volé 
plus  dun  avec  les  amis,  mais  cela  arrive  si  sou- 
vent chez  nous  qu'on  n'y  attache  pas  d'impor- 
tance. »  Le  confesseur  eut  beau  remontrer  que  le 
vol  et  le  meurtre  étaient  deux  grands  crimes,  le 
berger,  croyant  que  ces  faits,  habituels  dans  le 
pays,  ne  tiraient  pas  à  conséquence,  demandait 
seulement  l'absolution  pour  le  lait  qu'il  avait  bu. 
Chose  déplorable  que  l'habitude  du  péché,  car 
elle  fait  prendre  les  plus  grands  crimes  pour  de 
simples  peccadilles. 


Que,  sur  la  quantité  des  bottes  par  vous  prises, 
Vous  n'alliez  pas  ici  commettre  de  méprises. 
Le  villageois  confus,  que  le  remords  poursuit. 
Repond  :  —  Mon  Père...  oh  !  devinez?  —  Cinquante? 

—  Ah  !  mon  Père,  nenni.  —  Quarante? 

—  Davantage,  mon  Père.  —  Et  combien  donc?  soixante. 

—  Je  ne  puis  vous  en  faire  au  juste  le  déduit, 
-Mais  de  crainte  d'erreur,  mettez  la  charretée, 
Car  nous  devons  aller,  nous  deux  notre  épousée. 

Chercher  le  reste  cette  nuit. 

GoBET  {an  viii). 


BI5LIOTHECA 


100  LES    FACETIES    DE    POGGE 

LXXII 

Joueur  emprisonné  pour  avoir  joué  ^. 

Dans  le  bourg  de  Terra-Nuova,  des  peines  sont 
édictées  contre  ceux  qui  jouent  aux  dés.  Un  de 
mes  amis,  pris  en  flagrant  délit,  tomba  sous  le 
coup  de  la  loi  et  lut  conduit  en  prison. 

Quelqu'un  lui  ayant  demandé  pour  quelle  cause 
il  avait  été  incarcéré  :  —  «  Notre  Podestat,  répon- 
dit-il, m'a  condamné  à  la  prison  parce  que  j'avais 
joué  mon  argent.  Que  serait-il  arrivé  si  j'avais 
joué  le  sien  ?  » 

1.  T)e  lusore  proptcr  lusum  i)t  carcere  truso.  Opéra  LXXll.  — 
Noël  I,  80;  \ï,  70-71.  —  Liseux,  t.  I,  p.  116.  —  DemocrUus  ridens  ■ 
Tobis  est  frangitur,  p.  99.  —  Lod.  GiuccuRraNi  :  Ho)-e  di  reére- 
asione.  Un  bel  motte  salvar  talhora  ultrui  da  danno  et  da 
vergogna.  p.  20i. 

LE  JOUEUR 

Séminara  de  Vérone 
Perdit  au  jeu  son  argent. 
C'était  pi'es(jue  son  vaillant. 
Aussitôt  on  l'emprisonne, 
Par  ordre  du  Podeslâ. 
C'est  ainsi  qu'en  ce  lieu-là 
Le  Gouverneur  on  appelle. 
—  l^arbleu  !  dit  Séminara, 
La  chose  est  assez  nouvelle  ! 
Pour  avoir  joué  mon  bien, 
Le  Podestâ  me  fait  prendre; 
Que  pourrais-je  pis  attendre. 
Si  j'avais  joué  le  sien, 
A  moins  qu'il  ne  me  fit  pendre? 

Bakaton  :   Pnésies,  1705. 


LES    F.vr.KTIES    DE    POGGE  101 

LXXIII 

Leçon  donnée  par  un  père  à  son.  fils  qui 
s'enivrait  i. 

Vainement,  un  père  s'était  efforcé  de  guérir  le 
penchant  décidé  de  son  fils  pour  l'ivrognerie.  Un 
jour,  rencontrant  dans  la  rue  un  homme  saoul, 
les  habits  en  désordre,  honteusement  vautré  et 
entouré  d'une  multitude  d'enfants  qui  riaient  et 
se  moquaient  de  lui,  le  père  appela  son  fils,  afin 
que  ce  triste  exemple  lui  inspirât  la  haine  du  vice. 
Dès  que  le  jeune  homme  eut  aperçu  l'ivrogne  : 

—  ((  Dites-moi  donc,  père,  fit-il,  où  trouve-t-on  le 
xm  avec  lequel  cet  homme  s'est  enivré,  car  j'en 
voudrais  boire  aussi.  »  Loin  de  l'efi'rayer,  le 
spectacle  qu'il  avait  sous  les  yeux  réveillait  en  lui 
sa  honteuse  passion. 

LXXIV 

D'un  jeune  homme  de  Pérouse  2 

Hispina,  de  Pérouse  également,  était  un  jeune 
patricien  dont  la  conduite  désolait  sa  famille.  Un  de 

1.  De  pâtre  fUiuin  ebrium  redarguente.  Opéra  LXXUl.  —  Noël  I. 
81.  —  LisEux,  t.  I,  p.  117. —  Absle)nii  Fabuhc  :  De  pâtre  lilium 
ad  virtutes  frustia  adhortante,  fol.  77. 

"2.  De  adolescente  Perusino.  Opéra  LXX1V^  —  NoelI,  81  ;  II,  71, 

—  LiSEUx,  t.  1,  p.  118.  —  Beroald  de  Vebville  :  Le  moyen  de 
parvenir.  —  X.  Decanusprudcns,  tabella,  cité  par  Milet,  t.  II,  p.  72. 

6. 


102  !ES    FACEiriS    DE    ]'()<i(iE 

ses  proches,  Simone  Cecolo,  sage  vieillard,  estimé 
de  tous,  l'ayant  un  jour  pris  à  part,  le  pressa  de 
changer  de  vie  en  lui  montrant  la  laideur  du  vice 
etles  charmes  delà  vertu. «  — Vous  parlez,  Simone, 
lui  répondit-il,  comme  il  convient  à  un  homme 
éloquent,  mais  j'ai  bien  souvent  entendu  de  pareils 
discours,  de  plus  beaux  même,  cependant  je  n'ai 
jamais  voulu  mettre  en  pratique  de  si  excellents 
conseils.  »  Le  précédent  n'avait  pas  mieux  réussi 
par  l'exemple,  que  celui-ci  par  ses  exhortations. 


LXXV 

Le  duc  d'Anjou  montre  à  liidolfo  un  riche 
bagage  ^. 

Dans  une  réunion  de  savants,  on  blâmait  un  jour 
la  manie  folle  de  ceux  qui,  au  prix  de  beaucoup 
de  peines  et  de  soins,  cherchent  à  se  procurer  des 
pierres  précieuses.  —  «  Ridolfo  de  Camerino,  dit 
l'un  des  assistants,  donna  à  ce  sujet  une  leçon  au 
duc   d'Anjou  -   qui  marchait   sur    Naples.   Etant 


f.  De  duce  Anderfavensi  qni  pvcliosam  suppellcctilein  Redolpho 
oslendit.  Opéra  LXXV. —  Guillaume  Tardif  :  Du  duc  d'Anyers, 
qui  monstra  une  belle  couverture  de  lict  toute  seiuc  j  de  pierre- 
ries, L,  p.   143.  —  Noël  I,  82.  —  Lenfant,  t.  II,  XXI,  p.  187.  — 

RiSTELHUBER  XXXVll,  p.   5G.  —  LiSEUX,    t.  1,   p.    119. 

"2.  Louis  m  d'Anjou,  né  le  25  septembre  1403,  entra  à  Naples 
en  1423  et  mourut  à  Casenja  le  15  novembre  l'i34.  U  avait  été 
appel'  par  le  pape  Martin  V. 


LES    FACÉTIES    DE    PO<w;E  103 

venu  voir  le  duc  dans  son  camp,  ce  prince  lui 
montra  des  objets  de  grande  valeur,  entre  autres 
des  perles,  des  saphirs,  des  escarboucles  et  autres 
pierres  précieuses.  Après  avoir  tout  examiné, 
RidoU'o  demanda  au  duc  combien  il  estimait  ces 
richessesetquelle  utilité  il  en  tirait.  Le  duc  répondit 
qu'elles  étaient  d'un  grand  prix,  mais  sans  utilité 
réelle.  «  —  Eli  bien,  ajouta  Ridolfo,  je  vais  vous 
montrer  deux  pierres  qui  mont  coûté  dix  florins 
et  qui  m'en  rapportent  deux  cents  chaque  année  ». 
En  entendant  cela,  le  duc  fut  émerveillé.  Ridolfo 
le  conduisit  alors  au  moulin  qu'il  avait  fait  cons- 
truire et  lui  montra  les  deux  meules  de  pierre 
auxquelles  il  avait  fait  allusion,  en  disant  qu'elles 
l'taient  autrement  utiles  et  bien  plus  profitables 
que  toutes  les  pierres  précieuses. 

En  ceste  Facécie  sont  reprins  ceulx  qui  mettent  trop 
leur  curiosité  aux  choses  vaines  et  inutiles,  comme  en 
superfiuitez  de  vesteniens  et  en  achats  de  pierres  pré- 
cieuses, car  la  superûuité  des  vestenients  se  part  et  les 
pierres  ne  servent  de  riens,  sinon  à  folle  plaisance,  et 
parl'opposite  monstre  corne  on  doit  mettre  sa  curiosité  à 
choses  utiles  et  prollitables,  ainsi  que  llodolphus  à 
son  moulin,  qui  luy  valloit  annuellement  d«^ux  cents 
llorins. 


lOi  LES    FACKTJES    DE    l'OGGE 

LXXVI 

Du  même  Ridolfo  K 

Un  habitant  de  Gamerino  désirant  voyager  pour 
son  plaisir,  Ridolfo  lui  conseilla  d'aller  jusqu'à 
Macerata  ^  .  Quand  celui-ci  fut  de  retour,  Ridolfo 
lui  dit  :  —  Vous  avez  vu  toute  la  terre?  Qu'y 
a-t-il,  en  effet,  dans  le  monde  ?  Des  collines,  des 
montagnes,  des  plaines,  des  champs  cultivés,  des 
terres  en  friche,  des  bois  et  des  forêts,  toutes 
choses  contenues  dans  l'étendue  de  terrain  que 
vous  avez  parcourue. 

LXXVll 

Excuse  d'un  liahltant    de    Pérouse  '^. 

Un  Pérusien  possédait  un  tonneau  rempli  d'un 
vin  savoureux  et  excellent  ;  mais  ce  tonneau  était 
tout   petit.  Quelqu'un  lui  envoya  demander  du 

1.  De  eodein   Hiilolfo.  Opéra    LXXVI.  —   Noël  I,  Ni.  —    [^en- 

FANT,    t.  II,   XXII.    p.    188.  —  RlSTELHUliER  XXVlll,    p.   57.    —  Li- 

SEux  LXXVI,  p.  VU.  —  Les  Nourelles  littéraires  du  23  février 
171'.)  ont  publié  les  vers  d'un  auteur  anonyme;  qui  donnent  à 
peu  prè.s  le  même  conte. 

2.  Ville  de  10.0011  habitants  située  sur  une  montagne  d'où 
l'on  a  vue  sur  l'Adrialique  et  les  Apennins.  Aux  environs  sont 
les  ruines  de  Melvia  Ricina,  bâtie  par  Septime  Sévère. 

3.  Facetissimum  (lict)iin  cujumhm  Pentsiiti.  Opéra  LXXVI I.  — 
Guillaume  Tardif  :  L'excuse  d'un  Pérusien  à  qui  on  deman- 
dait du  vin,  LI,   140.  —  Noël  I,  84;  11,  71-74.  —  Risteluubeu 


LKS    FACETIES    DE    POCGE  105 

vin  par  un  enfant,  avec  une  cruche  énorme.  Notre 
homme,  ayant  pris  la  cruche,  la  flaira.  «  —  Oh! 
dit-il.  ce  vase  sent  excessivement  mauvais.  Jamais 
je  n'y  mettrai  de  mon  vin;  va  et  rapporte-le  à  celui 
qui  t'a  envoyé.  » 

En  ceste  présente  excuse  n'y  a  pas  grant  sens  moral, 
mais  y  est  à  considérer  la  promptitude  et  habilleté  d'en- 
tendement au  Perrusien,  qui,  voyant  qu'on  le  requéroit 
oultre  raison,  trouva  le  moyen  de  se  excuser  par  faindre 
(jue  le  pot  qui  luy  avait  mandé  estoit  puant  et  ne  l'escon- 
duit  pas  par  emportement,  car  il  est  assez  vraysemblable 
que  se  on  luy  eust  aporté  ung  petit  pot,  que  pour  peu  de 
chose  il  ne  se  fust  point  excusé. 


LXXVIII 

Dispute  de  deux  femmes  pour  une  pièce 
de  toile  i. 

Deux  femmes  de  Home,  avec  lesquelles  j'ai  eu 
des  rapports,  aussi  dissemblables  par  l'âge  que 
par  la  beauté,  étaient  allées  chez  un  de  nos  con- 
frères de  la  Curie,  tant  pour  le  plaisir  que 
pour  de  l'argent.  11  fit  deux  fois  l'amour  avec  la 

XXXIX,  p.  58.  —  LiSEUX,  t.  I,  p.  122.  —  Nicolas  de  Troyes  : 
Le  (jrand  Parangon  des  nouvelles,  nov.  XXIV.  —  Beroald  de 
Vbrvili.e,  Moyen  de  parvenir  GVI  :  Conte  de  la  bouteille  d'osier. 
Edit.  Garnier,  p.  382. 

1.  Conlentio  duarum  meretricum  de  tella  linea.  Opéra  LXXVIII. 
—  XoEL  1,85.  —  Guillaume  Tardif  :  LU,  p.  148.—  Liseox 
XLXVIII,  t.  I,  p.  123. 


lOG  LES    FACÉTIES    DE    l'OOGE 

plus  jolie  et  s'offrit  encore  la  seconde,  pour  qu'elle 
ne  crut  pas  qu'il  la  dédaignait  et  surtout  pour 
l'engager  à  revenir  avec  sa  compagne .  <juand 
elles  le  quittèrent,  il  leur  fit  présent  d'une  pièce 
de  toile  entière,  sans  spécifier  quelle  portion 
revenait  à  chacune.  Arrivées  dans  leur  cham- 
bre, au  moment  de  partager,  la  dispute  surgit. 
L'une  voulait  avoir  les  deux  tiers  de  la  toile, 
puisqu'elle  avait  travaillé  double  ;  l'autre  pré- 
tendait que  c'était  pour  elles  deux  et  que 
chacune  devait  en  avoir  la  moitié.  Si  Tune 
avait  besoigné  double,  l'autre  prétendait  avoir  eu 
à  cause  de  cela  double  peine.  En  faisant  ainsi 
valoir  chacune  leurs  raisons,  des  paroles  elles  en 
vinrent  aux  coups,  se  griffèrent  et  se  prirent  aux 
cheveux.  Les  voisins,  puis  les  maris  accoururent, 
ignorant  le  motif  de  la  dispute,  chaque  femme 
prétendant  que  c'était  Lautre  qui  avait  commencé. 
Les  maris,  prenant  fait  et  cause  pour  leur  femme, 
à  leur  tour  se  battirent  à  coups  de  pierres  et  de 
bâton,  jusqu'à  ce  (|ue  la  foule  les  sépara.  Chacun 
deux,  enfermé  actuellement  dans  samaison,  sans 
même  connaître  l'objet  de  la  querelle  des  femmes, 
a  pour  son  adversaire  une  vendetta  profonde, 
comme  on  en  a  à  Rome.  Pendant  ce  temps, 
la  pièce  de  toile  est  toujours  intacte  entre  les 
mains  d'un  tiers,  et  les  deux  femmes  cherchent 
en  cachette  à  s'entendre  pour  partager.  On 
demande  un  docteur  pour  trancher  cette  question 
de  droit. 


{ 


LKS    FACETIES    I>E    l'0(i(iK  107 

En  ce  chapitre  est  monstre  que  des  faillies  qui  souvent 
advient  des  procès,  c'est  de  ce  que  les  deux  parties  liti- 
gieuses et  adverses  ne  veullent  réellement  dire,  no  décla- 
rer la  cause  de  leur  litige  et  controversée  par  laquelle  on 
les  pourroit  bien  facilement  mettre  daocord  et  hors  de 
de  toute  inimitié  ou  controverse,  mars  tout  aiusi  que  les 
deux  femmes,  qui  ne  vouloyent  dire  pourquoy  le  desbat 
estoit  meu,  se  taisent  et  pour  tout  n'y  a  ni  saige  juge  qui 
en  saiche  que  déterminer. 


LXXIX 

Le  coq  et  le  renard  1. 

Un  renard,  pressé  par  la  faim,  cherchait  un 
stratagème  pour  s'emparer  de  quelques  poules, 
réfugiées  à   la  suite  d'un  coq,  au  sommet  d'un 


1.  Bc  gallo  et  vulpe.  Opéra  LXXIX.  —  Guillaume  Tardif  :  La 
fable  d'un  Coq  et  d'un  Regnard,  LIH,  p.  151.  —  Ristelhuber 
XL,  p.  ôO.  —  LiSEux,  t.  I,  p.  125.  —  Origine  ;  —  ^P]sope, 
3ti.  88.  —  Marie  de   France,   52  :    Le  Renard  et  les  Pigeons. 

—  hnitations  :  —  Pulci  :  Il  Morgante,  .,  C,  IX,  st.  20.  — 
Steinhovel  :  Yerdeutschung  der  fabeîn  Esops..,  24.  —  Ysopo, 
Burgos  149G,  —  Esopus,  Delft  1498,  —  Faerne,  89.  —  Hau- 
DKNT,    36(>.   —   Àpohtgites  de  Esope   en    rithme  françoise,  p.   36. 

—  GuÉROULT  :  Emblèmes,  p.  2. —  Guicciardini  :  Corne  beiie 
ri)i\angono  larolla  alla  tvappola  gli  aslitti.  — Verdizotti  25. — 
Pavesio,  3i.  —  HÉGEMpN  :  I.a  Colomhière,  li.  —  Walch  :  Deca^ 
fabulantm.  4.  —  La  Fontaine,  1.  II,  fab.  15  :  Benseradb  : 
Œuvres,  77.  —  Dryden  :  dans  Le  Spectateur,  t.  VI,  p.  302.  — 
Leheau  :  Carmina  et  orationes,  1,  13.  —  Florian,  1.  IV,  fab.  2. 
Gadet-Gassicol'rt;  Irad.  dans  «  Recherches  sur  quelques  fables 
de  La  Fontaine  »,  Vrillées  des  Muses,  2  années,  n"  IX.  Frimaire 
an  VIII,  p.  217. 


108  LES    F.UIÉTIES    DE    l'OGGE 

arbre  élevé.  S'étant  approché,  le  renard  salua  poli- 
ment :  —  «  Que  fais-tu  là-haut  ?  dit-il  au  coq  ;  tu 
ignores  donc  la  bonne  nouvelle  qui  est  arrivée?  » 
—  «  Absolument,  répondit  celui-ci  ;  dis-nous  la 
donc.  ))  —  «  Je  viens  exprès  pour  t'en  faire  part, 
et  afin  qu'elle  soit  pour  toi  un  sujet  de  joie.  Tous 
les  animaux  ont  tenu  un  grand  conseil  et  juré  entre 
eux  une  paix  éternelle.  Il  faut  bannir  toute  crainte; 
aucun  animal  ne  peut  être  traqué  ni  molesté  par 
un  autre,  la  paix  et  la  concorde  doivent  régner 
entre  eux;  chacun  peut  aller  sans  défiance  où  il 
lui  plaît,  même  seul.  Descendez  et  nous  fêterons 
ensemble  ce  beau  jour.  »  Le  coq  devina  la  ruse 
du  renard  :  —  «  C'est  là  une  bonne  nouvelle  qui 
m'est  fort  agréable,  et  tout  en  disant  cela,  il 
regardait  de  côté  et  d'autre  en  se  dressant  sur  ses 
ergots.  —  «  Mais  que  regardes-tu  ainsi  »,  dit  le  re- 
nard. —  «  Deux  chiens  qui  viennent  de  ce  côté  au 
grand  galop  et  la  gueule  ouverte.  »  Tout  trem- 
blant, le  renard  s'écrie  :  —  «  Dieu!  il  faut  que 
je  me  sauve  avant  leur  arrivée.  »  —  «  Mais 
pourquoi  fuir,  tu  n'as  rien  à  redouter,  puisque 
la  paix  est  faite.  »  —  «  Je  crains,  reprit  le  renard, 
que  peut-être  ces  chiens  n'aient  pas  eu  connais- 
sance du  traité.  »  Ainsi  ce  fut  par  ruse  que  la  ruse 
fut  déjouée. 

En  ceste  Fable  sont  reprins  les  traistres  f[ui  par  blan- 
derncns  de  ficlives  parolles  déçoyvent  aultruy,  ainsi  que 
le  Regnard  cuydoit  décepvoir  et  trahir  les  poulies  pour 
leur  dire  que  paix  perpétuelle  estoil  ordonnée  entre  les 


LF,S    F.VCKTIES    1>E    I><i(;(il-:  109 

besles  :  mais  voulentiers  telz  trompeurs  sont  mocquez  par 
leur  mucquerie  mesmes,  ainsi  que  l'on  dit  communé- 
ment : 

Tromperie  est  de  tel  estre 

Que  (lui  trompe  trompé  doit  estre, 

ainsi  que  le  Regnard  fut  trompé  du  Coq,  qui  luy  donna  à 
entendre  que  deux  grans  chiens  venoyent  vers  luy  la 
gueulle  bée,  parquoy  il  eut  si  très  grant  paour  qu'il  s'en- 
fuit. 


LXXX 

Propos  ironique.  '. 

Un  homme,  libre  dans  ses  paroles,  ayant  eu 
l'audace  de  tenir  dans  le  palais  pontifical  des  pro- 
pos inconsidérés,  en  les  accompagnant  de  grands 
gestes  :  — «  Que  dis-tu  donc?  s'écria  un  de  ses 
amis,  tu  as  lair  d'un  fou.  »  —  "  Gela  ferait  bien 
mon  affaire,  répondit-il;  je  nai  pas  d'autre  moyen 
de  conquérir  les  bonnes  grâces  de  nos  gou- 
vernants ;  car  c'est  actuellement  le  règne  des 
sols;  eux  seuls,  ont  le  maniement  de  toutes  les 
atl'aires.    « 


1.  Faccluin  dictnm.  Opéra   LXX.X.  —  Noël   II,  8(1.  —  Liseux, 
t.  I.  p.  1-27. 


110  LES    FACETIES    DE    l>OG(iE 


LXXXI 

Entre  un  Floi-entin  et  un    Vénitien 
à  propos  de  la  paix  K 

La  paix  avait  été  conclue  pour  dix  ans  entre  les 
Vénitiens  et  le  duc  de  Milan.  -  Dans  cet  inter- 
valle, eut  lieu  la  première  guerre  entre  les  Flo- 
rentins et  ce  duc.  3  Les  afTaires  des  Florentins 
périclitaient,  lorsque  les  Vénitiens,  au  mépris  de 
leur  traité,  attaquèrent  le  duc,  qui  ne  se  méfiait 
pas  d'eux,  et  occupèrent  Brescia,  dans  la  crainte 
que  le  duc  victorieux  ne  tournât  contre  eux  toutes 
ses  forces.  Peu  après,  un  Florentin  et  un  Véni- 
tien s'entretenaient  de  ces  événements.  —  «  Vous 
nous  devez  la  liberté,  disait  le  Vénitien  ;  c'est  grâce 
à  notre  coopération  que  vous  l'avez  obtenue.  »  — 
«  En  aucune  manière,  »  répondit  le  Florentin, 
pour  rabattre  la  jactance  de  son  interlocuteur; 
«  Vous  ne  nous  avez  pas  faits  libres,  mais  nous, 
nous  avons  fait  de  vous  des  traîtres.  » 


1.  Disceptalio  inter  Florciiiinum  et  Venctnm.  Opéra  LXXXI.  — 
Lenfant  XXIII,  p.  1U4.  —  Noël  II,  81.  —  Ristelhuber  XLI,  60. 
—  LisEux,  t.  I,  p.  1-28.  —  Lenfant,  t.  II,  XXIII,  p.  11)4. 

2.  Philippe  Marie  Visconti,  second  fils  de  Jean  Galras,  né 
en  131)1,  mort  en  liiT.  Avec  lui  finit  la  souveraineté  de  la  mai- 
son Visconti.  [R) 

3.  En  li-23. 


LES    FACETIES    DE    l'iM.iiE  lU 

LXXXII 

Comparaison   faite  par  Antonio  Lnsco  i. 

Ciriaco,  citoyen  d'Ancône,  -,  grand  parleur, 
insupportable  bavard,  déplorait  un  jour,  en  notre 
présence,  la  chute  et  la  destruction  de  l'empire 
romain,  se  montrant  on  ne  peut  plus  affligé  de 
cet  événement.  Antonio  Lusco.  docte  personnage, 
qui  était  présent,  ne  put  s'empêcher  de  rire  de  la 
sotte  affliction  de  cet  homme.  —  <<  Ciriaco,  dit-il, 
me  remet  en  mémoire  un  habitant  de  Milan,  qui, 
un  jour  de  fête,  écoutant  un  de  ces  chanteurs, 
dont  le  métier  consiste  à  réciter  aux  badauds, 
dans  les  rues,  les  exploits  des  paladins,  en  enten- 
dant célébrer  la  mort  de  Roland,  c[ui  succomba, 
il  y  a  environ  sept  cents  ans,  sur  le  champ  de 
bataille,  se  mit  à  fondre  en  larmes.   Rentré  chez 


1.  Comparalio  Anlonii  Lusci.  Opéra  LXXXII.  —  Noël  II,  84-86. 

—  LeNFAXT,    t.   II.    XXIY,    p.    liji.  —   Rl«TELHUBER    XLII,    61.   — 

LiSEUXj  t.  I.  p.  160.  —  Voir  aux  appendices,  la  pièce  intitulée  : 
Ijirmcs  sur  la  mort  de  Pin  lare. 

i.  Ciriaco,  né  à  AncoQs  vers  1303,  commença  dès  l'âge  de  neuf 
ans  à  montrer  pour  les  voyages  une  passion  dont  il  fut  pénétré 
tinte  sa  vie.  Il  passa  trois  t'ois  en  Orient,  revint  en  Italie   et 

ourut  vers  la  tin  du  xv' siècle.  Il  était  l'ami  du  pape  Eugène  IV. 
-  lU  voyage  d'Orient  fut  mis  au  jour  en  16G4  à  Rome  par  Moro- 

i;  son  Itinéraire,  ou  relation  de  son  voyage  en  Italie  pour  en 
tiidier  les  antiquités,  a  été  imprimé  à  Florence  en  1742,  par 
l'abbé  Mebus;  enfin,  d'autres  fragments  sur  les  antiquités  d'Ita- 
lie ont  encore  paru  en  1763  à  Pesaro,  avec  des  notes  d'Anibal 
digli  Abati  Olivier!  (Rj. 


11::^  LES    FAGÉÏILS   DE    l'0(iG£ 

lui.  triste  et  abattu,  sa  femme  lui  demanda  s'il 
avait  été  victime  de  quelque  accident:  —  «  Hélas! 
s'écria-t-il,  ma  femme,  je  suis  mort.  »  —  «  Que 
t'est-il  donc  arrivé,  mon  mari?  Remets-toi  et  viens 
diner  )>.  Mais  le  mari  continuait  à  gémir  et  ne  vou- 
lait prendre  aucune  nourriture.  Sur  les  instances 
réitérées  de  sa  femme,  qui  le  suppliait  de  lui  dire 
la  cause  d'une  si  grande  douleur,  il  lui  dit  :  — 
«  Tu  ne  connais  donc  pas  la  nouvelle  que  je  viens 
d'apprendre  à  l'instant?  »  —  «  Laquelle,  mon 
ami?  »  —  «  Roland  est  mort,  lui,  le  seul  défen- 
seur de  la  Chrétienté.  »  Après  avoir  calmé  la 
douleur  stupide  de  son  mari,  la  femme  eut  beau- 
coup de  peine  à  le  faire  mettre  à  table. 


LXXXIII 

Du    chanteur   qui   annonça    quil    déclamerait 
la  «   Mort  d'Hector  »   '. 

Un  des  assistants  raconta  ensuite  un  autre  trait 
de  semblable  insanité.  — «  In  de  mes  voisins,  dit- 
il,  homme  simple,  entendit  un  de  ces  mêmes  rap- 
sodes annoncer  à  la  fin  d'une  de  ses  séances,  afin 
d'allécher  le  public,  que  le  lendemain  il  décla- 
merait la    Mort   d'Hector.    Notre    homme    alors 


1.  Ui'  caiilore  qui  piirdixil  se  «  Mortein  IJvcloris  »  rccitalunnn. 
Opéra  LXXXIII.  —  Noël  II,  87.  —  Lenfant,  t.  II,  XXV,  190.  — 
LiSEux,  t.  I,  ]).  132. 


I.F.S    FACKTIKS    DK    l'fXitiK  113 

s'empresse  cr<»l)tenir,  à  prix  d'argent,  qu'Hector, 
brave  guerrier,  ne  serait  pas  si  tôt  mis  à  mort.  Le 
récit  fut  donc  remis  au  jour  suivant.  La  dupe 
paya  de  nouveau,  paya  encore,  afin  de  prolon- 
ger la  vie  du  héros.  Enfin,  l'argent  étant  venu 
à  manquer,  il  dut  se  résignera  entendre  raconter 
la  mort  du  guerrier,  et  pendant  le  récit  il  versa 
d'abondantes  larmes,  en  donnant  des  marques 
d'une  profonde  douleur. 


LXXXIV 

De  la  femme  qui  fît  celle  qui  est  cV  moitié 
morte  '. 

Un  bonhomme  de  S  arda,  village  de  nos  mon- 
tagnes, surprit  sa  femme  en  flagrant  délit  avec  un 
voisin.  Aussitôt  celle-ci  fit  mine  de  s'évanouir  et 
se  laissa  choir  à  terre,  comme  si  elle  était  morte. 
Le  mari  s'approche,  croit  que  sa  femme  est 
morte,  et,  tout  en  larmes,  se  met  à  la  frictionner. 
Olle-ci,  comme  reprenant  ses  sens,  entr'ouvre 
peu  à  peu  les  yeux.  Son  mari  lui  demande 
alors  ce  qui  lui  était  arrivé,  elle  lui  dit  qu'elle 
avait  été  frappée  de  frayeur  ;  or,  comme  pour  la 
rassurer,  l'imbécile  lui  promettait  tout  ce  qu'elle 
désirerait  ou  ordonnerait  :  —  «  Je  veux,  dit-elle, 

1 .   De  iiiullicrc  quir  ne  rirn itemiinorliiain  oslendit. Opéra  LXXXI \'. 
—  XoEL  I.  86.  —  LisEux  LXXXIV,  t.  I,  p.  13.3, 


[[.{  LES    FACETIES    DE    l'OGGE 

que  tu  jures  ((ue  lu  u'as  rieu  vu.  »  Aussitôt  qu'il 
eût  juré,  la  femme  contrefit  celle  qui  revient  à 
la  santé. 


LXXXV 

Bonne  plaisanterie  iViin  chevalier  flx^rentin  ^. 

Hosso  de  Ricci,  chevalier  florentin,  homme  très 
courageux  et  austère,  avait  une  femme  vieille  et  fort 
peu  jolie,  nommée  Telda.  Il  jeta  les  yeux  sur  une 
servante  de  la  maison  et,  comme  il  l'importunait 
très  fréquemment,  celle-ci  crut  devoir  en  infor- 
mer sa  maiiresse.  Telda  conseilla  alors  à  cette  fdle 
d'accéder  au  désir  de  Rosso,  et  de  lui  donner  ren- 
dez-vous dans  un  endroit  obscur,  où  elle  irait, 
elle,  Telda,  en  son  lieu  et  place.  Rosso  vint;  en  ettet, 
caressa  longuement  sa  femme,  qu'il  prenait  pour 
la  servante;  mais,  pris  tout  à  coup  de  défaillance, 
il  ne  put  rien  faire.  —  «  Ah!  chevalier  de  merde! 
s'écria  la  femme,  si  c'eut  été  la  chambrière,  tu 
n'aurais  pas  raté  ton  coup.  »  Le  chevalier  répli- 
qua :  —  «  Oh!  Telda,  ma  mie,  pardieu!  ce  com- 
pagnon-là a  bien  plus  de  nez  que  moi.  Car,  si  j'ai 
pu  te  prendre  pour  la  chambrière,  il  ne  s'est  pas 


1.  Faccla  jocnlio  milili!;  florentiiti.  Opéra  LXXXV.  —  Xoel  I, 
S.S;  Jl.  8S-!)n.  —  (?iuii,LAU.MB  Tardif,  1.  LVII  :  D'un;,'-  chevalier 
rifii-enlin  qui  cuidait  tenir  sa  chambrière  el  il  tciioit  sa  l'ininie, 
LUI,  p.  15.').  —  LiSEUX,  t.  I.  ]).  13'i.  —  X.  Vinia  Diualiir,  fabella  : 
citée  dans  Milet,  t.  H.  p.  SS. 


LES    FAC.KTIES    DE    POt.flE  115 

trompé,  lui.  Dès  qu'il  a  senti  ta  sale  charog-ne,  il 
est  rentré  chez  moi  ù  reculons.  » 

En  ceste  Facécie  est  réprouvé  le  vice  de  ceulx  qui 
veulent  honnir  leur  maison  ainsi  que  RolTus,  qui  eust  esté 
content  d'avoir  violée  en  sa  maison  une  bonne  preude 
fille,  ce  que  jamais  homme  de  bien  ne  doit  faire,  mais  la 
doit  delTendre  et  garder.  D'aullre  part  y  est  monstre  une 
belle  condition  que  doyvent  avoir  tous  loyaulx  serviteurs, 
c'est  de  jamais  ne  vouloir  faire  deshonneur  en  la  maison 
de  leur  maître,  non  plus  que  la  bonne  chambrière  de  RofTus 
qui.  pour  supplications,  admonestemens  de  dons  ou  pro- 
messes, oncques  ne  voulut  consentir  à  la  volenté  de  son 
maîstre  qui  la  requeroit  de  deshonneur  1 . 


LXXXVI 

Du  chevalier  qui  avait  une  femme  trop 
bavarde  -. 

Un  gentilhomme  de  Florence,  appartenant  à  la 
haute  noblesse,  avait  une  femme  très  méchante 


1.  «  La  bonne  vieille  édentée  se  trompait  fort,  de  croire  qu'à 
cause  que  la  nuit  tous  les  chats  sont  Çiris.  ils  soient  aussi  égale- 
ment aimaljles.  Al)us:  certaine  chose  met  de  la  difitërence  entre 
chair  et  chair.  Quand  on  vient  à  prendre  une  place,  quelque 
t'avurable  que  soit  la  capitulation,  il  est  impossible  de  profiter 
de  sa  conquête,  si  la  place  est  démantelée.  En  fait  de  prise,  le 
plus  irrand  profit  qui  revienne  au  conquérant,  c'est  le  bon  état 
des  fortifications;  dès  qu'elles  sont  ruinées,  la  place  est  une 
bicoque  à  charge.  (Ri'(lexio)i  de  l'édition  d'Amsterdam). 

"2.  De  milite  qui  iixorcm  habebat  liliqiosam.  Opéra  LXXXVI.  — 
XoEL  I,  .s8.  —  Le.\f.\nt,  t.  II,  XXVI,  p.  190.  —  RistelhuberXLIII, 
p.  Iii3.  —  Li?EL-x.  t.  I.  p.  1.36. 


116  LES  F.VCKTJES  DE  l'OCGE 

et  surtout  fort  babilJarde.  Elle  allait  chaque  jour 
se  confesser  à  un  leligieux,  ou,  comme  on  dit 
ordinairement,  à  son  Directeur,  et  lui  révélait  les 
méfaits  et  les  défauts  de  son  mari.  Le  confesseui- 
n'épargnait  en  conséquence  au  chevalier  ni  ses  ob- 
servations, ni  ses  ré[)rimandes.  Un  jour,  la  femme 
ayant  demandé  au  prèire  de  mettre  la  j)aix  dans 
son  ménage,  celui-ci  engagea  le  mari  à  venir  se 
confesser  à  lui,  moyen  assuré  de  rétablir  l'har- 
monie et  la  concorde  entre  les  époux.  Le  gen- 
tilhomme consentit,  mais  lorsque  le  religieux 
l'invita  à  commencer  l'aveu  de  ses  fautes  :  —  «  Ce 
n'est  vraiment  pas  la  peine,  dit  le  pénitent,  car 
ma  femme  vous  a  souvent  raconté  toutes  les  fautes 
que  j'ai  pu  commettre  et  bien  d'autres  encore  '.  » 


LXXXVll 

D^ un  charlatan  qui  soignait   les  ânes  '-. 

Il  y  avait  autrefois  à  Florence,  un  homme  auda- 
cieux et  roublard,  qui  n'exerçait  aucun  métier. 
Ayant  lu,  dans  un  livre  de  médecine,  le  nom  et 

1.     Rien  ne  pèse  tant  qu'un  secret; 

Le  porter  loin  est  difficile  aux  dames, 

Et  je  sais  même  sur  ce  fait 
Bon  nombre  d'hommes  qui  sont  des  femmes. 

(La  Fontaine,  fab.  I,  VIII,  fi.) 

2.   De  Irnierario  qui  nsinos  curahnl.  Opéra  LXXXV'Il.  —  (iuii.- 
LAU.ME  Tardif  :  De  celluy  qui  contrefaisoit  le  Mfdecin  et  don- 


LES    F.VCKTIES    DE    l'otWiE 


l'efficacité  de  certaines  i)ilules  ré[)ulées  infailliljles 
clans  toutes  sortes  de  maladies,  cet  homme  pré- 
somptueux [lensa  qu'avec  ces  seules  pilules  on 
pouvait  se  passer  de  médecin.  Après  donc  en 
avoir  fabriqué  une  grande  quantité,  il  laissa  la 
ville  et  parcourut  les  villages  et  les  fermes  en 
se  faisant  passer  pour  médecin.  Il  administrait 
ses  pilules  à  tort  et  à  travers,  pour  toutes  les 
maladies  indifféremment  ;  par  hasard,  elles  ren- 
dirent la  santé  à  quelques  personnes.  La  renom- 
mée ayant  grandi  cet  ignorant  parmi  les  gens 
simples,  un  homme  qui  avait  i)erdu  son  âne, 
vint  lui  demander  s'il  ne  connaissait  pas  un 
remède  pour  faire  retrouver  les  baudets.  L'em- 
pirique répondit  affirmativement  et  recommanda 
au  [)aysan  d'avaler  six  de  ses  [)ilules.  Celui- 
ci  les  prit  et  se  retira.  Le  lendemain,  pendant 
qu'il  cherchait  sa  bête,  le  remède  fît  effet.  Forcé 
de  se  retirer  dans  un  endroit  marécageux  où 
il  y  avait  des  roseaux,  notre  homme  aperçut  son 
âne  qui  paissait  par  là.  Transporté  d'admiration, 
il  [)orta  aux  nues  la  science  et  les  pilules  du  pré- 
tendu docteur,  et  de  toutes  parts,  comme  vers  un 

nait  des  pilules  pour  troiiver  les  asnes  perdus,  LV,  p.  IGlK  — • 
XoEL  I,  NT;  11,  91-95.  —  Ristelhuiser  XLIV,  p.  (ii.  —  Liseux 
LXXXVIl.  p.  137.  —  Lenfant,  t.  II,  XXVII,  p.  196. 

Cent  nouvelles,  nouv.  70  :  L'asne  reirouré.  Edit.  Garnler, 
p.  339.  —  Bon.  des  Periers,  nouv.  XCIV  :  Du  pauvre  homme  de 
village  qui  trouva  son  ;"ine.  —  Bouchet  Sééres;  sévée  X.  — M.\les- 
piNi,  I,  nouv.  81  :  Di  un  inedko  che  rimnava  lutte  le  infermità 
cou  iina  sola  sorte  de  cUstcvi.  —  De  Théis  :  Le  Sinçje  de  La  Fou- 
lame,  p.  06,  !■■    partie:  L'Ane  retrouvé. 


H8  i-ES  f\(;f;ties  de  pogue 

nouvel  Esculape,  les  iens  de  la  campa,i:'ae  accou- 
rurent vers  celui  qui  avait  des  remèdes,  môme 
pour  faire  retrouver  les  ânes. 

En  ceste  Facécie  est  monstre  comme  plusieurs,  des- 
soubz  l'ayde  de  Fortune,  acquièrent  bon  bruyt  sans 
l'avoir  desservy  et  même  par  le  bruit  que  les  ruslicques 
leurs  donnent,  et  qui  présument  de  eulx  choses  impos- 
sibles, ainsi  comme  ce  fol  qui  se  disoit  médecin  et  rien 
n'y  sçavoit.  Les  fols  et  incongnoissans  y  couroyent  pour 
tant  que  ils  euidoyent  que  il  fist  choses  impossil)les,  à 
l'occasion  de  ce  qu'il  donna  des  pilules  au  bon  homme 
i|ui,  en  allant  au  retraict,  trouva  son  asne,  lequel  aussi 
bien  eust  il  trouvé  quant  il  y  fust  allé  sans  manger  des 
pilules,  mais  néanmoins  creut  il  que  les  pilules  luy 
eussent  faict  retrouver. 


LXXXMII 

Réponse  de  Pierre  de  EgJiis  '. 

Dans  une  émeute,  les  citoyens  de  Florence 
s  étaient  armés  les  uns  contre  les  autres  et  se 
batlaient  pour  changer  la  forme  du  gouverne- 
ment; un  des  chefs  venait  d'être  tué  par  ses 
adversaires  au  milieu  de  l'efFervesccnce  ,:;énérale. 
Un  spectateur  éloigné  voyant  les  épées  nues,  les 
liommes  courant  çà  et  là,  demanda  à  ses  voisins 
e  que  cela  signifiait  : —  «  On  se  partage  là-bas  les 


1.  ComiKuado  Pétri  de  Efiliù.  Opcra  LXXXMII.  —  Xoel  I,  ilO. 
—  LisEUx,  t.  I,  p.  13!). 


LES    F.Vr.ÉTIKS    DE    l'ôdGE  119 

magistratures  et  les  charges  de  la  cité  »,  répondit 
l'un  d'entre  eux,  nouiiné  Pietro  do  Eghis.  —  «  Je 
ne  désire  point,  répliqua  le  questionneur,  de 
choses  qui  coûtent  si  cher  !  »  et  sur-le-champ  il  se 
l'etira. 


LXXXÏX 

D'un  rebouteur  '. 

Plusieurs  de  mes  collègues,  tous  g'ens  de  gais 
propos,  étant  venus  souper  avec  moi,  ce  fut  tout 
le  temps  du  repas  un  feu  roulant  de  plaisanteries.-? 
L'un  deux  nous  conta  plaisamment  cette  histoire  : 
—  "  Un  nommé  Cecchino,  médecin  à  Arezzo.  fut 
appelé  près  d'une  charmante  jeune  fdle  qui  s'était 
déboité  le  genou  en  dansant.  Pour  le  remettre,  il 
fut  obligé  de  manier  longuement  la  jambe  et  la 
cuisse  de  la  jeune  fille  ;  or  comme  la  peau  était 
blanche  et  douce,  cela  produisit  chez  lui  un  certain 
eil'et  dont  il  fut  fort  gêné.  Quand  le  membre  fut 
redressé,  il  poussa  un  soupir  de  satisfaction,  puis 
lorsque  la  patiente  s'enquit  ce  qui  lui  était  dû 
pour  ses  soins,  le  médecin  lui  répondit  qu'elle  ne 
lui  devait  rien.  —  Celle-ci  demanda  pourquoi  :  — 
«  Nous  sommes  quittes,  lui  dit-il,  car  nous  nous 
sommes  rendu  le  même  service  l'un  à  l'autre.  » 


1.  Be  mcdico.  Opéra  LXXXIX.  —  Xoel  L  01  ;  II,  95.  —  Guil- 
laume Tardif  :  D'unir  médecin  qui  redresse  la  jambe  à  une  ti-ès- 
belle  jeune  fille,  LVÏ,   p.   IGi.  —  Liseux  LXXXIX,  t.  I,  p.  liO. 


120  LES    FACETIES    DE    l'OGGE 

En  ceste  Facecie  sont  réprouvés  les  serviteurs  avari- 
cieulx  qui  jamais  ne  se  tiennent  contens  de  sallaire  qu'on 
leur  baille,  mais  murmurent  toujours  et  désirent  avoir 
plus  que  ils  n'ont  gagné.  Ceulx  ne  font  pas  comme  le 
Médecin  qui  ne  demanda  rien  à  la  fille  pour  liiy  avoir  re- 
dressé son  membre  et  se  tint  content  d'elle  pour  ce  que 
en  luy  maniant  la  cuisse,  elle  luy  avait  le  sien  dressé  et 
ainsi  fut  mérite  pour  mérite  '. 


xc 

Plaisanterie  sur  un  cavalier  vénitien  qui  ne 
reconnaissait  pas  son   clieval  '-. 

Quelques  doctes  personnages  discourant  sur  la 
bêlise  et  la  stupidité  d'un  grand  nombre  de  gens, 
Antonio  Lusco,  homme  pétri  d'esprit,  raconia 
qu'un  jour,  allant  de  Romeà  Vicence,  il  avait  pris 
pour  compagnon  de  route  un  Vénitien  qui  lui 
parut  n'être  monté  que  très  rarement  à  cheval.  A 


1.  Le  bon  Esculape  était  un  sot, do  ne  pas  deir.ander  à  la  fille 
une  gucrison  plus  complète.  Un  bienfait  en  demande  un  autre; 
la  fille  l'aurait  servi  de  tout  son  cœur.  Ne  sait-on  pas  que  la 
reconnaissance  a  de  tout  temps  été  la  vertu  ravorite  des  dames. 
Elles  la  possèdent  depuis  la  naissance  de  l'univers.  On  dit 
qu'Eve  n'avait  j)êché  que  par  trop  de  reconuaissance  et  pour 
remercier  Messire  Lucifer  de  l'avoir  servie  à  propos.  (iî(>/?M(0/( 
de  l'édition  d'Amsterdam). 

2.  Jocatio  citjrisdam  Vmicli  (jui  ciikkiii  siium  non  cognoieval. 
Opéra  XC.  —  Guillaume  Tardif:  LVIl,  j).  160.  —  Noël  1,  Wl; 
II,  95.  —  Lenp.\nt,  XXVIII,  p.  1!j7.  —  Risthliiuber  XLV,  p.  fid 
—  LiSEUx,  t.  I,  p.  141.  —  15oNAVic.\TURE  DES  PÉRiERS  :  Nouvcllvs  : 


LES    FACKTIES    DE    l'OiUiE  121 

Sienne,  ils  descendirent  dans  une  hôtellerie  où  se 
trouvaient  également  beaucoup  d'autres  voya- 
geurs avec  leurs  montures.  Le  matin,  pendant 
que  chacun  se  préparait  au  départ,  notre  Véni- 
tien se  tenait  seul  près  de  la  porle,  immobile  et 
tout  botté.  Lusco.  surpris  du  flegme  et  de  la  pla- 
cidité de  son  compagnon,  qui  restait  tranquille 
tandis  que  presque  tous  étaient  déjà  en  selle,  lui 
dit  de  montera  cheval  s'il  voulait  partir  avec  lui  et 
s'informa  de  ce  qu'il  attendait  :  —  «  Certes  je  vou- 
drais bien  partir  avec  vous,  dit  le  Vénitien,  mais 
au  milieu  de  ces  chevaux,  je  ne  distingue  pas  le 
mien.  J'attends  que  chaque  voyag-eur  ait  monté 
le  sien  et,  comme  cela,  je  reconnaîtrai  j»our 
mien  celui  qui  sera  resté  à  l'écurie.  »  Lusco, 
voyant  la  sottise  de  ce  lourdaud,  de  cette  bûche, 
retarda  un  peu  son  départ  afin  de  lui  donner  le 
temps  nécessaire  de  prendre  comme  sien  l'unique 
cheval  resté  le  dernier  à  l'écurie. 

En  ceste  Facécie  sont  farcéz  les  paresseux  et  négli- 
gens  que  par  leur  meschanceté  et  négligence  descon- 
gnoissent  parniy  les  diligens  ce  qui  leur  est  utille  et  atten- 
dent à  prendre  leur  part  que  tous  les  aultres  ayent  [irins. 


De  niaistre  Arnaud,  qui  emmena  la  haquenée  d'un  italien  en 
Lorraine  et  la  vendit  au  bout  de  neuf  mois.  Nouv.  XXIV. 
Edit.  (larnier,  p.  83.  —  le  Chasse-oiiiny.  cent.  IV,  31.  —  «  Les 
habitants  amphibies  de  Venise  ne  passaient  pas  à  Rome  pour 
habiles  écuyers.  «  Murano  renferme  une  curiosité  qu'on  nous 
fit  voir  avec  un  certain  orgueil,  un  cheval,  animal  plus  chimé- 
rique à  Venise  que  la  licorne.  le  irfiffon,  les  coquecigrues,  les 
boucs  volants  et  les  cauchemars.  Richard  111  y  crierait  en 
vain  :  Mon  royaume  pour  un  cheval.  (Th.  (iACTiKR,  Italia  !S.')5.) 


122  LES    F.Vf.KTIKS    DE    l'OIWiE 

dont  aulcunes  foys  il  advient  qu'ils  sont  très  mal  partis  ; 
ceuix  sont  seniblaltles  au  sot  Vénicien,  qui  attendoit  que 
tous  eussent  prins  leurs  chevaulx  pour  congnoistre  le 
sien. 


XCI 

Pfopos  de  Carlo  de  Bologne  '. 

Lorsqu'on  veut  témoigner  du  mépris  à  quel- 
qu'un, on  lui  dit  communément  :  Je  te  laisserais 
cent  fois  par  jour  au  cabaret  pour  Vécot.  Un 
individu  qui  se  disputait  avec  Bajello,  de  Bologne, 
lui  jeta,  dans  une  réunion,  celte  phrase  à  la  tête. 
Il  croyait  ainsi,  faire  valoir  ses  qualités  et  dé- 
précier Bajello.  Mais  ce  dernier,  prompt  à  la 
riposte  répliqua  :  —  «  Je  te  l'accorde  très  facile- 
ment, car  on  est  toujours  prêt  à  accepter 
en  gage  les  objets  précieux,  ceux  qui  ont  de  la 
valeur.  Mais  toi,  insigne  coquin,  tu  es  si  vil,  tu 
vaux  si  peu,  qu'on  aurait  beau  te  promener  dans 
tous  les  cabarets,  tous  les  bouges,  personne  ne  te 
prendrait  en  gage,  pas  même  pour  un  écu.  » 
Cela  dit,  les  rieurs  furent  du  coté  de  Bajello,  qui 
battit  ainsi  le  mauvais  plaisant  avec  ses  propres 
armes. 

1.  Diclum  Caroli  Boiioiiiettsis.  Opéra  XCI.  —  Nokl  I,  it3;  II,  97. 

—  LiSEUxI,  p.  1  'i3.  —  Roçicr  Bontcmps  cii  hellr  humeur  :  Réplique 
joyouse  et  plaisante,  p.  'il8.  —  Le  Facrlieu.r  Rrreit  Malin,  p.  319. 

—  LÎARATOx  :  Poésies  :  Les  Marchands. —  Coiili  dn  vidcre,  t.  Il, 
p.  173. 


LES    FACÉTIES    DK    l'0(;(,E  123 

XCII 

Le  \'ieil  usurier  et  son  ami  '. 

Aux  exhortations  cFun  ami  qui  le  pressait  d'aban- 
donner son  métier  pour  penser  au  salut  de  son  àme 
et  prendre  un  peu  de  repos,  s'efForçant  ainsi  de  le 
persuader  qu'il  ferait  sagement  de  s'atFranchir  de 
tant  d'inquiétudes  et  de  rompre  avec  sa  vie  indigne, 
un  vieil  usurier  répondit  :  —  «  Conformément  à 
ton  désir,  je  renoncerai  à  ma  profession  ;  mes 
créances  rentrent  si  mal  qu'il  me  faudrait,  dans 
un  avenir  prochain,  de  gré  ou  de  force,  fermer 
boutique.  »  Ainsi,  il  renonçait  à  l'usure,  non  par 
conscience  de  l'infamie  qui  en  résulte,  mais  par 
crainte  de  perdre  ce  qu'il  avait  gagné. 

XCIII 

De  la  rihaude  devenue  mendiante  -. 

On  venait  de  raconter  l'histoire  précédente 
dans   notre    cercle,   lorsqu'un   de  mes  collègues 

1.  />(.'  fii'iieratore  seite  velinqnente  funms  timoré  perdendi  parla. 
Opéra  XCII.  —  Nobl  I,  94.  —  Lisecx  I,  p.  145. 

2.  De  uievetrice  sene  mendicanie  Opéra.  XCIII.  —  Xoel  I,'.i2;II, 
97.  —  Guillaume  Tardif  :  De  une  Mcretrice  ancienne  men- 
diante, LVIII.  p.  169.  —  LiSEUx  XCIII.  t.  I,  p.  146.  —  Laur. 
.Islenui  trab.  De  Ermita  ef  Milit.  fab.  ôO  ;  et  De  Sève  oh  impo- 
leuliam  lihirirem  cantis  reliiicjuanle,  lab.  74;  ei  De  lupaquise  Re- 
lirjioni  addisccrat.  lab.  134.  —  C'est  le  proverbe  français:  (Juatid 
le  diable  derieiit  i  ieux,  il  se  fait  ermite. 


124  LES    F-V-KTIKS    DK    I'(K;(;E 

ajouta  :  —  «  Cet  usurier  me  fait  penser  à  une 
vieille  fille  de  joie  qu'il  nommai  qui,  toute  décré- 
pite, demandait  Taumône  pour  vivre. 

—  «  Ayez  pitié,  disait-elle,  d'une  femme  qui  a 
»  renoncé  au  péché  et  à  l'art  de  paillardise.  »  Un 
homme,  <jui  la  connaissait  bien,  lui  ayant 
reproché  de  se  livrer  à  la  mendicité  ;  elle  lui  ré- 
pondit :  —  «  Que  veux-tu  que  je  fasse?  personne  ne 
veut  plus  de  moi.  —  Alors,  repartit  cet  homme, 
ce  n'est  donc  pas  de  bonne  volonté  que  tu  ne 
pêches  plus,  mais  bien  parce  (|ue  tu  n'en  trouves 
plus  les  moyens.  » 

En  cecy  peuvent  prendre  toutes  les  jeunes  femmes  une 
moulte  bonne  exemple  de  non  habandonner  leurs  corps 
aux  infametez  du  pêclié  de  luxure,  et  se  par  faulte  de 
continence  elles  sontcheues  en  ce  pèche,  de  soy  retourner 
et  amender  bien  soubdain  sans  attendre  que  impotance 
les  contraigne  de  aller  mendier  en  leurs  vieillessas  quand 
elles  ne  pourront  plus  accomplir  leurs  mauldictes  et 
dampnables  volentez,  car  ceux  qui  ont  congnu  leurs  des- 
tinées n'en  ont  point  de  pitié. 

XCIV 

D'un  docteur  cl  d'un  ii^norani  '. 

Le  pape  Martin  causait  un  jour  avec  ses  secré- 
taires ;   on   citait    des  anecdotes   plaisantes.    Le 

1.  De  doctore  el  impcrito.  Opéra  XCIN'.  —  Guii-lacme  Tardif  : 
Comment  un<r  Docteur,  Légat  dessoubz  le  pape  Martin,  fut  re- 
prins  (l'ignorance,  LIX,  p.  171.  —  Noël  I.  'J(i.  —  Ristelhubkh 
XLVJ,  p.  G7.  —  LiSBUx,  t.  I,  p.  174. 


l 


I.F.S    FA(  KTIKS    I>K     l'(K.(iE  125 

pape  raconta  alors  quiiii  docteur  de  Brtlogne 
sollicitant  avec  importunité  un  urado  du  Léeat  ^ 
celui-ci  finit  par  le  traitei'  d'idiot  et  de  fou.  A  ces 
mots,  le  docteur  répondit  :  —  «  Depuis  quand 
avez-vous  reconnu  que  je  suis  fou?  »  —  Le  légat 
ayant  indiqué  l'heure  qui  avait  précédé  :  —  «  Ce 
n'est  pas  exact,  répliqua  le  docteur,  vous  vous  trom- 
pez ;  je  fus  bien  fou  le  jour  où  je  vous  reçus  doc- 
teur en  droit  civil,  malgré  votre  ignorance  des 
lois.  »  Le  légat  était,  en  effet,  docteur  (juoique 
peu  docte,  et  les  paroles  qui  venaient  d'être 
prononcées  étaient  une  allusion  à  son  igno- 
rance. 

En  ceste  Facécie  sont  redarguéz  les  clercs,  serviteurs 
et  disciples,  qui  par  leur  oultrecuydance  veullent  des- 
priser, corriger  et  reprendre  leurs  supérieurs,  desquels 
ils  tiennent  toute  la  science  qu'ils  ont.  ainsi  comme  le  sot 
Légat  qui  voulut  despriser  et  appella  publi([uement  fol  le 
Docteur  qui  luy  avait  donné  son  degré  et  sans  mérite 
mais  par  faveur,  l'avoit  passé  Docteur.  En  quoy  est  à 
noter  que  les  degrez,  les  noms  magistraulx,  les  dignitez 
et  otrices,  ne  sont  pas  toujours  données  à  ceulx  qui  l'ont 
bien  mérité,  mais  à  ceulx  qui  ne  sçavent  riens,  ainsi 
mesme  qu'il  apparoistra  cy  après. 

1.  AI[)lionse,  cardinal  de  Saint  Eusiachc. 


120  LES    FACETIKS    DE    l'oKCE 

XGV 

Moi  de  l'Ei'êqiie  cVAleth  '. 

Un  autre,  l'Evoque  d'Aleth  -,  je  crois,  racon- 
tait ce  bon  mot  d'un  Romain.  Cet  homme  ren- 
contra le  Cardinal  de  Naples  3 ,  personnage 
sans  esprit  et  sans  mérite,  qui  sortait  de  chez  le 
Pape.  Selon  son  habitude,  le  Cardinal  riait  sans 
discontinuer  et  le  Romain  ayant  demandé  à  son 
compagnon  s'il  devinait  pourquoi  son  Eminence 
riait  ainsi.  —  «  Je  l'ignore  »,  fut-il  répondu.  — 


1.  Bii'ium  episcopi  Electensis.  Opéra  XGV.  —  Guillaume  Tar- 
dif :  Le  dit  de  l'Evesque  de  Lactense,  LX,  p.  173.  —  Lenfant, 

I.  II,  XXIX,  p.  197.  —  RisTELHUBER  XLVII,  p.  68.  — Noël  1,96; 

II,  98.  —  LiSKUx,  t.  I,  p.  l-'i8. 

•^.  Pierre  III  Assablit,  Limousin,  de  l'ordre  des  Augustins, 
neveu  de  Pierre  Amelio,  évêque  de  Trente  et  patriarche  d'Alexan- 
drie, et  son  successeur,  en  1403,  dans  les  charges  de  Sacristc, 
de  confesseur  et  de  bibliothécaire  apostolique,  prieur  de  l'abbaye 
de  Saint-Martin  de  Bordeaux,  abbé  cominandalaire  de  Plaim- 
hois.  de  l'ordre  des  Prémontrées,  évêque  d'Oloron,  de  Condom, 
et  en  1421  d'Aletts.  En  li30  il  se  fit  roprésonter  au  Concile  de 
Narbonne  par  Pierre  de  Chambonut;  en  1431,  il  apposa  son  sceau 
à  la  Lettre  que  Bertrand  Roberti  écrivit  à  l'abbé  d'.Aniane  pour 
prendre  possession  de  l'évèché  de  Montpellier;  en  1432,  il  assista 
Eug-ène  IV  dans  l'entrevue  qu'il  eut  avec  les  ambassadeurs  de 
Si^'ismond;  en  l'i35,  il  signa  la  lettre  desévèques  delà  province 
de  Xarbonne  aux  pères  réunis  à  Bàle.  11  mourut  en  l'i'iU  (Voy. 
Gftilia  Chnsliana,  Paris  1739.  t.  VI.  col.  -277).  (fl). 

3.  Thomas  Brancaccio,  Napolitain,  neveu  de  Jean  XXIII  (Voy. 
Ciacoiiius.  Vit(r  et  res  qcsio  puniificirni.  Rnin:i'  1677,  t.  Il, 
COL6-23). 


I.KS    FAI.ETIKS    l>K    l'()(i(;E  127 

u  Eh  bien,  il  rit  de  la  Jjôtise  du  Pape  qui  a  fait 
Cardinal  un  imbécile  tel  que  lui.  » 

En  ceste  Facécie,  comme  à  celle  de  devant,  est  mont- 
tré  comme  les  dignitez,  offices  et  bénéfices,  ne  sont  pas 
toujours  donnez  à  gens  dignes  et  suffîsans,  mais  souvent 
à  gens  imbécilies,  ignares  et  non  vallables. 


XCVI 

Mot  plaisant  d'un    abbé^. 

Un  autre  nous  dit  ensuite  deux  bons  mots  dus 
à  des  légats,  abbés  de  l'Ordre  de  Saint-Benoit.  - 
Le  (Concile  de  Constance  ^  les  avait  députés  près 
de  Pierre  de  Luna,  ^  reconnu  auparavant  comme 
Pape,  en  Espagne  et  en  France.  Dès  que  celui-ci 
les  aperçut  :  —  «  Voici  deux  corbeaux  qui  m'ar- 
rivent  >,  s'écria-t-il.  —  u  II  n'y  a  là  rien  de  sur- 
prenant, répondit  l'un  des  envoyés,  à  ce  que  des 
corbeaux  soient  attirés  par  une  charogne  ».  Allu- 
sion à  l'excommunication  prononcée  par  le  Con- 
cile, condamnation  qui  faisait,  pour  ainsi  dire, 
d'un  homme  un  cadavre. 


1.  Facetnrn  dictiim  mjnsdam  abbatis.  Opéra  XGVI.  —  Xoel  I, 
97.  —  Lènkant,  t.  II,  XXX.  p.  198.  —  Ristelhuber  XLVIII, 
p.  G9.  —  LisEux,  t.  I,  p.  Ii9. 

■2.  Lambert  de  Stok,  allemand,  et  Bernard  de  la  Planche, 
français. 

3.  En   l'ilT. 

4.  AntijMiM-  Benoît  XHI.  alors  à  Paniscola,  en  Aragon. 


128  LES    FACETIES    DE    POGdE 

XCVII 

Mot  plaisant  '. 

Ce  môme  Pierre  de  Lima  défendant  ses  droits 
avec  chaleur  devant  les  deux  abbés,  leur  dit  : 
—  «  Ici  est  l'Arche  de  Noé  »,  voulant  dire  parla 
qu'il  possédait  seul  toute  l'autorité  du  Siège  Apos- 
tolique. —  «  Dans  l'Arche  de  Noé,  lui  répondit 
un  des  abbés,  il  y  avait  beaucoup  de  bêtes.  » 

XCVllI 

Evénements  extraordinaires  racontés  par 
mon  copiste  -. 

Jean,  mon  copiste,  à  son  retour  du  pays  qu'on 
nomme  Bretagne,  m'a  raconté  pendant  le  repas, 
vers  le  huitième  jour  des  ides  d'octobre,  l'avant 
dernière  année  du  Pontificat  de  Martin  V,  des 
faits  surnaturels  dont  il  prétendait  avoir  été  le 
témoin,  or  il  est  instruit  et  ennemi  du  mensonge. 
Le  premier  fait   a  trail   à  une  pluie  de  sang  qui 


1.  Dicliini  facclHin.  Ojiera  XCVII.  —  Noël  l,  '.)H.  —  Lenfant, 
t.  II.  XXX,  p.  198.  —  RrsTELHi'iiER  XLIX,  7(1.  —  Liseux,  t.  I. 
p.  !.")().  lîoNAVENTURK  Diîs  Pkrikks  :  Nouvcl  LXVI.  p.  181.  Edit. 
(iarnier. 

2.  MirnliUin  pcr  lihrariuni  dkla.  Opéra  XCVIil.  —  Noël  I,  08. 
—  Liseux,  t.  i.  p.  lôO. 


LES    FACETIKS    DE    l'OGCE  129 

serait  tombée  entre  la  Loire,  le  Berry  et  le 
l*oitou  ;  les  pierres  en  furent  teintes.  Les  liisto- 
l'iens  ayant  souvent  narré  de  semblables  pro- 
diges, celui-là  paraîtra  moins  extraordinaire. 
Mais  je  n'aurais  jamais  ajouté  foi  au  fait  suivant, 
si  Jean  ne  me  l'avait  affirmé  par  serment.  En  la 
fête  des  apôtres  Pierre  et  Paul,  c'est-à-dire  au 
mois  de  juin,  deux  moissonneurs  de  son  pays  qui 
avaient  laissé  du  foin  dans  leur  pré,  craignant 
de  le  perdre,  allèrent  le  lier  en  bottes  au  mépris 
de  la  solennité  du  jour.  Il  y  avait  pour  une  heure 
de  travail,  mais  par  la  volonté  de  Dieu,  ces 
hommes  restèrent  bien  plus  longtemps  en  ce 
lieu,  nuit  et  jour  occupés  à  botteler  le  foin  sans 
relâche,  ne  prenant  ni  nourriture,  ni  repos.  Ils 
restèrent  plusieurs  jours  sans  pouvoir  sortir  du 
champ  et  sans  que  les  passants,  qui  les  prenaient 
pour  des  fous,  pussent  s'approcher  d'eux  et  leur 
demander  l'explication  de  ce  qu'ils  voyaient. 


XCIX 

M iidcule lise  punition  du  mépris  des  suints  '. 

Un  autre  de  mes  collègues  de  la  Curie,  Rollet, 
originaire  de  Rouen,  m'a  affirmé  qu'il  avait  été 
témoin  d'un   miracle  analogue   provoqué  par  le 

1.  Mirabile  judicium  ex  conlemplu  saialonmi.  —  Oixjra  X<;JX.  — 
XoEL  I.  ion.  —  LisELx,  t.  I,  p.  15-2. 


130  LES    FACÉTIES    DE    POGGE 

mépris  des  Saints.  Près  du  château  de  cette  ville, 
est  située  une  paroisse  placée  sous  la  vocable  de 
Saint  Gothard.  Un  jour  qu'on  célébrait  la  fête 
patronale  avec  solennité  et  que  tous  les  habitants 
de  la  paroisse  assistaient  à  une  magnifique  pro- 
cession, une  toute  jeune  fille  (|ui  appartenait  à 
une  autre  paroisse,  se  moqua  des  assistants,  tourna 
en  dérision  la  cérémonie,  blasphéma  le  nom  du 
Saint,  et,  pour  montrer  le  peu  de  casquelle  faisait 
de  son  culte,  elle  dit  qu'elle  allait  se  mettre  à  filer; 
elle  prit  en  effet  quenouille  et  fuseau.  Aussitôt  la 
quenouille  et  le  fuseau  se  fixèrent  entre  ses  mains 
et  ses  doigts  en  lui  causant  une  vive  douleur,  et 
il  fut  impossible  de  les  en  arracher.  L'étourdie, 
qui  avait  perdu  la  voix,  faisait  comprendre 
par  ses  gestes,  à  défaut  de  la  parole,  la  souf- 
france qu'elle  endurait  et  quel  en  était  le 
motif.  Un  grand  nombre  de  personnes  étant  sur- 
venues, on  mena  la  jeune  fille  à  l'autel  du  Saint 
qu'elle  avait  si  gravement  offensé  et  à  qui  elle  fit 
un  vœu.  A  l'instant,  elle  recouvra  la  voix  ;  sa  que- 
nouille et  son  fuseau  lui  tombèrent  des  mains. 
lloUot  prétendait  que  cet  incident  s'était  produit 
dans  sa  paroisse  et  il  paraissait  si  sûr  de  ce  qu'il 
racontait,  que  malgré  mon  scepticisme,  je  n'ai  pas 
trouvé  l'histoire  indigne  de  foi. 


LES    FACKTIES    L>E    rO(i(iE  131 


C 

Plais((nle   histoire   il'iin    vieillard 
qui  porUi  son    à  ne  '. 

En  devisant  entre  eux,  les  secrétaires  du  Pape, 
disaient  que  se  régler  sur  l'opinion  du  vulgaire, 
c'estse  soumettre  à  un  misérable  esclavage,  attendu 
qu'il  est  impossible  de  plaire  à  tout  le  monde, 
chacun  pensant  à  sa  manière,  et  lun  trouvant  bon 
ce  que  l'autre  n'approuve  pas.  L'un  d'entre  eux 
rapporta,  comme  preuve  à  l'appui,  une  anecdote 
(juil  se  souvenait  avoir  vue  autrefois  reproduite 
par  la  plume  et  par  le  pinceau,  en  Allemagne  : 


1.  Facetissinuttii  de  sene  (luodam  qui  poiiacit  asi)nim  super  se. 
Opéra  C.  —Noël  L  101  ;  II,  98-118.  —  Ristelhuber  L,  71.  — 
LisEux,  t.  I,  p.  154.  Traduit  aussi  par  Cadet-Gassicourt  dans 
le  Jnunial  des  Muscs,  —  Origines  :  —  .Esopus  Camerarii,  185. 
—  Fabeln  aus  deti  Zeiten  der  Miunisiiiqer  (fin  du  xiu'  siècle), 
■'i2  :  Vouuiischuldigem  Spotte.  —  Imitations  .•  —  Ysopo,  collect. 
22.  —  Barletta,  fer.  6,  hod.  1.  —  Gobin  (Robert)  :  Les  loups 
lai'issans.  —  Jaernb,  100.  —  Hulsbusch,  p.  259.  —  Verdi- 
zoTTE,  I  i(cette  première  fable  n'est  pas  de  Verdizotte,  l'édi- 
teur l'a  fait  traduire  comme  dédicace).  —  Pavezio,  106.  — 
Du  Fail  :  Contes  et  discours  d'Eutrapel.  c.  7.  —  Widbram  : 
Del  poel.  ç/erm.  pars.  2,  p.  1064.  —  Bruscambille ;  Œuvres, 
in-12,  p.  70.  —  Mémoires  de  Racan  sur  la  rie  de  Malherbe:  dans 
divers  traités  d'histoire,  par  Pierre  de  Saint -Glas,  abbé 
de  Saint-Ussans.  —  Cf.  Œnrres  de  Malherbe,  I,  XCl.  — 
La  Monnaye  a  traduit  cette  fable  en  vers  grecs  (Œuvres  choi- 
sies, t.  III,  p.  50.  —  Desforges-Maillard  :  Œuvres  en  verset 
en  prose,  II.  Le  graveur  bohémien  Wenceslas  Hollard  fit  gra- 
ver ce  sujet  en  cinq  planches  à  Francfort  en  1620.  —  La  Fon- 
taine :  Fables.  Edit.  Garnicr  (B). 


132  LES    FA(  ÉTIF.S    DE    lM)(i(iE 

«    lu  vieillard,  dit-il.  cheminait  avec  son  lils  ot 
se  rendait  au  marché  pour  y  vendre  son  Ane  qui, 
libre   de  tout  fardeau,    trottait  devant  eux.    Des 
paysans   (jui    travaillaient  dans  les  champs,    les 
voyant  passer,  blâmèrent  le  vieillard,  de  laisser 
l'animal  sans  aucune  charge  :  Pourquoi  n'étaient- 
ils  pas   montés    dessus,  cela  leur  eut  été  utile  à 
tous  les  deux,  le  père  à  cause  de  son  âge  avancé 
et  le  fils  à  cause  de  sa  jeunesse?  Alors  le  vieil- 
lard mit  le  jeune  homme  sur  le  baudet  et  conti- 
nua sa  route.  Nouvelle  rencontre,  nouveaux  repro- 
ches. —  «  Quelle  insanité  que  celle  de  ce  bonhomme 
cassé  j)ar  l'Age  qui  met  un  plus  robuste  que  lui 
sur  la  bête,  et  tout  exténué  suit  la  bête  !  »    Chan- 
geant    d'avis,     le    vieillard    fait    descendre    le 
garçon   et  prend   sa  place.   Un  peu  plus  loin,   il 
s'entend  encore  blâmer.  —  «Quoi!  disait-on, sans 
égard  pour  le  jeune  âge  de  son  lils,  ce  vieillard  le 
traîne  comme  un  valet,  et  se  prélasse  sur  l'Ane  !» 
Emu  par  ce  reproche,  le  vieillard  prend  son  fils 
en  croupe  et,  en  ce  nouvel   équipage  continue  sa 
route.  D'autres  passants  s'étant  informés  si  l'ani- 
mal lui  aj)partenait,  l'homme  répondit  affirmati- 
vement. On  lui  reprocha  alors  do.  n'en  avoir  pas 
plus   soin  que  s'il  appartenait  à  autrui.    La  bête 
n'était  pas   assez  forte  pour  porter   un  si  lourd 
fardeau,  un  seul  homme  suffisait  bien  pour  elle. 
Perdant   la  tète  au  milieu  d'avis  si  divers,  notre 
vieillard  ne  savait  (]ue  faire  :  «juc  l'Ane  fut  sans 
cavalier,  qu'il  en  eut  un,  (piil  en  eut  deux,  c'était 


I.KS    FACKTIKS    J>K    IMMWiK  133 

à  chaque  pas  un  nouveau  blâme.  Enfin,  attachant 
les  pieds  du  baudet  et  les  suspendant  à  un  bAton 
dont  il  prit  un  bout  et  donna  Vautre  à  son  fils,  ils 
se  dirigèrent  dans  cet  attirail  vers  le  marché.  A  ce 
spectacle  nouveau,  les  passants  pouffaient  de  rire, 
se  moquaient  à  cœur  joie  de  la  bêtise  du  fils  et 
plus  encore  de  celle  du  père.  Furieux,  le  vieillard 
qui  s'était  arrêté  au  bord  de  la  rivière,  jeta  par 
dépit  son  une  tout  ligotté  dans  l'eau,  et  rentra' 
chez  lui.  Ainsi,  ce  bonhomme,  en  voulant  plaire 
à  tout  le  monde,  non  seulement  ne  satisfit  per- 
sonne, mais  qui  pis  est,  perdit  son  Ane. 


CI 

Gi-(uide   ignorance  (F un    homme  ^ 

Un  jour  on  donnait  lecture  à  haute  voix,  devant 
les  Prieurs  de  Florence,  de  lettres  dans  lesquelles 
il  était  question  d'un  homme  peu  en  faveur  auprès 
de  la  République,  dont  le  nom  (Paolo,  par 
exemple),  revenant  souvent,  on  lui  accolait  par- 
fois l'épithète  de  susdit.  Un  des  assistants,  homme 
sans  instruction,  croyant  que  l'épithète  susdit^ 
indiquait  un  titre  honorifique  renfermant  un 
vrand  éloge,  comme  qui  dirait  :   très  sage,  très 

1.  IlDtniins  marima  impo-iliu.  Opéra  CI.  —  Noël   104.  —  Li- 
SKU.X.  t.  I,  p.  158. 


LES    FACKTIKS    DE    POG(.E 


savant,  jeta  les  hauts  cris  en  disant  :  —  «  (/est 
indigne  d'appeler  susdit  un  misérable,  un  ennemi 
de  sa  patrie. 


Cil 

Autre    balourdise   '. 

Mon  compatriote,  ^latteozio,  fit  aussi  rire  t<mt 
le  monde  à  ses  dépens,  un  jour  de  fête,  qu'il  avait 
été  chargé  de  présider  à  l'organisation  d'un  diner 
d'ecclésiastiques.  Lorsqu'à  la  fin  du  repas,  il  fallut 
remercier  les  convives,  dont  plusieurs  étaient 
venus  de  fort  loin,  ce  fut  à  lui,  qu'en  qualité  de 
doyen  d'Age,  échut  l'iionneur  de  prendre  la  parole: 
—  «  Mes  Pères,  excusez-nous,  dit-il,  excusez-nous 
s'il  nous  a  manqué  quelque  chose,  nous  n'avons 
})U  vous  traiter  selon  vos  mérites,  faire  ce  que 
nous  devions,  mais  seulement  selon  nos  moyens 
et  comme  il  convenait  k  Votre  Ignorance.  »  Dans 
sa  simplicité,  Matteozio  (jui  avait  cherché  un  mot 
à  eifet,  croyait  faire  ainsi  le  plus  beau  compli- 
ment à  ses  invités,  équivalent  à  Votre  Prudence 
ou  Votre  Sagesse. 


1.  .{lia  homiiiis  impcndn.  Opéra  ('II.  —  Noël  1,  105.  —  I.iseux. 
1,  p.  109. 


I 


Li-S    FACKTIIS    m;    l'OHiiK  135 

cm 

D'un  vieillard  barbu  '. 

Antonio  Lus(  o,  homme  aimable  et  instruit  entre 
tous,  nous  raconta  après  cliner,  une  bien  plaisante 
histoire..  Ordinairement  lorsque  quelqu'un  ;i  fait 
un  pet,  les  personnes  présentes  disent  :  A  la 
barbe  de  celui  qui  ne  doit  rien  ci  personne  ! 
Un  jour,  à  Vicence,  un  vieillard  à  la  barbe  luxu- 
riante fut  appelé  par  un  créancier  devant  le  Gou- 
verneur de  la  ville  (c'était  Ugolotto  Biancardo, 
homme  savant  et  austère  .  Le  vieillard,  avec  un 
Ilot  de  paroles,  prétendit  et  affirma  sur  tous 
les  tons  (ju  il  ne  devait  rien  à  personne.  — 
«  Retire-toi  au  plus  vite,  lui  dit  Ugolotto,  afin 
d'éloigner  de  nous  cette  barbe  dont  la  puante 
odeur  nous  incommode.  »  Le  vieillard  abasourdi, 
demanda  pounjuoi  sa  barbe  était  si  infecte.  — 
«  C'est,  lui  répondit  le  Gouverneur,  parce  qu'elle 
est  pleine  de  tous  les  pets  que  lâchèrent  jamais 
les  hommes.  Ne  sais-tu  pas  qu'on  les  envoie 
tous  à  la  barbe  de  celui  (|ui  ne  doit  rien  à 
personne?  »  Cette  boutade  calma  l'agitation  du 
vieillard   et  fit  rire  tous  les  assistants. 


1.  De  qitodam  seiic  baihnlo.  Opéra  Clll.  —  Xoei.  1,  lOG.  —  Li- 
^i  V    t    I,  p.  IGO. 


136  l.KS    KACKTIES    DE    POGGE 

CIV 

Le   notaire    ignorant    '. 

Nous  dinions  un  soir  dans  le  palais  pontifical 
et  il  y  avait  parmi  les  convives,  quelques-uns 
des  secrétaires  du  pape.  On  vint  à  parler  de  ceux 
dont  la  science  et  l'habilité  consistent  à  répéter 
des  formules  toutes  faites,  sans  se  préoccuper  de 
leur  raison  d'être,  se  bornant  à  dire  que  nos  pères 
nous  les  ont  laissées  telles.  — «  Ces  gens-là,  nous 
dit  un  bon  vivant,  Carlo  de  Bologne,  ressemblent 
à  certain  notaire,  mon  compatriote  (il  nous  cita  le 
nom).  Deux  individus  étant  venus  chez  lui  pour 
faire  dresser  un  contrat  de  vente,  il  prit  la  plume, 
commença  à  écrire;  demandant  les  noms  des  com- 
parants; l'un  dit  qu'il  se  nommait  Jean  et  l'autre 
Philippe.» — «  L'instrument  ^c'estle  terme  dont  on 
se  sert)  ne  peut  pas  servir  entre  vous,  dit  alors  le 
notaire,  il  ne  peut  être  dressé  ainsi.  »  Les  clients 
demandent  pounjuoi.  »  — «  L'acte  ne  peut  avoir  de 
valeur  lé.aale  que  si  le  vendeur  s'appelle  Conrad 
et  l'acheteur  Tite  (il  n'admettait  (jue  ces  noms 
inscrits    dans    son  formulaire.)  Les  contractants 


1.   Coiiipai'alio  ijinrdnin    l'arali  Itoiidiiirusis  de  (juaildin  imlario. 
Opéra  lO'i.  —Noël  I,   KiT.  —  Lenfant,   t.  11.  XXXI,  p.   l'.C).  — 

HlSTBLUL'BER   Ll,    7 'l .     —     LiSEUX,      t.      1,     p.     \6i.    —     HeROALI)    DE 

X'erville.    Le    iiioycii    dr   pnrrciiir,  X.  éJit.    flaiTiipr  p.    '1\.   — 
l.e  Chassp-etiiiiiij,  cent.  \'.  N. 


LES    F.VCKTIES    ItE    l'OCCE  137 

curent  beau  e\pli<|uer  ([u'ils  ne  pouvaient  prendre 
des  noms  qui  ne  leur  appartenaient  pas,  le  notaire 
fut  inflexible,  ses  formules  étaient  ainsi  laites,  il 
envoya  promener  les  deux  hommes.  Ceux-ci  se 
rendirent  chez  un  autre  notaire,  laissant  là  cet 
imbécile  qui  se  serait  cru  coupai )le  de  i'.uix,  s'il 
eût  changé  un  seul  mot  à  ses  formules. 


GV 
D'uit  docteur  florentin  ^ 

Tout  en  causant,  on  en  vint  un  jour  sur  la  sottise 
des  gens  qui  sont  envoyés  en  qualité  d'ambassa- 
deurs -  auprès  des  Princes;  comme  on  en  citait 
quelques-uns,  Antonio  Lusco  nous  dit  en  riant. — 
<(  Vous  n'êtes  pas  sans  avoir  entendu  parler  de 
l'audace  de  ce  florentin  (fit-il  en  me  regarchint), 
que  le  peuple  de  Florence  avait  envoyé  autrefois 
auprès    de    la    reine   Jeanne   de    Naples  ^  ?   Cet 


1.  De  Ddctoiv  jhtrcittinn  nd  rcfiiiiain  dcslitialo  qui  coiiciihituni 
postuttarit.  Opéra  CV.  —  Noël  I,  108.  —  Liseix  CV,  t.  I,  p.  164. 

2.  «  Oratores.  » 

3.  Jeanne  II,  reine  de  Naples,  née  en  1370,  morte  en  l'i35. 
Klle  était  fille  de  Cliarles  de  Durazzo,  roi  de  Naples,  et  de 
Mariruerite  de  Durazzo.  Jeanne  succéda  (1414),  à  son  (Vère  La- 
dislas.  Elle  était  alors  veuve  de  Guillaume  d'Autriche,  son 
premier  mari,  dont  elle  n'avait  pas  eu  d'enfants.  Avant  de 
monter  sur  le  trône,  elle  s'<  tait  éprise  du  comte  Pandolfello 
Alapo,  selon  les  uns  son  échanson,  Sflon  les  autres  son  maître 


138  LES    FACr.ïIF.S    DE    J>OGGE 

individu  nommé  Francesco,  était  docteur  en 
droil^.  quoique  fort  ignorant.  Lorsqu'il  eût  fait 
connaître  à  la  reine  l'objet  de  sa  mission,  celle- 
ci  le  convoqua  à  une  nouvelle  audience  pour  le 
lendemain.  Or,  dans  l'intervalle  il  entendit  dire 
que  la  Reine  ne  dédaignait  pas  les  hommes,  sur- 
tout cjuand  ils  étaient  bien  râblés.  Urdonc,  s'étant 
présenté  à  l'audience  de  la  Reine,  après  avoir 
parlé  de  diverses  choses,  il  lui  dit  qu'il  désirait 
l'entretenir  en  particulier.  Croyant  qu'il  avait  au- 
près d'elle  une  mission  secrète,  dont  il  ne  pouvait 
l'entretenir  devant  tout  le  monde,  elle  le  fit  venir 
dans  une  chambre  retirée,  et  là,  notre  triple  sot, 
qui  avait  de  lui-même  la  meilleure  opinion, 
demanda  à  la  reine  de  coucher  avec  elle.  Celle- 
ci,  sans  se  troubler,  jeta  un  coup  d'oeil  sur 
l'homme  et  dit  :  —  «  Est-ce  que  les  Florentins 
vous  ont  chargé  de  faire  cette  démarche  ?  »  L' am- 
bassadeur interloqué,  rougit.  Alors,  sans  plus 
s'émouvoir,  la  reine  le  congédia  en  l'engageant 
à   se  faire    donner  un  mandat  en  règle.  ] 


d'hôtel.  Leur  commerce  tenu  secret  pendant  le  règne  de  Ladislas» 
ne  fut  plus  un  mystère  pour  personne  lorsque  Jeanne  eut  hérité 
(le  lo  couronne  de  Xaplos.  Elle  le  nomma  son  grand  cham- 
bellan et  lui  accorda  toute  sa  contiance.  Après  lui  avoir  donné 
ditrhistorienOrainoune,  (7  doiniiiio  dcUa pcrsona.  elle  lui  donna 
(/  domiiiico  (lel  rcijno.  Pandolfelio  se  montrait  tort  jaloux  dos 
seigneurs,  à  qui  la  reine  lérnoignait  de  la  bienveillance,  crai- 
gnant toujours  que  la  fantaisie  ne  lui  prit  de  se  remarier;  ce 
fut  edectivement  le  parti  auquel  elle  se  di'cida,  sur  les  instan- 
ces de  son  conseil. 


LES    FACÉTIES    DE    l'Ot.GE  139 


CM 


D'ttii  homme  qui  coucha  avec  le  diable  sous  la 


forme  d'une  femme 


Cincio,  un  très  docte  personnage  île  Rome,  m'a 
conté  plusieurs  fois  une  histoire  imllement  risible, 
et  qu'un  de  ses  voisins,  qui  n'était  j)oint  un  imbécile 
racontait  comme  lui  étant  arrivée.  Voici  le  fait  : 
Cet  individu,  une  belle  nuit  que  la  lune  brillait  de 
toute  sa  splendeur,  se  leva,  croyant  que  c'était 
le  petit  jour,  pour  aller  à  sa  vigne.  On  sait  que  les 
Romains  ont  Iha  bitude  de  bien  soignerleurs  vignes , 
Après  avoir  passé  la  porte  d'Ostie,  (où  il  dût  même 
éveiller  les  gardiens  (jui  dormaient),  il  remarcjua 
qu'une  femme  marchait  en  avant  de  lui.  Pensant 
que  cette  femme  allait  faire  ses  dévotions  à  Saint- 
Paul  -  et  sentant  tout  à  coup  monter  en  lui  l'envie 
de  forniquer,  il  hâta  le  pas,  se  mit  à  suivre  la 
femme,  pensant,  comme  elle  était  seule,  arriver 
facilement  à  ses  fins.  A  un  coude  du  chemin, 
étant  tout  près  d'elle,  il  la  saisit  dans  ses  bras,  la 
coucha  par  terre  et  la  prit  de  force,  sans  cjue 
celle-ci  proféra  la  moindre  parole.  Quand 'ce  fut 


1.  l)i  hoiniiie  qui  rliabolum  iit  imaqitie  mulieris  cori>ioril.  Opéra 
CVI.  —  Noël  I,  IKi:  II,  119.  —  Liseux  CVI,  t.' I,  p.  166.  — 
D.  Otho  Melandiu,  Joco-Scria  :  De  Milite  quodam,  p.  31.  —  De 
Rosset:  Histoires  tragiques  de  noire  temps. 

2.  Saiiit-Paul-liors-tfs-miirs,  éf'Iise  de  Rome. 


110  LES    F.VClvTIKS    DK    l'OGGE 

fini,  la  femme  disparut  en  laissant  une  odeur  de 
soufre.  L'homme  sentant  sous  lui  la  terre  couverte 
d'herbe,  se  releva  un  peu  effrayé,  et  rentra  chez 
lui.  Tout  le  monde  déclara  que  c'était  une  illu- 
sion du  Démon. 


CVH 

Autre  histoire  contée  par  AuiieloUo  ^ 

Angelotto,  évêque  d'Anagni  était  présent  quand 
Cincio  conta  cette  histoire,  et  il  nous  en  dit  une 
autre  du  même  genre.  —  «  Un  de  mes  parents  (il 
nous  cita  son  nom)  se  promenant  une  nuit  dans  la 
ville  déserte,  rencontra  une  femme  qu'il  jugea 
assez  belle  et  il  alla  coucher  avec  elle.  Aussitôt 
après,  pour  l'épouvanter,  elle  se  changea  en  un 
homme  affreusement  laid,  —  «  Qu'as-tu  fait  là, 
dit-elle,  espèce  d'imbécile;  hein!  je  t'ai  joliment 
attrapé .  »  Mais  celui-ci,  sans  se  troubler,  lui 
répliqua:  —  «  Soit,  mais  j'ai  sali  ton  cul.  » 


1.  M\i(i  fabula  pci-  Atuichiilnm  dicta.   Opéra  CV'll.  —  Noei.  I, 
111.  —  LisEux  CVll.  t.  L   p.  lOS. 


LES    FACKTIKS    l)K    J'OïK.E  lil 


CVlll 

D' lin   avocat  qui  avait  reçu  des  figues  et  des 
pèclies  de  son  client  •. 

Antonio   Lusco.   homme   plein   d'érudition    et 
d'entrain,  nous  entendant  blâmer  le  manque  de 
reconnaissance  de  ceux  qui  sont  aussi  disposés  à 
faire  travailler  les  autres,  que  peu  enclins  à  rému- 
nérer leurs  services,  dit  :  —  «  Mon  amiVincenzio 
était  l'avocat  d'un  homme  possesseur  d'une  grande 
fortune,     mais    plus    avare    encore   qu'il  n'était 
riche.  Vincenzio  avait  maintes  fois  plaidé  pour  lui 
et  n'avait  jamais  pu  en  tirer  un  denier.  Un  jour, 
une  grave  affaire  se  présenta,  et  le  client  vint  prier 
l'avocat  de  soutenir  sa  cause.  Avant  l'audience,  il 
lui  fit  même  parvenir,  à  titre  d'encouragement, 
des  figues  et  des  pêches.  Au  tribunal,  les  adver- 
saires eurent  beau  entasser  les  arguments,  Vin- 
cenzio resta  bouche  close  ;  malgré  leurs  attaques 
réitérées,  il  demeura  muet.  (Chacun  s'étonnait  et 
le  client  surtout,  qui  s'informa  de  ce  (jue  signifiait 
pareil  silence  ;  il   reçut  cette  réponse  :  —  «  Les 
pêches  et  les  figues  que  vous  m'avez  envoyées  en 
cadeau,  m'ont  tellement  glacé  les  lèvres,  que  je  suis 
dans  l'impossibilité  de  prononcer  un  seul  mot.  » 


1.   Dv   adrocaln  fini  fiais   ri  perfiicn  ah   tnio  lUiqaide  acccpernl. 
Opéra  GVIII.  —  Noël  ),    Il\>.  —  Liseux,  t.  1.  |).  {&.). 


l-i2  LES    FACKTIKS    DE    POiUlE 

CIX 

Ruse  d'un  médecin  i. 

Un  médecin  peu  instruit,  mais  très  rusé,  visitait 
ses  malades  en  compagnie  d"un  élève.  Suivant 
riiabitude,  il  leur  tâtait  le  pouls  et  si  la  situation 
s'était  aggravée,  il  en  rendait  responsable  le  ma- 
lade, insinuant  qu'il  avait  dû  manger  des  figues, 
une  pomme  ou  toute  autre  chose  défendue.  Le  plus 
souvent,  les  malades  avouaient,  et  le  Médecin  pa- 
raissait avoir  un  don  de  seconde  vue,  qui  lui  per- 
mettait ainsi  de  deviner  les  écarts  de  régime  de 
ceux  que  le  mal  travaillait.  Le  disciple,  qui  ne 
revenait  pas  dune  pareille  perspicacité,  finit  par 
demander  au  Médecin  comment  il  pouvait  bien  se 
rendre  compte  de  ces  faits  par  le  battement  du 
pouls,  parrattouchement  ouquelqueautreprocédé. 
Alors,  le  Médecin  voulant  récompenser  les  atten- 
tions de  son  aide,  se  décida  à  lui  révéler  son  secret. 
—  «  Lorsque  j arrive  chez  un  malade,  dit-il,  je  jette 
un  coup  d'ô'il  rapide  dans  la  chambre  et  si  j'aper- 
(;ois  par  terre  des  restes  de  fruit  ou  tout  autre  dé- 
tritus de  n'importe  quoi;  par  exemple,  des  écorces 


1.  l)v  niciliai  iii  lisilaliiiiir  injuninrHiii  rcrsitln.  Opéra  CIX.  — 
Guillaume  Tardif  :  Facécic  d'un  toi  Alédccin  qui  dist  que  xxng 
malade  avoit  manji;o  uiilt  asne,  LXI,  ]).  174.  —  Noël  I,  113;  H, 
1  lu.  —  LiSEUx.  t.  I,  p.  171.  —  BouciiKT.  Sihres.  Sérée  X.  — 
Rnqer  lioulvmps  en  belle  humeur.  SimpliriU-  d'un  apprenti  iné- 
lieoin,  p.  29.  —  Noureaux  co)ttes  à  rire.  L'apprenti  médecin. 


LKS   FACr.lIKS    1)K    l'OdiiK  i  13 

de  châtaignes,  des  coquilles  de  noix,  des  trog-nons 
de  pommes,  quoi  que  ce  soit,  enfin,  je  suppose  que 
mon  client  en  a  mangé  et  j'accuse  sa  gourmandise 
d  avoir  aggravé  le  mal;  et  ainsi,  en  cas  d'issue 
fatale,  j'écarte  de  moi  toute  responsabilité. 

A  quelque  temps  de  là,  l'élève  s'étant  mis,  lui 
aussi,  à  exercer  la  médecine,  voulut  à  son  tour 
mettre  en  pratique  le  même  procédé.  11  accusait 
les  malades  d'avoir  mangé  ceci  ou  cela,  d'après 
les  vestiges  qu'il  apercevait.  Un  pauvre  paysan 
lavant  un  jour  fait  appeler,  il  lui  promit  de 
lui  rendre  promptement  la  santé  pourvu  qu'il 
se  soumit  exactement  au  régime  prescrit.  Après 
avoir  indiqué  la  quantité  de  nourriture  à  pren- 
dre, il  dit  qu'il  rcA'iendrait  le  lendemain.  11 
fut  exact,  mais  le  mal  avait  fait  de  grands  progrès. 
Trop  peu  instruit  et  trop  borné  pour  en  découvrir 
la  cause,  il  jeta  les  yeux  autour  de  lui,  mais  ne  vit 
de  déchets  d'aucune  sorte.  11  était  très  perplexe, 
lorsqu'en  regardant  sous  le  lit,  il  y  vit  le  bat  d'un 
Ane.  Aussitôt,  il  s'empresse  d'établir  ainsi  le  diag- 
nostic :  —  «  Enfin,  je  vois  pourquoi  vous  allez  si 
mal,  vous  vous  êtes  permis  un  tel  excès  que  je 
suis  étonné  de  vous  avoir  trouvé  en  vie.  Comment, 
en  danger  comme  vous  l'êtes,  avoir  mangé  un  âne  ! 
—  <(  Pour  le  médecin,  le  bat  de  l'àne  indiquait 
qu'on  avait  dû  faire  cuire  l'animal,  comme  un  os 
révèle  l'existence  d'un  plat  de  viande.  Pris  en 
flagrant  délit  d'insanité,  ce  praticien  ridicule  fit 
rire  tout  le  monde  à  ses  dépens. 


144  LES    FACETIES    DE    l'OGGE 

En  cesteFacécie  estmonslré  quesoubz  umbre  d'aulcunes 
sciences,  plusieurs  inconveniens  adviennent.  ainsi  que, 
soubz  la  confidence  que  les  gens  avoyent  en  ce  fol  clerc 
soulz  umbre  de  ce  qu'Use  disoit Médecin,  ils  se  rneltoyent 
entre  ses  mains  sans  congnoistre  si  ce  qu'il  leur  bailloit 
estoil  bon  ou  maulvois,  dont  il  advenoit  que  aulcunes  foys 
que  plusieurs  périssoyent  entre  ses  mains. 


ex 


Du  juge  qui préleiid  que  les  deux  parties 
ont  gagné  ^ 

Dans  la  province  de  Bologne  est  située  une  ville 
qui  s'appelle  Medicina.  On  y  nomma  en  qualité  de 
Podestat  (c'est  ainsi  qu'on  dit)  un  homme  illettré 
et  sans  éducation.  Deux  j)laideurs,  qui  avaient  à 
débattre  des  intérêts  d'argent,  vinrent  le  trouver. 
Le  premier  prétendait  qu'il  était  créancier  et  que  la 
dette  était  certaine.  Le  Podestat  interpella  alors  le 
débiteur  :  — «  (Test  mal  agir,  lui  dit-il, quede  ne  pas 
payer  ce  que  tu  dois.  »  Celui-ci  répondit  qu'il  ne 
devait  absolumentrien,  s'étant  déjà  libéré.  Le  ma- 
gistrat se  retournant  immédiatement  vers  le  créan- 
cier, lui  reprocha  de  réclamer  ce  qui  ne  lui  était  pas 
dû.  Sur  une  nouvelle  affirmation,  avec  preuves  à 


1.  De  (IkoIjus  i)i  rr  peciiiiiniid  liiiiidulilius.  —  Opéra  (JX.  — 
Guillaume  Tardit  :  LXil,  ji.  178.  —  Xoi.l  1,  IIG.  —  Liseu.x.  t.  1> 
]>.  174. 


LES    FACKTIKS    DE    VOGGE  145 

l'appui,  faite  par  le  créancier,  le  Podestat  s'em- 
porta contre  le  débiteur  et  lui  reprocha  de  nier 
une  chose  si  évidente.  Mais  celui-ci,  accumu- 
lant maintes  raisons  pour  prouver  qu'il  avait 
pavé,  le  juge  tança  vertement  l'adversaire  qui 
osait  réclamer  le  paiement  d'une  dette  soldée. 
Après  avoir  ainsi  réprimandé  tantôt  l'un,  tantôt 
l'autre,  ce  magistrat  inepte  s'écria  :  —  ((  Les 
deux  parties  ont  gagné  et  perdu,  elles  peuvent 
se  retirer!  »  Puis,  il  leva  la  séance  sans  avoir 
tranché  la  difficulté!  Cette  histoire  fut  racon- 
tée entre  aaiis,  un  jour  que  l'on  reprochait  à  un 
personnage  de  notre  connaissance  de  changer 
souvent  d'opinion  sur  le  môme  sujet  ^ 

En  ceste  Facécie  est  monstre  ung  inconvénient,  qui 
souvent  advient  en  justice,  c'est  que,  pour  tenir  les  judi- 
catures  et  principaulx  sièges,  on  ne  regarde  guières  quel 
homme  on  y  met,  et  pour  tant  ne  peuvent  bien  estre  dis- 
cutez les  causes  et  querelles  litigieuses  qui  viennent 
devant luy,  quant  il  ne  congnoist  le  Droîct  et  ce  qui  est  en 
justice  requis,  non  plus  que  le  Potestat  du  Chasteau  de 
Boulongne. 


t.  Ce  juge  était  aussi  habile  homme  que  celuy  qui  dormoit 
sur  son  siège  judicial.  C'est  aujourd'hui  chose  ordinaire  de 
voir  sur  les  tribunaux,  juges  ignorants  et  incapables.  On  peut 
en  ce  siècle  monter  sur  le  tribunal,  pourvu  qu'on  soit  appuyé 
de  quelque  éclat  de  noblesse  ou  d'argent.  Cet  illustre  siège  ne 
reçoit  plus  que  des  gens  avides  et  résolus  de  prendre  partout 
et  toujours.  0  mœurs!  0  siècle!  où  l'injustice  se  pare  du  beau 
nom  et  de  l'extérieur  de  la  justice.  {Reflexion  de  l'édition 
d'Amsterdam). 


146  LES    FACKTIES    DE    POGGE 


CXI 


Uuu  médecin  ignorant  qui,  d  V examen  des  urines 

d'une  femme^  diagnostiqua  quelle  avait 

besoin  d'un  mari  '. 

Une  femme  de  chez  nous,  nommée  Jeanne,  et 
que  j'ai  connue,  était  souffrante.  Un  médecin,  aussi 
malin  qu'ignorant, appelé  pour  lui  donner  ses  soins, 
demanda  de  son  urine.  Gomme  d'habitude,  une 
jeune  servante  encore  pucelle  fut  chargée  de  ce 
soin,  mais  celle-ci  ayant  oublié  la  prescription, 
présenta  de  sa  propre  urine  au  lieu  de  celle  de 
la  malade.  Le  médecin  diagnostiqua  aussitôt  que 
la  femme  avait  besoin  d'un  mari.  Le  mari,  ayant 
été  informé  du  diagnostic,  après  avoir  bien 
diné  s'alla  coucher  avec  sa  femme.  ^lais  celle- 
ci,  qui  était  rien  moins  que  disposée  à  cause  de 
sa  maladie,  et  ignorant  en  outre  l'ordonnance  du 
médecin,  fut  fort  surprise  par  la  nouveauté  de  la 
chose  et  se  mit  à  se  lamenter.  «  —  Que  fais-tu  donc, 
mon  ami,  tu  vas  me  tuer.  —  Tais  toi!  répliquait 
le  mari.  Je  dois  t'administrer  le  meilleur  remède 


1.  De  medico  iudocio  (/ui  iiiinip  (p-alia  iïidicavit  inullicvem  coitu 
iitdiçicrc  Opéra  CXI.—  Xobl  1.  117;  11,  lU).  —  Guillaume  Tak- 
Dit'  :  D'ung  fol  Médef:in.  qui  jutrea  que  une  femme  avait  be- 
soiutf  pour  sa  sauté  ilo  coiripa^rnio  d'homme,  LXUI,  p.  181.  — 
LiSKUX  GXI,  t.  i,  p.  l'iG.  —  llistinrcs  facétieuses  et  morales  : 
Tromperie  par  l'urine,  p.  133. 


LKS    F.VCKTIES    HE    l'OOGK  147 

que  le  médecin  a  prescrit  pour  ta  guérison,  pour 
te  rendre  ta  santé.  »  En  vérité,  il  ne  se  trompait 
pas;  quatre  fois  clans  la  nuit,  il  observa  les  jjres- 
criptions  du  médecin,  et  le  lendemain,  lu  fièvre 
avait  disparu.  Ainsi,  la  fraude  dont  le  médecki 
avait  été  victime  amena  la  euérison. 


cxn 

D'un  mari  <ini  pareillement  rendit  la  santé 
(L  sa  femme   '. 

Un  cas  semblable  advint  dans  la  cité  de  Valence, 
ainsi  que  nous  le  dit  un  autre  de  nos  collè- 
gues, à  l'appui  de  Thistoire  précédente.  Il  nous 
raconta  qu'un  jeune  notaire  était  marié  depuis  peu, 
lorsque  sa  jeune  femme  tomba  gravement  malade, 
au  point  que  tout  le  monde  croyait  qu'elle  allait 
mourir  et  que  les  médecins  eux-mêmes  l'avaient 
abandonnée.  La  jeune  femme  gisait,  sans  voix, 
les  yeux  clos,  sans  pouls,  semblable  à  un  cadavre. 
Le  mari  se  désolait  de  se  voir  enlever  une  épouse 


I.  De  viro  qui  u.coreiit  agnttam  coçinniil,  et  poslea  conialuit- 
Opéra  L'Xll.  —  Nokl  I,  118,  II,  120.  —  Guillaume  Tardif  :  Ung 
autre  cas  semblable  advenu  au  chasteau  de  Valence,  LXIV, 
p.  183.  —  LiSKUx,  CXII,  t.  1,  p.  178.  —  Cent  Nouvelles  nouvelles  : 
Le  Mari  médecin;  nouv.  XX.,  édit.  (Jarnier.  p.  H'.].  —  Ibid. 
l'l,'Abbes;e  g-uérie  ;  nouv.  XXI.  p.  8'.).  —  Coiiti  da  ridere.  D'una 
di  fresca  marilata.  p.  36.  (Voir  Apiiendiccs). 


148  LES    FACETIES    1>E    l'OC'.E 

qu'il  avait  si  peu  possédée  et  (ju'il  adorait.  11 
résolut  de  la  posséder  encore  une  fois,  avant 
quelle  ne  mourut.  Sous  prétexte  d"une  confidence 
secrète,  dont  je  n"ai  pas  gardé  souvenance,  il  éloi- 
gna tout  le  monde  et  se  rapprocha  de  sa  femme. 
Aussitôt  celle-ci,  comme  si  son  mari  lui  eut  in- 
fusé une  nouvelle  vie,  commença  à  reprendre  ses 
esprits,  elle  rouvrit  les  yeux,  recouvra  peu  à  peu 
la  parole,  et  d'une  voix  tendre  appela  son  mari. 
Celui-ci,  tout  joyeux,  lui  demanda  ce  qu'elle  vou- 
lait :  —  <'  A  boire,  dit-elle,  »  puis,  lorsqu'on  lui 
eut  fait  prendre  quekjue  nourriture,  elle  se  réta- 
blit tout  à  fait. 

Ce  beau  résultat  était  dû  à  laccomplissement 
des  devoirs  conjugaux.  Cet  exemple  prouve  donc 
que  c'est  un  remède  souverain  pour  les  maladies 
des  femmes  ' . 


1.  Guillaume  Tai'dif  n'a  point  mis  de  moralitcs  à  ces  deux 
facvcies,  mais  à  la  lin  de  celle-ci,  il  reprend  pour  son  compte  la 
refli'xion  de  l'auteur  en  ces  termes  : 

«  Par  ces  deux  exemples,  dit  Poggc,  que  on  peut  arguer  et  con- 
clure que  aulx  maladies  des  femmes,  la  souveraine  médecine 
est  avoir  compaignie  d'homme  pour  les  ravoir.  » 

—  Les  bonnes  dames  auroient  été  bien  dangereusement  ma- 
lades; si  le  jeu  de  la  bête  à  deux  dos  n'avoit  pas  été  capa- 
ble de  les  guérir.  Le  mariage  est  la  vie  des  femmes.  Le  seul 
bymen  donne  la  couleur  à  leur  teint.  Une  fille  sècbe-t-elle  sur 
pié  i  envoyez-la  sacrifier  au  dieu  Amour  pendant  quelques 
heures;  elle  reviendra,  sur  ma  parole.  Secret  expérimenté. 
{Répexioii  de  l'édition  d'Am.«terdani  . 


LES    FACÉTIES    DE    POGGE  149 


CXIII 

Homme  illettré  demandant    à  l'Archevêque  de 
Milan  la  dignité  d'archiprêtre  i. 

On  se  plaint  parfois  du  malheur  des  temps,  et 
nous  ne  parlons  pas  de  l'insuffisance  des  hommes 
qui  occupent  dans  l'Eglise  les  premières  dignités  ; 
on  laisse  de  côté  des  gens  pleins  de  savoir  et  de 
sagesse  et  on  confie  les  permières  places  à  des 
ignorants,  à  des  gens  sans  aucune  valeur.  A  ce  pro- 
pos, Antonio  Lusco  nous  dit  :  —  «  Ce  n'est  pas  plus 
spécialement  le  fait  des  souverains  Pontifes,  que 
celui  des  autres  princes.  On  les  voit  admettre, 
dans  leur  intimité,  des  fats,  des  gens  pervers,  et 
ne  faire  aucun  cas  des  hommes  les  plus  estima- 
bles. Il  y  avait  autrefois,  ajouta-t-il,  à  la  cour 
de  Cane,  l'ancien  prince  de  Vérone,  un  ecclésias- 
tique, bon  vivant,  appelé  Nobili,  sans  instruction 
aucune,  ni  éducation,  mais  qui,  par  ses  propos 
plaisait  beaucoup)  au  Prince.  Il  en  avait  reçu,  pour 
cette  raison,  divers  bénéfices.  Un  jour,  Cane  envoya 
à  l'Archevêque  do  Milan,  gouverneur  de  cette  ville, 
une  ambassade  composée  d'hommes  distingués; 
Noliili  se  joignit  à  eux.  Leur  mission  remplie,  les 


1.  De  \mmine.  non  litleralo  qui  dUjiiilaU'm  qtiaindatn  archipn's- 
hyleralus  ah  nrrhiepiscopo  Mi'tlinlanensi  postulavit.  Op-ra  GXIII. 
—  NoKL  I,  119.  —  Lenfaxt.  t.  H,  XXXill,  p.  Hï).  —  Lissux,  t.  I, 
113,  p.  180. 


150  LES    FACÉTIES    DE    POGGE 

ambassadeurs  allaient  se  retirer ,  quand  Xobili, 
dont  les  discours  facétieux  avaient  eu  le  don  de 
plaire  à  l'Archcvôque,  obtint  du  prélat  la  per- 
mission de  solliciter  ce  qu'il  voudrait.  Sans  hésiter, 
il  réclama  une  charge  très  importante  d'archi- 
prêtre.  L'archevêque  ne  put  s'empêcher  de 
sourire  dépareille  prétention  :  —  «  Réfléchis  donc  à 
ce  que  tu  viens  de  demander,  dit-il,  cotte  charge 
est  trop  lourde  pour  tes  épaules,  car  tu  es  com- 
plètement illettré,  totalement  ignorant.  »  —  «  C'est 
vrai,  répliqua  aussitôt  Nobili,  avec  son  sans-gène 
habituel,  mais  je  croyais  pouvoir  faire  comme 
chez  nous.  A  Vérone,  ce  ne  sont  pas  les  gens  ins- 
truits qui  obtiennent  des  bénéfices  ;  on  ne  les 
donne  qu'aux  ignorants  et  aux  imbéciles.  »  La 
réponse  de  cet  homme  nous  parut  plaisante;  il 
croyait  que  parce  qu'on  agissait  sottement  à  Vé- 
rone, il  devait  en  être  ainsi  partout  ailleurs. 


GXIV 

D'une  coiirlisnne  qui  se  plaignait  de  la 
méchante  farce  d'un  barbier   '. 

Il  y  a  à  Florence  des  magistrats  qu'on  appelle 
Préposés  aux  bonnes  nuï'iirs,  qui  sont   chargés 

1.  De  mereliiie  conquercntc  de  tonsoris  inalcficio.  Opéra  CXIV. 
—  Noël  I,  \i[.  —  Guillaumi-;  Tardif  :  De  la  Mrrelrice  qui  se 
complaignoit  du  Barbier  qui  Tavoit  coupée,  LXV.  p.  ISii.  —  Lx- 
SELx  GXIV,  t.  I,  18-2. 


LES    F\r.KTIES    DE    l'OGOE  151 

spécialement  de  rendre  la  justice  aux  femmes 
publiques,  et  de  les  empêcher  de  circuler  dans 
toute  la  ville,  sous  peine  de  correction. 

Une  de  ces  femmes  vint  un  jour  se  plaindre 
auprès  d'eux  de  l'outrage  et  du  préjudice  que  lui 
avait  fait  subir  un  barbier.  Elle  l'avait  fait  venir 
au  bain  pour  la  raser  et  il  lui  avait  coupé  «  un 
petit  loppin  de  maujoint  '  »  avec  son  rasoir,  si  bien 
qu'elle  fut  obligée  de  ne  voir  personne  pendant 
plusieurs  jours.  Elle  l'accusait  donc  de  lui  avoir 
causé  préjudice,  et  réclamait,  en  conséquence, 
le  gain  perdu. 

On  demande  quelle  doit  être  la  sentence  ? 

Pogge  demande  quelle  doit  estre  la  sentence  future  de 
ce  cas  :  Geste  judicature  ne  termine  point  Pogge  et  ne  met 
point  la  sentence  des  magistrats  pour  tant  qu'elle  est  trop 
ambiguë,  mais  en  laisse  le  jugement  à  gens  cognoissant 
le  traict  du  mestier. 


GXV 

D\in  religieux  auquel  se  confessait  une  veuve.  '-. 

Un  religieux,  de  ceux  qu'on  dit  de  l'observance, 
entendait  la  confession  d  une  jolie  veuve  de  Flo- 


1.  Mnujoiiil  (mal  joint\  expression  pittoresque  de  Guillaume 
Tardif. 

.!.  De  relùjioso  cui  ridua  coiifïtehatnr.  Opéra  CXV.  —  Xoel  I, 
127;  IL  121.  —  GoiLLALME  Tardif,  LXVI,  p.  187.  —  LtSEUx 
CXV,  t.  I,  p.  18'i.  —  Bebnabd  dk  la  Monnoye  :  Poésies  latines; 
Pa-nitentia  et  penitenlia,  v.°  X. 


152  LES    FACÉTIES    DE    POGGE 

rence.  Aliii  de  parler  plus  bas,  elle  se  pressait 
contre  lui  et  tenait  son  visage  près  du  sien  ;  or  son 
souffle  juvénile  Unit  par  émoustiller  tant  et  si  bien 
le  bonhomme  (celui  qui  avait  la  tète  basse),  qu'il  se 
redressa  et  se  mit  à  tourmenter  le  pauvre  moine. 
Torturé  par  l'aiguillon,  et  ne  pouvant  plus  tenir  en 
place,  le  confesseur  invita  la  dame  à  se  retirer; 
celle-ci  demanda  alors  quelle  pénitence  il  lui 
imposait.  — «  Une  pénitence  !  s'exclama  le  moine, 
mais  c'est  vous  qui  me  la  faites  subir.   » 

En  ce  chapitre  est  montré  comme  ung  liomme  d'église, 
et  spécialement  ung  Religieux,  se  doit  garder  de  rappro- 
chement des  femmes,  car  en  leur  regarder,  avecques  la 
temptation  de  l'ennemy ,  la  chair  de  l'homme  se  peut  émou- 
voir et  faire  donner  consentemant  à  un  péché. 


CXVI 

D'un  homme  qui  fit  le  mort  devant  sa  femme  ^. 

Dans  le  bourg  de  Monte varchio,  proche  de  chez 
nous,  un  jardinier  que  je  connais,  étant  rentré  un 
jour  chez  lui,  après  son  travail,  pendant  que  sa 
jeune  femme  était  allée  laver  du  linge,  eut  la 
curiosité  de  savoir  ce  qu'elle  ferait  s'il  était  morl  et 
comment  elle  prendrait  la  chose.  Il  s'étendit  donc 

1.  De.  vivo  f/ui  suœ  uxori  morluum  se  oslendit.  Opcra  CXV'J. — 
Guillaume  Tardif  :  De  celluy  qui  fist  le  mort  devant  sa  iemmp, 
I.XVII,  p.  18'J.  —  Noël  I,  123.  —  Liskux,  t   I,  p.  185. 


LES    F.VrETIES    1>E    POGGE  153 

tle  tout  son  long"  par  terre,  dans  la  cour,  allongé 
sur  le  dos.  dans  la  position  d'un  cadavre.  A  son 
retour,  la  jeune  femme  chargée  de  linge,  aperce- 
vant son  mari  inanimé,  elle  le  croyait  du  moins, 
hésita  un  instant  pour  savoir  si  elle  donnerait 
un  libre  cours  à  sa  douleur,  où  si  elle  commen- 
cerait par  manger  ;  il  était  midi  sonné  et  elle  se 
trouvait  encore  à  jeun.  Pressée  par  la  faim,  elle  se 
décide  à  prendre  son  repas,  fait  griller  un  mor- 
ceau de  lard  sur  les  charbons,  et  le  dévore  glou- 
tonnement, sans  boire,  pour  aller  plus  vite.  La 
viande  étant  salée,  la  soif  se  fit  vivement  ressen- 
tir; la  femme  prit  alors  une  cruche  et  descendit  à 
la  cave  pour  tirer  du  vin.  Elle  remontait,  lorsque 
survint  à  l'improviste  une  voisine  qui  venait  cher- 
cher du  feu.  Aussitôt,  en  dépit  de  sa  soif,  la  femme 
laisse  la  cruche  échapper  de  ses  mains  et  comme 
si  son  mari  venait  d'expirer  à  Tinstant,  elle  pousse 
des  cris,  se  lamente,  et  déplore  ce  trépas  à  grands 
flots  de  paroles.  En  entendant  ces  gémissements 
et  ces  sanglots,  tous  les  voisins  accoururent , 
extrêmement  surpris  d'une  mort  si  soudaine. 
L'homme  gisait  là,  en  effet,  les  yeux  fermés  et  re- 
tenant avec  tant  d'art  sa  respiration,  qu'il  semblait 
réellement  avoir  rendu  le  dernier  soupir.  Lors- 
que la  plaisanterie  eut  assez  duré,  au  milieu  des 
exclamations  et  des  larmes  de  la  femme  qui  ne  ces- 
sait de  s'écrier  :  —  «  Mon  pauvre  homme  !  Que 
faire  maintenant  ?  »  —  c(  Rien  de  bon,  ma  chère 
femme,  dit-il,  en  ouvrant  les  yeux,  si  tu  ne  vas  pas 

9. 


loi  LES    FACÉTIES    DE    l'OGGE 

l)oirc  tout  (le  suite.  »  Dans  Tassistance,  les  ('clats 
de  rire  succédèrent  alors  aux  larmes,  surtout  quand 
on  apprit  l'histoire  et  qu'on  connut  le  motif  pour 
lequel  la  lenime  avait  tant  de  soif  '. 

Kn  ceste  Fac(''cie  est  inonirée  l'amour  de  aulcunes 
femmes  dont  elles  arment  leurs  marys  et  le  deuil  qu'elles 
feroyent  pour  eulx,  se  ilz  estoyent  morts. 


CXVII 

U une  jeune  fcuinie  par  trop  naïve  de  Bologne  "-. 

Une  jeune  Bolonaise  nouvellement  mariée  se 
plaignait  auprès  d'une  très  honnête  matrone,  sa 
voisine,  de  ce  que  son  mari  lui  administrait  de 
sérieuses  et  fréquentes  volées.  La  matrone  lui  en 
ayant  demandé  la  raison,  celle-ci  lui  répondit  que 

1.  La  Science  de  Lien  pleurer  est,  de  toutes  les  sciences,  celle 
que  les  l'emmes  entendent  le  mieux.  Elles  savent  former  mé- 
thodiquement un  concert  d'aifliction,  où  rien  ne  manque, 
sinon  la  vraye  douluur.  Les  l'emmes  ont  cet  avantage  encore, 
qu'elles  savent  i)lcurer  par  imitation.  De  là  celle  liariiionie  de 
lantes  entre  dix  ou  douze  femmes  assistant  au  départ  funèbre 
d'un  époux  mourant.  Enfin  le  prédicateur  Dorus,  qui  toute  sa 
vie  s'est  donné  bien  de  la  peine  pour  avoir  le  (on  d'un  pleu- 
reur, n'approche  point  de  l'heureux  naturel  des  fc-mme*.  Il 
réussit  si  peu  à  les  imiter,  que  quand  il  prêche  en  pleurant, 
il  nous  fait  crever  de  rire.  {Ri-flexion  de  l'édition  d'.A.mster- 
dam). 

2.  l)t  Bononiensi  adoksceulula  sunplki.  0[)L-ra  CXVU.  — Xoel 
1,  !2ô.  —  Guillaume  Tardif  :  De  une  jeune  femme  de  l^oulongne 
qui  ne  sçavoit  comment  comjjlaire  à  son  mory,  LXVIII,  j).  lijl. 
—  LisEux,  CXVII,  t.  I,  p.  187. 


1 


LES    FAi.KIIKS    I)K    l'UGGE  155 

son  mari  était  furieux  do  ce  qu'elle  ne  remuait  pas 
plus  qu'une  souche  tandis  qu'il  accomplissait  ses 
devoirs  conjugaux.  —  «  Pourquoi  donc,  dit  la  ma- 
trone, ne  faites- vous  pas  au  lit  ce  que  désire  votre 
mari?  —  Mais  je  ne  sais  pas  ce  qu'il  faut  faire, 
personne  ne  m'a  enseigné  la  manière  de  s'y 
prendre;  car  si  je  le  savais,  soyez  certaine  que  je  ne 
me  laisserais  pas  rouer  de  coups  par  mon  mari.  » 
Etonnante  naïveté  decettejeunefille,  qui  ne  soup- 
çonnait même  pas  cecjue  la  nature  même  enseigne 
aux  femelles.  J'ai,  depuis,  raconté  cette  histoire  à 
ma  femme  pour  l'amuser. 

En  ceste  Facécie  est.  monstre  qu'il  est  de  bonnes  per- 
sonnes et  de  simples  femmes  qui  bien  peu  cognoissent  de 
maulvaiselié;  mais  à  l'appointe  il  en  est  beaucoup  qui  trop 
en  sçaivent. 


CXVIII 

Réponse  cF un  confesseur  à  propos 
d'une  femme  K 

Barnabo,  Prince  de  Milan,  aimait  passionnément 
les  femmes.  Un  jour  qu'il  se  trouvait  dans  un  en- 
droit écarté  de  son  jardin,  seul  avec  une  femme 
qu'il  aimait  et  entrain  de  la  caresser  avec  ardeur, 

1.  ReKpoHsio  coiifessoris  ad  Barnaborem  principem  de  muUiere 
fada.  Opéra  CXVllI.  —  Noël  I,  {'20;  II,  122.  —  Guillaumk  Tar- 
dif: LXIX,  p.  10:?.  —  Lbnfant  :  Pof/7i'a;(«,  CXXV,  t.  H,  p.  260. 
—  LisEux  GXVIII,  t.  I,  p.  185. 


15G  LES    FACETIES    DE    POGGE 

arrive  à  l'improviste  un  certain  religieux,  un  con- 
fesseur, qui  avait,  à  cause  de  sa  sagesse  et  de  son 
expérience,  libre  accès  auprès  du  prince.  Barnabo 
rougit  et  fut  fort  vexé  de  l'arrivée  inopinée  de  son 
confesseur;  mais,  se  remettant,  il  lui  posa  cette 
question  insidieuse  :  —  «  Que  feriez-vous  si  vous 
aviez  une  pareille  femme  dans  votre  lit?  »  Le  reli- 
gieux répondit  :  — «  Je  vois  bien  ce  que  je  devrais 
faire,  mais  je  ne  sais  pas  ce  que  je  ferais.  »  Cette 
réponse  calma  la  colère  du  Prince,  tout  en  mon- 
trant que  son  interlocuteur  était  homme  suscep- 
tible de  faillir  comme    lui  aussi. 

En  ceste  responseestmonlré  que  nonobstant  la  religion, 
ung' homme  de  soy  ne  doit  pas  tant  présumer  qu'il  s'en 
dye  ci  juste  qu'il  ne  voudrait  point  pêcher;  ilsedoitrépu- 
ter  humain  et  enclin  à  pêcher  comme  ung  aultre  non 
Religieux. 

LE  PAS   GLISSANT 

Sur  un  gazon,  je  pris  moine  explorant 
Jeune  Lais,  ayant  jeunesse  et  grâce.  — 
«  Qu'eusses-tu  fait,  le  trouvant  à  ma  place, 
«  Me  requiért-il,  avec  objet  tentant. 
«  Comme  cettuy,  couché  sur  la  fougère? 
«  —  Si  me  voyois,  lui  dis-je,  en  un  tel  cas. 
a  Fort  bien  je  sais,  ce  que  je  devrais  faire; 
c  Ce  que  ferais,  c'est  ce  que  je  ne  sais  pas.  o 

MÉRARD  DE  Saint-Just  :  Lcs  Espicgleines  joycuscs.  t.  I. 


LES    FACETIES    DE    POGGE  157 


CXIX 

D'un  seri'iteitr  oublieux  qu'on  charge  d'un 
poids  énorme  '. 

Un  des  membres  de  la  famille  Albizzi,  Robert, 
homme  d'une  grande  bienveillance  et  profondé- 
ment instruit,  avait  un  domestique  niais,  ou- 
blieux, lourd  d'esprit,  qu'il  gardait  à  son  service 
plutôt  par  charité  que  pour  son  utilité  person- 
nelle. 11  lui  avait,  certain  jour,  donné  une  commis- 
sion pour  son  ami  Dego  qui  habitait  près  du  pont 
de  la  Trinité  :  —  «  Qu'y  a-t-il  de  nouveau,  lui  de- 
manda celui-ci,  dès  quïl  le  vit.  »  Le  valet  ayant 
oublié  la  recommandation  de  son  maître ,  ab- 
sorbé, l'air  stupide,  cherchait  la  réponse  qu'il 
devait  faire.  Dego,  qui  connaissait  bien  notre 
homme,  voyant  sou  silence,  ajouta  :  «  —  Je  sais 
ce  que  tu  viens  chercher.  »  Sur  ce,  il  lui  montre 
un  énorme  mortier  de  pierre.  « — Prends-le,  con- 
tinua Dego,  et  porte-le  au  plus  tôt  à  ton  maître 
qui  l'attend.  »  Robert  à  son  tour,  apercevant  de 
loin  le  malheureuxgarçon,  le  mortiersur  les  épaules 
comprit  qu'on  avait  voulu  le  punir  de  son 
manque   de   mémoire  :  —   «  Nigaud,  lui  cria-t-il 


1.  De  serco  obhvioso   ex  pondère   defatigato.   Opéra  CXIX. 
NoKL  I,  127.  —  LisBux  I,  p.  190. 


158  LES    FACÉTIES    DE    PO(i(iE 

lorsqu'il  fut  assez  proche,  tu  n"as  pas  fait  exacte- 
ment ma  commission;  retourne  immédiatement  ; 
je  n'ai  pas  besoin  d'un  mortier  si  grand,  apporte- 
m'en  un  plus  petit.  »  Le  pauvre  diable,  couvert 
de  sueur  et  pliant  sous  le  faix,  reconnut  qu'il 
s'était  trompé,  retourna  chez  Dego  et  ht  un  troi- 
sième voyage  pour  rapporter  un  autre  mortier. 
Telle  fut  la  punition  de  son  oubli. 


CXX 

D'un  homme  qui  veut  dépenser  mille  florins 
pour  se  faire  connaître  et  la  l'èponse  qu'on  lui 
fait  1. 

Un  habitant  de  Florence,  notre  compatriote, 
jeune  homme  d'une  intelligence  bornée,  disait  à 
un  de  ses  amis  qu'il  avait  l'intention  de  dépenser 
mille  florins  pour  parcourir  le  monde  et  se  faire 
connaître.  Et  l'autre,  qui  connaissait  à  fond  notre 
homme,  de  répondre  :  —  «  Tu  ferais  bien  mieux 
d'en  dépenser  deux  mille  pour  rester  inconnu.  » 


1.  De  homine  qui  )iuUe  porenns  nilt  e.rpendere  ni  coaiioscatui; 
eî  responsio  in  eum  facta.  Opéra  CXX.  —  Nokl  I,  l'28;  il,  l'?3.  — 
LisEUx,  t.  I,  p.  192.  —  J.-B.  Rousseau  :  Epùirammes;  Un  iat 
partant  pour  un  voyage.  Edit.  Garnicr,  p.  115.  —  Ut  muaduni 
noscas,  ccntuin    scstertia    poscis. 

Qa-ji  melius,  ne  sis  cognitus,  ipsedaros  —  dans  MiLet.  Pixjiii 
iinitationvs,  p.  'i"25. 


LES     FACÉTIES    1>K    l'OGGE  159 

GXXI 

Plaisanterie  de  V illustre  Dante  (1). 

Dante,  notre  poète,  pendant  son  exil  à  Sienne, 
venait  de  temps  à  autre  dans  l'église  des  Minimes. 
Le  coude  appuyé  sur  l'autel,  il  s'abimait  dans  la 
méditation.  Un  jour,  un  importun  vint  le  trouver 
et  le  fatigua  de  ses  questions.  Alors  Dante  de  lui 
dire  :  «  —  Quelle  est  la  plus  grosse  bête  de  la 
terre?» —  «  L'éléphant!  »  répondit  l'interlocu- 
teur. —  «  0  éléphant  !  laisse-moi,  car  des  pensées 
plus  élevées  que  ton  verbiage,  me  préoccupent  ; 
cesse  donc  de  m'ennuver.  » 


1.  Jocatio  Daiilis  clavissimi.  Opéra  CXXI.  —  Xoel  I,  129;  II, 
1  "23-124.  —  RiSTELBUBER  LUI,  77.  — LiSEux  II,  p.  5.  —  d'Abgens  : 
ie//re5)»!(p5  lettre  i9. —  B.  de  La.Monnoyj[:  Puella  molestum 
arigehs. 

D'UN  IMPORÏUX 

«  Bren,  laissés  ruoy,  »  ce  disoit  une 

A  un  sot  qui  lui  desplaisoit. 

Ce  lourdaud  tousjours  l'importune; 

Pu  s  j'oiiy  quelle  lui  disoit  : 

('  La  plus  grosse  beste  qui  soit, 

Monsi' iir,  comme  est-ce  qu'on  l'appelle?  — 

Un  i'l(jphant,  Madamoyselle. 

Me  scîiible  qu'on  le  nomme  ainsi.  — 

Pour  Dieu,  Eléphant  (ce  dit-elle) 

Va-t-en  donc,  laisse  moy  icy.  » 

Cl.  Marot,  Jipigraintne  206. 


160  LES    FACÉTIES    DE    FOGGE 


CXXII 

De  la  femme  qui  accouche  au  bout  de 
douze  mois  '. 

Un  citoyen  de  Florence  qui  était  allé  en  voyage, 
en  rentrant  chez  lui  au  bout  d'un  an,  trouva  sa 
femme  entrain  d'accoucher;  ce  dont  il  fut  fort 
vexé,  car  il  soupçonna  sa  femme.  Cependant 
comme  il  n'était  sûr  de  rien,  il  s'enquit  auprès 
d'une  voisine,  matrone  respectable  et  fort  expéri- 
mentée, de  savoir  si  un  fils  pouvait  lui  naître  au 
bout  de  douze  mois.  Celle-ci,  voyant  à  quel  imbé- 
cile elle  avait  à  faire,  lui  répondit  :  —  «  Assuré- 
ment, car  si  ta  femme  a  vu  un  Ane  le  jour  où  elle 
a  conçu,  elle  a  du  porter  une  année  entière, 
comme  les  ânesses.  »  Le  mari  goba  l'histoire, 
remercia  bien  la  matrone  de  l'avoir  délivré  d'un 
léger  soupçon,  et  d'avoir  préservé  sa  femme  d'un 
grand  scandale,  finalement  il  endossa  la  pater- 
nité de  l'enfant. 

En  ceste  Facécie  est  donnée  à  congnoi.stro  aux  hommes 
mariez  qui  on  jeunes  femmes  qu'ilz  ne  soyent  point  dési- 


1.  Jucunda  responsio  unius  inulievis,  fada  ad  quemdam  quœren- 
tem  an  uxor  sua  per  xii  tnenscs  posset  parcrc  Opora  CXXII.  — 
NoBL  I,  l'2U;  II,  123.  —Guillaume  Tardif  LXX,  p.  195.  —  Ris- 
TELHL'HER  LIV,  p.  78.  —  LisKL'x  CXXII,  t.  Il,  p.  6.  —  MaffistH 
Slrnpini  Idesl.  C^sakis  Uusini  Capriiria  inacavonica,  p.   lO-i. 


LES    FACETIES    DE    VOW,E  161 

rans  ni  envieux  de  aller  aux  loingtainsvoyaiges,  aux  moins 
pour  y  demeurer  longuement,  car  par  l'ennuy  de  leur 
demeure  leurs  femmes  pourroyent  faire  ainsi  que  celle  qui 
porta  l'enfant  douze  moys.  à  la  façon  et  mode  des  asnes. 


CXXIII 

Question  incoin'cnante  d'un  prêtre  '. 

Un  jour  de  fête  solennelle  que  tous  les  fidèles 
étaient  accourus  en  foule  à  l'église  Saint-Marc, 
hors  la  porte  de  Pérouse,  le  curé  Cicero  termina 
le  sermon  d'usage  en  disant  :  —  «  Mes  frères,  je 
désire  cjue  vous  me  tiriez  d'un  grand  embarras. 
Pendant  ce  Carême,  j'ai  entendu  vos  femmes  en 
confession,  aucune  n'a  oublié  de  déclarer  qu'elle 
était  restée  fidèle  à  son  mari.  Vous,  au  contraire, 
m'avez  tous  déclaré  avoir  forniqué  avec  les  femmes 
desautres.  Eh  bieni  pour  ne  pas  me  laisser  plus 
longtemps  dans  l'incertitude,  je  désire  donc  savoir 
de  vous  quelles  sont  ces  femmes  avec  lesquelles 
vous  avez  forniqué  et  où  elles  sont  -. 

Geste  ([uestion  ne  luy  fut  point  respondue,  pour  la  cause 
du  débat  qui  s'en  pouvoit  ensuivir,  et  pour  tant  que  toutes 

1.  IulPirogalio  obsceiia  cujusiiaui  saccrdolis.  Opéra  CXXIII.  — 
Noël  I,  130;  II,  126.  —  Guillaume  Tardif  :  Lue  lolle  demande 
que.  etc.,  LXXI.  p.  11)7.  —  Ristelhdber  :  Un  doute,  LVI,  p.  79. 
—  LisEux  CXXIII,  t.  II,  p.  8.  —  Babatox  :  Pœsies,  Les 
paysannes  (1700).  —  J.-B.  Rousseau:  Epixfiamme;  Dans  un 
village  un  jeudi  de  l'absoule...  Ed.  Garnier. 

2.  Le  texte  porte  :  (Ju<r  ani  ulnnain   yint  isUr  mulieres  fututœ. 


162  LES    FACÉTIES    DE    POGGE 

les  femmes  soustenoient  qu'elles  l'iissenl  toutes  preudes 
femmes,  etii'y  eust  controversie,  sinon  entre  elles  et  leurs 
marys,  après  qu'ilz  furent  à  l'iiostel  et,  n'y  eust  celle  qui  ne 
tist  la  jalousie  de  son  mary. 


GXXIV 

Plaisanterie  au  sujet  cVun  ambassadeur  de 
Pérou  se  '. 

A  Fépoque  où  les  Florentins  étaient  en  guerre 
avec  le  pape  Grégoire,  les  habitants  de  Pérouse 
qui  avaient  abandonné  le  parti  du  souverain 
Pontife  pour  celui  de  Florence,  envoyèrent  dans 
cette  ville  des  ambassadeurs,  afin  de  solliciter  du 
secours.  L'un  d'eux,  un  docteur,  commença  sa 
longue  harangue  en  prononçant  ces  mots  à  titre 
de  préambule  :  — «  Donnez-nous  de  votre  huile.  » 
Un  joyeux  compère  qui  détestait  les  circonlocu- 
tions, l'interrompit  :  — «  Qu'est-ce  que  cette  huile? 
Tu  demandes  de  l'huile,  quand  ce  sont  des  soldats 
qui  nous  manquent.  Tu  ne  te  souviens  donc  pas 
que  ce  sont  des  armes  et  non  de  l'huile  qui  nous 
sont  nécessaires?  »  —  «  Mais  ce  texte  est  tiré  de 
l'Ecriture  Sainte  »,  repartit  le  docteur.  —  «  La 
belle  affaire,  répliqua  son  interlocuteur,  nous 
sommes  les  ennemis    de  l'I^^clise,  et  c'est  dans 


1.    Rideiifla  rujusdam  hominis  ndren^iis  Omloron  J'crusinnnim. 
Opéra  CXXXIV.  —  Noël,  I,  131.  —  Liseux,  I.  11.  ]>.  ïi. 


LES    F.V(  KÏIKS    DE    POGGE  163 

l'Ecriture  Sainte  que  tu  vas  chercher  un  appui  !  » 
Tous  se  mirent  à  rire,  en  présence  de  l'entrain  de 
celui  cfui  venait  d'arrêter  ainsi  le  flux  de  paroles 
inutiles  que  le  docteur  allait  débiter,  et  l'on 
traita  la  question. 


cxxv 

Les  Ambassadeurs  de  Pérouse  et  le  Pape 
Urbain   '.    • 

La  ville  de  Pérouse  ayant  envoyé  à  Avignon, 
auprès  d'Urbain  V  trois  ambassadeurs,  ceux-ci 
trouvèrent  le  pontife  très  malade.  Cependant, 
pour  ne  pas  leur  faire  subir  une  longue  attente, 
Urbain  ordonna  de  les  introduire  près  de  lui,  en 
les  prévenant  toutefois  qu'ils  eussent  à  expliquer 
en  peu  de  mots  le  but  de  leur  mission.  L'un  d'eux, 
solennel  docteur,  qui,  en  route,  avait  préparé  un 
long  discours  pour  l'adresser  au  Saint-Père,  sans 
tenir  compte  du  mal  dont  souffrait  Sa  Sainteté, 
et  quoiqu'elle  gardAt  le  lit,  débita  un  tel  fatras 
de  paroles,  que  le  Pape  en  témoigna  à  plusieurs 
reprises  de  l'ennui.  Toutefois,  lorsque  ce  mala- 
droit eut  cessé  de  pérorer,  Urbain,  avec  sa  cour- 


1.  Dr  oratoHhtis peruaiuis  ad  pnntifui'in  l'ihanum.  Opéra  CXXV. 
—  NoelI,  1.3'^;  II,  i2(i.  —  Lenfaxt.  t.  II,  XXXV,  p.  201.  —  Li- 
SKCX,  t.  II.  p.  11. —  1.  DeniDcriliis  ridens:  G;iiTulitas  odiosa.  p.T'i. 


164  LES    FACÉTIES    DE    POGGE 

toisie  liabituelle,  s'cnquit  auprès  des  autres  am- 
bassadeurs s'ils  avaient  quelque  chose  à  ajouter. 
L'un  d'eux,  qui  s'était  aperçu  du  manque  de  tact 
de  son  compagnon  et  de  la  contrainte  qu'en  avait 
éprouvée  le  Pape,  dit: — «  Très  Saint-Père,  nos 
instructions  portent  expressément  que  si  vous  ne 
consentez  sur  l'heure  à  accorder  ce  que  nous 
sollicitons,  nous  ne  sortions  pas  de  votre  palais 
avant  que  notre  collègue  n'ait  déclamé  de  nou- 
veau sa  harangue.  »  Ces  paroles  enjouées  ayant 
fait  sourire  le  souverain  Pontife,  ordre  fut  donné 
d'expédier  immédiatement  l'atfaire. 


CXXVI 

Propos  insensés  des  ambassadeurs  de 
Florence  '. 

Les  ambassadeurs  que  la  ville  de  Florence 
envoyait  en  France  étant  arrivés  à  Milan,  vou- 
lurent, par  déférence,  présenter  leurs  hommages 
à  Barnabo,  seigneur  de  cette  ville.  Lorsqu'ils 
furent  en  présence  du  prince,  celui-ci  leur  de  manda 
qui  ils  étaient  :  —  «  Nous  sommes,  répondirent-ils, 
citoyens  et  envoyés  de  Florence,  s'il  vous  plaît  » 
(ainsi  que  cela  se  dit  communément  par  politesse). 


1.  Insuhum  diclitin  oratorum  Florciitiïinrutn.  Opéra  CXXVI.  — 
NoblI,  133.  —  LisEux,  t.  II,  p.  1:1. 


I 


I,ES    FACKTIES    DE    l'OG<iE  IGo 

Aprcsun  excellent  accueil,  ils  prirent  congé  du  sou- 
verain. Déjà  ils  avaient  gagné  Verceil,  lorsqu'en 
repassant  dans  leur  mémoire  ce  qu'ils  avaient 
fait  ou  dit  jusque-là,  ils  se  souvinrent  des  termes 
qu'ils  avaient  employés  en  parlant  à  Barnabo.  L'un 
d'eux  ayant  fait  remarquer  qu'ils  avaient  eu  lort 
de  se  servir  de  ces  mots  :  «  S'il  vous  plait  »,  car, 
que  ce  fut  ou  non  son  plaisir,  ils  étaient  bel  et  bien 
citoyens  et  ambassadeurs  de  Florence;  tous  parta- 
gèrent son  avis,  reconnurent  que  ces  mots  avaient 
été  prononcés  à  tort  et  pouvaient  compromettre 
leur  dignité.  D'un  commun  accord,  ils  retournèrent 
donc  à  Milan  pour  se  rétracter  et  demandèrent 
audience  nu  prince.  Le  plus  âgé  (ce  devait  être  aussi 
le  plus  instruit,)  prit  la  parole:  —  «  Prince,  dit- 
il,  en  arrivant  à  Verceil,  nous  nous  sommes  rap- 
pelés que  nous  vous  avions  dit  :  Nous  sommes 
citoyens  et  envoyés  de  Florence,  s'il  vous  plait. 
C'est  à  tort  et  sans  réflexion  que  nous  avons 
employé  ces  termes,  car  que  vous  le  vouliez  ou 
non,  nous  sommes  citoyens  et  envoyés  de  Flo- 
rence. »  Le  prince,  habituellement  très  sérieux, 
éclata  de  rire  en  entendant  formuler  cette 
vaine  préoccupation  :  —  «  Allez,  dit- il,  je  suis 
content  de  vous,  vous  êtes  bien  tels  que  je 
crovais.  » 


d66  LES    FACÉTIES    DE    POC.GE 

GXXYII 

Mol  plaisant  de  Jean-Pierre  de  Sienne  '. 

Giovanni  Pietro,  citoyen  de  Sienne,  toujours  prêt 
à  rire  et  à  plaisanter  fut  un  jour,  invité  à  Rome 
])ar  Bartolomeo  de  Bardi,  à  venir  boire  un  coup. 
C'était  le  matin,  en  été.  Nous  nous  rencontrâmes 
là  plusieurs  amis,  venus,  non  tant  pour  nous 
rafraîchir,  que  pour  faire  enrager  notre  hôte. 
Suivant  l'habitude,  on  offrit  à  chacun  une  bou- 
chée de  pain  ;  tous  en  prirent  et  se  mirent  à 
manger.  Seul  Giovanni  Pietro  conservait  son  mor- 
ceau dans  la  main.  On  s'enquit  du  motif  qui  Tem- 
pèchait  de  manger:  —  «  Bartolomeo,  dit-il  en 
riant, ton  pain  est  le  plus  humble  et  le  plus  modeste 
que  j'aie  jamais  rencontré;  plusieurs  fois  je  l'ai 
approché  de  ma  bouche  ;  il  s'est  obstiné  à  ne  vou- 
loir passer  qu'après  le  vin  ».  La  boutade  de  cet 
homme  nous  fit  rire.  Elle  prouvait  que  le  manger 
ne  doit  pas  toujours  précéder  le  boire,  surtout 
lorsqu'on  est  très  altéré. 


1.  Fcticle   (liclu)n    i'tijusduin    Johannis   Peiri.    Sencnsis.    Opéra 
CXXVII.  —  Noël  1,  135.  —  Liseux,  t.  II,  p.  15. 


LES   FACETIKS    DE    l»0(i(;E  Kil 


GXXVlll 


D'un  mari  qui  (i\'(iil  fuit  faire  a  sa  femme  une 
loiletle  d'un  grand  prix  '. 

Un  mari  qui  avait  fait  faire  à  sa  femme  une  toi- 
lette d'un  grand  prix,  se  plaignait  de  ce  que  l'ac- 
complissement de  ses  devoirs  d'épouxlui  revenaient 
à  pas  moins  d'un  ducat  d'or  en  moyenne  chaque 
fois.  —  «  Tiens,  lui  répliqua  sa  femme,  c'est  ta 
faute,  que  ne  le  fais-tu  tant  de  fois  que  ça  ne  te 
coûte  plus  qu'un  sou.  » 


1.   De  vivo  qui  uxovi  vestem  magiii  pvetii  fecevat.  Opéra  CXXVIIl 

—  Noël  1.  1-26:  II,  12f;.  —  Gdillaume  Tardif  LXXII,  p.  19'J.  — 
LiSKUx  CXXVIII,  t.  II,  p.  16.  —  Tombeau  de  la  Melancholie  : 
Réponse  plaisante  d'une  femme  à  son  mary  qui  se  plaignoit 
qu'elle  lui  coustait  trop.  p.  107.  —  Bbroald  de  Vervillk  : 
Moyen  de  parvenir.  Voir  édition  (iarnier.  —  Lod.  Guicciarim. 
Hore  di  Reereatione.  p.  254.  —  Le  joujou   des  demoiselles,  p.   25. 

—  J.-B.  Rousseau  :  Epigra)nme  «  En  plein  chapitre  un  moine 
à  son  retour,  »  p.  lUd  —  Bouchet,  Serées  111°  sérée.   Le  Ménagu. 

—  Contes  à  rire  ou  Récréations  françaises,  t.  I.  La  femme  de  bon 
appétit. 

D'UN  AM.ANT  A  SA  MYE 

L'autre  jour  un  amant  disoit 
A   sa  Mai.stresse    en  bonne  vois, 
Que  chascun  coup  qu'il  luy  faisoit. 
Lui  coustoit  doux  écus  ou  trois. 
Elle  y  contredis!  :  toute  fois 
Ne  pouvant  le  cas  dénier, 
Luy  dict  :  faictes  le  tant  de  fois 
Qu'il  ne  vous  couste  qu'un  denier. 

Clem.  Marot.  Epigram  ;CCLIX,édit.  Garnier. 


1G8  II'^S    FACKTIKS    DE    POdGE 

En  ceste  Facécie  est  à  noter,  comme  dit  monseigneur 
Saincl  Bernard,  que  de  femme  désirante  superfluité  d'a- 
bits  somptueux  et  (>ultre  son  estât  n'est  point  volontiers 
juste  et  honneste  en  couraige;  oullre  y  est  l)ien  à  noter  la 
folie  do  aulcuns  hommes  qui  pour  obéyr  à  la  folle  volonté 
d'une  femme  qui  désire  eslre  parée  magnifiquement  et 
plus  que  à  elle  ne  appartient,  exposent  tant  du  leur  qu'en 
la  fin  ilz  s'en  repentent,  quand  ils  cognoissent  leur  follie  et 
leur  grande  prodigalité. 


CXXIX 

Plais  a  m  récit  d'au  médecin  '. 

Le  Cardinal  de  Bordeaux  -  m'a  raconté  qu'un 
individu  de  son  pays  étant  rentré  tard  chez  lui, 
se  plaignit  d'une  douleur  à  lajamhe.  Sa  femme 
alors  se  mit  à  frictionner  avec  de  l'huile  de  roses, 
la  jambe  malade,  la  couvrit  d'étoupe  et  de  laine, 

1.  Rpcilalio  jocoso  de  medico.  Opéra  CXXIX.  —  Noël  I,  13(i;  II, 
128.  —  RisTELHUBER  LVI.  p.  811.  —  LiSEL'x,  t.  !),  p.  17.  —  Len- 
FANT,  t.  II,  LV,  p.  216.  —  DoMiNiCHi,  Facctic  Mollis  32G.  — 
LoD  GuicciAKDi.M.  Ilorc  di  ricreaz-ioid  Poseraitircnza  pcncp.  I'i6. 
—  Des  PÉRiERS.  Coules  et  Noucetles  :  Nouv.  XI  :  D'un  docteur  en 
décret  qu'un  bœuf  blessa  si  fort  qu'il  no  sçavoit  en  quelle 
jambe  c'estoit,  édit.  Garnier,  p.  41.  —  Tabourot  des  Accords. 
HiyaiTures  du  Seigneur  des  Accords  :  Gaulard,  Coules. 

2.  François  de  Aguzzoni,  né  à  Urbino.  Cinquante-quatrième 
archevêque  de  Bordeaux  en  l.'^Si).  En  139-5,  il  fut  envoyé  par 
l;ioniface  IX  comme  nonce  en  Espagne,  pour  faire  cesser  le 
schisme.  En  1505  il  fut  fait  par  Innocent  VIII  cardinal  du  litre 
des  Quatre-Saiiits-Couronnés.  En  1408,  il  se  nmdit  en  France 
dans  l'intérêt  de  l'union  de  l'Eglise,  le  17  mars  il  assista  à  l'en- 
trée de  Charles  VI  à  Paris.  En  14(19,  il  fit  partie  du  Concile  de 
Pise.  II  mourut  à  Florence,  en  août  1412. 


LKS    F.Vt.KTIKS    I»E    l'U(i(iK  KIQ 

puis  appliqua  sur  le  tout  une  bande  de  toile. 
Le  patient  continuait,  maliiré  ces  soins,  à  se 
plaindre  et  demandait,  en  gémissant,  un  méde- 
cin. Il  en  vint  un  qui,  peu  à  peu,  avec  beau- 
coup de  précautions,  découvrit  la  jambe  (le 
malade,  pendant  ce  temps  manifestait  la  plus  vive 
douleur),  et  le  médecin  déclara,  après  l'avoir 
bien  palpée,  qu'il  n'y  avait  aucun  mal.  Alors  le 
campagnard  de  dire  :  —  «  C'est  donc  de  celle-ci 
(jue  je  souffre  »,  et  il  présenta  l'autre  jambe. 
Amusante  naïveté  d'un  homme  qui  attend  de  con- 
naître l'opinion  du  médecin,  pour  savoir  où  il  a 
mal. 

cxxx 

De  l  homme  qui  trouva  de  for  eu.  dormaut  '. 

Un  de  nos  amis  racontait  qu'une  nuit,  en  rêve, 
il  avait  trouvé  de  l'or.  —  «  Prends  garde,  lui  dit 
un  des  auditeurs,  qu'il  ne  t'en  advienne  comme  à 
un  de  mes  voisins  qui  vit  son  or  se  changer  en 
ordures.  »  Sur  notre  demande,  il  nous  raconta  le 
songe  de  cet  individu  :  —  «  Mon  voisin  rêva  une 
nuit,  que  le  diable  l'avait  conduit  au  milieu  d'un 


1.  De  homiiic  ijiti  in  somuis  aurum  rcpcriehal.  Opéra  CXXX.  — 
XoEL  I,  137;  H,  l-29-13(l.  —  Liskux,  t.  Il,  p.  18.  —  Bkroald  de 
Vkrville  :  Le  Moyen  de  pavretiir,  édit.  Garnici*.  —  Deliliœ 
poelarum  GoUoium  :  Somniuin  Aureum.  —  G.  Grécourt  : 
Coûtes.  Le  trésor  découvert.  —  Scaianiuzza,  poema  placciole 
)tel  veinac(}lo  Vene:;i(uio,  canto  X.  slanz  i  :  11  .sfiguo  aureo. 

10 


170  IKS    FACKTIKS    DK    VO(A',¥. 

champ  poiu'  y  déterrer  un  trésor.  Il  trouva  beau- 
coup d'or...  Il  n'est  pas  permis,  lui  dit  alors  le 
démon  de  l'enlever  maintenant,  fais  une  marque 
à  l'endroit  de  manière  à  pouvoir  seul  le  recon- 
naître. Notre  homme  ayant  demandé  quel  signe 
il  pourrait  bien  employer  :  —  Chie  dessus,  dit 
le  diable,  c'est  le  meilleur  moyen  pour  que  per- 
sonne ne  suppose  qu'il  y  a  de  l'or  dessous,  toi 
seul  connaîtras  le  secret.  La  chose  fut  trouvée 
parfaite,  mais  le  rêveur,  se  réveillant  aussitôt, 
constata  qu'il  s'était  horrii>lement  lâché  le  ventre 
dans  son  lit.  Il  se  lève  alors  au  milieu  des  excré- 
ments et  de  l'infection,  puis,  voulant  prendre 
l'air,  il  pose  sur  sa  tète  un  capuchon  dans  lequel 
un  chat  venait  de  faire  ses  ordures.  Furieux  de 
l'odeur  infecte  qui  le  poursuivait,  il  s'empressa  de 
se  laver  la  tête  et  les  cheveux.  C'est  ainsi  qu'un 
rêve  d'or  s'évanouit  dans  l'oidure. 


CXXXI 

/>'////  Secrctdirc  de  V Empereur  Frédéric  II  '. 

Pierre  des  Vignes  2.   homme  plein  de  savoir 
et  d'une  grande  habileté,  fut  secrétaire  de  l'Em- 

1.   De  quoduin  secri'ltirio  Friilerici  inipcrahiris.   Opéra   <iXX.XI. 

—   NOKL  I.   138.   —  l.ENKANl,   t.    11,  XXXV'1I,|).    ^1.   —    Rl.STEI.HU- 

i.KR  LVll,  p.  82.  —  I.isEux,  t.  H,  p.  '20. 

■.;.    Ou   plus    exactement  de  la    Vigne,    selon    lliiilIard-lJré- 
liolles,   Vie   cl    Cnrirspinidniia'   tir    l'irnr    (k    la    Viijiii',   IHG-'i.  Il 


LKS    FACÉTIES    HK    I'0(.(;e  171 

pereiir  Frédéric.  A  répoquc  où  il  faisait  la  guerre 
au  Pape  Alcxandi-e  III,  ce  souverain  ayant  envahi 
les  Etats  de  l'Eglise  prêta  l'oreille  aux  calomnies 
des  Barbares  contre  Pierre  qui  était  Italien  et  lui 
fit  crever  les  yeux.  Poussé  ensuite  par  le  repentir 
car  il  avait  agi  injustement),  il  admit  sa  victime 
dans  son  Conseil  privé.  Le  besoin  d'argent  s'étant 
fait  sentir,  Pierre  des  Vignes  conseilla  à  Frédéric 
de  faire  la  guerre  à  l'Eglise  avec  les  ressources 
de  l'Eglise  elle-même,  de  saisir  et  de  faire  fondre, 
pour  l'entretien  des  troupes,  les  objets  d'or  et 
d'argent  qui  ornaient  les  édifices  religieux,  parmi 
lesquels  figuraient  les  célèbres  chaincs  d'or  qui 
entouraient  alors  la  cathédrale  de  Pise.  Ce  conseil 
plut    à    l'Empereur,   qui   dépouilla    les    temples 


naquit  vers  1190,  fut  juge  de  la  Grande  Cour  de  1225  à  12 17, 
puis  protonotaire  ou  le  premier  des  seerélaires  de  Frédéric  II. 
Il  mourut  à  la  lin  d'avril  1249.  Il  est  étonnant  que  M.  Huillard. 
citant  le  «  récit  apocryphe  «  do  Trithèmc;,  ne  cite  pas  aussi  celui 
de  Pogge,  qui  oftre  avec  lui  des  analogies,  et  se  trouve  anté- 
rieur d'un  siècle.  Pogge  ne  croyait  pas  faire  un  conte,  et  lorsque, 
par  exemple,  il  dit  que  les  Barbares,  c  est-à-dire  les  Allemands, 
jalousaient  Pierre,  on  n'a  qu'à  se  rappeler  que  vers  la  fia  de 
son  règne,  Frédéric  II  s'entourait  de  nobles  allemands,  tels  que 
IJerthold,  margrave  de  Holienliurg,  etc.  D'autre  part,  des  auteurs 
à  peu  près  contemporains,  Ricordani,  Villani,  Fulgose,  sou- 
tiennent que  Pierre  fut  victime  de  la  jalousie  des  courtisans. 
M.  Huillaid  incline  vers  le  récit  de  Matthieu  Paris,  selon  lequel 
Pierre,  gagné  par  les  promesses  du  pape,  aurait  décidé  un  mé- 
decin à  empoisonner  Frédéric,  et  cependant  il  n'ose  afdrmer 
que  Pierre  ait  été  coupable.  Mais  il  nous  semble  plus  naturel, 
dirons-nous  avec  Lenfant,  do  s'en  rapporter  à  Pogge  sur  un  fait 
arrivé  en  Italie,  qu'à  un  aiiteur  anglais,  tel  que  Matthieu  Paris. 
Là  où  Pogge  se  trompe  plutôt,  c'est  quand  il  rapporte  que  l'em- 
pereur se  repentit  de  son  injustice  (R). 


172  l-ES    FACF.TIES    DE    POCUJE 

sacrés  au  profit  de  son  armée  :  —  «  Sire,  dit  alors 
Pierre  des  Vignes,  j'ai  enfin  vengé  l'injure  que 
vous  m'avez  injustement  faite.  Vous  étiez  odieux 
aux  hommes,  mais  en  vous  faisant  commettre  ce 
sacrilège,  j'ai  attiré  sur  vous  la  malédiction  de 
Dieu.  Désormais,  toutes  vos  entreprises  tourneront 
mal  )'.  Frédéric,  cependant,  gagna  bien  encore 
quelques  victoires,  mais  Alexandre  finit  par  briser 
son  orgueil.  Ce  fait  nous  montre  qu'il  ne  faut  pas 
employer  les  choses  sacrées  à  des  usages  pro- 
fanes, Dieu  punissant  toujours  les  transgresseurs 
de   sa  loi. 


CXXXII 

D'un  juif  mangé  par  un  Florentin  i. 

Deux  Juifs,  habitants  de  Venise,  étant  allés  à 
Bologne,  l'un  d'eux  y  tomba  malade  et  mourut. 
Le  survivant,  soucieux  de  ramener  à  Venise  le 
cadavre  de  son  compagnon,  mais  sachant  qu'il 
était  défendu  de  le  faire  ostensiblement,  coupa 
le  corps  en  plusieurs  morceaux,  puis  le  mit  dans 
une  petite  tonne  après  y  avoir  ajouté  des  aro- 
mates et  du  miel,  de  telle  sorte  qu'il  s'en  exhalait 
une  odeur  suave.  Il  conlia,  en  le  recommandant 


1.  De  jiideo  morluo  assumiila  l<iii(ii-<uiler  iii  cibum  pcr  Flovcnti- 
nuin.  Opéra  CXXXII.  —  Xoel  1,  140.  —  Ristelhuber  LVIIl,  p.  8'i. 
—  LiSEUx,  t.  II,  p.  22. 


LES    FACETIES    DE    POGGE  173 

Wvenient,  ce  dépota  un  autre  Juif  qui  retournait 
à  Venise.  Celui-ci  gagnait  Ferrare  par  le  canal  et 
beaucoup  de  passagers  avaient  pris  place  dans  le 
bateau,  lorsqu'un  Florentin  vint  s'asseoir  près  de 
la  tonne.  La  nuit  venue,  notre  homme,  alléché  par 
la  délicieuse  odeur  qui  s'exhalait  de  cette  bar- 
rique, soupçonna  qu'elle  renfermait  d'excellentes 
pro\'isions  de  bouche.  Il  l'ouvrit  donc  à  la  dérobée 
et  se  mita  goûter  le  contenu  ;  or  le  mets  lui  parut 
si  succulent,  qu'il  passa  toute  la  nuit  à  vider  petit 
à  petit  la  tonne.  A  Ferrare,  le  Juif  sortit  du  bateau, 
mais  en  reprenant  la  tonne,  il  la  trouva  si  légère 
qu'il  comprit  qu'elle  était  vide.  Il  protesta  haute- 
ment alors,  contre  le  vol  qu'il  prétendait  lui  avoir 
été  fait  du  corps  de  son  coreligionnaire.  De  cette 
façon,  le  Florentin  apprit  qu'il  servait  de  sépul- 
cre à  un  Juif. 


CXXXllI 

Vision  de  François  Philelplie  ^. 

François  Philelphe,  jaloux  de  sa  femme,  ne 
vivait  pas  à  la  pensée  qu'elle  pourrait  avoir  affaire 
à  d'autres;  aussi,  jour  et  nuit,  était-il  toujours  en 


1.  Visio  Francisci  Philelphi.  Opéra  CXXIII.  —  Noël  I,  141,  II. 
135.  —  GoiLLAUME  Tardif  LXXIV,  p.  201.  —  Liseux  CXXXIII, 
t.  II,  p.  24.  —  Cent  Nouvelles  noitveUes,  nov.  XI.  L'encens  du 
diable,  p.  48,  édition   Garnier.  —   Ludovico   Ariosuo,   Satyr  : 

10. 


174  LES    FACKTIKS    DE    PO(;(JE 

éveil.  Une  nuit  qu'il  rêvait  (car  nous  nous  occupons 
fréquemment  en  rêve  des  mêmes  choses  qui  nous 
préoccupent  éveillés),  il  vit  un  démon  qui  lui  pro- 
mit la  sécurité  ù  l'égard  de  sa  femme,  s'il  voulait 
suivre  son  conseil.  Philelphe,  toujours  endormi, 
accej)te  avec  grand  plaisir  et  promet  même  une 
récompense.  —  «  Prends  donc  cet  anneau,  dit  le 
démon,  garde-le  avec  soin  à  ton  doigt  et  jamais 
ta  femme  ne  pourra,  à  ton  insu,  coucher  avec  un 
autre.  »  La  joie  l'ayant  réveillé,  Philelphe  s'aper- 
çut qu'il  avait  le  doigt  dans  le  pertuis  de  sa 
femme.  En  cll'et,  cet  anneau  est  le  remède  par  exel- 
lence  contre  la  jalousie,  en  empêchant  les  femmes 
d'être  incontinentes  àl'insu  de  leur  maris  . 

En  cesle  Facecie  est  reprouvé  ung  très  grand  vice,  ((ui 
peult  advenir  aussi  bien  à  homme  que  à  femme,  c'est 
jalousie,  qui  procède  d'une  folle  mélancolie,  soit  à  droit 
ou  à  tort,  car,  si  c'est  à  droit  que  l'homme  soil  jaloux  de 
sa  femme,  pour  néant  s'en  tempêterat  il,  car,  si  elle  ne  ne 
le  veut,  il  ne  la  poui-ait  garder  de  faire  sa  voulonté,  ne  elle 
aussi  luy  :  si  c'est  à  tort,  c'est  encore  plus  mal  fait,  ctpiMdt 
estre  ce  cause,  d'ung  grand  mal,  et  n'est  jugement  contre 
la  l)onté  de  Dieu  de  présumer,  l'ung  sui*  l'aultre  vice  qui 
n'est  pas  vrai  ni  certain  1. 


L'Anella.  —  Rabki.ais  :  Pautaçfrm-l,  Liv.  111,  ch.  XXVIII,  — 
La  Fontaine.  Coules  :  L'anne.iu  d'Hans  Carvel,  conte,  p.  120. 
édition  Garnier.  —  Bkunard  de  la  Monnoyk  :  Aunuliis  l'Iiilolœ' 
—   Pbioh,  Bans  C'arucrs  riiKj,  or,  a  cliaime  aijniiisl  oukvldom. 

1.  L'anneau  doit  toujours  être  porté  au  gros  doi^l,  afin  qu'il 
ne    se  gâte  point.   C'est  aussi    là    l'unique   ninyen  d'empêcher 

qu'il  ne  se  jasse  rien  chez  la  femme  au  préjudice  du    l'époux. 

Après  tout,  celte  pièce  est  la  première  pièce  du  ménage.  Si 
cette   pièce    n'est    bien    conservée,   ad'cu    la   tranquillité    de 


LKS    l-'ACKTIKS    DK    l'(»G(iE  175 

CXXXÏV 

Dnil   buveur  '. 

Certain  ivrogne,  buveur  remarquable,  fut  pris 
dune  fièvre,  qui,  naturellement,  redoubla  sa  soif. 
Comme  les  médecins  mandés  cherchaient  le 
moyen  de  couper  la  fièvre  et  la  soif:  —  «  Occupez- 
vous  seulement  de  la  fièvre,  dit  le  malade,  laissez- 
moi  le  soin  de  guérir  la  soif.  » 

En  cesle  Facécie  est  monslré  que  c'est  à  une  j)ersonne 
de  mettre  son  cueur  en  ielicilé  à  yvrongnerie  et  comment 


l'époux  et  de  l'épouse,  .\dieu  la  paix  du  ménage.  {Rcflcxioit  de 
l'édition  d'Amsterdam). 

1.  De  polatore.  Opéra  CXXXIV. —  Guillaume  TardU' :  Du  bon 
buveur  qui  ne  voulut  point  estre  garry  de  sa  soif.  LXXIV, 
p.  20i.  — RisTELHUBER  LIX,  p.  85.  —  LisEux,  t.  II,  p.  2(5. 

Democritus  ridens.  p.  l'iT.  —  Baraton,  Poésies  :  La  Migraine 
et  la  Soif.  —  J.-B.  Rousseau,  lypigr.  :  Ortain  ivrogne  après 
maint  long  repas,  p.  378,  édit.  (Tarnier.  —  Gristianus  H.  Herus  : 
Epiçiramme  «  Bibus  »  dans.  Delicia- poctorion  Vunoruin  —  N.  de 
tA  (.jiRAiDiÈRE.  Epigramme  : 

EPIGRAMMK 

Un  bon  vieux  biberon  oyant  un  jour  Iraiter, 
A  trois  grands  médecins, du  vrai  moyen  d'ûter 
La  lièvre  d'une  soif  qui  le  rendoit  tout  blême. 
—  Messieurs,  ce  leur  dit-il,  prenez  (ant  seulement 
Le  souci  de  m'ôler  la  (ièvre  promplement. 
Car  je  me  saurai  bien  oter  la  soif  moi-même. 


176  LES    FACETIES    DE    POG(iE 

il  y  a  grant  dangier,  ce  depuis  que  une  foys  il  est  mis  en 
granl  peine,  jamais  l'on  peust  en  oster,  ainsi  que  le 
malade  qui  estoit  en  fièvre  périlleuse,  et  toutes  foys  il  ne 
vouloit  pas  qu'on  luy  ostast  la  soif  et  la  grant  altération, 
qui  estoit  angmentalive  de  sa  douleur  et  la  première 
chose  qu'on  luy  deust  oster,  mais  seuUement  désiroitestre 
sus  bout  pour  aller,  avecques  sa  grande  soif  que  il 
avoit,  boire  à  la  taverne  du  bon  vin  que  tant   il  aimoit. 


GXXXV 

Facétie    (VEverardo   Lupi  '. 

Le  Cardinal  de  Gonti  -,  gros  personnage,  plein 
d'embonpoint,  revenait  un  jour  de  la  chasse. 
Mourant  de  faim,  car  il  était  midi  environ,  il 
descendit  pour  prendre  son  repas.  Comme  il 
était  tout  en  nage,  on  était  en  été,  il  demanda 
que  quelqu'un  vint  le  rafraîchir  avec  un  éventail. 
Les  valets  étant  occupés  à  droite  et  à  gauche,  le 
Cardinal  pria  un  certain  Everardo  Lupi,  secrétaire 
apostolique,  de  lui  faire  du  vent.  —  u  Mais,  dit  ce 
dernier,  je  ne  connais  pas  vos  habitudes  à  cet 

1.  Facetiun  Eberhardi,  sciiploris  Apaxtolici  qui  ad  CardUialis 
conspectum  vcntris  crcpilion  dcdi/.  Opéra  OXXXV^  —  Noki,  I,  143. 
—  Guillaume  Tardif  :  Du  cardinal  (lui  l'ut  evenlé  du  cul,  LXXV, 
p.  200.  —  LisEux,  t.  II,  p.  '27. 

2.  Le  cardinal  de  Conti  et  Alto  de  Conli  dont  il  est  ques- 
tion au  numéro  suivant  étaient  de  nobles  Romains,  d'une 
famille  très  ancienne  qui  a  donné  à  l'Eglise  de  nombreux 
prélats. 


LES    F.VCKTIKS    DE    PoGGE  177 

égard?  —  Fais  comme  tu  l'entendras  et  suivant 
ion  inspiration  —  «  Très  volontiers,  »  répliqua 
Everardo  et  levant  la  cuisse  droite,  il  tira  des 
profondeurs  de  son  ventre  le  plus  retentissant 
des  pets  :  —  <•  Voilà  comment  je  m'y  prends 
toujours,  »  ajouta-t-il.  L'assistance  était  nom- 
breuse et  tout  le  monde  éclata  de  rire. 

En  ceste  Facécie  n'y  a  point  de  sens  moral,  mais  est 
monstre  seullement  que  c'est  simplesse  a  ung  homme  de 
bien  de  soy  faire  servir  à  ung  serviteur  et  homme  non 
aprins  et  qui  ne  congnoist  ce  qu'il  doist  faire;  car  c'est 
grant  advanture  s'il  fait  rien  qui  soit  à  point,  ainsi  que 
l'Escripvain  qui  devoit  esvenler  le  Cardinal  de  la  flabelle 
et  il  l'esventa  du  cul,  ainsi  qu'il  avoit  accoustumé  de 
faire. 


CXXXYI 

Plaisanterie  (F un    autre  Cardinal  ^ 

C'est  de  la  même  manière  que  le  Cardinal  de 
Tricarico  répondit  aux  remontrances  d'Atto  de 
Conti.  Le  Cardinal  était  très  libre  en  ses  allures. 
Un  jour,  à  la  chasse,  Otto  ayant  fuit  tout  son 
possible  pour  lui  inspirer  des  pensées  sérieuses, 
l'Eminence,  après  l'avoir  regardé  fixement  un 
instant,  se  pencha  sur  l'encolure  de  son  cheval  : 


1.  Facetta  allerius  fanlhialis  jucundissima.  Opéra  CXXXVI.  — 
LisEux,  t.  H.  p.  2J<.  —  XoBL  I,  144. 


LES    FACETIES    DE    POGGE 


—  «  A  ta  barbe  !  »  dit-elle,  en  lâchant  un  gros  pet, 
puis  s'éloigna  sans  ajouter  un  mot  ;  indiquant 
ainsi  le  cas  qu'il  faisait  des  admonestations  qui 
lui  avaient  été  adressées. 


CXXXVII 

D'une  feniiiic  ijui  décotivi-il  son  cul  en  vouUinl se 
couvrir  lu  Icte  i. 

Une  femme  qui  s'était  fait  raser  les  cheveux 
à  la  suite  d'une  maladie,  ayant  été  appelée  au 
dehors  par  une  voisine,  oublia  dans  sa  précipi- 
tation de  se  couvrir  la  tête.  La  voisine  se  mit  à  la 
blaguer  de  ce  qu'elle  montrait  atout  le  monde  son 
cn^ne    déplumé    et    fort  laid,  (lelle-ci,    relovant 

1.  De  muliere  qua-,  cum  capui  coopoire  ri'llet  culum  drlcrit. 
Opéra  CXXXVIII.  —Noël  I,  l'i'i;  JI,  158.  —  Liseux  OXXXVIII, 
t.  II,  p.  29. —  Henrichmann  prEel'acione  ad  Bebelium. /Je  inepsa 
quœdam  mulicrciila. 

MADRIGAL 

Lise,  de  qui  Tesprit  est  délicat  et  fin, 
Trouvant  en  pleine  nuit  des  voleurs  en  chemin, 
Pour  se  mettre  à  cf)uvert  de  leur  sombre  pillage, 

Mit  sa  ju[)e  sur  son  visage. 

Dans  celle  action  qu'elle  fit, 

Je  vois  les  traits  d'un  bel  esprit, 

Et  d'une  prudence  aclicvéc. 

('ar  la  mignonne  sçait  fort  bien, 
Que  c'est  un  frraiid  secret  qu'une  jupe  levée, 
A  qui  veut  acquérir  ou  conserver  du  bien. 

Poésies  choisies,  III  partie,  p.  3G7. 


I.KS    FACKTIKS    l)K    l'M(,t;K  179 

aussitôt  ses  jupons  pour  couvrir  sa  tête  chauve, 
découvrit  sou  cul.  l^es  passants  rirent  beaucoup 
de  cette  femme,  qui,  pour  éviter  une  petite 
honte,  commellait  une  grosse  indécence.  Ceci 
s'adresse  aux  gens  qui,  pour  palier  une  faute 
légère,  en  commettent  une  beaucoup  plus  grave. 


CXXXVllI 

llisloii'c  (l'uii  //i)/iin)c  t/ui  (i\'((il  envoyé  des  lettres 
a  sa  femme  et  à  un  négociant  '. 

Francisco  de  Ortana,  chevalier  napolitain  à 
•jui  le  roi  Ladislas  avait  confié  le  gouvernement 
de  Pervuse,  reçut  un  jour  deux  lettres  :  l'une  de  sa 
femme,  l'autre  d'un  marchand  Génois,  auquel  il 
devait  quelque  argent,  (^elle  de  sa  femme  le  rappe- 
lait à  la  maison,  lui  parlait  de  la  fidélité  promise, 
de  ses  devoirs  conjugaux  et  le  priait  de  rentrer  au 
plus  vite.  L'autre  lui  réclamait  de  l'argent  prêté. 
Au  marchand,  il  répondit  naturellement  qu'il  lui 
rembourserait  bientôt  et  lui  demandait  un  petit 
délai.  Ouant  à  sa  femme,  il  lui  prodigua  de 
douces  paroles  et  par  ses  tendresses  s'efforçait 
d'adoucir  ses  regrets  :    il  lui    écrivit    qu'il    allait 


1.  l'ucelissima  cujusilaiu  (jui  liltcras  usons  mcrcaloritiue  iniserat. 
Op.Ta  CXXIX.  —  NoKL  I,  145;  H,  l.'ÎO.  —  (Iuili.aume  Tardif 
LXXVI,  p.  20X.  —  Lknpant,  Pof/r/ja/m,  t.  II.  —  Ristelhubkr  LX, 
p.  Kti.  —  LisEOX  CXXIX,  t.   Il,  p.  30. 


180  LKS    FACÉTIES    DE    JMXiOE 

bientôt  partir,  qu'il  ferait  son  possible  pour  la 
dédommager  des  plaisirs  perdus,  et  comme  il  était 
tout  aussi  amoureux  qu'elle,  il  ne  se  gêna  pas  pour 
employer  des  expressions  assez  lestes; il  lui  disait, 
par  exemple,  en  terminant  qu'il  la  baiserait  et  re- 
baiserait de  toutes  les  façons.  En  mettant  les  sus- 
criptions  de  ses  lettres,  il  adressa  au  marchand 
celle  qu'il  écrivait  à  sa  femme,  et  à  sa  femme  celle 
qui  était  pour  le  marchand.  La  femme,  quand  elle 
reçut  cette  missive  fut  bien  étonnée  de  n'y  pas 
lire  un  mot  de  réponse  à  ce  c^u'elle  demandait.  Le 
Génois  lut  et  relut  la  sienne,  n'y  trouvant  que  des 
bêtises,  des  histoires  de  femmes,  la  principale 
chose  était  qu'il  allait  revenir,  qu'il  se  promettait 
de  bien  faire  l'amour  et  un  tas  de  facéties  de  ce 
genre.  Le  marchand  crut  à  une  farce,  se  rendit 
chez  le  roi,  montra  la  lettre  en  se  plaignant  qu'on 
lui  promit  de  l'amour  en  remboursement  de  ses 
écus,  criant  bien  fort  qu'il  avait  été  assez  foutu 
dedans  le  jour  où  il  avait  prêté  son  argent.  Tout 
le  monde  s'esclafa  de  rire,  mais  ce  fut  bien  pis 
encore  cjuand  on  apprit  cj[ue  les  doux  lettres 
s'étaient  trompées  d'adresse. 

En  ceste  Facécii'  n'y  a  [Miiiit  do  sen^  moral,  mais  y  esl 
monslrc,  comme  mig-  homme  ({ui  fait  lettres  missives  con- 
tenantes diverses  choses,  qnaut  il  en  a  commencé  une,  il 
doit  achever  de  tout  poinlz,  au  devant  de  faire  les  aulti-es, 
ou  y  prendre  si  bien  garde  qu'il  n'en  soif  pointdéceu  ainsi 
que  Françoys,qui  signa  les  lettres  du  marchand  pour  bail- 
ler à  sa  fenmie,  et  ]iar  opposite  celles  do  sa  f(.Miimc  poui- 
bailler  au  marchand. 


LKS    FACETIES    DE    POGGE  181 


CXXXIX 

Histoife  d' un  homme  qui  grondait 
souvent  sa  femme  '. 

Un  de  mes  confrères  nommé  Dante  avait  une 
femme  qui  passait  pour  légère.  Souvent,  ses  amis 
l'ayant  engagé  à  veiller  à  l'honneur  de  sa  maison, 
il  faisait  à  sa  femme  de  vifs  reproches.  Celle-ci 
protestait  de  son  honnêteté  à  grand  renfort  de 
larmes  et  de  serments,  et  disait  que  ces  histoires 
étaient  le  fait  des  mauvaises  langues,  de  gens  qui 
voulaient  brouiller  leur  ménage.  Ces  belles  paroles 
et  d'autres  du  même  genre  persuadèrent  le  mari, 
et  comme  ses  amis  continuaient  à  accuser  sa 
femme,  il  leur  dit  :  —  «  Holà  !  ne  me  cassez  plus 
la  tête  à  ce  sujet,  si  elle  pêche,  pouvez-vous  le 
savoir  mieux  qu'elle  ?.  »  Les  amis  déclarèrent 
que  cela  leur  était  impossible  —  (<  Eh  bien!  reprit 
le  mari,  elle  affirme  que  vous  mentez,  et  j'ai  plus 
de  confiance  en  elle  qu'en  vous.  » 


1.  Fabula  Datitis  qui  sœpius  uxoretn  suain  incveiiubul.  Opéra 
CXXXIX.  —  Noël  I,  \'u;  II,  I3!J.  Poq<iiana,  t.  II.  p.  173.  — 
LisBcx  CXXX,  t.  II,  p.  33. 


182  LES    FACÉTIES    DE    POGGE 


CXL 

Testament  cTiin  vicllard  eu  faveur 
(F une  femme  '. 

Pietro  Massini,  notre  concitoyen,  était  d'un  esprit 
fort  caustique  ;  vieux,  et  tout  proche  de  son  dernier 
jour,  il  fit  son  testament  par  lequel  il  ne  laisait 
rien  de  plus  à  sa  femme  que  sa  dot.  Celle-ci,  fort 
mécontente,  se  plaignit  amèrement  à  son  mari  de  ce 
qu'il  ne  lui  laissait  rien,  et  comme  elle  le  suppliait 
en  pleurant  abondamment  de  lui  assurer  ses  vieux 
jours,  le  moribond  lui  dit  :  —  «  Faites  venir  le 
notaire  et  les  témoins,  pour  que  je  teste  en  faveur 
de  ma  femme.  «  Ceux-ci  n'ayant  point  tardé  à 
venir,  il  dit  aux  témoins,  en  disignant  sa  femme. 
—  «  Voyez-vous,  cette  femme,  elle  me  fend  la  tète 
pour  que  je  lui  laisse  quelque  chose.  Eh  bien  ! 
uni([uement  pour  faire  comme  tout  le  monde,  je 
veux  bien  céder,  et  je  vous  prends  à  témoin  que 
je  lui  laisse  le  pertuis  le  plus  infecte  et  le  plus 
large  qui  soit  de  toutes  les  femmes  de  cette  ville.  » 
Et    tout   le  monde  de  s'en  aller  sur  ces  mots. 


1.  Tcstatia  cujusdam  senis  faclœ  u.coris.  Opéra  GXL.  —  Noël  1, 
l'i8;  II,  l;W.  —  LisEux  CXL,  t.  II,  p.  3i.  — Beuoald  de  Verville: 
Moyen  de  parionir.  —  Le  Facétieux  Rneil  matin,  p.  341.  — 
Lazzauekli  ua  Guubio  l.Li  Cicccidc,  I.  i)art.  sonetto  l'27;  11 
testamenla  dcH'  aulore. 


LKS  FACETIES  DE  POG(JE  183 

en  éclatant   do  rire,    laissant   la  pauvre    feniiue 
honteuse  et  désappointée. 

Eli  cette  Facécio  est  monstre  une  puniliuu  que  les  inaiil- 
vaises  femmes  ont  aulcunes  foj-s  de  leurs  niarys  quant  elles 
se  sont  mal  gouvernées  et  que  leurs  marys  les  ont  mal  cor- 
rig-ées.  Et  en  la  fin,  ilz  les  égênent  et  privent  de  tous  leurs 
l>iens,  fors  de  ce  que  par  contraincte  elles  doyvent  avoir; 
encore,  si  leurs  marys  leur  pouvoyent  osier  vulentiers  le 
ferovent. 


CXLI 

De  i((  fenime  ([iii  demande  remède 
a  un  p l'être  -. 

Zuccaro,  le  meilleur  compagnon  qui  se  puisse 
rencontrer,  racontait  souvent  qu'une  de  ses  voi- 
sines dont  labeauté n'était  pas  à  dédaigner,  restant 
stérile,  demanda,  à  mainte  reprise,  à  son  confesseur 
s'il  ne  connaissait  pas  un  remède  pour  avoir  des 
enfants,  (^elui-ci  lui  répondit  enfin  affirmativement, 
et  lui  dit  de  le  venir  trouver  un  jeudi,  jour  propice 
à  la  chose.  Lorsque  cette  femme,  qui  mourait  d'en- 
vie d'avoir  des  enfants,  fut  chez  le  prêtre,  celui-ci 
lui  dit  :  —  «  Je  vais  employer  un  charme  qui  fait 

1.  Narralio  (iiiwdam/iicltari  de  vtullierepresbijlero mcdelam quœ~ 
renie.  Opéra  CXLt.  —  Noël  I,  liiJ;  II,  IJO.  —  Goillaume  Tar- 
dif :  De  la  femnKj  qui  se  conseille  de  ung  confesseur  pour  avoir 
des  enfans,  LXXVIII,  p.  ^l'i.  —  Liseux  CXLI,  t.  II,  p.  30. 

Bernard  de  p,a  Monnoye  :  Maffia  ^Saluralis. 


18'i  LES    FACETIES    DE    POGGE 

que  l'on  croit  réelles  des  choses  qui  ne  sont  abso- 
lument que  des  illusions.  Armez-vous  donc  de 
patience  et  de  courage.  Vous  croirez  que  je  vous 
caresse,  que  je  vous  baise  et  vous  embrasse, 
et  que  môme,  j'agis  comme  votre  mari  dans  l'in- 
timité la  plus  grande.  Il  n'en  sera  rien  cependant, 
mais  cela  vous  paraîtra  réellement  être  ainsi  par 
la  puissance  des  paroles  magiques.  »  La  femme, 
se  fiant  au  compère,  accepta  en  disant  qu'elle 
ne  serait  point  troublée  par  ses  sorcelleries. 
Le  prêtre,  après  avoir  fait  mille  passes  caba- 
listiques et  murmuré  des  mots  mystérieux  à 
l'oreille  de  la  femme,  finit  en  l'embrassant,  parla 
jeter  sur  le  lit,  et  comme  celle-ci  toute  tremblante 
lui  demandait  ce  qu'il  faisait,  le  compère  répon- 
dit :  —  «  Est-ce  que  je  ne  vous  avais  pas  prévenu 
d'avance  que  vous  prendriez  des  illusions  pour  des 
réalités.  »  Il  fit,  par  deux  fois,  subir  à  la  pauvre  cré- 
dule l'opération  magique,  en  lui  persuadant  que 
ce  n'était  qu'illusion  ;  et  celle-ci  rentra  chez  elle 
persuadée  qu'elle  avait  rêvé. 

En  ceste  Facécie  est  monstre  une  fulace,  par  laquelle 
sont  déceuz  moins  simples  gens,  quant  ilz  vont  quérir  con- 
seil à  quelque  ung  à  ([ui  ilz  ont  conlidence,  et  celluy  par 
persuasions  et  donner  faux  à  i-ntendre  le  droit,  ainsi  comme 
le  prestre  qui  deçeut  la  fille  de  confession,  laquelle,  de  la 
simplesse  et  imbécilité,  en  bonne  confidence  s'en  allait 
conseiller  à  luy,  afin  que  il  luy  donnast  enseignement  pour 
avoir  des  enfans;  soubz  umbre  de  bien  la  conseiller,  il  la 
decepvoit  en  luy  faisant  croire  tout  le  contraire  que  c'estoit 
vray. 


LES    FACETIES    I>E    I'0(W;E  183 


ex  LU 

D'un    ennile    qui   séduisit   beaucoup 
de  femmes  ', 

Il  y  avait  à  Padoue,  du  temps  de  François  le 
septième  duc.  un  certain  ermite  appelé  Ansimirio 
que  l'on  vénérait  comme  un  saint  et  qui,  sous  le 
couvert  de  la  confession,  abusa  de  bon  nombre  de 
dames  et  des  plus  nobles.  La  chose  s'étant 
ébruitée  i  car  l'hypocrisie  ne  peut  demeurer  long- 
temps cachée;,  l'ermite  fut  arrêté  par  le  Prévôt, 
il  avoua  ses  nombreux  méfaits,  et  on  le  conduisit 
par  devant  le  duc  Francisco.  Celui-ci,  ayant 
auprès  de  lui  un   de  ces  secrétaires,  demanda  au 

1.  De  evmila  (/ui  mnltns  mnllieies  in  conmhita  hahint.  Opéra 
CXLII.  —  XoEL  I,  151;  II,  l.)2.  —  Guillaume  Tardif  LXXIX, 
p.  218,  Po(/r/ia?ia,  t.  Il,  p.  207.  — Estienne  :  Àpolloqie,  ch.  XXI, 
§  B.  —  Chroniques  burlesques,  p.  293.  La  curiosité  bien  payée. 
—  Histov-es  (galantes  :  Les  bas  verts,  p.  119. 

LA  CURIOSITÉ  PUNIE 

Un  cordelier  connu  pai*  ses  prouesses, 
Fut  convaincu  de  vivre  en  débauché. 

—  Oui,  j'ai,  dit-il,  j'ai  maintes  fois  couché 
Avec  nonnains,  baronnes  et  duchesses. 

De  les  nommer,  le  prince  le  somma. 
Dames  sans  nombre,  à  l'instant  il  nomma. 

—  Point  de  réserve  ou  vous  damnez  votre  âme, 
Reprit  Artliur,  Dieu  vous  écoute  ici. 

—  Ah  !  reprit  l'autre,  étant  la  chose  ainsi, 
A  cette  liste  ajoutez...  votre  femme. 

MÉN'ARD  DE  Saint-Just,  Espii'qk'ries  Joyeuses. 


186  LES    FACÉTIES    DE    POGGE 

bonhomme,  histoire  de  s'amuser,  les  noms  des 
dames  qu'il  avait  connues.  L'ermite  en  cita  un 
grand  nombre,  dont  une  bonne  partie  apparte- 
naient à  la  cour  du  duc  ;  le  secrétaire  les  inscrivait 
tous  pour  pouvoir  s'en  amuser.  Lorsqu'il  eut  fini 
ses  révélations,  le  duc  lui  demanda  s'il  n'avait 
pas  oublié  quelques  noms.  Lhomme  déclara  avec 
persistance  que  c'était  tout;  mais  le  secrétaire 
l'ayant  durement  menacé  d'employer  la  force,  s'il 
ne  dénonçait  pas  toutes  les  femmes  :  —  «  Ajoutez- 
y  aussi  la  vôtre  »,  dit  l'ermite  avec  un  soupir.  A 
ces  mois,  la  plume  s'échappa  des  doigts  du  secré- 
taire piqué  au  cœur.  Le  duc  partit  d'un  grand 
éclat  de  rire,  dit  que  c'était  bien  fait,  et  qu'un 
homme  qui  avait  eu  tant  de  plaisir  à  la  honte  des 
autres  méritait  d'être  compris  dans  la  môme  con- 
frérie. 

En  ceste  Facécie  y  a  ung  très  bon  sens  moral  pour  cevilx 
qui  veullont  dospriscr  aultruy  cl  sont  bien  ayses  quand  ilz 
oyent  dire  quelque  macule  sus  leur  prochain  pour  les  des- 
priser et  ne  i-Cf^-ardent  pas  qu'il  en  ont  autant  et  plus  sur 
eulx,  ainsi  que  le  secrétaire  <]ui  y(»u1u  scavoir  les  noms 
des  femmes  (|ui  se  estoyent  mal  portées  avec  l'hermite 
pour  desju'iser  leurs  marys  et  toutes  foys  la  sienne  n'en 
avait  p;is  moins.  Ainsi  appert  ([ue  volontiei's  un  railleuret 
despriseur  d'auUrui  est  souventes  foys  le  plus  raillé  ettou- 
jours  le  plus  desprisé. 


LES    FACETIES    DE    POGGE  187 

CXLIIÏ 

1/ un  jeune  florentin  surpris  cf^'ec sa  helle-nière  '. 

Un  jeune  homme  de  Florence  était  l'amant  de 
sa  belle-mère.  Or,  un  jour  son  père  les  surprit  en 
llagrant  délit  ;  sous  le  coup  de  cette  chose  mons- 
trueuse, il  se  mit  à  invectiver  son  tils  de  la  plus 
dure  façon.  Celui-ci,  en  balbutiant,  cherchait  à 
excuser  son  crime.  Comme  la  dispute  prenait  de 
grandes  proportions,  un  voisin  attiré  par  les  cris 
vint  pour  mettre  la  paix.  S' étant  enquis  du  motit 
de  la  querelle,  personne  ne  souffla  mot,  à  cause  du 
déshonneur  de  la  famille,  mais  il  insista  tellement 
que  le  père  finit  par  dire.  —  C'est  la  faute  de  mon 
fils. 

1.  i)e  florentino  quodam  jiivene  qui  novercam  siiam  pibegit. 
Opéra  CXLIII.  —  Xoi-l  I,  182;  II,  143.  —  Guillaume  Tardif  : 
De  ung  Florentin  qui  cogneut  la  femme  de  son  père,  LXXX, 
p.  221.  —  LiSEUx  CXLIII,  t.  II,  p.  iO.  —  Cenl  Nouvelles  noii- 
rellcs,  nouv.  L.  Change  pour  change,  p.  223,  édition  Garnier. 
—  Le  Singe  de  Sa  Fontaine  :  Le  gascon  discret. 

LA  RÉCIPROQUE 

Un  très  beau  gars  de  dix-sept  ans 
Caressait  au  lit  sa  grand-mère. 
Lorsque,  sur  l'heure,  entre  son  père, 
Celui  du  jeune  homme,  s'entend. 

—  Que  vois-je,  dit-il,  jarnidienne! 
Tu  baises  ma  mère,  fripon! 

—  Eh  !  parbleu,  repart  le  mignon. 
Papa,  vous  baisez  bien  la  mienne. 

MÉNARD  DE  Saint-Just,  Espiègleries. 


188  LES    FACÉTIES    DK    TOdUE 

—  Mais  non,  répliqua  le  fils,  c'est  lui  qui  a  com- 
mencé, il  a  fait  plus  de  mille  fois  l'amour  avec  ma 
mère,  sans  que  je  lui  aie  jamais  rien  dit,  et  ne 
voilà-t-il  pas  que  pour  une  fois  que  je  touche  à  sa 
femme,  bêtement  sans  réflexion,  il  se  met  à  crier 
comme  un  fou.  »  Le  voisin  ne  put  s'empêcher  de 
rire  à  cette  plaisante  réponse,  et  il  emmena  le  père 
pour  le  consoler  de  son  mieux. 

En  ceste  Facécie  n'y  a  pas  granl  sens  figuratif,  mais 
y  est  montré  ung  grantvice  dont  eu  plusieurs  escriptures 
est  faif.te  mention  d'aulcunes  faul(;es  noverques,  ([ui  sont 
incontinentes  et  impudirques,  que  mêmes  avecques  les 
enfans  de  leurs  marys,  veuUent  communiquer,  ainsi  que 
cell'^  dont  est  faicte  icy  dessus  mention. 


CXLIV 

A  propos;  cVun  porlrait  de  Sdinl-François'^ . 

Des  religieux  de  l'drdre  des  Frères  Mineurs 
désirant  faire  exécuter  un  tableau  représentant 
Saint-François,  firent  venir  un  peintre.  Ils 
n'étaient  pas  d'accord  sur  le  sujet  à  traiter.  L'un 
désirait  que  le  saint  fut  représenté  avec  ses 
stigmates,  un  autre,  qu'on  le  montrât  prêchant  le 
peuple,  un  troisième  proposait  une  nouvelle  atti- 


1.  Disccptatii)  Fialnim  Minontm  pro  imagine  sancli  Francisa 
fmuhi.  Opern  CXLIV.  —  Xoei,  I,  i:)3;  11.  l'i:^.  —  Liskux,  t.  II. 
]).  4?.  —  KisTKi.iiunicR  LXII,  p.  Sti.  —  Lbnfant.  1.  II.  lA'l,  p.  ;M(i. 


LKS    FACÉTIES    DE    FOGGE  189 

tilde.  La  journée  s'acheva,  sans  qu'après  la  dis- 
cussion aucun  avis  ne  prévalut.  Les  religieux 
allèrent  se  coucher,  laissant  le  peintre  dans  un 
grand  embarras.  Prenant  ces  hésitations  pour  une 
moquerie,  il  peignit,  à  titre  de  représailles, 
Saint  Frant^^ois  jouant  de  la  flûte,  d'autres  disent 
pendu  par  le  cou,  puis  il  s'esquiva  prompte- 
ment.  Lorsque  les  relig-ieux  eurent  vu  cette 
peinture,  ils  cherchèrent  l'artiste  pour  lui  repro- 
cher son  inconvenance,  mais  il  était  déjà  loin.  A 
leur  avis,  il  avait  on  ne  peut  plus  gravement  outra- 
gé la  Religion  et  mérité  ainsi  un  châtiment  exem- 
plaire. 


CXLY 

D'un  prêtre    de    Florence  qui  était   allé 
en    Hongrie  ^ 

D'après  un  usage  établi  dans  le  royaume  de 
Hongrie,  ceux  qui  ont  les  yeux  malades,  s'appro- 
chent de  lautel  après  la  messe,  et  l'Officiant 
verse  sur  eux  l'eau  des  ablutions,  en  récitant 
quelques  textes  tirés  des  Saintes  Ecritures,  afin 
de  leur  rendre  la  santé.  Il  y  a  longtemps  déjà, 
un  prêtre  de  Florence  accompagna  en  Hongrie, 


1.  De  saceidole  Florentino  "^qui  in  IIuiKjaiiaiti  iceral.  Opéra 
CXLY.  —  XoKL  I,  l.^'i;  II,  143.  —  Liseux,  t.  II,  p.  43.  —  Ri3- 
TELHUBER  LXIII,  p.  90.  —  Lenfant,  t.  II,  VIII,  p.  217. 

11. 


190  LkS    FACÉTIES    DE    P0<.(1E 

Philippe,  surnommé  l'Espagnol ,  Cet  ecclésias- 
tique, ayant  un  jour  célébré  la  messe  en  présence 
de  FEmpereur  Sigismond,  plusieurs  assistants 
qui  souffraient  du  mal  aux  yeux  s'approchèrent, 
suivant  la  coutume,  afin  d'être  aspergés  avec 
l'eau  du  calice.  L'Officiant,  supposant  que  le 
mal  dont  on  se  plaignait  provenait  de  l'ivro- 
gnerie et  du  manque  de  soin  des  infirmes,  prit  le 
calice,  comme  il  l'avait  vu  faire  et  répandant  le 
contenu  sur  ceux  qui  l'entouraient,  il  dit  en  italien: 
«  Andatcmene,  che  siale  morli  a  ghiado!  » 
autrement  :  «  Fichez  le  camp,  allez  vous  faire 
couper  le  cou!  »  L'Empereur  comprit  parfaite- 
ment et  ne  put  s'empêcher  de  sourire.  Le  lende- 
main, ayant  répété,  pendant  le  repas,  les  paroles 
du  prêtre,  il  provoqua  l'hilarité  générale;  seuls, 
ceux  qui  avaient  mal  aux  yeux  ne  prirent  pas  la 
chose  si  gaiement. 


CXLVI 

Réponse   d'un  paysan  à  son  propriétaire  ^ 

Un  paysan  de  chez  nous,  à  qui  son  propriétaire 
demandait  en  quelle  saison  il  avait  le  plus  de  tra- 
vail répondit  :  —    u  Au  mois  de  mai.  »  Cela  parut 

1.  Responsio  lustici  ad  pairntium  sui  fundi.  Opéra  GXLVI.  — 
Noël  J,  15G;  II,  144.  —  Lenfant,  t.  II,  p.  209.  —  Liseux  GXLVI, 
t.  II,  p.  'i5. 


LES    FACKTIES    DE    l'OGGE  191 

assez  surprenant,  car  à  cette  époque,  il  y  a  ordi- 
nairement peu  de  chose  à  faire  dans  les  champs. 
Voyant  lair  étonné  du  propriétaire,  le  paysan 
ajouta  :  — u  Eh  oui!  puisqu'il  nous  faut  alors 
besoigner  nos  femmes  et  les  vôtres.  » 


CXLVII 

Ridicule  alloculion  '. 

Certain  Romain,  bien  connu,  grimpa  un  jour 
sur  un  mur  entouré  de  roseaux  et  se  mit  à  parler 
à  ces  derniers  comme  s'il  eût  harangué  le  peuple, 
à  propos  des  affaires  de  la  ville.  Pendant  qu'il 
pérorait,  un  vent  léger  ayant  courbé  les  tiges 
des  roseaux,  notre  extravagant  orateur  feignit  de 
croire  que  c'étaient  des  hommes  qui  inclinaient 
la  tête  devant  lui  en  signe  d'assentiment  :  —  «  Pas 
tant  de  révérences,  s'écria-t-il,  Messieurs  les 
Romains,  je  suis  le  moindre  d'entre  vous.  » 
Cette  exclamation  est  depuis  passée  en  pro- 
verbe. 


1.  Ridicuîosi  hominis  diclum.  Opéra  CXLVII.  —  Noël  I,  156; 
II,  144-14Ô.  —  Poçigiana,  t.  II,  p.  2()5.  —  Liseox,  t.  II,  p.  46.  — 
RisTELHUBBR  LXIV,  p.  9 1 .  —  BoN.  DES  Périers,  nouv.  LXXVI  : 
Du  légiste  qui  se  voulut  exercer  à  lire  et  de  la  harangue  qu'il 
fit  à  sa  première  lecture,  p.  198,  édit.  Garnier.  —  Pascal  : 
Pensées  :  L'homme  n'est  qu'un  roseau,  le  plus  faible  de  la 
nature,  mais  c'est  un  roseau  pensant. 


19,?  LES    FACÉTIES    DE    POGGE 

CXLVIII 

A  propos  du   vol  d'un  porc  •. 

En  certain  bourg-  du  Picentin,  il  est  dusage 
d'inviter  les  voisins  à  dîner,  lorsqu'en  hiver  on  tue 
un  porc.  Un  villageois,  voulant  se  soustraire  à  cette 
coutume,  demanda  conseil  à  son  compère  :  —  «  Tu 
diras  demain,  répondit  celui-ci,  que  ton  cochon 
a  été  volé  pendant  la  nuit.  »  Efi'ectivement,  tan- 
dis que  notre  homme  était  sans  défiance,  l'animal 
fut  enlevé  parle  compère  avant  le  lever  du  soleil. 
Le  matin  venu, le  propriétaire,  constatant  la  dis- 
parition de  l'animal,  s'écria  :  —  «  On  ma  volé  mon 
cochon  !»  —  «  Fort  bien,  compère,  dit  l'autre,  c'est 
là  ce  que  je  t'ai  appris.  »  Le  volé  jurant  par  tous 
les  Dieux  que  ce  qu'il  avançait  était  l'exacte 
vérité  :  —  «  De  mieux  en  mieux,  lu  mets  à  mer- 
veille en  pratique  ce  que  je  t'ai  enseigné  hier  », 
insista  le  malin.  La  dupe,  ainsi  bernée,  prit  le 
parti  de  se  retirer. 


1.  Derisio  hnniinis  forcuni  occitleve  voleiilis.  Opéra  CXLA'llI.  — 
XoEL  l,  lj7;  H,  145.  —  Liseux,  t.  Il,  p.  47.  —  RtHjer  liniileinps 
Cil  belle  liumeiiv  :  D'un  homme  qui  déroba  le  pourceau  de  son 
voisin  pour  une  subtile  inventioti,  p.  152,  traduit  dans  — 
Coiiti  lin  riileie,  t.  II,  p.  31,  —  Dictionnaire  d'aiwcdoles,  l.  I, 
p.  '.iSS. —  lirocalious  l'raiiraises,  t    1,  p.  IVi. 


LES    FACKTIES    DE    l'UGGE  193 

CXLIX 

Bon   mot   de  Faciiio   Cane  '. 

Faciiio  Cane,  général  au  service  de  la  faction 
Gibeline  ',  s'étant  emparé  de  Pavie,  d'après  les 
ordres  reçus,  pilla  d'abord  les  biens  des  Guelfes. 
Cette  besoene  achevée,  il  livra  aussi  les  maisons 
des  Gibelins,  sous  prétexte  (ju'on  y  avait  entassé 
les  trésors  des  Guelfes.  Les  Gibelins  vinrent  se 
plaindre,  déclarant  qu'il  était  inique  de  les  dé- 
pouiller eux  aussi  :  —  «  Vous  avez  raison,  mes  en- 
fants, »  répondit  Facino  Cane,  «  tous  vous  êtes 
Gibelins,  mais  vos  biens  sont  Guelfes  •'.  »  Cette 
interprétation  permettait  ainsi  de  s'approprier 
indistinctement  les  biens  de  l'une  ou  de  l'autre 
faction. 


1.  I)iil\t)ii  Facini  Canis.  Opéra  CXLIX.  —  Noël  I,  158;  II,  143. 
—  RisTKi.HUBER  LXV.  p.  92.  —  LiSKux,  t.  II,  p.  48.  —  Lenfant, 
t.  II.  XL.  p.  20S  et  2G5. 

2.  Les  Gibelins  turent  priaiilivciiiLiit  ^1138)  les  partisans  de 
la  famille  de  Ilohenslaufen,  et  les  Guelfes  ceux  de  la  maison 
de  Bavière.  A  la  fin  tlu  xiv"  siècle,  ces  mots  avaient  perdu  leur 
signification  primitive;  ils  restaient  dans  la  Péninsule  comme 
des  mots  de  ralliement  à  l'usage  des  partis  ennemis. 

3.  En  1403,  les  bouchers  de  Milan  vendaient  publiquement 
au  marcbé  la  chair  des  Gibelins,  (fl). 


194  LES    FACÉTIES    DE    l'OGGE 


CL 


D'un  jeune  homme  inexpérimenté  qui  ne  con- 
nut point  sa  femme  la  première  nuit  de  ses 
noces  K 

Un  jeune  homme  de  Bologne,  niais  et  sot 
autant  qu'il  est  possible  de  l'être,  avait  épousé 
une  jeune  fille  fort  jolie;  mais,  n'étant  point  au 
courant  des  choses,  il  ne  put  arriver  à  consommer 
le  mariage  la  première  nuit  de  ses  noces.  Le  len- 
demain matin,  comme  un  de  ses  camarades  lui 
demandait  si  tout  s'était  bien  passé,  il  répondit: 

—  «  Mal,  car  j'ai  eu  beau  chercher,  il  ne  m'a  pas  été 
possible  de  trouver  l'entrée  dont  on  m'avait  parlé.» 
Voyant  sa  bêtise,  l'ami  lui  dit  :  —  «  Tais-toi,  je  t'en 
supplie,  et  ne  dis  absolument  rien  à  personne,  car 
si  cela  se  savait,  quelle  honte  pour  toi  !  »  Le  jeune 
homme  demanda  aide  et  conseil  à  son  camarade. 

—  «  Ecoute,  lui  dit  celui-ci;  si  tu  veux  m'ofï'rir  un 
bon  diner,  je  me  charge  de  t'ouvrir  la  porte;  mais 
pour  cela  il  me  faut  bien  huit  jours,  la  besogne 
n'est  pas  commode!  »  Le  sot  y  consentit  et  secrète- 
ment l'introduisit,  la  nuit,  près  de  sa  femme,  pen- 


1.  De  Adolescente  qui  ignarns  renim  uxurem  prima  nocle  tion 
coçfitovit.  Opéra  CL.  —  Noël  I,  158.  —  Guillaume  Tardif  :  Du 
jeune  sot  qui  ne  sceul  trouver  le  lieu  pour  habiter  sa  femme  la  pre- 
mière nuyt,  LXXXI,  p.  22i.  —  Liseux  CL,  t.'Jl,  p.  49. 


LES    FACKTIF.S    ItK    l'oddE  195 

dant  que  lui-même  se  couchait  en  un  autre  lit.  Au 
bout  du  temps  convenu,  la  voie  étant  ouverte  sans 
qu'il  y  ait  d'épines  à  redouter,  gràoe  à  son  travail, 
l'ami  appela  l'époux,  lui  dit  qu'il  avait  beaucoup 
sué  à  son  service,  mais  qu'enfin  l'ouverture  qu'il 
avait  tant  cherchée  était  maintenant  pratiquée.  La 
jeune  femme,  mise  au  courant  par  son  mari  de  ce 
qui  s'était  passé,  loua  beaucoup  le  travail  de  cet 
ami  et  notre  idiot,  très  satisfait  d'avoir  enfin  une 
femme  perforée,  remercia  son  camarade  et  paya 
le  souper. 

En  ceste  facétie  n'a  point  de  sens  moral,  mais  seiille- 
ment  y  est  monstrée  une  bénivolence  de  ungjhomme,  c'est 
d'estre  si  simple  que  bailler  sa  femme  à  percer,  laquelle 
chose  ne  feroient  pas  beaucoup  de  gens,  témoing-s  ceux 
qui  cecy  verront. 


GLI 

Singulière  raison  d'un  berger  '. 

La  femme  d'un  berger  de  Riva,  bourg  très  froid 
de  la  montagne,  avait  de  fréquents  rapports  avec 
son  curé,  il  en  résulta  un  enfant,  qu'elle  éleva 
dans  la  maison  de  son  mari.  Lorsque  cet  enfant  eut 

1.  De  uxore  parloris  quœ  de  sacerdole  filium  hobuit,  Opéra  CLI. 
—  Noël,  I,  161,  II,  146.  —  Lenfant  :  Poqgiana,  t.  II,  p.  209. 
LiSEUx,  CLI,  t.  I,  32.  —  D'un  Posiore  Nouvelle  méthode  italienne 
de  iMM.  de  Port-Royal,  1736,  p.  152.  Anonyme  (cité  parj  Noël). 
Conscientia  postoris,  t.  II,  p.  116. 


196  LES    FACÉTIES    DE    POGGE 

atteint  VAge  de  sept  ans,  le  prêtre  avec  de  bonnes 
paroles  fit  comprendre  au  berger  que  puisqu'il  en 
était  le  père,  il  désirait  en  conséquence  l'emmener 
avec  lui  au  presbytère.  —  «  Point  du  tout,  répliqua 
le  berger,  je  veux  pour  moi  cet  enfant  né  dans  ma 
maison.  Ce  serait  en  effet  méconnaître  mes  intérêts, 
comme  ceux  de  mon  maitre,  si,  après  avoir  fait 
couvrir  ses  brebis  par  les  béliers  des  voisins,  je 
m'avisais  de  donner  à  ces  étrangers  les  agneaux, 
sous  prétexte  qu'ils  sont  les  produits  de  leurs 
béliers . 


CL  II 

Le  paysan  cl  les  ânes  chargés  de  froment  '. 

Un  paysan  s'étant  présenté  dans  l'Assemblée 
des  Magistrats  de  Pérouse  pour  y  solliciter  une 
grâce,  sa  demandef  ut  traitée  de  malhonnête  parl'un 
d'eux.  Le  lendemain,  notre  liommc,  mieux  con- 
seillé, conduisit  chez  celui  \:.\\\  ;r,(Uf  re{)oussé  sa 
requête,  trois  ânes  chargés  de  blé.  (Juatre  jours 
après,  l'opposant,  ayant  changé  d'avis,  plaida  avec 
chaleur  la  cause  du  paysan.  Pendant  qu'il  discou- 
rait, son  voisin  s'adressant  aux  autres  :  —  «  Enten- 


1.  De  rusiico  qui  asinos  oiiiislO!<  (hdu.ril  fnnneiilo.  Opéra  CLII. 
—  Noël  I,  IGl;  H,  147.  —  Ristelhoubr  LXVII,  p.  !)î.  —  Lkn- 
FANT,  t.  11,  XLll,  p.  -Ml.  —  Li.stux,  t.  II,  p.  bli. 


LES    FACKTIES    I)K    l'(H,(iK  197 

dez-vous.  dit-il  comme  les  ânes  braient,  »  Allusion 
aux  sacs  de  blé  acceptés  '. 

CLIIl 

D' un  poin're  et  cl' un  riche  '-. 

Lu  riche,  soigneusement  enveloppé  dans  de 
ihauds  vêtements,  se  rendait  pendant  l'hiver  à 
Bologne.  Au  milieu  des  montagnes,  il  rencontra 


1.  «  Il  y  avait  un  bon  paysan  qui  avait  gagné  son  procès  et 
était  allé  parler  à  son  procureui-,  qui  lui  avait  donné  avis  d'aller 
voir  le  conseiller  qui  avait  été  rapporteur,  afin  qu'il  le  remer- 
ciât. Ce  bonhouime  allant,  pensait  en  lui-même  que  possible 
il  lui  faudrait  donner  quelque  chose;  toutefois  il  s'assura  qu'il 
aurait  tant  de  conscience  qu'il  ne  lui  demanderait  plus  rien, 
vu  que  pour  payer  les  épices,  il  avait  même  été  contraint  de 
vendre  sa  vache,  seul  reste  de  son  bien.  Le  pauvre  homme  vint 
saluer  monsieur  son  rapporteur,  qui  lui  dit  :  Mon  bon  ami,  je 
vous  sais  bon  gré  de  m'étre  venu  voir;  je  prends  plaisir  à  m'em- 
ployer  pour  les  gens  de  bien;  remerciez  Dieu  que  vous  ayez  eu 
tel  qui  vous  a  conservé  votre  droit...  »  Or,  il  y  avait  dans  la 
même  salle  une  peinture  qui  faisait  une  chasse  en  un  paysage 
où  il  y  avait  plusieurs  sortes  d'animaux  que  ce  paysan  se  mit 
à  regarder.  Le  conseiller  lui  dit  :  «  Que  regardez-vous  là,  bon- 
homme?—  «  Je  regarde  si,  entre  tant  de  bêtes  qu'on  vous 
donne,  ou  qu'on  emploie  pour  vous  apporter  de  l'argent,  je  ne 
verrai  point  ma  vache;  au  moins  que  la  moitié  y  fut,  pour  ce 
que  vous  l'avez  bien  eue  et  davantage.  »  —  Beroald  de  Ver- 
viELE  .  Moyen  de  parvenir,  LXXV;  édit.  Garnier,  p.  270. 

2.  Facetum  diction  pauperis  ad  dirilem  fnqintem.  Opéra  CLIII. 
—  Noël  I,  161;  II,  147.  —  Ristelhuuer  LXVIII,  p.  !)4.  —  Li- 
SEDx,  t.  H,  p.  54.  —  Lenfant,  t.  Il,  LIX,  p.  218.  Dictionnaire 
d'anecdotes,  1781,  t.  I,  p.  3.j2.  D'un  Gascon  qui  n'avait  pas  froid 
l'hyver.  —  Passe-temps  açfri'ablcs.  p.  21(i.  —  Noureaux  contes  à 
rire,  p.  212.  —  Contes  à  rire  on  Récréation  française,  p.  .^)2. 


198  LES    FAr.ÉTIES    DE    POGGE 

un  pauvre  paysan  couvert  seulement  d'un 
justaucorps  tout  usé.  Admirant  le  renoncement  de 
cet  homme,  si  légèrement  vêtu  pendant  que  la 
neige  tombait  et  faisait  rage,  il  lui  dit  :  «  Le  froid 
ne  t'incommode  donc  pas?  »  —  «  Nullement!  » 
répondit  avec  gaieté  le  malheureux.  Stupéfait  de 
cette  parole,  le  riche  ajouta  :  —  «  Je  suis  transi 
dans  mes  fourrures  et  toi  qui  es  à  peine  couvert, 
tu  ne  ressens  pas  le  froid;  c'est  extraordinaire.  »  — 
«  Ah!  dit  le  paysan,  si  vous  portiez,  comme  moi, 
tous  vos  vêtements  sur  le  dos,  vous  n'auriez  pas 
froid.  » 


CLIV 

D'un  montagnard  qui  voulait  épouser  une  jeune 
fille  K 

Un  montagnard  du  bourg  de  Pergola  devait 
épouser  la  fille  d'un  de  ses  voisins.  Après  l'avoir 

1.  De  moiitann  qui  filliam  desponsare  volebal.  Opéra  CUV.  — 
Noël,  Probata  fœconditos  I,  162,  II,  148.  —  Guiki.aumk  Tardif  : 
D'unij  inonlnuiiiinjs  qui  reffusoit  une  jeune  fille  puarce  qu'elle  esloil 
trop  jeune,  LXXXIII.  p.  '2'27.  —  Liseux,  CLIV,  t.  Il,  p.  55.  — 
RisTKLHUBER,  LXIX,  j).  '.}(').  —  Le  Tnmlieau  de  la  mélaneholie  : 
Plaisant  traité  de  mariage,  p.  106.  —  Gekahdus  Dicœus.  Pro- 
bata fœconditas  (en  vei's  latins).  —  (iuiL.  Bouchet.  Sérées.  — 
LoD.  GuiciARDiM.  Hore  di  i-icreatimie,  p.  255. 

EPI  GRAMME 

Blaize  aimait  certaine  donzelle, 
II  l'épousa.  Dès  la  première  nuit, 
En  la  caressant  il  lui  dit  : 


],F,S    FACÉTIES    DE    1'0(;(;E  199 

bien  examinée,  il  refusa  sous  prétexte  que  la  fille 
était  trop  délicate  et  trop  jeune.  —  «  Elle  est  plus 
mûre  que  tu  ne  crois,  répliqua  l'imbécile  de  père, 
la  preuve  c'est  quelle  a  déjà  eu  trois  garçons  avec 
le  clerc  do  notre  curé  '.  » 

l-]n  ceste  facétie  est  montré  une  des  déceptions  du 
mariage,  car  aulcunes  foys  tel  croy  de  prendre  femme 
pucelle  qui  bien  la  prend  aultre,  ce  qu'il  ne  feroit  pas 
quand  on  luy  dirait  ainsi  que  dit  le  père  de  la  fille,  qui 
dist  au  niontenoys  qu'elle  avait  eu  trois  enfans  du 
clerc  au  curé  de  la  fille,  ce  que  beaucoup  de  gens  ne 
diroient  pas  de  leur  fille,  et  en  eust  elle  eu  demye  dou- 
zeine. 


CLY 

La  dime  '- . 

Il  y  avait  à  Bruges,  ville  célèbre  de  l'occident, 
une  jeune  femme  par  trop  niaise,  qui  se  confessait 
k  son  curé.  Celui-ci  lui  demanda,  entre  autres 
choses,  si  elle  payait  bien  les  dîmes  qu'elle  devait 

—  «  J'ai  peur  que  nos  plaisirs,  dans  quelques  mois,  Machelle, 
Ne  te  coûtent  bien  du  tourment? 
—  Ne  crain's  rien,  lui  répond  la  naïve  femelle, 
Blaize,  j'accouche  heureusement.  » 

Anonyme,  XVIII»  siècle,  cité  par  Milel. 

1.  Guillaume  Tardif  ajoute  plaisamment  :  «  Lors  fut  ledict 
monténoys  plus  descouraigé  que  jamais,  car  le  père  luy  allè- 
guoit  ung' accident  en  sa  fille,  qui  n'estoit  pas  bon  pour  aider 
à  faire  le  marclié;  pourtant  s'en  retourna  sans  marchander. 

2.  De  preshytera  qui  adolescoilnlœ  (leci)tias  dure  pnrccpit.  Opéra 
CLV.  —  XoEL,  I.  1G3,  II,  liO.  —   Guillaume  Tardif,  LXXXIII  : 


200  LES    FACÉTIES    DE    POGGE 

au  clergé,  mrme  celle  de  l'amour  à  laquelle  elle  \ 
était  ég-alement  tenue.  La  jeune  femme,  ne  vou- 
lant rien  devoir  à  j^ersonne,  paya  cette  dime  sur- 
le-champ.  Pour  expli(|uer  son  retour  tardif  à  la 
maison,  elle  conta,  sans  aucun  embarras,  la  chose 
à  son  mari.  Notre  homme  ne  dit  rien,  mais  à  quatre 
jours  de  là,  il  invita  le  curé  à  diner  avec  quelques 
personnes,  pour  donner  plus  d'importance  à  l'af- 
faire. Lorsque  tout  le  monde  fut  à  table,  il  raconta 
d'abord  l'histoire,  puis  se  tournant  vers  le  prêtre, 
il  lui  dit  :  —  «  Puisqu'il  te  faut  la  dime  de  tout  ce 
qui  est  à  ma  femme,  tu  prendras  aussi  celle-là.  » 
l']t  aussitôt,  il  fit  mettre  sur  la  table,  devant  le 
prêtre,  un  vase  rempli  de  merde  et  d'urine  de  sa 
femme,  que  celui-ci  fut  contraint  d'avaler  jusqu'au 
bout. 

En  ceste  Facécie  peult  estre  notée  la  maulvoislié  d'ung- 
maulvois  conseiller  que  soubz  umbre  de  vérité,  donne  en- 
tendre auculne  faulceté,  comme  le  curé  qui,  soubz  umbre 
de  confession  et  de  payer  et  acquitter  la  décime,  déçeut 
la  pouvre  simple  l'emine  qui  adjousta  foy  à  ses  ditz. 


De  celuy  qui  fisl  mançfer  au  prestre  la  disme  des  estvoiis  de  sa 
femme,  p.  '2"20.  —  Liseux.  CLV,  t.  II,  p.  56.  —  Les  Cent  Nouvelles 
7wuvelles,  XXXII.  —  Les  Dames  Dismées,  p.  151.  Edit.  Garnier. 

—  La  Fontaine.  Contes  :  Les  Cordeliers  de  Catalogne.  Edit. 
Garnier  p.  6'i.  —  Gavin  :  Le  passe-pai-tont  de  l'E(jlise  romaine, 
t.  I,  p.  347.  Relation  de  ce  qui  est  arrivé  à  un  moine  Irlandais. 

—  Frisciilini  :  Faceti(C.  De  quelle  conli tente. 


LES    FACETIES    ])E    POGGE  201 


CLVI 


D\in  médecin  qui  viola  la  femme  malade 
d'un  tailleur  '. 

Un  certain  tailleur  de  Florence  pria  un  médecin 
de  sa  connaissance,  d'aller  voir  sa  femme  qui 
était  soulfrante.  Le  médecin  se  rendit  à  la  maison 
à  un  moment  où  le  tailleur  était  absent,  et  malgré 
la  résistance  de  la  femme,  abusa  d'elle  dans  son 
lit.  Le  mari,  en  revenant  chez  lui,  rencontra  le 
médecin  qui  sortait  et  celui-ci  lui  déclara  ([u'il 
avait  fait  tout  ce  qu'il  fallait  pour  guérir  sa 
femme;  mais,  en  entrant,  le  tailleur  trouva  celle-ci 
en  larmes  et  toute  abattue. 

Ayantapprislaperfidie  du  médecin,  notre  homme 
dissimula  d'abord,  puis  au  bout  d'une  huitaine  de 
jours,  muni  d'une  étoffe  fort  belle,  il  se  rendit 
auprès  de  la  femme  dudit  médecin,  lui  conta  que 

\.Be  medico  qui  uxorem  suions  iufirtnatn  subeçiit.  Opéra  CLVI. 

—  Noël  I,  164,  II,  130.  —  Ristelhuber  :  Le  Talion  LXXI,  p.  98. 

—  LiSKUx,  CLVI,  t.  II,  p.  h~i.  —  BoccACE,  VIII.  .Journée  Nou- 
velle, 8,  p.  39Î,  Edit.  Garnier.  —  Cent  Nouvelles  nourelles,  III  : 
La  Pesche  de  l'aueau,  Edit.  Garnier,  p.  13.  —  Libru  délia  origine 
delli  volgari  pvoverbi  di  Aloyse  Cinthio  degli  Fabeitii  :  prov. 
XVI.  —  Straparola.  7.C  Piaceioli  notli  VI.  L.  —  Boxaventure 
DES  Perriers.  NouicUes  récréations,  nouv.  IX.  De  celui  qui 
acheva  loreille  de  l'enfant  à  la  l'eiume  de  son  voisin,  Edit- 
Garnier,  p.  35.  — Estienne.  .l^o/of/ie,  ch.  XVI  fi  10.  —  Malespini 
I,  nov.  45.  —  La  Fontaine.  Contes  :  Liv.  II,  Edit.  Garnier, 
p.  57,  I  :  Le  Faiseur  doreilles  et  le  racconunodeur  de  moules. 

—  De  Tuéis  :  Le  singe  de  la  fontaine,  t.  I,  p.  124. 


202  LES    FACÉTIES    DE    POdGR 

c'était  son  mai'i  qui  l'envoyait  vers  elle,  pour  lui 
faire  un  vêtement  de  dessous,  ce  qu'on  appelait 
une  cotte.  l*our  cela,  disait-il,  il  fallait  que  la 
femme,  fort  bien  faite,  se  déshabillât  en  grande 
partie  atin  de  pouvoir  bien  prendre  exactement 
les  mesures  du  corps.  Quand,  loin  de  tous  re- 
gards, elle  se  fut  mise  à  nu,  le  tailleur  s'en  empara 
par  force,  rendant  au  médecin  ce  que  celui-ci  lui 
avait  baillé,  ce  dont  il  l'informa  plus  tard. 


CLVII 

D' un  Florenlin  fiancé  à  la  fille  d'une  vcuveK 

Un  Florentin,  qui  se  croyait  très  malin,  étant 
fiancé  à  la  tille  d'une  veuve,  venait  souvent, 
comme  c'est  l'habitude,  rendre  visite  à  sa  future, 
même  en  l'absence  de  la  mère.  C'est  en  cette  cir- 
constance qu'il  lit  plus  ample  connaissance  avec 


1.  De  FloreiiliiKi  qui  filitiin  ridiKP  desponsarcrat.  Opéra  (>LVI[. 

—  Noël,  I  165,11.  151.  —  Guillaume  Taudif,  LXXXIV.  p.  232. 

—  RisTELHOBKR,  LXXII.  Lcs  avcux  i)tdisc)-cts,  p.  100.  —  Liseux, 
GLVII,  t.  II,  p.  59.  Les  Cent  Nouvelles  nouvelles,  n"  VIH.  Garce 
pour  yarce,  édition  Garnier,  p.  30.  —  Malespini.  I  nov.  18.  — 
D'Où  VILLE  :  Naïveté  d'une  dame  à  son  mari.  —  Fkischlini, 
p.  18  :  Par  pari  relalum.  —  La.  Fontaine.  Coûtes  Liv.  V. 
conte  5.  Les  aveux  indiscrets,  édit.  Garnier,  p.  387. —  Coules  à 
rire:  La  liancée  ingénue,  p.  100.  —  Ingénuité  d'une  femme  à 
son  mari  la  première  nuit  de  ses  noce.s,  ibid.,  p.  73.  —  Récn-a- 
(ioiis  françaises  d'un  liancé  à  sa  fiancée,  p.  72. 


LES    FACKTIES    DE    POGGE     .  203 

la  fille.    Rien  qu'à  la  mine  de  son  enfant,  la  mère 
devina  ce  qui  s'était  passé,  elle   se  mit  à  la  gron- 
der vertement,  à  lui  reprocher  d'avoir  déshonoré 
la  maison,  finalement  lui  déclara  que  son  mariage 
n'était  point  encore  chose  décidée,  et  qu'elle  ferait 
tout  pour  l'empêcher.  F.e  Florentin,  qui  guettait  le 
départ  de  la  veuve,  s'empressa  d'accourir  et  trou- 
vant la  jeune  fille  tout  affligée,  lui  en  demanda  la 
cause.  Il  comprit,  alors,  que  l'on  voulait  rompre 
le  mariage.  —  «  Eh  bien,  qu'est-ce  que  tu  en  dis? 
fit-il.   —  Je  veux  obéir  à  ma  mère,  répondit  la 
jeune    fille.    —    Cela  t'est   facile,    »    répliqua  le 
fiancé.    Comme    elle     cherchait   la   façon  de   s'y 
prendre,  celui-ci    lui  dit  :  —  «  Tu  étais  dessous 
la  première  fois,  il  faut  maintenant  que   tu  te 
mettes  dessus,  et   par    ce    moyen   inverse,  notre 
mariage  sera  rompu.  »  Elle  y  consentit  et  l'union 
projetée  fut    rompue.    Plus  tard,    elle   se  maria 
avec  un  autre,  et  le  jeune  homme,  de  son  côté, 
épousa  une  autre  femme.  Le  jour  des   noces  de 
celui-ci,  les  deux  anciens  fiancés  s'étant  rencontrés, 
ne  purent  s'empêcher  de  sourire  au  souvenir  du 
passé.  La  mariée,  ayant  remarqué  la  chose,  en  eut 
quelques  soupçons;  la  nuit  même,  elle  demanda  à 
son   époux   ce  qui  avait   provoqué  ses  sourires. 
Celui-ci  hésita,  mais  comme  elle  insistait,   il  lui 
conta  la  sottise  de  son  ex-fiancée.  «  —  Que  Dieu  la 
confonde  !  s'écria  la  mariée,  était-elle  assez  bête 
d'aller    conter    cela    à    sa    mère  !    Qu'avait-elle 
besoin  de  dire  ce  que  vous  aviez  fait  ensemble. 


20i  LES    FACÉTIES    DE    PO(i<,E 


} 


Tiens,   moi,    notre   domestique  m'a  lait   plus  de 
cent  fois  la  chose.  Eh  bien  !  je  n'en  ai  jamais  rien 
dit  à  ma  mère.  »  i.e  mari  se  tut,  comprenant  que  • 
c'était  la  monnaie  de  sa  pièce. 


I 


CLVITl 

D'un  tisiii-ier  de  Vicence  '. 

Un  usurier  de  Vicence  insistait  continuellement 
près  d'un  Religieux,  prédicateur  distingué  et  jouis- 
sant d'une  grande  intluence,  afin  qu'il  employât 
l'autorité  de  sa  parole  contre  les  usuriers  pour  que 
leur  odieux  commerce,  très  répandu  dans  la  ville, 
fut  maudit.  Le  Religieux  ne  pouvait  comprendre 
tant  d'importunité  à  ce  sujet.  Quelqu'un,  surpris 


1.  De  fœniratorc  Vicciifino.  Opéra  GLVIII.  —  Noël  J,  167;  ll^, 
151-154.  —  RisTKLHUBER  LXXllI,  p.  lui.  —  Lenfant,  t.II.XLIlI, 
p.  209.  —  LisEux,  t.  II,  p.  (ri.  —  Estienne,  Apologie,  oh.  XVI, 
(;  IG.  —  Baraton,  poésie  :  L'Usurier.  —  Oottsched  :  («rammaire 
allemande,  1736,  p.  521.  —  Desforges-Maillard,  Poésie  '■ 
L'Usurier  et  son  Curé.  —  Dessillons,  Faiclhi  cite  par  Noi'l. 
—  Dictionnaire  d'auecdotes,  t.  Il,  p.  382. 

Un  orateur  prêchait  contre  l'usure, 

Et  di^monfrait  par  la  Sainte  Ecriture, 

Que  ce  trafic  est  réprouvé  de  Diou. 

«  Le  lieau  sermon,  dit  un  fosse-mathieu, 

Puissé-je  voir  cefle  mâle  éloquence 

Produire  ici  mainte  conversion! 

Pour  moi,  bientôt,  ([uelle  fortune  immense, 

Si  j'étais  seul  de  la  profession  ! 

Harduin  :  Aliiiauach  des  Muses,  17X(I. 


LES    FACÉTIES    DE    l'OGGE  205 

de  l'ardeur  que  notre  homme  déployait  pour  faire 
vilipender  le  métier  dont  il  vivait,  lui  demanda 
quelle  était  la  cause  de  son  zèle  étonnant  :  — 
«  C'est,  dit-il,  qu'il  y  a  tant  d'usuriers  à  Vicence, 
que  peu  de  clients  viennent  chez  moi  et  que  je 
n'ai  aucun  gain.  Si  l'on  persuade  aux  autres  de 
cesser  leur  commerce,  le  proiit  qu'ils  en  retirent 
me  reviendra.  »  Je  tiens  cette  histoire  du  Reli- 
gieux, qui  me  l'a  contée  depuis  en  riant. 


CLIX 

Histoire  très  plaisante  du  cuisinier  GianninoK 

Giannino,  maître  queux  de  Baronto  de  Pistoja, 
qui  avait  exercé  l'art  culinaire  à  Venise,  raconta 
au  diner  des  secrétaires  cette  histoire  très  amu- 
sante. Un  imbécile  de  Vénitien,  ayant  reçu  un 
soufflet,  voulait  absolument  avoir  des  fils  pour 
venger  cette  injure;  mais  comme  sa  femme  était 
stérile,  il  pria  un  de  ses  amis  fort  habile  dans 
l'art  de  faire  des  enfants,  de  venir  à  son  aide. 
Celui-ci  promit  d'y  mettre  tout  son  zèle  et  prit  le 
rôle  du  mari.  Un  jour  donc,  que  pour  ne  pas  gêner 
l'opération,  il  se  promenait  par  la  ville,  pendant 
qu'on  labourait  son  champ,   il   se  trouva  face  à 

Fabula  facetissitna  Ja II lùiii  cnqiii.  Opéra   CLIX.  NoioL  1,  168.— 
LisEUx,  CLIX,  t.  JI,  p.  03. 


206  LES    FACÉTIES    I)K    l'UGGE 

face  avec  son  ennemi  toujours  plus  menaçant. 
—  «  Holà  !  fit-il  en  secouant  la  tête,  tais-toi,  imbé- 
cile. Tu  ne  sais  pas  ce  qui  se  perpètre  contre  toi 
à  la  maison.  Car  si  tu  t'en  doutais,  non  seulement 
tu  cesserais  de  m'injurier,  mais  tu  tremblerais 
pour  toi.  Car  il  se  fabrique,  tu  peux  me  croire, 
il  se  fabrique  celui  qui  sera  mon  vengeur!  » 


GLX 

Du  cavalier  Vénitien  qui  portait  ses 
éperons  dans  sa  poche  '. 

Il  (Giannino)  nous  raconta  aussi  un  autre  trait 
de  même  force.  Un  habitant  de  Venise  étant  monté 
à  cheval  pour  aller  en  villégiature,  portait  ses 
éperons  dans  su  poche.  Le  cheval  allait  lente- 
ment et  marchait  comme  à  regret  et  le  cavalier  lui 
talonnait  les  flancs  en  disant:  —  «  Tu  n'avances 
pas,  si  tu  savais  ce  que  j'ai  dans  ma  poche,  tu 
changerais  d'allure.  » 


1.  De  fatuo  Vcnelo  qni  equilans  calcaria  in  sinu  gestehat.  Opéra 
CLX.  —  Noël  I,  16i);  II,  154-157.  —  Liseux,  t.  II,  p.  G4.  — 
Vauguelin  DE  LA  Fresnaye  :  Salyrcs.  —  «Je  nialcoinpare  à  colon 
Chevalier,  etc.  —  Lodovico  Arioso  :  Satyr  V.  —  Henricos 
Babehus  :  Af<iumc)tlum  facwlianini,  Lih.  H,  Gelasius  :  fabuUe. 
—  Le  facétieux  réveil  matin,  p.  90.  —  lUxjcr-liontetnps  en  belle 
humeur  :  Niaiserie  d'ua  cordelier.  —  J.  B.  Rousseau,  lîpi- 
ijram    :  Un    noble    fut   dans  Venise  estijné;  édit.   Garnier. 


I 


LES    FACÉTIES    DE    POtifiE  207 


CLXI 

/)"////   Vé/iilicn  slupide  qui  fui  roulé  par  un 
cita  r  hit  (tu  '. 

Il  nous  conta  encore  une  autre  histoire  qui  nous 
lit  beaucoup  rire.  11  était  venu  à  Venise  un  char- 
latan ambulant,  nous  dit-il,  qai  avait  fait  peindre 
sur  son  enseigne  un  Priape  divisé  par  plusieurs 
cercles.  Un  quidam  de  Venise  s'élant  approché, 
demanda  ce  que  signitiaient  ces  cercles.  Le  charla- 
tan, en  manière  de  rire,  lui  dit  que  son  Priape 
était  fait  de  telle  nature,  que  si  avec  une  femme, 
on  n'employait  que  la  première  partie,  il  engen- 
drait des  marchands;  avec  la  seconde  des  soldats; 
avec  la  troisième  des  généraux;  enfin  avec  la  qua- 
trième des  Papes  ;  le  prix  variant  selon  la  qualité 
des  personnages  demandés.  Notre  idiot  le  crut; 
après  en  avoir  parlé  à  sa  femme,  il  manda  le 
charlatan  dans  sa  maison  et  fit  marché  avec  lui 
pour  qu'il  lui  procréa  un  fils  militaire.  Lorsque 
celui-ci  se  fut,  avec  la  femme,  mis  à  la  besogne, 
le  mari,  feignant  de  se  retirer,  se  cacha  sous  les 


De  Vetieto  insano  quein  pharniacapola  circum  fora  nous  dcrisil. 
Opéra,  CLXI.  —  Noël,  I  160.  —  Liselx,  CLXI,  t.  II,  p.  6b. 
B.  UE  lA  MoNNOYE  :  Vcxillarius  et  Mercator.  —  Anonyme  : 
«  Papjc  fabricatur  »  cité  par  NoëL  —  Robbé  de  Beauveset  a 
imité  cette  facétie  de  même  que  Andbk  Guarles  Caillau,  dans 
Tricolor. 


208  LES    lACÉTIES    DE    POiiOE 

draperies  du  lit,  puis  quand  il  les  vit  bien  en  train 
de  confectionner  le  militaire  sur  commande,  il 
donna  une  vigoureuse  poussée  dans  le  derrière 
de  riiommc  pour  bénéficier  de  la  quatrième  por- 
tée. —  «  Par  les  saints  Evangiles  de  Dieu,  celui-là 
sera  pape!  »  s'écria-t-il,  croyant  avoir  joué  un 
bon  tour  au  charlatan. 


GLXII 

Un   cheval  récalcitrant  ^ 

Certains  Vénitien,  monté  sur  un  cheval  de 
louage,  s'était  mis  en  roule  pour  ïrévise;  un  do- 
mestique le  suivait  à  pied.  Chemin  faisant,  l'ani- 
mal ayant  lancé  une  ruade,  le  valet  fut  atteint  à 
la  jambe.  Emporté  par  la  douleur,  ce  dernier  ra- 
massa une  pierre,  et,  à  titre  de  vengeance,  la  jeta 
sur    le  cheval,  mais  contre  sa  volonté,  elle  vint 


1.  De  Yenelo  (\ni,  Trcrisium  proficiscens,  a  servo  in  renés  lapide 
percHSsus  est.  Op>;ra  CLXII.  —  Noël  I,  171;  II,  161-102.  —  Ris- 
TELHUKER  LXXlV,  p.  103.  —  LiSEUx,  t.  Il,  p.  67.  —  Lenf.vnt, 
t.  II,  LXI,  p.  219.  —  EsTiENNE  :  Apolofiie,  ch  III,  §  5.  — 
/,('  Faa'tieu.r  Rércil-nialin,  p.  lOli.  —  Montaigne,  Essais.  — 
Menaqiana  :  «  Un  Vénitien  qui  n'était  jamais  sorti  do  Venise, 
et  qui,  pour  cette  raison,  ne  devait  pas  être  bon  cavalier, 
étant  monté  pour  la  première  fois  sur  un  cheval  rétif  qui  ne 
voulait  pas  même  avancer,  quoiqu'il  lui  fit  sentir  l'éperon, 
tira  son  mouchoir  de  sa  poche,  et  l'ayant  exposé  au  vent,  il 
dit  :  «  Je  ne  m'étonne  plus  si  ce  cheval  n'avance  pas,  il  rcnto  è 
coiilrario,  le  vent  est  contraire.  »  T.  1,  p.  .394. 


LES    FACÉTIES    DE    l'OtiGE  209 

frapper  son  inaitie  au  bas  des  reins.  Ce  niais  crut 
que  le  couj)  venait  de  sa  bête,  et  comme  son  valet 
marchait  avec  peine,  par  suite  de  sa  blessure,  il  se 
mit  à  le  taquiner  :  —  «  Je  ne  puis  aller  plus  vite, 
répondit  le  serviteur,  car  votre  cheval,  en  ruant? 
m'a  fait  çrand  mal.  »  —  «  Ne  fais  pas  attention, 
répliqua  le  maître,  cet  animal  est  très  vicieux; 
il  vient  à  l'instant  de  m'envoyer  un  grand  coup  de 
pied  dans  le  dos.  » 


CLXIII 

Le  renard  et  le  paysan   K 

Certain  renard  que  poursuivaient  des  chiens  de 
chasse,  se  réfugia  près  d'un  paysan  qui  battait  du 
blé  sur  son  aire,  implorant  protection  contre  ceux 
qui  allaient  l'atteindre,  et  promettant,  en  retour, 
de  ne  jamais  faire  de  victimes  parmi  les  poules 

1.  De  vulpe  a  vustko  in  palea  abscondila  quœ  fuqnbatur  a  cani- 
bus.  Opéra  (ILXIII.  —  Xoel  I,  171;  II,  16->  16'i.  —  Liseux,  t.  II, 
p.  68.  Cette  facétie  imitée  d'EsoPE,  fable  127,  a  servi  de  thème  à 
une  infinité  d'auteurs  avant  et  depuis  Pogge,  laissant  de  côté  les 
poésies  latines,  on  citera  particulièrement  :  Benserade,  Fables 
d'Esope,  en  quatrains  :  Le  Bûcheron  et  le  Loup.  —  J.  Baudouin, 
Fables  d'Esope  :  Le  Loup  et  les  Chasseurs.  —  F.  M.,  Nouveau 
recueil  des  fables  d'Esope  :  Le  Bûcheron  et  le  Loup,  p.  48.  — 
Pierre  DA  la  Fresnay,  i<a6/es  d'Esope  traduites  en  vers  français  : 
Le  Bûcheron  et  le  Renard.  —  Venero.ni,  Favote  scelte  Délia 
Volpeetdel  villano.  —  Dodsley;  Scelecled  fabl,  The  farmer  and 
the  sta?. 


210  LES    FACÉTIES    DE    POGGE 

de  celui  qui  le  sauvait.  Le  paysan  accepta  ces 
conditions  et  prenant  de  la  paille  avec  sa  fourche, 
il  couvrit  l'animal  afTolé.  Peu  après,  un  chas- 
seur arriva,  puis  un  second,  suivant  la  piste,  ils 
demandèrent  au  villageois  s'il  n'avait  pas  aperçu 
un  renard  qui  fuyait  et  quelle  direction  il  avait 
pris?  Notre  homme  répondit  très  haut,  qu'il  s'était 
échappé  de  tel  coté,  mais  en  même  temps,  par  ses 
mouvements  de  tête  et  par  la  direction  de  son  re- 
gard, il  indiquait  la  cachette  ou  était  blotti  le  fugi- 
tif. Les  chasseurs,  ajoutant  foi  de  préférence  aux 
paroles  qu'aux  gestes,  continuèrent  leur  route. 
Alors  le  paysan,  délivrant  le  renard,  lui  dit  :  — 
«  Sois  fidèle  à  tenir  tes  promesses,  mes  paroles 
t'ont  sauvé,  on  m'a  cru  lorsque  j'ai  prétendu  que  tu 
n'étais  pas  là.  »  Mais  le  renard,  qui  l'avait  échappé 
belle  et  qui  avait  suivi  entre  les  interstices  des  brins 
de  paille,  la  pantomime  du  paysan,  s'empressa  de 
riposter:  —  «  Certes,  tes  paroles  ont  été  bonnes, 
mais  tes  gestes  mauvais.  »  Ceci  est  à  l'adresse 
des  gens  qui  disent  d'une  manière  ^ei  agissent 
d'une  autre. 


I 


. 


LES    FACÉTIES    DE    l'O'WiE  2H 

CLXIV 

Bonne  foi  d'un  (icheteiir  ^ 

Un  habitant  de  Florence,  que  je  connais,  fut 
obligé  d'acheter  un  cheval  à  Rome.  S'étant  abou- 
ché avec  un  maquignon,  celui-ci  iixa  le  prix  à 
vingt-cinq  ducats  d'or,  somme  beaucoup  trop 
élevée  eu  égard  à  la  valeur  de  l'animal.  L'acqué- 
.reur  offrit  de  donner  comptant  quinze  ducats  et 
de  rester  débiteur  des  autres.  Le  marchand 
accepta.  Mais  le  lendemain,  il  vint  demander  le 
reliquat;  ce  à  quoi  le  Florentin  se  refusa  absolu- 
ment en  disant  :  —  «  Souviens-toi  bien  de  nos 
conventions,  n'a-t-il  pas  été  entendu  que  je  reste- 
rais ton  débiteur;  or,  si  je  te  solde,  je  ne  le  serai 
plus.  »  - 

CLXV 

Bouffonnerie  de  Gonnelln  -, 

Gonnella,  bouffon  autrefois  très  renommé,  pro- 
mit,   moyennant    quelques    écus,  de   faire    d'un 

1.  De  Florenlino  qui  equum  emerat.  Opéra  CLXIV.  —  Noël,  I, 
173;  II,  165.  —  LisEux.  t.  II,  p.  70.  —  Dksbillon,  Hmploiis 
fides,  vers  latin.s.  cité  par  Milet,  ainsi  que  L^s  deux  épiyrammes 
latines  de  Janus  Pannonius;  Deliciospoctarum  liongarorum,  p.  248. 

2.  Beaumarchais  a  repris  ce  mot  pour  un  compte  :  —  «  Je 
préférerai  vous  devoir  toute  ma  vie  que  de  renier  ma  dette  un 
seul  instant.   »  —  Firjaro. 

.'3.  Faceiissimum  histrioiiis  Gonelkc,  Opéra  CLXV.  —  Noël,  I, 
173.  —  LisEUx,  l.  II,  p.  71. 


212  LES    FACÉTIES    DE    POGtiE 

certain  Florentin  un  devin,  perpective  très  flat- 
teuse pour  ce  dernier.  Le  bateleur  l'ayant  donc  fait 
mettre  au  lit  avec  lui,  lâcha  tout  doucement  une 
grosse  vesse,  recommandant  à  son  compagnon  de 
mettre  sa  tête  sous  les  draps.  Aussitôt  dit,  aussitôt 
fait,  mais  suffoqué  par  la  mauvaise  odeur,  le  futur 
devin  retire  promptcment  la  tète.  «  —  Je  vois 
bien  que  tu  as  pété,  »  dit-il.  —  Et  Gonnella  de 
répondre  :  — «  C'est  exact,  verse  donc  tes  ducats, 
tu  as  deviné  juste.  » 


GLXVI 

Autre  plaisanterie  de  Gonnella  K 

Un  quidam  possédant  la  môme  envie,  d'être 
transformé  en  devin,  fit  part  de  son  désir  à 
Gonnella- —  «  Je  le  veux  bien  répondit  le  bouffon. 


1.  AUeva  facetia  de  u)W  qui  diriiiaïc  rolvhai.  Opora  CLXVI.  — 
Noël  1,  174;  II,  167.  —  Guillaume  Tardif  :  Facécie  de  celluy 
qui  voulut  esti-e  devin,  LXXXV,  p.  "23().  —  Ristëlhober  LXXV, 
p.  lO'i.  —  LisEUx,  t.  11,  p.  72.  —  Facecie  (Ici  Gonnella  composta 
perl  maestro  F)-aiicesco  dicta  macstio  Rayiioldo  de  Manlua,  Bolo- 
f(na,  per  Justiniano  da  Rubiera,  lô06.  —  Le  BujfoKerie  del 
Gonella  (in  ottave  rime),  —  Baruazan  :  Le  fabian  de  la  merde, 
111,  3.5.  —  G.  RouciiET  :  Sérées  —  10°  série.  —  Babeeianus  : 
Facetitv.  «  De  Mercator  et  Judea  »,  1.  Il,  p.  104.  —  Flogel  : 
Hoftiarren  p.  314.  —  Mori.ini  norelUr.  —  Scelta  di  Facecie  del 
piacano  Arlotto.  —  Norellc  di  Saciietti.  —  Bebeliana  opuscula 
nota,  1508.  —  Del  Fiilciispicfiel,  hïA.  35.  {R). 

2.  Gonnella  fut  boulïbn  du  marquis  Xicolasd'Esle  (1411)  et  de 
son  fil.s  Bosco,  duc  de  Ferrare. 


LES    FACÉTIES    DK    P()(;(iE  213 

une  seule  pilule  suffira  pour  cela.  »  Ayant  donc 
confectionné  avec  des  excréments  une  petite  bou- 
lette, il  la  mit  dans  la  bouche  de  l'imbécile.  Notre 
homme  écœuré  par  la  puanteur  a  aussitôt  des 
nausées  :  —  «  Mais  c'est  de  la  merde  que  tu  m'as 
donné  »  s'écrie-t-il.  —  «  Assurément,  reprit 
Gonnella,  tu  as  de>dné.  »  Là-dessus,  il  empoche 
la  somme  promise. 

En  ceste  Facécie  n'i  a  point  de  sens  moral,  mais  y  est 
monstre  seullement  la  folle  crédence  d'ung  sol  homme,  qui 
créoit  que  ung  aultre  luy  peust  apprendre  une  chose  im- 
])0ssible.  que  laultre  mesme  ne  sçavoit  pas. 


CLXVII 

Prodiges  racontés  au  pape  Eugène  '. 

Au  mois  d'octobre  de  la  présente  année,  le 
pape  Eugène  étant  revenu  à  Florence,  on  entendit 
parler  de  certains  faits  prodigieux  paraissant  tel- 
lement authentiques,  qu'il  faudrait  être  fou  pour 
les  nier.  Ils  étaient  racontés  dans  une  lettre  venue 
de  Côme.  et  affirmés  par  des  gens  considérables 
qui  les  tenaient  de  témoins  oculaires.  Dans  un 
lieu  situé  à  cinq  milles  de  Gôme  environ,  on 
aurait   vu,   vers    le   crépuscule,    à   la   vingtième 


1.  Dp   prodUfiis    nunciatis  Enijenio   Papir.    Opéra  CLXVII.  — 
Noël  I,  174.  —  Liseux,  t.  II,  p.  73. 


214  LES    FACÉTIES    DE    l'OfiliE 

heure,  uae  multitude  de  chiens,  à  peu  près  qua- 
tre mille,  paraissant  de  couleur  rousse  et  se 
dirigeant  vers  rAllemagne.  Celte  troupe,  for- 
mant comme  un  prcuiier  corps  de  bataille,  était 
suivie  d'une  innombrable  quantité  de  bœufs  et  de 
moutons  ;  des  cavaliers,  des  fantassins  divisés  en 
escadrons  et  en  compagnies  venaient  ensuite.  Un 
grand  nombre  portaient  des  armures  ;  ils  for- 
maient une  véritable  armée  ;  les  uns  avaient  la 
tète  à  peine  esquissée,  les  autres  en  manquaient. 
Un  géant,  monté  sur  un  haut  palefroi,  dirigeait  à 
l'arrière-garde,  une  immense  quantité  de  botes  de 
somme  d'espèces  variées.  L'interminable  défilé 
continua  pendant  trois  heures,  on  le  vit  dans  dif- 
férentes localités.  Il  existe,  de  ce  fait,  de  nom- 
breux témoins,  hommes  et  femmes  qui  s'appro- 
chèrent (le  très  près,  afm  de  mieux  se  rendre 
compte  du  prodige.  La  nuit  venue,  cet  étrange 
spectacle  s'évanouit  et  il  n'en  resta  plus  trace. 


CLXVIII 

Autres  faits  prodigieux  (1). 

Peu  après,  on  apprit  de  Rome  des  faits  extra- 
ordinaires et  qu'on  ne  peut  révoquer  en  doute, 
puisqu'il  en  reste  encore  des  traces.  Le  20  sep- 

1.  Mirandntn  (•o«.spio>»/f/HH(.  Opéra  CI. X\'lll.  —  Noël  I,  17G. — 
LisEux,  t.  Il,  p.  7ô. 


LES    FAIKTIKS    DK    l'OlitiK  215 

tembre,  une  rafale  de  vent  s'étant  déehainée  sur 
les  murs  du  château  abandonné  de  Borgeto, 
situé  à  six  milles  de  la  ville,  les  ruines  s'écrou- 
lèrent, ainsi  qu'une  église  très  ancienne  qui  se 
trouvait  tout  près.  Les  pierres  étaient  répan- 
dues de  telle  sorte,  qu'elles  semblaient  avoir  été 
dispersées  par  la  main  des  hommes.  Une  hôtel- 
lerie, où  étaient  descendus  des  voyageurs  de  toutes 
classes  et  dans  laquelle  beaucoup  de  gens  s'étaient 
réfugiés,  eut  son  toit  soulevé  par  la  tempête  et 
emporté  à  peu  de  distance  sur  la  route.  Personne 
ne  fut  blessé.  La  tour  de  l'église  Sainte-Rufine,  à 
dix  milles  de  Rome,  sur  l'autre  rive  du  Tibre,  à 
Casai,  près  de  la  mer,  fut  arrachée  de  ses  fonde- 
ments et  s'etfondra  sur  le  sol.  On  était  encore 
sous  le  coup  de  ces  événements  et  on  en  cher- 
chait la  cause,  lorsque  deux  bouviers  de  Casai, 
laissant  leur  travail,  vinrent  à  Rome,  poussés  par 
l'étrangeté  des  faits.  Ils  racontèrent  qu'ils  avaient 
souvent  vu  se  promener  dans  les  bois  d'alentour 
un  cardinal,  surnommé  le  Patriarche,  mort  récem- 
ment, des  suites  d'une  blessure,  au  môle 
d'Adrien.  Il  était  recouvert  d'un  vêtement  de  lin, 
suivant  l'usage  adopté  pour  les  cardinaux,  sa  tête 
était  coiffée  de  la  barrette,  comme  de  son  vivant  ; 
il  semblait  triste,  se  lamentait  et  gémissait.  Au 
moment  où  se  déchaîna  ce  violent  o«iragan,  ils  le 
virent  dans  les  airs,  au  milieu  du  tourbillon, 
étreindre  la  tour  dans  ses  bras  et  la  précipiter  à 
terre  de  toutes  ses  forces.  De  plus,  des  chênes, 


216  LES    FACÉTIES    DE    PCXiGE 

des  yeuses  d'une  grosseur  extraordinaire  furent 
complètemeut  arrachés  et  projetés  au  loin.  De 
prime  abord,  on  n'ajouta  pas  foi  à  ces  récits, 
mais  de  nombreuses  personnes  survinrent,  qui 
en  affirmèrent  l'authenticité. 


CLXIX 

A  propos  d'un  notaire  nialJionnête  de 
Florence  ^ 

Un  notaire  de  Florence,  auquel  sa  charge  rap- 
portait peu,  chercha  une  supercherie  pour  se 
procurer  de  l'argent.  Avisant  un  jeune  homme, 
il  lui  demanda  si  on  lui  avait  remis  les  cinq  cents 
florins  prêtés  par  son  père  décédé,  à  une  personne 
morte  également.  Le  jeune  homme,  qui  ne  con- 
naissait nullement  l'affaire,  répondit  que  cette 
créance  n'était  pas  inscrite  dans  les  livres  de  son 
père.  Le  notaire  prétendit  alors  qu'elle  résultait 
d'un  contrat  passé  par  lui,  et  engagea  le  jeune 
homme  à  lever,  à  beaux  deniers  comptants,  une 
expédition  de  l'acte  afin  de  faire  valoir  son  droit 
devant  le  Podestat.  Cité  à  comparaître,  le  fils  du 
prétendu  débiteur  nia  cette  dette,  affirmant  que 
son  père  n'avait  jamais  rien  emprunté  à  personne, 

1.  De  Notario  Florentiuo  falso.  Opéra  CLXIX.  —  Noël  J,  178. 
—  RiSTELHUBER  LXXVI,  p.  105.  —  LiSEux,  l.  II,  p.  77.  —  Len- 
FANT,  t.  II,  p.  230,  LXXVII. 


LKS    FACÉTIKS    I»F.    l'()(,(,K  217 

aucune  trace  d'une  dette  de  ce  genre  ne  ligurant 
sur  ses  livres,  mention  qui  eut  dû  exister  suivant 
les  habitudes  des  commerçants.  De  suite,  le 
défendeur  alla  trouver  le  notaire,  l'accusant 
d'avoir  rédigé  un  acte  faux  relatif  à  une  conven- 
tion qui  n'avait  jamais  existé.  —  «  Mon  enfant, 
répondit  le  notaire,  vous  ignorez  à  quelle  date 
remontent  les  faits.  Vous  n'étiez  pas  né  lorsque 
votre  père  emprunta  cet  argent,  mais  peu  après 
il  le  rendit  ;  j'ai  moi-même  libellé  la  quittance,  » 
Moyennant  iinance,  le  jeune  homme  retira  l'acte 
et  évita  un  procès.  Par  sa  rouerie,  le  notaire 
empocha  ainsi  des  deux  côtés. 


CLXX 

D'iti)  moine  qui  bouta  a  travers  une  planche 
percée  * . 

11  y  a  dans  le  Picentin,  une  ville  qu'on  ap- 
pelle Jesi  :  dans  cette  ville,  un  moine  nommé 
Lupo.  aimait  une  jeune  pucelle  et  la  poursuivait 
de   ses    ardentes    sollicitations,  tant    et    si    bien 


1.  De  inoitaco  qui  misil  per  foramen  labuhr  priapton.  Op^^ra. 
CLXX  NoKL,  I,  ITÛ,  II,  167.  —  Guillaume  tardif.  LXXXVI.  — 
p.  238.  — LiSEUx,  CL.\X.  t.  II,  p.  T.).  Les  cent  youvelles  itourelles  : 
Le.i  lacqs  d'amour,  p.  330,  édit.  Garnier.  —  Anonyme.  Priapu- 
sillaquealus,  vers  latins  cités  par  Milet,  t.  II,  p.  167. —  Beroald 
DE  VERViLLE  l  Le  Moyeu  de  Pariettir,  édit.  Garnier,  —  Bern.  de 
LA  Monnaye  :  Sluscipalœ. 

13 


:218  1-F,S    FACKTIKS    DK    I'<h,«,K 

qu'elle  liait  par  céder.  Mais,  craignant  qu'il  lui  lit 
trop  de  mal,  elle  hésitait  cependant  encore.  Le 
moine  lui  dit  qu'il  mettrait  entre  eux  deux  une 
planche  percée  d'un  trou,  comme  ces  meurtrières 
par  où  on  lance  le  trait.  En  conséquence,  il  se 
procura  une  planchette  de  sapin  fort  mince  percée 
d'un  trou  au  milieu,  puis  vint  à  la  dérobée  trouver 
la  jeune  lilie.  Sétant  déshabillé,  il  s'apprêtait 
à  un  délicieux  régal;  mais  le  frère  Priape  qui 
sommeillait  encore,  ne  tarda  pas  à  se  réveil- 
ler sous  la  douce  effluve  de  la  jeune  fille.  Bou- 
tant le  nez  à  travers  le  trou  de  la  planche,  frèie 
Priape  se  redressa,  lit  le  beau  tant  et  si  bien  (ju'il 
se  trouva  comme  étranglé  dans  l'étroite  ouverture, 
où  il  ne  pouvait  ni  avancer,  ni  reculer  sans  de 
vives  douleurs.  La  jouissance  espérée  se  changeait 
en  supplice,  et  la  souffrance  arrachait  au  moine 
des  gémissements  et  des  cris  de  douleur.  La  jeune 
fille,  le  voyant  ainsi,  l'embrassait  et  cherchait 
tous  les  moyens  de  le  soulager,  mais  elle  n'arrivait 
au  contraire,  qu'à  augmenter  et  à  accroître  sa 
gène.  Le  malheureux  souffrait  comme  un  cru- 
cifié, demandant  de  l'eau  fraîche,  espérant  par  ce 
moyen  se  dérider.  La  jeune  fille,  qui  redoutait  les 
gens  de  la  maison,  n'osait  pas  en  aller  demander; 
cependant,  émue  par  les  cris  et  les  souffrances, 
elle  s'y  décida  enfin  et  put  donner  une  douche 
abondante  au  frère  Priape,  ce  (jui  fit  disparaître 
la  cong^estion  et  le  remit  peu  à  peu  dans  son  état 
normal.  Le    moine,  entendant  du  bruit  dans  la 


LES    FACETIES    DR    l'OdCE  211) 

maison  et  ne  se  souciant  pas  d'être  surpris,  retira 
la  tète  de  frère  Priape  du  trou  de  la  planche,  non 
sans  lui  faire  mainte  écorchure.  Rentré  au  cou- 
vent, il  fut  obligé  de  se  faire  soigner  par  un 
médecin  et  naturellement  l'aventure  s'ébruita.  Si 
chacun  payait  aussi  cher  ses  vices,  bien  des  gens 
seraient  infiniment  plus  continents. 

En  cesle  facéoie  est  monstrée  l'incontinence  d'iing- Reli- 
gieux qui  n'a  point  de  crainte  de  dellloi-er  une  vierge,  et 
aussi  il  en  fut  pngny  et  n  ■  permit  pas  Dieu  que  de  la 
chose  sorlist  ellet  ainsi  que  la  faulce  et  mauvaise  vou- 
lenté  du  moyne  le  désiroit. 


CLXXI 

Horrible  histoire  d' iiii  jeune  gdrcon 
antlirop op h  âge  ' . 

Je  raconterai,  parmi  mes  menus  propos,  un 
l'ait  horrible,  abominable,  inouï  jusqu'à  l'heure 
actuelle  et  qui  m'a  paru  invraisemblable  jusqu'à 
ce  qu'une  lettre  d'un  des  secrétaires  du  Roi  ne 
m'eut  aftirtné  son  exactitude.  Voici  en  quels 
termes  k  peu  près.  Près  du  bourg  de  Somma 
situé  au  milieu  des  montagnes,  à  dix  milles  de 
Xaples,  des  actes  monstrueux  ont  eu  lieu.  Uu 
enfant  Lombard,  d'environ  treize  ans,  a  été  arrêté 


1.  Honibile  de  puero  qui  infaitlnlos  coinedvbat.  Opéra   CLXXI. 
—  Noël  1,  181.  —  Liseux,  t.  II.  p.  82. 


2-JO  LES    FACKTJKS    1)K    l'OGGK 

et  conduit  devant  le  Podestat.  Il  était  accusé 
d'avoir  dévoré  deux  enfants  de  trois  ans.  Après 
les  avoir  attirés  par  ses  caresses  dans  une 
caverne,  il  les  pendit,  puis  les  coupant  en  mor- 
ceaux, mangea  de  suite  une  partie  des  chairs 
palpitantes  et  fit  cuire  le  reste.  Il  avoua  avoir 
ainsi  fait  servir  à  d'horribles  repas,  d'autres 
victimes,  car,  assura-t-il,  nul  mets  n'était 
plus  savoureux,  et  il  espérait  recommencer  lors- 
que la  chose  lui  serait  possible.  Etait-on  en 
présence  d'un  fou  ?  Les  réponses,  pleines  de 
sagacité  qu'il  lit  sur  tous  les  points,  prouvèrent 
plus  encore  sa  férocité  que  son  insanité. 


CLXXII 

D'un  chevalier  florentin  qui,  feignant  de  sortir, 
se  cacha  secrètement  dans  la  chambre  de  sa 
femme  '. 

Un  chevalier  florentin  podagre,  que  pour  son 
honneur  je  ne  nommerai  pas,  avait  une  femme 
qui  faisait  de  l'œil  à  l'intendant  de  sa  maison.  Le 
mari,  s'en  étant  aperçu,  lit,  un  jour  de  fête,  sem- 
blant de  sortir,  mais  s'alla  cacher  secrètement 
dans  la  chambre  de  sa  femme,   (^elle-ci,  croyant 

1.  De  Equité  floreiitiiii)  (jui,  fnnieiis  xc  iluruin  Joras  iiiscia  cotijnge 
in  eubiculo  latuit.  Op.-ra  CLXXII.  —  Noël,  1,  18;f.  —  Lisbux, 
CLXX;i,  t.  II.   p.  84. 


LES    FACETIES    DE    J'OfitiE  221 

que  son  mari  était  bien  loin,  appela  l'intendant 
à  la  dérobée.  — «Je  veux,  dit-elle  après  quelques 
premiers  compliments,  (jue  nous  jouions  ensemble 
à  quelque  jeu.»  Ce  à  quoi  il  accéda.  —  «  Faisons 
semblant  de  faire  la  guerre,  dit  la  femme,  nous 
ferons  la  paix  ensuite.  »  I/homme  demanda  de 
quelle  façon.  —  «  Luttons  un  peu,  répondit-elle,  et 
quand  tu  m'auras  renversée  à  terre,  tu  lanceras 
ton  dard  dans  ma  blessure  d'amour,  et  nous 
ferons  ensuite  la  paix  avec  des  baisers  mutuels.» 
Cela  plut  beaucoup  à  l'homme  (jui  avait  souvent 
entendu  louer  la  paix  par  tout  le  monde,  surtout 
quand  une  paix  si  délectable  était  promise.  Lors- 
qu'ils furent  à  terre,  prêts  à  cimenter  la  paLx,  le 
mari,  sortant  de  sa  cachette,  s'écria  :  —  «  J'ai  fait 
plus  de  cent  fois  la  paix,  depuis  que  je  suis  au 
monde,  mais  je  ne  veux  pas  que  celle-ci  se  fasse  à 
ma  façon.  »  A  ces  mots,  les  deux  amants  se  sau- 
vèrent sans  avoir  signé  la  paix. 


CLXXllI 

D'un  chaste  qui  Ji'élail  que  paillard  L 

Un  de  nos  concitoyens,  qui  voulait  se  faire  pas- 
ser pour  chaste  et  dévot,  fut  un  jour  surpris  par 

1.  Dv  (iniiflain  rolcnle  se  ridcii  snnuiur  castilnds.  in  adullrrio 
vniiiprvbenKO.  Opéra.  CLXXII.  —  Xoei-,  1,  18i.—  LisBux.  CLXXlII. 
—  I>'un  fini  voulait  se  faire  passer  pour  chaste  et  qui  fut  pris  en 
jlfKjraiit  dr lit  fie  paillardise,  t.  II.  p.  86. 


:i^  LES    FACÉTIES    DE    POGdE 

un  de  ses  amis  en  conversation  déshonnête. 
Celui-ci  lui  fit  des  reproches  très  durs,  de  ce  que, 
prêchant  hi  chasteté,  il  se  laissait  aller  au  péché. 
—  «  Oh  I  oh  !  fît  le  cafard,  ce  n'est  point  la  luxure 
qui  me  pousse,  ainsi  que  tu  pourrais  le  penser, 
mais  pour  abaisser,  humilier  cette  misérable 
chair,  et  pour  me  décharger  les  reins  par  la  même 
occasion.  »  (^e  sont  bien  là  les  pires  hypocrites 
qui  ne  se  privent  de  rien,  mettant  leurs  appétits 
et  leur  scélératesse  sous  un  couvert  d'honnêteté. 


CLXXIV 

Même  su /et  ^  . 

Un  ermite  qui  habitait  Pise,  du  temps  de  Pietro 
Gambacorta,  introduisit  un  soir  dans  sa  cellule, 
une  fille  de  joie  avec  laquelle  il  besoigna,  la  nuit 

Ad  idem.  Opéra.  GLXAIV.  —  Xoeu  I,  185.  II.  171.  —  Liseux, 
GL.\.\IV,  t.  II,  p.  817. 

«  Scaraninuche  Ilennite.  pièce  très  froiile,  si  die  n'eut  i)a.s  été 
licencieuse,  dans  laquelle  un  ermite  velu  en  iiioiue,  monte  la 
nuit,  j)ai'  une  échelle,  à  la  fenêtre  d'une  i'umme  mariée,  el  y 
reparaît  de  temps  en  temps,  ea  disant  :  n  ijiicsta  é  fer  mortificar 
h  carne.  «  —  {Vie  de  Molière,  notice  du  Tai-luffc  .  Noël  dit  avoir 
lu  quehiue  part  que»  certains  Jancenistes  exagérés  avaient,  an 
temps  de  Luu  s  XIV,  une  fayon  foute  particulière  de  pi>cher 
sans  j)écher  —  ce  qu'ils  ai)i.elaient  :  itiorlijh')-  la   iiH)rtificalio>i. 

J.-B.  RoussE.vu,  dans  ses  Kpieji-ammes.  a  rimé  plusieurs 
Remèdes  contre  la  chair  {édit.  Garnier),  dont  celle-ci  : 

Brûle  du  feu  de  la  concupiscence. 
Frère  Thibault  vint  trouver  son  frardien. 
Jeûnez,  mon   fils,  lui  dit  sa  Révérence. 


LES    FACKTIKS    DF.    l'OGGE  223 

même,  mie  vingtaine  de  fois,  et  sans  cesse  en  fré- 
tillant des  fesses,  comme  pour  échapper  au  crime 
de  luxure,  il  répétait  ces  mots  que  disent  les  srens 
du  peuple  :  Doiudtti  carne  cativella\  »  c'est-à- 
dire  :  ■(  Mortifie-toi  donc,  misérable  chair  I  »  La 
fille  de  joie  ayant  raconté  la  chose,  le  moine  fut 
chassé  de  la  ville. 


ClAXV 

D^un  pauvre  Jioinme  qui  gagnait  sa  vie  avec  sa 
barque  ^  . 

Un  pauvre  homme  gragnait  sa  vie  en  transpor- 
tant les  voyageurs  dans  son  bateau  d'une  rive  à 
l'autre  d'un  fleuve.  Ln  jour,  que  personne  ne 
s'était  fait  passer  et  qu'il  s'en  retournait  triste- 
ment chez  lui,  quelqu'un  apparut  au  loin,  qui 
le  hélait.  Le  passeur  revint  sur  ses  pas.  dans  l'es- 

Thibault  jeûna,  le  jeùue  n'y  fit  rien. 

Lors  derechef  Thibault  se  plaint  —  Eh  hi^n! 

Joignez  au  jeune  et  discipline  et  haire, 

Dit  le  vieillard.  —  Mais,  las!  le  pauvre  hère 

Sentit  la  chair  encore  plus  regimber.  — 

Vertu  de  froc!  Succombez  y  donc,  frère. 

Tant  que  d'un  an  n'y  puissiez  retomber. 

1.  De  paiiper  qui  iiarictila  vicliiin  quœrchat.  Opéra,  (U,XX\'.  — 
NoEL,  I.  185,  II,  173.  —  LisEux.  CL.XXV,  t.  II,  88.  Marie  de 
France  :  Le  Vilain  et  le  Loup.  —  Imilaticns  :  Le  Chasse- 
oiituy,  cent.  III,  61.  —  Le  fao'tieux  Réreil-matiu,  j).  4118.  —  L.a 
Gibecière  de  Morne,  nn  le  Thrésoi-  du  Ritlicule.  p.  294.  —  Le  Colo- 
rier facélien.r.  p.  "23.  —  lioijer-BonteinpK  en  Belle-Humeur. 
p.  406. 


LES    FACETIES    DE    IHXiGE 


poir  d'un  peu  de  gain.  Mais  lorsqu'il  réclama 
son  salaire,  l'individu  lui  déclara  qu'il  n'avait 
point  le  sou,  lui  olfrant,  en  compensation,  de  le 
payer  d'un  bon  conseil.  —  «  Ce  n'est  pas  avec  de 
bons  conseils  que  je  nourrirai  ma  famille  qui 
meurt  de  faim,  »  observa  le  batelier.  —  Je  ne 
puis  te  donner  autre  chose  »  répondit  le  voyageur. 
Le  pauvre  homme,  fort  en  colère,  demanda  quel 
était  ce  bon  conseil.  —  «  Voici,  dit  l'étranger  : 
Ne  passe  jamais  personne  sans  t'être  fait  payer 
d'avance,  et  ne  dis  jamais  à  ta  femme  qu'il  y  en 
a  d'autres  qui  sont  peut-être  mieux  montés  que 
toi.  ))  Là-dessus,  le  batelier  étant  rentré  tout 
triste,  sa  femme  lui  demanda  de  quoi  acheter  du 
pain.  A  cela  il  répondit  qu'au  lieu  d'argent  on 
lui  avait  donné  de  bons  conseils,  et  il  raconta 
l'histoire  en  détail,  même  les  bons  conseils  qu'on 
lui  avait  donnés.  Lorsqu'il  parla  de  la  chose  inté- 
ressante, la  femme  tendit  l'oreille.  —  «  Eh  quoi, 
mon  ami,  fit-elle,  tous  les  hommes  ne  sont  donc 
pas  égaux?  —  Bah  !  il  y  a  entre  eux  de  grandes 
différences,  répliqua  le  mari.  Tiens,  par  exemple 
notre  curé  nous  dépasse  tous  de  moitié.  »  Et  ce 
disant,  pour  mieux  donner  une  idée  de  la  mesure, 
il  étendit  lavant-bras.  Aussitôt,  la  femme  s'étant 
rendue  chez  le  prêtre,  ne  voulut  pas  sortir  avant 
d'avoir  vérifié  par  elle-même  si  son  mari  avait  dit 
vrai.  Ainsi  donc,  la  sagesse  était  tournée  en  im- 
bécillité et  le  batelier  apprit  (ju'il  ne  faut  jamais 
parler  de  ce  qui  peut  nous  porter  préjudice. 


LES    FACKTIES    DE    \'UiH,E 


GLXXVI 

Solfise  (Ti/n  Milduciis  qui  (ivail  écrit  sa 
confession  ^  . 

Certain  Milanais,  soit  par  sottise,  soit  par  hypo- 
crisie, soit  qu'il  redoutât  quelque  écart  de  mé- 
moire, écrivit  ses  fautes  longuement  détaillées  sur 
une  immense  leuille.  S'étant  ensuite  rendu,  pour 
se  confesser,  chez  Antonio  d<^  Rauda,  Milanais,  de 
l'Ordre  des  Frères  Mineurs,  homme  très  instruit 
et  directeur  expérimenté  ;  il  lui  présenta  son 
manuscrit  en  le  priant  de  le  lire.  —  «  C'est  ma 
confession  »,  dit-il.  Le  père,  homme  avisé  et  pru- 
dent, comprenant  de  suite  que  cette  lecture  lui 
demanderait  beaucoup  de  temps,  et  sachant,  de 
plus,  qu'il  avait  alfaire  à  un  individu  niais  et 
bavard,  se  contenta  de  faire  quelques  ({uestions 
au  pénitent  :  —  «  Je  te  donne  l'absolution  de  tous 
les  péchés  que  tu  as  inscrits  sur  cette  pancarte  » 
ajouta-t-il.  Notre  homme  s'informant  alors  de  la 
pénitence  qui  lui  était  infligée  :  —  «  Pendant  tout 
ce  mois,  répondit  le  religieux,  tu  liras  sept  fois  [)ar 
jour  ce  que  tu  as  écrit».  Le  ■Milanais  eut  beau 
crier  à  limpossibilité,  le  confesseur  ne  céda  pas. 
Ainsi  fut  punie  la  prolixité  d'un  imbécile. 

1.  f)t'  qnodani  iuKuho  Mi'diolanensi  (jui  in  scriptis  porreril  pcc- 
cnta  sua  sacerdati.  Opéra  CLXXVI.  —Noël  I.  187.  —  Lenfant, 
t.  II,  XI.V,  p.  -211.  —  RisTELiiuiiEu  LXXVIII.  p.  107.  —  Ltseux, 
t.  Il,  p.  lH. 

13. 


220  LKS    FACÉIllS    LU.    Imm,(,K 


CLXXVII 

Jactance  d'un  individu  confondue  par  son 
cotnpagnon  ' . 

Un  indivklu,  d"une  Scintô  chancelante  et  loin 
d'être  favorisé  des  dons  de  la  fortune,  faisait  sa 
cour.  Invité  à  diner,  un  soir  dV'té,  [)ar  les  parents 
de  sa  fiancée,  il  vint  accompagné  d'un  ami  au<|uel 
il  avait  donné  pour  consigne  de  renchérir  sur  tout 
ce  qu'il  dirait.  —  «  Le  beau  pourpoint,  comme 
il  vous  habille  bien,  dit  la  future  belle-mère  »,  — 
((  Oh,  rép  )ndit  notre  homme,  j'en  ai  un  beaucoup 
plus  élégant  »  ;  et  l'ami  d'ajouter,  —  «  Sans  parler 
d'un  autre  deux  fois  plus  riche  ».  Le  beau-père 
s'étant  informé  du  nombre  de  domaines  qu'il 
possédait,  il  indiqua  une  petite  propriété,  sise  hors 
la  ville,  et  dont  les  revenus  suffisaient  à  son  entrc- 


1.  De  fjnodain  qui  visilaudo  alftnes  tixoris  ralelml  a  aocio  com- 
)iiritdaii.  Opéra  CLXXVII.  —  Xoel  I.  18S;  II,  174-170.  —  Liseox, 
t    II,  p.  U'I.  Babel.  FarwIitv.De  siipor!iO  adolescente, L.  5.  j).  IGli. 

—  Bebo.vld   de  Verviule  :  Moyen   de  l'aiTenii-,  édit.  Oarnier. 

—  Hisinire  comique  de  Fvaiicioii,  t.  4,  p.  219,  édit.  1G41. 

LK  -MKNTKUR  KT   SOX  V.VLKT 

Un  habitant  des  bords  de  la  Garonne, 

A  tou.s  propos  effronlément  contait 

Ses  biens  en  l'air  :  c'était  toujours  son  prone. 

Mais  son  valet,  simple  et  rustre  personne, 

Qu'à  chaque  instant  le  croiyeur  attestait, 

S.ins  y  penser  ton  ours  le  démentait; 


LF.S    FACÉTIES    DE    l'OC.dK  227 

tien.  —  «  Oublies-tu  donc  cette  autre  terre  bien 
plus  considérable,  qui  te  procure  de  si  importants 
bénéfices?  »  repartit  le  camarade.  Ainsi,  chaque 
fois  que  notre  homme  avançait  quelque  chose, 
l'ami  renchérissait.  Pendant  le  repas,  comme  le 
gendre  prenait  peu  de  nourriture,  le  beau-père 
lencourageait  à  faire  honneur  aux  difTérents  mets  : 

—  «  Pendant  l'été,  ma  santé  laisse  à  désirer,  dit 
l'invité  »  ;  et  son  compagnon,  qui  croyait  le  servir 
en  soutenant  son  rôle  de  hâbleur,  de  s'exclamer  : 

—  «  C'est  bien  plus  grave  qu'il  ne  dit  ;  il  se  porte 
mal  l'été  et  l'hiver  c'est  encore  pire  ».  A  ces  mots, 
les  assistants  se  mirent  à  rire  aux  dépens  de  celui 
qui.  pour  avoir  recherché  des  éloges  menson- 
gers, ne  recueillait  qu'un  ennui  pour  prix  de  sa 
sottise.... 


Tant  qu'il  lui  dit  :  —  «  Si  sur  ce  que  j"avance 

Tu  n'enchéris  toi-même  de  moitié, 

Prends  pour  certain  que  sur  ta  covporaiice, 

I loups  c!e  liâton  vont  j)leu.oir  sans  pilié. 

Le  Drôle  eut  peur,  et  jura  sur  sa  vie 

De  n'y  manquer.  Le  maître,  en  compagnie. 

Dit  que  la  foudre  a  brûlé  son  château.  — • 

'   Vous  en  ave/,  par  lionlienr  un  plu?  b^au,  » 

Dit  le  valet,  secondant  sa  manie.  — 

L'instant  d'après,  l'on  p.irle  de  bateau; 

Triste  voiture,  où  l'on  trouve  un  tombeau, 

Quand  sur  les  (lots  les  vents  se  font  la  guerre  : 

Le  maitre  dit  :  —  «  Je  suis  poltron  sur  l'eau,  r,  — 

(i  Oui,  répond  l'autre,  et  même  sur  la  terr.'.  » 

Deforges-Maii.lard. 


22»  1>KS    FACÉTIES    DE    ['0(.(1E 


CLXXVIII 

Vn  mot  de  Pasquiiio  de  Sienne  si/r  un  pet 
du  corps  de  VÉtat  '  . 

A  la  suite  de  troubles  politiques,  Pasquino,  de 
Sienne,  homme  retors  et  plein  de  gaieté,  fut 
exilé  ;  il  vint  habiter  Ferrarc.  Un  de  ses  compa- 
triotes, citoyen  de  peu  d  importance,  le  visita  en 
se  rendant  de  Venise  à  Sienne.  Pasquino  lui  fit 
bon  accueil.  Au  cours  delà  conversation,  le  voya- 
geur promit  ses  bons  offices,  offrit  sa  protection 
une  fois  rentré  à  Sienne  :  —  u  Je  fais  partie,  ajou- 
ta-t-il  par  vanité,  du  Corps  de  l'Elat.  »  —  ((  Plaise 
à  Dieu,  répondit  Pasquino,  que  ce  corps  lâche  un 
pet,  afin  que  toi  et  tes  pareils  soyez  expulsés 
promptemenH  »  Avec  cette  plaisanterie,  le  vaniteux 
personnage  n'eut  ({ue  ce  qu'il  méritait. 

CLXXIX 

De  cet  une  de  docteur,  si  idiot  qiCil  parlait 
latin  à  la  chasse  aux  oiseau.r-  . 

Un  docteur  de  Milan,  homme  peu  instruit 
et  borné,    voyant    qu'un    oiseleur    se    disposait 

1.  De  Pasquino  (juodaiit  Seneimi  qui  tmpnsuil  cuidain  e.r  statu 
ut  creparet.  Opéra  CLXXVII.  —  Xoel  I,  189.  —  Liseux,  t.  II,  p.  94. 

?.  De  (Inclore  qui  littvrali  sernioiie  loquehatur  in  aribus  capicndis  it 
indoclHS  erat.  Opéra  CLXXIX. —  Xoel  I,  190.  —  RisiKLiiuiiER 
I.XXX.p.  108.  — I.isELX,  t.II,p.90.  — Lenfant,  t.  II.  LXIV.p.  l'i;'. 


LES    F.VCÉTIF.S    I)K    l'iXitJK  22^) 

à  chasser  des  oiseaux  avec  une  chouette,  lui 
demanda  de  Faccompai^ner.  Il  était  très  dési- 
reux de  voir  pareil  spectacle.  Le  chasseur  y  con- 
sentit et  plaça  notre  homme  sous  la  hutte  de  feuil- 
la.iie,  à  coté  de  la  chouette,  en  lui  recommandant 
bien  de  garder  le  silence  afin  de  ne  pas  etfrayer 
les  oiseaux.  Ceux-ci  apparurent  bientôt  en  grand 
nombre.  Aussitôt,  le  maladroit  docteur  s'écria  :  — 
((  En  voilà  beaucoup,  tirez  le  filet!  »  En  entendant 
le  bruit  de  la  voix,  les  oiseaux  s'envolèrent  à  tire 
d'aile.  Gourmande  par  sou  compagnon,  le  doc- 
teur promit  de  se  taire.  Les  oiseaux,  ayant  repris 
confiance,  revinrent,  le  stupide  docteur  dit  alors 
en  latin  :  —  «  Avês pennultœ  siuit-  »  ^  persuadé 
qu'en  s'exprimant  ainsi  il  ne  serait  pas  compris. 
Les  oiseaux  disparurent  sans  retour.  L'oiseleur, 
perdant  tout  espoir  de  réussir,  invectiva  vivement 
son  compagnon  qui  n'avait  pu  s'empêcher  de 
parler.  —  «  Mais,  dit  ce  dernier,  les  oiseaux 
comprennent  donc  le  latin  .'  »  Ce  pauvre  docteur 
pensait  que  ce  qui  avait  fait  fuir  les  oiseaux,  ce 
n'était  pas  le  son  de  la  voix  humaine,  mais  le  sens 
des  paroles  prononcées,  comme  si  les  oiseaux 
avaient  compris  qu'ils  devaient  s'enfuir. 

1.  ((  11  y  a  beaucoup  d'oiseaux,  o 


1?30 


LES    FACETIES    DE    l'0(i(iE 


CLXXX 

Ce  quune  femme  prit  pour  un  compliment^ , 

Une  femme  mariée  de  Sienne,  ayant  fini  de 
besogner  avec  son  amant,  causait  avec  lui.  Celui- 
ci  eut  laffront  de  lui  dire  cju'il  n'était  jamais 
passé  par  route  aussi  large.  La  femme,  prenant 
cela  pour  un  compliment  répondit  :  —  «  Tu  es 
bien  gentil,  mais  je  ne  mérite  point  pareil  com- 
pliment. Combien  je  voudrais  que  tu  dises  vrai  ! 
car  j  "en  serais  très  fière  et  m'en  estimerais  bien 
davantage  ». 

CLXXXl 

Plaisant  propos  cV une  jeune  femme  en  couche  '' . 

Une  jeune  femme  de  Florence,  assez  niaise, 
sur    le    point    d'accoucher,    depuis   assez    long- 


1.  De  tiiUiere  se  credoile  ad  laiidem  Iraiti,  coiifilendo  htliorcni 
rulram  hnbere.  Opéra  CLXXX.  —  \oel.  I.  190.  —  Liseux. 
CLXXX,  t.  II.  p.  98. 

2.  De  adolesceiiiula  lahoranîe  cr  pai-tii  fnrctutn.  Opéra  CLXXXl. 
—  XoEL.  I,  191  II,  176.—  LisEux  CLXXXl,  t.  II,  p.  8'.).  —  Perchk  : 
La  membriancide,  oggiunteel  libru.  —  Baudius  Batavus  —  Puer 
(iravidits,  cités  par  Noël,  t.  II.  p.  17(i,  et  Lcnfnnl  malade  —  épi- 
gramiuc  idem.  p.  180. 

PROCÈS  JUGE  SANS  APPEL 

Deux  gars  étaient  sur  le  même  palier. 
L'un  franc  Picanl  et  l'autre  de  Provence) 
Oui  d'une  Agnès.  leur  commun  attelier; 


LKS    lACtTIKS    1)K    l'iXKiK  231 

temps  déjà,  souffrait  de  vives  douleurs,  et  la 
sage-femme,  une  chandelle  à  la  main,  examinait 
la  place,  pour  voir  si  l'enfant  n'allait  pas  bientôt 
se  présenter.  —  «  Regardez  donc  aussi  de  l'autre 
cO»té.  lui  (lit  l'idiote,  car  mon  mari  a  quelquefois 
travaillé  par  là  ». 


CLXXXII 

(jiaiid  éloi^e  d' un  jeune  Hontuin    i  . 

Un  jeune  Romain,  d'une  grande  beauté,  aussi 
honnête  que  lettré,  était  chaleureusement  loué 
par  l'un  de  nous  pour  sa  rare  élégance  et  ses 
bonnes  mœurs.  Ne  sachant  comment  exprimer  son 
enthousiasme  et  mettre  le  comble  à  ses  paroles 
élogieuses.  notre  confrère  ajouta  :  —  «  Je  crois, 
qu'à  son  àg-e  Jésus-Christ  devait  lui  ressembler, 
je  ne  me  le  fig^uro  pas  autrement  ».  Magnifique 
appréciation  de  la  beauté  1  Xi  Cicéron,  ni  Démos- 
thènes  n'ont,  en  ce  genre,  rien  dit  déplus  exquis. 

Kind  ~ctrin.iipnt  tour  à  tour  l'innocence. 
Le  papiur  but.  —  Ça  de  qui  le  jjoupon? 

Demanda  le  juye  à  la  mère!  — 
Ilélns!  Mon.fieur,  dit-elle,  c'est  selon; 
Moi-même  en  suis  en  peine  la  ijreniière  ; 
Si  toute  fois  j'accouche  par  devant, 
ri'est  au  Picard  qu'appartiendra  l'enfant: 
Au  Provençal,  s'il  me  vient  par  derrière. 

Mérard  de  Saint-Jlst. 

1.  De  quinlain  (pii  Romanum  ndolescentuliim  admodnm  landaril . 
Opéra  CLXXXII.  —  Noël  I,  l'.t3.  —  Liseu.m,  t.  II,  p.  100. 


232  IKS    KACÉriES    I»E    POiif.E 

CLXXXIII 

Vd'u.r  différents   i . 

A  Florence,  plusieurs  personnes  ayant  lié  con- 
versation, chacun  formait  pour  son  bonheur  un 
vœu  particulier  ;  c'est  assez  l'ordinaire.  —  «  Je 
voudrais  être  Souverain-Pontife  »,  disait  Tun, 
«  Moi  Roi  »  s'exclamait  un  autre  ;  un  troisième 
désirait  autre  chose.  Un  gamin,  tant  soit  peu 
havard.  (jui  écoutait,  dit  :  —  «  Moi,  je  voudr<iis 
être  melon  ».  —  <(  VA  pourquoi  ça  »  ?  lui  demanda- 
t-on.  —  ((  C'est  parce  que  tout  le  monde  me  sen- 
tirait le  derrière  »,  répondit-il;  souvent,  en  ell'et, 
les  personnes  qui  désirent  acheter  un  melon  le 
flairent  en  dessous. 

En  ceste  Facécie  sont  raillez  les  souhaycteurs  qui 
souhaictent  et  désirent  ce  qu'ils  ne  peuvent,  ne  doivent 
avoir;  dont  le  garson  se  farea,  qui.  ouyant  les  inuliles 
re([uestes  et  souhaitz,  recjuist  d'eslre  pompon,  affin  (pie 
tous  Un  allassent  sentir  le  cul. 


1.   De  plurihiis  ijui  dirersa  hona  sibi  optahaitl.  Opéra  CLXXXII'. 

—  (luiLL.\UME  Tahdif:  De  ceiluy  qui  désira  esire  pompon  aliin 
qu'on  luy  fleurist  le  cul.  LXXXVII,  p.  ^'lO.  —  Noël  1,  i'.)3;  II, 
130.  —  LisEUX,  t.  JI,  p.  101.  Roijvv  lionlemps  en  belle  humeur, 
p.  19.  —  /.('    Fncvtii'u.i    HntilMaliii.    p.    19.3.    —  Nut;:.-  venal'.-s 

—  48. 


I.KS    FACETIES    DE    POCJdE  233 


CLXXXIV 

Ditii    marchiuid   qui  faisait  l  éloge 
(/('  S(t   femme   >  . 

Certain  marchand  faisant  l'éloge  de  sa  femme, 
en  présence  d'un  seigneur  dont  il  dépendait,  aftir- 
ma.  entre  autres  choses,  que  jamais  elle  n'avait 
fait  un  pet.  l'^tonnement  du  seigneur  qui  ne  peut 
croire  la  chose:  —  «Je  te  parie  un  bon  diner,  dit-il, 
qu'avant  trois  mois  cela  arrivera  bien  des  fois.  » 
Le  lendemain,  le  seigneur  lit  demander  au  mar- 
chand de  lui  prêter  cinq  cents  ducats  d'or,  pro- 
mettant de  solder  son  emprunt  dans  la  huitaine. 
La  somme  paraisssait  bien  forte  au  pauvre  diable 
et  ce  ne  fut  qu'à  regret  qu'il  consentit  h  re- 
mettre l'argent.  Le  jour  impatiemment  attendu  de 
l'échéance  étant  venu,  le  préteur  alla  réclamer 
ses  écus.  Le  seigneur,  simulant  une  grande  gène, 
et  disant  qu'il  était  obligé  de  faire  face  à  des 
engagements  urgents,  sollicita  du  marchand  un 
nouveau  prêt,  en  promettant  de  rendre  le  tout 
avant  la  lin  du  mois.  Le  bonhomme  ne  céda  pas 


1.  De  mercalore  qui.  laudando  u.rorem  snatn,  asse)-el)'it  cnm  nnti- 
quam  crepilum  ivlidisse.  Opéra  CLXXXIV. —  Guii  lau.me  Tardif  : 
Du  marchant  qui  se  vanta  que  jamais  sa  femme  n'avoit  fait  de 
pet  au  lict,  LXXXVIII.  —  Xokl  I.  l'.)4;  II.  131.  —  Liseux.  t.  II. 
p.  102. 

Qui  securi  (Innitinnt.  Par.silypi.  liv.  111.  antore  sai|i.  Kn.-,  1031. 


234  i.cs  FActriEs  iJE  i'0(i(;E 

de  suite,  allégua  sa  jiauvreié,  mais  à  la  lia,  crai- 
i;nant  de  perdre  le  moulant  de  son  premier  prêt, 
il  compta,  en  soupirant,  cinq  cents  autres  ducats. 
Rentré  chez  lui  ijieii  triste,  la  tète  à  l'envers,  en 
proie  à  toutes  sortes  de  préoccupations  et  d'inquié- 
tudes, il  passait  les  nuits  sans  sommeil.  Pendant 
ces  veilles,  il  entendit  maintes  fois  sa  femme  se 
soulager  en  dormant.  Le  mois  étant  écoulé,  le 
seigneur  fil  venir  le  marchand  :  —  «  Kh  bien,  dit- 
il,  peux-tu  prétendre  maintenant  (]ue  tu  n'as 
jamais  entendu  péter  ta  femme  »  —  «  Hélas! 
avoua  le  marchand,  en  confessant  son  erreur, 
cela  est  arrivé  tant  de  fois,  que  ce  n'est  pas  un 
diner,  mais  tout  mon  patrimoine  qui  y  passe- 
rait. »  Là-dessus,  l'argent  ayant  été  rendu,  le 
repas  fut  payé.  Bien  des  choses  échappent  à  ceux 
qui  ont  le  sommeil  lourd. 

Vin  ceste  I-'acécie  sont  l'eprins  le  paresseux  et  non  diU- 
gents  qui  n'ont  point  de  sollicitude  en  leur  famille,  carung 
bon  mesnager  doit  avoir  tant  de  soing  et  de  sollicitude  à 
l'entour  de  ses  négoces  qu'on  ne  devrait  rien  l'aire  en  sa 
maison,  pas  sa  femme  ung  pet,  qu'il  ne  le  sçoust;  mais 
ainsi  n'estoit  pas  le  dict  marchant,  qui  gagea  que  sa 
femme  n'avoil  jamais  fait  pet  et  la  cuydoit  pour  tant  qu'il 
n'en  avoit  rien  ouy,  car.  incontinent  qu'il  estoit  couché, 
il  s'endormoit  sans  avuii-  aulcun  soulcy,  et  pour  ce  luy 
emprunta  le  gentilhoiiinie  son  argent,  alFin  de  luy  donner 
soing,  dont  il  perdit  le  dormir,  et  veillant  tant  qu'il  oyt 
le  pet  de  sa  femme,  dont  il  perdit  le  soupper,  mais  il  en 
bout  sa  pari. 


Li:S    FACKÏIKS    DK    l'Ot.(lK  -^Sb 

CLXXXV 

Sa:^i'    rc/uynse   a   un    (((loinnidlciir '^  . 

Louis  de  Mai-silio  - ,  df  l'Ordre  des  Augustins, 
qui  habitait  il  y  a  peu  de  tenîps  Florence,  était 
un  religieux  d'une  giMUile  intelligence  et  dune 
profonde  doctrine.  Devenu  vieux,  il  avait  élevé  et 
initié  aux  belles  lettres,  un  jeune  homme  sans 
fortune,  nommé  Jean,  son  compatriote.  Nous 
lavons  connu,  il  était  très  instruit.  Certain  Flo- 
rentin, son  condisciple  (quelques  étudiants  assis- 
taient aux  leçons  du  niaitre ),  poussé  par  la  jalousie, 
se  mit  à  décrier  sournoisement  Jean  auprès  du 
vieillard.  Cette  délation  se  répétant  souvent, 
Louis  de  Marsilio,  véritable  modèle  de  sagesse, 
demanda  au  calomniateur  depuis  quand  il  con- 
naissait son  camarade  :  —  «  Depuis  un  au,  »  ré- 

I.  Sipii'iitissiiiin  rcsponsio  conU-a  (lelractonein.  Opéra  (XXXX^'. 
—  Noël  I,   1%;  II,  131.  —  Lenfant,  t.  II,  XLVI,  p.  -211.  —  Ris- 

TELHLHER   LXXX.   109.  LiSELX  t.    II,   p.    104.  G  UICCIARDINI  :  ffoJT 

(fi   Recreaziotte   :   Gli    hoinini   costanli,  p.  1  iO. 

5.  Mirsilio  devint  supérieur  d'un  couvent  d'Augustins  silué 
dans  la  province  de  Pise.  Sa  r  putation  litlérjire  lui  procura 
des  fonctions  dans  la  chancellerie  de  la  République  de  Flo- 
rence, et  en  1:)82,  le  gouvernement  Toscan  le  mit  au  nombre 
des  Di^gociateurs  (ju'il  chargea  de  conclure  la  paix  entre  Charles 
de  Hongrie  et  le  duc  d'Anjou.  11  s'acquit  une  telle  estime  parmi 
les  Florentins,  que  la  Seigneurie  de  cette  République  pria  Bo- 
nitace  de  le  nommer  évèque  de  Florence.  La  lettre  qui  fut 
écrite  à  cette  occasion  a  été  rapportée  par  Mehus  dans  sa  Vie 
d'.\nibrosio  Traversari.  (fi). 


236  I-KS    FACÉriKS    l»E    P0(.(;E 

pondit-il.  —  <'  Je  m'étonne,  répliqua  le  vénérable 
maître,  que  tu  te  croies  assez  habile,  ou  que  tu  me 
juges  assez  dépourvu  de  raison,  pour  aflirmer 
que  tu  as  connu,  en  un  an,  la  nature  et  le  caractère 
d'un  jeune  homme,  mieux  que  je  n  ai  pu  le  faire 
depuis  dix  ans  qu'il  vit  avec  moi.  )>  Sage  réponse 
qui,  en  flétrissant  la  méchanceté  du  calomniateur, 
rehaussait  le  mérite  du  calomnié.  Si  cet  exemple 
était  suivi,  les  envieux  et  les  détracteurs  seraient 
plus  circonspects. 


CLXXXVI 

P/û/sante   /•épouse  à  l'usage  de    (jiirhiucs 
évê<ines  ^ . 

Un  ami  ayant  questionné  le  même  Louis  de 
Marsilio,  sur  la  signification  qu'avaient  les  deux 
pointes  dont  sont  terminées  les  mitres  :  — *  L'une 
symbolise  l'Ancien  Testament,  répondit-il,  et 
l'autre  le  Nouveau  que  les  évêques  devraient 
savoir  par  cœur.  »  L'interrogateur  ajouta  :  — 
«  Que  veulent  dire  les  deux  espèces  de  bande- 
lettes qui  retombent  de  la  mitre  sur  les  reins'-. 

1.  fnccla  iTspdiisiu  iiiidlis  cjiiscdpis  (niDniimninta.  Opéra 
CLXXXVI.  —  NoKL  1,  l'JT.  —  Lknfant,  t.  Il,  XLVII,  p.  -IVl.  — 

HiSTELHUHER  LXXXI,    p.    III.    —    I.ISEIX,    l.    II.    p.    10(i. 

"2.  Les  deux  fanons  qui  pendent  de  la  uiilre  sont  les  cordons 
qui  servaient  à  tenir  celle  coid'uie  dans  .son  étal  primitif.  l)k- 
tiointnirv  tics  niiliijniirs  Chir-iciiin's.  par  l'ahlié  .Marligny.  1865.) 


I.KS    F.Vi  KTIKS    l>K    \>IH,(:V.  2;i7 

«  Cela  indique,  répliqua  Marsilio,  qu'ils  ne 
possèdent  complètement,  ni  l'un,  ni  l'autre.  » 
Plaisante  réponse,  s'appliquant  à  certains  prélats. 


CLXXXVll 

Un  bon  mot  si/f  François  Philelphe  1 . 

Au  palais  Apostolique,  au  cercle  des  secrétaires 
un  jour  qu'il  se  trouvait,  comme  d'habitude, 
beaucoup  de  doctes  personnages,  la  conversation 
tomba  sur  la  vie  ignoble  et  crapuleuse  du  misé- 
rable François  Philelphe  2  .  Comme  on  l'accusait 
de  tous  les  crimes,  quelqu'un  demanda  s'il  était 
d'origine  noble.  Un  de  ses  confrères,  homme 
charmant  et  quelque  peu  farceur,  dit  avec  un  air 
grave  :  —  «  Certainement  et  sa  noblesse  est  même 
des  plus  illustres,  car  son  père  mettait  chaque 
matin  des  vêtements  de  soie.  »  Voulant  dire  par 
là  qu'il  était  fils  de  prêtre,  parce  que  les  prêtres 
ont  en  eit'et  la  coutume  d'employer  des  vêtements 
de  soie  quand  ils  officient. 


1.  Facelum  diclum  cnjiisdam  in  francisoiin  Pliilelphiiin.  Opéra 
CLXXXVll.  —  XoEL,  I.  11J8,  II,  178.  —  Ristelhuber.  LXXXII 
p.  11-2.  —  LisEux,  CLXXXVll,  t.  II,  p.  107.  Enricus  Cordus.  — 
Delicœ  Poetarum  Germait  :  la  .^mulum. 

2.  Il  a  été  question  de  Philelphe  à  maintes  reprises.  Voir  ce 
qui  a  été  dit  do  lui  dans  la  notice  sur  Pogg-e. 


238  I.l>    KAf.KriK^    liK    i'UGijE 

CLXXXVIIl 

Pldisdiiterte  sur  le  même  i. 

Un  autre  non  moins  plaisant  ajouta  :  «  Il  n'y  a 
là  rien  d'étonnant  si  ce  descendant  de  Jupiter  a 
essayé  de  marcher  sur  les  traces  de  ses  ancêtres, 
en  enlevant  une  nouvelle  Europe  et  un  autre 
Ganymède.  »  Cet  homme  voulait  dire  par  là  que 
Philelphe  avait  amené  en  Italie  une  jeune  vierge 
grecque,  tille  de  Jean  Chrysoloras,  qu'il  avait 
séduite,  et  que,  par  contre,  il  avait  pour  ses 
charmes  emmené  en  Grèce  un  jeune  garçon  de 
Padoue. 

CLXXXIX 

Le  iiolciire  devenu  maquereau  -. 

Il  y  avait  à  Avignon  un  notaire  français,  très 
connu  de  la  curie  romaine  qui,  s'étant  amouraché 
d'une  fdle  publique,  abandonna  son  étude  et  se  fît 
maquereau.  Aux  calendes  de  janvier,  c'est-à-dire 
(hi  premier  de  l'an,  il  enJossa  un  nouveau  cos- 
tume sur  la  manche  duquel  il  avait  mis  cette  ins- 

1.  Contni  enindeiH  facclin.  Opéra  (JLXXXVJII. —  Noei,  :  .1  aiipra. 
-  LisiEux,  CLXXXVIIl,  t.  I[,  p.  lus. 

2.  Ve  Icnoite  farlo  e.r  nolario.  Opéra  i  XXXXVIII.  —  XoEi.,  I,  l'j:). 
LisEix.  CLXXXVIIl,  t.  II.  p.   Kl'J. 


I.KS    FACKTIKS    IiF.    I'(m,(,1-;  230 

cription  en  lalin  et  en  fraurais  :  De  bene  in 
melius.  De  bien  en  mieux.  Apparemment  qu'il 
trouvait  le  métier  de  maquereau  plus  honorable 
que  son  ancienne  profession. 


cxc 

Piaisanle  inani'h'e    de   débari-asser 
un   Jtopital  '  . 

Le  cardinal  de  Bari  - ,  d'origine  napolitaine, 
possédait  à  Verceil,  dans  la  Gaule  Citérieure,  un 
hospice  qui  lui  donnait  peu  de  revenus,  tant 
étaient  grandes  les  dépenses  qu'on  y  faisait  pour 


1.  FaceliDn  cnjusdam  Peirelli  ut  lihi'rarel  hospitale  a  sordidis. 
Opéra  CX'>.  —  Guillaume  Tardif  :  Joyeuse  manière  de  chasser 
les  pauvres  de  ung  Hospital,  LXXXIX,  p.  '245.  —  Ristelhuber 
LXXXIII,  p.  113.  —  LisEux,  t.  n,  p.  IIU.  —  X.EL  I,  '20li:  II,  18-2. 
—  Lenfaxt,  t.  II,  LXXXVII,  p.  235.  —  iMéon,  Le  vilain  mire, 
t.  III,  p.  1-13.  —  Legraxd  d'Aussi,  t.  I,  p.  398.  —  Chénier  : 
Fragmens  du  cours  de  littérature  fait  à  l'Athénée  de  Paris  tn 
1806  et  1807,  p.  90.  —  Ms.  de  Berui,  6M,  fol.  4'.).  —  Vo.v  Pfaffen 
Amis,  dans  :  Benecke  Beilrafje  zin-  Kenuliiiss  der  altdexilschen 
Sptache,  Goett.  part,  II,  p,  533.  Imitalions  :  Die  Eulettspieçiel, 
hist.  17.  —  BoucHET  :  Sérées  30-  série  —  Gibedt)-e  de  Morne  p. 
i5C.  —  ('ourier  lacélieux,  p.  129.  —  L'iiipital  de  Verciel.  — 
Histoires  plaisatites  et  récréatives,  p.  1   9. 

'2.  Loudolphe  de  Maremaur,  l'ail  cardinal  diacre  de  Saii.t- 
Xicolas  in  (jarcere  en  1381.  Il  lut  envoyé  en  1409  à  la  diète  de 
Francfort  par  le  collège  des  Cardinaux  qui  av.. ient  renom  é  à 
l'obédience  de  l'antipape  Benoit  Xlll  et  de  Grégoire  XII.  Il  as- 
sista au  Concile  de  Pise  et  à  celui  île  Constan  e.  où  il  mourut 
en  l'iin.  Le  jour  de  ses  funérailles,  l'évèque  de  Lodi  fit  un  dis- 
cours où  il  ne  dit  pas  un  mot  du  cardinal,  mais  s'étendit  sur 
les  défauts  des  ecclésiastiques.    R,. 


•^4(J  LES    FACKTIKS    DE    l'OOGE 

soigner  les  pauvres.  Un  jour,  il  envoya  un  de 
ses  gens,  nommé  Petrillo,  pour  toucher  ses 
rentes.  Celui-ci,  ayant  trouvé  l'hôpital  encombré 
d'infirmés  et  surtout  de  fainéants  qui  épuisaient 
les  ressources  de  l'établissement,  s'alfubla  de  la 
robe  d'un  médecin,  fit  assembler  les  malades, 
visita  leurs  plaies  :  —  «  Je  ne  vois,  dit-il  alors, 
qu'un  onguent  de  graisse  humaine  qui  soit  sus- 
ceptible de  guérir  des  ulcères  de  cette  nature. 
Aujourd'hui  môme,  je  vais,  en  conséquence,  tirer 
au  sort  celui  d'entre  vous  qui  sera  plongé  vivant 
dans  l'eau  bouillante  et  cuit  pour  le  salut  de 
tous.  »  Saisis  d'épouvante,  en  entendant  ces 
paroles,  tous  se  hâtèrent  de  déguerpir,  dans  la 
crainte  d'être  désignés  par  le  sort.  Tel  fut  le  pro- 
cédé qu'employa -Petrillo  pour  débarrasser  l'hos- 
pice de  l'entretien  de  fous  les  malades  peu  inté- 
ressants. 

En  ceste  Facécie  n'y  a  point  de  sens  moral,  mais  est 
seulement  la  joyeuse  subtilité  que  trouva  ce  Vicaire  pour 
faire  vuider  les  pouvres  malades  de  l'hostel,  qui  a  si 
grande  habondance  y  venaient  que  le  revenu  dudict 
hospital  ne  proflltoit  en  aulcune  chose  au  Maistre  d'iceluy, 
mais  despuis  prollita. 


LES    FACKIIKS    DK    l'IXidK  241 

CXGI 

PldisdiUe  histoire  criui  précepteur  qui  abusa  de 
toute  une  famille  '  . 

Un  habitant  de  Florence  avait  chez  lui  un  jeune 
homme  pour  faire  l'instruction  de  ses  fils.  Celui-ci, 
suivant  l'habitude,  abusa  de  la  servante,  puis  de 
la  nourrice,  puis  de  la  maîtresse  de  la  maison, 
enfin  de  ses  élèves.  Le  père,  qui  était  un  homme 
assez  spirituel,  ayant  su  la  chose,  fit  venir  en 
secret  le  jeune  précepteur  dans  sa  chambre  et  lui 
dit  :  —  «  Maintenant  que  tu  as  abusé  de  tout  le 
monde  ici  (grand  bien  te  fasse!),  je  ne  veux  pas 
qu'il  y  ait  d'exception,  et  j'entends  y  passer 
tout  comme  les  autres.» 


CXCII 

Le  plus  agréable   des  bruits  - . 

Sous   le   pontificat   de  Boniface   IX,    certaines 
personnes  discutaient  la  question  de   savoir  quel 

1 .  Facetta  cujusdam  qui  snbagitabat  omnes  de  domo.  Opéra,  CXC. 
—  Noël,  I,  201.  Il,  183.  —  Liseux,  CXCl,  t.  II,  p.  112.  —  Ber- 
nard DE  LA.  MoNNOYE,  Fomiihis  Forluiiatus.  —  J.  B.  Rousseau, 
Epi(jramme.  Un  percepteur  logé  chez  un  Génois,  édition  Gar- 
nier.  —  La  Chaussée,  Les    Bonnets,  conte  ; 

«    Aux  pieds  d'un  confesseur  un  ribaud  pénitent, 
Développant  sa  conscience... 

2.  ne  sono  jucuudiore  inter  ceteras.  Opéra  191,  — Noei  I,  p.  202; 
II,  187.  —Liseux,  t.  II,  p.  113. 

14 


2i2  I.KS    FACETIES    DE    P0(;(;E 

était  le  plus  flatteur  et  le  plus  agréable  de  tous 
les  bruits.  On  n'était  pas  craccord.  Lito  dlmola, 
secrétaii'e  du  cardinal  de  Florence,  du  vrai  cardi- 
nal, émit  l'avis  qu'aucun  bruit  ne  flattait  plus 
avantageusement  les  oreilles  d'un  aftamé  que 
celui  d'une  cloche.  Il  est  d'usage,  effectivement, 
chez  les  Cardinaux  d'annoncer  aux  familiers,  le 
dîner  et  le  souper,  en  sonnant  la  cloche.  Klle  ne 
se  fait  certes  pas  entendre  aussi  promptement 
t[ue  le  désireraient  certains  appétits  féroces,  mais 
aussi,  lorsqu'on  l'entend,  son  bruit  procure  par 
avance  aux  alfamés  une  délectable  satisfaction. 
Toute  l'assistance  se  rangea  à  l'avis  de  Lito,  ceux 
surt(jut  dont  l'expérience  en  ce  point,  s'était 
formée  à  la  suite  d'une  attenic  parfois  bien 
lon£;ue. 


Le  Passe-letnps  agirable,  p.  "21-!. 

EPIGRAMME 

On  disputait  dans  une  compagnie, 

Des  Amphions  de  France  et  d'Italie 

Lequel  devait  avoir  le  pas,  et  puis 

Quels  instruments  surtout  avaient  le  prix. 

Lutii,  vioIoD,  haut-hois,  flùt,  parta^ie 

Des  amateurs  les  discoidans  airs, 

Et  tour  à  tour  chacun  a  l'avanlage. 

Adonc  le  point  demeurait  indécis, 

Quand  un  Gascon,  qui  dans  un  coin  assis 

Ne  di.-ait  mot,  du  cercle  se  rapproclie. 

Et  gravement  s'écrie  :  —  «  Ali  '■  nii  s  amis  1 

Le  Roi  de  tous... —  C'est... —  Quel  ?...  ic  lunrnc-broche. 

X.  Journal  de  Paris,   1797. 


ir.S    KACKTIKS    l»r.    l'OllGK  2-'i3 


CXCIII 

Du  fils  (Vun  Prince,  muet  par  ordre  de  son  père 
a  cause  de  sa  méchante  langue 

\  n  jeune  homme,  fils  d'un  prince  d'Espagne, 
avait  une  langue  tellement  méchante,  tellement 
enfiélée  et  c[ui  lui  avait  attiré  de  nombreuses 
haines,  que  son  père  lui  ordonna  de  garder  un 
perpétuel  silence,  auquel  le  jeune  hommese  sou- 
mit. Sur  ces  entrefaites,  ayant  été  conviés  tous 
deux  à  un  festin  donné  par  le  roi  et  auquel  la  reine 
assistait,  le  jeune  homme  absolument  muet  servit 
fort  adroitement  son  père.  La  Reine  (qui  était 
impudique)  crût  qu'il  était  réellement  sourd-muet: 
pensant  en  tirer  profit,  elle  jiria  le  père  de  lui 
accorder  son  fils  pour  son  service  personnel. 
L'ayant  obtenu,  elle  l'employa  à  ses  affaires  les 
plus  secrètes,  de  sorte  qu'il  fut  souvent  témoin 
de  son  inconduite.  Au  bout  de  deux  ans.  le  père 
se  trouva  dans  un  semblable  festin  pendant  lequel 
le  fils  du  prince  servit  la  Reine.  Le  Roi,  qui  avait 
vu  fréquemment  le  jeune  homme  que  tout  le 
monde  croyait  sourd-muet,  demanda  au  père  si 
son  fils  était  sourd-muet  de  naissance  ou  par  acci- 


l)r  filio  principi  mulo.  j}i.ssu  palris.  proplcr  Unçjuam  inaledican) . 
Opéra  CXCV.  —  Nokl,  I.  202.  —  Ristelhuber,  p.  115.  —  LiSEt  x 
p.  ll'i. 


LES    FACETfES    DE    P0(;(;E 


dent.  Le  père  répondit  que  ce  n'était  ni  l'un 
ni  l'autre,  mais  bien  par  ordre,  à  cause  de  sa 
mauvaise  lan.eue.  Le  roi  demanda  alors  que  la 
parole  lui  fut  rendue.  Le  père  résista  très  lon,^- 
temps.  disant  qu'il  redoutait  un  scandale,  mais  le 
roi  ayant  insisté,  le  père  finit  par  ordonner  à  son 
lils  de  parler  si  cela  lui  faisait  plaisir.  Aussitôt,  se 
tournant  vers  le  roi,  le  jeune  homme  lui  dit  : 
—  ((  Vous  avez  une  femme  plus  effrontée,  plus 
impudique  que  la  dernière  des  putains.  »  Le  Roi 
l'empêcha  de  parler  davantage.  11  arrive  que  des 
gens  qui  ont  rarement  l'occasion  de  parler,  ne 
peuvent  cependant  pas  s'empêcher  de  mal  parler. 


CXGIV 

Histoire   cViin   liiteiir  ^  . 

Daccono  degli  Ardinghelli,  citoyen  de  Florence, 
ayant  été  nommé  tuteur,  administra  longtemps 
la  fortune  de  son  pupille,  finalement  la  dilapida 
par  ses  excès  dans  le  boire  et  le  manger.  Lorsque 
le  moment  de  rendre  compte  de  sa  gestion  fut 
arrivé,  le  juge  l'invita  à  présenter  ses  livres 
d'entrée  et  de  sortie;  ce  sont  les  termes  d'usace. 


I.  Cujusd'iin  luldris  fnrliini.  0[»era  l'.t^i.  —  Xoel  I,  Jlt'i;  II,  iS8. 
—  LiSKUX,  t.  II,  p.  IKi.  —  NitqdTCiinli'x  :  Di>quo(laai  belltione, 
p.  83.  —  MoM:mcs  Delicio'  poëlarutn  (iaUornm  :  Tutor. 


LES    FACETIKS    DE    l'<i(i(;E 


Daccono,  montrant  alors  sa  bouche  et  son  cul, 
dit  :  —  «  Je  n'ai  pas  d'autres  livres,  voici  pour 
rentrée,  voilà  pour  la  sortie.  » 


CXGV 

Diui  Frère  (jiii  abusa  tV une  femme  par  le 
moyen  d'une  ruse  malicieuse 

Certain  Frère  mendiant  avait  jeté  les  yeux  sur 
une  jeune  commère  fort  appétissante,  et  se  mourait 
damour  pour  elle.  Comme  il  n'osait  pas  lui  faire 
de  proposition  déshonnête,  il  imagina  une  ruse 
pour  arriver  à  ses  fins.  Pendant  plusieurs  jours,  il 
s'enveloppa  l'index  de  linge  et  fit  mine  de  souffrir 
atrocement.  Voyant  qu'il  souffrait  depuis  si  long- 
temps, la  commère  lui  demanda  s'il  avait  essayé 
des  remèdes  :  —  «  Beaucoup,  lui  répondit  le 
frère,  mais  rien  n'y  fait;  il  y  en  a  un  cependant 
qu'un  médecin  ma  indiqué,  mais  il  est  de  telle 
nature  que  je  ne  puis  en  user  et  qu'on  ne  peut  y 
penser  sans  rougir.  Là  femme  l'ayant  engagé  à 
parler  sans  crainte,  puisqu'il  s'agissait  de  soula- 
ger un  tel  mal,  le  frère  lui  dit  avec  un  air  pudi- 
bond (]u'il  lui  faudrait  se  faire  couper  le  doigt  s'il 

De  Fratre  qui  coijnovU  commatrem  malitia  facéla.  Opéra 
CXCV.  —  NoiiL,  CXCIV-I.205.  —  Liseux,  GXCV.  T.  II,  p.  119.— 
Cent  Nouvelles  nourelles,  nouv.  XCV  :  Le  doigt  du  moine  guéri, 
p.  W>,  édit.  Garnier.  —  Gkkcourt,  Contes  :  I.e  mal  d'aventure. 
—  Ln  Massera  (jrala,  faille  vénitienne,  17'.i'i. 

14. 


îc/iO  LES    FA<;KTIKS    Dr.    l'OCdE 

ne  pouvait  l'introduire  et  le  maintenir  quelque 
temps  dans  certain  pertuis  secret,  pour  que  la 
chaleur  fasse  mûrir  l'abcès,  mais  que  par  pudeur 
il  n'oserait  jamais  faire  pareille  demande  à  une 
femme.  La  commère,  mue  de  compassion,  s'offrit 
pour  l'opération.  Le  frère  lui  dit  (jue,  par  pudeur, 
il  voulait  (|ue  cela  se  fit  en  un  lieu  obscur,  car 
il  n'oserait  jamais  en  plein  jour,  profiter  d'un 
tel  service.  La  commère  n'y  voyant  aucun  mal 
y  consentit.  Etant  donc  entré  en  un  lieu  sombre 
et  la  femme  s'étant  couchée,  le  frère  introduisit 
dans  ledit  pertuis,  le  doigt  de  sa  main,  d'abord, 
puis  il  lui  substitua  celui  de  Priape  ;  cela  fait, 
il  s'écria  :  —  «  L'abcès  est  crevé,  il  a  jeté  son 
pus.  »  Et  voilà  comment  le  doigt  fut  guéri. 


CXCVl 

Plaisdiilcii'e   à  propos    cCun    caidinal   grec 
portant   une  longue   harhe^  . 

Un    cardinal   romain,    Anpelotto,   personnage 
très  jovial,   voyant   un   cardinal   grec  -   venir  à 


1.  Faci'lhsimum  \ni\v\()Hi  dictum  de  Cardinale  qraco  harlialn. 
Opéra  CXCV.  —  Noël  I.  20(i:  II,  isn.  —  RisTRi.iitMm  LXXXV, 

p.  Wtl—  LiSEUX,  t.  il,  p.  M'.).  —  l.HNFANT.  t.  II,  LXXVI.p.  *230. 
—  R(t(jev  Jioiiteinps  m  hcllc  hnnwur  :  Plaisante  réponse  d'une 
villageoise,  p.  381. —  Le  Passe-leinps  atiréablc,  p.  '^12. 

2.  Le  cardinal  Bessarion.  Né  à  Trebizonde  en  1389.  En  U.i'J, 
le  pape  Eu^t'ne  I\'  le  cn'-a  cardinal-])rrtrc  du  titre  des  Saints 


I.KS    FACETIES    DE    l'OClGE  l'/iT 

la  ('ui'ie  avec  une  longue  barbe,  et  entendant 
beaucoup  de  personnes  manifester  leur  étonne- 
ment  de  ce  cjuil  ne  la  lit  point  raser  pour  se  con- 
former à  la  coutume  générale,  dit  :  —  "  lia  raison 
d'agir  ainsi;  au  milieu  de  tant  de  chèvres,  ne  faut- 
il  pas  un  bouc  ?  » 

CXCVIl 

-l  propos    (f  un    cavalier  corpulent  ^  . 

Certain  cavalier,  pourvu  d"un  ventre  proémi- 
nant,  entrait  à  Pérouse.  Quelques  habitants 
(ils  aiment  à  plaisanter  en  cette  ville),  lui 
demandèrent,  histoire  de  rire,  pourquoi  il  avait, 
contre  l'habitude,  sa  valise  devant  lui.  —  «  Pou- 
vais-je  faire  autrement,  repartit  le  jovial  com- 
père, dans  une  ville  remplie  de  brigands  et  de 
voleurs  ?  » 

CXCVIIl 
Plaisant  propos  d'un  juge  à  un  avocat'-. 

On  plaidait  à  Venise,  devant  un  tribunal  sécu- 
lier, une  cause  relative  à  un  testament.  Les  avo- 

Apôtres.  Sa  maison  était  le  rendez-vous  de  tous  les  amis  des 
letlres.  Quand  il  sortait,  on  voyait  dans  son  cortège  Philelphe, 
Pogge,  Valla,  etc.  Il  mourut  à  Ijavenne  le  19  novembre  147'2. 

1.  De  quodam  équestre  corpulento.  —  Liseux,  t.  II,  p.  120. 

2.  Facetum  ciijusdam  judicis  i}t  advocaUnn  qui  allefjavil  «  Cle- 
meiilinam  »  et  «  Norellam  ».  Opéra  191'..  —  Noël  I.  -207:  II,  190. 


Ayant  demande''  un  joui*,  par  quel  moyeu  ou 
pouvait  se  préserver  du  froid  pendaut  la  nuit  : 
—  «  Voici,  me  dit  quelqu'un,  celui  ({n'employait 


—  RiSTELHOBEU  LXXXVI.  p.    117.  —  LiSEUX,   t.    il,    |J.   121. — Le.\- 

FANT,  t.  II,  LI,  p.  "21 'i.  —  EsTiKNNE  :  .{pitloifif,  th.  XXIX.  ({4.  — 
licmocritns  ridi'its,  p.  \'ti  :  Jiidcr  indoclns.  —  CarpeiilanaïKi, 
p.  325.  —  Oayot  de  Pitaval  :  Bihlinlhrfiue  de  cmir.  de  ville  ri  de 
eampafiiie,  II,  l 'ri. 

1.  Remediitin  nd  frii/nf  erilaitduju.  Opéra  C.XCVII.  —  NohL  I, 
2ilS.  —  LisEUx,  t.  Il,  |).  122. 


«' 


248  LKS    FACKTIKS    l)K    I'(m;(;K 

cats  des  parties  étaient  là,  détendant  chacun  les 
intérêts  de  son  client.  L'un  d'eux  était  prêtre;  il  ^ 
cita  à  l'appui  de  sa  plaidoirie  la  Clémentine  et  la 
Nove/lc,  dont  il  lut  quelques  passages.  Alors  un 
des  .juges,  fort  âgé,  ne  connaissant  pas  ces  noms 
là  (il  u'avait  avec  Salomon  qu'un  commerce  fort 
restreint),  interpella,  d'un  air  furibond,  l'avocat  : 
—  «  Que  diable,  s'écria-t-il,  n'avez-vous  pas  honte 
d'invo(juer  devant  nous  le  témoignage  de  femmes  ^ 
impudiques  et  débauchées.  Croyez-vous  <jue  leur  ™ 
sentiment  fera  foi  dans  cette  enceinte  ?  »  Ce 
magistrat  ignorant  s'était  figuré  que  la  Clé/ncntiiic 
et  la  Novelle  étaient,  non  pas  des  titres  de  lois, 
mais  le  nom  de  personnes  avec  lesquelles  l'avocat 
vivait  en  concubinage.  ;, 


CXCIX 

lienicde  contre   le  fr(U(l  ' 


I 


LES    FATÉTIES    I)K    l'0(;(iE  249 

un  de  mes  camarades,  alors  qu'il  était  étudiant. 
Habitué  à  se  vider  le  ventre  après  le  repas,  il  s'en 
abstenait  cependant  parfois  et  prétendait  que  les 
matières,  ainsi  retenues,  entretenaient,  pendant 
la  nuit,  la  chaleur  de  son  corps.  »  Ce  remède  est 
tombé  en  désuétude. 


ce 

D'un  prédicateur  L 

Le  jour  delà  fête  de  Saint  Christophe,  un  pré- 
dicateur prononçait  le  panégirique  de  ce  saint 
devant  une  nombreuse  assistance.  U  l'exaltait 
surtout  d'avoir  porté  le  Christ  sur  ses  épaules, 
répétant  à  chaque  instant  :  —  «A  qui  est  jamais 
échu  sur  la  terre,  l'insigne  privilège  de  porter  le 
Sauveur  ?  »  Comme  il  répétait  à  satiété  sa  question: 

—  '<   Qui    a  jamais    obtenu    une  telle  faveur  ?  » 

—  «  L'àne  qui  porta  le  tils  et  la  mère,  »  répondit 
un  plaisant  obsédé,  à  la  fin,  de  cette  continuelle 
interrogation. 

Enceste  Facécie  n'y  a  point  de  sens  moral,  mais  seule- 
ment y  est  reprouvée  la  vaine  et  supersticieuse  manière 
(i'aulcuns  Prédicateurs,  trop  continuans  en  vains  propos. 


1.  De  predkniorc  (jiiddain.  Opéra  CXCVllI. —  Guillaume  ïar- 
l'iF  :  D'un.L'  prédicateur  qui  preschoit  le  jour  de  Saint-Grislofle, 
XC.  ],.  ■:il.  —  NoEi.  I.  -208.  —  LiSEux,  t.  II,  p.  1-23. 


2c0 


LES    FA(.i:ili:S    I)K    l'OCCF. 


I 


CCI 


De  deux  Doiiveaux   mariés  * . 

Un  charmant  jeune  homme  de  Vérone  avait 
épousé  une  toute  jeune  iille.  S'abandonnant 
phis  que  de  raison  aux  plaisirs  du  mariage,  son 
visage  s'altéra  et  son  corps  devint  maigre  et 
débile.  Dans  sa  sollicitude  inquiète,  sa  mère 
craignant  de  le  voir  tomber  gravement  malade, 
le  sépara  de  son  épouse,  le  relégua  loin  d'elle  à 
la  campagne.  La  jeune  femme  triste  et  regrettant 
l'absent,  apercevant  deux  moineaux  qui  se  bec- 
quetaient :  —  «  Retirez-vous  et  bien  vite,  dit-elle, 
si  ma  belle-mère  vous  'voyait,  elle  ne  manque- 
rait pas  de  vous  séparer.  » 


1.  De  adolesceulula  sprjrefjata  a  vivo.  Opéra  GXCIX.  —  \oel  I 
i'OO  ;  II,  190-19-2.  —  LiSEUX,  t.  II,  j).  V2k.  Dirliauiinivi'  (Inxccdnlc!^ 
t.  II,  p.  193. 

EI>IGR.\MME 

Dame  Gcrtrude  avait  un  fils  unique. 
Beau,  l'ait  au  tour,  jeune  époux  de  catin, 
Jeunette  aussi,  qui  du  .soir  an  matin 
Tant  caressa  qu'il  en  devint  éliqui'. 
De  peur  de  pis,  Gertrndo  sépara 
Le  tondre  couple.  V.n  vain,  Catin  ])leura, 
Malj^ré  ses  pleurs,  il  fallut  que  la  belle, 
Trois  mois  entiers,  couchât  seule  à  l'écart, 
Dans  cette  angoisse   advint  (]uc,  de  hasard, 
\  sa  fenêtre  un  jour  la  jouvencelle, 
Contre  le  mur  sous  un  toit  fait  exprès, 


œn 

Discussion   héraldique  '  . 

Un  Génois,  patron  d'un  transport  armé  enguerre 
contre  les  Anglais,  pour  le  compte  du  roi  de 
France,  portait  un  caisson  sur  lequel  était  peinte 
une  tête  de  bœuf.  Un  gentilhomme  français  s'en 
aperçut  et  revendiqua  ces  armoiries  comme  lui 
appartenant.  Une  querelle  s'ensuivit  et  le  Fran- 
çais provoqua  le  Génois  en  duel,  (le  dernier 
accepta  le  déti  et  se  rendit  sur  le  terrai  a  sans 
aucun  apparat,  l'autre  y  vint  après,  en  erande 
pompe  :  «  Quel  est,  dit  le  Génois,  le  molif  qui 
nous  amène  ici?  »  —  «  G'est  répondit  le  Français 
parce  que  tu  as  usurpé  des  armoiries  ayant  appar- 


Vit  des  serins  qui  dans  une  volière 
Faisaient  l'amour.  —  «  Ah  !  dit-elle,  pauvres! 
Que  vos  plaisirs,  que  vos  jeux  sont  donc...  .Mais, 
Dèpêche/.-vous,  j'entends  ma  belle-mère.   » 

B.    I)K  LA    Mo.NNOVE. 

GRiicouBT  :  (.'oHli'x.  La  bagatelle. 

1.  /)('  (Uiorum  coiilenlioiii' pio  vodciii  insiiitii  annon(m.  Opéra  "200. 

—  (tuillaume  Tardik  :  De  celluy  qui  dit  qu'il  porloit  une  teste 
de  vache  en  ses  armes,  X(JI,  p.  -ïï).  —  Xoel  I.  210;  II,  192.  — 
LeXFANT,  t.  11.  XCIX,    p.   21.3.  —  RiSTELHLIiER  LXXXVII,   p.   US. 

—  LisELx,  t.  Il,  p.  125.  —  GuicciARDi.M  !  Ilofe  (H  Récreazione, 
Una  ijualcltc  asiu::ia,  etc.  —  Bouchet  :  Sén-es,  sérée  O'-  —  Demo- 
critiis  ridcns,  p.  Cli  :  Duelluin  rilalum.  —  Roger  Boxtemps  en 
beld'  humeur  :  Plaisant  duel  sur  des  devises.  —  Le  Passeletnps 
a<iréable,  p.  20;). 


252  LES    FACÈTfKS    UV    l'OGliE 

tenu  à  mes  ancêtres  et  à  moi,  avant  d'être  aux 
tiens,  je  le  jure.  »  —  «  Ouelles  sont  donc  ces 
insifînes?  »  reprit  le  Génois.  —  c(  Une  tète  de 
bœuf  »  répliqua  le  Français. —  «  Alors,  ajouta  le 
Génois,  tout  combat  est  bien  inutile,  car  ce  n'est 
pas  une  tête  de  bœuf,  mais  une  tête  de  vache  que 
je  porte.  »  Ce  propos  plaisant  mit  à  néant  la 
jactance  du  Français. 

En  ceste  Facécie  n'y  a  point  de  sens  moral,  mais  seule- 
ment y  est  la  joyeuse  excuse  que  print  le  Gennevoys  de 
dire  qu'il  ne  portoitpas  la  teste  de  ung  beuFen  ses  armes, 
mais  portoit  la  teste  d'une  vache. 


CCIII 

D'un   médecin   qui  donnait    des  remèdes 
(lu  lidsard  l . 

Il  est  d'usage  à  Home,  pour  obtenir  une  consul- 
tation, de  faire  parvenir  au  médecin,  un  peu  de 
l'urine  du  malade  et  deux  pièces  d'arg-ent.  J'ai 
connu  certain  médecin  qui  écrivait  sur  des  bouts 
de  papier,  dans  la  soirée,  divers  remèdes  pou- 
vant être  employés  dans  différentes  maladies  (on 
nomme  ces  formules  des  recettes)  et   les   jetait 

1.  Facetum  medici  qui  sorte  medelas  dabdl.  Opéra  201.  —  Noël 

I,     211,      II,      1!)8.    —    LlSEUX,     t.     II,    p.     127.  —   BONAVENTUKE   DES 

PÉHiKRS,  Coules;  p.  257,  Edit.  Garnier.  —  Carabincria  et  matni- 
scrics  soldatesques  :  c.  (i,  p.  38.  —  Gahosse,  Doctrine  curieuse, 
p.  392.  —  Dictionnaire  d'Anecdotes,  t.  II,  p.  IflO. 


LES    FACETIKS    DE    POr.GE  253 

pêle-mêle  dans  un  petit  sac.  Le  matin  venu,  on 
lui  apportait  les  urines  pour  obtenir  une  recette. 
Plongeant  alors  la  main  dans  le  sac,  le  mé- 
decin en  retirait  au  hasard  une  formule  et  la  pré- 
sentant au  client,  il  disait  en  italien  :  «  Prega 
Dio  te  la  mandi  buoiia,  »  autrement  «  Prie  Dieu 
qu'il  te  la  baille  bonne,  n  Triste  perspective 
réservée  à  ceux  dont  la  santé  dépendait  de  la 
chance  et  non  de  la  raison. 


CCIV 

Conseil  à  un   débiteur  ennuyé^. 

Triste  et  mélancolique,  un  habitant  de  Pérouse, 
circulait  j)ar  les  rues  de  la  ville.  Quelqu'un  lui 
ayant  demandé  ce  qui  le  préoccupait  si  fort  ; 
le  promeneur  répondit  qu'il  avait  des  dettes  qu'il 
ne  pouvait  acquitter.  —  «  Bast!  que  tu  es  bête, 
répliqua  l'autre,  laisse  donc  ton  créancier  s'en 
inquiéter.   » 

En  ceste  Facécie  est  montré  pour  sens  moral  que  le 
soulcv  des  choses  impossibles,  ou  dilllciles  à  nous,  est 
vain,  comme  quant  ung  bon  marchant,  qui  a  plusieurs 
créditeurs,  toutes  fois  par  fortune  ou  inconvénient  il  pert 


1.  Exploratio  ad  hominem  iristem  ah  pecumam  debitam.  Opé- 
ra 202.  —  Guillaume  Tardif  :  De  celluv  qui  estoit  marry  pour 
ce  quil  estoit  en  debte,  XCIL  p.  2.V2.  —  Noël  I,  212;  II,  198-199. 

—      LeNFANT.    II.    141).    —    RlSTELHUIiER    LXXXVIII .    p.    119.    — 


254  LES    FACÉTIES    DE    POGGE 

ce  dont  il  espère  leur  satisfaire,  c'est  foUie  à  luy  de  trop 
se  niélancolier  quant  il  n'y  a  point  de  remède,  non  pas 
aussi  que  il  doive  estre  si  négligent  que  de  tous  pointz 
ne  luy  en  chaille,  ainsi  que  au  Pérusien  devant  dict,  que 
l'aultre  plus  confortoit  par  facécie  que  aultrement,  quant 
il  lui  disoit  qu'il  laissast  le  soulcy  de  ses  dettes  à  ceulx 
à  qui  il  devoit  et  qu'ilz  estoient  assez  soulcyez  comme  il 
les  payeroit. 


ccv 

De  la   peine   infligée   ii    des    nieurlviers   Grecs 
et  Génois  ^ 

Des  Génois  habitant  Péra,  quartier  près  de 
Constantinople    où    résident    spécialement    les 

LiSKux,  t.  II,  p.  128.  —  Democritus  lidens  :  ^Ere  dirutus  —  Ba- 
RATON.  Poésies  :  «  L'Insolvable  ».  —  Diction.  d'AitecdoU's,  II, 
p.  191. —  Gerardus  DicŒus  épigr.  citée  par  Noël. 

EPIGRAMME 
Guillot  se  promenait  triste,  morne  et  rêveur; 
«  Qu'as-tu  donc' lui  dit  dit  Jean,  d'où  vient  cette  langueur .' 

—  Vraiment,  reprit  Guillot,  je  n'ai  pas  l'âme  en  fête; 

Ce  qui  me  rend  triste  comme  tu  vois, 
Sont  deux  mille  écus  que  je  dois 
Et  qui  me  rompent  Tort  la  tète; 
Tout  mon  argent  se  monte  à  beaucoup  moins, 
Je  ne  saurais  payer  cette  somme  empruntée, 

—  Ah!  pauvre  fou!  dit  Jean,  va,  va,  laisse  ce  soin 

A  celui  qui  le  la  prêtée.  » 

Sai.n't-Glas,  Contes,  1672. 

1.  Depœnaiiiiposita  Gracis  et  tieiiuensihus  homicidis. OperA  CCII. 
—  NoEL,  I,  212.  —  Guillaume  Tardif  :  I)es  Grecs  qui  eurent  la 
barbe  du  visaige  raize  et  aussi  les  Gennevois  celle  du  cul,  XCIII 

p.  Ih'i.  —  Lenfant,  p.  247.  —  Ristelhuber,  LXXXIX,  p.  120.   

Liseux,  ccv,  t.  II,  p.  129. 


LES    FACETIES    DE    POOGE  255 

Génois,  étant  venus  en  ville  pour  les  affaires  de 
leur  négoce,  se  disputèrent  avec  des  Grecs  et 
quelques-uns  d'entre  eux  furent  tués  et  blessés. 
L'Empereur,  près  de  qui  on  implorait  justice  de  ce 
meurtre,  la  promit  prompte  et  bonne  ;  en  consé- 
quence, il  ordonna  qu'en  expiation  de  leur  crime, 
les  coupables  eussent  la  barbe  rasée,  ce  qui  est 
pour  les  Grecs  une  chose  ignominieuse.  Le  Consul 
des  Génois  de  Péra,  pensant  qu'on  se  moquait  de 
lui,  jura  de  venger  lui-même  ses  compatriotes.  A 
quelque  temps  de  là,  des  Génois  étant  entrés  dans 
Constantinople  tuèrent  et  blessèrent  un  certain 
nombre  de  Gi'ecs.  L'Empereur  aussitôt  se  plai- 
gnit grandement  au  Consul  de  Péra  en  réclamant 
un  châtiment.  Le  Consul  donna  sa  parole  de 
punir  les  coupables.  Le  jour  fixé  pour  l'exécution, 
il  ordonna  d'amener  les  coupables  sur  la  place 
publique,  comme  s  ils  allaient  avoir  la  tête  tran- 
chée. La  foule,  composée  de  beaucoup  de  Grecs 
et  de  toute  la  population  de  Péra,  attendait 
anxieuse  ;  les  prêtres  mêmes  avec  la  croix  s'y 
trouvaient  prêts  à  porter  les  cadavres  en  terre.  Le 
crieur  public  ayant  fait  faire  silence,  le  Consul 
ordonna  de  raser  le  cul  aux  coupables,  déclarant 
que  les  Génois,  s'ils  ne  portent  point  de  barbe  au 
menton,  ils  ont  du  moins  du  poil  au  cul.  Ainsi, 


Michel  VllI  Paléologue,  pour  réparer  les  ruines  et  accroître 
la  population  de  Constantinople,  confirma  en  1202,  aux  Génois, 
aux  Vénitiens  et  aux  Pisans,  la  possession  des  divers  quartiers 
où  ils  s'étaient  établis  (l{  . 


256  LES    FACÉTIES    DE    l'OGGE 

en  rasant  la  figure  des  uns  et  le  cul  des  autres,  la 
peine  fut  égale  pour  les  malfaiteurs. 

En  ceste  Facécie  n'y  a  aulcuu  sens  moral,  mais  y  est 
seuUement  monstrée  la  joyeuse  recompense  que  les 
Grecz  eurent  des  Gennevois  par  le  Prévost,  qui  dist  : 
«  Les  Giecz  portent  liarbe  au  visage  et  les  Gennevois  la 
portent  entre  les  fesses  »,  et  leur  fisl  raire  le  cul. 


CCVl 

Pourquoi   les   Romains  dé^éuèrcfit  ?  '^  . 

Aux  Calendes  de  mai,  les  habitants  de  Rome 
préparent  et  mangent  le  matin  plusieurs  variétés 
de  légumes  qu'ils  appellent  vertus.  Un  jour,  on 
plaisantait  entre  amis,  à  propos  de  cet  usage, 
Francesco  Lavegni,  de  Milan,  qui  était  présent, 
dit  :  —  «  Je  ne  m'étonne  plus  maintenant  de  ce 
que  les  Romains  aient  dégénéré  de  leurs  ancêtres, 
puisque  chaque  année,  ils  anéantissent  leurs 
vertus  en  les  mangeant.   » 


1.  Facehtm  coiiti-a  Ronianos  (jui  cduiit  a  rirtules  u  Opéra  20'i. 
Noël  I.  214.  —  Liseux,  t.  II,  p.  131. 


LES    FACÉTIES    DE    POGGE  257 

GGVII 

Vœii  imprudent  à  la  Vierge  Marie  i . 

Me  trouvant  en  Angleterre,  j'ai  entendu  citer 
un  mot  plaisant  d'un  capitaine  de  navire  marchand, 
irlandais  d'origine.  Le  navire,  ballotté  par  les 
flots,  fut  assailli  en  pleine  mer  par  une  violente 
tempête  ;  il  était  tellement  désemparé  que  l'équi- 
page désespérait  du  salut.  Le  capitaine  fit  vœu, 
si  l'on  écnappait  à  ce  g-rand  danger,  de  donner  à 
certaine  église  placée  sous  le  vocable  de  la  Vierge 
Marie,  Mère  de  Dieu,  très  renommée  par  suite  de 
faveurs  obtenues  en  pareilles  circonstances,  un 
cierge  aussi  élevé  que  le  grand  mât.  Le  second, 
blâmait  un  pareil  vœu,  parce  qu'on  ne  trouverait 
pas  en  Angleterre,  assez  de  cire  pour  confec- 
tionner un  cierge  de  pareille  dimension  :  —  «  Eh  ! 
tais-toi  donc,  dit  le  capitaine,  laisse-moi  faire  à 
la  Mère  de  Dieu  toutes  les  promesses  qu'il  me 
plaira  pour  nous  tirer  du  péril.  Si  nous  sommes 
sauvés,  elle  se  contentera  bien  d'une  petite  chan- 
delle.  » 

1.  De  (pKtdani  (pu  cocit  candelam  Virijini  Maria'.  Opéra  •JO-"). — 
Noël  1,  21  i;  II,  lUô.  —  Lenfant  II,  L,  p.  214.  —  Ristelhuber 
XC,  p.  122.  —  LisEox,  t.  II,  p.  137.  Promptuarium  exetnplonim 
ad  usum  pi-œdicantium  secundum  oi-dinem  alphabeli,  imprimé  au 
xv°  siècle,  traduit  sous  le  nom  de  Fleur  des  commandeme>its  de 
Dieu,  dans  d'Artigny.  —  Noureau.r  Mémoires  d'histoire,  de  critique 
et  de  littérature.  Paris  1740-17.56.  —  Bebellian,  Facet.  I,  II, 
p.    102  :   De  rustico  saialuui  Mcolnuni  inrocante. 


258  LES    FACÉTIES    DE    l'OGGE 


CCVIIl 


Histoire  de  celui  qui  fit  également  un  vœu 
à  Saint  Cyriaque  ^ . 

Dans  une  circonstance  semblable,  certain  mar- 
chand d'Ancône,  ag-it  de  la  même  façon  à  l'égard 
de  Saint  Cyriaque,  patron  de  la  cité  et  qu'on  repré- 
sente portant  une  longue  barbe.  Son  navire  étant 
secoué  par  des  vagues  énormes,  notre  homme  fît 
vœu  d'offrir  une  maison  à  Saint  Cyriaque,  dans 
un  délai  qu'il  fixa.  La  date  indiquée  étant  passée. 
le  marchand  vint  se  confesser  et  avoua  au  curé 
de  la  paroisse  le  vœu  qu'il  avait  fait.  Le  prêtre, 
qui  comprenait  l'utilité  que  cela  aurait  plus  tard 
pour  lui,  exhorta  son  pénitent  à  accomplir  sa 
promesse.  Le  marchand  répondit  qu'il  s'empres- 
serait de  décharger  sa  conscience  d'une  si  lourde 
préoccupation;  toutefois,  il  ne  s'exécutait  pas 
malgré  des  remontrances  souvent  réitéi'ées  et 
quelques  fois  un  peu  vives».  In  jourenfia,  fatigué 
peut-être  de  l'insistance  de  son  curé,  ou  désirant 
afficher  par  fanfaronnade  son  impiété,  il  répondit 
à  une  nouvelle  interpellation  :  —  «  De  grâce,  ne 
me  tracassez  plus  à  ce  sujet,  j'ai  roulé  maintes 
fois  de  plus  longues  barbes  que  celle  de  Cyria- 
que. » 

•  1.  Facelnm  item  dr  atiu  t/Hifeiil  volmn  sancio  Cyriaco.  Opéra  20G. 
—  "Noël  1,  215.  —  Liseux,  t.  II,  p.  133. 


LES    FACETIES    DE    POGGE  259 


CCIX 

D'une  veuve  qui  désirait  se  remarier  avec  un 
homme  âgé  K 

Une  femme  veuve  disait  à  une  voisine  que, 
bien  que  la  vie  du  monde  n'ait  plus  de  charme 
pour  elle,  elle  désirait,  cependant,  épouser  un 
homme  âgé,  plutôt  pour  avoir  une  société  et 
l'aider  à  supporter  l'existence  que  pour  tout  autre 
chose,  car.  il  était  l'heure  pour  elle  de  songer  à 
son  salut  et  non  point  à  la  satisfaction  de  ses  sens. 
La  voisine  promit  de  lui  trouver  un  mari  à  sa 
convenance,  et,  dès  le  lendemain,  elle  vint  dire  à 
la  veuve  qu'elle  avait  trouvé  un  sujet  ayant  toutes 


I.  Millier  vidua  quœ  citpiebat  hahere  virum  provecta  œtate. 
Opéra  CGVII.  —  Noël,  I,  •:21G;  II,  195.  —  Guillaume  Tardif, 
XCIV  :  De  la  vieille  qui  se  voulut  remarier  et  refusa  ung 
homme  par  laulte  d'oustil,  p.  '258.  —  Ristelhuber.  XCl  :  La  paix 
du  Ménage,  p.  123.  —  Liselx,  II,  p.  12.^.  —  Abstemius  :  Fabulœ 
«  De  Vidua  virum  petente  »,  p.  54.  —  Balthazar  Bonifacl  : 
Historiœ  ludicrœ  :  Pax  conjugis.  —  Gérard  Dicœus  :  Conjugii 
pax.  —  GwEN  :  Uxor  pia  et  Ad  Marinuua  '^cités  par  Noël}.  — 
G.  BoucHET  :  Snres,  sérée  V.  —  Ldd.  Guicciardixi  :  L'hore  di 
Ricreazioiie  :  L'hipocrisia  mal  potersi  ricoprire,  p.  21(1.  —  Le 
Tombeau  de  la  Mélancholie:  Hypocrisie  d'une  jeune  veuve,  p.  112. 

—  Esope  en  belle  humeur:  «  La  jeune  veuve  amoureuse,  p.  136. 

—  Baraton  :  Poésies  :  «  L'Eunuque  ».  —  Julien  Scopan  :  Œuvres 
diverses  {[l'2Hj  :  La  Veuve  d'.Avignon,  conte;  I,  p.  38.  —  Ano- 
NYMB  :  (I  Un  mari  et  une  femme  vieux  et  qui  vivoient  depuis 
longtemps  ensemble  se  querellaient,  le  Mari  dit  à  la  femme  : 
Quand  on  est  à  notre  âge,  il  ne  faut  pas  se  brouiller,  parce 
qu'on  n'a  pas  de  quoi  se  raccommoder  ».  —  Sedaine:  Œuvres, 

c.  . 


260  LES    FACÉTIES    DE    POGGE 

les  qualités  désirées,  particulièrement  celle  dont 
il  avait  été  surtout  question.  C'est-à-dire,  qu'il 
manquait  de  virilité.  Mais  la  veuve  se  récria  :  — 
«  Je  n'épouserai  jamais  cet  homme-là.  Car  si  le 
Pacificateur  (c'est  ainsi  qu'elle  appelait  l'outil  à 
fabriquer  les  hommes)  fait  défaut,  quel  Médiateur 
(car  on  doit  vivre  en  paix  avec  un  mari)  viendra 
apaiser  les  querelles  qui  pourront  surgir  entre 
nous  ?  » 

En  ceste  Facécie  est  monstre  comme  les  paroles  ne 
sont  pas  toujours  la  vraye  urine  du  cueur  et  comme  elles 
sont  contraires  à  la  pensée,  ainsi  que  de  la  vieille  qui 
disait  qu'elle  ne  vouloit  plus  avoir  compaignie  d'homme; 
toutefois,  quant  on  luy  en  oiïroit  un  chastré,  elle  le  refusa 
disant  que  le  membre  génital  est  principal  médiateur 
pour  mettre  paix  entre  l'homme  et  la  femme  *. 


1.  L'homme  porte  avec  lui  la  paix  du  ménage.  Au  salutaire 
toucher  de  l'homme,  vieille  grondeuse  met  bas  tout  courroux, 
jeune  querellant  s'apaise  et  prend  patience.  L'homme  guérit  les 
souffrances  et  adoucit  les  humeurs,  l'homme  rétablit  les  forces, 
ôte  les  causes  des  obstructions,  donne  l'esprit  et  le  jugement, 
rend  parolle;  redresse  et  restaure.  L  homme  seul  fait  en  la  femme 
plus  de  miracles  que  n'en  ont  fait  ni  saint  François,  ni  tant 
d'illustres  saints  du  pieux  et  sacré  Martyrologe.  Enfin  les  mer- 
veilles de  l'homme  en  la  l'eiume  surpassent  celles  de  frère  Luca-, 
quand  prêchant  au  plus  fort  de  l'hyver,  il  fait  suer  de  détresse 
les  plus  iioids  de  ses  auditeurs.  {}{('■  fierions  de  l'éd.  d'.VmsIer- 
dam,  171"2}. 


LES    FACETIES    DE    POGGE  261 

ccx 

D\iit  moine  qui  engrossa  une  abbesse  '. 

Un  Frère,  de  TOrdre  des  Minimes,  aimait 
l'abbessc  de  certain  monastère  de  Rome  (que  j'ai 
bien  connue)  et  lui  demandait,  sans  cesse,  décou- 
cher avec  elle.  Cette  femme  refusait  toujours, 
parce  qu'elle  craignait  de  devenir  grosse  et  d'en- 
courir de  ce  fait  une  punition  des  plus  sévères. 
Le  Frère  lui  promit  alors  de  lui  apporter  ce  qu'il 
appelle  un  brève  -  qu'il  sutfit  de  porter  suspendu 
au  cou  par  un  fil  de  soie  pour  n'avoir  jamais 
d'enfant,  et  de  cette  façon  être  à  même  de  faire 
lamour  sans  crainte,  avec  qui  lui  plairait.  Elle  le 
crut,  parce  qu'elle  le  désirait  et  le  Frère  posséda 
maintes  fois  la  femme.  Au  bout  de  trois  mois, 
celle-ci  s'aperçut  qu'elle  était  grosse,  mais  le  Frère, 
ayant  flairé  la  chose,  avait  pris  la  fuite.  L  abbesse, 
se  voyant  jouée,  détacha  le  fameux  brève  et 
l'ouvrit  pour  voir  ce  qu  il  contenait.  Il  portait  ces 
mots,  en  très  mauvais  latin  :  Tasca  imbarasca, 
non  fcicias  te  supponi^  et  non  implebis  tascani^. 


1.  De  quodam  fratre  abbatissam  i)npr(Fgnan(e.  Opéra  CCVIII. 
—  Guillaume  Tardif,  XCV,  p.  -261.  — '  Ijseux,  II,  p.  13G.  — 
GiucciARDiNi,  Hni-e  di  Ricreazione  :  Ne  anche  aile  donne,  etc., 
p.  167. 

2.  Amulette,  talisman. 

3.  Cette  phrase,  en  très  mauvais  latin  de  cuisine,  n'csl  qu'un 


262  LES    FACÉTIES    DE    l'oGOE 

Il  faut  convenir  que  Tincantation  est  on  ne  peut 
plus  iafaillible  pour  éviter  la  fécondité. 

En  ceste  Facécie  n'est  touché  si  non  la  légiereté  de 
croire  qui  fut  en  la  dame,  croyant  que  ung  brevet  la  peut 
garder  de  concepvoir  ;  mais  est  à  supposer  que  la  bonne 
voulenté  qu'elle  avait  au  Saint  luy  faisait  faire  le  pèleri- 
nage et  quelque  excuse  qu'elle  fut,  n'estoit  que  par  cou- 
vertun'  d'aucune  honte  qu'elle  avait. 


CCXI 

Spirituelle   réponse   ri  un    eiifiint  précoce^ 

Ang-elotto,  cardinal  romain,  esprit  caustique, 
prompt  à  la  riposte,  parlait  beaucoup  et  la  pru- 
dence n'était  pas  toujours  son  fait.  Pendant  le 
séjour  du  pape  Eugène,  à  Florence,  un  enfant  de 
dix  ans,  charmant,  espiègle,  lui  fut  présenté.  Fort 


jeu  de  mots  qui  roule  sur  le  sulistantif  italipn  in^cn  qui  sin-nific 
poche,  sac.  besace,  (jibeciève  et  un  laiigag'e  vulgairo  renlre.  Il  faut 
aussi  remarquer  que  le  mot  .syic  désigne  la  robe  de  bure  monas- 
tique droite  et  sans  taille,  c'est-à-dire  en  forme  de  sac.  Eiilm 
le  mot  tasca  en  langage  ordurier  signilie  rulia,  et  dans  cette 
phrase,  il  serait  employé,  la  première  fols,  par  métonymie,  ce 
qui  arrive  très  fréquemment.  I.a  signifiration  de  ce  latin  bizarre 
serait  donc  :  yourie  flans  l'etnbai-ras;  ne  le  fais  pas  cheraucher,  si 
lu  )ic  roi.r  pas  le  faire  emplir  le  rentre. 

1.  Ciijusdani  pueri  )niran(la  lesponsio  in  Angelollinn  carclinaleni. 
Opéra  "211!).  —  <',L'iLt.AUME  Tardif  :  Une  joyeuse  responce  d'un 
sage  enfant  à  un  fol  cardinal,  XCVl,  p.  2(i:i.  —  Noël  I,  218;  II, 

2()l--20'>.  —  RiSTELHUHER  XCll.  p.  124.  —  LiSEOX,  t.  II,  p.  139.  — 
Ubsinus  V'jiLiL's,  dans  hetilifr  pnelantm  qermanornm.  «  Scitum 
puella    r(\sponsiuin    »   —  Le  Passe-lemps   açirrahle,    p.    381.    - 


LES   FACETIES    DE    POGGE  263 

avisé,  il  adressa  quelques  mots  seulement  au  car- 
dinal, et  des  mieux  tournés.  Angclotto  frappé 
du  sérieux  et  de  la  tenue  de  cet  enfant,  lui  fit  quel- 
ques questions  auxquelles  celui-ci  répondit  avec 
à  propos;  se  tournant  alors  vers  ceux  qui  l'en- 
touraient, le  Cardinal,  dit  :  —  «  Ceux  qui  dès 
l'enfance  montrent  tant  d'esprit  et  de  connais- 
sances, voient,  avec  les  années,  leur  intelligence 
décroître  et  lorsque  vient  la  maturité,  ils  ne  sont 
plus  que  des  imbéciles,  »  Le  gamin  répartit  sur 
le  champ  :  —  «  S'il  en  est  ainsi,  vous  avez  dû  être 
de  bien  bonne  heure  aussi  savant  que  spirituel.  » 
Brusque  et  plaisante  réponse  (|ui  abasourdit  le 
cardinal  honteux  d'être  repris  de  sa  sottise  par 
un  enfant. 

En  ceste  Facécie  sontreprinz  les  solz  et  oullre-cuydéz 
qui  tant  présument  de  leur  personne  que  il  leur  est  advis 


liABATON  :  PorKics.  L'Eut'ant  spirituel.  —  «  Quand  ils  ont  tant 
d'esprit,  les  entant-i  vivent  peu  »,  Casimir  Del.wigne  :  f,es 
Enfants  d'Edouard,  I,  2. 

ÈPIGRAMME 
Comme  un  jour  à  la  cour  d'un  célèbre  monarque, 
Devant  je  ne  sais  quels  courtisans  orgueilleux, 
Un  enfant  de  six  ans,  d'un  esprit  merveilleux. 
Prononçait  des  propos  très  dignes  de  remarque. 
L'un  d'eux  jura  qu'un  jour  il  serait  un  badau, 
A  cause  qu'étant  grand  on  est  toujours  lourdau. 
Quand  pendant  son  enfance  on  s'est  montré  si  sage: 
Lors  l'enfant  l'œilladant,  lui  dit  tout  froidement  : 
Au  compte,  Monsieur,  pendant  votre  bas  âge. 
Vous  étiez  donc  doué  d'un  grand  entendement  I 

I  .lima les  PoclùjuesJ 


26i  LES    FACÉTIES    DE    POGGE 

que  aultre  ne  les  vaille  et,  quelque  vertu  ou  don  de  grâce 
que  aultre  ait  plus  que  eulx,  si  le  veuUent  ilz  desprimer 
par  une  villaine  niordance  de  langage  qu'ilz  ont  entre 
eux. 


GGXII 

V apprenti  savetier  et  la  femme  de  son 
patron  '. 

L'apprenti  dun  cordonnier  d'Arezzo  revenait 
souvent  à  la  maison,  prétextant  qu'il  y  cousait 
plus  commodément  les  chaussures.  Ces  allées  et 
venues  fréquentes  éveillèrent  les  soupçons  du 
patron  qui,  un  beau  jour,  en  rentrant  inopiné- 
ment, trouva  le  gars  entrain  de  besogner  sa 
femme.  —  «  Voilà  une  couture  pour  laquelle  je 
ne  te  donnerai  point  d'argent,  fit-il,  et  je  te 
charge  de  mes  malédictions.  » 


CCXIIl 

Plaisante  histoire  d'une  jeune  femme  qui 
faisait  des  pets  ''. 

Une  jeune  mariée  allant  voir  ses  parents  avec 
son  époux,  vit,  en  traversant  une  forêt,  plusieurs 

1.  De    disciprilo    cerdonis    qui    subaqilahal    nifureiii    maqisiri. 
Opéra  CCX.  —  Noël,  I,  219.  —  Liseux,  GCXII,  t.  Il,  p.  140. 

2.  Fncetia  cujusdant  adoh>s€ei((ul(e  qmr  itnitehal  petiim.  Opéra 


I 


LES    FACÉTIES    DE    POCCE  265 

bôlici's  qui  sautaient  les  breljis  ;  elle  demanda 
pourquoi  ils  allaient  j)lutôt  aux  unes  qu'aux  autres. 
Son  mari  lui  répondit,  en  riant  :  —  «  (^est  que 
dès  qu'une  brebis  a  fait  un  pet  le  bélier  la  saute  ». 
Alors,  elle  lui  demanda  si  c'était  aussi  l'habitude 
des  hommes.  Comme  il  lui  dit  qu'il  en  était  de 
même,  elle  fit  aussitôt  un  pet,  et  son  mari  gaie- 
ment imita  le  bélier.  Ils  s'étaient  à  peine  remis 
en  route,  que  la  femme  fit  un  nouveau  pet  et  que 
l'homme  recommença  la  besogne.  Enfin,  ils 
n'étaient  pas  sortis  de  la  forêt  que  la  femme,  pre- 
nant goût  à  ce  jeu,  fit  un  troisième  pet,  mais 
l'homme,  épuisé  par  le  travail  et  le  voyage, 
se  récria  en  disant  :  —  «  Non,  tu  chierais  ton 
cœur,  (jue  je  ne  t'en  ferai  pas  davantage  !  » 

En  ceste  Facécie,  il  n'y  a  rien  de  moral  ;  c'est  toute 
matière  salle,  sinon  en  tant  que  la  femme  print  en  sa 
fantasie  la  similitude  que  son  marv  lui  bailla,  disant  que 
les  moutons  habitoyent  les  brebis  quand  il  les  oyoient 
peter,  et  pour  tant  pétait  la  jeune  Mlle  aflin  que  son  mary 
lui  fist  aiiisy. 


CCXI.  —  XoEL  I,  -220;  II,  204.  —  Guillaume  Tardif,  XCVII  : 
De  la  jeune  femme  mariée  qui  fist  troys  pets  affin  que  son  mary 
l'habitast,  p.  263.  —  Liseux,  GCXIII,  t.  II,  p.  141.—  Tabourot 
DES  Accords  :  liiqarures.  —  Escvaicjncs  Dijonnaises.  Liv.  I.  — 
D'OuviLLE  •■  Elile  des  Contes  :  D'un  paysan  et  d'une  damoiselle, 
p.  18.J.  —  Coules  à  rive  ou  Récréalioiis  françaises,  p.  !5G.  —  Gré- 
court  :  Contes,  Etymologie  de  l'Aze  to  f...I  t.  1.  l.'ii.  —  Piron, 
Œuvres. 


266  LES    FACÉTIES    DE    POGGE 

CCXIV 

Dire  cl  faire  '  , 

Je  connais  un  farceur  qui  demanda  à  un  reli- 
gieux ce  qui  était  plus  agréable  à  Dieu,  dire  ou 
—  faire  :  «  Faire,  répondit  le  religieux.  »  —  «  Alors 
répliqua  le  plaisant,  celui  qui  fait  des  chapelets  a 
plus  de  mérite  que  celui  qui  les  dit.  » 

CCXV 

D'un  Egyptien  qu'on  chcj-chail  a  convertir- . 

Un  Egyptien,  venu  en  Italie,  fut  encouragé  par 
un  chrétien  qu'il  connaissait  de  longue  date,  à 
entrer  au  moins  une  fois  dans  une  église,  pendant 
la  céh'bration  d'une  messe  solennelle.  Le  mé- 
créant y  consentit  et,  mêlé  aux  fidèles,  assista  à 
roftice.  Or,  quelques  jours  après,  se  trouvant  en 
compagnie,  on  lui  demanda  ses  impressions  au 
sujet  de  la  cérémonie.  Il  répondit  (jue  tout  se 
p.MSsait    fort    bien,    mais    qu'il    avait    remarqué 


1.  (Juid  ait  ncceplius  Dca,  dicere  aut  facere?  Opéra  21  "2.  —  \oel 
I,  221.  —  LisEux,  t.  IF,  p.  142.  —  Lenkant,  t.  II.  LXVI,  p.  22:5. 

2.  De  Eçnjfjto  horlalo  ad  fidem.  Oi)era  21.3.  —  Xoel  1,  221.  — 
Lenkant,  t.  II,  p.  214.  —  Ristelhuber  XtJlII,  p.  120.  —  Liseu.x. 
t.  II,  p.   113. 


LES    FACETIES    DE    l'OGGE  267 

cependant  que  la  charité  faisait  toutefois  défaut  : 
car  un  seul  manae  et  boit,  ne  laissant  aux  autres 
ni   une  miette  de  pain,   ni  une  goutte  de  vin. 

En  cesle  responce  est  louché  ung-  grant  argument  et 
ot  obprobre  que  les  Juifs  ont  contre  les  caestiens,  c'est 
assovoir  que  charité,  qui  est  le  principal  commandement 
de  la  loy  est  faillie  entr'eulx,  et  pourtant  ilz  ne  veuUent 
croire  à  la  lov  des  crestiens  bonne. 


CCXVI 

^     De  r Ei'êqiie  espagnol  qui  mangea  des  perdreaux 
en  guise  de  poissons  K 

Un  Evéquc  espagnol,  voyageant  un  vendredi, 
s'arrêta  dans  une  auberge  et  fit  chercher  du  pois- 
son par  son  domestique,  mais  celui-ci  n'en  pou- 
vant trouver  rapporta  deux  perdrix  à  son  maitre. 
L'évèque,  les  ayant  payées,  ordonna  de  les  faire 
cuire  et  de  les  lui  servir.  Très  étonné,  le  domes- 
tique, qui  croyait  les  réserver  pour  le  dimanche, 
demanda  à  l'évèque  s'il  allait  les  manger  un  jour 
de  chair  défendue.  L"évc(]ue  lui  répondit  :  —  «  Je 
les  mangerai  comme  si  elles  étaient  poissons.  »  Le 
valet  fut  de  plus  en  plus  stupéfait  :   et  l'évèque 

1.  De  episcopo  hispauo  qui  comedit  perdices  p)-o  piscibus.  Opéra 
CCXIV.  —  Noël  I,  22-2;  II,  201).  —  Ri.-.tllhubeb.  XCIV,  p.  12G. 
—  LisEox,  CCXVI,  t.  II,  p.  144.  —  Les  cent  nourelles  itouvelles, 
nouv.  99.  —  J.a  métamorphose.  —  Edit.  Garnier.  —  Beroald 
DE  Vebviixb.  Moyeit  de  parvenir,  XXVI.  —  Edit.  Garnier.  — 
Alexandre  Dumas  :  Histoire  du  moine  Goienflo. 


268  LES    FACETIES   DE    POGGE 

ajouta  :  —  ((Ne  sais-tu  pas  que  je  suis  prêtre  ? 
Eh  bien  !  est-il  plus  difficile  de  changer  le  pain 
dans  le  corps  du  Christ,  que  des  perdreaux  en 
poissons.  <(  Et,  faisant  le  signe  de  la  croix,  il  com- 
manda aux  perdreaux  de  se  transmuer  en  pois- 
sons. 

En  cesle  facétie  il  n'y  a  que  l'escuse  de  l'Evesque  qui 
dist  qu'il  pouvoyt  par  paroles  faire  de  chair  poisson  aussi 
bien  comme  il  faisoit  le  pain  le  corps  de  Jésus-Christ. 


CGXVII 

Uun    fou    qui,  dormant  avec   l'A/'chei'êque    de 

Cologne,  déclara  que  celui-ci  était  un 

quadrupède  '. 

Défunt  l'archevêque  de  Cologne  avait  beaucoup 
d'affection  pour  un  fou  qu'il  faisait  coucher  avec 
lui  ^  Or,  une  fois  que  l'archevêque  avait  une 
nonne  dans  son  lit,  le  fou  qui  était  couché  aux 
pieds  s'aperçut  qu'il  y  avait  plus  de  jambes  qu'à 
l'ordinaire.  Tàtant  un  pied,  il  demanda  à  qui  il 
était.    L'archevêque   répondit    qu'il    était    à   lui, 

1.  Dr  falud  ildniiiciilc  cuin  aixhiepiscopo  Colottioiis  (jui  lU.rit 
cHin   (luadnipcdein.   Opéra    CCXV.  —   Nobl  I,    l'23.    —    I.i>eux, 

(>CXVII,    t.   II,  p.   145.  — RiSTELHUBER,    XCV,p.  IVÎS. —  ESTIKNNE. 

ApoUxjie  pour  Ilérodole,  ch.  39.    —    Bonaventure  des  Périers. 
Contus,  Edit.  (larnier. 

2.  C'était  dans  les  mœurs  du  temps,  le  dernier  degré  de 
l'amitié.  L'Arétin  avait  une  place  dans  le  lit  de  Jean  de  Mëdi- 
cis,  le  Grand  Diable  :  LeKcre,  t.  III.  p.  \li.  iR  . 


LES    FACÉTIES    DE    POGGE  269 

se  précipita  à  la  fenêtre,  en  criant  de  toutes  ses 
forces  :  —  «  Accourez  tous  vt»ir  un  phénomène 
nouveau  et  extraordinaire  :  Notre  archevêque  qu^ 
est  devenu  quadrupède  !  »  Il  révéla  ainsi  la  tur- 
pitude de  son  maître. 

(lelui  qui   se  plaît  dans  la  société   d'un  fou  est 
certainement  plus  fou  que  lui. 
ainsi  que  le  second  puis  un  troisième  et  même  un 
quatrième.  Alors  le  fou,  se  levant  en  toute  hâte, 

En  ceste  facétie  est  montré  par  expérience  (}u  il  est  bien 
fol  et  très  infâme  qui  se  delect  a  ung  l'ol,  car  un  Fol  ne 
sçait  quant  il  doit  parler  et  souvent  accuse  ce  qu'il  doit 
celer. 


CCXVIII 

Plaisanterie  du  pape  Martin  à  un 
ambassadeur  importun  l  . 

Un  ambassadeur  du  duc  de  Milan  insistait  avec 
acharnement  pour  obtenir  je  ne  sais  trop  quelle 
concession,  dont  le  pape  Martin  ne  voulait  pas 
entendre  parler.  Ce  très  importun  ambassadeur 
harcelait  sans  cesse  le  Pontife,  il  le  suivit  même 
un  jour  jusqu'à  sa  chambre  à  coucher.  Arrivé  là, 
le  Pape,  pour  échapper  à  cette  obsession,  porta 
la  main  à  sa  mâchoire  —  «  Oh!  fit  il,  que  j'ai 
mal  aux  dents!  »  et  plantant  là  Fambassadeur,  il 
rentra  chez  lui. 

1.  Fncetum  Martini  Pontificis  iii  oratorvni  tnolest it m.  Opéra  IIG. 
—  XoEL  I,  '22 i.  —  LisEux,  t.  II,  p.  1  i7. 


270  LES    FACÉTIES    DE    POGGE 

GCXIX 

A  propos  du  cardiiifil  Angelotlo  ' . 

Dans  un  flot  de  paroles,  quelqu'un  récriminait 
contre  la  vie  et  le  caractère  du  défunt  cardinal 
Angeletto.  Il  fut,  en  effet,  rapace,  violent,  sans 
conscience.  Un  des  assistants  ajouta  :  —  «  Je 
suppose  bien  que  le  diable  l'a  déjà  mangé  et  chié 
plusieurs  fois,  à  cause  de  sa  scélératesse.  »  Alors, 
un  plaisant  de  répliquer  :  —  «  Sa  chair  était  si 
mauvaise,  qu'aucun  diable,  même  avec  un  excel- 
lent estomac,  n'aura  osé  le  manger  de  peur  d'avoir 
des  vomissements.  » 

CGXX 

Puissance  d'un  cadeau'^. 

Autrefois,  vivait  à  Florence  un  chevalier  que 
nous  avons  bien  connu;  de  petite  stature,  mais 
portant  une  barbe  assez  longue.  Certain  plaisant 
se  mit  à  le  taquiner  chaque  fois  qu'il  le  rencon- 
trait, à  tourner  en  dérision  l'exiguité  de  sa  taille 

1.  De  (juodam  qui  danuiabat  vilain  ca)-iliiialis  Àurjelolli.  Opé- 
ra 217.  —  \oelI,  2-2i.  —  Ristelhuiîkk  XCVI.  p.  129.  —  Liseux, 
t.  II,  p.  14s. 

?.  De  falKO  (jiii  niililctn  l'ioriniliiium  inidehat.  Opéra  218.  — 
Noël  I,  2-2.').  —  Liseux,  t.  H.  |).  140. 


LES    FACÉTIES    DE    P0(;(;E  271 

et  la  longueur  de  la  l)arbe;  il  y  mit  tant  d'achar- 
nement que  cela  devint  agaçant.  Informée  de  la 
chose,  la  femme  du  chevalier  fit  venir  notre 
homme,  lui  fit  accepter  un  bon  repas  et  de  plus 
un  vêtement,  en  lui  recommandant  de  ne  plus 
molester  son.  mari  à  l'avenir.  L'homme  promit 
et  par  la  suite,  chaque  fois  qu'il  rencontra  le 
chevalier,  il  ne  souffla  plus  mot.  Surpris  de  ce 
silence,  on  voulut  le  faire  parler,  on  lui  demanda 
pourquoi  il  ne  bavardait  pas  comme  auparavant. 
Alors,  le  doigt  posé  sur  les  lèvres,  il  dit  :  —  «  On 
m'a  rempli  la  bouche,  afin  que  je  ne  puisse  plus 
parler.  »  Un  excellent  moyen  de  se  concilier  la 
bienveillance .  c'est  de  donner  à  manger  aux 
i^ens. 


CCXXI 

Singulière  excuse  dune  femme  stérile^. 

La  femme  d'un  seigneur  fut  répudiée  par  son 
mari  au  bout  de  quelques  années,  pour  cause  de 
stérilité.  Lorsqu'elle  fut  rentrée  à  la  maison  pater- 
nelle, son  père  lui-même,  l'abjura  en  secret,  de 
lui  dire  pourquoi  elle  n'avait  pas  cherché  à  faire 


1.  Excusatio  slerilitatis  filiœ  ad  patron.  Opéra  CCXIX.  — 
Noël  I,  ^M;  II,  210.—  Guillaume  Tardif,  XCVIII:  L'excura- 
tion  d'une  fille  qui  ne  pouvoit  concepvoir  enfans,  p.  208.  — 
LiSEUx,  CCXXI,  t.  II,  p.  150.  —  Bebblian.  Fahrl.  L,  t.  Il  — 
Fabula  tacetissima  de    pulchra    Matronâ,   p.  ll'i.   —   Hisinires 


272  LES    FACÉTIES    DE    POGGE 

nn  enfant  avec  son  mari  ou  avec  d'autres  ?  — 
«  Mon  père,  répondit-elle,  je  vous  jure  que  ce  n'est 
pas  de  ma  faute,  j'ai  essayé  tous  les  domestiques, 
même  les  valets  d'écurie,  pour  voir  si  je  pourrais 
concevoir,  çà  ne  m'a  servi  de  rien  » .  Le  père  plai- 
gnit la  malchance  de  sa  fille  qui  n'était  certaine- 
ment pas  stérile  par  sa  faute. 

En  ceste  Facécie  est  monstre  ung  ini'onvenient  qui 
peut  souvent  advenir  en  mariage,  si  ce  n'est  de  la  grâce 
des  femmes,  c'est  de  engendrer  un  maulvais  héritier  ;  car 
pourroil  estre  de  telles  femmes  que,  quant  elles  verroyent 
que  leurs  marys  ne  leur  feroyent  des  enfans,  essaye- 
royent  à  en  faire  par  autruy,  ainsi  que  la  Damoiselle 
devant  dicte,  qui  se  excusait  de  stérilité  pour  avoir  essayé 
à  d'autres  qu'à  son  mary. 


facétieuses  et  morales  ;  «  D'une  l'emine  stérile,  pour  trop  lais.-er 
cultiver  son  jardin  ». 

A  ALGIDON 

ÊPIGRAMME 

Vous  êtes  rude  à  votre  femme 
Pour  que,  sans  faire  d'enfant, 
Vous  l'ayez  eue  onze  ou  douze  ans; 
Mais  considérez  en  voire  âme 
Que  c'est  le  seul  destin  qui  le  veut. 
Et  que  pour  se  rendre  léconde 
Elle  fait  tout  ce  qu'elle  peut, 
Et  s'en  adresse  à  tout  le  monde. 

N.  DE  LA  Giraldu":ke. 


LES    F.VCETIKS    DK    l'0(HiE  273 


CCXXIl 

Eu  flagrant  délil  ^ 

Lo  docteur  Giovanni  Andréa,  de  Bologne,  d'une 
renommée  très  répandue,  fut  surpris  par  sa 
femme  pendant  qu'il  besognait  sa  servante.  La 
femme,  stupéfaite  d'une  cliose  si  peu  ordinaire  de 
la  part  de  son  mari,  se  tournant  vers  lui  :  — 
«  Jean,  lui  dit-elle,  où  donc  est  ta  sagesse  à  cette 
heure?  »  Lui,  répliqua  aussitôt  :  —  «  Dans  un 
trou  où  elle  est  fort  bien  à  son  aise.  » 


1.  Johaïuiis  ÀH(lrc(e  adulterium  deprehenditur.  Opéra  CCXX.  — 
XoEL,  I,  2-27;  II,  211.  —  Liseux,  CGXXII,  t.  II,  p.  151.  —  Es- 
TiENNB,  Apologie  pour  Hérodote:  Ch.  8. 

LA  PRUDENCE  EN  DÉFAUT 

CONTE 

Jean  dit  André,  fameux  docteur  ès-lois, 

Fut  pris,  un  jour,  au  péché  d'amourette. 

H  accollait  une  jeune  soubrette. 

Sa  femme  vint,  fit  un  signe  de  croix  : 

—  n  Ho  1  ho  !  dit-elle,  est-ce  vous?  Non,  je  pense, 

Vous,  dont  partout  on  vante  la  prudence. 

Qu'est  devenu  cet  esprit  si  subtil?  — 

Le  bon  André,  poursuivant  son  négoce 

(Honteux  pourtant)  :  Ma  foi,  répondit-il. 

Prudence,  esprit,  tout  gît  en  cette  fosse. 

Bernard  de  la  Monnoye. 


274  LES    FACÉTIES    DK    l'OCKJE 

CCXXIII 

D'un  frère  iniiicur  qui  fit  le  nez  à  un  enfant^. 

Un  Romain,  très  facétieux,  me  conta  dans  une 
réunion,  la  plaisante  histoire  qui  était  advenue  ù 
sa  voisine. —  «  Un  Frère,  de  l'Ordre  des  Minimes, 
appelé  Laurent,  jetait  des  regards  d'envie  sur  une 
jeune  femme  très  jolie,  de  son  voisinage,  (il  me 

1.  De  Fratre  Minnrum  qui  fecil  nosum  puero.  Opéra  GGXXI. — 
Noël,  I,  227.  —  Guillaume  Tardif,  XCIX,  p.  270.  —  Liseux, 
CCXXIII,  t.  Il,  p.  152.  —  Gerardus  Dicibus.  Bclkt(v  pwtacum 
llaiic.  «  Partus  imperfectus.  ».  —  Boxaventure  des  Perriers  : 
Contes  et  Nouvelles.  Nouv.  x.  —  Dicelui  qui  acheva  l'oreille  de 
l'entant  à  la  femme  de  son  voisin.  Edit.  Garnier.  —  La  Fon- 
taine. Contes.  —  Le  Faiseur  d'oreilles  et  le  Raccommodeur  de 
moules.  Edit.  Garnier.  —  Il  y  a  aussi  diverses  pièces  qui  ont  ce 
conte  pour  lointaine  origine  :  tel 

1-ES  CHEVEUX 

La  jeuQe  Alix,  ces  jours  derniers, 

Je  nu  sais  par  (juelle  aventure, 

Ayant  voulu  jouera  certain  jeu, 
11  lui  fallut  bientôt  allonger  sa  ceinture. 

—  «  Comment,  lui  dit  certain  plaisant, 

Qui  vous  a  fait  si  belle  affaire; 

Et  qui  diablr!  est  l'ignorant 

Oui  n'a  pas  fait  à  cet  enfant 

Tout  ce  qu'il  aurait  di'i  lui  faire.  » 

Fjt  sur-le-ciiamp  s'olfrit  à  le  parfaire. 
—  «  Non,  répondit  Alix  à  cet  officieux, 
Il  me  faut  ouvrier  qui  travaille  des  mieux: 
Vous  prenez  trop  de  soin,  et  cette  affaire  est  nôtre, 

Il  n'y  manque  que  les  cheveux, 

Mais  sachez  que  je  veux 

Qu'on  les  plante  l'un  après  l'autre.  » 

GnÉcouRT  I  Contes). 


I 


LES    FACETIES    DE    POGGE  'Zlb 

cita  même  son  nom).  Pour  arriver  à  ses  lins,  il 
demanda  au  mari  d'être  le  parrain  de  son  premier 
né.  Le  Frère  qui  observait  tout  chez  la  jeune 
femme,  découvrit  bientôt  qu'elle  était  enceinte  ; 
or,  venant  la  voir  en  présence  de  son  mari,  il  lui 
dit,  comme  un  sorcier  qui  lit  dans  l'avenir,  qu'elle 
était  grosse  et  qu'elle  enfanterait  un  être  qui  lui 
causerait  beaucoup  de  chagrin.  La  femme  pen- 
sant qu'il  voulait  dire  qu'elle  aurait  une  fille 
répondit  :  —  «  Quand  bien  même  ce  serait  une  fille 
elle  sera  la  bienvenue.  »  Mais  le  Frère,  prenant 
un  air  triste,  affirma  que  la  chose  était  plus  grave, 
tout  en  refusant  d'en  dire  davantage.  La  femme, 
par  la  suite,  le  supplia  avec  instance  de  lui  révéler 
ce  dont  elle  était  menacée,  elle  le  pria  même  de 
venir  chez  elle  à  linsu  de  son  mari.  Enfin,  cédant 
à  ses  prières,  après  avoir  exigé  le  secret  absolu,  il 
lui  révéla  qu'elle  mettrait  au  monde  un  enfant 
mâle  qui  n'aurait  point  de  nez,  ce  qui  cause  la 
laideur  du  visage  la  plus  épouvantable.  Terrifiée, 
la  jeune  femme  demanda  s'il  n'y  avait  aucun 
remède.  Le  frère  affirma  que  si,  mais  que  pour 
cela  il  fallait  convenir  d'un  jour  où  il  pourrait 
coucher  avec  elle  pour  compléter  la  besogne 
défectueuse  de  son  mari  et  ajouter  le  nez  à  l'en- 
fant. Bien  que  la  chose  lui  fut  extrêmement  péni- 
ble, elle  s'y  résolut  cependant  dans  la  crainte 
d'avoir  un  enfant  difi'orme.  Le  jour  dit,  le  Frère 
vint,  puis  revint  plusieurs  fois  sous  prétexte  de 
terminer  son  ouvrage,  et  comme  la  pauvre  femme 


27 G  LES    FACÉTIES    DE    l'OGGE 

subissait  Fopération  sans  broncher,  il  lui  ordonna 
de  se  remuer  et  d'aider  i\  la  façon,  afin  que 
le  nez  fat  très  solidement  implanté.  Finale- 
ment, elle  accoucha,  par  hasard,  d'un  garçon 
orné  dun  fort  beau  nez.  La  mère  en  fut  émer- 
veillée et  le  Frère  déclara  que  c'était  parce  qu'il 
n'avait  pas  ménagé  sa  peine.  La  femme,  alors, 
mit  elle-même  son  mari  au  courant  de  ce  qu'elle 
avait  fait  pour  éviter  laflreuse  aventure  d'un 
enfant  sans  nez,  le  mari  approuva  tout  et  se  mon- 
tra très  satisfait  de  la  besogne  de  son  compère. 

En  ceste  Facécie  est  monstre  notoirement  qu'il  est  plus 
de  compères  que  de  amys,  et  que  de  grant  aliance  de 
amitié,  qui  se  faict  soubz  ombre  de  quelque  compairaige, 
est  aulcune  foys  cause  et  couverture  de  plusieurs  grans 
maulx.  Ainsy  que  le  Frère  Mineur  qui  soubz  ombre  de 
bonne  foy,  déçeut  la  femme  en  demandant  estro  compère 
du  pauvre  homme,  puis  soubz  ceste  conlidence  trouva 
moven  de  violer  sa  femme. 


CCXXIV 

D'ail  Florentin  très  Tiieiiteur^ . 

Il  y  avait  jadis  à  Florence  un  homme  si  enclin 
au  mensonge,  que  jamais  parole  véridique  ne 
sortait  de  sa  bouche.   Certain  jour,   un  ami  qui 


1.  De  tneiidncissimo  l''lorenti)io.  Opéra  222.  —  Noël  I,  229;  II. 
2Ui.  —  Li.*Eux,  t.  H,  p.  l.w.  —  Lenfant,  t.  II,  CXXXII,  p.  264.— 
BuucHKT  :   .S'''/r'('S.  \>.  450. 


LES    FACETIES    UE    l'OOGE  277 

avait  été  souvent  sa  victime,  le  rencontra.  Avant 
qu'il  eut  desserré  les  lèvres  :  —  «  Tu  mens, 
dit-il.  »  —  «  Comment  cela  se  peut-il,  répliqua 
l'autre,  je  n'ai  pas  encore  parlé.  »  —  «  Je 
m'explique,  reprit  l'ami,  si  tu  ouvres  la  bouche, 
tu  vas   (lire  un  mensonge  l  ». 


ccxxv 

Comment  un  jaloux  éprouva  la  vertu  de 
sa  femme'^. 

Un  nommé  Jean,  habitant  la  ville  de  Gubbio, 
extrêmement  jaloux,  ne  savait  quoi  imaginer  pour 
savoir  si  sa  femme  se  livrait  à  d'autres.  Finale- 
ment, après  avoir  mûrement  réfléchi,  il  trouva  ce 
moyen  qui  ne  peut  venir  que  dans  l'esprit  d'un 
jaloux  :  il  se  châtra  lui-même  !  afin  que  si  sa 
femme  venait  à  avoir  un  enfant,  elle  ne  put  nier 
l'adultère. 


1.  Le  célèbre  écrivain  Barbey  d'Aurevilly  disait  d'un  autre 
écrivain  aussi  hâbleur  que  gourmand  :  —  «  Il  ne  peut  pas  dire 
un  mot  sans  dire  quatre  mensonges.  « 

2.  Zelotyptts  quidam  se  caslraiit  ut  n.iofis  probilalem  cognoscerel. 
Opéra  CGXXIII.  —  Noël,  I,  p.  230.  —  Liseux,  CCXXV,  t.  II, 
p.  156.  —  EsTiENNE  :  Apologie  pour  Hérodote,  t.  II,  ch.  5.  — 
Chyrœvs.  Deliciœ  poetavaum  gevmanorum,  épigranima.  — 
BoucHET  :  Séries,  Ill'sérée,  p.  358.  —  Lud.  Goicciardini  :  Fore 
di  recreacione  :  Spediente  mirabile  da  conoscer  se  la  moglie  fà 
la  fuse  torte,  p.  41. 


16 


278  LES    FACÉTIES    DE    POGGE 

CCXXVI 

Réponse  aux  paroles  cV an  pi  être  '  . 

Un  jour  de  fête  solennelle,  au  moment  de 
roffertoire,  un  prêtre  florentin  recevait,  selon 
l'usage,  les  offrandes  des  fidèles.  A  chacun,  il 
adressait  les  mots  accoutumés  :  —  «  11  vous  sera 
rendu  cent  pour  un  et  vous  posséderez  la  vie 
éternelle.  »  A  ces  paroles,  un  vieux  gentilhomme 
qui  remettait  une  pièce  blanche,  s'écria  :  — 
«  Qu'on  me  rembourse  seulement  le  capital  (comme 
on   dit  vulgairement),  je  me  déclarerai  satisfait. 

GGXXVII 

D'un  prêtre  qui  se  trompa  en  prêchant'^ . 

Autre  histoire.  Un  curé  prêchait  un  jour  sur  le 
passage  de  l'Evangile  dans  lequel  il  est  rapporté 
que  notre  Sauveur  avait  nourri  la  foule  de  ses  au- 
diteurs avec  cinq  pains.  Par  distraction,  au  lieu  de 


1.  Sacenlos  ulferenlibitf;  (jiiid  dlcciis  midircril.  Opéra  'l'l'\.  — 
XoelI,  230.  —  LisEux,  t.  H,  p.  157. —  Lknfant,  t.  II,  (1,  p.  2i'i. 

"2.  Saccrdos  prœdicavit  et  in  numéro  errarit  a  ceiiliiin  »  }jr:> 
«  tnillc  »  dicens.  Opéra  225.  —  Guillaume  Tai;dii''  :  Du  Pre»tre 
qui  en  preschant  print  cinq  cens  pour  cinq  mille,  C,  p.  274.  — 
Noël  I,  231;  II,  218-219.  —  Risteluuiiek  XCVII,  p.  130.  —  Li- 
SEUX,   t.  Il,  p.  15«. 


LKS    FACKTIES    DE    l'(»f;(;E  279 

dire  cinq  mille  hommes,  il  dit  cinq  cent.  De  suite 
son  clerc  lui  fait  remarquer  à  voix  basse  qu'il  se 
trompe  de  chiffre,  l'Evangile  indiquant  cinq  mille: 
—  «  Tais-toi,  imbécile,  répondit  le  curé,  ils  auront 
bien  assez  de  peine  à  croire  aux  cinq  cents.  » 

En  cesle  Facétie  n'y  a  sinon  la  joyeuse  excuse  dudict 
preslre,  que  se  trouva  reprins  et  dist  que  à  peine  le  voul- 
droit  croire. 

LE  MIRACLE 

Certain  curé  de  son  canton  l'oracle, 
(irie  à  PieiTot  :  —  «  Cours  à  mes  paroissiens 
Leur  annoncer  qu'à  l'instant  je  reviens 
Pour  leur  prêcher  l'histoire  et  le  miracle 
Des  deux  poissons  ainsi  que  des  cinq  pains 
I>ont  le  Seigneur  n  'urrit  la  multitude 
Qui  le  suivit  jusqu'en  sa  solitude.  » 
Alors  Pierrot  dit  :  —  «  Monsieur  le  Curé, 
En  l)eau  surplis,  en  beau  bonnet  carré, 
A'ient  expliquer  comment  dans  l'Evangile 
En  un  désert  et  loin  du  grand  chemin, 
Pains  et  poissons  au  nombre  de  cinq  mille. 
D'autant  de  juifs  apaisèrent  la  faim.  » 
Pierrot  revient,  rend  compte  du  message, 
Dit  qu'on  a  ri,  que  même  on  rit  encor. 
—  «  Je  crois  bien,  peste  soit  du  butor  I 
Maudit  lourdaud,  avec  ton  verbiage! 
C'est  donc  ainsi  que  tu  rends  mes  leçons! 
C>       n'as-tu  dit  cinq  pains  et  deux  poissons. 
Il    auraient  ri,  monsieur,  bien  davantage.  » 

L.v  C  )VDA%nN'3. 


280  LES    FACÉTIES   DE   POGGE 


CCXXVIII 

Sdge  réponse   du    Cardinal  dWvignon    au    roi 
de  France  ' . 

Il  m'a  semblé  iatéressant  d'insérer  parmi  ces 
menus  propos,  une  sage  réponse  du  cardinal 
d'Avignon,  homme  de  grand  sens.  A  l'épocjue  où 
les  souverains  Pontifes  résidaient  à  Avignon,  ils 
se  faisaient  précéder,  afin  d'augmenter  la  ma- 
gnificence du  cortège,  de  nombreux  chevaux 
couverts  de  housses,  carapaçonnés  et  tenus  en 
main.  Le  roi  de  France  trouvant  ce  faste  exagéré, 
demanda  un  jour  au  cardinal,  si  les  Apôtres 
avaient  déployé  semblable  pompe  :  —  «  Certaine- 
ment non,  répondit  le  Prince  de  l'église,  mais  à 
l'époque  contemporaine  des  apôtres,  les  rois 
vivaient  aussi  différemment,  étant  bergers  et  gar- 
deurs  de  bestiaux.  » 


t.  Sapiens  diclitm  Canlinalis  .1ù-eiiionensis  ad  regon  Fraiaid'. 
Opéra  22().  —  Noël  I,  231;  II,  219.  —  Liseux,  t.  II,  p.  l.V.l.  — 
Lenfant,  t.  II,  CI,  p.  2'i4.  —  Contes  par  un  petit  cousin  de  Rabe- 
lais :  «  Le  capucin  y,  conte  XIII,  p.  'i3.  —  Estienni:  Apoioifie 
pour  Hérodote,  C.  27,  t.  .'i,  p.  11.  —  Bebeiian  Facœiiœ  «  De 
Ambitione,  sacerdotum  el  Kpiscoporum  »,  L.  Ili.  [>.  187.  —  Dic- 
tion, d'anecdotes,  t.  I,  7'i,  120,  121. 


LES    FACÉTIES    DE    l'OiiilE  281 


CCXXIX 

Terrible  aventure  arrivée,  ii  saiiil  Jean 
de  La  Ira  II  '. 

Ce  n'est  pas  pour  amuser,  mais  bien  pour  ins- 
pirer l'horreur  du  crime,  que  cette  épouvantable 
histoire  est  rapportée.  Un  religieux  romain,  de 
l'Ordre  des  Augustins,  prêchait  aux  fidèles  pen- 
dant le  Carême  ;  un  jour  que  j'étais  présent, 
pour  les  exhorter  à  confesser  leurs  péchés,  il  dit 
qu'il  avait  été  témoin  d'un  miracle  arrivé  il  y  a  de 
cela  six  ans.  S'étant  levé  après  minuit  pour  venir 
avec  les  autres  chanter  matines  dans  la  basilique 
de  saint  Jean  de  Latran.  il  entendit  une  voix  qui 
sortait  de  la  tombe  où.  dix-huit  jours  auparavant, 
on  avait  enseveli  un  citoyen  de  Rome.  La  voix, 
par  des  appels  réitérés,  suppliait  les  religieux  de 
s'approcher.  Ceux-ci,  tout  d'abord  terrifiés,  s'en- 
hardirent peu  à  peu  et  s'approchèrent  de  l'endroit 
où  la  voix  se  faisait  entendre.  Le  mort  leur  dit  de 
ne  point  avoir  peur,  d'aller  chercher  le  calice  et 
de  lever  la  pierre.  Les  religieux  s'étant  rendus  à 
ses  désirs,  le  mort  se  souleva,  cracha  dans  le 
calice  une  hostie  consacrée  ([u'il  avait  reçue 
avant   de  mourir,    puis  il  dit   qu  il  était  damné 


1 .   Terribile  factum  in  Lateraneitsi  ecclésia  ipsa  :  Opéra  CGXX\'II. 
-Noël,  I.  ni;  II,  ^ÎO.  —  Liseux,  CCXXIX,  t.  II.  p.  106. 


282  LKS    F.VIÉTIES    dp:    I'OUGE 

et  soufTrait  des  tourments  épouvantables,  parce 
qu'ayant  abusé  d'une  mère  et  de  sa  tille,  il  ne  s'en 
était  jamais  accusé  à  confesse  ;  lorsqu'il  eut  dit 
cela,  le  cadavre  se  recoucha  dans  la  fosse. 


ccxxx 

D'un  prédicateur  qui  criait  bien  fort  ^ . 

Un  religieux,  en  prêchant  au  peuple,  criait 
très  fort,  suivant  l'habitude  des  gens  inintelli- 
gents. Une  des  assistantes,  en  entendant  ces  éclats 
de  voix,  véritaljles  rugissements,  se  prit  à  pleurer 
et  le  prédicateur  s'en  aperçut.  Il  attribua  ce  ré- 
sultat à  l'onction  de  sa  parole  et  fut  persuadé  (jue 
son  sermon  avait  rappelé  cette  personne  à  l'amour 
de  Dieu,  réveillé  sa  conscience,  arraché  ses  larmes. 
Il  la  fit  venir  chez  lui  et  lui  demanda  la  cause  de 
ses  gémissements,  si  ce  n'était  pas  le  sermon 
qui  l'avait  profondément  touchée.  La  femme 
répondit  que  son  émotion  avait  été  provoquée 
par  les  cris  et  les  éclats  de  voix  du  prédicateur. 
—  "  Je  suis  veuve,  dit-elle,  et  mon  pauvre  mari 
m'avait  laissé  un  âne  qui  m'aidait  à  gagner  ma 
vie.  Il  avait  l'habitude  de  braire  continuellement. 


1.  PredicalDr  iiiiilliim  rIaiiKiiis  iiiiiiiiiiidi>  CdiifuiulcbaHir.  Opcra 
228.  —  Guillaume  Tardif  :  De  ung  |)rédicateur  comparé  à  un 
asne  parce  qu'il  crioit  ung  peu  trop  hault  en  preschanl,  Cil, 
P.27.J.  —XoEL  1,235;  II,  220-223.  —  Ristelhubek  XCVIII,  p.  131. 
—    LisEux,  t.  II,  p.   163.   —  Guy   de   Roye  :   Lr  Doctrinal  de 


LES    FACÉTIES    DE    l'0(i(;E  283 

comme  vous-même  ;  depuis  sa  mort,  je  suis  dans 
la  misère  et  sans  ressources,  c'est  pourquoi, 
lorsque  je  vous  ai  entendu  parler  avec  un  organe 
pareil  à  celui  de  mon  âne,  le  souvenir  de  ce 
pauvre  animal  m'a  fait  sangloter  malgré  moi.  » 
Ainsi  fut  confondue  la  suffisance  de  ce  prédi- 
cateur qui  méritait  plutôt  le  nom  de  braillard. 

En  ceste  Facécie  est  montré  comme  les  inutiles 
manières  des  hommes,  qu'on  ne  ose  pas  appertement 
reprendre,  sont  reprinses  pnr  aucuns  termes  jocatifs  et 
facétieu.x.  ainsi  que  la  trop  haulte  manière  de  crier  au 
religieux,  fut  reprinse  par  la  comparer  au  cri  de  l'asne 
que  la  bonne  femme  avoit  perdu.  MIillaime  Taudif. 

Sapieiice.  8i.  —  Bareleti  :  Sermones  :  Serm.  in  prim.  quadraiies. 
dotiionicain. —  Le  cabinet  saiyrique. —  D'Ouville  :  Contes,  II,  '^'J'i. 
—  ya'ivelé  (l'une  femme.  —  De  Parival  :  Historiettes  facétieuses 
cl  morales  n°  26.  —  Roger  Bontemps  en  belle  humeur,  Vaine 
uloire.  —  Menagiana,  III,  48-3.  —  Contes  par  un  petit  cousin  de 
Rabelais,  p.  194,  conte  LXXI  :  Le  curé  de  village  et  la  bonne 
femme.  —  Lucasius  :  in  épigram.  p.  230.  —  B.  de  la  Monnaye. 
Canlor.  —  youveau.i  contes  à  rire,  p.  99.  —  Conti  dandere.  Natu- 
ralezza  d'una  Contadina,  t.  I,  p.  2i3.  —  Guyot  de  Pitaval. 
IiibUoth('(jitc  des  gens  de  Cour. 

CONÏE 

Notre  Vicaire,  un  jour  de  fête, 

Cbantoitun  Àf])ius  gringoté, 

Tant  qu'il  pouvoit,  à  pleinj  tête. 

Pensant  d"Anette  être  écouté. 

Anette,  de  l'autre  colé, 

Ploroit,  attentive  à  son  chant. 

Donc  le  vicaire,  en  s'approchant. 

Lui  dit  :  —  Pourqoi  plorez-vous,  tielle? 

Ha!  Messiie  .Jean,  ce  dit  elle. 

Je  plore  un  àne,  qui  m'est  mori, 

Qui  avoit  la  voix  toute  telle, 

(Jue  vous,  quand  vous  criez  si  fort.  » 

Mell'n  de  Saint-Gelaiï 


284  LES    FACÉTIES    DE    POGGE 


CGXXXI 


D' une  jeune  femme  qui  fut  jouée  par  son 
vieux  mari  '. 


Un  Florentin,  déjà  vieux,  épousa  une  jeune 
fille  à  laquelle  des  matrones  avaient  fait  la 
leçon  pour  résister  au  premier  assaut  de  son 
époux  la  nuit  des  noces,  et  même  à  ne  céder  que  le 
plus  tard  possible .  Elle  opposa  donc  un  refus  très 
net.  Le  mari  parc,  loiite  voile  dehors  cl  en  belle 
allure,  étonné    de   ce   refus,   lui   demanda  pour- 


1.  De  Àdolescentula  per  senem  maritum  dvlusa.  Opéra  GCXXIX. 
Noël,  1,  235;  II,  223.  —  Guillaume  Tardif,  .  Cil,  p.  277.  — 
LisEUx,  GCXXXI,  t.  I,  p.  164.  —  Guillaume  Bouchet  :  Serves  : 
Y"  sérée.  —  Nouceanx  contes  à  rire,  Qui  refuse,  muse.  p.  185.  — 
LuD."  GuicciARDiNi  '.  Hore  di  ricreazionL' :  «Donne  perle  piu  rnes- 
trarsi  schife  di  cià,  che  Elle  hanne  maggior  Vaghezza  »,  p.  157. 

SAISIR  L'OCC.\SION  AUX  CHEVEUX 

CONTE 

Pierre,  le  Rouge,  enfoncé  dans  ses  draps, 
Du  Dieu  d'nyiuen  sentit  la  vive  Hauiine 
Le  stimuler;  il  invite  sa  femme, 
Incontinent  à  venir  dans  ses  bras. 
Elle  priait  et  soudain  de  r<5pondre  : 

—  «  Attends  un  peu  ».  —  Ses  Falcrs  aclievés 
Et  ses  .[(jiiKS  ainsi  que  Sts  Ares, 

Pierre  avait  eu  le  temps  de  se  morfondre. 
Elle  entre  au  lit,  mais  1  "époux  refroidi 
N'en  fit  semblant.  Elleapprocbe,  il  ne  bouge. 

—  «  L'ami,  vcu.'c-tu,  j'ai  dit,  Pierre  le  Rou;.;e.  » 

—  «  Eh  bien!  tant  mieux,  mais  moi  j'ai  déroidi.  » 

MÉRARD  DE  Saint- JusT 
Espirffleries,  Joyeuselés,  etc..  t.  I,  p.   156. 


LES    FACÉTIES    DE    POGGE  285 

quoi  elle  ne  se  rendait  pas  à  ses  désirs.  La  pucelle 
répondit  qu'elle  avait  mal  à  la  tète  ;  le  mari  alors 
désarma,  se  mit  de  flanc  et  dormit  jusqu'au 
matin.  La  jeune  mariée  voyant  que  son  mari  la 
laissait  tranquille,  eut  regret  d'avoir  suivi  les 
conseils  des  commères  ;  elle  éveilla  son  époux  et 
lui  dit  qu'elle  n'avait  plus  mal  à  la  tête.  —  «  Ah  ! 
fit  le  mari.  Eh  bien  moi,  maintenant,  j'aimai — 
autre  part'  »,  —  et  il  laissa  sa  femme  pucelle 
comme  devant.  Le  conseil  est  donc  bon,  d'accep- 
ter ce  qui  peut  être  profitable  et  plaisant  quand 
on  vous  l'offre. 

En  cesle  Facécie  est  montré  morallement  ce  que  dit 
Chalou  à  son  lîlz,  c'est  qu'il  ne  doit  pointrefuser  la  pre- 
mière occasion  de  prendre  une  très  bonne  chose,  car 
aulcunes  foys  à  grand  prière  on  requiert  après  ce  qu'on 
a  devant  relTusé. 


CCXXXII 

Les  culottes  d'un  Frère-Mineur 
devenues  reliques-. 

Une    histoire  bien  amusante  et  cjui  mérite  de 
prendre  place  parmi  ces  historiettes  est  arrivée 


1.  Le  texte  renferme  un  jeu  de  mol  qui  aurait  pu  être  tra- 
duit- si  les  mots  français  avaient  la  même  faculté  que  les  mots 
latins. —  Duit  puella)  se  non  amplius  dolere  capul.  Tum  ille  : 
■I  At  eqo  nunc  doleo  caïu/am  ». 

"2.  De  reliquiis  bracarum  cnjusdnm  Minoris.  Opéra  CCXXX.  — 
Noël,  I.  230;  II,  '220. —  Guillaume  Tardif  :  Des  reliques   des 


286  LES    FACÉTIES    DE    POCIGE 

naguère  à  Amalia.  Une  femme  mariée  poussée,  je 
pense,  jinr  le  désir  do  bien  faire,  confessait  ses 
péchés  à  un  religieux  de  l'Ordre  des  Minimes. 
Celui-ci,  tout  en  parlant,  se  sentit  envahi  par  la 
concupiscence  de  la  chair,  et,  à  force  de  bi.lles 
paroles,  amena  la  femme  à  faire  sa  volonté  en  un 
lieu  à  trouver  convenable  et  discret.  Il  fut  enten- 
du que  la  femme,  sous  prétexte  de  maladie, 
manderait  chez  elle  le  Frère  pour  la  confesser  : 
on  laisse,  en  eli'et,  d'habitude  les  confesseurs  en 
tète-à-tête  avec  leurs  pénitentes  pour  qu'ils  puis- 
sent, en  toute  liberté,  s'occuper  du  salut  de  leurs 
âmes.  La  femme,  feignant  donc  d'être  grave- 
ment malade,  se  met  au  lit,  fait  appeler  son 
confesseur  qui  s'empresse  d'accourir,  et,  comme 


braves  de  Sainct-Françoys,  c.  III,  p.  279.  —  Ristelhuber,  XGIX. 
—  LisEux,  CGXXXII,  t.  II,  p.  165.  —  Apulée  :  Metamorphoseon, 
lib.  IX.  —  ic  Livi'e  du  Chevalier  de  la  Tour  Landry  :  «  D'un 
bon  liomme  qui  estoit  cordier  »,  ch.  LXII.  — Legrand  D'Av.'iSY  : 
La  culotte  du  Cordelier,  t.  II,  p.  66.  —  Méon,  t:  III,  p.  169.  — 
Sacchetti,  Novelle,  t.  II,  p.  166.  —  Mosuccio  Salebnitano,  Il 
Norclliiio,  t.  I,  p.  ."jS.  —  SoBADiNo,  Novelle,  p.  .38.  —  Estienne, 
Apologie  pour  Horodote,  ch.  X.XI,  §  3.  —  Euticius  Cordus, 
I)elici(v  poetaruin  (jerma nornm  :  Femoraïia.  —  D'Aroens,  Lettres 
juives,  lettre  CXI.  —  Recueil  de  poésies  (/alanles  :  La  Culotte  de 
S.  Raimond,  I,  p.  121.  —  Le  passe-partoul  de  l'Église  romaine. 
III,  p.  415.  —  M.  D.,  Contes  mis  en  vers  :  «  Nul  n'est  cocu  qui  ne 
croit  l'estre  »,  ch.  V,  p.  18.  —  Nouveaux  contes  à  rire:  «  Le  Ma- 
gicien »,  p.  160.  —  Veroier,  Œuvres  :  «  La  Culotte  »,  conte,  — 
Gbkcourt,  (Euvres:  n  La  Culotte  et  le  Cordelier»,  conte.  —  Le 
Sin<ic  de  La  Fontaine,  conle.  —  «  Le  Caleçon  apothéose  ».  — 
Contes  et  Poésies  du  cardinal  Collier  :  La  Culotte  de  Saint-Ray- 
mond de  Pennafurt,  I,  p.  179.  —  Casti,  Novelle  (jalauti  :  a  Le.s 
Broche  di  san  Crillone  »,  édition  Garnier.  —  E.  Villktard,  Les 
Culottes  de  Sainl-Griirun. 


LKS    FACETIES    DE    l'OCCE  -^87 

on  les  laisse  seuls  en  tète-à-tète,  ils  purent  à  leur 
aise  s'en  donner  à  maintes  reprises.  La  chose 
durant  longtemps,  quelqu'un  survint  dans  la 
chambre,  et  le  Frère,  comme  si  la  confession  ne 
fut  point  achevée,  sortit,  mais  revint  le  jour  sui- 
vant, et,  posant  ses  culottes  sur  le  lit,  il  se  mit  à 
laver  les  péchés  de  la  pénitente  par  le  même 
procédé  que  la  veille.  Le  mari,  qui  ne  soupçonnait 
rien,  trouvant  que  la  confession  était  par  trop 
long"ue,  entra  dans  la  chambre.  Le  Frère  effrayé 
s'enfuit  oubliant  ses  culottes.  Le  mari  cria  que  ce 
n'était  point  un  Frère,  mais  un  homme  adultère, 
et  toute  la  maison  se  mit  à  crier  au  scandale  à 
la  vue  des  braies  délaissées  par  le  moine.  Le 
mari,  d'un  bond,  s'en  fut  sur  les  pas  du  Frère  se 
plaindre  de  Faffront  qui  venait  de  lui  être  fait, 
menaçant  de  tuer  le  misérable.  Le  Prieur,  qui 
était  un  vieillard,  apaise  sa  coh"'re  et  lui  dit  que 
ses  cris  attirent  la  honte  sur  lui  et  sur  toute  sa 
famille,  que  le  silence  et  la  discrétion  valent  mieux 
pour  empêcher  le  crime  d'être  connu.  Ce  à  quoi  le 
mari  répond  que  la  chose  est  connue  de  tous, 
puisqu'on  a  trouvé  les  culottes  et  qu'il  n'y  a  plus 
moyen  de  rien  cacher.  Le  Vénérable  Prieur  ima- 
gine cependant  un  expédient  :  il  déclare  que  les 
culottes  sont  celles  de  saint  François  que  le  Frère 
avait  apportées  pour  guérir  la  malade,  qu'il  ira 
les  chercher  en  procession  et  qu'il  les  rapportera 
en  grande  pompe  au  couvent.  La  chose  convenue, 
le  Prieur  assemble  les  Frères,    puis,   revêtu  des 


288  LES    FACÉTIES    DE    l'OOOt 

ornements  sacerdotaux  et  précédé  de  la  croix,  il 
se  rend  à  la  maison,  prend  dévotement  les  culottes, 
ainsi  qu'on  fait  à  l'ég^ard  des  saintes  reliques,  les 
place  sur  un  carreau  de  soie  et  les  tenant  sur  ses 
mains  élevées,  il  les  offre  à  baiser  au  mari,  à  la 
femme,  à  toub  les  passants,  enfin,  il  les  rapporte 
au  couvent  en  grande  cérémonie  et  au  chant  des 
cantiques  et  les  place  dans  le  sanctuaire  avec  les 
autres  reliques. 

Cependant,  la  ruse  ayant  été  bientôt  reconnue, 
les  délégués  de  la  ville  vinrent  se  plaindre  de  ce 
qu'ils  considéraient,  à  bon  droit,  comme  une 
injure. 

En  ceste  Facécie  n'y  a  rien  moral,  mais  tant  seulle- 
ment  y  est  monslrée  la  grande  substilité  qui  se  trouve 
pour  paillardise,  tant  en  ce  que  la  femme  faignit  estre 
bien  malade  pour  faire  son  plaisir  avec  le  cordelier, 
comme  de  couvrir  par  les  cordeliers  l'honneur,  disant  que 
les  brayes  du  cordelier  estoient  les  brayes  sainct  Françoys 
à  double  fons  de  toille  neufve. 


CCXXXIII 

Le  talisnidn  contie  la  pesle^. 
Dernièrement,  étant  allé  à   Tivoli  pour  y  voir 

1.  De  «  hvcri  »  coi'tra  peiiem  ad  rollum  sitspeiidendo.  Opéra 
CCXXXI.  —  Noël,  I,  2:]9.  —  Ristelhuiœr,  C,  p.  135.  —  Liseox, 
Cr;XXXIII,  t.  II,  p.  i(J9.  —  Boucheï  :  Snres.  serée  10.  —  Dit- 
TicMMiNGius  :  De  ritandis  superlilionih)ts  maçjicis  apud  Othonis 
Mélandri  Joco-feris  laudatus,  p.  91.  —  Dcmocrilus  R'dens  :  Reme- 
diuni  oculorum,  p.  32. 


I.I.S    KACKTIKS    L»;    l'tXU.K  2^<J 

mes  enfants  que  j'y  avais  envoyés  de  Kome,  àcausc 
de  la  peste,  j'entendis  une  chose  J>ien  amusante  et 
qui  iflérite  d'être  ra[)[)ortée  ici.  Peu  de  jours  avant, 
un  moine,  de  ceux  qui  vont  dans  les  bourgs  voi- 
sins prêcher  aux  paysans,  leur  promettait  ce 
qu'on  appelle  un  breve^  qu'il  leur  suffirait  de  por- 
ter au  cou  pour  ne  pas  mourir  do  la  peste,  car 
on  redoutait  déjà  l'arrivée  du  fléau.  Les  paysans, 
gens  simples,  séduits  par  cette  promesse  achetaient 
les  breve^  le  prix  qu'ils  pouvaient  et  les  sus- 
[)endaient  à  leur  cou  au  moyen  d'un  fil  qui  n'avait 
jamais  servi.  Le  Frère  avait  bien  recommandé 
de  ne  pas  ouvrir  les  talismans  avant  quinze  jours 
écoulés,  sans  quoi  ils  perdraient  tous  leur  vertu  ; 
puis,  il  était  parti  après  avoir  ramassé  pas  mal 
d'argent.  Mais  la  curiosité  des  hommes  est  telle, 
qu'on  ne  tarda  pas  à  ouvrir  les  brève  sur  lesquels 
on  put  lire  ces  vers  écrits  en  langue  vulgaire  : 

Donna,  se  (ili,  e  cadeti  lo  l'uso, 
Quando  te  flelti,  lien  lo  ciiJo  chiuso, 

ce  qui  veut  dire  : 

Femme,  si  quand  tu  files  ton  fuseau  tombe, 
En  te  baissant  tiens  le  cul  fermé. 

Voilà  (|ui   enfonce  toutes  les  ordonnances  des 
médecins  et  toutes  les  droiiues. 


290  I-ES    FACÉTIES    DE    POGGE 

CCXXXIY 

Bouche  qiion  aurait  dû  tenir  ferinéeK 

Le  romain  Angelotto,  homme  bavard  et  médi- 
sant n'éparg'nait  personne.  Lorsque,  par  le  malheur 
des  temps,  je  ne  veux  pas  dire  par  suite  de  la 
faiblesse  humaine,  il  eut  été  élevé  au  cardi- 
nalat, il  resta  bouche  close  dans  le  consistoire 
secret,  pendant  quelques  instant  s.  Suivant  l'usage, 
les  nouveaux  promus  se  taisent  ainsi,  jusqu'à  ce 
que  le  Pontife  les  ait  autorisé  à  parler.  Quelqu'un 
s'étant  informé  au  cardinal  de  Saint-Marcel  de 
ce  qui  s'était  passé  au  Consistoire  :  —  «  Nous 
avons,  dit-il,  ouvert  la  bouche  à  Aneelotto.  »  — 
<(  Oh!  m"écriai-je,  il  eut  été  préférable  de  la  lui 
fermer  avec  un  fort  cadenas.  » 

CGXXXV 

Moyen  de  se  procurer  un  cheval  parfait  'K 

(Certain  gentilhomme  du  Picentin,  pria  un  jour 
Uidolfo,  de  Camerino,  dont  il  a  déjà  été  question, 


1.  AngeloUi  cardinalis  os  potins  daudendum   apenebatur.  Opé- 
ra   ^32.    —    NOBL    I,    2'tO.    —    RlSTtLHUBEU   CI,    p.    137.    LlSKUX, 

t.  II,  p.  171. 

2.  Èfjuum  cxqnisiluiii  pxrsInvU  Rcdolphus  se  pctenli.  Opéra  223. 
Noël  I,  241.  —  Liseux.  t.  II,  p.  172. 


l.K.S     FACK.TIKS    DK    I>0(;(;k  291 

de  lui  procurei'  un  iheval.  Il  le  désirait  tellement 
beau  et  parfait,  si  exempt  de  tout  défaut,  que 
jamais  prince  n'a  possédé  dans  son  haras  sem- 
blable merveille.  Alors  Kidolfo,  pour  lui  com- 
plaire, choisit  dans  son  écurie  une  jument  et  un 
étalon  (c'est  le  nom  donné),  les  envoya  à  son  ami, 
en  lui  faisant  dire  que  dans  Timpossibilité  de 
découvrir  un  cheval  l'éunissant  toutes  les  qualités 
i  voulues,  il  lui  fournissait  le  moyen  d'en  faire  faire 
un  à  son  gré.  De  ce  qui  précède,  nous  devons 
conclure  qu'il  ne  fa  ut  pas  réclamer  des  choses  telle- 
ment parfaites,  qu'on  ne  puisse  les  trouver,  ou 
(•tre  obligé  de  refuser  sans  impolitesse. 


CCXXXVI 

Mol  plaisant  clans  une  querelle  de  femmes  \ 

Une  femme  de  la  ville  de  Rome,  que  nous 
avons  connue,  qui  vivait  de  la  prostitution,  avait 
une  fille  déjà  grande  et  fort  belle  qu'elle  avait 
consacrée  au  culte  de  Vénus.  Au  cours  d'une  dis- 
pute avec  une  de  ses  voisines  exerçant  le  même 
métier,  elles  en  vinrent  aux  insultes  et  aux 
injures.  La  voisine,  comptant  sur  la  protection  de 


1.  Contenstio  mulicnim  extorsit  dicluni  risii  po-diiittuni.  Opéra 
C(.ÎXXX1V.  —  NoKL,  I,  ■242.  —  Guillaume  Taudu':  Le  dosbalde 
deux  feinines  qui  s'évantoyent  d'avoir  amvs,  CIV,  p.  28'2.  — 
LiSKUx,  CGXXXVl,  t.  il,  p.  17:5. —fi.  Bouchet  :  Sérées,  Ill'séréo. 


2d2  1-ES    FACETIES    DE    PfHiGE 

quelque  [»ersoniiage  iutluent,  adressait  à  la  mère 
et  à  la  fille  les  plus  terribles  menaces.  Mais  la 
mère,  en  tapotant  de  la  main  le  haut  des  cuisses 
de  sa  iille,  s'écria  :  • —  «  Que  Dieu  me  garde  et 
protège  seulement  cola,  et  je  me  iiche  de  tes  sot- 
tises et  de  les  menaces  !  »  C'était  très  bien 
répondu,  car  elle  se  liait  dans  un  magnifique 
protecteur  dont  ])caucoup  se  délectaient. 

En  ceste  Facécie  est  monstre  l'infànie  et  ordc  condi- 
tion de  plusieurs  qui  se  glorilient  et  ont  conlidence  de 
leurs  maléfices,  ainsi  que  la  vieille  qui  esloit  macque- 
relle  de  sa  fille,  se  confidoiten  l'ayde  des  ribaulx  qu'elle 
pouvoit  attraii-e,  et  en  signe  de  ce  monstroit  les  cuisses 
de  sa  fille,  disant  qu'elles  luy  valloyent  un  héritag-e. 


CGXXXVII 

D'il//  p/'ri'/'c   (jui  se  Jo/ia   d'i//i    laie  qui  voulaif 
le  snrprend/'e  *. 

Lu  prêtre  Taisait  la  méridienne  avec  la  femme 
d'un  paysan.  Celui-ci  s'était  couché  sous  le  lit, 
[)our  les  surprendre.  Le  prêtre  ayant  peut-être 


|.  S>ni:vriU)S  lauiun  ilvhisil  se  vapere  volcitlem.  Opcra  Cl^XXW. 

—  XoEL,  I,  ^i?.  — RiSTn:LHOBER,CII,  p.  138.— LisEux.CCXXXXI. 
t.  Il,  p.  IT.'i. —  Le  Cieiilo  NorvKc  anlike  (1525).  —  Les  ceul  Amt- 
lelles  iiourelles,  nouvelle  XIII,  édit.  Garnier.  et  La  poiro 
payée,     nouv.    XLVI,  et    Seigneur   dessus,    Seigneur  dessous, 

—  Le  Caliinel  satirique,  t.  II,  p.  282.  —  Le  Chasse-eiinuij, 
cent.  V.  —  DOuviLLi:  :  Coules  :  D'un  valet  d'establo.  2°  partie, 
p.  72.  —  I,\  FoNT.vi.Niî  :  Coules  :  Le  villageois  (jui  cJiLTclie  .*oii 
veau,   r-ilit.    Garnier.     —    Conoreve  ;    Works:    Tlio    iout   look- 


LES     FACETIES    DE    l'OGi.Y.  2'J3 

trop  "  Ijcsoiuné  •>  éprouva  Cf»inine  un  vertige,  et 
ne  soupçonnant  pas  le  mari  caché  sous  le  lit, 
s'écria  :  —  «  Oh  !  il  me  semble  voir  toute  la  sur- 
face de  la  terre  ».  —  c  Eh  !  regarde  donc  si  tu  ne 
vois  pas,  par  hasard,  où  se  trouve  mon  âne?  » 
sécria  le  paysan,  ne  songeant  plus  qu'à  la  béte 
'|u'il  avait  égarée  la  veille,  oubliant  Tin  jure  pré- 
sente. 

GCXXXVllI 

Avcitltire    c.rlraordiiKiirc   d'un   foulon    nnghds 
avec  sa  feninie^ . 

I.oi'sque  j "étais  en   Angleterre,  il  arriva  à  un 
foulon  une  histoire  extrêmement  amusante,  bonne 


iiig  fur  is  lieifur.  —  The  Sprighibj  Muse  (1770}  :  The  Parson  and 
Maid,  or,  Collin  in  the  appleiree.  —  Contes  à  rire  on  Récréa- 
'ihits  fra niaises,  II,  p.  94.  —  Roger  Bontemps  en  belle  humeur  : 
Histoire  de  deux  amans  »,  p.  380  et  «  Plaisante  rencontre  qui 
arriva  à  un  homme  couché  avec  sa  femme  »,  p.  3'.)8;  «  Larcin 
d"amour  découvert  dans  un  jardin  »,  p.  I'i9;  «  Plaisante  ren- 
contre de  deux  amans  qui  jouaient  au  jeu  d'amour  »,  p.  378; 
«  Mi&w  colloque  d'un  jeune  homme  avec  la  L-mme  d'un  save- 
tier qu'il  entretenait.  »  —  Le  Facétieux  Réreil-wnlin  :  «  Les 
deux  amans  »,  p.  3i8;  «  D'un  trompeste  qui  l'ut  refusé  de  loger 
;'i  son  logi.î  ordinaire  par  la  maistresse,  en  l'ahscence  de  son 
niarv  et  de  l'aftVont  que  le  trompeste  lui  fist,  p.  2.')!.  —  Ilislaires 
l'uriivuses  et  morales,  p.  71.  —  Conti  (la  ridere  :  «  Furto  d'amor 
^coperlo  in  giardmo  »,  t.  Il,  p.  21.  —  GRi';r.ouuT  :  Contes  :  «  Amant 
dessus,  amant  dessous  ».  — EtRicius  Cordis  :  Delicitr  poelarum 
l'icrmanor  :  «  Tubicen  ».  —  Anonyme  :  «  Tubicen  »  cité  par 
Noel.  —  Babei.ianus  :  FacéthV  :  «  Fabula  Brassiconi  »,  p.  168.  — 
.VxoxYME  :  «  Votum  Triplex  »  c'ilè  par  Noël.  —  Mercier  de  Com- 
riÈiiXE  :  Le  rillageois  qui  cherche  son  reau. 

\.    Fiilloni    in    y\filia    accidil   resmiiniulfi    cum    uxorc.    Opéra 


2'.)i  I.KS     FACETIES    DE    l'OdGK 

à  retenir.  Cet  homme,  qui  était  marié,  avait  chez 
hii  bi^aucoup  déjeunes  gens  et  de  servantes.  Par- 
mi ces  dernières,  il  en  distingua  une  tout  parti- 
culièrement, qui  lui  parut  la  plus  jolie  et  la 
mieux  tournée  et  lui  demanda,  à  maintes  reprises, 
de  coucher  avec  elle.  Celle-ci  en  informa  sa  mai- 
tresse  qui  lui  donna  le  conseil  d'accorder  un 
rendez-vous  à  certain  jour  et  à  une  heure  déter- 
minée, en  un  lien  obscur  et  retiré,  où  la  mai- 
tresse  se  rendrait  secrètement  à  la  place  de  sa 
servante.  L'homme  vint  et  besogna  avec  la  femme, 
qu'il  était  loin  de  soupçonner  être  la  sienne. 
L'affaire  faite,  en  sortant  delà  chambre  il  rencontra 
un  de  ses  plus  jeunes  ouvriers  à  qui  il  conta  son 
histoire  en  l'engageant  à  aller,  lui  aussi,  besogner 
avec  la  servante.  Le  jeune  homme  ne  se  fit  pas 
prier,  et  la  dame,  croyant  que  c'était  encore  son 
mari,  se  remit,  sans  rien  dire,  au  travail  et  ce  fut 


CCXXXVI.  —  NoKL  :  l'iV  silii  cornua  pvoiHoncns,  I,.  "243.  — 
(iuiLi,.vuA£E  Taruii'  :  D'uiij:  l'oullon  d'Angleterre  qui  list  che- 
vaucher sa  leinme  à  son  varlet,  C\,  p.  28i.  —  Ristelhuber,  C.III, 
Les  ([uiproquo.  p.  130.  —  Liskux,  t.  II,  p.  170.  —  ExaiKiiANi» 
d'Oi.st:  l.e  Roman  du  Meunier  (/■.l/eiu(xiii°siècl'0,éclit.  F.  Michel. 

—  Leurand  d'Als^y,  t.  II,  p.  413.  —  Sacchetti  :  Norel:  nov.  CCVl. 
DoccACE  :     Décaineron,    H°    journt?e,    nouv.    4,    édit.     (jarnier. 

—  Les  Cent  Nouvelles  )iourelles,  IX,  édit.  Garnier.  —  Mar- 
GLKUiTE  de  France  :  Ileptomeroïi,  nouv.  VIII.  —  L.  Guicciar- 
uiNi  :    Dclti  c  l'alli    piaceiioli.    —    Facétieuses  jountées,    p.    103 

—  BoL'CiiET  :  Sérées,  .sérée  VIH.  —  Othon  Melaxdri  :  Joco-seria. 
p.  '?.)S.  —  Malespixi,  2°  partie,  novel  06.  —  Le  l'asse-Teiups 
;t;j:i'c'able,  p.  27.  —  Amans  lieureu.r,  II,  p.  10.  —  Piiilipi-  Beroai.- 
Di;s  :  Dcticiti-  poelarunt  liai.  :  '<  Leno  uxoris  inscius  »  cité  par 
Noël.  —  La  Fontaine:  Contes:  Le  quipi'oquo,  liv.  •").  conte  Vlil, 
«'ilil.  (larnier. 


LES    FACETIES    DE    POCGE  295 

oiicore,  pour  la  troisième  fois,  do  môme,  avec  un 
autre  ouvrier  que  ie  foulon  lui  dépêcha  de  sem- 
blable faron.  La  femme,  croyait  toujours  avoir 
affaire  à  son  mari,  et  les  ouvriers  à  la  ser- 
vante. La  dame  étant  sortie  de  la  chambre  aussi 
secrètement  qu'elle  y  était  entrée,  la  nuit  sui- 
vante fit  une  scène  à  son  mari  qui  se  montrait  si 
froid  envers  elle  et  si  ardent  avec  la  servante,  que 
par  trois  fois,  ce  même  jour,  il  avait  besogné  avec 
elle-même,  croyant  être  avec  la  dite  servante.  Le 
mari  ne  souffla  mot  de  son  erreur,  ni  du  péché  de 
sa  femme  dont  il  était  seul  cause. 

En  ceste  Facécie  est  monstre  que  les  marys  sont  atil- 
cunes  foys  cause  de  mal  que  leurs  femmes  font,  ainsi  que 
le  FouUon  qui,  par  voulente  de  corrompre  la  chambrière, 
list  violer  sa  femme  à  ses  deux  varlets. 


GGXXXIX 

Une  confession  à  la  façon  toscane  d' ahorcf 
puis  sans  fard'. 

In  individu  qui  n'avait  pas  respecté  la  pudeur 
(le  sa  sœur,  vint  à  Rome  pour  se  confesser  de 
ce  crime,  auprès  d'un  confesseur  qui  parlait 
Toscan.  Etant  allé  trouver  celui  qu'on  lui  indiqua, 
il  lui  demanda,  tout  d'abord,  s'il  entendait  bien  le 


1.  Coiifessio  lusca  et  postea  hnisca.  Opéra  CCXXXVil.  —  Noël, 
1,  •24.-).  —  LisEux,  (:<:xxxix,  t.  IT,  p.  I?."^. 


i'jG  LES     FAl.ÉTir.S    l>K    l'OGGE 

Toscan.  Le  prêtre  répondit  afliriuativemeiit  et 
notre  homme  lui  dit.  après  beaucoup  d'autres 
fautes,  qu'étant  un  jour  seul  dans  une  chaml)re 
avec  sa  sœur,  son  arc  étant  bandé,  il  lui  décocha 
une  flèche.  —  <-  Quel  crime  !  s'écria  alors  le  confes- 
seur, avez-vous  tué  votre  sœur?  —  Point  du  tout, 
répliqua  le  pénitent,  vous  n'entendez  donc  pas  le 
Toscan?  »  —  Si,  parfaitement,  puisque  je  suis  du 
pays  ;  ne  m'avez-vous  pas  dit  que  votre  arc  étant 
bandé,  vous  aviez  décoché  une  flèche  sur  A^otre 
sœur.  —  Ce  n'est  i)as  ce  que  je  veux  dire,  mais 
bien  que  j'ai  bandé  mon  arc,  que  j'y  ai  mis  une 
flèche  et  que  je  l'ai  décochée  sur  ma  sœur.  — 
Lavez-vous  blessée  à  la  figure  ou  à  un  endroit 
quelconque  de  son  corps?  —  Oh  !  vous  n'entendez 
rien  au  Toscan.  —  J'ai  parfaitement  compris  vos 
paroles,  mais  il  se  pourrait  bien  que  ce  fut  vous 
qui  ne  sachiez  pas  le  Toscan,  fit  le  prêtre. —  Je  ne 
dis  pas,  reprit  le  pénitent,  que  j'ai  blessé  ma 
sœur,  mais  que  mon  arc  étant  bandé,  je  lui  ai 
décoché  un  trait  ».  Le  confesseur  faisant  toujours 
semblant  de  ne  pas  comprendre,  le  pénitent  per- 
sistait à  dire  qu'il  n'entendait  pas  le  Toscan  et 
continuait  à  parler  de  son  arc  et  de  sa  llèche.  — 
«  Si  vous  n'employez  d'autres  expressions,  insista 
le  prêtre,  je  ne  saur;ii  jamais  ce  que  vous  voulez 
dire  » .  L'autre,  alors. qui  avait  tergiversé,  retenu  par 
la  pudeur,  dit  carrément,  en  termes  vulgaires,  qui! 
avait  abusé  de  sa  sœur.  —  «  Je  comj)rends  par- 
faitement,   maintenant,   (jue   vous   parlez   toscan 


T.KS    FACETIKS    DK    1'U(,(;K  297 

à  un  Toscan;  »  s'exclama  le  prêtre  ;  il  lui  imposa 
une  pénitence  pour  son  aberration  et  Thomme 
s'en  alla.  On  ne  doit  pas  se  montrer  si  [)udibond 
on  paroles,  quand  on  a  été  si  impudique  et  si  scé- 
lérat dans  ses  actes, 

CCXL 

Comhal  entre  des  pies  et  des  geais  '. 

Dans  le  cours  de  la  présente  année  14ol,  au 
mois  ^ d'avril,  ua  fait  extraordinaire  arriva  aux 
extrémités  de  la  Gaule,  dans  la  contrée  qu'on 
nomme  actuellement  la  Bretagne.  Des  pies  et  des 
geais,  s'étant  rangés  en  bataille  dans  les  airs, 
poussèrent  des  cris  perçants  et  se  livrèrent,  tout 
le  long  du  jour,  un  combat  acharné.  Les  geais 
remportèrent  la  victoire,  la  terre  fut  jonchée  des 
corps  des  combattants,  on  trouva  deux  mille 
geais  et  quatre  mille  pies.  Gomment  doit-on  inter- 
préter ce  prodige?  L'avenir  le  dira. 

CGXLI 

Bon  mot  de  Francisco  sur  les  fils  des  (Jéiiois'-. 

In  négociant  Florentin,  Francisco  de  Quarli, 
qui  habitait  Gênes  avec  sa  femme  et  sa  famille, 

1.  De  prwlia  picarnm  et  qraculannn.  Opéra  238.  —  Noël.  I, 
•2i(i:  LisEux,  t.  II,  p.  181. 

'2.  Faceliim  dictum  Fraucisci  Gemtensiinu  /i/îV''.<;.Oi)oraGCXXXIX. 


298  I.KS     FACKTIES    DE    POGGE 

avait  des  enfants  malingres  et  chétifs  tandis  que 
les  Génois  ont  ordinairement  des  enfants  sains  et 
robustes.  Quelqu'un  ayant  demandé  à  Francisco 
pourquoi  ses  enfants  étaient  ainsi  débilles  et  rachi- 
tiques  et  que  ceux  des  Génois  étaient  tout  le 
contraire,  il  répondit  :  «  La  chose  est  fort  simple. 
C'est  que  je  suis  seul  à  les  faire,  je  crois,  tandis 
que  pour  les  vôtres  vous  vous  y  mettez  à  plu- 
sieurs. »  C'est  la  vérité,  car  les  Génois  ne  sont  pas 
plutôt  mariés  qu'ils  vont,  pendant  de  longues 
années,  naviguer  sur  mer.  laissant  leurs  épouses 
à  la  garde  des  autres,  comme  ils  disent. 

En  cesle  Facécie  est  seullement  monstre  comme  joyeu- 
sement le  Florentin,  se  farsa  desditz  Gennevoys,  qui 
dcmandoyent  pourquoy  sesenfans  estoyent  si  maigres. 


CCXLII 

Geste  significatif  mais  grossier 
(l'un  Florentin  ^ 

L'n  de  mes  amis  raconta  en  pleine  société  (|u'uu 
Florentin,  qu'il  connaissait,  avait  une  très  jolie 
femme  (|ue  suivaient  beaucoup  de  galants  dont 
quel([ues-uns  lui  donnèrent  àas sérénades  (comme 

—  Noël,  I,  248.  —  Ouillau-mk  Tardif:  (TVI.  p.  -im.  ~  Liseux. 
v'il,  t.  II,  p.   1X2. 

1.  De  facto  mjuxdnm  Flnrcntiui,  juslo  sed  brulo.   Opci-a  CCXL. 

—  XoEL,  1,  247.  —  LisKux,  CCXLII,  t.  11,  p.  183.  —  .Vnonyme  : 
(hauialio,  vers  lalins  cités  par  No('I,  p.  2.Î2. 


LES     FACÉTIES    DE    POGGE  299 

ils  disent)  ordinairement  la  nuit,  à  la  lueur  des 
torches ,  selon  l'habitude  et  ,  dans  la  rue ,  en 
face  sa  maison.  Le  mari,  qui  était  un  farceur, 
réveillé  une  nuit  par  les  trompettes,  sortit  de  son 
lit  et  vint  à  la  fenêtre  avec  sa  femme  ;  en  voyant 
la  troupe  bruyante  et  folâtre,  il  cria  d'une  voix 
forte  aux  assistants  de  re£;arder  un  peu  de  son 
côté.  A  ces  mots,  tous  les  yeux  se  fixèrent  vers  lui, 
alors  exhibant  hors  de  la  fenêtre  un  superbe  Priape 
dont  il  était  muni,  il  dit  aux  gens  qu'il  pensait  que 
désormais,  ils  comprendraient  l'inutilité  de  leurs 
instances,  puisqu'ils  pouvaient  constater  que  lui- 
même  possédait,  pour  satisfaire  sa  femme,  beau- 
coup mieux  que  pas  un  d'eux  tous  et  que,  par 
conséquent,  il  espérait  qu'on  lui  éviterait,  à 
l'avenir,  de  pareils  ennuis.  Ces  paroles  facé- 
tieuses firent,  en  effet,  cesser  ces  vaines  pour- 
suites. 


GCXLIII 

Drôle  (le  demaiulc  d'un  vieillard  impuissant^ . 

Une  autre  personne  de  la  même  société  nous 
conta  une  semblable  histoire  d'un  Florentin,  son 
voisin,    qui,  quoique  fort  âgé,  avait  épousé  une 

1 .  Facela  pelitiu  si'iii:i  lahori'ni  copulir  nnn  polciilis.  Opéra  CGXLl . 
—  Noël,  t.  I,  liO.  —  Guillaume  Tardif,  CVII.  Du  viel  homme 
ijui  se  efforçoit  do  habiter  sa  femme,  de  })aour  qu'on  ne  luy 
habitast,  p.  289.  —  Lisedx,  GCXLIII.  t.  11.  p.  18.j. 


300  LES     lACETILS    ]>E    l'OGGE 

jeune  femme  dont  Ricardo  deiili  All)erti,  jeune 
homme  noble  et  beau,  devint  amoureux,  et  il  lui 
fit  donner  en  pleine  rue,  comme  le  précédent,  des 
sérénades  par  des  musiciens  et  des  chanteurs  qui 
vinrent  souvent  au  milieu  de  la  nuit  interrompre 
le  sommeil  du  bonhomme.  A  la  fin,  celui-ci  alla 
trouver  le  père  de  Ricardo,  après  un  long  préam- 
bule dans  lequel  il  lui  rappela  leur  vieille  amitié 
et  les  ser^dces  qu'ils  s'étaient  mutuellement  ren- 
dus, il  finit  par  lui  dire  qu'il  ne  voyait  i)as  pour- 
quoi son  fils  voulait  l'assassiner.  A  ces  mots,  le 
père,  stupéfait  et  bouleversé,  s'écria  qu'il  saurait 
bien  empêcher  lui  tel  crime  et  demanda,  en  même 
temps,  qu'on  lui  expliqua  comment  son  fils  pouvait 
comploter  un  ]»areil  dessein.  Le  bonhomme  lui 
dit  :  «  Votre  fils  est  fort  amoureux  de  ma  femme, 
souvent  il  vient  nous  réveiller,  elle  et  moi,  avec 
des  flûtes  et  autres  instruments;  une  fois  éveillé, 
pour  empêcher  ma  femme  de  porter  ses  idées 
ailleurs,  je  me  vois  oblii;é  de  besogner  plus  que 
mes  forces  me  le  permettent.  Cela  arrive  par  trop 
souvent  et  je  ne  puis  suffire  à  la  besogne,  or  si 
votre  fils  ne  cesse  son  ridicule  manège,  les  veilles 
qu'il  m'impose  causeront  fatalement  ma  mort  ».  Le 
père  enjoignit  à  Ricardo  de  cesser  sa  plaisante- 
rie, et  le  bonhomme  ne  fut  plus  jamais  tracassé. 

En  (;este  Facécie,  n'y  a  point  que  ung-  bon  mot;  c'est 
que  le  vieillard  accuse  l'aultre  de  le  voulloir  tuer  parlant 
que  à  l'appétit  de  ses  réveils  il  luy  fait  faire  plus  que  sa 
puissance  et  dont  il  se  passerait  bien. 


LI'.S     lACÉriKS    I>E    l'OGGE  301 


CCXLIV 

Amusante  moquerie  des   Vénitiens 
par  une  courtisane"^ . 

Lorsque  j'étais  aux  bains  de  Petriolo,  un  docte 
personnage  me  raconta  un  mot  plaisant  d'une 
courtisane,  qu'il  faut  que  j'inscrive  parmi  les 
anecdotes  de  notre  société. 

«  Il  y  avait  à  Venise,  me  dit-il.  une  putain  chez 
laquelle  venaient  des  gens  des  nations  les  plus 
diverses;  un  jour,  on  lui  demanda  de  quel  pays 
étaient  les  honmies  qui  lui  paraissaient  le  mieux 
montés.  La  femme  répondit  que  c'étaient  les 
Vénitiens.  Gomme  on  lui  en  demandait  la  raison, 
elle  dit  :  «  C'est  parce  que,  même  lorsqu'ils  sont 
en  pays  lointains ,  voire  au-delà  de  la  mer , 
ils  visitent  leurs  femmes  et  leur  font  des  enfants.  » 
Elle  se  moquait  ainsi  des  Vénitiennes  que  leurs 
maris,  en  voyageant,  abandonnent  aux  attentions 
des  autres. 


1,  Faceliiiii  iHclutii  )nerelricis  adjocans  Veuelts.  Opéra  CCXLII. 
—  Noël  :  Quœ  gens  mentulaliar?  I,  p.  260  —  Liseux,  CCXLIV, 
p.  187.  —  Bebelianus  :  Faceliœ  :  Da  parto  adulterïe  cujusdam 
mulieris,  liv.  I[,  p.  106.  —  Roger  Bonlemps  en  belle  humeur.  — 
Subtile  response  d'une  femme  à  une  sage-femme,  p.  208.  — 
Gausard:  Contes  dans  les  Bigarrures  de  T.  des  Accords. 


30-^'  LKS     FACKTIRS    liE    POGGE 

CCXLV 

D'un    igiioi-fint   ([ul  confondit  des  savants^. 

Des  Religieux  s'entretenant  de  l'âge  et  des  tra- 
vaux de  Notre  Sauveur,  disaient  qu'il  commença 
sa  prédication  aprèsavoir  atteint  l'âge  de  trente  ans. 
Un  homme  aljsolument  illettré  qui  se  trouvait  dans 
l'assistance  leur  demanda,  s'ils  savaient  ce  que 
Jésus  avait  fait  imuKkliatement  après  avoir  atteint 
sa  trentième  année .  Les  Religieux  indécis , 
émettaient  des  avis  divers.  —  «  Avec  toute  votre 
science,  reprit  l'ignorant,  vous  ne  découvrez  pas 
une  chose  bien  facile  à,  savoir.  »  —  (c  Qu'a-t-il 
donc  fait.  »  —  «  Il  est  entré  de  suite  dans  sa 
trenle-et-unième  année.  »  On  se  mit  à  rire,  et  de 
l'avis  de  tous,  la  plaisanterie  fut  trouvée  excel- 
lente. 

GCXLVI 

Réponse  maligne,  ii  un  marchand  ciui  accusait 
les  au  1res  de  folie'^. 

(Jarlo  (ierio,  de  Florence,  un  de  ces  banquiers 

1.  Faivlmii  (lictitiii  iiiditcli  duclioirs  lonfuiKleiia.  Opéra  ^'i3.  — 
XoEL  I,  250;  ]l,  2.JÔ-2J(i.  —  Liseux,  t.  II,  p.  188.  —  B.  de  la 
MoNNOYLf.  Epiq.  «  Problema  ».  —  Ilisloirc  facétieuses  ci  morales  : 
«  D'un  paysan  et  de  quelques  prêtres.  » 

2.  Salsnni  Itoininis  (lirlii)i)  contra  niercatorem  aiins  accusanleiti. 
0|)era  2'i'i.  —  Xoei.  I,  2".].  —  Liseix.  t.  If.  p.  190. 


LES     F.Vi.ÉTlKS    DE    l'OGGE  ."^Oo 

à  l<(  suite  (le  la  Curie  romaine,  s'était  rendu  à 
Avignon,  comme  font  les  négociants  qui  trafiquent 
dans  différentes  contrées.  A  son  retour  à  Rome, 
on  s'enquit  dans  un  repas  intime  du  genre  de  vie 
que  les  Florentins  menaient  à  Avignon.  — «  Tous 
sont  satisfaits  et  dune  gaieté  extravagante  »,  ré- 
pondit-il, «  il  leur  suffît  d'habiter  cette  ville  un 
an  pour  devenir  fous.  ■>  Un  des  convives,  Aldi- 
gherio,  très  ami  de  la  plaisanterie,  s'informa  alors 
de  la  durée  de  son  séjour.  —  «.  Je  suis  resté  six  mois 
seulement  » .  répondit  Carlo.  —  <(  Tu  as  alors  l'esprit 
bien  faible,  reprit  Aldigherio,  puisqu'il  faut  une 
année  aux  autres  et  <]ae  six  mois  t'ont  suffi?  »  Ce 
mot  piquant  nous  fit  tous  sourire. 


CCXLVII 

J{é/>oiise   d'une  femme   à  un  jeune   homme 
éperduement  amoureux  d'elle^ 

Ln  jeune  Florentin  était  éperdument  épris 
d'une  dame  noble  et  sage;  souvent,  il  la  poursui- 
vait dans  les  églises  et  même  ailleurs.  Il  épiait, 
disîiit-il  à  ses  amis,  le  moment  favorable  où  il 
pourrait  lui  faire  entendre  quelques  mots  qu'il 
■ivait  préparés  avec  soin  et  appris  par  cœur.  Un 
jour  de  fête,  la  dame  étant  venue  à  l'église  Sainte- 

1.  liellum  iiiulh'i-is  lespoiisuni  ad  jHveiiem  siioainnre  llniiiiuilcin. 
Opéra  '2V<.  —  Xoei.  I,  2ô'i. 


;iU4  LES     FACÉTIES    ]\¥.    l'OCi.E 

Lucie,  se  dirigeait  seule  vers  le  bénitier,  lorsqu'un 
des  amis  du  jeune  homme  lui  dit  que  l'occasion 
était  très  favorable  pour  parler.  L'amoureux, 
tout  ému,  perdit  son  SMUg-froid  au  point  que  son 
ami  fut  obligé  de  le  pousser  et  de  le  contraindre 
à  s'approcher.  Arrivé  près  de  la  dame,  la  mémoire 
lui  faisant  défaut,  il  oublia  son  compliment  et 
resta  bouche  close.  L'ami  insistait  pour  (jii'il  i)ro- 
nonçât  un  mot:  —  «  Madame,  s'efTorça-t-ildedire 
alors,  je  suis  votre  serviteur  ».  Et  la  dame  de 
répondre  immédiatement  avec  un  sourire  :  —  «  Je 
n'ai  besoin  d'aucun  nouveau  serviteur,  car  j'en  ai 
assez,  trop  môme,  chez  moi  pour  balayer  la 
maison  et  laver  la  vaisselle.  »  On  a  ri  de  la  sottise 
du  pauvre  garçon  et  on  loua  la  verte  réponse  (pi'il 
s'était  attirée. 


GCXLVni 

Contre  les  vantards^. 

C'était  à  l'époque  ou  l'empereur  Frédéric  ((jui 
moui'ut  à  Buonconvento  ^,  ville  du  territoire  de 
Sienne  1,  vint  établir  son  camp  à  deux  mille  de  Flo- 


1.  De  iiohili  fj)iodam  teiiiporc  l'iich/rici  inipei-atnris  tu  a)niis  pnr- 
suiiicidi,  sed  nil  facicnti.  Opéra  '^'iG.  —  Noël  I,  200;  II.  '25().  — 
RiSTELHi'iîKR  CIV,  p.  l'il.  —  LisEux,  t.  Il,  p.  193.  —  Fahulœ 
.lisopicw,  Camerarii  :  De  (Jloriose  in  iprnaria  lîellatore,  p.  170. 

2.  Petite  place  sur  l'Ombrone  à  quinze  millos  de  Sienne,  sur 
l.»  route  de  Sienne  à  Rome,  doni  il  est  question  dans  les  Vom- 


I.KS     FACETIKS    1>K    I>()(1GF.  305 

renée,  son  ennemie  ;  beaiicouj)  de  ,i:entilshommes 
s'armèreni  })Our  défendre  leui-  patrie  et  atta- 
<] lièrent  l'armée  im[)ériale  dans  ses  retranche- 
ments. Un  des  plus  fanfarons,  a[)j)artciiant  à  une 
illustre  famille,  étant  monté  à  cheval,  armé  de 
pied  en  cap,  franchit  les  portes  de  la  ville  en  gour- 
mandant  la  lenteur  des  autres,  leur  rei)rochaat 
d'aller  doucement  comme  des  lâches  et  criant  que 
fut-il  seul,  il  marcherait  à  l'ennemi.  Après  avoir 
ainsi  parcouru  un  mille,  galoi)ant  toujours  et  ne 
ménageant  pas  ses  bravades,  il  rencontra  quel- 
([ues  blessés  qui  revenaient  de  la  lutte  déjà  com- 
mencée, il  ralentit  le  ])as  de  sa  monture  ;  jtuis, 
lorsque  le  bruit  du  combat  vint  jusqu'à  lui  et 
<[u'il  eut  aperçu  de  loin  la  mêlée,  il  s'arrêta 
comme  pétrifié.  Un  de  ceux  cjui  avaient  entendu 
ses  rodomontades  lui  ayant  demandé  pourquoi  il 
n'avançait  pas.  il  répondit,  après  avoir  réfléchi  un 
instant  :  —  <■  Je  sens  que  je  ne  suis  pas  aussi  intré- 
pide que  je  le  supposais.  »  Il  faut  bien  se  rendre 
comi)te  de  son  courage  et  de  sa  vigueur,  pour  ne 
jamais  promettre  i)lu5  qu'on  ne  peut  tenir. 


iitciilaii-esde  Montluc,  t.  J^  p.  412  et  t.  II.  p.  "iOl,  éd.  de  la  Sociélé 
de  l'Histoire  de  France.  Frédéric  ne  mourut  pas  à  Buoncon- 
venlo,  mais  à  Fiorentino,  dans  la  Capitanate.  Voy.  sur  lui 
Simpson  :  Esquisse  d'une  histoire  delà  liltérafitre  italienue.  (K.) 


30(3  >  I.ES     FACÉTIKS    DK    J'OG(JE 


CGXLIX 

D'un  liominc  qui  demeura  deux  ans  sans  boire 
ni  manger  ^ 

Le  fait  que  je  vais  narrer  semblera,  je  le  crains, 
plus  fabuleux  que  le  reste,  car  il  s'agit  d'une 
chose  contre  nature,  tenant  du  prodige  ;  on  peut 
cependant  y  ajouter  foi,  car  il  a  été  reconnu  vrai. 
Un  nommé  Jaccjues  (]ui,  sous  le  pontificat  du  pape 
Eugène,  remplissait,  à  la  Curie  romaine,  les  fonc- 
tions de  copiste,  étant  retourné  dans  son  pays 
natal  à  Noyon  (Fr.ince),  y  tomba  gravement 
malade.  Ce  serait  trop  long  de  redire  ici  les  péri- 
péties de  sou  triste  état  de  santé.  De  longues 
années  s'étant  écoulées,  la  pensée  lui  vint  de 
visiter  le  tombeau  de  Notre  Sauveur.  Nicolas  V 
occupait  alors  le  trône  pontifical  depuis  cinq  ans. 
Notre  homme  revint  donc  à  la  Curie  ;  des  voleurs 
l'ayant  dépouillé  en  route,  il  arriva  pauvre  et  à 
peine  vêtu.  Il  visita  les  membres  de  la  Curie, 
mes  voisins,  personnages  distingués  et  dont  il 
avait  été  autrefois  connu.  Il  leur  raconta  (|ue 
depuis  sa  convalescence,  cpii  remontait  à  deux  ans, 
il  n'avait  pu  ni  boire,  ni  manger,  bien  (ju'il  eut 
souvent  essayé.   D'une    maigreur   excessive,   cet 


I.  De  hoiiiiiic  ifui  pvr  hiciiiiii(ni  cihinii  non  sumpsU  nccjue pnliiiii, 
Opéra  2 'i7. —  Xoi;i.  I,  ;'■">•",.  —  Li9Ei;\.  t.  Il,  p.  I'.)5.  — Lenkam, 
t.  Il,  XCIII.  p.  r.v.t. 


i.KS    FAciniES  im;  I'OUGk  307 

homme  est  prêtre,  sain  d'esprit,  récite  assidûment 
son  offiee  et  je  lai  vu  assister  la  messe.  De  nom- 
breux; théologiens  et  médecins  ont  eu  plusieurs 
entretiens  avec  cet  homme,  ils  ont  examiné  ce 
cas  singulier  <|u"ils  trouvent  contre  nature,  mais 
cependant  tellement  vrai  qu'on  ne  peut  le  révo- 
(juer  en  doute.  Cha(jue  jour,  de  nombreuses  per- 
sonnes viennent  se  renseigner  près  de  lui  et  les 
avis,  à  son  sujet,  sont  partagés.  Pour  quelques-uns, 
c'est  un  possédé  du  démon,  et  cependant  rien  en 
lui  n'ap})araît  qui  ne  soit  d'un  homme  prudent, 
honnête  et  religieux:  actuellement  encore  il  fait 
des  écritures.  D'autres  prétendent  ([ue  la  nature 
mélancoli([ue  de  ses  humeurs  lui  fournit  sa  nourri- 
ture. Souvent,  je  me  suis  entretenu  avec  lui,  per- 
suadé que  ce  (|ue  l'on  racontait  n'était  pas  exact. 
Lui-même  est  surpris  autant  que  qui  que  ce  soit 
de  ce  (jui  lui  arrive.  Toutefois,  il  prétend  n'avoir 
pas  cessé  subitement  de  boire  et  de  manger,  mais 
en  avoir  pris  peu  à  peu  l'habitude.  Mon  étonne- 
nient  serait  peut-être  plus  grand,  si  je  n'avais  lu, 
en  feuilletant,  il  y  a  ((uelque  temps,  des  annales 
fpie  j'avais  copiées  autrefois  en  France,  qu'un  cas 
analogue  s'est  produit  en  Tau  du  Seigneur  822,  à 
l'époque  de  l'empereur  Lothaire  et  du  pape  Pascal. 
Une  jeune  lille,  âgée  d'environ  douze  ans,  dans  la 
ville  de  Commercy  'territoire  de  Toul),  ayant  reçu 
à  Pà(jUes  la  sainte  communion,  s'abstint  d'abord 
de  pain  pendant  six  mois,  puis  se  priva  complète- 
ment de  boire  et  de  m.iuger  pendant  trois  ans;  par 


;;08  LES     FACÉTIES    DE    POUCE 

la  suite,  elle  reprit  son  ancienne  manière  de  vivre. 
Celui  dont  j'ai  rapporté  l'histoire,  es])ère  qu'il  en 
sera  ainsi  pour  lui. 


CCL 

lyiiii   âne   quou   devail  in  si  mire  '. 

Un  tyran  voulant  contisquer  les  biens  d'un  de 
ses  sujets  qui  se  vantait  de  réussir  à  tout,  lui 
demanda,  en  le  menaçant  de  peines  sévères,  d'ap- 
prendre à  lire  à  son  âne  :  —  «  ( Test  chose  impossible 
répondit  l'homme,  si  je  n'obtiens  un  long  terme 
l)0ur  faire  cette  éducation.  »  —  «  Prends  tout  le 
temps  nécessaire  »  dit  le  maître.   Dix  ans  furent 


1.  J'nceliini  Jiomiiiis  dicluni  nsiiiKin  o-iidii-c  pi-oiiiilleii!is.  U[)eru 
',"i.S.  —  XoEL  I,  2.58;  H,  3r)7-'2H3.  —  Ristelhl'ber  CV,  \),  l'i3.  — 
LiSKCx,  t.  II,  p.  199.  —  Origine  :  Von  Pfai-fen  :  Aaiis,  Y,181-3iri. 

—  Imitations  :  Abstenius  :  De  gvammalica  doccnte  asinum  133. 

—  DU  Eulrnspiegcl,  hist.  29.  —  Se)i(1(iibodiiis,  Novum  lioneit  chimi- 
cKiii.  p.  1U3.  —  Bon.  des  Périers,  nouv.  lAXXVIII  (édit.  Gar- 
nier.    —    'iuicciARDiNi   :   Coso  oppo)iHna  ed    itlile,  etc.,  p.   27. 

—  Meij  T((bulario,  en  Valcncia  —  Le  Tombeau  de  la  mé- 
lancolie, p.  20.5.  —  Democritus  ridois,  p.  42.  —  La  Fontaine  : 
Fables,  I,  VI,  fab.  19.  —  Rof/er  Boicmps  en  belle  humeur,  p.  369: 
lîon  four  d'Antoine  Marlinus.  —  Boursault  :  Lettres  nouvelles  : 
Le  (lliarlataa  et  l'Ane,  t.  III,  39.').  — Bo«quili,on  :  Poésies  an- 
ciennes et  modernes  :  L'adroit  esclave,  I,  p.  1(1!).  —  I).  Féli\ 
Maria  Samaniego  :  Fabulas  en  casiellauo,  para  cl  usa  del  real 
seininario  Yacconijado  :  Kl  Charlatan.  —  J)cnii>critus  )-ieens,  p.  42. 
CiiRAUD  :  Circulalor,  cité  par  Millet.  —  Esope  dr  belle  humeur  : 
I  l'un  esclave  et  d'un  àne,  p.  2f')9.  —  Desuillons  I''abul;i'  .Esop., 
[1  290.  —  Fables  en  musique  (Unis  le  (foùt  de  l.'i  l'onluitie  :  Le 
l'.h.-tlicur  elle  Roi.  L.  II,  p.  42. 


I.KS     FACI-.TIKS    ln:    i'0(,GE  309 

oxieés.  (lommc  on  tournait  en  dérision  celui  ([ui 
avait  la  il-  d'entreprendre  une  chose  impossible, 
il  rassura,  d'un  mot,  ses  interlocuteurs  :  —  «  .le 
n'ai  rien  (\  craindre,  car  avant  ce  temps,  le 
Prince,  l'àne  ou  moi  nous  serons  morts.  »  De  là, 
il  faut  conclure  ((u'il  est  iirudent  de  traîner  en 
longueur  et  de  différer  le  })lus  possible  Taccom- 
plissenicnt  d'une  œuvre  difficile. 


CCLI 

-l  pi-ojios   d'il//  p/'cl/'e  ig/io/ru/f  ^ 

A  l'occasion  de  la  fête  de  rEpiphanic.  un  de 
mes  amis  m'a  rapporté  un  trait  d'ignorance  in- 
croyable. Un  curé,  son  compatriote,  annonçait 
ainsi  à  ses  paroissiens  (pie  la  fête  de  l'Epiphanie 
était  proche.  Demain,  disait-il,  vous  célébrerez 
l'Epiphanie  avec  une  grande  dévotion,  c'est  une 
fête  solennelle,  très  solennelle.  Je  ne  sais  trop  s'il 
s'agit  d'un  homme  ou  d'une  femme,  mais  peu 
importe,  il  faut  obsorverce  jour  avec  le  plus  j)ro- 
l'ond  respect. 


1.  De  Sacerdntc  Epiplinnia  an  cir  csset  vel  fannina  ifiiioraiite 
Ojiera  240.  —  Xoel  I,  iôH.  —  Liseux,  t.  II,  p.  200.  —  I, enfant. 
t.  II,  LXIX,  p.  2-2:>. 


310  LES     FACÉTIES    DK    l'(»(iGE 

CCLH 

D'un   usurier  converti^. 

Un  homme  ayant  demandé  un  prêt  à  gros 
intérêt  à  un  vieil  usurier  (jui  leiLiuait  d'avoir 
abandonné  son  métier,  lui  apporta  en  gage  une 
croix  en  argent  dans  laquelle  avait  été  placée  une 
parcelle  de  la  croix  de  Notre  Sauveur.  S'étant 
informé  près  du  vieillard,  (juelle  somme  il  con- 
sentirait à  lui  avancer.  —  «  Depuis  longtemps, 
répondit  celui-ci,  j'ai  renoncé  au  péché  d'usure, 
mais  allez  trouver  montils  (et  il  indiqua  son  nom) 
car  il  a  vendu  son  àme  lui,  il  traitera  avec  vous.  » 
Ce  disant,  il  fait  accompagner  l'emprunteur  par 
un  valet  afm  qu'il  lui  montrât  la  maison  de  son 
lils.  Ils  étaient  déjà  loin,  lorsque  le  vieillard  cria 
au  domestique  :  —  «  Avant  tout,  dis  à  mon  fils  qu'il 
ne  manque  pas  de  déduire  le  poids  du  bois.  »  Cet 


1.  Fciierato)-  ficte  peiiitcns  in  pn/as  recerUvat.  Opéra  251.  — Nokl 
I,  259.  —  RisTfiLHUBER  GVJ,  p.  i'i4.  —  Lheux,  l.  II,  p.  201. 

M.  L...,  grand  usurier,  étant  malade  à  l'extivuiilé,  était 
toujours  d  ms  un  assoupissement  qui  lais;nt  ajjpréhender  pour 
lui.  Se ^  parents  faisaient  tout  leur  possil)le,  j)ai'  des  remèdes 
ou  autrement,  pour  l'en  tirer.  Son  confesseur,  \oyaiit  qu'il  re- 
venait un  peu,  ne  voulut  pas  perdre  celte  occasion  favorable 
de  le  faire  ?onger  à  la  mort.  Pour  cet  effet,  il  prit  sur  la  table 
du  malade  un  crucifi.^  en  argent  qu'il  lui  présent;!  en  l'exhor- 
tant. Le  malade  regarda  fixement  le  crut;ifix  et  dit  à  son  confes- 
seur: —  «  Monsieur,  Je  ne  |)uis  pas  prêter  grand  chose  Ik-des- 
6us.  »  —  3Icua(/iaiia.  1,  •3'iy. 


LUS     FACETIES    DE    l'0(;(iK  :jll 

liomuie  qui  se  disait  converti,  redoutait  que  son 
fils  ne  payât  au  poids  de  l'arg-ent,  la  relique  de  la 
vraie  Croix,  estimant  ce  bois  moins  précieux  que 
le  métal.  Très  facilement  ainsi  la  nature  reprend 
le  dessus. 

CGLIII 

Fable   des  oiseaux  parleufs\ 

In  individu  retirant  des  oiseaux  d'une  cage  où 
ils  étaient  enfermés,  les  étranglait  en  étreignant 
leurs  têtes  entre  ses  doigts.  Par  hasard,  en  faisant 
cette  besogne,  il  se  prit  à  j)leurer.  Alors  un  des 
prisonniers  dit  aux  autres  :  — «  Ayez  bon  courage, 
je  vois  qu'il  pleure,  il  a  donc  pitié  de  nous.  » 
—  «  0  mon  tils,  répliqua  aussitôt  le  plus  âgé  des 
pauvrets,  ne  regarde  pas  ses  yeux,  mais  ses  mains.  » 
11  montrait  par  là,  qu'il  faut  s'attacher  aux  actes 
et  non  aux  paroles. 


GGLIV 

La  manie   des  chaînes  ^. 
(  Certain  chevalier  Milanais,  guerrier  assez  brave, 

1.  \)c  aviculis  fabulosv  et  false  loquenlibiis.  Opéra  252.  —  Noël 
I,  201  ;  II,  2G7.  —  Liseux,  t.  II,  p.  203.  —  Lknfant  LXIV,  p.  222. 
.Esopiic  Camepariis,  p.  21i8. 

2.  Calenis  variis  collinn  cinçjens  stuUior  œsthnalur.  Opéra  253. 
—  Noël  I,  202;  II,  207.  —  Ri-,telhuker  GVII,  p.  145.  —  Liseux, 
t.  il,  p.  204.  —  Lenfant,  t,  II,  LXXI,  [).  220. 


312  I.ES    FAr.FTlES    DE    I'im.uE 

était  venu  en  ([ualilé  d'aml)assa(leur  à  Florence. 
(Chaque  jour,  par  obstention,  il  se  parait  de  chaînes 
diverses  dont  il  s'ornait  le  cou.  Niccolo  Niccoli, 
liomme  très  instruit  aimant  à  plaisanter,  s'aperçut 
de  la  fatuité  de  notre  chevalier  et  fit  cette  ré- 
tlexion  :  —  u  Les  autres  fous  ne  sont  attachés 
({u'à  une  seule  chaîne,  mais  il  en  faut  plusieurs 
pour  satisfaire  celui-ci.  » 

<:glv 

Mol   plaisant    de  liidolfo   de    Caiiierino\ 

Presque  toutes  les  provinces  des  Etats  de 
l'Eglise  abandonnèreut  la  cause  du  souverain 
l^ontife,  pendant  la  guerre  qui  eut  lieu  entre  les 
Florentins  et  le  pape  Grégoire  XI.  L^s  habi- 
tants de  Recanati  ayant  envoyé  un  ambassadeur 
à  Florence,  celui-ci  témoigna  aux  Prieurs  la  gra- 
titude de  ses  compatriotes  pour  les  Florentins 
(jui  les  avaient  aidés  à  recon<{uérir  la  liberté.  Il 
s'emporta  ensuite  en  termes  peu  mesurés  contre 
le  Pape  el  ses   ministres,   mais  surtout  contre  les 


Voy.  GoicciARin.Ni  :  La  mua  (jloria  csser  spcssr  i-ipidala  pa::ia. 
—  Dcnwcrilus  lidciis,  p.  83  :  Supvriia  slullitiic  imlcr.  —  En  l.").')!), 
l'"rauçois  11  (it  dix-huit  chovalioi'S  de  Saint-Michel;  ses  clioix 
(onibiTent  si  mal  qu'on  appela  di'-.s  lors  le  c<jllier  de  l'oidri",  le 
iiiUicr  à  loules  bètes.    De  Thoue,  liv.  Will. 

1.  Facclum  RcdolpJtidonnui  Caineriiii  in  oralionem  contra  oin- 
iics  (loiiiinos  iiireitlmn.  0|)era  2.')4.  —  Xoki.  I,  2G'2.  —  Liseux,  t.  II, 
)..  m".   —  LicNFANT,  t.  Il,  CVI,  p.  2'i:. 


l.KS     FACÉTIES    1)£    1>0GGK  31ù 

princes  et  les  seii:iieiirs  ;  il  décria  leur  mauvais 
nouvememeiit.  maudit  leurs  crimes,  sans  tenir 
aucun  com[)te  de  la  présence  de  Ridolfo,  seigneur 
de  Camerino,  .général  au  service  de  la  Républi(|uc 
de  Florence  et  qui,  en  cette  qualité,  assistait  aux 
audiences  des  ambassadeurs.  U  s'en  donna  à 
cœur  joie.  Ridolpho  s'étant  en([uis  auprès  de  notre 
liomme  du  uenre  d'études  auxquelles  il  s'était 
livr*',  et  de  la  profession  (ju'il  exerçait,  celui-ci 
répondit  cju'il  était  docteur  en  droit.  Ridolpho  lui 
demanda  alors  coml)icn  de  temps  il  avait  consa- 
cré à  cotte  science  :  —  «  I^lus  de  dix  ans  »  reprit 
l'ambassadeur  :  —  «  Que  je  souhaiterais,  s'écria 
Ridolfo,  vous  voir  })endant  un  an  seulement 
préoccupé  d'acquérir  du  discernement.  »  Insinuant 
ainsi  combien  il  avait  montré  peu  de  tact  en  in- 
vectivant les  seigneurs  devant  lui. 


CCLVI 
Le  vase  d  huile  renversé  *. 

In  arbitre  ayant  été  désigné  à  deux  plaideurs, 
reçut  de  l'un  un  baril  d'huile  afin  qu'il  prononçât 
une  sentence  en  sa  faveur.  L'autre  partie  ayant 
appris  la  chose,  envoya  un  porc  gras,  en  soUici- 


1.  De  arhilrio  iit  cujus  domo  porcus  oleum  effudil.  Opéra  2ô5.  — 
XoEi.  I.  2(;3  ;  II,  297.  —  Risteluurer  CVIII,  p.  1 10.  —  LiSEf.x,  t.  II, 
p.  'lui.  —  CiuiccrATiinNi  :  Le  Guidice  iniqui  darc  le  sentenlie,  p.  .")0. 


314  LKS     FACÉTIES    DE    l'OGCiE 

tant  une  décisioa  conforme  à  ses  intérêts,  l/ar- 
bitre  donna  gain  de  cause  à  ce  dernier.  Celui 
qui  avait  donné  l'huile  vint  se  plaindre  de  cette 
sentence,  alléguant  le  cadeau  reçu  et  la  parole 
donnée  :  —  <(  Certain  porc  étant  entré  chez  moi, 
répondit  l'arbitre,  a  trouvé  ton  huile,  a  brisé  le 
vase  et  répandu  par  terre  le  liquide,  de  telle  sorte 
que  je  n'ai  plus  pensé  à  toi.  »  Très  adroite  réponse 
d'un  arbitre  vénal. 


CCLVIl 

Des  Jeunes  filles  qui  se  moquent  cVun  cJtauve^ 

Deux  jeunes  filles,  étant  à  la  fenêtre  d'une  mai- 
sou  donnant  sur  un  jardin,  virent  passer  le  jardi- 
nier vieux  et  chauve  qui  s'en  allait  prendre  sou 
repas.  A  l'aspect  de  sa  calvitie,  elles  lui  deman- 
dèrent s'il  voulait  connaître  une  recette  pour  faire 
pousser  les  cheveux.  L'homme  ayant  accepté,  elles 


—  ScuEi-KiîR  :  Delitiii'  poel.  (jcrm.  (>an'us  et  equi.  —  IJonocriliis 
j-idciia  :  Oleum  et  opéra  perdita,  p.  7  et  Judicia  viemoiilnis, 
p.  (ly.  —  Roger  Bontemps  en  belle  humeur  :  De  deux  paysans  qui 
plaident.  —  Diclionn.  d'anecdotes,  t.  II.  p.  12N. —  ^oureau  dh- 
liouu.  d'anecdoics,  p.  309. 

1.  Juccucularum  a  colro  fjuodam  facela  delmio.   Opéra  CGLVl. 

—  NoKL,  I,  p.  2G4.  —  Guillaume  Tardif.  De  deux  jouvencelles 
qui  conseillèrent  à  ung  Prince  de  laver  sa  te^te  en  pissat  do 
pucelle,  p.  292.  —  Liseux,  CCLVII,  t.  II,  p.  208.  —  Anonyme  : 
Jtuplex  calvities,  vers  latins  cités  par  Noël,  p.  270. 


LKS    FAI.ÉTIKS    DE    I'Oi.<.E  315 

diront  cii  riant  de  se  laver  la  tête  avec  l'urine  de 
sa  femme.  Mais  celui-ci  leur  dit  en  les  regardant  : 
«  Votre  recette  n'est  pas  bonne,  la  preuve  en  est 
que  depuis  trente  ans  ma  femme  arrose  ce 
petit  compagnon,  et  cependant  pas  un  poil  n'y  a 
poussé  ». 

En  ceste  facécie  est  monstre  que  tous  oonseilz  ne  sont 
pas  à  croire,  car  il  en  est  dont  on  voit  par  expérience  quo 
le  contraire  est  vrav. 


CCLVIII 

Maille  perd  les  causes  ^ 

Enrico  de  Monteleone,  avocat  à  la  (^urie 
Romaine,  était  très  âgé  et  peu  apte  à  la  profes- 
sion qu  il  exerçait.  On  l'appelait  familièrement  : 
Messer  perde  il  piato^  c'est-à-dire,  Maître  perd 
les  causes.  Un  jour,  on  lui  demanda  pourquoi  il 
ne  gagnait  pas  les  causes  qui  lui  étaient  confiées  : 
—  «  C'est,  répondit  il,  que  tous  mes  clients  deman- 
dent des  choses  injustes  et  dès  lors,  il  faut  bien 
que  toujours  je  succombe,  puisque  mes  procès 
sont  continuellement  mauvais  ».  Plaisante  réponse 
d'un  is-norant. 


I.   /)(•  iitessn-  perde  il  piatn.  Opéra  257.  —  Xoiîi.  I,  2G.j.  —  I.i- 
^l,L•\,  t.  II.  p.  ^Oî». 


LF.S     FACETIES    DE    l'OGliE 


CCLIX 

D'une  chanson  qui  ]>Iill  aux  auhergislcs^. 

l*ress<''  parla  faim,  un  voyageur  entra  dans  une 
auberge,  mangea  et  but  à  en  tomber  malade. 
L'hôte  ayant  réclamé  le  paiement,  notre  homme 
avoua  qu'il  n'avait  pas  d'argent,  mais  qu'il  était 
prêt  à  s'acquitter  en  chantant  quelque  chose.  — 
<(  Je  n'ai  que  faire  de  vos  chansons,  dit  le  tavernier, 
c'est  de  l'argent  c[u'il  me  faut.  »  —  «  Mais  si  j'en 
chante  une  qui  vous  plaise,  reprit  le  voyageur,  la 
prendrez-vous  pour  argent  comptant?»  —  «  Soit  » 
dit  riiôte.  Une,  deux  chansons  furent  exécutées, 
mais  aucune  n'eût  le  don  de  plaire. —  «  .Mainte- 
nant, dit  le  ^  oyageur,  je  vais  vous  en  chanter  une 


1.  />('  ccmtHena  tabernariis  placita.  Opéra  258.  —  N'oel  I,  5(i(i: 
11.  271.  —  RiSTiiLHUBER  CIX,  p.  1  i7.  —  Ltseux,  t.  II,  CCLIX. 
|).  2  lu.  • — J)il  EulcHspiegel.  liist.  61  — Moxtanus  :  ïï'(Y//i'»r;(';-. 
—  lî.  DES  Pkrieiîs.  nouv.  CXXII  :  De  celiiy  qui  paya  son  hoste 
en  chansons.  Edit.  Garnier.  —  Fkischlixi,   fac.,  p.  21  :    Dolus 

De  sa  boui'ie  dessus  la  table, 
Frappa,  afin  que  je  le  notte 
Et,  comme  chosj  convenable. 
Chanta  ainsi  à  haute  notte, 
(!  Faut  payer  ton  hoste,  ton  hosle!  » 
Tout  au  long  chanta  ce  couplet 
Le  varlet  estant  costo  à  coste, 
Kespondit:  «  cela  bien  me  idaist.  » 

La  lUpiif  frniirlu'  du  smilfii im.: . 


LES    FACETIES    DE    I>0('.«E  3l7 

{jue  VOUS  trouverez  certainement  à  votre  goût.  » 
Mettant  alors  la  main  à  sa  l^ourse  comme  s'il  allait 
en  délier  les  cordons,  il  entonna  la  chanson  halji- 
tuelle  des  voyageurs  :  Metti  matio  alla  borsa,  e 
p(/L;a  Vosle...  Mettez  la  main  à  la  bourse  et  payez 
l'hnte  :  —  "  Celle-ci  vous  convient-elle?  »  dit-il, 
quand  il  eût  terminé.  —  «  Assurément,  »  répondit 
lauljergiste.  «  Alors,  d'après  notre  convention, 
nous  voilà  quittes  puisque  cette  chanson  vous  a 
été  agréable  »,  dit  le  voyageur.  Lk-dessus,  il 
partit  sans  bourse  délier. 


CCLX 

A  propos   d'un   homme  ?)iai^re  '. 

In  de  nos  concitoyens,  et,  de  plus  mon  ami 
intime,  est  tellement  maigre  qu'il  semble  transpa- 
rent, diaphane.  Quelqu'un  s'en  étonnant  demanda 
d'où  pouvait  provenir  cet  état  :  —  «  C'est  bien 
simple,  répondit  un  plaisant,  il  met  une  demi- 
heure  à  prendre  sa  nourriture  et  il  lui  faut  deux 
heures  pour  s'en  débarrasser.  »  C'était  exact.  Mon 
ami  a  pour  habitude  d'être  d'une  lenteur  exces- 
sive lorsqu'il  se  purge  le  ventre. 


1 .  De  (jracili  quoilam  faccta  respoitsio.  0|i3ra  2.")^!.  —  NoelI,  2GI 
-  I.iSEUx,  t    H.  p.  -212. 


18. 


318  LES    FACÉTIES    DE    POGGE 


CCLXI 

Amusante  ic panse  cVune  femme  dont 
C encrier  était  vide^. 

Une  (lame  de  notre  connaissance,  femme  <les 
plus  honnêtes,  lit  cette  réponse  à  un  messager 
qui  lui  demandait  si  elle  n'avait  pas  de  lettres  pour 
son  mari  qui  était  absent  depuis  longtemps  en 
qualité  d'ambassadeur  de  la  République.  — 
«  Comment  voulez-vous  que  j'écrive,  mon  mari  a 
emporté  la  plume  avec  lui,  en  laissant  lencrier 
vide  ».  Facétieuse  et  décente  réponse. 


CCLXII 

Sur  le  petit  nombre  des  amis  de  Dieu'-. 

Un  de  nos  concitoyens,  personnage  caustique, 
soutirait  depuis  longtemps  d'une  cruelle  maladie. 
Un  religieux  vint  le  visiter  et  lui  dit  des  paroles 

1.  Faci'ta  responsio  miilicris  iniqUlarc  vaciium  bahenlis.  Opcra 
CGLX.  —  Noël,  I,  267.  —  Liseux.  CGLXI,  t.  II,  p.  213.  —  Ih-li- 
iia;  poctanim  Gcnnanornin. —  Passctons  du  sexe:  «  La  Plume  ». 
—  La  Memahianeide  (Aggiunta  ab  libro  del  Perche).  «  Dubio- 
Solulione  »,  p.  105.  —  Anonyme  :  Colamus,  cite  par  Milet.  — 
D'Arnaud,  Œurres :  «  La  Pliiiiie  de  l'Amour  ». 

2.  Rideiida  de  paiicitate  ainicoriun  JJeirespoïisio.  Opéra  2tiL  — 
Noël  I,  2(i3  ;  II,  27i,  —  Liselx,  p.  21i.  —  Lenfant,  t.  1I,LXX1I. 

p.  22 Behelian.   Fficcli.i    De    ruslico   appellaate  a  De«i,  ail 

iiposlolos,  L.  II,  p.   107. 


I.KS    FACKTIES    DE    POliGE  319 

réconfortantes.  Entre  autres,  il  lui  rappela  que 
Dieu  infligeait  toutes  sortes  de  maux  à  ceux  qu'il 
aime,  afin  de  les  corriger  et  de  les  purifier.  —  «  11 
nest  donc  pas  étonnant,  répondit  le  malade,  (ju'il 
ait  si  peu  d'amis;  en  les  traitant  de  telle  sorte, 
il  devrait  même  en  avoir  encore  moins.  » 


CCLXllî 

Le  moine  ((licteur,   le  Inique  et  le  loup  '. 

In  frère  quêteur,  religieux  de  l'Ordre  de  Saint- 
Antoine,  ayant  reçu  une  certaine  quantité  de  blé 
d'un  cultivateur,  lui  promit  que  ses  affaires  pros- 
péreraient cette  année-là,  et  que  surtout  ses  brebis 
seraient  saines  et  sauves.  Confiant  dans  ces 
paroles,  le  paysan  laissa  errer  ses  brebis  à  l'aven- 
ture et  le  loup  en  mangea  quelques-unes.  Notre 
homme  en  fut  fort  contrarié,  et  quand,  l'année 
suivante,  le  prêcheur  redemanda  du  grain,  notre 
honnnc  lui  refusa  net  et  se  plaignit  de  l'inanité  de 
ses  promesses.  Le  religieux  ayant  demandé  une 
explication.  —  «  Le  loup,  répondit  le  cultivateur, 
m'a  fait  disparaître  plusieurs  brebis.  »  —  «  Le 
loup,  s'écria  le  religieux,  est  une  méchante  bête, 
sans  foi  aucune,  prends  garde  à  elle.  LUe  serait 


1.  De  Saiicli  Aulniiii  fraltc  ot  îaico  ac  bipo.  Opéra  2G2.  —  Xoei, 
I.  268.  —  RisTELHUBER  CX,  p.  l'iO.  —  LisEux,  t.  II,  p.  '2i:..  — 
Lknkant.  I.  Il,  I.XIII,  p.  ni. 


o;J0  LKS    FACÉTIES    1>K    I'0(;(;E 


de  force  à  tromper  non  .seulement  Saint- Antoine, 
mais  Jésus-Christ  même,  si  cela  était  possible.  « 
C'est  le  propre  d'un  imbécile  de  mettre  sa  con- 
firmce  dans  les  gens  qui  font  profession  de  tromper. 


CCLXIV 

Compensation  '. 

Un  individu  vint,   soit  sérieusement,  soit  pour 
s'amuser,  f rouver  un  pr<Hre  et  lui  dit  qu'il  voulait 

1.  De  mirahili  confilciili<  el  confessoi-is  veciprocapro  salisfaclimif 
recompensa.  Opéra  CCLXIII.  —  Nosl,  I,  270;  II,  27.").  —  Guil- 
laume Tahdif,  GIX  :  De  celluy  qui  le  cuydoit  railler  du  confes- 
seur, et  le  confeiseur  se  railla  de  luv,  p.  295.  —  Ristelhuber. 
CXI,  p.  151.  — LisEux,  GGLXIV,  t.  H.  p.  216.  —  B.  ue  la  Mon- 
NovE  :  Par  pari.  —  Gerardus  Dicœus  :  /)elici:v  poelar.  Itahriun  : 
«  Ad  Pauluin  ».  —  J.-B.  Rousseau  :  Kpigram)iii\'<  :  «  Certain 
fhanoine  à  la  taille  légère...  »,  édit.  Garuier. 

LE  PARTANT  QUITTE 
Certain  grivois,  uujoiir  à  son  curé, 
Se  con('e.«sait  et  d'un  ton  assuré 
Semblait  vouloir  lui  vantei'  son  mérite, 
(' Jai,  disait-il,  de  mon  prochain  médit; 
Mjis  par  le  bien  qu'ensuite  j'tn  ai  dit, 
.l'ai  réparé  tout  le  mal;  parlant  quitte. 
Certain  bijou  que  l'on  avait  perdu, 
Je  l'avais  pris,  mais  je  l'ai  ))ien  rendu; 
Variant  quitte;  et  mon  âme  à  tel  point  n'est  méclianti.- 
De  retenir  le  bien  qui  ne  m'appartient  pas  ». 
l-^nfin,  baissant  la  voix,  il  dit  d'un  ton  jilus  bas  : 
n  Monsieur,  avec  votre  servante. 
J'ai...  mais  comment  m'acquitter  de  ceci  ?...  » 
Lors  le  curé,  i>our  rassurer  son  âme 
Dit:  «  Monsieur,  avec  votre  femme 
J'en  fis  autant,  et  parlint  quitte  aussi  ». 

Gm'.oiunT. 


IFS     F.VCKTIES    l>E    l'OM.K  3il 

confesser  ses  péchés.  Le  prctre  liiivita  à  dire  ce 
dont  il  se  souvenait,  il  déclara  avoir  volé  je  ne 
sais  quoi  à  un  autre,  lequel  autre  l'avait  bien 
davantage  volé  lui-même.  Le  prêtre  dit  :  — 
«  Voleur  ;i  voleur,  vous  vous  êtes  rendu  la 
pareille  ;  —  il  y  a  compensation  )>.  L'homme 
s'accusa  ensuite  de  s'être  battu  avec  un  autre  qui 
Lavait  aussi  battu.  Le  prêtre  déclara  que  la  faute 
et  le  châtiment  se  trouvaient  égalisés  de  part  et 
d'autre.  Le  pénitent  raconta  plusieurs  faits  de 
même  nature  et  le  prêtre  disait  toujours  qu  il  y 
avait  compensation  l'un  par  l'autre.  Alors  cet 
individu  lui  dit  :  —  «  Il  me  reste  maintenant  un 
péché  si  gros  que  je  rougis  et  que  je  n'ose  avouer 
surtout  parce  qu'il  vous  intéresse  énormément. 
Le  prêtre  l'exhorta  à  mettre  toute  honte  de  côté 
et  à  avouer  franchement  son  crime,  celui-ci,  après 
s'y  être  longtemps  refusé,  cédant  enfin  aux  bonnes 
paroles  du  confesseur,  lui  dit  :  —  «  J'ai  couché 
avec  votre  sœur.  —  Et  moi,  riposta  le  prêtre,  j'ai 
plus  souvent  couché  avec  ta  mère  ;  comme  pré- 
cédemment, il  y  a  compensation  ».  Ainsi  donc  la 
parité  des  péchés'  fait  l'absolution  des  pécheurs. 

]-^n  cesle  Facécie  est  monstre,  premier  comme  aulcuns 
lillement  se  confessent,  qui,  en  disant  leurs  péchez, 
ilièguent  ceux  de  leurs  voysins  par  manière  d'excuse, 
«jui  rien  ne  vault.  Pareillement  est  monstre  comme  on  ne 
se  doit  jamais  railler  en  soy. 


322  LKS     FACETIES    1>E    POGGE 

CCLXV 

Mots  pleins  de  sel  de  deux  jeunes  Florentins^. 

Un  jeune  homme  de  Florence  descendait  à 
l'Arno  en  portant  un  de  ces  filets  dans  lesquels 
on  lave  la  laine,  en  chemin,  il  rencontra  un 
gamin  bavard  qui,  pour  se  moquer,  lui  dit  :  —  «  A 
quelle  chasse  vas-tu  donc  ?  »  L'autre  répliqua  : 
—  «  Je  vais  au  débouché  du  Lupanard  prendre  ta 
mère  dans  mon  filet.  »  —  Eh  bien  !  riposta  le 
,i;amin,  cherche  bien,  car  tu  dois  y  trouver  sûre- 
ment la  tienne  ».  Ces  mots  sont  l'un  et  l'autre 
pleins  de  sel. 

GCLXVI 

D'un  jeune  homme  qui  pissa  sur  ht  table'-. 

Un  jeune  seigneur  hongrois  invité  à  diner  par 
un  très  noble  Magnat  un  peu  son  allié,  s'y  ren- 
dit à  cheval  avec  ses  laquais,  car  il  avait  un  assez 


1.  Biiorum  Floreulinornm  adolrscentinm  dicta  sole  ^repersa. 
Opéra  CCLXIV.—  Noël,  I,  273.  — LisEux,  CCLXV,  t.  II,  p.  218. 

2.  Adolescenli  confusio  super  mensam  miiiqeiitis  in  conrivio. 
OperaCCLXVI.  — NoBL,  I,  272.  — Liseux,  CCLXVIl,  t.  II,  p.  21':). 
—  FuiDER.  DoDEKiNDus  :  De  moruni simplicitale :  «  Ocrea  matula  ». 
liv.  III,  ch.  VI.  —  Beroald  i>e  Verville  :  Le  Moyen  de  parvenir, 
édit.  dornioi'. 


LES     FACETIES    DE    l'OfHlE  323 

lont;  trajet  à  faire.  A  sa  descente  de  cheval,  tout 
le  monde,  hommes,  femmes,  enfants  accoururent 
auprès  de  lui  et  comme  il  était  tard  on  le  condui- 
sit aussitôt  à  la  salle  à  manger  où  le  festin  était 
disposé.  Ses  mains  lavées,  on  plaça  le  jeune 
homme  entre  deux  très  jolies  demoiselles,  filles  de 
son  hôte.  Tourmenté  par  un  besoin  d'uriner,  que 
par  pudeur  il  n'avait  pas  manifesté,  et  qu'il 
n'avait  eu  la  possibilité  de  satisfaire  à  la  dérobée, 
le  pauvre  garçon  souffrait  tellement  qu'il  ne  pou- 
vait ni  manger  ni  boire.  Tout  le  monde  remarquant 
son  air  préoccupé  et  son  indifférence  à  goûter  aux 
mets,  on  l'exhortait  h  manger.  A  la  iin,  n'y  tenant 
plus,  il  glissa  sa  main  droite  sous  la  table  et  s'ar- 
rangeait de  façon  à  se  soulager  dans  ses  bottes, 
lorsqu'au  même  instant  sa  voisine  de  droite  lui 
dit  :  —  «  Allons,  voyons  mangez  donc  !»  —  et 
lui  saisissant  le  bras,  elle  attira  la  main  avec  ce 
qu'elle  tenait  et  la  table  fut  toute  arrosée  d'urine. 
A  ce  spectacle  insolite  tout  le  mond  s'esclafa  de 
rire  et  le  jeune  homme  fut  tout  couvert  de  confu- 
sion. 


I.ES     FACETIES    LE    PO(iGE 


CCLXVII 

Appropos  iVune  Florentine  prise 
en  flagrant  délit  '. 

La  femme  d'mi  aubergiste  des  environs  de  Flo- 
rence, femme  très  libre  de  mœurs,  était  au  lit 
avec  son  amant  habituel,  lorsqu'un  autre  survint 
dans  l'escalier.  La  femme  se  précipita  au-devant 
de  lui,  s'opposant  avec  véhémence  et  gros  mots 
à  ce  qu'il  alla  plus  loin,  lui  déclarant  qu'elle  ne 
pouvait  le  satisfaire  pour  l'instant  et  le  priant  de 
s'éloigner.  L'homme  insistait  etla  querelle  se  pro- 
longeait, h)rsque  le  mari  apparut  tout  à  coup  qui 
s'informa  de  ce  qui  se  passait.  La  femme  toujours 
prompte  à  la  ruse  lui  dit  :  —  «  C'est  celui-là  qui  est 
en  colère  et  qui  veut  entrer  pour  battre  cet  autre, 
qui  s'est  réfugié  chez  nous,  et  je  tâche  de  l'em- 
pêcher de  commettre  un  crime.  »  Celui  qui  était 
caché  dans  la  chambre  entendant  cela,  reprit  cou- 
rage et  se  mit  à  son  tour  à  proférer  des  injures 
auxquelles  répondait  le  second  feignant  vouloir 
euTrer  de  force.  Le  mari  par  trop  betc  demanda 
de  quoi  il  s'agissait,  et  se  mit  en  devoir  d'arranger 

1.  Catlidn  coiisilia  Florenlintr  finniinr  in  fncinorc (Icprcliciisa-. 
Opora  GCLXVI.—  Noël,  I,  p.  '273.  —  LisEux,  CCLXVII,  t.  II, 
p.  ll[.  —  EsTiENNE  :  Apolof/ie  pour  fJi'rodole,  ch.  XV.  —  Hoccack  : 
Contes,  8°  journée,  O  nouvelle,  édit,  Garnier.  —  Coules  à 
lire,  t.  I,  p.  l.'ii.  Leorand  d'Aspy:  Fabliaux :L-d  Mauvaise  femme, 
t.  III,  p.  »04.  —  Varirlrs  nniHsanles  •'  Le  Men?onire  excusable. 


LKS     FACKÏIES    DK,    l'OtJiK  325 

l'atlaire;  parla  aux  deux  adversaires,  rétablit  la 
paix  et  cpii  pi?;  est  leur  oli'rit  à  boire,  de  sorte  qu'à 
l'adultère  de  sa  femme  il  ajouta  le  prix  de  son  vin. 
Les  femmes  prises  sur  le  fait  ne  sont  jamais 
embarrassées  pour  trouver  quelque  ruse. 


CCLXVIII 

Le  mon  qui  parle  '. 

Il  y  avait  à  Florence  une  espèce  de  sot,  nommé 
Nigniaca,  pas  trop  fou  cependant  et  dassez  belle 
humeur.  Quelques  jeunes  gens  s'entendirent  un 
jour  pour  lui  faire  une  farce;  ils  imaginèrent  de 
lui  persuader  qu'il  était  gravement  malade.  L'un 
deux  le  rencontrant  le  matin,  au  moment  de  sa 
sortie,  lui  demanda  s'il  souffrait,  car  il  était  tout 
pâle  et  bien  changé.  —  «  Pas  le  moins  du  monde  », 
répondit-il.  In  peu  plus  loin,  un  autre,  ainsi  que 
cela  était  convenu,  s'enquit  s'il  n'avait  pas  la 
lièvre,  sa  figure  émaciée.  couverte  de  sueur  déno- 
tant la  maladie.  Notre  pauvre  garçon  commençait 
à  douter  de  lui.  ne  s'imaginant  pas  qu'on  le  ber- 


1.  De  moiino  riro  ad  srpitUlirum  deditclo,  Inqitoile  et  risuin  nin- 
Li-iile.  Opéra  267.  —  Noël  I,  275:  II,  281-285.  —  Liseux,  t.  H, 
p.  223.  —  RisTELHUBER  GXII,  p.  151.  —  Jbhan  de  Boves,  Fa- 
bliaux :  Le  Villain  de  BaïUeul  ou  La  femme  qui  lit  croire  à  son 
mari  qu'il  était  mort,  tdit.  Le  Grand  d'Aussy,  III,  p.  324.  — 
JuBiNAL  :  Nouveau  recueil  de  contes.  —  Boccace  :  Contes 
cm,  Edit.  Garnier,  t.  I,  p.  ;3i2-3l().  —  Grazzini  :  Novelie, 
Dcito  il  J.asra.  —  Bon.  des  Périeus,  nouv.  LXVIII  :  De  maistre 

19 


326  11':^     FACETIES    DE    J'OGGE 

nait;  il  avançait  à  pas  lents  et  timidement,  quand 
un  troisième  compère  arrive,  l'examine  et  après 
l'avoir  bien  regardé  lui  dit  :  —  «  Ton  visage  indique 
une  fié vpe  violente,  une  maladie  sérieuse.  »  Ni- 
gniaca  prit  peur  alors,  s'arrêta,  se  demandant  avec 
anxiété  s'il  n'a  pas  réellement  la  fièvre.  Un  qua- 
trième complice  survenant,  aflirme  que  le  cas  est 
très  grave  et  manifeste  son  étonnement  de  ne  pas  le 
voir  au  lit,  rengage  à  regagner  promptement  sa 
demeure,  s'ofFrant  de  le  reconduire  et  de  le  soigner 
comme  un  frère.  Le  pauvre  diable  rebrousse  alors 
chemin,  comme  courbé  sous  son  mal  et  regagne 
sa  couchette,  avec  l'attitude  d'un  homme  qui  va 
expirer. Les  compères  accourent  aussitôt,  lui  disent 
qu'il  a  bien  fait  de  se  mettre  aulit,  puis  l'un  d'eux  se 
faisant  passer  pour  médecin,  lui  tâte  le  pouls  et 
déclare  la  mort  imminente.  Alors,  tous  ceux  qui 
entouraient  le  grabat  se  mettent  à  dire  :  «  La 
mort  vient,  les  pieds  se  refroidissent,  la  langue 
balbutie,  les  yeux  se  voilent,  il  expire  !  Fermons 
lui  donc  les  yeux,  joignons  lui  les  mains,  enseve- 
lisons-le.  Quelle  grande  perte  que  celle  de  ce  bon 
garçon,  notre  ami!  »  Puis  ils  firent  semblant 
d'échanger  entre  eux  des  consolations. 

Pendant  ce  temps,  Nigniaca  ne  soufflait  mot,  ainsi 

Bcrlhaud  à  qui  on  fit  accroire  qu'il  csloit  mort.  —  La  Fon- 
taine, Contes,  VI,  G.  —  Feronde  ou  Je  Purgatoire.  —  Biblio- 
thèque des  Romatis,  1775-1789.  —  Illustres  proverbes,  p.  10.  — 
Hardolin  :  Le  Mort  parlant,  conte;  dans  VAlmatiach  des  3Iuses 
de  1770.  —  Imiîert  :  NouceUes  historiettes  en  vers,  t.  III,  c.  I  :  Le 
mort  vivant. 


LES     FAf  rriKS    I)K    POC.GE  327 

qu'il  convient  à  un  trépassé,  il  se  croyait  mort 
véritablement.  On  le  plaça  dans  un  cercueil,  elles 
jeunes  gens  suivirent  le  convoi  à  travers  la  ville. 
A  ceux  qui  s'informaient  du  nom  du  défunt,  on 
répondait.  «  C est  Xigniaca  ({u"oni)orte  en  terre.  » 
—  A  mesure  qu'on  avançait,  beaucoup  de  gens 
vinrent  pour  rire,  se  joindre  au  cortège,  et  on 
allait  répétant  toujours  :  —  «  C'est  Nigniaca  qui 
est  mort  et  qu'on  porte  au  cimetière.  »  —  Un 
cabaretier  en  entendant  cela,  s'écria  :  —  «  Quelle 
mauvaise  bête,  quel  adroit  voleur  vous  emportez- 
là!  Il  méritait  de  finir  suspendu  au  bout  d'une 
corde,  »  Alors  l'imbécile  entendant  ce  propos, 
leva  la  tète  :  —  «  Si  j'étais  aussi  bien  vivant  que 
je  suis  mort,  je  te  prouverais,  pendard,  que  tu  en 
as  menti  par  la  gueule.  »  Les  porteurs  éclatant 
de  rire,  abandonnèrent  l'homme  dans  sa  bière. 


CCLXIX 

Un  problème  embarrassant  ^ 

Tout  en  se  promenant,  deux  amis  se  deman- 
daient lequel  était  plus  agréable  :  faire  l'amour  ou 
se  lâcher  le  ventre.  Tout  à  coup,  apercevant  une 


1.  De  Dubio  sophismate.  Opéra  CGLXIIl.  — Noël,  I,  p.  277.  — 
LisEux,  CCLIX,  t.  II,  p.  227.  — B.  de  la  Monnoye  :  «Ollima». 
Enricus  Cerdus  et  Vervilliers  :  Deliciœ  poct.  Germanorum  : 
•'■  Amoris  significatio  ».  —  Béroald  de  Vkrville  :  Le  Moyeïi, 
flr  panenir,  édit.  Garnier. 


32S  LES     FACÉTIES    DE    1'()(;(;e 

femme  qui  n'avait  jamais  refusé  ses  faveurs  aux 
hommes,  l'un  dit:  —  «  Interrogeons-la,  elle  est 
experte  en  l'une  et  l'autre  matière.  —  Point  du 
tout,  fit  l'autre,  elle  ne  jugerait  pas  équitablc- 
ment,  car  elle  a  plus  souvent  fait  l'amour  qu'elle 
n'a  cilié.  » 


CCLXX 

Dt/fi    inettitier  irompé  pcif  sa   femme   qui    lui 
donna  cinq  <i'ii/k  if  in((nger  ('). 

Voici  encore  une  histoire  bien  connue  à  Maii- 
toue.  Il  y  a,  près  du  pont  de  la  ville,  un  moulin 
dont  le  maître  s'appelait  Cornieola.  Fn  jour,  on 
était  en  été,  celui-ci,  étant  assis  près  du  pont,  vit 
passer  une  paysanne  jeune  et  à  point  qui  semblait 
errante.  Comme  il  se  faisait  tard,  que  le  soleil  se 
couchait,  le  meunier  engagea  cette  fille  à  aller 
trouver  sa  femme.  Celle-ci  ayant  accepté,  il  appela 
son  domestique  et  lui  dit  de  conduire  cette  fille  à 


1.  I)(;  mulcii^ltn'i.rif)  ab  u.core  decepto  cl  (jaiiKfHi'  ■  ovis  refccli). 
Opéra  CCLXIX.  —  Noël,  I,  278.  —  Guillaume  Tardif.  CX  : 
D'ung  meusnicr  qui  l'ut  deçeu  de  sa  reiiiiiie  pai"  luy-mesme, 
p.  2'.)7.  —  Lisicux,  CCLXX,  p.  228.  —  Roncr-Binilrnips  en  belle 
lnonem-,  15"  aventure,  p.  452.  —  Le  i'acélicii.r  Rnril-ninliii  :  «  Plai- 
sant discours  d'un  marchand  de  Gènes  (jui  fut  cocu  par  le  moyen 
de  son  l'acteur  »,  p.  152.  —  Ibid.  De  l'apprenti  d'un  drapier  do 
Lyon  qui  coucha  avec  sa  inaistresse  par  rentreinise  de  sou 
maislie,  p.  195.  —  Voir  le  n"  LXXXV,  dont  la  donnée  est 
iduutique. 


LES     FAi.lVriF.S    I>F.    l'0(i(JE  320 

sa  femme,  de  lui  faire  donner  une  cliambre  après 
ravoir  fait  souper.   Le  valet  étant  parti,  la  meu- 
nière qui  avait   compris  que   son  mari  avait  des 
intentions  sur  la  jeune  tille,    la  fit  coucher  dans 
son  propre  lit  et  s'alla  coucher  elle-même  dans  la 
chambre  désignée  pour  la  voyageuse.   Le   mari, 
après  avoir  veillé  assez  longtemps,  estimant  que 
son  épouse  dormait,  entra  furtivement  au  moulin 
et  s'alla  dans  la  chambre  où,  ignorant  la  fraude,  il 
besogna  sa  femme  qui  ne  soufflait  mot.  En  sor- 
tant, il  dit  à  son  domestique  ce  quil  avait  fait, 
l'engageant  à  l'imiter;  celui-ci  profita  de  l'avis  et 
besogna  avec  la  femme  de  son  patron  pendant  que 
Cornicula  venait  se  mettre  dans  son    lit  douce- 
ment  de    peur   de   réveiller   sa    femme    qu'il  y 
croyait  couchée.  Le  matin  de  bonne  heure,  il  se  leva 
sans    rien   dire,  persuadé   qu'il  avait  possédé   la 
jeune  fille.  Lorsqu'il  revint  à  l'heure  du  déjeuner, 
sa  femme  lui  servit  d'abord  cinq  œufs  frais.  Tout 
surpris  de  la  nouveauté,  il  lui  demanda  la  raison 
de  cette  amabilité  ;  elle  lui  répondit  avec  un  air 
joyeux  qu'elle   lui   offrait  un    œuf  pour   chaque 
mille  qu'il  avait  parcouru  dans  la  nuit.   Le  bon- 
homme comprit  qu'il  avait  été  pris  dans  ses  pro- 
pres filets,  aussi  fît-il  semblant  d'être  le  travailleur 
unique,  et  goba  les  cinq  œufs.  La  plupart  du  temps 
les  pervers  tombent  dans  leurs  propres  pièges. 

En  ceste  Facéoie  est  monstre  comme  souvent  les  trom- 
peurs chéent  au  latz  de  tromperie  aucjael  ilz  cuydenl  met- 
tre aultruv,  comme  de  raison  est. 


330  LES     FACÉTIES    DE    POGGE 

CGLXXI 

B"'le  façon  de  nier  la  beauté  \ 

Dans  une  rue  de  Florence,  deux  amis  se  prome- 
naient en  causant.  L'un  de  haute  taille,  obèse  et 
brun  de  visage,  apercevant  une  jeune  tille  qui 
passait  avec  sa  mère;  dit  :  —  «  Voilà  une  belle  et 
gracieuse  jeunesse.  »  —  <■<■  On  ne  pourrait  pas  en 
dire  autant  de  vous,  repartit  la  demoiselle  que  le 
propos  avait  vexée.  —  Assurément  si,  répliqua  le 
promeneur,  si  l'on  voulait  mentir  comme  je  viens 
de  le  faire.  » 

CGLXXI  I 

Réponse  plaisante  mais  peu  Jioniiéte 
cC une  femme  '-. 

J'ai  cru  devoir  consigner  ici  le  propos  un  peu 
salé  d'une  femme  et  que  m'a  rapporté  un  Espa- 
gnol de  mes  amis.  Un  homme  déjà  sur  le  retour 

1.  Pulchriiin  ilictuin  pulchiiludiiiem  '^.mentiens.  Opéra  270.  — 
NoelI,  2X0;  11,  287-288.  —  Liseux,  t.  II,  p.  231.  —  Tabourot 
DES  AcBOKDs.  Toucliec  :  Dun  jaloux  et  de  sa  femme.  —  Bebe- 
LiANus.  Faceliic  :  De  puella  deformi,  L.  I,  p.  241.  — Deutocrilus 
ridcn.i  :  Rt  feret,  ita  metes,  p.  1.10.  —  Mrlhode  italienne  de 
MM.  de  Povl'Ro'jal. 

?.  Facelum  inulieris  l'esponsum,  sed  paruni  lioneslini).  Opéra 
Ci^LXXI.  —  Noël,  I,  2S0;  II,  288.  —  Guillaume  Tardik  :  GXI, 
p.  301.  —  Liseux,  t.  II.  p.  2:]2.  —  Bonav.  des  Périers  :  Coules 


LRS    FACÉTIES    1>E    l'Ol.GE  331 

avait  épousé  une  veuve,  la  première  nuit,  en  s'ac- 
([uittant  de  ses  devoirs  niatrimoniaux,  il  remarqua 
que  sa  femme  avait  un  logis  infiniment  plus  grand 
qu'il  ne  présumait.  «  —  Ma  femme,  lui  dit-il.  ta 
bergerie  est  vraiment  trop  vaste  pour  le  nombre 
de  mes  moutons  ».  Celle-ci  répliqua  :  —  «  C'est  ta 
faute  !  car  mon  défunt  mari  (Dieu  ait  pitié  de  son 
àrae  !)  non  seulement  remplissait  la  bergerie,  mais 
même  les  béliers  étaient  souvent  obligés  de  rester 
à  la  porte  ».  —  Réponse  spirituelle  et  charmante. 

En  ceste  facécie  n'y  a  riens  moral,  mais  y  est  une  res- 


el  Nouvelles  :  De  M"'  La  Fourrière  qui  logea  un  gentilhomme 
au  large,  édit.  Garnier.  —  Le  Tombeau  de  la  mélancboUe, 
;i.  92  et  Gentille  rencontre  du  i:>eintre  du  roy,  p.  ill.  —  Bkroald 

■  E  Verville  :  Moyen  de  parrenir.,  édit.  Harnier.  —  Bernard  de 
LA  MoxNOYE  :  De  la  réponse  de  Margot  Xoiron  à  un  gentilhomme 

[ui  avoit  couchi'  avec  elle;  cité  dans  une  édition  de  B.  des 
l'ériers,  t.  II,  p.  G,  —  Anonyme  :  Pro  vagina  macbœra,  vers  latins 

ités  par  Noël.  -^  Epigramme  :  Le  bon  Robin,  qui  se  mit  en 
ménage;  cité  par  le  même.  —  Cabinet  satyi-ifiue,t.  I,  p.  53.  — 
l.ex  Muses  en  belle  humeur,  couplet  :  «  Le  Gros  Guillot  d'amour 
■  pris  »,  p.  10  (174'2j.  «  Couplets  au  Prévost  des  Marchands,  sur 
l'élargissement  des  rues  »,  p.  10  (l~42î.  Couplets  :  «  Un  jour, 
'  '-rtain  avocat  de  maigre  encolure....  p.  27  (1742).  —  Mérard  de 
~^AiNT-.Ju5T.  Epieiileries,  Joyeuselés,  etc  :  «  La  Mesure  de  Saint- 
Denys  »,  conte,  t.  I,  p.  129.  —  Le  Joujou  des  Demoiselles  :  «  La 
porte  cochère  ».  Epigramme. 

G  Capit  de  Dious!...  disait  un  Gascon 

.\  «a  moitié  qui  faisait  la  niaise, 

fl  Pour  des  prémices,  mon  tendron. 

Je  me  trouve  bien  à  mon  aise! 

n  Las!  dit-elle,  mon  cher,  je  suis  neuve  à  tel  jeu. 

Mais  je  ferai  le  bon  Dieu  juge, 

Oue  mes  eaux  seulement  ont  passé  par  ce  litii, 

«  Vos  eaux,  sandis!  —  C'était  donc  le  déiuire";' 

X. 


332  LES    FACÉTIES    DE    l'OCdF. 

ponse  ardo,  qui  monstre  que  la  petitesse  du  bétail  aux 
hommes  faictles  grandes  estaljles  aux  femmes.  Et  ainsi 
nul  ne  doit  blasmer  femme  s'iltreuve  graut  logis,  mais  il 
doit  considérer  que  ces  pièces  sont  trop  petites  pour  le 
icmplir. 


CCLXXlll 

Toul  ce  qui  h  rende  ne  loiiihe  pas  '. 

Un  vieil  évêque  de  ma  connaissance  avait  perdu 
quelques  dents  et  d'autres  menaçaient  de  tomber, 
ce  dont  il  se  lamentait.  Un  de  ses  familiers  lui  dit  : 
—  «  Xe  craignez  rien  pour  vos  dents  ».  L'évêque  lui 
ayant  demandé  pourquoi,  il  répondit  :  —  «  Parce 
que  mes  grelots  branlent  depuis  quarante  ans  de 
la  même  façon,  et  cependant  ils  ne  sont  jamais 
tombés.  » 


(Conclusion  '\ 

lime  semble  bon  d'ajouter  à  ces  menus  projios 
quelques  indications  sur  le  lieu,  sur  la  scène  pour 
ainsi    parler,    où    ils    furent   contés.  C'est    notre 


1.  /)c  Dentibus  casiim  minaulibiis  siniilihido  obscena .  Opéra 
CCLXXn.  —  XoEL,  I,  281.  —  LisEUX,  CCLXXlll,  t.  II,  p.  tVi.  — 
AxoNY.ME  :  «  Dentés  »,  vers  latins  ci  lés  par  Norl. 

2.  Coticlusio.  Opéra  273.  —  Gun.i.ALMii  Taudii  :  L'excusalion 
de  Pogge.  Florentiu  et  fin  de  son  livre,  CXII,  p    ;;(I3.  —  Nokl  I, 

2Si.   —   RiSTELHUPI-.R,   p.    l.')'!.    —    I.Ii^K    \.    C    il.  p.  23'l. 


I.KS     FACKTIKS    DK    l'CMK.i:  333 

Bugidic,  véritable  oflicine^eineiisoiiges,  créée 
parles  secrétaires  du  Pape  pour  se  distraire  entre 
eux.  Jusqu'au  poniilicat  de  .Martin  V,  en  effet, 
nous  avions  l'habitude  de  nous  retirer  dans  une 
salle  commune  de  la  Cour.  On  y  apportait  les 
nouvelles,  on  s'entretenait  de  toutes  sortes  de 
sujets,  le  plus  souvent  pour  se  distraire,  mais 
quelquefois  aussi  pour  traiter  des  choses  sérieuses. 
On  n'épargnait  personne,  nous  ne  ménagions  pas 
ceux  qui  nous  déplaisaient,  en  commençant  sou- 
vent par  le  Souverain  Pontife  lui-même.  11  arrivait 
ceci,  <{ue  plusieurs  vinrent  dans  nos  réunions  de 
peur  d'être  les  premiers  raillés.  Au  premier  rang" 
des  causeurs  se  trouvait  Razello,  de  Bologne,  dont 
j'ai  rapporté  certains  traits  dans  ce  livre.  J'ai  parlé 
plusieurs  fois  aussi  d'Antonio  Lusco,  esprit  vif  et 
pénétrant,  et  du  Romain  (lencio,  très  enclin  à  la 
plaisanterie.  Enfin,  j'ai  à  mon  tour  conté  quelques 
])onnes  histoires.  Actuellement,  mes  collègues  sont 
morts,  la  Bugiale  n'existe  plus;  soit  par  la  faute 
des  hommes,  soit  par  celle  du  temps;  la  bonne 
habitude  de  rire  et  de  causer  est  aujourd'hui 
perdue. 

FIN 

DES  Facéties   dk  poggk  florkmi.x 


19. 


DESCRIPTIOX 


MES 


BAINS    DE    BADE 


Pi'ès   Thurgau 
AU    XV      SIÈCLE 


NOTE    PRÉLIMINAIRE 


On  a  vu  dans  la  notice  que  nous  avons  con- 
sacrée à  Pogge,  en  têie  de  ce  volume,  que  cette 
lettre  fut  écrite  pendant  l'été  de  lilo,  alors  que, 
pour  se  distraire  et  mettre  à  profit  les  loisirs  que 
lui  avait  imposé  la  chute  de  son  patron,  le  pape 
Jean  XXÏII,  le  secrétaire  en  disponibilité  s'était 
mis  en  route  vers  les  bains  renommés  de  Bade  et 
les  monastères,  où  il  se  livra  à  une  véritable  chasse 
aux  plus  précieux  manuscrits  des  auteurs  classi- 
ques de  l'antiquité,  chasse  couronnée  des  succès 
les  plus  heureux  et  les  plus  beaux. 

Cette  lettre  était  bien  connue  des  auteurs  des 
xv%  xvi'"  et  wii*"  siècles  qui  l'ont  maintes  fois  mise 
à  profit,  sans  citer  son  auteur,  bien  entendu. 

Ainsi,  Sébastien  Munster  s'est  servi,  en  grande 
partie,  de  la  lettre  de  Pogge  pour  rédiger  la  des- 
cription des  bains  de  Bade  qu'il  donne  au  livre  111 
de    s;i    Cosniograpltie   universelle^;  et   François 


1.  SÉiiAsr.  Ml'nster,  Cosmographitr  uiiitersalis,  Lib.  VI,  in 
(juihus,  etc.  M.  D.  L.  nicnse  Martio,  in-lol.,  t.  1",  p.  388  et  39"2. 
Oppidum  IJadensk,  ulgo  obkr  Baden,  id  est,  Thennœ  superiores. 
P.  380  :  Le  titre  de  la  gravure  qui  ocrupe  les  deux  pages  sui- 


338  DESCRIPTION 

de  Belle-Forest'  l'a  traduite,  cette  fois,  servile- 
ment. Cependant,  en  dehors  des  renseignements 
que  fournit  le  Florentin,  le  géographe  nous  donne 
une  description  topographique  beaucoup  plus 
complète. 

«  Ce  lieu,  dit  il.  a  esté  cogneu  et  habité  du 
temps  de  Corneille  Tacite  et  devant  son  temps, 
veu  qu'il  faict  mention  d'iceluy,  disant  ainsi  :  C'est 
un  lieu  délectable,  ayant  des  eaux  saines,  un  fort 
chasteau,  au  pied  duquel  passe  la  rivière  laqueHe 
aujourd'huy  on  appelle  Limmat -.  Or,  ceste  ville 
est  au  pays  d'Ergovie  •',  et  aussitost  qu'on  a 
traversé  ceste  rivière,  on  entre  en  Thurgœu^ 
C'est  une  ville  assez  belle  et  riche,  située  presque 


vantes  3U0-.301  :  Civitas  Badensis  Helyhtica,  quam  ad  dill'eren- 
liatn  thermarum  quœ  siiiit  in  Marchionatu  liadensi,  ruigo  rocanl 
Badeniam  superiorem.  sicnl  aliam  vocant  inferiorem,  respeclu  habilo 
ad  Rhoii  descensium,  à  qiio  ulraque  Badenio  uno  dislal  milliario 
Gennaiiico,  à  se  veto  dissident  circiler  vinçiinli  )niltiaribys  Germa- 
nicis  siipcriori  ad  austvnm,  inferiori  verù  ad  a(inilo)ie)ii  posila- 

Enfin,  |).  390-391,  une  vue  de  la  vilie  :  Desiçinatin  civilalis 
Badensis  Ilclrelica',  una  cum  oppidulo  lliennantin.  A  la  page  3SS. 
se  trouve  une  vignette  représentant  une  piscine  dans  laquelle 
se  trouvent  do.s  i'einmes  et  des  hommes  autour  d'une  fontaine 
élégante. 

1.  La  Cosmo(j)-aphie  iinircrseUc  de  tout  le  monde,  en  laquelle,  etc., 
etc..  AiUeur  en  partie  :  Muxstkr,  mais  beaucoup  phts  augmentée, 
ornée  et  enrichie,  par  François  de  Belle-For  est,  Comingeols, 
etc.,  et  à  Paris,  chez  Michel  Sonnius,  rue  Saint-Jacques,  à 
ri^lscu  de  Basic,  MDLXXV,  in-i'ol.,  p.  1081,  avec  la  même  vue 
de  Bade  et  la  vignette  qui,  du  reste,  sert  i)Our  Joutes  les  villes 
thermales  :  De  la  cille  de  Bade,  r-nhiairement  appelée  Obkhbadhn, 
c'est-à-dire  :  les  hauts  bains,  p.  lOSI. 

'2.  La  Linth.  rivière  aftluenl  de  l'Aar,  bassin  ilu  Rliin. 

3.  Ar^'ovie. 

'i    TurL'Ovie 


MES    li.VlNS    DE    BADE  339 

au  milieu  des  Lignes  ;  et  pour  ceste  cause  les 
Suysses  tiennent  toutes  leurs  journées  là.  D'un 
costé,  elle  a  des  montajines  bien  prochaines,  et 
dautie  eosté  coule  une  grande  rivière  navigable 
et  fort  roidc,  par  laquelle  on  vient  de  Zurich  jus- 
({u'au  Rhin.  Un  peu  au  dessoubz  de  la  ville, 
autant  que  le  canon  peut  porter,  il  y  a  un  village 
qui  est  ibrt  beau  et  plaisant,  lequel  est  expressé- 
ment basty  pour  les  baings.   » 

C'est  la  description  de  la  station  balnéaire,  que 
Sébastien  Munster  emprunte  à  Pogge  presque 
littéralement^ 

Plus  loin,  il  complète  le  tableau  : 

«  La  ville  est  située  en  un  plaisant  lieu  ayant  beau- 
coup de  vignes  et  de  jardins,  mais  le  vin  est  petit. 
Anciennement,  quand  la  ville  avoit  un  seigneur  à 
part,  qui  estoit  comte,  y  avoit  un  chasteau  sur  une 
montagne,  duquel  on  en  voit  encore  quelques 
apparences.  L"an  de  Nostre  Seigneur  1180,  après 
la  mort  de  Henry,  comte  de  Bade,  ceste  comtée 
tondra  par  le  moyen  d'une  femme  es  mains  des 
comtes  de  Kybourg.  Et  après  que  Hcrjuan,  der- 
nier «omto  <1o  Kybourg,  fut  allé  de  vie  à  trespas, 


1.  Dans  l'ouvraire  publié  à  Venise  en  1553,  par  Thomas 
Jlnta,  sous  le  titre  de:  De  Balnei  oninia  quœ  e.iiant  apiid 
lirtecos,  Laliitos  et  Àrabas,  ctc,  etc.  Dans  la  partie  rdalive  aux 
tiiermes  allemands  et  suisses,  rédigée  par  Conrard  Gesxer, 
iu  letti'e  de  Pogge  se  trouve  presque  entièrement  reproduite 
p.  -291),  le  compilateur  na  omis  que  ce  qui  était  abso- 
lument personnel,  ou  ce  qui  lui  a  semblé  par  trop  en  dehors 
'le  rhydrothérai)ie. 


y'iO  liKSIlUI'IKt.N 

qui  fut  environ  l'an  de  nostrc  Uédemption  !2()(). 
Il  y  eut  dissension  h  cause  de  ceste  comtée.  mais 
Raoul,  comte  de  Habsbourg,  qui  fut  depuis  fait 
Roy  des  Romains,  la  récent  soubz  son  obéissance 
et  après  luy  elle  demeura  entre  les  mains  des  ducs 
d'Autriche  ju'îqu'au  concile  de  Constance,  auquel 
temps  les  Suysses  la  saisirent  par  le  commande- 
ment de  l'empereur  Sigismond,  lesquels  démo- 
lirent aussi  le  cliasteau.   » 

Ainsi  donc,  le  Bade  qui  sert  de  cadre  à  la  scène 
de  mœurs  décrite  par  Pogge,  n'est  pas  le  Bade  où 
l'on  allait  naguères  exposer  sa  bourse,  bien  qu'il 
soit  placé  comme  lui,  à  quelques  milles  des  rives 
du  Rhin. 

((  Si  la  faveur  publique  a  changé  le  lieu  de  ses 
récréations  thermales,  dit  Anthony  Meray,  cette 
description  nous  apprend  qu'au  moyen  âge,  les 
bains  étaient  déjà  un  simple  prétexte  de  distrac- 
tions. Baden-Bade  était  hier  encore,  on  le  voit,  un 
rendez-vous  de  chercheurs  et  de  chercheuses 
d'aventures,  une  exposition  estivale  de  person- 
nages plus  ou  moins  officiels,  plus  ou  moins 
célèbres,  et  surtout  de  vastes  salons  de  jeux.    » 

Dans  cette  ville  admirable,  au  dire  du  vieux 
géographe,  la  vie  était  enchantée,  on  pouvait  se 
croire,  ainsi  que  l'écrit  Pogge,  transporté  dans 
l'Eden  ;  cependant  Bade  n'est  pas  une  exception, 
si  nous  en  croyons  le  poète  (Conrad  Gesner,  qui  a 
fait  un  tableau  poétique  de  Plombières,  un  siècle 
plus  tard. 


DES     BAINS    1>F,    lt\l>E  311 

'••  Un  lac  se  montre  tout  d'iibord  dans  la  vallée, 
écrit  Gesner,  et  est  entouré  de  tous  côtés  d"au- 
bei'iies.  Là,  on  voit  se  baigner  pêle-mêle  dans 
l'eau  chaude,  les  femmes,  les  hommes,  les  enfants, 
les  jeunes  fdles.  le  pauvre,  le  noble,  le  savant,  le 
vieillard  attardé  par  l'âge  et  celui  qui  est  plus 
léger  (à  cause  de  la  jeunesse),  celui  quia  des 
cicatrices  et  celui  qui  n'en  a  pas,  celui  qui  a  des 
boutons  et  des  ulcères,  l'homme  sain,  celui  qui 
est  malade.  Un  mur  de  près  de  deux  cents  pas  de 
long  entoure  la  piscine. 

«  Là,  vous  verrez  ceux  qui  sont  plus  riches 
s'abriter  sous  des  feuillages.  L^ne  grande  partie 
de  malades  à  béquilles  y  sont  plongés  jusqu'au 
menton.  D'autres,  appuyés  sur  des  crosses,  se 
promènent  dans  l'eau... 

«  ...L'un  crie,  l'autre  chante,  un  autre  rit. 
Celui-là  tousse,  l'autre  crache, etc..  Il  y  en  aqui 
se  plaignent  et  gémissent  ;  l'un  fait  l'éloge  des  eaux 
et  Jious  apprend  combien  rapidement  il  a  été 
délivré  de  son  mal  ;  —  il  montre  sa  main  ou  son 
pied  qui  était  malade.  Un  autre  dit  que  les  eaux 
ne  lui  ont  fait  aucun  bien  et  injurie  cette  eau  qui 
n'en  peut  mais.  Ailleurs,  on  donne  à  un  malade 
qui  le  demande,  à  manger,  ou  à  boire  de  l'eau 
rafraîchie  par  celle  d'un  ruisseau  qui  vient  mitiger 
la  chaleur  de  la  source  bouillante,  et  qui  y  est 
conduite  du  tlanc  de  la  montagne  de  près  de 
treize  cents  pas. 

('   En  dehors    des   maisons    et  de    la    piscine. 


::;i2  DESCRIPTION 

d'autres  boivent,  ou  dinent,  ou  dansent  joyeuse- 
ment ;  l'un  dort,  l'autre  fait  une  excursion  dans  le 
bois  voisin.  Celui-ci,  qui  se  sent  malade,  appelle 
un  médecin.  Un  autre  meurt  et  laisse  tout  ce 
qu'il  a  aux  moines,  les  plus  exécrables  des  héri- 
tiers, mais  qui  le  sont  en  vertu  d'une  ancienne 
coutume  de  l'endroit. 

«  C'est  ainsi  que  l'on  vit  dans  ces  lieux,  cepen- 
dant l'argent  diminue,  la  saison  s'avance;  alors 
on  voit  revenir  les  uns  tristes,  le  plus  grand 
nombre  joyeux,  ceux  qui  se  sont  baignés  et  ceux 
qui  ne  l'ont  pas  fait...  Et  chacun  se  prépare  à  s'en 
aller,  car  les  habitants  du  pays  sont  inhospita- 
liers, tiennent  sottement  à  leurs  coutumes,  sont 
arriérés  et  ineptes.  En  sorte  que  personne  ne 
voudrait  demeurer  chez  eux  et  que  chacun  est 
content  de  n'y  être  plus  '.   » 

Ce  que  chante  le  poMo  et  ce  qlie  nous  décrit 
Pogge,  Albert  Durer  nous  le  montre  dans  plu- 
sieurs estampes  bien  connues  des  amateurs.  On 
voit,  dans  un  bain  public,  six  hommes,  dont  l'un, 
d'un  embonpoint  remarquable,  est  assis  au  bord 
d'un  bassin,  buvant  dans  une  grande  chope. 
Deux  autres  sont  accoudés  sur  le  devant,  et  assis 
dans  l'eau  :  l'un  tient  une  fleur,  l'autre  une  espèce 
de  râteau  ou  strigille  ;  un  quatrième  est  accoudé 
sur  le  rebord  d'une  pompe  à  robinet.  Ils  écoutent 

1.  Traduction  du  D'  Bonnefoy  :  Comment  aulrefuis  on  faisait 
Hi>a<ji'  (les  eait.r  )ninrrales.  (Annale.s  de  la  Société  d'hvdrol'igie 
médicale  de  Paris,  t.  xviii.) 


ItES    BALNS    JDE    UADE  3  i3 

la  musique  que  font  les  deux  autres  avec  une  llùte 
et  un  violon.  En  dehors  du  bain,  au  second  plan, 
une  femme  les  regarde  et  semble  aussi  écouter. 
Dans  le  fond,  un  paysage  représente  Aix-la-Cha- 
pelle. Tous  ces  personnages,  à  l'exception  de  la 
femme,  sont  presque  entièrement  nus.  La  piscine 
est  couverte  dun  toit,  et  n'est  séparée  de  l'exté- 
rieur que  par  une  palissade  composée  de  pieux 
pointus  à  hauteur  d'épaule  '. 

Cette  estampe  est,  dit  le  docteur  Bonnefoy,  le 
document  iconographique  le  plus  ancien  que  l'on 
connaisse  sur  l'hydrologie-. 

l*ogge  nous  dit  bien  que  les  bains  de  Bade  ont 
de  merveilleuses  propriétés  ;  mais  il  se  contente 
de  ne  nous  en  indiquer  qu'une  seule,  il  est  vrai 
que  c'est  la  plus  merveilleuse  de  toutes,  «  quasi 
divine  »,  celle  de  rendre  les  femmes  «  fertiles  », 
comme  écrit  Belle-Forest. 

Peut-être  bien  cette  fertilité  tenait-elle  moins  à 
la  vertu  des  eaux,    qu'aux  excellents   et  intimes 

1.  Voir  D"  Stractkr  :  J)e  quelle  manière  prenait-on  les  bains 
(lu  temps  de  Charles  Quint  t' 

2.  On  peut  rapprochei-  de  cette  gravure  celle  reproduite  par 
M.  Charles  Ephrussi,  dans  sa  notice  sur  :  Les  bains  de  femmes, 
d'ALBERT  Durer  avec  cinq  gravures  hors  texte.  Nuremberg, 
sans  date.  Ou  y  voit,  comme  dans  le  Bain  d'hommes,  six  femmes 
et  deux  enfants  dans  une  salle  de  bain.  «  La  composition,  très 
vivante  d'ailleurs,  est  conçue  tout  a  fait  dans  le  goût  natura- 
liste; l'auteur  n'a  cherché  ni  à  présenter  au  spectateur  de 
beaux  modèles,  ni  à  fondre  cet  ensemble  un  peu  cru  en  lignes 
harmonieuses...  Que  dire  de  lénorme  créature  assise  à  droite, 
coiffée  d'un  si  singulier  bonnet  de  bain,  monstrueusement 
charnue,  et  dans  laquelle  l'artiste  semble  avoir  voulu  réunir 
toutes  les  laideurs  d'un  réalisme  outré.  » 


3'i-\  DRSCRIPTION 

rapports  entre  baigneuses  et  baigneurs?  mais 
passons,  et  j^our  ce  que  Pogge  n'a  point  dit,  adres- 
sons-nous à  Sébastien  Munster.  Voici  donc  ce  que 
traduit  François  de  Belle-Forest,  au  sujet  des 
vorfus  des  eaux  de  Bade  : 

«  Que  si  on  veut  cnquierir  de  la  vertu  de  ces 
baings.  il  faut  sçavoir  qu'il  y  en  a  plusieurs.  Les 
eaux  sont  meslées  avec  beaucoup  de  soutire  et 
peu  d'alum,  et  cela  est  cause  qu'elle  échauffe  et 
seiche,  consomme,  ouvre  et  attire  toute  humeur 
froide  et  nuisante. 

«  Elle  est  bonne  pour  remédier  aux  douleurs  de 
la  teste,  lesquelles  procèdent  du  refroidissement 
du  cerveau,  comme  est  la  léthargie,  perte  de 
mémoire,  débilité  des  nerfs,  apoplexie,  esblouisse- 
mens  des  yeux  ot  dureté  d'ouyr.  Elle  consume 
aussi  le  flegme  et  les  humeurs  froides  desccndans 
du  cerveau,  elle  eschautfe  ot  deseiche  Testomach, 
elle  ayde  à  la  digestion,  elle  ouvre  les  oppilations 
du  foye  et  de  la  rate,  elle  appaise  les  trenchées  du 
ventre,  qu'on  appelle  colique.  Elle  reprime  ceste 
douleur  des  membres  qui  procède  du  froid  et 
repurge  la  chair  de  diverses  et  beaucoup  d'or- 
dures. Mais  elle  est  mauvaise  pour  tous  ceux  qui 
ont  la  complexion  chaude  et  seiche  et  qui  sont 
atténuez  de  ptisie.  Elle  ne  sert  pas  de  beaucoup 
aussi  aux  vieilles  eents  ;  et  pour  le  faire  court  elle 
profite  plus  aux  femmes  qu'aux  hommes.   » 

Au  point  de  vue  de  la  conduite  à  tenir  aux  eaux, 
la  liberté  la  plus  absolue  régnait  dans  ces  stations 


DKS    BALNS    J>K    llAhK  3 ',5 

thermales,  où  les  malades  venaient  au  gré  de  leur 
caprice,  en  dehors  de  toute  direction  médicale,  où 
même  les  gens  bien  portants  accouraient,  non 
point  pour  se  préserver  des  maladies,  mais  unique- 
ment pour  s'y  livrer  au  plaisir.  On  n'y  trouvait 
point  de  médecin  spécialement  attaché  à  l'établis- 
sement. Si  un  malade  s'y  trouvait  plus  soutirant, 
on  appelait  le  médecin  de  l'endroit,  mais  il  n'y 
avait  pas  ce  qu'on  appelle  aujourd'hui  de  méde- 
cins des  eaux. 

Chacun  donc  prenait  les  eaux  qu'il  voulait, 
autant  (|u"il  voulait  et  à  sa  guise.  Ceux  à  qui  elles 
étaient  nuisibles  mouraient,  les  moines  héritaient 
des  morts  et  tout  était  dit. 

Pogge  parle  d'ecclésiasticpaes  qui  fréquentaient 
les  bains  de  Bade,  cela  ne  tirait  pas  grande  con- 
séquence en  ce  temps-là.  car  la  population  n'osait 
se  permettre  de  critiquer  ouvertement  la  conduite 
des  gens  d'église.  «  Ces  escapades  ecclésiastiques, 
remarque  Antony  Méray,  déridaient  à  peine  les 
physionomies  si  calmes,  si  pacifiques,  si  hospita- 
lières des  bons  Allemands  cjue  notre  auteur  loue 
avec  tant  d'effusion.  Il  y  avait  là,  d'ailleurs,  un 
avant-goût  d'harmonie  si  parfait,  que  personne  ne 
songeait  à  blâmer  ses  voisins.  Tout  ce  qui  se  fai- 
sait dans  ce  vallon  paradisiaque  semblait  lavé  par 
un  affluent  du  fleuve  Lethé  ;  tout  ce  qui  s'y  disait 
était  couvert  par  le  bruit  de  la  formidable  cata- 
racte du  Rhin  et  ne  parvenait  pas  au  delà  des 
rochers  retentissants  de  Schaflbuse. 


340  DESCHII'TKJ.N 

«  Une  chose  est  particulièrement  à  remarquer 
dans  cet  écho  de  la  vie  européenne  d'il  y  a  bientôt 
cinq  cents  ans,  observe  encore  judicieusement 
Antony  Méray  dans  «;■.  préface  à  la  lettre  de 
Pogge'.  C'est  l'étonnement  profond  qu'inspire 
à  ce  Florentin,  habitué  aux  pjïssions  turbulentes, 
aux  caractères  jaloux,  soupçonneux,  de  ses  con- 
citoyens, la  simplicité,  la  bonhomie,  la  placi- 
dité sans  pareille  des  braves  indigènes  de  cette 
partie  de  la  Germanie.  Jamais  contraste  plus 
saisissant  ne  fut  mieux  pris  sur  le  fait,  ni  plus 
éloquemment  expliqué.  Pogge  ne  tarit  pas  sur  la 
différence  inouïe  qui  existait  entre  la  fièvre  du 
caractère  florentin  et  la  tranquillité  souriante,  iné- 
branlable des  riverains  du  Rhin,  au  xV  siècle. 
Leurs  filles  et  leurs  femmes  lui  semblèrent  moins 
occupées  à  conserver  leur  honneur  intact  qu'à 
étendre,  hors  des  limites  ordinaires,  leur  prodi- 
gieux amour  de  l'hospitalité.  On  douterait  de  la 
véracité  de  Pogge,  et  l'on  serait  tenté  de  prendre 
cette  lettre  charmante  pour  un  éclair  de  son  ima- 
gination, s'il  n'était  resté  des  traces  vivantes  de 
ce  qu'il  s'est  plu  à  raconter  avec  de  si  gracieux 
détails  à  son  ami  Niccolo.  Ces  mœurs  limpides 
et  riantes  ont  par  bonheur  conservé  des  oasis,  où 
elles  se  défendent  encore  contre  l'envahissement 
du  rigorisme  qui  tend  à  conquérir  le  monde  et  à 
l'attrister, 

1.  Lisiiux,  187G. 


DES    BAl.NS    DE    BADE  347 

«  Dans  plusieurs  des  bains  de  rAllemag-ne  du 
sud,  à  Gastim,  près  Saltzbourg,  par  exemple,  la 
légèreté  des  costumes  et  la  familiarité  entre  naïades 
et  baigneurs  ne  s'éloignent  guère  de  la  descrip- 
tion de  Pogge.  En  Suisse,  ceux  qui  ont  habité 
quelque  temps  l'intérieur  du  pays,  connaissent  la 
facilité  toute  primitive  des  jeunes  tilles  de  l'Ober- 
land  et  des  riveraines  du  lac  des  Quatre  Cantons, 
à  permettre  la  constatation  de  leurs  charmes. 
Cette  condescendance  naïve  rappelle  le  flirtage 
des  vierges  américaines,  avec  moins  d'accidents  ; 
car  il  est  un  droit,  un  seul  peut-être,  que  leur  pru- 
dente simplicité  réserve  à  l'époux  que  cette 
attrayante  complaisance  a  pour*  but  d'attirer. 
Dans  le  Valais,  les  bains  de  Luèche,  près  de  Sion, 
offrent  à  peu  près  sans  correction  le  tableau  de 
haute  saveur  décrit  par  Pogge  '. 

«  Cn  de  mes  amis,  continue  Antony  Méray,  eut 
occasion  de  s'y  rendre  depuis  Turin,  il  y  a  cjuelques 
années,  en  très  honorable  compagnie.  En  par- 
courant ma  traduction  des  bains  de  Bade,  près 
Thurgau,  il  crut  un  moment  qu'il  s'agissait  de 
ceux  de  Luèche.  tant  les  usages  de  la  Suisse  du 
nord  et  de  la  Suisse  du  sud  se  ressemblaient, 
malgré  les  quatre  ou  cinq  siècles  qui  les  séparent. 
Son  expérience  m'a  été  très  utile  pour  certains 
détails  que  je  ne  m'expliquais  pas  très  bien.  J'ap- 

1.  Le  D'  Bonueloy,  déjà  cilé,  a  fait  la  moine  constatation 
qu'Antony  Moray  et  son  ami,  et  que  font  encore  les  touristes 
d'aujourd'hui. 


348  DESCRIPTION 

pris  de  lui,  entre  autres  choses,  que  les  tables 
flottantes  sur  lesquelles  on  servait,  en  pleine  eau, 
des  repas  à  frais  communs,  usage  florissant  encor(i 
à  Luèclie,  étaient  fabriquées  en  liège.  Les  con- 
vives, me  dit-il,  prennent  en  très  bonne  part  les 
chutes  des  verres,  des  plats  et  des  bouteilles,  que 
la  turbulence  occasionne  dans  ces  banquets 
mouvants.  Les  visiteurs  circulent  encore,  dans  les 
bains  du  Valais,  autour  des  galeries  qui  surmon- 
tent la  pièce  d'eau  où  se  font  les  ébats  féminins. 
hk  aussi  les  jolies  baigneuses,  demi  nues,  reçoivent 
des  pièces  d'argent,  des  couronnes  et  des  bou- 
quets de  fleurs,  et  en  les  recevant  dans  leur  court 
vêtement  soulevé  font,  quelquefois,  encore  mur- 
murer les  Gâtons.   » 

Par  contre,  le  voyageur  a  fait  une  constatatiou 
importante  :  «  T/est  la  différence  notable  qui  existe 
entre  aujourdliuy  et  jadis  dans  lélément  ecclésias- 
tique, qui  est  aujourd'hui  fort  rare.  Un  prélat 
français  qui  se  trouvait  avec  la  noble  compagnie 
piémontaise,  s'arrêta  à  la  porte.  De  quelque 
manière  qu'on  essayât  d'excuser  à  ses  yeux  le 
badinage  des  vierges  valaisanes,  il  refusa  oljstiné- 
mcnt  de  franchir  le  seuil  de  la  piscine.  Cette 
manière  légère  de  prendre  les  eaux  lui  semblait 
un  peu  profane  ;  l'opinion  d'aujourd'hui  est  de- 
venue si  sévère,  d'ailleurs,  à  l'égard  du  clergé  !  » 
Et  les  mœurs  sont  heureusement  bien  changées 
en  certains  points. 

Antony  Méray,  homme  spirituel  et  bon  vivajit. 


DES    Bàl.NS    DE    BADE  349 

s'écrie  :  «  C  est  le  cas  de  piendre  poui'  règle  la 
bienheureuse  devise  de  l'ordre  de  la  Jarretière  : 
Honni  soil  qui  mal  y  pense  !  Il  faut  se  faire  uu 
cœur  placide  et  un  esprit  simple  ;  il  faut  retrouver 
la  franchise  de  l'âge  d'or,  la  bonhomie  des  gra- 
cieux insulaires  d'O'Taïti,  au  moment  où  les  vais- 
seaux de  Bougainville  y  abordèrent,  si  l'on  veut 
goûter  sans  réflexions  fâcheuses,  ces  scènes  primi- 
tives de  l'Eden  I   » 

Nous  avons  serré,  autant  qu'il  est  possible,  le 
texte  de  près,  dans  la  traduction  que  nous  don- 
nons. Nous  avons  dû  pour  cela  nous  référer  à 
diverses  éditions  totales  ou  partielles  de  l'œuvre 
de  Pogge.  Nous  nous  sommes  arrêtés,  de  préfé- 
rence, au  texte  de  l'édition  incunable,  à  longues 
lignes,  imprimée  en  caractères  ronds,  par  Jehan 
Petit,  à  Paris,  sans  date. 

La  première  traduction  française  qui  en  ait  été 
donnée,  avait  été  elle-même  faite  sur  la  traduc- 
tion anglaise  que  W.  Shepherd  avait  publiée  dans 
sa  vie  de  Pogge.  Aux  fautes  du  premier  tradnc- 
teur  vinrent  s'ajouter  celles  du  second.  La  prin- 
cipale erreur  de  l'anglais  Shepherd,  c'est  d'avoir 
interprété  le  passage  relatif  aux  Lettres  hébraïques 
de  Jérôme  de  Sainte-Foi,  de  la  manière  suivante, 
que  nous  reproduisons  d'après  la  traduction 
publiée  en  1820  : 

((  Si  vous  l'eussiez  reçue  (^ma  lettre),  vous  m'au- 
riez certainement  écrit,  ne  fut-ce  que  pour  me  féli- 
citer sur  un  nouveau  genre  d'étude  que  vous  m'avez 


350  DESCRIPTION 

si  souvent  conseillé  d'entreprendre.  Je  ne  vois 
pas  que  l'hébreu  me  soit  jamais  d'un  grand  secours 
pour  acquérir  des  connaissances  philosophiques, 
mais  l'acquisition  de  cette  langue  contribuera  à 
mes  progrès  dans  la  littérature  et  je  crois  déjà  en 
savoir  assez  pour  démêler  les  principes  suivis  par 
Saint-Jérôme  dans  sa  version  de  l'Ecriture 
Sainte.   » 

Rien  de  semblable  dans  le  texte. 

La  seconde  traduction,  celled'Antony  Méray  a  été 
publiée,  en  18G8,  ^arV Académie  des  Bibliophiles^ 
et  une  seconde  fois  par  l'éditeur  Liseux,  en  187G, 
sous  le  titre  de  :  Les  bains  de  Bade  au  A'*'  siècle^ 
par  PoGGE,  Florentin.  —  Scène  de  Vcige d'oi\tia- 
ditile  pour  la  première  fois.  Elle  est  plus  exacte, 
élégante  de  style  et  soignée  en  tous  points  ;  mais 
quelques  fautes  n'ont  pu  cependant  lui  échapper  : 
fautes  de  lecture  ou  fautes  de  texte,  on  ne  saurait 
préciser.  La  principale  que  nous  ayons  relevée, 
est  dans  le  passage  où  Pogge  raconte  que  ses 
amis  se  mirent  au  bain,  bien  qu'ils  ne  connussent 
point  le  langage  des  baigneuses  et  qu'ils  dussent 
se  servir  d'un  interprète.  Méray  écrit  :  L'essentiel 
était  qu'ils  fissent  du  bruit  avec  leurs  lèvres,  ce 
qui  ne  signifie  rien,  tandis  que  la  traduction  litté- 
rale du  latin  donne:  Tout  en  agitant  fréquem- 
ment leurs  éventails. 

Anton  y  Méray  a  fait  précéder  la  lettre  de  Pogge 
d'une  cliarmante  et  spirituelle  introduction,  dont 
nous  avons  tiré   profit  largement,    ainsi   que  de 


DES    BAINS    DE    BADE  oôl 

quelques  notes  fort  judicieuses,  mais  trop  rares, 
dont  il  a  aecompa.iiné  le  texte  ;  nous  devions  en 
toute  justice  reconnaître  ces  emprunts  et  témoi- 
gner de  rincontestable  utilité  dont  a  été  pour  nous 
le  texte,  les  notes  et  la  traduction  même  de  cet 
écrivain. 

P.  desB, 


DESCRIPTION 


DES 


BAINS    DE    BADE 

près    Thnrgau 
AU   XV«   SIÈCLE 


Poggio,  à  son  cher  Niccolo. 

Salutations  empressées.  Si  tu  te  portes  bien, 
tant  mieux,  car  moi  je  vais  à  merveille. 

Je  t'ai  écrit  de  Constance,  par  un  de  mes  col- 
lègues, une  lettre  datée,  si  je  ne  me  trompe,  du 
\  des  calendes  de  mars.  Si  tu  Tas  reçue,  tu  as  dû 
bien  rire  en  la  lisant,  car  elle  était  émaillée  de 
choses  fort  plaisantes  et  assaisonnée  de  bon  sel. 
11  y  était  beaucoup  question  des  Lettres  Hébraï- 
ques^ dont  je  m'occupais  alors,  et  je  me  gaus- 

1.  Les  Lettres  llétjra'iques,  dont  il  est  ici  question,  sont  l'ou- 
vrage du  Juii' Espagnol  convci-ti,  connu  sous  le  nom  de  Jérôme 
de  Sainte-Foi  ;  il  y  énonce  que  les  prédictions  contenues  dans 

20. 


354  UESCHIPTIO.N 

sais  de  ce  docteur,  qui,  comme  tout  bon  Juif 
devenu  chrétien,  est  léger,  vaniteux  et  inconstant; 
aussi  flagellais-je,  d'une  main  leste,  ces  lettres  et 
leur  doctrine  fruste,  grossière  et  barbare. 

Je  crains  bien,  cependant,  que  celte  lettre  ne  te 
soit  pas  plus  parvenue  que  celle  que  j'ai  écrite  à 
Leonardo  d'Arrezo  l ,  car  je  connais  trop  bien  ton 
exactitude  pour  ne  pas  croire  que  tu  ne  m'eusses 
pas  déjà  répondu  quelque  chose  de  spirituel  au 
sujet  de  la  conduite  de  ce  docteur  tout  frais 
émoulu,  ce  que  du  reste  tu  avais  si  bien  prévu 
dans  maintes  de  nos  conversations.  Bien  qu'elles 
soient,  à  mon  avis,  d'aucune  utilité  pour  l'étude  de 
la  philosophie,  elles  peuvent  cependant  contribuer 
à  notre  connaissance  de  l'humanité,  d'autant  plus 
qu'en  les  traduisant  j'ai  appris  à  bien  connaître 
les  mœurs  de  ce  Jérôme. 

Je  t'écris  de  ces  bains  auxquels  je  suis  venu 
demander  à  mains  jointes,  de  me  rendre,  en  grâce 

la  Bible,  relativement  à  Jésus-Chri.-t,  étaient  si  évident^s 
qu'elles  attestaient  si  clairement  sacjualiléde  vrai  Messie  qu"il 
se  faisait  fort  de  rallier  à  cette  opinion  tous  les  rabbins  espa- 
irnols,  si  le  pape  Benoît  XIIJ,  alors  réfugié  en  Espagne,  voulait 
laire  tenir  une  conterencj  en  sa  présence.  Cette  conférenci'. 
commencé  le  7  février  l'il3,  en  présence  du  Pape  exilé,  de  plu- 
sieurs cardinaux,  d'une  foule  de  prélats  et  des  rabbins  les 
plus  savants  du  royaume  d'Aragon,  ne  finit  que  le  10  mai 
suivant.  Comme  il  arrive  souvent,  en  pareil  cas,  l'orgueil  et  la 
vanité  du  nouveau  docteur  y  gagnèrent  seuls  quelque  cha- 
touillement. Chacun  resta  dans  son  opinion  en  dépit  des  efforts 
de  Jérôme  de  Sainle-P^oi.  Il  a  composé  aussi  un  traité  contre 
les  erreurs  dangereuses  contenues  dans  le  Talmud.  (.Vo/r 
d'ÂNT.  Mkray). 

1.  Leonardo  Brunis    voir  l'introduction). 


DKS    BAINS    DE    BAT»E  355 

la  santé,  et  j'ai  pensé  qu'une  description  de  ce 
pays,  de  ses  agréments  et  des  mœurs  de  ses  habi- 
tants, ainsi  que  des  habitudes  des  baigneurs,  te 
serait  agréable,  et  certes  la  chose  en  vaut  la 
peine . 

On  a  beaucoup  parlé  des  antiques  bains  de 
Pouzzole,  où  tout  le  peuple  romain  accourait 
poussé  par  l'attrait  du  plaisir  ;  mais  je  ne  pense 
pas  qu'ils  aient  jamais  pu  approcher,  ni  même 
être  comparés  à  ceux-ci.  Car  l'attrait  de  Pouzzole  ^ 
consistait  bien  plus  dans  le  charme  du  site  et  la 
magnificence  des  villas,  que  dans  le  caractère 
aimable  des  habitants  et  l'usage  des  bains.  Ici 
au  contraire,  le  paysage  n'offre  aucune  distrac- 
tion à  l'esprit,  ou  du  moins  bien  peu,  tandis  que 
tout  le  reste  est  combiné  pour  le  plaisir  le  plus 
grand.  Il  m'a  semblé  que  Vénus  cyprienne  et 
toutes  ses  voluptés  s'étaient  transportées  dans 
cette  station  balnéaire;  qu'on  y  observait  fidèle- 
ment ses  préceptes  et  ses  caprices  voluptueux,  et, 
quoi  qu'on  n'y  ait  jamais  lu  les  théories  d'Hélio- 
gabale,  les  gens  m'ont  paru  suffisamment  savants 
et  s-uffisamment  instruits. 


1.  Poiizzoles  ou  Pozzuoli,  à  dix  kiloiiiètrts  de  Naples,  lundée 
en  5"2'2  avant  Jésus-Christ.  La  douceur  de  son  climat,  la  l)eaulé 
de  son  ciel  y  attirèrent  les  Romains.  La  priorité  dura  jusqu'à 
la  chute  de  l'Empire;  elle  l'ut  ensuite  ravagée  par  les  bar- 
bares, et,  au  moyen  âge,  par  les  Sarrasins,  et  plusieurs  fois 
bouleversée  par  les  éruptions  de  la  Sulfalare.  Les  Turcs  la 
détruisirent  presque  entièrement  en  1550.  —  Grégoire.  Dic- 
tionnaiie,  édition  Garnier. 


35(j  J^JESCRIPTION 

Mais  avant  d'entreprendre  ma  description,  il 
ne  faut  pas  oublier  de  te  tracer  la  route  que  j'ai 
suivie  depuis  (Constance,  pour  te  mettre  à  même 
de  bien  voir  dans  quelle  partie  de  la  Gaule  sont 
situés  ces  bains. 

Le  premier  jour,  on  s'embarque  sur  le  Rhin 
pour  venir  à  Schaffouse.  distante  de  vingt-quatre 
milles  ;  de  là,  on  parcourt  à  pied  dix  autres  milles 
parce  que  le  fleuve  en  cet  endroit  s'engouffre 
entre  des  montagnes  abruptes  et  tombe  à  travers 
un  amoncellement  de  rochers  ;  puis  nous  arrivons 
à  un  château  qui  domine  le  Rhin;  c'est  le  Key- 
sertuhl,  cest-à-dire  le  siè^e  de  César  en  lanease 
du  pays.  Je  pense  que  ce  nom  lui  vient  d'un 
camp  romain,  qui  aurait  été  établi  sur  cette  col- 
line fort  élevée  dominant  le  fleuve  très  resserré  en 
cet  endroit,  et  où  un  petit  pont  reliait  la  tlaule  à  la 
Germanie.  De  ce  chemin  élevé,  nous  contemplons 
la  chute  du  Rhin  qui  se  précipite  de  la  montag-ne 
au  milieu  des  rochers  épars,  avec  un  bruit 
effroyable  et  une  sorte  de  lamentation,  comme  s'il 
se  plaignait  lui-même  de  sa  chute.  Alors  je  me 
ressouvins  de  tout  ce  que  l'on  raconte  de  ces 
lieux  dangereux,  et  je  ne  fus  plus  surpris  que  les 
habitants  d'alentour  devinssent  sourds  au  fracas 
de  ce  fleuve  se  i)ris;int  sur  les  rochers,  et  dont 
le  bruit  retentit  aussi  loin  que  celui  des  cataractes 
du  Nil,  c'est-à-dire  à  trois  stades  environ. 

Près  de  là,  se  trouvent  la  ville  assez  florissante 
de   Badeii   fce  qui  veut  dire  bain  en  allemand), 


I>I.S    lîAI.NS    DE    B-VDK  357 

elle  est  située  dans  un  cii(|ae  de  montagnes  près 
d'une  grande  rivière  qui  se  jette  dans  le  Rhin  à 
environ  six  milles  de  la  ville.  Non  loin  de  là.  on 
rencontre  une  station  charmante  construite  pour 
les  baigneurs  avec  des  hôtelleries  tout  autour  de 
la  place  centrale  et  dans  lesquelles  viennent  en 
foule  les  étrangers. 

Chaque  maison  a  ses  bains  particuliers  dont 
l'usage  est  exclusivement  réservé  à  ses  hôtes.  On 
compte  environ  trente  établissements  tant  publics 
que  privés  '  .  Il  va  deux  établissements  publics  et 
ouverts  des  deux  côtés  pour  le  bas  peuple,  et  dans 
ces  piscines  descendent  pêle-mêle  les  femmes, 
les  hommes,  les  enfants,  les  jeunes  filles  et  toute 
la  tourbe  des  populations  environnantes  - .  Une 
cloison  légère,  inoffensive,  sépare  bien  dans  ces  pis- 
cines les  hommes  d'avec  les  femmes,  mais  il  n'en 
est  pas  moins  ridicule  devoir  de  vieilles  décrépites, 
et  des  jeunes  filles  descendre  toutes  nues  dans 
l'eau  et  étaler  aux  regards  des  hommes  leurs  fesses, 


1.  «  ...Sans  ceux  qui  iettent  leur  bouillon  outre  la  rivière, 
DIX  il  y  a  aussi  quelques  maisons  liasties,  esquelles  les  villageois 
et  paysans  se  baignent  coustuniièrement.  Ainsi  et  deçà  et  de 
là  la  rivière,  et  aussi  dedans  la  rivière  mesme  sortent  de«  bouil- 
lons d'eau  chaude.  La  chaleur  est  si  grande  en  la  source  au 
lieu  où  IV'au  sort  hors  de  terre,  qu'on  ne  la  peut  pas  endurer. 
iS.  MfxsTER,  trad.    Belle-Forest). 

2.  Ouant  aux  baings  publics,  il  n'y  en  a  que  deux,  esquels,  le 
commun  populaire  se  baigne;  et  l'eau  et  les  ordures  de  tous 
les  autres  descendent  par  là.  —  Et  on  n'y  ferme  point  d'aiz. 
Les  baings  qui  sont  par  deçà  la  rivière,  du  costé  de  la  ville.' 
sont  les  plus  grands,  et  ceux  qui  sont  par  delà  sont  appelez  les 
petits  baings.    s.  .M.  —  li-F.). 


358  DESCUII'TIO.N 

leur  ventre  et  le  reste.  Je  me  suis  très  souvent 
amusé  à  ce  eenre  particulier  de  spectacle,  cjui 
évoquait  à  mon  esprit  les  Florales  Liidi^  ,  admi- 
rant en  mon  for  intérieur  la  simplicité  de  ces 
bonnes  gens  qui  ne  détournaient  point  leurs  yeux 
de  pareilles  choses,  n'y  soupçonnant  pas  plus  de 
mal  qu'ils  n'en  disaient. 

Mais  les  bains  des  maisons  particulières  sont 
plus  élégants,  les  femmes  y  sont  également  sépa- 
rées des  hommes  par  une  cloison  percée  de  nom- 
breuses ouvertures  à  travers  lesquelles  ils  peu- 
vent boire  et  causer  ensemble,  se  contempler  et 
se  caresser  comme  ils  ont  l'habitude  de  le  faire 
très  fréquemment. 

Des  promenoirs  établis  au-dessus  de  la  piscine, 

1.  Les  Floralia,  fcte  en  l'iionneur  de  la  déesse  Flora  à  Rome 
et  dans  les  campagnes.  Ces  fêtes  furent  de  tout  temps  très 
bruyantes  et  licencieuses;  déjà  au  dernier  siècle  de  la  Répu- 
blique, des  courtisanes  y  figuraient,  n'attendant  que  les  accla- 
mations de  la  foule  pour  se  montrer  toutes  nues.  Lanecdole  de 
Caton  d'U tique,  quittant  le  cirque  (en  l'an  .55),  pour  ne  pas 
gêner  les  plaisirs  des  spectateurs  à  qui  sa  présence  en  impo- 
sait, est  célèbre.  Ovide  et  Martial  excusent  cette  licence,  qui 
paraît  avoir  eu  à  l'origine  un  sens  symbolique.  —  D.^REMBERa 
et  S.\GLio.  —  Dictionnaire  des  Antiquités  grecques  et  romaines. 
Menard. —  Didinnnairede  Mytholoçiie.  Garnier,  éditeur. 

«  Chacun  sait  que  les  Jeux  llorau.r  de  Rome  antique  étaicut 
célébrés  par  les  courtisanes  en  l'honneur  de  P^lora,  qui,  après 
avoir  exercé  fructueusement  ce  joyeux  métier  avait  laissé  S'  s 
biens  à  la  République.  Du  Verdiur,  soigneur  de  Vauprivas,  dans 
ses  7/;irtf/e.s  des  Dienr,  dit  que  «  cei'lains  jeux  furent  ordonnas 
en  son  honneur,  lesquels  étaient  célébrés  par  les  putains  avec 
grande  lancivilè.  »  11  faut  tlonc  bien  se  garder  de  les  confondre 
avec  les  Jeux  floraux  institués  au  commencement  du  XV'' siècle 
par  Clémence  Isaure,  création  charmante,  dont  le  but  était  de 
donner  de  l'émulation  aux  poètes.  {Snte  (I'Antoine  Méray). 


DES    BAINS    l)i;    BAI>E  359 

permettent  aux  hommes  daller  contempler  les 
dames  et  de  s'entretenir  avec  elles.  Chacun  étant 
libre  d'aller  et  de  venir  à  sa  guise  d'un  bain  dans 
l'autre  pour  regarder,  causer,  badiner  et  délasser 
son  esprit,  et  de  se  placer  de  façon  à  voir  les 
femmes  presqu'entièrement  nues  entrer  et  sortir 
de  l'eau. 

Chez  elles,  nulle  contrainte,  aucune  entrave, 
pas  la  moindre  pensée  mauvaise. 

Dans  plusieurs  endroits  même,  l'entrée  du  bain 
est  commune,  en  sorte  qu'un  homme  en  entrant 
peut  frôler  une  femme  nue  et  vice  versa .  Ceux-ci 
n'ont  pour  tout  costume  cp.run  simple  caleçon  ; 
celles-là  une  chemise  de  lin  ouverte  de  chaque 
côté  jusqu'aux  jambes  qui  ne  couvre  ni  le  cou,  ni 
la  poitrine,  ni  les  bras,  ni  les  épaules. 

Sotivent  ces  dames  font,  dans  la  piscine,  des 
pique-niques  auxquels  les  hommes  assistent  habi- 
tuellement ;  le  repas  est  servi  sur  des  tables  flot- 
tantes. Nous-mêmes,  nous  fûmes  invités  dans  la 
maison  que  nous  habitions.  Et,  bien  que  j'eusse 
versé  mon  écot  au  pique-nique,  je  ne  voulus  point 
y  prendre  part,  non  point  par  pudeur,  par  timi- 
dité ou  sauvagerie,  mais  parce  que  j 'ignorais  leur 
langue.  11  me  semblait  en  effet  ridicule  qu'un 
Italien  ne  comprenant  pas  leur  langage,  demeu- 
rât dans  l'eau  au  milieu  des  dames,  muet  et 
comme  privé  de  langue,  passant  son  temps  uni- 
quement à  prendre  des  sorbets  et  à  boire. 

]>eux  de   mes    compagnons  entrèrent  dans  la 


3(30  DESCRIPTION 

piscine  et  se  mirent  avec  beaucoup  d'entrain  à 
caresser  les  dames,  à  boire  et  à  manger  avec  elles, 
à  causer,  mais  au  moyen  d'un  interprète  tout  en 
agitant  fréquemment  leurs  éventails.  Quoi  de  plus 
si  ce  n'est  le  tableau  de  Jupiter  fécondant  Danac 
avec  une  pluie  d'or  et  le  reste.  Mes  compagnons 
étaient  toutefois  vêtus  d'une  chemise  de  lin  comme 
ont  coutume  de  l'être  les  hommes  qui  vont  dans 
le  bain  des  dames. 

Quant  à  moi,  du  haut  de  la  galerie,  je  regar- 
daistout  cela,  j'admirai  ces  mœurs,  ces  coutumes, 
ces  plaisirs,  cette  liberté,  cette  licence   de  vivre. 

N'est-il  pas  stupéfiant  de  voir  dans  quelle  sim- 
plicité vivent  ces  gens,  et  la  confiance  de  ces 
maris  qui  laissent  ainsi  caresser  leurs  femmes 
aux  voyageurs,  sans  en  être  le  moins  du  monde 
émus  ou  troublés,  qui  prennent  cela  du  meilleur 
côté.  Il  n'est  donc  rien  de  si  difficile  qui  ne  soit 
rendu  facile  par  de  telles  mœurs.  Ces  gens  enfin 
ont  vraiment  toutes  les  dispositions  possibles  pour 
embrasser  la  doctrine  de  Platon,  qui  veut  que 
tout  soit  en  commun  et,  bien  qu'ils  ignorent  cette 
doctrine,  ils  n'ont  certes  point  leurs  pareils  pour 
la  mettre  en  pratique. 

Dans  plusieurs  de  ces  bains,  les  hommes  se 
mêlent  aux  femmes,  bien  que  fous  soient  alliés 
par  le  sang  ou  par  l'amitié.  On  va  trois  ou  quatre 
fois  par  jour  aux  bains,  on  y  passe  la  majeure 
partie  du  temps  à  chanter,  à  boire,  à  danser  en 
clio'ur  et  à  se  mettre  à  l'eau  de  temps  h   autre.  Il 


1»KS    l'.VINS    DE    KAbK  3C1 

est  en  vérité  extrêmement  plaisant  de  voir  des 
jeune  fdles  nubiles,  en  pleine  force  de  la  jeu- 
nesse, montrer  leurs  formes  splendides  sous  le 
costume  complaisant  des  déesses  ;  et  quand  leurs 
draperies  légères  voltigent  en  arrière,  ou  flottent 
sur  l'eau,  tu  croirais  voir  une  autre  Vénus. 

Ces  femmes  ont  l'habitude  de  solliciter,  avec  la 
plus  gracieuse  gentillesse,  une  récompense,  aux 
hommes  qui  les  regardent  du  haut  des  galeries. 
Ceux-ci  s'empressent  de  jeter  des  pièces  de  mon- 
naie aux  plus  jolies  qui  tendent,  les  unes  leurs 
mains,  les  autres  le  pan  soulevé  de  leur  léger 
vêtement;  elles  luttent  alors  entre  elles  et  dans 
leurs  ébats  laissent  entrevoir  leurs  charmes  les 
plus  secrets. 

On  leur  jette  aussi  de  belles  couronnes  de  fleurs 
dont  elles  ornent  leurs  têtes,  tout  en  se  jouant 
dans  l'eau. 

Je  suis,  je  l'avoue,  captivé  par  tout  ce  que  je 
vois,  par  toutes  ces  attractions  et  comme  je  ne 
prends  que  deux  bains  par  jour,  je  passe  tout  mon 
temps  à  visiter  les  autres  établissements,  à  jeter 
fréquemment  des  pièces  de  monnaie  et  des  cou- 
ronnes, tout  comme  les  autres. 

Où  trouver  le  temps  délire  et  d'étudier?  Com- 
ment s'isoler  au  milieu  de  ces  symphonies  de 
trompettes,  de  cithares  et  de  tous  ces  chants 
qui  vous  enveloppent.  Ce  serait  folie,  surtout 
si  comme  Chémès  de  V HeaiUontunorunienos 
qui     pense     qu'étant    homme,    rien   de    ce     qui 

21 


362  DESCIUI'TION 

est  humain  ne  doit  être  indifférent.  Pour  mettre  le 
comble  à  ma  jouissance,  il  ne  me  manque  hélas  1 
que  la  parole,  ce  qui  en  est  l'élément  capital.  I! 
ne  me  reste  donc  qu'à  aller  et  venir  sur  la  galerie. 
qui  est  entièrement  libre  et  dont  l'abord  n'est  sou- 
mis à  aucun  règlement. 

Outre  ces  multiples  plaisirs,  il  y  en  a  d'autres 
non  moins  agréables.  En  dehors  de  la  ville,  au 
bord  de  la  rivière,  s'étend  une  vaste  prairie  om- 
bragée d'arbres  en  grand  nombre,  où  l'on  vient 
en  foule  après  le  diner.  On  s'y  livre  à  des  jeux 
variés;  les  uns  dansent,  d'autres  chantent.  La  plu- 
part jouent  à  la  paume,  mais  pas  comme  chez 
nous  1 ,  car  ici,  les  hommes  et  les  femmes  si 
lancent  alternativement  un  ballon  plein  de  grelots. 
On  le  lance  d'abord  à  une  personne  désignée,  et 
de  tous  côtés  les  joueurs  accourent  pour  s'en  empa- 
rer, celui  qui  a  pu  le  saisir,  le  lance  de  nouveau  i 
une  autre  personne  ;  parfois  il  feint  de  l'envoyer 
d'un  côté,  et  toutes  les  mains  s'élèvent  pour  attra- 
per le  ballon  que  le  joueur  lance  alors  du  côt< 
opposé.  Il  y  a  une  foule  d'autres  jeux  qu'il  serait 
trop  long  d'énumérer,  mais  ce  que  j'en  ai  retenu 
te  fera  comprendre  combien  cette  société  se  rap- 
proche de  la  secte  d'Kpicure. 

Je  finis  par  m'imaginer  que  ce  lieu  est  ce 
jardin  de  délice,  que  les  Hébreux  nomment  Ga- 
nelom  et  dans  lequel  fut  placé  le  premier  homme. 

I.  En  Italie. 


DES    BAINS    HE    lIAIiE  :iô;< 

En  effet,  si  la  volupté  peut  rendre  la  vie  heureuse, 
je  ne  vois  point  ce  qui  peut  manquer  ici  pour 
procurer  à  tous  le  bonheur  parfait. 

Maintenant,  si  tu  veux  savoir  quelles  sont  les 
vertus  de  ces  eaux?  elles  sont  multiples  et  variées, 
elles  sont  d'une  efficacité  admirable,  presque 
divine;  et  je  ne  connais  pas.  dans  le  monde  entier, 
des  bains  plus  favorables  à  la  fécondité  des 
femmes,  beaucoup  de  celles-ci  qui  étaient  sté- 
riles éprouvent  les  effets  de  leur  vertu  merveil- 
leuse, aussi  les  baigneuses  qui  arrivent  chaque 
jour  s'empressent-elles  de  suivre  les  préceptes  et 
d'user  des  remèdes  recommandés  à  celles  qui 
n'ont  point  encore  pu  concevoir  ' . 

11  est  cependant  une  chose  digne  de  remarque 
entre  toutes,  c'est  la  multitude  innombrable  de 
gens  nobles  et  vilains  qui  viennent  ici  de  plus  de 
deux  cent  milles  à  la  ronde,  moins  pour  leur  santé 
que  pour  leurs  plaisirs.  Tous  les  libertins,  tous 
les  viveurs,  tous  ceux  qui  passent  leur  vie  dans  les 
plaisirs  y  viennent  satisfaire  leur  passion.  Beau- 
coup feignent  des  maladies  corporelles  et  ne 
sont  en  réalité  malades  que  desprit  2  . 


1.  «  Que  si  oa  se  veut  enquf^rir  île  la  vertu  de  ces  baings.  il 
faut  sçavoir  iju'il  y  en  a  plusieurs,  mais  une  est  surtout  adi)ii- 
rable  et  quasi  divine,  c'est  qu'en  tout  le  monde,  il  n'y  a  baings 
^i  [iropres  pour  rendre  les  femmes  fertiles,  que  ceulx  cy.  Piu- 
-ieurs  femmes,  qui  y  sont  allées  à  cause  de  leur  stérilité,  ont 
ixpérimenté  ceste  vertu  merveilleuse.  ;B-F.; 

2.  «  Là  aborde,  voire  des  pays  loinjjlain.s,  un  grand  nombii' 
de  gens,  tant  gentilshommes  que  méchaniques.  et  plus  pour  y 


30 1  nKSiUll'TION 

Ainsi  tu  verras  une  foule  de  femmes  aux  formes 
opulentes,  venir  ici,  sans  mari,  ni  parents, 
suivies  de  deux  servantes  et  d'un  laquais  ou  tout 
bonnement  accompagnées  de  quelque  vieille 
dame  de  compagnie  plus  facile  à  tromper  qu'à 
rassasier.  Quelques-unes  arrivent,  couvertes  de 
toute  leur  fortune,  en  robes  de  drap  d'or  ou  d'ar- 
gent, constellées  de  pierres  précieuses  et  ayant 
bien  plutôt  l'air  d'aller  à  une  noce  que  de  venir 
prendre  des  bains  i . 

On  y  voit  aussi  des  vierges  Vestales,  ou  pour 
mieux  dire  Florales,  des  abbés,  des  moines,  des 
frères,  des  prêtres  qui  se  conduisent  avec  beau- 
coup moins  de  retenue  que  les  autres,  et  quand 
ils  se  baignent  au  milieu  des  femmes,  la  cheve- 
lure pareillement  ornée  de  rubans  de  soie,  ils 
semblent  avoir  dépouillé  tout  caractère  religieux. 
Tous  n'ont  qu'une  seule  et  unique  préoccupation: 


prendre  leurs  plaisirs,  que  i)our  y  chercher  médecine,  ou  j,'Ui  - 
rison  de  quelque  maladie.  Plusieurs  amoureux,  muguets,  <l 
qui  passent  leur  vie  en  volupté,  y  viennentpourjouyr  des  chose- 
désirées.  (S.  M.  —  B-F.i 

1.  (■  Plusieurs  femmes  aussi  feignent  d'esLre  malade  au  cori)s 
lesquelles  toutesfois  sont  navrées  au  coîur.  Ainsi  on  verra  là 
beaucoup  de  belles  femmes  sans  leurs  marys,  et  sans  aucuns 
de  leurs  parens,  seulement  accompaignées  de  deux  ou  troi- 
servantes  et  d'un  serviteur,  ou  de  quelque  vitnJie  femme,  la- 
quelle sera  plus  aisée  a  estr^s  deçiue,  que  propre  k  garder  qu'on 
ne  paillarde.  11  n'y  en  a  pas  une  qui  n'y  vienne  bien  attiffce, 
l'une  de  dorures  et  bagues,  l'autre  des  plus  beaux  habillemcn-- 
qu'elle  pourra  apporter,  en  sorte  qu'on  diroit  qu'elles  ne  sont 
point  là  venues  pour  se  baigner,  mais  à  quelque  festin  ou 
nopce^  magnifiques.  (S.  M.  —  B-F. 


ItKS    UMNS    DE    B.VDF.  SOo 

•  liasser  la  mélancolie,  se  livrer  à  la  joie,  ne  pen- 
-.er  à  rien  autre  qu'à  samuser  et  à  jouer.  Il  ne 
sagit  point  de  diviser  ce  qui  est  en  commun,  mais 
au  contraire  de  profiter  de  tout  ce  qui  est  com- 
mun. 

Il  est  vraiment  extraordinaire  de  voir  que  dans 
une  telle  réunion,  de  près  d'un  millier  d'individus 
de  caractères  si  divers,  dans  cette  foule  surexcitée, 
il  ne  se  produit  aucune  discorde,  aucune  querelle, 
pas  la  moindre  imprécation,  pas  même  un  mur- 
mure. Les  maris  voient  sans  s'émouvoir  caresser 
leurs  femmes,  et  les  laissent  aller  avec  des  étran- 
gers ;  le  tête-à-tête  ne  les  inquiète  ni  ne  les 
étonne;  ils  estiment  que  ce  n'est  qu'amabilité  et 
familiarité  '  .  C'est  à  tel  point  que  le  mot  jalousie, 
([ui  torture  presque  tous  les  maris,  n'existe  pas 
ici,  qu'il  n'a  même  jamais  été  prononcé  ni  entendu. 
On  ne  connaît  point  ce  genre  de  maladie,  et  l'on 
n'a  point  de  mot  pour  désigner  cette  souli'rance. 
En  effet,  comment  ces  gens  auraient-ils  pu  trou- 
ver le  nom  d'une  chose  qui  n'existe  pas,  puis- 
qu'on est  encore  à  trouver  un  jaloux  parmi  eux. 

Oh  !  combien  ces  mœurs  diffèrent  des  nôtres. 
Nous  qui  prenons  toujours  tout  en  mauvaise  part, 


1.  «  C'est  une  chose  merveilleuse  et  cligne  desbahissement 
•  |u'en  une  si  grande  multitude,  qui  est  bien  souvent  de  plu* 
de  mille  personnes,  il  n'y  a  nulle  riotte,  ne  débat,  nulle  sédi- 
tion ne  parolle  noyseuse,  nulle  mandition  ne  murmure.  Les 
maris  verront  attoucher  leurs  femmes,  et  parler  avec  les  étran- 
gers, voire  seules  avec  quebjue  homme  seul,  et  touLeslois  ils 
pensent  qu'il  n'y  a  point  de  mal.  (S.  M.  —  B.-F.) 


:!r,6  DKSCRIITION 

et  qui  pis  est,  nous  délectons  do  la  calomnie  et  dos 
mauvais  propos,  qui  des  moindres  choses  enfin, 
sommes  portés  à  faire  des  crimes.  Combien  j "en- 
vie la  quiétude  de  ces  gens  et  que  je  maudis  la 
perversité  de  notre  esprit  à  nous,  toujours  in<]uiet, 
toujours  envieux  et  qui  bouleversons  ciel  et  terre 
pour  trouver  la  fortune.  Aucun  gain  ne  nous 
contente,  aucun  lucre  ne  nous  rassasie;  pour 
[>arer  aux  misères  futures,  nous  nous  plongeons 
dans  les  misères  du  moment,  nous  vivons  dans 
d'éternelles  inquiétudes;  nous  nous  rendons  mal- 
heureux pour  ne  pas  le  devenir  plus  tard;  on 
cherchant  les  richesses,  nous  ne  laissons  en  repos 
ni  l'esprit,  ni  le  corps. 

Ces  gens,  au  contraire,  se  contentent  de  peu, 
ils  ne  songent  pas  le  moins  du  monde  aux  riches- 
ses à  venir,  ils  vivent  au  jour  le  jour,  et  chaque 
jour  pour  eux  est  une  nouvelle  fête.  S'ils  sont 
frappés  par  l'adversité,  ils  l'acceptent  philosophi- 
quement. Leur  bonheur  consiste  à  suivre  cette 
maxime  :  «  (Jelui-là  seul  a  vécu  qui  a  hien  vécu.» 

Mais  parlons  d'autres  choses,  car  mon  l)ut  n'est 
pas  de  louer  ou  de  criti((uer  ces  gens.  Je  ne 
voulais,  en  écrivant,  que  cette  lettre  fût  pleine  que 
de  choses  gaies  et  ((ue  par  elle  tu  pusses  goûter  au 
loin,  une  faible  partie  des  plaisirs  (juo  nous  avons 
ici. 

Adieu,  mon  très  ainïal>le  xNiccolo,  fais  part  do 
ma  lettre  à  Leonardo;  car  tout  doit  être  commun 
entre  amis. 


DKS    ItMNS    l»l.    ll.\r>K  3(37 

Salut,  mon  cher  Xiccolo,  à  toi  et  à  Leoiiardo; 
>aluez  Cosme  •  de  ma  part. 

PoGGIO. 


1.  Le  Cosme  dont  il  est  question   est  Cusme  de  Médicis,  fils 
:  •    Jean,  premier  personnage   illustre   de   cette   illustre  race, 
.'est  le  même  qui,  sans  titre  ni  pouvoir  officiel  dans  la  répu- 
blique  de    Florence,  obtint    une   si    grande    influence   sur    la 
direction  des   affaires  publiques  de   sa    patrie.   Machiavel  fait 
de  lui  le  plus  grand  éloge;  la  jalousie  démocratique  s'effaroucha 
un  moment  de  se*  immenses  richesses   et  de  l'usage  généreux 
qu'il  en  faisait.  En  1433.  Cosme  se  vit  exilé  à  Venise,  mais  un 
TQ   à  peine  s'était  écoulé  depuis  la   sentence  de  proscription, 
ue  les  Florentins  le  rappelèrent.  Ce  qui  lait  l'éloge  de  Cosme, 
est  que  tous  les  hommes  d'esprit,  Machiavel,  Poggio  et  Leo- 
aardo  d'Ari  /zo  entre  autres,  l'avaient  en  singulière  vénération. 
Ant.  Mer.w  .  Cosme  mourut  le  1"  août  1464.   C'est  à  lui  que 
Poggio  écrivit  la  lettre  qui  se  tronve  plus  loin,  en  lui  envoyant 
son  dialogue  :   Un  rieiUrn'd  dnit-il  se  marier. 


UN  VIEILLARD 


DOIT-IL  SE  MARIER? 


DIALOGUE 


NOTE   PRELIMIXAIRE 


Le  dialogue  :  Un  vieiUard  doit-il  se  marier? 
ne  figure  dans  aucune  édition  des  Œuvres  corn- 
l)lètes  de  Pogge  et  il  n'en  existait  aucune  publica- 
tion à  part,  avant  celle  de  180". 

((  On  savait,  dit  M,  Alcide  Boniieau  dans  son 
très  excellent  avant-propos,  que  Pogge  lavait 
composé  quelque  temps  après  son  mariage , 
comme  pour  se  disculper  vis-à-vis  de  ses  amis  de 
>es  noces  tardives  ;  qu'il  était  primitivement  décidé 
\  Cosme  de  Médicis;  que  des  deux  interlocuteurs, 
l'un  y  blâniait,  l'autre  approuvait  le  mariage  d'un 
vieillard  avec  une  jeune  lille;  qu'enfin,  Apostolo 
Zenon  en  avait  eu  en  sa  possession  une  copie  : 
mais  là  se  bornaient  les  renseignements.  W.  She- 
pherd  en  découvrit  par  hasard  un  manuscrit  en 
I8O0  à  la  Bibliothèque  Xalionale  de  Paris  '  ,  et 
se  hâta  de  le  publier  sous  ce  titre  :  Poggii  Brac- 
cioliiii  Florentini-Dialogus .  An  seni  sit  uxor  du- 
if.NDA,  circa  an.  1^35  conscriptus,  nunc  primuni 
typis  mandatas  et  publici  jnris  factiis  edente 
Gii.iELMO  Shki'HERd  [Liverpoolise .  tjjpi'^  Geo. 
F.  Ilarris,  1807,  \\\-^")  ». 

1.  Bibliothèque  Nationale.  M.  S. 


372  UN    VIEILLARD    lJ(.»rr-IL    SK    MARU.R 

C'est  sur  cette  édition  de  Liverpool  que  M.  Al- 
cide  Bonneau  a  fait  son  excellente  traduction 
parue  en  1877  dans  la  petite  collection  elzévirienne 
d'Isidore  Liseux.  Malheureusement  le  texte  donné 
d'après  un  seul  manuscrit  contenait  des  erreurs  de 
copiste  fort  évidentes,  mais  qu'il  avait  été  impossi- 
ble de  contrôler,  il  s'en  suit  donc  que  la  première 
traduction  française  devait  suivre  les  défectuosités 
du  texte.  M.  Bonneau  ne  serait  point  tombé  dans 
cette  défectuosité,  très  légère  il  faut  l'avouer,  sil 
avait  pris  au  lieu  du  texte  de  l'édition  de  Liver- 
pool, celui  de  l'édition  de  Florence,  1823  i ,  iiiinc 
adjuvante  codice  Laurenliano  ad  meliorem  lec- 
tioiiem  redactus,  publié  par  Shepherd  lui-même 
et  dédié,  comme  précédemment  à  l'illustre  éci'i- 
vain  Boscoe. 

Dans  le  codex  delà  bibliothèque  Laurentienne, 
se  trouve  le  texte  de  la  lettre  de  Pogge  à  Gosme  de 
Médicis,  le  Magnifique,  dont  la  copie  ne  se  trouve 
pas  dans  le  manuscrit  de  la  Bibliothèque  nationale 
et  dont  nous  donnons  ici  la  traduction  en  tète  du 
dialogue. 

Quant  aux  circonstances  dans  lesquelles  Pogge 
écrivit  ce  dialogue,  elles  ont  été  suffisamment 
expliquées  dans  la  notice  sur  l'auteur,  pour  «ju'il 
ne  soit  pas  besoin  de  les  rappeler  ici. 

1.    Tifpiit  Maijlu'riniiiy.  iii-S',  :!l    pages. 


POGGTO    FLOREXTLX 
au  Très  Magnifique 

GOSME    DE    MÉDIGIS 

SALUT 

Il  s'est  élevé,  il  y  a  déjà  ({uelque  temps,  entre 
des  hommes  très  doctes,  notre  ami  Niccolo  et  Carlo 
Aretino,  une  légère  polémique  sur  cette  question  : 
Convient-il  à  un  vieillard  de  se  marier?  Après  avoir 
consacré  à  la  mémoire  de  notre  ami  quelques  pas- 
sages de  mes  ouvrages.  j"ai  résolu  aujourd'hui, 
que  j'en  ai  le  loisir,  de  publier  cette  discussion, 
tant  à  cause  du  mérite  des  polémistes,  que  parce 
qu'ils  paraissent  confirmer  mon  opinion  person- 
nelle. Il  ne  manque  pas  en  effet  d'ignorants  qui 
s'imaginent  qu'il  est  défendu  à  un  homme  avancé 
en  âge  de  songer  au  mariage,  alors  que,  surtout 
en  raison  même  de  son  âge,  il  est  devenu  incapable 
de  gouverner  ses  affaires  domestiques  et  que  l'aide 
d'une  épouse  lui  est  presque  indispensable. 

Bien  que  Carlo  ait  employé  plus  de  mots  et  de 
développements  que  je  n'en  rapporte,  pour  défen- 
dre la  cause  de  la  vieillesse,  cependant,  je  crois 
que  le  peu  que  j'en  dis,  tel  (jue  cela  m'est  ifvenu 


'■>~  t  VS     VIKILL.Vitl»    IMIII-II.    SK    M.VniKH 

H  Fesprit,  répond  siiffisanimeiit  sur  presque  tous 
les  points  à  l'opinion  de  Xiccolo. 

Je  vous  adresse  donc,  à  vous,  homme  i\  la  fois 
très  sage  et  très  docte  celte  dissertation,  afin 
qu'après  l'avoir  lue,  vous  me  fassiez  connaître 
qu'elle  opinion  vous  embrassez  de  préférence.  Si 
j'ai  enlevé  quelque  chose  à  la  vigueur  d'argumen- 
tation de  Niccolo  et  à  l'éloquence  de  (larlo,  vous 
n'en  accuserez  que  la  faiblesse  de  mon  talent,  qui 
ne  peut  dépasser  ses  moyens.  J'ai  mieux  aimé 
tirer  tout  le  parti  possible  de  cette  discussion,  que 
de  laisser  tomber  dans  l'oubli  les  parolesd'honimcs 
aussi  doctes,  qu'il  importiiit  tant  de  connaître,  ne 
fut-ce  qu'en  substance. 

Adieu. 

POUGIO. 


Florence,  le  15'  jour  des  Kalendes  d'Avril. 


\ 


UN    VIIMLI.ARD 

DOIT-IL    SE   MARIER? 


jNiccolo  Niccoli  et  Carlo  Aretiiio,  hommes  très 
instruits,  auxquels  je  suis  attaché  par  les  liens  de 
la  plus  vive  amitié,  déjeunaient  chez  moi  peu  de 
jours  après  mon  mariage,  ainsi  que  cela  se  pra- 
ti(jue  entre  amis.  Pendant  le  repas,  cette  question 
fut  soulevée  :  Un  vieillard  (c'était  moi  que  l'inter- 
rogation visait  i  doit-il  S'  i)}(trier? 

On  plaida  diversement  le  pour  et  le  contre  :  moi 
je  soutins  bien  entendu  ma  cause.  Enfin,  si  vous 
m'en  croyez,  dis-je,  une  fois  sortis  de  table,  nous 
pourrons  approfondir  davantage  ce  sujet.  No 
dit-on  pas  que  les  cornemuses  résonnent  mieux 
quand  leur  panse  est  pleine  et  g-onflée? 

La  table  enlevée,  on  reprit  la  conversation  à 
-on  point  de  départ.  Niccolo  ne  cachait  pas  son 
-entiment  :  —  «  Pour  quel  motif  veux-tu  donc,  lui 
dis-je,  qu'un  vieillard  se  prive  des  douceurs  du 
mariag"e.  »  Alors  Niccolo  prompt  à  la  risposte  en 


376  L>   viKiLL.uu)  r»orr-iL  se  maiiikr 

ébauchant  un  sourire  :  —  «  Je  crois,  dit-il,  que  non 
seulement  tous  les  hommes  sont  insensés,  mais  que 
vous  deux,  en  particulier,  vous  n'êtes  pas  en 
pleine  possession  de  votre  bon  sens,  qu'il  faudrait 
employer  l'ellébore  pour  purger  le  genre  humain 
d'une  semblable  extravagance.  Arrivé  jusqu'à  un 
âge  avancé ,  tu  as  fait  fi  du  mariage;  libre  tu  vivais 
à  ta  guise,  quelle  folie  de  te  soumettre  maintenant 
à  une  servitude  volontaire  et  de  chercher  ainsi  une 
nouvelle  cause  d'ennuis  que  tu  ne  supporteras 
certainement  pas  toujours  avec  patience,  et  aux- 
quels il  te  sera  impossible  de  te  soustraire!  Assu- 
rément, j'approuve  Carlo,  ici  présent  de  s'être 
marié  à  l'âge  où  l'on  accomplit  généralement  cet 
acte,  au  temps  indiqué  par  Aristote  dans  sa  Poli- 
tique. Mais  celui-là  (et  il  me  désignait  du  doigt) 
il  s'est  chargé  d'une  besogne  ingrate  en  entre- 
prenant un  métier  nouveau,  juste  au  moment  où 
sonnait  l'heure  de  la  retraite.  Telle  chose  convient 
parfaitement  à  la  jeunesse,  qu'un  homme  mûr  doit 
s'empresser  de  fuir.  A  d'autres  de  prôner  le 
mariage,  si  tel  est  leur  bon  plaisir,  moi,  j'ai  tou- 
jours été  d'avis  que,  si  c'est  une  grosse  afl'aire  à 
tout  âge,  c'est  une  mauvaise  affaire  au  déclin  de  la 
vie  ;  les  vieillards  ont  besoin  de  soins  et  c'est 
folie  que  de  les  écraser  sous  le  [)oids  d'une  femme. 
Le  vieillard  est  incapable  de  se  suflire  à  lui- 
même  et  aux  charges  du  ménage;  n'est-il  pas 
évident  qu'il  doit  rechercher  la  tranquillité  el 
nom  les  fatigues  d'un  nouveau  genre  de  vie?  C'est 


L"N     MKII.I.AItn    DOIT-II.    SE    MAIUEU  377 

déjà  assez  pénible  de  vieillir,  pourquoi  s'embar- 
rasser d'un  surcroit  d'inquiétudes?  » 

—  «  Tujuues  les  autres  d'après  toi,  répondis-je, 
toi  qui  n'as  jamais  pu  entendre  prononcer  le  nom 
d'épouse  et  qui  l'as  en  horreur  à  l'égal  du  rocher 
de  Sysiphe,  toi  qui  ne  connais  aucun  des  agré- 
ments et  des  charmes  qui  sont  en  elle.  Si  géné- 
ralement la  volupté  a  du  prix,  pourquoi  l'inter- 
dire aux  vieillards?  Quant  à  moi,  jusqu'à  l'heure 
actuelle,  je  n'ai  ressenti  près  de  ma  femme  aucune 
satiété,  éprouvé  aucun  regret.  Que  dis-je,  j'ai 
trouvé  en  elle  de  jour  en  jour  de  si  grandes  con- 
solations et  de  telle  joies,  que  je  regarde  les  céli- 
bataires qui  se  privent  des  douceurs  du  mariage, 
comme  sevrés  du  bonheur  suprême.  » 

—  «  Tu  parles  pour  toi,  reprit  Niccolo.  Tu  t'es 
adressé  à  une  jeune  fille  bien  élevée,  soumise, 
prévenante,  de  telle  sorte  que  ce  dont  il  faut  te 
féliciter,  c'est  de  l'heureuse  inspiration  qui  a 
guidé  ton  choix,  et  nom  fie  la  sagesse  de  l'acte  en 
lui-même.  Une  telle  perfection  étant  Y  oiseau 
rare,  nous  n'avons  pas  à  nous  occuper  du  fait  qui 
s'est  produit,  mais  de  la  conduite  que  tu  aurais  dû 
tenir  à  ton  âge.  Ton  mariage  est  hors  de  cause 
et  j'y  applaudis  de  toutes  mes  forces,  mais  à  la 
manière  dont  un  individu  (tu  en  as  ri  toi-même) 
approuva  celui  d'un  sien  ami.  Je  tiens  de  toi,  j'en 
ai  souvenance,  l'histoire  de  cet  Anglais  auquel  un 
camarade  demandait  s'il  agirait  sagement  en  épou- 
sant une  femme    qu'il  désignait,   or,  le    mariage 


:;78  l>    \  ikii.i  mil»   imut-ii,  sk  mauiku 

avait  déjà  eu  lieu  secrètement.  L'anglais  qui 
était  renseigné  sur  le  peu  de  vertu  de  la  personne 
on  question,  lui  conseilla  de  s'abstenir.  Alors  son 
interlocuteur  lui  avoua  que  la  situation  était  sans 
remède,  attendu  qu'il  était  marié  depuis  long- 
temps. L'autre  faisant  immédiatement  volte  face, 
feignit  d'avoir  mal  entendu  le  nom  indiqué, 
approuva  et  félicita  vivement  alors  le  mari.  Je  ne 
l)làme  pas  ce  qui  est  accompli  et  je  t'estime  heu- 
reux d'avoir  réussi;  ce  doit  être  rare.  Au  fond,  je 
me  dis  cependant  que  c'est  montrer  Inen  peu  de 
sens  à  cinquante  cinq  ans,  c'est  bien  ton  âge 
n'est-ce  pas?  que  de  s'aviser  de  prendre  femme 
pour  augmenter  à  plaisir  par  de  graves  préoccu- 
pations, le  poids  déjà  si  lourd  des  ans.  Qu'arri- 
verait-il si  tu  avais  chez  toi  une  femme  dont  les 
goûts  fussent  opposés  aux  tiens,  une  femme  aca- 
riâtre? Tu  rentres,  elle  t'accueille  avec  un  visage 
maussade  et  renfrogné  ;  tu  sors,  elle  cherche  des 
discussions  ;  tu  reste  chez  toi,  elle  t'assourdit  et 
et  t'importune  par  un  tlot  de  paroles.  Quelle 
fatigue!  Quel  ennui!  Quel  torture  continuelle!  Si 
elle  boit  (cela  s'est  vu,  si  elle  est  débauchée, 
paresseuse,  dormeuse?  Certes,  la  mort  est  préfé- 
rable à  une  vie  passée  en  compagnie  de  pareille 
mégère. 

De  plus,  celle  qu'épousera  le  vieillard  sera 
vierge  ou  veuve;  au  début  de  la  vie  ou  déjà  mûre. 
Ilst-ce  une  vierge?  Combien  sont  dillérentes  les 
allures   de  l'adolescence,  de  la  jeunesse,  et  ses 


l.\     VlKM.l.AHIt    1><»H-II,    SI.     MARIKU  379 

liésirs  et  ses  inclinations;  il  semljle  peu  facile, 
dans  ce  cas,  que  la  jeune  fille  puisse  sympathiser 
avec  un  époux  avancé  en  âge.  La  dissemblance  des 
goûts  fera  de  leur  existence  une  contradiction  per- 
pétuelle, jamais  ils  ne  se  placeront  au  même  point 
de  vue  pour  juger  les  choses.  Elle  aimera  à  rire, 
à  jouer,  à  plaisanter,  lui.  appréciera  le  maintien 
grave  et  une  direction  d'idée  sérieuse;  elle  jouira 
du  meilleur  appétit,  lui  aura  un  estomac  délabré  ; 
elle  le  citera  en  justice,  lui  refusera  de  la  suivre 
à  la  barre.  Incompatibilité  d'humeur  qui,  après 
avoir  amené  des  querelles,  ne  tarde  pas  à  dégénérer 
en  haine.  Enfin,  le  viellard  qui  s'adresse  ainsi  à  la 
jeunesse,  ne  semble-t-il  pas  par  trop  lascif?  Est- 
ce  une  veuve?  Si  elle  est  jeune,  elle  se  souviendra 
des  heures  écoulées  près  dun  jeune  mari,  elle 
trouvera  qu'elle  a  perdu  au  change  et  regrettera 
le  passé.  Le  souvenir  toujours  présent  de  celui 
qui  ne  reviendra  plus,  la  vie  si  attrayante  menée 
»  deux  alors,  rendra  le  vieil  époux  plus  que  désa- 
gréable. Reportant  eu  arrière  sa  pensée,  à  l'époque 
des  premières  noces,  elle  fera  sentir  à  quel  point 
elle  regrette  celui  qui  n'est  plus,  et  cela  sans 
manifester  tout  haut  ses  sentiments,  mais  seule- 
ment en  montrant  que  le  présent  l'écœure. 

En  épousant  une  vieille  femme,  d'un  âge  assorti 
au  sien,  vous  n'aurez  pas  de  postérité  et  votre 
faiblesse  réciproque  vous  rendra  à  charge  l'un  à 
l'autre.  Lorsque  la  maladie  frappera  l'un  de  vous, 
ce  sera  déjà  une  lourde  charge,  mais  si  vous  êtes 


3î0  UN    VIKILLAHD    DOIT-IL    SK    MAUIKR 

atteints  tous  les  deux,  la  misère  sera  complète.  Sans 
compter  que  chaque  jour  pullulent  mille  tracas- 
series, inspirant  j)arfois  aux  époux  jeunes  ou 
vieux,  le  reeret  de  s'être  unis.  Je  n'ai  fait  allusion 
qu'aux  femmes  vertueuses,  à  celle  ({ui  gardent 
chastement  la  maison,  quant  aux  autres,  elles  ne 
méritent  pas  le  titre  d'épouses.  Si,  à  tous  les  ennuis 
quotidiens,  vient  se  joindre  le  soupçon  ou  la  cer- 
titude de  l'infidélité,  il  n'y  a  pas  de  plus  atroce  sup- 
plice, de  plus  grande  infortune.  Quand  je  repasse 
ces  choses  dans  ma  tête,  je  me  figure  qu'il  est  pré- 
férable de  vivre  en  dehors  de  pareils  tracas,  que  de 
tenter  une  aventure  regardée  comme  dangereuse 
par  beaucoup  de  gens  sages.  Et  cependant,  nom- 
breux sont  ceux  qui,  lorsque  la  vie  leur  échappe, 
songent  à  prendre  femme.  Pauvres  fous!  Harassés 
et  aspirant  au  repos,  il  se  couchent,  mais  à  la 
place  du  sommeil  ils  ne  trouvent  qu'un  lit  plein 
de  ronces  et  d'épines! 

L'observation  me  semble  bien  plus  dangereuse 
encore  de  la  part  de  ceux  qui  aiment  les  lettres, 
qui  les  cultivent  avec  distinction  et  y  trouvent  un 
aliment  raffiné  pour  leur  intelligence.  L'homme 
est  bien  plus  libre  pour  s'adonner  à  l'étude,  s'il 
n'est  pas  empêtré  dans  les  embarras  du  mariage. 
Autre  inconvénient  :  la  naissance  des  enfants 
coïncide  avec  le  moment  où  il  n'est  plus  possible 
au  vieillard  de  leur  incuhiuer  les  principes  de  la 
vertu  et  de  leur  enseignei'  une  règle  de  conduite 
pour  l'avenir.  Souvent,  il  meurt  avant  que  ses  fils 


IN    VIKII.I.Afll»    I)(tlT-[l.    Sh    MARIER  381 

liaient  atteint  l'âge  de  raison.  Ceux-ci  sont  alors 
confiés  à  la  surveillance  de  tuteurs  bien  plus 
empressés  à  rendre  leurs  fonctions  lucratives,  qu'à 
se  conformer  à  la  volonté  des  parents.  C'est  ainsi 
que  pendant  la  vie,  aucune  véritable  consolation 
ne  vous  est  procurée  par  vos  enfants;  mais,  même 
à  votre  lit  de  mort,  vous  n'avez  pas  à  leur  égard 
cette  foi  dans  l'avenir  si  bien  faite  pour  adoucir  les 
derniers  instants.  Je  sais  que  les  choses  ne  se 
passent  pas  toujours  ainsi.  A  mon  sens  tu  es  heu- 
reux; et  à  l'abri  des  préoccupations  qui  tour- 
mentent le  plus  grand  nombre,  si  ce  que  tu  nous 
as  raconté  de  ta  femme  est  exact.  Toutefois,  dans 
les  cas  douteux,  c'est  le  conseil  le  plus  désinté- 
ressé qu'il  faut  suivre.  » 

A  ces  mots  j'éclatais  de  rire  et  me  préparais  à 
réfuter  les  griefs  de  Niccolo,  lorsque  Carlo  s'écria  : 
—  «  Laisse-moi  répondre  pour  toi  et  tous  les  vieil- 
lards. Leur  cause  et  la  tienne  seront  soutenues  avec 
plus  de  désintéressement  par  celui  qui  est  encore 
éloigné  de  l'âge  mûr  et  qu'aucune  passion,  mais 
la  vérité  seule,  incite  à  prendre  la  parole.  » 

«  Tu  le  vois,  notre  ami  Niccolo  préconise  la  loi 
du  célibat,  qu'il  s'est,  sans  raison,  imposée  au 
nom  de  craintes  chimériques  et  d'une  certaine 
sauvagerie  austère  répudiée  dans  les  conditions 
h abituelles  de  l'existence .  Comment  ne  blâmerions- 
nous  pas  une  façon  de  vivre  qui,  si  elle  était  mise 
en  pratique  par  tous,  aboutirait  à  l'anéantissement 
du  genre   humain  en  moins  d'un  siècle.  L'union 


38:i  ly    MKILLARD    DUlT-IL    SK    MARIER 

des  sexes  est  indispensable  à  la  conservation  de  la 
ra.ce  ;  cette  nécessité,  Dieu  l'a  établie  non  seule- 
ment pour  l'homme,  mais  encore  pour  tous  les 
animaux.  Je  pense  donc  qu'on  agit  avec  plus  de 
sagesse  en  suivant  la  loi  commune,  en  se  pliant 
aux  convenances  sociales,  en  ayant  des  enfants 
qui  contribueront  à  la  splendeur  de  la  cité,  plutôt 
que  de  mener  seul  une  existence  stérile  après  avoir 
fait  fi  de  la  coutume  générale,  de  s'être  privé  de 
cette  parfaite  et  inaltérable  amitié  qui  est  la  suile 
du  mariage,  ainsi  que  d'une  affection  de  toutes 
les  heures.  11  est  honteux  et  contre  nature  que 
l'homme,  né  pour  vivre  en  société,  annihile  en  lui 
la  faculté  génératrice  et  dédaigne  l'association 
conjugale,  la  meilleure  et  la  plus  agréable  de 
toutes.  Les  êtres  privés  de  raison  sont  poussés  par 
l'instinct  seul  au  rapprochement  du  mâle  et  de  la 
femelle,  en  vue  de  la  procréation  et  de  la  conser- 
vation de  leur  espèce,  et  l'homme,  doué  d'intelli- 
gence, dont  la  fécondité  a  une  bien  plus  haute 
portée  que  celle  des  brutes,  donnerait,  en  ce  point, 
des  signes  d'infériorité?  Ne  pas  user  de  la  fa- 
culté de  reproduire,  véritable  don  du  Ciel,  ce 
serait  vouloir  aboutir  à  la  destruction  de  la  race. 
Examine  un  peu,  mon  cher  Niccolo,  si  tu  n'es  pas 
dans  l'erreur,  s'il  n'y  a  pas  d'exagération  à  vou- 
loir faire  adoj)ter  par  un  sage  une  manière  d<' 
vivre  qui,  fatalement,  amènerait  la  disparition  des 
cités,  du  genre  humain,  du  monde  entier.  Pour- 
rait-il  être  taxé  de  sagesse,  celui  qui    irait   ainsi 


UN     MKlI.I.Altl»    IKHI-ir.    vK    MAIUKU  381! 

à  rencontre  de  la  loi  et  du  but  de  la  nature,  de  ce 
principe  qui  est  la  base  de  toute  vie  bien  ordonnée. 
Il   n'est  pas  exact  de  prétendre  que  le  mariage 
détourne  des  travaux  littéraires.  Leurs  femmes  ne 
furent  pas  un  obstacle  aux  loisirs  studieux  de  So- 
crate,  de  Platon,  d'Aristote,  de  Tliéophraste.   et. 
chez  nous,  de  Caton  l'Ancien,  de  Marcus  TuUius. 
de  Varron,  de  Sénèque,  et  de  tant  d'autres  sa- 
vants; bien  plus,  ils  ont  surpassé  en  érudition  et 
en  mérites  de  tous  genres  ceux  qui  avaient  dédai- 
gné le  lien  conjugal.  Celui  qui  s'abstient  du  ma- 
riage tourne  à  l'adultère,  devient  victime  de  son 
inconduite,  s'enfonce  dans  la  vie  la  plus  odieuse. 
Ne  me  cite  pas  en  exemple  la  pureté  de  ta  vie;  il 
en  est  bien  peu  qui  soient  vertueux  au  même  de- 
gré. Afin  d'assurer  une  existence   honorable,  le 
mariage  doit  être  désiré.  Par  ces  motifs,  quand 
même  on  n'en  recueillerait  pas  d'autre  avantage, 
je  recommande  de  prendre  femme  à  tous  ceux  qui 
sont  en  âge  d'espérer  une  descendance,   et  cela 
sans  m'attarder  à  l'idée  qui  présente  le  mariage 
comme  une  véritable  servitude.  La  liberté  absolue 
consiste  à  vivre  à  sa  guise.  Tu  la  trouveras  seule- 
ment dans  le  mariage,  car  là,  loin  d'être  esclave. 
tu  commandes  en  maître,  tu  es  délivré  de  mille 
pensées  excentriques  qui  assiègent  sans  cesse  les 
célibataires  ;    ta  femme  est  là,  prête  à  obéir  et  à 
t'être  agréable. 

Les    vieillards    surtout,    je    l'affirme,   malgré 
l'opinion  contraire  que  tu  émettais  il  y  a  un  ins- 


384  LN    VIEILLARD    DOIT-ll.    SE    MARIER 

tant,  doivent  se  marier.  Exempts  de  libertinage, 
d'étourderie ,  d'inconstance,  d'imprévoyance,  à 
l'âge  où  ils  s'engag-ent,  ils  sont  plus  aptes  aux  af- 
faires, ont  plus  de  prudence  et  peuvent  ainsi  re- 
cueillir les  fruits  les  plus  sûrs  et  les  meilleurs  du 
mariage.  Ils  savent  ce  qu'il  faut  fuir  ou  recher- 
cher ;  leur  sagesse  sert  de  guide  à  rinexpérience, 
leur  modération  sait  inspirer  la  retenue  dans  les 
désirs.  Si  la  jeune  femme  chancelle,  ils  la  retien- 
nent et  façonnent  à  leurs  habitudes  ce  caractère 
encore  indécis. 

Et  Niccolo  de  rire. 

«  Alors,  tu  te  fais  le  champion  de  tous  les  vieil- 
lards sans  exception,  et  cependant  bon  nombre  sont 
pires  que  des  enfants  et  n'ont  pas  plus  de  raison. 

«  On  rencontre  des  fous  à  tout  âge,  reprit  (^arlo, 
autant  parmi  les  jeunes  gens  que  parmi  les  vieil- 
lards, et  pour  tous,  c'est  chose  également  pénible. 
Mais  notre  attention  ne  doit  être  attirée  ici,  ni  par 
celui-ci,  ni  par  celui-là,  nous  plaidons  la  cause  des 
vieillards  en  général.  Quant  à  moi,  faisant  appel  à 
la  raison  qui  doit  toujours  nous  guider,  non  seu- 
lement je  ne  blâme  pas  le  mariage  des  hommes 
mûrs,  mais  j'y  trouve  des  garanties  qui  font  défaut 
dans  celui  du  jeune  homme. 

Et  d'abord  aucune  loi,  nulle  coutume,  que  je 
sache,  ne  détendent  aux  vieillards  de  prendre 
femme.  De  même  que  le  gouvernail  du  navire  est 
confié,  avec  raison,  à  celui  qui  est  le  plus  avancé 
en  âge,  ainsi,  celui  qui  a  une  longue  expérience  de|j 


UN    MF.ILI.AlUt    |H>1T-IL    SK    MAHIKR  385 

la  vie  est  mieux  préparé  à  diriger  un  ménage.  Telle 
la  vigne  dont  les  sarments  rampent  à  terre  ne  se 
relève  qu'en  accrochant  à  un  support  ses  vrilles 
qui  lui  tiennent  lieu  de  mains,  telle  la  jeunesse  si 
faible  est  sujette  à  se  laisser  choir  lorsque  Tappui 
protecteur  d'une  personne  dans  la  maturité  lui 
manque.  Loin  de  pouvoir  diriger  les  autres,  les 
jeunes  gens  ont  peine  à  se  conduire  eux-mêmes. 
Que  savent-ils  des  choses?  Leur  raison  est-elle 
suftisamment  formée  ?  Pour  ne  citer  qu'un  des 
inconvénients  :  il  arrive  souvent  qu'une  jeune  fille 
est  destinée  à  épouser  un  garçon  de  son  âge  et  qui 
n'a  encore  subi  aucune  épreuve.  A-t-il  des  quali- 
tés morales,  de  la  prudence?  Se  rend-il  compte  de 
la  manière  dont  il  devra  gouverner  sa  vie  ?  De 
l'imprévoyance  des  époux,  à  un  moment  où  le  vice 
a  tant  d'attraits,  pourront  résulter  de  grands  trou- 
bles dans  l'avenir.  Ces  jeunes  époux  seront  l'un 
pour  l'autre  une  cause  perpétuelle  d'angoisses  en 
s'adonnant  à  leurs  passions,  qui  n'auront  pas  été 
refrénées  par  une  volonté  trop  vacillante  et  un 
manque  de  prudence.  Prenons  un  exemple.  La 
plupart  des  jeunes  gens  dissipent  leur  patrimoine 
et,  ])Our  le  reste  de  leur  vie,  sont  réduits  à  la  mi- 
sère, partagée  par  leurs  enfants  ;  le  besoin  fait 
tomber  les  femmes  dans  la  débauche.  Bon  nom- 
bre d'entre  elles  doivent  leur  chute  aux  folles  dé- 
penses et  aux  extravagances  de  leurs  jeunes  ma- 
ris ;  ce  qui  prouve  combien  les  parents  ont  eu  tort 
de  leur  confier  leurs  filles. 

22 


3!^'î  IN     VIKIL(AHI)    liun-ll.    SK     MARIKIl 

Quelle  dilférence  pour  les  vieillards!  Leur  vie 
passée  est  connue,  elle  s'est  étalée  au  grand  jour. 
De  suite  on  est  renseigné  sur  leur  caractère  et  leur 
manière  de  vivre,  leur  fortune,  leurs  revenus,  leur 
prudence,  leur  santé.  On  sait  s'ils  sont  enclins  .ni 
vice  ou  portés  à  la  vertu.  A  leur  âge,  il  n'y  a  pas 
à  redouter  de  voir  leurs  habitudes  se  modifier  en 
bien  ou  en  mal.  La  vieillesse  est.  par  excellence, 
l'âge  auquel  on  est  prudent,  prévoyant,  où  l'on  ne 
laisse  rien  au  hasard.  Lun  dirigera  admirablemeni 
sa  femme,  relèvera  une  fortune  qui  périclitait,  fera 
régner  l'ordre  au  foyer  domesii({ue.  L'autre  par 
d'utiles  conseils,  calmera  l'elfervescence  juvénile 
de  sa  compagne  ;  non  seulement  il  conservera  la 
situation  acquise,  mais  il  fera  en  sorte  d'accroître 
la  fortune  pour  ses  enfants,  (^omme  les  fruits, 
l'homme  voit  venir  l'époque  de  la  maturité  ;  c'est 
le  bénéfice  le  plus  appréciable  de  la  vieillesse. 

Qu'on  ne  me  parle  pas  de  ces  vieillards  souf- 
freteux, cacochymes,  d'une  humeur  morose,  plus 
insupportables  souvent  (jue  les  enfants  ;  il  ne  sau- 
rait être  (jucstion  d'eux  ici.  Jeune  ou  vieux,  tout 
homme  qui  n'a  pas  la  pleine  possession  de  ses  fa- 
cultés doit  être  écarté.  Toutefois,  chez  le  jeum- 
homme,  la  folie  est  plus  triste,  parce  qu  elle  pro- 
vient du  peu  de  connaissance  ([u'il  a  des  choses  et  de 
son  manque  d'habitude  pour  conduire  une  maison. 

La  vieillesse  étant  au  plus  haut  degré  l'âge 
de  l'expérience,  de  la  vertu,  de  la  sagesse,  comme 
elle  apporte  plus  de  diligence  et  témoigne  plus 


UN     MKII.I.AUlt    IM)H-II.    SK    AlAItlKH  387 

dattention  pour  les  intérêts  du  ménage,  je  pré- 
tends que  pour  ravantaue  de  tous,  pour  l'appui 
qu'en  retire  la  communauté  conjugale,  pour  le  sou- 
tien réciproque  et  la  mutuelle  assistance  qu'il 
procure,  il  est  désirable  que  le  vieillard  s'engage 
dans  le  mariage,  môme  lorsqu'il  n"a  pas  d'espoir 
d'avoir  de  postérité. 

J'entends  qu'il  choisisse  non  seulement  une 
épouse,  mais  une  épouse  dans  toute  la  fleur  de  la 
jeunesse.  Tout  d'abord,  le  souffle  pur  et  chaste 
d'une  jeune  fille  regaillardira  la  vieillesse  et  la 
conservera  dans  son  intégrité.  A  peine  sortie  de 
l'enfance,  la  jeune  tille,  comme  une  cire  molle, 
prendra  l'empreinte  du  caractère  et  de  la  volonté 
de  son  mari,  promptemenf  elle  s'habituera  à  sa- 
tisfaire ses  désirs,  à  régler  ses  goûts  et  ses  répu- 
gnances d'après  ce  qu'elle  aura  remarqué  chez 
lui.  On  éprouve  moins  de  peine  à  diriger  des  tiges 
tlexibles  que  de  vigoureux  rameaux,  et  une  jeune 
tille  s'accoutumera  avec  moins  de  difficulté  à  la 
façon  de  vivre,  que  ne  le  ferait  une  femme  rendue 
[dus  exigeante  par  l'âge  ou  par  l'épreuve  d'une 
première  union.  Obséquieuse,  un  signe  de  toi  suf- 
tira  pour  (ju'elle  comprenne,  n'ayant  aucune  mau- 
vaise inclination,  elle  se  fera  facilement  à  tes  ha- 
l)itudes ,  cherchera  à  te  plaire,  te  respectera, 
apprendra  à  discerner  le  bien  du  mal.  Pour  at- 
teindre ce  but.  tes  conseils  de  chaque  jour  et  le 
uenre  de  vie  que  vous  aurez  adopté  suffiront. 

<  hiant  à  ce  qui  est  du  devoir  conjugal,  à  moins 


388  UN    VIEILLARD    I»orr-IL    SE    MARIER 

que  la  vieillesse  ne  s'y  oppose  complètement,  tu 
t'en  acquitteras  avec  une  modération  que  ta  femme 
elle-même  —  si  elle  est  chaste  —  sera  la  pre- 
mière à  approuver,  ne  faisant  rien  que  la  raison 
n'autorise  et  seulement  en  vue  d'avoir  des  enfants. 
Nous  voyons  les  jeunes  gens  élevés  dans  les  mo- 
nastères, dans  rimj)ossibilité  où  ils  sont  de  sortir 
et  de  s  amuser,  en  perdre  l'habilude  et  même  l'en- 
vie, ne  plus  penser  à  jouer  et  n'avoir  pour  les 
choses  extérieures  qu'ils  ont  perdues  de  vue  aucun 
attrait.  La  privation  continuelle  vient  à  bout,  chez 
eux,  de  ce  que  l'âge  et  la  nature  sembleraient  ré- 
clamer. De  même,  on  rencontre  des  jeunes  tilles 
qui,  séparées  du  commerce  des  hommes  et  des 
femmes,  ne  sont  troublées  par  aucune  tentation 
charnelle.  Il  n'est  pas  surprenant  alors  que  des 
jeunes  vierges  mariées  à  des  vieillards,  imbues 
des  conseils  et  des  recommandations  de  leurs 
époux,  dédaignentla  séduction  de  voluptés  quelles 
ignorent  et  se  conforment  à  la  volonté  de  celui 
qui  leur  est  supérieur  en  âge,  trouvant  sage  de  se 
régler  d'après  les  lois  de  la  prudence  et  de  la  rai- 
son. Elles  désireront  surtout  voir  leurs  maris  bien 
portants,  mettant  sa  santé  au-dessus  de  tout  et  la 
préférant  à  des  plaisirs  qui  passent  rapidement. 
Elles  s'estimeront  heureuses  d'avoir  été  unies  à 
des  hommes  qui,  c'est  le  point  principal  dans  un 
ménage,  peuvent  régler  la  vie  d'intérieur  et  assu- 
rer convenablement,  suivant  leur  situation,  le 
train  de  la  maison. 


UN    VIEILLARD    DOIT-IL    SE    MAIllKR  380 

Ainsi,  à  mon  avis,  il  est  préférable  pour  une 
jeune  fille  d'épouser  plutôt  un  vieillard  qu'unjeune 
homme.  Malgré  le  vieil  adage  :  Qui  se  ressemble 
s'assemble,  il  sera  sage  pour  elle  de  s'attacher  à 
un  homme  que  son  âge  met  à  l'abri  du  besoin, 
qui  est  prudent,  vertueux,  dont  elle  ne  recevra  que 
de  bons  conseils  pour  se  guider  dans  la  vie,  plu- 
tôt que  de  se  confier  à  un  jeune  homme  dont  la 
conduite  pourra  lui  donner  des  transes  perpé- 
tuelles, qui  pourra  mal  tourner,  sera  inconstant, 
sans  prudence,  sans  règle  de  vie  arrêtée  et,  par- 
dessus tout,  inhabile  à  élever  ses  enfants.  Et  s'il 
suffit  de  l'inexpérience  d'un  seul  pour  compro- 
mettre l'avenir  de  la  famille,  que  sera-ce  si  deux 
étourdis  s'unissent  dans  l'âge  des  folles  passions  ? 
Que  de  tristesse,  quelle  désolation  dans  ce  mé- 
nage !  Tous  les  jours  on  voit  des  jeunes  gens  aux- 
quels la  sagesse  fait  complètement  défaut,  n'ayant 
aucune  notion  de  la  vie,  aucune  idée  de  la  con- 
duite à  tenir;  aussi,  n'est-il  pas  nécessaire  de  s'at- 
tarder à  le  prouver  par  le  raisonnement. 

Tu  soutiens  également  qu'un  vieillard  sera 
privé  de  diriger  l'éducation  de  ses  enfants,  que 
la  mort  viendra  avant  qu'il  ait  pu  en  faire  des 
hommes  vertueux  ;  pour  moi,  je  ne  vois  pas 
pourquoi  les  jeunes  gens  seuls  auraient  ce  pri- 
vilège. Jeune  ou  vieux,  nul  ne  connaît  qu'elle 
est  la  limite  fixée  à  sa  vie,  toutefois,  les  chances 
de  bon  tempérament  et  de  longue  existence  ne 
militent-elles  j)as  en  faveur  de  ceux  qui  ont  vigou- 


•J'Jj  l\     MKII.I.AHI»    IH)ir-|!.    SK    MAHIKH 

reusenient  atteini  la  cinquantaine  ?  A  travers  le> 
incertitudes  et  les  difficultés  de  la  vie,  leur  santé 
s'est  affermie  contre  les  maladies  et,  par  un 
exercice  continuel,  ils  ont  accoutumé  leur  corps 
à  endurer  la  fatigue.  Que  déjeunes  gens  terrassés 
par  certaines  maladies  dont  les  hommes  faitsn'ont 
rien  à  redouter,  car  elles  ont  plus  de  prises  sur 
les  premières  années,  semblables  à  la  cire  que 
fait  fondre  un  souffle  plus  chaud.  Certes,  aucun 
âge  n'est  à  l'abri,  tous  sont  tributaires  d'une  foule 
de  maux,  cependant  le  jeune  homme  est  bien 
plus  exposé  que  le  vieillard,  soit  qu'à  son  Age  il 
est  naturellement  frêle  et  délicat,  soit  parce  que 
ne  gardant  aucune  mesure,  il  ne  sait  rien  refuser 
à  ses  passions,  ce  qui  le  prédispose  aux  plus  graves 
infirmités.  Au  contraire,  l'homme  mûr,  d'une 
santé  robuste,  éprouvée,  trouvera  dans  son  expé- 
rience le  moyen  de  lutter  contre  les  maladies, 
de  les  supporter  mieux,  ou  de  les  éviter  avec 
plus  de  prudence  ;  cest  pour  lui  un  brevet  de 
longue  vie.  Ce  serait  donc  un  tort  de  ne  pas  faire 
cas  de  celui  qui  peut  se  promettre  encore  vingt 
ou  trente  années  d'existence  ;  ce  laps  de  lemps  est 
suffisant  et  au-delà  pour  l'éducation  des  enfants. 
Ces  derniers  prendront  de  l'âge,  leur  intelligence 
et  leur  sagesse  se  fortifieront  sous  la  prévoyante 
direction  de  parents  instruits,  tels,  en  un  mot. 
que  sont  les  vieillards.  Je  vais  plus  loin,  l'écUi- 
cation  dirigée  par  des  vieillards  présente  un 
avantage  considérable,  c'est  (jue  les  enfants  élevés 


IN     \  If.ll.l.Altl»    |M)||-1I.    St:     MARIKH  .1.1 

par  eux  se  font  remarquer  par  leur  douceur,  leur 
tempérance,  leur  jugement  ;  un  prre  jeune  ne 
sait  inculquer  à  ses  fils  ni  science,  ni  prudence, 
ni  direction  de  conduite,  attendu  qu'il  en  manque 
lui-même. 

Mais  abrège  à  ton  gré  l'existence  des  vieil- 
lards, cela  empôche-t-il  que  leurs  enfants  ne 
soient  pour  eux  l'occasion  d'une  grande,  d'une 
profonde  joie?  Assurément  non.  Ils  en  bénéficient 
durant  cette  période  charmante  de  l'enfance  où 
la  bonne  éducation  apprend  à  vénérer  son  père, 
à  être  prévenant  pour  lui,  obéissant,  attentionné, 
à  épier  ses  moindres  signes,  à  ne  lui  donner  aucun 
sujet  de  tristesse.  Plus  tard,  les  enfants  gran- 
dissent, ils  secouent  le  joug  de  la  famille,  mé- 
prisent la  volonté  paternelle,  tournent  en  dérision 
les  bons  avis,  entêtés  et  rebelles,  ils  prétendent 
vivre  à  leur  u  uise  et  deviennent  pour  leurs  parents 
la  cause  de  cruels  soucis.  Ceux  dont  la  vie  s'achève 
avant  ces  tristes  jours,  n'ont  recueilli  de  leurs 
enfants  que  de  la  joie  sans  aucun  mélange  d'amer- 
tume. 

En  vérité,  je  ne  sais  quelle  idée  tu  as  Niccolo, 
do  détourner  les  vieillards  du  mariage.  Ne  peu- 
vent-ils avoir  des  enfants?  Ignorent-ils  les  soins 
i|ue  réclame  une  famille?  Sont-ils  capables  de 
gouverner  un  intérieur?  ïe  i)araissent-ils  trop 
affaiblis  d'intelligence  et  de  corps?  Sans  aller 
chercher  dans  lanticjuité  l'exemple  de  Caton 
l'ancien,  de  Marcus  Tullius  et  de  tant  d'autres 


392  IN    VIKILLARl)    !)OIT-IL    SK    MARIER 

personnages  illustres,  aussi  instruits  que  sages, 
qui,  au  déclin  de  leur  vie,  épousèrent  des  jeunes 
filles,  je  pourrais  citer  un  de  nos  contemporains, 
Galeotto  Malatesta.  dont  le  nom  et  les  actions 
d'éclat  aussi  bien  dans  la  paix  que  dans  la  guerre, 
ont  été  admirées  d'un  bout  à  l'autre  de  F  Italie.  A 
la  fin  de  sa  carrière,  à  l'Age  de  soixante-qua- 
torze ans,  il  prit  pour  femme  une  enfant  dont  il 
eut  quatre  fils  ({ui,  dans  la  suite,  s'illustrèrent  à 
leur  tour.  L'un  d'entre  eux  est  Carlo  Malatesta 
que  nous  avons  connu  comme  étant  un  des 
hommes  les  plus  lettrés  et  le  plus  habile  général 
de  son  temps.  Assurément  leur  naturel  d'élite  les 
inclinait  déjà  au  bien,  mais  les  leçons  de  leur 
père,  sa  vertu,  l'exemple  de  sa  vie  <|ui  se  dérou- 
lait sous  leurs  yeux,  les  y  conviait  aussi  fortement 
Je  me  persuade,  en  effet,  que  ce  qui  a  beaucoup 
de  valeur  et  pèse  d'un  grand  poids  dans  l'édu- 
cation des  enfants,  né  d'un  père  âgé,  c'est  son 
exemple,  c'est  sa  vie  entière  qui  les  exhorte  à  la 
vertu.  Il  y  a  certainement  des  jeunes  gens  ver- 
tueux, mais  leur  influence  se  fait  moins  sentir, 
parce  (jue  leurs  (jualités  semblent,  pour  ainsi  dire, 
l'apanage  d'uu  autre  âge.  La  maturité,  la  loyauté, 
la  prudence,  Texpérieuce  paraissent,  à  première 
vue,  le  lot  de  la  vieillesse,  et,  de  prime  abord 
nous  attribuons  aux  vieillards  une  autorité  dont 
leur  maturité  et  leur  prévoyance  les  rend  dignes. 
Cette  opinion  a  une  influence  heureuse  sur  la 
jeunesse.  Les  enfants  désireux  d'imiter  leur  pèr<i 


i  .\   MKiLi.Ann  iiuir-ii.  sk  maiuer  3<,)3 

modèlent  leur  vie,  règlent  leurs  habitudes  sur 
celle  qu'ils  ont  constamment  sous  les  yeux,  ils 
appiennent  à  obéir,  à  se  rendre  compte  des 
moindres  nuances,  ils  ignorent,  n'en  ayant  pas 
l'exemple  à  la  maison,  ce  qu'est  une  chose  hon- 
teuse, une  obscénité,  une  parole  indécente.  Us 
voient,  au  contraire,  près  d'eux,  des  modèles 
d'honnêteté,  de  contenance,  de  modestie  et  de 
i^ravité.  Pénétrés  de  ces  sentiments  dès  leurs  plus 
tendres  années,  si  l'appui  de  leurs  parents  vient 
à  leur  faire  défaut,  ils  conservent  pendant  toute 
leur  existence  la  bonne  direction  imprimée  dès 
leur  bas  âge.  De  la  sorte,  ils  deviennent  souvent 
des  hommes  distiniiués,  ayant  un  cachet  à  part, 

.le  le  répète  :  Sans  s'arrêter  aux  avantages 
particuliers,  il  faudrait  dans  l'intérêt  i;énéral,  que 
tous  les  vieillards  se  mariassent  et  même  prissent 
déjeunes  femmes,  il  importe  beaucoup  à  l'Etat 
d'avoir  dans  la  Cité,  nombre  de  citoyens  graves, 
prudents,  honnêtes  et  dont  la  sagesse  fasse  contre- 
poids à  la  folie  des  autres. 

Ajoute  ([ue  c'est  un  grand  charme  dans  la 
vie  <jue  d'avoir  à  ses  côtés  une  personne  à  laquelle 
on  puisse  se  confier  complètement,  communiquer 
toutes  ses  pensées,  discuter  les  décisions  à  prendre, 
partager  la  joie,  adoucir  les  regrets,  enfin  un 
autre  soi-même  :  consolation  f[ui  ne  se  rencontre 
que  dans  l'amitié  parfaite.  Il  n'y  a  pas  à  redouter 
(jue  Ion  épouse  ne  t'affectionne  pas,  si  elle  sait 
(]ue  seule  tu  l'ainies  tendrement,   comme  il   con- 


394  IN     MKII.I.AHIi     |IMIT-(I.    SK     MAhlI-.H 

vient  entre  époux,  que  tu  lui  as  gardé  ta  toi,  que 
tu  la  considères  comme  ta  moitié  et  non  comme 
uiio  domesti(jue,  prévenances  pour  lesquelles  les 
vieillards  se  montrent  très  attentifs.  Que  de 
jeunes  gens  trahissent  et  déchirent  le  contrat 
conjugal.  La  passion  ne  bouillonne  que  trop  à 
leur  âge  et  ne  sait  pas  se  contenir  dans  de  justes 
limites.  Souvent  une  maîtresse  est  substituée  à  la 
femme  légitime.  On  garde  le  son,  comme  on  dit, 
))our  la  maison  et  on  porte  au  dehors  la  farine. 
De  là,  des  discussions,  des  querelles,  des  haines 
c[ui  devraient  être  inconnues  dans  le  mariage  et 
chez  la  femme,  l'envie  de  rendre  quelquefois 
outrage  pour  outrage.  Chez  le  vieillard,  combien 
sont  modérés  les  désirs,  leur  fidélité  conjugale 
est  inaltérable,  leur  amour  uniquement  réservé  à 
leur  femme,  leur  raison  toujours  droite.  A  cet  âge, 
on  nenvie  plus  le  bien  du  voisin.  L'aliection 
mutuelle  et  les  serments  gardés  procurent  une  si 
Lirande  béatitude,  qu'aucune  autre,  en  ce  monde, 
ne  saurait  la  surpasser. 

il  est  incontestable  que  la  vieillesse  reprend 
vie  et  s'égaye  au  contact  d'une  jeune  épouse.  Tu 
reproches  aux  vieillards  de  ne  pas  valoir  grand 
chose  au  lit,  tandis  que  nous  devons  les  en  féli- 
citer comme  de  leur  principal  mérite.  Nous  ne 
devons  accorder  aux  plaisirs  sensuels,  si  nous 
voulons  être  des  hommes  et  non  des  brutes,  que 
juste  ce  qui  est  nécessaire  pour  la  procréation  des 
enfants  ;  les  animaux,  eux-mêmes,  ne  désirent  que 


U>     MKII.l.MUt     liull-il      SK     MAlîlKlt  3',)5 

cela,  aller  plus  loin,  c'est  plus  quo  de  la  beslialité 
et  non  le  fait  d'êtres  raisonnables.  Il  est  juste  de  ne 
demander  à  la  volupté  que  le  moyen  d'arriver  au 
but  du  mariage.  La  débauche  est  stigmatisée 
comme  honteuse  et  blâmable,  non  seulement  chez 
les  vieillards,  mais  chez  les  jeunes  gens.  La  mo- 
dération des  premiers  en  ce  point,  doit  donc  les 
rendre  recommandables.  L'homme  qui  choisit  en 
tout  la  raison  pour  guide  ;  n'entreprend  que  ce 
qui  est  utile  ou  indispensable.  Si  donc  il  découvre 
chez  sa  femme  quelque  appétit  déréglé,  ainsi  que 
cela  se  produit  chez  les  malades  qui.  étreints  par 
la  lièvre,  désirent  manger  une  foule  de  choses  dont 
la  saveur  est  agréable,  mais  absolument  nuisibles, 
il  réfrénera  ces  envies  au  nom  de  la  raison,  et  lui 
enseignera  à  ne  vouloir  que  ce  que  la  nature 
réclame  et  ce  (jui  est  conforme  à  l'honnêteté. 

En  n'accordant  pas  qu'un  vieillard  puisse 
épouser  soit  une  jeune  fille,  soit  une  veuve,  soit 
une  femme  d'un  âge  mûr,  laisse-moi  te  le  dire, 
Niccolo,  ton  jugement  me  parait  en  défaut;  tous 
ne  peuvent  te  ressembler.  Le  vieillard  aura  par- 
faitemenf  raison  d'épouser  une  jeune  fille,  il  fera 
d'autant  mieux,  que  cet  enfant,  à  la  fleur  de  l'âge, 
n'aura  encore  reçu  que  les  impressions  de  la 
famille,  il  la  pliera  à  son  gré,  il  lui  fera  adopter 
sa  manière  de  voir,  il  la  façonnera  à  ses  habi- 
tudes, il  la  dirigera  par  son  exemple  et  ses  leçons. 
Il  lui  apprendra  à  discerner  ce  (fui  est  bien,  il  lui 
enseignera  le  mérite  de  la  continence,  en  (juoi  les 


306  U-N  MKir.i.AHH   itnii-ii.  m:   marikh 

femmes  chastes  diffèrent  des  débauchées,  en  un 
mot  les  limites  qu'on  ne  doit  pas  franchir.  A  moins 
qu'elle  ne  soit  inintelligente,  ces  sages  conseils 
auront  sur  elle  un  tel  empire,  que  si  son  tempéra- 
ment vigoureux  s'insurge  parfois,  elle  saura  le 
dompter  et  n'aura  d'autre  règle  que  la  volonté  de 
son  époux. 

S'agit-il  dune  veuve  au  lieu  d'une  vierge? 
Celle  qui  a  connu  un  jeune  mari  se  souviendra  du 
temps  où  il  la  délaissait,  l'abandonnait  pour 
courir  après  une  autre,  où  une  aventurière  lui 
était  préférée,  où  on  ne  lui  réservait  que  des 
paroles  blessantes,  trop  heureuse  quand  les  coups 
n'accompagnaient  pas  les  injures.  Bien  souvent 
ses  toilettes  étaient  vendues,  ou  données  en  cadeau 
à  une  maîtresse.  Tout  cela  lui  revient  à  l'esprit 
en  même  temps  que  l'inconséquence  de  la  jeu- 
nesse, les  embarras  de  la  vie,  la  fragilité  de  la 
foi  conjugale.  Quel  changement  depuis  qu'elle 
est  l'épouse  d'un  vieillard  !  C'est  avoir  trouvé  le 
port  après  la  tempête. 

L'âge  avancé  de  celle  qu'il  désire  avoir  pour 
compagne,  ne  devra  pas,  non  plus,  faire  reculer 
le  vieillard.  Sans  doute,  il  n'aura  pas  d'enfants, 
mais  il  la  recherchera  pour  le  charme  de  son 
esprit,  pour  que  leurs  deux  faiblesses  se  prêtent 
un  mutuel  appui.  Ce  (ju'un  homme  robuste  ne 
peul,  (fuel({uefois,  ne  pas  pouvoir  faire  seul,  il  y  • 
parvient  en  sadjoignant  un  être  plus  faible  ;  avec 
un  peu  de  secours,   on  réussit  des  choses  pour 


UN    VIKILLARD    Durr-IL    SK    MARIER  397 

lesquelles  oa  était  impuissant  tout  seul.  Ainsi 
encore,  une  main  unique  est  maladroite,  mais 
deux  mains  s'assistant  viennent  à  Ijout  de  grandes 
difficultés.  Ainsi,  dans  l'union  qui  nous  occupe, 
ce  qui  fait  défaut  à  l'un,  l'autre  y  supplée. 

Tu  as  prétendu  également  que,  selon  les  pro- 
bal)ilités,lcs  vieillards  ont  leurs  jours  comptés.  Je 
ne  nie  pas  que  pour  eux  le  terme  du  voyage  soit 
})rochc.  Mais  leur  vie  n'en  est  que  plus  parfaite, 
ils  la  terminent  avec  honneur.  N'est-il  pas  préfé- 
rable de  vivre  moins  longtemps,  mais  vertueux, 
que  d'atteindre  la  longévité  des  cerfs  dans  la 
lâcheté,  la  sottise,  l'ignorance  et  l'erreur?  Sou- 
vent, plus  l'existence  se  prolonge,  plus  elle  pré- 
sente de  danger  et  devient  tributaire  du  vice  ; 
celle  des  vieillards  (je  n'appelle  ainsi  que  ceux 
qui  sont  dignes  de  ce  nom),  tant  courte  soit-elle 
est  exempte  de  ce  reproche.  L'es]>rit  vigilant,  la 
vigueur  intellectuelle,  la  raison  ont  atteint  leur 
maturité.  Elle  est,  pour  ainsi  dire,  le  sanctuaire 
de  la  vertu  où  l'on  savoure  les  fruits  d'une  vie 
bien  remplie. 

C'est  donc  chose  claire.  Tourne  toi  de  quel  côté 
que  tu  voudras,  te  A'oilà  forcé  de  m'accorder  que 
la  vieillesse  rend  d'utiles  services  dans  le  ma- 
riage, qu'elle  est  à  la  hauteur  des  exigences  de  la 
vie  et  que  nous  devons  la  désirer  avec  ardeur,  si 
nous  voulons  vivre  dans  la  vertu  et  atteindre  la 
per  fection.  » 

Avant  qu'il  eut  terminp,  jKiccolo  s'écria  : 

7.^ 


398  UN    VIEILLARD    DOIT-IL    SE    MARIER 

—  «  Pourquoi  donc,  Carlo,  n'as-tu  pas  attendu 
d'être  un  vieillard  pour  te  marier,  puisque  l'âge 
mûr  te  parait  chose  si  désirable  en  ménage? 

—  ((  Je  n'interdis  nullement,  reprit  Carlo,  le  ^ 
mariage  aux  autres  périodes  de  la  vie,  si  les  cir-  |; 
constances  permettent  d'en  contracte»  un  avec  | 
convenance  et  commodité.  Ce  que  je  soutiens,  c'est  : 
qu'il  serait  injuste  de  le  défendre  à  la  vieillesse,  ^ 
c'est-à-dire  à  l'âge  qui  olfre  le  plus  de  sécurité  et  s 
de  mérite.  I 

—  «  Très  bien  !  que  chacun  suive  son  penchant,  * 
ajouta  Niccolo,  à  chacun  sa  manière  d'envisager  ^ 
la  chose.  Je  me  figure  que  tu  n'as  si  bien  soutenu  la  *^ 
thèse  qu'afm  d'être  agréable  à  notre  hôte,  voulant, 

jo  suppose,  solder  son  dîner  en  bonnes  paroles  et 
ne  pas  rester  son  débiteur.  Terminons  cet  entre- 
tien. Je  vais  maintenant  veiller  attentivement  sur 
moi,  pour  que  la  folie  des  autres  ne  finisse  par 
me  gagner.  » 

Gela  dit,  nous  nous  séparâmes. 


FIN 


8IBIIOTHECA 


APPENDICES 


MEMOIRE 

Sur  les  Ouvrages   de   POGGE 

[I\.i trait  des  Mémoires  de  Littérature  de  Salienare  (Il 


Peut-être  que  bien  des  personnes  qui  ne  voudraient  pas 
se  donner  la  peine  de  lire  les  ouvrages  de  Pogge,  ne 
seront  pas  fâchées  d'en  avoir  quelque  idée  en  parcourant 
l'extrait  que  j'en  vais  donner.  Les  principaux  ouvrages  de 
notre  auteur  (j'en  excepte  son  Histoire  de  Florence)  ont  été 
recueillis  ensemble  et  réimprimés  plus  d'une  fois.  La 
première  édition  ea  parut  en  1510,  in-folio,  à  Strasbourg, 
chez  Jean  Knoblouch  ;  ce  fut  à  un  certain  Thomas  D.  Aucu- 
parius.  qui  se  donna  le  litre  de  Poète  couronné,  Poeta 
laurentiis,  qu'on  eut  l'obligation  de  ce  recueil.  11  dit,  dans 
une  espèce  de  dédicace  à  Sébastien  Brandt,  que  de  tous 
les  ouvrages  de  Pogge,  on  n'avait  jusque-là  imprimé  que 
les  Facétix  (2),  et  ayant  ramassé  divers  écrits  de  cet 
auteur,  il  avait  cru  rendre  service  à  Pogge  et  aux  gens  de 
lettres  de  les  faire  imprimer.  Deux  ans  après,  c'est-à-dire 
en  1513.  il  s'en  fit  dans  la  même  ville  une  nouvelle  édition 
fort  augmentée,  et  sur  celle-là  se  lit  l'édition  de  Bàle  en 
1538.  chez  Henri  Pierre,  qui  est  la  plus  commune.  Elle 
porte  pour  titre  :  Poggii  Florentin/  Oratoris  et  Pliilosoplii 


1.  La  Haye,  171.5-1717,  4  vol.  in-12. 

2.  Il  paraît,  par  la  bibliothèque  de  Gesner,  .'dit.   1583,   que 
les  Facetvc  avaient  été  imprimées  dès  l'année  1  iT7,  à  Milan. 


402  APPENDICES 

Opéra,  coUatione  emendatorum  exeniplarium  recognita, 
etc.  Toutes  ces  éditions  sont  fort  peu  exactes,  les  fautes  y 
sont  sans  nombre,  et  je  n'oserais  décider  quelle  est  la 
moins  fautive. 

Nous  allons  donner  le  précis  des  différentes  pièces  qui 
composent  ce  Recueil. 

La  première  est  une  dispute  sur  V Avarice,  elle  est  en 
forme  de  dialogue  ;  je  remarquei'ai,  à  cette  occasion,  que 
la  manière  de  publier  des  Traités  en  forme  de  Dialogues 
a  été  fort  usitée  chez  les  Italiens.  C'est  ainsi  que  Pierius 
Valerianus  a  composé  son  Traité  du  Mallieur  des  gens 
de  lettres  [de  InfeUcitate  Litterntorum);  Sébastien  Cor- 
radus  sa  Vie  de  Cicéron,  sous  ce  titre  obscur  de  Seb.  Cor- 
radi  Quœstura  ;  Pierre  Alcyonius  son  Traité  de  l'exil  (De  f 
lixsilio).  C'est  ainsi  encore  que  l'Arétin  a  publié  ses 
pièces  sales,  Boccace  son  Décaméron  (1),  Jean-Baptiste 
Gelli,  cordonnier  et  académicien  de  Florence,  les  Capricci 
dcl  Botaio.  etc. 

Pour  venir  donc  à  cotte  première  pièce,  c'est  une  con- 
versation entre  Antonio  Lusco,  Cincio  de  Rome,  Barto- 
lomeo,  de  Monte-Pulciano,  et  quelques  autres.  Elle  se  tint 
un  jour  d'été  à  la  maison  de  campagne  de  ce  dernier. 
Après  avoir  soupe,  la  conversation  tomba  sur  l'avarice  et 
sur  la  luxure  ;  l'hôte  de  la  maison  déclama  vigoureuse- 
ment contre  ce  premier  vice  qu'il  soutint  être  beaucoup 
plus  grand  que  l'autre.  «  Car,  dit-il,  quoique  les  sages 
«  ayont  dit  que  la  luxure  est  la  source  de  beaucoup  de 
«  maux,  néanmoins  on  tant  qu'elle  contribue  à  la  propa- 
«  galion  du  genre  humain,  on  pourrait  dire  que  c'est  un  mal 
«  agréable,  et  qui  ne  fait  de  tort  qu'à  celui  qui  le  com- 
«  met.  Mais  l'avarice  n'est  propre  qu'à  renverser  la 
«  société,  elle  nuit,  elle  blesse,  elle  hait  tout  le  monde; 

1.  Les  contes  qui  composent  le  Décaméron  ne  sont  pas  en 
forme  de  dialogues,  mais  ils  furent  rapportés  on  présence  de 
plusieurs  pcr  onnes  qui  s'étaient  a.ssenililées. 


APPENDICES  403 

<  éloig:née  de  tout  ce  (|iii  est  Idiiablo  et  honnête,  c'est  un 
«  monstre  alTreux  et  horrible,  formé  pour  la  ruine  de  la 
«  société  et  du  genre  humain.  Croyez-m'en,  rien  de  plus 
«  vilain  que  l'avarice,  rien  de  plus  honteux,  rien  de  plus 
«  horrible  ;  si  l'on  pouvait  voir  sa  face,  les  Furies  sortant 
«  en  corps  de  l'enfer  ne  nous  saui-aient  eiïrayer  davan- 
«  lage.  Je  ne  veux  pas  me  servir  d'exemple  pour  n'of- 
a  fenser  personne,  mais  s'il  m'était  permis,  je  prouve- 
«  rais  démonstrativemenl  qu'il  n'y  a  nul  mal,  nul  crime 
0  qu'elle  ne  renferme  en  soi  et  qu'il  n'y  a  aucune  bonne 
((  qualité  qu'elle  n'ôte  à  celui  dont  elle  s'est  emparée. 
«  Elle  le  dépouille  de  toute  amitié,  bienveillance,  charité  ; 
«  elle  le  remplit  de  haine,  de  fraude,  de  malice,  d'impiété, 
«  rendant  l'homme  scélérat  et  cruel,  en  sorte  que  tous  les 
«  autres  vices  rassemblés  ne  sont  pas  comparables  avec 
«  l'avarice,  tant  cette  tâche  est  énorme.  »  Il  continue  sur 
ce  ton  là  faire  voir  combien  ce  vice  est  énorme.  Antonio 
Lusco  prit  ensuite  la  parole  et  tâcha  de  prouver  que  l'Ava- 
rice est  un  moindre  mal  que  la  luxure,  que  l'avarice  rap- 
porte divers  biens  et  divers  avantages  à  la  société,  et  que 
presque  tout  le  monde  est  taché  plus  ou  moins  de  ce  vice. 
Après  qu'il  eut  fini  son  discours,  André  de  Gonstantinople 
lui  répliqua  et  réfuta  les  arguments  dont  il  s'était  servi, 
et  il  conclut  par  ces  belles  paroles  de  Cicéron  :  «  Que 
rien  n'est  plus  la  marque  d'un  petit  génie  et  d'un  esprit 
borné,  que  d'aimer  les  richesses,  et  qu'il  n'y  arien  de  plus 
honnête  et  de  plus  glorieux  que  de  les  mépriser,  quand 
on  ne  les  a  point,  et  quand  on  les  a,  de  les  employer  en 
bienfaits  et  en  libéralités.  Ni/iil  esse  tain  nngusti,  tamque 
pari>i  animi,  quant  amare  divitias  ;  nihil  honestius,  niagni- 
(îcentiusque  quant  pecuniam  conteinnere,  si  non  habeas  : 
si  liaheas  ad  beneficenliam  liberalitalentque  conferre.  » 
Antonio  applaudit  à  cela  avec  tous  les  autres  et  ils  se 
séparèrent  ainsi. 

On  voit  ensuite  Vllistoire  cnm'ii'iale.   Pogge  l'adresse 
au  cardinal  Prosper  de  Colonna  :  il  lui  dit  que  le  temps  qu'il 


404  Al'I'ENDICES 

avait  employé  à  composer  ses  ouvrages  l'avnit  beaucoup 
aidé  à  supporter  le  malheur  des  temps;  qu'il  n'avait  pu 
songer  sans  regret  et  sans  douleur  (pie.  (pioique  avancT' 
en  âge,  il  était  si  peu  à  son  aise,  qu'il  se  trouvait  obligé 
de  songer  plus  à  gagner  sa  vie  qu'à  cultiver  son  esprit  ; 
que  néanmoins  la  générosité  du  pape  Nicolas  V  lui  avait 
ôté  pour  lors  tout  sujet  de  plainte,  en  sorte  qu'il  paraissait 
être  enfin  réconcilié  avec  la  fortune.  Cette  Histoire  con- 
viviale contient  trois  dissertations  :  voici  à  quelle  occa- 
sion elles  furent  faites.  La  même  année  que  la  peste 
obligea  Nicolas  V  de  quitter  Rome,  notre  auteur  se  retira 
à  Torre-Nuova,  son  lieu  natal.  Il  y  fut  visité  par  Charles 
Arétin,  Benoit  Arétin,  jurisconsulte,  et  Nicolas  F'ulginus, 
fameux  philosophe  et  médecin  de  profession.  Après  le 
repas,  ils  agitèrent  les  trois  questions  qui  sont  le  sujet 
de  ces  dissertations.  Dans  la  première,  on  discute  qui 
des  deux  doit  faire;  des  remerciements,  si  c'est  celui  qui 
est  invité  à  un  repas,  ou  bien  celui  qui  a  invité  les  autres. 
Charles  y\réliii  y  soutien!  contre  les  autres  que  c'est 
ce  dernier  qui  doit  remei'cier;  c'était  aussi  le  sentiment 
de  Démocrite  :  à  ce  que  rapporte  Sénèque  quelque  part» 
il  disait  qu'il  n'irait  point  à  un  festin  s'il  savait  qu'on  ne 
l'en  remercierait  point. 

l)ans  la  seconde  dissertation,  l'ogge  propose  la  ques- 
tion de  savoir  lequel  des  deux  arts,  de  la  médecine  du  du 
droit  civil,  est  le  plus  excellent.  Nicolas  Fulginus, 
médecin,  jjrend  le  i)arti  de  la  médecine,  et  Benoit  Arétin, 
jurisconsulte,  celui  du  droit.  Ils  parlent  tour  à  tour  et 
chacun  f;iil  un  éloge  magnili(|ue  de  sa  profession,  méprise 
et  déclame  contre  celle  de  l'autre.  Il  me  semble  v(jir  deux 
chai'latans  campés  l'un  proche  de  l'autre,  (|ui,  en  vantant 
leurs  drogues  et  en  décriant  celles  de  leur  voisin,  tâchent 
d'attirer  à  eux  tout  le  monde  et  de  débiter  ainsi  leur 
marchandise. 

La  troisième  dissertation  est  la  meilleure.  On  y  examina 
si  les  anciens  Romains  ont  eu  tous  la  même  langue,  c'est- 


APPENDICES  405 


à-dire  s'il  y  a  ou  une  langue  pour  les  gens  de  lettres,  et 
une  autre  dilTérente  pour  le  commun  jjeuple.  Léonard 
Arétin  avait  écrit  une  lettre  à  Blondus  Flavius  en  faveur 
de  ce  dernier  sentiment  ;  Pogge  soutient  iei  le  premier,  il 
allègue  les  raisons  sur  lesquelles  il  se  fonde  et  répond 
ensuite  aux  objections  de  Léonard  Arétin.  Je  ne  saurais 
entrer  dans  un  si  grand  détail,  je  me  contente  de  renvoyer 
le  lecteur  à  l'Histoire  critique  de  la  langue  latine,  par 
M.  Walchius,  qui  distingue  aussi  deux  sortes  de  langues  : 
distinction  pourtant  qui  ne  fait  rien  contre  Pogge.  M.  Wal- 
chius dit  qu'il  y  avait  une  langue  savante,  docta,  et  une 
autre  pour  le  peuple,  plebeia,  que  la  savante  était  celle 
dont  les  anciens  se  servaient  en  écrivant,  et  que  l'autre 
était  celle  qu'ils  employaient  dans  la  conversation.  Je  ne 
crois  point  que  Pogge  niât  cela,  mais  il  soutenait  qu'il 
n'y  avait  point  deux  langues  différentes,  l'une  affectée 
pour  les  gens  au-dessus  du  commun  et  l'autre  pour  le 
peuple.  Ce  qui  fortifie,  à  mon  avis,  l'opinion  de  notre 
auteur,  c'est  que,  dans  Térence  et  dans  Plaute,  les  valets 
parlent  aussi  bon  latin  que  leurs  maîtres.  Et  s'ils  avaient 
eu  une  langue  à  part,  Térence  et  Plaute  n'eussent  pas 
manqué  de  leur  faire  parler  leur  langage  naturel,  tout  de 
même  que  dans  nos  comédies  on  fait  parler  aux  paysans 
leur  patois  ordinaire.  En  agir  autrement,  ce  serait  pécher 
directement  contre  les  règles  de  l'art  et  du  bon  sens, 
règles  que  les  Anciens  eux-mêmes  nous  ont  données. 
J'avoue,  après  cela,  que  les  gens  de  qualité  s'énoncent 
plus  noblement  que  ceux  du  commun,  mais  la  langue  est 
toujours  la  même. 

Passons  au  traité  de  la  noblesse.  Il  parle  de  la  manière 
de  vivre  des  nobles  de  Naples,  de  Venise,  de  Rome,  d'Al- 
lemagne, de  France,  d'Angleterre,  d'Espagne,  etc.,  il 
recherche  ensuite  la  nature  de  la  vérital)le  noblesse,  et  il 
conclut  qu'il  n'y  a  que  la  vertu  qui  nous  rende  véritable- 
ment nobles.  Notre  auteur  parle  un  peu  cavalièrement 
dans  ce  traité,  sur  le  chapitre  des  Vénitiens.  Luurus  Qui* 


J3. 


406  APPENDICES 

rinus,  patrice  vénitien,  lui  répondit  vivement.  Au  reste 
Pogge,  dans  une  lettre  à  Thomasius,  philosophe  et 
médecin  vénitien,  dit  n'avoir  mal  parlé  de  ceux  de  Venise 
que  pour  se  A^enger  de  quelques  nobles  Vénitiens,  qu'il 
s'imaginait  avoir  excité  la  guerre  en  Italie  ;  il  ajoute  que 
d'ailleurs  il  ne  voulait  point  de  mal  à  la  nation,  qu'il  avait 
même  eu  dessein  de  se  faire  recevoir  bourgeois  à  Venise 
et  de  s'y  retirer  pour  le  reste  de  ses  jours  :  que,  dans  cette 
vue,  il  avait  résolu  d'en  écrire  l'histoire  ;  mais  qu'ayant 
été  rappelé  dans  sa  patrie,  et  y  ayant  obtenu  un  poste 
honorable,  il  avait  changé  de  sentiment. 

Après  cela  suivent  deux  livres  de  La  misère  de  In  con- 
dition /ii/niaine;  ils  sont  précédés  d'une  lettre  de  Henri 
Bebolius  à  Léonard  Dur,  abbé  d'Adelberg,  etc.,  dans  le 
cabinet  duquel  il  avait  trouvé  ces  traités  en  manuscrits. 
Pogge  attaque  fortement  les  moines  dans  cet  ouvrage  ;  il 
dépeint  au  naturel  leur  luxe,  leur  fainéantise  et  leur  mau- 
vaise vie,  il  ne  les  ménage  en  aucune  manière.  Cela  ne 
dut  pas  sans  doute  le  mettre  guère  bien  dans  leur  esprit, 
car  avant  ceci  ils  lui  voulaient  déjà  du  mal,  comme  il  l'a 
remarqué  lui-même,  à  cause  d'un  Traité  qu'il  avait  com- 
posé contre  les  hypocrites.  Dans  le  second  livre,  il  parle 
fort  librement  des  cardinaux  et  des  papes  ;  il  atteste  que, 
de  tous  les  prélats  qu'il  a  connus  pendant  les  cinquante 
ans  qu'il  a  passés  à  la  cour  de  Rome,  il  n'en  avait  trouvé 
aucun  qui  se  crût  être  heureux  en  quelque  manière  et  qui 
ne  regrettât  son  sort  ;  il  ajoute  que  plusieurs  papes  se 
sont  plaints  à  lui  en  particulier  de  la  servitude  à  laquelle 
la  tiare  les  assujétissait,  et  qu'ils  détestaient  en  quelque 
manière  cette  dignité;  de  là  il  passe  à  la  conduite  des 
papes  :  il  dit  qu'il  y  en  a  eu  plusieurs  qui  n'ont  songé  ni  à 
l'utilité  dos  chrétiens,  ni  à  défendre  la  Foi  ;  que  la  plus 
grande  partie  d'entre  eux  n'ont  travaillé  qu'à  avancer  et 
à  enrichir  leurs  parents,  qu'ils  n'ont  presque  eu  ni  doc- 
trine ni  religion,  et  qu'ils  ont  fait  très  peu  de  cas  de  la 
vertu  ;  «  en  telle  sorte,  dit  notre  auteur,  que  si  je  n'eusse 


APPENDICES  iO? 

cru  que  cela  arrivait  par  la  providence  divine,  je  me  plain- 
drais quel([uefois  cjue  Dieu  néglige  entièrement  ou  les 
hommes  ou  sa  religion.  »  Notre  auteur  n'a  garde  d'oublier 
les  cardinaux  :  «  11  faudrait,  dit-il,  faire  un  grand  livre,  si 
nous  voulions  décrire  la  vie,  les  mœurs  et  les  vices  de 
beaucoup  d'entre  eux  que  nous  connaissons.  »  On  sent 
bien  que  Pogge  n'était  plus  attaché  à  la  cour  de  Rome 
lorsqu'il  écrivait  cela,  pareil  langage  aurait  été  très  mal 
reçu  ;  il  ne  se  déchargea  le  cœur  que  lorsqu'il  fut  en  pays 
de  sûreté,  c'est-à-dire  loi'squ'il  fut  retourné  à  Florence; 
aussi  composa-t-il  ce  Traité  immédiatement  après  son 
arrivée  (1).  Le  reste  de  ce  livre  est  employé  à  faire 
remarquer  l'inconslance  et  la  vicissitude  de  toutes  les 
choses  de  la  vie,  les  révolutions  qui  sont  arrivées  dans 
les  empires,  les  ruines,  les  embrasements,  les  tremble- 
ments de  terre,  la  peste,  la  famine  et  les  autres  maux  qui 
ont  affligé  le  monde. 

La  Description  des  ruines  de  lîoinc,  par  notre  auteur, 
est  courle  ;  il  y  fait  l'énumération  des  anciens  monuments 
des  Romains  qui  s'étaient  conservés  jusqu'alors. 

La  pièce  suivante  est  la  traduction  de  l'Ane  de  Lucien, 
comme  elle  est  connue,  nous  ne  nous  y  arrêterons  point. 

Ensuite  viennent  les  Invectives  ;  ce  mot  indique  assez 
ce  qu'on  doit  attendre;  en  effet,  le  contenu  y  répond  par- 
faitement bien.  Pogge  savait  déclamer  à  merveille  ;  les 
termes  oflensants,  les  épithètes  injurieuses  ne  lui  coûtaient 
rien.  La  première  Invective  regarde  Amédée,  duc  de 
Savoie,  élu  sous  le  nom  de  Félix  V  par  le  concile  de  Bâle. 
Il  l'accable  d'injures,  il  ne  se  contente  pas  de  le  traiter 
d'hérésiarque,  de  schismatique,  il  va  jusqu'à  l'appeler 
l'Antéchrist,  et  comme  l'autre  alléguait  en  sa  faveur  le 


1.  C'est  ce  qui  parait,  dans  les  premières  paroles  de  cet 
ouvrage  :  «  Septuagesimani  idatis  annum  ayens,  cum  e  romana 
curia,  in  qua  annis  ferme  quinquaginta  lucram  versalus,  Flo- 
rentiam  revertissem. 


401=!  APPENDICES 

concile  de  Bâle  qui  l'aviiit  élevé  à  celle  dignité,  il  déclame 
très  vivement  contre  ce  concile,  qu'il  traite  de  concilia- 
bule, de  domicile  de  séditieux,  de  demeure  de  scélérats, 
de  maison  de  perfidie.  Il  dit  que  celle  Assemblée  était 
composée  d'apostats,  de  scélérats,  de  fornicaleurs,  d'in- 
cestueux, de  déserteurs,  de  blasphémateurs  et  de  tout  ce 
qu'il  y  a  de  g-ens  infâmes,  que  cette  canaille  avait  été  cor- 
rompue par  cet  anti-pape  à  idéaux  deniers  comptants. 
Tout  le  reste  de  V fni>ecti\'e  est  sur  le  même  ton. 

La  suivante  est  contre  François  Philelphe,  savant  et 
poète  renommé  de  ce  temps-là,  mort  en  1481.  Notre 
auteur  la  composa  pour  venger  son  ami  Niccolo  d'une 
satire  que  Philelphe,  qui  était  naturellement  fort  médi- 
sant, avait  publiée  contre  lui.  Il  lui  reproche  que  sa  mère 
gagnait  sa  vie  à  Rimini  en  nettoyant  des  boyaux:  qu'il 
avait  été  banni  de  sa  ville;  qu'il  était  non- conformiste  ; 
qu'ayant  été  pour  cela  chassé  de  Padoue,  où  il  étudiait 
sous  Gasparin,  il  s'était  retiré  à  Constantinople  :  qu'étant 
là,  il  avait  trouvé  moyen  de  s'insinuer  dans  l'esprit  du 
fameux  Chrysoloras.  qui  le  reçut  chez  lui,  qu'ensuite  il 
avait  débauché  sa  fille  et  en  avait  joui  ;  que  le  père  ayant 
découvert  cela,  avait  d'abord  voulu  le  tuer,  sur  quoi  il 
s'était  enfui  ;  que  néanmoins  la  fille  s'étant  trouvée  grosse, 
le  père,  à  foi-ce  de  sollicitations,  avait  enfin  consenti  au 
mariage.  Il  lui  reproche  encore  qu'il  avait  volé  à  son  beau- 
père  des  livres  et  beaucouj)  d'autres  choses,  et  que  jxjur 
faire  consentir  à  ses  infâmes  désirs  un  jeune  honune  dont 
il  était  amoureux,  il  l'avait  placé  dans  son  lit  entre  sa 
femme  et  lui. 

La  seconde  Invective  de  noire  auteur  contre  Philelj)he 
a  été  composée  à  l'occasion  d'une  nouvelle  satire  que  ce 
dernier  avait  publiée  contre  Niccolo.  Pogge  continue  ici  à 
le  traiter  de  scélérat  ;  il  l'accuse  d'avoir  dérobé  l'argent 
d'un  frère  mineur  à  Bologne  ;  il  lui  reproche  sa  noire 
ingratitude  envers  Niccolo,  (|ui  l'avait  assisté  dans  sa 
misère  et  lui   avait  rendu  des  services   considérables;  il 


APPENDICES  409 

ajouU'  qu'il  était  en  liorreurà  tout  ce  qu'il  y  avait  alors  de 
savants,  à  Charles  Arélin,  à  Léonard  Arétin,  à  Léonard 
Jusliniani,  à  François  Barbarus,  à  Guarin  de  Vérone,  à 
Nicolas  Luscus,  et  qu'on  l'avait  banni  do  Florence. 

Dans  la  troisième  Invective,  Poofge  fait  un  détail  de 
toute  sa  vie  aussi  ample  que  s'il  avait  toujours  été  à  ses 
trousses  ;  le  tout  entremêlé  de  railleries,  d'ironies,  d'in- 
jures, d'exclamations;  en  un  mot,  il  emploie  toutes  les 
figures  de  la  rhétorique.  Il  faut  avouer  que  si  le  quart  de 
tout  ce  que  notre  auteur  reproc^lie  à  Philel|)he  est  véri- 
table, c'était  un  grand  scélérat. 

La  dernière  Invective,  qui  n'en  est  pourtant  pas  une, 
est  intitulée  ici  :  Invectiva  ercnsntoria  Possii  et  reconci- 
lintoria  quartn  ciiin  Francisco  P/ii/c/p/io.  C'est  une  espèce 
de  lettre  de  réconciliation  à  Philelphe;  elle  est  écrite  en 
termes  fort  généreux,  qui  dans  le  fond  ne  signifient  pas 
grand  chose,  et  en  elTet  il  lui  en  avait  trop  dit  pour  pou- 
voir se  rétracter  avec  honneur. 

Passons  aux  Invectives  que  notre  auteur  publia  contre 
Laurent  Valla,  célèbre  grammairien  de  ce  temps-là,  mais 
d'une  humeur  fort  mordante,  qui  donna  lieu  à  cette  épi- 
taphe : 

«  Uhc .'  ul  Valla  silel .'  sol  tins  fjui  parcere  non  est, 
Si  ruaris  luid  ayat,  nunc  qnoqnc  mordi'l  htununi.  » 

«  Eh!  eh  I  Yalta  ne  dit  mot,  lui  qui  mordait  fout  le  monde. 
Demandez-vous  ce  qu'il  fait?  Il  mord  encore  la  poussière.  » 

Il  ne  se  peut  rien  imaginer  de  plus  fort  que  les  quatre 
invectives  que  l'on  voit  ici.  Pogge  traite  Valla  avec  le 
dernier  mépris,  il  lui  reproche  une  inlinilé  de  mauvaises 
actions  ;  on  y  trouve  à  chaque  page  les  épithètes  de  bestia, 
latrator,  furibundtis,  insanus,  convitiator,  démens,  Itœre- 
ticus,  monstrum,  etc.  Et  de  quoi  s'agit-il  donc?  de  quel- 
ques mots,  de  quelques  phrases  que  Valla  avait  comdam- 
nées  dans  les  Lettres  de  Pogge,  comme  peu  latines.  Hinc 


410  APPENDICES 

illie  lacrim.v,  voilà  tout  le  sujet  de  la  querelle.  Valla  avait 
reproché  à  notre  auteur  les  soulllets  qu'il  avait  reçus  de 
George  de  Trébijonde.  Pogge  passe  fort  légèrement  sur 
cet  article.  Il  répond  simplement  que,  non  seulement  il 
y  avait  eu  des  soulllets  donnés,  mais  encore  des  coups  de 
pied  et  des  coups  de  bâton,  qu'il  y  avait  eu  aussi  des 
épées  tirées  :  ÎVon  eniin  colapins  tantuin,  sed  calcibus, 
fustibus,  ferra  res  acla  est.  Il  se  sert  ensuite  de  récrimi- 
nation; il  dit  que  Valla,  étant  à  la  cour  du  roi  de  Naples, 
eut  querelle  avec  un  certain  chevalier  Alphonse,  qui  le 
jeta  par  terre  et  l'assomma  à  coups  de  pied  et  à  coups  de 
poings.  Un  peu  auparavant,  il  avait  rapporté  l'action  va- 
leureuse de  Valla  qui,  ayant  reçu  par  hasard  à  Naples  un 
coup  de  pied  d'un  âne,  s'en  vengea  en  le  tuant  à  coups  de 
bâton. 

Je  viens  aux  Oraisons  Funèbres  de  notre  auteur,  La 
première  contient  le  Panégyrique  du  Cardinal  de  Flo- 
rence. S'il  faut  prendre  au  pied  de  la  lettre  tout  le  bien 
que  Pogge  en  dit,  ce  Cardinal  était  un  homme  d'un  rare 
mérite.  Il  était  né  à  Padoue,  et  il  s'était  attaché  particu- 
lièrement à  l'étude  du  droit,  qu'il  avait  ensuite  enseigné 
et  avec  réputation.  Après  cela,  le  Pape  Jean  XXII  l'avait 
nommé  Evêque  de  Florence  et  ensuite  Cardinal;  peut-être 
qu'il  serait  devenu  Pape  s'il  avait  vécu  plus  longtemps. 
Il  mourut  à  Constance  le  16  septembre  1417,  pendant  que 
le  Concile  s'y  tenait,  et  ce  lut  là  que  notre  auteur  récita 
cette  Oraison  funèbre. 

La  seconde  est  destinée  à  l'éloge  du  Cardinal  de  Sainte- 
Croix.  Voici,  en  peu  de  mots,  les  faits  historicpics  de  la 
vie  de  ce  Cardinal,  que  j'ai  extraits  de  cette  Harangue. 
Il  naquit  à  Bologne,  il  étudia  en  dr<jit  dans  l'Université 
de  cette  ville;  ensuite,  dégoûté  des  choses  de  la  vie,  il 
embrassa  l'Ordre  des  Chartreux,  le  plus  austère  de  tous. 
Quelque  temps  après,  il  fut  élu  supérieur  de  son  monas- 
tère et  ensuite  nommé  à  l'évèché  de  Bologne,  dignité 
qu'on  l'obligea  malgré  lui  d'accepter,  et  dans  laquelle  il 


APPENDICES  411 

se  signala  par  une  infinité  de  belles  actions.  Martin  V 
l'envoya  en  France  et  en  Angleterre  pour  faire  la  paix 
entre  ces  deux  rois;  il  se  fit  aimer  et  estimer  de  ces  deux 
princes,  mais  sa  négociation  échoua.  Martin  V  crut  ne 
pouvoir  mieux  rendre  justice  à  son  mérite,  qu'en  lui  don- 
nant le  chapeau  de  Cardinal.  Il  fut  envoyé  à  Venise  pour 
faire  la  paix  entre  le  Duc  de  Milan  et  les  Vénitiens  joints 
aux  Florentins  qui  se  faisaient  la  guerre  vigoureusement. 
Il  accommoda  leurs  diiïérends.  mais  la  paix  fut  de  courte 
durée.  Gela  l'obligea  à  y  retourner  pour  tâcher  de  mettre 
fin  à  cette  guerre,  et,  enfin,  au  bout  de  six  mois,  il  leur 
fit  conclure  le  traité  de  paix  à  Ferrare.  11  fut  envoyé  dere- 
chef en  France,  où  il  resta  doux  ans  entiers.  Il  eut  ordre, 
en  s'en  retournant,  de  passer  à  Bâle,  d'où  il  vint  à  Flo- 
rence trouver  le  pape  Eugène  IV,  qui  avait  succédé  à 
Martin  V,  et  qui  s'était  retiré  dans  cette  ville.  Ce  pape  le 
renvoya  pour  la  troisième  fois  en  France,  car  on  était 
persuadé  qu'il  n'y  avait  que  le  Cardinal  de  Sainte-Croix 
qui  pût  porter  les  esprits  à  la  paix.  Etant  revenu  de  là  à 
Florence,  il  fut  renvoyé  encore  à  Bàle,  d'où  il  vint  à  Bo- 
logne auprès  du  Pape,  qui  le  députa  à  Nuremberg  vers 
Albert,  roi  des  Romains,  pour  prévenir  le  schisme  que 
causa  ensuite  le  Concile  de  Bàle.  Enfin,  à  son  retour  de 
cette  ambassade  à  Ferrare,  il  demeura  le  reste  de  ses 
jours  auprès  du  Pape,  qui  le  fit  Grand  Pénitencier.  Il 
mourut  de  la  pierre,  âgé  de  soixante-huit  ans. 

La  troisième  Harangue  de  Pogge  a  été  faite  sur  la  mort 
de  son  ami  Niccolo  Niccoli,  bourgeois  de  Florence.  Il  était 
né  dans  cette  ville,  où  son  père  était  marchand;  mais  il 
ne  fut  pas  d'humeur  à  suivre  cette  profession,  car  il  prit 
goût  à  l'étude.  Il  s'attacha  à  Louis  Marsigli,  moine  Augus- 
tin, et  des  plus  savants  de  ce  temps-là.  .Sa  passion  pour 
les  livres  n'avait  point  de  bornes.  11  en  avait  rassemblé 
un  si  grand  nombre  de  tous  les  coins  de  l'Europe,  qu'il 
avait  formé  la  plus  belle  bibliothèque  de  l'Italie;  et  ce 
qu'il  y  a  de  plus  louable,  c'est  qu'il  en  laissait  l'usage  à 


412  APPENDICES 

tout  le  monde.  Chacun  y  pouvait  lire  et  transcrire  ce  qu'il 
jugeait  à  propos.  Ce  fut  lui  qui  fit  venir  à  Florence  Em- 
manuel Chrysoloras,  l'homme  de  son  temps  qui  enten- 
dait le  mieux  le  grec;  Guarin,  Jean  Aurispa,  François 
Philelphe,  tous  fort  habiles  gens.  En  un  mot,  c'était  le 
Mecenas  de  son  temps,  et,  outre  cela,  l'homme  le  plus  sa- 
vant, le  plus  aimable  qu'on  puisse  concevoir.  Il  ordonna, 
par  son  testament,  qu'on  ferait  une  Bibliothèciue  publique 
de  ses  manuscrits,  qu'il  avait  rassemblés  au  nombre  de 
huit  cents.  Il  mourut  enfin,  âgé  de  soixante-treize  ans. 

La  quatrième  Oraison  contient  le  Panégyrique  de  Lau- 
rent de  Médicis,  qui  avait  été  fort  des  amis  de  Pogge.  On 
y  fait  son  éloge  en  termes  généraux  :  on  n'y  apprend, 
d'ailleurs,  rien  de  particulier  sur  sa  vie. 

La  dernière  Harangue  est  adressée  au  Pape  Nicolas  V. 
Le  but  de  ce  discours  tend  à  exhorter  ce  Pontife  à  la 
bénéficence  et  à  la  libéralité,  à  joindre  la  miséricorde  à  la 
justice,  et  à  écouter  avec  docilité  les  remontrances  qu'on 
pourrait  lui  faire.  Je  ne  sais  quelle  était  la  coutume  de 
ces  temps-là.  mais  aujourd'hui  pareille  Harangue  serait 
très  mal  reçue  ;  ce  ne  serait  pas  moins  qu'un  crime 
d'Etat. 

Les  lettres  de  Pogge  sont  au  n(»mbre  de  quarante-deux. 
Je  parle  de  celles  qui  sont  dans  ce  recueil,  car  M.  Reca- 
nati  [l'ie  latine  de  Pogge)  dit  qu'il  y  en  a  qui  n'ont  ja- 
mais été  imprimées,  et  il  en  cite  plusieurs  fragments. 
Celles  qu'on  voit  ici  sont  la  plupart  sans  date  et  ne  sont 
pas  rangées  dans  un  ordre  chronologique. 

Pendant  le  séjour  (|ue  Pogge  fit  à  Constance,  il  alla 
faire  un  tour  aux  bains  de  Thuringe,  et  il  en  fait  une  des- 
cription fort  naïve  dans  une  lettre  qu'il  écrivit  à  Niccolo. 
La  liberté  avec  laquelle  on  y  vivait,  paraissait  quelque  J 
chose  d'inconcevable  à  un  homme  qui  avait  toujours  de-* 
meure    delà    les    monts.    Les  hommes   et  les    femmes, 
vieilles  et  jeunes,  entraient  indifféremment  dans  les  mêmes  ., 
bains,  où  ils  se  divertissaient  et  badinaient  ensemble;  leal 


! 


APPENDICES  413 

maris  voyaient,  sans  la  moindre  peine,  les  étrangers 
patiner  leurs  femmes  :  la  jalousie  est  un  terme  qui  leur 
était  inconnu.  Cela  plaisait  fort  à  notre  auteur  :  ne  se 
lavant  que  deux  fois  par  jour,  il  passait  le  reste  du  temps 
à  aller  voir  les  bains  et  à  jeter  aux  femmes,  selon  la  cou- 
tume, des  bouquets  de  fleurs  et  de  l'argent.  Cela  excitait 
une  espèce  de  combat  entre  elles  à  qui  l'attraperait  ;  et 
ce  qu'il  y  avait  de  divertissant  pour  l'ogge.  c'est  qu'en  se 
chamaillant  ainsi,  elles  laissaient  voir  leurs  beautés  les 
plus  cachées.  Cette  lettre  mérite  d'être  lue,  aussi  bien 
que  la  suivante  adressée  à  Léonard  Arétin. 

(A^lle-ci  contient  la  relation  de  ce  qui  s'était  passé  au 
supplice  de  Jérôme  de  Prague.  On  ne  saurait  lire,  sans 
L'tro  attendri,  la  Harangue  que  cet  Hérésiarque  prononça 
devant  ses  juges  passionnés  et  prévenus  :  «  Quelle  injus- 
«  tice  !  dit-il  ;  pendant  trois  cent  quarante  jours  que  vous 
«  m'avez  tenu  enchaîné  dans  un  cachot  obscur  et  infect. 
«  destitué  de  toutes  choses,  vous  avez  toujours  écouté 
«  mes  ennemis,  et  vous  me  refusez  une  seule  heure  d'au- 
«  dionce.  Ils  ont  eu  le  temps  qu'ils  ont  voulu  pour  vous 
«  faire  croire  que  je  suis  un  hérétique,  un  ennemi  de  la 
a  Foi,  un  persécuteur  dos  ecclésiastiques,  et  c'est  pour 
«  cela,  sans  doute,  que  vous  ne  voulez  pas  mentendre  ; 
«  parce  que  vous  m'avez  jugé  avant  que  d'avoir  pu  con- 
n  naître  quel  je  suis.  Cependant  vous  êtes  des  hommes  et 
«  non  des  Dieux,  vous  êtes  mortels  et  vous  ne  vivrez  pas 
«  toujours.  Vous  n'êtes  pas  non  plus  infaillibles;  il  peut 
«  vous  arriver  de  vous  tromper  vous-mêmes  et  d'être  sé- 
«  duits  par  les  autres.  On  dit  que  toute  la  lumière  et  la 
«  prudence  est  rassemblée  ici  ;  il  y  va  donc  de  votre  gloire 
f  et  de  votre  intérêt  de  ne  rien  faire  légèrement,  et  sans 
a  une  mûre  délibération,  de  peur  de  commettre  quelque 
«  injustice.  Pour  moi,  je  ne  suis  qu'un  homme  de  peu 
n  d'importance,  et  quoiqu'il  s'agisse  ici  de  ma  yie,  je  suis 
«  mortel,  et  c'est  beaucoup  moins  pour  mon  propre  inté- 
«  rêt  i\ue  je  parle,  qu'alin  d'cmpêche-r  que  tant  de  per- 


4l4  APPENDICES 

«  sonnes  sages  ne  se  portent  à  quel(iue  résolution  qui  les 
fi  déshonore  et  qui  soit  de  mauvais  exemple.  «  Ce  beau 
discours  ne  servit  de  rien;  et,  pour  trancher  court,  Jé- 
rôme de  Prague  fut  condamné  à  être  brûlé  vif,  peine  qu'il 
endura  avec  toute  la  constance  et  la  fermeté  possible.  Le 
bourreau  voulant  mettre  le  feu  par  derrière,  afin  que 
Jérôme  ne  le  vit  pas  :  «  Mettez,  dit-il,  le  feu  par  devant, 
«  car,  si  je  l'avais  craint,  j'aurais  bien  pu  l'éviter.  » 
«  C'est  ainsi,  conclut  Pogge,  qu'a  fini  un  homme  excel- 
lent au  delà  de  toute  créance.  J'ai  été  témoin  oculaire  de 
cette  tragédie  et  j'en  ai  vu  tous  les  actes.  Je  ne  sais  si 
c'est  obstination  ou  incrédulité  qui  le  faisait  agir;  mais 
vous  eussiez  cru  voir  la  mort  de  quelqu'un  des  Philo- 
sophes de  l'antiquité.  Mutins  Scevola  mit  sa  main  dans  le 
feu  et  Socrate  prit  le  poison  avec  moins  de  courage  et 
d'intrépidité,  que  Jérôme  de  Prague  ne  souiïrit  le  sup- 
plice du  feu.  » 

Une  bonne  partie  des  lettres  qui  suivent,  ne  sont  pas 
extraordinairement  intéressantes;  on  y  apprend  pourtant 
quelques  particularités  touchant  Pogge.  Quelques-unes 
de  ces  lettres  sont  écrites  à  Guarin  de  Vérone,  et  à  Léo- 
nard Arélin;  d'autres  à  Eneas  Silvius,  qui  fut  ensuite 
Pape  sous  le  nom  de  Pie  II,  à  Charles  Arétin,  à  Antoine 
le  Panormitan,  à  Cosme  de  Médicis,  à  Scipion  de  Ferrarc 
à  Jusliniani,  à  Franciscus  Barbarus  et  à  beaucoup 
d'autres.  On  y  voit  aussi  une  lettre  de  Philippe-Marie, 
duc  de  Milan,  avec  réponse  de  Pogge.  La  dernière  lettre 
est  une  longue  dissertation  apologétique  contre  Guarin  de 
Vérone,  avec  lequel  il  s'était  brouillé  pour  avoir  préféré 
Scipion  à  César,  dans  le  parallèle  qu'il  avait  pid)lié  de  ces 
deux  grands  hommes.  Ils  se  réconcilièrent  dans  la  suite. 

Les  lettres  de  notre  auteur  sont  suivies  d'un  Traité  de 
sa  façon,  sur  le  /naUicar  des  Princes.  Il  est  écrit  en  forme 
de  dialogue  entre  Charles  Ai'étin,  Niccolo,  Cosme  de 
Médicis  et  Pogge.  Ils  y  raisonnent  fort  librement  sur  les 
bonnes  et  les  mauvaises  qualités  des  Princes. 


APPENDICRS  415 

Les  Facctitr,  ou  Recueil  des  bons  mots  et  des  bons 
contes,  servent  de  clôture  à  ce  volume,  (^e  seul  ouvrage  a 
jilus  contribué  à  faire  connaître  Pogge,  que  tout  ce  qu'il 
a  écrit  d'ailleurs.  Il  fut  le  premier  qui  publia  quelque 
chose  dans  ce  goilt-là,  et  il  a  été  suivi  d'une  infinité 
d'autres,  qui.  souvent,  ont  pillé  ses  contes,  sans  lui  en 
faire  seulement  honneur.  C'est  ainsi  qu'on  trouve  dans 
Rabelais,  dans  les  Cent  Nouvelles  Nouvelles;  dans 
l'Arioste,  dans  les  Ducento  Novelle  de  Celio  Malespini  (1), 
dans  La  Fontaine  et  dans  divers  autres,  le  conte  de 
l'Anneau  de  Hans  Carvel,  dont  l'invention  est  due  à 
Pogge.  Il  nous  apprend  lui-même,  dans  la  seconde /nfcc- 
tc\'e  contre  Valla.  que  ses  Facetiœ  étaient  répandues  par 
toute  l'Italie,  la  France,  l'Espagne,  l'Allemagne,  l'Angle- 
terre et  qu'elles  étaient  lues  de  tous  ceux  qui  entendaient 
le  Latin  et  approuvées  de  tous  les  gens  de  Lettres  : 
«  Sed  qiiid  iiif.rium,  dit-il,  Facetias  ineas,  ex  quibusliher 
constat,  non  plncere  lioniini  inhuinano,  vasto,  stupido, 
agresti,  démenti,  harbaro,  rusticano  '.'  Al  ah  reliquis  ali~ 
quanto  quant  tu  doctorilms  prohantur,  leguntur,  et  in  ore 
et  nianihus  liahcntur,  ut,  velis  nolis,  rumpantur  licet  tihi 
Cadra  ilia,  diffusœ  sint  per  univcrsani  Italiani,  et  ad 
Gallos  usquc,  Ilispanos,  Gernianos,  Britannos,  cœte- 
rasque  nationes  transniigrarint  qui  sciant  loqui  Latine.  » 

Un  ouvrage  aussi  libre  que  ces  Facetiœ,  ne  pouvait 
manquer  de  censeurs.  Gesner  (Biblioth.)  est  un  de  ceux 
qui  se  sont  le  plus  déchaînés  contre  cet  ouvrage;  il  l'ap- 
pelle «  opus  turpissimuin  et  aquis  incendioquc  dignissi- 
inuin  ».  L'abbé  Trilhème  ne  l'a  pas  moins  décrié  dans  son 
Traité  de  Scrij)torihus  Fcclesiasticis.  Il  en  parle  en  ces 
termes  :  «  Spurcitiaruni  opus,  quod  Facetias  privnotavit, 
ah  illustruiin  Virorum  catalogo  mérita  censuimus  repel- 
lenduni,   quaniani   ejus  lectia    devatos  aff'endit,    ineautis 


1.  Mena^'iana,  tome  I,  p.  ,3G0. 


416  APPENDICES 

nocet.  carnnics  in/icit.  »  Erasme  faisait  allusion  à  cet 
ouvrage  lorsqu'il  a  dit  :  «  Po^^ius,  rahtila  adeo  indoctus, 
ut  etituusi  i'cicaret  ohscenitate,  tainen  indigniis  cssei  qui 
legeretiir;  adeo  nuteiii  ohsccnus,  ut  ctianisi  doctissimus 
fuisset,  tnmen  ossel  a  bonis  viris  rcjiciendus.  »  Remarquons 
ici.  par  occasion,  qu'Erasme  s'est  contredit  sur  le  cha- 
pitre de  Pogge;  car  après  en  avoir  parlé  comme  d'un 
ignoi-ant,  il  en  parle  ailleurs  tout  autrement.  Dans  une 
lettre  à  Cornélius  Goudanus,  il  le  traite  de  «  c/r  nec  ine- 
legans  nec  indoctus  »,  et  dans  une  autre  au  même  il  dit  : 
«  (Juid.Knca  Sylvie,  qtiid  Augustino  Dato,  quid  Guarino, 
qiiid  Poggio,  quid  Gasparino  cloqucntius?  »  Le  bon 
ermite  Jacques-Philippe  de  Bergame  (supp.  Chron.  ad 
ann.  1417)  a  jugé  plus  favorablement  de  ces  contes,  aux- 
quels il  donne  l'épithète  de  «  pulcherriinus  liber.  »  Cela 
n'a  pas  empêché  que  le  Concile  de  Trente  n'ait  mis  cet 
ouvrage  dans  V Indice  e.i-purgatoire.  » 

Au  reste,  ou  a  fait  des  éditions  sans  nombre  de  ces 
contes,  qu'on  a  souvent  joints  à  ceux  de  Henri  Bebel,  de 
Nicodème  Frischlin.  d'Alphonse,  roi  d'Aragon,  etc.  On 
les  a  aussi  traduits  en  diverses  langues. 

Voilà  les  ouvrages  contenus  dans  le  volume  in-folio. 
Mais  il  en  a  fait  beaucoup  d'autres  qui  n'y  sont  pas  l'en- 
fermés, et  que  je  vais  coter  après  M.  Recanati.  Il  a  fait 
V Oraison  funi'bre  de  son  ami  Léonard  Arétin,  mort  à  Flo- 
rence en  1443.  M.  Baluze  publia  le  premier  cette  pièce, 
dans  le  troisième  volume  de  ses  Miscellanca.  M.  Bayle 
semble  ne  l'avoir  pas  connue,  puisqu'il  n'en  fait  aucune 
mention  dans  son  Dictionnaire  à  l'article  de  Léonard 
Arétin,  elle  aurait  néanmoins  pu  lui  servir  à  perfectionner 
cet  article. 

r)iitre  cela,  Pugge  a  composé  un  Dialogue  contre  les 
lli/pocrites,  (juelques  livres  sur  la  situation  des  Indes  et 
sur  le  dei'oir  des  Princes,  une  Harangue  contre  les  Médi- 
sans,  une  Dissertation  dans  laquelle  il  examine  si  un 
vieillard  doit  se  marier.  Joignez  à  cela  un  Traité  des  por- 


APPENDICES  417 

traits  des  honiinos  illustres  de  la  famille  des  Bondelmonte, 
et  quelques  écrits  contre  le  Concile  de  Bàle;  mais  ces 
deux  derniers  ouvrages,  qui  n'ont  jamais  vu  le  jour,  se 
sont  perdus. 

Il  a  traduit  du  grec  de  Xéuoplion,  la  Vie  de  Ci/rus,  et 
cinq  livres  de  Diodore  de  Sicile,  par  l'ordre  du  Pape  Ni- 
colas V,  dont  il  était  secrétaire,  et  il  la  lui  dédia;  dans 
celte  dédicaie,  il  dit  avoir  traduit  à  sa  prière  la  Vie  de 
Cl/rus.  du  grec  <le  Xénophon. 

Enfin,  l'ouvrage  le  plus  considérable  que  Pogge  com- 
posa est  VHistoire  de  Florence,  écrite  en  latin.  Son  fils, 
Jacques,  s'avisa,  je  ne  sais  pounjuoi,  de  garder  l'original 
par  devers  lui  et  d'en  publier  une  traduction  italienne  de 
sa  facMin.  Elle  parut  j)0ur  lu  première  fois  à  Venise,  en 
1476,  in-folio,  ensuite  on  la  réimprima  dans  la  même  forme 
à  Florence,  en  1494,  et  enfin  les  Giunti  en  donnèrent  une 
édition  plus  correcte  dans 'la  même  ville,  en  1598,  in-'i^). 
Ce  n'a  été  qu'en  1715,  que  V Histoire  latine  de  Pogge  a  vu 
le  jour  sous  ce  titre  :  Poggii  Historin  Florentimi  nunr  pri- 
muin  édita,  notisqne  et  Auctoris  i'ita  illustrata  ab  Jo. 
Baptista  Recanato,  Patritin  Veneto.  Acadeniico Florentine. 
Venetiis,  1715,  in-4".  Je  n'entrerai  point  dans  le  détail 
de  cette  histoire;  je  me  contente  de  dire  que  Pogge  a  écrit 
en  très  beau  style,  dans  huit  livres,  ce  qui  s'est  passé  à 
Florence  depuis  i:J50  jus{|u"à  l'année  1455.  Les  notes  de 
l'éditeur  qui  servent  à  éclaircir,  quelquefois  même  à  cor- 
riger le  texte,  sont  curieuses.  Au  reste,  personne  n'ignore 
qu'on  a  accusé  notre  historien  d'avoir  trop  favorisé  ses 
concitoyens  contre  la  vérité  de  l'histoire,  et  qu'à  cette  oc- 
casion Sannazar  lui  reprocha,  par  une  ingénieuse  épi- 
gramme,  qu'en  louant  sa  patrie,  et  qu'en  blâmant  l'ennemi, 
il  s'était  montré  bon  citoyen,  mais  mauvais  historien, 
a  Dum  Patriam  laudat,  damnât  dum  Pogguis  Hostcm, 
Xec  malus  est  Civis,  ncc  bonus  Historiens.  » 
Pogge  a  fait  quelques  vers.  C'est  Paul  Jove  qui  me 
l'apprend  dans  l'Eloge  de  Manuel  Chrysoloras.  Il  dit  que 


418  AI'l'E.MlICES 

ce  savant  étant  mort  à  Constance,  Pogge  lui  dressa  cette 
épitaphe  : 

Hic  est  EmmaiiHcl  sitits, 
Sennoiiis  dcctis  Atlici. 
Qui,  (ium  (jud'i-cn'  opem  Patriu 
Affecta' stude,  hue  Ut, 
Res  belle  cecidil  tuis 
lotis,  Ilalia  :  hic  tibi 
Linguœ  rcstitnit  decus 
Alticir,  ante  rcco)idit<v. 
Res  belle  cecidit  luis. 
Votis  E)ii)na)niel  :  solo 
Co7tseciiltis  in  Italo 
.Etenium  decus  es  tibi 
Quale  Griecia  non  dédit 
Ik'llo  perdiln  Grœcia. 

J'ai  lu  encore,  dans  une  lettre  de  Cornélius  Goudanus 
à  Erasme,  une  Epigramme  contre  Laurent  Valla,  (jue 
Cornélius  attribue  à  Pogge.  On  y  dit  que  depuis  que  Valla 
est  allé  aux  Enfers,  Plulon  n'ose  plus  p;irler  latin  et  que 
Jupiter  aurait  donné  à  ce  critique  une  place  dans  les 
cieux,  s'il  n'eût  craint  sa  langue.  On  ne  saurait  mieux 
exprimer  l'humeur  mordante  d'un  Grammairien  :  «  In 
Laurcntium  inxeJiilur  Pog'^ius  lali  tetrasticlio  : 

Infcrnus postquam  dcfuclus  Yalta  peliiit, 
Non  andet  Pluto  vo'ba  lalina  lotjui. 

Jupiter  hune  superis  diiptatus  lio)iore  fuissel  ; 
Crnsovem  linfpitr  sed  timet  ipse  su(r. 

Trithènie  rapporte  ces  mêmes  vers  dans  son  traité  De 
Scrlptoribus  Ecclesiasticis,  mais  il  ne  dit  pas  (jiie  Pogge 
en  soit  l'auteur. 


II 


APPENDICES    AUX    FACETIES  ^'^ 


XII  (page  24) 
LA  QUESTION  RÉSOLUE 

CONTE 

Des  chevaliers  de  l'Arbalète, 
Dans  un  village,  au  fond  d'un  parc, 
Devaient  Ijientôt  chômer  la  fête 
Du  bien  heureux  Patron  de  l'Arc. 
Suivant  la  mode  et  l'étiquette, 
Tout  est  prévu,  tout  est  réKl-^  ; 
On  rendit  la  pompe  complelte. 
Le  chapitre  fut  assemblé. 
Or,  il  advint  sur  l'entre  faite 
Que  par  les  vers  tout  morcelé, 
Leur  saint  dans  l'Eglise  étalé, 
Depuis  les  pieds  jusqu'à  la  tète. 
En  tous  les  sens  était  criblés, 
Et,  comme  on  allait  se  résoudre, 
Dans  sa  niche  mal  acculé. 
En  un  instant  comme  la  foudre, 

(I)  On  trouvera  ici  un  certain  nombre  d'imitations  des  Facétie»  de 
Pogge  que  le  défaut  de  place  ou  leur  longueur  n'ont  pas  permis  de 
mettre  en  note. 


420  APPENDICES 

De  son  piédestal  écroulé, 

Le  Saint  tombe,  réduit  en  poudre, 

Soudain,  i^ronipts  à  remédier 

A  l'accident  qui  les  consterne 
On  voit  accourir  Magisler,  Marguiller, 
Mathurin  et  Colas  dont  la  tète  gouverne 

Kt  la  paroisse  et  le  moùlier, 

Et  vite  ensemble  ils  vont  prier 
Le  Phidias  de  la  ville  procliaine, 

D'en  faire  un  autre  sous  huitaine. 

Messieurs  comment  le  voulez- vous? 
En  vie,  ou  mort,  leur  dit  le  statuaire?  — 
En  vie,  ou  mort,  entendez-vous.  Compère? 

Dit  Mathurin  ;  lequel  choisirons-nous? 

Bon  !  fit  Colas,  c'est  à  la  fantaisie 
De  Monsieur  le  Curé  que  nous  consulterons. 

Qu'on  le  fasse  toujours  en  vie. 

S'il  le  faut  mort,  nous  le  tuerons 

Poésies  de  Goyetand.  ITOI. 


XXXVI  (pa^e  52) 
LE  TESTAMENT  CYNIQUE 

CONTE 

Certain  Curé,  (c'est  je  crois,  près  de  Nanle) 
Depuis  longtems  avait  un  chien  barbet. 
Qu'il  chérissait  plus  que  sa  gouvernante 
Et  presque  autant  que  sa  nièce  BaJjet. 
Quel  chien  aussi  !  C'était  un  chien  pariait, 
Adroit  en  tout;  fallait-il  en  cadence 
Faire  des  sauts,  faire  la  révérence, 
Toujours  tout  prêt,  on  n'avait  qu  à  parler. 
Et  ce  n'est  [las  pour  embellir  l'Histoire  : 
Mais  ce  que  chiens  ne  fout  que  par  mémoire, 
Semblait  en  lui  l'ell'et  du  jugement. 
Si  l'on  sonnait  pour  un  enterrement 
En  gros  bourdon,  fut-il  loin,  fut-il  proche, 
Vite  Barbet  au  premier  coup  de  cloche 
Courait  porter  à  Monsieur  le  Curé 
Son  Rituel  et  son  bonnet  carré. 


APPENDICES  421 

Hélas!  ce  chien  si  digne  de  remarque 

Mourut  un  jour  peut  être  empoisonné. 

Tant  de  méi-ile  aurait  touché  la  Parque, 

Si  la  cruelle  eut  jamais  pardonné. 

Le  désespoir  du  l'réUv  infortuné 

Alla  plus  loin  que  je  ne  saurais  dirj  : 

C'est  dire  peu,  qu'il  l'ut  jusiju'au  délire. 

Huit  jours  après,  lorsqu'il  sut  modérer 

Cette  douleur,  assez  pour  en  pleurer. 

Je  veux,  dit-il  lui  donner  sépulture  ; 

Puis-je  soulTrir  qu'il  serve  de  pâture  ; 

A  des  corbeaux  exposé  dans  nos  champs? 

Va  tel  destin  est  fait  pour  les  méchants. 

De  quelques  ais  fabriquons  une  bierre, 

Et  mettons  le  dedans  le  Cimetière. 

Dans  ce  saint  lieu,  j'ai  mis  plus  d'un  chrétien 

Qui  sûrement  ne  valait  pas  mon  chien. 

Aussitôt  dit,  le  Pasteur  se  dépêche. 

Fait  une  fosse  en  quatre  coups  de  bêche  ; 

Et  de  son  long  y  campe  le  Barbet, 

En  souhaitant  pour  lui  en  l'autre  vie 

Joyeuse  place  à  cùté  du  Baudet 

De  Dalaam,  et  du  Chien  de  Tobie. 

Il  n'avait  pas  fini  cette  o;uvre  pie, 

Que  le  renom  en  courut  loin  de  là 

A  son  Évoque  ;  et  de  sa  part  voilà 

Un  Chicaneau  qui  vous  cite  le  Prêtre, 

Avant  trois  jours  qu'il  eut  à  comparaître 

Sans  nul  délai  devant  l'Oilicial. 

Lui  comparu,  l'Evéque  au  tribunal 

Le  tança  fort.  Il  scaiblait  à  l'entendre 

Que  violer,  renier,  s'aller  pendre, 

N'était  que  rien  près  d'un  tel  attentat. 

Cela  blessait  Dieu,  les  Lois  et  l'État. 

C'était  bien  pis  qu'hérétique,  anathéme, 

De  mettre  un  Chien  sans  àme,  sans  baptême, 

Dans  un  lieu  saint.  Pour  sa  péroraison 

L'Èvéque  dit  :  qu'on  le  mène  en  prison.  — 

An  !  Monseigneur,  avant  votre  sentence, 

Dit  le  Pasteur,  écoutez  ma  défense  ; 

Après  cela  vous  verrez  si  j'ai  tort. 

Je  puis  sans  crainte  attester  mon  village 

Que  l'eu  mon  Chien  lut  digne  de  ce  sort. 

Si  dans  la  vie  il  s'est  montré  fort  sage, 

Il  le  fit  voir  encore  plus  à  sa  mort. 


422 


APPENDICES 


Car  de  ses  biens,  en  faisant  le  partage, 
A  Monseii,'neiir  il  laisse  en  héritage, 
Et  de  sa  part  j'apporte  cent  écus.  — 
L'Évèqne  prit  et  dit  :  n'en  parlons  plus  : 
Cette  fin  là  me  semble  méritoire.  — 

Lecteur  malin,  gardez-vous  bien  de  croire 
Que  le  Pasteur,  avec  ce  moyen  ci, 
Dans  notre  siècle  eut  jamais  réussi. 

Sidoine. 


XLIII  (page  Gl) 


LA  JUSTE  PLAINTE 

La  Mari(^e  au  saut  du  lit  jasait 

Sur  l'instrument  de  la  paix  de  ménage, 

Et  discourant  du  marié  disait:  — 

De  son  fétu  neuf  pouces  sont  l'aunage. 

Neuf  sont  en  gros  ;  quelle  honte,  à  son  âge! 

Car  entre  nous,  il  a  vingt  ans  et  plus, 

Et  notre  ânon,  qui  n'a  pas  d'avantage 

Que  dix-huit  mois,  porte  un  bon  tiers  de  plus. 


XLVII  (page  G7) 

COUPLETS 

Atr    de    Jocotide. 

Jeanne  et  Jean  disputaient  tous  deux 

De  leur  vigueur  extrême 
Jean  dit  :  —  Je  suis  plus  vigoureux. 

Jeanne  dit  :  —  C'est  moi-même. 
Leur  procès  fut  trouvé  fort  beau; 

On  fit  une  assemblée. 
Qui  décida  que  le  fourreau 

Valait  mieux  que  l'épée. 


Le  débat  de  Jeanne  et  de  Jean 


APPENDICES  423 

Fut  trouvé  raisonnable. 
Mjis  on  rendit  un  jugement 

Tout  à  fait  éiiuitable. 
Qui  le  blâmerait  de  nos  jours, 

Ne  serait  qu'une  bête, 
Car  Jean  ne  le  peut  pas  toujours 

Et  Jeanne  est  toujours  prête. 

Les  M  unes  en  belle  humeur,  p.  9 


LV  (page  77) 
L'ANE  RETROUVÉ 

CONTE 

Lucas  à  pied  menait  à  son  village 
Six  ânes,  qu'à  la  foire  il  venait  d'acheter. 
Quand  il  eut  bien  marché,  fatigué  du  voyage, 
Sur  l'un  des  animaux,  il  crut  devoir  monter. 

Mais,  quelle  fut  sa  surprise  et  sa  peine 
De  voir  devant  ses  yeux  cinq  baudets  seulement, 

Au  lieu  de  la  demi-douzaine, 
Qu'en  partant  il  avait  sous  son  commandementi 

Trois  fois  le  compte  il  recommence; 
Et  toujours  oubliant  l'âne  qu'il  a  sous  lui. 

Trois  fois  de  son  mortel  ennui. 

Il  sent  croître  la  violence. 

En  sanglotant,  le  rusé  villageois 
i.elourne  sur  ses  pas  ;  il  court  de  droite  à  gauche, 

Pendant  quatre  heures  il  chevauche 
Par  monts,  par  vaux  et  jusqu'au  fond  des  bois. 

Après  s'être  vainement  mis  à  la  torture. 
Il  regagne  enfin  sa  maison; 
Et  sans  descendre  du  grison, 

A  sa  femme  il  déduit  sa  piteuse  aventure. 

a  Calme-toi,  pauvre  sot,  lui  dit-elle  tout  net; 

Tu  n'en  comptes  que  cinq,  et  moi  j'en  trouve  sept.» 

Haruuin. 


424  APPENDICES 


LXVI  (page  9-2) 


COUPLET 


Gri'goiro 
Revenant  de  boire 
Trouva  sa  femme  avec  Lucas 
Sur  un  lit.  Ils  ne  dormaient  pas 
Le  bonhomme  en  sourit  et,  refermant  la  porte  ; 
0  Courage,  dit-il,  mes  enfans. 
Si  vous  allez  toujours  de  même  sorte, 
Vos  souliers  dureront  longtems.  » 

Recueil  de  pièces  curieuses  et  )iouveUes, 
tant  eu  prose  qu'en  vers,  La  Haye.  169'j 


LXXXllI  fpage  IL^} 


LARMES  SUR  LA  iMORT  DE  PINDARE 

Une  très  docte  demoiselle, 

Et  le  fameux  rimeur  Chapelle, 

Après  avoir  bien  disserté 

Sur  la  sublime  poésie 

De  la  charmante  antiquité», 

Vuidoient  un  pot  de  malvoisie 

Pour  éviter  l'oisiveté. 

Quand  i)ar  hasard,  dit  mon  histoire  ^ 

11  lui  revint  dans  la  mémoire 

Que,  grâce  à  certains  charlatans,  ^ 

Pinlaro  était  mort  à  trente  ans; 

Pindare,  ce  plein  d'harmonie, 

Pindare,  ce  brillant  génie  ! 

Pindare  qui  pouvait  encor 

Nous  donner  un  volume  d'or. 

Et  là-dessus  le  bon  Chapelle 

Et  la  savante  demoiselle 

Cédant  à  leur  vive  douleur. 

Se  mirent  à  verser  des  pleurs, 


I 


APPENDICES  425 


Maudissant  la  Parquo  barbare, 
Qui  ravit  au  monde  Pindare. 
Un  laquais  qui  pour  lors  entra, 
En  les  voyant  pleuror,  pleura, 
Et  nul  n'ayant  un  cœur  de  roche, 
Le  deuil  gagna  de  proche  en  proche. 
Par  un  vieux  cocher  désœuvro, 
IJientôt  Pindare  l'ut  pleuré. 
Et  ne  voulut  la  cuisinière, 
Etre  à  pleurer  la  dernière. 
Il  n'est  pas  jusqu'au  marmiton 
Qui  ne  pleura  et  tout  de  bon, 
Tant  c'étoit  un  combat  bizarre, 
A  qui  viendrait  pleurer  Pindare  ! 
Et  moi  qui  vous  compte  ceci. 
Peu  s'en  faut  que  j'en  pleure  aussi. 
Ne  pleurons  pourtant  pas  si  vite, 
Et  de  1  histoire  oyez  la  suite... 
Au  bruit  des  douloureux  accens, 
Des  hëlas  plaintifs  et  touchans, 
Qu'on  entendait  du  voisinage, 
Accourut  un  Suisse,  homme  sage, 
Qui  s'étant  fait  instruire  en  gros, 
Au  sujet  de  tant  de  sanglots, 
S'enquit  si  ce  monsieur  Pindare, 
De  qui  vient  toute  la  gabarre, 
Etoit  ami  de  la  maison, 
Ou  parent  de  quelque  façon. 
S  il  fut  au  moins  de  la  paroi -se. 
Pour  causer  ainsi  tant  d'angoisse. 
S'il  étoit  mort  en  bon  chrélien. 
Ou  comme  plusieurs  ea  \a'.irien... 
El  réponse  ayant  été  l'aile, 
Que  c'étoit  un  charmant  poète, 
Un  peu  mécréant  etpiyen, 
D'ailleurs  assez  hommj  de  bien, 
Qui  composa  des  chansonnettes, 
Ou  plulùt  des  odes  parfaites, 
Et  dans  la  Grèce  trépassa, 
Près  de  trois  mille  ans  en-deça... 
Aussitôt  comme  en  vrai  délire, 
Le  Suisse  de  rire,  de  rire. 
De  rire  à  s'en  tenir  les  flancs, 
Et  vit-on  dans  le  même  lems. 
Rire  de  !a  même  mnniôre, 


24. 


426, 


APPENDICES 


Le  cocher  et  la  cuisinière, 
Autant  en  fit  le  laqueton. 
Et  le  très  dolent  marmiton, 
Et  convint  à  Monsieur  Chapelle, 
De  rire,  ainsi  qu'à  la  donzelle, 
Et  moi  qui  vous  conte  ceci, 
Trouvez  bon  que  je  rie  aussi. 

Àlmanach  des  Muses,  Poooiana  XIV,  T.  r.  Part,  IV,  p.  17i. 


LXXXVII  (page  llU) 
L'ANE   RETROUVÉ 

CONTE 

De  charlatans  on  n'a  jamais  manqué. 

C'est  un  gibier  grâce  au  ciel  des  moins  rares. 

On  me  dira  que  les  gens  sont  bizarres. 

Et  qu'un  fripon  est  bientôt  démasqué. 

J'en  suis  d'accord,  mais  nous  aimons  à  croire, 

C'est  du  Français  le  défaut  dominant. 

Un  homme  annonce  un  secret  surprenant, 

Et  merveilleux;  il  fabrique  une  histoire; 

Il  vient  de  l'iado,  apportant,  pour  tous  maux 

Remèdes  prompts  !  Lors,  Messieurs  lei  badauds 

D'aller  en  foule  acheter  de  sa  drogue. 

Vous  avez  mal  aux  dents  ?  prenez  cela. 

Vous,  c'est  aux  pieds  !  Votre  argent...  Bon,  voilà, 

Pour  vous  guérir,  dira-t-il  d'un  air  rogue, 

Un  bonnet  tare,  quatre  grains  d'oripeau 

Font  d'un  ignorant,  un  Gallien  nouveau. 

Un  de  ces  gens  habitait  un  village, 

Dieu  sait  combien  il  avait  de  chalaas  ! 

De  l'aller  voir,  tous  élaient  diligens. 

On  le  disait  savant  à  trijde  étage. 

En  peu  de  temps  le  nom  da  personnage 

P'ut  divulgué   C'est  Monsieur  un  tel, 

Dont  il  avait;  moyennant  certain  sel, 

Guéri  la  fièvre;  enfin  de  cent  manières 

On  l'exaltait;  le  sort  du  charlatan, 

Son  grand  remède,  c'était  force  clistères, 

Il  ruinait  tous  les  apothicaires. 

Quatre  valets  sans  cesse  à  tout  venant 

Diatribuaieut  des  bouillons  salutairos. 


APPENDICES  487, 

Or  un  beau  jour  avienl  qu'un  paysan 

Perd  son  baudet.  Voilà-t-il  pas  le  rustre 

D'imaginer  que  l'Escupale  illustre 

Experl  en  lout  saura  lui  déterrer 

Cet  animal  qu'il  n'a  pu  recouvrer. 

Il  court  à  lui,  va,  vient,  tourne,  s'empresse. 

Pousse,  coudoyé,  et  veut  fendre  la  presse. 

Le  médecin  qui  de  loin  l'aperçoit, 

l^'imajfinant  que  c'étoit  un  malade, 

Lui  dépêcha  sur  i'iieure  une  Auspessade, 

Seringue  eu  main,  le  paysan  reçut. 

Sans  dire  mot,  l'interne  régalade, 

Puis  il  partit,  ne  doutant  nullement 

Qu'il  n^  truuvât  son  âne  promptement. 

A  mi-chemin,  sentant  que  le  clistère, 

Pour  s  échapper  fai.soil  de  grands  eli'orls 

Il  saccroupit  .sur  la  verte  lougère. 

Et  brusquement  mit  son  liote  dehors. 

Par  un  hasard,  qu  on  peut  nommer  unique, 

A  quatre  pas,  derrière  des  buissons 

Moasieur  son  âne  épluchait  ses  chardons. 

Le  bruit  que  lit,  rendant  le  spé.ilique 

Notre  manant,  eli'raya  l'animal, 

Qui  sur-le-champ  entonna  sa  musique, 

Son  doux  hihan.  «  Ah  1  quest-ce  par  Saint-Gai, 

Quentend-je  là  (  C  est  mon  âne,  je  pense  ! 

Eh  ouil  c'est  lui  ;  bon  sang  ne  peut  mentir. 

La  belle  cure  !  Il  faut  en  convenir. 

Ce  médecin  a  bien  de  la  science.  » 

Le  Siufje  de  La  Fontaine,  p.  GG,  I  partie,  1773. 


L.\.\XI.\  (page  119) 


CHOU    POUR    CHOU 

Lise  en  un  bail  s'étant  démis  la  hanche, 

Macé  le  jeune  aussitôt  fut  mandé, 

Bon  r'habillcur.  Lise  était  drue  et  blanche, 

Wacé  dispoi,  gaillard  et  bien  vidé. 

H  vit  l'endroit,  l'objet  meut  la  puissance. 

D'où  l'on  jjeit  bien  juger  en  conséquence 


428  AlM'ENDir.KS 

Que  travaillant  sur  un  si  beau  sujet. 
Pas  ne  manqua  dV"  tre  ému  pai'  l'objet. 
Or  quand  la  hanche  en  état  l'ut  remise 
Le  Gar.s  voulut  prendre  congé  de  Lise, 
Que  vous  faut-il,  lui  dit-elle,  Macé?  — 
Rien;  chou  pour  chou,  r^^pond  le  bon  Apôtre. 
Je  vous  ai.  Lise,  un  membre  redressé; 
Vous  avez  su  m  "en  redresser  un  autre. 

B,    LA    MONNOV 


CXII    fpage    li?) 

KPIGRAMME 

Lise  en  so:i  lit  luttait  contre  la  Parque. 
La  faculté  la  laissait  sans  espoir. 
L'époux  voulut  lui  donner  une  marque, 
Même  en  mourant,  du  conjut^al  devoir. 
Lise  revint  :  surpris  de  la  revoir, 
Son  médecin  dit  :  —  «  Ah!  que  j'ai  de  rej^ret. 
Reprit  l'épuux,  quand  je  perdis  mon  père, 
De  n'avoir  pas  employé  le  secret  !  » 

A)iOHijme,  livuv  siècle 


CXXXIV  (page  175) 
EPIGRAMME 

A    UN    MÉDECIN 

Une  ardeur  dôî-ècne  mes  veines, 
M'altère  et  me  gâte  le  cor|)s; 
.le  serai  du  nombre  des  morts, 
t^i  je  n'ai  la  fin  de  mes  peines. 
Mais  au  lieu  de  m'en  afranchir 
Vous  ne  tàch-^z  qu'à  rafraîcliir 
Mon  palais,  ma  langue  et  ma  lèvre; 
Tout  cela  ne  me  sert  de  rien  : 
Monsieur,  guérissez  moi  la  fièvre; 
Pour  la  soif,  je  l'oterai  bien. 

N.    DE  ;  A    GinAUDiÈRB 


I 


Al'l'EMJK.ÏS  429 


MEME  SUJET 

Un  bon  vieux  biberon  ayant  un  jour  traiter 
A  trois  grands  médecins,  du  vrai  moyen  d'ôter 
La  fi('vre  d'une  soif  qui  le  rendait  tout  blême 
Messieurs,  le  leur  dit-il,  prenez  tant  seulement 
Le  souci  de  m'ôter  la  fièsre  protnptement. 
Car  je  me  saurai  bien  ôter  la  soif  moi-même. 


CXCI  (page  241) 
LES    BONNETS 

CONTE 

Aux  pieds  d'un  confesseur  un  ribaud  pénitent 

Développait  sa  conscience. 
Pt're,  lui  disait-il,  je  viens  bien  repentant 

Vous  faire  l'bumble  confidence, 
Oue  la  chair  fut  toujours  mon  péché  dominant 
Tant  pis,  dit  le  Pater,  mais  enfin,  mon  enfant, 

Le  tems,  grâce  à  la  providence, 

Met  fin  à  la  concupiscence. 
Voyons  à  quel  excès  vous  vous  êtes  porté. 
Par  le  dérèglement  trop  longtemps  emporté. 
X'êtes-vous  pas  contrit?  —  Si  je  le  suis  mon  Père? 
Ah!  je  ne  puis  assez  gémir  de  ma  misère! 
Allons,  tels  sentiments  montrent  un  vrai  retour. 
Parlez-doni:,  dites-moi  vos  fautes  sans  détour. 
Et  n'oubliez  surtout  aucune  circonstance. 
La  façon  de  pécher  décide  de  l'offense. 
Continuez  —  hélas  I  mon  Père,  une  Beauté 
Que  le  hazard  m'offrit,  et  dont  je  fus  tenté 
Me  fit  perdre  en  un  jour  toute  mon  innocence 
Je  l'aimai,  je  la  vis  avec  toute  licence. 
Et  l'amour  dans  ses  bras,  au  fond  d'un  cabinet... 
Je  vous  entends...  son  nom  ?...  — On  l'appelle  Botmet- 
liouitcl^  je  la  Connais;  comment  donc?  adultère? 


430  APPENDICES 

Ah!  mon  ûls  redoutez  la  céleste  colère! 
Mais,  voyons...  Que  devint  ce  commerce  odieux?  — 
Mon  père  il  fut  suivi  d'un  plus  délicieux. 
Une  tendre  lionnct,  tendre,  vive,  gentille...  — 
Oh!  oh!  voici  bien  pis.  Quoi!  la  mère  et  la  fille!  — 
Cette  joune  Beauté,  source  de  mes  plaisirs 
Devint  bientôt  pour  moi  l'idole  de  mes  désirs... 
Ah  !  quel  désordre   alTreux!...  l'inceste!...   l'adultère 
—  Mon  Père  suspendez  votre  juste  colère. 
Je  ne  viens  point  ici  pour  prôner  mes  vertus, 
Et  tout  ce  que  j'ai  dit  n'est  encore  que  bibus.    • 
Appro  ;cz  que  Bonnet,  chef  de  cette  famille, 
Succéda  dans  mon  lit,  à  sa  femme,  à  sa  fille,  — 
Et  que  son  fils  enfin  y  prit  place  à  son  tour 
Que  j'eus  pour  ce  dernier  le  plus  ardent  amour  — 
Méchant!  n'achève  pas,  dit  le  Prêtre  en  furie, 
Je  ne  veux  plus  entendre  une  telle  infamie, 
Et  puisque  tout  liointet  doit  être  ta  catin, 
Tiens,  Bourreau,  prend  le  mien,  et  remplis  ton  destin. 

La  Chaussée 


CXCVII  (page  24'; 


LE  MAUVAIS  BAILLEUR 

Gallot  de  Narmi,  bossu  par  le  devant 

Et  d'une  bizarre  ligure 
Dans  la  ville  de  Sienne,  entra  sur  sa  monture. 

Un  cilatlin  mauvais  plaisant, 
Lui  dit  ])our  le  railler  :  les  autres  d'nrdinaire 

Portent  leur  jiMijuct  par  derrière, 
Pourquoi  ijortez-vous  le  votre  devant  vous. 
C'est,  répondit  Uallot,  qu'en  pays  de  filoux 

On  agit  de  cette  manière. 


APPENDICES  431 

CCI    I  ;itre  250) 
LA   BAGATELLE 

Auprès  d'un  vieil  Epoux,  au  lever  de  l'aurore 

La  jeune  iris  aperçut  un  moineau 
Caresser  sa  moitié  sur  le  bord  d'un  ruisseau, 

Et  pour  recommencer  encore, 

Voler  au  sommet  d'un  berceau. 
Pour  voir  le  tendre  amour  de  ce  couple  fidèle, 
Puis  en  soupirant  éveille  son  époux  : 
Mais  au  lieu  d'écouter  les  désirs  de  la  Belle, 
Laissez  là  vos  moineaux,  lui  dit-il  en  courroux, 

Aimerez-vous  toujours  la  BaçialellcY 

Grecocrt,  t.  2,  p.  192. 

CCIX  (page  259) 
LA  PAIX  DU  MÉNAGE 

Une  veuve  de  cinquante  ans, 
Disait  un  jour  à  sa  commère  : 
«  Je  peux  me  donner  du  bon  tems, 
J'ai  chez  moi  bon  vin,  bonne  chaire, 
Pourtant  si  je  savais  par  vous, 
Un  homme  qui  fit  mon  affaire, 
Je  le  prendrais  pour  mon  époux. 
Qu'il  soit  complaisant,  qu'il  soit  doux, 
Peu  m'importe  qu'il  soit  fidèle, 
Car,  si  j'en  prends  un,  entre  nous, 
Ce  n'est  pas  pour  la  bagatelle  ». 
—  «  Ah!  reprit  l'autre,  quel  bonheur! 
J'ai  votre  affaire,  un  homme  aimable, 
Doux,  charmant,  bien  fait,  sociable; 
Mais  on  l'a  privé  de  l'honneur 
De  pouvoir  créer  son  semblable, 
Et  pour  femme  de  votre  humeur. 
Ce  n'est  rien.  —  Rien,  répliqua-t-e'.ie, 
Entre  nous,  si  par  malheur, 
Il  survenait  une  querelle; 
Qui  serait  le  médiateur? 

Skdainb. 


432  APPENDICES 


II.  MEME  SUJET 

A  Paquelte,  disait  Mendoce, 

«  Avec  vous  riionime  a  seulement 

Deux  bons  jours,  celui  de  la  noce, 

Et  celui  de  l'enterrement. 

—  Quel  vieux  conste!  reprit  Paquette 

Content  est  mon  mari,  toujours. 

Voulez-vous  savoir  la  recelte, 

C'est  qu'il  fait  noce  tous  les  jours  ». 


X. 


III.  ÉPIGRAMME 

Pour  amortir  sa  trop  vive  chaleur, 

Certain  Génois  ne  trouvant  que  sa  chatte, 

Lui  fit  ce  dont  la  bète  fut  ingrate; 

Car  tout  à  coup,  se  mettant  en  fureur, 

Elle  rendit  le  sire  en  origène, 

Pour  un  Génois,  ce  n'est  petite  peine, 

Le  notre  donc,  au  désespoir  réduit, 

Prit  un  cordeau,  l'accrocha,  se  pendit. 

Sa  femme  accourt,  aux  pleurs  lâchant  la  bonde, 

Mais  la  servante  examinant  de  près  : 

«  Consolez-vous  et  Dieu  lui  fasse  paix! 

Il  n'était  plus  propre  à  rien  dans  le  monde  ». 

XX... 


CCXl  (page  2G2) 

L'ENFANT  SPIRITUEL 

Jadis  un  amliassadcur 
Étant  chez  un  grand  seigneur, 
Y  trouva,  non  sans  surprise, 
Un  jeune  enfant  de  six  ans, 
Plein  d'esprit  et  de  bon  sens. 
Comme  un  liomaie  à  barbe  grise. 


.\i'i'KM)ii.i:>  .',:{.{ 

AprOs  l'avoir  admiré  : 
«  Je  crains  bien,  dit-ii  au  pèro, 
Que  ce  front  prématuré 
En  croissant,  ne  déjîénère; 
Car  on  voit  pour  lordinaire 
Que  tous  ces  jolis  enfans 
Qu'on  admire  en  leur  jeunesse, 
Lorsqu'ils  sont  devenus  grand-i, 
Paraissent  lourds  et  pédans, 
Sans  esprit,  ni  gentillesse.  » 
Cet  enfant  qui  l'écoutait. 
Répondit  d'un  air  fort  sage  : 
«  —  Sans  doute,  Monsieur  avait 
Beaucoup  desprit  à  mon  âge  ». 

P'ARATON    Poésies'. 


CGXllI    page  204 j 


El  VMOLO(ilE  DE  LASE-TE  F.... 

Un  jour  de  foire  dans  Chàlons. 
Colas  s'en  allait  à  la  ville 
Monle  sur  le  roi  des  ànons. 
Animal  soumis  et  docile 
C'"'ntre  l'usage  des  grisons. 
N'étant  qu'au  milieu  de  sa  rnnte. 
Il  fit  rencontre  de  catin 
Lasse,  suant  à  grosse  goutte, 
Et  faisant  à  pied  le  chemin. 
La  Belle,  voyant  son  voisin 
Qui  s'en  allait  le  vent  en  poupe. 
Le  coujura  par  S.  Martin 
De  la  laisser  monter  en  croupe. 
Un  co^ur  aussi  dur  qu'un  rocher 
Se  fut  attendri  pour  la  Belle; 
Elle  était  fraîche,  encore  pucelle. 
Et  sa  main  pouvait  s'accrocher 
Parfois  au  poucineau  de  la  selle. 
Mais  ces  menus  dons  des  amans. 
Que  nous  autres  honnêtes  gens, 
.\vons  baptisé  pelitr  «'ji'. 


434  APrENDlCES 


Sont  nommés  par  certains  manans, 
Viande  creuse  et  fausse  monnoye. 
De  ces  manans  élail  Colas; 
Aus^i  n'eu  faisait-il  grand  cas. 
Depuis  lonteuis  du  la  Donzelle 
11  avait  pris  ville  et  faux  bourgs. 
Mais  elle  défendait  toujours 
Avec  vigueur  la  citadelle. 
Le  gars  en  plus  de  vingt  assauts 
Fut  repoussé  sur  la  verdure, 
Non  sans  force  coups  de  fuseaux, 
Sans  mainte  et  mainte  égratignuro; 
Colas  en  avait  le  c(eur  gros; 
Aussi  tout  sec,  piquant  sa  bête. 
Néant,  dit-il  à  la  Requête, 
Catin  le  flatte  tendrement; 
Le  manant  tousse  fièrement. 
Si  l'une  presse,  l'autre  chante, 
Que  faire  en  telle  extrémité? 
Catin  n'avait  point  d'Atalante 
Les  pieds  ni  la  légèreté  ; 
Puis  c'était  au  cœur  de  l'été, 
Peut  être  dans  la  canicule. 
Colas  gardait  son  quant  à  moi  ; 
Nécessité  n'a  point  de  loi. 
Enfin  la  Belle  capitule; 
Arrêté  fut  qu'à  chaque  pet 
Que  ferait  Messire  Baudet, 
Maître  Colas  et  la  bergère 
Fei'aient  un  tous  sur  la  fougère; 
Le  tout  pour  le  soulagement 
Et  le  repos  de  la  monture, 
Que  toutefois  grllfe,  ni  dent, 
Façon  aucune,  aucun  murmure 
Ne  seraient  admis  nullement, 
Si  non  à  pied,  et  promptement, 
Le  traité  fait,  la  belle  monte. 
Le  drôle  aussitôt  du  talon 
Frappe  le  flanc  de  son  grison. 
Maître  baudet  pète  et  san.s  honte, 
11  savait  par  cœur  la  leçon. 
A  cette  e,sj)èce  d'exercice 
L'avait  jadis  dressé  Colas, 
Pour  certaine  Dame  Thomas. 
Martin  ayant  fait  son  office, 


APl'KNDK.F.S  4?5 

Colas  descend,  point  de  quartier, 

Elle  eut  beau  cent  fois  le  prier, 

11  l'emporte,  il  suc,  il  travaille, 

Et  d'une  sanglante  bataille 

Revint  tout  couvert  de  laurier. 

Tous  deux  remont^^nt,  la  fillette 

Rajuste  et  mouchoir  et  cornette. 

Bientôt  après  le  villageois 

Tournant  vers  elle  le  minois 

Fut  surpris  de  la  voir  plus  belle. 

C'était  l'etfet  d'un  incarnat 

Qu'elle  avait  acquis  au  combat. 

Tout  aussitôt  ardeur  nouvelle, 

Coups  dans  les  flancs  et  nouveau  son; 

Pour  descendre  moins  de  l'açon, 

A  la  troisième  pétarade 

Catin  vous  fait  une  i;ambadé, 

Tire  Colas  par  ses  babils, 

Lui  montrant  un  prochain  taillis. 

Ce  bois  lui  donna  l'estrapade. 

Il  en  revint  pâle  et  défait, 

Et  jurant  conti'e  le  Baudet. 

11  n'était  au  bout:  la  fillette 

Avait  découvert  son  secret.     . 

Elle  talonne,  l'ànon  pèle 

Lors  dit  Catin,  n'entends  tu  pas?  — 

Quoi?  répond  l'autre  —  L'ase...  écoute  : 

Si  l'ase  pète,  dit  Colas, 

Palsangué  que  l'ase  te  foute. 

PlHON 


CCXXlll  (page  274) 


LA  REPONSK IMPREVUE 

Certain  époux,  peu  fait  au  mariage, 
Tançait  un  jour  sa  dolente  moitié. 
Et  se  plaignait  que,  Mcsser  cocuago 
Dans  sa  maison  mettait  souvent  le  pié. 
La  belle  Alix  pleurait,  c'était  pitic!... 
Sur  quoi  lui  dit  Messer  Bon  :  (,a  mignonne. 


436  APJ'ENblCES 

Ne  pleure  plus,  cette  lois  te  pardonne, 
Faisons  la  paix  :  Bien  veux  tout  oublier... 
Je  me  repens,  s'écria  la  pauvretle, 
Je  nio  repens...  de  quoi?  poursuit  l'f^poux? 
D'avoir  laissé  la  main  gauche  imparlaile 
A  cet  enfant  que  Jean  a  fait  pour  vous. 


CCXXXVll  (page  292) 


EPIGRAMME 

Un  médecin  déjà  sur  l'âge 

Commande  un  jour  à  son  valet 

Que  sans  relarder  davantage 

Il  allât  brider  son  mulet. 

Le  garçon  se  montrant  habile, 

Court  à  retable  de  ce  pas 

Et  voulut  prendre  à  la  cheville 

La  bride  qu'il  n'y  trouva  pas 

Il  n'y  eut  coin,  ni  détour,  ni  place 

Qu'il  ne  tâtonnât  de  sa  main, 

Faisant  une  horrible  grimace 

De  voir  son  labeur  être  vain 

Il  monte  à  la  chambre  de  son  maître 

Etourdi  comme  un  hanneton, 

Qui  vis-à-vis  d'une  fenêtre 

De  sa  femme  tatait  le  c 

Regardant  comme  à  l'ébayc 
Sa  landie  et  ses  landrions, 
Il  lui  disait  :  hélas!  m'amie. 
Voici  bien  des  brimborions. 
Ce  garçon  entrant  de  furie 
Lui  dit,  ayant  oui  cela, 
Regardez,  Monsieur,  je  vous  prie 
Si  votre  bride  n'est  point  là. 


1 

I 


APPENDICES  437 


LE  CHASSEUR 

C0NT1-: 

Un  chasseur  à  l'art'ut  sous  un  épais  ormeau 

Attendait  sa  proye  on  silence; 
Lorsque  donnant  le  bras  à  la  belle  Isabeau, 

Lisis  jiarait,  et  sous  l'arbr.?  s  avance. 

La  solitude  et  la  chaleur  du  jour. 

Et  mieux  encor  les  conseils  de  l'amour. 
Tout  à  s'arrêter  les  imite. 
Sur  la  mousse  nouvelle  ils  se  laissent  tomber. 

Ah  I  qu'il  est  doux  de  succomber 

Au  désir  que  l'amour  excite  ! 

Alors  ces  fortunés  amans 
I.L'-norant  les  grands  mots,   qu'invoqua  l'imposture, 
Le  peignent  en  l'envi  leurs  tendres  sentimens, 

Comme  le  prescrit  la  nature, 
Plus  d'une  fois,  dit-on,  le  chasseur  curieux 

Vit  leur  bonheur  avec  envie. 

Et  c'est  là  le  sort  de  la  vie  : 
Au  gré  de  tout  le  monde  est-on  jamais  heureux. 

Cependant  la  jeune  bergère 
Se  sentant  agiter  d'un  scrupule  tardif. 

Disait  d'un  ton  tendre  et  naïf.  — 
Qui  nourrirait  l'enfant,  si  je  devenais  mère?  — 

Va,  dit  Lisis  avec  chaleur  ; 
Va,  celui  qui  voit  tout  en  fera  son  afifaire. 

Eh!  non  parbleu!  s'écria  le  chasseur 

J'ai  bien  assez  de  ceux  dont  je  suis  le  père. 

L.  Marc 


CGL  (page  308) 
LE   CHARLATAN   ET    L'ANE 

FAB'.E 

A  Vienne,  un  Charlatan,  Médecin  Empyrique, 
Promit  à  1  Empereur,  pour  quinze  mille  francs, 
(Ju'il  se  lit  avancer  en  beaux  deniers  comptans, 
De  faire  parler  grec  une  jeune  bouriiiue. 
Et  s'il  n'eu  vient  à  bout  au  plus  tard  dans  dix  ans 


438  APPENDir.RS 

Consent  d'êlre  pendu  dans  la  place  publique. 

Ses  amis  l'ayant  trouvé 

Au  sortir  de  celte  allaire, 

Promirent  tous  un  Salve 

A  sa  fin  palilmiaire 
Eh!  Messieurs  I  leur  dit-il,  n'ayez  aucun  effroi 
Avant  qu'on  soit  au  bout  d'un  si  long  intervalle 

L'âne,  l'Empereur  ou  moi 

11  faut  que  quelqu'un  détale. 

BOURSAULT 


11.  LE  RHETEUR  ET  LE  ROI. 

FABLE 

Ça,  disait  un  Rhéteur, 
Que  l'on  m'amène  un  âne, 
Et  j'en  fait  un  Docteur, 
Docteur  portant  soutane, 

Expert, 
Savant  et  disert 
Le  Prince  avait  chez  lui, 
Un  Roussin  d'Arcadie, 
Et  dit  :  dès  aujourd'hui, 
Je  veux  qu'il  étudie, 

Venez, 
Et  l'entreprenez. 
Combien  faut-il  de  tems, 
Pour  mettre  à  fin  l'ouvrage? 
Il  ne  faut  que  dix  ans. 
Répond  le  personnage, 

Plus  lin 
Que  le  souverain. 
Mais  pour  bien  commencer 
Pour.su it  notre  habile  homme, 
Il  faudra  m'avancer, 
Considérable  somme. 

Le  roi 
Avait  biun  de  quoi. 
On  fait  donner  l'argent, 
Mais  avec  clause  expresse, 
Qu'on  pende  le  Régent, 


APPENDICES  4:^9 

S'il  manque  à  sa  promesse 
Soit  t'ait 

Dit  maître  Caquet. 
Chacun  le  crut  perdu, 
Mais  il  ne  fit  qu'en  rire. 
Pour  n'être  pas  pendu, 
Sut-il  alors  bien  dire, 
Dix  ans 

Sont  mes  sûrs  garans. 

Pour  éluder  la  Loi. 

Le  terme  est  salutaire. 

L'âne,  le  Sire  ou  moi 

Mourons  avant  l'afl'aire. 
Ce  mot 

N'était  pas  d'un  sot 
Ainsi  le  Courtisan 
Et  quelque  fois  le  Prince, 
Sont  par  le  Charlatan 
Comme  gens  de  Province, 
Menés, 

Et  pris  par  le  nez. 


CCLXI  (page  318) 

LA  PLUME  DE  L'AMOUR 

Une  temme  avec  son  Amant 

Se  donnait  licence  parfaite, 
Elle  tenait  d'une  main  satisfaite 

Ce  sceptre  ;  le  premier  vraiment, 
Beau  sceptre  ;  qu'à  prix  d'or,  ni  de  sang  on  n'achète. 
Pour  un  jiareil  joyau,  je  le  dis  franchement, 

Si  l'on  pouvait  en  faire  emplette, 

Je  combattrais  comme  un  athlète 

Ou  donnerais  tout  mon  vaillant; 

Mais  reprenons  notre  aventure. 

Certain  Damon  survenu  là, 
Par  le  trou  peu  discret  d'une  large  serrure, 
Tranquille  spectateur  regardait  tout  cela. 
Le  sceptre  bas,  notre  amant  se  retire. 

Verrous  d'être  ôtés  doucement  ; 


'î'iO  APPENDICES 

Damon  d  entrer,  la  Dame  de  lui  dira: 
Paivlon.  si  vous  avez  aUendu  (luehjue  instant  ; 
.récrivais  —  Oh!  l'éparl  avec  nn  prompt  sourire 
Damon,  que  vous  devez  bénir  votre  tlestin! 
C'est  l'amour  qui  vous  fait  écrire, 
Vous  aviez  la  plume  à  la  main. 


D'Aknaud 


CCLXVIII  (page  3-25j 
LE    MORT    PARLANT 

CONTE 

Jadis  à  Rome  était  un  bon  garçon. 

Homme  simplicc,  animal  si  crédule, 

Qu'on  le  voyait  donner,  sans  nul  soupçon, 

Dans  un  panneau,  tant  fut-il  ridicule. 

Pour  s'amuser  certains  drôles  un  jour 

Firent  complot  de  lui  jouer  un  tour 

D'espèce  neuve,  et  trop  cruel  sans  doute. 

L'un  de  ces  gars,  aposto  sur  la  route, 

Vint  l'aborder,  d'un  air  stupéfait: 

a  Eh!  mon  ami,  comme  te  voilà  fait! 

«  S'écria-t-il,  par  quelle  maladie 

«  Ta  face  est-elle  à  ce  point  enlaidie.  » 

«  Malade,  Moi!  parbleu  je  n'en  sais  rien  : 

«  Vous  plai>:antez  ;  je  me  porte  fort  bien.  » 

Un  autre  arrive,  et  redoublant  la  dose 

Lui  fait,  du  moins,  croire  à  demi  la  chose. 

Mais  un  troisième  enfin  complètement 

Le  persuade.  «  Etcs-vous  homme  sage, 

«  De  vous  montrer  avec  un  tel  visage, 

«  Hors  du  logis,  lui  dit-il  gravement? 

«  Ah!  si  j'étais  en  même  circonstance, 

«  Des  médecins  attendant  l'assistance 

«  Entre  mes  draps,  je  me  tiendrais  bien  coi! 

«  Oui,  dit  Simplicc...  Ah  !  Messieurs  je  vous  croi  ; 

«   Vous  m  éclairez  sur  le  mal  (jui  m'opresse  : 

([  Je  suis  au  vrai  d'une  extrême  faiblesse  , 

«  Veuillez  m'aidera  retourner  chez  moi! 

Très  volontiers  on  lui  rend  cetoflice; 

On  déshabille,  on  couche  le  jocrisse 

Un  faux  docteur  vient  en  robe,  en  rabat. 

Se  présenter  auprès  de  son  grabat 


APPENDICES  /i41 

Tâtc  son  pouls,  en  secouant  l'oreille  ; 

Dit  quejamais  fièvre  ne  lut  pareille, 

Que  le  malade,  à  ce  qu'il  peut  en  juger, 

N'échappera  d'un  si  pressant  danger. 

Les  assistans  conûrincnt  ce  présa^je  : 

A  les  ouïr,  le  mal  croit  par  degrés; 

Déjà  ses  yeux  sont  couverts  d'un  nuage  ; 

Déjà  ses  traits  sont  tous  défigurés. 

Remarquez-vous  celte  horrible  grimace? 

Ses  pieds  sont  froids,  sa  langue  s'embarrasse, 

11  n'en  peut  plus.  .\h  ?  le  voilà  passé. 

Requiescat  à  jamais  in  pace. 

Déclaré  mort,  il  ne  dit  le  contraire  : 

Seul  contre  tous  prétendre  avoir  raison, 

Même  en  tel  cas  lui  semblait  téméraire 

A  son  destin  on  vit  ce  franc  oison 

Se  résigner:  on  le  vit  sans  murmure, 

Prendre  d'un  mort  et  l'air  et  la  posture, 

Et  se  garder  si  bien  d'ouvrir  les  yeux. 

Qu'un  vrai  défunt  ne  s'en  fut  tiré  mieux. 

Incontinent,  dans  le  creux  d'une  bière, 

On  étendit  le  corps  du  pauvre  humain  ; 

Et  tôt  après  on  se  mit  en  chemin, 

Pour  le  conduire  au  prochain  cimetière. 

Mais  observez  que  dans  Rome,  pour  lors, 

C'était  déjà,  comme  aujourd'hui,  l'usage 

Qu'à  découvert  on  transportât  les  morts, 

Et  qu'en  entier  se  montrât  leur  visage. 

Quelqu'un  voyant  le  convoi  s'approcher, 

S'enquierl  tout  haut  quel  homme  on  va  nicher 

Si  lestement  dans  sa  maison  dernière. 

C'est,  lui  dit-on,  Simplice.  Ah  I  reprend-il. 

Il  est  donc  vrai  que  cet  esprit  subtil 

Est  pour  toujours  privé  de  la  lumière! 

Dieu  soit  loué  de  délivrer  ces  lieux 

Du  plu?  grand  sot  qu'on  ait  vu  sous  les  Cieux! 

A  ce  propos  choquant  et  malhonnête, 

Le  trépassé  lève  soudain  la  tête. 

«  0  linsolant,  qui  vient  me  quereller 

n  Après  ma  mort,  dit-il,  tout  en  furie! 

«  'Va,  si  Simplice  était  encore  en  vie 

«  Tu  trouverais,  coquin,  à  qui  parler! 

H.\RDUIN 

Almanach  des  Muses,   1778 


442  APPENDICES 

CCLXXII  (page  33(1) 

I.  EPIGRAMME 

Un  bon  marchand  prit  pour  femme  une  veuve, 
Veuve  gentille  et  de  bon  appétit. 
Or  désirant  le  soir  lui  donner  preuve 
De  son  amour,  il  fut  tout  étourdi. 
0  ciel!  dit-il,  ô  quelle  chose  étrange  ! 
Mais...  ou  dirait  une  porte  de  grange.  — 
La  veuve  alors  lui  répondit  :  Mon  Dieu! 
Pour  plaire  à  tous  laut  être  bien  habile  : 
Feu  mon  mari  quand  il  hantait  ce  lieu, 
Trouvait  toujours  la  route  difficile. 


II.  EPIGRAMME 

Le  bon  Robin,  qui  se  mit  en  ménage. 
L'avait  petit,  las!  que  c'était  pitié, 
Et  par  malheur  celui  de  sa  moitié 
Avait  souffert  de  maint  pèlerinage. 
Robin  bâillant  le  signe  d'amitié 
Du  premier  coup  trop  aisément  engaine. 
S'en  plaint:  Catin  dit:  qu'à  cela  ne  tienne, 
Va,  mon  ami,  j'en  louerai  la  moitié. 


in.    COUPLET 

AIR    DE    JOCONDE 

Le  groi  Guillot  d'amour  épris 

Epousa  Guillemette. 
De  la  ville  de  Saint-Denys 

Où  l.'i  noce  fut  faite. 
En  lui  mettant,  il  fit  un  cri, 

Disant,  quelle  ouverture!  — 
Apprens,  lui  dit-cllo,  qu'ici 

L'on  a  grande  mesure. 

Les  muses  en  belle  humeur  p.  10.  1742. 


I 


AI'l'E.NDICES  443 


IV.  LA  MESURE  DE  St-DENYS. 

CONTE 

La  jeune  Ervaise,  adroite  et  bonne  lame 

Dans  ses  filets  prit  un  certain  Dcrans, 

Un  franc  nigaud,  qui  la  voulut  pour  femme, 

Voire,  en  dépit  d'amis  et  de  parens. 

Pour  éluder  la  défense  formelle 

Faite  au  Curé,  d'unir  la  péronnelle 

Au  jeune  Gars,  ils  vont  à  St-Denys, 

Lieu,  dans  ce  tems  hors  de  la  compétence 

De  l'évêchë.  Les  voilà  donc  bénis! 

Les  voilà  donc  près  de  la  jouissance. 

Le  soir  arrive,  au  réduit  amoureux 

Notre  galant,  que  le  plaisir  appelle, 

Comme  pensez,  point  ne  fut  paresseux, 

A  s'assurer  si  sa  femme  est  pucelle. 

Mais  ne  trouvant  nulle  diiïiculté, 

Ah!  ah!  dit-il,  c'est  donc  la  vérité! 

Mais  elle,  fine  et  faisant  l'ignorante, 

Qu'avez-vous  donc,  et  qui  vous  mécontente? 

Parbleu,  dit-il,  cette  facilité 

Vous  m'entendez,  j'aurais  ducroire...  Bas, 
N'est-ce  que  ça?  bon,  bon,  je  me  rassure 
Eh  mon  ami  ne  savez  vous  donc  pas, 
Qu'à  St-Denys,  plus  grande  est  la  mesure? 


V.  HUICTAIN 

De  la  réponse  de  Margot  Noiron,  à  im  Gentilhomme  qui  avait 
couché  avec  elle. 

Quelque  Mignon  en  prenant  congé  d'une 
Qui  lui  avait  la  nuict  preste  son  cas, 
Mille  merci,  dit-il,  ma  gente  Brune, 
Logé  m'avez  au  large  logé  hault  et  bas 
Elle  feignit  n'entendre  tels  ébats 
Jusques  à  tant  qu'il  eusl  garni  la  main. 
Pardonnez-moi,  car  je  ne  pensais  pas 
Dit-elle  alors,  qu'eussiez  si  petit  train. 


hkk  AI'l'hM>ir.K.s 


VI.  EPIGRAMME 


Je  sais,  mon  cher  à  quoi  l'honneur  m'engafre, 
Dit  une  jeune  veuve  à  son  nouvel  époux. 
Deux  jours  après  le  mariage: 

Je  dois  vous  mettre  à  l'aise:  ainsi  rassurez-vous. 
Je  suis  déjà  trop  convaincu,  Madame 

Répond  Damis  d'un  air  moins  passionné  que  froid, 
Qu'en  m'engageanl  à  vous  prendre  pour  femme, 
Ce  n'était  point  pour  me  mettre  à  l'étroit. 


VII.  LA  PORTE  COCHERE 

KPIGRAMME 

Je  comptais  sur  toute  autre  chose 
Disait  Uave  en  exploitant  Rose, 
Sans  accrocher,  un  fiacre  entrerais  la  dedans. 
Vous  vous  plaignez.  Monsieur,  dit  Rose  en  femme  sage. 
De  ce  que  j'ai  pour  vous,  ouvert  les  deux  batlans. 
C'est  que  je  vous  croyais  un  plus  gros  équipage. 

Le  joujou  des  Demoiselles 


VIII.  COUPLET 
AIR  :  La  bonne  aventure,  ô  gué: 

Un  jour  certain  Avocat 

De  maigic  encolure, 
Qui  se  disait  délicat 

Sur  la  créature, 
Fut  avec  certain  tendron. 
Dont  je  ne  dis  pas  le  nom 
En  bonne  aventure 
Oguél 

En  bonne  aventure. 


APPENDir.ES  / 

Coiiime  la  Belle  n'avait 

Rien  en  miniature, 
Et  que  la  clef  se  perdait 

Dedans  la  serrure, 
Il  s'écria  tout  confus  :  — 
0  ciel?  a-t-on  jamais  vu 
Si  grande  ouverture. 

L'avocat  peu  satisfait 

De  cette  aventure. 
Dit,  qui  peut  vous  avoir  l'ait, 

Pareille  fêlure? 
Que  je  sois  décapité 
Si  je  n'entrais  tout  botté 
Dans  cette  ouverture,  etc. 

Oh  1  vraiment,  lui  répondit 
La  fine  Commère, 
Si  vous  l'avez  trop  petit, 
Je  ne  puis  qu'y  faire. 
Vous  croyant  un  plus  grand  train 
Y'  avois  ouvert  à  dessein 
Ma  porto  cochère. 
0  gué  I  etc. 
Les  Muses  en  belle  humeur  N°  '27.  174<'. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


INTRODUCTION 

LE    POGGE,    SA   VIE,   SON    OEUVRE    ET   SES    TRADUCTEURS 

I.  —  Vie  de  Poggio  Bracciolini v 

II.  —  Le  livre  des  Facéties xliv 

JII.  —  Guillaume  Tardif  et  les  traducteurs   français  de 

Poggio LUI 

Dédicace  au  roi  Charles  VIII  et  prologue  de  la  traduc- 
tion des  Facéties  par  Guillaume  Tardif lxv 

LES  FACÉTIES  DE  POGGE  FLORENTIN 

Avis  aux  gens  prudes  de  ne  pas  censurer  le  ton  léger 

des  Facéties 1 

I.  —  D'un  pauvre  matelot  de  Gaëte 5 

II.  —  D'un  médecin  qui  guérissait  les  fous 7 

III.  —  D'un  gascon  qui  se  levait  fort  tard 10 

IV.  —  D'un  juif  devenu  chrétien  par  persuasion 12 

V.  —  D'un  imbécile  qui  croyait  que  sa  femme  avait  deux 

pertuis 14 

VI.  —  D'une  veuve,   qui,   par  luxure,  se  livra  à   un 
pauvre 15 

VII.  —  D'un  évêque  à  cheval 17 

VIII.  —  Un  mot  de  Zuccharo 18 

IX.  —  D'un  podestat 19 

X.  —  D'une  femme  qui  trompa  son  mari 20 

XI.  —  D'un  prêtre  qui   ignorait  la  date  de  la  fête  des 
Rameaux 23 

XII.  —  Des  paysans  chargés  d'acheter  un  crucifix  ....  24 

Appendice 419 

XIH.  —  Réponse  faite  au  duc  de  Milan  par  son  cuisinier.  26 

XIV.  —  Autre  bon  mot  du  même    cuisinier  au  même 
prince 27 

XV.  —  Requête  du  même  cuisinier  au  même  prince  .  28 

XVI.  —  Le  vicomte  lannoto 29 


448  TABLE    DES    MATIÈRES 

XVII.  —  Le  tailleur  de  ViscouU  (Pour  faire  pendant  à 
l'histoire  précédente) 31 

XVIII.  —  Plainte  faite  à  Facino  Cane  au  sujet  d'un  vol.  33 

XIX.  —  Exiiortation  d'un  cardinal  aux  soldats  du  Pape.  34 

XX.  —  Réponse  h  un  Patriarche 36 

XXI.  —  Sur  le  pape  Urbain  VI 37 

XXII.  —  D'une  prêtre  qui,  au  lieu  de  ses  ornements  por- 
tait des  chapons  à  son  évoque 38 

XXIII.  —  D'un  ami  qui  supportait  avec  peine  de  se  voir 
préférer  bien  des  gens  moins  probes  et  moins  ins- 
truits   40 

XXIV.  —  D'une  femme  hystérique 41 

XXV.  —  Sur  les  rives  dû  Pô 42 

XXVI.  —  L'abbé  de  Seplimo 42 

XXVII.  —  D'une  fille  devenue  grosse  de  la  ville  de  Cons- 
tance   43 

XXVIII.  —  Un  mot  de  l'Empereur  Sigismond 44 

XXIX.  —  Un  propos  de  Lorenzo,  prêtre  romain 45 

XXX.  —  Conversation  de  Nicolas  d'Agnani 46 

XXXI.  —  Prodige 47 

XXXII.  —  Autre  prodige 48 

XXXIII.  —  Autre  monstre 48 

XXXIV.  —  Encore  un  phénomène 49 

XXXV.  —  Facétie  très  réussie  sur  le  pape  Boniface.  .  .  51 

XXXVI.  —  D'un  prêtre  qui  fit  un  enterrement  à  son  chien.  52 
Appendice 420 

XXXVII.  —  D'un  seigneur  qui  accusa  injustement  un 
homme  riche 53 

XXXVIII.  —  Un  sermon  extrêmement  court 55 

XXXIX.  —  Drôle  de  conseil  de  Minaccio  à  un  paysan  .  .  57 

XL.  —  Autre  bon  mot  de  Minaccio 58 

XLI.  —  Réponse    d'un  espiègle  à  un  borgne   qui  allait 

acheter  du  blé 59 

XLII.  —  D'un  homme  qui  demande  pardon  à  sa  femme 

pendant  qu'elle  était  malade 60 

XLIII.  —  D'une  femiiu'  (jui  trouvait  son  mari  mesquine- 
ment organisé 61 

Appendice 422 

XLIV.  —  Singulière  inconséquence  d'un  prédicateur  .  .  64 

XLV.  —  Comment  on  enseigne  la  luxure 65 

XLVI.  —  Le  confesseui' 66 

XLVII.  —  Pi(iuante  réponse  d'une  femme 67 

Appendice 422 

XLVMII.    —   Le  moine   mendiant,  qui  au  moment  de  la 

guorrc  i>arlc  de  i)aix  à  Bcrnardo 68 


TABLE    I»ES    MATIERES  449 

XLIX.  —  Historiello  de  Fraiiijois  Pliilelplie 70 

L.  —  Histoire  û'nn  liisirion  racontée  par  le  cardinal  do 

Bordeanx 71 

Ll.  —  Réponse  do  Ridolfo  à  Barnabo 73 

LU.  —  Autre  réponse  plaisante  de  Ridolfo 74 

LUI.  —  Comment  Ridolfo  fut  représenté  par  les  Iforon- 

lins  sous  la  figure  d'un  traître 75 

LIV.  —  De  la  blessure  faite  à   Ridolfo  par  un  tireur   à 

l'arc 76 

LV.  —  Anecdote  sur  Mancini 77 

Appendice 423 

LVL  —  De  celui  qui  met  sa  charrue  sur  son  épaule.  .  .  78 

LVII.  —  Réponse  ingénieuse  du  Danle,  poète  florentin  .  79 

LVIII.  —  Plaisante  réponse  du  mêuie  poète 81 

LIX.  —  D'une  femme  qui  s'obstinait  à  appeler  son  mari 

pouilleux 82 

LX.  —  De  fliomme  qui  cherchait  sa  femme  noyée  dans 

le  fleuve 84 

LXL  —  D'un  roturier  qui  voulait  se  faire  anoblir   ....  86 

LXIL  —  Le  bel  outil  de  Guillaume 88 

LXIII.  —  Réponse  d'une  femme  de  Pise 89 

LXIV.  —  Don  mot  d'une  matrone 90 

LXV.  —  Un  bon  avis 90 

LXVI.  —  Mot  d'un  Péru.-ien  à  sa  femme 92 

Appendice 424 

LXVII.  —  Propos  plaisant  d'un  jeune  homme 94 

LXVIII.  —  D'un  fameux  imbécile 95 

LXIX.  —  D'un  paysan  qui  portait  une  oie  à  vendre  ...  95 

LX.\.  —  De  l'avare  auquel  on  fit  boire  de  l'urine 97 

LXXI.  —  Confession  incomplète  d'un  berger 98 

LXXII.  — Joueur  emprisonné  pour  avoir  joué 100 

LXXIII.  —  Leçon  donnée  par  un  père  à  son  fils  qui  s'en- 
ivrait   ICI 

LXXIV.  —  D'un  jeune  homme  de  Pérouse 101 

LXXV.  —  Le  duc  d'Anjou  montre  à  Ridolfo  son  riche 

bagage 102 

LXXVI.  —  Du  môme  Ridolfo 104 

LXXVII.  —  Excuse  d'un  habitant  de  Pérouse 104 

LXXVIII.  —  Dispute  de  deux  femmes  pour  une  pièce  de 

toile 105 

LXXIX.  —  Le  coq  et  le  renard 107 

LXXX.  —  Propos  ironique 109 

LXXXI.  —  Entre  un  l'iorenlia  et  un  Vénitien  à  propos 

de  la  paix 110 

LXXXIL  — Comparaison  faite  par  Antonio  Lusco  ....  111 


450  TABLE    DES    MATIÈRES 

LXXXIII.  —  Du  chanteur  qui  déclara  qu'il   déclamerait 

la  "Mort  d'Heclor" 112 

Appendice 124 

LXXXIV.  —  Delà  femme  qui  fit  celle  qui  était  à  moitié 

morte 113 

LXXXV.  —  Bonne  plaisanterie  d'un  chevalier  florentin  .  114 

LXXXVI.  —  Duchevalierquiavaitune  femmetrop bavarde.  115 

LXXXVII.  —  D'un  charlatan  qui  soignait  les  ânes  ....  116 

Appendice 426 

LXXXVIII.  —  Réponse  de  Pierre  de  Eghis 118 

LXXXIX.  —  D'un  rebouteux 119 

Appendice 427 

XC.  —  Plaisanterie  sur  un  cavalier  vénitien  qui  ne  recon- 
naissait pas  son  cheval 120 

XCI.  —  Propos  de  Carlo  de  Bologne 122 

XCII.  —  Le  vieil  usurier  et  son  ami 123 

XGIII.  —  De  la  ribaude  devenue  mendiante 123 

XCIV.  —  D'un  docteur  et  d'un  ignorant 124 

XCV.  —  Mot  de  l'Kvèque  d'Alelh 12G 

XCVI.  —  Mot  plaisant  d'un  abbé 127 

XGVII.  —  Mot  plaisant 128 

XGVIII. —  Evénements  extraordinaires  racontés  par  mon 

copiste 128 

XGIX.  —  Miraculeuse  punition  du  mépris  des  saints   .  .  129 

G.  —  Plaisante  histoire  d'un  vieillard  qui  porta  son  âne.  131 

CI.  —  Grande  ignorance  d'un  homme 133 

Cil.  —  Autre  balourdise 134 

cm.  —  D'un  vieillard  barbu 135 

CIV.  —  Le  notaire  ignorant 136 

GV.  —  D'un  docteur  florentin 137 

CVI.  —  D'un  homme  qui  coucha  avec  le  diable  sous  la 

forme  d'une  femme 139 

CVII.  —  Autre  histoire  contée  par  Angelotto 140 

CVIII.  —  D'un  avocat  qui  avait  reçu  des  figues  et  des 

pêches  de  son  cliiml 141 

CIX.  —  Ruse  d'un  médecin 142   »■; 

GX. — Du  juge  qui  prétend  que  les  deux  parties  ont  gagné.  144 
CXI.  — D'un  médecin  ignorant  qui,  à  l'examen  des  urines 
d'une  femme,  diagnostiqua  (lu'eilo  avait  b(\=oiii  d'un 

mari t4f> 

CXII.  —  D'un  ma.-i  qui  paroillonniit  rendit  la  santé  à  sa 

femme 147 

Appendice '"-f^ 

CXIII.  —  Homme  illettré  demandant  à  l'archevêque  de 

Milan  la  dignité  d'archiprétre 149 


TABLE    DES    MATIÈRES  451 

CXIV.  —  D'une  courtisane  qui  se'piaignait  de  la  méchante 

farce  d'un  barbier 150 

CXV.  —  D'un  religieux  auquel  se  confessait  une  veuve  .  151    ~ ^ 

CXVI.  —  D'un  lioinma  qui  fit  le  mort  devant  sa  femme.  152  ^^'^'^ 

CXVII.  —  D'une  jeune  femme  par  trop  naïve  de  Bologne.  154 

CXVIII.  —  Réponse  d'un  confesseur  à  propos  d'une  femme.  155 
CXIX.   —   D'un  serviteur  oublieux   qu'on  charge  d'un 

poids  énorme 157 

CXX.  —  D'un  homme  qui  veut  dépenser  mille  florins  pour 

se  faire  connaître,  et  de  la  réponse  qu'on  lui  fait  .  .  158 

CXXI.  —  Plaisanterie  de  l'illustre  Dante 159 

C.XXII.  —  De  la  femme  qui   accoucha  au  bout  de  douze 

mois 160 

CXXIII.  —  Question  inconvenante  d'un  prêtre 161 

CXXIV.  —  Plaisanterie  au  sujet  d'un  ambassadeur  de 

Pérouse 162 

CXXV.  —  Les  ambassadeurs  de    Pérouse    et  le  pape 

Urbain 163 

CXXVI.  —  Propos  insensés  des  Ambassadeurs  de  Florence.  164 

CXXVII.  —  Mot  plaisant  de  Jean-Pierre  de  Sienne.  .  .  .  166 
CXXVIII.  —  D'un  mari  qui  avait  fait  faire  à   sa   femme 

une  toilette  d'un  grand  prix 167 

CXXIX.  —  Plaisant  récit  d'un  médecin 168 

CXXX.  — De  l'homme  qui  trouva  de  l'or  en  dormant.  .  .  169 

CXXXI.  —  D'un  secrétaire  de  l'Empereur  Frédéric  II  .  .  170 

CXXXII.  —  D'un  juif  mangé  par  un  Florentin 172 

CXXXIII.  —  Vision  de  François  Philelphe 173 

CXXXIV.  —  D'un  buveur 175 

Appendice 428,  429 

CXXXV.  —  Facétie  d'Everardo  Lupi 176              \ 

CXXXVI.  —  Plaisanterie  d'un  autre  cardinal 177               \ 

CXXX"VII.  —  D'une  femme  qui  découvrit  son  cul  en  vou- 
lant se  couvrir  la  tète 178 

CXXXVIII.  —  Histoire  d'un  homme  qui  avait  envoyé  des 

lettres  à  sa  femme  et  à  un  négociant 179 

CXXXIX.  —  Histoire  d'un  homme  qui  grondait  souvent 

sa  femme 181 

CXL.  —  Testament  d'un  vieillard  en  faveur  d'une  femme  .  182 

CXLI.  — De  la  femme  qui  demande  remède  à  un  prêtre.  183     " 

CXLII.  —  D'un  ermite  qui  séduisit  beaucoup  de  femmes.  185 

CXLIII.  —  D'un  jeune  florentin  surpris  avec  sa  belle-mère.  187 

CXLIV.  —  A  propos  d'un  portrait  de  Saint-François.  .  .  188 

CXLV.  —  D'un  prêtre  de  l'Iorence  qui  était  allé  en  Hongrie  189 

CXLVI.  —  lléponso  d'un  pavsan  à  son  propriétaire  ...  190 

CXLVII.  —  Ridicule  allocution 191 


452  TABLE    DES    MATIERES 

v     CXLVIII.  —  A  propos  du  vol  d'un  porc 192 

CXLIX.  —  Bon  mot  de  Fascino  Cane 193 

CL.  —  D'un  jeune  homme  inexpérimenté  qui  ne  connut 

point  sa  femme  la  première  nuit  de  ses  noces.  .  .  ,  194 

CLI.  —  Singulière  raison  d'un  berger 195 

CLII.  —  Le  paysan  et  les  ânes  chargés  do  froment  .  .  .  196 

CLIIL  —  D'un  pauvre  et  d'un  riche 197 

CLIV.  —  D'un  montagnard  qui  voulait  épouser  unejeune 

fille 198 

GLV.  —  La  dîme 199 

CLVL  —  D'un  médecin  qui  viola  la  femme  malade  d'un 

tailleur 201 

CLVn.  —  D'un  Florentin  (lancé  à  la  fille  d'une  veuve  .  .  202 

CLVllL  —  D'un  usurier  de  Vicence 204 

CLIX.  —  Histoire  très  plaisante  du  cuisinier  Giannino  .  205 
CLX,  —  Du  cavalier  vénitien  qui  portait  ses  éperons  dans 

sa  poche 206 

CLXL  —  D'un  vénitien  slupide  qui  fut  roulé  par  un  char- 
latan   207 

CLXIL  —  Un  cheval  récalcitrant 20.S 

CLXIIL  —  Le  renard  et  le  paysan 201J 

CLXIV.  —  Bonne  foi  d'un  acheteur 211 

CLXV.  —  Bouffonnerie  de  Gonnella 211 

GLXVL  —  Autre  plaisanterie  de  Gonnella 212 

CLXVIL  —  l*rodiges  racontés  au  pape  Eugène 213 

CLXVIIL  —  Autres  faits  prodigieux 214 

CLXIX.  — A  propos  d'un  notaire  malhonnête  de  Florence.  216 
CLXX.  —  D'un  moine  qui  bouta  à  travers  une  planche.  217 
CLXXI.  —  Horrible  histoire  d'un  jeune  garçon  anthropo- 
phage    219 

CLXXn.  —  D'un  chevalier  (lorcnlin  qui,  feignant  do  sortir 

se  cacha  secrètement  dans  la  chambre  de  sa  femme.  220 

CLXXIIL  —  D'un  chaste  qui  n'était  que  paillard   ....  221 

CLXXIV.  —  Même  sujet 222 

^   CLXXV. —  D'un  pauvre  homme  qui  gagnait  t^a  vie  avec 

sa  barque 223 

CLXX'VL  —  Sottise  d'un  milanais  qui  avait  écrit  sa  con- 
fession   225 

CLXX"VH.  —  Jactance  d'un  individu  confondue  par  son 

compagnon 226 

CLXXVIIL  —  Un  mot  de  Pascpiino  de  Sienne  sur  un  pet 

du  corps  de  l'Etat 228 

CLXXLX.  —  De  cet  âne  de  docteur,  si  idiot  qu'il  parlait 

latin  à  la  chasse  aux  oiseaux 228 

CLXXX.  —  Ce  qu'une  femme  prit  p(jur  un  compliment  .  230 


TABLE    DES    MATIERES  453 

(XXXXI.  —  Plaisant  pioposd'unejeunefemmeencouchcs.  230 

CLXXXII.  —  Grand  élo^e  d'un  jeune  romain 231 

CLXXXIII.  —  Vœux  différents 232 

CLXXXIV.  —  D'un  marchand  qui  faisait  l'éloge  de  sa 

femme 233 

GLXXXV.  —  yage  réponse  à  un  calomniateur 235 

CLXXXVI.  —  Plaisante  réponse  à  l'usage  de   (juciques 

évèques 236 

CLXXXVII.  —  Un  bon  mot  sur  François  Philelphe.  .  .  .  237 

GLXXXVIII.  —  Plaisanterie  sur  le  même 238 

CLXXXIX.  —  Le  notaire  devenu  maquereau 238 

CXC.  —  Plaisante  manière  de  débarrasser  un  hôpital.  .  239 
CXCI.  —  Plaisante  histoire  d'un  précepteur  qui   abusa 

de  toute  une  famille 241  "^ 

Appendice 429 

CXGII.  —  Le  plus  agréable  des  bruits 241 

CXGIIL  —  Du  fils  d'un  prince,  muet  par  ordre  de  son  père 

à  cause  de  sa  méchante  langue 243 

CXGIV.  —  Histoire  d'un  tuteur 244 

CXCV.  —  D'un  Frère  qui  abusa  d'une  feiimie  par  le  moyen 

d'une  ruse  malicieuse 245 

GXGVL  —  Plaisanterie  à  propos  d'un  cardinal  grec  por- 
tant une  longue  barbe 24(î 

GXGVIL  —  A  propos  d'un  cavalier  corpulent 247 

Appendice 430 

CXCVin.  —  Plaisant  propos  d'un  juge  à  un  avocat.  .   .   .  247 

GXGLX.  —  Remède  contre  le  froid 248 

GC.  —  D'un  prédicateur 249 

CCI.  —  De  deux  nouveaux  mariés 250 

Appendice 431 

CCII-  —  Discussion  héraldique 251 

CCin.  —  D'un  médecin  (jui  donnait  les  remèdes  au  hasard.  252 

GGIV.  —  Conseil  à  un  débiteur  ennuyé 253 

CCV.  —  De  la  peine  infligée  à  des  meurtriers  grecs  et 

génois 254 

CCVL  —  Pourquoi  les  Romains  dégénèrent 256 

CCVn.  —  Vœu  imprudent  à  la  Vierge  Marie 257 

GCVIIL  —  Histoire  de  celui  qui  fit  également  un  vœu  à 

Saint-Cyriaque 258 

CCIX.  —  D'une  veuve  qui  désirait  se  remarier  avec  un 

homme  âgé 259 

Appendice 431,  432 

GGX.  —  D'un  moine  qui  engrossa  une  abbesse 261    ,-"• 

GCXL  —  Spirituelle  réponse  d'un  enfant  précoce 262 

Appendice 432 


N 


454  TAULE    I>KS    MATIÈRES 

CCXII.  — L'apprenti  savetier  et  lu  femme  de  son  patron.  264 
CCXIII.  —  Plaisante  histoire  d'une  jeune  femme  qui  fai- 
sait des  pets 264 

Appendice 433 

CCXIV.  —  Dire  et  faire 266 

CCXV.  —  D'un  Egyptien  qu'on  chercliait  à  convertir.  .  .  266 
CCXVI.  —  De  l'évèque  espagnol  qui  mangea  des  poissons 

en  guise  de  perdreaux 267 

GCXVII.  —  D'un  fou  qui,  dormant  avec  l'Arciievê(jue  de 

Cologne  déclara  que  celui-ci  était  un  quadrupède  .  .  268 
CGXVIII.  —  Plaisanterie  du  pape  ilartiu  à  un  ambassa- 

sadeur  importun 269 

GGXIX.  —  A  propos  du  cardinal  AnLçclolto 270 

CCXX.  —  Puissance  d'un  cadeau 270 

CGXXI.  —  Singulière  excuse  d'une  feinme  stérile  ....  271 

CCXXII.  —  En  flagrant  délit 273 

CCXXIII.  —  D'un  frère  mineur  (pu  fit  le  nez  à  un  enfant.  274 

Appendice 435 

CCXXIV.  —  D'un  Elorenlin  très  menteur 276 

CCXXV.  —  Comment  un  jaloux  éprouva  la  vertu  de  sa 

femme 277 

CGXXVl.  —  Réponse  aux  paroles  d'un  prêtre.  ......  278 

CCXXVII.  —  D'un  prêtre  qui  se  trompa  en  prêciianl .  .  .  278 
^GXXVIII.  —  Sage  réponse  du  cardinal  d'Avignon  au  roi 

de  France 280 

CCXXIX.  —  Terrible  aventure  arrivée  à  Saint -.Jean-de- 

Latran 281 

CCXXX.  — D'un  prédicateur  qui  criait  bien  fort 282 

GCXXXI.  —  D'une  jeune  femme  (jui   fut  jouée  par  son 

vieux  mari 284 

CCXXXII.  —  Les   culottes  d'un  frère-mineur  devenues 

reliques 285 

CCXXXIII.  —  Le  tali.sman  contr.'  la  peste 288 

CC.XXXIV.  —  Bouche  qu'on  aurait  du  tenir  fernuie.  .  .  .  290 
CCXXXV.  —  Moyen  de  se  procurer  un  ciieval  parfait  .  .  290 
CCXXX'VL  —  Mot  plaisant  dans  une  querelle  de  femmes.  291 
CGXXXVII.  —  D'un  prêtre  qui  se  joua  d'un  laïc  qui  vou- 
lait le  surprendre 292 

Appendice 436,  437 

CGXXXVlil.  —  Avenluroexlraordinaire  il'un  foulon  anglais 

avec  sa  femme 293 

CCXXXIX.  —  Une  confession  à  la  faijon  toscam;  il'abord, 

puis  sans  fard 295 

CCXL.  —  Combat  entre  des  pies  et  des  geais  .      237 

CCXLL  —  Bon  mot  de  Francisco  sur  les  fils  des  Génois.  297 


TAULK    UES    MATIERES  455 

CCXLII.  —  Geste  significatif,  mais  grossier  d'un  Florentin  298 

GCXLIII.  —  Drôle  de  demande  d'un  vieillard  impuissant.  299 
CCXLIV.  —  Amusante  moquerie  des  Vénitiens  par  une 

courtisane 301 

CCXLV.  —  D'un  ignorant  qui  confondit  des  savants.  .  .  302 
CCXLVI.  —  Réponse  maligne  à  un  marchand  qui  accusait 

les  autres  de  folie 302 

CCXLVII.  —  Réponse  d'une  femme  à  un  jeune  homme 

éperdumcnt  amoureux  d'elle 303 

CCXLVIII.  —  Contre  les  vantards 304 

CCXLIX.  —  D'un  homme  qui  demeura  deux  ans  sans  boire 

ni  manger 306 

CCL.  —  D'un  àne  qu'on  devait  instruire 308 

Appendice 437,  438 

CCLI.  —  A  propos  d'un  prêtre  ignorant 309 

CCLII.  —  D'un  usurier  converti 310 

CCLIII.  —  Fable  des  oiseaux  parleurs 311 

CGLI'V.  —  La  manie  des  chaînes 311 

CCLV.  —  Mot  plaisant  de  Ridolfo  de  Camerino 312 

CGLVl.  —  Le  vase  d'huile  renversé 313 

CCLVII.  —  Des  jeunes  QUes  qui  se  moquent  d'un  chauve  .  314 

CCLVIII.  —  Maître  Perd-les-Causes 315 

CCLIX.  —  D'une  chanson  qui  plut  aux  aubergistes  ....  316 

CGLX.  —  A  propos  d'un  homme  maigre 317 

CCLXI.  — Amusante  réponse  d'une  femme  dont  l'encrier 

était  vide 318 

Appendice 439 

CGLXII.  —  Sur  le  petit  nombre  dos  amis  de  Dieu 318 

GGLXIII.  —  Le  moine  quêteur,  le  laïque  et  le  loup.  .  .  .  319 

GCLXIV.  —  Compensation  .  .  • 320 

CCLXV.  —  Mots  pleins  de  sel  de  deux  jeunes  Florentins.  322 

CCLX'Vl.  —  D'un  jeune  homme  qui  pissa  sur  la  table.  .  322 
CGLX"Vn.  —  A  propos  d'une  Florentine  prise  en  flagrant 

délit 324 

CGLXVllI.  —  Le  mort  qui  parle 325 

Appendice 440 

GCLXIX.  —  Un  problème  embarrassant 327 

CGLXX.  —  D'un  meunier  trompé  par  sa  femme  qui  lui 

donna  cinq  œufs  à  manger 328 

CCLXXI.  —  Délie  façon  de  nier  la  beauté 330 

CGLXXn.   —  Réponse    plaisante ,    mais    peu     honnête , 

d'une  femme 330 

Appendice -  .    4'j2,  444 

GCLXXIII.  —  Tout  ce  qui  branle  ne  tombe  pas 332 

Conclusion 332 


456  lAlil.K    DK.S    MAilÈRKS 

DESCRIPTION  I)i:s  BAINS  DK   HADK 

Al."    XV°    SIKCLE 

Note  prcfiminaire 337 

Description  des  Bains  de  Bade 354 

UN  VIKILLARD  I)()1T-IL  SE  MARIER? 

Note  prcliminnire 37 1 

Poggc  florentin  an  Très  Magnilique  Cosino  de  Médicis.  .     373 
Uu  vieillard  doit-il  se  marier? 375 

APPENDICES 

Ménnoire  sur  les  ouvrages  de  Pogge  (Extrait  àe^  Mémoi- 
res Littéraires  de  Salengre) 401 

Appendices  aux  Facéties 4 H) 

Index i.'.7 


INDEX 


A 


Abbatk  Voir  Aniano,  Marmoutiers, 
Saint-Gail,  Saint-Martin. 

Abbé  Mot  plaisant  d'un,  127  ;  voir 
bénédictins ,  Gundeltin},'en  , 
Septimo. 

Abbbsse    eugrossée,  261. 

Abcks  Moyen  de  les  faire  crever, 
245, 

Ablutions  Eau  des,  guérit  tes 
maux  d'3'eux,  180. 

Absence    de  l'époux.  25Ù. 

Académie  de  San-Spirito    xxiii, 

AccoucHiîE    naïve,  230. 

Acheteur    Bonne  foi  d'un.  211. 

Adultkre  64,  273.  —  Châtiment 
de  r,  10.  —  Mo^'en  pour  prou- 
ver r,  277.  —  Sermon  sur  1", 
G4.  —  Voir  Mari,  femme. 

Aelo    23. 

Affront  que  fit  un  amant  à  sa 
maîtresse,  comment  compris, 
230. 

Aguzzoni  (François)  Cardinal  ar- 
chevêque de  Bordeaux,  168. 

Aiguillette    nouée.  94. 

Albergati    Cardinal,  xxiii,  xxxiii. 

Albbrti     (Ricardo  degli),  300. 

Albizzi    (Robert  d'),  157. 

Aldigbbrio     303. 

Aleth     I/évêque  d",  12G. 

Alexandre  III    pape,  171. 

Alexandre  V    pape,  xii. 

Alexandrie     (Italiei,  34. 

Alexandrie  Patriarche  d'.  — Voir 
Amelio. 

Allemagne  Allemands, xviii.xxx vu, 
3,  131,  214,  345,  347. 


Allocution  ridicule    191. 

Alopo  Pandolfello  maitre  d'hôtel, 
chambellan  et  amant  de 
Jeanne  de  Naples,  l37. 

Alpes    xiv,  xxi. 

Alphonse  d'Aragon  xxxvi.  — Voir 
Saint-Eustache. 

Am.vlia    246. 

Amants    de  femmes  mariées,  21, 230, 

—  Surpris,  221.  —  Compliment 
d'un  ...    à   sa  maîtresse,  230. 

Ambassadeurs  Bavards,  163.  — 
Importuns,  269.  —  Joués,  75. 

—  Rusés,  164.  —  Proposition 
singulière  d'un,  137.  —  Pro- 
pos insensé  d'un,  164.  —  Plai- 
santerie sur  un,  162.  —  Du 
duc  de  Milan,  269. 

Amédée  de  Savoie    Voir   Félix,  v. 

Amelio  (Pierre),  évêquede  Trente, 
patriarche  d'Alexandrie,  126. 

Ami  habile  dans  l'art  de  faire  des 
enfants,  205.  —  Qui  ouvre  le 
pertui  de  la  femme  de  son 
ami,  194. 

Ammirato  Scipion    38. 

Amour  ardcut.  —  Voir  Jeunes  ma- 
riés. —  Dîme  d'  —  réclamée 
par  un  confesseur,  19'J.  — 
Liberté  de  1',  44.  —  Plaisir 
d',  105.  —  Talisman  contre 
les  risques  de  1',  261. 

Amoureux  Econduit,  303.  —  Ridi- 
cule, 304. 

Amsterdam     liv 

Anagni     140. 

Anagni    (Nicolas  d'j,  46. 

Ancône    111.    258.   —  Marches  d', 

XXXVII. 


■..'li 


458 


iNDEX 


t 


Andhéa  Giovanni,  docteur  de  Bo- 
logne, 273. 

Ane  18,  28,  8ii,  117.  —  Egaré,  77, 
29.3.  —  Mangé  par  un  malade, 
143.  —  Porté  par  un  viellard, 
131. —  Qui  porta  Jésus-Christ, 
24i).  —  Trop  chargé,  78.  — 
Qui  braient,  197.  —  Vu  par 
une  femme  enceinte,  IGO.  — 
D'or  d  Apulée,  xl.  —  De  Lu- 
cien, ibid. 

Anges    Souper  avec  les,  35 

Anoelotto  Cardinal  de  Saint-Marc, 
.38,  40.  45.  47.  140.  212.  24G, 
270,  290. 

Anglktekre  Anglais,  xxi,  xxxvii, 
3,  43,  257,  293,  377. 

Aniane    Abba3'e,  12G. 

Anjou  (Duc  D)  235. —  Bagages  du, 
102. 

Anne  de  Bretagne    xlix. 

Anneau  qui  assure  la  fidélité  des 
femmes,  174.  —  De  F.  Filelfo, 
174.  —  D  Hans  Carvel,  174. 

Ansimirio  Ermite  séducteur  à  Pé- 
rouse,  185 

Antipape  V.  Papes.  —  Benoît  XIII. 
—  Grégoire  XII. 

Antiquité    Amour  de  1 ,  xxiv. 

Anthropophage  Jeune,  219.  — 
Génois,  219. 

Apennins    23. 

Apothicaires    xx. 

Apôtres    (Le.s),  2.'^0. 

Appartements  pour  les  guerriers, 
les  poètes,  les  prédicateurs, 
79. 

Apprenti  savetier  L'- et  la  femme 
de  son  patron,  264. 

Apulée    xi.. 

Aragon    354.  —  Voir  Alphonse. 

Araignée    Comparaison  avec  1',  90 

Arche  de  Noé.     128 

ÂBCHER    maladroit,  7G. 

Archevi-oue  De  Cologne  et  son 
fou,  208  —  Devenu  quadru- 
pède, 2<;9.  —  De  Milan,  149. 
De  Westmin.ster 

Arcuipuntre    illcttr>}.  149. 

Architecture     L'    —    de    Vitruve, 

XVII. 


Ardinqhelli     Daccomo  degii,   244. 
Aretin     (Pierre  l'i,  x,  xlvi. 
Aretino     Voir  Bonedetto-Carlo. 
Arezzo    VI.  vLii,  38,  119,  264,  354. 

Voir  Bruni,  Leonardo. 
Argent     L'  —  maître  de  la  terre,  40. 
Argonautique.s    Les  —  de  Valerius 

Flaccus,  xvii. 
Argovie,  338. 
Ahlstophane    xlix. 
.'\ristotb    XXXII,  383. 
Armoiries    de   la  famille  Braccio- 

lini,  VI.  —   De   l'évèque   An- 

gelo,  ,38.  —  Disputées,  251. 
Arno     VI.  4i. 
Assalbit    iPierrei,  évfique  d'Aleth, 

12(i.  ^ 

Assassinat    d'un  Cardinal,  45. 

ASCONIUS    PeDIANUS       XVII.  / 

Aube    Vêlement  sacerdotal,  38. 
Augustins     (Ordre   des),    liv,    126, 

235. 
Aumônes    d'un    mari  ;     le     second 

pertui  de  sa  femme  à  l'église, 

14. 
AuRisPA  Giovanni    xxiu. 
Autriche    (Guillaume    d'),    137.    — 

Duc  d',  XIV. 
Avare    45,  97. 

Av.arice    Dialogue  sur  1',  xxiii. 
Aventure    du  moine  Lupo,  217. 
AvERSA     L'évoque  d',  38. 
Avignon    xii.   74,  238,  280,   303.  — 

Cardinal  d',  280. 
Avocat    Expédient    d'un,    141.     — 

Prêtre,  248.  —  Plaidoyer  d  un 

...  pour  un  testament,  248. 


B 


I 


Babylonie    XXXV. 

Badb    Bains    de    ...    en    Tiirgovie, 

xviii,  XIX,  337,  367. 
Badkn-Bade    XIX,  340. 
Bagage    riche,  102. 
Baigneurs      Voir    Bade,     Raden , 

Lueclie,    Plombières.  Pouzo- 

los.  —  Voir  Bains.  ' 

Bains     Usage    de.=  ,     150,    355.     —  î 

Vertus,  363. 


INDEX 


459 


lÎAISER    DR    l'AIX        lU. 

Hajello  db  Boioonb  Bons  mota 
de,  1.22. 

Balb    Concile  do,  1"2U. 

Ballon-    Jeu  de.  :jii2. 

Banqi'iers    .XX,  302. 

Barbaho  Franxesco  Favori  de  Ga- 
leas  Visconli  et  préfet  de 
Vicence,  vu,  xvi,  27,  31. 

Barbe     135.  —  D'un  Cardinal,  347. 

—  Longue  d'un  chevalier,  270. 

—  Dos  Génois   2')h. —  Infecte, 
135.  —  Dicton  sur,  13."),  178. 

Barbier  xx.  —  Méchante  farce 
d'un  ...  à  une  courtisane,  150. 

Bardi    (Bartoloméo  de),  32,  16G. 

Barthélémy  de  Montepulciano , 
XVII,  xvni. 

Bari     (Cardinal  de).  239. 

Barnabo     Prince  de  Milan,  155, 164. 

Bahonto    de  Pistoja,  205. 

Barque    223.  —  Voir  passeur. 

Batteleur  Voir  Bouffon,  charla- 
tan, histrion. 

Bavard,  bavarde  1(12. — Moyen  de 
les  faire  taire,  271.  —  Voir  am- 
bassadeur,  femme,   podestat. 

Bastonnade    à  un  Cardinal,  45. 

Bkau-fils  Amant  de  sa  beile-mère, 
187. 

Beaufort  Cardinal  de  —  évêque 
de  Westminster,  xxi. 

Beauté    231. 

Bélier  Quand  sautent  les  brebis, 
215. 

Bellemèrk  Voir  Beau-fils.  —  Et 
son  gendre  trop  ardent,  250. 

Benedbtto  Aretino    xxxvii. 

Bénédictins  Ordre,  127-  —  Voir 
Abbaye. 

BenoitXIII    Antipape,  xii,  239,  354. 

Berger  Conf-s-sion  d'un,  98.  — 
Raisonnement  singulier  d'un, 
195. 

Bernard    Saint,  1H8. 

Bebn.vrd    iFrédérici,  Liv. 

Bbrrt  Duc  de,  xii.  —  Province, 
129. 

Bessarion    Cardinal  grec,  246. 

Bète    Qu'elle  et  la  plus  grosse,  159. 

HiANCARDO       UgolottO,    135. 


BiiîiENA     Gardin.Tl,  xr.ii. 

Bible     Prophéties  do  la,  354. 

BiBLiOTHKQUE  Laurcntieiine.  —  V. 
Florence.  —  Nationale.  —  V. 
Paris. 

Bienheureux     Pauvres  de  Pise,  16. 

Bienveillance  Moyen  de  se  la  con- 
cilier, 271. 

BiRACo  Thomas,  avocat,  chancelier 
apostolique,  36 

BOCCACE      V,    VII. 

Bœufs    fantastiques,  214. —  Tète  de 

—  emblème,  292. 
BoGGio    79. 

BOILEAU      XLVIII. 

Boire    Quand?  Iftj,  244. 

Bologne  Bolonais,  70,  72,  73,  74, 
125,  136.  144,  154,  172,  194, 
197,  273.   —    Bajello  de,    122. 

—  Carlo    de  ,      122,    136.    — 
Gaspardo,  xxiii. 

BoNAC,  Bonaccio  Gi'asco,  Pares- 
seux, 10. 

BoNAVENTURE    Voir  Périer  (des), 

BONIFACE  VIII     xxii. 

BoNiFACE  IX  Pape,  viii,  xi,  xxii, 
38,  51,  241. 

BoNNXAU    Alcide,  xxi,  xxii. 

Bonne  foi    211. 

Bordeaux  Cardintil  de,  71,  168. 
— .\bbaye  de  Saint-Martin,  126. 

BoRGETTO    Château,  215. 

Borgne    qui  acheta  du  blé,  59. 

Bouche  des  cardinaux  fermée  et 
ouverte,  290. 

Bouchers  de  .Milan  qui  vendaient 
la  chair  des  Gibelins,  193. 

Bouffons    xx.  —  Voir  Gonella. 

Boulangers    xx. 

Bouloy  (du)    lx. 

BouQUETit.RE  du  Concile  de  Cons- 
tance, XX 

Bouviers  Récit  fantastique  de 
deux,  215. 

Bracciolini  Catherine,  sœur  de 
Poggio,  VII.  —  Guccio,  père 
de  Poggio,  VI. 

Braies    Voir  Culolios. 

Braomardo    (M°  Janotus  dei,  30. 

Brancaccio  Thomas  Cardinal  do 
Naples,  120. 


460 


INDEX 


Bravache    30ù. 

Brehis     Ce  qui  leur  advient  quand 

elles  font  un  pot,  ■205. 
BuBTAG.NE    Breioiis,  297.   —  Patrie 

du  copiste  do  Pojrge,  128.  — 

Evénement  extraordinaire  ar 

rivé  en,  12.S. 
Bretagne  (Anne  de)    lui. 
'  Brève  »     Voir  Talisman. 
Brigandage    98. 
Bruges    199. 

Bruit    Le  plu3  agréable,  241. 
Brunbt      (Gustave),     bibliographe, 

LIV.    LVI. 

Bruni     I^eonardo,  d'Arezzo.  — Voir 

Leonardo. 
BUGIALE     XXIII.   xt.iv,  L,  2.T?. 

Bulles  pontificales  Rédactions 
des,  XXII. 

BUONCONVENTO      .304. 

Buondelmonte  (dbl)  Mari  de  la 
tille  de  Pogge,  xlii.  —  Qhino 
Menente  (del),  beau-père  de 
Pogge,  XXX.  —  Vaggia  alias 
Servaggia  (del),  femme  de 
Pogge,  XXX,  XXXI. 

Buveur  Comment  guérir  la  fièvre 
et  la  soif,  17."). 


C 


Cabaret    Façon  de  paver  son  écot 

au,  122. 
Gabaretiehs    XX. 
«    Cabinet   sattrique  »     Ouvrage 

xLvm. 
Cadeau    Puissance  d'un,  270. 
Cadet  do  Gassicourt    lv. 
Cafard    222. 
Caire    xxxv. 

«  Calandre  »  (la)    Ouvrage,  xlvii. 
Calicut    xxxv. 
Calomniateur    Sage  r^'^ponse  à  un, 

235. 
Camerino    7.^,  76,  2;'0. 
Camille    19. 
Candido  Pietro    xvviii. 
Cane    Bonil'aco  ou  Facino,  condo- 

tière  Gibelin,  33,  149,  193.  — 

Délia  Scala,  "'». 


Capitanatb    30-1. 
Capranica     Dnmenic.o    xlii. 
Caractère    Ce  qu'il  faut  pour  con- 
naître le,  236. 
Cardinal     Apparition    d'un,    215. 

—  Barbu,  247.  —  Bouche 
d'un,  290-  —  Albergati,  xxiii. 

—  D'Agnani,4.i.  —  Angelotto, 
290  —  D'Avignon,  280.  —  De 
Bari,   .339.   —  Voir   Beaufort. 

—  Bessarion  (Grec),  246.  — 
Bibiena,  xlvii.  ~  Golona 
(Prosperi,  xxii.  —  De  Fer- 
me, XLII.  —  De  Florence, 242. 

—  De  Gènes,  73.  —  De  Mare- 
mour  (Ludolphe),  239.  —  Ria- 
rio,  XLi.  —  Saint-Anges,  xxx. 

—  Sainte-Croix,  xxxiii.  —  De 
Saint-Marc,  40.  —  Saint-Mar- 
cel, 290. 

Cardinaux    xx. 

Carême  Impromptu,  23.  —  Confes- 
sion du,  161.  —  Prédicateur 
de,  101. 

Carlo  Aretino  ou  h'Arezzo  vu, 
xxiii,  xxxii.  XLII,  373,  37.T,  398 

Gatho  (Angelo)    lix. 

Caton  l'Ancien    383,  391. 

Cava    45. 

Caval    215. 

Cavaliers  fantastiques,  214.  —  A 
Palium,  voir  Ev>''que.  —  Qui 
ne  reconnaît  pas  son  cheval, 
120.  —  Corpulent,  '247. 

Cementino    VI. 

Centuple  (le)    278. 

César     (Siège  de),  350. 

Ce  Y  LAN    xxxv. 

Chaîne  d'or  de  la  cathédrale  do 
Pise,  171. 

Chair  humaine  des  gibelins  ven- 
due par  les  bouchers  de  Milan, 
193.  —  Voir  Anthropophage, 
Chien.  —  Singulière  faconde 
la  mortifier,  222,  223. 

Chaleur  du  corps    249. 

CHAMnoNNET     (Pierre  do),  12l). 

Giiancellekib  apostolique,  xxii, 
30.  —  Voir  Curie.  —  Do  la 
République       <Io      Florence  , 

XXXIX. 


INDEX 


461 


ClIANGEI-RS       X\'. 

CHANTRURS   POI'UIAUIRS       111,   11,'.— 

iRuso  d'un),  112 
Chapb    38. 
Chapelet    266. 

GlIAPONS    ROTIS      38, 

GHARiTh':    Elle    n'existe    point   A   la 

mesao,  207   —  Da  juif,  12. 
Charlatan    faiseur  d'hommes,  207. 

—  Qui  soignait  les  ânes,  116. 

—  Voir  Histrion. 
Charle.s  VIII    Roi  de  France,  i.iii, 

LVII,  lvix,  lxxi.  l.XIV. 

Charles  de  HoNaRtE    235. 

(Charles  db  Napi.es     137. 

Cn.vRME    Voir  Magie,  Talisman. 

Charogne     127. 

Charrette    do  foin,  43. 

Chasse  Chasseur,  7,  S.  176,  177, 
209,  210.  —  .4.UX  petits  oiseaux, 
228.  —  A  la  chouette,  229. 

.li.VSTE   ET    PAILLARD      221. 

iT    à  deux  têtes,  48. 
.hatiment    singulier  à  des  meur- 
triers,   254.    —    De  Dieu   sur 
des  moissonneurs,  129.  —  Du 
mépris  des  saints,  120.  130. 

Châtré  Jaloux  qui  s'est  —  lui- 
même,  277. 

Chelo-Dini  de  Trojan.  beau-frère 
de  Poggio.  VII.  I 

Cheval    9,  120.  211.  —  Parfait.  —    j 
Moyen  de  se  procurer,  290. — 
Qui  rue,  208  —  De  Cardinaux, 
280. 

Chevalier  xx.  —  Comment  traité, 
114.  —(Confession  d'un|,ll5. 

—  (.Aventures  d"un)  —  poda- 
gre. 220. 

Cheveux  Femme  qui  se  fait  raser, 
178.  —  Commenton  les  plante, 
274. 

Chien  81,  108.  —  Enterré  en  terre 
bénite,  52.  —  Nourri  de  chair 
humaine,  26.  —  De  chasse,  7, 
S.  —  Fantastique,  214- 

Chine    xitxv. 

Cnni.STINE   DE   PiSAN       XLVIIt. 

Chrysolohas     (Emmanuel).  Savant 

grec,  viii,  XIV,  i:.H. 
Chute   du    Rhin     Voir   SchafTouse. 


CiCKRO  Curé  do  Saint-Marc  ft  Flo- 
rence. —  (Question  indiscrète 
de),  1G1. 

GicÉRON    XVI,  XVII,  xvin,  3,  231. 

Cierge    extraordinaire,  257. 

CiNCio    de  Rome,  129,  141. 

ClNGOLI      53. 

CiRiACo    d'Ancône,  111. 

Clémence  Isaure    358. 

«  Clémentine  »    Loi,  248. 

Clercs    199. 

Cloches  Son  de  la,  242.  —  Voir 
Paris. 

Gluny    Ordre  de,  xvni. 

CocoLA    Simone.  102. 

Cocu    5,  7,  30,  186,  187,  220,  pasiim. 

Collège    de  Navarre  à  Paris,  lviii. 

Cologne  Aventure  de  l'archc- 
vêque  de,  268. 

Colombier  Où  la  femme  enferme 
son  mari,  20  —  Conte  de  La- 
fontaine,  21. 

Coi.ONNA  Cardinal  Prosper,  xxin, 
xxxviii.  —  Otto.  —  Voir  Mar- 
tin V. 

Combat  entre  des  pies  et  des  geais 
297. 

GÔME    215. 

Comines    (Philippe  de),  lix. 

Compagnon     maladroit,  226. 

Compliment  Singulier  d'un  amant 
à  sa  maîtresse,  230.  —  Voir 
Eloges. 

Co.mptes  Façon  singulière  de  ren- 
dre desi,  244. 

Concile  Voir  Bàle.  —  Constance 
Pise. 

Concubinage  de  Pogge    xxiv,  248 

Condom     Evêque  de,  126. 

CoNDOiMERO  (Gabriel).  — Voir  Eu- 
gène IV. 

Confesseur  241.  —  Libideneux, 
66.  _  Qui  subit  la  pénitence 
au  lieu  de  l'imposer,  152,  — 
Réponse  d'un  ...  à  propos 
d'une  femme,  155.  —  Dans 
l'embarras,  161.  —  Qui  a  re  - 
m^de  centre  la  stérilité  des 
femmes,  183.  —  Qui  réclame 
la  dimo  d'amour  .,  comment 
l)uni,    Ut9.   —    Et    celui   qui    a 


462 


IINDEX 


écrit  sa  confession,  2'25.  — 
Qui  courtise  une  femme  ma- 
riée, ^^m. 
Confession  d'un  berger,  98.  — 
D'un  paysan,  99.  —  D'un 
homme  dont  la  femme  était 
bavarde.  115.  —  D'une  jolie 
veuve,  151.  —  Employée  pour 
séduire  les  femmes,  185.  — 
Écrite  d'un  Milanais,  225.  — 
D'un  marchand,  258.  —  Puni- 
tion d'une  ...  incomplète, 281. 
—  Franche,  295. .  —  D'un 
Toscan,  295. 

GONKISEURS       XX. 

Conseils  Bons  ...  en  guise  de  sa- 
laire et  ce  qui  en  advint, 
223.  —  Singuliers,  51,  58. 

gonsentins    .3. 

Consistoire  secret    2!J0. 

Conspiration  Voir  Pazzi. —  Poc- 
caro. 

Constance  xiii,  xiv,  xvii,  xix,  xx, 
XXI,  10,  43,  129,  237,  353, 
356. 

constantinopi.b,  254. 

Coq    107. 

Cordonniers    xx. 

Corneille    (Pierre),  xlviii. 

Consultation     par  l'urine,  252. 

CoNTi  Cardinal  de  ...  comment 
éventé,  176.  —  ,\lto  de  ...  ro- 
inoutrance  à  un  cardinal  et 
réplique,  177. 

CoNTi  (Nicolas),  voyageur  véni- 
tien, xxxv. 

Gorhe.vux     127.  V.  Abbé 

Cordelieks  Voir  Frères  .Mineurs 
ou  Minimes. 

GoKi's  Chaleur  du,  249  —  de  l'Etat 
(pet  sorti  du),  22H. 

Couches  Propos  d'une  femme  en, 
230. 

Cour  ub  Romb    103.  Voir  Curie. 

Courtisane  xx. —  de  Rome,  4Î.  — 
aux  bains,  3fi4.  —  recueille  le 
corps  de  folle  —  bon  mot,  201. 
—  Visconti.  20.  —  maltraitée 
par  un  barbier,  150.  —  Usage 
des,  65. 

Coussins    Usage  des,  (15. 


Couture  qui  ne  mérite  point  sa- 
laire, 264. 

Créanciers  Comment  les  payer, 
253. 

Crieurs  publics    XX. 

Crucifix    mort  ou  vivant,  24. 

Cuisinier  du  duc  de  Milan,  ses 
bons  mots,  '26,  27,  28.  —  vient 
se  perfectionner  en  FraneOj 
26.  —  demande  qu'on  fasse  de 
lui  un  âno,  28.  —  vénitien, 
205. 

Cul    232,  —  rasé,  255. 

Culottes     de    saint   Frantois,   285. 

—  de  saint  Gritfon,  286.  —  de 
saint  Raymond  de  Penafort, 
286.  —  dernières  reliques,  282. 

Culte    de  Vénus,  2!(1. 
Curé    qui   reçoit   d'un   mari  le  se- 
cond portuis  do  sa  femme,  14. 

—  qui  ignore  la  date  du  di- 
manche des  Rameaux,  23.  — 
enterré  vif,  26.  —  indiscret, 
161.  —  mieux  monté  que  ses 
paroissiens,  224,  —  et  confes- 
seur-dîme. 

GuRiB    40,  42,  97,  105,  129,  247,  303. 

—  Voir  Chancellerie  pontifi- 
cale. 

•  Cyropédie  »    Traduite  par  Pog- 

giO,    XXXVI,    XLII. 


D 


Daccono    Voir  Ardinghelli. 

Dalmatie    49. 

DANAé    360. 

Dante  Alighieri  Bons  mots,  79,  80. 
—  Plaisanterie,  159. 

Dante    secrétaire  de  la  Curie,  181 

Débauche    102,  395. 

Débiteur     253. 

Dego     157. 

Démon  sous  la  forme  d'une  femme, 
139.  —  Qiù  fait  voir  un  trésor 
en  rôvc,  169.  —  Moyen  qu'il 
donne  ])Oii)-  s'assurer  ilola  fidé- 
lité des  femmes,  174.  —  Qui  a 
mangé  un  cardinal,  270. 

DÉMO.STIIÈNE      231. 


INDEX 


463 


Dbstinéb    humaine,  ix, 

Dbttb  fantaisiste,  '216.  —  Manière 
de  les  payer,  211,  '212. 

Devin    Comment  on  le  devient,  212. 

Devoirs    conjugaïuc,  GO. 

Dévots    2'21. 

Di.iBLE    Voir  Démon. 

Diagnostic  des  maladies  par  un  mé- 
decin ignorant,  142.  —  Par  un 
élève,  143. 

DiAM.iNTS  trouvés  dans  un  chiffon, 
13. 

Dieu  Ce  qui  lui  est  le  plus  agréable, 
266. 

Dieu    vous  bénisse!  94. 

Dijon    64.  —  Gérard  de,  64. 

Diligence  Plaidoyer  de  cette  vertu. 
11. 

Dimanche    des  Bameaux,  23. 

Dïmb  d'amour  réclamée  par  un  con- 
fesseur, 199.  —  D'autre  chose 
payée  par  un  mari,  200. 

Diodobe  de  Sicile,    xxxvi. 

Dire    et  faire,  266. 

Discours  do  la  paresse  et  de  la  di 
ligence,  11.  —  Fastidieux  d'un 
podestat,  19. 

Dispute    de  femmes.  105, 

Discussion    héraldique,  259. 

Docteur  Bons  mots  d'un,  124, 273. 
Qui  croyait  que  les  oiseaux 
comprenaient  le  latin.  228. 

Doigt    Malade,  par  quoi  guéri,  245. 

Dovizi     Bernardo.  Voir  Bibiena. 

Dragon    mis  bas  par  une  vache,  47. 

Dreux  du  Radier    auteur  cité,  lvi. 

Droits    du  mariage,  18. 

Duc    Voir  Milan. 

Duel    251. 

Durand    (David),  liv. 

Durazzo  (Charles),  roi  de  Naples, 
137.  —  (Jeanne),  137.  —  (La- 
dislas),  137.  —  (Marguuerite), 


137 


E 


LÉ.SIA3TIQUES     Leur  défaut,  239. 
jRCB    Voir  Livre. 
Ecot     Payer  son,  129, 


Ecriture  Sainte,  189.  —  Texte  mal 
expliqué.  162. 

Eden    362. 

Effigie    Exposé  en,  75. 

Egoès     (Piorre  d"|,  IIS. 

Eglise  Ennemis  de  1'  162  — 
Etats  do  r.  171.  —  Insuffi- 
sance des  dignitaires  de  1'), 
149.  —  Offrande  à  l',  14. 

Egypte    xxxv. 

Egyptien  Parole  d'un  ...  qu'on  vou- 
lait convertir,  266. 

Eléphant    159. 

Eloge  Grand  ...  d'un  jeune  romain 
231. 

Emmanuel    roi  de   Portugal,  xxxv. 

Empereur  de  Constantinople.  — 
Justice  de  1',  255.  —  Voir 
Michel.  —  Sigismond,  44.  — 
Romains,  xlii. 

Empire  d'Orient,  vu,  xiv.  —  Ro- 
main, 111. 

Employés  de  la  chancellerie  pon- 
tificale, XXII,  xxiii 

Emprunt    233. 

Enfant  dévoré  par  un  autre,  219. 
Disputé,  195.  — Fabriqué  pour 
venger  son  père,  205.  —  Fils 
prêtre,    196.  —  Ivrogne,    101. 

—  Moyen  pour  en  avoir.  183. 
Né  au  bout  de  douze  mois, 
pourquoi,  160.  —  Précoce,  262. 

—  Des  vieillards,  390.  —  Com- 
ment un  Frère  fit  le  nez  à  un 

—  274. 

Engendrer    Instrument  pour  ...  & 

volonté  des  papes,  des  soldats, 

des  marchands,  '207. 
Enterrement    d  un    chien   par  un 

prêtre,  52. 
Eperons    portés  dans  la  poche,  206. 
Epicure    3b2. 

Epinoy     (Henry  de  1'),  xlv. 
Erasme    lix. 
Eroovie    Voir  Argovie. 
Ermite    .séducteur  de  femmos,  185. 
Espagne    xli,  3,  127,  189.  '243,  354. 

Cardinal  d',  34.  —  Evêquo,  267. 
Espii;Gi-ERiE    à  un  borgne,  59. 
E.STE    (Nicolas  d),  212.  —  Bosco  d  , 

duc  di!  Ferrare,  212. 


V 


461 


INDEX 


Etat    Pet  du  corps  de  1',  2  8. 

Etats    de  l'Eglise,  ix,  passim. 

Ethiopie    xxxv. 

Eugène  iv  pape,  xxiv,  xxv,  45,  46, 
111,  126,  213,  246,  262. 

KvANGiLB  Sermon  sur  1',  278  — 
Préceptes,  12. 

Eventail    176. 

Eventer  Singulier  moyen  d"  .. 
quelqu'un,  176. 

EvÊQUES  XX.  —  Allant  à  clioval,  17. 
—  Avisé.  38.  —  Repas  maigre 
d'un,  267.  —  Plaisant  pro- 
pos sur  des,  2.'^6.  —  Mitres 
des,  237.  —  Accepte  le  testa- 
ment d'un  chien,  52. 

Expédient    curieux,  25. 

Expérience  23'i.  —  Des  vieillards, 
386. 


Fabliau. \    l. 

•»  Facéties  »     xxiii,  xxvin,   xxxvii, 

XLIV,    XLIII. 

Fa  EN  z  A    38. 

Faim     153,  242. 

«  Faire    et  dire  ■»,  266. 

Fanfaronnade    226 

Fanons  de  la  mitre  des  évéqnes 
(symbole),  2:10. 

Farce  Méchante  ...  d'un  barbier  à 
une  courtisane,  15. —  Jouée  à 
un  serviteur  naïf,  157. 

Faste    des  cardinaux,  280. 

Faucon    fauconnerie.  7,  8. 

Faveurs  accordées  aux  fous,  aux 
imbéciles,  aux  sots,  1011. 

Febiudacci  (  Angeio  do),  évAquo 
d'Areïzo,  38 

FécoNDiTé  rJ8.  Talisman  contre 
la,  261.  —  Par  les  bains  de 
Bade,  ,363. 

Félix  v    antipape,  xxxvi. 

Femme  Adultère.  5,  14,  20,  64,  70, 
90,  9.',  113.  —  Agée  doit-elle 
épouser  un  vieillard?  379.  — 
Aux  bains,  .357.  —  Havardo,  115. 
—  Battue  par  son  mari,  154. — 
Chung/îo    en     homme,    140.  — 


Comment  s'assurer  de  leur 
fidélité,  174.  —  Comment  un 
jaloux  éprouve  la  vertu  do  sa 
152,  174,  277.  —  Courtisée  par 
un  frère  Mineur,  2SC.  —  Con- 
Iraiiantc,  85  —  Dont  le  mari 
fait  l'éloge,  233.  —  Dont  un 
moine  abusa  par  ruse.  245.  — 
Ce  qu'une  .  . .  prit  pour  un 
compliment,  230.  —  En  cou- 
ches, 280.  —  Qui  accouche  au 
bout  de  douze  mois,  100. — 
Entretenue,  pourquoi,  91.  — 
Honnêtes  de  Venise,  42.  —  De 
Gaëte,  5.  ~  Hystérique,  41.  — 
Impudique  (Voir  Reine).  — 
Jeune  doit -elle  épouser  un 
vieillard.  —  Par  trop  naïve, 
154  —  Eloignée  de  son  époux, 
pourquoi?  250,  — Noyée,   Si, 

—  Qui  faisait  des  pots.  264.  — 
Jouéo  par  un  vieux  mari,  284. 

—  Légère,  181.  —  Malade  be- 
sognAe  par  son  mari,  146,  147. 

—  A...  singulier  remède,   201. 

—  Spirituelle,  60,  — Mariée  et 
son  amant,  230.  —  Obstinée, 
82.  —  De  paysans  et  do  pro- 
priétaires (quand  besongnées). 
191,  —  Piquante  réponse  d'une 

—  67.  —  Pourquoi  toujours  prê- 
tes, 67.  —  Qui  a  besoin  d'un 
mari,  146.  —  Qui  a  deux  per- 
tuis,  14.  —  Qui  ignore  le  mé- 
tier d'amour,  194.  —  Comment 
l'apprend,  195.  —  Qui  découvre 
son  cul  on  se  couvrant  la  tète, 
178.  —  Qui  se  dispute,  105.  — 
Qui  fait  faire  le  nez  à  son  en- 
fant, 274.  —  Qui  n'a  jamais  fait 
de  pet,  233.  —  Qui  pète  en  dor- 
mant, 233.  —  Que  son  mari 
gronde  et  eu  qui  il  a  confiance, 
181.  —  A  qui  son  mari  fait 
faire  une  riche  toilotle,  167.— 
Qui  paye  la  dîme  d'amour  à 
son  confesseur,  1!lO.  —  Qui  a 
peur  d'un  bel  outil,  88.  —Qui 
pleure  son  âne,  281.  —  Qui  se 
fait  rosser,  150.  —  Qui  reçoit 
des  lettres  de  «on  mari  adres- 


INDEX 


4()5 


sèes  à  d'autres.  179.  —  Ré- 
ponse à  un  amoureux,  303.  — 
.■\  un  confesseur,  m.  —  Qui 
surprend  son  mari,  273.  —  Qui 
veut  jouer  à  un  singulier  jeu, 
220.  —  D'un  médecin  violée. 
201.  —  D'un  savetier  et  son  ap- 
prenti,264.  —  D'un  tailleurvio- 
léo,  202.  —  Séduite  par  son 
confesseur.  ISô.  —  Stérile  mal- 
gréelle,  27)  — Répudiée,  271- 
—  Demande  remède  à  son  con- 
fesseur, 183.  —  Conduites  exa- 
minées par  un  prédicaleuri 
1G7.  —  Et  le  testament  d'un 
vieillard,  180.  —  Filles  publi- 
ques, X.  42,  291.  —  Veuve  qui 
veut  se  remarier,  259.  —  Co 
qui  lui  faut,  2G0.  —  Voir  Dé- 
mon. 
Fermo  Cardinal  do,  xlii. 
Fernandez  (Valentini,  xsxv. 
Férocité     d'un  jeune  gari;on    (Voir 

Anthropophage). 
Ferr.\re    42,  48,  49,  50,  173,  228. 
Fesses    fô,  223. 
Festik    Voir  Repas. 
FÊTE    des  S.~S,  Pierre  et   Paul,  12!i. 

—  De  village,  55. 
Fiancé    fanfaron,  226.  —  Comment 
reprendre    ce    qu'il   a   donné, 
202.  —  Trop  pressé,  201. 
FiÈTRE    Comment    guérie,    146.    — 

D'ivrogne,  175. 
FiGUNi    77. 

Fii.EFO     (Francesco)  ou  Philelphe, 

XXVI,  xxvii,  xxviii, XXIX, XXXIX, 

XLV,  Li,    70,  237,  238,    2'i7.    — 

Vision  de  ...  173. 

FiLEUSE     qui  ne  peut  cesser  de  filer- 

130. 
Fille  (jeune)  aux  bains,  357  et  sui- 
vantes. —  Doit-elle  épouser 
un  vieillard,  387.  —  Devenue 
grosse,  43.  —  De  joio,  publi- 
que, 222,  238.  Voir  Femmes. 
1  —  Na'ive,  203, 204.  —  Prolifère, 

198. 
Fils    Passepar  où  son  père  a  passé, 
187.  —  Do   prêtre,   2i7.  —  De 
prince,  143. 


Fiorentino    315. 
Flagrant    délit,  273. 
Fleurs    Prix  dos  ...  pendant  le  Con- 
cile de  Constance,  xx. 
Flora    Déesse,  358. 
Florai.es    (jeux).  358. 
Floraux    (jeux),  38. 
Florence    v,   vi,  vin,    ix,  xi,   xri, 
XXIV,  XXV,  XXVI,  XXIX,  xxxiir, 
xxxvii,    xxxviii,    xxxix,    xl, 
xli,  xlii,  lviii,  7,   19,  26,  31, 
42,  59,  08,  73,  74,  75,  79,   80, 
110,   114,    115,    116,    118,    133, 
137,   150,    151,    158,    150,    161, 
162,  104,  172,  185,187,  189,201, 
202,  211,  212,  213,  216,  220,  230, 
232,   235,    242,    244,   262,  270, 
276,  278,  298,  299,  302,  303,  304, 
346,  .367,  374.  —  Bibliothèque 
Laurentienne,  372. 
Florio     (Francesco),  lviii. 
Folie    303.  —  De  la  chasse,  7,  9.— 
Des  femmes,   41.  —  Des  gens 
d'Avignon,    303.  —   D'Harpa- 
gon, 10.  —  De  princes,  9  Voir 
Fou. 
FoLiGNY    (Nicolas de) .  'Voir  Nicolas. 
Forgerons    xx. 

Formules    toutes  faitesfroutine)  136. 

Fortune    mal  administrée,  244.  — 

Ne  fait  pas  le  bonheur,  54.  — 

Vicissitude  de  la  ..    dialogue, 

XXXV. 

Fou    couché  avec   un  archevêque, 

268.  —  Manière  de  les  guérir. 

Obtiennent  les  faveurs,  109.—^ 

Réflexion  d'un. ..sur  la  chasse, 8. 

Foulon    Aventure  d'un  ...  anglais, 

293. 
Franc-p.arler,  45. 
France    Français,  v,  vi,  xviii,  xxix, 
xxxii,  XXXIII,  XLI,  LUI,  73,  74, 
86,  -2.38,  251.  —  Roi  (de),  280. 
—  On  y  connait  les  Facéties 
3,  127.  —  Le  cuisinier  du  duc 
de   Milan,    vient    s'y   perfec- 
tionner, 26.  —  Ambassadeurs 
de  Florence  en  ...  164.  —  No- 
blesse de  ...  XXXII. 
Francesco    Docteuret  ambassadeur 
de  Flon  nce,  13S. 


406 


ÎNDKX 


FEANCFOivr    239. 
Fra.nchise    dus  Toscans,  29.'). 
Fi'.vNçois  i°'    roi  de  France,    xi.vii. 
Fhaxçois  VII    duc  de   Padoue,  18J. 
Frédéric  it    empereur,  170,  '^O^. 
Frkres     .M;no  irs,  44,  188,  189,  22,"). 
Froid    17s.  —  Remède  contre  le  ... 

248. 
Fusco     (Angelûtto),  évêquedeCava 

45. 


G 


Qaete    4. 

Gaguin    savant,  xi.vii. 

Galeazzo    général  milanais,  x, 

Gambacorta     (Pietro),  222. 

Ganelom     Voir  Eden. 

Garçon    Voir  Antropophage. 

Gargantua    30. 

Garonne    (la),  220. 

Gascon    Paresseux  et  spirituel,  10, 

226,  242. 
Gaule    239,  297,  350. 
Gassicourt    (de).  Voir  Cadet. 
Gazzolv    historien,  79. 
Geais    297. 

Géant    fantastique,  214- 
GÈNES    73,  179. 
Genève    xxi. 

GÉNOIS     Fanfarons,    251,   —   Meur- 
triers,   254.  —  Où   ils   ont  la 
barbe,    255.  —   Pourquoi    ils 
ont  des  enfants  robustes,  297. 
Gens    les  mieux  montés,  201. 
Gentilhomme    français,  251.  —  Ré- 
partie d'un,  278. 
Georges     (de  Trébizonde),  xxxvi. 
GÉRio    Carlo,  302. 
Germanie    340,  350. 
Gesner    Conrad,  340. 
Ge.ste    expressif,  298. 
Gevanco     (Squercia),  piqueur  du  duc 

de  Milan,  20. 
GiANNiNO    cuisinier.  Ses  forces,  205. 
GiANOZZo     Voir  Jeannoto. 
Gibelins    79,  193.   —  Leurs   chairs 
vendues   cliez    les    boucliers, 
193. 

GiNOUENÉ      V.   VI. 


Giovanni     (Pietto),   de  Sienne,  106. 

Girard    (de  Dijon),  04. 

»  Gladiateurs    de    la    République 

des  Lettres  »,  v,  xxxi,  xxxix, 

XLii.  Voir  Nisard. 
Gonella  bouffon,  21!. 
Grâce    de  Dieu.  —  Ce  qu'une  femme 

entendait  par  la,  5. 
Graisse     humaine.  —  Onguent    de, 

240, 
Grande    Voir  Cane. 
Grèce    Grecs,  xxii,   xxxvi,  238-  — 

Cardinal,   240,  —  Meurtriers, 

25  i. 
Grècourt    lv. 

Grégoire  xii    pape,  xii,  71,  74,  102. 
Grenier    de   Saint-Martin    (Henri), 

aquafortiste,  lvi. 
Gros    (gens),  42. 
GuARiNo    le  Veronnais,  vu,  xvi. 
GuBMo    277. 
Guelfes    79,  193. 
Guerre    32,  68,  171.  —  Jeu  de  (laj 

221. 
Guerriers    79. 

Guillaume    d'Autriche,  137.  —  Ar- 
chevêque de  Tours,  Lviii. 
GuNDELFiNGEN    (Henri  de),  abbé  de 

Saint-Gall,  xvii. 


H 


Habsbomrg    (Comtes  de),  340. 
H.VNs    Carvel.  Voir  Anneau. 
Harangue    Singulière,  162.  —  En- 
nuyeuse, 104. 
«  Heautontimoromenos  »    361. 
Hébreux    Langue    hébraïque,  viii. 
«  Hector  »     Récit   de  la  mort,  112. 
Héliogabale    355. 
Henri  iv    roi  de   France,  XLVii. 

—    Comte  de  Bade,  339. 
HÉRAi.niQUE    251. 
Hérauts    d'armes,  XX. 

HÉRÉSIE      XIV. 

Hermann    comte  de   Kibourg,  333. 

Hermonyme    lix. 

Heure    (1')  du  salut.  Voir  Salut. 

Hespina    de  Pôrouse,  101. 

«  Histoires    convivales  »,  xxxvm. 


INDEX 


467 


llisTKioN  qui  devait  s'euvoler,  71. 
Voir  Charlatan. 

HoLi.ARD    (Winceslasl, graveur.  131. 

Hommes  Pourquoi  sollicitent  les 
femmes  ot  non  les  femmes  les 
hommes.  07.  —  Ne  sont  pas 
également  mon  tés,  224.  —  Naïf, 
16S.  —  .\us  bains,  37r)  et  sui- 
vantes. —  Agé  ne  convient  pas 
à  une  veuve,  269.  —  Eunuque, 
2ÙQ.   Voir  Outil. 

Hongrie    Superstition  en,  l'^9,  190. 

HoNORiE     (Charles  de),  23.5. 

HoNNEi-R    Jo  porter  J.-C,  249. 

HopiTii.  Manière  de  débarrasser 
un,  239. 

Hostie  Rendue  par  un  mortdamni^, 
281. 

Hôtelleries    357.  Voir  Cabarets. 

Hugo    (de  Sienne),  médecin,  48. 

HuiLL.\RD-    Bréholles,  cité,  170. 

Humanistes    vu,  viii,    xviii,    xxii, 

XXIII,  XXXIV,  XXXVI,  XLIII.XLV. 

Hus    i-Jean).    —   Supplice   de,   xiv. 
Hypocrisie    xxiv,   185.  —  Dialogue 

sur  r.  xxxvi. 
Hystérie    41. 


I 


Ignorance  Pris  pour  terme  hono- 
rifique, !34.  —  Des  gens  d'E- 
glise. 149.  —  Des  gens  en 
place.  40, —  Du  metierd'amour, 
154,  195. 

Ignorant    80.  —  Docteur  en  droit, 

135.  —  Juge,  144.  —  Légat,  125, 
Médecin,  142,  140.  —  Notaire, 

136.  —  Prieur  do  Florence.  133. 
Qui  confond  les  savants,  202. 
Obtiennent  des  emplois,  150. 

Illetré    voulant  être    archiprètre, 

149. 
Illusion     Voir  Magie. 
Imbécile    Batelier.  224.  —  Fameux, 

95.  —   Faneurs   ot  honneurs, 

45,  47,  150.  —  On  en   fait  un 
^  cardinal,    127.    —    Serviteur. 

*  157.  —  Veut  parcourir  le  monde 

pour  se  faire  connaître,    158. 

—  D'âge  mùr,  803.  Voir  Mari. 


Im.mo:<alitiî    x.\iv. 

Importun  Réponse  du  Dante  à  (un) 
159. 

Imola    212. 

Ince.ste     187. 

Inconvenance  d'un  pnïdicateur, 
161. 

Indécence    d'une  femme,  178. 

Indes    xxxv. 

Indiscrétion  d'un  curé,  Itil.  —  Pu- 
nie, 180. 

Infamie    Marqué  (d'),  255. 

Ingénuité    d'une  fille.  202. 

Iniq'ité    d'un  seigneur.  5V 

In-iustice    du  sort,  40. 

Innocent  vu    pape,  xi,  xii,  xxii. 

Inscription  singulière  sur  un  vê- 
tement, 238" 

Intelligence    précoce,  202. 

Intérêt    40. 

Intrigue    40. 

B  Invectives    (les)  ))dePogge,xxvii, 

XXVIII,    XXXIX. 

Irlandais    200.  —  Capitaine  de  na- 
vire, 257. 
Italie    lx.  3,  32,  74,  111,  171,  2(J6. 
Ivrognerie,     101. 


Jactance    220. 

Jalousie  inconnue  aux  bains  de 
Bade,  365.  —  Préservatif  con- 
tre la  ...  174.  —  De  F.  Filelfo, 
173. 

Jaloux  Comment  éprouva  la  vertu 
de  sa  femme,  277. 

Jambe    malade,  KiS. 

Jansénistes    Mortification  des,  222. 

Jannoto  vicomte  (ou  Ciamozza^gou- 
verneur  d<?  Viceucc,  ses  bour- 
des, 29.  Voir  Braqmardo. 

Jaquin     lix. 

Jean  Breton,  copiste  de  Poggio, 
ses  récits,  128. 

Jean     Hus.  Voir  Hus 

Jean  xxiii    pape,  ix,  xiii,  xiv,  337. 

Jean  Modèle  de  sagesse,  calomnié. 
235. 

Jean     df>  Ravonno.  vu. 


4t)0 


INDEX 


Jëannk  de  Naples,  maîtresse  de 
Bou  maître  d'hôtel,  137.  —  Sin- 
gulière proposition  d'un  am- 
bassadeur à  ...  138. 

Jêhomb    do  Prague,  xiv,  xv, 

JÉRÔME  de  Sainte-Foi,  Juif  con- 
verti, 349,  3.53,  354. 

Jérusaxem    Patriarche  (de).  36. 

Jësi    'il7. 

Jésus-Christ    231,  249,  302,  354. 

Jeu  Absorbe  les  patrimoines,  19. 
—  De  la  guerre  et  de  la  paix, 
281.  —  Divers  aux  bains  de 
Bade,  3G2.  —  Puni,  100. 

Jeux    floraux,  358. 

Jeux    de  Flore,  358. 

Jeune    Anecdotes    sur  lo,  23,  223. 

Jongleurs    Voir  Bouffon. 

Joueur    puni,  100. 

JovE    Paul,  xLvi. 

Jubilé    de  lijO,  xxxvii. 

Juge  Expédient  (d'un),  144-  —  Igno- 
rant, 247. 

Juif  Converti,  353.  —  Converti  par 
persuasion,  12.  —  Espaguol, 
354. —  Mangé  par  uu  Floren- 
tin, 172.  "Voir  J  orôme  de  Sainle- 
Foi. 

Julien    (le  F'rére),  liv. 

JUI'ITER     300. 
JUVÉNAL      XLIX. 


Kbysertuhl,  350. 
KYBouurr    (comte  dei 


339, 


La  Bruyère,    xlvii. 

Lactancb,    xvu. 

Ladislas    (lo  roi),  17!.i. 

La  Fontaine    vi,  xxix,  li,  lv,  i.xm. 

La  Monnoye    (Bernard  de),  vi,  liv, 

LV. 

Lanciulino    VI. 
Langlet    du  Fresnoy,  liv 
Langues    xviii. 
Langues    méchantCR,  243. 


Lahierrk     Ll.S. 

La  Planche  (Bernard  dot,  bi^nA- 
dictin,  127. 

Larmes    de  femme?,  153. 

La  Roche    (Antonio  de),  45. 

Latin  Oiseaux  qui  comprenaient 
lo  ...  229. 

Latran    Voir  vSaiht-Jean  du 

Laubepin  fconito  de),  traducteur  de 
SLepherd,  xLii. 

Laurent    frère  Mineur,  274. 

Lavegni  (Francesco). —  Bons  mots 
(do),  256. 

La  Vigne    (Pierre  de),  170. 

Lazz.\relli  da  Oublie,  «  La  Gic- 
cride  de,  182. 

Lebrun    poète,  lv. 

Legrand    d'Aussy,  l,  lu. 

Lenfant  (Jacques),  auteur  de  Fog 
giana,  xlii,  lv. 

Léon  x    pape,  xli. 

Leonardo  Bruni  d'Arozzo,  ou 
.•\rétino,  vu,  xi,  xii,  xiii,  xiv, 
XV,  xxiii,  xxxni,  354,  306. 

Létiié    Fleuve,  345. 

Lettres  Manière  do  les  corriger. 
30,  31.  —  Quiproquo  à  propos 
de,  179. 

«  Lettres  Hébraïques  »,  Voir  Jé- 
rôme de  Sainto-Foix. 

LiRERTÉ  de  l'amour,  44.  —  Au  Con- 
cile de  Constance. 

Libertins    aux  bains  de  Bade,  303. 

Ligues    Suisses  (les),  339. 

Limmat    Rivière,  338. 

Limoges,    74. 

Liseux     (Isidore),  éditeur,  xlii. 

LiTA    d'Imola,  2-12. 

Littérature  Le  mariage  ne  dé- 
tourne pas  de  la,  383. 

LlVOURNE     xxiv. 

Livres    Vieux,  xviii,.  —  Ecrit  aur 

écorce,  xvii. 
LoDi     EvCquo  de,  237. 
Loire    Fleuve,  129. 
Loix     Clémentine,  248.  —  NoviUe, 

248. 

LOMDARDIE      IX,  217. 

LoRENZO     Prêtre  romain,  45. 
Louis  xi    lviii,  ux. 
Louis  xiii    xlviii. 


INDEX 


469 


Louis  XIV    xi.viii. 

Ia'CIBN      XL. 

Lucii.u's    3. 

liUECHB  Bains  près  de  Sion,  347, 
348. 

I.PNA    (Pierre),  pape.  1-27,  128. 

Lvpi  (Kverardo).  secrétaire  aposto- 
lique, comment  éventa  un  car- 
dinal. 176. 

I.L-PO     (le  moinel.  217. 

I.usco  (.\Dtonioi.  Bons  mots,  2il, 
;il,  111,  120,  13.5,  137.  l'il,  14!l. 

Luther    l,  lix. 

Luxure  222,  223.  —  Comment  on 
l'enseigne.  65.  —  Sermon  sur 

la,  er». 

Lyon    liv. 


.M 


Macaulay     xi.ix. 

Macerata     104. 

-Machiavel    367. 

-Maestro    Comte  del.  vu. 

Magie  simulée,  1S4.  Voir  Sorcel- 
lerie. 

Magistrats  préposés  aux  mœurs, 
150. 

Magistrature  Ce  qu'elle  coûte 
119. 

-Mai  Pourquoi  c'est  le  mois  où  les 
paysans  besognent  le  plus, 
160. 

Maigre  Comment  un  évéque  fit  .. 
267. 

Malabar    xxxv. 

.Malade  Traitement  des,  252.  — 
Moyen  de  les  faire  finir.  240. 
Qui  a  mangé  un  âne,  143.  — 
Voir  Femme. 

Maladies  des  yeux.  Comment  gué- 
ries, 189.  —  Soignées  aux  bains 
de  Bade,  344. 

-Malatesta     (Carlol,  392. 

-Malatesta     (Galeotto*,  392. 

»  M.ALHEUR  de  la  destinée  humai- 
ne ».  Dialogue  sur,  xl. 

-  .Malheur    des  Princes  »,  xxxv. 

Malpaghino     (Giovannii.  vu. 

Malversations    d'un  tuteur:  244. 


Mancini    77. 

Manecti     (Bernard;.  Bons  mois.  6S. 

Manger    244. 

Mantoue    XXI. 

Manuscrits  Recherche  d'anciens. 
XVI,  XVII,  337.  'Voir  Livre. 

MAguEREAi-     Notaire  devenu.  238. 

Maquignon    211. 

Marchands  xx.  —  Engendré  à  vo- 
lonté. 207.  —  Qui  fait  l'éloge 
de  sa  femme,  233.  —  Pour- 
quoi. —  Dont  la  femme  n'aja- 
mais  fait  de  pets,  233. 

Marché    singulier,  96. 

Marco     Polo.  xxxv. 

Marcus    Tullius,  ;»3,  391. 

Maresmaur  (Landolphe  dei.  cardi- 
nal, 239. 

Mari  Qui  donne  à  l'Eglise  le  se- 
cond pertuis  de  sa  femme,  14. 

—  Enfermé  par  sa  femme  dans 
un  colombier.  —  Qui  guérit  sa 
femme,  41.  —  Qui  demande 
pardon  à  sa  femme,  60.  — 
Lascifs,  qui  mettent  des  cous- 
sins sous  les  fesses  de  leurs 
femmes.  65.  —  Que  sa  femme 
appelle  pouilleux,  82.  —  Pour- 
quoi il  entretient  sa  femme,  91. 

—  Qui  paie  et  est  content,  90. 

—  En  vendetla,  106.  —  Trompé 
qui  jure  n'avoir  rien  vu,   113. 

—  Nécessaire  à  une  femme, 
146.  —  Qui  besogne  et  guérit 
sa  femme  malade.  146,  147. — 
Qui  fait  le  mort  pour  éprouver 
sa  femme,  152.  —  Qui  bat  sa 
femme;  pourquoi,  154. —  Dont 
la  femme  accouche  au  bout  de 
douze  mois;  pourquoi,  160. — 
Questions  d'un  prédicateur  sur 
la  conduite  des  maris  de  sa 
paroisse,  161.  — Qui  avait  fait 
faire  à  sa  femme  une  riche 
toilette.  167.  —  Jaloux;  moyen 
de  s'assurer  de  la  fidélité  de 
sa  femme.  174.  —  Qui  se  trompe 
d'adresse  en  envoyant  ses  let- 
tres, 189.  —  Qui  complète  le 
paiement  de  la  dîme  de  sa 
femme    au    curé,  199.  —  Cocu 

27 


470 


INDEX 


avant  la  lettre,    284.  —    Qui 
grondait  souvent   sa    femme, 
181.  —  Confiant  dans  la  parole 
de  sa  femme,  181.  —  Trompé, 
181.  —  Puni  de    sa   raillerie, 
180.  —  Dont  la  femme  est  vio- 
lée et  qui  viole  la  femme  du 
coupable,  201.  —  Ruse  d'un... 
pour    surprendre   sa    femme, 
220.   —   Qui  besogne  double, 
231. — Qui    fait  l'éloge  de  sa 
femme,  23.3,  —  Qui  dit  que  sa 
femme  n'a  jamais  fait  un  pet, 
233.  —  Eloigné  de    sa   jeune 
femme  ;    pourquoi,     2ôO.    — 
D'une  jeune    mariée,   264.  — 
Vieux  qui  se  joue  de  sa  jeune 
femme,  284.  —  Trompé  par  un 
frère   mineur.  285.  —   Excla- 
mations   d'un    mari    trompé, 
293.  —  Qui  peut  satisfaire  sa 
femme,  298.  —  Qui    a    de    la 
difficulté.   299.    —    Doléances 
d'un ...  âgé,  300.  —  Philosophie 
des  ...  aux  bains  de  Bade,  3U5. 
Mariage    Traité  du  .,.  par  F.  Bar- 
bare, XVI.  —  Ce  qu'il  en  coûte, 
XIII. — Célébration,  18. —  Droits 
du...,  18. — Promesse  de  ...  rom- 
pue. Voir  fiancés.  — Des  vieil- 
lards, 371  et  suivantes.  —  De 
Poggio.  Voir  Poggio. 
Marie    Voir  Sainte  Vierge. 
Mariés     Ignorants   du    métier  d'a- 
mour,  195.  —  Nouveaux,  250. 
—  Qui  s'adonnent   trop  à  l'a- 
mour, 250. 
MiRiÉE    nouvelle.  Soupçons  d'une, 
202.  —  Naïveté  d'une,  204.  — 
Mal  conseilléeet  déçue  la  nuit 
de  ses  noces,  284.  —  Qui  fai- 
sait des  pets,  204. 

.M.^RIGNAN     32. 

Marmoutiers    Abbaye,  lviii. 
Marsilio     (Louis  de).  Augustin,  235. 
Martin  v    pape,  xxi,  xxii,  xxiv.  — 

Plaisanterie  de,  209. 
Martigues    les.    Naïveté   des  gens 
des,  25. 
ssjNi    (Pietro),  Florentin,  182. 
TTEO.sio    Bêtise  de.  134. 


M.YTRONE    Bon  mot  d'une.  90. 

Maujoint    Mal    joint.    Expression     u 
pittoresque.  —  Ce   qu'elle  dé- 
signe, 150. 

Maumont    Château,  74. 

MÉDECIN  110,  119,  141.  —  Qui  gué- 
rissait les  tous,  7;  les  ivro- 
gnes, 175.  —  Ignorantdiagnos- 
tique  d'après  les  urines,  150. 
—  Prescrit  un  remède  singu- 
lier à  une  femme,  201. — Plai- 
sant propos  d'un,  108.  —  Qui 
viole  une  malade,  201.  —  Dont 
la  femme  est  violée,  201.  —  Qui 
donne  des  remèdes  au  hasard, 
252.  —  Elève,  141.  Voir  Hugo. 

MÉDIATEUR    le.    Ce    ((ue  c'est,  200. 

Médicina     Podestat  de  Bologne,  14'i . 

Médicaments  168,  175.  Voir  Remè- 
des.—  Médecin. 

MÉDicis    Famille  de,  xxxviii. 

Médicis    (Gosme  de),.\xv,  xxvi,  xxvii, 

367,    371,   372,    373.—   (Jean), 

307. —  (Laurent),  xLi,  xxxiii, — 

—    (Etienne),   savant  du    Puy  en 

Velay,  Lviii. 

Mehus    l'abbé,  111. 

Melanchton    lix,  28 

Melon    232. 

Mémoire    défaut  do,  157. 

Menace  singulière  à  un  homme. 
205.  —  A  un  cheval,  206. 

Mendiant  Voir  Moines,  pauvres, 
bienheureux. 

Menente    Voir  Buondelmonte. 

Menetti     (Gionozzo),  xxiii. 

Mensonge    Voir  Bugiaie. 

Menteur    276.  —  Et  son  valet,  226. 

Mer    Monstre  de,  49. 

Mer    Rouge,  xxxv. 

Merard     de  Saint-Just,  lv. 

Meray    (Antony),  xix. 

Merde  Dîma  de  la,  200.  —  En  pi- 
lules, 213. 

MÈRE  Sollicitude  d'une  ...  contre 
les  ardeurs  de  nouveaux  ma- 
riés, 250. 

Messe  Cérémonies  delà  ...en  Hon- 
grie, 189.  —  Jugées  par  un 
Egyptien,  260. 

Messie     Voir  Jésus-Christ. 


l.NDKX 


471 


Meules  de  moulins.  Valeur  des, 
103. 

Meurtriers  Singulières  punitions 
de.  r.l. 

Michel  viii    Paléologue,  255. 

Milan  Milanais,  ix,  xxi.  7,  2G,  27, 
28.30.  31.68,  73,  111,  IM,  225, 
2'.'8,  250.  —  Archevêque  de, 
1)9.  —  .\rchiprètre  de,  li'.l. — 
Duc  de,  X,  149,  269.  —  Prince 
de.  155.  164.  Voir  Visconti. 

MiNACCio     Bons  mots  de,  57,  58. 

Mineurs    ou  Minimes    frères,    188. 

—  Culottes  d'un,  285.  —  Qui 
fait  le  nez  à  un  enfant,  274.  — 
Voir  Moines. 

Miracles     128.  129,  130,  278. 

«  Misère    Humaine    ».      Dialogue, 

XXIV.    Voir   Malheurs    de    la 

Destinée. 
Mitre    Symbole  de   la  ...  des   évè- 

ques.  236. 
Mœurs    Magistrats   préposés    aux, 

150. 
Moindre    le.  Expression,  191. 
.Moines    libidineux   et    la    pucelle, 

217.  —  Et  la  fille  de  joie,  222. 

—  Et  la  femme   mariée,  222. 

—  Qui  abusa  d'une  temme.  245, 

—  Qui  engrossa  une  abbesse, 
Aux  bains  de  Bade,  364.  — 
Immoralité  des,  xxiv.  —  Men- 
diants. 65,  245.  —  Prêcheurs, 
289.  —  Irlandais,  200. 

Moineaux    250. 
Moissonneurs    punis,  129. 
Montagnard    Prétexte  d'un  ...  pour 

refuser  une  fille,  198. 
MoNTAiGLON    (Anatole  de).   Savant, 

xlvi,  lxiv, 
MoNTEPULciANO     Voir   Barthélémy. 

MONTEVARCHIO       152. 

.MoNTFAUc.ON    Gibet  de,  35. 
MoNTLUc    I Biaise  de),  305. 
Montpellier 
Monstre    marin,  49. 

MORONI      111. 

Mort    M.Tri  qui  faille  ...  152.  —  Qui 

parle.  281. 
Mortification    singulière,  222,  223. 
Moulin     Voir  Meules. 


Moutons    fantastiques,  214. 
Mot    d'une  jeune  mariée,  250. 
Musique    aux  bains,  361. 


N 

Naïveté    168.  Voir  Femme,  Mariée. 

Naples  IX,  xxxvi,  xxxvii,  51,  98, 
102,  126,  137,  219,  239,  355. 
Voir  Jeanne  de. 

Narbonne    Concile  de,  126. 

Navarre    Voir  Collège  de. 

N.vviRE    En  péril,  Î57,  258. 

Nez  Moine  qui  fait  le  ...  à  un  en- 
fant, 274. 

Niccolo     (de  Foligni),  xxxvii. 

NiccoLo  Niccoli,  viii,  xii,  xv'.i, 
XXVI,  xxviii,  xxxii,  xxxiii,  346, 
353,  356,  373,  374,  375,  381,  384, 
391,  395,  396,  397,  398, 

Nicolas  v    pape,  xxxiii,xxxv,  xxxvi, 

XXXYIII. 

Nicolas    d'Anagni,  46. 
Nicolas     de  Trêves,  xviii. 
Nil    Cataractes  du,  356. 

NlSARD       V,  XXVII,  XXXI,   XSXIX,   XLII. 

NoBiLi     Prêtre  de  Vérone,  ignorant, 

149. 
«Noblesse»     Dialogue  sur  la,  xxxii. 
Noblesse    86,    87.    —   De    France 

xxxii,  XXXIII. 

Noce    Voir  Nuit. 

Noël    (F.-J.-M.),  éditeur  du  Pogge, 

LU. 

Notaire  Ignorant.  136.  —  Malhon- 
nête, 216.  —  Maquereau,  238. 

"  NovELLE  »     loi,  248. 

Nuit  Moj'en  de  se  préserver  du 
froid  pendant  la,  248.  —  De 
noce  perdue  pour  un  mari 
isrnorant  le  métier  d'amour 
194. 


o 


Oberlanu  Les  filles  de,  347. 

Occasion  La  prendre  aux  cheveux. 

284. 

Occident  Voir  Schisme 


472 


INDEX 


Oerejja.    24. 

Oies    Malades,  94.  —  A  vendre,  95. 

OisB.*;jx.    Qui   so  becquettent,    2j(). 

—  Qui  comprenaient  le  latin, 
2'29. 

Oiseleur    228. 

Oloron     Evoque  d'...,  12G. 

Ombrone    304. 

OmNEBUONO      VII. 

Onguent    de  graisse  l.umaine,  240. 
Opinion     Versatilité  des,  14ô. 
Or    trouvé  en  rêve,  169. 
Or\ison     funèbre   dans    laquelle   il 

n'est  pas  question   du  défunt, 

239. 
Ordre    de  Saint-Augustin,  281. 
Ordure.s     100. 
Orient    Voir  Empire. 
Orléan.s    (duc  d')  80. 
Ornement.s     sacerdotaux,  :^8. 
Ortana    (Francisco    de),    chevalier 

Napolitain,  sa  méprise,  179. 

OsTIE      XXIV. 

OrBLiEUX    singulier,  157. 

O.Tii,     à  fabriquor  les  hommes,  2t)0. 

—  Le  bel  81 


Pacificateur     le.  Ce  que  c'est,  200. 

Padoue    48,  185. 

Pagani.sme     de      la      Renaissance, 

XXXIV. 

Paillardise  Pourquoi  une  femme 
y  renonce,  124. 

Pains    Miracle  des.    Voir   Miracle. 

Paix  Défense  d'en  parler,  08.  — 
Manière  de  la  faire,  221.  — 
Baiser  de  ...  221.  —  Jeu  do 
la  ...  221.  —  Du  ménage,  200. 

Palai.s  apostolique,  109,  237.  Voir 
Curie. 

Palefrenier    4."). 

Paléologue     Voir  Michel. 

Palestine    xxxv. 

Palium     Cavalier  à,  17. 

Panaris     Remède  contre,  245. 

Paolo    prédicateur,  0,5. 

Papes  ix,  40,  M,  74,  213,  232.  Voir 
Alexandre  V,  Benoît  XIII,  Ho- 


niface  IX,  Eugène  V,  Gré- 
goire XII,  Innocent  Vil,  Jean 
XXIII,  Martin  V,   Nicolas  V.      I 

—  Guerres  des  ...  contre  les 
ennemis,  34.  —  Contre  les  flo- 
rentins, 102.  —  Contre  Frédé- 
ric II,  171.  —  Et  les  Huma- 
nistes VIII.  —  D'Avignon,  ix. 
74,  280.  —  Souhait  d'être  ... 
232.  —  Fabriquant  de,  208. 

Parentucelli  (Thomas).  Voir  Ni- 
colas  V,  XXIII,  XXXIII. 

Paresse     Plaidoyer  de  la.  11. 
Pari     d'un  dîner,  233. 
Paris,    lix,  36.  —  Bibliothèque  Na- 
tionale, 371.    Voir  Collège  de 

Navarre. 
Parler    mal,  244. 
Pas    glissant,  15,î. 
Pasquino     de  Sienne,  228. 
Passeur    Mésaventure  d'un,  223. — 

Curiosité  de  sa  femme,  224. 
Pastor    (Louis),  historien  despapes 

XIV,  xLV,  xxxviii,  cité  passim, 
Patriarche    (le)  d'Alexandrie.  Voir 

Cardinal. —  de  Jérusalem,  34. 
Paul    le  Bienheureux,  mendiant  de 

Pise,  aventure,  15. 
—        d»  Florence.  7. 
Pauvres     12.  —  Refus  de  sépulture 

aux,  2i.    —  Réponse   d'un    ... 

mal  vêtu  à  un  riche,   197. 
Pavie.     193. 
<•  Paysan     (lei  et  le  renard  »,  fable, 

209.  —  Réponse  d'un,  42,  190. 

—  Quand  travaillent  le  plus. 
191.  —  Ruse  d'un,  196.  —  Qui 
achetait  un  crucifix,  24. 

Pazzi    Conspiration  des,  xli. 

Pedianus     Arronius,  xvii. 

Peine     Voir  Châtiment. 

Pelletiers    xx. 

Pknitent    2'i1. 

PÉNITENCE  imposée  par  un  confes- 
seur, 225.  —  Imposée  et  subie 
par  le  confesseur,  ir)2. 

Pkra     (Gonstantinople),  254. 

Perdrix     baptisées  poissons,  207. 

PiiRE  Qui  fait  faire  ses  enfants 
pour  lo  venger,  205.  —  En  ri- 
valité avec  son  fils,  1H7. 


IND2X 


473 


l*KRi;<)L\       lliS. 

Pi5rouse  51,  9'2,  93,  101,  10'.,  162, 
lti4,  179,  196,  îiT. 

PERSB      XXXV. 

I'este  de  llfiO  à  Rome,  xxxvii.  — 
Talisman  contre,  2cSS. 

Pertui  Femme  qui  en  a  doux.  — 
Qui  ne  fut  pas  trouvé  la  nuit 
dos  noces,  lOi.  —  Comment  fut 
ouvert,  195.  —  Légué  par  tes- 
tament, 182. 

Pet  Ce  que  l'on  dit  quand  on  fait 
un  ...  135.  —  Fait  pour  éven- 
ter un  cardinal,  177.  —  Ré- 
ponse à  des  remontrances,  178. 
—  De  Gonella,  212.  —  Femme 
qui  n'a  jamais  fait  un,  2.j3.  — 
Pari  à  propos  de  ...  233  — 
Fait  en  dormant,  233.  —  Que 
faisait  unejeune  mariée,  pour- 
quoi, 204.  —  Que  font  les  bre- 
bis, pourquoi,  205,  —  Du  Corps 
de  l'Etat,  228. 

Pétrarque    vu,  xlvii. 

I'ktrili.o  agent  du  cardinal  de  Bari 
2'iO. 

PhileU'HE    Voir  Filelfo. 

Philippe    l'Espagnol,  190. 

Philosophie  des  baigneurs,  des 
habitants,  des  maris  aux  bain» 
de  Bade,  300. 

Picardie     Picard,  230. 

PicciNiNo    (Nicolo), condottiere, XXV, 

XLII. 

PiCENTiN    34,  47,  53,  192,  217,  290. 
Pies    Combat  de  ...  contre  des  geais, 
297. 

PlERO       78. 

Pierreries  trouvées  dans  un  chif- 
fon, 13. 

PlETRO      20. 

Pillage    en  partie  double,  193. 
l'iLt.LES     universelles,    117.  —  Qui 

font  retrouver  les   ânes,  117. 

—  De  merde,  213. 
Pindare    Larmessurlamortde,  111. 
PiSANs    255. 
PiSB     16,  89,  222,  235.  —Chaîne  d'or 

de  la  cathédrale,  171. 
Plaideurs    Singulière    décision    à 

l'égard,  144. 


Plaidoyer    pour  et  contre,  196. 
Pl\imbois    .\bbaye  de,  120. 
Plainte    d'une courtisanecontre  un 

barbier,  150. 
Plaisirs    Entrave    aux,    250.    Voir 

Amour.  Mariage. 
Planchette     percée,  à  quoi  elle  sert. 

218. 
Platon    xxxii,  359,  383. 
Plaute    xviii,  xlvii. 
Pline    3. 
PLOMmi':RE    340. 

Pluie    de  sang  en  Bretagne,  128. 
Pô    42. 

l'occARO    Romain  séditieux, xlv. 
Podestat    loquace  et  vaniteux,  19. 
PoDius    (saint),  évêque  de  Florence, 

VI. 

Poètes    79. 

PoGGio  247.  —  Sa  famille,  vu.  — 
Son  mariage,  xxix. —  Sa  femme 
XL,  XLi.  —  Sa  maîtresse,  xxxi. 
Ses  enfants,  xxxii,  xl,  289.  — 
(Pietro  Paolo),  xxxii,  xli.  — 
(Giovanni  Battista),  xli. —  (Ja- 
copo),  XL,  xli.  —  (Giovanni 
Francesco),  xli.  —  (Filipo), 
xLii.  —  (Lucrezzia),  xlii.  — 
Ses  quatorze  enfants  naturels, 

XLII. 

«  PoGGiANA  »    Ouvrage  de  Lenfant, 

LV. 

Poissons     Faits  avec  des   perdrix, 

268.  Voir  Miracle. 
Poitou,  129. 
Palaiuolo     Peintre,  xl. 

POLLA   StROZZA      VII. 

Ponce-Pilate    19. 

Porc  51.  —  Usage  quand  on  tuo 
un,  192.  —  Volé,  192. 

PoRRi  Domina  Maîtresse  do  Bar- 
nabe Visconti,  73. 

Portrait  De  Saint-François,  188. 
—  De  Poggio,  XL. 

Portugal    xxxv. 

Pouilleux    82. 

Poules    209. 

Pourpoint  Trop  étroit  ou  trop 
large,  32. 

Pouzzole    Bains  de,  355. 

Prague     Voir  Jérôme. 

27 


-474 


I.NDEX 


PRÉCA.UTIOX  Contre  les  voleurs, 
247. 

Percepteur    Malhonnête,  24i. 

Prédicateur  Avisé,  56,  278.  — 
Braillard,  282.  —  Inconsé- 
quent, 64.  —  Indiscret,  161, 
204.  —  Répartie  faite  à  uu, 
249.  —  Voir  Appartements. 

Prémontri^.s     (Ordre  des),  126. 

Prkt  Fait  par  un  ma;chand  à  son 
seigneur,  233. 

Prêtre  xx.  —  Rusé,  36.  —  Igno- 
i-ant,  23.  —  Adultère,  293.  — 
Aux  bains  de  Bade,  348,  365. 
Parole  d'un,  278.  —  Erreur 
d'un,  278.  —  Sermon  d'un, 
278.  —  Qui  se  joue  d'un  la'ic, 
292.  —  Qui  enterre  son  chien 
en  terre  sainte,  52.  —  Facétie 
d'un,  189.  —  Fils  de,  196, 
237.  —  Vêtements    des,    237. 

Pri.vpo  Pour  engendrer  à  volonté 
des  papes,  des  soldats  ou  des 
marchands,  207. 

Prieurs  des  Arts  Syndic  dos  cor- 
porations à  Florence,  xxxi. 

Prince  Fils  de —  muet  par  ordre, 
243.  —  «Malheur  des»,  xxxv. 

Priscien     xvii. 

Prisonnier    xxv.  —  Voir  Joueur. 

Procès    Jugé  sans  appel,  230. 

Prodiges    47,  48,  49,  213,  214. 

Propos  Plaisants  d'une  jeune 
femme  en  couches,  230. 

Propriétaire  Question  indiscrète 
d'un,  190. 

Protecteur  Le  meilleur  ...  des 
putains,  292. 

Provence    25,  230. 

Prudence    Voir  Sagesse. 

PucELLE  Aventure  avec  un  moine, 
217.  —  Urine  de,  146.  — 
Qu'il  vaut  mieux  coucher  avec 
....  qu'avec  femme  mariée, 
64. 

Pudeur    Relative,  xx. 

Puissance    .Sacerdotale,  261. 

Punition  D'un  fils  de  princo,  245. 
—  Voir  Châtiment. 

PuriLi-E    Et  tuteur,  244. 

Puritanis.me    En  littérature,  xLvi. 


PuY  LE    En   Velay,   lui,   lvii,  lix. 
Pyronisme    7. 


Q 


QuAiRE  Gantons     Les,  347. 
Querelle  DE  FEMMES    291. 
Question    indiscrète      D'un    curé, 
161.  —  Répétée  à  satiété,  249. 
Quêteur    Voir  Moine  mendiant. 

QUINTILIEN      XVII. 

Quiproquo    D'un  juge,  248. 


R 


Rabbin    354.  —  Voir  Juif. 

Rabelais    vi,  xxix,  xlvii,  li. 

Racine    xlviii. 

Railleur    Puni,  186. 

Rameaux    Voir  Dimanche. 

Ramucio    Giambta,  xxv. 

Randa  (Antonio  de),  frère  mineur, 
225. 

Raoul    Voir  Hobsbourg. 

Raser  Coutume  des  ecclésiasti- 
ques de  se,  247.  —  Voir  Bar- 
bier, Châtiment. 

Ratiner    Chroniqueur,  xviii. 

Ravenne    VII,  247. 

Rebouteur  Prix  de  ses  services  à 
une  jolie  fille,  119. 

Recanati    xlii. 

Recettes  Pourguérirlesmaladies, 
2.52. 

Réforme    La,  lix. 

Refus    De  sépulture,  26. 

Reine    Impudique.  243,  244. 

Reliques    Voir  Culottes. 

Remède  Contre  la  peste,  289.  — 
Donné  au  has;ird,  252. —  Contre 
la  folie  des  femmes,  41.  — 
Pour  les  maux  d'yeux,  189. 
—  Contre  les  panaris,  245. — 
Contre  le  froid,  248. 

Renaissance  La  va,  xxxv,  xxxvi, 
xxxviii. 

Renard     107,  209. 

«Renommée*     Le  triomphe  de  la, 

XI.II. 


INDEX 


475 


Renommée  Celui  qui  voulait  ache- 
ter Je  la,  158. 

RÉPARTIE  Spirituelle  d'un  enfant, 
262. 

Rep.\s  Bon.  96,243,249.  — De  noce, 
xm.  —  Donné  à  un  bavard, 
261.  —  Des  romains,  2.ï6.  — 
Dans  les  bains,  359.  —  Ecclé- 
siastique, 133.  —  Singulier, 
172.  —  Prix  d'un  service, 
194.  —  Voir  Souper. 

Réponse    A   un  colomniateur,  235. 

RÉPUBLigrE  DES  Lettres  Voir  Gla- 
diateurs. 

Reuclin    lix. 

RÊVE  De  F.  Filelfo,  xxix.  —  D'or 
et  ce  qu'il  en  advient,  109. 

Rhin    xix,  339,  340,  346,  356,  357. 

Ri.vRio    Cardinal,  xlii. 

RiBALDE    Devenue  mendiante,  123. 

Ricasoli     Voir  Fiebindacci. 

Ricci  (Rosso  de),  de  Florence, 
aventure.  114. 

Riche  Dévalisé,  53.  —  Bien  vêtu, 
197, 

Richesses     12. 

RiDOLFo  DE  Camerino     102,104,290. 

—  Voir  Varano. 
ristelhuber    xlii,  lvi. 
Riva     195. 

RoBERTS    (Bertrand),  126. 
RocHECHouART    (Louis  de),  évêque 

de  Saintes,  lx. 
Rocher      (Charlesi,    biographe    de 

G.  Tardif,  xli  et  suiv. 
Roter    i Pierre). —V.  Grégoire XI. 
Roi    d'Angleterre,  XXI.  —  De  France, 

2S0.  —  Des  Romains,  xx,  261. 

—  Bergers,  280.  —  Sortait 
d'être,  232. 

Roland    Paladin,  11,  19. 
RoLLET    Secrétaire  de  Curie,  origi- 
naire de  Rouen,  129,  130. 
Rome      viii,    xui,    xiv,    xxi,    xxiv, 

XXXVI,     XXXVII,      XXXVIII,    XXXIX, 

XL,  XLI.  XLII,  19,  44,  45,  74, 
105,  120,  126,  130,  181,  211, 
214,  231,  252,  281,  289,  291, 
295,  303,  340,  355,  358.  — 
Abbesse  de  ....  engrossée, 
261. 


Romains  Eloge,  231.  —  Maagent 
leurs  vertus,  2M.  —  Pourquoi 
dégénèrent,  256.  —  Voir  Roi. 

Roseaux  Pris  pour  des  hommes, 
191. 

Roturier  Qulvoulutsefaire  noble, 
86. 

Rouen    129. 

Rousseau    (J.-B.),  xlvi,  lv. 

Rozier.s    74. 

RuFFio     (Roberto),  vu. 

Ruse    D'un  moine  libidineux,  245. 

RusTico     iCincio),  xvii. 


S 


Sagesse  Modèle  de,  235.  —  Où 
on  la  met,  273.  —  Des  vieil- 
lards. .384. 

Saints  Châtiments  de  ceux  qui 
méprisent  les,  129,  130. 

Saint  André    Fête  de,  23. 

SAINT-.A.NGE  (de)    Cardinal,  xxx. 

Saint.s-Apotres  (des)  Cardinal.  — 
Voir  Bessarion. 

Saint  Bern-^rd    168. 

Saint  Christophe    Fête,  249. 

Saint  Gtriaque  Barbe  de .  — 
Vœu  à,  258. 

Saint  Etienne    56. 

Saint  EusTACHE  (Alphonse  de). 
Cardinal  de,  125. 

Saint  François  d'assise    188. 

Saint-Gal'..    .\bbayede,  xvii,  xvii 

Saint-Gothard     de  Rouen,  130. 

Saint-Jean-de-L.-^tran  Eglise  do 
XLvii,  281. 

Saint  Jérôme    350. 

Saint-Martin  (Grenier  de)  Voir 
Grenier. 

Saint-î^icolas-in-carcere    239. 

Saint  Paul  :  Saint  Pierre  129. 

.Saint  Sébastien    25,  35. 

Saint-Siège    ix,  128. 

Saint  Simon,  xlviii. 

Sainte-Croix-dk-Florence,  lx. 

Sainte-Croix    Cardinal    de,    xxsiii 

Sainte  Vierge  Marie  Vceu  à  la , 
257. 

Saintbs    Evêque   de,  lv. 


476 


INDEX 


Salaires    Paye   en    bons  conseils, 

224. 
Salut  éternel    L'heure    du,    24C. 
Sall'tate    (Boniface),  70. 
Sambacharia    Réponse     de    la,  89. 
San-Gregorio    xlii. 
San-Spirito     Voir  Académie. 
Sang    (Pluie  de),  128. 
Santa-Maria-del-fiore     XL. 
Santa-Maria-della-mi-nerva    xlii. 
Sarrazin    355. 

Savetier    Répartie  d'un,  264. 
Savoie    Amédée.  —  Voir  (Blanche 

de).  32.  —  XXXVI. 
Savoir    231. 
Sazano    xxxni. 
ScALA  (dïlla)     Voir  Cane. 

SCHAFFOUSE      XXI,   345,  356. 

Schisme     T2.  —  D'Occident,  ix,  xiv. 

SCALARIA      FilippO,   XLII. 

Secia    65. 

Secret    Lourd  aux  femmes,  116. 

Secrétaire  de  Frédéric  II,  170.  — 
Voir  P.  des  Vignes.  —  Du 
duc  de  Padoue,  165.  —  Pon- 
tificaux, VIII,  IX,  XII,  XXIV, 
XXXVI,     XKXVUl,      XLII,     XLIV.    — 

Voir  Curie.  —  Voir  Huma- 
nistes. 

Sédition  xxiv.  —  Voir  Pazzi,  Poc- 
caro. 

Seigneur    et  le  marchand,  233. 

SÉNiîQUE    383. 

Sentence    curieuse  à  rendre,   151. 

Septimo    (L'abbé  de),  42. 

SÉPULTURE  Chrétienne  d'un  chien, 
XXX.  —  Singulière  d'un  juif", 
172. 

Séraphini     Voir  .A.ngelo. 

SÉRÉNADES  Aux  femmes  mariées, 
297,  299. 

Sermon  très  court,  55.  —  lucon- 
sé.-juent,  G'*.  —  Sur  l'adul- 
tère, 65.  — Sur  l'usure,  201. 

Servante    de  curé,  rusée,  38. 

Serviteur    oublieux,  157. 

Shepher  (W),    Biographe  de  Pog- 

giO,    XLII. 

Siège    apostolique        Voir    Saint- 
Siège. 
SièoE  do  Bologne    74. 


Sienne    x,  19,  48,  120,  159,  166,  228, 

230,  304. 
SiGisMOND    Empereur,  xiii,  xiv,  19, 

44,  126,  190. 

SiNIGAGLIA      47. 

SiON     en  Valais,  347. 
Soif     153.  —  Guérison    de    la,  175. 
j    Soldat     engendré   à   volonté,    207. 

—  Encouragement  à  des,  33. 

—  Répartie  d'un,  35. 

SOLIN      LX. 

Somma    219. 

Sommeil    troublé,   233.    —   Lourd, 

234. 
SoRA    Evêque  de,  38. 
Sorcière    41. 
Sort,  sortilège    94. 
Sots    Qui   sont  en  faveur  près  dos 

papes,  109, 
Sottise     Règne  de  la,  47. 
Souhaits     Voir  Vœux. 
Souliers    à  durer  longtemps,  93. 
Souper    avec  les  anges,  35. 
Sourd-muet    par  ordre,  243,  244. 
Souverain  pontife    Voir  Pape. 
Spano  pipi'o     Voir  Scolario. 
Squercia     Voir  Gevanco. 
Steicher  (O.)     lvi. 
Stérilité    Moyen   pour  la   guérir. 

173. 
Stock    (La.mbert    deI      Bénédictin. 

127. 
Strozza    (Polla),  VII. 
Suisse    xxi,  xxvi,  339,  347. 
Sumatra    xxxv. 
Susdit    Pris  pour  un  nom  d'homme, 

1.33. 
SUTRI      19. 

Synode    d'Arezzo,  38. 
Syrie    xxxv. 


Tables  flottantes    359. 
Taburot  des  Accords    lv. 
Tacite    338. 
Tailleur    xx.  —  De    Visconti,    31. 

—  Dont  la  femme  fut   violée, 

201. 

TaLEMANS   DBS  RÉAI'X      XLVII. 


IMDEX 


KT 


Talion    Peine  du,  201,  202. 

Talents    40. 

Talisman  Contre  la  peste,  288. — 
Contre  la  fécondité.... 

Tardif    |Gl'ill.\ume)      xlv,    lui    à 

Tarentins    .3. 

Telda  Femme  de  Rosso  de  Ricci. 
114. 

Tempête    215,   ?57,  258. 

Tenda  (Béatrice  de)  3i.  —  Voir 
Médicis. 

Terranova    ou  mieux 

TERRANUOVA-BRACcroLiNi  Patrie  de 
Pogge.  VI,  sxxvii,  23,  88.   100. 

Testament  T.-^ncien,  23G.  —  Liti- 
gieux, ■247.  —  D"un  chien.  5'2. 

—  D'un  vieillard,  182. 

Tkte    bonne.  37.    —    Mauvaise.  36. 

—  Voir  Chat,  Veau,  "\'ache. 
Théophraste    383. 

Tibrb    Fleuve,  xxiv,  215. 

Tipherne    lix. 

Tivoli    64,  28.- . 

Toilette    Prix  d'une,  167. 

Tomacello  André,  51.  —  Giovan- 
ni. 51. 

ToMACELLi  Famille,  51.  —  Voir 
Boniface  IX. 

Tomacelli    Tripes  farcies,  51. 

'Tonneau     petit  de  bon  vin,  104. 

Toscane  vi.  ix,  xxv.  xxix,  sxxviii, 
XL,  52.  -235,  296.  —  Voir  Flo- 
rence; 

TouRNEBROCHE     Bruit  du,  242. 

Tours    lviii. 

Traductions  des  Œuvres  de  Pog- 
ge,     LUI. 

Traître     75.  110. 

'TRANSUBSTArlATION      268. 

Traversari    .\mbrosio,  vii,  235. 

Trébizonde    246.  —  Georges. 

Trente    Evêque,  126. 

Trésor  Ce  qu'est  un  ....  trouvé  en 
rêve,  170.  —  Des  églises,  171. 

Trêves    xviii.  —  Voir  Nicolas. 

Trévise    208. 

Tricarico  Cardinal  de.  —  Singu- 
lière réponse,   177. 

«Triomphe  (LE)     de  la  Renommée», 

XLII. 

TRISTK.SSB    d'une  jeune  marine.  250. 


Trouvères  l. 
Turgovie  238. 
Turin    347. 

Tuteur     indélicat,  244.  —  Pièce  de 
Dancourt.  21. 


u 


ULciiRES    Moyen  de  les  guérir. 
Université    de  Rome,  xviv.  —  d'I- 
talie.   VII.  VIII. 

Urbain  V     Pape.  163. 

Urb-ain  VI     Pape.  37. 

Urine  Consultations  par  les,  252. 
—  Dôme  des.  200.  —  Bue  par 
un  avare,  97.  —  De  pucelle, 
146.  —  De  femme  qui  a  besoiu 
de  mari,  146. 

Usure,  usurier    123,  124,  20.4 


Vache     Tète  de  ....  emblème,  252. 
—  Qui  met  bas  un  dragon,  47. 
Valais    347. 
'    Valdarno    xxix.  xxxvii,  xliv. 
Valence    147. 
Valérius  Flaccus    xvii. 
Valet    d'un  maître  fanfaron,  226. 
Valla     (Laurent),  xxxix,  XLv,  lvii, 

lix,  3,  247. 
Vaniteux    comparé  à  un  pet.  228. 
Vantard     304. 
Varana  (Ridolfo  II  DE)    73,  74,  75, 

76. 
Varron    283. 
Veau    à  deux  têtes,  48. 
Vel.vt  (le)    lui. 
Vendanges    90. 
Vendetta    106. 
Vendredi    Comment  un  évèque  tit 

maigre  un.  2)7. 
Venétie     IX 
Venise    xxxv,  42,  46,  110,   120,   172. 

205,  206,  207,  '208,  228,  247,  301. 
Ventre    Bons  mots  sur  le,  247,  262. 

—  Plein  tout  chaud,  249.    — 

Quand  le  vider,  249. 
VÉNUS    culte,    201.    —    Cyprienne, 

355. 


478 


LNDEX 


Verceil     1(55,  '^311. 

Vergerio  Paolo     vu. 

Vérone    79,  149,  250. 

Vertu  (la)    40. 

Vertus    Mets  des  Romains,  256. 

Vesse    Voir  Pet. 

Vktement  singulier  d'un  notaire, 
238.  —  De  soie,  ce  qu'ils  signi- 
fient, 237.  —  De  filles  publi- 
ques, 90.   —  Voir  Pourpoint. 

Veuve  qui  séduit  un  pauvre.  15.  — 
Qui  se  confesse,  151.  —  Romp 
le  mariage  de  sa  fille,  201.  — 
Qui  veut  se  remarier,  359.  — 
Mariage  de  ....  avec  vieillard, 
39G.  —  Compare  son  second 
mari  au  premier,  230.  — Voir 
Femme. 

ViCENCE    30,  31,  120,  135,  204. 

Vieillard     qui  porte  son  âne,  131. 

—  Testament  d'un,  182.  — 
Un  ....  doit-il  se  marier?  xxxi, 
371  et  suiv. 

Vienne     (.Autriche),  xx. 
Vierge     Un    vieillard  doit-il  épou- 
ser uue,  378. 
Vignes    de  Rome,  139. 
Vignes  (Pierre  des)     V.  La  Vigne. 
Vin    bon,  104.  —  D'Italie,  xx. 

VinCENTINO      VII. 

ViNCENZio    Avocat,  141. 
Virgile    xvii. 

Visconti  Barnabo,  73,  74.  —  Jean 
Galéas,   duc  de  Milan,  2ti,  73. 

—  Jean-Marie,  duc  do  Milan, 
27,  28,  30. —  Son  cuisinier,  ses 
exactions,  ses  chiens,  sa  mort, 
2ij.  —  Philippe  et  son  tailleur, 
31,  34,  110. 


Vision  (la)     de  F.  Filelfo.  173. 

Vitruve    xvii. 

Vivandiers    xx. 

Vœux  accomplis,  258.  —  à  Saint- 
Cyriaque,  251.  —  à  la  Sainte- 
Vierge.  257.  —Différents,  ?32. 

Voie  large    230. 

Voisine  entremeteuse    259. 

Vol  Histrion  qui  devait  prendre 
son,  72  —  Signe  distinctif  des 
soldats  de  Cône,  36.  —  D'un 
porc,  19,'. 

Voleur    Répartie  d'un,  35,  247. 

Voltaire    v,  xi.vi,  lv. 

Voyage    Ce   que  l'on    voit  en.  101. 

w 

Wallon-'Wallonie    C9. 
WiNCESLAs    Empereur,  x. 
Winchester    xxi 


X 


Xenophon     xxxvi. 


Yeux    Superstition  pour  la  guéri - 
son  des,  189. 

z 

Zenolen    Apostolo,  371. 
Zurich     xix,  339. 
zuccharo     18,  183. 


lERIE    A.    GAUTHERIN 

rue  de  Vaugirard,  Paris 


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