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Full text of "La campagne de 1814 : d'après les documents des archives imperiales et royales de la guerre à Vienne"

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CAMPAGNE  DE  1814 

li'APHËS  LES  iMÏClIUtNTS 
dto  Anhirea  impAriftlM  vt  roTilw  da  h  gann  à  Vlraiw  I 


U  CAVALERIE  URS  AHMUES  ALLIEEiJ 


le  CommandAnt  WEIL 


eir»Vf    pur    M.    le    Utiniïrwl    t^KWAL. 


rOMIC   PHEMiKII 


d4t    Rdff   et   P«Bsas«    Danpbla*.    30 


LA 


CAMPAGNE  DE   1814 


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PARIS.     —     IMPRIMERIE     L.     BAUDOIN,     S,     RUE     CHRISTINE. 


LA 


CAMPAGNE  DE  1814 

D'APRÈS  LES  DOCUMENTS 

des  Archives  impériales  et  royales  de  la  guerre  à  Vienne 


LA  CAVALERIE  DES  ARMEES  ALLIEES 

PENDANT     LA     CAMPAGNE      DE      1814 

PAR 

le  Commandant  VTEIL 

AVKC    UNB 

Pri^faoo    par    M.    lo    aénéral    LiKWAILi 


TOME  PREMIER 


«  Toni  le<  prandR  capitaine*  n*ont  fait  dff 
crraDde»  cbo«e>  qu'an  *e  conformaot  aax  rèfflei* 

f*t  AUX  principe»  natorelii  de  Tart lU  nont 

cw*é  de  faire  convUmmeDi  de  la  furaerre  ana 
véritable  nclonce.  C'est  à  ce  titra  teal  qn'ilii 
«ont  nos  frrandii  modelai  et  ce  n'eut  qn'eo  les 
imitant  qu'on  doit  espérer  d'en  approcher.  » 

NAPOLtort, 
Commentaires,  Correspondance,  T.  3*i 


PARIS 

LIBRAIRIE   MILITAIRE   DE   L.  BAUDOIN 

IMPRIMEUR -ÉDITEUR 

30,   Rue  et  Passage  Dauphine,   30 

1891 

ToQS  droiU  réserTés. 


/  -  ■'.  ) 


Mon  cher  Commandant, 


Vous  désirez  que  je  présente  votre  ceuvre  nouvelle  à  nos 
camarades  de  r armée.  N'est-ce  pas  superflu  ? 

UttlCj  intéressante  et  patriotique^  sa  propre  valeur  la 
recommande  suffisamment  et  mes  éloges  n'ajouteront  rien 
à  son  succès  certain. 

Par  votre  pratique  des  langues  étrangères  vous  avez  pu 
recueillir  dans  les  archives  des  autres  pays  des  pièces  encore 
inédites  et  donner  ainsi  à  votre  livre  un  caractère  d exac- 
titude des  plus  précieux  à  un  pareil  sujet. 

C'est  la  première  fois  que  le  drame  si  varié  de  l'explora- 
tion est  présenté  d'une  manière  aussi  complète^  aussi 
réelle,  aussi  palpitante.  Vous  avez  habilement  réussi  à 
retracer  le  rôle  de  la  cavalerie,  à  cette  période  finale  du 
premier  Empire,  oit  les  plus  hautes  combinaisons  de  la 
guerre  étaient  en  partie  annulées  par  rinfluence  prépon- 
dérante du  nombre.  Aucune  question  n  était  plus  essentielle 
à  remettre  en  lumière,  à  exposer  dans  toute  sa  vérité,  et 
l'on  ne  saurait  trop  vous  remercier  d'avoir  accompli  cette 
tâche  difficile. 

Votre  récit  mouvementé  est  comme  un  reflet  de  Faction 
même  entre  les  adversaires. 

Dans  ce  journal  de  marche  en  partie  double,  on  assiste  à 
r  agitation  stérile  de  toute  cette  cavalerie  alliée  autour  de 
laquelle  s'était  créée  une  légende  si  fausse.  Elle  s'évanouit 
à  la  clarté  de  la  vérité.  Vous  nous  la  montrez  à  F  œuvre. 


—  VI   — 

sans  aucune  entente  des  nécessités  de  la  guerre^  avec  ses 
tergiversations  y  ses  indécisions^  son  manque  d'audace^  ses 
arrêts  sans  motifs,  en  proie  à  des  inqtdétudes  incessantes^ 
se  laissant  surprendre  parfois,  reiiseignant  mal  si  ce  n'est 
pas  du  tout,  alors  que  l'adversaire  réduit  à  presque  rieti 
n  offrait  pour  ainsi  dire  plus  de  contre-partie  à  faction  des 
envahisseurs  de  la  France,  Cette  émouvante  page  d'histoire 
parle  haut. 

En  montrant  toutes  les  erreurs  commises  dans  le  passé, 
elle  foi'me  comme  les  propylées  de  la  campagne  de  1870-71 
oîi  la  cavalerie  allemande,  dans  des  conditions  analogues, 
ne  s^est  guère  moiitrée  supérieure  à  la  cavalerie  des  coalisés 
un  demi-siècle  auparavant. 

Ce  rapprochement  saute  aux  yeux;  c'est  ce  qui  donne 
tant  dUntérêt  à  votre  livre  et  le  rend  si  instructif  En  prou- 
vant  une  fois  de  plus  que  r exploration  rationnelle  na  encore 
été  réalisée  ni  dans  le  passé,  ni  dans  le  présent,  il  inspirera 
sans  doute  à  beaucoup  de  nos  brilllants  cavaliers  le  désir  de 
travailler  à  la  réalisation  cCune  méthode  meilleure. 

On  apprend  plus  par  les  fautes  que  par  les  succès. 

En  retraçant  si  bien  les  phases  de  V exploration  défec- 
tueuse à  tous  égards,  vous  conduirez,  je  l'espère,  les  efforts 
vers  r  exploration  plus  parfaite  de  l'avenir,  et  vous  aurez 
ainsi  rendu  un  incontestable  service  à  f  armée. 

Général  LEWAL. 
Paris,  29  Juin  1891. 


AVANT-PROPOS 


Ce  n'est  pas  sans  une  certaine  appréhension  que  nous 
livrons  à  la  publicité  le  premier  volume  de  ce  livre  qui  nous 
a  coûté  plus  de  dix  ans  de  recherches  et  de  travail  et  qui, 
d'après  le  plan  que  nous  nous  étions  primitivement  tracé, 
devait  n'ôtre  que  la  deuxième  partie,  la  conclusion  de  notre 
Étude  stir  la  cavalerie  des  amiées  alliées  pendant  la  cam- 
pagne de  1813. 

Nous  aurions  voulu  rester  lîdèle  à  ce  programme  spécial 
et  restreint,  nous  borner  à  mettre  en  lumière  les  procédés 
essentiellement  différents  employés  par  la  cavalerie  alliée 
pendant  ces  deux  campagnes  et  opposer  à  Tesprit  d'initia- 
tive, à  la  vigueur  dont  elle  avait  fait  preuve  tant  qu'elle 
avait  opéré  en  pays  ami,  le  rôle  relativement  effacé  qu'elle 
joua  pendant  la  campagne  de  France,  la  prudence,  poussée 
souvent  jusqu'à  la  timidité,  qui,  sauf  dans  quelques  cas 
particuliers,  entrava  l'initiative,  dénatura  le  mode  d'action 
de  cette  arme  à  partir  du  jour  où  les  armées  de  la  coalition 
pénétrèrent  sur  le  territoire  national. 

Mais  en  1814,  si  l'on  en  excepte  les  raids  exécutés  par  les 
corps  volants  de  Geismar  et  de  Meininger,  dans  le  nord  et  le 
centre  de  la  France,  quelques  coups  de  main  plus  ou  moins 
hardis  et  pour  la  plupart  d'importance  secondaire  tentés  par 
Stscherbatoff,  Seslavin,  Kaïssaroff,  Tchernitcheff  et  Thurn, 
la  masse  de  la  cavalerie  de  Schwarzenberg  et  de  Blûcher 
n'osa  guère  rien  entreprendre  qu'avec  le  concours  et  dans  le 
voisinage  immédiat  des  armées  de  Bohême  et  de  Silésie. 

Il  nous  a  donc  fallu  nous  décider  à  étendre  le  cadre  pri- 
mordial de  notre  étude  et  à  suivre  pas  à  pas,  jour  par  jour, 
les  mouvements  des  armées. 


—   VlU   — 

Nous  avons  d'ailleurs  trouvé  aux  Archives  impériales  et 
royales  de  la  guerre  à  Vienne,  des  documents  si  nombreux 
et  si  précieux  que,  tout  en  continuant  à  insister  plus  parti- 
culièrement sur  le  rôle  de  la  cavalerie,  nous  nous  sommes 
laissé  entraîner  plus  loin  que  nous  ne  nous  Tétions  proposé. 

C'est  ainsi  que,  par  la  force  même  des  choses,  nous  avons 
été  amené  à  essayer  de  rédiger,  comme  M.  le  général 
Lewal  a  bien  voulu  le  dire  dans  sa  Préface,  un  journal  de 
marche  en  partie  double,  à  faire  ressortir  les  faiblesses,  les 
erreurs,  les  hésitations,  l'organisation  défectueuse  du  com- 
mandement des  armées  alliées,  en  un  mot  à  refaire  sur  des 
bases  nouvelles  l'histoire  complète  de  la  campagne  de  France. 
Si  nous  n'avons  pas  réussi  dans  cette  tâche  délicate  et  diffi- 
cile, nous  espérons  toutefois  qu'on  nous  tiendra  compte  de 
nos  efforts  et  qu'on  trouvera  au  moins  dans  ce  long  travail 
quelques  renseignements  intéressants,  quelques  leçons  utiles 
à  méditer. 

Nous  n'ajouterons  plus  qu'un  mot  aux  lignes  qui  précè- 
dent. Il  nous  reste  en  effet  à  payer  la  dette  de  reconnaissance 
que  nous  avons  contractée  envers  les  officiers  autrichiens 
dont  la  courtoisie  et  la  bienveillance  ont  tellement  facilite 
nos  recherches.  Aussi,  bien  que  plusieurs  années  se  soion 
écoulées   depuis  lors,    nous  n'avons    pas   oublié  l'accue 
gracieux  et  amical  qui  nous  a  été  fait  à  Vienne,  tant  r 
Ministère  qu'aux  Archives  de  la  guerre  et  nous  avons  ten 
en  publiant  ce  premier  volume,  à  adresser  à  S.  E.  le  fo 
zcugmeistre  baron  Beck,  chef  d'état-major  général  de  Turr 
austro-hongroise,  à  son  adjoint,  le  feld-maréchal-lieutci 
Galgotzy,  ainsi  qu'aux  officiers  que  nous  avons  eu  la  bc 
fortune  de  trouver  au  K.  K.  Kriegs  Arcliiv^  le  tomoigi 
bien  faible,  bien  tardif,  mais  bien  sincère  de  notre  pro^ 
et  inaltérable  gratitude. 


LA  CAMPAGNE  DE   1814 

(d'après  les  docoments  des  Archives  impériales  et  royales  de  la  guerre  à  Vienne) 


LA  CAVALEKIE  DES  ARMÉES  ALLIÉES 

PENDANT  LA  TAMPAGNE  DE  1814. 


S 


CHAPITRK  PREMIER. 

SITIATIOX    (ÎKNKHALK    KN    NOVKMIIRK   KT   DKCRMKnE    1818. 

Divergence  d'opinion  des  généraux  alliés.  —  La  victoire 
de  Haiiau  avait  rouvert  aux  fçlorioux  vaincus  de  Leipzig  la  roule 
de  France  que  les  Austro-Bavarois  de  Wr^de  avaient  vainement 
tent<^  de  leur  barrer.  L'Enij>ereur,  inonientanénient  rassuré  sur 
lo  sort  des  di'brisde  son  armée  qu'il  allait  charger  de  garder  la 
rive  gauche  du  Rhin,  quittait  Mayence  le  2  novembre  et  revenait 
à  Paris  pour  y  organiser  d(»  nouvelles  forces.  Pendant  c<»  temps 
les  souverains  alliés  hésitaient,  comme  étonnés  delà  grandeur  des 
résultats  obtenus,  et,  m»  sachant  h  quel  parti  s'arrêter,  perdaient, 
dans  des  discussions  stériles,  dans  des  négociations  condamnées 
par  leur  nature  même  à  rester  infructueus(»s,  ro<*casion  de  tirer 
parti  de  leurs  avantages  et  di»  mettre,  en  quelques  semaines,  fin  à 
la  guerre  qui  désolait  l'Europe. 

Quoi  qu'on  ait  [>u  alléguer  depuis  lors  pour  (essayer  de  justifier 
l'inaction  des  Alliés,  quelle  que  puisse  être  la  véritable  valeur  des 
considérations  militaires  ou  des  raisons  politiques  invoquées 
pour  les  besoins  de  la  cause,  Blficher  était  évidemment  dans  le 
vrai  lorsqu'il  faisait  écrire,  le  3  novembre  1813,  par  Mùffling,  la 
lettre  suivante  adressée  au  général  Knesebeck  :  «  On  peut  main- 
tenant se  rendre  compte  de  la   position  de  Napoléon.  Si  nous 

WHI.  1 


—  2  — 

nous  portons  rapidenicnl  sur  la  Hollande  el  si  nous  franchis- 
sons le  Rhin,  la  conquête  d(»  hi  Hollande  sera  chose  faite  avant 
deux  mois  et  l'on  signera  une  paix  durable.  Si  nous  restons  au 
contraire  sur  la  rive  droite,"  si  nous  nous  laissons  arrêter  par 
des  n^^gociations,  nous  aurons  îi  faire  en  1814  une  rude  et 
sanglante  campagne.  Napoléon  est  actuellement  dans  la  situation 
la  plus  difficile  et  la  plus  critique  dans  laquelle  il  ait  jamais 
été,  dans  une  situation  qui  ne  saurait  devenir  pire.  Je  suis  curieux 
de  voir  connnent  son  génie  lui  permettra  de  s'en  tirer.  » 

Mais  connne  ni  Miiftling,  ni  Gneisenau,  ni  Pozzo  di  Borgo,  ni 
Bliicher  ne  devaient  parvenir  h  se  faire  écouter,  à  ce  moment  du 
moins,  il  nous  a  paru  indispensable  d(;  faire  précéder  notre  tra- 
vail de  l'exposé  sonnnaire  de  la  situation  réciproque  des  deux 
partis  vers  le  milieu  de  novembre  1813,  de  chercher  à  y  décou- 
vrir les  raisons  diplomatiques  ou  autres  qui  ont  décidé  les  Alliés  à 
violer  le  principe  si  juste  posé  par  Clausewitz  :  «  Le  vainijucur 
iloil  toujours  tendre  à  hàtcM*  la  solution,  le  vaincu  h  la  retar- 
der*. » 

Les  Alliés  se  décident  à  suspendre  les  opérations.  —  II 

convient  de  recoiuiaîlre  que  les  Alliés  se  trouvaient  dans  uik^ 
|)Osition  toute  spéciale.  Favorable  dans  son  ensemble,  surtout  au 
point  de  vu(»  militaire,  elle  présentait,  en  raison  même  des  <-ondi- 
lions  et  des  tendances  de  la  coalition,  de  son  origine  et  de  ses 
aspirations,  d'innombrables  difficultés.  Et  ce  sont  ces  difficultés 
mêmes  qui,  se  manifestant  alors  avec  une  recrudescence  d'inten- 
sité, ont  dû  puissamment  contribuer  îi  faire  prévaloir  les  idées  de 
l)rudence  (îxagérée,  de  tem|)orisation  intempestive,  et  à  annihiler 
les  efforts  tentés  par  les  partisans  d'une  offensive  aussi  rationnelle 
((ue  peu  dangereuse. 

(l'est  ce  fait  que  le  nmréchal  Ney  •  constatait  quelques  mois 
l)lus  tard,  lorsqu'on  lui  d(»manda  après  la  signature  de  la  paix 
quelle  eîlt  été  la  conséqueiu'e  d'une  continuation  inmiédiate  de> 
opérations  :  «  Messieurs  les  Alliés  auraient  pu  compter  leurs  jour- 
«  nées  d'étapes  jusqu'à  Paris.  »  Mais  à  ce  moment  l'inlluenc'e  na- 


*  Clause wiTZ,  Critique  itratéyique  de  fa  campagne  de  France  en  1811. 
i  Bern'uardi.  Tofl,  IV,  p.  46. 


turelie  exercée  |iar  les  inlénMs  l'ssentielleineiil  diftérents  de  chacune 
des  puissances  ailiées  avail  repris  le  dessus:  les  menées  diplo- 
matiques remportaient  sur  les  considérations  militaires;  la  voix 
de  Metternich  et  df  Knesei)erk  ini|)Osait  sileuïu»  aux  prièn^s  et  aux 
réclamations  di»  BliielitT  et  de  Gneisenau. 

Il  ne  pouvait,  d'ailleurs,  en  être  autrement  à  un  moment  où  le 
parti  de  la  guerre  à  outrance  n'avait  guère  pour  représentants 
militaires,  sérieux  et  convaincus,  que  le  connnandani  et  le  chef 
ilétat-major  général  d»'  l'armée  de  Silésie.  L'enq^ereur  Alexandre, 
lui-même,  tout  en  étant  l'Ame  dr  la  coalition  et  bien  qu'il  n'eût 
pas  abandonné  un  instant  l'idée  de  répondre  à  Toeeupation  de 
Moscou  [»ar  une  entrée  trionq)hale  à  Paris  *.  avait  dû  céder  mo- 
mentanément à  la  pression  générale.  Il  avait,  d'ailleurs,  pu  remar- 
quer un  an  plus  tôt.  lors  du  passage  du  Niémen  et  d(*  la  Vistuh'. 
à  leur  entrée  en  Prusse,  quv  ses  généraux  trouvaient  Ihoinieur  de 
la  Russie  suftisanum»nt  vengé  par  l'anéantissement  de  la  Grande 
Armée  et  la  délivrance  du  t(»rritoirc  national.  Qminl  au  roi  de 
Prusse,  iîitluencé  par  l(»s  conseils  pacitiques  de  Knesebeck,  il 
n'avait  pas  cessé  et  ne  devait  jamais  cesser  d'être  un  instrument 
docile  entre  les  mains  d'Alexandre.  L'Angleterre,  fatiguée  de  la 
guerre  qu'tîlh;  soutenait  dcqiuis  si  longtenq»s,  épuisée  par  les  sub- 
sides considérables  qu'elle  élail  obligée  de  fournir  à  la  coalition, 
aurait  d'autant  plus  volontiers  souscrit  à  la  paix  qu'elle  avait,  en 
grande  partie,  atteini  so!i  but  et  réalisé  son  i^rogrannue.  L'Au- 
I riche,  certaine  désormais  d(*  voir  ses  anciennes  provinces  alle- 
mandes et  ses  jX)ssessions  italiennes  lui  faire  retour  dès  que  les 
hostilités  cesseraient,  ne  se  souciait  guère  de  continuer  une 
guerre  dont  elle  savait  ne  pouvoir  tirer  aucun  profit  nouveau. 
Kntin,  Bernadotte,  poursuivant  la  réalisation  de  ses  rêves  ambi- 
tieux, se  bereant  du  vain  espoir  de  renq)lacer  Napoléon  sur  le 
Imne  de  France,  se  prononçait  vivement  contre  le  plan  proposé 
par  Blùchcr  qui  voulait,  après  avoir  passé  le  Rhin  à  Mùhlheini. 
le  15  novembre.  |)endant  que  l'armée  du  Nord  aurait  pénétré  eu 
Hollande,  se  i>orter  avec  son  armée  sur  Bruxelles  et  continuer  de 
là  sa  marche  sur  Paris.  L'armée  de  Bohème  devait  naturellement, 
dans  ce  projet.  acc(înlu(»r  sou  mouvement  en  avant  et  pas.ser.  elle 


1  Caulaincourt  devait  écrire,  le  :)0  janvier  à  Naiwléon.  de  ChâtiUon  :  «  Le 
ozar  veut  faire  voir  ses  garde.-;  aux  Parisiens  pour  veuger  IMoscdu.  h 


—  4  — 

aussi,  sur  la  rive  gauche  du  Rhin.  Il  est  bien  certain  que  les 
débris  de  l'armée  française,  échelonnés  depuis  Huningue  jusqu'à 
la  mer  du  Nord,  n'auraient  pu  arrêter  sérieusement  les  alliés; 
l'Empereur  le  reconnaissait  lui-même,  puisqu'il  écrivait  le  19  no- 
vembre à  Marmont  :  «  Nous  ne  sommes  dans  ce«  moment-ci  en 
mesure  pour  rien.  » 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'habileté  de  Metternich,  qui  avait  trouvé 
moyen  de  se  mettre  en  relations  avec  Saint-Aignan,  les  insinua- 
tions perfides  et  intéressées  de  Bernadotte,  qui  ne  contribuèrent 
pas  peu  à  faire  accepter  ces  atermoiements  au  czar,  en  lui  inspi- 
rant l'idée  de  chercher  à  séparer  la  cause  de  Napoléon  de  celle  de 
la  France,  eurent  raison  de  la  haine  insatiable  de  Blûcher,  de  la 
logique  et  des  arguments  de  Gneisenau.  Le  maréchal  Vorw.erts, 
escomptant  les  ordres  de  marche  qu'il  se  croyait  certain  de  rece- 
voir, faisait  descendre,  le  7  novembre,  la  Lahn  aux  corps  d'York 
et  de  Sacken  pour  les  pousser  ensuite,  à  partir  de  Limburg,  sur 
la  grande  route  de  Francfort  à  Cologne.  Il  dirigeait  Langeron  par 
Siegen  et  voulait  le  faire  rallier  par  Saint-Priest  venant  de  Cassel  ; 
mais,  pendant  ce  temps,  le  conseil  de  guerre  réuni  à  Francfort 
le  7  novembre,  se  prononçait  contre  la  continuation  immédiate 
des  opérations  et,  se  basant  sur  l'état  précaire  dans  lequel  se 
trouvait  surtout  l'armée  de  Silésie,  prescrivait  îi  Blûcher  de  reve- 
nir sur  ses  pas  et  de  se  charger  du  blocus  de  Mayence. 

La  France  était  momentanément  sauvée;  l'Empereur  allait 
avoir  le  temps  de  faire  sortir  de  terre  de  nouvelles  formations,  de 
se  créer  de  nouvelles  ressources.  Aussi  Napoléon  n'hésita-t-il  pas 
à  accepter  les  ofTres  qu'on  lui  fit,  et  il  désigna  Mannheim  comme 
lieu  de  réunion  des  plénipotentiaires. 

Mais  si  le  parti  de  la  paix  avait  eu  un  instant  le  dessus,  les 
efforts  de  Stein  et  la  haine  de  Pozzo  di  Borgo  ne  devaient  pas 
tarder  à  amener  bientôt  un  revirement  presque  complet.  On  avait 
reculé  d'abord,  au  grand  quartier  général  des  Alliés,  devant  une 
offensive  qui  pouvait  en  quelques  jours  mettre  fin  à  la  campagne; 
cependant,  comme  on  n'y  voulait  pas  d'une  paix  qui  n'aurait  pu 
être  durable,  et  comme  on  était  décidé  h  reprendre  les  opéra- 
tions dès  que  les  troupes  se  seraient  refaites,  dès  que  les  renforts 
seraient  arrivés,  dès  que  les  colonnes  de  munitions  auraient 
rejoint,  on  convint,  contrairement  aux  prévisions  de  l'Empereur, 
de  faire  une  campagne  d'hiver. 


o 


Proclamation  du  1^'  décembre.  —  b'aiitrc  part,  pour  priv(T 
Napoléon  d'une  partie  de  ses  ressources,  pendant  qu'ils  conti- 
nuaient à  négocier,  les  souverains  alliés,  se  ralliant  h  l'idée  émise 
par  Bernadotte,  tentèrent  de  séparer  la  cause  de  l'Empereur  de 
celle  de  la  France,  en  lançant  la  proclamation  du  !•'  décembre. 
Ils  y  déclaraient  nettement  que  :  «  Les  puissances  alliées  ne  font 
pas  la  guerre  ii  la  France,  mais  à  cette  prépondérance  hautement 
annoncée,  à  cette  prépondérance  que,  pour  W.  malheur  de  l'Eu- 
rope et  de  la  France,  l'empereur  Na|)oléon  a  trop  longtemps 
exercée  hors  des  limites  de  son  empire.  » 

Il  ne  nous  appartient  pas  d'approfondir  la  nature,  l'étendue  des 
pouvoirs  donnés  de  part  et  d'autre  aux  plénipotentiaires,  de 
chercher  à  démêler  quelles  ont  été  réellement  les  intentions,  plus 
ou  moins  sincères  des  souverains  et  de  leurs  nnnistres.  Nous 
pensons,  cependant,  que  Napoléon  (et  les  instructions  données  à 
Caulaincourt  sont  loin  d'infirmer  notre  manière  de  voir)  aurait 
à  ce  moment  accepté  une  paix  honorable  si  elle  lui  avait  été 
sérieusement  offerte.  Dès  le  10  décembre,  du  reste,  le  doute  ne  lui 
était  plus  permis,  et  la  réponse  faite  par  Metterni<'h  ii  Caulaincourt 
est  là  pour  prouver  qu'à  ce  moment  déjà,  la  coalition  était  décidée 
à  amener  par  les  armes  la  solution  qu'elle  recherchait.  De  son 
côté.  Napoléon  n'avait  pas  perdu  son  temps  depuis  son  retour  à 
Paris;  gr«ice  aux  sénatus-consultes  des  9  octobre  et  15  novembre, 
il  espérait  tirer  du  pays  545,000  conscrits.  C'est  avec  ces  res- 
sources qu'il  comptait  fiiire  face  à  l'invasion  et  soutenir  les 
trois  corps  de  Victor,  de  Marmont  et  de  Macdonald,  dont  les 
45,000  hommes  échelonnés  depuis  la  Suisse  jusqu'à  la  Hollande, 
allaient  avoir  à  supporter,  avec  les  ((uelques  troupes  postées  en 
Belgique,  les  premières  attaques  des  armées  alliées. 

Plus  on  examine  la  situation  morale  et  matérielle  des  belligérants 
vers  la  mi-novembre  1813,  et  moins  on  saisit  les  motifs  qui  ont  pu 
décider  les  Alliés  :  d'abord,  à  renoncer  aux  avantages  qu'ils  devaient 
à  la  victoire  de  Leipzig,  et  à  se  priver,  comme  la  dernière  partie 
de  la  campagne  de  1815  ne  devait  pas  tarder  à  le  démontrer,  des 
bénéfices  certains  que  leur  aurait  assurés  une  offensive  immédiate 
et  vigoureuse  ;  ensuite,  à  découvrir  leur  aile  gauche  en  violant  la 
neutralité  de  la  Suisse;  enfin,  à  faire  choix  d'un  plan  d'opérations 
excentrique  qui  avait  tout  au  plus,  pour  excuse  apparente,  de  dimi- 
nuer rétendue  de  la  li.$cne  d'opérations  de  l'armée  autrichienne. 


—  0  — 

Situation  de  Tannée  française.  —  Kcnseignés  comme  ils 
l'étaient  par  leurs  propres  agents  et  par  les  partisans  des  Bour- 
bons, les  Alliés  devaient  savoir  que  TEmpereur  aurait  peine  à 
opposer,  en  y  comprenant  la  garde  et  le  petit  corps  de  Belgique, 
60,000  h  70,000  hommes  aux  150,000  hommes  qu1l  leur  était  si 
aisé  de  pousser  immédiatement  sur  Paris.  Comme  le  dit  Clausewitz, 
«  les  Alliés  étaient  numériquement  assez  forts  pour  ne  courir 
aucun  danger  en  se  résolvant  à  utiliser  la  puissance  que  venait  d(» 
leur  donner  la  victoire,  à  entrer  en  France  et  à  contimicr  leur  mou- 
vement en  avant  jusqu'à  la  prise  de  Paris...  »  Il  est  évident  que 
Tarmée  française,  si  elle  avait  été  poursuivie,  se  serait  retirée 
jusqu'à  Paris.  Il  n'y  avait  nulle  part  des  forces  suffisantes  pour  la 
recueillir,  et  les  Alliés  le  savaient  fort  bien.  Au  lieu  de  se  refaire  et 
de  se  renforcer,  cette  armée  se  serait  atfiiiblie  en  déUichant  les  gar- 
nisons qu'elle  aurait  été  obligée  de  jeter  dans  les  forteresses,  et 
Ton  ne  saurait  être  taxé  d'exagération  si  l'on  affirme  qu'en  arri- 
vant sous  Paris,  elle  n'aurait  compté  guère  plus  de  35,000  à 
40,000  hommes. 

Opinion  de  Clausewitz  snr  le  plan  des  Alliés.  —  Connue 
Clausewits  le  fait  encore  remarquer  quelques  pages  plus  loin  dans 
sa  Critique  stratégique  de  la  campa{i)ie  de  France  w  1814,  l'ol)- 
jectif  stratégique  des  Alliés  était  d'abord  f anéantissement  des 
forces  à  l'aide  desquelles  l'Empereur  aurait  reconstituée  en  France 
une  nouvelle  armée,  puis  la  prise  de  Paris. 

Il  en  résultait  donc  pour  les  Alliés  l'obligation  de  se  porter, 
avec  toutes  leurs  forces  réunies,  contre  l'armée  française,  de  hii 
livrer  une  bataille  décisive,  puis  après  l'avoir  battue  de  marcher 
sur  Paris,  sinon  avec  la  totalité,  du  moins  avec  la  plus  grande 
partie  de  leurs  troupes.  On  devait,  en  un  mol,  faire  sortir  la  pair 
des  cotiséquences  mêmes  de  la  bataille  de  Leipzig^, 

L'objectif  était  donc  plus  nettement  déteniiiné  qu'il  ne  la 
jamais  été  au  début  d'une  campagne.  Les  Alliés  devant  chercher 
à  rendre  le  plus  rapidement  possible  une  grande  bataille  inévi- 


*  Clausewitz,  Critique  ëtralégique  de  la  campagne  de  France  en  i8l4.  — 
Clausewitz  ajoute  encore  :  «  Pour  se  servir  des  termes  favoris  des  écrivains 
militaires,  c'était  le  cas  de  s'élever  au-dessus  des  règles  consacrées,  de  r«*ni- 
placer  la  f^erre  méthodique  par  la  plus  cxtn^me  audace.  » 


/  — 


lal)l(\  il  aurait  été  iiatmvl  t't  lo^itiiu»  de  so  porter  on  avant  par 
la  grande  roule  la  plus  directe  do  Francfort  à  Paris,  par  MayeiH'e 
et  Metz,  en  limitant  conséqueniment  le  nombre  des  roules  suivies 
par  I(\s  différents  corps  à  ce  qui  était  strictement  nécessaire  pour 
faire  vivre  et  marcher  une  armée  de  près  de  200,000  hommes. 

Or,  ajoute  Clausewitz,  i)uisqu'on  devait,  en  se  rapprochaîit  d»» 
rennemi,  réduire  ce  front  de  marche  de  manière  îi  permettre  et  à 
faciliter  la  concentration  des  troupes  destinées  à  prendre  part  à 
la  lutte,  il  importait  de  choisir  à  l'avance  un  point  de  réunion 
pour  les  armées.  Comme  il  était  impossible  d'admettre  qu(»  h»s 
forces  françaises  parvinssent  à  se  mass(T  ailleurs  que  sur  la  Haule- 
Meuse  ou  sur  la  Marne,  ce  point  devait  être  Verdun  ou  Chàlons, 
villes  précisément  situées  sur  la  route  centrale  la  plus  courte.  Au 
cas  où  l'Kmpereur  aurait  «hoisi  un  autre  centre  de  résistance  on 
avait  ainsi  la  faculté  de  prendre  Nancy  comme  point  général  de 
réunion  au  Vwxi  de  Verdun  ou  de  ChAlons. 

En  un  mot  les  Alliés  auraient  pu  et  dû  marcher,  dès  le  principe, 
en  trois  grosses  colonnes  jusqu'il  hauteur  de  Luxembourg,  Metz  et 
Nancy.  En  portant  inmiédiatement  et  directement  la  guerre  au 
cœur  môme  de  la  France,  ils  facilitaient  encore  la  conquête  des 
Pays-Bas  et  de  la  Belgique  en  rendant  impossible  Tenvoi  des  ren- 
forts destinés  aux  faibles  corps  chargés  de  la  garde  de  ces 
régions. 

• 

Plan  d*opérations  du  prince  de  Schwarzenberg.  —  Puis- 
«pi'on  savait  que  l'armée  française  ne  pouvait  en  aucun  cas  se 
concentrer  en  avant  de  la  rive  gauche  de  la  Meuse;  puisqu'on 
voulait  ramener  dans  le  Haut-Rhin  les  lign(»s  de  connnuniiuition 
des  troupes  tirées  de  l'Autriche  et  des  États  de  l'Allemagne  du 
Sud;  dès  qu'on  se  décidait,  d'aulre  part,  à  ne  franchir  le  haut 
Rhin  à  Lorrach  que  dans  les  derniers  jours  de  décembre  et  le 
Rhin  moyen  qu'en  janvier,  la  marche  par  le  Brisgau  et  [)ar  la 
Suisse  entraînait  une  perte  dtî  temps  inutile  et  par  conséquent 
nuisible.  Enfin,  puisque  l'on  avait  posé  en  principe  d'opérer  de 
manière  à  accepter  la  bataille  toutes  les  fois  que  l'ennemi  aurait 
divisé  ses  forces  et  que  la  supériorité  serait  décidément  de  notre 
côté  (du  côté  des  Alliés,  c'est  toujours  Clausewitz  qui  parle),  de 
l'éviter,  au  contraire,  lorsque  toutes  les  forces  de  l'ennemi  se 
trouveraient  réunies  et  dirigées  sur  le  point  menacé  par  nos 


—  8  -- 

armées  S  —  c'était  commettre  une  grosse  faute  que  de  se  séparer 
dans  le  principe  pour  opérer  ensuite  une  jonction  qui  devait 
être  d'autant  plus  aléatoire  qu'elle  allait  vraisemblablement  s'ef- 
fectuer en  présence  d'un  adversaire  tel  que  Napoléon. 

Premiers  mouvements  de  Tarmée  de  Bohême.—  Quoi  qu'il 
en  soit,  l'empereur  Alexandre,  après  avoir  hésité  pendant  quel- 
ques jours,  avait  fini  par  approuver  le  plan  que  le  généralissime  au- 
trichien lui  avait  soumis  dans  les  derniers  jours  de  novembre.  La 
grande  armée  de  Bohême  quitta,  vers  le  10  décenïbre,  les  canlon- 


^  Propositions  générales  sur  un  plan  d*opérations  contre  la  France  présenté 
à  Francfort-sur-lc-Mein  par  le  feld-inaré<:hal  prince  de  Schwarzenberg  à  Sa 
Majesté  l'empereur  de  Russie  (Archives  de  V état-major  de  Saint-Pétei'sbourg) . 
Résumé  des  mesures  proposées  à  ce  moment  par  S(!liwarzenbfrg  : 

i^  Tous  les  cosaques  et  tous  les  partisans  disponibles  dans  les  différentes 
armées  seront  immédiatement  jetés  sur  la  rive  gauctie  du  Rbin.  On  leur  donnera 
pour  instruction  de  former  des  colonnes  mobiles,  de  traverser  la  France  dans 
tous  les  sens  pour  empocher  les  conscrits  de  se  rassembler  et  de  rejoindre  leurs 
dépôts  ou  leurs  corps,  et  enfîn  d^inquiéter  et  d'interrompre  autant  que  possible 
les  communications  de  Teunemi  (a). 

2°  La  grande  armée  de  Bohême  marchera  par  sa  gauche  ;  elle  passera  le 
Rhin  et  tâchera  de  pénétrer  dans  l'intérieur  de  la  France  pour  tendre  la  main 
à  Tannée  de  lord  Wellington  et  à  celle  d'Italie. 

3°  L'armée  du  maréchal  Bliicher  passera  également  le  Rhin  dans  le  but  de 
contenir  Tannée  française,  de  l'occuper,  de  manœuvrer  contre  elle  jusqu'au 
moment  où  Tarniée  de  Bohême  aura  atteint  les  communications  de  Tennemi. 
Le  maréchal  Bliicher  sera  soutenu  par  un  corps  que  la  grande  armée  détachera 
pour  observer  Kehl  et  Brisach  et  qui  sera  sous  ses  ordres  lorsque  la  grande 
armée  avancera  dans  l'intérieur  de  la  France. 

4°  En  même  temps  Tarmée  de  S.  A.  R.  le  prince  royal  de  Suède  passera  le 
Rbin  aux  environs  de  Diisseldorf  ou  de  Cologne  et  se  dirigera  sur  la  Hollande» 
ainsi  que  S.  A.  Ta  fait  pioposer  par  M.  le  comte  de  Lowenhielm.  Comme  les 
forces  principales  de  Tennemi  seront  contenues  par  les  autres  années  alliées,  il 
n*est  pas  probable  que  les  forteresses  de  la  Hollande  soient  ravitailleras  et  pour- 
vues de  garnisons  suffisantes  ;  il  est  donc  à  désirer  que  le  prince  royal  de  Suède 
accélère  cette  opération  autant  que  possible  avant  que  Tennemi  ne  puisse 
réunir  les  moyens  de  s'y  opposer. 

En  renforçant  le  corps  du  général  Wallmoden  d'une  partie  de  Tarmée  suédoise 
suffisante  pour  contenir  le  maréchal  Davout,  S.  A.  R.  garderait  avec  elle  le 
corps  de  Winzingerode,  celui  de  Bulow,  les  Saxons  et  un  corps  suédois  avec 
lesquels  il  entreprendrait  l'expédition  de  Hollande. 

Par  une  marche  rapide  de  Cologne  sur  Anvers  on  réussirait  à  couper  la  Hol- 
lande de  la  France,  à  empocher  l'empereur  Napoléon  de  jeter  des  garnisons 
dans  les  places  fortes,  et  enfin  à  prendre  ce  pays  à  revers,  ce  qui  faciliterait 
Tinsnrrection  de  ses  habitante  et  donnerait  les  moyens  de  les  faire  soutenir  par 
l'Angleterre. 

(•)  Rlta  de  cela  n'a  éié  fait,  comme  nooi  le  démontrerons  pluf  tard. 


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nements  (ju'olle  avait  ocnipés  drs  le  18  novembre,  depuis  Lahr 
jusqu'au  Mein,  (»t  remonta  peu  à  peu  h»  cours  du  Rhin,  pendant 
que  Schwarzenberg.  décidé  i\  violer  la  neutralité  de  la  Suisse, 
partait  de  Francfort  h»  9  décembre  pour  surveiller  de  plus  près 
ces  mouvemenis.  Passant  par  Heidelberg  et  Carlsruhe,  le  généra- 
lissime installait,  le  il,  son  (juartier-général  h  Fribourg-en- 
Brisgau. 

Composition  de  cette  armée.  —  La  grande  armée  de  Bohême 
se  composant  des  :  1"  division  légère  autrichienne  (feld-maréchal- 
lieutenant  comte  Bubna);  :2«  division  légère  autrichienne  (feld- 
mari!»chal- lieutenant  prince  Maurice  Liechtenstein);  !••*•  corps 
d'armée  autrichien  (  feldzeugnïeist(T  comti»  (^olloredo)  ;  II«  corps 
d'armée  autrichien  (feld-maréchal-lieutenant  prince  Alois  Liech- 
tenstein) ;  III®  corps  d'armée  autrichien  (feldzeugmeister  comte 
Gyulay);  IV«  corps  d'armée  wurtembergeois  (prince  royal  <le 
Wurtemb(»rg)  ;  V«  corps  d*arnié(»  austro- bavarois  (général  de» 
cavalerie  comte  Wrède):  VI®  corj)s  d'armée  russe  (général  de» 
cavalerie  comte  Wittgenstein)  ;  réserves  autrichiennes  (général  d(^ 
cavalerie  princt»  héritier  de  Hesse-Hombourg)  ;  gardes  et  réserves 
russes  et  prussiennes  (général  d'infanterie  comte  Barclay  de  Tolly), 
soit  233  bataillons,  30i  escadrons  avec  682  bouches  à  feu  et  un 
effectif  total  de  près  de  200,000  hommes  *.  Elle  commença  son 
mouvement  vers  la  Suisse  le  10  décembre.  Sa  tête  de  colonne,  la 
division  Bubna,  était  arrivée,  dès  le  9  décembre,  à  Lorrach  où 
Schwaraenberg  transporta  son  quartier  général  le  20. 

Composition  de  l'armée  de  Silésie.  —  L'armée  de  Silésie, 
sous  les  ordres  de  Blûcher,  composée  du  V^  corps  prussi(»n 
(général  d'infant(;rie  von  York),  du  II*  corps  prussien  (général 
lieutenant  von  Kleist),  du  corps  russe  du  général  d'infanterie 
comte  Langeron,  du  corps  russe  du  général  d'infanterie  baron 
Sacken,  du  corps  volant  du  prince  Biron  de  (^ourlande,  forte 
de  146  1/2  bataillons.  152  escadrons,  17  réginients  de  cosa- 


*  D'après  Bogilanovitch  :  255  bataillons,  304  escadrons.  26  nfgiments  de 
cosaques,  690  bouches  à  feu  et  un  effectif  total  de  198,300  hommes;  diaprés 
Plotho:  239  bataillons.  293  escadrons,  684  bouches  à  feu  et  228,650  hommes; 
d'après  Damitz  :  263  bataillons,  295  escadrons,  581  bouches  à  feu  et  200,687 
hommes. 


—  10  — 

(}ues,  448  canons  avec  un  effectif  de»  9o.440  hommes,  devait, 
lorsqu'elle  aurait  été  rejointe  par  les  1V«  et  V«  corps  fédéraux 
(Électeur  de  Hesse  et  duc  régnant  de  Saxe-Cobourg),  présenter 
un  total  de  191  1/2  bataillons,  155  escadrons,  500  bouches  à  feu 
et  136,670  hommes.  Celte  armée  qui,  à  la  date  du  20  décembre, 
occupait  des  cantonnements  resserrés  sur  la  rive  droite  du  Rhin, 
de  Mannheim  à  (loblence,  ne  présentait,  lorsqu'elle  ronnnença  sa 
marche  lors  du  passage  du  Rhin  (l^"^  janvier  1814),  qu'un  effectif 
de  50,000  hommes.  Le  corj)S  de  Kleist  était  à  cette  époque  encore 
sous  Erfurt;  celui  de  Langeron  resta  devant  Mayenco  et  les  IV** 
(»t  V*  corps  fédéraux,  en  voie  de  formation,  ne  rejoignirent  que 
beaucoup  plus  tard. 

Composition  de  rarmée  du  Nord.  —  Quant  :i  l'armée  du 
Nord,  sous  les  ordres  du  prince  royal  de  Suède  et  dont  les  diffé- 
rents corps  représentaient  un(î  force  totale  de  près  de  170,000 
hommes,  elle  se  composait  du  III*  <!orps  d'armée  prussien 
(général-lieutenant  von  Bulow,  30,000  honmu»s  et  96  bouches  à 
feu),  du  corps  russe  du  général  de  cavalerie  baron  Winzingerod(» 
(30,000  hommes  et  132  bouches  à  feu)*,  du  III«  corps  fédéral 
(général  de  cavalerie  duc  de  Saxe-Weimar,  23,000  hommes  et 
56  bouches  à  feu),  du  corps  du  général-lieutenant  comte  Walmoden 
(15,000  hommes  et  32  canons),  de  10,000  hommes  de  troupes 
néerlandaises,  milices  sous  les  ordres  du  prince  d*Orange,  des 
9,000  Anglais»  du  général  Graham:  enfin,  du  <!orps  suédois  du 
feld-maréchal  comte  Stedingk  (23,000  hommes  et  62  bouches  à  feu) 
et  du  II"  corps  fédéral  sous  les  ordres  du  duc  de  Brunswick,  fort 
de  32,900  honnnes  et  64  bouches  à  feu  '. 

Effectifs  de  Tarmée  française  au  i"  janvier  1814.  —  A  ces 

forces  considérables,  aux  200,000  hommes  que  les  Alliés  allaient 


*  Le  corps  de  Buiow  arriva  le  24  février  à  Laon  ;  mais  ces  deux  corps  ne 
rejoignirent  l'armée  de  Bliicher  qu'en  mars.  Le  III*  corps  prussien  ne  comptait 
plus  alors  que  16.000  hommes. 

^  Ces  troupes  n'opérèrent  que  dans  les  Pays-Bas  et  en  Belgique, 

'  Ces  deux  derniers  corps  ne  prirent  pas  part  à  la  campagne  de  France,  mais 
en  revanche  les  armées  furent  renforcées  pendant  le  coui*s  des  opérations  par  les 
VI*  et  Vlll*  corps  fédéraux  et  par  les  contingents  hessois,  wiirtzbourgeoil, 
badois,  etc. 


—  11  — 

jchT  <ontre  lui  drs  les  pnMiiÛTs  jours  iW  janvier  1814,  Napoiéoii 
IH»  j>ouvait  opposer  depuis  Huniiijçue  jus(iu'au  <lelà  do  Ninirgue 
que  Victor,  qui  sur\'eillait  le  eours  du  Rhin  deHuningueà  Landau 
avec  le  2®  corps  (o,615  homni(»s  (»l  14  canons)  (»l  le  5®  eorps  de 
cavahTie  (4,2Go  hommes  et  0  bouches  h  feu);  Marniont.  qui 
couvrait  hi  ligne  d(»  Lan<lau  à  la  Moselle  avec  le  G«  corps  fort  d*un 
peu  plus  de  10,000  hommes  et  23  canons  environ  et  3.000  cava- 
liers. Le  4«  corps  (Morand,  14,181  hommes)  occupait  Mayence.  Le 
reste  du  cours  du  Khin  depuis  Coblence  jusqu'à  Nimègue  était 
gardé  par  les  troupes  sous  les  ordres  du  ihic  <1(»  Tarente.  Le  o** 
corjKS  (Sebastiani)  réduit  à  une  seule  division  forte  de  3.000 
honmies  environ  et  12  canons,  souteiuie  |>ar  1„^)33  chevaux  du 
3«  corps  d(*  cavalerie,  était  échelonné  depuis  le  confluent  de  la 
Moselle  jus(fu'îi  celui  de  la  Lippe.  Le  11*  corps  devait  avec  25 
bataillons  et  la  division  de  cavalerie  Kxelmans  (1 1.550  honnnes 
et  18  canons)  surNciller  le  Rhin.  d(»  Crefeldt  et  Wesel  jusqu'à 
Nimègue  et  au  fort  Saint-André. 

A  rextréme-gauche  de  Tannée  française.  Maison,  auquel  l'Em- 
pereur venait  le  21  décembre  de  confier  le  soin  de  défendre  la 
Belgique,  ne  disposait  à  ce  moment  que  de  quelques  dépots  des 
17®  et  24*  divisions  militaires,  de  quehpies  cadres  de  la  jeune 
garde  et  de  la  cavalerie  du  général  Castex. 

A  lextréuMî-droitiV,  Lyon  était  aussi  presque  entièrement  dégarni 
de  troupes.  Comme  réserve  au  i^entre  de  cette  longue  ligne  on  ne 
trouvait  que  la  faible  division  de  vieille  garde  du  général  Michel 
t»t  les  deux  divisions  dv  jeune  garde  en  formation  à  Metz.  Ces 
Iroupes  devaient  un  ])eu  plus  tard  et  j)Our  quelque  tenq)s  seu- 
lement, constituer,  sous  I(»s  ordn»s  deN(»y,  le  rasseniblem(»nt  qu'on 
décora  du  titre  pompeux  d'armée  des  Vosg(\s:  on  l'aft'ecta,  en 
partie,  à  soutenir  les  quelques  bataillons  qui,  sous  les  ordres  de 
.Mortier,  allaient  momentanément  (v(Ts  h»  15  janvier)  former  sur  le 
papier  l'armée  du  Morvan. 

Comme  on  le  voit,  les  10,000  honnnes  d(»  Victor,  échelonnés  dv, 
Huningue  jusqu'en  aval  de  Strasbourg,  paraissaient  destinés  à 
soutenir  à  vn\  seuls  le  premier  choc  des  200,000  hommes  de 
Schwarzenberg. 

'Violation  de  la  neutralité  de  la  Suisse,  20-21  décembre 
1813.  —  Pendant  ce  temps  le  généralissime  autrichien  en  était 


-  12  — 

arrivé  îi  ses  fins  :  il  avait  décidé  ou  pour  mieux  dire  obligé  le  czar 
à  consentir  h  la  violation  de  la  neutralité  de  la  Suisse  *,  et  dans  la 
nuit  du  20  au  21  décembre,  après  la  retraite  des  troupes  helvé- 
tiques, tous  les  corps  autrichiens  passaient  le  Rhin  à  Bûle,  Lauf- 
fenburg  et  SchafTousse.  Les  Austro-Bavarois  de  Wrède  les  sui- 
vaient le  22. 

En  y  comprenant  le  VI®  corps  (Wittgenstein)  et  l(»s  gardes  et 
réserves  sous  Barclay  de  ToUy,  la  grande  armée,  désormais 
divisée  en  9  colonnes  principales  allait,  en  étendant  sa  gauche 
jusqu'à  Genève,  chercher  à  pénétrer  en  France  par  la  trouée  qui 
sépare  le  Jura  des  Vosges,  pour  gagner  de  là  le  plateau  de 
Langres  par  la  route  de  Bàle  à  Vesoul.  Elle  devait,  conformément 
au  plan  de  Schwarzenberg,  être  à  Langres  vers  le  io  janvier,  au 
moment  même  où  Tarmée  de  Silésie  marchant  par  la  Sarre  et  la 
Moselle  serait  arrivée  aux  environs  de  Metz. 

Le  mouvement  de  l'armée  de  Bohême  jusqu'au  passage*  du 
Rhin  s'était  naturellement  opéré  sans  aucune  difficulté.  Schwarzen- 
berg avait  seulement  fait  tenter  contre  Neuf-Brisach,  dans  la  nuit 
du  19  au  20  décembre,  un  coup  de  main  qui,  moUemment  exécuté 
par  2,000  honmies  du  III*  corps  d'armée  (Gyulay),  échoua  com- 
plètement. 

Pour  arriver  à  se  rendre  un  compte  à  peu  près  exact  des  mou- 
vements que  les  dift'érents  corps  des  armées  alliées  effectuèrent 
dans  des  directions  si  divergentes  à  partir  du  21  décembre,  il  a 
paru  indispensable  de  diviser  notre  travail  en  périodes  et  d(» 
suivre,  pendant  chacune  de  ces  périodes,  les  mouvements  de 
chacun  des  différents  corps  alliés.  C'est  pourquoi,  dans  le  chapitre 
consacré  aux  premières  opérations  de  l'armée  de  Bohème,  on  a 
compris  les  mouvements  exécutés  jusqu'à  la  prise  de  Genève  par 
la  colonne  de  Bubna,  chargée  d'assurer  un  point  d'appui  solide  à 
l'extréme-gauche  des  alliés.  On  a  ensuite  retracé  rapidement  les 
premières  opérations  de  l'armée  de  Silésie,  et  on  a  terminé  l'étude 
de  cette  première  période  de  la  campagne,  qui  nous  mènera  jus- 


*  Proclamation  du  21  décembre  1813  adressée  par  Schwarzenberg  aux 
Suisses.  U  est  à  remarquer  que  ni  les  trou[)es  russes,  ni  les  troupes  des  IV^  et 
Y®  corps  ne  pénétrèrent  à  l'intérieur  de  la  Suisse.  Les  gardes  et  réserves  de 
Barclay  et  les  Austro-Bavarois  de  Wrede  se  bornèrent  à  se  servir  du  pont  de 
Bâle  tandis  que  les  Autrichiens  s*étendirent  jusqu'à  Genève. 


—  13  — 

qu'à  la  veille  du  combat  de  Bri(»Hne  el  de  la  bataille  de  La  Ho- 
Ihière,  jusqu'à  la  première  jonction  des  armées  d(î  Bohême  et  de 
Silésie,  par  un  résumé  des  événements  qui  se  sont  passés,  en 
janvier  1814,  tant  à  Fextréme-droite  en  Belgique  qu'à  Textréme- 
gauche  du  côté  de  Lyon. 


—  14  — 


CHAPITRE  li. 

OPKKATIONS  DE  L'AUMÉt:  DE  BOHÊME  DEPUIS  LE  PASSAGE  Dl'  RHIN  A  BALE 
JrSQU*A  LA  PUEMIÈUE  UÉIMON  AVEC  LARMÉE  DE  SILÉSIE  (26  JANVIEU 
1814). 

20  décembre  1813.  —  Ordre  de  mouvement.  —  Ce  lui  de  son 

quartier  général  de  Lôrraeh  que  ScliNvar/enberg  lit  partir,  le  20 
décembre,  les  ordres  de  mouvement  pour  les  dittércntes  colonn(\s 
de  Tarniée  de  Bohème. 

La  première  colonne  conqiosée  de  lavanl-garde  (U^  division 
légère  comte  Bubna)  et  du  II»  corps  (prince  Aloïs  Liechtenstein) 
devait,  en  partant  de  Crenzach  et  de  Bîlle.  se  diriger  la  première 
il  Textrème-gauche  de  la  ligne  sur  Genève,  h»  sec^ond,  en  passant 
par  Soleure,  Berne,  Fribourg  où  il  arriva  le  25.  se  séparer  de 
Bubna,  pousser  des  i)artis  vers  Pierre-Pertuis  [)Our  observer  la 
vallée  de  Saint-Imier  et  la  route  de  Travers  à  Pontarlier,  et  con- 
tinuer sa  marche  de  Neuchàtel  sur  Pontarlier. 

La  2«  colomie,  la  division  Crenneville  du  III®  coi*ps  autri(^hien 
du  comte  Gyulay,  renforcée  momentanément  par  la  division  de 
grenadiers  de  Blanchi,  qui  ne  tarda  pas  à  être  enq)loyée  jusque 
vers  le  5  janvier  devant  Belfort,  avait  reçu  Tordre  d'aller  de  Bâle 
à  Bi(înne  par  Soleure,  d'appuyer  de  là  vers  la  droite  pour  gagner, 
|)ar  Porrentruy  et  Montbéliard,  Vesoul  où  elle  arriva  le  7 
janvier. 

La  2*^  division  légère  (prince  Maurice  Liechtenstein)  et  le  l®"" 
corps  autrichien  (comte  Colloredo)  formaient  la  3®  colonne  qui, 
après  avoir  franchi  le  Uhin  à  Lauffenbourg,  jrassait  par  Aarau, 
Aarburg  et  Berne  pour  aller  vers  Neuchîltel. 

A  la  4«  colonne,  qui  se  conq)Osait  des  2  autres  divisions  du 
IIi«  corps  (Gyulay),  on  avait  attribué  pour  les  i)remiers  jours  la 
même  route  qu'à  la  8«.  Cette  colonne  suivit  ensuite  la  division 
Crenneville  et  se  dirigea  sur  Vesoul. 

Le  |)rince  héritier  de  Hesse-Hombourg  avec  les  réserves  autri- 
chienuj's,  (2  divisions  de  grenadiers  et  2  de  cuirassiers,  5®  colonne), 
passa  le  Rhin  à  Schattbuse  avec  ordre  d'être  W  29  déceml)re  à 
lierne. 


—  15  — 

Quant  aux  Austro-Bavarois  do  Wivde  qui  t'orniaient  la  6»colonnt». 
ils  passî^reiit  Iv.  Rhin  à  BAlc  h»  ii,  se  dirifçeant  sur  Huningue  et 
envoyèrent  une  division  (la  division  U(»chberg)  sur  Belforl. 

Le  IV«  corps  d'arnié(»  (prince  royal  <1(»  Wurleniberg)  consti- 
tuant la  7«  colonne  resta  provisoirement  à  Lôrra<*h  et  ne  passa  le 
Rhin,  à  Markt.  que  le  31  «lécenibre. 

Le  VI^  corps  conq)Osé  d(»s  Russes  de  Wittgenstein.  formant  la 
S*  colonne  qui  ne  |K»nétra  pas  en  Suisse,  avait  ordre  de  venir 
bloquer  Kehl  et  observait  à  ce  monu^nt  le  Rhin  depuis  Fort- Vauban 
jusqu  à  Mannheim. 

Entiîi  les  gardes  (»l  rés(»rv(»s  russes,  sous  les  ordres  d(»  Barclay 
de  Tolly.  qu'on  peut  considérer  comme  tbnnaîit  une  9'"  colonne, 
restaient  provisoirenjent  à  Lorrach  connue  le  1V«  corps. 

Gonsidérations  sur  cet  ordre  de  mouvement.  —  En  admet- 
tant que  les  Alliés  ont  agi  sagement  et  prudennnent  en  etî\»ctuant 
leur  mouv(»ment  par  la  Suisse,  pour  opérer  ensuite  une  conver- 
sion générale  à  droite  à  huiuelle  le  VI'  corps  (Wittgenstein)  était 
appelé  à  servir  de  pivot,  en  allant  même  jusqu'à  trouver  um»  cer- 
tiiine  raison  dèlre  h  l'envoi  des  1:2,000  honnnes  de  Bubna  sur 
Genève,  on  est  eu  revanche  dans  Finqmssibilité  de  déi^ouvrir  les 
motifs  qui  justifient  la  direction  suivie  par  le  l"'  corps 
((iolloredo)  et  les  rés(Tves  autrichiennes  du  prince  héritier  de 
Hesse-Hombourg  qu'on  envoya  de  Neuclultel  sur  Pontarlier  et 
Dijon.  On  iw  s'explique  pas  davantage  l(»s  motifs  qui  ont  pu 
amener  Schwarzenberg  à  ])r(»ndre  un  front  dont  retendu*»,  dans 
les  derniers  jours  de  décend)re,  embrassait  plus  de  300  kilomètres 
depuis  Fort-Louis  jusqu'à  Genève. 

Un  pareil  dispositif  ne  répondait  guère  aux  idées  émises  dans 
le  plan  d'opérations  que  le  généralissinu»  autrichien  avait  soumis 
et  fait  accepttT  au  czar  à  Francfort. 

22  décembre  1813.  — Premiers  mouvements  de  Wrède.  — 

De  toutes  les  colonnes  auxquelles  on  avait  fait  passer  le  Rhin  à  BiUe, 
ce  ne  fut,  gnice  à  ces  dispositions.  (|ue  la  colonn(î  formée  par  les 
Austro-Bavarois  de  Wrède  qui  se  trouva  rester  sur  la  grande  voie 
menant  à  l'intérieur  de  la  France.  Wrède,  bien  qu'il  n'eût  tra- 
versé le  Rhin  avec  ses  troupes  que  le  22,  lit  investir  le  jour  meniez 
Huningue  par  la  brigade  Zollern  de  la  division  Beckers,  dirigea 


—  16  - 

la  division  Rechberg  sur  Belfort  et  la  division  La  Motte  sur  Por- 
rentruy.  Les  Autrichiens  de  Frimont  formaient  sa  réserve,  et  les 
700  chevaux  du  corps  volant  du  colonel  autrichien  Scheibler 
couvraient  sa  droite  par  des  postes  envoyés  sur  la  route  de 
Colmar,  jusque  vers  Habsheim  et  Rixheim,  sur  celle  de  Cernay 
et  dans  la  direction  de  Thann. 

Le  corps  de  Wrède  était  donc  le  seul  dont  les  troupes  eussent 
été  jetées  en  France  et  le  mouvement  oif(»nsif  d'une  armée  de 
200,000  hommes  qui  n'avait,  à  proprement  parler,  rien  devant 
elle,  ne  se  manifesta  que  par  l'investissement  de  quelques  places 
et  par  l'envoi  de  quelques  partis  dans  le  département  du  Haut- 
Rhin. 

Quoi  que  les  panégyristes  de  Schwarzenberg  aient  pu  écrire 
pour  justifier  ces  dispositions,  ils  n'ont  pas  trouvé  une  seule  bonne 
raison  à  faire  valoir.  En  effet,  s'il  était  décidé  à  ne  porter  les 
Austro-Bavarois  en  avant  que  lors  de  l'entrée  en  ligne  du  IV®  corps 
et  des  colonnes  autrichiennes  passant  par  Neuchdtel,  il  eût  été 
assurément  plus  rationnel  de  maintenir  le  V«  corps  un  peu  plus 
en  arrière.  On  aurait  ainsi  épargné  aux  partisans  de  Scheibler  la 
leçon  qu'ils  allaient  recevoir  à  Sainte-Croix,  le  24  décembre.  On 
n'aurait  pas,  il  est  vrai,  enlevé  deux  bicoques  comme  BlAmont  et 
Landskron;  mais  on  aurait  eu  l'avantage  de  ne  pas  révéler  pré- 
maturément aux  Français  la  direction  dans  laquelle  l'attaque 
allait  se  produire. 

En  somme,  le  22  décembre  au  soir,  l'armée  de  Bohême  occu- 
pait les  positions  suivantes  . 

Positions  de  rarmée  de  Bohême  le  22  décembre  au  soir. 

—  Bubna  était  à  Soleure,  le  général  Scheither  à  Bûren,  le  gé 
néral  Zechnnîister  à  Bettlach.    Le  I"  corps  îi  Aarau,  le  II® 
Balstall.  Creimeville,  relevé  devant  Huningue  par  une  divis" 
du  V«  corps  *,  devait  se  diriger  le  lendemain  sui'  Soleure  a' 
avoir  rejoint  Bianchi  h  Lauffen.  Le  IV*  (îorj^s  était  encore  tr' 
arrière,  en  marche  vers  le  Haut-Rhin,  et  devait  être  du  3  au 
vier  à  Belfort  pour  se  relier  au  V*  et  couvrir  sa  droite.  Le 


*  Le  corps  volant  da  colonel  Scheibler  eut  ce  jour-là  déjà,  du  côté  ^ 
beim,  une  petite  escai  mouche  avec  un  des  avant-postes  français  qr 
6ur  Ensisheim. 


—  17  — 

gène  de  Wurleiiiberg  bloquait  Kolil.  Les  cosaques  du  colonel 
ice  Lubomirsky,  soutenus  par  le  général  major  Dochtoroff  avec 
"égiment  de  hussards  d'Olviopol  posté  à  Ottenheini,  surveil- 
litle  Rhin  deKehl  à  Vieux-Brisach;  le  général  major  Moussin- 
ichkine,  ayant  pour  soutien  à  Rastadt  le  général  major  Rudin- 
et  les  hussards  de  Grodno,  en  faisait  autant  de  Kehl  à 
mheim,  avec  les  régiments  cosaques  de  Jaroslaw  et  de 
issofTll.  Enfin,  Wittgenstein,  afin  de  se  procurer  des  nouvelles 
l'ennemi,  avait  fait  partir  le  général  Seslavin  avec  deux'  esca- 
nsde  hussards  de  Soumy  et  le  régiment  cosaque  Rebrikow  111, 
c  ordre  de  chercher  à  passer  en  amont  de  Strasbourg,  sur  la 
t  gauche  du  Rhin,  et  d'opérer  en  partisan  sur  les  derrières  de 
lop.  La  ligne  formée  le  long  du  Rhin  par  les  postes  d'observa- 
i  du  VP  corps  ne  mesurait  guère  moins  de  180  kilomètres. 

3  décembre  1813.  —  Mouvements.  —  Le  lendemain  23  la 
division  légère  autrichienne  arrivait  à  Berne,  le  1«'  corps  h 
burg,  le  II«  il  Soleure,  le  I1I«  à  Liestadt.  Le  major  de  Vaulx  (des 
vau-légers  de  Vincent)  avec  un  parti  de  100  cavaliers  et  quel- 
s  fantassins  avait  poussé,  dans  la  nuit  du  22  au  23,  justju'à 
ichâtel.  La  division  de  grenadiers  de  Bianchi  était  le  soir  à 
ilier,  celle  de  Crenneville  à  Asch  et  celle  de  Weissenwolif  îi 
isau.  L(;  IV*  corps  s'était  rapproché  d'Oifenbourg. 

lonvements  de  la  cavalerie  de  Wrëde.  —  Quant  à  W  rède, 
avait  transféré  son  quartier-général  à  Hésingen,  sur  la  route 
Belforl,  il  avait  reconnu  Huningue  et  envoyé  deux  petites 
mnes  mobiles  contre  Landskron  et  Blîlmont.  Le  colonel 
cibler,  avec  son  corps  volant,  fort  de  100  hussards  du  régi- 
il  de  Szekler,  de  50  hussards  du  régiment  de  Hesse-Hom- 
irg,  de  90  chevau-légers  bavarois  et  des  deux  faibles  régi- 
îts  cosaques  des  colonels  Elmorsin  et  Korin  qui  ne  comp- 
!nt  il  eux  deux  que  400  chevaux,  iivait  poussé,  dès  l'aube, 
|u'à  Ensisheim.  Il  avait  chargé  le  capitaine  baron  Schell,  du 
iment  de  hussards  de  Hesse-Hombourg.  de  poursuivre  avec 
escadron,  100  cosaques  et  un  peloton  de  chevau-légers  le 
uet  français  qui  s'était  retiré  la  veille  en  tiraillant  mollement 
Battenheim  sur  Ensisheim.  Le  capitaine  Schell  parvint  jus- 
lu  delii  de  Colmar,  enlevant  en  roule  un  convoi  de  douze 

Weil.  2 


—  18  - 

caissons  de  munitions;  mais,  informé  de  rapproche  d*un  corps 
français  marchant  sur  Colmar,  il  crut  plus  sage  de  se  retirer  sur 
Sainte-Croix  après  avoir  prévenu  WW'de  du  mouvement  de  la 
cavalerie  française  de  Milhaud,  qui  devait,  d*après  les  renseigne- 
ments qu'il  avait  recueillis,  arriver  à  Colmar  le  24  *. 

24  décembre  1813.  —  Affaire  de  Sainte-Croix.—  Bien  qu'in- 
formé à  temps  de  l'approche  de  la  cavalerie  de  Milhaud,  le  colonel 
Scheibler',  après  avoir  rallié  son  avant-garde,  crut  devoir  se 
rapprocher  de  Sainte-Croix.  Parti  d'Ensisheim  le  24,  vers  sep! 
heures  du  matin,  il  arrivait  à  dix  heures  à  Sainte-Croix  où  il  fut 
rejoint  par  un  parti,  que  sous  les  ordres  du  capitaine  Eberle  il 
avait  envoyé  la  veille  battre  le  pays  dans  la  direction  de  Neuf- 
Brisach.  11  faisait  aussitôt  filer  sur  Colmar  le  capitaine  Schell 
qui,  avec  50  hussards  et  50  cosaques,  vint  donner  contre  la 
droite  de  la  brigade  Montélégier  et  fut  rejeté  sur  Sainte-Croix. 
Informé  de  ce  fait,  le  colonel  Scheibler  se  porta  aussitôt  en  avant 
avec  l'escadron  de  hussards  de  Szekier  et  les  cosaques  d'Elmorsin, 
et  parvint  d'abord  à  arrêter,  puisù  repousser  les  2%  6*  et  11*(lra- 
gons,  de  la  brigade  Montélégier. 

Ce  succès  aurait  peut-être  permis  au  colonel  Sdièibler  d'effec- 
tuer sa  retraite  sans  trop  de  peine  si,  h  ce  moment  même,  le 
colonel  Korin,  qu'il  avait  laissé  en  réserve  à  Sainte-Croix  avcM! 
son  régiment  de  cosaques  et  avec  les  chevau-Iégers  bavarois, 
n'avait  pas  cru  devoir  quitter  sans  ordre  sa  position  pour  prendre 


*  «  Le  maréchal  Vi'rlor  au  major  général.  —  Strasbourg  24  décembre  1813. 
—  3  heures  après  midi. 

« Je  reçois  à  l'instant  des  nouvelles  dn  général  Milhaud. 

il  me  mande  de  Colmar  hier  à  9  heures  du  soir  qu*au  moment  où  son  avant- 
garde  entrait  dans  cette  ville  d'un  côté,  les  ennemis  y  entraient  de  l'autre. 
C'était  un  parti  commandé  par  le  baron  de  Schell  et  composé  de  Jhevau-Iégers 
bavarois,  de  hussards  autrichiens  et  de  20  cosaques  du  Don,  venant  de  Mul- 
house. . .  »  (Archives  du  dépôt  de  la  guerre.) 

s  Scheibler  ne  pouvait  pas  savoir  à  ce  moment  que  Victor,  comme  le  prouve 
la  dèpôcfae  suivante,  envoyait  derrière  Milhaud  de  l'inianterie  à  Colmar  : 

Le  maréchal  Victor  au  major  général.  —  Strasbourg,  24  décembre  1813.  — 

3  heures  apri>s  midi.  — Une  colonne  d'infanterie  est  sortie  ce  matin  de 

Strasbourg  pour  aller  soutenir  le  général  Milhaud.  Elle  est  composée  de 
3,000  hommes  du  2*  corps.  J'en  ferai  sortir  une  de  même  force  demain  ave^r 
(le  l'artillerie.  C'est  tout  ce  que  j'ai  de  disponible  pour  le  moment.  »  (A  rchives 
du  dépôt  de  la  guerre.) 


—  19  — 

part  îi  raclion,  alors  que  deux  escadrons  de  la  brigade  CoUaert 
(division  Milhaud)  débouchuieul  eu  arrière  de  Sainte-Croix.  Pris 
ainsi  de  front  et  à  revers,  la  plus  grande  partie  des  cosaques  ne 
songea  qu'il  chercher  son  salut  dans  la  fuite;  avec  les  300  chr'- 
vaux  qui  leur  restaient,  h»s  colonels  Scheibler  et  Ehnorsin  réus- 
sirent néanmoins  à  se  frayer  un  passage  et  h  ramener  à  Ensis- 
heim  les  débris  du  corps  volant  auquel  cette  aflaire  avait  coûté 
neuf  officiers,  la  moitié  de  Tescadron  bavarois,  en  tout  200 
hommes.  Le  colonel  Ehnorsin,  grièvement  blessé,  fut  fait  prison- 
nier et  succomba  le  soir  même  ». 

La  brigade  Gollaert  se  porta  à  Sainte-Croix  où  le  général  Mil- 
haud la  lit  soutenir  par  la  division  Pire.  La  division  de  cavalerie 
Lhéritier  et  Tune  des  brigades  de  la  division  Diihesme  occupère.nl 
Colmar. 

Les  restes  du  corps  volant  de  Scheibler  *  reçurent  de  Wrède 
Tordre  de  servir  d'extrême  avant-garde  aux  Autrichiens  de  Fri- 
mont  que,  par  suite  de  la  résistance  de  Belforl  et  de  Huningue, 
on  avait  fait  venir  à  Mulhouse  pour  (^ouvrir,  du  côté  du  Nord,  les 
attaques  tentées  infructueusement  jusqu'ici  contre  ces  deux 
places. 

Prise  du  château  de  Landskron  et  position  des  colonnes 
autrichiennes  le  24  au  soir.  —  La  prise  du  chdteau  fort  de 
Landskron,  qui  se  rendit  le  24  au  soir,  au  colonel  von  Treuberg, 
n'était  qu'une  faible  compensation  à  l'échec  éprouvé  par  Scheibh^r 
et  à  la  résistance  inattendue  que  le  V»^  corps  rencontrait  à  Belfort 
et  II  Huningue. 

Les    autres    colonnes  avaitMit   continué    tranquillement    leur 


'  Les  rapports  des  AlUés  ne  parlent  que  de  67  hommes  tudS  ou  blessés.  Do 
son  côté  MiUiaud  dans  son  rapport  de  Colmar,  21  décembre,  9  beures  dn  soir, 
«xagêre  les  pertes  de  Scheibler  qu'il  prétend  être  de  200  tués,  300  blessés, 
150  prisonniers  (Archives  de  la  guerre).  Ces  chiffres  sont  évidemment  trop 
élevés  puisque  l'effectif  total  du  corps  volant  n'était  que  de  650  hommes. 

n  est  vrai  de  dire  que  dans  les  rapports  des  Alliés  on  évalue  à  4,000  hom- 
mes les  troupes  françaises  engagées,  tandis  que  la  brigade  Montélégier  fut  la 
seule  qui  donna.  Les  2  escadrons  de  la  brigade  CoUaert  n'ont  fait  qu'exécuter 
une  démonstration,  et,  d'aUleurs,  la  division  tout  entière  ne  comptait  que  659 
iiommes  le  20  décembre  (Voir  Arckivei  du  Dépôt  de  la  guerre  situation  du 
V»  corps  de  cavalerie). 

>  Le  colonel  Scheibler  reçut  3  blessures  au  combat  de  Sainte-CSroix. 


—  20  — 

marche  :  Bubna,  avec  la  1*®  division  légère,  était  à  Fribourg.  Le 
!«'  corps  h  Aarwangen,  le  IP  h  Berne,  le  IIP  à  Balslall,  la  lôte  d(» 
colonne  du  IV®  corps  à  Offenburg,  les  grenadiers  de  Blanchi  à 
Tavannes  et  à  Bienne,  ceux  de  Weissenwolff  à  Zurich. 

Conséquences  du  combat  de  Sainte-Croix.  —  Quelque  insi- 
gnifiante qu'eût  été  en  elle-niônie  l'affaire  de  Sainte-Croix,  elle 
n'en  produisit  pas  moins,  sur  l'esprit  de  Schwarzenberg,  une 
impression  d'autant  plus  vive  qu'il  ne  s'était  pas  attendu  h  voir 
Belfort  et  Huningue  résister  aux  efforts  de  Wrède.  On  envisageait 
les  choses  d'une  façon  tragique  au  grand  quartier  général,  disait 
Toll  *.  On  croyait  que  Napoléon  était  arrivé  en  personne  à  Stras- 
bourg, on  s'attendait  à  voir  un  corps  français  déboucher  en  aval 
de  Strasbourg,  y  passer  sur  la  rive  droite  pour  y  menacer  la  droite 
de  l'armée  de  Bohême,  prendre  l'offensive  contre  elle  et  tomber 
successivement  sur  ses  différentes  fractions  échelonnées  et  dissé- 
minées le  long  du  Rhin.  Schwarzenberg  crut  donc  sage  d'envoyer 
des  courriers  à  Wittgenstein  et  au  prince  royal  de  Wurtemberg, 
pour  les  inviter  a  accélérer  leur  marche  et  à  effectuer  au  plus  vite  le 
passage  du  Rhin  :  de  prescrire  à  Frimonl,  qui  devait  le  25  se  porter 
sur  Golmar,  d'avoir  à  s'arrêter  entre  Ensisheim  et  Mulhouse;  h 
Wrède,  de  concentrer  tout  son  monde  entre  Belfort,  Mulhouse  et 
Huningue. 

Plus  à  droite,  les  Russes  de  Wittgenstein  devaient  se  tenir  pour 
le  moment  de  Kehl  jusqu'à  hauteur  d'Offenburg,  et  les  Wurlem- 
bergeois  du  prince  royal,  se  masser  sur  la  Kinzig,  près  de  Gen- 
genbach.  Mais  ces  mesures  elles-mêmes  ne  suffirent  pas  pour 
calmer  les  appréhensions  de  Schwarzenberg,  et,  le  25  décembre, 
il  écrivait  entre  autres  à  Blucher  : 

25  décembre  1813^  —  Lettre  de  Schwarzenberg  à  Blûcher. 

—  «  Il  importe  d'occuper  l'armée  ennemie  qui  se  réunit  entre  Metz 
et  Strasbourg,  de  façon  qu'elle  ne  puisse  rien  entreprendre  sur 
la  rive  gauche  contre  Huningue,  ni  tenter  un  passage  sur^  la 
rive  droite,  du  côté  de  Kehl.  Wittgenstein  est  devant  Kehl,  mais  il 
est  encore  trop  faible  pour  inquiéter    sérieusement  l'ennemi. 


B5IINHAR0I,  Denkwurdigkeiten  des  Grafen  Toll;  IV,  p.  135. 


-  21  — 

L'arméo  de  Silésie  pouvant  seule  détourner  Tattenlion  de  l'ennemi, 
le  généralissime  prie  son  commandant  en  chef  de  lui  faire  con- 
naître les  mesures  qu'il  compte  prendre  à  cet  effet.  11  lui  semble 
qu'une  opération  contre  Nancy  ou  Verdun  produirait  les  résultats 
désirés*.  » 

Nous  avons  insisté  à  dessein  sur  les  conséquences  vraiment 
surprenantes  d'un  engagement  aussi  |)eu  important  que  celui  de 
Sainte-Croix,  parce  qu'il  nous  a  semblé  qu'il  en  découlait  des 
enseignements  utiles  ii  méditer  môme  de  nos  jours. 

Prise  de  Blâmont.  —  Pour  la  journée  du  25  décembre,  on  n'a 
gu(»re  il  signaler  que  la  prise  du  chûteau  de  Bldmont,  contre 
lequel  Wrède  avait  envoyé  le  capitaine  d'état-major  von  Heideck, 
avec  une  compagnie  d'infanterie  et  un  peloton  du  4«  régiment  de 
chevau-légers.  L'officier  bavarois  trouvant  le  pont-levis  abaissé, 
pénétra  au  galop  dans  Tintérieurdu  chîlteau-fort  pendant  que  son 
infanterie  se  déployait  ;  il  fit  prisonniers  les  quelques  honnnes 
dont  se  composait  la  garnison. 

Positions.  —  Quant  aux  autres  troupes  du  V«  corps,  elles 
occupaient,  le  25,  les  positions  suivantes  :  Frimont  avec  ses  Autri- 
chiens, s'étendait  d'Ensisheim  à  Mulhouse,  couvert  h  sa  droite  sur 
la  route  de  Neuf-Brisach,  par  les  quelques  cavaliers  qui  restaient 
au  colonel  Scheibler  et  étaient  postés  d(»  Fessenheim  h  Blodel- 
sheim.  La  division  du  comte  Antoine  Hardegg  était  à  Ensisheim. 
ayant  une  avant-garde  h  Mayenheim  et  Eguisheim,  sur  la  route 
deColmar;  elle  était  soutenue  par  une  partie  de  la  division  du 
feld-maréchal-lieutenant  Spleny,  à  Baldersheim  et  Batlenheim. 
Enfin,  de  gros  partis  assuraient  les  communications  avec  la  divi- 
sion Rechberg  du  côté  de  Belfort,  et  avec  la  division  Beckers,  qui 
investissait  Huningue. 

Bubna  était,  pendant  ce  temps,  arrivé  îi  Fribourg  avec  les  bri- 
gades Hesse-Hombourg  et  Zechmeister  ;  des  détachements  de  la 
!*•«  division  légère  avaient  été  dirigés  surPayerne  et  Bienne;  enfin, 
le  gros  de  la  colonne  de  Bubna  devait  être  renforcé  le  lendemain 
par  la  division  Greth,  qui  venait  remplacer  la  brigade  Scheither 
passée  au  II*  corps. 

Le  1«'  corps  était  à  Kilchberg.  Le  11*  faisait  halte  ii  Berne.  La 

1  UcRNHARDi,  ToU;  M,  p.  136. 


—  22  — 

brigade  Scheilher  avait  occupé  Neuchiltel,  et  son  avant-garde, 
sous  les  ordres  du  major  de  Vaulx,  avait  poussé  jusqu'à  Pontar- 
lier.  Le  III*  corps  était  îi  Soleure.  et  l'une  de  ses  divisions  (la  divi- 
sion lég^Te  Crennrville)  rejoignait  Bianchi  h  Tavannes,  pendant 
qu'une  colonne;  volanti*  de  trois  compagnies  et  d'un  escadron 
filait  sur  Porrentruy  et  que  la  division  Weissenwolff  venait  à 
Bremgarten. 

Du  côté  du  VI«  corps,  le  2«  corps  d'infanterie  sous  les  ordres 
du  prince  Eugène  de  Wurtemberg  avait  relevé  depuis  le  22  à 
Kehl  une  brigade  wurlembergeoise  ;  4  régiments  de  cosaques, 
soutenus  en  arrière  par  la  cavalerie^  légère,  contiimaienl  îi  sur- 
veiller le  cours  du  Rhin.  Le  l®""  corps  russe  (prince  GortchakoffK 
était  cantonné  autour  d'Otfenburg,  et  le  général  Seslavin  se  prépa- 
iniit  à  passer  sur  la  rive  gauche  avec  des  cosaques  et  de  la  cava- 
lerie légère  pour  se  relier  à  droite  h  l'armée  de  Silésie,  à  gauche 
avec  Wrède. 

La  brigade  wurtembergeoise  Stockmayer,  relevée  par  les 
Russes  à  Kehl,  était  en  marche  pour  rejoindre  la  colonne  du 
général  Franquemont  (du  IV®  corps)  au  delà  d'Offenburg. 

26  décembre  1813.  ^  Positions  et  opérations.  —  La  journée 
du  26  devait  être  encore  plus  insignifiante  et  plus  nulle  que  celle 
(lu  25.  Wrède,  désormais  certain  qu'il  lui  serait  impossible  d'en- 
lever Huningue  par  un  coup  d(;  main,  se  décidait  h  en  faire  h^ 
siège  en  règle  et  ouvrait  la  première  parallèle  dans  la  nuit  du  25 
au  26.  Frimont  envoyait  trois  bataillons  et  une  batterie  pour  cou- 
vrir la  gauche  du  V*  corps. 

Le  mêmc!  jour,  quelques  cavaliers  français  essayèrent  en  vain 
d'enlever  un  peloton  de  hussards  posté  ii  Cernay. 

Pendant  ce  temps  Schwai7.enberg.  préoccupé  de  voir  une 
trouée  se  produire  dans  ses  lignes,  du  côté  de  Neuf-Brisach  par 
suite  du  mouvement  qu'une  grande  partie  du  V«  corps  avait  fait 
sur  Belfort,  écrivait  au  prince  royal  de  Wurtemberg  de  régler  la 
marche  de?  ses  colonnes  de  façon  à  les  ftiire  déboucher  de  Fri- 
bourg  le  plus  rapidement  possible  et  à  les  diriger  sur  Miirkl,  où 
son  corps  d'armée  passerait  le  Rhin  sur  un  pont  de  bateaux. 

Or,  comme  le  fait  remarquer  lord  Burghersh  *,  on  n'avait  rien 

1  Lonu  HuRGHERSH  (Eai'l  of  l^'eshnoreland),  Memoi  . 


—  23  - 

devant  soi  et  Ton  perdait  si  bien  son  temps  à  exécuter  des  marches 
compliquées,  des  manœuvres  soi-disant  savantes,  qu  on  s*amusaii 
à  tourner  des  positions  que  persoime  n'occupait  et  que  l'année 
autrichienne,  concentrée  le  21  décembre  autour  de  BAle,  mit  près 
d'un  mois  pour  arriver  sur  le  plateau  d(»  Laupjres. 

Le  I»*"  corps  continuait  méthodiquement  sa  marche  sur  Berne. 
Ia\  1I«  sur  Aarberg  ;  son  avant-garde  (général  Scheith(T),  étiiit 
restée  immobile  h  Neuchûtel.  l^e  11I«  corps  avait  fait  halte;  la  divi- 
sion Weissenwolff  était  cantonnée  en  arrière  de  Lenzburg.  et  les 
rf'serves  russes  et  prussiennes  avec  Barclay  d(î  Tolly.  dont  le 
quartier  général  était  h  Bothweil,  reçurent  direclemenl  de  l'em- 
pereur de  Russie  l'ordre  de  commencer  le2S  leur  mouvement  sur 
Lôrrach. 

Quant  à  Bubna,  il  n'alla  ce  jour-là  que  jusqu'à  Payerne:  son 
avant-garde  seule  atteignit  Moudon,  et  la  division  Gr(»th,  sous  les 
ordres  du  général  Klo|)pslein,  ne  dépassa  pas  Fribourg. 

27  décembre  1813.  —  Marches  et  opérations.  —  Le  27, 

Bubna  imprima  un  peu  plus  d'activité  à  sa  marche.  Son  avant- 
garde,  sous  le  colonel  comte  Zichy.  arriva  jusqu'à  Morges;  la  bri- 
gade Hesse-Hombourg  avec  le  (piartier  général,  à  Lausanne:  le 
général  Kloppstein,  à  Moudon. 

Les  autres  corps  autrichiens,  en  revanche,  ne  firent  qu(;  peu  de 
clieniin.  Le  h'  corps  fit  halte  à  Berne;  le  II"  se  contenta  de 
dépasser  Neuchàlel;  la  brigade  de  Scheither,  qui  lui  servait 
d'avant-garde,  poussa  jusqu'à  Travers,  et  sa  pointe,  qui  occupait 
Pontarlier  et  Morteau.  fit  une  démonstration  contre  le  fort  de 
Joux.  Le  III®  corps  se  cantonna  ce  jour-là  à  Bienne. 

La  cavalerie  de  la  division  Rechberg,  du  V*»  corps,  avait 
envoyé  des  partis  jusqu(*  dans  les  environs  de  Vesoul,  et  le  lieute- 
nant baron  Gagcrn.  du  i^^  régiment  de  chevau-légers,  qui  battait 
l'estrade  avec  un  peloton  de  cavalerie  et  quelques  fantassins, 
reconduisit  jusqu'à  Lure  un  petit  piquet  français,  auquel  il  enleva 
15  hommes  et  9  chevaux. 

On  avait  jeté  sur  le  Rhin  deux  ponts  de  bateaux  destinés  au 
IV«  corps,  l'un  à  Mârkt,  l'autre  à  Idslein. 

Dans  cette  journée.  300  cavaliers  français  avaient  exécuté  une 
reconnaissance  en  avant  de  Colmar  et  repoussé  les  avant-postes 
du  V*'  corps  jusqu'en  arriére  de  Balgau. 


—  24  — 

Les  Alliés,  malgré  leur  nombreuse  cavalerie,  n'avaient  pu  se 
procurer  que  des  renseignements  vagues  et  contradictoires  sur  la 
force*  des  troupes  françaises  qui  leur  étaient  opposées  dans  le 
Haut-Rhin.  Tout  ce  qu'ils  savaient  à  ce  moment,  c'était  que  les 
Français  occupaient  Sainte-Croix  et  Rouffach,  et  que  leurs  cou- 
reurs s'étaient  montrés  en  avant  de  Soultz  jusque  vers  Cernay*. 

Quant  à  Wittgenstein,  il  employa  la  journée  du  27  h  préparer 
le  passage  de  son  corps  d'armée  à  Plittersdoff,  à  l'endroit  même 
où,  en  1793,  le  prince  de  Waldeck  avait  réussi  h  l'effectuer  heu- 
reusement, en  raison  des  facilités  qu'y  présente  le  cours  môme 
du  Rhin. 

Le  même  jour,  le  général  Bianchi  était  vers  Glovilliers,  et  le 
major  Wober,  avec  une  colonne  volante,  se  portait  par  Porrentruy 

*  «  Le  maréchal  Victor  aa  major  général. — Strasbourg,  le  27  décembre  1813. 

—  8  heures  du  soir.  — Le  dernier  rapport  du  général  Milhaud  nrannonce 

que  lo  corps  d*armée  commandé  par  le  général  de  Wrôde  est  devant  lui  et  qu'il 
s'attend  à  Atre  attaqué  d'un  moment  à  Tautro.  On  suppose  que  ce  corps  d'ar- 
mée doit  être  fort  de  20  à  25,000  hommes.  Je  viens  de  faire  sortir  de  Strasbourg 
le  reste  de  la  4*  division  et  2  batteries  pour  aller  s'établir  en  2*  ligne  du  général 
Milhaud  à  Guemar.  Je  choisis  cette  position  pour  attendre  l'ennemi  parce  que 
c'est  la  plus  resserrée  de  la  vallée  et  qu'elle  convient  aux  forces  dont  je  puis 
disposer.  Elles  ne  peuvent  pas  s'élever  pour  le  moment  au  delà  de  7.000  hom- 
mes d'infanterie,  3,800  chevaux  et  5  batteries  du  13*  d'artillerie  légère.  Le 
général  Milhaud  a  ordre  de  se  replier  sur  Guemar  dans  le  cas  où  l'armée  enne- 
mie marcherait  sur  lui,  mais  de  couvrir  et  de  défendre  Colmar  tant  qu'il  le 
pourra  sans  danger.  »  {Archives  du  dépôt  de  la  guerre.) 

Rapport  du  général  Milhaud. —  «  Colmar,  27  décembre  1813.  —  Mon  Prince, 
Je  fais  harceler  avec  prudence  et  vigueur  les  flancs  de  l'ennemi.  Mes  partis 
de  cavalerie  légère  et  de  dragons  ont  tous  les  jours  des  escarmouches  avec  les 
partis  ennemis,  qui  ont  jusqu'ici  été  à  notre  avantage.  Je  protège,  autant  que 
mes  moyens  me  le  permettent,  les  communes  contre  les  réquisitions  de  l'en- 
nemi . . . 

u  11  serait  bien  essentiel  de  donner  une  direction  à  l'élan  des  habitants  pour 
faire  le  plus  de  mal  possible  aux  ennemis  de  l'Empereur  et  de  la  France. 

H  Les  habitants  du  Haut-Rhin  sont  presque  tous  bons  cavaliers  ;  on  pourrait 
facilement  organiser  une  légion  de  volontaires  à  pied  et  à  cheval,  mais  il  fau- 
drait un  ordre  de  Sa  Majesté. 

«  Je  pousse  aujourd'hui  une  forte  reconnaissance  sur  la  route  de  Belfort  pour 
voir,  de  plus  près  jMïssible,  si  le  rapport  fait  au  général  Ludot  concernant  un 
camp  baraqué  entre  Cernay  et  Thann,  est  exact. 

«  Ce  qui  est  certiin  c'est  que  l'ennemi  a  une  forte  division  de  toutes  armes 
et  des  canons  en  batterie  à  Ensisheim.  Je  saisirai  néanmoins  toutes  les  occasions 
favorables  pour  l'entamer  et  le  forcer  de  retenir  devant  nous  un  corps  beau 
coup  plus  considérable. 

«  Nota.  Le  général  Beaumont  est  resté  malade  a  Metz  ;  je  désirerais  avoir  à  la 
tète  de  la  9*  division  de  grosse  cavalerie  un  général  de  division  bien  portant  et 
intrépide  comme  le  général  Montélégier.  »  (Archives  du  dépôt  de  la  guerre,) 


^^    ^^    

siir  Rocourl  et  Dauvan  ;  un  autre  parti,  composé  d'un  escadron 
soutenu  par  deux  compagnies,  se  dirigeait  sur  Sainte-Ursanne, 
par  Saint-Léger. 

Enfin  Crenneville,  avec  sa  division  légère  arrivée  à  Porrentruy, 
envoyait  des  partis  sur  Délie  pour  essayer  de  se  relier  à  la  division 
Uechberg. 

Le  IV»  corps  atleigiKiit  Emmendingen  :  la  division  Wessenwolft' 
s'arrêtait  le  soir  auprès  d'Aarburg,  et  le  reste  des  réserves  autri- 
«'hiennes  continuait  lentement  leur  marche  sur  Pontarlier,  où  elles 
arrivèrent  du  4  au  6  janvier. 

28  décembre  1813.  —  Mouvements.  —  Le  âS  décembre,  le 
I«'  corps  arrivait  îi  Aarberg;  le  1I1«,  cantonné  près  deSaint-Imier, 
recevait  Tordre  de  soutenir  Blanchi. 

Du  côté  du  V*  corps,  les  Français  firent  une  sortie  assez  vigou- 
reuse à  Belforl.  et  les  travaux  d'attaque  continuèrent  devant 
Huningue. 

Blanchi  était  alors  ii  Porrentruy,  et  la  division  légère  Crenne- 
ville venait  prendre  position  à  Pierre-Fontaine  afin  d'être  à  même 
de  soutenir  le  corps  franc  du  major  Wôber,  envoyé  (»n  reconnais- 
sance sur  Besançon.  Ces  partisans  rencontrèrent  un  petit  parti 
français  à  Clerval-sur-Doubs,  le  rejetèrent  et  le  poursuivirent 
jusqu'à  Baume-les-Dames. 

Quant  au  1I«  corps,  il  était  à  Morteau,  Le  Locle  et  Chaux-du- 
Milieu.  Son  avant-garde,  la  brigade  Scheither,  reconnaissait  les 
abords  du  fort  de  Joux. 

Mouvemeats  de  Bubaa  vers  Genève  pendant  les  journées 
du  28  au  30  déce!Pbre.  —  Bubna  avait  continué  sur  Genève.  La 
division  Kloppstein  était  à  Lausanne;  la  brigade  Zechmeister  allait 
de  Morat  îi  Moudon.  Bubna  lui-même,  ave(!  la  brigade  Hesse- 
Hombourg,  arrivait  à  RoUe,  et  l'avant-garde  du  colonel  Zichy, 
poussant  jusqu'à  Nyon  sur  les  bords  du  lac  de  Genève,  occupait 
Saint-Cergues  et  fermait  ainsi  la  route  venant  du  Jura.  On  avait 
fait  partir  le  27  le  colonel  Simbschen  chargé  d'occuper,  avec  ses 
six  cents  hommes,  les  passages  du  Saint-Bernard  et  du  Simplon 
et  d'envoyer  par  la  vallée  d'Aoste  des  partis  sur  Turin. 

L'occupation  de  Genève  j)ar  les  Alliés  n'était  plus  qu'une  ques- 
tion d'heures,  surtout  depuis  qu'une  députation  d'habitants  de  la 


—  ?.6  -- 

ville  s'était  jwésentée  au  quartier  générai  de  Bubna  et  lui  avait 
fait  savoir  que  le  général  Jordy,  bien  qu'il  disposât  de  6  batail- 
lons et  qu*il  eût  reru  l'ordre  de  tenir  jusqu'à  la  dernière  extré- 
mité, avait  en  quelque  sorte  promis  ;\  la  municipalité  de  capituler 
dès  que  Genève  serait  menacée  d'un  bombardement  et  investie 
|)ar  des  forces  r(;s|)ectables. 

Bubna  continua  sa  marche  le  29.  Sou  avant-garde  occupa 
Versoix  et  Gex  s'assurant  ainsi  la  route  de  Saint-Claude,  pendant 
(|u'un  escadron  envoyé  en  avant  de  Pouilly-Saint-Genis  surveillait 
le  fort  de  rEcluse.  Son  quartier  général  fut  installé  h  Nyon  ; 
Zechmeister  s'établit  à  Morges. 

Le  lendemain  30.  dès  l'aube.  Zichv,  avec  2  bataillons,  2  esca- 
drons  et  3  batt(»ries.  dont  2  d'artillerie  ii  cheval,  vint  par  la  route 
d(»  Ferney  occu|)er  les  hauteurs  de  Délice  et  de  Saint-Jean  qui 
dominent  Genève,  pendant  que  le  colonel  Wieland,  marchant  avec 
2  bataillons,  1  escadron  et  une  batterie  par  la  route  qui  longe  le 
lac,  se  montrait  presque  en  même  temps  i\  Suéconex.  La  division 
Kloppstein,  qui  le  suivait,  occupa  peu  de  temps  après  les  hauteurs 
de  Petit-Suéconex.  Le  reste  de  la  cavalerie  se  déploya  à  Ferney. 

30  décembre  1813.  —  Occupation  de  Genève  —  Bubna  n'eut 
|)as  besoin  de  prendre  de  dispositions  d'attaque.  Dès  Tapparition 
des  colonnes  autrichiennes,  le  conseil  de  défense  s'était  prononcé 
pour  la  capitulation  et,  sans  même  entrer  en  relations  avec  Bubna, 
la  garnison  française  se  relira  iumiédiat(»ment  sur  Rumilly.  Quel- 
ques heures  plus  tard,  le  général  Zechmeister  entrait  à  Genève  h 
la  tét<'  de  3,000  hommes  qui  allaient  y  tenir  garnison.  Quant  à 
Bubna  *,  comme  nous  le  dirons  en  détail  plus  tard  dans  le  chapitre 
consacré  aux  opérations  autour  de  Lyon,  il  s(î  porta  avec  le  reste 
de  ses  forces  par  les  défilés  du  Jura  sur  Poligny  où  il  arriva  le 
i'}  janvier.  De  là,  il  poussa  son  avant-garde  vers  Arbois  et  un 


1  Si  l*on  Tcat  se  rendre  compta;  de  la  furiUté  avec  laquelle  Babna  aurait  pu 
à  ce  moment  pousser  sur  Lyon,  il  suffit  de  lire  les  lignes  suivantes  adressées 
le  1'^''  janvier  de  Grenoble  par  le  général  Laroche  au  duc  de  Fellrc  :  «  Je  pars 
avec  1000  ou  1200  hommes  d^infanterie  de  la  colonne  italienne  du  général 
Saint-Paul,  pour  me  porter  sur  Ciiambéry,  afin  de  protéger  la  retraite  de  la 
garnison  de  Genève  et  aussi  pour  retirder  s'il  est  possible  la  marche  de  l'en- 
nemi que  l'on  dit  avoii*  Tintoution  de  se  porter  sur  Lyon  et  sur  Valence.  »  Il 
convient  même  d'ajouter  que  le  général  Laroche  se  retira  le  3  sur  Grenoble  et 
lai.5sa  oontiiraer  sur  Slilan  la  brigade  italienne.  {Archiva  dmDépôide  la  guerre,) 


—  27  — 

autre  parti  plus  à  gauche  vers  Lons-lo-Saunier.  afin  do  couvrir 
l'aile  gauche  de  Tarmée  de  Bohême. 

Formation  de  corps  de  partisans.  —  Pendant  que  Bubna 
achevait  ainsi  son  mouvement  sur  Gencive,  on  se  préoccupait, 
au  grand  quartier  général  de  Schwarzenberg.  de  l'organisa- 
tion des  corps  de  partisans  destinés  à  précéder  l'armée  et  à 
couvrir  ses  flancs.  Dès  le  2'i,  le  jour  même  où  Barclay  de  Tolly 
avisait  le  généralissime  d(»  la  marche  d(»  4  régiments  cosaques, 
(|u*il  lui  envoyait  et  qui  devaient  être  rendus  à  Petit-Bî\le  le  29, 
Schwarzenberg  avait  prescrit  de  former  ave(*  2  régiments  de 
cosaques  et  1  escadron  de  hussards  un  corps  de  partisans  qui 
devait,  sous  la  conduite  du  lieutenant-colonel  comte»  Thurn, 
pousser  vers  Nancy  et  Verdun.  Du  reste,  la  l(»tlre  que  Toll*  écrivit 
par  ordre  du  généralissime,  le  28  décembre,  au  prince  Wolkonsky 
permet  de  se  rendre  un  compte  exact  des  projets  du  grand  quar- 
tier général  :  «  Le  prince  de  Schwarzenberg.  y  est-il  dit.  me 
charge  de  prier  Votre  Excellence  de  d(»mander  à  S.  M.  TEmpereur 
quelle  destination  elle  compte  donner  au  corps  du  comte  Platot!'. 
Le  prince  pense  que  nous  devons,  en  entrant  en  France,  em- 
ployer, non  seulement  des  chefs  de  partisans  hardis  et  intrépides, 
mais  surtout  des  officiers  qui,  possédant  et  parlant  la  langue» 
du  pays,  rendront  des  services  comme  Mairmrs  des  armées  et 
pourront,  par  leurs  renseignements  et  leurs  observations  person- 
nelles, nous  donner  des  indications  |>ré<Mses  sur  les  mouvements 
de  l'ennemi.  .  .  . 

«  Le  prince  de  Schwarzenberg  a  l'intention  d'employer  les  par- 
tisans de  la  manière  suivante  : 

«  i»  Le  colonel  Scheibler  descendra  le  Rhin,  cii  passant  par 
(k)lmar,  pour  aller  sur  Strasbourg; 

«  2®  Le  lieutenant-colonel  comte  Thurn  ira  par  la  vallée  de  la 
Moselle  sur  Nancy  ; 

«  3®  Un  autre   partisan  par   Saint-Loup  et  Neuf(*hilteau  sur 

Nancv  ; 

«  4®  Un  autre  opérera  (»nlre  la  Seine  et  la  Loire; 
«  h"  Un  autre,  enfin,  ira  par  Besancon  sur  Bourges. 


1  BBR^HAUDt,  ToU;  IV,  p.  !50-i5!. 


—  28  — 

«  Scslavin,  ajoule  Toll,  n'est  pas  compris  parmi  les  partisans 
dont  il  vient  d'être  question.  » 

29  décembre  1813.  —  Premiers  mouvements  des  corps  de 
partisans.  —  Ces  dispositions  ne  tardèrent  pas  à  recevoir  un 
commencement  d'exécution.  Dès  le  29,  4  régiments  cosaques, 
tirés  du  corps  de  Talaman  Platoff,  arrivèrent  à  Lôrrach  avec  le 
général-major  prince  Stscherbatoff*  et  furent  envoyés,  dès  le  30, 
sur  Allkirch  avec  ordre  de  se  porter  de  là  dans  la  vallée  de  la 
Moselle  et  de  pousser  ensuite  d'Epinal  sur  Nancy,  pendant  que 
Thurn  était  dirigé  sur  Langres.  Slscherbatoff  avait  dû,  comme 
le  montre  la  situation*  de  son  détachement  au  29  décembre, 
céder  par  ordre  supérieur  un  de  ses  régiments  cosaques  au  lieu- 
tenant-colonel comte  Thurn. 

Quant  au  général  S(»slavin,  chargé  on  ce  moment  de  battre  le 


i  «  Instructions  données  au  général-major  prince  Stsclierbatoff  par  le  prince 
de  Schwarzenborg.  —  Lôrrach,  30  décembre  1813  (original  en  françHis),  —  Je 
destine  Votre  Excellence  avec  4  régiments  cosaques  de  faire  le  partisan.  Votre 
but  principal  sera  de  m*éclairer  sur  tous  les  mouvements  de  Tennemi  et  de 
profiter  des  moments  favorables  pour  lui  porter  des  coups  sensibles  sans  risquer 
de  vous  engager  avec  un  ennemi  supérieur  à  votre  troupe.  En  conséquence  de 
quoi  V.  E.  partira  d*ici  pour  Altkirch  ;  de  là  elle  se  dirigera  dans  la  vallée  de 
la  Moselle  par  Épinal  sur  Nancy.  Pendant  cette  marche  vous  entretiendrez  une 
communication  à  droite  avec  le  colonel  Scheibler  qui  a  la  destination  d'opérer 
par  Colmar  sur  la  route  de  Strasbourg.  A  gauche  (tant  qu'il  n'y  aura  pas  de 
partisans  dans  la  direction  de  Langres)  vous  pousserez  des  partis  vers  Langres 
et  Vesoul,  avertissant  de  tout  ce  qui  se  passe  les  commandants  des  troupes  qui 
forment  le  blocus  de  Béfort  et  de  Huningue. 

«  11  peut  facilement  arriver  que  Votre  Excellence  sera  invitée  à  coopérer  à 
quelque  entreprise  de  conséquence.  Je  ne  doute  guère  que  vous  profiterez  de  l'oc- 
casion favorable  pour  porter  un  coup  décisif.  Je  compte  encore,  mon  Prince,  sur 
la  bonne  discipline  de  vos  troupes  et  je  crois  que  c'est  le  seul  moyen  de  faciliter 
l'approvisionnement  de  l'armée  en  nous  attachant  les  habitants  du  pays. 

«  Je  vous  invite,  mon  Prince,  do  m'envoyer  régulièrement  tous  les  jours  vos 
rapports  afin  que  je  puisse  donner  à  temps  les  ordres  nécessaires  concernant 
les  mouvements  de  l'armée.  Schwarzenderg.  » 

*    Situation  tTe/fectif  disponible  du  détachement  du  prince  St*cherbatofl 

le  t^  décembre. 

!*' régiment  de  cosaques  de  Tepler.  1  ofT.  sup.  6  oflf.  5  s -off.  201  h. 
3"  régiment    de    cos;iques    d'Oren- 

bourjr 1       —         8  —     !i     —         256  — 

Régiment  de  cosaques  du  Don  Ja- 

godin  II !       —       H  —     16     —         27i  — 

Totaux 3  oiï.  sup.  2.*»  off.    33  s. -off.      728   h. 

(Toll;  IV,  Beilage  VI,  p.  395,  3%,  et  Archives  de  Saint-Pétersbourg.) 


—  29  - 

pays  entre  Strasbourg  et  Colniar  et  de  relier  entre  eux  les  V*  et 
¥!•  corps,  ce  fut  en  vain  (ju'il  demanda  Tautorisalion  de  renforcer 
son  petit  corps  qui  comptait  250  hussards  de  Soumy  et  300  cosa- 
ques du  Don,  de  300  à  400  cosaqu(»s  de  la  mer  Noire  avec  lesquels 
il  comptait  traverser  la  France  pour  aller  rejoindre  Wellington. 

Mouvements  des  coloanes. — Le  I««*  corps  d'armée  (Colloredo) 
était  arrivé  le  29  avec  la  division  du  comte  Ignace  Hardegg.  à 
Bienne.  Il  se  divise  alors  en  2  colonnes  :  la  première,  renforcée 
des  divisions  Hardegg  et  Wied-Runkel.  se  |>orlera  sous  les  ordres 
immédiats  de  Colloredo.  par  Baume-les-Dames,  Montbozon  et 
Vesoul,  sur  Langres,  où  elle  se  reliera,  vers  le  1o  janvier,  avec  la 
gauche  du  III<^  corps.  La  seconde  est  formée»  de  la  division  Wimp- 
ften  et  de  la  division  légère  du  prince  Maurice  Liechtenstein. 

Cette  deuxième  colonne,  passant  à  la  gauche  du  II®  corps 
chargé  du  blocus  de  Besançon,  ira  par  Salins  et  Dôle  sur  Auxonnt» 
qu'investira  la  division  Wimpffen,  tandis  que  le  prince  Maurice 
Liechtenstein  se  dirigera  par  Dijon  vers  ChîUillon-sur-Seine.  Cette» 
division  légère  devait  avoir  pour  point  d'appui  les  réserves  autri- 
chiennes destinées  h  rester  à  Dijon  pendant  la  plus  grande  partie 
du  mois  de  janvier.  Arrivées  le  29  à  Berne,  ces  dernières  conti- 
nuèrent lentement  leur  marche  sur  la  Bourgogne  en  passant  par 
Neuchâlel  et  Montbozon. 

Le  général  Scheither  (avant-garde  du  II«  corps)  employa  la 
journée  du  29  à  tourner  le  fort  de  Jou\  pour  déboucher  sur  la 
route  de  Pontarlier.  Le  II1«  corps  cantonna  près  de  Saint-Braix  et 
la  cavalerie  du  IV'  corps  d'armée,  arrivée  à  Mârkt,  fit  immédiate- 
ment passer  sur  la  rive  gauche  quelques  troupes  qui  relevèrent  le 
colonel  Scheibler  à  Mavenheim.  le  lendemain  30,  et  se  cantonné- 
rent  entre  l'Ill  et  le  Rhin  vers  Ensisheim  et  Blodelsheim. 

La  brigade  Quallenberg.  de  la  division  légère  Crenneville,  avait 
passé  le  Doubs  à  Pont-de-Roide  :  la  brigade  Haugwitz  était  arrivée 
h  Cheveney,  et  les  grenadiers  de  Weissenwolflf  h  Barzdorf. 

30  décembre.  —  Bombardement  de  Belfort  et  de  Huningue. 

—  Dans  la  nuit  du  29  au  30,  Wrède  avait  fait  bombarder  sans 
succès  Huningue  et  Belfort:  puis,  au  jour,  à  la  nouvelle  l'infor- 
mant de  l'approche  de  troupes  françaises  qu'on  j)rétendait  en 
marche  pour  débloquer  Huningue  et  Belfort,  il  modifia  lesempla- 


—  30  - 

céments  des  Bavarois.  Une  seule  des  brigades  dé  la  division 
Keehberg  resta  devant  Belfort,  Tautre  alla  à  Dannemarie.  Une 
des  brigades  de  la  division  de  La  Motte  fut  |>ostée  vers  Altkirch  : 
l'autre  sous  les  ordres  du  général  Deroy  fut  ramenée  en  arrièn;  à 
Hegenheim,  pour  couvrir  plus  eflicacement  les  travaux  devant 
Huningue,  pendant  que  les  Autrichiens  de  Frimont  se  tenaient  h 
Thann  et  Cernay  et  que  leur  avant-garde,  (|ui  occupait  fortement 
Soultz,  envoyait  un  petit  détachement  s'établir  à  Saint- Amarin. 
Frimont  n  était  plus  séparé  à  ce  moment  que  par  TUldu  1V«  corps 
dont  une  partie  avait  déjà  pris  ])ied  sur  la  rive  gauche  du  Rhin. 
Le  prince  royal  de  Wurtemberg  installa  ce  jour-là  son  quartier 
général  à  Mulhouse. 

Positions.  —  Le  l**"  corps  était  à  Court  et  Tavannes,  et  le 
général  Scheither  avait  inutilement  tiré  quelqu<'s  coups  de  canon 
contre  le  fort  de  Joux.  Le  11I«  corps  n'avait  pas  bougé,  et  seule  la 
division  Hohenlohe  s'était  quelque  peu  rapprochée  de  Porrentruy  ; 
Blanchi  y  recrut  ce  jour-là  l'ordre  d'aller,  le  2  janvier,  relever 
sous  B<?lfort  h;s  Bavarois  et,  une  fois  arrivé  à  Belfort,  de  diriger  la 
division  légère  Crennneville  sur  Vesoul.  Weissenwolff,  avec  ses 
grenadiers,  était  à  Berne,  et  le  cor|)s  de  l'ataman  Platoff  traversait 
Fribourg-(in-Brisgau  se  dirigeant  sur  Bàle. 

31  décembre  1813.  —  Mouvements  et  affaire  de  Baume-les- 
Dames.  —  Le.  31,  le  l'^'"  corps  se  |>orla  sur  Mouthiers,  et  Bianchi. 
qui  (ivait  atteint  Montbéliard,  tit  occuper  par  un  détachement  h* 
fort  de  Pierre-Pertuis,  en  môme  tenqjs  «ju'il  poussait  la  division 
légère  de  Oennevilleà  Arcey.  Gyulay,  uv(;c  le  IIP  corps,  suivait 
ia  même  direction;  arrivé  à  Porrentruy  le  31,  il  entrait  en  France 
le  lendemain  et  venait  jusqu'à  Délie.  Le  prince  Alois  Liechtenstein 
(II«  corps)  avait  envoyé  un  bataillon  bl()([uer  le  fort  de  Joux  et  hi 
brigades  S<:heither  à  Fallerans  par  Aubonne. 

Quant  au  petit  corps  volant  du  major  Wober,  il  avait  été  alta- 
(|ué  <:(î  jour-là  à  Baume-les-Dames  par  un  bataillon  et  deux  esca- 
drons français,  chassé  de  Baume  et  obligé  (hî  repasser  le  Doubs 
à  Gerval  *. 


'  ««  Le  général  Musnier  aa  ministre  de  la  gu«?nv.  —  Besançon,  31  décembre. 


—  31  — 

A  partir  de  ce  jour,  le  prince  héritier  dtî  Hesse-Uombourg  pril 
le  commandemeiil  du  II®  <:orps.  des  diuix  divisions  de  grenadiers 
WeissenwolflfetTrautenberg,  ainsi  tpie  des  deux  divisions  de  cui- 
rassiers Klebelsberg  et  Lederer  (réserves  autrichiennes)  (|ui 
devaient  être  rendues  du  o  au  G  janvier  à  Pontarlier.  Le  princt* 
avait  pour  mission  de  se  porttir  av(»c  toutes  ses  troupes  conlrr 
Besançon  et  d'en  commencer  le  siège  le  9  janvier. 

Les  Bavarois  avaient  continué  de  bombarder  Huningue  sans 
sucées,  et  Tavant-garde  autrichienne  de  Frimont  s'était  entièn»- 
raent  reliée  par  sa  droite  avec  la  gauche  des  \Vurti*mbergeois. 
dont  les  patrouilles  poussaient  jusque^  vers  Houifach. 

Reconnaissance  et  combat  de  cavalerie  de  Sainte -Croix. 
—  Wrède  et  Frimont  ignoraient  emore  la  force  réelle  des 
troupes  françaises  postées  ù  Colmar,  Pour  mettre  Un  à  cette  incei*- 
titude,  ils  prescrivirent  au  comte  Anloim*  llardegg  de  pousser,  !»• 
31,  une  forte  reconnaissance  surSainIc-Ooix.  Reïisc.ignés par  les 
déserteurs  sur  les  moyens  de  défense  de  Sainle-Croix  et  sur  les  pré- 
cautions prises  par  le  général  de  Pire,  h*s  Alliés  espéraient  enlev«'r 
les  troupes  de  cavaleritî  postées  dans  va^,  village.  Favorisée  par  un 
épais  brouillard,  Tavanl-garde  autrichiennes  sous  les  ordres  du 
eolonel  Mengen,  apparut  tout  à  coup  formée  en  trois  colonnes 
devant  Sainte-Croix.  Quoique  les  recoimaissances  qu'il  avait 
envoyées  à  la  pointe  du  jour  à  la  découverte,  n'eussent  rieu 
aperçu,  le  général  de  Pire,  à  cause  du  brouillard,  n'avait  pas  fait 
rentrer  ses  régiments  dans  le  village  à  l'heure  accoutumée.  L<'s 
cavaliers  du  colonel  Mengen  chargèrent  résolument  les  grand'- 
gardes  françaises,  culbutiTent  les  avant-postes  et  arrivèrent  (Mi 
même  temps  qu'eux  à  Sainte-Croix,  qu'ils  traversèrent  au 
galop,  pendant  que  les  deux  autres  colonnes  essayaient  de  cerner 
le  bourg  placé  sur  les  deux  côtés  d(»  la  route  au  milieu  d'une 
vaste  plaine.  Les  cavaliers  autrieliieiis   ne   s'arrêlènnt  qu(^  de 


10  heures  soir.  —  Un  corps  de  quelques  centaines  de  parlùans  ennemis  occu- 
pait Baume,  petite  ville  sur  le  Doul)S,  à  5  lieues  au  dessus  do  Besancon.  Le 
gkmésaU  Marolaz  sortit  la  nuit  dernière,  à  minuit,  avec  600  hommes  d'infan- 
terie et  300  chevaux,  pour  marcher  contre  eux.  11  les  rencontra  prâ  de  Bannit' 
et  les  chargeant  ansaitÂt  avec  impétuosité  U  les  mil  en  fuite,  leur  tua  i8  hom- 
mes et  leur  fit  103  prisonniers,  a  {Archives  du  déjiôl  de  la  guem,) 


—  32  — 


Tautre  côté  du  village  où  ils  trouveront  le  gros  de  la  division  en 
bataille*. 

Plusieurs  charges  eurent  lieu  pour  Toccupation  de  Sainte-Croix, 
dit  le  général  Petiet  dans  son  Journal  historiqtte  de  la  cavalerie 
légère  du  5*  corps  de  cavalerie  ;  mais  l'infanterie  tyrolienne  s'é- 
tant  montrée,  le  général  de  Pire,  n'ayant  pas  d'infanterie  avec 
lui,  crut  devoir  se  conformer  aux  instructions  antérieures  qu'il 
avait  reçues;  il  se  retira  et  prit  position  momentanément  à  la  tête 
du  défilé.  Il  y  attendit  l'arrivée  du  général  Milhaud  qui  amena  la 
1f«  division  de  dragons  et  lui  ordonna  de  reprendre  Sainte-Croix, 
ce  qui  eut  lieu  sans  difficulté,  l'ennemi  s'étant  retiré,  dès  qu'il 
eut  vu  que  son  coup  était  manqué.  La  cavalerie  française  et  celle 
des  alliés  réoccupèrent  le  soir  les  positions  qu'elles  tenaient  avant 
cette  aflfiiire.  Toutefois  la  division  Pire  ne  laissa  plus  qu'un  esca- 
dron h  Sainte-Croix,  et  son  gros  s'établit  à  Sandhofen*. 

Afin  de  couvrir  pendant  cette  opération  la  droite  du  colonel 


*  «  Le  30  décembre,  le  régiment  avait  atteint  Riedclsheim,  quMl  quitta  dans  la 
nuit  du  30  au  31,  après  avoir  détaché  la  2"  division  du  major  qui  était  ajffec- 
tée  au  corps  volant  du  colonel  baron  Scheibler.  Le  régiment  se  dirigeant  vers 
Sainte-Croix,  se  mit  en  marche  à  2  heures  du  matin.  Le  feld-maréchal-lieute- 
nant  comte  Antoine  Hardegg  avait  résolu  de  tenter  avec  les  uhlans,  les  hus- 
sards de  l'archiduc  Joseph  et  le  3'  bataillon  de  chasseurs,  une  surprise  contre 
Sainte-Croix.  La  division  du  colonel  faisait  Tavant-garde.  Le  1^'  escadron  de 
cette  division  suivait  la  route  qui  mène  à  Sainte-Croix  et  y  arriva  à  Taube  du 
jour  par  un  brouillard  des  plus  intenses.  3  pelotons  du  2*  escadron  de  cette 
division  devaient  prendre  le  village  par  sa  droite,  pendant  que  les  2  autres 
pelotons  devaient  le  tourner  à  gauche.  Cet  escadron  avait  ordre  de  pénétrer 
dans  le  viUagc  après  Tavoir  tourné  et  de  couper  la  retraite  à  Tennemi.  Mais, 
comme  on  l'apprit  ensuite  par  les  prisonniers  français,  l'ennemi  avait  de  son 
côté  projeté  une  surprise,  et  ce  fut  pour  cela  que  les  uhlans  vinrent  donner  sur 
des  troupes  déjà  formées  et  en  position.  Ils  réussirent  cependant  à  les  déloger 
du  village  qu'une  compagnie  de  chasseurs  occupa  peu  après.  On  avait  fait  des 
prisonniers,  enlevé  des  chevaux.  Le  but  de  l'entreprise  était  donc  atteint,  et  le 
régiment  reçut  l'ordre  de  rentrer  dans  ses  cantonnements  de  la  veille.  »  (Fait$ 
de  guerre  mémorables  du  régiment  de  uhlans  de  Schwarzenberg  (aujourd'hui 
2«  régiment  de  uhlans)  0.  M.  Z.,  184i,  VH.) 

Nous  n'avons  trouvé  nulle  part  la  moindre  trace  de  la  surprise  dont  il  est 
question  ici  et  que  le  général  de  Pire  aurait  projetée.  Il  nous  semble  de  plus  que 
le  but  de  la  reconnaissance  n'était  pas  atteint  puisque  les  cavaliers  autrichiens 
ne  réussirent  pas  à  percer  le  rideau  formé  par  la  cavalerie  française. 

>  Voir  pour  plus  de  détails  :  Petiet,  Journal  historique  de  la  division  de  cava- 
leric  légère  du  5*  corps  de  cavalerie:  rapport  de  Milhaud,  31  décembre,  5  heures 
soir;  rapport  du  chef  d'état-major  du  5*  corps  et  rapport  du  général  de  Pire  sur 
l'affaire  de  Sainte-Croix.  (Archives  du  déjwt  de  la  guei-re.) 


—  33  — 

Moiigcii,  ou  iiviiit  |)ouss('î  h»  colonel  Scheiblcr  avec  150 cosaques  et 
oO  hussards  coulrc  les  avaul-posles  français  dt;  Dessenheiui  cl  de 
Weckolsheiin.  II  réussit  à  les  rejeter  jusque  sur  Neuf-Brisach, 
après  leur  avoir  pris  il  hommes  et  il  chevaux. 

Premiers  mouvements  de  Platoff.  —  Platorï',  dont  les  cava- 
liers avaient  défilé  par  Fribourg,  reçut  l'ordre  de  passer  le  Rhin 
à  Bàle  et  de  se  porter  aussitôt  vers  les  délilés  des  Vosges,  de 
manière  à  précéder  le  1V«  corjKS  et  h  relier  r(»\lrème  droite  de  la 
grande  armée  de  Bohéniiî  avec  la  gauche  de  l'armée  de  Silcsie 
qui  allait,  elle  aussi,  commencer  sa  marche  en  avant. 

1«>^  janvier  1814.— Wittgenstein  se  prépare  à  passer  le  Rhin. 

—  Dans  la  journée  du  1«'  janvi(T  et  la  nuit  du  l«f  au  i,  Witlgen- 
stein,  avec  une  prudence  et  une  circons|)ection  cpu»  rien  ne  justi- 
fiait, puisqu'il  n'avait  devant  lui  tout  au  plus  que  !250  à  300  hommes 
chargés  d(»  garder  les  ouvrages  (;n  ruines  de  Fort-Louis,  |)répara 
mélhodiiiuement  le  passage  du  Rhin. 

La  violence  du  courant  et  l'intensité  du  brouillard  iuî  lui  piT- 
mirent  de  jeter  les  [)onls  que  dans  la  journée^  du  2.  Il  se  borna 
donc  à  masser  le  i2«  corps  et  la  cavalerie^  de  Pahlen  près  du  point 
choisi  pour  le  passage?  et  à  pousser  plus  en  avant  le  régiment  de 
chasseurs  chargé  de  former  la  tète  de  colonne  et  d'enlcwer  Fort- 
Louis  (Fort-Yauban). 

Mouvements  des  partisans  Scheibler  et  Stscherbatoff .  — 

Les  1V«  et  V«  corps,  qui  forment  ii  ce  moment  la  droite  de  la 
grande  armée,  ne  bougent  pas.  Seul  le  pcîtit  corps  volant  du 
colonel  Scîheibler,  (jui  battait  Testrade  vers  Neuf-Brisach,  prit  un 
peu  plus  à  gauche  par  Soultz  vers  Guebwiller,  et  1(î  général  prince 
StscherbatotV,  avec  4  régiments  de  cosaques,  partit  d'Altkirch, 
passa  par  Thami  pour  pénétrer  dans  la  vallée  de  Saint-Amarin, 
franchir  ensuite  les  Vosges  et  se  diriger  de  là  sur  Remiremont.  A 
cette  dat(^  (le  journal  même  des  opérations  liMUi  au  grand  cpiarlier 
général  de  Schwar/enberg  nous  (»n  fournit  la  prcnive irréfutable)* 


1  Starke,  Einifieilung  uiul  Tageibeyebeiiheiteii  der  Haupl  Année  unter  Feld- 
Marschall  Fùrst  Sch(carzenberg  im  Moimte  Januar  1814.  ^K.  K.  Kriegs 
Archiv.,  1,  30.) 

W«u.  3 


—  34  — 

on  sait  seulement  que  la  cavalerie  des  généraux  Milhaud  et  de  Pire 
est  à  Sainte-Croix  et  Habstatt.  C'était  donc  là  tout  le  résultat 
obtenu  pendant  les  dix  jours  qui  s'élaient  écoulés  depuis  que  le 
V«  corps  avait  franchi  la  frontière. 

Le  11I«  corps  (Gyulay)  arrivé  à  Délie,  comme  nous  l'avons  dit, 
posta  entre  Blamont  et  Villers,  sa  brigage  d*avant-garde  (brigade 
Grimmer).  Une  autre  brigade,  chargée  plus  spécialement  de  sou- 
tenir le  major  Wôber,  qui  avait  dû  évacuer  Baume-les-Dames,  et 
d'assuHîr  au  III«  corps  la  possession  des  ponts  de  Clerval  et  de 
Pont-de-Roide,  fut  placée  à  Mont-Bouton. 

Mouvements  du  corps  volant  de  Thurn.  —  Le  corps  volant 
du  lieutenant-colonel  Thurn,  qui  précédait  le  corps  de  Gyulay, 
avait  poussé  vers  Lure  *. 

• 

Mouvements  des  colonnes.  —  Le  I^'^  corps  arriva  à  Délemont, 
après  avoir  fait  force  détours  et  suivi  depuis  Soleure  des  chemins 
difficil(»s,  alors  qu'il  eût  été  aisé  de  l'amener  en  ligne  plus  rapi- 


t  Lettre  da  lieutenant-colonel  comte  Thurn  au  priuce  de  Seliwarzenbcrg. — 
«  Frahier,  le  1*'  janvier  1814.  —  A  son  Altesse  le  général  en  chef,  feld-maré- 
chal  prince  de  Schwarzenbcrg.  —  Je  m'empresse  de  faire  respectueusement 
connaître  à  Votre  Altesse  que  je  suis  arrivé  ici  cette  après-midi  avec  mon  corps 
volant  et  que  j*ai  pousse  mes  avant-postes  du  côté  de  Houchamps. 

«  J'essaierai  d'occuper  cette  nuit  Lure  où  l'ennemi  n'avait  encore  personne 
hier,  et  je  m'efforcerai  d'enlever  le  régiment  de  cavalerie  ennemie  posté  à 
Vesonl. 

«  Uesprit  des  jtopulatiom  me  surpretid  et  dépasse  mes  espérances.  Faligius  jmr 
un  gouvertiement  honni  et  détesté,  les  habitants  avouent  qu'ils  altend:>nt  avec 
impatience  l*heure  de  leur  délivrance.  Les  proclamations  que  fious  avons  distri-- 
buées,  V excellente  conduite  de  nos  troupes  ont  dû  puissamment  contribuer  à  déve- 
lopper ces  sentiments, 

<(  D'après  les  renseignements  qui  me  parviennent  à  l'instant,  des  trovbles 
a^eux  auraient  éclaté  à  Lyon  et  en  Vendée.  A  Lyon  les  conscrits  auraient 
refusé  de  se  rendre  à  l'appel  du  gouvernement. 

u  De  Metz,  j'apprends  que  le  corps  cantonné  dans  la  place  et  aux  environs 
compte  à  peine  20,000  hommes.  Le  gros  des  forces  ennemies  semble  avoir  été 
en  partie  dirigé  sur  la  Hoilande,  et  être  en  partie  masse  du  côté  de  Maycoce. 

M  Dans  quelques  jours  j'espère  pouvoir  transmettre  à  V.  A.  des  renseigne- 
ments exacts  et  précis  que  doivent  me  fournir  les  émissaires  que  j'ai  fait  partir.  » 
(k\  K.  Kriegs  Archiv.,  I,  31.) 

I^s  appréciations  du  comte  Thurn,  appréciations  que  nous  rolrouverons  dans 
plusieurs  de  ses  premiers  rapports,  sont  utiles  à  enregistrer.  Elles  permettent 
de  se  rendre  compte  de  l'état  des  esprits  au  début  de  l'invasion  et  de  suivre 
pas  à  pas  le  réveil  de  l'esprit  national. 


-  35  - 

dénient  et  plus  lacilonient,  si  Ton  avait  su  î\  ce  moment  quel  rôle 
lui  était  r6ser\'6  et  quelliî  direction  il  aurait  à  suivre. 

A  sa  gauche,  le  II*  corps  était  toujours  inunobilo  du  côté  de 
Pontarlier.  Les  patrouilles  de  Tavant-garde  de  Bubna  (général 
Scheither)  avaient  pris  le  contact  avec  les  avant-postes  français 
vers  l'Hôpital  du  (iros-Bois. 

Les  réserves  autrichitMUKîs,  encore  assez  loin  en  arrière  des 
I^f  et  III®  corps,  étaient  échelonnées  de  NeuchAtel  à  Berne  ;  quant 
aux  réserN'cs  russes  et  prussiennes  elles  marchaient  lent(^ment  de 
Fril)Ourg-(;n-Brisgau  sur  Bûle  :  la  cavalerie  d(î  Tataman  Platoff 
avait  cependant  traversé  le  Rhin  et  était  cantonnée  k  Altkirch. 

2  janvier  1814.  —  Mouvements  des  Alliés  en  Alsace.  — - 

Le  2  janvier,  Wittgenstein  parvint,  enfin,  îi  faire  passer  le  Rhin 
à  son  avant-garde,  à  enlevtT  Fort-Louis  (Fort-Vauban)  et  Fort- 
d'Alsace,  il  jc^ler  sur  la  rive  gaucher  la  4«  division  d'infanterie, 
pendant  que  les  régiments  cosaques  de  Wlasoff  et  de  Jaroslaw 
traversaient  îi  gué  Ic^  bras  mort  du  Rhin  (jui  sépare  Fort-Louis  de 
la  riv(5  alsacienne  et  se  répandaient  sur  les  roules  de  Strasbourg, 
Haguenau  et  Lauterbourg. 

Le  prince  royal  de  Wurtemberg,  toujours  posté  à  la  droite  du 
V«  corps,  fit  avancer  la  réserve  de  sa  l»"®  colonne  (général  Stock- 
mayer)  jusqu'entre  Ensisheim  (;t  Bantzenheim,  et  le  gros  de  la  2* 
(général  Koch)  prit  position  de  Rumersheim  à  Blodelsheim. 

Wrède,  dont  le  (piartier  général  était  à  Cernay,  concentra  par 
ordre  du  généralissime,  entre  Cernay  et  Aspach  la  division  La 
Motte,  entre  Soultz  et  Rouft'ach  la  division  Antoine  Hardegg,  à 
Ulfhoitz  la  division  Spleny,  à  Soppe-le-Bas  la  division  Rechberg 
que  Bianchi  venait  de  relever  sous  Belfort,  et  ne  laissa  devant 
Huningue  que  la  brigade  Zollern. 

Il  n'y  avait  îi  ce  moment  devant  les  positions  occupées  par  le 
V«  corps  que  quelques  piquets  de  cavalerie  française  postés  à 
Pfaftenheim,  Herlisheim  et  Sainte-Croix.  Hardegg  débouchant  de 
RoutVach  chassa  de  Pfafl'enheiui  les  cavaliers  français  qui  s'y 
trouvaient.  Quelques  heures  plus  tard,  lors(jue  le  général  autri- 
chien fut  rentré  dans  ses  lignes  à  Rouffach,  ils  réoccupèrent  ce 
poste. 

Le  corps  volant  du  colonel  Scheibler  s'avança  jusqu'à  Bûhl 
pour  surveiller  la  vallée  du  Lautenbach. 


—  36  — 

Concentration  des  IV*  et  V*  corps  sur  Colmar.  —  D(' 

Cl'  que  nous  venons  de  dire,  il  ressort  que  les  IV*  et  V«  corps 
employèrent  les  deux  premières  journées  de  1814  ii  se  concentrer 
et  il  se  masser  pour  enlever  Colmar  aux  cavaliers  de  Milhaud 
et  aux  quelques  fantassins  que  Victor  avait  postés  de  ce  côté 
en  soutien  du  5«  corps  de  cavalerie.  C'était  pour  obtenir  un 
si  piètre  résultat  ([ue  Schwaivenberg  avait  cru  nécessaire  de  pres- 
crire à  Wrède  de  marcher  avec  tout  le  V®  corps  par  Roufl'ach  et 
Sainte-Croix  vers  (Colmar,  et  au  princ(?  royal  de  Wurtemberg  de 
masser  tout  le  IV*  corps  à  Ensisheim. 

Pendant  (fue  Wrèdc^  et  le  prince  royal  de  Wurtemberg  se  pré- 
paraient à  exécuter  les  ordres  du  généralissime,  le  lieutenant- 
colonel  comte  Thurn  avait  continué  son  mouvement  sur  Lure. 
qu'il  occupa  sans  cou|)  férir  dans  la  nuit  du  1**"  au  :2  janvier  et 
d'où  il  poussa  des  partis  sur  les  routes  de  Luxeuil  et  de 
Vesoul*. 


•  Le  licutennnt-coloncl  comte  Tharn  au  prince  de  Scliwarzenbcrg.  —  «  Lure, 
le  S  janvier  1814.  —  J'uioccuix;  cette  nuit  Lure,  avec  un  peloton  de  hussards, 
et  le  reste  de  mon  détachement  m*y  a  rejoint  aujourd'hui. 

u  Mes  postes  sont  sur  la  route  de  Luxeuil  et  sur  les  deux  routes  de  Vesoul. 
Jjes  chasseurs  bavarois,  qui  m'ont  ètc  adjoints,  assurent  dans  cette  région  boisée 
mes  communications  avec  mes  avant-i)ostcs.  J'ai  [loussé  un  fort  détachement 
sur  les  deux  routes  de  Vesoul  aGn  d'i^tre  fixé  sur  les  renseignements  contradic- 
toires que  je  reçois  relativement  à  la  présence  de  la  cavalerie  ennemie  à  Vesoul. 
et  j'ai  [UHîscrit  au  chef  de  ce  détachement  d'essayer  de  suiprcndre  et  d'attaquer 
l'ennemi  pendant  la  nuit.  Demain  je  chercherai  à  me  reUer,  par  Luxeuil,  avec 
le  corps  volant  du  général-major  prince  StscherbatofT  et  si  faire  se  peut,  à  ma 
gauche  avec  la  division  du  comte  Crenneville  que  je  fais  rechercher. 

«  11  est  certain  qu'il  y  avait  encore  ce  matin  un  fort  piquet  de  chasseurs  :ï 
cheval  à  Calmoutier,  que  le  préfet  de  la  liaute-Saône  a  fait  afflcher  aujour- 
d'hui à  midi  à  Vesoul  le  décret  relatif  à  la  levée  en  masse,  que  le  commiss;tire 
impérial  et  sénateur  Valence  est  arrivé  à  Besançon  et  y  a  apporté  h*s  ordres 
d'organisation  de  la  levée  en  masse.  Il  .paraît  que  la  discipline  et  la  tenue  de 
nos  troupes  en  imposent  aux  populations. 

«  Mon  jHirU  a  été  reçu  ici  arec  joie.  Tout  temble  indiijuer  qu^on  attetulf  niènif 
à  Vintérieur  du  jtays,  noire  arrivée  avec  une  réelle  imiHttience. 

«  J'ui  l'honneur  d'adresser  à  V.  A.  le  très  intére^sant  Journal  de  TEnqiire 
en  date  des  28  et  20  décendire. 

((  Enfin .  je  dois  communiquei*  à  V.  A.  une  nouvelle  non  moins  intéres- 
sante :  d'après  des  lettres  ri>çues  ici  de  Paris  par  le  ci-devant  commissaire 
ordonnateur  La  Motte,  il  >  aurait  eu  à  Paris  un  soulèvement  qui  a  eu  poui 
conséquence  d'empêcher  TËmpereur  d'en  partir. 

u  J'ai  saisi  ici  a  Lure  un  magasin  de  50  quintaux  de  t<'ibac  à  fumer  et  j'at- 
tends à  ce  sujet  les  ordres  de  V.  A. 

{K.  K,  Krieyn  Archiv,  I,  46.) 


—  37  - 

Hiaiichi  avait  rel(?vé  h's  Bavarois  (Irvanl  Brlforl,  laissant  sur 
les  routes  de  Besancon  et  de  Vesoul  la  division  léjçt'^re  Oenne- 
ville.  qui  occupa  Arcev,  Isle-sur-le-Doubs,  Héricourt.  et  dont  les 
patrouilles  se  nionln'^rent  sur  la  route  de  Vesoul  jusque  dans  les 
environs  de  Lure. 

Le  III"  cor|)s  (jui  était  toujours  à  Délie  envoya  un  réjsçinienl 
îi  Montbéliard  afin  de  recueillir,  le  cas  échéant,  les  troupes  de 
Crenneville  postées  h  Arcey. 

Schwarzenberg,  pour  être  |)lus  ji  |)ortée,  avait  transféré  son 
quartier  général  de  Lorrach  à  Bi\le.  Atin  de  (*oniplét(»r  Tensemble 
des  mesures  de  pm-autions  superflues  déjà  prises,  le  I«'  corps 
vint  îi  Porentruy.  Le  II'',  tout  en  laissant  des  troupes  devant  le 
fort  de  Joux.  se  massa  autour  de  Morteau  d(»  façon  à  pouvoir  se 
porter  en  avant  le  lendemain,  tandis  que.  derrii'^re  ces  deux  corps, 
le  prince  héritier  de  Hesse-Hombourg.  en  marche  sur  Pontarlier, 
cantonnait  ses  troupes  depuis  Travers  jusqu'il  Saint-Biaise  et 
Arberg.  Ce  prince  devait,  avec*  25  bataillons  et  74  escadrons, 
(»ssayer  de»  pousser  de  Pontarlier  sur  Besançon  qu'on  comptait 
eidever  de  vive  force.  Le  prince  de  Hesse-Hombourg  se  proposait, 
d'ailleurs,  dans  le  (*as  où  le  coup  de  main  projeté  contre  Besançon 
échouerait,  de  se  rabattre  à  droite  sur  Vesoul  pour  y  rallier  Taile 
droite  de  l'armée  de  Bohême.  Enfin,  le  général  Scheiter,  posté 
entre  Villafans  et  Fallerans.  reliait  la  gauche  du  II«  corps  avec  le 
gros  des  troupes  de  Bubna. 

3  Janvier  1814.  ~  La  cavalerie  de  Fabien  passe  sur  la  rive 
gauche  du  Rhin  se  dirigeant  sur  Hagueneau.  —  Dans  la  nuit 
du  2  au  3  janvier,  les  pontonniers  de  Wittgenstein  ayant  achevé 
le  pont  sur  le  Bhin  rouge.  Pahlen  passa  aussitôt  sur  la  rive  gauche 
avec  sa  cavalerie  (hussards  de  Grodno,  5  escadrons;  hussards  de 
Soumy,  2  escadrons;  uhlans  de  Tchougouïeft',  4  escadrons: 
2*  régiment  de  dragons  badois,  4  escadrons:  et  la  batterie  li 
cheval,  n*»  23). 

Il  avait  ordre  de  se  porter  sur  Haguenau,  de  menacer  et,  si  faire 
se  pouvait,  d'intercepter  la  route  de  Strasbourg  i\  Nancy  par 
Saverne.  Pahlen,  en  s'avançant  ainsi  dans  la  direction  de 
Haguenau,  se  fit  couvrir  sur  sa  gauche,  vers  Strasbourg,  par  le 
général  Rûdinger  qui  devait  aller  avec  les  hussards  de  Grodno, 
les  cosaques  de  Wlassoff  et  2  pièces  d'artillerie  à  cheval  jusqu'à 


—  38  - 

Druscnheim  et  pousser  de  là  la  moitié  du  régiment  cosaque  aussi 
loin  que  possible  vers  Strasbourg. 

Un  escadron  des  hussards  de  Grodno  et  le  reste  des  cosaques 
de  Wlassoff  étaient  dirigés  par  la  route  de  Haguenau  à  Stras- 
bourg sur  Brumath,  envoyant  des  partis,  d'une  part  vers  Stras- 
bourg, de  Taulre  vers  Saverne. 

Enfin,  le  lieulenant-colonel  Nabel,  avec  les  deux  autres  esca- 
drons des  hussards  de  Soumy  et  la  moitié  du  régiment  cosaque  de 
Jaroslaw,  était  chargé  de  couvrir  la  droite  du  côté  de  Landau,  en 
80  postant  à  Seltz  et  en  envoyant  des  partis  au  delà  de  Wissem- 
bourg  vers  Landau  et  Bilche. 

Pour  compléter  ce  rideau,  le  colonel  Sélifonticft  alla,  avec 
doux  escadrons  de  uhlans  de  Tchougouïcfl'  et  les  sotnias  restant 
du  régiment  do  Jaroslaw,  s'établir  h  Lauterbourg,  envoyant  par 
Langenkaudel  des  partis  sur  Landau  et  recherchant,  par  Ilheinza- 
bern  et  Spire,  la  communication  avec  l'armée  de  Silésie*. 

Pendant  la  journée  du  3,  le  prince  Eugène  de  Wurtemberg  fit 
occuper  Fort-Louis  (Fort-Vauban)  par  la  3®  division  d'infanterie; 
la  4*  resta  encore  sur  la  rive  droite  à  Stoilhofen  et  ne  passa  sur  la 
rive  gaucho  que  le  8  ». 

On  avait  donc  envoyé  la  cavalerie  du  VI®  corps  dans  toutes  les 
directions,  afin  de  se  procurer  les  renseignements  nécessaires  sur 
la  position  et  les  forces  de  l'ennemi,  ainsi  que  sur  la  marche  des 
autres  colonnes  alliées.  Cette  cavalerie  ne  lit  que  peu  de  chemin 
le  3,  et  le  soir  elle  occupait  les  positions  suivantes  :  Pahlen,  avec 
le  gros  do  sa  cavalerie  ne  dépassa  pas  Suffelheim  ;  Rlidinger  alla 
jusqu'à  Schierofen  ;  les  cosaques  de  Wlassoff  s'établirent  à  Dru- 
scnheim et  dépassèrent  Gambsheim,  s'éclairantdu  côté  de  Wantze- 


*  Composition  de  la  cavalerie  de  Pahlen,  d'apr^^s  l'état  de  situation  du 
4  janvier  1814. 

»  Le  comte  Wittgenstein  au  prince  de  Schwarzenborg  ;  «  Rastntt,  3  janvier 
1814.  —  Wittgenstein  rend  compte  du  passage  du  Rhin  par  les  troupes  du 
VI®  corps,  des  afTaires  du  fort  Vauban  et  du  fort  Alsace,  et  ajoute  ensuite  : 

tt  Le  3°  pont  (celui  du  3*  bras)  étant  achevé,  toute  ma  (*avalerie  passera 
avec  moi  sur  la  rive  gauche.  Le  gros  de  cette  cavalerie,  sous  les  ordres  du 
comte  Palhen,  va  à  Haguenau  et  poussera  aussi  loin  que  possible  vers 
Saverne.  Un  autre  corps  de  cavalerie  ira  vers  Strasbourg  et  Schlestadt,  afin  de 
se  relier  avec  les  partisans  et  les  coureurs  du  général  comte  Wrède.  Enfin,  un 
autre  détachement  de  cavalerie  se  dirige  de  façon  à  cliercher  à  se  relier  avec 
la  gauche  du  feld-maréchal  Bliicher,  du  côté  de  Wissembourg.  »'(K.  K.Kriegs 
Arehiv,,  \,  84.) 


—  39  - 

naii  encoro  occupé  parles  Français  ;  onfin,  un  des  deux  escadrons 
de  uhlans  de  Tchougouieff  s*installa  à  Haguenau,  que  les 
Frîincais  avaient  évacué  le  3  au  matin. 

On  trouve  h  propos  do  l'occupation  de  Haguonau,  dans  les 
rapports  adressés  par  Witlgenstein  et  par  Barclay  de  Tolly  h 
Tenipereur  de  Russie,  fi  la  date  du  5  janvier,  des  données 
curieuses  sur  Tétai  d'esprit  des  populations.  L'entrée  des  uhlans 
russes  ne  causa,  paraît-il,  aucune  émotion,  aucune  inquiétude  ti 
la  population  qui  continua  îi  vaquer  à  ses  occupations  ordinaires, 
comme  si  de  rien  n'était.  Mais  la  situation  ne  devait  pas  tarder  à 
se  modifier  complètement  par  suite;  de  la  mesure  (|ui,  prescrite 
par  Schwarzenberg  îi  Tinsu  des  souverains  et  rapportée  d'ailleurs 
peu  après*,  imposait  l'obligation  du  serment  d'obéissance  et  de 
lidélité  envers  les  souverains  alliés,  mix  autorités  et  aux  popula» 
tions.  Celles-ci,  en  butte  aux  sévices  et  aux  violences  inséparables 
d'une  invasion,  exaspérées  par  la  misère  et  les  mauvais  traite- 
ments, se  décidèrent  peu  à  pcni  à  courir  aux  armes  et  h  prendre, 
comme  nous  le  verrons  plus  tard,  une  part  glorieuse  et  activera 
défense  du  territoire  national. 

En  somme,  Pahlen  avait  seulement  réussi  î\  apprendre  que 
deux  régiments  de  gardes  d'honneur  Clés  3"  et  4«)  sur\cillaient 
le  Rhin  dans  ces  parages,  tandis  que  du  côté  de  Strasbourg,  ce 
ser\icc  était  confié  à  quelques  compagnies  d'infanterie  de  la  gar- 
nison; qu(î  le  gros  du  4«  régiment  do  gardes  d'honneur,  qui  avait 
évacué  Haguenau  h  l'approche  des  uhlans,  paraissait  se  retirer 
sur  Saverne,  et  que  le  3«  régiment  de  ces  gardes  s'était  replié  des 
environs  de  Fort-Vauban  vers  Bischwiller,  d'où  l'on  s'attendait  k 
lui  voir  prendre  le  chemin  de  Saverne. 

Marche  de  Wrède  sur  Colmar.  —  Schwarzenberg  s'était 
rendu  le  3  au  matin  auprès  des  troupes  qu'il  avait  destinées,  par 
un  ordre  daté  de  Lorrach  le  2  janvier,  à  agir  contre  Colmar*.  Ce 
mouvement  devait  permettre  à  Wrède  de  reprendre  la  place  qui 


*    Voir  BOGDANOWITCH,  1,  67. 

i  Schwarzenberg  aa  feld-maréchal  lieutenant  Bianchi.  —  »  LOrrach,  S  jan- 
vier 1814.  —  Le  général  comte  de  Wrède  poussera,  le  3  janvier,  vers  Col- 
mar. Le  corps  volant  dn  général  prince  Stscherbatoff  s'est  porté  vers  Epinal  par 
la  roQte do  Remircmont.  »  (K,  K,  Kriegs  Arehiv,,  l,  37.) 


—  40  — 

lui  était  assignée  dans  l'ordre  de  bataille,  d(î  passer  devant  le 
IV®  corps,  de  se  porter  îi  la  droite  de  ce  dernier,  ayant  par  consé- 
quent le  prince  royal  de  Wurtemberg  îi  sa  gauche  et  Wittgenstein 
li  sa  droite. 

La  marche  sur  Colmar*  s'effectua  ainsi  qu'il  suit  :  Frimont  avec 
la  division  Antoine  Hardegg,  se  porta  dès  l'aube  sur  Rouffach  ; 
il  était  suivi  par  les  divisions  La  Motte.  Spleny  et  par  les  chevau- 
légers  bavarois  du  général  Ellbracht. 

La  division  Rechberg  marchait  en  même  temps  vers  Soultz  et 
devait  y  rester  en  résene.  Enfin,  le  1V«  (*orps  se  mettait  en  march(» 
sur  deux  colonnes,  Tune  avec  le  général  Koch  vers  Neuf-Brisach 
en  longeant  le  Rhin,  l'autre  conduite  par  le  prince  royal  de  Wur- 
temberg en  personne,  d'Ensisheim  sur  Sainte-Croix  et  Colmar. 
couvrant  ainsi  la  droite  et  les  derrières  du  V®  corps,  avec  lequel 
les  Wurtembergeois  se  reliaient  en  outre  par  le  petit  corps  volant 
du  colonel  Scheibler,  renforcé  momentanément  de  deux  compa- 
gnies de  chasseurs. 

Les  derniers  postes  qui  couvraient  l'arrière-garde  de  Milhaud 
occupaient  h  ce  moment  encore  Sainte-Croix,  Pfaffenheim  et 
Hattstadt.  A  9  heures,  les  deux  corps  alliés  se  mirent  en  mouve- 


i  Régiment  de  uhlaiis  autrichiens  SohwarztMibcrg  devant  Colmar  (Historique 
du  régiment).  —  4  janvier  1814.  —  Le  rt^giment  se  porta  ce  jour-là  sur 
Colmar  avec  le  V**  corps  d'armée  dont  il  formait  Tavant-garde. 

Le  major  comte  Hadik  avait  été  envoyé  avec  un  escadron  sur  le  flanc  droit 
pour  couvrir  ce  flanc  et  se  relier  avec  les  troupes  du  colonel  baron  Scheibler, 
qui  devait  se  porter  sur  Colmar  par  la  route  de  Saint4.sCroix.  Bien  que  cet 
escadron  eût  à  passer  par  un  terrain  des  plus  défavorables  à  l'action  de  la  cava- 
lerie, coupé  partout  de  marais,  de  fossés  et  d'étangs  à  moitié  gelés,  il  réussit 
cependant  à  pénétrer  le  premier  dans  Colmar  et  à  faire  de  l'autrecôté  de  la  ville 
quelque  mal  à  Tarriére-gardc  ennemie  qui  se  retirait.  Ces  bons  résultats  étaient 
principalement  dus  au  coup  d'œil  et  à  la  décision  du  capitaine  baron  Saamen. 

Le  maréi!!ial  des  logis  chef  Hepsch,  qu'on  avait  envoyé  en  avant  avec 
15  hommes  pour  tirailler  avec  l'ennemi,  se  distingua  tout  particulièrement. 
Arrivé  dans  les  vignes  qui  entourent  la  ville,  il  se  porta  rapidement  en  avant 
avec  deux  hommes,  poussa  jusqu'à  la  porte  de  Colmar,  que  cinq  cavaliers  enne- 
mis, aidés  par  quelques  habitants,  cherchaient  à  barricader.  Il  n'hésita  pas  à 
entamer  la  lutte  avec  eux.  les  empêcha  de  continuer  leur  œuvre,  jnsqu*au 
moment  où,  soutenu  par  dix  cosaques  de  PlatotT,  il  réussit  à  les  mettre  en 
fuite.  Sans  ordre  et  de  sa  propre  inspiration,  il  poursuit  l'ennemi  avec  les 
cosaques,  donne  sur  la  place  dans  un  peloton  de  cavalerie  en  train  de  se  for- 
mer, le  culbute,  en  blesse  le  chef  et  poursuit  les  fuyards  jusqu'il  la  porto 
située  de  l'autre  côté  de  la  ville,  qu'il  garde  jusqu'à  l'arrivée  du  gros,  bien 
que  quatre  escadrons  ennemis  fussent  établis  à  proximité  et  en  dehors  de  cette 
porte. 


—  4i  — 

nicMil  ;  les  vedoltos  vi  les  |)(»tits  postes  do  cavalorio  franrîiise  se 
replifTcnt  d'abord  sur  Colmar*  qu'ils  quiltercnt  presque  sans 
combat.  Le  gf^nc^ral  Milhaud.  informé  du  passage  du  Rhin  exécuté 
par  Wittgenstein,  l'avait  évacuée  h»  matin,  se  portant  avec  sa 
cavalerie  dans  la  direction  de  Sainte-Marie-aux-Mines,  tandis 
qu'il  avait  fait  filer  l'infanterie  vers  Strasbourg.  C'était  du  moins 
ce  que  l'on  apprit  h  Wn'^de,  lorsqu'à  8  heures  de  l'après-midi,  il 
entra  à  Colmar  |)resque  en  même  temps  (ju(»  le  IV«cor|)S.  L'arrière- 
garde  fut  mollenuMil  poursuivie  par  Scheibler  jusqu'à  Markol- 
sheim.  et  se  replia  sans  autrement  être  in(|uiétéesur  Sainte-Marie- 
aux-Mines,  afin  de  couvrir  ce  |)assage  d(»s  Vosges  et  de  |)ermetlre 
au  gros  d'atteindre  sans  «Micombre  la  vallée  de  la  Meurthe. 

C'était  donc  pour  enlever  (Colmar  h  une  |)oignée  de  cavaliers  et 
pour  assurer  en  passant  l'investissement  de  Neuf-Brisach,  que 
l'on  avait  mis  en  mouvement  deux  corps  d'armée  qui  s(»  canton- 
nèrent le  soir,  le  V«  îi  (Colmar  et  environs,  le  IV*  entre  Sainte- 
Croix  et  Biltzheim. 

Schwarzenberg  était  de  sa  personne  retourné  à  Altkirch:  h» 
colonel  Scheibler,  qui  seul  avait  fait  mine  de  suivre  l'arrière- 
garde  de  Milhaud  dut.  après  avoir  été  arrêté  à  Markolsheim.  se 


*   Dans  le  rapport  qu'il  adressa,  le  7  janvier  au  soir,  de  Baccarat,  au  ma 
jor  général,  le  général  Milhaud  rend  coinple  en  res  termes  de  ce  mouvement 
rétrograde  : 

«  Quand  j*ai  eu  ordre  tlu  duc  de  Ikllune  de  quitter  Colmar,  dit-il  dans  ce  rap- 
port, j'étais  en  présence  d'une  forte  armée  qui  aUaquait  le  5**  corps  de  cavalerie 
et  ma  brigade  d'infanterie  par  quatre  grandes  colonnes;  j'avais  des  détachements 
sur  les  bords  du  Rhin  et  avant  de  Neuf-Brisach  et  dans  les  niontignes  de  Soultz 
bach,  et  malgré  les  forces  de  l'ennemi  douze  fois  (?)  supérieures  aux  nôtres, 
nous  avons  fait  notre  retraite  sans  perdre  un  seul  homme  ni  un  seul  cheval. 
J'ai  quitté  Colmar  à  ±  heures  après  midi  et  n'ai  pas  cru  devoir  répontlre  par 
un  seul  coup  de  canon  au\  canonnades  de  Tennemi.  Nous  avons  mameuvré 

dans  les  détilés  et  dans  la  plaine  ave<^  le  plus  grand  ordre 

Les  uhlans  de  Schwarzenberg  forment  l'avant-garde  ennemie,  mais  avec  beau- 
coup  de  circonspection 

«  Vn  détachement  de  100  dragons  et  de  iOO  fantassins  commandés  pur  le 
chef  «rescadron  Montanolle,  du  22®,  que  j'avais  envoyé  dans  la  valh^  de 
Munster,  a  fait  sa  retraite  le  long  des  montagnes  et  est  venu  joindre  notre 
arriére-garde. 

«  Quel  malheur f  mon  Prince,  ajoutait  le  général  en  terminant,  de  ne  jmh- 
voir  pas  défendre  Ventrée  des  fjorges  de  Snrerne,  de  Mutz'uj  et  de  Sninte- 
Marù'-niix-Mines  par  quelques  bataillon*  d* infanterie  légère.  »  Tous  les  habitants 
des  montagnes  n'avaient  besoin  que  de  se  voir  proléger  par  un  ou  deux  batail- 
lons à  l'entrée  de  chaque  gorge  pour  faire  une  irruption  et  défendre  leurs  foyer». 
(Archivée  du  dépôt  île  la  guerre.) 


—  42  — 

dirifç(»r  du  (;ôté  do  Schlostadt,  parce  que  U*.  géïK^ralissinie  était 
convaincu  qu(»  Milhaud  se  porterait  de  là  vers  Strasbourg  pour  y 
rallier  Victor. 

Marche  de  Stscherbatoff  sur  Remiremont.  —  Stschorba- 
toff  avait  de  son  cAiO  passé  l(»s  Vospjes,  débouché  dans  la  vallée  de 
la  Moselle  et  poussé  avec  ses  700  cavaliers  sur  Remiremont,  qu'il 
occupa  le  3,  à  une  luxure  de  raprès-niidi,  après  une  escarmouche 
dont  il  rend  compte  dans  les  termes  suivants  : 

Rapport  de  Stscherbatoff  ù  son  A  liesse  Monseigneur  le  Prince  de 
Schirarzenberg^  commandant  en  chef  les  armées  réunies.  — 
Remiremont.  3  janvier  1814.  (En  français  dans  l'original.) 

«  A  deux  lieues  de  Remircîmont,  mon  avant-garde  commandée 
par  le  colonel  Elimovitch,  fut  rencontrée  par  un  détachement  de 
cavalerie  ennemie  qui  a  été  culbuté. 

«  Beaucoup  furent  tués  et  36  faits  ])risonniers.  Il  y  a  6  cosaques 
d(*  blessés  dont  2  grièvement. 

«  Vers  une  heure  de  l'aj^'ès-midi,  Remiremont  a  été  occupé; 
mais  maintenant  U'  hasard  me  fit  connaître  par  une  lettre  que 
000  hommes  d'infanterie  marchent  d'Epinal  sur  Remiremont,  que 
ii\0  honmies  h  cheval  sont  arrivés  à  Epinal  et  qu'on  y  en  attend 
âoO  autres  dans  la  nuit. 

«  Je  ne  pourrai  pas  résister  îi  ce  fort  détachement,  et  je  devrai 
me  replier  sur  la  môme  rout(;  par  laquelle  je  suis  venu,  pour  ne 
pas  laisser  surprendre  le  flanc  gauche  de  l'armée  par  le  débouché 
des  gorges  des  montagnes. 

t(  J'avais  envoyé  une  bonne  patrouille  il  Plombières,  qui  n*y  a 
trouvé  aucun  ennemi*.  » 

Houvement  de  la  cavalerie  de  Thurn  sur  Vesoul.  —  IjC 

lieutenant-colonel  comte  Thurn,  arrivé  de  son  côté  ii  Lure,  avait 
résolu  (le  surpendre,  dans  la  nuit  du  2  au  3,  le  détachement  fran- 
çais posté  îi  Calmoutier,  mais  qui  s'était,  entre  temps,  replié  sur 
les  hauteurs  voisines  de  Vesoul.  l-e  parti  ([ue  Thurn  avait  poussé 
en  avant,  ayant  tiraillé  pendant  toute  la  matinée  avec  les  avaut- 
postes  français,  le  colonel  lui  prescrivit  d'occuper  et  d*amuser 

*  A'.  À'.  KricQi  Archii\,  I,  57. 


-  43  — 

loiinemi.  Marchant  pondant  oo  temps,  avec  le  reste  de  son 
inonde,  par  la  route  de  Besançon  h  Vesoul,  il  déboucha  sur  les 
derrières  de  Vesoul,  par  Vellefaux.  «  Aussitôt,  dit-il  *,  que  ce 
mouvement  fut  exécuté,  je  fis  vivement  attaquer  rcnnemidc  front. 
I^  capitaine  Burckardt  s'acquitta  de  sa  mission  avec  tant  d'habi- 
leté et  d'intelligence,  qu'il  entra  péle-mélc  avec  l'ennemi  dans  la 
ville ,  et  y  prit  le  préfet  au  moment  oh  C(»lui-ci  se  j)réparait  à 
partir.  » 

Thurn  ajonU)  qu'il  a  fait  200  prisonniers,  parmi  lesquels  des 
malades,  des  blessés;  qu'il  a  pris,  outre  le  commissaire  des 
guerres  attaché  au  dépôt  de  Vesoul,  un  magasin  do  fourrages  et 
un  gros  magasin  de  tabac;  qu'il  tient  sous  bonne  garde  le  jiréfet, 
mais  que  le  principal  résultat  de  son  coup  de  main  sur  Vesoul 
aura  été  de  retarder  la  levée  en  masse  décrétée  par  le  préfet. 

Bianchi,  apri\s  avoir  relevé  les  Bavarois  devant  Belfort,  avait 
infructueusement  sonmié  le  général  Legrand  de  lui  rendre  cette 
|)lace.  Le  III*  corps  (Gyulay),  arrivé  h  Montbéliard,  lui  servait  de 
soutien,  et,  comme  ce  corps  manquait  de  cavalerie,  il  avait  fait 
occuper  par  l'infanterie  les  postes  do  Clerval  et  d'Arcey.  Biancthi 
prévenait  également  Schwarzenberg,  dans  son  rapport  du  3  jan- 
vier*, «  qu'il  serait  impossible  de  pousser  la  division  légère  Cren- 
neville  bien  avant  dans  la  direction  de  Vesoul,  parce  que  cet  ofti- 
cier  général  n'avait  avec  lui  que  deux  faibles  escadrons.  » 

On  ne  s'étonnera  pas,  nous  l'espérons  du  moins,  de  nous  voir 
insister  sur  des  détails  qui  peuvent,  au  premier  abord,  paraître 
insignifiants  ;  mais,  en  y  réfléchissant  quelque  peu,  on  découvrira 
sans  peine  les  raisons  pour  lesquelles  nous  nous  sommes  attaché 
à  signaler  ces  faits.  Il  nous  semble,  en  effet,  qu'il  y  a  lieu  de  pro- 
céder de  la  sorte,  si  l'on  désire  arriver  h  se  rendre  un  compte  exact 
du  caractère  des  opérations,  îi  découvrir  la  cause  de  lenteurs  qui 
paraissent  inexplicables  au  premier  examen,  à  ai)précior  dans 
toute  son  étendue  respè<îe  de  terreur  superstitieuse  dont  semble 
avoir  été  hanté  le  quartier  général  du  généralissime,  h  partir  du 
moment  où  l'on  se  décida  ?i  fouler  le  sol  français.  N'avant  rien 
devant  soi,  on  aurait  pu  et  dû  pousser  résolument  et  rapidement 


i  Rapport  de  Thurn  à  Schwarzenberg,  de  Vesoul,  4  janvier  (A',  A'.  Kriegs 
Archiv.,  1,  73). 

*  K.  K.  Kriegi  ArefUv.y  I,  49. 


-  44  - 

en  avant,  afin  de  crever  le  mince  et  faible  rideau  de  cavalerie, 
derrii'^re  lequel  on  n'aurait  trouvé  que  quelques  faibles  bataillons 
disséminés  depuis  Wissembourg  jusqu'à  Baume-les-Dîimes.  Si 
Ton  ouvre,  à  la  date  du  3  janvier,  le  Journal  sommaire  des  opé- 
rations et  des  marches,  tenu  au  grand  quartier  général  de  Schwar- 
zenberg^,  on  y  lira  que  Pahlen  est  à  Haguenau.  où  il  a  trouvé 
des  malades  et  pris  des  dép(Ms  de  cavalerie,  qu'il  pousse  à  droite 
sur  Wissembourg  et  devant  lui  sur  Saverne,  que  Stscherbatofi*  a 
passé  les  Vosges  h  Saint-Amarin  et  s'est  avancé  dans  la  vallée  de 
la  Moselle  jusqu'à  Remiremont.  Mais  on  se  gardera  bien,  en 
revanche,  d'y  faire  la  moindre  allusion  aux  lenteurs  de  Wittgen- 
stein,  d'y  motiver  le  déploiement  inutile  de  deux  corps  d'armée 
pour  enlever  Colmar  à  quelques  cavaliers,  de  mentionner  la  perte 
du  contact  avec  la  cavalerie  de  Milhaud,  d'expliquer  le  piétine- 
ment sur  place  imposé  aux  III®,  II«  et  I*»"  corps  et  aux  réser\'es. 
Il  nous  reste  cependant  à  dire,  pour  en  avoir  fini  avec  le  jour- 
née du  8,  que  la  division  Ignace  Hardegg,  du  le»"  corps,  avait 
re|)ris  sur  le  Doubs,  du  côté  de  Saint-Hippolyte,  Pont-dc-Roide 
et  Baume-les-Dames,  les  postes  que  le  III«  corps,  allant  sur 
Montbéliard,  avait  quittés.  Le  gros  de  ce  corps  était  d'ailleurs 
encore  à  Porrentruy,  et  le  II®  corps  débouchait  seulement  à  Flan- 
gebouche.  pendant  que  les  réserves  autrichiennes,  avec  le  prince 
héritier  de  Hesse-Hombourg,  se  portaient,  sans  se  presser,  sur 
Pontarlier,  Sainl-Sulpice,  Chaux-du-Milieu  et  Saint-Biaise,  et  que 
Barclay  de  Tolly  installait  son  quartier  général  à  Bftle. 

Considérations  sur  les  positions  des  Alliés.— Conséquences 
de  rentrée  du  V*  corps  à  Colmar.  —  Il  faut  cependant  recon- 
naître que  la  marche  des  Alliés  sur  Colmar,  en  obligeant  Milhaud 
h  se  replier  sur  Sainte-Marie-aux-Mines.  vint  contrarier  les  projets 
de  Napoléon  et  contrecarrer  les  mouvements  de  Victor.  Obligé  de 
chercher,  avant  tout,  à  gagner  le  temps  dont  il  avait  besoin  pour 
assurer  un  semblant  de  cohésion  aux  formations  nouvelles, 
Napoléon  avait  été  amené  forcément  à  l'idée  d'organiser  une 
défense  simulée  du  Rhin,  et  avait,  par  suite,  dû  donnera  sa  ligne 
une»  extension  égale  îi  la  longueur  du  front  par  lequel  passaient 


*  Starke,  EinUwilung  tind  Tagesbegebenlwiten  der  Haupl  Armée  unter  Feld- 
Mar$chaH  Fûrsl  Sehicarzenherg  im  Monate  JanuarÇK,  K.  Kriegs  Archiv.,  I,  30). 


/  •* 
■kO 


h»s  lignes  natun^lles  d'iiivusioii  des  Alliés.  I/évéiuMiH;nl  s'(^st, 
d'ailleurs,  ehargé  de  justifier  la  manière  de  voir  de  Napoléon. 
|)uisque.  tout  en  restant  échelonnés  le  long  du  Rhin,' les  corps 
français,  malgré  les  fautes  conmiis<\s  par  certains  généraux,  onl 
néanmoins  pu  se  rallier  sur  les  points  situés  plus  en  arrière  et 
choisis  par  l'Empereur. 

11  est  évident,  en  (^ffet,  cpie  si  les  cor|)S  français  avaient,  dès  le 
|>rincipe.  continué  hmr  retraite,  les  Alliés,  au  lieu  d(;  |)erdre  en 
hésitations,  en  contre-marches,  |)resquc  tout  le  mois  de  janvier, 
les  auraient  suivis  pas  ii  pas  et,  sachant  ce  qu'ils  avaient  devant 
eu\,  ntî  seraient  pas  restés  aussi  longtemps  innnobihîs.  Malheureu- 
sement les  lieutenants  de  l'Empereur  et  surtout  Victor,  dont  nous 
avons  à  nous  occuper  acluellem(»nt,  n'étaient  plus  susceptibles 
d'exécuter  convenabh^ment  un  |)lan  (fui  exigeait  de  leur  part  une 
confiance  et  un  (Mitrain  qu'ils  avaient  |)erdus.  une  ardeur  et  un  zèle 
qui  s'étaient  refroidis  cît  avaient  fait  place  à  la  lassitude,  à  l'indif- 
férenc<s  |)Our  ne  pas  dire  au  découragement. 

L*Enq)ereur*  avait  ordonné,  le  2  janvier,  au  major  général  de 
|>rescrire  à  Marmont  d'avoir  à  se  rendre;  h  Colmar  pour  y  prendre 
le  conunandemenl  de  la  division  dont  se  conq)osait  le  :2«  cor|)s  et 
y  réunir  h'S  deux  divisions  du  G"  corps,  h;s  l»»"  et  o*  corps  de 
cavah'rie.  Victor  devait  r(»st(;r  ii  Strasbourg,  jiour  former  les  "^^  et 
3"  divisions  de  son  corps  (le;  :2*;  et  veiller  à  la  défense  des  |)lac(»s, 
tandis  que;  Mortier  servirait  de  réserve  à  Langres  et  qut;  deux 
divisions  de  la  garde,  sous  les  ordres  du  général  Curial,  vien- 
draient de  Nancy  et  de  Luxembourg  prendre  position  à  É|)inal. 
Mais  Victor,  se  voyant  menacé  en  amont  de  Strasbourg  par  Wrède 
et  les  Wurtembergcîois,  en  aval  par  le  passage  de  Wittgenslein. 
sur  la  rive  gauche,  et  l'apparition  de  la  cavalerie;  de  PahhMi  à 
Haguenau,  craignant  de;  se  voir  rejeter  et  «Mifermer  dans  Stras- 
bourg, et  par-dessus  tout  inquiet  de  la  responsabilité  qui  pesait 
sur  lui,  avait,  contrairement  aux  ordres  de  l'Enqjereur.  résolu*  de 


1  Corresiiontlance,  n<>»  21055  et  il056. 

s  Victor  an  major  général,  Strasbourg,  3  janvier,  8  lieures  du  matin.  — 
Victor  ajoutait  dans  cette  dépèclic  :  «  Je  pense  que  les  troupes  du  2°  corps  et 
du  5^  de  cavalerie,  qui  sont  dans  la  vallée  de  Colmar,  seront  réunies  aujour- 
d'hui à  Molsbeim,  et  que  nous  serons  demain  de  bonne  heure  sur  les  hauteurs 
de  Saverne,  où  il  serait  possible  que  l'ennemi  nous  prévint;  car  il  a  moins  de 
chemin  à  faire  que  nous.  »  (Archivet  du  dépôt  de  la  guerre,) 


—  46  — 

se  replier  par  Schlestadt  et  Molsheim  sur  Saverne,  d'où  il  espérait 
parvenir  h  donner  la  main  a  Marnionl  dont  il  était,  sans  le  savoir, 
déjà  séparé  par  la  marche  de  Tannée  de  Silésie.  Le  moiivemenl 
(îxécuté  par  les  IV®  et  V«  corps  alliés  avait  eu,  d'ailleurs,  pour  con- 
séqucMice  d*(;mpêeher  re\écution  de  Tordre  du  mouvement  rétro- 
grade par  MolslKîim  sur  Saverne,  que  Victor  avait  envoyé  au 
5«  corps  de  cavalerie.  La  direction  sur  Sainte-Marie-aux-Miiies, 
que  Milhaud  imprima  à  sa  retraite,  déroula  complètement  le  duc 
(le  Hellune  qui,  laissant  simplement  d(îux  n'^giments  de  gardes 
d'honneur  du  côté  de  Saverne  pour  observer  Pahlen;  crut  plus 
sag(s  au  lieu  d(^  chercher  h  défendre  les  débouchés  des  Vosges  du 
côté  d'Épinal,  de  s(î  mettre  en  retraite  le  5  janvier  *  par  Mutzig  et 
Blamont  sur  llaon-Tfttape,  découvrant  ainsi  ftpinal,  dégarnissant 
les  défilés  des  montagnes  et  contre(!arrant,  en  les  rendant  inu- 
tiles, toutes  les  mesun^s  prises  par  TEnq)ereur.  C'était  là  com- 
mettrt^  uik^  faute  grave  dont  n'aurait  pas  manqué  de  profiter  un 
adversaire  cpiehpu'  p(»u  actif  et  entreprenant.  Mais  les  hésitations 
de  Sch\vai7.(Mib(»rg,  la  direction  singulière  (pu>  de  Colmar  il  donna, 
coimne  nous  allons  le  voir,  au  corps  de  Wrède,  la  lenteur  que 
Wittgenstein  mit  à  se  porter  sur  Saverne:  enfin,  chose  absolument 
inouïe  de  la  part  de  généraux  disposant  d'une  cavalerie  nom- 
breuse et  aguerrie,  la  perte  du  contact  avec  la  cavalerie  de 
Milhaud,  allaient,  si  ce  n'est  réparer,  du  moins  atténuer  la  faute 
conmiisc»  par  Victor. 

Il  est  certain,  en  eflet,  que  les  Alliés,  en  continuant  leur  mouve- 
ment en  avant,  en  suivant  |)as  à  pas  (;t  en  menant  vivement  Tar- 
rièriî-garde  du  ;>•  corps  de  cavalerie,  auraient  pu,  sans  rencontrer 
la  moindn^  résistance,  descendre  |>ar  la  vallée  de  la  Meurthe  sur 
Lunéville  et  Nancy.  Wittgenstein,  eu  accentuant  son  mouvement 
sur  Saverne.  aurait  ap|)elé  sur  lui  tout(î  l'attention  de  Victor,  d'ail- 


1  Voici,  en  effet,  ce  que  Grourliy  écrivait  au  général  Milhaud,  le  5  janvier, 
à  8  heures  du  malin  :  «f  L'ennemi  occupe  Saverne  (a).  Le  maréchal  se  retire 
par  Mutzi^,  Trmatt  <;t  W  isches.  Le  o°  corps  de  cavalerie  s'étahUra  en  arriùrc 
de  Framonl;  la  cavalerie  léîîêrc  restera  à  S<!hirmeck,  poussiuit  (fuelques  par- 
lis  sur  la  route  de  Senones,  afin  d'avoir  des  nouvelles  de  renuenii  et  de 
siivoir  >'\\  a  paru  de  ce  côté.  »  {ArcfUres  du  (U'/hH  de  in  ytu'rre.) 

(«)  V.  B.  U  7  a  li  une  erreur  commise  p4r  Victor  et  Gruucbj.  Saverne  cUit  encore  à  c«  niOMrat 
uccupO  par  là  ca\aU>ri«>  française,  et  ce  ne  fnt  que  la  7  au  matin  que  les  courenr»  de  Pahlca  «uri* 
reat  à  Saverne.  Les  Français  ne  Tévacuèrent  que  dans  la  nuit  du  0  ac  7  janvier. 


-  47  — 

leurs  disposé  à  se  porter  de  ce  côté.  Plus  li  gauche  un  corps 
aurait  pu,  en  lilanl  par  Épinal,  marcher  rapidiiuienl  par  la  vallée 
de  la  Moselle  justpfà  (Charmes  ou  Pont-Sainl-Vincent,  et  deu\ 
autres  corps ,  les  III®  et  I«'  par  exemple ,  auraient  dil  accélé- 
rer leur  marche  sur  Langres  par  Vesoul.  Un  panMl  mouvement, 
sans  danger  puisqu'on  n'avait  personne  devant  soi,  aurait  com- 
plètement désorganisé  la  défense  et  livré  |)res(]ue  sans  combat 
avec  les  côtes  de  Meuse  les  têtes  des  vallées  de  la  Marne,  de 
l'Aube  et  de  la  Seine.  La  timidité  des  généraux  alliés  s'explique 
donc  uni([uement  par  la  crainte  que  l'Empereur  leur  inspirait,  par 
l'appréhension  (ju'ils  ont  eue  de  le  voir  se  jeter  d'abord  contre 
Blùcher,  le  battre  sur  la  Meuse  et  se  retourner  ensuite  avec  les 
renforts  qu'il  aurait  ramassés  en  rouUi  contre  les  têtes  de  (^olonne 
de  Schwarzenberg.  Aussi,  plus  fidèles  que  jamais  aux  principes 
émis  lors  de  la  signature  de  la  convention  de  Trachenberg,  les 
généraux  alliés  paraissent  avoir  cherché  par-dessus  tout  à  éviter 
la  moindre  rencontrcî  sérieuse,  à  rendre  impossible  toute  entre- 
prise quelque  peu  importante,  jusqu'au  moment  oii  l'armée  de 
Bohême  aurait  opéré  sa  jonction  avec  celle  de  Silésie. 

Mais  cette  jonction  elle-même  pouvait  s'opérer  rapidement, 
sans  peine,  sans  pert(»  de  temps  et  sans  danger.  Il  aurait  suffi 
pour  cela  d'ordonner  au  VI«  corps  de  pouss(T  immédiatement  en 
avant  le  3  au  soir,  tandis  qu'au  contraire  on  laissa  Wittgenstein 
piétiner  sur  place,  depuis  le  3  jusqu'au  10  janvier,  aux  environs 
du  point  où  il  avait  passé  le  Rhin.  Et  c'est  ainsi  qu'au  moment  où 
Blùcher  iirrivait  le  17  janvier  à  Nancy  avec  le  gros  de  ses  troupes, 
nous  ne  trouverons  à  hauteur  de  Phalsbourg  que  la  cavalerie  de 
Pahlen.  Grâce  à  la  lenteur  méthodique  de  Wittgenstein,  aux  hési- 
tations du  grand  quartier  général,  un  corjis  de  cavalerie  va 
mettre  quinze  jours  pour  aller  de  Haguenau  à  Phalsbourg  ! 

4  janvier  1814.  —  Mouvements  de  la  cavalerie  du  VP 
corps.  —  Le  4,  en  effet,  Pahlen  s'était  contenté  d'occuper,  avec  le 
gros  de  ses  troupes,  Haguenau,  où  l'un  de  ses  escadrons  était  déjà 
depuis  la  veille.  Il  avait,  il  est  vrai,  jugé  à  propos  de  se  faire 
soigneusement  couvrir,  sur  sa  gauche,  par  Rûdinger,  qui  s'établit 
à  Gambsheim  et  dont  les  avant-postes  se»  tinrent  en  vue  de 
Wantzenau.  Sur  sa  droite,  le  colonel  Sélifontieff  dépassait  Lan- 
terburgf  et  le  lieutenant-colonel  Nabel  envoyait  des  partis  vers 


—  48   — 

Landau,  sans  renconlr(»r  nulle  pari  les  petits  détachements  fran- 
rais  qui  s'étaient  repliés  sur  Landau.  Pahlen  avait  cependant  osé 
pousser,  (mi  avant  de  Haguenau,  un  escadron  qui  alla,  sur  la 
route  d(i  Saverne,  jusqu'à  Monmenheim,  et  envoyer,  sur  les  roules 
de  Bouxwiller  et  de  Bitche,  les  dragons  badois.  Le  reste  du 
VI«  corps  resta  sur  les  mêmes  positions  que  la  veille. 

Il  paraît,  d'ailleurs,  qu'on  trouvait  au  grand  quartier  général 
que  Witlgenstein  n'avait  pas  encore  assez  de  cavalerie  S  puisque, 
le  lendemain  5  janvier,  on  l'informait  qu'il  allait  être  rejoint  par 
Seslavin.  Cet  officier  général,  qui  aurait  pu  rendre  de  réels  ser- 
vices si  l'on  avait,  conmie  il  le  désirait,  connue  il  le  demandait, 
consenti  à  lui  laisser  tenter  une  pointe  vers  le  Midi  de  la  France, 
recul,  à  Porrenlruy,  l'ordre  de  se  diriger,  par  Dannemarie  et  Col- 
mar,  sur  Schlestadt,  afin  de  relier  entre  eux  les  V«  et  VI«  corps. 

Perte  du  contact.  —  Ainsi  qu'il  a  déjà  été  indiqué,  les  IV»  et 
Vo  corps  avaient  perdu  complètement,  dès  la  veilh^  le  contact  avec 
la  cavalerie  de  Milliaud,  d'abord  parce  qu'on  avait  arrêté  le 
colonel  Scheibler  à  Markolsheim,  ensuite  parce  que  l'on  était 
convaincu  en  haut  lieu  que  Milhaud  n'avait  pu  se  retirer  que  sur 
Schlestadt.  En  raison  de  l'ignorance  même  dans  laquelle  on  sc^ 
trouvait  et  des  ordres  que  l'on  reçut  du  grand  quartier  général, 
on  n'entreprit,  à  vrai  dire,  absolument  rien  dans  toute  la  vallée 
du  Rhin  !  Wrède,  n'ayant  pas  réussi  à  découvrir  la  moindre  trace 
de  son  adversaire,  ne  j)Ouvant  tirer  aucune  indication  sérieuse 
des  renseignements  contradictoires  donnés  par  les  habitants, 
détacha*  de  son  avant-garde  trois  j)artis  de»  cavalerie;  le  premier. 


*  Le  prince  de  Schwarzenherg,  au  général  en  chef  comte  Witlgenstein.  — 
Altkirch,  5  janvier  1814  :  u  Afin  de  donner  aussi  rapidement  que  possible  à 
V.  Ë.  la  cavalerie  qui  lui  manque,  j'ai  prescrit  au  général  major  Seslavin  de 
prendre  par  Colmar  pour  rejoindre  votre  Excellence.   » 

(K,  K.  Krieys  archiv.  1.  84.) 

*  Schwarzenberg  se  rendait  si  peu  compte  de  la  situation,  que  dans  les 
ordres  bizarres  dont  nous  aurons  à  parler  et  qui  dirigeaient  Wrède  sur  Schles- 
tadt, il  jugeait  à  propos  de  lui  recommander  ce  qui  suit  : 

Schwarzenberg  à  W'rède.  —  Altkirch,  4  janvier  1814. 

«<   Il  me  serait  bien  agréable  de  vous  voir  attaquer  la  cavalerie 

que  vous  avez  devant  vous.  Culbutez-la  et  répandez  un  peu  la  terreur  de 
votre  côté.  »  (K.  K.  Kriegs  Archiv. ,  1/66  C)\ 

En  mt^me  temps  il  croyait  nécessaire  d'éclairer  et  de  rassurer  le  prince 
royal  de  Wurtemberg,  auquel  il  écrivait  :  «  Vous  êtes  couvert  sur  votre  front 


—  49  - 

sous  les  ordres  du  géiiénil-major  Ellbracht,  longea  le  pied  des 
Vosges,  se  dirigeant  à  gauche  vers  Ober-Hergheini  vX  Gueniar*  ; 
le  second,  que  le  (îolonel  baron  MengcMi  conduisit,  par  Markols- 
heim,  h  Heidolsheini,  et,  enfin,  le  3«  à  droile,  sous  les  ordres  du 
colonel  Scheibler,  alla  sur  Dipolsheini  pour  battre  le  pays  (Mitre 
rill  et  les  différents  bras  du  Rhin.  Le  reste  du  V«  et  tout  le 
1V«  corps  denieuriTent  complètement  immobiles. 

Mouvements  du  corps  volant  de  Thurn  en  avant  de 
Tesoul.  —  Le  lieutenant-colonel  comte  Thurn  avait  occ'upé.  le 
4  îi  midi,  Vesoul  avec  le  gros  de  son  détachement,  et  il  ajoutait, 
dans  la  lettre  qu'il  adressait  de  Vesoul,  h  5  heures  du  soir,  ii 
Schwarzenberg  :  «  Je  surveilhî  toutes  les  routes  dans  la  direction 
de  Besançon,  Gray,  Port-sur-Saône  et  Luxeuil.  J'ai  rendu  compte 
de  tout  c(î  qui  s'est  passé  au  général-major  von  Haecht,  et  l'ai 
prié  d'occuper  Lure  j)Our  me  servir  de  soutien.  J'ai  vainement 
cherché  à  me  relier  par  Luxeuil  et  Remiremont  avec  le  corps 
volant  du  prince  Stscrherbatotr,  et,  connui;  je  n'ai  que»  fort  peu  de 
cavalerie,  je  mi  puis  m'affaiblir  en  envoyant  trop  loin  des  détache- 
ments. Un  émissaire,  qui  rentre  à  l'instant,  m'annonce  qu'un 
corps  de  cavalerie  française  marche,  par  Chaumont,  sur  Langres 
et  Port-sur-Saône,  et  que  ses  patrouilles  ont  poussé  sur  Char- 
moillc.  J'ai  aussitôt  dirigé  sur  Port-sur-Saône  le  capitaine  de 
chasseurs  bavarois  Fleischmann  avec  un  détachement  mixte  de 


par  le  prince  Stscherbatoff,  à  gauche  par  le  ill'  corps,  qui  sera  le  9  à  Vesoul. 
Vous  assurerez  à  droite  par  des  corps  volants,  vos  communications  avec  le 
général  comte  de  Wrède.  »  (K,  K,  Kriegs  Archic,  1/66  B.) 

*  Grouchy  au  Major  général.  —  Biiccarat,  6  janvier  : 

«  Attaqué  sur  trois  points  dans  Colmar,  on  s*est  retiré  dans  le  meilleur 
ordre,  sans  pertes,  et  Tennemi  ne  nous  a  suivis  que  jusqu'à  hauteur  de  Guu- 
mar.  Depuis  ce  point  jusqu*à  la  position  qu*occupe  le  5°  corps  de  cavalerie, 
Tennemi  ne  s'est  plus  montré.  Une  de  ses  colonnes  s'est  portée  par  la  route 
qui  longe  le  Rhin  dans  la  direction  de  Strasbourg.  D'autres  colonnes  débouchent 
des  Vosges  par  les  routes  de  Ste-Marie-au\-Mines  et  du  Bonhomme.  Les  gardes 
d'honneur  étaient  hier  5,  en  avant  de  Saverne,  ayant  devant  eux  la  cavalerie 
légère  russe.  S'ils  sont  fortement  poussés,  ils  ont  l'ordre  du  duc  de  Ikllune  de 

se  reployer  sur  Phalsbourg  et  la  route  de  Nancy L'effectif  total  du 

5*  corps  de  cavalerie  est  d'environ  3,0î)0  chevaux.  »  (Dépôt  de  la  guerre). 

On  voit  donc  que,  pendant  que  les  Alliés  perdaient  le  contact  avec  la  cava- 
lerie de  Milhaud,  cette  cavalerie  parvenait  en  revanche  sans  se  compromettra 
et  sans  révéler  sa  présence,  à  se  tenir  an  courant  des  mouvements  des  diffé> 
rentes  colonnes  des  Alliés.  Le  fait  nous  a  paru  lu  peine  d\Hre  signalé. 

Weil.  4 


-  so  - 

cavalerie  et  do  chasseur»,  et  lui  ai  donné  l'ordre  de  se  procurer 
des  renseignements  sur  Fennemi  et  de  chercher  par-dessus  tout  à 
faire  des  prisonniers. 

«  Les  dépôts  de  cavalerie  ennemie  se  réunissent  h  Dijon. 

«  Les  nouvelles  de  Paris  signalent  un  grand  mécontentement 
dans  la  population  et  font  prévoir  Texplosion  prochaine  de  dé- 
sordres sérieux.  L'Empereur,  d'après  ce  que  m'annonce  l'agent 
que  j'ai  envoyé  à  Paris,  et  qui  a  quitté  cette  ville  il  y  a  six  jours, 
aurait  l'intention  d'y  faire  venir  10,000  hommes  de  la  garde  » 

a  J'ai  l'honneur  d'adresser  à  Votre  Altesse  le  numéro  du  JlfoMÎ* 
leur  que  je  viens  de  recevoir.  » 

Monvêmênti  des  antres  corps  et  ordres  de  SohwarsêB- 
berg.  —  Au  centre  et  h  l'aile  gauche,  les  Il«  et  I1I«  corps  ne 
bougèrent  pas  davantage,  et  le  !•'  corps  alla  de  Porrentruy  h 
Délie,  laissant  encore  dans  la  vallée  du  Doubs  à  Clerval  et  Pontr 
de-Roide  la  division  légère  Ignace  Hardegg,  dont  les  patrouilles 
constatèrent  l'évacuation  de  Baunie-les-Dames  et  la  présence  de 
quelques  cavaliers  français  du  côté  de  Mamirolle,  à  Test  de 
He^ançon.  Enfin,  deux  des  quatre  divisions  des  réserves  autri« 
chiennes  arrivèrent  à  PontarÛer. 

Pendant  que  les  troupes  de  l'armée  de  Bohême  restaient  ainsi 
inactives,  le  4,  on  avait,  au  contraire,  été  très  affairé  au  grand 
quartier  général  d'Altkirch  ;  les  ordres  abondaient  et  pleuvaient 
(le  tous  côtés.  En  réalité,  il  est  difficile  de  comprendre  h  quels 
besoins  ils  répondaient,  et  quelles  raisons  avaient  pu  décider 
Schwarzenberg  à  envoyer  Wrède  investir  Schlestadt,  k  maintenir 
jusqu'au  6  devant  Neuf-Brisach  le  IV«  corps,  qui  devait  être  relevé 
ce  jour-là  par  une  partie  du  ¥•,  pour  ne  lui  faire  commencer  que 
plus  tard  son  mouvement  sur  Remiremont,  tandis  que  le  III®  corps 
recevait,  de  son  côté,  l'ordre  de  quitter  Montbéliard  le  6,  et  de  se 
porter,  par  Vesoul,  sur  Langrcs.  Pour  compléter  ces  mesures>  le 
!•'  corps  devait  venir  avec  Schwarzenberg  à  Montbéliard»  et,  k 
l'extrême  gauche,  le  prince  héritier  de  Hesse-Hombourg  était 
chargé  d'investir  et  de  bombarder  Besançon  le  9  janvier.  Enfin» 
et  bien  qu'il  n'ait  eu  jusqu'à  ce  jour  aucune  lutte  à  soutenir,  bien 
que  chacun  de  ses  corps  d'armée  fût  doté  d'un  nombre  respec- 

i  K.  A'.  Krieys  ArefUv,,  I.  73. 


^  M  ^ 

table  d'escadrons,  bien  qu'il  eût  eu  le  loisir  de  déterminer  à 
Tavance  et  à  son  aise  la  composition  et  la  marche  de  ses  colonnes, 
Schwarzenberg  se  crut  déjà  obligé  do  faire  venir  de  l'arrière  une 
cavalerie  qui  n'aurait,  d'ailleurs,  jamais  dû  s'y  trouver,  parcc^ 
qu'elle  n'avait  et  ne  pouvait  y  avoir  rien  h  faire.  Il  écrivit,  en 
effet,  h  Barclay  de  ToUy  :  «  Comme  je  n'ai  actuellement  pas  de 
cavalerie  à  moi  en  avant  de  mon  front,  il  me  faut  prendre,  pour 
soutenir  la  division  légère  Crenneville,  une  division  de  cuirassiers 
russes,  h  laquelle  vous  prescrirez  d'avoir  ji  se  rendre,  le  8  janvier, 
de  Montreux  à  Novillard  ;  le  9,  par  Vézelois,  Meroux,  Sevenans, 
Botans,  Bavilliers,  Essert,  à  Frahier;  le  10,  à  Lure;  le  1 1,  à  Vesoul, 
où  elle  se  cantonnera.  Un  régiment  de  cosaques  devra  aller  h 
Montbéliard,  où  sera  installé  mon  quartier  général. 

«  Enfin,  pour  surveiller  la  vallée  de  la  Meuse  et  pour  m(» 
renseigner  sur  les  mouvements  de  l'ennemi,  je  compte  envoyer 
l'ataman  comte  Plaloff,  le  9,  d'Épinal  sur  NeufchîUeau,  afin  que, 
de  concert  avec  le  prince  Stscherbatoff,  il  maintienne,  du  côté  de 
Langres  et  de  Chaumont,  les  communications  avec  les  troupes 
qui  se  porteront  en  avant  *.  » 

L'offensive  vigoureus<î  et  énergique,  dont  parlait  toujours 
Schwarzenberg  dans  ses  ordres,  consistait  donc  à  donner  à  WW^de 
une  direction  absolument  illogique,  à  laisser  au  VI«  corps 
(comme  on  le  disait  au  quartier  général)  Ici  temps  de  prendre  pied 
sur  la  rive  gauche,  de  réparer  les  ouvrages  en  ruines  du  fort 
Vauban  et  d'organiser  une  solide  tète  de  pont  au  fort  Alsace  ; 
d'autre  part,  on  faisait  bloquer  Huningue,  Neuf-Brisach,  Schles- 
tadt,  Besançon,  et  l'on  maintenait,  pour  cette  raison,  les  réserves 
russes  et  prussiennes  fort  loin  en  arrière,  précisément  au  moment 
où  il  aurait  fallu  les  faire  serrer  sur  les  corps  de  première  ligne 
et  marcher  à  tout  prix  vivement  et  résolument  en  avants  Et  cepen- 
dant, en  raison  môme  de  la  crainte  qu'inspirait  un  adversaire 
qu'on  s'attendait  à  voir  apparaître  partout  et  à  tout  moment, 
d'un  adversaire  que,  quelques  jours  plus  tard,  le  7  janvier*,  on 


1  If.  K.  Kriêçi  Arehiv.  1/66  A. 

«  BnuiBAiM,  ToU  DeiikwûrdigkeiUn,  IV»  164. 

fl  6tl  esNOtiel  de  coosidérer  que  ce  fat  seulement  laraqa'il  eut  reçu  c«tl6 
fausse  QOuveUe,  que  Schwarzenberg  modilia  ses  ordres  du  4  et  rappda  à  lui 
WHIgenstein  et  Wrède,  que  sans  cda  il  eut  vraisanblablement  laissés  plus 
longtemps  en  Alsace. 


-^  62  — 

Croyait  même  déjà  arrivé  îi  Langres  h  la  tète  d*une  armée  de 
80,000  hommes,  il  eût  fallu  avant  tout  éviter  Téparpillement  des 
forces. 

On  aurait  dû  éviter  de  perdre  un  temps  précieux  et  irréparable 
à  conquérir  l'Alsace,  où  il  n*y  avait  personne;  mais,  au  contraire, 
se  hftter  de  réunir  120,000  îi  150,000  hommes  sur  un  point  donné, 
Langres,  par  exemple,  afin  d*étre  dans  les  dix  premiers  jours  de 
janvier,  comme  on  le  |)Ouvait  d'ailleurs,  à  même  d'écraser  1  ennemi 
sous  le  poids  de  ces  masses  auxquelles  rien,  et  surtout  des  for- 
mations îi  peine  ébauchées,  n'aurait  pu  résister. 

Nouvelles  de  Blûcher.  —  Schwarzenberg  avait  à  peine  expé- 
dié ces  différents  ordres  qu'il  reçut  de  Blûcher  l'avis  du  passage 
du  Rhin  par  l'armée  d(î  Silésie  et  du  commencement  d'exécution 
du  mouvement  vers  la  Sarre.  Il  semble  qu'il  eût  été  naturel  à  ce 
moment  de  modifier  les  ordres,  d'accélérer  la  marche  des  diffé- 
rentes colonnes  et  de  porter  surtout  le  VI^  corps,  qui  formait  la 
droite  de  l'armée  de  Bohême,  résolument  en  avant.  Schwarzen- 
berg préféra  écrire  à  Blûcher  pour  le  mettre  au  courant  de  sa 
propre  situation  et  lui  annoncer  à  mots  couverts  qu'il  ne  pren- 
drait une  résolution  définitive  que  «  lorsque  l'armée  de  Silésie 
serait  arrivée  à  Nancv  ». 

5  Janvier.  —  Mouvements  du  VI*  corps.  —  Aussi  la  jour- 
née du  5  ne  présente  pour  cette  raison  guère  plus  d'intérêt  que 
celle  de  la  veille.  Du  côté  du  VI«  corps,  tout  se  borne  à  l'occupa- 
tion par  le  général  Rûdinger  de  Wantzenau  que  les  Français  éva- 
cuèrent après  une  légère  escarmouche  contre  les  cosaques,  pour 
se  replier  sur  Hôhenheim.  Les  patrouilles,  poussées  sur  la  route 
d'Haguenau  à  Bitche,  vinrent  jusqu'à  Reichshoffen.  Elles  y 
apprirent  que  le  3®  régiment  de  gardes  d'honneur,  après  avoir 
paru  la  veille  dans  ce  village,  s'était,  h  la  nouvelle  de  l'occupation 
d'Haguenau,  replié  le  soir  parBouxwillersurSaverne.  Les  par- 
tis, envoyés  de  Brumath  vers  Mutzig  et  la  vallée  de  la  Bruche,* 
afin  de  chercher  la  comnmnication  avec  le  général  Seslavin, 
avaient  tiraillé  avec  les  avant-postes  français  du  côté  de  Marlen- 
heim.  Enfin,  sur  la  foi  de  renseignements  recueillis  du  côté  de 
Lauterbourg,  on  croyait  savoir  que  Marmonl  se  repliait  de  Pirma- 
sens  sur  Bilche. 


33 


Mesures  prises  par  le  prince  royal  de  Wurtemberg  pour 
le  passage  des  Vosges.  — Le  V^  corps  investit  Schlestadt,  envoya 
une  des  brigades  de  la  division  La  Motte  vers  Sainle-Marie-aux- 
Mines,  et  releva  sous  Neuf-Brisach  les  Wurtembergeois  qui 
devaient  commencer  leur  mouvement  le  lendemain»  et  que  le 
généralissime  renforça  de  la  brigade  autricîhienne  Schâffer  et  du 
régiment  de  hussards  Archiduc  Ferdinand.  Le  quartier  général  du 
prince  royal  s'établit  h  Ober-Bergheim,  d'où  le  prince  adressa  h 
Schwarzenberg  le  rapport  par  lequel  il  lui  communiquait  les 
mesures  qu  il  prenait  pour  la  marche  du  lendemain  : 

«  Prince  royal  de  Wurtemberg,  à  Schwarzenberg. 
«  Oberbergheim,  5  janvier  1814*. 

«  J'ai  reçu  cette  nuit  les  ordres  de  Votre  Altesse,  et  je  marche- 
rai demain  sur  Remircmont.  La  tête  de  mes  colonnes  cherchera  î\ 
atteindre  ce  .point  avant  cette  date,  pour  que  ma  cavalerie  ne  soit 
pas  obligée  de  séjourner  plus  que  de  raison  dans  la  région  si 
inhospitalière  des  Vosges. 

«  Afin  de  rester  en  communication  et  en  liaison  avec  le  général 
comte  Wrède,  j'enverrai  des  partis  sur  ma  droite,  et  je  pri(»rai  le 
comte  Wrède  d'en  faire  autant  de  son  côté. 

«  Mon  quartier  général  sera  demain  h  Cernay.  » 

Le  généralissime,  tout  en  approuvant  les  propositions  du  prince 
royal  relatives  à  la  cavalerie,  l'invita  cependant  à  la  laisser  le 
moins  longtemps  possible  sans  infanterie,  parce  qu'il  craignait  de 
la  voir  arrêtée  par  une  petite  arrière-garde  ennemie  tirant  habile- 
ment parti  du  terrain  accidenté  et  difficile  de  ces  régions. 

Schwarzenberg  mandait  en  même  temps  au  prince  royal  que  le 
général  Stscherbatoff,  comme  cet  officier  général  l'avait  du  reste 
prévu  lui-même,  avait  été  contraint  d'évacuer  Remiremont  à 
l'approche  de  600  fantassins  et  de  500  cavaliers  ennemis*. 

Stscherbatoff  rentre  à  Remiremont.  —  La  recommandation 
de  Schwarzenberg  n'était  pas  tout  à  fait  inutile,  puisque,  comme 
le  montre  la  lettre  du  chef  d'état-major  du  1V«  corps  ii  Stscherba- 


t  K,  K,  Kriegi  ArefUv,  ad,  I.  8f . 
ï  K.  K,  Kriegi  Archir,  I.  81. 


—  84  — 

toff,  le  gros  de  ce  corps  ne  devait,  d'après  les  projets  du  prince 
royal,  arrriver  que  quatre  jours  plus  tard  h  Remiremont^ 

Stscherbatoff  n'était  pas,  d'ailleurs,  resté  inactif,  et,  dès  le  5,  pro- 
fitant de  ce  que  quelques  troupes  alliées  avaient  occupé  les  défilés 
de  Bussang,  rassuré  sur  ses  derrières,  et  presque  sûr  désormais 
de  pouvoir,  en  cas  d'échec,  se  replier  sur  ce  soutien,  il  avait  de 
nouveau  débouché  dans  la  journée  sur  Remireniont,  qu'il  avait 
occupé. 


1  Le  colonel  comte  Baillet  de  La  Tour  aa  général  prince  Stscherbatoff, 
Oberbergheim,  ft  janvier  1814  (en  français  dans  Toriginal)  : 

u  En  ordonnant  à  S.  A.  R.  le  prince  royal  de  Wurtemberg  de  se  porter  sor 
Remiremont  arec  son  corps  d'armée,  S.A.  le  prince  maréchal  lai  mande  que 
vous  êtes  chargé  de  couvrir  son  front. 

((  Je  ne  veux  donc  pas  manquer  de  me  mettre  en  relations  avec  vous,  mon 
général,  et  de  vous  prévenir  qu'aujourd'hui  Thann  sera  occupé  par  un  bataillon 
wurtembergeois  qui  se  portera  demain  à  Bussang  pour  vous  servir  de  repli  en 
cas  de  nécessité. 

u  Le  Prince  Royal  se  flatte  cependant  que  vous  pourrez  vous  maintenir  dans 
la  route  de  Remiremont  jusque  vers  le  9,  jour  auquel  la  tète  du  corps  d'armée 
y  arrivera. 

«  Le  capitaine  Nagel,  qui  nous  précède  avec  un  escadron,  est  chargé  de  ras- 
sembler des  vivres  et  des  fourrages  pour  le  corps  d'armée. 

«  Le  Prince  Royal  désire,  mon  prince,  que  pour  lui  facUiter  cette  besogne, 
vous  tâchiez  de  tirer  les  vivres  et  les  fourrages  nécessaires  à  votre  corps,  des 
environs  de  Plombières  etd'Epinal.  II  espère  aussi  que  vous  voudrez  Tinstmire 
des  renseignements  que  vous  aurez  pu  vous  procurer  sur  la  force  et  les  mou- 
vements de  l'ennemi.  » 

{K.  K.  Kriegt  arehiv.  !..  lîl,  C.) 

Puisque  nous  venons  de  parler  du  comte  de  La  Tour,  il  nous  a  paru  inté- 
ressant de  reproduire  la  lettre  ci-dessous.  11  en  ressort  qu'au  moment  d'entrer 
en  France  les  états-majors  des  Alliés  n'avaient  pas  de  cartes,  et,  ce  qui  est  plus 
curieux  encore,  c'est  que  le  colonel  de  La  Tour  ayant  soumis  le  cas  an  géné- 
ralissime et  lui  ayant  demandé  l'autorisation  de  donner  au  lieutenant-colonel 
comte  Tburn  l'ordre  de  lui  faire  tenir  la  carte  dont  U  est  question  ci-dessous, 
Schwarzenberg  fit  répondre  (pièce  I.  124,  Kriegi  Arehiv,)  qu'il  convenait  de 
laisser  à  Thnm  des  cartes  dont  cet  officier  a  bien  plus  besoin  qu'aucun  autre. 

Louise  Pries  au  colonel  comte  \ji  Tour.  —  Montbéliard,  le  4  janvier  1814: 

t(  Monsieur,  je  viens  de  recevoir,  par  une  estafette,  la  lettre  que  vous  avez 
bien  voulu  adresser  à  mon  mari,  et  dans  laquelle  vous  lui  demandes  l'atlas 
national  de  France. 

<(  Je  suis  bien  fAchée  de  ne  pouvoir  satisfaire  à  votre  demande,  l'ayant  déjà 
remis  au  comte  de  Zettritz,  qui  était  envoyé  par  le  comte  de  Thum.  Je  n^ 
pourrais  même  vous  donner  aucune  autre  carte,  mon  mari  étant  venu  exprès 
de  Bâle  pour  en  faire  la  recherche  dans  notre  ville  et  en  faire  hommage  au 
prince  de  Schwartzenberg.  11  s'en  est  retourné  cette  nuit. 

«  J'ai  l'honneur.  Monsieur,  de  vous  saluer  avec  une  parfaite  considération.  )> 

{K.  K.  Krieg*  Arehiv.  !..  124  D.) 


-  88  — 

Combat  d'Arches.  —  Ost  du  rapport  qu'il  adress<i  en  fran- 
çaii  à  Schwarzenberg,  d'Arches,  dans  la  nuit  du  S  au  6  janvier, 
que  nous  extrayons  ce  qui  suit  : 

Rapport  du  prince  Stscherbatoff  à  Schwarzenberg  (en  français 
dans  Toriginai).  —  Arches,  6  janvier  1814,  minute. 

«  Le  corps  de  troupes  wurtembergeois  (^tant  venu  hier  pour 
occuper  les  défilés  de  Bussang,  j'ai  de  nouveau  débouch<^  sur 
Remiremont. 

«  J'ai  passé  la  ville  et  me  suis  porté  jusqu'il  Arches,  à  i  heures 
d'Ëpinal.  Avant  d'y  arriver,  mon  avant-garde  rencontra  une 
patrouille  ennemie  qui  la  mène  sur  un  détachement  de  400  che- 
vaux. Le  lieutenant-colonel  Nazaroff,  commandant  le  régiment 
des  cosaques  de  TOural,  Ta  attaqué,  soutenu  par  180  cosaques  de 
Tepter,  Ta  culbuté  et  chassé  hors  du  village  jusqu'à  un  quart  de 
lieue. 

«  La  nuit  étant  venue  et  100  hommes  d'infanterie  se  trouvant 
dans  les  broussailles  ont  protégé  la  fuite  de  leur  cavalerie.  Outre 
beaucoup  de  tués,  on  a  fait  12  prisonniers.  Notre  perte  n'est  que 
d'un  bas-officier  et  de  2  cosaques  blessés,  5  chevaux  tués  et 
11  blessés.  Au  nombre  des  prisonniers,  il  y  avait  deux  conscrits  tout 
nouvellement  incorporés,  des  Lyonnais,  f  ai  laissé  retourner  dans 
leur  maison  ces  deux  conscrits  pour  qu'ils  disent  chez  eux  que  les 
troupes  alliées  ne  viennent  pas  faire  la  guerre  aux  Français, 
qu'ils  ne  veulent  aucun  mal  à  l'habitant,  mais  qu'ils  viennent  pour 
ramener  la  paix  et  la  tranquillité  pour  le  bonheur  de  la  nation 
française. 

«  Ces  gens  ont  toute  la  mauvaise  volonté  de  ser\'ir,  et  j'espère 
que  leur  retour  fera  changer  l'opinion  que  le  gouvernement 
cherche  à  semer  dans  l'esprit  du  bourgeois  et  du  paysan. 

«  Il  peut  y  avoir  à  Épinal  près  de  4.000  hommes  d'infanterie, 
car  entre  Épinal  et  Nancy  il  y  a  trois  grands  bivouacs. 

«  Demain,  j'attaquerai  à  la  pointe  du  jour  et  je  tûcherai  do 
m'emparer  de  la  ville,  si  je  trouve  de  la  possibilité. 

tt  Un  lieutenant  espagnol,  nommé  Torres,  qui  était  prisonnier 
h  Nancy,  ayant  appris  l'approche  des  troupes  alliées,  a  trouvé 
moyen  de  s'échapper  et  est  venu  se  présenter  à  moi.  Les  nou- 
velles, qu'il  m'a  données,  sont  qu'il  y  avait  h  Metz  30,000 
conscrits  dont  15,000  seront  envoyés  vers  Bruxelles.  Tous  les 
jours  il  en  vient  de  nouveaux,  on  choisit  les  meilleurs,  on  les 


—  56  — 

place  dans  la  jeune  garde  el  on  les  expédie  du  côté  de  la  Hol- 
lande. On  rassemble  à  Metz  tous  les  dépôts  des  environs  et  comp- 
tant toutes  les  troupes  avec  les  conscrits,  on  peut  pour  sûr  éva- 
luer à  25,000. 

«  Les  dépôts  de  cavalerie  font  le  plus  grand  objet  des  préoccu- 
pations. 

«  Le  quartier  général  de  Tarmée  est  à  Metz  ainsi  que  celui  de 
TEmpereur.  On  Tattendait,  mais  il  n'est  pas  venu. 

«  A  Nancy  la  garnison  est  de  1000  h  1500  hommes.  Dans  les 
troupes  cantonnées  entre  Nancy  et  Épinal  il  y  a  la  garde 

«  Le  maréchal  Oudinot  est  disgracié  pour  avoir  osé  dire  qu'il 
n'y  avait  pas  moyen  de  faire  la  guerre  et  qu'il  ne  pouvait  com- 
mander un  corps  composé  d'enfants  faibles  et  indisciplinés.  .  .  . 

«...  Les  bourgeois  sont  très  mécontents  du  gouvernement 

et  désirent  un  changement Il  est  certain  que  l'on  manque 

absolument  d'armes. 

«  Les  prisonniers  que  je  fais  se  croient  heureux,  car  disent-ils, 
nous  ne  servirons  plus  *.  » 

Mouvements  de  Platoff  et  de  Thurn.  —  Pendant  ce  temps 
Platoff  était  en  marche  sur  les  Vosges  :  il  devait  être  le  6  à  Saint- 
Weiler,  le  7  à  Saulxures  et  le  9  à  Épinal.  Il  avait  ordre  de  se 
relier  par  sa  droite  avec  Stscherbatoff  et  par  sa  gauche  avec  les 
colonnes  autrichiennes  destinées  à  marcher  par  Vesoul  sur  Lan- 
gres.  Thurn,  toujours  aux  environs  de  Vesoul,  continua  à  sur- 
veiller lei»  routes  do  Besançon,  Gray,  Port-sur-Saône  et  Luxeuil, 
tandis  qu'à  l'extrême  gauche  Scheither  recevait  l'ordre  d'occuper 
Ornans. 

Les  mouvements  exécutés,  j)endant  cette  journée  par  les  111% 
II«  et  I«r  corps  oi  par  les  réserves  autrichiennes,  sont  si  insigni- 
fiants qu'ils  ne  méritent  même  pas  d'être  indiqués. 

Position  de  Victor.  —  En  apprenant  le  passage  du  Rhin  par 
les  Alliés  et  le  mouvement  qui  découvrait  sa  droite,  Victor  avait, 
comme  nous  l'avons  dit,  abandonné  la  défense  du  fleuve,  laissant, 
sous  les  ordres  du  général  Milhaud,  une  brigade  d'infanterie  de 


*  K,  K.  Kriegs  Arehiv.,  I.  118. 


—  57  - 

la  division  Duhosnuî  qui,  avec  la  division  do  cavalerie  du  général 
Lhéritier,  au  lieu  de  se  porter  par  Molsheiin  sur  Saverne,  dut  se 
retirer  par  la  vallée  de  Sainte-Marie-au\-Mines.  Lui-même,  avec; 
le  reste  de  ses  troupes  (division  Gérard,  une  brigade  de  la  divi- 
sion Duhesnie  et  la  division  de  cavalerie  du  général  Briche),  mar- 
cha par  Mutzig  sur  Raon-l'Étape,  point  sur  lequel  il  avait  déjà 
dirigé  la  division  de  cavalerie?  légcre  du  général  de  Pire. 

Ordres  de  l'Empereur  à  Mortier.  —  Jusque  ce  moment 
d'ailleurs  TEmpereur  n*avait  rien  changé  à  la  direction  donnée 
aux  renforts  en  marche.  Cependant,  h*  24  déc^embre,  il  avait 
ordonné  à  Mortier  de  se  rendre  de  Nanmr  îi  Reims.  Le  maréchal 
y  trouva,  le  3  janvier,  l'ordre  dcî  continuer  immédiatement  sur 
Chaumont  et  sur  Langres  avec  sa  division  d'infanterie  de  la  vieille 
garde,  5  à  6  batteries  d'artillerie  et  la  division  de  cavalerie  de  la 
garde.  Le  mouvement  projeté  par  Victor  qui  avait  eu  l'intention 
(les  ordres  donnés  à  Milhaud,  et  que  celui-ci  ne  put  d'ailleurs 
exécuter,  en  font  foi)  de  s(î  poster  à  Saverne,  d'y  tenir  jusqu'à 
l'arrivée  de  Marmont,  avait  déplu  à  l'Empereur  qui  chargea  le 
major  général  de  lui  témoigner  son  mécontentement  *. 

Ordre  à  Victor  intercepté  par   les   Cosaques.  —  Une 

dépêche  adressée  à  Victor  par  l'intermédiaire  de  Kellermann,  fut 
interceptée  par  les  cosaques  du  côté  de  Mutzig,  dans  la  nuit  du  7 
au  8  jan\'ier.  Elle  était  ainsi  conçue  : 

«  Le  maréchal  duc  de  Valmy*,  à  S.  E.  le  maréchal  duc  de 
Bellune,  commandant  le  2«  corps. 


*  L'empereur  Napoléon  au  prince  de  Ncuchâtel  et  de  Wagram,  major  général 
à  Paris.  —  Paris,  6  janvier  18i4. 

«  Mon  cousin,  faites  connaître  au  duc  de  Bellune  mon  mécontentement  de  co 
que,  de  Golmar,  il  a  porté  son  corps  sur  les  hauteurs  de  Saverne,  dégarnissant 
ainsi  toutes  les  Vosges  et  découvrant  Epinal  ;  qu'il  était  bien  plus  convenable 
que  de  Colmar  il  se  rendit  sur  le  col  d'Epinal;  que  le  col  de  Saverne  se  trouve 
gardé  par  la  place  de  Phalsbourg,  tandis  que,  par  Epinal,  Nancy  se  trouve 
entièrement  découvert. 

u  S'il  est  toujours  du  côté  de  Saverne,  donnez-lui  ordre  de  filer  sur  Nancy. 

«  Donnez  ordre  au  prince  de  la  Moskowa  de  partir  dans  la  journée  pour  se 
rendre  à  Nancy  et  d'y  prendre  le  commandement  de  la  division  de  la  jeune 
garde  et  de  toutes  les  troupes  qui  sont  de  ce  côté,  afin  de  garder  Nancy,  de 
reprendre  Epinal,  qui  n'est  occupé  que  par  de  a  cavalerie,  et  de  contenir 
l'ennemi  de  ce  côté.  » 

'  If.  K.  Kriegn  AreMv,,  I,  205  c. 


-  58  -^ 

cf  Mon  cher  Maréchal,  j*ai  fait  connaître  à  S.  M.  l'Empereur  le 
contenu  de  la  dépêche  que  vous  aviez  adressée  au  commandant 
de  Phalsbourg»  et  que  vous  Taviez  chargé  de  me  communiquer. 

<c  L'Empereur  répond  par  dépêche  télégraphique  datée  de  ce 
jour  de  Paris  : 

«  Ce  n*étail  pas  sur  les  hauteurs  de  Saverne  que  le  duc  de  Bel- 
«  lune  devait  se  diriger,  mais  sur  Épinal.  S'il  est  toujours  du 
«  côté  de  Saverne,  ordonnez-lui  de  filer  sur  Nancy.  » 

«  Je  m'empresse  de  vous  transmettre  cette  dépêche,  mon  cher 
Maréchal,  et  de  vous  prévenir  que  la  1'«  division  de  jeune  garde 
et  les  troupes  réunies  de  la  4«  division  sont  entre  Nancy  et 
Charmes,  avec  deux  batteries,  et  prêtes  à  se  porter  sur  Épinal,  si 
la  cavalerie  ennemie  dans  les  Vosges  n'est  pas  soutenue  par  de 
l'infanterie. 

«  P.-S.  — Le  duc  de  Raguse  était  hier  à  Hombourg  près  Deux- 
Ponts  et  le  général  Ricard  à  Ottweiller,  avec  les  8«  et  32«  divi- 
sions. » 

Cette  dépêche  aurait  eu  naturellement  plus  de  valeur  pour  les 
Alliés,  si  elle  avait  été  interceptée  dès  le  6.  A  ce  moment,  en  effet, 
ils  n'avaient  pas  encore  réussi  à  rétablir  le  contact  ;  mais  la  prise 
de  cette  dépêche  avait,  quoique  un  peu  tardivement,  l'avantage  de 
fixer  d'une  façon  positive  la  direction  certaine  que  comptait  suivre 
Victor.  Elle  leur  permettait  encore  de  supposer  que  ce  maréchal, 
une  fois  arrivé  de  l'autre  côté  des  montagnes,  serait  à  nouveau 
informé  des  ordres  de  l'Empereur  et  chercherait  à  gagner  le 
point  si  important  d'Épinal,  nœud  des  routes  qui,  venant  de 
Suisse,  franchissent  la  chaîne  des  Vosges.  Un  corps  posté  à  Épi- 
nal y  aurait  occupé,  en  effet,  une  position  centrale,  d'où  il  lui  eût 
été  d'autant  plus  facile  d'empêcher  les  têtes  des  colonnes  alliées 
de  déboucher  dans  la  vallée  de  la  Moselle,  qu'il  n'aurait  pas  eu  k 
se  préoccuper  de  ses  derrières  couverts  par  les  troupes  que  le 
maréchal  Ney  réunissait  h  Nancy,  et  qui  semblaient  destinées  & 
prendre  part  aux  opérations  dans  un  bref  délai. 

Les  recommandations,  que  Schwarzenberg  avait  faites  ce  même 
jour  au  prince  royal  de  Wurtemberg  au  sujet  de  l'emploi  de  sa 
cavalerie,  se  trouvaient  donc  parfaitement  justifiées. 

Après  avoir  commis  les  fautes  que  nous  venons  de  signaler, 
Victor  ne  sut  même  pas  les  réparer..  Au  lieu  d'agir  énergiquement 


—  59  - 

avec  le  plus  de  monde  possible  contre  les  Alliés,  il  ne  leur  porta 
que  des  coups  timides  et  commit  la  faute  plus  grave  encore 
d'éparpiller  ses  forces  déjà  peu  considérables  et  d'opérer  par 
petits  paquets.  Une  pareille  manière  de  faire  ne  pouvait  amener 
des  résultats  utiles,  et,  si  elle  n*eut  pas  des  conséquences  plus 
funestes  et  plus  sérieuses,  il  faut  en  chercher  la  raison,  non  pas 
dans  les  mesures  prises  par  le  duc  de  Bellune,  mais  bien  dans  le 
décousu  des  opérations  des  Alliés,  les  incertitudes  du  commande- 
ment supérieur,  le  morcellement  et  Téchelonnement  des  différents 
corps,  et  surtout  le  mauvais  emploi  que  Ton  fit  d*une  cavalerie 
suffisamment  nombreuse  pour  percer  le  faible  rideau  tendu 
devant  elle,  et  suivre  pas  h  pas  la  marche  et  le  mouvement  des 
colonnes  d'infanterie  française. 

6  janvier  1814.  —-  Rêniêignêmênti  fonniis  par  la  oavaleriê 
du  VI*  corps.  —  Les  renseignements,  transmis  dans  la  journée  du 
6  à  Wittgenstein  par  sa  cavalerie,  lui  firent  connaître  que  le  maré- 
chal Marmont  n'était  pas,  comme  on  le  lui  avait  annoncé  la  veille, 
en  train  de  se  concentrer  h  Bitche.  Les  partis  envoyés  de  Brumath 
vers  la  vallée  de  la  Bruche,  avaient  de  nouveau  donné  h  Marlen- 
heim,  à  peu  de  distance  de  Wasselonne,  contre  des  partis  de  cava- 
lerie française,  auxquels  ils  avaient  enlevé  une  dizaine  d'hommes, 
mais  qui  les  avaient  empêchés  de  pousser  leurs  reconnaissances 
plus  avant.  Plus  h  droite,  le  colonel  Selifontieff  avait,  par  Spire, 
ouvert  les  communications  avec  Sacken.  Wittgenstein  avait,  du 
reste,  reçu  des  nouvelles  directes  l'informant  des  positions  occu- 
pées par  l'armée  de  Silésie  à  la  date  du  4.  Le  lieutenant-colonel 
Nabel  avait,  de  son  côté,  envoyé  des  coureurs  qui  poussèrent 
jusque  sous  les  murs  de  Landau  et  de  Bitche.  Us  lui  apprirent, 
que  la  garnison  de  Landau  se  composait  uniquement  de  garde 
nationale,  que  Bitche  était  gardé  par  quelques  invalides.  On  savait 
encore  que  les  Français  avaient  évacué  le  6  au  soir  Hochfelden, 
se  repliant  par  Dettwiller  sur  Saverne,  et  que  le  général  comte  de 
Ségur,  après  y  avoir  réuni  ses  deux  régiments  de  gardes  d'hon- 
neur, avait  continué  sa  retraite  sur  Sarrebourg.  Le  quartier  géné- 
ral de  Wittgenstein  était  toujours  h  Rastadt,  et  ses  extrêmes 
avant*postes  ne  dépassaient  pas  une  ligne  allant  d'Haguenau  h 
Wissembourg  et  Spire. 


—  60  — 

HouYements  du  V«  corps.  —  Du  cùlo  du  V®  corps  on  s*était 
relié  par  deux  escadrons  de  uhlans  Schwarzenberg  envoyés  de 
Benfeld  sur  Molsheira  avec  le  général  Rudinger,  avant-garde  du 
VI®  corps  *.  Le  général  autrichien  Volkniann  avait  complété  l'in- 
vestissement de  Schlestadt  et  rejeté  la  garnison  dans  la  place  ; 
la  brigade  bavaroise  Maillot  avait  relevé  les  Wurtembergeois  sous 
Neuf-Brisach  ;  le  colonel  Scheiblcr  avait  chassé  de  Bofsheim 
200  hussards  français  démontés,  qui  n*eurent  que  le  temps  de  se 
j(»ter  dans  Schlestadt,  et  la  brigade  Deroy,  rejoignant  Tautre  bri- 
gade de  la  division  La  Motte  aux  environs  de  Sainte-Marie-aux- 
Mines,  avait  occupé  le  col  et  le  passage  menant  de  côté  d'Alsace 
en  Lorraine. 

En  outre,  on  savait  déjà  au  quartier  général  de  Wrède  que 
Victor  se  repliait  de  Strasbourg  sur  les  Vosges,  et  que  Milhaud, 
avec  ses  dragons,  s'était  retiré  sur  Saint-Dié  '. 

Mouvement  du  IV*  corps  vers  les  Vosges.  —  Le  IV®  corps 
avait  commencé  son  mouvement  vers  les  Vosges*.  De  Cernay,  où  il 
arrivait  le  6  au  matin,  le  prince  royal  de  Wurtemberg  écrivait  à 
Schwar/enberg  pour  lui  annoncer  qu'il  avait  été  rejoint  par  un 
escadron  du  régiment  de  hussards.  Archiduc  Ferdinand,  et  lui 
d(îmander  d'envoyer  le  plus  rapidement  possible  le  2«  escadron, 
alin  d'être  h  même  de  diriger  ces  deux  escadrons  le  9,  ou,  au 
plus  tard,  le  10,  sur  Luxeuil.  L'intention  du  prince  royal  était  de 
rester  quelques  jours  aux  environs  de  Remiremont,  et,  à  moins 
d'ordres  formels  l'envoyant  sur  Epinal,  de  pousser  de  là  rapide- 
ment sur  Lunéville  et  Nancy.  Le  prince  ajoutait  dans  ce  rapport 
que,  pour  couvrir  Wrède,  il  enverrait  vers  Saint-Dié  et  Bruyères 
des  partis  avec  lesquels  il  se  relierait  par  Pouxeux.  Enfin,  comme 
on  venait  de  l'informer  de  l'arrivée  de  Platoff  à  Thann,  il  faisait. 


*  Tagebuch  du  major  prince  Taxis  (K.  K,  Kriegs  Archiv,,  XIIF.  32),  et 
Starke,  Eintheilung  and  Tagetbegeben/ieiten  der  Haupl-armee  (Ibid.,  I,  30). 

'  Au  grand  quartier  général,  on  avait  connaissance  du  mouvement  de  Victor 
sur  Lunéville  et  on  savait  qu'il  voulait  se  relier,  dans  la  vallée  de  la  Moselle, 
ù  la  cavalerie  de  Milhaud  et  de  Pire.  (K,  K,  Kriegs  Archiv,,  I,  30.) 

s  L'avant-garde  du  IV^  corps  oc<;upait  le  6  janvier  les  points  suivants  à 
deux  escadrons  du  régiment  duc  Louis  à  Thann,  un  escadron  à  Uffholtz,  une 
batterie  à  cheval  à  WattuUer,  avec  un  bataillon  d'infanterie,  un  bataillon  : 
Borwiller  et  un  autre  à  Fîartmanswiller. 


—  61  - 

non  sans  raison,  remarquer  que,  pour  ne  pas  épuiser  le  pays  déjîi 
fort  appauvri,  il  serait  bon  d'assigner  aux  cavaliers  de  Tataman 
une  autre  roule  que  celle  attribuée  au  IV'  corps  pour  le  passage 
des  Vosges. 

En  avant  des  Wurtembergeois,  le  général  prince  Stscherbaloff 
battait  toujours  la  campagne  entre  Pouxoux  et  Arches.  Les  rap- 
ports qu'il  avait  envoyés  au  grand  quartier  général  et  il  Barclay 
de  Tolly,  rapports  dans  lesquels  il  signalait  la  présence  de 
troupes  françaises  à  Épinal,  avaient  eu  pour  conséquence  Tordre 
donné  à  Platofî,  qui  arriva  ce  jour-là  seulement  jusqu'à  Thann, 
d'avoir  à  se  porter  rapidement  en  avant  pour  soutenir  Stscherba- 
toif  et  l'aider  à  enlever  Épinal  *. 

Le  III*  corps  reçoit  Tordre  de  se  porter  sur  Vesoul.  — Plus 

à  gauche  Schwarzenberg,  reconnaissant  la  nécessité  d'occuper  le 
plus  rapidement  possible  Vesoul  et  n'ayant  encore  de  ce  côté  que 
le  petit  corps  volant  du  lieutenant-colonel  comte  Thurn,  envoyait 
de  Montbéliard,  où  il  venait  de  transférer  son  quartier  général, 
au  comte  Gyulay  l'ordre  d'accélérer  la  marche  de  son  corps 
(III«)  de  manière  a  être,  au  lieu  du  9,  le  8,  au  moins  avec  la 
tête  de  ses  colonnes,  ii  Vesoul  *.  Il  lui  recommandait  d'avoir  à  se 
couvrir  sur  sa  droite  jusqu'à  l'arrivée  à  Remiremont  du  prince 


*  Barclay  de  ToUy  à  Schwarzenberg.  —  Bâle,  6  janvier  1814. 
(Dispositions  qn'il  prend  pour  enlever  Épinal.) 

«f  Le  gëncral-major  prince  StscherbatofT  m'informe  qu'il  y  a  à  Epinal,  ville 
vers  laquelle  se  dirige  Tataman  comte  PlatofT,  des  troupes  ennemies  en  fon^c 
respectable. 

«  J'ai,  par  suite,  prescrit  au  comte  Platoff  de  se  concerter  avec  le  prince 
Stscherbaloff  pour  chasser  avec  lui  l'ennemi  d'Epinal,  d'y  laisser  un  poste  de 
correspondance  suffisamment  fort,  de  recommander  au  prince  StscherbatofT. 
auquel  il  devra  préalablement  donner  2  bouches  à  feu,  de  marcher  de  là  sur 
Nancy  et  de  se  maintenir  constamment  en  liaison  sur  sa  droite  avec  les  avant- 
postes  bavarois. 

«<  Le  comte  Platoff  se  portera,  de  son  côté,  sur  NeufchAteau  et  restera  en 
communication,  à  droite  avec  Stscherbatoff,  à  gauche  avfc  le  corps  autricliien 
posté  à  Vesoul. 

<(  J'ai,  en  outre,  prescrit  aux  généraux  Platoff  et  Stscherbatoff  de  me  tenir 
jour  par  jour  au  courant  de  leurs  mouvements,  aÛn  de  pouvoir  leur  assigner 
des  directions  ultérieures,  d'après  les  ordres  que  je  recevrai  de  Votre  Altesse.  » 

(K.  K.  Kriegs  Arehiv,,  1,  113.) 

^  Schwarzenberg  à  Gyulay.  {K,  K,  Kriegs  Archiv.,  1,  110.) 


—  «2  — 

royal  de  Wurtemberg,  avec  lequel  il  aurait  à  se  relier.  L'avant- 
garde  du  III«  corps  arriva  le  6  k  Villersexel,  le  gros  à  Velleche- 
vreux,  la  division  Crenneville  à  Ronchamp.  Il  donnait,  en  outre. 
Tordre  à  cette  dernière  division  d'être  le  7,  au  lieu  du  8,  à  Port- 
sur-Saône  S  que  Thurn  avait,  comme  le  montre  le  rapport  sui- 
vant, enlevé  dans  la  nuit  du  5  au  6. 

Surprise  de  Port-enr-SaOoe  par  le  corps  Tolaiit  de  Thiini. 

—  «  Le  lieutenant-colonel  comte  Thurn  au  prince  de  Schwarzen- 
berg.  —  Vesoul,  le  6  janvier  1814,  5  heures  du  soir  : 

«  J'ai  rhonneur  d'informer  Votre  Altesse  que  j*ai  surpris  et 
occupé,  la  nuit  dernière,  Port-sur-Saône  ;  j'y  ai  pris  quelques 
conscrits. 

«  Mes  patrouilles  battent  le  pays  du  côté  de  Combeaufontaine, 
sur  la  route  de  Gray,  de  Grandvelle,  sur  celle  de  Besançon  et 
sur  celle  de  Villersexel.  A  droite,  je  m'éclaire  et  me  couvre  par 
des  patrouilles  de  flanc  sur  Faverney  et  Luxeuil. 

«  Je  pars  d'ici  cette  nuit  me  portant  sur  le  déparlement  de  la 
Haute-Marne,  dans  la  direction  de  Langres,  parce  que  j'apprends 
à  l'instant  que  la  division  Crenneville  vient  à  Lure. 

«  J'enverrai  demain  îi  Votre  Altesse  les  prisonniers  de  guerre 
anglais  et  espagnols  que  j'ai  délivrés. 

<(  Je  me  permets  de  faire  respectueusement  observer  à  Votre 
Altesse  que  les  réquisitions  de  toute  sorte,  dont  on  frappe  le  pays, 
Hùus  aliènent  C esprit  des  populations  qui.  datis  le  principe,  étaient 
favorablement  disposées  pour  nous, 

«  Je  transmets  à  Votre  Altesse  la  lettre  que  m'a  adressée 
aujourd'hui  le  préfet,  ainsi  que  la  réponse  que  je  lui  ai  faite. 

«  Le  magasin  de  tabac  que  j'ai  pris  ici  vaut  plus  de  100,000 
francs. 

er  Mes  émissaires  m'assurent  que  le  duc  de  Valmy  est  à  Metz 
avec  8,000  hommes,  presque  tous  des  conscrits  ;  que  le  gros  de 
l'armée  ennemie  se  porte  sur  le  Brabant,  qu'une  autre  masse  va 
sur  Strasbourg  et  que  10,000  hommes  de  la  garde  sont  en  marche 
sur  Paris*.  » 


1  Schwarienborg  à  Biaochi  (qui  bloquait  à  ce  moment  Belfort).  (K.  K.  frie§ê 
Archiv.,  ad,  I,  ilO.) 

i  En  luaigc  de  ce  docoment  {K,  K.  Krieys  Archiv.,  I,  117),  se  trouve  la 


-  63  - 

On  est  loin,  on  le  voit  déjà,  de  Icnthousiasme  quoThurn^  signa- 
lait si  pompeusement  dans  ses  premiers  rapports. 

Les  populations,  étonnées  et  surprises  au  premier  moment,  ne 
vont  pas  tarder,  d'ailleurs,  à  se  retrouver  et  à  faire  payer  cher  k 
Tenvahisseur  ses  brutalités,  ses  violences  et  ses  pillages. 

MoaYtments  des  W  et  U«  corps.  -—  Quant  au  I^''  corps,  il 
est  encore  entre  Montbéliard  et  Arcey,  mais  il  a  détaché  sur  Héri- 
court  la  division  Winipffen,  qui  doit  soutenir  le  9  janvier,  sur  la 
rive  droite  du  Doubs,  Tentreprise  du  prince  de  Hesse-Hombourg 
contre  Besançon.  Le  II«  corps,  qui  sert  d'avant-garde  à  ce  prince, 
est  à  THôpital-du-Gros-Bois,  et  les  réserves  autrichiennes  s'avan- 
cent péniblement  jusque  vers  Villafans,  Ornans  et  Ëtalans.  Le 
prince  Maurice  Liechtenstein,  qui  a  pris  le  commandement  de  la 
2«  division  légère,  couvre  l'extrême  gauche  du  prince  de  Hcsse. 

Afin  de  compléter  les  données  relatives  à  la  position  des  corps 
alliés  à  cette  date,  il  y  a  lieu  d'indiquer  que  la  cavalerie  de  Bubna 
était  maîtresse  du  pont  de  Dôle,  que  les  troupes  de  ce  général 
étaient  à  Poligny  et  à  Salins,  qu'il  y  riîçul,  le  6,  l'ordre  de  mar- 
cher sur  Lyon.  Ajoutons,  enfin,  qu'une  de  ses  brigades  surveillait 
la  Savoie,  depuis  la  prise  de  Genève. 


à  Lnnéville  de  Caolalnconrt,  chargé  de  reprendre 
les  négociations.  —  Ce  fut  également  le  6  janvier  que  Caulain- 
court,  désigné  par  l'Empereur  pour  reprendre  et  suivre  les  négo- 
ciations interrompues  depuis  plus  d'un  mois,  arrivait  à  Lunéville 
et  faisait  demander  h  Metternich  les  passeports  dont  il  avait 
besoin  pour  franchir  les  avants-postes  des  Alliés.  Le  môme  jour. 


note  suiTante,  mise  au  quartier  général  de  Schwarzenborg  et  qui  sert  cPëlémeiit 
à  la  réponse  à  faire  à  Thum  : 

M  J'ai  reça  vos  rapports  des  4  et  6  janvier.  Pour  ce  qui  est  du  préfet  de  la 
Haute-Saône,  le  traiter  avec  ménagement  et  me  l'envoyer  sous  escorte  à  mon 
quartier  général,  qui  sera  le  9  à  Arvrey,  le  10  à  VUlenexel,  le  II  à  Yesonl.  » 

<  Le  comte  Thum  était,  en  1814,  lieutenant-coloiiel  an  régiment  autrichien 
de  hussards  palatinat. 

La  présence  des  coureurs  de  Tbum  à  Combeaufootaine,  et  jusqu'à  ses  projets 
sor  Langras,  étaient  connns  des  Français,  puisque  le  commandant  Gerfoaux, 
aide  d0  camp  du  Ministre  de  la  guerre,  lui  disait,  de  Langres,  le  0  janvier,  à 
8  hMres  1/1  dn  soir  :  «  L'ennemi  a  mis  un  petit  poste  à  Ounbeanfontaine  ; 
on  attend,  ee  soir,  150  chevaux  à  Cintrey,  et  Ton  assure  qu'il  veut  faire  une 
reconnaissance  sur  Langres.  »  (Dépôt  de  la  guerre,) 


—  64  — 

lord  Caslelroagh  débarquait  en  Hollande  et  continuait  sa  roule 
pour  rejoindre  le  grand  quartier  général  des  Alliés. 

7  janvier.  —  La  cavalerie  du  VI*  corps  à  Saveme.  -■ 

Le  7,  au  matin,  les  avant-postes  russes  ayant  remarqué  que 
les  Français  avaient  évacué  Saverne  *  pour  se  replier  sur  Phals- 
bourg,  occupèrent  immédiatement  cette  ville  et  prévinrent  Pahleu, 
qui  poussa  aussitôt  des  partis  vers  Sarrebourg  et  Phalsbourg». 

L'infanterie  du  VI«  corps  commença,  elle  aussi,  son  niouve- 
nienl.  Une  des  brigades  de  la  4®  division  (!!•  corps,  sous  les 
ordres  du  prince  Eugène  de  Wurtemberg)  se  porta  en  soutien 
des  cavaliers  de  Pahlen,  î\  Haguenau;  l'autre  brigade  resta  a 
Roeschwoog,  mais  la  3«  division  d'infanterie  passa  en  parlie  de 
Fort-Louis,  sur  la  rive  gauche,  et  Wittgenstein  chercha  à  se 
relier  sur  sa  gauche  par  Mutzig  et  Benfeld,  avec  la  droite  de 
Wrède.  On  avait  réussi,  en  démontant  les  stations  télégraphiques 
de  Haut-Bar,  près  de  Saverne,  et  du  Kochersberg,  près  de  Will- 
gotheim,  i\  couper  et  à  intercepter  les  correspondances  aériennes 
de  l'ennemi. 

Positions  du  V*  corps.  —  Affaire  de  Saint-Dié.  —  Le 

V«  corps  resta  devant  les  places  qu'il  investissait  avec  ses  avant- 
postes,  \\  droite,  près  de  Ziegeihutt;  au  centre,  à  Benfeld;  îi 
gauche,  au  col  du  Bonhomme,  et  en  avant  de  Sainte-Marie-aux- 
Mines.  Seul,  le  général  Leroy,  [)Osté  comme  nous  l'avons  dit  à 
Sainte-Marie-aux-Mines,  envoya  du  côté  de  Saint-Dié  quelques 
patrouilles  qui  tiraillèrent  avec  les  ved(îttes  françaises  et  rappor- 
tèrent des  renseignements  que  Wrède  transmit  îi  Schwar/enberg 
dans  le  rapport  ci-dessous,  rapport  qui  ne  parvint,  d'ailleurs,  au 
généralissime,  à  Vesoul,  que  le  14  : 


*  Au  moment  même  où  la  cavalerie  française  venait  d'évacuer  Saverne, 
Grouchy  avait  prescrit  à  Séjjur,  dans  le  cas  où  il  serait  poussé  par  l'ennemi, 
de  se  reployer  sur  Phalsbourg,  Sarrebourg  et  enfin  sur  Heming,  à  l'cmbran- 
chement  des  routes  de  Strasbourg  à  Metz  et  à  Nancy,  et,  dans  le  cas  où  Userait 
contraint  à  abandonner  Heming,  de  se  retirer  par  la  route  de  Nan:y,  mais  de 
ne  s'y  résoudre  que  le  plus  tard  possible  Grouchy  ajoutait  :  u  Nous  sommes 
toujours  à  Raon-l'Étapc  et  à  Baccarat.  On  ne  fera  do  mouvement  ni  aujour- 
d'hui, ni  probablement  demain.  »  (Archives  du  Déjiôt  de  la  guerre,) 

'  A'.  A'.  Krieys  Archiv.,  I,  30. 


-  65  - 
«  Wrède  à  Schwarzonborjç,  (]olnjar,  le  8  janvier  1814. 

<c  J'informe  Voire  Altesse  que  le  jiçénéral  Deroy,  que  j'avais 
posté  hier  près  de  Sainte-Marie-aux-Mines,  a  envoyé  des  patrouilles 
vers  Saint-Dié.  Le  général  a  rencontré  l'ennemi  en  avant  de  cette 
ville,  l'a  vivement  attaqué  et  poursuivi  jusqu'au  delà  de  Saint- 
Dié.  Le  poste  ainsi  rejeté  se  composait  de  80  chevaux.  Il  a  appris 
de  cette  façon  qu'il  y  avait  h  Raon,  sous  les  ordres  du  général 
Pire,  3,000  hommes  d'infanterie  et  de  cavalerie,  et  que  le  maré- 
chal Victor  était  à  Baccarat  av(»c  1 2,000  honnnes. 

«  J'ai  prescrit  au  général  Deroy  de  faire  observer  Saint-Dié  et 
la  route  de  Saint-Dié  par  des  patrouilles,  et  de  se  relier  par 
Bruyères  aux  troupes  du  prince  royal  de  Wurtemberg. 

«  On  m'apprend  (jue  la  cavalerie  que  j'ai  envoyée  à  Molsheim 
s'y  est  reliée  aux  troupes  légères  du  comte  Wiltgcnstein 

« J'ai  prié  le  prince  de  Wurtemberg  d'envoyer  Plalofl, 

non  pas  sur  Épinal.  mais  par  Bruyères  sur  Rambervillers,  et,  de 
là,  droit  sur  Lunéville.  J'ai  prescrit,  en  outre,  à  tous  mes  chefs 
de  corps  de  pousser  au  loin  des  patrouilles,  afin  de  se  procurer 
des  renseignements.  En  njôme  temps,  j'ai  fait  dire  par  le  général 
Frimont  au  colonel  Scheibler,  d'avoir  à  aller  à  Saverne  *.  » 

Mouvements  du  IV*  corps  et  de  Platoff.  —  L'avanl-garde 
du  IV«  corps  s'engage  sur  les  deux  routes  menant  de  Wesserling 
h  Remiremont.  2  escadrons  et  4  compagnies  vont  juscju'à  Oderen 
et  Felleringen.  i  escadron  et  3  conqiagnies  poussent  sur  l'autre 
route  jusqu'à  Urbay  et  Mollau.  Les  soutiens  s'établissent  à  Wes- 
serling et  Saint-Amarin.  Le  gros  du  corps  était  à  Willer.  Le 
prince  royal  de  Wurtemberg,  lant  pour  couvrir  sa  gauche  que» 
pour  se  relier  avec  le  centre  de  l'armée  de  Bohème,  en  marche 
sur  Vesoul.  et  avec  le  corps  d'investissement  de  Belfort,  avait  fait 
partir  un  escadron  des  hussards  archiduc  Ferdinand  pour  Fau- 
cogney,  ChAteau-Lambert  et  Giromagny. 

Platoff  était  arrivé  le  6  au  soir  à  Thann,  avec  4,000  chevaux, 
et  avait  continué  le  lendemain  sa  marche  sur  Épinal,  par 
Saulxures  et  Éloyes  '. 


*  K.  K,  Kriegg  Archiv.,  l,  165. 

«  Prince  Royal  de  Wurtemberg,  Wesserling,  7  janvier,  à  Schwarzenberg 

Wefl.  5 


—  66  — 

En  avant  des  positions  occupées  par  le  IV«  corps  et  de  l'autre 
côté  des  Vosges,  Stscherbatoff  avait  continué  h  s'avancer  par  la 
vallée  de  la  Moselle  sans  rencontrer  aucune  résistance  et  avait 
occupé  Épinal*. 

MouTements  des  autres  corps.  —  Au  centre,  Tavant-gardc 
de  Gyulay,  dont  le  gros  ne  dépassa  i)as  Villersexel,  arriva  a 
Vesoul,  et  la  division  Crenneville  h  xMollans.  Le  I*""  corps,  toujours 
encore  aux  environs  de  Montbéliard,  s'était  contenté  d'envoyer 
quelques  patrouilles  de  cavalerie  du  côté  de  Besançon,  tandis 
que  le  !!•  corps  avait  fait  passer  sur  la  rive  droite  du  I)oubs, 
h  Beaunie-les-Daiïies,  le  régiment  de  dragons  archiduc  Jean,  qui 
avait  forcé  les  avant-postes  français  de  Roulans  à  se  reporter 
plus  en  arrière  '. 

Les  réserves  autrichiennes  continuaient  toujours  avec  la  même 
môme  méthode  et  la  même  lenl(;ur  leur  marche  vers  Be-sançon,  et 
les  réservcîs  russes  et  prussiennes  de  Barclay  de  Tolly  dérou- 
laient encore  leurs  colonnes  depuis  Bàle,  où  elles  achevaient  de 
passer  le  Rhin,  jusqu'à  Altkirch. 

Schwarzenberg,  ajoutant  foi  à  des  renseignements  erro- 
nés, modifie  ses  ordres.  —  Ce  fut  à  ce  moment  que  parvinrent 


(K,K,  Kriegs  ArclUc,  1, 137),  et  rapport  journalier  à   TEiiipereur  d'Autriche. 
(Ibib.,  1,  130.) 

1  Le  général  prince  StscherbatofI  à  Schwarzenberg  (eu  français  [dans 
Toriginal)  : 

u  Épinal,  7  j<invier  1814. 

t(  J'ai  riionucur  d'annoncer  à  V.  A.   que  j'ai  occupé  aujourd'hui  Ëpinal. 

«  Encore  de  Uemiremout  j'ai  envoyé  un  parti  à  ma  gauche  sur  Plombières 
et  Fonlcnois  (Fontenoy-lc-(]hatcaU)  à  la  demande  du  lieutenant-colonel  de  la 
Tour  (a).  Le  parti  est  revenu  sans  l'avoir  découvert;  je  ne  pouvais  pas 
envoyer  vers  Langres,  vu  le  trop  grand  éloignement. 

«  Aujourd'hui  j'ai  encore  envoyé  un  fort  pai'ti  à  ma  droite  à  Rappollsweiler 
(Uibeauvillé)  vers  Schlestadt  à  la  découverte  du  corps  bavarois  et  du  colonel 
Schcihler,  qui  doivent  se  porter  là,  comme  le  général  ToU  m'a  fait  savoir. 

«Je  serai  obligé  d'attendie  demain  le  retour  de  ce  détachement  qui  ne 
pourra  revenir  que  dans  Taprês-midi,  à  cause  de  la  grande  distance  qu'il  y  a 
d'ici  à  Ha|)poItsweiIer  (Uibeauvillé). 

«  L'arrière-garde  de  l'ennemi  est  à  Charmes,  à  trois  lieues  d*Épinal  (6).  Mes 
patrouilles  y  ont  déjà  été.  »  (A'.  A'.  Krieys  Anhiv.,  1,  106.) 

î  K.  K.  Kricijs  Arckiv.,  1,  30. 
(a)  lï  s'asit  ici  du  lieulenant-colooel  Ttiurii.  (h)  Il  j  a  plas)  de  3  Iteacs  d'Éplnal  k  Charnesé 


—  67  — 

au  quartier  général  de  Schwarzenberg,  dos  nouvelles  malheureu- 
sement fausses,  mais  qui  arrivèrent  encore  à  temps  pour  impri- 
mer un  semblant  d'élan  h  la  marche  jusque-là  si  traînante,  si 
incertaine  et  si  hésitante  de  l'invasion.  Le  généralissime,  sur  la 
foi  de  renseignomenls  (jue  lui  signalaient  le  rassemblement  im- 
minent sur  le  plateau  de  Langres  d'une  arnjée  de  80,000  honmies, 
inquiété  |)ar  ces  bruits  qui  avaient,  à  tout  bien  considérer,  l'appa- 
rence de  la  vérité,  convaincu  désormais  ((u'il  va  falloir  emporter 
de  haute  lutte  un  point  slratégiijue  aussi  important  ((ue  hi  |)lateau 
de  Langres,  se  décide  à  secouer  la  lorpeur  dans  laquelle  il  s'était 
complu.  Il  priMid  imnjédiatement  les  mesures  nécessaires  |)Our 
jeter  de  ce  côté  des  forces  considérables  et  massj'r  des  colonnes 
(|u'il  a  tenues  jusqu'à  présent  dans  les  direclions  les  plusdivers(»s, 
qu'il  a  laissé  piétiner  sur  place  <'t  au\(|ur||<*s,  tout  en  songeant 
toujours  à  unc^  concentration  sur  le  |)laleau  du  Morvan,  il  a  fait 
(exécuter  à  partir  de  Bî\le  un  mouvenjenl  divergent  vers  la  gauche, 
(|ui  s'él(»nd  à  C(î  moment,  sans  parler  du  corps  destiné  à  blocjuer 
Besançon,  jusqu'à  B(»auni('-les-Dames.  Connues  nous  aurons  lieu 
d(î  le  faire  remarquer  plus  d'une  fois  (Micore  |)endant  le  cours  de 
cette  campagne,  on  passe  tout  à  coup  et  sans  motif  sérieux,  de  la 
confiance  la  plus  absolue  à  l'incjuiétude  la  i)lus  profond*»,  de  la 
sérénité  la  plus  complète  à  la  tt'rreur  la  plus  irraisonnée.  Cette 
fois  aussi,  on  trouvera  au  quartier  général  des  prétextes  plus  ou 
moins  plausibles  pour  justifier  des  mouvements  parfaitement 
logiques  et  rationnels  en  eux-ménjes,  des  mouvements  (fu'on 
aurait,  d'ailleurs,  dû  exécuter  dès  h;  début,  si  l'on  n'avait  pas,  à 
(le  certains  moments,  affecté,  ou  du  moins  paru  affecter  dans 
l'entourage  de  Schwarzenberg  un  souverain  mépris  pour  les  prin- 
cipes éternellement  vrais  et  inunuables  de  l'art  dcî  la  guerre. 
C'est  donc  apparenmient  parce  (pie  Victor,  Milhaud  et  Pire  ont 
évacué  la  vallée  du  Rhin,  mais  en  réalité  parce  (pi'on  crut  avoir  à 
faire  un  effort  surhumain  |)Our  enlever  la  position  d(^  Langres, 
encore  pres(iue  inoccupée,  qu'on  linil  par  recoimaîlre  (|u'il  est 
l(»mps  de  donner  à  Wittgenslein  et  à  Wirde  une  (h'slinalion  un 
peu  plus  en  rapport  av(^c  les  forces  dont  ils  disposent  et  (pie  l'on 
s'était  plu  à  immobiliser  jus(iu(;-là  devant  Kehl,  auprès  d(;  Stras- 
bourg, sous  Schlestadt,  Neuf-Brisach  et  Huningue. 

C'est  pour  la  même  raison  qu'on  en  arrive  au  grand  quartier 
général  des  Alliés  à  trouver  que  Bianchi  a  autre  chose  à  faire  qu'à 


—  08  — 

rester  en  observation  devant  Belfort.  Mais,  bien  que  l'on  paraisse 
croire  h  la  présence  ou  h  l'arrivée  imminente  de  forces  considé- 
rables îi  Langres,bien  que  Ton  sache  qu'il  ne  reste  plus  d'ennemis 
dans  la  vallée  du  Rhin,  au  lieu  de  se  contenter  de  masquer  des 
places  défendues  par  des  conscrits,  des  gardes  nationales  ou  des 
invalides,  on  ne  se  résout  pasî\  agir  vigoureusement,  on  continue 
il  préférer  des  demi-mesures  à  une  offensive  énergique.  Schwar- 
zenberg  donne  l'ordre  de  se  porter  en  avant;  mais,  avant  de  faire 
commencer  le  mouvement,  il  affaiblit  les  corps  de  ses  lieutenants 
en  leur  imposant  l'obligation  de  laisser  en  arrière  une  partie  trop 
considérable  de  leurs  forces,  (rest  ainsi  qu'au  lieu  de  faire  mar- 
cher résolument  le  VI®  corps  tout  entier,  il  prescrit  h  Wittgenstein 
de  conserver  devant  Strasbourg  et  Kehl,  jusqu'à  l'arrivée  des 
troupes  qu'allait  amener  le  comte  Guillaume  von  Hochberg  (mar- 
grave Guillaume  de  Bade),  les  forces  nécessaires  pour  bloquer  les 
places  et  de  se  diriger  vers  la  (Champagne  avec  le  reste  de  son 
corps,  formant  la  droite  de  la  grande  armée.  Il  en  est  de  même 
pour  Wrède.  qu'il  oblige  à  laisser  8,000  hommes  devant  Schles- 
tadt,  Neuf-Brisach  v\  Huningue,  et  qui  ne  peut,  par  suite,  se 
mettre  en  route  qu'avec  environ  30,000  hommes. 

Le  IV*^  corps  ne  sera  pas  affaibli  par  les  détachements,  et  le 
prince  royal  de  Wurtemberg,  qui  avait  manifesté  l'intention  de 
rester  quelques  jours  aux  environs  de  Remiremont,  recevri» 
l'ordre  de  n'y  faire  qu'une»  halte  de  vingt-quatre  heures,  de  mar- 
cher vers  sa  gauche  par  Bains  et  Jussey  pour  venir  opérer  sa 
jonction  avec  le  centre  au  nord-ouest  de  VesouK  du  côté  de  Fayl- 
Billot. 

Les  ler  et  III®  corps  doivent  être  en  position  le  10  au  plus  tard 
sur  les  bords  de  la  Saône  sur  une  ligne  allant  de  Seveux  à  Porl- 
sur-Saùne  ;  ils  y  seront  soutenus  par  les  réserves  de  Barclay  de 
ToUy,  échelonnées  entre  Vesoul  et  Besan(.'on  ;  mais,  en  revanche, 
Bianchi  ne  devra  quitter  les  environs  de  Belfort  qu'en  deux 
échelons.  On  lui  prescrit  de  faire  partir  de  Vesoul  deux  de  ses 
brigades  dès  qu'il  sera  relevé  j)ar  les  troupes  russes  du  général 
Raïetïsky,  mais  de  rester  sous  Belfort  avec  la  troisième  pendant 
toute  la  durée  du  bombardement.  Il  ne  devait  remettre  le  blocus 
aux  Russes  que  si  le  bombardement  restait  sans  effet*. 


Oet  ordre  bizarre  doit  avoir  eu  une   raison  spéciale.  On  espérait  que  le 


—  69  — 

Les  AUm^s  .npporlaiciit,  d'ailliuirs.  uiuî  WlW  circonsprction  dans 
leurs  entreprises  que,  le  inôiiie  jour  eurore,  Srhwar/iMjberjç 
prescrivait  d'établir  de  solidcîs  Irtes  de  poul  sur  le  |{liin.  h  Mîirkt 
et  à  Rheimveiller.  CvM,  d'ailleurs,  pane  (ju'il  n<'  cessera  jias,, 
pendant  toule  la  durée  dt>  la  eainpaf;iie.  d'avoir  pour  sa  f^auehe 
des  craintes,  la  pluparl  du  temps  iuiaj^iiiain's,  |>are«»  ipiii  In^ni- 
blera  constaninient  pour  si's  derrières,  que  nous  v«'rrons  Schwar- 
zenberg  détachtT  à  loul  instant  des  troupes  (pfil  aurait  pu  em- 
ployer plus  avantageusement  sur  le  théî\treprinei|)al  desopérations. 

Enfin,  bien  que  tn*nte-si\  heures  plus  tnton  ait  donné  à  Hubna 
Tordre  formel  de  marcher  sans  retard  sur  Lyon,  on  crut  plus 
prudent  de  l'arrêter,  et  on  lui  lit  savoir  d'avoir  à  se  n^porliM*  vers 
Dôle,  Auxonne  et  Dijon. 

Le  môme  jour  Blucher.  de  son  cpiartier  j^énéral  dr  (lus«'l, 
n*ndait  compte  à  Schwar/enberg  des  mouvenuMits  d«'  rarméi»  d(» 
Silésie  depuis  le  passage  du  Khin,  mais  écrite  letln»  m*  parvcMiait 
nue  le  14  entre  les  mains  de  Wrèd»'.  (pii  la  transmettait  aussitôt 
au  général  en  chef. 

8  janvier.  Mouvements  de  Victor.  —  Kniu  di^s  r(*|)ro(rhes 
qu'il  venait  d'encourir*,  et  voulant,  malgré  la  disproportion 
numérique,  tenter  un  dernier  etîort;  sachant,  d'autre  part.  |)ar 
une  lettre  du  maire  d(»  Raud)ervillers,  cpie  les  troupes  alliées 
postées  du  côté  d'Épinal  se  préparaient  à  ré^piisitionner  aux 
environs  de  Rambervillei*s.  Victor  })rescrivit  au  général  (irouchy 
d'envoyer  sur  ce  dernier  point  une  division  de  dragons  |)our  em- 
pêcher les  Alliés  de  venir  inquiéter  les  villages  et  en  imposer  à  la 
colonne  d'Épinal.  Vir'tor  recommandait,  en  outre,  d(»  faire  protéger 
celte  division  par  l'autre  division,  qu'on  devait  échelonner  depuis 
OerWviller  jusqu'il  lloville-aux-Chénes  et  d'appuyer  le  loul.  en 
ras  de  besoin,  par  quelipuîs  bataillons.  Enlin,  la  division  de 
dnigons  de   Randiervilli^rs  devait   nhserrev  (irt*c  aUention  les 


bombardement  ferait  capituler  Belfort,  et  l'un  tenait,  nous  le  croyons  du  moins, 
à  ce  que  cette  place  se  rendit  à  des  troupes  autrichiennes. 

1  Victor  avait,  à  la  date  du  9  janvi**.r,  cherché  à  justifier  sa  retraite. 
bcrÎTaDt  an  major-général,  il  lui  faisait.ohscrv(>r  quVn  se  portant  sur  Saverne, 
il  n^arait  fait  qu'exécuter  les  ordres  que  Uerthier  lui  avait  donnés  au  nom 
de  TEmpereur  et  par  lesquels  on  lui  recommandait  de  ne  pas  se  laisser  séparer 
de  la  route  de  Metz. 


—  70  — 

routes  de  Saint-Di(^  et  d'Épinal.  Grouchy,  se  conformant  aux 
ordres  du  maréchal,  envoya  à  Rambervillers  les  dragons  de 
Briclie,  et  les  fil  soutenir  par  ceux  de  Lhéritier*.  L'infanterie  de 
Duliesme,  postée  aux  environs  de  Raon-rfilape,  leur  servait  de 
soutien  pendant  que  les  généraux  Cassagne  et  Rousseau,  venant 
de  Nancy,  remontaient  la  vallée  de  la  Moselle,  se  dirigeant  pai 
(Charmes  sur  Épinal  *. 

Prise  par  les  Cosaques  dun  courrier  envoyé  de  Strasbourg 
à  Victor.  —  Pendant  que  Victor»  prenait  les  mesures  que 
nous  venons  d'indiquer,  la  fortune  qui  devait  si  capricieusement 
favoriser  les  Alliés,  le  hasard  qui  allait  îi  tant  de  reprises  leur 
fournir  les  renseignements  qu'ils  ne  parvenaient  pas  h  se  pro- 
curer autrement,  faisaient  tomber  entre  les  mains  des  cavaliers  de 
Pahlen,  qui  battaient  le  pays  du  côté  de  Mulzig  et  de  Wasselonne, 


^  Ordres  de  Milliaud  et  Mémoires  de  Grouchy.,  {Archives  de  la  guerre,) 

s  Déjà  Beniard  avait  demandé  à  Berthier  que  Ton  confiilt  à  Tun  des  trois 
maréchaux  (Ney,  Victor  ou  Marmont)  le  commandement  supérieur,  afin  qu'il 
n*y  ait  pas  de  conflit  d'îiutorité  entre  eux.  (Beniard,  Correspondance.  Déjtôi  (le 
la  guerre.) 

'  I^  maréchal  Victor  avait,  le  6  janvier  à  neuf  heures  du  soir,  adressé  de 
Baccarat  au  major-général  un  rapport  dans  lequel  il  essayait  de  justifier  et 
d'expliquer  sa  retraite.  «  11  comptait,  dit-il,  avoir  tout  son  monde  à  Molsheim 
le  3;  mais  le  général  Mithaud  a  été  attaqué  au  moment  où  le  mouvement 
commençait  et  n'aurait,  par  suite,  pu  être  à  Molsheim  que  le  4.  »  Le  maréchal 
ajoutait  qu'à  ce  moment  une  colonne  de  troupes  alliées,  celle  de  droite, 
marchait  sur  Saverne,  que  Milhaud  était  suivi  par  une  autre  colonne,  et 
qu'une  troisième,  celle  de  Frimont,  allait  par  Saint-Amarin  sur  Remiremont; 
que  ses  deux  flancs  se  trouvent  menacés,  que  sa  communication  avec  Saverne 
est  compromise  et  qu'il  venait,  en  outre,  d'apprendre  que  le  maréchal  Marmont 
ne  pouvait  plus  le  rejoindre. 

«  En  me  portant  sur  Saverne  comme  j'en  avais  Tintention,  écrit  le  maréchal, 
je  pouvais  y  rencontrer  l'ennemi,  dont  l'avant-garde  est  déjà  à  Hoctifelden,  et 
éice  suivi  par  la  colonne  qui  avait  attaqué  Milhaud.  En  raison  de  ta  dispro- 
portion des  forceps,  et  pouvant  de  plus  être  prévenu  par  Frimont  au  débouché 
de  Haou-l'Étape,  je  me  suis  mis  en  marche  le  5  par  Mutziget  suU  arrivé  le  6 
à  midi  à  Raon.  J'y  ai  laissé  le  général  Duhesme  avec  5  bataillons,  la  cavalerie 
légère  du  5"  corps  et  une  batterie  d'artUlerie  à  cheval  pour  observer  les  com- 
munications de  Saint-Biaise  et  Rambervillers,  et  j'ai  posté  le  reste  de  l'infan- 
terie, les  dragons  et  l'artillerie  à  Baccarat J'avais,  continue  le 

maréchal,  formé  le  projet  de  remonter  sur  Phalsbourg  pour  couvrir  de  ce  côté 
les  communications  de  Nancy  et  de  Metz;  mais,  ayant  appris  que  les  ennemis 
allaient  se  montrer  sur  Saint-Dié,  j'ai  cru  devoir  rester  ici  en  attendant  les 
onlres  de  Sa  Majesté,  et  j'ai  laissé  sous  Saverne  le  général  de  Ségur  avec 
4,400  chevaux  des  gardes  d'honneur.  {Archirex  du  Déjtôt  de  la  guerre.) 


—  71  - 

un  courrier  que,  dt»  Strashourf;.  l{n*<lor(T,  (•oniniissain'  rxlraor- 
dinairo  de  rKniporour  dans  1«»  Has-Uliin,  j'xiM'diail  à  Virlor.  Sur 
ce  courrier  on  trouvail.  outre  la  (lé|MVln'  de  Kcllennauii  trans- 
mettant au  dur  de  Belluni»  les  reproches  et  les  ordres  de  l'Km- 
pereur  et  indiquant,  eomme  on  Ta  vu,  les  positions  des  troupes 
entre  Nancy  etCiiarmes,  une  lettre  d(»  n<ederer  au  due  d(»  Itovi^o, 
dans  Laquelle  il  rendait  un  compte  exact  (h*  l'étal  peu  rassurant 
des  esprits  à  Strasbourg;,  ainsi  que  di»  la  terreur  produit!»  par 
l'apparition  des  premières  troupes  alliées  aux  environs  de  la  ville. 

«  Rœderer  à  M.  le  duc  d(»  Hovigo.  ministn»  «le  la  Police 
gc'^nérale.  —  Strasbourg?.  7  janvier  IHli. 

«  Monsieur  le  duc,  rennemi  s'est  approché  hi(*r  de  la  ville  en 
tiraillant  justprà  une  demi-lieue.  Cette  situation  a  fait  un  ^raud 
changement  dans  l'esprit  du  peuph».  On  criait  dans  les  boutiques 
et  les  cafés  que  la  ville  était  vendue.  qu(»  h»  duc  di»  Uellunt»  en 
avait  emmené  la  garnison,  tpu^  la  vilh»  serait  ren<lue  sous  trois 
jours.  Ces  bruits  ont  jeté  la  terreur  dans  la  masse  des  habitants. 
Cette  terreur  procédait  d'un  bon  scMitiment  ;  mais  jilusieurs  de 
ceux  qui  jetaient  Talarme  m'ont  paru  très  suspects. 

«  En  conséquence,  j'ai  pris  h»  parti  : 

«  i«  De  faire  une  prodannition  pour  rassurer  les  bons  ; 

tt  S**  De  donner  des  ordres  pour  l'arrestation  des  orateurs,  s'ils 
recommençaient  aujourd'hui  : 

a  3**  De  prendre  des  mesun's  pour  l'évacuation  des  étrauf^ers 
suspects  qui  sont  ù  Strasbourg. 

«  h'  vais  ni'occuper  de  mesures  de  linances  pour  assurer  tous 

1<'S  s«Tvices ,  le  tout  en  cas  (pie  les  connnunicalions   sf)ienl 

coupées  avec  Paris,  et  eUes  sont  au  moins  douteuses  en  ce 
nioni<»nt. 

«  Les  forces  d<*  l'ennemi  qui  a  passé  devant  le  fort  Vauban 

no  sont  guère  que  de  8,000  à  9.000  hommes;  mais  ils  se  sont 
W'pandus  sur  tout  le  pays,  et  se  joignent  av(»(!  les  troupes  du  pas- 
sage de  Bâle 

*  Enfin,  il  faut  des  secours  du  centre  de  la  France,  et  il  faut  les 
promettre  pour  entretenir  le  zèle  d(»  cette  ville-frontière  ».  » 


*  K.  K,  Krieg*  Archiv,.  I,  20.>,  c 


—  72  — 

Transmission  défectueuse  des  renseignements  et  nou- 
velles. —  Cette  pièce  et  la  dépc^che  de  Kellermann  à  Victor 
étaient  assurément,  à  ce  moment,  des  prises  précieuses  pour  les 
Alliés,  par  cela  njême  qu'elles  contenaient  toutes  deux  des  rensei- 
gnements qu(î  le  généralissime  et  les  généraux  commandant  les 
différents  corps  de  l'arniée  de  Bohème  avaient  intérêt  à  connaître 
de  suite.  Mais  le  service  était  si  bizarrement  organisé  aux  états- 
majors  des  ditïerents  corps  de  l'armée  de  Bohême,  que  ce  fut  seu- 
lement le  12  janvier  (soit  quatre  jours  plus  tard)  que  le  général- 
lieutenant  d'Aunay,  chef  d'état-major  du  VI^  corps,  expédiait  de 
Rastadl  ces  dépêches  à  Schwarzenberg,  dont  le  quartier  général 
était  alors  à  Vesoul.  D'Aunay*  annonçait,  il  est  vrai,  au  généralis- 
sime que  Pahlen  avait  comnmniqué  ces  renseignements  h  Wrède. 
Voulait-il,  de  la  sorte,  chercher  h  expliqucT  le  retard  apporté  à  la 
transmission  de  renseignements  aussi  importants  ?  Il  est  j)ermis 
d'en  douter,  car  il  aurait  vraisemblablement,  dans  ce  cas,  réussi 
à  trouver  une  excuse  plus  plausible.  Si  l'on  considère  qu'il  ne 
s'agit  pas  lii  d'un  fait  isolé,  on  sera  bien  forcé  de  reconnaître  avec 
nous  que  les  relations  des  différents  chefs  de  colonnes  entre  eux, 
les  rapports  de  ces  menues  généraux  avec  le  généralissime  étaient 
insuffisannnent  réglés,  et  que  la  transmission  et  l'cmvoi  des  ren- 
seignements intéressant  et  ces  généraux  et  le  grand  quartier 
général  se  faisaient  d'une  manière  absolument  illogique  et  contraire 
aux  intérêts  du  service. 

A  l'appui  de  notre  opinion,  nous  citerons  encore  la  lettre  non 
moins  importante  du  commissaire  ordonnateur  de  Nancy,  en  date 
du  7  janvier,  interceptée  le  même  jour  que  la  précédente  *  : 

«  La  jeune  garde  va  s(»  porter  à  Épinal,  Charmes  et  Flavigny, 
et  la  6^  cohorte  à  Rambervillers,  Raon-l'Étape  et  Saint-Dié.  Une 
autre  cohorte  et  d'autres  troupes  vont  être  envoyées  dans  les 
Vosges. 

«  Une  armée  de  près  de  100,000  honnnes,  composée  d'un  corps 
commandé  par  le  duc  de  Trévise,  de  cinq  corps  d'infanterie»  et  d(» 
cavalerie,  des  équipages  militair(»s,  ainsi  que  de  toutes  les  trou|)es 


'  D*Aunay  à  Schwarzenberg,  de  Rastadt,  12  janvier.  A'.  A'.  Kriegg  Àrehir., 
I,  20:). 

»  A'.  A'.  Krietjs  Arehir. y  1.  284, 


-  73  — 

qui  devaient  aller  îi  Mayenco  renforcer  le  eorps  <lii  «lue  de  Ra^usi'. 
va  être  envoyée  dans  les  dêpartt^nienls  de  la  Meiirlhe  et  di»s 
Vosges. 

«  Il  si»ra  formé  des  upprovisioiiiienients  de  vivres  sur  toulr  la 
ligne  de  Reims  à  Colniar,  h  («IpinaK  pour  30,000  lioninies.  » 

Or,  celte  lettre,  des  plus  importantes,  puis(jue,  à  coté  des  «'\a- 
gérations  manifestes  et  probablement  int(Milionnt'lles,  <'lle  conb'- 
nait  des  indications  pivcieuses  sur  les  niouvenn'Uls  des  Franrals. 
ne  fut  envoyée  (c'est  Slscherbatotï*  qui  se  cliar^»*  «b»  nous  eu 
fournir  la  pnnive)  que  le  13  janvier  à  Scbwar/enberg. 

Otte  transmission  lardiv(^  des  renseignements  peut,  dans   un 

assez  grand  nombre  de  cas  |»eut-êlre,e\|)liquer  les  bésitalions.  b's 

lenteurs,  les  contre-ordres  du  <!onnnamlenuMit  supérit'ur.  11  faut 

reconnaîtn»  toutefois  que  la  n^sponsabililé  tout  entière  d»*  l'cu'ga- 

nisiition  défectueuse  d'un  service  aussi  im|>ortant  n*<'n  rrtomlx' 

que  plus  lourdement  sur  le  général  (mî  cli(»f  et  sur  ses  l'ollabora- 

teurs  immédiats,  qui  ont  ainsi,  au  début  d(;  la  campagnt*.  laissé 

Wiapper  des  occasions  exceptionnelles  leur  permettant  de  portrr 

sans  danger  des  coups  décisifs  h  un  aclversain»  hors  d'état  d'()|>po- 

ser  une  résistance  sérieuse. 

Positions  et  mouvements  des  VI®  V^'  et  IV'  corps.  — 
Pahlcn  occupa,  leSjanvitT,  avec  les  ublans  (b»  Tcliougouïetl'.  b-s 
drajçons  badois  et  quatre  pièces  (rartillfrii»  h  cheval.  Savern»».  où 
un  do  S(»s  escadrons  d'avant-garde  était  déjà  entré  depuis  |)lus  de 
vingt-quatre  heures,  (»t  poussa  ses  avant-postes  jusqu'aux  fau- 
Iwui^s  de  Phalsbourg.  Le  prince  Eugène  de  Wurtemberg,  dont 
une  des  divisions  était  h  cette  date  à  Haguenau,  envoya  deux 
<*scadrons  du  !«''  régiment  de  dragons  badois  vers  Hitche  pcnir 
suneijjer  cette  place;  qm^lques  bataillons  d'infanterie;  badoise 
ayant  ('gaiement  n^joint.  Wittgensti^in  les  posta  sur  la  rive  droite' 
du  Rhin,  àStoIlhofen,  où  ils  servirent  de  réserve  aux  troupes  de 
Gorti^hakoff,  chargées  encore  de  l'investissement  de  Kehl. 

Du  côté  de  Strasbourg,  Rûdinger  s'était  avancé,  par  les  roul(»s 
venant  de  Wantzenau  et  de  Brumath,  vers  la  place,  dont  il  allait 


J  Slscherbatoff  à  Schwanenberg,  aa  camp  près  de  Chatel,  13  janvier  1814. 
(*•  ^.  Kriegt  Ârc/Uv.,  I.  284.) 


-  74  — 

bientôt  compléter  l'inv(^stissenient,  et  dont  il  surveillait  déjà  les 
abords,  tandis  que  des  troupes  françaises  des  trois  armes,  sorties 
de  la  ville,  prenaient  position  à  Schiltigheim  et  îi  la  Robertsau. 

Au  V«  corps,  la  brigade  autrichienne  Minutillo  était  venue 
relever  devant  Neuf-Brisach  la  brigade  bavaroise  Maillot,  qui  alla, 
de  son  côté,  reprendre  les  positions  occupées  sous  Schlestadt  par 
la  brigade  autrichienne  Volkmann.  Ce  mouvement  permit  de  dis- 
poser du  colonel  von  Géramb,  qui,  passant  avec  3  escadrons  et 
1  bataillon  |)ar  Gerstheim,  rejoignit,  dans  la  nuit  du  8  au  9,  à 
Boofzheim,  le  colonel  Scheibler,  auquel  Wrède  avait  donné 
Tordre  de  se  diriger  sur  Saverne  et  de  se  procurer  des  nouvelles 
d(î  rennemi.  Le  lieutenant-colonel  comte  Alberti,  qu'on  avait  fait 
partir  la  veille  avec  2  escadrons  des  uhlans  de  Schvvarzenberg, 
était  arrivé  à  Molsheim  et  se  reliait  du  côté  de  Brumath  h  la  cava- 
lerie» du  VI®  corps.  Le  général  Deroy,  pointe  d'avant-garde  du 
V^  corps,  était  toujours  à  Sainte-Marie-aux-Mines,  et  la  division 
Rechberg,  postée  plus  à  gauche  et  plus  en  arrière,  surveillait  de 
Kaysersberg  le  col  du  Bonhonmie.  On  continuait  à  bombarder 
infructueusement  Huningue. 

Entin,  ce  même  jour,  un  aide  de  camp  de  Caulaincourt  se  pré- 
senta aux  avant-postes  de  Leroy  porteur  d'une  lettre  pour  Metter- 
nich.  On  l'amena  à  Colmar,  h  Wrède,  qui  transmit  la  lettre  h 
Metlernich  et  garda  l'officier  h  Colmar.  La  réponse  n'arriva  que 
le  11;  Metternich  acceptait,  en  principe,  la  réunion  îi  Ch^tillon- 
sur-S(Mne  d'un  congrès  qui  devait  commencer  ?i  siéger  après  l'ar- 
rivée de  lord  Castelreagh  *,  mais  il  ne  fixait  aucune  date  pour  la 
première  séance. 

Le  prince  royal  d(^  Wurtemlxîrg  avait  passé  les  Vosges.  Le 
IV®  corps  était  cantonné  dej)uis  Fraize  jusqu'à  Bussang.  Ses 
troupes  légères  occupaient  Rupt,  Ramonchamp,  Ventron  et  Remi- 
remont.  Platoff  était  h  Eloyes,  et  Stscherbatofif  battait  le  pays 
entre  Épinal  et  Charmes». 

Les  renseignements  apportés  de  ce  côté  par  les  émissaires, 
révélaient  l'existence  de  magasins  assez  considérables  à  Auxonne, 


1  TayebuCê'i  tles  bayer i*cJwn  Majors  F'ùrsten  Taxi»  rom  Fddzuge  1812-13- 
14,  haupUàehlich  die  baiferiscfu^  Armée  belre/leiid  (autograpliie).  (A'.  Â'.  Kriegs 
Archiv,,  1814,  Xllf,  32.) 

*  A'.  A'.  Krieos  Archir.,  I,  30  et  I,  155. 


lu  préstMiee  du  K(*ll(Tiuaiui  à  Nancy  aviu;  îkOOO  lioninii's,  niliii. 
roxislcnco.  îi  Naiicv.  iruii  aiiln»  rassiMiihlrnicnl  sous  los  onlrrs 
de  Nansouty.  oi  composa  do  K.OOO  liomnH's  do  ravaloric.  Los 
émissaires  ajoulaionl.  à  oo  propos,  quo  Nansouly  inainpiail  do 
chevaux  ol  avait  boauconp  dt»  malades*. 

Mouvements  du  corps  volant  de  Thurn  et  de  la  cavalerie 
da  III*  corps.  —  Lo  lioiitonant-ooloin'l  oomto  Tliiirn,  (jui,  avo(; 
ses  partisans,  avait  |»ris  los  ilovanls  du  III**  corps,  avait  oontinuô  à 
marcher  vers  Langi'es  ot  avait  ou  uik»  polito  oscarmouoijo.  lo  H 
au  soir,  du  col»»  do  Cintroy.  d'où  il  rliassa  les  avant-post<'s  iran- 
cais*.  Mais,  comme  lo  oorps  volant  était  trop  faihlo  |)our  détaclh'r 
du  monde  vers  Grav,  (ivulav  dut  onvov«*r  <lo  n*  oôté  un  osoa<lron 
de  hussanls,  afin  de  chon'hor  h  ooupor  los  oonnnunicalions  l't  à 
enlever  des  convois  entre  Besancon  ot  Lanirrcs».  (ivnlav,  oonfor- 
moment  aux  ordres  du  génoralissinio.  avait  fait  ocoup<'r  Vosonl 
parla  division  Hohenloho-Bart(*nstoin :  il  avait  oantonno  la  divi- 
sion Fresnel  h  droite,  à  gauche  ot  on  arrière  lU'  la  ville,  La  divi- 
sion légère Crennevillo  avait  poussé  au  delà  do  Vosoul,  ot.  arrivée 
îi  Port-su r-Saône,  elle  s'était  éttMiduo  v<'rs  sa  droite  jusipi'ii  (lon- 


1  Rapports  d'émissaires   (A'.  A'.  Krieg;t  Archiv.,  I,  155,  h.) 

*  Le  lieutenaDt-colonel  comto  Thurn  nn  feldzougmoistfr  comte  (tuilny.  — 
Cintrey,  9  janvier  1814,  six  heures  du  matin. 

«  Votre  ExceUence  m*nyant  prescrit,  par  onlrede  S.  A.  le  prinre  <le  Schw.ir- 
zenherg.  de  me  porter  au  plus  vite  vers  Langres  et  de  cherolier  ù  y  entrer,  je 
me  suis  mU  en  route  cette  nuit  aussitôt  après  Tenvoi  de  vos  avant-postes 
à  CombcaafoDtaÎDC. 

M  A  Cintrey,  j'ai  rencontré  une  patrouille  ennemie  de  15  chasseurs  qui  s*est 
retirée  sur  Fayl-Billot,  où  il  y  avait  1  officier  et  37  chasseurs,  que  ma 
pointe  d'avant-garde  a  surpris  et  déloges.  L'ofllcier  qui  «commande  mou  avant- 
garde  m'informe  que  plusieurs  chasseurs  ennemis  sont  hiessés,  qu'il  a  pciilu 
un  homme  et  qu'il  pousse  vers  Langres,  où  il  y  aurait  un  gcnér.-il  avec 
plusieurs  dépôts. 

u  Gomme  je  dois  continuer  mon  mouvement  sur  Langres.  et  que  je  ne  veux 
pas  perdre  les  avantages  résultant  des  aflTaires  de  cette  nuit,  je  me  trouve  dans 
l'impossibiUté  absolue  d'entreprendre  quoi  que  ce  soit  contre  Gray. 

u  J'espère  enlever  Langres  encore  aujounrhui  et  me  porterai  ensuite,  si 
faire  se  peut,  sur  Gray,  mais  je  me  permets  de  prévenir  V.  A.  que.  d'après 
les  renseignements  que  j'ai  recueillis,  tous  les  convois  ennemis  auraient  déjà 
quitté  Gray.  »  (K,  K.  Kriegs  Archiv,,  l,  168  a.) 

•  A'.  A'.  Kriegi  Arehir.  Tageshegebenheiten  (1er  Ilaupt  Armée.  (A*.  A'.  Kriegs 
Arehir,,  I,  30,  et  Rapport  de  Gyutay  à  Schwarzenberg,  I,  1(58.) 


—  76  — 

flandey,  pendant  qu'elle  jetait  en  avant  sur  la  route  de  Langres 
des  partis  jusqu'à  Combeaufontaine. 

Bien  que  Thurn  Teût  précédée  dans  ces  parages  et  n'eût  signalé 
la  présence  d'aucun  rassemblement  ennemi,  bien  que  Gyulay  eût 
dû  savoir  qu'il  n'avait  pas  grand  chose  à  craindre  pour  sa  gauche, 
puisque  la  cavalerie  du  I«f  corps  avait  pris  pied  sur  la  rive  droite 
du  Doubs,en  avantdeBaume-les-Dames,le  feldzeugmeister  s  était 
fait  couvrir,  pendant  toute  sa  marche  du  7,  par  des  détachements 
de  llanqueurs,  du  côté  de  Monlbozon.  «  Ces  détachements,  dit-il 
dans  son  rapport*,  ces  détachements  qui  s'éclairaient  par  des  pa- 
trouilles poussées  du  côté  de  la  route  de  Besançon,  n'ont  ren- 
contré quelques  vedettes  de  cavalerie  ennemie  que  près  du 
villag(»  de  Cendrey,  qu'occupait  un  petit  poste  français  fort  do 
iO  chevaux.  » 

La  présence  de  ce  peloton  inquiéta  Gyulay,  car  il  ajoute  dans 
le  môme  rapport  :  «  J'ai  fait,  pour  cette  raison,  côtoyer  ma 
marche  depuis  Montbozon  jusqu'à  Échenoz-le-Sec,  par  des  flancs- 
gardes,  et  j'ai  établi  des  postes  sur  ma  j^auche,  à  Villefaux  et  à 
Andelarrot.  »  La  prudence  est  assurément  une  qualité  précieuse 
chez  un  général,  mais,  dans  l'espèce,  il  nous  semble  que  le  géné- 
rnl  autrichien,  sachant  qu'il  n'y  avait  à  Cendrey  que  20  hommes, 
au  lieu  de  diriger  un  escadron  sur  Gray  et  de  se  conformer  stric- 
tement aux  ordrc^s  supérieurs,  aurait  agi  plus  sagement  et  plus 
logiquenjent  en  détachant  un  ou  deux  escadrons,  afin  de  savoir 
s'il  y  avait  quelque  chose  et  ce  qu'il  y  avait  derrière  le  poste  de 
Cendrev. 

En  revanche,  il  envoya  par  le  même  courrier  h  Schwai'zenberg 
des  renseignements  qui  eurent  d'autant  plus  de  valeur  aux  yeux 
«les  généraux  alliés,  que  le  comte  Gyulay  les  tenait  de  la  bouche 
de  personnages  en  mesure  de  savoir  exactement  ce  qui  se  passait 
et  auxquels  leur  position  môme  aurait  dû  imposer  plus  de  tact  et 
de  rés(;r\'e,  sans  parler  des  devoirs  qu'ils  avaient  à  remplir  vis-à- 
vis  de  leur  souverain,  sans  parler  des  sentiments  d'un  patrio- 
tisme que  la  terreur  inspirée  par  l'invasion  avait  momentanément 
étouffés. 


*  Rapport  de  Gyulay  à  Scliwarzeuberg,  de  Vesoul,  8  janvier  1814.  K.  K. 
Krinjt  Archii\f  I.  159. 


1 1 


«  Lo  foldzougmeislor  comt(»  Gyulay,  au  princo  de  Schwar- 
zenborg*.  —  Vesoul,  8  janvier  1814. 

i<  Le  frère  du  général  Junol  est  ici  receveur  général.  Il  avait 
fait  partir  sa  femme  pour  Dijon  ;  tranquillisé  par  la  disciplin<^  et 
la  bonne  conduite  de  nos  troupes,  il  l'a  fait  revenir  et  elle  est 
arrivée  aujourd'hui,  ayant  quitté  Dijon  avant-hier.  Elle  aflirme 
avoir  vu  arriver  à  Dijon  le  conseiller  d'État  Ségur.  chargé  d'or- 
ganiser la  levée  en  masse;  mais  le  peuple  a  refusé  de  l'écouter, 
et  le  maire  a  déclaré  qu'il  était  impossible  de  procéder  à  la  l(»vé(». 
en  Bourgogne,  eu  raison  du  maiHjue  d'armes  et  faut(»  d'hommes 
en  état  de  servir. 

«  Ségur  est  retourné  h  Paris. 

«  Le  général  Val(înc(»  a  (»ssayé,  mais  sans  plus  de  succès,  d'or- 
ganiser la  levé(»  en  masse  dans  les  départements  du  Jura,  de  la 
Haute-Saùn(^  et  du  Doubs. 

«  M™o  Junot  aflirme  qu'il  n'y  a  pas  eu  de  troubles  à  Paris. 
mais  quon  y  est  fort  mécontent, 

a  Les  troupes  ennemies,  postées  à  (iray.  Dijon  et  Langres,  au- 
raient reçu  l'ordre  de  se  replier  à  rapproche  des  Alliés  sur 
Troyes,  où  il  y  aurait  un  assez  gros  rassemblement  de  troupes,  » 

A  l'aile  gauche  on  ne  bougea  guère;  les  réserves  autrichiennes 
étaient  toujours  îi  Ornans;  le  1I«  corps  resserra  l'investissement 
de  Besançon  sur  la  gauche  du  Doubs,  pendant  qu(;  Wimpffen, 
établi  sur  la  riv(;  droite,  à  Roulans-le-Grand,  poussait  son  avant- 
garde  jusqu'à  Malmaison. 

Bianchi  bombardait  Belfort,  et  une  partie  d(»s  réserves  russes  et 
prussiennes  (la  2«  division  de  grenadiers  et  les  2*  et  3«  divisions 
de  cuirassiers  russes)  arrivait  îi  Altkirch.  Enfin,  Schwarzenberg 
donnait  encore  ce  jour-iii  à  Wiltgenstein  l'ordre  «  de  s(»  diriger 
vers  l(î  sud-ouest,  en  sortant  de  Saverne,  afin  de  se  rapprocher 
des  Austro-Bavarois  de  Wrède  et  d'opérer  d(»  concert  avec  ce 
général  contre  Langres. 

9  janvier.  —  Pahlen  devant  Phalsbonrg.  —  Les  événements 
de  la  journée  du  9,  quoique  peu  importants  en  eux-mêmes,  n'al- 
laient cependant  pas  être  favorables  aux  armes  des  Alliés. 

1  A'.  A'.  Kriegs  Archiv.,  ad.  1,  159. 


—  78  - 

Du  côté  du  VI<^  corps,  les  Français  avaient,  sans  ôlrc  attaqués, 
abandonné  Schiltigheim  et  la  Rob(»rtsau,  pour  rentrer  dans  Stras- 
bourg, et  le  général  Rûdiiiger,  afin  d'être  à  même  de  pouvoir 
observer  cette  place  de  plus  près,  allait  être  renforcé  par  le 
2°  régiment  de  dragons  badois,  envoyé  à  cet  effet  de  Savcrnc. 

Quant  à  Pahlen,  il  avait  été  rejoint  sur  ce  point  par  les  hussards 
d'Olviopol  et  par  les  4^  et  34«  régiments  de  chasseurs  (4©  divi- 
sion), dont  il  avait  besoin,  afin  de  pouvoir  opérer  plus  eftlcace- 
ment  du  côté  de  Phalsbourg*. 

V®  corps.  —  Ordre  de  mouvement  sur  Remiremont.  — 

Wrède  avait  reçu  à  Colmar  l'ordre  de  se  diriger  d'abord  sur 
Remiremont,  et,  de  là,  vers  Langn»s.  Il  chargea  aussitôt  le  géné- 
ral Minutello  de  l'investissement  de  Neuf-Brisa(*h,  le  général  comte 
Pappenheim  de  celui  de  S(!hl(îsladl,  le  général  baron  ZoUern  de 
celui  de  Huningue..  et  confia  la  direclion  supérieure  de  ces  trois 
opérations  au  général  comte  Beckers,  dont  les  troupes  (2®  division 
bavaroise)  étaient,  du  reste,  employées  devant  ces  places.  Quant 
h  lui,  il  se  mit  immédiatement  en  route  pour  Saint-Dié.  Le  général 
Deroy  (2«  brigade  de  la  3^'  division  bavaroise),  après  avoir  franchi 
les  Vosges  à  Sainl(?-Marie-aux-Mines,  avait  pris  position  à  Sainte- 
Marguerite.  Un  d(î  ses  bataillons,  soutenu  par  qu(îlques  esca- 
drons, occupait  Saint-Dié,  à  S  kilomètres  environ  en  avant  de 
Sainte-Marguerile.  Les  patrouilles  de  cette  extrême  avant-garde 
avaient  même  poussé  vers  la  gauche  jusqu'à  peu  de  dislance  de 
Bruvères  sans  rencontrer  l'eimemi.  En  Alsace,  h;  colonel  Schei- 
bler,  avec  un  petit  corps  volant,  était  encore  entre  Erstein  et 
Obernaï,  et  le  lieutenant-colonel  Alberli  battait  le  pays  aux  envi- 
rons de  Molsheim,  d'un  côté  vers  Mulzig,  et  de  l'autre  vers 
Strasbourg. 

Seslavin  à  Bruyères.  —  Renseignements.  —  Lettre  de 
Victor  interceptée  par  les  Cosaques.  —  Seslavin,  que  Witt- 


*  A  ce  inouient  mOiue,  liroucliy,  par  ordre  de  Victor,  prescrivait  au  gcoéral 
de  Ségur  de  ne  laisser  à  Sarrebourg  que  200  chevaux  avec  un  chef  d'escadrons 
cl  de  venir  en  deux  marches  à  Uamb<'.rvillcrs,  en  passant  par  Blamont,  Ogé- 
\iilers,  Flin  et  Magnièrcs.  Ijc  général  de  France  devait  venir  prendre  à  Ram- 
bcrvillers  le  commandement  des  quatre  régiments  de  ganles  d'honneur. 


—  79  — 

g(Mist(îin  avait  fait  partir  de  Savenie  avec  "i  régiments  eosa- 
(lues  et  quelques  hussards,  était  à  Bruyères,  se  reliant  avec  les 
avant-postes  de  Deroy,  et  c'est  de  là  qu'il  envoyait  à  Wrède  la 
première  nouvelle  et  de  Toccupation  de  Rambenillers  par  la 
cavalerie»  française,  ci  de  Téchec  éprouvé  |)ar  Stscherbatofl*  à 
É[)inal. 

M  Le  fçénéral  Seslavin  à  S.  E.  M.  le  général  comte  de  Wrède, 
commandant  en  chef  l'armée  bavaroise  (en  français  dans  l'origi- 
nal). —  Bruyères,  h»  9  janvier  1814. 

«  Mon  général, 

«  J'ai  l'honneur  d'annoncer  à  Votre»  Excellence  que,  aujour- 
d'hui, je  suis  veiui  à  Bruyères,  où  j'ai  su.  par  un  oflicier  du  déta- 
chement du  prince  StscherbalolT,  les  notions  suivantes  : 

«  Le  corps  ennemi,  sous  les  ordres  du  duc  de  Bellune.  (pii  se 
trouvait  îi  Raon,  s'est  |)orté  sur  Épinal,  et  SlscherbalolV,  qui  s'y 
trouvait,  a  été  forcé  de  l'évacuer,  ayant  été  assailli  par  un  corps 
ennemi  d(î  toutes  armes.  Une  division  de  cavalerie»  (»nnemi(»  est 
déjîi  venue  occuper  Rambervillers,  et  j'ai  riiomieur  (r<»nvoyer  h 
Votre  Altesse  une  lettre  que  cet  oftici(»r  a  interceptée»,  e»t  par 
laquelle  vous  verrez  les  préparatifs  du  duc  de  Bellune. 

«  D'après  des  nouvelles  réitérées,  on  ne  saurait  elouteM*  que» 
l'armée  française  se  rallie  à  Nancy,  et  un  corps  de  40,000  honnnes 
est  ramassé  à  Metz  *.  » 

A  cet  envoi  était  jointe  la  lettre  suivante  de  Victor  au  général 
Cassagne,  trouvée  par  le»s  cosaques  de  Stscherbalolï  sur  l'oflicier 
de  hussards  qu'ils  avaient  enlevé  : 

«  Baccarat,  le  9  janvier  1814.  —  M.  le  capitaine*  ele»  Lassale», 
conmiandant  à  Magnières,  m'a  communiqué  la  lettre  cpie  vous  lui 
avez  écrite  hier,  par  laeiuelle  vous  lui  mandev.  que  vous  vous 
portez  sur  Épinal  pour  en  chasser  l'ennemi.  Je  dois  vous  prévenir 
que  M.  le  duc  de  Valniy  ayant  mis  à  ma  disposition  toutes  le»s 
troupes  de  son  commandement,  y  conq)ris  la  division  de  volti- 
geurs de  la  jeune  garde,  j'ai  prié  Son  Excellence  de  faire  réunir 
toutes  les  troupes  à  Charmes,  sous  les  ordres  de  M.  le  général 
Meunier,  à  qui  j'enverrai  mes  instructions,  dt\s  epie  la  réunion 
Rem  opérée»  et  c'est  à  reflfel  de  marcher  à  l'ennemi  de  concert 


i  A'.  A'.  Kriegs  Arekiv,,  I.  20J,  /. 


—  80  — 

avec  lo  2«  corps  et  de  vous  mettre  en  communication  îivec  Ram- 
bervillers,  où  j'aurai  aujourd'hui  une  division  de  dragons. 

«  On  m'assure  qu'il  y  a  4,000  hommes  à  Épinal,  et  qu'on  y 
en  attend  un  plus  grand  nombre.  Tîlche/,  je  vous  prie,  d'avoir 
des  renseignements  positifs  sur  leurs  forces,  et  veuillez  toc  les 
transmettre  V  » 

«  P.  S.  —  Je  vous  envoie  ci-joint  une  lettre  pour  M.  le  général 
Meunier,  je  vous  i)rie  de  la  lui  faire  passer.  » 

(]ette  deuxième  lettre  ne  se  trouvait  pas,  d'ailleurs,  sur  l'officier 
pris  par  les  cosaques. 

Il  nous  paraît  inutile  d'insister  sur  les  exagérations  qu'on 
trouve  dans  les  renseignements  recueillis  par  Seslavin,  et  d'après 
lesquels  il  y  aurait  eu  40,000  hommes  à  Metz  ;  mais  il  est  certain 
que  la  prise  de  la  lettre  adressée  au  général  Cassagne  avait  une 
valeur  réelle  pour  les  Alliés,  puisqu'elle  leur  révélait,  en  même 
temps  que  les  projets  de  Victor,  la  situation  et  la  composition 
des  troupes  dont  le  maréchal  disposait,  et  leur  permettait  de  se 
rendre  un  compUî  exact  de  la  nature  de  la  résistance  qu'ils  pou- 
vaient s'attendre  à  rencontrer,  surtout  après  les  affaires  désavan- 
tageuses qui  avaient  marqué  pour  eux  la  journée  du  9,  tant  dans 
la  vallée  de  la  Meuse  que  dans  celles  de  la  Mortagne  et  de  la 
Meurthe. 

Affaires  de  Rambervillers  et  d'Ëpinal.  —  En  effc^t,  tandis 
que  le  gros  du  V«  corps  commençait  à  se  porter  en  avant,  que  le 
IV'î  corps,  contiimant  sa  marche,  atteignait,  avec  la  tête  de  ses 
colonnes.  Remiremont,  et  que  son  gros  se  cantonnait,  le  9,  autour 
de  Ramonchamp,  Victor,  afin  d'éloigner  les  troupes  légères 
alliées,  dont  on  lui  avait  signalé  la  présence  entre  Saint-Dié  et 
Épinal,  s'était  décidé  h  faire  occuper  Rambervillers  par  la  division 
de  dragons  du  général  Briche,  qui  prit  position  dans  ce  bourg 
après  avoir  culbuté  et  poursuivi  assez  vivement  un  parti  de 
200  cosaques  v(mîus  dans  ces  parages  pour  réquisitionner,  et  qui 
avait  cru  superflu  de  se  garder  sérieusement  *. 


*  A'.  K.  h'ricgs  Archir.,  I,  201,  «. 

'  Voir,  Archives  du  dépôt  de  la  guerre  :  xMémoires  de  Grouch y  et  journal  de 


Petiot. 


-  81  — 

Dans  la  nH>iHe  journée,  une  brigade  (rinfanleri(»  de  la  jeuniî 
garde,  sous  les  ordres  du  général  Cassagne,  se  portail,  avec  un 
délachenienl  de  300  chevaux,  sur  É|)inal.  Sts<:herbalofl',  instruit 
par  les  patrouilles  qu'il  avait  envoyées  h  la  découverte  du  côté  de 
Charmes  de  la  présence,  en  avant  de  cet  endroit  (entre  Charmes 
et  Épinal),  de  partis  ennemis  qui  semblaient  être  la  tête  d'une 
forte  colonne  *,  désirant  se  renseigner  |)lus  complètement  et  se 
sachant,  d'ailleurs,  soutenu  en  arrière  par  le  IV*  corps,  se  porta 
avec  tout  son  corps  volant  sur  Charmes.  Arrivé  à  peu  près  à  mi- 
chemin  entre  Épinal  et  Charmes,  il  rencontra  les  troupes  fran- 
çaises en  marche  sur  Épinal,  qui  le  repoussèrent  et  le  poursui- 
virent jusqu'à  Pouxeux,  où  il  fut  rejoint  par  Platoff. 

Platoff  à  Pouxeux.  —  Ses  rapports  avec  le  prince  royal 
de  Wurtemberg.  —  L'ataman,  toujours  inquiet,  toujours  timoré, 
devait,  dès  le  jour  de  son  entrée  en  ligne,  donner  la  première 
preuve  de  Tinsurmontable  mollesse  qu'il  ne  put  secouer  pendant 
le  reste  de  la  campagne,  de  ces  craintes  imaginaires  qui  para- 
lysèrent constanmient  ses  opérations  et  qui  empêchèrent  ses 
cosaques  de  rien  faire  de  bon  jusqu'au  moment  où  le  tzar,  lassé 
d'une  pusillanimité,  rendue  plus  dangereuse  encore  par  l'impu- 
dence de  ses  forfanteries,  releva  Platoff  de  son  commandement. 

Alin  de  permettre  au  lecteur  de  se  rendre,  dès  le  début  de  la 
campagne,  un  compte  exact  de  la  manière  d'agir  de  Platoff,  nous 
croyons  devoir  donner  et  le  rapport*  qu'il  adressa  au  prince 
royal  de  Wurtemberg  et  la  réponse  qu'il  reçut  de  ce  prince  •. 

«  L'ataman  comte  Platoff  au  prince  royal  de  Wurtemberg  (en 
français  dans  l'original).  —  «  De  Pouxeux,  9  janvier  1814. 

V  J'ai  l'honneur  d'informer  Votre  Altesse  Royale  de  l'approche 
de  l'ennemi  sur  Épinal. 

«  Je  me  suis  approché  de  cette  ville  et  ai  opéré  ma  jonction 
avec  le  détachement  du  prince  Stscherbatoff,  qui  m'a  appris  que 
l'ennemi  occupait  Épinal,  fort  de  quatre  colonnes  (sic)  d'infan- 
terie, cinq  escadrons  et  trois  bouches  à  feu. 


1  Tîigesbegebenheiten  der  Haapt  Armée  {K,  K.  Kriegt  Arehiv,,  I,  30),  et 
Opérations  Journal  des  IVten  Armée  Corps.  (Ibid.,  XIII,  56.) 

*  Platoiï  au  prince  de  Wurtemberg.  K,  K,  Kriegt  Arehiv,,  l,  173,  a, 

•  Prince  royal  de  Wurtemberg  à  Platoff.  K,  K.  Kriegt  Archiv.,  1,  173,  b. 

Weil.  6 


—  82  — 

«  La  configiiralion  du  terrain  m'a  empêché  de  reconnaîlrcî  par 
moi-même  les  forces  ennemies.  Les  avant-postes  français  étant 
établis  en  avant  do  la  ville,  sur  la  route  de  Pouxeux,  dans  les 
défilés,  j'ai  idée  de  les  attaquer  à  sept  heures  du  matin  et  de 
pousser  sur  Épinal;  mais  comme  le  terrain  occupé  par  ces  avant- 
postes  est  en  somme  un  défilé  étroit  et  resserré  contre  lequel  la 
cavalerie  ne  peut  guère  agir  etTicacemenl,  qu'il  me  faut  me  servir 
de  mon  artillerie,  j'ai  besoin  de  troupes  d'infanterie  qui  me  font 
absolument  défaut.  Je  prie  donc  Votre  Altesse  de  m'envoyer,  si 
ce  n'est  quatre,  au  moins  trois  bataillons  d'infanterie 

« Je  crois  que  l'eimemi  est  en  force  dans  la  ville  et 

veut  la  défendre,  ce  point  étant  très  important.  » 

Voici  maintenant  comment  le  prince  royal  répondit  à  la  de- 
mande de  Tataman  : 

«  Prince  royal  de  Wurtemberg  au  comte  Platoff.  —  «  Remirc- 
mont,  9  janvier  1814. 

«  11  m'est  absolument  impossible  de  vous  envoyer  même  trois 
bataillons.  Vous  évaluez  les  forces  de  Tennemi  à  3,000  hommes 
dinfanterie,  cinq  escadrons,  trois  canons.  11  vous  sera  donc  pos- 
sible d'en  venir  à  bout  rien  qu'avec  votre  corps;  mais  si  l'ennemi 
est  décidé  à  résister  vigoureusement,  on  ne  le  culbutera  certaine- 
ment pas  avec  trois  bataillons. 

«  Je  tiens  évidemment  beaucoup  à  déloger  l'ennemi  d'Épinal, 
(ît  si  vous  ne  réussissez  pas  dans  votre  entreprise,  je  l'attaquerai 
l(î  1 1  avec  tout  mon  corps  d'armée.  En  attendant,  et  pour  vous 
recueillir  en  cas  de  besoin,  je  posterai  trois  bataillons  sur  la  route 
de  Pouxeux.  » 

Platoff,  on  doit  le  reconnaître,  avait  une  singulière  manière  de 
comprendre  les  devoirs  qui  incomb(»nt  au  connuandîinl  d'un 
corps  de  cavalerie  destiné,  dans  l'esprit  des  généraux  en  chef,  à 
agir  au  loin,  à  renseigner  le  grand  quartier  général  sur  les  mou- 
vements et  les  projets  de  l'ennemi,  puisqu'il  suffisait  de  l'appa- 
rition d'un  groupe  dont  il  avoue  lui-même  n'avoir  pu  reconnaître 
la  force,  pour  (|u*il  crût  nécessaire  de  demander  un  renfort  de 
trois  bataillons. 

Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  les  craintes  folles  de  Platoff 
(îxercèrcînl  néamnoins  une  influence  sur  les  résolutions  du  prince 
royal  de  Wurtemberg.  11  n'avait  pas  eu  encore,  il  faut  1(^  dire  à 


^  83  - 

son  excuse,  l^occasion  d'apprécier  la  véritable  valeur  d*un  officier 
arrivant  à  Tarniée  précédé  d'un^î  réputation,  sinon  al)solum(înt 
inniiéritée,  du  moins  singulièrement  surfaite,  d'un  officier  qui, 
s'il  avait  accompli  naguère  de  brillants  faits  d'armes,  s'il  s'élait 
fait  remarquer  par  une  incontestable  hardiesse,  avait  complète- 
ment perdu  et  son  ancienmî  énergie  et  les  aptitudes  spéciales  dont 
il  avait  fait  preuve  en  1812, 

Inaction  du  IV«  corps  le  10  janvier.  —  Le  prince  royal 
échelonnant  son  corps  entre  Eloyes  et  Saint-Xabord,  attendit 
donc  pendant  toute  la  journée  du  10  le  résultat  d'opérations 
qu'il  avaient  conseillées  à  Platoflf  et  que  C(4ui-ci  se  garda  bien 
d'entreprendre.  Le  princ(î  royal  s(Mnble,  du  reste,  avoir  pris 
très  au  sérieux  les  nou veilles  données  par  Platoft',  et  avoir  cru 
comme  lui  qu*il  y  avait  sur  ce  point  et  derrière  cette  avant-garde 
des  forces  importantes  eimcMuies,  chargées  de  couvrir  les  plaines 
(le  Lorraine  et  de  chercher  ii  empêcher  les  Alliés  de  déboucher 
(les  Yosg(»s.  En  effet,  le  9  au  soir,  en  prévenant  Schwarzenberg 
d(»  Tapparition  à  Épinal  du  corps  français  qui  (în  avait  chassé 
Stscherbatoff*,  et  malgré  l'ordre  d(î  prendre  à  gauche  pour  se 
|)orter  sur  Langres,  il  lui  faisait  savoir  que,  comme  le  corps 
fran(;ais  pourrait  obliger  Platofl*  à  se  retirer  de  Pouxeux,  il  était 
presque  certain  qu'au  lieu  de  prendn*  la  routt^  (|ui  mène  de 
Hemiremont  par  Bains,  Vauvillers,  Jussey  et  Fayl-Billot  sur  Lan- 
gres, il  se  verrait  contraint  à  marcher  droit  sur  Épinal  le  11 
«  pour  chasser  r(^nn(»mi  de  ce  point  important  d'où,  ajoutait-il, 
r(mnemi  pourrait  couper  nos  (communications  avec  Remiremont 
et  empocher  la  brigade  SchîeflTer  et  les  troupes  qui  la  suivent  de 
déboucher.  Si  j'attaque  Épinal,  disait-il  encore,  je  laisserai  mes 
parcs  et  m(»s  convois  à  Plombières  pour  me  maintenir  en  commu- 
nication av(H''  Vesoul  et  la  grande  armée,  et  éviter  d'être,  quoi 
qu'il  arrive,  contraint  de  me  replier  sur  les  Vosges  *  ». 

Banclay  de  Tolly  partag(»ait  sans  doute  les  craintes  émises  par 
le  prince  royal  de  Wurtemberg  et  croyait,  comme  lui,  <^  la 
présence,  en  arrière  d'Épinal,  de  forces  considérables,  puisque> 
dans  une  lettre  (ju'il  adressait  à  Schwarzenberg  d'Allkirch,  h  la 


i  Prince  royal  de  Wartcmbcrg  à  Schwarzeiiljcrg;   Ucmii'ciiKnit,  9  janyier. 
K.  K.  Kriegs  ArefUt.,  \,  173. 


—  84  — 

(lato  du  10  S  il  lui  disait  qu'il  avait  prescrit  îi  Slscherbatoff  de 
se  faire  soutenir  par  le  prince  royal*. 

D'après  les  documents  que  nous  venons  de  citer,  on  se  rend 
coni[)te  de  Tinquiétude  qu'un  mouvement  offensif  aussi  peu  im- 
portant que  celui  dont  il  s'agit  ici,  causait  dans  les  états-majors 
alliés.  On  peut  alors  se  demander,  si  en  agissant  énergiquement 
avec  tout  ce  qu'il  avait  sous  la  main,  avec  les  renforts  envoyés  de 
Nancy,  Victor  n'aurait  pas  pu  réussir  non  seulement  à  ralentir  et 
à  retarder  considérablement  la  marche  des  colonnes  alliées 
encore  occupées  îi  franchir  les  Vosges,  mais  encore  à  interdire 
aux  Alliés  l'accès  du  bassin  de  la  Moselle,  h  menacer  même  les 
conmiunications  des  troupes  de  la  grande  armée  de  Bohème  en 
marche  sur  Vesoul  et  Langres.  Un  pareil  résultat  n'aurait  pu  être 
que  momentané;  mais,  dans  la  situation  où  se  trouvait  la  France, 
il  importait  par-dessus  tout  de  chercher  h  gagner  du  temps,  eu 
arrêtant  les  Alliés  le  plus  longtemps  possible  et  en  profitant  îi  cet 
efi[(ît  des  moindres  occasions.  C'est  lîi  ce  qui  semble  avoir  été  fai- 
sable le  10  janvier  et  ce  qui  n'a  malheureusement  pas  été  fait. 


*  Prince  royal  do  Wurtemberg  à  Schwarzenberg  ;  Rcmiremont,  9  jauvicr. 
A'.  K.  Krieg$  Archir.,  I,  202. 

»  Comme  j'aurai  souvent  lieu  d'insister  sur  la  nature  singulière  des  rebtions 
entre  les  dilTérents  généraux  alliés,  de  faire  ressortir  les  fautes  résultant  du 
manque  d'unité  dans  la  direction,  les  conflits  qui  se  sont  produits  presque 
journellement  entre  les  chefs  les  plus  haut  placés,  j'ai  cru  devoir  citer  ici  la 
lettre  suivante  de  Barclay  à  Schwarzenberg.  Tout  le  monde,  on  le  voit,  donne 
des  ordres  sans  même  prendre  la  peine  de  se  mettre  d'accord  avec  le  généra- 
lissime; puis,  quand  les  ordres  ont  reçu  un  commencement  d'exécution  et  que 
Schwarzenberg  a  appris  de  cette  façon,  et  alors  seulement,  ce  qui  s'est  fait  à 
sou  insu,  on  cherche  à  lui  expliquer  plus  ou  moins  habilement  les  raisons  de 
ces  mouvements  et  à  les  lui  faire  approuver,  en  ayant  l'air  d'avoir  deviné  ses 
projets  et  ses  intentions.  La  lettre  de  Barclay  est  évidemment  inspirée  par  un 
sentiment  de  cotte  nature. 

M  Barclay  de  ToUy  à  Schwarzenberg.  —  Altkirch,  9  janvier  4814. 

«  Le  général  comte  ïoll  m'informe  qu'il  avait  donné  à  PlatofT  l'ordre  d'aller 
à  Epinal,  et  que  Votre  Altesse,  au  contraire,  désirerait  le  voir  aller  à  Neuf  • 
château.  J'ai  seulement  fait  ordonner  à  PlatofT  de  recueillir  éventuellement 
Stscherbatuff  en  passant  par  Epinal,  et  aussitôt  cette  ville  occupée,  de  continuer 
par  Mirecourt  sou  mouvement  sur  Neufchàteau,  lui  recommandant  d'envoyer 
de  là  des  partis  sur  Bar-le-Duc  et  de  se  relier,  à  gauche  vers  Langres  avec  les 
Autrichiens,  à  droite  avec  le  prince  Stscherbatoff,  que  Votre  Altesse  envoie 
sur  Nancy. 

«  On  ne   laissera  à  Epinal,  comme  soutien  destiné  à  couvrir  les  communi- 
ations,  que  quelques  cosaques  qui  y  resteront  jusqu'à  l'arrivée  des  troupes  du 
<^rincc  royal  de  Wurtemberg.  »  (K.  K.  Kriegs  Archiv.  1.  i74.) 
P 


—  85  — 

Il  est  certain,  d'autre  part,  que  môme  bien  dirigées  et  couron- 
m'^es  de  succès,  les  opérations  offensives  du  duc  de  Beilune  n'au- 
raient servi  qu'à  faire  gagner  deux  ou  trois  jours.  Le  maréchal 
aurait  été  obligé  de  se  replier,  dès  qu  il  aurait  eu  connaissance 
du  mouvement  de  retraite  que  Marmont  exécutait  à  ce  moment, 
de  l'a  Sarre  vers  la  Moselle,  et  qu'il  se  serait  vu  menacé  sur  sa 
gauche  et  sur  ses  derrières  par  la  marche  de  la  cavalerie  et  do 
l'avant-garde  de  l'armée  de  Silésic  se  dirigeant  de  Chdteau-Salins 
sur  Lunéville  et  Nancy. 

9  janvier.  ^  Echec  du  corps  volant  de  Thurn  à  Langres. 

—  La  journée  du  9  n'avait  été  guère  moilleure  pour  le  corps 
volant  du  lieutenant-colonel  Thurn,  qui  battait  l'estrade  sur  le 
front  du  111®  corps  en  marche  sur  Langres.  Avec  un  peu  de  pru- 
d(mce  et  de  circonspection,  il  eût  été  facile  îi  ce  petit  corps 
d'éviter  la  leçon  qu'il  allait  recevoir. 

Thurn,  arrivé  avec  son  corps  à  la  Griffonotte,  avait  eu  l'idée  de 
s'emparer  à  lui  seul  de  Langres.  Il  pensait  que  l'occupation  de 
cette  ville  ne  présenterait  pas  plus  de  difficultés  que  celle  de 
Vesoul  et  espérait  pouvoir  s'y  procurer  des  renseignements  cer- 
tains sur  la  position  et  la  force  des  troupes  françaises  que  l'on 
savait  dirigées  sur  ce  |)oint.  Persuadé  qu'il  enlèverait  Langres 
sans  coup  férir,  Thurn  s'y  fit  précéder  par  un  officier,  escorté  de 
deux  hussards,  chargé  d'annoncer  au  maire  son  arrivée  et  de 
sommer  le  commandant  d'armes  de  lui  rendre  la  ville*.  Bien 
qu'au  bout  de  deux  heures,  il  n'eût  encore  reçu  aucunes  nouvelle 
de  cet  officier  et  que  ce  silence  eût  dû  l'inquiéter  et  lui  faire  com- 
prendre qu'il  était  indispensable  d'agir  prudemment,  il  n'en  diri- 
gea pas  moins  son  avant-garde  sur  Langres.  Celle-ci,  sous  les 
ordres  du  capitaine  Burckhardt,  pénétra  sans  encombre  dans  le 
long  faubourg  par  lequel  passe  la  route  de  Vesoul.  Elle  avait 


1  Voici  le  texte  de  la  sommation  de  Thurn  : 

t(  Le  commandant  de  l^avant-garde  des  armées  alUées  au  commandant 

de  la  yiUe  de  Langres. 

tf  Je  vous  somme.  Monsieur  le  Commandant,  de  rendre  la  ville  aux  armes 
des  arm(^s  victorieuses;  il  serait  inutile  de  faire  une  vaine  résistance,  mes 
forces  étant  telles  que  la  ville  ne  pourra  résister  ;  je  vous  en  préviens  pour 
épargner  a  la  ville  les  suites  des  fléaux  de  la  guerre.  Je  suis  avec  toute  la 
considération.  »  {Archives  du  dépôt  de  la  guerre.) 


—  86  — 

déjà  dépassé  les  portes  de  la  ville,  lorsqu'elle  vint  tout  à  coup 
donner  dans  une  troupe  de  cavalerie  de  la  garde  (avant-garde  du 
maréchal  Mortier)  c|ui  arrivait  à  Langres.  Attaqué  vivement  de 
front  par  cette  cavalerie  soutenue  par  la  gendarmerie  et  les 
hommes  de  la  levée,  fusillé  par  les  habitants  qui  avaient  pris  les 
armes,  le  détachement  du  capitaine  Burckhardt*  parN'int  à  grand'- 
peinc  à  sortir  de  la  ville  et  du  faul)ourg  et  à  se  n^plier  sur  Fayl- 
Billot. 

Affaire  contre  les  paysans  armés  de  Chaudenay.  —  Pen- 
dant cette  retraite,  les  hussards  autrichiens  se  virent  encore  une 
fois  sur  le  point  d*être  entit'^rement  coupés.  Les  paysans  de  Chau- 
denay. village  qu'ils  étaient  forcés  de  traverser,  avaient  pris 
spontanément  les  armes,  et  leur  tuèrent  1  officier  et  12  hommes. 

Voici,  d'ailleurs,  en  quels  termes  Thurn  lui-même  rend  compte 
à  Sch\var/<Mibcrg  de  son  coup  de  main  manqué  surLnngn»s,  coup 
de  main  qui  eut,  comme  nous  allons  le  montr(»r,  une  portée  et  des 
consé(piences  que  les  Alliés  n'avaient  pu  prévoir. 

a  Le  lieutenant-colonel  comte  Thurn  au  prince  de  Schwarzen- 
berg'.  —  FayUBillot,  le  9  janvier  181 4,  9  heures  du  snir. 

t«  J'ai  riioimeur  d'informer  Votre  Altesse  (pu»  le  maréchal  Mor- 
tier est  arrivé  avec  son  avant-garde  à  Langn^s  et  que  je  suis  entré 
avec  mon  avant-garde  dans  le  faubourg. 

«  L(»s  habitants  nous  invitèrent  à  y  |)énélrer,  nous  aflirmant 
(pi'ils  nous  attendaient  avec  impatience  et  depuis  longtenq)s.  La 
patrouille  de  tête  avait  déjà  dépassé  un  certain  nombre  de  mai- 
sons, lorsqu'elle  fut  saluée  par  une  décharge  générale,  par  des 
coups  de  feu  partant  des  toits  et  tirés  par  des  hommes  de  la  levée 
et  de  la  garde  départementale  soutenus  par  quelques  fantassins 
de  la  ligne. 

«  La  imtrouilh'  se  retira  sur  mon  avant-garde. 

«  Le  village  de  Chaudenay,  par  letpu»!  je  devais  forcément 
passer  en  me  retirant,  s'était  armé  pendant  ce  temps  et  nous 
eftnies  à  nous  frayer  un  passage  le  sabre  à  la  main.  Nous  avons 


>  Szenen  aus  (1er  (jeschirhte  des  K.  K.  Husaren  Kegimeiits  n°  3,  Krziierzog 
Fenliii:«nd,  et  Tagesl)eg«'l>enh(»iteii  der  li.iupt  Arin(*«*.  {K.  h.  Kri^qit  Archir., 
I,  30  ) 

'  A'.  A'.  Kr'uuj*  Arehir.,  I,  170). 


-  87  - 

fait  subir  des  pertes  sensibl(»s  ù  ces  paysans.  J'ai  fait  quelques 
prisonniers  appartenant  à  des  régiments  italiens,  qui  uraffirment 
que  le  maréchal  Mortier  aura  demain,  JO  janvier,  30,000  hommes 
h  Langres  et  que  d'autres  trou[)es  ont  dû  arriver  aujourd'hui  h 
Grav. 

«  J'ai  perdu  dans  ces  affaires  le  lieutenant  Schlachta.  Le  capi- 
taine Burckhardt,  après  avoir  eu  un  cheval  tué  sous  lui,  a  été 
blessé  îi  la  jambe  droite  :  quatre  de  mes  hussards  sont  blessés. 

«  On  m'assure  que  fennemi  se  porte  en  force  contre  Fayl- 
Billot.  Je  vais  l'observer  et  me  retirerai  lentement,  si  j'y  suis 
contraint,  sur  Combeau-Fontaine,  où  se  trouve  Tavant-garde  du 
comte  Gvulav.  » 

Les  populations  commencent  à  s'armer.  —  Dans  le  rapport 
qu'il  adressait  deux  jours  après  h  l'empereur  d'Autriche,  Schwar- 
zenberg*  annonçait  à  son  souverain  qu'  «  en  présence  de  la  levée 
générale  que  l'iMinemi  chen^he  à  organiser  »,  il  avait  aussitôt 
prescrit  au  feldzeugmeister  comte  Gyulay  de  «  se  porter  à  rw^rcA^» 
forcées  sur  Langres.  » 

Mais  Gyulay  n'était  encore  qu'à  Vesoul.  oii  il  avait  donné  le  9 
un  peu  de  repos  à  ses  troupes.  Ce  fut  le  11  seulement  que  son 
avant-garde  atteignit  Combeau-Fontaine,  que  ses  extrêmes  avant- 
postes  occupèrent  Fayl-Billot,  et  le  14  que  le  gros  du  III®  corps 
arriva  vers  Langres  que  la  division  de  cavalerie  du  général 
Laferrière  (2,567  hommes,  2.695  chevaux)  occupait  depuis  le  10. 
et  la  division  Friant  (5,885  hommes  et  148  chevaux),  depuis  le  11. 
Pour  la  première  fois  depuis  son  entrée  en  France,  le  centre 
de  la  grande  armée  alliée  allait  rencontrer  un  semblant  de 
résist<Tnce. 

Il  semble,  du  reste, que Schwarzenberg  reconnut  immédiatement 
l'importance  que  devait  avoir  l'affaire  de  Langres,  la  gravité  que 
prenaient  des  faits  en  eux-mêmes  peu  considérables,  un  échec  assu- 
rément insignifiant,  mais  qui  pouvait  être  gros  de  conséquences 


*  Schwarzenberg  à  rempereiir  d'Autriche,  de  Villersexel,  11  janvier  (A'.  A'. 
Kriegs  Archiv.,  1,  238  et  ad.  1,  238).  Schwarzenberg  ajoate  dans  ces  rapports 
que  Mortier  n'a  pas  30,000  hommes  à  Langres,  que  les  nouveUes  recueillies 
par  Gyulay  et  par  Thurn  contredisent  ces  premiers  renseignements,  que  c'est 
seulement  à  Troyes  qu'on  réunit  les  conscrits  et  qu'on  les  encadre  dans  les 
troupes  d<!  ligne. 


—  88  — 

par  suite  de  la  pari  que,  pour  la  première  fois  depuis  Tenlrée  des 
Alliés  en  France,  les  habitants  avaient  prise  à  la  lutte.  L'organi- 
sation de  la  levée  en  masse  n'avait  jusque-là  produit  aucun 
résultat  et  il  allait  encore  s'écouler  quelque  temps  avant  que  Tap- 
plication  de  cette  mesure  ait  pu  se  généraliser  et  revêtir  un 
caractère  véritablement  inquiétant.  Les  causes  de  l'apathie  qui 
s'était  manifestée  pendant  les  premières  semaines  de  janvier  1814, 
si  elles  sont  multiples  et  variées,  sont  intéressantes  h  rechercher 
ot  II  constater.  On  aurait  tort,  en  effet,  de  croire  que  l'hésitation, 
mise  par  les  populations  à  courir  aux  armes,  provenait,  comme 
on  a  essayé  de  le  démontrer,  de  l'impopularité  de  l'Empereur. 
Pour  le  peuple,  mais  plus  encore  pour  les  paysans,  Napoléon  était 
alors,  comme  il  l'est  toujours  resté  depuis,  le  plus  grand  homme 
de  guerre  de  tous  les  temps,  le  César  triomphant  qui  avait  vaincu 
et  conquis  l'Europe,  qui,  i\  lui  seul,  paraissait  de  taille  à  tenir 
tête  au  monde  entier  coalisé  contre  lui.  De  son  vivant  même,  il 
était  déjîi  devenu  un  personnage  légendaire,  auquel  ni  la  retraite 
de  Russie,  ni  le  désastre  de  Leipzig,  ni  l'invasion  n'avaient  pu  par- 
venir à  faire  perdre  la  moindre  parcelle  du  prestige  inouï  que 
son  nom  exerçait  et  exercera  toujours  sur  les  masses.  Il  était  tou- 
jours encore  et  surtout  aux  yeux  du  peuple  Thonmie  merveilleux, 
dont  la  présence  rendait  la  confiance  aux  découragés,  dont  la 
voix  électrisait  les  conscrits  et  en  faisait  des  soldats  aussi  solides 
au  feu  que  les  plus  vieux  grognards  de  la  garde.  La  cause  réelle 
de  cette  indifférence,  que  le  vandalisme  et  les  brutalités  des 
Cosaques  et  des  Prussiens  n'allaient  pas  tarder  à  faire  dispa- 
raître, provenait  bien  plutôt  de  ce  que  les  populations,  lassées 
des  guerres  que  le  pays  soutenait  depuis  plus  de  vingt  ans,  épui- 
sées par  les  sacrifices  qui  leur  avaient  été  demandés  depuis  1792, 
et  surtout  depuis  l'Empire,  abusées  peut-être  aussi  dans  le  prin- 
cipe par  les  promesses  fallacieuses  contenues  dans  la  proclama- 
tion des  souverains  alliés,  encore  éblouies  par  le  souvenir  des 
victoires  passées,  ne  pouvant  croire  h  l'invasion  et  ignorantes 
des  horreurs  qu'elle  traîne  à  sa  suite,  étaient  disposées  i\  voir 
dans  les  Alliés,  non  pas  des  libérateurs,  mais  les  instruments 
destinés  à  ramener  dans  le  monde  une  paix  h  laquelle  la  France 
n'aspirait  pas  moins  vivement  que  le  reste  de  l'Europe. 

Enfin,  ce  qui  avait  manqué  jusque-lh  i^our  que  le  peuple  pût 
envisager  sainement  la  situation  telle  qu'elle  était  déjà,  depuis 


—  89  - 

le  commencement  de  Tinvasion,  c'était  Texemple.  On  hésitait,  on 
doutait  parce  qu'on  croyait  (|ue  la  résistance  locale,  la  résistance 
improvisée  dans  chaque  ville,  dans  chaque  village,  ne  servirait  îi 
rien  qu'à  attirer  sur  ces  villes,  sur  ces  villages  de  terribles 
représailles.  L'impulsion  était  désormais  donnée  ;  les  coups  de 
fusil  des  habitants  de  Langres  et  des  paysans  de  Chaudenay 
allaient  se  répercuter  dans  toute  la  Champagne,  en  Bourgogne, 
en  Lorraine,  en  Alsace.  Le  peuple  a  désormais  retrouvé  sa  voie, 
il  s'est  ressaisi  ;  sachant  maintenant  ce  qu'on  attend  de  lui,  se 
rendant  désormais  un  compte  exact  des  résultats  ([ue  peut  pro- 
duire son  intervention  armée,  il  n'hésitera  plus  à  faire  héroïque- 
ment son  devoir.  On  a  par  trop  négligé  jusqu'il  ce  jour  de  rendre 
aux  paysans  armés  la  justice  qui  leur  est  due,  et  de  faire  ressortir 
la  grandeur  du  rôle  qu'ils  ont  joué  pendant  les  tristes  jours  d(^ 
l'invasion.  On  ne  sV'tonnera  donc  pas  si  nous  insistons  dans  ce 
travail  sur  les  services  qu'ils  ont  rendus,  sur  le  mal  qu'ils  ont 
fait  aux  Alliés,  et  si  nous  livrons  ii  la  publicité  parmi  les  pièces 
qui  se  rapportent  h  leurs  hardis  coups  de  main,  surtout  celles 
qu'il  nous  a  été  possible  de  consulter  et  de  retrouver  aux  Archives 
impériales  et  royales  du  ministère  de  la  guerre  à  Vienne.  Enfin, 
avant  de  revenir  aux  mouvements  des  Alliés  pendant  la  journée 
du  9  janvier,  il  convient  d'ajouter  que  si  les  bourgeois  de  Langres 
et  les  paysans  de  Chaudenay  ont  été  les  premiers  à  courir  aux 
armes,  ils  ont  été  aussi  presque  les  derniers  h  les  déposer  avec  les 
gens  de  Fayl-Billot  et  des  environs. 

Positions  des  autres  corps  de  la  grande  armée  pendant 
la  journée  du  9.  —  Les  autres  corps  de  la  grande  armée  avaient 
continué  à  marcher  le  9  avec  leur  lenteur  habituelle.  Gvulav 
avait,  nous  l'avons  dit,  fait  halte  à  Vesoul  ;  derrière  lui,  le  I®""  corps 
en  faisait  autant  à  Villersexel.  Deux  des  brigades  du  général 
Bianchi ,  relevées  sous  Belfort  par  les  grenadiers  russes  de 
Raïefïskv,  s'étaient  mises  en  marche  sur  Lure  et  Vesoul.  Les 
réscr\es  autrichiennes  étaient  toujours  immobiles  h  Ornans,  et 
le  11«  corps  restait  affecté  au  blocus  de  Besançon.  Le  quartier 
général  de  Barclay  de  Tolly  avait  été  transféré  d'Altkirch  à  Cha- 
vannes-sur-l'Étang. 

10  janvier.  —  La  droite  du  VI»  corps  se  relie  du  côté  de 


-  90  — 

Phalsbourg  avec  un  parti  de  l'armée  de  Silésie.  —  Wit%en- 
stoin  continua  à  rester  en  place,  n'osant  pas  continuer  sa  marche 
avant  d'avoir  pu  appeler  à  lui  toute  son  infanterie,  et  craignant 
peut-être  aussi  d'être  inquiété  sur  ses  derrières  tant  qu'il  ne  se 
serait  pas  au  préalable  rendu  maître  de  Phalsbourg  et  de  bicoques 
telles  que  la  Petite-Pierre  etLichtenberg.il  se  contenta,  le  10,  de 
profiter  de  l'arrivée  de»  5  bataillons  badois  avec  10  canons,  pour 
opérer  contre  Phalsbourg  et  la  Petite-Pierre  et  faire  couper  près 
de  Liitzelbourg  la  conduite  qui  seuh»  alimentait  d'eau  potable  la 
première  de  c(îs  places. 

Il  chargea  également  le  général  S(îhakoffskoï  du  blocus  de 
Landau  en  lui  donnant  une  partie  des  troupes  du  colonel  Seli- 
fonlietV  et  du  lieutenant-colonel  Nabel. 

Un  escadron  de  hussards  d'Olviopol  fut  envoyé  des  environs  de 
Phalsbourg  à  Lut/elbourg  pour  vérifier  si  les  bruits  qu'on  avait 
répandus  sur  la  présence  de  la  cavalerie  française»  h  Mitt(*lbronn 
étaient  fondés.  Les  hussards  ne  trouvèrent  personne  à  Mittel- 
bronn;  mais  ils  apprirent  cependant  que  quelques  escadrons 
français  venant  de  Phalsbourg  avaient  traversé  (;e  village,  se 
rendant  îi  Sarrebourg,  ville  que  cette  cavalerie  n'avait,  d'ailleurs, 
pas  tardé  à  évacuer. 

Le  Vie  corps  se  relia  encore  ce  jour-là  par  sa  droite  avec  la 
cavalerie  de  l'avant-garde  du  général  Lanskoï  (jui  était,  depuis 
le  8,  h  Bliescaslel.  Le  ])arti  qui  comnuiniqua  de  ce  coté  avec  le 
VI''  cor|)s  avait  quitté  Neunkirchen  le  9  au  matin  par  ordre  du 
général  KarpotT,  qui  y  commandait  les  avant-postes  du  corps 
Sacken  (armée  de  Silésie).  et.  passant  par  Rimling  et  Drulin- 
gen,  avait  poussé  jus(|ue  vers  Phalsbourg. 

Devant  Strasbourg,  deux  des  escadrons  du  2<^  régiment  badois 
étaient  à  Slutzheim,  surveillant  la  porte  de  Saverne,  les  deux 
autres  à  Oberscha^fl'olsheim  et  Woltîsheim.  Observant  la  porte 
Blanche,  ils  avaient  en  outre,  à  Holtzheim  et  h  Lingolsheim, 
un  parti  chargé  de  couvrir  les  routes  de  Colmar  et  de  Neuf- 
F^risach. 

Enfin.  Pahlen  avait  reçu  l'ordre  de  marcher  sur  Lunéville.  et. 
afm  d'être  ji  même  de  le  soutenir,  on  avait  prescrit  au  prince 
Eugène  de  Wurtemberg  de  porter  la  {^  division  (rinfanhîrie  h 
HochfrldfMi.  el  la  *>  à  Haguenau. 


—  91  - 

Mouvement  du  V*  corps  et  de  Victor  vers  Saint-Dié.  ~ 
Combat  de  Saint-Dié.  —  Pendant  quo  Wrodo,  convaincu  de 
rinutilité  do  la  présence  de  ses  forces  en  Alsace,  prenait  toutes 
ses  mesures  pour  les  amener  le  plus  rapidement  |»ossible  de 
l'autre  coté  des  Vosges,  envoyait  le  général  de  La  Motte  à  Sainte- 
Mari(»-aux-Mines  et  prescrivait  au  général  Deroi  (ro(!CU|)er  solide- 
ment Saint-Dié,  Victor,  de  son  côté,  avait  donné  au  général 
Duhesme  Tordre  de  se  mettre  en  marche  le  10  au  matin,  de  se 
diriger  sur  Saint-Dié  et  d'y  attaquer  l'eimemi  :  «  L'attaque  sur 
Saint-Dié,  ajoutait  le  duc  de  Bellune,  doit  être  brusque»  et 
franche'.  » 

Les  liiivarois  avaient  poussé,  le  10  au  matin,  en  avant  de  Saint- 
Dié.  une  pointe  d'avant-garde  composée  d'un  demi-escadron  de 
chevau-légei's  du  5«  régiment,  de  30  cosaques  et  d'une  conq>agni(» 
d'infanterie  qui  vint  donner  dans  la  tète  de  la  colonne  française. 
Les  Bavarois,  repoussés,  traversèrent  Saint-Dié  et,  suivis  par  la 
caval(»rie  française,  cherchèrent  à  se  maintenir  ji  Sainte-Margue- 
rite, d'où  ils  furent  chassés  par  les  cavaliers  dv  Pire,  soutenus  par 
deux  bataillons.  Mais  au  moment  même  où  Pire  «entrait  dans 
Sainte-Marguerite,  le  général  Deroi  déployait  sa  brigade  à  peu 
de  distance  du  village  et  prenait  immédiatement  les  dispositions 
nécessaires  pour  empêcher  les  Français  d'en  déboucher  et  leur 
enlever  le  village  avant  qu'ils  aient  eu  le  temps  de  s'y  établir 
solidement  et  d'ètn*  soutenus  par  le  reste  de  l'infanterie  du 
général  Duhesme.  Bien  que  le  général  Deroi  eût  été  blessé  à 
l'instant  où  il  lançait  ses  colonnes  d'attaque  contre  Saintes-Mar- 
guerite et  qu'il  eût  dû  remettre  le  commandement  au  colonel  von 
Treuberg.  Pire  ne  put  réussir  à  se  maintenir  sur  ce  point  e!  dul 
se  replier  sous  un  feu  des  plus  violents  sur  Saint-Dié,  où  Duhesme 
avait  gardé  le  gros  de  ses  troupes.  La  cavalerie  de  Pire, 
quoique  exposée  à  une  fusillade  meurtrièn^  et  au  tir  de  l'artillerie 
bavaroise,  fit  bonne  conlenance,  se  repliant  pas  à  pas  sur  Saint- 
Dié  en  (^ouvrant  la  retraite  de  son  infanterie  \ 

1  Vû'lor  au  major  gémirai,  llaccarat,  U  janvier,  el  Mémoiret  de  Grouchy. 

'  Rapport  du  général  de  Pire  au  général  de  Grouchy,  de  Xompatelize, 
10  janvier,  à  six  heures  du  soir. 

'  «  Je  n'ai  pu,  dit  le  général  Pire,  exécuter  de  charges,  attendu  la  nature 
du  terrain.  » 

A  la  fin  de  son  rapport.   Pire  ajoute  ;  «  La  contenance  de  l'ennemi,  qui 


—  92  ~- 

L'infanleric  bavaroise  continua  à  s'avancer  sous  la  protection 
du  tir  bien  dirigé  de  son  artillerie  et,  attaquant  Saint-Dio  à  la 
fois  de  front  et  par  la  gauche,  elle  parvint  h  s*en  emparer  avec 
d'autant  moins  de  peine  que  Tartillerie  mal  servie  du  général 
Duhesme  ne  fit  aucun  mal  i\  ses  colonnes  d'attaque.  Les  Bavarois 
occupc^^rent  aussitôt  Saint-Dié,  et  Duhesme  se  retira  d'abord  sur 
Saint-Michel,  puis  de  h^i,  le  H  au  matin,  sur  Rambervillers.  Le 
colonel  von  Treuberg  qui,  après  la  prise  de  Saint-Dié,  avait  été 
rejoint  par  le  général  Habermann,  que  le  général  de  La  Motte 
îivait,  à  la  première  nouvelle  du  combat,  porté  en  avant  avec 
deux  bataillons,  deux  escadrons  et  quatre  bouches  i\  feu,  n'osa 
pas  s'engager  dans  les  gorges  îi  hi  suite  des  Français;  il  fit  pa- 
raître seulement  quelques  troupes  sur  les  deux  routes  de  Ram- 
ber\illers  et  de  Raon-l'Étape  *  et  envoya  un  bataillon  et  un  demi- 
escadron  h  Bruyères  pour  surveiller  de  1î\  la  roule  d'Épinal, 
couvrir  la  droite  du  IV«  corps  et  se  maintenir  en  communication 
avec  la  division  Rechberg.  Les  combats  de  Sainte-Marguerite  et 
de  Saint-Dié  avaient  coûté  une  centaine  d'hommes  à  la  brigade 
Deroi.  Les  pertes  des  Français  étaient  plus  considérables,  et  le 
nombre  des  prisonniers*,  qu'ils  laissèrent  entre  les  mains  des 
Bavarois,  s'éleva  h  240.  Le  rapport  que  le  général  de  Grouchy 
adressa  le  soir  au  duc  de  Belluno  permet  au  moins  de  constater 
que  la  cavalerie  française,  bien  qu'elle  ne  fût  guère  composée  que 
de  conscrits,  s'acquittait  consciencieusement  et  intelligemment  de 
son  service  d'exploration  et  de  sécurité,  et  que  les  généraux 
placés  il  sa  t^te  ne  manquaient  ni  de  jugement,  ni  d'initiative,  ni 
de  coup  d'œil.  C'est  ainsi  que  Grouchy  put  annoncer  au  maréchal 
que  Bruyères  est  occupé  par  1 ,000  hommes  (Wurlembergeois, 
Bavarois  et  Cosaques),  que  des  trois  rccoimaissances  envoyées 
par  le  général  Milhaud,  aucune  n'a  pu  dépasser  Grand villers.  Il 


êlait  en  marche  sur  Saint-Dié  lorsque  je  l'ai  rencontré,  me  fait  croire  qu'il 
appartient  à  un  corps  considérable.  »  (Rapport  de  Pire  à  Grouchy,  Archives  de 
la  guerre,) 

1  «  L'ennemi,  après  nous  avoir  suivis  vigoureusement  dans  la  ville,  n*a  pas 
voulu  nous  reconduire  dans  les  gorges  :  il  s'est  contenté  de  faire  paraître  ses 
troupes  sur  les  routes  de  Rambervillers  et  de  Raon...  »  (Pire  à  Grouchy, 
Archivei  de  la  guerre.) 

>  Tagesbegebenheiten  der  Haupt  Armée  (A'.  K.  Kriegs  Archiw,  I,  30).  et 
Tagebuch  du  major  prince  de  Taxis  (»6id,,  XIII,  32J. 


—  93  — 

ajoute  :  «  L'une  d'elles  n'est  pas  rentrée,  et  iOO  cosaques  sont  à 
Girecourt.  Épinal  a  été  occupé  hier  par  le  général  Cassagne; 
mais  il  est  probable  qu'il  y  sera  attaqué  avant  peu.  Je  vais  lui 
faire  part  de  ma  manière  de  voir  à  cet  égard  en  envoyant  ma 
lettre  par  Châtel,  puisqu'elle  ne  pourrait  lui  arriver  par  la  route 
directe.  » 

Ce  petit  rapport  de  Grouchy  est  un  modèle  h  méditer.  Il  est 
consolant  de  voir  que,  dans  les  plus  tristes  jours  de  notre  histoire, 
en  dépit  de  la  disproportion  des  forces,  du  peu  d'instruction  des 
soldats,  de  la  mauvaise  qualité  des  chevaux,  nos  généraux  de 
cavalerie,  fidèles  aux  principes  qui  leur  avaient  valu  tant  de 
succès,  parvenai(înt  encore  à  renseigner  le  commandement  bien 
plus  complètement  et  plus  exactement  que  les  chefs  de  la  cava- 
lerie alliée. 

Enfin,  Grouchy  se  permettait  encore,  en  terminant  ce  rapport, 
d(;  présenter  respectueusement  quelques  observations  au  maré- 
chal :  «  Dans  cet  état  de  choses,  lui  écrivait-il,  je  vous  engage», 
Monsieur  le  Maréchal,  à  venir  demain  de  bonne  heure  ici,  car  il 
est  probable  que  le  général  Duhesme  sera  suivi,  et  la  journée  ne 
se  passera  probablement  pas  sans  événement*  •'  '.  » 

Sur  la  droite  du  V»  corps,  le  colonel  Schcibler,  qui  s'était 
porté  avec  son  corps  volant  sur  Lutzelhausen,  dirigeait  une  cen- 
taine de  cosaques  et  un  demi-escadron  de  hussards  sur  Schir- 
uKîck  afin  de  ch(;rcher  à  se  procurer,  en  poussant  par  les  routes 
menant  à  Raon-l'Étape,  des  renseignements  sur  les  mouvements 
et  la  position  de  Victor. 

L'effectif  des  troupes,  que  Wrède  avait  laissées  en  Alsace  au 
moment  de  passer  les  Vosges,  s'élevait,  en  y  comprenant  la  gar- 
nison de  Colmar,  à  onze  bataillons  et  une  compagnie,  huit  esca- 
drons et  quatre  batteries;  il  ne  lui  restait  donc  guère  que  20,000 
il  25,000  honmies  de  disponibles  pour  les  opérations  que  le 
V«  corps  allait  entreprendre  et  en  vue  desquelles  on  concentra,  le 
10,  les  Bavarois  à  Ober-Bergheim  et  Chàtenois  (Kestenholtz),  les 
Autrichiens  à  Epfig,  Dambach,  Saint-Hippolyte.  L'avant-garde 
autrichienne,  sous  les  ordres  du  colonel  von  Geramb,  était  à 


1  Grouchy  au  duc  de  Benune,  10  janvier  1814. 

s  Ney  était  à  Nancy  depuis  le  9  janvier.  (Belliard,  Archives  de  la  guen^.) 


-  94-- 

Bonfeld.  Nous  rappellerons  que  déjà  avant  cette  époque  Frlmonl 
sï'lait  relié  par  Molsheim  avec  la  cavalerie  de  Pahlen. 

Marche  du  IV«  corps  sur  Ëpinal.  —  On  se  rappellera  encore 
que  le  IV^  corps,  laissant  Épinal  î\  sa  droite  et  marchant,  confor- 
mément aux  ordres  du  généralissime,  par  Bains,  Plombières  et 
Vauvillers,  devait  être  le  14  îi  Jussey,  de  façon  à  pouvoir  se  di- 
riger soit  par  Fayl-Billot  sur  Langres,  soit  par  Bourbonne  sur 
Montigny-le-Haut  (Montigny-le-Roi). 

Nous  avons  déjà  vu  aussi  qu'à  la  nouvelle  de  Toccupation 
d'Épinal  par  les  Français,  le  prince  royal  de  Wurtemberg  avait 
informé  le  généralissime  des  modifications  qu'il  s'attendait  à  être 
très  probablement  obligé  d'apporter  à  la  marche  de  son  corps. 
Le  prince  royal,  en  effet,  inquiet  de  savoir  les  Français  à  Épinal, 
insuffisamment  renseigné,  puisqu'il  les  y  croyait  établis  avec  des 
forces  considérables,  craignant  de  les  voir  de  là  interdire  aux 
Alliés  l'accès  de  la  vallée  de  la  Moselle,  se  décida,  comme  le 
montre  la  lettre  ci-après  de  Stscherbatoff,  à  se  concerter  avec 
Platoff,  posté  à  Pouxeux  pour  les  en  chasser  et  couper  aux  troupes 
établies  sur  ce  point  le  chemin  de  Charmes. 

Renseignements  fournis  par  Stscherbatoff.—  (<  Stscherbatoff 
au  prince  do  Schwarzenberg* .  du  camp  près  de  Pouxeux, 
10  janvier  1814,  à  minuit  (en  français  dans  l'original). 

«  J'avais  envoyé  d'Épinal,  encore  avant  l'approche  de  rennemi, 
deux  partis,  un  à  droite  sur  Rambervillers  avec  un  guide,  le 
comte  Luiiel  deCortomiglio,  l'autre  à  gauche  sur  Mirecourt,  avec 
mon  aide  de  camp,  le  sous-lieutenant  Sonine. 

«  Aujourd'hui  j'ai  eu  un  rapport  de  ma  droite  du  guide  comte 
Lunel  de  Cortomiglio,  <ju'il  a  découvert  les  forces  ennemies,  qui 
sont  à  Charmes,  Magnières,  Baccarat,  Raon,  et  aux  environs  de 
Sainl-Dié. 

«  Le  général  russe  Seslavin  se  trouve  à  Bruyères  et  environs. 
Le  guide  a  pris  un  bas  officier  français  qui  était  porteur  d'une 
lettre  du  maréchal  duc  de  Bellune  au  général  Cassagne,  de 
laquelle  j'ai  eu  l'honneur  de  prendre  copie  par  précaution.  Le 

1  A'.  A'.  Kriegs  Archiv.  L  200. 


—  95  — 

guide  a  gardé  l'original.  Je  me  crois  on  devoir  de  reconimand(T 
à  Voire  Altesse  le  guide  Corlomiglio,  qui  a  rempli  sa  commission 
au  delà  de  mes  espérances. 

«  Demain  le  prince  royal  de  Wurtemberg  est  intentionné  d'at- 
taquer Épinal.  Le  corps  du  général  comte  PlatotV,  se  trouvant  ici, 
se  portera  par  la  gauche  en  avant  de  la  ville  d'Épinal  pour 
couper  la  retraite  de  l'ennemi  ou  pour  Tempécher  de  recevoir 
des  renforts  de  Charmes.  Je  me  joindrai  avec  mon  détachement 
au  corps  du  comte  Platoft'. 

«  Si  la  réussite  de  l'attaque  aura  lieu,  je  me  porterai  sur  Nancy 
ou  sur  Toul,  selon  les  circonstances,  pour  me  trouver  sur  la 
route  de  Strasbourg  à  Paris. 

«  Ce  que  je  pourrai  découvrir  de  conséquent  et  de  remar- 
quable, je  m'empresserai  de  faire  un  rapport  à  Votre  Altesse. 

«  Je  crois  pouvoir  trouver  à  l'avenir  des  (espions  autant  que  j'ai 
trouvé  ici.  Pourquoi  il  m'est  nécessaire  d'avoir  de  l'argent,  chose 
qui  me  manipuî  absolument  et  que  Votre  Altesse  avait  eu  la  bonté 
de  me  promettre.  » 

Mouvements  du  corps  volant  de  Thurn.  —■  Le  lieutenant- 
colonel  Thurn,  après  s'èlre  remplie  à  la  suite  de  son  imprudent 
coup  de  main  sur  Langres  par  la  route  de  Fayl-Billot  à  Vesoul, 
informait  dès  le  matin  du  10,  de  Fayl-Billot,  l'un  des  ofticiers 
de  l'avant-garde  de  la  division  Crenneville,  des  événements  qui 
s'étaient  produits  pendant  la  nuit. 

«  Le  lieutenant-colonel  comte  Thurn,  au  capitaine  Zadubsky 
(du  ré^çimenl  de  chevau-légers  llosenberg)  *.  —  10  janvier  1814. 

«  L'ennemi  s'est  replié  sur  Langres  et  a  envoyé  cette  nuit  de 
fortes  patrouilles  contre  mes  avant-postes.  On  entend  le  tambour 
Rur  la  route  de  Gray  à  Dijon. 

«  Je  ferai  de  mon  mieux  pour  découvrir  les  projets  et  les  mou- 
vements de  l'ennemi. 

«  Gomme  les  espions,  même  en  les  payant  richement,  donnent  à 
toiU  instant  de  fausses  nouvelles,  il  faut  que  je  me  procurcî  moi- 
même  les  renseignements  dont  nous  avons  besoin. 


1  K.  K,  Kriegs  Areliiv,,  I,  195. 


—  96  — 

((  Je  Ctiiiipc  il  Fîiyl-Billot  et  j'attends  avec  impatience  des 
nouvelles  de  la  division  Creinieville  ;  je  vous  tiendrai  au  courant 
de  mes  mouvements  ». 

En  marge  : 

«  Vu  par  moi,  avec  envoi  de  Tavis  que  je  continue  ma  marche. 

«  Crenneville^  F.  M.  L.  » 
(En  marche  sur  la  Cari  (la  Quarte),  10/ i  1814). 

Il  n^ssort  du  ton  môme  de  cette  lettre,  que  Thurn  n'était  rien 
moins  que  rassuré,  et  la  difficulté  qu'il  éprouve  à  se  procurer  des 
espions  est  une  preuve  indéniable  du  changement  radical  qui 
s't»st  produit  dans  l'esprit  des  populations  depuis  l'entrée  des 
Alliés  en  France.  Nous  sommes  loin  déjà  de  l'enthousiasnie  que 
Thurn  se»  plaisait  à  signaler  dans  ses  premiers  rapports. 

Thurn  ne  resta  pas  longtemps  à  Fayl-Billot;  passant  entre 
Ougci  et  la  Quarte,  il  était  le  10  au  soir  avec  son  gros  h  Pres- 
signy,  occupait  Poinson-les-Fays  et  Genevrières,  et  envoyait  des 
patrouilles  vers  Champlitte.  Prévenant  Crenneville  qu'il  comp- 
tait aller  le  lendemain  à  Champlitte  même,  pour  couper  les 
routes  de  Langres  à  Gray  et  Dijon,  il  priait  cet  officier  général 
de  le  tenir  au  courant  de  ses  mouvements,  s'il  se  décidait  à 
tenter  quelque  chose  le  H  ou  le  12  contre  Langres  *. 

Quelque  légitimes  que  fussent,  d'ailleurs,  les  inquiétudes 
qu'inspirait  à  Thurn  sa  situation,  très  compromise  par  l'affaire  de 
Langres,  quelque  motivées  qu'aient  pu  être  ses  craintes,  quelque 
sérieuses  qu'aient  été  les  pprtes  de  son  corps  volant,  puisqu'il 
reconnaît  lui-même  qu'il  n'y  a  plus  que  deux  officiers  présents  à 
son  escadron  de  hussards  archiduc  Ferdinand,  bien  qu'il  réclame 
à  cors  el  à  cris,  dans  sa  dépêche  datée  de  Pressigny,  le  10  jan- 
vitîr,  à  11  h.  1/2  du  soir,  des  renforts  de  cavalerie  sans  lesquels  il 
lui  est  impossible  de  rim  entreprendre  ^  le  lieutenant -colonel 
croit  cependant  utile  de  s'enthousiasmer  sur  les  conceptions  stra- 
tégiques de  Schwar/enberg,  et  voici  c(î  que  cet  officier,  envoyé  en 
avant  pour  éclairer  le  général  en  chef  sur  les  projets  de  l'ennemi, 
a  l'audace  de  lui  annoncer  : 

«  Je  puis  affirmer  à  Votre  Altesse  que  l'ennemi  est  complète- 


*  Thurn  à  Crenneville,  de  Pressigny,  10  janvier  1814  (K.K.KriegsArchiv., 
I,  iift  a,  et  1,  219  6). 


—  97  -^ 

ment  dérouté  par  nos  marches  et  est  convaincu  que  la  plus  grande 
partie  des  forces  de  Votre  Altesse  va  par  Genève  en  Italie  \  » 

Loin  de  nous  la  pensée  d(î  croire  que  le  prince  de  Schwarzen- 
berg  ail  pu  un  seul  instant  ajouter  foi  à  une  semblable  apprécia- 
lion.  Il  nous  semble  toutefois  que  celle  dépcVJie  suffit  pour  donner 
la  véritable  mesure  d'un  officier  d\ivanl-garde,  qui  affirme  aussi 
légiTeraent  que  fennemi  est  dérouté  et  qui  ose  adresser  à  son  gé- 
néral en  chef  un  rapport  dans  le(iuel  il  lui  raconte  que,  dans 
la  pensée  de  Napoléon,  les  Alliés  n'ont  fait  en  France  qu'une 
démonstration  destinée  à  détourner  rattention  du  coup  qu'ils 
se  préparent  de  porter  en  Italie»,  où  le  prince  Kugène  avait  déjà 
fort  à  faire  pour  défendre  le  terrain  pied  à  pied  contre  Belle- 
gard(».  Un  pareil  officier  n'était  pas  à  la  hauteur  de  sa  mis- 
sion et  aurait  dû  être  innnédiatemenl  remplacé.  Il  y  avait  en 
effet,  et  Thurn  a  raison  sous  ce  rapport,  de  quoi  dérouler  l'en- 
nemi dans  la  manière  d'opérer  des  Alliés!  Clausewilz  s'est,  d'ail- 
leurs, chargé  de  démontrer  i)Our(juoi  h's  Français  étaient  dérou- 
lés et  n'avaient  i)eut-étre  pas  réussi  à  deviner  queUes  étaient  ou 
quelles  pouvaient  être  à  ce  moment  les  intentions  des  Alliés. 
«  S'il  (ist  difficile  d(î  découvrir  le  but  que  l'on  s'était  proposé  *  en 
poussant  l'aile  droite  d'un  côté  où  il  n'y  avait  absolument  rien  à 
fîiire,  ce  qu'il  y  a  de  certain  en  r(»vanch(\  c'est  qu'on  retint  pen- 
dant quinze  jours  Barclay  de  Tolly,  afin  de  l'avoir  sous  la  main 
pour  soutenir  les  IV®  et  V»  corps  que  l'on  garda  inutilement  en 
Alsace.  » 

Pendant  tout  ce  temps,  on  s'était  avancé  en  deux  grandes 
colonnes  sur  les  routes  de  Vesoul  et  de  Dijon  pour  bloquer 
Besançon  et  Auxoinie.  On  avait  donc,  en  partant  de  la  ligne 
Huningue—Neufchî\tel,  marché  dans  trois  directions  divergentes  : 
à  droite,  vers  Schlestadl;  à  gauche,  sur  Dijon;  au  centre,  contre 
Vesoul,  et  on  avait  laissé  les  réserves  du  côté  d'Huningue.  Quel 
était  l'objectif  de  tous  ces  mouvements?  Un  corps  ennemi  de 
12,000  Iwmmes  en  marche  de  Reims  sur  Langres.  On  paraît  n'a- 
voir rien  su  de  la  force  et  de  la  position  des  corps  ennemis.  De 
cette  façon,  la  grande  armée  avait  vu  fondre  ses  effectifs  à  30,000 


*  Licatenant-colonel  Thuni  à  Schwarzenberg,  Pressigny,  10  janvier  1814, 
onze  heures  et  demie  soir  {K.  K,  Kriegi  Archiv.,  I,  200). 

*  Clausewitz,  Critique  stratégique  de  la  campagne  de  1814. 

w«ii.  7 


-  98  - 

on  40,000  hommes,  à  savoir  le  corps  de  Gyulay  ol  deux  divisions 
du  corps  CoUorcdo  qui  se  trouvaient  réunies  près  de  Vesoul. 

Ce  fut,  continue  Clausewitz,  avec  ces  30,000  ou  40,000  honniies 
qu'on  se  porta  en  avant  sur  Langres  et  Chaumont,  et,  grûce  à  la 
fîublesse  de  Tennenii,  on  ne  courut  aucun  danger  parce  qu'on 
n'avait  devant  soi  que  les  12,000  hommes  de  Mortier. 

Dissolution  du  corps  volant  de  Scheibler.  —  Causes  de 
ce  licenciement.  —  La  résistance  de  Langres,  ou,  pour  mieux 
dire,  la  leçon  donnée  au  lieutenant-colon(»l  Thurn,  avait  inquiété 
Schwar/enberg  qui,  comme  il  le  lit  toujours  pendant  tout  le 
cours  de  cette»  campagne,  (chaque  fois  qu'il  se  crut  à  tort  ou  avec 
raison  sérieusement  menacé  par  l'ennemi,  éprouva  le  besoin  de 
se  faire  directement  renforcer  et  de  modifier  la  composition  de 
ses  différentes  colonnes.  0»ttc  fois  il  s(i  borna,  et  on  ne  saurait 
lui  donner  tort  en  cela,  à  ordonner  la  dissolution  du  corps  volant 
de  Scheibler,  qui  n'avait,  d'ailleurs,  rendu  aucun  service;  mais, 
en  revanche,  la  raison  qu'il  en  donna  à  Wrède  est  tellement  sin- 
gulièn»,  que  nous  ne  pouvons  résister  à  la  tentation  de  reproduire 
ici  la  lettre  qu'il  lui  adressa  h  ce  propos  : 

«  Le  prince  de  Schwarzenberg  au  comte  Wrède*.  —  Villers- 
ExeUes  (Villersexel),  11  janvier  1814. 

«  L'ennemi  fait  mine  de  résister  du  coté  de  Langres  (ît  a 
repoussé  l(î  corps  volant  du  lieutenant-colonel  comte  Thurn. 

«  Le  départenuînt  de  la  Haute-Marne  s'agite  et  prend  les  armes. 

w  J'ai  sur  mon  front  à  peine  500  chevaux,  et  force  m'est  de 
rt»nfor(;(»r  ma  cavalerie. 

«  Votre  Excellence  possède  plus  de  cavaleries  cpuî  tous  les 
aulres  commandants  d(î  corps  d'armée  autrichiens  ensemble,  et 
a  d'autant  moins  besoin  du  corps  volant  du  colonel  Scheibler, 
qu<»  la  (îavalerie  du  comte  Wiltgenslein  couvre  votre  droite,  celle 
des  généraux  Platoff  et  Stscherbatoff  votre  gauche. 

«  Je  considère  connue  indispensable  la  dissolution  du  corps 
volant  Scheibler,  et  vous  invite  à  lui  ordoiuier  de  diriger  h 
marches  forcées  les  deux  réginuMils  d(»  cosaques  vi  l'escadron  de 
hussards  de  Ilesse-Hond>ourg  sur  Vesoul.  Il  vous  laissera  l'esca- 
dron de  hussards  de  S/.ekhT  et  les  chevau-légers  bavarois. 


*  A'.  A'.  Krieg»  Archiv,,  1,  231. 


-  99  — 

«  Quant  au  colonel  S<'h(Ml)l(T,  il  devra,  de  sa  |)ersoniie,  re- 
joindre son  régiment  en  Italie.  » 

Positions  du  IIP  corps.  —  Kn  attendant .  au  lieu  (Tordonner 
h  fïVulay  d'accélérer  son  niouvenienl  |)Our  calmer  Pajjjilalion  qui 
se  manifestait  dans  la  Haul<'-Marn(»,  lo  ji;énéralissiine  permit  au 
III»  corps,  qui  laissa  à  V(îsou1  une  garnison  di»  deux  bataillons, 
de  se  cantonner  autour  d(»  Port-sur-Saone.  sa  droite  vers  Kaver- 
ney.  sa  gauche  à  Scey,  son  avant-gard<'  entre  la  Quarte  et  Fayl- 
Billot,  envoyant  des  patrouilles  en  avant  sur  Langres  et  à  droite 
sur  Jussev.  avec  ordre  de  chercher  à  se  relier  de  ce  coté  avec 
le  1V«  corps. 

Positions  des  I*'  et  II*  corps  et  des  réserves.  —  Le  I«''  corps 
arrivait  à  Vcsoul,  et  la  division  légère  Ignace;  Hardogg  à  Monlho- 
zon  et  Vellefaux.  Les  deux  brigades  détachées  par  Hianc^hi  all<M- 
gnaienl  le  10  janvier  MotVans;  et  Schwaiv.enberg,  cpii  de  Viller- 
sexel  s'était  rendu  h  Besancon  pour  reconnaître  la  place,  chargea 
du  blocus  le  II«  corps  (prince  Aloïs  de  Liechtenstein),  (piil  ren- 
força d'une  brigade  de  gn^nadiers  et  du  régiment  de  cuirassiers 
archiduc  François.  En  même  temps,  convaincu  de  l'inq^ssibilité 
d'enlever  Besancon  autn^ment  cpie  par  un  siège;  en  règle,  il  pres- 
crivait au  prince  héritier  d(;  Hesse-Hombourg  de  s(»  porter  avec 
la  brigade  Scheilher  (quand  elh»  aurait  été  relevée  à  Salins  par 
la  brigade  du  |)rince  (iustave  de  liesse),  une  brigade  de  la  divi- 
sion W(;issen\volft'  et  les  divisions  de»  cavalerie  Klebeisberg  et 
Lederer,  par  Quingey  et  Villers-Farlay,  sur  Doh»  et  Auxonne, 
puis  sur  Dijon,  où  il  devait  êtn;  rendu  du  15  au  IG  et  être  rejoint 
par  la  division  Wimptt'en,  venant  de  (Iray.  Le  gros  des  réserves 
et  d(»s  gardes  prussiennes  et  russes  restait  cantonné  enlrej  Altkirch 
et  Dannemarie. 

Or,  comme  Schwarzenberg  savait  évid(»nunent  (pie  les  garni- 
sons des  places  françaises  étai(;nt  forcément  com])Osé(;s  de  cons- 
crits nmmssés  à  la  hî\te  et  d(»  gardes  nalionah's  sans  cohésion,  (pu» 
Teflectif  total  de  ces  garnisons  iw  pouvait  dépasser  une  vingtaine 
de  mille  honmu's,  il  eut  sufti  à  les  faire  observer  ou  blo([uer.  Kn 
faisant  à  C(»  moment  un  gros  détachemenl  sur  sa  gauche  vers 
Dijon,  il  s'alVaiblissait  sans  motif  et  se  serait  exposé  à  de  réels 
dangers  si.  lors  de  son  arrivée  sur  le  plateau  de  Langres,  les  Fran- 


—  100  — 

rais  avaient  pu  lui  opposer  autre  chose  que  le  petit  corps  de  Mor- 
tier, revenu  en  toute  hâte  de  Namur  par  Reims. 

11  Janvier.  —  Positions  du  VI®  corps.  —  Le  il  janvier,  le 
VI®  corps  demeura  sur  ses  positions  devant  Kehl,  Strasbourg. 
Bitche,  Phalsbourg,  la  Petite-Pierre  et  Landau.  Le  général  Rii- 
dinger  modifia  quelque  peu  remplacement  des  avant-postes  sous 
Strasbourg,  en  portant  les  deux  escadrons  de  Stutzheim  à  Ober- 
hausbergen,  Tescadron  d'Oberscha^ffolsheim  à  Wolfisheim,  le 
poste  de  Niederhausbergen  à  xMittelhausbergen,  et  en  envoyant, 
pour  soutenir  son  aile  gauche,  un  bataillon  d'infanterie  à  Want- 
zenau. 

Marche  du  V*  corps.  —  Le  V*  corps  poussa  son  avant-garde 
(brigade  Deroi)  jusqu'à  Nompatelize.  Cette  brigade  était  suivie 
par  le  reste  de  la  division  La  Motte,  qui  occupa  Saint-Dié  (il 
Bruyères,  tandis  que  la  division  Rechberg  était  encore  de  l'autn» 
côté  des  Vosges,  en  arrière  du  col  du  Bonhomme  et  que  les 
troupes  de  Frimont  prenaient  le  chemin  de  Sainte-Marie-aux- 
Mines  pour  passer  les  Vosges  le  13  et  se  diriger  ensuite  sur 
Ramber\'illers. 

Le  gros  du  corps  volant  du  colonel  Scheibler,  qui  venait  d'ail- 
leurs d'être  dissous,  était  h  Celles;  mais  un  détachement  de  ce 
corps,  qui  se  trouvait  la  veille  encore  à  Schirmeck,  avait  alliîint 
Raon-l'Étape.  Enfin,  Wrède  avait  été,  pendant  le  cours  de  cette 
journée,  prévenu  par  une  dépêche  expédiée  la  veille  de  Saverne 
par  Pahlen,  que  Bliicher  était  dès  le  4  h  Kreutznach,  marchant 
sur  Metz,  et  que  Marmonl  se  retirait  devant  lui  '. 

Quant  au  maréchal  Victor,  il  s'était  contenté  de  donner  l'ordnî 
de  tenir  bon  à  Baccarat,  afin  de  couvrir  Lunéville. 

Combat  d'Épinal.  —  Conséquences  de  la  mollesse  de  Pla- 
toff.  —  Au  IV®  corps,  le  prince  royal  de  Wurtemberg  avait  formé, 
(lès  le  matin  du  11,  ses  troupes  sur  les  deux  rives  de  la  Mos(»lle 
en  trois  colonnes  d'attaque  se  dirigeant  :  l'une  par  la  Batï'e  et  la 
rive  droite  de  la  Moselle;  la  deuxième,  par  Pouxeux;  la  troi- 


TagesbegebeDheiten  der  ilaupt  Armée  (A\  K,  Kriegs  Archiv,,  1,  30). 


—  101  — 

si^mo,  par  Xerligny  et  Saint-Laurent,  sur  la  rivo  gauche  de  la 
Moselle  contre  Épinal,  qu'occupait  Tinfanterie  du  général  Rous- 
seau, renforcée  par  environ  300  chevaux.  Les  deuxi^me  et  troi- 
sième colonnes*  devaient  dessiner  simultanément  leur  attaque  et 
être  soutenues  par  une  réserve  composée  du  régiment  d(^  dra- 
gons Prince-Royal  avec  une  demi-batterie  à  cheval.  Pendant  ce 
temps,  les  cosaques  de  Platoff,  répartis  sur  les  deux  ailes  du 
1V«  corps,  devaient,  par  Fontenay  et  les  Forges,  déborder  Tenne- 
mi,  le  prendre  h  revers  et  lui  couper  la  retraite. 

Mais  le  général  Rousseau  ne  tarda  pas  îi  s'apercevoir  des 
projets  de  son  adversaire  et,  tout  en  entretenant  avec  ies  têtes  de 
colonnes  wurtembergeoises  une  fusillade  assez  nourrie,  il  évacua 
Épinal  et  se  retira  sans  perdre  de  temps,  H  en  bon  ordre,  par  la 
route  de  Charmes.  Le  prince  royal  de  Wurtemberg,  ne  pouvant 
espérer  joindre  les  Français  avec  son  infanterie  très  fatiguée  par 
les  marches  qu'elle  avait  exécutées,  l'arrêta  à  Épinal  et,  comp- 
tant sur  l'apparition  de  Platoff"  sur  les  ailes  et  sur  les  derrières 
du  général  Rousseau,  il  jugea  plus  sage  de  ne  le  faire  pour- 
suivre jusqu'à  Igney  quepar  sa  cavalerie  (réghnents  Prince-Royal 
et  duc  Louis,  et  2  escadrons  du  régiment  Prince-Adam)  et  sept 
pièces  d'artillerie  à  cheval. 

Pendant  ce  temps,  la  tète  de  la  colonne  française  arrivait  h  la 
hauteur  du  village  de  Thaon,  que  le  général  Grékoft'  avait  occupé 
dès  le  matin,  et  par  lequel  le  général  Rousseau  devait  forcément 
passer  pour  atteindre  Charmes.  A  son  approche,  les  cosaques 
sortent  de  Thaon,  se  précipitent  sur  la  cavalerie  française,  la 
(îulbutent,  lui  prennent  6  ofticiers  et  80  hommes;  mais  obligés  de 
reculer  devant  l'infanterie  qu'ils  ne  parviennent  i)as  îI  entamer, 
ils  sont  forcés  d'évacuer  le  village  que  la  colonne  française  tra- 
verse sans  encombre  pour  continuer  de  lii  sa  retraite  vers 
Charmes. 

Il  est  évident  que  si  Platoff  n'avait  pas  exagéré  son  mouvement 
tournant  en  se  jetant  par  trop  à  gauche,  comme  le  prince  royal 
de  Wurtemberg  le  constate  dans  son  rapport  à  Schwarzenberg*, 


1  Opérations  Journal  des  1  Vten  Armée  Corps  iinter  den  Befehien  S.  K.  H.  Kroii- 
prinz  V.  Wiirtlemberg  verfasst  von  K.  K.  Général  Graf  Baillet-Latour  (K.  K, 
Krieg$  Arehiv. ,  XIII,  56),  et  Tagesbegebenlieiten  (ibid,,  I,  30). 

'  f<  Le  prince  royal  de  Wurtemberg  au  prince  de  Schwarzenberg.  — Épinal, 
12  janvier  1814  : 


—  102  ^- 

s'il  avait  pu  ou  voulu  traverser  plus  rapidement  les  bois  situés  en 
avant  de  Les  Forges,  et  s'il  avait  au  moins  songé  à  envoyer  h 
Thaon  son  artillerie  légère,  la  colonne  du  général  Rousseau,  prise 
entre  deux  feux,  aurait  été  obligée  de  mettre  bas  les  armes. 
Malgré  (îela,  les  Français  souffrirent  beaucoup  |>endanl  celle 
journée.  Lr's  cjuelques  escadrons  attachés  à  la  colonne  avaient  été 
désorganisés,  et  TinfanttM'ie  avait  éprouvé  des  pertes  sensibles, 
causées  surtout  par  le  tir  de  l'artillerie  du  prince  royal,  et,  vers  la 
lin  de  la  retraite»,  par  l'artillerie  cosaque,  amenée  par  le  général 
Kaïssaroff.  Cett«^  dernière,  débouchant  trop  tard  du  bois  des 
Forges,  dut  se  borner  à  appuyer  la  poursuite  que  les  cosaques 
poussèrent  ju.squ'à  Charmes.  Le  12  au  matin,  les  restes  drs 
troupes  des  généraux  Cassagne  et  Rousseau,  qui  avaient  été 
recueillies  par  le  général  Meunier  à  Charmes,  se  replièrent  avec 
lui  sur  Nancy. 

L'affaire  d'Épinal,  qui  aurait  pu  avoir  des  conséquences  encore 
plus  désastreuses  pour  les  troupes  françaises  et  qui  leur  coûta 
oOO  prisonniers,  rendit  les  Alliés  nuiîtres  de  la  HaulcsMoselle. 
contribua  à  accélérer  l'évacuation  de  la  Lorraines \  et  permit. 


«  L'attaque  sur  Kpinal  s'est  elTccluée  conformément  aux  ordres  donnés, 
mais  l'ataman  comte  Platoff  a  cru  devoir  incUner  à  gauche  avec  son  artilleri<> 
(t  sa  cavalerie  et  prendre  vers  Thaon,  parce  que  la  route  de  Charmes  est 
meilleure  pour  la  cavalerie  que  celle  de  Rambervillers.  L'ennemi  n'a  pas 
iittendu  notre  attaque  a  Kpinal  et  s'est  retiré  lestement  par  la  route  de 
(Charmes.  Je  l'ai  suivi  avec  une  partie  de  ma  cavalerie  et  mon  artillerie  û 
cheval  jusqu'au  delà  de  Thaon. 

«  Le  général  Grékoff,  qui  formait  la  tête  de  Platoff,  occupait  déjà  Thaon. 
lorsque  la  pointe  des  colonnes  françaises  est  arrivée  sur  ce  point.  11  s'est  jeti' 
sur  la  cavalerie  française  et  l'a  mise  en  déroute.  (Voir  plus  loin  rapport  de 
Platoff,  à  Sihwarzenbcrg,  K.  K.  Krieys  Arch.,  1,  40.) 

<(  Le  général  Rousseau  commandait  à  Kpinal  les  troupes  françaises.  11  est 
lui-même  sous  les  ortlres  du  général  Cassagne.  11  est  lion  de  remarquer  que  le 

corps   français  n'avait  avec  lui  qu'un  canon L'ataman  comte  Platoff 

compte  aller  aujourd'hui  à  Mirecourt.Le  général  prinœ  Stscherhatoff  poussera 
vers  Nancy.  Je  resterai  en  communication  avec  lui  et  avec  le  général  Seslavin. 
({ui  est  à  Bruyères.  »  (K.  K,  Krieg*  Archiv,,  1,  254.) 

*  Ney,  en  rendant  compte  de  Nancy,  le  12,  au  major  général,  de  l'affaire 
d'Kpinal,  en  lui  annonçant  que  le^  troupes  des  généraux  Rousseau  et  Cassagne 
ont  pris  position  à  Flavigny,  qu'elles  tiendront  autant  que  possible  sur  ce 
point  qui  couvre  Nancy,  ajoute  que,  par  suite  de  l'échec  d'Kpinal,  du  mou- 
vement rétrograde  de  Marmont  sur  Metz  et  Nancy,  et  de  la  retraite  de  Victor,  ces 
troupes  sont  d'autant  plus  compromises  que  la  route  dé  Sarreguemincs  à 
Chàteau-Salins  reste  absolument  sans  défense  et  que  lui-même  cniint  fort  de 
ne  pouvoir  conserver  Nancy.  (Archivf»  (lu  Dépôt  ttc  h  (jnerrc.) 


-  103  - 

enfin,  au  V^  corps  de  défiler  tout  à  son  aise  par  les  passages  des 
Vosges  sur  Saint-Dié  el  Ranibervillers. 

Platoft\  que  nous  verrons  par  la  suite,  dans  des  cireonslances 
semblables,  cherchera  travestir  les  faits  pour  excuser  sa  niolless(» 
et  son  incapacité,  n'essaya  même  pas,  cette  fois,  de  se  disculper 
et  d'expliquer  les  raisons  pour  l(»squelles  il  était  entré  si  tardive- 
ment en  ligne.  D'aillrurs,  son  rapport  est  conçu  dans  d<'s  termes 
si  bizarres,  qu'il  vaut  la  |)eine  d'être  au  moins  reproduit  en  note  '; 


1  <c  Rapport  du  général  de  cavalerie,  Ataman  comte  Flatoff  (en  français  dans 
Toriginal).  —  Le  31  décembre  1813-12  janvier  1814,  du  village  de  Nomexy. 

«  A  Son  Alt^so  Monseigneur  le  maréchal  de  Schwarzenherg,  commandant 
en  chef  toutes  les  armées.  —  «  D'après  mon  rapport  ù  Votre  Altesse  du  29  de 
ce  mois  (10  janvier  1814),  étant  convenu  avec  le  prince  royal  de  Wurteml)erg, 
je  rae  suis  porté  hier  à  attaquer  l'ennemi  qui  se  trouve  dans  la  ville  d'Kpinal 
et  pri's  aussi  de  la  ville,  aux  bivouacs  plus  à  gauche  du  grand  chemin  Tra- 
versant les  bois,  je  me  suis  dirigé  sur  la  campagne  Lcforge  (les  Forges);  au 
moment  même  que  Tarmée  du  prince  royal  a  chassé  Tennemi  de  la  ville 
d'Rpinal;  j'ai  de  suite  employé  les  régiments  de  cosaques,  partagés  en  deux 
colonnes,  une  commandée  par  le  général  major  Grékofî  le  huitième,  et  l'autre 
par  le  général  major  KaïssarolT,  poursuivant  moi-même  reimeini  ave*  mon 
artillerie  volante  de  cosaques,  soutenue  aussi  par  le  détachement  du  prince 
Stscherbatoff.  D'après  la  disposition  faite,  le  général  GrékofT  devait  couper  le 
chemin  qui  conduit  à  Charmes,  el  le  général  KaissarofT  tomber  sur  les  deux 
flancs.  L'ennemi,  malgré  sa  déroute,  a  fait  l'impossible  de  gagner  de  bonnes 
positions  et  de  faire  résistance  ;  mais,  étant  poursuivi  avec  un  feu  terrible,  a 
fui  dans  le  bois  et  derrière  la  rivière  Moselle  jusqu'à  la  viUe  même  de 
Charmes,  et  par  ce  désastre  presque  toute  la  cavalerie  de  la  jeune  garde  a  l'-té 
détruite,  ce  qui  prouve  que  les  officiers  et  commandants  en  sont  faits  prison- 
niers, le  reste  tué.  A  peine  restait-il  1,000  hommes  d'infanterie  qui  est  entrée 
à  Charmes  déjà  la  nuit. 

o  Au  moment  de  la  poursuite  de  l'ennemi  près  de  la  ville,  on  a  fait  beaucoup 
de  prisonniers  que  j*ai  fait  remettre  à  l'armée  N\urtembergeoise,  mais  on  en  a 
fait  encore  eu  poursuivant  au  delà  de  la  ville  :  8  officiers,  94  soldats  et  un 
préfet  (a)  qui  se  trouva  avec  l'armée  et  qui  annonça  que  le  général  Uoussot 
(fie),  qui  commandait  le  corps,  devait  être  fait  prisonnier  ;  mais  comme  il  ne 
se  trouve  pas  chez  nous,  il  est  à  croire  qu'il  a  été  tué  dans  l'affaire.  La  route 
était  couverte  de  morts,  de  fusils  et  de  hàvre-sacs  jetés.  De  notre  côté,  grAce 
à  Dieu,  la  perte  n'est  pas  considérable  :  il  n'y  a  que  25  hommes  tués  et 
blessés,  24  chevaux  tués,  18  blessés.  Ce  qui  regarde  la  perte  de  l'armée  wur- 
lembergeoise,  elle  m'est  inconnue,  mais  je  suis  persuadé  qu'ils  ont  très  peu 
souffert. 

t(  Les  débris  de  l'infanterie  ennemie  joignirent  à  Charmes  un  petit  nombre 
de  troupes  qui  s'y  trouvaient,  et  ils  ont  été  chassés  aujourd'hui  à  sept  heures 
du  matin  de  Charmes  et  sont  poursuivis  d'après  mes  ordres  par  trois  régiments 
de  cosaques  sous  les  ordres  du  général  Grékott  le  huitième,  suivant  la  route 
qui  mène  à  Nancy,  jusqu'à  ce  que  l'ennemi  soit  totalement  détruit  ou  tant  que 

(«)  n  t*âgit  Ici  da  baron  de  Fleçny,  préfet  des  Votffes. 


—  104  — 

la  lecture  de  ce  document  permettra  de  se  faire  une  idée  de 
l'insufiisance  de  Tataman  et  de  comprendre  pourquoi,  malgré 
toute  son  indulgence,  malgré  la  reconnaissance  qu'il  avait  pour 
les  stTvices  rendus,  l'empereur  Alexandre  dut,  en  fin  de  compte, 
se  décider  ù  retirer  h  l'ataman  un  commandement  qu'il  n'était 
plus  ca[)able  d'exercer. 

Enfin,  il  faut  aussi  remarquer  que,  dans  les  conditions  mêmes 
où  s'exerçait  le  commandement,  il  était  bien  difficile  aux  généraux 
de  cavalerie  de  faire  œuvre  utile.  En  effet,  au  moment  où  le  princi» 
royal  de  Wurtemberg  informait  Schwarzenberg  de  la  marche  de 
Stscherbatoff  sur  Nancy,  Plaloff,  au  contraire,  intimait  à  ce  géné- 
ral l'onliv  de  se  tenir  prés  de  Charmes  et  lui  défendait,  comme 
le  monln^ra  le  rapport  de  Stscherbatoff  îi  Schwarzenberg  que  nous 
cittTons  plus  tard,  de  s'aventurer  vers  Nancy. 

Correspondance  directe  des  généraux  en  sons-ordre  avec 
le  généralissime.  —  En  dehors  du  manque  d'unité  dans  la 
dirtvlion,  et  suis  insister  sur  les  inconvénients  et  les  dangers 
n'sultant  de  l'absence  de  celte  subordination,  toujours  si  néces- 
ssiin*  entre  les  généraux,  mais  plus  indispens;ible  encore  entn» 
g^Miéraux  apjKirtenanl  ;"!  différiMites  nations,  nous  aurons  plus 
d'une  fois,  jvndanl  toute  cette  campagne  de  1814,  à  tenir  compte 
des  riv;îlités  |H*rsonnelles  qui  divisèrt»nt  les  généraux  d'une  menu» 
armée.  Nous  aurons  aussi  ;"!  signaler  les  tendances  à  la  critique 
dt*s  inférieurs  contre  les  supérieurs,  tendances  encouragées  \K\r 


les  cin>Mi$laiit>K(  periueltront  à  le  poursuivre,  mais  no  pas  approcher  de 
Nanev.  vu  que.  d'aïun^  les  renseignements,  Tennemi  $*y  trouve  en  irrande 
f%we  $i.>U5  les  ««r\lres  du  martVrhal  Nev. 

<x  Le  panerai  tirt^Woff  le  huitième,  apr^  son  e\piUition.  doit  retourner  a 
(Ihame;»;  moi  je  me  trouve  au  \iU.i|!e  de  Nonrey  ^Nomexyi  et  je  suis  dans  le 
mouvement  de  Teniiemî,  à  drtHte.  qui  se  trouve,  d'après  le  rapport  qui  m*a 
etè  fait  par  le  p^iwal^major  SesJavin.  qui  croit  que  Tennemi  est  en  très  ^rraoïie 
f\v<v  <v«imande  par  le  mareehal  Victor,  qui  marrhe  de  Luneville  sur  Epiiul. 
xV  qni  di>ît  se  cvMifirmer  demain. 

«  Kt  pai<  je  me  «\Miformerai  an\  ivdrvs  que  j'ai  reçus  du  pr-n^ral  en  chef 
eomte  lùrrlay  de  Ti4ly.  que  je  dois  prendre  la  dirAlkm  sur  Mir^Murt  t-t 
NenfrhÀtettu  et  où  les  cîreonsUnc^  IVii^^rvint.  A  Charmes  n^era  le  «irCa'!!^ 
ment  du  prince  Stscherbatoff  qui  m'a  annvHice  que.  tons  les  ^^vnemenîs  «{ni 
arritY-i-it.  i!  fiit  un  rjippcwt  a  Vt^lre  Altess*  |vr«ii>nQ<llement. 

<  !>*<  i«râi[es  qui  .«I  eomhattn  dan<  xvtte  jonmtv*.  je  n'ai  pis  le  t'^ps  ^ 
le*  ryw>i&mindef  a  Vv4nf  .\Ue««»,  mais  je  me  fais  un  *W^\<r  tle  fairv  iiv-:<i  rap- 
pivî  aprrf.        À".  À~.  K^-^f^  .4'%"**^.,  |.  10.» 


—  105  — 

le  fait  que,  pour  peu  qu'ils  fussent  détachés,  .uènie  nionuuîtané- 
ment,  les  officiers  supérieurs  ou  généraux  étaient  autorisés  à 
correspondre  directement  avec  le  généralissime,  et  profilaient  de 
cette  occasion  pour  apprécier  sévèrement  la  conduite  et  les  opéra- 
lions  des  chefs  aux  corps  desquels  ils  étaient  passagèrenuMit 
adjoints,  ou  sous  les  ordres  descjuels  ils  étaient  placés  pour  un 
temps  plus  ou  moins  long.  L(^s  correspondances  latérales  que  cer- 
tains officiers  entretenaient  d*une  manière  suivie  avec  les  |)er- 
sonnages  attachés  au  quartier  général  du  généralissinu»  ou  à  la 
personne  des  souverains  alliés,  correspondances  latérales  donl 
nous  aurons  à  nous  occuper  fréquemun^nt,  n'élaient  pas  d(»  na- 
ture à  simplifier  la  situation,  à  faciliter  l'action  du  commande- 
ment. En  lisant  le  rapport  ci-dessous  du  général  Sischerbatotl",  on 
verra  aisément  que  C(»  général  y  dissimule  mal  un  mécon lente- 
ment, explicable  jusqu'à  un  certain  point,  puisipi'on  l'empéchail 
de  marcher,  mais  causé,  en  réalité,  par  le  profond  mépris  (pi'il 
professait  pour  Platoff  et  par  rim|>atience  qu'il  éprouvait  à 
s'afl'ranchir  d'une  dépendance  à  laquelle  il  avail  peine  à  s(î  plier. 

«  Rapport  de  Stschcîrbatoff  à  Sch\var/eid)erg,  au  Camp  près  de 
Chîltel  (en  français  dans  l'original).  —  Le  11  janvier  1814. 

«  Le  prince  royal  de  Wurtend)erg  a  attaqué  hier*  l'ennemi  à 
Épinal,  et  l'a  délogé  d(»  la  ville.  Le  général  comte  Platotî'est  allé 
à  la  gauche  par  des  chemins  de  délour,  |)Our  couper  la  n^trailcî  à 
l'eimemi  ;  mais  les  mauvais  chemins  ont  retenu  la  marche  à  cause 
de  8  canons  qu'avait  le  hetman.  J<'  me  suis  joint  à  son  corps.  Nous 
avons  poursuivi  l'ennemi  jusqu'à  Chai'ines.  La  nuit  tombanle  pro- 
tég(»a  sa  retraite,  et  il  s'est  arrêté  dans  celh»  ville. 

«  L'ennemi  a  beaucoup  perdu  en  tués,  et  on  lui  a  fait  beaucoup 
de  prisonniers.  Le  nombre  des  retirés  à  Charmes  ne  peut  être  ([ue 
de  1,000  hommes. 

«  Son  Excellence  le  général  comte  Platofî'm'a  donné  ordre  de» 
me  tenir  près  de  Charmes  et  de  ne  ])as  m'aventurer  près  de 
Nancy,  pour  ne  pas  trop  m'éloigner  des  troupes  ([ui  occiqKîiil 
fipinal.  Le  gros  de  l'armée  ennemie»  s(»  trouve  h  Bacara  (sir) 
(Baccarat),  Raon  et  aux  environs. 


«  n  y  a  là  un  hpsus  cnlami  do  la  part  do  Slschcrbatofr,  puisquo  le  rombat 
d*Epinal  a  eu  lieu  le  11  janvier. 


-  106  — 

«  On  dit  qu'à  Nancy,  il  est  arrivé  quanliU*  do  troupes  ennonii(»s. 
où  se  trouvent  le  maréchal  Ney  et  un  sénateur  pour  armer  et  sou- 
lever le  j)eupl(»  ;  mais  ils  n'ont  aucun  succès. 

((  Étant  à  Épinal,  j'ai  fait  parvenir  en  avant  et  môme  à  Nancy 
beaucoup  d'exemplaires  de  la  proclamation  de  Votre  Altesse. 

u  Parmi  les  prisonniers  fails  hier,  il  y  a  les  connnandanis  des 
cuirassiers,  des  dragons,  des  hussards  et  des  gendannes.  Toule 
celle  (îavalerie  a  été  taillée  (sic), 

«  La  meilleure  prise  est  le  préfet  du  déparlement  des  Vosges. 
M.  Flegny,  baron  de  l'empire,  homme  détesté  non  seulement  jiar 
les  habitants  d'Épinal,  mais  par  ceux  de  toute  la  contrée.  C'est 
lui  (pii  cherchait  h  les  soulever  et  h  les  armer. 

((  Quand  j'étais  à  Épinal,  on  m'a  beaucoup  dit  du  mal  de  lui. 
C'est  encore  lui  qui  a  demandé  des  troupes  pour  nous  reprendre 
Épinal.  Il  a  un  secrétaire  avec  lui. 

((  Je  m'emj)resserai  de  faire  mon  rapport  à  Votre  Altesse  de  tout 
ce  que  je  pourrai  savoir  îi  l'avenir*. 

nP.S. —  Ayant  déjà  cacheté  mon  rapport,  je  viens  d'appnMidre 
|)ar  un  gentilhomme  de  Chatel  qu'il  a  reçu  une  lettre  de  Paris 
de|)uis  douze  jours.  On  lui  marque  (|uc  Napoléon  a  quitté  Paris 
|)0ur  se  rcMidre,  avec*  80,000  honunes,  sur  Langres  et  Bc^sançon.  » 

Marche  du  III^  corps.  —  Gyulay  ignore  ce  qu'il  a  devant 
lui.  —  Du  coté  du  III«  corps,  Gyulay,  s'avançant  lentement  vers 
Langres,  était  arrivé,  le  11  janvier,  à  Combeau-Fontaine,  Crenne- 
ville  II  Fayl-Billol;  ses  avant-postes,  établis  h  Chaudenay  et  La 
Ferté-sur-Amance,  envoyaient  des  patrouilles  vers  Langres.  Une» 
division  d(»  cuirassiers  russes,  destinée  au  III''  corj)s.  et  un  régi- 
ment de  cosacjues,  qui  devait  être  plus  particulièrement  attaché  à 
la  division  Crenneville,  arrivaient  h  Vesoul.  Mais,  soit  qu'il  man- 
(piàt  d(»  cavalerie,  comme  le  j>rouvent  les  ordres  donnés  à  Barclay 
d(»Tolly;  soit,  ce  qui  nous  j)araU  plus  vraisemblable,  ([ue  le 
s(M*vice  d'f^xploration  se  fît  fort  mal,  il  est  certain  que  Gyuhiy 
ignorait  com|)létement  à  ce  moment  ce  qu'il  avait  devant  lui. 
«  Les  rapports  de  m(»s  avant-postes,  écrivait-il  de  Combeaufoutaine 


1  A'.  A'.  Kriegs  Archir,  I.  124. 


-  107  — 

h  Schwar/enberg  *,  ne  111*0111  founii  anrmic  doiimM»  posilivo  sur 
les  forces  de  l'eniienii.  » 

Il  est  vrai  que  de  son  enté  Scinvar/.enberg  s(»  croyait  mieux 
inforni»»  et  lui  disait,  d<'  Vesoul,  le  il  au  matin*  :  «  L'ennemi  n'a 
(|ue  peu  de  inonde  à  Langres.  Marctnv.  de  façon  à  être  devant 
cette  ville  le  13  au  matin.  »  A  ce  moment,  le  généralissime  n'avait 
pas  reçu  encore  le  singulier*  renseignement  que  Sischerbatoff  lui 
envoyîiit  de  ChAtel,  et  dans  lequel  il  lui  faisait  [)arl  du  fameux 
mouvement  que  Napoléon,  à  la  tête  d(»  80.000  hommes,  était  sup- 
|ioséen  train  d'effectuer  sur  Langres.  Il  serait  inq^ossilile  d'élablir 
aujourd'hui  si  les  nouvelles  erronées  données  par  StscIierbatolV 
inquiétèrent  Schwarzenberg.  comiiK»  paraissent  l'indiquer  les 
ordres  envovés  à  KaïssarotV.  ou  bien  si  (Ivulav  lui-même,  (rouble 
et  par  ces  nouvelles  et  par  l'impossibililé  de  savoir  (exactement  ce 
qu'il  avait  devant  lui,  et  par  la  nTonnaissance  otîensive  (pic  Mor- 
tier entreprit,  le  12,  (^onlre  les  avant-postes  du  111°  corps,  contri- 
bua involontaireuKMit  par  ses  rap|iortsii  augmenter  l(»s  hésitations 
du  quartier  gémirai.  Nous  constat(Tons  seulement  (praussil(M 
après  avoir  envoyé  à  Gyulay  l'ordre  d'être  prêtîialta(pierLangres 
le  13,  Schwarzenberg  changea  d'i(l(''e.  puis(pie  ce  fut  h*  17 
seulement  qu'on  se  d('»cida  à  (exécuter  un  mouvement  qu'il  eût  été 
possible  de  faire,  peut-être  le  12  et  certainement  le  13.  (lyulay 
allait  donc  perdre  cinq  à  six  jours  à  piétiner  autour  de  Langrcs. 
Pour  en  chasser,  comme  nous  le  verrons,  les  12,000  hommes  av(M' 
lesquels  Mortier  se  r(»lira  h  l'approche  de  forc(\s  (pii  lui  étaient 
tellement  supérieures  en  nombre,  on  crut  indispensable  d'auKMier 
en  ligne  le  P*"  corps,  (pii  était  d('j;'i,  le  11,  sur  la  rive  gauche  de  la 
Saône,  entre  Seveux  et  Fresne.  et  de  diriger  sur  la  droite  de 
Gyulay  le  IV*  corps.  On  paraissait,  (failleurs.  telhMiient  (^onvaincu 
de  la  présence  de  forces  considérables  à  Langres  qu'on  avait  pris 
les  mesures  néce.ssain^s  pour  faire  arriver  en  temps  utile  jus- 
qu'aux réser\'es  autrichiennes  du  jirince  héritier  de  Hesse-Hom- 
bourg. 

Affaire  de  cavalerie  à  Gray.  —  V.n  attendant,  un  escadron  de 


'  (îyulay  à  Schwarzenberg  [K.  K.  Kriegn  Archiv.,  \,  219). 
"■  Schwarzenlierg  à  Gyutay  (/6i(/..  I,  236). 


—  108  — 

hussards  du  I®"*  corps  avait  chassé,  le  li,  de  Gray  un  petit  piquet 
do  cavalerie  française  et  avait  pénétré  dans  la  ville,  qu'il  dut 
quitter  peu  après,  parce  que  l'infanterie  française  occupait  solide- 
ment le  pont  et  l'avait  barricadé. 

Pour  compléter  l'exposé  des  mouvements  exécutés  dans  la 
journée  du  11,  nous  ajouterons  que  deux  brigades  de  la  division 
Bianchi  continuaient  leur  marche,  que  la  3«  brigade  était  encore 
devant  Belfort,  que  le  prince  héritier  de  Hesse  marchait  sur  Quiii- 
gey,  Wimpfl'en  sur  Vieilley,  Scheither  sur  Salins,  et  le  prince 
Maurice  de  Liechtenstein,  avec  sa  division  légère,  sur  Dôle. 

Le  II«  corps  avait,  dans  cette  journée,  complété  l'investisse- 
ment de  Besançon. 

Ordre  de  mouvement  des  l^^,  IIP  et  IV*  corps.  —  Quant  à 
Schwarzenberg,  arrivé  ce  jour-là  h  Vesoul,  il  avait  envoyé  de  là 
aux  I•^  III'  et  IV«  corps  les  ordres  de  mouvement  sur  Langres, 
que  nous  avons  indiqués  plus  haut,  et  prescrit  à  Wrède  de  faire 
partir  de  Remiremont  de  forts  |)artis  de  cavalerie  contre  l'aile 
gauche  des  troupes  postées  à  Langres,  et  d'accélérer  la  marche 
de  son  gros. 

Réception  d'un  rapport  de  Blûcher.  —  Le  généralissime  avait 
reçu  ce  jour-là  un  rapport  de  Blûcher  \  daté  de  Cusel  le  7  janvier. 


*  Nous  avons  rru,  pour  plus  de  clarté,  devoir  donner  ici  le  rapport  succinct 
que  Rliicher  adressait  de  Cusel  à  Tempereur  de  Russie,  et  dans  lequel  il  résu- 
mait les  idées  exposées  plus  en  détail  dans  le  premier  de  ses  rapports  envoyés  à 
Schwarzenberg. 

«  Le  feld-maréchal  Bliicber  à  Sa  Majesté  Tempcrcur  de  Russsic  (en  français 
dans  l'original).  (Reçu  par  Schwarzenberg  à  Vesoul  le  11  janvier.)  —  Cusel, 
7  janvier  1814.  —  «  Le  6®  corps,  sous  les  ordres  du  maréchal  Marmont,  et 
le  1«*^  corps  do  cavalerie,  sous  les  ordres  du  général  Doumerc  (autrefois  La  Tour- 
Maubourg),  en  force  de  15,000  à  16,000  hommes,  se  sont  retire^  devant  moi 
en  man'hes  forcées  sur  la  Sarre,  où  le  5  janvier  an  corps  de  4,0U0  hommes 
est  arrivé  de  Metz. 

«  Hier  6  janvier,  le  corps  de  Marmont  passe  la  Sarre  àSarrebriick  et  Sarre- 
gucmines,  et  aujourd'hui  les  avant-gardes  des  corps  de  Sacken  et  de  York  sont 
arrivées  à  la  Sarre. 

K  L'ennemi  a  fait  venir  des  pontons  de  Metz  dont  il  a  construit  un  pont  à 
Sarrebriick  où  il  a  fait  sauter  le  jwnt  de  pierre  sur  la  Sarre. 

«  Après-demain  j'aurai  rassemblé  les  corps  de  Sacken  et  d'York  sur  la 
Sarre,  et  si  l'ennemi  ne  se  retire  pas,  je  passerai  ce  fleuve  et  l'attaquerai  sur- 
le-i*hamp. 

ic  Le  colonel  comte  Henckel  est  arrivé  le  6  janvier  à  trois  heures  du  matin 


—  109  — 

rapport  dans  lequel  le  feld-niar(!^chal  lui  donnait  le  résumé  de  ses 
opérations  jusqu'au  6  janvier,  el  lui  faisail  pari  de  son  |)rojH  de 
se  porter  sur  Metz  et  d\  arriver  le  15.  Un  deuxième  rapport  d(» 
Blùcher,  parti  de  Sainl-Wendel  le  9  h  minuit,  el  arrivé  quehjues 
heures  plus  tard,  conlirmait  ces  premières  nouvelles  el  mettait  W 
généralissime  au  courant  des  ordres  donnés  à  l'armée  de  Silésie 
pour  la  journée  du  H. 

12  janvier.  —  Positions  des  VP  et  V^'  corps.  —  Immobilité 
dn  IT*  corps.  —  Ordres  de  Schwarzenberg  relatifs  à  Platoff 
et  à  Stscherbatoff.  —  La  journées  du  1:2,  plus  mdle  eneon*  que 
les  précédentes,  se  |)assa  sans  qu'on  ait  rien  d'intéressanl  à 
signaler.  Le  VI®  corps  continua  à  rester  innnobile,  et  Pahlen*  scî 
contenta  de  faire  savoir  à  Wrède  qu(^  l'aile  gauche  de  l'armée  de 
Silésie,  le  corps  de  Saeken,  était  h;  8  îi  Hondiourg,  el  (pi'à  cette 
date,  le  maréchal  Marmonl  se  rej^liait  sur  la  Sarre. 

Le  V«  corps  continuait  lentemcMit  son  mouvement,  et  le  major 
prince  Taxis,  qui  escortait  l'aide  de  camp  de;  (^aulaincourt,  ne 
rencontrait  le  jiremier  avant-poste  français  ((u'au  delh  de  llaon- 
l'Élape'. 

Le  prince  royal  de  Wurlend)erg,  au  lieu  d(^  profiter  des  îivan- 
lages  remportés  la  veille,  donnait  un  peu  de  repos  à  ses  troupes 
à  Épinal.  Un  régiment  de  cavalerie  wurlembergeoise,  soutenu 
par  un  régiment  d'infanterie,  poussa  seul  par  la  rive  droite  de  lii 
Moselle  sur  la  route  de  Randienillers  el  de  Lunévilh*;  PlatotV  était 


à  Trêves,  que  reiincmi  a  évacué  en  y  laissant  un  hôpital  de  600  à  800  niaiadei 
et  un  grand  magasin  de  tabac. 

«  Le  général  comte  Langeron,  après  avoir  chassé  les  avant-jioslcs  dans  la 
forteresse,  a  cerné  et  sommé  Mayence  le  4  janvier. 

«  Le  corps  du  général  v.  Klcist  est  dirigé  sur  Coblence,  où  il  arrivera  le 
20  janvier. 

«  J*ai  chargé  Son  Altesse  le  duc  de  Cobourg  de  relever,  avec  le  5*  corps 
aUemand,  le  comte  de  Langeron,  et  Son  Altesse  le  prince  Electeur  de  liesse  est 
chargé  de  suivre  avec  le  4"  corps  allemand  le  général  de  Kleist  à  Coblence. 

«  Si  je  réussis  de  chasser  le  maréchal  Marmont  de  la  Sarre,  j'arriverai  le 
15  devant  Met»  où,  à  ce  qu'on  dit,  beaucoup  de  conscrits  sont  rassemblés. 

«  J'inviterai  les  comtes  Wittgenstein  et  Wrède  à  faire  des  niouvcnicnlN 
d'accord  aux  miens  et  de  manière  à  pouvoir,  en  cas  de  ])esoin,  attaquer 
l'ennemi  conjointement  avec  moi.  »  (A'.  A'.  Kriegs  Archiv.,  l,  313  b.) 

i  Tagesbegenheiten  der  Haupt  Armée  {Ibid,,  \,  30). 

«  Tagebuch  der  .Majors  Fiirsten  Taxis  (Ibid.,  Xlll,  32.) 


~  110  - 

loujours  à  Noniexy  el  devait,  de  là,  se  porter  par  Mirecoiirl 
sur  Nenfchîlteau  i)Our  couvrir  la  droite  de  l'ariiK^e;  le  fçénéral 
Seslavin  battait  le  pays  en  avant  de  Bruyères'.  SchwarAenberjj; 
s'était  décidé  h  séi)arer  désormais  Platoff  de  Stscherbatoff,  et  il 
avait  prescrit  au  général  ToU  *  de  charger  l'un  de  c(»s  généraux 
d'établir  la  communication  avec  Bliicher  entre  la  Meuse  et  la 
Moselle,  et  d'envover  l'autre  vers  Chaumont  afin  de  relier  entre 
eux  les  corps  postés  de  ce  coté. 

Gyulay  resta  à  Combeaufontaine  la  plus  grande  partie  de  la 
journée,  se  bornant  à  porter  la  division  légère  de  Crenneville 
vers  Chaudenay,  Montlandon  et  Cclsoy,  et  îi  rapprocher  d'elle  la 
division  Hohenlohe-Bartenstein,  de  façon  qu'elle  pût  lui  servir 
de  soutien  en  cas  de  besoin. 

Affaire  de  La  Gritfonotte  et  de  Chaudenay.  —  Les  avant- 
postes  de  Crenneville  furent  attaqués,  du  coté  de  La  Griflbnotle, 
vers  Chaudenay  par  une  petite  recoimaissance  exécutée  i)ar  un 
détachement  d'infanterie  et  de  cavalerie  françaises.  Cette  nîcon- 
naissances,  après  avoir  tiraillé  pendant  quelque  temps,  se  retira 
en  bon  ordre,  suivie  d'assez  loin  jusqu'à  quelques  kilomètres  de 
Langres  j)ar  un  escadron  du  régiment  de  chevau-légers  de  Ro- 
senberg^  Après  la  nsntrée  de  la  reconnaissance,  Gyulay  crut 
utile  de  faire  avancer  une  partie  du  III®  corps  jusqu'à  Fayl-Billol. 
peut-être  parce  que  Mortier  n'avait  pas  cessé  un  seul  instant 
d'incpiiéter  toute  la  ligne  des  avant-postes  autrichiens. 

Quant  au  lieutenant-colonel  Thurn,  auquel  Crenneville  avait 
donné  l'ordre  de  pousser  sur  Longeau  afin  de  couvrir  sa  gauche 
pendant  sa  marche  sur  Langres,  il  avait  été  in(|uiété  lui  aussi  du 
côté  de  (^hassigny.  Posté  le  12  au  soir  à  Bériat*,  il  faisait  savoir 
à  Schwaraenberg  que  Mortier  était  arrivé  à  Langres  avec  son 


1  Opérations  Journal  des  IV  ten  Année  Corps  (A'.  A'.  Kriegs  Archiv.,  XUl, 
56). 

=  Du  quartier  général  du  prince  de  Schwarzenberg  à  Toll,  Vesoul,  12  jan- 
\ier  (Ibid.,  \,  271). 

»  Gyulay  à  Srliwarzenberg,  de  Combeaufontaine,  12  janvier  (A'.  A'.  Kri/qs 
Arcliic,  I,  24i,  cl  ml  I,  24i). 

*  Bkriat,  il'aprrs  les  rapports  allemands.  II  doit  s*agir  ici  du  moulin  Ua- 
rillot,  au  nord  de  Violot. 


-  111  - 

îivanl-gardt',  ot  que  iîi  ligne  des  avanl-posles  français  pîtssail  par 
Longeai!  et  Heuilley*. 

Les  l*^*"  el  1I«  corps  restèrent  coniplrtenient  innn()l)iles  pendant 
que  les  n'»ser\*es  antrieliiennes  se  dirigeaient  lentement  vers  Dijon. 

Le  |»rineedeHesse-Hond)ourg  arriva  ee  jour-là  à  Villcrs-Farlay. 
el  Wimpffen  à  Gray. 

Causes  du  mouvemeDt  rétrograde  de  Victor.  —  Kntin.  s'il 
fallait  en  eroire  les  doeunients  allenninds,  ee  serait  la  présener  de 
Pahlen  qui  aurait  motivé  le  mouvement  rétrograde  de  Victor. 

Pahlen  aurait,  en  etfet.  enlevé  le  1:2  un  courrier  envové  au  duc 
de  Bellune  el  lui  apportant  Tordre  de  se  reporter  sur  Kpinal. 
Victor,  ne  recevant  pas  d'instructions,  repoussé  sur  son  frcuit, 
menacé  sur  sa  droite,  se  sérail  pour  cette  raison  retiré  sur  Luné- 
ville.  Nous  croyons*,  au  contraire,  cpu*  h»  maréchal  hésitait  à 
abandonner  la  défense  des  Vosges  et  cpi'il  ne  se  décida  à  la 
retraite  qu'après  avoir  reçu  du  maréchal  Ney  avis  de  l'arrivée 
de  Tavant-garde  de  Tarmée  d(»  Silésie  à  (]h;Ueau-Salins,  où 
elh^  entra  le  13.  Craignant  d'être  complètement  c()U|)é  de  sa  ligne 
de  relniite  et  de  perdre   la   connnunication  avec  Toul,  Victor 


*  Tliaru  îi  Scliwarzcnberg,  de  Graiid-Cliamp.  13  janvier  (A'.  A'.  A'nVr/« 
Arcliir.,  I,  282). 

*  Poar  réfuter  cette  opinion,  il  suffira  de  citer  ici  les  onlres  donnih>  par 
Victor  :  «  L'avant-jfarde.  sous  les  ordres  de  l)uliesm(>.  qui  serait  coinproiiiise 
à  Saint- .\lichel  si  les  Alliés  niarcliaient  en  forée  de  Hruvères  >ur  Haiiihervillers. 

«r 

M'  retirera  le  12,  deux  heures  avîmt  le  jour  sur  Jeaiiménil,  où  le  |;én«Tal 
établira  quatre  baUiillons  et  une  batterie.  Tii  bataillon  restera  en  avant  de 
JeanniéniL  trois  escadrons  éclaireront  la  roule  de  Saint-Dié.  L«*s  j;ardes  d'iion- 
neur,  moins  200  chevaux  qu'on  laissera  à  llertrichainps,  le  reste  de  la  di>  ision 
Pire,  une  division  de  dragons  et  une  batterie  occuperont  (îrandvillej's,  (iugné- 
court,  Gireconrl,  Dompierre,  Serc<rur,  Padoux,  Destord,  Sainte-llclènc  el 
Voinécourl.  »  (Victor  âGrouchy,  Archin'sde  la  Guerre.)  Le  12.  à  trois  heures, 
comme  le  général  Dejean  le  faisait  savoir  au  major  général,  l'infanterie  du 
2*rorps  occupait  Xermaménil.  Oerbéviller  et  Magnières  ;  la  cavalerie  était  au\ 
environs  de  Roville,  et  la  division  de  cavalerie  légère  de  Pire  avec  un  régi- 
ment d'infanterie,  à  Baccarat. 

Enlin,  Victor  envoyait  à  ce  moment  de  RoviUe  Pordre  à  tout  son  monde  de 
se  mettre  en  marche  le  13  à  quatre  heures  du  matin  sur  Suint-Nicolas  en 
passant  par  Lunéville.  (ArcUires  de  la  (itui'rc.) 

Pour  le  13,  ordre  à  la  division  de  France,  (jui  est  eneore  à  Dondiasle,  «l'ac- 
rélérer  son  mouvement  de  retraite,  parce  (|u\m  a  re«;u  avis  d'une  marche 
rapide  de  Pennemi  sur  Nancy,  Toul,  Goiidrecourt  et  Joinville. 

Pour  le  14,  Pennemi  est  à  Nancy,  on  continuera  le  mouvement  sur  Toul. 
(Mémoires  de  Grouchy.) 


—  H2  - 

n'uvail  plus  désormais  (|u'un  parti  à  prendre,  celui  de  se  replier 
par  Nancy  et  Toul,  et  de  chercher  à  opérer  sa  jonction  avec  Ney 
et  MarmontV 

On  trouve  à  ce  propos  dans  la  biographie  de  Wrède  une  asser- 
tion qu'il  nous  parait  impossible  d'accepter.  Questionné  par  le 
maircî  de  Lunéville  sur  les  mesures  qu'il  comptait  prendre  pour 
assurer  l'évacuation  des  blessés,  le  maréchal  Victor  aurait  ré- 
pondu :  Cest  égal  quils  soient  pris  ici  ou  ailleurs,  nom  finirons 
par  rétre  tous  *.  \j\\  pareil  propos  n'est  pas  admissible  de  la  part 
du  maréchal  duc  de  Bellune. 

13  janvier.  —  Nouvelles  de  Blûcher.  —  Le  VI®  corps 
reçoit  Tordre  de  se  porter  sur  Nancy.  —  Le  13,  des  que  l'on 
eut  reçu  au  quartier  général  de  Schwaraenberg  l'avis  de  Bludier 
annonçant  pour  ce  jour  même  son  arrivée  probable  à  hauteur  de 
Metz,  on  donna,  enfin,  à  Witlgenstcin  l'ordre  de  se  porter  vers 
Nancy  ^  pour  combler  au  plus  vite  le  vide  existant  entre  la  droite 
de  la  grande  armée  (*t  la  gauche  de  Blûcher;  on  lui  recommandait 
toutefois  de  laisser  suffisamment  de  monde  devant  Strasbourg. 

Mouvements  du  V®  corps.—  Wrède  *,  n'ayant  plus  rien  devant 


1  <(  Comme  l'ennemi  n'est  pas  arrivé  à  Flavigny,  écrivait  Victor  à  Grouchy, 
de  Saint-Nicolas,  le  13  janvier,  les  troupes  du  1"  corps  et  du  5*  corps  de  cava- 
lerie s'établiront  pour  passer  la  nuit  :  la  cavalerie  légère  de  Pire  à  Saint- 
liilairc  et  Lupcourt,  ayant  des  postes  sur  Flavigny  et  Richardménil  ;  les  deux 
divisions  de  dragons  s'arnHeront  à  Dombasie,  les  gardes  d*honneur  à  Luné- 
ville.  s*éclairant  sur  Btamont,  Baccarat  et  Rambervillers  ;  la  3*  division 
d'infanterie  à  Varangeville,  la  2"  à  Saint-Nicolas,  la  1^^  à  la  NeuviUe.  Tontes 
les  troupes  se  mettront  en  marche  le  14  à  cinq  heures  du  matin,  se  rendant  à 
Toul  par  Nancy.  »  U  ajoutait  en  jtost-scriptum  :  «  L'ennemi  parait  manœuvrer 
sur  Toul.  n  (Archives  du  Dépôt  de  la  Guerre.) 

-  IIeilmanx,  Fcld'MarscfuiU  Fïirst  Wréde,  p.  3î7. 

ï  Tagesbcgebenheiten  der  ifaupt  Armée  (A'.  K,  Krieys  Archic,  1,  30). 

*  Il  est  assez  curieux  de  voir  les  Alliés,  au  moment  même  où  ils  venaient 
d'entrer  en  France,  s'occuper  sérieusement  de  fortifier  certains  points  en  Alle- 
magne, tels  que  Memmingen.  pjir  exemple.  A  ce  propos,  Wrède,  qui  attribue 
la  paternité  de  cette  idée  bizarre  à  M.  de  Stein,  écrit  au  roi  de  Bavière  le 
13  janvier  :  «  Ce  diable  de  .M.  de  Stein,  qui  a  le  nez  partout,  veut  donc  aussi 
le  fourrer  à  Memmingen.  Si  M.  de  Stein  avait  autant  à  faire  que  moi,  il  ne 
s'occuperait  que  de  sa  vraie  besogne,  et  il  passerait  moins  pour  un  fou,  comme 
je  commence  à  le  taxer  d'après  tout  ce  que  je  vois  de  lui.  » 

Le  4  février.  Wrède  revint  à  la  charge  sur  ce  sujet  et  écrivit  au  comte  de 
Mongelas  :  «  Depuis  ma  dernière  lettre  à  .M.  de  Stein,  il  me  laisse  tranquille.  Si 


-  113  - 

lui,  s'étendit  sans  peine  dans  les  plaines  de  Lorraine  entre 
Ramber\i]lers  et  Saint-Dié,  et  son  avant-gard(»,  sous  le  général 
Habermann,  poussa  en  avant  par  l(»s  routes  de  Lunéville  el  de 
Nancy,  afin  de  faciliter  la  marche  de  Blucher.  Wr^de,  dont  le 
jçros  va,  d'ailleurs,  rester  dans  ces  parages,  envoya  eneon^  le  13  un 
bataillon  et  deux  escadrons  de  la  division  Keeliberg  occuper 
Ë|)inal  que  les  Wurtenibergeois  avaient  quitté  le  niôni(»  jour  pour 
se  porter  pîir  Bains  vers  Jussey  et  Langres. 

Affaires  devant  Langres.  —  Gyulay  se  concentre  à  Fayl- 
Billot.  —  Au  III®  corps,  Gyulay  avait  eu  l'intention  d'entre- 
prendre le  13  une  reconnaissance  générale  de  Langres;  nniis 
l'activité  de  Mortier  le  força  de  renoncer  à  son  projet  en  ne  lui 
laissant  pas  un  instant  de  tranquillité.  Dans  la  nuit  du  là  au  13, 
700  cavaliers  français  surprenncMit  l(»s  avant-postes  du  III«  corps 
à  une  heure  du  matin,  les  chassent  de  Chaudenay,  puis  se  replient 
sans  être  inquiétés  sur  Langres,  entn*  trois  et  quatn;  heures  du 
matin.  A  cinq  heures,  v.\*si  au  tour  des  avant-postes  du  côté  de 
Boute-<»n-Chasse  de  subir  une  altacjue.  Enfin  deux  heures  plus 
tard  un  groupe  de  800  cavaliers  environ  sort  de  nouveau  de; 
Langres  el  inquiète  toute  la  ligne  occupée  par  Gyulay  qui,  s'at- 
lendant  à  être  attaqué  à  tout  instant,  renonce  à  reconnaître 
Langres  et  se  concentre  à  Fayl-Billot,  alin  de  pouvoir,  en  cas 
d'attaque  sérieuse,  être  soutenu  sur  ce  })oint  par  le  !«•"  corps,  qui 
aurait  dû  être  rendu  à  Grenant;  mais  Colloredo,  n'ayant  pas 
trouvé  de  pont  sur  la  Saône  à  Seveux,  ret^irdé  en  route  par  les 
mauvais  chemins,  avait  dû  remonter  la  Saône  jusqu'à  Scey,  et  le 
gros  de  son  corps,  après  y  avoir  j)assé  la  rivière,  n'arriva  que  le 
soir  vers  Combeaufontaine.  Dans  cette  journée  Gyulay,  pour  se 
relier  avec  lelV®  corps,  avait  envoyé  quelque  cavalerie  juscpi'à 
Bourbonne  sans  pouvoir  se  procurer  le  moindre  renseignement 
sur  la  position  des  troupes  wurtembergeoises*. 


le  jour  de  la  bataille  il  s'était  présenté  à  mon  avant-garde,  je  Taurais  fait 
mettre  dans  un  obusier  pour  en  faire  cadeau  à  Tempereur  Napoléon.  » 

Dans  une  autre  de  ses  lettres,  Wrède  appelle  le  baron  de  Steiii  «  généra- 
lissime de  l'univers  ».  (Heilmann,  Feld-Marschall  Fiirst  Wréde,  p.  333.) 

1  Tagcsbegcbenheiten  (A'.  K,  Krû'g»  Archiv.,  1,  30);  rapports  de  Gyulay  à 
Sdiwarzenberg,  de  Fayl-BUIot.  13  janvier  (Ibid.,  l.  276,  et  ad  1,  Î76). 

W*il.  8 


—  114  — 

Le  corps  volant  de  Thurn  obligé  à  se  replier  sur  Grand- 
champ.  —  Pendant  ce  temps  Thurn,  auquel  Gyulay  n'avait  plus 
la  possibilité  de  faire  connaître  en  temps  utile  les  événements  d(» 
la  nuit,  pensant  que  le  feldzeugmeister  entreprendrait  la  recon- 
naissance projetée,  croyant  avec  juste  raison  qu'il  faciliterait 
cette  opération  en  attirant  sur  lui  l'attention  des  Français,  avait 
attaqué  Bériat  (le  moulin  Barillot,  au  nord  de  Yiolot),  où, 
d'après  ce  qu'on  lui  avait  affirmé,  il  ne  devait  y  avoir  qu'un 
poste  de  50  chasseurs  à  cheval  et  de  100  fantassins.  Mais  lorsqu'il 
se  fut  déployé,  il  reconnut  qu'il  avait  devant  lui  400  chevaux 
soutenus  par  un  bataillon  de  grenadiers.  L'affaire  était  engagée, 
et  Thurn  essaya  de  faire  aussi  bonne  contenance  que  possible. 
A  onze  heures,  sa  patrouille  de  droite  l'ayant  informé  de  la  pré- 
sence de  l'ennemi  à  Chalindrey,  il  crut  prudent,  dans  la  crainte 
d'être  coupé,  de  laisser  à  sa  droite  la  route  de  Gray,  de  se  rap- 
l)rocher  du  III®  corps  et  de  ramener  à  Grandchamp  son  p<»tit 
corps,  très  éprouvé  par  le  combat  qu'il  avait  eu  h  soutenir  et. 
d'ailleurs,  très  affaibli  par  ses  pertes,  qui  s'élevaient  à  13  morts, 
dont  1  officier,  19  blessés,  11  disparus,  1  cheval  tué  et  5  blessés. 
11  terminait  ainsi  le  rapport  *  qu'il  adressa  à  œ  propos  à  S<!h\var- 
zenb(;rg  :  «  Je  sui)plie  Votre  Altesse»  de  renforcer  ma  (îavaleric  ; 
mon  escadron  de  hussards  ne  se  compose  plus,  après  U»  combat 
d'aujourd'hui,  que  de  60  hommes.  Ma  bonne  volonté  et  mon 
désir  de  bien  faire  sont  presque  annihilés  par  la  faiblesse  de  mon 
corps.  » 

L*avant-gard(»  des  réserves  autrichiennes ,  sous  le  prince 
Gustave  de  Hesse-Hombourg,  était  arrivée  devant  Auxonne;  les 
rapports  des  émissaires  *  avaient  fait  connaître  à  c(»  moment  au 
généralissime  la  composition  des  garnisons  de  Besançon  et 
d'Auxonne.  Le  prince  héritier  de  Hess(»,  qui  était  avec  le  gros 
de  ces  réserves  h  Dôle,  s'occupait  de  renu»ttre  en  état  les  ponts 
de  la  Saône  à  Sîrint-Jean-de-Losne  et  Pontailler,  que  les  Fran- 
çais avaient  détruits  en  se  repliant  sur  la  rive  droite. 

Entin,  l'empereur  de  Russie  avait  célébré  le  jour  d(»  l'an  russe 


*  Thurn  à  Schwarxeiibcrg,  (^randciianipi  lîî  janvitT  (A*.  A'.  Kriegx  Archiv., 
I,  2H2). 

'  Rapports  sur  les  renseignements  fournis  au  grand  quartier  général  par  les 
émissaires  (A'.  K.  Krieys  Archiv.,  I,  386). 


—  H5  - 

en  passant  le  Rhin  à  BAle  à  la  tOle  des  gardes  russes  el  |)rus- 
sicnnes. 

14  janvier.  —  Occapation  de  Lunéville  par  la  cavalerie 
du  V*  corps.  —  La  journ(^e  du  14  présente  les  mêmes  earaclèn^s 
que  les  précédentes.  Du  coté  du  V«  corps,  tout  se  borne  à  Toeru- 
pation  de  Lunéville  par  deux  escadrons  de  hussards,  à  l'envoi  à 
Schwarzcnberg  d'une  dépêche  de;  Wrède  lui  confirmaiil  le  départ 
de  Lunéville  de  Victor  et  l'informanl  (]ue  le  maréc^hal  a  pris  la 
route  qui  va  de  Nancy  à  Langres  ou  de  Toul  à  Paris*.  Le  gros 
du  V«  corps  fait  halle  sur  les  points  qu'il  occuj)ail  entre  Kam- 
bervillers  et  Saint-Dié.  Les  divisions  autric  hieimes  de  Wrède 
profitent  de  cette  halte  pour  se  rai)|)ro<*her  du  premier  de  ces 
doux  points. 

Marche  du  IV*  corps.  —  L(»  prince  royal  de  Wurtemberg, 
ne  pouvant,  à  cause  de  la  crue  des  eaux,  tenter  de  traverser 
la  Saune  à  Jussey,  résolut  de  se  porter  sur  Jonvelle,  de  remonter 
de  là  jusqu'aux  sources  de  la  Saône,  de  gagncT  par  Bourbonne 
la  grande  route  de  ChaumonL  et  alla  ce  jour-lîi  juscpi'à  Vau- 
villers.  Le  général  Jett,  à  la  tête  de  l'arriere-garde,  relevée  par 
les  Bavarois  de  Wrède  à  Kj)inal,  atteignit  Bains*. 

Immobilité  de  Platoff.  —  Quant  à  Platotl,  il  continuait  à 
rester  immobile  ;  d(»puis  Tattaire  d'Épinal,  il  n'avait  pas  bougé  de 
ChaniKîs.  La  façon  dont  il  justifie  cet  inexjjlicable  séjour  est 
peut-être  j)lus  singulière  encore  que  sa  manière  de  comprendre 
son  rôle  de  commandant  d'uni*  avant-garde  de  cavalerie  chargée 
de  couvrir  et  de  renseigner  une  armée. 

«  Croyant  que  Fennemi  viendrait  à  Lunéville,  dit-il  textuelle- 
ment dans  un  rapj)ort  en  date  de  Charmes*  (14  janvier),  je  res- 
tais à  Charmes  jusqu'à  l'arrivée  à  Épinal  des  troupes  du  général 
comte  W^rède.  A  présent,  ayant  laissé  à  Charmes  le  prince 
StscherbatoflF.  je  me  porte  à  l'instant  même  avec  cin(]  régi- 
ments cosaques  sur  Mirecourt.  Demain,  j'irai  juscpi'à  Neufchîl- 


*  Tagesbegebenheiten  (A'.  A".  Kriegs  Archiv.,  I,  30),  et  Wrùde  à  Scliwar- 
scnberg.  Saiat-Dic,  ii  jaovier  (Ibid,,  \,  313). 

*  En  français  dans  l'original  (K.  K,  Krieg»  Archir.,  I,  (id  344). 


—  116  — 

leaii,  où  j'établirai  une  communication  ii  gauche  avec  le  prince 
royal  de  Wurtemberg,  h  droite  avec  le  prince  Stscherbaloft\  » 

Il  avait  donc  fallu  trois  jours  à  Platoif  pour  vSe  décider  à  se 
[)orter  en  avant.  Au  lieu  de  suivre  et  de  harceler  sans  cesse  les 
quelques  troupes  que  le  IV*  corps  avait  eues  devant  lui  à  Épinal, 
il  avait  cru  plus  nécessaire  de  couvrir  Épinal  contre  une  attaque 
qui  ne  pouvait  pas  se  produire,  puisqu'avec  un  peu  d'activité  et 
de  vigilance,  il  aurait  dû  savoir  qu'il  n'avait  plus  rien  devant 
lui,  et,  pour  compléter  cette  première  faute,  il  croit  devoir 
laisser  derrière  lui,  à  Charmes,  le  détachement  de  StscherbalolV. 
Celui-ci,  du  reste,  dès  qu'il  fut  redevenu  maître  de  ses  actions, 
après  le  dépari  de  PlatofT,  se  porta  dès  le  15  janvier  sur  Vézelise. 

Gyulay  reconnaît  les  abords  de  Langres.  —  Gyulay  exé- 
cuta enfin,  le  14  janvier,  sa  reconnaissance  sur  Langres  et 
chassa  les  avant-postes  français  de  Chalindrey,  Culmont  et  Cor- 
lée.  A  rapproche  des  colonnes  de  Gyulay,  les  Français  prirent 
position  sur  la  hauteur  de  Saint-Geômes.  Tout  se  borna  à  une 
canonnade  qui  ne  cessa  que  le  soir,  lorsque  Gyulay  se  replia  et 
alla  cantonner  avec  la  division  Fresnel  k  Chalindrey.  Le  gros  du 
m®  corps  était  encore  à  Fayl-Billot*. 


*  «  I^  feidzeuginester  conilc  fJyuiay  au  prince  de  Schwarzcnberg.  —  Clia- 
Hndrey.  14  janvier  1814.  —  «  J*ai,  avec  la  diviâion  Fresnel  et  quelques 
troupes  l<>gêres.  fait  une  reconnaissance  contre  Langres. 

«  J'ai  trouvé  l'ennemi  à  Chalindrev,  et  comme  le  terrain  est  absolunieiil 
plat,  j*ai  formé  num  infanterie  en  masse.  J'ai  attaqué  Tennemi,  je  Tai  chassé 
de  Corlée  et  repoussé  jusque  sous  le  canon  de  Langres. 

«  Le  général  Haecht,  s'avançant  par  la  route  de  Fayl-Billot  à  Langres,  l'a 
rejeté  de  s(m  côté  par  Saint-Maurice  et  Saint- Vallier  jusqu'à  Lingres. 

«  L'ennemi  avait  devant  nous  trois  bataillons  d'infanterie  et  000  liommes 
<Ie  cavalerie.  «  (A'.  K.  Kriegs  Arckiv.,  I,  309.) 

«  Mortier  an  major  général.  —  Langres,  15  janvier  1814.  —  11  fait  un 
brouillard  très  épais.  L'ennemi,  paraît-il,  avait  l'intention  d'attaquer;  ses 
troupes  sont  rentrées  vers  midi.  Hier  à  dix  heures  du  soir  il  est  encore  arrivô 
de  l'artillerie  à  Chaudenay  et  de  l'infanterie  à  Montlandon.  L'ennemi  a  formé 
ses  lignes  de  ce  village  à  Torcenay,  Culmont,  Chalindrey.  11  doit  être  en  force. 
Il  m'a  prévenu  à  Bourbonne-lcs-Bains.  Cet  endroit  était  occupé,  mais  par 
100  chevaux  seulement,  quand  les  douaniers  et  26  chasseurs  du  3°  régiment 
s'y  sont  pr(';sentés. 

«  J'ai  bien  en  réserve  les  grenadiers  à  cheval;  ils  sont  à  Rolampont,  Humes 
cl  Jorquenay,  mais  les  dragons  et  chasseurs  à  cheval  sont  très  fatigués.  » 
{Archives  du  Dépôt  de  la  Guerre.) 


—  H7  - 

Ciyulay  avait  aussi  envoyé  quelques  délarhenienls  <ie  eavah^rie 
sur  sa  droite  vers  Bourbonne.  Tout  ce  que  la'cavalerie  autri- 
chienne put  apprendre  de  ce  côté  constituait  un  bagage  assez 
mince,  et,  des  rapports  adressés  au  général-major  von  Haechl.  il 
résulte  que  le  III«  corps  n'avait  gu^re  mieux  (pie  Platoff  employé 
sa  cavalerie,  peu  nombreuse  il  est  vrai.  Le  chef  de  la  reconnais- 
sance envoyée  à  Bourbonne  est,  en  etlet,  obligé  d'avouer  qu'il  a 
|)u  constater  le  départ  du  régiment  de  chasseurs  à  cheval  (pii  y 
était  le  13,  mais  (ju'il  n'a  pu  découvrir  ht  direction  prise  par  c(^ 
régiment  *. 

Retraite  du  corps  volant  de  Thurn  sur  Bussières.  —  Ren- 
seignements fournis  au  généralissime.  —  Thurn  s'était  retiré 
sur  Bussières,  après  son  insuccès  du  Moulin-Barillot.  Il  avail,  à 
ce  moment,  l'intention  de  pousser  vers  la  route  de  Dijon,  mais  il 
en  avait  été  empêché  par  un  ordre  formel  de  Gyulay. 

Les  populations  de  la  Haute-Marne»  étaient,  au  dire  de  Thurn. 
manifestement  hostiles  aux  Alliés.  La  nouvelle  d'un  gros  rassem- 
blement de  troupes  françaises  entre  Dijon  et  Langres,  nouvelle 
par  laquelle  il  terminait  son  rapport,  était  de  nature  à  inquiéter 
d'autant  plus  sérieusement  Schwarzenberg,  que,  dès  h»  début  et 
pendant  tout  le  cours  de  la  campagncî,  le  généralissime  ne  c(»ssa 
pas  un  seul  instant  d'ôlre  |)réoccupé  du  sort  d(î  son  extrême 
gauche  *. 


'  Le  i^apitaine  von  Goctliem  au  généra  I-major  von  Hae<>lit.  de  La  Fer  lé-su  r- 
Amanee,  i%  janvier,  cinq  heures  un  quart  du  soir.  (A'.  K,  Kriegs  Archiv.^ 
\,  309  a  et  309  b.) 

'  «  Le  lieutenant-colonel  comte  Thurn  au  prince  de  Schwarzenberg'.  — 
Russièrcs  ,  le  i4  janvier  18i4.  [ —  Comme  je  l'avais  annonce  hier  à  Votn» 
Altesse,  je  me  suis  retiré  sur  Bussières,  hiissiint  sur  la  route  de  Champlitte  une 
forte  arrière-garde  dans  le  but  de  tromper  l'ennemi  sur  la  direction  que 
j'avais  prise.  Ce  détachement  m'a  rejoint  aujourd'hui  sans  avoir  été,  à  vrni 
dire,  suivi  par  rennemi.- 

u  Un  parti,  envoyé  à  la  découverte  de  l'ennemi,  a  rencontré  un  groupe  do 
cavalerie  et  d'infanterie  qui  se  portait  vers  Grenant.  Une  autre  pntrouiUe  a 
aperçu  un  détachement  ennemi  allant  à  Champlitte.  Ces  deu^i  troupes  se  sont 
repliées  à  onze  heures  sur  Longeau.  Je  fis  aussitôt  occuper  Grenant  par  uno 
section  de  chasseurs  et  un  peloton  de  hussards. 

u  Dès  que  mon  parti  volant  sera  rentré,  je  traverserai  avec  le  gros  de  mon 
petit  corps  la  chaussée  de  Champlitte  pour  essayer  d'atteindre  de  là  la  rout(.' 
de  Dijon,  ce  que  je  comptais  déjà  faire  hier  au  moment  où  j'ai  revu  du  feld- 
zeugmeister  comte  Gyulay  l'ordre  de  seconder  son  mouvement  sur  Lingres. 


-  «8  — 

Positions  du  P^  corps  et  des  réserves.  —  Marche  des  cui- 
rassiers de  Duka.  —  Le  I®'  corps  cantonna  le  14  fi  Pierrecourt 
et  Malvillers  *.  La  division  Wimpffen,  en  marche  sur  Dijon,  avait 
passé  la  Saône  h  Gray  et  se  dirigeait  sur  Mirebeau;  les  réserves 
autrichiennes  attendaient  en  vain  Tachèvement  des  ponts  sur  la 
Saône  pour  passer  sur  la  rive  droite,  et  leur  chef  profitait  de  cet 
arrêt  pour  reconnaître  Auxonne. 

Les  gardes  et  réserves  russes  et  prussiennes  atteignirent  Dan- 
nemarie  et  Giromagny. 

La  division  de  cuirassiers  du  général  Duka  (3*  division  de 
cuirassiers)  marchait  par  Lure  et  Vesoul  sur  Fayl-Billot.  atin  de 
rejoindre  au  plus  vite  Gyuhiy  et  de  renforcer  la  cavalerie  par 
trop  faible  du  III®  corps. 

Instructions  de  TEmpereur  à  ses  lieutenants.  —  Soit  qu  il 
ait  espéré  parvenir  par  ses  reproches  à  raviver  Tardeur  éteinte,  à 
réchauffer  le  zèle  refroidi  de  ses  maréchaux,  soit  qu'il  ait  réelle- 
ment pensé  que  les  effectifs  de  la  Grande  Armée  aient  été  ceux 
qu'il  indiquait  dans  son  instruction  générale  du  12  janvier,  il 
n'en  est  i)as  moins  certain  que  Napoléon  *,  après  avoir  reconnu 
que  l'ennemi  opérait  en  trois  masses,  l'une  dirigée  contre  le 
général  Maison,  en  Belgique,  l'autre  conduite  par  Blûcher,  ma- 
nœuvrant contre  Marmont,  semblait  croire,  en  ce  qui  touchait  la 
la  troisième»,  celle  de  Schwar/.enberg,  qu'après  avoir,  détaché 
20,000  hommes  devant  Besançon,  20,000  hommes  pour  surveiller 


«  J'ai  Thonneur  d'informer  Votre  AUesse  que  la  disposition  d'esprit  des 
populations  dans  le  dépaitement  de  la  Haute -Marne  est  bien  différente  de  celle 
que  j'ai  constatée  dans  la  Haute-Sa^ne.  Les  habitants  sont  ici  animés  d'inten- 
tion» manifestement  hostiles  et  refusent  tout  à  nos  troupes^  même  des  vivres. 
Jusqu'à  présent  je  suis,  malgré  cela,  parvenu  à  me  procurer  à  peu  pn>s  ce 
qu'il  me  fallait. 

«  J'adresse  à  Votre  Altesse  le  Journal  âe  V Empire  en  date  du  7. 

«  Un  émissaire,  rentrant  à  l'instant,  m'annonce  qu'il  y  aurait  plus  de 
Î50,000  hommes  de  troupes  ennemies  entre  Dijon  et  l^ngres.  On  dit  à  l'arméo 
que  Napoléon  va  venir  en  prendre  le  commandement  ;  mais  cet  émissaire  pré- 
tend que  des  officiers  supérieurs  lui  auraient  affirmé  que  l'Empereur  ne  vien- 
drait pas.  »  (K.  K.  Kriegs  Archiv.,  1,  312.)  — Voir  également  les  rapports  de 
Mortier  des  13  et  14  janvier  {Archives  de  la  Guerre). 

1  TagosbegelKînbeiten  (A'.  A'.  Kriegs  Archir.,  1,  30),  et  Colloredo  à  Scliwar- 
zenberg,  Malvillers,  15  janvier  (/6iVi.,  I,  337). 

*  Correspondance  de  Mapoléon,  21091. 


-  119  — 

la  Suisse,  30,000  ii  io,000  hommes  pour  masquer  los  places  d'Alle- 
magne, elle  (levait  être  contenue  [)ar  les  cor|)s  du  duc  de  Trévise 
h  Langres,  du  prince  de  La  Moskowa  sur  Nancy  et  Épinal,  et  du 
duc  de  Bejlune  sur  les  Vosges.  «  Ces  trois  maré(;haux,  disait 
TEmpereur,  devront  correspondn»  entre  eux;  on  doit  se  réem- 
parer des  gorges  des  Vosges,  les  barricader,  y  réunir  l(»s  gardes 
nationales,  les  gardes-cham peines,  les  gard(»s  forestiers  et  les 
volontaires,  et  si.  enfin,  l'ennemi  pénétrait  en  force  dans  l'inté- 
rieur, ces  trois  corps  devront  lui  barrer  le  chemin,  couvrir  tou- 
jours la  route  de  la  capitale,  en  avant  de  laquelle  l'Euipereur 
réunit  une  armée  de  100,000  hommes.  » 

Position  des  corps  français.  —  Mais  au  moment  oCi  Napoléon 
rédigeait  ces  instructions,  au  moment  surtout  où  Berthier  (en- 
voyait les  ordres  et  écrivait  entre  autres  à  Ney  qu'il  fallait 
gagner  du  temps  jusqu'au  15  février*,  la  situation  avait  bien 
changé.  Le  IV«  corps  avait  enlevé  Épinal,  Gyulay  était  sur 
Langres,  Wrède  avait  passé  les  Vosges.  Wittgenstein  n'avait 
plus  ((u'à  exécuter  une  simple  marche  militaire  pour  arriver  sur 
les  côtes  de  la  Meuse,  et  les  coureurs  de  Blûcher  s'approchaient 
de  Nancy.  Victor,  repoussé  par  les  IV«  et  V^  corps,  menacé  sur 
Tune  de  ses  ailes  par  l'armée  de  Silésie,  sur  l'autre  par  le  mouve- 
ment du  prince  royal  de  Wurtemberg,  rappelé  en  arrière  par  le 
|>rince  de  La  Moskowa,  avait  gagné  Nancy  et  rejoint  Ney,  qui  se 
reliait  par  sa  gauche  avec  Marmont.  Ney  et  Victor,  au  lieu  d'opé- 
rer leur  jonction  avec  Mortier,  s'étaient  donc,  en  se  repliant, 
rapprochés  de  Marmont  avec  hîquel  ils  allaient  désormais  opérer 


t  uBeUiani  à  Berthier.  Chdlons,  i4  janvier,  dix  heures  soir.  —  Prince, 
votre  arrivée  fera  trùs  grand  bien,  je  vous  l*assare,  et  nous  vous  attendons 
avec  grande  impatience.  Vous  centraliserez  Tautorité  et  tout  ira  mieux,  car  il 
y  a  si  peu  d'accord  dans  les  mouvements  des  corps  d'armée  du  duc  de  Raguse, 
du  duc  de  Bellune  et  du  prince  de  La  Moskowa,  qu'on  ne  fait  que  de  mauvaise 
besogne  et  on  a  bien  l'air  de  continuer  ainsi  si  vous  ne  venez  pas.  Prince,  ou 
si  l'Empereur  ne  réunit  pas  les  trois  corps  d'armée  sous  le  commandement 
d'un  seul  et  m(>me  chef. 

n  D*après  ce  que  j'ai  su  aujounrhui  du  corps  de  droite,  nous  occupions  hier 
dans  cette  partie  Vaucoulcurs,  PagJiy-sur-Mouse,  Tout  et  Commercy,  poussant 
des  partis  sur  Saint-Mihiel  que  nous  tenons  maintenant  et  qu'on  avait  mala- 
droitement laissé  prendre,  sur  Pont-à-Mousson,  sur  JoinviUe  et  sur  Neufrhâteau. 

u  En  face  de  Vaucouleurs  à  Neufchâteau  se  trouve  PlatoflTavei^  10  régiments 
de  cosaques.  »  [Archives  de  la  guerre,) 


-  120  — 

contre  Tarmée  de  Silésie.  Il  semble,  du  reste,  que  l'Empereur 
ignorait  l'état  précaire  dans  lequel  se  trouvaient  entre  autres  le 
2«  et  le  5^  corps  de  cavalerie,  car  voici  à  ce  sujet  ce  que  Grou- 
chy  écrivait  au  major  général  de  Toul,  le  15  janvier  *  : 

«  Monseigneur, 

«  C'est  avec  un  vif  chagrin  que  je  me  vois  forcé  d'instruire 
Votre  Altesse  des  pertes  notables  qu'éprouve  la  cavalerie  par  la 

désertion Les  causes  de  ce  mal,  si  inquiétant  par  ses 

progrès,  sont  les  souffrances  du  soldat  qui  n'est  pas  payé,  qui  no 
reçoit  presque  pas  de  distribution  et  qui  est  mal  vu  et  mal  traité 
par  l'habitant 

«  D'un  autre  côté,  le  temps  rigoureux  qui  s'est  établi  depuis 
que  la -cavalerie  a  repassé  les  Vosges  et  les  longues  marches  que 
Ton  ^  faites  ont  fait  périr  un  grand  nombre  de  chevaux.  Il  n'y  a 
pas  un  cheval  ferré  à  glace  et  pas  un  régiment*  n'a  de  fonds  pour 
subvenir  k  cette  urgente  dépense.  Depuis  Baccarat  jusqu'à  Toul, 
le  5«  corps  de  cavalerie,  son  artillerie  et  les  deux  régiments  de 
gardes  d'honneur  ont  perdu  plus  de  300  chevaux  laissés  en 
arrière,  qui  se  sont  cassé  les  jambes.  .  .  » 

Les  deux  rapports  que  le  général  de  Pire  adressait  le  même 
jour  au  général  de  Grouchy  *  sont  plus  navrants  encore  : 

«  Le  général  de  Pire  au  général  de  Grouchy.  —  Gondreville, 
15  janvier  1814,  9  heures  du  matin. 

«  Mon  général, 

«  J'ignore  en  quelle  force  l'ennemi  est  entré  à  Nancy  ^  Nous 
n'avons  vu  que  des  uhlans.  Il  paraît  que  quelques  gardes  d'hon- 
neur ont  été  enlevés  ce  matin  par  des  cosaques Toute  ma 

division  est  bivouaquée  en  arrière  de  Gondreville.  C'est  avec  le 
plus  vif  chagrin  que  je  suis  forcé  de  vous  rendre  compte  qu(i  la 
désertion  s'établit  dans  ma  division.  10  hussards  d'élite  du 
3®  hussards  et  des  cavaliers  des  11®  et  27«  chasseurs  sont  passés 


1  CiRODCHY,  Mémoires. 
s  Ibid. 

»  Biron  était  entré  à  Nancy  le  i4,  et,  comme  nous  iediroas  ci.aprt»s,  y  avait 
été  rejoint  par  un  parti  de  cayalerie  bavaroise  envoyé  par  Wrède. 


—  121  — 

h  IVnnemi;  cVlaioiit  tons  de  vrais  soldais;  la  lrou|M'  sr  plaint 
d'ôln»  mal  payée»,  mal  habillée  ...» 

La  deuxième  lettre  est  du  même  jour,  à  2  Inuires  de  Taprès- 
midi  : 

<c  Mon  général, 

«  Je  serai  forcé,  par  nui  position,  de  passer  la  journée  la 
bride  au  bras,  pour  ne  pas  être»  exposé  à  perdn»  eu  entier  ma 
division.  L'ennemi  viendra  eertaiuement  en  masse  pour  m'obliger 
il  la  retraite  sur  Domnuirtin,  ce  que  je  n'aurais  pas  h»  temps  d(» 
faire  si  j'étais  dans  Gondreville,  encore  moins  si  l'enuiMui  arrivait 
par  la  route  qui  va  à  Pont-Saint-Vinetiut. 

«  Je  dois,  d'ailleurs,  vous  déclarer  qiw.dmis  l'tHalacluet  (h\s 
chemins  et  du  fetrage,  ma  cavalerie,  qui  peut  être  abordée^  est 
plus  que  compromise.  De  ma  personne,  j'ai  voyagé  à  pied  depui> 
Nancy  jusqu'ici;  jugez  des  autres. 

«  Vous  n'ignorez  pas,  mon  général,  que  la  cavaleri(»  allemande 
est  ferrée  avec  soin  et  que  les  cosaques  ne  le  sont  pas;  leurs  che- 
vaux courent  à  merveille  sur  la  glace. 

<(  Ma  présence  ici  ne  fait  que  couiprometlre  ma  division,  car,  à 
l'approche  de  l'ennemi,  je  serai  forcé  de  me  retirer  connue  uiu; 
simple  grand'garde,  et  il  en  résultera  qu(^  mes  chevaux  vont 
souffrir  horriblement  et  que,  dans  quc^lques  jours,  ma  division 
n'existera  plus.  Du  reste,  comment  vivrais-je:*  (londreville  est 
nivagé  k  n'y  pas  trouver  un  fétu  de  paille.  » 

Il  est  donc  bien  évident  que  l'Empereur,  au  moment  où  il 
donnait  aux  maréchaux  les  ordres  dont  nous  venons  de  parler, 
n'avait  pas  connaissance  de  Tétat  lamentabh»  dans  le((uel  se 
trouvaient  ses  troupes. 

«  On  trompe  l'EmpiTeur;  ceux  qui  ra|)prochent  ne  l'aimenl 
pas  et  ceux  qu'il  a  comblés  d'honneurs  et  d'argent  le  trahissent  ;  » 
telles  sont  les  paroles  que  l'indignation  avait,  quinze  jours  au|)a- 
ravant,  arrîîchées  au  général  Pajol,  dans  une  lettre  particulier!' 
qu'il  adressait  le  30  décembre  1813  à  son  btnui-frère,  Victor 
OudinolS  lettre  à  l'aide  de  hujuelle  on  s'expli(pie  aussi  certaines 


«  Celle  letire  est  absolument  inédite  puisqu'cHe  a  été  prise  par  la  cavalerie 
du  IV*  corps  à  la  poste  de  Colombey,  le  28  janvier  i8i4,  avant  d'avoir  éli- 
remise  à  destination.  Le  manque  de  place  nous  oblige,  à  noire  grand  regrot,  di' 
n'sister  au  plaisir  que  nous  aurions  à  reproduire  ici  celle  letln*,  qui  lignre  au 


-  122  — 

dos  erreurs  commises  h  ce  moment  par  Napoléon,  erreurs  que 
son  génie  allait  lui  permettre  de  réparer,  dans  la  limite  du  pos- 
sible, dès  que,  arrivé  à  Tarmée,  il  n'en  sera  plus  réduit  à  ne  voir 
qu(î  par  les  yeux  des  autres. 

La  manière»  d'opérer  des  Alliés  n'en  est,  en  revanche,  que  plus 
in(!om|)réhensible,  et,  malgré  la  lenteur  de  leur  marche,  malgré 
la  timidité  peut-être  voulue  de  certains  de  leurs  généraux  de 
cavalerie,  on  ne  parvient  pas  h  s'expliquer  leur  profonde»  igno- 
rance et  des  mouvements  et  de  la  situation  |)récaire  des  quelques 
troupes  qu'on  leur  avait  opposées. 

15  janvier.  —  Cavalerie  du  VI*  corps  à  Sarrebourg.  — 

Wittgenstein,  (mi  effet,  continuait  h  se  laisser  arrêter  comme  à 
plaisir  par  les  quelques  éclopés  qui  défendaient  Phalsbourg, 
Ritche  et  les  petites  places  de  la  Petite-Pi(Tre  et  de  Lichlenberg. 
cpi'il  aurait  pu,  sans  le  moindre  danger,  laisser  derrière  lui  en  se 
contentant  de  les  faire  observer.  En  agissant  de  la  sorte,  il  lui  ertt 
été,  dès  le  o  ou  le  6  janvier,  possible  de  porter  Pahlen  en  avant. 
Il  pouvait  le  faire  d'autant  plus  résolument,  à  partir  du  15,  que  le 
détachement  du  général  Seslavin  arriva  ce  jour-lîi  à  Saverne. 
Malgré  cela,  la  cavalerie  du  VI«  cor|)s  ne  dépassa  guère  Sarre- 
bourg,  bien  qu'elle  n'y  eût  naturellement  rencontré  personne,  et 
se  borna  h  surveiller  timidement  la  route  de  Blamont  et  celle  de 
Phalsbourg  h  Nancy  par  Féneslrange  V.  en  envoyant  toutefois 
quelques  coureurs  jusqu'à  Lunéville. 

La  cavalerie  du  V*  corps,  à  Bayon,  se  relie  par  ses  partis 
avec  les  coureurs  de  Blûcher.  —  Évacuation  de  Nancy  par 
les  Français.  —  L'avant-garde  du  V*^  corps,  quoique  n'ayant  plus 
rien  devant  elle  depuis  la  retraite  de  Victor,  ne  poussa,  le  14,  que 
jusqu'à  Rayon;  ses  coureurs  seuls  allèrent  jusqu'à  Nancy,  et  un 
petit  parti  de  cavalerie,  sous  les  ordres  du  capitaine  baron 


A'.  A'.  Krieys  Archiv.  sous  le  n<*  629  du  premier  fascicule  de  i8i4,  et  qui, 
bien  que  d'un  caractère  absolument  intime,  est,  depuis  le  premier  mot  jusqu'au 
dernier,  l'expression  du  patriotisme  le  plus  pur  et  dépeint  bien  les  sentiments 
du  général  qui  devait,  quoique  souffrant  encore  de  blessures  à  peine  fer- 
mt'es,  cbarger  un  mois  plus  tard  à  la  tète  de  sa  division  et  se  couvrir  de  gloire 
en  enlevant  aux  Wurtembergeois  le  pont  de  Montereau. 

*  Wittgenslein  à  SWiwarzenberg,  i3  janvier  (A'.  A'.  Krieg*Archh\,(ul  1,493). 


—  .123  - 

von  Grafenreulh.  du  5«  régiment  de  rhovau-légors,  qui  s'était 
porté  sur  Lunéville,  rencontra,  au  nord  de  celle  ville,  une 
patrouille  du  corps  Sacken.  (let  officier  informa  aussitôt  Wrède  de 
l'arrivée  à  Chîlteau-Salins,  depuis  le  14.  du  général  Sacken  et 
d'une  division  de  dragons.  Wrcde',en  transmettant  ces  nouvelles 
;\  Schwarzenberg.  ajoutait  (|U(»  la  levée  en  masse  n'avait  pu  se 
faire  dans  le  département  de  la  Meurthe;  qu'on  disait  à  Lunéville 
que  la  garde  était  entre  Paris  et  (ihAlons,  où  IKnipcTiuir  rassem- 
blait des  troupes  pour  livrer  bataille:  enfin,  que  Mannont  se 
repliait  de  son  coté  de  Metz  sur  (Ihî\lons.  Le  connnandant  du 
V«  corps  terminait  sa  dépèche  en  amioncant  au  généralissime 
qu'il  |>orterait,  le  18.  sa  gauche  à  Mirecourt,  sa  droite  h  Colond)ey- 
aux-Belles-Femmes  (Colombey-les-Belles).  et  (pi'il  serait,  le  11),  h 
hauteur  de  NeufchiUeau. 

11  avait,  ce  jour  même,  transféré  son  quartier  général  de  C.olmar 
à  Saint-Dié  et  avait  eu.  dès  sa  sortie»  de  (lolmar  et  |)en(lant  sa 
route,  à  essuyer  h  plusieurs  repris(»s  les  cou|)s  de  feu  d(^  fraiics- 
tireurs.  qui,  embusqués  dans  les  bois  voisins  de  la  rout(»  suivie 
par  les  colonnes,  tiraient  de  là  sur  le  général,  sur  son  escortt»,  sur 
les  isolés,  les  traînards  et  les  convois*. 

La  nouvelle  de  l'évacuation  de  Nancy  par  les  Français  était 
(»ncope  confirmée  h  Schwarzenberg  par  une  dépêche  ih»  Stscher- 
batoff  \  qui  écrivit  au  prince  après  avoir  été  n^joint  à  Vézelise 
par  un  officier  du  général  prince  de  Hiron.  (le  dernier  avait,  en 
outre,  fait  part  à  Stscherbatotî  de  l'abandon,  |)ar  les  Français,  du 
pont  de  Flavigny,  de  la  continuation  de  leur  retraite  sur  Tout, 
point  vers  lequel  Stscherbatol!*  comptait  se  diriger  dès  le  16  au 
matin. 

Conformément  aux  ordres  que  lui  avait  donnés  le  généralissime. 
Wrède  avait  dissous,  à  partir  du  13,  le  cor|)S  volant  du  colonel 
Scheibler  et  envoyé  son  aid(^  de  camp,  le  prince»  Thurn  et  Taxis, 
communiquer  au  feld-maréchal  Bliicher  et  au  général  couile 
Pahlen  les  instructions  de  Schwarzenlx^rg,  qui  prescrivait  au 
V«  corps  d'avoir  îI  se  porter  sur  NeufchAteau,  pour  donner,  de  là. 


î  Wri'de  à  Schwarzenberg,  Saint-Dié,   16  janvier  (Ibid.,  nd  I,  IMi), 

'  IIeilmann,  Feld-Marxchall  Furst  Wrède,  p.  327. 

*  Slsi^herbatoff  à  Scliwarzenherp,  Vézelise,  i5  janvier  (K.  K.  Kri^Qn  Archir., 
I.  3U). 


—  124  — 

la  main  à  Rliicher  arrêté  devant  Metz.  Wrftdo,  en  confirmant,  dans 
la  dépêche  qu'il  adressait  à  Schwarzenbcrg,  révacuation  de  Luné- 
ville  et  la  retraite  des  Français,  était  obligé  de  reconnaître  qu»». 
dans  ce  pays,  il  lui  était  très  difficile  de  se  procurer  des  émis- 
snires\ 

Caractère  des  relations  existant  entre  les  généraux  alliés. 

—  Puisque  nous  venons,  à  propos  de  cette  dépêche,  de  parler  (h» 
l'envoi  du  major  prince  Thurn  et  Taxis  auprès  deBlùcher,  il  nous 
semble  qu'il  serait  à  propos  d'insister  quelque  peu  sur  la  nature 
des  relations  des  généraux  alliés  entre  eux. 

La  correspondance  échangée  à  cette  époque  entre  les  principaux 
généraux  alliés  est,  en  effet,  d'autant  plus  curieuse  à  consulter 
qu'elle  permet  de  se  rendre  un  compte  exact  des  tiraillements  qui 
n'ont  cessé  d'exister  entre  eux  pendant  tout  le  cours  de  la  cam- 
pagne. 

Presque  dès  le  début  des  opérations,  Wrède  critique  en  termes 
des  plus  vifs  les  mesures  prises  par  Schwarzenbcrg,  mesures  qui. 
conmie  nous  l'avons  dit,  réduisaient  l'effectif  du  V®  corps  présent 
le  15  janvier  à  moins  de  30,000  hommes,  par  suite  des  détacln'- 
ments  (jue  le  généralissime  avait  obligé  le  général  bavarois  à 
laisser  devant  Schlestadt,  Huningue  et  Neuf-Brisach,  places  qui 
tinrent  bon  jusqu'à  l'armistice.  (]es  tiraillements  menaçaient  de 
tourner  à  l'aigre,  et,  seul,  le  tact  de  Schwarzenbcrg  réussit  à 
calmer,  quoique  en  partie  seulement,  la  susceptibilité  de  Wrède. 

L'historiographe  de  Wrède,  le  général  major  Heilmann  est  lui- 
même  obligé  de  le  reconnaître  et  de  citer  la  lettre  que  Schwarzen- 
bcrg adressait,  à  ce  propos,  au  vaincu  de  Hanau,  le  1S  janvier  : 
«  Ce  n'est  pas  pour  moi  une  tâche  aisée  que  celle  qui  consiste  à 
concilier  les  différentes  manières  de  voir,  les  intérêts  divers  qui  se 
manifestent  et  se  produisent  forcément  dans  toute  armée  alliée.  » 

Le  général  Heilmann,  en  approuvant  les  paroles  de  Schwarzen- 
bcrg, constate,  d'ailleurs,  que  Wrède  se  considérait  comme  l'égal 
et  non  comme  le  subordonné  du  prince  de  Schwarzenbcrg,  el 
((ue.  dans  sa  correspondance  avec  le  généralissime,  il  n'employait 


^  Wrrile  à  Si'liNvarzpnberg,  de  Saint-I)i«'*.  15  janvier  (k\  K.  Krieqs  Archiv., 


—  125  — 

jamais  les  mots  respechiemement  ou  obéissant,  vi  so  contcnlail  <lr 
la  simple  formule  de  :  J'ai  l  honneur. 

Le  général  Heilmann  signale  égalemenlies  velléités  (rintié|K'n- 
dance  manifestées  parWrède,  ijui,  aussitôt  a|)rés  avoir  passé  le 
Rhin,  s'élail  mis  à  correspondre  directement  avec  Blûcher.  Il  lui 
avait  fait  part  de  ses  critiques  et  de  ses  plaintes,  motivées,  il  est 
vrai,  par  la  lenteur  imprimée  aux  opérations,  par  la  légèreté  et 
l'inconséquence  qui  régnaient  au  quartier  génénil  de  Schwar/en- 
berg,  et  lui  avait  manifesté  le  désir  d'opérer  de  concert  avec  lui. 
On  doit  même  reconnaître  que  Blucher  parut,  dans  le  principe, 
approuver  et  encourager  l'attitude  de  Wrède,  et  c'est  ainsi  qu'il 
lui  écrivait  de  Cusel,  à  la  date  du  7  janvier  : 

«  Votre  Excellence  m'a  fait  connaître,  par  rentremisf?  du  nnijor 
prince  de  Thurn  et  Taxis,  qu'Elle  désirait  opén^r  de  concert  avec 
moi  contre  l'ennemi.  Je  suis,  de  mon  coté,  tout  prêt  à  accepter 
votre  concours,  et  Votre  Excellence,  après  avoir  pris  connaissance 
de  ma  position  actuelle,  ne  manquera  certainement  pas  d'exécuter 
certains  mouvements  dont  je  La  jjrie  de  m'informer.  D'a|)rès  tous 
les  renseignements  que  je  possède,  l'ennemi  est  dans  une  situation 
des  plus  critiques,  situation  qui  nous  invile  à  lui  livrer  batailh», 
d'autant  mieux  qu'en  raison  de  la  grande»  su|)ériorité  de  notnî 
cavalerie,  une  bataille  perdue?  ou  indécise?  ne  saurait  avoir  pour 
nous  de  conséquences  fatales,  tandis  que  l'ennemi,  au  contraire, 
sera  obligé  de  tout  mettre  en  jeu  et  de  tout  risquer.  J'ai  prescrit 
au  général  d'infanterie  von  Sacken  de  chercher  à  se  relier  par 
Bitche  ou  par  Saarwerden  avec  le  corps  du  comte  Wittgenstein.  » 
Dès  que  Schwarzenberg  eut  connaissance  de  la  corres|)on(lanc(; 
échangée  à  son  insu  entre  Blucher  et  Wrède,  de  l'intention  nette- 
njent  manifestée  par  le  général  bavarois  d'agir  absolunuuit  h  sii 
guise,  il  fit  savoir  à  Blûcher,  nous  dit  le  général  Heilmann,  qu'il 
avait  formellement  interdit  à  Wrède  d'accentuer  davantage  son 
mouvement  vers  la  droite,  qu'il  lui  avait  notifié  Tordre  d'avoir  à 
se  considérer  comme  une  partie  intégrante  de  la  grande  armée?,  e'I 
d'avoir,  par  suite,  h  se  relier  à  e?lle.  Cette  déclaration  de  Schwar- 
zenberg devait  mettre  fin  îi  un  état  de  choses   inadmissible  et 
obligea  Wrède  à  calmer  ses  velléités  d'indépendance.  Wrède,  en 
eft'et,  en  expédiant,  le  15  janvie>r,  le  |)rince  de  Thurn  et  Taxis  au 
quartier  général  de  Blucher,  n'osa  pas  se?  dispenser  d'en  rendre? 
compte  dans  les  termes  suivants  :  «  Je  viens  d'envoyer  mon  aide 


—  126  - 

do  ramp,  le  major  prince  de  Thurn  et  Taxis,  au  gc^néral-lieutenant 
coinlc»  Pahlen  et  au  feld-maréchal  von  Blucher  pour  les  informer 
de  ma  marche  et  les  prier  d*en  faire  autant  de  leur  côté.  » 

Blucher  lui-môme  changea  également  de  ton  dans  sa  corres- 
pondance avec  Wrède,  comme  le  prouve  la  lettre  suivante  qu'il 
remit,  à  Chdteau-Salins,  au  major  prince  de  Thurn  et  Taxis  : 

((  Je  remercie  bien  sinct'^rement  Votre  Excellence  des  renseigne- 
ments contenus  dans  sa  lettre  datée  de  Saint-Dié.  15  janvier, 
qu'ElIe  m'a  fait  remettre  par  M.  le  quartier-maître  prince  de 
Thurn  et  Taxis,  son  aide  de  camp.  En  cherchant  à  me  relier  avec 
le  comte  de  Wittgenstein,  au  moment  où  j'eus  connaissance  de  la 
direction  suivie  par  le  "2^  corps  ennemi  que  Votre  Excellence 
chassait  devant  Elle,  je  croyais  utile  de  me  porter  sur  Nancy, 
d*une  part  afin  de  couvrir  l'aile  droite  de  la  grande  armée,  de 
l'autre  afin  d'éviter  les  six  places  fortes  si  rapprochées  les  unes 
des  autres  qui  se  trouvent  au  nord  de  Nancy. 

«  Mais  si  l'ennemi  a  jeté  des  garnisons  dans  toutes  ces  places, 
leurs  approvisionnements  doivent  être  fort  incomplets,  cl  leurs 
garnisons  se  composent  en  grande  partie  de  conscrits.  J'ai  donc; 
fait  investir  Sarrelouis;  demain,  je  ferai  bloquer  Metz,  Thionville 
et  Luxembourg,  non  pas  que  je  me  propose  de  disséminer  mes 
forces,  mais  parce  que  j'espère  de  la  sorte  tromper  l'ennemi  sur 
mes  intentions  et  couvrir  la  marche  du  II«  corps  prussien,  qui  se 
porte  de  Coblentz,  par  Trêves,  sur  la  Meuse.  Je  serai  demain 
17  janvier  avec  environ  30,000  hommes  h  Nancy,  et  j'ai  dirigé  une 
colonne,  par  Pont-à-Mousson,  sur  Commercy.  Les  troupes  de 
blocus  se  concentrent  à  Saint-Mihiel,  et  moi-même,  avec  le  gros 
de  mes  forces,  je  marcherai  de  Nancy  sur  Toul  et  Ligny,  fsi  le 
prince  de  Schwarzenberg  ne  désire  pas  me  voir  exécuter  un  autre 
mouvement. 

«  D'après  les  renseignements  (|ue  je  possède,  l'ennemi  se  con- 
centre autour  de  GhAlons.  C'est  vers  ce  point  que  se  replient  les 
corps  de  Mannont  et  de  Victor.  L'ennemi  nw  paraît  d'autant 
moins  dis[)Osé  à  y  rechercher  une  solution,  que  des  voyageurs 
m'affirment  avoir  rencontré  la  vieille  garde  en  marche;  sur  Reims, 
Je  crois  donc  que  jusqu'à  (ululions  je  n'aurai  pas  besoin  du 
concours  de  Votre  Excellefice,  concours  sur  lequel  je  sais  par 


—  127  — 

expérience  pouvoir  roiiipter  au  nioniont  décisif.  Je  pense  qu'il  m 
sera  de  même  pour  la  grandr  armée.  .4  mon  humble  mis,  je  nous 
donc  qtie  Votre  Excellence  se  conformerait  le  plus  complètement 
aux  désirs  contenus  dans  la  lettre  de  Son  A  Itesse  le  prince  de 
Schwarzenberg,  lettre  que  Votre  Excellence  m'a  communiquée,  si 
Elle  se  rapprochait  quelque  peu  de  lui,  et  NeufchAltMui  nie  senihh» 
èlre  le  point  le  plus  avantageux  pour  un  niouveuK'ut  de  ce  genre. 
Je  prie  en  tout  cas  Votre  Excellence  de  nie  faire  connaître  la 
direction  qu'elle  aura  prise,  afin  qu(»  je  puisse  régler  mes  mouve- 
ments en  conséquence.  Le  comte  de  Wittgenstein  ne  devant, 
d'après  les  nouvelles  qu'il  m'a  fait  parvenir  hier,  être  à  Saverne 
que  le  2i,  il  me  semble  difticile  qu'il  puisse  entrer  en  ligne,  bien 
que  les  patrouilles  envoyées  par  les  avant-gardes  du  corps  Sacken 
aient  rencontré  hier  des  détachements  du  général  von  Pahlen  à 
Lunéville.  Je  suis  heureux  d'avoir  Votn»  Excellence  à  côlé  de  moi 
et  ne  manquerai  pas  de  l'informer  de  suite  de  tous  ceux  de  mes 
mouvements  qui  pourraient  l'intéresser.  » 

Malgré  cela,  on  verra  que  Wrède  ne  put  se  résigner  tout  d'un 
coup  h  passer  sous  les  ordres  de  Schwar/enberg,  et  voici  c(^  qu'il 
écrivait  à  Bl ficher,  de  Rambenillers.  le  17  janvier  : 

«  J'ai  appris  avec  un  très  vif  plaisir  que  l'armée  di»  Voln» 
Excellence  s'était  considérablement  rapi^rochée  de  nous.  Mon 
quartier  général  sera  aujourd'hui  à  Charmes,  le  1S  à  Mirecoiirt 
et  le  i9àNeufchiUeau.  Toutes  les  nouv(»lles  reçues  me  font  croin» 
que  l'ennemi  cherchera  à  masser  et  à  poster  autour  de  Chîilons 
et  de  Paris  le  peu  de  troupes  qu'il  pourra  encore  rassembler.  11 
s'agira  donc  de  le  suivre  le  plus  rapidement  possible,  de  lui  livrer, 
là  où  on  le  rencontrera,  une  bataille  dont  l'issue,  vu  la  silualion 
précaire  de  son  armée,  ne  peut  être  que  décisive.  Je  pri<»  Voire 
Excellence  de  me  faire  savoir  si  je  dois,  d*accord  à  ses  dispo- 
sitions, toujours  marcher  à  la  gauche  de  ses  troup(»s  tout  en  me 
rapprochant  progressivement  de  la  droite  de  la  grande  armée, 
afin  de  relier  finalement  d'une  manière  conij)lèle  l'armée  de  Votre 
Excellence  avec  celle  du  prince  de  Schwarzenberg.  Le  major 
prince  von  Thuni  und  Taxis  me  remet  î\  l'instant  môme  la  l(»tlre 
que  Votre  Excellence  m'écrivait  hier.  Je  suis  doublement  heureux 
de  voir  que  mes  dispositions  ont  répondu  aux  désirs  d(^  Votre 
Excellence.  Il  est  pour  moi  hors  de  doute  que  le  feld-maréchal 
prince  de  Schwarzenberg  cherchc^ra  par-dessus  tout  à  marcher  à 


—  128  — 

rcnncmi  avrc  toutes  les  forces  réunies  et  h  l'attacjuer  partout  où 
on  1<*  rencontrera.  » 

La  veille,  Wrède  avait  fait  part  de  ses  intentions  à  Scliwar- 
/enberg  et  lui  avait  annoncé  qu'il  transférerait  le  19  son  quartier 
i^énéral  h  Chûtenois  :  «  Ce  mouvement,  disait-il,  en  me  rapprochant 
de  Taile  droite  de  la  grande  armée  de  Votre  Altesse,  me  permet  de 
prendre  part  à  la  bataille  qu'Ellc  pourrait  vouloir  livrer  et  d'as- 
surer, (Ml  cas  d'échec  ou  d'insuccès,  la  défense  des  passages  des 
Vosges,  qui  m'avait  été  donnée  comme  premier  objectif.  »  * 

La  réponse  de  Schwarzenberg,  de  Vesoul,  le  17  janvier,  prouve 
péremptoirement  que  le  généralissime,  sous  une  forme  des  plus 
ainuiblcs,  éprouvait  une  fois  encore  le  besoin  de  faire  comprendre 
h  Wrède  qu'il  étîiit  sous  ses  ordres  et  que  son  corps  faisait  partie 
de  la  grande  armée  :  «  Je  compte,  écrit  Schwarzenberg,  voir 
Votre  Excellence,  dont  les  troup(»s  constituent  le  dernier  échelon 
cujUsant  de  mon  aile  droite,  rester  toujours  ù  portée  et  entre- 
prendre de  concert  avec  moi  tout  ce  qui  sera  nécessaire  en  raison 
d(îs  événiMiients.  J'ai  employé  à  dessein  le  mot  dernier  échelon 
agissant,  parce  que  le  général  Wittgenstein  n'est  pas  pour  le  mo- 
ment à  même  de  prendre  une  part  effective  et  directe  à  l'action  et 
que  sa  nouibreuse  (*avalerie  servira  à  maintenir  les  comnmnica- 
tions  entre  la  grande  armée  et  l'armée  de  Silésie.  » 

On  comprendra  sans  peine,  d'après  ce  qui  précède,  que  dans 
de  semblables  conditions  la  situation  du  généralissime  ait  été  peu 
enviable.  On  s'expliquera  plus  aisément  aussi  ses  timidités,  ses 
hésitations,  quand  on  pensera  qu'il  avait  sous  ses  ordres  un 
certain  nombre  de  généraux  disposés  à  critiquer  tout  ce  qui 
venait  du  grand  quartier  général,  que  ses  lieutenants  n'étaient 
satisfaits  que  lorsqu'il  se  présentait  une  occasion,  une  possibilité 
d'agir  seuls  et  d'opérer  pour  leur  propre  compte,  sans  avoir 
besoin  de  lier  leurs  opérations  avec  celles  de  leurs  collègues,  de 
s'entendre  avec  eux  ;  que  chacun  d'eux  désirait  échapper  à  la  direc- 
tion immédiate  du  généralissime,  enfin  que  l'inertie,  l'entêlement 
et  le  mauvais  vouloir  de  certains  d'entre  eux  ressemblèrent  parfois 
à  l'indiscipline.  Trop  souvent  aussi  ces  officiers  trouvèrent  des  en- 
couragements tacites  et  des  soutiens  latents  auprès  des  souve- 
rains. Par  cela  même  que  les  aspirations  et  les  tendances  des 
puissances  coalisées  étaient  essenliellemcînt  dil!erentes,  ils  ap- 
|)rouvaient  jusqu'il  un  certain  point,  et  en  tous  cas  se  gardaient 


—  129  — 

bien  de  condamner,  les  déplorables  rivalilrs  qui  se  nianifeslaient 
à  tout  instant  et  à  tout  propos  entre  la  plupart  des  chefs  des 
différentes  armées,  et  ne  songèrent  jamais  à  mettre  un  terme  à 
des  mésintelligences  plus  ou  moins  accentuées  qu'ils  n'osaient 
pas  fomenter,  mais  qu'ils  ne  regrettaient  pas  de  voir  se  produire. 
Nous  aurons,  d'ailleurs,  à  revenir  plus  d'une  fois  sur  ces  contlits 
d'attribution  et  sur  ces  tiraillements;  pour  le  moment,  il  nous 
faut  en  finir  avec  les  opérations  du  15  janvier. 

La  cavalerie  du  IV®  corps  a  BourbonDe  et  à  Jussey.  — 

L'avant-garde  du  IV®  corps  atteignit  ce  jour-là  Enfonvclle  et 
Fresnes-sur-Apance  ;  le  gros,  Jonvelle  d'où  1(^  prince  royal  envoya 
le  lieutenant-colonel  Rohrig  avec  2  escadrons  à  Bourbonne  et  de 
là  sur  la  grande  route  qui  va  de  Mirecourt  à  Langres  et  h  Chau- 
mont,  tandis  que  le  reste  de  la  cavalerie  \vurtemb(»rgeoise  se 
reliait  par  Jussey  avec  les  escadrons  du  111®  corps  *. 

Gyulay  attendait  toujours  l'attaque  de  l'ennemi,  et,  pour  être  h 
même  de  le  recevoir,  il  tint  pendant  toute  la  journée  son  cor|)s 
massé  et  ne  se  décida  qu'à  la  tombée  de  la  nuit  à  le  cantonner 
dans  les  environs  de  Favl-Billot. 

La  concentration  des  troupes  du  III®  corps  n'avait,  d'ailleurs, 
pas  échappé  h  Mortier,  qui,  informé  de  la  présence  d'un  gros 
rassemblement  de  troupes  autrichiennes  entre  Chalindrey  et  Ba- 
lesmes  pendant  la  nuit  du  14  au  13,  avait  pris  toutes  ses  mesures 
pour  résister  avec  la  seule  division  de  vieille  garde  à  une  attaque 
qu'il  avait  toute  raison  de  croire  inévitable  et  immédiate*. 

Mouvements  du  corps  volant  de  Thurn.  —  Positions  du 
1er  corps  et  des  réserves.  —  Quant  h  Thurn,  qui  s'était  dirigé 
vers  Dijon,  il  avait  dépassé  Champlilte,  conmiuniqué  avec  Wimp- 
ffen,  pris  position  prés  de  Saint-Maurice,  derrière  la  Vingeanne, 
et  poussé  ses  avant-postes  vers  Fontaine-Française,  La  Chaume 
etCourchamp\  Le  I®*"  corps,  arrêté  par  des  chemins  absolument 

*  Tagesbegebenheiten  {K,K,  KriegiArchiv,,  I,  30);  journal  d'opérations  du 
IV  corps  (/6îd.,XUl,  56). 

*  La  position  de  Mortier  était  à  ce  moment  plus  critique  que  ne  le  pensaient 
les  Alliés.  Il  avait  reçu,  le  15  au  matin,  12  pièces  de  4,  mais  il  n'avait  ni 
boulets  ni  artiUeurs.  (Voir  lettre  de  Mortier  au  major  général.  Archives  de  la 
Guerre.) 

*  Thurn  à  Schwarzenbcrg  (K,  K,  Kriegs  Archiv,,  I,  391). 

w«u.  9 


—  130  — 

impraticables,  n'avait  pu  sortir  de  ses  cantonnements.  Seule,  la 
la  division  Ignace  Hardegg  s'était  avancée  jusqu'à  Pierrecourt. 

Bianclii,  pendant  ces  derniers  jours,  avait  vainement  tenté 
d'amener  le  générai  Legrand  à  lui  ouvrir  les  portes  de  Belfort. 
Convaincu  désormais  de  l'impossibilité  de  lui  arracher  une  capi- 
tulation, il  avait  charge  du  blocus  le  général  Raïeffsky,  et  avec- 
sa  troisième  brigade  et  son  artillerie,  il  s'était  dirigé  sur  Vesoul. 
afin  de  rallier  la  grande  armée  et  de  prendre  part  au  combat  que 
Schwarzcîiiberg  comptait  livrer  à  Mortier  devant  Langros  le 
18  janvier. 

Les  réserves  russes  et  prussiennes  étaient  entre  Ronchamp  (ît 
Lure,  et  les  réserves  autrichiennes,  après  avoir  remonté  la  Saône 
par  la  rive  gauche,  avaient  poussé  des  environs  d'Auxonne  jus- 
qu'à Pesmes-sur-l'Oignon. 

16  janvier.  —  Platoff  à  Neufchâteau.  —  Stscherbatoff  sur 
Toul.  —  Renseignements  qu'il  transmet  au  généralissime. 
—  Le  10  janvier,  Platofl,  que  Kaïssaroif  avait  enfin  décidé  à 
march<îr,  arrivait  à  Neufchâteau,  où  il  ramassait  deux  canons  et 
une  centaine  de  fusils.  Les  Français  s'étaient  retirés  à  son 
approche  sans  détruire  le  pont,  et  l'ataman  annonçait  au  général 
en  chef  qu'il  allait  envoyer  des  partis  dans  la  vallée  de  l'Ornain, 
dans  la  direction  de  Bar-le-Duc*. 

Quant  à  Stscherbatoff,  (jue  nous  avions  laissé  à  Vézelise,  il 
avait  pris  plus  à  droite,  sélait  approché  de  Toul  et  avait  a|)pris 
par  des  déserteurs  que  cette  place  était  encore  occupée  par  une 
arrière-garde  française  forte  d'environ  0,000  hommes. 

Comme  le  général  prince  de  Biron  était  avec  sa  colonne  volante 
sur  la  grande  route  de  Nancy,  Stscherbatoff*  se  proposait  de  se 
rabattre  le  17  sur  Vaucouleurs,  afin  de  pouvoir  de  là  agir  sur  la 
route  de  Paris,  soit  (îiitre  Toul  et  Void,  soit  entre  Void  et  Bar-le- 
Duc.  Stscherbatof!'  communiquait,  en  outre,  au  quartier  général 
des  renseignements  intéressants  sur  les  mouvements  do  l'enne- 
mi, renseignements  qui  devaient  avoir  d'autant  plus  de  valeur, 
([ue  le  i[uarlier  général  en  recevait  fort  peu,  et  surtout  fort  peu 
d'exacts. 


*  TagL'sl)ej;ebenlioitcn  (K.  K,  Kneyt  Archiv.,  1,  30),  et  Rapport  journalier  à 
rempcrour  d'Autriche,  18  janvier  1814  (Ibid.,  L,  43t)). 


—  131  — 

«  On  a,  disait  Slschorbatoff,  (>n(cn<lu  à  Nancv  une  a>soz  forte 
canonnade  du  coté  do  Pont-à-Mousson,  on  dit  mémo  (|iron  y  a  vu 
de  rincendie  (sic).  On  prétend  (jue  de  grandes  forées  niairhenl 
surChAlons*.  » 

Le  renseignement  ainsi  donné  par  Slscherbatoff  était  parfail<^- 
ment  exact.  Il  est,  en  effet,  continné  par  la  dé|)èche  que  Grouchj 
envoyait  de  Tout  le  16  janvier  au  major  général  et  (piil  (»st  utile 
de  citer,  parce  (juN^lle  montre  que,  si  les  rivalités  et  lt»s  uïésint(»l- 
ligences  des  généraux  alliés  entravaient  et  retardaient  la  marche 
de  leurs  troupes,  le  manque  de  direction  compromettait  égale- 
ment les  opérations  des  maréchaux. 

«  Je  crois  devoir,  écrit  (îrouchy  au  major  général,  rendn» 
compte  il  Votre  Altesse»  (ju'hier  soir,  à  9  heures,  le  post(»  de  Pont- 
à-Mousson  a  été  évacué  par  les  troupes  de  M.  h»  man'^chal  duc  de 
Raguse,  sans  qu'on  en  ait  été  prévenu.  Je  ne  l'ai  su  qu(»  parle 
ntpport  de  mes  reconnaissances,  dette  évacuation  va  ameuter 
l'abandon  de  la  ligne  di»  la  Moselle,  et  il  est  si  funeste  aux  inté- 
rêts de  Sa  Majesté  que  toxis  les  monrements  des  troupes  au.r 
ordres  du  duc  de  Raguse  et  du  prince  de  La  Moskoua  ne  soient 
pas  combinés,  que  je  ne  puis  m' empêcher  d'en  témoigner  mon 
étonnement  et  ma  peine  à  Votre  Altesse.  Un  semblable  défaut 
d'ensemble  dans  les  opérations  atténue  encore  nos  moyens  déjà  si 
faibles  et  augmente  la  rapidité  de  f  invasion  de  Vennemi^. 

Ordres  de  Gronchy  à  Hilhaud.  —  Pendant  (juc  Stscherbatotl 
manifestiiit,  comme  nous  l'avons  vu,  Fintention  de  si»  rendre  h 
Vaucouleurs,  Grouchy  transmettait  au  général  Milhaud  ',  aucjuel 
Victor  avait  donné  le  commandement  d'une  colonne  formée  de  la 
4^  division  d'infanterie  et  de  ses  14  bouchers  à  feu,  du  4«  régiment 
de  gardes  d'honneur  et  de  la  division  de  dragons  du  général 
Briche,  Tordre  de  se  mettre  en  marche  le  17  à  6  heures  du 
matin,  iK)ur  se  diriger  sur  Vaucouleurs,  y  |)rendre  position  i»t 


*  Stscherbalo.T  à  Schwarzenberg,  du  camp  près  de  Thuilley,  10  janvier. 
<Â'.  K,  Kriegs  Ârchiv.,  I,  369.) 

*  Groucut,  Mémoires,  et  Archives  de  la  guerre. 

3  Archives  de  la  guerre.  —  A  la  suite  du  mouvement  du  2*"  corps,  la  division 
Meunier,  du  corps  du  niar<.*chal  Ney,  dut  quitter  Pagny-sur-Meuse  et  Void  le  i7 
et  se  replier,  la  !'•  brigade  sur  Ligny,  la  î*  sur  Bar  le-Due. 


—  132  — 

éclairer  de  là  les  roules  de  Toul,  Pont-Sain t-Yincent  et  Neuf- 
chateau.  Milhaud  devait  mettre  6  pièces  en  batterie  en  arrière  du 
pont,  le  couvrir  par  une  forte  grand'garde  et  se  maintenir  en 
communication  avec  Grouchy,  qui  allait  s'installer  îi  Yoid,  à  Tin- 
tersection  môme  des  routes  de  Toul  à  Ligny  et  de  Vaucouleurs  îI 
Commercy,  avec  la  division  de  dragons  de  Lhêritier,  l'artillerie 
du  5«  corps  de  cavalerie,  la  â'»  division  d'infanterie  du  2«  corps 
et  son  artillerie. 

Grouchy  reconnnandait,  en  outre,  c\  Milhaud  de  chercher  à  se 
procurer  des  renseignements  sur  la  position  de  l'armée  austro- 
bavaroise  «  qui  doit  avoir  poussé  une  avant-garde  jusqu'à  Gon- 
drecourt,  au  sud-ouest  de  Vaucouleurs,  sur  la  route  de  Bar-le- 
Duc.  » 

Il  prescrivait  en  même  temps  au  général  de  Pire,  qui  allait 
former  l'arrière-garde  avec  sa  division  de  cavalerie  légère,  sou- 
tenue par  un  bataillon  du  26®  d'infanterie  légère  et  2  canons,  de 
partir  à  8  heures  du  matin,  le  17,  de  Gondreville  pour  Toul,  de 
traverser  celte  place  et  de  s'établir  à  Lay,  sur  la  route  de  Toul  à 
Yoid.  Il  prévenait  en  même  temps  Pire  que  si  l'ennemi  le  contrai- 
gnait il  quitter  Lay,  il  aurait  à  se  replier  sur  Pagny-sur-Meuse, 
où  il  trouverait  une  division  d'infanterie  avec  du  canon*. 

Si  Grouchy  se  plaint  avec  raison  des  défauts  d'ensemble,  du 
manciue  d'unité  dans  le  commandement,  on  voit,  du  nioins,  qu'il 
y  a  (Ml Ire  la  manière  de  procéder  des  Français  et  celle  des  Alliés 
des  différences  capitales.  Grouchy  prévoit  les  événements  et  met 
ses  lieutenants  au  courant  delà  situation;  il  a  conservé  le  contact 
de  l'ennemi,  tout  en  réussissant  à  lui  cacher  sa  position,  tandis 
que  du  coté  des  Alliés,  malgré  les  avantages  remportés,  malgré 
la  supériorité  numérique,  malgré  la  présence  en  avant  des  lignes 
d'un  corps  de  cavalerie  aussi  considérable  que  celui  de  Platoff, 
on  en  est  réduit  à  tîUonner  et,  depuis  Charmes,  on  ignore  la 
direction  prise  par  les  corps  français.  Au  lieu  d'être  renseigné 
sur  leurs  mouvements  par  des  pointes  de  la  cavalerie  de  l'ata- 
man,  on  n'a  pu  se  procurer  des  nouvelles  que  par  l'intermédiaire 
de  Stscherbatoff  et  gnke  h  l'apparition,  sur  l'extrême  droite  de 
l'armée  de  Bohême,  des  colonnes  volantes  qui  précédaient  l'ar- 
mée de  Silésie. 

1  Ghoucht,  Mémoires,  et  Archives  de  la  guerre. 


—  133  — 

Positions  des  V«,  IV«  et  III®  corps.  —  L'avant-ganh^  du 
V«  corps  sVlait  avancée  sans  |)oine  jusqu'à  Lunéville,  ot  ses  cou- 
reurs, comme  nous  Tavons  dit,  avaient  fait  leur  jonction  avec  la 
cavalerie  de  Sacken.  Wrède,  voyant  dès  lors  (juil  n'avait  plus 
rien  à  craindre  ni  pour  sa  droite,  ni  sur  son  front,  quitta  d(» 
sa  personne  Saint-Dié,  pour  se  rendre  à  Ranil)ervillers,  et  dirig(»a 
son  corps  .d'armée  sur  Mirecourl. 

Le  prince  royal  de  Wurtemberg,  avec  la  brigade  Jett  était  à 
Bourbonne;  comme  raltatjue  sur  Langres  ne  devait  avoir  lieu 
que  le  18,  il  crut  pouvoir  en  profiter  pour  faire  faire  halli^  à 
JonvcUe  à  son  gros  et  remettre  en  état  la  ferrure  de  ses  che- 
vaux. 

Le  III®  corps  se  concentrait  entre  la  Qua.te  et  les  Griffonolles; 
le  quartier  général  de  Gyulay  était  h  Chaudenay,  H  le  I®"*  cor|)s 
continuait  à  rester  immobile  à  Malvillers  et  Pi(»rrecourt. 

Bianchi  avait  atteint  Mollans  ;  la  tète  de  colonni;  des  gardes 
russes,  Vesoul,  et  le  prince  héritier  de  Ilesse-Hombourg,  (iray, 
avec  les  réserves  autrichiennes. 

Schwarzenberg  donne  Tordre  d'attaquer  Langres.  —  On 
ignorait  si  complètement  o)  qui  se  passait  à  Langres,  on  avait 
tellement  peu  idée  des  projets  et  de  la  situation  de  Mortier,  (jue 
Schwarzenberg,  certain  de  rencontrer  à  Langres  une  résistance 
acharnée,  croyant  qu'il  y  avait  sur  ce  i)oint  des  forces  considé- 
rables et  s'altendant  à  voir,  ce  qui  était,  d'ailleurs,  j)arfaiteuient 
rationnel,  les  Français  chercher  h  s'y  maintenir  à  tout  prix,  lit 
partir  le  16  les  ordres  définitifs  fixant  au  18  l'exécution  d'unij 
attaque  convergente  sur  Langres.  Le  prince  royal  de  Wurtem- 
berg, venant  par  Montigny,  devait  attaquer  la  ville  du  cùté  du 
nord,  et  Gyulay  et  Colloredo,  débouchant  par  la  route  de  Fayl- 
Billot,  en  faire  autant  du  côté  de  l'est  et  du  sud-est.  Wiinpifen, 
qu'on  allait  porter,  le  17,  de  Gray  à  (]hamplitte,  avait  |)Our  mis- 
sion de  paraître  également  devant  Langres  le  18  janvier  et  de 
former,  en  débouchant  par  la  route  de  Dijon,  l'extrême  gauche 
de  l'attaque.  Toutes  ces  colonnes,  avec  leur  grosse  artillerie 
placée  en  tôle  et  pourvues  d'échelles  pour  donner  l'assaut, 
devaient  être  rendues  devant  Langres  à  une  heure  de  l'après- 
midi.  Enfin,  le  prince  de  Hesse-Hombourg  était  chargé  de  cou- 
vrir la  gauche  et  les  derrières  de  l'attaque,  en  faisant  front  contre 


—  134  — 

Dijon,  on  occupant  solidement  Mircbeau  et  le  canal  près  d'Arc- 
sur-Tille,  en  envoyant  sa  cavalerie  sur  la  route  de  Langres  h 
Dijon.  Les  gardes  russes  elles-niômes  dcN  aient  venir  îi  Fayl-Billot 
pour  servir  de  réserve  générale  aux  colonnes  d'attaque. 

Quant  à  Wrède,  il  était  en  marche  pour  se  rapprocher  de 
Taile  droite  de  la  Grande  Armée,  et  Wittgenstein  recevait  à  nou- 
veau l'ordre  d'accélérer  son  mouvement  sur  Nancy. 

Enfin,  la  3®  division  de  cuirassiers  russes  du  général  Duka 
avait  rejoint  le  IIP  corps  le  16  janvier. 

17  janvier.  —  Mortier  évacue  Langres  sans  que  les  Alliés 
remarquent  son  départ.  —  Le  but  que  Mortier  s'élait  proposé 
était  atteint,  et  la  mission  que  l'Empereur  lui  avait  confiée  en  l'en- 
voyant à  Langres  pouvait  être  désormais  considérée  comme  ter- 
minée. Malgré  la  faiblesse  numérique  de  son  petit  corps,  il  avait  su, 
par  ses  dispositions  aussi  intelligentes  qu'énergiques,  par  la  fierté 
de  son  attitude,  par  le  caractère  résolu  qu'il  avait  donné  à  seî> 
démonstrations  offensives,  en  imposer  îi  l'ennemi,  lui  faire  croire 
à  la  présence  sur  ce  point  de  forces  considérables  et  immobiliser 
devant  lui  depuis  cinq  jours  le  corps  de  Gyulay.  Il  avait  même 
réussi  à  retarder  le  mouvement  des  colonnes  de  la  grande  armée 
ennemie,  en  obligeant  Schwarzenberg  h  modifier  leurs  marches, 
îi  détourner  Wrède  de  Nancy,  h  faire  obliquer  à  gauche  le 
IV®  corps,  à  amenor  le  l^^  corps  derrière  le  III®,  à  faire  avancer 
les  réserves  autrichiennes  et  les  gardes  russes  vers  les  positions 
sur  lesquelles  il  avait  retenu  Gyulay.  Le  maréchal,  renseigné  sur 
les  mouvements  des  Alliés,  aurait  perdu  d'un  coup  tout  le  béné- 
fice de  ses  belles  manœuvres  des  jours  précédents,  en  s'entétant 
davantage  sur  la  position.  Il  avait  volontairement  attiré  l'orage 
sur  sa  tète;  il  ne  lui  restait  plus  maintenant  qu'à  trouver  les 
moyens  de  remplir  la  dernière  partie  de  son  programme,  la 
partie  la  plus  ingrate  et  la  plus  difficile  :  échapper  à  l'étreinte 
des  corps  qui  allaient  chercher  à  l'enfermer  dans  Langres,  en  .se 
dérobant  silencieusement  et  mvstérieusemenl  avant  leur  arrivée. 

Le  17  à  quatre  heures  du  matin,  le  maréchal,  se  dirigeant  sur 
Chaumont*,  quittait  Langres,  où  il  ne  laissait  que  184  hommes 


1  En  se  repliant  de  Langres  sur  Chaomont,  Mortier  ne  faisait,  comme  le 


—  135  — 

et  13  canons  avec  le  colonel  Simon  do  Lamorlic're,  auquel  il  avait 
donné  Tordre  de  tenir  le  plus  longtemps  (juil  le  pourrait  et  de 
capituler  afin  d'épargner  à  la  ville  les  suites  d'un  assaut. 

Entrée  des  Alliés  à  Langres.  —  Le  senice  des  avant-postes 
de  Gyulay  était  si  singuli^rement  fait  que  les  Autrichiens  ne 
s'aperçurent  de  rien.  Ce  fut  h  la  lin  do  la  journée  soulomoni  que 


prouve  Textrait  ci-dessous  de  la  Correspondance  de  Napoléon  /'',  qu'aUer  au- 
devant  des  intentions  de  TEnipcrcur  : 

M  Aa  prince  de  Neuehâtci  et  de  Wagram. 

«  Paris,  17  janvier  1814. 

u Recommandez  au  duc  de  Trévise,  dans  le  cas  où  l'ennemi  scrail  trop 

eu  force  et  qu'il  ne  pût  pas  lr»nir  à  Langres,  de  faire  évacuer  toutes  les  pitH.es 
qui  sont  dans  celte  place  sur  Vitry  et  sur  Troyes,  et  de  se  i-appro<'lier  lui-mi^mc 
de  Chàlons,  mais  lentement  et  seulement  autant  que  cela  serait  nécessaire. 

M  Faites  connaître  au  duc  de  Tarcnte  que  je  vais  porter  mon  quartier  général 
sur  Cliùlons.  »  (Correspondance  n°  21.09i.) 

Le  16  au  matin.  Mortier  avait  rendu  compte  au  major  gémirai  de  sa  situation 
et  Tavail  informé  des  mesures  qu'il  prenait  pour  se  retirer  sur  Chaumont  : 
«  L'ennemi  s'est  renforcé,  lui  écrivait-il.  Dammartin  est  occupé  et  reiiucmi  est 
attendu  à  Montigny-le-Koi.  Je  me  trouve  débonlc.  Les  grenadiers  à  cheval  de  la 
garde,  restés  à  Kolampont,  ont  Tordre  de  partir  demain  matin  à  4  heures  pour 
Chaumont,  où  je  compte  coucher  demain  soir,  et  d'occuper  La  Ville-aux-Bois 
qui  couvre  la  route  de  Montigny  et  de  Uourbonnc.  L'évacuation  totale  de 
Langres  entraînerait  de  graves  inconvénients  ;  j'y  laisserai  le  colonel  Simon 
avec  quelques  hommes  choisis  parmi  les  plus  fatigués  afin  de  rassurer  les 
habitants  et  de  former  un  noyau  de  défense  avec  400  gardes  nationaux.  On 
estime  à  25,000  hommes  les  troupes  que  j'ai  devant  moi.  Ce  nom])re  est 
probablement  exagéré,  mais  il  est  de  fait  que,  depuis  quatre  jours,  des  renforts 

arrivent  successivement  par  Chalindrey Tous   les  villages  aux  environs 

sont  occupés.  L'attaque  vigoureuse  qui  a  eu  lieu  dans  la  nuit  du  ii  au  13  à 
Châtenay-Vaudin  et  le  combat  de  Longeau  ont  rendu  l'ennemi  circonspect.  >» 

Aussitôt  arrivé  à  Chaumont,  où  il  avait  pris  position  le  17  au  soir.  Mortier 
occupa  immédiatement  les  hauteurs  de  Marnay,  qui  battent  les  passages  de  la 
Marne  et  La  Ville-aux-Bois  :  «  La  cavalerie  alliée  est  déjà  établie  à  Biesles, 
écrit  Mortier  à  cette  date;  on  m'assure  que  le  prince  de  La  Mosko\>a  est  ù  Bar- 
sur-()rnain  :  je  suis  donc  en  mesure  de  ne  pas  être  débordé  par  l'ennemi.  S'il 
ne  fait  pas  de  plus  grands  progrés,  je  resterai  à  Chaumont,  et,  si  le  prince  de 
La  Moskowa  se  reporte  en  avant,  j'occuperai  de  nouveau  Langres 

«  Je  fais  venir  en  hâte  le  113*^  régiment  qui  est  à  Troyes.  Les  troupes  de  la 
garde,  notamment  les  dragons  et  les  chasseurs  à  cheval,  qui  n'ont  pas  eu  un 
moment  de  repos  depuis  notre  départ  de  Trêves,  sont  très  fatigués.  » 

Mortier  était,  du  reste,  très  bien  renseigné  sur  la  composition  des  troupes 
qu'il  avait  devant  lui  :  il  savait  que  Gyulay  avait  sous  ses  ordres  le  prince  de 
Hohenlohe  et  que  le  lieutenant-colonel  comte  Thurn,  qui  commandait  le  corps 
volant  détaché  du  côté  du  III®  corps,  correspondait  directement  avec  le  prince 
de  Schwarzenberg.  (Archives  de  la  guerre.) 


—  136  — 

le  lieulenant-coionel  Woyna,  un  des  aides  de  camp  de  Schwar- 
zenberg,  envoyé  vers  les  portes  de  la  ville  avec  deux  officiers  de 
Tétat-major  russe  pour  parlementer  avec  le  maréchal,  tout  sur- 
pris d'avoir  pu,  sans  être  arrêté  par  aucun  poste,  arriver  jusqu'à 
portée  de  fusil  des  premières  maisons,  informa  de  la  retraite  de 
son  adversaire  le  feldzeugmeister  qui,  n'ayant  reçu  aucun  avis 
des  troupes  postées  en  vue  de  Langres,  n'avait  pas  la  moindre 
idée  du  départ  du  duc  de  Trévise. 

Manquant  de  munitions  pour  ses  canons,  abandonné  par  la 
garde  nationale,  qui  refusa  de  prendre  part  à  la  défense,  le  colonel 
Simon  dut  déposer  les  armes,  et  les  Autrichiens  entrèrent  à  Lan- 
gres le  soir  même.  Gyulay  poussa  alors  sa  cavalerie  sur  la  route 
de  Chaumont,  envoya  la  division  Crenneville  à  Humes,  garda  le 
gros  à  Langres,  sauf  une  brigade  qui  cantonna  en  arrière  de  la 
ville,  à  Corlée  et  îi  Saint-Geosmes  *. 

La  brigade  d'avant-garde  de  la  division  Wimpffen,  sous  les 
ordres  du  général-major  Geppert,  arrivait  en  môme  temps  par  la 
route  de  Dijon  en  vue  de  Langres. 

Position  des  IV*  et  V«  corps.  —  Le  prince  de  Wurtemberg, 
exécutant  les  ordres  de  Schwarzenberg,  avait  porté  son  corps 
d'armée  de  Bourbonne  à  Montigny,  et  son  avant-garde,  sous  le 
général  Stockmayer,  jusqu'à  Frécourt.  Enfin,  et  comme  il  résulte 
du  rapport  ci-dessous,  le  prince  avait,  en  outre,  envoyé  à  Mandres 
le  lieutenant-colonel  Rôhrich,  avec  ses  deux  escadrons,  et  lui 
avait  donné  pour  soutien  la  brigade  Jelt. 

«  Le  prince  royal  de  Wurtemberg  au  prince  de  Schwarzen- 
berg*.—  Bourbonne,  17  janvier  1814.  —  Je  fais  recon- 
naître aujourd'hui  le  terrain  en  avant  de  Frécourt,  ainsi  que  les 
routes  qui,  dans  ma  marche  vers  Langres,  me  permettraient  de 
me  jeter  à  droite  sur  la  route  de  Langres  à  Chaumont  pour  le  cas 
où  l'ennemi  ne  se  défendrait  pas  à  Langres. 

«  Le  lieutenant-colonel  Rôhrich,  qui  a  poussé  aujourd'hui  jus- 
qu'à Mandres,  doit,  s'il  apprend  que  Chaumont  est  dégarni  de 


*  Tagcsbegebenheiten  (K.  K.  KriegsArchiv,,  I,  30).  Journal  d'opérations  du 
IV*  corps  {Ibid,,  XIII,  56).  Rapport  journalier  à  l'Empereur,  \S  janvier  (Ibid,, 
1,  436). 

s  K,  K.  Kriegs  Archiv.,  l,  39*. 


—  137  — 

troupes  ou  évacué,  surprondro  cotte  villo  celle  nuit.  J'ai  sifçnalé 
tout  particulitToniont  à  son  allenlion  les  dépôts,  le  téléfçra|)he  et 
la  poste.  J'ai  envoyé  Platoff  par  Bournioat  et  l'ai  décidé  à  j(»ter 
des  partis  sur  la  route  de  Chaumont  à  ChAlons  pour  inquiéter  et 
intercepter  cette  grande  ligne  de  communication  de  l'ennemi. 

c<  Je  l'ai  chargé  de  répandre  partout  les  proclamations.  Je  pré- 
viens le  feldzeugmeist'T  comte  Gyulay  dc^  mes  mouvements. 

«  Vous  verrez  par  les  journaux  (jue  je  vous  envoie  qu'on  forme 
;i  Paris  douze  légions  de  gard(»  nationale  à  la  tétc»  desipielles 
l'empereur  Napoléon  et  les  dignitain\s  d(i  sa  cour  ont  cru  devoir 
se  placer.  » 

A  droite  du  IV«  corps,  le  V^^  corps  avait  sa  gauche  (division  de 
La  Motte)  à  Mirecourt,son  centre  (division  Rechberg)  à  Charmes, 
sa  droite  sous  Frimont  à  Bavon  \ 

Platoff  à  Neuf  château.  —  Stscherbatoff  à  Colomb  eyles- 
Belles.  —  A  droite  également  et  en  avant  du  IV«  corps,  Platoff* 
était  à  Neufchàteau  où,  quehjues  heures  plus  tard,  il  allait  rece- 
voir l'ordre  de  se  porter  par  Andelot  sur  Har-sur-Aube.  Les 
partis  qu'il  avait  envoyés  à  Rar-le-Duc  lui  firent  savoir  (jue  \\m- 
nemi  se  retirait  vers  la  Marne. 

A  la  droite  de  Platoff  et  plus  au  nord,  couvrant  h»  front  du 
V«  corps,  Stscherbatoff  était  à  Colombey-aux-belles-Fennnes 
(Colombey-les-Belles),  d'où  il  envoyait  le  17  les  renseignements 
suivants  : 

«  Du  camp  près  de  Colombey*  (original  en  français). —  Le 
17  janvier  1814.  —  Les  défilés  «pii  se  trouvent  entre  Colombey 
et  Vaucouleurs  m'ont  décidé  à  m'arrêter  i)rèsdu  |)remier  endroit, 
car  le  second  est  occupé  par  l'ennemi,  ainsi  que  Toul,  près  duquel 
il  y  a  beaucoup  de  cavalerie.  Je  fais  agir  mes  partis  et  me  suis 
arrêté  pour  que  l'ennemi  ne  me  coupe  pas  dans  les  défilés  et  que 
je  puisse  protéger  mes  partis. 

«  L'avant-garde  du  feld-maréchal  Blùcher,  commandée  |)ar  le 
lieutenant  général  Wassiltchikoff,  est  arrivée  aujourd'hui  à  Nancy. 
Par  les  nouvelles  que  j'ai,  ils  marcheront  sur  Toul. 


1  Tagesbegebenheiten  (A'.  A'.  Kriegs  Archiv.,  l,  30).  Tagcbuch  des  Majors 
Fursten  Taxis  {Ibid,,  XIU,  32). 

'  Stscherbatoff  à  Schwarzcnberg  (IbUt,,  I,  ad.  369). 


—  138  — 

«  Toutes  les  lettres  particulières  que  j'ai  interceptées  annoncent 
<iuc  toutes  les  forces  se  portent  sur  Chàlons. 

«  Les  nouvelles  d'ici  sont  que  Napoléon  a  déclaré  au  Sénat 
qu'il  donnera  une  bataille  décisive  sur  les  plaines  de  Châlons, 
et  si  elle  n'aura  pas  de  succès,  il  privera  rimj)ératrice  de  son 
époux.  » 

Stscherbatoflf  allait,  dès  le  lendemain,  être  dirigé  par  Void  et 
Ligny  sur  Saint-Dizier.  Il  semble  qu'on  voulait  faire  surveiller 
d'un  côté  par  Platoff,  de  l'autre  par  StscherbalofT,  les  routes  qui, 
parlant  de  Paris  et  passant,  l'une  par  Troyes,  l'autre  parChûlous, 
conduisent  vers  le  plateau  de  Langres. 

Positions  des  autres  corps  de  la  grande  armée.  —  A 

l'extrême  droite  des  Alliés,  Wittgenstein  s'était,  enfin,  décidé  à 
conmiencer  sa  marche  en  avant  :  il  avait  abandonné  au  comte  de 
Hochberg  (margrave  Guillaume  de  Bade)  le  blocus  de  Kehl  ;  les 
troupes,  retenues  jusque-là  sur  la  rive  droite,  vinrent  à  Haguenau, 
et  l'on  bombarda  sans  succès  Phalsbourg.  Le  prince  Eugène  de. 
Wurtemberg,  qui  avait  pu  arriver  avec  la  4«  division  et  le  l*^"^  ré- 
giment de  dragons  badois  jusqu'à  Saverne,  se  chargea  des  opé- 
rations contre  Phalsbourg,  permettant  ainsi  h  la  cavalerie  de 
Pahlen  de  reprendre  sa  liberté  d'action. 

Enfin,  vers  la  gauche  de  la  grande  armée*,  le  I*^""  corps  est 
entre  Langres  et  Longeau,  sur  la  roule  de  Langres  à  Dijon;  la 
division  Wimpffen  est  à  Chassigny,  la  division  Blanchi  vers  Mailly. 
D'après  de  nouveaux  ordres,  ces  deux  divisions  devaient  aller 
rallier  les  réserves  autrichiennes  du  prince  héritier  de  Hesse- 
Hombourg. 

Affaire  de  cavalerie  d'Occey.  —  De  ce  côté  encore,  Thurn, 
que  nous  avons  laissé  à  Saint-Maurice,  y  avait  appris  qu'un  fort 
(îonvoi  de  poudres  avait  quitté  Langres  le  14  pour  se  rendre  par 
la  chaussée  à  Dijon  avec  une  escorte. 

Laissant  à  Saint-Maurice  ses  deux  compagnies  de  chasseui*s 
qui,  à  cause  de  la  crue  anormale  des  eaux  dé  la  Vingeanne,  n'au- 
raient pas  pu  traverser  la  vallée,  et  qu'il  fit  couvrir  par  quelques 


'  Tagesbeg»'l>onheilen  (K.  K,  Krieys  ArchU\  I,    30).  Tagebucli  dcr  Majors 
Fursteii  Taxis  (IbUi.,  XIU,  32). 


cavaliers,  il  s'était  porto  avec  le  resif»  de  sa  cavalerie  à  Occey  et 
y  avait  tendu  une  embuscade.  Vers  midi  il  aperçut  du  haut  «l'une 
colline  le  convoi,  se  composant  de  23  voitures  (»scorté(»s  |)ar  des 
cuirassiers  du  12*,  quelques  hussards  et  chasseurs.  Thurn  laissa 
le  convoi  et  son  escorte  dépasser  le  village  d'Occey,  eu  déboucha 
ensuite  à  Timproviste,  se  jeta  sur  les  derrières  du  convoi,  sabra 
la  plus  grande  partie  de  l'escorte  et  s'empara  d(»  toutes  h's  voi- 
tures, à  l'exception  d'une  seule  (jui  sauta  pendant  le  combat  \ 

N'ayant  pas  assez  de  uïonde  pour  pouvoir  garder  lui-même  ses 
prises.  Thurn  les  envoya  au  feld-maréchal  lieutenant  baron 
Wimpffen  à  Champlitte,  en  lui  faisant  savoir  que,  d'après  ce  qu'il 
avait  appris  des  prisonniers,  le  convoi  parti  d'Auxoïine  était 
destiné  à  Metz,  mais  qu'on  Tavait  fait  rétrograder  sur  Dijon  |)arce 
(fu'on  ne  trouvait  pas  les  routes  suflisanunent  sûres  pour  le  lais- 
ser continuer  sa  route. 

Nouveaux  ordres    de    Schwarzenberg    pour   le    18.   — 

Schwaraenberg,  informé  des  événements  d(^  Langres,  modifia 
naturellement  les  ordres  |K)ur  la  journée  du  18  et  prescrivit  au 
IV«  corps,  soutenu  par  la  3^  division  (Duka)  de  cuirassiers  russ(»s 
qui  devait  venir  à  Marnay,  de  se  porter  sur  (Ihaumonl.  Le 
lll"  corps  devait  cantonner  dans  les  villages  situés  sur  la  route  de 
Langres  à  Chûtillon-sur-Seine,  le  T-''  corps  entre  Longeau  et  Lan- 
gres, et  le  prince  héritier  de  Hesse  devait  cherch(M*  à  arriver  à 
Dijon  le  19*. 


«  Thnrn  à  Schwarzcnljcrg.  Sacqueiiay,  17  janvier,  2  heures  après  midi. 
(AT.  A'.  Kriegs  Archiv.,  I,  391.) 

«  Clacsewitz,  Critique  stratégique  de  la  campagne  de  1814. 

«  On  ne  saurait  guère  démêler  les  raisons  pour  lesqueUes  on  diri;;ea  sur  Dijon 
le  prince  liéritier  de  Hesse-IIombourg  avec  les  réserves  autrichiennes,  et  le 
général  CoUoredo  avec  le  1"  corps,  dit  Clausewitz  dans  sa  critique.  On  voulait 
probablement  assurer  les  communications  avec  Bubna,  couvrir  le  ])io<'ns  des 
places  d*Alsacc  et  de  Franche-Comté  et  proté|x«T  l'aile  gauche  de  Schwarzenher^r. 
Tout  cela  porte  l'empreinte  de  considérations  stratégiques  qui  ne  sont  que  les 
restes  de  l'ancienne  routine.  Faire  soutenir  12,000  hommes  par  40.000,  c'est 
commettre  une  faute  inexplicable.  En  janvier,  les  troupes  d'inveslissemont  et 
TaUe  gauche  n'étaient  nullement  menacées.  De  plus,  il  est  clair  qu'une  bataille 
décisive  gagnée  sur  les  bords  de  la  Seine  menait  les  Alliés  à  Paris,  qu'une 
grande  bataille  perdue  les  ramenait  sur  le  Rhin.  II  n'y  avait  donc  pas  lieu  de 
se  préoccuper  du  blocus  des  places  et  de  l'aile  gauclie.  Avec  une  base  aussi 
étendue,  allant  de  Genève  à  Nimègue;  avec  les  moyens  dont  on  disposait, 
avec  la  ferme  intention  d'en  finir  en  frappant  à  grands  coups^  on  ne  deyait 


—  140  — 

Perte  du  contact  avec  Mortier.  —  Considérations  sur 
les  mouvements  des  Alliés  depuis  leur  départ  de  Bâle.  — 

Toute  la  grande  concontralion  projetée  et,  en  grande  partie,  exé- 
cutée, avait  donc  été  complètement  inutile,  et  cependant  on  avait 
eu  le  temps  de  tout  prévoir  et,  surtout,  de  se  renseigner,  puis- 
qu'on avait  employé  quatre  semaines  entières  pour  franchir  les 
190  kilomètres  environ  qui  séparent  BAle  de  Langres,  bien  qu'on 
n  eût  rien  devant  soi.  Mais  on  faisait  de  la  cavalerie  un  emploi 
si  étrange  qu'on  ne  savait  même  pas  ce  qu'était  devenu  Mortier 
après  l'évacuation  de  Langres  ;  on  le  croyait  déjà  bien  au  delà  de 
Chaumont,  où  l'on  s'attendait  à  entrer  sans  avoir  à  tirer  un  coup 
de  fusil.  Comme  le  dit  Toll  dans  ses  rapports  :  «  Gyulay,  avec 
son  insouciance  et  sa  somnolence  habituelles,  avait  trouvé  abso- 
lument inutile  de  faire  suivre,  même  par  un  petit  parti,  le  maré- 
chal Mortier*,  dont  on  avait,  le  17  au  soir,  absolument  perdu, 
non  seulement  le  contact,  mais  encore  la  trace.  » 

On  a  bien  essayé  de  justifier  cette  lenteur  en  prétendant  qu'on 
tenait  à  rester  à  la  même  hauteur  avec  l'armée  de  Silésie,  que 
ce  fut,  par  conséquent,  par  calcul  qu'on  n'imprima  pas  au  mouve- 
ment une  plus  grande  activité.  Cet  argument  est  absolument  spé- 
cieux et  sans  valeur.  Rien  n'empêchait,  en  effet,  le  généralissime 
de  faire  passer  le  Rhin  à  Bliicher,  de  façon  que  la  grande 
armée  n'eût  pas  besoin,  pour  l'attendre,  de  piétinersur  place  dans 
le  Haut-Rhin,  et,  d'ailleurs,  il  n'y  avait  aucune  raison  valable 
pour  ne  pas  laisser  cette  dernière  prononcer  son  mouvement  en 
avant.  La  marche  de  l'armée  de  Bohême,  en  s'accentuant  dès  le 
passage  du  Rhin,  aurait,  au  contraire,  présenté  de  nombreux 
avantages  et  épargné  à  Schwarzenberg  une  partie  des  fautes 
plus  ou  moins  graves  qu'il  commit  pendant  ces  quatre  semaines. 

S'il  avait  pris,  dès  le  principe,  la  résolution  de  se  porter  carré- 
ment en  avant,  le  généralissime  aurait  dû  renoncer  à  ce  grand  et 


pas  s'inquiéter  du  danger,  toujours  très  problématique,  gui  peut  résulter  d'un 
mouvement  stratégique  de  flanc.  » 

Les  troupes  alliées  attaquèrent,  le  18  au  soir,  Varois,  et  le  poste  français 
se  retira  sur  Saint-Apollinaire.  Le  général  Liger-BeUair  évacua  Dijon  le  19  au 
matin,  se  rendant  à  Auxerre,  et  le  général  de  Veaux  se  porta  à  Saint-Seine 
avec  quelques  gardes  nationales.  De  petits  postes  occupèrent  Sonibcruon  et 
Vittcaux.  {Archivei  de  la  guen'e.) 

1  Dernhardi,  Toll,  Denkwlirdihkeilm,  IV,  189. 


—  141  - 

inutile  mouvement  de  conversion,  qui  l'amena  à  pousser  sa 
gauche  jusqu'à  Genève  et  h  immobiliser  ensuite  tout  un  corps 
d'armée  du  côté  de  Dijon,  à  ce  mouvement  qui  devait  pernuUtre 
de  tourner  des  obstacles  naturels  que  les  Français  ne  songeaient 
pas  h  défendre,  car  ils  ne  pouvaient  y  amener  que  d(»s  forces  insi- 
gnifiantes, ce  dont  il  eût  été  aisé  de  s'assurer  sans  danj^er.  Il 
n'aurait  -pas,  en  poussant  inulilenuMit  Wrcd(î  sur  la  riv(»  gauche 
du  Rhin  dix  jours  avant  le  reste  de  ses  forces,  révélé  à  Victor  I<» 
point  contre  lequel  il  se  proposait  d(»  diriger  ses  premières  atta- 
ques ;  il  ne  lui  serait  pas  venu  à  la  jiensée  de  clioisir  pour  péné- 
trer en  France  quatre  routes  divergentes.  Il  lui  aurait  été  impos- 
sible d'éparpiller  du  uïonde  devant  toutes  les  places,  grandes  ou 
petites, importantes  ou  insignifiantes,  (ju'il  rencontra  sur  soïi  che- 
min. Au  contraire,  il  eût  été  forcé  de  garder  son  monde  dans  la 
main  et  ne  serait  pas  arrivé  à  ce  résultat  inouï  de  ne  |)Ouvoir  dis- 
poser, au  moment  où  il  croyait  rencontrer  à  Langres  des  forces 
considérables,  que  d'une  quarantaine  de  mille  honnnes  sur  une 
armée  d'un  eff'ectif  total  supérieur  ii  200,000  hommes. 

Au  lieu  d'attendre  l'entrée  en  ligne  de  Blûcher,  de  ne  com- 
mencer h  marcher  que  lorscjuc  ra|)proche  des  colonnes  de 
l'armée  de  Silésie  obligea  Ney  et  Victor  ii  abandonner  la  vallée  di? 
la  Moselle  et  à  se  replier  sur  la  Meuse,  il  aurait,  en  accentuant 
quelque  peu  son  mouvement,  compromis  sérieusement  la  retraite 
de  Marmont  qui  reculait  pas  à  pas  devant  Bliicher.  Enfin,  surtout 
devant  un  adversaire  aussi  actif  que  l'Empereur,  il  im[»ortait 
avant  tout  d'agir  vivement  et  résolument,  et  il  fallait  par-dessus 
tout  le  mettre  dans  l'impossibilité  de  rappeler  Mortier  de  Bel- 
gique, de  faire  revenir  Macdonald  des  frontières  des  Pays-Bas. 
Que  serait-il  arrivé  si  Napoléon,  quittant  Paris,  où  sa  présence 
était  malheureusement  nécessaire,  10  ou  12  jours  plus  tôt  qu'il 
ne  le  fit,  avait  pu,  ramassant  en  roule  les  corps  de  Mortier,  de 
Ney  et  de  Victor,  les  joignant  aux  quelques  troupes  qu'il  aurait 
amenées  avec  lui,  se  jeter  sur  les  colonnes  alliées  séparées  les 
unes  des  autres,  échelonnées,  isolées,  hors  d'état  d(*  se  soutenir 
réciproquement?  Il  est  bien  i)robable  que  l'armée  de  Bohème 
aurait  subi  le  sort  réservé  ii  Blùcher  pendant  sa  première  tenta- 
tive de  marche  sur  Paris.  L'Empereur  aurait  dès  le  début  rem- 
porté des  «avantages  sérieux  dus  presque  uniquement  aux  disposi- 
tions défectueuses  du  généralissime.  Celui-ci,  dans  la  crainte  de 


—  142  — 

trop  risquer,  d'exposer  son  armée  à  des  dangers  imaginaires, 
avait  commis  à  ce  moment  des  imprudences  que  lui  aurait  fait 
ch(>rement  expier  Napoléon  s'il  n'avait  pas  été  retenu  loin  de  son 
armée  par  des  nécessités  de  toute  sorte. 

Puisque,  malgré  la  faiblesse  bien  connue  des  Français,  on 
avait  cru  nécessaire  de  passer  par  le  Brisgau  et  la  Suisse  pour 
tourner  la  ligne  du  Rhin  que  Napoléon  était  hors  d'état  de 
défendre,  il  aurait  fallu  tout  au  moins,  une  fois  arrivé  sur  le  pla- 
teau de  Langres,  suivre  résolument  l'une  des  lignes  d'invasion, 
l'une  des  vallées  aboutissant  à  Paris.  En  marchant  vivement,  on 
ne  courait  aucun  risque,  on  augmentait  le  nombre  de  lignes 
d'étape  et  de  ravitaillement,  et  Ton  arrachait  du  même  coup  plus 
de  terrain  à  l'ennemi. 

Mais  si  nous  passons  des  considérations  générales  à  l'examen 
de  certains  points  de  détail,  nous  constaterons  que,  même  sous 
ce  rapport,  tout  était  loin  d'être  satisfaisant.  GrAce  aux  mesures 
absolument  insuffisantes  et  à  l'insouciance  de  Gyulay,  le  maré- 
chal Mortier  avait  réussi  à  se  dérober  si  habilement  que  les  Alliés 
n'avaient  pu  rétablir  le  contact  avec  son  arrière-garde.  Au  quar- 
tier général  on  pensait  qu'il  avait  déjà  dû  évacuer  Chaumont.  On 
avait,  en  conséquence,  prescrit  au  IV®  corps  de  pousser  sur 
Chaumont.  Lorsque  ces  ordres  parvinrent  au  prince  royal  de  Wur- 
temberg*, il  avait  déjà  fait  prendre  à  son  avant-garde,  sous  le 
général  von  Stockmayer,  la  direction  de  Langres,  parce  que  l'on 
avait  négligé  de  le  prévenir  à  temps  des  événements  du  17. 

18  janvier.  —  Ordres  et  mouvements  du  IV^'  corps.  — 
Affaire  de  cavalerie  de  La  Ville-aux-Bois.  —  Reconnaissance 
de  Chaumont.  —  Le  prince  royal  dut,  par  suite,  reconstituer 
une  nouvelle  avant-garde,  composée  du  régiment  de  chasseurs  à 
cheval  n®  4  (Prince  Adam),  d'un  régiment  d'infanterie  et  d'une 
batterie  à  cheval  qu'il  fit  partir  avec  le  général  von  Jett  pour  Chau- 
mont, le  18  à  7  heures  du  matin;  il  faisait  en  même  temps  savoir 
au  général  von  Stockmayer  d'avoir  à  suivre  le  mouvement  du 
général  von  Jett,  et  ordonnait  au  gros  de  son  corps  de  se  porter 
de  Montigny-le-Haut  sur  Chaumont.  Il  prévenait  également  h) 


i  Tagcsbegebenlieiteii  (A'.  K,  Krieys  Archiv.,  I,  30),  et  Journal  (Topérations 
dn  1V«  corps  (/6m/.  XIII,  36). 


—  143  — 

lieutenant-colonel  Rôhrich  do  prendre»  ii  droite  de  Mandres  pour 
gagner  à  hauteur  de  Riaucourt  la  routi»  de  Joinville  h  Chaumont. 
Cette  dépêche  ne  put  panenir  vi  temps  au  lieutenant-colonel  (jui, 
continuant  h  pousser  droit  devant  lui,  vint  donner  près  de 
Biesles  dans  quelques  escadrons  de  dragons  et  de»  carabiniers  de 
la  garde,  qui  se  replièrent  sur  La  Ville-aux-Bois.  Un  peu  plus 
tard,  lorsque  le  prince  royal,  marchant  avec  la  colonne  du 
général  von  Jett,  vint  renforcer  Rohrich  avec  le  régiment  Prince- 
Adam  et  menacer  La  Ville-aux-Bois  par  1(^  nord ,  ces  esc^adrons 
<;ontinuèrent  lentement  leur  retraite  sur  Choignes,  où,  protég<^s 
par  2  bataillons  d'infanterie,  ils  passèrent  sur  la  rive  gauche  de  la 
Marne. 

Après  avoir  enlevé  Choignes,  d'où  son  infanterie»  ne  tarda  jms 
à  être  chassée  par  un  bataillon  de  grenadiers  de  la  garde*,  le 
prince  royal  reconnut  la  position  de  Mortier.  La  trouvant  trop 
forte  pour  oser  l'attaquer  avec  le  IV®  corps  seul,  il  se  borna  à 
canonner  jusqu'à  la  nuit  cette  position  qu'il  com|)tait  enlever  le 
lendemain  avec  le  concours  du  III«  corps,  qui  était  resté  inmio- 
bile  p(?ndant  toute  la  journée,  sans  soutenir  les  troupes  wurtem- 
bergeoises  sur  les  rives  de  la  Marne. 

Affaire  des  cuirassiers  russes  à  Vesaignes.  —  Pendant  (pie 
le  l\^  corps  était  engagé  sur  la  rive  droite  de  la  Marne,  du  e<Mé 
de  Choignes,  la  3®  division  de  cuirassiers  russes  (3  régiments, 
sous  les  ordres  du  général  Duka)  avait  été  poussée  en  avant  par 
Gvulav  sur  la  rive  gauche  de  la  Marne,  et  avait  reeu  du  feld- 
zeugmeister  l'ordre  d'aller  cantonner  a  Marnay.  Les  cuirassiers 
qu'on  avait  négligé  de  mettre  au  courant  de  la  situation,  habitués, 
d'ailleurs,  à  servir  de  réser\T,  peu  familiarisés  avec  le  service  des 
avant-postes,  vinrent  donner  près  de  Vesaignes  contre  les  pre- 
mières vedettes  françaises.  Celles-ci  s^  replièrent  lentement  sur 
une  troupe  d'infanterie  française  établie  à  Marnay  et  attirèrent 
les  cuirassiers  dans  une  embuscade  tendue  dans  une  vallée 
encaissée,  par  laquelle  ils  devaient  forcément  j^asser  pour 
atteindre  les  cantonnements.  Accueillis  par  un  feu  assez  vif  par- 


i  Journal  et  opérations  du  IV <'•  corps  (A'.  À'.  Krieys  Archiv.,  XIII,  56),  et 
rapport  du  commandant  Gerbaud  au  Ministre  de  la  guerre  {Archives  de  la 
Guerre), 


—  144  — 

tant  (les  hauteurs  qui  dominent  celte  vallée,  les  cuirassiers 
firent  demi-tour  et  se  replièrent  sur  Rolamponl,  après  avoir  perdu 
pas  mal  de  monde.  Comme  la  nature  du  terrain  ne  permettait 
guère  de  faire  agir  de  la  grosse  cavalerie  dans  ces  parages,  Duka 
demanda  h  Gyulav  de  lui  envover  de  Tinfanterie  et  de  lui  donner 
Tordre  de  lui  ouvrir  la  route  menant  à  ses  cantonnements*.  Un 
bataillon,  une  demi-batterie  et  un  escadron  de  cavalerie  légère 
rejoignirent,  h  cet  effet,  les  cuirassiers  à  Rolampont  dans  la  nuit 
du  18  au  19. 

Positions  des  IIP  et  V^»  corps  et  de  Platoff .  —  Le  III«  corps 
était  resté  h  Humes,  et  le  feldzeugmeister,  que  le  prince  royal 
avait  informé  de  ses  projets  d'attaque  sur  Chaumont,  se  |)ropo- 
sait  de  manœuvrer  le  lendemain  sur  la  droite  de  Mortier  en  dé- 
bouchant par  Foulain. 

Les  Bavarois  du  V«  corps  étaient  arrivés  à  Mirecourt  ;  Frimont, 
avec  les  Autrichiens,  était  resté  h  Bayon  ;  mais  il  avait  envoyé  le 
colonel  von  Mengen  à  Vézelise  et  le  colonel  von  Geramb  à 
Charmes. 

Platoff,  de  son  côté,  expédiait  de  Neufchûteau  500  cosaques 
sur  Joinville*. 

L'atimian  apportait,  il  faut  le  croire,  une  bien  grande  négligence 
en  toute  chose,  puiscpie  Tadjudant-commandant  La  Condamine. 
porteur  d'une  lettre  de  Berthier  au  prince  de  Schwarzenberg  et 
que  Grouchy  avait  envoyé  en  parlementaire  auprès  de  Platoff, 
rapi)ortail  il  son  général  qu'il  avait  vu  dans  le  bureau  de  cet 
officier  un  itinéraire  dirigeant  une  colonne  d'infanterie  sur  Lan- 
gres  et  Chaumont  par  Saint-Thiébault*.  La  cavalerie  française 
avait, d'ailleurs, réussi  h  faire  connaître  à  Grouchy  la  position  des 
cosaques  d'une  part  et  la  marche  de  l'armée  de  Silésie  de  l'autre. 

Affaire  de  Stscherbatoff  à  Vaucouleurs.  —  Quant  h  Stscher- 
batoff,  qui  continuait  k  se  tenir  à  l'extrême  droite  de  la  ligne,  il 
s'était  porté  de  Colombey-les-Belles  sur  Vaucouleurs  et  avait  ren- 
contré à  une  denïi-lieue  de  la  ville  les  avant-postes  français  qu'il 


*  Behnhardi,  Toll,  Denkivurdifjkeiten,  lY,    190,    191,  Tagesbcgebeuheiteii. 
(AT.  A'.  Kriegs  Archiv.,  I,  30.) 

'  Victor  au  major  général  (Archives  de  la  guerre),  et  Groucht,  Mémoires. 


—  145  — 

avait  obligés  à  se  replier  sur  le  faubourg.  «  Mais  (el  ce  sont  la  les 
termes  mêmes  dont  il  se  sert  dans  sa  dépèche  *,  rédigée  en  fran- 
çais), les  dragons  qui  y  étaient  h  pied  ont  arrêté  la  charge.  J'en 
suis  sorti  pour  ne  pas  perdre  beaucoup  de  mes  cosaques.  L'en- 
nemi est  sorti  aussi,  mais  n'osa  pas  me  charger  avec  sa  cavalerie 
et  fit  mettre  pied  îi  terre  à  ses  dragons.  J'ai  essuyé  un  grand  feu 
de  mousqueterie.  Les  canons  que  l'ennemi  avait  de  l'autre  côté 
de  la  rivière  ont  aussi  tiré  sur  moi,  ce  qui  m'a  obligé  de  me 
retirer  avec  le  gros  de  mon  détachement  sur  le  premier  villag(^  de 
Gibeaumeix,  qui  est  à  moins  d'une  lieue  de  Vaucouleurs,  mais 
mes  avant-postes  ont  occupé  1rs  hauteurs  où  l'ennemi  avait  les 
siens.  » 

Pendant  que  les  dragons  du  général  Briche  chassaient  les 
cosaques  de  Commercy  et  d(»  Vignot,  la  division  d'infanterie 
française  stationnée  à  Sorcy  était  dirigée  sur  Commercy  et  | cas- 
sait momentanément  sous  les  ordres  du  général  Briche,  cliargé  de 
défendre  le  pont  de  la  Meuse.  Le  général  devait,  s'il  y  était  forcé, 
se  replier  en  bon  ordre  sur  Saint-Aubin,  s'y  mettre  en  bataille  rt  y 
attendre  l'arrivée  du  2«  corps  et  du  o*  d<»  cavalerie.  Les  gardes 
d'honneur  restèrent,  moitié  à  Sorcv,  moitié  à  Ville-Iss(^v.  Le 
général  Briche  avait,  en  outre,  un  parti  de  300  clievaux  entre  Com- 
mercy et  Saint-Mihiel.  Ce  parti  établit  son  gros  en  arrièn'  de 
Pont-sur-Meuse  et  tenait  par  des  j)ostes  Mécrin  et  Aïlly,  tandis 
que  ses  patrouilles  poussaient  sur  Saint-Mihiel.  A  droite»,  le 
général  de  France,  qui  avait  devant  lui,  du  côté  de  Neufchâteau, 
les  cosaques  de  Platotf,  avait  pour  mission  d'arrêter  l'ataman  et 
devait,  s'il  y  était  contraint,  se  replier  sur  Void  a|)rès  avoir  pré- 
venu de  son  mouvement  les  troupes  de  Void,  Lay  et  Pagny-sur- 
Meuse*. 

Le  même  jour,  Schwarzenberg,  ipii  était  venu  s'installer  à 
Langres,  faisait  savoir  à  Wittgenstein  que  l'armée  de  Bohême  se 
concentrant  entre  Langres  et  Dijon,  il  devait  par  suite  i)ousser 
immédiatement  des  troupes  entre  Commercy  et  Joinville  pour  se 
relier  au  V*^"  corps  ^ 

1  Stscherbatoff  à  Schwarzenberg,  de  Saussure,  janvier.  (K,  K,  hyiegsArchio,, 
J,  445). 

*  Grouchy  à  Milbaud  et  à  de  France  (Archives  de  la  guerre), 

«  Schwarzenberg  à  Wittgenstein,  18  janvier  (K,  K,  Kriegs  Archiv.,  I,  428). 

Wtu.  iO 


—  146  — 

Mouvement  des  VI®,  III*  et  I"  carps.  —  L'avant-garde  du 
Vie  corps  avait  commencé  son  mouvement,  et  Pahlen,  avec  les  4®  et 
34«  régiments  de  chasseurs  à  pied,  les  uhlans  de  Tchougouïeff,  les 
hussards  d'Olviopol  et  4  pièces  d'artillerie  à  cheval,  s'était  avancé 
de  Saverne  h  Sarrebourg,  tandis  que  les  cosaques  de  Rebrikoff' 
et  un  escadron  de  hussards  de  Soumy  s'étaient  portés  j\  Heming, 
à  Tembranchement  des  chemins  menant  d'une  part  à  Blûmont,  de 
l'autre  h  Movenvic. 

Derrière  le  III«  corps,  le  I«' corps,  qui  était  à  Saint-Maurice, 
allait  y  recevoir  l'ordre  d'aller  à  Dijon,  avec  les  divisions  Ignace 
Hardegg  et  Wimpffen  postées  à  Aubigny,  renforcer  les  réser\'es 
autrichiennes  du  prince  héritier  de  Hesse-Hombourg,  en  ce  mo- 
ment à  Mirebeau-sur-Bèze.  Bianchi  était  à  Langres,  et  le  dernier 
échelon  des  gardes  et  réserves  russes  et  prussiennes  avait  atteint 
Port-sur-Saône,  où  Barclay  avait  son  quartier  général. 

Mortier  se  décide  à  évacuer  Chaumont  le  19  au  matin.  — 

Le  duc  de  Trévise  ne  s'était  pas  un  seul  instant  abusé  sur  les 
intentions  de  l'ennemi.  Il  s'était  immédiatement  rendu  compte  de 
la  gravité  de  la  situation  et  de  la  difficulté  de  sa  tûche.  Se  voyant 
menacé  de  front  par  deux  corps  d'armée,  sachant  qu'il  pouvait 
être  d'un  instant  ii  l'autre  débordé  sur  sa  gauche  par  un  troi- 
sième, n'ayant  avec  lui  pour  tenir  tête  à  l'ennemi  qu'une  division 
d'infanterie  *  et  une  de  cavalerie,  il  jugea  sage  et  prudent  de  se 
dérober  une  fois  encore  comme  il  l'avait  fait  à  Langres,  d'évacuer 
sans  bruit  Chaumont  et  de  prendre,  le  19  à  la  pointe  du  jour,  la 
route  de  Bar-sur-Aube,  où  il  comptait  être  renforcé  par  la  2«  divi- 
sion de  vieille  garde  du  général  Michel,  parle  iVS^  de  ligne,  déjà 
arrivé  à  Troyes,  de  façon  à  avoir  avec  lui  8,000  hommes  el 
2,500  chevaux. 

Bien  que  Schvvarzenberg  ne  l'eût  pas  inquiété  à  sa  sortie  de 
Chaumont,  il  crut  avec  raison  devoir  se  protéger  contre  une  pour- 
suite active,  quelque  improbable  qu'elle  pût  lui  paraître,  en  char- 


*  Les  fatigues,  les  privutions  avaient  réduit  l'effectif  des  troui>cs  de  vieille 
garde  du  général  Christiaui  à  moins  de  3.000  hommes,  et  le  19,  Mortier,  eu 
écrivant  de  Colombey-les-Deux-Eglises  au  major  général,  se  voyait  obligé 
d'avouer  quo  «  La  vieille  garde  elle-môme  s'affaiblit  graduellement  par  la 
désertion.  »  (Mortier  au  major  général^   19  janvier.  Archives  de  la  guerre.) 


—  147  — 

géant  le  gc^néral  Lotorl,  <iiril  posta  ii  Coloinbey-les-Deux-Églises 
avec  2.000  hommes  et  400  ehevaux,  d'obsener  les  roules  venant 
(le  Chaumont  et  de  disputer  le  terrain  pied  à  pied.  Pour  lui  faci- 
liter sa  ti\ehe,  le  maréchal  fit  prendre  à  une  partie  de  son  corps 
d'armée  une  forte  position  sur  l(»s  hauteurs  qui  bordent  le  ruis- 
seau de  Rouvre;  sa  gauche  allait  jusque  vers  Voigny,  et  une 
grosse  batterie,  placée  en  avant  de  sa  droite,  enfilait  à  la  fois  la 
route  de  Colombey  et  le  pont  de  Fontaine.  Le  reste  d(»  son  petit 
corps  devait  aller  prendre  position  sur  les  hauteurs  de  la  rive 
gauche  de  TAube,  h  Fontaine. 

Schwarzenberg  laissa  le  maréchal  se  retirer  tout  à  sou  aise.  L(» 
généralissime  s'était  si  peu  rendu  com|)l(;  de  la  faiblesse  numé- 
rique des  troupes  qu'il  avait  devant  lui,  qu'au  lieu  de  tirer  parti 
de  sa  supériorité,  il  aima  mieux  s'arrêter,  nMuettre  de  l'ordre 
dans  ses  colonnes,  faire  reposer  ses  troui)es  tout  en  les  concen- 
trant, donner  surtout  à  Blucher  le  temps  d'arriver  à  hauteur  de 
l'armée  de  Bohénu'  et  ne  reprendre  lui-mèuH»  son  mouveuient 
i|u'au  moment  ofi  les  tètes  de  colonne  du  leld-maréchal,  après 
avoir  franchi  les  cotes  de  Meuse,  marcheraient  vers  la  Marne. 

19  janvier.  —  Le  IV«  corps  reste  à  Chaumont  du  19  au 
24  janvier.  —  11  en  résulta  que  le  prince  royal  de  Wurtemberg, 
entré  à  Chaumont  le  19,  v  reçut  l'ordre  de  s'arrêter  et  v  resta 
jusqu'au  24.  Il  avait  néanmoins  poussé  son  avant-garde  jusqu'à 
Jonchery  et  envoyé  un  parti  de  cavalerie  vers  Colombey-les-I)eux- 
Églises*. 

Positions  du  V®  corps.  —  A  sa  droite,  Wrède  '  était  arrivé 
avec  ses  Bavarois  à  Neufchateau,  où  il  allait  atl(Midre  pendant 
quelques  jours  des  instructions;  Platotï,  n'ayant  plus  désormais 
aucun  prétexte  à  faire  valoir,  se  mettait,  enfin,  en  roule  pour  Join- 
ville  *  avec  le  gros  de  ses  cosaques  :  «  Mes  partis  me  précèdent, 
écrivait-il  à  Schwarzenberg,  battant  le  pays  dans  toutes  les  direc- 
tions. Ils  agiront  surtout  sur  la  route  de  Langres  à  Chàtillon.  » 

Frimont  (aile  droite  du  V«  corps),  arrivé  avec  ses  Autrichiens 
h  Colombey-aux-Belles-Fennnes  (Colombey-les-Belles),  avait  en- 


*  Tagcsbegebenheilen  (À'.  K,  Kriegs  Archiv.,  l,  30).  Jounial  d'opérations 
da  1V«  corps  (/6tti.,  XIII.  56). 

«  Plaloff  à  Schwarzenberg.  Denville,  19  janvier  (/6W.,  I,  462). 


—  148  — 

tendu  le  canon  du  côté  de  Toul  et  fait  partir  aussitôt  sa  cavalerie 
légère  dans  cette  direction  *.  Les  troupes  du  général  Liéwen  (du 
corps  Sacken)  bombardaient,  en  effet,  cette  place  qui  devait 
ouvrir  ses  portes  le  lendemain, 

Schwarzenberg  prescrivit  h  Wrède  «  d'avoir  à  se  concentrer,  à 
se  relier  à  Blùcher  par  des  corps  volants  qui  s'étendront  de  Toul 
à  Join ville  ».  En  Tinformant  de  l'arrivée  prochaine  de  Pahlen  sur 
sa  droite,  il  recommandait,  en  outre,  à  Wrède  d'envoyer  k  gauche 
du  monde  h  Vignory  pour  couper  la  communication  entre  Chau- 
mont  et  Joinville  *. 

Mouvements  de  Platoff.  —  Affaire  de  cavalerie  à  Vau- 
couleurs.  —  PlatoflF,  après  son  départ  de  NeufchîUeau,  avait  eu 
un  petit  combat  à  livrer  avant  de  par\'enir  h  passer  la  Meuse  et  k 
rejeter,  une  fois  après  avoir  pris  pied  sur  la  rive  gauche,  les 
avant-postes  français. 

Stscherbatoif  avait  renouvelé  sans  plus  de  succès  que  la  veille 
sa  tentative  contre  le  pont  de  Vaucouleurs  : 

«  Toutes  les  troupes  ennemies,  écrit-il  textuellement  à  Schwar- 
zenberg  ^  ont  quitté  leurs  quartiers,  sont  sorties  de  l'autre  côté 
de  la  ville  et  ont  passé  la  nuit  au  bivouac.  La  nuit,  j'ai  donné 
ordre  h  mes  avant-postes  d'avancer  ;  l'ennemi  évacua  le  faubourg 
et  se  relira  par  une  longue  digue  dans  la  ville,  et  il  fit  dessus  des 
abalis  qui  étaient  gardés  par  des  dragons  îi  pied  et  protégés  par 
les  canons.  J'ai  fait  occuper  le  faubourg. 

«  Ma  perte  ne  consiste  qu'en  4  cosaques  et  9  chevaux  tués, 
1  officier,  1  bas-officier,  10  cosaques  et  5  chevaux  blessés.  La 
perte  de  l'ennemi  est  très  grande  ;  pour  les  prisonniers,  il  n'y  en 
a  que  6.  Je  tikhe  d'en  faire  moins,  car  ils  me  gênent  beaucoup. 

«  Ce  nïatin,  un  régiment  de  cosaques,  attaché  ii  une  division 
de  dragons  du  corps  du  général  Sacken,  faisant  l'avant-garde  de 
la  division  et  destiné  à  reconnaître  Vaucouleurs,  arriva.  Je  lui  ai 
remis  le  faubourg  de  la  ville  que  j'avais  pris  la  veille,  et,  ayant 
fait  mon  rapport  au  lieutenant  général  Wassiltchikoff,  qui  com- 
mandait l'avant-garde  du  général  Bliicher,  je  me  suis  retiré  au 


i  Tagesbegebenheiten  (K.  K.  Kriegs  Archiv,,  I,  30). 
»  Scliwarzenbcrg  à  Wriidc,  Langres  20  janvier  (Ibid.,  I,  449). 
»  Stsclierbatoff  à  Schwarzenbcrg.  Saulxures-les- Vannes,  19  janvier  (Ibid., 
],  445). 


—  149  — 

village  de  Saussure  (Saulxures-Ies-Vannes)  pour  laisser  reposer 
mon  détachement,  qui  en  a  grand  besoin,  se  trouvant  i)resque 
tous  les  jours  en  affaire  et  bivouaquant  toujours  sous  des  pluies 
h  verse  sans  avoir  de  repos.  Apri»s-demain  je  passerai  la  Meuse 
dans  les  environs  si  je  pourrai  le  faire,  vu  la  grande  quantité  de 
Teau  augmentée  par  les  pluies,  et  j'irai  par  Gondreoourt  pour 
m'avancer  sur  les  grands  chemins  et  agir  autant  qu'il  sera  pos- 
sible. 

«  Les  forces  de  Tennemi  h  Vaucouleurs  consistent  en  5  régi- 
ments de  dragons,  1  de  gardes  d'honneur,  G  canons  et  11,000  (?) 
hommes  d'infanterie.  Un  grand  parc  d'artillerie  se  trouve  à  Void  *. 

«  II  paraît  que  l'ennemi  tient  beaucoup  à  garder  Toul  et  Vau- 
couleurs, et  ne  les  cédera  qu'il  des  forces  supérieures.  » 

Positions  des  corps  alliés  le  19.  —  L'avant-garde  (Pahlen) 
du  VP  corps  arriva  à  Blamont,  poussant  en  avant  d'elh»  les  cosa- 
ques de  Rebrikoff  jusqu'à  Lunéville. 

Le  III^  corps  avait  dû,  par  cela  même  que  le  IV«  corps  avait 
reçu  Tordre  de  s'arrêter  àChaumont,  se  cantonner  depuis  Fouhiin 
jusqu'à  Richebourg.  Les  réserves  et  les  gardes  russes  et  i)rus- 
siennes  en  firent  de  même  de  Favl-Billot  à  (!!onibeaufonlaine  :  les 
réserves  autrichiennes  du  prince  hérilicT  de  liesses  entrèrent  à 
Dijon,  et  le  P'  corps,  en  marche  sur  cette  ville,  était  vers  Thil- 
Chàtel. 

Le  19  janvier,  la  grande  armée,  moins  le  VI«  corps,  se  trouve 
donc  répartie  sur  une  ligne  allant  de  (]olombey-les-Belles  à  Neuf- 
chàteau  par  Chaumont  et  Langres  à  Dijon,  et,  bien  qu'elle»  n'ait 
encore  devant  elle  que  le  petit  corps  du  duc  de  Trévis(»,  (juoi- 
qu'on  n'ait  eu  aucun  combat  séri(»ux  à  soutenir,  le  généralissime 
croit  cependant  utile  de  s'arrêter  de  nouveau.  11  se»  donne  ainsi 
l'apparence  de  concentrer  son  monde,  de  relier  ses  colonnes 
entre  elles,  de  faire  avancer  les  convois  ;  mais,  en  réalité,  et 
nous  ne  saurions  trop  insister  sur  ce  point,  il  a  pour  objet  de 
laisser  à  Blùcher  et  à  Wiltg(Mistein  le  temps  nécessaire,  au  pre- 
mier  pour  pousser  Marmont  et  déblayer  une  fois  encore,  par  son 
intervention,  le  terrain  en  avant  de  la  grande  armée;  au  second, 

1  U  est  impossU)le  de  ne  pas  appeler  l'attention  du  lecteur  sur  Texagération 
de  ce  rapport.  De  pareiUes  inexactitudes  no  peuvent  avoir  été  commises  de 
bonne  foi. 


—  150  — 

pour  entrer  en  ligne  à  droite  du  V«  corps.  Schwarzenberg  espère, 
en  outre,  que  ce  temps  d'arrêt  lui  permettra  de  se  procurer  les 
données,  les  renseignements  militaires  et  politiques  dont  il  a 
besoin  pour  établir  un  nouveau  plan  d'opérations  destiné  à  rem- 
placer celui  qui,  approuvé  par  les  souverains,  n'avait  en  vue  que 
l'occupation  du  plateau  de  Langres. 

Aussi,  les  ordres  donnés  le  19  consistèrent  à  arrêter  tous  les 
corps,  sauf  le  YI®  et  les  réserves  et  gardes  russes  et  prussiennes, 
qui  devaient  arriver  à  Langres  le  21 ,  îi  charger  Platotf  de  battre 
le  pays  entre  la  Seine  et  l'Aube,  et  Slscherbatoff  d'en  faire  autant 
entre  l'Aube  et  la  Marne. 

Lettre  de  Blûcher  à  Schwarzenberg.  —  Enfin,  comme  nous 
avons  eu  lieu  de  parler  de  la  correspondance  échangée  entre 
Wrède  et  Blûcher  d'une  part,  et  Wrède  et  Schwarzenberg  de 
l'autre,  avant  de  passer  aux  journées  qui  nous  séparent  eucore 
du  combat  de  Bar-sur-Aube,  nous  croyons  d'autant  plus  utile  de 
reproduire  ici  la  lettre  que  Blûcher*  adressait  de  Nancy,  le  19.  au 
généralissime,  ([u'elle  contient  certaines  indications  sur  les  mouve- 
ments de  l'armée  de  Silésie,  sur  les  projets  du  feld-maréchal,  sur 
les  intentions  qu'il  supposait  à  Marmont  : 

«  J'éprouve,  écrit-il,  une  véritable  satisfaction  à  apprendre  que 
Votre  Altesse  approuve  mes  mouvements,  et  je  pense  (fu'Elle 
connaît  également  la  correspondance  que  j'ai  échangée  avec  le 
général  comte  Wrêde,  puisque  l'on  a  poussé  Wrède  à  droite,  alin 
de  me  faciliter,  îi  moi  et  à  mon  armée,  notre  marche. sur  la 
Moselle. 

«  J'ai  conseillé  au  général  comte  Wrède,  parce  que  je  ne  m'at- 
tendais pas  îi  voir  l'ennemi  opposer  une  résistance  sérieuse  sur  la 
Marne,  de  se  rapprocher  de  Votre  Altesse  en  passant  par  Neuf- 
chûteau. 

«  Je  crois  de  mon  devoir  de  mettre  Votre  Altesse  au  courant  de 
mes  ])rojets. 

«  Le  général  York  tàtera  la  contenance  de  Tennemi  à  Luxem- 
bourg, Thionville  et  Metz,  et  sera,  le  26,  ii  Saint-Mihiel.  Je  désire- 
rais, par  suite,  savoir  si  Votre  Altesse  approuve  mon  mouvement 
sur  Arcis. 


»  Blûcher   à  Schwarzenberg,  Nancy,  19  janvier.   (A'.  K,  Krieys  ArdUv., 
I,  492.) 


—  151  — 

«  Je  serai,  le  30,  sur  une  position  concentrique  dans  la  ligne  de 
Vitrv  h  Arcis. 

CI  Le  général  Kleist  sera,  :\  cette  date,  arrivé  devant  Metz  aver 
le  II«  corps  prussien. 

«  L'ennemi  foit  mine  de  vouloir  défendre  la  Meuse.  Je  fais 
tourner  Toul  par  Pont-Saint-Vincent  et  attaquer  cette  place  par 
le  côté  de  Void.  J'espère  bien  m'en  emparer  rapidement,  d'autant 
qu'il  n'y  a,  à  ce  que  je  crois,  qu'une  arrière-garde  sur  la  Meuse.  » 

Le  caractère  essentiellement  différent  des  deux  principaux 
{5énéraux  alliés  ressort,  il  semble,  des  termes  mêmes  de  la  cor- 
respondance qu'ils  échangent.  Blùclier  est  toujours  net  et  éner- 
gique. Pour  lui,  il  n'y  a  jamais  ni  doute,  ni  surtout  hésitation. 
Il  justifie  toujours  le  surnom  qu'on  lui  a  donné  :  Voruiirts,  et, 
sauf  II  un  seul  moment,  on  ne  le  verra  jamais  s'arrêter  |)endanl 
toute  la  campagne  :  il  faut  marcher,  marcher  toujours.  Schwar- 
zenberg,  au  contraire,  dont  la  responsabilité  est,  il  faut  bien  le 
reconnaître,  plus  grande  et  la  situation  personnelle  plus  difticile, 
lient  h  procéder  avec  plus  de  méthode  et  de  circonspt^clion,  avec 
tant  de  méthode  et  de  circonspection  môme  qu'il  perd  et  négligi» 
les  plus  belles  occasions.  C'est  ainsi  qu'il  choisit  pour  s'arrêter 
précisément  le  moment  où  une  action  énergique  aurait  \m  amener 
<le  grands  résultats  :  le  moment  où,  arrivé  sur  le  plateau  de 
Langres,  maître  déjà  des  hautes  vallées  de  la  Moselle  et  de  la 
Meuse,  il  peut,  à  son  gré,  descendre  dans  celles  de  l'Aube  et  de 
la  Marne,  et  prendre  rapidement  et  solidement  pied  au  cœur 
môme  du  bassin  de  la  Seine;  le  uïoment  où  Napoléon,  ne  com- 
prenant plus  rien  ti  la  conduite  du  duc  de  Bellune,  auquel  il  n(* 
peut  pardonner  ni  l'abandon  des  Vosges,  ni  la  perte  d'Épinal,  lui 
fait  écrire  par  Berlhier  la  lettre  suivante  : 

Lettres  et  ordres  de  Napoléon  à  Victor.  —  «  Au  maréchal 
Victor,  duc  de  Bellune,  commandant  le  2^^  corps  à  Void*.  — 
Paris,  17  janvier  1884. 

«  Monsieur  le  duc  de  Bellune,  TEmpereur  désapprouve  (jue  vous 
ayez  abandonné  Nancy.  Sa  Majesté  vous  ordonne  de  ne  pas 
quitter  la  Moselle  sans  vous  battre.  Elle  trouve  (pie  vous  avez 
fatigué  vos  troupes  par  de  grandes  marches,  et  que  vous  avez 

>  Correspondance  de  Napoléon,  31.105. 


—  1o-2  — 

donné  de  l'audace  à  renncnii  en  évacuant  sans  raison.  Cela  oblige 
le  duc  de  Raguse  et  le  duc  de  Trévise  h  faire  également  un  mou- 
vement rétrograde.  Cela  amène  Tennemi  sur  nous  et  fait  le  plus 
grand  tort  à  nos  affaires. 

«  On  est  surtout  très  peiné  de  voir  que  vous  ayez  évacué  Nancy 
devant  de  la  cavalerie  sans  avoir  attendu  Tinfiinterie.  » 

Cette  dépêche  ne  faisait,  d'ailleurs,  que  renouveler,  il  vingt- 
quatre  heures  d'intervalle,  les  reproches  que  le  major  général 
avait,  par  ordre  de  l'Empereur,  adressés  au  duc  de  Bellune,  à  la 
date  du  16.  Cette  première  dépèche  était  même  plus  dure  et  plus 
sévère  encore  :  «  Si  vous  aviez  défendu  les  cols  des  Vosges, 
écrivait  le  major  général,  l'ennemi  serait  encore  de  l'autre  côté... 
Enfin,  la  Meurlhe  et  la  Moselle  forment  une  barrière  que  vous 
devez  déteindre  ;  car,  si  vous  vous  retirez  toujours  sans  combattre 
et  sans  nuire  ii  l'ennemi,  il  marchera  aussi  vite  que  vous.  L'essen- 
tiel est  donc  de  relarder  sa  marche  autant  qu'il  sera  possible  et 
de  pouvoir  attendre  jusqu'au  \^  février.  Alors  nous  aurons  une 
grande  armée»  \  » 

Deux  jours  plus  tard,  l'inquiétude  et  l'impatience  de  l'Empe- 
reur se  sont  accrues  à  un  tel  point  qu'il  ordonne  au  major  général 
de  partir  de  Paris  le  19,  d'être  le  lendemain  aux  avant-postes,  de 
renvoyer  le  duc  de  Bellune,  de  rester  jusqu'à  ce  que  le  duc  de 
Raguse  ait  i)ris  toutes  les  mesures  pour  la  défense  de  la  Meuse, 
qu'il  n'était  déjà  plus  possible  de  conserver. 

Tout  en  faisant  la  part  des  difficultés  intérieures  que  Schwar- 
zenberg  rencontrait  à  tout  instant,  des  intrigues  de  toute  espèce 
contre  lescjuelles  il  avait  à  lutter,  il  faut  reconnaître  cfue  le  géné- 
ralissime n'avait  pas  su  deviner  ou  n'avait  pas  voulu  comprendre 
que,  (romme  Nai)oléon  n(»  cessait  de  le  répéter  à  ses  maréchaux, 
l'essentiel,  pour  l'Empereur,  «  c'est  de  retarder  la  marche  de 
C ennemi  autant  qiCil  sera  possible.  » 

Après  avoir  mis  près  d'un  mois  pour  arrivtT  à  Langres,  il 
allait  aussi,  de  gaieté  de  cœur,  perdre  une  semaine  pour  aller  de 
Langres  par  Chaumont  à  Bar-sur-Aube,  et,  soucieux  avant  tout 
de  couvrir  sa  responsabilité,  il  était,  dès  ce  moment,  décidé  h  ne 
rien  faire  d'important  avant  l'arrivée  des  souverains  alliés  à 


*  Registres  de  Berlliier,  Archives  de  la  Guerre. 


—  153  — 

Langres,  avant  d'avoir  reçu  d'eux,  ou  loul  au  moius  de  l'enipe- 
reur  d'Autriche,  Tordre  formel  de  conlinuor  la  marche  en  avant. 

30  janvier.  —  Fabien  à  Lunéville.  —  Le  20,  Pahlen  '  infor- 
mait Wrède,  qu'il  savait  être  à  Neufchîlteau,  de  son  arriviM»  h 
Lunéville  avec  Tavant-garde  du  VI^  corps.  Il  lui  donnait  en  môme 
temps  connaissance  du  mouvement  que  l'aile  gauche  de  rarmée 
de  Silésie  était  en  train  d'exécuter  sur  Joinville;  mais  il  ajoutait 
qu'à  cause  de  l'extrême  fetigue  de  ses  troupes,  il  se  voyait  dans 
la  nécessité  de  leur  accorder  encore  un  jour  de  repos,  le  2J,  et  se 
porterait  ensuite  en  avant,  îi  marches  forcées,  pour  arriver  le  plus 
tôt  possible  II  hauteur  des  tètes  des  autres  colonnes. 

Renseignements  fournis  par  Wrède.  —  Du  enté  du  V«  corps, 
les  Bavarois  restèrent  à  Neufchi\t(niu,  d'où  Wrède  envoya  à 
Schwarzenberg  le  rapport  suivant,  daus  h»quel  il  exposait  au 
généralissime,  auquel  il  parlait  également  de  l'affainî  que  Platoft' 
avait  eue  la  veille  ?i  Greux,  les  projets  cfu'il  prêtait  à  Napoléon. 

«  Le  général  de  cavalerie  comte  Wrède  au  prince  de  Schwar- 
zenberg*. —  Neufchîlteau,  20  janvier  1814. 

«  J'ai  tout  lieu  de  penser  que  l'empereur  Napoléon  s(»  portera 
à  Chûlons  et  non  à  Troyes,  et  je  crois  d'autant  plus  à  ce  mouve- 
ment de  l'ennemi  que  le  feld-maréchal  Bli'icher  m'a  informé  de  la 
retraite  du  duc  de  Raguse  sur  Reims. 

«  Il  me  semble  donc  que  le  moment  est  venu  de  marcher  vite 
et  droit  à  l'ennemi,  d'autant  plus  que,  manquant  d(^  cavalerie, 
Napoléon  n'aimera  guère  à  combattre  dans  les  plaines  de  Chàlons. 

«  Sachant  que  l'ennemi  se  proposait  de  faire  sauter  le  pont  de 
la  Moselle  à  Greux  %  j'y  ai  (Mivoyé  un  officier  de  mon  élal-major. 


1  Fabien  à  Wrède,  Lunéville,  20  janvier.  (A'.  A'.  Kriegs  Archiv.,  1.  511  c.) 

*  Wrède  à  Sch\i'arzenberg.  (/6irf.,  I,  492  d.) 

»  Schwarzenberg  écrivant  de  Langres,  le  22,  à  Bellegarde  et  à  CoUoredo 
pour  les  mettre  au  courant  de  la  situation,  leur  donnait  sur  TafTairc  de  Grcu\ 
les  renseignements  complémentaires  que  voici  : 

«  Le  prince  de  Scbwarzenberg  aux  généraux  comte  Bellegarde  et  Colloredo. 
—  Langres,  22  janvier  1814. 

«  La  grande  armée  fait  balte  le  22.  Le  1^^  corps  est  à  Dijon.  L*ataman 
comte  Platoff,  malgré  toutes  les  difficultés  que  présentait  l'entreprise,  a  franchi 
la  Meuse  à  Greux  et  se  porto  par  Joinville  et  Bar-sur- Aube  sur  Bar- sur- 
Seine. 

c<  Lors  de  l'arrivée  de  Tavant-garde  sur  la  Meuse,  Tenncmi  avait  de  la  cava- 


—  154  — 

qui  a  trouvé  sur  ce  point  Tataman  comte  Platoff.  Une  patrouille 
française  avait  tenté  Tcntreprise,  mais  elle  avait  été  chassée  par 
les  cosaques,  qui  ont  pris  un  officier  et  plusieurs  dragons. 

«  Uofficier  fait  prisonnier  a  dit  que  le  général  Milhaud,  établi 
hier  à  Vaucouleurs,  s'était  avancé  jusqu'à  Maxey,  et  que  ses  avant- 
postes  étaient  à  Taillancourt. 

«  Platoff  me  prévient  qu'on  attend  de  Tinfanterie  française  à 
Vaucouleurs.  » 

De  tout  le  V^  corps,  Frimont  faisait  seul  un  petit  mouvement 
ce  jour-là  et  venait  avec  la  division  Spleny  à  Colombey-aux- 
Belles-Femmes  (Colombey-Ies-Belles)  ;  la  division  Antoine  Har- 
degg  suivait  et  échelonnait  ce  mouvement.  Si,  du  cOté  des  Alliés, 
on  continuait  à  n'avoir  qu'une  idée  vague  des  mouvements  des 
Français,  que  des  renseignements  incomplets  et  contradictoires 
sur  leurs  positions,  il  n'en  était  pas  de  même  au  2*5  corps  français. 
La  cavalerie  française  n'ayant  pas  un  seul  instant  cessé  de  suivre 
d'un  œil  attentif  les  mouvements  des  Alliés,  Victor  était  encore,  le 
20  à  une  heure  de  l'après-midi,  en  mesure  de  pouvoir  dire  dans 
une  dépêche  que,  de  Vaucouleurs  *,  il  envoyait  à  Grouchy  :  «  Il 
parait  certain  que  l'armée  ennemie  marche  pour  passer  la  Meuse, 
puisque  les  Bavarois  et  les  Autrichiens  ont  remplacé  les  Russes  à 
Xeufchàteau.  Je  pense  que  l'ennemi  va  faire  un  mouvement  sur 
Gondrecourt,  afin  de  chercher  à  arriver  à  Ligny  et  à  Saint-Dizier 
avant  nous*.  » 

Le  général  Grouchy  savait,  en  outre,  que  les  Alliés  défilaient  à 
son  extrême  droite  par  le  pont  de  Domrémy  et  se  portaient  de 
Greux  vers  Gondrecourt;  qu'une  reconnaissance  envoyée  par  le 
général  Lamothe  (de  la  division  Lhéritier),  de  Brixey  aux  Cha- 
noines à  Sauvigny  avait  été  enlevée  ;  que  la  cavalerie  alliée  conti- 


lerie  sur  la  rive  opposée.  On  fit  passer  quelques  hommes  à  l'aide  de  barques. 
On  rejeta  la  cavalerie  ennemie  en  lui  prenant  1  lieutenant  et  19  hommes. 
Nos  pertes  sont  de  2  cosaques  et  10  chevaux 

«  Le  lieutenant  fait  prisonnier  a  dit  qu'il  venait  de  Taillancourt,  où  il  y 
avait  5  régiments  de  cavalerie,  sous  les  ordres  du  général  Grouchy,  qui  forme 
Tavant- garde  du  maréchal  Victor. 

«  Un  autre  parti  de  cosaques,  envoyé  pour  soutenir  ce  détachement,  n'a 
plus  trouvé  l'ennemi  à  Taillancourt  et  s'est  assuré  de  la  retraite  des  avant- 
postes  ennemis  sur  Void.  »  (K,  K,  Kriegs  Archiv,,  1,  518.) 

*  (ÎROUCHY,  Mémoirei.  Rapports  des  généraux  de  France,  La  Mothe,  Bridie 
et  de  l'adjudant  commandant  de  La  Condamine.  {Archives  de  la  Guerre.) 


—  153  — 

nuait  à  pousser  en  force  surGondrccoiirl,  par  Voulhon,  et  qu'une 
autre  reconnaissance,  envoyée  à  Houdelaincourt,  avait  aperçu 
des  coureurs  se  dirifçeant  vers  Joinville  et  cherchant  à  savoir  c(* 
qui  se  passait  vers  Sainl-Dizier  etChauniont,  tandis  que,  du  cùlé 
de  Commercy,  le  général  Briche  signalait  la  présence  de  fortes 
colonnes  à  Bouconville  et  Aprcniont. 

Positions  des  IIP  et  IV«  corps.  —  Pour  les  IV«  et  in«  corps, 
postés  Tun  à  Chaumont,  l'autre  îi  Touest  de  C.haiinionl,  sur  la 
route  qui  mène  de  cette  ville  h  Ch;Uillnn-siir-Seine,  tout  se  borna 
à  rinstallation  du  quartier  général  de  Gyulay  à  Arc-en-Barrois, 
et  au  passage  de  TAube  par  Tavant-garde,  avec  hupielle  Oenne- 
ville  alla  jusqu'à  Courban. 

Mortier  à  Bar-sur-Aube.  —  Pendant  ce  temps,  le  duc  de  Tré- 
vise*  avait  achevé,  sans  être  incfuiété  un  seul  instant,  sa  retraite 
sur  Bar-sur-Aube.  Les  partisans  alliés,  ayant  fait  savoir  que  Chà- 
tillon-sur-Seine  n'était  pas  occupé  par  les  Français,  Schwar/en- 
berg  écrivit  aussitôt  h  Barclay  d(î  ToUy*,  dont  les  létes  i\v 
colonnes  arrivaient  à  ce  moment  à  Langres,  pour  l'inviter  h  mo- 
difier de  suite  les  destinations  précédemnu^nt  données  à  Platotf  et 
à  Stscherbatoff,  à  pousser  Platotf  par  Joinville  et  Bar-sur-Seine  vers 
Auxerre,  afin  de  couvrir  l'aile  gauche,  et  à  diriger  Stscherbaloti* 
entre  Chàlons  et  Troyes  afin  de  renseigner  les  Alliés  et  d'inquiéter 


1  Le  20  au  matin,  il  occupait  fortement  Lignol  et  songeait  à  faire  réoccnper 
Colomtiey-Ics-])cux-Egliscs.  U  avait,  d'antre  part,  fait  garder,  en  aval  de  Bar- 
sor-Anlje,  le  pont  do  Dolancourt  et  établi  les  grenadiers  à  cheval  en  colonne 
entre  Bar,  Ailleville  et  Arsonval. 

«  «  Prince  de  Sch^arzcnberg  au  comte  Barclay  de  ToUy.  —  Langres,  20  jan- 
vier 1814. 

«  Votre  Excellence  reconnaîtra  avec  moi  qu'il  est  actuellement  indispen- 
sable de  modiGer  les  directions  de  marche  du  corps  de  l'ataman  comte  PlatofT 
et  du  détachement  du  général-major  prince  StscherhatotT. 

M  Je  vous  prie  donc  d'envoyer  au  comte  PlatofT  l'ordre  d'aller  par  Joinville 
et  Bar-snr-Seine  sur  Auxerre,  d'où  il  devra  couvrir  votre  gauche  et  d'où  il 
pourra  sans  peine  pousser  vers  Sens  et  Fontainebleau. 

u  Cest  là  le  plus  beau  rôle  qu'on  puiae  donner  d  un  corps  de  ce  genre,  et 
je  crois  cHte  mission  si  importante  que  je  prie  Votre  Altesse  d'adjoindre  au 
comte  Platoff  quelques  officiers  de  son  étal-major, 

a  Je  prie  Votre  Excellence  de  pousser  le  général  Stscherl)atofT  entre  Troyes 
et  Ghàions-sur-Marne,  afin  qu'il  nous  renseigne  sur  les  mouvements  et  la  posi- 
tion de  Tenuemi  et  qu'il  inquiète  en  même  temps  les  routes  menant  à  Paris.  » 

(A'.  A'.  Kriegs  Archiv,,  I,  477,  et  Tagesbegebeuheilen,  Ibid.,  I,  30.) 


—  136  — 

les  communications  de  Tennemi  par  des  pointes  exécutées  sur  les 
routes  menant  à  Paris. 

Le  I«f  corps  était  à  Montsaugeon  ;  comme  il  ne  se  composait 
plus  que  de  la  division  légère  Ignace  Hardegg  et  de  la  division 
Wied-Runkel,  on  le  fit  renforcer,  d'abord  par  la  division  légère 
Maurice  Liechtenstein,  puis  par  la  division  Bianchi,  la  division  de 
grenadiers  de  Trautenberg  et  la  division  de  cuirassiers  de  Nos- 
titz ,  toutes  trois  tirées  de  la  réserve  autrichienne.  On  en  forma 
une  colonne  qui,  opérant  pour  son  compte  comme  extrême 
gîiuche  de  la  grande  armée,  devait  se  porter  des  environs  de 
Dijon  sur  Chi\tillon-sur- Seine. 

Composition  nouvelle  des  troupes  sous  les  ordres  du 
prince  héritier  de  Hesse-Hombourg.  —  Il  est  bon  de  rappeler 
ici  que  les  troupes  placées  sous  les  ordres  du  prince  héritier  de 
Hesse-Hombourg,  cantonnées  à  ce  moment  autour  de  Dijon,  à 
Gray  et  Mirebeau,  et  chargées  du  blocus  des  différentes  places, 
du  maintien  des  communications  avec  Bubna  devaient  se  com- 
poser, à  partir  du  23,  de  la  brigade  légère  Scheither',  d'une  divi- 
sion mixte  de  cavalerie  et  d'infanterie  laissée  au  prince  Aloïs 
Liechtenstein  (II"  corps),  pour  remplacer  la  division  Grelh,  cédée 
dès  le  début  des  opérations  à  Bubna,  de  la  division  Wimpffcn 
provenant  du  V^  corps  ;  enfin,  de  la  division  de  grenadiers  Weis- 
senwolff  et  de  la  division  de  cuirassiers  Lederer,  qui  avaient  pré- 
cédemment appartenu  aux  réserves  autrichiennes.  Ces  réserves 
allaient  donc,  à  proprement  parler,  cesser  d'exister  à, partir  du 
moment  où  ces  différentes  transformations  auront  été  accomplies. 

Lettre  de  Blûcher  à  Schwarzenberg.  —  Enfin,  c'est  encore 
le  20  janvier  que  Bliicher,  annonçant  de  Nancy  à  Sch\var/.enberg 
la  prise  de  Toul,  lui  confirmait  ses  précédents  rapports  et  l'entre- 
tenait, comme  on  le  verra  dans  la  dépèche  ci-dessous,  des  propo- 
sitions qu'il  avait  faites  aux  prisonniers  espagnols  trouvés  h  Toul. 


*  Nous  aurons  à  nous  occuper  au  chapitre  V,  consacré  spécialement  aux 
opérations  de  Bubna  et  de  l'armée  du  Sud,  de  quelques  mouvements  exécutés 
par  la  brigade  Scheither.  Cet  officier  général,  après  avoir  assuré  jusqu'au 
30  janvier  le  blocus  d'Auxonne,  fut  relevé  à  cette  date  par  la  division 
Wimpffen.  Renforcé  par  un  bataillon  de  cette  division  et  par  quelques  troupes 
appartenant  à  Bubna,  il  reçut  l'ordre  de  s'emparer  de  Chalon-sur-Saône  et  de 
combiner  ses  opérations  avec  le  colonel  Wieland,  de  la  division  Bubna. 

Voir  pour  ce  dernier  ordre  :  K,  K.  Kriegg  Archiv, ,  I,  632. 


—  157  — 

«  Le  feldmaréchal  Bluchor  au  i)rinco  de  Schwarz<Miberg'. 

«  Nancy.  20  janvier  1814. 

«  Je  félicite  Voire  Altesse  de?s  succès  remportés  h  Langres  et  la 
remercie  des  nouvelles  qu'elle  m'a  envoyées  relativcMuent  h  la 
marche  des  IV«  et  V*  corps. 

«  Je  ne  peux  aujourd'hui  que  confirmer  mes  j)récédents  rap- 
ports. Un  homme  revenu  hier  ici  m'annonce  qu'il  a  trouvé,  le 
17,  l'armée  du  maréchal  Victor  en  marche  de  Ligny  sur  Chà- 
lons. 

«  La  concentration  de  l'ennemi  à  Chîllons  peut,  par  suite,  être 
chose  faite  le  21. 

«  Hier,  j'annonçais  à  Votre  Altesse  (jue  l'ennemi  tenait  encore 
Toul,  et  que  je  me  pro|)Osais  de  faire  tourner  cetti»  ville. 

«  Les  hautes  eaux  ont  quelque  peu  relardé  la  marche  des 
troupes,  mais  j'ai  fait  enlever  Toul  aujourd'hui. 

«  Le  général  Sacken  m'informe,  par  une  communicalion  ver- 
bale», qu'il  y  a  pris  400  hommes  et  2  canons. 

«  Je  transfère  mon  quartier  général  à  Toul.  L'ennemi  y  a,  (hms 
la  précipitation  de  sa  retraite,  oublié  les  Espagnols  qu'il  y  tenait 
prisonniers.  J'ai,  fait  nieltre  en  liberté  le  général  Sotomayor, 
30  ofticiers  et  bon  nombre  de  soldats. 

«  J'ai  offert  aux  ofticiers  ou  de  retourner  dans  leur  patrie  par 
la  Hollande,  ou  de  former  avec  leurs  hommes  un  bataillon  spé- 
cial, à  la  tète  duquel  ils  rentreraient  chez  eux  dès  que  nous 
serons  en  communications  avec  lord  Wellington. 

«  Le  général  Sotomayor  et  quelques  officiers  nintrent  par  la 
Hollande.  Le  reste  constitue  un  bataillon  que  j'ai  déjà  armé  H 
que  j'emploierai,  d'une  part,  pour  escorter  les  convois,  de  l'autre, 
pour  assurer  le  ser\'ice  de  garnison. 

«  Le  général  Pahlen  est  aujourd'hui  à  Lunéville.  » 

P.  S.  «  J'envoie  à  Votre  Altesse  copie  du  rapport  du  général 
Sacken  qui  me  parvient  à  l'instant.  » 

21  janvier.  —  Pahlen  dirigé  sur  Joinville.  —  Mouvement 
du  VI*  corps. — Pendant  que  Pahlen  faisait  le  21  une  halte  à 


i  K.  K.  Kriegs  Archiv,,  I,  466. 


—  158  — 

Lunéville,  Witlgonslcin,  auquel  Schwarzenberg *  réiliTC  encore 
Tordre  d'accélérer  sa  marche  sur  Nancy,  débouchait,  enfin,  de 
Saverne  en  trois  échelons,  après  avoir  laissé  la  o«  division  d'infan- 
terie avec  le  prince  Gortchakoff  devant  Kehl  et  Strasbourg,  le  géné- 
ral major  Schakoffsko'î  avec  2  régiments  de  la  3«  division  devant 
Landau,  et  2  régiments  de  la  14'»  division  devant  Phalsbourg.  Le 
prince  Eugène  de  Wurtemberg  quittait  Saverne  le  21  avec  son 
corps.  Le  quartier  général  de  Wittgenstein  avec  le  régiment  de 
cosaques  Ilowaïsky  XII  et  le  détachement  du  général  Riidinger 
(hussards  de  Grodno,  un  bataillon  du  régiment  de  Selenguinsk, 
la  moitié  du  régiment  cosaque  de  Wlassoff  et  2  pièces  d'artillerie 
Il  cheval),  en  partait  le  22,  et  enfin  le  général  Helfreich  avec 
2  régiments  de  sa  division  (la  14«),  le  régiment  de  dragons  d'In- 
grie  et  12  bouches  à  feu,  le  23. 

Dans  le  rapport  qu'il  adressait  ce  même  jour  îi  Tempereur 
d'Autriche*,  Schwarzenberg,  après  lui  avoir  annoncé  que  le  parti 
de  cavalerie  envoyé  sur  la  route  de  Troyes  n'y  avait  rencontré 
pcîrsonne,  ajoutait  qu'il  donnait  à  Pahlen  l'ordre  de  venir  à  Join- 
ville  avec  la  cavalerie  du  VI«  corps,  afin  d'avoir  cette  cavalerie  h 
hauteur  des  tètes  de  colonnes  du  Y*  corps  et  de  l'armée  de 
Silésie. 

Ordres  de  Schwarzenberg  à  Wrède.  —  Le  V«  corps  étendit 
sa  gauche  jusqu'à  Bourmont,  et  Frimont,  arrivé  avec  ses  Autri- 
chiens à  NeufchAteau,  les  y  cantonna  le  long  de  la  Meuse. 

Pendant  que  Schwar/.enberg'  écrivait  au  commandant  du 
V^  corps  pour  lui  dire  (|ue  «  Teimemi  pouvait,  au  lieu  de  se 
masser  à  Troyes,  se  concentrer  à  Chàlons,  mais  que  néanmoins,, 
au  lieu  de  prendre  plus  à  droite  })Our  se  porter  sur  Ch<11ons.  il 
aimait  mieux  marcher  sur  Troyes,  parce  qu'une  fois  l'armée  alliée 
arrivée  à  Troyes,  Napoléon,  menacé  sur  son  aile  droite,  se  trou- 
vant dans  l'impossibilité  de  rester  îi  Chàlons,  serait  forcé  de  se 
porter  en  avant  pour  venir  attaquer  l'armée  alliée  sur  une  i)Osi- 


*  Scliwarzenberg  à  Wittgenste'n,  Langres,  21  '}^BYieT,{K,K.KriegsArehiv,, 
I.  4Gn.) 

2  Rapport  journalier  à  l'empereur  d'Autriche,  Langres  21   janvier.  (Ibid,, 
I,  503). 

'  Sclnvarzcuberg  à   Wrède,  Langres  21  'janvier.    (Ibid.,  I.  492,  o.) 


—  159  — 

lion  qu'il  aura  été  facile  de  choisir  h  Tavance  »,  Wrède  recevait 
de  Biùcher  une  dépôche  que  nous  croyons  devoir  donner  dans 
toute  sa  teneur. 

Lettre  de  Biùcher  à  Wrède.  —  Le  général  bavarois  Iraiismet- 
tait  cette  lettre  au  généralissime,  avec  h»  rapport  de  Pahlen  (re- 
latif à  sa  halte  h  Lunéville),  en  ajoutant  qu'il  avait  conseillé  à  ce 
dernier  de  venir  h  Gondrecourt  et  demandé  h  Wittgenstein  de 
se  relier  à  la  droite  du  V»  corps*. 

«  Le  feldmaréchal  Blucher  au  général  do  cavalerie  comte»  de 
Wrède.  —  21  janvier  1814,  9  heures  du  malin. 

«  J'ai  reçu  la  lettre  que  m'a  apportée  l'aide  de  camp  prince  de 
Lôwenstein. 

«  L'armée  de  Silésie  marche  aujourd'hui  par  Void,  Commercy 
et  Vaucouleurs  pour  s'assurer  les  |)assages  de  la  Meuse. 

«  Le  général  Sacken  a  appris  à  Nancy  (\\w  rcMinemi  est  en 
marche  de  Chàlons  sur  Langres  ;  mais  ni  lui  ni  moi  nous  n'ajou- 
tons foi  à  cette  nouvelle. 

«  Connue  vous  devezrester  à  Bourmont  jusqu'à  ce  (jue  le  prince 
de  Schwarzenberg  ail  fait  serrer  son  extrême  gauche,  j'altendrai 
de  mon  côté  l'arrivée  d'York  à  Sainl-Mihiel,  où  le  général  ne  s(Ta 
que  le  26. 

«  L'armée  de  Silésie  ne  pourra  donc  être  concentrée  entre  Arcis 
et  Vitry  que  le  30. 

«  Ma  cavalerie  a  néanmoins  pour  ordre  de  gagner  conslanmient 
du  terrain  en  avant  *.  » 

La  cavalerie  de  Platoff  et  de  Stscherbatoff ,  soutenue  par 
Wassiltchikoff  à  Vaucouleurs.  —  Passage  de  la  Meuse.  — 

Platoff  et  Stscherbatoff'  étaient  encore  à  ce  moment  devant  le  front 
du  V«  corps  vers  Joinville  et  Vaucouleurs,  oii  la  caval(»rie  du 
général  Wassiltchikoff  était  arrivée  dans  la  nuit  du  20  au  21. 


*  Wrède  à  Scliwarzeuberg,  Neufchûteau,  22  janvier.  (K.  K.  Kriegs  Archiv., 
I,  511.) 

*  Blûcherà  Wrède,  21  janvier.  {Ibid.,  I,  511  a.) 

»  Tagesbegebenheiten  (Ibid.,  I,  30).— D'après  les  registres  de  BeUiard,  le  duc 
de  Bellune  occupait  Commercy,  Void,  Vaucouleurs  et  Gondrecourt  ;  Ney  était 
à  Bar-le  Duc,  Ligny  et  Saint-Dizier.  BeUiard,  ajoutait  :  «  Le  mart'chal  duc  de 
Tréviie  doit  être  à  Chaumout.  » 


—  160  — 

Stscherbatoif*,  qui  n'avait  pas  encore  connaissance  de  la  pré- 
sence de  Wassillchikoff,  passa  dans  la  journée  la  Meuse  à  Sauvi- 
gny  et  poussa  de  là  par  Gondrecourl  jusqu'à  Bonnet,  d'où  il 
envoya  des  partis  à  gauche  sur  Joinville,  îi  droite  sur  Vaucou- 
leurs.  Le  soir  ses  cosaques  occupaient  ces  deux  points. 

Affaire  de  Pavant-garde  du  W^  corps  à  Juzennecourt.  — 

L'avant-garde  du  IV®  corps,  sous  le  général  von  Stockniayer, 
s'avança  sur  la  route  de  Bar-sur-Aube  jusqu'à  Blézy  et  Gillan- 
court.  Le  général  von  Jett,  qui  était  à  Bologne,  y  recevait  l'ordre 
de  pousser  des  partis  vers  Joinville  pour  communiquer  avec 
Plaloff.  Quant  au  lieutenant-colonel  Rôhricli,  posté  avec  ses  deux 
escadrons  à  Bricon,  il  avait  pour  mission  de  se  relier  au  III^  corps 
posté  *  à  Courban  et  à  Arc-en-Barrois. 

L'arrière-garde  de  Mortier  occupait  encore  Colombey-les-Deux- 
Églises,  et  les  cavaliers  alliés  avaient  eu  quelques  escarmouches 
avec  les  coureurs  français  dans  la  forêt  de  Juzennecourt  '. 

Thurn  trouve  Caulaincourt  à  Châtillon.  —  Le  l^^  corps, 
continuant  sa  marche  sur  Dijon,  est  à  Is-sur-Tille  et  à  Thil- 
ChAtel,  le  corps  volant  du  lieutenant-colonel  Thurn  à  La  Ferté- 
sur-Aube  et  ChiUillon-sur-Seine,  d'où  cet  officier  adresse  à 
Schwar/.enberg  les  deux  lettres  suivantes  pour  lui  annoncer  l'ar- 
rivée du  duc  de  Vicence,  chargé  de  représenter  La  France  au 
Congrès  de  Châtillon,  et  pour  lui  communiquer  les  particularités 
de  l'entretien  qu'il  a  eu  avec  Caulaincourt  *  : 

«  Le  lieutenant-colonel  comte  Thurn,  au  prince  de  Schwarzen- 
berg.  —  Chj\tillon,  21  janvier  1814,  9  h.  1/2  soir. 

«  Un  courrier  du  duc  de  Vicence  vient  d'arriver  m'annonçant 
que  le  duc  en  personne  serait  ici  dans  une  demi-heure.  Je  l'en- 
verrai à  Langres  par  Arc,  mais  j'ai  cru  de  mon  devoir  d'informer 
immédiatement  Votre  Altesse.  » 

«  Le  lieutenant-colonel  comte  Thurn,  au  prince  de  Schwar- 
zenberg.  —  Chiltillon,  21  janvier  1814,  10  heures  soir. 


*  Stsclierbaloff  à  Schwarzenberg,  Bonnet,  21  janvier.  {K.  K.Kriegs  Arcliiv., 
1,512.) 

»  Journal  (l*opérations  du  IV*»  corps.  (Ibid.,  13/56.) 

'  Tagesbegebenheiten.  (Ibid.,  I,  30.) 

«  Thurn  à  Scbwarzenberg.ChâtiUon,  21  janvier.  (/&id.,I,  485  et  ad  l,  485.) 


—  161  — 

«  Le  duc  de  Vicence  vient  d'arriver  et  m'a  dit  qu'il  voulait 
parler  au  prince  de  Metternich  en  personne  ou  attendre  ici  une 
lettre  du  prince. 

«  Lorsque  je  lui  dis  :  «  Je  viens,  Votre  Excellence,  recevoir 
o  vos  ordres  (sic),  »  il  me  r(^pondit  :  «  C'est  à  vous,  les  vain- 
«  queurs,  de  nous  les  donner.  »  J'ai  fait  mon  possible  pour  le 
traiter  avec  une  politesse  égale  à  la  sienne. 

«  J'attends  avec  impatience  les  ordres  de  Votre  Altesse  et 
désire  surtout  savoir  si  je  puis  laisser  le  duc,  comme  il  le  désire, 
continuer  sa  route. 

«  Le  duc  me  remet  à  l'instant  une  lettre  à  transmettre.  » 

De  son  côté,  le  généralissinu»  avait  prescrit  au  général  Toll  de 
diriger  par  Aubigny  et  Thil-Chatel  sur  Dijon  les  deux  régiments  de 
cosaques  provenant  du  corps  dissous  du  colonel  Scheibleret  des- 
tinés à  rejoindre  le  le' corps  d'armée  (Colloredo).  Schwar/enberg 
ajoutait  que,  comme  ces  deux  régiments  de  cosaques  seraient 
affectés  h  la  division  du  comte  Ignace  Hardegg,  il  serait  bon 
qu'il  y  eût  dans  leurs  rangs  (juelques  officiers  cosaques  parlant  le 
français  *. 

Lettre  de  Schwarzenberg  à Blûcher.— Enfin, informant  Rlû- 
cher  de  la  marche  des  III®,  IV«,  V"  et  VI^  corps  et  des  résenes 
russes  vers  Troyes,  le  généralissime  ajoutait  :  «  La  direction  à  don- 
ner à  la  colonne  de  Dijon  (!«»•  corps  et  corps  du  prince  héritier  de 
Hesse-Hombourg)  dépendra  des  nouvelles  que  je  compte  recevoir 
demain.  J'approuve  votre  marche  sur  Arcis  ;  mais  je  crois  que 
vous  ferez  bien  d'exécuter  au  préalable,  ou  en  même  tempSy  par 
Vitry-le-François,  une  démonstration  sur  Chutons,  Je  vous  pré- 
viendrai du  jour  où  je  compte  être  à  Troyes  *  ». 

22  et  23  janvier.  —  Mouvements  de  Stscherbatoff  sur 
Saint-Dizier.  —  Le  22  et  le  23,  c'est  h  peine  si  les  différents  corps 
de  la  grande  armée  firent  le  moindre  mouvement.  Au  VI®  corps, 
Pahlen  passa  la  Moselle  au  pont  de  Flavigny,  se  porta  jusqu'à 
Vézelise,  où  il  fit  reposer  encore  une  fois  son  monde  pendant 

1  Schwarzenberg  à  ToU.  Langres,  21  janvier.  (A'.  A'.  Kriegs  Archiv.,  l,  500.) 
*  Schwarzenberg  à  Biùcher.  Langres,  21  janvier.  {Ibid,,  I,  492.) 

W«il.  11 


—  16i  — 

toute  la  journr'?c  du  lendcmaûi,  et  Willgenstcin  se  rapprocha  gra- 
duellement de  Nancv. 

Le  V«  corps  ne  bougea  pas,  mais,  chose  singulière,  au  moment 
même  où  Schwarzenberg  n'aurait  dû  songer  qu'à  une  offensive 
vigoureuse,  il  trouvait  le  temps  d'écrire  longuement  h  Wrède  et 
d'insister  îi  nouveau  sur  la  nécessité  de  faire  mettre  en  état  de 
défense  Hanau  et  Memmingen  *. 

Stscherbatoff,  arrivé  à  Bonnet  depuis  la  veille,  recommençait 
son  mouvement  vers  Saint-Dizier,  tout  en  conservant,  écrivait-il 
à  Schwarzenberg  *,  sa  communication  à  gauche  avec  Platoft.  Il 
craignait  seulement  que  les  grandes  inondations  ne  fissent  occuper 
(c'est  le  terme  même  dont  il  se  sert  dans  sa  dépêche  rédigée  en 
français;  beaucoup  de  temps  à  ses  marches. 

Le  prince  royal  de  Wurtemberg  était  toujours  à  Chaumont.  Le 
III«  corps  s'étendait  de  Chàteau-Villain  et  Blessonville  jusqu'à 
(Uairvaux  et  La  Ferté-sur-Aube  ;  et  Thurn,  pour  les  raisons  qu'il 
expose  dans  sa  lettre,  avait  cru  bon  de  ne  pas  s'éterniser  à  Chil- 
tillon  et  avait,  comme  on  va  le  voir,  poussé  vers  Bar-sur-Seine. 

Mouvement  du  corps  volant  de  Thurn  sur  Neuville.  -- 

«  Le  général  von  Hecht'  ayant  laissé  à  Chàtillon  une  troupe  des- 
tinée à  servir  de  garde  d'honneur  au  duc  de  Vicence,  j'ai  cru  (|ue 
ma  présence  et  celle  de  mon  détachement  devenaient  inutiles  sur 
ce  point,  et  j'ai  poussé  par  suite,  hier  22,  mon  avant-garde  vers 
Bar-sur-Seine.  J'ai  occupé  aujourd'hui  Neuville  où  se  trouve  ma 
cavalerie,  et  Gyé,  où  sont  mes  chasseurs. 

((  Le  duc  de  Vicence  m'avant  fait  connaître  les  causes  de 
son  voyage  et  la  raison  de  sa  présence  h  ChîUillon,  en  me  don- 
nant communication  d'une  lettre  du  prince  de  Metternich,  j'ai  cru 
pouvoir  laisser  arriver  jusqu'à  lui  deux  courriers  venant  de  Paris; 
mais  je  l'ai  prévenu  en  môme  temps  que,  tant  que  nous  n'aurions 
[)as  reçu  d'ordnîs  de  nos  chefs,  aucun  de  ces  courriers  ne  serait 
autorisé  à  retourner  à  Paris. 

«  Un(;  patrouille,  que  j'avais  envoyée  avec  un  émissaire  dans 


1  ScliNVîirzeiihorg  û  Wrède.  Langrcs,  22  janvier.  (A'.  A'.  Kriegs  Arcku\,  1,  524.) 

'  StsclicrbatofT  à  Schwarzenberg.  Bonnet,  le  22  janvier.  {Ibid  ,  I,  312.) 

'  Thurn  à  Schwai'zenberg.   NeuviUe,  23  janvier,  trois  heures  après  midi. 
(A'.  A'.  Kriegs  Arehiv.,  1,  527.) 


—  163  — 

la  direction  de  Bar-sur-SeiiK».  annonce  quo  l'cMincnii  n'a  laisse  à 
Troyes  qu'une  faible  garnison  et  s'est  replié,  aveu*  le  jj;ros  de  ses 
forces,  en  partie  sur  Chî\lons,  en  j)arti(»  sur  Sens. 

«  Le  feidzeugmeister  comte  Gyulay  vient  d(^  me  Iransmelln» 
les  ordres  de  Votre  Altesse  relatifs  à  la  réception  et  au  départ  des 
courriers  du  duc  de  Vicenoc». 

a  J'ai  dirigé  sur  le  quartier  général  d(»  Votre  Altesse  le  général 
et  les  officiers  espagnols  que  j'avais  trouvés  à  (^hâtillon.  » 

Les  réserves  et  les  gardes  russes  et  prussi(»nn(^s,  arrivées  le  "ii 
à  Humes  et  s'échelonnant  en  arrière  jus(prà  Fayl-Billot  restèrent, 
elles  aussi,  dans  leurs  cantonnements  jusqu'au  :28. 

Voyag6  de  Schwarzenberg  à  Dijon.  —  Arrivée  de  l'empe- 
reur de  Russie  à  Langres.  —  Ce  fut  à  ce  moment  ([ue  Schwar- 
zenberg crut  devoir  partir  le  23  pour  Dijon  alin  d(^  surveilh^r  par 
lui-même  l'exécution  des  mesures  qu'il  avait  ordonnées  quelques 
jours  auparavant  et  qui  modifiaient  sensiblement  la  composition 
du  !«'  corps  et  des  réscr\'es. 

Ce  fut  alors  également  que  l'empcîreur  de  Russie  arriva  à  Lan- 
gres, et  c'est  vraisemblablement  îi  sa  présence  qu'il  convient  d'at- 
tribuer la  reprise  des  0[)ératioiis  complètement  arrêtées,  sans 
raison  plausible,  depuis  le  18. 

Le  23  janvier,  de  Blamont,  Wittgenstein  a<'<'usant  réception  à 
Schwarzenberg  des  ordres  qui  le  dirigeaient  par  Nancy  et(]oIom- 
bey-les-Bellcs  sur  Gondrecourt.  lui  annonçait  que  Pahl(?n  pren- 
drait, le  24,  position  entre  Wrède,  posté  à  Neufchilteau,  et  Hlft- 
cher,  qui  devait  s(î  trouver  entre  Saint-Mihiel,  Void  et  Vaucou- 
leurs,  et  qu'il  arriverait  lui-même  le  26  entre  la  Moselle  et  la 
Meuse  à  Colombey  *. 

Positions  de  Mortier.  —  Affaires  de  Clairvaux  et  de  Tre- 
milly.  —  L'arrière-garde  de  Mortier  occupait  toujours  devant  les 
III®  et  IV«  corps,  entre  Colombey-les-Deux-Églises  et  Bar-sur-Aube, 
une  forte  position  ,  d'où  elle  ne  cessait  de  pousser  des  reconnais- 
sances offensives  contre  les  avant-postes  des  Alliés.Toujours  fidèle  à 


^  WiUgensteia  àSch>K'arzenberg.  Balmont,  23  janvier.  (A".  K,  KriegsArchiv.. 
L  580.) 


—  164  — 

celle;  détensive  aclive  qui  lui  avait  si  bien  réussi,  le  duc  de  Trévise 
avait  fait  attaquer,  le  23  au  matin,  par  les  chasseurs  de  la  garde, 
le  [)oste  de  Clairvaux-sur-Aube  et  y  avait  enlevé  une  douzaine 
d'hommes  (chevau-légers  de  Klenau  et  Croates)  de  Tavant-garde 
du  général  Hecht  (III®  corps)  qui,  précédant  Gyulay,  était  depuis 
le  23  au  matin  à  La  Ferté-sur-Aube. 

Le  prince  royal  de  Wurtemberg,  irrité  de  ces  alertes  inces- 
santes et  de  ces  coups  de  main  qui  fatiguaient  son  monde,  avait 
eu  rinlention  d'enlever  par  surprise,  le  23  au  matin,  les  postes 
français  de  Colombey-les-Deux-Églises  ;  mais  il  renonça  à  ce 
projet  dès  qu'il  sut  que  les  Français  occupaient  solidement  les  bois 
situés  entre  Colonibey  et  Juzennecourt,  et,  après  en  avoir  obtenu 
l'autorisation  de  Schwarzenberg,  il  se  décida,  pour  le  lendemain, 
h  une  attaque  combinée  des  III®  et  IV®  corps  sur  Bar-sur-Aube. 

Comme  l'ataman  Platoff  avait  fait  savoir  de  Joinville,  le  22*,  au 
prince  de  Schwarzenberg  que,  continuant  à  marcher  sur  Bar-sur- 
Aube,  il  serait  à  Doulevant  le  23  ;  comme  son  avant-garde  avait 
poussé  de  lii  des  partis  en  avant  de  ce  village  et  que  l'un  d'eux  avait 
même  cherché  à  intercepter  la  route  de  Bar-sur-Aube  ii  Briennc 
pour  y  enlever  des  courriers,  on  l'invita  à  prendre  part  ii  l'opéra- 
tion résolue  sur  Bar-sur-Aube,  en  tombant  sur  la  gauche  et  les 
derrières  de  l'ennemi,  au  moment  où  il  commencerait  sa  retraite. 

Les  mouvements  de  Platoff  n'avaient  pas  échappé  à  la  vigilance 
de  Mortier,  dont  les  reconnîiissances  avaient  eu  affaire  aux 
Cosa<[ues  de  Tataman  ù  Tremilly.  Le  maréchal  sachant  que  Vassy 
et  Monliérendcr  étaient  occupés  par  les  Alliés,  avait  aussitôt, 
après  cette  escarmouche,  envoyé  500  hommes  d'infanterie  avec 
2  canons  et  50  chevaux  s'établir  à  Tremilly,  ce  point  se  trouvant 
sur  les  communications  de  Joinville  h  Brienne. 

Comme  il  s'attendait  à  voir  les  Alliés  faire  un  détachement  sur 
Brienne,  il  avait  prescrit  au  général  Dufour,  alors  à  Arcis-sur- 
Aube,  d'aller  occuper  Brienne  au  plus  vite.  Le  maréchal  ne  s'était 
pas  trompé  en  pensant,  ainsi  qu'il  l'écrivait  le  23  au  matin  au 
major  général,  que  Gyulay  et  le  prince  royal  attendaient  l'arrivée 
des  Cosaques  de  Platoff  pour  agir  ;  il  était,  dès  ce  moment,  con- 
vaincu qu'il  allait  être  sérieusement  attaqué  le  24,  et  demandait 
avec  instance  ii  connaître  la  direction  qu'il  aurait  à  prendre,  soit 

'  Rapport  de  Platoff,  23  janvier.  {K.  K.  Kriegs  ArcfUc,  l,  629  6.) 


—  165  — 

sur  Troyes,  soit  sur  Ch»11ons,  dans  lo  cas  fort  j)robal)I(>  où  il  s(» 
trouverait  hors  d'état  de  résistt>r  à  d(\s  forces  Icllciinciil  supcN 
Heures  aux  siennes. 

24  janvier.  —  Combat  de  Bar-sur-Aobe.  —  (iOnfomicniont  à 
l'entente  convenue  entre  le  princ<»  royal  de  WurliMnberg  et  le 
feldzeugmeister  comte  Gyulay,  le  IV«  corps  se  j)orta  h»  24  an 
matin  vers  Bar-sur-Aube,  par  la  rive  droite»  de  TAube,  le  !II«  par 
la  rive  gauche. 

L'arrière-garde  du  duc  de  Trévise,  sous  les  ordres  du  général 
Letort,  sun'eillait  de  Colombey-les-!)enx-Églises  la  route  de  Chau- 
mont,  avec  4  bataillons,  4  escadrons  et  G  pièces  ;  une  forte 
colonne  avait  pris  position  plus  en  arrière,  de  fac^^on  à  [)Ouvoir 
recueillir  les  troupes  de  Letort,  sur  les  hauteurs  situées  en  arrière 
du  ruisseau  de  Rouvres.  De  cette  façon.  Mortier  avait  îi  sa  gauche 
t»t  devant  lui  le  village  de  Voigny;  fi  sa  droite,  son  artillerie 
enfilait  à  la  fois  la  route  de  Colombey  et  le  pont  Houdelin,  (pii 
franchit  TAube  h  Fontaines;  la  division  Michel  occu[)ait  ce  vil- 
lage. Enfin,  sur  la  rive  gauche,  le  rest(»  des  trou|)es  du  maréchal 
giirnissait  les  hauteurs  de  Sainte-Germaine. 

A  onze  heures  du  malin,  Gyulay,  qui  marchait  par  la  rive 
gauche  avec  son  corps  d'armée  formé  en  deux  colonnes,  vint 
donner  à  Bayel,  avec  la  colonne»  qui  longeait  la  rivière,  contre 
les  avant-postes  français,  qui  se  replièrent  sur  Fontaines,  au 
moment  où  la  division  Michel  se  déployait  en  avant  de  ce  village. 

a  J'apprends  h  Finstant,  dit  à  ce  propos  S(!h\varz(»nberg  dans 
le  rapport  qu'il  adressait  le  lendemain  à  l'empereur  d'Autriche*, 
que  le  feldzeugmeister  comtt^  Gyulay  s'est  avancé  avec  h»  III« 
corps,  le  long  de  l'Aube,  a  repoussé  l'avant-garde  ennemie  jus- 
qu'au pont  de  Beau-de-Ville  (il  doit  s'agir  ici  du  pont  Boudelin), 
où  Tennemi  a  pris  une  bonne  position,  avec  12,000  hommes  (?), 
10  canons  et  4  obusiers.  Le  comte  Gyulay,  ayant  reconnu  qu'il 
était  impossible  d'enlever  cette  position  sans  sacrifier  beaucoup 
de  monde,  s'était  décidé  h  attendre  l'arrivée  du  IV«  corps;  mais 
h  midi,  l'ennemi  déboucha  de  Bar-sur-Aube,  attaqua  le  lU^  corps 
qui  le  rejeta  et  le  fit  poursuivre  par  sa  cavalerie  jusque  sur  scîs 

*  Schwarzenberg  à  Temperenr  d'Autriche.  Langres,  25  janvier.  (A'.  K.  Kriegs 
Archiv.,  I,  582.) 


—  166  — 

positions.  L'ennemi  renouvela  à  plusieurs  reprises  ses  attaques 
que  (lyulay  réussit  à  repousser.  » 

Le  prin<Mî  royal  th»  Wurtemberg,  dont  le  corps  était  également 
formé  sur  deux  eolonn(»s,  arriva  h  midi  avec  son  avant-garde 
(général  von  Stockmayeret  3  bataillons),  se  dirigeant  sur  Colom- 
bey-la-Fosse  qu'il  voulait  prendre  à  revers,  pendant  que  le  géné- 
ral von  Jett,  avec  2  régiments  de  cavalerie,  2  bataillons  et  une 
batterie  à  cheval,  avait  pour  mission  d'attaquer  ce  village  de  front. 
Le  princ(î  royal  ipii  avait  laissé  le  reste  du  IV®  corps  avec  le 
général  Koch  à  Chaumont,  n'avait  en  réser\e  que  2  bataillons, 
1  régiment  de  cavalerie  et  une  batterie. 

Le  général  Letort  avait,  des  hauteurs  de  Colombey,  pénétré 
les  projets  du  commandant  du  IV«  corps,  et  s'était  mis  aussitôt 
en  retraite. 

Le  prince  royal,  se  portant  en  avant  sans  attendre  l'arrivée  du 
gros  de  l'infanterie  du  général  Storkmayerqui  n'avait  pas  encore 
paru,  ch(;rcha  îi  entamer  avec  sa  cavalerie  et  sa  batterie  <\  cheval, 
la  petite  colonne  du  général  Letort,  qu'il  atteignit  à  Lignol.  Celui-ci 
continua  h  effectuer  sa  retraite  en  bon  ordre  et  ne  tarda  pas  à  être 
recueilli  sur  le  phiteau  de  Rouvres  par  la  division  Priant,  qui 
garnissait  les  hauteurs  du  village  de  Voigny,  pendant  que  les  20 
bouches  à  feu,  que  Mortier  avait  mises  en  batterie  sur  ce  point, 
obligeaient  les  Wurlembergeois  à  s'arrêter.  «  Le  prince  royal  de 
Wurtemberg,  dit  Schwarzenberg  dans  son  rapport,  dont  l'infan- 
terie et  fartillcîrie  étaient  restées  en  arrière,  ne  put  attaquer  cette 
j)Osition.  » 

Oyulay  avait  continué  à  attaquer  le  pont  de  l'Aube  et  le  village 
(le  Fontaines,  mais,  dit  le  Journal  des  opérations  *,  il  ne  réussit 
pas  îi  les  enlever  et  ne  s'empara  du  pont  (pie  le  soir. 

L'artillerie  wurtembergeoise,  et  plus  lard  l'artillerie  autri- 
chienne étant  arrivées  en  ligne  dans  le  courant  de  l'après-midi, 
le  maréchal  Morlier  *,  craignant  avec  raison  d'être  trop  faible. 


*  Tapesbegehenheiten.  (A'.  A'.  Kriegs  Archiv.,  I,  30.) 

'  «  Morlier  à  l'Kiiipereur.  —  Bar-sur-Aubo,  24  janvier. 

M  Ainsi  q::c  je  m'y  élais  attendu,  IVnneini  m'a  attaqué  «lujourd'hui.  Depuis 
six  In-ures  «lu  matin  les  troupes  étaient  sous  les  aimes  et  j'étais  en  mesure. 
Le  H;r,  avec  «leux  canons,  occupait  le  pont  près  de  Doiancourt.  Un  régiment 
de  vieille  garde  et  trois  pièces  de  position  avait>nt  pris  poste  sur  le  plateau 
entre  Provervilie  et  S|)oy.  Le  village  de  Fontaines  était  occupé  par  les  chasseurs 


-  167  -- 

pour  avoir  une  chance  quelconque  de  résister  le  lendemain  à 
Tattaque  de  forces  par  trop  supérieures  en  nombre,  jugea  pru- 
dent d'évacuer  Bar-sur-Aube  pendant  la  nuit.  «  Gvulav,  dit  encore 
Schwarzenberg  *,  qui  avait,  ainsi  ijue  le  prince  royal,  campé  le 
soir  en  arrière  du  champ  de  bataille,  m'annonce  à  l'instant  ((ue 
Tennemi  a  évacué  Bar-sur-Aube  pendant  la  nuit,  se  retirant  sur 
Chàlons  et  sur  Troyes.  Le  feldzeugmeister  a  occupé  !5ar-sur-Aube. 
Le  IV®  corps,  posté  î\  Rouvres,  Lignol  et  Villeneuve-aux-Fresnes, 
lui  sert  de  soutien.  » 

Mortier  se  replie  sans  que  les  Alliés  s'aperçoivent  de  sa 
retraite.  —  Ici  encore,  comme  à  Langres,  les  Alliés  s'aperçu- 
rent si  peu  du  départ  de  Mortier,  que  le  24  au  soir,  les  deux 
généraux  se  concertèrent  en  vue  de  l'attaque  qu'ils  comptaient 


à  cheval  de  la  garde,  nn  bataillon  do  la  vieille  garde  et  iOO  hommes  de  la 
2«  division.  Le  reste  des  troupes  était  rangé  en  bataille  en  avant  de  Bar,  sur 
la  route  de  Chaumont.  Mes  éolaireurs  occupaient  ArrentiAres.  Vers  onze  lieures 
Tenuemi  déboucha  sur  deux  colonnes,  l'une  par  la  route  de  Chaumont.  l'autre 
par  celle  de  Clairvaux.  C'était  une  attaque  réelle.  On  ne  pouvait  s*y  méprendre 
à  la  profondeur  d(;s  colonnes  qui  se  présentaient  devant  moi.  De  fortes  masses 
d*infanteric  de  la  colonne  venue  de  Clairvaux  tentèrent  do  s'emparer  du  pont 
au-dessus  de  Fontaines.  Mon  artillerie  l'en  éloigna.  Trois  fois  Fontaines  fut 
attaqué  avec  impétuosité,  trois  fois  l'ennenii  fut  culbuté.  Il  porta  sur  sa  gauche 
de  fortes  colonnes.  Cependant  Spoy  n'avait  pas  encore  été  attaqué  à  la  tombée 
de  la  nuit. 

«  Le  général  Letort  avait  reçu  l'ordre  de  se  replier  de  Colombey-les-Deux- 
Ëglises  sur  Lignol.  11  fut  suivi  par  le  corps  du  prince  royal  de  Wurtemberg  et 
une  nuée  de  cosi^ques.  11  vint  se  mettre  en  ligne  avec  nous,  su  gauche  dans  la 
direction  du  plateau  de  Voigny,  que  j'avais  fait  occuper,  et  s'y  est  maintenu 
malgré  la  supériorité  des  forces  qu'il  avait  devant  lui  J'ai  eu  affaire  au  corps 
de  Gyulay,  que  les  prisonniers  afilrrnent  de  .'^0,000  hommes.  Ces  fon'cs  sont 
indépendantes  de  celles  du  prince  rojal  de  Wurtemberg,  qu'on  évalue  de 
12,000  à  15,000  hommes. 
•   •••••••••» ....••.•..•••.•,..... 

« Dans  mes  précédents  rapports,  j'avais  eu  Thonneur  de  faire  con- 
naître à  Votre  Majesté  que  l'ennemi  manœuvrait  par  les  deux  rives  de  l'Aube. 
Il  paraîtrait  que  toutes  les  forces  concentrées  à  Arc,  Château- Villain,  La  Ferté- 
sur-Aube,  Clairvaux,  etc.,  s'étaient  réunies.  Ma  position  n'étant  plus  tenable, 
je  me  porterai  demain  sur  Vendeuvre  pour  couvrir  la  route  de  Paris.  Je  compte 
camper  ensuite  au  pont  de  la  Guiilottiùre,  qui  m'offre  une  bonne  position  où 
je  tenterai  de  nouveau  le  sort  d'une  bataille  avant  de  me  rendre  à  Troyes  Si 
Votre  Majesté  pense  que  je  doive  aller  de  Troyes  à  Arcis-sur-Aube,  cil».;  aura 
la  bonté  de  me  le  faire  savoir .  Je  préviens  de  mon  mouvement  le  général 
Gérard,  qui  a  dû  se  rendre  à  Rrienne.  Platoff  était  à  Doulevant  :  ses  cosaques 
inondent  le  pays  ».  (Archives  de  la  Guerre,) 

*  Schwarzenberg  à  l'empereur  d'Autriche.  (A'.  A'.  Kriegs  Archiv.,  1,  582.) 


—  168  — 

exécuter  le  lendemain.  Ici  encore,  ils  perdirent  le  contact.  Leurs 
troupes  légères  et  leur  cavalerie  s'étaient  laissées  arrêter  par  le 
premier  obstacle  qu'elles  avaient  rencontré  sur  leur  route,  le  pont 
détruit  près  de  Spoy,  sans  même  essayer  de  trouver  un  autre  pas- 
sage et  de  poursuivre  plus  loin.  Aussi,  au  lieu  de  chercher  à  savoir 
ce  qu'était  devenu  Mortier,  leurs  généraux  s'en  tenant  à  des  sup- 
positions, se  fiant  aux  bruits  recueillis  et  ù  des  renseignements 
qu'ils  n'avaient  pu  faire  contrôler,  annonçaient  au  généralissime 
que  le  gros  des  troupes  du  duc  de  Trévise  avait,  de  Bar-sur-Aube, 
pris  la  direction  de  Châlons,  que  la  garde  seule  était  allée  à 
Troyes.  Avec  un  peu  d'activité  et  d'initiative,  il  leur  aurait  été 
cependant  facile  de  constater  que  le  petit  corps  français,  presque 
exclusivement  composé  de  troupes  de  la  garde,  s'était  tout  entier 
replié  sur  Troyes.  Enfin,  on  ne  s'explique  guère  les  raisons  pour 
lesquelles  le  prince  royal  laissa  le  gros  de  son  corps  à  Chaumont, 
et  ne  porta  que  7  bataillons,  13  escadrons  et  3  batteries  à  l'at- 
taque de  Bar-sur-Aube. 

Fautes  et  mensonges  de  Platoff .  —  Le  combat  de  Bar-sur- 
Aube  avait,  d'ailleurs,  coûté  pas  mal  de  monde  aux  deux  adver- 
saires, mais  comme  le  dit  le  Journal  des  opérations  tenu  au  quar- 
tier général  de  Schwarzenberg*,  comme  le  constate  également  le 
Journal  des  opérations  du  IV®  corps',  les  Français  auraient  cer- 
tainement plus  souffert,  si,  ainsi  qu'il  en  avait  reçu  l'ordre  et  ainsi 
qu'il  l'avait  promis  la  veille  au  prince  royal  de  Wurtemberg, 
Platoff  avait  paru  sur  leurs  derrières  avec  ses  4,000  cosaques. 

De  même  qu'à  Épinal,  Tataman  était  arrivé  trop  tard,  et  bien 
qu'au  lieu  de  déboucher  sur  le  derrière  des  Français,  il  se  fût 
montré  sur  ceux  du  IV®  corps,  il  osa  néanmoins  adresser  à 
Schwarzenberg  le  rapport  ci-après  '  : 

«  Ayant  pris  avec  mon  corps  la  direction  de  Bar-sur-Aube,  je 
faisais,  de  mes  postes  avancés,  replier  les  détachements  de  cava- 
lerie des  gardes  ennemies,  de  Joinville  jusqu'à  Beurville.  Ces 
détachements  étaient  destinés  à  couvrir  l'aile  gauche  du  corps  du 

*  Tagesbegebenheiten.  (K,  K.  kriegs  Archiv.,  I,  30.) 

*  Journal  d'opérations  du  IV®  corps.  (Ibid.,  XIII,  56.) 

'  IMatoff  à  Schwarzenberg.  Bar-sur-Aube,  25  jauvicr  (en  français  dans 
l'original).  (/T.  K.  Kriegs  Arehiv.,  I,  572.) 


—  169  - 

maréchal  Mortier,  qui  se  trouvait  à  Bar-sur-Aube,  ayant  son 
avant-garde,  hier,  à  Colombey-les-Deux-Églis(;s. 

«  Mes  partis  entretenaient  la  liaison  avec  les  troupes  wurtom- 
bergeoises  qui  occupaient  le  grand  chemin  de  Chîllons.  Jours  et 
nuits,  j'envoyais  des  cosaques  en  flanc  et  en  dos  de  l'ennenii, 
devant  le  général  Gyulay  et  le  prince  de  Wurtemberg. 

a  Mes  cosaques  Tinquiétèrent  de  même  pendant  qu'il  était  aux 
mains  avec  ces  généraux,  dispersèrent  les  détachements  de  cava- 
lerie des  gardes  qui  voulaient  s'opposer  à  eux  et  firent  nombre  de 
prisonniers.  L'ennemi  fut  obligé  de  quitter  Bar-sur-Aube.  Il  y 
abandonna  200  blessés  et  prit  sa  direction  sur  Troyes. 

«  Mes  partis  le  poursuivent  en  côté  sur  le  chemin  ;  mais 
demain,  ils  se  dirigeront  sur  Bar-sur-Seine,  où  je  vais  me  porter 
moi-même. 

«  Les  prisonniers  des  gardes,  que  j'ai  pris,  ont  été  remis  au 
comte  Gyulay.  » 

Lettre  du  prince  royal  de  Wurtemberg  au  général  ToU.  — 

Le  prince  royal  de  Wurtemberg  devait  être  cette  fois  moins  patient, 
njoins  crédule  et  moins  indulgent  qu';\  Épinal.  Justement  indigné 
et  de  la  mollesse  et  des  impudences  de  Platoft*,  qui  osait,  de 
Beurville  (à  15  kilomètres  de  Bar),  lui  annoncer,  hi  25,  ([ue  ses 
cosaques  avaient  chassé  l'ennemi  de  Bar,  le  prince  royal  ordonna, 
le  26  janvier,  ii  un  des  officiers  de  son  état-major  d'écrire  au 
général  lieutenant  Toll.  Dans  cette  lettre,  qui  est  reproduite  ci- 
dessous,  il  flétrit  comme  elle  le  mérite,  quoique  dans  des  termes 
peut-être  un  peu  trop  violents,  l'inexplicable  conduite  de  l'ataman 
pendant  la  journée  du  24  janvier  : 

«  Bien  que  ce  document  *  ne  doive  pas  être  considéré  comme 
une  communication  officielle,  mais  uniquement  parce  qu'il  me 
semble  nécessaire  de  faire  connaître  la  vérité  à  Votre  Excelhnice, 
je  crois  revenir  encore  une  fois  sur  (affaire  '  sérieuse  d'avant- 
hier,  dont  l'issue  a  été  satisfaisante  puisque  la  vieille  garde,  une 


1  Bernhardi,  ToU.  Denkw'nrdigkeilen,  V.  397.  T^ottrc  adress<^  au  g6néral- 
licQtenant  comte  ToU  par  l'état-major  général  du  prince  royal  de  Wurtemberg, 
le  2ô  janvier  1814. 

'  En  français  dans  le  texte. 


—  170  — 

partie  de  la  jeune  et  une  division  arrivée  de  Metz  en  toute  hâte 
ont  dû  se  retirer  après  avoir  subi  de  grosses  pertes 

«  Dès  (jue  le  prince  royal  eut  combiné,  le  23  après  midi,  son 
attaque  avec  le  feldzeugmeister  comte  Gyulay,  il  écrivit  à  l'ata- 
nian  (Platoff)  pour  l'engager  à  se  porter,  le  24,  sur  Bar-sur-Aube 
et  à  se  montrer  sur  les  derrières  de  l'ennemi,  qui  se  retirait  de 
Colombey.  L'ataman,  avant  d'avoir  reçu  la  lettre  du  prince,  avait 
de  son  côté  prié  Son  Altesse,  par  une  communication  datée  de 
Beurville  le  24  de  grand  matin,  de  vouloir  bien  entreprendre 
quelque  chose  contre  Colombey,  parce  que  lui,  Platoff,  avait  l'in- 
tention de  tomber  sur  les  derrières  de  l'ennemi  et  de  pousser  sur 
Bar-sur-Aube. 

«  Nous  comptions  par  suite  d'une  manière  absolue  sur  la 
coopération  de  l'ataman;  nous  avions  enlevé  les  positions  de 
l'ennemi,  nous  l'avions  rejeté  sur  la  ville,  en  avant  de  laquelle  il 
occupa  sérieusement  une  nouvelle  position  sur  le  front  de  laquelle 
il  avait  mis  vingt  bouches  à  feu  en  batterie,  et  nous  ne  savions 
toujours  rien  de  l'ataman,  si  ce  n'est  qu'on  avait  vu  quelques 
cosaques  sur  nos  propres  derrières.  Le  prince  royal  espérait  tou- 
jours voir  l'ataman  déboucher  par  Arrentières  avec  son  artillerie, 
prendre  l'ennemi  à  dos  et  l'obliger  ainsi  h  traverser  dans  le  plus 
grand  désordre  le  défilé  formé  par  la  ville.  Ce  mouvement  aurait 
permis  ù  Gyulay,  sérieu.sement  engagé  à  Fontaines,  et  au  prince 
royal  de  se  porter  sinmltanément  sur  Bar  et  d'infliger  h  l'ennemi 
une  véritable  défaite. 

«  Mais  ce  ne  fut  qu'hier  matin,  après  l'entrée  de  Gyulay  à  Bar 
et  après  le  retour  du  prince  royal  de  Bar  à  Colombey,  que  Son 
Altesse  reçut  dudit  ataman  une  lettre  toujours  datée  de  Beurville, 
lettre  par  laquelle  il  lui  faisait  connaître  que  ses  cosaques  avaient 
chassé  l'ennemi  de  Bar,  et  qu'ayant  désormais  les  mains  libres, 
il  allait  se  porter  en  droite  ligne  sur  Fontainebleau. 

«  A  Votre  Excellence  d'apprécier  la  conduite  de  l'ataman. 
Quant  II  nous,  après  avoir  critiqué  et  blîlmé  son  attitude,  nous  ne 
pouvons  plus  que  rire  de  l'impudence  de  cet  imposteur.  » 

Platoff  dirigé  sur  Sens  et  Fontainebleau.  —  C'était  cepen- 
dant à  un  pareil  officier  que  l'empereur  de  Russie  avait  cru  pou- 
voir «îonfier  la  délicate  mission  qui  consistait  h  enlever  le  pape  i\ 
Fontainebleau.  Le  24  janvier,  en  effet  il  avait  fait  écrire  à  Platoff 


—  171  - 

par  Toll  une  lettre  dans  laquelle  il  lui  disait  :  «  Sa  Majesté  tient 
par-dessus  tout  à  ce  qu'une  fois  arrivé  h  Bar-sur-S(îin(%  vous  vous 
dirigiez  de  suite  sur  Auxon  et  Sens  pour  vous  porter  sur  la  route 
qui  va  de  Paris  h  Dijon  par  Fontainebleau  et  la  rive  gauche  de  la 
Seine.  Comme  le  midi  de  la  France  envoie  sans  c(;ss(i  d(»s  appro- 
visionnements de  toute  sorte  à  Paris,  tant  par  les  routes  d(^  terre 
que  par  les  voies  fluviales,  vous  ferez  solidement  occuper  Moret 
et  Nemours,  points  par  h^squels  tous  ces  transports  doivent  for- 
cément passer,  vous  vous  emparerez  de  ces  envois  en  vous  gar- 
dant de  détruire  des  approvisionnements  qui  peuvent  nous  être 
très  utiles,  et  vous  aurez  soin  de  faire  connaître  au  princes  de 
Schwarzenberg  la  nature  et  la  quantité  des  envois  (|ui  tomberont 
entre  vos  mains*.  » 

On  verra  plus  loin  de  quelle  façon  l'ataman  s'acquitta  de  celle 
mission. 

Pahlen  à  Haxey,  Stscherbatoff  à  Eurville.  —  Pahlen  (avant- 
garde  du  VI«  corps)  était  arrivé  le  24  a  Maxey  et  le  V^  corps 
n'avait  pas  bougé  de  Neufchûteau. 

Stscherbatoff,  moins  indolent  que  Platofl',  était  du  coté  de 
Saint-Dizier,  agissant  avec  ses  partis  h  droite  et  gauche  d'Eur- 
ville,  annonçant  à  Schwarzenberg  que,  pendant  les  journées  des 
23  et  24,  les  troupes  ennemies  se  repliaient  de  Void  par  Ligny 
sur  Saint-Dizier. 

C'est  également  d'Eurville  *  qu'il  écrit  au  généralissime  pour 
lui  annoncer  qu'il  lui  envoie  le  maire  de  cette  ville,  le  baron  de 
Lespérut,  attaché  au  maréchal  Berthier,  «  ])arce  que,  dit-il,  la 
visite  qu'il  m'a  faite  et  le  désir  trop  manifeste  quil  avait  de 
savoir  la  quantité  des  troupes  qui  demandaient  des  vivres  et  des 
fourrages,  tout  enfin  me  fait  voir  cet  homme  suspect. 

«  Mes  soupçons  peuvent  être  mal  fondés,  mais  ma  prudence 
m'oblige  à  faire  plutôt  trop  que  trop  peu,  quand  cela  s'agit  pour 
le  bien  général. 

«  Hier  soir,  ajoute-t-il  dans  le  même  rapport,  on  avait  pris 


«  Berxhardi,  TolL  Denkuurdigknten,  IV,  238-39. 

«  Stscherbatoff  À  Schwarzeîiberg.  Eurville,  24  janvier.  (A'.  K.  KriegsArcliiv,, 
\,  548),  et  Tagesbegebenhciten  (Jbid.j  1.  30). 


—  172  — 

deux  espions,  et  en  passant  par  Eunille  un  d'eux  a  été  arraché 
par  les  habitants,  que  j*ai  fait  assembler,  leur  ai  dit  que  nous  ne 
venions  pas  faire  la  guerre  à  la  nation,  ce  qui  est  annoncé  par  les 
proclamations  ;  mais  si,  au  contraire,  nou^  trouverions  des  mal- 
veillants qui  s  armeront  ou  ch^cheront  à  nou^  nuire  de  telle  façon 
que  ce  soit,  les  coupables  seront  punis  avec  toutes  les  rigueurs 
militaires  et  leurs  maisons  brûlées  *  ». 

Thurn  à  Bar-sur-Seine.  —  A  la  gauche,  le  lieutenant-colonel 
Thurn  occupait  Bar-sur-Seine.  Comme  il  était  destiné  à  opérer  du 
côté  de  Troyes,  le  généralissime  lui  envoya  le  capitaine  von 
Tully,  du  régiment  d'infanterie  Erlach,  «  parce  que,  écrivait-il, 
cet  officier,  originaire  de  Troyes  et  connaissant  parfaitement  le 
pays,  pourra  vous  rendre  de  grands  services  lors  de  l'occupation 
de  Troyes,  et  qu'il  sera  bon  de  l'y  laisser  comme  commandant 
de  place  *.  » 

Le  24  janvier,  Thurn  écrivait,  lui  aussi,  à  Schwarzenberg  pour 
rendre  compte  de  ses  opérations,  mais  surtout  pour  se  plaindre 
d'un  ordre  de  Wrède  et  demander,  comme  toujours,  des  renforts. 

w  Un  courrier  du  général  comte  Wrède  m'apporte  à  l'instant 
l'ordre  qui  m'enlève  les  deux  compagnies  de  chasseurs  bavarois 
attachées  jusqu'à  ce  jour  î\  mon  détachement.  Ces  deux  compa- 
gnies rejoignent  dès  demain  l'armée  bavaroise. 

«  Je  me  permets  respectueusement  d'appeler  l'attention  de 
Votre  Altesse  sur  la  faiblesse  de  mon  corps.  Il  ne  me  restera  plus 
demain  qu'un  petit  escadron  de  hussards  archiduc  Ferdinand 
avec  deux  officiers  (un  capitaine  et  un  lieutenant). 

«  Votre  Altesse  comprendra,  j'ose  l'espérer,  qu'avant  d'avoir 
reçu  des  renforts,  il  me  sera  absolument  impossible  de  rien  tenter 
contre  l'ennemi. 

«  L'ennemi  a  poussé  aujourd'hui  une  assez  forte  reconnaissance 
et  a  inquiété  le  parti  que  j'avais  envoyé  du  côté  de  Troyes  et  qui 
s'est  retiré  ensuite  par  Vaudes  et  Saint-Parres. 

t(  Je  me  propose  de  tenir  ici  le  plus  longtemps  possible.  Il  y  a 
avec  moi  un  parti  volant  envoyé  par  le  feldzeugmeister  comte 
Guylay,  et  qui  se  compose  d'un  escadron  de  chevau-légers  et  de 


»  Schwarzenberg  à  Thuru.  Langres,  24  janvier.   (K,  K.  Kriegt  Archiv,, 
I,  504.) 


—  173  — 

2  compagnies  d'infanterie,  sous  les  ordres  du  lieutenant-colonel 
Selby  *  ». 

HoaTements  de  CoUoredo.  —  Positions  du  prince  héritier 
de  Hesse-Hombourg.  —  A  Textréme  gauche,  Colloredo  qui  avait 
reçu  les  troupes  que  lui  attribuait  la  nouvelle  organisation,  et 
avec  lesquelles  il  devait  se  porter  sur  Chî\tillon-sur-Seine,  avait 
envoyé  la  division  légère  Ignac^e  Hardegg  dans  la  vallée  de  TAr- 
mançon,  vers  Montbard,  sur  la  route  directe  de  Dijon  à  Paris, 
et  poussé  sa  propre  avant-garde  jusqu'à  Saint-Seine. 

Le  prince  héritier  de  Hesse-Hombourg,  dont  le  gros  était 
encore  à  Dijon,  avait  dirigé  WiniptTen  avec  sa  division,  2  régi- 
ments de  cuirassiers  et  2  batteries  de  position,  sur  Saint-Jean-d(»- 
Losne  pour  y  disperser  des  rassemblements  armés  et  perm(»ttre 
au  général  Scheither  de  se  porter  sur  Chalon-sur-Saône»  et  d'en- 
voyer de  là  des  partis  vers  Mîlcon  afin  de  se  relier  avec  le  colonel 
Wieland*.  Un  escadron  de  chevau-légers  autrichiens  de  Vincent 
avait  occupé  Beaune  sans  coup  férir. 

25  janvier.  —  Pahlen  à  Donjeux.  —  Le  gros  du  VP  corps 
à  Nancy.  —  Le  25,  pendant  que  Wittgc^nstein  avec  le  gros  dt»  son 
corps  arrivait  h  Nancy,  Pahlen  se  montrait  sur  les  bords  de  la 
Marne,  à  Donjeux,  où  il  devait  être  suivi  et  rejoint  par  le  général 
Rudinger. 

Positions  des  corps  alliés.  —  Le  V«  corps  était  encore  dans 
ses  cantonnements  depuis  Neufchilteau  jusiiu'îi  Clefmont.  Le 
IV»  corps  restait  en  soutien  du  IIP  du  côté  de  Colombey-le-Sec, 
de  Colombey-les-Deux-Églises  et  de  Lignol.  Le  III*'  cori)s  était  entré 
à  Bar-sur-Aube,  et  ses  avant-postes  se  tenaient  en  vue  des 
dernières  troupes  de  Mortier,  postées  entre  Magny-Fouchard  et 
Vendeuvre,  et  que,  par  suite  de  la  destruction  des  ponts,  Gyu- 
lay  avait  renoncé  à  poursuivre. 

Schwarzenberg  avait  établi  son  quartier-général  à  Chaumonl. 

A  gauche  et  plus  en  arriére,  formant  une  sorte  de  deuxième 


t  Thuni  à  Schwarzenberg.  Bar  sur-Seine,  2i  janvier.  (A*.  A'.  Kriegs  ArcUiv, 
I,  545.) 

*  Tageabegebenheiten.  (K.  K.  Kriegt  Archiv,,  I.  30.) 


—  174  — 

ligne  ',  Colloredo  était  à  Saint-Seine  et,  avec  quelques  troupes 
seulement,  dans  les  environs  de  ChAtillon  ;  le  prince  héritier  de 
Hesse-Hombourg  se  trouvait  ii  Dijon,  et,  plus  en  arrière  encore,  le 
II»  corps,  sous  Aloïs  Liechtenstein,  devant  Besançon  et  Auxonne  ; 
la  division  légère  de  Maurice  Liechtenstein  opérait  d'une  façon 
indépendante  à  l'extrême  gauche,  avec  ordre  de  se  diriger  vers 
Auxerre,  tandis  que  Bubna  était  Ji  Pont-d*Ain,  Zechmeister  à  Ge- 
nève  et  Chambéry,  Scheither  à  Mâcon. 

En  arrière  du  centre  de  cette  longue  ligne,  les  réservées  et  les 
gardes  russes  et  prussiennes,  cantonnées  aux  environs  de  Langres. 
se  dirigeaient  sur  Chaumont. 

Renseignements  envoyés  par  Thurn.  —  En  avant  des  corps 
d'armée  en  première  ligne  on  ne  trouvait,  h  gauche,  que  le  petit 
corps  volant  du  lieutenant-colonel  Thurn,  en  marche  de  Chàtillon- 
sur-Soine  sur  Bar-sur-Seine,  où  il  devait  arriver  le  26  et  d'où  il 
faisait  savoir  ù  Sch\vai7.enberg  *  que  le  corps  ennemi  posté  entre 
Bar-sur-Aube  et  Colombey  s'était  replié  le  23  au  matin  par  Ven- 
deuvre  sur  Troyes,  emportant  ses  blessés  sur  des  voitures.  Thurn 
avait  fiiit  inquiéter,  tout(î  la  journée  du  25,  l'ennemi  par  de  fortes 
patrouilles  et  appris  le  soir  que  la  plus  grande  partie  des  troupes 
qu'il  avait  devant  lui  s'était  retirée  de  Yendeuvre  parDienville  sur 
Brienne  et  s'était  postée  sur  la  route  de  Châlons.  Après  avoir  re- 
connu la  présence  des  avant-postes  ennemis  en  avant  de  Troyes, 
à  Maisons-Blanches,  qu'occupaient  150  cavaliers  et  environ  iOO 
fantassins,  il  avait  encore  poussé  une  reconnaissance  de  ce  côté, 
chassé  les  vedettes  et  pu  découvrir  la  faiblesse  des  postes  avancés 
de  l'ennemi,  qu'à  cause  de  sa  propre  faiblesse  il  avait  dû  se  bor- 
ner à  harceler.  «  Il  m'était,  dit-il,  d'autant  plus  impossible  de 
songer  h  les  attaquer,  que  des  troupes  ennemies  défilaient  con- 
stamment sur  ma  droite,  de  Vendeuse  î\  Troyes.  Je  prie  donc 


1  Pour  plus  de  clarté,  et  bien  que  nous  nous  réservions  de  revenir  plus  loin 
sur  ces  mouvements,  nous  croyons  devoir  ajouter  ici  que  le  1"  corps  occupa 
Châtillon-sur-Seine  le  26,  qne  le  feld-maréchal-lieu tenant  Biancbi  arriva  avec 
ses  troupes  à  Saint-Seine  le  même  jour;  que,  sur  la  droite  de  la  grande  armée, 
l'avant-ijarde  du  VP  corps  s'avança  jusqu'à  Cirey-le-Château,  et  que  les  autres 
corps  restèrent  immobiles. 

*  Tliurn  à  Schwarzenberg.  Bar-sur-Seine,  26  janvier.  (K,  K.  Krieys  Ar- 
chiv.,  I,  685.) 


—  175  — 

instamment  Votre  Altesse  de  donner  nne  suite  ininu'diule  ;i  in;i 
demande  urgente  de  renforts.  »  A  droite  de  Thurn,  Platofl',  (jui 
aurait  dû  être  déjà  rendu  à  Bar-snr-Seine,  eontinuait  à  rester  h 
Bar-sur-Aube,  se  préparant,  sans  se  hAler,  à  niareher  vers  la 
Seine. 

Stscherbatoff  opère  à  Eurville  sa  jonction  avec  Tarmée 
de  Silésie.  —  Enfin,  à  Taile  droite,  Stscherbatoff  envoyait  dT.ur- 
ville  à  Schwarzenberg  la  dépêche  par  laquelle»  il  Tinformait  de  sa 
jonction  avec  Tavant-garde  de  l'armée  de  Silésie  \  avec  la  cava- 
lerie des  généraux  Lanskoï  et  Karpoff,  qui  occupaicMit  Saint- 
Dizier.  Stscherbatoff  lui  mandait,  en  outre,  que,  son  détachcMuent 
ayant  empêché  la  destruction  du  pont  sur  la  Marne,  il  comptait 
se  remettre,  le  lendemain  à  la  pointe  du  jour,  en  marche  sur 
Arcis-sur-Aube. 

Au  moment  même  où  les  armées  de  Bohême  et  de  Silésie  opé- 
raient leur  jonction  du  côté  de  Saint-Dizier,  l'Empereur  partait  de 
Paris  et  arrivait,  le  26  au  matin,  à  Châlons.  Sa  présen(îe  à  l'ar- 
mée, attendue  avec  une  indicible  impatience,  allait  désormais  im- 
primer aux  opérations  une  impulsion  énergique,  rendue  plus 
nécessaire  que  jamais  par  la  gravité  des  circonstances,  et  leur 
assurer  Tunité  de  direction  qui  leur  avait  manqué  depuis  l'ouver- 
verture  de  la  campagne. 


t  Stscherbatoff  à  Schwarzenberg.  Eurville,  25  janvier  (original  en  français). 
{K.  K.  Kriegs  Arelùv.,  1,  57S.) 


—  176  — 


CHAPITRE  III. 

OPÉRATIONS  DE  L*  ARMÉE  DE  SILÉSIE  DEPUIS  LE  PASSAGE  DU  RHIN 
jusqu'à  la  PREMIÈRE  JONCTION  AVEC  LA  GRANDE  ARMÉE  DE  BOHÊME 
(26   JANVIER   1814). 

Effectif  et  position  de  Tarmée  de  Silésie  en  décembre 
1813.  —  Depuis  le  jour  (7  novembre)  où  le  conseil  de  guerre, 
réuni  à  Francfort-sur-le-Mein,  avait  fait  tenir  à  Blûcher  Tordre 
de  ramener  vers  Mayence  Tarmée  de  Silésie,  les  différents  corps 
de  cette  armée  îivaient  mis  h  profit  les  quelques  semaines  de 
repos  qui  leur  étaient  accordées  pour  se  refaire  et  se  renforcer. 
Us  avaient  reçu  les  missions  suivantes  : 

Le  I®"*  corps  prussien  (York),  cantonné  dans  le  duché  de  Nas- 
sau, le  long  de  la  rive  droite  du  Rhin,  avait  été  chargé  de  l'in- 
vestissement de  Castel  et  du  fort  Montebello.  Depuis  le  18  dé- 
cembre, les  hussards  de  Brandebourg,  le  10«  régiment  de  cavalerie 
de  landwehr  et  quelques  compagnies  de  chasseurs  surveillaient  le 
cours  du  Rhin,  depuis  le  confluent  de  la  Lahn  jusqu'à  Hochheim; 
la  7«  brigade,  cantomiée  à  Mosbarh  et  Bieberich,  fournissait  les 
troupes  qui  bloquaient  le  fort  Montebello  et  se  reliait  à  Eltville 
aux  postes  échelonnés  le  long  du  Rhin  ;  la  2^  brigade  occupait 
Wiesbaden  et  Erbenheim  et  poussait  ses  avant-postes  jusijue 
sous  Castel  :  son  extrême  gauche  donnait  la  main  îi  la  droite  du 
corps  Sacken.  Les  l"*®  et  8«  brigades  étaient  réparties  aux  envi- 
rons de  Langen-Schwalbach;  la  cavalerie  de  réserve  était  h  Kir- 
berg  et  le  quartier  général  d'York  restait  du  14  novembre  au 
30  décembre  h  Wiesbaden.  L'effectif  total  de  ce  corps  était  au 
lef  janvier  1814  de  21,447  hommes  d'après  Damitz,  de  22,108 
hommes,  dont  661  officiers,  d'après  Droysen,  et  seulement  de 
19,561  officiers,  sous-officiers  (ît  soldats  (à  la  date  du  4  janvi(T) 
d'après  Plolho  et  Bogdanowitch.  Il  se  composait  de  31  1/2  ba- 
taillons, 44  escadrons  et  13  batteries  (104  bouches  à  feu). 

Le  II«  corps  prussien  (Kleist),  fort  de  16,000  hommes  environ 
(et  de  20,000  d'après  Bogdanowitch),  à  la  date  du  6  janvier, 
époque  à  laqu(îlle  il  se  mit  en  route  pour  se  porter  vers  le  Rhin, 
était  resté  jusqu'alors  devant  Erfurt.  (k;  corps  d'armée  qui  devait, 
d'après  les  ordres  qu'il  reçut  ultérieurement,  être  le  16  janvier  à 


—  177  — 

Coblentz  ai  du  :27  au  28  h  Trêves,  avait  détaché  une  colonne 
volante,  composée  de  2  escadrons  du  2«  régiment  d(î  hussards  de 
Silésie,  de  î2  escadrons  du  régiment  national  de  hussards  de 
Silésie,  d'un  escadron  de  chasseurs  avec  quelques  bouches  h  feu, 
laquelle,  placée  sous  les  ordres  du  général-major  prince  Biron  de 
Courlande,  avait  été  temporairement  attachée  au  corps  russe  du 
général  von  Sacken. 

Au  moment  ofi  Kleist  commença  sa  marche  vers  le  Rhin,  son 
corps  comprenait  23  bataillons,  20  escadrons  et  12  batteries 
(9G  pièces).  Il  avait  été  précédé  par  sa  (cavalerie  de  réserve 
(16  escadrons  et  16  bouches  h  feu),  sous  les  ordres  du  général 
von  Roder. 

A  gauche  du  corps  d'York  se  trouvait  pendant  les  mois  de 
novembre  et  de  décembre,  le  corps  russe  du  générfil  von  Sac^ken, 
cantonné  depuis  le  2  décembre  aux  environs  de  Darmstîidt.  Com- 
posé des  6®  et  11»  corps  d'infanterie  (généraux-lieutenants 
Stscherbatoff  et  Liewen  III,  du  corps  de  cavalerie  du  général 
Wassiltchikoff,  des  cosaques  du  général  Karpoff),  il  présentait  î\ 
la  lin  de  décembre  un  effectif  de  26  bataillons,  28  escadrons, 
8  régiments  de  c^osaques,  7  batteries  (94  bouches  il  feu),  en  tout 
21,550  hommes*. 

Le  corps  russe  du  général  comte  Langeron,  placé  en  2«  ligne 
autour  de  Francfort,  comprenait  le  8«  corps  (général  comtr^  de 
Saint-Priest,  qui,  détaché  h  Ehrenbreitstein,  opéra  î\  part  et 
d'une  façon  indépendante  pendant  une  bonne  partie  de  la 
campagne),  le  9«  (général  Olsufieff)  et  le  10«  (général  Kapsewilch), 
le  corps  de  cavalerie  du  général  Korff  et  les  cosaques  du  général 
Grekoff  VIII.  En  en  déduisant  le  8«  corps  (environ  10,000  hommes), 
ce  corps  présentait  un  effectif  de  23,000  hommes,  répartis  en 
43  bataillons,  28  escadrons,  7  régiments  de  cosaques  et  12  batte- 
ries (136  bouches  h  feu),  5  compagnies  de  pionniers  et  ponton 
niers  et  un  équipage  de  ponts*. 

D'après  Bogdanowitch,  les  effectifs  du  corps  Langeron,  au 
moment  de  la  reprise  des  hostilités,  auraient  été  de  36,000 


*  D'après  Bogdanowitch   :    26  bataillons,  3i  escadrons,   7  régiments  do 
cosaques,  8  batteries  (96  canons),  avec  un  effectif  total  de  i 9,500  hommes. 

>  D*après  Damitz  et  Piotho. 

Weil.  12 


—  178  — 

« 

hommes,  réduits  h  24,099  par  suite  du  détachement  du  8«  corps 
qu'il  compte  pour  11,901  hommes. 

Effectifs  disponibles  lors  du  passage  da  Rhin.  —  L'effectif 
total  de  l'armée  de  Silésie  était  donc  au  rnoment  oà  elle  franchit 
le  Rhin  de  67,000  hommes*,  avec  un  peu  plus  de  300  bouches  îI 
feu. 

Mais  comme  Blûchcr  dut  laisser  environ  15,000  hommes  du 
corps  Langeron  devant  Mayence,  ce  fut  seulement  avec  un  p(îu 
plus  de  50,000  hommes  qu'il  commença  les  opérations  sur  la  rive 
gauche  du  Rhin. 

29  décembre.  —  Mesures  prises  par  Blûcher.  —  Bliicher, 
dont  le  quartier  général  était  installé  à  Hôchst,  se  transporta  de 
sa  personne  k  Francforl-sur-le-Mein,  le  29  décembre.  Pour  donntîr 
le  change  à  tout  le  monde,  au  moment  même  où  il  adressait  à 
ses  lieutenants  des  instructions  confidentielles  relatives  au  pas- 
sage du  Rhin,  il  chargeait  ostensiblement  Ribbentrop,  le  com- 
missaire général  des  guerres  de  Tarmée  de  Silésie,  de  s'occuper 
activement  de  rétablissement  des  quartiers  d'hiver  et  de  la  cons- 
titution des  magasins  nécessaires  à  des  troupes  appelées  îi  faire 
un  assez  long  séjour  sur  les  points  qu'elles  occupaient  sur  la  rive 
droite  du  fleuve. 

Lettre  de  Schwarzenberg  à  Blûcher.  —  A  ce  moment,  le 
26  décembre,  Schwarzenberg  annonçait  au  feld-maréchal  «  qu'il 
occupait  Berne,  Soleure,  Zurich  et  Porrentrui  ;  que  Bubna,  arrivé 
à  Fribourg,  se  dirigeait  sur  Genève  ;  qu'il  comptait  toujours  par- 
venir à  hauteur  de  Langres  vers  le  20  janvier  ;  qu'il  n'avait  pen- 
dant ce  temps  de  craintes  que  pour  la  droite  de  l'armée  de 
Bohème,  et  qu'il  importait  par  suite  d'occuper  les  forces  fran- 
çaises qui  pouvaient  se  réunir  à  Metz,  de  façon  à  les  empêcher 
d'envoyer  du  monde  vers  Huningue  ou  de  chercher  à  traverser  le 
Rhin  à  Kehl.  w  Le  généralissime  ajoutait  dans  cette  lettre  du  26 
que  VVittgenstein,  étant  encore  tro))  faible  pour  pouvoir  s'opposer 
à  de  semblables  tentatives,  il  comptait  sur  l'armée  de  Silésie  pour 
se  charger  de  cette  tilche. 

i  74,000  hommes  d'après  Clauscwitz. 


—  179  - 

Rôle  attribué  par  le  plan  de  campagne  à  Tarmée  de 
Silésie.  —  Le  rôle  attribué  h  l'armée  de  Silésit;  avait,  (l'aill(îurs, 
été  prévu  et  déterminé  dans  le  plan  général  de  Cîimpagnc  : 
«  L'armée  de  Silésie  pass(»ra  le  Uhin  (mtre  Cobhînlz,  Mayenee  et 
Mannheim,  bloquera  ensuite»  Mayenee,  se  portera  avec  son  gros 
sur  Metz,  de  façon  à  y  arriver  le  lo  janvier,  épocpu*  îi  laquelle  la 
grand(i  armée  se  trouvera  à  hauteur  de  Langres.  L'armée  de 
Silésie,  sans  se  préoceupcT  autrement  des  places  dt^  la  Moselle  et 
de  la  Meuse,  continuera  son  mouvement  V(Ts  la  Champagne,  et  h» 
31  janvier  les  d<ni\  grandes  armé(»s  alliées  devront  être  réunies 
(Mitnî  Troyes,  Arcis  et  Vitry.  » 

L'auteur  du  plan  en  question  ajoutait  :  «  Que  l'armée  de 
Bohômcî,  passant  par  la  Suisse  et  la  Franchtî-Comté  et  ayant  plus 
d(î  chemin  à  parcourir,  l'armée  de  Silésie  devait  franchir  le  Rhin 
onze  jours  après  cjut»  les  troupes  de  Schwarzenberg  auraient 
etîectué  leur  passage.  » 

Instructions  confidentielles  de  Blûcher  à  ses  généraux.  — 

Aussi,  dès  le  i6  décembre,  Blu(*her  adressait  à  ses  diflerents 
lieutenants  des  instructions  conlidentielles  par  lesquelhîs  il  lixait 
au  l'-""  janvier  1814  au  matin  le  passage  du  Rhin,  que  les  corps 
de  Langc.Ton  et  d'York  traverseraient  entre  Mayenctî  et  Coblentz, 
hî  (îorps  de  Sacken  entre  cette  dernière  ville  et  Mannheim.  Les 
différents  corps  de  l'armée  de  Silésie  devaient  se  réunir  le  4  jan- 
vier sur  la  ligne  Kreuznach — Alzey. 

Aux  difficultés  qu(î  présente  toujours  le  passîige  d'un  grand 
cours  d'eau  venaient  encore  s'ajouter  celles  qui  provenaient  de  la 
présence  sur  la  rive  gauche  du  Rhin  du  maréchal  Marmont  avec 
le  G"  corps  et  la  faible  division  du  général  Ricard,  et  du  fait  que 
Mayenee  et  Castel  étaient  occupés  par  les  12,000  hommes  du 
général  Morand. 

11  en  résultait  que  l'armée  de  Silésie  devait  tenter  d'elTectuer 
ce  passage  îi  la  fois  en  amont  et  en  aval  de  cette  place  et  que 
l'opération  n'avait  de  chance  de  réussir  qu'à  condition  d'être  pré-  . 
parée  en  secret  et  exécutée  avec  la  plus  grande  célérité,  de  façon 
à  ne  pas  laisser  aux  Français  le  temps  nécessaire  pour  se  concen- 
tnT  et  écraser  les  tètes  de  colonnes  au  moment  oii  elles  cherchcî- 
raient  à  prendre  pied  sur  la  rive  gauche. 


—  180  — 

Mouvements  préparatoires  des  différents  corps.  —  A  œi 

efiel,  Langeron,  avec  le  10®  corps  (Kapsewitch)  et  la  réserve  d'ar- 
lillerie,  se  porta  le  29  sur  la  Nidda  et  la  plus  grande  partie  de  la 
cavalerie  de  r('îser\'e  s'établit  entre  Butzbach  et  Kirberg. 

Le  30,  l'infanterie  continua  son  mouvement  vers  Wiesbaden, 
où  elle  releva  les  avant-postes  prussiens,  qui  depuis  Biebrich 
jusqu'à  Mosbach  participaient  au  blocus  de  Castel,  pendant  que  la 
cavalerie  de  réserve  atteignait  Kirberg  et  Erstein  et  que  le 
1er  corps  prussien  (York)  quittait  Wiesbaden  pour  se  masser  entre 
Langen-Schwalbach  et  le  Rhin. 

Le  lendemain  31,  ce  corps  poussait  jusqu'entre  Nastàlten  et  le 
Rhin,  vers  Caub  et  Sanct-Goarshausen.  Langeron  avec  le  10«  corps 
s'établissait  derrière  lui  sur  la  rive  droite  du  Mûhlbach,  la  cava- 
lerie de  réserve  à  Langen-Schwalbach  et  Katzenellbogen  et  le 
9®  corps  relevait  les  postes  de  l'aile  droite  des  troupes  en  position 
devant  Castel. 

Le  point  de  passage  à  Caub  reconnu  par  un  officier  de  l'élat- 
major  du  2®  corps  était,  sans  démonstration,  occupé  dans  l'après- 
midi  par  une  des  brigades  du  I®*"  corps,  sous  les  ordres  directs 
du  général-lieutenant  von  Hunerbein,  chargé  de  la  conduite  de 
l'avant-garde. 

Tout  était  calme  sur  la  rive  gauche  :  on  semblait  n'y  avoir 
aucune  notion  ni  des  projets  de  l'armée  de  Silésie,  ni  des  mouve- 
ments qu'elle  exécutait. 

En  même  temps  Saint-Priest  massait  le  8°  corps  russe  sur  la 
Lahn,  de  Dausenau  à  Ober-Lahnstein,  et  embarquait  sur  82  ba- 
teaux amarrés  îi  peu  de  distance  du  confluent  de  cette  rivière, 
5,000  hommes  destinés  à  se  porter  immédiatement  sur  Coblence, 
dès  qu'ils  auraient  débarqué  sur  la  rive  gauche. 

Du  coté  du  corps  Sacken,  on  avait  employé  les  derniers  jours 
de  décembre  à  la  construction  d'un  pont  de  bateaux  qui  devait, 
au  moment  opportun,  descendre  le  Neckar  et  permettre  le  pas- 
sage aux  environs  de  Mannheim. 

Le  31  décembre  au  soir,  l'armée  de  Silésie  occupait  les  posi- 
tions suivantes  : 

Le  corps  de  Sacken  était  cantonné  aux  environs  de  Mannheim  : 
le  1er  ^-orps  prussien  entre  Sanct-Goarshausen  et  Caub,  où  se 
trouvait  également  h;  quartier  général  de  Blùcher  :  Langeron 
avait  pris  position  avec  le  10«  corps  en  arrière  du  I"  corps.  Le 


—  181  — 

9*^  corps  (»Unit  tout  ontiei*  tl(»vaiil  Cast(»l  et  Kî  H**  du  rot<'»  dTJiren- 
breilstoin.  sur  les  rives  de  la  Lahn.  Le  corps  volant  du  gcucral 
Biron,  qui  avait  reçu  Tordre  de  rejoindre  le  corps  de  Sacken  à 
Mannheim,  y  arriva  dans  la  matinée  du  31  décembre. 

Ordres  de  l'Empereur  à  Marmont.  —  Mouvements  de  Mar- 
mont.  —  Au  moment  où  Tarmée  de  Silésii»  se  préparait  à  passer 
le  Rhin,  Marmont  qui  avait  été  chargé  jusque-lji  de  la  garde  de  la 
rive  gauche  avec  les  divisions  Lagrange,  postée  en  face  de  Mann- 
heim, Ricard  et  Durutte  entre  Mayence  et  Coblence,  venait  de 
recevoir  de  l'Empereur,  informé  de  l'apparition  des  Alliés  en 
avant  de  Bàle,  l'ordre  de  concentrer  sur  Landau  le  6^  corps  et  le 
1"  corps  de  cavalerie,  pour  se  porter  sur  Colmar  où  il  prendrait 
la  direction  supérieure  des  opérations  en  Alsace.  Le  maréchal, 
se  conformant  aux  instructions  de  son  souverain,  avait  aussitôt 
commencé  son  mouvement  et  se  trouvait  de  sa  personm»,  dès  le 
30  décembre,  à  Neustadt  avec  l'infanterie  de  Lagrange  et  la  cava- 
lerie de  Doumerc.  Il  ne  restait  plus  à  Ober-Wesel,  Bacharach  et 
près  de  Mannheim  que  quelques  petits  postes  de  la  division 
Lagrange.  Quant  à  la  division  Durutte,  une  de  ses  brigades  était 
répartie  entre  Coblence  et  les  redoutes  élevées  en  face  de 
Lahnstein,  l'autre  était  à  Saint-Goar,  Bacharach  et  Bingen;  la 
division  Ricard  marchait  sur  Kreuznach,  pour  se  relier  au 
maréchal. 

La  fortune  souriait,  on  le  voit,  à  Blûcher  et  allait  lui  faciliter 
singulièrement  une  opération  que  la  présence  de  forces  quelque 
peu  respectables  aurait  pu  aisément  faire  échouer  ou  tout  au 
moins  compromettre. 

1*'  janvier  1814.  —  Passage  du  Rhin  par  le  corps  Sacken. 

—  Si  Sacken  avait  eu  le  soin  de  faire  descendre  le  Neckar  au 
pont  de  bateaux  qu'on  y  avait  construit  en  pleine  sécurité,  il  lui 
fallait  pour  jeter  ce  pont  sur  le  Rhin,  s'emparer  tout  d'abord  de  la 
redoute,  armée  de  six  bouches  à  feu  et  élevée  par  les  Français,  en 
face  du  confluent  du  Neckar  et  du  Rhin.  Il  chargea  de  cette  opé- 
ration, qui  devait  s'exécuter  dans  la  nuit  du  31  décembre  au 
l*»" janvier, six  régiments  de  chasseurs*,  sous  les  ordres  des  géné- 

i  Diaprés  Bogdanowiti'li,  4  ré$]^imenls  de  chasseurs  et  le  régiment  d'infan- 
terie de  Biélostok* 


—  182  — 

raux  Talisin  II  ol  Sass,  et  qu'il  avait  ombarquos  sur  des  bateaux 
trouvc^s  sur  le  Neckar. 

Ces  troupes  formées  en  deux  échelons  s'ébranh'^rent  î\  4  heures 
du  matin.  Protégées  parle  brouillard,  elles  réussirent  h  arriver 
sans  être  aperçues  jusqu'à  quelques  pas  de  la  redoute  qu'elles 
enlevèrent  en  présence  du  roi  de  Prusse,  non  sans  avoir  eu  leurs 
2  généraux  blessés  et  sans  avoir  perdu  300  hommes,  parmi  les- 
quels 1  officier  supérieur  tué  et  2  blessés.  A  6  heures  du  soir,  le 
pont  de  bateaux  était  en  place,  et  Sacken,  commençant  aussitôt  îi 
laire  passer  son  monde  sur  la  rive  gauche,  poussa  le  soir  menu» 
jusqu'à  Frankenthal.  Des  partis  envoyés  en  avant  arrivèrent,  h 
droite  jusqu'à  Worms,  à  gauche  jusqu'à  Spire,  tandis  que  le 
général  prince  Biron  de  Courlande,  avec  son  corps  volant,  dont 
1(»  gros  s'était  arrêté  à  Frankenthal,  étendîiit  ses  avant-postes  vers 
Alzev.  Il  devait  de  là  chercher  à  se  relier  sur  sa  droite  avec  les 
corps  d'York  et  de  Langeron. 

Combat  de  cavalerie  de  Hutterstadt.  —  Le  général  Kar- 
poff  II  *,  qui  avait  pris  à  gauche  avec  ses  cosaques  aussitôt  après 


*  Le  corps  de  cosaques  du  général  KarpofT  11  se  composait  d'environ  2,000 
chevaux  appartenant  aux  sept  régiments  suivants  :  cosaques  du  Don  de  KarpofT, 
de  Lukowkin.dc  Semenstrhikofl,  de  Kuteinikoff  IV,  de  Grekoff,  cosaques  volon- 
taires du  baron  Borde  et  2«  ri^giment  de  Kalmoucks. 

Bien  que  la  Kurzgefasste  Darstellung  der  Kriegsbegebenheiten  der  SchlesiscJien 
Année  im  Jahre  1814  (A'.  A'.  Kriegs  Archiv.,  1.  3l)  n'enregistre  ce  combat 
comme  celui  d'Aizey  qu'à  la  date  du  2  janvier,  il  est  bien  évident  que  TafTaire 
de  Mutterstadt  eut  lieu  le  1"  janvier,  et  que  Bliicher,  renseigné  tardivement  à 
ce  moment,  l'a  par  erreur  laissé  enregistrer  à  la  date  du  2. 

Le  rapport  suivant  de  Marmont  au  major-général  ne  laisse  aucun  doute  sur 
le  moment  où  cet  engagement  a  eu  lieu  : 

u  Marmont  au  major-général.  —  Hochdorf,  1"  janvier. 

u  Informé  par  des  douaniers  fuyards  du  passage  du  Rhin  par  l'ennemi  h 
Mannheim.  j'ai  réuni  la  cavalerie  que  j'avais  sous  la  main  et  suis  parti 
immédiatement  pour  Mutterstadt.  Nous  avons  rencontré  environ  100  cosaques 
en  avant  de  Meckenheim.  Le  7*  dragons  les  a  chargés  et  menés  l'épée  dans  les 
rein?»  jusqu'à  Mutterstadt...  Environ  300  chevaux  ennemis  étaient  à  Mutters- 
tadt et  se  sont  repliés.  Voulant  profiter  du  reste  du  jour  et  avoir  des  nou- 
velles précises,  j'ai  donné  ordre  au  général  Doudenarde  de  suivre  avec  ses 
500  chevaux  et  de  presser  le  mouvement  de  l'ennemi.  A  un  quart  de  lieue  de 
Mutterstadt,  ce  général  a  été  attaqué  par  liOO  à  1500  chevaux,  qui  l'ont  forcé  à 
se  replier...  Je  saurai  demain  matin  à  quoi  m'en  tenir.  Si  ce  n'est  qu'un  fort 
parli,  je  le  pousserai.  Si  c'est  l'armée  qui  dél>ouche,  je  me  replierai  sur  Neustadt. 
et  je  défendrai  les  gorges  pied  à  pied,  autant  que  mes  moyens  me  le  permet- 
tront .  La  8*  division  qui  vient  de  Coblence  ne  m'a  pas  encore  rejoint.  Pour 


-  183  - 

sï'ire  établi  sur  la  rivo  gaucho,  rencontra  près  do  Mullersladt 
8  escadrons  français;  il  les  chargea  sans  leur  laisser  lo  lomps  de 
se  reconnaître,  les  mit  en  pleine  déroute  et  leur  enleva  23  offi- 
ciers et  200  hommes. 

Passage  du  Rhin  à  Caub  par  le  corps  Tork.  —  C  était  sur- 
tout du  côté  de  Caub  que  la  fortune  devait  favoriser  les  entre- 
prises de  Blùcher,  bien  (ju'il  eût  choisi  pour  le  passage  le  point 
qui  paraissait  se  prêter  le  moins  à  une  entreprise  de  ce  genre.  En 
eftet,  pour  arriver  à  Caub,  il  fallait  d'abord  passer  par  le  défilé 
de  Weisel  qui,  s'il  permettait  d'y  masser  les  troupes  sans  qu'on 
put  apercevoir  leurs  mouvements,  présentait  le  grave  incon- 
vénient d'être  commandé  pîir  les  hauteurs  de  la  rive  gauche.  Il 
pouvait,  de  plus,  être  aisémcmt  rendu  impraticable  si  rartillorie 
française,  en  incendiant  le  village  de  Caub,  venait  à  on  interdire 
complètement  le  débouché.  Enfin,  les  hauteurs  situées  sur  la  rive 
gauche  tombent  [)resqu'i\  pic  dans  le  fleuve.  Le  choix  fait  par 
Blûcher  d'un  point  aussi  défavorable  se  justifie  par  la  constata- 
tion qui  avait  été  faite  de  l'absence  de  tout  poste  français  et  du 
manque  de  toute  disposition  défensive  sur  la  rive  gauche. 

L'avant-garde  du  P»"  corps  prussien,  forte  de  12  bataillons  d'in- 
fanterie, de  2  compagnies  de  chasseurs,  do  16  escadrons  et  de 
16  bouches  h  feu,  le  tout  sous  les  ordres  des  généraux  Hiinerbein 
et  Jurgass,  s'était  massée  le  31  au  soir  sur  la  rive  droite,  un  peu 
avant  le  moment  où  les  pontons  russes  venant  de  Nastàtton  et 
destinés  au  pont  arrivèrent  sur  ce  point.  On  commença  aussitôt  à 
jeter  le  pont  qui  devait  en  amont  de  Caub  mener  à  la  Pfalz,  sans 
que  les  mouvements  de  troupes  et  le  travail  des  pontonniers  eussent 
provoqué  la  moindre  alerte  sur  la  rive  opposée.  Vers  3  heures  du 
matin  200  fusiliers  s'embarquèrent  et  prirent  pied  sur  la  rivo 
gauche  après  avoir  essuyé  quelques  coups  de  fusil  partis  au  der- 
nier moment  d'un  poste  de  douaniers.  Ces  fusiliers  eurent  ensuite 
une  légère  escarmouche  avec  quelques  faibles  détachements  qui. 


accélérer  sa  marche,  elle  était  formée  en  trois  détachements.  J'envoie  à  chacun 
d'eux  des  instructions  conformes  aux  circonstances. 

«  Si  l'ennemi  se  porte  sur  moi,  je  me  retirerai  sur  Kaiserslautern  et  sur  la 
Sarre.  Si  ce  n'est  qu'un  parti,  après  lui  avoir  fait  repasser  le  Rhin,  je  conti- 
nuerai mon  mouvement  sur  Strashourg.  » 

[Arehivef  âf  la  Guerre.) 


—  184  — 

accourus  d'Ober-Wosol  ot  do  Bacharach,  ne  larderont  pas  à  so 
retirer.  A  Taubo,  les  Français  renouveU'Tent  encore  tiniidenionl 
leur  t(Mitative,  mais  sans  plus  de  succès. 

Renseignements  recueillis  par  les  Prussiens  sur  la  rive 
gauche.  —  Un  courrier,  porteur  de  dépêches  de  Marmonl,  qui 
se  rendait  de  Bacharach  à  Rheinfels,  fui  pris  par  les  troupes 
passées  sur  la  rive  gauche.  Les  Prussiens  apprirent  par  lui  qu'ils 
n'avaient  eu  affaire  qu'à  un  pelil  poste  de  60  hommes  et  que  la 
rive  gauche  était  presque  entièrement  dégarnie  de  troupes.  Des 
dépêches  saisies,  et  qui  étaient  destinées  au  général  Durulle, 
alors  II  Coblence,  il  ressortait  clairement  que  Marmonl  avait 
rintention  de  prendre  position  entre  Kaiserslautern  et  Neustadl, 
où  Durutte  avait  ordre  de  venir  le  rejoindre.  Le  maréchal  pres- 
crivait, en  outre,  à  ce  général,  dans  le  cas  où  il  lui  serait  impos- 
sible de  marcher  par  Kirn  et  Oberslein,  de  se  diriger  par  Birken- 
feld  vers  la  Sarre.  Enfin,  on  savait  désormais,  et  c'était  là  chose 
importante  pour  Blûcher,  que  Marmonl  était  pour  le  moment  à 
Neusladl  et  que  la  division  Ricard  se  tenait  aux  environs  de 
Kreuznach.  Aussi,  dès  qu'ils  eurent  repoussé  la  tentative  faitcî  au 
malin  par  les  Français,  les  trois  bataillons  prussiens,  qui  étaient 
venus  renforcer  les  deux  compagnies  de  chasseurs,  se  porlon^nt 
en  avant,  escaladèrent  les  hauteurs  et  occupèrent  Bacharach, 
Ober-Wesel  et  les  villages  environnants. 

A  9  heures  du  matin,  le  pont  atteignait  enfin  la  Pfalz,  qu'occu- 
pèrent aussitôt  deux  escadrons  de  hussards  qui,  avec  deux  ca- 
nons, ne  tardèrent  pas  à  être  transportés  en  bateau  sur  la  rive 
gauche,  où  se  trouvait  déjà  une  brigade  d'infanterie.  La  première 
brigade,  aussitôt  après  avoir  passé  le  Rhin  en  barques,  avait 
immédiatement  poussé  dans  la  direction  de  Sainl-Goar*. 

Rupture  du  pont  de  la  Pfalz.  —  A  4  heures  de  l'après-midi, 
au  moment  où  l'on  se  croyait  presque  certain  de  parvenir  à  ache- 
ver rapidement  le  pont  qui  devait  mener  de  la  Pfalz  à  la  rive 
gauche,  les  ancres  cédèrent,  les  amarnîs  se  rompirent  et  les 
bateaux  furent  entraînés  par  la  violence  du  courant.  Forc(»  fut 


*  Kriegs  Archir.  dfi  BerUn,  E.  23. 


—  185  — 

donc  do  roprendro  îi  nouvoaii  h»  IravaiK  et  lo  pont  îh»  put  r*tro 
achève'»  que  dans  la  matinre  du  i  janvier.  Enfin,  les  chasseurs. 
lK)stés  sur  la  rive  droite  îl  lludesheim,  ayant  sijçnaié  vers  le  soir 
des  mouvements  de  troupes  françaises  se  portant  de  Bin^en 
vers  Bacharach,  le  g(^néral  von  York  (Tut  devoir  (envoyer,  h?  soir 
même,  la  premit'^re  brigade,  qui  avait  occupé  Saint-Goar,  soutenir 
à  tout  événement  les  qutîlques  troupes  postées  à  Bacîharach. 

Par  suite  de  la  rupture  du  pont,  Blucher  resta  encon»  pendant 
la  nuit  du  !•''  au  2  janvier  sur  la  rive  droite,  entre  Caub,  VVeisel 
et  Saint-Goarshausen,  avec  ce  (jui  restait  de  trois  brif^ades  du 
I«'  corps  prussien  et  le  corps  russe  de  Langeron,  établi  plus  en 
arrière,  en  deuxième  ligne. 

Passage  d'une  partie  du  corps  de  Saint-Priest.  ~  Prise 
de  Coblence.  —  Plus  en  aval,  dans  la  nuit  du  31  décembre  au 
i*""  janvier,  Saint-Priest  avait  réussi  h  jeter  sur  la  rive  gauche» 
deux  de  ses  brigades,  sous  les  ordres  des  généraux  Bistrom  11  et 
Karpenkoff,  et  à  faire  enlever  la  redoute»  éh^vée  par  l(»s  Français 
en  face  de  l'embouchure  d(^  la  Lahn.  Le  général  Durulle,  forcé  par 
ces  événements  de  se  retirer  sur  le  Hundsriick,  évacua  (]obl(»nce, 
où  les  Russes  entrèrent  le  l*""  janvier  îi  4  heures  du  malin.  Lc! 
général-major  Pillar  poussa  «Micore  le  même  jour  jusqu'à  Ander- 
nach,  où  il  s'empara  de  six  bar(|ues-transports  chargés  de  vivres 
et  de  munitions. 

Le  2  janvier,  à  9  heures  du  matin,  les  pontonniers  russes 
avaient  achevé  le  pont  de  bateaux,  dont  les  troupes  et  l'artillerie 
du  I«^  corps  se  servirent  immédiatement  pour  achcîver  leur  pas- 
sage. Comme  on  ne  disposait  que  d'un  seul  pont,  ce  fut  seulement 
Iq  3,  à  l'aube  du  jour,  que  le  corps  de  Langeron  put  à  son  tour 
quitter  la  rive  droite  du  Rhin. 

Passage  du  corps  Langeron.  —  Opinion  de  Clausewitz  sur 
le  passage  du  Rhin.  —  «  Un  passage  de  rivière,  dit  à  ce  propos 
Clausewitz,  malgré  toute  l'admiration  qu'il  professe  pour  Blucher 
et  qui  l'amène  souvent,  même  dans  sa  Critique  straté(jique  de  la 
campagne  de  1814,  quand  il  s'agit  des  opérations  du  feld-maré- 
chal,  à  se  départir  de  son  impartialité  ordinaire,  un  passage  de 
rivière  exécuté  par  70,000  hommes  sur  une  ligne  de  plus  de 
120  kilomètres  de  long,  interronipue  par  une  place  dans  laquelle 


—  186  — 

Tennemi  a  une  garnison  de  16,000  hommes,  n'est  pas  une  opé- 
ration bien  reconmiandable  ;  car  Tennemi,  pour\^u  que  ses  forces 
le  lui  permissent^  pouvait  se  jeter  avec  tout  son  monde  sur  une 
fraction,  celle  de  Sacken,  et  la  bousculer  avant  que  l'autre  eût 
été  h  même  de  lui  porter  secours.  Étant  donné  cependant  la  fai- 
blesse des  Français,  comme  il  ne  pouvait  entrer  dans  leur  plan 
de  tenir  ferme  entre  le  Rhin  et  les  Vosges,  il  n'y  avait  pas  grand 
danger  à  tenter  l'entreprise;  de  plus,  comme  on  pouvait  obtenir 
ainsi  des  résultats  plus  considérables  qu'en  opérant  le  passage 
sur  des  points  plus  rapprochés,  on  eut  raison  d'agir  de  la  sortcî  : 
c'est  à  celui  des  deux  a'dversaires  qui  a  pour  lui  la  supério- 
rité du  nombre  qu'il  appartient  de  provoquer  la  crise,  de  recher- 
cher les  grands  résultats.  » 

Il  y  a  assurément  beaucoup  de  vrai  dans  la  manière  de  voir  de 
Clausewitz,  et  l'on  ne  saurait  qu'approuver  le  principe  qu'il  pose 
en  terminant.  Toutefois  il  nous  semble  qu'il  aurait  été  plus  sévère 
pour  tout  autre  général  et  qu'après  avoir  critiqué  l'opération, 
comme  il  le  fait  ajuste  raison  au  début;  après  avoir  mis  en  lumière 
ses  inconvénients  et  ses  dangers,  il  n'aurait  pas  manqué  de  dire, 
s'il  n'eût  pas  été  (juestion  de  Bliicher,  que  cette  manière  d'agir  et 
le  choix  de  points  de  passage  aussi  éloignés  ne  pouvaient  se  jus- 
tifier que  dans  le  cas  où,  avant  de  commencer  l'opération,  le 
commandant  de  l'armée  de  Silésie  aurait  su,  pîir  les  rapports  de 
ses  émissaires,  comme  il  l'apprit  ensuite  par  les  dépèches  trou- 
vées sur  le  courrier,  que  Marmont  avait  dû.  par  ordre  supérieur, 
dégarnir  la  rive  gauche  et  se  porter  sur  Kaiserslautern. 

2  janvier.  —  Mouvements  des  corps  Tork  et  Langeron.  — 

Pour  remédier  dans  la  limite  du  possible  aux  lenteurs  insépa- 
rables du  passage  d'un  grand  cours  d'eau  sur  un  S(^ul  j)ont  et 
surtout  sur  un  pont  de  bateaux,  Bliicher  prcîscrivit  à  York  de  se 
diriger  aussitôt  de  Bacharach  par  Rheinbôlhm  et  Stromberg  sur 
Kreuznach.  Langeron  reçut  l'ordre  de  prendre,  une  fois  sur  la 
rive  gauche,  la  chaussée  de  Bacharach  h  Bingen. 

Marche  de  la  division  Ricard.  —  Le  général  Ricard  avait 
passé  la  nuit  à  Kreuznach,  où  il  avait  eu  connaissance  du 
mouvement  des  Prussiens  et  des  Russes  sur  Coblence»  et  Bacha- 
rach. Il  s'était  mis  aussitôt  en  marche  pour  se  porter  par  le 


—  187  — 

Hûndsrûck  vers  Coblence  et  donner  la  nniin  îi  la  division  Durutte. 
Bien  que  son  avant-garde  eût  dé'jh  dc'^passt^  Alzey,  (jue  son  gros 
eût  atteint  Stromberg,  son  arrière-garde  qui  était  encore  h  Lau- 
bach  ne  tarda  pas  à  se  joindre  aux  restes  de  la  division  Durutte 
qui  se  repliait  sur  Sininiern  et  se  rei)orta  en  avant  jusqu'à  Hab- 
senbach.  Mais  les  postes  français  de  Saint-Goar  et  de  Bacliarach 
ayant  été  forcés  par  les  Prussiens  qui  poussaient  sur  Rheinbollen 
et  Stroniberg,  h  général  Ricard  se  vit  i^ontraint  à  s'arrêter  h 
Laubach,  afin  de  s'y  réunir  av(»c  Ici  général  Durutte.  Dés  qu'il 
eut  appris  qu'York  était  maître  des  débouchés  du  Rhin  sur  hî 
Hûndsrûck,  qu'il  occupait  déjà  Rheinbollen  et  Stroniberg,  que  sa 
cavalerie  remontait  par  la  rive  gauche  de  la  Moselle  et  qu'il  sut 
que  le  général  Durutte  n'avait  avec  lui  que  400  à  oOO  hommes,  il 
résolut  de  se  diriger  sur  Trêves,  pour  s'assurer  le  passage  de  la 
Moselle. 

Blûcher,  en  poussant  rapidement  en  avant  le  corps  d'York 
d'abord  sur  Kreuznach,  jKiis  par  la  vallée  de  la  Glan,  sur  Sarre- 
brûck,  pendant  qu'il  faisait  marcher  Sacken  par  Kaiserslautern 
et  Deux-Ponts  vers  la  Sarre,  ch(Tchait  évidemment  à  empêcher 
les  troupes  des  généraux  Durutte  et  Ricard  d'opérer,  d'abord 
leur  retraite,  puis  leur  jonction  avec  Marmont. 

Affaire  de  cavalerie  de  Rheinbollen.  —  York  avait  mis  ses 
troupes  en  mouvement  aussitôt  après  la  réception  des  ordres  du 
feld-maréchal, c'est-à-dire  un  peu  après  midi;  sonavant-gard(»  prit 
la  route  de  Kreuznach  :  les  !'"<',  2'^  et  7°  brigades,  et  la  cavalerie  de 
réserve  suivirent  le  mouvement  de  l'avant-garde.  La  cavalerie  de 
Textrôme  avant-garde  chassa  sans  peine  les  cavaliers  français 
de  Rheinbollen,  leur  enleva  une  cinquantaine  d'hommes  et  ne 
trouva  plus  trace  de  l'ennemi,  ni  à  Stroniberg.  ni  même  à  Kreuz- 
nach, où  elle  arriva  pendant  la  nuit.  La  2*^  brigade  poussa  jus- 
qu'à Rhfîinbollen  et  Ellnau,  et  comme  les  Français  occupaient 
encore  Argenthal  et  Schnorbach,  comme  d'autre  part  c(;tte  bri- 
gade avait  reçu  l'ordre  de  continuer  sa  marche,  elle  laissa  provi- 
soirement à  Ellern  un  bataillon  et  un  escadron  chargés  de  couvrir 
la  droite  des  autres  troupes  du  I^""  corps  jusqu'au  moment  où  le 
colonel  comte  Henck(»l,  qu'on  venait  de  diriger  sur  Simmern 
avec  un  corps  volant,  aurait  obligé  les  Français  à  quitter  Argen- 
thal. 


-  188  — 

Envoi  du  corps  volant  de  Henckel  sur  Trêves.  —  Le  dota- 
chôment  confi('î  au  colonel  Henckel,  et  qui  devait  ensuit(»  de  Sini- 
mern  se  porter  sur  Trêves,  se  composait  du  5*^  régiment  de 
cavalerie  de  landwehr  de  Silésie  (4  escadrons),  de  2  escadrons 
du  3^  régiment  de  cavalerie  de  landwehr  de  Silésie,  du  bataillon 
de  fusiliers  du  corps  et  d'une  demi-batterie  d'artillerie  à  cheval. 
Comme  cette  colonne  n'avait  été  formée  (jue  dans  le  courant  de 
l'après-midi,  elle  arriva  h  neuf  heures  du  soir  h  Rheinbollen,  s'y 
arrêta  quelques  instants  et  reprit  aussiôt  son  mouvement  sur 
Sinmiern. 

La  marche  du  2  janvier,  exécutée  par  un  froid  des  plus  vifs  et 
dans  les  mauvais  chemins  du  Hundsruck,  éprouva  d'autant  plus 
les  troupes  du  P""  corj)s  qui  avaient  déjà  bivouaqué  pendant  les 
deux  dernières  nuits,  que  la  plupart  d'entre  elles  n'atteignirent 
l(»urs  cantonnements  situés  en  avant  des  gorges  des  montagnes 
qu(i  fort  tard  dans  la  nuit,  et  que  quelques-unes  même  n'y  arri- 
vèrent que  le  3  au  matin.  York  arriva  de  sa  personne  à  onz(» 
heures  du  soir  à  Stromberg,  et  le  quartier  général  de  Bliicher 
resta  h  Bacharach. 

Combat  de  Dûrkheim  et  mouvement  de  Biron  sur  Alzey. 
—  Du  côté  du  corps  Sacken,  Marmont,  afin  de  couvrir  Kaisers- 
lautern,  avait  pris  position  sur  le  Schindbuckel,  avec  la  division 
Lagrange  et  la  cavalerie  de  Doumerc,  entre  Diirkheim  et  Ellers- 
ladt.  Après  un  court  combat,  il  avait  dû  se  replier  sur.  Harden- 
burg,  en  arrière  de  Dûrkheim,  et  laisser  entre  les  mains  de  l'en- 
nemi une  centaine  de  prisonniers.  Les  généraux  Ricard  etDurulte, 
se  trouvant  dans  l'impossibilité  de  rejoindre  le  maréchal  dès  le 
moment  où  les  troupes  d'York  les  avait  prévenus  h  Stromberg, 
se  virent  forcés  à  gagner  la  Sarre  en  passant  par  Laubach  et 
Simmern. 

Le  2  janvier,  h  neuf  heures  du  matin,  Sacken  avait  encore 
dirigé  le  corps  volant  du  général  prince  Biron  de  Courlande,  de 
Dautenheim  sur  Alzey.  Ce  détachement,  en  se  portant  le  ItMide- 
main  3  sur  Wonsheim,  avait  pour  mission  d'établir  et  d'assurer 
la  communication  avec  l'avant-garde.  Biron  trouva  Alzey  évacué; 
il  réussit  néanmoins  à  atteindre  l'ennemi  grâce  à  un  brouillard 
épais,  h  le  surprendre  entre  Bermersheim  et  Lohnsheim,  et  à  lui 


—  189  — 

prendre  1  lieutenant  colonel,  5  officiers,  iO  hommes  et  Go  che- 
vaux *. 

Combats  de  cavalerie  de  Hehlem  et  Ober-Winter.  —  La 

cavalerie  de  Saint-Priest  avait  continué  à  pousser  en  avant  d'An- 
dernach  et  était  arrivée  dans  l'après-midi  du  2  janvier  jusqu'à 
Mehiem  et  Ober-Winter.  Mais  les  rosa(|ues,  sout(inus  par  (jnel- 
ques  compagnies  d'infanterie  et  une  boucher  à  feu,  viiu'ent  se 
heurter  sur  ce  point  contre  les  généraux  Albert  et  Jacquinot  (du 
5"  corps,  Sébastiani;,  qui,  sortis  de  Bonn  à  leur  rencontni,  les 
attaquèrent  aussitôt,  les  reconduisirent  vivement  dans  la  direc- 
tion d'Andernach  et  réoccui)èrent  lltîinagen  *. 

Passage  du  corps  de  Saint-Priest  retardé  par  les  glaces. 

—  Le  Rhin  ayant  commencé  à  charrier  d(»s  glaces,  Saint-Priest 
parvint,  à  grand'peine  et  en  perdant  beaucoup  de  temps,  à  faire 
passer  successivement  en  bateau  le  reste  de  son  infanterie,  son 
artillerie  et  sa  cavalerie.  Force  lui  fut  donc  de  rester  plusieurs 
jours  à  Coblence,  et  ce  fut  plus  tard  seulement  (ju'il  put  com- 
mencer son  mouveujent  par  Andernach  sur  Malmédy,  Dinant  et 
Givet.  Nous  n'aurons  plus,  d'ailleurs,  à  nous  occuper  de  Saint- 
Priest  avant  la  mi-février,  époque  à  laquelle  il  se  njit  en  marche 
avec  un  des  échelons  du  8«  corps  russe  pour  se  rendre  à  Saint- 
Dizier,  où  il  arriva  le  27  février.  11  y  resta  alors  pendant  quelque 
temps  pour  réunir  les  renforts  envoyés  à  Blûcher  et  relier  l'ar- 
mée de  Silésie,  d'une  part  avec  l'armée  de  Bohème,  de  l'autre 
avec  le  Rhin. 

3  janvier.  —  Mouvement  de  la  cavalerie  prussienne  sur 
Bingen.  —  La  plus  grande  partie  des  troupes  du  1«^  corps  fit 


1  La  plapart  des  autears  allemands  (Plotho,  Damitz,  etc.)  prétendent  que  les 
combats  d'Alzey  et  de  Mutterstadt  eurent  lieu  le  l*^*"  janvier,  le  jour  môme  du 
passage  du  Rhin,  bien  que  la  Kurzgefasste  Darstellung  dei'  KriegsbegebenheUen 
der  Schlesisclien  Armée  im  Jahre  1814  {K.  K.  Kriegt  Archiv,,  I,  31)  enregistre 
ces  deux  affaires  à  la  date  du  2  janvier,  tandis  que  laffaire  de  Mutterstadt  eut 
lieu,  comme  nous  l'avons  dit,  le  1<^' janvier.  Celle  d'Alzey,  seule,  est  du  2  jan- 
vier. 

'  Sèbastiani  au  major- général.  Obcrwintcr,  2  janvier  au  soir.  {Archives  de  la 
guerre.) 


-  190  — 

halt(^  le  3  janvier.  Tout  se  borna  de  ce  côté  à  quelques  oi)éralions 
de  la  cavalerie  de  l'avant-garde  et  au  mouvement  du  colonel 
comte  Henckel. 

Le  général  von  Hûnerbein,  qui  commandait  l'avant-garde,  m» 
sachant  pas  si  Bingen  était  encore  occupé  par  les  Français,  avait 
envoyé  de  ce  côté  une  colonne  volante  qu'il  lit  partir  de  Strom- 
berg  le  2  au  soir.  Elle  devait  éclairer  sa  gauche  et  établir,  si  faire 
se  pouvait,  la  communication  avec  le  corps  Langeron.  Cette 
colonne,  sous  les  ordres  du  lieutenant-colonel  von  Stôssel  et 
formée  par  le  bataillon  de  fusiliers  du  régiment  de  Brande- 
bourg, chassa  de  Waldalgesheim  un  petit  poste  français  qui, 
grAce  à  l'obscurité,  parvint  à  se  retirer  sans  encombre.  Le  lieu- 
tenant-colonel von  Stossel  réussit  néanmoins  à  savoir  que  les 
Français  (il  s'agit  là  du  général  Ghoisy  qui,  avec  le  2*  réginjenl 
de  gardes  d'honneur  et  un  millier  de  fantassins  de  la  2^^  brigades 
de  la  division  Durutte,  alla  ensuite  s'enfermer  dans  Mayence), 
occupaient  encore  Bingen  le  3  au  matin  et  surveillaient  le  cours 
de  la  Nahe. 

Combat  de  cavalerie  de  Simmern.  —  Le  colonel  Henck(^l, 
continuant  son  mouvement  dans  la  nuit  du  2  au  3,  avait  trouvé 
Argenthal  évacué  par  l'ennemi  et  était  arrivé  à  2  heur(»s  du 
matin  devant  Simmern,  qu'occupait  encore  une  faible  arrière- 
garde  de  la  division  Ricard.  Cette  petite  troupe,  chassée  presqu(i 
aussitôt  de  la  ville,  essaya  vainement  de  reprendre  pied  au 
débouché;  mais,  rompue  par  la  cavalerie  de  Henckel,  (;lle  fut  pour- 
suivie jusqu'à  Kirchberg  où  le  combat,  qui  avait  coûté  aux  Fran- 
çais une  centaine  d'hommes  tués,  blessés  ou  prisonniers,  continua 
jusque  vers  5  heures  du  matin. 

Le  gros  du  corps  volant  du  colonel  Henckel  atteignit  le  3  au 
soir  Kirchb(Tg,  que  les  Français  avaient  quitté  dans  le  courant 
de  la  journée,  pour  se  repli(T  avec  les  généraux  Ricard  et  Durutte, 
par  Kirn  et  Saint- Wendel  sur  la  Sarre. 

Mouvements  des  cosaques.  —  Les  cosaques  s'étaient  pen- 
dant ce  temps  reliés  par  AIzey  avec  le  corps  Sacken,  et  les  (jnel- 
(|U(;s  troupes  françaises  postées  encore  de  ce  côté  avaient  dû  se 
retirer  d'abord  sur  Meisenheim,  i)uis  sur  Kirn,  i)Our  rejoindre  les 
divisions  Ricard  et  Durutte  en  retraite;  sur  Birkenfeld. 


—  191  -- 

Marche  de  Langeron  sur  Bingen.  —  Lan^^tTon,  dont  le 
corps  avait,  enfin,  pu  achever  la  veille  le  passaj^^e  du  Rhin  (*t 
prendre  position  le  2  au  soir  à  Baeharaeh,  s'était,  dès  l'aulH»,  mis 
en  niareh(î  sur  Bingen,  qu'il  avait  fait  enh^ver  par  le  général  Kar- 
nieloff.  Le  général  Choisy,  auquel  eett(»  artainî  avait  coûté 
300  hommes,  se  retira  avec  son  infanteri(»  sur  Iiigelheim,  dans  la 
direction  de  Mayence,  ])endant  que  sa  cavalerie^  cherchait  à  ral- 
lier les  troupes  du  maréchal  Marniont.  Quant  au  l®»"  régiment  de 
gardes  d'honneur  précédemment  posté  à  Kreuznach,  il  avait  été 
coupé  du  reste  des  troujX's  françaises  par  les  mouvenuMits  de 
l'armée  de  Silésie  ;  mais  il  n'en  réussit  pas  moins,  après  avoir  été 
contraint  à  se  diviser  en  petits  pa(pu»ts  njarchant  par  des  routes 
différentes,  ii  rejoindre  tinalement  les  troupes  françaises  sur  la  Sarre. 

Affaire  de  cavalerie  de  Neustadt.  —  Embuscade  de 
Warteck.  —  Escarmouche  de  Fûrfeld.  —  Sacken  avait  cou- 
tinué  îi  suivre  Marmont  ([ui,  après  avoir  été  rejoint  par  -4  batail- 
lons et  une  demi-batterie  de  la  division  Richard,  éva(Hia  Durkheim 
et  Neustadt  dans  la  nuit  du  8  au  -4,  pour  se  replier  sur  Kaisers- 
lautern.  L'arrière-garde  du  maréchal,  atteinte  à  Neustadt  et  prise 
en  flanc  par  les  cosaques  du  général  major  Lukowkin.  fut  bous- 
culée et  ramenée  vivement,  perdant  dans  celte  affairtî  3  officiers 
et  50  dragons  faits  prisonniers  '. 

Le  général  princi»  Biron  avait  enlevé  un  convoi  de  vivn^s  dans 
une  embuscade  tendue  près  de  Warteck,  entre  Alzey  et  Kirch- 
heimbolanden,  et  avait  ensuite  été  s'établir  à  Wonsheim,  d'où 
il  s'était  relié  à  l'avant-garde  d'York. 

Pour  compléter  l'exposé  des  petites  opérations  de  ce  jour,  il 
nous  reste  à  ajouter  (ju'une  patrouille  ])russi(Mine,  envoyée  de 
Kreuznach  vers  Furfeld,  avait  eu  un  léger  engagement  avec  un 
petit  poste  français,  et  ([ue  sur  son  extrême  droite  York  s'était 
relié  dans  l'après-midi  avec  des  cosacpies  appartenant  au  corps 
de  Saint-Priest. 

Positions  le  3  janvier  au  soir.  —  11  résulte  de  ce  qui  pré- 
cède que,  le  3  au  soir,  deux  des  corps  de  l'armée  de  Silésie  se 


1  12«  rapport  île  l'année    de    Silésie  (Zwôlfter   Bericht    der   Schlesischen 
Armée),  daté  de  Saint- Wendel,  9  janvier  1814.  (K.K,  Kriegs  Archiv.,1,  186.) 


-  192  — 

porlaieiil  vers  la  Sarre  :  York  par  la  route  de  Kreuznach,  Sacken 
par  colle  de  Kaiserslaiitern,  pendant  {|ue  Langeron  se  dirigeait 
vers  Mayence. 

4  janvier.  —  Ordres  de  Blûcher  relatifs  à  la  transmis- 
sion des  nouvelles.  —  Mouvements  de  l'avant-garde  vers 
la  Sarre.  —  Le  4  janvier,  l'avant-garde  du  corps  York,  confor- 
mément aux  ordres  de  Blùcher,  continua,  par  la  route  de  Kreuz- 
nach et  la  vallée  de  la  Glan,  en  passant  par  Meisenheim  et  Lau- 
terecken,  son  mouvement  sur  Gusel.  «  Afin,  dit  Blûcher  dans  cet 
ordre,  d'assurer  la  rapidité  dans  la  transmission  des  nouvelles 
venant  de  l'avant,  on  laissera  des  ordonnances  de  cavalerie  aux 
points  principaux  et  l'on  expédiera  les  renseignements  importants 
à  l'aide  de  chasseurs  volontaires  qui  serviront  de  courriers.  « 

Cette  avant-garde  devait  de  Cusel  marcher  vers  la  Sarre  en 
deux  colonnes  se  dirigeant,  celle  de  gauche  sur  Sarrebruck,  celle 
de  droite  sur  Sarrclouis.  Elle  avait  pour  mission  d'empôcher 
l'eimemi  de  s'établir  solidement  sur  la  Sarre,  d'enlever  Sarre- 
louis,  dans  le  cas  où  la  place  n'aurait  que  peu  de  vivres  et  qu'une 
faible  garnison,  enfin  de  couvrir  la  marche  du  corps  York  et 
d'assurer  la  tranquillité  de  ses  cantonnements  successifs. 

Le  gros  du  corps  avait  ordre  de  se  cantonner  le  4  au  soir  entre 
Kreuznach  et  Meisenheim. 

Mais  le  dégel,  (jui  était  sur\'enu  entre  temps,  avait  défoncé  les 
chemins  à  tel  point  que  l'avant-garde,  sous  les  ordres  du  prince 
Guillaume  de  Prusse  ne  parvint  pas  h  dépasser  Lauterecken,d'oii 
l'on  envoya  un  détachement  à  Kirn,  afin  de  couvnr  la  droite. 
L'extrême  avant-garde,  commandée  par  le  général  von  Katzler 
avait  dû  s'arrêter  h  Otfenbach  et  se  contenta  de  pousser  h  gauche, 
vers  Kaiserslautern,  le  régiment  de  uhlans  du  Brandebourg  avec 
ordre  de  se  relier  de  ce  côté  avec  le  corps  de  Sacken. 

Marche  d'Henckel  sur  Trêves.  —  A  l'extrême  droite, 
Henckel  avait  reçu  l'ordre  de  pousser  vers  Trêves,  de  s'en 
emparcT,  si  cette»  ville  était  faiblement  occupée.  On  voulait  de  la 
sorte  s'assurer  un  pont  sur  la  Moselle  et  sur\'eiller  Luxembourg. 
H(înckel  s(î  porta  de  Morbach  vers  Thalfang,  suivant,  malgré 
toutes  les  difficultés  que  présenta  cette  marche,  l'arriêre-gardc 
française,  qui  cherchait  à  gagner  Sarrebruck  en  passant  par  Bir- 


—  193  — 

kenfeld.  Pour  se  couvrir  sur  sa  droite,  il  avait  fait  passer  la 
Moselle  h  Trarbach  à  un  parti  de  30  cavaliers,  coniniaiidé  par  un 
oflîcier  chargé  de  surveiller  la  route  de  Coblence. 

Langeron,  de  son  côté,  s'approchait  de  Mayence,  poussant 
devant  lui  les  quelques  postes  français  (jui  essayaient  de  l'ar- 
rêter en  route.  Sacken  continuait  sa  marche  sur  Kaisersiaulern  ; 
Kleist,  auquel  aux  termes  de  la  convention  signée  le  21  décembre 
on  allait  remettre  le  6  la  ville  d'Erfurt,  avait  reçu  ce  jour-là  de 
Schwarzenberg  l'autorisation  de  ne  laisser  qu(î  quelques  troupes 
devant  la  citadelle,  et  pris  immédiatement  ses  mesures  pour  se 
mettre  en  njouvement  avec  le  reste  de  son  corps  formé  en  trois 
colonnes. 

5  janvier.  —  Mouvements  du  P'  corps  prussien.  — 
Henckel  à  Trêves.  —  Le  !'•»'  corps  resta  immobile  le  5  janvier; 
l'avant-garde  seule  fit  un  p(îu  de  chemin  ;  après  s'être  concentrée 
à  Lauterecken,  elle  poussa  jusqu'à  Gusel,  toujours  précédée  par  le 
général  von  Katzler,  qui  atteignit  Konken,  pendant  que  la  réserve 
d'artillerie  du  corps  venait  à  Ober-Moschei  et  que  York  installait 
son  quartier  général  à  Meisenheim. 

Le  colonel  Henckel  avait,  malgré  le  mauvais  temps  et  l'état 
déplorable  des  chemins,  continué  son  mouvement  de  Thalfang  sur 
Trêves,  (ît  dès  le  5  au  matin  il  s'était  fait  précéder  par  un  détache- 
ment composé  de  4  escadrons  de  cavalerie  de  landwehr  et  de 
60  tiraiHeurs  transportés  en  voiture  sous  les  ordres  du  njajor  von 
Ozeroffski,  qu'il  avait  chargé  de  reconnaître  Trêves.  Le  major 
réussit  à  chasser  devant  lui  les  postes  extérieurs  des  Français  et  à 
se  maintenu'  devant  la  ville  jusqu'à  l'arrivée  du  colonel,  qui  par- 
vint avec  son  gros  le  o  au  soir  jusqu'à  Ruwer,  à  un  peu  plus  de 
o  kilomètres  de  Trêves.  Afin  de  tromper  l'ennemi  sur  la  force 
réelle  de  son  corps,  il  fit  allumer  un  nombre  considérable  de  feux, 
et,  formant  sa  troupe  en  deux  colonnes,  il  se  prépara  à  enlever  la 
ville  avant  le  jour.  Mais  la  faible  garnison  française  n'attendit  pas 
son  attaque  et  se  n^plia  sur  Luxembourg.  Henckel,  prévenu  de 
son  départ,  entra  à  3  heures  du  matin  dans  Trêves,  où  les  Fran- 
çais avaient  abandonné  leurs  malades,  leurs  blessés  et  plusieurs 
magasins  abondamment  i)ourvus  d'équipement  militaire  \ 


1  12*«  Bericlit    der  Scblcsischeu  Armée  (Saint-Wcudel,  9  janvier   1814) 
Well.  13 


~  194  — 

Marche  de  Sacken  sur  Kaiserslautern.  —  Langeron  devant 
Mayence.  —  Sacken  continua  en  deux  colonnes  sa  marche  vers 
Kaiserslautern.  Après  un  combat  assez  vif,  Langeron  avait  achevé 
d'investir  Mayence.  Ne  gardant  devant  la  place  que  le  corps  du 
général  Kapsewitch,  il  mit  immédiatement  en  route  hi  9°  corps 
(général  Olsufiefl),  avec  ordre  de  rejoindre  Tarmée  de  Silésie  par 
les  voies  les  plus  courtes.  Enfin,  le  général  major  prince  Biron 
de  Courlande,  se  conformant  aux  ordres  qu'il  avait  reçus  pendant 
la  nuit  du  4  au  5,  avait  occupé  à  cinq  heures  de  l'après-midi 
Kaiserslautern  évacué  par  les  Français. 

Retraite  de  Marmont  vers  la  Sarre.  — Marmont,  se  rendant 
un  compte  exact  de  la  situation,  avait  parfaitement  compris  que 
BKicher  espérait  le  voir  faire  tête  sur  son  front  h  Sacken,  qui 
l'aurait  anmsé,  afin  de  ménager  à  York  le  temps  nécessaire  pour 
déborder  sa  gauche.  Il  avait,  en  outre,  reconnu  qu'il  n'avait  pas 
assez  de  troup(îs  pour  se  maintenir  sur  la  position  de  Kaiserslau- 
tern, (ît  (jue,  de  toute  façon,  il  s'exposait  en  y  restant  à  voir  York 
arriver  avant  lui  sur  la  Sarre,  pendant  que  Sacken  le  déborde- 
rait en  |)assant  par  Uabenstein  et  Schônenberg.  Enfin,  comme  il 
savait  fort  bien  que  c'était  seulement  sur  les  bords  de  cetti; 
rivière  qu'il  lui  serait  possible  de  rallier  les  troupes  des  généraux 
Burutte  et  Ricard,  il  se  n^plia  le  5  au  matin  vers  Homburg  et 
(tontinua  le  5  au  soir  son  mouvement  de  retraite  sur  Sarrebriick, 
où  s(»  trouvaient  déjîi  dei)uis  la  veille  quelcjucs  troupes  envoyées 
par  la  garnison  de  Metz.  Pour  compléter  les  précautions  prises 
de  ce  côté,  les  Français  avaient  fait  sauter  le  pont  de  pierre  et 
l'avaient  remplacé  par  un  pont  de  bateaux*. 

Nouveaux  ordres  de  Blûcher.  — Dans  l'après  midi  du  5,  sur 


(A'.  K.  Krieg*  Archir.,  1,  186),  et  le  général  Rigaa  au  major-général,  Grewe- 
maclicrn,  0  janvier  1814  : 

«  L'ennemi  m'a  forcé  à  quitter  Trêves  hier  5  janvier,  à  7  heures  du  soir, 
après  m'èlre  tiraillé  avec  lui  tout  l'après-midi  pour  donner  le  temps  aux 
dépôts,  qui  y  étaient  stationnés,  d'effectuer  l'évacuation  de  leurs  magasins.  H 
est  impossible  que  le  courrier  puisse  continuer  sa  route  sur  Kirohberg,  attiMidu 
que  la  roule  de  Sarrelouis  est  également  interrompue. 

«  L'ennemi  est  en  ce  moment  à  ma  hauteur,  sur  la  rive  droite  de  la 
Moselle.  »  (Archives  de  la  guerre.) 

*  Bliiohcr  à  renqjcreur  de  Russie  (Cusel,  7  janyicr).  (K,  K.  Kriegs  ArclUv., 
1,  3136.) 


—  195  — 

lu  foi  de  renseignements  d'après  lesquels  Marniont  aurait  pris 
position  h  Kaiserslautern,  Bliichcr  avait  modifié  ses  ordres.  11 
avait  prescrit  h  York  de  se  porter  le  G,  dès  Taube,  sur  Cusel,  en 
envoyant  son  avant-garde  sur  la  Sarre,  et  h  Sacken,  de  se  diri- 
ger d'une  part  sur  Otterberg,  de  Fautre  sur  Alsenborn,  afin  de 
retenir  les  Français  jusqu'au  moment  où  York  aurait  pu  débou- 
cher sur  leurs  derrières.  Bliicher  ajoutait  dans  son  ordre  :  o  Si, 
comme  il  y  a  tout  lieu  de  le  supposer,  Tennemi,  dès  qu'il  se 
verra  tourné,  se  retire  et  pnMid  la  route  de  Pirmasens,  le  corps 
Sacken  aura  pour  njission  d<;  le  suivre,  en  faisant  marcher  d(î 
préférence  en  têt(î  de  ses  colonnes  son  infanterie  qui,  scuile,  peut 
agir  utilement  dans  ce  i)ays  de  montagnes.  Le  corps  d'York 
aura,  de  son  côté,  à  prévenir  Tennemi  sur  la  Sarre  et  h  le  couper 
de  Metz.  » 

Enfin  York,  comme  il  le  fit  d'ailleurs,  devait  envoyer  de  la 
cavalerie  dans  la  direction  de  Deux-Ponts,  pendant  que  Tavant- 
garde  du  prince  Guillaume  continuerait  de  son  côté  à  pousser 
sur  Sarrebriick.  Sacken  avait  l'ordre  de  se  dirig(;r  de  Kaiserslau- 
tern par  Homburg  et  Bliescastel,  d'une  part  sur  Sarreguemines, 
de  l'autre  sur  Bitche,  et  devait  rappeler  à  lui  et  reporter  en  avant 
sa  cavalerie,  soit  par  Diirkheim  et  Kaiserslautern,  soit  par  Neu- 
stadt  et  Kaiserslautern,  soit  enfin  par  Annweiler. 

Si  l'ordre  donné  par  Blûcher  le  5  n'est  pas  aussi  clair  et  aussi 
précis  que  le  sont  en  général  les  instructions  données  par  le  feld- 
maréchal  h  ses  lieutenants,  cela  tient  uniquement  à  ce  qu'en 
réalité  il  n'avait  pas  pu  jusque-là  parvenir  îi  se  renseigner  d'une 
façon  positive  sur  les  positions  occupées  et  les  mouvements  exé- 
cutés par  son  adversaire.  La  dernière  phrase  de  son  ordre  de 
mouvement  le  démontre,  d'ailleurs,  d'une  façon  péremptoire  :  «  11 
importe,  dit-il,  de  découvrir  le  plus  rapidement  possible  les 
mouvements  de  l'ennemi,  de  m'en  informer  immédiatement,  de 
me  fournir,  par  conséquent,  des  rapports  nombreux  et  fré- 
quents. » 

Mais  à  ce  moment,  et  malgré  la  marche  des  plus  dures  qu'il 
allait  faire  exécuter  à  ses  troupes  par  un  temps  affreux  et  par  des 
chemhis  entièrement  défoncés,  il  était  déjà  trop  tard  pour  pouvoir 
rejoindre  le  duc  de  Raguse.  En  eft'et,  le  maréchal,  après  avoir, 
sous  la  protection  d'une  arrière-garde  composée  d'une  brigade 
de  cuirassiers,  bivouaqué  aux  environs  de  Homburg  dans  la  nuit 


—  196  — 

du  o  au  G,  uvail  atteint  le  6  Sarrcguemines  et  Sarrebrûck,  points 
sur  lesquels  il  repassa  la  Sarre*. 

6  janvier.  —  Mouvements  de  la  cavalerie  du  général  von 
Jûrgass  sur  Deux-Ponts.  —  Néanmoins,  le  général  von  Jùrgass, 
avec  une  brigade' de  dragons  et  une  demi-batterie  d'artillerie  à 
cheval,  partit  dès  l'aube  des  environs  de  Cusel,  se  dirigeant  par 
la  route  de  Homburg  sur  Deux-Ponts  :  Tavant-garde  marchait 
sur  Sarrebrûck.  Sur  l'ordre  du  prince  Guillaume,  la  cavalerie  du 
général  von  Katzler,  envoyée  vers  Tholey,  détacha  sur  Ottweiler 
le  régiment  de  uhlans  de  Brandeburg  et  un  bataillon  d'infanterie. 
Le  lieutenant-colonel  von  Stutterheini,  qui  conduisait  cette  colonne, 
avait  pour  mission  spéciale  d'enlever,  le  7,  Sarrebrûck,  si  cette 
ville  était  faiblement  gardée,  et  de  pousser  ensuite  des  partis 
vers  Sarrcguemines,  Saint-Avold  et  Sarrelouis.  Ce  détachement 
arriva  le  6  au  soir  à  Ottweiler. 

Mais  le  6  au  soir,  les  troupes  françaises  avaient  déjà  repassé 
la  Sarre ,  brûlé  le  pont  de  bateaux  de  Sarrebrûck ,  alors  que 
le  général  von  Katzler  était  encore  à  Tholey,  Bergweiler  et  Mar- 
pingen,  le  gros  de  l'avant-garde  du  prince  Guillaume  à  Saint- 
WendeP,  le  général  von  Jûrgass  à  Brûcken  et  Schônenberg  sur 
la  grande  roule  de  Cusel  à  Homburg.  Le  quartier  général  de 
York,  dont  les  troupes  ne  s'arrêtèrent  qu'entre  neuf  et  dix  heures 
du  soir,  s'installa  à  Cusel  et  celui  de  Blûcher  à  Lauterecken. 

Henckel,  pendant  ce  temps,  mettait  Trêves  à  l'abri  d'un  coup 
de  main  et  d'un  retour  offensif  des  Français  qu'il  faisait  suivre 
dans  la  direction  de  Luxembourg  par  un  escadron  du  3«  régiment 


1  lîter  Bericht  der  Schlesischeu  Armée.  (K,  K.  Kriegs  Arehiv.,  1,  186.) 
Les  divisions  Ricard  et  Durutte,  venant  de  Saint- Wendei,  étaient  déjà  arri- 
vées à  Sarrebrûck  le  5  au  soir. 

'  Le  général  Ricard,  arrivé  de  sa  personne  à  Sarrebrûck  en  même  temps 
que  Marmont.  le  6  janvier,  avait  informe  Belliard  de  sa  jonction  avec  le  maré- 
chal et  lui  disait,  en  outre  «  qu'il  avait  vu,  le  5,  à  Saint-Wendel,  2  régi- 
ments de  hussards  prussiens  (700  à  800  chevaux),  avec  300  chasseurs  à  pied, 
mais  qu'il  n'avait  pus  été  suivi  dans  sa  marche  sur  Sarrebrûck.  »  {Archives 
fie  la  (juerre.) 

Marmont  ajoutait  dans  son  rapport  à  Berthier,  de  Sarreguemiues,  le  6  jan  - 
vier  à  10  h.  1/2  du  soir,  que  l'avant-garde  prussienne  avait  eu  à  Saint- 
Weudel  un  léger  engagement  avec  les  gardes  d'honneur.  (Le  l*'''  régiment 
rejoignit  tout  entier  le  maréchal.  Le  2°  régiment  de  gardes  d'honneur  s'était 
replié  sur  Mayence,  oii  il  allait  être  enfermé  avec  le  général  Morand.) 


-  197  — 

de  cavalerio  de  landwehr  de  Silosio  et  une  compagnie  de  fusi- 
liers. 

Cosaques  de  Sacken  à  Denx-Ponts.  —  Du  cut(^  de  Sacken,  le 
gén<^ral-raajor  Lanskoï,  avec  un  peu  de  cavalerie,  avait  pousse^  en 
avant  de  Kaiserslautem  sur  Pirmasens,  et  Biron,  qui  s'était  mis 
en  route  î\  neuf  heures,  était  arrivé  h  deux  heures  îI  Homburg, 
venant  de  Landstuhl;  il  avait  envoyé  de  Ih  un  petit  parti  d'une 
vingtaine  de  hussards  et  de  quelques  cosaques  sous  les  ordres  du 
major  von  Strantz,  h  Deux-Ponts,  où  ces  cavaliers  enlev^rent  une 
partie  des  bagages  de  Kellermann.  La  communication  entre  les 
corps  d'York  et  de  Sacken  était  désormais  établie. 

Les  renseignements  recueillis  avaient  permis  de  constater  la 
retraite  du  duc  deRaguse;  on  avait  également  appris  qu'il  n'y 
avait  à  Sarrelouis  que  peu  d'approvisionnements  et  une  garnison 
d'à  peine  un  millier  d'hommes. 

Les  troupes  françaises  avaient  d^s  lors  une  avance  d'une  bonne 
journée  de  marche  sur  l'armée  de  Silésie.  De  plus,  comme  les 
pluies  incessantes  et  le  dégel  avaient  grossi  les  eaux  de  la  Sarre, 
dont  les  ponts  avaient  été  coupés,  le  maréchal  Marmont,  qui 
avait  réussi  i\  opérer  sur  la  rive  gauche  de  cette  rivière  sa  jonc- 
lion  avec  Ricard  et  Durutte,  était  désormais  en  mesure  d'en  dis- 
puter le  passage  à  son  adversaire,  de  retarder  sa  marche  et  de 
gagner  le  temps  dont  il  avait  besoin  pour  approvisionner  les 
places  et  procéder  i\  l'organisation  des  troupes  de  nouvelle  for- 
mation et  aux  opérations  de  la  levée  en  masse  *. 


*  belUard,  écrivant  au  roajor-gém'ral  de  Metz,  le  3  janvier,  lui  faisait  un 
triste  tableau  de  la  situation  : 

«  J'ai  Thonneur  de  le  rappeler  à  Votre  Altesse,  on  ne  fait  rien  pour  se 
mettre  en  mesure  contre  les  ennemis.  Point  de  magasins,  point  d'approvision  - 
nements.  Aucune  place  n'est  armée  et  en  état  de  défense .  L'esprit  public  est 
mort.  On  ne  s'occupe  pas  de  le  faire  revivre.  Les  armées  combinées  marche- 
ront ;  on  voudra  s'opposer  au  torrent  :  il  sera  trop  tard  et  l'Empereur  n'aura 
pas  le  tiers  des  moyens  sur  lesquels  il  doive  compter.  Il  semble  qu'un  génie 
malfaisant  a  répandu  ses  pavots  sur  la  France.  La  crise  est  terrible,  mais  nous 
en  sortirons.  Le  tocsin  doit  sonner  partout.  La  nation  tout  entière  doit  être 
sous  les  armes  et  ne  les  déposera  qu*après  avoir  chassé  l'ennemi  de  son  terri- 
toire; mais  les  moments  sont  pressants... 

«  ...  De  nombreux  partis  organisés  et  jetés  sur  les  derrières  des  années 
combinées  doivent  lenr  faire  beaucoup  de  mal.  Je  sais  que  dans  T Alsace  et 
dans  les  Vosges  beaucoup  d'habitant»  sont  très  disposés  pour  cela  :  il  ne  s'agit 
que  de  les  réunir  et  de  leur  donner  de  bons  chefs.  »  (Archirex  de  la  guerre.) 


—  198  ~ 

7  janvier.  —  Positions  des  avant-postes  de  cavalerie.  — 
Bombardement  de  Sarrelouis.  —  Le  lendemain  7  janvier,  le 
pr  corps  de  l'armée  de  Silésie,  toujours  en  deux  colonnes  mar- 
chant. Tune  par  Birkenfeld,  l'autre  par  Saint- Wendel,  continua, 
mais  moins  vivement,  son  mouvement  vers  la  Sarre.  York  et 
Blûcher  se  tinrent  ce  jour-là  à  Saint- Wendel. 

A  Tavant-garde,  le  prince  Guillaume  avait  dirigé  vers  Sarre- 
louis le  général  von  Katzler.  Celui-ci  s'avança  jusqu'à  Saarwel- 
lingen  et  Dillingen;  après  avoir  infructueusement  tenté  de  faire 
passer  la  rivière  à  la  nage  à  quelques-uns  de  ses  cavaliers,  il 
étendit  la  chaîne  de  ses  avant-postes  par  Dillingen,  Roden,  Ens- 
dorf  et  Vôlklingen,  et  jeta  pendant  la  nuit  du  7  au  8  quelques 
obus  dans  Sarrelouis.  Le  7  au  soir,  le  prince  Guillaume  était, 
avec  le  gros  de  l'avant-garde,  à  Lebach,  occupant  en  outre 
Landsweiler,  Eppelborn,  Bubach  et  Eidenborn. 

Henckel  détaché  vers  Namur  et  Aix-la-Chapelle.  —  A  l'ex- 
trême droite,  Henckel  était  toujours  à  Trêves,  d*où  il  dirigeait 
un  officier  avec  un  petit  parti,  par  Arlon,  vers  Namur  et  Aix-la- 
Chapelle  dans  l'espoir  de  se  relier  au  III«  corps  prussien.  Mais 
cet  officier  dut  revenir  à  Trêves  sans  avoir  pu  établir  cette  com- 
munication. 

A  ce  propos,  il  y  a  lieu  de  faire  remarquer  que  l'armée  de 
Silésie  paraît  avoir  été  au  moins  aussi  mal  partagée  en  fait  de 
cartes  que  l'armée  de  Bohême;  c'est  du  moins  ce  qui  ressort 
d'une  lettre  qu'York  adressait,  le  7,  à  Henckel  en  le  priant  de  lui 
envoyer  de  Trêves  des  cartes  qui,  disail-il,  vont,  à  partir  de  ce 
moment,  lui  faire  complètement  défaut.  La  même  demande  était 
renouvelée  ce  jour-là,  et  en  termes  plus  pressants  encore,  par  le 
major  von  Schack,  quartier-maître  du  I®""  corps  prussien. 

Escarmouche  de  Saint-Jean.  —  Le  général  von  Jùrgass 
avait  atteint  Neunkirchen  avec  ses  dragons  et  le  lieutenant-colonel 
von  Stutterheim,  ayant  occupé,  après  une  légère  escarmouche  en 
face  de  Sarrebrûck,  Saint-Jean,  sur  la  rive  droite  de  la  Sarre,  y 
avait  opéré  sa  jonction  avec  Biron.  Le  gros  du  corps  Sacken 
était  à  Homburg,  son  îivant-garde  vers  Sarreguemines,  à  Rohr- 
bach,  Bliescastell  et  Deux-Ponts,  le  général  Lanskoï  vers  Pir- 
raasens. 


—  199  - 

8  janvier.  —  Ordres  de  Blûcher.  —  Les  ordres  dr.  niouvo- 
raent  pour  la  journé(^  «lu  8  sont  aussi  insigniliauls  q\w.  les 
év(^nements  de  cette»  journée»,  <*l  Bliieher.  tout  en  prescrivant  au 
l*'  corps  d'emplojvr  deux  nianhes  pour  arriver  sur  la  Sarre, 
s'oceu|)e  surtout  des  moyens  de  faire  rallier  l(»s  fraelions  qu'il  a 
laissées  en  arrièn».  Aussi  l'avant-^arde  du  prince  (iuillaunie  reste 
îi  Saarwelliufçen;  seul  h»  major  d(^  Zastrow,  av(»e  le  10''  régiment 
de  cavalerifî  d(^  landwelir  de  Silésie,  est  envoyé  à  Beckinjçen  et 
Fickinji^en  pour  y  surveiller  hî  cours  et  les  gués  de  la  Sarre. 

Affaire  de  Saint-Jean.  —  Quant  au  lieutenant-colonel  von 
Stutterheim,  attaqué  par  une;  centaine  (rhommes  v(muis  de»  Sarre- 
bruck  et  qui  avaient  j)assé  la  Sarre  en  barques  sous  la  protection 
d'une  batterie  d'artillerie,  il  avait  été  momentanémenl  chassé  de 
Saint-Jean.  Les  Français  *  abandonnèrent  ce  village  après  avoir 
brillé  et  coulé  les  quehpies  bateaux  que  les  Prussiens  avaient 
trouvés  et  réunis  sur  la  rive  gauche.  Le  soir,  d'ailleurs,  le  lieute- 
nant-colonel recevait  l'ordre  d(^  se  porter,  le  9  janvier,  sur  Saar- 
\v(»llingen.  Sa  présence  h  Saint-Jean  était  d(?venue  complèt(»m(»nl 
inutile  depuis  l'arrivée  sur  ce  point  du  corps  volant  de  Hiron. 

Mouvements  d'Tork  et  de  Sacken.  —  Le  8,  le  quartier 
général  d'York  avait  été  j)orté  h  Thohîy;  l(i  corps  de»  SackeMi  était 
à  Deux-Ponts,  se  dirigeant  sur  Sarreguemines. 


1  Marmont  avait  dans  ses  dispositions  pour  la  journée  du  7  janvier  prescrit 
de  faire  sauter  le  pont  de  Sarrehriirk;  oi*donné  aux  divisions  Ricard  et  DurulU^ 
de  prendre  position  à  Forbach  occupant  Sarrebriick,  les  gués  de  Wehrden, 
Vôlklingen  et  Malstatt  avec  de  rinfanterie,  de  la  cavalerie  et  du  cîinon  ;  au 
général  Doumerc  de  garder  le  gué  de  Rehlingen  à  la  position  de  Sierslierg,  de 
tenir  le  gué  de  Pachten  avec  sa  grosse  cavalerie,  soutenue  par  600  hommes 
tirés  provisoirement  de  la  garnison  de  Sarrelouis.  Si  renuemi  venait  à  forcer 
le  passage  à  Siersherg.  Doumerc  devait  se  replier  dans  la  direction  de  Metz, 
après  avoir  informé  de  son  mouvement  les  généraux  postés  à  Forbach. 

L'effectif  des  deux  divisions  Hicard  et  Duruttc  et  de  la  division  Lagraiige 
îrétait  que  de  8,500  hommes.  {Archives  de  la  guerre.) 

Marmont  ajoute  dans  son  rapport  au  major-général,  de  Forbach,  le  8  janvier, 
à  8  heures  du  soir,  que  par  une  négligence  inimaginable  tous  les  bateaux  qu'il 
avait  fait  réunir  à  Sarrebriick  avaient  descendu  la  rivière  et  étaient  sur  la 
rive  droite  au  pouvoir  de  Tennemi.  Comme  ils  étaient  assez  nombreux  pour 
transporter  5,000  hommes,  et  comme  les  Prussiens  n'étaient  pas  en  force  sur 
ce  point,  le  maréchal  ne  perdit  pas  un  seul  instant  pour  faire  arriver  du  canon, 
chasser  les  postes  de  Saint-Jean  et  reprendre  passession  de  ces  bateaux  qu'il  fit 
couler.  (Archiretf  de  la  guerre.) 


—  200  — 

Enfin,  Henckel  recevait  de  Bliicher  Tordre  do  rester  jusqu'au  16  * 
fi  Trêves.  Il  avait  pour  mission  de  rayonner  pour  empocher  lo 
ravitaillement  de  Luxembourg,  et  il  devait  y  attendre  rarrivéc  du 
général  Rôder  (du  II*'  corps,  Kleist)  pour  se  remettre  en  marche 
et  former  l'extrême  droite  de  rarmée. 

Quant  à  Kleist,  qui,  avec  16,000  hommes  du  Il«  corps,  avait 
quitté  Erfurt,  il  recevait  le  8  àCassel  Tordre  de  Bliicher  de  partir 
le  14  de  Marburg  et  d'être  rendu  le  20  ii  Coblence. 

Ordres  de  Blûcher  pour  les  9,  10  et  11  janvier.  —  Dans 
Tordre  qu'il  fit  établir  pour  les  journées  des  9,  10  et  11  janvier. 
Blûcher  cherche  évidemment  h  rattraper  le  temps  qu'il  avait 
perdu  depuis  le  passage  du  Rhin,  en  donnant,  les  3  et  5  janvier, 
deux  jours  de  repos  à  ses  troupes,  très  éprouvées,  il  est  vrai,  par 
la  rigueur  et  les  variations  de  la  température.  Il  veut  faire  bordcM* 
ce  jour-lîi  la  Sarre  par  le  corps  d'York,  de  Merzig  jusqu'à  Sarro- 
brûck,  et  de  ce  point  jusqu'à  Sarralbe  par  le  corps  do  Sackon. 

Pour  la  première  fois  aussi  on  trouve  dans  son  ordre  de  mou- 
vement des  indications,  très  sommaires  et  très  incomplètes  onroro. 
sur  les  forces  et  les  intentions  de  son  adversaire  ;  mais,  malgi'»' 
tout  son  désir  de  joindre  au  plus  vite  Marmont,  lo  fold-maréchal 
est  obligé  de  reconnaître  que,  par  suite  du  front  considérable 
qu'il  a  fait  occuper  à  ses  troupes  et  en  raison  de  la  crue  do  la 
Sarre,  il  lui  sera  impossible  de  passer  cette  rivière  dans  la  jour- 
née du  9,  qu'il  lui  faudra  consacrer  tout  entière  aux  (ravanx 
d'établissement  des  ponts. 

Négligence  de  Blûcher.  —  On  peut  remarquer  en  passant 
que  Blûcher  eut  dû  songer  à  l'avance  aux  difficultés  de  ce  pas- 
sage et  qu'il  eût  pu  aisément  gagner  du  temps  en  faisant  mar- 
cher un  équipage  de  ponts  avec  les  têtes  de  colonne  de  chacun  dr 
ses  d(îux  corps.  Enfin,  comme  il  semble  croire  que  Marmonl. 
favorisé  évidemment  par  l'appui  que  peuvent  lui  prêter  les  placos 
fortes  de  la  Meuse,  de  la  Moselle  et  de  la  Sarre,  a  dû  se  conc(Mi- 
trer  pour  s'opposer  h  ses  entreprises,  Blûcher,  en  disséminant  ses 
troupes  sur  un  front  s'étendant  depuis  Trêves  jusqu'à  Sarralbe, 


*  On  verra  plus  loin  que  Henckel  quitta,  le  1?{,  Tri^vcs,  avec  Tordre  de  se 
porter  sur  Thionville,  et  qu'il  fut  ensuite  dirigé  à  nouveau  sur  Luxembourg. 


—  201  — 

s'exposait  à  voir  les  Français  chorrhor  îi  crevor  cotto  longue  ligne 
sur  un  point  quelconque. 

9  janvier.  —  Retraite  de  Harmont.  —  Les  lieutenants  de 
Blûcher,  ex('»cutant  ses  ordres  à  la  lettre,  occupèrent  donc  dans 
la  journé(î  du  9  les  positions  indiquées  ci-d(\ssus.  Mais  l(»s  ren- 
seignements transmis  par  les  émissaires  et  surtout  par  la  cava- 
lerie, établirent  d'une  façon  positive,  que  le  duc  de  Raguse,  loin 
de  chercher  h  disputer  le  passage,  avait,  au  contraire,  continué 
son  mouvement  de  retraite  sur  Metz.  Les  Français  semblaient,  en 
effet,  n'avoir  laissé  du  monde  qu'à  Sarrebri'Ktk;  leur  poste  établi 
jusque-là  en  face  de  Beckingen  s'était  rei)lié  sur  Sarrelouis,  c(mi\ 
des  villages  de  Vôlklingen  et  de  Bouss  sur  Forbach. 

Cavalerie  russe  du  côté  de  Sarreguemines.  —  Quelques 
partis  de  cavalerie  prussienne,  ayant  réussi  à  passer  sur  la  riv(^ 
gauche,  suivaient  attentivement  les  mouvements  sans  oser  cepen- 
dant s'aventurer  trop  loin.  Le  lieutenant-colonel  von  StutterhcMui 
avait  toutefois  poussé  quelques  patrouilles  sur  la  route  de  Metz,  el 
le  général  Karpoff  II,  du  (*orps  de  Sacken,  après  avoir  trav(;rsé  la 
Sarre  en  aval  de  Sarreguemines,  en  avait  chassé  les  Français, 
rétabli  immédiatement  le  pont  et  envoyé  des  partis  vers  Put- 
telange. 

10  janvier.  — Évacuation  de  Sarrebrûck.  —  On  n'avait  pas 
cessé  de  travailler  activement  à  l'établissement,  à  Beckingen,  d'un 
pont  que  l'on  comptait  pouvoir  livrer  aux  troupes  dans  la  matinée 
du  10.  Mais  pendant  ce  temps  et  à  la  nouvelle  de  l'apparition  de 
la  cavaleri(^  de  Karpoff  du  côté  de  Sarreguemines,  la  garnison  de 
Sarrebrûck,  alarmée  par  les  mouvements  des  cavaliers  d'York 
entre  Sarrelouis  et  Sarrebrûck,  avait  évacué  cette  place  dans  la 
nuit  du  9  au  10  et  s'était  repliée  sans  être  autrement  inquiétée 
sur  Saint- Avold*. 

Kxéculé  .3G,  ou  à  la  rigueur  m(  me  24  heures  plus  tôt,  h»  mou- 
vement env(.'loppanl  que  Blûcher  allait  faire  tenter  à  sa  cavalerie 


*  Des  ordres  et  des  dépêches  ci-dessous  expédiées  par  Marmont,  il  résalte 
qu'il  s'était  alarmé  plus  que  de  raison  et  qu'il  aurait  parfaitement  pu  dissi- 
muler sa  retraite  et  consenrer  sur  le  gros  do  l'armée  de  Silésio  une  avance 


—  202  — 

aurait  amené  inévilablomont  dos  résultais  immédiats,  malgré  sou 
amplitude  démesurée,  surtout  si  Marmont  avait  partagé  la  manière 
de  voir  de  Napoléon  et  si,  croyant  comme  lui  que  Bliicher,  obligé 
de  laissser  derrière  lui  dans  sa  marche  depuis  le  Rhin,  une 
vingtaine  de  mille  hommes,  n'arriverait  sur  lui  qu'avec  30,000,  il 
s'était  décidé  h  disputer  sérieusement  et  pied  à  pied  le  passage 
de  la  Sarre.  Mais,  comme  Marmont  avait  pu  évaluer  exactement 
les  forces  de  son  adversaire,  et  comme  ce  fut  le  10  seulement  que 
le  gros  de  la  cavalerie  de  Blûcher  déboucha  sur  la  rive  gauche  de 
cette  rivière  et  se  porta  en  avant,  il  était  déjî\  trop  tard  pour  que 
le  feld-maréchal  pût  rejoindre  le  gros  des  corps  français  et 
inquiéter  môme  les  dernières  troupes  qui  avaient  gardé  la  Sarre. 
Les  Français,  ayant  toujours  conservé  leur  avance  d'une  grande 
journée  de  marche,  il  leur  était  facile,  comme  ils  le  firent  d'ail- 
leurs, de  refuser  le  combat  et  de  se  retirer,  presque  sans 
encombre,  sur  Metz. 

Le  feld-maréchal  lui-môme  reconnaît,  du  reste,  les  faits  que 
nous  venons  d'avancer,  et  nous  trouvons  dans  la  Kurzgefasste 
Darstellung  der  Kriegsbegebenheiten  (1er  Schlesischen  Armée*,  h  la 


nécessaire  sans  imposer  à  ses  troupes  déjà  très  éprouvées  les  fatipfues  d'une 
marrlie  de  nuit. 

«  Marmont  au  major-général   —  Forbach,  9  janvier,  midi. 

«  L'ennemi  a  forcé  le  passage  de  la  Sarre  à  Rehiingen  au-dessous  de  Sarre- 
louis,  construit  un  pont  et  débouché  en  force  avec  infanterie,  cavalerie  et 
artillerie.  J*ai  reçu  également  le  rapport  que  les  forces  ennemies  se  sont  aug- 
mentées du  côlé  de  Sarreguemines  et  que  l'ennemi  est  entré  avant-hier  à 
Saverne.  Ces  circonstances  me  déterminent  à  me  porter  demain  matin  sur 
Saint-Avold  avec  la  plus  grande  partie  de  mes  forces  en  laissant  mon  avant- 
garde  à  Forbach.  » 

«  Ordre  du  9  janvier  i8i4,  quartier  général  de  Forbach,  6  h.  1/2  soir. 

«  La  division  Lagrange  se  mettra  en  marche  immédiatement  avec  son  artil- 
lerie et  la  réserve  pour  aller  prendre  position  à  Saint-Avold  et  y  attendre  l'ar- 
rivée des  autres  troupes.  Le  général  van  51crlen  suivra  avec  sa  cavalerie  et 
sera  sous  les  ordres  du  général  Ligrango.  Le  général  van  Merlen  poussera  cetto 
nuit  même  des  reconnaissances  sur  la  direction  de  Puttelange  et  de  Bouzonville. 

«  Le  général  Durutte  réunira  ses  troupes  à  Forbach  de  manière  à  être  en 
marche  à  2  heures  du  matin  sur  Saint-Avold. 

«  La  division  du  général  Ricard,  qui  aura  eu  le  temps  de  se  rallier,  mar- 
chera immédiatement  après. 

a  Le  général  Picquet  sera  à  cheval  à  2  heures,  avec  ses  gardes  d'honneur  et 
marchera  avec  le  quartier  général  sur  Saint-Avold. 

«  Le  général  Beurmann  devra  être  rendu  à  Forbach  à  2  heures  du  matin,  ri 
fera  l'arrière-garde.  »  (Archives  de  ht  guerre.) 

'  K.  K.  Kriegn  Archiv.,  I,  31 . 


—  203  — 

ilale  du  10  janvier,  les  phrases  suivantes  :  «  Blûcher  prescrit  h  sa 
cavalerie  de  passer  la  Sarro  le  10,  de  déborder  l'ennemi,  de  se 
porter  sur  Forbach  et  Saint-Jean  et  d'intercepter  ses  communica- 
tions avec  Metz.  Marmont,  de  moitié  plus  faible  que  Blucher, 
devine  ses  intentions  et  se  retire  sur  Metz  par  Saint-Avold.  » 

Quoique  le  retard  que  nous  venons  de  signaler  ait  empêché 
Blûcher  de  déborder  les  Français  et  de  les  couper  de  leur  ligne 
de  retraite,  on  doit  cependant  reconnaître  que  c'est  uniquement 
en  poussant  rapidement  sa  cavalerie  en  îivant  aussitôt  aprt>s  le 
passage  de  la  Sarre,  qu'il  parvint  d'abord  h  chasser  les  troupes 
françaises  de  tout  le  pays  situé  entre  la  Sarre  et  la  Moselle,  puis 
à  se  rendre  maître,  sans  coup  férir,  grâce  il  est  vrai  h  la  négli- 
gence des  généraux  français,  des  principaux  passages  de  la 
Meurthe  et  de  la  Moselle. 

Il  importo  encore  de  reconnaître  que  la  température  vint,  elle 
aussi,  contrecarrer  les  projets  de  Blûcher  et  retarder  la  marche  de 
ses  colonnes,  puisqu'à  cause  de  la  gelée  qui  recommença  le  10,  le 
pont  de  Beckingen,  qui  devait  être  achevé  le  10,  ne  put  être  com- 
pl^tement  établi  que  le  11  vers  3  heures  de  l'après-midi,  et  ce  fut 
le  14  seulement  que  les  dernières  troupes  y  passèrent  la  Sarre  *. 

Ordres  d'York.  —  Des  dispositions  prises  par  Blûcher  le  9, 
complétées  à  l'usage  du  !«'  corps  et  expédiées  par  York,  h 
7  heures  du  soir,  de  Lebach,  il  résulte  que  l'on  ignorait  encore  h 
ce  moment  la  retraite  des  troupes  françaises,  ou  tout  au  moins 
que  l'on  s'attendait  à  rencontrer  une  résistance  assez  vive  dès  qu(^ 
l'on  chercherait  à  s'avancer  sur  la  rive  gauche  de  la  Sarre.  C'est,  en 
eft'et,  plus  tard  et  dans  un  deuxième  ordre  que  York,  informé  du 
départ  de  l'ennemi,  recommande  au  général  von  Jûrgass,  dans  le 
cas  où  cet  officier  général  réussirait  à  passer  la  rivière  à  Sarre- 
brûck,  de  gagner  immédiatement  la  roule  de  Metz  et  de  pour- 
suivre l'ennemi;  au  général  von  Katzler,  d'accélérer  le  plus  pos- 
sible son  passage  î\  Beckingen.  York  se  porte  sur  ce  point  dès 
l'aube,  afin  do  se  rendre  par  lui-môme  un  compte  exact  des  évé- 
nements. 11  y  trouve  le  prince  Guillaume  en  position  avec  3  batail- 
lons, une  compagnie  de  (chasseurs  et  une  demi-batterie. 


*  DftOTSEif.  Leben  des  Felâtnarsehail  Grafen  York  ron  Wartenhurg,  II,  i70. 


—  204  — 

Mouvements  de  cavalerie  sur  Thionville,  Sarrelouis,  For- 
bach,  Luxembourg  et  Saint-Avold.  —  Comme  les  ponts  étaient 
encore  loin  d'être  finis,  le  lieutenant-colonel  von  Stôssel,  qui  avait 
pris  le  commandement  de  la  cavalerie  de  Favant-garde  (à  la  place 
du  général  von  Katzler  malade),  passa  la  Sarre  au  gué  de  Reh- 
lingen,  pour  se  porter  aussitôt  par  Bouzonville  sur  Boulay.  Il 
envoya  immédiatement  des  partis,  sous  les  ordres  du  major  von 
Krafft,  d'un  côté  vers  Thionville  et  de  Tautre  vers  Niederwisse. 
Entre  temps,  le  !«'  régiment  de  cavalerie  de  landwehr  de  la  Nou- 
velle-Marche avait  également  passé  la  Sarre  à  gué  prés  de  Beckin- 
gen,  et  s'était  rabattu  sur  Sarrelouis. 

Quant  au  lieutenant-colonel  Stutterheim,  posté  à  Saint-Jean, 
dés  qu'il  eut  connaissance  de  l'évacuation  de  Sarrebrùck  par  les 
Français,  il  s'était  empressé  d'abord  de  remettre  à  flot  les  bar- 
ques qu'ils  avaient  coulées,  puis  de  jeter  un  pont  provisoire,  qui 
fut  achevé  vers  11  heures  du  matin,  et  de  faire  garder  Sarre- 
brùck par  un  bataillon  d'infanterie  et  par  ses  4  escadrons  do 
uhlans.  Aussitôt  le  pont  achevé,  le  général  von  Jùrgass  passa 
sur  la  rive  gauche  avec  13  escadrons  et  une  batterie  à  cheval,  et 
poussa  avec  eux  jusqu'il  Forbach.  Blûcher  arrivait  lui-même  vers 
le  soir  h  Sarrebrùck  ;  mais  avant  de  quitter  Sainl-WendeL  il  avait 
envoyé  h  York  de  nouveaux  ordres  lui  prescrivant,  d'abord  de 
faire  investir  Sarrelouis.  puis,  dés  qu'il  aurait  eu  la  certitude  de 
la  retraite  de  l'ennemi  sur  Metz,  d'envover  sur  Thionville  le 
général  von  Horn. 

Cet  officier  général  devait  s'efforcer  de  répandre  partout  la 
confusion  et  la  terreur,  chercher  h  enlever  la  place  par  un  coup 
de  main,  empêcher  en  tous  cas  qu'on  la  ravitaillât,  pousser  des 
partis  sur  la  Moselle,  intercepter  les  routes  de  Luxembourg  et  de 
Longwy  à  Thionville  et  se  relier  avec  Henckel,  auquel  il  avait  à 
faire  tenir  l'ordre  de  se  porter  le  15  au  plus  tard  de  Trêves  sur 
Thionville. 

Henckel  n'était  pas  resté  inactif  depuis  son  entrée  îI  Trêves.  Les 
partis  qu'il  avait  envoyés  vers  Luxembourg,  sous  les  ordres  du 
capitaine  von  Osten  et  du  lieutenant  de  Chevallerie,  s'étaient 
réunis  le  10  près  de  Wulferdingen,  avaient  repoussé  jusque  sous 
les  canons  de  la  place  un  gros  détachement  ennemi  et  lui  avaient 
enlevé  un  certain  nombre  d'hommes,  pendant  qu'un  autre  de  ses 
partis,  remontant  plus  au  nord,  poussait  vers  Malmédy. 


—  205  — 

Sîicken  avait  porlé  son  quartier  ^éiuTiil  à  Sarralhc*.  Sa  cava- 
l(Tie,  sous  Lanskoi  et  Karpoff,  continuait  à  marcher  de  Sarregue- 
mines  sur  Saint-Avold,  et,  dans  la  journée  du  10,  Biron  ^s'était 
porté  de  Sarrebrùck  sur  Forbach.  Après  s*y  être  réuni  vers  le 
soir  avec  le  général  von  Jûrgass,  il  était  allé  cantonner  à  Frey- 
mingen  pour  i)Ousser  le  lendemain  il  sur  Saint-Avold,  point  sur 
lequel  il  devait  recevoir  des  instructions  ultérieures. 

11  janvier.  —  Mouvements  après  rachëvement  des  ponts 
de  la  Sarre.  —  Ce  ne  fut,  nous  l'avons  dit,  que  le  11,  à  3  h(;ures 
de  l'après-midi,  que  le  pont  de  Beckingen  fut  en  état  d'être  livré 
aux  troupes.  Ce  retard  do  près  de  36  heures  avait  eu  pour  pre- 
mière conséquence  d'empôcher  l'exécution  d(»s  ordres  donnés  par 
Blùcher  pour  les  journées  des  10  et  11  janvier;  mais  il  avait,  en 
outre,  obligé  York  à  faire  bivouaquer,  par  un  froid  des  plus  rigou- 
riîux,  des  troupes  déjà  fort  éprouvées  et  auxquelles,  pour  rat- 
traper le  temi)s  perdu  et  essayer  de  rejoindre  l'ennemi,  on  allait 
être  obligé  de  faire  exécuter  encore  des  marches  forcées. 

Le  prince  Guillaume  fit  aussitôt  passer  son  avant-garde,  qu'il 
dirigea  d'abord  sur  Valdevrange,  où  il  quitta  la  grande  roule,  qui 
l'aurait  conduit  sous  le  canon  de  Sarrelouis,  pour  ne  la  rei)r(îndre 
qu'à  Bisten  ;  ce  détour  fut  cause  qu'il  ne  parvint  le  soir  que 
jusqu'à  Uberherrn.  Sa  pointe  était  arrivée  à  Carlingen  à  G  kilo- 
mètres de  Saint-Avold.  Sa  cavalerie  qui,  sous  les  ordres  du  lieu- 
tenant-colonel von  Stôssel,  avait  poussé  jusqu'à  Boulay,  avait  été 
contrainte  à  se  reporter  à  une  lieue  en  arrière  de  ce  point,  d'abord 
parce  que  les  Français  occupaient  tous  les  villages  situés  entre 
Saint-Avold  et  Boulay,  ensuite  parce  qu'il  lui  avait  été  impossible 
de  se  relier  sur  sa  gauche  avec  la  cavalerie  de  réserve  du  général 
von  Jùrgass. 

Affaire  de  cavalerie  de  Pontigny.  —  Ce  mouvement  rétro- 
grade avait  faillli  compromettre  le  sort  d'un  escadron  du  2«  régi- 


*  t(  L'enueini  ayant  passé  la  Sarre  à  Sarralbe  el  à  RehllDgen  et  cherchant  à 
uic  couper  du  détilé  de  Saint-Avold,  écrit,  le  10  janvier,  à  8  lieures  du  soir,  le 
maréchal  Marinont  à  Helliard.  j'ai  pris  position  à  Longeviile;  je  tiens  une 
avaul-garde  à  Saint-Avold  et  j'y  resterai  assez  longtemps  pour  obliger  Tennemi 
à  se  déployer.  »  {Archives  de  la  gtierre,) 


—  206  — 

ment  de  hussards  du  corps.  Celui-ci,  sous  les  ordres  du  capitaine 
Erichsen,  après  avoir  passé  le  10  le  gué  de  Rehlingcn,  avait  reçu 
pour  instruction  de  pousser  aussi  loin  que  possible  sur  la  route 
de  Metz,  afin  de  se  procurer  des  nouvelles  positives  sur  les  posi- 
tions, la  force,  les  mouvements  et  les  projets  de  Tennemi.  Cet 
escadron  réussit  dans  la  délicate  mission  qui  lui  était  confiée  et 
arriva  le  11  h  une  lieue  de  Metz  sans  avoir  rencontré  Tennemi.  Là, 
les  hussards  prussiens  donnèrent  contre  un  convoi  d'artillerie, 
l'attaquèrent,  enlevèrent  quelques  hommes  et  quelques  chevaux. 
Le  but  que  Ton  se  proposait  était  désormais  atteint  et  l'escadron 
commença  sa  retraite.  A  cause  de  la  grande  quantité  de  neige 
tombée,  elle  dut  s'effectuer  par  la  route  suivie  en  venant  de 
la  Sarre. 

Pendant  ce  temps,  l'infanterie  française  était  venue  occuper  le 
village  de  Pontigny  situé  à  trois  lieues  de  là  et  au  point  où  se 
trouve  précisément  le  pont  de  la  Nied.  Le  commandant  de  l'esca- 
dron du  2®  hussards  fut  informé  de  ce  fait  lorsqu'il  était  déjà  aux 
Étangs,  à  une  demi-lieue  de  Pontigny,  où  il  s'était  arrêté  pour 
faire  manger  ses  chevaux.  Il  s'assura,  du  reste,  par  lui-même  de 
l'authenticité  de  la  nouvelle.  Le  village  était  fortement  occupé,  le 
pont  solidement  barricadé,  et  il  était  par  suite  impossible  de 
songer  à  enlever  Pontigny  de  vive  force.  On  avait,  en  outre,  h 
craindre,  à  cause  de  l'affaire  qu'on  venait  d'avoir  avec  le  convoi 
d'artillerie,  une  attaque  venant  de  Metz.  Le  détachement  était  dans 
une  de  ces  situations  dont  il  est  impossible  de  se  tirer  autrement 
que  par  la  ruse. 

Le  capitaine,  qui  commandait  les  hussards,  envoya  donc  en 
parlementaire  un  officier,  accompagné  d'un  trompette,  sommer  le 
commandant  français  de  Pontigny  de  se  rendre,  en  lui  annon- 
çant que  la  cavalerie  formait  la  pointe  d'avant-garde  d'un  corps 
considérable.  Le  parlementaire  fut  reçu  à  coups  de  fusil  tirés 
contre  lui  par  les  sentinelles  postées  à  l'entrée  du  village  ;  mais, 
profitant  de  l'obscurité,  il  mit  pied  h  terre,  se  glissa  dans  le  fossé 
qui  borde  la  route,  arriva  ainsi  jusqu'au  petit  poste,  s'y  présenta 
comme  parlementaire  et  se  fit  conduire  au  colonel  qui  comman- 
dait les  troupes  de  Pontigny.  Celui-ci  refusa  de  se  rendre  et 
n'ajouta  pas  croyance  à  la  fable  débitée  par  l'officier  prussien,  qui 
réussit  néanmoins  h  lui  faire  croire  qu'il  avait  devant  lui  une 
j)alrouille  de  flanc  du  corps  du  comte  Henckel,  et  que  ce  corps  se 


—  207  — 

n^unirail  le  matin  iiièiiiu  h  Poiitigny  avec  les  troupes  venant  de 
Sarrelouis. 

Le  colonel  déclara  alors  à  l'officier  prussien  qu'il  évacuerait 
Pontigny  dans  une  heure,  à  condition  toutefois  d'y  être  préalable- 
ment autorisé  par  le  général  Ricard,  dont  le  quartier  général  était 
h  une  petite  lieue  de  Pontigny.  L'officier  prussien  accepta  natu- 
rellement la  i)roposition.  On  envoya  au  général  un  soldat  monté 
sur  un  cheval  de  paysan,  et  une  heure  et  demie  plus  tard  le 
colonel  recevait  l'ordnî  écrit  de  quitter  Pontigny. 

Cette  nouvelle,  transmise  aussitôt  par  l'officier  prussien  h  son 
chef,  arriva  d'autant  plus  à  propos  que  1(î  petit  poste  établi  sur  la 
route  de  Metz  V(»nait  d'être  inquiété  par  une  patrouilU»  de  hus- 
•  sards  français  et  qu'on  devait  s'attendre  à  une  nouvelle  attaque, 
qui  aurait  eu  pour  conséquence  l'anéantissement  du  détachement 
pris  entre  deux  feux.  Les  hussards  prussiens  se  portèrent  donc 
sans  plus  larder  sur  Pontigny,  déblayèrent  le  pont,  continuènîut 
lestement  leur  retraite  jusqu'à  Volmerange,  situé  à  deux  lieues 
de  là,  et  occupèr(»nt  ce  village  dont  ils  barricadèrent  les  rues.  Le 
lendemain  12,  l'escadron  y  était  rejoint  par  le  reste  du  régi- 
ment*. 

A  la  droite  du  I®'  corps,  hî  général  Horn  avait  commencé  son 


*  Les  rap{)orts  français  de  ce  jour  constatent  et  enregistrent  ces  faits.  C'est 
ainsi  que  le  général  Fournier  écrivait  do  Narbéfontaino  au  général  Ricard,  le 
11  janvier,  à  1  h.  i/4  de  Taprés-midi  :  «  Un  particulier,  qui  arrive  de  Metz, 
a  vu  ce  matin  40  cosaques  au  village  des  Etangs.  Le  colonel  du  136^  établi  a 
Niedervisse  m'informe  que  Tenneini  occupe  Boulay  et  a  poussé  des  reconnais- 
sauces  jusqu'à  Volmerange  et  qu'il  a  fait  partir  une  reconnaissance  pour  voir 
si  le  village  de  Darting  est  occupé.   » 

Le  général  BcUiard  donnait  encore  plus  de  détails  dans  le  rapport  qa*il 
adressait,  le  11  janvier,  à  10  heures  du  soir,  de  Metz,  au  major  général. 

«  Un  parti  ennemi  est  venu  hier  soir  à  Boulay.  On  Ta  su  de  suite.  L'ennemi 
u'y  a  pas  moins  couché,  et,  so  trouvant  tranquille,  il  s'est  porté  aujourd'hui 
en  avant  jusqu'à  une  lieue  de  Metz,  à  l'embranchement  de  la  route  de  Cour- 
ceUes,  où  il  s'est  établi.  Il  nous  a  enlevé  quelques  hommes  allant  à  Courcelles, 
ou  en  revenant,  ainsi  que  des  voitures.  Je  pense  que  le  parti  sera  retourné  à 
Boulay.  11  est  vraiment  honteux  de  voir  60  cavaliers  courir  impunément  la 
campagne  sous  le  canon  d'une  place  de  guerre  de  premier  ordre.  Je  demande 
qu'on  mette  du  monde  sur  la  route  de  Courcelles,  qu'on  fasse  des  patrouilles 
autour  de  la  ville,  qu'on  pousse  au  loin  des  reconnaissances.  Je  demande  aussi 
qu'on  occupe  en  force  Pont-à-Mousson,  où  U  n'y  a  personne,  et  qui  est  un 
point  important  à  conserver.  Tout  cela  va  se  faire.  On  me  l'a  promis,  n 


—  208  — 

mouvement  de  Bockingen  vers  Thionville  et  s'était  cantonne  le 
soir  avec  sa  brigade  à  Bouzonvilie. 

Prise  de  Saint-Avold  par  la  cavalerie.—  Conformément  aux: 
ordnis  du  prince  Guillaume,  le  lieutenant-colonel  von  Stutterheim 
s'était  mis  en  marche  pour  s'établir  h  Saint-Avold.  Arrivé  h  peu 
de  dislance  de  cette  ville,  il  avait  donné  à  rentrée  du  défilé  de 
Neuen-Mûhle  contre  Tennemi  qui  avait  posté  sur  ce  point  quel- 
que infanterie  soutenue  par  de  la  cavalerie.  Comme  le  terrain  sur 
lequel  il  allait  être  obligé  d'agir  ne  se  prêtait  guère  h  Taclion  de  la 
cavalerie,  Stutterheim  fit  passer  un  de  ses  bataillons  par  les  bois 
silués  sur  la  gauche  des  Français,  les  tourna  ainsi  et  les  débus- 
qua sans  peine  de  leurs  positions.  Le  lieutenant-colonel,  prononçant 
son  mouvement  de  front,  les  poursuivit  vivement  avec  ses  quatre 
escadrons  jusque  dans  Saint-Avold  où  les  Français  essayèrent  de 
tenir  bon.  Après  un  combat  assez  vif,  les  Prussiens,  gnice  à  Tar- 
rivée  opportune  du  corps  volant  du  prince  de  Biron  et  de  la  cava- 
lerie du  général  Lanskoï,  réussirent  à  s'emparer  de  cette  ville  *  et 
à  en  chasser  l'ennemi  qui  se  retira  sur  la  route  de  Metz,  pour- 
suivi par  Lanskoï  jusqu'à  Longeville.  Vers  dix  heures  et  demie 
du  soir,  la  cavalerie  du  général  von  Jûrgass  venait,  elle  aussi, 
bivouaquer  aux  environs  de  Saint-Avold;  le  gros  de  la  cavalerie 
du  corps  Sacken,  sous  les  ordres  du  général  Wassillchikoft',  se 
tenait  encore  aux  alentours  de  Puttelange. 

12  janvier.  —  Mouvement  dTork  et  de  Sacken.  ■—  Affaire 
de  cavalerie  de  Noisseville.  —  Le  12,  les  corps  d'York  et  do 
Sacken  continuèrent  leur  mouvement  vers  la  Moselle,  l'un  dans  la 
direction  de  Metz,  le  second  sur  la  ligne  Pont-à-Mousson— 
Nancv. 

En  avant  du  i)rince  Guillaume  (avant-garde  du  I®""  corpsj, 
arrivé  à  Fouligny  et  qui  occupa  llaville  et  Guinglange,  le  lieule- 


i  Marmoiit  écrivait  de  Longeville,  le  H  jauvier,  à  7  heures  du  soir,  au 
major  général  et  à  Helliard,  que  Sackcu  était  arrivé  devant  lui  pendant  que 
York  passait  la  Meuse  à  Kehlingen  et  marchait  par  la  route  directe  de  Sarre- 
louis  u  Metz,  et  que,  par  suite,  il  partait  la  nuit  même  pour  se  rapproclier  de 
Metz.  H  ajoutait  qu*il  y  avait  eu  un  léger  engagement  à  Saint-Avold  entre 
son  avant-garde  et  celle  de  l'ennemi,  «<  qui  nous  a  forcés  d'abandonner  cette 
ville,  mais  sans  pertes  ».  {Archive»  de  la  guen'e.) 


—  -209  — 

nanl-colonel  von  Stôssel  s'était  porté,  avec  sa  cavalerie,  h  la  droite 
d'York,  et  avait  continué  vers  Metz,  par  Boulay  et  les  Étangs.  A 
hauteur  de  Noisseville,  il  vint  donner  dans  trois  escadrons  do 
cavalerie  française  qui,  au  moment  où  ils  se  disposaient  à  se 
jeter  contre  les  cavaliers  prussiens,  furent  chargés  par  un  esca- 
dron du  2«  hussards,  un  escadron  des  hussards  de  Mecklembourg 
el  un  escadron  du  réginiimt  de  cavalerie  nationale  de  la  Prusse 
orientale,  mis  en  déroute  et  chaudement  ramenés  jusqu'à  Noisse- 
ville. Un  poste  d'infanterie  française,  établi  sur  ce  point,  les 
recueillit,  pendant  que  plusieurs  bataillons  d'infanterie  et  6  esca- 
drons de  cavalerie  débouchant  d(î  Xouilly,  village  situé  fi  2  kilo- 
mètres à  peine  de  Noisseville,  se  déployaient  pour  arrêter  le  lieu- 
tenant-colonel von  Stossel.  Conmie  la  cavalerie  de  réserve  du 
général  von  Jurgass  et  le  gros  de  Tavant-garde  n'étaient  pas 
encore  arrivés  h  sa  hauteur,  cet  officier  crut  plus  prudent  de 
refuser  un  engagement  (jui,  vu  la  disproportion  des  forces,  ne 
pouvait  lui  être  que  défavorable,  et  s'établit  à  Glatigny.  La  petite 
affaire  de  Noisseville  avait  coûté  aux  Français  une  quarantaine 
d'hommes  hors  de  combat  et  une  trentaine  de  prisonniers  *. 

La  cavalerie  d(;  réserve?,  sous  les  ordres  du  général  von 
Jiirgass,  avait  aussi  passé  la  Nied,  et  le  lieutenant-colonel  von 
Stutterheim,  qui  la  suivait  avec  3  bataillons,  4  escadrons  et  une 
batterie  à  cheval,  se  cantonnait  le  soir  à  Courcelles. 

Le  quartier  général  d'York  venait  à  Longeville  et  le  gros  de  son 
corps  s'établissait  sur  une  ligne  allant  de  Saint-Avold  à  Fou- 
ligny. 

Horn  devant  Thionville.  —  A  l'extrême  droite,  Horn  *  était 
arrivé  devant  Thionville,  qu'il  avait  fait  investir  sur  la  rive  droite 


i  «  Noas  avons  eu,  éoril  Marmont,  le  li  janvier  à  li  heures  du  soir,  do 
Metz,  à  Belliard,  des  engagements  de  cavalerie  assez  vifs  dans  Taprès-niidi, 
du  côté  de  Bouluy  et  de  Courcelles.  L'ennemi  a  montré  de  chaque  côté  un 
millier  de  chevaux.  Demain  f  aurai  devant  itwi  de  fortes  avant-gardes  et  aprèS' 
demain  toutes  les  forces  eniwmies,  »  {Archives  de  la  Guerre.) 

Il  ajoutait  que,  comme  il  s'afTaiblissait  beaucoup  en  fournissant  des  troupes 
qui  resteraient  en  garnison  à  Metz,  le  général  Curial  lui  laisserait  provisoire- 
ment la  division  Dccouz,  venant  de  Thionville. 

'  Belliard  au  major  général,  Metz,  12  janvier,  soir.  —  Il  lui  annonce  dans 
la  même  dépêche  le  départ  du  quartier  général  pour  Ghàlons. 

Wdl.  14 


-  210  - 

de  la  Moselle  par  le  lieuteuant-coloucl  von  Sohr,  avec  1  bataillon 
et  4  escadrons.  Quant  i\  lui,  il  restait  encore  à  Disiroff,  avec  ses 
6  autres  bataillons  *. 

Position  de  la  cavalerie  de  Sacken.  —  Le  général  Lanskoï 
(avant-garde  de  Sacken)  avait  reçu  ce  jour-là,  12  janvier,  près  de 
Courcelles,  Tordre  de  marcher  par  la  route  de  Château-Salins 
sur  Pont-à-Mousson,  tout  en  maintenant  avec  la  cavalerie  prus- 
sienne ses  communications  que  devait  assurer  un  de  ses  régi- 
ments de  cosaques  posté  à  Chailly.  Wassiltchikoff,  avec  le  reste 
de  la  cavalerie  de  Sacken,  continuait  à  pousser,  lui  aussi,  vers  la 
Moselle,  et  Biron,  chargé  de  se  relier  avec  le  VI®  corps  de  la 
grande  armée  de  Bohême  (Witlgenstein),  qu'on  croyait  déjà  en 
marche  sur  Nancy,  arriva  le  soir  à  Morhange  et  Habourdange.  Le 
gros  du  corps  de  Sacken  occupa,  le  12  au  soir,  la  ligne  Pulte- 
lange— Faulquemont. 

Retraite  de  Harmont  sur  Metz.  —  État  de  son  corps. 

—  Dès  le  12  au  matin,  Marmonl  était  venu  prendre  position  sous 
le  canon  de  Metz,  abandonnant  à  Tennemi  tout  le  terrain  entre  la 
Sarre  et  la  Moselle,  où  Sarrelouis  seul  restait  encore  aux  Fran- 
çais. Il  est  juste  de  reconnaître  que  la  situation  du  maréchal  était 
loin  d'être  brillante.  Quels  que  pussent  être  les  avantages  et  les 
points  d'ap])ui  que  présentait  pour  lui  la  ligne  de  la  Moselle, 
malgré  les  ressources  qu'il  aurait  pu  y  trouver,  il  est  impossible 
de  se  dissimuler  qu'il  ne  pouvait  s'arrêter  à  l'idée  de  s'y  main- 
tenir qu'à  la  condition  d'être  certain  d'y  être  immédiatement  ren- 
fercé  par  des  troupes  fraîches  et  surtout  par  des  troupes  solides 
et  aguerries.  En  jetant  un  coup  d'œil  sur  les  états  et  les  situa- 
tions, on  trouve,  il  est  vrai,  qu'il  y  avait  à  ce  moment  à  la  gauche 
du  duc  de  Raguse  la  division  de  jeune  garde  du  général  Decouz, 
en  formation  à  Thionville  ;  à  sa  droite,  les  troupes  que  Ney  avait 
réunies  à  Nancy;  puis,  enfin,  plus  à  droite  encore,  celles  avec 
lesquelles  Victor  se  repliait  devant  les  IV®  et  Y«  corps  de  l'armée 
de  Bohème.  Mais  en  réalité  pour  avoir  une  chance,  même  faible, 
de  résister  sur  la  Moselle,  il  fallait,  avant  tout,  opérer  avec  Ney 
et  Victor  une  jonction  qui  ne  résultait  pas  directement  des  ins- 

1  Bliicher  avait  laisse  devant  Sarrelouis  4  bataillons  et  4  escadrons. 


—  211  - 

tructions  de  TEmpereur,  et  qui  ne  larda  pas,  d'ailleurs,  à  devenir 
impossible.  Enfin,  la  désertion  avait  pris,  pendant  la  retraite  du 
Rhin  sur  la  Sarre  et  surtout  pendant  le  mouvement  de  la  Sarre 
vers  la  Moselle,  de  telles  proportions  que  Ton  ne  peut  s'empêcher 
de  partager  et  de  comprendre  les  inquiétudes  et  les  préoccupa- 
tions de  Marmont. 

Dès  le  7  janvier,  le  duc  de  Raguse  avait  signalé,  dans  une  lettre 
adressée  à  Berthier,  de  nombreux  cas  de  désertion  qui  s'étaient 
manifestés,  surtout  parmi  les  soldats  tirés  des  départements  du 
Mont-Tonnerre  et  de  Rhin-et-Moselle.  De  tout  un  régiment  de 
hussards  hollandais,  il  ne  lui  restait  plus  que  50  hommes,  qu'il 
avait  dû  désarmer  et  démonter  pour  les  empêcher  de  déserter 
avec  armes  et  bagages.  Arrivé  sur  les  bords  de  la  Sarre,  il  n'avait 
plus  autour  de  lui  que  11,000  hommes*,  et,  le  13  au  matin,  le 
lendemain  de  son  arrivée  i\  Metz,  ses  48  bataillons  comptaient 
Il  peine  6,000  hommes.  Aussi,  tout  en  ayant  le  droit  de  regretter 
que  la  jonction  des  trois  maréchaux  Marmont,  Ney  et  Victor  n'ait 
pu  s'effectuer,  il  serait  d'autant  plus  injuste  d'en  vouloir  faire 
retomber  toute  la  responsabilité  sur  Marmont,  que  la  précipita- 
lion  avec  laquelle  Ney  évacua  Nancy  et  la  direction  prise  par  le 
maréchal  Victor  îi  la  suite  de  cette  évacuation  et  à  l'instigation 
du  prince  de  La  Moskowa,  allaient  rendre  sa  position  plus  diffi- 
cile et  plus  critique  encore,  et  l'obliger,  deux  jours  plus  tard,  le 
15  janvier,  h  se  replier  lentement  sur  Verdun. 

13  janvier.  —  Houvements  de  la  cavalerie  de  Sacken  et 
d'Tork  vers  la  Moselle.  —  En  attendant,  comme  au  quartier 
général  de  l'armée  de  Silésio  on  s*était  rendu  compte  de  la  situa- 
tion de  l'ennemi,  et  comme  la  retraite  de  Marmont  sur  Metz  était 
désormais  constatée,  on  employa  judicieusement  la  journée  du 
13  à  faire  tûter  par  la  cavalerie  du  corps  Sacken  les  positions 
occupées  par  les  troupes  adverses  sur  la  Moselle  et  à  pousser  des 
partis  vers  Nancy. 

Afin  de  faciliter  îi  celle  cavalerie  l'accomplissement  de  sa  mis- 
iiion,  York  poussa  dès  l'aube  son  avant-garde  et  sa  cavalerie  de 
réser\^e  vers  Metz,  leur  fit  prendre  position  entre  Colombey  et 
Courcelles,  et  plaça  la  cavalerie  de  réserve  sous  les  ordr(»s  du 


*  Marmont,  Mémoireê,  VI,  12. 


212  

prince  Guillaume,  qui  devait,  d'une  part,  se  relier  à  l'avant- 
garde  de  Sacken  et,  de  Taulre,  investir  Metz  avec  sa  cavalerie. 

Cavalerie  du  prince  Guillaume  devant  Hetz.  —  Le  prince 
Guillaume  avait  à  cet  effet  divisé  le  terrain  autour  de  Metz  en 
trois  secteurs.  Le  lieutenant-colonel  von  Stossel,  avec  la  cavalerie 
de  Tavant-garde  (8  escadrons),  soutenue  par  un  bataillon  d'in- 
fanterie et  une  demi-batterie  à  cheval,  devait  former  la  droite  de 
la  ligne  des  avant-postes  et  s'étendre  de  Mey  jusqu'à  la  Moselle. 
Pour  se  rendre  sur  les  positions  indiquées,  ce  détachement,  qui 
avait  à  passer  par  Villers-I'Orme,  y  trouva  les  Français  solide- 
ment établis  (1000  hommes  d'infanterie  et  de  cavalerie),  et  dut  se 
replier.  Le  lieutenant-colonel,  avec  trois  de  ses  escadrons,  essaya 
alors  de  prendre  par  Mey  et  Borny  ;  mais,  comme  les  Français 
occupaient  le  premier  de  ces  villages,  et  comme  le  second  aurait 
été  intenable  à  cause  de  sa  trop  grande  proximité  de  la  place,  on 
dut  se  contenter  de  faire  surv^eiller  le  secteur  jusqu'à  la  Moselle 
par  des  vedettes  et  des  patrouilles  qui  réussirent,  d'ailleurs,  à  faire 
quelques  prisonniers. 

Au  centre  de  la  ligne  formée  par  les  avant-postes,  se  trouvait 
le  lieutenant-colonel  von  Stutterheim.  Venant  avec  2  bataillons, 
2  compagnies  de  chasseurs,  4  escadrons  et  une  demi-batterie  à 
cheval  par  la  grande  route  de  Saint-Avold,  il  occupa  à  droite  et 
à  gauche  de  cette  route,  en  arrière  de  Montoy  et  de  Colombcy, 
Coincy,  Maizery  et  Silly-sur-Nied.  Enfin,  à  gauche,  le  major  von 
Woïsky  s'établissait  à  Ars-Laquénexy,  Mercy-les-Metz  et  La  Grange- 
aux-Bois.  Derrière  lui,  le  général  von  Jûrgass  prenait  position, 
avec  le  reste  de  ses  8  escadrons  de  dragons  et  sa  demi-batterie  à 
cheval,  à  Courcelles-sur-Nicd,  Laquénexy,  Mécleuves  et  Fronligny, 
pendant  que  le  gros  de  l'avant-garde  (4  bataillons,  4  escadrons, 
1  compagnie  de  pionniers  et  une  batterie  montée)  se  tenait  à 
Courcelles-les-Chaussy,  Pont-à-Chaussy,  Chevillon,  Maizeroy  et 
Pange,  afin  de  pouvoir,  en  cas  d'un  retour  oft'onsif  de  l'ennemi, 
défendre  le  passage  de  la  Nied  française  et  recueillir  les  avant- 
postes. 

Du  côté  de  Thionville,  il  ne  s'était  rien  passé  de  nouveau  ;  seu- 
lement, les  avant-postes  de  cavalerie  avaient  informé  York, 
dont  l'infanterie  avait  fait  halte  h  Longeville,  qu'une  forte  colonne 
française,  sortie  de  Metz,  se  dirigeait  sur  Verdun. 


-  213  — 

Prise  des  ponts  de  Frouard  par  la  cavalerie  russe.  — 

La  cavalerie  de  Sacken,  sous  les  ordres  du  g<^n^ral  Wassillehi- 
koff,  avait  continué  sa  marche  vers  Pont-à-Mousson.  Elle  avait 
détaché  plus  h  gauche  des  partis  de  cavalerie  légère  qui,  débou- 
chant sur  les  rives  de  la  Moselle,  aux  environs  de  son  confluent 
avec  la  Meurthe,  s'étaient  emparé  des  ponts  de  Bouxiéres  et  de 
Frouard. 

Les  maréchaux  Ney  et  Victor,  bien  que  la  pointe  de  la  cava- 
lerie alliée  ne  fut  plus  qu'î\  une  journée  de  marche  en  arrière 
d'eux,  avaient  négligé  de  les  détruire  en  se  retirant.  Wassil- 
tchikoff  profita  de  cette  faute  inexplicable  pour  pousser  aussitôt 
des  coureurs,  d'une  part,  vers  Pont-à-Mousson,  de  l'autre,  vers 
Commercy  et  Saint-Mihiel. 

Marche  de  Biron  sur  Nancy.  —  Biron,  quittant  le  13,  h 
9  heures  du  matin,  Habourdange,  où  il  ne  laissa  qu'un  poste 
volant  de  correspondance,  arriva  à  midi  à  Chi\teau-Salins,  qu'il 
occupa  sans  coup  férir  et  poussa,  dans  le  courant  de  la  journée, 
jusqu'à  Neuvelotte,  où  il  s'arrêta  pour  passer  la  nuit.  Il  avait, 
dans  l'après-midi,  envoyé  des  coureurs,  tant  dans  la  direction  de 
Nancy  que  du  côté  de  Lunéville,  dans  l'espoir  de  se  relieur  avec  la 
cavalerie  de  Wiltgenstein,  ou  tout  au  moins  de  se  procurer  quel- 
ques renseignements  sur  sa  position.  Mais  les  cosaques  envoyés 
il  la  recherche  du  VI®  corps  rentrèrent  pendant  la  nuit  sans  avoir 
pu  rien  découvrir. 

Houvement  du  corps  de  Kleist.  —  Le  corps  de  Kleist 
(II«  corps  prussien)  arrivait  le  13  h  Marburg  ;  sa  cavalerie  de 
réserve,  sous  les  ordres  du  général  von  Rôder,  qui  était,  depuis 
le  9,  k  Ehrenbreitstein,  retenue  sur  la  rive  droite  par  les  glaçons 
charriés  par  le  Rhin,  passa  ce  jour-là  aussi  sur  la  rive  gauche. 

Le  13  janvier,  comme  la  cavalerie  prussienne  l'avait  signalé  à 
York,  Marmont  avait  bien  fait  partir  de  Metz,  non  pas  pour 
Verdun,  mais  pour  Pont-à-Mousson,  la  division  Ricard*  qui, 
arrivée  le  13  au  soir  seulement  à  Novéant,  ne  put,  par  suite, 
atteindre  Pont-iVMousson  que  dans  la  matinée  du  14. 


<  Marmont  aa  général  Ricard,  Metz,  12  janvier,  li  heures  du  soir.  {Archires 
de  la  Guerre.) 


—  214  — 

14  janvier.  —  Mouvement  sur  Thionville.  —  York,  de 
son  côté,  prenait  ses  dispositions- pour  résister  à  une  offensive 
éventuelle  des  Français  en  avant  de  Metz,  où,  du  reste,  la  journée 
se  passait  sans  incident. 

Ce  même  jour,  Blùcher  envoyait  sur  Thionville  la  brigade  du 
général  von  Pirch  II  (1™  brigade  prussienne),  qui  devait  relever 
devant  cette  place  le  général  von  Horn,  dirigé  sur  Sierck,  pour  y 
passer  la  Moselle  et  opérer  de  concert  avec  Henckel  contre  Luxem- 
bourg. Malgré  les  renseignements  envoyés  le  13  par  cet  officier, 
et  d'après  lesquels  cette  place  aurait  renfermé  de  4,000  à  5,000 
hommes,  le  feld-maréchal  espérait  parvenir  à  l'enlever,  soit  d'as- 
saut, soit  avec  la  connivence  des  habitants  *. 

11  s'était,  d'ailleurs,  produit  dans  le  cours  de  cette  journée,  du 
côté  du  corps  Sacken,  des  événements  qui  allaient  décider  Blil- 
cher  h  imprimer  aux  opérations  d'une  partie  de  son  armée  l'éner- 
gique impulsion  qui  leur  avait  manqué  jusque-là,  et  une  activité 
plus  en  rapport  avec  les  goûts  et  le  caractère  du  feld-maré- 
chal. 

La  cavalerie  de  Lanskoî  occupe  Pont-à-Housson.  —  L'ap- 
parition de  la  cavalerie  du  général  Lanskoî  en  vue  de  Pont-à- 
Mousson  avait,  en  effet,  suffi  peur  amener  le  général  Ricard  *  h 
évacuer  cette  ville  et  à  se  retirer  par  Thiaucourt  sur  Verdun. 


*  U  est  juste  d'ajouter  que  Bliicher  avait  été  induit  en  erreur  par  les  rap- 
ports par  trop  optimistes  du  lieutenant  de  Ghevallerie,  lui  aflirmant  que 
Luxembourg  n'avait  qu'une  faible  garnison,  et  que  ses  habitants  étaient  dis- 
posés à  ouvrir  leurs  portes  aux  Alliés.  (Ordre  de  Bliicher  à  Henckel>  de  Saint* 
Avold,  le  i4  janvier,  à  midi.) 

>  Marmont,  Metz,  14  Janvier,  iOh.  i/4,  matin,  au  général  Ricard  : 
c(  Puisque  Tennemi  s'est  montré  à  Pont-à-Monsson  et  comme  des  bruits 
fâcheux  ont  couru  hier  sur  Nancy,  j'ai  fait  partir  cette  nuit  pour  vous  rejoindre 
la  brigade  de  cavalerie  du  général  van  Merlen;  elle  servira  à  vous  éclairer  sur 
Nancy  et  sur  Toul,  à  surveiller  la  rivière  et  à  me  donner  des  nouvelles.  Si  l'en- 
nemi est  à  Nancy,  et  qu'il  n'y  ait  rien  de  nouveau  dans  la  journée  dans  la 
Basse-Moselle,  il  est  probable  que  demain  je  me  mettrai  en  marche  pour  vous 
appuyer  avec  le  reste  de  mes  troupes.  » 

Marmont  au  major  général,  Metz,  le  14  janvier,  10  heures  du  soir  : 
«  Le  corps  prussien  a  pris  position  à  une  lieue  de  la  rive  droite  de  la  Moselle, 
entre  Thionville  et  Metz.  Le  corps  de  Sacken  est  devant  moi  à  quelque  dis- 
tance. 

u  J'ai  fait  choix  du  général  Durutte  comme  commandant  supérieur  de  Metz.  » 
(ArcJUves  de  la  Guerre.) 


-  215  - 

Dans  sa  retraite,  cet  officier  général  n'avait  môme  pas  songé  à 
couper  derrière  lui  le  pont  de  la  Moselle. 

Entrée  de  Biron  à  Nancy.  —  Presque  au  même  moment, 
malgré  la  gelée  et  la  neige,  Biron,  qui  avait  eu  le  soin  de  faire 
ferrer  h  glace  les  chevaux  de  son  corps  volant,  était  arrivé  le  13, 
à  4  heures,  devant  Nancy.  Après  avoir  essuyé  quelques  coups  de 
fusil,  il  avait  occupé  la  capitale  de  la  Lorraine,  qui  se  rendit  à  un 
escadron  de  hussards  et  à  une  centaine  de  cosaques  *. 

15  janvier.  —  Premiers  ordres  de  Blûcher  pour  le  16. 

—  Blûcher  avait  eu  d'abord  (ses  premiers  ordres  donnés  le  15  au 
matin  pour  la  journée  du  16  en  fournissent  la  preuve)  l'intention 
d'investir   sérieusement   Metz,  de  poursuivre  Tennemi  dans  la 


i  Kurzgefasste  DartUllung  der  Kriegsbegebenheiten  der  Sehlesisehen  Armée  im 
Jahre  iSii.  {K.  K.  Kriegt  Arehiv.,  1,  31.) 

Victor  à  Grouchy.  Nancy,  14  janvier  1814  : 

«  Ordre.  —  Le  raouvement  sera  continaé  sur  Tout  :  la  1'®  division  d'infan- 
terie ouvre  la  marche  ;  la  ^^  suit  la  l'^'  ;  les  2  divisions  de  dragons  marchent 
ensemble  derrière  la  2"  d*infantcrie. 

M  Les  gardes  d'honneur  et  la  cavalerie  légère  font  l'arrière-garde.  Le  géndral 
Defrance  fera  occuper  jusqu'à  la  nuit  la  sortie  de  Chdteau-Salins,  de  Flavigny, 
de  Saint- Vincent,  pour  observer  Tennemi.  U  tiendra  le  gros  de  sa  cavalerie  sur 
la  route  de  Toul  jusqu'à  la  nuit  et  se  repliera  avec  tout  son  monde  dans  la 
direction  de  Toul  jusqu'à  Gondrcville,  où  il  attendra  les  ordres.  » 

Grouchy  à  Milhaud,  14/1  : 

«...  L'ennemi  étant  entré  à  Nancy  peu  d'instants  après  celui  où  j'en  suis 
sorti,  je  vous  prie  de  donner  à  vos  cantonnements  l'ordre  d'une  extrême  sur- 
veillance. Il  faudra  aussi  pousser  des  reconnaissances  sur  les  routes  de  Vézelise 
et  de  Vaucouleurs,  et  aller  aux  nouveUes  dans  l'une  et  l'antre  de  ces  direc- 
tions. » 

Victor  au  major  général.  Toul,  14  janvier,  6  heures  soir  : 
«  Les  troupes  do  mon  commandement  ont  couché  la  nuit  dernière  à  Luné* 
ville  et  Saint-Nicolas.  Je  croyais  pouvoir  les  y  laisser  aujourd'hui,  pour 
prendre  le  repos  dont  elles  avaient  besoin,  mais  sur  l'avis  que  j'ai  reçu  du 
maréchal  prince  de  La  Moskowa  qu'une  colonne  des  Alliés  s'approchait  de 
Nancy,  par  Château-Salins,  et  que  ceUe  qui  a  débouché  par  Epinal  manœu- 
vrait dans  la  direction  de  NeufchAtcau,  j'ai  dû  continuer  mon  mouvement  pour 
arriver  à  Toul  avec  l'infanterie  et  l'artUlerie.  J'ai  échelonné  la  cavalerie  depuis 
Gondrcville  jusqu'à  Nancy.  Je  tiendrai  cette  position  jusqu'à  ce  que  j'aie  reçu 
de  nouveaux  renseignements.  Si  j'apprenais  que  l'ennemi  marchait  par  Neuf- 
château  sur  Joinvilie,  comme  on  me  l'assure,  je  marcherai  sur  Vitry.  Le 
prince  de  La  Moskowa  va  occuper  Pagn y- sur-Meuse  et  Void.  Les  chevaux 
souffrent  beaucoup  et  perdent  beaucoup,  faute  d'argent  pour  entretenir  le  fer- 
rage. »  (Arehireg  de  la  Guerre.) 


—  216  — 

direction  de  Verdun,  d'attaquer  Luxembourg,  de  tAter  Longwy 
et  de  passer  à  cet  effet  la  Moselle  sur  trois  points  :  à  Sierck,  pr^s 
Thionvillc  et  h  Ancy. 

Dans  cette  conjoncture,  le  corps  York  devait  rester  dans  ses 
cantonnements  et  se  contenter  de  faire  reconnaître  si  les  chemins 
venant  de  Fouligny  à  Pont-à-Mousson  étaient  praticables  pour 
Tartillerie  légère  ;  le  corps  russe  de  Langeron  devait  venir  le  16 
à  Sarrebrûck,  le  17  entre  Saint-Avold  et  Forbach  ;  Sacken  devait 
occuper,  avec  son  infanterie,  Château-Salins  et  Morhange,  Vic- 
sur-Seille,  Moyenvic  et  Marsal,  afin  d'être  absolument  maître  de 
la  route  de  Sarreguemines  à  Moyenvic,  par  Puttelange  et  Dieuzo. 
11  avait  ordre  de  faire  soutenir  par  sa  cavalerie  les  coureurs  qui 
étaient  entrés  à  Nancy,  et  cette  cavalerie  devait,  en  outre,  occuper 
Nancy  et  Pont-à-Mousson  et  poursuivre,  enfin,  Tennemi  sur  la 
rive  gauche  de  la  Moselle,  dans  le  cas  où  il  aurait  évacué  cette 
dernière  ville. 

11  est  bien  évident  qu'au  moment  où  il  envoyait  cet  ordre,  Blù- 
cher  ne  savait  pas  encore  que  Pont-à-Mousson  était  depuis  la 
veille  occupée  par  des  cavaliers  de  la  division  de  Wassiltchikoff*, 
qu'il  n'avait  pas  davantage  connaissance  de  la  retraite  de  Ney  et 
de  Victor  vSur  Toul.  Ce  fut  donc  à  la  nouvelle  de  l'abandon  des 
ponts  de  Frouard,  de  Bouxières  et  de  Pont-h-Mousson,  lorsqu'on 
l'informa  de  la  prise  de  possession  des  deux  débouchés  condui- 
sant vers  la  Meuse,  lorsqu'il  apprit  que  les  Français  se  trouvaient 
désormais  hors  d'état  de  lui  résister  et  de  lui  disputer  sérieuse- 
ment le  pays  compris  entre  la  Moselle  et  la  Meuse,  qu'il  prit  la 
résolution  de  faire  par  sa  gauche  un  mouvement  qui  allait  lui 
permettre  de  devancer  la  grande  armée  de  Bohème,  et  peut-être 
môme  d'arriver  sur  la  Meuse  avant  l'un  dos  trois  corps  français 
en  retraite  devant  lui. 

Blûcher  prend  le  parti  de  se  porter  en  avant.  —  Toutefois, 
n'osant  pas  exécuter  avec  toute  son  armée  ce  mouvement  qui  ne 
manquait  pas  de  hardiesse,  il  l'entreprend  seulement  avec  le 
corps  de  Sacken  et  la  division  Olsufiew  du  corps  Langeron.  Pour 
nous  servir  des  termes  mêmes  employés  par  Clausewitz,  dans  son 
Aperçu  de  la  campagne  de  1814,  il  se  dirige  ii  la  tête  de  28,000 
hommes  sur  Nancy,  afin  de  rejoindre  l'armée  de  Schwarzenberg, 
qu'il  va  en  réalité  précéder.  En  même  temps,  il  charge  York  du 


—  217  — 

soin  de  surveillor  les  places  do  la  Moselle,  de  masquer  la  direc- 
tion qu'il  a  prise,  de  lui  assurer  la  possession  des  roules  par  les- 
quelles vont  lui  arriver  les  renforts  que  lui  amènent  d'abord 
Langeron,  puis  Kleist.  En  confiant  cette  mission  à  York,  le  feld- 
maréchal  espérait,  en  outre,  que  le  commandant  du  I*^**  corps 
réussirait  à  enlever  de  vive  force  Tune  de  ces  forteresses  et  îi 
donner  un  point  d'appui  solide  à  la  ligne  d'opérations  de  l'armée 
de  Silésie*. 

Ordres  à  York.  —  Le  13  janvier,  k  8  heures  du  soir,  York, 
dont  le  quartier  général  était  à  Longeville,  recevait,  avec  les 
ordres  du  feld-maréchal,  la  dépêche  suivante  que  Blucher  lui 
envoyait  de  Saint-Avold  : 

«  Votre  Excellence  recevra  ci-joint  les  ordres  que  je  donne 
après  avoir  reçu  la  nouvelle  de  l'abandon  complet  de  la  Moselle 
par  l'ennemi. 

«  Le  prince  Biron  est  entré  hier  à  4  heures  h  Nancy  et  suit 
Tennemi  sur  Toul.  Le  maréchal  Victor,  qui  s'est  replié  sur  cette 
place,  craint  d'ôtre  coupé  par  Wrède. 

«  Votre  Excellence  maintiendra  pendant  la  journée  du  17  Fin- 
vestissement  de  Metz,  Thionville,  Luxembourg  et  Sarrelouis;  je 


1  Ii  est  bon  de  remarquer  que,  si  cette  résolation  a  été  inspirée  à  Blucher 
par  GneiscDan,  le  feld-maréchal  a  eu  le  mérite  de  modérer  l'ardeur  exagérée  de 
son  chef  d'état-major.  Gneisenau,  en  effet,  n'était  pas  encore  parvenu  à  se 
consoler  du  rejet  du  plan  qu'il  avait  proposé  en  novembre,  et  qui  consistait  à 
poursuivre  les  opérations  contre  Napoléon  immédiatement  après  Leipzig.  11 
suffit  pour  s*en  convaincre  de  rappeler  ici  la  lettre  que  le  chef  d'état-major  de 
Tarmée  de  SUésie  adressait  précisément  ce  jour-là  à  Radetzky,  et  dans  laquelle, 
eti  lui  annonçant  la  prise  de  Nancy,  il  lui  disait  :  <(  Pourquoi  laisser  des 
troupes  sur  le  Rhin?  Pour  surveiller  Mayence  et  Strasbourg!  Mais  nous 
sommes  à  14  étapes  de  Paris,  et  18  jours  nous  suffisent  pour  franchir  la  dis- 
tance qui  nous  sépare  de  la  capitale,  livrer  une  bataille  et  imposer  à  l'ennemi 
nos  volontés.  »  Et  il  ajoutait  :  «  Pourquoi  ne  pas  faire  converger  sur  Paris 
tout  ce  que  nous  avons  encore  sur  le  Rhin.  Dans  notre  situation,  une  seule 
bataille  doit  nous  donner  une  victoire  décisive  qui  nous  permettra  de  dicter  la 
paix  telle  que  nous  la  voulons...  Laissez-nous  donc  nous  porter  en  avant, 
disait-il  encore  en  fiuissant,  et  faire  venir  à  nous  tout  ce  qui  pourra  nous  rai* 
lier.  11  y  a  prés  de  Moret,  entre  Montereuu  et  Nemours,  une  position  d'où  Ton 
peut,  sans  effusion  de  sang,  forcer  Paris  à  se  soumettre  dans  le  cas  où  l'on 
n'aurait  pas  pu  y  parvenir  plus  rapidement  par  une  bataille.  Cette  position  se 
trouve  en  aval  du  confluent  de  TYonne,  de  l'Aube,  de  l'Ârmançou,  du  canal 
de  Briarre  et  de  la  Seine,  par  laqueUe  on  amène  à  Paris  les  subsistances  qui 
font  vivre  la  capitale.  »  (Bbrnhardi,  Denktnûrdigkeiten  atu  dem  Leben  de$ 
Grafen  von  Toll,  lY,  Sii-Si3.) 


^  218  - 

n'ai  toutefois  pas  Tintention  de  vous  immobiliser  sur  ces  points 
pendant  fort  longtemps.  Voici,  au  contraire,  quels  sont  mes  pro- 
jets : 

«  Votre  Excellence  se  rend  évidemment  compte  de  tous  les 
avantages  que  nous  assurerait  la  possession  d'une  quelconque  de 
ces  forteresses  qui  deviendrait  pour  nous  une  place  d'armes.  S'il 
est  possible  de  s'emparer  d'une  de  ces  places  (dans  lesquelles 
il  n'y  a,  d'ailleurs,  que  des  conscrits),  soit  grâce  à  la  connivence 
des  habitants,  soit  d'assaut,  il  importe  de  tenter  cette  entreprise, 
dussions-nous  sacrifier  pour  cela  un  millier  d'hommes  et  môme 
davantage.  Partout  où  une  entreprise  de  ce  genre  serait  impos- 
sible, il  sera  utile  d'alarmer  de  nuit  la  garnison  pour  arriver  h 
connaître  ce  qu'elle  vaut.  11  suffit,  h  cet  effet,  de  quelques  vieux 
soldats  d'infanterie. 

«  Si  l'on  ne  peut  pas  parvenir  h  prendre  Metz,  Thionville  et 
Luxembourg,  si  les  commandants  de  ces  places  sont  décidés  h 
faire  bonne  contenance,  il  conviendra,  en  attendant  l'arrivée  du 
général  von  Kleist,  de  charger  le  général  von  Rôder  de  bloquer 
avec  sa  cavalerie  Luxembourg  et  Thionville,  de  confier  la  même 
mission  devant  Metz  à  la  cavalerie  de  Langeron.  Votre  Excellence 
marchera  alors  avec  son  corps  d'armée  droit  par  Saint-Mihiol 
vers  la  Meuse,  apr^s  avoir  fait  préalablement  tâter  Longwy. 

«  J'ignore  ce  que  vous  possédez  en  fait  de  munitions  pour  les 
obus  de  10  livres;  toutefois  si,  en  bombardant  une  de  ces  places 
avec  ces  pièces,  vous  pensiez  amener  une  capitulation,  vous 
auriez  assurément  à  recourir  à  ce  moyen,  tout  en  ménageant 
cependant  vos  munitions,  dont  vous  aurez  besoin  quand  nous 
livrerons  bataille. 

«  Je  me  rends  à  Nancy,  pour  me  tenir  en  communication  avec 
la  grande  armée,  et  laisse  Votre  Excellence  libre  de  donner,  con- 
formément aux  présentes  instructions,  des  ordres  à  son  corps 
d'armée. 

«  Si  vous  jugiez  à  propos  d'affecter  encore  pendant  quelque 
temps  des  troupes  d'infanterie  au  blocus  de  l'une  des  places, 
vous  pourriez  parfaitement  le  faire  et  ne  vous  porter  dans  ce  cas 
sur  Saint-Mihiel  qu'avec  une  partie  de  votre  corps. 

«  Prière  de  me  faire  connaître  l'époque  de  votre  arrivée  h 
Saint-Mihiel  et  la  situation  d'effectif  des  troupes  qui  marcheront 
avec  vous.  J'envoie  à  Votre  Excellence  des  ordres  destinés  au 


-  219  — 

général  von  Rôder  et  au  général  russe  Borosdin,  afin  que  vous 

puissiez  en  faire  éventuellement  usage. 
«  Au  quartier  général  de  Saint-Avold,  15  janvier  1814.  » 
A  cette  dépêche  étaient  joints  les  ordres  auxquels  le  feld-maré- 

chal  vient,  à  plusieurs  reprises,  de  faire  allusion  et  qui  réglaient 

dans  leur  ensemble  les  mouvements  du  !«>"  corps  pour  les  journées 

des  16, 17  et  18  janvier. 

Houvements  des  corps  de  l'armée  de  Silésie  le  18  janvier. 

—  En  attendant  Texécution  de  ces  nouveaux  ordres  reçus  le  15 
au  soir,  on  n'avait  fait  pendant  la  journée  du  15  qu'une  recon- 
naissance sommaire  de  Metz,  et  comme  la  brigade  Pirch  était 
arrivée,  dans  le  cours  de  cette  journée,  devant  Thionville,  la  bri- 
gade Horn  avait  pu  commencer  son  mouvement  sur  Sierck. 

Quant  à  Henckel,  qui,  au  moment  de  quitter  Trêves  pour  mar- 
cher sur  Thionville,  avait  reçu  de  Blûcher  l'ordre  formel  de 
coopérer  à  l'entreprise  que  le  général  von  Horn  allait  tenter 
contre  Luxembourg,  il  était  déjà,  le  15  au  soir,  à  Grewemachern. 

Le  corps  d'armée  de  Kleist  continuait  k  marcher  vers  le  Rhin, 
en  deux  colonnes,  l'une  par  Giessen,  Wetzlar,  Weilburg  et  Lein- 
burg,  l'autre  par  Herborn,  Hadamar  et  Ehrenbreitstein,  tandis 
que  sa  cîivalerie,  sous  les  ordres  du  général  von  Rôder,  arrivait 
le  17  à  Trêves. 

Retraite  de  Harmont  sur  Hars-Ia-Tour.  —  Ce  fut  également 
le  15  janvier  qu'une  brigade  de  cavalerie  du  corps  Sacken  vint 
rejoindre  Biron  à  Nancy,  et  que  Marmont  dut,  à  la  suite  de  la  re- 
traite précipitée  de  Ney  et  de  Victor,  se  résoudre  à  quitter  avec 
la  cavalerie  de  Doumerc  et  les  divisions  Lagrange  et  Decouz, 
Metz,  où  il  laissa  le  général  Durutte  avec  deux  des  régiments  de 
sa  division  et  les  conscrits  qu'on  avait  rassemblés  dans  cette 
place.  11  se  replia  sur  Mars-la-Tour,  sans  être,  d'ailleurs,  le  moins 
du  monde  inquiété  par  la  cavalerie  prussienne. 

C'est  en  réalité  pour  cacher  la  faute  du  général  Ricard  que  le 
<luc  de  Raguse,  dans  la  dépêche  qu'il  écrivit  de  Metz  le  15  janvier 
à  11  heures  1/2  du  soir  au  major  général,  cherche  à  rejeter  sur 
Ney  et  Victor  la  responsabilité  de  son  mouvement  rétrograde.  Il 
est,  en  effet,  obligé  de  reconnaître  dans  cette  même  dépêche 
que  le  général  Ricard,  informé  de  l'entrée  de  l'ennemi  à  Nancy, 


—  220  - 

a  cru  devoir,  à  la  nouvelle  de  sa  marche  sur  Thiaucourt,  aban- 
donner Ponl-à-Mousson.  11  ajoute  que  Ricard  a  dû  se  replier, 
par  suite  du  mouvement  rétrograde  des  autres  corps  sur  Toul  et 
que  ces  mouvements  le  forcent  à  quitter  lui-même  la  Moselle  le  16 
pour  se  rapprocher  de  la  Meuse.  Mais  ce  n'était  là  qu'une  excuse 
peu  plausible,  qu'une  preuve  de  plus  de  la  mésintelligence  qui 
régnait  entre  les  trois  maréchaux,  puisque  le  16  à  8  heures  du 
matin  le  maréchal  faisait  écrire  par  son  chef  d'état-major,  le 
général  Meynadier,  au  général  Ricard  :  «  Le  maréchal  trouve 
votre  mouvement  de  Pont-à-Mousson  sur  Thiaucourt  bien  préci- 
pité. Son  Excellence  aurait  voulu  que  vous  gardassiez  ce  point,  et 
au  moins  qu'en  le  quittant,  vous  en  eussiez  fait  sauter  le  pont.  » 
Enfin,  dans  une  autre  dépêche,  il  lui  donne  l'ordre  de  s'arrêter, 
«  parce  que  lui-même  s'arrêtera  à  Gravelotte,  et  qu'il  serait  resté  à 
Metz  si  Ricard  n'avait  pas  évacué  Pont-à-Mousson.  » 

Ney  et  Victor  ont  assurément  commis  une  lourde  faute  en  lais- 
sant subsister  les  ponts  de  Frouard  et  de  Bouxières-aux-Dames. 
Mais  la  destruction  du  pont  de  Pont-à-Mousson  était  d'autant  plus 
nécessaire  que  Pont-à-Mousson  était  précisément  le  point  qui  per- 
mettait à  Blùcher  de  se  déployer  sans  retard  sur  le  plateau  et  de 
manœuvrer  par  la  rive  gauche  de  la  Moselle  sur  la  Haute-Marne. 

CcDsidérations  sur  les  opérations  de  Blûcher.  —  Si  Ton  ne 
peut  qu'approuver  la  résolution  prise  par  Blûcher,  dés  qu'il  eût 
connaissance  de  la  retraite  des  maréchaux  et  de  l'abandon  de  la 
ligne  de  la  Moselle,  si  l'on  comprend  que,  se  mettant  en  route 
pour  prendre  vigoureusement  l'offensive  avec  le  gros  de  ses 
forces,  il  ait  tenu  à  s'assurer  ses  derrières  et  à  couvrir  sa  droite 
en  chargeant  York  de  masquer  momentanément  les  places  de  la 
Moselle,  on  ne  parvient  pas  en  revanche  à  découvrir  les  raisons 
pour  lesquelles  il  détacha  du  l«f  corps  prussien  deux  brigades  d'in- 
fanterie et  la  colonne  de  Henckel  pour  les  envoyer  vers  Thionvillc 
et  plus  à  droite  encore,  vers  Luxembourg.  Blûcher  savait  cepen- 
dant fort  bien  que  la  cavalerie  de  Roder  allait  arriver  le  1 7  à  Trêves 
et  pourrait  de  lii  surveiller  Luxembourg.  Il  aurait  pu,  en  outre, 
faire  rabattre  de  ce  côté  Saint-Priest,  qui,  avec  le  8«  corps,  avait 
pris,  d'Andernach  et  de  Remagen,  sa  direction  sur  Malmédy  et 
Givet.  Enfin,  la  cavalerie  de  Langeron,  sous  le  général  Borosdin, 
suivie  de  près  par  une  bonne  partie  de  l'infanterie  de  ce  corps. 


221  

devait  être,  du  17  au  18  au  plus  tard,  devant  Metz.  Ces  détache- 
ments, ces  expéditions  excentriques  sont  d'autant  plus  inexpli- 
cables que  Blûcher  ne  cherchait  pas  des  avantages  partiels,  des 
succès  insignifiants,  qu'il  était  obsédé  par  l'idée  fixe  de.  joindre 
Tennenii  au  plus  vite  et  avec  le  plus  de  monde  possible.  C'était 
donc  de  sa  part  commettre  une  double  faute  *  que  d'obliger  York 
Il  envoyer  près  de  la  moitié  de  son  corps  aussi  loin  de  la  ligne 
qu'il  aurait  à  suivre  pour  rejoindre  le  gros  de  l'armée;  c'était  lui 
imposer  volontairement  des  retards  inutiles  et  le  mettre  presque 
dans  l'impossibilité  de  concentrer  son  corps  et  de  marcher  avec 
toutes  ses  forces  réunies  dès  qu'il  aurait  été  relevé  sous  Metz  par 
les  renforts  qui  s'approchaient.  L'entêtement  mis  par  Blùcher  îi 
vouloir  se  rendre,  presque  sans  coup  férir,  maître  des  places  de 
Lorraine  ne  peut  s'expliquer  que  d'une  seule  façon  :  le  feld-maré- 
chal  espérait  que  les  conunandants  de  ces  forteresses  s(î  laisse- 
raient intimider,  oinriraient  à  York  les  portes  des  villes  fortes 
qu'ils  étaient  chargés  de  défendre  et  suivraient  le  dé])lorable 
exemple  donné  tout  récemment  par  les  officiers  auxquels  l'Em- 
)»ereur  avait  confié  les  places  de  Hollande  et  qui,  presque  tous, 
avaient  capitulé  à  la  première  sommation  de  Bùlow  et  de  ses 
lieutenants. 

Malgré  le  mécontentement,  assez  naturel  d'ailleurs,  qu'il 
é])rouva  à  la  réception  d'un  ordre  qui  le  chargeait  d'une  mission 
aussi  ingrate  que  difficile,  York  prit  immédiatement  les  mesures 
nécessaires  pour  se  conformer  aux  dispositions  nouvelles  que 


1  Clause witz,  dans  sa  Critique  stratégique  de  la  campagne  de  1814,  a  lui- 
môme  condamne  cette  opération  en  disant  :  u  Comme  le  plan  entier  de  la  cam- 
pagne consistait  à  amener  le  plus  rapidement  possible  une  grande  bataille 
décisive,  la  prise  de  quelques  forteresses  ne  pouvait  constituer  en  tous  cas 
qu'un  objectif  absolument  secondaire,  dont  on  devait  s*occuper  seulement  après 
avoir  porté  ce  coup,  ou  bien  dans  le  cas,  improbable  d'ailleurs,  où  la  guerre 
aurait  pris  un  caractère  traînant.  H  importait  donc  d'employer  le  moins  de 
troupes  possible  pour  paralyser  l'action  des  places  occupées  par  les  Français.  II 
suffisait,  par  suite,  surtout  dans  le  principe  et  jusqu'à  l'arrivée  des  réserves, 
de  s'occuper  uniquement  de  celles  qui  étaient  situées  sur  les  routes  môme  ou 
à  proximité  des  routes  par  lesquelles  on  marchait,  d'observer  simplement  celles 
d'entre  elles  qui  étaient  peu  importantes  et  de  n'investir  que  celles  qui  avaient 
une  valeur  réelle. 

«  On  pouvait  ranger  parmi  les  premières,  Erfurt,  Wiirzburg,  les  places 
d'Alsace  et  Strasbourg  ;  parmi  les  deuxièmes,  Mayence,  Landau,  Sarrelouis, 
Thionville,  Metz,  Luxembourg,  Longivy  et  éventuellement  Verdun,  et  65,000 
hommes  suffisaient  amplement  à  cet  eTet.  » 


—  222  — 

Blûcher  avait  arrêtées  le  IS  au  soir.  Aux  termes  de  ces  disposi- 
tions, une  des  brigades  d'infanterie  du  I^'  corps  devait  investir 
Metz,  de  Colombey  par  Magny-sur-Seille  jusqu'à  Montigny-les- 
Metz.  La  cavalerie  de  Tavant-garde  devait  fournir  les  troupes  d'in- 
vestissement de  Saint-Julien  à  Montigny;  l'autre  brigade  restait 
en  soutien,  et  la  cavalerie  de  réserve  était  destinée  à  suivre  le 
mouvement  de  retraite  de  l'ennemi  sur  Verdun. 

Le  17,  la  brigade  d'infanterie,  gardée  jusque-là  en  soutien, 
avait  ordre  de  passer  la  Moselle  à  Ancy  et  de  compléter  l'inves- 
tissement de  Metz.  Le  blocus  de  Thionville  et  de  Luxembourg 
devait  être  également  chose  faite  à  la  date  du  17,  jour  où  le  corps 
Sacken,  dont  les  quartiers  s'étendaient  de  Chdteau-Salins  à 
Nancy,  ferait  occuper  cette  dernière  ville  par  une  brigade  d'in- 
fanterie et  aurait  à  pousser  de  l'infanterie  à  Pont-à-Mousson  et  à 
faire  suivre  l'ennemi  par  sa  cavalerie  tant  dans  la  direction  de 
Commercy  que  dans  celle  de  Bar-le-Duc.  Blûcher  insistait,  en 
outre,  sur  les  mouvements  de  la  cavalerie  de  Borosdin  et  de  l'in- 
fanterie d'Olsufiew,  dont  la  division,  déjà  arrivée  à  Sarrebrûck, 
devait  atteindre  le  19  la  ligne  Château-Salins— Nancy. 

16  janvier.  —  Houvement  des  troupes  d'Tork  autour  de 
Metz.  —  York  transféra  par  suite  son  quartier  général  le  16  de 
Longeville  à  Boulay  pendant  que  ses  troupes  exécutaient  autour 
de  Metz  les  mouvements  prescrits.  Toutefois  la  cavalerie  de  ré- 
serve du  général  von  Jûrgass  ne  réussit  pas  à  passer  la  Moselle, 
on  face  d'Ancy,  à  Jouy-aux- Arches  :  le  dégel,  survenu  depuis  la 
veille  au  soir,  avait  grossi  la  rivière,  qui  charriait  de  gros  gla- 
çons, et  le  général,  manquant  absolument  de  moyens  pour 
exécuter  son  passage  au  point  indiqué,  obligé  de  remonter  la 
Moselle  jusqu'à  Pont-à-Mousson ,  ne  put  arriver  que  jusqu'à 
Champey.  Il  en  fut  de  môme  pour  la  brigade  Pirch,  qui  ne  put 
passer  à  Thionville,  et  pour  le  général  von  Horn,  qui,  ne  voulant 
pas  remonter  jusqu'à  Trêves  pour  reprendre  le  chemin  de  Luxem- 
bourg, se  vit  pour  la  même  raison  obligé  de  rester  à  Sierck. 
Henckel,  il  est  vrai,  était  arrivé  à  Betzdorf,  et  un  de  ses  partis, 
sous  les  ordres  du  capitaine  von  Osten,  avec  un  escadron,  battait 
l'estrade  au  nord  de  Luxembourg,  entre  Mersch  et  Arlon. 

Henckel  envoie  des  partis  sur  Arlon.  —  Henckel  profita  de 


—  223  — 

la  présence  auprès  du  général  von  Horn  du  colonel  von  Valenlini, 
chef  d*élal-Hiajor  du  P^  corps,  pour  insister  sur  Tinipossibililé 
presque  absolue  de  se  rendre  maître  de  Luxembourg  par  un 
coup  de  main.  «  Le  feld-maréchal,  écrivait-il  au  général  von 
Horn,  a  été  induit  en  erreur  par  les  rapports  et  les  propositions 
d'un  jeune  officier,  ardent,  désireux  de  trouver  loccasion  de  se 
distinguer,  mais  qui  n'a  pas  pu  et  n  a  j)as  su  se  rendre  compte 
de  la  valeur  et  de  retendue  des  ressources  dont  nous  disposons.  » 
D'ailleurs,  en  admettant  même  qu'Henckel  eût  de  son  côté 
exagéré  la  force  de  la  garnison  de  Luxembourg,  il  est  d'autre 
part  hors  de  doute  que  cette  garnison,  tenue  en  éveil  par  la  pré- 
sence aux  environs  de  nombreux  partis  de  cavalerie,  faisait 
bonne  garde  et  que  la  place,  bien  armée,  ne  pouvait  être  enlevée 
par  surprise.  Le  général  von  Horn  n'eut  pas  grand'  peine  à  con- 
vaincre Valentini,  qui  écrivait  le  jour  même  ii  Henckel  :  «  Le 
général  von  Horn  ne  peut  manquer  de  recevoir  avant  peu,  ainsi 
que  vous,  l'ordre  de  revenir  plus  à  gauche.  »  Mais  comme  nous 
le  verrons,  Valenlini  se  trompait  au  moins  de  quelques  jours, 
puisque  ce  fut  le  21  seulement  que  Blùcher  renonça  enlin  îi  son 
idée  sur  Luxembourg. 

Sacken  à  Nancy.  —  Les  maréchanz  continuent  leur  re- 
traite. —  La  journée  se  passa,  du  reste,  assez  tranquillement. 
Sacken  étîiit  venu  installer  son  quartier  général  ii  Nancy  ;  Blûcher 
avait  le  sien  h  ChiUeau-Salins,  et  les  comnmnications  étaient 
désormais  établies  entre  les  armées  de  Silésie  et  de  Bohême  *. 

Pendant  ce  temps,  les  maréchaux  français  continuaient  leur 
retraite  :  Nev  était  à  ce  moment  à  Bar-le-Duc ,  avec  la  division 
Meunier;  à  rapproche  des  Busses,  Victor  avait  quitté  Toul,  où  il 
n'avait  laissé  que  300  hommes,  pour  rétrograder  jusqu'à  Com- 
niercy;  mais  il  avait  eu  au  moins  l'idée  de  faire  réoccuper  par  les 
dragons  du  général  Briche,  soutenus  par  une  petite  troupe  d'in- 
fanterie, le  pont  de  Commercy,  pendant  que,  sur  l'ordre  de 
Marmont,  le  général  Decouz  marchait  pour  reprendre  possession 
du  pont  de  Saint-Mihiel*. 


*  K,  K.  Kriegs  Arehiv.,  I,  30. 

*  11  est  utile  de  rappeler  eu  passant  que  le  général  Ricard,  en  évacuant 
PoDi-à-Moasaon,  avait  négligé  d*en  détmire  Id  pont  et,  comme  le  montrent  ks 


—  224  

Si  nous  avons  insisté  au  chapitre  II  sur  les  dissentiments  des 
généraux  alliés,  si  nous  avons  essayé  démettre  en  lumière  les  tirail- 
lements et  les  conflits  d'attribution  qui  se  produisaient  à  tout  ins- 
tant dans  les  difl'érents  quartiers  généraux  de  Tannée  de  Bohême, 
il  nous  est  impossible  de  passer  sous  silence  les  mésintelligences 
fatales  des  trois  maréchaux  qui  auraient  dû  plus  que  jamais  com- 
biner leurs  mouvements  et  leurs  opérations,  afin  de  retarder  les 
progrès  de  Tinvasion. 

Nous  avons  déjà  eu  occasion  de  reproduire  à  ce  propos 
une  lettre  de  Grouchy  au  major  général,  de  citer  un  extrait 
d'une  des  dépèches  de  Belliard  à  Berthier.  Mais  ce  fut  surtout 
au  moment  de  l'évacuation  de  Nancy,  de  la  perte  de  la  ligne 
de  la  Moselle,  lorsque  se  produisirent  les  négligences  inexcu- 
sables qui  livrèrent  aux  Alliés  les  ponts  de  Frouard ,  do 
Bouxières-aux-Dames  et  de  Pont-à-Mousson ,  qui  faillirent  leur 
donner  ceux  de  Saint-Mihiel  et  de  Commercy,  que  les  récrimina- 
tions, les  plaintes  des  maréchaux  l'un  contre  l'autre  prirent  des 
proportions  inquiétantes.  Le  maréchal  Victor  est,  de  loue-,  celui 
qui  paraît  le  plus  irrité,  le  plus  mécontent,  ])robablement  parce 
qu'il  est  de  tous  celui  qui  a  encouru  les  plus  sévères  reproches 
de  la  part  de  TEmpereur. 

Avant  d'évacuer  Toul,  il  écrit,  en  effet,  au  major  général,  le  16 
au  soir,  pour  lui  faire  ressortir  les  inconvénients  du  partage  du 
commandement  ;  mais  au  lieu  de  se  déclarer  prêt  à  servir  sous  les 
ordres  de  celui  d'entre  eux  auquel  l'Empereur  confiera  la  direc- 
tion supérieure,  il  sollicite  dans  ce  cas  la  faveur  d'être  employé 
ailleurs  :  «  Il  est  probable,  écrit  le  duc  de  Bellune,  que  si 
Sa  Majesté  ne  réunit  pas  sous  un  seul  commandement  le  2^  corps, 
celui  du  prince  de  La  Moskowa  et  celui  du  duc  de  Tarente,  les 


Mémoires  de  Grouchy,  n'avait  mémo  pas  jugé  à  propos  de  donner  avis  de  sa 
retraite  aux  troupes  sous  les  ordres  de  Ney  et  de  Victor. 

Le  gdncral  Meynadier,  chef  d'état-inajor  de  Marmont,  avait,  en  effet,  ordonné 
le  i7,  à  10  heures  du  matin,  au  général  Ricard,  de  faire  partir  immédiate- 
ment 150  hommes  d'infanterie  et  100  chevaux,  avec  un  ofllcior  de  choix,  pour 
Saint-Mihiel,  où  ce  détachement  devait  garder  les  ponts,  les  défendre  et  les 
couper  si  l'ennemi  se  présentait  en  force  avant  Tarrivée  de  la  2*  division  de 
jeune  garde  du  général  Decouz.  Quelques  heures  plus  tard,  le  maréchal, 
informé  de  l'occupation  de  Saint-Mihiel  par  les  coureurs  alliés,  prescrivait  à 
Ricard  de  rallier  sa  division  à  Fresne  et  d'être  en  hataille  le  18,  à  3  heures  du 
matin,  à  Manheulles,  où  le  maréchal  se  réservait  de  lui  envoyer  des  ordres. 


—  2S5  — 

ennomis  iront  aussi  loin  qu'ils  lo  voudront  sans  obstacles.  Lo 
duc  do  Kaguso  a  quitté  pendant  la  nuit  dcrni(>rft  la  position  de 
Pont-fi-Mousson  sans  qu(î  j'en  fusse  prévenu.  Je  ne  l'ai  appris 
qu'indirectement.  Les  troupes  du  prince  de  La  Moskowa,  qui 
étaient  à  Void  s'en  sont  allées  je  ne  sais  où,  et  je  n'en  ai  été 
instruit  que  de  la  môme  manière.  De  pareilles  dispositions  ne 
peuvent  être  que;  nuisibles  au  bien  du  service,  et  il  en  arriverait, 
si  l'on  n'y  apportait  remède,  que  des  troupes  découvertes, 
comme  le  sont  les  miennes  aujourd'hui,  seraient  compromises. 
Je  suis  persuadé  que  les  trois  corps,  réunis  sous  le  commande- 
ment d'un  seul  maréchal,  seraient  en  élat  d'arrêter  les  progrès 
de  l'ennemi,  tandis  que  divisés  comme  ils  le  sont,  leur  ser\'ice 
est  absolument  nul.  Je  prie  donc  Votre  Altesse  de  solliciter  cette 
réunion  de  Sa  Majesté.  Si  l'Empereur  y  consent  et  que  Sa  Majesté 
ait  jeté  les  yeux  sur  un  autre  que  moi,  comme  je  dois  le  croire^ 
pour  lui  confier  le  commandement,  je  la  prierai  alors  de  m'appe- 
1er  à  une  armée  où  mes  services  puissent  être  utiles,  » 

Quelques  heures  plus  tard,  Ney  écrivait  dans  le  mémo  sens  de 
Bar-le-Duc,  le  17  au  matin,  à  Berthier  :  «  Un  détachement  de 
cavalerie  ennemie  est  entré  h  Saint-Mihiel  et  pousse  des  pointes 
sur  Commercy.  On  affirme  qu'une  autre  colonne  avec  de  l'infan- 
terie est  arrivée  à  Neufchàteau,  Ce  sont  sans  doute  ces  démons- 
trations sur  les  flancs  du  ^^  corps  qui  ont  déterminé  la  retraite 
du  duc  de  Bellune.  Le  maréchal  a  dû  sans  doute  donner  il  Votre 
Altesse  des  renseignements  plus  étendus;  mais  comme  il  me 
laisse  ignorer  et  ce  quil  a  fait  et  ce  qu'il  veut  faire,  comme  je  nai 
de  ses  nouvelles  qu4*  quand  ses  troupes  refluent  sur  les  miennes, 
je  me  borne  à  recueillir  auprès  des  autorités  civiles  les  rapports 
qui  leur  par\iennent.  J'ai  fait  partir  un  de  mes  aides  de  camp 
pour  savoir  où  se  trouve  le  quartier  général  du  2«  corps,  afin 
d'avoir  avec  le  duc  de  Bellune  une  entrevue  que  je  crois  néces- 
saire au  bien  du  service.  » 

Pour  ce  qui  est  de»  Marmont,  nous  avons  déjà  eu  lieu  de  parler 
de  ses  dépèches  du  13  janvier,  des  récriminations  qu'elles  conte- 
naient à  propos  des  mouvements  du  prince  de  La  Moskova  et  du 
diuî  de  Bellune;  mais  le  du<'  (h»  Ragusc,  lui  non  plus,  ne  s'en  tint 
pas  h\.  Dans  son  rapport  du  16  au  major  général,  il  va  presque 
jusqu'à  rendre  le  maréchal  Ney  responsable  de  la  faute  commise 
par  Ricard  à  Ponl-à-Mousson.  «  11  est  fâcheux,  écrit-il,  que  le 

w«ii.  \  5 


—  226  — 

prince  de  La  Moskowa  n'ait  pas  ordonné  de  couper  le  pont  sur  la 
Moselle  à  Frouard,  h  Tinstant  où  il  a  évacué  Nancy.  Le  général 
Ricard  aurait  alors  également  fait  couper  celui  de  Pont-à-Mous- 
son,  et  j'aurais  pu  alors  rester  sur  la  Moselle,  me  porter  en 
masse  sur  Pont-à-Mousson...  »  Et  il  ajoute  :  «  Maintenant  que 
l'ennemi  est  maître  du  défilé  de  Pont-à-Mousson  et  du  pont  dt; 
Frouard,  une  opération  de  ce  genre  sur  la  rive  gauche  de  la 
Moselle  serait  impraticable  quand  môme  l'inondation  viendrait  à 
disparaître.  » 

Le  lendemain  17,  il  revient  avec  encore  plus  de  violence  sur  ce 
sujet,  dans  sa  dépêche  datée  d'Harville,  9  heures  du  soir  : 
«  J'avais  envoyé  hier,  écrit-il  au  major  général,  des  officiers  en 
poste  pour  préparer  la  défense  de  la  Meuse  et  faire  sauter  les 
ponts  depuis  Saint-Mihiel:  mais  la  fatale  imprévoyance  du  prince 
de  La  Moskowa  qui,  en  évacuant  Nancy,  n'a  pas  fait  sauter  le 
pont  de  Frouard,  a  donné  à  l'ennemi  les  moyens  d'arriver  sur  la 
Meuse  avant  moi  et  a  empêché  mes  dispositions  d'avoir  leur 
effet.  L'officier  que  j'avais  envoyé  h  Saint-Mihiel  m'annonce  que 
l'ennemi  y  est  entré  en  force...  Ainsi,  la  conservation  du  pont  do 
Frouard  nous  a  privés  à  la  fois  de  la  défense  de  la  Moselle  et  de 
celle  de  la  Meuse.  S'il  eût  été  coupé,  il  est  probable  que  nous 
eussions  défendu  la  Moselle  quatre  à  cinq  jours,  et  la  défense  de 
la  Meuse  ayant  été  préparée,  elle  aurait  arrêté  l'ennemi  au  moins 
^  autant  de  temps.  »  Toutes  ces  récriminations  étaient  évidemment 
fondées,  et  les  plaintes  de  chacun  des  maréchaux  parfaitement 
légitimes  en  elles-mêmes.  On  comprend,  par  suite,  quelles  rela- 
tions pouvaient  exister  entre  des  chefs  qui,  au  lieu  de  s'entendre 
et  de  se  concerter,  ne  cherchaient  qu'à  s'accuser  mutuellement 
et  à  rejeter  les  uns  sur  les  autres  tout  le  poids  des  fautes  qu'eux 
et  leurs  lieutenants  avaient  commises.  Il  en  était,  d'ailleurs,  de 
même  en  Belgique,  où  le  général  Koguet,  n'obéissant  qu'à  regrel 
à  Maison,  réclamait  auprès  du  duc  de  Plaisance  et  de  Drouol, 
aide-major  de  la  garde,  contre  les  ordres  qu'il  recevait  de  son 
général  en  chef. 

17  janvier.  —  Marche  de  Biron  sur  TouL  —  Cavalerie  du 
général  von  Jûrgass  en  avant  de  Pont-à-Housson.  —  Le  17  au 

malin,  Biron,  suivi  par  une  partie  de  l'infanterie  russe  de  Sac- 
ken,  se  dirigeait  de  Nancy  vers  Toul  et  arrêtait  le  gros  de  son 


-  227  — 

corps  îi  GoiidrevillL',  doù,  escorté  par  quclcpics  cavaliers,  il  se 
porta  en  avant  pour  reconnaître  les  abords  do  la  place.  Son 
corps  volant  se  cantonnait  tant  bien  que  mal  à  Gondrevilh^  et 
servait  de  pointe  d'avant-garde  à  la  cavalerie  de  WassillchikotV. 
pendant  qne  le  général  von  Jûrgass,  avtîc  la  cavalerie  de  réserve 
du  I®'  corps,  passait  la  Moselle  h  Pont-à-Mousson  et  poussait  jus- 
(pi'à  Thiaucourt  son  avant-garde,  forte  dci  deux  escadrons,  sous 
les  ordres  du  major  von  Woïsky.  L'arrière-garde  française  était 
à  ce  moment  en  position  près  de  Saint-Benoit  en  Wœvre. 

Plus  au  nord,  le  général-major  von  Horn  avait,  non  sans  peine, 
réussi  ;\  passer  la  Moselle  à  Remich,  et  l'infanterie  d(^  la  2"  bri- 
gade ayant  relevé  la  cavalerie  devant  Metz,  le  lieutenant-colonel 
von  Stutlerheim  se  porta  avec  quelques  escadrons  sur  la  route  de 
Pont-tVMousson  jusqu'à  Corny. 

Mouvements  de  Sacken,  d^une  partie  du  corps  de  Lan- 
geron  et  de  la  cavalerie  de  Eleist.  —  Les  troupes  d(^  Sacken 
étaient  toujours  entre  Cliàteau-Salins  et  Nancy;  mais  la  cavalerie 
du  général  Borosdin  (dragons  de  Mittau  et  de  la  Nouvelle-Kussie, 
2e  et  4®  régiments  de  cosaques  de  l'Ukraine)  était  arrivée  à  Saint- 
Avold,  précédant  la  division  d'infanterie  d'Olsufiew,  en  marche 
de  Forbacli  sur  Saint-Avold.  Le  général  von  Rôder,  avec  la  cava- 
lerie du  II*'  corps  (Kleist)  occupait  Trêves  dès  le  7  au  soir,  comme 
nous  l'avons  dit. 

Observations  dTork  en  réponse  aux  ordres  de  Blûcher.— 

Enfin,  York,  après  s'être  conformé  aux  ordres  de  Blucher,  adres- 
saitce  jour-là  au  feld-maréchal,  en  réponse  aux  instructions  du  15, 
quelques  observations,  dans  lesquelles  il  lui  exposait  les  diffi- 
cultés inséparables  d'opérations  aussi  complexes  que  celles  qui, 
dans  l'esprit  du  feld-maréchal  devaient  assurer  h  l'armée  de 
Silésie  la  possession  de  Sarnîlouis,  Metz,  Thionville  et  Luxem- 
bourg. Une  semblable  entreprise  était  d'autant  plus  difficile  que, 
comme  l'écrivait  le  commandant  du  I«*'cor])s,  il  n*avait  à  sa  dispo- 
sition ni  équipage  de  pont,  ni  artillerie  de  siège,  et  ([ue  l'eflectif 
total  du  corps  d'armée,  auquel  les  marches  exécutées  depuis  le 
j)assage  du  Rhin  avaient  déjà  coûté  plus  de  3,000  hommes,  était 
tombé  à  ce  moment  au-dessous  de  17,000  hommes.  York  termi- 
nait sa  lettre  en  disant  au  feld-maréchal  qu'il  allait  en  personne 


22S  

se  rnuln?  devant  les  places  de  la  Moselle,  les  recoiinailre,  alin 
do  voir  si  une  pareille  entreprise  pouvait  ou  non  ôtrc  tentée  avec 
quelque  chance  de  succès. 

18  janvier.  —  Marche  de  la  division  Liewen  surTouL  — Le 

18  au  matin,  Birou  et  Wassiltchikoft  avaient  reconnu  de  nouveau 
Toul,  dont  le  commandant  et  le  maire  refusèrent  de  capituler. 
Convaincus,  dès  lors,  qu'on  ne  pouvait  s'emparer  de  la  place  sans 
infanterie,  et  surtout  sans  artillerie,  ils  firent  aussitôt  partir  de 
Gondreville  pour  Nancy  un  officier  qui  rendit  compte  de  la  situa- 
tion îi  Bliicher  en  personne.  A  ce  moment,  du  reste,  la  divi- 
sion d'infanterie  du  général  Liewen,  du  corps  Sacken,  était  déjà 
en  marche  sur  Toul*. 

Rôle  de  la  cavalerie  française.  —  De  leur  côté,  les  cavaliers 
français  avaient  su  conserver  le  contact  avec  l'ennemi  et  décou- 
vrir à  l'aide  de  renseignements  fournis  par  les  gens  du  pays  les 
principaux  mouvements  de  leur  adversaire.  C'est  ainsi  que  le  18, 
à  deux  heures  de  l'après-midi,  Grouchy  *  pouvait  écrire  au  major 
général  :  «  Les  cosaques  sont  établis  entre  Neufchîtteau  et  Gon- 
drecourt.  Le  corps  York  suit  Marmont  dans  la  direction  de  Metz 
h  Verdun.  Le  corps  Sacken,  qui  s'est  dirigé  sur  Pont-à-Mousson 
et  Nancy,  est  devant  moi  ;  celui  de  Kleist  '  paraît  s'être  arrêté 
devant  Thionville.  »  Sur  la  foi  de  ses  renseignements,  il  avait,  dès 
le  matin,  envoyé  à  sa  l*"**  division,  stationnée  k  Sorcy,  l'ordre  de 
rejoindre  la  division  Briche,  h  Commercy,  pour  en  défendre  le 
pont  jusqu'à  la  dernière  extrémité,  et  de  se  replier  ensuite,  si  elle 
y  était  contrainte,  sur  Saint-Aubin,  où  elle  se  mettrait  en  ba- 
taille*. 

Mouvements  des  corps  Langeron  et  Tork.  —  Quant  aux 
troupes  d'infanterie  du  corps  Langeron,  qui  venaient  renforcer 


*  K.  K,  Kriegs  Arckiv.,  I,  31. 

'  Grouchy,  Mémoires. 

»  Grourliy  ne  commet  d'erreur  qu'on  ce  qui  touche  Kleist.  dont  rinfantoric 
commençait  ce  jour-là  à  passer  le  Hliin  à  Coblence.  La  cavalerie  sous  Hoder 
était  arrivée  la  veille  seulement  a  Trêves.  11  n'y  avait  à  ce  moment  devant 
Thionville  que  la  hri;rade  du  gênerai  von  Pirch,  du  1"'  corps. 

*  GnoucHY,  Mémoires, 


—  229  — 

Sarken,  elles  ôlaienl  arrivons  h  haulour  do  Château-Salins  ot  d(î 
Faulqueniont.  L(^  général  Borosdin,  ({ui  les  avait  précc^dées  avec 
sa  cavalerie,  recevait  l'ordre  d'en  poussfT  une  partie  sur  Ponl-à- 
Mousson,  afin  d*êtrc  désonnais  en  mesun»  de  coopérer  de  ce 
coté  à  l'investissement  de  Metz. 

York  avait,  dès  le  17  au  soir,  envoyé  h  ses  généraux  des  ordres 
déterminant  la  nature  des  opérations  h  entreprendre  contre  les 
places  de  la  Sarre  et  de  la  Moselle,  (;t  fixant  d'une  manière  pré- 
cise le  temps  qu'ils  devaient  y  consacrer  et  l'étendue  des  eftbrls 
qu'ils  avaient  à  faire  h  cet  efl'et. 

Dès  le  18,  il  diriginiit  le  prince  Guillaume,  avec  le  gros  de  son 
avant-garde,  sur  Pont-à-Mousson  ;  le  lieutenant-colonel  von  Stut- 
terheim,  avec  la  pointe  de  celte  avant-garde,  allait  h  Vandières 
et  envoyait  des  patrouilles  vers  Metz  et  Grav(»lolle.  Le;  colonel 
von  Warburg,  avec  sa  brigade,  et  le  lieutenant-colonel  von 
Stossel  restaient  dans  leurs  anciennes  positions  devant  Mt^tz.  Le 
général  von  Jùrgass,  avec  sa  brigade  de  dragons  et  une  batterie 
h  cheval,  venait  à  Thiaucourt  et  portait  son  avant-garde  à  Saint- 
Benoit  sur  la  route  de  Pont-à-Monsson  à  Verdun. 

Ce  môme  jour,  Marmont  arrivait  à  Verdun  et  le  général  Ricard 
s'était  replié  dans  la  même  direction,  couvert  par  une  arrière- 
garde,  qui.  Il  l'approche  de  la  (.'avalerie  prussienne,  se  retira  en 
passant  par  Fresnes-en-Wœvre. 

Affaire  de  Saint-Mihiel.  —  Marmont,  il  importe  de  le  recon- 
naître, avait  été  induit  en  erreur  par  la  fausse  nouvelle  d'un  mou- 
vement sérieux  des  Prussiens  sur  Saint-Mihiel  et  par  l'annonce 
de  l'entrée  de  leur  avant-gard(î  dans  cette  ville.  Le  fait  même  que 
ce  renseignement  lui  avait  été  fourni  par  l'un  des  officiers  qu'il 
employait  habituellement  h  courir  le  pays  était  de  nature  à  le 
convaincre  de  l'tîxactitude  d'une  nouvelle,  d'autant  plus  probable 
que  l'armée  de»  Silésie  possédait,  depuis  le  14,  le  pont  de 
Frouard,  et  qu'il  n'y  a  en  somme  (pie  2  ou  3  marches  au  plus  de 
Nancy  à  Saint-Mihiel.  La  retraite  inopinée  et  précipitée  du  gé- 
néral Ricard,  qui  s'était  retiré  de  Pont-à-Mousson  si  vivement 
(ju'il  n'avait  pas  cru  pouvoir  s'arrêter  à  Thiaucourt,  d'oii  il  aurait 
su  il  quoi  s'en  tenir  sur  les  prétendus  mouvements  du  l^^  corps 
prussien,  contribuait  encore  h  donner  plus  de  vraisemblance  à 
cette  nouvelle.  Mais  dès  que  le  maréchal  put  présumer  par  les 


—  230  — 

rapports  qu'il  roriit  le  18  au  malin,  que  les  Prussiens  n  étaient 
pas  on  force  h  Saint-Mihiel,  il  se  hâta  d'y  envoyer  un  détache- 
ment d'infanterie  et  de  cavalerie  qui,  sous  les  ordres  de  son  aid(» 
(le  camp,  le  colonel  Fabvier,  y  surprit  et  en  chassa  les  cosaques. 
Le  colonel  réoccupa  donc  Saint-Mihiel  et  prit  aussitôt  toutes  les 
mesures  nécessaires  pour  rompre  le  pont  si  Ton  était  contraint 
d'abandonner  de  nouveau  la  ville.  A  ce  moment  donc,  Marmont, 
dont  les  troupes  étaient  à  Verdun,  dont  rarrière-garde  était 
encore  à  Haudiomont  avec  des  partis  à  ManheuUes,  était  en  situa- 
tion de  défendre  la  Meuse  aussi  longtemps  que  le  corps  du  maré- 
chal Victor  se  maintiendrait  sur  les  rives  de  ce  fleuve. 

Affaire  de  cavalerie  à  Hollerich.  —  A  Textrôme  droite  de 
l'armée  de  Silésie,  Henckel,  qui  avait  reçu  Tordre  de  se  diriger, 
le  23,  sur  Longwy  et  d'être  le  26  à  Saint-Mihiel,  avait  contourné 
Luxembourg  et  était  venu  s'établir  h  Bertrangç,  pendant  que 
Horn  restait  sur  les  positions  qu'il  occupait  déjh  la  veille. 

Pendant  cette  marche,  un  do  ses  escadrons,  conduit  par  le 
capitaine  von  Allenstein,  avait  eu  une  afi'aire  avec  un  détache- 
ment d'infanterie  qui,  sorti  de  la  place,  tenta  infructueusement 
de  rempôcher  d'entrer  dans  le  village  d'Hollerich,  et  fut,  après 
une  charge  de  cavalerie,  obligé  de  se  retirer  sur  Luxembourg. 

Mouvements  et  positions  du  corps  de  Saint-Priest.  — 
Raid  du  corps  volant  du  majorvonFalkenhausen.  — Le  géné- 
ral de  Sainl-Priest  s'était,  de  son  côté,  porté  par  Andornach  et  Re- 
magen  sur  Malmédy,  Dinant  et  Givet,  formant  ainsi  l'extrême  droite 
de  Blùcher.  On  avait,  enoulre,  fait  partir  pour  Arlon  une  colonne 
volante  qui,  sous  les  ordres  du  major  von  Falkenhauson,  devait 
enïpôchor  la  conscription  et  la  levée  dans  le  département  de» 
Sambre-ot-Meuse\ 

Positions  de  Tarrnée  de  Silésie.  —  Il  suffit,  il  nous  semble, 
de  jeter  un  coup  d'œil  sur  les  positions  des  diflérentcs  fractions 
de  l'armée  do  Silésie,  pendant  les  journées  du  15  au  18  janvier, 
pour  voir  que  les  Français  auraient  pu  aisément  profiter  de  leur 


*  Rapport  du  major  von  Falkenliausen  sur  Toccupation  du  département  de 
Sambre-ct-Mcuse.  {K,K,Krieij$Archu\,\y  ad.  690.) 


—  231  — 

(^p«nrpillemonl  sur  un  front  qui  s'étendait  depuis  Luxembourg 
jusqu'au-dessus  d(î  Pont-à-Mousson,  et  m^me  jusque  vers  Toul. 
Jusqu'au  18  au  malin,  n'ayant  devant  eux  que  de  la  cavalerie 
précédant  à  une  assez  grande  dislance  quelqucîs  petits  groupes 
d'infanterie,  ils  pouvaient  se  masser  sur  un  point  quelconque  de 
celle  longue  ligne,  forcer,  ce  qui  n'eût  pas  été  bien  diflîcile,  le 
passage  de  la  Moselle  et  tomber,  par  exemple,  sur  la  droite  du 
!«'  corps  de  rarmé(;  de  Silésie,  au  nord  de  Metz,  et  se  rabattre  de 
là  sur  ses  derrières.  Un  mouvement  de  ce  genre,  ((ue  les  trois 
maréchaux  Ney.  Vi<*lor  et  Marmont  pouvaient  tenter  d'autant  plus 
aisément  qu'ils  auraient  eu  sur  York  l'avantage  du  nombre, 
aurait  assurément  eu  des  conséquences  considérables.  Il  ne  leur 
fallait  pour  cela  qu'un  peu  d(^  confiance  en  eux-mêmes  et  en  leurs 
troupes.  Mais  une  pareille  entreprise,  d'autant  moins  dangereuse 
([ue  Macdonald  couvrait,  du  côté  de  la  basse  Meuse,  la  gauche 
des  Français,  n'eût  été  possible  que  si  l'Empereur  avait  préala- 
blement confié  l(î  commandement  supérieur  à  l'un  de  ses  lieute- 
nants. Investi  de  l'autorité  nécessaire  pour  remédier  au  déplo- 
rable décousu  des  opérations,  le  général  en  chef  aurait  en  tous 
cas  imprimé  une  direction  unique  h  la  retraite,  que  chacun  des 
maréchaux  exécuta  pour  son  propre  compte,  sans  se  soucier  des 
corps  voisins,  sans  même  les  informer  de  mouvements  rétro- 
grades effectués  avec  une  rapidité  et  une  précipitation  que  riei 
ne  motivait. 

Faute  de  cette  direction  unique  et  énergique,  on  laissa  échapper 
le  moment  où  il  était  encore  possible  de  réparer  les  inexcusables 
négligences  commises  h  Frouard,  Bouxiéres  et  Pont-à-Mousson  ; 
on  perdit  l'occasion  de  reprendre  pied  sur  la  rive  droite  de  la 
Moselle,  de  jeter  le  désordre  et  la  confusion  dans  les  colonnes 
éparses,  dans  les  petits  paquets  de  l'armée  de  Silésie,  de  l'obliger 
sinon  h  se  replier  sur  la  Sarre,  du  moins  h  s'arrêter  pour  se  con- 
centrer. Quelles  n'eussent  pas  été  les  conséquences,  sinon  d'un 
échec  sérieux  infligé  à  cette  armée,  du  moins  d'un  temps  d'arrêt 
passager,  d'un  accroc  transitoire,  d'un  mouvement  rétrograde  de 
quelques  marches  qui,  en  découvrant  momentanément  l'aile 
droite  de  l'armée  de  Bohême,  aurait  certainement  porté  le  trouble 
dans  l'esprit  naturellement  inquiet  du  généralissime?  Un  pareil 
événement  eût  vraisemblablement  suffi  pour  que  Schwarzenberg, 
épouvanté  de  la  responsabilité  écrasante  qu'il  ne  se  sentait  pas  de 


—  232  — 

force  II  porter,  et  qui  hésitait  déjà  à  dépasser  le  plateau  de 
Langres,  se  décidât  à  s'y  arrêter  avec  le  gros  de  ses  forces  et  à 
détourner  de  leurs  directions  les  Wurtembergeois  du  prince 
Royal  et  les  Austro-Bavarois  de  Wrède  *. 

19  janvier.  —  Ordres  de  l'Empereur.  —  C'était  d'ailleurs 
bien  là  ce  que  l'Empereur  reconnut,  tardivement,  il  est  vrai,  et 
c'est  pour  cette  raison  qu'il  écrivait  de  Paris,  le  19  janvier,  au 
major  général  : 

«  Mon  cousin,  on  ne  peut  plus  rien  concevoir  à  la  conduite  du 
duc  de  Bellune.  Arrivez  aux  avant-postes  avant  demain  matin  20. 
Assurez  la  défense  de  la  Meuse,  donnez  le  commandement  au 
meilleur  général.  Joignez-y  la  division  de  jeune  garde.  Renvoyez 
le  duc  de  Bellune;  donnez  le  commandement  de  tout  au  duc  de 
Raguse  et  restez  jusqu'à  ce  que  le  duc  de  Raguse  ait  pris  toutes 
les  mesures  pour  la  défense  de  la  Meuse  et  pour  se  battre.  » 

Le  môme  jour  encore,  complétant  sa  pensée  et  jugeant  de  loin 
la  situation  aussi  nettement  que  s'il  avait  été  sur  les  lieux,  il 
adressait  à  ses  maréchaux  les  instructions  contenues  dans  la  pièce 
qu'on  va  lire  : 

«  Paris,  19  janvier  1814.  —  L'ennemi  n'a  passé  la  Meuse 
qu'avec  de  la  cavalerie;  il  faut  l'attaquer  et  reprendre  celte  ligne. 


i  l\  noas  paraît  utile  de  reproduire  ici  une  partie  des  instructions  générales 
que  l'Empereur,  après  avoir  reconnu,  le  i3  janvier,  que  l'ennemi  opérait  en 
trois  masses,  adressait  au  corps  d'Anvers,  aux  ducs  do  Tarenle,  de  Raguse,  de 
Bellune,  de  Trévise  et  au  prince  de  La  Mosko\%  a,  et  d'en  extraire  ce  qui  a  trait 
à  la  marciie  <ie  Uliicber  : 

«  n  se  porte,  disait- il,  sur  la  Sarre,  et,  dés  lors,  il  a  à  masquer  Sarrelouis. 
S'il  passe  la  Sarre  et  qu'il  se  porte  sur  la  Moselle,  il  devra  masquer  Luxem- 
bourg, Thionville,  Marsal  et  Metz.  Son  corps  sera  à  peine  suffisant  pour  r^s 
opérations.  Le  duc  de  Raguse  doit  l'observer,  le  contenir,  manœuvrer  entre 
ces  places  et  si,  par  une  cbance  qui  n'est  pas  présumahle,  ce  marérbal  était 
obligé  de  repasser  la  Moselle,  il  jetterait  la  division  Durutte  dans  Metz  et  pré- 
viendrait toujours  l'ennemi  sur  le  grand  cbemin  de  Paris.  Djins  cette  supposi- 
tion, le  duc  (Je  ïarente,  qui  réunit  un  corps  sur  la  Meuse,  observerait  le  flanc 
droit  de  l'ennemi,  défendrait  Liège  et  la  Meuse,  et  suivrait  toujours  le  flanc 
droit  de  l'ennemi,  do  manière  à  ne  pas  cesser  de  couvrir  les  débouchés  do 
Paris.  Si,  au  contraire,  Blucher  après  avoir  tâté  la  Sarre  se  porte  sur  la  basse 
Meuse  pour  menacer  la  Belgique,  le  duc  do  Tarente  défendra  la  Meuse,  et  le 
duc  de  Raguse  suivra  le  flanc  gauche  de  l'ennemi  pour  observer  ses  mouve- 
ments, le  contenir,  le  retarder  et  lui  faire  le  plus  de  mal  possible.  »  (Corres- 
pondance de  Napoléon,  21091.) 


—  233  - 

Si  cela  nVHail  pas  possibles  ol  que  Ton  dût  se  reployor,  le  duc  de 
Ragiise  défendrait  l'arrivée  de  l'eiinenii  sur  Chàlons  eu  lui  dij<pu- 
laut  la  route  d(;  Verdun  à  Chàlons. 

((  Le  diui  de  Bellune  et  le  prince  de  La  Moskowa  prendraient  la 
position  de  Vitry-le-François,  oii  ils  se  l)altrai(*nl. 

«  Dans  cette  position,  le  duc  de  Kaguse  formerait  la  gauche,  le 
duc  de  Bellune  et  le  prince  de  La  Moskowa  le  (centre,  le  duc  do 
Trévise  la  droite. 

(c  Le  général  Dufour  est  à  Arcis-sur-Aubc  avec  quatre  batail- 
lons et  16  canons.  Le  duc  de  Trévise  est  h  Chauniont  av(?c  les 
d(;ux  divisions  de  vieille  garde  et  la  brigade  du  général  Hour- 
mont,  composée  de  trois  bataillons  du  i  13«;  deux  bataillons,  aux 
ordres  du  général  Curial,  sont  à  Chàlons;  trois  bat;iillons  cou- 
chent le  15  à  Meaux,  se  dirigeant  sur  Chàlons. 

«  La  division  de  jeune  gardt»  du  général  Rotlembourg  est  éga- 
lement en  marche,  se  dirigeant  sur  Chàlons Le  général  do  La 

Hamelinaye  est  à  Troyes.  » 

Mouvements  du  corps  Sacken  vers  Toul,  des  cosaques 
vers  Vaucouleurs,  d'Olsufiew  vers  Nancy.  —  Mais  au  momc^nt 
où  l'Empereur  donnait  ces  ordres,  il  était  déjà  trop  tard  ])our 
réparer  les  fautes  commises  par  les  maréchaux. 

La  division  Liewen,  du  corps  Sacken,  s'approchait  de  Toul  et 
devait  arriver  le  20  au  matin  sous  les  nmrs  de  cette  place,  que 
Biron  et  WassiltchikolV  continuaient  à  observer  avec  leur  cava- 
lerie :  «  J'envoie  de  Colombey-les-Belles  de  la  cavalerie  sur  Toul, 
où  l'on  entend  le  canon,  »  écrivait  à  cette  date  Frimont  \ 

Les  cosaques  de  la  cavalerie  de  Sacken  avaient  poussé  vers 
Vaucouleurs  et  y  rejoignaient  le  petit  corps  volant  de  Stscherba- 
toff*,  tandis  ([ue  l'infanterie  du  général  Olsutiew  arrivait  aux 
environs  de  Nancv. 

Mouvements  autour  de  Metz.  —  Du  coté  de  Metz,  la  crue  de 
la  Moselle  avait  immobilisé  le  prince  Guillaume,  qui,  posté  depuis 
la  veille  à  Pont-à-Mousson,  recevait  du  feld-maréchal  l'ordre  de 
rester  sur  ce  point  jusqu'au  moment  où  la  roule  de  Pont-à- 


4   TagetbegebenlieUen,..  (K,  K  Kriêijt  Arehir.,  I,  30.) 

«  Stscherbatoff  à  Schwarzenberg.   (À'.  K.  Kriegt  Archiv.,  1,  445.) 


-►  234  — 

Mousson  redeviendrait  praticable  et  lui  permettrait  de  compléter 
rinveslisscment  de  la  place  par  la  rive  gauche.  En  attendant,  le 
lioulenant-coloncl  von  Stutterheim  s'était  établi  à  Gorze;  ses 
avant-postes  occupaient  Ars-sur-Moselle,  Gravelotte  et  Vaux  pen- 
dant que,  d'autre  part,  la  cavalerie  russe  du  général  Borosdin 
relevait,  dans  la  journée  du  19,  les  postes  fournis  devant  Metz 
par  le  lieutenant-colonel  von  Stôssel. 

Combat  de  cavalerie  de  Hanheulles.  —  Dans  la  nuit  du  18 
au  19,  le  général-major  von  Jùrgass  avait  fait  suivre  l'arrièrc- 
garde  française  par  les  deux  escadrons  du  major  von  Woïssky,  qui 
atteignit  l'ennemi  près  du  village  de  ManheuUes,  îi  la  croisée 
même  des  routes  qui  mènent  de  Ponl-à-Mousson  et  de  Metz  à 
Verdun.  Les  Français  avaient  posté  leur  infanterie  dans  le  village, 
dont  ils  avaient  fait  couvrir  les  abords  par  leur  cavalerie  (10®  ré- 
giment de  hussards)  *.  Le  major  von  Woïssky  les  attaqua  le  19  au 
matin  et  lit  aussitôt  prévenir  le  général,  qui  se  porta  immédiate- 
ment en  avant  avec  les  dragons  de  la  Prusse-Occidentale  et  deux 
pièces  d'arlillerie  à  cheval,  pendant  qu*il  dirigeait  par  Fresnes 
les  dragons  de  Lithuanie  et  le  reste  de  son  artillerie.  Appuyée 
par  les  tirailleurs  d'infanterie  postés  dans  les  maisons  et  les  jar- 
dins du  village,  la  cavalerie  française  repousse  tout  d'abord  les 
charges  des  dragons  prussiens.  Mais  les  feux  de  Tartillerie  prus- 
sienne l'obligent  h  se  replier,  et  le  général  von  Jûrgass  poursuit 
les  Français  jusqu'à  l'entrée  du  défilé  d'Haudiomont.  Recueillis 
sur  ce  point  par  un  détachement  d'infanterie  soutenue  par  quel- 
ques bouches  h  feu,  ils  réussirent  ù  se  maintenir  jusque  dans  la 
matinée  du  20  et  se  retirèrent  sur  Verdun  sans  être  inquiétés.  Le 
général  von  Jiirgass  n'osant  pas,  à  l'approche  de  la  nuit,  attaquer 
une  position  naturellement  forte  et  solidement  occupée  par  des 
troupes  d'infanterie,  s'établit  à  ManheuUes  et  à  Fresnes  avec  ses 
cavaliers,  et  se  borna  à  faire  surveiller  Haudiomont  par  ses 
grand'gardes  et  ses  vedettes  *. 


*  (î encrai  von  Jiirgass,  relation  du  combat  de  ManheuUes  et  rapport  d'York 
à  Bliicher,  de  Pange,  28  janvier. 

*  D'après  Koch,  qui  estime  d'ailleurs  à  1200  chevaux  reffeclif  des  deux  régi- 
ments du  général  von  Jiirgass,  le  général  Picquet  aurait,  au  contraire,  réussi 
à  se  maintenir  à  ManheuUes,  et  Jiirgass,  poursuivi  par  le  10*  hussards,  aurait 
été  obligé  de  se  replier.  Nous  croyons  que  Koch  commet  là  une  légère  crreui 


-  233  — 

Tournée  d'York  devant  les  places.  —  Ainsi  qu'il  Tavait 
annoncé,  York  était  allé  se  rendro  compte  par  lui-niénio  de  la 
situation  des  trou])os  chargées  d'investir  et  d'enlever  les  places, 
et  des  chances  qu'elles  avaient  de  réussir  dans  leurs  entreprises. 

Sarrelouis  avait  été  bombardé  sans  succès.  Horn  et  Heiuîkel, 
qui  allaient  reccîvoir  le  lendemain  la  visite  du  conuuandant  du 
V^  corps,  avaient  investi  Luxenibourj;  :  Horn  du  coté  de  l'est, 
Henckel  il  l'ouest;  le  général  von  Rôder,  avec  la  cavalerie  du 
II®  corps  (Kleist),  arrivait  ce  jour-là  h  Grewemachern, 

Raid  de  Falkenhausen  en  Sambre-et-Heuse.  —  Affaire  de 
Neufchftteau.  —  Le  major  de  Falkenhausen,  qui  s'était  porté 
le  18  sur  Arlon,  où  on  lui  avait  signalé  la  présence  de  800  lan- 
ciers polonais,  avait  continué  le  19  son  mouvement  dans  la  direc- 
tion de  Bastogne.  Il  devait  chercher  à  empêcher  la  levée  dans  le 
département  de  Sambre-et-Meuse,  en  chasser  les  partisans  fran- 
çais, établir,  si  faire  se  pouvait,  une  conmmnication  entre  l'armée 
de  Silésie  et  celle  du  Nord,  et  se  procurer  des  renseignements 
précis  sur  la  force  du  corps  du  général  Sébastiani.  «  J(î  m'atten- 
dais, dit-il  dans  son  rapport,  h  rencontrer  une  certaine  résistance 
h  NeufchAteau,  mais  le  lieutenant  von  Schôning  réussit  h  sur- 
prendre le  poste  ennemi  et  à  lui  prendre  18  hommes  appartenant 
aux  troupes  stationnées  à  Sedan,  pendant  que,  d'autre  part,  le 
lieutenant  Spitzer  surprenait  Bastogne,  où  l'on  m'a  reçu  avec 
enthousiasme,  »  et  «  où,  ajoute  le  major,  j'ai  appris  qu'une 
colonne  mobile  française,  forte  de  li20  chevaux,  était  établie  aux 
environs  de  Marche*.  » 

Rapport  de  Blûcher  à  Schwarzenberg.  —  Comme  nous 
avons  eu  lieu  de  le  signaler  en  relatant  les  opérations  de  l'armée 
de  Bohême,  Blùcher  avait  adressé  le  19,  de  Nancv,  à  Schwai7.en- 


et  veut  dire  que  Jùrgass  n'a  pas  pu,  le  19,  forcer  le  délilc  d'Haudiomont.  I^ 
rapport  du  général  von  Jiirgass  est,  d'ailleurs,  confirmé,  si  co  n'est  dans  ses 
détails,  du  moins  dans  son  ensemble,  par  la  version  même  du  général  Curély, 
alors  colonel  du  10<^  hussards.  (Voir,  à  cet  elTet  :  Général  Thoumas,  Le 
général  Curély,  pages  371  à  875.) 

Quant  à  Marmont,  il  se  contente  de  dire  au  major  général  que  son  avant- 
garde  a  été  attaquée  à  Manheulles  par  un  millier  de  chevaux  prussiens,  et  que 
le  général  Decouz  œcupe  Saint-Mihiel. 

*  Rapport  du  major  von  Falkenhausen.  (A'.  A'.  Kriegs  Archiv.,  I,  ad,  699.) 


—  -236  — 

berg,  un  rapport  dans  Icqnel,  résumant  les  conseils  qu'il  avait 
donnés  à  Wrcdc,  il  lui  communiquait  les  ordres  envoyés  h  York, 
qui  devait  être  rendu  à  Saint-Mihiel  le  26,  et  lui  faisait  part  du 
mouvement  qu'il  se  proposait  d'exécuter,  de  manière  à  être 
le  30,  époque  h  laquelle  Klcist  arriverait  avec  son  infïmleric 
sous  Metz,  avec  le  gros  de  son  armée  entre  Vitry  et  Arcis.  A  ce 
rapport  était  joint  un  mémoire  dans  lequel  le  feld-maréchal 
exposait  en  détail  les  motifs  qui  militaient  en  faveur  de  ces  opé- 
rations *  et  dans  lequel  il  demandait  à  Schwarzenberg  de  vouloir 
bien  donner  son  approbation  aux  projets  en  question. 

20  janvier.  —  Capitulation  de  Toul.  —  Le  20  au  matin, 
Wassiltchikoff,  passant  par  Dommartin  et  contournant  Toul  par 
le  sud,  venait  se  poster  sur  la  rive  gauche  de  la  Moselle,  pendant 
que  Biron  s'avançait  par  la  route  de  Gondreville  et  que  le  géné- 
ral Liewen,  dont  l'artillerie  avait  pris  position  sur  les  hauteurs 
qui  dominent  la  ville  du  côté  du  nord,  formait  son  infanterie  en 
colonne  entre  les  routes  de  Pont-à-Mousson  et  de  Void. 

Entouré  de  tous  côtés,  menacé  d'une  attaque  h  laquelle  il  lui 
était  impossible  de  résister,  le  commandant  de  la  place  se  vit 
forcé  de  capituler  et  d'ouvrir  aux  Alliés  les  portes  d'une  ville  qui 
avait  une  réelle  importance  pour  eux,  parce  que,  maîtres  de 
Toul,  ils  pouvaient  désormais  utiliser  la  grande  route  de  Nancy 
à  Bar-le-Duc. 

Renseignements  fournis  par  Sacken.  —  Sacken  informait 
inmiédialement  Bliicher  de  la  reddition  de  TouP.  Par  un  rapport 
dalé  (lu  20,  à  deux  heures  de  l'aprés-midi,  il  lui  faisait  oonnaîlre 
qu'on  y  avait  trouvé  2  drapeaux  (qui  semblent,  dit-il,  ùiro  portu- 
gais), 3  canons  de  bronze,  1  canon  de  fer,  800  fusils,  2,000  pro- 
jectiles pouvant  servir  à  l'artillerie  des  Alliés,  beaucoup  de 
poudre,  des  vivres,  des  fourrages  et  400  hommes,  et  qu'il  faisait 
poursuivre  l'ennemi.  Il  avait,  en  etfet,  poussé  jusqu'à  Kong,  sur  la 
roule  de  Void  et  de  Ligny,  le  corps  volant  de  Biron,  dont  les 
vedettes  surveillaient  Lav. 


*  K.  K.  Kriegs  Archiv.,  1,  492  a,  et  1,  492  6. 

*  Je  crois  utile  de  relever  en  passant  l'erreur  commise  par  l'Iotho,  III,  p.  84, 
qui  prêtent]  que  le  général  Liewen  prit  Toul  à  l'assaut  et  à  la  baïonnette.  Le 
général  Sacken  n'aurait  pas  manqué  d'enregistrer  ce  fait  d'armes  et  n'aurait 
pas  dans  ce  cas  annoncé  ù  Bliicher  la  reddition  de  Toul. 


—  1287  — 

SîU'kon  coinpli'lail  son  rapport  en  disant  à  BIucIkt  i]n\\n 
voituricr  qui  avait  rondnil  un  oflicior  ît  (]h;\lons  ot  qui  on  était 
reparti  le  18  pour  revenir  h  Toul.  assurait  «pie  les  Français 
étaient  massés  h  Chî\lons  et  se  disposaient  à  niarelier  sur  Lan- 
jçres;  qu'on  parlait  à  (]liàlons  de  rétablissement  prochain  d'un 
grand  camp  à  Vaimy.  11  terminait  son  rapport  en  disant  :  (<  Les 
habitants  sont  las  de  la  jjjuerre.  Les  conscrits  se  sauvent  et  les 
hommes  de  20  î\  40  ans  refusent  d<î  particip(îr  h  la  levée  on 
masse'.  » 

Le  généi'al  russe  ne  devait  pas  tarder  à  changer  d'avis  ot 
à  s'apercevoir  que  si  les  Marie-Louise  étaient  capables  de  tenir 
victorieusement  tétc»  ;\  ses  troupes,  les  paysans  s'armaient,  (nix 
aussi,  et  de  leur  plein  gré,  pour  résister  fi  l'invasion. 

Le  major  autrichien  Manvschal,  qu(î  Schwarz(^nberg  avait 
envoyé  au  quarli(»r  général  de  Hlùcher  et  qui  suivit  pendîint 
toute  la  campagne  les  opérations  de  l'armée  de  Silésie,  coniir- 
mait  de  Nancy  cette  nouvi^lle  et  communiquait,  en  outre,  au 
généralissime  des  bruits  d'après  lesquels  «  le  maréchal  ^(îy 
serait  à  Bar-lc-Duc  avec  son  corps  d'armée*.  » 

Ces  deux  rapports,  ainsi  qu(î  la  dépèche  adressée  de  Nancy 
le  20  janvier  par  Blucher  à  Schwar/eidjerg,  et  dans  laquelle  il  lui 
exposait  la  situation  générale  à  cette  époque,  en  lui  contirmant 
ses  précédents  rapports,  parviiu'ent  au  généralissime  le  22  ^ 

Positions  et  mouvements  le  20.  —  Le  corps  de  Sacken  était 
donc  le  20  entre  Touf  (»t  Nancy,  où  se  trouvait  le  quartier  géné- 
i*al  de  Blucher.  Le  général  Lanskoi,  avec  sa  cavahîrie,  était  à 


*  Sacken  à  Blucher.  Toul,  20  janvier,  2  heures  apr^'s-niidi.  [K,  K,  Krieys 
ArchU.,  1,466  a.) 

>  Major  Maresrhal  à  Schwarzenbcrg.  (À'.  A'.  Kriegs  Archiv,,  I,  466  b,  et 
iftir/m,  1,  30  et:H.) 

'  U  ressort  de  cette  dernière  piAee  (Bliirher  à  Schwarzenberpf,  Nancy,  20  janvier, 
K.  K.  Krlftjs  Arckir.,  1,  466),  que  Damitz  (I,  p  314)  commet,  lui  aussi,  une 
erreur,  lorsqu'il  prétend  qu'on  forma,  avec  le  général  Sotomayor  et  les  prison  • 
niers  espagnols  trouvés  a  Nancy,  un  bataillon  à  4  compagnies  qui  vint,  après 
la  reddition,  tenir  garnison  à  Toul.  Bliicher  annonce,  au  contraire,  à  Schwar- 
zenberg  que  le  gênerai  Sotomayor  et  les  officiei-s  rentrent  en  Kspagne,  i\u"\\  a 
armé  les  soldats  espagnols  qui  ont  préféré  rester  et  qu'il  les  employera  pour 
escorter  les  convois.  Ce  nu  fut  que  plus  tard  qu'on  les  répartit  dans  les 
places. 


—  238  — 

Rambucouri,  cl  le  général  Borosdin  (du  corps  Langcron,  donl 
rinfanleric  sous  Olsufiew  s'avançait  de  Chûteau- Salins  vers 
Nancy),  envoyait  deux  de  ses  quatre  régiments  (dragons  de  Mil- 
lau et  4«  de  cosaques  de  l'Ukraine)  sur  la  rive  gauche  de  la 
Moselle,  îi  Gor/e. 

Le  prince  Guillaume  se  préparait  à  compléter  l'investissement 
de  Metz,  que  la  hauteur  anormale  des  eaux  de  la  Moselle  allait 
encore  retarder.  Bien  qu'il  ait,  dans  le  principe,  espéré  pouvoir 
tenter  dans  la  nuit  du  20  au  21  un  coup  de  main  contre  celle 
place,  le  prince  était  encore  obligé  de  reslerà  Pont-à-Mousson, 
et  seul,  le  lieutenant-colonel  von  Stutterheim  put  s'approcher  de 
Metz  et  venir  s'élablir  k  Lorry. 

Marche  de  la  cavalerie  de  Jûrgass  vers  Verdun.  —  Après 
la  retraite  de  Tarrière-garde  française,  le  général  von  Jûrgass 
avait  fait  occuper  Haudiomont  *  par  ses  deux  escadrons  de  poinle 
dont  les  coureurs  et  les  patrouilles  s'étendirent  dans  la  direclion 
de  Verdun.  Lui-même  resta  jusqu'au  26  avec  le  gros  de  sa  bri- 
gade à  Fresnes,  et  posla  à  Manheulles  deux  escadrons  qui  éla- 
blirent  Icmrs  grand'gardes  du  côté  d'Étain,  tandis  qu'un  troi- 
sième escadron,  posté  plus  en  arrière  à  Pinthevilhî,  observait  la 
roule  de  Melz  à  Verdun.  Jûrgass  chercha  en  vain,  pendant  les 
six  jours  qu'il  passa  dans  ces  canlonnemenls,  à  enlamer  des 
négociations  avec  le  commandant  de  place  de  Verdun  et  à  l'ame- 
ner il  capituler. 

Affaire  de  la  cavalerie  de  Henckel  à  Ettelbriick.  ~  York% 
arrivé  d(î  sa  personne  aux  environs  de  Luxembourg  dans  la  nuit 
du  19  au  20,  avait  conféré  à  Rôdt  avec  les  généraux  von  Horn  et 
Roder.  Henckel,  qui  aurait  dû  se  rendre  à  ce  conseil,  n'avait  pu 
quitter  ses  troupes  établies  à  Slrassen,  parce  qu'elles  étaient 


*  Le  général  Picquct  (jiiilla  Haudiomunt,  par  ordre  de  Mannont,  deux  heures 
avant  le  jour,  et  vint  à  Haudainvinc,  et  le  général  Ricard  reçut  le  20,  du  duc 
de  Kaguse,  l'ordre  de  laisser  une  de  ses  brigades  à  Verdun  et  d'aller  se  can- 
tonner avec  l'autre  à  Sivry-la-Ferclie,  sur  la  route  de  Clermont.  Le  50  au 
matin,  les  divisions  Lagrange  et  Ricard  s'étaient  formées  en  avant  de  Verdun, 
pour  soutenir  éventuellement  la  cavalerie  du  général  l'icquel. 

*  Rapport  d'York  a  Bliichcr,  en  date  do  Pange,  23  janvier. 


—  239  — 

tenues  constamment  en  alerte  par  les  sorties  continuelles  de  la 
garnison.  En  revanche,  le  colonel  avait  réussi  à  faire  enlever, 
près  d'Ellelbrùck,  un  convoi  de  nmnilions  qui  se  rendait  do 
Liège  à  Metz,  pendant  que  ses  parlis,  sous  les  ordres  du  capi- 
taine von  Osten  et  du  lieutenant  de  Chevallerie,  prenaient  à 
quatre  lieues  au  delà  d'Arlon  un  transport  chargé  d'é(piipeni(înts 
militaires,  de  400  fusils  et  de  8  ballots  de  draps  destinés  à  la 
garnison  de  Luxembourg  et  venant  également  de  Liège. 

York,  tout  en  s'étant  parfaitement  rendu  compte  de  l'impossi- 
bilité presque  absolue  d'enlever  par  un  coup  de  main  une  forte- 
resse aussi  respectable  que  Luxembourg  et  dont  la  garnison 
faisait  bonne  garde,  crut  cependant  devoir  se  conformer  jusqu'au 
bout  aux  ordres  du  feld-maréchal.  Avant  de  prendre  une  résolu- 
tion définitive  et  de  modifier  le  caractère  de  Tinvestissement  en 
rappelant  h  lui  les  troupes  qu'il  avait  été  forcé  de  détacher  de  ce 
côté,  il  prescrivit  à  la  brigade  Horn  d'entreprendre,  le  lende- 
main 21,  une  reconnaissance  sérieuse  de  la  place. 

Raid  de  Falkenhausen  vers  Marche.  —  Renseignements 
sur  la  marche  de  Hacdonald  et  de  Sébastiani.  —  Continuant 
ses  opérations,  le  major  von  Falkenhausen  s'était,  le  20  dès  l'aube, 
dirigé  sur  Marche,  précédé  par  une  patrouille  qui  avait  ordre  de 
passer  plus  à  droite,  par  La  Roche.  «Je  comptais,  dit-il  dans  son 
rapport*,  parvenir  h  cacher  ma  marche  à  l'ennemi,  mais  pour 
célébrer  notre  arrivée,  on  se  mit  îi  sonner  la  cloche  de  tous  côtés 
et  des  paysans  montés  me  précédèrent  à  Marche.  L'ennemi  eut 
ainsi  le  temps  de  seller  ses  chevaux  et  s'échappa  en  partie. 
Cependant,  le  capitaine  von  Kalinowsky  réussit  encore  à  s'em- 
parer de  37  chevaux  et  rejeta  les  Français  dans  les  bois  où  un 
bon  nombre  d'entre  eux  furent  assommés  par  les  paysans.  » 

Falkenhausen,  après  ce  récit  quelque  peu  fantaisiste,  faisait 
savoir  que,  d'après  les  renseignements  recueillis,  le  maréchal 
Macdonald  s'était  replié  de  Maéstricht  sur  Namur,  et  le  général 
Sébastiani  de  Cologne  sur  Liège.  Enfin,  dans  la  nuit  du  20  au 
21,  il  avait,  pour  contrôler  ces  renseignements,  expédié  dans  la 
direction  de  Namur  un  officier  et  16  uhlans  qui,  montés  sur  des 
chevaux  réquisitionnés  aux  paysans,  vinrent  donner  à  2  lieues 


i  Kapport  du  majur  vuii  Falkenhausen.  {K,  K,  Krieys  ArctUc,  1,  ad,,  699.) 


—  240  — 

environ  de  Naniiir  contre  300  cavaliers  français  couvrant  la 
retraite  de  Macdonald,  et  furent  obligés  de  revenir  rapidement  en 
arrière. 

21  janvier.  —  Ordres  de  mouvement  de  Blûcher  vers  la 
Marne.  —  Le  21  janvier  allait  être  une  journée  des  plus  impor- 
tantes pour  l'armée  de  Silésie,  non  pas  tant  à  cause  des  opéra- 
tions mêmes  de  cette  journée,  que  parce  que  Blûcher,  décidé  à 
partir  de  ce  moment  à  presser  la  marche  des  événements,  va  se 
porter  résolument  en  avant.  Le  commandant  de  l'armée  de 
Silésie  ne  put  se  résigner  à  attendre  la  réponse  de  Schwarzen- 
berg,  qui  lui  écrivit  cependant  le  lendemain  même  du  jour  où  le 
feld-maréchal  lui  avait  envoyé  le  mémoire  dont  nous  avons  parlé, 
en  approuvant  la  marche  par  Arcis,  mais  en  lui  conseillant 
d'opérer  au  préafîible,  ou  en  même  temps,  par  Vitry-le-François 
sur  ChAlons  \  Donnant  libre  jeu  îi  la  décision,  fi  l'énergie  indomp- 
table qui  faisaient  le  fond  de  son  caractère,  îi  une  ardeur  que  ni 
l'îlge  ni  les  fatigues  n'étaient  parvenus  à  calmer,  il  avait  pris  la 
résolution  de  porter  vivement  en  avant  le  gros  de  ses  forces,  dès 
qu'il  eut  acquis  la  conviction  que  les  maréchaux  se  disposaient  h 
se  retirer  sur  ChAlons,  et  qu'il  eut  appris  que  Macdonald  aban- 
donnait les  Pays-Bas  et  la  Belgique  pour  se  porter  lui  aussi  sur 
cette  ville.  Convaincu  par  les  arguments  de  Gneisenau,  certain 
que  ChiUons  allait  devenir  le  point  de  concentration  générale  des 
troupes  françaises,  pensant,  non  sans  raison,  que  les  njaréchaux 
se  maintenaient  derrière  la  Meuse  uniquement  pour  donner  h 
cette  conc(întration  le  temps  de  s'effectuer  et  pour  couvrir  les 
mouvements  qu'elle  rendait  nécessaires,  sentant  qu'il  était  urgent 
de  prévenir  l'offensive  que  les  Français  ne  pouvaient  tarder  i\ 
vouloir  prendre,  Blûcher,  informé  de  la  présence  de  la  grande 
armée  de  Bohême  du  côté  de  Chaumont,  de  l'arrivée  du  V^  corps 
(Wrède)  à  Neufch;\teau,  se  porta  en  avant  sur  trois  colonnes.  La 
première,  celle  de  droite,  constituée  par  l'avant-garde,  sous  les 
ordres  du  général-lieutenant  prince  Stscherbatoif*,  de  la  cava- 

'  Scliwarzcnlx'rj,'  à  BIucIkt,  Langrcs,  21  janvier.  (A'.  A'.  Kriegs  Arcltiv., 
I,  40i.i 

*  H  importe  de  i»e  pas  ronfondre  cet  offirier  général  avec  le  j^t'néral-iiiajor 
(lu  riiéine  nom,  qui  commandait  un  rorps  de  partisans  opérant  en  ce  moment 
sur  la  Meuse  et  qui  précédait  l'armée  de  Bohômc. 


-  241  — 

lerie  (lu  général  Wassiltchikoff  ot  de  la  première  colonne  du  corps 
de  Sacken,  avait  ordre  de  se  diriger  par  Ligny  et  Bar-le-Duc  sur 
Saint-Dizier.  La  deuxième  colonne,  formée  de  l'autre  partie  du 
corps  Sacken  et  suivie  h  une  journée  de  marche  par  la  troi- 
sième, composée  du  IX^  corps  russe  d'OIsutiew,  appartenant 
au  corps  Langeron,  devait,  en  passant  par  Vaucoulours  et 
Gondrccourt,  prendre  à  gauche  d(;  la  première  Joinville  pour 
objectif. 

Bliicher  *  se  proposait  de  repousser  l'aile  droite  du  corps  de 
Victor  de  Ligny  vers  la  Marne,  de  fiiire  croire  à  l'ennemi  qu'il 
voulait  atteindre  Chi\lons,  tandis  que,  masqué  par  son  avant- 
garde  qui  ferait  face  au  maréchal  et  se  tiendrait  devant  lui  vers 
Vitry-le-François,  il  déborderait,  sans  être  aperçu,  son  aile  droite 
et  atteindrait  avec  ses  trois  colonnes  l'Aube  du  côté  d'Arcis,  en 
passant  par  Brienne. 

Quant  il  York,  il  devait,  d'après  les  projets  de  Bliicher,  rester 
encore  quelques  jours  devant  les  places  de  la  Sarre  et  de  la 
Moselle,  jusqu'à  l'arrivée  des  troupes  de  Kleist  et  de  la  cavalerie 
de  Langeron  destinées  à  le  relever,  puis  arriver  ii  Bar-le-Duc 
le  27,  et  gagner  de  là  Vilry*,  où  il  devait  être  rendu  le  30. 

La  cavalerie  passe  la  Meuse  à  Vaucooleurs.  —  Dans  la  nuit 
du  20  au  21,  l'avant-garde  de  la  colonne  de  gauche,  se  dirigeant 
sur  Joinville,  avait  passé  la  Meuse  sans  rencontrer  de  résistance 
au  pont  de  Vaucouleurs',  que  les  Français  n'avaient  pas  détruit, 
parce  que  l'inondation  les  en  avait  empêchés.  C'est  du  moins 
l'explication,  ou  pour  mieux  dire  l'excuse,  qu'on  a  cherché  à 
donner  de  cet  inconcevable  oubli.  Mais,  précisément  à  cause  de 
l'inondation,  la  possession  de  ce  pont  était  d'autant  plus  précieuse 


*  Bliicher  à  Wrède,  21  janvier,  9  heures  du  matin.  {K.  K,  Kriegg  Archiv., 
l  511.) 

'  On  verra  plus  loin  que  les  ordres  de  marche  d'York  durent  ôtre  modifies. 
Au  lieu  d'être  à  Vitry  le  30,  il  éUiit  ce  jour-là  à  Saint-Dizier. 

3  Nous  avons  déyd  en  occasion  do  parler  des  affaires  qui  avaient  eu  lieu  le 
18  janvier,  à  Vaucouleurs,  entre  les  cosaques  du  général-major  prince  Stsclier- 
batoff  et  Tarrière-gardc  de  la  cavalerie  française,  lorsque  nous  avons  exposé  au 
chapitre  précédent  les  opérations  de  rarméc  de  Bohôme.  Voir  entre  autres  le 
rapport  du  général-major  Stscherbalolf  à  Schwarzcubcrg,  de  Saussure,  19  jan- 
vier. (If.  K,  Kriegt  Archiv.,  1,  445.) 

Weil.  16 


pour  les  Alliés  qu^elle  leur  permettait  de  continuer  sans  perte  de 
temps  leurs  opérations  sur  la  rive  gauche  de  la  Meuse.  L'abandon 
du  pont  de  Vaucouleurs  obligea  Victor  à  se  replier  sur  Ligny  % 
en  évacuant  Void  et  Vaucouleurs  ;  Marmont,  à  ne  laisser  qu'une 
division  à  Verdun,  h  faire  quitter  Saint-Mihiel  à  la  division 
Decouz,  qui,  après  avoir  fait  sauter  le  pont,  vint  s'établir  h 
Naives  ;  la  division  Lagrange  dut  venir  h  Chaumont-sur-Aire*. 

Inconvénients  de  la  position  de  Victor  à  Ligny.  —  La  posi- 
tion occupée  par  Victor  à  Ligny  n'était  pas  sûre,  et  malgré  les 
ordres  formels  de  l'Empereur,  qui  voulait  qu'on  tînt  bon  sur  l'Or- 
nain,  Victor  aurait  très  probablement  cédé  aux  conseils  de  ses 
généraux  de  cavalerie  qui,  insistant  sur  les  graves  inconvénients 
de  cette  position,  le  pressaient  d'aller  s'établir  en  arrière  de 
Ligny,  à  l'entrée  du  défilé  de  Saint-Dizier*. 


1  Victor  avait  prescrit,  le  20  au  soir,  de  se  replier  le  21,  à  1  heure  du 
matin,  promptement  et  en  bon  ordre,  par  Void  et  Saint-Aubin  sur  Ligny,  de 
prendre  position  derrière  Ligny,  sur  la  route  de  Bar-le-Duc.  La  2*  division 
(général  Forestier)  devait  suivre  la  division  Duhesme  et  s'établir  derrière  elle 
en  2"  ligne;  la  1"  division  avait  ordre  de  partir  de  Comroercy  à  4  heures  du 
matin,  allant  sur  Ligny  par  Saint-Aubin ,  et  do  venir  derrière  Ligny  en 
3*  ligne.  Le  général  Firé,  cliargé  de  faire  sauter  le  pont  de  Pagny-sur-Meuse, 
après  le  passage  de  la  division  Duhesme,  avait  à  se  porter  de  là  sur  Void, 
à  attendre  à  Void  le  général  de  France,  qui  devait  partir  également  à  4  heures 
de  Vaucouleurs,  allant  à  Void,  pour  se  replier  ensuite  avec  Pire  sur  Ligny  ; 
enfin,  le  général  Briche,  partant  à  6  heures  de  Commercy,  se  portant  égale- 
ment sur  Ligny. 

<  BeUiard,  écrivant  le  21  janvier  à  Macdonald,  lui  résumait  ainsi  les  posi- 
tions des  corps  de  Marmont  et  de  Victor  et  lui  donnait  certaines  indications  à 
peu  près  exactes  sur  la  position  des  Alliés  : 

c(  Le  duc  de  Raguse  occupe  avec  son  corps  d'armée  Verdun,  Saint-Mihicl,  et 
s'étend  par  sa  gauche  du  côté  de  Stenay.  Il  a  son  avant-garde  à  trois  lieues  en 
avant  de  Verdun,  sur  la  route  do  Metz.  Le  duc  de  Belluue  occupe  Commercy, 
Void,  où  est  son  quartier  général,  Vaucouleurs  et  Gondrecourt.  Le  prince  de 
La  Moskowa  est  à  Bar-Ie-Duc,  occupant  Ligny  et  Saint-Dizier.  Le  maréchal  duc 
de  Trévise  doit  être  à  Chaumont. 

«  F,  S.  —  Le  corps  du  duc  d^York  (sic)  marche  sur  Verdun,  relui  de 
Sacken  sur  Saint-Mihiel.  Bliicher  est  devant  le  duc  de  Bellune.  Platoff  est  à 
Neufchàteau  avec  10  régiments  de  cosaques.  »   (BeUiard,  Dépôt  de  la  Guerre.) 

Beliiard  fait  marcher  le  corps  d'York  plus  vite  qu'il  ne  marcha  en  réalité, 
puisque,  le  21  janvier,  le  I"  corps  prussien  était  encore  devant  Metz. 

»  L'arrivée  de  Bertliier  et  les  ordres  catégoriques  qu'il  envoya  le  20  de  Chu- 
Ions  et  le  21  de  tiar-Ie-Duc,  à  Victor,  avant  de  se  rendre  auprès  de  lui^  empê- 
chèrent seuls  le  maréchal  de  quitter  sa  position. 


-  243  - 

Dès  le  21  au  matin,  Grouchy  écrivait  à  cet  elïcl  au  f^^cncral 
Milhaud  :  «  Mon  cher  général,  il  est  très  f[\cheux  que  toute  noire 
cavalerie  soit  forcée  d'être  ce  soir  dans  Ligny  ;  c'est  avoir  Ten- 
nemi  sous  son  nez,  et  demain  matin  il  fera  tel  hurrah  qu'il  vou- 
dra, non  seulement  sur  Ligny,  mais  aussi  sur  la  division  Briche, 
sur  h;  flanc  de  laquelle  il  peut  arriver  en  passant  l'Ornain,  qui  a 
des  ponts. 

«  Prévenez  le  général  Briche  à  ce  suj(^t.  Donnez  ordre  îi  la  divi- 
sion Lhéritier  d'être  à  cheval  dcnnain  avant  le  jour  en  avant  de 
Ligny,  sur  la  route  de  Saint-Aubin,  ayant  devant  elle  la  division 
Pire,  soutenue  par  l'infanterie  (jue  fera  sortir  le  maréchal. 

«  Que  la  division  Briche  pousse  dés  4  heun^s  des  reconnais- 
sances sur  Demange-aux-Eaux,  atln  de  s'assurer  si  une*  colonne 
ennenjie  ne  s'avance  pas  de  ce  côté;  mais  que  les  reconnais- 
sances marchent  bien  éclairées,  i)uisque  l'ennemi  (îst  h  Gondre- 
court*.  » 

Le  général  Pire',  écrivant  à  Grouchy  le  soir  du  même  jour,  à 
9  heures,  est  tout  aussi  préoccupé  que  son  chef  et  se  rend,  lui 
aussi,  un  compte  (;xacl  de  la  gravité  de  la  situation,  des  dangers 
auxquels  on  s'expose  fatalement  en  restant  h  Ligny. 

«  Tous  les  renseignements,  toutes  les  reconnaissances,  é(Tit-il 
de  Nançois-le-Petit,  démontrent  que  le  corps  de  M.  le  maréchal 
duc  de  Bellune  est  compromis  en  continuant  h  occuper  Ligny, 
qui  est  une  mauvaise  position  et  un  véritable  entonnoir.  Si  la 
brigade  évacue  Nançois-le-Petit,  l'ennemi,  arrivant  par  Naneois- 
le-Grand  et  Willéroncourt,  coupera  la  roule  de  Bar  par  le  très 
beau  pont  de  pierre  de  Velaine,  ou  par  celui  de  Nanrois-le-Petit, 
à  côté  duqucîl  il  y  a  un  gué  praticable.  D'un  autre  côté,  M.  le 
général  Briche,  qui  garde  la  route  de  Gondrecourt,  n'est  pas  en 
état  de  résister  à  la  colonne  ennemie,  qu'on  sait  avoir  débouché 
par  Vaucouleurs  et  par  Maxey.  Si  elle  n'altiique  pas  le  général 
Briche,  il  est  évident  qu'elle  marche  sur  Saint-Dizier,  par  Join- 
ville,  et  le  corps  d'observation  qu'on  a  envoyé  h  Joinville  ne  peut 
s'opposer  à  la  marche  d'un  nombre  aussi  supérieur.  » 

Les  événemtîiits  du  lendemain  no  devaient  que  trop  complète- 
ment justifier  les  prévisions  des  généraux  de  Grouchy  et  Pire. 


*  Grouchy  à  Milhaud.  {Archives  (le  la  Guerre.) 

•  Pird  à  Grouchy,  Pctit-Nançois,  21  Janvier.  {Arekives  de  la  (hterre.) 


—  244  — 

Marche  de  Biron  sur  Void.  ~  Mouvements  autour  de 
Metz.  —  Biron  avait  reçu  h  Foug,  le  21,  à  8  heures  du  matin, 
Tordre  de  se  porter  sur  Void.  Ramassant  en  passant  ses  grand'- 
gardes,  établies  en  avant  de  Lay-Saint-Remy,  le  prince  s'arrêta 
le  soir  à  Pagny-sur-Meuse,  disposa  ses  avant-postes  sur  la  rive 
gauche  de  la  rivière  et  envoya  des  patrouilles  dans  la  direction 
de  Void. 

Du  côté  de  Metz  il  ne  s'était  rien  passé  d'important.  Toutefois, 
comme  la  Moselle  continuait  à  baisser,  le  prince  Guillaume  avait 
pris  la  résolution  de  resserrer,  le  lendemain,  l'investissement  de 
la  place.  Des  deux  régiments  de  cavalerie  du  général  Borosdin 
qui  étaient  arrivés  à  Gorze,  l'un,  le  régiment  de  dragons  de 
Mittau,  avait  reçu  l'ordre  de  rester  devant  Metz,  tout  en  envoyant 
des  patrouilles  vers  Verdun,  tandis  que  le  4«  régiment  de  cosaques 
de  l'Ukraine  devait  partir  le  23  pour  assurer  le  blocus  de  Mé- 
zières. 

Le  colonel  Henckel  avait  été  relevé,  le  21  au  matin,  devant 
Luxembourg,  par  le  Ueutenant-colonel  Wrangel  et  quatre  esca- 
drons du  régiment  de  cuirassiers  grand-duc  Constantin.  Se  con- 
formant aux  ordres  qui  lui  étaient  arrivés  le  17,  il  devait,  après 
avoir  rallié  tout  son  monde,  se  porter  le  lendemain  sur  Aubange, 
pour  voir  s'il  n'était  pas  possible  de  tenter  un  coup  de  force 
contre  Longwy.  Mais  avant  de  se  mettre  en  mouvement,  il  avait 
reçu  d'York  *  l'ordre  de  régler  ses  marches  ultérieures  de  façon  à 
être  à  Saint-Mihiel  le  27  et  à  y  opérer  sa  jonction  avec  la  brigade 
Horn,  qui,  après  avoir  paru  devant  Thionville  le  23,  devait,  elle 
aussi,  défiler  par  Saint-Mihiel  le  27. 

Affaires  devant  Luxembourg.  —  York  avait  cependant  tenu 
à  tAter  encore  une  fois,  dans  la  journée  du  21,  Luxembourg  avec 
la  brigade  Horn  et  la  colonne  du  colonel  Henckel.  Il  poussa  avec 
elles,  par  les  deux  rives  de  l'Alzette,  une  forte  reconnaissance,  h 
la  suite  de  laquelle  il  put  se  convaincre  qu'on  ne  viendrait  pas 
facilement  à  bout  de  la  place.  Sa  première  intention  avait  été  de 
diriger  de  suite  Horn  sur  Frisange,  de  façon  îi  lui  permettre 
d'arriver  devant  Thionville  dans  la  matinée  du  22.  Mais,  à  la 


Ordre  d'ïork  à  lienckcl,  de  Strapig,  21  janvier. 


-  245  — 

nouvelle  qu'une  partie  des  habitants  do  Luxembourg  paraissaient 
disposés  à  ouvrir  Tune  des  portes  de  la  ville  le  lendemain,  il 
donna  h  Horn  l'ordre  de  tenir  sa  brigade  rassemblée  le  22  jusqu'à 
10  heures  du  matin  îi  Itzig,  parce  que,  de  cette  façon,  le  général 
pouvait  encore  arriver  à  Thionville  dans  le  courant  de  l'apn'^s- 
midi. 

Mouvement  de  Falkenhausen  vers  Namur.  —  Quant  au 
major  von  Falkenhausen,  il  avait  quitté  Manche  en  y  laissant  un 
poste  de  30  cavaliers,  et,  se  portant  en  avant  avec  le  reste  de  son 
njonde,  il  avait  envoyé  des  partis  vers  Givet  et  Sedan.  Mais,  ayant 
appris  dans  la  nuit  du  21  au  22  qm*  la  route  de  Marche  î\  Namur 
était  libre,  il  mit  aussitôt  en  route  un  escadron  en  prescrivant  îi 
son  chef  d'atteindre  Namur  au  plus  vite,  afin  d'établir  dans  le 
plus  bref  délai  possible  la  comnmnication  avec  le  général  Win- 
zingerode*. 

22  janvier.  —  Rapport  de  Blûcher  à  Schwarzenberg.  — 
Combat  de  cavalerie  de  Saint-Aubin.  —  «  Le  22  au  matin,  dit 
Blûcher  dans  le  rapport*  que,  de  Gondrecourt,  il  adressait  à 
Schwarzenberg,  le  prince  de  NeuchAtel'  est  venu  de  Paris  ji 
Ligny.  Après  y  avoir  conféré  pendant  quatre  heures  avec  les 
maréchaux  Ney  et  Victor,  il  en  est  reparti  ensuite  i)0ur  Paris. 


1  Rapport  du  major  yon  Falkenhausen.  (K.  K.  Kriegt  Ârchiv.,  I,  ad.,  699.) 

•  Blûcher  à  Schwarzenberg,  de  Gondrecourt,  34  janvier.  (A'.  A'.  Kriegt  Ârehii\ , 
I,  550.) 

s  Oelliard  rend  compte  à  l'Empereur  des  positions  occupées  par  Tarmde  le 
22,  à  midi  : 

4(  Belliard  (Correspondance)  à  TEmpereur,  le  23  janvier. 

u  Sire,  la  position  de  Tarméc  était  hier,  à  midi,  ainsi  qu'il  suit  : 

(f  Le  duc  de  Raguse  en  arriére  de  Verdun,  sa  cavalerie  sur  Senoncourt. 

«  Le  duc  de  Bellune  à  Ligny,  occupant  Stainvillo. 

«  Le  prince  de  La  Moskowa  à  Bar-Ie-Duc,  ayant  une  brigade  à  Saint-Dizier. 

(c  Le  duc  de  Trévise  à  Bar-sur-Aube,  d'après  sa  lettre  du  21. 

u  Le  duc  de  Bellune  a  l'ordre  de  tenir  jusqu'à  ce  qu'il  soit  forcd.  Le  prince 
appelle  le  duc  de  Raguse  prôs  de  lui,  pour  lui  donner  le  commandement  des 
deux  corps. 

«  Si  tous  les  corps  sont  forcés  de  revenir  sur  Chdlons,  comment  les  troupes 
doivent-elles  être  placées  ?  Et  si  l'ennemi  prenait  Chàlons,  un  corps  doit-il  se 
retirer  sur  Reims  ? 

((  Des  lettres  du  prince,  parties  hier  au  soir  à  11  heures,  donnent  à  Votre 
Majesté  les  mêmes  nouvelles.  »  (Archivei  de  la  Guerre,  Belliard,  Correipon^' 
danee,) 


—  246  - 

Les  habitants  prélendont  que,  dans  cette  conférence,  on  a  décidé 
que  Victor  tiendrait  h  Ligny  *  el  Bar-le-Duc  jusqu'au  26,  jour  de 
Tarrivée  de  la  jeune  garde  venant  d'Anvers.  » 

En  effet,  sur  Tordre  formel  de  Berthier,  la  cavalerie  française 
dut  se  reporter  en  avant  de  Ligny  el  se  diriger  sur  Saint-Aubin  : 
«  L'ennemi,  dit  Blucher  *,  occupait  le  22  Ligny,  et  deux  brigades 
de  cavalerie,  sous  les  ordres  du  général  Wassiltchikoff  %  avaient 
poussé  jusqu'il  Saint-Aubin.  Dans  l'après-midi,  l'ennemi  sortit  de 
Ligny  avec  environ  2,000  chevaux,  repoussa  nos  avant-postes,  se 
déploya  devant  Saint-Aubin,  lorsque  notre  cavalerie,  se  portant 
en  avant,  le  fit  canonner  par  une  batterie  h  cheval  jusqu'au  soir, 
où  il  se  retira  sur  Ligny*.  »  Victor  ne  laissa,  d'ailleurs,  qu'une 
arrière-garde  à  Ligny  *. 

De  leur  côté,  les  hussards  russes  s'établirent  en  avant  de  Void, 


1  Ce  renseignement,  parfaitement  exact,  sauf  en  ce  qui  concerne  le  retour 
du  major  général  à  Paris,  est  confirmé  en  tous  points  par  Grouchy,  qui  dit  à 
ce  sujet  dans  ses  Mémoires  :  «  Le  22,  Victor  est  prêt  à  prolonger  la  retraite 
sur  Saint-Dizier  pour  D*ètre  pas  débordé,  lorsqu'il  reçoit  l'ordre  de  tenir  sur 
romain.  Milhaud  (5®  corps  de  cavalerie)  a  à  Saint-Aubin  un  engagement  avec 
les  Busses  et  se  replie  sur  Ligny.  » 

«  Rapport  de  Bliicher  (K.  K,  Kriegs  Archiv.,  I,  5o0).  Le  feld-maréchal  no 
parle  pas  des  chatges  de  la  cavalerie  russe  mentionnées  par  Plotho  et  Daraitz, 
et  qui  n'eurent  pas  lieu. 

3  Le  général  WassiltchikofT  faisait  partie  de  la  colonne  du  géncral-liente- 
nant  prince  Stscherbatoff,  dont  le  Journal  d'opérations  nous  fournit  les  rensei- 
gnements suivants  : 

«  Le  prince  Stscherbatoff  a  reçu  communication  des  tableaux  de  marche  qui 
donnent  à  son  corps  une  direction  spéciale.  Le  général  Lanskoï,  avec  une  bri- 
4^ade  de  hussards  (régiments  de  hussards  d'Aktyrka  et  de  Mariopol)  et  une 
batterie  à  cheval,  3  régiments  de  cosaques  sous  les  ordres  du  général-major 
KarpofT  et  le  détachement  prussien  du  général  prince  Biron  sont  mis  à  sa  dis- 
position et  forment  son  avant-garde.  Le  corps  se  porte  aujourd'hui  sur  Void, 
son  avant-gnrdc  est  ce  soir  à  Saint-Aubin,  d'où  l'on  a  chassé  l'ennemi,  n 

*'  Bliicher  ajoute  dans  son  rapport  que  des  voyageurs  qui  étaient  à  Paris  le  12, 
jour  de  la  revue,  disent  qu'il  y  avait  là,  non  pas  30,000  hommes,  mais  au 
plus  18,000.  «  Ils  n'ont  vu  entre  Paris  et  Chdlons  que  2  bataillons  de  vété- 
rans do  la  garde.  » 

5  Le  2'  corps  et  le  5*^  de  cavalerie  occupèrent,  le  22,  les  positions  suivantes  : 
Pire,  soutenu  par  la  division  Duhesme,  vers  Saint-Aubin;  400  dragons  do 
Briche,  soutenus  par  la  f*  division  d'infanterie,  éclairaient  vers  Gondrecourt, 
occupant  Givrauval,  Longeaux,  Nantois,  avec  une  avant-garde  à  Saint-Amand. 
Le  reste  de  la  division  Briche  était  en  arriére  de  Ligny,  sur  la  route  de  Bar  à 
Tronville,  Guerpont  et  Tannois.  I^i  division  Lhéritier,  à  Stainville;  le  général 
de  Krance,  avec  les  gardes  d'honneur,  à  Ancerville.  Un  bataillon  d'infanterie 
de  la  2*"  division,  on  soutien  do  Lhéritier,  à  Stainville.  (;4rr/4iiY«  Je  la  Giurre.) 


—  247  — 

et  Biron  occupa  la  forme  de  Riéval  avec  dos  avaiil-postos  fournis 
par  les  cosaques  h  Moiiil-la-Horgne. 

La  colonne  do  droite  de  rarniée  de  Silésie  arrivait  h  Void; 
celle  de  gauche  à  Vaucouleurs.  Olsuflew  était  à  Toul  avec  le 
quartier  général  de  Blùchcîr;  l'avanl-garde  de  Palhen  (VI*^  corps 
de  l'armée  de  Bohême),  à  Vézelise. 

Du  coté  des  Français,  Ney  était  encore  pour  peu  de  temps 
;i  Bar-le-Duc;  Marmont,  afin  de  rester  lié  aux  deux  autres  maré- 
chaux, avait  commencé  son  mouvement  de  retraite  de  Verdun 
sur  Bar  et  Saint-Dizier,  où  il  arriva  le  24  après  avoir  laissé  la 
division  Ricard  du  côté  de  Clcrmont  en  Argonne  pour  garder  lo 
défilé  des  Islettes  et  couvrir  la  route  de  Verdun  î\  ChAlons. 

Positions  du  prince  Guillaume  de  Prusse  sous  Metz.  —  Le 
prince  Guillaume  de  Prusse  s'était  dirigé  de  Pont-h-Mousson 
vers  Metz  par  Pagny-sur-Moselle  et  établi  à  Sainto-Ruffine,  après 
avoir  fait  occuper  Vaux,  Jussy,  Lessy  et  Plappeville,  d'où  il 
pouvait  apercevoir  l'ensemble  des  défenses  de  la  place.  Par  suite 
du  séjour  forcé  qu'il  avait  dû  faire  h,  Pont-îVMousson  et  comme  il 
avait  ordre  de  commencer  son  mouvement  vers  Bar-le-Duc  le  2G, 
le  i)rince  ne  disposait  plus  que  de  trois  jours  pour  essayer  de  se 
nmdre  maître  de  Metz.  Lo  général  von  Jurgass  était  resté  aux 
environs  de  Fresnes,  le  colonel  von  Warburg  h  Marly  et  le  lieute- 
nant-colonel von  Slutterheim  h  Lorry. 

Mouvements  de  Horn  vers  Thionville  et  de  Henckel  sur 
Longwy.  —  De  Luxembourg,  dont  les  portes  étaient  toujours 
closes,  Horn  s'était  dirigé  le  22,  par  ordre  d'York,  sur  Thionville 
où  il  devait  rejoindre  la  brigade  du  général  von  Pirch  et  avait 
fait  halte  le  22  au  soir  à  Roussy.  Il  avait  préalablement  confié  le 
soin  de  surveiller  Luxembourg  au  général  von  Rôder  (cavalerie 
du  corps  Kleist),  qui  devait,  en  outre,  masquer  Thionville,  dans  le 
cas  où  l'entreprise  projetée  contre  cette  place  n'amènerait  aucun 
résultat. 

Arrivé  par  Aubange  sur  Longwy,  Henckel  avait  reconnu  la 
place.  Ayant  constaté  l'impossibilité  de  tenter  un  coup  de  main, 
il  l'avait  contournée  pour  se  rendre  à  Longuion  et  s'était  con- 
tenté de  laiss(îr  quelques  petits  j)Ostes  en  observation  devant  les 
débouchés  de  Longwy. 

York  était  allé,  par  Remich  et  Sierck.  inspecter  la  brigade 


—  248  — 

postée  devant  Thionville,  dont  la  garnison  avait  tenté  le  malin 
môme  une  sortie,  que  Pirch  n'avait  réussi  à  rejeter  dans  la  place 
qu'après  un  combat  assez  vif  et  en  engageant  plusieurs  batail- 
lons. Toutefois,  comme  la  brigade  Horn  devait,  dans  son  mouve- 
ment vers  la  Meuse,  passer  sous  Thionville,  il  voulut  essayer 
d'enlever  la  forteresse  avec  ces  deux  brigades.  York,  en  agissant 
de  la  sorte,  ne  faisait  que  se  conformer  strictement  aux  ordres 
que  Blûcher  lui  avait  fait  par\^enir  avant  de  quitter  Nancy  le  21 , 
et  par  lesquels,  tout  en  insistant  sur  l'intérêt  qu'il  y  aurait  à 
s'emparer  d'une  des  places,  il  invitait  cependant  York  à  hâter 
ses  opérations  et  h  tout  préparer  pour  le  rejoindre  au  plus  vite. 
Il  est  important  de  faire  remarquer  en  passant  que  l'empereur 
de  Russie  venait  d'arriver  le  22  janvier  au  quartier  général  de 
Langres.  C'est,  en  effet,  à  sa  présence  seule  qu'est  due  la  reprise 
du  mouvement  en  avant  de  l'armée  de  Bohôme,  immobilisée 
depuis  quelques  jours  entre  Chaumont  et  Langres.  Hardcnberg 
et  Knesebeck,  dont  l'opinion  avait  prédominé  jusqu'alors  et  avec 
eux  tous  les  diplomates  qui  suivaient  la  grande  armée,  ne  pou- 
vaient se  décider  a  dépasser  le  plateau  de  Langres  que  Knese- 
beck comparait,  c'est  là  l'expression  textuelle  dont  il  s<i  servait, 
au  Rubicon. 

23  janvier.  —  Combat  de  Ligny.  —  Le  23  au  matin,  Was- 
siltchikoffet  Biron,  précédant  l'infanterie  du  général- lieutenant 
Stscherbatoff,  avaient  repris  leur  mouvement  en  avant  dans  la 
direction  de  Ligny.  Avant  de  se  mettre  en  route,  ils  avaient  appris 
l)ar  une  reconnaissance  d'officiers,  envoyée  de  Rieval  vers  Com- 
mercy,  que  le  général  Lanskoi,  venant  de  Rambucourt  avec  ses 
hussards,  approchait  de  Commercy  et  ne  tarderait  pas  à  les 
rejoindre.  Pendant  ce  temps,  la  cavalerie  française  se  retirait 
lentement  sur  Ligny,  qu'occupait  une  arrière-garde  d'infanterie 
avec  quelques  bouches  h  feu.  Afin  d'éviter  des  pertes  inutiles, 
Biron  et  Wassiltchikoflf,  après  avoir  repoussé  de  concert  mie 
charge  de  la  cavalerie  française,  crurent  d'autant  plus  prudent 
de  se  dérober  aux  vues  de  l'artillerie  ennemie  que  l'infiinterie  du 
général-lieutenant  Stscherbatoff  entrait  en  ligne  à  ce  moment. 
«  Stscherbatoff,  dit  BlùcherS  se  porta  sur  Ligny.  oi\  il  devait  se 


1   Bliicher  à  Srhwarzenberg  (K.  K,  Kriegx  Archiv.,  I,  550)  ot  Kurzgeftmtp 


-  249  - 

cantonner,  ot.  ronnonii  n'évacuant  pas  co  point,  il  Tattaqua  et  le 
rejeta  aj^rès  un  combat  assez  vif,  qui  c^oftta  200  lioninies  aux 
Russes  et  dont  Stscherbaloft  *  rend  compte  en  ces  tenues  : 

«  L'arri^re-garde  du  duc  de  Bellune  (»st  postée  îi  Ligny.  Elle 
tient  le  défilé  et  1(îs  hauteurs  en  avant  de  la  ville.  Le  général 
Stscherbatoff  qui  devait,  d'après  les  ordres,  occuper  ce  jour-là 
Ligny.  fait  attaquer  rennemi.  La  cavalerie  ennemie,  ave<*  une 
partie  de  Finfanterie  et  quelques  canons,  avait  pris  position  en 
avant  de  la  ville  et  s'était  portée  en  tête  du  défilé.  Le  prince 
Stscherbatoff,  remarquant  que  des  colonnes  ennemies  s'appro- 
chaient rapidement  de  la  ville,  en  conclut  que  l'ennemi  n'a  pas 
encore  rassemblé  tout(îs  ses  forces  et  ordonne  aux  11»  et  36«  ré- 
giments de  chasseurs  d'attaquer  la  ville  par  la  droite,  pendant 
que  les  régiments  de  Pskoff  et  de  Sofia  donnaient  l'assaut  du  côté 
de  la  grande  route.  Notre  artillerie,  en  batterie  sur  une  excel- 
lente position,  inflige  des  pertes  sanglantes  à  l'ennemi,  qui  se 
replie  en  courant  sur  la  ville. 

«  Le  régiment  de  Pskoft'.  soutenu  par  celui  de  Sofia,  pénèti^e 
dans  Ligny,  rencontre  sur  la  place  du  marché  une  colonne»  enne- 
mie, l'attaque  à  la  baïonnette  et  la  disperse.  Le  combat  dans  la 
vihe  dure  quelque  temps,  mais  l'ennemi  finit  par  en  être  complè- 
tement chassé  et  concentre  ses  troupes  sur  les  hauteurs  situées 
en  arrière,  près  de  l'entrée  d'un  défilé,  au  débouché  duquel  il  avait 
mis  quelques  pièces  en  batterie.  Il  réussit  ainsi  à  se  maintenir 
qu(îlque  tem})s  sur  les  hauteurs  et  se  replia  pendant  la  nuit  par  la 
route  de  Sainl-Dizier.  » 

Les  Français,  d'après  le  rapport  de  Blûcher,  profitèrent  de  la 
nuit  pour  se  retirer,  d'une  part,  sur  Bar-le-Duc,  de  l'autre,  i)ar 
Stainville  sur  Saint-Di/ier*. 


Darsiellung  der  Kri?gshegébenheiten  der  SchlesUclien  Armée   (K,   K.  Kriegt 
Archiv.X  31). 

<  Journal  d'opérations  do  général-licatenant  prince  Stscherbatoff. 

'  Il  est  certain  que.  sans  l'ordre  formel  donné  par  Berthier,  on  n'aurait  pas 
cherché  à  tenir  sur  la  position  de  Saint-Aubin  et  moins  encore  sur  celle  de  Ligny. 
Victor,  en  effet,  reconnaissait  que  cette  position  ne  pouvait  guère  être  défendue 
que  par  l'infanterie  et  fort  peu  d'artillerie,  que  la  cavalerie  ne  pouvait  y 
servir  que  pour  éirlairer  ou  arrêter  la  cavalerie  alliée  venant  de  Saint-Aubin, 
te  I^e  plateau  au-dessus  de  Ligny,  écrivait  Victor  au  major  général,  ne  peut 
être  considéré  ni  comme  une  position  défensive,    ni  comme  une  position  de 


—  250  — 

«  J'envoie  ces  nouvelles  en  toute  hâte,  disait  Blucher  en  termi- 
nant, et  je  continue  ma  marche  conformément  aux  ordres  de 
Votre  Altesse.  » 

Mouvements  de  Sacken  et  d'Olsufiew.  — Rapport  dTork  à 
Blûcher  sur  les  places.  —  Ce  même  jour,  la  deuxième  colonne  de 
Sacken,  celle  de  gauche,  arrivait  à  Gondrecourt,  et  le  corps  d'Ol- 
sufiew,  avec  lequel  marchait  le  quartier  général  de  Blucher,  à 
Vaucouleurs. 

York,  qui  avait  terminé  son  inspection  des  corps  détachés 
devant  les  places  de  la  Sarre  el  de  la  Moselle,  était  h  peine  de 
retour  îi  Pange  qu'il  adressait  h  Blûcher  un  rapport  détaillé  sur 
la  situation  de  ces  places.  Concluant  à  l'impossibilité  de  la  réus- 
site d'un  coup  de  main,  il  conseillait  néanmoins  de  faire  investir 
sérieusement  Metz,  afin  d'empêcher  la  garnison  de  se  porter 
sur  les  lignes  de  communication  de  l'armée  de  Silésie. 

u  J'attends  maintenant  de  Votre  Excellence,  disait  York,  des 
ordres  précis  relatifs  k  la  marche  de  mon  corps  depuis  les  places 
jusqu'à  Saint-Mihiel,  et  des  instructions  relatives  au  rappel  des 
4  bataillons  employés  devant  Sarrelouis.  Je  fais  remarquer,  en 


combat,  parce  qu'il  y  a  du  côte  de  la  ville  un  défilé  extrêmement  rapide  et 
que  c'est  là  la  seule  communication  qu'il  présente.  J'ai  choisi,  pour  défendre 
la  position  opposée,  rentrée  du  défilé  de  Saint- Dizier,  dont  je  couronne  les 
hauteurs  par  l'infanterie.  Quelques  canons  sont  en  batterie  sur  la  chaussée.  » 
Voici  maintenant  comment  Victor  rend  compte  du  combat  même  :  k  Mon 
avant-garde  était  établie  sur  les  coteaux.  Prévenu  de  l'approche  de  Tennemi, 
j'ai  été  le  reconnaître.  Ses  lignes  étaient  déjà  formées.  11  s'est  mis  en  mouve- 
ment vers  une  heure  de  l'après-midi.  Mon  avanV-gardc  se  défendant  par 
écliclons,  se  replia  en  bon  ordre  sur  Ligny.  Plusieurs  bataillons  étaient  placis 
dans  les  jardins  pour  protéger  sa  retraite,  et,  pendant  ce  mouvement,  j'ordon- 
nai à  la  cavalerie  de  passer  le  déBlé  de  Saint-Dizier  parce  qu'elle  ne  pouvait 
me  servir  sur  ce  terrain  étroit  et  coupé  de  ravins.  L'infanterie  se  mit  en  ba- 
taille sur  la  hauteur  de  ce  défilé.  Nous  avons  attendu  l'ennemi,  qui  s'est 
d'aliord  porté  avec  une  colonne  de  2,000  à  3.000  hommes  sur  Ligny.  Les  batail- 
lons du  général  Duhcsme,  placés  dans  les  jardins,  l'aiTêtcrent  jusqu'à  ce  que 
la  ville  fût  évacuée,  défendant  opiniâtrement  l'entrée  de  la  ville  et  se  retirant 
ensuite  en  bon  ordre.  L'ennemi  a  tenté  plus  tard  une  attaque  sur  nos  lignes  ; 
mais  repoussé,  il  s'est  borné  à  nous  inquiéter  par  un  feu  de  tiraiUeurs  et  une 

canonnade  assez  vive Vei-s   10  heures  du  soir,   nos  avant-postes  ont 

remarqué  que  les  feux  de  bivouac  de  l'ennemi  s'éteignaient  et  ont  rendu 
compte  qu'on  entendait  un  bruit  de  voitures  sur  la  route  de  Gondrecourt. 
L'eimenii  marchait  par  cette  direction,  laissant  peu  de  monde  à  Ligny.  Les 
choses  étaient  en  cet  état  lorsqu'à  2  heures  du  matin  je  reçus  l'ordre  de 
me  replier  sur  Saint-Dizier.  »  (Archives  de  la  Guerre.) 


—  251  - 

outre,  que  c'est  seulement  le  27  ou  le  28  que  mon  corps  pourra 
être  concentré  h  Saint-Mihiel.  » 

L'observation  qu'York  faisait  là  au  feld-maréchal  est  intéres- 
sante à  consigner.  Il  importe  de  remarquer  que,  la  crue  de  la 
Moselle  ayant  retenu  le  I*^  corps  devant  les  places  plus  longtemps 
qu'on  ne  l'avait  pensé,  York  se  trouvait  dans  l'impossibilité  d'être 
le  2G  h  Saint-Mihiel,  comme  il  l'avait  écrit  h  Blùcher  à  la  date  du 
17,  et,  par  conséquent,  d'arriver  à  Bar-le-Duc  le  27  et  fi  Saint- 
Dizier  le  28,  comme  l'avait  marqué  le  feld-maréchal  dans  sa 
dépèche  à  Schwarzenberg,  en  date  du  19,  dans  sa  disposition, 
ainsi  que  dans  ses  ordÀs  de  marche  du  22. 

Sauf  une  sortie  exécutée  par  la  garnison  de  Metz,  dans  la  direc- 
tion de  Lorry  et  de  Plappeville,  la  journée  se  passa  sans  incident 
devant  les  places.  Horn  et  Pirch  étaient  restés  d(^vant  Thionville 
en  attendant  l'arrivée  du  général  von  Rôder,  et  la  cavalerie  du 
général  von  Jiirgass  était  toujours  en  observation  aux  environs 
de  Verdun  ;  Henckel  seul  avait  fait  un  peu  de  chemin,  et  passant 
par  Spincourt,  il  était  arrivé  îi  Étain,  où  il  resta  pendant  toute  la 
journée  du  24. 

Escarmouche  du  côté  de  Givet.  —  Quant  au  major  von  Fal- 
kenhausen,  il  annonçait  que  l'escadron,  qu'il  avait  détaché  en 
avant  pour  se  relier  à  Winzingerode,  avait  découvert  l'arriiTe- 
garde  française  du  côté  de  Givet,  avait  eu  avec  elle  un  engage- 
ment, à  la  suite  ducjuel  cette  arrière-garde  avait  dû  se  replier  sur 
cette  ville.  Il  communiquait,  en  outre,  la  nouvelle  reçue  par  lui  le 
23  au  soir  de  l'arrivée  des  Russes  à  Liège,  et  il  ajoutait  en  termi- 
nant* : 

Rapport  de  Falkenhausen.  —  «  J'envoie  un  officier  h  Liège 
pour  faire  savoir  qu'il  n'y  a  plus  de  trou|>cs  ennemies  sur  la 
Meuse. 

«  Après  m'étre  concerté  avec  le  général  Winzingerode,  je 
compte  me  diriger  sur  Montmédy.  Voici,  d'ailleurs,  en  résumé  le 
résultat  de  mes  opérations  : 

«  Évacuation  par  l'ennemi  de  tout  le  département  de  Sambre- 
et-Meuse  ; 


*  Rapport  du   major  prussien  v.   Falkenhausen.  (K.  K.  Kriegt  Ârehiv., 
I,  ad.  tt99.) 


—  252  — 

«  Destruction  d'un  corps  de  partisans  ennemis; 
«  Mise  en  liberté  de  1800  conscrits  ; 
«  Prise  de  magasins  considérables; 

«  Ouverture  et  établissement  de  communications  entre  l'armée 
de  Silésie  et  Tarmée  du  Nord  ; 
«  Découverte  des  mouvements  de  l'ennemi.  » 

24  janvier.  —  Houyement  de  Stscherbatoff.  —  Le  24, 

l'armée  de  Silésie  continua  son  mouvement.  La  disposition  *  pres- 
crivait à  Stscherbatoff  de  marcher  ce  jour-là  sur  Bar-le-Duc  et 
d'être  le  25  à  Saint-Dizier.  Ayant  appris  en  route  que  le  maréchal 
Ney  était  encore  le  24  au  matin  près  de  Bar-le-Duc  avec 
8,000  hommes,  le  général  russe  crut  devoir  restera  Ligny  avec  le 
gros  de  ses  troupes,  tandis  qu'il  poussait  le  général  Lanskoï  avec 
l'avanl-garde  sur  la  route  de  Saint-Dizier,  avec  ordre  de  pour- 
suivre le  corps  du  maréchal  Victor.  Lanskoï  s'avança  jusqu'à 
Stainville  et  se  fit  couvrir  en  avant  par  le  général  Karpoif,  dont  les 
cosaques  s'arrêtèrent  à  Ancerville,  à  moins  de  deux  lieues  de  Saint- 
Dizier.  Un  régiment  de  cosaques,  envoyé  en  observation  du  côté 
de  Bar-le-Duc,  annonça  vers  le  soir  que  l'ennemi  avait  entière- 
ment évacué  la  ville.  Les  trois  maréchaux  s'étaient,  en  effet, 
réunis  le  24  au  soir  à  Saint-Dizier. 

Le  prince  Stscherbatoff,  en  restant  à  Ligny,  avait  jugé  inutile 
d'y  laisser  la  colonne  volante  du  prince  Biron,  qu'il  envoya  se 
poster  en  deuxième  ligne,  en  soutien  des  généraux  Lanskoï  et 
Karpoff,  à  Nant-le-Petit. 

Renseignements  envoyés  par  Jûrgass.  —  Marche  de 
Horn.  —  Blûcher  était  arrivé  à  Gondrecourt  avec  Olsufiew,  et  le 
général  von  Jûrgass,  toujours  en  observation  du  côté  de  Verdun, 
faisait  savoir  au  feld-maréchal  que  l'ennemi  avait  abandonné 
Haudainville  et  Belrupt,  s'était  replié  sur  la  place,  et  qu'il  n'y 
avait  plus  dans  ces  parages  sur  la  rive  droite  de  la  Meuse  que 
quelques  faibles  détachements.  Jûrgass  ajoutait  qu'il  avait  fait 
partir  un  petit  détachement  de  cavalerie  pour  Sainl-Mihiel,  dont 
le  pont  était  détruit  et  que  les  cosaques  avaient  quitté  *. 

1  Journal  d'opérations  du  général-lieutenant  prince  Stscherbatoff. 

*  Le   général  Hicard  avait,  en  effet,  reçu  Tordre  d'envoyer  200  chevaux  et 


—  253  — 

Horn,  avec  la  7^  brigade  (rinfanlerie,  était  arrivé  h  Briey  ;  la 
V^  brigade,  avec  le  général  von  Pirch,  était  encore  à  Distroff 
devant  Thionville. 

Étant  données  les  positions  du  I®""  corps,  c'était  tout  au  plus  si 
la  léte  seule  de  Tavant-garde  atteindrait,  le  28,  Bar-le-Duc,  et 
si  h;  gros  du  I®*"  corps  parviendrait  à  se  réunir,  à  la  même  époque, 
aux  environs  de  Saint-Mihiel,  à  trois  bonnes  journées  de  marche 
de  Vitrv. 

Il  importe  encore  de  considérer  qu'au  moment  où  les  ordres  de; 
Blficher  parvinrent  au  quartier  général  d'York  à  Pange,  le  23  au 
matin,  les  différentes  fractions  du  I®'  corps  étaient  forcément 
disséminées,  les  unes  à  une  certaine  distance  en  arrière  de  la 
rive  droite  de  la  Moselle,  les  autres  plus  loin  encore  vers  la 
Sarre,  et  qu'il  leur  fallait  pour  le  moins  deux  jours  d(î  marche 
pour  atteindre  la  Moselle  du  côté  de  Pont-îi-Mousson. 

25  janvier.  —  Remarques  sur  les  ordres  de  Blûcher  à 
Tork.  —  L'ordre  de  mouvement  que  Blucher  adressait,  le  24  au 
soir  de  Vaucouleurs,  ii  York,  et  qui  lui  parvint  le  23  au  matin, 
ne  tenait  cependant  aucun  compte  de  la  situation  toute  spéciale 
du  I*»** corps.  Le  feld-maréchal  ignorait  d'autant  moins  cette  situa- 
tion, qu'il  avait  (;ntre  les  mains  le  rapport  d'York  sur  les  opéra- 
tions tentées  infructueusement,  pendant  les  derniers  jours,  contre 
les  places  de  la  Sarre  et  de  la  Moselle  par  les  troupes  sous  ses 
ordres.  York  lui  avait  d'ailleurs,  pour  plus  de  sûreté,  fait  porter 
ce  rapport  par  l'un  des  officiers  de  son  état-major  dans  lequel  il 
avait  le  plus  de  confiance. 

Bliicher,  en  lui  donnant  communication  du  tableau  de  marche 
des  corps  qu'il  avait  déjà  mis  en  mouvement  et  avec  lesquels  il 
comptait  ètri^  à  Brienne  le  28,  lui  prescrivait  néanmoins  d'être  à 
Bar-le-Duc  le  27,  à  Saint-Dizier  le  28,  h  Vitry  le  30.  Il  ajouUiit, 
dans  la  dépêche  qui  accompagnait  ce  tableau,  que  Schwar/enberg 


150  hommes  d'infanterie  pour  observer  le  pont  de  Sainl-!i]iliiel  et  ocrupcr  so- 
lidement le  passage  des  Isleltcs,  dont  il  importait  d*autant  plus  de  s'assurer  la 
possession  que  les  cosaques  avaient  paru  à  Villotte.  Marmont,  en  rendant 
compte  de  la  présence  des  cosaques  à  Villotte,  annonçait  au  major  général 
qu'il  envoyait  200  hommes  et  300  chevaux  pour  les  en  chasser  ;  que  lu 
tt*  corps  marchait  sur  Vitry,  que  la  division  Lagrauge  occupait  Cliaumont-sur- 
Aire,  et  la  division  Deconz,  Naives,  le  21  au  matin. 


-  254  - 

arriverait  à  Troyes  le  29  et  recommandait  h  York,  dans  le  cas  où 
Tennemi,  pour  retarder  la  marche  de  Tarmée  de  Silésie,  pren- 
drait l'olfensive  contre  son  aile  droite,  de  refuser  tout  engagement 
sérieux.  York  devait,  dans  cette  éventualité,  se  dérober  en  se 
dirigeant  vers  TAube  et  attacher  d*autant  moins  d'importance 
h  la  perte  momentanée  des  communications  avec  Kleist  et  Lange- 
ron,  que  lui,  Blûcher,  pourrait  toujours  correspondre  avec  eux 
par  l'intermédiaire  de  la  grande  armée.  Lui  confirmant  Tarrivée 
de  Kleist  à  Saint-Mihiel  pour  le  2  février,  il  l'invitait  à  remettre 
au  général  von  Rôder  le  blocus  de  Luxembourg  et  de  Thionville; 
au  général  Borosdin,  celui  de  Metz,  et  à  surveiller  la  marche  de 
Macdonald  S  qui,  ayant  quitté  Namur  du  18  au  20,  devait  vrai- 
semblablement se  diriger  sur  Chàlons,  où  il  pouvait  être  du  29 
au  30.  Il  le  chargeait,  en  outre,  de  faire  savoir,  par  le  major 
von  Falkenhausen,  au  général  Tchernitcheff,  qui  avait  suivi  le 
maréchal  jusqu'au  delà  de  Namur,  que  Tennemi  semblait  vouloir 
se  concentrer  fi  Châlons  et  que  toutes  les  forces  des  Alliés 
seraient  réunies,  le  30,  entre  l'Aube  et  la  Seine,  dans  les  environs 
de  Troyes.  Il  terminait,  enfin,  cette  dépêche  par  ces  mots  : 

«  L'ennemi  ne  pouvant,  en  présence  de  nos  mouvements,  rester 
sur  sa  position  de  Chîllons,  il  serait  bon  que  Tchernitcheff  se 
portîlt  aussitôt  sur  Reims.  » 

Positions  et  état  du  corps  York.  —  La  réception  d'un  ordre, 
dans  lequel  le  commandant  en  chef  de  l'armée  de  Silésie  croyait 
superflu  de  prendre  en  considération  la  situation  que  ses  instruc- 
tions avaient  faite  aux  troupes  du  l^^*"  corps,  devait  causer  un 
embarras  réel  h  York  et  à  son  état-major. 

Le  lor  corps  était  encore  échelonné  de  Verdun  à  Metz  et  Sarre- 
louis,  et  cependant  Blûcher,  entraîné  par  le  mouvement  même 
qu'il  avait  fait  exécuter  à  Sacken  et  li  Olsufiew,  allait  se  trouver 
h  Brienne,  à  plus  de  100  kilomètres  en  avant  du  I*»"  corps,  dont 
le  gros  se  réunissait  en  ce  moment  à  Saint-Mihiel.  Si,  comme 
tout  permettait  de  le  supposer,  l'Empereur  était  arrivé  î\  ChAlons, 
on  devait  s'attendre  h  le  voir  se  jeter  immédiatement  entre  les 


*  Macdonald  était,  le  24,  à  Méziôres,  où  il  resta  jusqu'au  26,  jour  où  la 
division  Brayer  était  avec  son  infanterie  à  Rethel,  avec  sa  cavalerie  au 
Ch(>Ge-i*opulcux  et  à  Vouziers. 


—  255  — 

doux  grosses  fractions  do  rarmôe  de  Silésir,  couper  leurs  lignes 
de  comniuniciilion,  qui  passaient  alors  à  moins  de  50  kilomètres 
de  (]hî\lons,  et  écraser  l'une  des  colonnes,  de  préfér(^nc(i  Taih; 
droite,  de  cette  armée.  Il  fallait  donc  à  tout  prix  chercher  à 
rejoindre  Bli'icher  au  i)lus  vile  et  imposer,  à  cet  et!et,  des 
marches  forcées  à  des  troupes  déjà  très  éprouvées  par  des  mou- 
vements incessants,  par  les  alertes  et  les  exigences  du  ser\ice 
qu'on  leur  avait  inutilement  imposées  devant  les  places,  par  les 
nuits  passées  au  bivouac.  Il  s'agissait  de  demander  de  nouveaux 
etîorts  à  un  corps  d'armée  qui,  rien  que  par  les  fatigu(\s,  avait 
perdu  2,446  homm(»s  du  18  au  25  janvier. 

Malgré  l'arrivée  de  renforts  s'elevant  h  3,246  hommes,  le 
I^*"  corps  ne  comptait,  le  25,  que  17,486  présents  sous  les  dra- 
peaux, et,  sans  avoir  eu  une  seule  affiiire  vérital)lement  sérieuse, 
il  avait  vu  disparaître,  du  l®''  au  25  janvier,  5,805  hommes,  soit 
le  quart  de  son  (îffectif  total  *. 

Ordres  donnés  par  Tork.  —  Premiers  mouvements  de  son 
corps  —  Quoi  qu'il  en  soit,  et  bien  qu'il  ne  se  dissimulât  pas  la 
grandeur  de  l'effort  qu'on  lui  demandait,  York  n'hésita  pas  un 
seul  instant.  Il  prit  aussitôt  des  mesures  gnlce  auxquelles  il 
espérait  arriver,  le  29,  avec  son  avant-garde  à  Saint-Dizier,  avec 
le  gros  îi  Bar-le-Duc,  amener  ces  deux  échelons  le  30  et  le  31  à 
Vitry,  et  réduire  ainsi  h  24  ou  36  heures  au  plus  un  retard  qu'il 
ne  dépendait  plus  de  lui  de  supprimer.  Pour  obtenir  ce  résultat, 
York  prescrivit  ù  toutes  les  fractions  du  I«'  corps,  qui  se  trou- 
vaient déjà  sur  la  rive  gauche  de  la  Moselle  (au  détachement  du 
colonel  Henckel,  posté  depuis  le  23  à  Étain,  et  appelé  désormais* 
à  servir  de  point(î  à  l'avant-garde  du  prince  Guillaume  de  Prusse, 
à  la  cavalerie»  d(i  rései*ve  du  général  von  Jûrgass  établie  aux 
environs  de  Verdun,  à  la  brigade  du  prince  Guillaume  (8«  bri- 
gade) à  ce  naoment  encore  devant  Meto  du  côté  de  Plappeville,  à 


*  Droysen,  Dos  Leben  des  Feld-MartcltaUs  Grafen  York  von  Warteiihurg, 
II.  277. 

Des  20,045  hommes  qui  avaient  passé  le  Rhin  le  !<>' janvicri  il  n'en  restait 
plas  que  14,210  présents  à  leurs  corps  le  25  ;  reffeclif  total  s* élevait  cepen- 
dant, grâce  à  riirrivce  des  renforts^  à  17,480  combattants. 

'  Dépêche  du  prince  Guillaume  de  Prusse  à  Uenckcl,  de  Sainte^Rufinc,  le 
25  janvier. 


-  246  - 

Los  habitants  pr(^tondont  quo,  dans  cette  confi^renco,  on  a  déddé 
que  Victor  tiendrait  fi  Ligny  *  et  Bar-le-Duc  jiisciirau  26,  jour  de 
Tarrivée  de  la  jeune  garde  venant  d'Anvers.  » 

En  effet,  sur  Tordre  formel  de  Berthier,  la  cavalerie  française 
dut  se  reporter  en  avant  de  Ligny  et  se  diriger  sur  Saint-Aubin  : 
«  L'ennemi,  dit  Blncher*,  occupait  le  22  Ligny,  et  deux  brigades 
de  cavalerie,  sous  les  ordres  du  général  Wassiltchikoff  ',  avaicMit 
poussé  jusqu'à  Saint-Aubin.  Dans  Tapn'^s-raidi,  rennemi  sortit  de 
Ligny  avec  environ  2,000  chevaux,  repoussa  nos  avant-postes,  se 
déploya  devant  Saint-Aubin,  lorsque  notre  cavalerie,  se  portant 
en  avant,  le  fit  canonner  par  une  batterie  h  cheval  juscpi'au  soir, 
où  il  se  retira  sur  Ligny'.  »  Victor  ne  laissa,  d'ailleurs,  ([u'une 
arrière-garde  à  Ligny  *. 

De  leur  côté,  les  hussards  russes  s'établirent  en  avant  de  Void, 


1  Ce  renseignement,  parfaitement  exact,  sauf  en  ce  qui  concerne  le  retour 
du  major  général  à  Paris,  est  confirmé  en  tous  points  par  Grouchy,  qui  dit  à 
ce  sujet  dans  ses  Mémoires  :  «  Le  22.  Victor  est  prêt  à  prolonger  la  refraito 
sur  Saint-Dizier  pour  n*^tre  pas  débordé,  lorsqu'il  reçoit  l'ordre  de  tenir  sur 
romain.  Milhaud  (5"  corps  de  cavalerie)  a  à  Saint-Aubin  un  engagement  avec 
les  Russes  et  se  replie  sur  Ligny.  »  , 

«  Rapport  de  Bliicher  {K.  K.  Kriegs  Arehiv.,  I,  5-)0).  Le  feld-marcchal  no 
parle  pas  des  charges  de  la  cavalerie  russe  mentionnées  par  Plotho  et  Damitz, 
et  qui  n'eurent  pas  lien. 

•  \jO  général  Wassiltchikoff  faisait  partie  de  la  colonne  du  général-lieute- 
nant prince  Stscherbatoff,  dont  le  Journal  iVnpérations  nous  fournit  les  rensoi- 
gnements  suivants  : 

t<  Le  prince  Stscherljatoff  a  reçu  communication  des  tableaux  de  marche  qui 
donnent  à  son  corps  une  direction  sp(>ciale.  Le  général  Lanskoï,  avec  une  bri- 
i;ade  de  tiussards  (ri'giments  de  hussards  d'Âktyrka  et  de  Mariopol)  et  une 
batterie  à  cheval,  3  régiments  de  cosaques  sous  les  ordres  du  général-major 
Karpoff  et  le  détachement  prussien  du  général  prince  Riron  sont  mis  à  sa  dis- 
]K)sition  et  forment  son  avant-garde.  Lo  corps  se  porte  aujourd'hui  sur  Void, 
son  avant-garde  est  ce  soir  à  Saint-Aubin,  d'où  l'on  a  chassé  l'ennemi.  » 

*  Rliicher  ajoute  dans  son  rapport  que  des  voyageurs  qui  étaient  h  Paris  le  1 2. 
jour  de  la  revue,  disent  qu'il  y  avait  là,  non  pas  30,000  hommes,  mais  au 
plus  18,000.  «  Us  n'ont  vu  entre  Paris  et  ChAlons  que  2  bataUlons  de  vété- 
rans de  la  garde.  » 

»  Le  2'  corps  et  le  5*  de  cavalerie  occupèrent,  le  22,  les  positions  suivantes  : 
Pire,  soutenu  par  la  division  Duhesme,  vers  Saint-Aubin;  400  dragons  do 
Briche,  soutenus  par  la  1  '•  division  d'infanterie,  éclairaient  vers  Gondrecourt , 
occupant  (jivrauval,  Longeaux,  Xantois,avec  une  avant-garde  ù  Saint-Amand. 
Le  restr  de  la  division  Rriche  était  en  arriére  de  Ligny,  sur  la  route  de  Rar  à 
Tronville,  (tuerpont  et  Tannois.  La  division  Lhériticr,  à  Stainville;  le  génénil 
de  France,  avec  les  gardes  d'honneur,  à  Ancerville.  Un  bataillon  d'infanterie 
de  la  2*^  division,  en  soutien  do  Lhériticr,  à  Stainville.  (/4rr/«irc*r/<»  la  (hwrre.) 


-  247  - 

et  Biron  occupa  la  ferme  de  Riéval  avec  des  avant-poslos  fournis 
par  les  cosaques  î\  Ménil-la-Horgne. 

La  colonne  de  droite  de  l'armée  de  Silésie  arrivait  ;\  Void; 
celle  de  gauche  à  Vaucouleurs.  Olsufiew  était  à  Toul  avec  le 
quartier  général  de  Blûcher  ;  l'avant-garde  de  Palhen  (Vl®  corps 
de  l'armée  de  Bohème),  il  Vézelise. 

Du  côté  des  Français,  Ney  était  encore  pour  peu  de  temps 
à  Bar-le-Duc;  Marmont,  afin  de  rester  lié  aux  deux  autres  maré- 
chaux, avait  commencé  son  mouvement  de  retraite  de  Verdun 
sur  Bar  et  Saint-Dizier,  où  il  arriva  le  24  après  avoir  laissé  la 
division  Ricard  du  côté  de  Clermont  en  Argonne  pour  garder  lo 
défilé  des  Islettes  et  couvrir  la  route  de  Verdun  à  Chûlons. 

Positions  dn  prince  Guillaume  de  Prusse  sous  Metz.  ~  Le 

prince  Guillaume  de  Prusse  s'était  dirigé  de  Pont-îVMousson 
vers  Metz  par  Pagny-sur-Moselle  et  établi  h  Sainte-Ruffine,  après 
avoir  fait  occuper  Vaux,  Jussy,  Lessy  et  Plappeville,  d'où  il 
pouvait  apercevoir  l'ensemble  des  défenses  de  la  place.  Par  suite 
du  séjour  forcé  qu'il  avait  dû  faire  h  Pont-îVMousson  et  comme  il 
avait  ordre  de  commencer  son  mouvement  vers  Bar-le-Duc  le  26, 
le  prince  ne  disposait  plus  que  de  trois  jours  pour  essayer  de  se 
rendre  maître  de  Metz.  Le  général  von  Jùrgass  était  resté  aux 
environs  de  Fresnes,  le  colonel  von  Warburg  h  Marly  et  le  lieute- 
nant-colonel von  Stutterheim  h  Lorry. 

Mouvements  de  Horn  vers  Thionville  et  de  Henckel  sur 
Longwy.  —  De  Luxembourg,  dont  les  portes  étaicmt  toujours 
closes,  Horn  s'était  dirigé  le  22,  par  ordre  d'York,  sur  Thionville 
où  il  devait  rejoindre  la  brigade  du  général  von  Pirch  et  avait 
f'àll  halle  le  22  au  soir  à  Roussy.  Il  îivait  préalablement  confié  le 
soin  de  surveiller  Luxembourg  au  général  von  Rôder  (cavalerie 
du  corps Kleist),  qui  devait,  en  outre,  masquer  Thionville,  dans  le 
cas  où  l'entreprise  projetée  contre  celle  place  n'amènerait  aucun 
résultat. 

Arrivé  par  Aubange  sur  Longwy,  Henckel  avait  reconnu  la 
place.  Ayant  constaté  l'impossibilité  de  tenter  un  coup  de  main, 
il  l'avait  contournée  pour  se  rendre  à  Longuion  et  s'était  con- 
tenté de  laisser  quelques  petits  postes  en  obsen^alion  devant  les 
débouchés  de  Longwy. 

York  était  allé,  par  Remich  et  Sierck,  inspecter  la  brigade 


-  246  - 

Los  habitants  prétondent  quo,  dans  cotto  conféronce,  on  a  décidé 
que  Victor  tiendrait  î\  Ligny*  et  Bar-lo-Duc  jusqu'au  26,  jour  de 
Tarrivée  de  la  jeune  garde  venant  d'Anvers.  » 

En  effet,  sur  Tordre  formel  de  Berlhier,  la  cavalerie  française 
dut  se  reporter  en  avant  de  Ligny  et  se  diriger  sur  Saint- Aubin  : 
«  L'ennemi,  dit  Bliicher*,  occupait  le  22  Ligny,  et  deux  brigades 
de  cavalerie,  sous  les  ordres  du  général  Wassiltchikoff  \  avaient 
poussé  jusqu'à  Saint-Aubin.  Dans  l'après-midi,  rennemi  sortit  de 
Ligny  avec  environ  2,000  chevaux,  repoussa  nos  avant-postes,  se 
déploya  devant  Sainl-Aubin,  lorsque  notre  cavalerie,  se  portant 
en  avant,  le  fit  canonner  par  une  batterie  î\  cheval  jusqu'au  soir, 
où  il  se  rôtira  sur  Ligny  ^  »  Victor  no  laissa,  d'ailleurs,  qu'une 
arrière-garde  à  Ligny  *. 

De  leur  côté,  les  hussards  russes  s'établirent  en  avant  de  Void, 


1  Ce  renseignement,  parfaitement  exact,  sauf  en  ce  qui  concerne  le  retour 
du  major  général  à  Paris,  est  confirmé  en  tous  points  par  Grouchy,  qui  dit  à 
ce  sujet  dans  ses  Mémoires  :  «  Le  2i,  Victor  est  prêt  à  prolonger  la  retraite 
sur  Saint-Dizier  pour  n^étre  pas  débordé,  lorsqu'il  reçoit  Tordre  de  tenir  sur 
romain.  Milhaud  (5^  corps  de  cavalerie)  a  à  Saint-Aubin  un  engagement  avec 
les  Russes  et  se  replie  sur  Ligny.  »  , 

«  Rapport  de  Bliicher  (K.  K,  Kriegs  Archiv.,  I,  5o0).  Le  feld-maréchal  no 
parle  pas  des  charges  de  la  cavalerie  russe  mentionnées  par  Plotho  et  Damitz, 
et  qui  n'eurent  pas  lieu. 

'  Le  général  Wassiltchikoff  faisait  partie  de  la  colonne  du  général-lieute- 
nant prince  Stscherbatoff.  dont  le  Journal  iVopérations  nous  fournit  les  rensoi< 
gnements  suivants  : 

«  Le  prince  Stscherbatoff  a  reçu  communication  des  tableaux  de  marche  qui 
donnent  à  son  corps  une  direction  spck'iale.  Le  général  Lanskoï,  avec  une  bri- 
i;ade  de  hussards  (régiments  de  hussards  d'Âktyrka  et  de  Mariopol)  et  une 
batterie  à  cheval,  3  régiments  de  cosaques  sous  les  ordres  du  général-major 
Karpoff  et  le  détachement  prussien  du  général  prince  Biron  sont  mis  à  sa  dis- 
position et  forment  son  avant-garde.  Le  corps  se  porte  aujourd'hui  sur  Void, 
son  avant-garde  est  ce  soir  à  Saint-Aubin,  d'où  l'on  a  chassé  l'ennemi.  » 

*  Bliicher  ajoute  dans  son  rapport  que  des  voyageurs  qui  étaient  à  Paris  le  i  2, 
jour  de  la  revue,  disent  qu'il  y  avait  là,  non  pas  30,000  hommes,  mais  au 
plus  18,000.  «  Us  n'ont  vu  entre  Paris  et  ChAlons  que  t  bataillons  de  vété- 
rans de  la  garde.  » 

»  Le  2'  corps  et  le  5®  de  cavalerie  occupèrent,  le  22,  les  positions  suivantes  : 
Pire,  soutenu  par  la  division  Duhcsme,  vers  Saint-Aubin;  400  dragons  do 
Briche,  soutenus  par  la  l'*  division  d'infanterie,  éclairaient  vers  Gondrecourt, 
occupant  Givrauval,  Longeaux,  Nantois,  avec  une  avant-garde  à  Saint-Amand. 
Le  reste  de  la  division  Briche  était  en  arriére  de  Ligny,  sur  la  route  de  Bar  à 
Tronville,  (luerpont  et  Tannois.  La  division  Lhéritier,  à  Stainville;  le  général 
de  France,  avec  les  gardes  d'honneur,  à  Ancerville.  Un  bataillon  d'infanterie 
de  la  2<^  division,  en  soutien  de  Lhéritier,  à  Stainville.  (^rcAtirxr/e  la  Guprre.) 


—  247  — 

et  Biroii  occupa  la  forme  de  Riéval  avec  des  avaiit-posles  fournis 
par  les  cosaques  à  Mc'^iil-la-Horgue. 

La  colonne  de  droite  de  rarniée  d(î  Silésie  arrivait  il  Void; 
celle  de  gauche  à  Vaucouleurs.  Olsufiew  était  à  Toul  avec  le 
quartier  général  de  Bli'icher ;  lavant-garde  de  Palhen  (Vl^  corps 
de  ramiéc  de  Bohême),  à  Vézelise. 

Du  coté  des  Français,  Ney  était  encore  pour  peu  de  temps 
à  Bar-le-Duc;  Marmont,  afin  de  rester  lié  aux  deux  autres  maré- 
chaux, avait  commencé  son  mouvement  de  retraite  de  Verdun 
sur  Bar  et  Saint-Dizier,  où  il  arriva  le  24  après  avoir  laisse»  la 
division  Ricard  du  côté  de  Clermont  en  Argonne  pour  garder  lo 
défilé  des  Islettes  et  couvrir  la  route  de  Verdun  à  ChAlons. 

Positions  dn  prince  Guillaume  de  Prusse  sous  Metz.  ~  Le 

prince  Guillaume  de  Prusse  s'était  dirigé  de  Pont-îi-Mousson 
vers  Metz  par  Pagny-sur-Moselle  et  établi  à  Sainle-Ruffine,  après 
avoir  fiut  occuper  Vaux,  Jussy,  Lessy  et  Plappeville,  d'où  il 
pouvait  apercevoir  Tensemble  des  défenses  de  la  place.  Par  suite 
du  séjour  forcé  qu'il  avait  dû  faire  h  Pont-î\-Mousson  et  comme  il 
avait  ordre  de  commencer  son  mouvement  vers  Bar-le-Duc  le  26, 
le  prince  ne  disposait  plus  que  de  trois  jours  pour  essayer  de  se 
rendre  maître  de  Metz.  Le  général  von  Ji'irgass  était  resté  aux 
environs  de  Fresnes,  le  colonel  von  Warburg  î\  Marly  et  le  lieute- 
nant-colonel von  Slulterheim  à  Lorrv. 

Mouvements  de  Horn  vers  Thionville  et  de  Henckel  sur 
Longwy.  —  De  Luxembourg,  dont  les  portes  étaient  toujours 
closes,  Horn  s'était  dirigé  le  22,  par  ordre  d'York,  sur  Thionville 
où  il  devait  rejoindre  la  brigade  du  général  von  Pirch  et  avait 
fait  halte  le  22  au  soir  h  Roussy.  Il  avait  préalablement  confié  le 
soin  de  surveiller  Luxembourg  au  général  von  Rôder  (cavalerie 
du  corps  Kleist),  qui  devait,  en  outre,  masquer  Thionville,  dans  le 
cas  où  l'entreprise  projetée  contre  cette  place  n'amènerait  aucun 
résultat. 

Arrivé  par  Aubange  sur  Longwy,  Henckel  avait  reconnu  la 
place.  Ayant  constaté  l'impossibilité  de  tenter  un  coup  de  main, 
il  l'avait  contournée  pour  se  rendre  à  Longuion  et  s'était  con- 
tenté de  laisser  quelques  petits  postes  en  observation  devant  les 
débouchés  de  Longwy. 

York  était  allé,  par  Remich  et  Sierck,  inspecter  la  brigade 


—  246  ~ 

Les  habitants  prétendent  que,  dans  cette  conférence,  on  a  décidé 
que  Victor  tiendrait  il  Ligny*  et  Bar-le-Duc  jusqu'au  26,  jour  de 
Tarrivée  de  la  jeune  garde  venant  d'Anvers.  » 

En  effet,  sur  Tordre  formel  de  Berthier,  la  cavalerie  française 
dut  se  reporter  en  avant  de  Ligny  et  se  diriger  sur  Saint-Aubin  : 
«  L'ennemi,  dit  Blucher*,  occupait  le  22  Ligny,  et  deux  brigades 
de  cavalerie,  sous  les  ordres  du  général  Wassiltchikoff  \  avaient 
poussé  jusqu'à  Saint-Aubin.  Dans  Tapri'^s-midi,  Tennemi  sortit  de 
Ligny  avec  environ  2,000  chevaux,  repoussa  nos  avant-postes,  se 
déploya  devant  Saint-Aubin,  lorsque  notre  cavalerie,  se  portant 
en  avant,  le  fit  canonner  par  une  batterie  h  cheval  jusqu'au  soir, 
où  il  se  retira  sur  Ligny  \  »  Victor  ne  laissa,  d'ailleurs,  qu'une 
arriére-garde  à  Ligny  \ 

De  leur  côté,  les  hussards  russes  s'établirent  en  avant  de  Void, 


1  Ce  renseignement,  parlaitement  exact,  sauf  en  ce  qui  concerne  le  retour 
du  major  (général  à  Paris,  est  confirmé  en  tous  points  par  Groucliy,  qui  dit  à 
ce  sujet  dans  ses  Mémoires  :  «  IjG  22,  Victor  est  prêt  à  prolonger  la  retraite 
sur  Saint-Dizier  pour  n*étre  pas  débordé,  lorsqu'il  reçoit  Tordre  de  tenir  sur 
rOrnain.  Milhaud  (5^  corps  de  c^ivalerie)  a  à  Saint-Aubin  un  engagement  avec 
les  Russes  et  se  replie  sur  Ligny.  »  , 

«  Rapport  de  Bliicher  {K,  K.  Kriegs  Arehiv.,  I,  5o0).  Le  feld-mar(5chal  no 
parle  pas  des  charges  de  la  cavalerie  russe  mentionnées  par  Plotho  et  Damitz, 
et  qui  n'eurent  pas  lieu. 

•  Le  général  Wassiltchikoff  faisait  partie  de  la  colonne  du  général-lieute- 
nant prince  Stscherbatoff,  dont  le  Journal  (Vnpérations  nous  fournit  les  rensei- 
gnements suivants  : 

t<  Le  prince  Stscherbatoff  a  reçu  communication  des  tableaux  de  marche  qui 
donnent  à  son  corps  une  direction  sptriale.  Le  général  Lanskoï,  avec  une  hri- 
i;ade  de  hussards  (régiments  de  hussards  d'Âktyrka  et  de  iMariopol)  et  une 
batterie  à  cheval,  3  régiments  de  cosaques  sous  les  ordres  du  général-major 
Karpoff  et  le  détachement  prussien  du  général  prince  Riron  sont  mis  à  sa  dis- 
position et  forment  son  avant-garde.  Lo  corps  se  porte  aujourd'hui  sur  Void, 
son  avant-gnrde  est  ce  soir  à  Saint-Aubin,  d'où  l'on  a  chassé  l'ennemi.  » 

*  Bliicher  ajoute  dans  son  rapport  que  des  voyageurs  qui  étaient  h  Paris  le  12, 
jour  de  la  revue,  disent  qu'il  y  avait  là,  non  pas  30,000  hommes,  mais  au 
plus  18,000.  «  Rs  n'ont  vu  entre  Paris  et  ChAlons  que  2  bataUlons  de  vété- 
rans de  la  garde.  » 

5  Le  2'  corps  et  le  S*' de  cavalerie  occupèrent,  le  22,  les  positions  suivantes  : 
Pire,  soutenu  par  la  division  Duhesme,  vers  Saint-Aubin;  400  dragons  do 
Briche,  soutenus  par  la  Indivision  d'infanterie,  éclairaient  vers  Gondrecourl, 
occupant  Givrauval,  Longeaux,  Nantois,  avec  une  avant-garde  à  Saint-Amand. 
Le  reste  de  la  division  Briche  était  en  arriére  de  Ligny,  sur  la  route  de  Bar  à 
Tronville,  Guerpont  et  Tannois.  La  division  Lhéritier.  à  Stainville;  le  général 
de  France,  avec  les  gardes  d'honneur,  à  Ancerville.  Un  bataillon  d'infanterie 
de  h  2®  division,  en  srmtien  de  Lhéritier,  à  Stainville.  (-4 rr/iïrcxt/é»  la  Gurrre.) 


—  247  — 

et  Biron  occupa  la  forme  de  RitWal  av(îc  des  avaiil-postos  fournis 
par  les  cosaques  à  IVK^nil-la-Horgne. 

La  colonne  do  droite  de  l'armée  de  Silosie  arrivait  h  Void; 
celle  de  gauche  à  Vaucouleurs.  Olsuliew  était  h  Toul  avec  le 
quartier  général  de  Blûcher  ;  l'avanl-garde  de  Palhen  (Vl®  corps 
de  l'armée  de  Bohême),  à  Vézelise. 

Du  côté  des  Français,  Ney  était  encore  pour  peu  de  temps 
il  Bar-le-Duc;  Marmont,  afin  de  rester  lié  aux  deux  autres  maré- 
chîiux,  avait  commencé  son  mouvement  de  retraite  de  Verdun 
sur  Bar  et  Saint-Dizier,  où  il  arriva  le  24  après  avoir  laissé  la 
division  Ricard  du  côté  de  Clermont  en  Argonne  pour  garder  lo 
défilé  des  Islettes  et  couvrir  la  route  de  Verdun  à  Chûlons. 

Positions  dn  prince  Guillaume  de  Prusse  sous  Metz.  ~  Le 

prince  Guillaume  de  Prusse  sétait  dirigé  do  Pont-îi-Mousson 
vers  Metz  par  Pagny-sur-MosoUe  et  établi  à  Sainte-Ruffino,  après 
avoir  fait  occuper  Vaux,  Jussy,  Lessy  et  Plappeville.  d'où  il 
pouvait  apercevoir  Tensomble  des  défenses  de  la  place.  Par  suite 
du  séjour  forcé  qu'il  avait  dû  faire  h  Pont-iVMousson  et  conjme  il 
avait  ordre  de  commencer  son  mouvement  vers  Bar-le-Duc  lo  26, 
lo  prince  no  disposait  plus  que  de  trois  jours  pour  essayer  de  se 
rendre  maître  de  Metz.  Lo  général  von  Jiirgass  était  resté  aux 
environs  do  Fresnes,  le  colonel  von  Warburg  î\  Marly  et  le  lieute- 
nant-colonel von  Stulterheim  à  Lorrv. 

Mouvements  de  Horn  vers  Thionville  et  de  Henckel  sur 
Longwy.  —  De  Luxembourg,  dont  les  portes  étaient  toujours 
closes,  Horn  s'était  dirigé  le  22,  par  ordre  d'York,  sur  Thionville 
où  il  devait  rejoindre  la  brigade  du  général  von  Pirch  et  avait 
fait  halte  le  22  au  soir  à  Roussy.  Il  avait  préalablement  confié  le 
soin  de  surveiller  Luxembourg  au  général  von  Rôder  (cavalerie 
du  corps  Kleist),  qui  devait,  en  outre,  masquer  Thionville,  dans  le 
cas  où  l'entreprise  projetée  contre  cette  place  n'amènerait  aucun 
résultat. 

Arrivé  par  Aubange  sur  Longwy,  Henckel  avait  reconnu  la 
place.  Ayant  constaté  l'impossibilité  de  tenter  un  coup  de  main, 
il  l'avait  contournée  pour  se  rendre  à  Longuion  et  s'était  con- 
tenté de  laisser  quelques  petits  postes  en  observation  devant  les 
débouchés  de  Longwy. 

York  était  allé,  par  Remich  et  Sierck,  inspecter  la  brigade 


-  246  - 

Les  habitants  prc^tondent  que,  dans  cette  conféronco,  on  a  décidé 
que  Victor  tiendrait  h  Ligny*  et  Bar-le-Duc  jusquaii  26,  jour  de 
l'arrivée  de  la  jeune  garde  venant  d'Anvers.  » 

En  effet,  sur  Tordre  formel  de  Berthier,  la  cavalerie  française 
dut  se  reporter  en  avant  de  Ligny  et  se  diriger  sur  Saint-Aubin  : 
«  L'ennemi,  dit  Bliicher*,  occupait  le  22  Ligny,  et  deux  brigades 
de  cavahîrie,  sous  les  ordres  du  général  Wassillchikoff  \  avaient 
poussé  jusqu'il  Saint-Aubin.  Dans  l'après-midi,  l'ennemi  sortit  de 
Ligny  avec  environ  2,000  chevaux,  repoussa  nos  avant-postes,  se 
déploya  devant  Saint-Aubin,  lorsque  notre  cavalerie,  se  portant 
en  avant,  le  fit  canonner  par  une  batterie  î\  cheval  jusqu'au  soir, 
où  il  se  retira  sur  Ligny  \  »  Victor  ne  laissa,  d'ailleurs,  qu'une 
arrière-garde  à  Ligny  \ 

De  leur  côté,  les  hussards  russes  s'établirent  en  avant  de  Void, 


1  Ce  renseignement,  parfaitement  exact,  sauf  en  ce  qui  concerne  le  retour 
du  major  gént'ral  à  Paris,  est  confirmé  en  tous  points  par  Groucliy,  qui  dit  à 
ce  sujet  dans  ses  Mémoires  :  «  Le  22,  Victor  est  prêt  à  prolonger  la  retraite 
sur  Saint-Dizier  pour  n'être  pas  débordé,  lorsqu'il  reçoit  l'ordre  de  tenir  sur 
rOrnain.  Milhaud  (5*^  corps  de  cavalerie)  a  à  Saint-Aubin  un  engagement  avec 
les  Russes  et  se  replie  sur  Ligny.  »  ^ 

«  Rapport  de  Bliicher  (AT.  A'.  Kriegs  Arehiv.,  I,  550).  Le  feld-maréchal  no 
parle  pas  des  charges  de  la  cavalerie  russe  mentionnées  par  Plotho  et  Damitz, 
et  qui  n'eurent  pas  lieu. 

'  Le  général  Wassiltchikoff  faisait  partie  de  la  colonne  du  général-lieute- 
nant prince  StscherbatofT,  dont  le  Journal  d*npérations  nous  fournit  les  rensei- 
gnements suivants  : 

«  Le  prince  StscherbatofT  a  reçu  communication  des  tableaux  de  marche  qui 
donnent  à  son  corps  une  direction  spéciale.  Le  général  Lanskoï,  avec  une  bri- 
i;ade  de  hussards  (régiments  de  hussards  d'Aktyrka  et  de  Mariopol)  et  une 
batterie  à  cheval,  3  régiments  de  cosaques  sous  les  ordres  du  général-major 
Karpoff  et  le  détachement  prussien  du  général  prince  Riron  sont  mis  à  sa  dis- 
position et  forment  son  avant-garde.  Le  corps  se  porte  aujourd'hui  sur  Void, 
son  avant-garde  est  ce  soir  à  Saint-Aubin,  d'où  l'on  a  chassé  l'ennemi.  » 

*  Bliicher  ajoute  dans  son  rapport  que  des  voyageurs  qui  étaient  à  Paris  le  i  2, 
jour  de  la  revue,  disent  qu'il  y  avait  là.  non  pas  30,000  hommes,  mais  au 
plus  18,000.  «  Rs  n'ont  vu  entre  Paris  et  ChAlons  que  2  bataillons  do  vi'té- 
rans  de  la  garde.  » 

»  Le  2'  corps  et  le  5^  de  cavalerie  occupèrent,  le  22,  les  positions  suivantes  : 
Pire,  soutenu  par  la  division  Duhesme,  vers  Saint-Aubin;  400  dragons  do 
Rriche,  soutenus  par  la  !'•  division  d'infanterie,  éclairaient  vers  Gondrecourt, 
occupant  Givrauval,  Longeaux,  Nantois,  avec  une  avant-garde  à  Saint-Amand. 
Le  resto  de  la  division  Rriche  était  en  arriére  de  Ligny,  sur  la  route  de  Bar  à 
Tronville,  Guerpont  et  Tannois.  1^  division  Lhéritier,  à  Stainville;  le  général 
de  France,  avec  les  gardes  d'honneur,  à  Ancerville.  Un  bataillon  d'infanterie 
do  la  2'^  division,  en  soutien  de  Lhéritier.  à  S>i;ûny\\\e.  (Archives  de  la  Guerre.) 


—  247  - 

et  Biron  occupa  la  ferme  de  Riéval  iWin:  dos  avanl-poslos  fournis 
parles  cosaques  h  Mc'^nil-la-Horgne. 

La  colonne  do  droite  de  Tarniée  de  Silésie  arrivait  fi  Void; 
celle  de  gauche  à  Vaucouleurs.  Olsullew  ('^tait  h  Toul  avec  le 
quartier  général  de  Blûcher  ;  Tavant-garde  de  Palhon  (Vl^  corps 
de  rarniée  de  Bohème),  à  Vézelis(\ 

Du  cùlé  des  Fran^'ais,  Ney  était  encore  pour  peu  de  temps 
h  Bar-le-Duc;  Marmont,  afin  de  rester  lié  aux  deux  autres  maré- 
chaux, avait  commencé  son  mouvement  de  retraite  de  Verdun 
sur  Bar  et  Saint-Dizier,  où  il  arriva  le  24  après  avoir  laissa»  la 
division  Ricard  du  côté  de  Clermont  en  Argonne  pour  garder  lo 
défilé  des  Islettes  et  couvrir  la  route  de  Verdun  h  Chûlons. 

Positions  dn  prince  Guillaume  de  Prusse  sous  Metz.  ~  Le 

prince  Guillaume  de  Prusse  s'était  dirigé  de  Pont-i\-Mousson 
vers  Metz  par  Pagny-sur-Mosolle  et  établi  h  Sainto-Ruffine,  après 
avoir  fait  occuper  Vaux,  Jussy,  Lessy  et  Plappeville.  d'où  il 
pouvait  apen^evoir  Tensomble  des  défenses  de  la  place.  Par  suite 
du  séjour  forcé  qu'il  avait  dû  faire  h  Pont-îVMousson  et  comme  il 
avait  ordre  de  commencer  son  mouvement  vers  Bar-le-Duc  le  26, 
lo  prince  ne  disposait  plus  que  de  trois  jours  pour  essayer  de  se 
rendre  maître  de  Metz.  Le  général  von  Ji'irgass  était  resté  aux 
environs  de  Fresnes,  le  colonel  von  Warburg  h  Marly  et  le  lieute- 
nant-colonel von  Stutterheim  h  Lorry. 

Mouvements  de  Horn  vers  Thionville  et  de  Henckel  sur 
Longwy.  —  De  Luxembourg,  dont  les  portes  étaient  toujours 
closes,  Horn  s'était  dirigé  le  22,  par  ordre  d'York,  sur  Thionville 
où  il  devait  rejoindre  la  brigade  du  général  von  Pirch  et  avait 
fîiit  halte  le  22  au  soir  à  Roussy.  Il  avait  préalablement  confié  le 
soin  de  surveiller  Luxembourg  au  général  von  Rôder  (cavalerie 
du  corps Kleist),  qui  devait,  en  outre,  masquer  Thionville,  dans  le 
cas  où  l'entreprise  projetée  contre  cette  place  n'amènerait  aucun 
résultat. 

Arrivé  par  Aubange  sur  Longwy,  Henckel  avait  reconnu  la 
place.  Ayant  constaté  l'impossibilité  de  tenter  un  coup  de  main, 
il  l'avait  contournée  pour  se  rendre  à  Longuion  et  s'était  con- 
tenté de  laisser  quelques  petits  postes  en  obsen'ation  devant  les 
débouchés  de  Longwy. 

York  était  allé,  par  Remich  et  Sierck,  inspecter  la  brigade 


—  264  ■ 
CHAPITRE  IV. 

MOUVEMENTS    DES   COHPS   DE    BULOW    ET    DE   WINZINGERODE.  — 
OPÉHATIONS   MILITAIRES    DANS    LES    PAYS-BAS,    JUSOl'AU  26  JANVIER. 

Situation  vers  la  fin  de  décembre  1813.  —  Dans  les  dernières 
pages  (le  notre  travail  :  La  Cavalerie  des  années  alliées  pendant  la 
campagne  de  1813,  nous  avons  exposé  sommairement  les  premières 
opérations  de  Bùlow,  les  mouvements  des  colonnes  volantes 
envoyées  par  Winzingerode  (le  Brome  sur  la  Hollande,  et  les 
coups  de  main  (exécutés  par  les  partisans  du  major  von  Colomb 
jusqu'à  la  date  du  23  décembre.  A  l'approche  des  Anglais  et  des 
Prussiens,  qui  avaient  opéré  leur  jonction  à  Uozendaal,  le  général 
riefebvre-Desnoetles  avait  levé  le  si(»ge  de  Bréda  pour  se  rappro- 
cher d'Anvers,  et  était  venu  prendre  position  à  Hoogstraéten. 
Mind(îrhout,  Braschaël  et  Matines  ;  le  général  Maison  s'était  mis 
en  route  i)Our  remplacer  h  la  tète  des  troupes  françaises  le  général 
Deca(?n, auquel  l'Empereur  n'avait  pu  pardonner  l'évacuation  pré- 
cipil(*e  des  places  de  Bréda  et  de  Willemstadt,  dès  l'apparition  des 
cosaques  de  Benkendorf. 

Du  côté  des  Alliés,  Bùlow,  loin  de  se  laisser  éblouir  par  les 
faciles  succès  «pi'il  venait  de  remporter,  employait  les  derniers 
jours  de  lîiîuiée  1813  à  mettre  sa  conquête  à  l'abri  d'un  cou])  de 
main  ou  d'un  revers  de  fortune,  quelque  im])robable  qu'il  fût.  en 
prenant  solidement  pied  sur  la  rive  gauche  du  Whaal  et  de  la 
Meuse. 

Toutefois,  avant  de  reprendre  l'exposé  des  événements  qui  se 
déroulèrent  pendant  le  mois  de  janvier  sur  c(»tle  partie  du  Ihéillre 
de  la  guerre,  il  (^st  d'autant  plus  indispensable  de  jeter  un  couj) 
dVeil  sur  la  situation  respective  des  adversaires,  qu'en  dehors 
des  Prussiens  de  Biilow,  des  Anglais  de  Graham  et  des  Hollan- 
dais du  prince  d'Orange,  les  Busses  de  Winzingerode  ne  tarde- 
ront guère  à  se  montrer  sur  le  Bhin  et  en  Belgique,  et  que  Maison 
doit,  |»ar  ordre  de  l'Empereur,  combiner  ses  opérations  avec 
celles  de  .Macdonald. 

Positions  et  effectifs  du  III*  corps  prussien.  —  Biilow, 
dont  le  rpiarlier  général,  encore  installé  à  Bommel  vers  la  lin  de 


-  265  — 

décembre,  allait  être  transféré  peu  après  h  Bréda,  avait  concentré 
son  corps  de  manière  à  protéger  la  Hollande  contre  un  retour 
offensif  des  Français,  tout  en  se  préparant  à  attaquer  Anvers  de 
concert  av(îc  les  Anglais.  Ceux-ci,  après  avoir  débarqué  8,000 
hommes  sous  le  général  Graham.  ;i  Willemstadt,  bloquaient 
Bergen-op-Zoora  et  couvraient  ainsi,  sur  la  droite,  les  positions 
du  lir«  corps  prussien. 

Ce  corps,  connue  tous  les  autres  corps  prussiens,  était  com- 
post^ de  4  brigades  d'infanterie  (3«  brigade,  général  von  Zie- 
linsky;  4«  brigade,  général  von  Thiimen;  o«  brigade,  général  von 
Borstell;  6®  brigade,  général  von  Krafft),  de  la  cavalerie  de 
réserve  du  général  von  Oppen,  d'une  brigade  d'artillerie  de 
réserve  de  6  batteries  (dont  1  à  cheval)  et  de  2  compagnies  d(» 
piormiers.  Il  comprenait,  outre  le  corps  volant  du  lieutenant- 
colonel  von  Lùlzow  *  (4  escadrons,  3  bataillons,  avec  9  bouches 
il  feu),  le  bataillon  de  chasseurs  volontaires  du  major  von 
Reiche,  le  corps  de  partisans  du  major  von  Colomb*  et  divers 
petits  détachements.  En  tout  :  45  bataillons,  dont  33  1/2  de  land- 
wehr,  50  escadrons,  dont  16  de  landwehr,  12  batleri(»s  et  2  com- 
pagnies de  pionniers,  formant  un  effectif  total  d'environ  30,000 
hommes,  avec  96  bouches  à  feu. 

Le  ni*^  corps  prussien  (jui  faisait  partie  de  l'armée  du  Nord, 
sous  les  ordres  du  prince  royal  de  Suède,  rejoignit  seulement 
dans  les  premiers  jours  de  mars  ^  l'armée  de  Silésie,  lors  de  la 
marche  de  Blùcher  vers  l'Aisne,  et  comme  Bûlow  avait  dil  laisser 
des  troupes  en  Belgique,  il  n'amena  guère  au  feld-maréchal 
(ju'un  renfort  de  16,000  hommes. 


1  Le  gros  du  corps  de  Liitzow  ne  rejoignit  que  plus  tard.  Deux  escadrons, 
venant  du  Holstein  avec  Liîtzow,  arrivèrent  à  Liège  le  24  janvier  et  y  prirent 
part  au  combat  de  cavalerie  livré  ce  joar-lj\  par  le  général  Tchcrnitchcff  ;  ils 
se  dirigèrent  de  là  vers  la  Meuse,  puis  vers  Epemay.  L'infanterie  du  corps  de 
Liitzow,  les  deux  autres  escadrons  et  son  artillerie  ne  quittèrent  le  Holstein 
qu'après  la  signature  de  la  paix  de  Kiel  avec  le  Danemark  ;  ils  furent  em- 
ployés, sous  les  ordres  du  major  von  Helmenstreit,  au  blocus  de  Juliers  du  17 
février  au  18  mars  et  ne  prirent,  par  suite,  aucune  part  aux  opérations  actives 
de  la  campagne  de  France. 

'  Le  corps  volant  de  Colomb  ne  resta  lui  aussi  que  peu  de  temps  en  Bel- 
gique et  opéra  en  France  de  concert  avec  les  deux  escadrons  de  Liitzow  à 
partir  des  premiers  jours  de  février. 

'  BUlow  n'arriva  que  le  2i  février,  à  Laon. 


-  266  — 

i^^  janvier  1814.  —  Concentration  du  IIP  corps  à  Bréda. 

—  Aprrs  la  retraite  des  Français  de  Bréda  sur  Hoogstraeten, 
Bfilow  s'était  borné  dans  les  derniers  jours  de  décembre,  à 
pousser  des  reconnaissances  :  à  droite,  vers  Anvers,  pour  se 
rendre  un  compte  aussi  exact  que  possible  des  forces  dont  ses 
adversaires  disposaient  autour  de  celle  place;  h  gauche,  vers 
(irave  et  Nimègue,  afin  de  s'éclairer  de  ce  coté  et,  surtout,  de 
couper  les  communications  entre  les  troupes  de  Macdonald  et 
celles  dont  Maison  allîiit  prendre  le  commandement. 

Il  était,  d'ailleurs,  décidé  à  ne  rien  entreprendre  contre  Anvers 
avant  d'avoir  été  rejoint  par  la  5«  brigade  (Borstell).  que  l'avant- 
garde  de  Winzingerode  <levait  relever  le  28  décembre  seulement 
sous  Wesel. 

De  phis,  comme  il  croyait  utile  de  laisser  la  3«  brigade  à  cheval 
sur  les  deux  rives  du  Whaal,  pour  surveiller  Gorcun)  ;  comme,  en 
outre,  il  faisait  bloquer  Bois-le-Duc  par  6  bataillons  et  2  escadrons 
sous  les  ordres  du  colonel  von  Hobe,  il  ne  lui  restait  plus 
guère  que  12,000  hommes  disponibles  pour  des  opérations  actives, 
lorsqu'il  concentra,  le  l*'»' janvier,  autour  de  Bréda,  les  brigades 
Borstell,  Thiimen  et  KrafTt.  Mais  bien  que  les  glaces  charriées  par 
les  fleuves  eussent  contraint  Biilow  à  rester  immobile  et  l'eussent 
obligé  îi  faire  lever  les  ponts  de  bateaux  établis  sur  le  Whaal  et 
sur  la  Meuse,  bien  que,  par  suite,  il  se  fût  trouvé  pendant 
quehjue  temps  dans  l'impossibilité  de  recevoir  les  renforts  qu'il 
attendait  ou  de  se  replier  en  cas  d'attaque,  la  concentration  du 
Ifl''  corps  prussien  n'en  décida  pas  moins  Macdonald  à  renoncer 
à  la  position  de  Niujègue  et  à  venir  s'établir  sur  la  Meus*»,  à 
VtMdoo,  ainsi  que  nous  le  verrons  plus  tard. 

Dans  la  deuxiènie  quinzaine  de  dé<*endire  et  avant  l'arrivée 
lious  Wesel  du  général  Orurk.  le  général  von  Borstell  avait  tenté 
en  vain  d'enlever  cette  place  par  surprise. 

Positions  et  effectifs  du  corps  Winzingerode.  —  Comme  le 
IH«  corps  prussien,  le  corps  russe  du  général  Winzingerode 
apj»artenait  à  l'armée  du  Nord.  Destiné  comme  lui  à  prendre  part 
aux  opérations  actives  et  à  rallier  plus  lard  l'armée  de  Silésie,  il 
.s'était  déjà,  dans  le  courant  de  novembre,  fait  |»récéder  en  Hol- 
lande |K»r  une  bonne»  parli<»  de  ses  cosaijues.  sous  les  ordres  de 
Tchernitchefl*,  Narischkine,  Benkendorf  et  Stahl.  Son  infanterie. 


—  267  — 

restée  inacliw,  par  ordiv  du  prinre  royal  dt»  Sucdt».  du  cù\c  uo 
Br^me  et  sur  le  bas  Wos(»r,  comnxMira  spulomeiit  dans  1rs  der- 
niers jours  de  décenibnî  son  mouvement  d(i  Miinsler  vers  le 
Rhin. 

Au  moment  où  l'on  doinia  Tonin*  à  Benkendorf  de  se  porter 
sur  Dijsseldorf  et  au  j^énéral  Orurk.  (pii  formait  la  t<He  de  coloniu» 
du  gros  du  rorps,  d'aller  relever  Borstell  devant  Wesel  et  d'y 
arriver  le  26  décembre,  e(^  corps  ne  présentait  plus  qu'un  etVertit' 
dis|>onible  de  8,000  hommes  d'infanhTie  (»t  d(»  o.OOO  chevaux. 

Mais  les  corps  de  Woronzoff  et  de  Slrogonoff',  ijue  le  princj» 
royal  de  Suède  avait  moni(»ntanément  fçanlés  sur  le  bas  Klbe, 
étaient  désif[né5  pour  opérer,  par  la  suite,  sous  les  ordres  de 
Win/ingerode.  Après  avoir  été  n»joint  par  WoronzotF.  Strojçoiiort' 
et  les  différents  détachements  monnaitanément  (employés  dans 
le  duché  d'Oldenbourg,  sur  le  Bhin  et  dans  hîs  Pays-Bas,  U* 
corps  de  Winzingerode  devait  compremire  la  caval(»rie  du  géné- 
ral Orurk  (3«  division  de  hussards  et  2»  de  dragons),  la  <*aval«'rie 
irrégulière  (cosacpKs  (*t  basehkyrs)  du  général  TchernitchrtV.  h' 
3*  corps  d'infanteri(»  du  général  Woronzoff,  le  corps  d'infanterie 
du  général  Slrogonotf  et  14  batteries  d'artillerie»,  soit  en  tout, 
d'après  Plotho  :  3o  bataillons.  30  (escadrons.  19  n*giments  cosa- 
ques et  162  bouches  à  feu,  repn'»sentant  un  effectif  total  de 
30.850  hommes;  d'après  Bogdanovitch,  il  comprenait  40  batail- 
lons, 47  escadrons,  19  régiments  cosacpies  et  12  batteries  (132 
bouches  à  feu),  formant  un  total  de  36,000  hommes. 

Renforts  destinés  à  remplacer  les  corps  de  Bulow  et  de 
Winzlngerode.  —  Ces  deux  corps  d'armée  devaient  être  rempla- 
cés en  Belgique,  dans  les  premiers  jours  de  février,  j»ar  le 
m*  corps  fédéral  (duc  de  Saxe-Weimar),  comprenant  :  2  brigades 
d'infanterie  saxonne  (généraux  Lecoq ,  Gablenz  et  Byssel)  et  1 4  esca- 
drons de  cavalerie  ;  la  brigade»  de  Thuringe  et  d'Anhalt  du  prince 
Paul  de  Wurtemberg  (8  bataillons  et  demi  et  1  escadron)  et  !(»< 
4  régiments  de  landwehr  saxonne,  qui,  avec  un  escadron  de  cava- 


*  Le  corps  de  Woronzoff  faisait,  d'apri>s  l'ordre  de  Iiataille,  partie  du  corps 
de  Wiozingerode  ;  celai  de  Strogonoff,  de  l'armée  de  Pologne,  sous  les  ordres 
de  Benningseo  ;  ce  dernier  corps  fut,  dès  le  roiamencement  de  1814,  détaché 
de  cette  année  et  placé  sons  le  commandement  de  Wiozingerode. 


—  268  — 

lerie  et  les  régiments  cosaques  Bihaloff  I  et  Robrejeft,  étaient 
placés  sous  les  ordres  du  général  von  Thielmann;  enfin,  5  bat- 
teries et  demie  d'artillerie;  soit,  en  tout  :  32  bataillons,  IS  esca- 
drons,  â  régiments  cosaques  et  56  bouches  à  feu  :  au  total, 
23.350  hommes. 

Le  duc  de  Saxe-Weimar,  avec  un  premier  échelon  fort  de 
12  bataillons,  9  escadrons,  1  conjpagnie  de  sapeurs  et  4  batteries, 
en  tout  11,000  hommes  environ,  1,600  chevaux  et  28  canons, 
quitta  Querfurt,  le  2  janvier,  pour  arriver  h  Bréda,  le  7  février. 

Presque  en  même  temps  que  le  II1«  corps  fédéral,  le  corps  du 
général-lieutenant  comte  Wallmoden-Gimborn  recevait,  lui  aussi, 
Tordre  de  venir  prendre  part  aux  opérations  dans  les  Pays-Bas. 
Ce  cor|)s  se  composait  de  la  cavalerie  cosaque  «in  général  Tetten- 
born  V,  de  la  brigade  mixte  formée  par  la  légion  russo-allemande 
et  de  la  brigade  mixte  hanovrienne;  en  tout  :  13  bataillons, 
16  es<'adrons  et  4  régiments  cosaques;  soit  environ  15,000 
hommes  avec  32  bouches  fi  feu. 

Positions  et  effectifs  des  corps  français  sous  les  ordres  de 
Hacdonald.  —  Les  forces  que  les  Français  pouvaient  opposer, 
dans  les  derniers  jours  de  décembre  1813  et  les  premiers  jours 
de  janvier  1814,  aux  deux  corps  de  Biilow  et  de  Winzingerode 
étaitMit  loin  d«î  présenter  un  pareil  effectif. 

D'après  les  situations  en  date  du  l^""  janvier,  Macdonald,  dont 
le  quartier  général  restera  à  Clèves  jusiju'au  5  janvier,  a  sous  ses 
ordres  directs  le  4^  cor])s,  que  nous  citerons  ici  pour  mémoire 
seulement,  puisqu'il  s'enlermera  avec  le  général  Morand  à 
Mayence,  les  5«  et  ii«  corps  d'infanterie  et  les  2«  et  3«  de  cava- 
leri(^ 

Le  11*^  corps  d'infanterie,  réparti  entre  Nimègue,  Clèves  et 
Wesel,  où  il  laissera  par  la  suit(»  la  35*^  division  ave('  hi  général 
Lauberdière,  se  compose,  à  ce  moment,  des  3i«  et  35®  divisions, 
et  compte  en  tout,  en  y  com|)renant  même  les  1,750  hommes  de 
la  <livision  Molitor  postés  à  Venloo,  8.085  homnnîs,  1,255  che- 
vaux et  18  canons. 


*  I-.es  cosaques  de  Tettenborn  prirent  seuls  part  aux  opérations  de  la  cam- 
pagne de  France.  Arrivé  du  Schleswig-Holsteîn  le  i  I  février  à  Cologne,  Tellen- 
ÏK)rn  partit  le  19  de  Trêves  et  rejoignit  Winzingerode  à  Reims  le  25. 


—  269  — 

A  sa  droite,  se  trouve  le  long  du  Rhin,  de  Neuss  jusqu'à 
Cologne,  le  5«  corps  (S('îbastiani),  d'une  force  totale  de  3,734 
hommes  et  794  chevaux  avec  14  bouches  à  feu. 

Le  2«  corps  de  cavalerie  a  3  brigade^s,  formées  par  l(»s  2*  et 
4«  divisions  de  cavalerie  lé{ç^re  et  la  2«  division  d(î  cuirassi(»rs. 
En  y  comprenant  313  hommes  du  régiment  de  hussards  Jéronnî- 
Napoléon,  il  compte  en  tout  2,484  hommes,  3,046  chevaux  avec 
4  bouches  à  feu.  Une  de  ses  brigades  est  h  Clèves  et  à  Calcar, 
une  autre  h  Cranenburg  et  à  Nimègue;  sa  3«  brigade,  celle  du 
général  Dommanget,  est  tout  entière  h  Maëstricht,  s'éclairant  sur 
Bruxelles. 

Le  3^  corps  de  cavalerie  ne  pouvait  mettre  en  ligne,  lin  dé- 
cembre, que  2,178  hommes  avec  2,745  chevaux  et  6  canons. 
Il  surveillait  le  Rhin  depuis  Andernach  jusqu'il  Neuss  et  Crefdd. 

Il  est  bon  de  remarquer  que  si  Feffectif  total  des  troupr's 
placées  sous  les  ordres  du  duc  deTarente  s'élevait,  à  ce  moment, 
h  près  de  17,000  hommes,  il  ne  pouvait  guère  disposer,  «'u 
réalité,  pour  des  opérations  actives,  que  de  9,000  îi  10,000  hommes 
au  plus.  Le  reste  des  troupes  était  immobilisé,  et  formait  les  garni- 
sons de  Grave,  Wesel,  Venloo,  Juliers  et  Maëstricht*. 


*  Bfacdonald  s'était  rendu  an  compte  exact  des  dangers  de  la  situation.  Dans 
la  dépêche  que  de  Clèves  il  adressa  an  major  général  le  1^'  janvier,  il  demandait 
à  se  replier  sans  laisser  de  monde  dans  les  forteresses.  Mais,  tonten  le  rappelant  à 
lui  par  sa  lettre  du  10  janvier  et  par  sa  note  du  12  sur  la  situation  de  la 
France,  FEmpereur  ne  put  se  résoudre  à  sacrifler  les  places  et  à  renoncer  aux 
pays  qu'il  avait  conquis. 

«  Macdonald  au  major  général.  — Clèves,  1*' janvier. 

«   L*ennemi  file  sans  interruption  vers  Gorcum  et  Bréda.  Soyez  assuré, 

.Monseigneur,  que  tout  à  Thcure  on  dans  quelques  jours,  il  y  aura  irruption 
en  Belgique.  Les  Alliés  manœuvrent  par  leurs  ailes  et  nous  amusent  au  centre. 
Les  rassemblements  de  Oiisseldorf,  Miililheim,  Deutz  et  à  Tembouchure  de  la 
Sieg  n'ont  d'autre  objet  que  d  attendre  cette  irruption  pour  intercepter  les 
routes  de  Coblentz  et  de  Luxembourg,  Uindis  que  de  la  Campinc  l'ennemi  bar- 
rera le  chemin  de  Bruxelles  et  de  Xamur. 

t(  Je  répète  à  Votre  Altesse  que  des  troupes  aussi  disséminées  n'ont  aucune 
force,  que  prise  en  écharpe  et  en  tète,  cette  immense  ligne  sera,  détraquée  sans 
utilité  pour  la  défense  générale.  Les  places  mêmes  ne  seront  d'aucun  secours. 
Le  complément  des  approvisionnements  est  encore  loin  do  son  terme.  Le  H^  corps 
et  le  11®,  en  supposant  qu'ils  puissent  se  jeter  dans  les  places  sans  être  enta- 
més, n'ont  ensemble  que  de  8,000  à  10,000  hommes,  y  compris  les  baïon- 
nettes de  Wesel,  deux  ou  trois  de  plus  à  Grave,  Venloo,  Maëstricht,  Juliers. 
Four  les  cinq  places,  il  en  faut  plus  du  double  et,  dans  tous  les  cas,  il  ne  res- 
terait plus  de  corps  d'armée  eu  campagne. 


—  570  — 

Au  nionjfMit  où  Wiiizingerode  s(î  |)rés('nta  entre  Cologne  e 
Neuss.  le  maréchal  aurait  pu,  au  maximum,  lui  opposer  de  6,00( 
à  7,000  hommes  appartenant,  pour  la  plupart,  au  5«  corps  et  ai 
3«  corps  de  cavalerie,  et,  dans  ce  cas,  il  ne  lui  serait  resté  qu( 
bien  peu  de  choses  pour  se  couvrir  sur  sa  gauche  contre  lej 
opérations  de  Bûlow. 

Effectifs  des  troupes  placées,  en  Belgique,  sous  les  ordres 
de  Maison.  —  En  Belgique,  Maison  n'avait  encore  qu'une  ving- 
taine de  dépôts  renfermant  des  soldats  blessés,  les  deux  division^ 
Boguel  et  Barrois  et  la  brigade  de  (uivalerie  du  général  Caslex, 
soi!,  tout  au  ])lus,  une  quinzaine  de  mille  hommes  '. 


t(  yous  toucfioM  à  utu  grande  crise  :  ne  serail-il  pat  aitui  sage  que  prudent 
tU'  prendre  une  grande  résolution  f  Que  font,  dans  cette  circonstance,  des  places 
si  éloignées  ;  dépourvues  en  partie,  faibles  de  garnison,  elles  succoniberonl 
bienlùt  et  sans  fruit  pour  TEtat...  Dans  la  crise  actuelle,  dans  If  moment  on 
l'ancienne  France  est  eihtamée,  ne  setait-il  pas  sage  d'abandonner  la  nouvelU 
en  ralliant  tous  les  détachements  épars,  les  grossissant  des  conscrits  en  inarch" 
et  des  hommes  que  Vlwnneur  national  et  le  sang  français  feront  aiTirer  sous  In 
aigles  de  r Empereur... 

«  Que  fait  maintenant  à  TEmpereur  ce  coin  de  l'enipirc  isolé,  lorsque  les 
barrières  du  Rhin  et  de  la  Meuse  sont  Irancbies.  Je  ne  dois  pas  If  dissimuler, 
tous  les  Français  murmurent  ;  cfuicun  veut  défendre  sa  patrie ,  quUl  ne  trnuvt 
pas  ici,  ou  succomber  arec  honneur  sous  les  rumes  de  la  France  l  » 

Quelques  jours  plus  tard  dans  une  dép<>clie,  dans  laquelle  il  envoyait  le 
7  janvier,  à  Maison,  la  traduction  d'une  proclamation  de  Bliiclier.  il  ajoutait  : 
»«  Bliicbcr  ne  cache  pas  les  projets  des  Alliés  et  nous  restons  isolés,  disséminés. 
En  j(*tant  dans  des  places  mal  armées,  mal  approvisionnées,  ce  qui  nous  serait 
M  utile  pour  défendre  notre  patrie,  on  nous  ensevelira  sons  ses  ruines!  >• 

{ Archives  de  la  guerre.) 

I  A  la  date  du  l^'*^  janvier  et  d'après  une  dépèche  de  .Maison  au  maréchal 
Macdon.ild,  les  tron|)es  françaises  dLsi)onihles  [K)ur  des  opérations  actives  étaient 
réparties  comme  suit  : 

1^1  division  Hoguet  et  la  cavalerie  de  la  garde  (1000  chevaux  sous  Lefebvre- 
iK'^noetles)  otTUpaient  Turnhout  avec  1  iKitaillon,  6  escadrons  et  2  pièces; 
llo<igstraëten  et  les  villages  voisins  avec  8  hatiiiUons,  10  escadrons  et  iO  bou- 
ches à  feu  ;  F^zenthout  avec  2  bataillons  et  'i  escadrons,  liraschaët  avec  2  ba- 
taillons, i  escadrons  et  2  pièces. 

i.e  général  Maison  écrivait  à  cette  date,  au  duc  de  Tarente,  pour  lui  dire 
qu'il  se  vo\ait  forcé  de  renoncer  a  marcher  sur  Bois-le-Duc,  parce  qu'il  lui 
faudrait,  dans  re  cas.  dégarnir  Anvers  et  qu'il  était  contraint,  par  suite,  de  se 
contenter  de  faire,  le  3  ou  le  4,  une  reconnaissance  sur  Tilburg.  [Archives  de 
Itt  guerre.  Correspondance  du  général  comte  Maison.) 

II  est  Ihhi  de  remarquer  que  les  régiments  de  Koguet  manquaient  de  sous- 
offniers  et  que  ce  général  n'avait  en  tout,  pour  servir  6  pièces,  que  i7  caooD- 
nier.>. 


—  271  — 

Les  divisions  d(»s  g('»n(»rau\  Anibert,  Carra-Saint-Cyr  (»t  Ledru 
des  Essarts  comnieiiraient  s(;iileni(»nl  à  so  former,  vX  c'était  avec 
des  forces  aussi  iiisi^iiitiant(»s  (|ue  Maison  devait  couvrir  Anvers 
et  la  Belgique,  assurer  la  défense  de  Bergen-op-Zooni  et  de  la 
ligne  de  l'Escaut,  et  résister  sur  son  front  à  Bfdow,  sur  sa  gauche 
au\  Anglais,  et,  sur  sa  droite,  aux  Kussi»s  de  lavant-garde  de 
Winzingerode. 

Suppléant  h  l'insufllsance  de  ses  forces  par  uik»  infatigable 
activité,  Maison  coninienea  par  approvisionner  les  places  ([u'il  lui 
fallait  oiîcuper.  Il  résolut  ensuite»  d(;  tenir  la  campagne  avec  ce 
(jui  lui  resterait,  de  refuser  tout  engagenn^nt  trop  sérieux  et 
d'inquiéter  sans  cesse  l'ennemi  en  essayant  de  lui  donner  le 
change  sur  ses  projets.  Vers  le  !•'' janvier,  il  avait  posté  la  divi- 
sion lloguet  ù  Hoogslraët(»n  et  Turnhout,  la  cavalerie?  de  Des- 
noettes  entre  Turnhout  et  Brecht.  La  division  Barrois  était,  en 
deuxième  ligne,  à  Bruxelles  avec  quelques  escadrons  du  général 
Castex.  Le  général  Ambert,  avec  4  bataillons,  â  ou  3  escadrons 
et  quelques  bouches  à  feu,  avait  pris  position  à  Braschaët  et  à 
Donk,  au  nord  d'Anvers. 

Le  génénd  Maison,  en  couvrant  Anvers,  cherchait  ainsi  à  main- 
tenir ses  connnunications  avec  Bergen-op-Zoom  et  à  surveiller  les 
mouvenumts  des  Anglais,  postés  à  Rozendaal,  et  ceux  des  Prus- 
siens, établis  à  Bréda'. 

Malgré  le  faible  effectif  des  troupes  françaises  qui  lui  étaient 
opposées,  Bûlow  allait  néanmoins  se  trouver  dans  une  situation 
assez  difficile  jusqu'à  l'arrivée  sur  le  Rhin  du  gros  du  corps  de 
Winzingerode. 

Aussi  se  concenlra-t-il  aux  environs  de»  Bréda  |)0ur  parer 
à  un  mouvement  offensif  de  Macdonald  e[ui,  s'a|)puYant  sur  Grave 
et  sur  Nimègue,  aurait  pu  descendre  le  cours  du  Whaal  et  de  la 


*  C'est  pour  cela  que  le  3  janvier  il  avait  poussé  trois  reconnaissances  dans 
la  direction  de  Bréda  :  la  premièie  d'Hoogstraelen  sur  Meerle,  la  deuxièino  sur 
Meer  et  Meersel  et  la  troisième  de  Loiinhout  sur  (îrootzundert.  Mais  eu  inènie 
temps  qu'il  réunissait  la  division  Roguet  à  Iloogstrai'ten,  Maison  prévenait  le 
major-général  de  l'impossibilité  pour  lui  de  se  porter  sur  Gorcuui  sans  décou- 
vrir absolument  Anvers  et  risquer,  d'autre  part,  d'ex{)oser  les  troupes  qu  il 
dirigerait  sur  Gorcum  à  être  romplélement  coupées  de  cette  place.  Il  ajoutait 
qu'en  attendant  un  ordre  de  l'Empereur  lui  enjoignant  à  nouveau  d'agir  vers 
Gorcum,  il  dirigerait  un  détachement  de  cavalerie  et  d'infanterie  sur  Chaam 
et  de  la  sur  Tilburg,  afin  de  se  renseigner  sur  les  forces  de  l'ennemi. 


—  272  - 

Meuse  et  bousculer  les  troupes  du  III«  corps  prussien  pendant 
que  les  forces  françaises  réunies  ii  Anvers  se  seraient  dirig(^es  sur 
cette  place.  Du  reste,  Tarrivée  de  la  5®  brigade  venant  de  Wesel, 
le  passage  du  Rhin  par  SaintPriest  et  la  prt^sence  de  Tchernitcheff 
h  Dûsseldorf  suffirent  pour  le  rassurer  et  pour  lui  rendre  toute 
sa  liberté  de  mouvement. 

4  janvier.  —  Positions  de  Sébastian!  entre  Cologne  et 
Neuss.  —  Macdonald  à  Tenloo.  —  En  effet  Sébastiani.  qui 
gardait  avec  une  poignée  d*hommes  la  ligne  du  Rhin,  depuis 
Bonn  jusque  vers  Wesel,  s'était  justement  préoccupé  de  l'appari- 
tion à  Andernach  de  la  brigade  Pillar,  du  corps  de  Saint-Priest. 
Ne  pouvant  prévoir  les  difficultés  que  Saint-Priest  rencontrerait 
au  passage  du  Rhin,  il  avait  commencé  par  diriger  sur  Bonn,  par 
Oberwinter  et  Mehlen,  une  reconnaissance  qui,  habilement  con- 
duite par  les  généraux  Albert  et  Jacquinot,  bouscula  la  cavalerie 
russe.  Puis,  en  même  temps  qu'il  signalait  îi  Macdonald  la  pré- 
sence de  l'ennemi  sur  sa  droite,  il  sollicitait  et  obtenait  du  man'»- 
chal  Tautorisation  de  resserrer  ses  cantonnements  démesuré- 
ment étendus  et  de  rassembler  son  monde  entre  Cologne  et 
Neuss  *. 

La  vigilance  de  Sébastiani  avait  déjoué  une  tentative  faite,  le 
3  janvier,  parle  corps  volant  russo-prussien  du  major  von  Boltens- 
tern  (des  chasseurs  de  la  garde),  qui  avait  essayé  de  passer  en 
barque  le  Rhin  à  Muhlheim  et  d'atterrir  près  de  Cologne.  A  peine 
les  partisans  eurent-ils  pris  pied  sur  la  rive  gauche  qu'ils  furent 
découverts  et  attaqués  par  les  troupes  françaises.  Ils  n'eurent  que 


*  l^  maréchal  avait,  en  effet,  écrit  de  Gueldres,  le  7  janvier  à  3  heures  de 
Taprès-midi.  au  général  Sébastiani  :  «  Je  u^is  votre  lettre  du  3.  Sans  doute 
que  nous  devrions  nous  resserrer,  nous  réunir,  tel  est  mon  projet  depuis  long- 
temps :  mais  j'ai  le  cœur  navré  de  m'éloigner  de  places  mal  armées,  mal  appro- 
visionnées et  faibles  de  garnison.  J'avais  proposé  d'évacuer  toutes  les  places, 
d'en  retirer  les  garnisons,  d'en  former  un  bon  noyau,  de  nous  réunir  au  1*' 
corps,  ce  qui  formerait  30,000  hommes,  dont  6,000  de  aivalerie.  Mais  je  ne 
reçois  pas  de  réponse  et  pas  un  mot  sur  les  événements  présents  et  futurs.  Si 
dans  les  vingt-quatre  heures  il  ne  me  parvient  rien  et  que  les  circonstances 
nous  en  donnent  le  temps,  je  vous  écrirai  pour  nos  mouvements  ultérieurs. 
Mais  si  elles  commandent,  notre  premi<'Te  ligne  devra  être  la  Roi'T,  ensuite  la 
Meuse  ;  les  points  de  jonction,  Juliers  et  Hui*emonde,  Maastricht,  Aix-la-Cha- 
pelle et  Lii'ge.  Voilà  les  données...  C'est  une  fatalité  que  cette  situation  oii 
rien  n'est  prévu,  ni  ordonné.  » 


—  273  — 

le  temps  de  se  rejeter  en  toute  hi\te  dans  leurs  barques,  dont 
quelques-unes,  trop  chargées  par  suite  du  départ  précipité  des 
canots  dans  lesquels  s'étaient  jetés  les  premiers  fuyards,  n'attei- 
gnirent qu'à  grand'peine  la  rive  opposée.  Cette  tentative  coûta  la 
vie  au  major  von  Boltenslern  qui,  resté  le  dernier  sur  la  rive 
gauche,  sauta  à  cheval  dans  le  Rhin  et  périt  sous  les  balles  des 
soldats  de  Sébastiani. 

Comme,  de  son  côté,  Macdonald  pouvait  craindre  à  la  fois 
d'être  coupé  de  sa  ligne  de  retraite  par  les  brigades  prussiennes 
désormais  réunies  autour  de  Bréda  et  d'être  attaqué  par  les 
troupes  de  Winzingerode,  il  crut  plus  sage  de  quitter  Nimégue 
et  Clèves  le  4  janvier  et  de  se  replier  sur  Gueldres  et  Venloo, 
après  avoir  préalablement  informé  Maison  de  sa  résolution. 

» 

Marche  de  Winzingerode  sur  Dûsseldorf.  —  Winzingerode 
continuait  lentement  et  méthodiquement  sa  marche  sur  Dûssel- 
dorf à  la  tète  des  17,000  hommes  qui  lui  restaient*  et  avec 
lesquels  il  aurait  certainement  pu,  sans  rien  risquer,  passer  im- 
médiatement l(î  Rhin.  Il  poussait  même  la  prudence  jusqu'à 
arrêter  Tchernitcheff. 

Tchernitcheff  demande  en  vain  &  passer  de  suite  le  Rhin. 

—  Ce  général,  arrivé  à  Dûsseldorf  avec  son  avant-garde,  avait 
aussitôt  pris  toutes  les  mesures  nécessaires  pour  traverser  le 
tleuve.  Le  l«f  janvier,  il  était  prêt  à  tenter  ce  passage,  lorsqu'il 
reçut  Tordre  de  ne  rien  entreprendre  tant  que  le  Rhin  charrie- 
rait. Tchernitcheff  insista  en  vain  auprès  de  son  chef;  il  eut  beau 
s'attacher  à  lui  représenter  l'intérêt  majeur  qu'il  y  avait  à  arriver 


*  Le  détacheincnt  de  Benkendorf  se  composait  du  régiment  d'infanterie  de 
Toala  et  d'un  batainon  du  2^  régiment  de  chasseurs,  du  régiment  de  hussards 
de  Pavlograd  et  de  5  régiments  cosaques  avec  4  pièces  d'artillerie  à  cheval  ; 
en  tout  :  3,500  hommes  cpii  vinrent  vers  le  6  janvier  de  Bréda  à  Emmerich. 
Le  détachement  de  Narischkino,  posté  sur  la  basse  Meuse,  se  composait  d'un 
millier  de  cosaques.  Celui  du  général  Orurk,  devant  Wesel,  des  régiments 
d*infanterie  de  Smolensk,  Narva,  Alexiopol  et  Nouvelle  Ingrie,  du  régiment  de 
nhlans  de  Wolhynie,  de  «3  régiments  cosaques  et  de  2  batteries  (24  pièces),  en 
tout  :  5,100  hommos  (Journal  d'opérations  de  Winzingerode  et  rapport  à  l'em- 
pereur, de  Diisseldorf,  26  décembre  1813/7  janvier  1814). 

Le  général  Orurk,  rejoint  à  Wesel  par  Benkendorf  qui  n'avait  pu  franchir  le 
Rhin  à  Emmerich,  ne  laissa  devant  Wesel  qu'un  millier  d'hommes  et  rallia  le 
gros  du  corps  en  marchant  sur  Diisseldorf,  par  Duisburg. 

w«ii.  18 


—  274  — 

le  plus  tôt  possible  h  hauteur  des  positions  occupées  par  les 
autres  corps  de  Tarmée  alliée;  il  chercha  inulileiiient  à  lui  dé- 
montrer ([ue  son  avant-garde,  forte  à  elle  seule  de  près  de  4,000 
hommes  \  allait  être  rejointe  par  le  détachement  de  Benkendorl!', 
d'un  effectif  à  peu  près  égal  et  revenu,  sur  l'ordre  de  Winzinge- 
rode,  de  Bréda  par  Arnheim  et  Emmerich,  sur  la  rive  droite  du 
Rhin.  Rien  no  put  parvenir  à  triompher  des  idées  préconçues  de 
cet  officier  génénd.  Aussi,  pendant  qu'on  retenait  Tchernitcheff  h 
Dùsseldorf  et  que  Biilow  se  concentrait  à  tout  événement  autour 
de  Bréda,  Maison,  qui  ne  perdait  pas  une  minute,  mettait  à  protit 
le  répit  que  ses  adversaires  lui  laissaient,  pour  compléter  ra[>pro- 
visionnement  de  Flessingue  et  de  Berg(;n-op-Zoom,  renforcer  la 
garnison  de  cette  dernière  place  et  organiser  celle  d'Anv«»rs,  et 
Macdonald  put  s(î  replier  sans  (Micombre  sur  Gueldres  et  Venloo, 
après  avoir  jeté  un  millier  d'hommes  dans  Grave. 

6  janvier.  —  Ordres  de  Bulow  au  corps  volant  de  Colomb. 
—  Mouvements  et  opérations  de  cet  officier  du  7  au  9  jan- 
vier. —  Ce  fut  seulement  le  6  au  soir*  ([ue  Bùlow,  s'apercevant 
de  la  retraite  de  Macdonald  »  et  de  l'évacuation  de  Clèves  et  de 


I  Situation  du  corps  Winzingcrode,  8  janvier  1814.  —  Rapport  à  Tcmpereur 
de  Russie. 

^  Ck)lomb,  Tagebuch,  pages  150  et  160. 

'  Macdonald  écrivait  ù  ce  moment  de  Gueldres  au  major  général  i)Our  lui 
annoncer  que,  d'après  les  rapports  de  Sébastiani.  les  Alliés  avaient  un  millier 
d'hommci  et  500  chevaux  à  Andernach  ;  que  Saiiil-Priest,  après  avoir  laisst'^ 
3,000  hommes  à  Ck)blentz.  remontait  en  deux  colonnes  le  Rhin  et  la  Moselle,  et 
que  le  tt  au  matin,  des  troupes  s'étaient  fait  voir  vis-à-vis  d'Orsoy,  de  Hom- 
berg  et  à  l'emlj(juchure  de  la  Ruhr.  (Archirex  de  la  guerre.) 

Dans  deux  lettres  qu'il  écrivait  de  Gueldres,  l'une  à  Marmont,  l'autre  à  Rel- 
liard,  le  maréchal  se  plaignait  encore  de  la  dispersion  de  ses  forces  et  signalait 
rimminencc  de  mouvements  sérieux  de  la  part  des  AUiés.  Au  duc  de  Raguse, 
il  disait  entre  autres  :  «  Quand  nous  aurons  laissé  des  garnisons  dans  les 
places,  le  général  Sébastiani  et  moi,  nous  nous  retirerons,  si  nous  le  ]>ouvons, 
avec  quelques  pelotons  de  cavalerie.  Les  Prussiens  et  les  Anglais  se  rassemblent 
entre  Rois-le-Duc  et  Bréda.  Nous  ne  tarderons  pas  à  avoir  une  irruption  sur 
Anvers  et  Louvain.  C'ett  une  fatalUé  de  vouloir  tout  garder  et  de  se  dUséminer.  » 

II  revenait  encore  sur  ce  sujet  dans  sa  lettre  à  Belliard  en  lui  faisant  part 
de  la  situation  critique  dans  laquelle  il  se  trouvait  :  u  Je  ne  sais  pas,  disait-il, 
ce  qui  se  passe  au  delà  d' Andernach  qu'occupe  l'ennemi.  Depuis  les  affaires  de 
Miihlheim.  j'ignore  quelles  seront  les  entreprises  ultérieures  du  général  de  Saint- 
Priest  qui  est  ou  qui  était,  dit-on,  à  Coblentz  le  31  avec  12,000  hommes. 
Nous  sommes  de  nouveau  menacés  entre  Cologne  et  Bonn,  mais  bien  davan- 


—  275  — 

Niniègue,  donna  an  major  von  Colomb  l'ordn»  di»  poussiT  ra|>i- 
demenl  avec  son  corps  franc  vers  la  Meuse. 

Colomb,  arrivé  à  Tilbury  le  7,  n'y  trouva  pas  trace  de  l'en- 
nonii.  Il  y  apprit  cependant  (pie  la  cavalerit?  française,  après 
avoir  passé  la  Meuse  à  Kuik,  s  était  dirigé(»  vers  Venloo,  et  il  se 
porta  avec  ses  cavaliers  sur  Eyndhoven.  Là,  il  trouva  un  ancien 
officier  i)russien  cpii  rinfornia  que  Macdonald,  arrivé  sur  la  rivr 
gauche  de  la  Meuse,  avait  éch(»lonné  sa  cavah^rie  sur  une  longue 
ligne  afin  de  rester  relié  avcîc  Anvers.  II  sut  de  la  sorte  (|u'un 
de  ces  escadrons,  établi  au  village  de  Meyel,  dans  le  marais  dv 
la  Peel,  sortait  tous  les  matins  à  4  heures  pour  rentrer  vei*s 
9  heures  dans  son  cantonnement,  lorsque  ses  patrouilles  et  ses 
reconnaissan<*es  annonçaient  cpielles  n'avaient  découvert  rien  de 
suspect  auK  environs.  Colomb,  espérant  surprendre  cet  escadron, 
quitta  Eyndhoven  le  8  à  la  tombée  <1(^  la  nuit  et  poussa  jusqu'à 
Heese,  où  il  resta  juscju'au  lendemain  9.  Il  se  mit  alors  en  marche 
de  façon  à  arriver  devant  Mevel  vers  10  heures  du  matin.  Pour 
enlever  fescadron  posté  dans  ce  village,  il  fallait  i)rocéder  ave<' 
d'autant  plus  d'énergie  qu'il  était  impossible  de  tourner  M(.'yel. 

L'entreprise  de  Colomb  *  ne  réussit  que  gr.\ce  au  froid  glacial  : 
il  fut  possible  de  sabrer  une  vedette  engourdie  avant  (fuelle  ait 
pu  faire  usage  de  ses  armes  et  donner  l'alarme  à  la  grand'garde. 
qui  n'eut  pas  le  temps  de  n^monter  à  cheval  et  dont  les  hommes, 
<-ourant  à  pied  vers  le  village,  y  arrivèrent  trop  tard  pour  préve- 
nir l'escadron.  Les  cavaliers  ne  s'en  défendirent  pas  moins  très 
4^nergiquement  dans  les  maisons,  et  Colomb,  après  avoir  pris  à 
Meyel  72  hommes  sur  les  75  qui  étaient  postés  sur  ce  j^oinl  *, 
revint  le  soir  à  Heese  pour  se  diriger  le  lendemain  sur  Saint- 
Oedenrode. 


tagc  par  le  Brabanl...  //  faut  toui  garder,  cest  notre  manie,..  J'ai  tissé  une 
longue  toile  cf  araignée  pour  contenir  rennenii,  soutenir  Sébastiani  ou  recueillir 
ses  troupes  ;  je  me  suis  entêté  à  garder  la  ligne  du  Whaal,  quoique  rennenii 
fiU  sur  les  deux  rives  de  la  Meuse^  autour  de  Bois-le-Dnc  et  au-dessous  de 
Grave. 

«   Donnez  «moi,   je  vous  prie,   des  nouvelles  de  la  Moselle  :  j*ai  envoyé  à 
Luxembourg,  mais  rien  ne  revient.  )>  {Archires  de  la  guerre.) 

1  Feldzeitung,  n.  6&  (K.  K,  Kriegs  Archiv.,  ad  111,  113),   et  Rapport  du 
prince  royal  de  Suède. 

s  Macdooald  à  Maison.  {Archives  de  la  guerre,) 


—  276  — 

7  janvier.  —  Pointes  de  cavalerie  vers  Venloo  et  Turn- 
hout.  —  Biilow  avait  encore  lancé  à  la  mémo  époque,  différents 
partis  do  cavalerie  légère  vers  Venloo  et  Ruremonde,  et  poussé  le 
corps  volant  du  major  Helhvig  surTurnhout.  Chassé  deGroot-Zun- 
derl,  le  7,  par  la  cavalerie  française,  Helhvig  y  reprit  position  le  9. 

Informé  par  ses  émissaires,  des  préparatifs  que  faisait  le  gé- 
néral Maison  *,  sachant  (jue  la  division  Roguet  tenait  Wuest-Wesel 
avec  2  bataillons,  Hoogstraëten  avec  le  gros  de  ses  forces,  (jue 
la  brigade  Ayniard  occupait  Turnhout,  que  les  réserves  françaises 
s'étaient  établies  î'i  Braschaét  et  à  Lierre,  et  que  Macdonald  était 
toujours  sur  son  flanc  gauche  *,  Bûlow  pouvait  craindre  de  voir 
les  Français  profiter  de  la  rupture  des  ponts  du  Whaal  et  de  la 
Meuse,  de  l'éloignement  du  corps  de  Winzingerode  et  de  la  difti- 


1  C'est  à  ce  moment  qae  Maison  écrivait  au  général  Barrois  pour  lui  dire 
que,  Biilow  s'étant  concentré  sur  la  Meuse  entre  Bois-le-Duc  et  Grave,  il  s'at- 
tendait à  le  voir  marcher  sur  Maëstriclit  et  Liège  par  la  chaussée  •rE}iidhoveii 
ou  par  la  route  qui  passe  entre  la  Meuse  et  le  marais  de  Peel.  a  Si  ce  mouve- 
ment s'efTectue,  continuait  Maison,  Liège,  Huy  et  Xamur  tombent  au  pouvoir 
(le  l'ennemi.  Je  ne  sais  comment  le  duc  de  Tarente,  qui  est  encore  entre  Venloo 
et  Wesel,  s'en  tirera.  Mandez-moi  si  vos  instructions  particulières  ne  s'opposent 
pas  à  ce  que  vous  vous  portiez  sur  Diesl  et  de  là,  suivant  les  événements,  sur 
Toiijîres  ou  sur  Eyndhovcn  ;  enfin,  que  vous  entriez  en  opérations,  ne  fût-ce 
que  pour  venir  à  Anvers,  car  alors  j'enverrai  le  général  Roguet  sur  le  Demer 
ou  sur  la  laar  (ou  1ère).  » 

Voir  plus  loin  les  dispositions  de  Maison  contenues  dans  sa  lettre  du  9  au 
ministre  de  la  guerre.  (Archit^es  de  la  guerre.) 

*  Le  8  janvier,  le  duc  de  Tarente,  aimonçant  au  major  général  que  Biilou 
avait  pass»^  la  Meuse  avec  le  gros  de  ses  troupes  et  s'attendant  à  voir  Winzin- 
gerode suivre  de  prè^  les  Prussiens,  écrivait  :  «  Ce  n'est  donc  pas  sans  raison 
que  j'ai  fait  ronnaître  qu'il  y  aurait  bientôt  irruption  en  Belgique.  Me  voyant 
ainsi  tourné,  je  vais  mettre  provisoirement  ma  cavalerie  à  cheval  sur  la  Meuse 
et  mon  peu  d'infanterie  sur  la  Roër  afln  de  gagner  encore  deux  marches,  quoi- 
qu'il serait  encore  plus  sago,  dans  les  circonstances  présentes,  de  se  réunir  au 
général  Maison  pour  tomber  ensemble  sur  l'un  des  corps  ennemis.  >» 

[jc  maréchal  avait  en  même  temps  envoyé  ses  ordres  à  Sébastiani  en  moti- 
vant conmie  suit  les  mouvements  qu'il  lui  prescrivait  d'exécuter  :  «  L'ennemi, 
écrivait-il  le  8  janvier  à  Sébastiani  et  à  Maison,  se  concentrant  sur  la  gauche 
de  la  Meuse,  le  Rhin,  de  Wesel  au  Whaal  et  â  la  Meuse,  est  dégarni  de  trou- 
pes. 11  y  aura  donc  bientôt  des  événements  graves  ;  pour  être  en  mesure  de  les 
combattre  ave.?  mes  faibles  moyens,  je  vais  d'abord  les  réunir  dans  ce  but. 

((  La  deuxième  ligne  du  11<^  corps  et  du  2<^  corps  de  cavalerie  fera  demain  9, 
ou  au  plus  tard  après-demain  10,  une  ou  deux  marches  pour  se  placer  sur  la 
RoîT,  tandis  que  deux  tiers  de  la  cavalerie  occuperont  Hasselt  et  Hechtel  et 
fourniront  un  rordon  qui  ira  jusqu'au  confluent  de  la  Roër.  I^a  première  ligne 
se  maintiendra  provisoirement  du  Rhin  à  la  Meuse  vers  Xanten,  pour  couvrir 
jusqu'au  dernier  moment  la  communication  avec  Wesel.  » 


—  277  — 

ciiUé  qu'il  aurait  rencontrée  à  repasser  le  Whaal,  pour  tenter 
d'opérer  leur  jonction  et  de  Tacculer  au  fleuve.  Il  résolut  donc  de 
les  prévenir  en  chargeant  sa  cavalerie  légère  de  couper  les  com- 
munications entre  la  brigade  Ayniard,  postée  h  Textrémc  droite 
des  troupes  de  Maison,  et  Macdonald,  dont  les  avant-postes  cou- 
vraient la  rive  gauche  de  la  Meuse,  de  Yenloo  jusqu'il  Maas- 
tricht. 

10  janvier. —  Ordres  de  Bûlow.—  Il  se  dispose  à  attaquer 
Maison.  —  Le  gros  du  III®  corps  devait  en  même  temps  se  porter 
contre  les  lignes  françaises  de  Turnhout  à  Hoogstraëten.  Bulow 
espérait  de  la  sorte  couper  d'Anvers  les  troupes  qui  occupaient 
les  positions  en  avant  de  la  place,  forcer  par  cela  même  Mac- 
donald à  continuer  sa  retraite  et  prendre  lui-même  une  position 
défensive  sur  laquelle  il  lui  serait  facile  d'attendre,  sans  danger, 
l'arrivée  du  corps  de  Winzingerode. 

Maison  ne  s'illusionnait,  d'ailleurs,  pas  sur  la  valeur  militaire  de 
la  position  d'Hoogstraëten.  Dans  une  lettre  adressée,  le  7,  à  Mac- 
donald, il  reconnaissait  que  cette  position  ne  valait  rien  pour 
combattre,  parce  qu'elle  n'avait  derrière  elle  qu'une  seule  com- 
munication, et  encore  fort  mauvaise.  Mais  il  était  obligé  d'y 
rester,  d'abord  parce  qu'il  panenait  de  cette  façon  ù  faire  vivre 
ses  troupes,  ensuite,  parce  qu'il  lui  fallait  assurer  la  rentrée  des 
approvisioimements  nécessaires  îi  Anvers.  Enfin,  en  postant, 
comme  il  l'avait  fait,  quelques  bataillons  et  quelques  escadrons  h 
Turnhout,  d'où  ils  semblaient  menacer  Bois-le-Duc,  en  laissant  îi 
Loênhoutet  à  Hoogstraëten  le  gros  des  troupes  de  Roguet,  en 
établissant  en  échelons,  quelques  bataillons  de  la  garnison  d'An- 
vers et  un  escadron  de  cavalerie  à  Braschaët,  sur  la  routi»  de 
Bréda  à  Anvers,  il  espérait  pouvoir  attendre  le  développement 
des  projets  de  son  adversaire. 

Du  reste,  bien  que  le  général  Maison  ne  comptût  ])as  à  voir 
Bùlow  pousser  sur  son  front,  parce  qu'en  opérant  de  la  sorte  le 
général  prussien  se  serait  mis  dans  une  position  désavantageuse 
pour  lui,  les  mouvements  exécutés  par  la  cavalerie  prussienne 
paraissent  avoir  inspiré  au  conmiandant  du  i^^  corps  quelques 
inquiétudes  pour  son  aile  droite.  En  conséquence,  il  donna  l'ordre 
h  une  partie  des  troupes  postées  à  Bruxelles  de  se  porter  sur 
Lierre.  Il  avait,  d'ailleurs,  exposé  sa  situation  et  ses  projets  dans 


—  278  — 

la  drpôchf  qu'il  adressait  *  au  Ministre  de  la  guerre,  à  la  veille 
|)rc*sque  du  jour  où  Bùlow  se  pn'?parait  à  marcher  contre  lui. 

v  Monsieur  le  maréchal  duc  de  Tarente  m'avait  annoncé, 
('»crivait-il,  que  Bùlow  se  concentrait  sur  sa  gauche,  vers  Boni- 
mel,  par  conséquent  devant  ma  droite.  Les  cosaques  qui  étaient 
devant  Bréda,  étant  retournés  sur  le  Whaal  joindre  le  corps  de 
Winzingerode,  et  n'entendant  rien  dire  de  l'arrivée  de  Bùlow,  je 
|»ensais  qu'il  allait  marcher  sur  Maêstricht,  par  Eyndhoven  :  mais 
maintenant  tous  mes  rapports  sont  qu'il  arrive  à  Bréda  avec 
10,000  hommes:  il  doit  y  être  de  sa  personne  aujourd'hui.  Un 
certain  major  Hellwig  qui  commande,  soi-disant,  Tavant-garde  de 
ce  corps,  est  venu  s'établir  à  Groot-Zundert  avec  400  chevaux  et 
300  hommes  d'infanterie.  Je  l'ai  fait  chasser  de  là  le  7,  et  re- 
|K)usser  jusque  sous  Bréda  ;  il  est  revenu  hier  8.  S'il  n'était  pas 
soutenu,  il  n'oserait  le  faire.  Les  Anglais  qui  ont  reçu,  le  4. 
1000  lionmies  de  renfort  débarqués  à  Tholen  et  2,000  parWil- 
lemsladt,  se  sont  postés  à  Rozendaal  :  ils  peuvent  avoir  actuelle- 
ment sur  ce  dernier  point  2,000  hommes.  J'ai  appris  que  l'ennemi 
avait  jeté  4  ponts  sur  le  Whaal  ;  il  me  semble,  d'après  ces  don- 
nées, que  Bùlow  va  entrer  en  opérations  dans  le  Brabant  :  il 
annonce  hardiment  qu'il  va  s'emparer  de  la  Belgique?  où  il  parait 
que,  déjà,  il  a  des  intelligences. 

«  Je  concentre  la  division  Roguet  sur  Westmalle.  Je  fais  garder 
par  la  cavalerie,  soutenue  cependant  d'un  peu  d'infanterie. 
Hoogstraëten,  Loénhout  et  Wuest-Wesel,  comme  tète:  je  place 
2  bataillons  de  ce  ipi'on  appelle  le  !«'  corps,  à  Braschaét  et  à 
Donk  ;  il  en  reste  3  à  Anvers  ])our  toute  garnison.  J'établis  10  es- 
<-adrons,  2  bataillons  et  2  jnèces  d'artillerie  à  Turnhout.  avec 
ordre  de  >e  retirer  sur  Herenthals  en  cas  de  mouvement  otfensif 
de  l'ennemi.  Si  aujourd'hui  je  suis  conlirmé  dans  l'opinion  que 
j'ai  sur  s«,s  projets,  je  prierai  le  général  Barrois  de  marcher  sur 
Lierre.  O-tte  division  et  les  2  bataillons  que  j'ai  à  Turnhout  avec 
1000  chevaux,  formeraient  ma  droite 

«  Kn  ne  défendant  pas  le  Demer  et  les  Nétlies,  la  B<»Igique  est 
con(|ui*i«*  :  nous  n'avons  plus  (jue  cette  ligne  à  prendre,  et  de  là. 
il  faut  alItTà  nos  |)lace>  de  l'ancienne  frontière.  Si  mon  corps  eût 


*  GéiuTal  Maison  an  Ministre  de  la  guerre.  Anvers,  0  janvier.  {Archive$  de 
In  guerre.) 


—  279  — 

été  formé  aussi  vite  (jue  je  le  eroyais,  j'aurais  peut-être  pu  empê- 
cher celte  invasion.  Mais  je  ne  Tespère  pas  avec  ce  que  j'ai,  que 
je  dois  resserrer  sur  Anvers  ;  car  il  faut  que  je  reste  toujours  en 

mesure  de  laisser  une  garnison  dans  cette  place Je  ne  pense 

pas  qu'en  groupant  tout  ce  qu'il  y  a  de  troupes  ici.  sous  Anvers. 
1  on  empêche  l'ennemi  de  se  porter  en  avant.  D'un  autre  côté,  si 
on  ne  laisse  pas  de  quoi  garder  les  dehors  de  cette  \ille,  l'ennemi, 
par  un  bombardement,  la  brûlera  avec  la  flotte  et  l(»s  chantiers. 
Je  vous  prie  de  me  faire  connaître  l'intention  de  S.  M.  sur  le 
nombre  de  troupes  h  laisser  à  Anvers  et  la  direction  à  pnMidre 
avec  le  reste.  Pour  moi  je  compte,  à  moins  d'ordres  contraires, 
lorsque  j'y  serai  forcé,  remonter  l'Escaut  et  gagner  Lille.  Je  sais 
que  c'est  renoncera  la  Belgique, découvrir  Liège,  Namur  et  Huy, 
mais  les  forces  que  j'ai  ne  me  permettent  pas  de  penser  à  fiiitv 
autre  chose.  » 

La  position  de  Maison  était  à  ce  moment  d'autant  plus  difficile 
(pie  c'était  par  Hasselt  seulement,  occupé  par  les  quelques  troupes 
du  général  Dommanget  et  une  brigade  du  cor{)s  de  Macdonald, 
qu'il  pouvait  se  conformer  aux  instructions  de  l'Empereur,  cou- 
vrir Anvers  et  rester  en  communication  avec  le  duc  de  Tarente. 
En  effet,  si  les  Alliés  par\'enaient,  en  délogeant  Dommanget  de 
Hasselt,  à  s'établir  aux  sources  du  Denier,  rien  ne  leur  était  plus 
facile  ensuite  que  de  déboucher  de  la  Campine  par  la  grande  com- 
munication de  Liège.  Ils  pouvaient  alors  se  placer  de  manière  à 
couper  le  duc  de  Tarente,  à  empêcher  sa  jonction  avec  le  l®»"  corps, 
faire  tomber  successivement  Liège,  Huy  et  Namur,  et  pousser 
leurs  postes  jusque  sur  Bruxelles.  Maison  s'était  rendu  un  compte 
exact  de  la  gravité  des  événements  qui  se  préparaient  :  le  H,  au 
matin,  au  moment  même  où  Biilow  commençait  son  mouvement, 
il  écrivait  h  Roguet  :  «  Sam  cette  ville  d*  Anvers  y  il  ne  faudrait 
pas  hésiter  à  marcher  avec  tom  nos  moyens  sur  l'ennemi  qui  fait 
un  mouvement  de  flanc  devant  nous.  » 

11  janvier.  —  Combat  de  Hoogstraêten.  —  Bûlow,  après 
avoir  combiné  avec  le  général  Graham  l'opération  qu'il  projetait 
pour  le  11,  résolut  de  se  porter  en  trois  colonnes  contre  la  posi- 
tion française.  Il  se  dirigea  avec  le  gros  de  ses  forces  de  Bréda 
vers  Hoogstraêten,  tandis  que  Graham  allait  de  Rozendaal  sur 
Merxhem. 


-  280  — 

La  colonnfi  de  gauche,  sous  les  ordres  du  g('»néral  von 
Borst(?ll,  composée  de  la  5«  brigade,  Renforcée  par  le  déta- 
chement du  colonel  von  Sydow  (1  bataillon,  10  escadrons  (»t 
IG  bouches  h  feu),  marchait  par  la  route  de  Bréda  sur  Hoogs- 
traëten  et  devait  crever  le  centre  de  la  ligne  française.  La  colonne 
du  centre  (4«  brigade,  général  von  Thiimen),  passant  par  Groot- 
Zundcrt,  avait  pour  objectifs  Wuest-Wesel  et  Loënhout;  enfin,  la 
3®  colonne,  connnandée  par  le  général  von  Oppen  (6^  brigade,  du 
général  von  Krafll't,  et  cavalerie  de  réserve),  était  destinée,  après 
avoir  dépassé  Groot-Zundert,  îi  déborder  la  gauche  des  Français 
et  h  l(Mir  (^ouper  la  retraite  sur  Anvers.  Les  Anglais  de  Graham 
formaient  l'extrême  droite  de  l'attaque. 

L'idée  de  Biilow  était  rationnelle;  mais  le  général  avait  toute- 
fois par  trop  négligé,  quand  il  régla  la  marche  de  ses  colonnes, 
de  tenir  compte  et  du  terrain  et  de  la  saison.  Il  en  résulta  (|ue 
es  obstacles  naturels  joints  ji  la  résistance  acharnée  de  la  divi- 
sion Hoguet,  l'enïpêchèrent  d'atteindre  le  but  qu'il  s'était  pro- 
posé ;  vMv  s'il  obligera  les  troupes  françaises  à  se  retirer  devant 
lui,  il  lui  fut,  en  revanche,  impossible  de  leur  couper  la 
retraite. 

Le  11,  à  8  heures  du  matin,  BorstelL  avec  la  colonne  de 
gauche,  (commençait  Tattaque  du  poste  de  Hoogstraëlen ,  au 
moment  où  le  général  Roguet,  dont  la  vigilance  avait  été  alarmée 
par  le  grand  nombre  et  la  hardiesse  des  partis  cosaques,  se  pré- 
parait à  pousser  une  reconnaissance  avec  la  brigade  Flamand. 
Le  général  Hoguet,  voyant  dès  le  début  cpie  son  adversaire  cher- 
chait à  l'envelopper,  fit  occuper  solidement  par  un  bataillon  le 
village  et  le  cimetière  d<»  Minderhout,  situé  sur  son  front:  il  posta 
î2  bataillons  avec  4  pièces  sur  la  route  de  Bréda,  2  autres  en 
arrière  sur  celle  d'Oostmalle,  1  bataillon  sur  la  roule  d(»  Meer, 
rappela  à  lui  2  bataillons  établis  sur  la  route  de  Loënhout  et 
ordonna  au  géruTal  Aymard  de  quitter  Turnhout  pour  se  replier 
sur  Anvers.  GrAce  à  ces  dispositions,  ce  fut  à  midi  seulement, 
après  quatre  h(»ures  d'un  combat  acharné,  que  Borstell  qui,  dans 
et»  terrain  mamelonné,  n'avait  pu  se  servir  ni  de  ses  10  esca- 
drons, ni  même  de  son  artillerie,  parvint  à  enlever  Minderhout. 
à  déboucher  par  le  pont  de  Wortel  et  à  s'établir  à  Hoogstrat'ten. 

L'apparition  opportune  de  la  deuxième  colonne  (général  von 
Thùmen\qui  se  déploya  entre  Wuesl-Wesel  et  Loënhout.  pendant 


—  281  — 

que  lo  g^^'iiéral  BorstcU  reiiouvclail  si's  lfMitaliv<'s  coiiliv  Miiidrr- 
hout,  aida  piiissaniinent  rc  fÇ('*ii('Tal  dans  ra('('()nipliss<Mn('nt  dt*  sa 
mission. 

li«;  général  Iloguct  se  d('M»ida  alors  à  so  mettre  en  retraite  rt  à 
se  replier  sur  Oostmalle,  et  d*»  là  sur  W'estmall<»,  où  il  pfiisail 
trouver  le  régiment  posté  dans  le  prineipe  à  Turnhont.  Il  avait 
cependant  d*autant  moins  de  motifs  pour  agir  de  la  sorte  que  le 
général  Borsteil,  auquel  la  prise  «l'Hoogstraëten  n'avait  pas 
coûté  moins  de  10  officiers  et  près  de  î>00  hommes,  s'arrêta  pen- 
dant une  heure  et  demie  avant  de  pousser  sur  Ôostinalli',  et 
comme  il  ne  voulait  reprendre  sa  marche  (pu»  lorMpie  les  diMix 
autres  colonnes  seraient  arrivées  h  sa  hauteur  et  auraient  (lt»ssiné 
leur  mouvement  débordant,  il  resta  le  li  au  soir  sur  ses  [)osi- 
tions. 

Pendant  ce  temps,  le  général  von  Thfimen  avait  réussi  à  débus- 
quer sans  trop  de  peine,  des  villages  <Ie  Loëidioul  <'t  de  Wuesl- 
Wescl,  les  troupes  françaises  (jui.  se  repliant  d'abord  sur  Brecht, 
abandonnèrent  ensuite  ce  point  aux  cavaliers  du  major  Hellwig 
pour  se  reporter  plus  en  arrière  sur  Weslmalle. 

Sur  ces  entrefaites,  le  général  von  Thiimen  donnait  contre  la 
brigade  du  général  Aymard  qui,  ayant  reçu  à  2  heures  seulement  à 
Turnhout  Tordre  du  général  Roguet,  iw  commença  à  se  repliiT 
qu'après  avoir  été  rejoint  par  les  reconnaissances  envoyées  >ur  la 
route  de  Tilburg.  Trouvant  le  chemin  barré  par  les  Prussiens, 
en  marche  sur  Westmalle,  Aymard  se  rc^jela  sur  Lierre,  où  il  prit 
position  le  12,  par  ordre  de  Maison  *. 

La  cayalerie  arriye  trop  tard  pour  prendre  part  au 
combat.  —  La  cavalerie  qui  marchait  à  la  droit*»  des  Prussiens 
et  devait  se  rassembler  le  11,  à  3  heures  du  matin,  h  Rukven, 
avait  ordre  de  se  porter  par  Nieuvmoor  sur  Wu(»sl-Wesel.  Mais, 


<  Le  gêDêral  liaison  avait,  le  11  nu  matin,  écrit  (rAnvf^rs  au  général  Harrois 
pour  rinviter  à  presser  son  mouvement  de  manière  à  <^tre  le  1  i  à  Malines  et 
le  IS  à  Anvers.  Il  lui  faisait  savoir  que  le  général  Hoguet  était  viveinont 
attaqué  et  Tinvitait  à  marcher  sur  Anvers  sans  s'arnHer.  Kndn,  un  peu  plus 
tard,  le  11  au  soir,  il  lui  mandait  que  le  général  Uoguet  attaqué  sur  tou-^  les 
poinU  s'était  bien  battu  :  a  Arrêtez-vous,  lui  disait-il,  à  WaellHMn,  ou  à 
Cooticb,  si  vous  avci  déjà  dépassé  Waelliem.  »  (Archires  </<'  ^i  (jnvrrr.) 

Le  génML  Barrois  laissa  à  Bruxelles  1  régiment  et  2  pièces  de  canon. 


en  présence  de  l'impossibilité  absolue  de  la  faire  passer  par  des 
chemins  rendus  compIMemenl  impraticables  par  les  pçelées,  le 
général  von  Oppen,  qui  connnandail  cette  colonne,  s'était  vu 
contraint  de  prendre  par  Rozendaal,  Esschen  et  Calmpthoul,  et 
d'allonger  sa  marche  de  cinq  heures  au  moins.  Aussi,  bien  qu'il 
se  fût  mis  en  route  h  minuit,  il  ne  put  arriver  h  Wuest-Wese! 
(pf  après  5  heures  du  soir,  après  la  prise  de  cet  endroit  par  la 
colonne  du  général  von  Thûmen.  Il  lui  était  désormais  impossible 
d'exécuter  le  mouvement  que  Bulow  lui  avait  indiqué  dans  son 
ordre. 

(>n  lui  prescrivit,  par  suite,  de  laisser  son  infanterie  à  Wuest- 
Wesel,  d'envoyer  100  à  1200  hommes  vers  Braschaët,  pour  se 
relier  aux  Anglais,  et  de  diriger  un  gros  détachement  de  cava- 
lerie sur  Westmalle.  Le  colonel  von  Treskow,  avec  2  régiments 
de  dragons  (dragons  de  la  Reine  et  régiment  de  la  Prusse  occi- 
dentale), était  chargé  de  s'établir  à  Westmalle.  Bien  qu'il  eût 
franchi  au  trot  les  quatre  lieues  qui  le  séparaient  de  Westmalle, 
il  y  arriva  seulement  de  nuit  et  trop  tard  pour  em])écher  le  gros 
des  troupes  françaises,  qui  avaient  été  engagées  h  Hoogstraétcn 
et  Minderhout,  d'efll'ecluer  leur  retraite  par  Oostmalle  et  West- 
malle sur  Wyneghem. 

Affaire  de  Westmalle.  —  Les  cavaliers  prussiens  occupèrent 
Westmalle  un  peu  après  8  heures  '  ;  mais,  se  gardant  mal  à  cause 
du  froid,  ils  y  furent  surpris  par  les  Français  qui,  après  les  en 
avoir  chassés  momentanément,  se  replièrent  par  la  route  de 
Wyneghem,  sur  Anvers. 

Deux  bîitaillons  français  occui)èrent  Wyneghem  pendant  la  nuit 
du  11  au  12  ;  la  brigad(î  Flamand  s'établit  à  Deurneet  les  troupes 
du  général  Ambert  se  postèrent  en  arrière  de  Merxhem*. 

Le  général  Uoguet  avait  ainsi  sa  droite  à  Wyneghem  et  sa 
gauche  se  reliait  à  Deurne  avec  les  troupes  d'Anvers  ;  la  division 


1  r»  dûtachcinent  de  150  chevaux  qui  formait  rarrière-garde  du  général 
Aymard  perdit  la  colonne,  s'égara  pendant  la  nuit,  tomba  à  l'improviste  dans 
le  village  de  Wlimniern  où  il  y  avait  500  Prussiens  et  2  canons,  mit  cette 
cavalerie  en  déroute  et  lui  prit  .50  chevaux.  (Rapport  du  général  Rognet  an 
général  comte  Drouot,  Archives  de  la  guerre.) 

*  Rapport  du  général  Roguet  an  général  Drouot. 

Les  deux  affaires  de  Hoogstraëten  et  de  Wyneghem  coûtèrent  à  la  division 
Roguet  133  tués  et  615  blessés. 


—  283  — 

Barrois  et  la  (*avalerip  du  gt^iK^ral  Meiiziau  étaieiït  îi  Lierre. 
Maison,  croyant  avoir  assez  de  monde  à  Wynegheni  et  à  Merxhein 
pour  contenir  les  Prussiens,  comptait,  le  13,  tomber  à  Diest  sur 
leur  flanc  gauche  en  portant  contre  eux  les  troupes  d(»  Lierre, 
renforcées  par  un  ecolonne  qu'il  allait  amener  lui-même  d'Anvers. 

De  son  côté,  Bulow  avait  poussé,  le  12,  la  brigade  de  Borstell 
y  Saint-Antoine,  sur  la  route  de  Turnhout  à  Anvers,  la  brigade 
Thiimen  h  Braschaét,  à  Donk  et  vers  Merxhem  sur  celle  d(» 
Bréda,  et  porté  la  brigade  Oppen  au  centre,  îi  Sainl-Gravenwesel. 

Le  général  Graham,  avec  4,000  Anglais,  était  îi  Textème  droit(» 
de  la  ligne  sur  la  route  de  Bergen-op-Zoom  h  Anvers,  aux  envi- 
rons d'Eeckeren. 

12  janvier.— Ordres  de  l'Empereur.  —  Pendant  que  Maison 
prenait,  le  jour  même  des  affaires  de  Merxhem  et  de  Wyneghem, 
les  mesures  que  nous  venons  d'indiquer,  rEm|>ereur  disait  dans 
son  Instruction  générale,  datée  du  13  janvier  : 

«  Il  ne  paraît  pas  que  la  masse  ennemie  qui  déboucherait  par 
Bréda,  celle  que  commande  Biilow,  ])uisse  opérer  avec  plus  de 
9,000  h  10,000  hommes.  Le  général  Maison  est  en  mesure  de  la 
contenir  et  de  la  battre.  » 

La  nouvelle  de  l'échec  éprouvé  par  le  général  Boguel  h  Hoogs- 
traéten,  en  démontrant  îi  TEmpereur  que  la  situation  en  Bel- 
gique était  loin  d'être  aussi  favorable  qu'il  affectait  de  le  croire, 
lui  causa  une  vive  irritation  dont  on  trouve  les  traces  manifestes 
dans  la  lettre  que,  quelques  jours  plus  tard,  à  la  date  du 
20  janvier,  il  faisait  écrire  par  Bertrand  h  Maison,  alors  à  Lou- 
vain  : 

«  ...  Sa  Majesté  a  vu  avec  peine  la  belle  occasion  que  vous 
avez  manquée  de  remporter  une  victoire  importiinte  sur  Tennemi. 
de  débloquer  Gorcum  et  d'attirer  à  vous  les  4,500  hommes  qui 
sont  dans  cette  placée  et  qui  désormais  seront  inutiles.  Vous  avez 
disséminé  vos  troupes.  Si  le  général  Boguet  s'était  trouvé,  le  11.  à 
Hoogstraëlen  avec  la  brigade  Aymard  et  toute  sii  division  réunie, 
il  n'est  pas  douteux  qu'il  eût  battu  complètement  l'ennemi,  et 
depuis,  si,  lorsque  vous  avez  attiré  i\  vous  la  division  Barrois,  le 
14.  vous  aviez  continué  h  poursuivre  l'ennemi,  vous  l'auriez 
complètement  battu  et  obligé  de  se  replier  sur  Bréda. 

a  Sa  Majesté  n'approuve  pas  le  projet  d'une  ligne  de  20  lieues  ; 


—  284  — 

cola  est  bon  pour  la  contrebande  ;  mais  ce  système  de  guerre  n'a 
jamais  réussi.  Le  [)rojet  de  vous  retirer  sur  Lille  et  d'abandonner 
toute  la  Belgique  est  d'autant  plus  funeste  que  les  bataillons  qui 
devaient  composer  votre  armée  ont  été  retenus  dans  cette  place. 

«  Vous  n'avez  donc  d'autre  parti  pour  défiîndre  Anvers  et  la 
Belgique  que  de  réunir  vos  troupes  sur  Anvers,  comme  Sa 
Majesté  vous  l'avait  fait  dire,  en  tenant  de  fortes  avanl-gard(*s. 
l'une  sur  la  route  de  Turnhout  (Lierre  est  trop  en  arrière)  cl 
Tautre  sur  la  route  de  Hoogstraëten. 

«  Dans  cette  situation,  la  Belgique  ne  court  aucun  danger  et 
vos  troupes  seront  toujours  réunies.  Jamais  l'ennemi  ne  se  jettent 
sur  la  Belgique  tant  que  vous  pourrez  vous  placer  entre  lui  et 
Bréda,  t»t  que  pourrez  marcher  sur  Gorcum... 

«  ...  Cette  position,  en  avant  d'Anvers,  en  occupant  par  des 
avant-gardes  des  postes  îi  4  ou  5  lieues  en  avant,  est  la  seule  qui 
assure  la  Belgique  contre  toutes  les  troupes  qui  viendraient  par 
la  ligne  d'opérations  de  Willemstadt.  Bréda  et  Bois-le-Duc. 

«  L'intention  de  Sa  Majesté  est  que  vous  rectifiiez  sur-le-champ 
votre  plan  de  bataille,  que  vous  choisissiez  ii  1  ou  2  lieues  d'An- 
vers une  bonne  position  sur  laquelle  vous  puissiez  replier  vos 
avant-gardes  et  vos  corps  isolés  oi  livrer  bataille. 

«  Pour  compléter  ce  projet,  vous  devez  tenir  des  corps  mobiles, 
infanterie  et  cavalerie,  lancés  fort  loin  sur  votre  droite  qui  em- 
pêchent les  partisans  de  pénétrer  en  Belgique,  mais  ces  i)0stes 
doivent  être  (»n  observation  et  ne  jamais  passer  la  nuit  où  ils  ont 
vu  couch(?r  le  soleil  *.  » 

Lorsque  Maison  reçut  cette  dépèche,  la  situation  avait  complè- 
tement changé  d'asjMM't.  Au  ris(jue  «l'encourir  une  fois  de  plus  les 
reproches  de  l'Empereur,  au  lieu  de  s'exposera  ètrtî  enfermé  dans 
Anvers,  il  préféra,  comme  nous  le  verrons,  prendre  ses  mesures 
pour  tenir  la  campagne  aussi  longtemps  (pie  possible,  dé- 
fendre la  Belgique  pied  à  pied,  se  replier  îi  la  dernière  extrémité 
sur  Lille  et  couvrir  la  Flandre  fran«;ais(»  en  manœuvrant  avec  ce 
tpii  lui  restait  dr  troupf^s  *. 

La  veille  mémr  des  affaires  du  11,  en  avant  d'Anvers,  rEm|x*- 


*  Corregpomlance  de  Xapûbon,  N'**  il.lâO. 

«  Maison  au  major  pnéral  et  au  général  Barrois,  12  janvier,  —  Pontê'oulant 
à  Clarke^  12  janvier.  {Àrchirfi  de  la  guerre.) 


-  285  — 

reur  avait  expédié  à  Macdoiiald  l'ordre  d(»  laisser  des  garnisons 
dans  toutes  les  places,  d(î  se  faire  rejoindre  par  le  général  Sébas- 
tiani  et  par  la  cavalerie,  et  de  se  porter  sur  la  Meuse  en  nian(eu- 
vrant  sur  Maëstricht  (ît  Naniur  contre  le  liane  droit  d(»  Hlucher. 
En  donnant  ces  ordn^s  au  duc  de  Tarente,  l'Empereur  agissait 
sous  rinfluence  des  préoccupations  naturelles  que  lui  causait  la 
marche  de  Blùcher  et  de  l'armée  de  Silésie.  Persistant  k  croire 
que  les  opérations  en  Belgique  ne  pouvaient  présenter  aucun 
caractère  de  gravité,  il  pensait  que  Maison  était,  avec  ses  seuh^s 
forces  et  sans  le  concours  dcr^acdonald,  dont  il  avait  besoin  sur 
un  autre  théiUre  de  guerre,  en  mesure  d'arrêter  Biïlow  et  de  lui 
conserNcr  la  Belgique. 

De  toute  taçon,  le  passage  du  Rhin  par  Winzingerode  aurait 
obligé  Macdonald,  qui  avait  déjà  commencé  son  mouvement  ré- 
trograde, à  modifier  quelques  jours  après  sa  position  et  celle  des 
généraux  sous  ses  ordres. 

Mais  avant  d'examiner  les  opérations  qui  ont  accompagné  et 
suivi  le  passage  du  Rhin  par  Winzingerode,  il  est  indispensable 
de  parler  des  événements  qui  marquèrent  la  journée  du  13.  du 
côté  d'Anvers,  et  de  rechercher  quelles  furent  les  conséquences 
immédiates  des  affaires  d'Hoogstraëten,  de  Merxhem  et  de  Wy- 
neghem. 

13  janvier.  —  Maison  s'établit  à  Lierre.  —  Combats  de 
Merxhem  et  de  Wyneghem.  —  Pendant  que  la  cavalerie  prus- 
sienne continuait  à  se  montrer  sur  la  droite  de  la  position  fran- 
çaise et  à  escadronner  en  avant  d'Herenthals,  le  général  Maison, 
qui  paraissait  croire  que  le  mouvement  effectué  par  Bûlow  dans 
la  direction  d'Anvers  pendant  la  journée  du  11  n'était  qu'une 
démonstration  destinée  h  détourner  son  attention  et  à  faciliter 
une  opération  plus  grave  et  plus  sérieuse  contre  sa  droite,  rejoi- 
gnait le  13  au  matin,  à  Lierre,  avec  un  millier  d'hommes  et  trois 
batteries,  les  généraux  Castex  et  Barrois,  venus  de  Bruxelles,  et 
la  brigade  Aymard  qui,  le  11  au  soir,  avait  dû  se  replier  sur  cette 
petite  ville.  Le  poste  de  Lierre  était,  d'ailleurs,  heureusement 
choisi,  parce  que,  tant  que  Maison  ou  un  corps  de  troupes  d'un 
effectif  respectable  occupait  ce  point,  l'ennemi  était  hors  d'état  de 
couper,  sans  se  compromettre,  les  communications  entre  Anvers 
et  Malines. 


j 


—  286  — 

La  position  de  Lierre  donnait,  en  outre,  au  l«f  corps  la  possibi- 
lité de  manœuvrer  le  long  du  Denier  et  de  la  grande  Nelhe  pour 
protéger  la  Belgi(|ue  et  de  combiner  ses  opérations  avec  celles  de 
Macdonald,  chargé  de  couvrir  Maëstricht  et  Liège. 

Bùlow,  pressé  d'améliorer  sa  situation  et  comptant  voir  à  son 
approche  la  population  d'Anvers  s'insurger  contre  les  Français, 
se  décida,  h»  13  janvier,  à  attaquer  les  postes  de  Wynegheni  et  de 
Merxhem.  11  espérait,  en  les  rej(»tant  sur  la  i)lace,  en  les  suivant 
pas  à  pas  juscjue  sous  les  murs  d'Anvers,  parvenir  jusqu'aux  ou- 
vrages du  corps  de  place  et  peut-être  même  réussir  à  y  pénétrer 
îi  hîur  suite. 

Son  opération  avait,  d'ailleurs,  un  autre  but,  plus  sérieux  <»t 
moins  aléatoire.  Elle  devait  lui  permettre  d<*  s'établir  sur  une 
position  d'où,  av(»c  l'aide  des  Anglais,  il  pourrait,  en  altcMidanl 
l'arrivée  à  sa  hauteur  du  corps  russe  de  Winzingeroch»,  détruire 
l'escadre  francaist»  de  l'Escaut. 

A  cet  etïel,  Bùlow  forma  ses  troupes  en  deux  colonnes  soutie- 
nnes par  une  brigade  gardée  en  rés(Tve  et  flanquées  sur  leur 
droite  i)ar  les  Anglais  de  Graham. 

A  l'aile  droite  des  Prussiens,  le  général  von  Thùmen  vint  don- 
ner, à  huit  heures  du  matin,  contre  5  bataillons  français  chargés, 
sous  les  ordn^s  du  général  Avy.  de  défendre  Merxhem.  Quoicpie 
attaquées  de  front  par  le  gros  de  la  colonne;  de  Thùmen,  et  sur 
leur  gauche  par  his  Anglais  du  général  Gibbs,  renforcés  de  2  ba- 
taillons prussiens,  les  troupes  françaises,  prescjue  entièrement 
composées  de  conscrits  allant  au  feu  pour  la  jiremière  fois,  réus- 
sirent îi  se  maintenir  dans  le  village  jusqu'au  moment  où  i)rivées 
de  leur  chef,  tué  à  leur  tête,  elles  durent  renoncer  à  la  lutte.  En 
se  retirant  en  désordre  jusqu'à  Daninie ',  les  bataillons  cjui  ve- 


*  Général  Ainbert  au  duc  de  Plaisance.  —  «  Damine,  14  janvier  1814. 

«  L'eunemi  a  attaqué  notre  poste  de  la  barrière  en  avant  de  Merxhem.  hier 
à  10  heures  du  matin.  A  10  heures  1/i  le  feu  était  devenu  très  vif.  Kn  même 
temps  hi  fusillaile  s'engagea  avec  le  demi-bataillon  du  25^  que  j'avais  étalili 
derrière  des  aliatis  à  un  château  en  avant  de  Merxhem.  Xos  troupes  de  la  bar- 
rière furent  ramenées  jusqu'à  une  demi-|)ortée  de  fusil  de  la  tête  du  village  de 
Merxhem.  Je  fis  marcher  une  partie  de  ma  réserve  pour  soutenir  ces  troupes. 
L'ennemi  fut  vigoureusement  repoussé  et  nous  nous  rétablîmes  au  poste  de  la 
barrière.  L'ennemi  tira  alors  à  mitraille  sur  ce  poste  avec  4  pièces  d'artillerie. 
Nos  jeunes  soldats  en  furent  un  peu  intimidés  et  il  en  résulta  quelque  désor- 
dre ;  mais  leurs  officiers  les  ramenèrent  à  leur  poste.  11  était  alors  midi  :  le  feu 


—  287  — 

naient  d'évacuer  Merxheni  eiitraîiRTenl  dans  leur  déroute  h»  ba- 
laillon  de  renfort  envoyé  par  le  du<!  de  Plaisance.  Thùnien  les 
poursuivit  vivement  jus(iu'ii  800  pas  des  nuirs  d*Anv(Ts  i*t  lit 
aussitôt  prendre  position  sur  et»  point  à  son  artilierii*.  Vnv  batte- 
rie de  campagne  devait  chasser  des  glacis  les  troupes  cjui  es- 
sayaient de  s'y  déployer,  tandisqu'une  batterie  d'obusiers  ouvrait 
le  feu  contre  le  port  et  contn»  l'escadre. 
A  l'aile  gauche  des  Prussiens,  le  général  von  Oppen  avait  lancé 


ctait  toujours  très  vif  sur  notre  gauche,  je  fis  renforcer  ce  point  par  3  com- 
pagnies du  58*  et  j'ordonnai  au  commandant  du  demi-bataillon  du  2tV  de  sui- 
vre le  mouvement  de  Tenncrai  et  de  couvrir  la  gauche  du  village.  Nos  troupes 
se  soutinrent  jusqu'à  1  heure  contre  un  feu  très  vif  et  à  portée  de  i>istolet. 

«  Instruit  que  l'ennemi  se  renforçait  de  plus  en  plus  sur  notre  gaucht*,  je 
venais  d'envoyer  l'ordre  de  se  retirer  de  la  l»arrière  sur  Merxhem.  O  mouve- 
ment était  heureusement  à  exécuter  lorsque  jo  donnai  Tordre  à  25  ouvriers  de 
la  marine  de  se  porter  à  la  gauche,  en  tirailleurs.  Ils  n'eurent  pas  fait  dix  i)as 
qu'ils  furent  tués.  Nos  jeunes  soldats  qui  étaient  en  avant  d'eux  se  crurent 
tournés  et  se  retirèrent  en  désordre.  Les  ouvriers  militaires,  postés  à  la  tête  du 
village  avec  l'artillerie  derrière  les  abatis,  se  jetèrent  pèle- mêle  dans  la  rue  du 
village  et  il  fut  impossible  de  les  arrêter.  Je  lis  tout  de  suite  retirer  l'artillerie 
qui  se  trouva  abandonnée  par  une  grande  partie  des  canonniers  et  conducteurs. 

'(  Kn  même  temps,  un  bataillon  d'Ecossais  déboucha  sur  la  tête  du  village 
où  je  me  trouvais  avec  le  général  Avy  et  une  cinquantaine  d'hommes  rentrè- 
rent également  en  désordre  dans  le  village  malgré  tous  nos  efforts.  Toutes  les 
issues  donnant  sur  la  grand'route  se  trouvèrent  garnies  de  tiiailleurs  ennemis. 
Je  priai  alors  le  général  Avy  de  se  porter  au  débouché  du  village  pour  y  arrêter 
la  colonne  et  la  reformer,  lui  disant  qu'il  y  trouverait  le  détachement  des  lan- 
ciers de  la  garde.  A  l'instant  il  fut  frappé  d'une  balle  à  la  tête  et  tomba  mort 
à  mon  câté...  Je  me  portai  à  la  digue  Ferdinand  après  avoir  rallié  deux  pelo- 
tons d'infanterie  pour  arrêter  l'ennemi  qui  n'avait  pu  s'apercevoir  que  le 
désordre  Ce  nos  troupes  avait  continué  un  moment  en  arrière  de  Merxhem. 

u  La  coupure  de  cette  digue  éUiit  attaquée  par  2  bataillons  anglais  ayant 
200  hommes  de  cavalerie  à  leur  droite  et  4  canons  sur  leur  front  qui  tirèrent 
à  mitraille...  Les  deux  bataillons  anglais  ne  firent  aucun  mouvement  en  avant 
sur  la  digue. 

K  Le  chef  de  bataillon  Canet  arriva  cependant  avec  la  majeure  partie  de  son 
bataillon  formé  en  sections  au  moment  où  l'ennemi  débouchait  de  Merxhem 
avec  une  colonne  de  700  à  800  hommes  et  4  canons.  H  arrêta  la  marche  et 
réduisit  l'attaque  de  l'ennemi  à  un  feu  d'artillerie  et  de  tirailleurs  qui  se  pro- 
longea jusqu'à  3  heures. 

«  L'ennemi  s'est  retiré  après  minuit  en  grand  silence  et  avec  précaution  ; 
les  Anglais  sur  Kozendaal,  les  Prussiens  par  la  route  de  Brecht,  ainsi  que  le 
corps  qui  a  combattu  contre  le  général  Roguet.  J'ai  établi  un  bataillon  sur 
Merxhem  avec  20  lanciers  qui  fournissent  les  vedettes.  Un  autre  bataUlon  occupe 
la  digue  Ferdinand  et  Damme.  Les  troupes  sont  établies  de  manière  û  opposer 
une  bonne  résistance  malgré  la  gelée  qui  rend  praticable  tout  le  pays  entre 
l'Escaut  et  Merxhem.  Pertes  de  la  division  Ambert  :  81  tués,  105  blessés, 
45  prisonniers.  »  (Archives  de  la  guerre.) 


—  288  — 

contre  Wyncghem  une  colonne  sous  les  ordres  du  colonel  von 
Zastrow,  composée  de  2  bataillons  d'infonterie,  3  escadrons  et 
une  demi-batterie. 

Une  autre  colonne,  conduite  par  le  major  von  Zglinitzki  (2  ba- 
taillons et  1  escadron)  prenait,  plus  à  droite,  Deurne  pour 
objectif;  1  bataillon  et  2  escadrons  postés  à  Schooten  reliaient  les 
Iroupes  de  la  colonne  de  gauche  avec  celles  du  général  von 
Tliunien  et  le  gros  de  la  colonne  restait  en  réserve  avec  le  général 
von  KralTt,  à  Saint-Gravenwesel.  Les  troupes  du  général  von 
Borslell  ser>'aient  de  réserve  générale  aux  deux  colonnes. 

Wvneghem  fut  pris  et  repris  deux  fois  par  les  Français  et  par 
les  Prussiens.  Pendant  le  combat,  les  Français  avaient  été  ren- 
forcés par  la  brigades  Flamand,  postée  à  Damme,  et  les  Prussiens 
|)ardes  Iroupes  fraîches  envoyées  par  le  général  von  Oi)pen.  Les 
Prussiens  étaient  enfin  sur  le  point  de  rester  maîtres  de  Wv- 
neghem et  de  pousser  vers  Deurne.  lorsqu'une  petite  troupe,  forte 
d'environ  200  hommes  d'infanterie  française  et  d'une  centaine 
de  cavaliers,  pénétra  dans  Wvneghem  par  la  route  de  Lierre  et 
menaçant  la  gauche  des  Prussiens,  leur  enleva  tout  espoir  de  par- 
venir à  débouchjer  sur  Deurne. 

Oppen,  manquant  absolument  de  cavalerie*,  n'avait  pu,  d'après 
les  auteurs  allemands,  opposer  que  quelques  cavaliers  d'escorte 
aux  lanciers  français,  dont  l'apparition  îi  Wyneghcm  avait  arrêté 
les  progW's  de  ses  troupes;  et  cette  poignée  d'hommes,  qui,  par 
son  entré»*  en  ligne,  avait  permis  aux  Français  de  s'établir  soli- 
dement à  Deurne,  puis  d'en  organiser  la  défense,  par\'int  à  se 
rejilier  sur  ce  village  en  bon  ordre  et  sans  perdre  trop  de  monde, 
en  faisant,  il  est  vrai,  un  détour. 

La  iniit  était  arrivée  :  Oppen  rassembla  toutes  ses  trou[)es  à 


i  La  version  doniiée  par  Crusius  nous  parait  plus  vraisemblable  et  d'autant 
plus  admissible  que  le  général  von  Oppen  ne  manquait  pas  de  <*avalerie  puis- 
qu'il avait  avec  lui,  à  Wyneghem,  un  escadron  des  dragons  de  la  reine  et 
2  escadrons  du  2°  dragons  'le  la  Prusse  occidentale. 

D'apn^s  Crusius,  les  troupes  françaises  apparurent  tout  à  coup  dans  les  rues 
du  village  et  tombèrent  à  l'improvistc  et  de  nuit  i^ur  les  dragons  prussiens  qui 
avaient  mis  pied  à  terre.  Leurs  chevaux,  en  s'échappant,  causèrent  une  pa- 
nique qui  emp<>clia,  dans  le  principe,  de  prendre  les  mesures  nécessaires.  Ce 
fut  seulement  au  bout  d'un  certain  temps  que  le  général  von  Oppen  réussit  à 
rallier  un  peu  de  monde  et  à  obliger  les  lanciers  qui  venaient  de  faire  ce  coup 
de  main  à  se  replier  sur  Deurne. 


—  289  — 

Sainl-Gravcnwcsol,  ne  laissant  îi  Schoolen  et  vers  Deiirno  qnc  dos 
postes  d'obsenation  et  une  arrit''pe-garde  de  2  bataillons  etl  esca- 
dron à  Wynegheni  \ 

Les  affaires  des  11  et  13  janvier  avaient  coût^,  au  III«  corps 
prussien,  de  600  à  700  hommes,  et  un  millier  d'hommes  aux  Fran- 
çais. 

Il  semble  au  premier  abord  que  Bulow  avait  atteint  le  but  qu'il 
s' (Hait  proposé,  puisqu'il  avait  réussi  à  s'approcher  sutfisamment 
d'Anvers  pour  bombarder  la  place,  le  port  et  Tescadre.  Il  ne  par- 
vint cependant  pas  à  tirer  de  son  entreprise  tout  le  parti  qu'il  es- 
pérait. Il  avait  pu,  en  effet,  constater  par  l'affaire  du  13,  ([u'il  y 
avait  h  Anvers  une  garnison  décidée  à  fainî  son  devoir,  que  l(»s 
remparts  de  la  place  étaient  en  bon  état  et  suffisamment  garnis 
d'artillerie  de  gros  calibre  ;  mais  il  manquait  du  matériel  néc(»s- 
saire  pour  entreprendre  le  siège  d'Anvers;  d'autre  part,  il  n(* 
lui  était  guère  possible,  dans  sa  situation  actuelle,  de  prononcer 
un  mouvement  v(îrs  l'intérieur  de  la  Belgique. 

14  janvier.— Bùlow  retourne  à  Bréda.— Préoccupé,  en  outre, 
par  la  présence  des  troupes  rassemblées  par  Maison  on  avant  de 
Lierre  et  en  position  derrière  la  Nèthe.  par  l'envoi  à  Anvers  de  la 
brigade  Aymard  *,  craignant  d'être  débordé  sur  sa  gauche  vi 


i  Le  rapport  que  le  gôDéral  Rognet  adressa,  après  Taffairc  du  13,  de  Borgor- 
hout  aa  dac  de  Plaisance,  confirme  les  faits  relatés  par  les  rapports  des  géné- 
raux prussiens.  L'ennemi,  y  dit-il,  a  fait  des  efforts  inouïs  devant  Wyneghem 
pour  faire  déboucher  ses  colonnes,  mais  sans  succès  ;  ses  tirailleurs  sont  venus 
jusque  sur  le  flanc  gauche  de  Deurne  et  ont  «ité  repoussés.  Enfin  voyant  ses 
efforts  inutiles,  il  a  cesse*  le  feu  à  3  heures  après  midi.  (Voir  rapport  du  géné- 
ral Roguet  sur  Taflaire  du  13  janvier.  —  Archives  de  la  Gueire,) 

<  Le  soir  même  des  combats  de  Wyneghem  et  de  Mcrxhem,  Maison  écrivait, 
de  Lierre,  au  ministre  de  la  guerre  :  «  Cet  événement  me  décide  à  envoyer  le 
général  Aymard  avec  ses  3,000  hommes  à  Anvers.  »  Ne  pouvant  prévoir  la 
retraite  immédiate  de  Biilow,  il  proposait  au  duc  de  Plaisance  d*attaquer,  le 
44  au  matin,  Merxhem  et  d'en  chasser  l'ennemi  à  tout  prix,  et  disait  ensuite 
à  Clarke  :  «  Je  reste  en  campagne  avec  1500  hommes  de  la  division  Barrois 
et  700  à  800  chevaux.  Quand  l'ennemi  se  présentera,  je  m'en  irai  laissant 
Anvers  à  ses  propres  forces.  J'ai  deux  partis  à  prendre  n'étant  pas  en  état  de 
combattre,  celui  de  me  retirer  vers  les  places  de  l'ancienne  France,  ou  de  mar- 
cher par  liouvain  sur  Xamur  et  Liège  pour  donner  la  main  au  duc  de  Tarente 
et  opérer  ensuite  de  concert  avec  lui  sur  la  Meuse  ou  la  Sainbre.  Je  prie  Votre 
Excellence  de  me  dire  lequel  de  ces  deux  partis  est  le  plus  convenable  ». 

En  même  temps,  il  écrivait  à  Anvers,  au  duc  do  Plaisance  pour  lui  dire  que 

Well.  19 


—  290  — 

peul-èln;  niènie  tourné  par  des  forces  respectables,  Biïlow  crut  plus 
sag(î  d(î  reprendre,  le  14,  avec  le  gros  de  son  corps,  sa  position 
conc(»nlrée  de  Bréda.  11  laissa  toutefois  le  général  Borstell  à 
Hoogstraëten,  Wuest-Wesel  et  Loënhout,  (;t  c^ivoya  la  brigad<^ 
Thunien  à  Bysbergen,  Groot  et  Klein-ZundcTt,  pour  se  relier  aux 
Anglais  qui,  tout  en  se  retirant  sur  Oudenbosch,  continuèrent  à 
investir  Bergen-op-Zooni  et  tinrent  leurs  avant-postes  h  Rozen- 
daal  et  Steinbergen. 

Le  III®  corps  allait,  saut  les  quelques  incidents  que  nous  signa- 
lerons plus  loin,  rester  dans  ces  positions  jusque  vers  latin  de  jan- 
vier, couvrant  ainsi  le  siège  d(;  Gorcum,  bloqué  par  la  3"  brigade, 
et  l'investissement  de  Bois-Ie-Duc,  assuré  par  6  bataillons  (ît  2 
régiments  de  cavalerie  sous  h  colonel  von  Hobe,  et  surveillant, 
d'assez  loin  il  est  vrai,  Icîs  cori)s  de  Macdonald  et  de  Maison. 

En  somme,  les  combats  d'Hoogstraëten,  de  Merxhem  et  de 
Wyneghem  n'avaient  eu  d'autre  résultat,  pour  Bùlow,  que  de  lui 
assurer  la  possession  d'Hoogstraëten,  Wuëst-Wesel  et  Loënhout, 
points  situés  à  environ  une  journée  de  marche  en  avant  de  ses 
anciennes  positions,  de  lui  permettre  de  s'étendre  quelque  jieu 
sur  la  rive  gauche  de  la  Meuse  et  de  s'y  établir  un  peu  plus 
solidement. 

18  janvier.  —  Ordres  de  l'Empereur  à  Maison.  —  C'était, 
en  sonnne,  et  (mi  comparaison  d(»s  t^tl'orts  tentés  et  des  espérances 
conciles  j»ar  Bidow,  un  assez  maigre  résultai. 

Quoi  qu'il  en  soit,  FKnqKîreur  continuait  à  se  montrer  niécon- 
lent  et  des  opérations  de  Maison,  et  des  nnîsures  qu'il  avait 
prises,  (»l  d(»s  mouvemenis  (pi'il  se  pro|)Osait  d'exécuter. 

si  le  pmdral  Hoguet  ne  s'(*tait  pas  mninleiiu  à  Deuriie.  il  fallait  û  toul  pri!i 
l'y  l'établir.  (Correspondance  de  Maison,  ArclUtes  de  la  Huerre.) 

Dans  un  deuxième  rapport  date  du  15,  le  général  Maison  ajoute  :  qu'après 
avoir  enlevé  les  postes  de  M^rxhein  et  de  \\yn(>gliem.  l'enncnii  était  établi 
assez  pn>9  de  la  plarc  pour  y  jeter  des  fusées  incendiaires,  qu'il  avait  pris 
toutes  SCS  dispositions  pour  Tattaquer  afin  de  l'obligiT  à  s'éloigner.  Il  avait 
formé  à  cet  eftot.  une  petite  colonne  furnuk*  de  4(K>  chevaux  et  de  i  régiments 
du  général  Barrois  qui.  partant  de  Lierre,  se  portèrent  par  Wommelgliem  sur 
Wyneifliem,  pour  prendre  rcnncmi  en  flanc  et  à  dos  :  mais  l'ennemi,  se  reti- 
rant pendant  la  nuit,  n'avait  laissé  que  des  postes  qui  se  replièrent  à  sou 
approche.  Le  général  Maison  en  conclut  que  renncmi  a  seulement  voulu  con- 
naître re  qu'il  avait  à  Anvers  et  tent«T  en  môme  temps,  d'y  entrer  par  un 
coup  de  main,  mais  que  lu  rassemblement  de  Lierre  lui  eu  a  imposé.  {Archivfâ 
tli'  la  tjucrrc.) 


—  291  — 

C'est  évidemmcnl  sous  rimpnîssioii  de  ces  seiilinienls  «iifil 
écrivait  h  Clark(î  et  lui  prescrivait,  à  la  date  du  18,  de  faire 
savoir  îi  Maison  que,  ne  comprenant  rien  h  sa  correspondance,  il 
l'invitait  à  fournir  un  rapport  circonstancié  sur  les  affaires  des 
11,  12  et  13.  Il  ajoutait  :  «  Dites-lui  que  rim  ne  porte  à  pemer 
quil  y  ait  là  des  forces  considérables  ;  s'il  avait  réuni  ses  moyens 
sur  Anvers,  il  aurait  chassé  l  ennemi  au  delà  de  Bréda:  au  lieu 
de  cela,  il  alarme  la  Helgit/ue  et  enhardit  rennemi  par  sa  conte- 
nance timide^.  » 

12  janvier.  —  Positions  de  Macdonald  et  de  Sébastiani.  — 

Mais  le  temps  avait  marché  pendant  les  cini(  jours  qui  s'étai(Mil 
écoulés  entre  les  combats  de  Wyneghem  et  de  Merxliem.  et  l'en- 
voi de  cette  lettre.  Les  événements  ((ui  s'étaient  produits  sur  le 
Khin,  d(»  Cologne  à  Dusseldorf,  allaient  désormais  rendre  impos- 
sible tout  mouvement  en  avant  vers  la  basse  Meuse  et  le  Whaal. 
Macdonald  S  destiné  par  les  ordres  d(»  rKmpereur  à  maïueu- 


*  Corretpoiulance  de  Sapoléon,  n"  21,110. 

^  Il  suffit  de  ronsultcr  les  rapports  et  les  di'pèriies  de  Macdonald  pour  voir 
dans  queUc  incertitude  le  maréchal  se  débattit  jusqu'au  moment  où  le  major 
général  lui  iH^rivit,  le  10  janvier,  pour  lui  prescrire  de  laisser  des  garnisons 
dans  toutes  les  places,  de  rappeler  à  lui  le  général  Sébastiani  et  toute  sa  cava- 
lerie et  de  se  porter  sur  la  Meuse  en  manœuvrant  sur  Mai*striclit  et  iNamur  et 
sur  le  flanc  droit  de  BUicher. 

Le  duc  de  Tarente,  ne  sachant  pas  s'il  avait  des  pouvoirs  suflisanls,  avait 
en  effet,  {lendant  tout  ce  temps,  hésité  à  donner  à  la  garnison  de  Wcsel 
(\oir  Arclnirs  du  DêjH'U  de  ta  (/aciTc,  les  dépêches  du  maréchal  du  9  janvier) 
l'onlre  dV>acuer  la  plaie  et  de  se  replier  sur  Maastricht.  Le  10,  Macdonald 
avait  fait  savoir  au  major  général  que  le  génénti  Kxelmans  l'informait  de  la 
marche  de  10,000  hommes  de  toutes  armes  filant  sur  la  (^ampine.  pour  se 
IK>rter  sur  Maastricht  et  Liège.  Il  en  avait  prévenu  le  général  Maison  en  lui 
demandant  d'opérer  une  diversion  que  ce  général  eût  fait  de  son  i)roi)re  mou  - 
>ement  si  on  ne  l'avait  pas  attaché  plus  s|)écialement  à  la  défense  d'An>ers. 
I^  maréchal  annonçait  qu'il  marcheniit  le  10  sur  la  Roi'T.  envoyant  une  par- 
tie de  sa  cavalerie  sur  Ma^^stricht.  que  le  général  Sébastiani  se  concentrerait 
provisoirement  à  Juliers  ou  Aix-la-Cha|»ell(:,  suivant  les  événements  et  qu'une 
fois  réuni  à  lui,  il  |>ourrait  entreprendre  quelque  chose... 

Le  lendemain  11,  à  4  heures  de  l'aprés-midi,  il  déclarait  au  major  général, 
qu'en  présence  du  mouvement  des  Prussiens  sur  Eyndhoven,  il  se  i-epliait  sur 
l]a.sselt,  qu  Exelmans  serait  le  li  à  Maastricht,  le  duc  de  Padouu  et  Sébas- 
tiani le  li  à  Yenloo  et  Crefeld,  le  13  à  Ruremonde  et  Erkelens. 

A  la  même  date,  Sébastiani,  encore  établi  à  (Vtlogne  qu'il  aUait  évacuer  le 
lendemain,  mandait  au  major  général  que  l'eimemi  occupait  Blanckenheim  et 
la  froistH'  des  routes  roiiduisanl  à  Bonn,  Cologne,  Juliers.  Aix-la-Chapelle  et 
Lii'ge  où  il  avait  en>o\é  un  parti  pour  se  renseigner.  Mais  comme  ce  point 


—  292  — 

vror  entre  Maëslrichl  et  Namur,  devait,  d'après  la  noU?  sur  la 
situation  de  la  France,  se  porter  sur  Liège  et  Charlemont,  mena- 
cer le  flanc  droit  de  Blûcher,  en  gardant  la  Meuse,  et  disposer 
pour  ces  opérations,  après  avoir  rappelé  ii  lui  Sébasliani,  de 
10,000  hommes  avec  40  canons.  Dès  le  5  janvier,  il  avait,  comme 
nous  Tavons  dit,  concentré  vers  la  Meuse,  de  Gueldres  à  Venloo, 
les  troupes  du  ll^  corps  et  du  2«  de  cavalerie,  fait  passer  le 
fleuve,  du  7  au  8  janvier,  aux  généraux  Bigarré  et  Exelmans,  et 
transféré  ensuite,  le  12,  vson  quartier  général  h  Iluremonde*. 

A  la  même  éi)oque.  Sébastiani  et  le  duc  de  Padoue,  après  avoir 
concentré  leurs  corps  de  Cologne  à  Neuss,  alarmés  sans  doute 
par  la  nouvelle  de  l'approche  d'un  assez  gros  parti  de  cavalerie; 
russ(»  (jui,  sous  les  ordres  du  général  Ilowaïsky,  poussait  eu 
avant  sur  l'extrême  gauche  de  l'avanl-garde  et  jiaraissait  se 
diriger  vers  Cologne,  avaient  évacué  cette  vilh»,  le  12,  i)our  se 
replier  par  Juliers,  où  ils  allaient  arriver  le  15  et  laisser 
2,000  homm(?s,  vers  Aix-la-Chapelle  et  Liège*. 


était  à  14  licaes  de  ses  positions,  rennemi  pouvait  avoir  fait  entre  temps  des 
mouvements  importants.  11  ajoutait  :  «  L'occupation  do  Trêves  par  Tennemi 
me  met  dans  une  position  critique,  ayant  Tennenii  sur  mon  front  et  sur  mes 
deux  flancs  qui  sont  débordés.  J'ai  en\o>'é  à  Ber{;heim  300  hommes  et  4  piènrcs 
pour  défendre  le  délilc  et  les  ponts  de  TEriTt  et  me  faire  un  échelon.  Le  général 
Albert  vient  de  in'informer  que  l'ennemi  est  sur  la  route  de  Malmédy  à  Spa. 
Je  crois  que  ce  sont  des  coureurs.  » 

L'Kmpereur,  après  avoir  donné  directement,  le  10  janvier,  au  duc  de  Tarentc 
les  ordres  dont  nous  avons  parlé,  lui  fit  encore  écrire  le  12,  par  Berthier,  la 
lettre  suivante  qu'il  reçut  le  14  : 

«  Le  major  général  au  duc  de  Tarentc.  —  Paris,  le  12  janvier  181  i. 

«  J'ai  mis  sous  les  yeux  de  l'Empereur  votre  lettre  du  9  relative  à  Wt»sel. 
Sa  Majesté  ne  veut  jkis  qu'on  abandonne  les  places.  EUe  attache,  au  contraire, 
la  plus  grande  importance  à  les  conserver.  Indépendamment  de  l'intérêt  des 
négociations  dont  on  espère  une  bonne  issue,  l'abandon  des  places  serait  un 
grand  mal.  L'ennemi  s'y  établirait,  assurerait  sa  ligne  d'opérations  et  tirerait 
plus  facilement  des  ressources  du  pays  qui  se  croirait  abandonné.  L'ennemi 
n'est  pas  dans  le  cas  de  faire  aucun  siège.  Les  conscrits  et  les  gardes  nationales 
laissés  dans  les  places  s'y  organisent...  L'avantage  d'occuper  les  places  est 
d'obliger  l'ennemi  à  laisser  devant  elles  plus  de  monde  qu'il  n'y  en  a  dans  la 
place...  »  (Archiva  de  la  gwrre.) 

1  Macdonald  écrivant  le  12,  à  Maison,  de  Uuremonde,  lui  disait  :  «  Le  Rhin 
et  la  Meuse  sont  pris.  Je  serai  le  13  à  Maéstricht,  ma  cavalerie  y  sera  le  14. 
Molitor  sera  ce  soir  à  Venloo  ;  l'arriêre-gardc  (général  Thiry)  est  ii  Straeh'n.  » 
i^Archirrx  tir  la  guerre.) 

*  Mardonald  au  major  général  :  «  MarstriHil,  H  janvier. 
«  Je  reçois  par  estafette  extraordinaire  la  lettre  de  Votre  Altesst»  du  10.  Les 
onlres  qu'elle  contient  sen»nt  evécntis.   1) -jà  le  {{*'  corps  d'infantrrie  et  le  2*' 


•^  293  - 

13  janvier.  —  Tchernitcheff  passe  le  Rhin.  —  Affaire  à 
Ober-Cassel.  —  A  pou  pri's  au  nu^nio  moment,  Tchcrnitclu^tV  ar- 
rachait, onlin.  il  Winzin^orode  l'autorisation,  vainement  sollicitât» 
par  lui  depuis  douze  jours,  de  traverser  l«»  Hliin  :  mais  si  Win/in- 
^erode  crut  devoir  rendre  enfin  à  Tchernitcliett  sa  liberté  d'ac- 
tion, il  lui  fit  (;n  même  temps  savoir  cpie,  on  cas  d'insuccès,  la 
responsabilité  retomberait  tout  entière  sur  lui. 

Tchernitcheft  n(î  se  laissa  pas  arrêter  par  (!es  considérations. 
Afin  de  tromper  l'ennemi  sur  le  point  véritable  d(»  son  passade, 
tians  la  nuit  du  12  au  13  il  fit  traverser  le  Rhin,  entre  Duisburg 
et  Kaiserswerlh,  à  deux  ou  trois  cents  cosaqm»s.  ([ui  réussinMil  à 
s'emparer  d'une  redoute  armée  de  cinq  canons,  élevée  en  face  d(» 
l'embouchure  de  la  Ruhr,  et  chassèrent  devant  eux  les  (pielques 
|)OStes  d'obser\'ation  établis  sur  la  rive  gauche  du  Rhin. 

Quelques  heures  plus  tard,  l'avant-garde  de  Tchernilchefl 
(700  hommes,  chasseurs  et  cosaques),  sous  les  ordres  de  Benken- 
dorfl',  passait  en  banjuc  le  Rhin,  pn*s  de  Dùsseldorfl.  CkUte  opé- 
ration était  protégée  par  36  pièces,  que  Tchernitcheff*  avait  mises 
en  batterie  sur  la  rive  droite  pour  écraser  do  leurs  f'(îux,  si  \o 
besoin  s'en  faisait  sentir,  les  deux  redoutes  élevées  par  les  Fran- 
çais sur  la  rive  gauche.  Conmie  les  Français  n'avai(înl  laissé  le 
long  du  Rhin  que  quelques  vedettes  et  quehpu^s  faibles  postes 
d'observation,  cette  avant-garde  rencontra  à  peine  un  semblant 
de  résistance. 

Les  Français,  abandonnant  les  deux  redoutes,  se  replièrent 

mmédiatement  et  furent  suivis  par  Benkendorf  jusqu'à  Ober- 

(iassel  et  Heerdt.  Renforcés  sur  ces  points  par  un  bataillon  et 

deux  escadrons,  ils  obligèrent,  h  leur  tour,  Benkendorf*  à  se 


de  cavalerie  seront  réunis  demain  entre  Maastricht  et  liasselt.  Le  5^  d'infan- 
terie et  le  3®  de  cavalerie  devront  ^Ire  sous  peu  de  jours  a  Aix-la-Chapelle  : 
ils  marcheront  de  là  pour  rejoindre.  Pendant  ce  mouvement  le  général  Exel- 
mans  manœuvrera  dans  la  Campinc  sur  le  flanc  de  Tennemi.  » 

Macdonald  à  Sébastiani  et  Padoue  :  «  Mac^tricht,  14  janvier. 

«  Vous  ne  direz  mot  à  personne  de  ce  que  vous  exécuterez  avant  Aix-la- 
Chapelle,  afin  que  Tennemi  ne  puisse  être  instruit  que  vous  vous  portez  sur 
la  Meuse.  Ne  séjournez  point  à  Juliers  ni  à  Aix-la-Chapelle,  et  continuez  votre 
marche  sur  Liège  où  je  vous  donnerai  de  nouveaux  ordres.  » 

1  «  Le  i 3  janvier  1814,  chargé  par  le  général  Winzingerodo  d'ouvrir  sa 
marche  pour  le  passage  du  Rhin  avec  160  chasseurs  de  la  brigade  du  général 
Gleboiï  et  50  cosaques,  j'arrivai  dans  la  nuit,  après  une  fusillade  assez  vive. 


—  294  — 

replier  sur  Obcîr-Cassel.  Rejoint  d'abord  par  le  reste  de  sou 
avant-garde,  puis  par  Tchernilchert  en  personne.  Benkendorfsn 
reporla  en  avant  avee  tout  son  monde  et  ramena  les  Français  sur 
Neuss. 

Il  est  évident  que  si  les  Français,  quoique  surpris  par  l'appari- 
tion des  Russcîs,  avaient  pu  se  rendre  com[)te  de  la  force»  réelle 
de  cette  faible  avant-garde,  ils  l'auraient  évidemment  jetée  dans 
le  lleuve.  Mais  ce  qui  est  moins  explicable,  c'est  que  le  lendemain 
14,  ils  évacuèrent  Neuss.  où  Benkendortt*  et  ïchernitchelV  entrè- 
rent aussit<M  après  leur  départ. 

14  janvier.  —  Tchernitcheff  à  Neuss.  —  Bien  que  son  avant- 
garde  eftt  ainsi  réussi  îi  prendre  pied  sur  la  rive  gauche,  Win/in- 
gerode,  n'osant  rien  entreprendre  à  cause  des  glaçons  que  le 
]\h\n  continuait  à  charrier,  n'opéra  son  passage  entre  Dùss(»l- 
dorf  ot  Cologne  (jue  les  jours  suivants,  |)endant  que  Benkendorf, 
après  être  entré  à  Neuss,  continuait  h  pousser  sur  la  route  de 
Juliers. 

15  janvier.  —  Ilowaisky  à  Cologne.  — 16  janvier.  —  Tcher- 
nitcheff à  Aix-la-Chapelle.  —  Le  15  janvier.  Ilowaisky  arrivait 
avec  ses  cosaques  à  Cologne,  que  Sébastiani  et  le  duc  de  Padoue 


aux  environs  de  Xeuss  et  le  lendemain  devant  Juliers  avec  ma  brigade,  2  esra- 
drons  des  hussards  de  Pavlograd  et  2  pièces  d'artillerie  légère. 

«  Kn  village  très  étendu,  celui  de  Mernich,  nous  séparait  d'à  peu  près  une 
demi-lieue  de  la  forteresse.  La  garnison  avait  fait  une  sortie  d'environ  300 
hommes.  J'avais  placé  à  couvert  la  plus  grande  partie  de  mon  monde,  afin  de 
le  mettre  hors  d'atteinte  du  canon  de  la  place.  Après  être  resté  quelque  temps 
«lans  cette  position,  ennuyé  d'une  tiraillerie  sans  ol)jet,  j'ordonnai  à  la  fois  une 
attaque  générale  au  grand  galop,  mes  hussards,  au  centr»',  sur  la  route  a>ant 
le  régiment  de  GirolT  à  droite  et  (;elui  de  Sisoieflf  à  gauche.  Je  n'ai  jamais  vu 
le  spectacle  d'une  plus  belle  émulation  :  tout  partit  avec  la  rapidité  de  l'éclair. 
L'ennemi,  étonné  de  notre  nombre,  se  retira  en  désordre  en  combattant,  mai:) 
la  totalité  de  mon  corps  l'atteignit  sur  les  glacis.  Le  régiment  de  Sisoieff  qui 
le  serrait  de  plus  près  lui  coupa  la  retraite  à  30  mètres  du  pont  et  tout  fut  pris 
ou  sabré.  (Benkemdorpf,  Des  Cosaques,  p.  50.) 

Hien  que  le  fait  soit  parfaitement  exa^t,  Benkendorff  nous  semble  avoir  com- 
mis une  erreur  de  date.  Ce  n'est  pas  le  14,  mais  bien  le  19  janvier  qu'eurent 
lieu  la  sortie  de  la  garnison  de  Juliers  et  l'escarmouche  de  cavalerie  en  ques- 
tion, comme  nous  l'indiquerons,  d'ailleurs,  un  peu  plus  loin.  L'investissement 
de  Juliers  est  bien  du  15,  mais  on  ne  trouve  nulle  part  trace  de  cette  affaire  à 
rett^  époque.  C<*tte  erreur  de  date  s'explique  par  le  fait  que  Benk»^ndorf  a 
écrit  son  livre  sur  les  cosaques  deux  ans  après  la  campagne  de  1814. 


—  295  — 

jivaioni  qnilh'  dopiiis  Ip  12.  Trliorniloliotî.  qui  sriait  roiidu  do 
sa  porsoniio  à  Noiiss,  pressant  aussitôt  lo  mouvement  do  sa  cava- 
l(»rio  vers  Aix-la-(^hapelle,  ftiisait  investir  Juliers  et  poussait,  lo 
10,  jusqu'il  Aix-la-Chapelle. 

MaedonakI  était  toujours  h  Maastricht.  Il  n'avait  eneore  sur  son 
flanc,  du  c<Mé  d'Aix-la-Chapelle,  que  Tavant-garde  russe,  puisque 
le  gros  du  corjis  Winzingerode  commençait  seulement  son  mou- 
vement en  avant  de  Neuss.  Il  n'en  prescrivit  pas  moins  à  Sébas- 
tian!, avec  le  8«  corps,  et  au  duc  de  Padoue,  avec  le  8«  corps  d(^ 
cavalerie,  de  prendre  position,  le  17,  à  Hervé,  et,  le  18,  d(»vant 
Liège,  sur  la  rive  droite  de  la  Meuse.  Le  8«  corps  de  cavaleri(» 
devait  s'échelonner  h  partir  d'Hervé,  éclairer  à  droite  de  la  Meuse 
dans  un  rayon  de  quatre  îi  cinq  lieues  (»t,  plus  spécialement, 
dans  la  direction  de  Maêstricht.  Exelmans  avait  pour  mission  de 
couvrir  la  position  depuis  la  rive  gauche  de  la  Meuse  jusqu'à 
Diest.  L'infanterie  du  général  Braver  se  rendait  d'Huy  à  Namur; 
celle  de  Molitor  se  tenait  à  Liège. 

18  janvier.  —  Hacdonald  à  Liège.  —  Le  duc;  de  Tarente, 
n'ayant  pu  arracher  îi  l'Empereur  Tautorisation  d'abandonner 
des  places  fortes  destinées  fatalement  h  tomber  entre  les  mains 
de  l'ennemi,  résolut  de  manœuvrer  sur  la  Meuse,  de  Maêstricht 
à  iNamur,  et  choisit  Namur  comme  point  de  rendez-vous  général. 
Mais  il  envisageait  la  situation  sans  se  faire  d'illusions,  et,  (mi 
annonçant  h  Maison  qu'il  allait  établir,  le  17.  son  quartier  général 
à  Liège,  il  lui  écrivait  :  «  Je  souhaite  que  l'on  dise  vrai  sur  vos 
forces.  Nous  sommes  dans  une  position  h  ne  plus  compter  ceUes 
de  l'ennemi.  Vaincre  ou  périr  doit  être  maintenant  notre  cri  de 
ralliement.  » 

Le  maréchal  avait,  à  ce  moment,  l'intention  d'opérer  pendant 
quelque  temps,  de  concert  avec  Maison,  du  côté  de  Diest,  où  11 
envoyait,  le  18,  la  cavalerie  du  général  Dommanget.  Exelmans 
devait  réunir  le  reste  de  sa  cavalerie  îi  Saint-Trond  et  à  Tirlemont 
avant  de  se  porter  de  lîi,  en  deux  marches,  sur  Namur,  où  Molitor 
allait  le  précéder,  pendant  que  la  cavalerie  du  général  Brayer 
([uitterait  Namur  pour  éclairer  la  route  de  Luxend)ourg.  Mais,  le 
19  janvier,  Macdonald,  arrivé  lui-même  à  Namur,  y  recevait  une 
dépéch(»  datée  de  Paris,  le  17,  par  laquelle  le  major  général  le 
prévenait  de  son  départ  pourChAlons,  où  l'Empereur  se  proposait 


—  296  — 

de  porler  son  quarlier  général.  Berthier  lui  proscrivail  de  ma- 
nœuvrer pour  se  rapprocher  d(^  lui.  de  l'infornicr  de  la  marche 
qu'il  se  proposait  de  faire  jour  par  jour,  el  de  chercher  à  se  tenir 
au  courant  des  mouvements  de  Marmont.  Le  maréchal,  se  confor- 
mant aux  ordres  qu'il  venait  de  recevoir,  commença  aussitôt  son 
mouvement  vers  Chàlons,  après  avoir  avisé  Maison  de  la  nonvelle 
direction  que  ses  troupes  allaient  suivre. 

Le  retrait  de  la  cavalerie  de  Macdonald  de  la  Gampine,  son 
mouvement  sur  Namur  n'étaient  guère  faits  pour  faciliter  la 
tilche  déjà  si  difficile  de  Maison.  Il  s'en  plaignit  à  Macdonald 
qui,  lié  par  des  ordres  formels,  se  contenta  de  transmettre  les 
réclamations  du  commandant  du  l«f  corps  au  major  général, 
anifuel  il  annonçait,  le  18,  qu'il  allait  transférer  le  lendemain  son 
quartier  général  de  Liège  à  Namur.  Dans  cette  dépèche,  où  il 
expose  le  mouvement  par  échelons  que  vont  exécuter  sur  Nannir 
le  ii«  corps,  puis  le  2«  de  cavalerie,  le  5«  corps  d'infanterie  et  le 
3*  de  cavalerie,  le  duc  de  Tarente  ajoutait,  en  effet  :  «  Je  rappelle 
ma  cavalerie  de  la  Campine  sur  Namur,  bien  que  le  général 
Maison  me  mande  que,  si  je  suis  le  plan  général  d'opérations,  il 
ne  pourra  tenir  à  Louvain  et  se  portera  sur  Anvers.  Mais  cette 
cavalerie  m'est  trop  utile  pour  l'exécution  de  ce  plan,  autrement 
les  Ardennes  seraient  ouvertes.  » 

19  janvier.  —  Macdonald  quitte  la  Belgique  et  se  dirige 
sur  Châlons.  —  Le  duc  de  Tarente,  dont  les  effectifs  étaient, 
d'ailleurs,  singulièrement  diminués  par  les  garnisons  qu'il  avait  dû 
laisser  dans  les  places  et  par  les  progrès  effrîiyants  de  la  désertion, 
ne  disposait  guère,  à  la  date  du  20  janvier,  que  d'un  peu  plus 
de  5,500  hommes.  Le  5«  cori)s  était  réduit  ii  800  honnnes  pré- 
sents ;  le  1  !•  en  avait  de  1400  à  1500  ;  le  2®  corjis  de  cavalerie  ne 
comptait  que  1800  à  1900  chevaux,  et  le  3«  ne  pouvait  en  mettre 
en  ligne  que;  1200.  Se  conformant  aux  ordres  de  l'Empereur,  Mac- 
donald commença  le  20  .son  mouvement  par  échelons  de  Namur 
vers  la  haute  Meuse.  Son  arrière-garde,  sous  les  ordres  du  gé- 
néral Sébastiani  et  du  duc  de  Padoue*,  quitta  Liège  le  21  au 


*  Une  (les  reconnaissances  du  doc  de  Fadoac  avait  ou,  le  19  au  innlin,  une 
petite  escarmouche  ave<'  la  rava4<»rie  russe  du  côte  dilerve. 


-  297  — 

soir.  C(.»lt('  cavalerie  élail  à  Hiiy  le  ii,  à  Naniiir  le  23,  à  Dinant 
le  24,  à  Givet  le  25.  h  Ilocroy  le  26,  et  le  27  h  Me^zières,  où  le 
premier  échelon  de  la  roloiine  (la  division  Braver)  était  arrivé 
deux  jours  plus  tôt  *. 

Position  des  cosaques  de  Tchernitcheff .  —  Du  côté  des 
Russes,  Tchernitcheff,  sans  s'occuper  de  la  dislance  considérable 
qui  séparait  sa  cavalerie  du  gros  du  corps  de  Winzingerode, 
continuait  à  pousser  ses  cosaques  en  avant.  La  garnison  de  Jii- 
liers  avait  tenté,  le  19,  de  rompre  le  blocus  et  de  percer  hors  d(» 
la  place.  La  cavalerie  française  avait  môme,  au  début  de  l'affaire, 
réussi  h  bousculer  la  cavalerie  russe  ;  mais  celle-ci,  renforcée  à 
temp.s,  la  rejeta  sur  Tinfanterie  qui  la  suivait,  l'entoura  et  lui  en- 
leva une  centaine  d'hommes.  La  garnison  se  replia  sur  Juliers, 
dont  l'investissement  fut  confié  au  général  Ilovvaïsky. 

23  janvier.  —  Winzingerode  à  Aix-la-Chapelle.  —  Par 

suite  du  mouvement  vers  la  haute  Meuse,  que  l'Empereur  fit  opé- 
rer, à  partir  du  20  janvier,  aux  troupes  du  duc  de  Tarente,  Win- 
zingerode ne  trouva,  en  réalité,  plus  rien  devant  lui  au  moment 
où,  après  une  marche  d'une  lenteur  inexplicable,  il  établit,  le  23. 
.son  quartier  général  à  Aix-La-Chapelle  *.  En  outre,  son  corps 
ayant  mis  plusieurs  jours  h  défiler  par  cette  ville,  il  se  borna  h 
pousser  jusqu'à  Hervé  l'avant-garde  sous  les  ordres  de  Tcher- 
nitcheff et  à  envoyer  des  partis  sur  Liège. 

16  janvier.  —  Maison  à  Louvain.—  Dès  que  Maison  eut  reçu 
la  nouvelle  du  passage  du  Rhin  par  les  Alliés  et  du  mouvement 


*  Macdonald,  en  écrivant  à  Maison  une  dernière  fois  le  21  janvier  de  Namur, 
ne  peut  s* empêcher  de  donner  libre  cours  aux  tristes  pensées  qui  obsèdent  son 
esprit  :  u  Quelle  affreuse  situation,  lui  écrit-il,  et  quelle  est  la  providence  qui 
nous  sauverat  On  dit  que  Fesprit  de  la  capitale  est  aJBTreux,  ainsi  que  celui  de  la 
plupart  des  grandes  villes.  Qu'est  donc  devenue  cette  énergie  des  Français  ?  Cha- 
cun courbe  la  tôte,  bien  qu'il  y  ait  tant  de  moyens  encore.  C'est  qu*on  ne  sait 
pas  les  mettre  en  pratique.  J*ai  le  cœur  navré  et  Tâme  déchirée.  »  (Archives  tle 
la  guerre.) 

>  Winzingerode  y  reçut  Tordre  par  lequel  Schwarzenberg  lui  enjoignait  de 
Langres,  le  10  janvier,  de  se  porter  de  Dûsseldorf  sur  Reims.  (K.  K,  Kriegs 
Arehiv,,  I,  55i.) 


—  298  — 

nHrogrado  de  Manlonald  sur  los  Ardonnos,  il  avait  rhargr  les 
gén(''raux  Aiiibort  ot  Rognet  de  couvrir  los  abords  d'Anvers,  dé- 
sormais (»n  étal  de  soutenir  un  siège  et  de  répondre  ii  un  bombar- 
dement. Il  avait  fait  occuper  Matines  (ît  Bruxelles  et  était  venu 
s'établir,  le  16,  îi  Louvain,  avec  la  division  Barroiset  la  cavalerie 
de  Gastex.  Ainsi  posté  h  la  croisée  des  routes  aboutissant  îi 
Bruxelles,  de  celles  d'Anvers  par  Malines,  d'Herenthals  i\  Tnrnhonl 
et  Aerschot,  d'Hassclt,  de  Diesl  et  de  Maëstricht  à  Bruxelles,  de 
Tirlemonl  îi  Sainl-Trond,  Tongres  et  Liège,  de  Tirlemont  à  Huy 
et  Namur,  et  de  Namur  par  Hamme  îi  Wavre  et  Gembloux,  il  pou- 
vait h  son  choix  et  malgré  le  peu  de  troupes  dont  il  disposait, 
couvrir  Bruxelles,  se  porter  au  secours  des  divisions  chargées  de 
la  défense  extérieure  d'Anvers.  Manœuvrant  le  long  du  Demer,  il 
pouvait  donner  la  main  h  Macdonald,  qui  était  encore  en  marche 
de  Maëstricht  sur  Liège,  surveiller  cette  ville  après  le  départ  du 
duc  de  Tarente,  menacer  le  point  de  réunion  des  armées  alliées, 
enfin  se  retirer,  s'il  y  était  contraint,  soit  sur  Condé  par  Nivelles 
et  Mons,  soit  sur  Lille  par  Ath  et  Tournay. 

La  position  était,  on  ne  saurait  le  contester,  on  ne  peut  plus 
heureusement  choisie. 

Maison,  en  effet,  tout  en  ne  désespérant  pas  encore  de  la  situa- 
tion, ne  se  dissimulait  pas  la  gravité  exceptionnelle  des  circonstan- 
ces, et  c'est  ainsi  qu'il  écrivait  le15,de  Lierre,  au  duc  de  Plaisance 
îi  Anvers  :  «  Jiatôte  de  l'ennemi  est  sur  Diest  aujourd'hui.  Je  ne 
partage  pas  l'avis  de  ceux  qui  croient  qu'on  ne  peut  pas  l'arrê- 
ter. Il  convient  au  moins  de  le  tenter  et  je  n'ai,  moi,  aucune 
arrière-pensée  personnelle.  Je  ne  veux  que  ce  qui  est  le  mieux 
pour  le  service  de  Sa  Majesté. 

a  Vous  voudrez  bien  faire  partir  aussi  vite  que  possible  pour 
coucher  h  Malines,  ii  (juelque  heure  que  ce  fût,  un  régiment  de 
la  garde...  indépendamment  du  régiment  qui  devrait  déjà  être 
ici.  Il  est  clair  que  l'ennemi  va  marcher  îi  la  conquête  de  la  Bel- 
gique, que  Bfdow  va  opérer  de  manière  h  se  joindre  h  l'avant- 
garde  de  Bliu^her,  qui  est  arrivé  à  Malmédy  et  a  déjfi  poussé  des 
partis  vers  Spa.  Le  duc  de  Tarente  et  moi  devons  nous  y  opposer. 
J(t  vous  recommande  encore  de  tenir  la  campagne  en  avant  de 
Wyneghem  vers  Saint-Antoine  et  Schilde,  de  même  (juc  sur 
Braschaët,  et  de  faire  occuper  Lierre  par  quelque  cavalerie  et  in- 
fanterie, à  moins  que  l'ennemi  ne  soit  en  force  h  Santhoven.  En- 


—  299  — 

«*oiv,  tant  {[iw  vous  litMidnv.  à  Schildo,  rtMinenii  n'osera  |)as  venir 
avor  des  forées  à  Lierre  *.  » 

L(»  10  janvier,  il  arrivait  h  Lonvain  avec  la  division  Barrois  el 
400  ehevaux  ch^  la  parde,  alors  (|ue  la  têtt^  de  sa  eavalerie  élail 
déjà  depuis  la  veille  h  Aersehot.  Il  ignorait  ee  qu'avait  fait  Mae- 
donald  d<»|)uis  quelques  jours.  Il  attendait  de  ses  nouvelles,  puis- 
qu'il comptait  envoyer  le  lendemain  sa  eavalerie  sur  la  grande 
N^the.  h  Westmeerbeek  et  Westerloo  et.  croyant  encore  que  l'ar- 
mée de  Bli'icher  marchait  sur  Liège  par  Malmédy  et  Spa.  il  écri- 
vait au  duc  de  Plaisance  pour  lui  dire  ce  qu'il  pensait  du  mouve- 
ment rétrograde  de  Biilow.  Si  Maison  se  trompait  en  attribuant  la 
cause  d(»  ce  mouvemiMit  h  l'apiiroche  de  BIucIut.  il  ïivait  raison 
d'affirmer  que  Biilow  n'opérait  qu'un  changement  de  position, 
puisque  le  général  prussien  chiîrchait  (»n  n'»alité  à  donner  la  main 
îi  Winzingerode.  Le  commandant  du  \*^^  corps  ajontait  en  effet  : 
«  Je  ne  saurais  me  persuader  qu'il  a  eu  assez  peur  de  noi?s  pour 
le  faire  seulement  par  cette  considération.  » 

Mais  h  peine  avait-il  pris  ces  mesures  qu'il  reçut,  par  l'inter- 
médiaire de  Clarke  et  de  Berthier,  communication  des  reproches 
de  l'Empereur.  Comme  ii  ce  moment  Macdonald,  après  avoir  éva- 
cué Hasself  et  Liège,  avait  déjfi  dépassé  Xannir,  il  lui  était  diffi- 
cile de  se  conformer  à  l'ordre  de  l'Empereur  lui  prescrivant  de 
se  concentrer  en  avant  d'Anvers.  Se  portant  avec  la  division 
Barrois  par  Malines  sur  Anvers  el  Merxhem,  où  cette  division 
devait  être  rendue  le  22,  il  donna  aux  12  bataillons  du  général 
Rogiiet  l'ordre  de  se  réunir  h  Wyneghem  et  Schilde. 

23  janvier.  —  Envoi  de  la  cavalerie  de  Castex  snr  Liège. 

—  En  même  temps  il  envoyait  le  général  Castex  avec  3  escadrons 
de  chasseurs,  3  de  lanciers,  2  bataillons  du  12^  voltigeurs  et 
4  pièces,  h  Tirlemont.  Il  avait  eu  soin  de  lui  prescrire  de  poster 
une  avant-garde  à  Saint-Trond,  d'éclairer  les  mouvements  de 
l'ennemi  sur  Liège  et  sur  Hasselt,  et  de  ne  se  retirer  sur  Louvain 
que  s'il  y  était  forcé  |)ar  des  forces  supérieures.  Deux  bataillons  du 
72»  forts  de  900  hommes,  allaient,  à  partir  du  21,  prendre  posi- 
tion à  Louvain  et  servir  de  soutien  à  (iastex.  Le  général  Meuziau. 


*  Maison  aa  duc  île  Plaisance.  Lierre,  15  janTÎer.  (Arehivex  de  la  guerre.) 


-  300  — 

dirigr  sur  llussell  avec  1  bataillon,  400  chevaux  el  2  canons, 
avait  pour  mission  de  flanquer  le  mouvement  de  Castex,  de  pro- 
téger ses  derrières  et  de  couvrir  sa  retraite  sur  Saint-Trond. 

Pour  se  conformer  aux  ordres  antérieurs  du  major  général. 
Maison  prenait,  bien  qnh  regrel,  les  mesures  que  nous  venons 
d'indiquer  et  prescrivait,  pour  le  22,  un  mouvement  d'Anvers  sur 
Westmalle,  Brecht  el  Wuest-Wesel.  Le  connnandant  du  1*'  corps 
adressa  toutefois,  de  Louvain,  au  major  général  des  observations 
qui  prouvent  qu'il  s'était  rendu  un  com|)le  exact  de  la  situation, 
qu'il  avait  prévu  tout  ce  qui  allait  se  produire  pendant  les  mois 
de  février  et  de  mars,  et  préparé  en  ronséquen(!e  tout  son  plan 
de  cam|)agne  : 

i(  Conformément  h  Tinstruclion  dv  Votre  Altesse,  le  duc  de 
Tarente  se  porte  sur  Namur  et  Huy;  il  laisse  encore  quelque 
<'hose  pour  couvrir  Liège,  mais  je  prévois  que  bientôt  il  (|uittera 
cette  position  et  découvrira  la  grande  communication  de  celte 
ville  à  Bruxelles,  qui  est  mon  point  de  retraite. 

«  Comme  je  ne  saurais,  avec  le  peu  de  troupes  que  j'ai,  em- 
pêcher l'ennemi  de  déboucher  sur  Saint-Trond  et  Tirlemont  el 
de  tourner  la  ligne  du  Demer  el  des  deux  Nèthes,  je  serai  obligé 
d'abandonner  Anvers  îi  ses  propres  forces  et  de  me  retirer  sur  les 

anciennes  places  de  Flandre Il  ne  me  restera  que  la  division 

Barrois  (2,600  hommes),  1  régiment  de  tirailleurs  (900  honmies) 

et  8  escadrons  de  cavalerie Je  pourrai  arriver  à  Lille  avec  un 

peu  plus  de  3,000  hommes,  mais  je  n'ai  rien  pour  Coudé,  Valen- 
ciennes  H  les  autres  places.  Si  je  pouvais  calculer  qu'elles  peu- 
vent se  suflire  à  elles-mêmes,  il  conviendrait  peut-être  <|ue  je  me 
jette  sur  Gand  et  Courtrai;  je  me  tiendrais  ainsi  plus  longtemps 
en  communication  avec  Anvers  par  la  rive  gauche  de  ^^]scaul  cl, 
par  une  marche  de  flanc,  je  pourrais  arriver  sur  Lille.  Si  l'en- 
nemi n'a  pas  un  grand  corps  opérant  par  Liège  sur  Valenciennes. 
VI}  mouvement  peut  retarder  beaucoup  sa  marche  sur  les  an- 
ciennes places  en  lui  faisant  craindre  que  je  ne  me  porte  sur  ses 
derrières  pour  couper  ses  communications  ;  mais  s'il  n'y  a  aucun 
moyen  de  n»sistance  h  Lille,  il  faudra  que  je  me  retire  par  Ath  et 
Tournay  \  » 


i  Maison  au  major  f((>néra1,  de  Loavain,  21  janvier.  (Arehive$  de  la  gunrr.) 


—  301  — 

Maison,  on  le  voit,  avait  compris  (lc*s  In  il  janvier  tons  l(»s 
dangers  qn*il  courait  en  s*enfermanl  dans  une  place»,  tonte  l'iiui- 
tilité  des  manœuvres  qu'il  pourrait  entreprendre  autour  d'Anvers, 
et  en  terminant,  il  ajoutait  une  fois  encore  : 

«  Je  ne  pourrai,  je  le  répète,  que  couvrir  Lille  et  jel(T 
600  honmies  à  Condé  et  Valenciennes.  En  agissant  de  concert 
avec  le  duc  de  Tarente  entre  la  Meuse  et  l'Escaut,  nous  pourrons 
peut-(Mre  encore  parvenir  h  empocher  l'ennemi  de  p(^n(^trer  en 
Belgique  ;  mais  si  l'on  foil  opc^rer  le  marc^chal  sur  la  droite  d(î 
BIncher,  on  n'arrêtera  pas  l'ennemi  et  je  serai  force!  (tèvmtier  la 
Belgique.  )i 

Les  événements  ne  devaient  que  trop  justifier  les  craintes  ri  la 
manière  de  voir  de  Maison;  mais  d'autre  part,  il  faut  reconnaître 
qu'étant  donnée  la  situation  générale,  il  était  impossible  de  laisser 
plus  longtemps  Macdonald  en  Belgique.  Le  mouvement,  que  le 
duc  de  Tarente  allait  faire  h  partir  du  22  vers  la  haute  Meuse, 
découvrait  la  route  de  Tirlemont.  et  ce  fui  pour  remplacer  Tar- 
rière-garde  de  Macdonald,  que  Maison  envoya,  le  23,  dans  la 
direction  de  Liège,  le  général  Castex,  avec  1800  hommes  d'infan- 
terie, 800  chevaux  et  2  bouches  à  feu.  Il  cherchait  ainsi  h  couvrir 
sa  droite  et  à  conserver,  le  plus  longtemps  possible,  les  ponts  d(» 
la  Meuse.  Il  avait  eu,  d'ailleurs,  le  soin  de  recommander  h  Castex 
de  se  contenter  d'une  simple  reconnaissance  et  d'éviter  tout  enga- 
gement sérieux. 

24  janvier.  —  Combat  de  cavalerie  de  Saint-Trond.  —  De 

son  cùté,  Tchernitch(îff  était  entré  le  24  à  Liège  avec  le  gros  de 
Tavant-garde  de  Winzingerode,  et  sa  pointe,  sous  Benkendorf, 
avait  aussitôt  poussé  en  avant  dans  la  direction  de  Saint-Trond. 
Elle  vint  donner  à  quelques  kilomètres  en  avant  de  Liège  contre 
la  colonne  du  général  Castex  qui,  n'ayant  jusque-lh  rien  trouvé 
devant  lui,  avaii  espéré  pouvoir  arriver  à  Liège  avant  les  Russes. 
Benk(îndorf,  obligé  de  reculer  devant  les  Français,  s'arrêta  en 
avant  des  faubourgs  de  la  ville  et  prévint  Tchernitcheff  de  l'ap- 
proche de  Tennemi.  Comprenant  toute  l'importance  qu'il  y  avait 
à  rester  maître  des  ponts  de  la  Meuse,  il  n'hésita  pas,  en  atten- 
dant l'arrivée   des  renforts,  îi  soutenir  avec  ses  cosaques*  un 


»   A  TalTain'  de  Li«^gn,  le  ii  janvier  481i,  anc  colonne  ennemie  dVnviron 


—  302  — 

combat  des  |»lus  inégaux  el  des  plus  nieurlriiTS,  pendant  lequel 
M's  régiments  tinrent  bon  sous  un  feu  violent  de  mousqueterie  el 
sous  le  tir  à  mitraille  el  à  boulets  de  l'artillerie  de  Castex.  Ben- 
k(îndorf  ne  réussit,  d'ailleurs,  à  faire  bonne  contenance,  jusqu'à 
l'entrée  en  ligne  des  renforts,  que  gr<\ce  aux  mesures  intelligentes 
qu'il  sut  prendre.  Ne  laissant  sur  son  front  qu'une  chaîne  stric- 
tement suflisante  pf)ur  observer  les  mouvements  de  l'ennemi,  il 
posta  la  plus  grande  partie  de  ses  cosaques  sur  ses  deux  ailes  à 
l'abri  du  feu  el  hors  des  vues  des  Français.  Afin  de  retarder  les 
progrès  des  cavaliers  de  Casti'x.  il  lit  charger  les  cosaques  toutes 
les  fois  que  son  adversaire  dessina  un  mouvement  offensif. 

Avant  même  d'avoir  reçu  l'avis  envoyé  par  Benkendorf,  Tcher- 
nitchei!  avait,  dès  les  premiers  coups  de  canon,  prescrrit  à  son 
gros  de  se  diriger  vers  le  lieu  du  combat,  sur  le(|uel  il  se  rendit 
inmiédiatement  avec  2  escadrons  de  hussards  et  i  bouches  à  feu. 
Au  moment  où  il  rejoignil  Benkendorf  qui.  contraint  de  céder  au 
nond)re,  se  re[»liait  lentement  et  en  bon  ordre,  les  Français 
étaient  sur  le  point  d*atteindre  les  premières  maisons  des  fau- 
bourgs de  Liège.  En  attendant  le  retour  du  colonel  Lapoukhine, 
qu'il  avait  fait  partir  pourNamur  un  peu  avant  le  commencement 
de  l'affaire  el  auquel  il  avait  envoyé  Tordre  de  se  rabattre  sur 
Liège,  Tchiîrnitcheff  avait  chargé  son  artillerie  d'arrét(»r  les  pro- 
grès de  l'ennemi.  Il  avait,  en  outre,  ai)pelé  à  lui  Liit/ow'  qui. 


i.iHH)  Iioiiiiiie«  d'iiifaiilenfî,  400  cht*vaux  rt  5  pinTS  de  runoii.  sous  les  ordr**s 
ilu  gf'niM'al  d<r  division  (jUstrN  et  faisant  |iarti(>  du  corps  du  gt-noial  Maison, 
s'f'tait  avancée  de  Saint-Trond  jusqu'à  une  lieue  de  la  Meuse.  Les  ri'giments 
cosaqoes  do  (jirofT  et  de  SisoïefT  soutinrent  pendant  trois  heures  le  feu  non 
interrompu  de  la  mousqucteiie  et  de  la  mitraille  des  Français.  Tout  le  régiment 
de  Favlograd.  qui  arriva  ensuite  comme  âoutien  en  [«-t^ence  du  général  Tcher- 
lûiAjJIffff  et  le  prince  Lapoukhine  avec  ars  cosaques  de  Diatchk in  peuvent  témoi- 
gne^ de  ce  fait.  L'ennemi  ayant  été  biittu,  grâce  à  l'intrépidiU'  du  capitiine 
d'artillerie  Gorskoi,  fut  rejeté  sur  Saint-Trond  dans  le  plus  gr.ind  désordre  et 
nous  flme.",  prés  de  Liège,  120  prisonniers.  (HENKRNnoRF.  Desi'omifues,  p.  3Î.) 

1  <)n  trou\e  dans  un  rapport  manuscrit  et  inédit  de  Liitzow  sur  1K14  et 
et  reproduit  en  partie  dans  la  brochure  :  LfUzoH't  Freikorpn  in  dtn  Jahren 
18l3-li,  p.  7i,  quelques  détails  curieux  sur  cette  affaire  de  cavalerie: 

«  TchernitchelT  me  fit  appeler  el  me  dit  :  «  J'apprends  que  l'ennemi  s'civance 
«'  I)Our  reprendre  Liège,  je  vous  demande  votre  concours  pour  le  repousser.  >» 
Tchernilcheff  ajouta  toutefois  que,  le  combat  fini,  il  n'y  aurait  pas  de  four- 
rages pour  moi  à  Liège.  Je  répondis  en  me  mettant  à  la  disposition  du  géné- 
nil  et  en  me  iiortant  immédiatement  au  secours  des  cos:ique<  à  ce  moment  en 
pleine  retraite.  Tchernitcheff  me  suivit.  L'artillerie  s'avança  par  la  cliauss4'"e, 


—  303  — 

après  avoir  traversé,  e  Rhin  à  Bonn  1(î  17,  avait  passé  par  Diiren, 
Esrhwoiler,  Coriieliiiiunster  et  Eupcn,  vi  veiuiil  d'arriver  le  î24  à 
Liège  avec  2  escadrons  de  iihlaiis.  Teheriiiteheft'  lui  ordonnai  de  se 
déployer  à  droite  de  la  eliaussée  de  Saint-Trond.  Le  général  russi» 
<Mi  fit  autant  sur  la  gauche,  où  il  ne  tarda  pas  à  être  i*ejoint  par 
les  cosaques  du  colonel  Lapoukhine  et  par  <.tux  de  Bamekoll. 
Attaquée  de  front  par  Benkendorf,  sur  sa  gauche  |)ar  Liit/ow,  sur 
sa  droite  par  la  cavalerie  régulière  et  les  cosaques  d(^  Tchernit- 
ch<»tV,  menacée  sur  ses  derrières,  la  cavalerie  française  se  re|»lia 
derrière  son  infanterie  qui,  faisant  bonne  contenance,  couvrit  la 
retraite  dans  la  dire(!lion  de  Saint-Trond. 

L<î  verglas  d'une  part  et  les  obstacles  naturels  ([ue  présentait  le 
terrain  empêchèrent,  d'ailleurs,  la  cavalerie  russe  de  tirer  complè- 
tement parti  de  l'avantage  qu'elh»  venait  de  remporter  et  nv  lui 
jiermirent  pas  de  poursuivre  au  delà  d'Oivy(».  Le  général  (^îislex  \ 

les  hussards  rouges  se  déplo}èrent  à  gauche,  et  moi  à  droite  de  la  route.  Le 
général  Maison  (Liitzow  parait  ignorer  que  c'était  lo  général  Castex  qui  com- 
mandait les  troupes  françaises)  se  retira  quand  il  vit  que  des  troupes  régulières 
venaient  soutenir  les  (}os;ique8.  La  cavalerie  s'abribi  derrière  Tinfanterie  qui 
manœuvra  d'autant  plus  facilement  en  bon  ordre,  que  le  tir  de  l'artillerie  russe 
ne  lui  fit  aucun  mal.  La  cavalerie  russe  n'essaya  pas  d'enfoncer  les  carrés  :  je  crus 
prudent  de  ne  pas  tenter  l'entreprise  parce  qu'à  cause  du  verglas  et  du  terrain 
extrêmement  accidenté,  on  ne  pouvait  même  pas  se  porter  en  avant  au  trot.  »> 

Liitzow  ajoute  :  »  Le  mouvement  des  Français  me  prouva  qu'il  m'était  im- 
possible de  rien  tenter  pour  le  moment  sur  Bruxelles.  Ne  pouvant  rester  à 
Liège,  je  pris  par  suite  à  gauche  par  lluy  et  Rocliefort,  et  j'arrivai  à  Carignan, 
le  3  février.  » 

Les  deux  escadrons  du  corps  franc  de  Liitzow  sc])orlèreut  du  25  au  31  jan- 
vier, par  Huy,  Marche  et  Rochefort,  sur  Recogne,  Le  c«)rps  volant  de  Colomb 
opérait  à  la  même  époque  dans  ces  parages. 

1  (jéncral  Custcx  à  général  Maison.  —  Saint-Trond,  Si  janvier,  10  heures 
du  soir. 

«  J'ai  eu  Thonncur  de  vous  informer  hier  que  je  mart'herais  aujourd'hui 
sur  Liège.  L'ennemi  m'est  venu  au-devairt.  H  m'a  présenté  300  chevaux ^ns 
un  terrain  difficile  et  2,000  avec  2  canons  quand  j'ai  été  en  plaine  et  à  une 
lieue  de  Liège.  J'ai  voulu  malgré  cela  forcer  le  passage  ;  alors  il  m'a  débordé. 
Les  lanciers  ont  exécuté  deux  charges  de  flanc  qui  n'ont  pas  réussi.  L'iii- 
lanterio  a  formé  deux  carrés  à  hauteur  des  pièces.  N'ayant  presque  plus 
de  cavalerie,  je  me  suis  retiré  dans  cet  ordre  à  Oreye  où  ma  troupe  a  pris 
position.  Demain  elle  se  retirera  sur  Saint-Trond  et  j'y  fais  venir  le  général 
Meuziau  Si  je  suis  forcé  à  la  retraite,  je  me  dirigerai  sur  Tirlemont  et  l^ouvain. 
Je  ralentirai,  autant  que  possible,  la  marche  de  l'ennemi.  L'infanterie  a  perdu 
une  cinquantaine  d'hommes  ;  mais  les  lanciers  ont  au  moins  liO  hommes  tués 
ou  pris.  J'ai  eu  aussi  mon  paquet.  Un  coup  de  mitraille  m'a  frisé  le  cùté  :  j'ai 
une  forte  contusion  tlont  je  souffre  beaucoup.  Si  je  peux  monter  a  cheval,  je 
resterai  ave/  le  général  Meuziau.  »  (Archiren  de  la  gtterre») 


-  304  — 

blessé  dans  le  combat,  trouva  sur  ce  point,  mais  trop  tard  pour 
lui,  l'ordre  formel  de  Maison  de  se  concentrer  îJ  Saint-Trond  et 
de  ne  pas  dépasser  cette  ville. 

Les  cosaques  â  Namur.  —  Le  môme  jour  et  bien  que  Tchcîr- 
nitcheff  eûtdû  rappeler  il  lui  les  cosaques  du  colonel  Lapoukhine, 
le  capitaine  russe  Schilling  entrait  avec  un  petit  parti  à  Namur. 
que  Farrière-garde  de  Sébastiani  avait  déjù  évacué,  et  montrait 
ses  coureurs  sur  la  route  de  Bruxelles. 

Maison,  de  son  côté,  avait  exécuté,  pendant  la  journée  du  24, 
plusieurs  reconnaissances  en  avant  d'Anvers.  Du  côté  d(î  Turii- 
houl,  il  avait  poussé  jusqu'il  Oostmalle;  du  côté  do  Bois-le-Duc 
et  de  Bréda,  jusqu'au-dessus  de  Saint-Job-ent-Goor  et  prés  de 
Brecht  ;  sur  la  route  d'Anvers  h  Bréda,  jusqu'au  delà  de  Bras- 
chaét.  Il  avait  encore  relevé  la  présence  à  Wuesl-Wesel  et  Hoog- 
straéten  des  avant-postes  prussiens,  reliés  entre  eux  par  un  poste 
établi  k  Loënhout. 

A  ce  moment  déjh,  et  avant  même  qu'on  ail  eu  connaissance 
de  l'échec  éprouvé  par  les  800  chevaux  de  Caslex  ii  Liège, 
Maison  constatait  que  l'évacuation  de  Liège  et  de  Namur  par  les 
troupes  de  Macdonald  avait  jeté  l'alarme  dans  toute  la  Belgique, 
et  que  l'on  s'agitait  à  Bruxelles  et  à  Mons.  Aussi  dès  qu'il  eût 
reçu  le  premier  avis  de  l'aftaire  malheureuse  de  Castex,  il  résolut 
de  renoncer  aux  opérations  qu'il  venait  de  commencer  en  avant 
d'Anvers  et  de  marcher  avec  la  division  Barrois  au  secours  du 
général  Castex.  Il  prescrivit  au  duc  de  Plaisance  de  faire  prendre 
position  aux  troupes  de  la  division  Roguet  h  Wyneghcm,  à 
Deurne  et  à  Borgerouth.  Enfin,  Caslex  n'avait  pu  tenir  ni  îi  Saint- 
Trond,  ni  à  Tirlemont.  Se  voyant  menacé  sur  sa  gauche  par  une 
colonne  venant  de  Venloo  sur  Diest,  ce  général  avait  cru  d'au- 
tant plus  indispensable  de  se  riîplier  sur  Louvain,  que  la  cava- 
lerie russe  cherchait  îi  déborder  sa  droite.  Par  suite,  Maison  se 
mit  en  route  le  26,  avec  la  division  Barrois,  afin  d'opérer  sa  jonc- 
lion  avec  sa  cavalerie  et  d'empêcher  l'évacuation  de  Louvain. 

Il  y  avait,  d'ailleurs,  d'autant  plus  d'urgence  à  conserv<»r  Lou- 
vain que  l'occupation  de  cette  ville  par  les  Alliés  aurait  entraîné  la 
perle  immédiate  de  Bruxelles,  et  que,  coupé  de  ses  communications 
av(»(*  les  places  de  l'ancienne  frontière  de  la  France,  le  général 
Maison  aurait  élé  obligé  dès  lors  de  s'enfermer  dans  Anv(»rs. 


—  305  - 

Lenteur  de  Winzingerode.  —  L'i'chec  rproiivo  par  l<»  griié- 
ral  Ciislex,  en  le  rassurant  complètement  sur  sa  droite,  aurait  dû 
décider  Winzingerode  h  accélérer  une  marche  qu'il  pouvait  dé- 
sormais exécuter  sans  courir  aucun  risque  et  sans  être  exposé  au 
moindre  danger  ;  mais,  loin  de  prendre  ce  parti,  il  mil  six  jours 
pour  aller,  rien  qu'avec  ses  tètes  de  colonne,  de  Liège  ii  Namur. 

Winzingerode  n(î  transporta  même  son  quartier  général  d<» 
Liège  îi  Nanuir  que  le  i  février,  lorsqu'il  eut  appris,  par  un  parti 
envoyé  à  Tirlemont,  que  Bfdow  était  arrivé  à  sa  hauteur. 

Malgré  les  ordres  de  Schwarzenberg,  malgré  la  retraite  des 
forces  françaises,  Winzingerode  persistait  à  se  croire  trop  faible 
pour  prendre  la  direction  de  Reims  et  s'engager  entre  la  Sambre 
et  la  Meuse  avant  d\Hre  maître  de  Philippeville,  de  Givet  et  de 
Maubeuge,  et  surtout  avant  d'avoir  été  rejoint  par  la  partie  de  son 
corps  qui  était  encore  avec  le  prince  royal  de  Suède.  C'est  pour 
cette  raison,  d'ailleurs,  qu'il  se  décida  seulement  à  continuer  sa 
marche  lorsque  Bûlow  put  entrer  en  France  avec  lui  après  avoir 
été  relevé  par  le  corps  fédéral  du  duc  de  Weimar. 

Nous  n'aurons  par  suite  h  nous  occuper  que  plus  tard  des 
mouvements  ultérieurs  du  corps  de  Winzingerode,  qui  ne  joua 
plus  aucun  rôle  en  Belgique  et  ne  prit  aucune  part  aux  quelques 
opérations  des  derniers  jours  de  janvier. 

En  résumé  et  bien  qu'en  dehors  des  glaçons  charriés  par  le 
Rhin  et  des  deux  affaires  de  Neuss  et  de  Liège,  sa  marche  n'eût 
rencontré  aucune  difficulté.  Winzingerode  avait  trouvé  moyen  de 
s'avancer  encore  plus  lentement  que  l'armée  de  Bohême.  Il  avait 
mis  plus  de  trois  semaines  pour  se  porter  de  Dûsseldorf  etde  Co- 
logne jusqu'aux  environs  de  Liège  et  de  Namur.  Il  est  d'autant  plus 
impossible  de  découvrir  la  raison  de  ces  len  leurs  évidemment  calcu- 
lées, que  l'on  ne  trouve  aucune  trace  de  reproches  motivés  par  cet 
excès  de  prudence.  Arrivé  à  Namur,  Winzingerode  eut  l'habileté 
de  subordonner  son  mouvement  en  avant  à  la  coopération  qu'il 
sollicitait  de  Bûlow,  certain  que  ce  général  ne  pouvait  la  lui  accor- 
der immédiatement.  De  tout  cela  il  est  permis  de  conclure  qu'en 
attendant  un  moment  favorable  pour  passer  le  Rhin,  qu'en  mar- 
chant ensuite  avec  une  circonspection  que  rien  ne  motivait  et  qui 
pouvait  même  compromettre  le  sort  du  III®  corps,  en  exposant 
Bftlow  il  soutenir  à  lui  seul,  pendant  les  quinze  premiers  jours  de 
janvier,  l'effort  d'un   mouvement  ofVensif  de  Macdonald  et  de 

WeU.  20 


—  306  - 

Maison,  b»  griK^ral  russe  se  conformait  aux  intentions  du  généra- 
lissime ou  tout  au  moins  de  son  général  en  chef,  et  servait  les 
intérêts  cachés,  les  projets  ambitieux  du  prince  royal  de  Suède. 
Il  avait  de  toute  façon  réussi  h  couvrir  sa  propre  responsabilité, 
et  il  attendit,  pour  reprendre  son  mouvement  vers  l'intérieur  de 
la  France,  un  ordre  formel  de  son  souverain. 

19-23  janvier.  —  Entreprises  du  corps  volant  de  Colomb 
du  côté  de  Haéstricht.  —  Si,  après  les  affaires  d'Hoogstraëten, 
de  Merxhem  et  de  Wyneghem,  Btilow  avait  cru  devoir  se  replier 
sur  Bréda,  il  s'était  en  revanche  bien  gardé  de  rester  inactif  pen- 
dant ce  temps.  C'est  ainsi  que  le  corps  volant  de  Colomb  s'était, 
sur  son  ordre,  porté  le  15  janvier  sur  Zeeland,  el  avait  de  là 
sommé  en  vain,  il  est  vrai,  le  commandant  de  Grave  de  lui  ouvrir 
les  portes  de  la  place*.  Il  s'était  ensuite  dirigé  vers  Maëstrichl, 
où  il  arriva  le  19,  en  passant  par  Venray  et  Baexem.  Gnke  aux 
renseignements  fournis  par  les  habitants,  il  s'empara  le  lende- 
main, à  Stockem,  d'un  bateau  chargé  d'effets  d'équipements  mi- 
litaires qui,  arrêté  par  les  glaces,  n'avait  pu  atteindre  Maéstricht. 
Malgré  la  proximité  de  cette  place,  située  h  environ  18  kilomètn^s 
(in  amont,  Colomb  avait  réussi  îi  décharger  le  bateau  et  s'était 
replié,  le  21,  sur  Neer-Oeteren,  puis  il  était  entré,  le  23,  îi  Maa- 
seyck,  d'où  il  se  porta  h  petites  journées  sur  Asch  et  Bilsen.  Il 
trouva  cl  son  arrivée  dans  ce  dernier  endroit  une  dépêche  de 
Bûlow  du  19,  contenant  Tordre  du  général  Kleist,  au  corps  du- 
quel il  avait  été  attaché  dans  le  principe,  d'avoir  à  le  rejoindn? 
immédiatement  et  h  établir,  en  se  reliant  avec  l'un  des  détache- 
ments qu'il  avait  envoyés  sur  sa  droite,  une  conmiunicatiou 
entre  son  corps  d'arméi»  et  les  corps  opérant  dans  les  Pays- 
Bas*. 


*  Colomb  avait,  en  su  qualité  de  commandant  de  l'avant-garde  du  général 
von  Oppon,  sommé  Grave  de  se  rendre,  et  Clarkc  écrivait  à  Maison,  le  16,  en 
disant  :  «  11  est  certain  que  Colomb  et  llclwig  sont  trt's  entreprenants  et  le 
second  est  homme  à  faire  20  lieues  par  jour  pour  surprendre  un  poste.  »  (Ar^ 
chivet  de  la  Guerre,) 

>  Colomb  arrivé  à  Bilsen,  le  27  janvier,  y  trouva  Tordre  en  question  ;  il  se 
dirigea  alors  par  Tongres  et  Japrellc  sur  Huy.  y  passa  la  Meuse,  so  porta  de 
là  sur  Marche  et  Saint-Hubert  où  il  fit  sa  jonction  avec  les  deux  escadrons 
du  major  von  Liitxow  et  franchit  la  frontière  française  entre  Chiny  et  Cari- 
gnau.  (Colomb,  \m  dem  Tuyehnehe  des  RUliHeUlers  von  Colomb.) 


—  307  - 

26  janvier.  —  Prise  de  Bois-le-Duc  — Hiilow  avait,  n\  onlrc, 
pn^pîir<^  ot  orf;anisé  iino  ontrcpriso  aulnMiionl  iniporlanlc  par  s(»s 
conséquences  qiu»  les  coups  de  main  plus  ou  moins  heureux  de 
quelques  petits  partis  de  cavalerie,  et  ([ue  reid<'»vem(»nt  di»  quel- 
ques convois.  Profitant  de  l'effet  produit  jmr  la  nouvelh»  du  pas- 
sage du  Rhin  par  Win/.ingerodi^  et  des  iulrlli^^rners  cpi'il  avait  su 
se  6réer  parmi  les  habitants  de  Bois-le-I)ur,  Bidow  *  avait  résolu 
de  se  rendre  maître  jiar  surjUMse  de  vviU'  place,  dans  la  nuit  du 
25  au  26.  Le  coup  projeté  réussit  et  la  petite  jçarnison  française, 
qui  s'était  enfermé<»  dans  la  citadelle,  dut  capituler,  faute  de 
vivres,  dans  Tapres-midi  du  20  janvier*. 

La  perte  de  Bois-le-Duc^  et  les  reconnaissances  incessantes 
pouss<'»es  par  les  Prussiens  du  cdU*  de  Louvain,  la  retraite»  de 
Macdonald  *  et  la  nouvelle  de  Tarrivét»  prochaine  du  Hi«  corps 
fédénd,  enfin  la  présence  du  corps  russe»  di»  Win/.inj;<'rodc  l'u 
avant  de  Liège,  exposaient  désormais  Maison,  (pii  s'était  |»endant 
tout  ce  temps  maintenu  derrière  la  Dyle  et  la  Nèthe  sur  une  posi- 
tion défensive  s'étendant  de  Louvain  jusepi'à  Lierre,  par  Matines, 
au  danger  d'être  débordé  sur  ses  tlaucs  <»t  attaipié  à  revi*rs.  Aussi, 
peu  de  jours  plus  tard,  il  prenait  un  parti  détinilif.  Au  lieu  de  se 
replier  sur  Anvers,  où  il  n'aurait  j>as  lardé  à  étn^  enfermé,  le 
général  préféra  encourir  l(»s  reproches  et  l(»s  réprimandes  de»  son 
souverain,  dont  il  enfreignait  les  ordres.  A|)rès  avoir  assuré  de 


*  Claascwitz,  dans  sa  Critique  flratégique,  s'exprime  en  ces  lermes  quaml  il 
en  vient  à  faire  ronuaitre  son  avis  sur  l'emploi  fait  de  Biilow  et  Winzingcrodc 
pendant  cette  partie  de  la  oampagne  : 

«  L'envoi  des  généraux  Biilow  et  Winzinjrerode  sur  le  Bas-Weser  et  de  là 
en  Hollande  prouve  qu*un  n'avait  pas  une  idée  bien  nette  de  la  situation, 
d'autant  plus  qu'on  leur  fit  faire  ce  mouvement  à  un  moment  où  l'on  ne 
savait  pas  enconî  si  l'on  n'entrerait  pas  immédiatement  en  France  et  si,  par 
suite,  on  n'aurait  pas,  dés  les  premiers  jours,  liesoin  do  leurs  troupes.  Les  évé- 
nements ultérieurs  ont,  il  est  vrai,  justifié  le  détachement  do  Biilow,  mais  en 
revanche  on  peut  se  demamler  à  quoi  a  servi  celui  de  Winzingerode.  Depuis 
Li'ipzig  jusqu'aux  combats  livrés  en  février  sur  la  Marm*,  ses  troupes  n'ont 
rien  fait  que  des  marches  absolument  inutiles.  » 

*  Uapport  journalier  de  Schwarzenberg  à  l'empereur,  7  février  1814. 
(AT.  A'.  Krieys  Archiv.,  Il,  176.) 

'  Clausewitz  reproche  à  l'Hlmpereur  d'avoir  laissa;  Macdonald  sur  le  Rhin 
jusqu'après  le  passage  de  Winzingerode,  imrce  qu'il  lui  était,  d*^  la  sorte,  im- 
possible d'arriver  à  Chàlons  avant  Bliicher,  et  qu'en  présence  de  la  supériorité 
numérique  des  Alliés,  il  lui  fallait,  avant  tout,  réunir  toutes  les  forces  dont  il 
disposait.  (Clausewitz,  Crilique  ilralcgiqw,  chap.  VIII.) 


—  308  - 

son  mieux  lu  défense  d'Anvers,  dont  Cîirnol  îilhiit  se  charger, 
nous  le  verrons,  sans  hésiter,  abandonner  celte  place  à  elle-méni(v, 
pour  continuer  h  lenir  la  campagne  avec  les  quelqu<»s  troupes 
qu'il  emmena  avec  lui,  et  réussir  îi  couvrir  avec  une  i)oignée 
d'hommes  les  frontières  dégarnies  et  les  places  mal  armées  de 
l'ancienne  France*. 


i  Nous  rccapitnloiis  iri,  pour  inciuoire,  les  positions  des  Alliés  le  'ib  nu 
soir  :  Schwarzcnberg  est  cotre  Laugrcs  et  Chaumont.  liluclier  vers  Joiiivillc. 
York  commence  son  mouvement  vers  la  Marne.  Biilow  est  à  Hréda:  Winzin- 
gerode  à  Litige  ;  Saint-l*riest  à  Mouzon,  en  marche  vers  les  places  des  Ardennes 
et  de  la  Moselle,  avci!  sa  cavalerie  près  de  Sedan;  enfin,  à  TextriVine  gauche. 
Huhna,  en  avant  de  Genève,  avec  des  troupes  en  Savoie  et  en  Bresse. 


V 


—  309  - 


CHAPITRE  Y. 

OPÉRATIONS   DANS  LE   MIDI   DE  LA    FRANCE  DEPUIS  LA   PRL^E  DE  GENÈVE 

jusqu'au  31  JANVIER. 

Opinion  de  ClausewiU  sur  Topération  contre  Genève.  — 

«  L'envoi  de  Bubna  à  GontHe  avec  12,000  hommes  avait  une 
raison  irètre  :  du  moment  où  la  Suisse  devait  faire  partie  de  la 
base  d'opc'Tation,  il  convenait  d'être  maître  de  cette  grande  ville, 
de  ce  point  important,  et  de  plus  il  ify  avait  aucun  inconvénient 
îi  détacher  12.000  hommes  d'une  masse  aussi  considérable  (pu» 
relie  présentée»  par  les  armées  alliées.  On  ne  saurait,  par  suite, 
eriticpier  l'idée  de  mettre  ce  corps  h  même  de  tirer  le  plus  grand 
parti  possible  des  événements,  et  de  pénélrer  dans  la  vallée  du 
Rhône.  Mais,  dés  qu'on  se  décidait  h  faire  ce  détachement,  il 
fallait  lui  laisser  une  entière  liberté  d'action.  On  pouvait  de  la 
sorte  empocher  les  levées  dans  les  provinces  du  sud-est  de  la 
France  et  y  provoquer  des  mouvements  royalistes.  Ce  n'était  donc 
pas  commettre  une  faute  que  de  détacher  un  petit  corps  quand 
on  avait  pour  soi  des  perspectives  de  succès  aussi  favorables.  » 

Tel  est  le  jugement  que  dans  sa  Critique  stratt^giqne  Cl^usewiiis 
porte  sur  l'envoi  de  Bubna  à  Genève.  En  conclure  que  Clausevvitz 
approuvait  complètement  la  violation  de  la  neutralité  Suisse,  ce 
serait  évidemment  aller  trop  loin,  et  le  grand  écrivain  militaire 
allemand  a,  d'ailleurs,  eu  le  soin  de  condanuier  cette  mesure.  Il 
serait  donc  inutile  et  oiseux  de  revenir  sur  ce  point,  et  si  nous 
avons  reproduit  ici  les  lignes  qui  précèdent,  c'est  uniquement 
parce  qu'elles  contiennent  en  cpielques  mots  la  critique  des  opéra- 
tions dont  nous  allons  nous  occuper,  parce  qu'elles  condamnent 
ce  qui  a  été  fait,  parce  qu'elles  indiquent  en  peu  de  mots  ce  qu'on 
aurait  pu  et  dû  fain».  Après  cette  citation,  il  nous  restera  tout 
au  plus  à  rechercher  à  qui  incombe  la  responsabilité  du  mou- 
vement excentrique  vers  Lons-le-Saunier,  Poligny  et  Dùlc,  la 
responsabilité  du  temps  perdu  du  30  décembre  au  5  janvier, 
la  responsabilité  de  cette  marche  inexplicable  îi  travers  le  Jura 
vers  le  Doubs  et  la  Saône.  Pour  obtenir  les  résultats  indiqués  par 
Clausewitz,  il  aurait  fallu  se  porter  sans  retard  vers  le  Rhône  et 
couronner  Toeuvre,  commencée  par  l'entrée  à  Genève,  par  une 


—  310  — 

opération  plus  facile  encore  el  bien  autrement  importante,  Toccu- 
pation  immédiate  de  Lyon. 

Situation  militaire  dans  le  midi  de  la  France.  —  La  ])rise 
de  possession  par  les  Alliés,  dès  l'ouverture  des  hostilités,  de  la 
di.'uxiéme  ville  d(;  France,  alors  entièrement  dégarnie  de  troupes 
el  incapable  de  se  défendre,  n'aurait  pas  manqué  de  produire  un 
etfel  moral  dont  l'impression  aurait  été  ressentie  dans  tout  l'em- 
pire. Cette  opération  les  aurait  rendus  immédiatement  maîtres 
incontestés  d'un  théâtre  de  guerre  qui  allait  absorber,  i)endanl 
toute  la  durée  de  la  campagne,  une  armée  dont  la  présence  sur 
les  bords  de  l'Aube  ou  de  la  Seine  aurait  épargné  à  Schwarzen- 
berg  plus  d'un  embarras,  plus  d'un  mouvement  rétrograde  el 
môme  plus  d'un  échec. 

Au  moment  où  Genève  ouvrait  ses  portes  à  Bubna,  le  sud-est 
de  la  France  était  entièrement  à  la  merci  des  Alliés.  C'est  seule- 
ment le  3  janvier  que  l'Empereur  signa  l'ordre  enjoignant  au 
général  Musnier  de  se  rendre  à  Lyon,  d'y  ramasser  tout  ce  qu'il 
y  trouvcTail  de  troupes  et  d'cîn  former  une  division  de  réserve 
avec  laquelle  il  d(»vait  se  porter  sur  Genève.  Pour  le  cas  où  il  lui 
serait  impossible  de  pousser  jusqu'à  Genève,  l'Empereur  lui  pres- 
crivait de  couvrir  Lyon  en  prenant  position  entre  ces  deux  villes, 
d'occuper  le  fort  l'Écluse  el  de  tenir  les  défilés  du  Jura  et  les  pas- 
sages du  Rhône. 

Mais  ce  fut  h  peine  si  le  général  Musnier  n'^ussit  à  rassembler 
1,500  hommes  à  Lyon,  300  hommes  à  Nantua  et  500  à  Bourg. 

En  somme,  il  n'y  avait  donc  dans  toute  cette  partie  de  la 
France,  le  long  de  la  frontière  de  la  Suisse,  que  4,000  honimes 
de  troupes  d'une  solidité  douteuse,  y  compris  les  1,700  honmies 
que  h»  général  de  La  Roche  réunissait  à  Chambéry. 

Bubna  s  arrête  sans  raison  à  Genève.  —  Bubna  entra  h 
Genève  le  30  décembre,  et,  bien  que  ses  troupes  n'eussent  eu  ni 
combat  à  livrer,  ni  marches  pénibles  h  exécuter,  il  crut  néanmoins 
devoir  leur  accorder  un  jour  de  repos  le  31.  Peut-être  espérait-il 
ivcevoir  pendant  ce  temps  des  instructions  [précises  ;  ce  qu'il  y  a 
de  certain,  c'est  qu'il  employa  cette  journée  ù  constituer  l'admi- 
nistration civile  de  la  ville  et  du  canton,  et  à  en  organiser  la 
défense,  dont  il  charg(»a  le  général  Zechmeislrr  avec  4  bataillons 


—  3H  — 

el  1  escadron  H  drnii.  Il  faisait  orrupor  les  passages  de  TAn'e 
par  des  avanl-jïoslos,  qui  obsenaitmt  de  loin  la  direction  suivie 
pîir  les  Français  dans  leur  retraite  sur  Rumilly  el  Annecy.  Le 
colonel  Simbschen,  cpi'il  avait  déjà  détaché  d(î  LausaniKî,  était 
arrivé  le  28  décembre  à  Saint-Maurice^  et  s'avançait  avec  ses 
800  hommes  dans  le  Valais,  afin  de  coupeur  h»s  communications 
de  rarmée  française  d'Italie  par  le  Siinplon  (»t  le  Saint-Bernard. 
Le  l®f  janvier  1814,  Bubna,  comjitant  franchir  le  Jura  le  3  et  se 
diriger  sur  D(Me,  prenait  les  dispositions  nécessaires  pour  com- 
mencer son  mouvement. 

2  janvier.  —  Premiers  mouvements  de  Bubna.  —  Les 

troupes  s'ébranlèrent  le  2  au  matin.  Le  colonel  comte  Zichy,  avec 
Tavant-garde,  forte  de  4  compagnies,  4  escadrons  du  régiment  de 
hussards  Liechliînstein  et  1  batterie  i\  cheval,  se  dirigea,  par  Gex, 
sur  Saint-Claude;  la  première  colonne»  sous  le  colonel  Benczek  av(;c 
3  bataillons,  1  compagnie  etl  batterie,  marcha  sur  Saint-Laurent; 
la  deuxième  colonne,  commandée  par  le  général  KIopstein  et 
comprenant B  bataillons  etl  batterie,  s'avança  sur  Saint-Cergues; 
le  détachement  du  colonel  Wieland,  composé  de  4  escadrons  et 
1  batterie,  sur  Lyon.  Le  général  ZechmeisttT  poussait  une  partie 
de  son  monde  contre  le  fort  l'Écluse. 

Le  3,  l'avanl-garde  occupait  Orgelet,  et  le  gros  de  la  division 
arrivait  :  la  première  colonne  h  (]hampagnole,  la  d(;uxième  h 
Saint- Laurent.  Le  colonel  Simbschen,  occupant  la  route  du  Saint- 
Bernard  et  rendant  impraticable  celle  du  Simplon,  organisait  un 
bataillon  de  volontaires  dans  le  Valais,  et  le  général  Zechmeister, 
après  avoir  ouvert  la  route  de  Lyon  par  la  capitulation  du  fort 
de  l'Écluse,  poussait  ses  avant-postes  jusque  sur  les  rives  de 
russes  *. 

4  janvier.  -—  Marche  sur  Lons-le-Saunier  et  Poligny.  — - 

Le  4,  toujours  d'après  le  journal  d'opérations  de  Schwarzen- 
berg,  Tavant-garde  de  Bubna  entre  h  Lons-le-Sannier  ".  La  pre- 
mière colonne  est  h  Poligny  ;  la  deuxième  avec  le  quartier  général 
de  Bubna,  à  Champagnole. 


•  Starke,  Kintiloilung  und  Tagesbegel>enheilen  der  llaupt-Anneo  im  Monate 
Janaar.  (A'.  A',  hrieys  Arcliiv.,  I,  30.) 

«  Ibidem  et  Archiver  du  Dépôt  de  la  Guerre,  Général  Poncet  à  Guerre. 


—  342  — 

«  On  suit,  a  soin  d'ajoulor  l'officier  chargt^  do  tenir  le  journal 
en  question,  que  le  midi  de  la  France  est  dc'^garni  de  troupes  et 
qu'on  s'occupe  seulement  d'organiser  des  forces  à  Lyon  et  i\ 
Grenoble.  » 

Et  cependant,  au  lieu  de  marcher  droit  sur  Lyon,  on  fait  venir 
Bubna  jusqu'à  Poligny,  où  il  sera  le  lendemain  5  et  d'où  il  devni 
se  diriger  sur  Dijon,  pour  se  tenir  à  hauteur  de  la  grande  armée 
allant  sur  Vesoul  et  Langres,  et  couvrir  son  aile  gauche. 

Ordre  à  Bubna  de  marcher  sur  Lyon.  —  C'est  seulement  le 
6  janvier  *,  après  lui  avoir  fait  ou  laissé  perdre  un  temps  précieux 
et  irréparable,  après  l'avoir  détourné  de  sa  véritable  direction, 
que  Schwarzenberg  fait  parvenir  h  Bubna  l'ordre  de  prendre  de 
Poligny  à  gauche  pour  marcher  sur  Lyon.  Ce  général  a  désormais 
pour  mission,  soit  de  se  bornera  une  simple  démonstration  ayant 
j)Our  objet  de  retarder,  peut-être  même  d'empêcher  les  nouvelles 
formations  et  de  disperser  les  troupes  déjà  organisées,  soit  encore, 
mais  seulement  si  les  circonstances  sont  exceptionnellement 
favorables,  de  s*emj)arer  vivement  de  cette  ville. 

5  janvier.  —  Prise  du  pont  de  D61e.  —  Mais  Bubna,  dont 
la  division  était  tout  entière  le  5  à  Poligny  et  qui  s'était  fait  cou- 
vrir sur  sa  gauche  par  son  avant-garde,  avait  envoyé  sur  sa 
droite,  à  Salins,  une  partie  de  la  première  colonne  avec  le  colon(»l 
Benc'zek,  pour  essayer  d'enlever  le  fort  Saint-André,  et  il  avait 
dirigé  sur  Dôle  un  escadron  du  régiment  de  hussards  Empereur 
Ferdinand,  avec  ordre  d'en  chasser  l'ennemi  et  de  s'emparer  du 
pont  du  Doubs. 

Il  avait,  d'ailleurs,  reçu,  pendant  les  journées  du  4  et  du  5,  du 
colonel  Zichy  comme  du  général  Zechmeister,  des  renseigne- 
ments qui  devaient  forcément  appeler  son  attention  sur  ce  qui  se 
passait  du  côté  de  Lyon,  et  lui  faire  vivement  regretter  le  mou- 
vement qui  l'avait  amené  de  l'autre  côté  du  Jura.  Le  colonel 
Zichy  lui  avait,  en  effet,  fait  savoir,  dès  le  4  au  soir,  qu'il  avait 
reçu  h  Lons-le-Saunier  l'avis  de  la  présence  du  général  Musnier 
avec  1,500  hommes  à  Bourg.  Il  lui  mandait  encore  que  le  général 


t  STÂHk'e,  Kintheilung  unii  Tagesbegebenliciten  dcr  Haupt-Arinee  im  Monate 
Jannar.  (A'.  A'.  Kriegt  Archiv,,  \,  30.) 


—  313  — 

Legrand  sun^eillait  avec  une  poignée  dlioninies  li»  pont  de 
Chalon-sur-Saône,  que  ces  deux  généraux  sVfforraiont  d'armrr  les 
populations  et  de  les  soulever,  mais  qu'il  n'avait  rien  pu  api)rendre 
sur  ce  qui  se  passait  à  Lyon. 

Mouvements  de  la  colonDe  du  général  Zechmeister.  — 
D'autre  part,  toujours  à  la  date  du  4  janvier,  le  général  Ze<'h- 
meister*  avisait  son  ehef  de  l'arrivée  h  GnMioble  de  5.000  homnies 
venant  de  Tarniée  d(»  Such(»t  et  se  dirigeant  sur  (^hanibéry.  où  il 
avait  envoyé  un  émissain»  |)our  le  renseigner  exartenuMit.  11  fai- 
sait savoir,  en  outre,  à  Bubna  que  les  Français  avaient  800 
hommes  d'infanterie  et  80  chevaux  sur  les  deux  rout(»s  de  Kuniillv 
et  d'Alby  à  Chambéry,  que  les  escadrons  qu'il  avait  poussés, 
d'un  côté  vers  Annecy  et  de  l'autre  vers  S(7ss(»l,  avaient  dû  se 
replier  sur  Frangy  et  Cruseilles.  Un  autn^  de  ses  partis,  envoyé 
sur  la  route  de  Nantua  à  Lyon,  avait  rencontré  un  poste  dt»  20 
gendannes  et  300  hommes  d'infanterie,  avait  conunencé  par 
rejeter  les  gendarmes  sur  l'infanterie,  mais  avait  drt  cMisuite  se 
replier.  Zechmeister  terminait  cette  dépêche  en  disant  :  a  J'ai  trop 
peu  de  cavalerie  pour  pouvoir  pousser  mes  reconnaissances  aussi 
loin  que  je  le  voudrais.  » 

Affaire  de  Ch&tillon.  —  Les  nouvelles,  que  Zechmeister  lit 
panenir  à  Bubna  et  dans  lesquelles  il  lui  rendait  compte  di*  l'af- 
faire de  Chî\tillon  *,  revêtaient  déjà  un  caractèn»  plus  inquiétant  et 


*  Zechmeister  à  Bubna,  Genève.  4  janvier.  (A*.  A'.  Kriegt  Archit\,  1. 178.  f.) 
s  Le  général  Zecliineister  an  comte  Bubna.  {K.  K.  Kriegs  Archiv.,  \,  178  c.) 

u  Gcnôve.  5  janvier  1814.  —  L*ennemi  s'est  renforcé  à  HumiUy.  Alby  et 
Aix  où  il  a  3.000  hommes  avec  le  général  Dessaix.  A  Chambéry  il  y  a.  comme 
je  vous  l'ai  déjà  fait  savoir,  2.000  hommes. 

Cl  Cette  nuit  j  ai  fait  attaquer  Ch A tillon  par  un  corps  volant  (relui  du  lieu- 
tenant Karaizay).  La  cavalerie  a  enlevé  le  village.  Ta  traversé,  a  chargé  la 
cavalerie  française  qui  s'était  postée  à  sa  sortie,  l'a  culbutée,  lui  a  pris  3  che- 
vaux et  Ta  chaudement  poursuivie.  Pendant  ce  temps,  l'infanterie  française» 
avait  gagné  ChÂtillon  par  la  montagne,  avait  occupé  le  village  que  notre  parti 
dut  traverser.  Nos  cavaliers  y  parvinrent  cependant  malgré  le  feu  des  Fran- 
çais, mais  ils  vinrent  donner  à  peu  de  distance  du  village  contre  un  autre 
groupe  d'infanterie  française  qui  les  rejeta  de  nouveau  dans  Chûtillon  qu'ils 
durent  traverser  au  galop  et  pour  la  deuxième  fois  sous  le  feu  de  l'ennemi.  Le 
lieutenant  a  perdu  12  hommes  dans  cette  affaire  et  s'est  retiré  sur  Seyssel. 

«  J'ai  employé  le  peu  de  cavalerie  dont  je  dispose  du  côté  d'Annecy  et  de 
Rumilly  afin  dVtro  averti  de  suite  de  tout  mouvement  de  roniiemi.  )> 


—  314  — 

nionlraiont  manifestement  que,  malgré  la  faiblesse  de  leurs  forces, 
les  Français  ne  perdaient  pas  leur  temps  du  côté  de  Lyon  et  en 
Savoie.  Il  importail  de  prendre  des  mesures  énergiques  et  immé- 
diates pour  renforcer  les  troupes  laissées  h  Genève,  de  leur  donner 
de  l'air  en  détournant  Tattention  de  l'ennemi  et  en  entreprenant 
(juelque  chose  contre  Lyon.  Bubna  venait  d(»  recevoir  ces  nou- 
velles lorsqu'un  aide  de  camp  de  Schwarzenberg  lui  apporta 
le  6  S  à  Poligny,  l'ordre  de  marcher  sur  Lyon,  par  Bourg. 

Le  général  avait  appris,  entre  temps,  que  l'escadron  de  hus- 
sards, qu'il  avait  dirigé  la  veille  sur  Dole,  s'était  rendu  maître  du 
pont  du  Doubs  et  avait,  après  un  combat  de  près  de  deux  heures, 
contraint  le  général  Lambert  à  se  replier  sur  Auxonne  *. 

Il  envova  aussitôt  h  ses  différents  détachements  de  droite  l'ordre 
de  venir  le  rejoindre  h  Poligny,  d'où  il  comptait  partir  le  lende- 
main matin.  Cependant,  comme  il  importait  de  ne  pas  perdre  l(»s 
avantages  résultant  de  l'afiTairc  de  Dôle  qui,  en  livrant  passage  au 
prince  Alois  Liechtenstein  sur  la  rive  droite  du  Doubs,  allait  lui 
permettre  de  mettre  le  siège  devant  Auxonne  et  de  complét(»r 
l'inv(îstissement  de  Besançon,  il  prescrivit  ù  l'escadron  de  hus- 
sards de  rester  à  Dôle  et  de  garder  le  pont  du  Doubs  jusqu'au 
moment  où  il  serait  relevé  ^ 

Napoléon  décrète  la  formation  de  l'armée  de  Lyon.  — 
Pendant  que  Schwarzenberg  ordonnait  fi  Bubna  de  reprendre  sa 
direction  sur  Lyon.  Napoléon,  à  la  nouvelle  de  l'abandon  d(» 
Genève,  avait  décrété,  le  o  janvier,  la  formation  de  l'année  de 
Lyon  qui  devait  se  composer,  sur  le  papier  il  est  vrai,  d(î  17  ba- 
taillons de  la  division  Musnier  forte,  en  réalité,  de  l.-iOO  honnnes, 
conscrits  pour  la  plupart,  de  36  bataillons  de  garde  nationale  for- 
mant 2  divisions  et  plus  tard  seulement  des  renforts  tirés  de  Cata- 
logne. C'était  avec  ces  forces,  dont  l'existence  était  encore  abso- 
lument lîctiv(S  qu'Augereau,  appelé  au  conmiandement  de  l'arméi» 


1  Starke,  Eintheilang  and  Tagesbegcbenheiten  der  Haupt-Armee  iin  Monato 
Januar  (/6iVi.,  I,  30). 

s  Schwarzenberg  à  reroperear  d'Autriche,  de  Montbéliard,  8  janvier.  (K.  K, 
Kriegt  Archiv.,  I,  155)  et  Armée  Nachrichten  (Ibid.j  I.  329). 

'  Cet  escadron  ne  fut  relevé  que  le  il  et  assura  à  lui  seul  pendant  5  jours 
le  )>assage  du  Doubs.  (Baumanm),  Geschichte  des  K.  K.  Husarm  Régiments 
N°  1  Kaiser  Ferdinand,  nach  dcn  Quelleu  der  K.  K.  Kricgs  Ardiivs. 


—  315  — 

de  Lyon,  dovîiil  couvrir  rclto  ville,  n^proiidn?  Gourvo  <»t  lombor 
ensuite  sur  les  lignes  d'opérations  des  Alliés  s^étendant  depuis 
Bâle  jusqu'au  plateau  de;  Langres. 

6  janvier.  —  Nouveaux  ordres  de  Schwarsenberg.  — 

Rubna,  se»  conformant  aux  ordres  du  généralissime,  s*étail  con- 
centn»  h  Poligny  *  i)Our  se  port(»r,  avec  tout  son  monde,  par  liourg, 
sur  Lyon.  Il  n'avait  laissé,  sur  h^irs  positions  antérieures,  que» 
Zechmeister  à  Genève  et  au  fort  rf>luse.  et  Sind)schen  dans  le 
Valais.  Il  avait  fait  revenir  le  colonel  Ben<7.ek  d(»  Salins  sur 
Arbois  et  le  colonel  Wi(îland  de»  l*oligny  sur  Arlay.  Entre  temps, 
Schwarzenberg,  ajoutant  foi  îi  des  renseignements  d'après  lesquels 
Napoléon  rassemblait  80,000  hommes  à  Langres,  avait  de  nou- 
veau changé  d'idées,  n*pris  l(»s  instructions  rédigées  le  4  et 
pan'enues  h  Bubna  Ic^  G,  et  envoyé  h  (te  général  Tordre  de  se 
diriger,  non  plus  sur  Lyon,  mais  sur  Auxonne  et  Dijon  et  d'oc- 
cui>er  ces  deux  points. 

7  janvier.  —  Renseignements  fournis  par  Bubna.  — 
Marche  sur  Bourg.  —  Avant  d(^  se  mettre  en  rout(î  pour  Lons- 
le-Saunier,  Bubna  avait,  de  Poligny,  fait  savoir  au  généralissime  * 
que,  d'apW^s  les  renseignements  (pi'il  avait  recueillis,  il  n*y  avait, 
à  Chalon-sur-Saùne,  que  1800  conscrits  sans  armes,  qu'il  en  était 
de  même  à  Dijon  et  à  Auxonne,  et  (pi'on  dirig(»ait  sur  M(»lz  tout 
ce  qui  était  disponibh». 

Il  ajoutait  dans  la  mômt*  dépêche  :  «  Je  compte  nu»  porter  sur 
Bourg-en-Bress(»  et  me  relier  ch»  là,  par  Nantua.  avec  le  général 
Zechmeister.  Je  ferai  tous  m(»s  et!orls  pour  envoyer  de  la  cava- 
lerie sur  Chalon-sur-Saùne  et  MAcon  et  pour  inquiéter  l'eirncîmi 
sur  la  rive  droite  de  la  Saône.  En  même  teuïps,  je  pousserai  vers 
Lyon  et  chen'herai  h  me  rendre  maître  de  la  rout(î  de  Chambérj*.  » 
Il  terminait  en  priant  Schwar/enberg  d'assurer,  h  l'aide  dt?  postes 
de  correspondance,  ses  conmuinications  avec*  le  grand  quartier 
général,  parce  que,  disait-il  :  «  N'ayant  en  tout  que  12  faibles  esca- 
drons, il  m'est  impossible  d'envoyer  des  partis  de  cavalerie  au 
delîi  d(»  Chalon.  » 


*  Starke,  Eintheiluiig  und  Taf^esbegebeiiheiten  der  llaupt-Armco  im  Monato 
Januar  (A'.  A'.  Kriegs  Archiv,,  I,  30.) 

'  Bubna  à  Schwarzenberg,  Poligny,  7  janvier  (Ibûl). 


-  316  — 

8  janvier.  —  Bubna  à  Lons-le-Saunier.  —  Bubna,  auquel 
les  nouveaux  ordres  n'étaient  pas  encore  parvenus,  avait  continué 
son  mouvement  le  8  et  était  arrivé  avec  le  gros  de  ses  forces  li 
Lons-le-Saunier.  L'avanl-garde  du  colonel  Zichy,  qu'il  avait  ren- 
forcée du  6«  bataillon  de  chasseurs  et  d'un  bataillon  du  régiment 
d'infanterie  de  Kaunitz,  avait  poussé  de  Lons-le-Saunier  jusqu'à 
Cousance,  et  le  colonel  Wieland,  avec  ses  4  escadrons  do  hussards 
de  Blankenstein,  1  bataillon  d'infanterie  du  régiment  Vogelsang 
et  1  batterie  à  cheval,  avait  marché  en  flanc-garde  sur  sa  droite, 
d'Arlay,  par  Blellerans,  vers  Chalon-sur-Saône. 

9  janvier.  —  Le  lendemain  9,  l'avant-garde,  après  avoir  passé 
par  Cuiseaux ,  occupa  Saint-Amour  ;  la  colonne  du  colonel 
Benczek  atteignit  Cousance.  Le  gros  de  la  division  était  encore  ;i 
Lons-le-Saunier,  et  la  cavalerie,  rapi^elée  des  bords  du  Doubs, 
s'approchait  des  rives  de  la  Saône. 

10  janvier.  —  Affaire  de  Saint-Ëtienne-au-Bois.  —  Le  10, 

Bubna,  dont  l'avant-garde  après  avoir  dépassé  Yillemotier  avait 
chassé  la  veille  les  avant-postes  français  de  Saint-Ëtienne-du- 
Bois  *,  arrivait  avec  le  gros  de  ses  forces  à  Saint-Amour. 


^  D*aprcs  les  documents  des  Archive»  de  la  guerre,  80  habitants  armi^s  de 
Dourg  et  450  artiUeurs  de  la  marine  auraient  surpris  le  10  janvier  à  Saint- 
Etienne-du-Bols  150  hussards  Liechtenstein  et  leur  auraient  pris  6  hommes  et 
13  chevaux. 

Le  baron  Rivet,  préfet  de  TAin,  confirme  ces  faits  dans  le  rapport  qu'il 
adressa  au  ministre  sur  l'envahissement  de  son  département.  «  Une  centaine 
de  cavaliers  autrichiens  venus  le  8  de  Lons-le-Saunier  à  Saint-Amour,  occu- 
paient le  village  do  Saint-Etienne-du-Bois  à  2  lieues  de  BourR.  80  habitants  de 
liourg  (anciens  militaires  en  retraite)  offrent  de  tourner  le  village,  |>endant  que 
Tcnnemi  sera  rejeté  sur  eux  par  la  troupe  de  ligne  composée  de  40  hussards 
et  gardes  d'honneur  envoyés  de  Lyon,  de  quelques  gendarmes  et  d'un  déta- 
chement de  400  artilleurs  de  marine  du  2«  régiment  arrivant  d'Ambérieux. 
L'expédition  réussit.  Les  hussards  autrichiens  poussés  vivement  par  les  canon- 
niers  de  la  marine  se  précipitèrent  au  galop  dans  l'embuscade  tendue  par  les 
habitants  de  Bourg,  qui  en  tuèrent  et  blessèrent  plusieurs  et  prirent  G  hommes 
et  12  chevaux.  »  Le  préfet,  dans  ce  même  rapport,  relate  une  petite  affaire  à 
laquelle  prirent  part,  dans  la  nuit  du  8  au  9,  un  détachement  du  24"  de  ligne 
et  les  volontaires  de  Nantua  qui,  partis  de  cette  ville,  surprirent  aux  envi- 
rons de  Thoirette  un  parti  de  hussards  autrichiens  venus  pour  remettre  à  flot 
un  bac  que  les  Français  avaient  coulé  après  l'avoir  chargé  de  pierres.  Les  hus- 
sards eurent  dans  cette  escarmouche  4  hommes  tués  et  laissèrent  18  hommes 
et  15  chevaux  entre  les  mains  des  Français. 


—  317  - 

Raisons  qui  empêchent  Bnbna  de  se  conformer  aux  ordres 
du  généralissime.  —  11  y  fut  rejoint  par  l'ordn*  du  1,  dans 
lequel  Sehwarzenberg  lui  pn^scrivait  de  revenir  sur  ses  |)as.  Mais 
à  ce  moment  il  était  dans  Timpossibilité  de  se  conformer  aux 
instructions  du  généralissime,  du  moins  immédiatement.  Comme 
sa  division  et  surtout  son  artillerit»  n'auraient  pas  pu  s(»  tirer  des 
mauvais  chemins  de  traverse»  qui  conduisent  de  la  Bresse!  V(»rs 
DOle,  Auxonne  et  Dijon,  il  lui  fallait  forcément  enlever  Bourg, 
afin  de  disposer  de  la  grande  route  qui  uïène  du  ch(»f-lieu  du 
département  d(»  l'Ain  à  Mûcon  et  à  Chalon-sur-Saom».  D'autre 
part,  les  populations  du  déparlement  de  l'Ain,  encouragées  et 
soutenues  par  les  quelques  troupes  postées  à  Nantua,  couraient 
aux  armes.  Il  imi)ortait  donc  avant  tout  d'en  finir  avec  c<»tte 
levée,  en  occupant  Bourg  et  en  poussant  des  partis  de  cavalerie 
sur  les  routes,  qui  de  Pont-d'Ain  conduisent  d'un  côté  h  Nantua 
et  de  l'autre  à  Lyon.  En  se  conformant  aux  ordres  du  généralis- 
sime et  en  se  dirigeant  sur  Dijon,  Bubna  se  serait  non  seulement 
exposé  il  être  pris  à  revers,  mais  il  aurait,  en  outre,  compromis  la 
situation  de  ZechnnMster. 

11  janvier.  —  Retraite  du  général  Husnier  sur  Lyon.  — 
Bubna  à  Bourg.  —  11  continua,  pour  ces  raisons,  son  mouve- 
ment sur  Bourg-en-Bresse,  et  pendant  que  le  général  Legrand 
arrêtait  du  côté  de  Chalon  les  partis  de  cavalerie»  envoyés  vers  la 
Saône,  le  général  Musnier,  ne  se  croyant  pas  suftisamment  fort 
pour  tenir  en  îivant  de  Lyon,  se  repliait  sur  cette  ville,  laissant  à 
la  garde  nationale  de  Bourg  le  soin  de  se  défendre.  Bubna 
n'éprouva  par  suite  que  i)eu  de  difficulté  h  enlever  Bourg  *,  et  fît 
poursuivre  les  gardes  nationaux  par  l'avant-garde  du  colonel 
comte  Zichy  d'un  côté,  jusqu'à  Tossiat,  sur  la  roule  de  Ponl- 
d'Ain,  de;  l'autre  jusqu'à  Lent  sur  la  route  de  Meximieux.  Il  s<.' 
faisait  en  môme  temps  couvrir  sur  sa  gauche  dans  la  direction 
de  Nantua  par  l(\  colonel  Benczek.  Cet  officier,  relevé  depuis 
quelques  jours  déjà  devant  le  fort  Saint-André  par  la  brigade  du 
prince  Gustave  de  Hesse-Hombourg,  avait  reiju  de  Bubna  l'ordre 
d'assurer,  avec  i  bataillon  de  Warasdiner  Kreuzer  et  1  escadron 

^  Starki:,  Einthcilung  und  Tagesl)cgebctiiieiten  der  IIuupt-Ariiicti  iiii  Monate 
Jaiiuar.  (K.  K.  Kriegs  Archiv.,  1,  30  ) 


—  318  — 

do  hussards  Liechtenstein,  ses  communications  avec  Genève  et  le 
fort  rÉcluse.  Il  vint  donc  se  poster  à  Ceyzérial,  pendant  qu'un 
autre  détachement,  fort  d'un  bataillon  et  d'un  escadron,  sous  les 
ordres  du  major  Wratzfeld,  prenait  h  droite  le  chemin  de  Villars. 

12  et  13  janvier.  —  Inaction  de  Bnbna.  -—  Prise  du  pont 
de  H&con.  —  Le  lendemain,  soit  qu'il  ait  attendu  des  nouvelles 
de  Geni'ive  et  du  Valais,  soit  qu'il  ait  craint  de  continuer  son 
mouvement  avant  d'y  avoir  (»té  autorisé  par  Schwarzenberg,  soit 
qu'il  ait  été  rendu  plus  timide  h  la  pensée  de  la  responsabilité  que 
lui  faisait  encourir  l'initiative  prise  en  persistant  ît  suivre  une 
direction  contraire  h  celle  indiquée  par  les  derniers  ordres  du 
généralissime,  soit,  enfin,  qu'il  ait  voulu  avant  tout  assurer  solide- 
ment ses  communications  avec  le  général  Zechmeister,  Bubna  s(î 
contenta  de  pousser  son  avant-garde  sur  Pont-d'Ain  et  d'envoyer 
îi  Chalamont  un  parti  qui  se  relia,  à  droite,  au  détachement  du 
major  Wratzfeld,  arrivé  î\  ce  moment  îi  Villars. 

La  journée  du  13  apporta  peu  de  changements  aux  positions 
occupées  par  Bubna,  qui  persista  ;i  maintenir  le  gros  de  sa  divi- 
sion à  Bourg;  mais  le  major  comte  Saint-Quentin  \  pointe  d'avant- 
garde  du  détachement  du  colonel  Wieland,  occupa  ce  jour-là 
M;\con,  tandis  qu'à  l'cxtréme-gauche  de  Bubna,  le  colonel  Benczek 
entrait  h  Nantua,  de  sorte  que  ce  fut  seulement  le  14,  au  moment 
même  où  Augereau,  parti  de  Paris  le  11,  arrivait  h  Lyon,  que 
i'avant-garde  de  Bubna  entra  à  Meximieux  et  établit  sa  pointe  et 
ses  avant-postes  h  Montluel,  évacué  par  les  Français  *. 

15  janvier.  —  Angereau,  laissant  le  général  Husnier  à 
Lyon,  se  rend  à  Valence.  —  Si  Clarke  avait  annoncé  à  Ange- 
reau la  présence  à  Lyon  de  6,000  hommes,  il  ne  lui  avait  pas  fait 


t  Starkc.  Eiiillieilung  uiid  Tagesbegebcnhcilcii  der  Haupt-Armec  im  Monatc 
Jaimar.  (A'.  K,  Kriegi  Archir.,  I.  30  ) 

U$  youvelUi  (Ui  amu'et  (de  Paris.  14-18  janvier)  (Jhid.,  I,  529)  rendent 
compte  do  ce  fait  en  ces  termes  :  «  De  Bourg-en-Bresse,  le  comte  Bubna  a  envoyé 
des  troupes  dans  t«>utes  les  directions.  15  hnssards  se  sont  présentés  devant 
Mûcon  que  des  troupes  françaises  et  des  gardes  nationales  avaient  l'intention 
de  défendre  ;  mais  le  maire  de  MAcon  et  celui  de  Sainl-Liurcnl  trahissant  la 
confiance  pu))Uque  ont  laisst*  occuper  le  pont  de  la  Saône  par  oU  liomnics  des 
troupes  ennemies.  » 

*  Id.  in  ibUl. 


—  310  ^ 

connaitns  lors  ck^  son  clrpart,  \vs  proj^n^s  incessants  (l<;  l'cnniMni. 
Aussi  di*s  qu^on  Fcnt  mis  au  <*ourant  de  la  situation.  W.  duc  de 
Castiglione  pensa  quf%  pour  sauver  v.Mo  ville,  dans  la(|uelle  \v 
général  Musnior  avait  en  tout  1,iOO  honinuis,  dont  iOO  h  300  vieux 
soldats»  il  fallait  avant  tout  aecélércT  la  formation  do  Tarmée  et 
la  marche  des  renforts.  I^Hir  arrivée  immédiate  était  d'autant 
plus  nécessaire  que  Tétat  des  esprits  de  la  population  lyonnais<' 
n*avait  rien  de  rassurant.  L(»  maréchal  ne  croyant  pas  sa  pré.sence 
indispensable  h  Lyon,  se  décida  h  pn^scrin»  au  général  Musnier, 
qui  venait  dVtre  rejoint  par  500  conscrits,  de  tenir  bon  avec  (îes 
1,700  hommes.  Lui-même  m»  dirigea  le  13  vers  Valencu»,  d'où  il 
comptait  envoyer  h  ce  général  des  troupes  au  fur  et  h  m(»sure  de 
leur  arrivée  ou  de  leur  fonnation. 

Bubna  aurait  donc  eu  beau  jeu  pour  enlever  la  ville  dans  la 
Journée  du  15  et  réparer  d'un  seul  coup  les  lenti^urs  et  les  retards 
n^sultant  d'une  part  de  son  envoi  sur  Dole,  iU*.  l'autre  de  la  halte 
qu'il  avait  cru  devoir  fain^  à  Bourg  depuis  le  11.  Mais  bien  quMl 
eût  eu  le  soin  d'exposer  fi  Schwar/enberg  les  raisons  pour  les- 
quelles il  lui  avait iallu,  au  lieu  de  revenir  sur  Dijon  et  Auxonnc*, 
continuer  sa  marche  sur  Bourg,  il  se»  préoccupa  surtout  des  ras- 
semblements de  troupes  qui  si;  faisai(Mit,  on  le  lui  affirmait  du 
moins,  en  Savoie. 

Mouvement  des  avant-gardes  de  Bubna.  —  Immobilité  de 
•on  gros.  —  Inquiet  de  ne  pas  avoir  reçu  de  nouvelles  sur  ce  qui 
se  passait  dans  le  Valais,  ignorant  peut-être  aussi  la  faiblesse  des 
troupes  chargées  de  défendre  Lyon,  il  laissa  une  fois  do  plus 
passer  le  moment  oft  il  aurait  pu.  presque  siins  coup  férir,  se» 
rendre  maître  de  cette  grande  ville  dont  la  prise  aurait  eu,  alors 
surtout,  une  importance  capitah»  pour  les  Alliés  et  aurait  exercé 
une  influ«»nc(»  considérable  sur  la  suite  de  leurs  opérations.  C'est 
ainsi  qu\iu  lieu  de  se  porter  résolument,  le  15,  en  avant  de  Bourg 
et  de  Genève,  il  resta  pour  ainsi  din»  immobile,  quoique  \v.s 
troupes  françaises  eussent  évacué  Miribel  pour  venir  prend n» 
position  sur  les  haul(»urs  de  la  Croix-Rousse.  Tous  ses  mouve- 
ments s(^  réduisinjul  h  l'cMivoi  j»  Grange-Blanche  et  au  pont 
d'Oullins,  de  quelques  partis  chargés  de  surveiller  les  routes  d(i 
Chalon  et  dv.  Tarare.  En  fait  d'oi'dres,  il  se  borna  à  prescrire  au 
colonel  Wieland  de  se  porter  par  Cuisery  sur  Mî\(îon,  dont  son 


avanl-fçardc  avait  déjà  enlevé  et  occupé  le  pont  deux  jours  aupa- 
ravant. 

La  faute  commise  par  Bubna  est  d'autant  plus  inexplicable 
qu'il  paraît  difficile  d'admettre  qu'il  ait  absolument  ignoré  la 
situation  des  (îsprils  de  la  ville  de  Lyon  et  la  ftiiblesse  de  sa  gar- 
nison. «  Lyon,  écrivait  Chaptal,  comte  de  Ghanteloup,  au  duc  de 
Feltre  *,  est  presque  désert.  Tout  le  monde  s'est  enfui  dans  les  mon- 
tagnes, toutes  les  fortunes  sont  parties,  les  boutiques  sont  fermées, 
les  écTilcaux  et  les  enseignes  enlevés  et  les  caisses  publiques  com- 
plètement vides.  Le  maréchal  Augereau  pense,  comme  le  général 
Musnier,  comme  moi,  qu€  le  poste  de  Lyon  n  est  plus  tenable,  » 

Augereau,  de  son  côté,  n'avait  guère  été  plus  rassurant  dans  la 
dcpé<!he  qu'il  écrivait  le  15,  le  lendemain  de  son  arrivée,  au  major- 
général  :  «  L'ennemi,  disait-il,  est  depuis  avant-hier,  13,  à  Mont- 
luel,  à  3  lieues  de  Lyon.  Il  pousse  des  reconnaissances  sur 

Miribel ,  il  est  maitre  du  passage  des  Rousses,  du  fort  l'Écluse, 

du  pont  de  Seyssel,  du  château  de  Belley  ;  il  se  présente  sur  Lyon 

par  les  deux  rives  du  Rhône  et  la  rive  droite  de  la  Saône Il  en 

résulte  que  Lyon  est  dans  le  plus  grand  danger.  Il  est  môme  à 
penser  qu'il  sera  attaqué  demain.  La  force  que  nous  avons,  dis- 
ponible en  troupes  de  ligne,  ne  présente  pas  plus  de  1100  combat- 
tants, SI  toutefois  on  appelle  combattants  des  hommes  qui,  pour 
la  plupart,  ont  re(:u  hier  des  armes  dont  ils  ne  connaissent  pas 

l'usage.  La  consternation  est  peinte  sur  tous  les  visages Que 

Votre  Altesse  regarde  Lyon  comme  pris,  et,  si  les  1000  à  1,200 
hommes,  qui  couvrent  \um  partie  des  abords  de  la  ville,  sont  pous- 
sés, il  est  à  craindre  qu'ils  soient  enlevés  et  la  route  de  Saint- 

fitienne  h  découvert Je  ferai  ce  que  je  pourrai;  je  quitte  Lyon, 

laissant  le  général  Musnier  pour  le  défendre,  et  je  vais  dans  la 
7«  division  militaire  chercher  à  réunir  les  troupes  de  Chambéry 
(^t  de  Grenoble»,  les  généraux  se  les  enlevant  les  uns  aux  autres  ; 
enfin,  faire,  pour  la  défens(i  du  pays,  ce  qui  sera  possible  et  y 
relever  l'esprit  public,  s'il  se  peut,  car  il  est  abattu  d'une;  manière 
désolante*.  » 

(tétait  cette  occasion  unique  (|ue  Bubna  avait  laissé  échapper. 


<  Chaptal  au  Ministre  de  ki  (lucrre.  (Archive*  de  la  guerre.) 

'  Augereau  au  inajor-géiiéral.  (Correspondance  d'Augereau. —  A  rchires  de  la 


fjuerre.) 


—  321  — 

On  peut  comprendre,  ii  la  rigueur,  qu'il  ail  eu,  pendant  les 
jours  qui  précédèrent  l'occupation  de  Bourg,  quelque  hésitation, 
quelques  craintes,  et  qu'il  ait  redouté  de  tenter,  avec  les  troupes 
relativement  peu  nombreuses  dont  il  disposait,  un  coup  de  main 
sur  une  grande  ville  comme  Lyon.  Mais  sa  cavalerie  seule  eût  di\ 
suftîre  pour  lui  procurer  les  renseignements  dont  il  avait  besoin. 
Des  reconnaissances  bien  faites  l'auraient  complètement  édifié  sur 
la  situation  des  Français  et  l'auraient  mis  en  mesure  d'accentuer 
son  mouvement  dès  le  15  et  de  brusquer  son  attaque.  Ne  sachant 
rien  ou  presque  rien,  il  continua  ii  tAter  prudemment  le  terrain  et 
s'approcha  de  Lyon  avec  une  lenteur  et  une  circonspection  que 
rien  ne  motivait.  On  est  donc  autorisé  h  dire  que,  si  le  général 
autrichien  avait  su  faire  de  sa  cavalerie  un  emploi  rationnel  et 
judicieux,  s'il  l'avait  poussée  vigoureusement  en  avant,  il  aurait 
sans  peine  culbuté  les  faibles  avant-postes  qui  faisaient  mine  de 
couvrir  les  abords  de  la  ville  et  qu'il  aurait  suffi  de  l'apparition 
de  ses  coureurs  aux  Brotteaux  et  à  la  Croix-Rousse  pour  que 
Lyon  partagent  le  sort  de  Nancy  et  de  Mâcon  et  fût  enlevé  par  un 
peloton  de  hussards.  Mais,  au  lieu  d'agir  de  la  sorte  et  de  tenter 
au  moins  une  entreprise  qui  ne  pouvait  avoir,  en  aucun  cas,  de 
conséquences  fâcheuses,  ce  fut  seulement  le  16  janvier  que,  ras- 
suré sur  le  sort  de  Simbschen  qui  a  occupé  Thonon,  certain  de 
conserver  ses  communications  avec  sa  gauche,  sachant,  enfin, 
qu'il  n'y  avait  aucune  trace  de  rassemblement  sérieux  de  troupes 
ennemies  en  Savoie,  il  se  décida  h  continuer  sa  marche  inter- 
rompue depuis  le  11 .  Ce  fut  à  cette  époque  seulement  qu'il  résolut 
de  venir  avec  le  gros  de  ses  forces  de  Bourg  jusqu'à  Pont-d'Ain 
et  qu'afîn  de  faciliter  les  opérations  qu'il  allait  entreprendre  contre 
Lyon  il  donna  à  Zechmeister  l'ordre  d'entrer  avec  5  bataillons  1/2, 
2  escadrons  et  1  batterie  en  Savoie,  où  les  Français  n'avaient  que 
peu  de  monde,  de  les  chasser  de  Rumilly  et  des  rives  du  Fier  et 
de  les  pousser  sur  Chambéry  *. 

Apparition  des  coureurs  de  Bubna  devant  Lyon.  —  Les 

coureurs  de  Bubna  se  montrèrent,  pour  la  première  fois,  le 
16  janvier  à  quelques  kilomètres  de  Lyon,  sur  les  routes  d'Ambé- 


*  St'àrke,  Kiutheilung  und  Tagesljegebeiiheiten  der  Haupt-Armee  im  Moiiatc 
Januar.  (A'.  K,  Kriegs  Archiv,,  I,  30.) 

Well.  21 


—  322  — 

rieux  et  dos  Donibes.  Quelques-uns  d'entre  eux,  poussant  par  la 
roule  de  Trévoux  et  le  faubourg  de  Saint-Clair  jusqu'aux  abords 
de  la  ville,  échangèrent  des  coups  de  fusil  avec  les  avant-posles 
français.  Mais  toutes  ces  lenteurs  avaient  permis  aux  habitiinls 
du  départ(îment  de  l'Ain  de  rompre  les  digues  des  étangs,  d'inonder 
la  roule  de  Meximieux,  elle  général  autrichien,  lorsqu'il  voulut  se 
porter  en  avant  de  Ponl-d'Ain,  fut  obligé  de  revenir  sur  ses  pas 
pour  reprendre  le  17,  la  route  qui  mène  à  Lyon,  par  Ambérieux. 

17  janvier.  —  Le  général  Husnier  se  replie  sur  la  rive 
droite  de  la  Sadne.  —  Le  17  au  matin,  le  général  Musnier, 
n'ayant  pas  assez  de  monde  pour  défendre  Lyon  en  prenant  posi- 
tion en  avant  de  la  Guillotiôre,  dans  la  plaine  qui  s'étend  sur  la 
rive  gauche  du  Rhône,  jugea  avec  raison  qu'il  lui  était  impossible 
de  tenir  dans  la  partie  de  la  ville,  située  entre  le  Rhône  et  la 
Saône,  complètement  dominée  par  les  hauteurs  de  Founières  (»l 
de  Vaise.  Repassant  la  Saône,  il  vint  s'établir  h  la  croisée  des 
routes  de  Chalon,  de  Moulins  et  de  Clermont-Ferrand,  ne  laissant 
que  des  postes  d'obser\'ation  en  avant  de  lui,  dans  la  presqu'île 
formée  par  le  confluent  des  deux  cours  d'eau*. 

Quelques  partis  de  cavalerie,  appartenant  h  l'avanl-garde  de 
Bubna;  s'étaient  montrés  sur  la  rive  droite  de  la  Saône  et  avaient 
occupé  Neuville.  Voici,  d'ailleurs,  en  quels  termes  Bubna  rend 
compte  à  Schwarzenberg  des  opérations  qu'il  tenta  contre  Lyon, 
opérations  que  sa  prudence,  poussée  jusqu'fi  la  timidité,  rendit 
infructueuses  *. 

Rapport  de  Bubna  snr  ses  opérations  devant  Lyon.  — 

«  Afin  de  me  poster  sur  la  communication  directe  avec  Genève,  j'ai 
quitté  Bourg-en-Bresse  le  17  et  me  suis  établi  avec  mon  gros  à 
Pont-d'Ain  ;  mes  avant-postes  sont  à  M(;ximieux.  Dans  la  nuit  du 


i  «  J'ai  pris  i)Osilioii  à  IVxtroriiité  du  faubourg;  «It;  Vaise  où  j'ai  réuni 
qaelques  petits  détiirheuients  et  beaucoup  d'isolés.  Les  troupes  avancées  «le 
l'ennemi  sont  à  Montluel  et  à  Miribel.  n  a  quelques  centaines  d'hommes  a 
Marron,  et  comme  il  lui  est  facile  d'y  faire  filer  de  bourg  autant  de  monde  qu'il 
voudra  et  de  se  jwrter  de  là,  par  Villefrauche,  sur  mes  derrières,  ses  mouve- 
ments sur  ce  point  doivent  attirer  mon  attention  autant  que  ceux  qu'il  fait 
devant  moi.  »  (Musnier  au  Ministre.  Archives  de  la  yuerre.) 

'  Le  feldzcagmeister  comte  Bubna  au  piin<-e  de  Scliwarzeul)erg«  i'oni-u  Aiu, 
ti  janvier  1814.  (A'.  A'.  Krieys  ArctUv.,  I,  488.) 


—  323  -- 

17  au  18  janvier,  j'ai  été  informé  par  mes  avanl-|)Osles  de  la 
retraite  de  l'ennemi  qui,  après  un  petit  engageraient  avec  le  corps 
volant  du  capitaine  Belrup  (du  régiment  do  hussards  Liechtens 
lein),  avait  quitté  la  Pape  en  avant  de  Lyon. 

«  Un  autre  rapport,  arrivé  un  peu  plus  tard,  m'apprit  que 
l'ennemi  avait  évacué  toute  la  partie  de  la  ville  de  Lyon,  située 
sur  la  rive  gauche  de  la  Saône,  que  tout  était  tranquille  h  Lyon  et 
qu'on  semblait  y  attendre  notre  venue.  Un  officier,  que  j'ai  envoyé 
en  parlementaire  à  Lyon,  me  confirma  ces  nouvelles.  Le  maire  lui 
avait,  toutefois,  fait  dire  que,  si  je  comptais  occuper  Lyon,  je  ne 
devais  le  faire  qu'avec  des  forces  respectables*. 

¥  Malgré  tout  mon  désir  de  m'emparer  de  cette  ville,  jo  crus 
sage  de  ne  pas  accéder  îI  la  légère  îi  cette  demande.  Je  poussai 
donc,  le  18,  mes  avant-postes  jusqu'à  Miribel  et  la  Pape,  afin  de 
reconnaître  Lyon  le  lendemain  et  peut-être  même  d'y  entrer. 

«  Mais,  pendant  la  nuit,  j'appris  que  l'ennemi  avait  coupé  la 
route  sur  plusieurs  points.  Il  paraissait  maintenant  décidé  à 
défendre  la  ville  qu'il  avait,  en  effet,  réoccupée  dans  la  nuit  du  17 
au  18  janvier  et  oii  le  peuple  prenait  les  armes  pour  participer  h 
la  défense. 

«  Il  est  évident  pour  moi  qu'il  y  a,  îi  Lyon,  deux  partis,  dont 
l'un,  qui  nous  est  manifestement  hostile,  ne  peut  se  maintenir 
qu'avec  l'aide  et  l'appui  des  troupes.  On  m'affirme  même  qu'on 
aurait  mis  en  pièces  et  tué  un  de  nos  parlementaires  sans  l'inter- 
vention d'un  officier  de  gendarmerie.  L'ennemi  est,  du  reste,  sorti 
de  Lyon  et  tiraille  encore  pour  le  moment  avec  mes  avant-postes. 

«  Comme  je  ne  dispose  que  de  peu  d'infanterie,  comme  j'ai 
beaucoup  de  malades,  comme,  de  plus,  mes  5  bataillons  comptent 
à  peine  2,000  hommes  d'effectif  disponible  et  utilisable,  il  ma 
semblé  d'autant  plus  risqué  de  tenter  un  coup  de  main  sur  Lyon 
que  le  terrain  m'était  défavorable  et  n'offrait  aucune  position 
avantageuse  pour  mon  artillerie.  Je  me  bornai  à  laisser  devant  la 
ville  mes  avant-postes  et  les  chargeai  d'observer  tout  ce  qui  s'y 
passerait 


>  D*aprèâ  les  rapports  du  général  Musnier,  Bubna  chercha  à  s'aboucher 
avec  les  autorités  manicipales  de  Lyon  ;  maU  les  lettres  do  Huhna  furent 
remises  an  géséral  par  le  maire,  et  ce  fat  le  général  Musnier  qui  fit  lai-même 
les  fépoasM.  (Archives  de  la  guerre») 


—  3Î4  - 

«  Toul(»l'0is,  afin  d'être  on  mesure  d'entreprendre  quelque  chose 
d'utiliî  et  parce  que  j'étais  trop  faible  pour  occuper  la  ville,  j'ai 
trouvé  dangereux  de  laisser  mes  avant-postes  devant  Lyon.  Ils 
n'auraient  pas  manqué  d'avoir  des  engagements  insignifiants,  mais 
presque  continuels,  et  comme  ces  engagements  auraient  avant 
peu  fini  par  accoutumer  les  Lyonnais  à  ces  tirailleries,  je  me  suis 
retiré,  hier  20,  sur  Meximieux  et  aujourd'hui  sur  Pont-d'Ain, 
d'où  je  puis  me  porter  aisément  dans  toutes  les  directions. 

«  Si  je  n'ai  pas  cru  devoir,  dans  les  circonstances  actuelles, 
essayer  d'enlever  Lyon,  j'ai  du  moins  réussi  à  attirer  sur  ce  point 
l'attention  de  l'ennemi,  à  y  fixer  et  à  y  immobiliser  ses  forces 
et  à  l'empêcher  de  foire  de  là  un  mouvement  contre  la  grande 
armée. 

«  Le  maréchal  Augereau  était  le  15  à  Lyon.  Très  étonné  de  n'y 
pas  trouver  d'armée,  il  s'est  rendu  k  Valence  pour  en  ramener  du 
monde. 

«  Il  m'est  extrêmement  difficile  de  me  procurer  des  renseigne- 
ments. Aucun  des  émissaires  que  j'ai  envoyés  h  Lyon  n'est  revenu 
jusqu'à  présent.  » 

Le  rapport  que  nous  venons  de  reproduire  prouve,  il  nous 
semble,  que  Bubna  perdit  toute  la  journée  du  18  à  négocier,  à 
parlementer,  à  reconnaître  la  ville  et  à  chercher  à  y  nouer  des 
intelligences.  On  n'y  trouv(;  aucune  indication  sur  l'effectif  des 
troupes  françaises  de  Lyon  et  la  nature  des  opérations  qu'un 
corps  de  moins  de  2,000  hommes  aurait  pu  entreprendre.  Bubna 
omet  aussi  de  faire  connaître  au  généralissime  qu'un  petit  déta- 
chement, guidé  par  des  ouvriers  gagnés  à  la  cause  des  Alliés, 
avait  poussé  dans  la  nuit  du  18  au  19  jusqu'au  quai  Saint-Clair, 
et  que  le  19  il  s'était  déjà  fait  un  revirement  complet  dans  l'es- 
prit de  la  population.  Il  trouve  inutile  de  lui  exposer  les  causes 
de  la  retraite  momentanée  des  Français  sur  la  rive  droite  de  la 
Saône.  Il  devait  pourtant  savoir  par  s(îs  émissaires  que  le  général 
Musnier  attendait  l'arrivée  de  700  hommes  de  renfort,  qui,  envoyés 
en  poste  de  Valence,  rejoignirent  le  19,  pour  attaquer  les  Autri- 
chiens pendant  la  nuit  du  19  au  20.  les  déloger  de  leur^  poNi- 
tions  aux  portes  mêmes  de  Lyon  et  les  rejeter  sur  le  hameau 
de  Vernay.  à  un  quart  de  lieu  de  la  Croix-Rousse.  Il  passe  égale- 
ment sous  sih.'nce  les  petits  combats  d'arrière-garde  qui  avaient 


—  385  — 

accompagné,  dans  la  nuit  du  19  au  20,  l'évacuation  de  la  Papo. 
11  se  garde  encore  plus  soigneusement  de  dire  qu(î  cette  arrière- 
garde,  sous  les  ordres  du  colonel  Junger  (du  régiment  Kaiser 
Huszaren),  fut  vivement  poussée  par  les  Français  jusqu'à  Mont- 
luel,  qu'elle  se  replia  même  *  le  21  jusqu'à  Meximieux,  où  se 
trouvait  le  gros  de  ses  troupes,  et  retourna  seulement  à  Montluel 
lorsque  les  Français  eurent  évacué  ce  point  pour  établir  leurs 
avant-postes  à  Miribel. 

Marche  de  Wieland  vers  Hftcon.  —  Obligé  par  sa  faute  à 
quitter  les  environs  de  Lyon  et  à  battre  en  retraite  devant  des 
troupes  inférieures  en  nombre  à  celhîs  dont  il  disposait  et  com- 
posées presque  exclusivement  de  conscrits,  Bubna  donnait  au 
colonel  Wieland  qui,  sur  sa  droite,  avait  dû  se  rapprocher  de 
Mîlcon,  Tordre  d'y  laisser  le  plus  longtemps  possible  le  détache- 
ment du  major  comte  Saint-Quentin,  afin  d'être  h  même  de  sur- 
veiller avec  le  reste  de  son  monde  les  routes  allant  sur  Lyon  par 
(]lhAtillon-les-Don)bes  et  Villars.  Le  colonel  devait  venir  se  poster 
à  cet  effet  à  Bourg,  et,  pour  lui  faciliter  sa  tAche,  on  le  renforçait 
d'un  bataillon  de  Gradiskaner,  qui  alla  occuper  Villars. 

D'autre  part,  Zechmeister  avait  reçu,  le  16  janvier,  l'ordre  de 
Bubna  d'entrer  en  Savoie.  A  la  tête  de  cinq  bataillons  et  demi  à 
effectif  réduit,  de  deux  escadrons  et  d'une  batterie,  il  devait 
opérer  contre  les  Français  qui,  postés  sur  le  Fier,  occupaient  les 
ponts  d'Annecy  et  Rumilly  et  avaient,  en  outre,  quelques  troupes 
en  réserve  à  Albv  et  Albens. 

18  janvier.  —  Combat  de  Rumilly.  —  Le  18  janvier,  alors 
que  Bubna,  déjà  sur  le  point  de  se  retirer  des  abords  de  Lyon, 
n'osait  pas  s'engager  avec  les  quelques  troupes  françaises  qui 
s'y  trouvaient,  son  lieutenant,  moins  timoré  *,  attaquait  les  posi- 
tions françaises,  forçait  le  passage  du  Fier  et  du  Chéran,  pour- 
suivait les  Français  jusqu'au  delà  d'Albens  et  adressait,  le  18  au 
soir,  de  Rumilly,  un  rapport  dans  lequel,  après  avoir  rendu 


*  n  n'y  av.ait  encore  à  ce  moment  à  Lyon  que  2,500  hommes  de  troupes. 
(Arehivei  de  la  guerre.) 

'  Stabke,  Eintheilung  und  Tagesbegebenheiten  der  Haupt-Ârmee  im  Monate 
Januar.  (K,  K.  Krieg»  Arehir,,  I,  30.) 


—  326  — 

compte  h  Bubna  do  ses  opérations,  il  lui  faisait  part  de  ses  pro- 
jets pour  la  journée  du  19  *  : 

«  Je  me  suis  porté  aujourd'hui  sur  trois  colonnes  contre  Rurailly 
et  Annecy.  L'une  de  ces  colonnes,  sous  les  ordres  du  lieutenant- 
colonel  Waller,  passant  par  Cruseilles  et  Brogny,  a  occupé  Annecy 
h  trois  heures. 

«  La  colonne  principale,  marchant  par  Frangy  sur  la  grande 
route  et  la  troisième  colonne,  sous  les  ordres  du  colonel  Bonczek^ 
passant  par  Seyssel  et  la  montagne,  se  dirigeaient  sur  Rumilly. 

«  Pendant  la  marche,  j'appris  que  l'ennemi  cherchait  à  détruire 
le  pont  de  pierre  sur  le  Fier,  et,  pour  l'empêcher  de  mettre  son 
projet  h  exécution,  je  fis  aussitôt  prendre  les  devants  h  un  esca- 
dron do  hussards.  L'ennemi  fit  mine  de  vouloir  défendre  la  ville, 
tirailla  assez  vivement  avec  mon  avant-garde;  mais,  craignant 
d'être  coupé  de  sa  ligne  de  retraite  par  ma  troisième  colonne,  il 
se  décida  peu  après  h  la  retraite. 

M  Je  fis  avancer  rapidement  mon  artillerie,  qui  canonna  les 
masses  ennemies  en  retraite.  L'infanterie  ennemie  se  jeta  h  droite 
dans  la  montagne,  et  sa  cavalerie,  peu  nombreuse  d'ailleurs,  ne 
tarda  pas  k  disparaître  complètement. 

«  La  rapidité,  avec  laquelle  s'étaient  effectués  nos  mouvements, 
me  permit  de  couper  une  colonne  française  venant  d'Alby  et  qui 
voulait  suivre  la  grande  route  d'AIbens  à  Aix.  Elle  fut  obligée  de 
se  jeter  dans  la  montagne.  Mes  avant-postes  ont  poussé  jusqu'h 
la  Biolle.  Le  gros  de  mes  forces  est  ici.  Le  lieutenant-colonel 
Waller  avec  1  escadron,  1  bataillon  et  2  canons,  est  près  d'Alby. 
2  compagnies  couvrent  ma  gauche  à  Annecy,  2  autres  ma  droite 
h  Seyssel,  et  fournissent  un  poste  îi  Serrières. 

«  L'ennemi  avait  800  hommes  à  Rumilly,  600  hommes  h 
Annecy,  400  hommes  h  Alby,  600  hommes  k  Albens;  mais  toutes 
ces  troupes  ne  renfermaient  guère  dans  leurs  rangs  que  des 
conscrits  et  des  douaniers. 

«  Le  général  Marchand  était  aujourd'hui  h  Rumilly. 

«  Demain  je  réunis  mes  troupes  à  Albens  et  je  compte  de  là 
me  porter  sur  Aix  et  en  déloger  l'ennemi  cpii  y  aurait,  dit-on, 
près  de  2,000  hommes. 


*  Zcchmcister  à  Bubna,  narniHy,  18  janvier,   11  h.    ijà  da  soir.  (A'.  K. 
Kriegt  Arehiv,,  l,  488,  a.) 


—  327  — 

«  Il  m'est  impossible  do  dire  actuellement  si  je  pourrai  tenter 
après-demain  quelque  chose  contre  Chambéry,  où  il  y  a  trois 
dépôts  de  régiments  et  où  Tennemi,  s*il  réussit  h  y  ralli(T  tout 
son  monde,  pourra  nf  opposer  3,000  hommes,  qui  ne  seront  îi  la 
vérité  que  des  douaniers  et  des  conscrits. 

«  Le  peuple  m*a  reçu  partout  aux  cris  de  :  «  Vive  le  roi  de 
«  Sardaigne.  » 

19  janvier.  —  Zechmeister  occupe  Aix-les-Bains.  —  Le  19 

il  continue  sa  marche,  et  d'Aix  il  fait  parvenir  h  Bubna  le  rap- 
port ci-après,  qui  permet  de  se  faire  une  idée  exacte  tant  de  la 
façon  dont  s'exerçait  le  commandement  que  des  modifications 
incessantes  qu'on  apportait  h  tout  propos  à  la  composition  des 
corps  : 

«  Après  avoir  opéré  îi  Albens  ma  jonction  avec  la  colonne 
venue  d'Annecy  par  Alby,  je  me  suis  porté  sur  Aix. 

«  L'ennemi  a  évacué  la  ville  h  l'approche  de  mon  avant-garde  et 
a  pris  position  avec  1,600  hommes,  2  canons  et  1  obusier,  en 
arrière  de  Rages. 

«  Je  voulais  l'y  attaquer  encore  aujourd'hui  et  le  pousser  vers 
Chambéry,  mais  la  nuit  m'a  empoché  de  donner  suite  h  mon 
projet.  De  plus  mes  troupes  étaient  très  fatiguées,  et  entin  les 
pluies  continuelles  avaient  momentanément  mis  mes  fusils  hors 
d'état  de  servir. 

«  Mes  avant-postes  sont  au  Viviers,  où  je  concentrerai  tout 
mon  monde  demain  matin  î\  huit  heures,  pour  marcher  sur 
Chambéry,  que  mes  colonnes  de  flanc  prendront  h  revers.  Je 
pense  y  être  vers  midi. 

«  J'ai  l'honneur  de  proposer  ii  Votre  Excellence  de  ne  pas  poster 
mon  gros  h  Chambéry.  Je  voudrais  y  laisser  seulement  six  com- 
pagnies et  un  d(»mi-escadron,  garder  le  gros  h  Aix  et  continuer  à 
occuper  Annecy  et  Seyssel,  Alby  et  Rumilly.  J'attendrai  sur  ces 
positions  les  ordres  de  Votre  Excellence. 

«  Si  Votre  Excellence  rappelle  h  elle  une  partie  des  renforts 
qu'Elle  m'a  envoyés,  je  ne  pourrai  laisser  h  Aix  qu'un  corps 
volant  qui  occupera  péniblement  Chambéry.  Je  porterai  alors  le 
gros  de  mes  troupes  derrière  le  Fier,  entre  Annecy  et  Rumilly. 

«  Une  partie  des  troupes  ennemies,  mise  en  fuite,  s'est  portée 
dans  la  direction  de  Culoz.  Le  régiment  de  dragons  de  Wûrzburg 


-  328  — 

est  on  marche  et  sera  le  18  à  Carouge;  le  19  il  f(Ta  halle,  le  20 
il  sera  à  Seyssel,  le  21  à  Naiitua,  le  22  à  Cerdon  et  le  23  à  Ponl- 
d'Ain,  où  il  prendra  les  ordres  de  Votre  Excellence  *.  » 

Ce  fut,  d'ailleurs,  à  Taide  de  ces  rapports  que  Bubna  réussit  à 
se  faire  pardonner  l'impardonnable  insuccès  de  son  expédition 
sur  Lyon,  et  c'est  pour  cela  qu'il  avait  eu  le  soin,  en  adressant  le 
21  janvier,  de  Pont-d'Ain  à  Schwarzenberg,  le  rapport  que  nous 
avons  cité  en  partie  quelques  pages  plus  haut,  de  le  commencer 
en  ces  termes  *  : 

«  Votre  Altesse  verra  par  les  rapports  du  général  Zechmeister 
que  cet  officier  général  a  chassé  l'ennemi  de  Rumilly  et  d'Aix  et 
doit,  à  rheure  présente,  être  maître  de  Chambéry.  Le  but  que  je 
m'étais  proposé  par  l'envoi  en  Savoie  de  ce  détachement,  but  qui 
qui  avait  été  approuvé  par  Votre  Altesse,  est  donc  atteint.  ComDie 
nous  avons  un  intérêt  majeur  h  occuper  la  capitale  de  la  Savoie, 
Il  encourager  et  à  soutenir  le  soulèvement  des  Savoisiens,  je 
compte  prescrire  au  général  Zechmeister  :  1®  de  fournir  aux 
populations  les  moyens  de  prendre  les  armes  ;  i^  de  laisser  le 
gros  de  ses  troupes  à  Chambéry  parce  que,  pour  le  moment,  il 
n'y  a  rien  à  craindre  pour  Genève  et  parce  que  je  tiens  ù  pouvoir 
couper  ainsi  les  connnunications  de  l'eimemi  avec  l'Italie  par  le 
Mont-Cenis.  » 

Mais  il  est  bon  de  faire  remarquer  qu'en  rédigeant  dans  ces 
termes  le  rapport  qu'il  adressait  h  Schwarzenberg,  Bubna  n'avait 
pas  seulenjent  l'intention  de  disposer  en  sa  faveur  le  généralis- 
sime îi  qui  l'insuccès  de  Lyon  avait  dû  évidemment  causer  une 
impression  désagréable;  il  voulait  aussi  provoquer  de  la  part  du 
généralissime  une  réponse  relative  à  l'emploi  des  troupes  de 
Zechmeister,  se  décharger  sur  lui  d'une  responsabilité  qu'il  n'osait 
pas  assumer,  en  l'obligeant  à  approuver  ou  il  rejeter  directement 
les  propositions  que  son  lieutenant  lui  faisait  à  propos  de  l'effectif 
des  troupes  à  laisser  à  Chambéry.  Aussi,  pour  peu  que  l'on  examine 
les  choses  de  près,  loin  de  s'étonner  de  la  lenteur  avec  laquelle 
les  opérations  de  la  grande  armée  ont  été  conduites,  on  en  arrive, 
au  contraire,  à  se  demander  comment  il  était  possible,  avec  une 
organisation  semblable,  de  parN^nir  à  se  mouvoir  et  îi  entreprendre 


*  Zechmeister  à  Bubna,  Aix.  19  janvier.  (A'.  K.  Kriegt  Archiv.,  I,  488  6.) 
s  Babna  à  Schwarzenberg,  Pont-d*Ain,  21  janvier.  (Ibid,,  l,  488.) 


—  329  - 

dos  opt»ralions  ralionnollos,  sériouses  et  surtout  opportunes. 
N*est-il  pas  tout  au  moins  singulier  do  voir  le  commandant  d*uii 
corps  indépendant  en  référer  au  général  en  chef  lorsqu'il  est  sim- 
plement question  de  poster  momentanément  2,000  hommes  à 
Chambéry  ou  à  Aix?  11  semble,  du  reste,  qu'un  mot  d'ordre  venu 
d'en  haut  ait  été  donné  h  cet  effet  et  que  les  lieutenants,  en  cher- 
chant à  dissimuler  au  généralissime  l(»urs  insuccès  et  leur  véritable» 
position,  n'aient  fait  que  se  conformer  h  la  manière  de  faire 
adoptée  par  le  généralissime  lui-même  dans  les  rapports  qu'il 
adressait  de  son  côté  à  son  souverain.  Pour  en  donner  la  preuve, 
nous  nous  contenterons  d'extraire  les  lignes  suivantes  du  rapport 
que  Schwarzenberg  *  envoyait  de  Langres  h  la  date  du  24  janvier, 
h  l'empereur  d'Autriche:  «  Bubna  (armée  du  Sud),  est-il  dit  dans 
cette  pièce,  a  repoussé  l'ennemi  jusqu'aux  portes  de  Lyon.  Il  se 
trouve  trop  foible  pour  y  entrer  et  pour  cette  raison  il  a  posté  h» 
gros  de  son  corps  à  Pont-d'Ain.  Il  a  envoyé  Zechmeisler  contre» 
Chambéry.  Ce  général  a  rejeté  Tennemi  sur  Aix-les-Bains,  et  ses 
avant-postes  étaient,  le  19  au  soir,  devant  Chambéry.  » 

Un  pareil  rapport  n'était  guère  de  natun^  à  fixer  les  idées  de 
l'empereur  d'Autriche,  et  l'on  a  le  droit  de  se  demander  quelle 
explication  plausible  le  prince  de  Schwarzenberg  aurait  pu 
fournir  à  son  souverain  s'il  était  venu  ii  l'esprit  de  l'empereur  de 
lui  demander  comment,  après  avoir  été  assez  fort  pour  pousser 
l'ennemi  jusqu'aux  portes  de  Lyon,  Bubna  s'était  tout  h  coup 
trouvé  trop  faible  pour  entrer  dans  cette  ville  ouverte. 

20  janvier.  —  Occupation  de  Chambéry  par  Zechmeisler. 

—  Cette  digression  nous  a  forcément  entraîné  loin  des  événe- 
ments dont  la  Savoie  était  le  théîllre,  de  ces  événements  qui, 
malgrt^  son  vif  désir  de  se  décharger  de  toute  responsabilité, 
allaient  néanmoins  forcer  Bubna  à  prendre  une  résolution.  Le 
général  Zechmeister  avait,  en  effet,  occupé  Chambéry  le  20  jan- 
vier et  fait  poursuivre,  sur  la  roule  de  Montmélian,  l'ennemi  qui, 
poussé  vivement  par  la  cavalerie  autrichienne,  ne  s'arrêta,  d'un 
côté,  qu'à  Pontcharra,  sous  la  protection  des  canons  du  fort  Bar- 
raux  et,  de  l'autre,  se  replia  sur  Les  Échelles.  Bubna  se  vil,  par 

1  Schwarzenberg  à  Temperear,  Langres,  S4  janvier.  (If.  A".  KriegtArehir,, 
I,  567.) 


—  :^30  — 

suite,  dans  l'obligation  do  proscriro  à  Zechmoislcr  do  faire  occuper 
Cliaml)éry  par  le  gros  de  ses  forces  *  sans  plus  insister  sur  sa 
propre  situation  h  Pont-d'Ain*.  Bubna  ajoutait  seulement,  dans 
son  rap|)orl  h  Schwarzenherg,  qu'il  faisait  surveiller  les  routes 
de  Lyon  et  de  Grenoble  par  Les  Échelles  et  que,  sur  la  gauche  du 
génc^ral  Zechmeister,  on  observait  Conflans,  Montmélian  et  le 
pont  de  risCîre. 

En  fiiit  de  renseignements  intéressants,  il  apprenait  au  généra- 
lissime qu'il  y  avait,  paraît-il,  100  gendarmes  à  Chalon-sur-Saône, 
qu'on  avait  illuminé  h  Lyon,  le  20,  pour  célébrer  l'arrivée  de  800 
hommes  de  troupes  de  ligne  qui  avaient  porté  l'effectif  des  vieilles 
troupes  présentes  sur  ce  point  k  3,000  hommes.  Il  est  vrai  qu'en 
terminant  il  induisait,  involontairement  assurément,  le  généralis- 
sime en  erreur  en  lui  disant  (rapport  du  22  janvier)  :  «  Le  maré- 
chal Augereau  n'est  pas  encore  de  retour  »,  alors,  qu'au  con- 
traire, le  duc  de  Castiglione  était  précisément  arrivé  h  Lyon 
depuis  24  heures,  avec  quelques  escadrons. 

21  janvier.  —  Retraite  de  Bubna  sur  Pont-d'Ain.  —  Le 

lendemain  2i,  Bubna,  dont  les  avant-postes  allaient  jusqu'en 
avant  de  Miribel  et  qui  s'était  (encore  tenu  la  v(Mlle  avec  son  gros 
î\  Meximieux,  jugea  h  propos,  nous  disent  le^lagesbegehmheiten^, 
de  ramener  son  gros  à  Pont-d'Ain  et  son  avant-garde  h  Meximieux 

«  parce  qu'il  avait  reçu  la  nouvelle  de  la  présence ,îiTournus, 

du  général  Legrand  h  la  tête  d'un  gros  (?)  corps  de  troupes  fran- 
çaises. » 

Combat  de  Chapareillan  et  prise  du  pont  de  Montmélian. 

—  Heureusement  pour  Bubna,  les  affaires  des  Alliés  continuaient 
à  suivre  un  cours  favorable  en  Savoie.  Le  même  jour,  en  effet,  le 
général  Zechmeister  avait  fait  une  démonstration  sur  Grenoble  et 
trouvé  les  Français  en  position  en  avant  du  fort  Barraux,  près  de 


•  liubua  à  Schwarzenberg,  Pont-d'Aiu,  22  janvier.  (K,  K.  Kriegs  Archiv. , 
I,  509.) 

•  Il  est  permis  de  se  demander  comment,  de  Pont-d'Ain,  Bubna  pouvait 
surveiller  ce  qui  se  passait  sur  la  rive  gauche  du  Rhône  et  du  côté  de  la  vallée 
de  l'Isère. 

•  Starkb.  Kinthcilnng  und  Tageshcgebcnheiten  der  Haupt-Armeo  im  Monate 
Jauuar.  (K,  K.  Kriegt  Arehir,,  l,  30.) 


—  331  - 

Chapareillan,  ofi  ils  avaûml  h  ce  momonl  GOO  hommes  et  15 
canons.  Mais  il  avait  forcé,  d'un  autre  côté,  le  général  Dessaix  h 
repasser  sur  la  rive;  gauche  de  ^Is^re  h  Montmélian  et  h  évacuer 
ce  point  important  dont  le  général  français  n'avait  pas  eu  le  temps 
de  détruire  le  pont.  Malgré  tous  les  efforts  des  Français,  Z(»ch- 
meister  avait  réussi  à  rester  maître  de  ce  pont  qui,  gardé  par 
3  compagnies  sous  les  ordres  du  colonel  Benczek,  lui  assurait  un 
passage  sur  Tlsère  oX  lui  ouvrait  la  route  du  Mont-Cenis. 

Enfin,  poussant  le  même  jour  un  détachement  dans  le  massif 
des  Bauges,  par  le  col  de  Tamines,  il  avait  occupé  en  amont  les 
points  principaux  de  la  vallée  de  l'Isère  jusqu'à  Conflans  *  pour 
se  couvrir  sur  sa  gauche. 

A  la  suite  de  son  échec  et  des  mouvements  de  Zechmeister,  le 
général  Dessaix  avait  pris  position  à  la  Chavanne,  dans  la  vallée 
de  l'Arc  et  vis-îi-visde  Montmélian,  sur  la  rive  gauche  de  l'Isère, 
et  paraissait  vouloir  s'y  retrancher  pendant  que  le  général  Mar- 
chand, qui  avait  remplacé  le  général  de  La  Roche  malade  et  man- 
quant de  l'énergie  et  de  l'activité  nécessaires  dans  des  circons- 
tances aussi  critiques,  occupait,  sur  la  rive  droite  de  l'Isère,  la 
fameuse  position  du  maréchal  de  Ber\vi(*k  h  Forl-Barraux,  ap- 
puyant sa  gauche  h  Belle-Combette;  sur  le  massif  montagneux,  sa 
droite  h  Tlsère  avec  un  poste  à  Pontcharra,  destiné  h  assurer 
et  h  couvrir  ses  communications  avec  le  général  Dessaix,  qui 
renouvela  ses  tentatives  de  reprise  du  pont  de  Montmélian,  le; 
lendemain  22,  mais  sans  plus  de  succès  que  la  veille. 

22-23  Janvier.  —  Tentatives  des  Français  contre  le  pont  de 
Montmélian.  —  Le  23,  bien  que  Zechmeister  eût  renforcé  l(»s 
troupes  qui  gardaient  le  pont  de  Montmélian  *,  les  Français 
essayèrent  une  fois  de  plus  de  le  reprendre  ;  le  gros  de  Zech- 
meister alla  h  Chambéry,  moins  2  compagnies  et  2  pelotons  qu'on 
envoya  à  Saint-Thibaud-de-Couz  sur  la  route  de  Lyon  '. 


*  Journal  d'opération  du  général  Zechmeister  et  rapport  de  Bubna  à  Schwar- 
zenberg.  Genève,  26  janvier.  (K.  K,  Kriegs  Archiv.,  l,  594.) 

>  K,  K,  Kriegg  Arehiv,,  I,  894. 

s  11  y  avait  à  ce  moment  800  hommes  et  iO  canons  sur  la  rive  gauche  de 
risère  à  Pontcharra  ;  400  hommes  et  2  canons  à  GonceUn.  Les  Autrichiens 
n'avaient  pas  encore  essayé  de  pénétrer  en  Maurienne.  Leur  avant-garde  se 
tenait  à  Saint-Jeoire,  près  de  l'embranchement  do  la  route  d'Italie  avec  celle  de 


—  332  — 

Pendant  ce  temps,  malgré  tous  les  dangers  de  la  position  de 
Chambéry,  malgré  les  inconvénients  que  Bubna  lui-même  ne  peut 
s'empôcher  de  reconnaître  dans  le  rapport  à  Schwarzenberg, 
auquel  nous  avons  fait  allusion,  Zechmeister  avait  néanmoins 
reçu  l'ordre  d*y  rester  jusqu'à  l'approche  de  grosses  forces  fran- 
çaises. Pour  démontrer  au  généralissime  que  cette  occupation 
n'avait  pas  été  inutile,  Bubna  s*empressa  de  lui  annoncer  que, 
grdce  à  cette  mesure,  on  avait  pu  rendre  la  liberté  à  plusieurs 
officiers  espagnols  prisonniers  qui  y  étaient  internés,  parmi 
lesquels  il  citait  le  lieutenant  général  Renavales  et  le  brigadier 
Manoël  Versarjon  *. 

L'apparition  de  Bubna  devant  Lyon  avait  eu  pour  conséquence, 
en  somme,  heureuse  pour  les  Français,  de  faire  de  cette  ville  le 
point  de  concentration  unique  et  général  de  toutes  les  forces  en 
formation  dans  le  Midi  et  restées  éparses  jusque-lîi  dans  les  diffé- 
rents dépôts.  Le  général  autrichien  se  flattait,  il  est  vrai,  d'avoir 
empêché  par  sa  marche  une  diversion  contre  l'extrême  gauche  de 
la  grande  armée,  diversion  que  les  Français  ne  pouvaient  songer 
h  tenter  à  ce  moment  par  la  simple  raison  que,  comme  nous 
l'avons  vu,  ils  n'avaient  personne  dans  ces  parages.  Au  contraire, 
non  content  d'avoir,  en  jetant  l'alarme,  montré  aux  Français  toute 
rétendue  du  danger  auquel  sa  timidité  seule  leur  avait  permis 
d'échapper,  il  allait  commettre  une  faute  bien  plus  grave  encore 
et  donner  à  Augereau  le  temps  et  la  possibilité  d'organiser  au 
moins  en  partie  les  forces  avec  lesquelles  le  duc  de  Castiglione 
était  appelé  à  tenir  la  campagne,  forces  avec  lesquelles,  s'il  eilt 
encore  eu  son  ancienne  énergie,  il  aurait  pu  glorieusement  con- 
tribuer à  sauver  la  France. 

24  janvier.  —  Mouvements  rétrogrades  de  Bubna.  —  En 
effet,  après  avoir  hésité  longtemps,  depuis  qu'il  s'était  cru  coîï- 
Iraint  de  quitter  les  environs  immédiats  de  Lyon,  Bubna,  n'arri- 
vant pas  à  trouver  du  côte  de  Pont-d'Ain  une  position  qui  lui 


Grenoble  à  Chambéry,  à  peu  de  distance  de  Montmélian.  Du  côté  des  EcheUes, 
les  avant-postes  aatrichiens  étaient  à  Saint-Thibaud-de-Couz  à  ane  bonne 
lieue  de  la  Grotte,  que  le  général  de  Barrai  occupait  avec  350  hommes. 

*  Bubna  à  Schwarzenberg,  Genève,   26  janvier.  (K,  K.  Kriegs  Archiv,, 
l  594.) 


-  333  — 

perniîl  h  la  fois  d'avoir  l'œil  sur  Lyon  <*t  de  couvrir  Chambéry  et 
Genève,  avait  pris  une  grave  résolution.  Dans  les  journées  des  2:2 
et  23  janvier,  il  avait  prescrit  au  colonel  comte  Zichy  de  se  porter 
avec  6  escadrons  et  1  bataillon  de  chasseurs  à  Meximieux,  afin 
de  surveiller  de  là  ce  qui  se  passait  du  côté  de  Lyon  ;  au  colonel 
Wieland,  de  se  tenir  il  Bourg  avec  2  bataillons,  6  escîidrons  et 
1  batterie  à  cheval  avec  mission  d'obser\er  également  Lyon,  de 
maintenir  Tordre  dans  les  départements  de  l'Ain  et  du  Jura,  et 
de  chercher  à  se  relier  par  Dole  et  Lons-le-Saulnier  avec  la 
gauche  de  la  grande  armée  et  plus  particulièrement  avec  la  bri- 
gade du  général  Scheither.  De  faibles  renforts  allèrent  rejoindn^ 
Zechmeister  en  Savoie,  et  Bubna  lui-môme  reporta  son  quartier 
général  à  Genève  *. 

Les  Français  reprennent  le  pont  de  H&con.  «  Pendant  que 
Bubna  envoyait  ces  instructions  au  colonel  Wieland,  le  major 
comte  Saint-Quentin  *  qui,  après  avoir  réussi  à  s'emparer  du  pont 
de  Mûcon,  avait  été  chargé  de  le  garder  avec  un  escadron  et 
demi  de  hussards,  soutenus  par  2  compagnies,  avait  dû,  après 
un  combat  assez  vif,  se  retirer  le  23,  à  5  heures  du  soir,  devant 
les  troupes  du  général  Legrand,  et  avait  été  poursuivi  jusqu'à  la 
tombée  de  la  nuit.  Le  général  Legrand  s'était  alors  arrêté  et 
replié  sur  le  pont  de  MAcon  qu'il  avait  solidement  occupé.  Le 
colonel  Wieland,  informé  par  le  major  Saint-Quentin  de  l'échec 
qu'il  venait  d*essuyer  et  qui  avait  coûté  pas  mal  de  monde  à  son 
petit  détachement,  attaqua  à  son  tour  le  général  Legrand,  le  len- 
demain 24,  et  chercha  à  lui  reprendre  le  pont.  «  Mais  il  ne  put  y 
parvenir,  écrit  Bubna  à  Schwar/enberg,  à  cause  du  peu  d'infan- 
terie dont  il  disposait.  » 


i  St'arke,  Eintheilung  nnJ  Tagesbegebciihcitcn  der  Haupt-Armee  im 
Monate  Janaar.  {K,  K.  Kriegs  Archiv,,  l,  30.) 

Bubna,  en  fait  de  renforts,  n'avait  envoyé  à  Zechmeister  que  3  com> 
pagnies  qui  se  portèrent  sur  la  gauche  de  Zechmeister  à  Faverges.  c<  Un 
bataillon  et  un  escadron,  écrit  il,  vont  demain  (il  s*agit  du  27,  puisque  le 
rapport  auquel  nous  empruntons  ces  renseignements  est  daté  du  S6  (K,  K. 
Kriegs  Archiv.,  I,  594)  en  renforts  à  Rumilly.  C'est  tout  ce  que  j'ai  actuelle- 
ment de  forces  disponibles,  ajoute  Bubna.  » 

*  Bubna  à  Schwarzonlicrg,  Genève,  26  janvier.  (K.  K.  Kriegs  Archiv., 
l,  594.) 


—  334  — 

Première  affaire  de  la  Grotte.  —  En  Savoie,  le  général  Des- 
saix  se  borna  à  tenir  les  Autrichiens  en  éveil  au  pont  de  Montnié- 
lian.  Le  lieutenant-colonel  Waller  (du  régiment  de  hussards 
Liecîhtenstein),  détaché  avec  3  compagnies  et  un  escadron  de 
hussards  pour  attaquer  le  défilé  de  la  Grotte  près  des  Échelles, 
afin  de  s'ouvrir  de  ce  côté  la  grande  route  de  Lyon,  échoua  com- 
plètement dans  son  entreprise.  Il  parvint  néanmoins  à  se  replier 
sur  Saint-Thibaud-de-Couz,  sans  être  inquiété  dans  sa  retraite  *. 

25  janvier.  «-  Position  du  général  Dessaix.  —  Le  âo,  le 

général  Dessaix  continua  îi  manœuvrer  sur  la  gauche  de  Zech- 
meister.  Il  avait  placé  4  canons  et  1500  hommes  à  la  Chavaiuie, 
dans  les  redoutes  élevées  au  débouché  du  pont  de  Montmélian, 
renforcé  sur  la  rive  gauche  de  l'Isère  ses  postes  d'amont 
jusqu'à  hauteur  de  Conilans  et  envoyé  à  Sainte-Hélène-des-Mil- 
lières  un  parti  de  cavalerie  qui  reconnut  et  sonda  les  gués  de 
la  rivière.  Les  Français  avaient  de  plus  renforcé  le  poste  de  la 
Grotte  et  occupé  Pont-de-Beauvoisin,  dont  les  troupes  fourni- 
rent un  avant-poste  à  la  Bridoire*. 

Quant  h  Bubna,  il  continuait  à  annoncer  à  Schwarzenberg 
qu'il  n'y  avait  k  Lyon  que  3,000  hommes  de  troupes;  mais,  au 
lieu  de  faire  soutenir  Zechmeister  partout  son  monde,  ce  qui  eût 
été  logique  et  eût  peut-être  permis  à  ce  général  de  percer  sur 
Grenoble,  il  avait  envoyé  h  Dole  le  lieutenant-colonel  Meninger  et 
un  escadron  de  hussards  de  Wûrzburg,  avec  ordre  de  rejoindre 
le  général  Scheilhcr  qui  paraissait  avoir  besoin  de  cavalerie. 
Bubna  avait,  en  outre,  maintenu  le  général  Klopstein  h  Pont- 
d'Ain  pour  l'employer  de  là  en  raison  des  circonstances. 

26  janvier.  —  Affaire  des  Marches.  —  Le  2G,  les  Fran- 
çais continuèrent  à  renforcer  les  postes  de  la  Grotte  et  de  Pont* 
de-Beauvoisin,  et  pendant  que  le  général  Dessaix  attaquait  de 
front  h^  j)ont  de  Montmélian,  le  général  Marchand,  venant  du  fort 
Barraux  par  les  Marches,  s«»  mettait  en  route  pour  pnîiidre  à  revers 
les  Autrichiens  postés  h  Montmélian.  Mais  il  vint  donner  contre 


i  Tageburli  do  g<>uôral  Zerhiiioister  et  rapport  de  BnLna  à  Schwarzenberg 
du  24  janvier,  {K.  K,  Kriegs  Àrchiv,,  I,  594.) 

*  Id,  in  ibid. 


~  335  — 

une  colonne  d(»  G  c-ouipagnics,  1  esciulrou  vi  i  fanons,  avrc 
laqnelhî  le  g('*n<Tal/(ichnHMstrr,  parli  deSainl-Jeoire,  se  disposait 
h  reeonnaîtni  Fort-Barraux.  Z(M;hnieisler  attaqua  le  général  Mar- 
chand au  moment  où  celui-ci  venait  de  (culbuter  les  avant-postes 
autrichiens,  le  chassii  des  Marches  et  Tohligea  h  se  replier  sur 
Chapareillan.  La  tentative  contre  le  [)ont  de  Montmélian  avait 
échoué  à  la  suite  de  l'échec  éprouvé  par  Marchand  aux  Marches; 
mais  ce  succès  avait  coûté  pas  mal  de  monde  aux  troupes  de 
Zechmeistcr,  qui  lit  néanmoins  occu[)er  ce  jour-lîi  Mouti<Ts  dans 
la  Tarenlaise,  et  qui  reçut  h  Chambéry  un  faibh;  nîiifort  de 
3  escadrons  de  hussards  Liechtenstein  avec  2  obusiers  *. 

Rapport  de  Bobna  à  Schwarzenberg.  —  Pendant  que  Zech- 
meistcr se  maintenait  ainsi  en  Savoie  contre  tous  les  (îtlbrts  des 
généraux  Dessaix  et  Marchand,  Bubna,  se  préoccupant  surtout 
des  moyens  de  rester  en  conimuni<!ation  avec  la  grande  armée, 
écrivait  à  Schwar/enberg  pour  lui  demander  l'autorisation  d'ap- 
puyer ses  lignes  non  plus  à  MAcon,  mais  il  Chalon-sur-Saône.  Il 
faisait  valoir,  entre  autres  raisons,  la  difticulté  d'établir  une  tète 
de  pont  à  Mûcon,  l'avantage  qu'il  y  aurait  pour  lui,  connne  pour 
le  général  Scheither,  à  combiner  leurs  opérations  sur  ChAlon  ; 
mais  en  réalité  Bubna  %  qui  avait  ramené  ses  troupes  sur  Mexi- 
mieux  et  Pont-d'Ain,  chen'hait,  surtout  depuis  que  le  pont  de 
Màcon  avait  été  repris  par  les  Français,  à  rétablir  et  à  assurer 


1  Tagcbuch  da  général  Zcclimeùter  et  Bubua  à  Schwarzenberg,  Genève, 
27  janvier.  (A'.  K.  Kriegn  Archiv.,  I.  618):  Starke,  Eintheilang  und  Tagcs- 
begebcnheiten  der  Haupt-Armee  im  Monate  Janaar  {Ibid.^  1,  30.) 

'  Buboa  arriva  au  résultat  qu'il  s'était  proposé,  et  la  preuve  de  ces  fait) 
ressort  de  la  dépêche  ci-contre,  adressée  par  Sclieitber  à  Scïiwarzenberg  : 

«  I)ùle,  30  janvier  1814.  —  Je  proûte  du  passage  d*un  courrier  pour 
envoyer  des  nouvelles  de  mon  corps  à  Votre  Altesse. 

«  J'ai  été  relevé  liier  du  blocus  d'Aaionne  par  le  feld-maréchaMieatenaiit 
lATon  Wimpfen.  Un  bataillon  d  infanterie  quitte  Salins  le  30  et  sera  le 
i^^  février  à  Dùle  où  j'aurai  le  â  février  toute  ma  brigade  (5  bataillons  de 
chasseurs,  bataiUon  de  Krudi,  chevan-légcrs  de  Vincent  et  6  pelotons  de  hus- 
sards). I>e  là,  je  compte  me  porter  sur  Ctialou-surSaône. 

«  Ma  brigade  éteint  trop  faible  pour  prendre  Ctialon  qui  est  fortement  occupé 
j)ar  Tennemi,  puisque  le  général  Legrand  y  est  avec  4,000  hommes,  le  général 
Wimpfen  me  donne  un  bataillon  d'infanterie 

«  Je  me  relierai  avec  le  détachement  du  colonel  Wielaud.   n  (A'.  A. 

Kriegt Arelwk,,  I,  682.) 


—  336  — 

srs  rommunirationset  h  so  relier  de  plus  on  plus  avec  rarniêe  du 
prince hérilier  de  Hesse-Honibourg.  Il  avail,  d'ailleurs,  encore  une 
autre  raison  pour  insister  sur  cette  question  :  il  aimait  en  effet 
beaucoup  mieux  avoir  à  soutenir  Scheither  dans  son  opération 
contre  Chalon-sur-Saône  qu'à  opérer  pour  son  propre  compte 
et  avec  ses  seules  forces  contre  MAcon.  Les  renseignements  qu'il 
adressait  à  cette  date  au  généralissime,  relatifs  ti  Lyon,  étaient 
en  somme  peu  exacts.  C'est  ainsi  qu'il  estimait,  le  27,  à  6,000 
hommes  les  troupes  régulières  d'Augereau  à  Lyon,  alors  que  la 
veille  encore  il  avait  signalé  à  Schwarzenberg  la  présence  de 
3,000  hommes  seulement  dans  cette  ville  *. 

29  janvier. —Affaire  d'Aiguebellette.— L'arrivée  àChambéry 
de  quelques  renforts,  "quoique  peu  considérables,  permit  à  Zech- 
meister,  qui  sentait  bien  maintenant  qu'il  lui  serait  difficile  de 
déboucher  sur  Grenoble  et  de  s'emparer  de  cette  ville,  de  conti- 
nuer du  moins  ses  opérations  et  de  s'établir  un  peu  plus  solide- 
ment entre  le  Fier,  l'Isère  et  le  Rhône. 

Après  avoir,  le  29,  chassé  sans  peine  le  petit  poste  français 
d'Aiguebellette,  Zechmeister  résolut  d'enlever  les  positions  de  La 
Tour-du-Pin  et  de  Pont-de-Beau voisin,  et  de  s'emparer  surtout 
des  Échelles.  Il  voulait  de  la  sorte  se  ménager  la  possibilité  d'en- 
voyer des  partis  dans  la  vallée  de  l'Isère,  couvrir  la  droite  de 
la  position  de  Chambérv  et  s'ouvrir  la  route  de  Chambérv  à  Lvon. 

I  w  •  » 

Pour  atteindre  le  but  qu'il  se  proposait,  il  lui  fallait  chasser 
d'abord  les  partis  français  de  Lépin,  puis  masquer  Pont-de- 
Beauvoisin  et  se  porter  ensuite  contre  les  Échelles. 

Le  29  janvier,  le  major  Mylius,  avec  4  compagnies  et  un  peloton 
de  hussards,  i)Oussa  par  Bissy  jusqu'au  pied  des  montagnes. 

30  janvier.  —  Affaires  de  la  Grotte  et  des  Échelles.  —  Le 

30,  au  matin,  passant  par  le  col  de  Novalaise,  laissant  à  gauche 
le  lac  d'Aiguebellette,  il  se  porta  par  Saint-Albin  sur  Lépin,  afin 
de  prendre  Tennemi  îi  revers.  Pendant  ce  temps,  une  compagnie 
postée  à  Aiguebellette  devait  occuper  de  front  les  troupes  enne- 
mies établies  à  Lépin,  puis,  à  l'arrivée  du  major  Mylius.  marcher 


'  Bubiia  à  Schwarzenberg,   GcDcve,   27  janvier.    {K,   K.  Kriegs  Arehic, 
\,  618.) 


-  337  — 

(Je  fiiron  h  couper  aux  Franrais  leur  ligne  de  retraite  dans  la 
direction  d*Attignat-Oncin.  Quant  à  Mylius,  il  avait  Tordre,  dès 
quil  aurait  exécuté  celte  partie  de  son  opération,  d'envoyer  sur 
la  Bridoire  un  parti  chargé  de  masquer  complètement  Pont-de- 
Beauvoisin,  et  de  couvrir  par  un  poste  la  route  de  Pont-de-Beau- 
voisin  à  Chambéry  par  Lépin  et  Aiguebellette  ;  le  reste  de  son 
détachement  devait,  d'Attignat-Oncin,  pousser  avec  lui  par  la 
Bauche  sur  Saint-Pierre-de-Genebroz  et  se  porter  de  là  avec  la 
colonne  venant  par  Saint-Thibaud-de-Couz  sur  le  Villard,  alin  de 
coopérer  à  Tattaque  de  la  Grotte  et  des  Échelles.  Le  gros  destiné 
à  l'opération  contre  la  Grotte  se  composait  de  2  bataillons,  un 
escadron  de  hussards  et  une  demi  batterie.  Il  se  forma  le  30, 
un  peu  après-midi,  à  Saint-Thibaud-de-Couz.  2  1/2  compa- 
gnies de  ce  gros,  prenant  par  la  haute  montagne,  par  la  Bauche 
et  chargées  de  côtoyer  la  marche  du  gros,  avaient  pour  mission 
de  se  porter  avec  le  major  Mylius  sur  le  Villard  et  d'atta- 
quer la  Grotte  h  revers  en  débouchant  par  Saint-Christophe. 
Enfin,  une  compagnie  et  demie  était  encore  chargée  de  flanquer  le 
gros  par  Saint-J(»an-de-Couz,  de  descendre  dans  la  vallée  du  Guier, 
lorsque  C(î  gros  aurait  enlevé  la  position  de  la  Grotte,  d'occuper 
le  pont  de  Saint-Martin  et  d'attaquer  Saint-Christophe  par  la 
droite.  L'attaque  de  front  sur  la  Grotte  devait  commencer  à 
3  heures. 

Le  major  Mylius  bouscula  et  dispersa  presque  complètement 
les  quelques  troupes  ennemies  postées  îi  Lépin  ;  le  parti  envoyé 
à  la  Bridoire  poussa  les  Français  jusqu'il  Pont-de-Beauvoisin,  et 
le  major,  avec  le  gros  de  son  petit  détachement,  se  dirigea  alors 
sur  Saint-Pierre-de-Genebroz. 

A  3  heures,  Zechmeisler  faisait  attaquer  de  front  la  position  de 
la  Grotte  pour  attirer  sur  lui  l'attention  de  l'ennemi.  Les  troupes 
françaises  tinrent  bon  jusqu'au  moment  où  elles  furent  prises  h 
revers  par  le  feu  de  quelquc^s  tirailleurs*  qui  avaient  réussi  à 
prendre  pied  sur  les  crêtes  dominant  la  Grotte.  Au  même  moment, 
la  colonne  de  gauche  attaquait  le  pont  de  Saint-Martin,  et  Zech- 


*  Les  tiraillears  avaient  été  gaidés  par  les  habitants.  (Voir  le  rapport  du 
sénateur  Chaptal,  comte  de  Chanteloup,  an  Ministre  de  la  Guerre,  Lyon, 
2  février.  —  ArcfUves  de  la  guerre.) 


—  338  — 

nieister,  prolilant  de  l'hésilalion  niarquéi»  par  les  Fraiirais, 
enleva  la  Grotte  et  poursuivit  ses  défenseurs  jusque  vers  les 
Échelles. 

La  nuit  était  venue  sur  ces  entrefaites;  déjà  Zechmeister,  sans 
nouvelles  de  la  marche  de  ses  colonnes  de  flanc  que  la  neige 
avait  retardées,  commençait  à  s'inquiéter,  lorsqu'il  entendit  la 
mousqueterie  du  côté  de  Saint-Pierre-de-Genebroz.  Il  ne  tarda 
pas  à  apprendre  que  sa  colonne,  ayant  eu  connaissance  de  la 
prise  du  poste  de  la  Grotte,  s'était  portée  droit  sur  les  Échelles  * 
et  en  avait  chassé  l'ennemi. 


^  u  Le  poste  des  Echelles,  dit  le  général  Marchand  dans  sa  dépêche  au  duc 
de  Feltre,  Grenoble,  S  février,  vient  d'être  enlevé  par  quelques  centaines 
d'Autrichiens,  quoique  la  route  fût  coupée  au-dessous  de  la  Grotte  de  manière 
à  être  entièrement  impraticable.  Nos  soldats  ont  à  peine  tiré  quelques  coups 
de  fusil,  et  une  centaine  ont  jeté  leurs  armes  et  leurs  sacs  pour  se  sauver. 
Cependant  je  regardais  le  poste  comme  imprenable.  Grenoble  est  beaucoup 
plus  aisé  à  enlever  en  ce  moment  (2  février)  que  ne  Tétait  le  poste  des 
Echelles,  et  il  est  impossible  d'en  répondre  avec  de  pareils  soldats.  »  {Archives 
de  la  guerre,) 

Le  général  de  Barrai,  écrivant  le  31  janvier,  à  8  heures  du  soir,  de  Saint- 
Etienne-de-Crossey  au  Ministre  de  la  Guerre,  lui  donnait  encore  plus  de  détails 
sur  l'affaire  de  la  Grotte  et  des  EcheUes  : 

M  J'ai  de  bien  fâcheuses  nouvelles  à  vous  annoncer  :  Tavant-poste  de  la 
Grotte  a  été  attaqué  à  1  h.  1/â  après-midi.  La  fusiUade  a  commencé  assez  vive- 
ment et  je  m'en  félicitais  parce  que  mon  poste  paraissait  inattaquable.  J'y 
voyais  un  moyen  d'aguerrir  mes  jeunes  soldats.  Mais  bientôt  le  combat  s'est 
engagé  vivement,  et  le  poste  de  la  Grotte  s'est  vu  tourne  et  attaqué  de  ciu({ 
côtés  à  la  fois.  Bientôt  j'ai  aperçu  sur  les  montagnes  à  la  faveur  de  la  neige, 
3  colonnes  dont  l'une  descendait  pour  tourner  la  Grotte;  une  autre  se  diri- 
geait par  la  crête  de  la  montagne  qui  domine  les  Echelles  à  portée  de  fusil  ;  la 
3**  m'a  paru  avoir  pour  objet  de  tourner  mon  poste  d'AiguebeUette,  et  en  effi't 
j'ai  vu  qu'il  était  attaqué  de  plusieurs  côtés  et  qu'il  se  repliait  avec  perte. 
Ainsi  les  EcheUes  ont  été  investies  du  côté  de  la  route  qui  mène  à  Pont*dc- 
Beauvoisin  par  la  hauteur  de  la  Commanderie  qui  les  domine  et  par  la  route 
de  la  Grotte,  ce  qui  me  séparait  du  principal  poste  que  j'avais  sur  ce  point. 
J'ai  alors  fait  retirer  une  des  S  pièces  pour  défendre  le  passage  du  pont  des 
Echelles  avec  60  hommes  que  j'avais  à  ma  disposition  dans  cette  partie. 

u  Mais  ces  précautions  ont  été  vaines.  Vers  5  heures  du  soir  feunemi  est 
entré  dans  les  Echelles  par  trois  côtés  malgré  la  fusillade.  Mais  le  nombre  de 
mes  troupes  se  trouvant  réduit  infiniment  par  le  nombre  des  tués,  des  blessés 
et  surtout  des  fuyards,  ce  qui  restait  a  été  poursuivi  à  coups  de  fusil  jusqu'à 
200  pas  au  delà  du  Guier,  et  la  nuit  a  mis  fin  au  comliat. 

ic  Me  trouvant  séparé  des  troupes  de  la  Grotte  et  sachant  que  beaucoup  de 
soldats  avaient  filé  par  le  chemin  de  Miribcl,  j'ai  couru  après  espérant  les 
rallier  pour  défendre  le  passage  du  Grossey.  J'en  ai  rassemble  une  trentaine 

qui  se  sont  échappés  à  la  faveur  de  la  nuit J'apprends  à  l'instant  que  mes 

%  pièces  sont  à  Saint-Laureut-du-Pont  et  j'ai  onJonné  qn'on  les  dirige  sur 


—  339  — 

31  janvier.  Positions  de  Zechmeister.  —  Le  Icnchmiain  81, 
Zechnieisler  faisait  occuper  |)ar  des  postes  Corb(»l,  Sainl-Pierrc- 
d'Entrcniont  et  Eiitremonl-le-Vieux,  et  ses  partis,  descendant  au 
sud  vers  TIsiTC,  poussaient  du  coté  du  nord  jusque  vers  La  Tour- 
du-Pin  *. 

Enfin  le  !«''  février,  un  de  ses  partis  occupait  sur  la  route  de 
Lyon  Pont-de-Beauvoisin,  tandis  qu'un  autre,  poussant  en  avant 
des  Échelles,  passait  par  Voiron  et  battait  le  pays  du  côlé  de 
Voreppe  sur  la  grande  route  de  Grenoble  *. 

Zechmeister  était  donc  à  la  fin  de  janvier  maître  de  toute  la 
vallée  du  Guier,  dcîpuis  sa  source  juscju'à  son  confluent  dans  le 
Rhône,  et  ce  fut  précisément  à  ce  moment  qu'il  reçut  de  Hubna 
l'ordre  de  rester  sur  les  positions  qu'il  occupait  et  d'arrêter  tout 
mouvement  en  avant  '. 

Inaction  de  Bubna  jnsqu  an  4  février.  —  Nous  avons  dit  au 
chapitre  II  que  Schwarzenberg,  après  avoir  modifié  la  composition 
des  forces  employées  sur  sa  gauche  et  dans  le  midi  de  la  France, 
avait  confié  au  princes  héritier  de  Hesse-Hombourg  le  comman- 
dement de  ce  rass(?mblement  considérable  qui  allait  prendre  le 
nom  d'armée  du  Sud.  Il  avait  même  jugé  nécessaire  de  venir  en 
personne  le  24  janvier,  à  Dijon,  s'assurer  de  l'exécution  des 
mesures  qu'il  avait  prescrites,  et  ce  fut  à  la  suite  de  celle  tournée 
du  généralissime  (jne  le  31  janvier  Bubna  avait  cru  devoir  de  son 
côté  arrêter  Zechmeister*  qui  se  préparait  à  poursuivre  le  général 
Dessaix  alors  en  pleine»  retraite»  sur  Grenoble. 


Voreppe  par  Foinmiors.  J'ignore  le  sort  des  restes  du  poste  de  la  Grotte  et  je 
doute  qu'il  me  reste  assez  de  monde  pour  défendre  les  passages  de  Saint- 
Etienne-de-Crossey  qui  mônent  à  Voiron  et  le  col  de  la  Placette  qui  mùne  à 
Voreppe.  » 

Augereau  et  Saint*Vallier  n'étaient,  d'aiUeurs,  guôre  plus  rassurants  ;  le  pre- 
mier disait  :  ce  Tous  les  passages  qui  couvrent  Grenoble  et  Lyon  sont  pris,  et 
l'ennemi  s'est  renforce  sur  Montméliaii.  »  Le  second  écrivait  :  «  Nos  troupes 
se  sont  retirées  à  Saint-Etienne-de-Crossey  et  au  col  de  la  Placette,  positions 
qui  couvriraient  Voiron  et  la  route  de  Grenoble  si  nos  soldats  inspiraient  plus 
de  confiance  à  leurs  chefs.  » 

^  Tagebuch  du  général  Zechmeister,  et  Starke,  Eintheilung  und  Tagesbe- 
gebenheiten  der  Haupt-Armee  im  Monate  Januar.  {K,K.  Kriegt  Arckiv,,  1,30.) 

'  St'àrkb,  Eintheilung  und  Tagesbegebcnheiten  der  Haupt-Armee  ini  Monate 
Januar.  (Ibid.,  11,  1.) 

s  Bubna  à  Schwarzenberg,  Genève,  4  février.  (Ibid.,  11^  8i.) 

*  Bien  que  Bubna  n'ait  à  ce  moment  remporté  des  avantages  qu'en  Savoie» 


—  340  — 

Quoique  d'une  durée  assez  courte,  ce  temps  d'arrêt,  aussi 
imprévu  qu'inexpliqué,  s'était  produit  fort  îI  propos  pour  le  maré- 
chal Augereau.  Rappelé  à  Lyon  par  la  marche  de  Bubna  sur 
cette  ville,  il  y  était  arrivé  le  21  janvier  avec  les  quelques  troupes 
qu'il  avait,  avec  grand  peine,  réussi  h  ramasser  à  Valence  et  sur 
sa  route. 

Il  lui  était  malheureusement  encore  impossible  de  se  confor- 
mer aux  ordres  de  l'Empereur,  de  couvrir  Lyon  en  se  portant  en 
avant  sur  les  routes  de  MAcon  et  de  Tarare,  pendant  que  sur  sa 
droite  il  aurait  fait  solidement  occuper  Chambéry,  qui  était  déjà 
aux  mains  -des  Alliés,  Grenoble  et  Vienne.  A  la  date  du  25  jan- 
vier la  division  Musnier  ne  comptait,  en  effet,  que  2,761  hommes, 
et  les  troupes  employées  en  Savoie  et  du  côté  de  Grenoble  ne 
s'élevaient  elles-mêmes,  avant  les  affaires  dont  nous  venons  de 
parler,  qu'à  5,361  hommes.  Aussi,  bien  que  les  renforts  en 
marche  ne  fussent  pas  encore  sur  le  point  d'arriver,  tout  au 
moins  en  ce  qui  concerne  les  vieilles  troupes,  bien  que  la  tête  de 
colonne  de  la  division,  venant  de  l'armée  de  Catalogne  ne  dût 
le  rejoindre  que  vers  le  milieu  de  février,  cette  inconcevable  in- 
terruption des  opérations  des  Alliés  n'en  fut  pas  moins  essentiel- 
lement favorable  h  Augereau.  Le  temps  seul  pouvait  lui  per- 
mettre de  compléter  l'organisation  de  ses  troupes,  d'achever  la 
formation  de  ses  bataillons  mobilisés  de  gardes  nationales,  de 
hAler  la  création  de  quelques  corps  de  partisans  et  d'un  certain 
nombre  de  compagnies  franches.  Il  ne  sut  malheureusement  pas 
profiter  de  cette  fortune  inespérée. 

En  l'appelant  au  commandement  de  l'armée  de  Lyon,  l'Empe- 
reur avait  généreusement  oublié  les  défaillances  passées  du  maré- 
chal, son  insuffisance  pendant  les  derniers  jours  de  la  campagne» 
de  1813,  pour  ne  se  souvenir  que  du  brillant  soldat  de  Lodi,  de 
Castiglione  et  d'Arcole.  Organisateur  médiocre,  Augereau  ne 
possédait  plus  aucune  de  ses  anciennes  qualités.  Mécontent  et 


où  il  n*avait  que  fort  peu  de  monde,  il  n*eD  est  pas  moins  certain  que  la  dis- 
persion de  ses  forces  failUt  lui  être  funeste,  lorsque,  obligé  de  se  renfermer 
dans  Genève,  devant  l'offensive  momentanée  d'Augereau,  il  fut  un  instant 
sérieusement  menacé.  On  doit,  par  suite,  reconnaître  que  Clausewilz  a  raison 
lorsqu'il  condamne  dans  sa  Critique  $tratigique,  toutes  les  opérations  secon- 
daires de  Scbwarzenberg  et  en  particulier  le  détachement  de  troupes  en 
Savoie. 


—  341  — 

décourag(^.  indécis  ol  raisonneur,  l(^  maréchal,  loin  de  repondre 
à  la  confiance  de  celui  qui,  en  devenant  son  souverain,  n*avait 
jamais  cessé  d'être  son  ami,  n'osera  même  pas  se  conformer  h  des 
instructions  d'une  incomparable  netteté.  Bien  que  sa  responsabi- 
lité fût  couverte  par  des  ordres  formels,  il  ne  doimera  pas  une 
seule  fois,  pendant  toute  la  dun'^e  de  cette*  campagne  qui  eût  pu 
immortaliser  son  nom,  la  moindre  preuve  de  cette  énergie  instinc- 
tive qui  avait  fait  sa  gloire,  de  <îet  élan  irrésistible  qu'il  îivait  su 
imprimer  jadis  aux  soldats  de  sa  division,  de  cette  confiance 
aveugle  dans  le  succès  final  qu'il  avait  eu  un  jour  la  gloire  de 
faire  partager  et  d'inspirer  h  Bonaparte. 


—  3i2  — 
CHAPITRE  VI. 

BniENNE   ET   LA    ROTHIÈnE   (26  JANVIER.  —  3  KÉVRIER). 

26  janvier.  —  Situation  générale  de  la  France  et  de  l'Em- 
pereur. —  Au  moment  où  Tempereur  Napoléon  et  Blficher 
arrivent  presque  simultanément  sur  la  Marne,  l'état  matériel  et 
moral  des  armées  françaises  et  coalisées  présente  des  particula- 
rités tellement  exceptionnelles,  qu'on  ne  saurait  entreprendre 
Fexposé  des  opérations  avant  d'avoir  jeté  un  coup  d'œil,  d'une 
part  sur  la  situation  qu'un  concours  de  circonstances,  plus 
fâcheuses  les  unes  que  les  autres,  avait  faite  à  l'Empereur,  de 
l'autre  sur  l'intensité  des  différents  courants  politiques  qui,  bal- 
lottant le  quartier  général  des  souverains,  modifiaient  tour  à  tour, 
et  dans  les  directions  les  plus  diverses,  la  nature  et  le  caractère 
des  opérations  des  armées  alliées. 

Jamais  général  en  chef  n'avait  été  plus  insuffisamment  secondé, 
jamais  souverain  n'avait  été  plus  mal  servi  que  Napoléon  pen- 
dant les  quelques  semaines  qui  s'étaient  écoulées  depuis  la 
reprise  des  hostilités  et  cependant,  malgré  les  symptômes  signi- 
ficatifs qui  avaient  dû  frapper  un  esprit  aussi  observateur  que  le 
sien,  il  ne  pouvait  encore  se  résigner  h  admettre  que  l'ingrati- 
tude, produite  par  le  découragement  et  la  satiété,  eût  jeté  de  si 
profondes  racines  dans  le  cœur  de  ceux  qu'il  croyait  s'être  atta- 
chés à  tout  jamais  par  d'incessants  bifînfaits.  Il  se  refusait  à 
croire  que  les  soldats  de  fortune  qu'il  avait,  en  récompense  de 
leurs  ser\ices,  couverts  d'honneurs,  comblés  de  dignités,  enri- 
chis par  des  donations,  qu'il  avait  faits  maréchaux  d'Empire, 
ducs  et  princes,  qui  lui  devaient  tout,  jusqu'h  leur  gloire,  lassés 
de  combattre,  resteraient  froids  et  indifférents  en  présence  du 
péril  qui  menaçait  le  pays.  Il  ne  voulait  pas  se  faire  î\  l'idée  que, 
croyant  avoir  suffisanmient  payé  leur  dette  h  hîur  bienfaiteur  et  à 
la  France  et  semblables  aux  courtisans  arrivés  au  faîte  des 
grandeurs,  ils  n'aspiraient  plus,  pour  la  plupart,  qu'à  un  repos 
leur  permettant  de  jouir  en  paix  d'un  bien-<Mre  et  de  richesses 
qu'ils  devaient  h  sa  générosité.  Leur  zMe  s'était  refroidi,  leur 
dévouement  s'était  affaibli  depuis  le  moment  où  ils  avaient  constaté 
que  l'astre  du  grand  capitaine  déclinait.  Les  neiges  et  les  glaces 


-  3^  -- 

(Ift  riiivor  (le  1812  avaient  éteint  dans  leur  cœur  les  dernii'^res 
lueurs  des  belles  et  grandes  ardeurs  do  1806,  1807  el  1809.  La 
retraite  de  Russie  et  le  désastre  de  Leipzi{ç  avaient  ébranlé  la 
foi,  jusque-là  aveugle,  des  maréchaux  dans  la  fortune,  dans  le 
génie  et  dans  l'invincibilité  du  plus  illustre  des  hommes  do 
guerre. 

Mécontents  et  découragés,  ils  déployaient  une  mollesse  inusitée 
dans  l'exercice  du  commandement;  ils  apportîiient  une  négli- 
gence condamnable  et  une  mauvaise  volonté  presque  criminelle 
dans  l'exécution  des  ordres  grâce  auxquels  l'Empereur  espérait 
parvenir  h  sauvegarder  l'intégrité  du  territoire  national.  Con- 
vaincus de  la  stérilité  de  la  lutte  que  Napole^on  était  décidé  h 
soutenir  et  do  l'impossibilité  de  sauver  h»  pays,  ils  préparaient, 
inconsciemment  sans  aucun  doute,  sa  perte,  en  renseignant  incom- 
plètement l'Empereur  et  en  désespérant  d'une  situation  assuré- 
ment grave,  mais  qu'ils  croyaient  superflu  d'examiner  et  d'ap- 
profondir. 

Motifs  de  renvoi  de  Berthier  aux  avant-postes.  —  État 
d'esprit  des  maréchanx.  —  C'est  pour  cela  même  que,  guidé 
par  son  merveilleux  instinct  des  choses  de  la  guerre,  l'Empereur, 
retenu  h  Paris  par  la  tAche  complexe  qu'il  avait  à  remplir,  par 
la  solution  de  questions  urgentes  et  par  les  difficultés  de  toutes 
sortes  qu'il  lui  fallait  aplanir  et  surmonter  avant  de  rejoindre 
l'armée,  avait  fait  partir  Berthier  le  20  janvier  pour  les  avant- 
postes.  C/est  pour  cela  aussi  que  le  major  général  avait  essayé  de 
reporter  les  maréchaux  en  avant  et  obligé  Victor  à  livrer,  quoique 
sur  une  position  défavorable,  les  combats  de  Saint-Aubin  et  de 
Ligny.  Napoléon  espérait,  et  par  ses  reproches  et  par  les  instruc- 
tions qu'il  avait  chargé  le  major  général  de  leur  transmettre,  ré- 
veiller le  zèle  de  ses  lieutenants,  qui  depuis  l'entrée  des  Alliés 
en  France  s'étaient  complus  dans  une  impardonnable  mollesse, 
s'étaient  renfermés,  pour  la  première  fois,  dans  un  formalisme 
nouveau  chez  eux,  étaient  retombés  dans  des  errements  surannés 
contraires  aux  préceptes  que  Napoléon  pensait  h  bon  droit  leur 
avoir  inculqués,  et  aux  principes  qu'il  n'avait  cessé  d'appliquer 
victorieusement  depuis  près  de  20  ans.  Ils  s'endormaient  dans 
l'inaction  et  la  routine  au  moment  même  où,  pour  employer  une 
des  expressions  de  Clausewitz,  «  il  eût  fallu  s'élever  au-dessus  des 


—  344  -- 

règles  habilufilles  et  remplacer  la  guerre  inélhodique  par  la  plus 
extrême  audace.  »  Malgré  Tinsuffisance  des  moyens  mis  îi  leur 
disposition  et  la  faiblesse  de  leurs  troupes,  les  maréchaux,  h 
Texception  du  duc  de  Trévise,  auraient  pu,  nous  Tavons  signalé, 
tirer  parti  des  obstacles  naturels  qui  séparent  la  vallée  du  Rhin 
des  plaines  de  Champagne.  Et  cependant  ils  avaient  abandonné, 
presque  sans  combat,  le  Hunsrûck  et  les  Vosges,  le  Jura  et  les 
Ardennes,  la  Sarre  et  la  Moselle,  la  xMeuse  et  la  forôt  de  TArgonne. 
Ils  n'avaient  pas  une  seule  fois  essayé  de  profiler  des  fautes,  si 
nombreuses  pourtant,  des  lenteurs  inespérées  de  leurs  adversaires 
et  du  morcellement  si  fréquent  de  leurs  troupes.  Ils  n'avaient  même 
pas  une  seule  fois  fait  mine  de  s'arrêter.  Perdant  complètement 
de  vue  le  but  final,  ils  n'avaient  pas  su,  pas  voulu  régler  leurs  mou- 
vements, non  seulement  sur  ceux  de  l'ennemi,  mais  même  sur  ceux 
de  leurs  collègues.  Us  avaient,  h  maintes  reprises,  laissé  échapper 
l'occasion  d'infliger  un  échec  partiel  à  l'ennemi,  de  contrarier 
ses  projets  en  arrêtant  ou  tout  au  moins  en  ralentissant  sa  marche 
et  de  procurer  à  leur  chef,  ii  leur  souverain,  le  temps  dont  il 
avait  besoin  pour  parvenir  îi  s'opposer  avec  quelques  chances  de 
succès,  et  îi  la  tête  de  forces  h  peu  près  suffisantes,  aux  opéra- 
tions des  Alliés.  S'il  leur  était  impossible,  nous  n'hésitons  pas  î\ 
le  reconnaître,  de  se  conformer  strictement  au  programmé  tracé 
par  l'Empereur  et  de  parvenir  à  tenir  Venneini  loin  de  la  Marne 
jmquau  12  février,  comme  Napoléon  l'avait  prescrit  îi  Victor*, 
rien  en  revanche  ne  leur  était  plus-  aisé  que  de  porter  fréquem- 
ment le  trouble  dans  les  colonnes  qiCill^aient  devant  eux,  et  de 
leur  faire  perdre  les  huit  h  dix  jours  qui  auraient  complètement 
changé  la  face  des  choses  et  empêché  la  situation  de  revêtir  le 
caractère  d'extrême  gravité  qu'elle  avait  au  moment  où  Napoléon 
arriva  h  Chi\loiis. 

Conséquences  de  la  retraite  précipitée  des  maréchaux.  — 

C'est  en  cela  surtout  que  consiste  la  faute,  commise  par  Victor, 
Marmont  et  Ney,  dans  leur  retraite  précipitée  et  égoïste  vers  la 
Marne.  On  a,  non  sans  raison,  fait  remarquer  que  l'Empereur 
était  arrivé  trop  tard  h  ChAlons,  et  que  sa  présence  à  l'armée 
aurait  amené  de  tout  autres  résultats,  s'il  avait  pris  en  personne 


*  Marmont.  Mémoire». 


-  346  — 

la  direction  des  opérations  dès  le  20  janvier.  «  Il  est  h  regretter, 
ainsi  s'exprime  A.  G.,  l'ancien  élève  de  l'Ecole  polytechnique 
auquel  nous  devons  les  remaniuables  travaux  sur  les  Maximes 
de  Napoléon,  qu'il  ne  soit  pas  venu  prendre  le  commandement 
de  ses  troupes  huit  jours  plus  tôt.  Il  eût  pu  alors,  négligeant 
complètement  le  gros  de  l'armée  de  Bohême,  rallier  entre  Toul 
et  Nancy  Victor  et  Marmont,  les  renforcer  des  troupes  de  Ney  et 
de  Mortier,  et  reprendre,  avec  près  de  40,000  hommes,  Toftensive 
contre  Blûcher,  le  rejeter  au  delà  de  la  Moselle  et  jusque  sur  la 
Sarre,  malgré  Taide  que  le  feld-maréchal  aurait  pu  recevoir  de 
l'aile  droite  de  l'armée  de  Bohême.  Puis,  débarrassé  de  Blûcher, 
Napoléon,  ralliant  alors  Macdonald  et  ses  nouvelles  formations 
entre  Bar-le-Duc  etChàlons,  se  serait  retourné  contre  Schwarzen- 
berg,  dont  la  position  aurait  été  d'autant  plus  périlleuse  qu'il 
aurait  pénétré  plus  avant  dans  les  bassins  de  la  Seine  et  de  la 
Marne.  A  la  tète  de  60,000  hommes,  il  l'aurait  forcé  îi  reculer  ou, 
tout  au  moins,  empêché  d'avancer*.  » 

Il  est  incontestable  que  ce  plan,  qui  est,  d'ailleurs,  h  peu  de 
chose  près  celui  que  Napoléon  allait  adopter  quelques  jours 
après  La  Rothière,  eût  produit  à  ce  moment,  du  20  au  25  janvier, 
les  résultats  qu'enregistre  A.  G.,  résultats  infiniment  plus  consi- 
dérables que  ceux  que  la  belle  marche  de  l'Empereur  contre 
Blûcher  allait  amener  quinze  jours  environ  plus  tard.  Mais  il 
nous  semble  qu'on  doit  moins  reprocher  c^i  Napoléon  d'être  resté  îl 
Paris,  où  sa  présence  jusqu'au-  defnier  moment  était  indispen- 
sable pour  poun'oir  à  tou|5de§  besoins  et  achever  les  nouvelles 
formations,  qu'à  Mannont,  à  Ney  et  surtout  à  Victor  d'avoir 
brusqué  leur  retraite  au  point  d'avoir,  dans  leur  précipitation, 
négligé  de  détruire  les  ponts  de  Frouard,  de  Bouxières  et  de 
Pont-à-Mousson,  et  de  s'être  repliés  sans  donner  une  direction 
rationnelle  et  uniforme  à  leurs  mouvements,  sans  avoir  fixé  à 
l'avance  un  point  de  ralliement  général  et  sjins  avoir  tenté  le 
moindre  retour  offensif.  Il  nous  semble,  en  effet,  que  s'ils  avaient 
seulement  songé  h  se  concerter  entre  eux  et  à  concentrer  sur  un 
point  donné  leurs  efforts  et  leurs  troupes,  ces  maréchaux  auraient 
pu  au  moins  relarder  suffisamment  la  marche  des  Alliés  pour 
(ju'en  arrivant  à  Ch«11ons  le  26  au   matin,  l'Empereur  pût,  en 


*  A.  G.,  Maxime»  tle  Napoléon,  page  11. 


—  346  — 

raison  même  des  positions  occupées  par  des  adversaires  rendus 
naturellement  plus  hésitants  et  plus  circonspects  par  la  iH^sis- 
tance  qu'ils  auniient  trouvée  en  chemin,  diriger  ses  premiers 
coups  contre  Blûcher,  encore  séparé  de  Tarmée  de  Bohême.  Il 
avait  alors  de  grandes  chances  de  lui  infliger  une  défaite  dont 
l'effet  immédiat  et  les  conséquences  ultérieures  eussent  été  d'au- 
tant plus  considérables  que  cet  échec  aurait  servi,  aux  détrac- 
teurs et  aux  ennemis  du  feld-maréchal,  d'argument  irréfutable 
pour  anéantir  h  jamais  son  influence  et  pour  imposer  silence  pen- 
dant tout  le  reste  de  la  campagne  aux  voix  qui,  dans  les  conseils 
des  souverains  alliés,  ne  cessèrent  de  défendre  et  tirent,  en  fin 
compte,  triompher  la  cause  de  Foffensive.  "* 

Observations  sur  le  choix  de  Chftlons  comme  point  de 
concentration .  — On  a  d'autre  part  critiqué,  mais  h  tort,  d'après 
nous,  le  choix  fait  par  l'Empereur  de  ChAlons  comme  point  de 
réunion  générale  des  troupes  qu'il  rassemblait.  On  a  prétendu, 
avec  Clausewitz,  qu'au  lieu  de  se  décider  h  combattre  les  Alliés 
entre  la  Marne  et  l'Aube,  Napoléon  aurait  dû  choisir  dés  le  début 
de  la  campagne  une  position  au  sud-est  de  Paris  et  se  concentrer 
dans  le  bassin  de  la  haute  Seine  sur  une  position  défensive,  en 
arriére  du  canal  de  Bourgogne,  prés  de  Dijon,  appuyée  sur 
Auxonne  et  Besançon  et  couvrant  la  route  de  Paris  à  Lyon.  Mais 
en  admettant,  môme  pour  un  moment,  que  Napoléon  eût  pris  en 
personne  le  commandement  des  forces  massées  sur  ce  point,  il 
n'aurait  pu  y  amener  et  y  réunir  qu'une  armée  bien  inférieure  en 
nombre  h  celle  de  Schwarzenberg.  De  plus,  au  moment  même  où 
des  considérations  do  toute  nature  lui  imposaient  le  devoir  de 
couvrir  sa  capitale,  il  aurait,  en  venant  se  poster  sur  ce  point 
excentrique,  ouvert  h  Blucher  la  route  de  Metz  h  Paris,  abandonné 
sans  défense  la  grande  ville  où  grondait  déjà  sourdement  un 
orage  auquel  lui  seul  était  capable  de  tenir  tête  et  fourni  un  ar- 
gument sans  réplique  aux  menées  occultes  des  agents  royalistes, 
aux  intelligences  que  les  émissaires  des  Alliés  et  des  Bourbons  y 
entretenaient,  h  l'agitation  qu'ils  y  fomentaient  et  h  l'opposition 
de  i)lus  en  plus  accentuée  qu'ils  avaient  su  y  créer.  Prendre  posi- 
tion vers  Dijon,  s'éloigner  de  Paris  au  point  de  ne  pouvoir,  après 
avoir  battu  Schwarzenberg,  revenir  sur  Blûcher  avant  l'appari- 
tion des  colonnes  de  l'armée  de  Silésie  en  vue  de  Paris,  c'eût  été 


fournir  h  la  coalition  dos  armos  dont  olle  n'oftl  i)as  nianiiuô  do  se 
servir.  Sans  ni^mo  essayer  do  reconstituer  ce  qui  aurait  pu  se 
passer  alors  dans  les  conseils  des  souverains,  il  est  permis  d'af- 
firmer que  BIflcher,  cette  incarnation  vivante  de  Toffensive  dans 
les  armées  alliées,  aurait  d'autant  moins  hésité  h  laisser  Schwar- 
zenberg  supporter  h  lui  seul  tout  le  poids  des  efforts  de  l'Empe- 
reur, que  d^s  le  mois  de  novembre  1813,  le  feld-maréchal  prus- 
sien et  ses  collaborateurs  les  plus  intimes  étaient  déjà  intimement 
persuadés  qu'il  n'y  avait  qu'un  seul  moyen  d'en  finir  sûrement  et 
rapidement  avec  Napoléon,  et  s'étaient  infructueusement  efforces 
do  convaincre  les  souverains  de  la  nécessité,  de  la  réussite  certaine 
et  de  l'infaillibilité  d'une  marche  immédiate  sur  Paris.  En  dépit 
des  ordres  les  plus  formels,  malgré  les  échecs  qu'aurait  pu 
éprouver  l'armée  de  Bohème,  au  risque  de  s'exposer  en  fin  de 
compte,  s'il  eût  été  abandonné  h  ses  propres  forces,  à  une  catas- 
trophe et  à  un  anéantissement  complet,  Blrtcher  n'aurait  pas 
manqué  de  profiter  d'une  circonstance  qu'il  appelait  do  tous  ses 
vœux.  Libre  de  toute  entrave,  prenant  un  élan  nouveau,  il  ne  se 
serait  pas  laissé  détourner  de  la  route  directe  et  aurait  poussé  h 
marches  forcées  sur  Paris  qu'il  aurait  trouvé  dégarni  de  troupes 
et  livré  sans  défense  h  ses  coups. 

Erreur  de  l'Empereur  relative  à  l'effectif  des  armées 
alliées.  —  Il  faut  toutefois  reconnaître  que  l'Empereur  a  com- 
mis une  erreur  de  calcul  et  que,  malgré  la  difficulté  des  temps  et 
l'épuisement  du  pays,  il  se  berçait  d'illusions,  lorsque  h  son  re- 
tour il  Paris,  en  novembre  1813,  et  plus  tard,  même  en  dépit  de 
la  résistance  qu'il  rencontra  de  la  part  du  Corps  législatif,  il  per- 
sistait à  croire  qu'il  parviendrait,  en  soulevant  le  pays  entier,  h 
réunir  en  quelques  mois  une  grosse  armée  h  la  tète  de  laquelle  il 
lui  serait  possible  de  tenir  tête  aux  masses  des  Alliés  et  de  dé- 
fendre victorieusement  sur  les  champs  de  bataille  les  destinées 
de  sa  dynastie  et  l'intégrité  du  territoire  national. 

Ce  n'est  pas,  comme  l'a  avancé  Clausewitz,  parce  que  ses  con- 
quêtes et  ses  triomphes  passés  l'avaient  rendu  aveugle  et  pré- 
somptueux et  parce  qu'il  professait  pour  la  valeur  d'un  adversaire 
qu'il  connaissait  de  longue  date,  un  souverain  mépris,  qu'il  ne 
rappela  pas  de  Catalogne  l'armée  de  Suchet  ;  qu'au  lieu  de  faire 
revenir  le  prince  Eugène  d'Italie,  il  lui  prescrivit,  au  contraire. 


—  348  - 

(le  chercher  à  prendre  l'offensive  contre  Bellegîirde;  qu'il  laissa 
Maison  tenir  la  campagne  en  Belgique  et  qu'il  envoya  môme  des 
troupes  en  Savoie,  du  côté  de  Lyon  et  sur  TYonne.  La  politique  a 
des  exigences  qu'un  chef  d'État  ne  saurait  fouler  aux  pieds. 
N'ayant  pas  renoncé  à  l'espoir  d'arriver,  après  une  victoire,  à 
une  entente  par  la  voie  diplomatique,  l'Empereur  tenait  à  signer 
une  paix  honorable.  Le  grand  homme  de  guerre  qui  avait  pro- 
mené il  travers  l'Europe  ses  aigles  victorieuses,  celui  qui  naguère 
encore  tenait  entre  ses  mains  les  destinées  du  monde  civilisé,  ne 
pouvait  apposer  son  nom  au  bas  d'un  traité  qui  aurait  avili  la 
France  et  l'aurait  humiliée  en  la  réduisant  au  rang  de  puissance 
de  deuxième  ordre.  Enfin,  l'empereur  Napoléon  ne  pouvait  se  ré- 
soudre h  des  concessions  aussi  dures  qu'inutiles  et  se  résigner  à 
des  sacrifices  aussi  pénibles  que  stériles;  car,  laissant  même  de 
côté  la  question  dynastique,  l'abaissement  de  la  France,  en  détrui- 
sant l'équilibre  européen,  loin  d'assurer  la  paix  au  monde,  aurait 
donné  naissance  h  de  nouvelles  complications  et  amené  h  courte 
échéance  de  nouveaux  désastres  et  de  nouvelles  guerres.  L'empe- 
reur Napoléon,  dans  la  situation  que  deux  campagnes  malheu- 
reuses, suivies  de  l'entrée  en  France  des  Alliés,  lui  avaient  faite, 
ne  pouvait  plus  que  chercher  à  rassembler  les  forces  strictement 
suffisantes  pour  livrer  le  plus  tôt  possible  aux  Alliés  une  bataille 
otfensive,  par  cela  même  qu'il  lui  fallait  avant  tout  provoquer  un 
résultat  décisif. 

Les  fautes  commises  par  les  maréchaux  et  l'obligation  dans 
laquelle  il  s'était  trouvé  de  masser  ses  troupes  à  ChAlons,  h  cause 
de  la  disposition  des  esprits  à  Paris,  ne  lui  laissaient  plus  d'ail- 
leurs, du  moment  où  ses  adversaires  étaient  arrivés  sur  les  bords 
de  la  Marne,  la  possibilité  de  retarder  une  bataille  qu'il  avait  au 
contraire  intérêt  h  livrer  dans  le  plus  bref  délai  possible.  Il  im- 
portait, en  effet,  de  prévenir  une  concentration  générale  des  Alliés 
et  de  les  empêcher  de  se  faire  rejoindre  par  les  corps  poussés  sur 
Saint-Dizier,  Vassy  et  Joinville,  par  ceux  qui  venaient  de  Chau- 
mont  et  des  environs  de  Troyes,  et  par  ceux  qui,  comme  Witt- 
gensteinet  York,  arrivaient  de  la  Sarre  et  de  la  Moselle  ou  qui 
auraient  pu  être  rappelés  de  Dijon,  comme  ceux  placés  sous  les 
ordres  du  prince  héritier  de  Hesse-Hombourg. 

Motifs  de  la  marche  de  l'Empereur  sur  Saint-Dizier.  — 


—  349  — 

A  son  arrivée  à  Châlons,  Napoléon  trouve  Tarniée  alliée  en  train 
de  se  masser  sur  l'Aube.  Il  prend  aussitôt  le  seul  parti  rationnel 
et  logique  :  celui  de  se  porter  de  suite  contre  les  troupes  les  plus 
rapprochées  de  lui.  Il  espère  parvenir  encore  à  réparer  les  fautes 
de  ses  lieutenants  en  tombant  sur  les  corps  alliés  avant  qu'ils 
aient  pu  achever  leur  concentration.  Il  veut  écraser  ce  qu'il  ren- 
contrera à  Saint-Dizier  et  se  porter  immédiatement  contre  Bli'i- 
cher,  encore  seul  à  Brienne. 

Il  nous  semble,  en  effet,  que  si  TEmpereur  a  commencé  par 
marcher  sur  Saint-Dizier,  c'est  évidemment  parce  qu'il  se  ména- 
geait, de  cette  façon,  une  dernière  chance  de  tomber  sur  les 
colonnes  ennemies  échelonnées  le  long  de  la  Marne,  vers  Chau- 
monl  et  Langres.  Av(îc  ce  coup  d'œil  qui  lui  permet  d'apercevoir 
ce  qui  échappait  à  tout  autre,  avec  cette  rapidité  de  conception 
qui  est  le  propre  de  son  génie,  avec  cette  décision  immédiate, 
mais  raisonnée  cependant,  à  laquelle  il  a  dû  tant  de  victoires, 
nous  le  verrons  changer  ses  ordres  dès  le  moment  où  il  aura 
connaissance  do  la  marche  de  Blficher  vers  l'Aube,  que  le 
feld-maréchal  s(»  propose  de  passer  ii  Lesmont,  et,  sans  perdre 
une  minute,  il  lui  courra  sus  par  la  roule  directe  de  Monlier- 
en-Der. 

Ce  sont  lii  autant  de  mesures  qu'il  est  obligé  de  prendre  séance 
tenante,  parce  que,  jusqu'au  moment  même  de  son  arrivée  h 
Chîllons  (la  correspondance  est  U\  pour  le  prouver),  aucun  des 
maréchaux  n'a  songé  à  chercher  à  découvrir  les  intentions  et  les 
mouvements  de  l'ennemi.  Et  cependant  on  a  reproché  à  l'Empe- 
reur une  irritabilité  nerveuse  et  des  emportements  bien  naturels 
et  bien  explicables  en  présence  de  l'apathie  et  de  la  mollesse  de 
ses  lieutenants,  en  présence  de  la  gravité  de  la  situation,  en  pré- 
sence des  soucis  dynastiques  et  des  préoccupations  militaires 
sous  le  poids  desquels  tout  autre  que  lui  aurait  succombé. 

Pour  prendre  un  parti  délinitif,  il  n'avait  manqué  h  l'Empereur 
que  la  connaissance  exacte  de  la  situation  et  que  des  renseigne- 
ments qu'il  va  se  procurer  en  personne.  Sa  présence  va  réveiller 
le  patriotisme  des  populations,  rendre  au  soldat  la  confiance  dans 
ses  chefs  et  imprimer  aux  opérations  cette  direction  forte,  éner- 
gique et  unique  dont  elles  avaient  été  privées  par  les  rivalités  et 
les  dissentiments  des  maréchaux. 


—  350  - 

Situation  au  quartier  général  des  Alliés.  —  Arrivée  de 
Fempereur  de  Russie.  —  Si  l^arrivéc  de  Napoléon  h  rarinéc 
allait  mettre  un  terme  aux  incertitudes,  aux  timidités  et  aux  hési- 
tations, la  présence  à  Langres  de  Tempereur  de  Russie,  où  il 
était  depuis  le  22,  ne  devait  pas  suffire  pour  assurer  aux  opéra- 
tions des  Alliés  une  cohésion  et  un  ensemble  qu'il  est  toujours 
difficile  d'obtenir  dans  une  armée  composée  d'éléments  aussi 
multiples,  pour  faire  taire  les  compétitions  de  toute  nature,  pour 
réfréner  les  courants  divers  qui,  se  manifestant  à  tout  moment 
jusque  dans  l'entourage  immédiat  des  souverains,  influaient  fata- 
lement sur  leurs  déterminations,  et  surtout  pour  investir  le  géné- 
ralissime d'un  pouvoir  réel,  au  lieu  de  l'autorité  purement  nomi- 
nale qu'il  avait  exercée  jusque-là.  Alexandre  !•'  n'était  pas  le  seul 
qui  fût  arrivé  à  Langres.  Le  roi  de  Prusse  l'y  avait  rejoint  le 
26  janvier,  et  l'empereur  d'Autriche  lui-même  avait  suivi  ce  der- 
nier à  vingt-quatre  heures  d'intervalle.  Tous  ces  princes  traînaient 
avec  eux  un  innombrable  état-major  de  militaires  et  de  diplo- 
niîites,  le  prince  Wolkonsky,  Knesebeck,  Nesselrode,  Metternich, 
Stein,  Hardenberg,  Pozzo  di  Rorgo  et  jusqu'aux  représentants  de 
l'Angleterre,  lord  Castelreagh,  lord  Aberdeen  et  sir  Charles  Stc- 
wart.  On  ne  doit  donc  pas  s'étonner  si  les  moindres  résolutions 
donnaient  lieu  à  des  discussions  sans  fin,  si  les  moindres  projets 
présentés  à  cet  aéropage,  aussi  nombreux  qu'hétérogène,  deman- 
daient de  longues  délibérations,  et  si  les  partisans  de  l'offensive, 
Rlûcher  et  son  état-major,  récriminaient  ii  tout  instant  contre  les 
lenteurs  du  quartier  général,  contre  le  caractère  vague  et  terne 
d'instructions  qui  leur  parvenaient  la  plupart  du  temps  trop  tar- 
divement. Depuis  l'arrivée  des  souverains,  d'abord  à  Langres, 
puis  à  Chaumonl,  les  hésitiitions  s'étaient  encore  accrues  et  les 
divergences  d'opinion  s'étaient  d'autant  plus  accentuées  que  le 
plan  primordial  d'opérations,  qui  seul  avait  été  soumis  aux  sou- 
verains et  qui  seul  avait  reçu  leur  approbation,  n'avait  pas  prévu 
la  continuation  des  opérations  au  delà  du  plateau  de  Langres. 
Aussi,  bien  que  nous  ayons,  au  chapitre  II,  consacré  quelques 
pages  aux  singulières  relations  des  généraux  alliés;  bien  que  nous 
ayons,  dans  ce  chapitre  comme  dans  le  suivant,  indiqué  som- 
mairement les  divergences  d'opinion  qui  séparaient  Bliicher  et 
Sch\var/(;nberg,  il  importe,  au  point  où  nous  en  sommes,  d'insis- 
ter davantage  sur  cetic;  qu(»slion  et  de  chercher  à  se  rendre 


—  351  — 

compte  de  ce  qui  se  passail,  dans  les  derniers  jours  de  janvier, 
au  quartier  général  des  Alliés. 

Dissentiments  entre  Blûcher  et  Schwanenberg.  —  Les 

quelques  emprunts  que  nous  avons  faits  à  la  correspondance  de 
Gneisenau  et  de  Knesebcck,  les  passages  que  nous  avons  extraits 
de  la  lettre  adressée  par  le  chef  d'état-major  de  Tarmée  de  Silésic 
Il  Hadetzky,  alors  chef  d'état-major  général  de  Schwarzenberg, 
ont  pu  suffire  pour  révéler  Texistencc  des  divergenc(?s  d'opinion 
entre  les  deux  généraux.  Mais  ils  n'ont  mis  en  lumière  qu'un 
coin  du  tableau  et  n'ont  montré  qu'incomplètement  la  grandeur 
des  rivalités  et  l'intensité  des  dissentiments  des  généraux  et  des 
gouvernements. 

Ce  fut,  comme  nous  l'avons  dit,  surtout  à  partir  du  moment 
où  la  grande  armée  fut  arrivée  à  hauteur  de  Langres  et  de  Chau- 
mont  que  les  dissensions  causées  par  les  intérêts  essentiellement 
différents  des  coalisés  prirent  des  proportions  telles  qu'il  aurait 
])i\  facilement  v\\  résulter  une  véritable  crise.  Les  arguments  de 
Gneisenau  n'avaient  pas  fait  changer  d'avis  à  Metternich.  Il  avait, 
au  contraire,  h  force  d'habileté,  réussi  à  faire  accepter  ses  idées 
pacifiques  aux  représentants  de  l'Angleterre,  bien  que  le  parti 
tory,  alors  d  la  tète  des  affaires  et  auquel  ils  appartenaient,  allât 
encore  plus  loin  dans  ses  désirs  que  l'empereur  Alexandre  lui- 
môme  et  parût  au  fond  décidé  à  ne  pas  cesser  les  hostilités  avant 
d'avoir  réussi  ii  replacer  les  Bourbons  sur  le  trône  de  France,  ou, 
tout  au  moins,  à  amener  la  chute  de  TËmpereur. 

Quant  à  Schwarzenberg,  la  lettre  que,  de  Langres,  il  écrivit,  le 
26,  h  sa  femme,  bien  que  Radetzky  lui  eût  vraisemblablement 
déjà  communiqué  à  ce  moment  le  réquisitoire  de  Gneisenau, 
donne  une  idée  bien  nette  de  la  situation  d'esprit  dans  laquelle  il 
se  trouvait  :  a  Nous  devrions  faire  la  paix  ici.  Tel  est  mon  avis. 
Tout  mouvement  en  avant  vers  Paris  est  une  faute  contre  les 
règles  de  l'art  militaire.  Notre  empereur,  Stadion,  Metternich 
et  même  lord  Castlereagh  sont  de  cet  avis;  mais  l'empereur 
Alexandre!  Nous  sommes  arrivés  au  moment  où  il  s'agit  de 
prendre  la  plus  grave  des  résolutions.  Que  Dieu  nous  protège 
dans  cette  crise » 

Knesebeck,  lui  aussi,  continuait  à  plaider  la  cause  de  la  paix 
et  se  prononçait  tout  au  moins  en  faveur  des  négociations  et  du 


—  352  — 

statu  quo  ;  mais,  en  revanche,  Gneisenau  et  Blûclier  restaient 
inébranlables  dans  leurs  idées  d'offensive  à  outrance.  Ils  avaient 
gagné  à  leur  cause  Miiftling,  qui  tenta,  lui  aussi,  de  convaincre 
le  général  Knesebeck  de  la  nécessité  et  de  Turgence  d'une  marche 
immédiate  sur  Paris. 

Mais  ni  Blùcher  ni  Gneisenau  ne  se  faisaient  d'illusions  sur  les 
résultats  que  pouvaient  produire  leurs  mémoires  et  leurs  lettres. 
C'était  par  leurs  actes  qu'ils  comptaient  imprimer  un  peu  plus  de 
décision  et  d'activité  à  l'ensemble  des  opérations  des  armées.  Ils 
s'étaient  d'autant  moins  trompés  dans  leurs  prévisions  que,  lors 
des  innombrables  conseils  tenus  à  Langres,  Knesebeck  ne  cessa 
de  combattre  leurs  idées  et  essaya  môme  de  réfuter  leurs  argu- 
ments dans  un  mémoire,  approuvé  par  le  roi  de  Prusse,  qu'il 
présenta,  le  27  janvier,  îiux  souverains,  aux  diplomates  et  aux 
généraux,  et  dans  lequel  il  chercha  surtout  à  contrebalancer 
l'effet  qu'avait  dû  produire  sur  l'esprit  de  Tenipereur  de  Russie 
une  nouvelle  lettre  du  chef  d'état-major  de  l'armée  de  Silésie. 

Rôle  de  l'empereur  de  Russie  pendant  les  conseils  de 
guerre.  —  Malgré  tout  l'intérêt  que  présentent  des  pièces  qui, 
comme  le  mémoire  de  Knesebeck,  concluaient  h  l'arrêt  pur  et 
simple  sur  la  magnifique  position  de  Langres,  quelque  curieuses 
que  puissent  être  les  indications  contenues  dans  l'exposé  de  la 
situation  rédigé  par  Schwarzenberg  et  présenté  i)ar  le  général 
Langenau,  quartier-maître  général  de  l'armée  de  Bohême,  au 
conseil  tenu  i\  Langres,  force  nous  est  de  renoncer  à  en  donner 
l'analyse.  Qu(îlque  courte  ([u'elle  puisse  être,  elle  nous  entraîne- 
rait forcément  trop  loin  et  serait  d'autant  plus  inutile  que  l'em- 
pereur Alexandre,  confirmé  dans  des  idées  auxquelles  il  n'avait, 
d'ailleurs,  jamais  définitivement  renoncé,  par  les  nouvelles  de 
Paris  que  venait  de  lui  apporter  son  ancien  précepteur  Laharpe, 
encouragé  et  stimulé  par  Stein  et  Pozzo  di  Borgo,  devait,  après 
d'orageuses  discussions  dont  nous  retrouverons  la  trace,  obtenir 
enfin  du  conseil  la  continuation  des  opérations.  C'est  bien  lîl  ce 
qui  ressort  de  la  lettre  que  Schwarzenberg  écrivait  le  27  îi  la 
princesse  :  «  Les  circonstances  sont  tellement  graves  I  Ce  n'est 
pas  la  raison,  mais  bien  l'inconséquence  et  la  légèreté  qui 
guident  les  pas  d'Alexandre.  Ce  qu'il  recherche,  c'est  l'éclat, 
c'est  le  monde  avec  ses  préjugés.  L'intelligence  ne  sert  à  rien 


—  353  — 

ici.  Je  crois  que  nous  irons  jusque  vers  Paris,  peut-ôtn»  même 
jusqu'à  Paris.  Mais  y  trouverons-nous  la  paix  ou  bien  nous  pré- 
cipiterons-nous dans  un  abîme?  Pour  ma  part,  j'opine  pour  le 
chaos.  » 

L'empereur  Alexandre,  de  son  côt('s  avait  cependant  éU\  con- 
traint de  faire  à  Metternich,  Castelreagh  et  Schwarzenberg.  au 
roi  de  Prusse  lui-môme,  qui  ne  savait  pas  encore  s'il  devait  se 
rallier  k  l'avis  d'Alexandre  ou  suivre  les  conseils  d'Hardenberg 
et  de  Knesebeck,  une  concession  qui  dut  lui  coûter  cher.  Il  lui 
avait  fallu  consentir  k  l'ouverture  des  négociations  et  à  la 
réunion  du  congrès  de  Châtillon,  pour  obtenir  en  revanche  la  pro- 
messe que  l'armée  de  Bohême  reprendrait  enfin  sa  marche 
interrompue  et  se  porterait  sur  Troyes.  L'idée  bien  arrêtée  au 
quartier  général  consistait,  d'ailleurs,  à  exécuter  ces  mouvements 
avec  une  méthode  et  une  prudence  telles  que,  tout  en  s' avan- 
çant, on  n'en  aurait  pas  moins  gardé  la  facilité  de  pouvoir  reve- 
nir h  tout  instant  sur  Chaumont  et  Langres.  La  marche  de 
Blucher  allait,  nous  Tavons  indiqué  en  passant  au  chapitre  III, 
se  charger  de  réduire  à  néant  les  élucubrations  prudentes  (îl 
ingénieuses  qu'on  avait  si  soigneusement  échafaudées  h  Langres. 
Uuant  aux  dissentiments,  ils  n'en  continuaient  pas  moins,  et  si 
l'empereur  Alexandre  était  très  irrité  contre  Schwar/enberg, 
le  généralissime  (et  ce  sont  là  les  dernières  pièces  sur  les- 
quelles nous  nous  appuierons  avant  de  reprendre  la  suite  de 
notre  travail)  n'avait  pas  renoncé,  malgré  le  semblant  de  conces- 
sions qui  lui  avait  été  arraché,  à  son  idée  de  rester  à  Langres  et 
à  Chaumont.  C'est  ainsi  que  le  28,  écrivant  à  l'empereur  d'Au- 
triche, il  lui  exposait  sommairement  les  opérations  des  derniers 
jours,  lui  expliquait  les  motifs  pour  lesquels  il  n'avait  pas  cru 
devoir  marcher  plus  vite,  et  lui  demandait  des  ordres  formels 
l'autorisant  à  se  porter  en  avant  au  delà  de  Chaumont  *. 

Lettre  de  l'empereur  d'Autriche  au  prince  de  Schwar- 
zenberg.  —  La  réponse  de  l'Empereur  ne  se  fit  pas  attendre. 
Dès  le  lendemain,  il  adressait  au  prince  de  Schwarzenberg  la 
dépêche  qu'on  va  lire  et  qui  nous  paraît  caractériser,  mieux  que 


*  Schwarzenberg  à  l'emperear  d'Autriche,  Langres,  28  janvier.  {K,  K.  Kriegt 
Àrchiv.,  I,  540.) 

Wdl.  ^ 


—  354  — 

ne  pourrait  le  faire  tout  autre  document,  la  nature  des  relations 
existant  entre  Schwarzenberg  et  l'empereur  Alexandre,  et  défi- 
nir bien  nettement  la  situation  des  esprits  au  grand  quartier 
général  : 

«  Chaumont,  29  janvier  1814.  —  «  Même  après  avoir  repris 
Joinville  et  lorsqu'on  aura  rejeté  Tennemi  sur  Vitry,  on  ne  devra 
pas,  tant  que  l'ennemi  sera  à  Châlons,  aller  de  Bar-sur-Aube  h 
Troyes.  On  ne  doit  pas  oublier  que  l'ennemi  peut,  du  sud  de  la 
France,  se  porter  contre  la  gauche,  où  les  Alliés  ont  peu  de 
monde,  et  qu'il  est  de  toute  nécessité  de  tenir  fortement  la  roule 
qui,  en  cas  d'échec,  ser\irait  à  la  retraite. 

«  Il  est  donc  indispensable,  et  de  ne  pas  s'avancer,  et  de 
prendre  toutes  les  mesures  éventuelles  pour  un  mouvement 
rétrograde. 

«  Si,  en  dépit  du  sens  commun^  l'empereur  de  Russie  se  pro- 
nonçait en  faveur  de  la  marclie  en  avant^  vous  insisterez  sur  la 
réunion  préalable  d'un  conseil  de  guerre,  et  vous  pouvez  être 
certain  que  f  appuierai  vos  idées  '.  » 

Pour  terminer,  par  des  faits,  cet  examen  de  la  situation  inté- 
rieure du  grand  quartier  général,  il  suffira  d'abord  de  se  reporter 
aux  ordres  de  marche  donnés  par  Schwarzenberg  ù  l'armée  d<î 
Bohême  et  h  la  dépêche  *  par  laquelle  il  invitait  Bliicher,  qu'il 
informait  de  son  arrivée  probable  à  Troyes  du  2  au  6  février,  à 
couvrir  ses  derrières  et  ses  communications  en  dirigeant  le  gros 
de  l'armée  de  Silésie  sur  Vitiy-le-François.  Il  conviendra  de 
rechercher  les  motifs  de  la  mission  confidentielle  auprès  de 
Blùcher,  dont  Schwarzenberg  chargea  le  colonel  baron  Sti'i- 
gentesch,  envoyé  le  27  janvier  au  quartier  général  du  feld-maré- 
chal.  Le  colonel  avait  ordre  d'exposer  de  vive  voix  h  Bliicher  les 
motifs  qui  empêchaient  la  grande  armée  d'atteindre  Troyes  avant 
le  6  février,  de  le  décider  à  ralentir  en  conséquence  ses  mouve- 
ments et  d'obtenir  de  lui  qu'il  ne  dépasserait  pas  Vitry.  Il  fau- 
drait ensuite  comparer  ces  pièces  avec  les  mouvements  vers 
l'Aube,  exécutés  par  le  feld-maréchal,  et  avec  les  instructions 
qu'il  avait  laissées  h  York.  On  verrait  alors  apparaître  dans  toute 


1  Empereur  d'Autriche  à  Schwarzenberg,   Chaumont,  29  janvier.  {Ibid., 
1,  ad,  67i.) 

*  Schwarzenberg  à  Bliicher,  Langres,  21  janvier.  (K,  K,  Kriegs  Archiv.,  1, 492.) 


leur  iniporlaucc  et  leur  étendue  les  idées  si  essentiellement  diffé- 
rentes des  chefs  des  deux  grandes  niasses  alliées;  il  serait  alors 
aisé  de  comprendre  que  la  haine,  la  passion  et  l'énergie  de 
Blûcher  devaient,  par  la  force  m^me  des  choses  et  malgré  la 
lettre  de  Tempereur  d'Autriche,  triompher  des  lenteurs  calculées 
des  arrière-pensées  politiques,  de  la  prudence  raisonnée  de 
Schwarzenberg,  provoquer  les  événements  qucî  le  généralissime 
voulait  éviter  et  anKmer  les  premières  grandes  batailles,  qu'il  se 
souciait  d'autant  moins  de  livrer  à  ce  moment  qu'il  redoutait  un 
désastre. 

D'ailleurs,  et  ce  sont  les  derniers  mots  que  nous  dirons  à  ce 
sujet,  si  Blûcher  persistait  envers  et  contre  tous  dans  ses  projets, 
le  prince  de  Schwarzenlxîrg  ne  se  laissait  pas  non  plus  convertir, 
et  voici  ce  qu'il  écrivait  dans  une  lettre  confidentielle  aux  siens, 
le  29,  lors  du  retour  du  colonel  baron  Steigentesch  et  après  avoir 
pris  connaissance  d'un  long  mémoire  de  Gneisenau  rapporté  par 
cet  officier  :  «  Blûcher  et  plus  encore  que  lui  Gneisenau,  —  car 
le  bon  vieux  en  est  réduit  h  prêter  son  nom  —  poussent  avec 
une  rage  tellement  enfantine  vers  Paris,  qu'ils  foulent  aux  pieds 
toutes  les  règles  de  l'art  de  la  guerre.  Sans  daigner  faircî  couvrir 
par  un  corps  d'eftectif  respectable  la  grande  route  de  ChîUons  à 
Nancy,  ils  courent  comme  des  fous  jusqu'à  Brienne.  Sans  se 
préoccuper  de  leurs  flancs  et  de  leurs  derrières,  ils  ne  font  qui' 
projeter  des  parties  fims  au  Palais-Royal.  N'est-ce  pas  chose 
chose  déplorable  dans  un  moment  aussi  grave?  » 

Telle  était  la  disposition  des  esprits  au  quartiiT  général  des 
Alliés  à  Chaumont  et  en  particulier  celle  du  généralissime  pen- 
dant les  jours  qui  précédèrent  et  suivirent  l'arrivée  de  l'Empereur 
îi  Chdlons,  pendant  les  quelques  jours  qui  lui  suffirent  et  pour 
modifier  complètement  ses  idées  dès  qu'il  se  fut  rendu  compte 
de  la  situation,  et  pour  battre  Lanskoï  à  Saint-Dizier  et  Blûcher 
à  Brienne.  Et  cependant,  les  difficultés  pas  plus  que  les  décep- 
tions n'allaient  manquer  à  l'Empereur  à  ChAlons. 

Opinion  de  TEmpereur  sur  la  situation.  —  Lettre  à  Bel- 
liard.  —  Qu'on  parcoure  la  lettre  qu'il  adressait  de  Paris  à  Bcl- 
liard,  36  heures  au  plus  avant  de  se  mettre  en  route,  et  l'on  verra 
qu'il  allait  trouver  une  situation  toute  différente  de  celle  sur 
laquelle  il  croyait  pouvoir  compter  : 


-  356  — 

«  Paris,  23  janvier  1814*.— Envoyez  à  la  rencontre  du 

général  Lefebvre  pour  qu'il  fasse  dire  à  la  cavalerie  qui  vient 
derrière  lui  d'activer  sa  marche.  Mon  intention  est  de  partir 
demain  soir  et  d'être  le  25  à  midi  à  Vitry  où  le  général  Lefebvre- 
Desnoëttes  arrivera  en  môme  temps....  Je  compte  prendre  Tofifen- 
sive  le  26.  Je  suppose  que  le  duc  de  Bellune  se  sera  maintenu  h 
Ligny  ou  à  Saint-Dizier,  que  le  prince  de  La  Moskowa  avec  les 
l^e  et  2®  divisions  de  jeune  garde  sera  aux  environs  et  que  le 
général  Gérard  est  à  Brienne  et  le  duc  de  Trevise  à  Bar-sur-Aube. 
Je  réunirai  toutes  ces  forces  et  tomberai  sur  le  premier  corps 
ennemi  qui  sera  à  portée.  TAchez  qu'à  mon  arrivée  à  Chillons  et 
Vitry,  je  trouve  des  renseignements  qui  me  fassent  connaître  où 
il  y  a  de  l'infanterie  ennemie,  afin  que  je  puisse  combiner  mon 
mouvement  et  lui  tomber  dessus.  En  général,  le  duc  de  Raguse 
doit  se  tenir  prêt  à  remonter  la  Meuse Tenez  secrète  la  nou- 
velle de  mon  arrivée Tâchez  qu'à  mon  arrivée  vous  puissiez 

me  dire  ce  qui  se  passe  à  Soissons  et  s'il  y  est  déjà  arrivé  quelques 
bataillons  et  des  canons » 

Mais  Mortier  avait  dû  se  replier  sur  Troyes,  et  Victor  avait 
depuis  longtemps  déjà  quitté  Ligny  et  venait  de  perdre  Saint- 
Dizier  par  sa  faute.  Quant  aux  effectifs  mêmes,  ils  étaient  loin 
d'être  aussi  considérables  que  ceux  dont  l'Empereur  pensait 
pouvoir  disposer  d'après  sa  dépêche  du  23  janvier  au  major  gé- 
néral*, dans  laquelle  il  évaluait  la  force  totale  des  troupes  postées 
de  la  Marne  à  l'Aube  à  80,000  hommes  avec  300  bouches  à  feu. 
En  réalité  il  n'allait  pouvoir  utiliser  que  les  corps  postés  du  côté 
de  Vitry,  savoir  :  le  2®  corps  (Victor)  environ  10,000  hommes,  le  6« 
(Marmont)  9,000,  la  garde  (sous  les  ordres  de  Ney  et  Oudinol),  un 
peu  plus  de  14,000  hommes,  le  !«'  corps  de  cavalerie  (Doumerc) 
3,000  chevaux,  le  5«  corps  de  cavalerie  (Milhaud)  près  de  5,000 
chevaux,  soit,  en  tout,  de  41,000  à  42,000  hommes*.  Il  est,  en 


4  Correspondance,  u<*  21,131. 

<  Ibid.,  qo  21,127. 

'  A  peine  arrivt^  Napoléon  fit  subir  quelques  modifications  à  cet  ordre  (ie 
bataille.  11  plaça  le  général  Gérard  à  la  tète  de  la  division  Dufour  (1'^  division 
de  la  réserve  de  Paris,  qni  était  avec  Mortier),  de  la  brigade  de  cavalerie  du 
général  Piquet  et  de  la  division  Ricard,  que  les  troupes  de  Macdonald  devaient 
remplacer  aux  Islettes.  11  confia  au  maréchal  Ney  les  divisions  de  jeune  garde 
Decouz  et  Meunier,  qui  formèrent  la  réserve  de  la  garde  ;  au  maréchal  Oudinot, 


—  357  — 

effet,  impossible  do  faire  figurer  parmi  les  troupes  îi  la  disposition 
(le  l'Empereur,  les  20,000  hommes  que  Mortier  avait  avec  lui  du 
côte  de  Troyes  à  Vendeuvre  depuis  l'arrivée  des  renforts  venus 
de  Paris.  Il  en  est  de  môme  pour  les  10,000  hommes  avec  lesquels 
Macdonald  était  encore  en  marche  de  Namur  sur  ChAlons  et  avec 
lesquels  il  était  à  peine  arrivé  îi  hauteur  de  Verdun,  et  les  2,800 
hommes  confiés  au  général  Allix,  chargé  d'ooérer  du  côté  de  Sens 
et  d'Auxerre. 

Au  moment  où  il  arriva  à  ChAlons,  l'Empereur  avait  devant  lui 
Tarmée  de  Silésie,  ou  pour  mieux  dire,  Olsufieff  à  Joinville,  Lans- 
koï  î\  Saint-Dizier  et  Sacken  vers  Vitry,  soit  de  27,000  h  28,000 
hommes  auxquels  il  pouvait  opposer  immédiatement  Victor, 
Marmont  et  Ney,  c'est-îVdire  un  nombre  d'hommes  à  peu  près 
égal.  En  effet,  la  disposition  de  Blucher  pour  les  marches  du  22 
au  30  janvier,  en  admettant  que  rien  ne  vînt  en  entraver  l'exécu- 
tion, tendait  h  avoir  le  30  son  aile  gauche,  c'est-à-dire  le  gros  de 
son  armée,  à  Arcis-sur-Aube.  Le  feld-maréchal  tenait  à  devancer 
la  grande  armée  qu'il  s'attendait  à  voir  arriver  î\  Troyes  k  cette 
époque.  Son  aile  droite  sous  York  devait,  dans  son  esprit  et  d'après 
ses  calculs  être  ce  jour-là  à  hauteur  de  Saint-Dizier.  Mais  l'Empe- 
reur avait  sur  Blucher  l'avantage  de  pouvoir  réunir  rapidement 
ses  trois  corps  k  Vitry  et  se  porter  avec  eux  sur  Saint-Dizier  d'où 
il  espérait  encore  déboucher  îi  temps  pour  parvenir  —  c'était  là 
du  moins  le  plan  qu'il  méditait  avant  de  quitter  Paris  —  à 
tomber  sur  les  colonnes  de  Schwarzenberg  échelonnées  jusqu'à 
Langres. 

Si  l'on  se  reporte  aux  pages  que  nous  venons  de  consacrer  à 
l'examen  de  la  situation  des  esprits  au  quartier  général  des 
Alliés,  on  ne  pourra  s'empêcher  de  reconnaître  qu'il  s'en  fallut  de 
bien  peu  pour  que  le  plan  de  l'Empereur  réussît.  Et  si  Napoléon 
s'est  vu  forcé  de  modifier  le  plan  auquel  il  avait  donné  la  préfé- 
rence, il  faut  au  moins  convenir  qu'il  a  apporté  dans  l'exécution 


la  division  Rottembourg  et  la  cavalerie  de  Lefebvre-Desnoëttes.  Le  général 
Gérard,  parti  de  Lesmont  le  26  dans  Taprès-midi,  dut,  pour  se  rendre  à  Vitry, 
prendre  par  Arcis  parce  que  la  route  directe  par  Rosnay  était  impraticable 
pour  rartillerie.  U  est  bon  de  rappeler  que,  le  25, 150  Cosaques  avaient  occupé 
Brienne  et  avaient,  le  26,  reconnu  les  positions  de  Gérard  à  Lesmont.  Gérard 
arriva  le  28  à  Vitry  et  fut  dirigé  de  là,  le  30,  sur  Dienvillc,  afin  de  s*assurpr 
la  possession  du  pont. 


—  358  — 

une  rapidité  comparable  h  celle  qui,  18  ans  plus  lui,  lui  avail  valu 
ses  premi(^res  victoires. 

Projets  de  Napoléon  aussitôt  après  son  arrivée  à  Châlons. 
—  Ordres  de  mouvement  sur  Saint-Dizier.  —  A  peine  arrivé 
h  Châlons,  après  avoir  écouté  les  communications  du  major  gé- 
néral et  comme  il  lui  est  encore  impossible  de  démêler  la  vérité,  il 
se  décide,  h  9  heures  du  matin,  il  masser  ses  trois  corps  à  Vitry  et 
il  attaquer,  le  27,  Saint-Dizier.  «  Mon  intention,  écrit-il  à  Berthier*, 
est  d'attaquer  demain  (27).  En  conséquence,  j'ai  fait  donner 
Tordre  *  au  général  Ricard  de  se  porter  sur  Vitry.  Recommandez 

<  Napoléon  à  Berthier,  Chàlons,  26  janvier,  9  heares  da  matin.  (Corretpon- 
danee,  n*  31.135.) 

>  «  Ordre.  —  CbâloDS-sur-Mame,  26  janvier  1814,  9  heures  3/4  du  matin. 

«  L'Empereur  ordonne  que  le  duc  de  BeUune  prenne,  sur-le-champ,  position 
le  plus  près  possible  de  Saint-Dizier,  à  cheval  sur  la  route  de  Saint-Dizier  n 
Vitry,  appuyant  sa  droite  à  la  Marne,  près  des  postes.  Le  duc  de  Raguse 
prendra  position  une  demi-lieue  ou  une  lieue  en  arrière  du  duc  de  BeUune,  à 
clieval  sur  le  grand  cliemin.  Le  prince  de  La  Moskowa,  avec  la  1^<^  et  la 
'i*^  division,  do  jeune  garde,  prendra  position  une  demi-lieue  ou  une  lieue  en 
arrière  du  duc  de  Raguse,  à  cheval  sur  la  route.  Le  général  Lefebvre,  avec  sa 
cavalerie  et  la  division  du  général  Rottembourg,  prendront  position  en  avant 
de  Vitry  et  derrière  le  prince  de  La  Moskowa,  à  cheval  sur  la  route.  Le  quar- 
tier général  impérial  sera  ce  soir  à  un  village  derrière  le  duc  de  Bellune... 

«  Tous  les  bagages  inutiles  doivent  être  renvoyés  entre  Vitry  et  Chàlons... 
L'artillerie  doit  parquer  avec  les  brigades  en  manœuvre  de  guerre...  On  travail- 
lera à  mettre  en  état  la  position  de  Vitry...  On  fera  reconnaître  la  rivière  de 
rOrnain  ;  on  s'assurera  du  pont  de  la  route,  du  pont  de  Vitry-le-BrûIé,  et  on 
en  fera  construire  un  troisième,  cette  position  devant  être  la  position  de  retraite.  » 
[Correspondance  de  Napoléon^  n®  21.136.) 

Macdonald  avait,  de  son  côté,  reçu  l'ordre  de  marclier  de  Verdun  sur 
Châlons  et  d'avoir  à  occuper  les  Islettes.  Enûn,  l'Empereur  avait,  en  outre, 
fait  envoyer,  dès  la  veille,  26  janvier.  Tordre  suivant  par  Belliard  au  général 
Ricard,  à  ce  moment  encore  à  Sainte-Menehould  : 

u  L'Empereur  ordonne  que  vous  vous  rapprochiez  de  Vitry  avec  votre  divi- 
sion. En  conséquence,  vous  devez  partir  des  Islettes  à  la  réception  de  ma  lettn' 
et  vous  porter  sur  Bussy-le-Repos  et  La  Motte-Hériton,  tenant  les  embranche- 
ments des  routes  de  Bar-le-Duc  à  Reims  et  Chàlons,  et  de  Vitry  à  Sainto- 
Menehould,  ayant  bien  soin  d'éclairer  votre  droite  et  de  pousser  des  partis  sur 
Bar-le-Duc  et  Revigny,  ainsi  que  sur  Sermaize.  Je  vous  prie,  général,  de  faire 
connaître  votre  départ  de  Sainte-Meneliould  et  d'envoyer  un  officier  au  quar- 
tier général  à  Vitry  aussitôt  votre  arrivée  à  votre  nouvelle  position.  »  {Coi-- 
retpondance  de  Belliard.  —  DépAt  de  la  guerre,) 

Le  général  Ricard  arriva  à  Bassuet  le  27.  après  une  marche  des  plus  péni- 
bles, en  passant  par  Sainte-Menehould,  Elize,  Dampierre-le-ChAteau,  Dom- 
martin-sur-Vèvre.  De  Bassuet,  il  dirigea  4  batiillons  avec  la  cavalerie  à  Lisse. 
Saint-Quentin  et  Saint-Lumier.  Ney  envoya  le  même  jour  les  divisions  Decouz 
et  Meunier  prendre  position,  la  1**  à  Orcomte  et.  la  î®,  à  Faremont  et  Thi«'- 
blemont.  en  deuxième  ligne  de  Marmont  posté  à  Heiltz-le-Hnttier. 


—  359  — 

au  duc  de  Haguso  de  presser  l'exécution  de  ce  mouvement.  J'ai 
donné  Tordre  au  général  Lefebvre  et  à  la  division  Ricard  de  se 

mettre  aujourd'hui  en  route  pour  Vitry Allez  reconnaître  le 

terrain  et  prenez  une  position  militaire  en  avant  de  Vitry,  la  plus 
rapprochée  possible  qu'il  sera  de  Saint-Dizier,  de  manière  que 
nous  puissions  toujours  h  volonté  rétrograder  sur  Chûlons  ou 
passer  la  Marne  h  Vitry... 

M  J*ai  donné  ordre  au  duc  de  Trévise  et  au  général  Gérard 

de  se  porter  sur  Vitry. 

«  Il  faut  avoir  des  renseignements  sur  ce  que  les  ennemis  ont 
h  Saint-Dizier,  qui  les  commande,  et  dans  quel  nombre  ils  sont. 
S'il  n'y  a  que  25,000  à  30,000  hommes,  nous  pourrons  his  battre, 
et,  si  nous  réussissons  dans  cette  opération,  cela  changera  tout 
l'état  des  affaires.  Si,  au  contraire,  on  les  laissait  se  concentrer,  nous 
n'aurions  plus  de  chances  pour  nous.  Donnez  Tordre  au  duc  de 
Bellune  de  se  porter  avec  tout  son  corps  à  la  position  militaire  la 
plus  rapprochée  possible  de  Saint-Dizier,  et  que  Ton  se  pelotonne 
tout  de  suite  derrière  lui,  afin  d'attaquer  demain  matin.  » 

Ces  ordres  donnés,  TEmpereur  n'ayant  plus  rien  h  faire  h  ChA- 
lons  où  il  laissait  le  duc  de  Valmy  avec  quelques  douaniers  et  les 
quelques  détachements  nécessaires  pour  garder  le  parc  de  Tar- 
mée,  se  rend  de  suite  h  Vitry  où  il  établit  son  quartier  général, 
le  26  au  matin,  et  où  il  pense  qu'il  sera  plus  à  même  de  recueillir 
les  renseignements  et  les  informations  dont  il  a  besoin  pour  com- 
pléter les  ordres  qu'il  vient  de  donner  et  que  les  maréchaux  sont 
déjà  en  train  d'exécuter. 

Blûcher  continue  sa  marche  vers  l'Aube.  —  Positions  de 
Tarmée  de  Silésie.  —  Au  moment  où  TEmpereur,  arrêtant  la 
retraite  de  ses  maréchaux,  reportait  vigoureusement  en  avant  ses 
colonnes,  Blùcher,  informé  vaguement  de  Tarrivée  de  Napoléon 
il  Tarmée,  îivait,  d'autre  part,  eu  connaissance  de  la  retraite  de 
Mortier  de  Bar-sur-Aube  vers  Troves.  Le  feld-maréchal  connais- 
sant  exactement  les  positions  occupées  la  veille  par  les  corps 
français  autour  de  Vitry,  persuadé  que  les  maréchaux  ne  par- 
viendraient pas  à  se  rejoindre,  avait  persisté  dans  sa  résolution 
et  décidé  de  continuer  sa  marche  vers  TAube.  Il  espérait,  de  con- 
cert avec  la  grande  armée  de  Bohême,  bousculer  les  corps  enne- 
mis qui  lui  barraient  la  route  de  Paris,  s'emparer  de  cette  ville, 


—  360  - 

et  mettre  en  peu  de  temps  fin  à  la  guerre.  Quittant  à  cet  effet  les 
positions  qu'il  occupait  le  25,  de  Saint-Dizier  à  Joinville,  il  avait 
transporté  son  quartier  général  à  Dommartin  et  envoyé  le  corps 
d'Olsufieff  à  Doulevant  et  à  Dommartin,  la  division  Liewen  (du 
corps  Sàcken)  à  Soulaines  et  le  corps  du  prince  Stscherbatoff  à 
Giffaumont.  Ce  dernier  corps  quitta,  pour  exécuter  ce  mouve- 
ment, la  grande  route  de  Vitry  et  prit  à  gauche  par  un  chemin 
de  traverse.  La  cavalerie  de  Biron  était  restée  pendant  la  journée 
î\  la  disposition  du  prince  Stscherbatoff;  mais  le  26  au  soir  cetle 
cavalerie  fut  replacée  par  ordre  du  général-lieutenant  Wassiltchi- 
koff  sous  le  commandement  du  général  Lanskoï,  et  Stscherbatoff 
reçut  en  échange  le  régiment  de  hussards  de  la  Russie-Blanche, 
qui  forma  son  avant-garde  à  partir  du  27  *.  Quant  h  Lanskoï,  il 
était  resté  à  Saint-Dizier  avec  les  troupes  qu'il  avait  eues  sons  ses 
ordres  pendant  toute  la  marche  vers  la  Marne,  tant  pour  sur- 
veiller de  là  la  route  de  Chûlons  par  Vitry,  que  pour  attendre 
sur  ce  point  York,  dont  Blûcher  comptait  toujours  voir  apparaître 
Tavant-garde  le  28. 

Mais  York*  ne  reçut  que  le  26  au  soir,  à  Pont-à-Mousson,  la 
lettre  que  Blùcher  lui  avait  écrite  le  25  de  Gondrecourt  et  dont 
nous  avons  parlé  au  chapitre  IIL  Ses  troupes  occupaient  le  26  au 
soir  les  positions  suivantes  :  Tavant-garde,  sous  le  prince  Guil- 
laume de  Prusse,  était  postée  de  Moulins  jusqu'à  Thiaucourt,  et  le 
colonel  comte  HenckeP,  qui  formait  la  pointe  d'avant-garde  du 
I®""  corps,  dont  le  gros  n'alla  ce  jour-là  que  jusqu'à  Troyon,  altei- 


*  Jouroal  d'opérations  du  général-lieu  tenant  prince  Stscherbatoff  : 

C'est  à  tort  que  Damitz  et  Plotho  attribuent  nne  certaine  part  au  général- 
lieutenant  WassiltchikofT  dans  les  opérations  du  23  au  26  janvier.  Cet  oflicicr 
général  ne  marchait  ni  avec  Tavant-garde  du  général  Lanskoï,  ni  avec  la  pre- 
mière colonne  de  Sacken,  celle  du  général-Ueotenant  prince  Stscherbatoff,  mais 
bien  avec  la  deuxième. 

s  II  est  impossible  de  ne  pas  signaler  en  passant  la  conduite  du  gént-ral 
von  York  qui,  indigné  des  atrocités  commises  par  les  Cosaques  de  Platoir. 
rendit*  par  un  ordre  du  jour  qu'il  rédigea  au  moment  même  où  son  corps 
commença  son  mouvement,  ses  généraux  de  brigade  et  ses  officiers  responsables 
des  violences  auxquelles  se  livreraient  leurs  soldats.  l\  chargeait,  dans  cet 
ordre,  les  officiers  de  faire  comprendre  à  leurs  hommes  que  c'était  par  leur  dis- 
cipline qu'ils  parviendraient  à  gagner  les  populations  à  la  bonne  cause  qu'ils 
défendaient,  et  interdisait  d'une  façon  absolue  les  réquisitions  de  toute  espi'fe. 
(Drotsem,  Dnx  Ijrben  de»  Feldmarschalh  Grafen  York  ron  )^'artenburff .  t.  II. 
p.  278.) 

*  llRvcKEr.  von  noNNBRSMARCK,  EHmuTHngen  aw  meinem  Ijphen,  p.  201. 


—  361  — 

gnil  encoro  lo  26.  lri»s  avanl  dans  la  soirc'^o,  il  est  vrai,  ot  rien 
c|u'avcc  sa  patrouille  de  têle,  Rupt-devaiit-Saint-Mihiel.  La  cava- 
lerie de  réserve  du  gc^nc^ral  von  Jurfçass  était,  au  contraire,  restée 
il  Frésne,  tandis  que  la  1"  brigade  (Pirch  II)  venait  il  Marly,  et  la 
à"  (von  Warburg),  îi  Pont-à-Mousson*.  Il  lui  était  donc  presque 
impossible  de  passer  la  Meuse  h  Saint-Mihiel  avant  le  28,  jour  où 
Blûcher  comptait  être  à  Brienne. 

Positions  de  l'armée  de  Bohème.  —  Larméede  Bohême', 
gnlce  îi  la  lenteur  savante  et  calculée  avec  laquelle  les  117,000 
hommes,  dont  se  composaient  les  troupes  en  marche  vers  TAube, 
s'élaient  portés  en  avant,  était  encore  fort  en  arrière  des  positions 
occupées  par  Blûcher.  A  Textréme  droite,  la  cavalerie  de  Pahlen 
(VI«  corps)  était  seule  à  hauteur  de  la  tète  des  colonnes  de  Blû- 
cher, et  arrivait  le  26  de  Donjeux  à  Cirey-le-Chdteau  (aujourd'hui 
Cirey-sur-Blaise).  Wittgenstein  était  de  sa  personne  h  Nancy,  et, 
comme  ses  colonnes,  après  avoir  défilé  lentement  pendant  ces 
derniers  jours  par  Nancy  et  par  Toul,  n'avaient  atteint  que  les 
environs  de  Vaucouleurs,  ce  fut  de  Nancy  que  le  commandant 
du  VP  corps  adressa,  le  26,  au  généralissime  le  rapport  sui- 
vant'. Il  ressort  de  cette  pièce  que  si  Wittgenstein  était  h  peu 
près  au  courant  des  mouvements  de  Blûcher,  il  n'était  guère 
renseigné  sur  ceux  de  Wrède,  son  voisin  immédiat.  Se  confor- 
mant, du  reste,  aux  ordres  du  généralissime,  il  jugeait  aussi  inu- 
tile de  se  porter  en  avant  de  sa  personne  que  de  presser  la  marche 


1  Le  major  von  Uil)er8tein  bloquait  à  ce  moment  Sarreloois  avec  4  escadrons 
fie  landwehr.  Le  général-major  von  Roder  investissait,  avec  la  cavalerie  du 
II*  corps  (Kloist),  Lu\eiul)0urg  et  Thionville.  L'avant-garde  du  II*  corps,  av»^ 
le  g^néral-Iieutoiinnt  von  Zieten,  était  à  Wittlich  ;  la  10«  brigade  (général  von 
Pirch  1).  à  Kaisersesch  ;  la  12°  brigade  (prince  Auguste  de  Prusse)  était 
arrivée  à  moitié  chemin  entre  Kirchberg  et  Thalfang.  Le  [général  Uorosdin 
(corps  Langeron  et  corps  de  cavalerie  du  général-lieutenant  baron  KorfT).  qui 
devait  Hre.  sous  peu  renforcé  par  le  général  Jussefovitch  avec  2  bataillons, 
5  escadrons  et  1  régiment  de  Cosaques,  surveillait  Metz  avec  ses  14  escadrons, 
et  le  général  Kapscwitch,  avec  le  10«  corps  russe  (du  corps  Langeron,  encore 
retenu  devant  Mayencc),  avait  quitté  le  17  janvier  les  bords  du  Rhin,  se  diri- 
geant sur  Nancy. 

*  Yl"  corps  (Wittgenstein)  ;  Y»  corps  (Wr^de)  ;  lY"*»  corps  (prince  royal  de 
Wurtemberg)  ;  III**  corps  (Gyulay)  ;  !•''  corps  (colonne  du  comte  CoUoredo)  ; 
réserves  russes  et  prussiennes. 

5  Wittgenstein  U  Schwarzenberg,  Nancy,  36  janvier.  {K,  K.  Kriegg  Arehiv,, 
1.  592.) 


-  362  - 

de  celles  de  ses  troupes  qui,  sous  les  ordres  du  prince  Gorlcha- 
koff,  étaient  restées  en  arrière  depuis  le  moment  où  il  avait  passé 
le  Rhin. 

«  Le  général  comte  Wittgenstein  au  prince  de  Schwarzenberg. 

—  Nancy,  26  janvier  1814. —  «  D'après  une  nouvelle  qui  me 
parvient  h  l'instant,  le  feld-maréchal  Blûcher,  au  lieu  de  rester 
sur  sa  position  entre  Commercy  et  Vaucouleurs,  a  continué  sa 
marche  par  Joinville,  Dommartin  et  Briennc  sur  Arcis,  où  il 
pense  ôtre  le  30. 

«  J'ai  par  suite  prescrit  au  général  comte  Pahlen  de  rester  en 
communication  avec  lui  et  de  se  diriger  sur  Troyes  par  Vignory 
et  Bar.  Si  cet  officier  général  rencontre  de  ce  côté  la  cavalerie  du 
général  comte  Wrède,  il  a  ordre  de  se  porter  plus  h  droite. 

«  Je  serai  demain  à  Toul,  le  28  à  Houdelaincourt,  le  29  îi 
Joinville,  le  30  à  Romilly  et  le  31  à  Brienne,  où  je  prendrai  des 
dispositions  en  me  conformant  aux  circonstances,  si  Votre  Altesse 
ne  m'a  pas  d*ici  là  envoyé  de  nouveaux  ordres. 

a  Le  prince  Gortchakoff,  qui  est  à  Brumath  avec  les  réserves, 
arrivera  le  10  février  à  Brienne.  » 

A  gauche  de  Wittgenstein,  Wrède,  avec  ses  Austro-Bavarois, 
restait  encore  le  long  du  Rognon  et  s'échelonnait  depuis  Andelot 
jusque  vers  Clefmont. 

Au  centre,  Gyulay,  avec  le  III*  corps,  était  toujours  à  Bar-sur- 
Aube.  Il  avait  fait  pousser  par  son  corps  volant,  établi  à  Bar-sur- 
Seine,  une  reconnaissance  qui,  se  dirigeant  vers  Troyes.  trouva 
les  avant-postes  français  établis  h  Saint-Parres-les-Vaudes.  Los 
avant-postes  de  Gyulay,  sur  la  route  de  Yendeuvre,  étaient  en 
vue  de  Le  Magny,  couverts  par  un  ruisseau  débordé  et  songeaient 
d'autant  moins  îi  réparer  le  pont  que  les  Français  avaient  coupé 
en  se  retirant,  que  les  petits  postes  français  qui  occupaient  encore 
le  25  Le  Magny,  venaient  d*ètre  renforcés  le  26  par  l'arrivée  de 
Iroupes  d'infanterie  cl  de  cavalerie.  La  journée,  de  ce  côlé,  se 
passa  en  manœuvres,  et  les  têtes  de  colonne  du  III®  corps  se  con- 
tentèrent de  se  montrer  h  La  Maison-des-Champs  pendant  que  les 
(Cosaques  se  dirigeaient  vers  Bar-sur-Seine  (mi  passant  par  Beurey. 

En  fait  de  renseignements,  Gyulay  *  annonçait  seulement  au 


1  Gyulay  à  Schwarzenberg,   Bar-sur-Anbe,   le  26  janvier.  (A'.  A'.  Kriegs 
Arehiv.,  I,  587.) 


-  363  - 

gén<^ralissimft  qiio  Ip  quartier  géïK'Tal  do.  MortifT  (^lail  oncoro 
dans  la  nuit  du  25  au  26  ù  Vendcuvro,  que  1,500  hommes  de 
troupes  françaises  s'étaient  repliés  de  Brienne  sur  Troyes,  enfin 
que  Napoléon,  parti  le  20  (?)  de  Paris  pour  ChAlons,  comptait  se 
jeter  sur  Bliicher  avec  30,000  hommes.  11  signalait  une  fois  de 
plus  h  Schwarzenberg  l'immobilité  de  Platoflf:  «  L*ataman  comte 
Platoff  *  est  toujours  ici  {h  Bar-sur-Aube).  Il  doit,  paraît-il, 
aller  h  Bar-sur-Seine,  que  mes  troupes  occupent  depuis  quatre 
jours.  » 

Derrière  le  III«  corps,  le  prince  royal  de  Wurtemberg  était 
en  deuxi^me  ligne  à  Colombey-les-Deux-Églises,  précédant  les 
réserves  russes  et  prussiennes  de  Barclay  de  ToUy,  qui  conti- 
nuaient à  se  tenir  échelonnées  entre  Chaumont  et  Langres. 

Le  feldzeugmeister  CoUoredo  îivec  son  I®»"  corps,  composé  désor- 
mais, depuis  qu'il  avait  dû  laisser  la  division  Wimpfen  devant 
Auxonne,  de  la  division  légère  d'Ignace  Hardegg,  des  divisions 
Bianchi  et  Wied-Runkel,  de  la  division  de  grenadiers  Hohenlohe- 
Bartenstein,  de  la  division  de  cuirassiers  du  comte  Nostitz  et  de 
la  2*  division  légère  (prince  Maurice  Liechtenstein),  formait  une 
colonne  spéciale  dont  la  mission  consistait  h  couvrir  ia  gauche 
de  la  grande  armée  et  à  assurer  les  communications  avec  l'armée 
du  prince  héritier  de  Hesse-Hombourg ,  posté  à  Dijon  et  chargé 
de  la  direction  des  opérations  militaires  dans  les  vallées  de  la 
Saône  et  du  Rhône. 

Les  troupes  de  Colloredo  étaient  encore  assez  loin  en  arrière, 
puisque  leur  tète  de  colonne  seule  avait  atteint  ChiUillon  et  que 
sa  queue  était  encore  entre  Saint-Seine  et  Dijon.  Colloredo  lui- 
même  était  à  peu  près  à  moitié  chemin  entre  Châtillon  et  Saint- 
Seine,  ît  Baigneux.  Il  se  faisait  flanquer  sur  sa  gauche  par  le 
comte  Ignace  Hardegg,  qui  devait  le  lendemain  se  porter  d'Alise- 
Sainte-Reine  sur  Montbard,  où  se  trouvait  le  général  de  Vaux. 
Celui-ci,  n'ayant  avec  lui  que  400  hommes,  avait  quitté  le  25 
Flavigny,  h  l'approche  des  troupes  autrichiennes  '.  Voyant  qu'il 


1  PlatofT  et  ses  gens  commettaient  de  telles  atrocités  que  Miifflinf  ne  pouvait 
s'empêcher  d'écrire,  à  la  date  du  25  janvier  :  «  Les  gens  de  PlatofT  se  condui- 
sent d'une  façon  scandaleuse  et  compromettent  nos  affaires.  » 

*  Hardegg,  dans  son  rapport  de  Sainte-Reine,  26  janvier  1814  (A^  K,  Krietf* 
Arehiv,^  l,  607,  a.),  demandait  à  Colloredo  de  lui  faire  parvenir  de  l'argent 
dont  il  avait  besoin  pour  assurer  le  service  des  renseignements.  Il  informait  en 


—  364  — 

n'y  avait  pour  ainsi  dire  personne  devant  le  comte  Hardegg, 
Ck)lloredo  *  prescrivit  à  la  brigade  Salms,  qu'il  avait  postée  h 
Lucenay-le-Duc  et  Bussy-le-Grand  pour  le  cas  où  Hardegg  aurait 
eu  besoin  de  soutien,  de  reprendre  le  27  la  grande  route  de 
Châtillon. 

La  division  légère  du  prince  Maurice  Liechtenstein'  était  à 
Ampilly,  précédée  par  le  corps  volant  du  lieutenant-colonel  comte 
Thurn,  qui  avait  poussé,  depuis  le  24,  jusqu'à  Bar-sur-Seme,  et 
par  le  parti  du  major  prince  Auersperg,  qui  était  entré,  le  26, 
avec  deux  escadrons  de  chevau-légers  de  Rosenberg  à  Mussy- 
l'Évêque  (aujourd'hui  Mussy-sur-Seine).  Bien  que  Liechtenstein 
annonçât  qu'il  n'y  avait  pas  trace  de  troupes  ennemies  du  côté 
de  Châtillon  et  communiquât  à  Colloredo  des  renseignements 
d'après  lesquels  les  Français  n'auraient  eu  que  peu  de  monde  à 
Troyes,  et  bien  que  Bar-sur-Seine  fût  déjà  entre  les  mains  de 
Thurn,  Colloredo  n'en  crut  pas  moins  nécessaire  de  porter  une 
brigade  d'infanterie  et  sa  division  de  cuirassiers  en  soutien  de  la 
division  légère.  Aussi  ne  doit-on  pas  s'étonner  si,  bien  qu'arrivé 
à  Baigneux  le  26,  il  mande  à  Schwarzenberg  qu'il  sera  le  29  seu- 
lement à  cheval  sur  la  route  près  de  Chàtillon  avec  sa  principale 
colonne  prête  à  se  porter  en  avant.  Colloredo,  qui  se  fera  côtoyer 
pendant  cette  marche  par  Hardegg  dans  la  direction  de  Tonnerre, 
mettra  donc  deux  grands  jours  pour  parcourir  un  peu  plus  de 
30  kilomètres. 


ontre  le  feldzeugmeister  que  le  chemin  de  traverse  indiqaé  snr  la  carte  et 
menant  de  Sainte-Reine  à  Montbard,  était  très  mauvais  jusqu'à  Montbard,  à 
peine  praticable  pour  Tartillerie  légère  et  ne  devait  être  utilisé  qu*en  cas  d'ex- 
tr/^rae  urgence.  U  annonçait,  en  outre,  qu'il  n'y  avait  à  ce  moment  à  Auxerre 
que  200  conscrits  et  200  cavaliers. 

i  Colloredo  à  Schwarzenberg,  Baigneux  26  et  27  janvier  (K.  K.  Kriegt 
Archiv.fl,  586,  et  I,  607),  et  prince  Maurice  Liechtenstein  à  Colloredo, 
Ampilly,  26  janvier.  (Ibid.,  I,  586,  a.) 

>  Liechtenstein  termine  sa  dépêche  d' Ampilly  en  disant  à  Colloredo:  «  Con- 
formément aux  ordres  que  j'ai  reçus,  je  dois,  de  Chàtillon,  me  relier  aux 
troupes  du  prince  royal  de  Wurtemberg,  dont  j'ignore  absolument  la  position. 
Je  ne  pense  pas  que  le  IV*  corps  soit  à  Joinville.  Si  Votre  Excellence  savait 
quelque  chose  à  ce  sujet,  je  lui  serais  bien  reconnaissant  de  vouloir  bien  m'en 
informer.  »  N'est-il  pas  curieux  de  voir  que,  bien  qu'il  ne  se  filt  produit  aucun 
grand  événement  de  ce  cdté,  et  bien  que  le  IV'  corps  n'eût  fait  à  ce  moment 
aucun  mouvement,  on  n'ait  pas  jugé  à  propos  d'indiquer  à  un  général,  chargé 
de  se  relier  à  ce  corps,  la  direction  au  moins  approximative  dans  laqueUe  il 
avait  quelque  chance  de  communiquer  avec  lui. 


—  365  - 

27  janvier.  —  Combat  de  Saint-Dizier.  —  Le  il  janvier,  Far- 
mée  de  Sili^sie  tout  entière,  h  l'exception  du  corps  d'York,  était 
arrivée  sur  TAube.  En  effet,  si  Lanskoï,  qui  avait  servi  jusqu(;-là 
d'avant-garde  à  cette  armée,  avait  été  laissé  à  Saint-Dizier  et 
s'était  porté  avec  sa  cavalerie  en  avant  de  cette  ville  jusqu'à 
Longchamp,  pour  être  plus  h  même  de  surveiller  les  environs  de 
Vitry,  Blficher,  avec  Sacken  et  Olsufieff,  avait,  aux  termes  mèmc^s 
de  la  Relation  sommaire  des  opérations  de  l'armée  de  Silésie *, 
dépassé  Brienne  et  poussé  jusque  entre  Lesmont  et  Pougy".  Mais, 
dès  le  27  au  matin,  l'Empereur  avait  fait  partir  de  Vitry  la  cava- 
lerie de  Milhaud,  suivie  du  2*  corps,  soutenu  lui-même  par  le  6«, 
par  les  divisions  de  la  jeune  garde  et  le  l®*"  corps  de  cavalerie. 
Vivement  attaquée  et  surprise  h  la  pointe  du  jour  par  les  cavaliers 
de  Milhaud,  la  cavalerie  du  général  Lanskoï  fut  ramenée  d'abord 
sur  Saint-Dizier.  Son  infanterie  ne  tarda  pas  elle-même  à  en  êlie 
chassée  par  la  division  d'infanterie  du  général  Duhesme,  qui  ne 
lîiissa  pas  h  la  cavalerie  russe,  renforcée  cependant  le  matin  par 
la  brigade  volante  du  prince  Biron,  le  temps  de  faire  sauter  le 
pont.  Chaudement  poursuivi  jusqu'à  Eurville*  par  la  cavalerie» 
française,  Lanskoï,  dans  l'impossibilité  de  se»  replier  sur  Vassy, 
d'où  il  aurait  pu  prendre  par  Montier-en-Der  la  route  la  plus 
directe  menant  à  Brienne,  se  vit  réduit  îi  se  diriger  sur  Joinville, 
pour  y  gagner  la  route  de  Brienne  par  Doulevant  et  Soulaines. 
il  s'arrêta  le  soir  h  Doulevant,  tandis  que  la  cavalerie  franraise, 
qui  avait  poussé  en  avant  par  la  route  de  Joinville  et  par  celle 
d'Eclaron,  atteignait  Vassy*. 


*  Kurzgefasste  DarsteUung  der  Kriegsbegebenheiten  der  scblesischen  Arme 
im  Jabre  1814.  (K.K,Kriegt  Arehiv.,  I,  31.) 

s  Positions  des  corps  de  Tarmée  de  Silésie  sur  l'Aube  le  27  aa  soir  :  Stscber- 
batofT,  à  Pougy  ;  Lieweu,  à  Lesmont  ;  quartiers  généraux  de  Sacken  et  de  Bliicher 
à  Brienne;  Ulsutieiï  à  TremUly  (Journal  d'opérations  du  général-lieutenant 
prince  StscberbatofT).  Remarquons  à  ce  propos  que  ce  fut  le  27  que  Kleist 
reçut  à  Wittlicb  Tordre  par  lequel  on  lui  prescrivait  d'être  le  2  février  à  Saint- 
Mibiel  et  de  faire  marcher,  par  la  route  de  Saint- Wendel,  Hombourg  et  Sarre- 
gnemines,  les  troupes  ,qui  le  suivraient  pour  se  rendre  de  Trêves  à  Toul  et 
Nancy.  Les  troupes  de  Kleist  étaient,  à  la  date  du  27  :  l'avant -garde,  à  Trêves; 
la  brigade  Pirch  l,  à  Hetzeratb,  et  la  brigade  du  pnncc  Auguste,  à  Thalfang. 

'  Kurzgefasste  DarsteUung  der  Kriegsbegebenbeiten  der  scblesischen  Armeo 
im  Jahre  1814.  [K.  K,  Kriegt  Archiv.,  I,  31.) 

*  Victor  arriva  à  5  heures  du  soir  à  Vassy  avec  le  5®  corps  de  cavalerie  et 
le  2«  corps  d'infanterie,  moins  la  division  Duhesme,  qui  prit  position  à  mi- 


*-  366  - 

Positions  des  Français  après  la  prise  de  Saint-Dizier.  — 

L'Empereur,  avec  le  gros  de  ses  forces,  était  arrivé  en  personne, 
Il  9  heures  du  matin,  à  Saint-Dizier,  où  il  avait  été  reçu  avec  un 
enthousiasme  dont  il  est  d*autant  moins  possible  de  contester  la 
grandeur  et  la  vivacité,  que  l'on  en  retrouve  la  mention  jusqut» 
dans  les  rapports  des  généraux  alliés.  Marmont,  Ney  et  Oudinol, 
avec  la  cavalerie  de  Doumerc,  avaient  pris  position,  dans  l'après- 
midi  du  27,  en  avant  de  Saint-Dizier.  A  l'extrême  droite  des 
Français,  Mortier  se  repliait,  par  la  route  de  Vendeuvre,  sur 
Troyes,  où  il  recevait,  dans  la  matinée  du  27,  l'ordre  de  rester 
dans  cette  ville  et  d'y  tenir  tète  à  l'ennemi.  Le  général  Borde- 
soulle  occupait  Arcis-sur-Aube.  La  division  Dufour,  qui  avait  été 
à  Brienne  le  24,  mais  qui,  soit  faute  de  sapeurs,  soit  par  manque 
de  temps  ou  par  incurie,  avait  négligé  d'en  détruire  le  pont, 
avait  passé  par  Arcis  et  était  arrivée,  le  27,  à  Vitry,  où  elle  allait 
être  rejointe,  le  même  jour,  par  la  division  Ricard,  venant  des 
Islettes  par  le  chemin  de  traverse  d'Élize.  Cette  division  devait 
être  remplacée  dans  les  défilés  de  l'Argonne  par  la  division 
Brayer  (du  corps  de  Macdonald).  Celle-ci,  après  avoir  donné,  le 
26,  à  peu  de  distance  de  Sedan,  contre  la  cavalerie  du  général 
Jussefovitch  arrivée  à  hauteur  de  Mouzon  et  envoyée  dans  ces 
parages  par  Saint-Priest,  avait  perdu  un  temps  précieux  en  se 
rejetant  à  droite  sur  Launoy  et  Rethel  et  n'avait  repris  que  plus 
lard  la  direction  de  Vouziers  et  d'Autry ,  qu'elle  atteignit  le 
29  s(;ulemenl. 

CcUte  inconcevable  timidité  d(î  Macdonald,  qui  était  le  27 
il  Mézières,  lui  avait  fait  perdre  trois  jours.  Elle  peut  être  à 
bon  droit  considérée  comme  la  cause  première  de  l'échec  qu'il 
éprouva  à  La  Chaussée,  échec  qui  i;ut  pour  conséquence  ultérieure 
la  perte  de  Chî\lons. 


chemin  de  Saint-Dizier,  à  Joinville.  La  cavalerie  li'gère  de  Pire  était,  le  87  au 
soir,  à  Voillecomte,  sur  la  route  de  Moutier-en-Der  ;  une  des  divisions  de  dra- 
gons, à  Vaux-sur-Blaise,  s^éclairant  sur  les  routes  de  Doulevantet  de  Joinville; 
une  autre  division  de  dragons  était  en  réserve  à  Attancourt;  les  gardes  d*lion- 
neur  à  HunilK^rourt,  poussant  des  partis  sur  Kclaron.  Marmont  couvrait  la 
route  de  Saint-Dizier  à  Bar-le-Duc  et  occupait,  avec  des  troupes  des  trois 
armes,  Saudnip,  à  mi-chemin  de  Saint-Dizier  à  Bar,  ainsi  que  Stainville  sur 
ceUe  de  Saint-Dizier  à  Ligny.  Ney  était  sur  la  rive  gauche  de  la  Marne,  avec 
une  de  ses  divisions  sur  la  route  de  Saint-Dizier  à  Ligny.  Uudiuot  et  Lefebvre* 
Desnoëttes  étaient,  le  27  au  soir^  à  Saint-Dizier  môme. 


—  307  — 

D'autre  part,  hî  déloiir  que  h?  maréchal  avait  cru  |)ru(liiit  de 
faire  et  le  retard  qu'il  n'avait  i)as  hésité  h  se  laisser  imposer  par 
quelques  cavaliers,  obligèn;nt  l'Empereur  à  modifier  la  direction 
primitivement  donnée  à  son  corps  et,  comme  le  duc  de  Tarente 
n'arriva  à  Chîllons  que  du  31  janvier  au  l*»"  février,  il  enleva  h 
Napoléon  toute  possibilité  de  l'appeler  t\  lui  au  moment  où  il 
livra  la  bataille  de  La  Rothière. 

En  opérant  avec  cette  décision  et  cette  rapidité  qu'il  n'avait 
amais  cessé  de  mettre  en  pratique  et  dont  il  avait  tiré  tant  de 
fois  un  si  grand  parti,  Napoléon  avait  réussi  une  fois  de  plus  h 
surprendre  ses  adversaires  et  à  se  jeter  entre  les  deux  grandes 
portions  de  l'armée  de  Silésie,  entre  York  et  Blûcher.  Sachant 
désormais,  par  les  renseignements  fournis  par  les  habitants  de 
Saint-Dizier  et  par  l'interrogatoire  des  prisonniers,  que  les  corps 
de  l'armée  de  Silésie  étaient  encore  échelonnés  de  la  Meuse  à 
l'Aube,  renonçant  pour  le  moment  à  tomber  par  Chaumont  sur 
la  droite  de  la  grande  armée,  il  résolut  immédiatement  de  conti- 
nuer son  mouvement  contre  Blùcîher  et  de  chercher  à  le  prendre 
il  revers  à  Brienne  *. 

Positions  et  ordres  d'Tork.  —  Bien  qu'York  ignonlt  forcé- 
ment à  ce  moment  les  événements  de  Saint-Dizier,  il  n'en  avait 
pas  moins  reconnu  déjà  toute  la  gravité  de  sa  situation.  11  savait 
déjà  que  Macdonald  se  dirigeait  de  Namur  vers  l'Argonne  et 
Chàlons.  La  nouvelle,  envoyée  par  Henckel,  de  la  présence  d(i 
troupes  françaises  à  Bar-le-Duc,  lui  prouvait,  en  outitî,  que  les 
Français,  pour  avoir  réoccupé  ce  point  par  lequel  Bliicher  venait 
de  passer  quelques  jours  auparavant,  avaient  dû  arrêter  leur 
mouvement  de  retraite,  recevoir  des  renforts,  s'être  concentrés  à 
ChAlons, comme  l'affirmaient, d'ailleurs,  les  émissaires  qu'il  avait 


*  An  général  Clarkc,  duc  de  Feltre,  ministre  de  la  gnerre,  à  Paris  : 
«  Saint-Dizier,  28  janvier  1814.  —  Dans  la  journée  du  26,  je  suis  arrivt^ 
à  Vitry.  Le  27,  je  me  suis  porté  sur  Saint-Dizier,  que  Tennemi  occupait  ;  je 
l'en  ai  chassé.  On  lui  a  pris  quelques  pièces  de  canon,  tué  quelques  hommes  et 
fait  quelques  prisonniers.  J'ai  appris  ici  que  Bliicher.  avec  25,000  hommes, 
s'était  porté  sur  Brienne,  où  il  arrive  aujourd'hui.  J'ai  coupé  la  ligne  d'opé- 
ration et  fait  occuper  Bar  et  je  pars  aujourd'hui  pour  me  porter  en  queue  de 
Bliicher.  S'il  tient,  il  serait  possihle  qu'il  y  eût  une  affaire  demain  à  Brienne. 
Le  duc  de  Trévise  doit  être  sur  Arcis-sur-Aube.  »  {Correipondanee,  b9  21.14i.) 


—  368  - 

pu  se  ppocurcT,  et  pariiissaienl  disposés  à  contrarier  sa  niarch(; 
sur  Saint-Dizier.  Déjà  préoccupé  sur  le  sort  de  son  flanc  droit 
exposé  aux  coups  de  Macdonald,  il  avait,  en  arrivant  le  27  à 
Saint-Mihiel  constaté  qu'il  était  impossible  de  remettre  en  état  le 
pont  détruit  par  les  Français.  Il  avait  par  conséquent  dû  se  rési- 
gner à  exécuter  son  passage  plus  en  amont  à  Han-sur-Meuse,  où 
il  fit  aussitôt  jeter  un  pont  î\  peu  de  distance  d*un  gué,  parfaite- 
ment praticable  d'ailleurs.  La  lenteur  forcée  du  passage  sur  un 
pont  volant,  sur  une;  simple  passerelle  par  des  temps  de  gelée 
et  de  verglas,  allait  encore  retarder  sa  marche  et  augmenter  les 
difficultés  de  sa  situation. 

Affaire  de  Bar-le-Duc.  —  Il  chargea  le  corps  volant  du 
colonel  Henckel  et  la  cavalerie  de  réserve  du  général  von  Jûrgass 
de  couvrir  sa  droite  et  recommanda  à  ces  officiers  de  marcher 
concentrés  en  prescrivant  de  plus  à  Henckel  de  se  porter  sans 
perdre  un  moment  sur  Bar-le-Duc  où  il  espérait  trouver  encore 
ues  troupes  russes  du  corps  de  Sacken.  Afin  de  se  procurer  les 
renseignements  que  York  tenait  à  avoir  sur  Bar-le-Duc,  Henckel 
s'était  fait  précéder  d'assez  loin  par  le  capitaine  von  Osten,  avec 
50  chevaux  de  la  cavalerie  de  landwehr*.  Cet  officier  arrivé  h 
Bar-le-Duc  à  la  nuit  tombante  vers  5  heures,  poussa  sans 
encombre  jusqu'à  la  grande  place  et  y  aperçut,  sans  pouvoir  dis- 
tinguer les  uniformes,  un  groupe  de  cavaliers  tenant  des  chevaux 
devant  la  mairie.  Convaincu  qu'il  avait  devant  lui  des  troupes 
russes  en  train  de  demander  leurs  billets  de  logement,  il  mit,  lui 
aussi,  pied  h  terre  et  pénétra  dans  la  mairie  où  il  ne  fut  pas  peu 
surpris  de  se  trouver  au  milieu  d'officiers  français.  Sans  perdrt* 
un  seul  instant  son  calme  et  son  sang-froid,  il  sortit  aussitôt  de  la 
salle  et  remonta  à  cheval  pour  se  retirer;  mais  à  peine  avait-il 
rejoint  ses  hommes  et  leur  avait-il  donné  l'ordre  de  remonter  à 
cheval,  qu'il  vit  arriver  sur  lui  un  détachement  de  cavaleri(î  con- 
duit par  un  officier  qui  avait  fini  par  le  reconuîiître.  Le  capitaine 
von  Osten  chargea  ces  cavaliers  et  les  poursuivit  jusqu'au  moment 
où  ils  furent  recueillis  par  une  grosse  colonne  de  cavalerie.  Il  fil 
alors  foire  demi-tour  à  s(îs  hommes.  Mais  ce  ne  fut  plus  qu'à 


i  2  escadrons,  d'après  Henckel,  Eriniierunyen  aus  nieinem  Lebtn^  p.  2C1. 


—  369  — 

grand'peint*  qu'il  parvint  h  percer  ii  travers  une  troupe  d'infan- 
terie qui  essayait  de  lui  barrer  la  route  et  à  sortir  de  Bar-le-Duc. 
Cette  échauffourée  avait  coûté  17  hommes  au  p(?tit  parti  du  capi- 
taine von  Osten.  Lui-m^me  ne  s*(»n  tira  qu'avec  une  blessure 
assez  sérieuse. 

La  cavalerie  de  réserve  du  général  von  Jûrgass  était  venue 
.e  27  h  La  Croix-sur-Meuse,  et  le  prince  Guillaume  de  Prusse  jus- 
qu'à Saint-Mihiel. 

Positions  et  mouvements  de  l'armée  de  Bohême.  —  L'ar- 
mée de  Bohême  n'avait  guère  fait  plus  de  chemin  le  27  que  le  26. 

Wittgenstein  était  encore  aux  environs  de  Toul,  et  Pahlen  avait 
marché  seul  avec  sa  cavalerie  de  Cirey-le-Chilteau  (Cirey-sur- 
Biaise)  jusque  vers  Eclance. 

Quant  à  Wrède,  il  venait  de  se  mettre  en  mouvement  de  Xeuf- 
chiUeau  sur  Chaumont,  lorsqu'il  reçut,  le  27,  au  soir  Tordre  de 
Schwarzenberg  de  prendre  de  Bourmont  la  direction  de  Vignory. 
Il  établit  par  suite  son  quartier  général  h  Clefmont,  pendant  que 
Frimont  se  cantonnait  à  Bourmont. 

Les  Wurtembergeois  du  IV*  corps  étaient  toujours  immobiles 
îl  Colombey-les-Deux-Eglises ,  derrière  le  III*  corps.  Suivant  le 
mouvement  rétrograde  de  Mortier  qui  avait  pris  position  derrière 
la  Barse  au  pont  de  La  Guillotière*  pour  se  porter  éventuellement 
de  Troyes  vers  ChiUons  par  Arcis-sur-Aube,  Gyulay  avait  fait 
observer  de  loin  la  marche  du  duc  de  Trévise  jusqu'fi  Vendeuvre 
par  la  brigade  du  général  Hecht ,  et  l'avait  fait  surveiller  jusqu'à 
Villeneuve-Mesgrigny  (aujourd'hui  La  Villeneuv(î-aux-Chênes) 
par  quelques  escadrons  de  son  avant-garde.  Son  gros  était  encore 
entre  Le  Magny-FouchardetBar-sur-Aubeoii  il  avait  son  quartier 
général. 

Quant  à  Platoff,  on  était  par\'enu  à  le  faire  sortir  de  son  immo- 
bilité. On  l'avait  fait  partir  de  Bar-sur-Aube  et,  après  avoir  passé 
par  Bar-sur-Seine,  l'ataman  s'était  enfin  décide  îi  se  diriger  sur 
Auxon,  d  où  il  avait  l'ordre  de  continuer  avec  ses  Cosaques  sur 
Moret  et  Fontainebleau. 


^  Starke,  Eintbcilang  and  Tagesbcgebcnlieiten  <lcr  Ilaupt-Armcc  in  Monate 
Januar  (K,  K.  Kriegs  Arehiv,,  1,  30.) 

Weil.  2i 


—  370  — 

Les  corps  volants  du  lieutenant-colonel  comte  Thurn  *  et  du 
major  von  Selby  étaient  h  Chaourcc  aux  sources  do  TArmance  et 
avaient  informé  le  prince  Maurice  Liechtenstein  de  leur  présence 
sur  ce  point. 

La  colonne  de  Colloredo  presque  tout  entière  avait  fait  repos 
dans  les  cantonnements  qu'elle  occupait  déjîi  la  veille.  Liechtens- 
tein, qui  était  toujours  h  ChAtillon,  avait  signalé  h  son  chef  la 
retraite  des  Français  sur  Troyes'  et  lui  avait  transmis  les  rensei* 
gnements  que  le  lieutenant-colonel  Thurn  lui  avait  communiqués 
et  qu'il  avait  fait  parvenir,  comme  nous  l'avons  vu,  au  feldzeug- 
meister  Gyulay.  Seule  la  division  légère  du  comte  Ignace  Hardegg 
avait  poussé  sur  Textrôme  gauche  de  Colloredo  de  Sainte-Reine 
Il  Montbard.  Hardegg  avait  eu  h  Montbard  la  confirmation  de 
Tévacuation  d'Auxerre.  11  avait  appris  également  que  1,800 
hommes  de  cavalerie  et  d'infanterie  françaises  avait  pris  le  24  la 


*  Le  lieutenant-colonel  comte  Thurn  au  prince  de  Schwarzenberg  : 

«c  Chaource,  27  janvier  1814.  —  L'ennemi  s'est  posté  hier  sur  la  route  de 
Vendeuvre  à  Troyes,  à  Villeneuve-Mesgrigny  (La  Villeneuve-aux-Chêncs).  11 
tenait  ses  avant-postes  à  Briel  et  ses  patrouilles  poussaient  jusqu'à  MaroUcs 
(Marolles-les-Bailly) . 

«  Aujourd'hui,  on  voit  ses  troupes  se  replier  sur  Troyes.  Dimanclie,  les 
gdnéraux  présents  à  Troyes  y  ont  tenu  un  conseil  de  guerre  auquel  ont  assisté 
le  préfet  CaflareUi  et  le  nouveau  commandant  de  la  place,  le  général  Dulong. 
Il  s'agissait  de  décider  s*il  convenait  de  défendre  Troyes.  Malgré  l'opposition 
énergique  faite  par  le  général  Dulong,  on  a  pris  la  résolution  d'évacuer  la  ville 
à  l'approche  des  Alliés  pour  se  replier  sur  la  position  de  Nogent. 

tt  Un  de  mes  agents,  parti  de  Paris  le  23,  me  rapporte  qu'il  n'y  avait  à 
cette  date  que  10,000  hommes  dans  la  capitale.  11  n'a  pas  rencontré  de  troupes 
entre  Paris  et  Troyes  et  il  a  remarqué  des  symptômes  manifestes  de  découra- 
gement dans  la  population.  Dans  la  nuit  du  22  au  23,  on  avait  écrit  sur  une 
foule  d'endroits,  dans  presque  toutes  les  rues  de  Paris,  sur  les  murs  des  mai- 
sons, ces  mots  :  «  La  paix  ou  la  mort  du  Tyran  ». 

«  L'Imptfratrice  avait  quitté  Paris.  On  y  disait,  en  outre,  que  les  Anglais 
avaient  débarqué  à  Dieppe.  On  prétendait  avant-hier,  à  Troyes,  qu'Us  avaient 
déjà  occupé  Rouen. 

«  Enfin,  j'ai  appris  que  Caulaincourt  aurait  dit  à  Troyes,  à  une  dame  de 
ma  connaissance,  qu'il  avait  ordre  de  signer  la  paix,  quelque  dures  que  puis-» 
sent  être  le?  conditions  qu'on  lui  ferait. 

«  J'ai,  avec  le  détachement  du  major  von  Selby,  oc>cupé  aujourd'hui 
Cliaource  et  informé  de  ce  fait  le  feld- maréchal-lieutenant  prince  Moritz  Liech- 
tenstein, entré  hier  à  Chàtillon. 

«  Le  comte  Platoff  est  parti  hier  pour  Auxon.  »  (K,  K,  Kriegs  Arehiv,, 
I,  615.) 

s  Moritz  Liechtenstein  à  Colloredo,  Ch&tilloD,  27  janvier.  (/6ûf., 
1.  607,  h.) 


—  371  — 

roulo  de  Tonnerre  ii  Paris,  mais  il  lui  avait  iHé  impossible  de 
découvrir  s'ils  avaient  continué  sur  Paris  où  s'ils  s'étiiient  arrêtés 
ùTroyes.  Hardepîg  ajoutait  encore*  :  «  On  ne  voit,  on  ne  sait,  on 
n'entend  rien  de  l'ennemi  de  ce  côté.  »  11  demandait,  en  outre,  h 
Colloredo  ce  qu'il  devait  faire  des  chevaux  hors  d'état  de  conti- 
nuer à  marcher.  Bien  que  sa  division  n'eût  pas  eu  de  grosses 
fatigues  h  supporter,  il  j)révenait  Colloredo  que,  sa  cavaleries 
ayant  beaucoup  souffert  do  la  marche  (lu'elle  venait  de  faire  par 
des  chemins  impraticables,  son  artillerie  ayant  3  pièces  dont  les 
affûts  étaient  brisés  et  nombre  de  caissons  hors  de  service,  il 
allait  être  obligé  de  faire,  le  28,  séjour  à  Montbard. 

Motifs  du  mouvement  de  l'empereur  Napoléon  sur 
Brienne.  —  On  a  souvent  reproché  h  l'Empereur  la  résolution 
qu'il  prit  après  avoir  chassé  Lanskoï  de  Saint-Dizier,  et  criliciué  la 
marche  de  flanc  sur  Brienno  (|u'il  exécuta  presque  en  vue  ou  tout 
au  moins  à  peu  de  distiuice  de  l'armée  de  Schwar/enberg.  Si  l'on 
peut,  jusqu'à  un  certain  point,  condamner  l'espèce  d'entêtement 
qui  l'amena  quelques  jours  plus  lard  ii  livrer,  malgré  lui,  il  est 
vrai,  mais  aussi  en  dépit  de  l'inégalité  écrasante  des  forces,  la 
bataille  de  La  Rothière,  on  ne  saurait  en  revanche  rien  trouver  h 
redire  au  mouvement  sur  Brienne.  La  surprise  de  Lanskoï  avait 
suffi  pour  rendre  aux  populations  des  espérances  qu'elles  avaicuit 
trop  promptement  perdues,  et  l'opération  sur  Brienne  devait,  dans 
l'esprit  de  l'Empereur,  servir  h  prouver  aux  maréchaux  (ju'il 
fallait  reprendre  courage,  qu'on  n'était  pas  à  bout  de  ressources  et 


*  Hardegg  à  Colloredo,  Châtillon,  27  janvier.  (K.  K,  Kriegs  Archic, 
I,  628,  6.) 

A  ce  rapport  dtaient  joints  les  ordres  suivants  (jii^IIardegg  avait  donnés  à 
ses  partis  : 

«  Ordres  pour  le  27  janvier  : 

«c  Le  détachement  du  major  von  Tliuru  reste  à  Somur  avec  un  poste  u 
Epoisses  envoyant  des  patrouilles  vers  Savigny-en-Terre-Pleine,  un  poste  à 
Millery  avec  patrouilles  de  Viserny  à  Saint-Just,  un  poste  à  CourccUes-Frémois 
avec  patrouilles  par  Rierre,  sur  la  route  d*Auxerro.  n 

M  Ordres  pour  le  28  janvier  : 

«  ï^  détachement  du  major  von  Thurn  marche  sur  Noyers  et  couvre  le 
flanc  gauche  du  corps. 

<c  Le  parti  volant  du  lieutenant  Hardegg  va  par  Annay  et  Molay  à  Collan, 
sur  la  route  d*Auxerre  à  Tonnerre,  et  envoie  des  palrouiUes  à  gauche  vers 
ChabUs,  à  droite  vers  Tonnerre.  S'il  rencontre  Tenncmi  et  se  trouve  trop  faible 
pour  lui  r^ister,  il  se  repliera  sur  Noyers,  n 


—  372  — 

que,  avec  du  jugement  et  de  la  résolution,  on  pouvait  encore  réta- 
blir les  affaires.  C'est  pour  cela  que,  sans  perdre  une  minute,  il 
va  employer  la  journée  du  28  à  marcher  sur  Brienne.  Il  espère  y 
tomber  sur  les  derrières  de  Blûcher,  le  battre  et  le  détruire  avant 
sa  jonction  avec  Schwarzenberg.  Peu  s'en  est  fallu  que  ce  plan, 
si  hardiment  conçu  et  si  résolument  exécuté,  ne  fût  couronné  de 
succès  puisque,  pendant  toute  la  journée  du  28  et  jusqu'à  ce 
qu'un  hasard  providentiel  lui  eût  révélé  le  danger  qu'il  courait, 
Blùcher  croyait  qu'il  s'agissait  simplement  d'une  reconnaissance 
offensive  absolument  sans  conséquence,  et  pensait  que  les  Fran- 
çais avaient  uniquement  cherché  h  savoir  si  l'armée  de  Silésie  se 
dirigeait  sur  Chûlons  ou  sur  Paris,  en  un  mot,  que  les  Français 
avait  seulement  voulu  le  tAter*. 

Comme  nous  l'avons  dit,  Napoléon  pouvait  h  ce  moment  :  ou 
continuer  sa  route  vers  la  Lorraine  pour  arrêter  York  et  se 
réunir  à  Macdonald ,  ou  pousser  sur  Chaumont  et  Langres  pour 
tenir  tôte  à  Schwarzenberg,  ou  redescendre  vers  l'Aube  pour 
suivre  et  atteindre  Blûcher.  «  Napoléon,  écrit  îi  ce  propos  le 
baron  Fain*,  s'arrête  à  ce  dernier  parti,  qui  doit  prévenir  la 
jonclion  des  Prussiens  avec  l'armée  autrichienne,  qui  peut  sauver 
Troyes  et  qui,  dans  tous  les  cas,  va  faire  tomber  ses  premiers 
coups  sur  son  enneîni  le  plus  acharné.  » 

C'est  pour  cela  aussi  que  Napoléon  choisit  le  chemin  le  plus 
court  de  Saint-Dizier  à  Troyes,  par  la  forêt  du  Der,  bien  que  ce 
soit  un  chemin  de  traverse  difficile,  mais  parce  que  c'est  aussi 
par  là  qu'on  s'attendra  le  moins  à  le  voir  déboucher.  D'ailleurs, 
quand  il  s'arrête  à  cette  résolution,  le  temps  est  à  la  gelée,  son 
armée  est  pleine  d'enthousiasme,  son  artillerie  est  bien  attelée, 
et  par  cette  route  de  la  forêt,  il  peut  être  en  deux  marches  à 
Brienne.  Il  importe,  d'ailleurs,  de  remarquer,  qu'au  moment  où 
il  prenait  le  parti  de  se  jeter  sur  Blùcher,  Napoléon  avait  d'au- 
tant plus  de  motifs  pour  le  faire,  qu'il  devait  croire  que  le  général 
Dufour  avait  détruit  le  pont  de  Lesmont ,  que  le  rétablissement 
de  ce  passage  arrêterait  Blùcher,  et  que  de  plus,  en  opérant  de 


*  Voir  Karzgefasstc  DarstcIIung  der  Kricgsl)ogcbenhcitcn  der  srhiesischen 
Armée  {K.  K.  Kriegs  Archiv.y  I,  31)  et  Bliicher  à  Schwarzenberg,  de  BrienDC, 
28  janvier  (Ibid.,  I,  632). 

>  Faim,  Manuscrit  de  1814. 


—  373  — 

la  sorte,  il  se  rapprochait  de  son  aile  droite  cl  comptait  pouvoir 
manœuvrer  de  concert  avec  Mortier.  A  ceux  qui  lui  reprochent 
do  n'avoir  pas  préféré  se  porter  vers  Chaumonl,  il  suffira  d'obser- 
ver qu'en  manœuvrant  de  la  sorte,  il  n'aurait  réussi  tout  au  plus 
qu'à  séparer  du  reste  de  la  grande  armée  Wrèdc,  qui  aurait  pu 
continuer  h  filer  sans  encombre  par  Bar-sur-Aube  ou  par  Vassy 
et  Montier-en-Der,  pour  rejoindre  Blûcher. 

On  a  encore  critiqué  la  résolution  qu'il  «ivait  prise  en  se  por- 
tant par  Montier-en-Der  sur  Brienne,  et  prétendu  qu'il  aurait 
mieux  fait,  ou  de  se  diriger  par  Doulevant  contre  Gyulay  et  le 
prince  royal  de  Wurtemberg,  postés  à  Bar-sur-Aube  et  Colombey- 
les-Deux-Églises,  ou  de  marcher  de  Vassy  par  Sommevoire  sur 
Dienville  S  afin  de  couper  les  communications  de  Blûcher  avec 
Schwarzenberg.  Cette  dernière  critique  seule  a  une  certaine 
valeur;  mais  il  faut  constater  qu'en  se  portant  sur  Dienville,  il 
était  obligé  de  défiler  presque  en  vue  des  troupes  du  III«  corps, 
et  que  de  plus,  il  sacrifiait  complètement  le  facteur  le  plus  impor- 
tant :  le  temps.  Or,  Napoléon  sentait  parfaitement  qu'il  n'avait 
pas  une  minute  h  perdre  pour  conserver  quelque  chance  d'écra- 
ser Blûcher,  et  pouvoir,  après  l'avoir  rejeté  vers  la  Meuse  ou  la 
Moselle,  se  retourner  par  Joinville  contre  Schwarzenberg  qui,  h 
la  première  nouvelle  de  la  défaite  complète  de  Blûcher,  n'aurait 
pas  manqué  de  s'arrêter  et  de  prendre  une  position  défensive. 

Enfin,  il  y  avait  encore  une  considération  d'ordre  moral  qui 
devait  décider  Napoléon  à  essayer  d'en  finir  avec  celui  de  ses 
adversaires,  qu'il  considérait,  h  juste  titre,  comme  le  plus  redou- 
table et  le  plus  acharné,  à  cause  de  la  haine  qu'il  portait  à  la 
France  et  de  l'activité  que,  malgré  son  grand  âge,  il  mettait  au 
service  de  sa  passion.  Il  était  d'autant  plus  nécessaire  de  frapper 
un  grand  coup  contre  Blûcher  que,  et  ce  sont  les  auteurs  alle- 
mands eux-mêmes  qui  le  signalent,  l'arrivée  de  l'Empereur  h 
l'armée  avait  suffi  pour  changer  en  peu  d'heures  l'attitude  et 
l'esprit  des  populations.  Droysen,  dans  sa  Vie  du  feld-maréchal 

i  Le  prioce  do  Taxis  (aide  de  camp  de  Wr6de),  entre  autres,  ne  comprend 
pas,  dans  son  Tagebueh,  ponrqnoi  Napoléon  fait  une  marche  de  flanc  de 
Montier-en-Der  sur  Lcsmont  par  des  chemins  difficiles,  et  croit  qu'il  avait  mieux 
à  faire  en  attaquant  directement,  et  de  front,  le  \l^  corps  (Wittgenstein)  du 
côté  de  Vassy,  où  ce  corps  arriva  le  29  janvier.  (Tagebuch  du  major  prince 
Thum  et  Taxis.  —  K,  K.  Kriegs  Archiv.,  XIII,  32.) 


_  374  — 

York,  s'exprime  îi  ce  sujet  de  la  façon  suivante  :  «  Il  était  évi- 
dent qu'on  était  à  la  veille  de  grands  événements,  et  les  disposi- 
tions des  populations  s'étaient  en  un  instant  modifiées  du  tout  au 
tout.  L'arrivée  de  Napoléon  et  ses  proclamations  avaient  réveillé 
leur  patriotisme.  La  nouvelle  que  TEmpercur,  avait  pris  Toften- 
sive,  avait  ranimé  les  courages  et  les  espérances.  La  levée  en 
masse  elle-même  prenait  un  caractère  grave  et  sérieux.  Les  vil- 
lages se  vidèrent;  les  habitants,  avec  leurs  bestiaux  et  leurs  pro- 
visions, se  réfugièrent  dans  les  bois,  y  épiant  les  traînards  et  les 
petites  patrouilles,  leur  tendant  des  embuscades,  les  désarmant 
et  les  massacrant.  Dans  les  cantonnements,  les  crimes  et  les  ten- 
tatives d'assassinat  se  multiplièrent.  11  était  impossible,  désormais, 
de  se  faire  un  instant  de  plus  illusion  sur  l'esprit  du  peuple  :  la 
véritable  guerre  allait  commencer  *.  » 

C'était  \\i  ce  que  Napoléon  avait  reconnu  à  Saint-Dizier,  ce 
qu'il  sentait,  ce  qu'il  voulait,  et,  pour  permettre  à  ce  réveil  de 
l'esprit  national,  h.  cette  manifestation,  peut-être  un  peu  tardive, 
d'un  patriotisme  un  moment  assoupi,  de  se  généraliser  Qt  de 
s'étendre,  il  lui  fallait  une  victoire  décisive.  C'était  cette  victoire 
qu'il  espérait  trouver  à  Brienne. 

Quant  à  Blùcher,  il  est  évident  qu'il  ne  se  rendait  pas  encore 
un  compte  exact  des  dangers  de  sa  situation.  Ses  panégyristes 
ont  beau  dire  qu'îi  la  réception  du  rapport  dans  lequel  Lanskoï 
lui  faisait  part  des  événements  de  Saint-Dizier,  il  avait  sagement 
agi  en  ne  rappelant  pas  immédiatement  à  lui  la  cavalerie  qu'il 
avait  détachée;  ils  ont  beau  prétendre  qu'en  attendant  en  forma- 
tion de  combat  l'attaque  de  l'ennemi  pendant  les  journées  des  28 
et  29  janvier,  il  ne  faisait  que  se  conformer  fi  ce  grand  principe 
en  vertu  duquel  on  doit  obliger  d'abord  l'ennemi  à  se  déployer, 
lui  cacher  soigneusement  ses-  j)ropres  projets  et  ne  prendre  une 
résolution  définitive,  un  parti  décisif,  que  lorsqu'on  est  complète- 
ment fixé  sur  les  intentions  de  son  adversaire  ;  il  n'en  est  pas 
moins  incontestable  qu'il  crut  d'abord  à  une  simple  reconnais- 
sance ofl'ensive  dos  Français,  lorsqu'il  reçut,  le  28  janvier,  à 
6  heures  du  matin,  la  nouvelle  que  l'ennemi  avait  chassé  Lanskoï 
de  Saint-Dizier  et  l'avait  poursuivi  jusqu'au  delfl  d'Eurville.  Ce 


*  Drovsex,  Dos  Leben  des  FeliUmarscMls  Grafen  York  ton  Wartenburg, 
t.  H,  p.  279  et  280. 


-  375  — 

fut  soulcmcnt  lo  soir  que  Lanskoï  réussit  à  lui  démontrer  que 
l'ennemi  cherchait  à  se  jeter  avec  toutes  ses  forces  entre  lui  et 
York  et  à  couper  ses  communications  avec  Nancy  *. 

28  janvier.  —  Mesures  prises  par  Blflcher.  —  S'il  reste 
d'ailleurs  les  moindres  doutes  h  ce  sujet,  le  rapport  m(^me,  que 
Blûcher"  adressa  h  Schwarzcnbcrg,  est  de  nature  h  les  dissiper  : 

«  Bricnne,  28  janvier  1814.  —  «  J'apprends  ce  matin  à  6  heures 
que  l'ennemi,  probablement  le  corps  de  Victor  renforcé,  s'est 
avancé  hier  de  Viti7  h  Saint-Dizier  contre  mon  avant-garde  qui, 
postée  sur  la  route  de  Joinvillc  h  Saint-Dizier,  s'est  retirée  jusqu'à 
Eurville. 

«  Les  Cosaques  disent  que  l'ennemi  a  occupé  hier  Vassy.  J'ai 
donné  Tordre  de  s'en  assurer.  Je  crois  qu'il  s  agit  simplement 
d'une  forte  reconnaissance  faite  pour  savoir  si  nouji  allons  sur 
Paris  ou  sur  Chdlons,  Peut-être  F  ennemi  veut-il  aussi  nous  tdter. 

«  Les  troupes  russes  de  l'armée  de  Silésie  sont  sur  la  route  de 
Joinville  h  Arcis,  entre  Briennc  et  Pougy.  L'avant-garde  de  Witt- 
genslein,  sous  les  ordres  du  comte  Pahlen,  se  trouve  îi  doux 
lieues  au  sud  de  celte  route. 

«Le  corps  du  général  York  devait  être  hier  à  Bar-le-Duc,  si  l'en- 
nemi ne  l'a  pas  retardé  par  quelque  démonstration,  et  aujourd'hui 
à  Saint-Dizier. 

«  L'avant-garde,  sous  Lanskoï,  était  hier  h  Eurville.  » 

Il  semble,  dhiilleurs,  pour  des  raisons  toutes  particulières,  pour 
des  motifs  qui  ressortiront  de  la  suite  de  cette  lettre,  sur  laquelle 
nous  aurons  occasion  de  revenir,  que  Blùchcr  ne  tenait  pas  à  dire 
la  vérité  tout  entière  à  Schwarzenberg,  parce  qu'il  voulait  avant 
tout  éviter  l'envoi  d'un  ordre  formel  lo  rappelant  en  arrière,  et 
que,  plus  que  jamais,  il  croyait  au  succès  final  de  la  marche  sur 
Paris.  Du  reste,  il  faut  bien  le  dire,  la  tranquillité  de  Blûcher 
était  plus  apparente  que  réelle.  Il  est  évident,  en  effet,  que  le 
feld-maréchal  attachait  déjà  à  la  nouvelle  de  l'affaire  de  Saint- 
Dizier,  si  ce  n'est  toute  la  considération  qu'elle  méritait,  du  moins 
plus  d'importance  qu'à  une  simple  reconnaissance  offensive. 

Jusqu'à  ce  moment,  en  effet,  il  avait  pu  admettre  que  l'Empe- 


*  Kurzgefasste  Dartellung  der  Kriegsbegebenheiten  der  schlcsischen  Armée. 
(A'.  K,  Krieg$  Arehiv.^  I,  31.) 
s  Bliicher  à  Schwarzenberg,  Brienne,  28  janvier.  (Ibid.,  I,  632.) 


—  376  — 

reur,  en  prenant  Toffensive,  avait  pour  but  unique  de  se  rappro- 
cher de  Mortier  que  Tarmée  de  Bohême  observait.  Croyant  ainsi. sa 
gauche  et  ses  derrières  parfaitement  couverts,  le  feld-maréchal 
pensait  pouvoir  continuer  il  se  porter  sur  Arcis,  afin  d'être  de  là 
Il  môme,  soit  de  déborder  les  positions  des  Français  sur  la  Marne, 
soit  de  se  réunir  à  Tarmée  de  Bohême  qu'il  croyait,  il  est  vrai,  en 
marche  et  sur  le  point  d'arriver  ii  sa  hauteur,  tandis  qu'au  con- 
traire, elle  était  restée  pour  ainsi  dire  immobile  sur  ses  positions 
depuis  plus  de  quatre  jours.  Aussi,  lorsqu'il  reçut,  le  28  au  ma- 
tin, la  nouvelle  de  l'échec  éprouvé  par  Lanskoï,  il  renonça  ii  son 
mouvement  sur  Arcis,  et,  comme  ce  général  lui  faisait  part  de  son 
intention  de  se  replier  de  Joinville  par  Doulevant  et  Soulaines  sur 
Brienne,  il  crut  prudent  de  maintenir  le  gros  de  ses  troupes  entre 
Biienne  et  Lesmont,  tout  en  laissant  continuer  encore  leur  mou- 
vement aux  généraux  Pantchoulitcheff*  et  Wassiltchikoff  II,  qu'il 
avait  dirigés  avec  leur  cavalerie,  le  premier  vers  Arcis-sur-Aube, 
le  deuxième,  sur  la  route  de  Ramerupt  i\  Troyes.  Mais  il  rai>- 
pela  II  lui  les  partisans  de  Stscherbatoff,  la  cavalerie  de  Pahlen 
et  la  brigade  volante  du  prince  Biron.  Stscherbatoff,  qui  avait 
jusqu'à  ce  moment  battu  l'estrade  en  avant  de  l'armée  de 
Bohême  (il  s'agit  ici  du  général-major  de  ce  nom),  rend  compte 
en  ces  termes  à  Schwarzenberg,  du  mouvement  qu'il  a  été  obligé 
de  faire  pour  se  conformer  aux  instructions  du  feld-maréchal  et 
de  la  nouvelle  destination  qu'il  vient  de  recevoir  '  : 


i  Le  Ucutenant-général  WassiUciiikoff  au  général-major  PantcbouUtcheff  : 
u  Brienne,  15/27  janvier  1814.  —  Le  général-major  PantchoulitcheiT  ira  de 
Coclois  à  Arcis-sur-Aube.  S'il  y  trouve  l'ennemi,  il  cherchera  à  le  repousser  et 
à  s'emparer  de  celte  ville  et  du  pont.  Si  l'ennemi  occupe  ce  point  avec  de  l'in- 
fanterie en  nombre  supérieur,  le  général  PantcbouUtcheff  se  retirera  avec  pré- 
caution et  me  fera  connaître  son  mouvement.  Si  le  général  Pantchoulitcheff 
prend  Arcis,  il  enverra  des  coureurs  sur  le  chemin  de  Nogent  et  fera  occuper 
par  les  Cosaques  Méry-sur-Seine  et  Plancy-sur-Aubc.  Il  laissera  du  monde  à 
Anbeterre  pour  éclairer  la  route  do  Troyes.  Le  colonel  Davidoff  ira  à  Charmont 
avec  le  régiment  de  hussards  de  la  Russie-Blanche  et  aura  des  postes  à  Luyères 
et  à  Bouy  ;  ces  postes  enverront  des  éclaireurs  sur  la  route  de  Troyes.  Le 
général-major  Wassiltchikoff  ira,  sur  la  rive  droite  do  l'Aube,  jusqu'à  Rame- 
rupt et  Arcis,  et  fera  des  partis  sur  Brébant  et  Mailly  (route  de  Châlons  à 
Ramerupt  et  de  Chûlons  à  Arcis).  » 

L'entreprise  tentée  contre  Arcis,  le  28,  échoua  parce  que  le  général  Borde- 
souUe  avait  eu  le  soin  de  faire  barricader  solidement  le  pont. 

'  Le  général-major  prince  Stscherbatoff  au  prince  de  Schwarzenberg.  Mai- 
ziéres,  28  janvier.  (Original  en  français.  —  K,  K.  Kriegs  Archiv,,  1,  631.) 


—  377  — 

«  Ce  matin,  (^tant  sorti  du  village  de  Donncmcnt  pour  aller  fi 
Arcis,  le  général-major  Wassiltchikoft*  me  communiqua  Tordre 
qu'il  reçut  du  lieutenant-général  Wassiltchikoff  de  marcher  au 
plus  vile  sur  Lesmonl,  de  découvrir  en  môme  temps  mon  déta- 
chement et  de  me  faire  savoir  que  je  dois  me  joindre  à  lui. 

«  En  arrivant  îi  Lesmont,  je  reçois  un  ordre  du  lieutenant- 
général  Wassiltchikoff  pour  me  mettre  sur  le  chemin  qui  va  de 
<}iffaumont  à  Lesmont.  En  conséquence  de  quoi,  j(î  suis  venu  il 
Maizières  d'où  j'ai  envoyé  des  partis  h  Montier-cn-Dcr  et  h  Bon- 
nement. 

«  Les  partis  que  j'ai  envoyés  ce  matin  h  Vitry  et  Arcis  ne  sont 
pas  encore  de  retour,  mais  le  premier  a  découvert  qu'il  y  a  à 
Vitry  beaucoup  de  troupes  ennemies. 

«  Les  nouvelles,  que  j'ai  eues  des  habitants,  sont  qu'il  y  a  Ih  près 
de  50,000  hommes,  qu'il  y  a  îi  Arcis  6,000  hommes  ennemis  et 
que  les  troupes  alliées  sont  aux  portes  de  la  ville.  En  arrivant  ici, 
un  déserteur  français  s'est  présenté  chez  moi.  Il  dit  avoir  vu  lui- 
môme,  hier.  Napoléon  arriver  avec  10,000  hommes  de  cavalerie 
et  que  le  chemin  de  ChAlons  h  Vitry  est  couvert  de  troupes. 

«  Le  détachement  du  général-major  prince  Biron  passant  par 
ici,  m'a  dit  que  l'Empereur  était  h  Vassy  et  h  Joinville,  et  que  ce 
détachement  allait  couvrir  le  flanc  droit  du  corps  du  lieutenant- 
général  Lanskoï.  » 

La  brigade  volante  de  Biron,  dont  un  des  escadrons  sur\'eillait 
des  environs  de  Longeville,  la  roule  qui  mène  de  Sommevoire  à 
Brienne,  avait  poussé  sur  l'ordre  qu'elle  en  avait  reçu,  jusqu'à 
Hampigny  où  elle  arriva  fort  avant  dans  la  soirée  du  28  et  d'où 
elle  établit  ses  vedettes  jusque  vers  Brillecourt. 

En  môme  temps,  les  généraux  Pantchoulitcheff  et  Wassiltchi- 
koff II  avaient  été  avisés  dans  le  courant  de  la  journée  d'avoir  à  se 
replier  sur  le  gros  du  corps  en  ne  laissant  du  côté  d'Arcis  et  de 
Troyes  que  des  postes  d'observation.  Olsufieff  prenait  des  canton- 
nements resserrés  dans  Brienne  même  et  aux  environs  de  la  ville. 
Sacken  avait  ordre  d'en  faire  autant  du  côté  de  Lesmont  et  devait, 
en  cas  d'alerte  ou  d'attaque,  poster  une  partie  de  son  corps  à 
Pougy  et  l'autre  partie  à  Lesmont  môme. 

Pour  compléter  ces  mesures  qu'il  croyait  nécessaire  de  prendre 
et  en  dépit  de  la  tranquillité  dont  il  faisait  montre  vis-à-vis  du 
généralissime,  Blûcher  avait  encore,  nous  l'avons  déjà  dit,  fait 


—  378  — 

ôerrer  sur  lui  la  cavalerie  du  VI^  corps  sous  les  ordres  de  Pahlcn 
qui  provint  de  cette  nouvelle  destination  le  feldzeugmeister  Gyu- 
lay.  Des  termes  mêmes  de  cette  lettre  S  il  ressort  manifestement 
que  Blûcher  était  loin  d'ôtre  aussi  satisfait  de  sa  situation  qu*il  le 
prétendait  dans  ses  dépêches  à  Schwarzenberg  : 

«  J*ai  eu  l'honneur  d'annoncer  hier  h  Votre  Excellence  que  je 
comptais  être  aujourd'hui  à  Pincy,  parce  qu'une  partie  de  l'armée 
du  feld-maréchal  Blùcher  devait  arriver  à  Coclois.  Mais  le  feld- 
maréchal  Blûcher  m'informe  que  l'ennemi  fait  des  mouvements 
sur  sa  droite  et  que  le  général  Lanskoï,  qui  était  à  mi-chemin  de 
Saint-Dizier  fi  Yitry,  ayant  été  chassé  hier  27  de  Saint-Dizicr, 
s'est  rejeté  sur  Joinville  d'où  il  est  parti  ce  matin  pour  aller  à 
Doulcvîint.  » 

o  Aujourd'hui  l'ennemi  a  occupé  Vassy  et  s'est  montré  h  Gif- 
faumont  et  à  Chavanges.  Jusqu'à  présent,  il  est  difficile  de  pré- 
voir et  de  dire  quelles  sont  ses  intentions. 

«  Le  général  York  devait  venir  aujourd'hui  de  Saint-Mihicl  à 
Saint-Dizier,  se  poster  sur  le  flanc  droit  du  feld-maréchal  Blfi- 
cher.  Peut-être  l'ennemi  cherche-t-il  à  contrarier  cette  jonction  î 
Peut-être  aussi  veut-il  se  porter  de  Chûlons  par  Arcis  sur  Troyes 
et  veut-il  par  ce  mouvement  en  avant  nous  dérober  ses  véritables 
projets?  Enfin,  il  pourrait  se  faire  qu'il  voulût  prendre  l'offensive 
contre  notre  droite. 

«  Pour  attendre  le  résultat  et  le  développement  des  mouve- 
ments de  l'ennemi,  le  feld-maréchal  Blllcher  a  fait  aujourd'hui 
halte  à  Brienne  et  m'a  invité  à  eu  faire  autant  de  mon  côté. 

<(  J'ai  été  sur  le  point  de  m'arrêtcr  à  Éclance  ;  mais  en  raison 
des  mouvements  que  l'ennemi  a  feits  cette  après-midi  du  côté  de 
Chavanges,  le  feld-maréchal  qui  a  employé  du  côté  d' Arcis  toute 
sa  cavalerie  sous  les  ordres  du  général  Lanskoï  ',  m'a  prié  de  me 
poster  derrière  la  Voire  et  de  couvrir  pour  le  moment  sa  droite. 
Je  me  porte  par  conséquent  sur  Lassicourt.  La  cavalerie  du 
général  Wassiltchikoff  surveille  et  couvre  le  flanc  gauche  du  feld- 


t  Pahlen  au  feldzeugmeister  comte  Gyniay,  Brienne,  28  janvier,  4  heures 
après-midi.  {K,  K.  Kriegt  ArefUv,,  l,  ad.  62K.) 

'  Pahlen  commet  là  une  erreur^  C'est  le  général  Pantchonlitehoff  et  non  le 
général  Lanskoï,  qui  avait  été  envoyé  da  côté  d'Arcis. 


—  379  - 

maréchal  du  côté  de  Troyes,  et  Tavant-gardo  de  Votre  Excellence 
pourra  aisément  se  relier  h  cette  cavalerie. 

«  J'aurai  Thonneur  de  tenir  Votre  Excellence  au  courant  des 
événements  ultérieurs.  » 

Quant  au  général  Lanskoï,  il  avait  pu  arriver  vers  le  soir,  le  28, 
à  Doulevant  et  devait  donc,  selon  toute  probabilité,  être  h  môme 
de  rallier  Blucher  le  lendemain. 

Mouvement  de  Tarmée  française  sur  Montier-en-Der.  — 

Pendant  ce  temps,  TEmpereur,  laissant  à  Saint-Dizier  la  division 
Lagrange  (du  6«  corps)  et  le  l®»"  corps  de  cavalerie  (Doumerc)  pour 
couvrir  et  cacher  la  marche  des  autres  corps,  avait  continué,  dès 
le  point  du  jour,  son  mouvement  sur  Montier-en-Der.  Sa  petite 
armée  marchait  sur  deu:c  colonnes.  Victor,  avec  le  2«  corps  (moins 
la  division  Duhesme,  qui  resta  en  position  toute  la  journée  et  no 
fila  que  le  soir  sur  Vassy)  et  avec  le  5«  corps  de  cavalerie  (xMilhaud), 
reçut  Tordre  de  suivre  la  route  de  Joinville  jusqu*h  Rachecourt, 
puis,  h  partir  de  ce  point,  de  se  porter  par  la  traverse  sur  Vassy 
et  Montier-en-Der.  La  cavalerie  et  Tinfonterie  de  la  garde  avaient 
pris  droit  sur  Montier-en-Der  par  Éclaron,  et  plus  à  droite  encore 
le  général  Gérard  quittait  Vitry  avec  les  divisions  Dufour  et 
Ricard  et  la  brigade  de  cavalerie  du  général  Piquet,  flanquant 
ainsi  la  droite  de  l'armée  en  marchant  sur  la  route  de  Vitry  à 
Brienne. 

Le  5e  corps  de  cavalerie  (Milhaud)  arriva  h  onze  heures  du  soir 
à  Longeville.  Le  général  Milhaud  lit  occuper  Boulancourt,  h  une 
demi-lieue  de  Longeville,  par  une  brigade  de  cavalerie  légère  et 
trois  compagnies  d'infanterie  légère.  La  division  de  dragons 
Lhéritier  fut  postée  un  peu  en  arrière  de  Longeville  avec  une 
de  ses  brigades  [i  Louzc. 

Mais  à  la  gelée  du  27  avaient  succédé  la  pluie  et  le  dégel,  et 
Tartillerie  de  Victor  ne  parvint  qu'à  grand  peine  h  se  tirer  des 
fondrières  des  chemins  de  traverse  par  lesquels  elle  avait  îi  passer 
k  partir  de  Rachecourt. 

Malgré  les  difficultés  inouïes  qu'elles  eurent  à  surmonter,  les 
troupes  arrivèrent  cependant  le  28  au  ^oir  à  Montier-en-Der*. 


*  Gronchy  (Mémoires)  indique  comme  positions,  le  28  au  soir,  Maiiièrai 
pour  i'ayant-garde  du  S*'  corps,  soutenue  par  deux  divisions  de  dragons,  et 


—  380  — 

Marmont,  après  avoir  attendu  h  Saint-Dizior  le  retour  des  recon- 
naissances envoyées  sur  Bar-le-Duc  et  sur  Ligny,  où  ses  cavaliers 
n'avaient  pas  trouvé  trace  des  troupes  alliées,  puisque  celles-ci 
n'arrivèrent  que  quelques  heures  plus  tard  il  Bar-le-Duc,  se  por- 
tait h  quatre  heures  de  Taprès-midi  avec  1200  hommes  d'infan- 
terie (une  brigade  de  la  division  Lagrange)  et  le  i^'  corps  de  cava- 
lerie sur  Éclaron  pour  continuer  le  lendemain  sa  marche  sur 
Vassy.  Il  ne  restait  plus,  dès  lors,  h  Saint-Dizier,  que  le  général 
van  Merlen  avec  800  fantassins,  400  chevaux  et  4  bouches  à  feu. 

Le  général  Gérard  prit  position,  avec  la  division  Ricard,  en 
avant  d'Arzillières;  la  division  Dufour  restait  en  arrière  de  Braux- 
le-Comte  *.  Quant  h  la  cavalerie  du  général  Piquet,  bien  qu'elle 
eût  reçu  Tordre  de  pousser  encore,  le  28  au  soir,  jusqu'à  Montier- 
en-Der,  elle  ne  put  y  arriver  que  le  29  au  matin.  Enfin,  en  pré- 
sence du  mouvement  de  Blûcher  sur  Brienne,  le  major-général, 
sur  l'ordre  de  l'Empereur,  avait  prescrit  h  Macdonald  le  28  au 
soir,  par  une  dépêche  que  le  maréchal  reçut  k  Rethel  le  29  au 
matin,  de  se  concentrer  au  plus  vite  à  Chàlons  et  de  se  diriger 
vivement  sur  ce  point,  au  lieu  d'aller,  comme  le  voulaient  les 
lordres  précédents,  sur  Sainte-Menehould. 

Pour  ne  pas  interrompre  la  suite  des  opérations  et  des  mouve- 
ments entre  l'Aube  et  la  Marne,  nous  indiquerons  plus  loin  les 
particularités  de  la  marche  du  duc  de  Tarente  de  Namur  sur  Châ- 
lons  et  Vitrv. 

Prise  par  les  Cosaques  de  Stscherbatoff  du  lieutenant- 
colonel  Bénard.  —  Ce  fut  à  ce  moment  aussi  que  les  caprices  de 
la  fortune  vinrent  ser\ir  et  sauver  Blucher.  Dès  le  27  au  soir,  l'Em- 
pereur avait  de  Saint-Dizier  fait  partir  pour  Arcis-sur-Aube  cl 
Troycs  des  officiers  porteurs  d'ordres  enjoignant  h  Mortier  de  se 
rapprocher  de  lui  de  façon  îi  pouvoir  former,  h  partir  du  29,  la 


fait  Tenir  le  reste  de  rinfanterio  du  2^  corps  jusqu'à  LongeviUe.  11  y  a  là 
évidemment  une  erreur,  puisqu'il  est  constant  que  Stscherbatoff  occupait 
Maiziôres  et  y  resta  jusqu'au  2^,  et  que  le  2®  corps  n'arriva  que  fort  tard,  le 
98  au  soir,  à  Montier-en-Der. 

*  Koch  commet  une  erreur  en  disant  que  Dufour  occupa,  le  28,  Uraux-lc- 
Comte,  puisque  les  avant-postes  de  Pahlen  poussèrent  vers  le  soir  des  pointes 
de  ce  côté  sans  rien  rencontrer.  —  Voir  Lutzow,  Beilrâge  zur  Kriegsgeschichte 
1813-1814,  p.  173. 


—  381  — 

droite  de  l'arméo.  Un  hasard  heureux  dessilla  complètement  les 
yeux  de  Blûchcr  et  lui  permit  de  prendre  encore,  en  temps 
opportun,  les  mesures  nécessaires  pour  pouvoir  faire  face  h  un 
danger  qu'il  redouUdt,  mais  qu'il  ne  croyait  ni  aussi  si'îricux, 
ni  aussi  imminent. 

Avant  de  parler  ici  des  diftërentes  dépêches  interceptées  et  dont 
les  originaux  existent  aux  Archives  de  la  guerre  h  Vienne,  il 
semble  utile  de  reproduire  les  termes  mômes  dans  lesquels  la 
prise  du  lieutenant-colonel  Bénard  est  rapportée  dans  les  Tages- 
begebenheiten  der  llaupt-Armee  im  Monat  Januar^  h  la  date  du 
28  janvier  :  «  Stscherbatoff  prend,  sur  la  route  d'Arcis,  un  offi- 
cier français  envoyé  par  Berlhier  h  Mortier  à  Troyes  et  porteur 
d'ordres  enjoignant  au  maréchal  de  rallier,  le  29,  Taile  droite  de 
Napoléon.  Cette  dépêche,  interceptée,  sauve  Tarmée  de  Silésie  en 
révélant  aux  Alliés  les  projets  de  TEmpereur  et  en  immobilisant  la 
garde  du  côté  de  Troyes  ». 

La  Kurzgefasste  Darstellung  der  Kriegsbegebenheiten  der  schle- 
sischen  Armée  attache  naturellement  beaucoup  moins  d'impor- 
tance à  ce  fait  qui  se  serait  passé,  d'après  elle  et  d'après  les  au- 
teurs allemands,  le  29.  Elle  se  contente  de  dire  :  «  Les  coureurs 
de  BlUcher  ont  pris  le  lieutenant- colonel  Bénard  qui  i)ortait  à 
Mortier  Tordre  de  quitter  Troyes  avec  la  vieille  garde  et  de 
rejoindre  la  droite  de  l'Empereur.  Le  général  Colbert  devait 
exécuter  un  mouvement  analogue.  Blûcher  est,  dès  lors,  rassuré 
sur  le  sort  de  sa  gauche  et  se  décide  à  rester  à  Brieime.  Il  croit, 
en  effet,  que  Napoléon  se  trouve,  «fl/w  «'en  douter,  au  milieu  môme 
des  forces  des  Alliés.  » 

Des  papiers  et  des  dépêches  trouvés  sur  le  lieutenant-colonel 
Bénard,  au  moment  où  il  se  laissa  prendre  par  les  Cosaques  du 
général  prince  Stscherbatoff,  il  ressort  manifestement  que  cet  offi- 
cier avait  rempli,  sans  encombre,  une  première  mission,  celle 
dont  il  avait  été  chargé  le  24  à  Chiliens,  par  l'ordre  de  Belliard, 
puisque  le  général  Dufour  avait  exécuté,  depuis  lors,  les  mouve- 
ments qui  lui  étaient  indiqués  dans  la  dépêche  dont  il  est  ques- 
tion au  post-scriptum  de  cet  ordre*.  Bénard  devait  être  moins 


i  K.  K.  Kriegs  Archiv  ,  1,   30. 

*  M  Ordre  du  général  Belliard  an  lieutenant-coloucl  BOnard.  —  Châlons,  le 


-^  382  — 

ncureux  quatre  jours  plus  tard,  et  il  suffit  do  parcourir  les  trois 
dépêches  dont  il  était  porteur,  et  surtout  celle  adressée  au  général 
Bordesoulle,  pour  se  rendre  un  compte  exact  de  l'imporlance 
qu'allait  avoir  pour  Blucher  une  capture  qui  le  mettait  d'une 
façon  complète  au  courant  de  la  situation  et  lui  révélait,  d'une 
manière  absolument  authentique  et  dans  tout  leur  ensemble,  les 
projets  de  l'Empereur  : 

«  Ordre  de  Berlhier  au  lieutenant-colonel  Bénard*.  —  Saint- 
Dizicr,  le  27  janvier  1814. 

«  Il  est  ordonné  à  Monsieur  Bénard,  officier  d'état-major,  de 
partir  de  suite  pour  se  rendre  en  poste  en  passant  pat  Arcis-sur- 
Aube  porteur  d* ordres  très  pressés  auprès  de  M.  le  général  Bor- 
desoulle h  Arcis-sur-Aubc,  de  M.  le  maréchal  duc  de  Trévise  h 
Troyes,  et  de  M.  le  général  Colberl  h  Nogont-sur- Seine.  » 

a  Berlhier  au  maréchal  Mortier,  duc  de  Trévise*  —  Bcrthier  au 
général  Colbert^  —  Saint-Dizier,  27  janvier  1814, 7  heures  du  soir. 

«  Monsieur  le  maréchal  duc  de  Trévise, 
«  Monsieur  le  général  Colberl, 
«  Nous  avons  battu  l'ennemi  à  Saint-Dizier;  nous  occupons 
Joinville,  Bar-sur-Ornain,  et  nous  sommes  sur  la  ligne  d'opéra- 
tions de  l'ennemi. 

«  Notre  avant-garde  est  ce  soir  h  Vassy,  se  dirigeant  sur  les 
derrières  de  l'ennemi.  Manœuvrez  pour  rejoindre  notre  droite  le 
plus  tôt  possible,  afin  qu'une  bataille  ayant  lieu,  vous  soy<?z 
réuni  h  nous.  Vilry  est  le  pivot  de  ton  les  les  opérations.  » 


24  janvier  i814.  —  «  Il  esl  ordonné  à  Monsieur  Bônard,  officier  d'ctat-major. 
de  partir  de  suite  en  poste  pour  so  rendre  à  Bar-snr-Aube,  en  passant  par  Arris- 
sur-Aube  et  Brieniie-le-Château,  porteur  d'ordres  très  preuét  destinés  à  M.  le 
maréchal  duc  de  Trévise.  Sa  mission  remplie,  il  prendra  les  dépêches  de  M.  le 
maréchal  et  rétrogradera  sur  le  quartier  général.  » 

.  «  P.  S.  —  En  passant  à  Brieune^le-Chàteau,  cet  offlcicr  remettra  la  dépcV'hc 
à  Fadrcsse  du  général  Dufour.  »  (K,  K.  Kriegs  Archic,  I,  657,  d.) 

Le  colonel  BcnanI,  rentré  de  cette  preniit^re  mission,  avait  rendu  compte  à 
l'Empereur  de  ce  qu'il  avait  vu,  et  Napoléon  écrivant  à  Victor,  de  Vilry,  le 
S6  à  4  heures  de  l'après-midi,  lui  disait  entre  autres  :  «  Le  colonel  Ihrnard, 
mon  aide  de  camp,  qui  a  traversé  tout  le  corps  do  Blucher,  l'a  estimé  n'Otre 
pas  plus  de  20,000  à  25,000  hommes.  »  (Correspondance,  n<>  21.138). 

i  K.  K.  Kriegs  Archiv.,  I.  167,  /". 

»  Ihid,,h  657,  c. 

>  Ihid.,  I,  657,  d. 


-.  383  — 

Les  dépêches  qu'on  vient  de  lire  contenaient  dojfi  h  elles  Renies 
des  renseignements  d'une  inappréciable  valeur  pour  BUicher. 
Elles  lui  indiquaient,  en  effet,  les  principaux  points  occupés  par 
Tarniée  de  l'Empereur  le  27  au  soir,  ainsi  que  la  direction  dans 
laquelle  il  se  proposait  de  marcher  les  jours  suivants.  Elles  lui 
faisaient  connaître,  en  outre,  les  mouvements  qu'il  compLiit  faire 
exécuter  à  Mortier  et  à  Colbert  et,  en  admettant  mémo  que,  vu 
leur  importance,  ces  ordres  aient  été  envoyés  en  duplicata  *  cl 
par  une  autre  voie,  Blùcher  pouvait  aisément  arriver  h  déterminer 
par  un  calcul  des  plus  simples,  le  moment  où  ces  forces  seraient 
à  môme  de  rejoindre  l'Empereur.  Mais  la  fatalité,  qui  semblait 
B*acharner  contre  Napoléon,  avait  livré  à  Blùcher  un  document 
plus  circonstancié,  plus  complet  et  plus  précieux  encore  :  la  dé- 
pêche de  Berthier  à  BordesouUe,  dépêche  qui  allait  élucider  les 
points  un  peu  obscurs  des  deux  ordres  précédents  et  mettre 
Blùcher  absolument  au  courant  de  la  situation,  des  ressources, 
des  intentions  de  Napoléon,  des  mouvements  ordonnés  à  Gérard, 
à  Colbert,  à  Pajol  môme,  enfin  des  instructions  précises  que  l'on 
croyait  nécessaire  do  faire  tenir  au  commandant  de  la  place  do 
Troyes. 

«  Le  prince  vice-connétable  *  (Berthier)  au  général  BordesouUe. 
—  Saint-Dizier,  27  janvier  1814,  7  heures  du  soir. 
«  Monsieur  le  général  BordesouUe, 

«c  Nous  avons  attaqué,  aujourd'hui  à  10  heures  du  matin, 
Saint-Dizier  ;  nous  avons  culbuté  l'ennemi,  fait  des  prisonniers  et 
tué  du  monde.  Notre  attaque  a  été  si  brusque  et  si  prompte,  que 
l'ennemi  n'a  pas  eu  le  temps  de  faire  sauter  le  pont. 

«  Il  paraît  que  le  prince  Cherbatoff  («ic)  sera  dirigé,  avec  7,000 
à  8,000  hommes  de  toutes  armes,  de  Saint-Dizier  sur  Montier- 
cn-Der.  Il  a  dû  y  arriver  le  26  ;  il  pourrait  donc  être,  aujourd'hui 
27,  entre  Montier-en-Der  et  Brienne.  Vraisemblablement,  il  ap- 
puiera les  cosaques  de  PlatotT,  qui  arrivent  depuis  quelques  jours 
dans  cette  direction.  Faites  passer  la  nouvelle  de  notre  avantage 


*  Le  S8,  à  iO  heures  du  matin,  oo  avait,  eu  effet,  expédié  de  nouYcau  à 
Mortier,  par  uu  officier  du  38°  régiment,  l'ordre  do  rejoindre  Tarmée.  Du  28 
au  30  au  soir,  on  ne  trouve  plus  aucune  trace  d'ordres  envoyés  au  duc  de 
Trévise. 

s  K.  K.KriegiArehiv,,  I,  dS3. 


—  384  - 

sur  Saint-Dizicr  au  général  Pajol  h  Nogeut-sur-Scine,  et  vous  lui 
écrirez  de  la  faire  passer  à  Paris. 

<c  Écrivez  de  m(''me  au  commandant  de  Troyes.  Ajoutez  que 
nous  aj)prenons  qu'une  grande  partie  de  Tartillerie  ennemie  est 
embourbée  dans  une  forêt,  ayant  voulu  prendre  la  route  directe 
de  Saint-Dizier  îl  Monticr-en-Der. 

«  Sa  Majesté  suppose  que  le  général  Gérard  est  actuellement 
près  de  Vitry.  Elle  ignore  où  se  trouve  le  duc  de  Trévise  :  on  le 
croit  à  Vendeuvre.  Ce  maréchal  n'a  pas  un  moment  à  perdre 
pour  se  porter  dans  la  direction  de  Vitry  et  former  notre  droite. 

«  L'Empereur  se  trouve  ainsi  sur  les  derrières  de  Tennemi,  que 
nous  avons  coupé  et  chassé  par  là  Nancy,  et  notre  avant-garde 
est  ce  soir,  le  27,  sur  Vassy.  Nous  continuerons  à  marcher  sur  les 
derrières  de  l'ennemi  avec  une  belle  et  bonne  armée.  Il  reste  à 
voir  le  parti  que  prendra  l'ennemi  après  le  nouvel  état  de  choses. 
Vous  et  le  général  Pajol  manœuvrerez  en  conséquence. 

«  L'Empereur  désire  beaucoup  que  le  duc  de  Trévise  ne  s'ex- 
pose pas  et  qu'il  vienne  rejoindre  sa  droite;  que  le  général 
Colbert,  qui  n'a  pas  d'artillerie,  traverse  tout  droit,  preinint  des 
informations  dans  le  pays,  sur  les  chemins,  et  vienne  nous  re- 
joindre. 

«  Nous  marcherons  certainement  sur  les  derrières  de  rennemi. 
Conmie  il  est  probable  qu'il  se  retournera  contre  nous,  il  est 
important  que  le  maréchal  duc  de  Trévise,  les  généraux  Gérard 
et  Colbert  nous  rejoignent. 

«  Le  commandant  de  Troyes  doit  tenir  le  plus  de  temps  pos- 
sible, car  il  est  probable  que  la  direction  prise  par  notre  armée 
donnera  à  penser  h  l'ennemi.  Si  le  commandant  de  Troves  crevait 
devoir  se  replier,  il  devrait  le  faire  sur  Nogent. 

ce  Dans  le  cas  où  l'ennemi  reviendrait  sur  nous  et  que  le  général 
Pajol  ne  fût  pas  occui)é,  vous  et  lui  battrez  le  pays  entre  l'Aube 
et  la  Marne  pour  empêcher  les  partis  de  filer  entre  l'Aube  et 
ChAlons.  T;\chez  de  faire  connaître  à  chacun  ce  qui  le  concerne 
dans  la  lettre  que  je  vous  écris.  » 

Aussi  Blùcher  pouvait-il,  en  expédiant  de  Brienne  à  Schwar- 
zenberg,  le  29  au  matin* ,  ces  dépêches  qui  lui  avaient  été  remises 

*  Bliichcr  à  Scliwarzenbcrg,  Bricnnc,  29  janvier.  (K.  A',  Krieys  Arehiv., 
I,  657.) 


—  38S  - 

le  28  au  soir  ou  au  plus  tard  dans  la  nuit  du  28  au  39,  lui  dire, 
sans  risquer  de  se  compromettre  : 

«  II  résulte  des  pièces  prises  par  mes  cavaliers  entre  TAube  et 
la  Marne,  du  côté  d'Arcis  *,  que  l'on  n  a  rien  à  craindre  du  côté  de 
Troyes  et  d'Arcis,  Tennemi  tirant  toutes  ses  forces  de  Ih  pour  les 
porter  sur  Vitry.  »  Et  il  ajoutait  :  «  Comme  le  général  York  doit 
se  trouver  probablement  sur  la  grande  route  de  Toul  pour  se 
relier  aux  généraux  Wittgenstein  et  Kleist,  et  que  notre  ligne 
serait  par  trop  longue  si  je  la  poussais  d'Arcis  par  Brienne  à  Bar- 
sur-Aube,  je  m'approcherai  de  Bar-sur-Aube  îive^c  mon  gros. 

«  Si  l'ennemi  venait  avec  son  gros  par  Joinvilie  sur  Votre 
Altesse,  je  prendrais  l'oftensive,  par  Brienne  et  Bar-sur-Aube,  sur 
son  flanc  droit,  pendant  que  Votre  Altesse  le  ferait  attaquer  dans 
la  vallée  de  la  Marne.  »  Il  terminait  enfin  en  disant  :  «  Prière  de 
donner  à  York  et  à  Kleist  des  ordres  leur  permettant  d'agir  de 
concert  avec  nous. 

«  J'attends  les  ordres  de  Votre  Altesse. 

c(  Le  mouvement  de  rennemi  ne  me  déplaît  pas,  et  il  est  très 
heureux  que  nous  ayons  intercepté  ces  dépêches.  » 

Nous  avons  jugé  opportun,  bien  que  nous  n'en  soyons  encore 
qu'aux  événements  du  28,  de  reproduire  ici  cette  dépêche  de 
Blûcher,  parce  qu'elle  complète  l'exposé  des  faits  relatifs  h  la 
prise  du  colonel  Bénard,  et  parce  qu'il  était  nécessaire  d'être 
exactement  fixé  sur  la  date  et  le  moment  de  la  capture  de  cet 
officier.  Il  est,  en  effet,  impossible,  comme  le  prétendent  les  auteurs 
allemands,  et  d'après  eux  les  auteurs  français,  que,  porteur 
d'ordres  très  pressés,  le  colonel  Bénard,  parti  de  Saint-Dizier  le 
27  janvier  il  7  heures  du  soir,  ait  été  pris  le  29  àmidi,  entre  Arcis 


1  Le  capilaine  von  Hardenbcrg,  pris  à  Brienne  an  moment  do  la  surprise  da 
château,  confirme»  dans  son  rapport  sur  lequel  nous  aurons  lieu  de  revenir  un 
peu  plus  loin,  notre  opinion  au  sujet  de  la  prise  du  colonel  Bénard.  Bliicher 
avait  expédié  sa  dépêche  dés  qu'il  eut  reçu  les  pièces  trouvées  sur  le  colonel, 
et  n'avait  pas  attendu  pour  cela  qu'on  lui  amendt  l'officier  français.  Le  rap- 
port d'Hardenberg  commence,  en  effet,  par  ces  mots  :  «  Le  quartier  général  du 
feld-maréchal  Blucher  était  établi  à  Brienne  le  29  janvier.  Vers  midi,  on  nous 
amena  le  colonel  Bénard  qu'on  avait  fait  prisonnier,  et,  quelques  minutes 
après,  on  apprit  que  les  Français  attaquaient  nos  avant-postes.  Le  général 
remonta  aussitôt  û  cheval  avec  les  officiers  de  son  état-major  et  de  son  quar- 
tier général,  et  se  porta  vers  le  point  où  l'artillerie  était  en  batterie...  • 
(Rapport  du  comte  von  Hardenberg,  Kriegsgeschichtliche  Einzelichriften^ 
1884,  T.  6.) 

WeU.  25 


-^  386  - 

et  Viiry,  par  les  coureurs  de  Stscherbatoff  et  ail  mis  40  heures 
pour  parcourir  h  franc  étrier  ou  en  poste  une  distance  de  50  h 
60  kilomètres.  Il  y  a  encore  lieu  de  remarquer  que  le  Journal  de 
la  grande  armée  de  Bohôme  fait  mention  de  ces  faits  à  la  date 
du  28  ;  que  le  29,  Stscherbatoff,  qui  était  déjà  le  28  dans  l'après- 
midi  h  Maizières,  avait  affaire  avec  la  cavalerie  do  Milhaud.  L(\ 
colonel  a  donc  été  pris  vers  Arcis- sur-Aube  dans  la  matinée  du  28. 
Autrement  Bliicher  n'aurait  pu  expédier  au  généralissime  les 
pièces  en  question  que  dans  l'après-midi  du  29,  à  un  moment 
où,  se  trouvant  déjà  aux  prises  avec  l'Empereur,  il  aurait  sans 
aucun  doute  informé  Schvvarzenberg  du  combat  qu'il  avait  à 
soutenir. 

Bénard  lui-même  a,  d'ailleurs,  consigné  dans  son  rapport 
l'heure  précise  de  sa  caplurc.  Son  rapport  établit  d'une  façon 
irréfutable  le  fait  essentiel  et  permcît  d'affirmer  que,  grAce  à  cette 
capture,  Blûcher  savait,  dès  le  début  du  combat  de  Briennc,  à 
qui  et  à  quelles  forces  il  allait  avoir  affaire  *. 


i  Rapport  da  chef  d'escadron  Bénard  à  S.  A.  S.  le  prince  de  Nenchâtcl, 
major  général,  etc.  : 

M  Monseigneur,  conformément  à  l'ordre  du  27  janvier  de  Votre  Altesse,  je 
suis  partis  {sic)  de  Saint-Dizier  porteur  de  dépècties  pour  le  général  Bordesoul 
(Bordosoulle)  à  Arsi  (Arcis),  pour  le  duc  de  Trévise  à  Troies  (Troyes),  et  pour 
le  général  Colbcrt  à  Nogent-sur-Seine.  Ayant  éprouvé  des  retards  à  la  porte  de 
Vitry-le-François,  je  ne  suis  arrivé  devant  Arcis-sur-Aube  que  le  28  a  10  heures 
DU  MATiM.  J'ai  été  pris  par  les  Cosaques  et  conduit  à  un  quart  de  lieue  sur  la 
route  de  Lémon  {Lesmont)^  au  chef  de  400  chevaux.  Nous  avons  couché  à 
Lémon  (Lesmont),  de  bonheur.  Le  29, /ai  êlc  comluit  au  prince  XXX ,  com- 
mandant les  partisans  de  Pinay  (Piney),  lequel,  après  avoir  pris  connaissance 
do  mes  dépêches,  m'a  envoyé  à  Brienne  cliez  le  maréchal  Blucker  (Bliicher) 
qui,  pendant  l'attaque,  me  fit  partir  pour  Bar-sur-Aube,  où  étaient  les  géné- 
raux Jukt  (Guylay)  et  le  prince  de  Vittemberg  (Wurtemberg)  avec  son  corps. 
Je  pense  que  les  divisions  autrichiennes  Frenel  (Fresnel)  et  GrainviUe  (Cren- 
neville)  étaient  tant  dans  le  Val-Perdu  qu'à  Vendeuvre.  Le  même  jour  au 
soir  et  pendant  toute  la  nuit,  les  troupes  prussiennes  et  russes,  qui  s'étaient 
battues  à  Brienne,  se  sont  retirées  en  grande  liâte  sur  Chaumont.  Le  30,  dans 
la  journée  et  dans  la  nuit,  elles  sont  revenues. 

«  Le  31,  je  me  suis  rendu  à  Nuyseran.  Près  de  Vendeuvre,  par  le  Val- 
Perdu,  j'ai  remarqué  des  mouvements  de  troupes  depuis  Vendeuvre  jusqu'au 
Pont-Neuf.  Le  1<^^  février,  après  Taffairo,  les  troupes  ennemies  sont  venues  se 
loger  dans  les  villages  circonvoisins  de  Vendeuvre  ;  il  en  a  été  do  même  pen- 
dant la  journée  du  2.  Mais,  au  lieu  des  troupes  de  ligne,  c'était  la  garde  do 
l'empereur  de  Russie,  ce  qui  m'a  décidé  à  me  rendre  à  Vendeuvre  le  3  pour 
trouver  près  de  M.  de  La  Vilwuve  des  renseignements.  Il  m'a  dit  avoir  apris 
du  prince  CoUoredo  que  nous  avions  été  battu  et  perdu  40  pièces  de  canon» 


—  387  — 

Il  nous  a  semblé,  en  outre,  qu*on  présence  des  dissentiments 
de  plus  en  plus  profonds  qui  séparaient  Blûcher  ot  Schwarzen- 
berg,  du  courant  d'idées  qui  dominait  toujours  au  quartier  général 
h  Ghaumont  et  dont  nous  aurons  encore  à  nous  occuper,  la  repro- 
duction de  cette  dépêche  servirait  mieux  que  toute  dissertation  à 
mettre  en  lumière  la  transformation  que  le  i)nîcieux  avertissement 
qu'elle  contenait,  opéra  dans  le  ton  et  dans  Tattitude  du  feld- 
maréchal.  Sa  joie  est  d'autimt  plus  grande,  sa  confiance  en  Tave- 
nir  d'autant  plus  illimitée  et  inébranlable  qu'il  est,  désormais,  sûr 
d'échapper  h  un  désastre  presque  inévitable  sans  ce  concours 
heureux  de  circonstances.  Ainsi  mis  encore  à  temps  au  courant 
des  intentions  de  Napoléon,  Blûcher  sait,  désormais,  qu'il  aura 
la  possibilité  de  prendre  ses  mesures  en  conséquence,  tandis  ({ue 
Schwarzenberg,  ne  trouvant  plus  de  moyens  dilatoires  h  oppos(;r 
aux  arguments  de  Gneisenau,va  se  voir  contraint  par  l'Empereur 
de  Russie  h  reprendre  l'offensive  et  à  renoncer  à  cette  immobilité 
dont,  malgré  ses  efforts,  ses  plaintes  et  ses  objurgations,  le  maré- 
chal Yorwàrts  n'avait  pu  parvenir  à  le  faire  sortir. 

Mouvement  du  corps  d'Tork.  —  Si  rEm|)ercur,  en  prévision 
des  événements  qu'il  allait  provoquer,  cherchait  h  rallier  autour 
de  lui  ses  différents  corps,  Blûcher,  de  son  côté,  n'avait  pas  négligé 
de  rappeler  à  lui  York  et  se  préoccupait  —  ses  dépêches  en  font 
foi  —  des  mouvements  et  de  la  marche  du  !•'  corps.  York  avait, 
sur  ces  entrefaites,  reçu  simultanément,  le  38  au  matin,  la  nou- 


qn'on  allait  ponnoivre  les  succès  en  attaquant,  à  midi,  TEmperenr  sur  TroUs. 
A  la  vérité,  j'ai  vu  passer  à  Vendeuvre,  et  so  diriger  sur  Troies,  des  colonnes 
venant  de  Brienno  et  de  Bar-sur-Seine.  L'empereur  do  Russie  et  le  roi  de 
Prusse  sont  à  Vendeuvre,  ainsi  que  le  prince  Scharsenberck  (Schwarzenberg). 

<c  J'ai  rejoint  le  quartier  général  en  passant  par  la  forôt  d'Orient,  le  moulin 
de  la  Tombelle,  où  l'ennemi  raccommodait  le  pont  ;  Villevoque,  où  il  y  avait 
un  poste  do  50  Russes  (infanterie)  ;  Ongon  (Onjon),  Gharmont  et  Troyes.  Au 
commencement  de  la  nuit,  il  a  passé  à  Piney,  sur  la  route  de  Troyes,  400  che- 
vaux et  un  bataillon  d'infanterie.  » 

Nous  avons  intentionnellement  reproduit  cette  dépêche  en  la  copiant  textuel- 
lement. Nous  avons  cependant  cru  devoir  rectifier  quelques-unes  des  nombreuses 
fautes  d'orthographe  de  l'officier  dont  la  capture  devait  nous  Atro  si  néfaste. 
C'est  ainsi  qu^il  écrit  Lémon  au  lieu  de  Lesmont.  Blucker  au  lieu  de  Blûcher, 
Julet  pour  Gyulay,  Vitteoiberg  pour  Wurtemberg,  Freuel  pour  Fresnel,  Grain- 
ville  poar  CrenneviUe,  Scharsenberck  pour  Schwarzenberg,  Ongon  pour 
Onjon,  etc. 


—  388  - 

velle  de  Taffaire  du  capitaine  von  Oslen  à  Bar-le-Diic,  de  la  marche 
des  Français  sur  Sainl-Dizier  et  de  la  présence  à  Clermont-cn- 
Argonne  d'une  grosse  colonne  française  qui  lui  était  signalée  par 
une  patrouille  d'Hcnckel  envoyée  du  côté  de  Beauzée.  Mais  comme 
le  gué  de  Han-sur-Meuse  était  devenu  impraticable  pour  Tartil- 
lerie  par  suite  de  la  gelée  qui  en  avait  rendu  la  rampe  d'accès  par 
trop  glissante,  York  se  vit  obligé  de  modifier  ses  ordres,  tant 
pour  assurer  la  sécurité  de  ses  troupes  que  pour  tenir  un  point 
de  passage  un  peu  moins  précaire.  Le  28  au  matin  il  avait,  de 
Saint-Mihiel*,  recommandé  îi  Henckel  de  rester  devant  Bar-le-Duc 
et  d\  entrer  dès  que  Tennemi  se  retirerait.  Il  avait  prescrit  au 
général  Katzler,  qui  avait  repris  ce  jour-là  le  conmiandement  de 
Favant-garde  *,  de  suivre,  s'il  y  avait  lieu,  le  mouvement  du 
colonel  Henckel  ou  de  s'arrêter  à  Ville  devant  Beirain,  si  les 
Français  restaient  h  Bar-le-Duc,  en  se  maintenant  en  communi- 
cation  constante  avec  Henckel.  Il  avait  envoyé  au  général  von 
Jûrgass  Tordre  de  passer  avec  la  cavalerie  de  réserve  le  pont  et 
le  gué  de  Han-sur-Meuse,  de  prendre  îi  gauche  de  la  route  de  Bar- 
le-Duc  par  Courcelles-aux-Bois,  Ménil-aux-Bois  et  Grimaucourl, 
de  se  relier  à  droite  avec  le  général  Katzler,  h  gauche  avec  Favant- 
garde  du  prince  Guillaume  de  Prusse,  et  de  pousser  ses  patrouilles 
vers  Bar-le-Duc.  Le  reste  du  l^^  corps,  avec  l'artillerie  du  général 
von  Jiirgass,  devait  se  diriger  sur  Commercy  ;  l'avant-garde  du 
prince  Guillaume  de  Prusse,  défilant  par  Commercy,  devait 
pousser  jusqu'à  Saint-Aubin  et  de  là  vers  Ligny  ;  la  2*  brigade  se 
postait  à  Commercy  ;  la  1°  venait  vers  Commercy  par  Pont-sur- 
Meuse  et  Boncourl,  et  la  l''^^  brigade  marchait  de  Pont-à-Mousson 
par  Gironville  vers  Commercy  où  s'installerait  également  le  quar- 
tier général. 

York  avait,  d'ailleurs,  complété  ces  dispositions  générales  par 
des  instructions  particulières,  qu'arrivé  à  Commercy,  dans  la 


*  York,  Disposition  pour  le  28  janvier,  de  Saint-Mihiol,  28  janvier,  5  licarcs 
du  matin. 

«  Composition  do  Tavanl  garde  de  Kalzlcr  :  1  hataiUon  du  iî«  régiment 
d*infanlorie  de  n-serve,  le  bataillon  de  fusiliers  «le  Brandeliourg,  2  compagnies 
de  chasseurs,  5  escadrons  du  2°  régiment  de  hussards  du  corps,  1  escadron  du 
régiment  de  hussards  do  Brandebourg,  1  escadron  du  régiment  de  hussards  do 
Mecklembourg,  1  escadron  du  régiment  de  cavalerie  nationale  de  la  Prusse 
orientale,  et  une  batterie  a  cheval. 


—  389  — 

journée  du  28,  il  fit  tenir  au  prince  Guillaume  de  Prusse.  Apr^8 
avoir  exposé  au  prince  ses  idées,  tant  pour  le  cas  où  les  Français 
évacueraient  Bar-le-Duc  que  pour  celui  où  Henckel  et  Katzler 
seraient  obligés  d'enlever  cette  ville,  York,  sans  nouvelles  de 
Blûcher  depuis  que  TEnipereur,  en  chassant  Lanskoï  de  Saint- 
Dizier,  s'était  jeté  entre  les  deux  grandes  fractions  de  Tarmée  de 
Silésie,  appelait  l'attention  du  prince  sur  le  fiiit  que,  les  troupes 
de  Sacken  ayant  dû  passer  par  Saint-Dizier  le  23,  il  était  de  la 
plus  haute  importance  :  1®  de  savoir  si  les  Français  occupaient  ou 
non  Saint-Dizier  ;  2^  de  connaître  la  direction  prise  par  Sacken 
au  delà  de  ce  point.  Il  lui  faisait  remarquer  qu'il  était,  par  suite, 
indispensable  de  charger  Henckel  et  Katzler  de  chasser  Tennemi 
devant  eux,  de  lui  envoyer,  dans  le  plus  bref  délai,  des  nouvelles 
précises  sur  la  position  et  les  intentions  de  Tennemi  ù  Bar-le-Duc, 
nouvelles  dont  il  avait  absolument  besoin  pour  régler  les  marches 
ultérieures  de  son  corps.  Il  prescrivfiit,  en  outre,  au  prince  de 
faire  partir  de  Ligny  pour  Saint-Dizier  un  officier  et  quelques 
cavaliers  chargés  de  se  renseigner,  à  Saint-Dizier,  sur  la  présence 
de  Tennemi  dans  cette  ville,  mais  en  évitant  la  grande  route  de 
Bar-le-Duc  à  Saint-Dizier.  Il  recommandait,  de  plus,  comme  les 
chevaux  de  la  pointe  d'avant-garde  devaient  être  fatigués,  de  se 
servir,  en  cas  de  besoin,  de  chevaux  du  pays  et  d'en  changer 
aussi  souvent  qu'on  le  jugerait  nécessaire  pour  assurer  la  transmis- 
sion rapide  des  nouvelles.  Il  le  prévenait,  enfin,  de  la  présence 
probable  de  troupes  russes  à  Ligny  *. 

Occupation  de  Bar-le-Duc.  —  Mais,  dans  l'après-midi  du  28, 
les  Français  évacuèrent  Bar-le-Duc  que  le  colonel  Henckel  occupa 
immédiatement  après  leur  départ,  tandis  que  le  général  Katzler 
s'établissait  ù  Érize-Saint-Dizier. 

York  avait,  entre  temps,  reçu  la  confirmation  formelle  du 
combat  de  Saint-Dizier  et  de  la  i)résencc  de  Tannée  française  entre 
Blûcher  et  lui. 

Le  général  von  Jûrgass  était  arrivé  à  Ménil-aux-Bois.  L'un  de 
ses  deux  régiments,  le  !«»"  dragons  de  la  Prusse  occidentale,  était 
établi  à  Grimaucourt;  il  avait  envoyé  un  parti  de  30  hommes, 
sous  les  ordres  d'un  officier,  dans  la  direction  de  Clermont  et  des 

*  York,  Instmctions  an  prince  Guillaiime  de  Prusse,  Ck>mmercy,  28  janvier. 


—  390  — 

patrouilles  vers  Bar-lfr  Duc,  tandis  que  Tautrc  régiment  (dragons 
de  Lithuanie)  s'étendait  depuis  Ménil-aux-Bois  jusque  vers  Li- 
gnîères. 

Quant  au  prince  Guillaume  de  Prusse,  aprfcs  avoir  réparé  lo 
pont  de  bois  do  Pont-sur-Meuse,  il  était  arrivé  vers  2  heures  à 
Commercy  et  le  soir  à  Saulx-en-Barrois  :  sa  pointe  d'avant-garde 
(1  bataillon  et  2  escadrons  de  uhlans,  sous  les  ordres  du  major 
von  Schiesiâdt)  occupait  Ligny  et  s'était  reliée  de  ce  côté  aux 
troupes  du  VI«  corps  (Wittgenstein).  En  somme,  la  situation 
d'York  n'était  rien  moins  que  critique.  Le  général  prussien  savait 
que  Napoléon  venait  de  rejoindre  son  armée.  On  avait  entendu  le 
canon  du  côté  do  Saint-Dizier  et  l'on  connaissait  le  résultat  du 
combat.  Le  seul  avantage  que  le  commandant  du  I*''  corps  avait 
retiré  de  la  continuation  de  sa  marche  en  avant,  consistait  dans 
l'occupation  de  Bar-le-Duc  par  les  cavaliers  de  Henckel.  Il  s'était, 
il  est  vrai,  relié  avec  l'avant-garde  de  Wittgenstein  ;  mais  ces 
légers  avantages  étaient  plus  que  compensés  par  l'effet  résultant 
de  l'arrivée  de  l'Empereur  à  l'armée  et  par  les  conséquences  mo- 
rales du  succès  remporté  par  les  Français  à  Saint-Dizier. 

Aussi,  avant  de  s'engager  sur  le  chemin  de  Joinville,  York 
abandonné  h  lui-même,  sans  nouvelles  de  Blûcher,  prit  la  réso- 
lution de  se  porter  sur  Saint-Dizier.  En  agissant  offensivement  de 
ce  côté,  York,  une  fois  la  reconnaissance  faite,  se  réservait  la 
possibilité  ou  de  remonter  la  Marne  pour  rejoindre  Wittgenstein, 
ou  de  se  replier  par  la  haute  Meuse,  s'il  y  était  contraint  par  des 
forces  supérieures  en  nombre. 

Positions  du  corps  Kleist.  —  Dans  ce  dernier  cas  il  aurait  été 
recueilli  par  Kleist,  qui,  après  avoir  atteint  avec  son  avant-garde 
Consarbriick,  avec  la  10®  brigade  Wittlich,  avec  la  12®  Ruwer  et 
Wassereich,  avait  résolu  de  continuer  sa  marche  sur  la  rive 
gauche  de  la  Moselle  par  Grevenmachern  et  de  passer  devant 
Thionville  et  Metz.  Kleist  se  proposait  de  reprendre  ensuite  la 
route  de  Pont-iVMousson  à  Saint-Mihiel,  pendant  que  le  général 
Jussefowilch,  avec  3,000  hommes,  se  porterait  par  la  rive  droite  de 
la  Meuse,  sur  Saint-Mihiel. 

Mouvements  des  V®  et  VV  corps  de  Tannée  de  Bohème.  — 
Du  côté  de  l'armée  de  Bohème,  en  passant  en  revue  les  évé- 


—  391  — 

nemcnts  survenus  sur  TAubc,  nous  avons  déjà  eu  occasion  de 
mentionner  le  mouvement  de  Pahlen  vers  la  Voire  et  la  position 
qu*il  avait  prise  aux  environs  de  Lassicourt.  Il  nous  restera  à 
dire  h  propos  du  VI«  corps  que  Wittgenstein,  continuant  sans 
hilte  sa  marche  vers  Joinville,  était  arrivé  à  Houdolaincourt,  et 
qu'Ilowaïsky  XII,  qui  devait  avec  ses  Cosaques  rejoindre  Pahlen, 
reçut  dans  le  courant  de  la  journée  Tordre  de  s'arrêter  et  resta  h 
Vignory  *. 

Le  V«  corps  avait  quitté  Bourmont.  Frimont,  bien  qu'il  eût  eu 
une  marche  des  plus  pénibles  à  faire  par  des  chemins  de  traverse 
défoncés  par  le  dégel,  était  arrivé  cependant  avec  Tavant-gardo 
jusque  sur  les  bords  de  la  Marne  h  Vignory.  Mais  comme  Tartil- 
lerie  et  les  voitures  n'auraient  pas  pu  se  tirer  de  ces  espèces  de  fon- 
drières, on  se  décida  h  les  faire  passer  par  Chaumont,  avec  ordre 
de  rejoindre  ù  Vignory  deux  jours  plus  lard,  en  suivant  la  route  do 
Chaumont  à  Joinville  et  h  Saint-Dizier.  Wrède  était  resté  de  sa 
personne  à  Andelot,  et  son  corps  d'armée  s'étendait  en  arrière 
depuis  les  environs  de  Juzennecourt  et  de  Vignory  jusqu'à  Reynel. 

Schwarzenberg  prescrivit  aux  V»  et  VI»  corps  de  se  diriger 
tous  deux  sur  Joinville,  pour  s'opposer  h  la  marche  de  l'ennemi 
et  lui  fermer  la  route  de  Nancy  "• 

Mouvements  du  IV*  corps  sur  Bar-snr-Aube.  —  Il  ordonna 
en  même  temps  au  prince  royal  de  Wurtemberg  de  porter  sa 
cavalerie,  le  29,  sur  Maisons  et  Fresnay,pour  couvrir  la  droite  de 
Farmée  de  Silésie  vX  la  route  de  Doulevant  à  Bar-sur-Aube,  et  de 
venir  avec  le  gros  de  son  corps  entre  Ailleville  et  Trannes  *. 


1  Stàrkb,  EintlieiluDg  und  Tagesbegebenhciten  der  Hanpt-Ârmec  im  Monate 
Jannar  {K.  K.  Kriegs  Arehiv.,  !,  30.) 

*  Id,  in  ibid. 

s  t(  Le  prince  royal  de  Wartemberg  au  prince  de  Schwarzenberg.  — 
Colombey,  le  28  janvier  1814. 

«c  J'envoie  le  lieutenant-colonel  von  Rohrig  avec  3  escadrons,  de  Banssancourt 
par  Vauchonvilliers,  le  long  de  la  lisiàre  de  la  forôt  d*Orient,  pour  se  porter  à 
hauteur  de  Tavant-garde  du  III"  corps  et  étahUr  une  communication  entre  ce 
corps  et  mon  avant-garde  qui  enverra  aujourd'hui  des  partis  de  DienvUIe  par 
Pincy  vers  Troyes. 

u  Comme  la  route  de  Dicnville  par  Piney  à  Troyes  est  une  chaussée,  elle 
devrait  être  attribuée  à  mon  corps,  d'autant  mieux  que  les  colonnes  du  feld- 
maréchal  Bliicher  sont  établies  à  môme  hauteur  et  que  je  me  trouverai»  de  la 
sorte,  relié  à  cette  armée  en  marche  sur  Arcis. 


—  392  — 

Pendant  que  Schwarzenbcrg  prenait  ces  dispositions,  comme 
le  III«  corps  (Gyulay)  lui  avait  fait  de  la  place  h  Bar-sur-Aube,  en 
passant  sur  la  rive  gauche  de  la  rivière,  le  prince  royal  avait 
commencé  le  28  au  matin  son  mouvement  sur  Bar.  Ignorant 
encore  complètement  à  ce  moment,  les  événements  qui  s'étaient 
passés  depuis  deux  jours  du  côté  de  Tarmée  de  Silésie  qu'il  croyait 
toujours  en  marche  sur  Arcis,  il  écrivait  à  Schwarzenbcrg  avant 
de  quitter  Colombey  pour  l'informer  de  quelques  petits  mouve- 
ments et  demander  qu'on  lui  attribuât  la  route  de  Dienville  par 
Piney  à  Troyes. 

Le  prince  royal,  exécutant  les  ordres  du  généralissime,  can- 
tonna son  corps  h  Ailleville,  à  Arsonval  et  dans  les  localités  envi- 
ronnantes. Son  avant-garde  arriva  môme  par  la  rive  droite  de 
PAube,  jusque  vers  Unienville,  Dienville,  La  Rolhière  et  Brienne- 
la-Vieille,  tandis  qu'un  parti  volant  de  cavalerie  passant  sur  la 
rive  gauche  de  l'Aube,  se  dirigeait  vers  Piney  pour  se  procurer 
des  nouvelles  sur  la  position  et  les  mouvements  des  Français. 

Le  prince  royal  de  Wurtemberg  informé  par  ses  avants- 
postes  de  la  présence  de  Blûcher  à  Brienne.  —  Entrevue 
avec  Blûcher.  —  Le  prince  royal  ne  fut  pas  peu  surpris  lorsqu'il 
visita  la  ligne  de  ses  avant-postes  et  lorsqu'il  arriva  à  Dien\ille, 
d'apprendre  que  Blûcher  était  à  Brienne-le-Chàteau  avec  une 
partie  de  son  armée.  Le  prince  se  rendit  sur-le-champ  auprès  du 
feld-maréchal  avec  lequel  il  eut  un  entretien  dont  il  se  garda 
bien  de  communiquer  les  détails  au  prince  de  Schwarzenberg. 
Il  parait  cependant  que,  sans  en  rien  dire  au  généralissime,  il 


«  Je  demande,  à  cet  effet,  des  ordi'es  à  Votre  Altesse,  et  lai  envoie  un  paquet 
de  lettres  qu'on  a  trouvées  ici  à  la  poste. 

te  Mon  quartier  général  sera  aujourd'hui  à  Bar-sur-Aube.  »  {K.  K,  hriegt 
Arehiv.,  !,  629.) 

A  ce  rapport  était  jointe,  entre  autres,  une  lettre  du  général  Pajol,  adressée 
par  lui,  le  30  décembre,  à  son  beau -frère  le  comte  Charles  Oudinot,  lettre  de 
laquelle  nous  avons  déjà  extrait  un  des  passages  ayant  triait  à  notre  sujet,  et 
Tordre  ci-dessous  du  &f  inistre  de  la  Guerre  : 

«  Le  général  duc  de  Feltre  au  général  Ghabert,  commandant  la  levée  en 
masse  dans  le  département  de  la  Hante-Marne.  —  «  Paris,  le  15  janvier  1814. 
—  Ordre  d'employer  les  douaniers,  les  gardes  forestiers,  les  gardes  cham- 
pêtres, les  gendarmes  et  militaires  réformés  ou  pensionnés  qui  se  trouvent  sur  le 
territoire  du  département.  »  (Lettre  trouvée  à  Colombey  le  28  janvier  (1814) 
par  le  IV«  corps,  K.  K.  Kriegt  Arehiv,,  I,  629,  /.) 


-  393  - 

s'engagea,  afin  de  pouvoir  soutenir  le  feld-maréchai,  à  rester  h 
Bar-sur- Aube,  tant  que  de  son  côté  Blûcher  se  maintiendrait  avec 
l'armée  de  Silésic  aux  environs  de  sa  position  actuelle  près  de 
Brienne  et  de  Lesmont. 

Voici,  du  reste,  le  singulier  compte  rendu  que,  de  retour  à  Dien- 
ville,  le  prince  royal  adressa  il  Schwarzenberg  après  la  conférence 
qu'il  venait  d'avoir  avec  Blûcher  *  : 

Dienrille{?)  28  janvier  1814.  —  «  J'ai  appris  par  le  feld-maré- 
chal  Blftcher  que  rennenii  marchait  de  Vitry  par  Saint-Dizier  sur 
Joinville  et  qu  il  avait  coupé  les  communications  du  général 
York  avec  Blûcher. 

«  Lanskoï  a  été  chassé  de  Saint-Dizier  et  rejeté  sur  Joinville  et 
Doulevant.  L'ennemi  me  semble  vouloir  chercher  h  empêcher 
Blûcher  d'opérer  sa  jonction  avec  la  grande  armée.  Le  général 
Pahlen  est  arrivé  aujourd'hui  par  hasard  îl  Brienne.  Le  maréchal 
Blûcher  va  l'employer  sur  sa  droite. 

«  Je  vais  pour  cela  pousser  mon  avant-garde  demain  î\  Piney, 
que  surveille  Stscherbatoff. 

«  J'irai  demain  à  Fresnay  et  Maisons,  surveillant  la  route  de 
Brienne  i\  Bar-sur-Aube,  qui  est,  à  l'heure  qu'il  est,  la  seule 
communication  dont  je  dispose  pour  correspondre  avec  le  feld- 
maréchal  Blûcher.  » 

Positions  du  III*  corps.  —  Gyulay  avait,  le  28  au  matin,  cédé 
aux  Wurtembergeois  ses  cantonnements  de  Bar-sur-Aube,  où  il 
n'avait  conservé  que  son  quartier  général.  Son  avant-garde  était 
îl  Villeneuve-Mesgrigny  (La  Villeneuve-au-Chéne),  et  c'est  de  Bar 
qu'il  écrivait  le  jour  même  à  Schwarzenberg  pour  lui  donner  sur 
sa  position,  sur  celle  des  avant-postes  français  du  côté  de  La  Guil- 
lotière  et  sur  l'état  des  esprits  h  Paris,  les  renseignements 
contenus  dans  la  dépêche  que  nous  reproduisons  en  note  *. 


*  Prince  royal  de  Wurtemberg  à  Schwarzenberg,  DienyiUe,  28  janvier. 
{K.  K,  Kriegi  Arehiv.,  I,  633.) 

)  Le  feldzeagmeister  comte  Gyulay  au  prince  de  Schwarzenberg  {K.  K, 
Kriegi  Archiv.,  I,  625)  :  —  «  Bar-sur-Aube,  28  janvier  1814.  —  «  J'ai  Thon- 
neur  d'annoncer  à  V.  A.  que,  d'après  les  rapports  des  avant-postes,  Tennemi  a 
son  dernier  poste  avancé  à  Courteranges.  Il  y  a  solidement  barricadé  le  pont  de 
la  Barse  qu'il  occupe,  ainsi  que  les  hauteurs  sur  lesquelles  il  tient  des  troupes 
dMnfanterio  et  de  cavalerie. 


—  394  — 

Position  de  CoUoredo.  —  A  rexlr^mo  gauche,  Colloredo, 
dont  le  quartier  général  était  à  Aisey-le-Duc  (Aîsey-sur-Seine), 
avait  confié,  en  le  chargeant  de  la  direction  de  cette  colonne,  le 
commandement  de  la  division  de  grenadiers  et  de  celle  de  cui- 
rassiers au  comte  Nostitz.  La  division  Hardegg  couvrait  sa  gauche 
et  occupait  Montbard.  Sur  la  droite  de  Colloredo,  Tavant-garde 
de  la  division  légère  du  prince  Moritz  Liechtenstein  était  entrée  à 
Bar-sur-Seine*;  le  reste  de  sa  division  était  échelonné  depuis 
Mussy-FÉvêque  (Mussy-sur-Seine)  jusqu'il  Châtillon-sur-Seine;  le 
gros  du  corps  de  Colloredo  était  cantonné  à  Cerilly  et  Bagneux, 


0  Entre  Ghâtillon  et  Troyes,  la  route  est  complètement  défoncée,  coaptfe  et 
barricadée  à  une  demi-lieue  de  Maisons-Blanches.  On  a  également  coopé  et 
barricadé  le  chemin  qui  mène  de  là  au  ruisseau  THozain.  Sur  la  route  de 
Troyes  à  Cliaource,  l'ennemi  tient  ses  premières  vedettes  près  de  la  Roche, 
mais  ce  ne  doit  être  là  qu'un  petit  poste  fourni  par  les  troupes  qui  occupent 
Maisons- Hlanchcs.  Ces  troupes  fournissent  également  le  poste  établi  dans  le 
château  et  les  jai*din8  de  Villebertin.  11  y  aurait,  à  Maisons-Blanches,  600 
hommes  d'infanterie  et  de  cavalerie.  Malgré  cela,  et  en  dépit  de  Teffort  qu'il 
faudra  faire,  il  serait  très  important  et  très  avantageux  de  chasser  l'ennemi  de 
Maisons-Blanches  et  de  s'y  installer. 

«  Je  sais,  par  des  renseignements  parfaitement  sûrs  venus  de  Troyes,  que 
l'empereur  Napoléon  a  envoyé  dans  cette  ville,  en  qualité  de  commandant 
de  place,  le  général  Dillon  (iic),  qu'il  y  a  été  tenu  une  conférence  à  laquelle  a 
assisté  le  préfet,  qu'on  y  a  décidé  d'évacuer  Troyes  à  notre  approche  pour  aUer 
prendre  une  forte  position  près  de  Nogent.  Malgré  cela,  l'ennemi  détruit  les 
routes  du  côté  de  Maisons-Blanches  et  de  Vendeuvrc  ;  on  élève  des  redoutes,  on 
travaille  encore  à  d'autres  ouvrages,  on  palissade  la  ville. 

M  Le  préfet  a,  il  est  vrai,  quitté  Troyes.  Plusieurs  officiers  supérieurs  et 
d'état-major,  venus  de  Paris,  ont  reçu  l'ordre  de  se  rendre  au  camp  de  Nogent, 
où  il  devait  y  avoir  50,000  hommes,  mais  ils  n'ont  trouvé  à  Nogent  ni  camp 
ni  armée. 

«  A  Troyes,  il  n'y  avait,  hier  27,  que  4,000  hommes,  qui  ont  été  renforcés 
par  400  hommes  et  50  artilleurs  venus  de  Paris.  Ces  derniers  doivent  assurer 
le  service  des  bouches  à  feu  en  batterie  à  Troyes.  A  Paris,  le^  affaires  vont  mal 
pour  l'Empereur.  On  a  bien  organisé  la  garde  nationale,  mais  on  croit  généra- 
lement qu'elle  refusera  de  se  battre.  Il  règne  à  Paris  une  consternation  générale; 
beaucoup  de  gens  quittent  la  capitale  et  s'enfuient  en  province.  On  a  pu  lire 
il  y  a  huit  jours,  ces  mots  peints  sur  tous  les  murs  de  Paris  :     • 

«  La  paix  ou  la  mort  au  tyran  !  »  (a) . 

«  J'adresse  à  V.  A.  le  rapport  ci-contre  du  général  comte  Pahlen  (6),  qui  a 
transféré  son  quartier  général  de  Colombey  à  Dienville. 

«  Je  joins  à  ce  rapport  les  derniers  numéros  du  Journal  de  V Empire,  n 

(a)  Ces  rensei^crnents  se  troavent  en  partie  déjà  consignés  dans  le  rapport  de  Tharn  à 
Schwarxeobeiv,  de  Chaource  le  i7  janvier. 

(6)  11  s'agit' là  da  rapport  reproduit  plas  haut  {K.  K.  Kriegt  Arckiv.,  I,  ai6S5). 

*  Liechtenstein  avait  envoyé  à  Bar-sur-Seine  4  escadrons  de  chevau-légers 
O'Reilly  et  2  compagnies  de  chasseurs.  (Liechtenstein  au  comte  Colloredo, 
28  janvier;  K,  K.  Kriegt  Archiv.,  [,  628,  a.) 


—  395  — 

et  Thurn,  avec  son  corps  volant,  se  tenait  au  sud-ouost  de  Bar- 
sup-Scine,  à  Villemorien,  surveillant  de  là  les  routes  de  Troyes  h 
Chaource  et  do  Troves  h  Bar-sur-Seine  ' . 

Platoff  â  Anzon.  —  Quant  h  Platoif ,  il  continuait  h  inventer  et  h 
accumuler  des  prétextes  pour  justifier  aux  yeux  du  commandement 
son  inconcevable  mollesse.  Il  était,  enfin,  arrivé  de  Bar-sur-Aubo 
par  Bar-sur-Scine  à  Auxon  ;  mais,  trouvant  plus  prudent  de  ne  pas 
pousser  immédiatement  en  avant,  il  s'empressait  aussitôt  de  pré- 
parer Schwarzenberg  îi  de  nouvelles  lenteurs.  Voici,  du  reste,  le 
curieux  rapport  que  ce  singulier  chef  de  partisans  expédiait 
aussitôt  après  son  arrivée  h  Auxon  *  : 

«  Auxon,  28  janvier  1814. 

«  Après  avoir  adressé  h  Votre  Altesse  mon  rapport  du  27,  je 
me  suis  porté  de  Bar-sur-Aube  h  Bar-sur-Seine,  en  exécution  des 
ordres  qui  m'avaient  été  donnés,  et  je  suis  arrivé  hier  h  Auxon, 
envoyant  quelques  partis  en  avant  à  Sens,  d'autres  ?i  droite  sur 
Troyes,  et  d'autres  enfin  sur  ma  gauche. 

«  Sur  la  droite,  vers  Troyes,  on  a  découvert  Tennemi,  auquel 
on  a  enlevé  une  dizaine  d'hommes  ;  mais  en  avant  et  h  gauche, 
on  n'a  absolument  rien  rencontré.  Mon  avant-garde,  en  arrivant 
h  Auxon,  y  a  pris  100  conscrits,  1  capitaine  de  la  garde  et 
30  soldats  que  j'expédie  encore  aujourd'hui  en  arrière. 

«  Comme  j'ai  marché  i)ar  des  chemins  de  traverse  presque 
impraticables  pour  l'artillerie,  j'ai  dû  laisser  en  arrière  les  che- 
vaux fatigués.  Je  me  remettrai  demain  en  route,  me  dirigeant 
vers  Sens  et  le  village  d'Arcis.  J'ai  envoyé  de  tous  côtés  des 
partis  :  sur  la  route  de  Troyes  à  Sens  un  parti  allant  sur  Ville- 
maur,  un  autre  sur  le  village  do  Saint-Liébaut  et  un  troisième 
sur  Villencuve-l' Archevêque.  Le  lieutenant-colonel  Kostin,  avec 
mon  avant-garde,  est  devant  moi,  à  Villeneuve-au-Chemin,  cou- 
vrant mon  front  et  ma  gauche.  » 

Lettre  de  Schwarzenberg  à  Barclay  de  ToUy  relativement 


i  Collorcdo  à  Schwarzenberg,  Âisey,  28  janvier.  (K,  K,  Kriegi  Archiv,, 
I,  628). 

.    i  Platotf  à  Schwarzenberg,  Aaxon,  28  janvier  (original  en  ratse).  (Ibid,, 
1,611.) 


—  396  — 

à  Platoff .  —  n  faut  croire  cependant  que  Schwarzenberg  com- 
mençait il  ce  moment  h  voir  clair  dans  ie  jeu  de  i'atanian  et  était 
décidé  h  en  finir  avec  les  éternelles  excuses  que  Platoff  inventait 
ou  tout  au  moins  invoquait  pour  expliquer  son  inaction  ;  car,  au 
milieu  des  grandes  discussions  et  des  graves  préoccupations 
qu'allait  lui  apporter  la  journée  du  28,  le  généralissime  trouvait 
encore  le  temps  d'écrire  à  deux  reprises  à  Barclay  de  ToUy  au 
sujet  de  Platoff.  Dans  la  première  de  ces  lettres,  il  disait  à  Barclay 
que  Tavant-gardc  de  Gyulay  occupant  Bar-sur-Seine,  il  était 
indispensable  de  prescrire  à  PlatofC  (qui  relevait  de  Barclay) 
d'avoir  h  se  porter  le  plus  loin  et  le  plus  vite  possible  en  avant 
des  troupes  du  comte  Gyulay,  de  pousser  vers  Paris,  de  faire  le 
plus  de  mal  qu'il  pourrait  îi  l'ennemi,  et  surtout  d'attirer  sur  lui 
son  attention*. 

Dans  sa  seconde  dépêche  du  môme  jour,  il  profilait  de  l'occa- 
sion que  lui  offraient  certaines  modifications  demandées  par 
l'empereur  de  Russie  et  relatives  î\  la  marche  des  cuirassiers 
russes  et  de  la  division  des  grenadiers  russes  pour  ajouter  : 
cî  L'ataman  Platoff  est  toujours,  au  grand  détriment  des  troupes 
et  sans  aucune  utilité  pour  nous,  dans  Bar-sur-Aube  et  aux  envi- 
rons de  cette  ville,  entre  les  III«  et  IV*  corps.  Veuillez  lui  ordonner 
d'urgence  de  prendre,  enfin,  à  gauche  la  route  de  Sens  et  de  Fon- 
tainebleau*. » 

Surprise  causée  au  grand  quartier  général  à  la  nouvelle 
de  l'arrivée  de  Blûcher  â  Brienne.  —  Si  le  prince  royal  de 
Wurtemberg  avait  été  quelque  peu  surpris  en  recevant  h  Dien- 
ville  la  nouvelle  de  la  présence  de  Blûcher  à  Brienne,  l'étonne- 
ment  qu'on  éprouva  h  Chaumont,  lorsqu'on  apprit  que  Blûcher 
avait  précédé  la  grande  armée  sur  l'Aube,  revêtit  un  tout  autre 
caractère  et  inspira  des  craintes  sérieuses  h  la  plupart  des  con- 
seillers de  Schwar/enberg.  C'était  à  peine  quelques  heures  après 
avoir  arrêté  et  expédié  aux  différents  commandants  de  corps  le 
tableau  des  marches  du  28  au  31,  au  moment  où  l'on  avait  décidé 


*  Schwarzenberg  à  Barclay  de  ToUy^  Chaumont,  28  janvier.   (A\  A".  Kriegt 
Archiv.,  \,  642.) 

^  Schwarzenberg  à   Barclay   de    ToUy,    Chaumont,    28   janvier,    (Ihid,, 
l,  644  c2.) 


—  397  — 

le  mouvement  en  trois  colonnes  *  convergeant  sur  Troycs,  au  mo- 
ment où  Ton  venait  de  prescrire  h  Wittgenstein  et  h  Wrède  de 
revenir,  le  premier,  par  Joinville  à  Brienne,  le  deuxième,  par 
Colombey  à  Dienville  et  de  se  porter  ensuite  par  Piney,  sur  Troyes, 
qu*on  avait  tout  h  coup  connaissance  d'un  mouvement  ((ue  Blû- 
cher  avait  entrepris  sous  sa  propre  responsabilité.  On  peut  se 
faire  une  idée  de  la  stupeur  produite  par  ces  nouvelles  au  quar- 
tier général  de  Chaumont  surtout,  lorsque  quelques  heures  plus 
tard,  Schwarzenberg  reçut  la  lettre  par  laquelle  Blùcher  Tinfor- 
mait  de  Taffaire  de  Saint-Dizier  et,  bien  plus  encore,  lorsque  le 
généralissime  et  ses  collaborateurs  eurent  pris  connaissance  des 
termes  dans  lesquels  Blûcher  appréciait  sa  propre  situation.  Le 
feld-maréchal,  dans  cette  lettre  que  nous  îivons  reproduite  en 
partie  et  qu'il  écrivait  de  Brienne  le  28  au  matin,  ajoutait  que  : 
«  En  raison  môme  du  peu  de  tenue  des  troupes  françaises,  l'Em- 
pereur était  hors  d*état  de  prendre  l'offensive  et  de  se  porter  sur 
ses  communications;  que  rien,  du  reste,  ne  pourrait  être  plus 
avantageux  pour  la  cause  des  Alliés  qu'une  pareille  opération, 
puisqu'elle  leur  livrerait  Paris  sans  coup  férir,  mais  que,  malheu- 
reusement, l'Empereur  ne  prendrait  pas  le  parti  d'ouvrir  la  route 
de  sa  capitale;  enfin  que,  d'ailleurs,  quoi  qu'il  arrivât,  l'avant- 
garde  de  l'armée  de  Silésie(le  corps  du  général-lieutenant  Stscher- 
batofl)  n'étant  plus  qu'à  six  jours  de  marche  de  Paris,  il  n'y  avait 
dont  qu'à  continuer  la  marche  sur  celte  ville  et  à  aller  occuper  la 
position  que  Gneisenau  avait  indiquée  dans  son  Mémoire  et  d'où 
Ton  affamerait  Paris.  » 

Les  événements  semblaient  justifier  les  craintes  émises  par 
l'entourage  de  Schwarzenberg  depuis  qu'on  avait  dépassé  Langres 
et  Chaumont.  Plus  que  jamais  on  se  croyait  en  droit  de  reprocher 
à  Blûcher  d'avoir  causé  la  perle  de  la  route  de  Nancy  et  de  la 
grande  route  du  Rhin  et  d'avoir  fourni  à  Napoléon  la  possibilité 
de  tomber  sur  la  droite,  peut-être  même  sur  les  derrières  de  la 
grande  armée. 


*  D'aprùs  ce  tableau  de  marche,  le  centre  (Giulay,  le  prince  royal  et  Bar- 
clay) marrliait  par  Vcndcuvre  et  Liisigny  sur  Troyes  ;  les  grenadiers  russes  et 
les  deux  divisons  (S**  el  3®)  de  cuirassiers  russes  par  Arc-en-liarrois,  Riche- 
bourg,  La  Ferté-sur-Aube  et  Clairvaux  ;  CoUoredo  par  Chdtillon-sur-Seine, 
Mussy-l'Kvôquc  et  Bar-sur-Seine,  puis  par  la  rive  gauche  de  la  Seine  jusqu'à 
Troyes. 


—  398  - 

Ordres  pour  le  29  donnés  par  Schwarzenberg  le  28  janvier 
â  11  heures  du  soir.  —  Il  fallait  toutefois  aviser.  Aussi  Schwar- 
zenberg, modifiant  les  ordres  qu'il  venait  de  donner,  prescrivit, 
le  28  janvier  à  H  heures  du  soir,  à  Wrède,  de  se  porter,  non  plus 
sur  Colonibey,  mais  sur  Joinville  et  d'y  opérer  sa  jonction  avec 
Witlgenstein  chargé  de  se  reîlier  par  Bar-le-Duc  avec  les  troupes 
d'York  qu'on  croyait  arrivées  sur  ce  point.  Wrède  et  Wittgenstein 
devaient,  à  eux  deux,  assurer  à  Tarmée  de  Bohème  la  possession 
de  Joinville.  Le  prince  royal  de  Wurtemberg  reçut  Tordre  de 
prendre  position  en  avant  de  Bar-sur-Aube  et  ordonna,  le  soir 
même,  à  une  avant-garde  de  4  bataillons,  4  escadrons  et  l  bat- 
terie à  cheval  de  se  poster,  le  29  au  matin,  entre  Dienville  et  Le 
Petit-Mesnil  pour  ser\'ir  de  soutien  au  feld-maréchal.  Un  régiment 
de  cavalerie  dut  s'établir  avec  1  bataillon  et  1  batterie  et  demie  à 
Fresnay  pour  tenir  la  route  d'Arsonval  k  Montier-en-Der  etVassy; 
enfin,  un  détachement  de  mftme  force  eut  à  occuper  Maisons  sur 
la  route  de  Bar-sur-Aube  à  Doulevant  et  Joinville.  Le  général  Jett 
fut  chargé  du  commandement  de  ces  trois  colonnes.  Le  prince  lui 
prescrivit,  en  outre,  d'envoyer  des  partis  vers  Doulevant  et  Som- 
mevoire,de  chercher  à  se  renseigner  sur  la  position  du  général 
Lanskoï  et  sur  les  mouvements  des  Français,  d'éclairer  la  droite 
de  Blûcher,  d'observer  et  de  tenir  les  routes  menant  tant  de 
Brienne  que  de  Doulevant  vers  Bar-sur-Aube.  Le  prince  royal 
comptait  établir  le  gros  de  son  corps  entre  Ailleville  et  Tramies. 

Schwarzenberg  avait  prescrit  au  III«  corps  de  se  tenir  prêt  à 
quitter,  au  premier  avis,  les  environs  de  Bar-sur-Aube;  il  avait 
de  plus  chargé  Gyuhiy  de  hi  défense  de  la  roule  venant  de  Brienne. 
Il  se  proposait,  en  outre,  de  masser  le  reste  de  son  armée  entre 
Bar-sur-Aube  et  Chaumont.  Enfin,  toujours  obsédé  par  l'idée  fixe 
d'un  mouvement  de  l'ennemi  contre  Dijon,  il  enjoignit  à  CoUoredo 
de  faire  halte  sur  les  positions  qu'il  occupait  aux  environs  de 
ChâtUlon. 

Les  souverains  consentent  à  la  réunion  du  congrès  de  Chft- 
tillon.  —  Instructions  données  aux  plénipotentiaires.  —  La 

journée  du  28  avait  été  encore  marquée  par  un  autre  événement 
d'une  véritable  importance.  Metlernich  etlordCastelreagh,  Knesc- 
beck  et  Hardenberg  avaient  fini  par  arracher  à  l'empereur 
Alexandre  rautorisation  de*  réunir  le  congrès  à  Chiltillon,  tout  en 


i 


—  399  — 

continuant  les  opérations  militaires.  Les  conditions  que  les  pléni- 
potentiaires des  puissances  alliées  allaient  conmiuniqucr  h  Cau- 
jainc'ourt  avaient  été  également  fixées  dans  la  journée  du  28.  «  La 
France  rentrerait  dans  les  Imntes  qu'elle  avait  avant  la  Révolu- 
tion, renoncerait  î\  toute  influence  directcî  ou  indirecte  en  dehors 
de  ces  limites.  Elle  reconnaîtrait  formellement  la  reconstitution  dcî 
TAllemagne  formée  par  une  confédération  d'États  indépendants, 
de  ritalie  divisée  (îu  États  indépendants  placés  entre  la  France  et 
les  provinces  autrichiennes  en  Italie,  de  la  Hollande,  dont  le  ter- 
ritoire serait  accru  et  qui  serait  gouvernée  par  un  prince  de  la 
maison  d'Orange,  de  la  Suisse  qui  niprendrait  ses  anciennes  fron- 
tières et  dont  l'indépendance  serait  garantie  par  toutes  les  puis- 
sances représentées  au  Congrès,  de  l'Espagne  sous  la  domination 
de  Ferdinand  VIL  Les  puissances  alliées  auraient  seules  le  droit 
de  régler  les  limites  et  les  rapports  des  pays"  cédés  par  la  France 
et  de  leurs  États  entre  eux.  En  revanche,  T Angleterre  rétrocéde- 
rait Il  la  France  les  conquêtes  coloniales  qu'elle  avait  faites  dans 
les  Indes  occidentales,  en  Afrique  et  en  Amérique,  à  l'exception 
de  l'île  Maurice  et  de  Bourbon.  La  France  devrait  remettre  aussi- 
tôt après  la  ratification  du  traité  préliminaire,  dans  des  délais 
variables  mais  tous  extrêmement  courts,  puisqu'ils  ne  devaient 
pas  excéder  1o  jours,  Mayence,  Hambourg,  Anvers,  Berg-op- 
Zoom,  Mantoue,  Palma-Nuova,  Venise,  Peschiera,  les  places  do 
l'Oder  et  de  l'Elbe,  etc.,  etc.  Elle  devait,  en  outre,  s'engager  h 
remettre  aux  Alliés,  quatre  jours  après  la  signature  des  prélimi- 
naires, Besancon,  Belfort  et  Huningue,  destinées  à  rester  en  dépôt 
entre  leurs  mains  jusqu'il  la  signature  du  traité  définitif.  » 

29  janvier.  —  Marche  de  l'armée  française  sur  Brienne. 

—  Pendant  que  Bliicher,  au  lieu  de  profiter  du  temps  qui  lui  res- 
tait pour  manœuvrer  et  se  diriger  par  la  rive  gauche  de  l'Aube, 
soit  sur  Vendeuvre,  soit  sur  Bar-sur-Aube  et  se  relier  ainsi  avec 
les  III«  et  IV«  corps  de  la  grande  armée,  se  décidait  îi  attendre 
sur  les  positions  de  Brienne  et  de  Lesmont  une  attaque  dont  il  lui 
était  désormais  impossible  de  douter,  on  paraissait  encore 
admettre,  au  quartier  général  de  Ciiaumont,  la  possibilité  d'tfn 
mouvement  de  Napoléon  de  Saint-Dizier  sur  Joinville  et  Chau- 
mont.  L'Empereur,  de  son  côté,  croyant  toujours  le  pont  de  Les- 
mont détruit,  ignorant  la  prise  de  l'officier  envoyé  le  27  au  soir  à 


—  400  - 

Arcis,  Il  Troyes  et  h  Nogent-sur- Seine,  s'attendant,  par  suite,  à 
être  rejoint,  au  plus  tard  le  29  au  soir,  par  Bordesoullc,  par  Col- 
bert  et  surtout  par  le  maréchal  Mortier,  avait  continué  en  une 
seule  colonne  son  mouvement  sur  Brienne  *  par  la  route  de  Mon- 
tier-en-Der  à  Longeville  et  Maizières. 

Le  o«  corps  de  cavalerie  (Milhaud)  marchait  en  tète,  précédant 
le  2«  corps  (Victor)  que  suivaient  trois  divisions  de  la  garde  sous 
les  ordres  de  Nev.  Marmont,  avec  le  6«  corps  et  la  di\ision 
Duhesme,  du  2«  corps,  se  portait  pendant  ce  temps  de  Saint- 
Dizier  sur  Vassy,  et  Duhesme  continuait  de  Vassy  sur  Doulcvant 
et  Soulaines,  couvert  en  avant  par  les  dragons  de  Briche,  postés 
entre  Sommevoire  et  Doulevant  *. 


1  L'Empcrcnr,  ou  tout  au  moins  Bcrthier,  avait  dû  recevoir  le  reoscignc- 
mcDt  suivant  adressé  an  major-général  par  Grouchy  : 

«  Grouchy  au  major  général.  —  Dion  ville-sur- Aube,  28  janvier  1814.  — 
Itfonseigncor,  j'ai  Thonn^or  de  vous  rendre  compte  que  la  cavalerie  du  général 
Milhaudoccupe  Dienville,  La  Kothiùre  et  Le  Fetit-Mesnil  ;  la  division  du  général 
Guyot  est  à  Brienne-la- Vieille. 

<(  J'ai  eu  devant  moi  aujourd'hui  environ  4,000  chevaux  et  2  polks  de 
cosaques  qui  se  sont  retirés  lentement  et  sans  s'engager.  La  nuit  qui  nous  a 
pris  en  arrivant  à  La  Rothiére  n'a  pas  permis  de  les  pousser  plus  loin. 

«  Mon  opinion,  dont  je  vous  prie  de  faire  part  à  Sa  Majesté,  est  que  le  corps 
de  Bliicher  ou  tout  au  moins  une  forte  partie  de  ce  corps,  est  à  très  peu  de 
distance  d'ici.  Des  lignes  de  feu\  considérables  couvrent  toute  la  route  de  Bar- 
sur-Aube,  et  il  est  aisé  de  reconnaître  que  ce  ne  sont  pas  des  bivouacs  de  cava- 
lerie, mais  que  des  masses  d'infanterie  sont  échelonnées  de  distance  en  distance 
sur  cette  route.  »  {Archives  de  la  guerre,) 

Grouchy  termine  en  annonçant  qu'il  n'a  plus  que  8  canons  au  lieu  de  12. 
Une  pièce  est  démontée  ;  les  trois  autres  manquent  de  canonniers,  et  son  artU« 
lerie  est  à  court  de  munitions. 

Les  4,000  chevaux  dont  parle  Grouchy  sont  ceux  de  Pahlcn  que  Bliicher 
rappela  à  lui  dans  la  journée  du  28. 

'  u  Au  général  comte  Duhesme  commandant  la  3<>  division  d'infanterie 
(2«  corps),  à  Vassy.  —  Montier-en-Dcr,  29  janvier  1814.  —  Monsieur  le  général 
Duhesmo,  j'ai  donné  ordre  à  la  division  Briche  (dragons)  de  partir  à  6  heures  du 
matin,  pour  se  rendre  entre  Sommevoire  et  Doulevant  pour  intercepter  la  route 
de  Joinville  à  Bar-sur-Aube  et  de  Joinville  à  Brienne.  Je  suppose  qu'elle  doit  y 
être  déjà.  Envoyez  votre  cavalerie  et  deux  ou  trois  pièces,  si  vous  en  avex, 
pour  appuyer  cette  division  et  communiquer  avec  elle.  Portez-vous  sur  Doule- 
vant pour  appuyer  cette  reconnaissance  et  emparez-vous  entièrement  de  la  route 
de  Joinville  à  Bar  et  de  JoinviUe  à  Brienne.  Je  donne  ordre  au  duc  de  Raguse 
de  se  rendre  à  Vassy  avec  son  corps.  Je  ne  suppose  pas  qu'il  y  soit  avant  midi. 
Vous  serez  sous  ses  ordres.  Comme  il  a  2.000  hommes  de  l>onne  cavalerie,  il 

vous  soutiendra Je  serai  h  10  heures  à  Maizières.  Faites  prévenir  le  duc 

de  Raguse   de  tous  vos  mouvements  et  envoyez-moi  des  nouvelles.  Si  j'ai 
besoin  de  vous,  je  vous  enverrai  des  ordres  du  côté  de  Soulaines.  Occupez  en 


-  401  — 

Ordres  donnés  par  Blûcher.  —  Vers  8  heures  du  matin,  la 
cavalerie  légère  du  général  Pire  rencontrait,  au  delà  de  Boulan- 
court,  un  polk  de  300  cosaques  qui,  après  avoir  essayé  de  tenir  à 
rentrée  du  défilé,  fut  chargé  par  le  3"  régiment  de  hussards  et 
rejeté  avec  perle  dans  le  défilé  *. 

Hliicher,  informé  de  l'apparition  des  Français  sur  la  route  de 
Montier-en-Der  h  Brienne  et  de  l'occupation  de  Boulanconrt, 
prescrivait  h  Sacken,  qui  était  encore  vers  Lesmont,  de  s(»  |)orter 
sur  Brieime;  îi  Olsufieff  d'y  prendre  position;  à  Pahlen  de  se 
déployer  en  avant  de  Brienne,  dans  la  grande  plaine  qui  s'étend 
entre  Maizières  et  les  bois  par  lesquels  passe  la  roule  de  Lesmont 
h  Brienne-le-Chî\teau.  Stscherbatoff  occupait  Maizières  avec  ses 
quatre  régiments  de  cosaques  qui  allaient  bientôt  être  renforcés 
par  le  régiment  de  uhlans  de  Tchougouïeff  et  quatre  pièces  d'ar- 
tillerie h  cheval,  surveillant  la  route  de  Montier-en-Der  à  Brienne 
et  Lesmont.  Lanskoï  se  dirigeait  de  Soulaines  par  Chaumesnil 
vers  Brienne.  Enfin,  le  feldzeugmeister  Guylay  mandait  en  même 
temps  qu'une  de  ses  brigades  gardait  le  pont  de  Dolancourt  et 
qu'une  autre  se  portait  à  Spoy  en  soutien  de  son  avant-garde, 
établie  h  Vendeuvre. 

Combat  de  Brienne.  —  La  cavalerie  française  engage  le 
combat.  —  Pahlen,  encore  en  train  de  se  déployer,  venait  à 
peine  de  faire  partir,  pour  soutenir  Stscherbatoff,  les  uhlans  de 
Tchougouïeff,  lorsqu'on  apprit  que  les  Français,  après  avoir 
occupé  Boulancourt,  avaient  passé  la  Voire  avec  de  l'infanterie  et 


force,  s'il  n'y  a  pas  d'inconvénient,  les  postes  entre  Brienne  et  Soulaines,  afin 
que  les  communications  soient  faciles.  »  {Correspondance,  n^  21143.) 

«  Au  maréchal  Marmont,  commandant  le  6^  corps,  à  Saint-Dizier.  —  Mon- 
tier-en-Der, 29  janvier  1814,  8  heures  du  matin.  —  Je  vous  ai  fait  donner 
Tordre  do  vous  poster  à  Vassy  d*où  vous  surveillerez  votre  arrière-garde  qui 

est  à  Saint-Dizier Le  général  Duhesme  reçoit  Tordre  de  se  porter  sur  Dou- 

levant.  11  sera  sous  vos  ordres  pendant  tout  le  temps  qu'il  sera  ainsi  détaché. 
Vous  pourrez  le  placer  ce  soir  à  Doulevant  ou  un  peu  plus  près  de  Soulaines, 
afin  de  le  rapprocher  de  Brienne  et  d'observer  Bar-sur-Aube.  Je  pense  que 
devez  jeter  toute  votre  cavalerie,  avec  celle  du  général  Duhesme,  sur  Bar-sur- 
Aube,  Joinville  et  Brienne Ne  quittez  ni  Saint-Dizier  ni  Doulevant  sans 

ordre.  »  (Corretpondance,  n®  21144.) 

>  Fetibt,  Journal  de  la  diviiion  de  cavalerie  légère  du  5®  corps  ;  major 
Mareschal  à  Schwarzenberg,  Ailleville,  29  janvier.  (K,  K.  Krieys  ArefUv., 
I,  652.) 

w«u.  2(> 


•^  402  — 

de  la  cavalerie  et  en  avaient  chassé  les  cosaques.  La  cavalerie 
française,  arrivée  à  Maizières,  continuait  h  pousser  devant  elle 
les  postes  établis  en  avant  du  défilé  et,  vers  midi,  elle  obligeait 
Stscherbatoff  i\  se  retirer  sur  Perlhes-en-Rothière  par  la  grande 
roule  de  Brienne.  Pahlen,  dirigeant  aussitôt  sur  Brienne  et  sur 
la  route  de  Brienne  h  Lassicourt  les  4®  et  34«  régiments  de  chas- 
seurs, viiît  s'établir  avec  toute  sa  cavalerie  dans  la  plaine,  au  sud 
et  à  l'est  de  Perthes. 

De  son  côté,  le  colonel-général  comte  Grouchy,  qui  comman- 
dait la  cavalerie,  et  auquel  l'Empereur  avait  recommandé  de 
marcher  avec  prudence,  après  avoir  passé  le  village  de  Juzan- 
vigny,  découvrit,  îi  la  sortie  du  bois  d'Ajou,  du  côté  de  Brienne. 
la  cavalerie  de  Sacken  déployée  en  avant  de  cette  ville.  L'attitude 
de  cette  troupe  lui  faisant  supposer  qu'elle  devait  être  soutenue 
par  des  troupes  d'infanterie,  Grouchy  ne  se  crut  pas  assez  fort 
pour  attaquer  de  suite  cette  cavalerie.  Il  résolut  d'attendre  l'ar- 
rivée en  ligne  des  divisions  Lefebvre-Desnoëttes  et  Krasinsky,  et 
ordonna  ti  son  artillerie  de  couvrir  le  déploiement  de  ses  esca- 
drons*. Presque  ;i  la  môme  heure,  des  troupes  françaises  se 
montraient  en  avant  de  Soulaines,  du  côté  de  Chaumesnil,  qu'oc- 
cupait Lanskoï;  leur  avant-garde  ne  tardait  pas  h  atteindre  et  à 
garnir  la  lisière  du  bois  de  Chaumesnil  V 

Bien  que  l'infanterie  française  se  trouvât  encore  ii  ce  moment 
assez  loin  en  arrière,  bien  que  Grouchy  se  fût  conformé  aux 
ordres  qu'il  avait  reçus,  bien  qu'il  dût  s'attendre  à  trouver  les 
troupes  de  Blucher  établies  en  soutien  des  escadrons  de  Pahlen, 
il  est  néanmoins  regrettable  que  le  commandant  de  la  cavalerie 
française  n'ait  pas  cru  devoir  tenter  une  attaque  qui,  exécutée  à 
ce  moment,  aurait  été  d'autant  plus  vraisemblablement  couronnée 
de  succès,  que  Sacken  n'était  pas  encore  arrivé  ù  Brienne  et  que 
Pahlen  cherchait  uniquement  h  gagner  du  temps.  Comme  le 
montre  la  dépêche  ci- dessous  adressée  à  Schwaraenberg  par  un 
de  ses  officiers  de  contiance,  par  l'officier  que,  dans  toutes  les 


*  Rapport  (le  Victor  ;  Mémoires  de  Grouchy:  Petiet,  Journal  <roptrations 
de  la  division  dtr  cavalerie  légère  du  5°  corps  ;  Kurzgefassto  Darstellang  der 
Kricgsljcgebenlieiten  dcr  srhiesisclien  Armée.  [K,  K,  Kriegs  Arekiv.,  I,  31.) 

*  Happort  du  général-major  von  Walsleben,  commandant  l'avant-garde  du 
prince  royal  de  Wurtemberg,  au  prince  de  Schwarzenberg,  de  DienviUe, 
SI9  janvier  18i4,  3  heures  après-midi.  {K,  K,  Kriegs  ArciUv.,  1,  057 -a.) 


-  403  — 

circonstances  critiques,  il  chargea  de  le  renseigner  sur  ce  qui  se 
passait  au  quartier  général  de  Biûchor,  les  forces  qu'on  aurait 
pu  opposer  à  ce  moment  à  Grouchy  n'auraient  guère  été  h  môme 
de  résister  sérieusement,  et,  comme  il  le  fil  un  peu  plus  tard, 
Pahlen  se  serait  retiré  sur  Brienne  en  se  contentant  d'essaycT  de 
faire  bonne  contenance  : 

«  Major  Mareschal  au  prince  de  Schwarzenberg.  —  Ailleville, 
29  janvier  181 4,  3  heures  de  l'après-midi  *. 

«  Ce  malin,  l'ennemi  s'est  montré  sur  la  roule  de  Monlier-en- 
Der  à  Brienne,  a  occupé  Boulancourt,  a  passé  la  Voin»  avec  de 
l'infanterie  et  de  la  cavalerie  et  a  repoussé  les  cosa((ues  de 
StscherbatofT  de  Maizières. 

«  Il  s'est  également  montré  sur  la  route  de  Joinville.  Le  général 
Lanskoï  occupe  Chaumesnil  avec  de  l'infanterie  et  une  demi- 
batterie.  Il  a  ordre  de  s'y  maintenir  coille  que  coùU\ 

«  A  Brienne,  il  y  a  deux  régiments  d'infanterie  el  une  batterie 
de  12.  Le  reste  du  corps  est  encore  h  Lcismont  avec  ordre  de 
venir  ii  Brienne  et  pourra  y  arriver  avant  l'attaque  de  l'ennemi. 

«  L'avant-garde  du  prince  royal  de  Wurtemberg  est  à  Vallières* 
et  î\  Dienvilhî.  Le  reste  du  IV«  corps  est  encore  |)rès  de  Bar-sur- 
Aube. 

«  L'ennemi  a  fait  aussi  un  mouvement  en  avant  de  Maizières 
par  le  bois  de  Soulaines;  ce  mouvement  me  fait  supposer  que 
l'ennemi  n'attaquera  pas  le  corps  posté  ù  Brienne  et  qu'il  préfé- 
rera le  couper  de  la  route  de  Bar-sur-Aube,  [loint  qu'il  peut 
atteindre  avant  nous  par  Doulevant. 

«  Je  prie  Votre  Altesse  de  vouloir  bien  m'envoyer  un  officier 
pour  m'aider.  Pendant  que  j'écris  ce  rapport  à  Ailleville,  chez  le 
général  Franqueniont,  on  entend  une  violente  canonnade  à  gauche. 


»  K.  K,  Kriegs  ArelUv.,  I,  658. 

s  Le  major  iMareschal  commet  ici  une  erreur.  Le  IV*'  corps  (prince  royal  de 
Wartemberg)  n^avait  personne  à  VaUiëres,  petit  village  qui  se  trouve  au  sud- 
ouest  de  Bar-sur-Seine,  du  côté  de  Chaource.  Il  n'y  avait  à  ce  moment  de  ce 
côté  que  le  corps  volant  du  lieutenant-colonel  comte  Ttiurn.  Le  major  veut 
probablement  parler  do  Vallières-Larrivour,  au  nord  de  Lusigny;  mais  les 
avantrpostes  du  111*  corps  qui  opérait  de  ce  côté,  n'allèrent  pas  au  delà  de  La 
Villeneuye-au-Chôno  et  n'avaient,  par  conséqucnti  pas  pu  paiser  la  tiarsc 
le  29. 


—  404  — 

Ce  doit  élre  rennomi  qui  attaque  (^haumosnil.  Je  nie  rends  de  ce 
côté  pour  en  rendre,  ce  soir,  compte  à  Votre  Altesse.  » 

En  attendant  l'entrée  en  ligne  du  gros  du  S«  corps  de  cavalerie 
et  l'approche  des  têtes  de  colonne  de  Victor,  dont  la  marche 
avait  été  retardée  par  le  mauvais  état  des  routes,  pendant  que  le 
général  Olsufieff  se  préparait  à  tenir  h  Brienne,  la  cavalerie  de 
Tavant-garde  française  s(»  bornait  h  échanger  des  coups  de  canon 
avec  l'artilUîrie  de  Pahlen  et  à  chercher,  en  filant  à  droite  de 
Maizières  et  en  gagnant  les  hauteurs  de  Perlhes,  à  déborder  la 
gauche  de  la  cavalerie  russe.  Enfin,  au  bout  de  deux  grandes 
heures,  entre  deux  et  trois  heures  de  l'après-midi,  Grouchy,  après 
avoir  disposé  h  sa  droite  la  cavalerie  légère  des  généraux  Kra- 
sinsky  et  Lefebvre-Desnoëttes,  au  centre  les  dragons  du  général 
Lhéritier  avec  une  batterie,  et,  h  gauche,  la  cavalerie  légère  de 
Pire  avec  une  batterie,  se  porta  en  avant  pour  charger  Pahlen. 
Celui-ci,  considérant  sa  mission  comme  terminée,  ne  crut  pas 
devoir,  en  présence  de  la  supériorité  numérique  de  la  cavalerie 
française,  attendre  son  attaque.  Il  se  replia*,  sans  trop  se  h»1ter, 
sur  Brienne,  qu'il  traversa  pour  se  former  ensuite  de  l'autre  côté 
de  la  ville,  sur  la  route  de  Bar-sur-Aube.  Cependant,  Grouchy, 
saisissant  une  occasion  qui  lui  paraissait  opportune,  avait  lancé 
sur  les  derniers  régiments  russes  les  dragons  des  généraux  Lhé- 
ritier et  Briche.  Mais,  après  avoir  enfoncé  ces  régiments,  hîs  dra- 
gons vinrent  donner  contre  trois  bataillons  d'infanterie  russe,  qui 
avaient  eu  le  tem|)S  de  se  former  en  carrés  et  dont  le  feu  meur- 
trier et  bien  dirigé  les  obligea  à  se  replier,  et  permit  aux  uhlans 
de  Tchougouieff  de  les  ramener  en  désordre  jusqu'en  arrière  des 
|)Ositions  occupées  par  l'artillerie  française,  qui  perdit  trois 
pièces. 

On  avait  ainsi  laissé  aux  troupes  de  Sacken  le  temps  d'at- 
teindre Brienne  et  de  se  former  à  cheval  sur  la  route  de  Bar-sur- 
Aube.  Quant  à  Olsufieft',  il  occupait  solidement  la  ville  même  au 
moment  où  l'Empereur,  arrivé  sur  le  champ  de  bataille,  prescri- 
vait Il  son  artillerie  d(?  canonner  la  route  de  Lesmont  et  la  ville  de 
Brienne,  et  se  disposait  h  dessiner  son  attaque  par  sa  droite*. 

1  I{:ipport  du  duc  de  Dell  une  hur  le  combat  de  Brienne  ;  Brienne,  30  janvier. 

1  Starkr,  Eintheilung  und  Tagesbej,'cbeiihciten  der  Haapt-.Vrmee  in  Muuale 
Jauuar.  (A'.  K,  Krieys  Archiv,,  1,  30.; 


-  405  — 

Entrée  en  ligne  de  rinfanterie  française.  —  L  infantorio 
cln  i2'*  cori^s  venait  d'cnlror  en  ligiK»,  et,  sons  la  prole(!tion  du  ten 
violent  de  son  artillerie,  l'Empereur  lanea  aussitôt  contre  Brienne 
la  division  Duhesme.  qui,  débouchant  du  bois  d'Ajou,  chassa  les 
tirailleurs  russes  d(»s  fossés  de  la  roule  de  lia r-sur- Aube,  des  jar- 
dins en  avant  de  la  ville  et  de  leurs  abris,  le  lonfç  de  la  roule  (|ui 
ni^ne  à  Morvilliers  et  Doulevant.  Débusquant  leurs  soutiens  des 
maisons  qu'ils  occupaient  plus  en  arrière,  elle  parvint  môme  mo- 
mentanément à  s'emparer  d'une  partie  de  la  ville  d(î  Brienne. 
Mais  des  renforts  envoyés  de  c(^  côté  par  OIsufieff  et  l'enln^e  en 
ligne  des  4®  et  34**  régiments  de  chasseurs  obligèrent  le  général 
Duhesme  à  abandonner  les  positions  qu'il  venait  de  conquérir, 
ainsi  que  les  deux  pièces  que  ses  troupes  avaient  pris(»s  aux  Busses. 

Attaque  de  Brienne.  —  Pendant  que  l'Empereur,  décidé  à 
enlever  Brienne,  prenait  ses  dispositions  pour  accenluer  son 
attaque  par  sa  droite,  il  pressait  la  marche  des  divisions  de  Ney. 
Trois  colonnes  fureiît  chargées  de  l'opération  contre  Brienne?. 
L'une,  celle  du  centre,  forte  de  six  bataillons  de  la  division  Decouz, 
de  la  jeune  garde,  et  conduite  par  Ney,  devait  se  porter  sur  la 
ville  par  la  route  de  Maizièn^s.  L'autre,  celle  de  gauche,  devait 
renouveler  sa  première  attaque,  qui  n'avait  pas  eu  les  résultats 
désirés.  La  S^  enfin,  sous  les  ordres  du  général  C.hàtaux,  était 
destinée  h  prendre  tout  à  fait  ii  droite,  h  se  porler  par  la  route  de 
Lesmont  sur  les  derrières  du  château  de  Brienne  et  à  s'en  empa- 
rer. A  vo,  moment,  les  dernières  troupes  de  Sacken,  après  avoir 
un  instant  couru  le  danger  d'être  coupées  du  resle  de  l'armée  de 
Silésie,  défilaient  i)ar  Brienne,  que  la  cavalerie  achevait  égale- 
jnent  de  traverser.  Pahlen  forniait  ainsi  l'extrême  droit(î  de  Blii- 
cher  avec  toute  sa  cavalerie,  renforcée  par  celle  de  Lanskoï,  de 
Pantchoulitchefif,  de  Wassiltchikotf,  et  par  les  corps  volants  de 
Slscherbalotï  et  de  Biron,  alors  que,  au  contraire,  toute  la  cava- 
lerie française  était  déployée  h  la  droite  des  lignes  françaises  dans 
l'espace  conipris  entre  la  route  de  Lesmont  à  Brienne  et  celhî  de 
Maizières  à  Brienne. 

Charge  de  la  cavalerie  de  Pahlen.  —  Les  trois  colonnes 
d'infanterie  française  se  mirent  en  mouvement  entre  cinq  et  six 
heures;  mais  Bliicher  avait  remarqué  la  faute  que  les  Français 


-  406  — 

avaient  coniiiiisf*  on  envoyant  toute  leur  cavalerie  h  leur  droilt». 
Laissant  les  deux  colonnes  de  Châtaux  et  de  Decouz  essaver  do 
pén(!''trer  dans  Brienne,  sans  s'inquiéter  de  ce  que  les  dragons 
français  avaient  enlevé  deux  pièces  et  avaient  été  sur  le  point  de 
faire  Sacken  lui-même  prisonnier,  il  se  jeta  avec  quarante  îi 
cinquante  escadrons  sur  la  division  Duhesme,  qu'il  ramena  ou 
désordre  et  à  laquelle  il  prit  huit  canons.  Cette  charge  brillante, 
qui,  h  cause  de  l'obscurité,  ne  put  ni  être  poussée  plus  loin,  ni 
avoir  les  conséquences  qu'elle  aurait  eues  de  jour,  arrêta  néan- 
moins les  progrès  de  la  colonne  Decouz.  En  présence  de  l'échec 
que  la  cavalerie  de  Pahlen  venait  d'infliger  à  la  division  Duhesme, 
Decouz  se  vit  contraint  à  se  reporter  en  arrière,  alors  qu'il  allait 
s'établir  dans  la  ville*. 


*  Le  feld-maréchal  Blùcher  au  prince  de  Schwarzenberg.  —  «  Arsonval, 
30  janvier  1814,  8  heures  du  matin.  —  J'avais  à  peine  expédié  hier  à  Votre 
Altesse  le  lieutenant  PantchoulitchelT,  que  l'ennemi  se  porta  droit  sur  Brienne 
qu'occupaient  déjà  5,000  hommes  avec  24  canons. 

<(  Le  général-lieutenant  comte  Pahlen  avait  couvert  avec  sa  cavalerie  la 
marche,  de  Lesmont  sur  Brienne,  du  corps  du  général  von  Sacken,  et  l'ennemi 
se  vit  forcé  de  porter  toute  sa  cavalerie  sur  sa  droite  afin  de  l'opposer  à  celle 
de  Fahlen.  Cette  masse  de  cavalerie  était  considérable  et  supérieure  à  celle  dn 
comte  Pahlen. 

i(  Lorsque  l'ennemi  se  fut  rapproché  davantage  de  la  ville,  le  général  Pahlen 
dont  la  mission  était  terminée  à  ce  moment,  se  retira  et,  passant  par  Brienne, 
il  vint  se  former  sur  mon  aile  droite,  pendant  que  l'ennemi,  au  contraire, 
maintenait  sa  cavalerie  entre  la  cliaussée  de  Lesmont  à  Brienne  et  celle  de 
Maizières  à  Brienne. 

((  Je  profitai  de  cette  faute  et  pendant  qncf  In  droite  ennemie  attaquait  la 
ville  de  Brienne,  je  me  jetai  avec  toute  la  cavalerie  du  général  comte  Pahlen 
sur  son  aile  gauche  et  j'enlevai  les  deux  batteries  qu'il  avait  de  ce  côté  («). 
Mais  j'ijînore  le  nombre  de  pièces  qu'il  a  été  possible  de  ramener,  parce  que  je 
manquais  absolument  des  moyens  nécessaires  pour  emmener  ces  bouches  à  feu. 

«  Les  prisonniers  que  nous  fîmes  de  ce  côté  et  qui  appartenaient  tous  à  la 
garde,  disent  que  l'Kmpereur  en  personne  commande  l'armée  qui  a  attaqué 
Brienne.  O'tte  armée  se  composerait  de  50,(K)0  hommes  parmi  lesquels  se 
trouveraient  les  troupes  que  l'Empereur  a  passées  en  revue  à  Paris  le  13,  le 
2*  corps  et  la  garde  impériale  venant  de  Saint-Dizier.  L'armée  française  serait, 

(a)  Los  KriegsbrK<^beitlici(on  (K.  K.  Kriegs  Arek.,  l,  3())  nn  sont  pas  au^sii  catégoriques 
an  sajnt  do  la  prise  dos  canon<i  et  dihODt  sculenieul  à  ce  sujet  :  •«  Lo  soir,  Blûcher  avec  sa 
cavalerie  tente  une  attaque  contre  lu  gauche  fninç.iise  et  ^'empare  vn  moment  de  quelques 
canons.  Nupolf'nn  continue  sur  Hricnne  son  attaque  par  la  droite.  * 

La  Kurzgefassto  Darstellung  der  Kriegsbogebenneileu  der  schlesi»chen  Armée  (Ibid., 
I.  31)  l'onlirnio  à  peu  de  chose  pris  le  récit  des  FagesbeKetienheiten.  Voici  en  queU  termes 
ello  rcml  compU»  de  ces  faits  :  a  Hlucher  u»  décide  k  défendre  Brienne  jusqu'à  la  nuit  et  se 
retire  ensuite  sur  Trannes.  Il  porte,  h  cet  effet,  »a  cavalerie  sur  sa  droite,  attaaue  vivement 
la  f::tU('lie  rrançaise.  qui  n'a  pa»  de  cavalerie,  et  enlève  quelques  pièces.  Biais  Ney  continue 
à  presser  la  irauche  de  farraèe  de  Siléflie  à  Drienne.  qui  est  eu  feu,  et  dont  il  »Vmpare  ver* 
minuit,  bliiciier  ordonne  la  retraite.  »i 


—  407  — 

Blûcher  sur  le  point  d'être  pris  au  chftteau  de  Brienne.— 

Blûcher,  cToyanl  que  le  combat  allait  prendre  fin  et  que  les 
Français  avaient  renoncé  h  leur  projet  d'enlever  Brienne.  était 
retourné  h  son  quartier  général  établi  au  chîlleau,  d'où  il  voulait 
essayer  de  jeter  un  dernier  cou|)  d  œil  sur  le  champ  de  bataille 
et  sur  les  positions  des  Français  avant  de  prendre  une  résolution 
définitive  et  avant  que  les  ténèbres  ne  fussent  devînmes  plus  pro- 
fondes. Mais  le  génénU  ChàtauA,  qui  avait  réussi  ii  dérober  la 
marche  de  sa  colonne  en  prenant  un  chemin  que  les  Busses,  le 
croyant  imi)raticable,  n'avaient  pas  fait  garder,  parvint  h  péné- 
trer dans  le  château,  qu'il  occupa  sans  être  aperçu  (;t  sans  tirer 
un  coup  de  fusil.  Ce  fut  gri\ce  à  un  hasard  providentiel  et  non 
sans  peine  que  Bliicher  et  Gneisenau,  entendant  quelque  bruit 
dans  les  fossés  et  les  souterrains  du  chAteau,  réussirent  îi  gagner 
la  première  cour  au  moment  même  où  la  télé  de  colonne  du 
général  ChAtaux  y  arrivait  de  son  côté  et  débouchait  des  caves  et 
des  terrasses.  Blûcher  et  Gneisenau  n'eur<»nl  que  le  temps  de 
s'enfuir  en  toute  hîlte  par  le  chemin  qui  descend  vers  la  ville.  Si 
les  Français  avaient  tardé  une  ou  deux  minutes  do  plus  avant  de 
commencer  le  feu,  les  deux  adversaires  les  plus  acharnés  de 
l'Empereur,  les  deux  ennemis  les  plus  irréconciliables  d(?  la 
Franche  tombaient  fatalement  entre  les  mains  des  tiraillcîurs  du 
général  ChîUaux,  qui  firent  prisonniers  le  commandant  de  l'es- 
corte, le  capitaine  von  Heyden  (grièvement  blessé),  et  le  com- 


d'après  eux,  formée  en  trois  colonnes,  l'une  allant  sur  Joinville,  Tautre  se 
dirigeant  plus  à  gauche,  et  enfin  la  3^,  celle  de  l'Empereur,  qui  serait  la  plus 
forte. 

a  La  droite  des  Français,  pendant  que  la  cavalerie  de  Pahlen  chargeait  leur 
gauche,  s'était  portée  contre  les  vignes  du  chdteau  de  Brienne  et  avait  réussi 
à  s'emparer  d'une  partie  de  la  ville  que  je  fis  attaquer  et  reprendre  à  1 1  heures 
du  soir. 

c(  Mais  m'en  tenant  aux  dispositions  que  j'avais  arrêtées  antérieurement,  je 
me  suis  ensuite  rapproché  de  Bar-sur-Aube. 

«  Mon  infanterie  est  établie  de  Trannes  à  Arsonval;  ma  cavalerie  est  à 
Brienne  et  dans  la  plaine  de  Trannes. 

«  Je  crois  que  l'ennemi  a  replié  hier  sa  gauche  au  moins  jusqu'à  Maiziùrcs 
et  que,  s'il  se  décide  à  se  reporter  en  avant  aujourd'hui,  il  n'arrivera  en  ligne 
que  fort  tard  et  n'atteindra  pas  mon  infanterie. 

u  Votre  Altesse  peut  être  certaine  que  le  gros  des  forces  ennemies  est 
aujourd'hui  entre  Brienne  et  Saint-Dizier 

«  P. -S.  —  Je  tiendrai  en  tout  cas,  et  coûte  que  coûte,  le  défilé  de  Trannes.  » 
(K,  K.  Kriegt  Archiv,,  I,  575.) 


—  408  — 

mandant  du  quarlior  général  do  Blucher,  le  oapilaine  comte 
Hardonherg*.  Le  général  Chdlaux,  après  avoir  établi  400  honinios 
des  37«  et  o6«  réginients  au  chAteau  de  Brienne,  s'étiiit  immédia- 
tement porté  sur  la  ville.  Surprenant  les  Russes  par  son  appa- 
rition et  par  une  attaque  qu'ils  croyaient  impossible  de  ce  coU^, 
il  les  avait  forcés  à  Tabandonner. 


*  L'Empereur  écrivant  au  roi  Joseph,  le  31  janvier,  de  Brienne,  lui  dit  au 
sujet  du  combat  de  Brienne  et  de  la  prise  du  château  :  «  L'affaire  de  Brienne 
a  été  fort  chaude.  J'y  ai  perdu  3,000  hommes.  L'ennemi  >  a  perdu  4,000  à  5,000 

hommes.  J'ai  poursuivi  Fennenii  à  mi-chemin  de  Bar-sur-Auhe Encore  un 

moment  et  Blucher  et  tout  son  état-major  eussent  été  pris.  Le  neveu  du  chan- 
celier de  Hardenberg  a  été  pris  à  c^té.  ils  étaient  à  pied  et  ne  savaient  pas  que 
j'étais  à  l'armée »  (Correspondance,  n^  iiiùO,) 

Le  comte  Nostitz  a,  dans  son  Tagebuch,  consacré  quelques  pages  à  l'épisode 
du  château  de  Brienne  :  k  Le  combat  semblait  terminé,  écrit-il  ;  le  feu  ayant 
presque  complètement  cessé,  le  feld-maréchal  retourna  au  château  et  chargea 
la  plupart  de  ses  ofllciers  de  rentrer  en  ville  et  do  diriger  les  travaux  néces- 
saires pour  circonscrire  l'incendie.  Accompagné  par  le  général  von  Gneiseuau. 
il  monta  aux  étages  supérieurs  du  château,  afin  de  jeter  un  dernier  coup  d*œil 
sur  les  positions  de  l'ennemi.  Il  avait  mémo  donné  ordre  de  mettre  les  chevaux 
à  l'écurie.  Sachant  que  mes  remarques  auraient  été  certainement  mal  accueil- 
lies, tenant  d'autre  part  à  parer  à  l'éventualité  d'un  danger  aussi  terrible.  ji> 
pris  sur  moi  de  faire  conduire  les  chevaux  derrière  l'une  des  ailes  du  château, 
de  façon  à  les  avoir  sous  la  main.  Le  général  comte  Goltz,  le  colonel  comte 
Schwerin  et  moi.  nous  restâmes  sur  le  plateau  en  avant  du  château,  les  >eux 
fixés  sur  la  ville  qui  brûlait  à  nos  pieds. 

«  Quelques  minutes  s'étaient  à  peine  écoulces  qu'une  balle  sifflait  à  nos  oreil- 
les. Aucun  de  nous  ne  s'en  occupa.  Mais  bientôt  après,  les  sifflements  devin- 
rent plus  fnM]uents.  Le  comte  de  Goltz  courut  au  château  pour  en  faire  sortir 
lo  feld-maréchal.  Quant  à  moi,  je  fis  avancer  les  chevaux.  Au  moment  où  lilii- 
cher  se  mettait  en  selle,  une  de  ses  or  lunnnnces  était  atteinte  par  une  balle  a 
quelques  pas  de  nous.  Les  balles  venaient  des  vignes  ou  du  château  mt^me. 
Force  nous  était  donc  de  nous  diriger  vers  la  ville. 

«  Un  sous-officier  cosaque,  Antonoff.  ouvrait  la  marche.  Puis  venait  le  général 
comte  (îoltz.  que  je  suivais  avec  une  ordonnance.  Le  colonel  comte  Schwerin, 
qui  avait  renvoyé  son  cheval,  était  a  pied  et  marchait  à  côté  de  Tonlonnaniv. 
Le  feld-nian'H:hal ,  lo  général  von  Gneisenau  et  quelques  onlonnances  fer- 
maient la  marche. 

«  L'incendie  do  la  ville  tH*lairait  le  chemin  que  nous  suivions.  Tout  le  rosie 
du  champ  de  bataille  était  [)longé  dans  les  ténèbres. 

«  .Vous  avions  à  peine  fait  quelques  [las,  lorsque  Antonoff,  qui  avait  pris  les 
devants,  revint  et  nous  jeta  en  mauvais  allemand  ces  mois  qui  nous  conster- 
nèrent :  «  Nicht  RouKkij,  allet  Franzousky  »  (pas  de  Russes,  tous  Françai»*). 
A  ce  moment,  on  apercevait  dcjà  une  troupe  de  cavalerie  à  peu  de  distance  d<* 
nous.  Notre  situation  était  des  plus  critiques.  Derrière  nous,  le  château  ocruf«è 
vraisemblablement  par  l'ennemi;  devant  nous,  la  cavalerie  ennemie  arrivant  de 
la  ville  et  se  dirigeant  vers  nous.  Pour  toute  rt»ssour(*e  un  chemin  étroit, 
enraisM'  entre  les  maisons  et  aboutissimt  à  la  campagne.  Il  aurait  fallu  .se 
bâter  et.  malgré  nos  supplications,  le  feld-maréchal  continuait  à  marcher  au 


—  409  - 

Charge  infructueuse  de  la  cavalerie  de  Lefebvre-Des- 
noêttes.  —  Mais  la  fortune,  (jui  devait  toujours  riHablir  les 
affaires  des  Alliés,  aiT  moment  môme  où  elles  paraissaient  h;s 
plus  compromises,  allait  presque  aussitôt  priver  le  général 
Chî\laux  du  brillant  avantage  qu<^  grAce  à  sa  hardiesse  et  î\  son 
habileté,  il  avait  remporté  presque  sans  coup  férir. 

Alors  que  le  général  Chî\taux  se  croyait  déjîi  maître  de  la  ville, 
au  moment  môme  où  Blùcher  et  Gneisenau  s*enfuyaient  au  milieu 
de  l'incendie  et  allaient  rejoindre  leurs  troupes,  ils  faillirent  de 
nouveau  être  enlevés,  ainsi  que  le  général  Sacken,  par  la  cava- 
lerie de  Lefebvre-Desnoettes,  qui  venait  de  pénétrer  dans  la  ville 
par  la  route  de  Lesmont.  Prévenus  par  un  cosaque,  Blùcher  et 
Gneisenau  eurent  le  temps  de  filer  avant  d'être  rejoints*.  Sacken', 


pas  :  «  S'il  me  faut  coarir,  nous  rëpondait-il,  il  est  bon  au  moins  que  je  voie 
celui  qui  ra*oblige  à  le  faire.  »  Ce  fut  alors  que  Gneisenau  eut  Tidée  de  lui 
demander  s'il  avait  Tintention  de  se  faire  voir  comme  prisonnier  aux  Pari- 
siens. Le  général  avait  touché  ju&te.  Quelques  minutes  après  nous  étions  dans 
les  champs  et  nous  no  tardions  pas  à  rejoindre  les  troupes  do  Sacken.  » 

Le  fel(J-maréchal,  ajoute  encore  Nostitz,  était  tellement  furieux  d'avoir  dû 
s'enfuir,  sans  pouvoir  distribuer  quelques  coups  de  sabre  que,  se  refusant  à 
croire  à  la  présence  des  Français  à  Brienne,  il  chargea  Nostitz  de  réoccuper  le 
château.  Cette  tentative  échoua  comme  celle  d'Olsuficff. 

Le  comte  Nostitz  a,  en  outre,  eu  le  soin  de  joindre  à  son  journal  la  pièce 
dans  laquelle  le  comte  Hardenberg  rend  compte  de  la  façon  dont  il  a  été  eiilevi^ 
par  les  Français.  Envoyé  par  Bliicher  pour  surveiller  les  travaux  d'extinction 
de  l'incendie,  il  remontait  vers  le  château  pour  rendre  compte  de  sa  mission,  lors- 
qu'il fut  arrêté  par  six  cavaliers.  Hardenberg  qui,  dans  l'obscurité,  n'a  pas 
remarqué  leurs  uniformes,  réi)ond  par  les  mots  de  :  «  PreutsUeher  Offizier  ». 
Il  est  sommé  de  se  rendre.  Toute  résistance  étant  impossible,  Hardenberg 
demande  quel  est  le  général  qui  commande  et  demande  à  être  conduit  à  lui. 
Amené  au  général  l^fcbvre-De^noëttes,  il  eut  la  présence  d'esprit  de  lui  dire 
que  bliicher  était  ave<*  ses  troupes  aux  portes  de  la  ville.  Hardenberg  fut 
prcifque  aussitôt  conduit  à  Tétat-major  général  de  TEmpereur. 

Tagebuch  des  Gênerais  der  Kavallerie  Grafen  von  iNostitz.  (Kriegtgesehicht- 
liclie  Einzeischriflen,  1884,  Heft  V,  pages  76  à  81.) 

1  On  sait  que  l'Empereur  avait,  dans  le  courant  de  l'après-midi,  au  moment 
où  il  débouchait  vers  trois  heures  du  bois  de  Vallcntigny  sur  le  chemin  de  Mai- 
zièros,  failli  Alro  enlevé  avec  son  escorte  par  les  (Cosaques  qui  auraient  assuré- 
ment réussi  leur  hourrah,  s'ils  n'avaient  été  arrêtés  à  propos  par  les  troupes 
de  la  division  Meunier. 

*  La  présence  d'esprit  du  colonel  Benançdn,  chef  d'état-major  de  Sacken, 
s;iuva  seule  le  général  russe.  Au  moment  où  il  allait  sortir  de  Brienne,  Sacken 
et  Benançon  sont  entourés  par  les  cavaliers  français.  Le  colonel  Benançon, 
Français  au  service  de  la  Hussie,  s*écrie  alors  *  «  Faites  place,  nous  sommes 
des  vAtres.  »  Les  rangs  des  Français  s'ouvrent  un  moment  :  le  général  et  le 


—  410  — 

oniporlo  par  le  tlol  des  c«ivaliors  français,  et  plus  heureux  quo 
son  quartier-maître  général,  le  colonel  comte  de  Rochechouarl, 
qui  trouva  la  mort  dans  cette  mêlée,  réussit  à  se  jeter  dans  une 
rue  latérale. 

Charge  de  la  cavalerie  russe.  —  Mais  Talarme  était  donnée  ; 
la  cavalerie  russe  rejeta  la  cavalerie  de  Lefebvre-Desnoëttes  sur 
la  division  Duhesme  qu'elle  entraîna  dans  sa  déroute,  et  le  gé- 
néral Chîltaux,  attaqué  par  des  forces  supérieures,  contraint  à 
sortir  h  son  tour  de  la  ville,  dut  se  borner  à  occuper  fortement 
le  château  et  quelques  maisons  de  Brienne. 

La  présence  des  troupes  françaises  au  château  et  dans  Brienne 
n'en  constituait  pas  moins  un  véritable  danger  pour  le  parc  de 
l'armée  de  Silésie,  qui  se  dirigeait  à  ce  moment  do  Lesmont  sur 
Dienville.  Blùcher  résolut  donc,  vers  10  heures  du  soir,  de  charger 
Olsuiieff  d'enlever  le  château,  et  Sacken  d'arracher  aux  Français 
la  partie  de  la  ville  qui  restait  encore  entre  leurs  mains. 

Blûcher  fait  attaquer  de  nuit  la  ville  et  le  château  de 
Brienne.  —  Les  colonnes  d'Olsufieff  tentèrent  vainement  à  doux 
reprises  de  pénétrer  par  escalade  dans  le  château;  chaque  fois 
elles  furent  repoussées  après  une  lutte  des  plus  vives,  et  iinale- 
mcnt  obligées  de  se  replier  sur  la  ville.  Knfin,  après  un  combat 
acharné,  dans  lequel  on  se  disputa  la  possession  de  chaque 
maison  et  dans  lequel  l'un  des  brigadiers  du  général  Decouz,  le 
contre-amiral  Baste,  fut  tué,  le  général  Decouz  mortellement 
blessé  et  Berthier  légèrement  atteint,  les  troupes  de  Sacken  réus- 
sirent î\  reprendre  presque  entièrement  la  ville  de  Brienne  aux 
Français*.  Vers  minuit  seulement,  les  adversaires,  harassés  par 
cette  lutte  qui  avait  duré  près  de  neuf  heures,  épuisés  de  fatigue 
par  les  corps  à  corps  presque  incessants  qu'ils  avaient  eu  ii 
soutenir  depuis  la  tombée  de  la  nuit,  se  décidèrent  h  cesser  le 


coloDel  Benançon  réussirent  à  passer  avant  que  les  cavaliers  n'enss^mt  reconnu 
leur  méprise.  Une  partie  de  l'escorte  de  Sacken  fut  néanmoins  atteinte,  sabn^ 
et  prise.  C'est  à  ce  moment  que  le  colonel  de  Rochechouart  fut  tue.  Taf;e- 
buch  des  Gênerais  der  Kavallerie  Grafen  von  Xostitz.  (Kriegtgeschichlliehe 
EinzeUchriften,  188i,   Heft  V,   pages    81-82). 

*  Le  général  Lefebvre-Desnoëttes  «^tait  également  au  nombre  des  blessés. 


—  414  — 

fou.  Lo  oombat  de  Hrieniie  avait  coûl(^  h  cliarimc  dos  dcnix  anuoos 
environ  3,000  hommes. 

Les  Français  restaient  maîtres  du  chlteau  et  de  quelques 
maisons  seulement  de  la  ville.  Le  quartier  général  impérial 
s'établit  il  Perthes,  et  le  gros  de  l'infanterie  française  prit  position 
îi  droite  et  î\  gauche  de  la  route  de  Maizi^res. 

Blûcher  ramène  son  infanterie  en  arrière  pendant  la 
nuit.  —  Dès  qu'il  fut  rassuré  sur  le  sort  de  son  parc,  Blûcher 
donna,  de  son  quartier  général  d'Arsonval,  les  ordres  suivants  : 
aux  troupes  d'OIsufieff  de  filer  sans  bruit  après  minuit,  par  la 
route  de  Bar-sur-Aube  jusqu'il  Arsonval  et  de  s'établir  au  bivouac 
en  arrière  de  ce  village;  au  corps  Sacken  d'exécuter  le  même 
mouvement  par  la  même  route  h  2  heures  du  matin,  et  de  bi- 
vouaquer ensuite  îi  Bossancourt.  La  cavalerie  seule  avait  ordre 
de  rester  jusqu'au  matin  en  vue  de  Brienne  et  de  tenir  quelques 
postes  dans  la  ville  même  après  le  départ  de  l'infanterie.  Elle 
devait,  si  l'ennemi  venait  à  l'attaquer  k  l'aube  du  jour,  se  replier 
sur  Trannes,  où  elle  trouverait  l'infanterie  en  position.  Les 
blessés  et  les  canons  pris  aux  Français  étaient  dirigés  sur  Bar- 
sur-Aube. 

Cette  retraite  nocturne  s'effectua  en  silence  et  sans  être  inquiétée 
par  les  Français  qui,  épuisés  par  les  fatigues  de  la  marche  et  par 
les  efforts  qu'ils  avaient  dû  faire  dans  le  combat,  n'entrèrent 
dans  Brienne  qu'à  A  heures  du  matin.  Le  corps  Sacken  prit 
position  vers  le  matin  sur  les  hauteurs  de  Trannes,  sa  gauche  h 
Trannes  même,  sa  droite  à  Éclance,  couvert  en  avant  par  les 
Cosaques  qui,  battant  l'estrade  sur  les  derrières  des  Français,  y 
enlevèrent  quelques  équipages  appartenant  à  l'Empereur. 

Positions  de  l'armée  de  Bohême.  —  Positions  des  Y^  et 
VI«  corps.  —  Si  le  29  au  matin,  Tarmée  de  Silésie,  sans  parler 
du  I®"^  corps  qui  se  trouvait  encore  entre  laMeuseetl'Ornain,  était 
loin  d'être  concentrée,  puisque  Sacken  était  fi  Pougy  et  Lesmont, 
alors  que  Blûcher  et  Olsufieff  occupaient  à  Brienne,  il  en  était  à  peu 
près  de  même  pour  l'armée  de  Schwarzenberg,  qui  formait  à  ce 
moment  deux  groupes  absolument  distincts,  séparés  entre  eux 
par  près  de  deux  bonnes  journées  de  marche. 

L'un  de  ces  groupes,  les  V«  et  VI»  corps,  se  tenait  aux  environs 


—  412  — 

de  Joinviile  et  sur  les  bords  do  la  M«irne,  en  aiiionl  de  celle  ville, 
tandis  que  Taulre  (les  III*  et  1V«  corps)  (Mail  (^labli  du  côté  de 
Bar-sur-Aube,  Dienville  et  Vendeuvre. 

Derrière  chacun  de  ces  groupes,  et  à  une  distance  à  peu  près 
égale  de  chacun  d'eux,  les  gardes  et  réserves  étaient  échelonnées 
de  Chauniont  à  La  Ferté-sur-Aube.  Schwarzenberg  à  qui  Toccu- 
pation  de  Saint-Dizier  et  de  Joinviile  et  les  mauvaises  nouvelles 
reçues  de  Blûcher,  avaient  fait  redouter  la  possibilité  d'une 
attaque  des  Français  contre  sa  droite,  s'était  justement  ému  de 
la  dispersion  dangereuse  de  ces  corps  qu'un  adversaire  aussi 
énergique  et  aussi  résolu  que  Napoléon  pouvait  parvenir  à  battre 
les  uns  après  les  autres.  Pour  parer  dans  la  limite  du  possible  au 
danger  qu'il  redoutait,  il  avait  donc  envoyé  dans  la  nuit  du  28 
au  29  à  ses  commandants  de  corps  les  ordres  que  nous  avons 
analysés  plus  haut. 

Escarmouches  de  cavalerie  du  côté  de  Vassy  et  de 
Dommartin.  —  Le  VI»  corps  qui  devait,  de  concert  avec  Wrède, 
attaquer  et  enlever  Joinviile  pour  couvrir  la  droite  de  l'armée  de 
Bohème  et  donner  la  main  h  York,  complètement  coupé  de  Blucher 
par  la  marche  des  Français  et  la  prise  de  Saint-Dizier,  occupa  dans 
la  journée  du  29  Joinviile  que  l'ennemi  avait  évacué.  Ce  fut  dans 
cette  ville  seulement  que  Wittgenstein  apprit  de  la  bouche  de 
Wrède  les  événements  des  derniers  jours  et  eut  connaissance  du 
mouvement  que  le  général  Lanskoï  avait  opéré  sur  Doulevant, 
mouvenïent  qui  découvrait  complètement  la  route  de  Void  et  de 
Toul.  Il  envoya  aussitôt  de  la  cavalerie  à  Ligny  avec  ordre  de 
pousser  vers  Bar-le-I)uc  des  partis  chargés  de  le  relier  à  l'avant- 
garde  d'York  *.  Il  avait  dirigé  en  même  temps  une  brigade  d'in- 
fanlerie  et  un  millier  de  ch(»vaux  vers  Vassy  où  cette  colonne  vint 
donner  contn^  les  troupes  avancées  de  Marmonl,  avec  lesquelles 
elle  tirailla  pendant  toute  l'après-midi  du  29,  aux  environs  de 
Nomécourt*. 

Pendant  cette  journée  du  29,  le  général  Uowaïsky  XII  avait 
occupé,  avec  un  régiment  de  cosaques,  Dommartin  d'oii  la  cava- 


t  Stàrke.  Rintlieîlung  und  Tagesbegebenheiten  der  Hanpt  Armco  im  Monate 
Jaiiuar    {K,  K.  Kriegs  Archiv.,  \,  30.) 

«  Tageburh  du  major  prince  Taxis.  (Ihid.,  Xlll,  32.) 


-  413  — 

lene   frai^'aise  vciianl  de  Doulevant  lenla  vainenitMit  et  à  plu- 
sieurs reprises  de  le  déloger*. 

Wrède  était  également  arrivé  le  29  h  Joinville.  Lui  et  Frimont 
établirent  leur  quartier  général  h  Saint-Urbain  ;  leurs  troupes  se 
cantonnèrent  au  sud  de  Joinville,  et  les  reconnaissances  firent 
.savoir  qu'elles  avaient  trouvé  Doulevant  et  Vassy  fortement  occu- 
pés par  Marmont  qui,  formant  l'aile  gauche  de  Napoléon,  mar- 
chait de  Montier-en-Der  sur  Brienne  *.  Bien  que  les  Austro-Bava- 
rois n'eussent  pas  eu  un  seul  combat  à  soutenir  depuis  les  affaires 
de  Sainl-Dié,  les  privations,  les  fatigues  des  marches  et  les 
rigueurs  de  la  température  avaient  singulièrement  éprouvé  le 
V«  corps.  Les  hommes  et  les  chevaux  n'en  pouvaient  plus.  On 
avait  peine  à  faire  arriver  l'artillerie  et  à  faire  suivre  l(;s  convois. 
L'état  sanitaire  des  troupes  était  tellement  mauvais  que  la  plu- 
part des  régiments  comptaient  autant  de  malfides  qu(»  de  pré- 
sents et  que  Wrède  se  voyait  dans  le  cas  d'écrire  le  29  au  soir  à 
Schwar/enberg  :  «  Force  me  sera  de  laisser  reposer  le  V«  corps, 
le  30.  J'enverrai  cependant  de  fortes  reconnaissances  sur  Vassy 
et  Dommartin,  afin  de  pouvoir  en  toute  connaissance  de  cause, 
marcher  à  l'ennemi  le  31  '.  » 

Mouvement  du  IV*  corps  sur  Ailleville.  —  Du  coté  de 
l'Aube,  le  prince  royal  de  Wurtemberg  avait  achevé  le  mouve- 
ment que  nous  lui  avons  vu  commencer  dans  la  nuit  du  28  au  29 
et  dans  la  matinée  du  29.  Tout  son  corps  était  venu  prendre  posi- 
tion entre  Trannes  et  Ailleville  S  afin  de  ser\ir  de  soutien  aux 
avants  postes  qu'il  avait  poussés,  tant  vers  Dienville  et  le  Petit- 
Mesnil  que  vers  Fresnay  et  Maisons,  de  manière  à  pouvoir  éven- 


1  Schwarzenberg  à  Blùcher,  Chaainont,  31  janvier.  (Ibid.,  1,  724.) 

'  Starke,  Eintheilung  und  Tagesbegebenheiten  dcr  Haupt  Armée  im  Munate 
Jauuar.  (/6iV/.,  XIII,  30.) 

>  bien  que  dans  sa  monographie  de  Wrède,  page  334,  le  généra!  Heilmanii 
prétende  que  Wrède  n'ait  eu  connaissance  de  Taffaire  de  Brienne  que  le  30  au 
soir,  son  aide  de  camp  et  confident,  le  major  prince  de  la  Tour  et  Taxis,  dit 
dans  son  journal,  à  la  date  du  29  janvier  au  soir  :  u  On  apprend  alors  que 
Hliiclier  attaqué  très  vivement  a  dil  abandonner  le  pont  de  Lesmont  et  Brienne 
et  va  se  replier  sur  Trannes,  en  remontant  le  cours  de  l'Aube.  »  (Tagebuch  du 
prince  de  Taxis.  —  K.  K.  Kriegs  Archiv.,  I,  32.) 

^  StÀrkk,  Eintheilung  und  Tagesbegebenhciten  dcr  Haupt-Arniec  im  Mo- 
nate  Jauuar  (K,  K,  Krieys  Archic,  l,  30J. 


tuellenient  recueillir  Blûcher.  Le  prince  royal,  convaincu  que  les 
bords  de  l'Aube  ne  pouvaient  manquer  d'être  avant  peu  le  théâtre 
grandes  opérations  et  de  graves  événements,  avait,  en  outre,  de 
employé  sa  journée  h  reconnaître  les  hauteurs  s' étendant  de 
Trannes  jusqu'à  la  vallée  de  TAube  et  tout  le  pays  aux  environs 
de  Maizières  et  de  Fresnay.  11  avait  trouvé  là  une  excellente  posi- 
tion qui  aurait  parfaitement  convenu  à  Blucher  s'il  avait  eu  l'in- 
tention d'éviter  une  affaire  à  Brienne,  et  sur  laquelle  il  pouvait 
facilement  être  rejoint  par  les  corps  de  l'armée  de  Schwarzen- 
berg.  Le  prince  avait  pu  découvrir,  sur  la  droite  de  celte  position, 
quelques  postes  de  cavalerie  française  établis  du  côté  de  NuUy. 
Il  avait,  dans  l'après-midi,  entendu  le  canon  dans  la  direction  de 
Brienne  et  aperçu  la  lueur  produite  par  l'incendie  de  celte  ville  ; 
mais  le  brouillard  l'avait  empêché  de  suivre,  des  hauteurs  de  Fres- 
nay, les  péripéties  de  la  lutte  et  il  était  rentré  à  la  tombée  de  la 
nuit  à  son  quartier  général  de  Bar-sur-Aube. 

Position  du  III®  corps,  des  gardes  et  réserves.  —  Gyulay 
était  à  Bar-sur-Aube*.  Les  troupes  avancées  du  IIIo  corps  occu- 
paient Vendeuvre  et  les  extrêmes  avant-postes  étaient  au  delà  de 
La  Villeneuve-au-Chêne.  Devant  lui,  les  Français  avaient  solide- 
ment barricadé  et  fortement  occupé  les  ponts  de  Courleranges  et 
de  La  Guillotière  sur  la  Barse  et  le  pont  de  Maisons-Blanches  sur 
l'Hozain.  Ils  paraissaient  toujours  décidés  à  se  maintenir  à  Troyes, 
mais  ils  semlilaient  avoir  renoncé  à  l'idée  d'en  déboucher. 

En  arrière  de  ces  deux  corps,  les  grenadiers  russes  marchaient 
sur  Chilteau-Villain,  l'infanterie  de  la  garde  sur  Luzy,  la  division 
de  cavalerie  légère  de  la  garde  sur  Jonchery,  la  l^e  division  de 
cuirassiers  russes  et  la  cîivalerie  de  la  garde  prussienne  sur  Rolam- 
pont,  la  2«  division  de  cuirassi(îrs  sur  La  Ferté-sur-Aube,  la 
3°  sur  Clairvaux,  la  brigade  d'infanterie  de  la  garde  prussienne 
sur  Marnay.  Barclay  de  Tolly,  l'empereur  de  Russie  et  le  roi  de 
Prusse  venaient  d'arriver  à  Chaumont. 

Corps  volant  de  Thurn  à  Chaource.  —  CoUoredo  reçoit 


*  Stàrkh,  Eiiitiieilung  urid  TageslHîgcbeDhcitefi  dcr  Haupl-Armce  im  Muualt! 
Juiluar.    (K.  K,  Krieys  ArdUc»  i,  30.) 


l'ordre  de  s'arrêter.  —  Quant  au  lieutenant-colonel  Thurn,  qui 
couvrait  la  gauche  de  Gyulay  et  qui  précf^dait  de  loin  le  corps  de 
Colloredo,  il  avait  vu  fondre  ses  effectifs  et,  comme  Schwar/en- 
berg  ne  pouvait  pas  lui  envoyer  des  renforts,  il  se  bornait  à  de 
petites  opérations,  à  des  reconnaissances  et  à  quelques  pointes. 
Il  s'était  porté  le  29  de  Villemorien  sur  Chaource,  et  ses  pa- 
trouilles ayant  trouvé  les  Bordes  évacuées  par  Tennemi,  il  comptait, 
le  lendemain  30,  obliquer  plus  h  gauche  et  se  diriger  vers 
Troyes*. 

Si  Schwarzenberg  avait,  le  29  de  grand  matin,  prescrit  îi 
Wittgenstein  et  h  Wrède  de  se  réunir  pour  attaquer  Joinvillc  le 
30,  îi  Gyulay  de  s'arrêter  entre  Vendeuvre  et  Bar-sur-Aube  et  de 
se  tenir  prêt  h  marcher  dans  une  direction  qu'il  se  réservait  de 
lui  indiquer  uUérieurement,  au  IV®  corps  d'achever  son  mouve- 
ment versTrannes,  Arsonvalet  Ailleville,  malgré  les  craintes  que 
lui  donnait  la  situation  de  sa  droite,  il  n'avait  pas  cessé  de  se 
préoccuper  du  sort  de  sa  gauche.  Redoutant  toujours  un  niouvc- 
ment  de  l'Empereur  de  Troyes  sur  Dijon,  il  avait  enjoint  à  Collo- 
redo de  rester  sur  ses  positions  actuelles  jusqu'à  nouvel  ordre.  Kn 
le  mettant  en  quelques  mots  au  courant  de  la  situation  généraUs 
telle  qu'il  la  connaissait  le  28  au  soir,  il  avait  eu  soin,  il  est 
vrai,  de  lui  recommander  de  faire  reconnaître  les  routes  menant 
à  Bar-sur-Aube  et  h  Chaumont  *.  Il  est  donc  juste  dt;  reconnaîtn^ 
que,  s'il  eût  assurément  mieux  valu  laisser  Colloredo  continuer 
sa  marche  et  dépasser  Chi\tillon,  Schwarzenberg  n'a  pécrhé  qu(î 
par  un  excès  de  prudence.  Mais  il  n'avait  en  réalité  nullement 
renoncé  à  l'idée  de  se  faire  rejoindre  sur  sa  gauch(î  par  cette  co- 
lonne. Par  suite  Colloredo  se  cantonna,  conformément  aux  ordres 


*  Thurn  à  Scliwanenberg,  Chaourire,  t9  janvier,  ti  heures  du  soir. 
{K.  K.  Kriegs  Archiv.,  I,  685.) 

s  Le  prince  de  Schwarzenberg  au  comte  de  Colloredo  :  Chaumont, 
S9  janvier  1814.  —  «  Le  feld-maréchal  Bliicher  est  à  Brienne,  mais  l'ennemi 
a  chassé  le  iS  le  général  Lanskoï  de  Saint-Dizier  et  Ta  poursuivi  jusqu'à  Dom- 
martin.  Une  autre  colonne  ennemie  a  délogé  les  troupes  légères  du  général 
comte  Wittgenstein  de  Joinvillo  et  a  occupé  ce  point. 

«  Les  V*  et  VI*  corps  attaqueront  Joinville  demain  30  janvier,  et  le  prince 
de  Schwarsenberg  a  décidé  de  suspendre  tout  mouvement  de  l'armée  jusqu'à 
la  reprise  de  Joinville. 

«  Le  comte  Colloredo  restera  donc  sur  .ses  positions  actuelles  jusqu'à  nouvel 
ordre  et  fera  reconnaître  les  routes  de  Bar-sur-Aubu  et  Chaumont.  »  (Ibid,, 
i.  670.) 


—  4i6  — 

de  Sch\varz(Miberg,  au3t  environs  de  Bar-sur-Seine*.  Son  avant- 
garde,  la  2®  division  légère,  sous  les  ordres  du  prince  Maurice 
Liechtenstein,  avait  néanmoins  continué  sur  Bar-sur-Seine  et 
poussé  ses  avant-postes  sur  la  route  de  Troyes  jusque  vers  Sainl- 
Parrc  les  Vaudes,  d'oii  ce  général  faisait  savoir  que  les  avant- 
postes  ennemis  étaient  le  29  au  matin  vers  Maisons-Blanches, 
qu'ils  avaient  pratiqué  des  coupures  et  des  abatis  sur  les  roules, 
mais  qu'ils  n'avaient  pas  envoyé  de  patrouilles  de  découverte  en 
avant. 

La  division  légère  du  comte  Hardegg  avîiil,  à  la  même  date, 
son  gros  à  Tonnerre  ;  ses  avant-postes  établis  à  Flogny,  sur  la 
route  de  Saint-Florentin,  se  reliaient  sur  leur  droite  au  corps 
volant  de  Thurn  et  surveillaient  toutes  les  routes  menant  îI  Ton- 
nerre. 

Marche  du  corps  York  sur  Saint-Dizier.  —  Avant  de  jeter 
un  rapide  coup  d'œil  sur  les  conséquences  de  la  journée  du  29, 
avant  de  parler  des  différents  incidents  qui  s'étaient  produits  au 
grand  quartier  général  de  (^haumont  et  du  conseil  de  guerre  qui 


1  CoUoredo  à  Schwarzenberg,  ChâtiUon,  29  janvier  1844.  {K,  K,  Kriegs 
Archiv.,  1,  656.) 

A  cette  dépèciic  était  jointes  les  pièces  qu*on  lira  ci-dessous  et  qui  prouve- 
ront que  l'élan  était  donné  partout  et  que,  si  le  réveil  de  Tesprit  national  avait 
été  long,  le  patriotisme  avait  partout  repris  le  dessus. 

Benscigiiements  sur  des  imbitants  de  Dijon  hostiles  aux  Alliés  (fournis  par 
CoUoredo)  : 

t(  1^  Le  nommé  Laguisse,  lionnetier  de  profession  et  demeurant  a  Dijon, 
s'est  offert  pour  lever  une  compagnie  franche  et  aller  sur  les  derrières  de 
Tannée  incendier  nos  parcs  de  réserve  et  autres  établissements,  attaquer  nos 
convoi  et  en  massacrer  les  escortes  ; 

«  2**  Un  autre  habitant  de  la  même  viUe,  membre  de  la  Légion  d'honneur, 
qui  a  perdu  la  jambe  droite,  mais  qui  marche  très  bien  sur  une  jambe  de  bois, 
demeurant  dans  la  rue  Chaplotte,  dite  de  Voltaire,  a  cherché  à  ameuter  le 
peuple  à  l'arrivée  des  troupes  de  Leurs  Majestés  et  voulait  marcher  contre 
elles  ; 

et  3"  Le  propriétaire  de  la  fabrique  de  Mulhouse-sur-Rliiii,  ayant  Tair  de 
servir  les  Alliés,  a  profité  de  la  confiance  qu'il  a  eu  le  talent  d'inspirer  pour 
rendre  compte  à  l'ennemi  de  tout  rc  qu'il  a  vu  ou  entendu.  » 

Signalement  d*un  espion  dangereux  (CoUoredo  à  Schwarzenberg)  : 

(c  Morel  de  Velmont,  36  ans,  taille  5  pieds  4  pouces,  cheveux  ch:itains. 
front  bas,  yeux  bleus,  nez  long  et  gros,  grande  bouche,  menton  long,  ligure 
longue,  teint  basané,  traits  fatigués,  porte  un  vêtement  gris  assez  court,  des 
pantalons  longs  en  drap  commun,  des  chaussettes  bleues,  un  gUet  brun  et  noir 
de  Manchester.  »  {Ibid.,  ad  1,  656.) 


—  417  — 

s  y  tint  dans  la  nuit  du  29  au  30,  il  importe  de  voir  ce  qui  s'était 
passé  pendant  les  dernières  vingt-quatre  heures  du  côté  du 
1«'  corps  prussien  (juc  nous  avons  laissé  le  28  entre  Bar-le-Duc, 
où  se  trouvait  son  extrême  avant-garde,  et  Commercy,  où  York 
était  arrivé  avec  le  gros  de  ses  troupes. 

D*apr^s  les  instructionsquc»  Blùcher  avait  fait  parvenir  à  York,  le 
général  Lanskoï  devait,  on  s'en  souvient,  se  tenir  h  Vitry  jusqu'au 
30  et  y  attendre  l'arrivée  d'York,  pendant  que  Bliicher  opérerait 
le  28,  sur  TAube  du  côté  de  Brienne,  sa  jonction  avec  la  grande; 
armée.  C'était  uniquement  d'après  ces  indications  que  York  devait 
régler  sa  marche  et  ses  mouvements,  puisque  depuis  quatre  jours 
il  était  sans  nouvelles  du  feld-maréchal.  Sa  situation  était  par 
suite  assez  difficile  au  moment  où,  le  29  janvier,  à  huit  heures  du 
matin,  il  résolut  de  se  porter  sur  Saint-Dizier  et  envoya  de  son 
quartier  général  de  Commercy,  au  prince  Guillaume  de  Prusse, 
l'ordre  suivant:  «  Si,  écrivait  York,  TEmpereur  est  réellement  h 
Saint-Dizier,  il  est  plus  que  probable  que  nous  rencontrerons 
l'ennemi  sur  la  Saulx,  ii  hauteur  de  Saudrupt  et  de  Stainville. 
S'il  ressort  de  la  résistance  de  Tennemi  et  des  renseignements 
qui  nous  seront  parvenus  pendant  notre  marche  que  nous  avons 
devant  nous  des  forces  supérieures  aux  nôtres.  Votre  Altesse 
aura  à  prendre  position  avec  son  gros  derrière  la  Saulx,  h  Sau- 
drupt, et  à  faire  occuper  Stainville  par  une  flanc-garde.  La 
deuxième  brigade  se  porte,  d'ailleurs,  sur  Stainville  pour  y  servir 
de  soutien. 

«  Le  général  von  Katzler  et  le  colonel  comte  Henckel  (ce  dernier 
officier  est  placé  a  cet  effet  sous  les  ordres  de  Votre  Altesse) 
chercheront  à  passer  la  Saulx  (»l  i\  reconnaître  les  positions  de 
Tennemi.  Il  y  a  tout  lieu  d'espérer  que  les  prisonniers  nous  four- 
niront des  indications  positives.  Les  7®  et  !•■«  brigades  (Horn  et 
Pirch  II)  restent  en  réserve  à  Ligny,  prèles  a  se  porter,  d'après* 
les  circonstances,  soit  en  avant  sur  Bar-le-Duc  ou  sur  Stainville, 
s'il  faut  forcer  le  passage,  soit  a  gauche  sur  Joinville,  soit  en 
arrière  sur  Vaucouleurs  *.  On  devra  donc  faire  reconnaître  les 


*  11  ressort  nettement  de  ces  indications  qu'York  songeait  à  parer  à  toutes 
les  éventualités  et  qu'ignorant  «c  (}ui  s'éUiit  passé,  il  se  préparait  ou  à  marcher 
eo  avant,  ou  à  obliquer  à  gauche,  ou  à  couvrir,  s'il  y  était  coutraiut,  sa 
retraite  vers  la  Meuse 


—  418  - 

routes  menant  vers  ces  points,  ou  tout  au  moins  se  renseigner 
sur  leur  viabilité. 

«  Votre  Altesse  royale  cherchera  à  se  procurer  des  renseigne- 
ments précis  sur  la  marche  du  corps  Wittgenstein  et  à  se  main- 
tenir en  communication  avec  lui. 

«  Si  notre  marche  sur  Saint-Dizier  par  Bar-le-Duc  s*effectue  sans 
difficulté,  le  colonel  Henckel,  conformément  aux  ordres  donnés 
antérieurement,  longera  l'Ornain  et  couvrira  le  flanc  droit  du 
corps.  Mais  comme  la  cavalerie  de  réserve  ne  peut  plus  être  déta- 
chée du  gros  du  corps,  il  aura  à  fournir  seul  les  découvertes  h 
envoyer  du  côté  de  Châlons.  //  est  essentiel  (TaUeindre  Saint- 
Dizier  le  plus  vite  possible.  Le  gros  recevra  à  Ligny  des  ordres 
pour  la  continuation  de  sa  marche.   » 

York  avait,  en  effet,  prescrit  à  son  gros  de  se  porter  sur  Saint- 
Aubin  où  il  comptait  réunir  ses  brigades,  tandis  que  la  cavalerie 
de  réserve  (général  von  Jiirgass)  devait  être  à  Ligny  ii  midi  et  y 
rester  jusqu'à  l'arrivée  du  gros  du  corps  avec  lequel  elle  devait 
continuer  à  marcher  h  partir  de  ce  point.  York  avait  eu  soin 
d'ajouter  h  cet  ordre  général  ces  mots  qui  caractérisent  bien  la 
situation  r  «  Les  troupes  sont  prévenues  que  les  derrières  ne  sont 
pas  sûrs  ;  les  commandants  des  colonnes  veilleront  donc  à  ce  qu'il 
ny  ait  pas  de  traînards  et  à  ce  que  les  convois  soient  escortés  \  » 

Le  I**"  corps  prussien  put,  d'ailleurs,  effectuer  ses  mouvements 
sans  rencontrer  la  moindre  résistance,  puisque  les  Français 
avaient  déjà  évacué  Bar-le-Duc,  le  28  au  matin.  Les  coureurs  de 


1  Voici  ce  que,  d'ailleurs,  on  trouve  à  cette  date  dans  le  Journal  de  marche 
du  1^'  régiment  de  dragon»  pruttieng  de  Lxthuanie  qui,  faisant  partie  de  la 
cavalerie  de  réserve  du  l**"  corps  sous  les  ordres  du  général  von  Jiirgass,  arri- 
vait le  28  janvier  aux  en\irons  de  Ligny  : 

u  Jusqu'ici  Tappel  aux  armes  fait  par  Napoléon  et  la  levée  en  masse  n'a- 
vaient produit  aucun  effet  ;  mais  il  n'en  fui  plus  de  même  à  partir  de  notre 
arrivée  ici.  Nos  troupes  commencèrent  dés  lors  à  souffrir  cruellement.  Tous  les 
villages  étaient  déserts  ;  les  habitants  s'étaient  enfuis  aver  ce  qu'ils  avaient  pu 
emporter  dans  les  bois  voisins,  y  attendaient  et  y  épiaient  le  plissage  des  traî- 
nards qu'ils  massacraient  et  des  petits  détachements  qu'ils  attaquaient,  armés 
de  fourches  et  de  faulx.  Us  essayaient  même  dans  les  cantonnements  d'assas- 
siner les  hommes  qu'on  les  obligeait  à  loger  ;  un  de  nos  chasseurs  n'échappa 
aujourd'hui  que  providentiellement  à  la  mort.  11  en  résulta  que  nous  fûme^ 
obligés  de  nous  garder  plus  attentivement  et  qu'au  lieu  de  nous  cantonner,  on 
nous  fit  bivouaqfucr.  Il  est  juste  d'ajouter  que  c'était  là  chose  fort  naturelle, 
puisque  nous  approchions  maintenant  du  gros  des  forces  ennemies.  » 


—  419  — 

ravaiil-gardc  poussèrent,  sans  rien  trouver  devant  eux,  jusqu'à 
deux  petites  lieues  do  Saint-Dizier,  et  l'avant-garde  avec  le  prince 
Guillaume  s'arrêta  à  Bar-le-Duc.  Henckel  avait  côtoyé  TOrnain 
jusqu'en  aval  de  Sermaize  et  la  cavalerie  de  Kalzler  s'établit  à 
hauteur  de  Chancenay,  la  2«  brigade  à  Stainville,  les  l^eet  7« 
aux  environs  de  Ligny,  où  York  reçut  dans  le  courant  de  la 
journée  des  nouvelles  qui  allaient  jeter  un  jour  nouveau  sur  sa 
position  et  lui  permettre  d'agir  et  d'opérer  désormais  en  pleine 
connaissance  de  cause. 

Sa  cavalerie,  en  effet,  lui  avait  fait  savoir  qu'une  colonne  fran- 
çaise, composée  de  troupes  de  toutes  armes  et  forte  d'environ 
6,000  hommes,  occupait  encore  Saint-Dizier.  L'achèvement  des 
travaux  de  réfection  des  ponts  de  Han-sur-Meuso,  de  Pont-sur- 
Meuse  et  de  Commercy»  qui  étaient  fortement  gardés,  lui  assurait 
une  ligne  de  retraite  et  de  communications.  Enfin,  il  avait  été 
informé  officiellement,  d'abord  par  Wittgenstein  de  la  présence 
de  Blûcher  h  Brienne,  puis  par  Schwarzenberg  de  la  concentra- 
tion d'une  partie  de  l'armée  de  Bohême  à  Bar-sur-Aube.  La  situa- 
tion d'York  avait  donc  changé  du  tout  au  tout  en  vingt-quatre 
heures.  Son  rôle  était  désormais  nettement  défini,  la  direction 
qu'il  avait  h  suivre  lui  était  imposée  par  les  circonstances  mêmes. 
C'est  pour  cela  que,  lorsque  Wittgenstein  lui  fit  demander  de 
l'assister  dans  ses  opérations,  il  crut  pouvoir  lui  répondre  que 
«  les  premiers  coups  de  canon  tirés  par  le  I"  corps  contre  Saint- 
Dizier  serviraient  de  signal  d'attaque  pour  le  VI«  corps  »,  et  qu'il 
donna,  le  â9  au  soir,  les  ordres  dont  nous  aurons  à  parler  en 
examinant  les  opérations  et  les  mouvements  du  30. 

Particularités  du  combat  de  Brienne.  —  Pour  ce  qui  est  du 
combat  même  de  Brienne*,  il  présente  certaines  particularités  sur 


*  ClaU8e>^it2  critique  assez  vivement  Tisolement  dans  lequel  Bliichor  a  été 
laissé  à  Brienne  et  en  fait  remonter  la  responsabilité  à  Schwarzenberg. 

«  Que  Blticher,  dit-il  dans  sa  Critique  stratégique,  ait  été  un  moment  aban«- 
bonne  à  lui-même  et  sur  le  point  d'être  écrasé  à  Brienne  par  les  Français, 
c'est  là  nne  faute  stratégique  d'autant  plus  grave  que  le  moment  décisif  était 
plus  proche,  ce  qui  augmentait  encore  le  danger.  Plus  on  s'approche  de  U 
crise,  plus  les  mouvements  doivent  être  serrés,  plus  les  combinaisons  doivent 
être  csîlculées.  » 

U  nous  semble  toutefois  qu'à  vrai  dire  la  critique  de  Clansewitï  s'adresse 
liien  plus  a  Bliicher  qu'au  |;éuéralissime.  il  est  vrai  que  Schwaracnberg  aurait 


—  420  — 

lesquelles  il  convient  d'insister.  11  est  rare,  en  eflel,  de  voir  dans 
une  seule  et  même  affaire  les  deux  généraux  en  chef  sur  le  point 
d'être  enlevés  ou,  tout  au  moins,  sabrés  par  quelques  cavaliers. 
L'un  d'eux  n'échappe  même  que  par  un  hasard  providentiel  à 
Tennemi,  qui  s'empare  par  surprise  du  château  dans  lequel  il  a 
installé  son  quartier  général.  Quant  à  racharnement  que  déployè- 
rent et  Blûcher  et  Napoléon,  acharnement  qui  faillit  leur  être 
fatal  à  tous  deux,  il  était  loin  d'être  produit  par  les  mêmes  causes 
Chez  le  feld-maréchal,  à  la  haine  qu'il  portait  à  l'Empereur  et  à 
la  France  venait  s'ajouter,  ce  jour-là,  le  sentiment  des  fautes  que 
cet  acharnement  même  lui  avait  fait  commettre.  Jusqu'au  dernier 
moment,  jusqu'à  ce  qu'il  ait  été  forcé  de  se  rendre  à  l'évidence  en 
parcourant  les  dépêches  trouvées  sur  le  colonel  Bénard,  Bluchor 
ne  s'était  pas  rendu  compte  de  la  situation.  Mais,  plus  franc  que 
ses  détracteurs  et  plus  loyal  que  ses  panégyristes,  il  reconnut 
lui-même,  après  les  événements,  la  faute  qu'il  avait  commise,  et, 
dans  le  rapport  qu'il  adressa  d'Arsonval,  le  31  janvier  à  iO  heures 
du  matin,  à  l'empereur  d'Autriche,  il  avouait  :  «  Qu'il  avait  pris 
les  mouvements  exécutés  contre  Lanskoï  pour  de  simples  dé- 
monstrations; qu'il  avait  fait  venir,  le  28,  Olsufieff  à  Brienne, 
laissé  Lanskoï  sur  la  route  de  Brienne  et  posté  Sacken  à  Les- 
mont*.  »  11  est  donc  évident,  et  il  le  reconnaît  lui-même  un  peu 
plus  loin,  qu'il  occupait  un  front  démesurément  étendu,  et  que, 
au  lieu  de  s'entêter  sur  la  position  de  Brienne,  il  eût  été  plus  sage 
et  plus  raisonnable,  après  ïivoir  amusé  les  Français  au  moment 
où  ils  parurent  à  Maizières,  après  les  avoir  occupés  en  déployant 
devant  eux  la  cavalerie  de  Pahlen  soutenue  par  quelques  batte- 
ries, de  faire  filer,  dès  l'aube  du  jour,  Sacken  de  Lesmont  et 
d'opérer  en  bon  ordre  et  par  échelons  sur  Dienville  et  sur  Trannes 
une  retraite  qui  eût  pu  s'effectuer  sans  trop  d'encombrés  et  au 


pa  peut-i^tre  le  faire  soatenir  en  poassaDt  vers  lui  les  111*  et  IV*  corps  ;  uiais 
le  généralissime  ignorait  encore  de  quelles  forces  disposait  TEmpereur  et  crai- 
gnait de  se  voir  contraint  de  livrer  contre  son  gré  une  bataille  à  laquelle  il 
était  loin  d'ùtre  préparé.  D'autre  part,  il  est  certain  que  Bliicher  seul,  en  s*af- 
franchissant  des  ordres  du  généralissime,  en  contrevenant  à  ses  instructions  et 
en  s'cntf^tant  à  précéder  la  grande  armée  au  lieu  de  venir  la  rejoindre,  était 
cause  de  ce  qui  se  passait,  et  que,  sans  la  prise  du  colonel  Bénard,  il  aurait 
infailliblement  été  surpris  par  Napoléon  et  cx;rasé  uniquement  p<'ir  sa  fauto. 

*  bliicher  à  l'erapcrcur  d'Autriehe,  Arsonval,   31  janvier.   (A'.   A'.   Kneys 
Archiv.,  1,  726,  6.) 


-  421  — 

pri\  d'un  simple  combat  d'aiTicre-garde.  Une  pareille  retraite  lui 
eût  permis  de  rejoindre  plus  rapidement,  et  sans  s'exposer  h  de 
grosses  pertes,  les  111«  et  1V«  corps,  auxquels  il  aurait  ainsi  donnc^ 
la  main  dès  le  29  au  soir.  Il  se  serait  alors  trouvé  dans  une 
situation  semblable,  à  peu  de  choses  près,  à  celle  qui  lui  fut  faite 
par  les  ordres  de  Schwarzenberg  et  des  souverains  alliés  lors- 
qu'on le  chargea  de  livrer,  le  i*"^  février,  la  bataille  de  La  I\o- 
thière. 

Au  point  de  vue  tactique,  Blûcher  et  Napoléon  se  virent  tous 
deux  forcés  d'engager  successivement  leurs  troupes  au  fur  et  h 
mesure  de  leur  arrivée  sur  le  terrain  de  la  lutte;  mais  on  ne  sau- 
rait méconnaître  que  si  la  résistance  énergique  opposée  par  les 
Russes  d'OlsufieflT  h  la  première  attîique  de  Duhesme  a  permis  îi 
Bluchcr  d'attendre  sur  sa  position  l'arrivée  des  troupes  de 
Sacken,  c'est  surtout  i\  son  coup  d'oeil  et  à  l'emploi  judicieux 
qu'il  sut  faire  de  toute  sa  cavalerie,  h  la  rapidité  avec  laquelle  il 
profita  de  la  faute  quo.  les  Français  avaient  commise  en  envoyant 
toute  la  leur  sur  leur  droite,  qu'il  dut  de  pouvoir  se  maint(»nir  h 
Brienne  jusque  dans  la  nuit. 

Pour  ce  qui  est  de  l'Empereur,  on  s'est  demandé  pourquoi  il 
avait  attaqué  si  vivement  le  feld-maréchal  qu'il  avait  espéré  sur- 
prendre au  moment  où  il  aurait  exécuté  un  passage  d(î  rivière, 
pourquoi  il  n'avait  pas  attendu  l'arrivée  de  Gérard,  et  pourquoi, 
enfin,  il  n'avait  porté  contre  Blucher  que  le  tiers  environ  de  son 
armée.  Un  examen  attentif  de  la  situation  permet  de  répondre  à 
ces  critiques. 

Napoléon  a  reconnu  dès  les  premières  heures  de  son  arrivée  à 
l'armée,  qu'il  est  urgent  d'agir  et  de  battre  Blûcher  avant  qu'il 
ait  pu  opérer  sa  jonction  avec  Schwarzenberg.  Il  ignore  quels 
sont  au  juste  les  corps  que  Blûcher  a  emmenés  avec  lui  dans  son 
mouvement  vers  la  Marne  et  vers  l'Aube;  mais  il  sait  qu'il 
importe  de  ne  pas  perdre  un  instant  et  que  c'est  uniquement 
par  la  rapidité  et  la  continuité  de  sa  marche  qu'il  pourra  peut- 
être  encore  parvenir  à  tomber  sur  les  derrières  de  l'armée  de 
Silésie.  C'est  pour  cela  aussi  qu'il  jette  sur  elle  ses  troupes  au  fur 
et  î\  mesure  de  leur  arrivée  en  ligne,  qu'il  attaque,  bien  que 
Gérard  ne  puisse  le  rallier  avant  le  lendemain,  bien  qu'il  ait 
détaché  Marmont  du  côté  de  Vassy  et  bien  que  Mortier  n'ait  pu 
(il  l'ignorait,  il  est  vrai)  exécuter  son  mouvement  et  venir  le 


—  422  — 

rejoindre.  Il  est  évident  que  jusqu'au  dernier  moment  il  espère, 
en  s'installant  à  Brienne,  couper  en  deux  larmée  de  Blûcher  et 
triompher  de  cette  résistance  énergique  et  désespérée  des  Russes 
qui  seule  va  permettre  au  feld-maréchal  de  sortir  de  la  position 
critique  dans  laquelle  il  s*est  placé  et  de  se  replier  sur  Tarmée  de 
Bohême,  a  Tout  cela  est  simple  et  naturel,  »  dit  Clausewitz  à  ce 
propos,  parce  qu  il  considère  évidemment  que,  dans  la  situation 
de  TEmpereur,  TofTensive  seule  pouvait  lui  apporter  le  salut. 

Hécontentement  de  Schwarzenberg.  —  L*émotion.  on  peut 
le  penser,  avait  été  vive  au  grand  quartier  général  des  Alliés  pen- 
dant toute  la  journée  du  29,  si  vive  môme  que,  dans  la  matinée, 
alors  qu'on  n'avait  encore  connaissance  que  du  rapport  dans 
lequel  Blùcher  rendait  compte  des  premières  opérations  de  TEm- 
pereur  contre  Saint-Dizier,  Schwarzenberg  avait  chargé  Toll 
d'écrire  au  prince  Wolkonsky  pour  le  mettre  au  courant  des  dis- 
positions qu'il  avait  prises  et  de  se  faire  l'interprète  de  son 
mécontentement,  mécontentement  uniquement  causé  par  les  mou- 
vements de  Blûcher. 

«  Ce  qu'il  y  a  de  plus  désagréable  dans  toute  celte  affaire, 
fait-il  écrire,  c'est  que  Blûcher  a  appelé  à  lui  Pahlen  et  que 
Wittgenstein  se  trouve  manquer  presque  absolument  de  cavalerie. 
On  aurait  pu,  d'ailleurs,  prévoir  ce  mouvement  de  l'ennemi  qui  se 
concentrait  à  Chillons,  et  je  m'étonne  que  Blûcher,  avant  d'avoir 
même  cherché  h  connaître  la  force  de  l'ennemi,  se  soit  porté  sur 
Brienne,  point  vers  lequel  il  n'aurait,  au  reste,  jamais  dû  se  diri- 
ger puisque  Brienne  se  trouvait  dans  le  rayon  d'action  et  la  zone 
de  marche  de  la  grande  armée. 

ce  Mais  il  est  d'autre  part  heureux  que  l'ennemi  ait  pris  mainte- 
nant l'offensive.  S'il  avait  commencé  son  mouvement  dans  quatre 
jours,  la  queue  de  nos  colonnes  se  serait  déjfi  trouvée  ii  Troyes 
et  l'ennemi  en  marchant  do  Châlons  par  Joinville  sur  Chaumont 
aurait,  en  prenant  pour  bases  d'opérations  Verdun  et  Metz,  com- 
plètement coupé  nos  comnmnications  *.  » 

A  Barclay  de  Tolly,  Toll  écrivit  le  29  au  matin  :  «  Le  prince  de 
Schwarzenberg  redoutant  une  tentative  de  l'ennemi  contre  nos 


*  Toll  et  Schwarzenberg  redoutent  toujours,  on  le  voit,  et  dès  le  début  de  la 
campagne,  le  mouvement  que  TEmpereur  ne  devait  entreprendre  qu'apn^ 
Arris-snr-Aube,  dans  le»  derniers  jours  de  mars. 


—  423  - 

lignes  (le  ooninmiiicalions,  il(»sir(i  que  vous  donniez  h  vos  troupes 
l'ordre  de  redoubler  de  vigilance  dans  les  cantonnements.  » 

Il  est,  d'ailleurs,  juste  de  reconnaître  que,  malgré  l'éniotioD 
naturelle  causée  par  les  mauvaises  nouvelles  ((u'on  venait  de 
recevoir,  on  se  rendait  au  quartier  général  de  Scinvar/enberg  un 
compte  assez  exact  de  la  situation.  Loin  de  désespérer  et  de  se 
laisser  décourager  par  l'éventualité  probable  d'un  échec  infligé  à 
Bliicher,  on  en  augurait  bien  pour  l'avenir.  On  croyait  surtout 
((ue  cette  leçon  ser\'irait  ii  discréditer  complètement  dans  l'esprit 
de  l'empereur  de  Russie  et  des  partisans  d(^  la  guerre  îi  outrance, 
les  auteurs  des  plans  que  Knesebeck  et  l'entourage  de  Sclnvar- 
zenberg  et  de  Metternich  condamnaient  h  cause  de  leur  audace  et 
rejetaient  h  cause  des  risques  qu'ils  faisaient  courir  h  la  cause 
des  Alliés  et  surtout  îi  la  cause  de  la  paix. 

L'inquiétude  ne  se  calma  guère,  ni  dans  la  journée,  ni  le  soir, 
bien  que  Ton  commençât  h  se  tranquilliser  sur  les  dangers  (lue 
l'on  avait  redoutés  pour  la  droite  du  côté  de  Joinville.  Mais  on 
venait  d'apprendre  de  la  bouche  même  d'un  des  officiers  de 
Bliicher,  le  lieutenant-colonel  von  Brunneck,  parti  du  champ  de 
bataille  un  peu  après  3  heures,  que  les  corps  de  Sîicken  et  d'Olsu- 
fieff  étaient  sérieusement  engagés  avec  l'Empereur,  qu(î  les 
charges  brillantes  de  la  cavalerie  de  Pahlen  avaient  momentané- 
ment réussi  h  arrêter  l'ennemi,  et  que  le  feld-maréchal  espérait 
encore  parvenir  à  se  maintenir  sur  ses  positions  pendant  la  jour- 
née du  30  et  pensait  que  l'ennemi  se  retirerait  ii  la  nuit. 

Conseil  de  guerre  de  Chaumont.  —  Par  une  coïncidence 
bizarre,  ce  fut  au  moment  où  Bliicher  était  attaqué  i\  Brienne  et 
obligé  de  se  replier  sur  Trannes,  au  moment  où  l'empereur  de 
Russie,  inquiet  de  la  tournure  prise  par  les  événements,  se  ren- 
dait avec  le  roi  de  Prusse  de  Langres  à  Chaumont  pour  y  décider 
les  opérations  ultérieures,  que  Metternich  écrivait  î\  Caulaincourt, 
qui  depuis  trois  semaines  attendait  vainement  une  réponse,  pour 
lui  annoncer  que  «  les  souverains  avaient  choisi  Chûlillon-sur- 
Seine  comme  le  lieu  des  négociations  av(»c  la  France  et  que  les 
plénipotentiaires  seraient  rendus  dans  cette  ville,  le  3  février  pro- 
chain *.  »  Metternich  répondait  en  môme  temps  à  la  lettre  confi- 

'  Archives  do  ministère  des  affaires  étrangères,  n®  338. 


—  424  — 

denlielle  que  Caulaincourt  lui  avait  écrite  le  2o,  en  lui  d&larant 
que  Tempereur  d'Autriche  ne  pouvait  se  charger  de  proposer 
aux  Alliés  une  suspension  d'armes  parce  que  «  Sa  Majesté  était 
convaincue  que  la  démarche  proposée  ne  mènerait  à  rien  ». 

Rien  ne  pouvait  être  plus  agréable  à  Schwarzenberg  dans  les 
circonstances  actuelles  que  la  présence  à  Chaumont  de  Tempe- 
reur  de  Russie,  qui  convoqua  aussitôt  et  malgré  l'heure  tardive  de 
son  arrivée  au  quartier  général,  une  espèce  de  conseil  de  guerre 
dans  lequel  on  arrêta  les  dispositions  pour  la  journée  du  30. 

30  janvier.  —  Ordres  pour  la  journée  du  30  janvier.  — 
«  Les  III*  et  IV«  corps,  formant  le  centre  de  la  grande  armée,  se 
concentreront  à  Bar-sur-Aube.  L'aile  droite  (V®  et  VI«  corps) 
prendra  position  h  Joinville,  enverra  des  avant-gardes  sur  Vassy 
et  se  préparera  à  attaquer  cette  ville  le  31 .  L'aile  gauche  (colonne 
de  Colloredo)  ira  de  Bar-sur-Seine  h  Vendeuvre  où  elle  arrivera 
le  30,  et  au  plus  tard  le  31.  Colloredo  est  chargé  de  menacer  la 
droite  et  les  derrières  des  Français  et  d'empêcher  Mortier  de 
déboucher  en  avant  de  Troyes.  Une  partie  des  gardes  et  réserves 
sera  le  30  à  Colombey-les-Deux-Églises  et  on  envoie  à  Kleist 
et  îi  York  l'ordre  de  presser  leur  marche.  »  Rédigés  pendant  la 
nuit  du  29  au  30,  ces  ordres  furent  expédiés  vers  le  matin  et 
reçurent  presque  partout  un  commencement  d'exécution  dans 
l'après-midi. 

Un  examen,  môme  superficiel,  suffit  pour  démontrer  qu'en 
somme  ces  ordres  ne  modifiaient  que  bien  pou  les  positions  des 
différents  corps.  Les  III«  et  IV®  corps  restaient  sur  place,  proba- 
blement afin  d'empêcher  leurs  chefs  de  s'engager,  contre  le  giv 
du  généralissime,  dans  un  combat  que  l'Empereur,  on  le  croyait 
du  moins,  cherchait  îI  livrer  fi  l'armée  de  Silésie.  VVrède  et  Witl- 
genstein  restaient  eux  aussi  îi  Joinville  où  ils  étaient  déjà  depuis 
l'après-midi  du  29.  Seul  Colloredo,  qu'on  avait  arrêté  en  route, 
recevait  l'ordre,  impossible  à  exécuter,  d'être  le  30  à  Vendeuvre. 

On  prévoyait,  il  est  vrai,  qu'il  ne  pourrait  être  rendu  sur  re 
point  que  le  31. 

En  somme,  il  résultait  de  ces  ordres  que  la  plus  grande 
partie  de  la  grande  armée  arriverait  le  31  seulement  sur  h*s 
positions  d'où  il  lui  serait  possible  de  coopérer  le  lendemain  à 
une  entreprise  sérieuse.  Ces  ordres  ne  changeaient  donc  rien  à  la 


—  425  — 

situation;  ils  étaient  rédigés  uniquement  pour  donner  aux  souve- 
rains une  satisfaction  apparente  en  leur  faisant  croire  que  ces 
résolutions  étaient  dues  h  leur  initiative  et  h  leur  intervention. 
Mais  il  n'en  fallait  pas  moins  toujours  deux  grands  jours  à  leurs 
armées  pour  se  préparer  à  une  attaque  qui  cependant  aurait  pu 
se  produire  immédiatement. 

Les  auteurs  autrichiens,  et  Schels  en  particulier,  ont  prétendu 
que  Blûcher  avait,  le  30  au  malin,  l'intention  d'abandonner  la 
position  que  ses  troupes  venaient  d'occuper  entre  Trannes  et 
Arsonval  et  de  continuer  sa  retraite  sur  Bar-sur-Aube.  D'après 
eux  il  aurait  été  détourné  de  donner  suite  à  ce  projet  par  l'inter- 
vention du  prince  royal  de  Wurtemberg  et  de  Gyulay  qui,  accom- 
pagnés par  le  colonel  Baillet  de  Latour,  chef  d'état-major  du 
IV«  corps,  se  seraient  rendus  dans  la  matinée  au  quartier  général 
du  feld-maréchal  h  Arsonval.  Ces  deux  commandants  de  corps 
auraient  réussi  î\  lui  faire  reconnaître  les  inconvénients  d'un 
mouvement  rétrograde  prolongé  jusqu'à  Bar  et  l'auraient  décidé 
îi  rester  sur  place  en  lui  offrant  de  venir  avec  le  !¥•  corps  cou- 
vrir sa  droite  et  occuper  les  hauteurs  de  Maisons. 

En  prêtant  à  Blûcher  pareille  idée,  en  lui  faisant  déclarer  qu'il 
était  hors  d'état  d'attendre  une  attaque  «  d'un  ennemi  qui  lui  était 
.n  supérieur  en  nombre  »,  ces  auteurs  ont  évidemment  oublié  de 
relire  la  lettre  que  le  feld-maréchal  venait  précisément  d'écrire  k 
Schwarzenberg,  à  8  heures  du  matin.  Blûcher  y  annonçait  au 
généralissime  «  qu'il  avait  pris  position  de  Trannes  à  Arsonval  : 
qu'il  croyait  la  gauche  de  l'ennemi  k  Maizières,  et  que,  si  les 
Français  se  décidaient  k  se  reporter  en  avant,  ils  arriveraient  trop 
lard  pour  atteindre  son  infanterie.  »  Enfin,  il  ajoutait  en  post- 
scriptum  celle  phrase  bien  caractéristique,  quand  il  s'agit  d'un 
général  aussi  résolu  et  aussi  décidé  que  Blûcher  :  «  Je  tiendrai, 
en  tout  cas,  le  défilé  de  Trannes  *.  » 

Les  ordres  qu'il  avait  donnés  dans  la  nuit  du  29  au  30,  alors 
qu'il  se  décida  k  quitter  Brienne,  achèvent  de  réduire  k  néant 
l'assertion  des  écrivains  militaires  autrichiens  qui  ne  peuvent  ni 
fixer  le  moment  précis  où  l'entrevue  en  question  aurait  eu  lieu,  ni 
indiquer  les  raisons  ou  les  nouvelles  qui  auraient  amené  tout  à 

t  Voir  le  rapport  de  Bliicher  à  Si^liwarzenlierg  (A',  A'.  Kriegs  Arehiv,,  î.  675), 
cité  plus  haat. 


—  4Î6  - 

coup  un  reviromcnl  aussi  complet  qu'inattendu  dans  les  projets 
du  feld-maréchal. 

Ordres  de  TEmpereur  dès  qu  il  a  connaissance  de  la 
retraite  de  Blûcher.  —  L'Empereur  s'était  installé  à  Maizières 
et,  en  envoyant,  le  29  au  soir  à  Marmont,  Tordre  de  se  rabattre 
de  Montier-en-Der  et  de  Vassy  sur  Brienne,  il  lui  avait  fait  dire 
par  Berthier  :  «  Il  est  probable  que  nous  nous  battrons  encore 
demain.  »  Napoléon  avait  été  agréablement  surpris,  lorsqu'à  la 
pointe  du  jour  on  lui  annonça  que  Blùcher  s'était  retiré  pendant 
la  nuit  et  lui  avait  abandonné  le  champ  de  bataille  si  chaudement 
disputé  la  veille.  Dès  7  heures  du  matin,  il  envoyait  à  la  cavalerie 
de  Milhaud  Tordre  d'occuper  les  hauteurs  de  Perthes,  pour  pro- 
téger la  route  de  Rosnay.  Il  laissait  encore  en  position  la  cavalerie 
de  Grouchy  et  celle  du  général  Lefebvre-Desnoëttes,  mais  il  pres- 
crivait aux  divisions  Ricard  et  Dufour,  placées  sous  les  ordres  du 
général  Gérard,  de  se  rendre  à  Rosnay  et  de  s'y  réunir  à  la  cava- 
lerie du  général  Piquet  pour  venir  de  là  s'établir  h  Dienville.  La 
cavalerie  légère  de  Pire  restait  avec  le  duc  de  Reggio  à  l'entrée 
du  bois,  sur  la  route  de  Maizières  à  Brienne,  pour  éclairer  la 
gauche. 

Reconnaissance  de  cavalerie  en  avant  de  La  Rothiôre.  — 

Une  heure  plus  tard,  le  major  général  écrivait  à  Grouchy  :  «  L'in- 
tention de  l'Empereur  est,  qu'avec  votre  cavalerie,  vous  vous  met- 
tiez de  suite  à  la  poursuite  de  l'ennemi.  •  « 

A  9  heures,  Grouchy,  suivi  par  le  2®  corps,  débouchait,  avec  le 
5«  corps  de  cavalerie  et  la  cavalerie  de  la  garde,  de  Brienne-le- 
Chî\teau.  Un  brouillard  épais,  qui  empêchait  de  voir  à  plus  de 
100  pas  en  avant,  après  avoir  retardé  sa  marche,  Tavait  obligé  h 
s'arrêter  à  peu  de  distance  de  La  Rothière,  lorsque,  arrivé  à  la 
croisée  des  routes  de  Doulevant  et  de  Bar-sur-Aube,  il  fut  accueilli 
par  le  feu  d'une  batterie  placée  sur  ce  point  et  chargée  de  soute- 
nir la  cavalerie  de  Pahlen. 

Position  de  l'armée  de  Silésie.  —  Sacken  avait  établi  ses 
troupes  entre  Trannes  et  Eclance  et  couvert  sa  position  par  une 


*  Major-gënéral  à  Grouchy,  30  janvier,  8  h.  4/2  du  matin.  (Archives  de  la 
guerre,) 


—  427  - 

batterie  de  100  boucliesii  feu.  Wassiltchikoflf,  d'abord  détaché  du 
côté  de  Troyes.  l'avait  rejoint  en  passant  par  le  pont  de  Dienville, 
et  le  général-major  Karpoff  II  était  posté,  avec  ses  (Hosaques,  à 
Tailo  droite,  où  il  occupait  Soulaines,  La  Chaise  et  Cliauniesnil. 
Le  corps  d'Olsutieff  formait  une  deuxième  ligne  en  arrière  de 
Sacken,  que  masquait  en  avant  la  cavalerie  de  Pahlen.  Ce  général 
avait  disposé  sa  cavalerie  îi  gauche  de  la  route  de  Bar-sur-Aube, 
mis  7  pièces  d'artillerie  h  cheval  —  les  seules  dont  il  put  se  servir 
îi  cause  du  manque  de  munitions  —  en  batterie  sur  la  route  et 
fait  prendre  position,  h  droite  de  cette  route,  h  Wassiltehikoff.  qui 
se  reliait  par  sa  droite  aux  Cosaques  de  Karpoff  II.  Un  grand 
rideau  de  cavalerie  s'étendait  donc  des  bords  de  l'Aube  jusqu'k 
Soulaines. 

Dès  que  le  brouillard  se  fut  dissipé,  Fartillerie  de  Grouchy 
riposta  à  la  batterie  de  Pahlen,  et  Ui  cavalerie  française  se  dé- 
ploya des  deux  côtés  de  la  chausfùe.  Presijue  au  même  moment, 
rinfanterie  débouchait  en  colonnes  serrées  en  avant  de  Brienne, 
et  la  cavalerie»  du  général  de  France  se  dirigeait  sur  Lesmont  pour 
y  réparer  le  pont  que  Sacken  avait  coupé  en  se  rcîtiranl. 

A  11  heures  et  demie,  Grouchy  recevait  du  major-général*  une 
dépèche  partie  de  Maizières  î\  8  heures  et  demie  du  matin.  Ber- 
thier  lui  mandait  que  Tintention  de  l'Empereur  était  de  le  voir 
<;onstater  d'abord  si  les  ponts  de  Brienne-la-Vieillc  et  de  Dienville 
étaient  coupés.  «  Vous  poursuivrez  ensuite,  lui  disait-il,  l'ennemi 
surBar-sur-Aube.  »  Il  l'avertissait,  en  outre,  de  la  marche  du  duc 
de  Raguse  et  des  généraux  Duhesme  et  Briche  par  la  route  de 
Doulevant,  et  lui  prescrivait,  s'il  entendait  le  canon  de  ce  côté, 
d'en  donner  immédiatement  avis  «  afin  de  faire  diversion  et  d  at- 
taquer de  suite  ». 

Position  des  corps  français.  ~-  Mais  les  pluies  et  le  dégel 
avaient  tellement  défoncé  le  terrain,  que  ni  la  cavalerie  française, 
ni  celle  des  Alliés,  ne  parvinrent  à  se  mouvoir  autrement  qu'avec 
la  plus  extrême  lenteur.  Par  suite,  tout  se  borna,  pendant  la  plus 
grande  partie  de  l'après-midi,  à  une  canonnade,  qui  coûta  pas  mal 
de  monde  à  la  cavalerie  alliée,  et  h  l'occupation  de  Dienville  par 
les  troupes  du  général  Gérard.  Le  général  fit  garder  les  ponts  de 

1  Major-général  à  Groachy.  (Arehive$  de  la  guerre») 


-  428  - 

Dienvillft  et  de  Lesmont  et  envoya  des  reconnaissances  sur  la  rive 
gauche  de  l'Aube,  dans  la  direction  de  Piney  et  de  Vendeuvre. 
Cf»  fut  seulement  vers  le  soir  que  le  2«  corps  (Victor)  occupa  La 
Rothi^ire*,  et  que  la  cavalerie  française  chassa  de  Chauniesnil 
les  Cosaques  de  Karpoff.  A  cette  nouvelle  Wassiltchikoff  envoya 
la  cavalerie  du  prince  Biron  sur  la  route  de  Chaumesnil  îi  Eclance 
pour  recueillir  les  Cosaques  et  couvrir  l'extrême  droite  des  Alliés. 
Pahlen  et  Wassiltchikoff  se  retirant  lentement,  s'établirent  en 
avant  de  Trannes  et  tinrent  leurs  avants-postes  en  vue  des 
lignes  françaises  dont  le  centre  était  h  La  Rothière,  la  droite  a 
Dienville  et  la  gauche  ii  Chaumesnil*.  Marmont  n'était  arrivé  le 


1  Le  S*  corps  était  arrivé  trop  tard  pour  essayer  d'occuper  le  bois  de  Beau- 
lieu.  «  U  aurait  fallu,  écrivait  Victor  au  major-général,  livrer  un  combat  de 
nuit  ;  mes  troupes  étant  très  fatiguées,  je  les  ai  établies  à  La  Rothiùrc  et  aux 
environs.  » 

'  Stârkr,  Rintheilung  und  Tagesbegebenbeiten  der  Haupt-Armee  im  Monate 
Januar.  (A^  K.  Kriegt  Arehiv,,  1.  30.) 

Kurzgefassto  Darstellung  der  Kriegsbegebenbeiten  der  scblesiscben  Armée 
(/6iW.,  I,  31),  et  Bliicber  à  Scbwarzenberg,  Arsonval,  34  janvier,  8  beurcs  du 
matin  {Ibid,  I,  697). 

I-ie  feld-maréchal  Bliicber  au  prince  de  Scbwarzenberg  :  —  «  Arsonval, 
31  janvier  1814,  8  beures  du  matin.  —  »  D*apK>s  les  rapports  que  je  reçois 
des  généraux  Pahlen  et  WassiltcbikoflT,  l'ennemi  a  employé  la  matinée  d'hier 
jusqu'à  11  heures  du  matin,  à  faire  défiler  ses  colonnes  de  Maizières  à  Brienne. 
A  1 1  heures,  il  s'est  porté  en  avant  avec  de  rartilleric  de  gros  calibre,  de  Tin- 
fanterie  et  de  la  cavalerie,  et  a  débouché  de  Brienne. 

«  Le  général  comte  Pahlen  n'avait  pour  résister  à  cette  puissante  artillerie 
que  sept  pièi*es  légères  qu'il  a  postées  si  bien  et  si  habilement  que  Tennemi 
n'a  pu  arriver  que  le  soir  avec  son  centre  a  La  Rothière,  avec  sa  droite  à  Dien- 
ville. avec  sa  gauche  à  Chaumesnil. 

«  L*ennemi  s'est  arrêté  sur  cette  position.  » 

Bliicber  envoyait  en  même  temps  à  Scbwarzenberg  le  rapport  que  Sacken 
venait  de  lui  adresser. 

Nous  ne  rt^produisons  ce  rapport  que  parce  qu'il  résulte  de  la  lettre  d'envoi 
qui  raivom^Nigne,  que,  deux  jouit  après  Va/faire  de  Bnenne,  Bliicber  n'avait  pas 
encore  pu  obtenir  un  rapport  de  Pahlen.  peut-être  parce  que  ce  général  faisiiit 
partie  du  VI*  corps  ^Wittgenstein)  et  n'en  était  que  provisoirement  détaché  : 

«  Le  feld-manVhal  Bliicber  au  prince  de  Scbwarzenberg  :  —  «  Arsonval, 
31  janvier  1814.  —  «  J'ai  l'honneur  d'envoyer  à  Votre  Altesse  le  rapport  du 
général-lieutenant  von  Sacken  sur  Taffaire  du  29.  à  Brienne. 

»•  Je  ne  suis  pas  ena>re  à  même  de  fixer  définitivement  le  nombre  des 
canons  qui  ont  été  \\tis,  |»arce  que  j'ignore  ce  qui  s'est  passé  .i  ce  propos  chez 
Pahlen  ^du  corps  de  Wittgenstein).  »  (Â'.  K.  Kriegt  Arehir.,  atl  I.  698.) 

t(  Lt'  général  >on  Sacken  au  feld-marét*hal  Bliicber.  de  Bussancourt.  le 
30  janxier  1811  :  —  u  Le  violent  comltat  d'hier  est  glorieux  et  artintageux  (f) 
|H>ur  nos  tnm|)es,  l'ennemi  n'ax-ant  pas  atteint  son  but.  Anjounl'hui.  il  n>D- 


—  429  — 

soir  que  jusqu'à  Vassy.  Une  des  divisions  de  son  corps  avait  seule 
atteint  Souiaincs*. 

Marche  dTork  sur  Saint-Dizier.  —  Affaire  de  Saint- 
Dizier.  —  York  arrivé  à  Ligny,  le  29,  avait  attendu  seulement  des 
nouvelles  de  son  avant-garde  pour  envoyer  h  ses  généraux  ses 
ordres  pour  le  30,  ordres  qu'il  eut  le  soin  de  communiquer  k 
Wittgenstein,  afin  que  cet  officier  général,  mis  au  courant  de  sa 
situation,  pût  opérer  contre  Vassy  dés  qu'il  entendrait  du  côté  de 
Saint-Dizier  le  canon  du  I*'*'  corps  prussien. 

Le  30,  h  10  heures  du  matin,  le  corps  York  se  porta  sur  Saint- 
Dizier  en  deux  colonnes.  L'une,  à  droite,  partit  de  Saudrupt  et 
se  composait  de  l'avant-garde  du  prince  Guillaume  de  Prusse 
précédée  par  la  cavalerie  du  général  von  Katzler.  Celle  d(î  gauch(i, 
composée  des  trois  autres  brigades  et  de  la  cavalerie  de  réserve 
du  général  von  Jûrgass,  éclairée  en  avant  de  son  front  par  une 
avant-garde  de  cavalerie  sous  les  ordres  du  major  von  Schiers- 
tadt,  sortit  à  la  même  heure  de  Stainville.  Cette  dernière  colonne 
s'éclairait  à  gauche  vers  la  Marne  et  se  reliait  par  des  patrouilles 
de  cavalerie,  avec  la  colonne  du  prince  Guillaume. 


treprend  que  des  démons trations  et  tend  à  gagner  le  pont  de  Dienville.  D*après 
ce  qae  j*apprends,  sur  les  hauteurs  entre  Trannes  et  Eclance  où  j'ai  massé 
mon  corps,  nous  avons  pris  hier  i  drapeau  et  3  canons  de  la  levée  en  masse 
et  200  hommes  environ  de  jeune  et  vieille  garde,  dont  plusieurs  ot&ciers. 

«  Nous  avons  éprouvé  des  pertes  fort  sensihles.  Le  détachement  de  Stscher- 
batoff  (a)  et  la  cavalerie  se  ^nt  particulièremeut  distingués. 

«  Ce  qu*il  y  a  surtout  de  remarquable  dans  cette  affaire  c*est  que  Napoléon 
a  jeté  200  obus  sur  Brienne  et  a  brûlé  la  ville  et  rétablissement  où  il  a  été 
élevé    »  (K,  K,  Kriegs  Arehiv,  ad\,  698). 

(a)  Le  rommaDilemeiit  du  petit  corps  de  Stscherbatoiï  fut  donné  à  partir  du  30  au  général 
major  Se$lavin  qui  fut  chargé  d'opérer  en  partisan  avec  ces  quatre  faibles  régiments  d« 
cosaques. 

1  Le  30  janvier,  à  4  heures  du  soir,  le  major-général  avait,  par  ordre  do 
l'Empereur,  envoyé  de  Brienno  les  ordres  suivants  qui,  pour  des  raisons 
diverses,  ne  furent  pas  exécutés  : 

A  Drouot,  il  avait  prescrit  d'envoyer  des  partis  de  cavalerie  du  général 
Guyot  sur  la  rive  gauche  de  l'Aube  ;  à  Ouhesme,  de  rejoindre  le  duc  de  Bel- 
lune,  de  s'établir  à  La  Chaise  on  à  Chaumesnil  et  de  faire  dire  au  général 
Brichc  de  rallier  Grouchy  vers  La  Rotbiére  ;  au  général  Colbert,  de  venir  à 
Lesmont  ;  au  général  Bordesoulle,  de  se  porter  sur  Brienne  ;  an  maréchal  Mar- 
mont,  d'être  au  plus  tard  le  31  à  La  Chaise  ou  à  Chaumesnil  ;  au  général 
Gérard,  de  faire  passer  an  maréchal  Mortier  une  dépêche  l'informant  de  la 
présence  de  l'armée  eu  avant  de  Brienne,  et  entin,  au  géuénU  de  France,  d'oc- 
l'uper  le  31  û  la  pointe  du  jour  le  pont  do  Lesmont  avec  ses  gardes  d'honneur 
et  de  se  mettre  eu  communication  avec  Arcis-sur-Aube  et  Troyes. 


—  430  - 

A  ±  heure<(,  le  gros  de  la  colonne  de  gauche  défilait  par  Ancer* 
ville  h  uFKî  lieue  environ  de  Saint-Dizier,  pendant  que  la  cavalerie 
de  s^m  Hvanl-gard<;  garnissait  déjà  la  lisière  du  bois  et  avait 
poiisMî  jiis<|u'à  environ  1500  mètres  de  la  \ille.  York  voyant  que 
iff»  Français  (la  division  Lagrange  qui  avait  ordre  de  se  diriger 
sur  Brienne  si  elle  était  sérieusement  attaquée  par  un  ennemi 
supérieur  en  nombre;  évacuaient  la  ville,  résolut  de  ne  pas  attendre 
l'arrivée  de  l'autre  colonne.  Portant  aussitôt  sur  sa  gauche 
d<îux  <'-S4:adrons  et  deux  bataillons  de  la  l'*  brigade,  il  dirigea  la 
2"  brigade  (ît  le  gros  de  la  1^«  par  la  chaussée  même,  sur  Saint- 
I)i/ier.  La  7«  brigade  (ît  la  cavalerie  de  réserve  s'établirent  en 
soulifîu  à  Aiicer\'ille.  Le  gros  des  troupes  de  Lagrange  était  déjà 
sorti  de  la  ville  :  sa  cavaleries  avec  quelques  canons,  garnissait 
\v.s  collines  de  la  rive  gauche  de  la  Marne.  L'arrière-garde  fran- 
çaise; après  avoir  tiraillé  un  instant  avec  les  Prussiens  évacua 
d'abord  hî  faubourg  de  Gigny,  puis  Saint-Dizier,  et  repassa  fina- 
lement le  pont  de  pierre  de  la  Marne.  La  cavalerie  française 
(îssaya  bien  An  <:ouvrir  la  retraite  et  de  tenir  assez  longtemps  pour 
faire  sauter  le  pont;  mais  le  feu  de  l'infanterie  prussienne  et  de 
l'artillerie  à  ch(»val  l'obligea  à  se  replier  presque  immédiatement 
(bîvant  l(is  fusiliers  prussiens  qui  lui  enlevèrent  un  canon  et 
(pH;l(|ues  hommes,  pendant  que  les  hussards  de  Mecklembourg, 
la  cavalerie  (hî  réserve  (;t,  un  peu  plus  tard,  le  général  von  Katzier 
avec  la  ravaleriez  de  la  (colonne  de  droite  poursuivaient  jusqu'à 
Relaron  l(»s  Français  en  retraite  sur  Montier-en-Der  *. 

La  rapidité,  avec  laquelle  York  avait  dessiné  et  conduit  l'attaque 
(h»  Sainl-Dizior,  avait  empêché  le  général  Lagrange  de  détruire 
le  i)()nl  de  pierre.  Mais  la  division  française,  bien  qu'elle  se  fût 


*  HliirlKT  ii  Schwarzenberg,  Arsonval,  3t  janvier,  7  heures  du  soir. 
(A*.  K.  krifijs  .Irr/iir.,  1.  OUU.) 

»<  J\ii  riuHineur  i!'inf«)rnuT  Votre  Altesse  que  le  général  York  a  occupé  hier 
9\nT  A  K  hciiirs  Saiiit-Diiicr,  Nans  y  trouver  grande  résistance,  y  a  pris  un 
canon  <*t  a  |xiui>uivi  reiniemi  jusquW  Kclaron.  il  espérait  ainsi  faciliter  au 
«'omte  NViltgen>tein  Tattaque  de  Vassy.  » 

\Voir  aussi  plus  loin  le  rapport  d'York  à  Schwarzenberg ,  d'Erriennes. 
i  février.  11  heuivs  du  soir.  —  Â'.  K.  Kriftjs  Àrrhir  .  II.  îi».  ) 

l.;i  colonne  de  droite  (l'avant-ganle  s<»us  les  ordres  du  prince  (ludlauine  de 
l'nissc^  ne  put  arri\er  à  temps  jxmr  prendre  part  au  combat.  Seule  sa  cava- 
lerie rejoignit  \crs  le  soir,  iRMidaiit  la  |Mtursuite  sur  Kclaroo.  les  hussards  de 
MivklcinlH'Urg  et  la  brigade  de  cavalerie  du  général  von  Jùrca^». 


-  431  - 

conformée  aux  ordres  de  Marniont  et  qu'elle  se  fût  bornée  h 
n'opposer  à  York  qu'un  semblant  de  résistance,  n'en  aurait  pas 
moins  été  exposée  à  de  graves  dangers  et  aurait  probablement 
été  coupée  et  détruite,  si  Wittgenslein.  au  lieu  de  rester  immobile 
à  Joinville,  avait  marché  au  canon  (U  s'était  dirigé  sur  Vassy. 

Positions  dTork  le  30  au  soir.  —  York  établit  le  soir  son 
quartier  général  îi  Saint-Dizier.  Sa  1"»  brigade  était  à  Perlhes 
sur  la  route  de  Vitry.  La  2'  brigade  ((îolonel  von  Warburg)  av«îc 
4  escadrons  de  uhlans  de  Brandebourg,  4  escadrons  de  hussards 
de  Brandebourg  et  1  escadron  du  régiment  de  (cavalerie  natio- 
nale de  la  Prusse  orientale,  h  tout  sous  hîs  ordres  du  général 
von  Katzler,  formant  désormais  lavant-garde  du  I®*" corps,  releva 
la  3«  brigade  (celle  du  prince  Guillaume),  occupa  Édaron  et 
Humbécourt  et  poussa  ses  avant-postes  vers  Vassy.  J^es  7«  ri 
8«  brigades  avec  la  cavalerie  de  réserve  se  tinrent  aux  environs 
de  Saint-Dizier. 

Pour  se  reher  complètement  à  Wittgenstein,  York  envoya 
trois  escadrons  de  cavalerie  sous  le  lieutenant-colonel  von  Stut- 
terheim,  sur  la  rive  gauche  de  la  Marne  jusqu'à  Eurville,  un  esca- 
dron sur  la  rive  droite  avec  le  comte  Eulenburg  jusqu'à  Bien- 
ville.  Sa  droite  était  couverte  par  le  colonel  Henckel  qui  de  Ser- 
maize  poussait  des  patrouilles  vers  Vitry  et  Chàlons  (ît  apprenait 
ainsi,  dans  la  nuit  du  30  au  31,  que  les  Français  occupaient  de  ce 
côté  Vitry-le-Brûlé  et  qu'un  maréchal  de  France  venait  d'arriver 
à  Vitry-le-François. 

Immobilité  du  VI®  corps.  —  A  l'aile  droite  de  la  grande 
iirmée,  Wittgenstein,  malgré  la  réponse  qu'York  avait  faite  à  sa 
proposition  d'agir  de  concert  contre  Saint-Dizier,  malgré  les 
prières  que  le  prince  Eugène  de  Wurtemberg  lui  avait  adressées 
le  29  dès  l'arrivée  h  Joinville  de  son  corps  et  de  la  cavalerie  des 
généraux  Rudiger  et  Ilowaïsky  XII,  avait  cru  plus  sage  de  renon- 
cer aux  projets  dont  il  avait  fait  part  à  York.  Son  avant-garde 
avait  été  attaquée  le  30  à  9  heures  du  matin  sur  la  route  de 
Vassy  ;  mais  comme  la  cavalerie  française  avait  été  repoussée 
après  une  escarmouche  insignifiante,  il  n'avait  plus  aucun  motif 
pour  rester  immobile  à  Joinville.  La  raison  donnée  par  Schwar- 
zenberg  n'est  guère  de  nature  à  expliquer  Tinaclion  du  VI**  corps. 


—  432  — 

«  Wiltgenstein,  dit  Schwarzenberg  *,  n  a  pas  ose  atUiquer  Vassy 
011  ronnemi  a  montré  beaucoup  de  monde,  parce  qu'il  avait  trop 
peu  de  cavalerie  et  parce  qu'il  craignait  de  ne  pouvoir  être  sou- 
tenu par  Wrède.  » 

Wittgcnstein  avait  toutefois  commencé  le  30  au  matin  par  faire 
prendre  au  II»  corps  (prince  Eugène  de  Wurtemberg)  à  droite  de 
Joinville,  la  route  de  Saint-Dizier.  Puis  quelques  heures  plus 
tard,  au  reçu  d'un  ordre  de  Schwarzenberg  lui  enjoignant  d'en- 
lever le  31  Vassy  de  concert  avec  Wrède,  il  avait  rappelé  le 
prince  pour  le  diriger  sur  Vassy  que  le  II*  corps  se  trouvait  dans 
rimpossibilité  d'atteindre  le  même  jour. 

L'avant-garde  du  2®  corps  russe  (cavalerie  de  Rudiger  et  bri- 
gade d'infanterie  Schilwinsky)  parvint  seule  jusque  dans  les  envi- 
rons de  Vassy.  Quant  aux  cosaques  d'Ilowaïsky  XII  *  que  Witt- 
gcnstein avait  dirigés  de  Joinville  sur  Montier-en-Der,  ils  avaient 
eu  une  petite  affaire  avec  la  cavalerie  française  à  Dommartin  et 
leur  chef  avait  fait  savoir  au  généralissime  que  quatre  régiments 
de  cavalerie  française  qui  étaient  h  Sommevoire  avaient  quitté 
cette  position  se  reportant  en  arrière  vers  Montier-en-Der  '. 

Comme  il  l'avait  annoncé  la  veille  à  Schwarzenberg,  Wrède 
avait  donné  le  30  un  jour  de  repos  à  ses  troupes  et  s'était  mis 
d'accord  avec  Wittgenstein  pour  enlever  avec  lui  Vassy  le  len- 
demain. 

Leurs  deux  corps  devaient  i\  cet  effet  se  trouver  réunis  le  31,  à 
9  heures  du  matin,  aux  environs  de  Nomécourt. 

Tension  des  rapports  entre  les  généraux  alliés.  —  Qua- 
rante-huit heures  après  le  combat  de  Brienne,  Blùcher  n'ayant 
pas  reçu  le  moindre  rapport  de  Pahlen,  avait  cru  pouvoir  expli- 
quer ce  fait  en  rappelant,  dans  la  lettre  qu'il  avait  adressée  à 
Schwarzenberg,  que  cette  cavalerie  faisait  partie  du  VI^  corps.  Il 
suffit,  d'ailleurs,  de  jeter  de  temps  à  autre  un  coup  d'œil  sur  les 


*  Schwarzenberg  à  Bliicher.  Chaumont,  31  janvier.  (K.  K.  Kriegs  Arcfùr., 
i,  724)  et  le  môme  à  Tcmperear  d'Autriche,  même  date.  {Ibid,  1,  7:20.) 

*  Sdiwarzenkerg  à  rcmpereard'Autriclie,  31  janvier.  (Â'.  A'.  Krietjs  Archic, 
I,  7î(J.) 

*  Schwarzenberg  à  Bliicher,  Chauniunt,  31  janvier.  {K,  A'.  Krietjt  Arehiv., 
I,  7îi.) 


—  433  — 

dilltTcnts  rapports  des  coininandauls  de  cor[)s  pour  voir  (pie,  dès 
((ifils  élaient  séparés  les  uns  des  autres  ou  quelque  peu  éloignés 
du  grand  quartier  général,  ils  ignoraient  absolument,  à  moins  de 
renseignenients  dus  au  hasard,  tout  ce  qui  se  passait  tant  à  eôlé 
d'eux  que  devant  eux. 

C'était  là,  et  ce  l'ut  pendant  toute  la  durée  de  la  <:am[)agne,  le 
t'ait  d'une  organisation  essentiellement  défeetueus(î  à  laquelle  on 
ne  semble  pas  avoir  cherché  à  porter  remède,  (^est  ainsi  (pie 
\Vrè(l(;,  venu  le  "29  à  Join ville  pour  conft'Ter  av(»(:  VVittgenstein,  ihî 
fut  pas  peu  surpris  de  voir  que  ce  général  avait  ignoré  jusque-là 
les  mouvements  et  la  position  du  V®  corps,  et  qu'il  n'avait  pas  la 
moindre;  idée  de  ce  qu'était  devenue,  dans  ces  derni(TS  jours, 
l'armée  de  Silésie.  Il  est  vrai  de  dire,  et  le  rapport  (ju'on  va  linî 
en  fournira  la  i)reuve  manifeste,  que  WW'de  ignorait,  lui  aussi,  le 
30  au  soir,  et  bien  que  son  quartier  général  fiU  à  p(îine  à  10  kilo- 
mètres de  celui  de  Wittgenstcân,  que  non  seulement  ce  général 
n'avait  pas  enhîvé,  mais  qu'il  n'avait  même  pas  attaqué  Vassy 
dans  la  journée  du  30. 

Rapports  de  Wrède  et  de  Frimont  au  prince  de  Schwar- 
zenberg.  —  C'est  pour  C(»tte  raison  et  aussi  parc(;  que  \Vrèd(i 
expose  dans  ce  rapport  ses  mouvements  et  la  situation  de  son 
corps,  que  nous  reproduisons  ce  document  et  ((ue  nous  le  faisons 
suivre  de  celui  de  Frimont,  qui  contient  quelques  indications 
intéressant(»s. 

(c  Le  général  de  cavalerie  comte  Wrède  au  prince  de  Schwar- 
zenberg  \  —  Saint-Urbain,  30  janvier  1814,  9  heures  du  .soir. 

«  Votre  Altesse  m'ayant  ordonné  d'attaquer  Vassy  avec  le 
comte  Wittgenstein,  j'ai  renoncé  au  mouvement  oflensif  qu(î  je 
projetais  contre  l(?s  postes  de  Sommevoire,  Doulevant  et  Arnan- 
court,  que  j'ai  simplement  fait  reconnaître. 
'  «  J'adresse  à  Votre  Altess(»  le  rapport  du  général  Frimont 
n^latif  à  Douhîvant.  11  résulte  de  ce  rapport  que  nous  avons 
devant  nous  le  corps  du  duc  de  Bellune. 

«   Le  général  Rechberg*,  qui  avait  ordre  d'envoyer  contre 


t  Wrède  à  Si*iiwarzciit)erg,   Saint-Urbain,  30  janvier,  9    heures  du  soir. 
(K.  K.  Kriegs  Ârchiv.,  1,  577.) 

*  Voir  SoliwansenlKM-jr  à    mii«lior,    (Iliuuniunl,  'M  janvier.  (Ibiil.,  J,  724.) 

Weil.  î^ 


—  434  - 

Arnaiicourt  un  régiment  de  cavalerie,  uie  fait  savoir  que  l'en- 
nemi y  avait  cinq  escadrons  qui  se  sont  repliés  aujourd'hui. 

«  Le  comte  Wittgenstein  a  attaqué  aujourd'hui  Vassy,  mais  je 
ne  crois  pas  qu'il  s'en  soit  emparé.  Votre  Altesse  verra  par  les 
annexes  ce  que  j'ai  fait  pour  le  soutenir. 

«  Le  nombre  de  malades  augmente  sensiblement  dans  les  réf^i- 
ments  d'infanterie  du  général  Frimont.  Un  de  ses  régiments  a 
autant  de  malades  que  de  présents.  « 

«  Le  général-lieutenant  Frimont  au  comte  Wrède*.  —  Bra- 
chay,  30  janvier  1814,  1  heure  après-midi. 

«  J'ai  fait  occuper  Charmes  (Charmes-en-l' Angle  ou  Cliarnuîs- 
la-Grande)  par  la  division  légère  du  comte  Hardegg.  La  division 
du  général  Spleny  est  entre  Flamérécourt,  Brachay,  Blécourt  et 
Ferrières.  Ces  localités  sont  trop  petites  pour  pouvoir  cantonner 
mes  troupes.  De  plus,  je  suis  très  isolé,  et  si  je  devais  me  replier 
sur  la  vallée  de  la  Marne,  ma  situation  serait  d'autant  plus  difti- 
cile  que  je  me  trouverais  dans  une  espèce  de  cul-de-sac.  J'aurais 
à  traverser  un  défilé  dans  lequel  il  n'y  a  que  de  mauvaises  routes 
et  mes  troupes  mettraient  au  moins  de  trois  à  quatre  heures 
pour  le  passer,  arriver  à  Mussey  ou  Fronville  et  déboucher 
sur  la  route. 

«  Mes  patrouilles  m'annoncent  que  l'ennemi  m'a  enlevé  à 
Doulevant  une  patrouille  des  hussards  de  Szeckler. 

«  Le  major  Mackey,  du  régiment  de  dragons  de  Knesevieh. 
qui  a  poussé  avec  deux  escadrons  sur  Vassy,  a  rencontré  ce  matin 
le  général  Rudiger  à  Nomécourl.  Ce  général  avait  l'ordre  d'atta- 
quer l'ennemi  à  Vassy.  De  9  heures  et  demie  à  11  heures,  on  a 
entendu  une  canonnade  assez  vive  et  une  fusillade  assez  nourrie 
de  ce  côté.  J'attends  îI  tout  instant  des  nouvelles  relatives  à  cette 
affaire. 

«  J'envoie  des  patrouilles  à  Baudricourt  et  h  Doulevant. 

«  Une  patrouille  de  cavalerie  a  pris  5  hommes  à  renncnii.  » 

«  P.'S.  —  Le  major  Droch,  du  régiment  de  hussards  de 
Schwarzenberg,  a  trouvé  à  Rouvroy  (Rouvroy-sur-Marne),  30  à 
40  fusils  chargés  qu'il  a  brisés.  Cela  prouve  que  Ton  se  lève  et 
s'organise  dans  les  villages,  et  que  partout  il  y  a  des  armes.  » 


1  Frimont  ii  \Vn>de,  Brachay,  30  jauvicM.  1  heure  aprè:»-midi.   (A'.  A'.  Krùgt 
ÀretUc,  J,  677.) 


-  435  - 

Positions  des  IV«  et  III»  corps,  des  gardes  et  réserves.  — 

Comme  l'écrivait  Schwar/enberg  à  Tempennir  d'Autriche,  le  31 
au  matin*,  le  feld-maréchal  Bliicher  avait  cru  prudent  de  se  con- 
centrer après  le  combat  du  !29.  H  s'était  massé  à  Trannes,  en  se 
faisant  couvrir  par  sa  cavalerie  et  par  celle  des  généraux  Slscher- 
batoft'  et  Pahlen.  Le  prince  royal  de  Wurtemberg,  chargé  de  sou- 
tenir l'armée  de  Silésie,  était  avec  son  gros  Ix  Maisons  et  à 
Fresnay.  Le  général  de  Franquemont,  qui  commandait  l'une  des 
divisions  du  IV"  corps,  avait  ce  jour-là  son  ((uartier  général  à 
Arrenliôres.  L'avant-garde  du  IV®  corps  occupait  Ville-sur-Terre 
elThil. 

Derrière  le  prince  royal,  Gyulay  était  toujours,  avec  le  gros  du 
m®  corps,  autour  de  Bar-sur-Aube;  ses  avant-postes  étaient  du  côté 
de  Vendeuvre.  En  arrièn;  de  c(;s  deux  corps,  les  gardes  et  réserves 
russes  et  prussiennes  se  rapprochaient  peu  h  peu  :  les  grenadiers 
russes  étaient  venus  h  Colonibey-l(;s-Deux-Églises,  l'intanterie  de 
la  garde  vers  Blaisy,  la  garde  prussienne  à  Jonchery,  la  division 
de  cavalerie  légère  de  la  garde  russe  à  Vignory,  la  l»"»  division 
de  cuirassiers  russes  et  la  cavalerie  de  la  garde  prussienne?  à 
Luzy,  la  2®  division  de  cuirassiers  russes  vers  La  Ferté-sur-Aube, 
et  la  3«  en  avant  de  Clairvaux.  Le  quartier  général  de  Barclay  de 
Tolly  était  resté  à  Chaumonl. 

CoUoredo  reçoit  tardivement  l'ordre  de  mouvement  de 
Schwarzenberg. —  A  l'aile  gauche,  CoUoredo,  auquel  Tordre  de 
Schwarzenberg*,  daté  du  29,  n'était  parvenu  que  le  30  au  matin, 
recevait,  vers  2  heures  de  l'après-midi,  de  nouvelles  instructions 
du  généralissime,  qui  lui  enjoignaient  de  se  porter  au  plus  vile  à 
droite  et  d*arriv(;r  h  Bar-sur-Aube  le  31  au  plus  tard.  Ce  ne  fut 
guère  que  vers  4  heures  que  CoUoredo  put  envoyer  ses  ordres 
aux  chefs  de  corps.  D'ailleurs,  ses  cantonnements  étaient  telle- 
ment étendus  que  quelques-uns  de  ses  régiments  avaient  près  de 
douze  heures  de  marche  pour  arriver  des  environs  deTroyes,  où  ils 


«  Schwaraeuhcrg  à  l'empereur  d'Autriche,  Chaumonl^  31  janvier.  (A'.  A'. 
Krûgt  Archiv.,  I,  72G.) 

'  Dans  cet  ordre  du  29  (A'.  A.  Kriegs  Arcfuv.  I.  670),  Sdiwarzenbcrg 
arrêtait  les  inouveiiieiits  de  la  colonne  de  CoUoredo,  lui  enjoignait  de  rester 
sur  SCS  positions  et  le  prévenail  «le  la  présence,  à  Troyes,  de  l^i.OOO  liummes 
soas  les  ordres  de  Mortier. 


~  436  -• 

étaient  déjà  (Hahlis,  à  Bar-sur-Aube  par  Clairvaux.  Collorcdo  dul 
donc  se  borner  à  prendre  les  dispositions  nécessaires  pour  assu- 
rer la  marche  du  lendemain,  et  prévint  immédiatement  le  généra- 
lissime du  retard  et  de  ses  causes. 

A  peine  avait-il  fait  partir  sa  dépêche,  que  les  rapports  faits 
par  les  ofticiers  chargés  de  reconnaître  les  routes  menant  vers  hi 
grande  armée  lui  démontrèrent  qu'il  lui  serait,  même  le  lende- 
main, impossible  de  se  conformer  aux  ordres  de  [Schwarzejiberg. 

Le  dégel  et  les  pluies  avaient  rendu  absolument  impraticable 
le  chemin  de  ChiUillon  par  La  Fertésur-Aube,  à  Bar-sur-Aube. 
Les  rapports  étaient  unanimes  pour  déclarer  que  les  troupes 
auraient  grande  peine  à  y  passer  et  qu'il  serait  de  toute  impos- 
sibilité de  s'en  servir  pour  l'artillerie,  qui  s'y  embourberait  fata- 
lement. Il  ne  restait  à  la  disposition  de  la  colonne  de  Colloredo 
que  la  route  de  Bar-sur-Seine,  qui  continue  ensuite  sur  Bar-sur- 
Aube  en  passant  par  Vendeuvre. 

Platoff  à  Cerisiers.  —  Le  général  lllix  se  jette  dans  Sens 
—  Affaire  de  Sens.  —  Platoff,  que  nous  avons  laissé  le  27  à 
Auxon  \  était  le  29  avec  son  corps  à  (.erisiers,  dans  la  forél 
d'Othes,  à  5  lieues  environ  de  Sens.  Mais  comme  le  général 
Montbrun  avait  pu  s'établir  à  Pont-sur-Yonne,  comme  les  géné- 
raux Pajol  et  Pacthod  occupaient,  le  premier  Nogent-sur-Seine,  et 
le  deuxième  Montereau,  avec  (juelques  corps  encore  en  forma- 
lion,  le  général  Allix  avait  pu  arriver  à  Sens  avec  600  à  800 
hommes,  en  même  temps  que  Platoff  parvenait  en  vue  de  la  ville. 
L'ataman  put  occuper  les  faubourgs;  mais  le  général  Allix  ayant 
eu  le  temps  de  faire  barricader  les  portes,  il  fut  impossible  aux 
Cosaques  de  réussir  à  pénétrer  dans  hi  ville  ^ 

Positions  des  Alliés.  —  Le  30  au  soir,  les  diverses  fractions 
des  armées  alliées  forment  autour  des  corps  de  l'armée  française 
une  sorte  de  demi-cercle  qui  tend  de  plus  en  plus  à  se  refermer 
sur  eux.  Tandis  que  Morlier  occupe  encore  Troyes,  sur  rexirème 


*  Voir   au    28   janvier  :  l'Iatoff   à    Sl•,h^^MrzeIllJCTg,    Âu\ou,    28    janvier. 
(K,  K,  Krieys  Archiv.,  I,6il). 

•  Rapport  de  Platoff,  ViHeneuve-le-Koi.   i^*'  février  {K.  K.  Krieijs  Archir. 
II,  ad.  liO),  el  général  Allix,  Souvenirs  milUairex  el  polUû/uex, 


—  437  — 

droite  dos  lignes  françaises,  ot  que  Napoléon  '  masse  son  armée» 
autour  ot  en  avant  de  Brienne,  au  rentre  môme  de  Tare  de  cercle 
formé  par  ses  adversaires,  les  Alliés  tiennent  les  positions  sui- 
vantes :  Blucher  s'est  concentré  devant  Napoléon,  de  Trannes  à 
f^clanco.  Il  est  soutenu  par  (Jyulay  posté  derrière  lui  à  Bar  et  par 
le  ))rince  royal  de  Wurtemberjiç  établi  sur  sa  droite,  à  Maisons  et 
Frosnay.  Kn  arrière  du  IV*'  corps  on  trouve  la  tète  des  réserves 
et  des  jçardes  arrivé«»s  à  (Holomlx^y-los-Deux-Rglises.  Plus  à  droite* 
ot  sur  le  point  de  se  relier,  par  Fresnay,  avec  le  ÏV«  corps,  les 
tétos  d(»  colonne  de  Wrède  tendent  déjà  vers  Doulevant.  \Vitlj:çens- 
loin  est  entre  Joinville  et  Vassy,  et  York  s'étend  d'ftclaron  jusque 
vers  la  Marne,  pendant  qu'à  gauche,  la  colonne  de  Colloredo  a 
son  avant-garde  à  Bar-sur-Seine. 

Knfin,  pour  compléter  les  emprunts  que  nous  avons  faits  aux 
Archives  impériales  et  royales,  nous  donnons  (mi  note  *  les  rap- 


<  Ordres.  Brienne.  30  janvier,  9  h.  4/S  soir. 

«...  Voici  la  substance  de  la  lettre  que  le  major-général  écrira  au  duc 
de  Tn^vise  : 

«  Le  quartier  général  est  à  Brienne  :  nous  occupons  les  ponts  de  Dien ville, 
(c  Brienne-lu- Ville  et  de  Lcsmont.  Nous  avons  hier  29  battu  l'ennemi,  nous  lui 
u  avons  fait  des  prisonniers,  nous  l'avons  chassé  de  Brienne  et  nous  le  pour- 
«  suivons  sur  Bar-sur-Aube.  Donnez-nous  de  vos  nouvelles,  nous  n'en  avons 
a  pas  depuis  le  28.  Poussez  des  partis  pour  communiquer  avec  nous,  afin  de 
c(  pouvoir  agir  ensemble  et  de  concert » 

«  Le  major-général  écrira,  en  outre,  au  général  Bordesoulle.  à  Arcis-sur-Aube, 
pour  qu*il  envoie  à  la  rencontre  du  général  Goll)ert  et  le  fasse  diriger  sur 
Brienne.  »  {Correspondance  de  Napoléon). 

•  Schwarzenberg  à  l'empereur  d'Autriche  : 

t<  Chaumont,  34  janvier  18i4. 

«  Benseignemcnts  fournis  par  les  émissaires  : 

((  i^  Kmissaire  parti  le  20  de  Langres,  passant  par  ChAtillon,  Bar-sur-Seine, 
Troyes,  Vitry,  Chdlons-sur-Mame  et,  de  là,  à  Brienne  et  Bar-sur-Aube.  11  a 
vu  le  21,  sur  la  route  de  Bar-sur-Seiue  à  Troyes,  le  premier  avant-poste  français 
à  Moussey  (100  hommes  du  122"  régiment  d'infanterie).  A  Troyes,  il  y  avait 
900  hommes  du  12««,  dont  500  conscrits,  les  dépôts  des  3®,  6«,  9''  et 
11*'  chasseurs  à  cheval  (400  hommes). 

t<  Le  23,  le  général  Dufour  était  à  Arcis  avec  6,000  hommes  d'infanterie, 
pour  la  plupart  des  conscrits.  400  à  500  chasseurs  à  cheval,  20  à  26  canons 
et  80  caissons.  On  l'y  a  arrêté,  mais  il  a  réussi  à  s'échapper  et  à  gagner 
Lesmont. 

«  Le  24,  il  a  retrouvé  le  général  Dufour  sur  l'Aulje,  entre  Lesmont  et 
Bamerupt,  et  s'est  dirigé  sur  Vitry.  Il  y  a  vu  40  canons  en  batterie  sur  les 
remparts.  La  garnison  se  compose  de  4,500  conscrits  et  de  deux  dépiMs  de 
cavalerie  forts  de  100  chevaux. 

«<  Le  25,  il  était  à  Chàlons  :  il  y  a  remarqué  un  parc  de  50  liouches  à  feu 


—  438  - 

porls  dos  (liftôrenls  ('Miiissaires  oxpédi^s  par  Schwarzenboriç. 
Cos  rapports  élaienl  joints  à  sa  dépc^che  h  l'eniperour  d'Autrirho 
(K,  K.  Kripfjs  Archiv.,  I.  726)  à  laquelle  nous  avons  fait  de» 
si  nombreux  emprunts,  lorsque  nous  avons  exposé  les  événe- 
ments de  la  journée  du  30  janvier. 

31  janvier.  —  L'Empereur  reste  sur  ses  positions.  — 
Mouvement  de  Marmont  sur  Soulaines.  —  On  s\attendait, 
tant  au  quartier  général  de  Blûcher  à  Arsonval,  quh  celui  de 
Scliwarzenberg  à  Chaumont,  «i  voir  le  31  au  matin  TEmpennir 
sortir  d'une  inaction  qu'on  avait  déjà  trouvée  surprenante  la 
veille,  mais  qu'on  s'était  expliquée  en  partie  par  l'acharnemcMit 
déployé  de  part  et  d'autre  lors  du  combat  de  Bricnne  et  par  le 
fait  que  cette  sanglante  affaire  avait  cessé  fort  avant  dans  la  nuit. 
On  pensait  généralement  qu'après  avoir  donné  un  peu  de  repos  à 
ses  troupes,  après  s'être  ravitaillé  en  munitions  et  avoir  hî\té  la 
marche  des  renforts  et  des  corps  que  la  rapidité  de  son  mouvi»- 
ment  Tavait  obligé  îi  laisser  en  arrière,  l'Empereur  prendrait 
le  31  ou  le  parti  d'attaquer  Hliicher  sur  sa  position  doTrannes  \ 


de  gros  calibre  et  150  caissons.  10,000  liommes  d'infanterie  marchaient  i\  rc 
moment  sur  Saint-Dizier,  et  l*on  attendait  encore  à  ChAlons  l'arrivée  de 
10,000  hommes  provenant  de  l'armée  d'Espagne. 

«  Kn  allant  n  I^esmont,  il  a  rencontri^  un  soldat  de  la  jeune  garde,  a  li«'> 
conversation  avec  lui  et  a  appris  qu'il  y  avait  5,000  à  6,000  liommes  de  la 
jeune  garde  à  Bar-sur-Auhe. 

«  Le  26,  il  était  a  Lesmont  et  s'est  rendu  de  là  à  Brienne. 

«<  2"  Un  autre  t^missaire  a  ét«»  de  Langres  à  Troyns,  Sens.  Montargis, 
Orléans  et  Beaugency. 

«  Il  y  avait  le  19,  à  Orléans.  600  à  700  conscrits,  et  à  Beaugency  un  dépTit 
du  7*  régiment  de  chasseurs  à  cheval. 

M  S*»  Un  troisième  émissaire,  parti  de  Paris  le  22,  n'apporte  que  des  rens 
seignements  peu  importants  sur  les  revues  passées  le  19  et  le  20. 

«  4®  Un  autre  émissaire  est  parti  de  Vesoul,  passant  par  Vauconleur-. 
Comment,  Saint-Aubin,  Ligny,  Bar-le-Duc.  Vitry.  D'après  lui.  le  corps  de  Victor 
compterait  15.000  hommes,  dont  5,000  à  6,000  de  cavalerie.  Ney  aurait  ave<* 
lui  1?,000  hommes,  en  grande  jtartie  d'infant4M-ie. 

«  Le  corps  de  Victor  aurait  ordre  de  rester  sur  la  Marne  jusqu'au  29.  » 

(Â'.  A'.  Krt'egx  Archir.  I.  721  a.) 

*  Il  est  hors  de  doute  que  Bliiclier  s'attendait  â  être  attaqué  [dans  la  jonr- 
n«H»  du  'M,  car  il  iVrivait  d'Arscmval,  le  31  à  dix  heures  du  malin,  à  l'empe- 
reur d'Autriche  :  «  Hier  30.  l'ennemi  a  occuim»  Brienne.  et,  vers  midi,  il  a 
pris  position  avec  sa  droite  à  Dienville.  son  centre  à  La  Rothiére  et  sa  gauche 
a  Chaumesnil. 

«  Jt'  rattnuîx  xur  tmi  jtoxHiou  rntrr  Kchture  et  Trnnnex.  »  (A'.  K.  Krû^x 
Archir,.  I,  726.  h.) 


-  439  — 

ou  lu  résolution  do  se  retirer  derrière  la  Voire,  ou  le  parti  de 
rejoindre  Mortier  h  Troyes  et  d'y  attendre  ses  adversain^s. 

Mais  l'Empereur  resta  sur  ses  positions  *  entre  l'Aube  et  les 
hauteurs  de  La  Giberie.  Sa  lettre  du  31  janvier  au  duc  de  Feltre* 
prouve  que  Napoléon  était  absolument  décidé  îi  c(»  moment  h 
tenter  le  sort  des  armejs  en  risquant  la  bataille  *  sur  les  positions 
qu'il  avait  fait  occuper  h  son  armée.  De  part  et  d'autre,  on  se 
préparait  donc  au  combat.  A  une  heure  de  l'après-midi,  l'Empe- 
reur faisait  envoyer  au  duc  de  Uaguse  Tordre  de  s(»  diriger  sur 
Lesmont  et  de  laisser  une  arriére-garde  h  Maizieres.  Le  maré- 
chal, après  avoir  quitté  Vassy  dès  le  matin,  avait  laissé  ri  Montier- 
en-Der  le  général  van  Merlen  avec  800  chevaux  pour  couvrir  la 
marche  du  parc  et  des  bagages  du  corps  d'armée,  et  continuait 
son  mouvement  pour  se  rapprocher  du  reste  de  l'armée.  Arrivé 
fi  Lesmont,  il  devait  consolider  le  pont  qu'on  avait  rétabli  et  jeter 


i  Starkr,  Kintlu'ilung  und  Tagesbegobenheiten  der  Haapt-Armce  in  Monate 
Jannar  (A'.  K.  Kriegs  Archir.^  I,  30)  et  Kurzgefasstc  Darstcliang  der  Krieg- 
srmgnisse  der  schlesischen  Armée  (Ibid.^  I,  31). 

'  «  J*ai  eu  une  affaire  fort  chaude,  le  29.  à  nriennc.  J'ai  attaqué  tonte  l'armée 
du  fcld-iiiarédial  Blùclier  et  du  général  Sacken,  forte  de  30,000  hommes  d'in- 
fanterie et  de  beaucoup  de  cavalerie.  Je  les  ai  attaqués  avec  10,000  hommes, 
au  moment  même  où  je  venai«  de  faire  une  forte  marche  J'ai  eu  le  bonheur 
de  m'emparer,  dès  le  commencement  de  Taction,  du  château  qui  domine  tout. 
Comme  l'attaque  n'a  commencé  qu'une  heure  avant  la  nuit,  on  s'est  battu 
toute  la  nuit.  Bliicher  a  été  battu  ;  on  lui  a  fait  500  à  600  prisonniers,  tué 
ou  blessé  3,000  à  4.000  hommes,  et  il  a  été  obligé  de  rappeler  tous  ses  partis 
qui  s'avançaient  du  cAté  de  Paris,  pour  se  replier  sur  Bar-sur-Aube.  Hier,  je 
l'ai  rei'onduit  dans  cette  direction  pendant  rleux  heures,  l'accompagnant  par  des 
salves  de  quarante  pièces  de  canon.  Notre  perte  est  évaluée  à  2,00U  hommes. 

u  Si  j'avais  eu  de  vieilles  troupes,  il  aurait  été  possible  de  mieux  faire  et 
d'enlever  tous  les  parcs  et  bagages  que  j'ai  vus  défiler  devant  nous  et  que 
mon  mouvement  instantané  a  forcé  Bliicher  de  rappeler  d'Arcis-sur-Aube.  Si 
Brienne  avait  pu  être  o<!cupé  plus  tôt,  tout  serait  en  notre  pouvoir;  mais, 
dans  les  circonstances  actuelles  et  avec  l'espèce  de  troupes  qu'il  faut  manier, 
il  faut  se  tenir  heureux  df  ce  qui  est  arrivé. 

«  Nous  avons  pris  position  à  deux  lieues  en  avant  de  Brienne,  la  droite  à 
l'Aube,  la  gauche  au  bois,  nous  maintenant  entre  l'Aube  et  la  Marne  ;  le  dur 
de  Tréviso  à  Troyes  et  le  duc  de  Tarente  sur  la  Marne.  Je  prends  pour  pivot 
Arcis-sur-Aube.  Mon  quartier  général  continuera,  jusqu'à  nouvelle  circonstance, 
à  rester  à  Brienne.  »  {Correspondance,  n^  21150.) 

»  Le  major-général  recommandait  à  Victor  de  prendre,  le  31  à  sept  heures 
dn  matin,  une  bonne  position  de  bataille,  lui  permettant  de  recevoir  l'en- 
nemi, la  droite  à  l'Aube,  la  gauche  au  bois;  de  voir  si  la  position  de  Trannes 
à  Eclance  pourrait  lui  convenir,  puis,  à  onze  heures,  de  s'emparer  du  pont 
d'Unien  ville. 


—  440  — 

(le  la  cavalorio  ot  de  l'infanterie  sur  la  rive  gauche  de  l'Aube,  (»ii 
poussant  une  avant-garde  sur  Piney*.  Le  duc  de  Raguse  avait,  il 
est  vrai,  après  avoir  quitté  Vassy,  pris  sa  direction  sur  Montier-en- 
Der  ;  mais  au  lieu  de  se  diriger  de  ce  point  droit  sur  Brienne, 
il  avait  cru,  à  cause  de  l'état  dcîs  chemins,  devoir  se  porter  sur 
Soulaines  parce  qu'il  n'avait,  en  faisant  ce  détour,  qu'une  lieue 
de  mauvais  chemins  à  parcourir.  Arrivé  aux  environs  de  Sou- 
laines, il  en  avait  chassé  quelques  petits  postes  de  cavalerie  russe. 
Un  peu  après  midi,  des  positions  de  Bliicher  on  avait  remarqué 
un  assez  grand  mouvement  dans  les  lignes  françaises.  Le  5«  corps 
de  cavalerie  française  *  s'était  porté  en  avant  de  La  Rothière  vers 
Trannes  sous  les  yeux  mêmes  de  l'Empereur',  qui  était  venu 
reconnaître  le  terrain  et  qui  espérait  peut-être,  grâce  k  cette 
démonstration,  obliger  le  feld-maréchal  à  s'engager.  Comme  les 
Alliés  ne  bougèrent  pas,  l'Empereur  fit  occuper  vers  le  soir,  par 
quelques  troupes  d'infanterie,  le  bois  de  Beaulieu  qui,  situé  sur 
le  front  même  des  lignes  de  l'armée  de  Silésie,  entre  La  Giberir 
et  ftclance,  au  pied  des  hauteurs  de  Trannes,  permettait  aux 
troupes  (jui  s'y  établissaient  de  déboucher  aisément  et  à  couvert 
contre  la  position  de  Trannes. 

Lettre  de  Blûcher  à  Schwarzenberg  sur  sa  position.  — 


1  Corretpondanee  de  Napoléon,  n"  21157. 

'  A  ce  inoineiit.  le  général  Colbcrl,  qui  était  dopais  le  27  janvier  à  Xoponl- 
8ur-S«'ine  avor  les  grenadiers  à  cheval,  dragons,  rliassoiirs  et  (''clairenrs  de  la 
garde,  était  parti  pour  rejoindre  l'Knïpereur  sur  la  rive  droite  de  l'Aube,  par 
Lesmont.  Il  s'était  étendu,  sur  la  rive  gauclie  de  l'Aube,  jusqu'à  Corlois,  où 
se  trouvait  le  général  Maurin  avec  500  chevaux,  éclairant,  par  le  pont  de  Dien- 
ville,  Piney,  la  forôt  de  Vendeuvre,  et  poussant  des  partis  sur  Troyes.  Le  gé- 
nil^ral  Guyon,  ava'.  400  chevaux,  était  à  Vaupoisson  et  Ortillon.  100  chevauv 
étaient,  en*outre,  postés  â  Voué,  sur  la  route  d*Arcis  à  Troyes.  Le  général 
Hordesoulle  continuait  à  se  tenir  à  Arcis. 

*  Victor  à  Grouchy  :  «  Ordre  de  mouvement.  —  La  Rothière.  31  janvier. 
—  lies  troupes  du  2'"  corps  d'infanterie  et  du  o*"  de  cavalerie  se  mettront  en 
marcfic  aujourd'hui  à  une  heure  précise,  pour  se  «liriger  sur  Trannes  à  l'effet 
d'en  cha.-ser  Tennemi  ;  elles  marcheront  dans  l'ordre  suivant  : 

«<  La  cavalerie  légère  du  général  de  Pire  prendra  la  droite  de  la  route  Les 
deux  divisions  de  dragons  marcheront  en  bataille  à  la  gauche.  Six  liouches  :i 
feu  précéderont  la  division  et  marcheront  sur  la  route  (brigade  du  général 
Jamin).  Li  division  sous  b>s  ordres  du  général  Jamin  marchera  en  colonnr 
sur  la  route,  en  arrière  de  sa  batterie;  une  autre  batterie  la  suivra. 

«  La  ilivision  Duhesme  suivra  l'artillerie  de  la  1 '"'' division.  Elle  aura  la 
sienne  derrière  elle.  L'artillerie  du  5®  corps  suivra  celle  du  gènérd  Duhesme.  >» 


—  441  — 

Riiichrr  s't'lail  lui  aussi  \ior\6  on  avant  jusquo  sur  la  ligne  do  sos 
avant-postos;  il  y  était  rosto  jusqu'à  la  nuit  ot  avait  assisté  au 
déploionionl  ot  aux  démonstrations  do  la  cavalorio  françaiso,  sans 
s(»  laissor  ontraînor  à  prescriro  lo  nioindro  niouvonient.  Rentré  à 
7  heures  h  son  quartier  général,  il  rendait  compte  h  Schwarzon- 
berg  des  événements  de  la  journée,  de  la  situation  dans  laquelle 
il  se  trouvait,  et  terminait  son  rapport  par  quelques  considéra- 
tions relatives  aux  mouvements  exécutés  par  lo  corps  du  prince 
royal  de  Wurtemberg  en  vue  dos  opérations  ultérieures  ot  d'une 
bataille  à  livrer  le  londcmiain  : 

«  Je  suis  resté  jusqu'au  soir  sur  la  ligne  môme  de  mes  avant- 
postes.  L'ennemi  a  esquissé,  vers  2  heures,  avec  10,000  h  12,000 
hommes  un  mouvement  en  avant;  mais  il  s'est  contenté  d'occu- 
per vers  le  soir  et  rien  qu'avec  2,000  à  3,000  hommes  en  avant  de 
mon  front  un  bois  (il  s'agit  ici  du  bois  do  Beauli(ui)  que  je 
n'avais  pu  faire  garnir  de  troupes,  parce  que  je  manquais  à  cet 
etVet  d'infanterie. 

<i  Ma  position  est  bonne,  mais  elle  est  trop  étendue  pour  mes 
forces.  J'ai  mis  100  pit'^ces  en  batterie:  mais  je  ne  poux,  h  cause 
de  la  nature^  du  terrain,  leur  faire  changer  de  position,  ot  je 
manque  d'infanterie  pour  défendre  cette  artillerie. 

«  La  position  occupée  par  le  prince  royal  do  Wurtemberg  n'a. 
h  mon  sens,  plus  au<'une  signification  depuis  que?  lo  comte  Wrèd(» 
est  arrivé  à  Doulevanl.  Lo  corps  du  j)rince  royal  est  donc  désor- 
mais disponible.  Je  viens  d'écrire  au  prince  et  l'ai  prié  de  me 
soutenir,  si  faire  se  peut,  demain  matin  en  envoyant  son  infante- 
rie vers  Éclanco.  Veuillez  diriger  sur  ce  point  le  corps  du  prince 
royal  et  alors  je  pourrai  sans  crainte  voir  venir  l'ennemi. 

«  Je  n'ai  besoin  ni  d'artillerie  ni  de  cavalerie». 

«  Si  Votre  Altesse  ordonne  pour  demain  un  mouvement  géné- 
ral en  avant,  ou  si  l'ennemi  se  retire  cette  nuit,  le  prince  royal 
do  Wurtemberg  serait,  dans  l'un  comme  dans  Tautre  de  ces  cas, 
bien  posté  s'il  allait  à  Éclance.  Los  gelées  ont  retardé  la  marche 
du  général  von  Kloist  ^  qui  ne  sera  que  le  4  février  h  ComnMMry. 


^  Kloist,  venant  do  Trêves  et  évitant  Laxembourg  qu'il  avait  contourné 
dans  sa  marclie,  après  avoir  laissé  devant  cette  place  les  uhians  de  Silésie  qu'il 
remplaça  dans  son  rorps  par  les  cuirassiers  de  la  Prusse  orientale,  était  à  et* 
moment  en  train  de  défiler  sous  Thionville.  se  diri^^eant  sur  Pajfny-snr«.Mosf»lle, 
qne  son  avant-jrarde  atteignit  le  2  février. 


—  442  — 

Le  pont  de  Saint-Miliiol  est  rompu,  ce  qui  a  forcé  York  à  passer, 
lui  aussi,  par  Commercy 

«  Tcheniilcheff  m'écrit  le  23  de  Liège  que  Winzingorode  est 
îi  Aix-la-Chapelle.  Je  ne  sais  rien  de  positif  par  rapport  au  maré- 
chal Macdonald  \  mais  d'après  les  renseignements  recueillis  par 
le  général  York,  il  n'aurait  avec  lui  que  9,000  k  10,000  hommes. 

«  P.  S.  —  Je  reçois  îi  l'instant  la  lettre  de  Votre  Altesse  et  ses 
ordres  pour  le  l^"*  février  ;  je  m'y  conformerai  *.  » 

La  cavalerie  de  Pahlen  reçoit  l'ordre  de  quitter  Blûcher 
pour  rejoindre  le  VI®  corps.  —  Harmont  évacue  Soulaines. 
--  Conséquences  de  ce  mouvement.  —  Dès  le  31  au  matin, 
avant  môme  d'avoir  reçu  h  Chaumont  les  rapports  des  diftérenls 
chefs  de  corps,  rapports  qu'il  attendait  pour  envoyer  ses  ordres 
défmitifs,  Schwarzenberg  avait  prescrit  ti  Bliicher  de  rendre  à 
Wittgenstein  les  troupes  que,  sous  les  ordres  de  Pahlen,  il  avait 
appelées  à  lui  le  28  et  dont  le  feld-maréchal  n'avait  plus  besoin 
puisqu'il  était  désormais  relié  aux  corps  de  la  grande  armée. 
Schwarzenberg  motivait  cetle  mesure  par  le  fait  que  Wittgenstein 
manquait  de  cavalerie  au  point  d'être  forcé  d'employer  au  service 
des  patrouilles  ses  officiers  d'ordonnance  et  sa  propre  escorte, 
et  il  invitait  le  feld-maréchal  à  renvoyer  par  le  plus  court  chemin, 
la  cavalerie  et  les  troupes  légères  de  Pahlen  \ 

Pahlen  reçut,  par  suite,  l'ordre  de  prendre  à  droite  pour  re- 
joindre le  VI«  corps  en  passant  par  Edance  et  Fuligny.  Il  arriva 


^  A  peu  près  an  moment  où  Bliicher  parlait  de  Macdonald  à  Schwarzenl)erg, 
l'Empereur  fuisait  prescrire,  le  3i  au  matin,  au  duc  de  Tarente  de  laisser  le 
o**  corps  avec  le  IV  de  cavalerie  à  Sainte-Meneliould  pour  protéger  Châlons  et 
Vitry  et  avoir  l'uâl  sur  tout  ce  qui  passait  sur  les  Ardennes  et  sur  Reims,  et 
de  se  porter,  avec  le  i"  corps  de  cavalerie  et  le  11'"  corps,  d'abord  sur  Chàlons, 
où  il  recevrait  des  ordres  pour  sa  direction  ultérieure.  Juste  douze  heures  plus 
tird,  le  mc'^me  jour  à  neuf  heures  du  soir,  l'Empereur  ordonnait  à  Berthier  de 
faire  connaître  à  Macdonald  que  York  avait  débouché  de  Bar-le-Duc  sur  Vitry, 
Saint-Dizier  et  Cliwlons,  et  lui  enjoignait  de  marcher  contre  York,  de  le  battre 
«M  (le  protéger  Châlons  et  Vitry.  {Corretpomlance,  n.  2H54  et  2il6i.) 

Nous  aurons,  d'ailleurs,  à  insister  un  peu  plus  loin  sur  ces  mouvements  do 
duc  de  Tarente  et  les  opérations  que  York  dirigea  contre  lui. 

'  Le  feld-maréchal  Bliicher  au  prince  de  Schwarzenberg,  Arsonval.  31  jan- 
vier 1814,  sept  heures  du  soir.  (K.  K.  Kriegg  Arrhit\,  I,  699.) 

'  Schwarzenberg  à  Bliicher,   Chaumont.  31  janvier.  (Ibid.,  I.  754.) 


—  44H  - 

wrs  le  soir  (mi  vue  do  Soulaines,  que  Marniont  orciipail  solidc- 
mcnl  et  où  l'Empereur,  comme  le  prouve  une  lettre  à  (llarke  en 
tlat(^  du  31  au  soir,  comptait  le  voir  rester.  Mais  bien  que  hililen. 
(|ui  n'avait  avec  lui  que  (juc^ques  troupes  léjç^res,  ne. fit  pas  niiiu» 
de  l'y  attaquer  et  se  fût  contenté  de  faire  obser\'er  Soulaines  jiar 
des  vedettes  et  des  avant-postes,  bien  que  ce  général  eût  bivoua- 
qué plus  en  arriére  avec  le  j^ros  de  sa  cavalerie  et  qu'une  faible 
avant-f^arde  du  V**  corps  eût  seule  poussé  jusque-lî\  le  maréchal 
Marmont  crut  devoir  évacuer  Soulaines  le  même  soir.  Il  se  porta 
en  conséquence  sur  Morvilliers  où  il  arriva  à  1  heure  du  matin, 
après  une  marche  des  plus  pénibles,  par  des  chemins  défoncés  et 
au  milieu  d'un  ourafçan  de  neip;e.  Otte  inconcevable  timidité  et 
ce  mouvement  rétrograde  que  rien  m'  motivait,  devaient  avoir  de 
graves  conséquences  le  lendemain.  L'évacuation  de  Soulaines 
permit  h  Wrède,  qui  eût  été  obligé  h  faire  un  long  détour  par 
Monlier-en-Der,  de  passer  avec  le  V**  corps  par  la  forêt  de  Sou- 
laines et  de  déboucher  sur  le  champ  de  bîitaille  (encore  à  temps 
pour  prendre  part  à  la  lutte  et  tomber  sur  l'aile  gauche  fran- 
eaise. 

Pahlen  avait,  du  reste,  établi  aussitôt,  par  Doulevant.  ses  com- 
munications avec  les  V«  et  VI®  corps,  dès  qu'il  sut  que  les  partis, 
envoyés  de  ce  coté,  n'avaient  rencontré  aucune  troupe  ennemie». 

Mouvement  de  la  cavalerie  dllowaisky.  —  Surprise  du 
général  van  Herlen  à  Hontier-en-Der.  —  Pendant  que  Pahlen 
se  portait  ainsi  sur  Soulaines  et  que  le  général  Seslavin,  appelé  à 
remplacer  Stscherbatotf  h  la  tête  de  son  corps  franc,  se  n»ndait 
avec  ses  quatre  régiments  de  cosaques  sur  la  rive  droite  de  la 
Voire,  Schvvarzenberg  était  informé  par  Witigenstein  qu'llo- 
waïsky  Xll  avait,  pendant  la  nuit  du  30  au  31,  tourné  Vassy, 
suivi  le  mouvement  des  Français  de  Vassy  sur  Montiez  en-Der 
et  était  entré  de  son  côté  à  Vassv*. 


*  St'ârke,  Eintheilung  nml  Tageshcgehonheiten  der  Haupt-Armoc  im  Monate 
Jaiiaar  (A'.  K,  Kripgn  Arrhiv.,  I,  30),  et  rapport  ci-après  (Ihid.,  ï,  702)  du 
général  comte  de  Wittgenstein  au  prince  de  Schwarzenberg  : 

«  Joinyille.  31  janvier  1814. 

'i  Le  général  Uowaïsky  XII  a,  sur  mon  ordre,  tourna  la  position  de  l'ennemi 
à  Vassy,  s'est  avanré  en  faisant  grand  bruit  et  l'a  for''é  à  se  retirer. 

«(  J'occupe  Vassy.  Le  général  Ilowaïsky  poursuit  l'ennemi. 

u  Le  général  York  occupe  Sainl-Dizier  et  se  dirige  sur  Vitry. 


—  444  — 

Witlgonslciii  devait,  conlbruiémont  à  ce  qui  avait  été  eonvomi 
la  veille  avec  Wrède,  se  trouver  le  31,  t^  9  heures  du  matin,  à 
Noniécourt,  d'où  les  V«  et  VI«  corps  réunis  se  seraient  port(^s  sur 
Vassy.  Nous  venons  de  voir  que,  grûce  h  la  pointe  poussée  par 
les  cosaques  d'Ilowaïsky  XII,  il  avait  été  possible  d'occuper  sans 
coup  férir  cette  ville  où  le  général  von  Kalzler  (du  corps  York) 
arriva  de  son  côté  entre  9  et  10  heures  du  matin,  et  d'où  il  lit 
partir  immédiatement  le  major  von  Schierstiidt  avec  quelques 
escadrons  de  cavalerie  destinés  ù  soutenir  les  cosaques  et  à 
prendre  partfi  la  poursuite  déjà  commencé(î  par  Ilowaisky.  A  peu 
près  à  la  même  heure,  Wrède,  qui  s'était  mis  en  route  à  o  heurc^s 
du  matin  avec  le  V^  corps,  arrivait  îi  Nomécourt  et  y  était  informé 
de  ce  qui  s'était  passé  du  côté  de  Vassy.  On  lui  faisait  savoir,  en 
outre,  qu'il  n'y  avait  plus  le  moindre  détachement  de  troupes 
françaises  au\  environs  de  Saint-Dizier.  Enfin,  le  prince  Eugène 
de  Wurtemberg  (tête  de  colonne  du  VI«  corps)  arrivait  à  Vassy 
avec  le  gros  de  ses  troupes  et  se  disposait  déjà  à  se  porter  avec 
son  infanterie  sur  Montier-en-Der,  lorsqu'il  reçut  de  Wittgen- 
stein  l'ordre  de  s'arrêter. 

Le  major  von  Schierstadt  avait,  entre  temps,  rejoint  les  cosaques 
d'ïlovvaïskv  XÏI  et  atteint  avec  eux  à  Montier-en-Der  l'arrière- 
garde  française  du  général  van  Merlen,  qu'ils  surprirent,  mirent 
en  complète  déroute  et  poursuivirent  vivement  jusqu'à  deux  lieues 
au  delà  de  celte  ville.  Le  général  van  Merlen.  grièvement  blessé, 
plusieurs  officiers  et  150  hommes  tombèrent  aux  mains  des 
<*osa((ues  qui  s'arrêtèrent  à  Boulancourt,  tandis  que  les  débris  de 
l'arrière-garde  française  se  retiraient  sur  Lesmont  et  Pougy  '. 


«  l/pnneini  semble  vouloir  se  conrentrer  pour  ronibaltre  entre  Vilrj'  et 
Troves. 

«  Mon  quartier  général  sera  aujourd'hui  encore  à  Vassy,  et  je  pousserai  de 
là  en  avant  avec  Bliicher  et  York. 

«  Je  suppose  que  je  dois,  jusqu'à  nouvel  ordre,  rester  relié  avec  le  général 
comte  Wrède,  et  je  combine  mes  mouvements  avec  lui. 

«  Macdonald.  avec  18,000  hommes,  marche  de  Xamur  vers  ChAlons.  11  ost 
encore  à  trois  jours  de  marche  de  ce  point  (a).  Il  serait  bon  dVntreprendre 
quelque  chose  avant  son  arrive^.  Je  m'entendrai,  à  ce  propos,  avec  le  général 
York.  Un  ofticier  du  général  Kleist  m'annonce  qu'il  s(»ra  le  3  février  à  Saint- 
Mihiel.  » 

(a)  Wittgensl^ln  était  loin  dVtre  bien  renseigné,  puisqnc  Mardnnnid  arrivait  prérîs»»- 
nunt  le  31  janvier  à  Châlons-sur-Mame. 

'   Wittgenstein  à  Schwarzenberg,  Vassy.  31  janvier  et  l*'*"  février.  (A'.  K. 

Krieyx  Archir,,  l,  7H.  vi  II.  7.) 


—  445  - 

[I  paniil  impossible  de  trouver  une  explication  quelqiKî  peu 
plausible  aux  fautes  inconcevables  que  le  duc  de  Ra^use  ne  cessa 
de  commettre  dans  cette  journée  du  31.  Comme  le  lui  écrivait  le 
soir  même  le  major-js^énéral,  le  petit  corps  du  général  van  Merlen 
était  assez  fort  tant  qu'il  s'agissait  d'une  véritable  arrière-gard(^ 
marchant  à  2  kilomètres  de  la  queue  de  son  corps.  Mais  cette 
arrière-garde  était  évidemment  insuffisante,  dès  que  le  maréchal 
en  faisait  un  véritable  détachement,  d'autant  plus  insuffisante 
même  que  Marmont  se  savait  entouré  d'ennemis.  Le  maréchal 
avait,  d'ailleurs,  commis  encore  une  autre  faute.  Malgré  l'avis 
formel  de  l'Empereur  qui  avait  eu  le  soin  de  lui  mander  que,  la 
route  par  Monlier-en-Der  étant  très  mauvaise  et  presque  impra- 
ticable, le  parti  le  plus  sage  et  le  plus  sûr  était  de  prendre  la 
chaussée  de  Brienne,  Marmont  avait  cru  pouvoir  passer  outre. 
Ce  fut  pour  cela  qu'une  fois  rendu  à  Morvilliers,  il  s(î  vit  obligé 
d'avouer  qu'il  espérait  encore  pouvoir  y  réunir  son  artillerie.  Le 
maréchal  lui-même  ne  peut  expliquer  pourquoi,  arrivé  à  Sou- 
laines  à  4  heures,  il  a  cru  utile  de  faire  une  marche  de  nuit  sur 
Morvilliers. 

Voici,  d'ailleurs,  en  quels  termes  il  rend  compte  de  ce  mouve- 
ment :  «  Je  suis  arrivé  sur  Soulaines  à  4  heures.  L'ennemi  a 
montré  une  grande  quantité  de  cavalerie  sur  le  plateau  en  face 
de  Soulaines,  et  nous  avons  vu  distinctement  les  fumées  d'un 
camp  qu'on  dit  être  de  5,000  hommes  d'infanterie,  distant  de 
3/4  de  heue  de  Soulaines.  Nous  avons  canonné  l'ennemi  pour 
l'éloigner  et  il  nous  a  canonnés.  Il  occupait  la  route  avec  assez 
de  forces  pour  qu'il  fût  difficile  de  l'en  chasser. 

«  En  même  temps  une  tête  de  colonne  s'est  montrée  sur  la 
route  de  Doulevant  et  nous  a  canonnés,  tandis  que  la  colonne  de 
cosaques  qui  avait  tourné  Montier-en-Der,  s'est  placée  entre  mon 
arrière-garde  et  moi  et  s'est  montrée  sur  le  village  d'Anglus. 
Dans  cette  situation,  il  m'a  paru  urgent  de  hAter  la  marche  de 
l'artillerie  et  de  lui  faire  prendre  le  chemin  de  traverse  de  Mor- 
villiers sur  lequel,  à  cause  des  bois,  l'ennemi  ne  peut  avoir  d'ac- 
lion.  Par  suite,  les  troupes  sont  arrivées  ou  arrivent  ici,  et  Tarlil- 
lerie  qui  est  encore  derrière  m'aura  rejoint  avant  le  jour,  malgré 
les  mauvais  chemins.  » 

Heureusement  pour  la  réputation  de  Marmont,  cette  défaillance 
n'était  que  momentanée,  et  le  maréchal  devait,  36  heures  plus 


—  446  — 

lard,  uionlrer  dîiiis  le  brillant  conibal  qu'il  allait  livrer  sur  la 
Voire  à  Rosnay  contre  les  Bavarois  de  Wrèdc,  qu'il  n'avait  rien 
perdu  de  l'énergie  et  de  l'habileté  dont  il  avait  donné  t;inl  de 
l)reuves. 

Positions  du  VI*  corps.  —  Avant  d'aborder  des  sujets  plus 
importants,  et  pour  en  finir  avec  les  quelques  mouvements  que 
les  troupes  avancées  du  VI^  corps  exécutèrent  dans  le  reste  de  la 
journée,  il  nous  suffira  de  dire  que  vers  le  soir,  on  rappela  sur 
Vassy  la  brigade  d'infanterie  du  2«  corps  russe  qui  avait  dé[)assé 
cette  ville  et  que  l'on  dirigea  sur  Giffaumont  la  cavaleries  du  géné- 
ral Rûdinger  chargée  de  surveiller  le  terrain  entre  la  Voire  et  la 
Marne. 

York  de  son  coté,  pour  se  conformer  aux  ordres  qu'il  avait 
reçus,  s'était  résigné  à  rappeler  le  major  von  Schierstiidt  et  ;i 
faire  revenir  le  major  von  Gràvenitz,  des  hussards  de  Mecklem- 
bourg,  qui,  poursuivant  l'ennemi  depuis  la  veillé,  avait  ramassé 
au  delà  d'Éclaron  quelques  fourgons  de  munitions  et  quelques 
voitures  chargées  de  bagages  et  de  vivres. 

Wrède  prend  sur  lui  de  se  diriger  de  Nomécourt  vers 
Soulaines.  —  «  Arrivé  à  Nomécourt  à  9  heures  du  malin  (ainsi 
s'exprime  le  prince  de  La  Tour  et  Taxis  dans  son  Journal  *j, 
Wrède  y  apprend  que  l'avant-garde  du  VI®  corps  a  occupé  Vassy 
et  qu'il  n'y  a,  pour  ainsi  dire,  plus  de  troupes  ennemies  du  cote 
de  Sainl-Dizier.  »  On  savait  donc  désormais  que  Napoléon  allait 
contre  Bliicher  avec  le  gros  de  ses  forces  et  l'on  en  conclut  que 
pour  aider  le  feld-maréchal,  le  mieux  consistait  pour  le  V«  corps 
à  marcher  dans  la  direction  même  suivie  par  les  Français. 

Wrède  aurait  voulu  décider  Wittgenstein  i\  opérer  de  concert 
avec  lui  ;  mais  ce  général  s'entètant  à  rester  ù  Vassy,  force  fut  à 
Wrède  de  se  s^'parer  du  VI«  corps  et  de  se  diriger  à  gauche  vei*s 
Dommartin-le-Saint-Père. 

L'avant-garde  bavaroise  découvre  l'ennemi  au  bivouac  *  près 
de  Soulaines  et  l'oblige  h  rentrer  dans  le  bois.  Wrède  s'installe  à 


*  Juunial  du  major  prince  de  La  Tour  et  Taxis  (maiiudcrit).  (A'.  A'.  Krie^fs 
Arehiv  ,  Xni.  ai.) 

*  11  s'uKÏt  là  des  Iruujics  de  .>]ariiiu(it. 


-  44?  - 

Douievaiil  ol  «  c'est  par  hasard  qu'il  apprend,  à  une  heure  asMv/ 
avancée  de  la  soirée,  par  sa  cîivalerie  qu'il  a  poussée  en  avant, 
qu'il  se  trouve  relié  et  (pi'il  communique  avec  le  IV«^  corps, 
prince  royal  de  Wurtemberg*.  » 

Le  récit  du  prince  de  Taxis  résume  parfaitement  la  situation. 
Mais  la  résolution  prise  par  Wrèdc  à  ce  moment  (îst  trop  grave 
et  elle  exerça  sur  les  événements  du  lendemain  une  trop  grande» 
influence  pour  qu'il  soit  |)Ossibl(î  de  se  contenter  de  ce  résumé, 
(juelque  clair  et  quelque  exact  qu'il  soit,  sans  examiner  la  situa- 
tion en  détail  à  l'aide  des  documents  officiels  qui  existent  aux 
Archives  impériales  et  royales  de  la  guerre  à  Vienne. 

Instruit  à  l'école  de  Napoléon  sous  les  ordres  duquel  il  avait 
combattu,  Wrède  avait  su  jirotiter  des  leçons  du  maît^^  Il  lu' 
craignait  pas  la  responsabilité  et  il  joignait  h  un  don  naturel,  W. 
coup  d'œil,  deux  qualités  rares  chez  les  généraux  alliés,  l'initia- 
tive et  la  décision.  Les  nouvelles  qu'il  avait  reçues  à  Noméc<»url 
avaient  suffi  pour  lui  prouver  que  Wiltgenslein  n'avait  plus 
besoin  de  lui,  qu'il  n'y  avait  plus  rien  à  faire  du  coté  de  Vassy 
pour  deux  corps  d'armée  soutenus,  en  outre,  par  celui  d'York.  II 
en  résulta  que,  alors  qu'au  quartier  général  on  le  croyait  toujours 
entre  Montier-en-Der  et  Vassy,  alors  qu'on  hésitait  sur  la  desti- 
nation qu'il  convenait  de  lui  donner,  alors  que  Schwarzenberg  se 
proposait,  dans  les  dispositions  qu'il  rédigea  dans  l'après-midi 
du  31  et  que  Wrède  n'avait  pas  encore  pu  recevoir,  de  le  faire 
venir  à  Montier-en-Der,  le  général  bavarois  s'était  déjà  porté  par 
le  chemin  le  plus  court  vers  l'aile  gauche  française.  Arrivé  à 
Doulevant,  il  écrivit  le  31  dans  l'après-midi  à  Schwarzenberg  la 
lettre  curieuse  que  l'on  va  lire  *  : 

Lettre  de  Wrède  à  Schwarzenberg.  —  «  Le  général  comte 
Wittgenslein  m'a  fait  savoir  aujourd'hui  seulement  à  mon  arrivée 
à  Nomécourt,  qu'il  avait  pris  Vassy  pendant  la  nuit. 

«  Il  n'a  donc  plus  besoin  de  moi. 

«  Je  me  suis  par  suite  décidé  h  changer  la  direction  que  j'avais 
assignée  î\  toutes  mes  colonnes,  et  c'est  ainsi  que  le  général  de 


*  Tagebucli  des  Majurs  Fiirsten  Taxis.  (A'.  K.  Kriegg  Archiv. ,  Xili,  32.) 
-  Le  gciK'rnl  de  cavalerie  comte  Wrède  au  prince  de  Si*!i\NarzeuJ)crg,  Douio- 
\aiit,  31  janvier.  {ibUl.,  I,  7<J9.) 


-  448  - 

caviiloric  baron  Kriiiionl  est  avec  le  gros  de  son  corps  à  Doniniar- 
lin-le-Franc  et  i)oniniartiii-le-Saint-Père,  le  feldniaréchal  lieute- 
nant comte  Antoine  Hardegg  avec  l'avant-garde  de  Frinioiit  à 
Soninievoire,  d'où  il  a  envoyé  de  gros  partis  dans  la  direction  de 
Montier-en-Der.  Le  général  de  division  de  Lamotle  a  une  de  ses 
brigades  à  Blumerey  et  l'autre  à  Nully  :  son  avant-garde  est  h 
Treniilly  poussant  vers  Soulaines,  el  pour  couvrir  sa  gauche  il  a, 
en  outre,  fait  occuper  Thil.  Le  général  de  division  comte  Kechberg 
apj)uie  la  droite  de  sa  division  à  Doulevant  où  j*ai  mis  mon  quar- 
tier général  ;  sa  gauche  est  à  Beurville  d'où  il  se  reliera  avec 
l'aile  droite  du  IV»  corps. 

«  L'ennemi  qui  était  hier  ici,  s'est  porté  par  Blumerey,  Nully 
el  Soulaines  vers  Brienne  où  mène  une  excellente  route  très  pra- 
ticable pour  rarlillerie.  L'artillerie  peut  également  suivre  de 
Vassy  par  Voille-le-Comte  une  bonne  roule  qui  conduit  à 
Monlier-en-Der. 

«  Je  crois  que  si  Votre  Altesse  est  décidée  à  attaquer  l'ennemi 
à  Brienne,  je  devrai  marcher  par  Blumerey  et  Soulaines,  et  le 
(!omte  Wittgenstein,  de  Vassy  à  Montier-en-Der.  Tous  deux  nous 
aurons  à  accélérer  notre  marche.  Quant  au  feld-maréchal  Blù- 
cher,  il  ferait  bien  d'attendre  pour  pousser  en  avant  de  Dienville, 
(|ue  je  sois  arrivé  aux  environs  de  Dienville,  tandis  que  le  comtcî 
Wittgenstein  hûlerail  son  mouvement  de  façon  îi  atteindre  au 
môme  moin(int  Maizières.  Si  le  général  York  est  arrivé  aujour- 
d'hui jusque  vers  Vassy,  il  sera  à  même  d'inquiéter  sérieusement, 
par  Huiron,  Corbeil  (ît  Donnement,  la  retraite  de  l'ennemi,  bien 
(|u*il  ne  lui  soit,  en  aucun  cas,  possible  d'amener  sur  ce  point 
autre  chose  que  son  avant-garde. 

«  Si,  comme  cela  me  paraît  fort  probable,  reiuiemi  passe 
l'Aube  à  Brienne  ou  à  Lesmont  pour  se  diriger  sur  Troyes,  York 
pourrait,  conmie  le  feldzeugmeister  Colloredo  doit  vraisembla- 
blement être  du  coté  de  Vendeuvre,  marcher  sur  Arcis,  pendant 
que  les  autres  colonnes  de  l'aile  droite  suivraient  l'ennemi. 

«  Sans  nous  exposer  à  mourir  de  faim,  il  nous  est  impossible 
de  demeurer  sur  nos  positions  actuelles.  Je  pense  donc  que  nous 
devons  chercher  à  gagner  du  terrain  le  plus  vite  possible  el  j'at- 
tends avec  impatience  les  décisions  de  Votre  Altesse. 

«  Si.  ce  qui  est  admissible,  l'ennemi  s'est  borné  hier  à  esquis- 
ser nn(»  sim|)le  démonslration  devant  le  feld-maréchal  Blùcher  el 


—  449  - 

s*il  a  fuit  Jiler  son  gros  par  Lesmonl  sur  Troyes,  il  ne  nous  res- 
tera qu'à  accélérer  plus  encore  noire  mouvement.  » 

Quelques  heures  plus  tard,  pendant  le  temps  qui  s'écoula  entre 
le  départ  de  la  réponse  de  Schwarzenberg  (»t  son  arrivée  au  quar- 
tier général  du  V«  corps  à  Doulevant,  Wrède  plus  convaincu  que 
jamais  de  la  gravité  de  la  situation  et  de  l'urgence  de  faire  mar- 
cher ses  troupes  dans  une  direction  qui  leur  permît  dtî  prendre 
part  à  la  lutte  prochaine,  avait,  à  l'annonce  de  l'évacuation  de 
Soulaines  dans  la  soirée  du  31,  adrejssé  à  Schwar/enberg  une 
deuxième  dépêche  dans  laquelle  il  lui  faisait  savoir  '<  qu'il  se 
porterait  droit  sur  Brienne  pour  attaquer  l'ennemi  partout  où  il 
le  rencontrerait.  » 

Réponse  et  nouveaux  ordres  de  Schwarzenberg.  —  Schwar- 
zenberg  répondit  h  la  première  des  deux  dépêches  de  Wrède 
avec  une  promptitude  d'autant  plus  importante  à  signaler  qu'elle 
constitue  une  exception  h  ses  procédés  ordinaires. 

Celte  réponse  qui  dut  être  expédiée  de  Chaumont  dans  la  soirée 
du  31,  puisque  mention  y  est  faite  des  renseignements  envoyés 
par  Blucher  d'Arsonval  dans  la  matinée,  était  conçue  en  ces 
termes  : 

«  Quartier  général  de  Chaumont.  —  31  janvier  1814.  —  La 
dépèche  que  Votre  Excellence  m'a  adressée  de  Doulevant  en  date 
du  31  de  ce  mois,  m'a  causé  une  joie  d'autant  plus  vive  (jue  vous 
avez  précisément  devancé  mes  désirs*. 

((  Le  feld-maréchal  Blucher  m'a  annoncé  ce  matin  h  10  heures 
que  l'ennemi  se  portait  contre  lui.  Je  reçois  en  cet  instant  la  nou- 
velle qui,  sans  être  officielle,  paraît  cependant  digne  de  foi, 
d'après  laquelle  ce  mouvement  n'aurait  été  qu'une  simple  rcîcon- 
naissance  à  la  suite  de  laquelle  l'ennemi  s'est  replié.  Je  vous 
répèle  toutefois  que  le  renseignement  en  question  n'est  pas  tout 
à  fait  officiel.  Je  maintiens  donc  pour  celle  raison  la  destination 
que  je  vous  ai  donnée,  avec  celte  différence  néanmoins  (jue  vous 
prendrez,  en  quittant  vos  positions  actuelles,  la  route  directe  de 
Brienne  par  Blumerey  et  Soulaines  et  que  vous  vous  bornerez  fi 
envoyer  une  colonne  peu  considérable  par  Montier-en-Der,  vu 


i  Le  généralissime  oublie,  évidemment  avec  intention,  que  les  ordres  qu'il 
avait  lancés  quelques  heures  auparavant,  envoyaient  Wrède  à  Montier-^n-Der. 

Well.  î29 


—  450  — 

que  le  général  Wittgenstein  ne  peut  prendre  ce  chemin.  Ce  géné- 
ral continue,  en  eflel,  à  être  désigné  pour  opérer  contnî  Vitry  dt» 
concert  avec  le  général  York,  avec  lequel  il  se  rejoindra  à  Saint- 
Dizier. 

«  J'invite  Votre  Excellence  à  me  faire  savoir  demain  à  Bar-sur- 
Aube  si  et  h  quelle  heure  vos  troupes  pourront,  sans  leur  impo- 
ser pour  cela  trop  de  fatigues,  arriver  ii  Brienne.  » 

De  ce  qui  préctîde,  il  résulte  donc  bien  clairement  que  c*est  à 
Wrède  seul  qu'il  convient  d'attribuer  le  mérite  d'un  mouvement 
qui  devait  avoir  de  si  précieux  effets  pour  les  Alliés.  On  se  borna 
au  quartier  général  h  accepter  l(i  fait  accompli  et  à  im  tirer  parti, 
sans  même  juger  convenable,  dans  la  dépêche  qui?  nous  venons 
de  transcrire,  d'indiquer  au  général  commandant  le  V*  corps,  ci» 
qui  était  cependant  essentiel,  ce  qu'il  allait  avoir  à  sa  gauche 
et  de  lui  faire  connaître  la  direction  donnée  h  son  voisin,  le 
IV®  corps. 

Mouvement  d'York  vers  Vitry.  —  Nous  avons  vu  la  cavale- 
rie d'avant-garde  du  !<*"■  corps  arriver  avec  le  général  Kalzlei'  à 
Vassy  dès  le  malin  du  31.  Jusqu'à  midi  York  attendit  en  vain  un 
ordre  qui,  sans  danger,  vu  la  distance  encore  considérabh?  à 
laquelle  se  trouvaient  les  troupes  de  Macdonald,  lui  aurait  enjoint 
de  pousser  droit  en  avant  de  Yassy  et  de  iMontier-en-Der,  que 
ses  coureurs  avaient  déjà  dépassé  en  compagnie  des  cosaques 
d'ilowaïsky  XII.  Vers  2  heures  de  l'après-midi,  n'ayant  reçu 
aucune  instruction,  ni  de  Bliicher,  ni  de  Schwarzenberg,  York, 
ne  pouvant  faire  autrement  qu(î  dcî  se  conformer  aux  dispositions 
qu'il  avait  en  main,  rappela  la  cavalerie»  qu'il  avait  poussée  sur 
la  route  de  Brienne.  Il  prescrivit  en  même  temps  '  à  Pirch  II  de 


i  «  Le  général-lieutenant  von  York  au  prince  de  Schwarzenberg  : 

«  Ecrienne.  2  février  1814»  il  lieures  du  soir. 

«  ...  D'après  les  ordres  du  feld- maréchal  Bliicher,  je  devais  marcher,  lo 
30  janvier,  sur  Saint-Dizier,  et,  le  31,  sur  Vitry.  Je  trouvai  à  Saint-Dizier 
Tarrière-garde  du  maréchal  Marinont.  sous  les  ordres  du  général  l^range.  Je 
l'attaquai,  la  chassai  de  Saint-Dizier,  lui  pris  un  canon  et  la  poursuivis,  piir 
Vassy,  jusqu'à  Montier-en-Der. 

«  Le  comte  Wittgenstein  arriva  avec  son  corps  à  Vassy,  le  31  au  soir,  et  je 
lui  laissai  dAs  lors  le  soin  de  continuer  la  poursuite  de  l'ennemi,  pour  me  con- 
former de  suite  aux  ordres  qui  m'enjoignaient  de  marcher  sur  Vitry. 

a  La  nouvelle  de  la  concentration  de  l'armée  alliée  à  Bar-sur-Aube  et  le  fait 


-^  481  - 

coïiiiiienrcM'  h;  jour  iiiônir  avec  le  colonel  Heiickel  t|in  chwail  lui 
servir  d 'avant-garde,  le  mouvement  sur  Vilry,  que  le  gros  du 
!•'  corps  devait  exécuter  le  lendemain,  afin  d'assurer  aux  Alliés 
la  possfîssion  d'une  place  forte,  de  priver  Macdonald  de  ses  com- 
munications directes  avec  l'armée  française  et  d'enlevïM*  à  TEm- 
pereur  un  point  d'appui  «  que,  disait-il  dans  sa  lettre  du  3!  jan- 
vier à  (îlarke,  il  est  pour  nous  de  la  plus  liante  importance  d'avoir 
(ît  de  conserver  *.  » 

L(»  31  janvi«»r,  à  9  heures  du  soir,  la  cavalerie  du  général 
Katzlcr  n'avait  pu,  toutefois,  arriver  que  jusqu'à  Humbécourl, 
Éclaron  et  Valcourt,  tandis  que  la  brigade  du  général  von  Pirch  H 
s'arrêtait  vers  7  heures  du  soir  îi  ïhiéhiemont,  couvertcî  en  avant 
par  le  corps  volant  du  colonel  comte?  Uenck(»l,  établi  à  Karemonl. 
L'inondation  |)roduite  par  la  crue  de  la  Saulx  et  le  mauvais  état 
des  chemins  avaient  empêché  cet  officier  de  se  porter  en  avant  de 
Sermaize  par  les  routes  qui  longent  la  Saulx  et  l'avaient  con- 
traint h  se  servir  de  la  chaussée  de  Vitry.  Les  quelques  |)artis 
qu'il  avait  poussés  en  avant  de  Vauclerc,  avaient  donné  de  ce 
côté  sur  quelques  compagnies  d'infanterie  et  quelques  escadrons 
qui  s'étaient  presque  aussitôt  repliés  sur  Vitry,  dont  on  évaluait, 
à  ce  moment,  la  garnison  h  1500  hommes  environ  et  dont  les 
remparts  n'étaient  encore  armés  que  de  quelques  pièces. 

Henckel  avait  laissé  au  Buisson  un  escadron  chargé  de  sur- 
veiller les  passages  de  TOrnain,  près  d(;  Vilry-le-Bri\lé  *. 

Enfin,  un  petit  détachement  sous  les  ordres  du  major  von 
Kracht,  couvrait  la  gauche  de  la  brigade  Pirch,  du  côté  de  la 
Marne,  à  Norrois. 

Les  nouvelles,  qu'York  recevait  depuis  quelques  jours  des 
patrouilles  envoyées  du  côté  de  Chillons  et  vers  TArgonne,  lui 
avaient  signalé  Thostilitc  de  plus  en  plus  vive  des  populations.  H 


quV'lle  se  prëparuit  à  donner  à  rennemi  une  grande  bataille,  me  firent  penser 
que  mon  devoir  consistait  à  me  rapprocher  de  ce  point  avec  mon  corps.  Je 
dirigeai  donc  sur  Vitry  aae  brigade  de  mon  corps  ;  cette  brigade  prit  la  route 
de  Vitry  le  34,  et  je  me  disposais  à  suivre  le  comte  Wittgenstein  pour  aUer 
par  Vassy  à  Brienne,  lorsque  je  reçus  de  Votre  Altesse  Tordre  d'attaquer  Vitry 
avec  le  concours  du  Vl°  corps  (général  comte  Wittgenstein).  (A'.  A'.  Kriega 
Archir.,  W,  29.) 

1  Corregpondance  lU'  Napoléon,  n°  21102. 

^  lIiSNGKfiL.  Erinnerunifcn  mu  nieinein  LeOeu. 


—  452  — 

avait  j)ar  suite  lancé  de  Saiiit-Dizier  une  proclamation  *  dans 
laquelle  il  menaçait  des  peines  les  plus  sévères  quiconque  sérail 
pris  les  armes  à  la  main,  et  prescrivait  à  ses  officiers  de  redoubler 
de  précaution  et  d'ôtre  d'autant  plus  vigilants  qu'il  avait,  à  ce 
moment  déjà,  connaissance  de  la  marche  de  Macdonald  et  de 
Tarrivée  imminente  du  maréchal  à  Châlons. 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  la  division  Brayer,  du  corps  de 
Macdonald,  avait,  en  débouchant  de  Sedan,  donné  près  de  Mou- 
zon  contre  la  cavalerie  du  général  Jussefovitch  qui  précédait,  de 
fort  loin  il  est  vrai,  le  corps  du  général  comte  de  Saint-Priest  en 
nuirche  vers  les  Ardennes  et  les  places  de  la  Moselle.  Le  général 
Brayer,  à  la  suite  de  cette  rencontre,  crut  devoir  se  rejeter  à 
droite,  sur  Launoy-sur-Vence,  et  de  là  sur  Rethel.  Macdonald  lui 
envoya  l'ordre  de  se  porter  par  Vouziers  et  Autry  sur  Sainle- 
Menehould  où  cette  division  devait  être  rendue  le  30  et  occuper 
l(i  poste  des  Isletles.  Le  général  Molilor  allait  suivre  le  même  iti- 
néraire un  peu  plus  tard.  Enfin,  Sébastian!  et  le  duc  de  Padouc 
recevaient,  le  29  au  matin.  Tordre  d'arriver  à  Sainte-Menehould 
le  31  au  plus  tard. 

Quelques  heures  plus  tard,  dans  la  journée  du  29,  le  duc  de 
Tarente  modifia  ses  ordres,  après  avoir  reçu  à  Rethel,  à  3  heures 
de  l'après-midi,  la  dépêche  du  major-général  partie  de  Saint- 


•   «<  Le  général  York  aux  Français  : 

«<  C'est  avec  bien  du  regret  que  je  viens  d'apprendre  ia  mauvaise  conduite  de 
quelques  paysans  dans  le  voisinage  de  la  ville  de  Saint-Dizier,  qui,  excités  par 
de  perfides  conseils,  se  sont  avisés  de  faire  feu  sur  mes  troupes.  La  nation 
française  connaît  trop  bien  les  principes  de  Tbonneur  et  de  la  probité  pour  ne 
pas  èlre  indignée  d'une  semblable  trahison,  qui  ferait  souffrir  finnocent  avec 
le  (coupable.  Je  veux  pardonner  pour  cette  fois  à  des  gens  égarés,  mais  je  pré- 
viens les  habitants  de  toutes  les  villes  ou  villages  où  l'on  commettra  de  sem- 
blables excès  quMls  seront  forcés  de  me  livrer  les  coupables  et  leurs  instigateurs, 
sous  peine  de  voir  incendier  leurs  habitations,  d'après  les  ordres  reçus  du  gé- 
néral  en  chef,  le  prince  de  Schwarzenberg. 

«  Je  préviens  également  que  tout  homme  qui  sera  pris  les  armes  à  la  main 
sans  uniforme  ou  sans  être  enrégimenté,  sera  jugé  et  puni  comme  brigand. 

u  J'ai  donné  des  ordres  très  sévères  pour  le  maintien  du  bon  ordre  et  de  la 
discipline,  et  j'invite  tous  les  habitants  à  rentrer  avec  confiance  dans  leurs 
niaison*i.  Ils  peuvent  être  persuadés  que  leurs  personnes  et  leurs  propriétés 
sei*unt  respeclées,  promettant  de  rendre  justice  à  tous  ceux  qui  me  porteront 
des  plaintes  fondées. 

«  A  Saiut-Dizier,  le  3i  janvier  i8ii.  » 


-  4S3  - 

Dizi^r,  \o  28  h  9  houros  du  matin*,  ol  proscrivit  h  sos  différonles 
colonnes,  à  l'exception  de  celles  de  Sébastiani  et  du  duc  de  Pa- 
doue,  qui  ne  pouvaient  arriver  que  le  i»"  février,  d'être  rendues 
à  Chî\lons-sur-Marne  le  31  janvier,  en  prenant  de  Vouziers  par 
Suippes.  Il  n'en  est  |)as  moins  permis  de  se  demander  pourquoi, 
au  lieu  de  perdre  trois  jours  apr^s  l'escarmouche  de  Mouzon,  lo 
duc  de  Tarenle  ne  chercha  pas  à  forcer  le  passage  h  Mouzon,  h 
chasser  devant  lui  la  cavalerie  russe,  et  ne  profita  pas  de  ce 
temps  d'arrôt  pour  concentrer  sa  petite  armée  que  rien  ne  l'obli- 
geait à  faire  marcher  par  échelons. 

Il  semble,  du  reste,  que  la  discipline  s'était  relâchée  d'une  ma- 
nière déplorable  pendant  les  marches  continuelles  que  les  troupes 
de  Macdonald  exécutaient  depuis  un  mois.  Les  plaintes  que  le 
vieux  maréchal  Kellermann  *  adressait  au  sujet  du  pillage  d'un 
convoi,  donnent  une  idée  assez  triste  de  l'état  dans  lequel  se  trou- 
vait cette  petite  armée. 

Arrivé  le  31  à  Châlons,  comme  il  l'avait  annoncé  au  major- 
général,  après  avoir  passé  de  sa  personne  par  Reims,  Macdonald 
poussa  aussitôt  la  cavalerie  d'Exelmans  sur  les  routes  de  Vitry, 
de  Bar-le-Duc  et  de  Sainte-Menehonld  jusqu'il  Saint-Germain-Ia- 


i  Major-général  à  Macdonald  :  «  Saint-Dizier,  28  janvier,  9  lieares  du  ma- 
tin (reçu  le  29/1  à  Rethel).  —  L'Empereur,  ayant  appris  que  Bluchcr,  avec 
25,000  hommes,  était  sur  Brienne,  est  parti  aujourd'hui  28  de  Saint-Dizier 
pour  l'attaquer.  U  est  à  désirer  que  vous  vous  concentriez  le  plus  tôt  possible 
à  Châlons,  et,  aussitôt  votre  arrivée  à  Chàlons,  envoyez  des  partis  sur  Arcis 
et  Brienne,  afin  de  balayer  le  pays,  pouvoir  communiquer  et  recevoir  des 
ordres,  suivant  les  circonstances.  »  (Registres  de  Berthier.) 

'  Duc  de  Valmy  au  major-général  :  «<  Châlons,  29  janvier.  —  Un  convoi 
considérable  de  vin,  eau  «de-vie,  chemises,  draps,  charpie,  pansements,  toile  et 
sac^  envoyé  de  Mézières  à  Charlemont,  a  été  enlevé  et  pillé  par  les  troupes  du 
duc  de  Tarente  :  les  pièces  de  vin  et  d'eau-dc-vie  percées  à  coups  de  fusil,  les 
voitures  brisées,  les  paysans  maltraités.  C'est  une  perte  irréparable,  tant  par 
sa  valeur  que  par  sa  nature  et  l'impossibilité  de  la  remplacer.  Les  troupes  do 
ce  corps  se  conduisent  abominablement,  et  les  malheureux  habitants  n'ont  pas 
à  craindre  de  plus  mauvais  traitements  de  la  part  de  l'ennemi.  Les  voitures 
sont  enlevées  de  force,  ainsi  que  les  chevaux  ;  les  voittiriers  sont  obligée  de 
marcher  quarante  à  cinquante  lieues  sans  être  relevés,  sans  autre  salaire  que 
des  injures  et  des  coups.  Tout  transport  pour  la  nourriture  même  de  l'armée  va 
devenir  impossible^  et  le  peu  d'esprit  public  qui  reste  va  s'aliéner  par  de  sem- 
blables excès,  et  disparaître.  )> 

Dans  un  autre  rapport,  Kellermann  demande,  puisque  Macdonald  vient  à 
Châlons,  a  être  envoyé  ailleurs;  il  est  plus  ancien  maréchal  que  lui,  ne  peut 
servir  sous  ses  ordres  et  n'a,  par  suite,  plus  rien  a  faire  à  Cliâlons« 


-  484  — 

Ville,  V(^sigiieul-sur-Mîirn(;,  Marson  ol  Nolre-DHnHvdo-rfipinc, 
pour  (éclairer  toute  celte  partie  do  la  rive  droite  de  la  Marne.  Il 
laissait  momontan('imeiit  les  généraux  Molitor  et  Brayer  dans  les 
cantonnements  que  leurs  divisions  venaient  d'occuper. 

Ces  mouvements  de  cavalerie  étaient,  du  reste,  d'autant  plus 
nécessaires  que  l'Empereur  commençait  fi  avoir  des  craintes 
sérieuses  pour  Vitry  et  qu'il  avait,  de  Brienne,  le  31  janvier,  a 
8  heures  du  matin,  chargé  le  major-général  de  ))rescrire  au  ma- 
réchal de  marcher  au  secours  de  Vitry,  si  cela  était  nécessaire. 

Position  des  III**  et  IV^'  corps  et  de  Barclay.  —  Mouve- 
ment de  CoUoredo  sur  Bar-sur-Seine.  —  Pondant  toute  la  ma- 
tinée du  31,  les  III«  et  IV»  corps  étaient  restés  presque  immobiles. 
Les  Wurtembergeois  continuaient  h  occuper,  en  arrière  de  la 
droite  de  Sacken,  Maisons  et  Fresnay.  Gyulay  s'était  rapproché 
de  la  gauche  de  Bliicher,  en  quittant  Bar-sur-Aube  pour  venir  h 
Arsonval  et  Bossancourt,  tandis  que  Barclay  de  Tolly  transférait 
son  quartier  général  de  Chaumont  à  Colombey-les-Deux-Églis(»s 
et  que  les  réserves  et  les  gardes  russes  et  prussiennes,  placées  sous 
ses  ordres  immédiats,  se  massaient  entre  Colombey  et  Bar-sur- 
Aube,  où  les  2®  et  3«  divisions  de  cuirassiers  arrivaient  encore  dans 
le  courant  de  la  journée. 

A  gauche,  Golloredo  avait  laissé  la  2«  division  légère  (prince 
Maurice  Liechtenstein)  à  Fouchères,  la  divifJon  du  comte  Ignace 
Hardegg  à  Chaource,  et  était  arrivé,  avec  une  partie  de  sa  co- 
lonne h  Bar-sur-Seine.  Ses  grenadiers  occupaient  Ville-sur-Arce 
et  Buxières.  Bianchi  était  un  peu  plus  en  arrière  à  Polisy,  Neu- 
ville-sur-Seine et  Courteron;  mais  Xostitz  avec  ses  cuirassiers 
n'était  encore  qu'aux  Riceys.  Le  feldzeugmeister  occupait  ces 
différents  points  lorsqu'il  reçut  le  deuxième  ordre  du  31,  par 
lequel  Schwarzenberg  lui  prescrivait  «  de  se  porter  immédiate- 
ment sur  Vendeuvre,  afin  de  pouvoir  de  Ifi,  agir  contre  la  droite 
de  l'ennemi.  » 

Thnrn  donne  avis  du  départ  de  Mortier  de  Troyes  pour 
Arcis.  --  Attaques  infructueuses  de  Platoff  sur  Sens.  — 

Krifin,  avant  d'(»\anïiner  les  dispositions  que  Schwai7,enberg  allait 
prendre  en  vue  de  la  bataille  du  lendemain,  il  nous  reste  h  parler 
du  lieutenant-(*olonel  Thnrn .  qui  opérait  à  gauche  de  Golloredo. 


-  455  — 

Le  li<nitenanl-coloiiol,  se  dirigeant  à  ce  niomout  vers  Sens,  taisait 
savoir  de  Saint-Phal  le  31,  h  7  heures  du  soir,  que  Mortier  avait 
(|uitté  Troyes  *  le  30  avec  la  fçarde  impériale,  que  le  maréchal 
avait  pris  la  route  d'Arcis-sur-Aube  et  n'avait  laissé  à  Troyes  que 
quelqu(»s  troupes  (l'infanterie,  cpielques  escadrons  de  la  garde  et 
21  canons*. 

PlalotV  avait  renouvelé  sans  plus  de  succès  que  la  veille  si's 
attaques  contre  Sens.  Il  avait  éjçalement  fait  le  31  une  démon- 
stration infructueuse  contre  Pont-sur- Yonne.  Ses  counnirs  avant 
poussé  jusqu'à  Scîrgines,  sur  la  route  de  Sens  à  Hray,  Pajol. 
craignant  de  voir  les  cosaques  se  jeter  entre  Nantis  et  Provins, 
avait  ordonné  au  général  du  (]octlosquet  de  venir,  de  Montereau, 
rejoindre  le  général  Montbrun  h  Pont-sur-Yonne  h»  l»»"  févri(»r, 
de  manière  à  soutenir  Sens  (»t  i\  couvrir  les  communications  d(» 
Pont-sur-Yonne  ?i  Brav. 


*  Thurn  ne  pouvait  pas  savoir  à  co  moment  que  le  maréolial  Mortier  ôtail 
on  route  d'Arris-sur-Aube  à  Troyes,  où  il  allait  rentrer  avec  tout  son  monde, 
le  31  au  soir.  Mortier  se  proposait  alors,  —  sa  dép/K:lie  de  Troyes,  du  31,  au 
major  général  en  fait  foi.  —  de  pousser  le  lendemain  des  redonna isitaucss.  d'un 
rôU*  sur  (ihaource,  de  l'autre  sur  Vendeuvre.  Il  comptait  se  porter,  ave<!  le 
jçros  de  ses  forces,  sur  ce  dernier  point,  si  l'Empereur  entreprenait  un  mouve- 
ment sur  Bar-sur-Aube. 

'  Thurn  à  Schwarzenberg,  Saint-Phal,  31  janvier.  7  heures  du  soir.  (AT.  K, 
KriegM  Archiv.,  I,  705.) 

S'il  restait  un  doute  sur  l'ignorance  dans  laquelle  Mortier  demeura  du  28  an 
30  et  sur  l'importance  qu'eut  la  prise  du  colonel  Bénardi  dont  nous  avons 
parlé  en  détail  plus  haut,  il  suffira  de  prendre  connaissance  de  la  dép(V:he  que 
le  duc  de  Trévise  adressait  au  major-général.  d'Arcis-sur-Aube.  le  31  janvier 
à  dix  heures  du  matin  : 

u  Monseigneur,  j  ai  Thonneur  de  vous  adresser  le  duplicata  de  la  lettre  que 
je  vous  écrivis  hier  soir.  N'ayant  reçu  de  Votre  Altesse  Sérénissime  aucunes 
nouvelles,  je  me  trouve  extrémemeni  emliarrassé. 

«  Si,  comme  on  l'assure,  l'Empereur  marche  sur  Bar-sur-Aube,  il  me  semble 
indispensable  que  je  me  porte  sur  Vendeuvre.  Votre  Altesse  peut  juger  combien, 
dans  cette  incertitude,  ma  position  doit  être  embarrassante,  et  je  la  prie  de 
vouloir  bien  me  faire  passer  des  instructions  sur  la  marche  que  je  dois  tenir. 

M  P.  S.  —  Il  est  probable  que  mes  dépèches  à  Votre  Altesse  et  celles  que 
Votre  Altesse  me  fit  Thonneur  de  m'adresser  ont  été  interceptées  :  il  n'est  pas 
à  présumer  que,  sans  cette  circonstance,  je  me  trouverais  sans  ordres.  «  (Ar- 
chivée de  la  guerre.  ) 

11  est  bon  de  faire  remarquer  que  Mortier  ne  connut  vaguement  les  projets 
de  l'Empereur  que  par  une  lettre  que  Bordesoullc  lui  écrivit,  le  29  au  soir, 
d'Arcis-sur-Aul)e.  (Voir  ArrhireM  de  la  guerre.  Lettre  de  BordesouUe  au  major- 
gén^tral.) 


—  456  — 

Disposition  générale  de  Schwarzenberg  pour  le  1^^  f^. 
vrier.  —  Le  31  janvier,  Schwarzenberg,  ayant  arr^^té  ses  dispo- 
sitions pour  la  journée  du  lendemain,  avait  envoyé  vers  le  soir,  à 
ses  lieutenants  des  ordres  qui  présentent  plus  d'une  particu- 
larité : 

«  Disposition  générale  pour  le  \^^  février  1814. 

«  Son  Excellence  le  feld-maréchal  Blûclier  marchera  sur 
Brienne  et  attaquera  ce  point,  d'après  les  dispositions  qu  il  jugera 
convenable  de  prendre,  de  concert  avec  les  III®  et  IV®  corps  de 
la  grande  armée,  placés  sous  ses  ordres  pour  la  journée  du 
l^r  février. 

«  Les  grenadiers  et  les  cuirassiers  russes  occuperont  dès  le 
matin  les  positions  actuelles  du  feld-maréchal  h  Trannes. 

«  Une  division  de  la  garde  russe  s'établira  en  avant  de  Bar- 
sur-Aube,  h  Ailleville;  le  reste  de  cette  garde,  h  Fresnay,  afin  de 
pouvoir  do  là  se  porter,  soit  sur  Brienne,  pour  appuyer  le  feld- 
maréchal,  soit  sur  Montier-en-Dor,  pour  soutenir  les  V«  et 
.  VI*  corps. 

«  Le  V«  corps  marchera  sur  Montier-en-Der;  le  VI®  sur  Saint- 
Dizier  d'où  ce  dernier  corps  devra,  en  tenant  compte  des  événe- 
ments, manœuvrer  de  concert  avec  le  général-lieutenant  von 
York  contre  Vitry. 

«  Le  pf  corps  occupe  Vendeuvre  et  enverra  des  reconnais- 
sances dans  la  direction  de  Troyes. 

«  Tous  les  rapports  devront  m'être  adressés  demain  h  Bar-sur- 
Aube  et,  dans  le  cas  où  j(î  n'y  serais  pas  encore  arrivé,  à  Colom- 
bey  où  sera  mon  quartier  général. 

«  Le  feld-maréchal  Blùcher  est  invité  à  m'v  envover  de  ses 
nouvelles. 

«  Si  l'attaque  contre  Brienne  réussit,  larmée  du  feld-maréchal 
ron  Blilcher  se  dirigera  vers  Vitry.  Le  IV®  corps  occupera 
Brienne,  et  le  III®,  Dienville. 

«  Au  quartier  général  de  Chaumont.  31  janvier  1814.  » 

Nous  ne  reviendrons  pas  ici  sur  la  destination  primitive  don- 
née, comme  on  le  voit,  au  V®  corps  et  nous  nous  contenterons  de 
rappeler  que  Schwarzenberg  se  rendant  aux  observations  di» 
Wrède.  l'autorisa  par  un  second  ordre  à  se  porter,  par  Soul«iint»s. 
conln»  la  gauche  dis  Fn^nçais.  Mais  il  nous  jiaraît  impossible  de 


—  457  — 

ne  pas  rolnver  corlainos  anomalies  qui  doivent  frapper  tous  ceux 
qui  liront  quelque  peu  attentivement  cet  ordre. 

C'est  ainsi  que,  si  les  corps  du  prince  royal  de  Wurtemberg  et 
de  Gyulay  sont  mis  îi  la  disposition  de  Blucher,  auquel  Scliwar- 
zenberg  abandonne  en  somme  complètement  la  direction  d(»s 
opérations  pendant  la  journ^^e  du  lendemain,  les  grenadiers  et 
les  cuirassiers  russes,  qu'on  envoie  le  relever  à  Trannes  et  qui 
constituent  par  suite  ses  soutiens  immédiats  et  ses  réserves, 
semblent  rester  sous  les  ordres  de  Barclay  de  ToUy. 

On  doit  également  s'étonner  de  voir  Schwarzenberg  placer  une 
division  de  la  garde  russe  îi  Ailleville,  d'où  elle  est  hors  d'état  de 
pouvoir  soit  se  porter  en  avant  pour  soutenir  le  III®  corps  du 
côté  de  Dienville,  soit  remplacer  les  réser\'es  (grenadiers)  postées 
îi  Trannes  dans  le  cas  où  elles  viendraient  h  être  employées  par 
Blucher.  Mais  ce  qui  est  plus  surprenant  et  plus  caractéristique 
encore,  c'est,  qu'après  avoir  affecté  spécialement  et  exclusivement 
les  deux  corps  d'York  et  de  Wittgenstein  aux  opérations  contre 
Vitry,  alors  que  Schwarzenberg  savait  que  Macdonald  n'était  pas 
entré  en  ligne  et  que  ce  maréchal  ne  disposait  guère  de  plus  de 
10,000  hommes,  il  ait  jugé  à  propos  d'immobiliser  a  Fresnay 
deux  divisions  des  gardes  russes,  afin  de  pouvoir  les  porter  de  Ih 
soit  sur  Brienne,  soit  sur  Monlier-en-Der.  Enfin,  la  dernière  partie 
de  l'ordre  général,  celle  qui  dirige  après  la  bataille  Blucher  sur 
Vitrj ,  mérite  d'autant  plus  d'être  signalée  que  l'on  pourrait,  peut- 
élre  bien  sans  se  tromper,  y  découvrir  la  première  trace,  la  pre- 
mière manifestation  des  tendances  qui  amèneront  deux  jours  plus 
tard  la  séparation  des  deux  armées  alliées,  cette  séparation  si 
justement  critiquée,  mais  devenue  nécessaire  en  raison  même  des 
divergences  d'opinion  de  plus  en  plus  profondes  qui  séparent  les 
généraux  en  chef. 

Ordre  particulier  de  Barclay  aux  gardes  et  réserves.  — 

Après  avoir  fait  ressortir  la  bizarrerie  des  positions  attribuées 
aux  gardes  et  réserves,  il  faut  encore  ajouter  que  Barclay  de 
Tolly,  qui  conser\'ai!  même  pendant  la  journée  du  i**"  février  la 
direction  de  ses  troupes,  avait  jugé  îi  propos  de  modifier  l'ordre 
du  généralissime.  En  effet,  dans  l'ordre  particulier  qu'il  adressa 
de  Colombey-les-Deux-Églises,  le  31  au  soir,  à  ses  généraux,  il 
|)0slait  ÎI  Ailleville.  non  pas  une  seule  des  divisions  de  la  garde. 


—  458  — 

« 

mais  Ifts  deux  divisions,  avec  les  brigadtîs  d'infanterie  et  de  cava- 
lerie de  la  garde  prussienne  et  la  division  de  cavalerie  légère  de 
la  garde  russe,  et  leur  prescrivait  en  même  temps  d'être  rendues 
à  quatre  heures  de  l'après-midi  sur  la  position  de  Trannes. 

!•''  février.  —  Ordres  de  Blûcher.  —  Enfin,  et  bien  que 
l'ordre  de  Bliicher  soit  daté  de  Trannes  le  /«•'  février,  il  est  im- 
possible d'examiner  la  situation  générale  des  deux  armées  avant 
la  bataille  sans  se  rendre  préalablcniienl  compte  des  m(»sures 
prescrites  par  le  feld-maréchal  : 

«  A  midi,  le  corps  de  Sackon,  centre  de  l'armée  alliée,  se  por- 
tera en  deux  colonnes  contre  La  Rothière:  la  !•'«  colonne  (Liewen) 
par  la  route  qui  mène  de  Trannes  h  La  Rothière;  la  2«  (Stscher- 
batotf)  en  prenant  ù  droite  de  la  V^,  aussitôt  après  avoir  débou- 
ché de  la  position  et  en  passant  entre  Trannes  et  la  lisière  du 
bois  de  Beaulieu,  Le  général  ûlsufieff  suivra  la  2«  colonne  à 
laquelle  il  servira  de  soutien,  et  la  cavalerie  de  Wassiltchikofï 
dépassera  l'infanterie,  dès  qu'on  sera  arrivé  dans  la  plaine,  pour 
couvrir  et  faciliter  son  déploiement. 

«  Le  III«  corps  (Gyulay),  gauche  de  la  ligne  de  bataille  (de 
Blucher),  appuyera  le  mouvement  de  la  l^e  colonne  et  se  portera 
sur  DiiMivilIe.  Les  deux  divisions  de  grenadiers  russes  et  les  deux 
divisions  de  cuirassiers  (2«  et  3^  divisions)  s(î  posteront  en  réserve 
entre  le  village  et  les  hauteurs  boisées  de  Trannes.  Le  IV*  corps. 
princ(»  royal  de  Wurtemberg,  aile  droite»  (de  Hlucher),  quittera 
ft(;lance  à  midi,  laissant  à  sa  gauche  le  bois  d(^  Beaulieu.  en  débus- 
((uera  l'ennemi  qui  l'occupts  marchera  sur  Chaumesnil  et  cher- 
chera î'i  se  relier  à  droite»  avec  le  corps  de  Wrède  (extrême  droite 
du  front  de  combat).  » 

Blûcher  prévenait,  en  outre,  ses  généraux  qu'il  se  tiendrait  de 
sa  personne  sur  les  hauteurs  de  Trannes. 

Résumé  des  positions  des  Alliés.  —  Effectifs  des  armées 
alliées  et  de  Tarmèe  française.  —  Pour  résumer  la  situation 
du  côté  des  alliés,  Blûcher  *  a  ordre  de  se  porter  de  Trannes 
(contre  La  Rothière.  centre  des  positions  françaises.  On  lui  a  attri- 


*   Kurzgefasste  Darstellung  der  Kriegsereignisse  der  srhicsisrhen  Armw.  {K. 
K.  Kriegx  Archir.,  I,  31.) 


—  459  — 

biu'  à  ('(^l  (îtVet  les  I1I«  ot  IV*  corps.  Lo  premier  de  ees  deux 
corps  doit  couvrir  sa  gauche  du  côté  de  l'Aube  el  chasser  la 
droite  de  l'Empereur  de  Dicuiville;  le  IV*  corps  se  portera  h  droitt» 
sur  La  Giberie  pour  facililer  la  prise  d(^  La  Rolhi^re  et  permettre 
à  Wrède  d(>  dc^boucher  des  bois  de  Soulaines  *. 

L'effectif  total  des  troupes  alliées  sYlevait  par  consf^queiit  entre 
78.000  et  80,000  hommes  *  avec  200  bouches  à  fou,  savoir  :  l'ar- 
mée de  Silésie  27.000,  le  III*  corps  12,000,  le  IV«  14.000,  le  V** 
26,000,  soutenus  par  les  réserves  russes  el  prussiennes  qui  au- 
raient pu  amener  en  ligne  environ  34,000  hommes.  Mais  commet 
une  faible  partie  seulement  <les  réserves  el  des  gardes  (la  2«  divi- 
sion de  grenadiers)  prit  part  au  combat,  on  ne  saurait  être  taxé 
d'exagération  en  évaluant  à  85,000  hommes  l'effectif  total  des 
troupes  alliées  qui  donnèrent  à  La  Rothière. 

Aux  masses  des  Alliés,  dont  la  supériorité  numérique  eût  pu 
être  plus  écrasante  encore,  si  Schwarzenberg  eût  dirigé  vers 
Brienne  les  12.000  hommes  du  VI«  corps  (Wittgenstein)  el  dis- 
posé les  réserves  de  façon  que  h^s  25,000  hommes  qui  assis- 
tèrent de  loin  h  la  lutte,  eussent  pu  y  prendre  part;  si,  au  liei» 
d'arrêter  Colloredo,  il  lui  eût  prescrit  de  continuer  sa  nuirche 
avec  ses  27,000  hommes,  et  si,  d'autre  part,  on  eût  laissé  York  se 
rabattre  sur  Brienne  avec  les  15,000  hommes  du  I®»"  corps  prus- 
sien, à  ces  masses  déjà  considérables.  Napoléon  allait  pouvoir 
opposer  en  tout  un  peu  plus  d'une  quarantaine  de  mille  hommes. 
Ni  Mortier  ni  Macdonald  ne  se  trouvaient  h  ce  moment  à  sa  por- 
tée, et  il  ne  disposait  pour  la  journée  du  l**"  février  que  des  corps 
de  Gérard  (8,337  hommes),  Victor  (17,300  hommes),  Marmont 
(8,200  hommes)  et  Ney  (11,300  hommes),  soit  un  total  de  45.137 
hommes,  avec  128  bouches  à  feu  *. 


1  Lorsque  le  lll''  corps  se  porta  sar  Dienville  dans  le  conrant  de  la  journée 
du  l'^*'  février,  il  se  relia,  par  des  cosaques  et  quelques  escadrons  de  cavalerie 
autrichienne,  à  la  colonne  de  gauche  de  Sacken,  et,  à  droite  de  la  deuxième 
colonne  de  Sacken,  les  cosaques  de  KarpofT  U  et  le  corps  de  Biron  assurt^rcnt 
la  liaison  entre  cette  colonne  et  les  Wurtembergeois. 

^  79,28i  hommes  d*après  Schels  et  les  situations  des  K,  K.  kriegs  Archir., 
avec  iOO  boucties  à  feu,  dont  150  seulement  purent,  à  cause  de  Tétat  du  ter- 
rain, ^tre  mises  en  ligne. 

'  Situation  le  f'  février  an  matin.  (Arelùret  de  la  guerre,) 


—  460  - 

Position  des  Français.  —  Lettre  de  TEmpereur  à  Clarke. 

—  Quant  h  la  position  qu'occupait  Tarmée  française  * ,  elle  esl 
exposée  à  grands  traits  dans  la  dépêche  que  l'Empereur  adressai! 
de  Brienne,  le  31  janvier  au  soir,  au  Ministre  de  la  guerre  *  : 

«  Voici  les  dispositions  de  la  journée.  Le  général  de  La  Hame- 

linaye  a  4,000  hommes  h  Troyes  et  12  pi(»ces  de  canon Lv 

duc  de  Trévise  est  arrivé  ce  soir  îi  6  heures  à  Troyes.  J'ai  ordonné 
que  le  général  de  France,  avec  1200  hommes  des  gardes  d'hon- 
neur, et  le  général  Maurin,  avec  600  hommes  de  la  division  Borde- 
soulle  et  4  pièces  d'artillerie  légère,  se  rendissent  à  Piney.  Le  duc 
de  Trévise  aura  donc  dans  la  main  la  vieille  garde  (1S,000 
hommes)  et  le  général  Gérard  avec  la  division  La  Hamelinaye 
(12,000  hommes). 

«  Je  désire  avoir  une  route  d'Arcis-sur-Aube  h  Paris, 

laquelle  ne  passe  pas  l'Aube  :  or,  la  roule  de  Nogent  passe 
l'Aube.  Je  désire  qu'il  y  en  ait  une  qui  d'Arcis  aille  à  Sézanne  et 
de  lîi  h  La  Ferté-sous-Jouarre  par  ChAteau-Thierry.  Faites  recon- 
naître les  routes  par  des  ingénieurs  géographes  et  envoyez  des 
ingénieurs  des  ponts  et  chaussées  préparer  les  ponts  et  améliorer 
cette  route  le  plus  qu'il  sera  possible 

«  Pour  vous  compléter  la  position  de  l'armée,  je  dois  vous  dire 
que  la  division  Ricard  occupe  Dienville.  Le  duc  de  Bellune  est  en 

*  Le  31  janvier,  à  7  heures  du  soir,  Victor,  dont  le  quartier  général  était 
à  Petit-Mesnil  et  qui,  en  présence  du  déploiement  de  forces  considérables  entre 
Trannes  et  Eclance,  avait,  avec  juste  raison,  cru  imprudent  de  tenter  dans 
l'après-midi  une  reconnaissance  offensive  contre  le  plateau  de  Trannes,  s'était 
contenté  de  placer  sa  l***^  division  à  une  portée  de  canon  des  lignes  des  Alliés, 
sur  la  lisière  des  bois  de  Beaulieu  et  de  La  Rothière,  an  débouché  du  principal 
chemin  qui  menait  d*Eclance  à  La  Giberie.  Sa  S*'  division  s'était  reployée  à  nuit 
close  sur  La  Rothière  avec  la  cavalerie  légère.  Les  dragons  occupaient  La  Gi- 
berie, s'éclairant  sur  Eclance  et  Trannes.  Ui  position  du  2^  corps  n'était,  en 
somme,  pas  mauvaise;  mais  le  maréchal  informait  toutefois  le  major-général 
que,  à  cause  de  l'humidité  des  terres,  il  aurait  beaucoup  de  peine  à  y  conduire 
du  canon. 

Quant  à  Ney,  il  devait,  aux  termes  d'un  ordre  daté  du  31  à  neuf  heures  do 
soir,  mettre  en  bataille,  dès  la  pointe  du  jour,  les  divisions  t^ous  ses  ordres 
avei!  leur  artillerie  en  avant  de  Brienne,  en  potence  sur  la  route  de  Maizières. 

Un  peu  plus  avant  dans  la  soirée,  lorsque  l'Empereur  eut  appris,  par  un 
officier  de  la  division  Lagrange,  la  marche  de  Marmont  de  Soulaines  sur 
Brienne,  il  avait  envoyé  au  duc  de  Raguse  Tordre  de  venir  s'établir  entre 
Brienne  et  Soulaines,  de  se  concerter  avec  le  duc  de  Bellune,  et,  comme  il  lui 
était  difficile  de  remuer  la  terre,  d'améliorer  sa  |K>sition  en  la  couvrant  par  des 
abatis. 

*  Correipondance  de  Napnli^ou,  n*^  21162. 


—  461  — 

avant  du  village  de  La  Rothière.  Le  duc  de  Raguse  est  à  Soulaines. 
J'ai  mon  avant-garde  à  Maizières  et  le  reste  de  mes  troupes  est  à 
Brienne.  J'ai  sur  TAube  le  pont  de  Dienville,  celui  de  Brienne-la- 
Vieille,  celui  de  Lesmont  et  celui  d*Arcis.  Le  duc  de  Tarenle 
couvre  Chàlons  et  Vitry,  dont  la  possession  nous  assure  un  bon 
pont  sur  la  Marne  et  un  point  d'appui  qu'il  est  de  la  plus  haute 
importance  d'avoir. 

c  Le  général  Pajol  doit  toujours  rester  à  Nogent  ou  à  Monte- 
reau  pour  s'occuper  de  la  plus  importante  de  ses  fondions  qui 
est  d'éclairer  Paris  contre  toute  espace  de  partis.  » 

L'Empereur,  on  le  voit,  apn^'s  avoir  changé,  depuis  son  arrivée 
il  Brienne,  sa  ligne  d'opérations,  sans  abandonner  cependant 
complètement  Chàlons,  et  comme  s'il  avait  prévu  que  Macdonald 
ne  parviendrait  pas  à  s'y  tenir,  donne  cependant  déjii  le  31  l'ordre 
de  n'y  plus  rien  envoyer  et  de  tout  diriger  sur  Sézanne.  Enfin, 
comme  s'il  avait  eu  également,  d(?s  le  31  janvier,  le  pressentiment 
de  sa  retraite  sur  Troyes  et  de  sa  marche  ultérieure  contre  Blii- 
cher,  il  songe  déjfi  à  prendre  plus  tard  sa  ligne  d'opérations  par 
Nogent. 

Causes  de  rinaction  de  l'Empereur  les  30  et  31  janvier. 

—  Sans  vouloir  entrer  ici  dans  le  vif  d'une  question  que  nous 
aurons  lieu  d'examiner  en  détail  lorsqu'il  s'agira  de  déterminer 
exactement  les  conséquences  de  la  bataille  de  La  Rothière,  il  est 
cependant  indispensable  de  chercher  ii  découvrir  les  motifs  pour 
lesquels  l'Empereur,  après  être  resté  h  peu  près  inactif  pendant 
les  journées  des  30  et  31,  paraît  s'être  décidé  en  fin  de  compte  à 
soutenir  le  l^'  février  une  lutte  aussi  disproportionnée. 

Si  l'on  a  justement  reproché  à  l'Empereur  d'avoir  accepté  la 
bataille  de  La  Rothière  dans  des  conditions  si  inégales,  et  bien 
qu'il  soit  possible  de  présenter  des  arguments  et  de  fournir  des 
preuves  qui  atténuent  singulièrement  une  faute  qu'on  doit  s'éton- 
ner de  lui  voir  commettre,  surtout  parce  qu'elle  constitue  une 
violation  flagrante  des  j)rincipes  qu'il  avait  toujours  préconisés 
et  appliqués,  on  peut,  au  contraire,  trouver  de  nombreuses  ex- 
plications h  son  inaction  pendant  les  journées  des  30  et  31  jan- 
vier. 

Napoléon  ne  s'était  pas  un  seul  instant  abusé  sur  les  consé- 
quences du  combat  du  i29.  Si  les  considérations  politiques,  si  les 


-  462  - 

inlérôls  dynastiques  le  décidèrent  à  risquer  des  opérations  qu'il 
eût  vraisemblablement  évitées  sans  cela,  les  espérances  qu'il 
pouvait  et  devait  avoir  comme  souverain  n'avaient  cependant  pas 
porté  atteinte  à  la  clairvoyance  du  général. 

Dans  la  nuit  qui  suivit  le  combat  de  Briennc  il  avait  dicté  à 
Berthier  une  lettre  dans  laquelle  il  disait  à  Marmont  : 

«  Il  est  probable  que  nous  nous  battrons  demain  »,  ri  il 
croyait  si  bien  à  une  attaque;  dirigée  contre  son  armée  dès  le  30 
par  Bliicher  et  par  les  renforts  qu'il  s'attendait  h  lui  voir  r(»ce- 
voir,  qu'il  prescrivait  à  ce  maréchal  de  le  rejoindre  au  plus 
vite. 

Cependant,  l'attitude  passive  et  expectanle  de  Bliicher  aurait  dû 
donner  h  réfléchira  l'Empereur,  et  il  esl  certain  que  l'immobilité 
du  feld-maréchal  pendant  les  journées  des  30  et  3i  lui  inspira  de 
la  défiance.  On  ne  saurait  vouloir  justifier  l'inaction  de  Napoléon 
et  expliquer  sa  ))ersistance  à  maintenir  sa  petite  armée  entre 
Briennc  et  La  Kothière  à  l'aide  des  arguments  donnés  par  Fain  et 
parKoch.  L'un  a  prétendu  qu'il  ne  dépendait  pas  de  l'Empereur  de 
refuser  la  bataille  et  de  se  replier  sur  Troyes  parce  qu'il  lui  fallait 
attendre  que  le  pont  de  Lesmonl  fût  réparé.  Le  second  affirme 
que,  croyant  l'armée  de  Schwarzenberg  sur  la  route  d'Auxern;, 
Napoléon  resta  en  présence  de  l'armée  de  Silésic  dans  l'espoir  de 
l'entamer  si  elle  venait  à  faire  un  mouvement,  ou  de  la  bien  rece- 
voir si  elle  prenait  l'initiative  de  l'attaque.  D'autres  enfin,  comme 
Clausewitz,  ont  essayé  de  trouver  le  motif  de  cette  inaction  dans 
le  fait  que  rKmpertîur  attendait  Marmont  et  ne  voulait  continuer 
l'oftensive  qu'après  son  arrivée.  Aucune  de  ces  raisons  ne  parait 
ni  concluante  ni  même  vraisemblable.  D'abord,  parce  qu'ayant 
battu  Bliicher  le  29  sans  le  concours  de  Marmont,  il  devait  se 
croire  assez  fort  pour  parachever  sa  défaite  le  lendemain  rien 
qu'avec  les  troupes  dont  il  disposait.  Ensuite,  parce  que  s'il 
favait  voulu,  il  aurait  pu,  en  attendant  la  réfection  du  pont  de 
Lesmont,  pass(îr  l'Aube  au  pont  de  lladonvilliers,  h  fouest  de  la 
ville,  ou,  îi  la  rigu(mr,  au  pont  de  Dienville.  Enfin,  parce  qu'en 
supposant  même  tju'il  ait  cru  un  moment,  ce  qui  est  loin  d'être 
prouvé,  Schwarzenberg  avec  le  gros  de  ses  forces  sur  la  route 
d"Au\(;rre,  il  était  trop  clairvoyant  pour  ne  pas  s'apercevoir  que 
l'immobilité  de  Bliicher  n'avait  d'autre  cause  déterminante  cpic 
la  proximité  des  corps  de  la  grande  armée  d(î  Bohème.  Il  est  évi- 


—  463  — 

dent,  en  revanche,  que  rEnipcTenr  avait  été  déru  dans  les  calculs 
qui  lui  avaient  fait  espérer  arriver  îi  temps  pour  écraser  Blûcher 
avant  sa  jonction  avec  Schwarzcînberg.  Dès  le  30,  l'Empereur  ne 
pouvait  plus  conserver  de  dout(»s  ;i  ce  sujet  :  la  jonction  était  faile 
et  n(î  pouvait  que  lui  devenir  de  plus  en  plus  fatale  s'il  s'éterni- 
sait sur  une  de  ces  positions  centrales  cjui,  si  (»ll(»s  lui  avai(»nl 
donné  la  victoire  à  Dresde,  lui  avaient  valu  le  désastre  de  Leip- 
zig. Napoléon  connaissait  mieux  que  personne  les  avantages 
comme  les  dangers  des  lignes  intérieures.  Mieux  que  personne,  il 
savait  qu'elles  ne  servent  que  gnlce  à  la  rapidité  d(;s  mouvements, 
(pi'elles  sont,  au  contraire,  dangereuses  dès  qu'on  reste  immo- 
bile, et  que,  connne  l'a  si  justement  dit  l'ancien  élève  de  l'École 
polytechnique  A.  G.,  elles  sont  des  positions  d'attente  et  d'obser- 
vation et  non  des  positions  de  combat. 

C'est  parce  que  cette  position  centrale  lui  permettait  d(»  se 
porter,  soit  sur  Chàlons,  soit  sur  Troyes,  soit  sur  la  Voire,  (hi 
côté  de  Rosnay,  soit  sur  la  Barse  au  pont  de  La  Guillotière,  que 
l'Empereur  s'était  décidé,  en  attendant  les  événements,  à  y  rester 
pendant  48  h(»ures.bien  qu'il  n'eût  nullement  l'intention  d'y  com- 
battre avec  moins  de  50,000  hommes  contre  les  150,000  que  les 
Alliés  pouvaient  jeter  sur  lui. 

L'Empereur  n'a  pas  voulu  livrer  la  bataille  de  La  Ro- 
thiére.  —  Mais  si  l'Empereur  avait  de  bonnes  raisons  pour  es- 
say(T  de  tirer,  jusqu'au  dernier  moment,  parti  des  avantages 
inhérents  aux  lignes  intérieures  d'opérations,  d'autres  considéra- 
tions d'un  caractère  tout  différent,  des  considérations  politiques 
l'empêchaient  de  se  replier  au  lendemain  de  l'avantage,  quelque 
léger  qu'il  ait  pu  être,  qu'il  venait  de  remporter  contre  HUicher. 
C'étaient  ces  nécessités  politiques  qui,  au  moins  autant  que  l'en- 
semble de  la  situation  militaire,  l'avaient  amené  h  prendre  l'of- 
fensive dès  le  27.  C'était  cette  offensive  qu'il  avait  poussée  avec 
son  énergie  habituelle  le  29  et  qu'il  aurait  continué  à  pousser  si. 
dès  le  30,  il  ne  s'était  pas  rendu  comi)te  des  dangers  de  sa  posi- 
tion, dangers  que  de  nouveaux  mouvements  en  avant  n'auraient 
fait  qu'aggraver.  Dans  l'impossibilité  de  reculer,  au  moins  immé- 
diatement, il  se  décida  à  rester  sur  sa  position.  De  c(îtte  façon 
seulement  il  pouvait  tenir  en  respect  ses  adversaires,  ranimer  le 
patriotisme  des  populations,  faciliter  la  levée  en  masse,  imposer 


—  464  — 

silence  aux  menées  criminelles  des  ennemis  qu'il  avait  à  Tinlé- 
rieur.  On  ne  saurait  donc  lui  faire  un  reproche  d'être  resté  deux 
jours  devant  la  position  de  Blûcher  ;  car  dès  le  31  au  soir,  l'Em- 
pereur avait  bien  compris  qu'il  lui  était  désormais  impossible  de 
tomber  sur  Blucher.  Il  avait  vu  clair  dans  le  jeu  de  ses  adver- 
saires et,  comme  il  le  fit  sept  semaines  plus  tard  à  Arcis-sur-Aube, 
il  pensait  déjà  à  se  replier  le  lendemain,  puisque  le  31  à  9  heures 
du  soir,  il  faisait  écrire  a  Ney  et  h  ses  autres  lieutenants  :  «  On  atten- 
dra sur  cette  position  des  nouvelles  de  l'ennemi  et  tout  se  tiendra 
prêt  îï  partir  dans  la  direction  qui  sera  donnée  *.  » 

Enfin,  il  est  certain  que  si  l'Empereur  avait  eu  l'intention  de 
combattre  dans  ces  parages  et  surtout  d'accepter  la  lutte,  il  aurait 
choisi  un  champ  de  bataille  moins  désavantageux  au  point  de  vue 
tactique  et  surtout  plus  en  rapport  avec  l'effectif  des  forces  dont 
il  disposait. 

Description  du  champ  de  bataille  de  La  Rothière.  —  La 

plaine  qui  s'étend  des  hauteurs  de  Trannes  jusque  vers  Rosnay  et 
Blignicourt  a  dans  sa  plus  grande  longueur  un  peu  plus  de  16 
kilomètres  et  dans  la  direction  de  l'ouest  îi  Test  un  peu  moins  de 
o  kilomètres.  Le  terrain  y  est  presque  plat.  Cette  plaine  est  limitée 
de  tous  côtés  par  des  obstacles  naturels  :  au  sud,  elle  est  bornée 
))ar  le  plateau  de  Trannes  qui  s'étend  jusqu'à  l'Aube;  à  l'est,  par 
le  bois  de  Beaulieu  situé  au  nord-est  du  village  de  Trannes;  à 
l'ouest  et  en  avant  du  plateau  de  Trannes,  par  l'Aube  sur  les  bords 
de  laquelle  la  plaine  s'étend  depuis  le  plateau  de  Trannes  jusque 
versBrienne.  Cette  plaine,  basse  dans  la  plus  grande  partie  de  son 
étendue,  s'élève  du  côté  de  Perthes  pour  s'abaisser  ensuite  vers  la 
route  de  Bar;  elle  se  relève  ensuite  à  partir  du  coude  de  l'Aube, 
en  amont  de  Dienville,  aux  environs  d'Unienville  jusque  vers 
Trannes.  Dominée,  du  côté  de  l'ouest,  dans  toute  son  étendue  par 
les  hauteurs  escarpées  de  la  rive  gauche  de  l'Aube,  elle  est  limi- 
tée au  nord-ouest  par  une  ligne  de  hauteurs  qui,  partant  du  parc 
de  Brienne,  vont  mourir  sur  les  bords  de  la  Voire.  Le  cours  d'eau 
qui  la  borne  au  nord,  l'inonde  généralement  en  hiver.  A  l'est,  elle 
a  pour  limiles  les  bois  marécageux  et  presque  impraticables  de 


*  Berthier  a  Ney,  Marmont,  Oudinot,  Drouoi  et  Victor,  Brienne,  31  janvier, 
y  heures  du  ^oir.  {Archives  de  la  guerre,) 


-  465  — 

Viilleiitigny,  l(îs  bois  d'Ajou  et  h;  revers  du  phileau  de  Morvilliers 
qui,  couvert  du  coté  de  Test,  vers  Soulaines,  sur  son  front  et  sur 
ses  lianes  par  des  bois  et  des  marécages  et  dominant  toute»  la 
plaine,  est  la  véritable  clef  de  la  position.  C'c^st  sur  ce  plateau  de 
Morvilliers  que  sont  situées,  dans  la  partie  sud  et  à  peu  de  distance 
de  la  lisière  nord  du  bois  de  Beaulieu,  La  Giberie,  puis  au  ccnitre 
Chaumesnil  et  enfin,  plus  au  nord,  Morvilliers. 

La  route  de  Bar-sur-Aube  à  Yitrv-le-Francois  traverse  c(;ll(^ 
plaine  dans  toute  sa  longueur  presque  en  ligne  droite  et  passe 
par  le  village  de  La  Rothién». 

Ce  champ  de  bataille  était  beaucoup  trop  étendu  pour  hîs  forces 
dont  disposait  TEmpereur.  Même  en  considérant  La  Giberie  comnuî 
un  poste  avancé,  les  lignes  françaises  de  Dienville  par  Petit-Mes- 
nil,  Chaumesnil  et  la  ferme  de  Beauvoir  jusqu'à  Morvilliers,  pré- 
sentaient un  développement  total  de  près  de  15  kilomètres.  (]e 
développement  obligea  TEmpereur  à  employeur  la  plus  grande 
partie;  de  sa  cavalerie,  sensiblement  inférieure  en  nombre  à  celle; 
des  Alliés,  à  remplir  les  vastes  espaces  vides  existant  sur  son  front 
entre  les  différentes  positions  qu'il  dut  faire  occuper  à  ses  corps, 
lorsque,  attaqué  par  Blûcher,  il  accepta  le  combat  dans  des  condi- 
tions si  désavantageuses  pour  lui. 

Napoléon  se  rend  en  personne  à  La  Rothière.  —  Il  envoie 
à  Ney  Tordre  de  battre  en  retraite.  —  Pendant  que  les  Alliés 
exécutaient  leurs  mouvements  préparatoires  en  arrière  de  la  posi- 
tion de  Trannes  et  hors  des  vues  des  Français,  pendant  que  la 
neige  obscurcissait  encore  l'horizon.  Napoléon,  qui  avait  à  son 
grand  désappointement  reçu  ))endant  la  nuit  l'avis  par  lequel 
Marmont  l'informait  de  l'évacuation  de  Soulaines  et  de  sa  marche 
de  nuit  sur  Morvilliers.  s'éUiit  dès  le  l®"*  février  au  matin  porté  à 
La  Rothière.  Alarmé  par  l'immobilité  même  des  Alliés,  pensant 
qu'on  allait  ou  l'attaquer  ou  se  décider  à  se  replier  devant  lui, 
il  avait  tenu  à  se  rendre  compte  par  lui-même  de  l'état  des  choses. 

L'impassibilité  des  troupes  de  Blïicher  ne;  larda  pas  à  lui  prou- 
ver que  ses  espérances  étaient  déçues.  Craignant  dès  lors  que  les 
renseignements  lui  annonçant  la  marche  de  la  grande  armée  sur 
Brienne  ne  fussent  erronés,  il  en  vint  à  penser  qu'on  pouvait  bien 
avoir  chargé  Blùcher  de  tenir  devant  lui  pour  lui  dissimuler  les 
mouvements  de;  Schwarzenberg  et  de  former  un  rideau  derrière 

Well.  30 


—  466  — 

lequel  les  colonnes  de  la  grande  armée  auraient  déûlé  à  l'aise  dans 
la  direction  de  Troyes.  Croyant  qu'on  avait  voulu  l'arrêter  pour 
avoir  le  temps  nécessaire  de  se  jeter  sur  Mortier  isolé  à  Troyes, 
il  donna  dans  la  matinée,  au  gros  de  son  armée,  l'ordre  do  se 
diriger  par  le  pont  de  Lesmonl  sur  cette  ville.  Il  mit  immédiate- 
ment en  route  pour  Lesmont,  sans  parler  des  gardes  d'honneur  du 
général  de  France,  déjà  postés  sur  la  route  de  Lesmont  h  Piney, 
les  trois  divisions  de  jeune  garde  des  généraux  Meunier,  Decou/.  * 
et  Rottembourg  qui,  sous  les  ordres  du  maréchal  Ney,  formaient 
sa  réserve  et  occupaient  le  31  au  soir  Brienne-la-Vieille  '. 

Le  Maréchal  Victor  et  Grouchy  signalent  les  premiers 
mouvements  des  Alliés.  —  Reconnaissance  faite  par  TEmpe- 
reur.  —  Positions  qu'il  faut  occuper.  —  Ney  reçoit  l'ordre 
de  revenir  sur  ses  pas.  —  Le  prince  de  La  Moskova  avait  déjà 
commencé  son  mouvement,  lorsque  vers  midi,  le  général  Grouchy 
et  le  maréchal  Victor  firent  savoir  h  l'Empereur  qu'on  remarquait 
dans  les  lignes  ennemies,  sur  les  routes  de  Soulaincs  à  Brienne, 
d'Eclance  à  La  Giberie  et  de  Trannes  ix  La  Rothière,  des  mouve- 
ments qui  leur  paraissaient  révéler  l'imminence  d'une  attaque. 
L'Empereur  monta  immédiatement  h  cheval  pour  jeter,  une  fois 
encore,  un  coup  d'œil  sur  le  terrain,  et  bien  que  l'ouragan  de 
neige  l'eilt  empêché  d'apercevoir  distinctement  ce  qui  se  passai! 
sur  la  position  des  Alliés,  il  se  rangea  a  l'opinion  émise  par  Grou- 
chy. Pendant  qu'il  envoyait  à  Ney  l'ordre  de  revenir  au  plus  vite 
sur  ses  pas  et  de  faire  entrer  immédiatement  en  ligne  la  division 
Rottembourg,  il  établissait  sa  petite  armée  sur  les  positions  sui- 
vantes :  Gérard,  îi  l'aile  droite  et  s'appuyanl  ii  l'Aube,  disposa  ses 
deux  divisions  formées  en  bataillons  en  masse,  la  division  Dufour 
en  i^  ligne,  la  division  Ricard  en  :2«  ligne  depuis  l'Aube  jusqu'à 
La  Rothière.  Ces  deux  lignes  étaient  couvertes  en  avant  par  les 


1  Le  général  Curial  avait  remplacé  le  général  Decouz,  grièvement  blessé  à 
Brienne  et  qui  mourut  des  suites  de  ses  blessures. 

^  Clausewiti,  comnie  nous  l'avons  fait  remarquer  plus  haut,  dit  à  ce  propos, 
dans  son  Aperçu  de  la  campagne  de  1814  :  «  Bonaparte  semble  avoir  voulu 
attendre  Marmonl,  qui  n'arriva  que  le  31.  De  plus,  comme,  même  le  1*^'  février, 
il  attendit  l'ai  laque  de  Hliicher,  il  est  permis  de  se  demander  si,  à  cette  époque, 
il  rechenrhait  et  désirait  eocoro  la  Imtaillo.  » 


—  467  — 

huit  oscadroiis  de  la  l)ri^{i(le  do  cavahîrit*  du  jj;(''iirral  Picqiu»!  qui 
s'étaient  déployés  et  couvraient  riiitorvallc  existant  entre  la  divi- 
sion Dufour  (»t  La  Rothière. 

A  La  Rothière  même,  où  commenrail  le  centre  des  li^nt^s  fran- 
raises,  Victor  avait  posté  un«  des  brigades  de  la  division 
Duhesme,  tandis  que  Tautre  brigade  était  massée  en  arrière  du  vil- 
lage, h  cheval  sur  la  route  de  Brienne  h  Trannes.  Deux  bataillons 
avaient  été  jetés  dans  chacun  des  villîiges  de  Petil-Mesnil  et  de 
(ihaumesnil.  Victor  avait  également  fait  occuper  La  Giberie  par 
des  troupes  de  sa  2*  division  (Forestier)  qui  avait  posté,  en  outre, 
depuis  la  veille  un  bataillon  dans  le  bois  de  Beaulieu.  Quatre 
bataillons  déployés  en  tirailleurs  gardaient  la  partie  des  hau- 
teurs situées  en  arrière  de  ce  bois,  dans  toute  leur  ét(»ndue  com- 
prise entre  La  Vénerie,  les  étangs  du  môme  nom  et  l(»s  sources  du 
ru  de  Froideau.  Les  divisions  de  cavalerie  des  généraux  Pin», 
Briche  et  Lhéritier,  sous  les  ordres  directs  de  Grouchy,  étaient 
déployées  sur  deux  lignes  entre  Petit-Mesnil  et  Chaumesnil. 
Nansouty,  avec  les  divisions  de  cavalerie  de  la  garde  des  géné- 
raux Lefebvre-Desnoëttes,  Colbert  et  Guyol,  se  formait  <»n  ba- 
taille, également  sur  deux  lignes,  h  droite  et  en  arrière^  de  La 
Rothière,  s' étendant  jusqu'à  Petit-Mesnil  et  faisait  prendre  posi- 
tion en  avant  de  son  front  à  son  artillerie  à  cheval. 

A  Taile  gauche,  Marmont  avec  la  division  Lagrangc»  occupait 
Morvilliers  et  en  avant  de  ce  point  le  village  de  La  Chaise,  au 
débouché  du  bois  de  Soulaines.  La  cavalerie  de  Doumerc  était 
déployée  des  deux  côtés  de  la  route  de  Brienne  h  Doulevant  sur 
le  plateau  de  xMorvilliers,  à  la  ferme  de  Beauvoir,  face  à  La 
Chaise. 

Des  trois  divisions  de  la  jeune  garde,  l'une,  la  division  Rol- 
tembourg,  allait  se  déployer  immédiatement  en  avant  de  Brienne- 
la- Vieille,  et  les  deux  autres  étaient  encore  en  marche,  des  envi- 
rons de  Lesmont,  sur  la  ferme  de  Beugné  (située  à  mi-chemin 
entre  Brienne  et  Petit-Mesnil). 

Le  front  de  combat  était  manifestement,  trop  étendu  :  c'était  à 
peine  si  l'infanterie  suffisait  pour  occuper  les  villages,  leurs 
abords  et  les  points  principaux  de  la  ligne.  La  cavalerie  tout 
entière  servaii  à  combler  les  vides  de  la  ligne  et  de  plus  les 
réserves,  peu  considérables  d'ailleurs,  puisque  les  trois  divisions 
de  la  jeune  garde  présentaient  au  plus  un  total  de  10,000  combat- 


—  468  — 

laiïts,  n'éUiienl  pas  disponibles  au  moment  où  la  lutte  allait  s'en- 
gager et  devaient  ensuite  être  h  peine  suffisantes  pour  soutenir 
Kîs  troupes  postées  à  La  Kothière  et  couvrir,  en  dernier  lieu,  la 
retraite. 

Les  Alliés  commencent  leur  mouvement  à  midi.  --   La 

matinée  tout  entière  du  i^^  février  s'était  écoulée  sans  incident. 
A  midi,  au  moment  où  l'empereur  Alexandre,  le  roi  de  Prusse 
accompagné  de  ses  deux  fils,  le  prince  royal  et  le  prince  Guil- 
laume de  Prusse  (celui  qui  d(»vait  être  plus  tard  Tempereur  Guil- 
laume), et  le  prin(;e  de  Schwai-zenberg  rejoignaient  Blucher  sur 
les  hauteurs  de  Trannes,  les  différentes  colonnes  des  armées 
alliées  précédées  par  la  cavalerie  chargée  de  couvrir  leur  déploie- 
ment, venaient  de  s'ébranler  dans  les  directions  que  leur  avaient 
assignées,  d'abord  la  disposition  de  Schwarzenberg,  puis  les 
ordres  de  Blucher  et  de  Barclav  de  Tollv.  Elles  commençaient  à 
descendre  vers  la  plaine  où  leur  marche  allait  être  sensiblement 
retardée  par  la  nature  même  du  terrain  gras  et  collant  sur 
lequel  (»lles  devaient  se  mouvoir.  Les  pluies  des  dernières  jour- 
nées avaient  détrempé  les  cultures;  creusant  dans  les  chemins 
de  profondes  ornières  elles  les  avaient  transformés  en  fondrières. 
Enfin,  la  gelée,  surveiuie  tout  à  coup  dans  la  nuit  du  31  janvier 
au  l®""  février,  avait  recouvert  toute  la  plaine  d'une  légère  croûte 
de  glace  <(ui  rendait  les  mouvements  d'autant  plus  lents  et  plus 
pénibles  qu(î  cetl(;  plaine  avait  été  sillonnée  en  tous  sens  par  le 
passage  des  troupes,  de  l'artillerie  (ît  des  convois,  que  le  vent 
soufflait  fort  et  ([ue  la  neige  n'avait  ctîssé  de  tomber  depuis  le 
matin. 

11  était  près  d'une  heure,  lorsque  la  cavalerie  alliée  qui  avait, 
en  s'avaneant  lentement,  couvert  jusqu'à  ce  moment  le  déploic»- 
nient  des  colonnes  de  Gvulav  et  surtout  de  Sacken.  passa  tout 
entière  en  deuxième  lignci,  démasquant  les  tètes  de  colonne  di» 
rinfant(»rie  et  ik;  laissant  devant  ellcî  (|iie  quelques  éclaireurs. 
Mais  l'étal  du  terrain  avait  contrarié  la  marche  des  troupes  (»t 
compromis  sérieusement  les  mouvements  de  l'artillerie.  Le  corps 
Sacken  se  vit  réduit  à  n'amener  en  ligne  que  la  moitié  de  ses 
bouches  à  feu  et  h  laisser  36  de  ses  pièces  sur  les  hauteurs  de 
Trannes.  Encore  le  général  Nikitin,  qui  commandait  cette  artil- 
hîrie,  avait-il  dû  pour  cela  faire»  doubler  les  attelages  dis  pièces 


—  469  — 

(^t  des  cuissons.  Suivant  lu  chaussée  qui  mène  à  Lu  Rothière,  il 
poussa  au  trot  jusqu'à  portée  de  fusil  des  avant-postes  français 
(»l  vint  se  mettre  en  batterie  îi  droite  et  il  gauche  de  la  route. 
L'artillerie  russe  qui  avaitMépassé  dans  ce  mouvement  les  têtes 
de  colonne  de  Sacken,  se  trouvait  complètement  en  l'air  et  sans 
soutien  ;  mais  le  général  en  prenant  a'  parti  (juelque  peu  aventu- 
reux, n'avait  pas  agi  à  la  légère.  En  raison  même  de  l'état  du 
terrain,  il  importait  d'éviter  autant  que  possible  les  changements 
de  position  et  les  mises  en  batterie  successives,  et,  d'autre  part, 
il  fallait  se  porter  résolument  en  avant  afin  de  pouvoir  renvoyer 
les  attelages  «^  Trannes  et  amener  en  ligne  les  pièces  que  Ton 
avait  été  contraint  de  laisser  momentanément  sur  les  hauteurs. 

Charge  de  la  cavalerie  française  contre  les  batteries 
russes.  —  Premiers  engagements  en  avant  de  La  Rothière. 
—  La  cavalerie  française  est  rejetée  en  arrière  de  La  Ro- 
thière. —  Malgré  les  tourbillons  de  neige,  la  cavalerie  français(î 
conduite  par  Nansouty  avait  pu  se  rendre  compte  de  la  position 
aventurée  de  l'artillerie  russe  cfue  ses  soutiens  (les  li«  et  36«  régi- 
ments de  chasseurs)  n'étaient  pas  encore  parvenus  ii  rejoindre, 
et  se  porta  sur  elle. 

Le  général  Nikitin,  voyant  les  escadrons  français  se  diriger 
vers  ses  batteries,  donna  immédiatement  Tordre  de  cesser  le  feu. 
Employant  tout  son  monde  h  transporteur  près  des  bouch(»s  à  feu 
les  munitions  dont  il  allait  avoir  besoin,  il  laissa  arriver  la  cava- 
lerie jusqu'à  500  pas  de  ses  batteries.  II  ouvrit  alors  un  feu  de 
mitraille  tellement  vif  et  tellement  meurtrier  que  la  charge  dut 
s'arrêter  h  moins  de  300  pas  des  pièces.  Enlevés  à  plusieurs 
reprises  par  leurs  généraux,  les  cavaliers  français  furent,  en  fin 
de  compte,  obligés  de  renoncer  à  leur  entreprise.  La  neige  tom- 
bait pendant  ce  temps  avec  une  telle  violence  qu'on  ne  voyait  pas 
il  10  pas  devant  soi*. 

L'infanterie  de  Sacken  commençait  h  arriver  en  ligne,  et 
comme  l'ouragan  de  neige  cessa  à  ce  moment,  force  lui  fut  de  se 
déployer  sous  le  feu  des  batteries  françaises  de  La  Rothière  et  de 
l'infanterie  postée  en  avant  du  village,  dans  les  maisons  et  les 
jardins,  pendant  que  la  cavalerie  sous  les  ordres  de  Nansouty 

*  Journal  du  p'iK'ral  Nikitin. 


-  470  - 

(divisions  Golberl,  Guyol  el  Pire)  qui  venait  de  se  reformer, 
débouchait  entre  La  Rothière  et  Pelit-Mesnil  et  se  portait  rapide- 
ment à  la  rencontre  des  bataillons  russes.  Le  général-lieutenant 
Lanskoï  essaya  vainement  d'arrêter  aVfec  sa  division  de  hussards* 
la  charge  des  cavaliers  français  qui  le  culbutèrent  et  étaient  déjà 
sur  le  point  de  rompre  les  lignes  de  l'infanterie,  lorsque  le  géné- 
ral-lieutenant Wassiltchikoff,  qui  commandait  la  cavalerie  du 
corps  Sackcn,  arriva  au  galop  avec  la  division  de  dragons  du 
général-major  Pantchoulitcheff  II*.  Attaquant  simultanément  de 
front  et  de  flanc  les  régiments  français  avant  qu'ils  aient  eu  le 
temps  de  se  reformer,  il  les  enfonça  complètement,  les  mit  en 
déroute  et  les  poursuivit  au  delà  de  La  Rothière,  dans  la  direction 
de  Brienne-la-Vieille,  après  avoir  enlevé  en  route  24  bouches  à 
feu.  L'intervention  de  Wassiltchikoff  avait  été  d'autant  plus 
opportune  que,  sans  parler  môme  des  conséquences  qu'aurait  pu 
avoir  la  rupture  de  l'infanterie  de  Sacken,  la  charge  des  dragons 
russes  contraria  l'entrée  en  ligne  des  renforts  que  la  cavalerie 
française  ne  reçut  que  trop  tard. 

Au  moment,  en  eff'et,  oi\  Nansouty  amenait  sa  réserve,  la  divi- 
sion Lefebvre-Desnoëttes,  à  droite  de  La  Rothière,  alors  que 
Grouchy  se  montrait  à  gauche  de  ce  village  avec  les  dragons  de 
Briche,  les  divisions  Colbert,  Guyot  et  Piré^  étaient  déjà  entamées 


^  Lanskoï  commandait  la  2°  divi<)ion  de  hussards,  composée  des  régiments 
de  hussards  d'Akhtyr,  de  Mariopol,  de  la  Russie  blanche  et  d'Alexandria. 

*  Division  du  général-major  Pantchoulitcheff  :  3«  division  de  dragons  ;  régi- 
ments de  dragons  de  Courlande,  do  Smolcnsk,  de  Tver,  de  Kinhurn. 

3  Frtiet,  dans  son  Journal  historique  de  la  division  de  cavalerie  légère 
(Pire)  du  5®  corps  de  cavalerie  pendant  la  campagne  de  France  en  1814,  donne 
une  autre  version  de  ce  combat  de  cavalerie  contre  cavalerie,  version  qui  nous 
parait  d'ailleurs  moins  admissible  et  moins  vraisemblable  que  le  rapport  des 
gén^Taux  alliés.  «  Vers  4  heures,  dit-il,  l'ennemi  voyant  que  ses  efforts 
pour  forcer  notre  extrême  droite  étaient  inutiles  et  qu'ils  ne  parviendraient 
\ms  à  renverser  les  nôtres  de  ce  côté,  se  décida  à  un  grand  mouvement  de 
cavalerie  sur  les  dragons.  Par  des  mouvements  assez  rapides,  6,000  chevaux, 
formés  sur  deux  lignes,  se  lancent  sur  notre  artillerie  et,  débordant  La  Rothière, 
par  sa  gauche,  obligent  les  dragons  à  se  replier  en  désordre.  Heureusement,  le 
général  de  Pire,  «'apercevant  de  l'importance  de  cette  attaque  et  des  funestes 
résultats  qu'elle  peut  avoir,  n'hésite  pas  à  quitter  sa  i>08ition  où  sa  présence 
n'était  pas  alors  indispensable.  Sans  attendre  d'ordres,  il  met  sa  di\ision  on 
colonne  par  escadrons  et  tombe  par  une  conversion  à  gauche  sur  le  flanc  de 
l'ennemi.  Cette  mano'uvrc  est  couronnée  de  succès;  les  Russes  s'arrêtent  et 
pendant  qu'ils  obliquent  à  droite  pour  se  rallier,  les  dragons  ont  le  temps  de  se 
réformer.  >»  Sans  vouloir  contester  le  dire  do  Petiet,  qu'il   nous  soit  permis  d«' 


—  471  — 

ot  ramonées;  leur  artillerie  prise  par  Wassiltchikott'  était  gardée 
par  les  fantassins  de  Sacken,  et,  comme  il  n'y  avait  plus  rien  îl 
faire,  (îes  deux  divisions  se  virent  contraintes  de  retourner  prendre 
position  en  arrière  et  à  Test  de  La  Rothière.  Quant  aux  divisions 
Colbert,  Guyot  et  Pire,  elles  ne  reparun^nt  plus  sur  le  champ  de 
bataille  que  vers  la  fin  de  la  journée. 

Il  était  bien  pri»s  de  4  heures,  lorsque  l'infanterie  de  Sacken 
s  avançant  au  milieu  de  la  tourmente  de  neige  v(ts  La  Rolhien», 
sous  la  protection  des  72  pièces  amenées  en  position,  s'engagea 
avec  la  division  Duhesme,  et  lorsque  Blûch(»r  arriva  d(»  sa  per- 
sonne en  avant  des  hauteurs  de  Trannes. 

Considérations  snr  les  conséquences  de  ce  combat  de 
cavalerie.  —  Si  la  cavalerie  de  Wassiltchikoff  avait  été  immé- 
diatement soutenue  par  l'infanterie,  s'il  y  avait  eu  h  ce  moment 
une  éclaircie,  si  Sacken  avait  pu  voir  ce  qui  se  passait  en  avant 
de  lui  et  sur  sa  gauche,  enfin  si  Ton  avait  fait  appuyer  les  esca- 
drons de  Lanskoï  et  de  Pantchoulitcheff  |)ar  les  cuirassiers  et 
grenadiers  russes  qui  venaient  d'entrer  en  ligne,  si  l'on  avait  porté 
en  avant  les  gardes  pour  servir  de  réserve  au  corps  da  Sackini  et 
coopérer,  en  cas  de  besoin,  h  l'attaque  de  La  Rothière,  la  bataille 
aurait  pris  probablement,  dés  le  début,  une  toute  autre  tournure, 
et  la  droite  française  aurait  couru  grand  risque  d'être  écrasée.  Il 
est  probable  que  sans  un  concours  de  circonstances  tout  ù  fait 
spéciales,  Blûcher  n'aurait  pas  hésité  î\  donner  des  ordres  en 
conséquence,  et  que  poussant  résolument  en  avant,  il  aurait 
crevé  les  lignes  françaises  qui  n'avaient  h  ce  moment  pour 
unique  réserve  que  la  division  Rottembourg.  Mais  la  tourmente 
de  neige  l'empêchait  de  découvrir  le  champ  de  bataille,  de 
diriger  le  combat,  et  lorsque  l'officier  envoyé  par  Wassiltchikoff 
parvint  h  le  trouver  et  put  lui  rendre  compte  des  résultats  de  la 


faire  remarquer  qne  l'intervention  de  Pire  put  tout  au  plus  sauver  les  dra- 
gons ;  car  Petiet  lui-même  ronfirmc  quelques  lignes  plus  loin  les  rapports  des 
généraux  russes,  en  disant  :  «  Cependant,  Fartillerie  dépassée  de  bien  loin  [lur 
la  charge  des  Alliés,  fut  en  partie  prise,  et,  d<>s  ce  moment,  on  put  prévoir  le 
résultat  de  la  journée.  »  11  nous  semble,  en  effet,  que  si  la  manœuvre,  en  tout 
cas  très  opportune,  du  général  de  Pire,  avait  ét^  réellement  couronnée  de 
succès,  elle  aurait  permis  de  ramener  les  dragons  russes,  de  reprendre  les 
pièces  et  de  rétablir  le  combat. 


—  472  - 

charge,  il  était  déjà  trop  tard  pour  pouvoir  en  tirer  immédiate- 
ment un  parti  décisif.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  certain  que  Tenlè- 
vement  de  24  pièces  et  Féchec  éprouvé  par  la  cavalerie  de  Nan- 
souty  dès  le  début  de  Tafifaire,  ne  contribuèrent  pas  peu  h  l'issue 
finale  de  la  journée. 

Sacken,  dont  les  troupes  étaient  formées  sur  trois  colonnes', 
avait  entre  temps  continuéson  mouvement  vers  La  Rothière,  qu'é- 
crasaient ses  72  pièces,  et  comme  l'infanterie  se  trouvait  dans 
l'impossibilité  de  faire  feu,  il  résolutd'enlever  le  village  à  la  baïon- 
nette. La  division  Duhesme,  déjà  fort  affaiblie  par  les  pertes 
quelle  avait  éprouvées  le  29,  résista  vaillamment;  mais  plianl 
sous  le  poids  du  nombre,  elle  dut  céder  du  terrain  et  aban- 
donner aux  Russes  le  village  jusqu'à  l'église,  après  avoir  perdu 
dans  cette  affaire  8  de  ses  pièces.  La  plus  grande  partie  des 
troupes  de  Duhesme  se  replia  en  désordre  jusqu'à  Petil-Mesnil, 
tandis  que  le  reste  composé  de  quelques  vieux  soldats  résolus  à 
défendre  le  terrain  pied  à  pied,  se  barricada  dans  les  maisons. 

Premiers  mouvements  de  Gynlay  sur  les  deux  rives  de 
TAube.  —  A  la  gauche  des  Alliés,  les  choses  n'avaient  pas  pris 
dès  le  début  de  l'action  et  pendant  toute  la  première  phase  de  la 
bataille  comprise  entre  1  heure  et  4  h(uires  de  l'après-midi,  une» 
tournure  aussi  favonible  pour  eux  que  du  côté  de  La  Rothiènî. 
Gyulay,  après  avoir  laissé  en  position  à  Yendeuvre  la  division 
légère  Crenncville*,  avait,  conformément  aux  ordres  du  généra- 
lissime, manîhé  le  i^^  février  au  matin  avec  le  gros  du  III®  corps, 
des  environs  de  Bar-sur-Aube  par  Arsonval  et  Baussancourt  sur 
Trannes.  Une  fois  arrivé  dans  lîi  plaine  en  avant  de  Trannes,  le 
feldzeugmeister  avait  fait  prendre  à  son  corps  la  formation  de» 
combat  en  colonne  de  balaillon  et  suivi  le  mouvement  des  Russes 
de  Sacken  sur  la  chaussée  d(î  Brienne  jusqu'à  hauteur  de  Ju- 
vanzé.  Le  corps  de  Sacken  était  déjà  très  vivement  engagé,  et 
Gyulay  crut  avec  raison  qu'il  était  nécessaire  de  le  faire  soutenir 
par    son    artillerie  qui    appuya  vigoureusement  l'attaque  (l(»s 


1  Golonues  du  général-lieutenant  Stst'herbatoff,  de  Liewen  et  d'Ohafieff. 

*  Cette  division  avait  o/dre  de  rester  sur  cette  position  jusqu'à  l'arrivée  à 
Vendenvrc  du  corps  CoIIoredo,  qui  ne  put  cHre  rendu  sur  ce  point  que  le 
|or  ft^vrier  au  soir.  (A'.  K.  Krieqn  Arrhiv..  If.  i.) 


—  473  - 

lUisses  sur  La  UolhuTC,  pendant  que  les  coloiuies  (l*infanl(»rie 
autrichienne  arrivaient  îi  hauteur  du  pont  et  du  village  d'Unien- 
ville,  si[\\6  sur  la  rive  gauche  de  l'Aube.  Le  feldzeugnieister 
remarqua  à  ce  moment  cjue  quelques  troupes  de  la  droite  des 
Français  se  préparaient  à  déboucher  d'Unienville  et  que  des 
(!olonnes  d'un  effectif  respectable,  se  portant  de  Dienville  sur 
Unienville,  paraissaient  vouloir,  après  avoir  menacé  sa  gauche, 
se  diriger  contre  le  flanc  gauche  et  les  derrières  des  divisions 
russes  engagées  îi  La  Rothière.  Tout  en  continuant  à  faire  sou- 
tenir Sacken  par  une  partie  de  son  artillerie  qu'il  avait  établie 
sur  une  hauteur  voisine  de  l'Aube,  et  îi  laquelle  il  laissa  comme 
soutien  une  brigade  de  la  division  Hohenlohe-Bartenstein ,  il 
chargea  le  général-major  Pfliiger,  avec  4  bataillons,  4  canons  el 
2  escadrons  du  régiment  de  chevau-légers  de  Klenau,  d'enlever 
le  pont  d'Unienvillrî ,  défendu  seulement  par  un  faible  poste 
avancé,  de  s'emparer  du  village  et  de  s'établir  solidement  au 
delà  d'Unienville,  sur  la  hauteur  de  la  rive  gauche.  La  brigade 
Pflùger  enleva  facilement  le  pont  et  le  village  et,  débouchant 
d'Unienville,  s'avança  sur  la  rive  gauche'. 

Le  feldzeugnieister  espérait,  en  accentuant  son  mouvement  sur 
la  rive  gauche  de  TAube,  prendre  à  revers  le  pont  de  Dienville 
et  tourner  la  droite  des  ligncîs  françaises. 

Mais  l'Empereur,  qui  avait  eu  h»  temps  de  |»énélrer  les  inten- 
tions de  Gyulay,  avait  aussitôt  envoyé  au  général  Gérard  Tordre 
de  se  maintenir  à  tout  i)rix  à  Dienville.  L'une  des  brigades  de  la 
division  Ricard,  la  brigade  Boudin,  fut  chargée  de  la  défense  du 
ponts  et  des  hauteurs  ipii  en  commaïuh^nt  les  abords  sur  la  rive 
gauche,  tandis  que  la  brigade  Pelleport  s'établissait  en  arriére  el 
h  Test  de  Dienville  et  que  la  division  Dufour,  se  reliant  avec  la 
brigade  de  (*avalerie  du  général  Picquet,  se  déployait  en  deuxième 
ligne  derrière  cette  brigade,  entre  Dienville  et  La  Rothière. 

Le  feldzcugmeister  avait  dû  forcément  remarquer  toutes  (!es 
dispositions;  il  n'y  avait  plus  désormais  pour  lui  la  moindre 
chance  de  pouvoir  enlever  le  pont  de  Dienville  par  surprise,  et  les 
deux  régiments  de  la  division  Hohenlohe-Bartenstein,  laissés  par 

^  StÂrke,  ËintheiluDg  und  Tagesbegebenheiten  der  Hanpt-Armee  im  Monate 
Februar,  1814  (A'.  A'.  Kriegs  Arehir,,  IJ,  i),  et  relation  de  Gyulay  à 
Srhwarzenberjr,  do  Lesmoiit,  2  février.  (/6iV/.,  II.  28.) 


—  474  — 

lui  sur  la  rive  droite  ;i  la  garde  d(^  son  artillerie,  avaient  déjà  (il 
le  reconnaît  lui-même  dans  son  rapport*)  commencé  à  s'engager 
avec  les  Français  du  côté  de  La  Rothière  ;  il  ne  crut  pas  néan- 
moins devoir  renoncer  h  son  entreprise.  Au  lieu  de  se  borner  à 
harceler  et  à  inquiéter  la  droite  française  par  quelques  démon- 
strations exécutées  sur  la  rive  gauche  de  l'Aube,  bien  qu'il  eût 
déjà  pu  se  rendre  compte  des  difficultés  que  présenterait  sur 
Tautre  rive  l'attaque  de  Dienville,  il  n'en  jugea  pas  moins  utile 
de  renforcer  la  brigade  Pfliiger  par  la  brigade  Czollich,  6  bouches 
h  feu  et  quelques  escadrons,  et  de  charger  le  général-lieutenant 
Fresnel  de  la  conduite  des  opérations  sur  la  rive  gauche.  En  môme 
temps,  il  prenait  en  personne  la  direction  du  mouvement  contre 
Dienville,  qu'il  se  proposait  d'attaquer  avec  le  reste  de  son  corps 
vers  5  heures  de  l'aprés-midi. 

Pendant  toute  la  première  période  de  la  bataille,  Gyulay  dut 
se  borner  à  contrebattre  le  tir  de  l'artillerie  française  et,  par  cela 
même  qu'il  avait  détaché  une  division  entière  sur  la  rive  gauche 
de  l'Aube,  que  son  corps  d'armée  se  trouvait  ainsi  à  cheval  sur 
une  rivière,  il  se  vit  contraint,  avant  même  de  s'être  engagé  à 
fond  du  côté  de  Dienville,  à  faire  entrer  en  ligne  la  dernière  de 
ses  brigades  (brigade  Grimmer),  qu'il  posta  à  sa  droite  pour  se 
relier  par  là  aux  troupes  de  Sacken. 

Quand  au  général  Fresnel,  il  avait  longé  l'Aube,  en  avait 
chassé  les  quelques  petits  postes  d'infanterie  française,  mais  sans 
réussir,  pendant  toute  cette  première  phase,  à  remporter  le 
moindre  avantage  contre  les  troupes  de  Gérard,  solidement  éta- 
blies à  Dienville. 

Le  IV*  corps  se  porte  contre  La  Giberie.  —  La  quatrième 
colonne  des  Alliés  (le  IV^  corps),  sous  les  ordres  du  prince  royal  de 
Wurtemberg,  à  laquelle  on  avait  adjoint  cinq  escadrons  du  régi- 
ment de  hussards  autrichiens  Archiduc-Ferdinand,  avait,  d'après 
la  disposition  générale,  quitté  avant  le  jour  Maisons  et  Fresnay, 
pour  venir  prendre  position  sur  les  hauteurs  d'Éclance.  O 
IV*'  corps  devait  se  porter  d'Éclance  contre  Chaumesnil  et  se 
relier  à  droite  avec  le  V«  corps  (Wrède).  Sa  gauche  était  cou- 


»  Rapport  de  Gyulnv  à  Srhwarxenberg,  Lesmont,   2  février.    (A'.  A'.  Krieg» 
Arthir.,  Il,  28.) 


—  47o  — 

verte  par  les  cosaques  de  Karpoff  et  le  corps  volant  du  général 
prince  Biron  de  (lourlande.  Mais  avant  d'arriver  sur  Chaumesnil, 
le  !¥•  corps  allait  avoir  de  sérieuses  difficultés  à  surmonter.  Il 
lui  fallait  d*abord  passer  k  travers  le  bois  de  Beaulieu,  par  des 
chemins  presque  impraticables  pour  rartillerie,  puis,  avant 
d'aborder  la  hauteur  de  La  Giberie,  traverser  un  défilé  maréca- 
geux battu  et  balayé  par  l'artillerie  française.  Le  général-major 
von  Stockmayer,  formant  avec  sa  brigade  la  tète  de  colonne  du 
IV«  corps,  ne  tarda  pas  à  donner,  dans  le  bois  de  Beaulieu 
même,  contre  les  premiers  postes  français  qui  se  replièrent  en 
combattant  sur  leurs  soutiens.  Après  une  lutte  assez  vive,  ces 
troupes  avancées  se  décidèrent  i\  céder  le  bois  de  Beaulieu  à 
Tavant-garde  wurtembergeoise  et  h  se  mettre  en  retraite  en  bon 
ordre  sur  La  Giberie.  Un  régiment  de  cavalerie  wurtembergeoise 
(régiment  de  chasseurs  n"  2  du  duc  Louis  de  Wurtemberg)  ne 
parvint  pas,  malgré  tous  ses  efforts,  à  déboucher  assez  rapide- 
ment du  bois  de  Beaulieu  pour  atteindre  le  bataillon  français 
qu'il  rejoignit  seulement  à  peu  de  distance  de  La  Giberie  et 
auquel  il  ne  put  enlever  que  quelques  traînards  *. 

Mais  la  marche  de  la  brigade  Stockmayer  et  du  régiment  de 
cavalerie  Duc-Louis,  quoique  retardée  par  Fhorrible  état  des 
chemins,  avait  déjà  eu  une  conséquence  assez  favorable  pour  les 
Alliés,  en  obligeant  les  Français  à  évacuer,  en  même  temps  que 
le  bois  de  Beaulieu,  les  hauteurs  boisées  situées  à  l'ouest  de  ce 
bois  et  d'où  leur  feu  avait,  jusqu'à  ce  moment,  contrarié  le 
déploiement  et  les  progrès  du  corps  russe  d'Olsufiefl'. 

Bien  que  le  reste  de  sa  cavalerie  avec  l'artillerie  légère,  com- 


1  Starke,  Eintheilung  und  Tagesbegebenheiten  der  Haupt-Armee  im  Monate 
Febrnar  {K.  K,  Kriegt  Arehir.,  Il,  i),  et  Jooroal  des  opérations  da  IV*  corps 
par  le  général  comte  BaUletde  Latoor,  ebef  d'état-major.  (Ibid,,  XIII,  3A.). 

«  L'ennemi  avait  occupé  fortement  les  hauteurs  en  avant  de  La  Giberie  et  y 
avait  posté  plusieurs  régiments  d'infanterie  et  de  cavalerie.  Le  terrain,  complè- 
tement défoncé,  ne  permettant  pas  d'amener  assez  vite  du  canon,  je  portai 
contre  la  hauteur  le  régiment  de  cavalerie  Duc-Louis,  que  je  fis  soutenir  par 
deux  bataillons  d'infanterie.  La  cavalerie  ennemie  se  retira  sans  attendre  l'atta- 
que, et  le  colonel  von  Gaisberg.  chargeant  sans  perdre  une  minute  Tinfanterio 
qui  se  retirait,  lui  prit  une  trentaine  d'hommes,  mais  ne  put  songer  à  la  pour- 
suivre, ni  bien  loin,  ni  bien  sérieusement,  à  cause  de  la  trop  grande  proximité 
du  village.  Je  fis  alors  attaquer  La  Gilierie  par  le  général  Stockmayer.  » 
(Prince  roval  de  Wurtemberg  an  prince  de  Schwarzenberg,  Petit-Mesnil.  le 
1"  février*  1814).  (K.  K  Kriegi  Archir.,  II,  3.) 


—  47G  — 

menÇcU  seulement  à  déboucher  du  bois  de  Beaulieu  et  que  le  gmb 
du  corps  fût  encore  assez  loin  en  arrière,  le  prince  royal  de  Wur- 
temberg, qui  avait  suivi  le  mouvement  de  son  avant-garde, 
n'hésita  pas,  dans  l'espoir  de  tirer  plus  amplement  parti  des  pre- 
miers avantages  qu'il  venait  de  remporter,  îi  lancer  la  brigade  du 
général  von  Stockmayer  contre  La  Giberie. 

En  thèse  générale,  on  doit  condamner  les  attaques  successives, 
les  efforts  isolés  et  toute  espèce  d'entreprise  dans  laquelle  on 
doit  engager  les  troupes  au  fur  et  à  mesure  de  leur  arrivée;  la 
manière  de  procéder  du  prince  royal  peut  cependant  se  justifier 
au  moins  en  partie.  En  effet,  il  avait  pu  reconnaître  que  son 
avant-garde,  se  maintiendrait  difficilement  dans  un  ravin  balayé 
par  Tartillerie  française  et  il  devait  chercher  h  brusquer  l'attaque 
de  La  Giberie  pour  empêcher  les  Français  de  s'y  renforcer.  Enfin, 
il  y  avait  pour  lui  un  intérêt  capital  à  gagner  en  avant  assez  de 
lerrain  pour  permettre  au  gros  de  son  corps  de  se  déployer. 

Malgré  les  avantages  que  la  position  de  La  Giberie  assurait  à  la 
défense,  la  brigade  Stockmayer  parvint,  après  un  combat  des  plus 
acharnés,  à  en  chasser  les  trois  bataillons  qui  l'occupaient  et  à 
s'assurer  momentanément,  gnlce  à  une  démonstration  faite  sur 
sa  gauche  par  la  cavalerie  wurtembergeoise,  la  possession  d'un 
point  qui  avait  pour  le  IV**'  corps  une  importance  capitale.  Ce 
n'était,  en  effet,  qu'à  la  condition  d*étre  maître  de  La  Giberie 
que  le  prince  royal  de  Wurtemberg  pouvait  se  servir  en  toute 
sécurité  du  défilé  formé  par  le  bois  de  Beaulieu,  se  relier  à  gau- 
(îhe  avec  Sacken,  à  droite  avec  Wrède,  et  crever  ensuite  les  posi- 
tions françaises  dont  le  village  de  La  Giberie  était  à  la  fois  le 
saillant  et  en  quelque  sorte  la  clef. 

Afin  de  couvrir  la  droite  des  troupes  qu'il  venait  de  lancer  sur 
La  Giberie,  le  prince  royal  ordonna  à  deux  de  ses  régiments  de 
cavalerie  et  à  une  batterie  à  cheval  de  se  porter  au  plus  vite 
contre  la  gauche  du  duc  de  Bellune. 

«  Ce  ne  fut  pas  sans  peine,  dit  le  prince  royal  dans  son  rap- 
port au  prince  de  Schwarzenberg*,  que  ces  deux  régiments  et  la 
batterie  réussirent  à  déboucher  de  ce  défilé  que  mon  infanterie 


Prince  royal  de   Wartemberg  au  prince  de  Schwarzenberg,    rapport  som- 
maire sur  In  lialaillc  de  La  Rothière.  (A'.  K,  Krierii  Archiv,,  H,  3.) 


—  477  — 

iKî  IravtTSiiil  que  leiitoiuenl  à  cause  des  ditïicullês  ([u'elle  avail  à 
surmonter  îi  chaque  pas.  »  Le  g;rosdu  IV«  corps  n'avait,  en  effet, 
pas  encore  réussi  à  travers(»r  Ic^  bois  de  Beaulieu. 

Le  maréchal  Victor  avail  d'aill(»urs,  tout  comme  le  prince 
royal,  reconnu  l'importance»  capitale  df^  La  Giberie,  dont  la  perte 
l'aurait  obligé  à  modifier  comj)lètement  la  position  de  son  corps 
et  l'aurait  mis  dans  l'impossibilité  d'essayer  de  contrarier  les 
mouvements  que  les  Alliés  faisaient  sur  sa  droite  contre  La  Ro- 
thière,  sur  sa  gauche  vers  Chaumesnil.  A  |)eine  informé  de  ce 
qui  venait  de  se  passer  à  La  Giberie,  il  laiica  de  Petil-Mesnil  contre 
ce  hameau  une  colonne  formée  par  toutes  les  troupes  encore  dis- 
ponibles de  la  2«  division  (division  Forestier)  de  son  corps  et  sou- 
tenue par  deux  batteries.  Les  bataillons  français  se  précipitèrent 
au  pas  de  charge?  sur  La  Giberie  et  arrachèrent  la  plus  grande 
partie  du  hameau  au\  Wurtembergeois  qui,  bien  qu'ayant  été 
renforcés  par  un  des  régiments  de  la  brigade  du  général  Doring 
(n»^imenl  d'infanterie  n®  2),  par  un  bataillon  du  10®  régiment 
d'infanterie  légère»  et  unc^  batterie,  ne  j)arvinrent  à  se  maintenir 
que  dans  les  dernières  maisons.  La  position  du  prince  royal,  au- 
quel le  moindre  renfort  envoyé  aux  troupes  françaises  pouvait 
faire  perdre  définitivement  La  Giberie»,  était  à  ce  moment  assez 
critique  pour  que  ce  prince  crût  nécessaire  de  demander  à  Blu- 
cher,  par  l'intermédiaire  même  du  général  de  Toll  qui  se  trouvait 
précisément  à  ce  moment  sur  le  théîltre»  de»  la  lutte,  de  le  faire» 
soutenir  dans  le  plus  bref  elélai  i)Ossible. 

Situation  des  trois  corps  de  Sacken,  Gyulay  et  prince 
royal  de  Wurtemberg.  —  Si  l'on  jette  un  coup  d'œil  d'en- 
semble sur  la  physionomie  du  e*ombat  et  sur  la  position  respec- 
tive des  deux  adversaires  telle  qu'elle  se  présentait  à  4  heures  de» 
l'après-midi,  apre»s  trois  heures  de  lutte,  on  reconnaîtra  que  les 
Alliés  n'avaient  fait  de  progrès  sérieux  qu'au  centre  où  la  cava- 
lerie russe  avait  réussi  à  chasser  devant  elle  les  ese'adrons  de 
Nansouty  et  à  s'emparer  d'une  nombreuse»  artillerie.  C'éliiit,  en 
effet,  grâce»  aux  charges  heureuses  de  la  cavalerie  de  Wassiltchi- 
kofî  que  Sacken  avait  pu  venir  h  bout  de  la  division  Duhesme  et 
s'installer  dans  la  moitié  du  village  de  La  Rothière.  Les  disposi- 
tions, d'ailleurs,  très  critiquables  de  Gyulay,  n'avaient  amené  au- 
cnn  résultai  ai)préciable  sur  leur  gauche»  où  Gérard  tenait  vigou- 


—  478  -- 

R'U.seiiKînl  lôU;  aux  Aiilricliiens  du  111»^  corps,  on  avant  de 
Dicnville.  Enlin,  sur  la  droite,  le  prince  royal  de  Wurlemberi;, 
dont  le  déploiement  avait  été  retardé  par  les  difticultés  éprouvées 
au  passage  du  bois  de  Beaulieu  et  du  ravin  en  avant  de  ce  bois, 
était  sur  le  point  d'être  chassé  des  dernières  maisons  de  Lîi  Gi- 
herie. 

La  situation  générale  était  donc  bien  loin  d'être  aussi  favo- 
rable qu'elle  aurait  pu  l'être  pour  les  Alliés,  si,  par  des  disposi- 
tions rationnelles,  qu'on  aurait  pu  prendre  à  Taise  et  en  toute 
sécurité,  on  avait  profité  des  deux  journées  des  30  et  31  janvier 
pour  amener  à  couvert  et  hors  des  vues  des  Français,  à  proxi- 
mité de  leurs  positions  de  combat,  les  troupes  destinées  h  prendre 
part  à  la  bataille. 

Marche  du  V^  corps.  —  Premiers  engagements  à  l'ex- 
trême droite  des  Alliés.  —  A  l'extrême  droite  des  lignes  alliées, 
Wrede  avait  marché,  dès  le  matin,  contre  les  troupes  de  Mar- 
mont  (|ui,  après  avoir  évacué  Soulaines,  malgré  les  ordres  for- 
mels de  l'Empereur,  avait,  par  une  marche  de  nuit,  replié  son 
corps  d'armée  sur  Morvilliers  et  Chaumesnil.  Il  y  occupait  une 
position  dont  le  front  était  encore  hors  de  proportion  avei;  Tef- 
fe<:tif  des  troupes  dont  il  disposait  (5.000  hommes  environ  de  la 
division  Lagrange  et  1500  chevaux  de  la  division  de  cavaleries 
Doumerc). 

A  10  heures  du  niatiu,  1(î  commandant  du  V«  corps  avait  con- 
c(;nlré  ses  27,000  hommes  (dont  près  de  5,000  de  cavalerie)  entre 
Tremilly  et  Nully  et,  chargeant  le  général  baron  Frimont  de  la 
conduite  de  l'avant-garde,  il  s'était  porté  de  Tremilly  par  Sou- 
laines sur  la  route  de  Brienne. 

Le  V«  corps  commença  sa  marche  sur  une  seule  colonne.  Le 
régiment  de  uhlans  de  SchwarzxMiberg,  soutenu  par  un  bataillon 
de  chasseurs  autrichiens,  fournissait  la  pointe  d'avant-garde.  La 
division  Antoine  Hardegg  venait  ensuile.  Les  divisions  bavaroises 
La  Motte  et  Rechberg,  suivies  par  l'artillerie  de  corps,  formaient 
le  gros  de  la  colonne  et  la  division  autrichienne  Spleny  fermait 
la  marche.  La  pointe  d'avant-garde  avait  à  peine  atteint  la  lisière 
du  bois  de  Fuligny,  lorsque  ses  éclaireurs  vinrent  donner  contre 
les  premiers  avant-i)Ostes  français  qui  se  replièrent  en  tiraillant. 
«  Le  bois  qui  s'étendait  df^vant  le  V«  corps,  dit  le  major  prince 


—  479  — 

de  Thurii  e'I  Taxis,  l'aide  de  caiii|)  de  VVrède.  dans  son  Journal 
des  campagnes  d(;  1812.  1813  et  1814*,  est  assiî/  grand.  11  esl 
Iraversé  par  une  seule  roule  fort  étroite,  el  le  niouvenumt  du 
V«  corps  h  travers  le  bois,  devait  par  suite  prendre  pas  mal  de 
It^mps*.  11  était  environ  2  heures  de  Taprès-midi,  lorsque  la  t(^te 
<lu  régiment  de  uhlans  de  Schwar/cnberg  parvint  à  déboucher 
sur  la  lisière  opposée  (près  de  La  Chaise),  chassant  devant  (îlle  les 
Iroupes  françaises  établies  derrière  des  abatis,  où  elles  avaient 
essayé  de  tenir  bon.  Pendant  que  la  division  Antoine  Hardegg  se 
déployait  à  la  sortie  du  bois  derrière  la  cavalerie  d'avant-garde,  le 
général  Frimonl  prenait  à  gauche,  avec  les  divisions  La  Motte  et 
Rechberg,  la  direction  de  Chaumesnil  \  Marmont,  dont  le  faible 
corps  occupait  tout  l'espace  compris  entre  Morvilliers  et  Chau- 
mesnil et  qui  venait  de  commencer  le  mouvement  vers  Chaumes- 
nil prescrit  par  l'Empereur,  se  décida  alors  —  mais  il  était  déjà 
trop  lard  —  à  concentrer  ses  forces  autour  d(^  la  ferme  de  Heau- 
voir.  sur  le  plateau  en  avant  de  Chaumesnil.  Sa  cavalerie  couvrait 
ce  mouvement  qui,  contrarié  par  le  mauvais  étal  des  chemins, 
ne  lui  permit  d'atteindre  sans  encombre  la  ferme  de  Beauvoir 
qu'avec  la  seule  brigade  Joubert,  tandis  que  son  autre  brigade 
restait  à  Morvilliers. 

«  Wrède,  qui  s'était  porté  en  soutien  de  son  avant-garde,  s'était 
immédiatement  rendu  compte  des  dangers  auxquels  cette  marche 
de  tlanc  exposiiit  son  adversaircî.  et  envoya  en  conséquence  îi  ses 
deux  dernières  divisions  (Rechberg  el  Spleny)  l'ordre  d'accélérer 
leur  mouvement.  Le  colonel  von  Mengen  qui  marchait  en  tète  de 
l'avant-garde*  avec  deux  escadrons  de  son  régiment  (uhlans  de 


1  Taxis,  Tagebuch.  (A*.  A".  Kriegs  Archii\,  Xlll,  32.) 

s  Ce  moayement  fat  encore  retardé  par  la  marche  de  la  cavalerie  de  Pahieii 

qui  s'était,  pendant  la  nait  da  31  au  l^^  relié  avec  la  gauclio  de  Wrùde  en 
arrii>re  de  Puligny  et  qui,  se  mettant  en  route  pour  rejoindre  Wittgenstcin  vei-s 
Montier-en-Der,  croisa  la  colonne  de  Wrôdu  pendant  sa  marche.  (Wrèdc  à 
Schwarzenbcrg.  /6t/i.,  II,  4.) 

•  Wrède  à  Schwarzenbcrg.  (Ibid.  11,  87.) 

^  Tagebuch  des  Majors  Fiirsten  v.  Thurn  und  Taiis  (A'.  K.  Kriegt  Arehiv., 
Xm.  3S.) 

L'historique  du  régiment  de  uhlans  de  Schwarxenberg  fournit  sur  ce  fait 
d'armes  les  détails  suivants  : 

Le  13  janvier,  le  régiment  avait  franchi  les  Vosges,  et  le  1*'  février, 
lorsque  le  V<^  corps  d'armée  se  portât  en  avant»  le  régiment  marchait  en  tète  de 


—  480  — 

Sclnvarz(îiib(îrg),  ap(,T(jul  une  balterit»  frauraisc  se  disposant  à 
prendre  position  sur  une  hauteur  à  droite  de  la  roule  d'où  elle 
aurait  commandé  et  enfilé  le  débouché  du  bois.  Il  charge  aussi- 
tôt cette  batterie,  ne  lui  laisse  pas  le  temps  d'ouvrir  le  feu,  s'en 
empare  en  perdant  très  peu  de  monde  et  contraint  à  la  retraite 
les  troupes  chargées  de  la  soutenir.  Cette  charge  brillante  eut 
pour  conséquence  immédiate  de  permettre  a  linfanterie  de  dé- 
boucher complètement  du  bois  et  de  se  déployer  sans  encombre 
sur  une  bonne  position  à  cheval  sur  la  route  de  Brienne.  «  Le 
temps,  nous  dit  le  major  Taxis,  est  épouvantable;  des  tourbillons 
de  neige  obscurcissent  l'horizon.  » 

La  division  Hardegg,  qui  avait  achevé  son  déploiement,  profila 
de  ce  premier  avantage  pour  dépasser  Petil-Morvilliers,  pendant 
que  la  division  bavaroise  du  général  La  Motte  et  la  brigade  de 


la  première  colonne  et  le  major  comte  Uadik  conduisail  Ta  vaut-garde  forte  de  deiiv 
escadrons.  A  peine  les  premiers  pelotons  de  cette  avant-garde  curent-ils  atteint 
la  lisière  du  bois  de  Chaumesnil  qu'ils  aperçurent  l'ennemi  qui  essayait  à  ce 
moment  d'amener  une  batterie  à  cheval  de  4  canons  et  2  obusiers  sur  un  point 
d'où  cette  artillerie  aurait  pu  empêcher  notre  colonne  de  déboucher  du  bois 
l>eiidant  au  moins  une  heure.  On  porta  aussitôt  en  avant  un  maréchal  des 
logis  chef  avec  un  peloton,  chargé  de  reconnaître  plus  complètement  la  posi- 
tion de  l'ennemi.  Pendant  ce  temps,  le  régiment  se  rapprochait  lentement  de 
son  avant-garde.  Lorsqu'on  fut  arrivé  à  un  point  d'où  l'on  découvre  tout  le 
terrain  entre  Chaumesnil  et  Morvilliers,  lorsqu'on  eut  nettement  connaissance 
des  intentions  de  Tennemi,  le  colonel  baron  Mengcn  exécuta  avec  ses  uhlans 
une  charge  des  plus  brillantes.  Il  enleva  la  batteiie  sous  les  yeux  mêmes  d'un 
régiment  de  cuirassiers  français  de  la  garde  qui  débouchait  à  ce  moment  de  Mor- 
villiers et  au  devant  duquel  deux  escadrons  du  régiment  se  portèrent  an  ]kis. 
Lorsque  la  cavalerie  ennemie  se  disposa  à  reprendre  par  une  charge  la  batterie 
qu'elle  venait  de  perdre,  le  colonel  baron  Mengen  la  prévint  et  se  jeta  sur  elle 
de  front  avec  les  deux  escadrons  qu'il  avait  portés  en  avant  au  pas.  pendant 
i|ue  deux  autres  escadrons,  sous  les  ordres  du  major  baron  Trach,  la  prenaient 
de  flanc. 

L'ennemi  essaya  de  maintenir  sa  i>osiliun  naturellement  avantageuse,  sur- 
tout à  droite,  en  se  faisant  soutenir  par  son  artillerie  et  de  reiMusscr  par  un 
tir  à  mitraille  deux  autres  escadrons  qui  s'étaient  également  [)ortés  contre  lui. 

11  chercha  à  déblayer  suffisamment  le  terrain  pour  que  sa  cavalerie,  qui 
arrivait  en  ligne,  eût  la  place  nécessaire  pour  se  déployer.  Mais  ces  deux  esca- 
drons réussirent  néanmoins  à  tenir  ferme. 

A  peine  l'ennemi  avait-il  formé  ses  cuirassiers  sur  deux  lignes  que  Irt 
uhians  parvinrent  à  culbuter  par  une  charge  des  plus  vives,  non  seulement  la 
première,  mais  même  la  deuxième  ligne  et  à  les  mettre  en  désordre.  Ces 
charges  obligèrent  les  cuirassiers  à  quitter  1«  terrain.  Les  i)ertes  éprouvées  par 
la  cavalerie  française  auraient  été  bien  plus  sensibles  si  le  terrain  coupé  et  le 
feu  de  l'infanterie  qui  occultait  fortement  te  village  de  Morvilliers  avaient 
|)errai8  de  |>oursnivn*  les  «'uirassiers. 


—  481  — 

cavalerie  du  colonel  von  Diez  se  formaient  ii  sa  gauche  et  k  la 
môme  hauteur.  La  division  Rechberg,  couverte  par  la  cavalerie 
de  Diez  et  par  celle  du  général  von  Vieregg,  se  dirigeant  vers  la 
ferme  de  Beauvoir,  l'enleva,  après  un  combat  des  plus  acharnés, 
à  la  brigade  Joubert  et  la  contraignit  à  se  replier  sur  la  ferme 
de  Bouillenrupt*.  Malgré  les  efforts  de  la  cavalerie  bavaroise  qui 
lui  enleva  3  canons,  celte  brigade  réussit  h  y  prendre  position 
et  à  couvrir  les  abords  de  Chaumesnil. 

Pendant  que  la  division  Rechberg  enlevait  la  ferme  de  Beau- 
voir, Hardegg  s'était  avancé  sur  Morvilliers  que  la  prise  de  Beau- 
voir rendait  d'autant  plus  intenable  pour  les  Français  que  la 
dernière  division  du  V«  corps,  la  division  Spleny,  venait  de  se 
déployer  en  vue  de  ce  village,  sur  la  lisière  même  du  bois  et  sur 
la  rive  gauche  de  la  Bourbonne.  Les  troupes  françaises  de  Mor- 
villiers n'opposèrent  qu'une  assez  faible  résistance  et  se  retirèrent 
sur  le  bois  d'Ajou,  couvertes  par  la  cavalerie  de  Doumerc,  dont 
les  charges  ne  purent  que  ralentir,  sans  par\^enir  à  les  arrêter, 
les  progrès  de  Tinfanlerie  autrichienne. 

Il  était  alors  un  peu  moins  de  4  heures,  lorsqu'un  aide  de  camp 
du  prince  royal  de  Wurtemberg  vint  demander  à  Wrède  d'accen- 
tuer son  mouvement  en  avant  et  de  tenter  une  diversion,  ou  tout 
au  moins  une  démonstration,  assez  sérieuse  pour  dégager  le 
IV«  corps  fortement  engagé  et  vigoureusement  pressé  par  Ten- 
nemi  du  côté  de  La  Giberie  *. 

Wrède  prit  aussitôt  ses  mesures  pour  faire  exécuter  h  son  corps 
une  attaque  générale  contre  Chaumesnil.  Le  général  Frimont, 
avec  une  partie  des  divisions  Hardegg  et  I^a  Motte,  reçut  Tordre 
de  se  porter  contre  Chaumesnil,  en  remontant  le  cours  du  rû  de 
Froideau  pour  menacer  la  face  nord  du  village,'  pendant  que 
la  division  Rechberg,  après  avoir  enlevé  Bouillenrupt,  se  charge- 
rait de  l'attaque  de  front  '. 


^  La  ferme  de  BoaiUenrnpt  qai  ne  figure  pas  sur  les  cartes,  était  située  au 
sud-ouest  de  Beauvoir,  à  peu  près  à  égale  distance  entre  Beauvoir  et  Chan- 
mesnU. 

*  Tagcbuch  des  Majors  Fûrsten  Thum  und  Taxis.  (K.  K,  Kriegs  Archiv., 
XIII,  3i.) 

•  Frimont  à  Wrède  (K,  K.  Kriegs  Arehiv.y  II,  47,  a)  ;  Wrède  à  Schwarzen- 
berg.  (/Wd.,  II,  47.) 

WeU.  31 


—  482  ^ 

Situation  générale  à  4  heures.  —  On  ne  saurait  guère  con- 
tinuer l'exposé  de  la  bataille  de  La  Rothière  sans  faire  ressortir 
l'influence  que  l'intervention  du  V«  corps  et  la  résolution  exclusi- 
vement due  à  l'initiative  de  Wrède,  devaient  exercer  sur  le 
résultat  final  de  la  journée. 

Nous  avons  montré,  en  eliet,  par  la  situation  respective  des 
deux  armées  à  4  heures,  qu'à  Dienville  comme  à  La  Giberie,  les 
Alliés  n'avaient,  pour  ainsi  dire,  pas  cntiimé  les  positions  fran- 
çaises. Même  au  centre,  malgré  l'échec  de  la  cavalerie  de  Nan- 
souty  et  bien  que  La  Rothière  ne  fût  plus  défendue  que  par  une 
poignée  de  vieux  soldats  décidés  à  vendre  chèrement  leur  vie  et 
à  disputer  le  terrain  pied  h  pied,  il  suffisait  de  l'entrée  en  ligne 
de  quelques  renforts,  des  divisions  de  Ney  rappelées  par  l'Empe- 
reur, pour  rétablir  complètement  le  combat  et  réussir  h  tenir  tête 
aux  Russes  qui,  malgré  tous  leurs  efforts,  n'avaient  pas  réussi  k 
enlever  complètement  ce  village  et  qui,  par  suite,  continuaient  à 
être  dans  l'impossibilité  d'en  déboucher.  La  situation  générale, 
sans  être  brillante,  était  donc  loin  d'être  compromise  jusqu'au 
moment  où  l'attaque  de  Wrède,  facilitée,  il  est  vrai,  par  les  fautes 
de  Marmont,  —  attaque  secondaire,  puisqu'elle  n'avait  pas  été 
prévue  par  le  plan  primordial,  —  allait  changer  la  face  des 
choses.  En  s'accentuant  davantage  à  la  suite  de  l'appel  fait  par  le 
prince  royal  de  Wurtemberg,  elle  allait  menacer  la  gauche  fran- 
çaise d'un  mouvement  débordant  qui,  s'il  eût  été  poussé  à  fond, 
aurait  pu  priver  l'armée  entière  de  son  unique  ligne  de  retraite 
sur  Lesmont.  Aussi,  au  lieu  de  reprendre  l'exposé  des  événements 
qui  se  passèrent  après  4  heures,  depuis  La  Giberie  jusqu'à 
l'Aube,  nous  avons  cru  plus  utile  de  suivre  d'abord  le  V*  corps 
dans  l'attaque  qu'il  va  exécuter  contre  Chaumesnil,  afin  de  déga- 
ger le  prince  royal  de  Wurtemberg,  eu  faisant  tomber  le  point 
d'appui  de  la  gauche  de  l'armée  française. 

Attaque  et  prise  de  Chaumesnil.  —  Pendant  que  Marmont, 
après  avoir  clé  contraint  d'abandonner  Morvilliers,  s'établissait 
sur  la  lisière  est  du  bois  d'Ajou,  couvert  sur  son  flanc  par  les 
escadrons  de  Douraerc  séparés  par  le  rû  de  Froîdeau  des  troupes 
autrichiennes  *  postées  sur  la  rive  droite  de  ce  ruisseau,  FrimcHit 


*  Wrède  à  Schwarzenberg,  Uricime,  3  février.  {K.  K,  Kriegê  Artkw.,  U. 

47.) 


-  483  — 

faisait,  sur  Tordre  de  Wrède,  enlever  à  la  baïonnette  Chaumesnil 
par  deux  bataillons  appartenant,  Tun,  au  régiment  autrichien  de 
Szeckler,  régiment  des  confins  militaires,  et  Tautre,  au  régiment 
bavarois  Lôwenslein  n<>  7,  soutenus  par  la  brigade  bavaroise 
Habermann  (division  du  général  de  La  Motte).  Après  un  combat 
assez  court,  mais  très  acharné,  ces  bataillons  réussirent  h  en 
déloger  le  général  Joubert. 

La  possession  de  Chaumesnil  était,  pour  les  Alliés,  d'une» 
import<ince  tellement  essentielle  que  Wrède,  prévoyant  que  les 
Français  chercheraient  h  l'en  débusquer,  ne  négligea  rien  pour 
s'y  établir  solidement.  Sur  son  ordre,  Frimont  met  aussitôt  en 
batterie  12  pièces  qui  battront  les  abords  du  village  qu'il  fait 
couvrir  et  occuper  par  les  divisions  Hardegg  et  La  Motte.  La 
brigade  de  cavalerie  du  colonel  von  Diez,  qui  a  suivi  les  premières 
troupes,  traverse  le  village  au  galop,  vient  se  déployer  au 
débouché  de  Chaumesnil,  et  la  division  Rechberg  (10  bataillons 
et  4  batteries)  avec  la  brigade  de  cavalerie  du  général-major  von 
Vieregg  (14  escadrons),  prend  position  en  réserve  en  arrière  de 
Chaumesnil  et  à  la  gauche  des  lignes  du  Y*  corps  \ 

Dès  qu'il  avait  été  informé  de  la  perte  de  Chaumesnil,  l'Empe- 
reur avait  reconnu  qu'il  était  de  toute  nécessité  d'arrêter  de  ce 
côté  les  progrès  de  ses  adversaires.  Craignant  de  voir  Wrède 
déborder  complètement  sa  gauche,  se  porter  sur  les  derrières  de 
son  armée,  s'installer  sur  la  chaussée  de  Doulevant  h  Brienne  et 
couper  du  ])onl  de  Lcsmont  les  corps  engagés  h  Petit-Mesnil  et  {i 
La  Rothière,  il  résolut  de  reprendre  Chaumesnil  et  vint  rejoindre 
Marmont  avec  la  cavalerie  de  Guyot,  une  brigade  de  la  division 
de  jeune  garde  du  général  Meunier  et  une  batterie.  L'Empereur, 
après  avoir  mis  16  pièces  en  batterie  îi  l'ouest  de  Chaumesnil, 
tenta  vainement,  à  ])lusieurs  reprises,  d'arracher  ce  village  aux 
Austro-Bavarois. 

Charge  de  la  cavalerie  bavaroise  contre  les  batteries 
françaises.  —  Vers  7  heures  du  soir,  les  deux  batteries  postées 
par  Frimont  aux  abords  de  Chaumesnil  parvinrent  à  faire  taire 
l'artillerie  française;  Wrède  en  profita  pour  lancer  contre  cette 
artillerie,  soutenue  par  la  cavalerie  française  et  protégée  par 

•  Tagebuch  des  Majors  Filrsten  Thurn  und  Taxis.  {Ibid.,  XUI,  32») 


—  484  — 

des  carrés  d'infanterie,  la  brigade  de  cavalerie  bavaroise  de 
Diez  (4®  et  5®  régiments  de  chevau-légers,  régiment  du  Roi 
et  régiment  de  Leiningen),  et  le  régiment  de  hussards  autrichiens 
Archiduc-Joseph.  Ces  trois  régiments  de  cavalerie  passant  dans 
les  intervalles  des  carrés  français,  se  précipitent  sur  les  batteries, 
mettent  en  déroute  les  escadrons  qui  leur  servent  de  soutien, 
sabrent  les  canonniers  sur  leurs  pièccîs  et  réussissent  h  s'emparer 
de  21  bouches  à  feu  *. 

Chaumesnil  était  définitivement  perdu,  et  les  troupes  de  Mar- 
mont  et  de  Meunier,  après  avoir  vainement  tenté  de  rejeter  la 
cavalerie  de  Wrède,  se  replièrent  à  la  nuit  vers  Brienne.  L'obscu- 
rité était,  d'ailleurs,  tellement  profonde  que  les  chevau-légers 
bavarois  chargèrent  quelques  instants  après  des  chasseurs  à 
cheval  wurtembergeois  qui,  après  la  prise  de  La  Giberie,  s'étaient 
portés  en  avant  entre  Chaumesnil  et  Petit-Mesnil,  pendant  que 
de  leur  côté  les  cavaliers  de  Biron  s'étaient  avancés  plus  à  gauche 
et  à  égale  hauteur  entre  Petit-Mesnil  et  La  Rothière  *. 

L'obscurité,  le  dégel  et  le  chasse-neige,  nous  dit  Schwarzen- 
berg  dans  les  Tagesbegebenlmien,  empêchèrent  la  cavalerie  de 
Wrède  de  poursuivre  Marmont. 

Pendant  que  le  V«  corps  s'emparait  de  Chaumesnil,  d'où  l'infante- 
rie austro-bavaroise  pouvait  déboucher  désormais  sans  difficulté, 
tandis  que  la  cavalerie  bavaroise  du  colonel  von  Diez  enlevait  les 
batteries  françaises,  la  division  autrichienne  de  Spleny  sortant  de 
Morvilliers  et  poussant  vers  le  bois  d'Ajou,  obligeait,  par  sa 
présence,  Marmont  à  en  évacuer  la  lisière  orientale  et  s'arrêtait 
en  fin  de  compte  à  la  lisière  occidentale  de  ce  bois,  faisant  front 
vers  Brienne. 

Les  avantages  remportés  par  Wrède  îi  l'iîxtrême  droite  des 
Alliés  avaient  singulièrenjcnt  facilité  les  progrès  que  les  corps 


*  Tagcbui'h  des  Majors  Fursten  Thurn  und  Taxis  (A'.  A\  Krieg$  Archit\, 
XIII,  3i),  et  Starke,  Kintheilang  und  Tagesbcgebeiiheiten  der  Haupt-Armee 
ini  Monate  Februar.  (Ibûl.,  II,  1.) 

*  Starke,  Eintheilung  und  Tagesbegebonheiten  der  Haupt-Armee  im  Mooate 
Februar.  {K.  K,  Kriegs  ArclUv.,  IJ,  1.) 

Remarquons  à  ce  propos  que,  tandis  que  Taxis  parle  dans  son  manuscrit  de 
21  bourbes  à  feu,  le  général  Frimont  dans  son  rapport  à  Wrède  (GhaumesoU, 
!«'  février,  K.  K,  Kriegs  Archiv.,  II,  47  a),  annonce  au  général  en  chef  la 
prise  de  14  canons  seulement.  Le  môme  chiffre  se  retrouve  dans  la  biographie 
de  Frimont  (OeslereichUche  Mititair  Zeitschrift,  1843,  II,  page  131). 


—  485  — 

placés  sous  la  conduite  immédiate  de  Blûchcr  avaient  faits  pendant 
cette  deuxième  phase  de  la  bataille,  entre  4  et  8  heures. 

Le  IV*  corps  enlève  La  Giberie.  —  Le  mouvement  de  Wrède 
contre  Chaumesnil  et  Morvilliers,  Tarrivée  en  ligne  de  la  brigade 
Dôring  et  d'une  batterie  h  cheval  avaient  permis  au  prince  royal 
de  Wurtemberg  de  mettre  un  terme  aux  progrès  des  Français  fi 
La  Giberie.  Mais  Victor,  ayant  de  son  côté  renforcé  et  rapproché 
ses  batteries,  ce  ne  fut  que  vers  5  heures  du  soir,  après  la  prise 
de  Chaumesnil,  que  le  prince  royal,  lançant  contre  La  Giberie  un 
régiment,  régiment  n»  7,  qui  venait  de  le  rejoindre,  parvint  enfin 
après  deux  heures  d'un  deuxième  combat  aussi  acharné  que  le 
premier  *,  à  s'emparer  définitivement  de  La  Giberie  et  à  déboucher 
contre  Petit-Mesnil.  Bien  que  la  plus  grande  partie  de  son 
artillerie  fût  encore  engagée  dans  le  défilé  du  bois  de  Beaulieu, 
le  prince  royal  dirigea  aussitôt  les  généraux  Stockmayer  et 
Dôring  contre  les  faces  sud  et  est  de  Petit-Mesnil.  Il  lui  importait 
de  s'en  rendre  maître  au  plus  vite,  afin  de  se  relier  à  droite  avec 
le  V«  corps  qui,  après  l'occupation  de  Morvilliers  et  de  Chau- 
mesnil, se  dirigeait  vers  le  bois  d'Ajou  et  la  chaussée  de  Doule- 
vant  à  Brienne,  à  gauche,  avec  le  corps  de  Sacken  qui  cherchait 
à  déboucher  de  La  Rothière.  Les  deux  brigades  wurtember- 
geoises  enlevèrent  le  Petit-Mesnil  après  une  lutte  des  plus 
opiniâtres  au  moment  où  le  général  comte  de  Franquemonl, 
après  avoir  enfin  surmonté  toutes  les  difficultés  qui  îivaient 
ralenti  sa  marche  à  travers  le  bois  de  Beaulieu  et  le  ravin  maré- 
cageux, arrivait  à  La  Giberie  avec  le  gros  du  IV«  corps  et  une 
batterie  montée. 

L'apparition  de  ces  renforts,  à  l'instant  où  les  troupes  françaises 
fléchissaient  sur  toute  la  ligne,  permit  au  prince  royal  de  pousser 
en  avant,  entre  Petit-Mesnil  et  Chaumesnil,  deux  régiments  de 
cavalerie  n^*  3  et  4,  sous  les  ordres  du  lieutenant-colonel  von 
Bismarck,  chef  d'état-major  de  la  cavalerie  wurtembergeoise. 


1  «  L'ennemi,  —  ainsi  s'exprime  le  prince  royal  dans  son  rapport  à  Schwar- 
zenberg,  daté  du  Petit-MesnU,  le  !•'  février  {K.  K,  Kriegt  Archiv,,  H,  3),  — 
attaqaa  à  son  tour  La  Giberie  où  Ton  se  battit  pendant  quatre  heures  avec  un 
acharnement  inouï,  jusqu^ù  ce  qu'enfin,  grâce  à  l'arrivée  de  troupes  fraîches 
et  au  tir  de  ma  batterie  à  cheval,  je  parvins  à  repousser  les  attaques  des 
Français.  » 


—  486  - 

Les  deux  régiments  rejoignirent  dans  ces  plaines,  d  abord  le 
2®  régiment  de  chasseurs  à  cheval  wurtembergeois,  Duc-Louis, 
qui  avait  passé  au  nord  de  La  Giberie,  puis,  plus  h  droite,  la 
cavalerie  bavaroise.  Menaçant  la  droite  du  corps  de  Marmont,  ils 
exécutèrent  un  peu  plus  tard,  de  concert  avec  les  escadrons  de 
Wrède,  la  charge  qui  mit  fin  h  la  lutte  sur  la  droite  des  Alliés. 

Sacken  enlève  La  Rothiôre.  —  Si  le  prince  royal  de  Wurtem- 
berg avait  mis  quatre  heures  à  se  rendre  maître  de  La  Giberie  et 
s'il  n'avait  réussi  h  en  déboucher  et  h  s'emparer  de  Petit-Mesnil 
que  grdce  au  concours,  pour  ainsi  dire  imprévu,  de  Wrède, 
Sacken  avait  eu  pendant  cette  même  période  de  temps  à  soutenir 
du  côté  de  La  Rothière  une  lutte  encore  plus  meurtrière  et  plus 
sanglante. 

Bliicher,  qui,  dès  le  début  de  la  bataille,  avait  résolu  de  concen- 
trer ses  efforts  contre  La  Rothière,  centre  des  lignes  françaises, 
qu'il  considérait  comme  la  clef  de  la  position,  avait  rejoint,  un 
peu  après  4  heures,  avec  le  général  von  Gneisenau,  son  chef 
d'état-major,  Sacken,  au  moment  même  où  les  Russes  venaient 
d'enlever  la  plus  grande  partie  du  village  de  La  Rothière,  Le 
feld-maréchal,  prévoyant  que  l'Empereur  ne  manquerait  pas 
de  tentcT  un  retour  offensif  de  ce  côté  et  de  jeter  sur  La  Rothière 
les  premières  troupes  dont  il  pourrait  disposer,  crut  d'autant 
plus  urgent  d'appeler  h  lui  les  réserves  postées  sur  les  hauteurs 
de  Tranncs,  que  la  cavalerie  du  général  Colbert  avait  rompu 
celles  des  troupes  de  Sacken  qui  avaient  essayé  de  se  déployer 
en  avant  de  La  Rothière  et  qui  furent  recueillies  par  les  régi- 
ments d'Olsufieff,  en  réserve  en  arrière  de  La  Rothière.  Au 
lieu  de  voir  déboucher  les  grenadiers  et  les  cuirassiers  russes 
auxquels  il  avait  envoyé  l'ordre  de  le  rejoindre  au  plus  vite, 
Bliicher  ne  fut  pas  peu  surpris  d'apprendre  que  le  prince  royal  de 
Wurtemberg,  ayant  demandé  des  renforts,  on  avait  dirigé  sur  La 
Giberie,  non  seulement  la  division  de  grenadiers,  mais  encore  les 
deux  divisions  de  cuirassiers.  Dans  l'intervalle,  les  progrès  de  Wrède 
avaient  dégagé  le  IV®  corps  ;  mais  par  suite  de  cette  mesure  prise 
à  rinsu  du  feld-maréchal,  des  quatre  divisions  dont  se  composaient 
les  réserves,  la  2«  division  de  grenadiers  russes,  envoyée  par 
Barclay  de  Tolly  de  Trannes  sur  La  Rothière,  put  seule  prendre 
part  aux  derniers  épisodes  de  la  lutte,  tandis  que  les  deux  divi- 


-  487  - 

sions  <lo  cuirassiers  ot  la  1*"'^'  division  de  grenadiers  se  t^ouv^rent 
hors  d'état  d'entrer  en  ligne  par  les  contre-ordres  qu'elles 
reçurent  et  les  mouvements  inutiles  qu'on  leur  fit  exécuter. 

Hesares  prises  par  TEmperear.  —  Houvement  de  la  cava- 
lerie française.  —  L'Empereur  venait  d'être  informé  des  pro- 
grès faits  par  les  Alliés  sur  sa  gauche.  Jugeant  dès  lors  la  bataille 
perdue,  il  ne  chercha  plus  qu'î\  assurer  la  retraite  de  ses  troupes 
et  ne  songea  plus  qu'à  prendre  les  mesures  nécessaires  pour 
ramener  ses  corps  sur  la  rive  gauche  de  l'Aube.  Des  environs  de 
La  Rothière,  où  il  s'était  porté  de  sa  personne,  il  envoya  h  Grou- 
chy  Tordre  de  s'opposer,  le  plus  longtemps  possible,  avec  la 
cavalerie  de  Milhaud  (5«  corps  de  cavalerie),  aux  progrès  du 
prince  royal  de  Wurtemberg  et  de  soutenir  en  môme  temps  le 
duc  de  Bellune.  Nansouty  devait  tenir  bon  en  arrière  de  La  Ro- 
thière avec  la  cavalerie  de  la  garde;  enfin,  Oudinot  était  chargé 
de  tenter  avec  la  division  Rottembourg  un  retour  offensif  contre 
La  Rothière,  et  de  chercher  h  reprendre  cette  position. 

Ce  dernier  ordre  fut  exécuté  îi  l'instant  même.  Le  général 
Rottembourg,  après  avoir  formé  la  1^«  brigade  de  sa  petite  divi- 
sion en  trois  colonnes,  s'avança  à  la  chute  du  jour  contre  La 
Rothière,  dont  les  Russes  avaient  cherché  de  nouveau  îi  débou- 
cher, et  où  ils  venaient,  pour  la  deuxième  fois,  d'être  ramenés  en 
désordre  par  les  cavaliers  de  Colbert.  Malgré  la  résistance  achar- 
née des  Russes,  le  général  Rottembourg  parvint,  sous  une  grêle 
de  balles  et  en  dépit  du  tir  îi  mitraille  de  l'artillerie  russe,  jusqu'à 
l'église.  Là,  sa  colonne  vint  donner  contre  le  corps  d'Olsufieff, 
qui,  entrant  en  ligne  à  son  tour,  repoussa  les  restes  de  la  brigade 
française  jusqu'à  la  sortie  du  village.  Quatre  pièces  d'artillerie 
française  en  batterie  sur  ce  point  les  empêchèrent  de  déboucher, 
et  permirent  même  à  la  brigade  de  la  division  Rottembourg  d(» 
se  maintenir  dans  les  dernières  maisons  de  La  Rothière*. 

Deux  épisodes,  par  trop  caractéristiques  pour  être  passés  sous 
silence,  avaient  marqué  le  combat  auquel  les  rues  de  La  Rothière 
avaient  servi  de  théâtre.  Au  moment  où  les  jeunes  soldats  du 
général  Rottembourg  se  trouvèrent  tout  à  coup  à  hauteur  de 

*  Journaux  de  Sacken,  du  prince  Stscherbatofî  {Archives  topographiquex  de 
Saint-Pétersbourg),  Journal  de  Nikitio. 


—  488  - 

l'église  en  présence  des  Russes  d'Olsufieff,  ils  dirigèrent  contre 
eux  un  feu  de  salve  mal  dirigé,  puis  se  pressèrent  les  uns  contre 
les  autres  au  point  de  ne  pouvoir  plus  ni  avancer  ni  reculer. 
L'officier  russe  crut,  à  celte  vue,  que  les  Français  se  préparaient 
à  se  rendre  et  s'avança  seul  vers  le  général  Rottembourg,  qui, 
de  son  côté,  cherchait  îi  enlever  son  monde  par  son  exemple.  Le 
général,  pensant  lui  aussi  que  les  Russes,  coupés  par  la  marche 
en  avant  de  ses  deux  autres  colonnes,  voulaient  déposer  les 
armes,  se  porta  au-devant  de  Tofficier  russe,  qu'il  chercha  à  faire 
prisonnier  dès  qu'il  eut  reconnu  son  erreur.  Après  une  sorte  de 
combat  singulier  entre  le  général  et  l'officier  russe,  le  général 
rejoignit  ses  soldats,  avec  lesquels  il  se  replia  pas  à  pas,  pendant 
que  son  adversaire  retournait  prendre  le  commandement  de  sa 
colonne,  qu'il  lança  h  nouveau  contre  les  Français.  Mais  cet  inci- 
denf  avait  permis  aux  Français  de  se  remettre  de  leur  panique, 
de  se  reformer,  et  avait  donné  le  temps  de  mettre  en  batterie,  au 
débouché  du  village,  les  quatre  pièces  dont  le  tir  à  mitraille 
arrêta  plus  tard  les  soldats  d'Olsufieff. 

Pendant  que  ces  événements  se  passaient  près  de  l'église  de 
La  Rothière,  un  parti  de  cavalerie  française  avait  réussi  à  se 
glisser  dans  le  village  et  h  pénétrer  jusque  dans  la  rue  même  où 
Sacken  était  en  train  de  donner  ses  ordres.  Là  encore,  comme 
trois  jours  avant  dans  les  rues  de  Brienne,  Sacken ,  rangeant  son 
cheval  contre  les  murs  et  restant  complètement  immobile, 
échappa  miraculeusement  aux  cavaliers  français,  qui  passèrent  à 
côté  de  lui  sans  le  remarquer. 

Un  peu  plus  tard,  le  duc  de  Reggio  lançait  en  avant  la  2«  bri- 
gade de  la  division  Rottembourg  et  parvenait,  grâce  à  l'arrivée  en 
ligne  de  ces  troupes  fraîches,  à  pénétrer  une  fois  encore  dans 
La  Rothière,  où  le  combat  reprenait  avec  un  nouvel  acharnement. 
La  nuit  était  arrivée  ;  l'incendie  seul  éclairait  les  combattants,  qui 
continuaient  ji  se  disputer  les  ruines  fumantes  du  village.  Enfin, 
les  renforts  que  Bliicher  avait  appelés,  la  2«  division  de  grena- 
diers russes  (général-lieutenant  Paskiéwitch)  et  la  brigade  autri- 
chienne du  général  von  Grimmer  (du  III®  corps,  (iyulay),  entrèrent 
en  ligne.  Les  deux  régiments  d'Astrakhan  et  de  la  Petite-Russie, 
prenant  la  tète  de  la  colonne,  se  précipitèrent  h  la  baïonnette  sur 
les  troupes  épuisées  et  réduites  de  la  division  Rottembourg, 
qu'ils  parvinrent  h  chasser  définitivement  du  village,  mais  que 


—  489  — 

leurs  chefs  roussirent  cependtint  îi  arrêter  et  h  rallier  h  SOO  ou 
600  pas  des  dernières  maisons. 

Deuxième  attaque  du  III«  corps  contre  Dienville.  —  A 

Textr^me  gaucho  dos  Alliés,  les  jeunes  troupes  du  général  Gérard 
avaient  continué  à  défendre  Dionville  et  ses  abords  avec  une 
vigueur  qui,  jusque  tort  avant  dans  la  nuit,  allait  paralyser  tous 
les  eflorts  des  Autrichiens  de  Gyulay. 

Il  était  un  peu  plus  de  5  heures  lorsque  Gyulay  reçut  il  la 
fois,  et  de  Blûcher  et  de  Schwarzenberg,  Tordre  d'enlever  Dion- 
ville.  Il  lança  aussitôt  contre  le  pont,  dont  il  parvint  momentané- 
ment à  se  rendre  maître,  les  deux  brigades  de  la  division  Fresnel. 
Mais  bien  qu'en  raison  do  la  configuration  des  lieux,  Gérard 
n'ait  pu  se  servir  de  son  artillerie  pour  défendre  le  pont,  le  feu 
de  son  infanterie  placée  dans  les  maisons  voisines  et  surtout  dans 
le  cimetière,  ainsi  que  les  retours  offensifs  des  troupes  de  la  divi- 
sion Dufour,  obligèrent  les  Autrichiens  à  se  retirer  sur  la  rive 
gauche  do  TAubo.  Gyulay,  en  attendant  Tarrivée  en  ligne  de  la 
division  Hohenlohe-Bartenstein,  dont  il  ne  put  disposer  qu'après 
la  prise  de  La  Rothière,  dut  se  borner  à  confier  h  son  artillerie, 
en  batterie  sur  les  hauteurs  de  la  rive  gauche,  le  soin  de  rendre 
Dionville  intenable  et  d'en  chasser  les  conscrits  de  Gérard*.  Une 
deuxième  et  une  troisième  attaques,  tentées  simultanément  sur  les 
deux  rives  de  TAube,  n'eurent  pas  plus  de  succès. 

Mesures  prises  par  l'Empereur  pour  couvrir  la  retraite. 

—  L'Empereur  avait  achevé  de  prendre  les  mesures  nécessaires 
pour  contenir  les  Alliés  pendant  la  retraite  de  ses  différents 
corps.  Complétant  les  dispositions  auxquelles  nous  l'avons  vu  se 
résoudre  au  moment  où  il  tentait,  avec  la  di\ision  Rottembourg, 
d'arracher  La  Rothière  à  Sacken  et  où  il  dirigeait  la  cîivalerie  de 
Milhaud  vers  sa  gauche,  il  donnait,  vers  8  heures,  h  Drouot 
l'ordre  de  brûler  La  Rothière,  afin  de  permettre  à  son  infanterie, 
qui  venait  d'être  débusquée  définitivement  du  village,  de  se  replier 


i  Starke,  Eintheilung  und  Tagesbegebenheiten  der  Haupt-Armee  im  Monatc 
Februar  {K.  K.  Krieg*  Arehiv.,  Il,  1),  et  rapport  da  feldzeugmeister  comte 
Gyulay  au  prince  de  Schwarzenberg  {Ibid,,  II,  28],  Lesmont,  2  février. 

Gyulay  commet,  dans  ce  rapport,  une  erreur  en  disant  que  Napoléon  avait 
confié  la  défense  de  Dienville  à  sa  garde. 


-  490  — 

vers  Brienne  sous  la  protection  de  la  cavalerie  de  la  garde,  et 
d'arrêter  par  le  tir  de  son  artillerie  les  progrès  des  Alliés  sur  sa 
gauche  et  sur  son  centre.  Pondant  que  Drouot  amenait  ses  pièces 
en  position,  que  les  divisions  de  Ney  reprenaient  la  route  de 
Lesmont  et  que  les  corps  qui  avaient  soutenu  pendant  plus  de 
huit  heures  une  lutte  inégale  se  repliaient  en  échelons  dans  un 
ordre  d'autant  plus  remarquable  qu  il  s'agissait  de  faire  exécuter 
h  de  jeunes  troupes  harassées  de  fatigue  une  marche  rétrograde 
au  milieu  des  ténèbres,  h  travers  un  terrain  rendu  plus  difficile 
encore  par  les  rigueurs  de  la  température  et  par  les  tourbillons 
de  neige,  la  cavalerie  des  Alliés  cherchait  à  tirer  parti  de  la  vic- 
toire et  II  contrarier  la  retraite  des  Français. 

La  cavalerie  wurtembergeoise  déboache  en  avant  de  La 
Rothière  et  de  Chaumesnil.  —  La  cavalerie  wurtembergeoise 
(régiments  de  chasseurs  n<>»  2  et  4  et  régiment  de  dragons  n®  3) 
venait  d'opérer  sa  jonction  h  droite  avec  la  cavalerie  du  V«  corps, 
h  gauche  avec  la  cavalerie  prussienne  du  général  prince  Biron 
de  Courlande  et  les  cosaques  de  Karpoff ,  et  cette  masse,  débordant 
les  escadrons  de  Milhaud,  les  contraignit  c^  se  retirer. 

«  Je  poussai  rapidement  ma  cavalerie  en  avant,  dit  à  ce  propos 
le  prince  royal  de  Wurtemberg  dans  son  rapport  à  Schwarzen- 
berg*.  i.e  régiment  de  cavalerie  prince  Adam,  sous  les  ordres  du 
major  von  Reinhardt,  se  jeta  sur  Taile  gauche  de  Tennemi  et  lui 
prit  cinq  canons.  Le  régiment  de  dragons  n^  3  (régiment  du  Prince 
royal),  que  j'avais,  sous  les  ordres  du  colonel  von  Wagner,  envoyé 
sur  ma  droite  pour  me  relier  au  général  comte  Wrède,  fit,  avec 
un  régiment  de  chevau-légers  bavarois,  une  charge  brillante 
contre  une  batterie  française  postée  au  saillant  sud-ouest  du  bois 
d'Ajou,  vis-îVvis  de  Chaumesnil,  et  enleva  six  bouches  h  feu.  » 

Cette  cavalerie,  rejointe  encore  par  le  général-major  von  Jett 
avec  le  régiment  de  chasseurs  î\  cheval  wurtembergeois  n®  5  et  le 
régiment  de  hussards  autrichiens  Archiduc-Ferdinand,  continua 
à  suivre  Tennemi  aussi  loin  que  Tobscurité,  l'état  du  terrain  et 
l'épuisement  de  ses  chevaux  le  lui  permirent*. 


*  Prince  royal  de  Wurtemlierg  an  prince  de  Schwarzcnberg»   Petit-!ilesnil, 
!•'  février.  (K.  K.  Krieg»  Archiv.,  II,  3.) 

*  Journal  des  opérations  du  prince  royal  de  Wurtemberg,  par  le  génân 


—  491  - 

Au  centre,  la  cavalerie  russe  du  gf^néral  Wassiltchikoff  avait 
débouché  de  La  Rolhi^re  malgré  le  tir  de  rartillerie  de  Drouot 
et  les  efforts  de  la  cavalerie  de  la  garde  qui  dut,  elle  aussi,  se 
replier  sur  Brîenne,  suivie  jusqu'il  hauteur  de  la  ferme  de  Beugné 
par  les  cavaliers  de  Sackcn. 

Il  était  alors  pn^'s  de  9  heures  :  la  neige  continuait  h  tomber 
plus  drue  et  plus  serrée  que  jamais,  et,  comme  le  dit  Taxis*  dans 
son  Journal,  la  poursuite  était  d'autant  plus  impossible  qu'on 
entendait  toujours  le  canon  du  côté  de  Dienville  où  Gyulay  ne 
réussit  h  s'établir  que  vers  minuit*,  lorsque  Gérard  eut  reçu 
l'ordre  d'abandonner  la  position  que  ses  jeunes  troupes  avaient 
héroïquement  défendue  pendant  plus  de  douze  heures. 

Dans  la  situation  où  se  trouvait  l'armée  française  pendant  les 
dernières  heures  de  la  soirée  du  l®'  février,  il  aurait  suffi  du 
moindre  effort  tenté  par  les  Alliés  pour  changer  du  tout  au  tout 
les  conditions  dans  lesquelles  allait  s'effectuer  la  retraite  de  la 
petite  armée  de  l'Empereur.  Si,  vers  9  heures  i/2  du  soir,  au 
moment  où  Gérard  se  maintenait  encore  h  Dienville,  mais  où 
Sacken,  le  prince  royal  de  Wurtemberg  et  Wrède  avaient  enlevé 
les  positions  occupées  par  leurs  adversaires,  Blùcher  avait  pu 
disposer  de  quelques  troupes  fraîches,  leur  apparition  sur  le 
champ  de  bataille,  leur  marche  en  bon  ordre  contre  les  points  où 
les  généraux  français  rîiUiaient  leurs  troupes  ébranlées  par  une 
lutte  sanglante  et  inégale,  auraient,  on  ne  saurait  en  douter, 
amené  des  résultats  considérables. 

On  comprend  cependant  que  le  feld-maréchal  ait  renoncé,  en 
présence  de  l'état  du  terrain,  de  l'obscurité  profonde  et  de  l'épui- 
sement des  chevaux,  h  se  servir  de  sa  cavalerie  qui  n'aurait 
d'ailleurs  pu  marcher  qu'au  pas  et  qui,  contrainte  d'autre  part  h 
suivre  la  grande  route,  serait  tout  au  plus  parvenue  à  causer  une 
alerte.  Mais  il  est  incontestable,  d'autre  part,  que  si  Blficher 


comte  BaiUet  de  Latour,  chef  d*état-major  dn  IV®  corps.  (A".  /T.  Kriegs  Arehiv., 
Xni,  56.) 

Ce  fot  également  vers  cette  heure  qii*un  des  aides  de  camp  de  Berthier,  le 
colonel  Maossion,  qai  s'était  égaré  aa  milieu  de  Touragan  de  neige  et  des 
ténèbres,  fut  pris  par  les  dragons  de  Knesevicli  (K.  K.  Kriegs  Arehiv.,  II,  1, 
et  Journal  du  major  prince  Taxis,  Ibid.,  XIII,  32.) 

*  Joamal  du  major  prince  Taxis. 

«  Gyulay  à   Schwarzenberg.  Lesmont,  2  février.  {Ibid,,  II,  28,) 


-  492  - 

avait  pu,  pendant  les  dernières  heures  de  la  lutte,  se  faire 
rejoindre  par  les  réserves  russes  qu'on  avait  inutilement  fait 
pivoter  sur  le  champ  de  bataille,  il  aurait  vraisemblablement 
réussi,  par  une  attaque  de  nuit  dirigée  sur  Brienne-la-Vieilie  et 
h  Test  de  cet  endroit  jusqu'îi  hauteur  de  la  route  de  Brienne-le- 
Chclteau  à  Doulevant,  à  rompre  le  dernier  lien  qui  retenait  encore 
des  hommes  harassés  de  fatigue  et  épuisés  par  des  marches 
forcées  suivies  d*un  combat  de  douze  heures.  Il  aurait  achevé  de 
démoraliser  de  jeunes  troupes  qui  venaient  de  recevoir  seulement 
dans  ces  derniers  jours  le  baptême  du  feu  et  changé  une  retraite 
en  bon  ordre  en  une  véritable  déroute. 

N'ayant  pas  de  troupes  fraîches  à  sa  disposition,  le  feld-maré- 
chal  se  trouva  dans  Timpossibilité  absolue  de  tenter  le  moindre 
effort,  et  les  corps  alliés,  qui  avaient  été  engagés  pendant  l'après- 
midi  du  !«»•  février,  s'établirent  au  bivouac  sur  les  positions 
mômes  qu'ils  venaient  de  conquérir. 

Positions  de  Sacken,  des  IV®,  V^  et  III*  corps,  à  10  heures 
du  soir.  —  Les  avant-gardes  de  Sacken,  des  IV*  et  V«  corps, 
bivouaquèrent  sur  les  points  mêmes  où  elles  s'étaient  arrêtées  en 
avant  de  La  Rothière,  de  Petit-Mesnil  et  de  Chaumesnil. 

Le  II1«  corps,  de  Gyulay,  resta  h  Dienville,  les  Russes  de  Sacken 
aux  environs  de  La  Rothière,  le  IV«  corps  entre  La  Giberîe  et 
Petit-Mesnil,  et  le  V®  à  Chaumesnil  et  au  nord  de  ce  village. 

Quant  aux  grenadiers  russes,  ils  avaient,  à  l'exception  de  la 
S*»  division  qui  avait  donné  h  La  Rothière,  passé  leur  journée  à 
exécuter  des  marches  et  des  contre-marches  entre  La  Giberie  et 
La  Rothière,  et  bien  qu'elles  fussent  en  somme  parfaitement 
fraîches,  on  ne  songea  même  pas  à  leur  donner  l'ordre  de  se 
jeter  au  milieu  des  ténèbres  sur  les  restes  de  l'armée  française. 
Ces  réserves  campèrent  :  la  2«  division  de  grenadiers  auprès  de 
La  Rothière,  la  if«  division  de  grenadiers  et  les  deux  divisions  de 
cuirassiers  (2«  el  3«)  en  arrière  des  bivouacs  du  1V«  corps. 

Les  gardes  et  les  réserves  russes  et  prussiennes  étaient  venues 
dans  l'après-midi  jusqu'à  Trannes. 

La  journée  de  La  Rothière  avait  coûté  aux  Alliés  environ 
6,000  hommes,  dont  près  de  4,000  au  corps  russe  de  Sacken'. 

1  D'après  Schels,  les  AUiés  irauraient  penJo  à  La  Rothière  que 
4,655  hommes. 


—  493  - 

La  nuit  cl  le  mauvais  temps,  eu  empochant  les  Alliés  de  pour- 
suivre leurs  avantages,  avaient  donné  h  l'Empereur  la  possi- 
bilité de  faire  mettre  à  exécution  les  ordres  qu'à  partir  de 
9  heures  du  soir,  il  avait  envoyés  à  ses  lieutenants. 

Position  de  Farmée  française.  —  Dès  9  heures  en  effet,  il 
faisait  prévenir  le  général  Sorbier  que  tous  les  corps  d'armée 
recevaient  l'ordre  de  renvoyer  en  arrière  de  Brienne  les  cais- 
sons vides,  l'artillerie  et  les  bagages  inutiles,  de  faire  passer  le 
pont  de  Lesmont  aux  parcs  et  aux  batteries  démontées. 

Grouchy,  ne  gardant  que  l'artillerie  strictement  nécessaire, 
devait  s'alléger  le  plus  possible  et  renvoyer  les  chevaux  de  main 
et  les  hommes  à  pied.  Une  heure  plus  tard,  le  général  de  France 
recevait  l'ordre  de  partir  à  2  heures  du  matin  avec  les  gardes 
d'honneur,  de  passer  le  pont  de  Lesmont  et  de  jeter  des  partis 
sur  la  route  de  Piney  et  la  rive  gauche  de  l'Aube.  Le  général 
Sorbier  devait  faire  filer  le  parc  sur  Lesmont,  et  le  général  Léry 
se  préparer  h  brûler  et  à  fiiire  sauter  les  ponts  lorsque  l'Empe- 
reur en  donnerait  le  signal'. 

Les  commandants  des  corps  français,  qui  avaient  soutenu  tout 
TefTort  de  la  lutte,  avaient  gagné  les  points  que  l'Empereur  leur 
avait  désignés  et  sur  lesquels  ils  devaient  rallier  leurs  troupes. 
Marmont,  couvert  par  la  cavalerie  de  Doumerc,  s'arrêtait  au  sortir 
du  bois  d'Ajou.  Victor  dépassait  la  ferme  de  Beugné  et  laissait 
devant  les  avant-postes  russes  un  rideau  formé  par  quelques 
escadrons  de  Milhaud.  Oudinot  et  Ney  massaient  la  cavalerie  et 
l'infanterie  de  la  garde  sur  la  route  de  Lesmont,  pendant  que 
Gérard,  qui  avait  reçu  l'ordre  d'abandonner  Dien ville,  se  repliait 
après  minuit  sur  Brienne-la-Vieille. 

L'armée  française  avait  perdu  dans  celte  sanglante  journée 
près  de  6,000  hommes  tués,  blessés  ou  prisonniers,  et  une  soixan- 
taine de  bouches  à  feu*. 

Les  troupes  françaises  ne  devaient,  d'ailleurs,  prendre  que 
quelques  heures  d'un  semblant  de  repos  en  avant  de  Brienne-la- 


^  BelUard  à  Grouchy  et  major-général  à  Sorbier,  de  France  et  Léry. 
(Archives  de  la  guerre.) 

s  63  d'après  Bogdanovith,  73  d'après  Plotho  et  Beitzke,  83  d'après  Schels, 
73  aussi  d'après  le  rapport  de  Sohwarzenberg  (A".  K,  Kriegs  Archiv,,  II» 
34,  6)  et  54  seulement  d'après  Koch. 


—  494  - 

Vieille;  les  ordres  expédiés  à  11  heures  1/2  de  la  nuit  par  TEm- 
pereur,  de  Brienne-le-Chàteau,  allaient  pour  les  dérober  à 
l'étreinte  des  Alliés,  les  remettre  en  marche  h  2  heures  do 
matin. 

Avant  de  discuter  la  bataille  de  La  llothière,  et  bien  que  pour 
cela  il  faille  abandonner  un  instant  les  corps  qui  venaient  de 
combattre  h  Dienville  et  à  Morvilliers,  il  est  nécessaire  de  nous 
occuper  des  mouvements  exécutés  par  le  l^^  corps  (Colloredo),  h 
Textrôme  gauche  de  l'armée  de  Bohême,  par  cela  même  que  ces 
événements  ont  une  certaine  connexité  avec  les  faits  de  guerre 
dont  les  rives  de  TAube  avaient  été  le  thé«1tre.  Il  faut  également 
jeter  un  coup  d'œil  sur  les  opérations  des  partisans  du  lieutenant- 
colonel  comte  Thurn,  sur  les  mesures  prises  le  même  jour  par  le 
duc  de  Trévise,  sur  la  tentative  des  cosaques  de  Platoft  contre 
Sens,  sur  la  marche  de  Wittgenstein  sur  Saint-Dizier,  et  d'Ywk 
vers  Vitry,  enfin  sur  les  préparatifs  de  Macdonald  qui  cherche  à 
déboucher  de  Chàlons  et  à  contrecarrer  les  projets  des  lieute^ 
nants  de  Blûcher  contre  Châlons-sur-Marne. 

MoiiTement  du  I*''  corps  (Colloredo)  sur  Yendeuvre.  — 
Affaire  de  La  Vacherie.  —  Retraite  du  corps  Tolant  de 
Thurn.  —  A  rcxtrême  gauche  de  Tarmée  de  Bohême,  le  !«"  corps 
d'armée  avait  quitté  Bar-sur-Seine  dès  le  matin  et  s'était  porté 
en  une  seule  colonne  jusqu'à  Magnant,  puis  à  partir  de  ce  point  en 
deux  colonnes,  le  gros  par  Thieftain,  la  division  de  grenadiers  à 
droite,  par  Beurey,  sur  Vendeuvre,  où  le  corps  n'arriva  que  fort 
tard  dans  l'après-midi,  par  suite  des  difficultés  de  la  marche 
encore  augmentées  par  le  dégel. 

La  division  légère  du  prince  Maurice  Liechtenstein,  chargée  de 
couvrir  sa  marche,  étiiit  restée  sur  la  rive  gauche  de  la  Seine  et 
avait  été  dirigée  de  Bar-sur-Seine  sur  Fouchères,  afin  d'occuper 
et  de  retenir  les  troupes  de  Mortier*. 

Dès  1  heure  de  l'après-midi,  le  général  Hàcht,  posté  avec  une 
brigade  du  111«  corps  (division  Grenneville)  à  Vendeuvre,  avec 
ordre  de  surveiller  les  mouvements  de  l'ennemi  du  côté  de  Dien- 
ville et  d'Unienville,  avait  informé  le  généralissime  de  l'appari- 


<  Stahkb,  Kintheilimg  and  Tagesbegebenbciteu  dcr  Uaupt^Armee  im  Monate 
Febraar.  (K,  K.Krieijs  Archiv,,  II.  1.) 


—  495  — 

lion  de  partis  français  du  côté  de  Villeneuve-au-Chéne  (appelé 
alors  Villeneuve-Mcsgrigny),  de  roccupation  de  Piney  '  par  les 
troupes  françaises  et  de  l'arrivée  h  Vendeuvre  de  la  télé  de 
colonne  de  CoUoredo. 

Deux  heures  plus  lard,  vers  3  heures  de  raprès-niidi,  CoUoredo 
annonçait  au  prince  de  Schwai*zenberg  qu'il  ne  disiiosail  à  Ven- 
deuvre que  de  trois  régiments  de  la  division  Wied-Ruiikel  et  de 
deux  batteries,  que  la  division  de  ^»nadiers  et  les  cuirassiers  du 
comte  Nostitz  n'y  arriveraient  qu'à  4  heures  et  qu'il  attendait  à 
Vendeuvre  des  ordres  lui  indiquant  le  rôle  ultérieur  que  son 
corps  était  appelé  à  jouer.  Mais  il  était  déjà  trop  tard,  et  en  su|>- 
posant  môme  qu'ua  ordre  de  mai*che  émanant  de  Scharzenberg 
pût  parvenir  à  4  heures  à  CoUoredo,  la  tète  de  colonne  des  trois 
divisions  du  I*""  corps  n'aurait  pu,  en  aucun  cas,  arriver  sur  les 
hauteurs  qui  dominent  le  pont  de  Dienville  avant  10  ou  11  heures 
du  soir.  Par  suite,  le  généralissime  se  décida'  à  laiss<!r  le 
l^  corps  à  Vendeuvre  où  les  trois  divisions  occupèrent  des  can- 
tonnements resserrés.  La  brigade  Gepperl  (de  la  division  légère 
du  prince  Maurice  Liechtenstein)  formant  Tavant-garde  de  CoUo- 
redo, occupa  le  soir  VauchonvUliers  et  se  reUa  vers  l'Aube  avec 
la  brigade  Hàcht  du  1II«  corps. 

L'autre  brigade  de  la  division  légère  Maurice  Liechtenstein, 
renforcée  par  un  régiment  de  la  division  Wied-Runkel,  posté  en 
soutien  à  Virey,  avait  été  laissée  à  Fouchères  pour  surveUler  la 
route  de  Troves. 

A  9  heures  du  matin,  un  détachement  français  que  le  prince 


1  Les  renseignements  fournis  par  le  géndral  Hacht  sont,  on  le  voit,  con- 
firmés par  la  dépêche  du  général  de  France  an  major-général,  de  Lesmont, 
!•'  février,  8  heures  du  matin  : 

«  D'après  mes  rapports  de  cette  nuit,  le  duc  de  Trc'vise  fait  occuper  Creney, 
près  de  Troyes  ;  ses  partis  viennent  vers  Mesnil  et  RonlHy.  Les  chasseurs  à 
cheval  de  la  garde  qui  occupent  Creney  poussent  jusqu'à  Piney. 

c  Daus  la  direction  d*Ards,  on  éclaire  Fontaines  et  Onjon.  Coclois  est 
oecnpé  ainsi  que  Mesnil-la-Comtesse  et  Voué.  Je  ferai  occuper  Pougy,  Pel  et 
et  Précy  sur  la  rive  gauche:  j'enverrai  un  fort  parti  à  l'embranchement  des 
routes  de  Lesmont  par  Montangon  à  droite  et  par  Piney  à  gauche,  allant  à 
Troyes.  »  (Archite»  de  la  guerre,) 

s  CoUoredo  reçut,  dans  la  nuit  du  1^'  an  9  février,  un  ordre  de  Schwarzeu- 
berg  lui  prescrivant  de  se  porter  avec  toute  sa  colonne  sur  DienvlUe  et  d'atta- 
quer vigoureusement  ce  village  ;  mais  CoUoredo  ayant  eu  connaissance  quelques 
heures  après  de  l'évacuation  de  Dienville,  jugea  inutile  d'exécuter  cet  ordre, 
désormais  sans  objet. 


—  496  — 

Liechtenstein  évalue  dans  son  rapport  '  u  200  hommes  et  500  che- 
vaux, avait  attaqué  les  avant-postes  autrichiens  et  les  avait  rejc- 
tés  jusque  sur  La  Vacherie.  L'entrée  en  ligne  des  troupes  de 
piquet  (un  escadron  de  chevau-légers  O'Reilly  et  une  compagnie 
de  chasseurs)  permit  aux  avant-postes  autrichiens  de  tenir  bon, 
de  résister  à  une  deuxième  attaque  et  d*attendre  Tarrivéc  de  ren- 
forts qui,  après  une  heure  de  combat,  obligèrent  la  reconnais- 
sance française  à  se  retirer  et  à  rentrer  sur  sa  position  des  Mai- 
sons-Blanches. 

La   division  du    feld-maréchal-lieutenant    Ignace    Hardegg, 
*  appartenant  également  au  I»""  corps,  se  tint  pendant  toute  la 
journée  du  l®'  février  à  Ghaource,  point  vers  lequel  devait  se 
diriger   la  reconnaissance  qui  avait  donné   contre   les  avant- 
postes  de  Liechtenstein  à  La  Petite-Vacherie. 

La  maréchal  Mortier  avait  en  même  temps  fait  partir,  sous  les 
ordres  du  général  de  Bourmont,  une  reconnaissance  qui  réussit 
à  surprendre  quelques  cosaques  du  corps  de  Platoff,  h  Auxon. 
Celte  reconnaissance  devait  également  chercher  à  couper  et  îi 
prendre  le  corps  volant  du  lieutenant-colonel  comte  Thurn.  Mais 
cet  officier,  prévenu  à  temps,  s*empressa  de  filer  vers  Ervy  *. 


1  Prince  Maarice  Liechtenstein  au  comte  Colloredo,  Foachères,  !•'  février. 
(A'.  K,  Krieg$  Archiv,,  II,  a// 23.) 

Liechtenstein  terminait  ce  rapport  en  envoyant  an  feldzeagmeisler  les  ren- 
seignements suivants  sur  les  mouvements  de  Mortier  : 

if  Je  dois  également  informer  Votre  Excellence  que  le  comte  Thurn  me  fait 
dire  à  Tinstant  que  le  maréchal  Mortier  a  qaitté  hier  Troyes  avec  la  garde 
impériale  et  a  pris  la  route  d*Arcis,  laissant  à  Troyes  une  assez  grande  quan- 
tité de  troupes  de  toutes  armes  avec  28  canons. 

«  D'autres  rapports  du  major  von  Ellsbach  et  du  général-major  Hacht  me 
font  savoir  que  les  villages  de  Lusigny  et  de  Ck>urterauges,  sur  U  route  de 
Vendeuvre,  ont  été  évacués  par  l'ennemi.  » 

'  Le  lieutenant-colonel  comte  Thurn  au  prince  de  Schwarzenberg  : 

«  Chamoy,  4  février  1814,  6  heures  du  soir. 

if  Après  avoir  adressé  à  Votre  Altesse  mon  rapport  en  date  du  31  janvier, 
j*ai  pendant  toute  cette  journée,  battu  le  pays  du  côté  de  Bonilly.  sur  la  route 
de  Troyes  à  Sens. 

<f  Le  <*■'  févTier,  à  10  heures  du  matin,  un  de  mes  émissaires  est  revenu  et 
m'a  annoncé  que  Napoléon  avait  rejoint  le  27  au  soir  Tarmée  à  Vitry,  qu'il 
comptait  attaquer  Votre  Altesse  le  28  à  Bar-sur-Aube  avec  80,000  hommes  et 
100  canons,  et  que  le  général  Dulong  devait,  ces  jours-d,  enlever  Auxon  par 
un  coup  de  main. 

«  J'ai  fait  part  de  ces  nouveUes  à  Votre  Altesse  et  les  ai  communiquées  au 
comte  Collorcdo,  auquel  je  les  fis  porter  par  un  piquet  d'un  sous-ofGcier  et  de 


—  497  — 

Mouvement  de  Platoff  vers  Sens.  —  Unaut  à  Platon,  son 
avant-garde  continuait  à  li\ter  Sens,  mais  sans  menacer  bien  sé- 
rieusement la  ville  que  le  général  Allix  occupait  avec  les  dépôts 
de  la  18®  division  militaire. 

Plaloif,  toujours  habile  h  présenter  les  faits  de  la  manière 
qui  lui  convenait  le  mieux,  préparait  déjà  le  généralissime  au 
mouvement  qu'il  allait  entreprendre  pour  se  faire  pardoimer  Tin- 
succès  de  sa  tentative  contrs  Sens,  insuccès  dû  uniquement  h  ses 
lenteurs,  à  ses  hésitations,  î\  son  peu  d'empressement  ii  marcher 
de  l'avant  et  à  s'éloigner  du  gros  de  la  grande  armée.  «  Trop 
faible  pour  chasser  Tennemi  de  Sens,  écrivait-il  le  l*""  février  au 
soir,  de  Villeneuve-le-Roy  (Villeneuve-sur-Yonne),  au  prince  de 
Schwarzenberg  ',  je  poursuivrai  ma  destination  en  me  dirigeant 
par  Gourtenay  sur  Fontainebleau.  Nous  avons  du  reste  pris  un 
officier  et  32  soldats  de  la  garde  et  délivré  1  officier  et  10  soldats 
espagnols,  ainsi  que  4  soldats  autrichiens.  »  11  ajoutait  encore 
pour  prévenir  les  reproches  du  généralissime  et  pour  se  donner 
l'air  d'avoir  entrepris  quelque  chose  :  «  J'ai  détaché  le  colonel 
Sperberg  avec  500  cosaques  et  2  canons  à  Joigny  pour  découvrir 


6  hommes.  Mais  co  sous-officier  toarné  et  coupé  par  l'ennemi  dans  la  for^t 
d'Aumoot,  ne  m'a  rejoint  qu'hier  soir,  me  l'apportant  ma  dépi^clie. 

u  Les  événements  m'ont  forcé  à  quitter  encore  le  l*"  février  Saint-Phal  et  à 
me  porter  du  côté  d'Ervy.  L'ennemi  est,  eu  effet,  arrivé  le  !•' février  à  Anxon 
et  Saint-PhaL  et  après  avoir  enlevé  4  caissons  et  4  hommes  aux  cosaques 
qu'il  surprit  en  train  de  piller  Auxon,  il  se  dirigea  par  Bouilly,  sur  Troyes.  » 
(A'.  A'.  Kriegs  Archiv,,  II,  81.) 

Mortier,  de  son  côté,  avait  rendu  compte  de  ces  petites  escarmouches  dans  la 
dépêche  ci-dessous  qui  concorde,  sauf  en  ce  qui  a  trait  à  l'infanterie  bavaroise 
qui  ne  parut  pas  du  côté  de  La  Vacherie,  avec  les  rapports  des  officiers  autri- 
chiens : 

«  Mortier  au  major-général.  —  Troyes,  le  1*^'  février,  7  heures  1/2,  soir. 

u  L'expédition  du  général  de  Bourmont  sur  Auxon  a  parfaitement  réussi. 
Une  compagnie  du  4"  bataillon  du  82°  régiment  s'est  emparée  do  la  ville,  de 
6  caissons  de  munitions.  4  cosaques,  dont  i  officier,  ont  été  tués,  4  pris,  un 
grand  nombre  blessés.  Le  général  de  Bourmont  s'établit  ce  soir  à  Saint-Phal 
ou  H  Chamoy  et  rentrera  demain  à  Troyes. 

u  La  reconnaissance  sur  Chaource  a  rencontré  l'ennemi  à  La  Vaclierie  au 
nombre  de  quelques  centaines  de  chevaux  et  300  hommes.  Il  y  a  en  une  escar- 
mouche assez  vive.  On  a  vu  de  l'infanterie  bavaroise.  La  reconnaissance  sur 
Vendeuvre  a  été  jusqu'à  Montiéramey  où  il  n'y  avait  que  des  piquets.  Fresnay 
et  Clerey  sont  occupés  par  l'ennemi.  Ses  coureurs  se  montrent  vers  Arcis-sur- 
Aube  et  Troyes.  »  {Archives  de  la  Guei're,) 

i  L'atanian  Platoff  au  prince  de  Schwarzcnberg,  Vilicneuve-le-Roy,  1°'  fé- 
vrier. (A'.  A'.  Kriegs  Archiv,,  11,  ad,  120.) 

Well.  32 


—  488  — 

Téglise  en  présence  des  Russes  d'Olsufieff,  ils  dirigèrent  contre 
eux  un  feu  de  salve  mal  dirigé,  puis  se  pressèrent  les  uns  contre 
les  autres  au  point  de  ne  pouvoir  plus  ni  avancer  ni  reculer. 
L'officier  russe  crut,  à  cette  vue,  que  les  Français  se  préparaient 
à  se  rendre  et  s'avança  seul  vers  le  général  Rotlembourg,  qui, 
de  son  côté,  cherchait  à  enlever  son  monde  par  son  exemple.  Le 
général,  pensant  lui  aussi  que  les  Russes,  coupés  par  la  marche 
en  avant  de  ses  deux  autres  colonnes,  voulaient  déposer  les 
armes,  se  porta  au-devant  de  Tofficier  russe,  qu'il  chercha  k  faire 
prisonnier  dès  qu'il  eut  reconnu  son  erreur.  Après  une  sorte  de 
combat  singulier  entre  le  général  et  l'officier  russe,  le  général 
rejoignit  ses  soldats,  avec  lesquels  il  se  replia  pas  à  pas,  pendant 
que  son  adversaire  retournait  prendre  le  commandement  de  sa 
colonne,  qu'il  lança  î\  nouveau  contre  les  Français.  Mais  cet  inci- 
dent avait  permis  aux  Français  de  se  remettre  de  leur  panique, 
de  se  reformer,  et  avait  donné  le  temps  de  mettre  en  batterie,  au 
débouché  du  village,  les  quatre  pièces  dont  le  tir  à  mitraille 
arrêta  plus  tard  les  soldats  d'Olsufieff. 

Pendant  que  ces  événements  se  passaient  près  de  l'église  de 
La  Rothièrc,  un  parti  de  cavalerie  française  avait  réussi  à  se 
glisser  dans  le  village  et  à  pénétrer  jusque  dans  la  rue  même  où 
Sacken  était  en  train  de  donner  ses  ordres.  Lh  encore,  comme 
trois  jours  avant  dans  les  rues  de  Brienne,  Sacken ,  rangeant  son 
cheval  contre  les  murs  et  restant  complètement  immobile, 
échappa  miraculeusement  aux  cavaliers  français,  qui  passèrent  à 
côté  de  lui  sans  le  remarquer. 

Un  peu  plus  tard,  le  duc  de  Reggio  lançait  en  avant  la  2«  bri- 
gade de  la  division  Rottembourg  et  parvenait,  grâce  à  l'arrivée  en 
ligne  de  ces  troupes  fraîches,  à  pénétrer  une  fois  encore  dans 
La  Rothière,  où  le  combat  reprenait  avec  un  nouvel  acharnement. 
La  nuit  était  arrivée;  l'incendie  seul  éclairait  les  combattants,  qui 
continuaient  h  se  disputer  les  ruines  fumantes  du  village.  Enfin, 
les  renforts  que  Blûcher  avait  appelés,  la  2«  division  de  grena- 
diers russes  (général-lieutenant  Paskiéwitch)  et  la  brigade  autri- 
chienne du  général  von  Grimmer  (du  III®  corps,  Oyulay),  entrèrent 
en  ligne.  Les  deux  régiments  d'Astrakhan  et  de  la  Petite-Russie, 
prenant  la  tète  de  la  colonne,  se  précipitèrent  h  la  baïonnette  sur 
les  troupes  épuisées  et  réduites  de  la  division  Rottembourg, 
qu'ils  parvinrent  h  chasser  définitivement  du  village,  mais  que 


—  489  — 

leurs  chefs  réussirent  cependant  k  arrêter  et  à  rallier  h  800  ou 
600  pas  des  dernières  maisons. 

Deuxième  attaque  du  III«  corps  contre  DienTille.  —  A 

Textrérae  gauche  des  Alliés,  les  jeunes  troupes  du  général  Gérard 
avaient  continué  à  défendre  Dienville  et  ses  abords  avec  une 
vigueur  qui,  jusque  tort  avant  dans  la  nuit,  allait  paralyser  tous 
les  eflorts  des  Autrichiens  de  Gyulay. 

Il  était  un  peu  plus  de  5  heures  lorsque  Gyulay  reçut  <\  la 
fois,  et  de  Blûcher  et  de  Schwarzenberg,  l'ordre  d'enlever  Dien- 
ville. Il  lança  aussitôt  contre  le  pont,  dont  il  parvint  raoraentané- 
ment  à  se  rendre  maître,  les  deux  brigades  de  la  division  Fresnel. 
Mais  bien  qu'en  raison  de  la  configuration  des  lieux,  Gérard 
n'ait  pu  se  servir  de  son  artillerie  pour  défendre  le  pont,  le  feu 
de  son  infanterie  placée  dans  les  maisons  voisines  et  surtout  dans 
le  cimetière,  ainsi  que  les  retours  offensifs  des  troupes  de  la  divi- 
sion Dufour,  obligèrent  les  Autrichiens  à  se  retirer  sur  la  rive 
gauche  de  l'Aube.  Gyulay,  en  attendant  l'arrivée  en  ligne  de  la 
division  Hohenlohe-Bartenstein,  dont  il  ne  put  disposer  qu'après 
la  prise  de  La  Rothière,  dut  se  borner  à  confier  à  son  artillerie, 
en  batterie  sur  les  hauteurs  de  la  rive  gauche,  le  soin  de  rendre 
Dienville  intenable  et  d'en  chasser  les  conscrits  de  Gérard*.  Une 
deuxième  et  une  troisième  attaques,  tentées  simultanément  sur  les 
deux  rives  de  l'Aube,  n'eurent  pas  plus  de  succès. 

Mesures  prises  par  l'Empereur  pour  couvrir  la  retraite. 

—  L'Empereur  avait  achevé  de  prendre  les  mesures  nécessaires 
pour  contenir  les  Alliés  pendant  la  retraite  de  ses  différents 
corps.  Complétant  les  dispositions  auxquelles  nous  l'avons  vu  se 
résoudre  au  moment  où  il  tentait,  avec  la  division  Rottembourg, 
d'arracher  La  Rothière  à  Sacken  et  où  il  dirigeait  la  cavalerie  de 
Milbaud  vers  sa  gauche,  il  donnait,  vers  8  heures,  h  Drouot 
l'ordre  de  brûler  La  Rothière,  afin  de  permettre  à  son  infanterie, 
qui  venait  d'être  débusquée  définitivement  du  village,  de  se  replier 


i  Starke,  Eintheilung  und  Tagesbegebenheiten  der  Haupt-Armee  im  Monatc 
Fd)niar  (K.  K.  Kriegs  Archiv.,  II,  1),  et  rapport  da  feldzeagmeister  comte 
Gyulay  aa  prince  de  Schwarzenberg  (Ibid.,  II,  38),  Le3mont,  2  février. 

Gynlay  commet,  dans  ce  rapport,  une  erreur  en  disant  que  Napoléon  avait 
confié  la  défense  de  Dienville  à  sa  garde. 


-  490  — 

vers  Brienne  sous  la  protection  de  la  cavalerie  de  la  garde,  et 
d'arrêter  par  le  tir  de  son  artillerie  les  progrès  des  Alliés  sur  sa 
gauche  et  sur  son  centre.  Pendant  que  Drouot  amenait  ses  pièces 
en  position,  que  les  divisions  de  Ney  reprenaient  la  route  de 
Lesmont  et  que  les  corps  qui  avaient  soutenu  pendant  plus  de 
huit  heures  une  lutte  inégale  se  repliaient  en  échelons  dans  un 
ordre  d'autant  plus  remarquable  qu'il  s'agissait  de  faire  exécuter 
h  de  jeunes  troupes  harassées  de  fatigue  une  marche  rétrograde 
au  milieu  des  ténèbres,  à  travers  un  terrain  rendu  plus  difficile 
encore  par  les  rigueurs  de  la  température  et  par  les  tourbillons 
de  neige,  la  cavalerie  des  Alliés  cherchait  à  tirer  parti  de  la  vic- 
toire et  h  contrarier  la  retraite  des  Français. 

La  cavalerie  wurtembergeoise  débouche  en  avant  de  La 
Rothière  et  de  Chaumesnil.  —  La  cavalerie  wurtembergeoise 
(régiments  de  chasseurs  n®»  2  et  4  et  régiment  de  dragons  n®  3) 
venait  d'opérer  sa  jonction  à  droite  avec  la  cavalerie  du  ¥•  corps, 
h  gauche  avec  la  cavalerie  prussienne  du  général  prince  Biron 
de  Courlande  et  les  cosaques  de  Karpoff,  et  cette  masse,  débordant 
les  escadrons  de  Milhaud,  les  contraignit  h  se  retirer. 

(c  Je  poussai  rapidement  ma  cavalerie  en  avant,  dit  à  ce  propos 
le  prince  royal  de  Wurtemberg  dans  son  rapport  à  Schwarzen- 
berg*.  JLe  régiment  de  cavalerie  prince  Adam,  sous  les  ordres  du 
major  von  Reinhardt,  se  jeta  sur  l'aile  gauche  de  l'ennemi  et  lui 
prit  cinq  canons.  Le  régiment  de  dragons  n»  3  (régiment  du  Prince 
royal),  que  j'avais,  sous  les  ordres  du  colonel  von  Wagner,  envoyé 
sur  ma  droite  pour  me  relier  au  général  comte  Wrède,  fit,  avec 
un  régiment  de  chevau-légers  bavarois,  une  charge  brillante 
contre  une  batterie  française  postée  au  saillant  sud-ouest  du  bois 
d'Ajou,  vis-îi-vis  de  Chaumesnil,  et  enleva  six  bouches  h  feu.  » 

Cette  cavalerie,  rejointe  encore  par  le  général-major  von  Jett 
avec  le  régiment  de  chasseurs  h  cheval  wurtembergeois  n^  8  et  le 
régiment  de  hussards  autrichiens  Archiduc-Ferdinand,  continua 
à  suivre  l'ennemi  aussi  loin  que  l'obscurité,  l'état  du  terrain  et 
l'épuisement  de  ses  chevaux  le  lui  permirent*. 


*  Prince  royal  de  Wurtemberg  au  prince  de  Schwarzenberg,  Petit-âlesnil, 
10»  février.  (K,  K,  Kriegs  ArcMv,,  II,  3.) 

*  Journal  des  opérations  da  prince  royal  de  Wurtemberg,  par  le  généra 


—  491  - 

Au  centre,  la  cavalerie  russe  du  gi^néral  Wassiltchikoff  avait 
débouché  de  La  Rothière  malgré  le  tir  de  rartillerie  de  Drouot 
et  les  efforts  de  la  cavalerie  de  la  garde  qui  dut,  elle  aussi,  se 
replier  sur  Brienne,  suivie  jusqu'à  hauteur  de  la  ferme  de  Beugné 
par  les  cavaliers  de  Sacken. 

Il  était  alors  près  de  9  heures  :  la  neige  continuait  à  tomber 
plus  drue  et  plus  serrée  que  jamais,  et,  comme  le  dit  Taxis*  dans 
son  Journal,  la  poursuite  était  d'autant  plus  impossible  qu'on 
entendait  toujours  le  canon  du  côté  de  Dienville  où  Gyulay  ne 
réussit  h  s'établir  que  vers  minuit*,  lorsque  Gérard  eut  reçu 
l'ordre  d'abandonner  la  position  que  ses  jeunes  troupes  avaient 
héroïquement  défendue  pendant  plus  de  douze  heures. 

Dans  la  situation  où  se  trouvait  l'armée  française  pendant  les 
dernières  heures  de  la  soirée  du  l®'  février,  il  aurait  suffi  du 
moindre  effort  tenté  par  les  Alliés  pour  changer  du  tout  au  tout 
les  conditions  dans  lesquelles  allait  s'effectuer  la  retraite  de  la 
petite  armée  de  l'Empereur.  Si,  vers  9  heures  1/2  du  soir,  au 
moment  où  Gérard  se  maintenait  encore  à  Dienville,  mais  où 
Sacken,  le  prince  royal  de  Wurtemberg  et  Wrède  avaient  enlevé 
les  positions  occupées  par  leurs  adversaires,  Blûcher  avait  pu 
disposer  de  quelques  troupes  fraîches,  leur  apparition  sur  le 
champ  de  bataille,  leur  marche  en  bon  ordre  contre  les  points  où 
les  généraux  français  ralliaient  leurs  troupes  ébranlées  par  une 
lutte  sanglante  et  inégale,  auraient,  on  ne  saurait  en  douter, 
amené  des  résultats  considérables. 

On  comprend  cependant  que  le  feld-maréchal  ait  renoncé,  en 
présence  de  l'état  du  terrain,  de  l'obscurité  profonde  et  de  l'épui- 
sement des  chevaux,  à  se  servir  de  sa  cavalerie  qui  n'aurait 
d'ailleurs  pu  marcher  qu'au  pas  et  qui,  contrainte  d'autre  part  à 
suivre  la  grande  route,  serait  tout  au  plus  parvenue  h  causer  une 
alerte.  Mais  il  est  incontestable,  d'autre  part,  que  si  Blùcher 


comte  BaiUet  de  Latour,  chef  d'état-major  du  IV®  corps.  (K,  K,  Krieg»  Arehiv., 
XIII,  56.) 

Ce  fat  également  vers  cette  heure  qu*un  des  aides  de  camp  de  Berthier,  le 
colonel  MauBsion,  qui  s'était  égaré  au  milieu  de  Touragan  de  neige  et  des 
ténèbres,  fut  pris  par  les  dragons  de  Knesevicli  (K,  K,  Kriegs  Arehiv.,  II,  1, 
et  Journal  du  major  prince  Taxis,  Ibid.,  XIII,  32.) 

<  Joamal  du  major  prince  Taxis. 

«  Gyulay  à  Schwarzenberg,  Lesmont,  2  février.  {Ibid,,  II,  28,) 


-^  492  - 

avait  pu,  pendant  les  dernières  heures  de  la  lutte,  se  faire 
rejoindre  par  les  réserves  russes  qu*on  avait  inutilement  fait 
pivoter  sur  le  champ  de  bataille,  il  aurait  vraisemblablement 
réussi,  par  une  attaque  de  nuit  dirigée  sur  Brienne-la-Vieille  et 
î\  Test  de  cet  endroit  jusqu'à  hauteur  de  la  route  de  Brienne-le- 
Châleau  h  Doulevanl,  à  rompre  le  dernier  lien  qui  retenait  encore 
des  hommes  harassés  de  fatigue  et  épuisés  par  des  marches 
forcées  suivies  d*un  combat  de  douze  heures.  Il  aurait  achevé  de 
démoraliser  de  jeunes  troupes  qui  venaient  de  recevoir  seulement 
dans  ces  derniers  jours  le  baptême  du  feu  et  changé  une  retraite 
en  bon  ordre  en  une  véritable  déroute. 

N'ayant  pas  de  troupes  fraîches  à  sa  disposition,  le  feld-maré- 
chal  se  trouva  dans  l'impossibilité  absolue  de  tenter  le  moindre 
effort,  et  les  corps  alliés,  qui  avaient  été  engagés  pendant  l'après- 
midi  du  l®*"  février,  s'établirent  au  bivouac  sur  les  positions 
mêmes  qu'ils  venaient  de  conquérir. 

Positions  de  Sacken,  des  IV«,  V*  et  IIP  corps,  à  10  heures 
du  soir.  —  Les  avant-gardes  de  Sacken,  des  IV«  et  V«  corps, 
bivouaquèrent  sur  les  points  mêmes  où  elles  s'étaient  arrêtées  en 
avant  de  La  Rolhière,  de  Pelit-Mesnil  et  de  Chaumesnil. 

Le  III*  corps,  de  Gyulay,  resta  à  Dienville,  les  Russes  de  Sacken 
aux  environs  de  La  Rolhière,  le  IV«  corps  entre  La  Giberie  et 
Petit-Mesnil,  et  le  V«  à  Chaumesnil  et  au  nord  de  ce  village. 

Quant  aux  grenadiers  russes,  ils  avaient,  à  l'exception  de  la 
2«  division  qui  avait  donné  à  La  Rothière,  passé  leur  journée  à 
exécuter  des  marches  et  des  contre-marches  entre  La  Giberie  et 
La  Rothière,  et  bien  qu'elles  fussent  en  somme  parfaitement 
fraîches,  on  ne  songea  même  pas  î\  leur  donner  l'ordre  de  se 
jeter  au  milieu  des  ténèbres  sur  les  restes  de  l'armée  française. 
Ces  rései*ves  campèrent  :  la  2«  division  de  grenadiers  auprès  de 
La  Rothière,  la  1*^  division  de  grenadiers  et  les  deux  divisions  de 
cuirassiers  (2«  et  3«)  en  arrière  des  bivouacs  du  IV*  corps. 

Les  gardes  et  les  réserves  russes  et  prussiennes  étaient  venues 
dans  l'après-midi  jusqu'à  Trannes. 

La  journée  de  La  Rothière  avait  coûté  aux  Alliés  environ 
6,000  hommes,  dont  près  de  4,000  au  corps  russe  de  Sacken  '. 

i  D'après  Schels,  les  Alliés  n'auraient  peniu  à  La  Rothière  que 
4,655  hommes. 


—  493  - 

La  nuit  et  le  mauvais  temps,  en  empêchant  les  Alliés  de  pour- 
suivre leurs  avantages,  avaient  donné  à  TEmpereur  la  possi- 
bilité de  faire  mettre  à  exécution  les  ordres  qu*à  partir  de 
9  heures  du  soir,  il  avait  envoyés  à  ses  lieutenants. 

Position  de  Farmée  française.  —  Dès  9  heures  en  effet,  il 
faisait  prévenir  le  général  Sorbier  que  tous  les  corps  d'armée 
recevaient  Tordre  de  renvoyer  en  arrière  de  Brienne  les  cais- 
sons vides,  Tarlillerie  et  les  bagages  inutiles,  de  faire  passer  le 
pont  de  Lesmont  aux  parcs  et  aux  batteries  démontées. 

Grouchy,  ne  gardant  que  Tartillerie  strictement  nécessaire, 
devait  s'alléger  le  plus  possible  et  renvoyer  les  chevaux  de  main 
et  les  hommes  à  pied.  Une  heure  plus  tard,  le  général  de  France 
recevait  Tordre  de  partir  à  2  heures  du  matin  avec  les  gardes 
d'honneur,  de  passer  le  pont  de  Lesmont  et  de  jeter  des  partis 
sur  la  route  de  Piney  et  la  rive  gauche  de  TAube.  Le  général 
Sorbier  devait  faire  filer  le  parc  sur  Lesmont,  et  le  général  Léry 
se  préparer  à  brûler  et  à  faire  sauter  les  ponts  lorsque  l'Empe- 
reur en  donnerait  le  signal*. 

Les  commandants  des  corps  français,  qui  avaient  soutenu  tout 
TefTort  de  la  lutte,  avaient  gagné  les  points  que  TEmpereur  leur 
avait  désignés  et  sur  lesquels  ils  devaient  rallier  leurs  troupes. 
Marmont,  couvert  par  la  cavalerie  de  Doumerc,  s'arrêtait  au  sortir 
du  bois  d'Ajou.  Victor  dépassait  la  ferme  de  Beugné  et  laissait 
devant  les  avant-postes  russes  un  rideau  formé  par  quelques 
escadrons  de  Milhaud.  Oudinol  et  Ney  massaient  la  cavalerie  et 
l'infanterie  de  la  garde  sur  la  route  de  Lesmont,  pendant  que 
Gérard,  qui  avait  reçu  Tordre  d'abandonner  Dienville,  se  repliait 
après  minuit  sur  Brienne-la- Vieille. 

L'armée  française  avait  perdu  dans  cette  sanglante  journée 
près  de  6,000  hommes  tués,  blessés  ou  prisonniers,  et  une  soixan- 
taine de  bouches  à  feu*. 

Les  troupes  françaises  ne  devaient,  d'ailleurs,  prendre  que 
quelques  heures  d'un  semblant  de  repos  en  avant  de  Brienne-la- 


^  Belliard  à  Groachy  et  major-général  à  Sorbier,  de  France  et  Léry. 
(Archives  de  la  guerre,) 

s  63  d'après  Bogdanovith,  73  d'après  Plotho  et  Bcitzke,  83  d'après  Schels, 
73  aussi  d'après  le  rapport  de  Schwarzenberg  (K,  K,  Kriegs  Arehiv,,  II, 
34,  b)  et  54  seulement  d'après  Kocli. 


-  494  ~ 

Vieille;  les  ordres  expédiés  à  11  heures  1/2  de  la  nuit  par  TEm- 
pereur,  de  Brienne-le-Chàteau,  allaient  pour  les  dérober  à 
l'étreinte  des  Alliés,  les  remettre  en  marche  îi  2  heures  du 
matin. 

Avant  de  discuter  la  bataille  de  La  Uothière,  et  bien  que  pour 
cela  il  faille  abandonner  un  instant  les  corps  qui  venaient  de 
combattre  h  Dienville  et  à  Morvilliers,  il  est  nécessaire  de  nous 
occuper  des  mouvements  exécutés  par  le  I^^""  corps  (Colloredo),  h 
Textrême  gauche  de  l'armée  de  Bohême,  par  cela  même  que  ces 
événements  ont  une  certaine  connexité  avec  les  faits  de  guerre 
dont  les  rives  de  TAube  avaient  été  le  théAtre.  Il  faut  également 
jeter  un  coup  d'œil  sur  les  opérations  des  partisans  du  lieutenant' 
colonel  comte  Thurn,  sur  les  mesures  prises  le  même  jour  par  le 
duc  de  Trévise,  sur  la  tentative  des  cosaques  de  Platoft  contre 
Sens,  sur  la  marche  de  Wittgenstein  sur  Saint-Dizier,  et  d'Ywk 
vers  Vitry,  enfin  sur  les  préparatifs  de  Macdonald  qui  cherche  h 
déboucher  de  Chàlons  et  à  contrecarrer  les  projets  des  lieute- 
nants  de  Blûcher  contre  Châlons-sur-Marne. 

MoiiTement  du  I<"  corps  (Colloredo)  sur  Yendenvre.  — 
Affaire  de  La  Vacherie.  —  Retraite  da  corps  volant  de 
Tburn.  —  A  l'extrême  gauche  de  l'armée  de  Bohême,  le  !«'  corps 
d'armée  avait  quitté  Bar-sur-Seine  dès  le  matin  et  s'était  porté 
en  une  seule  colonne  jusqu'î\  Magnant,  puis  à  partir  de  ce  point  en 
deux  colonnes,  le  gros  par  Thieffain,  la  division  de  grenadiers  à 
droite,  par  Beurey,  sur  Vendeuvre,  où  le  corps  n'arriva  que  fort 
tard  dans  i'aprês-midi,  par  suite  des  difficultés  de  la  marche 
encore  augmentées  par  le  dégel. 

La  division  légère  du  prince  Maurice  Liechtenstein,  chargée  de 
couvrir  sa  marche,  était  restée  sur  la  rive  gauche  de  la  Seine  et 
avait  été  dirigée  de  Bar-sur-Seine  sur  Fouchères,  afin  d'occuper 
et  de  retenir  les  troupes  de  Mortier*. 

Dès  1  heure  de  l'après-midi,  le  général  Hàcht,  posté  avec  une 
brigade  du  111«  corps  (division  Crenneville)  à  Vendeuvre,  avec 
ordre  de  surveiller  les  mouvements  de  l'ennemi  du  côté  de  Dien- 
ville et  d'Unienville,  avait  informé  le  généralissime  de  l'appari- 


1  Stakke,  Eintheilung  uud  Tagesbegebenbciteu  dcr  Haupt-Armee  im  Monate 
Febniar.  (K.  K.Krieys  Archiv.,  IL  1.) 


—  493  — 

tion  de  partis  français  du  côté  de  Vilieneuve-au-Chène  (appelé 
alors  Villeneuvc-Mesgrigny),  de  l'occupation  de  Piney  '  par  les 
troupes  françaises  et  de  Tarrivée  h  Vendeuvre  de  la  tète  de 
colonne  de  Colloredo. 

Deux  heures  plus  lard,  vers  3  heures  de  l'après-midi,  Colloredo 
annonçait  au  prince  de  Schwai-zenberg  qu'il  ne  disposait  à  Ven- 
deuvre que  de  trois  régiments  de  la  division  Wied-Runkel  et  de 
deux  batteries,  que  la  division  de  grenadiers  et  les  cuirassiers  du 
comte  Nostitz  n'y  arriveraient  qu'îi  4  heures  et  qu'il  attendait  à 
Vendeuvre  des  ordres  lui  indiquant  le  rôle  ultérieur  que  son 
corps  était  appelé  h  jouer.  Mais  il  était  déjà  trop  tard,  et  en  sup- 
posant môme  qu'ua  ordre  de  marche  émanant  de  Scharzenberg 
pût  parvenir  à  4  heures  à  Colloredo,  la  tète  de  colonne  des  trois 
divisions  du  I*""  corps  n'aurait  pu,  en  aucun  cas,  arriver  sur  les 
hauteurs  qui  dominent  le  pont  de  Dienville  avant  10  ou  H  heures 
du  soir.  Par  suite,  le  généralissime  se  décida*  à  laisser  le 
l^  corps  k  Vendeuvre  où  les  trois  divisions  occupèrent  des  can- 
tonnements resserrés.  La  brigade  Geppert  (de  la  division  légère 
du  prince  Maurice  Liechtenstein)  formant  l'avant-garde  de  Collo- 
redo, occupa  le  soir  Vauchonvilliers  et  se  relia  vers  l'Aube  avec 
la  brigade  Hàcht  du  III®  corps. 

L'autre  brigade  de  la  division  légère  Maurice  Liechtenstein, 
renforcée  par  un  régiment  de  la  division  Wied-Runkel,  posté  en 
soutien  à  Virey,  avait  été  laissée  à  Fouchères  pour  surveiller  la 
route  de  Troyes. 

A  9  heures  du  matin,  un  détachement  français  que  le  prince 


i  Les  renseignements  fournis  par  le  général  Hacht  sont,  on  le  voit,  con- 
firmés par  la  dépêche  du  généra!  de  France  au  major-général,  de  Lesmont, 
!•'  février,  8  heures  du  matin  : 

«  D'après  mes  rapports  de  cette  nuit,  le  duc  de  Trévise  fait  occuper  Creney, 
près  de  Troyes  ;  ses  partis  viennent  vers  Mesnil  et  RoniHy.  Les  chasseurs  à 
cheval  de  la  garde  qui  occupent  Creney  poussent  jusqu'à  Piney. 

«  Dans  la  direction  d*Arcis,  on  éclaire  Fontaines  et  Onjon.  Coclois  est 
oecnpé  ainsi  que  Mesnil-la-Comtesse  et  Voué.  Je  ferai  occuper  Pougy,  Pel  et 
et  Précy  sur  la  rive  gauche;  j'enverrai  un  fort  parti  à  l'embranchement  des 
routes  de  Lesmont  par  Montangon  à  droite  et  par  Piney  à  gauche,  allant  à 
Troyes.  »  {Archives  de  la  guerre.) 

s  Colloredo  reçut,  dans  la  nuit  du  l^^'  an  9  février,  un  ordre  de  Scliwarzen- 
berg  loi  prescrivant  de  se  porter  avec  toute  sa  colonne  sur  Dienville  et  d'atta- 
quer vigoureusement  ce  village  ;  mais  Colloredo  ayant  eu  connaissance  quelques 
heures  après  de  l'évacuation  de  Dienville,  jugea  inutile  d'exécuter  cet  ordre> 
désormais  sans  objet. 


—  496  — 

Liechtenstein  évalue  dans  son  rapport  "  h  200  hommes  et  500  che- 
vaux, avait  attaqué  les  avant-postes  autrichiens  et  les  avait  reje- 
tés jusque  sur  La  Vacherie.  L'entrée  en  ligne  des  troupes  de 
piquet  (un  escadron  de  chevau-légers  O'Reilly  et  une  compagnie 
de  chasseurs)  permit  aux  avant-postes  autrichiens  de  tenir  bon, 
de  résister  à  une  deuxième  attaque  et  d'attendre  Tarrivée  de  ren- 
forts qui,  après  une  heure  de  combat,  obligèrent  la  reconnais- 
sance française  h  se  retirer  et  ù  rentrer  sur  sa  position  des  Mal- 
sons-Blanches. 

La  division  du  feld-maréchal-lieulenant  Ignace  Hardegg, 
'  appartenant  également  au  !«»"  corps,  se  tint  pendant  toute  la 
journée  du  l®'  février  à  Chaource,  point  vers  lequel  devait  se 
diriger  la  reconnaissance  qui  avait  donné  contre  les  avant- 
postes  de  Liechtenstein  à  La  Petite-Vacherie. 

La  maréchal  Mortier  avait  en  même  temps  fait  partir,  sous  les 
ordres  du  général  de  Bourmont,  une  reconnaissance  qui  réussit 
à  surprendre  quelques  cosaques  du  corps  de  PlatofiT,  h  Auxon. 
Cette  reconnaissance  devait  également  chercher  h  couper  et  h 
prendre  le  corps  volant  du  lieutenant-colonel  comte  Thurn.  Mais 
cet  officier,  prévenu  î\  temps,  s'empressa  de  filer  vers  Ervy  *. 


1  Prince  Maarice  Liechtenslein  au  comte  Colloredo,  Foaohères,  !•'  fëTrier. 
(K.  K.  Krieg$  Archiv.,  Il,  a// 23.) 

Liechtenstein  terminait  ce  rapport  en  envoyant  an  feidzeagmeisler  les  ren- 
seignements suivants  sur  les  mouvements  de  Mortier  : 

if  Je  dois  également  informer  Votre  ExceUence  que  le  comte  Thurn  me  fait 
dire  à  Tinstant  que  le  maréchal  Mortier  a  quitté  hier  Troyes  arec  la  garde 
impériale  et  a  pris  la  route  d'Arcis,  laissant  à  Troyes  une  assez  grande  quan- 
tité de  troupes  de  toutes  armes  avec  28  canons. 

(f  D'autres  rapports  du  major  von  Ellsbach  et  du  général-major  Hâcht  me 
font  savoir  que  les  villages  de  Lusigny  et  de  Courteranges,  sur  la  route  de 
Vendeuvre,  ont  été  évacués  par  l'ennemi,  n 

*  Le  lieutenant-colonel  comte  Thurn  au  prince  de  Schwarzenberg  : 

«  Chamoy,  4  février  1814,  6  heures  du  soir. 

(f  Après  avoir  adressé  à  Votre  Altesse  mon  rapport  en  date  du  31  janvier, 
j*ai  pendant  toute  cette  journée,  battu  le  pays  du  côté  de  Bonilly,  sur  la  rente 
de  Troyes  à  Sens. 

if  Le  i^'  février,  à  40  heures  du  matin,  un  de  mes  émissaires  est  revenu  et 
m'a  annoncé  que  Napoléon  avait  rejoint  le  27  au  soir  Tarmée  à  Vitry,  qu'il 
comptait  attaquer  Votre  Altesse  le  28  à  Bar-sur-Aube  avec  80,000  hommes  et 
100  canons,  et  que  le  général  Dulong  devait,  ces  jours-ci,  enlever  Auxon  par 
un  coup  de  main. 

«  J'ai  fait  part  de  ces  nouveUes  à  Votre  Altesse  et  les  ai  communiquées  au 
comte  CoUoredo,  auquel  je  les  fis  porter  par  un  piquet  d'un  sous-officicr  et  de 


—  497  — 

Mouvement  de  Platoff  vers  Sens.  —  Quant  à  Platoft,  son 
avant-garde  continuait  ii  tîlter  Sens,  mais  sans  menacer  bien  sé- 
rieusement la  ville  que  le  général  AUix  occupait  avec  les  dépôts 
de  la  18®  division  militaire. 

Platoff,  toujours  habile  à  présenter  les  faits  de  la  manière 
qui  lui  convenait  le  mieux,  préparait  déjà  le  généralissime  au 
mouvement  qu'il  allait  entreprendre  pour  se  faire  pardonner  Tin- 
succès  de  sa  tentative  contrs  Sens,  insuccès  dû  uniquement  k  ses 
lenteurs,  à  ses  hésitations,  à  son  peu  d'empressement  a  marcher 
de  l'avant  et  à  s'éloigner  du  gros  de  la  grande  armée.  «  Trop 
ftiible  pour  chasser  Tennemi  de  Sens,  écrivait-il  le  l*""  février  au 
soir,  de  Villeneuve-le-Roy  (Villeneuve-sur- Yonne),  au  prince  de 
Schwarzenbcrg  *,  je  poursuivrai  ma  destination  en  me  dirigeant 
par  Gourtenay  sur  Fontainebleau.  Nous  avons  du  reste  pris  un 
officier  et  32  soldats  de  la  garde  et  délivré  1  officier  et  10  soldats 
espagnols,  ainsi  que  4  soldats  autrichiens.  »  Il  ajoutait  encore 
pour  prévenir  les  reproches  du  généralissime  et  pour  se  donner 
l'air  d'avoir  entrepris  quelque  chose  :  «  J'ai  détaché  le  colonel 
Sperberg  avec  500  cosaques  et  2  canons  à  Joigny  pour  découvrir 


6  hommes.  Mais  ce  sous-officier  toarné  et  coupé  par  l'ennemi  dans  la  forôt 
d'Aumont,  ne  m'a  rejoint  qu'hier  soir,  me  rapportant  ma  dépêche. 

«  Les  événements  m'ont  forcé  à  quitter  encore  le  !«'  février  Saint-Phal  et  à 
me  porter  du  côté  d'Ervy.  L'ennemi  est,  en  effet,  arrivé  le  !•' février  à  Auxon 
et  Saint-PhaL  et  après  avoir  enlevé  4  caissons  et  4  hommes  aux  cosaques 
qu'il  surprit  en  train  de  piller  Auxon,  il  se  dirigea  par  BouiUy,  sur  Troyes.  i> 
(A'.  A'.  Kriegs  Archiv,,  II,  81.) 

Mortier,  de  son  côté,  avait  rendu  compte  de  ces  petites  escarmouches  dans  la 
dépêche  ci-dessous  qui  concorde,  sauf  en  ce  qui  a  trait  à  l'infanterie  bavaroise 
qui  ne  parut  pas  du  côté  de  La  Vacherie,  avec  les  rapports  des  officiers  autri- 
chiens ! 

«  Mortier  au  major-général.  —  Troyes,  le  1®'  féviier,  7  heures  1/2,  soir. 

u  L'expédition  du  général  de  Bourmont  sur  Auxon  a  parfaitement  réussi. 
Une  compagnie  du  4*  bataiUon  du  S'i*^  régiment  s'est  emparée  de  la  ville,  de 
6  caissons  de  munitions.  4  cosaques,  dont  i  officier,  ont  été  tués,  4  pris,  un 
grand  nombre  blessés.  Le  général  de  Bourmont  s'établit  ce  soir  k  Saint-Phal 
ou  à  Chamoy  et  rentrera  demain  à  Troyes. 

u  La  reconnaissance  sur  Chaource  a  rencontré  l'ennemi  à  l^a  Vaclierie  au 
nombre  de  quelques  centaines  de  chevaux  et  300  hommes.  11  y  a  eu  une  escar- 
mouche assez  vive.  On  a  vu  de  l'infanterie  bavaroise.  La  reconnaissance  sur 
Vendeuvre  a  été  jusqu'à  Montiéraniey  où  il  n'y  avait  que  des  piquets.  Fresnay 
et  Clerey  sont  occupés  par  l'ennemi.  Ses  coureurs  se  montrent  vers  Arcis-sur- 
Aube  et  Troyes.  »  {Archives  de  la  Guerre.) 

*  L'atuman  Platofi"  au  prince  de  Schwarzenberg,  Vilicneuvc-le-Hoy,  1<"  fé- 
vrier. (A'.  K,  Kriegs  Archiv,,  11,  atl,  120.) 

Well.  32 


—  498  - 

et  punir  les  gens  de  ce  pays  qui  avaient  voulu  assommer  un 
de  mes  courriers,  pendant  qu'il  passait  par  cette  ville.  Je  lui  ai 
ordonné  de  fusiller  les  coupables  et  de  désarmer  la  garde  natio- 
nale que  je  soupçonne  d'avoir  participe  à  ce  guet-apens. 

«  En  attendant,  je  me  suis  arrêté  ici. 

«  Je  crois  de  mon  devoir  de  prévenir  Votre  Altesse  qu'il  rae 
sera  difficile  d'envoyer  des  courriers  au  quartier  général,  tant 
que  je  ne  serai  pas  suivi  par  quelque  autre  troupe,  parce  que 
force  m'est  de  détacher  d'assez  gros  partis  pour  les  faire  es- 
corter. )) 

Le  général  du  Coëtlosquet  appelé  par  le  général  Allix  *  arriva 
à  Sens  le  l^^*"  février  h  11  heures  du  soir,  et  le  général  Pajol, 
posté  h  Montereau,  envoya  le  général  Delort  avec  300  chevaux  à 
Fleurigny  pour  protéger  ce  mouvement.  Ses  partis,  qui  avaient 
poussé  le  matin  jusqu'à  Villeneuve-l' Archevêque,  lui  faisaient  sa- 
voir qu'ils  y  avaient  rencontré  ([uelques  cosaques  se  dirigeant  du 
côté  de  Sens.  Le  général  Pajol  terminait  sa  dépêche  en  donnant 
un  renseignement  d'une  remarquable  exactitude  *.  «  L'ennemi, 
disait-il,  veut  se  porter  sur  Paris  par  Fontainebleau  en  laissant 
Montereau  h  sa  droite;  comme  il  me  faut  renforcer  Ponl-sur- 
Yonne  et  Moret,  j'écris  au  général  Pacthod  de  veiller  sur  ces  deux 
points,  et  je  fais  couper  une  arche  du  pont  de  Bray.  » 

Houvement  du  VP  corps  et  de  la  cavalerie  de  Pahlen  sur 
Vitry.  —  A  l'extrême  droite  des  Alliés,  le  VI»  corps  (Wittgen- 
stein),  au  lieu  de  se  rapprocher  du  champ  de  bataille  de  La  Ro- 
thière,  avait  reçu,  au  contraire,  du  généralissime  l'ordre  de  se 
porter  de  Vassy  sur  Saint-Dizier  pour  marcher  de  là,  de  concert 
avec  York,  sur  Vitry  '. 

Pendant  que  Wittgenstein  exécutait  ce  mouvement  peu  ration- 
nel, sa  cavalerie,  sous  le  comte  Pahlen,  était  aux  environs  de 
Soulainos,  et  son  avant-garde  avait  même  déjà  poussé  vers  La 


i  Général  AUix  au  Miuistre  et  au  général  du  Coëtlosquet.  {Archives  de  la 
Guerre.) 

*  Général  Pajol  au  Ministre  de  la  guerre,  Nogent-sur-Seine,    1*'  février, 
heures  soir.  {Archives  de  la  Guerre,) 

•  Wittgenstein  à  Schwarzenberg,  !«'  février  (K.  K.  Kriegs  Arehiv,,  II,  7), 
et  Stârke,  Eintheilung  und  Tagesbegebenheiten  der  Haupt  Armée  im  Monate 
Februar.  {Ibid.,  11,  1.) 


—  499  — 

Chîiisr,  lors(ju('  son  chef  recul  romimniicalion  dcîs  iiistrur.tioiis 
qui,  loin  de  le  laisscu'  continuer  sur  Brienne,  lui  prescrivaient  de 
rallier  le  VI«  corps.  Pahlen.  revenant  sur  ses  pas  et  croisant, 
comme  nous  Tavons  dit  plus  haut,  les  colonnes  de  Wrède,  se 
dirigea  de  Soulaines  sur  Longeville  et  de  là  sur  Chavanpjes, 
tandis  que  le  général  Ilowaïsky  XII  continuait  h  n?ster  avec  ses 
cosaques  en  observation  devant  Boulancourt. 

Chose  singuli^re  et  qui  mérite  d'être  signalée  :  Pahlen,  en  rai- 
son même  de  l'état  de  ralmosphére,  no.  perçut,  pendant  toute  la 
première  partie  de  sa  marche  cl  bien  qu'il  fût  h  proximité  du 
champ  de  bataille,  que  très  faibU^menl  et  à  des  intervalh^s  très 
éloignés  le  bruit  du  canon. 

Quant  h  la  cavalerie  du  général  lU'idinger,  que  Witlgenstein 
avait  détachée  sur  la  rive  gauche  de  la  Marne  pour  se  relier  îivec 
Pahlen,  elle  s'était,  pendant  la  journée  du  l»*"  février,  porté(»  de 
Monlier-en-Der  par  Giftaumonl  jusque»  vers  (iigny-au\-Bois  et 
Bussy-aux-Bois. 

Les  marches  et  les  contre-marches  qu'on  avait  fait  exécuter 
pendant  les  dernières  journées  îi  Witlgenstein,  en  l'appelant  vers 
l'Aube  pour  le  reporter  ensuite  vers  la  Marne,  eurent  pour  consé- 
quence d'annihiler  complètement  l'action  de  son  corps,  en  le  fai- 
sant arriver  partout  trop  tard. 

Mouvements  du  I^'  corps  prussien.  —  Opérations  sur  Vitry. 

-  Les  ordres  et  les  contre-ordres  devaient  également,  le  1*'' fé- 
vrier, retarder  et  contrarier  les  opérations  du  l^^  corps  prussien. 
York,  dans  les  instructions  qu'il  avait  envoyées  le  31  janvier  au 
soir  à  ses  généraux,  avait  prescrit  au  gros  de  son  corps  de  quitter 
les  environs  de  Saint-Dizier,  (Mitre  G  et  7  heures  du  matin, 
pour  se  porter  contre  Vitry.  Il  comptait  se  faire  précéder,  à  envi- 
ron trois  lieues,  par  la  l'^ brigade,  Pirch II,  et  parle  corps  volant 
du  colonel  comte  Henckel,  placé,  pour  cette»  opération,  sous  les 
ordres  directs  du  général  von  Pirch.  Au  moment  où  le  gros  du 
corps  allait  s'ébranler  dans  la  direction  de  Vitry,  le  général  York 
re(;ul  du  général-major  von  Knesebeck,  aide  de  camp  du  roi  de 
Prusse,  une  lettre,  datée  de  Chaumont  30  janvier  au  soir,  par 
laquelle  on  lui  faisait  part  du  projet  de  Schwaraenberg  de  con- 
centrer toutes  l(\s  forces  des  Alliés  entre  Bar-sur-Aube  et  Colom- 
bey,  afin  d'y  attendre  les  attaques  des  Français.   Knesebeck 


—  500  — 

pensait  que,  par  suite,  il  y  avait  lieu  de  resserrer  le  cercle  et 
que,  dans  le  cas  où  York  n'aurait  pas  reçu  des  ordres  contraires, 
il  devait,  ainsi  que  Wittgenstein,  chercher  fi  se  rapprocher  des 
positions  de  l'armée  de  Schwarzenberg.  York,  qui  n'avait  jusqu'il 
ce  moment  reçu  aucun  ordre  et  qui  n'avait  agi  que  d'après  ses 
propres  idées,  se  vit  donc  contraint  de  conlremander  le  mouve- 
ment du  gros  de  son  corps.  Il  se  proposait,  en  effet,  de  rester  en 
place  à  Saint-Dizier  et  de  faire  observer  Vilry  par  la  brigade 
Pirch  (ît  le  détachement  de  Henckel,  lorsqu'on  lui  remit,  \ers 
9  heures,  la  disposition  générale  qui  le  destinait,  au  contraire, 
h  manœuvrer  contre  Vitry  de  concert  avec  Wittgenstein,  qu'on 
envovait  à  Saint-Dizier.  Tous  ces  contre-ordres  avaient  coûte  un 
temps  précieux,  et,  bien  qu'York  eût,  dès  10  heures,  envoyé  à 
ses  corps  l'ordre  de  reprendre  le  mouvement  interrompu  le  ma- 
tin, ce  fut  seulement  entre  midi  et  une  heure  que  les  différentes 
fractions  de  son  corps  d'armée  se  remirent  en  marche. 

Le  maréchal  Macdonald  était  arrivé  h  Chàlons  le  31  *;  mais  il 
n'y  avait  guère  à  Vilry  avec  le  général  Montmarie  que  700  à 
800  hommes  au  moment  où  la  brigade  Pirch  et  le  détachement 
du  colonel  Henckel  se  mettaient  de  leur  côté  en  marche  pour 
attaquer  cette  place.  La  cavalerie  polonaise  du  général  Pac  en 
était  sortie  le  matin  deux  heures  avant  l'attaque,  se  rendant  vers 
Brienne  et,  bien  que  ce  général  eût  entendu  le  canon,  il  ne  crut 
pas  opportun  d'y  rentrer,  ({uoique  la  canonnade  fût  devenue  très 
vive.  «  parce  que,  dit-il  dans  sa  dépêche  au  major-général,  je  savais 
que  le  général  Montmarie  attendait  un  corps  de  6,000  hommes'.  » 
Le  vieux  maréchal  Lefebvre  avait  heureusement  reconnu  tous  les 
dang(;rs  de  la  situation  et  mieux  comi)ris  toute  l'importance  de 
Vitry.  Il  avait  lui  aussi,  comme  le  général  Pac,  quitté  Vitiy  le 
ler  au  malin  et  passé  la  Marne  avec  un  escadron  de  cavalerie  et 
un  régiment  d'infanterie,  dans  l'intention  de  rejoindre  l'armée  ; 
mais,  dès  qu'il  eut  reconnu  la  direction  suivie  par  l'avant-garde 
d'York,  il  n'avait  pas  hésité  h  se  replier  sur  Vitry,  où  il  rentra 
quelque  temps  avant  le  commencement  de  l'attaque. 


^  Les  5*^  et  il°  corps  d'armée,  sous  les  ordres  du  maréchal,  qui  ont  à  peine 
ensemble  8,000  combattants,  sont  formels  de  29  bataillons  qui  ne  peuvent 
guère  être  considérés  aujourd'hui  que  comme  des  cadres.  (Général  Gruudler  au 
Àlinistrc,  Ch:Uons,  1*^^  février.  —  Archives  de  la  Guerre,) 

>  Archiver  de  la  Gwrrc. 


—  501  — 

La  brigade  Pirch  ot  le  détachement  de  Henckel,  arrivés  dans  la 
matinée  devant  la  place,  avaient  d'abord  fait  sommer  le  général 
Montmarie  de  se  rendre.  Sur  le  refus  de  cet  officier  général,  ils 
tirent  bombarder  la  ville  pendant  quelques  heures  par  la  batterie 
de  la  1"  brigade  et  la  demi-batterie  du  colonel  Henckel,  sans 
obtenir  aucun  résultat.  Au  bout  de  quelques  heures,  le  feu  cessa. 
Mais,  pendant  ce  temps  et  gnlce  au  brouillard,  un  gros  convoi 
de  quarante-deux  bouches  h  feu,  escorté  par  400  hommes,  avait 
réussi  à  pénétrer  dans  la  place  vers  2  heures,  après  s'ètn» 
arrêté  au  pont  de  Vau\  sur  la  Saulx,  î\  un  quart  de  lieue  de  la 
ville*.  Le  colonel  d'artillerie  qui  conmiandait  cette  colonne»  avait 
été  moins  heureux  :  il  avait  été  enlevé,  à  quelques  pas  des  siens, 
par  les  hussards  prussiens,  et  ce  fut  par  lui  qu'York  eut  connais- 
sance de  l'arrivée  h  Chûlons  du  maréchal  Macdonald  et  de  son 
intention  de  se  porter  sur  Vitry. 

Le  général  von  Pirch,  qui  avait  pu  se  rendre  compte  de  l'im- 
possibilité d'enlever  Vitry  par  un  coup  de  main,  se  décida  h 
renoncer  h  des  tentatives  absolument  inutiles*  et  établit  son 
quartier  général  à  Ecriennes  (ît  cantonna  son  infanterie  à  E(M'iennes, 
Luxémont  et  Villotte,  Vauclerc  et  Reims-la-Brûlée;  sa  cavalerie  :\ 
Frignicourt,  Marolles,  Bégnicourt  et  Norrois.  Afin  de  couvrir  sa 


1  Général  comte  de  Valmy,  La  Cliaussée,  !«'  février,  7  heures  1/2.  {Ar- 
chives de  la  Guerre.) 

*  York  à  Schwarzenberg,  Ecriennes,  2  février,  li  heures  du  soir.  (A'.  K. 
Kriegs  Archiv.,  11,  29)  et  général  Montmarie  au  major-général,  Vitry, 
1"  février  1814  : 

u  Ce  matin,  à  8  heures,  Tenneml  qui  occupait  depuis  plusieurs  jours  les 
environs  de  Vitry,  a  attaqué  cette  ville.  U  a  montré,  en  avant  de  Marolles. 
8  bataillons,  6  escadrons  et  0  bouches  à  feu,  dont  3  obusiers;  il  avait  ent'orc 
un  corps  assez  considérable  à  Frignicourt. 

«  Des  renforts  qui  me  sont  arrivés  de  Chdlons  (2  bataillons  et  2  batteries) 
m*ont  mis  à  même  de  repousser  les  attaques.  A  1  heure,  Tennemi  a  couimeiico 
sa  retraite  ;  il  est  retourné  par  la  route  de  Saint-Dizier  et  occupe  encore 
Marolles. 

«  On  était  déjà  aux  prises  lorsque  le  général  Pac  est  parti.  Ses  troupes 
auraient  été  bien  utiles.  »  { Archives  de  la  Guerre.) 

Les  troupes  du  maréchal  Macdonald  occupaient  le  i^^  février,  à  8  heures  du 
soir,  les  positions  suivantes  :  la  division  Molitor  était  cantonnée  dans  les  vil- 
lages au  delà  de  Chàlons,  sur  la  route  de  Vitry  et  la  rive  droite  de  la  Marne  : 
la  division  Bi-ayer  sur  celle  de  Sainte-Menehould  ;  Exehnans  avec  le  t^  corps 
de  cavalerie,  sur  celle  de  Chdlons  à  Arcis-sur-Aube  ;  le  5*  c^rps  (Sébastiani) 
était  dans  Châlons,  et  le  3«  corps  de  cavalerie  (duc  de  l*adoue)  s'était  cantonné 
prés  de  Chàhms.  sur  la  route  de  Reims.  (Valmy  au  duc  de  Feltre,  Châlons, 
1"  février,  8  heures  soir.  —  Archives  de  la  Guerre.) 


—  502  — 

droite,  le  g(^néral  von  Pirch  avait  envoyé  le  colonel  Henckel  sur 
Vitry-le-Brûlc%  avec  l'ordre  d'observer  les  passages  de  la  Saulx 
et  de  pousser,  sur  Changy  et  Saint-Quenlin-les-Marais,  des  partis 
chargés  de  surveiller  la  route  de  Châlons. 

Le  1er  au  soir,  York  établit  son  quartier  général  îi  Orconte; 
Tavant-garde  (général  von  Katzlcr)  vint  à  Malignicourt,  Thiéble- 
monl,  Farémont,  Haussignémont  et  Favresse;  la  cavalerie  de  ré- 
vServe  du  général  von  Jiirgass  à  Domprémy,  Brusson,  Plichan- 
court  et  Ponthion  ;  la  7«  brigade  à  Blesraes,  Scrupt,  Saint-Vrain 
et  Heiltz-le-Hutier;  la  8®  brigade  à  Orconte,  Larzicourt  et  Isie; 
rartilleric  de  réserve,  avec  le  parc  du  corps  d'armée,  fut  installée 
il  Longchamps,  Le  Tronc,  Sapignicourt  et  Hallignicourt. 

Enfin,  pour  compléter  l'indication  des  mouvements  exécutés 
pendant  cette  grande  journée  du  i«»"  février,  nous  dirons  que  le 
IIo  corps  prussien  (Kleist),  apros  avoir  passé  en  vue  de  Thionville, 
était  arrivé  à  hauteur  de  Boussange,  Hagondange  etHauconcourt, 
tandis  que  le  corps  russe  de  Kapsewitch,  venant  de  Mayence  par 
Sarreguemines,  n'était  plus  qu'il  une  marche  de  Nancy. 

Considérations  sur  la  bataille  de  La  Rothière.  —  Quand 
on  se  trouve  en  présence  d'un  événement  de  l'importance  de  la 
bataille  de  La  Rothière,  on  ne  saurait,  surtout  en  raison  de  la 
gravité  exceptionnelle  des  circonstances,  se  contenter,  comme 
on  le  ferait  pour  toute  autre  bataille,  de  signaler  les  erreurs 
commises  par  les  deux  adversaires,  d'insister  sur  les  conditions 
dans  lesquelles  elle  a  été  livrée  et  de  comparer  les  résultats 
réellement  obtenus  avec  ceux  que  le  vainqueur  était  en  droit 
d'espérer.  II  faut,  pour  que  l'on  puisse  se  rendre  un  compte  exact 
de  la  situation,  insister  sur  la  portée  que  pouvait  et  que  devait 
avoir  le  premier  échec  essuyé  au  cœur  même  de  la  France  par 
une  armée  commandée  par  l'Empereur  en  personne. 

«  La  guerre,  a  dit  Clausewitz  dans  sa  Théorie  de  la  Grande 
Guerre,  est  un  instrument  de  la  politique.  »  La  campagne  de  1814 
et  plus  particulièrement  la  bataille  de  La  Rothière  se  chargent  de 
justifier  l'opinion  émise  par  le  grand  écrivain  allemand,  parce 
(|ue  jamais  peut-être  les  considérations  politiques  n'ont  exercé 
plus  d'influence  sur  les  opérations  nn'litaires  que  pendant  cette 
campagne,  et  surtout  pendant  les  deux  ou  trois  jours  qui  ont  pré- 
cédé (ît  suivi  la  bataille  du  l^^""  février. 


—  503  — 

Il  suffit,  en  effet,  de  lire  allenlivemenl  les  dispositions  g(^n(^rales 
du  31  janvier  pour  voir  (jue  le  génc^ralissime.  tout  en  abandon- 
nant îi  Blucher  la  direction  des  opérations  pendant  vingt-quatre 
heures,  n'avait  jamais  eu  Tinlention  d'abdiquer  entre  ses  mains, 
l)uisque  le  rôle  du  fcid-maréchal  se  trouvait,  |)ar  ces  dispositions 
mômes,  limité  Ji  la  durée  de  la  bataille.  Il  résulte,  en  effet,  des 
termes  mêmes  de  cet  ordre,  qui^  Schwarzenberg  avait  îi  l'avance 
déterminé  la  mission  attribuée  à  chacune  des  grandes  unités  après 
la  fin  de  la  bataille.  En  agissant  de  la  sorte,  le  généralissime  avait 
évidemment  voulu  donner  h  l'amour-propre  du  feld- maréchal  une 
satisfaction  passagère;  mais,  naturellement  et  justement  jaloux 
dv.  conserver  et  d'affirmer  une  autorité  qu'il  avait  peine  îi  main- 
tenir et  à  défendre  contre  les  attaques  et  les  intrigues  de  ses  enne- 
mis, il  avait  eu  soin  de  reprendre  dès  le  soir  du  !•»'  févri(T  une 
direction  qu'il  avait  cru  habile  de  céder  pendîint  quelques  heures. 
Il  résulte,  d'ailleurs,  des  conditions  mêmes  dans  lesquelles  s'était 
faite  cette  transmission  momentanée  du  pouvoir  suprême,  que 
Blucher  ne  disposait  pas  de  la  totalité  des  ressources  qu'on  aurait 
pu  et  dû  lui  confier,  parce  qu'on  ne  voulait  pas  que  la  victoire, 
sur  laquelle  on  était  en  droit  de  compter,  eût  des  conséquences 
par  trop  graves  et  fût  suivie  de  résultats  trop  décisifs.  On  tenait 
assurément  à  relever  h»,  prestige  des  armes  des  Alliés,  mais  tout 
porte  à  croire  qu'on  ne  voulait  pas  finir,  comme  on  l'aurait  pu, 
la  guerre  d'un  seul  coup  et  qu'on  redoutait  même,  jusqu'à  un 
certain  point,  une  solution  définitive.  On  avait  eu  la  précaution  de 
mettre  Blucher  hors  d'état  de  tirer  parti  de  ses  avantages,  et  tant 
pour  prévenir  ses  récriminations  que  pour  l'empêcher  de  donner 
libre  cours  à  sa  mauvaise  humeur,  on  eut  soin  de  le  combler  im- 
médiatement d'éloges  et  de  compliments.  Dès  le  soir  même  de  la 
bataille,  l'empereur  Alexandre,  en  lui  faisant  dire  que  «  cette 
nouvelle  victoire  couronnait  sa  carrière  et  effaçait  l'éclat  de  toutes 
celles  qu'il  avait  remportées  » ,  s'empressait  de  lui  envoyer  un 
sabre  d'or  enrichi  de  diamants.  Mais  au  moment  môme  où  les 
officiers  alliés,  enthousiasmés  par  cette  victoire,  se  croyaient  déjà 
maîtres  de  Paris,  on  avait  enlevé  à  Blucher  jusqu'aux  moyens  de 
recueillir  le  fruit  de  ses  avantages. 

Il  semble  presque  qu'on  ait  eu  au  quartier  général  des  Alliés 
une  sorte  de  terreur  superstitieuse  de  l'Empereur,  qu'on  ait 
craint  de  le  pousser  à  bout  et  de  l'acculer,  qu'on  ait  tenu  h  laisser 


—  504  — 

au  César  vaincu  la  possibilité  de  se  retirer.  Les  dispositions 
mémos  prises  par  Schwarzenberg  avant  la  bataille  avaient  prévu 
le  cas,  puisqu'elles  dirigeaient  les  corps  de  Tarmée  de  Silésie  sur 
Vitry  et  qu'elles  envoyaient  le  VI®  corps  seul  à  Brienne  et  le  1II«  h 
Dienville.  On  avait  de  cette  façon  voulu  empêcher  le  feld-maré- 
chal  de  mettre  en  pratique  les  principes  qu'il  avait  toujours  appli- 
qués, qu'il  avait  sans  cesse  cherché  h  inculquer  à  ses  lieutenants. 
On  se  rappelait  évidemment  au  grand  quartier  général  ce  qu'au 
lendemain  de  la  bataille  de  la  Katzbach,  Blûcher  avait  écrit  il 
York,  lorsque  celui-ci  avait  cherché  à  lui  démontrer  l'impossibi- 
lité d'une  poursuite  plus  active  : 

«  Ce  n'e.st  pas  assez  de  vaincre  :  il  faut  encore  saroir  tirer  parti 
de  la  victoire.  Si  nous  ne  marchons  pas  sur  le  rentre  de  l'ennemi, 
il  se  relèvera  de  sa  défaite,  et  ce  sera  alors  seulement  à  l'aide  d'une 
nouvelle  victoiî^e  que  nous  i^ecueillerons  les  résultats  qui  ne  peuvent 
nous  échapper  si  nous  menons  énergiquement  la  poursuite.  » 

On  avait  tenu  h  lui  lier  les  mains  et  à  le  mettre  d'autant  plus 
dans  l'impossibilité  d'agir,  qu'on  le  savait  homme  à  tout  sacrifier 
pour  anéantir  un  ennemi  vaincu,  qu'on  avait  présents  à  la  mé- 
moire les  reproches  qu'il  avait  adressés  le  31  août  1813  à  ses 
lieutenants  :  «  Négliger  de  tirer  pleinement  parti  de  la  victoire  y 
leur  avait  écrit  Bli'icher  à  cette  époque,  cest  s'obliger  inéiHtable- 
ment  à  livrer  à  courte  échéance  une  nouvelle  bataille,  » 

Or,  sans  vouloir  prétendre  qu'on  tenait  à  avoir  à  livrer  de  nou- 
veaux combats,  il  est  certain  qu'au  grand  quartier  général  on  ne 
s(î  souciait  pas  de  finir  la  guerre  d'un  seul  coup.  C'est  pour  cette 
raison,  c'est  parce  que  les  considérations  politiques  d'une  part, 
les  jalousies  personnelles  et  les  rivalités  mesquines  de  l'autre, 
exerçaient  (encore  à  cette  époque  une  influence  réelle,  quoique 
latente,  sur  la  conduite  des  opérations,  que  par  suite  des  ordres, 
donnés  par  le  grand  quartier  général,  les  Alliés  livrèrent  la  ba- 
taille sans  avoir  toutes  leurs  forces  réunies  et  dans  des  conditions 
qui,  rendant  une  solution  définitive  presque  impossible,  devaient, 
en  outre,  dénaturer  le  caractère  de  la  poursuite  en  la  privant  de 
s(»s  deux  éléments  essentiels  :  l'activité  et  la  vigueur. 

Sans  aller  jusqu'à  ajouter  foi  îi  ce  que  raconte  le  général  von 
Heilmann  (l'historiographe  de  Wrèdt»)*,  on  doit  reconnaître  que 


<  Le  prince  Cihurlos  de  Bavière,  qui  commandait  à  La  Kotliière  la  !'•  Iiri- 


—  505  — 

les  ordres  iiu>mes  du  généralissime  tondaient  h  panilysor  toute 
action  énergique  apr^s  la  balailh».  Au  lieu  de  rhereher  à  anéantir 
Tarmée  française,  on  lui  laissa  non  seulement  la  possibilité  de  se 
rallier  et  de  se  retirer  en  assez  bon  ordre,  mais  on  perdit  même 
sa  trace. 

Au  lieu  de  pousser  droit  sur  Paris,  de  mener  tambour  batUmt 
les  débris  des  troupes  vaincues  h  La  Rothi^re ,  on  préféra  attri- 
buer il  chacune  des  deux  grandes  armées  un  thédtre  spécial  de 
guerre,  comme  si,  dit  Droysen  dans  sa  Vie  du  feld-maréthal 
York  von  WartetUmrg,  Ton  (hU  eu  à  cœur  de  faire  traîner  la 
guerre  en  longueur. 

Le  prince  de  Schwar/enberg  avait,  d'ailleurs,  si  bien  senti  dès 
ce  moment  qu'il  allait  forcément  encourir  de  graves  reproches  et 
que  «;etle  singulière  manière  d'entendre  la  guerre  susciterait  des 
critiques  justifiées,  qu'on  lit  les  lignes  suivantes  dans  le  Journal 
d'opérations  tenu  jour  par  jour  au  grand  état-major  général  *  : 
«  Napoléon  perd  ses  positions,  5:2  canons  et  i,000  prisonniers: 
mais  il  ne  quitte  pas  le  champ  de  bataille  et  parait  avoir  l'inten- 
tion de  recommencer  la  lutte  le  lendemain.  Le  prince  de  Schwar- 
zenberg  s'y  attend  et  s'y  prépare  en  ordonnant  h  (k)lloredo  de 
venir  h  Dienville,  et  ù  York  d'attaquer  Vitry.  » 

Les  lignes  qui  précèdent  détruisent,  il  nous  semble,  l'un  des 
arguments  invoqués  par  Glausewitz.  «  La  victoire  de  La  Rothière, 
dit-il,  a  rendu  les  Alliés  présomptueux,  et  c'est  pour  cela  qu'ils  se 
sont  divisés  *.  »  De  môme  que  Schwarzenberg  a  eu  le  soin  d'es- 
sayer de  justifier  ses  lenteurs  et  ses  indécisions  par  la  persistance 
de  l'Empereur  h  se  tenir  sur  le  champ  de  bataille,  de  même  Glau- 
sewitz a  cru  utile  de  préparer,  par  la  phrase  qui  précède,  une 
excuse  qui  lui  servira  îi  atténuer  les  fautes  que  son  héros  va  com- 
mettre pendant  la  première  séparation  des  armées  alliées. 

Au  point  de  vue  stratégique  et  sans  vouloir  chercher  si  la  res- 


gade  de  la  l'*^  division  bavaroise,  a  affirmé  au  gêni^ral-inajor  Heilmann  que, 
apnts  cette  bataiUe,  le  prince  de  Schwarzenberg  avait  déjà  commencé  à  parler 
aux  souverains  aUiés  de  TéventuaUté  probable  d'une  retraite  générale,  u  Vous 
pouvez  aisément,  ajouta  le  prince,  vous  figurer  TefTet  que  produisit  sur  moi 
une  pareille  opinion  exprimée  le  soir  d'une  Imtaille  gagnée.  » 

*  St'ârie,  Kintlieilung  und  Tagesbegebenheiten  der  llaupt-Armee  im  Mo- 
nate  Februar  18i4.  (A'.  K.  Kriegs  Archir.,  Il,  1.) 

'  Clausrwitz,  Critiquf  stratégique  de.  la  campagne  de  France  en  1814. 


—  506  — 

ponsabilitf^  des  fautes  commises  incombe  plutôt  au  généralissime 
aulricliien  qu'au  feld-maréchal  prussien,  on  ne  saurait  s*enipêcher 
de  reconnaître,  avec  Clausewitz,  que  la  bataille  de  La  Rothière  a 
été  livrée  dans  de  mauvaises  conditions.  «  Déterminer  le  temps» 
le  lieu  et  les  effectifs  à  employer  pour  une  bataille ,  écrit  l'auteur 
de  la  Critique  stratégiqm  de  la  campagne  de  France  en  1814, 
c'est  là  le  propre  de  la  stratégie.  Les  armées  alliées  avaient  eu, 
dès  le  début,  en  vue  Tattaque  du  gros  de  l'ennemi.  C'est  ce  qu'on 
fit  h  La  Rothière.  Mais  on  ne  saurait  justifier  pour  cela  les  moyens 
employés  pour  la  bataille  môme  par  Schwarzenberg.  Au  lieu  de 
profiter  de  sa  supériorité  numérique  pour  enserrer  l'ennemi  de 
toutes  parts  et  lui  infliger  de  grosses  pertes,  conséquences  d'une 
grande  victoire,  il  laisse  loin  du  champ  de  bataille  une  bonne 
partie  de  ses  troupes  et  délègue,  pour  ainsi  dire,  un  de  ses  géné- 
raux (Blùcher)  avec  une  portion  seulement  de  ses  forces,  afin 
d'essayer  une  bataille.  C'est  \k  chose  nouvelle  dans  l'histoire  mi- 
litaire. » 

Voilà  pour  la  part  de  Schwarzenberg.  Mais  Blùcher  lui-même 
n'est  pas  indemne.  Tout  en  rendant  justice  à  l'habileté  dont  il  a 
fait  preuve  après  Brienne  pendant  la  journée  du  30  et  surtout  celle 
du  31  janvier,  on  doit  reconnaître  qu'il  serait  aisément  parvenu 
à  tirer  un  meilleur  parti  des  corps  placés  sous  ses  ordres,  s'il 
avait  plus  judicieusement  choisi  son  point  d'attaque,  si,  pendant 
la  bataille  même,  il  ne  s'était  pas  obstiné  à  considérer  La  Rothière 
comme  la  clef  de  la  position  et  s'il  avait  compris  les  avantages 
considérables  qu'il  aurait  pu  recueillir,  aussitôt  après  l'entrée  en 
ligne  des  Austro-Bavarois  de  Wrède,  en  concentrant  tous  ses 
efforts  contre  la  gauche  des  lignes  françaises.  C'était  là,  d'ailleurs, 
le  conseil  que  Toll  s'était  permis  de  lui  donner  dès  le  commence- 
ment de  la  bataille,  (i'était  parce  que  Toll  était  profondément 
convaincu  de  la  nécessité  d'agir  surtout  contre  la  gauche  des 
Français,  qu'éconduit  par  le  feld-maréchal  et  par  Gneisenau,  il 
avait  cherché,  malgré  l'opposition  de  Schwarzenberg  et  de  Ra- 
detzky,  à  faire  accepter  son  idée  à  l'empereur  Alexandre,  auprès 
duquel  il  s'était  rendu.  Les  tiraillements  qui  se  produisirent  à  la 
suite  de  l'entretien  de  Toll  avec  le  tzar,  l'intervention  directe  des 
souverains  dans  la  conduite  de  la  bataille,  les  demi-mesures  prises 
par  Alexandre  qui,  sans  même  en  informer  Blùcher,  dirigea  six 
bataillons  de  grenadiers  russes  vers  la  droite  du  prince  royal  de 


—  507  — 

Wurloniberg,  exorci'renl,  en  outre,  une  influence  nuisible  sur  les 
opérations.  Los  mouvements  inutiles  qu'on  fit  e\(^cuter  ù  une  di- 
vision de  grenadiers  et  aux  2«  et  3«  divisions  de  cuirassiers  russes 
contribuèrent  en  grande  partie  h  empêcher  Blûcher,  manquant 
absolument  de  réserves  ii  la  fin  de  la  journée ,  de  profiter  des 
avantages  que  son  obstination  ne  lui  avait  permis  d'obtenir  que 
fort  avant  dans  la  soirée.  11  n'en  eût  probablement  pas  été  de 
même  si  l'on  eût  dès  quatre  heures  accentué  le  mouvement  de 
Wrède  en  avant  de  Ghaumesnil  et  de  Mor\'illiers,  si  l'on  eût  con- 
senti à  renforcer  sérieusement  et  immédiatement  le  prince  royal 
de  Wurtemberg  et  permis  à  ces  deux  corps,  soutenus  par  les  ré- 
sei'ves,  de  pousser  par  le  bois  d'Ajou  vers  Brienne,  de  rabattre 
la  gauche  française  vers  l'Aube,  en  obligeant  de  la  sorte  les  dé- 
fenseurs de  La  Rothière,  en  danger  d'être  coupés  de  leur  unique 
ligne  de  retraite,  ù  quitter  une  position  que  les  Austro-Bavarois 
et  les  Wurtembergeois  auraient  débordée  et  qu'ils  auraient  pu 
prendre  à  revers  pendant  que  les  Russes  de  Sacken  l'aurait  abor- 
dée de  front. 

L'attaque  contre  Dienville  par  les  deux  rives  de  l'Aube  est  éga- 
lement contraire  aux  vrais  principes.  Comme  toutes  les  fausses 
manœuvres,  elle  ne  produisit  aucun  résultat  et  les  Alliés  s'épui- 
sèrent devant  ce  village  en  efforts  inutiles.  Il  eût  été  assurément 
plus  logique,  plus  rationnel,  de  garder  le  III«  corps  tout  entier  sur 
la  rive  droite  de  l'Aube,  d'autant  mieux  que  la  division  détachée 
sur  la  rive  gauche  aurait  eu,  en  tout  état  de  cause,  besoin  de 
beaucoup  de  temps  pour  déboucher  par  le  pont  de  Dienville,  en 
admettant  qu'elle  eût  réussi  à  l'emporter.  Au  lieu  de  séparer 
ainsi  le  III»  corps  par  le  cours  de  l'Aube,  il  eût  été  bien  plus 
sage  d'imj)rimer  un  peu  plus  d'activité  à  la  marche  du  I«f  corps 
pendant  les  deux  journées  qui  avaient  précédé  la  bataille. 
On  aurait  pu  alors  confier  l'attaque  de  Dienville  par  la  rive 
droite  au  corps  entier  de  Gyulay,  pousser  sur  Piney  le  l^^  corps 
(dont  la  présence  sur  la  route  de  Troyes  à  Joinville  par  Brienne 
aurait  mis  l'Empereur  dans  un  cruel  embarras  en  le  privant  de 
la  seule  ligne  de  retraite  qui  pouvait  lui  permettre  d'opérer  sa 
jonction  avec  Mortier),  ou  bien  encore  diriger  Colloredo  sur 
Dienville  et  le  (*harger  d'enlever  le  pont,  pendant  que  le  111*^  corps 
aurait  eu  |)our  mission  d'occuper  sur  l'autre  rive  les  troupes  de 
Gérard. 


—  508  — 

Au  point  (le  vue  tactique,  la  maniftre  de  combattre  des  Alliés 
donne  également  prise  h  la  critique. 

D^s  le  début  de  la  bataille ,  on  peut  remarquer  dans  Faction 
des  trois  armes  un  manque  absolu  d'entente,  une  absence  com- 
plète de  cohésion  qui  se  continueront  h  travers  toutes  les  phases 
de  la  lutte.  Le  temps  épouvantable  qu'il  faisait  alors  est  la  seule 
circonstance  atténuante  que  les  généraux  alliés  puissent  invoquer 
pour  justifier  le  décousu  de  leurs  mouvements  offensifs.  L'artil- 
lerie russe  de  Sacken  a  évidemment  fait  preuve  d'une  remar- 
quable hardiesse,  mais  elle  s'était  tellement  aventurée  et  elle 
resta  pendant  un  certain  temps  tellement  en  l'air  et  tellement  en 
avant  de  ses  soutiens  les  plus  proches ,  qu'elle  ne  dut  son  saliit 
qu'au  sang-froid  de  son  chef  et  à  l'état  du  terrain.  Quant  à  la  ca- 
valerie russe  dont  nous  avons  déjà  apprécié  le  rôle,  les  avantages 
considérables  qu'elle  remporta  du  côté  de  La  Rothière  dH  le 
début  de  la  bataille  et  qu'elle  dut  h  l'entrée  en  ligne  si  opportune 
de  la  division  de  dragons  du  général  Pantchoulitcheff,  n'eurent 
pas  toute  la  portée  qu'on  était  en  droit  d'attendre  d'un  fait 
d'armes  aussi  brillant:  d'abord,  parce  que  l'infanterie  de  Sacken 
était  encore  trop  en  arrière;  ensuite,  parce  que  Bliicher,  ne  pou- 
vant, à  cause  de  l'ouragan  de  neige,  découvrir  Iç  champ  de  ba- 
taille, ne  fut  informé  que  trop  tard  pour  pouvoir  en  profiter,  des 
résultats  quelque  peu  inattendus  des  charges  des  cavaliers  de 
Wassiltchikoff.  A  la  droite  des  Alliés,  les  dernières  charges  exé- 
cutées par  la  cavalerie  de  Wrède  *,  du  prince  royal  de  Wurtem- 
berg, de  Karpoff  et  du  prince  Biron  de  Courlande,  n'avaient  pas 
été  combinées,  et  leur  semblant  de  cohésion  et  de  oonnexité  ne  fut 
que  le  résultat  d'une  coïncidence  presque  imprévue.  Pour  ce  qui 
est  de  l'infanterie,  on  l'engagea  sur  toute  la  ligne  par  petits  pa- 
quets au  fur  et  à  mesure  de  son  arrivée  sur  le  terrain. 

Ordres  de  l'Empereur  pour  la  retraite.  —  Nous  avons 
déjà  essayé  d'indiquer  les  motifs  pour  lesquels  sans  doute  l'Em- 
pereur s'obstina  à  rester  jusqu'au  \^^  février  en  présence  des 


*  L*aidc  de  camp  de  Wrède,  le  prince  de  Thurn  et  Taxis,  prétend,  dans  son 
jonrnal,  «  qu'on  aurait  pu  faire  mieux  encore.  On  disposait,  dit-il,  non  seu- 
lement d'une  nombreuse  cavalerie,  mais  de  cavalerie  fraîche.  F)n  la  portant 
vigoureusement  en  avant,  on  aurait  très  probablement  pu  enlever  Brienne.  » 
(Taxis,  TaKebucb;,  K.  K.  Kriegs  Archiv.,  Xlll,  32.) 


—  509  - 

Iroiipes  alliées.  Nous  avons  montré  que  Napoléon  lui-mènie  avait 
trouvé  sa  position  trop  étendue  et  qu'il  avait  même  commencé  à 
retirer  ses  troupes  au  moment  où  1  attaque  des  Alliés  vint  îi  se 
produire.  Mais  si  l'on  peut  critiquer  la  résolution  prise  par  l'Em- 
pereur d'accepter  la  bataille  dans  des  conditions  aussi  désavan- 
tageuses pour  lui,  on  ne  saurait  trop  admirer  le  calme  avec  lequel 
il  arrête,  dans  la  nuit  du  !«''  au  2,  les  dispositions  qui,  grAcc  à 
la  lenteur  et  ii  la  mollesse  de  la  poursuite  des  Alliés,  vont  lui 
permettre  de  sauver  les  débris  de  son  armée,  la  sagacité  pro- 
fonde avec  laquelle  il  pénètre  les  projets  de  ses  adversaires,  l'in- 
comparable perspicacité  qui  lui  permet  de  fixer  la  direction  même 
que  suivront  leurs  principales  forces.  Jamais  peut-être  le  génie 
de  Napoléon  ne  s'est  affirmé  d'une  manière  plus  complète  que 
l)endant  cette  nuit  du  !•'  au  2  février  qu'il  passe  au  chAteau  de 
Brienne,  occupé  d'une  part  à  régler  les  mouvements  de  son  ar- 
mée, devinant  de  l'autre,  avant  môme  qu  elles  aient  été  décidées 
dans  les  conseils  des  souverains  alliés,  non  seulement  la  sépara- 
tion des  armées  de  Silésie  et  de  Bohême,  mais  encore  les  direc- 
tions mêmes  que  ces  armées  vont  prendre. 

Pendant  que  l'armée  française  exécutait,  a  partir  de  8  heures 
du  soir,  le  mouvement  rétrograde  que  nous  avons  vu  l'Empereur 
lui  prescrire,  Napoléon  préparait  au  château  de  Brienne  les  dis- 
positions nécessaires  pour  régler  sa  retraite  sur  Troyes  par  Les- 
mont.  De  9  îi  il  heures,  l'Empereur  est  préoccupé;  il  craint 
encore  que  les  Alliés,  profitant  de  leurs  avantages,  ne  se  décident 
à  une  attaque  de  nuit*  dont  les  conséquences  seraient  désas- 
treuses pour  lui.  Enfin,  à  il  heures  du  soir  quand,  sauf  à  Dien- 
ville,  le  feu  a  cessé  sur  toute  la  ligne,  quand  il  sait  que  l'ennemi 
reste  immobile,  il  dicte  les  ordres  que  Berthier  enverra  de  suite 
aux  commandants  de  corps. 


1  LHnactiou  du  généralissime,  aussitôt  après  la  victoire,  est  l'objet  des  cri- 
tiques les  plus  vives  de  Clausewitz.  Il  condamne  à  plusieurs  reprises,  dans  sa 
Cntique  stratégique,  la  manière  d'agir  de  Schwarzenberg.  et  c'est  ainsi  que, 
parlant  des  opérations  de  la  défense,  appréciant  peut-être  trop  durement  les 
dispositions  de  l'Empereur  pour  une  batxiille  qu'il  ne  voulait  pas  livrer,  l'écri- 
vain allemand  ajoute  :  «  On  Tattaqua,  et  Bonaparte,  battu,  eut  la  chance  inouïe 
dans  riiistoirc  de  voir  le  généralissime  allié  n'engager  qu'une  partie  de  ses 
troupes  et  donner  au  rette  le  xpfctacle  (Vune  bataille.  On  ne  le  poursuivit  pas, 
et  il  put  se  tirer  facilement  d'un  si  mauvais  pas  ».  (Clausewitz,  Critique 
slraU'tjique  de  In  campagne  de  1814.) 


—  510  — 

<(  La  retraite  *  de  l'Empereur  étant  sur  Lesraont ,  les  ducs  de 
Bellune  et  de  Raguse  doivent  avoir  des  batteries  à  cheval  pour  la 

retraite Les  trois  divisions  d'infanterie  de  la  jeune  garde  ont 

en  tout  24  pièces  ;  les  batteries  à  cheval  de  la  ligne  et  de  la  garde 
en  ont  24;  soit  48. 

«  Demain  2  février,  à  4  heures  du  matin ,  on  aura  pris  les  po- 
sitions suivantes  :  Le  général  Nansouty,  avec  ses  3,000  chevaux, 
sera  en  position  sur  la  gauche  un  peu  en  arrière  de  Brienne-la- 
Vieille  avec  12  pièces  d'artillerie  à  cheval. 

«  Le  général  Gérard,  avec  2  pièces,  sera  en  avant  de  Brienne- 
la-Vieille  sur  trois  lignes,  l'une  à  la  tête  du  village,  l'autre  à  la 
queue,  la  troisième  dans  le  bois  h  hauteur  de  Brienne. 

«  Le  général  Ricard  passera  h  2  heures  du  matin  le  pont  de 
Brienne-la-Vieille;  il  aura  avec  lui  sa  cavalerie  et  s'arrêtera  à 
3  heures;  il  coupera  le  pont  de  Brienne-la-Vieille,  après  quoi  il 
marchera  sur  Piney.  Il  couvrira  la  route  de  Lesraont  par  la  rive 
gauche. 

«  Le  général  Grouch y,  avec  la  cavalerie  du  5«  corps,  sera  sur  la 
gauche  de  la  garde.  Le  général  Curial  avec  sa  division  sera  en  po- 
sition devant  Brienne,  occupant  la  ville  et  en  colonne  de  marche. 

«  La  division  Meunier  sera  rangée  en  deux  colonnes  sur  l'ex- 
trême gauche,  l'une  h  peu  près  au  chemin  de  Maizières,  l'autre 
plus  en  arrière. 

«  La  division  Rottembourg  traversera  Brienne  h  3  heures  et  ira 
prendre  position  sur  la  hauteur,  h  mi-chemin  de  Lesmont  :  elle 
aura  avec  elle  sa  batterie  et  occupera  les  bois*  et  les  hauteurs  du 
moulin  ;'i  vent.  On  placera  les  batteries  de  12  près  de  Lesmont, 
pour  que,  si  l'Empereur  était  trop  pressé,  il  pût  faire  usage  de 
toute  son  artillerie. 

«  Le  duc  de  Raguse,  avec  6  pièces  d'artillerie,  partira  h 
3  heures  du  matin,  prendra  position  sur  les  hauteurs  de  Perthes 
en  Rothière,  s'assurera  du  pont  de  Rosnay  où  il  y  a  un  bataillon 
de  garde.  Il  prendra  position  sur  les  hauteurs  de  Rosnay,  se  re- 
tirant, s'il  y  est  forcé,  par  le  pont  d'Arcis-sur-Aube. 

«  Le  duc  de  Bellune  partira  à  2  heures  du  matin  ;  il  traversera 
Brienne  et  prendra  position  au  moulin  h  vent. 


i  Registres  de  Berthier;  Dispositions  pour  la  retraite.  (Archives  de  la  guerre,) 
*  U  s'agit  ici  des  bois  et  des  haatears  de  NeaviUe. 


—  811  — 

«  Le  général  de  France,  avec  les  gardes  d'honneur,  se  mettra 
en  marche  à  1  heure,  passera  le  pont  de  Lesmont,  jettera  des 
partis  sur  la  route  de  Piney  et  sur  la  rive  gauche  de  l'Aube  en 
remontant. 

«  Le  général  Ruty  choisira  demain  au  jour  un  emplacement 
pour  Tartillerie  sur  la  rive  gauche  de  l'Aube. 

«  Les  troupes,  à  mesure  de  leur  passage,  se  rangeront  en  ba- 
taille, le  duc  de  Bellune  à  droite,  la  garde  a  gauche. 

«  Dans  cette  situation,  on  pourra  passer  la  nuit  demain. 

«  Le  général  Corbineau  se  rendra  de  suite  de  Maiziéres  à  Ros- 
nay  et  à  l'intersection  des  routes  de  Rosnay  à  Lesmont.  Il  fera 
brûler  les  ponts  de  Rosnay  lorsqu'il  en  recevra  l'ordre.  Il  aura 
sous  ses  ordres  le  bataillon  qui  est  ii  Rosnay  et  les  pièces,  et 
prendra  position,  la  droite  au  pont  de  Lesmont,  flanquant  l'ar- 
rière-garde  pour  arriver  avec  elle  i\  Lesmont.  » 

Sur  Tordre  de  l'Empereur,  le  major-général  informait  à  la 
même  heure  le  maréchal  Macdonald  des  événements  de  la  jour- 
née, qu'il  réduisait  cependant  aux  proportions  d'une  simple  (îs- 
carmouche.  a  II  y  a  eu  toute  la  soirée,  lui  écrivait-il,  une  grande 
canonnade,  et  quelques  échauffourées  nous  ont  fait  perdre  quel- 
ques pièces  de  canon,  w  Berthier  ajoutait  toutefois  que  l'Emptî- 
reur  repassant' l'Aube,  la  ligne  d'opérations  serait  d'Arcis-sur- 
Aube  à  Troyes.  Quelques  heures  plus  tard  l'Empereur  devait 
d'ailleurs,  avant  de  quitter  Brienne  pour  se  rendre  à  Piney, 
envoyer  des  instructions  plus  détaillées  au  maréchal.  Par  une  dé- 
pèche qui,  partie  de  Brienne  h  i  heures  du  matin,  parvint  seule- 
ment il  ce  maréchal  assez  tard  dans  la  soirée  du  12,  il  lui  faisait 
connaître  que  le  duc  de  Raguse  allait  manœuvrer  par  la  rive 
droite  de  l'Aube  pour  couvrir  le  point  important  d'Arcis-sur- 
Aube,  et  lui  prescrivait  de  manœuvrer  «  selon  les  circonstances 
et  surtout  pour  maintenir  libre  le  pays  entre  l'Aube  et  la  Marne  ». 
Au  milieu  môme  de  la  retraite,  l'Empereur  pensait  déjà  à  re- 
prendre l'offensive,  puisque  Berthier  ajoutait:  «  Sa  Majesté  attend, 
dans  les  premiers  jours  du  mois,  un  corps  assez  considérable  de 
vieilles  troupes  de  l'armée  d'Espagne  ;  s'il  était  possible  de  rece- 
voir tout  cela  sur  Arcis-sur-Aube ,  cela  nous  mettrait  à  même  de 
tenter  une  bataille  avec  quelque  chance  de  succès  *.  » 

*  Major-général  à  Macdonald  ;  Registres  de  Berthier.  (Archives  de  la  guerre. 


—  512  — 

L'Empereur  ne  devait  pas  tarder  à  recueillir  le  fruit  des  me- 
sures énergiques  auxquelles  il  s'était  arrêté  au  milieu  du  désordre 
inséparable  d'une  défaite.  Dès  le  2  au  soir,  les  Alliés,  bien  qu  ils 
n'eussent  guère  engagé  à  La  Rolhière  qu'un  peu  plus  du  tiers  de 
leurs  forces,  allaient,  après  s'être  laissé  arrêter  par  la  résistance 
que  Marmont  devait  leur  opposer  sur  la  Voire  aux  environs  de 
Rosnay,  trouver  le  moyen  de  perdre  le  contact  d'une  armée 
qu'avec  un  peu  d'activité  et  de  résolution  il  leur  eût  été  possible 
de  mettre  en  pleine  déroute. 

2  février.  —  Premiers  mouvements  des  Alliés  à  8  heures 
du  matin.  —  Du  côté  des  Alliés,  on  s'était  tenu  absolument 
tranquille  toute  la  nuit  et  ce  fut  au  jour  seulement  qu'on  se  pré- 
para îi  exécuter  les  ordres  contenus  dans  la  disposition  générale 
donnée  par  Schwarzenberg  avant  la  bataille.  Au  moment  où  les 
souverains  alliés,  accompagnés  par  le  généralissime  et  venant  de 
Bar-sur-Aub(î  où  ils  avaient  passé  la  nuit,  arrivaient  un  peu  après 
le  lever  du  soleil  sur  le  champ  de  batîiille,  leurs  avant-postes  si- 
gnalaient la  retraite  de  l'armée  française.  On  avait  ainsi,  par  une 
négligence  inouïe,  permis  au  vaincu  de  se  dérober,  de  prendre 
plusieurs  heures  d'avance  sur  un  vainqueur  qui  disposait  cepen- 
dant pour  la  poursuite  de  nombreuses  troupes  n'ayant  pas  pris 
part  à  l'affaire  de  la  veille.  Les  mesures  elles-mêmes  prises  pour 
retrouver  les  traces  de  l'ennemi  semblent,  d'ailleurs,  justifier  l'opi- 
nion émise  par  Clauscwitz.  Fût-ce  parce  que  la  victoire  les  avait 
rendus  présomptueux,  parce  qu'ils  crurent  la  campagne  définiti- 
vement terminée  et  la  route  de  Paris  ouverte  par  une  seule  ba- 
taille? Kst-ce  dans  le  domaine  de  la  politique  qu'il  convient 
d'aller  chercher  l(;s  causes  de  cette  singulière  manière  d'opérer  ? 
11  n'en  est  pas  moins  certain  que  les  souverains  et  les  généraux 
alliés  jugèrent  à  propos  de  priver  Blùcher  et  l'armée  de  Silésie 
de  toute  participation  îi  la  poursuite  et  se  contentèrent  de  porter 
contre  Brienne  les  III®,  IV®  et  V«  corps  de  la  grande  armée  de 
Bohême:  le  premier,  de  Dienvillepar  la  rive  droite  de  l'Aube;  les 
deux  autres,  d(;s  environs  de  Petit-Mesnil  et  de  Chauniesnil  où 
ils  avaient  passé  la  nuit,  en  les  chargeant  de  se  renseigner  sur  la 
direction  suivie  par  l'ennemi  en  retraite  *. 


1  Starkë,   Kiiillieilung  und  Tage$bcgel)enhcilen  (1er  Haupt-Armee  im  Mo- 
iiulc  Februar.  (A'.  A'.  Krieys  ArcfUv,,  11,  i.) 


-  513  — 

Marche  du  III^'  corps  sur  Brienne.  --  Honvement  de  la 
cavalerie  des  IV«  et  V«  corps.  —  Gyulay  reconnaît  lui-mome 
dans  son  rapport  sommai n»  sur  le  rôle  de  son  corps  ;\  la  bataille 
d(;  La  Rothi^re,  que  «  n'ayant  pu,  à  cause  du  temps  épouvantable, 
poursuivre  rennemi  pendant  la  nuit  du  l^r  au  2,  il  s'était  con- 
tenté d'établir  quelques  ])elits  postes  de  cavalerie  sur  les  deux 
rives  de  l'Aube  \  »  Il  arriva  un  peu  après  8  heures  du  matin  de- 
vant Brienne-la-Vieille,  encore  occupée  jiar  une  faible  arrière- 
garde  française  qui,  après  un  engagement  de  peu  de  durée,  se 
replia  sur  Brienne-le-Chî\teau ,  suivie  par  la  brigade  d'avant- 
garde  de  la  division  Fresnel. 

A  8  heures  du  malin,  le  prince  royal  de  Wurtemberg,  se  met- 
tant en  personne  à  la  tête  de  sa  cavalerie,  quittait  La  Giberie  et 
Petit-Mesnil,  se  reliant  })ar  sa  droite  avec  la  cavalerie  du  V®  corps, 
et  suivait  l'arriere-garde  française  dans  la  direction  d(î  Brienne. 
L'infanterie  de  ces  deux  cor|)s  connnença  son  mouvement  h  la 
même  heure,  marchant  sur  plusieurs  colonnes  dans  la  même 
direction  que  la  cavalerie,  pendant  que  Frimont  faisait  déboucher 
de  Chaumesnil  les  troupes  de  la  division  Antoine  Hardegg  qui 
avaient  fourni  les  avant-postes  pendant  la  nuit  *. 

L'avant-garde  du  V®  corps  '  vint  donner  contre  quelques  partis 
français   h  peu   de  distancer  de  Brienne-la-Vieille,   (»omme  le 


*  Gyulay  au  prince  de  Srhwarzcnberg,  rapport  sommaire  sur  les  événe- 
ments des  i'^  et  2  février.  (/6u/.,  Il,  34.) 

*  ï^es  troupes  en  question  de  la  division  du  comte  Antoine  Hardegg  se  com- 
posaient de  deux  escadrons  de  ulilans  de  Schwarzenl)erg,  du  nfgiment  de  hus- 
sards Arcliiduc- Joseph,  de  quatre  compagnies  de  Szeckler  (confins  miUtaires) 
et  d*un  bataillon  d«  chasseurs.  (Starke,  Eintheilung  und  Tagesbegel)eDheiten 
der  Haupt-Armee  {K.  K.  hriegs  Archiv.,  Il,  1),  Journal  des  opérations  du 
prince  royal  de  Wurtemberg  (IV«  corps),  par  le  général  comte  Baillet  de  Latour, 
chef  d'état-major  (//nd. ,  XIII,  56)  et  Wrède  à  Schwarzenberg  (/6iV/.,  II,  47). 

*  Le  major  prince  de  Taxis  s'exprime  ainsi,  à  ce  propos,  dans  son  Tagehuch 
(Ibid.,  XIll,  ^'i)  :  «  A  l'aube,  on  sait  que  l'ennemi  s'est  retiré.  Wréde  pousse 
sur  Brienne  et  se  relie  au  prince  de  Wurtemberg.  Sacken  (c'es^t  là  une  erreur 
commise  par  le  prince,  puisque,  comme  toutes  les  troupes  de  Hliicher,  Sacken 
resta  immobile)  pousse,  de  son  côté,  de  La  HotliiAre  vers  Brienne.  Les  réserves 
n'avaient  pas  pris  pan  au  combat,  et,  si  la  bataille  de  La  Rothiùre  était  assu- 
rément une  victoire,  elle  allait  rester  une  victoire  sans  résultat  et  sans  consé- 
quences. Napoléon  se  retire  par  Lesmont,  passe  l'Aube  et  se  dirige,  parPiney, 
sur  Troyes,  où  il  opérera  sa  jonction  avec  Mortier.  Il  no  restait  plus  dans  la 
plaine  à  droite  (au  nord  et  à  l'est  de  la  ville)  que  1800  chevaux  formés  en 
colonne  serrée  et  ayant  avec  eux  quelque  artillerie.  On  leur  envoie  quelques 
coup&  de  canon,  et  ils  se  retirent  après  avoir  riposté.  » 

WeU.  33 


—  514  - 

lll«  corps  allait  pénétrer  dans  ce  village  qu'il  avait  attaqué  par  la 
route  de  Dienville. 

((  Les  avant-postes  m'ayant  informé  de  la  retraite  de  l'ennemi , 
écrit  Frimoiit  à  Wrcde  de  Brienne  le  3  février  S  je  portai  en 
avant  toute  ma  cavalerie  suivie  par  mon  infanterie  formée  en 
trois  colonnes.  Je  rejoignis  l'ennemi  à  Brienne.  Sa  cavalerie  se 
tenait  seule  dans  la  plaine  ;  son  infanterie  était  déjà  dans  les  dé- 
filés et  la  gauche  ennemie  s'appuyait  au  village  de  Perthes.  Ma 
cavalerie  se  porta  vivement  en  avant,  mais  elle  ne  parvint  pas  à 
atteindre  l'ennemi  qui  se  retira  sans  attendre  mon  attaque.  >/ 

Les  troupes  françaises,  dès  qu'elles  avaient  remarqué  le  dé- 
ploiement des  trois  corps  alliés,  s'étaient,  en  effet,  reportées  en 
arrière  sur  la  route  de  Lesmont,  sur  une  ligne  allant  de  Brienne- 
le-Château  à  Perthes-en-Rothière.  La  cavalerie  de  Milhaud,  dont 
la  droite  était  protégée  par  l'infanterie  postée  dans  les  déiilés  et 
dont  la  gauche  s'appuyait  au  village  de  Perthes,  couvrait  ce 
mouvement. 

Le  III«  corps  avait  de  Brienne-la- Vieille  continué  sa  marche 
sur  Brienne  et  n'était  parvenu  à  enlever  la  ville  et  le  château 
qu'après  un  engagement  assez  vif  avec  l'arrière-garde  française. 
L'artillerie  de  Tavant-garde  des  Austro-Bavarois  et  deux  batteries 
h  cheval  du  IV®  corps  avaient  efficacement  soutenu  le  mouve- 
ment des  troupes  de  Gyulay,  qui  s'était  effectué  sous  les  yeux 
mêmes  du  généralissime.  Schwarzenberg ,  s'il  faut  en  croire  les 
docunuînts  autrichiens ,  résolut  h  ce  moment  de  fiiire  suivre  par 
les  ni«  et  IV®  corps  les  dernières  troupes  françaises  en  retraite 
sur  Lesmont,  pendant  que  Wrède  avec  le  V«  corps,  prenant  plus 
h  droite,  se  dirigeait  vers  la  Voire  et  Uosnay-rHùpital. 

Marche  du  V*  corps  vers  la  Voire.  —  Combat  de  Rosnay. 

—  D'après  l'historiographe  de  Wrède,  au  contraire,  et  surtout 
d'après  le  journal  du  prince  de  Taxis,  le  mouvement  du  V®  corps 
contre  Rosnay  n'aurait  pas  été  ordonné  par  Schwarzenberg.  «  Le 
commandant  du  V®  corps  avait,  ainsi  s'exprime  à  ce  propos 
Taxis  *,  envoyé  le  1®^  février  au  soir  un  de  ses  officiers  au  géné- 


*  Le  général  de  cavalerie  baron  Frimont  au  général  comte  Wrède.  {K.  K. 
Kriegs  Archiv.,  11,  47  b.) 

'  Tagebuch  du  major  prince  de  Taxis.  (Ibid.,  XllI,  32.) 


—  518  - 

ralissime  et  cet  officier  revint  de  Bar-sur-Aube  sans  rapporter 
d'ordres.  »  A  peine  Wrède  avait-il  dépassa,  Brienne  qu'on  lui 
signala  sur  sa  droite  la  marche  d'une  colonne  française  se  diri- 
geant le  long  de  la  Voire,  vers  Rosnay.  Craignant  pour  sa  droites 
et  espérant  aussi  arriver  avant  l'ennemi  aux  ponts  de  la  Voire, 
Wrède  laisse  le  prince  royal  de  Wurtemberg  libre  de  poursuivra» 
l'ennemi  i\  sa  guise  et  prend,  avec  le  V«  corps,  la  route  qui  mène 
à  la  Voire. 

«  Il  aurait  certainement  mieux  valu ,  ajoute  l'aide  de  camp  de 
Wrède,  pousser  droit  vers  l'Aube  et  poursuivre  l'ennemi,  puisqu<^ 
WW'de  avait  plus  de  cavalerie  que  le  prince  royal  de  Wurtemberg 
et  qu'en  outre  il  était  plus  près  de  l'ennemi  que  ce  dernier.  Si 
l'on  avait  agi  de  la  sorte,  on  se  serait  très  probablement  emparé 
d'une  bonne  partie  de  l'artillerie  française  qui  aurait  eu  de  la 
peine  h  atteindre  et  h  passer  le  pont  de  Lesmont.  Au  lieu  d(; 
cela,  on  préféra  prendre  une  autre  direction  et,  h  midi,  la  tête 
de  la  cavalerie  du  V»  corps  était  au  pont  de  la  Voire.  » 

Avec  la  pointe  de  son  avant-garde  (3®  bataillon  de  chasseurs 
autrichiens  et  régiment  de  hussards  Archiduc-Joseph),  Wrède  se 
porta  rapidement  en  avant  dans  l'espoir  de  s'emparer  des  ponts 
existant  à  l'ouest  de  Rosnay  sur  les  différents  bras  de  la  Voire  et 
qui  font  communiquer  ce  village  avec  Lassicourt.  A  cause  de  la 
gelée,  les  Français  n'avaient  pas  pu  les  détruire  complètement 
en  se  retirant  et  avaient  dû  se  borner  h  y  faire  une  coupure 
incomplète  faute  d'outils  pour  scier  les  longerons. 

Il  était  en  effet  extrêmement  important  pour  Wrède,  s'il  voulait 
arrriver  à  séparer  Marmont  du  reste  de  l'armée ,  de  prendre  au 
plus  vite  pied  sur  la  rive  droite  de  la  Voire  et  de  s'établir  sur  les 
hauteurs  protégées  par  le  terrain  marécageux  s'étendant  à  leur 
pied,  de  façon  à  pouvoir  y  attendre,  malgré  les  attaques  de  l'en- 
nemi ,  l'arrivée  du  gros  de  son  corps.  Les  chasseurs  à  pied  autri- 
chiens et  deux  des  escadrons  de  hussards  réussirent  au  premier 
moment  h  passer  sur  la  rive  droite  de  la  Voire  où  ils  furent  même 
rejoints  par  quelques  compagnies  d'infanterie  de  Szeckler.  Mais 
après  avoir  bravement  résisté  h  deux  attaques  des  troupes  de 
Marmont,  ils  furent  chargés  et  sabrés  par  la  cavalerie  légère 
française  et  rejetés  sur  la  rive  gauche. 

Malgré  l'arrivée  en  ligne  de  la  division  Rechberg  et  bien  que 
soutenues  et  préparées  par  ies  feux  de  l'artillerie  du  V«  corps. 


—  516  — 

les  attaques  de  Wrède,  tant  celles  dirigées  en  avant  de  Lassi- 
court  que  celles  tentées  plus  à  droite  par  la  brigade  du  prince 
Charles  de  Bavière ,  échouèrent  complètement  contre  les  habiles 
dispositions  du  duc  de  Raguse  et  la  bonne  tenue  de  ses  troupes. 
Le  combat  avait  pris  des  proportions  si  considérables,  le  feu  était 
si  vif  que  l'empereur  de  Russie,  le  roi  de  Prusse  et  Schwarzen- 
berg,  après  avoir  tenu  à  Brienne  la  conférence  dans  laquelle  on 
avait  décidé  définitivement  la  séparation  des  deux  armées,  crurent 
nécessaire  de  se  rendre  en  personne  sur  le  théâtre  de  la  lutte  où 
jusque  vers  5  heures  du  soir  tous  les  efforts  du  V®  corps  vinrent 
se  briser  contre  la  résistance  énergique  et  habilement  dirigée  de 
quelques  faibles  bataillons  français. 

Wrède  paraissait  même  disposé  à  renoncer  à  une  entreprise 
qui  coûtait  déjà  beaucoup  de  monde  k  son  corps  d*armée,  lors- 
(ju'une  circonstance  fortuite  obligea  le  duc  de  Raguse  à  se  reti- 
rer. Les  uhlans  de  Schwar/enberg ,  en  remontant  le  cours  de  la 
Voire,  avaient  découvert  un  gué  aux  environs  de  Rances.  Pas- 
sant la  rivière  sur  ce  point,  ils  menaçaient  maintenant  l'aile 
gauche  du  maréchal  qui  ayant,  d'ailleurs,  atteint  le  but  qu'il 
s'était  proposé,  crut  avec  raison  que  le  moment  était  venu  d'éva- 
cuer d'abord  Rosnay,  puis  les  hauteurs,  de  battre  méthodique- 
ment en  retraite  et  de  prendre  un  peu  d'avance  sur  l'ennemi.  Le 
duc  de  Raguse  se  replia  alors  par  échelons,  et,  gnice  à  la  neige 
(jui  tombait  à  gros  flocons,  gnlce  au  bon  maintien  des  tirailleui*s 
qu'il  avait  laissés  sur  ses  positions,  les  Alliés  ne  s'aperçurent  de 
son  départ  que  lorsque  le  gros  de  son  corps  était  déjà  en  marche 
sur  Dampierre  où  son  arrière-garde  même  parvint  à  le  rejoindre 
sans  avoir  été  inquiétée  en  route;.  Marmont  avait  si  bien  dissimulé 
sa  retraite  (jue  les  partis  de  cavalerie  qu'Hardegg  avait  poussés 
après  l'évacuation  de  Rosnay  jusqu'à  deux  lieues  en  avant  de  ce 
point,  rentrèrent  à  7  heures  du  soir  en  annonçant  que  non  seule- 
ment ils  n'avaient  relevé  aucune  trace  de  l'ennemi,  mais  qu'ils 
n'avaient  même  pas  aperçu  à  l'horizon  le  moindre  feu  de  bivouac. 

Après  le  combat  {\m  avait  coûté,  de  l'aveu  même  de  l'historien 
de  Wrède,  53  officiers  et  1,045  hommes  au  V^^  corps  *,  la  division 


*  IIeilmann,  WrèdCf  p.  340.  —  Voiri,  d'aiUcurs,  en  quels  termes  le  géiit^ral 
Friraont  s'exprime,  â  propos  de  cette  affaire,  dans  son  rapport  à  Wrède  : 
a  A  Hosnay,  la  gauche  eunemie  prit  position  pour  assurer  la  retraite  de  Taile 


-  517  - 

(lu  comto  Anloino  Hardegfç  so  rantonnu  h  Lassirourl.  Doux 
ronipagnios  autricliiiMines  iti  trois  (îonipagnios  bavaroises  furent 
chargi^es  de  la  garde  des  ponts.  Trois  escadrons  et  deux  compa- 
gnies s'établirent  en  avant  de  ces  ponts  sur  la  rive  droite  de  la 
Voire  sur  les  hauteurs  de  Bétignicourt  à  Rosnay.  On  pla^*a  égale- 
ment une  grand'garde  îi  Bétignicourt  et  une  autn^  sur  la  rive 
gauche  de  la  Voire,  à  Saint-Christophe.  Quant  au  gros  du 
V«  corps,  il  revint,  dans  la  soirée,  camper  k  Brienne. 

Dans  son  TageOuch  le  prince  de  Taxis  ne  pouvait  naturelle- 
ment passer  sous  silence  le  combat  de  Rosnay  :  «  Le  pont, 
(juoique  endommagé,  était  encore  praticable.  Il  était  établi  près 
du  villagt»  de  Rosnay-l'Hôpital,  qu'occupaient  les  troupes  de  Mar- 
mont.  Le  maréchal  se  posta  aussitôt  sur  une  hauteur  en  face  du 
pont.  L'infanterie  bavaroise  essaye  de  l'en  déloger;  mais  elle  est 
nîpoussée  sous  les  yeux  de  l'empereur  de  Russie,  du  grand-duc 
Constantin  et  de  Schwarzenberg.  » 

«  Sans  chercher  à  atténuer  les  fautes  incontestables  que  Wrède 
commit  le  2  février,  ajoute  un  peu  plus  loin  Taxis,  on  peut  toute- 
fois faire  nîmarquer  que  le  vrai  coupable  n'est  autre  que  Witt- 
gcmstein  qui  s'était  entêté  à  aller  à  Vassy,  le  31  janvier.  Si  le 
comte  Wittgenstein  avait  consenti ,  dès  le  30  janvier,  i\  suivre  les 
conseils  de  Wrède,  la  bataille  de  La  Rothière  aurait  eu  d'autres 
conséquences,  et  en  tous  cas,  pris  h  revers  le  2  février  par  une 
attaque  venant  de  Montier-en-Der,  Marmont  aurait  été  certaine- 
ment gravement  compromis.  Au  lieu  de  cela ,  il  put  défendre  le 
passage  de  la  Voire  îi  Rosnay  et  réussit  à  s'y  maintenir  d'autant 
mieux  que  de  nouveaux  ordres  de  S(îhwar/enberg  dirigèrent,  le 
3  février,  le  corps  de  Wrède  sur  Lesmont.  Le  combat,  qui  coûta 
beaucoup  de  monde  aux  Bavarois,  dura  jusqu'au  soir,  et  Marmont 
put  se  replier  dans  la  nuit  et  atteindre  l'Aube.  » 

Rien  mieux  que  ce  témoignage  rendu  au  duc  de  Raguse  par 
l'aide  de  camp  môme  de  son  adversaire,  ne  saurait  mettre  plus 
complètement  en  lumière  les  inexplicables  contrastes  que  pré- 
sente la  conduite  du  duc  de  Raguse  pendant  toute  cette  cam- 


droite  et  tint  bon  jusqu'à  ce  que  Tordre  de  se  replier  lui  fiU  parvenu.  L'en- 
nemi, eu  se  retirant,  avait  eu  le  temps  de  détruire  les  ponts.  Aussitôt  après 
l'occupation  de  Rosnay,  le  comte  Antoine  Hardegg  avait  envoyé  des  partis  de 
cavalerie  sur    la    route  d'Arcis-sur-Aulie.  >>  (A'.  K.  Krieg»  Archiv.,  H,  47  6.) 


—  518  — 

pagne  ot  les  inconcevables  défaillances  d*un  des  plus  habiles 
lieutenants  de  TEmpereur.  Dans  toute  sa  retraite  du  Rhin  jusqu'il 
l'Aube,  il  avait  fait  preuve  d'une  mollesse  et  d'une  négligence  qui 
lui  avaient  déjîi  valu  de  justes  reproches  de  TEmpereur.  Puis 
tout  h  coup,  au  moment  même  oh  après  avoir  compromis  le  sort 
de  son  arrière-garde  «'i  Saint-Dizier,  après  avoir,  par  un  excès  de 
prudence,  par  une  timidité  presque  coupable,  abandonné  à  quel- 
ques Cosaques  les  positions  que  Napoléon  lui  avait  prescrit  d'oc- 
cuper du  côté  de  Soulaines,  après  avoir  permis  ainsi  à  Wrède  de 
venir  jouer  sur  le  champ  de  bataille  un  rôle  qui  devait  nous  être 
si  fatal,  il  se  ressaisit  tout  à  coup.  On  retrouve  alors  h  Rosnay  le 
hardi  capitaine  qui  jadis  n'avait  pas  craint  avec  6,000  hommes 
d'attaquer  15,000  Russes  li  Castel-Nuovo  et  qui,  par  cette  victoire, 
avait  assuré  la  conquête  de  la  Dalmatie;  on  reconnaît  le  vain- 
queur de  l'archiduc  Charles  ?i  Znaïm,  le  brillant  chef  de  l'armée 
de  Portugal  dont  les  belles  manœuvres  avaient  réussi  à  arrêter, 
pendant  près  de  six  mois,  l'armée  de  Wellington;  mais  le  duc  de 
Raguse  avait  malheureusement  perdu  cette  ardeur,  cette  énergie, 
cette  volonté  qui  avaient  fait  sa  réputation.  Sa  lassitude,  son  dé- 
couragement, ses  compromissions  devaient  non  seulement  para- 
lyser plus  d'une  fois,  dans  le  cours  de  celte  campagne,  ses 
grandes  et  réelles  qualités  militaires ,  mais  encore  ternir  à  tout 
jamais  l'éclat  d'une  gloire  jusque-là  immaculée  et  sans  tache. 

Affaire  des  III^^  et  IV*  corps  à  Lesmont.  —  Pendant  que  la 
résistance  du  duc  de  Haguse  arrêtait  le  V«  corps  du  côté  de  Ros- 
nay. deux  bataillons  du  III^  corps  avaient  continué  à  filer  en 
avant  de  Brienne  par  les  hauteurs  qui  s'élèvent  le  long  de  l'Aube. 
Ils  devaient  flanquer  la  gauche  de  la  cavalerie  du  IV®  corps  qui, 
soutenue  par  ses  batteries  îi  cheval,  suivait,  en  faisant  surtout 
usage  de  son  artillerie,  l'extrême  arrière-garde  française  en  re- 
traite sur  Lesmont  par  Précy-Saint-Martin.  Pendant  cette  marche 
le  régiment  autrichien  de  hussards  Archiduc-Ferdinand  atteignit, 
entre  Saint-Christophe  et  Lesmont,  un  régiment  de  lanciers  po- 
lonais (ju'il  culbuta  *. 


*  Stàrkr,  Kintheilung  und  Tagesbegebcnheiten  der  Haupt-Armee  im  Mo- 
iiate  Ft»bruar  (A'.  K.  Kriftjs  Àrchiv.,  Il,  i).  et  Journal  iVojH'ratwn*  dufV^  corpx, 
par  le  ^éiioi-al  comte  Baillet  de  Latour  (/6i(i..  XIII,  5C). 


—  519  — 

Le  prince  royal  de  Wurtemberg  arriva  ainsi,  en  suivant  la 
cavalerie  française,  jusqu'au  pied  des  hauteurs  de  Lesmont  où 
TEmpereur,  afin  de  couvrir  sa  retraite,  avait  massé  les  divisions 
Meunier  et  Decouz,  soutenues  par  24  bouches  h  feu  chargées  de 
donner  h  la  cavalerie  française  le  temps  nécessaire  pour  prendre 
position  derrière  l'infanterie  et  d'arrêter,  parleur  feu,  la  cava- 
lerie du  IV«  corps.  Le  prince  royal  de  Wurtemberg  n'ayant  pas 
d'infanterie  sous  la  main  fut  obligé,  d'abord  de  faire  halte,  puis 
de  se  retirer  avec  ses  batteries  hors  de  portée  du  tir  de  l'artillerie 
française.  L'fCmpereur  profita  de  ce  mouvement  rétrograde  pour 
ramener  h  4  heures  le  gros  de  ses  troupes  sur  la  rive  gauche  de 
l'Aube.  Il  ne  laissa  plus  h  Lesmont  qu'une  faible  arrière-garde 
(le  400  à  500  hommes  destinée  à  ralentir  jusqu'au  soir  la  marche 
des  Alliés. 

Pour  débusquer  cette  poignée  d'hommes  de  Lesmont,  Gyulay, 
dont  le  corps  d*armée  était  arrivé  en  ligne  presque  en  même 
temps  que  l'infanterie  du  IV®  corps,  forma  la  brigade  CzôUich 
par  bataillons  en  masse  sur  les  hauteurs  de  Précy.  Il  comptait 
attaquer  Lesmont  par  la  gauche,  pendant  que  le  général  Stock- 
mayer,  avec  quatre  bataillons  du  IV«  corps,  se  porterait  contre  ce 
point  en  suivant  la  chaussée.  L'arrière-garde  française  abandonna 
alors  Lesmont,  repassa  sur  la  rive  gauche  de  l'Aube  après  avoir 
détruit  le  pont  et  s'établit  solidement  dans  les  maisons  situées 
sur  les  bords  de  la  rivière.  Un  escadron  du  3®  régiment  de  dra- 
gons wurtembergeois  (régiment  du  Prince  royal)  conduit  par  le 
li(iutenant-colonel  von  Bismarck,  chef  d'état-major  de  la  cavalerie 
du  IV«  corps,  avait  vainement  essayé  de  pousser  jusqu'au  pont  et 
d'en  empêcher  la  destruction.  Il  avait  dû  se  replier  devant  le  feu 
meurtrier  partant  des  maisons  de  la  rive  gauche.  Un  escadron  de 
chevau-légers  de  Klenau  avait  également  tenté  l'entreprise,  mais 
sans  plus  de  succès  *.  Les  tirailleurs  français  réussirent  ainsi  h  se 
maintenir  sur  la  rive  gauche  de  l'Aube  pendant  presque  toute  la 
nuit  du  2  au  3  février  et  empêchèrent,  par  leur  présence  et  par 
leur  feu,  les  Alliés  de  procéder  au  rétablissement  du  pont.  Une 
partie  de  l'infanterie  des  III''  et  IV«  corps  se  cantonna  h  Lesmont 
et  à  Saint-Christophe;  le  reste  de  l'infanterie  et  la  cavalerie  dans 


1  Oyulay  à  Schwarzenberg.  Relalion  sommaire  de  la  bataille  de  La  Rothière, 
{^'  el  2  ftWrior  1814.  (K,  K.  Kriegê  Archiv.,  Il,  34.) 


—  820  — 

los  villages  voisins  do  la  rive  droite  de  TAube.  La  division  Cren- 
nevillo,  (jui  avaitdû  attendre  à  Vendeuvre  l'arrivée  des  colonnes 
de  Colloredo,  s'arrêta  le  2  au  soir  à  Saint-Léger  sous  Brienno. 

La  destruction  du  pont  de  Lesmont,  conséquence  de  la  résis- 
tance opposée  par  les  deux  divisions  de  Ney  aux  III«  et  IV«  corps, 
aurait  pu  être  facilement  évitée  si  Ton  avait  jugé  à  propos  au 
quartier  général  des  Alliés  de  se  servir,  à  défaut  du  !««•  corps 
autrichien,  de  la  division  Crenneville,  dont  on  semble  avoir  ou- 
blié la  présence  sur  la  rive  gauche  de  l'Aube. 

Mouvement  du  !•'  corps.  —  Le  I^f  corps  aurait  d'ailleurs  pu, 
lui  aussi,  être  utilisé  sur  la  rive  gauche  de  l'Aube.  Bien  que  de 
Bar-sur-Seine  le  commandant  du  l^^  corps  eût  envoyé:  vers 
l'Yonne  sur  Chaource  la  division  légère  du  comte  Ignace  Hardegg 
(2  bataillons,  12  escadrons  et  1  batterie  à  cheval)  ;  sur  Fouchères, 
avec  ordre  de  surveiller  la  rive  gauche  de  la  Seine  entre  Bar-sur- 
Seine  et  Troyes,  la  division  légère  du  prince  Maurice  Liechtens- 
tein, et  à  Vin^y-sous-Bois  un  régiment  d'infanterie  chargé  de 
soutenir  cette  dernière  division,  il  lui  restait  encore  27  bataillons 
et  12  escadrons  avec  lesquels  il  quitta  Vendeuvre  à  6  heures  du 
malin,  se  dirigeant  sur  Dienville  dont  on  lui  avait  laissé  ignorer 
l'occupation  et  où  ses  troupes  entrèrent  vers  11  heures  1/2.  Le 
feldzeugmeister  informa  aussitôt  le  généralissime  de  son  arrivée, 
lui  demanda  des  ordres  et  lui  fit  remarquer  que,  d'après  les  ren- 
seignements (ju'il  avait  recueillis,  la  route  de  Dienville  à  Piney 
paraissait  être  im])ralicable  pour  l'artillerie.  Colloredo  avait  h 
peine  transmis  ces  renseign(»ments  au  quartier  général  qu'il  reçut 
l'ordre  de  s(*  porter  par  Piney  sur  Troyes.  iMais  en  présence  du 
mauvais  état  des  routes  et  des  réclamations  du  feldzeugmeister, 
le  généralissime  consentit,  dans  le  courant  de  la  journée,  à  mo- 
dili(;r  ses  instructions  et  à  l'autoriser,  au  li(»u  d'agir  contre  le 
liane  droit  de  l'ennemi  en  retraite,  h  reprendre  le  chemin  qu'il 
venait  de  parcourir  et  ?i  retourner  h  Vendeuvre  avec  son  corps 
d'armét»  ^  pour  continuer  de  là  vers  Troyes. 

Le  l'^f  corps,  relardé  dans  sa  marche  par  un  temps  épouvan- 
table et  par  de  violents  ouragans  de  neige,  ne  put  atteindre  Ven- 
d(Mivr(.'  (|ue  dans  la  nuit  du  2  au  3.  Son  artillerie  n'y  arriva 

«  rn'îiu'ral  Tnipp  au  ^«'iiôral  Radetzky.  (A'.  K.  h'ne.yx  Archir.,  II,  71.) 


-  n21  — 

mftme  que  le  3  h  G  heures  du  matiu,  et  tout  ce  qu*il  put  faire  fui 
de  pouss(T  sur  la  route  d(î  Troyes  le  régimeut  de  chevau-légers 
Rosenberg  qui  s'établit  eu  avaut-postcs  aux  environs  de  la  Ville- 
neuve-au-Chône. 

Houvement  des  gardes  et  réserves.  —  Affaire  de  cava- 
lerie de  Villiers-le-Brûlé.  —  Dans  la  matinée  de  ce  même 
jour,  Schwar/enberg  avait  donné  Tordre  au  général  Ocharoffsky 
de  passer  TAube,  avec  la  cavalerie  légère  de  la  garde  russe,  au 
pont  deDolancourt,  d*en  descendre  le  cours  par  la  rive  gauche 
en  se  dirigeant  sur  Piney,  afin  de  chercher  la  direction  prise  par 
Tarniée  française  en  retraite.  Or,  comme  Barclay  de  Tolly  crai- 
gnait de  laisser  cette  division  de  cavalerie  légère  sans  soutien,  il 
avait  prescrit  au  corps  de  grenadiers  du  général  Raïeffsky  et  aux 
2«  et  3®  divisions  de  grenadiers  russes  de  se  mettre  en  mouve- 
ment de  Trannes  sur  Dienville  et  de  là  sur  Piney.  Ces  réserves , 
parties  de  Trannes  le  matin,  poussèrent,  d'après  les  documents 
russes,  jusque  vers  Villiers-le-BrûIé  (h  2  kilomètres  de  Piney), 
tandis  que,  d'après  les  documents  autrichiens,  les  grenadiers  et 
les  cuirassiers  n'auraient  pas  dépassé  Radonvilliers. 

Quant  aux  gardes  et  à  la  1^*  division  de  cuirassiers  parties, 
comme  les  grenadiers ,  de  Trannes,  elles  se  portèrent  sur  Ven- 
deuvre,  à  la  grande  surprise  de  Colloredo  qui  n'avait  pas  encore 
reçu  la  dépèche  par  laquelle  le  généralissime,  l'informant  h 
10  heures  du  soir  de  ce  mouvement,  l'invitait  î\  céder  la  place 
aux  gardes  et  fi  continuer  aussitôt  après  sur  Troyes.  Au  moment 
où  la  tète  de  colonne  des  gardes  paraissait  h  Vendeuvre,  le 
l^^  corps  n'y  était  encore  installé  qu'en  partie,  et  l'arrivée  simul- 
tanée de  ces  deux  corps  débouchant,  l'un  par  la  route  de  Dien- 
ville, l'autre  par  celle  de  Dolancourt,  produisit  dans  ce  cantonne- 
ment, déjà  trop  exigu  pour  un  seul  corps,  un  encombrement  et 
une  contusion  indicibles.  La  plus  grande  partie  des  troupes  dut 
y  camper  à  la  belle  étoile  par  un  temps  épouvantable.  De  toutes 
ces  troupes ,  la  division  de  cavalerie  légère  de  la  garde  russe  du 
général  Ocharoffsky  eut,  seule  de  ce  côté,  une  petite  affaire  avec 
la  cavalerie  française. 

Aussi  pendant  que  le  général  Seslavin  *,  qui  battait  la  campagne 


Rapport  de  Seslavin  à  Ban'lay  de  ToUy. 


—  522  — 

oniro  Pincy  et  Lesmont,  annonçait  d'apri>s  les  renseignements 
qu'il  tenait  d'un  officier  prisonnier  que  toute  l'armée  française 
battait  en  retraite  de  Lesmont  sur  Vitry,  le  général  Ocharoffsky 
mandait  le  2  février,  à  6  heures,  à  Barclay  de  Tolly  ',  qu'il  avait 
donné,  ;i  hauteur  de  Villiers-le-Brûlé,  contre  un  parti  de  cavalerie 
française  et  qu'il  l'avait  rejeté  dans  la  direction  de  Piney.  Le 
général  Ocharoffsky  ajoutait,  d'ailleurs,  qu'il  avait  été  arrêté  par 
2,000  hommes  et  6  bouches  à  feu  venant  de  Lesmont.  Ces  ren- 
seignements contradictoires  augmentèrent  encore  l'inquiétude 
qui  régnait  îi  ce  moment  au  grand  quartier  général. 

L'Empereur,  en  effet,  avait  de  Lesmont,  h  1  heure  de  l'après- 
midi,  fait  prescrire  par  le  major-général  h  Grouchy  de  se  porter 
sur  Piney  avec  sa  cavalerie  qui  devait  être  suivie  par  le  2«  corps 
(duc  de  Bellune) ,  et  le  rapport  que  Milhaud  adressa  de  Villiers- 
lo-Brûlé  h  8  heures  du  soir  fi  Grouchy,  permet  de  se  rendre  un 
compte  exact  de  l'affaire  de  Villiers-le-Brûlé.  «  Nous  avons  trouvé 
h  Villiers-le-Brûlé  un  régiment  de  dragons  et  un  régiment  de 
uhlans  russes  forts  de  1,000  chevaux.  Nous  avions  sur  notre 
droite  un  régiment  de  Cosaques*.  Nous  avons  dû  charger  trois 
fois  pour  les  éloigner  du  village.  Le  bataillon  du  26«  n'a  qu'une 
compagnie  de  150  hommes  dont  les  fusils  font  à  peine  feu.  J'ai 
ordonné  qu'on  coupe  deux  ponts,  l'un  qui  conduit  i\  Dienville 
et  un  autre  sur  le  flanc  du  village  ;  mais  on  trouve  partout  des 
gués.  La  brigade  Ludot  a  été  seule  engagée  avec  l'ennemi  ;  je  l'ai 
fait  soutenir  par  la  compagnie  d'infanterie,  mais  j'aurais  eu  be- 
soin d'un  bataillon  pour  occuper  avec  sûreté  le  village  ".  Le  pain 
et  left  vivres  manquant  à  mes  troupes.  Les  hommes  sont  fatigués 
par  le  service  et  se  plaignent  de  ne  pas  manger  en  France.  Je 
sollicite  pour  eux  les  distributions  comme  pour  l'infanterie.  C'est 
le  vrai  moyen  de  conserver  l'énergie  de  nos  soldats  et  de  les  em- 
pêcher de  déserter. 


1  Gt^nëral  Ocharoffsky  à  Barclay  de  Tolly,  de  Villiers-lo-Brûlé,  2  février. 
6  heures  du  soir. 

s  Les  régiments  russes,  dont  le  général  Milhaud  parle  dans  son  rapport, 
sont  :  les  régiments  de  dragons  et  de  uhlans  de  In  garde  et  le  régiment  de 
cosaques  du  Don,  de  la  garde. 

»  On  est  loin,  on  le  voit,  des  2,0()0  hommes  d'infanterie  dont  parle  Ocha- 
roffsky dans  son  rapport. 


—  523  — 

«  P.'S.  —  Nous  sommes  environnés  de  3,000  chevaux  enne- 
mis et  leurs  feux  de  bivouac  sont  à  500  mètres  des  nôtres.  » 

Chose  sinfjulitre  :  c'6l<iit  sur  ce  point  s(îu1  que  les  Alliés 
avaient,  le  2  au  soir,  établi,  quoique  fort  incomplètement,  le 
contact  avec  les  troupes  en  retraite  de  Napoléon.  Partout  ailleurs 
on  avait  trouvé  moyen  de  perdre  jusqu'à  la  trace  de  l'armée 
française. 

Affaire  de  Thnm  avec  les  habitants  d'Enry.  --  Mouve- 
ments de  Platoff .  —  A  la  gauche  des  Alliés,  le  lieutenant-colonel 
comte  Thurn  s'était  proposé  de  se  relier  ce  jour-là,  par  Avreuil 
et  Les  Granges,  avec  la  division  du  comte  Ignace  Hardegg  postée 
îiChaource;  mais  les  habitants  d'Ervy  accueillirent  son  avant- 
garde  à  coups  de  pierre.  Thurn  les  fit  charger  par  un  demi-esca- 
dron et,  aussitôt  après  son  entrée  dans  cette  petite  ville,  prévint 
le  maire  qu'il  le  ferait  fusiller  à  la  moindre  agression  tentée 
contre  son  détachement  par  ses  administrés.  «  Cette  menace,  dit 
Thurn  *,  jointe  à  l'envoi  de  patrouilles,  ramena  le  calme.  »  Mal- 
gré cela,  le  lieutenant-colonel  n'osa  pas  cantonner  son  monde 
dans  la  ville  et  il  bivouaqua  ii  peu  de  distance  d'Erx'v  sur  une 
hauteur  d'où  il  dominait  et  surveillait  la  route  de  Saint-Florentin. 

Plus  à  gauche  encore,  Platoff  avait,  dans  la  nuit  du  1«f  au 
2  février,  quitté  sa  position  de  Mdlay.  Passant  de  la  rive  droite 
sur  la  rive  gauche  et  remontant  le  cours  de  l'Yonne,  il  se  diri- 
geait sur  Villeneuve-le-Roy  (Villeneuve-sur- Yonne). 

Le  général  Allix  avait  été  renforcé  par  la  cavalerie  du  général 
du  Coëtlosquet,  auquel  il  avait  recommandé  de  ne  pas  s'engager, 
de  ne  rien  compromettre ,  d'attirer  cependant  sur  lui  l'attention 
des  Cosaques  et  de  se  poster  avec  300  chevaux  sur  les  hauteurs 
de  Rozoy.  en  envoyant  deux  partis  sur  Véron  et  sur  Passy.  Mais 
ces  partis  se  laissèrent  entourer  et  prendre  sans  tirer  un  coup  de 
carabine,  et  le  général  du  Coëtlosquet  dut  se  retirer,  sans  être 
inquiété  sérieusement,  il  est  vrai,  jusque  sur  les  bords  de  la 
Vanne,  h  peu  de  distance  de  Sens.  Cette  escarmouche  avait  coûté 


*  Starke,  Eintheilnng  und  Taj^esbegebenheiten  der  Haupt-Arinee  {K,  K, 
Krieg»Archiv.,l\,  1),  et  Thurn  à  Sch\^arzenberg,  Chamoy»  4  février.  6  heures 
du  soir  {Ibid.,  II.  81). 


—  524  — 

à  la  cavalerie  française,  rien  qu*en  prisonniers  :  1  lieulonanl- 
colonel,  3  officiers  et  80  hommes  \ 

Le  général  Allix ,  ayant  quitté  Sens  de  son  côté,  marchait  par 
la  rive  gauche  sur  Villeneuve-le-Roi,  en  passant  par  Paron,  Gron 
et  Marsangis;  les  partis  qui  couvraient  sa  droite  s  étant  laissé, 
eux  aussi ,  enlever  aux  environs  de  Marsangis,  le  général ,  après 
avoir  repoussé  les  Cosaques,  crut  devoir  se  replier  sur  Sens. 

Malgré  ces  quelques  avantages,  Platoff,  sachant  que  le  général 
Montbrun  occupait  Pont-sur- Yonne  avec  deux  bataillons  de  gardes 
nationales,  informé  d'autre  part  de  l'arrivée  en  ligne  de  la  brigade 
de  cavalerie  du  général  du  Coëtlosquet  (qui  se  replia  d*aiUeurs, 
le  lendemain  3,  sur  Fontainebleau),  au  lieu  de  se  porter  sur 
Melun  en  descendant  l'Yonne  et  la  Seine ,  crut  plus  sage  de  se 
diriger  par  Courtenay  vers  Fontainebleau.  Platoff  avait  cependant 
(»squissé  un  mouvement  vers  Montargis  et  envoyé  dans  cette 
direction  un  parti  de  Cosaques,  sous  les  ordres  du  capitaine  des 
gardés  Bergmann  qui,  après  avoir  passé  la  nuit  du  l*""  au  2  à 
Courtenay,  s'avança  le  2  dès  l'aube  jusqu'aux  environs  de  Mon- 
targis. Le  capitaine  Bergmann  réussit  h  délivrer  sur  ce  point  un 
convoi  de  405  officiers,  15  sous-officiers .  82  soldats  espagnols, 
49  femmes  et  4  enfants  qu'on  évacuait  d'Épernay  sur  Bourges*. 
Le  parti  du  capitaine  Bergmann  se  dirigea  ensuite  des  environs 
de  Montargis  vers  Ferrières. 

Houvement  du  VP  corps  sur  Vitry  et  Hontier-en-Der.  — 

Non  content  de  faire  exécuter  au  corps  de  CoUoredo  des  marches 
et  des  contremarches,  fétat-major  général  avait  procédé  de  la 
même  façon  h  l'égard  du  VI®  corps.  De  son  quartier  général  de 
Saint-Dizier,  Wittgenstein,  dont  les  corps  '  servaient  de  réserve  au 


1  Rapport  du  général  AHix  au  ministre  de  la  guerre.  Sens,  3  février, 
5  heures  du  matin.  (Archives  de  la  guen-e,)  —  Starke,  Eintheilung  und  Tages- 
begebenheilen  der  Haupt-Armee  im  Monate  Februar.  {K,  K.  Krieg$  Archiv., 
II,  1.)  —  Rapport  de  Tataïuan  comte  Platoff  au  prince  de  Schwarzenborg. 
ViUeneuve-le-Roy,  3  février  (IbUt.,  Il,  ad.  120). 

«  Major  Legros,  commandant  à  Montargis,  au  ministre  de  la  guerre,  Mon- 
targis, 6  février.  (Archives  de  la  guerre.)  —  Rapport  de  PlatoflT  à  Schwarzen- 
berg,  Villeneuve-Ie-Roy,  3  février  (A'.  K.  Kriegs  Archiv.,  ad.  II,  liO),  et  Starcb, 
Kintheilung  und  Tagesbegebenheiten  der  Haupt-Armee  im  Monate  Februar 
{Ibût,  11,  1). 

'  Le  œrps  du  prince  Eugène  de  Wurtemberg  était  posté  à  Longcbamp,  et  la 
division  Helfreich  à  Orconte. 


—  5^5  — 

I^f  corps  prussitMî,  avait  prescrit  h  la  cavalerie  du  général  Pahlen 
de  continuer  sa  marche  sur  Vitrv  cl  de  se  relier  avec  York. 
Pahlen,  après  avoir  rallié  en  roule  le  détachement  du  général- 
major  Rûdinger  *,  se  porta  de  Chavanges  sur  Gigny  et  Bussy- 
aux-Bois  et  poussa  ses  avant-postes  jusque  vers  Yitry,  pendant 
que  le  général  Ilowaïsky  XII  continuait  h  observer  les  Français 
postés  sur  la  ligne  Mai/Jeres — Rosnay.  Vers  midi,  on  entendit  le 
canon  dans  la  direction  de  Yitry.  Mais  comme  Witlgenstein  *  se 
préparait  à  marcher  dans  celte  direction ,  il  reçut  du  généralis- 
sime un  ordre  rédigé  à  la  sortie  de  la  conférence  qu'il  venait  de 
tenir  avec  les  souverains  au  chilleau  de  Brienne,  par  lequel  il  lui 
prescrivait  de  revenir  sur  ses  pas  et  de  retourner  à  Montier-cn- 
Der. 

Opérations  du  P"*  corps  prussien.  —  Escarmouche  de 
Saint-Amand.  —  Ces  contre-ordres,  ces  incessants  changements 
de  direction  du  YI*  cor[)S  n'étaient  guère  de  nature  à  faciliter  la 
mission  confiée  k  York,  chargé  de  s'emparer  de  vive  force  do 
Yitry,  dont  il  importîiit  cependant  aux  Alliés  de  hîlter  d'autant 
plus  la  prise  qu'ils  avaient  connaissance  de  l'approche  des 
troupes  du  duc  de  Tarenle. 

York  employa  la  matinée  à  concentrer  son  corps  près  de  Ma- 
roUes,  à  faire  passer  l'Ornain  à  son  gros  près  de  Vitry-le-Brûlé 
et  il  masser  la  8*  brigade  entre  Bignicourt  et  Frignicourt,  pen- 
dant que  sa  cavalerie  de  réserve  sous  le  général  von  Jûrgass  et 
le  détachement  du  colonel  comte  Henckel  recevaient  Tordre  de 
pousser  de  Yitry-le-Brûlé,  Changy  et  Saint-Quentin  vers  ChAlons  '. 
York  en  personne  procéda,  pendant  ce  temps,  à  une  reconnais- 
sance approfondie  de  la  place  même  de  Yitry.  A  la  suite  de  cette 
reconnaissance  et  afin  de  ménager  ses  forces,  dont  il  avait  besoin 
pour  ôtre  à  même  de  pouvoir  résister  i\  Macdonald,  il  résolut  de 
tenter  l'attaque  de  la  place  «  sur  trois  colonnes,  pendant  la  nuit 


*  Le  détaoheiiient  du  gént^ral-major  Rudiiigcr  se  composait,  à  ce  moment, 
des  hussards  de  Grodno,  de  trois  escadrons  de  hussards  de  Soumy,  d'une  brigade 
d'infanterie  appartenant  au  2*  corps  russe  du  prince  Eugène  de  Wurtemberg, 
et  de  quatre  pièces  d'artillerie  à  cheval. 

«  Wiltgenstein  à  Schwarzenberg,  Saint-Dizier,  2  février.  (A'.  K.  Krieys  Ar- 
chiv.j  11,  26.  et  ad.  11,  26.)  —  Starke,  Eintheilung  und  Tagesbegcbenheitcn 
der  Uaupt-Armee  im  Monate  Februar  (Ibid,,  11,  1). 


-  5â6  - 

du  2  au  3,  ou,  pour  mieux  dire,  à  Taube  *  ».  Afin  de  couvrir  sa 
gauche,  York  avait  envoyé  sur  la  rive  gauche  de  la  Marne  deux 
escadrons  do  cavalerie  qui,  sous  les  ordres  du  capitaine  Steine- 
mann,  poussèrent  sans  encombre  jusqu'à  Sompuis,  où  cet  offi- 
cier se  relia  vers  le  soir  avec  les  coureurs  de  Blûcher. 

Mais  pendant  qu*York  s'occupait  de  préparer  les  ordres  pour 
l'attaque  de  nuit  qu'il  méditait,  le  général  Katzler,  posté  à  Vitry- 
le-Brûlé,  recevait  du  général  von  Jiirgass  l'avis  de  l'approche  de 
Macdonald. 

Le  duc  de  Tarente  avait,  en  effet,  prescrit,  le  2  au  matin,  aux 
généraux  Molitor,  Exelmans  et  Brayer,  de  pousser  jusqu'à  Vitry  ; 
au  duc  de  Padoue  d'aller  à  La  Chaussée,  en  envoyant  toutefois 
sur  la  voie  romaine  menant  à  Bar-le-Duc  la  moitié  de  sa  cava- 
lerie qui  devait  occuper  le  soir  Francheville,  Saint-Jean-sur- 
Moivre,  Coupéville  et  Le  Fresne;  enfin,  au  général  Sébastiani  de 
venir  à  La  Chaussée  avec  les  batteries  de  réserve.  A  2  heures  de 
l'après-midi,  le  11»  corps  et  le  2«  de  cavalerie  marchaient  sur  la 
route  de  Vitry,  le  5«  corps  et  le  3«  de  cavalerie  étaient  à  La 
Chaussée*.  La  neige,  tombant  à  gros  flocons  depuis  le  matin, 
n'avait  cessé  d'obscurcir  l'horizon  et  avait  couvert  jusqu'à  ce  mo- 
ment la  marche  de  la  cavalerie  française,  lorsqu'à  la  faveur  d'une 
éclaircie,  les  vedettes  prussiennes,  postées  en  avant  de  Saint- 
Amand,  aperçurent  à  peu  de  distance  la  tète  de  la  colonne  fran- 
çaise en  marche  sur  Vitry.  Des  deux  côtés  on  évita  tout  engage- 
ment sérieux  et,  comme  Macdonald  l'écrivait  au  major-général 
(le  La  Chaussée,  «  on  perdit  le  temps  en  dispositions  inutiles, 
malgré  mon  ordre  formel  de  pousser  sur  Vitry.  Comme  la  neige 
tombait  à  gros  flocons,  on  a  craint  de  s'engager,  en  sorte  que 
l'ennemi  n'est  qu'à  une  lieue  d'ici  et  nous  avons  pris  position  au 
village  de  La  Chaussée,  échelonnés  sur  Pogny.  C'est  ainsi  que 
nous  passerons  la  nuit  et  dès  la  pointe  du  jour  nous  attaquerons 
vivemeni,  si  nous  ne  sommes  pas  prévenus.  L'intention  de  Ten- 
nenii  paraît  être  de  manœuvrer  par  la  droite.  » 

A  7  heures  du  soir,  tout  était  rentré  dans  le  calme  *.  Cette 


*  York  à  Schwarzenberg,  Ecrienues,  2  février,  H  heures  du  soir.  (K.  K. 
Krxegs  Archiv.,  11,  29.) 

s  Macdonald  au  major-géoéral  et  à  Kellerinann,  de  Châlous  et  de  La  Chaussée, 
2  février.  {Archives  de  la  guerre.) 

s  Relation  du  combat  de  La  Chaussée,  par  le  général  von  Jûrgass. 


-  527  - 

escarmouche,  quoique  bien  insignilianU»  en  elle-mcnie,  allait 
néanmoins  exercer  une  influence  néfaste  sur  la  marche  des  évé- 
nenuînls.  Jusqu'à  ce  moment  en  effet,  York,  tout  en  redoutant 
l'arrivée  d(^  Macdonald,  ne  songeait  qu'à  remplir  la  mission  dont 
on  l'avait  chargé  et  portail  toute  son  attention  sur  Vitry,  dont  la 
possession  avait,  d'ailleurs,  une  valeur  réelle  pour  les  Alliés 
comme  pour  nous.  Décidé  à  tenter  la  fortune  et  à  essayer  d'enle- 
ver la  place  à  la  faveur  des  ténèbres,  et,  si  faire  se  pouvait,  par 
surprise,  il  avait  déjà  désigné  à  ses  trois  brigades  d'infanterie 
des  cantonnements  rapprochés  de  Vitry,  l'enserrant  sur  ses  faces 
sud  et  est,  de  MaroUes  jusqu'à  Plichancourt,  et  d'où  son  infan- 
terie devait  sortir  avant  l'aube  pour  s(î  jeter  sur  la  place.  Du 
côt(î  de  Chi\lons,  sa  cavalerie,  soutenue  par  quelques  petits 
groupes  d'infanterie,  s'échelonnait  de  Saint-Amand  jusque  vers 
Vitry-le-Brûlé.  En  raison  môrae  des  projets  nourris  par  York, 
une  concentration  générale  de  son  corps,  d'ailleurs  presque  im- 
possible, était  en  tout  cas  non  seulement  inutile,  mais  même 
dangereuse  pour  lui.  La  cavalerie  française  avait  donc  une  excel- 
lente occasion  de  frapper  un  grand  coup.  Elle  pouvait,  avec  un 
peu  d'énergie,  profiter  de  sa  supériorité  numérique  momentanée 
pour  forcer  le  passage,  chasser  de  Saint-Amand  le  petit  détache- 
ment du  colonel  comte  Henckel  (5  escadrons,  i  bataillon  de  fusi- 
liers et  une  demi-batterie),  le  rejeter  en  désordre  sur  les  dragons 
de  Jùrgass  précisément  en  train  de  s'installer,  les  uns  au  bivouac, 
les  autres  dans  leurs  nouveaux  cantonnements,  bousculer  le  tout 
sur  les  2  bataillons,  les  4  escadrons  et  les  2  pièces  que  le  général 
von  Kat/ler  avait  fait  partir  de  Vitry-le-Brftlé  à  la  première  nou- 
velle de  l'apparition  des  cavaliers  français,  mener  la  poursuite 
tambour  battant  jusqu'à  Vitry-le-Brûlé,  donner  la  main  aux  défen- 
seurs de  Vitry-le-François  et  obliger  York  à  en  lever  le  siège.  On 
pouvait  encore,  si  l'on  voulait  user  de  prudence,  les  observer, 
après  avoir  reconnu  la  présence  des  Prussiens  aux  environs  de 
Saint-Amand,  se  contenter  de  donner  le  temps  aux  corps  échelonnés 
en  arrière  de  venir  sur  La  Chaussée,  attendre  les  événements  sans 
se  montrer,  sans  donner  l'éveil,  et,  en  marchant  le  lendemain  au 
canon,  arriver  sous  Vitry  pour  tomber  sur  York  dès  qu'il  aurait 
dessiné  son  attaque  contre  la  place.  Mais  pour  cela  il  aurait  fallu 
que  le  général  Exelmans  se  fût  rendu  un  compte  exact  de  la 
situation  et  des  avantages  qu'il  pouvait  en  retirer.  Non  content 


—  52«  — 

de  se  laisser  amuser  et  arrêter  d'abord  par  un  petit  poste  de 
40  dragons  de  Lithuanie,  puis  par  un  escadron,  puis,  au  bout  de 
quelque  temps,  par  un  autre  escadron  et  par  une  faible  compa- 
gnie de  chasseurs,  il  commit  la  faute  de  montrer  jusqu'à  12  esca- 
drons, de  refuser  tout  combat,  de  se  retirer  sur  La  Chaussée,  de 
révéler  ainsi  à  York  l'imminence  du  danger  auquel  il  venait 
d'échapper  et  de  lui  donner  le  temps  et  les  moyens,  non  seule- 
ment de  soutenir  sa  cavalerie  d'avant-garde,  mais  de  modifier 
ses  projets. 

«  Il  y  a  quelques  heures,  écrivait  York  k  Schwarzenberg,  on 
m'a  mandé  qu'une  colonne  ennemie  marchait  de  Chdlons  sur 
Vitry.  C'est  peut-être  le  maréchal  Macdonald  qui  est  arrivé  à 
Châlons  depuis  deux  jours.  J'ai  envoyé  aussitôt  une  brigade  de 
ce  côté  et  l'on  m'apprend,  pendant  que  j'adresse  ce  rapport  à 
Votre  Altesse,  que  l'ennemi  occupe  en  force  La  Chaussée,  sur  la 
route  de  Châlons  à  Vitry.  Ma  brigade  l'a  arrêté  sur  ce  point.  S'il 
ne  se  retire  pas  de  La  Chaussée  cette  nuit,  je  l'y  attaquerai  demain 
matin  et  remettrai  l'assaut  sur  Vitry,  jusqu'à  ce  que  j'aie  rejeté 
l'ennemi  de  La  Chaussée  sur  Chîllons  '.  » 

Une  démonstration  maladroite  et  la  mollesse  d'Exelmans 
allaient  avoir  de  graves  conséquences.  Y'ork,  désormais  certain 
de  la  présence  enlre  ChAlons  et  Vitry  du  corps  de  Macdonald,  va 
renoncer  à  ses  projets  contre  cette  place,  et  tandis  qu'on  aurait 
pu  ou  le  surprendre  et  le  bousculer  alors  que  ses  corps  étaient 
encore  disséminés,  ou  l'observer  et  attendre  pour  le  prendre  à 
revers  qu'il  ait  tourné  tous  ses  efforts  et  toute  son  attention  contre 
Vitry,  la  timidité  des  chefs  de  la  cavalerie  de  Macdonald  va  nous 
valoir  la  défaite  de  La  Chaussée  et  amener  non  seulement  la 
chute  de  Vitry,  mais  la  perte  de  Chîllons.  La  fortune,  on  le  voit, 
souriait  toujours  aux  Alliés. 

Le  I^'  corps  prussien  occupa  par  suite,  le  â  au  soir,  les  posi- 
tions suivantes  :  le  détachement  du  comte  Henckel  à  Aulnay- 
l'Aître,  la  cavalerie  du  général  von  Jûrgass  à  Saint-Amand, 
l'avant-garde  du  général  von  Katzler  à  Saint-Quentin.  Les  7«  et 
8«  brigades,  postées  pendant  la  nuit  à  Plichancourt  et  à  Norrois, 
devaient  éventuellement  servir  de  soutien  aux  troupes  de  Jurgass 


1  York  à  SolixNarzenberg,  Ecrieiincs,  2  février,  li  heures  du  soir.   (A'.  K. 
Krietjs  ArcfUv.,  U,  29.) 


—  529  — 

et  d(;  Katzler,  tandis  que  la  U^  brigado  ({j[énéral  von  Pirch  II) 
continuait  à  observfîr  Vitry  et  restant  sur  ses  positions  qui  s'éten- 
daient de  Vauclerc  à  Frignicourt. 

Le  duc  de  Tarente  de  son  côté  avait  envoyé  l'ordre  à  Ex(îl- 
mans  de  placer  sa  cavalerie  légère  h  Aulnay,  Ablanoourt  et  en 
léte  de  La  Chaussée,  la  grosse  cavalerie  à  Oniey  ;  à  Molitor  de 
poster  un  bataillon  h  Aulnay,  un  autre  en  tôte  de  La  Chaussée  ot 
le  reste  de  sa  division  dans  le  village  ;  îi  Brayer  d'établir  sa  divi- 
sion en  arrière  d'Aulnay  ;  h  Sébastian!  d'occuper  avec  le  5«  corps 
Oniey  et  Pogny  ;  au  duc  de  Padoue  de  s'échelonner  de  Sarry  h 
Pogny,  pendant  qu'une  division  de  cavalerie  couvrirait  sa  gauche 
iiFranchevilleetDanipierre.  Le  maréchal  faisait,  en  outre,  revenir 
tous  les  bagages  à  ChAlons  et  les  réserves  d'artillerie  à  Vésigneul 
et  Saint-Germain. 

Le  duc  de  Tarente  tenninait  son  ordre  en  prescrivant  de  faire 
de  fréquentes  patrouilles  et  en  recommandant  ii  la  caval(»rie  et  à 
l'infanterie  d'être  toujours  prêtes.  Tune  h  monter  à  cheval  et 
Tautrtî  à  prendre  les  armes.  «  Les  ch(;vau\  d'artillerie  resteront 
attelés  à  La  Chaussée,  les  autres  seront  seulement  garnis.  Avant 
la  pointe  du  jour,  toutes  les  troupes  seront  sous  les  armes,, 
l'avant-garde  à  cheval,  l'artillerie  prête  à  être  mise  en  batterie.  » 

Mouvements  des  autres  corps  de  l'armée  de  Silésie.  — 

Pendant  toute  la  matinée,  les  corps  de  l'armée  de  Silésie,  dont 
nous  n'avons  pas  parlé  jusqu'ici  parce  qu'ils  n'ont  joué  aucun  rôle 
le  2  février,  étaient  restés  immobiles  sur  leurs  positions  delà  veille, 
et  ce  fut  seulement  à  l'issue  de  la  conférence  qui  s'était  tenue 
dans  la  matinée  au  château  de  Brienne,  que  l'armée  de  Blùcher 
commença  son  mouvement  vers  la  droite.  Sa  cavalerie  passa  la 
Voire  à  gué  à  Lassicourt  vers  la  lin  du  jour,  son  infanterie  (Sac- 
ken  et  Olsufieft)  marcha  par  Rosnay  sur  Braux-le-Comte  (Braux-lo 
Grand)  où  elle  n'arriva  que  fort  tard.  Blucher  installa  sur  ce  point 
son  quartier  général.  L'infanlerie  russe  se  relia  sur  sa  gauche 
avec  la  cavalerie  du  général  IlowaislvyXII*  qui,  parti  de  Mai/ières 
le  2  dans  la  matinée,  observait  d'assez  loin  de  la  rive  gauche  d(i 
la  Voire  le  mouvement  rétrograde  du  corps  du  duc  de  Raguse. 


*  Le  détachement  d'Ilowaïsky  XJI  se  composait  des  deux  demi- régiments 
cosaques  ilowaisky,  KebrikoflF  et  de  la  moitié  du  régiment  de  WlassofT. 

34 


Weli. 


—  530  — 

Le  11«  corps  prussien,  sous  les  ordres  de  Kleisl,  avait  marché 
vers  Metz  en  une  seule  colonne,  composée  de  son  avant-garde, 
des  10«  et  12«  brigades,  en  suivant  la  grande  roule  jusqu'à  hau- 
teur de  Woippy.  Arrivé  sur  ce  point,  le  II«  corps  se  rejeta  plus  à 
droite  pour  contourner  Metz  sans  se  montrer.  Longeant  ensuite 
la  rive  gauche  de  la  Moselle,  il  se  cantonna  le  soir  :  Tavant-garde 
(Zieten)  à  Prény  et  Pagny-sur-Moselle  ;  la  10«  brigade  et  le  quar- 
tier général  h  Gorze  et  aux.  environs;  la  12«  brigade  à  Moulins  et 
Longeau.  Kleist  recul  à  Gorze  Tordre  de  Blùcher  lui  enjoignant, 
au  lieu  de  se  diriger  sur  Saint-Mihiel  dont  le  pont  était  détruit, 
de  se  porter  sur  Gommercy,  d'y  passer  la  Meuse  et  de  continuer 
de  là  sur  Sainl-Dizier,  par  Ligny  et  Stainville. 

Le  même  jour,  les  rapports  du  général  Rusca  *,  commandant 
la  place  de  Soissons,  du  général  Janssens  au  maréchal  Keller- 
mann  et  du  maire  de  Brunehamel  au  préfet  de  l'Aisne,  signa- 
laient, les  uns,  la  présence  de  hussards  noirs  de  Liilzow  à 
Garignan,  leur  marche  sur  Margut,  ainsi  que  l'approche  d'un 
gros  parti  de  cavalerie  venant  sur  Garignan  ;  les  autres,  l'appari- 
tion des  Gosaques  et  de  coureurs  précédant  de  loin  le  corps  de 
Winzingerode  à  Maubert-Fontaine,  au  sud  de  Rocroy. 

Ordres  et  résolutions  de  l'Empereur.  —  Pendant  que  les 
Alliés  perdaient  un  temps  précieux  en  mouvements  inutiles  et 
préparaient  leurs  échecs  en  décidant  définitivement  la  séparation 


*  Général  Husca  au  ministre  de  la  guerre,  Soissons,  2  février;  général 
Janssens  au  maréchal  Kellermann,  Méziùres,  9  février  ;  maire  de  Brunehamel 
au  préfet  de  l'Aisne,  2  février.  (Archives  de  la  guerre.) 

Le  préfet  des  Ardennes  devait,  le  3  février,  mettre  le  ministre  de  la  guern' 
au  courant  de  ces  événements,  qu'il  présente  toutefois  d'une  façon  quelque  peu 
différente  : 

«  L'ennemi  a  surpris,  écrit-il,  un  poste  de  40  lanciers  polonais  à  Garignan, 
dans  la  nuit  du  29  au  30.  Il  a  paru  ensuite  prés  de  Givet,  se  repliant  devant 
une  sortie  de  la  garnison,  se  portant  de  là  sur  Hhilippcville,  puis  sur  Marien- 
bourg  et  sur  Cou  vin  (pays  de  Liège).  De  Cou  vin,  il  s'est  dirigé  sur  Uocroy. 
chassant  devant  lui  quelques  gendarmes.  De  Rocroy,  il  s'est  port*^,  le  31,  sur 
Maubert-Fontaine,  y  a  pris  140  conscrits,  que  l'on  a  remis  en  liberté  en  atta- 
quant l'ennemi  le  2  février  et  le  chassant  sur  Launoy.  » 

Nous  aurons,  d'ailleurs,  l'occasion  de  revenir  sur  ces  événements  lorsque 
nous  nous  occuperons  de  la  marche  des  corps  de  Biilow  et  de  Winzingerode 
de  la  Belgique  sur  Laon  et  des  opérations  entreprises  pendant  ce  mouvement, 
et  en  avant  de  ces  deux  corps,  par  les  coureurs  de  Tchernilcheff  et  de  Teltcn* 
born . 


—  831  — 

(le  leurs  deux  niasses  principales,  Napoléon  n'était  pas  reslé 
inaclif.  Il  avait,  comme  nous  l'avons  vu,  commencé  par  dérober 
la  véritable  direction  de  sa  retraite  en  faisant  prendre  position  au 
corps  du  maréchal  Marmont  derrière  la  Voire.  Le  reste  de  la 
journée  lui  avait  suffi  pour  voir  clair  dans  le  jeu  des  Alliés  et, 
certain  désormais  ((u'ils  allaient  imiter  la  manœuvre  qui  avait  élé 
si  fatale  îi  Wiirmscr  en  1796,  il  s'occupait  déjîi  des  moyens  à 
employer  pour  leur  préparer  un  Castiglione  ou  un  Lonato.  Son 
i^énie,  que  la  prospérité  d'une  part,  puis  la  grandeur  et  la  sou- 
daineté des  revers  paraissaient  avoir  un  instant  endormi,  va  se 
réveiller  plus  puissant  et  plus  admirable  que  jamais,  à  mesure 
que  le  danger  qui  le  menace  grandira  et  que  les  difticultés  se 
multiplieront  autour  de  sa  petite  armée. 

Le  2  au  matin  il  écrit  de  Piney  au  duc  de  Feltre  *  :  «  J(î  serai 
demain  à  Troyes.  Il  serait  possible  que  f armée  de  BUlcher  se 
portât,  entre  la  Marne  et  VAube,  du  côté  de  Vitry  et  de  Chdions. 
De  Troyes,  j'agirai  selon  les  circonstances.  J'opérerai  pour  retar- 
der le  mouvement  de  la  colonne,  qu'on  m'assure  se  diriger  par 
Sens  sur  Paris,  ou  pour  revenir  manœ^uvrer  sur  HlUcher  et  retar- 
der sa  marche.  » 

Dès  le  malin,  il  avait  fait  connaître  au  général  Bordesoulle*  le 
mouvement  que  Marmont  allait  exécuter  par  la  rive  droite  de 
l'Aube  sur  Arcis  et  lui  avait  prescrit  d'assurer  la  défense  d'Arcis, 
tout  en  envoyant  un  fort  parti  de  cavalerie  sur  la  route  d'Arcis  à 
Troyes  pour  garder  les  communications.  Plus  t^/d,  au  moment 
où  il  allait  expédier  ses  ordres,  il  avait  su  que  la  cavalerie  du 
général  de  Pire,  qui  avait  pris  position  à  Rouilly-Sacey,  avait 
envoyé  un  parti  à  Creney  sur  la  route  de  Troyes  et  un  autre  parti 
sur  Géraudot  pour  observer  les  Cosaques  qui  avaient  paru  le  * 
malin  à  Piney  et  qui,  de  là,  étaient  retournés  à  Géraudot  où  ils 
avaient  passé  la  nuit  du  l*^''  au  2.  La  découverte  de  Pire  avait 
signalé  la  présence  d'un  assez  gros  corps  de  cavalerie  russe  à 
Géraudot  ^  Renseigné  sur  les  mouvements  de  Tennemi,  tant  du 


1  Correspondance  (le  Napoléon,  n°  21109. 

*  Miljor-général  au  général  BordesouUe,  Brieone,  2  février.  (Archives  de  la 
guerre.) 

»  Général  de  Pire  au  général  Grouchy,  Rouilly-Sacey >  2  février.  (Archivée 
de  la  guerre.) 


—  532  — 

côté  de  Troyes  que  du  côlé  d'Arcis,  Napoléon  avait  aussitôt 
(6  heures  du  soir)  ordonné  au  général  de  France  de  s'établir  à 
Villiers-le-Brûlé  avec  ses  gardes  d'honneur  et  le  10®  hussards, 
d'occuper  Brévonne  et  d'éclairer  sur  Dienville  *. 

Le  général  Gérard  avait  reçu  Tordre  de  se  placer  à  cheval  sur 
la  route  de  Piney  h  Dienville,  pour  soutenir  la  cavalerie;  enfin,  les 
ducs  de  Valmy  et  de  Tarente  devaient  ne  rien  négliger  pour 
contenir  Tenneini  et  maintenir  les  communications  entre  Châlons, 
Vitry  et  Arcis. 

Les  nouvelles  reçues  au  quartier  impérial  dans  le  cours  de  la 
soirée  étaient,  en  somme,  rassurantes  :  Pire  *,  d'une  part,  man- 
dait à  Grouchy  que  le  2«  régiment  de  chasseurs  de  la  garde  et  un 
régiment  d'infanterie  étaient  à  Creney  et  que  le  duc  de  Trévise 
devait  être  à  Troyes.  D'autre  part,  Mortier  foisait  savoir  au  géné- 
ral de  France,  îi  Piney,  qu'un  de  ses  bataillons,  300  chevaux  et 
une  demi-batterie  occupaient  Aubeterre,  assurant  ses  communi- 
cations avec  Arcis-sur-Aube,  que  le  pont  de  La  Guillotière  était 
fortement  barricadé  et  défendu  par  8  canons  et  3  bataillons,  que 
ses  reconnaissances  avaient  poussé  le  matin  au  delîi  de  Montiéra- 
niey  et  n'avaient  vu  que  peu  de  monde. 

L'Empereur  avait,  en  outre,  complété  ses  dispositions  par  une 
mesure  qui  prouve  combien  cet  homme  extraordinaire  conser\'ait 
son  calme,  son  sang-froid  et  sa  présence  d'esprit  au  milieu  des 
circonstances  les  plus  graves  et  les  plus  difficiles.  Après  avoir 
envové  ses  ordres  (h;  mouvement,  il  avait,  dès  son  arrivée  à 
Troyes,  dicté  au  major-général  Tordre  du  jour  suivant  :  «  Les 
chevaux  de  main  do  la  maison  d(;  l'Empereur,  de  messieurs  les 


*  Nous  avons  vu  que  la  présence  dans  ces  parages  du  général  Ocharoffsky 
avait  empêché  les  généraux  de  France  et  Milhaud  de  remplir  la  dernière  partie 
du  programme.  Grouchy,  inquiet  sur  le  sort  de  sa  cavalerie,  postée  a  Villicrs- 
le-Brûlé,  proposa  au  major-gi'néral  d'y  envoyer,  outre  la  cavalerie  du  générai 
de  France,  un  hataillon  d'infanterie,  parce  que,  disait-il,  «  il  est  probable  que 
l'ennemi  attaquera  demain  de  honne  heure  le  général  Milhaud,  et,  s'il  était 
repoussé,  il  en  résulterait  désordre  et  confusion  à  Piney.  >> 

Une  dépêche  du  majoi -général  à  Grouchy,  de  Piney  ail  heures  du  soir, 
prescrivit  à  ce  général  d<'  porter  beaucoup  d'attention  à  Villiers-le-Brûlé  et  de 
procurer  au  général  Milhaud  le  moyen  de  se  maintenir  sur  sa  position.  {Ar- 
chives de  la  guerre.) 

'  Pire  au  général  de  Grouchy,  et  duc  de  Trévise  au  général  de  France.  [Ar- 
okives  de  la  yucrre.) 


—  533  ^ 

nian'»ohaux,  dos  oftidors  d'iiifaulerie  et  de  cavalerû»,  seront  em- 
ployés à  porter  les  érlopp(^s  au  fur  et  ii  mesure  (pron  les  trouvera 
sur  la  roule. 

«  L'Empereur  le  recommande  îi  Thonneur  et  à  l'intén^t  que 
chaque  officier  doit  mettre  i\  sauver  un  camarade  '.  » 

Conseil  de  guerre  de  Brienne.  —  Résolutions  des  Alliés. 

—  Les  AUit^s  avaient  clé  moins  prompts  à  prendre  des  résolu- 
lions.  On  avait  commencé  par  perdre  toute  la  matinée  et,  avant 
de  rien  décider,  on  crut  nécessaire  d'examiner  et  de  discuter  eu 
conseil  de  guerre  une  situation  cependanl  bien  simph»  et  bien 
claire. 

Un  peu  après  9  heures  du  matin,  l'empereur  de  Russie  et  le 
roi  de  Prusse,  arrivés  au  chîlleau  de  Brienne,  y  convoquèrent 
SciiNvarzenberg.  Bliicher,  Barclay  de  Tolly  et  hnirs  chefs  d'étal- 
major  il  une  confénMice,  dans  laquelle  on  devait  déterminer  la 
marche  ultérieure  des  opérations. 

Dans  toute  autre  armée,  où  le  commandement  supérieur  aurait 
été  effectivement  confié  ii  un  seul  chef,  on  n'eiU  mém«»  pas  songé 
îi  réunir  un  conseil  d(î  guerre  après  La  Rothière.  La  voie  h  suivre 
était  toute  tracée  :  il  ne  restait  qxih  achever  ranéantissement  de 
Tennemi  vaincu,  qu'à  écraser  sous  une  pression  immédiate  et 
éiuTgique  les  débris  de  son  armée,  qu'h  changer  sa  retraite  en 
déroute.  Il  suffisait  pour  cela  de  continuer  à  concentrer  les  efforts 
des  deux  armées  et  de  mettre  une  bonne  fois  fin  aux  rivalités 
personnelles  en  investissant  effectivement  du  commandement  supé- 
rieur ou  Schwarzenberg  ou  Blucher;  mais  c'était  précisément  sur 
ce  point  (pie  l'on  se  heurtait  îi  des  obstacles  insurmontables.  On 
a  prétendu  ((ue  la  difficulté  de  faire  marcher  et  vivre  une  armée 
de  100,000  hommes  avait  été  la  cause  déterminante  de  la  sépara- 
tion des  deux  armées,  et  que  d'ailleurs,  en  présence  de  la  défaite 
infligée  la  veille  h  l'Kmpereur,  chacune  des  deux  armées  était  à 
elle  seule  assez  forte  pour  briser  les  dernières  résistances  qu'on 
pourrait  chercher  à  opposer  à  leurs  progrès  et  h  leur  marche 
triomphale. 

On  commettrait  une  grave  erreur  en  voulant  attribuer  à  des 


*   K.  K.  Kriegx  Arehir.,  II.  177. 


—  534  - 

considérations  d'ordre  purement  militaire  les  motifs  déterminants 
d'une  séparation  des  armées  que  rendaient  nécessaires  les  ten- 
dances essentiellement  différentes  des  souverains  et  de  leurs  con- 
seillers, les  divergences  d'opinion,  les  jalousies  et  le  caractère 
absolument  opposé  des  deux  principaux  généraux. 

Dans  le  conseil  de  guerre  on  ne  fit  que  régler  dans  ses  détails 
une  mesure  déjîi  préparée  par  les  instructions  du  31  janvier,  et 
on  y  décida  de  marcher  sur  Paris  par  Troyes  et  la  vallée  de  la 
Seine  avec  l'armée  de  Bohême,  pendant  que  Blùcher,  se  portant 
sur  Chûlons,  y  rallierait  les  corps  d'York,  de  Kleist  et  de  Kapse- 
witch,  et  se  dirigerait  vers  la  capitale  par  la  rive  gauche  de  la 
Marne.  Le  VI«  corps  (Wittgenstein)  devait,  dans  ce  projet,  ser\^ir 
li  établir  la  liaison  entre  les  deux  armées  avec  l'aide  du  corps 
volant  du  prince  Stscherbatoff,  passé  désormais  sous  les  ordres 
du  général  Seslavin,  que  l'on  ne  tarda  pas,  d'ailleurs,  à  envoyer 
sur  l'extrême  aile  gauche  de  larmée  de  Bohême. 

A  la  suite  de  ce  conseil,  Blûcher  reçut  l'ordre  de  se  porter, 
avec  les  corps  de  son  armée  qui  avaient  donné  h  La  Rothière, 
par  Braux-le-Comtc  sur  Vitry.  Colloredo  devait  aller  de  Dienville 
sur  Troyes  par  Piney  ;  les  III«  et  IV«  corps  avaient  pour  mission 
de  suivre,  à  partir  de  Lesmont,  la  marche  en  retraite  du  gros  de 
l'armée  française.  Wrède  devait  se  diriger  de  Lesmont  par  Pougy 
sur  Arcis-sur-Aube  et  Wittgenstein  marcher  de  Montier-en-Der 
dans  la  même  direction  *. 

La  bataille  de  La  Rothière  aurait  cependant  dû  convaincre  les 
souverains  alliés  que,  comme  à  Lei])zig,  l'Empereur  ne  pouvait 
tenir  contre  leurs  forces  réunies. 

On  perdit  à  Lesmont,  c'est  le  général  von  Bismarck  lui-même 
qui  se  charge  de  nous  le  dire,  l'ennemi  de  vue  pendant  plusieurs 
jours,  circonstance  d'autant  plus  remarquable  quand  on  songe  à 
la  nombreuse  cavalerie  des  Alliés,  à  la  multiplicité  des  corps 
d'éclaireurs  et  de  partisans  qui  battaient  l'estrade  de  tous  côtés. 

On  n'aurait  pu  atténuer  les  gravcîs  inconvénients  de  disposi- 
tions déjà  fort  défectueuses  en  elles-mêmes,  qu'en  redoublant 
d'activité  et  d'énergie,  qu'en  imprimant  à  la  poursuite  une  vi- 
gueur d'autant  plus  grande  qu'il  s'agissait  de  regagner  le  tem|)s 


'  Stârke,  Eintheilang  undTagesbegebenhoiten  der  tfaupl-Armee  im  Monate 
Februar.  (K.  K,  Kriegs  Archiv.y  II,  i.) 


~  535  - 

])rt»ci«Hi\  quo  dt;  siiiiçulirri's  indécisions  aviii(»nl  l'ail  pordre.  Mais 
au  lieu  do  poursuivre  vivenieul  l'arnic^îo  franraiso,  les  Alliés,  en 
se  laissant  arrêter  à  Kosnay  et  à  Lesniont,  permirent  à  l'Empe- 
reur de  prendre  sur  eux  une  avance  d'une  journée  de  marche  et 
perdin»nt  si  complMemenl  le  contact  que,  le  2  au  soir,  on  se  de- 
mandait encore  au  grand  quartier  général  des  Alliés  s'il  convenait 
d'ajouter  foi  au  rensc^ignement  fourni  par  Seslavin  et  d'après 
l(;quel  l'armée  française  se  repliait  sur  Vilry  S  ou  s'il  fallait  lui 
préférer  le  rapport  d'Ocharoffsky  *  qui  signalait,  au  contraire,  sa 
retraite  sur  Troves. 

Le  :2  au  soir,  les  souverains  retournèrent  avec  S<'Iiwarzenberg 
et  le  quartier  général  h  Bar-sur-Aube.  Les  III«,  1V«  et  V*  corps, 
s'arrètant  entre  Brienne  et  Lesmont,  y  attendirent  la  réfection  du 
pont.  Colloredo  }>assa  la  nuit  à  Vendeuvre,  et  les  réserves  et 
gard<^s  russes  s'échelonnèrent  de  Brévonne  à  Vend(^uvre,  Vau- 
chonvilliers  et  Dolancourt. 

«  En  somme,  comme  le  dit  le  prince  de  Taxis'  dans  son  Ta^fe- 
huch,  la  journée  n'avait  pas  été  bonne  pour  les  Alliés.  De  plus  on 
avait  commis  la  faute  de  masser  et  d'innnobiliser  tant  de  monde 
sur  un  espace  si  resserré  et  dans  une  contrée  déjà  si  épuisée  que 
l'on  manqua  de  vivn^s  dès  le  3  février.  Les  troupes  soutfrircnt, 
en  outr(î,  énormément  du  froid  et  de  la  neige.  » 

Les  hésitations  des  généraux  et  des  souverains  et  la  séparation 
des  deux  armées  fournirent  à  l'Empereur  les  moyens  de  se  tirer 
sans  encombre  d'une  situation  que  la  moindre  énergie  de  la  part 
des  Alliés  pouvait  rendre  désespérée. 

En  méditant  les  événements  du  2  février,  on  en  vient  à  penser 
que  Clausewitz  a  dû  s(»  rappeler  les  tiraillements  et  les  indéci- 
sions de  cette  journée  lorsqu'il  écrivit  les  phrases  suivantes  : 

«  Les  données  sur  la  situation  et  les  mouvements  de  Tennemi 
ne  sont  jamais  suffisantes  pour  motiver  (entièrement  les  projets 
du  chef.  Mille  doutes  viennent  l'assaillir  au  moment  de  l'exécu- 
tion de  son  plan.  11  pense  aux  dangers  qu'il  va  courir,  si  ses  sup- 
positions sont  mal  fondées.  Il  ressent  cette  appréhension  qui 
s'empare  de  l'homme  au  moment  d'accomplir  des  actes  impor- 


*  Rapport  de  Seslavin  à  Barclay  de  Tolly. 

'  Rapport  du  général  comte  Ocharoffsky. 

>  Journal  de  Taxis  (manuscrit).  (K.  K,  Krieas  Ârchir.,  XIII.  32.) 


~  536  — 

lants.  De  \k  h  Tindécision  qui  mène  aux  demi-mesures,  il  n'y  a 
qu'un  pas  ^  » 

Or,  c'est  précisément  ce  pas  que  les  souverains  et  les  généraux 
alliés  crurent  sage  de  faire  à  ce  moment.  Ce  fut  cette  séparation 
des  deux  armées  dont  le  génie  de  l'Empereur  allait  profiter  pour 
entreprendre  contre  Bliicher  les  admirables  opérations  que  nous 
étudierons  plus  loin,  ces  demi-mesures  destinées  à  donner  un 
semblant  de  satisfaction  h  Tamour-propre,  aux  exigences  et  aux 
ambitions  de  quelques-uns  des  généraux  alliés  et  devinées  par 
Napoléon,  qui  furent  un  moment  bien  près  d'assurer  le  salut  de 
la  France. 

Comme  le  dit  le  général  von  GroUmann,  alors  colonel  et  chef 
d'état-major  du  corps  de  Kleist  (II«  corps  prussien),  les  fautes 
des  Alliés  éloignèrent  la  solution  de  la  crise;  mais  l'histoire  mili" 
taire  y  gagna  une  de  ses  plus  belles  pages,  un  exemple  qui  montre 
à  la  postérité  ce  que  peuvent  le  génie,  la  force  de  caractère,  la 
hardiesse  et  la  persévérance  d'un  grand  capitaine. 


*  Avant  Clansewitz,  de  Retz  avait  formulé  la  même  pensés  :  «  Rien,  écri- 
vait-il. ne  marque  tant  de  jugement  solide  d'un  homme  que  de  savoir  choisir 
entre  les  grands  inconvénients.  » 


ERRATA    ET  ADDENDA 


Page  37,  13*  ligne»  à  partir  du  bas  de  la  page,  au  lieu  de  :  Hagueneau,  lire: 

HAffUENAU. 

Page  41,  10*  ligue,  au  lieu  de  :  autrement  être,  lire:  être  autrement. 
Page  41,  note  1,  ?•  ligne,  au  lieu  de:  et  avant,  lire:  ex  avant. 

Page  62,  dernière  ligne  à  partir  du  bas  de  la  page  et  dernière  ligne  de  la  note, 

au  lieu  de  :  *,  mettre  :  *. 
Page  67,  5®  ligne,  au  lieu  de  :  renseignements  que  lui  signalaient,  lire  :  qui  lui 

sionalaient. 

Page  74,  6®  ligne,  à  partir  du  bas  de  la  page,  au  lieu  de  :  Fraize,  lire  : 
Presse. 

Page  153,  3®  ligne,  au  lieu  de  :  30  janvier,  lire  :  20  janvier. 

Page  153,  1'^  ligne,  à  partir  du  bas  de  la  page,  au  lieu  de  :  la  Moselle,  lire: 
la  Meuse. 

Page  163,  note,  l''*'  ligne,  au  lieu  de:  Balmont,  lire  :  Blamont. 

Page  109,  note  1  :  La  lettre  du  prince  royal  de  Wurtemberg  au  général  Toll 
a  été  écrite  par  le  colonel  comte  Baillet  de  la  Tour,  cbef  d'état-major 
du  IV®  corps.  Elle  a  été  adressée  non  pas  au  général-lieutenant  comte 
Toll,  mais  à  Radetzky,  chef  d'état-major  général  de  la  Grande  Armée. 

Page  180,  18®  ligne,  au  lieu  de  :  II*  corps,  lire  :  1*'  corps. 

Page  210,  13*  ligne,  au  lieu  de  :  Habourdange,  lire:  Haboudange. 

Page  210,  10*  ligne,  à  partir  du  bas  de  la  page,  au  lieu  de  :   renfereè,  lire: 

RENFORCÉ. 

Page  219,  8*  ligne,  au  lieu  de  :  i 8  janvier,  lire:  i5  janvier. 

Page  229.  19*  ligne,  au  lieu  de  :  Pont-à- Mousson,  lire  :  Poxt-a-Mousson. 

Page  306,  note  1,  3*  ligne,  au  lieu  de:  IleUrig,  lire:  Hellwig. 

Page  322,   note  2,  au  lion  de:   feldzeugmeister,  lire:   PBLD-MARi^CHAL-LiBn- 

TENANT. 

Page  323,  11*  ligne,  au  lieu  de  :  ',  mettre  :  >. 

Page  323,  note,  au  lieu  de  :  *,  mettre:  *. 

Page  32i,  2*  ligne, à  partir  du  bas  de  la  page,  au  lieu  de  :  lieu,  lire:  lieue. 

Page  330,  2*  ligne,  mettre  devant  les  mots  •  sans  plus  insister,  le  point  ,  placé 
après  les  mots  Pont-d^Ain,  qu'il  faut  faire  suivre  par  une  virgule. 

Page  401,  2*  et  3*  lignes,  à  partir  du  bas  de  la  page,  au  lieu  de  :  faire  partir 
pour  soutenir  Stscherhatoff  les  uhlans  de  Tclwugoiiieff,  mettre  :  faire  partir 
LES  UIILANS  DE  TciiouGouïEFF  pour  soutniir  Stscherhatoff. 

Page  437.  i'*  ligne,  au  lieu  de  Napoléon^,  lire*  Napoléon^. 


—  538  - 

Page  438,  13*  ligne,  à  partir  da  bas  de  la  page,  an  lien  de  :  Vaueouleur,  lire  : 
Vaucouledhs. 

Page  440,  notes.  11®  ligne,  à  partir  du  bas  de  la  page,  avant  les  mots  :  Victor 
à  Grouchy,  an  lieu  de  :  *,  lire  :  «. 

Page  453,  i^^  ligne,  après  le  mot  :  matin,  au  lieu  de  :  ^,  lire  :  *. 

Page  451,  notes  1  et  2,  on  a  oublié  d'indiquer  que  ces  deux  notes  sont  tirées 
des  Archives  de  la  guerre. 

Page  497,  8®  ligne,  au  lieu  de  :  eontrs,  lire  :  Contre. 

Page  499,  H^  ligne,  à  partir  du  bas  de  la  page,  supprimer  les  virgules  ,  après 
les  mots  placé ,  et  opération , . 

Page  522,  dernière  ligne,  au  lieu  de  :   battait  la  campagne,  lire  :   Tenait  la 
campagne. 


TABLE   DES   MATIÈRES 


Préface ^ 

Avant-Propos ^t 

CHAPITRE  PREMIER. 

SITUATION  GÉNÉRALE  EN  NOVEMBRE  ET  DÉCEMBRE  1813 1 

Divergence  d'opinion  des  généraux  alliés 1 

Les  alliés  se  décident  à  suspendre  les  opérations 3 

Proclamation  du  1®'  décembre f> 

Situation  de  l'armée  française 6 

Opinion  de  Clausewitz  sur  le  plan  des  alliés ^ 

Plan  d'opérations  du  prince  de  Schwarzenberg 7 

Premiers  mouvements  de  l'armée  de  Bohème H 

Composition  de  cette  armée ^ 

Composition  de  l'armée  de  Silésie ^ 

Composition  de  l'armée  du  Nord 10 

Effectifs  de  l'armée  française  au  l*""  janvier  1814 10 

20-21  DÉCEMBRE  1813.  Violatiou  de  la  neutralité  de  la  Suisse H 

CHAPITRE  U. 

OPÉRATIONS    DE    l'aRMÉE  DE  BOHÊME    DEPUIS    LE    PASSAGE    DU    RHIN    A    BALE 

jusqu'à  la  première  réunion  avec  l'armée  de  SILÉSIE  (26  janvier 

1814) 14 

20  DÉCEMBRE  1813.  Ordres  de  mouvement 14 

Considérations  sur  cet  ordre  de  mouvement 45 

22  DÉCEMBRE  I8i3.  Premiers  mouvements  de  Wrèdc 15 

Positions  de  l'armée  de  Bohème  le  22  décembre  au  soir 16 

23  DÉCEMBRE  1813.  Alouvemeuts 17 

Mouvements  de  la  cavalerie  de  Wrède 17 

24  DÉCEMBRE  1813.  Affaire  de  Sainte-Croix 18 

Prise  du  château  de  Landskron  et  position  des  colonnes  autrichiennes 

le  24  au  soir 19 

Const^quences  du  combat  de  Sainte-Croix 20 

2o  DÉCEMBRE  1813.  Lettre  de  Schwarzenberg  à  Bliicher 20 

Prise  de  Blamont 2! 

Positions .  .  21 

26  DÉCEMBRE  1813.  Positious  et  opérations. 22 

27  DÉCEMBRE  1813.  Marches  et  opérations 23 

28  DÉCEMBRE  1813.  Mouvements 24 

Mouvements  de  Bubna  vers  Genève  pendant  les  journées  du  28  au 

30  décembre 25 

30  DÉCEMBRE  1813.  Occupation  de  Genève 26 


—  540  — 

P«|Vf. 

Formation  de  corps  de  partisans V 

99  DÉCEMBRE  1813.  Premiers  mouvements  des  corps  de  partisans S8 

Mouvements  des  colonnes Î9 

30  DÉCEMBRE  1813.  Bombardement  de  Belfort  et  de  Honingoe i9 

Positions 30 

31  DÉCEMBRE  1813.  Mouvemonts  et  affaire  de  Baume-ies- Dames 30 

Reconnaissance  et  combat  de  cavalerie  de  Sainte-Croix 31 

Premiers  mouvements  de  Platoff 33 

1®'  JANVIER  1814.  Wittgenstein  se  prépare  à  passer  le  Hbin 33 

Mouvements  des  partisans  Scheibler  et  Stscherbatoff 33 

Mouvements  du  corps  volant  de  Thum; 34 

Mouvements  des  colonnes 34 

2  JANVIER  1 814.  Mouvements  des  alliés  en  Alsace 35 

Concentration  des  1  V«  et  V*  corps  sur  Colmar 36 

3  JANVIER  18 1 4.  La  cavalerie  de  Pahlen  passe  sur  la  rive  gauche  du 
Rhin,  se  dirigeant  sur  Haguenau 37 

Marche  de  Wréde  sur  Colmar *l9 

Marche  de  Stscherbatoff  sur  Remiremont 4i 

Mouvement  de  la  cavalerie  de  Thurn  sur  Vesoul 4i 

Considérations  sur  les  positions  des  alliés.  Conséquences  de  l'entrée 

du  V*  corps  à  Colmar 4i 

4  JANVIER  1814.  Mouvements  de  la  cavalerie  du  Vl*  corps 47 

Perte  du  contact 48 

Mouvements  du  corps  volant  de  Thurn  en  avant  de  Vesoul 49 

Mouvements  des  autres  corps  et  ordres  de  Schwarzenberg 50 

Nouvelles  de  Bliicher ....  5i 

5  JANVIER  1814.   Mouvements  du  VI*  corps 52 

Mesures  prises  par  le  prince  royal  de  Wurtemberg  pour  le  passage 

des  Vosges 53 

Stscherbatoff  rentre  à  Remiremont 53 

(Combat  d'Arches 55 

Mouvements  de  Platoff  et  de  Thurn 56 

Position  de  Victor 56 

Ordres  de  l'empereur  à  Mortier 57 

Ordre  à  Victor,  intercepté  par  les  Cosaques 57 

6  JANVIER  1814.  Renseignements  fournis  par  la  cavalerie  du  VI*"  corps.  59 

Mouvements  du  V®  corps 60 

Mouvement  du  IV**  corps  vers  les  Vosges 60 

Le  11 1«  corps  reçoit  Tordre  de  se  port<T  sur  Vesoul 61 

Surprise  de  Porl-sur-Saône  par  le  corps  volant  de  Thum 62 

Mouvement  des  I"'  et  II*  corps 63 

Arrivée  à  Lunéville  de  Caulaincourt,  chargé  de  reprendre  les  négo- 
ciations    63 

7  JANviKR  1814.  La  cavalerie  du  VI*  corps  à  Saverne 64 

Positions  du  V°  rorps.  Affaire  de  Saint-Dié tti 

Mouvements  du  Vl"  corps  et  de  Platoff 65 

.Mouvements  des  antres  corps 66 

Schwarzenberg,  ajoutant  foi  à  des  renseignements  erronés,  modifie 

ses  ordres 66 

8  JANVIER  1814.  Mouvements  de  Victor 69 

Prise  par  les  Ck>saques  d'un  courrier  envoyé  de  Strasbourg  à  Victor.  70 

Transmission  défectueuse  des  renseignements  et  nouvelles 72 

Positions  et  mouvements  des  IV*,  V  et  VP  corps 73 


—  541  — 

Mouvements   du    corps  volant  do  Tliurii    el  de    la  cavalerie  du 

111'*  corps 75 

*,)  JANVIER  i8i4.   Pahlen  devant  Phalsbourg 77 

V®  corps.  Ordre  de  mouvement  sur  Remiremont 78 

Seslavin  à  Bruyères.  Renseignements.  Lettre  de  Victor  interceptée 

par  les  Cosaques 78 

Affaires  de  Rarabervillers  et  d'Epinal 80 

Platoff  à   Pouxeux.   Ses  rapports  avec  le  prince  royal  de  Wur- 
temberg   81 

Inaction  du  1V«  corps  le  10  janvier 83 

Echec  du  corps  volant  de  Thurn  à  Langres  le  9  janvier K5 

Affaire  contre  les  paysans  armés  de  Ghaudenay. .    86 

Les  populations  commencent  à  s'armer 87 

Positions  des  autres  corps  de  la  Grande  Armée  pendant  la  journée 

du  9 89 

iO  JANVIER  1814.  La  droite  du  VI"  corps  se  relie  du  côté  de  Phalsbourg 

avec  un  parti  de  l'armée  de  Silésie 90 

Mouvements  du  V"  corps  et  de  Victor  vers  Saint-Dié.  Combat  de 

Saint-Dié 91 

Marche  du  IV*  corps  sur  Epinal 94 

Renseignements  fournis  par  StS(^herb<itoff 94 

Mouvements  du  corps  volant  de  Thurn .  95 

Dissolution  du  corps  volant  de  Scheibler.  Causes  de  ce  licencieuient.  98 

Positions  du  111®  corps 99 

Positions  des  !«'  et  11°  corps  et  des  réserves 99 

H  JANVIER  1814.  Positions  du  VI*  corps 100 

Marche  du  V*  corps 100 

Combat  d'Epinal   Conséquences  de  la  mollesse  de  Platoiï 100 

Correspondance  directe  des  généraux  en  sous-ordre  avec  le  généra- 
lissime    104 

Marche  du  111*  corps.  Gyulay  ignore  ce  qu'il  a  devant  lui 106 

Affaire  de  cavalerie  à  Gray 107 

Ordre  de  mouvement  des  l**".  111«  et  IV*  corps 108 

Réception  d'un  rapport  de  Bliicher 108 

H  JANVIER  1814.  Positions  des  VI*  et  V*  corps.  Immobilité  du  IV*  corps. 

Ordres  de  Schwarzenberg  relatifs  à  Platoff  et  à  Stscherbatoff 109 

Affaire  de  la  Griffonotte  et  de  Chaudenay 110 

Causes  du  mouvement  rétrograde  de  Victor 111 

13  JANVIER  1814.  Nouvelles  de  Bliicher.  Le  VI*  corps  reçoit  l'ordre  de 

se  porter  sur  Nancy 112 

Mouvements  du  V*  corps 112 

Affaires  devant  Langres.  Gyulay  se  concentre  à  Payl-Billot 113 

Le  corps  volant  de  Thurn  obligé  à  se  replier  sur  Grandchamp. ...  114 

14  JANVIER  1814.  Occupation  de  Lunéville  par  la  cavalerie  du  V*  corps.  115 

Marche  du  IV°  corps 1 15 

Immobilité  de  Platoff 115 

Gyulay  re<îonnaît  les  abords  de  Langres 116 

Retraite  du  corps  volant  de  Thurn  sur  Bussières.  Renseignements 

fournis  au  généralissime 117 

Positions  du  I®'  corps  et  des  réserves.  Marche  des  cuirassiers  de 

Duka 118 

Instructions  de  l'Empereur  à  ses  lieutenants 118 

Position  des  corps  français 119 


-  542  - 

Page». 

15  jA!«viKii  1814.  Cavalerie  do  VI*  corps  à  Sarreboorg ISi 

La  cavalerie  du  V*  corps  à  Bayon  se  relie  par  ses  partis  avec  les 

roareurs  de  iilùcber.  Evacoation  de  Nancy  par  les  Français. ...  lii 

l^ractéri'  des  relations  existant  entre  les  généraux  alliés iii 

\ja.  cavalerie  du  IV*  corps  ;•  lioarbonne  et  à  Jassey ii9 

Mouvements  du  corps  volant  de  Thnrn.  Position  du  !*'  corps  et  des 

réserves 129 

16  iA!«viRR  1814.  FlatoflT  à  Neufchâteau.  Stscberbatoff  sur  Toul.  Ren- 
seignements qu'il  transmet  au  généralissime 130 

Ordres  de  Grouchy  à  Milbaud 131 

Positions  des  V*.  IV*  et  lll*  corps 133 

Schwarzenberg  donne  l'ordre  d'attaquer  Langres 133 

17  JANVIER  4814.  &lortier  évacue   Langres  sans  que  les  alliés  remar- 
quent son  départ 134 

Kntrée  des  alliés  à  Langres 135 

Positions  des  IV"  et  V*  corps 136 

PlatoflT  à  Ncufcbâteau.  Stscberbatoff  à  Colombey-les-Bellea 137 

Positions  des  autres  corps  de  la  Grande  Armée 138 

Affaire  de  cavalerie  d'Occey 138 

Nouveaux  ordres  de  Schwarzenberg  pour  le  18 139 

Perte  du  contact  avec  .Mortier.  Considérations  sur  les  mouvements 

des  alliés  depuis  leur  départ  de  Bâle 140 

18  JANViKR  1814.  Ordres  et  mouvements  du  IV*  corps.  Affaire  de  cava- 
lerie de  la  Ville-aux-Bois.  Reconnaissance  de  Cbaumont i%i 

Affaire  des  cuirassiers  russes  à  Vesaignes 143 

Positions  des  lU*  et  V*  corps  et  de  Platoff 144 

Affaire  de  Stscberbatoff  à  Vaucouleurs 144 

Mouvements  des  Vl°,  111«  et  l*'  corps 14G 

Mortier  (évacue  Cbaumont  le  19  au  matin 146 

19  JANVIER  1814.  Le  IV"  corps  reste  à  Cbaumont  du  19  au  24  janvier.  147 

Positions  du  V"  corps 147 

Mouvements  de  Platoff.  Affaire  de  cavalerie  à  Vaucouleurs 148 

Positions  des  alliés  la^^ 149 

Lettre  de  Hliicber  à  Schwarzenberg 150 

Lettres  et  ordres  de  Napoléon  à  Victor 151 

"iO  JANviKU  1814.  Pahlen  à  Lunéville 153 

Ronseignonients  fournis  par  Wrède 153 

Positions  des  111*  et  1V°  corps L'>5 

Mortier  à  Har-sur-Aube 156 

(«omposition  nouvelle  des  troupes  sous  les  ordres  du  prince  héritier 

de  llesse-llombouri; 156 

il  JANviKR  1814.  Pubien  dirigé  sur  Joinville.  Mouvement  du  Vf*  corps.  157 

Onlres  de  Si'h\MU*2enberg  à  Wréde 158 

Lottiv  do  Rlùoher  a  NVnl^de 159 

Li   cavalerie  de   Platoff  et  de  Stscberbatoff  soutenue  par  Wassilt- 

obikoff  à  Vaucouleurs.  —  Passage  de  la  Meuse 159 

.Vffairo  de  l'avant-gai-de  du  IV*  corps  à  Juxennecourt 160 

Tburn  trouve  Otulaincourt  à  Cb;\tillon 160 

UMtiv  de  Si'bNxarzenberg  a  Blùcber 161 

Si. 23  JANVIKR   1814.   .Mouvement  de  Stscberbatoff  sur  Saint-Dizier .  ...  161 

Xîouvemont  du  corps  vohint  de  Tburn  sur  Neuville !6i 

Voyajre  de  Scb\Narrenl>erg  à  Dijon.  Arrivée  de  l'empereur  de  Russie 

a  Lan^Tcs 163 


—  843  — 

Positions  de  Mortier.  Affaires  de  Clairvaux  et  de  Tremilly 163 

24  JANVIER  1814.  Combat  de  Bar-sur-Aube 165 

Mortier  se  replie  sans  que  les  alliés  s'aperçoivent  de  sa  retraite.  .  .  167 

Fautes  et  mensonges  de  l'Iatoff 168 

Lettre  du  prince  royal  de  Wurtemberg  au  général  Toll 169 

Platoff  dirigé  sur  Sens  et  Fontainebleau 170 

Pahlen  à  Maxey.  —  Stscherbatoff  à  Eurville 171 

ïhurn  à  Bar-sur-Seine 172 

Mouvements  de  Colloredo.   Positions  du  prince  héritier  de  Hesse- 

Hombourg 173 

25  JANVIER  1814.  Pahlen  à  Donjcux.  Le  gros  du  VI®  corps  à  Nancy. .  173 

Positions  des  corps  alliés 173 

Renseignements  envoyés  par  Thurn 174 

Stscherbatoff  opère  à  Eurville  sa  jonction  avec  l'armée  de  Silésie. .  175 

CHAPITRE  in. 

OPÉRATIONS  DE  L* ARMÉE  DE  SILÉSIE  DEPUIS  LE  PASSAGE  DU  RHIN  JOSQU'a 
LA  PREMIÈRE  JONCTION  AVEC  LA  GRANDE  ARMÉE  DE  BOHÊME  (26  jan- 
vier  1814) 176 

Effectifs  et  positions  de  Tarmée  de  Silésie  en  décembre  1813 176 

Effectifs  disponibles  lors  du  passage  du  Rhin 178 

29  DÉCEMBRE  181 3.  Mesures  prises  par  Bliicher 178 

Lettre  de  Schwarzenberg  à  Bliicher 178 

Rôle  attribue  par  le  plan  de  campagne  à  l'armée  de  Silésie 179 

Instructions  confidentielles  de  Bliicher  à  ses  généraux 179 

Mouvements  préparatoires  des  différents  corps 180 

Ordres  de  l'Empereur  à  Marmont.  Monvements  de  Marmont 181 

1*'  JANVIER  1814.  Passage  du  Rhin  par  le  corps  Sacken 181 

Combat  de  cavalerie  de  Muttcrstadt 182 

Passage  du  Rhin  à  Caub  par  le  corps  York 183 

Renseignements  recueillis  par  les  Prussiens  sur  la  rive  gauche. ...  184 

Rupture  du  pont  de  la  Pfalz 184 

Passage  d'une  partie  du  corps  de  Saint-Priest.  Prise  de  Coblentz  . .  185 
Passage  du  corps  Langeron.  Opinion  de  Clausewitz  sur  le  passage 

du  Rhin 185 

2  JANVIER  1814.  Mouvements  des  corps  York  et  Langeron 166 

Marche  de  la  division  Ricard. 187 

Affaire  de  cavalerie  de  Rheinbôllen 187 

Envoi  du  corps  volant  de  Henckel  sur  Trêves 188 

Combat  de  Diirkheim  et  mouvement  de  Biron  sur  Aizey 188 

Combat  de  cavalerie  de  Mehlem  et  Ober-Winter 189 

Passage  du  corps  de  Saint-Priest  retardé  par  les  glaces 189 

3  JANVIER  1814.  Mouvement  de  la  cavalerie  prussienne  sur  Bingen .. .  189 

Combat  de  cavalerie  de  Simmern 1 90 

Mouvements  des  Cosaques 190 

Marche  de  Langeron  sur  Bingen 191 

AtTaire  de  cavalerie  de  Neustadt.   —  Embuscade  de  Warteck.  — 

Escai'mouche  de  Fiirfeld 191 

Positions  le  3  janvier  au  soir 191 

4  JANVIER  1814.  Ordres  de  Bliicher  relatifs  à  la  transmission  des  nou- 
velles. —  Mouvements  de  l'avant-garde  vers  la  Sarre 192 

Marche  d'Henckel  sur  Trêves 192 


—  544  — 

U  JANVIER  1814.  Mouvements   du  1"  corps   prussien.    —   Henckcl   à 

Trêves i93 

Marche     do    Sacken    sur   Kaiserslautern.    —    Langeron  devant 

Ma}  euce *  94 

Retraite  de  Marmont  sur  la  Sarre 104 

Nouveaux  ordres  de  bliiclier i94 

6  JANVIER  1814.  Mouvements  de  la  cavalerie  du  général  von  Jiirgass 

sur  Deux-Ponts i9*> 

Cosaques  de  Sacken  à  Deux-Ponts 197 

7  JANVIER  1814.  Positions  des  avant-postes  de  cavalerie.  —  Bombar- 
dement de  Sari*eloui8 198 

Henckel  détaché  vers  Namnr  et  Aix-la-Chapelle 198 

Escarmouche  de  Saint-Jean 198 

8  JANVIER  1814.  Ordres  de  Blûcher 199 

Affaire  de  Saint-Jean 199 

Mouvements  d'York  et  de  Sacken 199 

Ordres  de  Bliicher  pour  les  9,  10  et  il  janvier 200 

Négligence  de  Blucher 200 

9  JANVIER  1814.  Retraite  de  Marmont 201 

Cavalerie  russe  du  côté  de  Sarreguemines 201 

10  JANVIER  1814.  Evacuation  de  Sarrebruck 201 

Ordres  d'York 203 

Mouvements    de  cavalerie  sur  ThionviUe,    Sarrelouis ,    Forbach, 

Luveinboizrg  et  Saint-Avold 204 

11  JANVIER  1814.  Mouvements  après  l'achèvement  des  ponts  de  la  Sarre  205 

AtTaire  de  cavalerie  de  Pontigny 205 

Frise  de  Saint-Avold  par  la  cavalerie 208 

12  JANVIER  1814.  Mouvement  d'York  et  de  Sacken.  —  Affaire  de  cava- 
lerie rie  Noisseville 208 

Ilorn  devant  ThionviUe 209 

Position  de  la  cavalerie  de  Sacken 210 

Retraite  de  Marmont  sur  Metz.  État  de  son  corps 210 

13  JANVIER  1814.  Mouvements  de  la  cavalerie  de  Sacken    et  d'York 

vers  la  Moselle 211 

Cavalerie  du  prince  Guillaume  devant  Metz 212 

Prise  des  ponts  de  Frouard  par  la  cavalerie  russe 213 

Marche  de  Biron  sur  Nancy 2 1  i{ 

Mouvement  du  corps  de  Kleist 213 

14  JANVIER  1814.  Mouvement  sur  ThionviUe 214 

La  cavalerie  de  Lauskoï  occupe  Pont-à-Mousson 214 

Entrée  de  Biron  à  Nancy 215 

15  JANVIER  1814.  Premiers  ordres  de  Bliicher  pour  le  16 215 

Bliicher  prend  le  parti  de  se  porter  en  avant 216 

Ordres  à  York 217 

Mouvements  des  corps  de  l'armée  de  Silésie  le  15  janvier 219 

Retraite  de  Marmont  sur  Mai-s-la-Tour 219 

Considérations  sur  les  opérations  de  Blucher 220 

16  JANVIER  1814.  Mouvement  des  troupes  d'York  autour  de  Metz 222 

llenckel  envoie  des  partis  sur  Arlon 222 

Sacken  à  Nancy.  Les  maréchaux  continuent  leur  retraite 223 

17  JANVIER  1814.  Marche  de  Biron  sur  Toul.  Cavalerie  du  général  von 
Jiirgass  en  avant  de  Pont-à-Mousson 226 

Mouvements  de  Sacken,  d'une  partie  du  corps  de  Langeron  et  de 

la  cavalerie  de  Kleist 227 


—  548  — 

Pâit». 

Obnervatious  de  Kleist  eo  répoDso  aux  ordres  de  Bliichcr 2i7 

18  JANVIER  1814.  Marche  de  la  division  Lieweo  sur  Toul 2i8 

Rôle  de  la  cavalerie  française 338 

Mouvements  des  corps  Langeron  et  York 228 

Affaire  de  Saint-Mihiel SSO 

Affaire  de  cavalerie  à  HoUeiich 230 

Mouvement  et  pasitiuns  du  corps  de  Saint-Pricst.  Raid  du  corps 

volant  du  major  vou  Falkenhausen 230 

Positions  de  rarinéo  do  Silésie 230 

lï)  JANVIER  1814.  Ordres  de  TEmiuîreur 232 

Mouvements  du  corps  Sacken  vers  Toul,  des  Cosaques  vers  Vaucou- 

leurs,  d'Olsufieff  vei-s  Nancy 233 

Mouvements  autour  de  Metz 233 

Combat  de  cavalerie  de  Manheulles 234 

Tournc^e  d'York  devant  les  places 235 

Raid  de  Falkcnliausen   dans  le  département  de  Sambre^t-Meuse. 

—  Affaire  de  Neufcliâteau 235 

Rapport  de  Bliicher  à  Schwarzenberg 235 

20  JANVIER  1814.  Capitulation  de  Toul 236 

Renseignements  fournis  par  Sacken 236 

Positions  et  mouvements  du  20  janvier 237 

Marche  de  la  cavalerie  de  Jiirgass  vers  Verdun 238 

Affaire  de  la  cavalerie  de  Henokel  ù  Ettelbriick 238 

Raid  de  Falkenliausen  vers  Marche.    —    Renseignements  sur  la 

marche  de  Macdonald  et  de  Sébastian! 239 

21  JANVIER  1814.  Ordres  de  mouvement  de  Bliicher  vers  la  Marne. . .  240 

La  cavalerie  passe  la  Meuse  à  Vaucouleui-s 241 

Inconvénients  de  la  position  de  Victor  à  Ligny 242 

Marche  de  Biroii  sur  Void.  Mouvements  autour  de  Metz 244 

Affaires  devant  Luxembourg 244 

Mouvement  de  Falkenhausen  vers  Namur 245 

22  JANVIER  1814.  Rapport  de  Bliicher  à  Schwarzenberg.  Combat  de 
cavalerie  de  Saint-Aubin. 245 

Positions  du  pnnce  Guillaume  do  Prusse  sous  Metz 247 

Mouvements  de  Horn  vers  Thionville  et  de  Henckel  sur  Longwy. .  247 

23  JANVIER  181 4.  Combat  de  Ligny 248 

Mouvements  de  Sacken  et  d'Olsufieff.  Rapport  d'York  à  Bliicher  sur 

les  places 260 

Escarmouche  du  côté  de  Givet 251 

Rapport  de  Falkenhausen 251 

24  JANVIER  1814.  Mouvement  de  Stscherbatoff 252 

Renseignements  envoyés  par  Jiirgass.  —  Marche  de  Horn 252 

23  JANVIER  1814.  Remarques  sur  les  ordres  de  Bliicher  à  York 253 

Positions  et  état  du  corps  York 254 

Ordres  donnés  par  York.  Premiers  mouvements  de  son  corps 255 

Mouvements  du  corps  Kleist 257 

Les  maréchaux  continuent  leur  retraite 257 

Combat  de  Saint-Dizier 258 

Mouvements  de  la  cavalerie  de  Birou  et  de  Lanskoï 259 

Positions  des  Français  le  soir 260 

Ordres  de  Blucher 260 

Remarques  sur  les  opérations  do  Bliicher  depuis  l'ouverture  de  la 

campagne 261 

WeU.  35 


MMH 


^  Î546  - 

CHAPITRE  IV. 

MOUVEMENTS   DES   CORPS    DE    BCLOW   ET  DE   WINEINQERODE.   —  OPÉRATIONS 

MILITAIRES    DANS  LES  PAYS-BAS   JUSQO'aD  96  JANVIER 264 

Situation  vers  la  fin  de  déœmbro  1813 264 

Positions  et  effectifs  du  111  «  corps  prussien 264 

l^''  JANVIER  1814.  Concentration  du  III*  corps  i  firéda 266 

Positions  et  effectifs  du  corps  Winiingerode 266 

Renforts  destinés  à  remplacer  les  corps  de  Ulilow  et  de  Winzin> 

gerode 267 

Positions  et  effectifs  des  corps  français  sous  les  ordres  de  Macdo- 

nald 268 

Effectif  des  troupes  placées  en  Belgique  sous  les  ordres  do  Maison. .  270 
4  JANVIER  1814.  Positions  de  Sébastiani  entre  Cologne  et  Neuss.  —  Mac- 

donald  à  Venloo 272 

Marche  de  Winiingerode  sur  Dttsseldorf 273 

Tchemitcheff  demande  en  vain  à  passer  de  suite  le  Rhin 273 

6  JANVIER  1814.  Ordres  de  Bùlow  au  corps  volant  de  Colomb.  —  Mou- 
vements et  opérations  de  cet  officier  du  7  au  9  janvier 274 

7  JANVIER  1814.  Pointes  do  cavalerie  vers  Venloo  et  Turnhout 276 

10  JANVIER  1814.  Ordres  de  Bulow.  Il  se  dispose  à  attaquer  Maison. .  .  277 

11  JANVIER  1814.  Combat  de  Hoogstraeten 279 

La  cavalerie  arrive  trop  tard  pour  prendre  part  au  combat 281 

Affaire  de  Westmalle 282 

12  JANVIER  1814.  Ordres  de  l'Empereur 283 

13  JANVIER  1814.  Maison  s'établit  à  Lierre.  — Combats  de  Merxhem  et 

de  Wyneghem 285 

14  JANVIER  1814.  Bulow  retourne  à  Bréda 289 

18  JANVIER  1814.  Ordres  de  l'Empereur  à  Maison 290 

12  JANVIER  1814.  Positions  de  Macdonald  et  de  Sébastiani 291 

13  JANVIER  1814.  Tchernitcheff  passe  le  Rhin.  —  Affaire  d'Ober-Cassel.  293 

1 4  JANVIER  1814.  Tchernitcheff  à  Neuss 294 

15  JANVIER  1814.  Ilowaïsky  à  Cologne 294 

16  JANVIER  1814.  Tchernitcheff  à  Aix-la-Chapelle 294 

18  JANVIER  1814.  Macdonald  à  Liège 295 

19  JANVIER  1814.  Macdonald  quitte  la  Belgique  et  se  dirige  sur  Châlons.  296 

Position  des  Cosaques  de  Tchernitcheff 297 

23  JANVIER  1814.  Winzingerode  à  Aix-la-Chapelle 297 

16  JANVIER  1814.  Maison  à  Louvain 297 

23  JANVIER  1814.  Envoi  de  la  cavalerie  de  Castex  sur  Liège 299 

24  JANVIER.  Combat  de  cavalerie  de  Saint-Trond 301 

Les  Cosaques  à  Namur 304 

Lenteur  de  Winzingerode 305 

19-23  JANVIER  1814.  Entreprises  du  corps  volant  de  Colomb  du  côté  de 

Maëstricht 300 

26  JANVIER  1814.  Prise  de  Bois-lc-Duc 307 

CHAPITRE  V. 

OPÉRATIONS   DANS    LE    MIDI   DE    LA   FRANCE    DEPUIS   LA   PRISE   DE   GENÈVE 

jusqu'au   31    JANVIER    1814. 

Opinion  de  Clansewiti  sur  l'opération  contre  Genève 309 

Situation  militaire  dans  le  midi  de  la  France 310 


-  847  — 

Par*** 

Bubna  s'arrête  sans  raison  à  Genève 310 

2  JANVIER  1814.  Premiers  mouvements  de  Bubna 311 

4  JANVIER  1814.  Marche  sur  Lons-le-Saunier  et  Poligny 311 

Ordre  à  Bubna  de  marcher  sur  Lyon 31i 

5  JANVIER  1814.  Prise  du  pont  de  Dôle 312 

Mouvements  de  la  colonne  du  général  Zcchmeistcr 313 

Affaire  de  Châtilloii 313 

Napoléon  décrète  la  formation  de  Tarmée  de  Lyon 314 

6  JANVIER  1814.  Nouveaux  ordres  de  Schwarzenberg 315 

7  JANVIER  1814.  Renseignements  fournis  par  Bubna. — Marche  sur  Bourg.  315 

8  JANVIER  1814.  Bubna  à  Lons-le-Saunier 316 

9  JANVIER  1814 316 

10  JANVIER  1814.  Affaire  de  Saint-Etienne-du-Bois 316 

Raisons  qui  empêchent  Bubna  de  se  conformer  aux  ordres  du  géné- 
ralissime      317 

11  JANVIER  1814.  Retraite  du  général  Musnier  sur  Lyon.  —  Bubna  à 
Bourg 317 

12-13  JANVIER  1814.  Inaction  de  Bubna.  —  Prise  du  pont  de  Màcon.. .  318 
15  JANVIER  1814.  Augereau,  laissant  le  général  Musnier  à  Lyon,  se  rend 

à  Valence 318 

Mouvement  des  avant-postes  de  Bubna.  —  Immobilité  de  son  gros.  319 

Apparition  des  coureurs  de  Bubna  devant  Lyon 321 

17  JANVIER  1814.  Le  général  Musnier  se  replie  sur  la  rive  droite  de  la 
Saône 322 

Rapport  de  Bubna  sur  ses  opérations  devant  Lyon 322 

Marche  de  Wieland  vers  Màcon 325 

18  JANVIER  1814.  Ck)mbat  de  Rumilly 325 

19  JANVIER  1814.  Zechmeister  occupe  Aix-les-Bains 327 

20  JANVIER  1814.  Occupation  de  Chambéry  par  Zechmeister. . .    329 

21  JANVIER  1814.  Retraite  de  Bubna  sur  Pont-d*Ain 330 

Combat  de  Chapareillan  et  prise  du  pont  de  Montmélian 330 

22-23  JANVIER  1814.  Tentatives  des  Français  contre  le  pont  de  Mont- 
mélian   331 

24  JANVIER  1814.  Mouvement  rétrograde  de  Bubna 332 

Les  Français  reprennent  le  pont  de  Màcon 333 

Première  affaire  de  la  Grotte 334 

25  JANVIER  1814.  Position  du  général  Dessaix 334 

26  JANVIER  1814.  Affaire  des  Marches 335 

Rapport  de  Bubna  à  Schwarzenberg 335 

29  JANVIER  1814.  Affaire  d'Aiguebellette 336 

29  JANVIER  1814.  Affaire  de  la  Grotte  et  des  Échelles 336 

31  JANVIER  1814.  Positions  de  Zechmeister 338 

Inaction  de  Bubna  jusqu'au  4  février 338 

CHAPITRE  VI. 

BRIENNE  ET    LA    ROTHIÈRE  (26  JANVIER  ;    3  FÉVRIER    1814) 342 

25  JANVIER  1814.  Situation  générale  de  la  France  et  de  l'Empereur.. . .  342 
Motifs  de  fenvoi  de  Berthier  aux  avant-postes.  —  État  d'esprit  des 

maréchaux 343 

Conséquences  de  la  retraite  précipitée  des  maréchaux 344 

Observations  sur  le  choix  de  ChAlons  comme  point  de  concen- 
tration.    346 


—  548  — 

Pages. 

Erreur  de  l'Empereur  relative  à  Teffectif  des  armées  alliées 347 

Motifs  de  la  marche  de  TEmpereur  sur  Saint- Dizier 348 

Situation  au  quartier  général  des  alliés.  —  Arrivée  de  TEmpereur 

de  Russie 350 

Dissentiments  entre  Bliicher  et  Schwarzenberg 354 

Rôle  de  l'Empereur  de  Russie  pendant  les  conseils  de  guen*e 352 

Lettre  de  l'Empereur  d^Autriche  au  prince  de  Schwarzenberg 353 

Opinion  de  TEmpereur  sur  la  situation.  —  Lettre  à  Belliard 355 

Projets  de  Napoléon  aussitôt  après  son  arrivée  à  Gbâlons.  —  Ordres 

de  mouvement  sur  Saint-Dizier 358 

Bliicher  continue  de  marcher  vers  TAube.  —  Positions  de  raniiée 

de  Silésie 359 

Positions  de  l'armée  de  Bohème 361 

27  JANVIER  1814.  Combat  de  Saint-Dizier 365 

Position  des  Français  après  la  prise  de  Saint-Dizier 366 

Positions  et  ordres  d'York 367 

Affaire  de  Bar-le-Duc 368 

Positions  et  mouvements  de  Tarmée  de  Bohème 369 

Motifs  du  mouvement  de  l'empereur  Napoléon  sur  Brienne 371 

28  JANVIER  1844.  Mesures  prises  par  Bliicher 375 

Mouvement  de  Tarmée  française  sur  Montier-en-Der 379 

Prise  du  lieutenant-colonel   Bénard  par  les  Cosaques  de  Stsrher- 

baloff 380 

Mouvements  du  corps  d'York 387 

Occupation  de  Bar-le-Duc 389 

Positions  du  corps  Kleist 390 

Mouvements  des  V*  et  VI®  corps  de  l'armée  de  Bohème 390 

Mouvements  du  IV®  corps  sur  Bar-sur-Aube 391 

Le  prince  roj'al  de  Wurtemberg  informé  par  ses  avant-postes  de  la 

présence  de  Bliicher  à  Brienne.  Entrevue  avec  Bliicher 39 i 

Positions  du  IIP  corps 393 

Positions  de  Colloredo 394 

Platoff  à  Auxon 395 

Lettre  de  Schwarzenberg  à  Barclay  de  Tolly  relativement  à  Platoff.  395 
Surprise  causée  au  grand  quartier  général  à  la  nouvelle  de  l'arrivée 

de  Bliicher  à  Brienne 396 

Ordres  pour  le  29,   donnés  par  Schwarzenberg  le  28  janvier  à 

11  heures  du  soir 398 

Les  souverains  consentent  à  la  réunion  du  congrès  de  Chîltillon. 

Instructions  données  aux  plénipotentiaires 398 

29  JANVIER  1814.  Marche  de  l'armée  française  sur  Brienne 399 

Ordres  donnés  par  Bliicher 401 

Combat  de  Brienne.  La  cavalerie  française  engage  le  combat 401 

Entrée  en  ligne  de  l'infanterie  française 405 

Attaque  de  Brienne 405 

•  Charge  de  la  cavalerie  de  Pahlen 405 

Bliicher  sur  le  point  d'être  pris  au  château  de  Brienne 407 

Charge  infructueuse  de  la  cavalerie  de  Lefebvre-Desnoeltes 409 

Charge  de  la  cavalerie  russe 410 

Bliicher  fait  attaquer  de  nuit  la  ville  et  le  château  de  Brienne. ...  440 

Bliicher  ramène  son  infanterie  en  arrière  pendant  la  nuit 44 1 

Positions  de  Tarmée  de  Bohème.  Positions  des  V®  et  VI®  corps, ...  444 

Escarmouches  de  cavalerie  du  côté  de  Vassv  et  de  Dommartin 442 


—  S49  — 

Mouvements  du  IV*  corps  sur  Âilleville 413 

Positions  du  III®  corps,  des  gardes  et  réserves 414 

Corps  volant  de  Tliurn  à  Ghaource.  Colloredo  reçoit  1  urarc  de  s'ar- 
rêter    415 

Marche  du  corps  York  sur  Satnt-Dizier 416 

Particularités  du  combat  de  Brienne ...  419 

Mécontentement  de  Schwarzenberg 42i 

Conseil  de  guerre  de  Chaumont 423 

30  JANVIER  1814.  Ordres  pour  la  journée  du  30  janvier 424 

Ordres  de  l'Empereur  dés  qu'il  a  connaissance  de  la  retraite  de 

Bliicher 426 

Reconnaissance  de  cavalerie  en  avant  de  la  Rotbière 426 

Positions  de  l'armée  de  Silésie 426 

Positions  des  corps  français 427 

Marche  d*Vork  sur  Saint-Dizier.  AlTaire  de  Saint-Dizier 429 

Positions  d'York  le  30  au  soir 431 

Immobilité  du  VP  corps 431 

Tension  des  rapports  entre  les  généraux  alliéb 432 

Rapports  de  Wrède  et  de  Frimont  au  prince  de  Schwarzenberg. . . .  433 

Positions  des  IV*  et  Ill«  c^rps,  des  gardes  et  réserves 436 

Colloredo  reçoit  tardivement  Tordre  de  mouvement  de  Schwarzen- 

zenbcrg 435 

Platoff  à  Cerisiers.  Le  général  AUix  se  jette  dans  bens.  Affaire  de 

Sens 436 

Positions  des  alliés 436 

31  JANVIER  1814.  L'Empereur   reste  sur  ses  positions.  Mouvement  de 

Marmont  sur  Soulaines 438 

Lettre  de  Bliicher  à  Schwarzenberg  sur  sa  position 440 

La  cavalerie  de  Pahlcn  reçoit  l'ordre  de  quitter  Bliicher  pour 
pour  rejoindre  le  Vl«  corp?.  Marmont  évacue  Soulaines.  Consé- 
quences de  ce  mouvement 442 

Mouvement  de  la  cavalerie  d'ilowîiïsky.  Surprise  du  général  van 

Merlen  à  Saint-Dizier 443 

Positions  du  VI«  corps 446 

Wréde  prend  sur  lui  de  se  diriger  de  Nomécourl  sur  Soulaines. . . .  446 

Lettre  de  Wrède  à  Schwarzenberg 447 

Réponse  et  nouveaux  ordres  de  Schwarzenberg   449 

Mouvement  d'York  vers  Vitry 450 

Positions  des  III®  et  IV  corps  et  de  Barclay 454 

Thurn  donne  avis  du  départ  de  Mortier  de  Troyes  pour  Arcis.  Atta- 
ques infructueuses  de  Platoff  sur  Sens 454 

Disposition  générale  de  Schwarzenberg  pour  le  !•'  février 456 

Ordre  particulier  de  Barclay  aux  gardes  et  réserves 457 

icf  FÉVRIER  1814.  Ordres  de  Bliicher 458 

Résumé  des  positions  des  alliés.  Effectifs  des  armées  alliées  et  de 

l'armée  française 458 

Positions  des  Français.  Lettre  de  l'Empereur  à  Clarke 460 

Causes  de  l'inaction  de  l'Empereur  les  30  et  31  janvier 461 

L'Empereur  n'a  pas  voulu  livrer  la  bataille  de  la  Rothière 463 

Description  du  champ  de  bataille  de  la  Rothière 464 

Napoléon  se  rend  en  personne  à  la  Rothière.  Il  envoie  à  Ney  l'ordre 

de  battre  en  retraite 465 

Lo  maréchal  Victor  et  Grouchy  signalent  les  premiers  mouvements 


—  880  — 

PtfM. 

des  alliés.  Reconnaissance  faite  par  l'Empereur.  Positions  qa'il 

faut  occuper.  Ney  reçoit  Tordre  de  revenir  sur  ses  pas 466 

Les  alliés  commencent  leur  mouvement  à  midi 468 

Charges  de  la  cavalerie  française  contre  les  batteries  russes.  Pre- 
miers engagements  en  avant  de  la  Rothiëre.  La  cavalerie  fran* 

çaise  est  rejetée  en  arrière  de  la  Rothiére 460 

Considérations  sur  les  conséquences  de  ce  combat  de  cavalerie  ....  471 

Premiers  mouvements  de  Gyulay  sur  les  deux  rives  de  l'Aube. .  . .  472 

Le  IV  corps  se  porte  contre  la  Giberie 474 

Situation  des  trois  corps  de  Sacken,  Gyulay  et  prince  royal  de 

Wurtemberg 477 

Marche  du  V*  corps.  Premiers  engagements  à  l'extrême  droite  des 

aUiés 478 

Situation  générale  à  4  heures 482 

Attaque  et  prise  de  Chaumesnil 481 

Charge  de  la  cavalerie  bavaroise  contre  les  batteries  françaises.    . .  483 

Le  IV®  corps  enlève  la  Giberie 485 

Sacken  enlève  la  Rothiére 486 

Mesures  prises  par  l'Empereur.  Mouvement  de  la  cavalerie  fran- 
çaise    487 

Deuxième  attaque  du  III'*  corps  contre  Dienvillc 489 

Mesures  prises  par  l'Empereur  pour  couvrir  la  retraite 489 

La  cavalerie  wurtembergeoise  débouche  en  avant  de  la  Rothiére  et 

de  Chaumesnil 490 

Positions  de  Sacken,  des  IV",  Ve  et  111®  corps  à  10  heures  du  soir.  492 

Positions  de  l'armée  française 493 

Mouvement  du  1**^  corps  (Colloredo)  sur  Vendeuvre.  —  Affaire  de 

la  Vacherie.  —  Retraite  du  corps  volant  de  Thum 494 

Mouvement  de  Platoff  vers  Sens 497 

Mouvement  du  Vl«  corps  et  de  la  cavalerie  de  Pahlen  sur  Vitry. . .  498 

Mouvements  du  1*'  corps  prussien.  Opérations  sur  Vitry 499 

Considérations  sur  la  bataille  de  la  Rothiére 502 

Ordres  de  TEmpereur  pour  la  retraite 508 

FÉVRIER  1814.  Premiers  mouvements  des  alliés  à  8  heures  du  matin.  512 
Marche  du  111^  corps  surBrienne. — Mouvements  de  la  cavalerie  des 

IV«  et  V«  rx)rps 513 

Marclie  du  V°  corps  vers  la  Voire.  —  Combat  de  Rosnay 514 

Affaire  des  111*  et  IV®  corps  à  Lesmont 518 

Mouvements  du  1®'  corps 520 

Mouvements  des  gardes  et  réserves,  —  Affaire  de  cavalerie  de  Vil- 

liers-Ie-Brûlé 521 

Affaire  de   Thurn  avec  les  habitants  d'Ërvy.  —  Mouvements  de 

Platoff 523 

Mouvements  du  VI®  corps  sur  Vitry  et  Montier-en-Der 524 

Opérations  du  I*' corps  prussien.  —  Escarmouche  de  Saint-Amand.  5i5 

Mouvements  des  autres  corps  de  l'armée  de  Silésie 529 

Ordres  et  résolutions  de  l'Empereur 530 

Conseil  de  guerre  de  Brienne.  —  Résolutions  des  alliés 533 


Paris.  —  Imprimerie  L.  Baodoin,  2,  me  Chriftine. 


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JBIB;  l..!;--?    l'il'-innrt;  (i.-lr   p■.;.|Jllll,^Wall.  i'artk.  iHTi. 
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