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CAMPAGNE DE 1814
li'APHËS LES iMÏClIUtNTS
dto Anhirea impAriftlM vt roTilw da h gann à Vlraiw I
U CAVALERIE URS AHMUES ALLIEEiJ
le CommandAnt WEIL
eir»Vf pur M. le Utiniïrwl t^KWAL.
rOMIC PHEMiKII
d4t Rdff et P«Bsas« Danpbla*. 30
LA
CAMPAGNE DE 1814
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PARIS. — IMPRIMERIE L. BAUDOIN, S, RUE CHRISTINE.
LA
CAMPAGNE DE 1814
D'APRÈS LES DOCUMENTS
des Archives impériales et royales de la guerre à Vienne
LA CAVALERIE DES ARMEES ALLIEES
PENDANT LA CAMPAGNE DE 1814
PAR
le Commandant VTEIL
AVKC UNB
Pri^faoo par M. lo aénéral LiKWAILi
TOME PREMIER
« Toni le< prandR capitaine* n*ont fait dff
crraDde» cbo«e> qu'an *e conformaot aax rèfflei*
f*t AUX principe» natorelii de Tart lU nont
cw*é de faire convUmmeDi de la furaerre ana
véritable nclonce. C'est à ce titra teal qn'ilii
«ont nos frrandii modelai et ce n'eut qn'eo les
imitant qu'on doit espérer d'en approcher. »
NAPOLtort,
Commentaires, Correspondance, T. 3*i
PARIS
LIBRAIRIE MILITAIRE DE L. BAUDOIN
IMPRIMEUR -ÉDITEUR
30, Rue et Passage Dauphine, 30
1891
ToQS droiU réserTés.
/ - ■'. )
Mon cher Commandant,
Vous désirez que je présente votre ceuvre nouvelle à nos
camarades de r armée. N'est-ce pas superflu ?
UttlCj intéressante et patriotique^ sa propre valeur la
recommande suffisamment et mes éloges n'ajouteront rien
à son succès certain.
Par votre pratique des langues étrangères vous avez pu
recueillir dans les archives des autres pays des pièces encore
inédites et donner ainsi à votre livre un caractère d exac-
titude des plus précieux à un pareil sujet.
C'est la première fois que le drame si varié de l'explora-
tion est présenté d'une manière aussi complète^ aussi
réelle, aussi palpitante. Vous avez habilement réussi à
retracer le rôle de la cavalerie, à cette période finale du
premier Empire, oit les plus hautes combinaisons de la
guerre étaient en partie annulées par rinfluence prépon-
dérante du nombre. Aucune question n était plus essentielle
à remettre en lumière, à exposer dans toute sa vérité, et
l'on ne saurait trop vous remercier d'avoir accompli cette
tâche difficile.
Votre récit mouvementé est comme un reflet de Faction
même entre les adversaires.
Dans ce journal de marche en partie double, on assiste à
r agitation stérile de toute cette cavalerie alliée autour de
laquelle s'était créée une légende si fausse. Elle s'évanouit
à la clarté de la vérité. Vous nous la montrez à F œuvre.
— VI —
sans aucune entente des nécessités de la guerre^ avec ses
tergiversations y ses indécisions^ son manque d'audace^ ses
arrêts sans motifs, en proie à des inqtdétudes incessantes^
se laissant surprendre parfois, reiiseignant mal si ce n'est
pas du tout, alors que l'adversaire réduit à presque rieti
n offrait pour ainsi dire plus de contre-partie à faction des
envahisseurs de la France, Cette émouvante page d'histoire
parle haut.
En montrant toutes les erreurs commises dans le passé,
elle foi'me comme les propylées de la campagne de 1870-71
oîi la cavalerie allemande, dans des conditions analogues,
ne s^est guère moiitrée supérieure à la cavalerie des coalisés
un demi-siècle auparavant.
Ce rapprochement saute aux yeux; c'est ce qui donne
tant dUntérêt à votre livre et le rend si instructif En prou-
vant une fois de plus que r exploration rationnelle na encore
été réalisée ni dans le passé, ni dans le présent, il inspirera
sans doute à beaucoup de nos brilllants cavaliers le désir de
travailler à la réalisation cCune méthode meilleure.
On apprend plus par les fautes que par les succès.
En retraçant si bien les phases de V exploration défec-
tueuse à tous égards, vous conduirez, je l'espère, les efforts
vers r exploration plus parfaite de l'avenir, et vous aurez
ainsi rendu un incontestable service à f armée.
Général LEWAL.
Paris, 29 Juin 1891.
AVANT-PROPOS
Ce n'est pas sans une certaine appréhension que nous
livrons à la publicité le premier volume de ce livre qui nous
a coûté plus de dix ans de recherches et de travail et qui,
d'après le plan que nous nous étions primitivement tracé,
devait n'ôtre que la deuxième partie, la conclusion de notre
Étude stir la cavalerie des amiées alliées pendant la cam-
pagne de 1813.
Nous aurions voulu rester lîdèle à ce programme spécial
et restreint, nous borner à mettre en lumière les procédés
essentiellement différents employés par la cavalerie alliée
pendant ces deux campagnes et opposer à Tesprit d'initia-
tive, à la vigueur dont elle avait fait preuve tant qu'elle
avait opéré en pays ami, le rôle relativement effacé qu'elle
joua pendant la campagne de France, la prudence, poussée
souvent jusqu'à la timidité, qui, sauf dans quelques cas
particuliers, entrava l'initiative, dénatura le mode d'action
de cette arme à partir du jour où les armées de la coalition
pénétrèrent sur le territoire national.
Mais en 1814, si l'on en excepte les raids exécutés par les
corps volants de Geismar et de Meininger, dans le nord et le
centre de la France, quelques coups de main plus ou moins
hardis et pour la plupart d'importance secondaire tentés par
Stscherbatoff, Seslavin, Kaïssaroff, Tchernitcheff et Thurn,
la masse de la cavalerie de Schwarzenberg et de Blûcher
n'osa guère rien entreprendre qu'avec le concours et dans le
voisinage immédiat des armées de Bohême et de Silésie.
Il nous a donc fallu nous décider à étendre le cadre pri-
mordial de notre étude et à suivre pas à pas, jour par jour,
les mouvements des armées.
— VlU —
Nous avons d'ailleurs trouvé aux Archives impériales et
royales de la guerre à Vienne, des documents si nombreux
et si précieux que, tout en continuant à insister plus parti-
culièrement sur le rôle de la cavalerie, nous nous sommes
laissé entraîner plus loin que nous ne nous Tétions proposé.
C'est ainsi que, par la force même des choses, nous avons
été amené à essayer de rédiger, comme M. le général
Lewal a bien voulu le dire dans sa Préface, un journal de
marche en partie double, à faire ressortir les faiblesses, les
erreurs, les hésitations, l'organisation défectueuse du com-
mandement des armées alliées, en un mot à refaire sur des
bases nouvelles l'histoire complète de la campagne de France.
Si nous n'avons pas réussi dans cette tâche délicate et diffi-
cile, nous espérons toutefois qu'on nous tiendra compte de
nos efforts et qu'on trouvera au moins dans ce long travail
quelques renseignements intéressants, quelques leçons utiles
à méditer.
Nous n'ajouterons plus qu'un mot aux lignes qui précè-
dent. Il nous reste en effet à payer la dette de reconnaissance
que nous avons contractée envers les officiers autrichiens
dont la courtoisie et la bienveillance ont tellement facilite
nos recherches. Aussi, bien que plusieurs années se soion
écoulées depuis lors, nous n'avons pas oublié l'accue
gracieux et amical qui nous a été fait à Vienne, tant r
Ministère qu'aux Archives de la guerre et nous avons ten
en publiant ce premier volume, à adresser à S. E. le fo
zcugmeistre baron Beck, chef d'état-major général de Turr
austro-hongroise, à son adjoint, le feld-maréchal-lieutci
Galgotzy, ainsi qu'aux officiers que nous avons eu la bc
fortune de trouver au K. K. Kriegs Arcliiv^ le tomoigi
bien faible, bien tardif, mais bien sincère de notre pro^
et inaltérable gratitude.
LA CAMPAGNE DE 1814
(d'après les docoments des Archives impériales et royales de la guerre à Vienne)
LA CAVALEKIE DES ARMÉES ALLIÉES
PENDANT LA TAMPAGNE DE 1814.
S
CHAPITRK PREMIER.
SITIATIOX (ÎKNKHALK KN NOVKMIIRK KT DKCRMKnE 1818.
Divergence d'opinion des généraux alliés. — La victoire
de Haiiau avait rouvert aux fçlorioux vaincus de Leipzig la roule
de France que les Austro-Bavarois de Wr^de avaient vainement
tent<^ de leur barrer. L'Enij>ereur, inonientanénient rassuré sur
lo sort des di'brisde son armée qu'il allait charger de garder la
rive gauche du Rhin, quittait Mayence le 2 novembre et revenait
à Paris pour y organiser d(» nouvelles forces. Pendant c<» temps
les souverains alliés hésitaient, comme étonnés delà grandeur des
résultats obtenus, et, m» sachant h quel parti s'arrêter, perdaient,
dans des discussions stériles, dans des négociations condamnées
par leur nature même à rester infructueus(»s, ro<*casion de tirer
parti de leurs avantages et di» mettre, en quelques semaines, fin à
la guerre qui désolait l'Europe.
Quoi qu'on ait [>u alléguer depuis lors pour (essayer de justifier
l'inaction des Alliés, quelle que puisse être la véritable valeur des
considérations militaires ou des raisons politiques invoquées
pour les besoins de la cause, Blficher était évidemment dans le
vrai lorsqu'il faisait écrire, le 3 novembre 1813, par Mùffling, la
lettre suivante adressée au général Knesebeck : « On peut main-
tenant se rendre compte de la position de Napoléon. Si nous
WHI. 1
— 2 —
nous portons rapidenicnl sur la Hollande el si nous franchis-
sons le Rhin, la conquête d(» hi Hollande sera chose faite avant
deux mois et l'on signera une paix durable. Si nous restons au
contraire sur la rive droite," si nous nous laissons arrêter par
des n^^gociations, nous aurons îi faire en 1814 une rude et
sanglante campagne. Napoléon est actuellement dans la situation
la plus difficile et la plus critique dans laquelle il ait jamais
été, dans une situation qui ne saurait devenir pire. Je suis curieux
de voir connnent son génie lui permettra de s'en tirer. »
Mais connne ni Miiftling, ni Gneisenau, ni Pozzo di Borgo, ni
Bliicher ne devaient parvenir h se faire écouter, à ce moment du
moins, il nous a paru indispensable d(; faire précéder notre tra-
vail de l'exposé sonnnaire de la situation réciproque des deux
partis vers le milieu de novembre 1813, de chercher à y décou-
vrir les raisons diplomatiques ou autres qui ont décidé les Alliés à
violer le principe si juste posé par Clausewitz : « Le vainijucur
iloil toujours tendre à hàtcM* la solution, le vaincu h la retar-
der*. »
Les Alliés se décident à suspendre les opérations. — II
convient de recoiuiaîlre que les Alliés se trouvaient dans uik^
|)Osition toute spéciale. Favorable dans son ensemble, surtout au
point de vu(» militaire, elle présentait, en raison même des <-ondi-
lions et des tendances de la coalition, de son origine et de ses
aspirations, d'innombrables difficultés. Et ce sont ces difficultés
mêmes qui, se manifestant alors avec une recrudescence d'inten-
sité, ont dû puissamment contribuer îi faire prévaloir les idées de
l)rudence (îxagérée, de tem|)orisation intempestive, et à annihiler
les efforts tentés par les partisans d'une offensive aussi rationnelle
((ue peu dangereuse.
(l'est ce fait que le nmréchal Ney • constatait quelques mois
l)lus tard, lorsqu'on lui d(»manda après la signature de la paix
quelle eîlt été la conséqueiu'e d'une continuation inmiédiate de>
opérations : « Messieurs les Alliés auraient pu compter leurs jour-
« nées d'étapes jusqu'à Paris. » Mais à ce moment l'inlluenc'e na-
* Clause wiTZ, Critique itratéyique de fa campagne de France en 1811.
i Bern'uardi. Tofl, IV, p. 46.
turelie exercée |iar les inlénMs l'ssentielleineiil diftérents de chacune
des puissances ailiées avail repris le dessus: les menées diplo-
matiques remportaient sur les considérations militaires; la voix
de Metternich et df Knesei)erk ini|)Osait sileuïu» aux prièn^s et aux
réclamations di» BliielitT et de Gneisenau.
Il ne pouvait, d'ailleurs, en être autrement à un moment où le
parti de la guerre à outrance n'avait guère pour représentants
militaires, sérieux et convaincus, que le connnandani et le chef
ilétat-major général d»' l'armée de Silésie. L'enq^ereur Alexandre,
lui-même, tout en étant l'Ame dr la coalition et bien qu'il n'eût
pas abandonné un instant l'idée de répondre à Toeeupation de
Moscou [»ar une entrée trionq)hale à Paris *. avait dû céder mo-
mentanément à la pression générale. Il avait, d'ailleurs, pu remar-
quer un an plus tôt. lors du passage du Niémen et d(* la Vistuh'.
à leur entrée en Prusse, quv ses généraux trouvaient Ihoinieur de
la Russie suftisanum»nt vengé par l'anéantissement de la Grande
Armée et la délivrance du t(»rritoirc national. Qminl au roi de
Prusse, iîitluencé par l(»s conseils pacitiques de Knesebeck, il
n'avait pas cessé et ne devait jamais cesser d'être un instrument
docile entre les mains d'Alexandre. L'Angleterre, fatiguée de la
guerre qu'tîlh; soutenait dcqiuis si longtenq»s, épuisée par les sub-
sides considérables qu'elle élail obligée de fournir à la coalition,
aurait d'autant plus volontiers souscrit à la paix qu'elle avait, en
grande partie, atteini so!i but et réalisé son i^rogrannue. L'Au-
I riche, certaine désormais d(* voir ses anciennes provinces alle-
mandes et ses jX)ssessions italiennes lui faire retour dès que les
hostilités cesseraient, ne se souciait guère de continuer une
guerre dont elle savait ne pouvoir tirer aucun profit nouveau.
Kntin, Bernadotte, poursuivant la réalisation de ses rêves ambi-
tieux, se bereant du vain espoir de renq)lacer Napoléon sur le
Imne de France, se prononçait vivement contre le plan proposé
par Blùchcr qui voulait, après avoir passé le Rhin à Mùhlheini.
le 15 novembre. |)endant que l'armée du Nord aurait pénétré eu
Hollande, se i>orter avec son armée sur Bruxelles et continuer de
là sa marche sur Paris. L'armée de Bohème devait naturellement,
dans ce projet. acc(înlu(»r sou mouvement en avant et pas.ser. elle
1 Caulaincourt devait écrire, le :)0 janvier à Naiwléon. de ChâtiUon : « Le
ozar veut faire voir ses garde.-; aux Parisiens pour veuger IMoscdu. h
— 4 —
aussi, sur la rive gauche du Rhin. Il est bien certain que les
débris de l'armée française, échelonnés depuis Huningue jusqu'à
la mer du Nord, n'auraient pu arrêter sérieusement les alliés;
l'Empereur le reconnaissait lui-même, puisqu'il écrivait le 19 no-
vembre à Marmont : « Nous ne sommes dans ce« moment-ci en
mesure pour rien. »
Quoi qu'il en soit, l'habileté de Metternich, qui avait trouvé
moyen de se mettre en relations avec Saint-Aignan, les insinua-
tions perfides et intéressées de Bernadotte, qui ne contribuèrent
pas peu à faire accepter ces atermoiements au czar, en lui inspi-
rant l'idée de chercher à séparer la cause de Napoléon de celle de
la France, eurent raison de la haine insatiable de Blûcher, de la
logique et des arguments de Gneisenau. Le maréchal Vorw.erts,
escomptant les ordres de marche qu'il se croyait certain de rece-
voir, faisait descendre, le 7 novembre, la Lahn aux corps d'York
et de Sacken pour les pousser ensuite, à partir de Limburg, sur
la grande route de Francfort à Cologne. Il dirigeait Langeron par
Siegen et voulait le faire rallier par Saint-Priest venant de Cassel ;
mais, pendant ce temps, le conseil de guerre réuni à Francfort
le 7 novembre, se prononçait contre la continuation immédiate
des opérations et, se basant sur l'état précaire dans lequel se
trouvait surtout l'armée de Silésie, prescrivait îi Blûcher de reve-
nir sur ses pas et de se charger du blocus de Mayence.
La France était momentanément sauvée; l'Empereur allait
avoir le temps de faire sortir de terre de nouvelles formations, de
se créer de nouvelles ressources. Aussi Napoléon n'hésita-t-il pas
à accepter les ofTres qu'on lui fit, et il désigna Mannheim comme
lieu de réunion des plénipotentiaires.
Mais si le parti de la paix avait eu un instant le dessus, les
efforts de Stein et la haine de Pozzo di Borgo ne devaient pas
tarder à amener bientôt un revirement presque complet. On avait
reculé d'abord, au grand quartier général des Alliés, devant une
offensive qui pouvait en quelques jours mettre fin à la campagne;
cependant, comme on n'y voulait pas d'une paix qui n'aurait pu
être durable, et comme on était décidé h reprendre les opéra-
tions dès que les troupes se seraient refaites, dès que les renforts
seraient arrivés, dès que les colonnes de munitions auraient
rejoint, on convint, contrairement aux prévisions de l'Empereur,
de faire une campagne d'hiver.
o
Proclamation du 1^' décembre. — b'aiitrc part, pour priv(T
Napoléon d'une partie de ses ressources, pendant qu'ils conti-
nuaient à négocier, les souverains alliés, se ralliant h l'idée émise
par Bernadotte, tentèrent de séparer la cause de l'Empereur de
celle de la France, en lançant la proclamation du !•' décembre.
Ils y déclaraient nettement que : « Les puissances alliées ne font
pas la guerre ii la France, mais à cette prépondérance hautement
annoncée, à cette prépondérance que, pour W. malheur de l'Eu-
rope et de la France, l'empereur Na|)oléon a trop longtemps
exercée hors des limites de son empire. »
Il ne nous appartient pas d'approfondir la nature, l'étendue des
pouvoirs donnés de part et d'autre aux plénipotentiaires, de
chercher à démêler quelles ont été réellement les intentions, plus
ou moins sincères des souverains et de leurs nnnistres. Nous
pensons, cependant, que Napoléon (et les instructions données à
Caulaincourt sont loin d'infirmer notre manière de voir) aurait
à ce moment accepté une paix honorable si elle lui avait été
sérieusement offerte. Dès le 10 décembre, du reste, le doute ne lui
était plus permis, et la réponse faite par Metterni<'h ii Caulaincourt
est là pour prouver qu'à ce moment déjà, la coalition était décidée
à amener par les armes la solution qu'elle recherchait. De son
côté. Napoléon n'avait pas perdu son temps depuis son retour à
Paris; gr«ice aux sénatus-consultes des 9 octobre et 15 novembre,
il espérait tirer du pays 545,000 conscrits. C'est avec ces res-
sources qu'il comptait fiiire face à l'invasion et soutenir les
trois corps de Victor, de Marmont et de Macdonald, dont les
45,000 hommes échelonnés depuis la Suisse jusqu'à la Hollande,
allaient avoir à supporter, avec les ((uelques troupes postées en
Belgique, les premières attaques des armées alliées.
Plus on examine la situation morale et matérielle des belligérants
vers la mi-novembre 1813, et moins on saisit les motifs qui ont pu
décider les Alliés : d'abord, à renoncer aux avantages qu'ils devaient
à la victoire de Leipzig, et à se priver, comme la dernière partie
de la campagne de 1815 ne devait pas tarder à le démontrer, des
bénéfices certains que leur aurait assurés une offensive immédiate
et vigoureuse ; ensuite, à découvrir leur aile gauche en violant la
neutralité de la Suisse; enfin, à faire choix d'un plan d'opérations
excentrique qui avait tout au plus, pour excuse apparente, de dimi-
nuer rétendue de la li.$cne d'opérations de l'armée autrichienne.
— 0 —
Situation de Tannée française. — Kcnseignés comme ils
l'étaient par leurs propres agents et par les partisans des Bour-
bons, les Alliés devaient savoir que TEmpereur aurait peine à
opposer, en y comprenant la garde et le petit corps de Belgique,
60,000 h 70,000 hommes aux 150,000 hommes qu1l leur était si
aisé de pousser immédiatement sur Paris. Comme le dit Clausewitz,
« les Alliés étaient numériquement assez forts pour ne courir
aucun danger en se résolvant à utiliser la puissance que venait d(»
leur donner la victoire, à entrer en France et à contimicr leur mou-
vement en avant jusqu'à la prise de Paris... » Il est évident que
Tarmée française, si elle avait été poursuivie, se serait retirée
jusqu'à Paris. Il n'y avait nulle part des forces suffisantes pour la
recueillir, et les Alliés le savaient fort bien. Au lieu de se refaire et
de se renforcer, cette armée se serait atfiiiblie en déUichant les gar-
nisons qu'elle aurait été obligée de jeter dans les forteresses, et
Ton ne saurait être taxé d'exagération si l'on affirme qu'en arri-
vant sous Paris, elle n'aurait compté guère plus de 35,000 à
40,000 hommes.
Opinion de Clausewitz snr le plan des Alliés. — Connue
Clausewits le fait encore remarquer quelques pages plus loin dans
sa Critique stratégique de la campa{i)ie de France w 1814, l'ol)-
jectif stratégique des Alliés était d'abord f anéantissement des
forces à l'aide desquelles l'Empereur aurait reconstituée en France
une nouvelle armée, puis la prise de Paris.
Il en résultait donc pour les Alliés l'obligation de se porter,
avec toutes leurs forces réunies, contre l'armée française, de hii
livrer une bataille décisive, puis après l'avoir battue de marcher
sur Paris, sinon avec la totalité, du moins avec la plus grande
partie de leurs troupes. On devait, en un mol, faire sortir la pair
des cotiséquences mêmes de la bataille de Leipzig^,
L'objectif était donc plus nettement déteniiiné qu'il ne la
jamais été au début d'une campagne. Les Alliés devant chercher
à rendre le plus rapidement possible une grande bataille inévi-
* Clausewitz, Critique ëtralégique de la campagne de France en i8l4. —
Clausewitz ajoute encore : « Pour se servir des termes favoris des écrivains
militaires, c'était le cas de s'élever au-dessus des règles consacrées, de r«*ni-
placer la f^erre méthodique par la plus cxtn^me audace. »
/ —
lal)l(\ il aurait été iiatmvl t't lo^itiiu» de so porter on avant par
la grande roule la plus directe do Francfort à Paris, par MayeiH'e
et Metz, en limitant conséqueniment le nombre des roules suivies
par I(\s différents corps à ce qui était strictement nécessaire pour
faire vivre et marcher une armée de près de 200,000 hommes.
Or, ajoute Clausewitz, i)uisqu'on devait, en se rapprochaîit d»»
rennemi, réduire ce front de marche de manière îi permettre et à
faciliter la concentration des troupes destinées à prendre part à
la lutte, il importait de choisir à l'avance un point de réunion
pour les armées. Comme il était impossible d'admettre qu(» h»s
forces françaises parvinssent à se mass(T ailleurs que sur la Haule-
Meuse ou sur la Marne, ce point devait être Verdun ou Chàlons,
villes précisément situées sur la route centrale la plus courte. Au
cas où l'Kmpereur aurait «hoisi un autre centre de résistance on
avait ainsi la faculté de prendre Nancy comme point général de
réunion au Vwxi de Verdun ou de ChAlons.
En un mot les Alliés auraient pu et dû marcher, dès le principe,
en trois grosses colonnes jusqu'il hauteur de Luxembourg, Metz et
Nancy. En portant inmiédiatement et directement la guerre au
cœur môme de la France, ils facilitaient encore la conquête des
Pays-Bas et de la Belgique en rendant impossible Tenvoi des ren-
forts destinés aux faibles corps chargés de la garde de ces
régions.
•
Plan d*opérations du prince de Schwarzenberg. — Puis-
«pi'on savait que l'armée française ne pouvait en aucun cas se
concentrer en avant de la rive gauche de la Meuse; puisqu'on
voulait ramener dans le Haut-Rhin les lign(»s de connnuniiuition
des troupes tirées de l'Autriche et des États de l'Allemagne du
Sud; dès qu'on se décidait, d'aulre part, à ne franchir le haut
Rhin à Lorrach que dans les derniers jours de décembre et le
Rhin moyen qu'en janvier, la marche par le Brisgau et [)ar la
Suisse entraînait une perte dtî temps inutile et par conséquent
nuisible. Enfin, puisque l'on avait posé en principe d'opérer de
manière à accepter la bataille toutes les fois que l'ennemi aurait
divisé ses forces et que la supériorité serait décidément de notre
côté (du côté des Alliés, c'est toujours Clausewitz qui parle), de
l'éviter, au contraire, lorsque toutes les forces de l'ennemi se
trouveraient réunies et dirigées sur le point menacé par nos
— 8 --
armées S — c'était commettre une grosse faute que de se séparer
dans le principe pour opérer ensuite une jonction qui devait
être d'autant plus aléatoire qu'elle allait vraisemblablement s'ef-
fectuer en présence d'un adversaire tel que Napoléon.
Premiers mouvements de Tarmée de Bohême.— Quoi qu'il
en soit, l'empereur Alexandre, après avoir hésité pendant quel-
ques jours, avait fini par approuver le plan que le généralissime au-
trichien lui avait soumis dans les derniers jours de novembre. La
grande armée de Bohême quitta, vers le 10 décenïbre, les canlon-
^ Propositions générales sur un plan d*opérations contre la France présenté
à Francfort-sur-lc-Mein par le feld-inaré<:hal prince de Schwarzenberg à Sa
Majesté l'empereur de Russie (Archives de V état-major de Saint-Pétei'sbourg) .
Résumé des mesures proposées à ce moment par S(!liwarzenbfrg :
i^ Tous les cosaques et tous les partisans disponibles dans les différentes
armées seront immédiatement jetés sur la rive gauctie du Rbin. On leur donnera
pour instruction de former des colonnes mobiles, de traverser la France dans
tous les sens pour empocher les conscrits de se rassembler et de rejoindre leurs
dépôts ou leurs corps, et enfîn d^inquiéter et d'interrompre autant que possible
les communications de Teunemi (a).
2° La grande armée de Bohême marchera par sa gauche ; elle passera le
Rhin et tâchera de pénétrer dans l'intérieur de la France pour tendre la main
à Tannée de lord Wellington et à celle d'Italie.
3° L'armée du maréchal Bliicher passera également le Rhin dans le but de
contenir Tannée française, de l'occuper, de manœuvrer contre elle jusqu'au
moment où Tarniée de Bohême aura atteint les communications de Tennemi.
Le maréchal Bliicher sera soutenu par un corps que la grande armée détachera
pour observer Kehl et Brisach et qui sera sous ses ordres lorsque la grande
armée avancera dans l'intérieur de la France.
4° En même temps Tarmée de S. A. R. le prince royal de Suède passera le
Rbin aux environs de Diisseldorf ou de Cologne et se dirigera sur la Hollande»
ainsi que S. A. Ta fait pioposer par M. le comte de Lowenhielm. Comme les
forces principales de Tennemi seront contenues par les autres années alliées, il
n*est pas probable que les forteresses de la Hollande soient ravitailleras et pour-
vues de garnisons suffisantes ; il est donc à désirer que le prince royal de Suède
accélère cette opération autant que possible avant que Tennemi ne puisse
réunir les moyens de s'y opposer.
En renforçant le corps du général Wallmoden d'une partie de Tarmée suédoise
suffisante pour contenir le maréchal Davout, S. A. R. garderait avec elle le
corps de Winzingerode, celui de Bulow, les Saxons et un corps suédois avec
lesquels il entreprendrait l'expédition de Hollande.
Par une marche rapide de Cologne sur Anvers on réussirait à couper la Hol-
lande de la France, à empocher l'empereur Napoléon de jeter des garnisons
dans les places fortes, et enfin à prendre ce pays à revers, ce qui faciliterait
Tinsnrrection de ses habitante et donnerait les moyens de les faire soutenir par
l'Angleterre.
(•) Rlta de cela n'a éié fait, comme nooi le démontrerons pluf tard.
- 9 —
nements (ju'olle avait ocnipés drs le 18 novembre, depuis Lahr
jusqu'au Mein, (»t remonta peu à peu h» cours du Rhin, pendant
que Schwarzenberg. décidé i\ violer la neutralité de la Suisse,
partait de Francfort h» 9 décembre pour surveiller de plus près
ces mouvemenis. Passant par Heidelberg et Carlsruhe, le généra-
lissime installait, le il, son (juartier-général h Fribourg-en-
Brisgau.
Composition de cette armée. — La grande armée de Bohême
se composant des : 1" division légère autrichienne (feld-maréchal-
lieutenant comte Bubna); :2« division légère autrichienne (feld-
mari!»chal- lieutenant prince Maurice Liechtenstein); !••*• corps
d'armée autrichien ( feldzeugnïeist(T comti» (^olloredo) ; II« corps
d'armée autrichien (feld-maréchal-lieutenant prince Alois Liech-
tenstein) ; III® corps d'armée autrichien (feldzeugmeister comte
Gyulay); IV« corps d'armée wurtembergeois (prince royal <le
Wurtemb(»rg) ; V« corps d*arnié(» austro- bavarois (général de»
cavalerie comte Wrède): VI® corj)s d'armée russe (général de»
cavalerie comte Wittgenstein) ; réserves autrichiennes (général d(^
cavalerie princt» héritier de Hesse-Hombourg) ; gardes et réserves
russes et prussiennes (général d'infanterie comte Barclay de Tolly),
soit 233 bataillons, 30i escadrons avec 682 bouches à feu et un
effectif total de près de 200,000 hommes *. Elle commença son
mouvement vers la Suisse le 10 décembre. Sa tête de colonne, la
division Bubna, était arrivée, dès le 9 décembre, à Lorrach où
Schwaraenberg transporta son quartier général le 20.
Composition de l'armée de Silésie. — L'armée de Silésie,
sous les ordres de Blûcher, composée du V^ corps prussi(»n
(général d'infant(;rie von York), du II* corps prussien (général
lieutenant von Kleist), du corps russe du général d'infanterie
comte Langeron, du corps russe du général d'infanterie baron
Sacken, du corps volant du prince Biron de (^ourlande, forte
de 146 1/2 bataillons. 152 escadrons, 17 réginients de cosa-
* D'après Bogilanovitch : 255 bataillons, 304 escadrons. 26 nfgiments de
cosaques, 690 bouches à feu et un effectif total de 198,300 hommes; diaprés
Plotho: 239 bataillons. 293 escadrons, 684 bouches à feu et 228,650 hommes;
d'après Damitz : 263 bataillons, 295 escadrons, 581 bouches à feu et 200,687
hommes.
— 10 —
(}ues, 448 canons avec un effectif de» 9o.440 hommes, devait,
lorsqu'elle aurait été rejointe par les 1V« et V« corps fédéraux
(Électeur de Hesse et duc régnant de Saxe-Cobourg), présenter
un total de 191 1/2 bataillons, 155 escadrons, 500 bouches à feu
et 136,670 hommes. Celte armée qui, à la date du 20 décembre,
occupait des cantonnements resserrés sur la rive droite du Rhin,
de Mannheim à (loblence, ne présentait, lorsqu'elle ronnnença sa
marche lors du passage du Rhin (l^"^ janvier 1814), qu'un effectif
de 50,000 hommes. Le corj)S de Kleist était à cette époque encore
sous Erfurt; celui de Langeron resta devant Mayenco et les IV**
(»t V* corps fédéraux, en voie de formation, ne rejoignirent que
beaucoup plus tard.
Composition de rarmée du Nord. — Quant :i l'armée du
Nord, sous les ordres du prince royal de Suède et dont les diffé-
rents corps représentaient un(î force totale de près de 170,000
hommes, elle se composait du III* <!orps d'armée prussien
(général-lieutenant von Bulow, 30,000 honmu»s et 96 bouches à
feu), du corps russe du général de cavalerie baron Winzingerod(»
(30,000 hommes et 132 bouches à feu)*, du III« corps fédéral
(général de cavalerie duc de Saxe-Weimar, 23,000 hommes et
56 bouches à feu), du corps du général-lieutenant comte Walmoden
(15,000 hommes et 32 canons), de 10,000 hommes de troupes
néerlandaises, milices sous les ordres du prince d*Orange, des
9,000 Anglais» du général Graham: enfin, du <!orps suédois du
feld-maréchal comte Stedingk (23,000 hommes et 62 bouches à feu)
et du II" corps fédéral sous les ordres du duc de Brunswick, fort
de 32,900 honnnes et 64 bouches à feu '.
Effectifs de Tarmée française au i" janvier 1814. — A ces
forces considérables, aux 200,000 hommes que les Alliés allaient
* Le corps de Buiow arriva le 24 février à Laon ; mais ces deux corps ne
rejoignirent l'armée de Bliicher qu'en mars. Le III* corps prussien ne comptait
plus alors que 16.000 hommes.
^ Ces troupes n'opérèrent que dans les Pays-Bas et en Belgique,
' Ces deux derniers corps ne prirent pas part à la campagne de France, mais
en revanche les armées furent renforcées pendant le coui*s des opérations par les
VI* et Vlll* corps fédéraux et par les contingents hessois, wiirtzbourgeoil,
badois, etc.
— 11 —
jchT <ontre lui drs les pnMiiÛTs jours iW janvier 1814, Napoiéoii
IH» j>ouvait opposer depuis Huniiijçue jus(iu'au <lelà do Ninirgue
que Victor, qui sur\'eillait le eours du Rhin deHuningueà Landau
avec le 2® corps (o,615 homni(»s (»l 14 canons) (»l le 5® eorps de
cavahTie (4,2Go hommes et 0 bouches h feu); Marniont. qui
couvrait hi ligne d(» Lan<lau à la Moselle avec le G« corps fort d*un
peu plus de 10,000 hommes et 23 canons environ et 3.000 cava-
liers. Le 4« corps (Morand, 14,181 hommes) occupait Mayence. Le
reste du cours du Khin depuis Coblence jusqu'à Nimègue était
gardé par les troupes sous les ordres du ihic <1(» Tarente. Le o**
corjKS (Sebastiani) réduit à une seule division forte de 3.000
honmies environ et 12 canons, souteiuie |>ar 1„^)33 chevaux du
3« corps d(* cavalerie, était échelonné depuis le confluent de la
Moselle jus(fu'îi celui de la Lippe. Le 11* corps devait avec 25
bataillons et la division de cavalerie Kxelmans (1 1.550 honnnes
et 18 canons) surNciller le Rhin. d(» Crefeldt et Wesel jusqu'à
Nimègue et au fort Saint-André.
A rextréme-gauche de Tannée française. Maison, auquel l'Em-
pereur venait le 21 décembre de confier le soin de défendre la
Belgique, ne disposait à ce moment que de quelques dépots des
17® et 24* divisions militaires, de quehpies cadres de la jeune
garde et de la cavalerie du général Castex.
A lextréuMî-droitiV, Lyon était aussi presque entièrement dégarni
de troupes. Comme réserve au i^entre de cette longue ligne on ne
trouvait que la faible division de vieille garde du général Michel
t»t les deux divisions dv jeune garde en formation à Metz. Ces
Iroupes devaient un ])eu plus tard et j)Our quelque tenq)s seu-
lement, constituer, sous I(»s ordn»s deN(»y, le rasseniblem(»nt qu'on
décora du titre pompeux d'armée des Vosg(\s: on l'aft'ecta, en
partie, à soutenir les quelques bataillons qui, sous les ordres de
.Mortier, allaient momentanément (v(Ts h» 15 janvier) former sur le
papier l'armée du Morvan.
Comme on le voit, les 10,000 honnnes d(» Victor, échelonnés dv,
Huningue jusqu'en aval de Strasbourg, paraissaient destinés à
soutenir à vn\ seuls le premier choc des 200,000 hommes de
Schwarzenberg.
'Violation de la neutralité de la Suisse, 20-21 décembre
1813. — Pendant ce temps le généralissime autrichien en était
- 12 —
arrivé îi ses fins : il avait décidé ou pour mieux dire obligé le czar
à consentir h la violation de la neutralité de la Suisse *, et dans la
nuit du 20 au 21 décembre, après la retraite des troupes helvé-
tiques, tous les corps autrichiens passaient le Rhin à Bûle, Lauf-
fenburg et SchafTousse. Les Austro-Bavarois de Wrède les sui-
vaient le 22.
En y comprenant le VI® corps (Wittgenstein) et l(»s gardes et
réserves sous Barclay de ToUy, la grande armée, désormais
divisée en 9 colonnes principales allait, en étendant sa gauche
jusqu'à Genève, chercher à pénétrer en France par la trouée qui
sépare le Jura des Vosges, pour gagner de là le plateau de
Langres par la route de Bàle à Vesoul. Elle devait, conformément
au plan de Schwarzenberg, être à Langres vers le io janvier, au
moment même où Tarmée de Silésie marchant par la Sarre et la
Moselle serait arrivée aux environs de Metz.
Le mouvement de l'armée de Bohême jusqu'au passage* du
Rhin s'était naturellement opéré sans aucune difficulté. Schwarzen-
berg avait seulement fait tenter contre Neuf-Brisach, dans la nuit
du 19 au 20 décembre, un coup de main qui, moUemment exécuté
par 2,000 honmies du III* corps d'armée (Gyulay), échoua com-
plètement.
Pour arriver à se rendre un compte à peu près exact des mou-
vements que les dift'érents corps des armées alliées effectuèrent
dans des directions si divergentes à partir du 21 décembre, il a
paru indispensable de diviser notre travail en périodes et d(»
suivre, pendant chacune de ces périodes, les mouvements de
chacun des différents corps alliés. C'est pourquoi, dans le chapitre
consacré aux premières opérations de l'armée de Bohème, on a
compris les mouvements exécutés jusqu'à la prise de Genève par
la colonne de Bubna, chargée d'assurer un point d'appui solide à
l'extréme-gauche des alliés. On a ensuite retracé rapidement les
premières opérations de l'armée de Silésie, et on a terminé l'étude
de cette première période de la campagne, qui nous mènera jus-
* Proclamation du 21 décembre 1813 adressée par Schwarzenberg aux
Suisses. U est à remarquer que ni les trou[)es russes, ni les troupes des IV^ et
Y® corps ne pénétrèrent à l'intérieur de la Suisse. Les gardes et réserves de
Barclay et les Austro-Bavarois de Wrede se bornèrent à se servir du pont de
Bâle tandis que les Autrichiens s*étendirent jusqu'à Genève.
— 13 —
qu'à la veille du combat de Bri(»Hne el de la bataille de La Ho-
Ihière, jusqu'à la première jonction des armées d(î Bohême et de
Silésie, par un résumé des événements qui se sont passés, en
janvier 1814, tant à Fextréme-droite en Belgique qu'à Textréme-
gauche du côté de Lyon.
— 14 —
CHAPITRE li.
OPKKATIONS DE L'AUMÉt: DE BOHÊME DEPUIS LE PASSAGE Dl' RHIN A BALE
JrSQU*A LA PUEMIÈUE UÉIMON AVEC LARMÉE DE SILÉSIE (26 JANVIEU
1814).
20 décembre 1813. — Ordre de mouvement. — Ce lui de son
quartier général de Lôrraeh que ScliNvar/enberg lit partir, le 20
décembre, les ordres de mouvement pour les dittércntes colonn(\s
de Tarniée de Bohème.
La première colonne conqiosée de lavanl-garde (U^ division
légère comte Bubna) et du II» corps (prince Aloïs Liechtenstein)
devait, en partant de Crenzach et de Bîlle. se diriger la première
il Textrème-gauche de la ligne sur Genève, h» sec^ond, en passant
par Soleure, Berne, Fribourg où il arriva le 25. se séparer de
Bubna, pousser des i)artis vers Pierre-Pertuis [)Our observer la
vallée de Saint-Imier et la route de Travers à Pontarlier, et con-
tinuer sa marche de Neuchàtel sur Pontarlier.
La 2« colomie, la division Crenneville du III® coi*ps autri(^hien
du comte Gyulay, renforcée momentanément par la division de
grenadiers de Blanchi, qui ne tarda pas à être enq)loyée jusque
vers le 5 janvier devant Belfort, avait reçu Tordre d'aller de Bâle
à Bi(înne par Soleure, d'appuyer de là vers la droite pour gagner,
|)ar Porrentruy et Montbéliard, Vesoul où elle arriva le 7
janvier.
La 2*^ division légère (prince Maurice Liechtenstein) et le l®""
corps autrichien (comte Colloredo) formaient la 3® colonne qui,
après avoir franchi le Uhin à Lauffenbourg, jrassait par Aarau,
Aarburg et Berne pour aller vers Neuchîltel.
A la 4« colonne, qui se conq)Osait des 2 autres divisions du
IIi« corps (Gyulay), on avait attribué pour les i)remiers jours la
même route qu'à la 8«. Cette colonne suivit ensuite la division
Crenneville et se dirigea sur Vesoul.
Le |)rince héritier de Hesse-Hombourg avec les réserves autri-
chienuj's, (2 divisions de grenadiers et 2 de cuirassiers, 5® colonne),
passa le Rhin à Schattbuse avec ordre d'être W 29 déceml)re à
lierne.
— 15 —
Quant aux Austro-Bavarois do Wivde qui t'orniaient la 6»colonnt».
ils passî^reiit Iv. Rhin à BAlc h» ii, se dirifçeant sur Huningue et
envoyèrent une division (la division U(»chberg) sur Belforl.
Le IV« corps d'arnié(» (prince royal <1(» Wurleniberg) consti-
tuant la 7« colonne resta provisoirement à Lôrra<*h et ne passa le
Rhin, à Markt. que le 31 «lécenibre.
Le VI^ corps conq)Osé d(»s Russes de Wittgenstein. formant la
S* colonne qui ne |K»nétra pas en Suisse, avait ordre de venir
bloquer Kehl et observait à ce monu^nt le Rhin depuis Fort- Vauban
jusqu à Mannheim.
Entiîi les gardes (»l rés(»rv(»s russes, sous les ordres d(» Barclay
de Tolly. qu'on peut considérer comme tbnnaîit une 9'" colonne,
restaient provisoirenjent à Lorrach connue le 1V« corps.
Gonsidérations sur cet ordre de mouvement. — En admet-
tant que les Alliés ont agi sagement et prudennnent en etî\»ctuant
leur mouv(»ment par la Suisse, pour opérer ensuite une conver-
sion générale à droite à huiuelle le VI' corps (Wittgenstein) était
appelé à servir de pivot, en allant même jusqu'à trouver um» cer-
tiiine raison dèlre h l'envoi des 1:2,000 honnnes de Bubna sur
Genève, on est eu revanche dans Finqmssibilité de déi^ouvrir les
motifs qui justifient la direction suivie par le l"' corps
((iolloredo) et les rés(Tves autrichiennes du prince héritier de
Hesse-Hombourg qu'on envoya de Neuclultel sur Pontarlier et
Dijon. On iw s'explique pas davantage l(»s motifs qui ont pu
amener Schwarzenberg à ])r(»ndre un front dont retendu*», dans
les derniers jours de décend)re, embrassait plus de 300 kilomètres
depuis Fort-Louis jusqu'à Genève.
Un pareil dispositif ne répondait guère aux idées émises dans
le plan d'opérations que le généralissinu» autrichien avait soumis
et fait accepttT au czar à Francfort.
22 décembre 1813. — Premiers mouvements de Wrède. —
De toutes les colonnes auxquelles on avait fait passer le Rhin à BiUe,
ce ne fut, gnice à ces dispositions. (|ue la colonn(î formée par les
Austro-Bavarois de Wrède qui se trouva rester sur la grande voie
menant à l'intérieur de la France. Wrède, bien qu'il n'eût tra-
versé le Rhin avec ses troupes que le 22, lit investir le jour meniez
Huningue par la brigade Zollern de la division Beckers, dirigea
— 16 -
la division Rechberg sur Belfort et la division La Motte sur Por-
rentruy. Les Autrichiens de Frimont formaient sa réserve, et les
700 chevaux du corps volant du colonel autrichien Scheibler
couvraient sa droite par des postes envoyés sur la route de
Colmar, jusque vers Habsheim et Rixheim, sur celle de Cernay
et dans la direction de Thann.
Le corps de Wrède était donc le seul dont les troupes eussent
été jetées en France et le mouvement oif(»nsif d'une armée de
200,000 hommes qui n'avait, à proprement parler, rien devant
elle, ne se manifesta que par l'investissement de quelques places
et par l'envoi de quelques partis dans le département du Haut-
Rhin.
Quoi que les panégyristes de Schwarzenberg aient pu écrire
pour justifier ces dispositions, ils n'ont pas trouvé une seule bonne
raison à faire valoir. En effet, s'il était décidé à ne porter les
Austro-Bavarois en avant que lors de l'entrée en ligne du IV® corps
et des colonnes autrichiennes passant par Neuchdtel, il eût été
assurément plus rationnel de maintenir le V« corps un peu plus
en arrière. On aurait ainsi épargné aux partisans de Scheibler la
leçon qu'ils allaient recevoir à Sainte-Croix, le 24 décembre. On
n'aurait pas, il est vrai, enlevé deux bicoques comme BlAmont et
Landskron; mais on aurait eu l'avantage de ne pas révéler pré-
maturément aux Français la direction dans laquelle l'attaque
allait se produire.
En somme, le 22 décembre au soir, l'armée de Bohême occu-
pait les positions suivantes .
Positions de rarmée de Bohême le 22 décembre au soir.
— Bubna était à Soleure, le général Scheither à Bûren, le gé
néral Zechnnîister à Bettlach. Le I" corps îi Aarau, le II®
Balstall. Creimeville, relevé devant Huningue par une divis"
du V« corps *, devait se diriger le lendemain sui' Soleure a'
avoir rejoint Bianchi h Lauffen. Le IV* (îorj^s était encore tr'
arrière, en marche vers le Haut-Rhin, et devait être du 3 au
vier à Belfort pour se relier au V* et couvrir sa droite. Le
* Le corps volant da colonel Scheibler eut ce jour-là déjà, du côté ^
beim, une petite escai mouche avec un des avant-postes français qr
6ur Ensisheim.
— 17 —
gène de Wurleiiiberg bloquait Kolil. Les cosaques du colonel
ice Lubomirsky, soutenus par le général major Dochtoroff avec
"égiment de hussards d'Olviopol posté à Ottenheini, surveil-
litle Rhin deKehl à Vieux-Brisach; le général major Moussin-
ichkine, ayant pour soutien à Rastadt le général major Rudin-
et les hussards de Grodno, en faisait autant de Kehl à
mheim, avec les régiments cosaques de Jaroslaw et de
issofTll. Enfin, Wittgenstein, afin de se procurer des nouvelles
l'ennemi, avait fait partir le général Seslavin avec deux' esca-
nsde hussards de Soumy et le régiment cosaque Rebrikow 111,
c ordre de chercher à passer en amont de Strasbourg, sur la
t gauche du Rhin, et d'opérer en partisan sur les derrières de
lop. La ligne formée le long du Rhin par les postes d'observa-
i du VP corps ne mesurait guère moins de 180 kilomètres.
3 décembre 1813. — Mouvements. — Le lendemain 23 la
division légère autrichienne arrivait à Berne, le 1«' corps h
burg, le II« il Soleure, le I1I« à Liestadt. Le major de Vaulx (des
vau-légers de Vincent) avec un parti de 100 cavaliers et quel-
s fantassins avait poussé, dans la nuit du 22 au 23, justju'à
ichâtel. La division de grenadiers de Bianchi était le soir à
ilier, celle de Crenneville à Asch et celle de Weissenwolif îi
isau. L(; IV* corps s'était rapproché d'Oifenbourg.
lonvements de la cavalerie de Wrëde. — Quant à W rède,
avait transféré son quartier-général à Hésingen, sur la route
Belforl, il avait reconnu Huningue et envoyé deux petites
mnes mobiles contre Landskron et Blîlmont. Le colonel
cibler, avec son corps volant, fort de 100 hussards du régi-
il de Szekler, de 50 hussards du régiment de Hesse-Hom-
irg, de 90 chevau-légers bavarois et des deux faibles régi-
îts cosaques des colonels Elmorsin et Korin qui ne comp-
!nt il eux deux que 400 chevaux, iivait poussé, dès l'aube,
|u'à Ensisheim. Il avait chargé le capitaine baron Schell, du
iment de hussards de Hesse-Hombourg. de poursuivre avec
escadron, 100 cosaques et un peloton de chevau-légers le
uet français qui s'était retiré la veille en tiraillant mollement
Battenheim sur Ensisheim. Le capitaine Schell parvint jus-
lu delii de Colmar, enlevant en roule un convoi de douze
Weil. 2
— 18 -
caissons de munitions; mais, informé de rapproche d*un corps
français marchant sur Colmar, il crut plus sage de se retirer sur
Sainte-Croix après avoir prévenu WW'de du mouvement de la
cavalerie française de Milhaud, qui devait, d*après les renseigne-
ments qu'il avait recueillis, arriver à Colmar le 24 *.
24 décembre 1813. — Affaire de Sainte-Croix.— Bien qu'in-
formé à temps de l'approche de la cavalerie de Milhaud, le colonel
Scheibler', après avoir rallié son avant-garde, crut devoir se
rapprocher de Sainte-Croix. Parti d'Ensisheim le 24, vers sep!
heures du matin, il arrivait à dix heures à Sainte-Croix où il fut
rejoint par un parti, que sous les ordres du capitaine Eberle il
avait envoyé la veille battre le pays dans la direction de Neuf-
Brisach. 11 faisait aussitôt filer sur Colmar le capitaine Schell
qui, avec 50 hussards et 50 cosaques, vint donner contre la
droite de la brigade Montélégier et fut rejeté sur Sainte-Croix.
Informé de ce fait, le colonel Scheibler se porta aussitôt en avant
avec l'escadron de hussards de Szekier et les cosaques d'Elmorsin,
et parvint d'abord à arrêter, puisù repousser les 2% 6* et 11*(lra-
gons, de la brigade Montélégier.
Ce succès aurait peut-être permis au colonel Sdièibler d'effec-
tuer sa retraite sans trop de peine si, h ce moment même, le
colonel Korin, qu'il avait laissé en réserve à Sainte-Croix avcM!
son régiment de cosaques et avec les chevau-Iégers bavarois,
n'avait pas cru devoir quitter sans ordre sa position pour prendre
* « Le maréchal Vi'rlor au major général. — Strasbourg 24 décembre 1813.
— 3 heures après midi.
« Je reçois à l'instant des nouvelles dn général Milhaud.
il me mande de Colmar hier à 9 heures du soir qu*au moment où son avant-
garde entrait dans cette ville d'un côté, les ennemis y entraient de l'autre.
C'était un parti commandé par le baron de Schell et composé de Jhevau-Iégers
bavarois, de hussards autrichiens et de 20 cosaques du Don, venant de Mul-
house. . . » (Archives du dépôt de la guerre.)
s Scheibler ne pouvait pas savoir à ce moment que Victor, comme le prouve
la dèpôcfae suivante, envoyait derrière Milhaud de l'inianterie à Colmar :
Le maréchal Victor au major général. — Strasbourg, 24 décembre 1813. —
3 heures apri>s midi. — Une colonne d'infanterie est sortie ce matin de
Strasbourg pour aller soutenir le général Milhaud. Elle est composée de
3,000 hommes du 2* corps. J'en ferai sortir une de même force demain ave^r
(le l'artillerie. C'est tout ce que j'ai de disponible pour le moment. » (A rchives
du dépôt de la guerre.)
— 19 —
part îi raclion, alors que deux escadrons de la brigade CoUaert
(division Milhaud) débouchuieul eu arrière de Sainte-Croix. Pris
ainsi de front et à revers, la plus grande partie des cosaques ne
songea qu'il chercher son salut dans la fuite; avec les 300 chr'-
vaux qui leur restaient, h»s colonels Scheibler et Ehnorsin réus-
sirent néanmoins à se frayer un passage et h ramener à Ensis-
heim les débris du corps volant auquel cette aflaire avait coûté
neuf officiers, la moitié de Tescadron bavarois, en tout 200
hommes. Le colonel Ehnorsin, grièvement blessé, fut fait prison-
nier et succomba le soir même ».
La brigade Gollaert se porta à Sainte-Croix où le général Mil-
haud la lit soutenir par la division Pire. La division de cavalerie
Lhéritier et Tune des brigades de la division Diihesme occupère.nl
Colmar.
Les restes du corps volant de Scheibler * reçurent de Wrède
Tordre de servir d'extrême avant-garde aux Autrichiens de Fri-
mont que, par suite de la résistance de Belforl et de Huningue,
on avait fait venir à Mulhouse pour (^ouvrir, du côté du Nord, les
attaques tentées infructueusement jusqu'ici contre ces deux
places.
Prise du château de Landskron et position des colonnes
autrichiennes le 24 au soir. — La prise du chdteau fort de
Landskron, qui se rendit le 24 au soir, au colonel von Treuberg,
n'était qu'une faible compensation à l'échec éprouvé par Scheibh^r
et à la résistance inattendue que le V»^ corps rencontrait à Belfort
et II Huningue.
Les autres colonnes avaitMit continué tranquillement leur
' Les rapports des AlUés ne parlent que de 67 hommes tudS ou blessés. Do
son côté MiUiaud dans son rapport de Colmar, 21 décembre, 9 beures dn soir,
«xagêre les pertes de Scheibler qu'il prétend être de 200 tués, 300 blessés,
150 prisonniers (Archives de la guerre). Ces chiffres sont évidemment trop
élevés puisque l'effectif total du corps volant n'était que de 650 hommes.
n est vrai de dire que dans les rapports des Alliés on évalue à 4,000 hom-
mes les troupes françaises engagées, tandis que la brigade Montélégier fut la
seule qui donna. Les 2 escadrons de la brigade CoUaert n'ont fait qu'exécuter
une démonstration, et, d'aUleurs, la division tout entière ne comptait que 659
iiommes le 20 décembre (Voir Arckivei du Dépôt de la guerre situation du
V» corps de cavalerie).
> Le colonel Scheibler reçut 3 blessures au combat de Sainte-CSroix.
— 20 —
marche : Bubna, avec la 1*® division légère, était à Fribourg. Le
!«' corps h Aarwangen, le IP h Berne, le IIP à Balslall, la lôte d(»
colonne du IV® corps à Offenburg, les grenadiers de Blanchi à
Tavannes et à Bienne, ceux de Weissenwolff à Zurich.
Conséquences du combat de Sainte-Croix. — Quelque insi-
gnifiante qu'eût été en elle-niônie l'affaire de Sainte-Croix, elle
n'en produisit pas moins, sur l'esprit de Schwarzenberg, une
impression d'autant plus vive qu'il ne s'était pas attendu h voir
Belfort et Huningue résister aux efforts de Wrède. On envisageait
les choses d'une façon tragique au grand quartier général, disait
Toll *. On croyait que Napoléon était arrivé en personne à Stras-
bourg, on s'attendait à voir un corps français déboucher en aval
de Strasbourg, y passer sur la rive droite pour y menacer la droite
de l'armée de Bohême, prendre l'offensive contre elle et tomber
successivement sur ses différentes fractions échelonnées et dissé-
minées le long du Rhin. Schwarzenberg crut donc sage d'envoyer
des courriers à Wittgenstein et au prince royal de Wurtemberg,
pour les inviter a accélérer leur marche et à effectuer au plus vite le
passage du Rhin : de prescrire à Frimonl, qui devait le 25 se porter
sur Golmar, d'avoir à s'arrêter entre Ensisheim et Mulhouse; h
Wrède, de concentrer tout son monde entre Belfort, Mulhouse et
Huningue.
Plus à droite, les Russes de Wittgenstein devaient se tenir pour
le moment de Kehl jusqu'à hauteur d'Offenburg, et les Wurlem-
bergeois du prince royal, se masser sur la Kinzig, près de Gen-
genbach. Mais ces mesures elles-mêmes ne suffirent pas pour
calmer les appréhensions de Schwarzenberg, et, le 25 décembre,
il écrivait entre autres à Blucher :
25 décembre 1813^ — Lettre de Schwarzenberg à Blûcher.
— « Il importe d'occuper l'armée ennemie qui se réunit entre Metz
et Strasbourg, de façon qu'elle ne puisse rien entreprendre sur
la rive gauche contre Huningue, ni tenter un passage sur^ la
rive droite, du côté de Kehl. Wittgenstein est devant Kehl, mais il
est encore trop faible pour inquiéter sérieusement l'ennemi.
B5IINHAR0I, Denkwurdigkeiten des Grafen Toll; IV, p. 135.
- 21 —
L'arméo de Silésie pouvant seule détourner Tattenlion de l'ennemi,
le généralissime prie son commandant en chef de lui faire con-
naître les mesures qu'il compte prendre à cet effet. 11 lui semble
qu'une opération contre Nancy ou Verdun produirait les résultats
désirés*. »
Nous avons insisté à dessein sur les conséquences vraiment
surprenantes d'un engagement aussi |)eu important que celui de
Sainte-Croix, parce qu'il nous a semblé qu'il en découlait des
enseignements utiles ii méditer môme de nos jours.
Prise de Blâmont. — Pour la journée du 25 décembre, on n'a
gu(»re il signaler que la prise du chûteau de Bldmont, contre
lequel Wrède avait envoyé le capitaine d'état-major von Heideck,
avec une compagnie d'infanterie et un peloton du 4« régiment de
chevau-légers. L'officier bavarois trouvant le pont-levis abaissé,
pénétra au galop dans Tintérieurdu chîlteau-fort pendant que son
infanterie se déployait ; il fit prisonniers les quelques honnnes
dont se composait la garnison.
Positions. — Quant aux autres troupes du V« corps, elles
occupaient, le 25, les positions suivantes : Frimont avec ses Autri-
chiens, s'étendait d'Ensisheim à Mulhouse, couvert h sa droite sur
la route de Neuf-Brisach, par les quelques cavaliers qui restaient
au colonel Scheibler et étaient postés d(» Fessenheim h Blodel-
sheim. La division du comte Antoine Hardegg était à Ensisheim.
ayant une avant-garde h Mayenheim et Eguisheim, sur la route
deColmar; elle était soutenue par une partie de la division du
feld-maréchal-lieutenant Spleny, à Baldersheim et Batlenheim.
Enfin, de gros partis assuraient les communications avec la divi-
sion Rechberg du côté de Belfort, et avec la division Beckers, qui
investissait Huningue.
Bubna était, pendant ce temps, arrivé îi Fribourg avec les bri-
gades Hesse-Hombourg et Zechmeister ; des détachements de la
!*•« division légère avaient été dirigés surPayerne et Bienne; enfin,
le gros de la colonne de Bubna devait être renforcé le lendemain
par la division Greth, qui venait remplacer la brigade Scheither
passée au II* corps.
Le 1«' corps était à Kilchberg. Le 11* faisait halte ii Berne. La
1 UcRNHARDi, ToU; M, p. 136.
— 22 —
brigade Scheilher avait occupé Neuchiltel, et son avant-garde,
sous les ordres du major de Vaulx, avait poussé jusqu'à Pontar-
lier. Le III* corps était îi Soleure. et l'une de ses divisions (la divi-
sion lég^Te Crennrville) rejoignait Bianchi h Tavannes, pendant
qu'une colonne; volanti* de trois compagnies et d'un escadron
filait sur Porrentruy et que la division Weissenwolff venait à
Bremgarten.
Du côté du VI« corps, le 2« corps d'infanterie sous les ordres
du prince Eugène de Wurtemberg avait relevé depuis le 22 à
Kehl une brigade wurlembergeoise ; 4 régiments de cosaques,
soutenus en arrière par la cavalerie^ légère, contiimaienl îi sur-
veiller le cours du Rhin. Le l®"" corps russe (prince GortchakoffK
était cantonné autour d'Otfenburg, et le général Seslavin se prépa-
iniit à passer sur la rive gauche avec des cosaques et de la cava-
lerie légère pour se relier à droite h l'armée de Silésie, à gauche
avec Wrède.
La brigade wurtembergeoise Stockmayer, relevée par les
Russes à Kehl, était en marche pour rejoindre la colonne du
général Franquemont (du IV® corps) au delà d'Offenburg.
26 décembre 1813. ^ Positions et opérations. — La journée
du 26 devait être encore plus insignifiante et plus nulle que celle
(lu 25. Wrède, désormais certain qu'il lui serait impossible d'en-
lever Huningue par un coup d(; main, se décidait h en faire h^
siège en règle et ouvrait la première parallèle dans la nuit du 25
au 26. Frimont envoyait trois bataillons et une batterie pour cou-
vrir la gauche du V* corps.
Le mêmc! jour, quelques cavaliers français essayèrent en vain
d'enlever un peloton de hussards posté ii Cernay.
Pendant ce temps Schwai7.enberg. préoccupé de voir une
trouée se produire dans ses lignes, du côté de Neuf-Brisach par
suite du mouvement qu'une grande partie du V« corps avait fait
sur Belfort, écrivait au prince royal de Wurtemberg de régler la
marche de? ses colonnes de façon à les ftiire déboucher de Fri-
bourg le plus rapidement possible et à les diriger sur Miirkl, où
son corps d'armée passerait le Rhin sur un pont de bateaux.
Or, comme le fait remarquer lord Burghersh *, on n'avait rien
1 Lonu HuRGHERSH (Eai'l of l^'eshnoreland), Memoi .
— 23 -
devant soi et Ton perdait si bien son temps à exécuter des marches
compliquées, des manœuvres soi-disant savantes, qu on s*amusaii
à tourner des positions que persoime n'occupait et que l'année
autrichienne, concentrée le 21 décembre autour de BAle, mit près
d'un mois pour arriver sur le plateau d(» Laupjres.
Le I»*" corps continuait méthodiquement sa marche sur Berne.
Ia\ 1I« sur Aarberg ; son avant-garde (général Scheith(T), étiiit
restée immobile h Neuchûtel. l^e 11I« corps avait fait halte; la divi-
sion Weissenwolff était cantonnée en arrière de Lenzburg. et les
rf'serves russes et prussiennes avec Barclay d(î Tolly. dont le
quartier général était h Bothweil, reçurent direclemenl de l'em-
pereur de Russie l'ordre de commencer le2S leur mouvement sur
Lôrrach.
Quant à Bubna, il n'alla ce jour-là que jusqu'à Payerne: son
avant-garde seule atteignit Moudon, et la division Gr(»th, sous les
ordres du général Klo|)pslein, ne dépassa pas Fribourg.
27 décembre 1813. — Marches et opérations. — Le 27,
Bubna imprima un peu plus d'activité à sa marche. Son avant-
garde, sous le colonel comte Zichy. arriva jusqu'à Morges; la bri-
gade Hesse-Hombourg avec le (piartier général, à Lausanne: le
général Kloppstein, à Moudon.
Les autres corps autrichiens, en revanche, ne firent qu(; peu de
clieniin. Le h' corps fit halte à Berne; le II" se contenta de
dépasser Neuchàlel; la brigade de Scheither, qui lui servait
d'avant-garde, poussa jusqu'à Travers, et sa pointe, qui occupait
Pontarlier et Morteau. fit une démonstration contre le fort de
Joux. Le III® corps se cantonna ce jour-là à Bienne.
La cavalerie de la division Rechberg, du V*» corps, avait
envoyé des partis jusqu(* dans les environs de Vesoul, et le lieute-
nant baron Gagcrn. du i^^ régiment de chevau-légers, qui battait
l'estrade avec un peloton de cavalerie et quelques fantassins,
reconduisit jusqu'à Lure un petit piquet français, auquel il enleva
15 hommes et 9 chevaux.
On avait jeté sur le Rhin deux ponts de bateaux destinés au
IV« corps, l'un à Mârkt, l'autre à Idslein.
Dans cette journée. 300 cavaliers français avaient exécuté une
reconnaissance en avant de Colmar et repoussé les avant-postes
du V*' corps jusqu'en arriére de Balgau.
— 24 —
Les Alliés, malgré leur nombreuse cavalerie, n'avaient pu se
procurer que des renseignements vagues et contradictoires sur la
force* des troupes françaises qui leur étaient opposées dans le
Haut-Rhin. Tout ce qu'ils savaient à ce moment, c'était que les
Français occupaient Sainte-Croix et Rouffach, et que leurs cou-
reurs s'étaient montrés en avant de Soultz jusque vers Cernay*.
Quant à Wittgenstein, il employa la journée du 27 h préparer
le passage de son corps d'armée à Plittersdoff, à l'endroit même
où, en 1793, le prince de Waldeck avait réussi h l'effectuer heu-
reusement, en raison des facilités qu'y présente le cours môme
du Rhin.
Le même jour, le général Bianchi était vers Glovilliers, et le
major Wober, avec une colonne volante, se portait par Porrentruy
* « Le maréchal Victor aa major général. — Strasbourg, le 27 décembre 1813.
— 8 heures du soir. — Le dernier rapport du général Milhaud nrannonce
que lo corps d*armée commandé par le général de Wrôde est devant lui et qu'il
s'attend à Atre attaqué d'un moment à Tautro. On suppose que ce corps d'ar-
mée doit être fort de 20 à 25,000 hommes. Je viens de faire sortir de Strasbourg
le reste de la 4* division et 2 batteries pour aller s'établir en 2* ligne du général
Milhaud à Guemar. Je choisis cette position pour attendre l'ennemi parce que
c'est la plus resserrée de la vallée et qu'elle convient aux forces dont je puis
disposer. Elles ne peuvent pas s'élever pour le moment au delà de 7.000 hom-
mes d'infanterie, 3,800 chevaux et 5 batteries du 13* d'artillerie légère. Le
général Milhaud a ordre de se replier sur Guemar dans le cas où l'armée enne-
mie marcherait sur lui, mais de couvrir et de défendre Colmar tant qu'il le
pourra sans danger. » {Archives du dépôt de la guerre.)
Rapport du général Milhaud. — « Colmar, 27 décembre 1813. — Mon Prince,
Je fais harceler avec prudence et vigueur les flancs de l'ennemi. Mes partis
de cavalerie légère et de dragons ont tous les jours des escarmouches avec les
partis ennemis, qui ont jusqu'ici été à notre avantage. Je protège, autant que
mes moyens me le permettent, les communes contre les réquisitions de l'en-
nemi . . .
u 11 serait bien essentiel de donner une direction à l'élan des habitants pour
faire le plus de mal possible aux ennemis de l'Empereur et de la France.
H Les habitants du Haut-Rhin sont presque tous bons cavaliers ; on pourrait
facilement organiser une légion de volontaires à pied et à cheval, mais il fau-
drait un ordre de Sa Majesté.
« Je pousse aujourd'hui une forte reconnaissance sur la route de Belfort pour
voir, de plus près jMïssible, si le rapport fait au général Ludot concernant un
camp baraqué entre Cernay et Thann, est exact.
« Ce qui est certiin c'est que l'ennemi a une forte division de toutes armes
et des canons en batterie à Ensisheim. Je saisirai néanmoins toutes les occasions
favorables pour l'entamer et le forcer de retenir devant nous un corps beau
coup plus considérable.
« Nota. Le général Beaumont est resté malade a Metz ; je désirerais avoir à la
tète de la 9* division de grosse cavalerie un général de division bien portant et
intrépide comme le général Montélégier. » (Archives du dépôt de la guerre,)
^^ ^^
siir Rocourl et Dauvan ; un autre parti, composé d'un escadron
soutenu par deux compagnies, se dirigeait sur Sainte-Ursanne,
par Saint-Léger.
Enfin Crenneville, avec sa division légère arrivée à Porrentruy,
envoyait des partis sur Délie pour essayer de se relier à la division
Uechberg.
Le IV» corps atleigiKiit Emmendingen : la division Wessenwolft'
s'arrêtait le soir auprès d'Aarburg, et le reste des réserves autri-
«'hiennes continuait lentement leur marche sur Pontarlier, où elles
arrivèrent du 4 au 6 janvier.
28 décembre 1813. — Mouvements. — Le âS décembre, le
I«' corps arrivait îi Aarberg; le 1I1«, cantonné près deSaint-Imier,
recevait Tordre de soutenir Blanchi.
Du côté du V* corps, les Français firent une sortie assez vigou-
reuse à Belforl. et les travaux d'attaque continuèrent devant
Huningue.
Blanchi était alors ii Porrentruy, et la division légère Crenne-
ville venait prendre position à Pierre-Fontaine afin d'être à même
de soutenir le corps franc du major Wôber, envoyé (»n reconnais-
sance sur Besançon. Ces partisans rencontrèrent un petit parti
français à Clerval-sur-Doubs, le rejetèrent et le poursuivirent
jusqu'à Baume-les-Dames.
Quant au 1I« corps, il était à Morteau, Le Locle et Chaux-du-
Milieu. Son avant-garde, la brigade Scheither, reconnaissait les
abords du fort de Joux.
Mouvemeats de Bubaa vers Genève pendant les journées
du 28 au 30 déce!Pbre. — Bubna avait continué sur Genève. La
division Kloppstein était à Lausanne; la brigade Zechmeister allait
de Morat îi Moudon. Bubna lui-même, ave(! la brigade Hesse-
Hombourg, arrivait à RoUe, et l'avant-garde du colonel Zichy,
poussant jusqu'à Nyon sur les bords du lac de Genève, occupait
Saint-Cergues et fermait ainsi la route venant du Jura. On avait
fait partir le 27 le colonel Simbschen chargé d'occuper, avec ses
six cents hommes, les passages du Saint-Bernard et du Simplon
et d'envoyer par la vallée d'Aoste des partis sur Turin.
L'occupation de Genève j)ar les Alliés n'était plus qu'une ques-
tion d'heures, surtout depuis qu'une députation d'habitants de la
— ?.6 --
ville s'était jwésentée au quartier générai de Bubna et lui avait
fait savoir que le général Jordy, bien qu'il disposât de 6 batail-
lons et qu*il eût reru l'ordre de tenir jusqu'à la dernière extré-
mité, avait en quelque sorte promis ;\ la municipalité de capituler
dès que Genève serait menacée d'un bombardement et investie
|)ar des forces r(;s|)ectables.
Bubna continua sa marche le 29. Sou avant-garde occupa
Versoix et Gex s'assurant ainsi la route de Saint-Claude, pendant
(|u'un escadron envoyé en avant de Pouilly-Saint-Genis surveillait
le fort de rEcluse. Son quartier général fut installé h Nyon ;
Zechmeister s'établit à Morges.
Le lendemain 30. dès l'aube. Zichv, avec 2 bataillons, 2 esca-
drons et 3 batt(»ries. dont 2 d'artillerie ii cheval, vint par la route
d(» Ferney occu|)er les hauteurs de Délice et de Saint-Jean qui
dominent Genève, pendant que le colonel Wieland, marchant avec
2 bataillons, 1 escadron et une batterie par la route qui longe le
lac, se montrait presque en même temps i\ Suéconex. La division
Kloppstein, qui le suivait, occupa peu de temps après les hauteurs
de Petit-Suéconex. Le reste de la cavalerie se déploya à Ferney.
30 décembre 1813. — Occupation de Genève — Bubna n'eut
|)as besoin de prendre de dispositions d'attaque. Dès Tapparition
des colonnes autrichiennes, le conseil de défense s'était prononcé
pour la capitulation et, sans même entrer en relations avec Bubna,
la garnison française se relira iumiédiat(»ment sur Rumilly. Quel-
ques heures plus tard, le général Zechmeister entrait à Genève h
la tét<' de 3,000 hommes qui allaient y tenir garnison. Quant à
Bubna *, comme nous le dirons en détail plus tard dans le chapitre
consacré aux opérations autour de Lyon, il s(î porta avec le reste
de ses forces par les défilés du Jura sur Poligny où il arriva le
i'} janvier. De là, il poussa son avant-garde vers Arbois et un
1 Si l*on Tcat se rendre compta; de la furiUté avec laquelle Babna aurait pu
à ce moment pousser sur Lyon, il suffit de lire les lignes suivantes adressées
le 1'^'' janvier de Grenoble par le général Laroche au duc de Fellrc : « Je pars
avec 1000 ou 1200 hommes d^infanterie de la colonne italienne du général
Saint-Paul, pour me porter sur Ciiambéry, afin de protéger la retraite de la
garnison de Genève et aussi pour retirder s'il est possible la marche de l'en-
nemi que l'on dit avoii* Tintoution de se porter sur Lyon et sur Valence. » Il
convient même d'ajouter que le général Laroche se retira le 3 sur Grenoble et
lai.5sa oontiiraer sur Slilan la brigade italienne. {Archiva dmDépôide la guerre,)
— 27 —
autre parti plus à gauche vers Lons-lo-Saunier. afin do couvrir
l'aile gauche de Tarmée de Bohême.
Formation de corps de partisans. — Pendant que Bubna
achevait ainsi son mouvement sur Gencive, on se préoccupait,
au grand quartier général de Schwarzenberg. de l'organisa-
tion des corps de partisans destinés à précéder l'armée et à
couvrir ses flancs. Dès le 2'i, le jour même où Barclay de Tolly
avisait le généralissime d(» la marche d(» 4 régiments cosaques,
(|u*il lui envoyait et qui devaient être rendus à Petit-Bî\le le 29,
Schwarzenberg avait prescrit de former ave(* 2 régiments de
cosaques et 1 escadron de hussards un corps de partisans qui
devait, sous la conduite du lieutenant-colonel comte» Thurn,
pousser vers Nancy et Verdun. Du reste, la l(»tlre que Toll* écrivit
par ordre du généralissime, le 28 décembre, au prince Wolkonsky
permet de se rendre un compte exact des projets du grand quar-
tier général : « Le prince de Schwarzenberg. y est-il dit. me
charge de prier Votre Excellence de d(»mander à S. M. TEmpereur
quelle destination elle compte donner au corps du comte Platot!'.
Le prince pense que nous devons, en entrant en France, em-
ployer, non seulement des chefs de partisans hardis et intrépides,
mais surtout des officiers qui, possédant et parlant la langue»
du pays, rendront des services comme Mairmrs des armées et
pourront, par leurs renseignements et leurs observations person-
nelles, nous donner des indications |>ré<Mses sur les mouvements
de l'ennemi. . . .
« Le prince de Schwarzenberg a l'intention d'employer les par-
tisans de la manière suivante :
« i» Le colonel Scheibler descendra le Rhin, cii passant par
(k)lmar, pour aller sur Strasbourg;
« 2® Le lieutenant-colonel comte Thurn ira par la vallée de la
Moselle sur Nancy ;
« 3® Un autre partisan par Saint-Loup et Neuf(*hilteau sur
Nancv ;
« 4® Un autre opérera (»nlre la Seine et la Loire;
« h" Un autre, enfin, ira par Besancon sur Bourges.
1 BBR^HAUDt, ToU; IV, p. !50-i5!.
— 28 —
« Scslavin, ajoule Toll, n'est pas compris parmi les partisans
dont il vient d'être question. »
29 décembre 1813. — Premiers mouvements des corps de
partisans. — Ces dispositions ne tardèrent pas à recevoir un
commencement d'exécution. Dès le 29, 4 régiments cosaques,
tirés du corps de Talaman Platoff, arrivèrent à Lôrrach avec le
général-major prince Stscherbatoff* et furent envoyés, dès le 30,
sur Allkirch avec ordre de se porter de là dans la vallée de la
Moselle et de pousser ensuite d'Epinal sur Nancy, pendant que
Thurn était dirigé sur Langres. Slscherbatoff avait dû, comme
le montre la situation* de son détachement au 29 décembre,
céder par ordre supérieur un de ses régiments cosaques au lieu-
tenant-colonel comte Thurn.
Quant au général S(»slavin, chargé on ce moment de battre le
i « Instructions données au général-major prince Stsclierbatoff par le prince
de Schwarzenborg. — Lôrrach, 30 décembre 1813 (original en françHis), — Je
destine Votre Excellence avec 4 régiments cosaques de faire le partisan. Votre
but principal sera de m*éclairer sur tous les mouvements de Tennemi et de
profiter des moments favorables pour lui porter des coups sensibles sans risquer
de vous engager avec un ennemi supérieur à votre troupe. En conséquence de
quoi V. E. partira d*ici pour Altkirch ; de là elle se dirigera dans la vallée de
la Moselle par Épinal sur Nancy. Pendant cette marche vous entretiendrez une
communication à droite avec le colonel Scheibler qui a la destination d'opérer
par Colmar sur la route de Strasbourg. A gauche (tant qu'il n'y aura pas de
partisans dans la direction de Langres) vous pousserez des partis vers Langres
et Vesoul, avertissant de tout ce qui se passe les commandants des troupes qui
forment le blocus de Béfort et de Huningue.
« 11 peut facilement arriver que Votre Excellence sera invitée à coopérer à
quelque entreprise de conséquence. Je ne doute guère que vous profiterez de l'oc-
casion favorable pour porter un coup décisif. Je compte encore, mon Prince, sur
la bonne discipline de vos troupes et je crois que c'est le seul moyen de faciliter
l'approvisionnement de l'armée en nous attachant les habitants du pays.
« Je vous invite, mon Prince, do m'envoyer régulièrement tous les jours vos
rapports afin que je puisse donner à temps les ordres nécessaires concernant
les mouvements de l'armée. Schwarzenderg. »
* Situation tTe/fectif disponible du détachement du prince St*cherbatofl
le t^ décembre.
!*' régiment de cosaques de Tepler. 1 ofT. sup. 6 oflf. 5 s -off. 201 h.
3" régiment de cos;iques d'Oren-
bourjr 1 — 8 — !i — 256 —
Régiment de cosaques du Don Ja-
godin II ! — H — 16 — 27i —
Totaux 3 oiï. sup. 2.*» off. 33 s. -off. 728 h.
(Toll; IV, Beilage VI, p. 395, 3%, et Archives de Saint-Pétersbourg.)
— 29 -
pays entre Strasbourg et Colniar et de relier entre eux les V* et
¥!• corps, ce fut en vain (ju'il demanda Tautorisalion de renforcer
son petit corps qui comptait 250 hussards de Soumy et 300 cosa-
ques du Don, de 300 à 400 cosaqu(»s de la mer Noire avec lesquels
il comptait traverser la France pour aller rejoindre Wellington.
Mouvements des coloanes. — Le I««* corps d'armée (Colloredo)
était arrivé le 29 avec la division du comte Ignace Hardegg. à
Bienne. Il se divise alors en 2 colonnes : la première, renforcée
des divisions Hardegg et Wied-Runkel. se |>orlera sous les ordres
immédiats de Colloredo. par Baume-les-Dames, Montbozon et
Vesoul, sur Langres, où elle se reliera, vers le 1o janvier, avec la
gauche du III<^ corps. La seconde est formée» de la division Wimp-
ften et de la division légère du prince Maurice Liechtenstein.
Cette deuxième colonne, passant à la gauche du II® corps
chargé du blocus de Besançon, ira par Salins et Dôle sur Auxonnt»
qu'investira la division Wimpffen, tandis que le prince Maurice
Liechtenstein se dirigera par Dijon vers ChîUillon-sur-Seine. Cette»
division légère devait avoir pour point d'appui les réserves autri-
chiennes destinées h rester à Dijon pendant la plus grande partie
du mois de janvier. Arrivées le 29 à Berne, ces dernières conti-
nuèrent lentement leur marche sur la Bourgogne en passant par
Neuchâlel et Montbozon.
Le général Scheither (avant-garde du II« corps) employa la
journée du 29 à tourner le fort de Jou\ pour déboucher sur la
route de Pontarlier. Le II1« corps cantonna près de Saint-Braix et
la cavalerie du IV' corps d'armée, arrivée à Mârkt, fit immédiate-
ment passer sur la rive gauche quelques troupes qui relevèrent le
colonel Scheibler à Mavenheim. le lendemain 30, et se cantonné-
rent entre l'Ill et le Rhin vers Ensisheim et Blodelsheim.
La brigade Quallenberg. de la division légère Crenneville, avait
passé le Doubs à Pont-de-Roide : la brigade Haugwitz était arrivée
h Cheveney, et les grenadiers de Weissenwolflf h Barzdorf.
30 décembre. — Bombardement de Belfort et de Huningue.
— Dans la nuit du 29 au 30, Wrède avait fait bombarder sans
succès Huningue et Belfort: puis, au jour, à la nouvelle l'infor-
mant de l'approche de troupes françaises qu'on j)rétendait en
marche pour débloquer Huningue et Belfort, il modifia lesempla-
— 30 -
céments des Bavarois. Une seule des brigades dé la division
Keehberg resta devant Belfort, Tautre alla à Dannemarie. Une
des brigades de la division de La Motte fut |>ostée vers Altkirch :
l'autre sous les ordres du général Deroy fut ramenée en arrièn; à
Hegenheim, pour couvrir plus eflicacement les travaux devant
Huningue, pendant que les Autrichiens de Frimont se tenaient h
Thann et Cernay et que leur avant-garde, (|ui occupait fortement
Soultz, envoyait un petit détachement s'établir à Saint- Amarin.
Frimont n était plus séparé à ce moment que par TUldu 1V« corps
dont une partie avait déjà pris ])ied sur la rive gauche du Rhin.
Le prince royal de Wurtemberg installa ce jour-là son quartier
général à Mulhouse.
Positions. — Le l**" corps était à Court et Tavannes, et le
général Scheither avait inutilement tiré quelqu<'s coups de canon
contre le fort de Joux. Le 11I« corps n'avait pas bougé, et seule la
division Hohenlohe s'était quelque peu rapprochée de Porrentruy ;
Blanchi y recrut ce jour-là l'ordre d'aller, le 2 janvier, relever
sous B<?lfort h;s Bavarois et, une fois arrivé à Belfort, de diriger la
division légère Crennneville sur Vesoul. Weissenwolff, avec ses
grenadiers, était à Berne, et le cor|)s de l'ataman Platoff traversait
Fribourg-(in-Brisgau se dirigeant sur Bàle.
31 décembre 1813. — Mouvements et affaire de Baume-les-
Dames. — Le. 31, le l'^'" corps se |>orla sur Mouthiers, et Bianchi.
qui (ivait atteint Montbéliard, tit occuper par un détachement h*
fort de Pierre-Pertuis, en môme tenqjs «ju'il poussait la division
légère de Oennevilleà Arcey. Gyulay, uv(;c le IIP corps, suivait
ia même direction; arrivé à Porrentruy le 31, il entrait en France
le lendemain et venait jusqu'à Délie. Le prince Alois Liechtenstein
(II« corps) avait envoyé un bataillon bl()([uer le fort de Joux et hi
brigades S<:heither à Fallerans par Aubonne.
Quant au petit corps volant du major Wober, il avait été alta-
(|ué <:(î jour-là à Baume-les-Dames par un bataillon et deux esca-
drons français, chassé de Baume et obligé (hî repasser le Doubs
à Gerval *.
' «« Le général Musnier aa ministre de la gu«?nv. — Besançon, 31 décembre.
— 31 —
A partir de ce jour, le prince héritier dtî Hesse-Uombourg pril
le commandemeiil du II® <:orps. des diuix divisions de grenadiers
WeissenwolflfetTrautenberg, ainsi tpie des deux divisions de cui-
rassiers Klebelsberg et Lederer (réserves autrichiennes) (|ui
devaient être rendues du o au G janvier à Pontarlier. Le princt*
avait pour mission de se porttir av(»c toutes ses troupes conlrr
Besançon et d'en commencer le siège le 9 janvier.
Les Bavarois avaient continué de bombarder Huningue sans
sucées, et Tavant-garde autrichienne de Frimont s'était entièn»-
raent reliée par sa droite avec la gauche des \Vurti*mbergeois.
dont les patrouilles poussaient jusque^ vers Houifach.
Reconnaissance et combat de cavalerie de Sainte -Croix.
— Wrède et Frimont ignoraient emore la force réelle des
troupes françaises postées ù Colmar, Pour mettre Un à cette incei*-
titude, ils prescrivirent au comte Anloim* llardegg de pousser, !»•
31, une forte reconnaissance surSainIc-Ooix. Reïisc.ignés par les
déserteurs sur les moyens de défense de Sainle-Croix et sur les pré-
cautions prises par le général de Pire, h*s Alliés espéraient enlev«'r
les troupes de cavaleritî postées dans va^, village. Favorisée par un
épais brouillard, Tavanl-garde autrichiennes sous les ordres du
eolonel Mengen, apparut tout à coup formée en trois colonnes
devant Sainte-Croix. Quoique les recoimaissances qu'il avait
envoyées à la pointe du jour à la découverte, n'eussent rieu
aperçu, le général de Pire, à cause du brouillard, n'avait pas fait
rentrer ses régiments dans le village à l'heure accoutumée. L<'s
cavaliers du colonel Mengen chargèrent résolument les grand'-
gardes françaises, culbutiTent les avant-postes et arrivèrent (Mi
même temps qu'eux à Sainte-Croix, qu'ils traversèrent au
galop, pendant que les deux autres colonnes essayaient de cerner
le bourg placé sur les deux côtés d(» la route au milieu d'une
vaste plaine. Les cavaliers autrieliieiis ne s'arrêlènnt qu(^ de
10 heures soir. — Un corps de quelques centaines de parlùans ennemis occu-
pait Baume, petite ville sur le Doul)S, à 5 lieues au dessus do Besancon. Le
gkmésaU Marolaz sortit la nuit dernière, à minuit, avec 600 hommes d'infan-
terie et 300 chevaux, pour marcher contre eux. 11 les rencontra prâ de Bannit'
et les chargeant ansaitÂt avec impétuosité U les mil en fuite, leur tua i8 hom-
mes et leur fit 103 prisonniers, a {Archives du déjiôl de la guem,)
— 32 —
Tautre côté du village où ils trouveront le gros de la division en
bataille*.
Plusieurs charges eurent lieu pour Toccupation de Sainte-Croix,
dit le général Petiet dans son Journal historiqtte de la cavalerie
légère du 5* corps de cavalerie ; mais l'infanterie tyrolienne s'é-
tant montrée, le général de Pire, n'ayant pas d'infanterie avec
lui, crut devoir se conformer aux instructions antérieures qu'il
avait reçues; il se retira et prit position momentanément à la tête
du défilé. Il y attendit l'arrivée du général Milhaud qui amena la
1f« division de dragons et lui ordonna de reprendre Sainte-Croix,
ce qui eut lieu sans difficulté, l'ennemi s'étant retiré, dès qu'il
eut vu que son coup était manqué. La cavalerie française et celle
des alliés réoccupèrent le soir les positions qu'elles tenaient avant
cette aflfiiire. Toutefois la division Pire ne laissa plus qu'un esca-
dron h Sainte-Croix, et son gros s'établit à Sandhofen*.
Afin de couvrir pendant cette opération la droite du colonel
* « Le 30 décembre, le régiment avait atteint Riedclsheim, quMl quitta dans la
nuit du 30 au 31, après avoir détaché la 2" division du major qui était ajffec-
tée au corps volant du colonel baron Scheibler. Le régiment se dirigeant vers
Sainte-Croix, se mit en marche à 2 heures du matin. Le feld-maréchal-lieute-
nant comte Antoine Hardegg avait résolu de tenter avec les uhlans, les hus-
sards de l'archiduc Joseph et le 3' bataillon de chasseurs, une surprise contre
Sainte-Croix. La division du colonel faisait Tavant-garde. Le 1^' escadron de
cette division suivait la route qui mène à Sainte-Croix et y arriva à Taube du
jour par un brouillard des plus intenses. 3 pelotons du 2* escadron de cette
division devaient prendre le village par sa droite, pendant que les 2 autres
pelotons devaient le tourner à gauche. Cet escadron avait ordre de pénétrer
dans le viUagc après Tavoir tourné et de couper la retraite à Tennemi. Mais,
comme on l'apprit ensuite par les prisonniers français, l'ennemi avait de son
côté projeté une surprise, et ce fut pour cela que les uhlans vinrent donner sur
des troupes déjà formées et en position. Ils réussirent cependant à les déloger
du village qu'une compagnie de chasseurs occupa peu après. On avait fait des
prisonniers, enlevé des chevaux. Le but de l'entreprise était donc atteint, et le
régiment reçut l'ordre de rentrer dans ses cantonnements de la veille. » (Fait$
de guerre mémorables du régiment de uhlans de Schwarzenberg (aujourd'hui
2« régiment de uhlans) 0. M. Z., 184i, VH.)
Nous n'avons trouvé nulle part la moindre trace de la surprise dont il est
question ici et que le général de Pire aurait projetée. Il nous semble de plus que
le but de la reconnaissance n'était pas atteint puisque les cavaliers autrichiens
ne réussirent pas à percer le rideau formé par la cavalerie française.
> Voir pour plus de détails : Petiet, Journal historique de la division de cava-
leric légère du 5* corps de cavalerie: rapport de Milhaud, 31 décembre, 5 heures
soir; rapport du chef d'état-major du 5* corps et rapport du général de Pire sur
l'affaire de Sainte-Croix. (Archives du déjwt de la guei-re.)
— 33 —
Moiigcii, ou iiviiit |)ouss('î h» colonel Scheiblcr avec 150 cosaques et
oO hussards coulrc les avaul-posles français dt; Dessenheiui cl de
Weckolsheiin. II réussit à les rejeter jusque sur Neuf-Brisach,
après leur avoir pris il hommes et il chevaux.
Premiers mouvements de Platoff. — Platorï', dont les cava-
liers avaient défilé par Fribourg, reçut l'ordre de passer le Rhin
à Bàle et de se porter aussitôt vers les délilés des Vosges, de
manière à précéder le 1V« corjKS et h relier r(»\lrème droite de la
grande armée de Bohéniiî avec la gauche de l'armée de Silcsie
qui allait, elle aussi, commencer sa marche en avant.
1«>^ janvier 1814.— Wittgenstein se prépare à passer le Rhin.
— Dans la journée du 1«' janvi(T et la nuit du l«f au i, Witlgen-
stein, avec une prudence et une circons|)ection cpu» rien ne justi-
fiait, puisqu'il n'avait devant lui tout au plus que !250 à 300 hommes
chargés d(» garder les ouvrages (;n ruines de Fort-Louis, |)répara
mélhodiiiuement le passage du Rhin.
La violence du courant et l'intensité du brouillard iuî lui piT-
mirent de jeter les [)onls que dans la journée^ du 2. Il se borna
donc à masser le i2« corps et la cavalerie^ de Pahlen près du point
choisi pour le passage? et à pousser plus en avant le régiment de
chasseurs chargé de former la tète de colonne et d'enlcwer Fort-
Louis (Fort-Yauban).
Mouvements des partisans Scheibler et Stscherbatoff . —
Les 1V« et V« corps, qui forment ii ce moment la droite de la
grande armée, ne bougent pas. Seul le pcîtit corps volant du
colonel Scîheibler, (jui battait Testrade vers Neuf-Brisach, prit un
peu plus à gauche par Soultz vers Guebwiller, et 1(î général prince
StscherbatotV, avec 4 régiments de cosaques, partit d'Altkirch,
passa par Thami pour pénétrer dans la vallée de Saint-Amarin,
franchir ensuite les Vosges et se diriger de là sur Remiremont. A
cette dat(^ (le journal même des opérations liMUi au grand cpiarlier
général de Schwar/enberg nous (»n fournit la prcnive irréfutable)*
1 Starke, Einifieilung uiul Tageibeyebeiiheiteii der Haupl Année unter Feld-
Marschall Fùrst Sch(carzenberg im Moimte Januar 1814. ^K. K. Kriegs
Archiv., 1, 30.)
W«u. 3
— 34 —
on sait seulement que la cavalerie des généraux Milhaud et de Pire
est à Sainte-Croix et Habstatt. C'était donc là tout le résultat
obtenu pendant les dix jours qui s'élaient écoulés depuis que le
V« corps avait franchi la frontière.
Le 11I« corps (Gyulay) arrivé à Délie, comme nous l'avons dit,
posta entre Blamont et Villers, sa brigage d*avant-garde (brigade
Grimmer). Une autre brigade, chargée plus spécialement de sou-
tenir le major Wôber, qui avait dû évacuer Baume-les-Dames, et
d'assuHîr au III« corps la possession des ponts de Clerval et de
Pont-de-Roide, fut placée à Mont-Bouton.
Mouvements du corps volant de Thurn. — Le corps volant
du lieutenant-colonel Thurn, qui précédait le corps de Gyulay,
avait poussé vers Lure *.
•
Mouvements des colonnes. — Le I^'^ corps arriva à Délemont,
après avoir fait force détours et suivi depuis Soleure des chemins
difficil(»s, alors qu'il eût été aisé de l'amener en ligne plus rapi-
t Lettre da lieutenant-colonel comte Thurn au priuce de Seliwarzenbcrg. —
« Frahier, le 1*' janvier 1814. — A son Altesse le général en chef, feld-maré-
chal prince de Schwarzenbcrg. — Je m'empresse de faire respectueusement
connaître à Votre Altesse que je suis arrivé ici cette après-midi avec mon corps
volant et que j*ai pousse mes avant-postes du côté de Houchamps.
« J'essaierai d'occuper cette nuit Lure où l'ennemi n'avait encore personne
hier, et je m'efforcerai d'enlever le régiment de cavalerie ennemie posté à
Vesonl.
« Uesprit des jtopulatiom me surpretid et dépasse mes espérances. Faligius jmr
un gouvertiement honni et détesté, les habitants avouent qu'ils altend:>nt avec
impatience l*heure de leur délivrance. Les proclamations que fious avons distri--
buées, V excellente conduite de nos troupes ont dû puissamment contribuer à déve-
lopper ces sentiments,
<( D'après les renseignements qui me parviennent à l'instant, des trovbles
a^eux auraient éclaté à Lyon et en Vendée. A Lyon les conscrits auraient
refusé de se rendre à l'appel du gouvernement.
u De Metz, j'apprends que le corps cantonné dans la place et aux environs
compte à peine 20,000 hommes. Le gros des forces ennemies semble avoir été
en partie dirigé sur la Hoilande, et être en partie masse du côté de Maycoce.
M Dans quelques jours j'espère pouvoir transmettre à V. A. des renseigne-
ments exacts et précis que doivent me fournir les émissaires que j'ai fait partir. »
(k\ K. Kriegs Archiv., I, 31.)
I^s appréciations du comte Thurn, appréciations que nous rolrouverons dans
plusieurs de ses premiers rapports, sont utiles à enregistrer. Elles permettent
de se rendre compte de l'état des esprits au début de l'invasion et de suivre
pas à pas le réveil de l'esprit national.
- 35 -
dénient et plus lacilonient, si Ton avait su î\ ce moment quel rôle
lui était r6ser\'6 et quelliî direction il aurait à suivre.
A sa gauche, le II* corps était toujours inunobilo du côté de
Pontarlier. Les patrouilles de Tavant-garde de Bubna (général
Scheither) avaient pris le contact avec les avant-postes français
vers l'Hôpital du (iros-Bois.
Les réserves autrichitMUKîs, encore assez loin en arrière des
I^f et III® corps, étaient échelonnées de NeuchAtel à Berne ; quant
aux réserN'cs russes et prussiennes elles marchaient lent(^ment de
Fril)Ourg-(;n-Brisgau sur Bûle : la cavalerie d(î Tataman Platoff
avait cependant traversé le Rhin et était cantonnée k Altkirch.
2 janvier 1814. — Mouvements des Alliés en Alsace. — -
Le 2 janvier, Wittgenstein parvint, enfin, îi faire passer le Rhin
à son avant-garde, à enlevtT Fort-Louis (Fort-Vauban) et Fort-
d'Alsace, il jc^ler sur la rive gaucher la 4« division d'infanterie,
pendant que les régiments cosaques de Wlasoff et de Jaroslaw
traversaient îi gué Ic^ bras mort du Rhin (jui sépare Fort-Louis de
la riv(5 alsacienne et se répandaient sur les roules de Strasbourg,
Haguenau et Lauterbourg.
Le prince royal de Wurtemberg, toujours posté à la droite du
V« corps, fit avancer la réserve de sa l»"® colonne (général Stock-
mayer) jusqu'entre Ensisheim (;t Bantzenheim, et le gros de la 2*
(général Koch) prit position de Rumersheim à Blodelsheim.
Wrède, dont le (piartier général était à Cernay, concentra par
ordre du généralissime, entre Cernay et Aspach la division La
Motte, entre Soultz et Rouft'ach la division Antoine Hardegg, à
Ulfhoitz la division Spleny, à Soppe-le-Bas la division Rechberg
que Bianchi venait de relever sous Belfort, et ne laissa devant
Huningue que la brigade Zollern.
Il n'y avait îi ce moment devant les positions occupées par le
V« corps que quelques piquets de cavalerie française postés à
Pfaftenheim, Herlisheim et Sainte-Croix. Hardegg débouchant de
RoutVach chassa de Pfafl'enheiui les cavaliers français qui s'y
trouvaient. Quelques heures plus tard, lors(jue le général autri-
chien fut rentré dans ses lignes à Rouffach, ils réoccupèrent ce
poste.
Le corps volant du colonel Scheibler s'avança jusqu'à Bûhl
pour surveiller la vallée du Lautenbach.
— 36 —
Concentration des IV* et V* corps sur Colmar. — D('
Cl' que nous venons de dire, il ressort que les IV* et V« corps
employèrent les deux premières journées de 1814 ii se concentrer
et il se masser pour enlever Colmar aux cavaliers de Milhaud
et aux quelques fantassins que Victor avait postés de ce côté
en soutien du 5« corps de cavalerie. C'était pour obtenir un
si piètre résultat ([ue Schwaivenberg avait cru nécessaire de pres-
crire à Wrède de marcher avec tout le V® corps par Roufl'ach et
Sainte-Croix vers (Colmar, et au princ(? royal de Wurtemberg de
masser tout le IV* corps à Ensisheim.
Pendant (fue Wrèdc^ et le prince royal de Wurtemberg se pré-
paraient à exécuter les ordres du généralissime, le lieutenant-
colonel comte Thurn avait continué son mouvement sur Lure.
qu'il occupa sans cou|) férir dans la nuit du 1**" au :2 janvier et
d'où il poussa des partis sur les routes de Luxeuil et de
Vesoul*.
• Le licutennnt-coloncl comte Tharn au prince de Scliwarzenbcrg. — « Lure,
le S janvier 1814. — J'uioccuix; cette nuit Lure, avec un peloton de hussards,
et le reste de mon détachement m*y a rejoint aujourd'hui.
u Mes postes sont sur la route de Luxeuil et sur les deux routes de Vesoul.
Jjes chasseurs bavarois, qui m'ont ètc adjoints, assurent dans cette région boisée
mes communications avec mes avant-i)ostcs. J'ai [loussé un fort détachement
sur les deux routes de Vesoul aGn d'i^tre fixé sur les renseignements contradic-
toires que je reçois relativement à la présence de la cavalerie ennemie à Vesoul.
et j'ai [UHîscrit au chef de ce détachement d'essayer de suiprcndre et d'attaquer
l'ennemi pendant la nuit. Demain je chercherai à me reUer, par Luxeuil, avec
le corps volant du général-major prince StscherbatofT et si faire se peut, à ma
gauche avec la division du comte Crenneville que je fais rechercher.
« 11 est certain qu'il y avait encore ce matin un fort piquet de chasseurs :ï
cheval à Calmoutier, que le préfet de la liaute-Saône a fait afflcher aujour-
d'hui à midi à Vesoul le décret relatif à la levée en masse, que le commiss;tire
impérial et sénateur Valence est arrivé à Besançon et y a apporté h*s ordres
d'organisation de la levée en masse. Il .paraît que la discipline et la tenue de
nos troupes en imposent aux populations.
« Mon jHirU a été reçu ici arec joie. Tout temble indiijuer qu^on attetulf niènif
à Vintérieur du jtays, noire arrivée avec une réelle imiHttience.
« J'ui l'honneur d'adresser à V. A. le très intére^sant Journal de TEnqiire
en date des 28 et 20 décendire.
(( Enfin . je dois communiquei* à V. A. une nouvelle non moins intéres-
sante : d'après des lettres ri>çues ici de Paris par le ci-devant commissaire
ordonnateur La Motte, il > aurait eu à Paris un soulèvement qui a eu poui
conséquence d'empêcher TËmpereur d'en partir.
u J'ai saisi ici a Lure un magasin de 50 quintaux de t<'ibac à fumer et j'at-
tends à ce sujet les ordres de V. A.
{K. K, Krieyn Archiv, I, 46.)
— 37 -
Hiaiichi avait rel(?vé h's Bavarois (Irvanl Brlforl, laissant sur
les routes de Besancon et de Vesoul la division léjçt'^re Oenne-
ville. qui occupa Arcev, Isle-sur-le-Doubs, Héricourt. et dont les
patrouilles se nionln'^rent sur la route de Vesoul jusque dans les
environs de Lure.
Le III" cor|)s (jui était toujours à Délie envoya un réjsçinienl
îi Montbéliard afin de recueillir, le cas échéant, les troupes de
Crenneville postées h Arcey.
Schwarzenberg, pour être |)lus ji |)ortée, avait transféré son
quartier général de Lorrach à Bi\le. Atin de (*oniplét(»r Tensemble
des mesures de pm-autions superflues déjà prises, le I«' corps
vint îi Porentruy. Le II'', tout en laissant des troupes devant le
fort de Joux. se massa autour de Morteau d(» façon à pouvoir se
porter en avant le lendemain, tandis que. derrii'^re ces deux corps,
le prince héritier de Hesse-Hombourg. en marche sur Pontarlier,
cantonnait ses troupes depuis Travers jusqu'il Saint-Biaise et
Arberg. Ce prince devait, avec* 25 bataillons et 74 escadrons,
(»ssayer de» pousser de Pontarlier sur Besançon qu'on comptait
eidever de vive force. Le prince de Hesse-Hombourg se proposait,
d'ailleurs, dans le (*as où le coup de main projeté contre Besançon
échouerait, de se rabattre à droite sur Vesoul pour y rallier Taile
droite de l'armée de Bohême. Enfin, le général Scheiter, posté
entre Villafans et Fallerans. reliait la gauche du II« corps avec le
gros des troupes de Bubna.
3 Janvier 1814. ~ La cavalerie de Fabien passe sur la rive
gauche du Rhin se dirigeant sur Hagueneau. — Dans la nuit
du 2 au 3 janvier, les pontonniers de Wittgenstein ayant achevé
le pont sur le Bhin rouge. Pahlen passa aussitôt sur la rive gauche
avec sa cavalerie (hussards de Grodno, 5 escadrons; hussards de
Soumy, 2 escadrons; uhlans de Tchougouïeft', 4 escadrons:
2* régiment de dragons badois, 4 escadrons: et la batterie li
cheval, n*» 23).
Il avait ordre de se porter sur Haguenau, de menacer et, si faire
se pouvait, d'intercepter la route de Strasbourg i\ Nancy par
Saverne. Pahlen, en s'avançant ainsi dans la direction de
Haguenau, se fit couvrir sur sa gauche, vers Strasbourg, par le
général Rûdinger qui devait aller avec les hussards de Grodno,
les cosaques de Wlassoff et 2 pièces d'artillerie à cheval jusqu'à
— 38 -
Druscnheim et pousser de là la moitié du régiment cosaque aussi
loin que possible vers Strasbourg.
Un escadron des hussards de Grodno et le reste des cosaques
de Wlassoff étaient dirigés par la route de Haguenau à Stras-
bourg sur Brumath, envoyant des partis, d'une part vers Stras-
bourg, de Taulre vers Saverne.
Enfin, le lieulenant-colonel Nabel, avec les deux autres esca-
drons des hussards de Soumy et la moitié du régiment cosaque de
Jaroslaw, était chargé de couvrir la droite du côté de Landau, en
80 postant à Seltz et en envoyant des partis au delà de Wissem-
bourg vers Landau et Bilche.
Pour compléter ce rideau, le colonel Sélifonticft alla, avec
doux escadrons de uhlans de Tchougouïcfl' et les sotnias restant
du régiment do Jaroslaw, s'établir h Lauterbourg, envoyant par
Langenkaudel des partis sur Landau et recherchant, par Ilheinza-
bern et Spire, la communication avec l'armée de Silésie*.
Pendant la journée du 3, le prince Eugène de Wurtemberg fit
occuper Fort-Louis (Fort-Vauban) par la 3® division d'infanterie;
la 4* resta encore sur la rive droite à Stoilhofen et ne passa sur la
rive gaucho que le 8 ».
On avait donc envoyé la cavalerie du VI® corps dans toutes les
directions, afin de se procurer les renseignements nécessaires sur
la position et les forces de l'ennemi, ainsi que sur la marche des
autres colonnes alliées. Cette cavalerie ne lit que peu de chemin
le 3, et le soir elle occupait les positions suivantes : Pahlen, avec
le gros do sa cavalerie ne dépassa pas Suffelheim ; Rlidinger alla
jusqu'à Schierofen ; les cosaques de Wlassoff s'établirent à Dru-
scnheim et dépassèrent Gambsheim, s'éclairantdu côté de Wantze-
* Composition de la cavalerie de Pahlen, d'apr^^s l'état de situation du
4 janvier 1814.
» Le comte Wittgenstein au prince de Schwarzenborg ; « Rastntt, 3 janvier
1814. — Wittgenstein rend compte du passage du Rhin par les troupes du
VI® corps, des afTaires du fort Vauban et du fort Alsace, et ajoute ensuite :
tt Le 3° pont (celui du 3* bras) étant achevé, toute ma (*avalerie passera
avec moi sur la rive gauche. Le gros de cette cavalerie, sous les ordres du
comte Palhen, va à Haguenau et poussera aussi loin que possible vers
Saverne. Un autre corps de cavalerie ira vers Strasbourg et Schlestadt, afin de
se relier avec les partisans et les coureurs du général comte Wrède. Enfin, un
autre détachement de cavalerie se dirige de façon à cliercher à se relier avec
la gauche du feld-maréchal Bliicher, du côté de Wissembourg. »'(K. K.Kriegs
Arehiv,, \, 84.)
— 39 -
naii encoro occupé parles Français ; onfin, un des deux escadrons
de uhlans de Tchougouieff s*installa à Haguenau, que les
Frîincais avaient évacué le 3 au matin.
On trouve h propos do l'occupation de Haguonau, dans les
rapports adressés par Witlgenstein et par Barclay de Tolly h
Tenipereur de Russie, fi la date du 5 janvier, des données
curieuses sur Tétai d'esprit des populations. L'entrée des uhlans
russes ne causa, paraît-il, aucune émotion, aucune inquiétude ti
la population qui continua îi vaquer à ses occupations ordinaires,
comme si de rien n'était. Mais la situation ne devait pas tarder à
se modifier complètement par suite; de la mesure (|ui, prescrite
par Schwarzenberg îi Tinsu des souverains et rapportée d'ailleurs
peu après*, imposait l'obligation du serment d'obéissance et de
lidélité envers les souverains alliés, mix autorités et aux popula»
tions. Celles-ci, en butte aux sévices et aux violences inséparables
d'une invasion, exaspérées par la misère et les mauvais traite-
ments, se décidèrent peu à pcni à courir aux armes et h prendre,
comme nous le verrons plus tard, une part glorieuse et activera
défense du territoire national.
En somme, Pahlen avait seulement réussi î\ apprendre que
deux régiments de gardes d'honneur Clés 3" et 4«) sur\cillaient
le Rhin dans ces parages, tandis que du côté de Strasbourg, ce
ser\icc était confié à quelques compagnies d'infanterie de la gar-
nison; qu(î le gros du 4« régiment do gardes d'honneur, qui avait
évacué Haguenau h l'approche des uhlans, paraissait se retirer
sur Saverne, et que le 3« régiment de ces gardes s'était replié des
environs de Fort-Vauban vers Bischwiller, d'où l'on s'attendait k
lui voir prendre le chemin de Saverne.
Marche de Wrède sur Colmar. — Schwarzenberg s'était
rendu le 3 au matin auprès des troupes qu'il avait destinées, par
un ordre daté de Lorrach le 2 janvier, à agir contre Colmar*. Ce
mouvement devait permettre à Wrède de reprendre la place qui
* Voir BOGDANOWITCH, 1, 67.
i Schwarzenberg aa feld-maréchal lieutenant Bianchi. — » LOrrach, S jan-
vier 1814. — Le général comte de Wrède poussera, le 3 janvier, vers Col-
mar. Le corps volant dn général prince Stscherbatoff s'est porté vers Epinal par
la roQte do Remircmont. » (K, K, Kriegs Arehiv,, l, 37.)
— 40 —
lui était assignée dans l'ordre de bataille, d(î passer devant le
IV® corps, de se porter îi la droite de ce dernier, ayant par consé-
quent le prince royal de Wurtemberg îi sa gauche et Wittgenstein
li sa droite.
La marche sur Colmar* s'effectua ainsi qu'il suit : Frimont avec
la division Antoine Hardegg, se porta dès l'aube sur Rouffach ;
il était suivi par les divisions La Motte. Spleny et par les chevau-
légers bavarois du général Ellbracht.
La division Rechberg marchait en même temps vers Soultz et
devait y rester en résene. Enfin, le 1V« (*orps se mettait en march(»
sur deux colonnes, Tune avec le général Koch vers Neuf-Brisach
en longeant le Rhin, l'autre conduite par le prince royal de Wur-
temberg en personne, d'Ensisheim sur Sainte-Croix et Colmar.
couvrant ainsi la droite et les derrières du V® corps, avec lequel
les Wurtembergeois se reliaient en outre par le petit corps volant
du colonel Scheibler, renforcé momentanément de deux compa-
gnies de chasseurs.
Les derniers postes qui couvraient l'arrière-garde de Milhaud
occupaient h ce moment encore Sainte-Croix, Pfaffenheim et
Hattstadt. A 9 heures, les deux corps alliés se mirent en mouve-
i Régiment de uhlaiis autrichiens SohwarztMibcrg devant Colmar (Historique
du régiment). — 4 janvier 1814. — Le rt^giment se porta ce jour-là sur
Colmar avec le V** corps d'armée dont il formait Tavant-garde.
Le major comte Hadik avait été envoyé avec un escadron sur le flanc droit
pour couvrir ce flanc et se relier avec les troupes du colonel baron Scheibler,
qui devait se porter sur Colmar par la route de Saint4.sCroix. Bien que cet
escadron eût à passer par un terrain des plus défavorables à l'action de la cava-
lerie, coupé partout de marais, de fossés et d'étangs à moitié gelés, il réussit
cependant à pénétrer le premier dans Colmar et à faire de l'autrecôté de la ville
quelque mal à Tarriére-gardc ennemie qui se retirait. Ces bons résultats étaient
principalement dus au coup d'œil et à la décision du capitaine baron Saamen.
Le maréi!!ial des logis chef Hepsch, qu'on avait envoyé en avant avec
15 hommes pour tirailler avec l'ennemi, se distingua tout particulièrement.
Arrivé dans les vignes qui entourent la ville, il se porta rapidement en avant
avec deux hommes, poussa jusqu'à la porte de Colmar, que cinq cavaliers enne-
mis, aidés par quelques habitants, cherchaient à barricader. Il n'hésita pas à
entamer la lutte avec eux. les empêcha de continuer leur œuvre, jnsqu*au
moment où, soutenu par dix cosaques de PlatotT, il réussit à les mettre en
fuite. Sans ordre et de sa propre inspiration, il poursuit l'ennemi avec les
cosaques, donne sur la place dans un peloton de cavalerie en train de se for-
mer, le culbute, en blesse le chef et poursuit les fuyards jusqu'il la porto
située de l'autre côté de la ville, qu'il garde jusqu'à l'arrivée du gros, bien
que quatre escadrons ennemis fussent établis à proximité et en dehors de cette
porte.
— 4i —
nicMil ; les vedoltos vi les |)(»tits postes do cavalorio franrîiise se
replifTcnt d'abord sur Colmar* qu'ils quiltercnt presque sans
combat. Le gf^nc^ral Milhaud. informé du passage du Rhin exécuté
par Wittgenstein, l'avait évacuée h» matin, se portant avec sa
cavalerie dans la direction de Sainte-Marie-aux-Mines, tandis
qu'il avait fait filer l'infanterie vers Strasbourg. C'était du moins
ce que l'on apprit h Wn'^de, lorsqu'à 8 heures de l'après-midi, il
entra à Colmar |)resque en même temps (ju(» le IV«cor|)S. L'arrière-
garde fut mollenuMil poursuivie par Scheibler jusqu'à Markol-
sheim. et se replia sans autrement être in(|uiétéesur Sainte-Marie-
aux-Mines, afin de couvrir ce |)assage d(»s Vosges et de |)ermetlre
au gros d'atteindre sans «Micombre la vallée de la Meurthe.
C'était donc pour enlever (Colmar h une |)oignée de cavaliers et
pour assurer en passant l'investissement de Neuf-Brisach, que
l'on avait mis en mouvement deux corps d'armée qui s(» canton-
nèrent le soir, le V« îi (Colmar et environs, le IV* entre Sainte-
Croix et Biltzheim.
Schwarzenberg était de sa personne retourné à Altkirch: h»
colonel Scheibler, qui seul avait fait mine de suivre l'arrière-
garde de Milhaud dut. après avoir été arrêté à Markolsheim. se
* Dans le rapport qu'il adressa, le 7 janvier au soir, de Baccarat, au ma
jor général, le général Milhaud rend coinple en res termes de ce mouvement
rétrograde :
« Quand j*ai eu ordre tlu duc de Ikllune de quitter Colmar, dit-il dans ce rap-
port, j'étais en présence d'une forte armée qui aUaquait le 5** corps de cavalerie
et ma brigade d'infanterie par quatre grandes colonnes; j'avais des détachements
sur les bords du Rhin et avant de Neuf-Brisach et dans les niontignes de Soultz
bach, et malgré les forces de l'ennemi douze fois (?) supérieures aux nôtres,
nous avons fait notre retraite sans perdre un seul homme ni un seul cheval.
J'ai quitté Colmar à ± heures après midi et n'ai pas cru devoir répontlre par
un seul coup de canon au\ canonnades de Tennemi. Nous avons mameuvré
dans les détilés et dans la plaine ave<^ le plus grand ordre
Les uhlans de Schwarzenberg forment l'avant-garde ennemie, mais avec beau-
coup de circonspection
« Vn détachement de 100 dragons et de iOO fantassins commandés pur le
chef «rescadron Montanolle, du 22®, que j'avais envoyé dans la valh^ de
Munster, a fait sa retraite le long des montagnes et est venu joindre notre
arriére-garde.
« Quel malheur f mon Prince, ajoutait le général en terminant, de ne jmh-
voir pas défendre Ventrée des fjorges de Snrerne, de Mutz'uj et de Sninte-
Marù'-niix-Mines par quelques bataillon* d* infanterie légère. » Tous les habitants
des montagnes n'avaient besoin que de se voir proléger par un ou deux batail-
lons à l'entrée de chaque gorge pour faire une irruption et défendre leurs foyer».
(Archivée du dépôt île la guerre.)
— 42 —
dirifç(»r du (;ôté do Schlostadt, parce que U*. géïK^ralissinie était
convaincu qu(» Milhaud se porterait de là vers Strasbourg pour y
rallier Victor.
Marche de Stscherbatoff sur Remiremont. — Stschorba-
toff avait de son cAiO passé l(»s Vospjes, débouché dans la vallée de
la Moselle et poussé avec ses 700 cavaliers sur Remiremont, qu'il
occupa le 3, à une luxure de raprès-niidi, après une escarmouche
dont il rend compte dans les termes suivants :
Rapport de Stscherbatoff ù son A liesse Monseigneur le Prince de
Schirarzenberg^ commandant en chef les armées réunies. —
Remiremont. 3 janvier 1814. (En français dans l'original.)
« A deux lieues de Remircîmont, mon avant-garde commandée
par le colonel Elimovitch, fut rencontrée par un détachement de
cavalerie ennemie qui a été culbuté.
« Beaucoup furent tués et 36 faits ])risonniers. Il y a 6 cosaques
d(* blessés dont 2 grièvement.
« Vers une heure de l'aj^'ès-midi, Remiremont a été occupé;
mais maintenant U' hasard me fit connaître par une lettre que
000 hommes d'infanterie marchent d'Epinal sur Remiremont, que
ii\0 honmies h cheval sont arrivés à Epinal et qu'on y en attend
âoO autres dans la nuit.
« Je ne pourrai pas résister îi ce fort détachement, et je devrai
me replier sur la môme rout(; par laquelle je suis venu, pour ne
pas laisser surprendre le flanc gauche de l'armée par le débouché
des gorges des montagnes.
t( J'avais envoyé une bonne patrouille il Plombières, qui n*y a
trouvé aucun ennemi*. »
Houvement de la cavalerie de Thurn sur Vesoul. — IjC
lieutenant-colonel comte Thurn, arrivé de son côté ii Lure, avait
résolu (le surpendre, dans la nuit du 2 au 3, le détachement fran-
çais posté îi Calmoutier, mais qui s'était, entre temps, replié sur
les hauteurs voisines de Vesoul. l-e parti ([ue Thurn avait poussé
en avant, ayant tiraillé pendant toute la matinée avec les avaut-
postes français, le colonel lui prescrivit d'occuper et d*amuser
* A'. À'. KricQi Archii\, I, 57.
- 43 —
loiinemi. Marchant pondant oo temps, avec le reste de son
inonde, par la route de Besançon h Vesoul, il déboucha sur les
derrières de Vesoul, par Vellefaux. « Aussitôt, dit-il *, que ce
mouvement fut exécuté, je fis vivement attaquer rcnnemidc front.
I^ capitaine Burckardt s'acquitta de sa mission avec tant d'habi-
leté et d'intelligence, qu'il entra péle-mélc avec l'ennemi dans la
ville , et y prit le préfet au moment oh C(»lui-ci se j)réparait à
partir. »
Thurn ajonU) qu'il a fait 200 prisonniers, parmi lesquels des
malades, des blessés; qu'il a pris, outre le commissaire des
guerres attaché au dépôt de Vesoul, un magasin do fourrages et
un gros magasin de tabac; qu'il tient sous bonne garde le jiréfet,
mais que le principal résultat de son coup de main sur Vesoul
aura été de retarder la levée en masse décrétée par le préfet.
Bianchi, apri\s avoir relevé les Bavarois devant Belfort, avait
infructueusement sonmié le général Legrand de lui rendre cette
|)lace. Le III* corps (Gyulay), arrivé h Montbéliard, lui servait de
soutien, et, comme ce corps manquait de cavalerie, il avait fait
occuper par l'infanterie les postes do Clerval et d'Arcey. Biancthi
prévenait également Schwarzenberg, dans son rapport du 3 jan-
vier*, « qu'il serait impossible de pousser la division légère Cren-
neville bien avant dans la direction de Vesoul, parce que cet ofti-
cier général n'avait avec lui que deux faibles escadrons. »
On ne s'étonnera pas, nous l'espérons du moins, de nous voir
insister sur des détails qui peuvent, au premier abord, paraître
insignifiants ; mais, en y réfléchissant quelque peu, on découvrira
sans peine les raisons pour lesquelles nous nous sommes attaché
à signaler ces faits. Il nous semble, en effet, qu'il y a lieu de pro-
céder de la sorte, si l'on désire arriver h se rendre un compte exact
du caractère des opérations, îi découvrir la cause de lenteurs qui
paraissent inexplicables au premier examen, à ai)précior dans
toute son étendue respè<îe de terreur superstitieuse dont semble
avoir été hanté le quartier général du généralissime, h partir du
moment où l'on se décida ?i fouler le sol français. N'avant rien
devant soi, on aurait pu et dû pousser résolument et rapidement
i Rapport de Thurn à Schwarzenberg, de Vesoul, 4 janvier (A', A'. Kriegs
Archiv., 1, 73).
* K. K. Kriegi ArefUv.y I, 49.
- 44 -
en avant, afin de crever le mince et faible rideau de cavalerie,
derrii'^re lequel on n'aurait trouvé que quelques faibles bataillons
disséminés depuis Wissembourg jusqu'à Baume-les-Dîimes. Si
Ton ouvre, à la date du 3 janvier, le Journal sommaire des opé-
rations et des marches, tenu au grand quartier général de Schwar-
zenberg^, on y lira que Pahlen est à Haguenau. où il a trouvé
des malades et pris des dép(Ms de cavalerie, qu'il pousse à droite
sur Wissembourg et devant lui sur Saverne, que Stscherbatofi* a
passé les Vosges h Saint-Amarin et s'est avancé dans la vallée de
la Moselle jusqu'à Remiremont. Mais on se gardera bien, en
revanche, d'y faire la moindre allusion aux lenteurs de Wittgen-
stein, d'y motiver le déploiement inutile de deux corps d'armée
pour enlever Colmar à quelques cavaliers, de mentionner la perte
du contact avec la cavalerie de Milhaud, d'expliquer le piétine-
ment sur place imposé aux III®, II« et I*»" corps et aux réser\'es.
Il nous reste cependant à dire, pour en avoir fini avec le jour-
née du 8, que la division Ignace Hardegg, du le»" corps, avait
re|)ris sur le Doubs, du côté de Saint-Hippolyte, Pont-dc-Roide
et Baume-les-Dames, les postes que le III« corps, allant sur
Montbéliard, avait quittés. Le gros de ce corps était d'ailleurs
encore à Porrentruy, et le II® corps débouchait seulement à Flan-
gebouche. pendant que les réserves autrichiennes, avec le prince
héritier de Hesse-Hombourg, se portaient, sans se presser, sur
Pontarlier, Sainl-Sulpice, Chaux-du-Milieu et Saint-Biaise, et que
Barclay de Tolly installait son quartier général à Bftle.
Considérations sur les positions des Alliés.— Conséquences
de rentrée du V* corps à Colmar. — Il faut cependant recon-
naître que la marche des Alliés sur Colmar, en obligeant Milhaud
h se replier sur Sainte-Marie-aux-Mines. vint contrarier les projets
de Napoléon et contrecarrer les mouvements de Victor. Obligé de
chercher, avant tout, à gagner le temps dont il avait besoin pour
assurer un semblant de cohésion aux formations nouvelles,
Napoléon avait été amené forcément à l'idée d'organiser une
défense simulée du Rhin, et avait, par suite, dû donnera sa ligne
une» extension égale îi la longueur du front par lequel passaient
* Starke, EinUwilung tind Tagesbegebenlwiten der Haupl Armée unter Feld-
Mar$chaH Fûrsl Sehicarzenherg im Monate JanuarÇK, K. Kriegs Archiv., I, 30).
/ •*
■kO
h»s lignes natun^lles d'iiivusioii des Alliés. I/évéiuMiH;nl s'(^st,
d'ailleurs, ehargé de justifier la manière de voir de Napoléon.
|)uisque. tout en restant échelonnés le long du Rhin,' les corps
français, malgré les fautes conmiis<\s par certains généraux, onl
néanmoins pu se rallier sur les points situés plus en arrière et
choisis par l'Empereur.
11 est évident, en (^ffet, cpie si les cor|)S français avaient, dès le
|>rincipe. continué hmr retraite, les Alliés, au lieu d(; |)erdre en
hésitations, en contre-marches, |)resquc tout le mois de janvier,
les auraient suivis pas ii pas et, sachant ce qu'ils avaient devant
eu\, ntî seraient pas restés aussi longtemps innnobihîs. Malheureu-
sement les lieutenants de l'Empereur et surtout Victor, dont nous
avons à nous occuper acluellem(»nt, n'étaient plus susceptibles
d'exécuter convenabh^ment un |)lan (fui exigeait de leur part une
confiance et un (Mitrain qu'ils avaient |)erdus. une ardeur et un zèle
qui s'étaient refroidis cît avaient fait place à la lassitude, à l'indif-
férenc<s |)Our ne pas dire au découragement.
L*Enq)ereur* avait ordonné, le 2 janvier, au major général de
|>rescrire à Marmont d'avoir à se rendre; h Colmar pour y prendre
le conunandemenl de la division dont se conq)osait le :2« cor|)s et
y réunir h'S deux divisions du G" corps, h;s l»»" et o* corps de
cavah'rie. Victor devait r(»st(;r ii Strasbourg, jiour former les "^^ et
3" divisions de son corps (le; :2*; et veiller à la défense des |)lac(»s,
tandis que; Mortier servirait de réserve à Langres et qut; deux
divisions de la garde, sous les ordres du général Curial, vien-
draient de Nancy et de Luxembourg prendre position à É|)inal.
Mais Victor, se voyant menacé en amont de Strasbourg par Wrède
et les Wurtembergcîois, en aval par le passage de Wittgenslein.
sur la rive gauche, et l'apparition de la cavalerie; de PahhMi à
Haguenau, craignant de; se voir rejeter et «Mifermer dans Stras-
bourg, et par-dessus tout inquiet de la responsabilité qui pesait
sur lui, avait, contrairement aux ordres de l'Enqjereur. résolu* de
1 Corresiiontlance, n<>» 21055 et il056.
s Victor an major général, Strasbourg, 3 janvier, 8 lieures du matin. —
Victor ajoutait dans cette dépèclic : « Je pense que les troupes du 2° corps et
du 5^ de cavalerie, qui sont dans la vallée de Colmar, seront réunies aujour-
d'hui à Molsbeim, et que nous serons demain de bonne heure sur les hauteurs
de Saverne, où il serait possible que l'ennemi nous prévint; car il a moins de
chemin à faire que nous. » (Archivet du dépôt de la guerre,)
— 46 —
se replier par Schlestadt et Molsheim sur Saverne, d'où il espérait
parvenir h donner la main a Marnionl dont il était, sans le savoir,
déjà séparé par la marche de Tannée de Silésie. Le moiivemenl
(îxécuté par les IV® et V« corps alliés avait eu, d'ailleurs, pour con-
séqucMice d*(;mpêeher re\écution de Tordre du mouvement rétro-
grade par MolslKîim sur Saverne, que Victor avait envoyé au
5« corps de cavalerie. La direction sur Sainte-Marie-aux-Miiies,
que Milhaud imprima à sa retraite, déroula complètement le duc
(le Hellune qui, laissant simplement d(îux n'^giments de gardes
d'honneur du côté de Saverne pour observer Pahlen; crut plus
sag(s au lieu d(^ chercher h défendre les débouchés des Vosges du
côté d'Épinal, de s(î mettre en retraite le 5 janvier * par Mutzig et
Blamont sur llaon-Tfttape, découvrant ainsi ftpinal, dégarnissant
les défilés des montagnes et contre(!arrant, en les rendant inu-
tiles, toutes les mesun^s prises par TEnq)ereur. C'était là com-
mettrt^ uik^ faute grave dont n'aurait pas manqué de profiter un
adversaire cpiehpu' p(»u actif et entreprenant. Mais les hésitations
de Sch\vai7.(Mib(»rg, la direction singulière (pu> de Colmar il donna,
coimne nous allons le voir, au corps de Wrède, la lenteur que
Wittgenstein mit à se porter sur Saverne: enfin, chose absolument
inouïe de la part de généraux disposant d'une cavalerie nom-
breuse et aguerrie, la perte du contact avec la cavalerie de
Milhaud, allaient, si ce n'est réparer, du moins atténuer la faute
conmiisc» par Victor.
Il est certain, en eflet, que les Alliés, en continuant leur mouve-
ment en avant, en suivant |)as à pas (;t en menant vivement Tar-
rièriî-garde du ;>• corps de cavalerie, auraient pu, sans rencontrer
la moindn^ résistance, descendre |>ar la vallée de la Meurthe sur
Lunéville et Nancy. Wittgenstein, eu accentuant son mouvement
sur Saverne. aurait ap|)elé sur lui tout(î l'attention de Victor, d'ail-
1 Voici, en effet, ce que Grourliy écrivait au général Milhaud, le 5 janvier,
à 8 heures du malin : «f L'ennemi occupe Saverne (a). Le maréchal se retire
par Mutzi^, Trmatt <;t W isches. Le o° corps de cavalerie s'étahUra en arriùrc
de Framonl; la cavalerie léîîêrc restera à S<!hirmeck, poussiuit (fuelques par-
lis sur la route de Senones, afin d'avoir des nouvelles de renuenii et de
siivoir >'\\ a paru de ce côté. » {ArcfUres du (U'/hH de in ytu'rre.)
(«) V. B. U 7 a li une erreur commise p4r Victor et Gruucbj. Saverne cUit encore à c« niOMrat
uccupO par là ca\aU>ri«> française, et ce ne fnt que la 7 au matin que les courenr» de Pahlca «uri*
reat à Saverne. Les Français ne Tévacuèrent que dans la nuit du 0 ac 7 janvier.
- 47 —
leurs disposé à se porter de ce côté. Plus li gauche un corps
aurait pu, en lilanl par Épinal, marcher rapidiiuienl par la vallée
de la Moselle justpfà (Charmes ou Pont-Sainl-Vincent, et deu\
autres corps , les III® et I«' par exemple , auraient dil accélé-
rer leur marche sur Langres par Vesoul. Un panMl mouvement,
sans danger puisqu'on n'avait personne devant soi, aurait com-
plètement désorganisé la défense et livré |)res(]ue sans combat
avec les côtes de Meuse les têtes des vallées de la Marne, de
l'Aube et de la Seine. La timidité des généraux alliés s'explique
donc uni([uement par la crainte que l'Empereur leur inspirait, par
l'appréhension (ju'ils ont eue de le voir se jeter d'abord contre
Blùcher, le battre sur la Meuse et se retourner ensuite avec les
renforts qu'il aurait ramassés en rouUi contre les têtes de (^olonne
de Schwarzenberg. Aussi, plus fidèles que jamais aux principes
émis lors de la signature de la convention de Trachenberg, les
généraux alliés paraissent avoir cherché par-dessus tout à éviter
la moindre rencontrcî sérieuse, à rendre impossible toute entre-
prise quelque peu importante, jusqu'au moment oii l'armée de
Bohême aurait opéré sa jonction avec celle de Silésie.
Mais cette jonction elle-même pouvait s'opérer rapidement,
sans peine, sans pert(» de temps et sans danger. Il aurait suffi
pour cela d'ordonner au VI« corps de pouss(T immédiatement en
avant le 3 au soir, tandis qu'au contraire on laissa Wittgenstein
piétiner sur place, depuis le 3 jusqu'au 10 janvier, aux environs
du point où il avait passé le Rhin. Et c'est ainsi qu'au moment où
Blùcher iirrivait le 17 janvier à Nancy avec le gros de ses troupes,
nous ne trouverons à hauteur de Phalsbourg que la cavalerie de
Pahlen. Grâce à la lenteur méthodique de Wittgenstein, aux hési-
tations du grand quartier général, un corjis de cavalerie va
mettre quinze jours pour aller de Haguenau à Phalsbourg !
4 janvier 1814. — Mouvements de la cavalerie du VP
corps. — Le 4, en effet, Pahlen s'était contenté d'occuper, avec le
gros de ses troupes, Haguenau, où l'un de ses escadrons était déjà
depuis la veille. Il avait, il est vrai, jugé à propos de se faire
soigneusement couvrir, sur sa gauche, par Rûdinger, qui s'établit
à Gambsheim et dont les avant-postes se» tinrent en vue de
Wantzenau. Sur sa droite, le colonel Sélifontieff dépassait Lan-
terburgf et le lieutenant-colonel Nabel envoyait des partis vers
— 48 —
Landau, sans renconlr(»r nulle pari les petits détachements fran-
rais qui s'étaient repliés sur Landau. Pahlen avait cependant osé
pousser, (mi avant de Haguenau, un escadron qui alla, sur la
route d(i Saverne, jusqu'à Monmenheim, et envoyer, sur les roules
de Bouxwiller et de Bitche, les dragons badois. Le reste du
VI« corps resta sur les mêmes positions que la veille.
Il paraît, d'ailleurs, qu'on trouvait au grand quartier général
que Witlgenstein n'avait pas encore assez de cavalerie S puisque,
le lendemain 5 janvier, on l'informait qu'il allait être rejoint par
Seslavin. Cet officier général, qui aurait pu rendre de réels ser-
vices si l'on avait, conmie il le désirait, connue il le demandait,
consenti à lui laisser tenter une pointe vers le Midi de la France,
recul, à Porrenlruy, l'ordre de se diriger, par Dannemarie et Col-
mar, sur Schlestadt, afin de relier entre eux les V« et VI« corps.
Perte du contact. — Ainsi qu'il a déjà été indiqué, les IV» et
Vo corps avaient perdu complètement, dès la veilh^ le contact avec
la cavalerie de Milliaud, d'abord parce qu'on avait arrêté le
colonel Scheibler à Markolsheim, ensuite parce que l'on était
convaincu en haut lieu que Milhaud n'avait pu se retirer que sur
Schlestadt. En raison de l'ignorance même dans laquelle on sc^
trouvait et des ordres que l'on reçut du grand quartier général,
on n'entreprit, à vrai dire, absolument rien dans toute la vallée
du Rhin ! Wrède, n'ayant pas réussi à découvrir la moindre trace
de son adversaire, ne j)Ouvant tirer aucune indication sérieuse
des renseignements contradictoires donnés par les habitants,
détacha* de son avant-garde trois j)artis de» cavalerie; le premier.
* Le prince de Schwarzenherg, au général en chef comte Witlgenstein. —
Altkirch, 5 janvier 1814 : u Afin de donner aussi rapidement que possible à
V. Ë. la cavalerie qui lui manque, j'ai prescrit au général major Seslavin de
prendre par Colmar pour rejoindre votre Excellence. »
(K, K. Krieys archiv. 1. 84.)
* Schwarzenberg se rendait si peu compte de la situation, que dans les
ordres bizarres dont nous aurons à parler et qui dirigeaient Wrède sur Schles-
tadt, il jugeait à propos de lui recommander ce qui suit :
Schwarzenberg à W'rède. — Altkirch, 4 janvier 1814.
«< Il me serait bien agréable de vous voir attaquer la cavalerie
que vous avez devant vous. Culbutez-la et répandez un peu la terreur de
votre côté. » (K. K. Kriegs Archiv. , 1/66 C)\
En mt^me temps il croyait nécessaire d'éclairer et de rassurer le prince
royal de Wurtemberg, auquel il écrivait : « Vous êtes couvert sur votre front
— 49 -
sous les ordres du géiiénil-major Ellbracht, longea le pied des
Vosges, se dirigeant à gauche vers Ober-Hergheini vX Gueniar* ;
le second, que le (îolonel baron MengcMi conduisit, par Markols-
heim, h Heidolsheini, et, enfin, le 3« à droile, sous les ordres du
colonel Scheibler, alla sur Dipolsheini pour battre le pays (Mitre
rill et les différents bras du Rhin. Le reste du V« et tout le
1V« corps denieuriTent complètement immobiles.
Mouvements du corps volant de Thurn en avant de
Tesoul. — Le lieutenant-colonel comte Thurn avait occ'upé. le
4 îi midi, Vesoul avec le gros de son détachement, et il ajoutait,
dans la lettre qu'il adressait de Vesoul, h 5 heures du soir, ii
Schwarzenberg : « Je surveilhî toutes les routes dans la direction
de Besançon, Gray, Port-sur-Saône et Luxeuil. J'ai rendu compte
de tout c(î qui s'est passé au général-major von Haecht, et l'ai
prié d'occuper Lure j)Our me servir de soutien. J'ai vainement
cherché à me relier par Luxeuil et Remiremont avec le corps
volant du prince Stscrherbatotr, et, connui; je n'ai que» fort peu de
cavalerie, je mi puis m'affaiblir en envoyant trop loin des détache-
ments. Un émissaire, qui rentre à l'instant, m'annonce qu'un
corps de cavalerie française marche, par Chaumont, sur Langres
et Port-sur-Saône, et que ses patrouilles ont poussé sur Char-
moillc. J'ai aussitôt dirigé sur Port-sur-Saône le capitaine de
chasseurs bavarois Fleischmann avec un détachement mixte de
par le prince Stscherbatoff, à gauche par le ill' corps, qui sera le 9 à Vesoul.
Vous assurerez à droite par des corps volants, vos communications avec le
général comte de Wrède. » (K, K, Kriegs Archic, 1/66 B.)
* Grouchy au Major général. — Biiccarat, 6 janvier :
« Attaqué sur trois points dans Colmar, on s*est retiré dans le meilleur
ordre, sans pertes, et Tennemi ne nous a suivis que jusqu'à hauteur de Guu-
mar. Depuis ce point jusqu*à la position qu*occupe le 5° corps de cavalerie,
Tennemi ne s'est plus montré. Une de ses colonnes s'est portée par la route
qui longe le Rhin dans la direction de Strasbourg. D'autres colonnes débouchent
des Vosges par les routes de Ste-Marie-au\-Mines et du Bonhomme. Les gardes
d'honneur étaient hier 5, en avant de Saverne, ayant devant eux la cavalerie
légère russe. S'ils sont fortement poussés, ils ont l'ordre du duc de Ikllune de
se reployer sur Phalsbourg et la route de Nancy L'effectif total du
5* corps de cavalerie est d'environ 3,0î)0 chevaux. » (Dépôt de la guerre).
On voit donc que, pendant que les Alliés perdaient le contact avec la cava-
lerie de Milhaud, cette cavalerie parvenait en revanche sans se compromettra
et sans révéler sa présence, à se tenir an courant des mouvements des diffé>
rentes colonnes des Alliés. Le fait nous a paru lu peine d\Hre signalé.
Weil. 4
- so -
cavalerie et do chasseur», et lui ai donné l'ordre de se procurer
des renseignements sur Fennemi et de chercher par-dessus tout à
faire des prisonniers.
« Les dépôts de cavalerie ennemie se réunissent h Dijon.
« Les nouvelles de Paris signalent un grand mécontentement
dans la population et font prévoir Texplosion prochaine de dé-
sordres sérieux. L'Empereur, d'après ce que m'annonce l'agent
que j'ai envoyé à Paris, et qui a quitté cette ville il y a six jours,
aurait l'intention d'y faire venir 10,000 hommes de la garde »
a J'ai l'honneur d'adresser à Votre Altesse le numéro du JlfoMÎ*
leur que je viens de recevoir. »
Monvêmênti des antres corps et ordres de SohwarsêB-
berg. — Au centre et h l'aile gauche, les Il« et I1I« corps ne
bougèrent pas davantage, et le !•' corps alla de Porrentruy h
Délie, laissant encore dans la vallée du Doubs à Clerval et Pontr
de-Roide la division légère Ignace Hardegg, dont les patrouilles
constatèrent l'évacuation de Baunie-les-Dames et la présence de
quelques cavaliers français du côté de Mamirolle, à Test de
He^ançon. Enfin, deux des quatre divisions des réserves autri«
chiennes arrivèrent à PontarÛer.
Pendant que les troupes de l'armée de Bohême restaient ainsi
inactives, le 4, on avait, au contraire, été très affairé au grand
quartier général d'Altkirch ; les ordres abondaient et pleuvaient
(le tous côtés. En réalité, il est difficile de comprendre h quels
besoins ils répondaient, et quelles raisons avaient pu décider
Schwarzenberg à envoyer Wrède investir Schlestadt, k maintenir
jusqu'au 6 devant Neuf-Brisach le IV« corps, qui devait être relevé
ce jour-là par une partie du ¥•, pour ne lui faire commencer que
plus tard son mouvement sur Remiremont, tandis que le III® corps
recevait, de son côté, l'ordre de quitter Montbéliard le 6, et de se
porter, par Vesoul, sur Langrcs. Pour compléter ces mesures> le
!•' corps devait venir avec Schwarzenberg à Montbéliard» et, k
l'extrême gauche, le prince héritier de Hesse-Hombourg était
chargé d'investir et de bombarder Besançon le 9 janvier. Enfin»
et bien qu'il n'ait eu jusqu'à ce jour aucune lutte à soutenir, bien
que chacun de ses corps d'armée fût doté d'un nombre respec-
i K. A'. Krieys ArefUv,, I. 73.
^ M ^
table d'escadrons, bien qu'il eût eu le loisir de déterminer à
Tavance et à son aise la composition et la marche de ses colonnes,
Schwarzenberg se crut déjà obligé do faire venir de l'arrière une
cavalerie qui n'aurait, d'ailleurs, jamais dû s'y trouver, parcc^
qu'elle n'avait et ne pouvait y avoir rien h faire. Il écrivit, en
effet, h Barclay de ToUy : « Comme je n'ai actuellement pas de
cavalerie à moi en avant de mon front, il me faut prendre, pour
soutenir la division légère Crenneville, une division de cuirassiers
russes, h laquelle vous prescrirez d'avoir ji se rendre, le 8 janvier,
de Montreux à Novillard ; le 9, par Vézelois, Meroux, Sevenans,
Botans, Bavilliers, Essert, à Frahier; le 10, à Lure; le 1 1, à Vesoul,
où elle se cantonnera. Un régiment de cosaques devra aller h
Montbéliard, où sera installé mon quartier général.
« Enfin, pour surveiller la vallée de la Meuse et pour m(»
renseigner sur les mouvements de l'ennemi, je compte envoyer
l'ataman comte Plaloff, le 9, d'Épinal sur NeufchîUeau, afin que,
de concert avec le prince Stscherbatoff, il maintienne, du côté de
Langres et de Chaumont, les communications avec les troupes
qui se porteront en avant *. »
L'offensive vigoureus<î et énergique, dont parlait toujours
Schwarzenberg dans ses ordres, consistait donc à donner à WW^de
une direction absolument illogique, à laisser au VI« corps
(comme on le disait au quartier général) Ici temps de prendre pied
sur la rive gauche, de réparer les ouvrages en ruines du fort
Vauban et d'organiser une solide tète de pont au fort Alsace ;
d'autre part, on faisait bloquer Huningue, Neuf-Brisach, Schles-
tadt, Besançon, et l'on maintenait, pour cette raison, les réserves
russes et prussiennes fort loin en arrière, précisément au moment
où il aurait fallu les faire serrer sur les corps de première ligne
et marcher à tout prix vivement et résolument en avants Et cepen-
dant, en raison môme de la crainte qu'inspirait un adversaire
qu'on s'attendait à voir apparaître partout et à tout moment,
d'un adversaire que, quelques jours plus tard, le 7 janvier*, on
1 If. K. Kriêçi Arehiv. 1/66 A.
« BnuiBAiM, ToU DeiikwûrdigkeiUn, IV» 164.
fl 6tl esNOtiel de coosidérer que ce fat seulement laraqa'il eut reçu c«tl6
fausse QOuveUe, que Schwarzenberg modilia ses ordres du 4 et rappda à lui
WHIgenstein et Wrède, que sans cda il eut vraisanblablement laissés plus
longtemps en Alsace.
-^ 62 —
Croyait même déjà arrivé îi Langres h la tète d*une armée de
80,000 hommes, il eût fallu avant tout éviter Téparpillement des
forces.
On aurait dû éviter de perdre un temps précieux et irréparable
à conquérir l'Alsace, où il n*y avait personne; mais, au contraire,
se hftter de réunir 120,000 îi 150,000 hommes sur un point donné,
Langres, par exemple, afin d*étre dans les dix premiers jours de
janvier, comme on le |)Ouvait d'ailleurs, à même d'écraser 1 ennemi
sous le poids de ces masses auxquelles rien, et surtout des for-
mations îi peine ébauchées, n'aurait pu résister.
Nouvelles de Blûcher. — Schwarzenberg avait à peine expé-
dié ces différents ordres qu'il reçut de Blûcher l'avis du passage
du Rhin par l'armée d(î Silésie et du commencement d'exécution
du mouvement vers la Sarre. Il semble qu'il eût été naturel à ce
moment de modifier les ordres, d'accélérer la marche des diffé-
rentes colonnes et de porter surtout le VI^ corps, qui formait la
droite de l'armée de Bohême, résolument en avant. Schwarzen-
berg préféra écrire à Blûcher pour le mettre au courant de sa
propre situation et lui annoncer à mots couverts qu'il ne pren-
drait une résolution définitive que « lorsque l'armée de Silésie
serait arrivée à Nancv ».
5 Janvier. — Mouvements du VI* corps. — Aussi la jour-
née du 5 ne présente pour cette raison guère plus d'intérêt que
celle de la veille. Du côté du VI« corps, tout se borne à l'occupa-
tion par le général Rûdinger de Wantzenau que les Français éva-
cuèrent après une légère escarmouche contre les cosaques, pour
se replier sur Hôhenheim. Les patrouilles, poussées sur la route
d'Haguenau à Bitche, vinrent jusqu'à Reichshoffen. Elles y
apprirent que le 3® régiment de gardes d'honneur, après avoir
paru la veille dans ce village, s'était, h la nouvelle de l'occupation
d'Haguenau, replié le soir parBouxwillersurSaverne. Les par-
tis, envoyés de Brumath vers Mutzig et la vallée de la Bruche,*
afin de chercher la comnmnication avec le général Seslavin,
avaient tiraillé avec les avant-postes français du côté de Marlen-
heim. Enfin, sur la foi de renseignements recueillis du côté de
Lauterbourg, on croyait savoir que Marmonl se repliait de Pirma-
sens sur Bilche.
33
Mesures prises par le prince royal de Wurtemberg pour
le passage des Vosges. — Le V^ corps investit Schlestadt, envoya
une des brigades de la division La Motte vers Sainle-Marie-aux-
Mines, et releva sous Neuf-Brisach les Wurtembergeois qui
devaient commencer leur mouvement le lendemain» et que le
généralissime renforça de la brigade autricîhienne Schâffer et du
régiment de hussards Archiduc Ferdinand. Le quartier général du
prince royal s'établit h Ober-Bergheim, d'où le prince adressa h
Schwarzenberg le rapport par lequel il lui communiquait les
mesures qu il prenait pour la marche du lendemain :
« Prince royal de Wurtemberg, à Schwarzenberg.
« Oberbergheim, 5 janvier 1814*.
« J'ai reçu cette nuit les ordres de Votre Altesse, et je marche-
rai demain sur Remircmont. La tête de mes colonnes cherchera î\
atteindre ce .point avant cette date, pour que ma cavalerie ne soit
pas obligée de séjourner plus que de raison dans la région si
inhospitalière des Vosges.
« Afin de rester en communication et en liaison avec le général
comte Wrède, j'enverrai des partis sur ma droite, et je pri(»rai le
comte Wrède d'en faire autant de son côté.
« Mon quartier général sera demain h Cernay. »
Le généralissime, tout en approuvant les propositions du prince
royal relatives à la cavalerie, l'invita cependant à la laisser le
moins longtemps possible sans infanterie, parce qu'il craignait de
la voir arrêtée par une petite arrière-garde ennemie tirant habile-
ment parti du terrain accidenté et difficile de ces régions.
Schwarzenberg mandait en même temps au prince royal que le
général Stscherbatoff, comme cet officier général l'avait du reste
prévu lui-même, avait été contraint d'évacuer Remiremont à
l'approche de 600 fantassins et de 500 cavaliers ennemis*.
Stscherbatoff rentre à Remiremont. — La recommandation
de Schwarzenberg n'était pas tout à fait inutile, puisque, comme
le montre la lettre du chef d'état-major du 1V« corps ii Stscherba-
t K, K, Kriegi ArefUv, ad, I. 8f .
ï K. K, Kriegi Archir, I. 81.
— 84 —
toff, le gros de ce corps ne devait, d'après les projets du prince
royal, arrriver que quatre jours plus tard h Remiremont^
Stscherbatoff n'était pas, d'ailleurs, resté inactif, et, dès le 5, pro-
fitant de ce que quelques troupes alliées avaient occupé les défilés
de Bussang, rassuré sur ses derrières, et presque sûr désormais
de pouvoir, en cas d'échec, se replier sur ce soutien, il avait de
nouveau débouché dans la journée sur Remireniont, qu'il avait
occupé.
1 Le colonel comte Baillet de La Tour aa général prince Stscherbatoff,
Oberbergheim, ft janvier 1814 (en français dans Toriginal) :
u En ordonnant à S. A. R. le prince royal de Wurtemberg de se porter sor
Remiremont arec son corps d'armée, S.A. le prince maréchal lai mande que
vous êtes chargé de couvrir son front.
(( Je ne veux donc pas manquer de me mettre en relations avec vous, mon
général, et de vous prévenir qu'aujourd'hui Thann sera occupé par un bataillon
wurtembergeois qui se portera demain à Bussang pour vous servir de repli en
cas de nécessité.
u Le Prince Royal se flatte cependant que vous pourrez vous maintenir dans
la route de Remiremont jusque vers le 9, jour auquel la tète du corps d'armée
y arrivera.
« Le capitaine Nagel, qui nous précède avec un escadron, est chargé de ras-
sembler des vivres et des fourrages pour le corps d'armée.
« Le Prince Royal désire, mon prince, que pour lui facUiter cette besogne,
vous tâchiez de tirer les vivres et les fourrages nécessaires à votre corps, des
environs de Plombières etd'Epinal. II espère aussi que vous voudrez Tinstmire
des renseignements que vous aurez pu vous procurer sur la force et les mou-
vements de l'ennemi. »
{K. K. Kriegt arehiv. !.. lîl, C.)
Puisque nous venons de parler du comte de La Tour, il nous a paru inté-
ressant de reproduire la lettre ci-dessous. 11 en ressort qu'au moment d'entrer
en France les états-majors des Alliés n'avaient pas de cartes, et, ce qui est plus
curieux encore, c'est que le colonel de La Tour ayant soumis le cas an géné-
ralissime et lui ayant demandé l'autorisation de donner au lieutenant-colonel
comte Tburn l'ordre de lui faire tenir la carte dont U est question ci-dessous,
Schwarzenberg fit répondre (pièce I. 124, Kriegi Arehiv,) qu'il convenait de
laisser à Thnm des cartes dont cet officier a bien plus besoin qu'aucun autre.
Louise Pries au colonel comte \ji Tour. — Montbéliard, le 4 janvier 1814:
t( Monsieur, je viens de recevoir, par une estafette, la lettre que vous avez
bien voulu adresser à mon mari, et dans laquelle vous lui demandes l'atlas
national de France.
<( Je suis bien fAchée de ne pouvoir satisfaire à votre demande, l'ayant déjà
remis au comte de Zettritz, qui était envoyé par le comte de Thum. Je n^
pourrais même vous donner aucune autre carte, mon mari étant venu exprès
de Bâle pour en faire la recherche dans notre ville et en faire hommage au
prince de Schwartzenberg. 11 s'en est retourné cette nuit.
« J'ai l'honneur. Monsieur, de vous saluer avec une parfaite considération. )>
{K. K. Krieg* Arehiv. !.. 124 D.)
- 88 —
Combat d'Arches. — Ost du rapport qu'il adress<i en fran-
çaii à Schwarzenberg, d'Arches, dans la nuit du S au 6 janvier,
que nous extrayons ce qui suit :
Rapport du prince Stscherbatoff à Schwarzenberg (en français
dans Toriginai). — Arches, 6 janvier 1814, minute.
« Le corps de troupes wurtembergeois (^tant venu hier pour
occuper les défilés de Bussang, j'ai de nouveau débouch<^ sur
Remiremont.
« J'ai passé la ville et me suis porté jusqu'il Arches, à i heures
d'Ëpinal. Avant d'y arriver, mon avant-garde rencontra une
patrouille ennemie qui la mène sur un détachement de 400 che-
vaux. Le lieutenant-colonel Nazaroff, commandant le régiment
des cosaques de TOural, Ta attaqué, soutenu par 180 cosaques de
Tepter, Ta culbuté et chassé hors du village jusqu'à un quart de
lieue.
« La nuit étant venue et 100 hommes d'infanterie se trouvant
dans les broussailles ont protégé la fuite de leur cavalerie. Outre
beaucoup de tués, on a fait 12 prisonniers. Notre perte n'est que
d'un bas-officier et de 2 cosaques blessés, 5 chevaux tués et
11 blessés. Au nombre des prisonniers, il y avait deux conscrits tout
nouvellement incorporés, des Lyonnais, f ai laissé retourner dans
leur maison ces deux conscrits pour qu'ils disent chez eux que les
troupes alliées ne viennent pas faire la guerre aux Français,
qu'ils ne veulent aucun mal à l'habitant, mais qu'ils viennent pour
ramener la paix et la tranquillité pour le bonheur de la nation
française.
« Ces gens ont toute la mauvaise volonté de ser\'ir, et j'espère
que leur retour fera changer l'opinion que le gouvernement
cherche à semer dans l'esprit du bourgeois et du paysan.
« Il peut y avoir à Épinal près de 4.000 hommes d'infanterie,
car entre Épinal et Nancy il y a trois grands bivouacs.
« Demain, j'attaquerai à la pointe du jour et je tûcherai do
m'emparer de la ville, si je trouve de la possibilité.
tt Un lieutenant espagnol, nommé Torres, qui était prisonnier
h Nancy, ayant appris l'approche des troupes alliées, a trouvé
moyen de s'échapper et est venu se présenter à moi. Les nou-
velles, qu'il m'a données, sont qu'il y avait h Metz 30,000
conscrits dont 15,000 seront envoyés vers Bruxelles. Tous les
jours il en vient de nouveaux, on choisit les meilleurs, on les
— 56 —
place dans la jeune garde el on les expédie du côté de la Hol-
lande. On rassemble à Metz tous les dépôts des environs et comp-
tant toutes les troupes avec les conscrits, on peut pour sûr éva-
luer à 25,000.
« Les dépôts de cavalerie font le plus grand objet des préoccu-
pations.
« Le quartier général de Tarmée est à Metz ainsi que celui de
TEmpereur. On Tattendait, mais il n'est pas venu.
« A Nancy la garnison est de 1000 h 1500 hommes. Dans les
troupes cantonnées entre Nancy et Épinal il y a la garde
« Le maréchal Oudinot est disgracié pour avoir osé dire qu'il
n'y avait pas moyen de faire la guerre et qu'il ne pouvait com-
mander un corps composé d'enfants faibles et indisciplinés. . . .
«... Les bourgeois sont très mécontents du gouvernement
et désirent un changement Il est certain que l'on manque
absolument d'armes.
« Les prisonniers que je fais se croient heureux, car disent-ils,
nous ne servirons plus *. »
Mouvements de Platoff et de Thurn. — Pendant ce temps
Platoff était en marche sur les Vosges : il devait être le 6 à Saint-
Weiler, le 7 à Saulxures et le 9 à Épinal. Il avait ordre de se
relier par sa droite avec Stscherbatoff et par sa gauche avec les
colonnes autrichiennes destinées à marcher par Vesoul sur Lan-
gres. Thurn, toujours aux environs de Vesoul, continua à sur-
veiller lei» routes do Besançon, Gray, Port-sur-Saône et Luxeuil,
tandis qu'à l'extrême gauche Scheither recevait l'ordre d'occuper
Ornans.
Les mouvements exécutés, j)endant cette journée par les 111%
II« et I«r corps oi par les réserves autrichiennes, sont si insigni-
fiants qu'ils ne méritent même pas d'être indiqués.
Position de Victor. — En apprenant le passage du Rhin par
les Alliés et le mouvement qui découvrait sa droite, Victor avait,
comme nous l'avons dit, abandonné la défense du fleuve, laissant,
sous les ordres du général Milhaud, une brigade d'infanterie de
* K, K. Kriegs Arehiv., I. 118.
— 57 -
la division Duhosnuî qui, avec la division do cavalerie du général
Lhéritier, au lieu de se porter par Molsheiin sur Saverne, dut se
retirer par la vallée de Sainte-Marie-au\-Mines. Lui-même, avec;
le reste de ses troupes (division Gérard, une brigade de la divi-
sion Duhesnie et la division de cavalerie du général Briche), mar-
cha par Mutzig sur Raon-l'Étape, point sur lequel il avait déjà
dirigé la division de cavalerie? légcre du général de Pire.
Ordres de l'Empereur à Mortier. — Jusque ce moment
d'ailleurs TEmpereur n*avait rien changé à la direction donnée
aux renforts en marche. Cependant, h* 24 déc^embre, il avait
ordonné à Mortier de se rendre de Nanmr îi Reims. Le maréchal
y trouva, le 3 janvier, l'ordre dcî continuer immédiatement sur
Chaumont et sur Langres avec sa division d'infanterie de la vieille
garde, 5 à 6 batteries d'artillerie et la division de cavalerie de la
garde. Le mouvement projeté par Victor qui avait eu l'intention
(les ordres donnés à Milhaud, et que celui-ci ne put d'ailleurs
exécuter, en font foi) de s(î poster à Saverne, d'y tenir jusqu'à
l'arrivée de Marmont, avait déplu à l'Empereur qui chargea le
major général de lui témoigner son mécontentement *.
Ordre à Victor intercepté par les Cosaques. — Une
dépêche adressée à Victor par l'intermédiaire de Kellermann, fut
interceptée par les cosaques du côté de Mutzig, dans la nuit du 7
au 8 jan\'ier. Elle était ainsi conçue :
« Le maréchal duc de Valmy*, à S. E. le maréchal duc de
Bellune, commandant le 2« corps.
* L'empereur Napoléon au prince de Ncuchâtel et de Wagram, major général
à Paris. — Paris, 6 janvier 18i4.
« Mon cousin, faites connaître au duc de Bellune mon mécontentement de co
que, de Golmar, il a porté son corps sur les hauteurs de Saverne, dégarnissant
ainsi toutes les Vosges et découvrant Epinal ; qu'il était bien plus convenable
que de Colmar il se rendit sur le col d'Epinal; que le col de Saverne se trouve
gardé par la place de Phalsbourg, tandis que, par Epinal, Nancy se trouve
entièrement découvert.
u S'il est toujours du côté de Saverne, donnez-lui ordre de filer sur Nancy.
« Donnez ordre au prince de la Moskowa de partir dans la journée pour se
rendre à Nancy et d'y prendre le commandement de la division de la jeune
garde et de toutes les troupes qui sont de ce côté, afin de garder Nancy, de
reprendre Epinal, qui n'est occupé que par de a cavalerie, et de contenir
l'ennemi de ce côté. »
' If. K. Kriegn AreMv,, I, 205 c.
- 58 -^
cf Mon cher Maréchal, j*ai fait connaître à S. M. l'Empereur le
contenu de la dépêche que vous aviez adressée au commandant
de Phalsbourg» et que vous Taviez chargé de me communiquer.
<c L'Empereur répond par dépêche télégraphique datée de ce
jour de Paris :
« Ce n*étail pas sur les hauteurs de Saverne que le duc de Bel-
« lune devait se diriger, mais sur Épinal. S'il est toujours du
« côté de Saverne, ordonnez-lui de filer sur Nancy. »
« Je m'empresse de vous transmettre cette dépêche, mon cher
Maréchal, et de vous prévenir que la 1'« division de jeune garde
et les troupes réunies de la 4« division sont entre Nancy et
Charmes, avec deux batteries, et prêtes à se porter sur Épinal, si
la cavalerie ennemie dans les Vosges n'est pas soutenue par de
l'infanterie.
« P.-S. — Le duc de Raguse était hier à Hombourg près Deux-
Ponts et le général Ricard à Ottweiller, avec les 8« et 32« divi-
sions. »
Cette dépêche aurait eu naturellement plus de valeur pour les
Alliés, si elle avait été interceptée dès le 6. A ce moment, en effet,
ils n'avaient pas encore réussi à rétablir le contact ; mais la prise
de cette dépêche avait, quoique un peu tardivement, l'avantage de
fixer d'une façon positive la direction certaine que comptait suivre
Victor. Elle leur permettait encore de supposer que ce maréchal,
une fois arrivé de l'autre côté des montagnes, serait à nouveau
informé des ordres de l'Empereur et chercherait à gagner le
point si important d'Épinal, nœud des routes qui, venant de
Suisse, franchissent la chaîne des Vosges. Un corps posté à Épi-
nal y aurait occupé, en effet, une position centrale, d'où il lui eût
été d'autant plus facile d'empêcher les têtes des colonnes alliées
de déboucher dans la vallée de la Moselle, qu'il n'aurait pas eu k
se préoccuper de ses derrières couverts par les troupes que le
maréchal Ney réunissait h Nancy, et qui semblaient destinées &
prendre part aux opérations dans un bref délai.
Les recommandations, que Schwarzenberg avait faites ce même
jour au prince royal de Wurtemberg au sujet de l'emploi de sa
cavalerie, se trouvaient donc parfaitement justifiées.
Après avoir commis les fautes que nous venons de signaler,
Victor ne sut même pas les réparer.. Au lieu d'agir énergiquement
— 59 -
avec le plus de monde possible contre les Alliés, il ne leur porta
que des coups timides et commit la faute plus grave encore
d'éparpiller ses forces déjà peu considérables et d'opérer par
petits paquets. Une pareille manière de faire ne pouvait amener
des résultats utiles, et, si elle n*eut pas des conséquences plus
funestes et plus sérieuses, il faut en chercher la raison, non pas
dans les mesures prises par le duc de Bellune, mais bien dans le
décousu des opérations des Alliés, les incertitudes du commande-
ment supérieur, le morcellement et Téchelonnement des différents
corps, et surtout le mauvais emploi que Ton fit d*une cavalerie
suffisamment nombreuse pour percer le faible rideau tendu
devant elle, et suivre pas h pas la marche et le mouvement des
colonnes d'infanterie française.
6 janvier 1814. —- Rêniêignêmênti fonniis par la oavaleriê
du VI* corps. — Les renseignements, transmis dans la journée du
6 à Wittgenstein par sa cavalerie, lui firent connaître que le maré-
chal Marmont n'était pas, comme on le lui avait annoncé la veille,
en train de se concentrer h Bitche. Les partis envoyés de Brumath
vers la vallée de la Bruche, avaient de nouveau donné h Marlen-
heim, à peu de distance de Wasselonne, contre des partis de cava-
lerie française, auxquels ils avaient enlevé une dizaine d'hommes,
mais qui les avaient empêchés de pousser leurs reconnaissances
plus avant. Plus h droite, le colonel Selifontieff avait, par Spire,
ouvert les communications avec Sacken. Wittgenstein avait, du
reste, reçu des nouvelles directes l'informant des positions occu-
pées par l'armée de Silésie à la date du 4. Le lieutenant-colonel
Nabel avait, de son côté, envoyé des coureurs qui poussèrent
jusque sous les murs de Landau et de Bitche. Us lui apprirent,
que la garnison de Landau se composait uniquement de garde
nationale, que Bitche était gardé par quelques invalides. On savait
encore que les Français avaient évacué le 6 au soir Hochfelden,
se repliant par Dettwiller sur Saverne, et que le général comte de
Ségur, après y avoir réuni ses deux régiments de gardes d'hon-
neur, avait continué sa retraite sur Sarrebourg. Le quartier géné-
ral de Wittgenstein était toujours h Rastadt, et ses extrêmes
avant*postes ne dépassaient pas une ligne allant d'Haguenau h
Wissembourg et Spire.
— 60 —
HouYements du V« corps. — Du cùlo du V® corps on s*était
relié par deux escadrons de uhlans Schwarzenberg envoyés de
Benfeld sur Molsheira avec le général Rudinger, avant-garde du
VI® corps *. Le général autrichien Volkniann avait complété l'in-
vestissement de Schlestadt et rejeté la garnison dans la place ;
la brigade bavaroise Maillot avait relevé les Wurtembergeois sous
Neuf-Brisach ; le colonel Scheiblcr avait chassé de Bofsheim
200 hussards français démontés, qui n*eurent que le temps de se
j(»ter dans Schlestadt, et la brigade Deroy, rejoignant Tautre bri-
gade de la division La Motte aux environs de Sainte-Marie-aux-
Mines, avait occupé le col et le passage menant de côté d'Alsace
en Lorraine.
En outre, on savait déjà au quartier général de Wrède que
Victor se repliait de Strasbourg sur les Vosges, et que Milhaud,
avec ses dragons, s'était retiré sur Saint-Dié '.
Mouvement du IV* corps vers les Vosges. — Le IV® corps
avait commencé son mouvement vers les Vosges*. De Cernay, où il
arrivait le 6 au matin, le prince royal de Wurtemberg écrivait à
Schwar/enberg pour lui annoncer qu'il avait été rejoint par un
escadron du régiment de hussards. Archiduc Ferdinand, et lui
d(îmander d'envoyer le plus rapidement possible le 2« escadron,
alin d'être h même de diriger ces deux escadrons le 9, ou, au
plus tard, le 10, sur Luxeuil. L'intention du prince royal était de
rester quelques jours aux environs de Remiremont, et, à moins
d'ordres formels l'envoyant sur Epinal, de pousser de là rapide-
ment sur Lunéville et Nancy. Le prince ajoutait dans ce rapport
que, pour couvrir Wrède, il enverrait vers Saint-Dié et Bruyères
des partis avec lesquels il se relierait par Pouxeux. Enfin, comme
on venait de l'informer de l'arrivée de Platoff à Thann, il faisait.
* Tagebuch du major prince Taxis (K. K, Kriegs Archiv,, XIIF. 32), et
Starke, Eintheilung and Tagetbegeben/ieiten der Haupl-armee (Ibid., I, 30).
' Au grand quartier général, on avait connaissance du mouvement de Victor
sur Lunéville et on savait qu'il voulait se relier, dans la vallée de la Moselle,
ù la cavalerie de Milhaud et de Pire. (K, K, Kriegs Archiv,, I, 30.)
s L'avant-garde du IV^ corps oc<;upait le 6 janvier les points suivants à
deux escadrons du régiment duc Louis à Thann, un escadron à Uffholtz, une
batterie à cheval à WattuUer, avec un bataillon d'infanterie, un bataillon :
Borwiller et un autre à Fîartmanswiller.
— 61 -
non sans raison, remarquer que, pour ne pas épuiser le pays déjîi
fort appauvri, il serait bon d'assigner aux cavaliers de Tataman
une autre roule que celle attribuée au IV' corps pour le passage
des Vosges.
En avant des Wurtembergeois, le général prince Stscherbaloff
battait toujours la campagne entre Pouxoux et Arches. Les rap-
ports qu'il avait envoyés au grand quartier général et il Barclay
de Tolly, rapports dans lesquels il signalait la présence de
troupes françaises à Épinal, avaient eu pour conséquence Tordre
donné à Platofî, qui arriva ce jour-là seulement jusqu'à Thann,
d'avoir à se porter rapidement en avant pour soutenir Stscherba-
toif et l'aider à enlever Épinal *.
Le III* corps reçoit Tordre de se porter sur Vesoul. — Plus
à gauche Schwarzenberg, reconnaissant la nécessité d'occuper le
plus rapidement possible Vesoul et n'ayant encore de ce côté que
le petit corps volant du lieutenant-colonel comte Thurn, envoyait
de Montbéliard, où il venait de transférer son quartier général,
au comte Gyulay l'ordre d'accélérer la marche de son corps
(III«) de manière a être, au lieu du 9, le 8, au moins avec la
tête de ses colonnes, ii Vesoul *. Il lui recommandait d'avoir à se
couvrir sur sa droite jusqu'à l'arrivée à Remiremont du prince
* Barclay de ToUy à Schwarzenberg. — Bâle, 6 janvier 1814.
(Dispositions qn'il prend pour enlever Épinal.)
«f Le gëncral-major prince StscherbatofT m'informe qu'il y a à Epinal, ville
vers laquelle se dirige Tataman comte PlatofT, des troupes ennemies en fon^c
respectable.
« J'ai, par suite, prescrit au comte Platoff de se concerter avec le prince
Stscherbaloff pour chasser avec lui l'ennemi d'Epinal, d'y laisser un poste de
correspondance suffisamment fort, de recommander au prince StscherbatofT.
auquel il devra préalablement donner 2 bouches à feu, de marcher de là sur
Nancy et de se maintenir constamment en liaison sur sa droite avec les avant-
postes bavarois.
«< Le comte Platoff se portera, de son côté, sur NeufchAteau et restera en
communication, à droite avec Stscherbatoff, à gauche avfc le corps autricliien
posté à Vesoul.
<( J'ai, en outre, prescrit aux généraux Platoff et Stscherbatoff de me tenir
jour par jour au courant de leurs mouvements, aÛn de pouvoir leur assigner
des directions ultérieures, d'après les ordres que je recevrai de Votre Altesse. »
(K. K. Kriegs Arehiv,, 1, 113.)
^ Schwarzenberg à Gyulay. {K, K, Kriegs Archiv., 1, 110.)
— «2 —
royal de Wurtemberg, avec lequel il aurait à se relier. L'avant-
garde du III« corps arriva le 6 k Villersexel, le gros à Velleche-
vreux, la division Crenneville à Ronchamp. Il donnait, en outre.
Tordre à cette dernière division d'être le 7, au lieu du 8, à Port-
sur-Saône S que Thurn avait, comme le montre le rapport sui-
vant, enlevé dans la nuit du 5 au 6.
Surprise de Port-enr-SaOoe par le corps Tolaiit de Thiini.
— « Le lieutenant-colonel comte Thurn au prince de Schwarzen-
berg. — Vesoul, le 6 janvier 1814, 5 heures du soir :
« J'ai rhonneur d'informer Votre Altesse que j*ai surpris et
occupé, la nuit dernière, Port-sur-Saône ; j'y ai pris quelques
conscrits.
« Mes patrouilles battent le pays du côté de Combeaufontaine,
sur la route de Gray, de Grandvelle, sur celle de Besançon et
sur celle de Villersexel. A droite, je m'éclaire et me couvre par
des patrouilles de flanc sur Faverney et Luxeuil.
« Je pars d'ici cette nuit me portant sur le déparlement de la
Haute-Marne, dans la direction de Langres, parce que j'apprends
à l'instant que la division Crenneville vient à Lure.
« J'enverrai demain îi Votre Altesse les prisonniers de guerre
anglais et espagnols que j'ai délivrés.
<( Je me permets de faire respectueusement observer à Votre
Altesse que les réquisitions de toute sorte, dont on frappe le pays,
Hùus aliènent C esprit des populations qui. datis le principe, étaient
favorablement disposées pour nous,
« Je transmets à Votre Altesse la lettre que m'a adressée
aujourd'hui le préfet, ainsi que la réponse que je lui ai faite.
« Le magasin de tabac que j'ai pris ici vaut plus de 100,000
francs.
er Mes émissaires m'assurent que le duc de Valmy est à Metz
avec 8,000 hommes, presque tous des conscrits ; que le gros de
l'armée ennemie se porte sur le Brabant, qu'une autre masse va
sur Strasbourg et que 10,000 hommes de la garde sont en marche
sur Paris*. »
1 Schwarienborg à Biaochi (qui bloquait à ce moment Belfort). (K. K. frie§ê
Archiv., ad, I, ilO.)
i En luaigc de ce docoment {K, K. Krieys Archiv., I, 117), se trouve la
- 63 -
On est loin, on le voit déjà, de Icnthousiasme quoThurn^ signa-
lait si pompeusement dans ses premiers rapports.
Les populations, étonnées et surprises au premier moment, ne
vont pas tarder, d'ailleurs, à se retrouver et à faire payer cher k
Tenvahisseur ses brutalités, ses violences et ses pillages.
MoaYtments des W et U« corps. -— Quant au I^'' corps, il
est encore entre Montbéliard et Arcey, mais il a détaché sur Héri-
court la division Winipffen, qui doit soutenir le 9 janvier, sur la
rive droite du Doubs, Tentreprise du prince de Hesse-Hombourg
contre Besançon. Le II« corps, qui sert d'avant-garde à ce prince,
est à THôpital-du-Gros-Bois, et les réserves autrichiennes s'avan-
cent péniblement jusque vers Villafans, Ornans et Ëtalans. Le
prince Maurice Liechtenstein, qui a pris le commandement de la
2« division légère, couvre l'extrême gauche du prince de Hcsse.
Afin de compléter les données relatives à la position des corps
alliés à cette date, il y a lieu d'indiquer que la cavalerie de Bubna
était maîtresse du pont de Dôle, que les troupes de ce général
étaient à Poligny et à Salins, qu'il y riîçul, le 6, l'ordre de mar-
cher sur Lyon. Ajoutons, enfin, qu'une de ses brigades surveillait
la Savoie, depuis la prise de Genève.
à Lnnéville de Caolalnconrt, chargé de reprendre
les négociations. — Ce fut également le 6 janvier que Caulain-
court, désigné par l'Empereur pour reprendre et suivre les négo-
ciations interrompues depuis plus d'un mois, arrivait à Lunéville
et faisait demander h Metternich les passeports dont il avait
besoin pour franchir les avants-postes des Alliés. Le môme jour.
note suiTante, mise au quartier général de Schwarzenborg et qui sert cPëlémeiit
à la réponse à faire à Thum :
M J'ai reça vos rapports des 4 et 6 janvier. Pour ce qui est du préfet de la
Haute-Saône, le traiter avec ménagement et me l'envoyer sous escorte à mon
quartier général, qui sera le 9 à Arvrey, le 10 à VUlenexel, le II à Yesonl. »
< Le comte Thum était, en 1814, lieutenant-coloiiel an régiment autrichien
de hussards palatinat.
La présence des coureurs de Tbum à Combeaufootaine, et jusqu'à ses projets
sor Langras, étaient connns des Français, puisque le commandant Gerfoaux,
aide d0 camp du Ministre de la guerre, lui disait, de Langres, le 0 janvier, à
8 hMres 1/1 dn soir : « L'ennemi a mis un petit poste à Ounbeanfontaine ;
on attend, ee soir, 150 chevaux à Cintrey, et Ton assure qu'il veut faire une
reconnaissance sur Langres. » (Dépôt de la guerre,)
— 64 —
lord Caslelroagh débarquait en Hollande et continuait sa roule
pour rejoindre le grand quartier général des Alliés.
7 janvier. — La cavalerie du VI* corps à Saveme. -■
Le 7, au matin, les avant-postes russes ayant remarqué que
les Français avaient évacué Saverne * pour se replier sur Phals-
bourg, occupèrent immédiatement cette ville et prévinrent Pahleu,
qui poussa aussitôt des partis vers Sarrebourg et Phalsbourg».
L'infanterie du VI« corps commença, elle aussi, son niouve-
nienl. Une des brigades de la 4® division (!!• corps, sous les
ordres du prince Eugène de Wurtemberg) se porta en soutien
des cavaliers de Pahlen, î\ Haguenau; l'autre brigade resta a
Roeschwoog, mais la 3« division d'infanterie passa en parlie de
Fort-Louis, sur la rive gauche, et Wittgenstein chercha à se
relier sur sa gauche par Mutzig et Benfeld, avec la droite de
Wrède. On avait réussi, en démontant les stations télégraphiques
de Haut-Bar, près de Saverne, et du Kochersberg, près de Will-
gotheim, i\ couper et à intercepter les correspondances aériennes
de l'ennemi.
Positions du V* corps. — Affaire de Saint-Dié. — Le
V« corps resta devant les places qu'il investissait avec ses avant-
postes, \\ droite, près de Ziegeihutt; au centre, à Benfeld; îi
gauche, au col du Bonhomme, et en avant de Sainte-Marie-aux-
Mines. Seul, le général Leroy, [)Osté comme nous l'avons dit à
Sainte-Marie-aux-Mines, envoya du côté de Saint-Dié quelques
patrouilles qui tiraillèrent avec les ved(îttes françaises et rappor-
tèrent des renseignements que Wrède transmit îi Schwar/enberg
dans le rapport ci-dessous, rapport qui ne parvint, d'ailleurs, au
généralissime, à Vesoul, que le 14 :
* Au moment même où la cavalerie française venait d'évacuer Saverne,
Grouchy avait prescrit à Séjjur, dans le cas où il serait poussé par l'ennemi,
de se reployer sur Phalsbourg, Sarrebourg et enfin sur Heming, à l'cmbran-
chement des routes de Strasbourg à Metz et à Nancy, et, dans le cas où Userait
contraint à abandonner Heming, de se retirer par la route de Nan:y, mais de
ne s'y résoudre que le plus tard possible Grouchy ajoutait : u Nous sommes
toujours à Raon-l'Étapc et à Baccarat. On ne fera do mouvement ni aujour-
d'hui, ni probablement demain. » (Archives du Déjiôt de la guerre,)
' A'. A'. Krieys Archiv., I, 30.
- 65 -
« Wrède à Schwarzonborjç, (]olnjar, le 8 janvier 1814.
<c J'informe Voire Altesse que le jiçénéral Deroy, que j'avais
posté hier près de Sainte-Marie-aux-Mines, a envoyé des patrouilles
vers Saint-Dié. Le général a rencontré l'ennemi en avant de cette
ville, l'a vivement attaqué et poursuivi jusqu'au delà de Saint-
Dié. Le poste ainsi rejeté se composait de 80 chevaux. Il a appris
de cette façon qu'il y avait h Raon, sous les ordres du général
Pire, 3,000 hommes d'infanterie et de cavalerie, et que le maré-
chal Victor était à Baccarat av(»c 1 2,000 honnnes.
« J'ai prescrit au général Deroy de faire observer Saint-Dié et
la route de Saint-Dié par des patrouilles, et de se relier par
Bruyères aux troupes du prince royal de Wurtemberg.
« On m'apprend (jue la cavalerie que j'ai envoyée à Molsheim
s'y est reliée aux troupes légères du comte Wiltgcnstein
« J'ai prié le prince de Wurtemberg d'envoyer Plalofl,
non pas sur Épinal. mais par Bruyères sur Rambervillers, et, de
là, droit sur Lunéville. J'ai prescrit, en outre, à tous mes chefs
de corps de pousser au loin des patrouilles, afin de se procurer
des renseignements. En njôme temps, j'ai fait dire par le général
Frimont au colonel Scheibler, d'avoir à aller à Saverne *. »
Mouvements du IV* corps et de Platoff. — L'avanl-garde
du IV« corps s'engage sur les deux routes menant de Wesserling
h Remiremont. 2 escadrons et 4 compagnies vont juscju'à Oderen
et Felleringen. i escadron et 3 conqiagnies poussent sur l'autre
route jusqu'à Urbay et Mollau. Les soutiens s'établissent à Wes-
serling et Saint-Amarin. Le gros du corps était à Willer. Le
prince royal de Wurtemberg, lant pour couvrir sa gauche que»
pour se relier avec le centre de l'armée de Bohème, en marche
sur Vesoul. et avec le corps d'investissement de Belfort, avait fait
partir un escadron des hussards archiduc Ferdinand pour Fau-
cogney, ChAteau-Lambert et Giromagny.
Platoff était arrivé le 6 au soir à Thann, avec 4,000 chevaux,
et avait continué le lendemain sa marche sur Épinal, par
Saulxures et Éloyes '.
* K. K, Kriegg Archiv., l, 165.
« Prince Royal de Wurtemberg, Wesserling, 7 janvier, à Schwarzenberg
Wefl. 5
— 66 —
En avant des positions occupées par le IV« corps et de l'autre
côté des Vosges, Stscherbatoff avait continué h s'avancer par la
vallée de la Moselle sans rencontrer aucune résistance et avait
occupé Épinal*.
MouTements des autres corps. — Au centre, Tavant-gardc
de Gyulay, dont le gros ne dépassa i)as Villersexel, arriva a
Vesoul, et la division Crenneville h xMollans. Le I*"" corps, toujours
encore aux environs de Montbéliard, s'était contenté d'envoyer
quelques patrouilles de cavalerie du côté de Besançon, tandis
que le !!• corps avait fait passer sur la rive droite du I)oubs,
h Beaunie-les-Daiïies, le régiment de dragons archiduc Jean, qui
avait forcé les avant-postes français de Roulans à se reporter
plus en arrière '.
Les réserves autrichiennes continuaient toujours avec la même
môme méthode et la même lenl(;ur leur marche vers Be-sançon, et
les réservcîs russes et prussiennes de Barclay de Tolly dérou-
laient encore leurs colonnes depuis Bàle, où elles achevaient de
passer le Rhin, jusqu'à Altkirch.
Schwarzenberg, ajoutant foi à des renseignements erro-
nés, modifie ses ordres. — Ce fut à ce moment que parvinrent
(K,K, Kriegs ArclUc, 1, 137), et rapport journalier à TEiiipereur d'Autriche.
(Ibib., 1, 130.)
1 Le général prince StscherbatofI à Schwarzenberg (eu français [dans
Toriginal) :
u Épinal, 7 j<invier 1814.
t( J'ai riionucur d'annoncer à V. A. que j'ai occupé aujourd'hui Ëpinal.
« Encore de Uemiremout j'ai envoyé un parti à ma gauche sur Plombières
et Fonlcnois (Fontenoy-lc-(]hatcaU) à la demande du lieutenant-colonel de la
Tour (a). Le parti est revenu sans l'avoir découvert; je ne pouvais pas
envoyer vers Langres, vu le trop grand éloignement.
« Aujourd'hui j'ai encore envoyé un fort pai'ti à ma droite à Rappollsweiler
(Uibeauvillé) vers Schlestadt à la découverte du corps bavarois et du colonel
Schcihler, qui doivent se porter là, comme le général ToU m'a fait savoir.
«Je serai obligé d'attendie demain le retour de ce détachement qui ne
pourra revenir que dans Taprês-midi, à cause de la grande distance qu'il y a
d'ici à Ha|)poItsweiIer (Uibeauvillé).
« L'arrière-garde de l'ennemi est à Charmes, à trois lieues d*Épinal (6). Mes
patrouilles y ont déjà été. » (A'. A'. Krieys Anhiv., 1, 106.)
î K. K. Kricijs Arckiv., 1, 30.
(a) lï s'asit ici du lieulenant-colooel Ttiurii. (h) Il j a plas) de 3 Iteacs d'Éplnal k Charnesé
— 67 —
au quartier général de Schwarzenberg, dos nouvelles malheureu-
sement fausses, mais qui arrivèrent encore à temps pour impri-
mer un semblant d'élan h la marche jusque-là si traînante, si
incertaine et si hésitante de l'invasion. Le généralissime, sur la
foi de renseignomenls (jue lui signalaient le rassemblement im-
minent sur le plateau de Langres d'une arnjée de 80,000 honmies,
inquiété |)ar ces bruits qui avaient, à tout bien considérer, l'appa-
rence de la vérité, convaincu désormais ((u'il va falloir emporter
de haute lutte un point slratégiijue aussi important ((ue hi |)lateau
de Langres, se décide à secouer la lorpeur dans laquelle il s'était
complu. Il priMid imnjédiatement les mesures nécessaires |)Our
jeter de ce côté des forces considérables et massj'r des colonnes
(|u'il a tenues jusqu'à présent dans les direclions les plusdivers(»s,
qu'il a laissé piétiner sur place <'t au\(|ur||<*s, tout en songeant
toujours à unc^ concentration sur le |)laleau du Morvan, il a fait
(exécuter à partir de Bî\le un mouvenjenl divergent vers la gauche,
(|ui s'él(»nd à C(î moment, sans parler du corps destiné à blocjuer
Besançon, jusqu'à B(»auni('-les-Dames. Connues nous aurons lieu
d(î le faire remarquer plus d'une fois (Micore |)endant le cours de
cette campagne, on passe tout à coup et sans motif sérieux, de la
confiance la plus absolue à l'incjuiétude la i)lus profond*», de la
sérénité la plus complète à la tt'rreur la plus irraisonnée. Cette
fois aussi, on trouvera au quartier général des prétextes plus ou
moins plausibles pour justifier des mouvements parfaitement
logiques et rationnels en eux-ménjes, des mouvements (fu'on
aurait, d'ailleurs, dû exécuter dès h; début, si l'on n'avait pas, à
(le certains moments, affecté, ou du moins paru affecter dans
l'entourage de Schwarzenberg un souverain mépris pour les prin-
cipes éternellement vrais et inunuables de l'art dcî la guerre.
C'est donc apparenmient parce (pie Victor, Milhaud et Pire ont
évacué la vallée du Rhin, mais en réalité parce (pi'on crut avoir à
faire un effort surhumain |)Our enlever la position d(^ Langres,
encore pres(iue inoccupée, qu'on linil par recoimaîlre (|u'il est
l(»mps de donner à Wittgenslein et à Wirde une (h'slinalion un
peu plus en rapport av(^c les forces dont ils disposent et (pie l'on
s'était plu à immobiliser jus(iu(;-là devant Kehl, auprès d(; Stras-
bourg, sous Schlestadt, Neuf-Brisach et Huningue.
C'est pour la même raison qu'on en arrive au grand quartier
général des Alliés à trouver que Bianchi a autre chose à faire qu'à
— 08 —
rester en observation devant Belfort. Mais, bien que l'on paraisse
croire h la présence ou h l'arrivée imminente de forces considé-
rables îi Langres,bien que Ton sache qu'il ne reste plus d'ennemis
dans la vallée du Rhin, au lieu de se contenter de masquer des
places défendues par des conscrits, des gardes nationales ou des
invalides, on ne se résout pasî\ agir vigoureusement, on continue
il préférer des demi-mesures à une offensive énergique. Schwar-
zenberg donne l'ordre de se porter en avant; mais, avant de faire
commencer le mouvement, il affaiblit les corps de ses lieutenants
en leur imposant l'obligation de laisser en arrière une partie trop
considérable de leurs forces, (rest ainsi qu'au lieu de faire mar-
cher résolument le VI® corps tout entier, il prescrit h Wittgenstein
de conserver devant Strasbourg et Kehl, jusqu'à l'arrivée des
troupes qu'allait amener le comte Guillaume von Hochberg (mar-
grave Guillaume de Bade), les forces nécessaires pour bloquer les
places et de se diriger vers la (Champagne avec le reste de son
corps, formant la droite de la grande armée. Il en est de même
pour Wrède. qu'il oblige à laisser 8,000 hommes devant Schles-
tadt, Neuf-Brisach v\ Huningue, et qui ne peut, par suite, se
mettre en route qu'avec environ 30,000 hommes.
Le IV*^ corps ne sera pas affaibli par les détachements, et le
prince royal de Wurtemberg, qui avait manifesté l'intention de
rester quelques jours aux environs de Remiremont, recevri»
l'ordre de n'y faire qu'une» halte de vingt-quatre heures, de mar-
cher vers sa gauche par Bains et Jussey pour venir opérer sa
jonction avec le centre au nord-ouest de VesouK du côté de Fayl-
Billot.
Les ler et III® corps doivent être en position le 10 au plus tard
sur les bords de la Saône sur une ligne allant de Seveux à Porl-
sur-Saùne ; ils y seront soutenus par les réserves de Barclay de
ToUy, échelonnées entre Vesoul et Besan(.'on ; mais, en revanche,
Bianchi ne devra quitter les environs de Belfort qu'en deux
échelons. On lui prescrit de faire partir de Vesoul deux de ses
brigades dès qu'il sera relevé j)ar les troupes russes du général
Raïetïsky, mais de rester sous Belfort avec la troisième pendant
toute la durée du bombardement. Il ne devait remettre le blocus
aux Russes que si le bombardement restait sans effet*.
Oet ordre bizarre doit avoir eu une raison spéciale. On espérait que le
— 69 —
Les AUm^s .npporlaiciit, d'ailliuirs. uiuî WlW circonsprction dans
leurs entreprises que, le inôiiie jour eurore, Srhwar/iMjberjç
prescrivait d'établir de solidcîs Irtes de poul sur le |{liin. h Mîirkt
et à Rheimveiller. CvM, d'ailleurs, pane (ju'il n<' cessera jias,,
pendant toule la durée dt> la eainpaf;iie. d'avoir pour sa f^auehe
des craintes, la pluparl du temps iuiaj^iiiain's, |>are«» ipiii In^ni-
blera constaninient pour si's derrières, que nous v«'rrons Schwar-
zenberg détachtT à loul instant des troupes (pfil aurait pu em-
ployer plus avantageusement sur le théî\treprinei|)al desopérations.
Enfin, bien que tn*nte-si\ heures plus tnton ait donné à Hubna
Tordre formel de marcher sans retard sur Lyon, on crut plus
prudent de l'arrêter, et on lui lit savoir d'avoir à se n^porliM* vers
Dôle, Auxonne et Dijon.
Le môme jour Blucher. de son cpiartier j^énéral dr (lus«'l,
n*ndait compte à Schwar/enberg des mouvenuMits d«' rarméi» d(»
Silésie depuis le passage du Khin, mais écrite letln» m* parvcMiait
nue le 14 entre les mains de Wrèd»'. (pii la transmettait aussitôt
au général en chef.
8 janvier. Mouvements de Victor. — Kniu di^s r(*|)ro(rhes
qu'il venait d'encourir*, et voulant, malgré la disproportion
numérique, tenter un dernier etîort; sachant, d'autre part. |)ar
une lettre du maire d(» Raud)ervillers, cpie les troupes alliées
postées du côté d'Épinal se préparaient à ré^piisitionner aux
environs de Rambervillei*s. Victor })rescrivit au général (irouchy
d'envoyer sur ce dernier point une division de dragons |)our em-
pêcher les Alliés de venir inquiéter les villages et en imposer à la
colonne d'Épinal. Vir'tor recommandait, en outre, d(» faire protéger
celte division par l'autre division, qu'on devait échelonner depuis
OerWviller jusqu'il lloville-aux-Chénes et d'appuyer le loul. en
ras de besoin, par quelipuîs bataillons. Enlin, la division de
dnigons de Randiervilli^rs devait nhserrev (irt*c aUention les
bombardement ferait capituler Belfort, et l'un tenait, nous le croyons du moins,
à ce que cette place se rendit à des troupes autrichiennes.
1 Victor avait, à la date du 9 janvi**.r, cherché à justifier sa retraite.
bcrÎTaDt an major-général, il lui faisait.ohscrv(>r quVn se portant sur Saverne,
il n^arait fait qu'exécuter les ordres que Uerthier lui avait donnés au nom
de TEmpereur et par lesquels on lui recommandait de ne pas se laisser séparer
de la route de Metz.
— 70 —
routes de Saint-Di(^ et d'Épinal. Grouchy, se conformant aux
ordres du maréchal, envoya à Rambervillers les dragons de
Briclie, et les fil soutenir par ceux de Lhéritier*. L'infanterie de
Duliesme, postée aux environs de Raon-rfilape, leur servait de
soutien pendant que les généraux Cassagne et Rousseau, venant
de Nancy, remontaient la vallée de la Moselle, se dirigeant pai
(Charmes sur Épinal *.
Prise par les Cosaques dun courrier envoyé de Strasbourg
à Victor. — Pendant que Victor» prenait les mesures que
nous venons d'indiquer, la fortune qui devait si capricieusement
favoriser les Alliés, le hasard qui allait îi tant de reprises leur
fournir les renseignements qu'ils ne parvenaient pas h se pro-
curer autrement, faisaient tomber entre les mains des cavaliers de
Pahlen, qui battaient le pays du côté de Mulzig et de Wasselonne,
^ Ordres de Milliaud et Mémoires de Grouchy., {Archives de la guerre,)
s Déjà Beniard avait demandé à Berthier que Ton confiilt à Tun des trois
maréchaux (Ney, Victor ou Marmont) le commandement supérieur, afin qu'il
n*y ait pas de conflit d'îiutorité entre eux. (Beniard, Correspondance. Déjtôi (le
la guerre.)
' I^ maréchal Victor avait, le 6 janvier à neuf heures du soir, adressé de
Baccarat au major-général un rapport dans lequel il essayait de justifier et
d'expliquer sa retraite. « 11 comptait, dit-il, avoir tout son monde à Molsheim
le 3; mais le général Mithaud a été attaqué au moment où le mouvement
commençait et n'aurait, par suite, pu être à Molsheim que le 4. » Le maréchal
ajoutait qu'à ce moment une colonne de troupes alliées, celle de droite,
marchait sur Saverne, que Milhaud était suivi par une autre colonne, et
qu'une troisième, celle de Frimont, allait par Saint-Amarin sur Remiremont;
que ses deux flancs se trouvent menacés, que sa communication avec Saverne
est compromise et qu'il venait, en outre, d'apprendre que le maréchal Marmont
ne pouvait plus le rejoindre.
« En me portant sur Saverne comme j'en avais Tintention, écrit le maréchal,
je pouvais y rencontrer l'ennemi, dont l'avant-garde est déjà à Hoctifelden, et
éice suivi par la colonne qui avait attaqué Milhaud. En raison de ta dispro-
portion des forceps, et pouvant de plus être prévenu par Frimont au débouché
de Haou-l'Étape, je me suis mis en marche le 5 par Mutziget suU arrivé le 6
à midi à Raon. J'y ai laissé le général Duhesme avec 5 bataillons, la cavalerie
légère du 5" corps et une batterie d'artUlerie à cheval pour observer les com-
munications de Saint-Biaise et Rambervillers, et j'ai posté le reste de l'infan-
terie, les dragons et l'artillerie à Baccarat J'avais, continue le
maréchal, formé le projet de remonter sur Phalsbourg pour couvrir de ce côté
les communications de Nancy et de Metz; mais, ayant appris que les ennemis
allaient se montrer sur Saint-Dié, j'ai cru devoir rester ici en attendant les
onlres de Sa Majesté, et j'ai laissé sous Saverne le général de Ségur avec
4,400 chevaux des gardes d'honneur. {Archirex du Déjtôt de la guerre.)
— 71 -
un courrier que, dt» Strashourf;. l{n*<lor(T, (•oniniissain' rxlraor-
dinairo de rKniporour dans 1«» Has-Uliin, j'xiM'diail à Virlor. Sur
ce courrier on trouvail. outre la (lé|MVln' de Kcllennauii trans-
mettant au dur de Belluni» les reproches et les ordres de l'Km-
pereur et indiquant, eomme on Ta vu, les positions des troupes
entre Nancy etCiiarmes, une lettre d(» n<ederer au due d(» Itovi^o,
dans Laquelle il rendait un compte exact (h* l'étal peu rassurant
des esprits à Strasbourg;, ainsi que di» la terreur produit!» par
l'apparition des premières troupes alliées aux environs de la ville.
« Rœderer à M. le duc d(» Hovigo. ministn» «le la Police
gc'^nérale. — Strasbourg?. 7 janvier IHli.
« Monsieur le duc, rennemi s'est approché hi(*r de la ville en
tiraillant justprà une demi-lieue. Cette situation a fait un ^raud
changement dans l'esprit du peuph». On criait dans les boutiques
et les cafés que la ville était vendue. qu(» h» duc di» Uellunt» en
avait emmené la garnison, tpu^ la vilh» serait ren<lue sous trois
jours. Ces bruits ont jeté la terreur dans la masse des habitants.
Cette terreur procédait d'un bon scMitiment ; mais jilusieurs de
ceux qui jetaient Talarme m'ont paru très suspects.
« En conséquence, j'ai pris h» parti :
« i« De faire une prodannition pour rassurer les bons ;
tt S** De donner des ordres pour l'arrestation des orateurs, s'ils
recommençaient aujourd'hui :
a 3** De prendre des mesun's pour l'évacuation des étrauf^ers
suspects qui sont ù Strasbourg.
« h' vais ni'occuper de mesures de linances pour assurer tous
1<'S s«Tvices , le tout en cas (pie les connnunicalions sf)ienl
coupées avec Paris, et eUes sont au moins douteuses en ce
nioni<»nt.
« Les forces d<* l'ennemi qui a passé devant le fort Vauban
no sont guère que de 8,000 à 9.000 hommes; mais ils se sont
W'pandus sur tout le pays, et se joignent av(»(! les troupes du pas-
sage de Bâle
* Enfin, il faut des secours du centre de la France, et il faut les
promettre pour entretenir le zèle d(» cette ville-frontière ». »
* K. K, Krieg* Archiv,. I, 20.>, c
— 72 —
Transmission défectueuse des renseignements et nou-
velles. — Cette pièce et la dépc^che de Kellermann à Victor
étaient assurément, à ce moment, des prises précieuses pour les
Alliés, par cela njême qu'elles contenaient toutes deux des rensei-
gnements qu(î le généralissime et les généraux commandant les
différents corps de l'arniée de Bohème avaient intérêt à connaître
de suite. Mais le service était si bizarrement organisé aux états-
majors des ditïerents corps de l'armée de Bohême, que ce fut seu-
lement le 12 janvier (soit quatre jours plus tard) que le général-
lieutenant d'Aunay, chef d'état-major du VI^ corps, expédiait de
Rastadl ces dépêches à Schwarzenberg, dont le quartier général
était alors à Vesoul. D'Aunay* annonçait, il est vrai, au généralis-
sime que Pahlen avait comnmniqué ces renseignements h Wrède.
Voulait-il, de la sorte, chercher h expliqucT le retard apporté à la
transmission de renseignements aussi importants ? Il est j)ermis
d'en douter, car il aurait vraisemblablement, dans ce cas, réussi
à trouver une excuse plus plausible. Si l'on considère qu'il ne
s'agit pas lii d'un fait isolé, on sera bien forcé de reconnaître avec
nous que les relations des différents chefs de colonnes entre eux,
les rapports de ces menues généraux avec le généralissime étaient
insuffisannnent réglés, et que la transmission et l'cmvoi des ren-
seignements intéressant et ces généraux et le grand quartier
général se faisaient d'une manière absolument illogique et contraire
aux intérêts du service.
A l'appui de notre opinion, nous citerons encore la lettre non
moins importante du commissaire ordonnateur de Nancy, en date
du 7 janvier, interceptée le même jour que la précédente * :
« La jeune garde va s(» porter à Épinal, Charmes et Flavigny,
et la 6^ cohorte à Rambervillers, Raon-l'Étape et Saint-Dié. Une
autre cohorte et d'autres troupes vont être envoyées dans les
Vosges.
« Une armée de près de 100,000 honnnes, composée d'un corps
commandé par le duc de Trévise, de cinq corps d'infanterie» et d(»
cavalerie, des équipages militair(»s, ainsi que de toutes les trou|)es
' D*Aunay à Schwarzenberg, de Rastadt, 12 janvier. A'. A'. Kriegg Àrehir.,
I, 20:).
» A'. A'. Krietjs Arehir. y 1. 284,
- 73 —
qui devaient aller îi Mayenco renforcer le eorps <lii «lue de Ra^usi'.
va être envoyée dans les dêpartt^nienls de la Meiirlhe et di»s
Vosges.
« Il si»ra formé des upprovisioiiiienients de vivres sur toulr la
ligne de Reims à Colniar, h («IpinaK pour 30,000 lioninies. »
Or, celte lettre, des plus importantes, puis(jue, à coté des «'\a-
gérations manifestes et probablement int(Milionnt'lles, <'lle conb'-
nait des indications pivcieuses sur les niouvenn'Uls des Franrals.
ne fut envoyée (c'est Slscherbatotï* qui se cliar^»* «b» nous eu
fournir la pnnive) que le 13 janvier à Scbwar/enberg.
Otte transmission lardiv(^ des renseignements peut, dans un
assez grand nombre de cas |»eut-êlre,e\|)liquer les bésitalions. b's
lenteurs, les contre-ordres du <!onnnamlenuMit supérit'ur. 11 faut
reconnaîtn» toutefois que la n^sponsabililé tout entière d»* l'cu'ga-
nisiition défectueuse d'un service aussi im|>ortant n*<'n rrtomlx'
que plus lourdement sur le général (mî cli(»f et sur ses l'ollabora-
teurs immédiats, qui ont ainsi, au début d(; la campagnt*. laissé
Wiapper des occasions exceptionnelles leur permettant de portrr
sans danger des coups décisifs h un aclversain» hors d'état d'()|>po-
ser une résistance sérieuse.
Positions et mouvements des VI® V^' et IV' corps. —
Pahlcn occupa, leSjanvitT, avec les ublans (b» Tcliougouïetl'. b-s
drajçons badois et quatre pièces (rartillfrii» h cheval. Savern»». où
un do S(»s escadrons d'avant-garde était déjà entré depuis |)lus de
vingt-quatre heures, (»t poussa ses avant-postes jusqu'aux fau-
Iwui^s de Phalsbourg. Le prince Eugène de Wurtemberg, dont
une des divisions était h cette date à Haguenau, envoya deux
<*scadrons du !«'' régiment de dragons badois vers Hitche pcnir
suneijjer cette place; qm^lques bataillons d'infanterie; badoise
ayant ('gaiement n^joint. Wittgensti^in les posta sur la rive droite'
du Rhin, àStoIlhofen, où ils servirent de réserve aux troupes de
Gorti^hakoff, chargées encore de l'investissement de Kehl.
Du côté de Strasbourg, Rûdinger s'était avancé, par les roul(»s
venant de Wantzenau et de Brumath, vers la place, dont il allait
J Slscherbatoff à Schwanenberg, aa camp près de Chatel, 13 janvier 1814.
(*• ^. Kriegt Ârc/Uv., I. 284.)
- 74 —
bientôt compléter l'inv(^stissenient, et dont il surveillait déjà les
abords, tandis que des troupes françaises des trois armes, sorties
de la ville, prenaient position à Schiltigheim et îi la Robertsau.
Au V« corps, la brigade autrichienne Minutillo était venue
relever devant Neuf-Brisach la brigade bavaroise Maillot, qui alla,
de son côté, reprendre les positions occupées sous Schlestadt par
la brigade autrichienne Volkmann. Ce mouvement permit de dis-
poser du colonel von Géramb, qui, passant avec 3 escadrons et
1 bataillon |)ar Gerstheim, rejoignit, dans la nuit du 8 au 9, à
Boofzheim, le colonel Scheibler, auquel Wrède avait donné
Tordre de se diriger sur Saverne et de se procurer des nouvelles
d(î rennemi. Le lieutenant-colonel comte Alberti, qu'on avait fait
partir la veille avec 2 escadrons des uhlans de Schvvarzenberg,
était arrivé à Molsheim et se reliait du côté de Brumath h la cava-
lerie» du VI® corps. Le général Deroy, pointe d'avant-garde du
V^ corps, était toujours à Sainte-Marie-aux-Mines, et la division
Rechberg, postée plus à gauche et plus en arrière, surveillait de
Kaysersberg le col du Bonhonmie. On continuait à bombarder
infructueusement Huningue.
Entin, ce même jour, un aide de camp de Caulaincourt se pré-
senta aux avant-postes de Leroy porteur d'une lettre pour Metter-
nich. On l'amena à Colmar, h Wrède, qui transmit la lettre h
Metlernich et garda l'officier h Colmar. La réponse n'arriva que
le 11; Metternich acceptait, en principe, la réunion îi Ch^tillon-
sur-S(Mne d'un congrès qui devait commencer ?i siéger après l'ar-
rivée de lord Castelreagh *, mais il ne fixait aucune date pour la
première séance.
Le prince royal d(^ Wurtemlxîrg avait passé les Vosges. Le
IV® corps était cantonné dej)uis Fraize jusqu'à Bussang. Ses
troupes légères occupaient Rupt, Ramonchamp, Ventron et Remi-
remont. Platoff était h Eloyes, et Stscherbatofif battait le pays
entre Épinal et Charmes».
Les renseignements apportés de ce côté par les émissaires,
révélaient l'existence de magasins assez considérables à Auxonne,
1 TayebuCê'i tles bayer i*cJwn Majors F'ùrsten Taxi» rom Fddzuge 1812-13-
14, haupUàehlich die baiferiscfu^ Armée belre/leiid (autograpliie). (A'. Â'. Kriegs
Archiv,, 1814, Xllf, 32.)
* A'. A'. Krieos Archir., I, 30 et I, 155.
lu préstMiee du K(*ll(Tiuaiui à Nancy aviu; îkOOO lioninii's, niliii.
roxislcnco. îi Naiicv. iruii aiiln» rassiMiihlrnicnl sous los onlrrs
de Nansouty. oi composa do K.OOO liomnH's do ravaloric. Los
émissaires ajoulaionl. à oo propos, quo Nansouly inainpiail do
chevaux ol avait boauconp dt» malades*.
Mouvements du corps volant de Thurn et de la cavalerie
da III* corps. — Lo lioiitonant-ooloin'l oomto Tliiirn, (jui, avo(;
ses partisans, avait |»ris los ilovanls du III** corps, avait oontinuô à
marcher vers Langi'es ot avait ou uik» polito oscarmouoijo. lo H
au soir, du col»» do Cintroy. d'où il rliassa les avant-post<'s iran-
cais*. Mais, comme lo oorps volant était trop faihlo |)our détaclh'r
du monde vers Grav, (ivulav dut onvov«*r <lo n* oôté un osoa<lron
de hussanls, afin de chon'hor h ooupor los oonnnunicalions l't à
enlever des convois entre Besancon ot Lanirrcs». (ivnlav, oonfor-
moment aux ordres du génoralissinio. avait fait ocoup<'r Vosonl
parla division Hohenloho-Bart(*nstoin : il avait oantonno la divi-
sion Fresnel h droite, à gauche ot on arrière lU' la ville, La divi-
sion légère Crennevillo avait poussé au delà do Vosoul, ot. arrivée
îi Port-su r-Saône, elle s'était éttMiduo v<'rs sa droite jusipi'ii (lon-
1 Rapports d'émissaires (A'. A'. Krieg;t Archiv., I, 155, h.)
* Le lieutenaDt-colonel comto Thurn nn feldzougmoistfr comte (tuilny. —
Cintrey, 9 janvier 1814, six heures du matin.
« Votre ExceUence m*nyant prescrit, par onlrede S. A. le prinre <le Schw.ir-
zenherg. de me porter au plus vite vers Langres et de cherolier ù y entrer, je
me suis mU en route cette nuit aussitôt après Tenvoi de vos avant-postes
à CombcaafoDtaÎDC.
M A Cintrey, j'ai rencontré une patrouille ennemie de 15 chasseurs qui s*est
retirée sur Fayl-Billot, où il y avait 1 officier et 37 chasseurs, que ma
pointe d'avant-garde a surpris et déloges. L'ofllcier qui «commande mou avant-
garde m'informe que plusieurs chasseurs ennemis sont hiessés, qu'il a pciilu
un homme et qu'il pousse vers Langres, où il y aurait un gcnér.-il avec
plusieurs dépôts.
u Gomme je dois continuer mon mouvement sur Langres. et que je ne veux
pas perdre les avantages résultant des aflTaires de cette nuit, je me trouve dans
l'impossibiUté absolue d'entreprendre quoi que ce soit contre Gray.
u J'espère enlever Langres encore aujounrhui et me porterai ensuite, si
faire se peut, sur Gray, mais je me permets de prévenir V. A. que. d'après
les renseignements que j'ai recueillis, tous les convois ennemis auraient déjà
quitté Gray. » (K, K. Kriegs Archiv,, l, 168 a.)
• A'. A'. Kriegi Arehir. Tageshegebenheiten (1er Ilaupt Armée. (A*. A'. Kriegs
Arehir,, I, 30, et Rapport de Gyutay à Schwarzenberg, I, 1(58.)
— 76 —
flandey, pendant qu'elle jetait en avant sur la route de Langres
des partis jusqu'à Combeaufontaine.
Bien que Thurn Teût précédée dans ces parages et n'eût signalé
la présence d'aucun rassemblement ennemi, bien que Gyulay eût
dû savoir qu'il n'avait pas grand chose à craindre pour sa gauche,
puisque la cavalerie du I«f corps avait pris pied sur la rive droite
du Doubs,en avantdeBaume-les-Dames,le feldzeugmeister s était
fait couvrir, pendant toute sa marche du 7, par des détachements
de llanqueurs, du côté de Monlbozon. « Ces détachements, dit-il
dans son rapport*, ces détachements qui s'éclairaient par des pa-
trouilles poussées du côté de la route de Besançon, n'ont ren-
contré quelques vedettes de cavalerie ennemie que près du
villag(» de Cendrey, qu'occupait un petit poste français fort do
iO chevaux. »
La présence de ce peloton inquiéta Gyulay, car il ajoute dans
le môme rapport : « J'ai fait, pour cette raison, côtoyer ma
marche depuis Montbozon jusqu'à Échenoz-le-Sec, par des flancs-
gardes, et j'ai établi des postes sur ma j^auche, à Villefaux et à
Andelarrot. » La prudence est assurément une qualité précieuse
chez un général, mais, dans l'espèce, il nous semble que le géné-
rnl autrichien, sachant qu'il n'y avait à Cendrey que 20 hommes,
au lieu de diriger un escadron sur Gray et de se conformer stric-
tement aux ordrc^s supérieurs, aurait agi plus sagement et plus
logiquenjent en détachant un ou deux escadrons, afin de savoir
s'il y avait quelque chose et ce qu'il y avait derrière le poste de
Cendrev.
En revanche, il envoya par le même courrier h Schwai'zenberg
des renseignements qui eurent d'autant plus de valeur aux yeux
«les généraux alliés, que le comte Gyulay les tenait de la bouche
de personnages en mesure de savoir exactement ce qui se passait
et auxquels leur position môme aurait dû imposer plus de tact et
de rés(;r\'e, sans parler des devoirs qu'ils avaient à remplir vis-à-
vis de leur souverain, sans parler des sentiments d'un patrio-
tisme que la terreur inspirée par l'invasion avait momentanément
étouffés.
* Rapport de Gyulay à Scliwarzeuberg, de Vesoul, 8 janvier 1814. K. K.
Krinjt Archii\f I. 159.
1 1
« Lo foldzougmeislor comt(» Gyulay, au princo de Schwar-
zenborg*. — Vesoul, 8 janvier 1814.
i< Le frère du général Junol est ici receveur général. Il avait
fait partir sa femme pour Dijon ; tranquillisé par la disciplin<^ et
la bonne conduite de nos troupes, il l'a fait revenir et elle est
arrivée aujourd'hui, ayant quitté Dijon avant-hier. Elle aflirme
avoir vu arriver à Dijon le conseiller d'État Ségur. chargé d'or-
ganiser la levée en masse; mais le peuple a refusé de l'écouter,
et le maire a déclaré qu'il était impossible de procéder à la l(»vé(».
en Bourgogne, eu raison du maiHjue d'armes et faut(» d'hommes
en état de servir.
« Ségur est retourné h Paris.
« Le général Val(înc(» a (»ssayé, mais sans plus de succès, d'or-
ganiser la levé(» en masse dans les départements du Jura, de la
Haute-Saùn(^ et du Doubs.
« M™o Junot aflirme qu'il n'y a pas eu de troubles à Paris.
mais quon y est fort mécontent,
a Les troupes ennemies, postées à (iray. Dijon et Langres, au-
raient reçu l'ordre de se replier à rapproche des Alliés sur
Troyes, où il y aurait un assez gros rassemblement de troupes, »
A l'aile gauche on ne bougea guère; les réserves autrichiennes
étaient toujours îi Ornans; le 1I« corps resserra l'investissement
de Besançon sur la gauche du Doubs, pendant qu(; Wimpffen,
établi sur la riv(; droite, à Roulans-le-Grand, poussait son avant-
garde jusqu'à Malmaison.
Bianchi bombardait Belfort, et une partie d(»s réserves russes et
prussiennes (la 2« division de grenadiers et les 2* et 3« divisions
de cuirassiers russes) arrivait îi Altkirch. Enfin, Schwarzenberg
donnait encore ce jour-iii à Wiltgenstein l'ordre « de s(» diriger
vers l(î sud-ouest, en sortant de Saverne, afin de se rapprocher
des Austro-Bavarois de Wrède et d'opérer d(» concert avec ce
général contre Langres.
9 janvier. — Pahlen devant Phalsbonrg. — Les événements
de la journée du 9, quoique peu importants en eux-mêmes, n'al-
laient cependant pas être favorables aux armes des Alliés.
1 A'. A'. Kriegs Archiv., ad. 1, 159.
— 78 -
Du côté du VI<^ corps, les Français avaient, sans ôlrc attaqués,
abandonné Schiltigheim et la Rob(»rtsau, pour rentrer dans Stras-
bourg, et le général Rûdiiiger, afin d'être à même de pouvoir
observer cette place de plus près, allait être renforcé par le
2° régiment de dragons badois, envoyé à cet effet de Savcrnc.
Quant à Pahlen, il avait été rejoint sur ce point par les hussards
d'Olviopol et par les 4^ et 34« régiments de chasseurs (4© divi-
sion), dont il avait besoin, afin de pouvoir opérer plus eftlcace-
ment du côté de Phalsbourg*.
V® corps. — Ordre de mouvement sur Remiremont. —
Wrède avait reçu à Colmar l'ordre de se diriger d'abord sur
Remiremont, et, de là, vers Langn»s. Il chargea aussitôt le géné-
ral Minutello de l'investissement de Neuf-Brisa(*h, le général comte
Pappenheim de celui de S(!hl(îsladl, le général baron ZoUern de
celui de Huningue.. et confia la direclion supérieure de ces trois
opérations au général comte Beckers, dont les troupes (2® division
bavaroise) étaient, du reste, employées devant ces places. Quant
h lui, il se mit immédiatement en route pour Saint-Dié. Le général
Deroy (2« brigade de la 3^' division bavaroise), après avoir franchi
les Vosges à Sainl(?-Marie-aux-Mines, avait pris position à Sainte-
Marguerite. Un d(î ses bataillons, soutenu par qu(îlques esca-
drons, occupait Saint-Dié, à S kilomètres environ en avant de
Sainte-Marguerile. Les patrouilles de cette extrême avant-garde
avaient même poussé vers la gauche jusqu'à peu de dislance de
Bruvères sans rencontrer l'eimemi. En Alsace, h; colonel Schei-
bler, avec un petit corps volant, était encore entre Erstein et
Obernaï, et le lieutenant-colonel Alberli battait le pays aux envi-
rons de Molsheim, d'un côté vers Mulzig, et de l'autre vers
Strasbourg.
Seslavin à Bruyères. — Renseignements. — Lettre de
Victor interceptée par les Cosaques. — Seslavin, que Witt-
* A ce inouient mOiue, liroucliy, par ordre de Victor, prescrivait au gcoéral
de Ségur de ne laisser à Sarrebourg que 200 chevaux avec un chef d'escadrons
cl de venir en deux marches à Uamb<'.rvillcrs, en passant par Blamont, Ogé-
\iilers, Flin et Magnièrcs. Ijc général de France devait venir prendre à Ram-
bcrvillers le commandement des quatre régiments de ganles d'honneur.
— 79 —
g(Mist(îin avait fait partir de Savenie avec "i régiments eosa-
(lues et quelques hussards, était à Bruyères, se reliant avec les
avant-postes de Deroy, et c'est de là qu'il envoyait à Wrède la
première nouvelle et de Toccupation de Rambenillers par la
cavalerie» française, ci de Téchec éprouvé |)ar Stscherbatofl* à
É[)inal.
M Le fçénéral Seslavin à S. E. M. le général comte de Wrède,
commandant en chef l'armée bavaroise (en français dans l'origi-
nal). — Bruyères, h» 9 janvier 1814.
« Mon général,
« J'ai l'honneur d'annoncer à Votre» Excellence que, aujour-
d'hui, je suis veiui à Bruyères, où j'ai su. par un oflicier du déta-
chement du prince StscherbalolT, les notions suivantes :
« Le corps ennemi, sous les ordres du duc de Bellune. (pii se
trouvait îi Raon, s'est |)orté sur Épinal, et SlscherbalolV, qui s'y
trouvait, a été forcé de l'évacuer, ayant été assailli par un corps
ennemi d(î toutes armes. Une division de cavalerie» (»nnemi(» est
déjîi venue occuper Rambervillers, et j'ai riiomieur (r<»nvoyer h
Votre Altesse une lettre que cet oftici(»r a interceptée», e»t par
laquelle vous verrez les préparatifs du duc de Bellune.
« D'après des nouvelles réitérées, on ne saurait elouteM* que»
l'armée française se rallie à Nancy, et un corps de 40,000 honnnes
est ramassé à Metz *. »
A cet envoi était jointe la lettre suivante de Victor au général
Cassagne, trouvée par le»s cosaques de Stscherbalolï sur l'oflicier
de hussards qu'ils avaient enlevé :
« Baccarat, le 9 janvier 1814. — M. le capitaine* ele» Lassale»,
conmiandant à Magnières, m'a communiqué la lettre cpie vous lui
avez écrite hier, par laeiuelle vous lui mandev. que vous vous
portez sur Épinal pour en chasser l'ennemi. Je dois vous prévenir
que M. le duc de Valniy ayant mis à ma disposition toutes le»s
troupes de son commandement, y conq)ris la division de volti-
geurs de la jeune garde, j'ai prié Son Excellence de faire réunir
toutes les troupes à Charmes, sous les ordres de M. le général
Meunier, à qui j'enverrai mes instructions, dt\s epie la réunion
Rem opérée» et c'est à reflfel de marcher à l'ennemi de concert
i A'. A'. Kriegs Arekiv,, I. 20J, /.
— 80 —
avec lo 2« corps et de vous mettre en communication îivec Ram-
bervillers, où j'aurai aujourd'hui une division de dragons.
« On m'assure qu'il y a 4,000 hommes à Épinal, et qu'on y
en attend un plus grand nombre. Tîlche/, je vous prie, d'avoir
des renseignements positifs sur leurs forces, et veuillez toc les
transmettre V »
« P. S. — Je vous envoie ci-joint une lettre pour M. le général
Meunier, je vous i)rie de la lui faire passer. »
(]ette deuxième lettre ne se trouvait pas, d'ailleurs, sur l'officier
pris par les cosaques.
Il nous paraît inutile d'insister sur les exagérations qu'on
trouve dans les renseignements recueillis par Seslavin, et d'après
lesquels il y aurait eu 40,000 hommes à Metz ; mais il est certain
que la prise de la lettre adressée au général Cassagne avait une
valeur réelle pour les Alliés, puisqu'elle leur révélait, en même
temps que les projets de Victor, la situation et la composition
des troupes dont le maréchal disposait, et leur permettait de se
rendre un compUî exact de la nature de la résistance qu'ils pou-
vaient s'attendre à rencontrer, surtout après les affaires désavan-
tageuses qui avaient marqué pour eux la journée du 9, tant dans
la vallée de la Meuse que dans celles de la Mortagne et de la
Meurthe.
Affaires de Rambervillers et d'Ëpinal. — En effc^t, tandis
que le gros du V« corps commençait à se porter en avant, que le
IV'î corps, contiimant sa marche, atteignait, avec la tête de ses
colonnes. Remiremont, et que son gros se cantonnait, le 9, autour
de Ramonchamp, Victor, afin d'éloigner les troupes légères
alliées, dont on lui avait signalé la présence entre Saint-Dié et
Épinal, s'était décidé h faire occuper Rambervillers par la division
de dragons du général Briche, qui prit position dans ce bourg
après avoir culbuté et poursuivi assez vivement un parti de
200 cosaques v(mîus dans ces parages pour réquisitionner, et qui
avait cru superflu de se garder sérieusement *.
* A'. K. h'ricgs Archir., I, 201, «.
' Voir, Archives du dépôt de la guerre : xMémoires de Grouch y et journal de
Petiot.
- 81 —
Dans la nH>iHe journée, une brigade (rinfanleri(» de la jeuniî
garde, sous les ordres du général Cassagne, se portail, avec un
délachenienl de 300 chevaux, sur É|)inal. Sts<:herbalofl', instruit
par les patrouilles qu'il avait envoyées h la découverte du côté de
Charmes de la présence, en avant de cet endroit (entre Charmes
et Épinal), de partis ennemis qui semblaient être la tête d'une
forte colonne *, désirant se renseigner |)lus complètement et se
sachant, d'ailleurs, soutenu en arrière par le IV* corps, se porta
avec tout son corps volant sur Charmes. Arrivé à peu près à mi-
chemin entre Épinal et Charmes, il rencontra les troupes fran-
çaises en marche sur Épinal, qui le repoussèrent et le poursui-
virent jusqu'à Pouxeux, où il fut rejoint par Platoff.
Platoff à Pouxeux. — Ses rapports avec le prince royal
de Wurtemberg. — L'ataman, toujours inquiet, toujours timoré,
devait, dès le jour de son entrée en ligne, donner la première
preuve de Tinsurmontable mollesse qu'il ne put secouer pendant
le reste de la campagne, de ces craintes imaginaires qui para-
lysèrent constanmient ses opérations et qui empêchèrent ses
cosaques de rien faire de bon jusqu'au moment où le tzar, lassé
d'une pusillanimité, rendue plus dangereuse encore par l'impu-
dence de ses forfanteries, releva Platoff de son commandement.
Alin de permettre au lecteur de se rendre, dès le début de la
campagne, un compte exact de la manière d'agir de Platoff, nous
croyons devoir donner et le rapport* qu'il adressa au prince
royal de Wurtemberg et la réponse qu'il reçut de ce prince •.
« L'ataman comte Platoff au prince royal de Wurtemberg (en
français dans l'original). — « De Pouxeux, 9 janvier 1814.
V J'ai l'honneur d'informer Votre Altesse Royale de l'approche
de l'ennemi sur Épinal.
« Je me suis approché de cette ville et ai opéré ma jonction
avec le détachement du prince Stscherbatoff, qui m'a appris que
l'ennemi occupait Épinal, fort de quatre colonnes (sic) d'infan-
terie, cinq escadrons et trois bouches à feu.
1 Tîigesbegebenheiten der Haapt Armée {K, K. Kriegt Arehiv,, I, 30), et
Opérations Journal des IVten Armée Corps. (Ibid., XIII, 56.)
* Platoiï au prince de Wurtemberg. K, K, Kriegt Arehiv,, l, 173, a,
• Prince royal de Wurtemberg à Platoff. K, K. Kriegt Archiv., 1, 173, b.
Weil. 6
— 82 —
« La configiiralion du terrain m'a empêché de reconnaîlrcî par
moi-même les forces ennemies. Les avant-postes français étant
établis en avant do la ville, sur la route de Pouxeux, dans les
défilés, j'ai idée de les attaquer à sept heures du matin et de
pousser sur Épinal; mais comme le terrain occupé par ces avant-
postes est en somme un défilé étroit et resserré contre lequel la
cavalerie ne peut guère agir etTicacemenl, qu'il me faut me servir
de mon artillerie, j'ai besoin de troupes d'infanterie qui me font
absolument défaut. Je prie donc Votre Altesse de m'envoyer, si
ce n'est quatre, au moins trois bataillons d'infanterie
« Je crois que l'eimemi est en force dans la ville et
veut la défendre, ce point étant très important. »
Voici maintenant comment le prince royal répondit à la de-
mande de Tataman :
« Prince royal de Wurtemberg au comte Platoff. — « Remirc-
mont, 9 janvier 1814.
« 11 m'est absolument impossible de vous envoyer même trois
bataillons. Vous évaluez les forces de Tennemi à 3,000 hommes
dinfanterie, cinq escadrons, trois canons. 11 vous sera donc pos-
sible d'en venir à bout rien qu'avec votre corps; mais si l'ennemi
est décidé à résister vigoureusement, on ne le culbutera certaine-
ment pas avec trois bataillons.
« Je tiens évidemment beaucoup à déloger l'ennemi d'Épinal,
(ît si vous ne réussissez pas dans votre entreprise, je l'attaquerai
l(î 1 1 avec tout mon corps d'armée. En attendant, et pour vous
recueillir en cas de besoin, je posterai trois bataillons sur la route
de Pouxeux. »
Platoff, on doit le reconnaître, avait une singulière manière de
comprendre les devoirs qui incomb(»nt au connuandîinl d'un
corps de cavalerie destiné, dans l'esprit des généraux en chef, à
agir au loin, à renseigner le grand quartier général sur les mou-
vements et les projets de l'ennemi, puisqu'il suffisait de l'appa-
rition d'un groupe dont il avoue lui-même n'avoir pu reconnaître
la force, pour (|u*il crût nécessaire de demander un renfort de
trois bataillons.
Ce qu'il y a de certain, c'est que les craintes folles de Platoff
(îxercèrcînl néamnoins une influence sur les résolutions du prince
royal de Wurtemberg. 11 n'avait pas eu encore, il faut 1(^ dire à
^ 83 -
son excuse, l^occasion d'apprécier la véritable valeur d*un officier
arrivant à Tarniée précédé d'un^î réputation, sinon al)solum(înt
inniiéritée, du moins singulièrement surfaite, d'un officier qui,
s'il avait accompli naguère de brillants faits d'armes, s'il s'élait
fait remarquer par une incontestable hardiesse, avait complète-
ment perdu et son ancienmî énergie et les aptitudes spéciales dont
il avait fait preuve en 1812,
Inaction du IV« corps le 10 janvier. — Le prince royal
échelonnant son corps entre Eloyes et Saint-Xabord, attendit
donc pendant toute la journée du 10 le résultat d'opérations
qu'il avaient conseillées à Platoflf et que C(4ui-ci se garda bien
d'entreprendre. Le princ(î royal s(Mnble, du reste, avoir pris
très au sérieux les nou veilles données par Platoft', et avoir cru
comme lui qu*il y avait sur ce point et derrière cette avant-garde
des forces importantes eimcMuies, chargées de couvrir les plaines
(le Lorraine et de chercher ii empêcher les Alliés de déboucher
(les Yosg(»s. En effet, le 9 au soir, en prévenant Schwarzenberg
d(» Tapparition à Épinal du corps français qui (în avait chassé
Stscherbatoff*, et malgré l'ordre d(î prendre à gauche pour se
|)orter sur Langres, il lui faisait savoir que, comme le corps
fran(;ais pourrait obliger Platofl* à se retirer de Pouxeux, il était
presque certain qu'au lieu de prendn* la routt^ (|ui mène de
Hemiremont par Bains, Vauvillers, Jussey et Fayl-Billot sur Lan-
gres, il se verrait contraint à marcher droit sur Épinal le 11
« pour chasser r(^nn(»mi de ce point important d'où, ajoutait-il,
r(mnemi pourrait couper nos (communications avec Remiremont
et empocher la brigade SchîeflTer et les troupes qui la suivent de
déboucher. Si j'attaque Épinal, disait-il encore, je laisserai mes
parcs et m(»s convois à Plombières pour me maintenir en commu-
nication av(H'' Vesoul et la grande armée, et éviter d'être, quoi
qu'il arrive, contraint de me replier sur les Vosges * ».
Banclay de Tolly partag(»ait sans doute les craintes émises par
le prince royal de Wurtemberg et croyait, comme lui, <^ la
présence, en arrière d'Épinal, de forces considérables, puisque>
dans une lettre (ju'il adressait à Schwarzenberg d'Allkirch, h la
i Prince royal de Wartcmbcrg à Schwarzeiiljcrg; Ucmii'ciiKnit, 9 janyier.
K. K. Kriegs ArefUt., \, 173.
— 84 —
(lato du 10 S il lui disait qu'il avait prescrit îi Slscherbatoff de
se faire soutenir par le prince royal*.
D'après les documents que nous venons de citer, on se rend
coni[)te de Tinquiétude qu'un mouvement offensif aussi peu im-
portant que celui dont il s'agit ici, causait dans les états-majors
alliés. On peut alors se demander, si en agissant énergiquement
avec tout ce qu'il avait sous la main, avec les renforts envoyés de
Nancy, Victor n'aurait pas pu réussir non seulement à ralentir et
à retarder considérablement la marche des colonnes alliées
encore occupées îi franchir les Vosges, mais encore à interdire
aux Alliés l'accès du bassin de la Moselle, h menacer même les
conmiunications des troupes de la grande armée de Bohème en
marche sur Vesoul et Langres. Un pareil résultat n'aurait pu être
que momentané; mais, dans la situation où se trouvait la France,
il importait par-dessus tout de chercher h gagner du temps, eu
arrêtant les Alliés le plus longtemps possible et en profitant îi cet
efi[(ît des moindres occasions. C'est lîi ce qui semble avoir été fai-
sable le 10 janvier et ce qui n'a malheureusement pas été fait.
* Prince royal do Wurtemberg à Schwarzenberg ; Rcmiremont, 9 jauvicr.
A'. K. Krieg$ Archir., I, 202.
» Comme j'aurai souvent lieu d'insister sur la nature singulière des rebtions
entre les dilTérents généraux alliés, de faire ressortir les fautes résultant du
manque d'unité dans la direction, les conflits qui se sont produits presque
journellement entre les chefs les plus haut placés, j'ai cru devoir citer ici la
lettre suivante de Barclay à Schwarzenberg. Tout le monde, on le voit, donne
des ordres sans même prendre la peine de se mettre d'accord avec le généra-
lissime; puis, quand les ordres ont reçu un commencement d'exécution et que
Schwarzenberg a appris de cette façon, et alors seulement, ce qui s'est fait à
sou insu, on cherche à lui expliquer plus ou moins habilement les raisons de
ces mouvements et à les lui faire approuver, en ayant l'air d'avoir deviné ses
projets et ses intentions. La lettre de Barclay est évidemment inspirée par un
sentiment de cotte nature.
M Barclay de ToUy à Schwarzenberg. — Altkirch, 9 janvier 4814.
« Le général comte ïoll m'informe qu'il avait donné à PlatofT l'ordre d'aller
à Epinal, et que Votre Altesse, au contraire, désirerait le voir aller à Neuf •
château. J'ai seulement fait ordonner à PlatofT de recueillir éventuellement
Stscherbatuff en passant par Epinal, et aussitôt cette ville occupée, de continuer
par Mirecourt sou mouvement sur Neufchàteau, lui recommandant d'envoyer
de là des partis sur Bar-le-Duc et de se relier, à gauche vers Langres avec les
Autrichiens, à droite avec le prince Stscherbatoff, que Votre Altesse envoie
sur Nancy.
« On ne laissera à Epinal, comme soutien destiné à couvrir les communi-
ations, que quelques cosaques qui y resteront jusqu'à l'arrivée des troupes du
<^rincc royal de Wurtemberg. » (K. K. Kriegs Archiv. 1. i74.)
P
— 85 —
Il est certain, d'autre part, que môme bien dirigées et couron-
m'^es de succès, les opérations offensives du duc de Beilune n'au-
raient servi qu'à faire gagner deux ou trois jours. Le maréchal
aurait été obligé de se replier, dès qu il aurait eu connaissance
du mouvement de retraite que Marmont exécutait à ce moment,
de l'a Sarre vers la Moselle, et qu'il se serait vu menacé sur sa
gauche et sur ses derrières par la marche de la cavalerie et do
l'avant-garde de l'armée de Silésic se dirigeant de Chdteau-Salins
sur Lunéville et Nancy.
9 janvier. ^ Echec du corps volant de Thurn à Langres.
— La journée du 9 n'avait été guère moilleure pour le corps
volant du lieutenant-colonel Thurn, qui battait l'estrade sur le
front du 111® corps en marche sur Langres. Avec un peu de pru-
d(mce et de circonspection, il eût été facile îi ce petit corps
d'éviter la leçon qu'il allait recevoir.
Thurn, arrivé avec son corps à la Griffonotte, avait eu l'idée de
s'emparer à lui seul de Langres. Il pensait que l'occupation de
cette ville ne présenterait pas plus de difficultés que celle de
Vesoul et espérait pouvoir s'y procurer des renseignements cer-
tains sur la position et la force des troupes françaises que l'on
savait dirigées sur ce |)oint. Persuadé qu'il enlèverait Langres
sans coup férir, Thurn s'y fit précéder par un officier, escorté de
deux hussards, chargé d'annoncer au maire son arrivée et de
sommer le commandant d'armes de lui rendre la ville*. Bien
qu'au bout de deux heures, il n'eût encore reçu aucunes nouvelle
de cet officier et que ce silence eût dû l'inquiéter et lui faire com-
prendre qu'il était indispensable d'agir prudemment, il n'en diri-
gea pas moins son avant-garde sur Langres. Celle-ci, sous les
ordres du capitaine Burckhardt, pénétra sans encombre dans le
long faubourg par lequel passe la route de Vesoul. Elle avait
1 Voici le texte de la sommation de Thurn :
t( Le commandant de l^avant-garde des armées alUées au commandant
de la yiUe de Langres.
tf Je vous somme. Monsieur le Commandant, de rendre la ville aux armes
des arm(^s victorieuses; il serait inutile de faire une vaine résistance, mes
forces étant telles que la ville ne pourra résister ; je vous en préviens pour
épargner a la ville les suites des fléaux de la guerre. Je suis avec toute la
considération. » {Archives du dépôt de la guerre.)
— 86 —
déjà dépassé les portes de la ville, lorsqu'elle vint tout à coup
donner dans une troupe de cavalerie de la garde (avant-garde du
maréchal Mortier) c|ui arrivait à Langres. Attaqué vivement de
front par cette cavalerie soutenue par la gendarmerie et les
hommes de la levée, fusillé par les habitants qui avaient pris les
armes, le détachement du capitaine Burckhardt* parN'int à grand'-
peinc à sortir de la ville et du faul)ourg et à se n^plier sur Fayl-
Billot.
Affaire contre les paysans armés de Chaudenay. — Pen-
dant cette retraite, les hussards autrichiens se virent encore une
fois sur le point d*être entit'^rement coupés. Les paysans de Chau-
denay. village qu'ils étaient forcés de traverser, avaient pris
spontanément les armes, et leur tuèrent 1 officier et 12 hommes.
Voici, d'ailleurs, en quels termes Thurn lui-même rend compte
à Sch\var/<Mibcrg de son coup de main manqué surLnngn»s, coup
de main qui eut, comme nous allons le montr(»r, une portée et des
consé(piences que les Alliés n'avaient pu prévoir.
a Le lieutenant-colonel comte Thurn au prince de Schwarzen-
berg'. — FayUBillot, le 9 janvier 181 4, 9 heures du snir.
t« J'ai riioimeur d'informer Votre Altesse (pu» le maréchal Mor-
tier est arrivé avec son avant-garde à Langn^s et que je suis entré
avec mon avant-garde dans le faubourg.
« L(»s habitants nous invitèrent à y |)énélrer, nous aflirmant
(pi'ils nous attendaient avec impatience et depuis longtenq)s. La
patrouille de tête avait déjà dépassé un certain nombre de mai-
sons, lorsqu'elle fut saluée par une décharge générale, par des
coups de feu partant des toits et tirés par des hommes de la levée
et de la garde départementale soutenus par quelques fantassins
de la ligne.
« La imtrouilh' se retira sur mon avant-garde.
« Le village de Chaudenay, par letpu»! je devais forcément
passer en me retirant, s'était armé pendant ce temps et nous
eftnies à nous frayer un passage le sabre à la main. Nous avons
> Szenen aus (1er (jeschirhte des K. K. Husaren Kegimeiits n° 3, Krziierzog
Fenliii:«nd, et Tagesl)eg«'l>enh(»iteii der li.iupt Arin(*«*. {K. h. Kri^qit Archir.,
I, 30 )
' A'. A'. Kr'uuj* Arehir., I, 170).
- 87 -
fait subir des pertes sensibl(»s ù ces paysans. J'ai fait quelques
prisonniers appartenant à des régiments italiens, qui uraffirment
que le maréchal Mortier aura demain, JO janvier, 30,000 hommes
h Langres et que d'autres trou[)es ont dû arriver aujourd'hui h
Grav.
« J'ai perdu dans ces affaires le lieutenant Schlachta. Le capi-
taine Burckhardt, après avoir eu un cheval tué sous lui, a été
blessé îi la jambe droite : quatre de mes hussards sont blessés.
« On m'assure que fennemi se porte en force contre Fayl-
Billot. Je vais l'observer et me retirerai lentement, si j'y suis
contraint, sur Combeau-Fontaine, où se trouve Tavant-garde du
comte Gvulav. »
Les populations commencent à s'armer. — Dans le rapport
qu'il adressait deux jours après h l'empereur d'Autriche, Schwar-
zenberg* annonçait à son souverain qu' « en présence de la levée
générale que l'iMinemi chen^he à organiser », il avait aussitôt
prescrit au feldzeugmeister comte Gyulay de « se porter à rw^rcA^»
forcées sur Langres. »
Mais Gyulay n'était encore qu'à Vesoul. oii il avait donné le 9
un peu de repos à ses troupes. Ce fut le 11 seulement que son
avant-garde atteignit Combeau-Fontaine, que ses extrêmes avant-
postes occupèrent Fayl-Billot, et le 14 que le gros du III® corps
arriva vers Langres que la division de cavalerie du général
Laferrière (2,567 hommes, 2.695 chevaux) occupait depuis le 10.
et la division Friant (5,885 hommes et 148 chevaux), depuis le 11.
Pour la première fois depuis son entrée en France, le centre
de la grande armée alliée allait rencontrer un semblant de
résist<Tnce.
Il semble, du reste, que Schwarzenberg reconnut immédiatement
l'importance que devait avoir l'affaire de Langres, la gravité que
prenaient des faits en eux-mêmes peu considérables, un échec assu-
rément insignifiant, mais qui pouvait être gros de conséquences
* Schwarzenberg à rempereiir d'Autriche, de Villersexel, 11 janvier (A'. A'.
Kriegs Archiv., 1, 238 et ad. 1, 238). Schwarzenberg ajoate dans ces rapports
que Mortier n'a pas 30,000 hommes à Langres, que les nouveUes recueillies
par Gyulay et par Thurn contredisent ces premiers renseignements, que c'est
seulement à Troyes qu'on réunit les conscrits et qu'on les encadre dans les
troupes d<! ligne.
— 88 —
par suite de la pari que, pour la première fois depuis Tenlrée des
Alliés en France, les habitants avaient prise à la lutte. L'organi-
sation de la levée en masse n'avait jusque-là produit aucun
résultat et il allait encore s'écouler quelque temps avant que Tap-
plication de cette mesure ait pu se généraliser et revêtir un
caractère véritablement inquiétant. Les causes de l'apathie qui
s'était manifestée pendant les premières semaines de janvier 1814,
si elles sont multiples et variées, sont intéressantes h rechercher
ot II constater. On aurait tort, en effet, de croire que l'hésitation,
mise par les populations à courir aux armes, provenait, comme
on a essayé de le démontrer, de l'impopularité de l'Empereur.
Pour le peuple, mais plus encore pour les paysans, Napoléon était
alors, comme il l'est toujours resté depuis, le plus grand homme
de guerre de tous les temps, le César triomphant qui avait vaincu
et conquis l'Europe, qui, i\ lui seul, paraissait de taille à tenir
tête au monde entier coalisé contre lui. De son vivant même, il
était déjîi devenu un personnage légendaire, auquel ni la retraite
de Russie, ni le désastre de Leipzig, ni l'invasion n'avaient pu par-
venir à faire perdre la moindre parcelle du prestige inouï que
son nom exerçait et exercera toujours sur les masses. Il était tou-
jours encore et surtout aux yeux du peuple Thonmie merveilleux,
dont la présence rendait la confiance aux découragés, dont la
voix électrisait les conscrits et en faisait des soldats aussi solides
au feu que les plus vieux grognards de la garde. La cause réelle
de cette indifférence, que le vandalisme et les brutalités des
Cosaques et des Prussiens n'allaient pas tarder à faire dispa-
raître, provenait bien plutôt de ce que les populations, lassées
des guerres que le pays soutenait depuis plus de vingt ans, épui-
sées par les sacrifices qui leur avaient été demandés depuis 1792,
et surtout depuis l'Empire, abusées peut-être aussi dans le prin-
cipe par les promesses fallacieuses contenues dans la proclama-
tion des souverains alliés, encore éblouies par le souvenir des
victoires passées, ne pouvant croire h l'invasion et ignorantes
des horreurs qu'elle traîne à sa suite, étaient disposées i\ voir
dans les Alliés, non pas des libérateurs, mais les instruments
destinés à ramener dans le monde une paix h laquelle la France
n'aspirait pas moins vivement que le reste de l'Europe.
Enfin, ce qui avait manqué jusque-lh i^our que le peuple pût
envisager sainement la situation telle qu'elle était déjà, depuis
— 89 -
le commencement de Tinvasion, c'était Texemple. On hésitait, on
doutait parce qu'on croyait (|ue la résistance locale, la résistance
improvisée dans chaque ville, dans chaque village, ne servirait îi
rien qu'à attirer sur ces villes, sur ces villages de terribles
représailles. L'impulsion était désormais donnée ; les coups de
fusil des habitants de Langres et des paysans de Chaudenay
allaient se répercuter dans toute la Champagne, en Bourgogne,
en Lorraine, en Alsace. Le peuple a désormais retrouvé sa voie,
il s'est ressaisi ; sachant maintenant ce qu'on attend de lui, se
rendant désormais un compte exact des résultats ([ue peut pro-
duire son intervention armée, il n'hésitera plus à faire héroïque-
ment son devoir. On a par trop négligé jusqu'il ce jour de rendre
aux paysans armés la justice qui leur est due, et de faire ressortir
la grandeur du rôle qu'ils ont joué pendant les tristes jours d(^
l'invasion. On ne sV'tonnera donc pas si nous insistons dans ce
travail sur les services qu'ils ont rendus, sur le mal qu'ils ont
fait aux Alliés, et si nous livrons ii la publicité parmi les pièces
qui se rapportent h leurs hardis coups de main, surtout celles
qu'il nous a été possible de consulter et de retrouver aux Archives
impériales et royales du ministère de la guerre à Vienne. Enfin,
avant de revenir aux mouvements des Alliés pendant la journée
du 9 janvier, il convient d'ajouter que si les bourgeois de Langres
et les paysans de Chaudenay ont été les premiers à courir aux
armes, ils ont été aussi presque les derniers h les déposer avec les
gens de Fayl-Billot et des environs.
Positions des autres corps de la grande armée pendant
la journée du 9. — Les autres corps de la grande armée avaient
continué à marcher le 9 avec leur lenteur habituelle. Gvulav
avait, nous l'avons dit, fait halte à Vesoul ; derrière lui, le I®"" corps
en faisait autant à Villersexel. Deux des brigades du général
Bianchi , relevées sous Belfort par les grenadiers russes de
Raïefïskv, s'étaient mises en marche sur Lure et Vesoul. Les
réscr\es autrichiennes étaient toujours immobiles h Ornans, et
le 11« corps restait affecté au blocus de Besançon. Le quartier
général de Barclay de Tolly avait été transféré d'Altkirch à Cha-
vannes-sur-l'Étang.
10 janvier. — La droite du VI» corps se relie du côté de
- 90 —
Phalsbourg avec un parti de l'armée de Silésie. — Wit%en-
stoin continua à rester en place, n'osant pas continuer sa marche
avant d'avoir pu appeler à lui toute son infanterie, et craignant
peut-être aussi d'être inquiété sur ses derrières tant qu'il ne se
serait pas au préalable rendu maître de Phalsbourg et de bicoques
telles que la Petite-Pierre etLichtenberg.il se contenta, le 10, de
profiter de l'arrivée de» 5 bataillons badois avec 10 canons, pour
opérer contre Phalsbourg et la Petite-Pierre et faire couper près
de Liitzelbourg la conduite qui seuh» alimentait d'eau potable la
première de c(îs places.
Il chargea également le général S(îhakoffskoï du blocus de
Landau en lui donnant une partie des troupes du colonel Seli-
fonlietV et du lieutenant-colonel Nabel.
Un escadron de hussards d'Olviopol fut envoyé des environs de
Phalsbourg à Lut/elbourg pour vérifier si les bruits qu'on avait
répandus sur la présence de la cavalerie française» h Mitt(*lbronn
étaient fondés. Les hussards ne trouvèrent personne à Mittel-
bronn; mais ils apprirent cependant que quelques escadrons
français venant de Phalsbourg avaient traversé (;e village, se
rendant îi Sarrebourg, ville que cette cavalerie n'avait, d'ailleurs,
pas tardé à évacuer.
Le Vie corps se relia encore ce jour-là par sa droite avec la
cavalerie de l'avant-garde du général Lanskoï (jui était, depuis
le 8, h Bliescaslel. Le ])arti qui comnuiniqua de ce coté avec le
VI'' cor|)s avait quitté Neunkirchen le 9 au matin par ordre du
général KarpotT, qui y commandait les avant-postes du corps
Sacken (armée de Silésie). et. passant par Rimling et Drulin-
gen, avait poussé jus(|ue vers Phalsbourg.
Devant Strasbourg, deux des escadrons du 2<^ régiment badois
étaient à Slutzheim, surveillant la porte de Saverne, les deux
autres à Oberscha^fl'olsheim et Woltîsheim. Observant la porte
Blanche, ils avaient en outre, à Holtzheim et h Lingolsheim,
un parti chargé de couvrir les routes de Colmar et de Neuf-
F^risach.
Enfin. Pahlen avait reçu l'ordre de marcher sur Lunéville. et.
afm d'être ji même de le soutenir, on avait prescrit au prince
Eugène de Wurtemberg de porter la {^ division (rinfanhîrie h
HochfrldfMi. el la *> à Haguenau.
— 91 -
Mouvement du V* corps et de Victor vers Saint-Dié. ~
Combat de Saint-Dié. — Pendant quo Wrodo, convaincu de
rinutilité do la présence de ses forces en Alsace, prenait toutes
ses mesures pour les amener le plus rapidement |»ossible de
l'autre coté des Vosges, envoyait le général de La Motte à Sainte-
Mari(»-aux-Mines et prescrivait au général Deroi (ro(!CU|)er solide-
ment Saint-Dié, Victor, de son côté, avait donné au général
Duhesme Tordre de se mettre en marche le 10 au matin, de se
diriger sur Saint-Dié et d'y attaquer l'eimemi : « L'attaque sur
Saint-Dié, ajoutait le duc de Bellune, doit être brusque» et
franche'. »
Les liiivarois avaient poussé, le 10 au matin, en avant de Saint-
Dié. une pointe d'avant-garde composée d'un demi-escadron de
chevau-légei's du 5« régiment, de 30 cosaques et d'une conq>agni(»
d'infanterie qui vint donner dans la tète de la colonne française.
Les Bavarois, repoussés, traversèrent Saint-Dié et, suivis par la
caval(»rie française, cherchèrent à se maintenir ji Sainte-Margue-
rite, d'où ils furent chassés par les cavaliers dv Pire, soutenus par
deux bataillons. Mais au moment même où Pire «entrait dans
Sainte-Marguerite, le général Deroi déployait sa brigade à peu
de distance du village et prenait immédiatement les dispositions
nécessaires pour empêcher les Français d'en déboucher et leur
enlever le village avant qu'ils aient eu le temps de s'y établir
solidement et d'ètn* soutenus par le reste de l'infanterie du
général Duhesme. Bien que le général Deroi eût été blessé à
l'instant où il lançait ses colonnes d'attaque contre Saintes-Mar-
guerite et qu'il eût dû remettre le commandement au colonel von
Treuberg. Pire ne put réussir à se maintenir sur ce point e! dul
se replier sous un feu des plus violents sur Saint-Dié, où Duhesme
avait gardé le gros de ses troupes. La cavalerie de Pire,
quoique exposée à une fusillade meurtrièn^ et au tir de l'artillerie
bavaroise, fit bonne conlenance, se repliant pas à pas sur Saint-
Dié en (^ouvrant la retraite de son infanterie \
1 Vû'lor au major gémirai, llaccarat, U janvier, el Mémoiret de Grouchy.
' Rapport du général de Pire au général de Grouchy, de Xompatelize,
10 janvier, à six heures du soir.
' « Je n'ai pu, dit le général Pire, exécuter de charges, attendu la nature
du terrain. »
A la fin de son rapport. Pire ajoute ; « La contenance de l'ennemi, qui
— 92 ~-
L'infanleric bavaroise continua à s'avancer sous la protection
du tir bien dirigé de son artillerie et, attaquant Saint-Dio à la
fois de front et par la gauche, elle parvint h s*en emparer avec
d'autant moins de peine que Tartillerie mal servie du général
Duhesme ne fit aucun mal i\ ses colonnes d'attaque. Les Bavarois
occupc^^rent aussitôt Saint-Dié, et Duhesme se retira d'abord sur
Saint-Michel, puis de h^i, le H au matin, sur Rambervillers. Le
colonel von Treuberg qui, après la prise de Saint-Dié, avait été
rejoint par le général Habermann, que le général de La Motte
îivait, à la première nouvelle du combat, porté en avant avec
deux bataillons, deux escadrons et quatre bouches i\ feu, n'osa
pas s'engager dans les gorges îi hi suite des Français; il fit pa-
raître seulement quelques troupes sur les deux routes de Ram-
ber\illers et de Raon-l'Étape * et envoya un bataillon et un demi-
escadron h Bruyères pour surveiller de 1î\ la roule d'Épinal,
couvrir la droite du IV« corps et se maintenir en communication
avec la division Rechberg. Les combats de Sainte-Marguerite et
de Saint-Dié avaient coûté une centaine d'hommes à la brigade
Deroi. Les pertes des Français étaient plus considérables, et le
nombre des prisonniers*, qu'ils laissèrent entre les mains des
Bavarois, s'éleva h 240. Le rapport que le général de Grouchy
adressa le soir au duc de Belluno permet au moins de constater
que la cavalerie française, bien qu'elle ne fût guère composée que
de conscrits, s'acquittait consciencieusement et intelligemment de
son service d'exploration et de sécurité, et que les généraux
placés il sa t^te ne manquaient ni de jugement, ni d'initiative, ni
de coup d'œil. C'est ainsi que Grouchy put annoncer au maréchal
que Bruyères est occupé par 1 ,000 hommes (Wurlembergeois,
Bavarois et Cosaques), que des trois rccoimaissances envoyées
par le général Milhaud, aucune n'a pu dépasser Grand villers. Il
êlait en marche sur Saint-Dié lorsque je l'ai rencontré, me fait croire qu'il
appartient à un corps considérable. » (Rapport de Pire à Grouchy, Archives de
la guerre,)
1 « L'ennemi, après nous avoir suivis vigoureusement dans la ville, n*a pas
voulu nous reconduire dans les gorges : il s'est contenté de faire paraître ses
troupes sur les routes de Rambervillers et de Raon... » (Pire à Grouchy,
Archivei de la guerre.)
> Tagesbegebenheiten der Haupt Armée (A'. K. Kriegs Archiw, I, 30). et
Tagebuch du major prince de Taxis (»6id,, XIII, 32J.
— 93 —
ajoute : « L'une d'elles n'est pas rentrée, et iOO cosaques sont à
Girecourt. Épinal a été occupé hier par le général Cassagne;
mais il est probable qu'il y sera attaqué avant peu. Je vais lui
faire part de ma manière de voir à cet égard en envoyant ma
lettre par Châtel, puisqu'elle ne pourrait lui arriver par la route
directe. »
Ce petit rapport de Grouchy est un modèle h méditer. Il est
consolant de voir que, dans les plus tristes jours de notre histoire,
en dépit de la disproportion des forces, du peu d'instruction des
soldats, de la mauvaise qualité des chevaux, nos généraux de
cavalerie, fidèles aux principes qui leur avaient valu tant de
succès, parvenai(înt encore à renseigner le commandement bien
plus complètement et plus exactement que les chefs de la cava-
lerie alliée.
Enfin, Grouchy se permettait encore, en terminant ce rapport,
d(; présenter respectueusement quelques observations au maré-
chal : « Dans cet état de choses, lui écrivait-il, je vous engage»,
Monsieur le Maréchal, à venir demain de bonne heure ici, car il
est probable que le général Duhesme sera suivi, et la journée ne
se passera probablement pas sans événement* •' '. »
Sur la droite du V» corps, le colonel Schcibler, qui s'était
porté avec son corps volant sur Lutzelhausen, dirigeait une cen-
taine de cosaques et un demi-escadron de hussards sur Schir-
uKîck afin de ch(;rcher à se procurer, en poussant par les routes
menant à Raon-l'Étape, des renseignements sur les mouvements
et la position de Victor.
L'effectif des troupes, que Wrède avait laissées en Alsace au
moment de passer les Vosges, s'élevait, en y comprenant la gar-
nison de Colmar, à onze bataillons et une compagnie, huit esca-
drons et quatre batteries; il ne lui restait donc guère que 20,000
il 25,000 honmies de disponibles pour les opérations que le
V« corps allait entreprendre et en vue desquelles on concentra, le
10, les Bavarois à Ober-Bergheim et Chàtenois (Kestenholtz), les
Autrichiens à Epfig, Dambach, Saint-Hippolyte. L'avant-garde
autrichienne, sous les ordres du colonel von Geramb, était à
1 Grouchy au duc de Benune, 10 janvier 1814.
s Ney était à Nancy depuis le 9 janvier. (Belliard, Archives de la guen^.)
- 94--
Bonfeld. Nous rappellerons que déjà avant cette époque Frlmonl
sï'lait relié par Molsheim avec la cavalerie de Pahlen.
Marche du IV« corps sur Ëpinal. — On se rappellera encore
que le IV^ corps, laissant Épinal î\ sa droite et marchant, confor-
mément aux ordres du généralissime, par Bains, Plombières et
Vauvillers, devait être le 14 îi Jussey, de façon à pouvoir se di-
riger soit par Fayl-Billot sur Langres, soit par Bourbonne sur
Montigny-le-Haut (Montigny-le-Roi).
Nous avons déjà vu aussi qu'à la nouvelle de Toccupation
d'Épinal par les Français, le prince royal de Wurtemberg avait
informé le généralissime des modifications qu'il s'attendait à être
très probablement obligé d'apporter à la marche de son corps.
Le prince royal, en effet, inquiet de savoir les Français à Épinal,
insuffisamment renseigné, puisqu'il les y croyait établis avec des
forces considérables, craignant de les voir de là interdire aux
Alliés l'accès de la vallée de la Moselle, se décida, comme le
montre la lettre ci-après de Stscherbatoff, à se concerter avec
Platoff, posté à Pouxeux pour les en chasser et couper aux troupes
établies sur ce point le chemin de Charmes.
Renseignements fournis par Stscherbatoff.— (< Stscherbatoff
au prince do Schwarzenberg* . du camp près de Pouxeux,
10 janvier 1814, à minuit (en français dans l'original).
« J'avais envoyé d'Épinal, encore avant l'approche de rennemi,
deux partis, un à droite sur Rambervillers avec un guide, le
comte Luiiel deCortomiglio, l'autre à gauche sur Mirecourt, avec
mon aide de camp, le sous-lieutenant Sonine.
« Aujourd'hui j'ai eu un rapport de ma droite du guide comte
Lunel de Cortomiglio, <ju'il a découvert les forces ennemies, qui
sont à Charmes, Magnières, Baccarat, Raon, et aux environs de
Sainl-Dié.
« Le général russe Seslavin se trouve à Bruyères et environs.
Le guide a pris un bas officier français qui était porteur d'une
lettre du maréchal duc de Bellune au général Cassagne, de
laquelle j'ai eu l'honneur de prendre copie par précaution. Le
1 A'. A'. Kriegs Archiv. L 200.
— 95 —
guide a gardé l'original. Je me crois on devoir de reconimand(T
à Voire Altesse le guide Corlomiglio, qui a rempli sa commission
au delà de mes espérances.
« Demain le prince royal de Wurtemberg est intentionné d'at-
taquer Épinal. Le corps du général comte PlatotV, se trouvant ici,
se portera par la gauche en avant de la ville d'Épinal pour
couper la retraite de l'ennemi ou pour Tempécher de recevoir
des renforts de Charmes. Je me joindrai avec mon détachement
au corps du comte Platoft'.
« Si la réussite de l'attaque aura lieu, je me porterai sur Nancy
ou sur Toul, selon les circonstances, pour me trouver sur la
route de Strasbourg à Paris.
« Ce que je pourrai découvrir de conséquent et de remar-
quable, je m'empresserai de faire un rapport à Votre Altesse.
« Je crois pouvoir trouver à l'avenir des (espions autant que j'ai
trouvé ici. Pourquoi il m'est nécessaire d'avoir de l'argent, chose
qui me manipuî absolument et que Votre Altesse avait eu la bonté
de me promettre. »
Mouvements du corps volant de Thurn. —■ Le lieutenant-
colonel Thurn, après s'èlre remplie à la suite de son imprudent
coup de main sur Langres par la route de Fayl-Billot à Vesoul,
informait dès le matin du 10, de Fayl-Billot, l'un des ofticiers
de l'avant-garde de la division Crenneville, des événements qui
s'étaient produits pendant la nuit.
« Le lieutenant-colonel comte Thurn, au capitaine Zadubsky
(du ré^çimenl de chevau-légers llosenberg) *. — 10 janvier 1814.
« L'ennemi s'est replié sur Langres et a envoyé cette nuit de
fortes patrouilles contre mes avant-postes. On entend le tambour
Rur la route de Gray à Dijon.
« Je ferai de mon mieux pour découvrir les projets et les mou-
vements de l'ennemi.
« Gomme les espions, même en les payant richement, donnent à
toiU instant de fausses nouvelles, il faut que je me procurcî moi-
même les renseignements dont nous avons besoin.
1 K. K, Kriegs Areliiv,, I, 195.
— 96 —
(( Je Ctiiiipc il Fîiyl-Billot et j'attends avec impatience des
nouvelles de la division Creinieville ; je vous tiendrai au courant
de mes mouvements ».
En marge :
« Vu par moi, avec envoi de Tavis que je continue ma marche.
« Crenneville^ F. M. L. »
(En marche sur la Cari (la Quarte), 10/ i 1814).
Il n^ssort du ton môme de cette lettre, que Thurn n'était rien
moins que rassuré, et la difficulté qu'il éprouve à se procurer des
espions est une preuve indéniable du changement radical qui
s't»st produit dans l'esprit des populations depuis l'entrée des
Alliés en France. Nous sommes loin déjà de l'enthousiasnie que
Thurn se» plaisait à signaler dans ses premiers rapports.
Thurn ne resta pas longtemps à Fayl-Billot; passant entre
Ougci et la Quarte, il était le 10 au soir avec son gros h Pres-
signy, occupait Poinson-les-Fays et Genevrières, et envoyait des
patrouilles vers Champlitte. Prévenant Crenneville qu'il comp-
tait aller le lendemain à Champlitte même, pour couper les
routes de Langres à Gray et Dijon, il priait cet officier général
de le tenir au courant de ses mouvements, s'il se décidait à
tenter quelque chose le H ou le 12 contre Langres *.
Quelque légitimes que fussent, d'ailleurs, les inquiétudes
qu'inspirait à Thurn sa situation, très compromise par l'affaire de
Langres, quelque motivées qu'aient pu être ses craintes, quelque
sérieuses qu'aient été les pprtes de son corps volant, puisqu'il
reconnaît lui-même qu'il n'y a plus que deux officiers présents à
son escadron de hussards archiduc Ferdinand, bien qu'il réclame
à cors el à cris, dans sa dépêche datée de Pressigny, le 10 jan-
vitîr, à 11 h. 1/2 du soir, des renforts de cavalerie sans lesquels il
lui est impossible de rim entreprendre ^ le lieutenant -colonel
croit cependant utile de s'enthousiasmer sur les conceptions stra-
tégiques de Schwar/enberg, et voici c(î que cet officier, envoyé en
avant pour éclairer le général en chef sur les projets de l'ennemi,
a l'audace de lui annoncer :
« Je puis affirmer à Votre Altesse que l'ennemi est complète-
* Thurn à Crenneville, de Pressigny, 10 janvier 1814 (K.K.KriegsArchiv.,
I, iift a, et 1, 219 6).
— 97 -^
ment dérouté par nos marches et est convaincu que la plus grande
partie des forces de Votre Altesse va par Genève en Italie \ »
Loin de nous la pensée d(î croire que le prince de Schwarzen-
berg ail pu un seul instant ajouter foi à une semblable apprécia-
lion. Il nous semble toutefois que celle dépcVJie suffit pour donner
la véritable mesure d'un officier d\ivanl-garde, qui affirme aussi
légiTeraent que fennemi est dérouté et qui ose adresser à son gé-
néral en chef un rapport dans le(iuel il lui raconte que, dans
la pensée de Napoléon, les Alliés n'ont fait en France qu'une
démonstration destinée à détourner rattention du coup qu'ils
se préparent de porter en Italie», où le prince Kugène avait déjà
fort à faire pour défendre le terrain pied à pied contre Belle-
gard(». Un pareil officier n'était pas à la hauteur de sa mis-
sion et aurait dû être innnédiatemenl remplacé. Il y avait en
effet, et Thurn a raison sous ce rapport, de quoi dérouler l'en-
nemi dans la manière d'opérer des Alliés! Clausewilz s'est, d'ail-
leurs, chargé de démontrer i)Our(juoi h's Français étaient dérou-
lés et n'avaient i)eut-étre pas réussi à deviner queUes étaient ou
quelles pouvaient être à ce moment les intentions des Alliés.
« S'il (ist difficile d(î découvrir le but que l'on s'était proposé * en
poussant l'aile droite d'un côté où il n'y avait absolument rien à
fîiire, ce qu'il y a de certain en r(»vanch(\ c'est qu'on retint pen-
dant quinze jours Barclay de Tolly, afin de l'avoir sous la main
pour soutenir les IV® et V» corps que l'on garda inutilement en
Alsace. »
Pendant tout ce temps, on s'était avancé en deux grandes
colonnes sur les routes de Vesoul et de Dijon pour bloquer
Besançon et Auxoinie. On avait donc, en partant de la ligne
Huningue—Neufchî\tel, marché dans trois directions divergentes :
à droite, vers Schlestadl; à gauche, sur Dijon; au centre, contre
Vesoul, et on avait laissé les réserves du côté d'Huningue. Quel
était l'objectif de tous ces mouvements? Un corps ennemi de
12,000 Iwmmes en marche de Reims sur Langres. On paraît n'a-
voir rien su de la force et de la position des corps ennemis. De
cette façon, la grande armée avait vu fondre ses effectifs à 30,000
* Licatenant-colonel Thuni à Schwarzenberg, Pressigny, 10 janvier 1814,
onze heures et demie soir {K. K, Kriegi Archiv., I, 200).
* Clausewitz, Critique stratégique de la campagne de 1814.
w«ii. 7
- 98 -
on 40,000 hommes, à savoir le corps de Gyulay ol deux divisions
du corps CoUorcdo qui se trouvaient réunies près de Vesoul.
Ce fut, continue Clausewitz, avec ces 30,000 ou 40,000 honniies
qu'on se porta en avant sur Langres et Chaumont, et, grûce à la
fîublesse de Tennenii, on ne courut aucun danger parce qu'on
n'avait devant soi que les 12,000 hommes de Mortier.
Dissolution du corps volant de Scheibler. — Causes de
ce licenciement. — La résistance de Langres, ou, pour mieux
dire, la leçon donnée au lieutenant-colon(»l Thurn, avait inquiété
Schwar/enberg qui, comme il le lit toujours pendant tout le
cours de cette» campagne, (chaque fois qu'il se crut à tort ou avec
raison sérieusement menacé par l'ennemi, éprouva le besoin de
se faire directement renforcer et de modifier la composition de
ses différentes colonnes. 0»ttc fois il s(i borna, et on ne saurait
lui donner tort en cela, à ordonner la dissolution du corps volant
de Scheibler, qui n'avait, d'ailleurs, rendu aucun service; mais,
en revanche, la raison qu'il en donna à Wrède est tellement sin-
gulièn», que nous ne pouvons résister à la tentation de reproduire
ici la lettre qu'il lui adressa h ce propos :
« Le prince de Schwarzenberg au comte Wrède*. — Villers-
ExeUes (Villersexel), 11 janvier 1814.
« L'ennemi fait mine de résister du coté de Langres (ît a
repoussé l(î corps volant du lieutenant-colonel comte Thurn.
« Le départenuînt de la Haute-Marne s'agite et prend les armes.
w J'ai sur mon front à peine 500 chevaux, et force m'est de
rt»nfor(;(»r ma cavalerie.
« Votre Excellence possède plus de cavaleries cpuî tous les
aulres commandants d(î corps d'armée autrichiens ensemble, et
a d'autant moins besoin du corps volant du colonel Scheibler,
qu<» la (îavalerie du comte Wiltgenslein couvre votre droite, celle
des généraux Platoff et Stscherbatoff votre gauche.
« Je considère connue indispensable la dissolution du corps
volant Scheibler, et vous invite à lui ordoiuier de diriger h
marches forcées les deux réginuMils d(» cosaques vi l'escadron de
hussards de Ilesse-Hond>ourg sur Vesoul. Il vous laissera l'esca-
dron de hussards de S/.ekhT et les chevau-légers bavarois.
* A'. A'. Krieg» Archiv,, 1, 231.
- 99 —
« Quant au colonel S<'h(Ml)l(T, il devra, de sa |)ersoniie, re-
joindre son régiment en Italie. »
Positions du IIP corps. — Kn attendant . au lieu (Tordonner
h fïVulay d'accélérer son niouvenienl |)Our calmer Pajjjilalion qui
se manifestait dans la Haul<'-Marn(», lo ji;énéralissiine permit au
III» corps, qui laissa à V(îsou1 une garnison di» deux bataillons,
de se cantonner autour d(» Port-sur-Saone. sa droite vers Kaver-
ney. sa gauche à Scey, son avant-gard<' entre la Quarte et Fayl-
Billot, envoyant des patrouilles en avant sur Langres et à droite
sur Jussev. avec ordre de chercher à se relier de ce coté avec
le 1V« corps.
Positions des I*' et II* corps et des réserves. — Le I«'' corps
arrivait à Vcsoul, et la division légère Ignace; Hardogg à Monlho-
zon et Vellefaux. Les deux brigades détachées par Hianc^hi all<M-
gnaienl le 10 janvier MotVans; et Schwaiv.enberg, cpii de Viller-
sexel s'était rendu h Besancon pour reconnaître la place, chargea
du blocus le II« corps (prince Aloïs de Liechtenstein), (piil ren-
força d'une brigade de gn^nadiers et du régiment de cuirassiers
archiduc François. En même temps, convaincu de l'inq^ssibilité
d'enlever Besancon autn^ment cpie par un siège; en règle, il pres-
crivait au prince héritier d(; Hesse-Hombourg de s(» porter avec
la brigade Scheilher (quand elh» aurait été relevée à Salins par
la brigade du |)rince (iustave de liesse), une brigade de la divi-
sion W(;issen\volft' et les divisions de» cavalerie Klebeisberg et
Lederer, par Quingey et Villers-Farlay, sur Doh» et Auxonne,
puis sur Dijon, où il devait êtn; rendu du 15 au IG et être rejoint
par la division Wimptt'en, venant de (Iray. Le gros des réserves
et d(»s gardes prussiennes et russes restait cantonné enlrej Altkirch
et Dannemarie.
Or, comme Schwarzenberg savait évid(»nunent (pie les garni-
sons des places françaises étai(;nt forcément com])Osé(;s de cons-
crits nmmssés à la hî\te et d(» gardes nalionah's sans cohésion, (pu»
Teflectif total de ces garnisons iw pouvait dépasser une vingtaine
de mille honmu's, il eut sufti à les faire observer ou blo([uer. Kn
faisant à C(» moment un gros détachemenl sur sa gauche vers
Dijon, il s'alVaiblissait sans motif et se serait exposé à de réels
dangers si. lors de son arrivée sur le plateau de Langres, les Fran-
— 100 —
rais avaient pu lui opposer autre chose que le petit corps de Mor-
tier, revenu en toute hâte de Namur par Reims.
11 Janvier. — Positions du VI® corps. — Le il janvier, le
VI® corps demeura sur ses positions devant Kehl, Strasbourg.
Bitche, Phalsbourg, la Petite-Pierre et Landau. Le général Rii-
dinger modifia quelque peu remplacement des avant-postes sous
Strasbourg, en portant les deux escadrons de Stutzheim à Ober-
hausbergen, Tescadron d'Oberscha^ffolsheim à Wolfisheim, le
poste de Niederhausbergen à xMittelhausbergen, et en envoyant,
pour soutenir son aile gauche, un bataillon d'infanterie à Want-
zenau.
Marche du V* corps. — Le V* corps poussa son avant-garde
(brigade Deroi) jusqu'à Nompatelize. Cette brigade était suivie
par le reste de la division La Motte, qui occupa Saint-Dié (il
Bruyères, tandis que la division Rechberg était encore de l'autn»
côté des Vosges, en arrière du col du Bonhomme et que les
troupes de Frimont prenaient le chemin de Sainte-Marie-aux-
Mines pour passer les Vosges le 13 et se diriger ensuite sur
Ramber\'illers.
Le gros du corps volant du colonel Scheibler, qui venait d'ail-
leurs d'être dissous, était h Celles; mais un détachement de ce
corps, qui se trouvait la veille encore à Schirmeck, avait alliîint
Raon-l'Étape. Enfin, Wrède avait été, pendant le cours de cette
journée, prévenu par une dépêche expédiée la veille de Saverne
par Pahlen, que Bliicher était dès le 4 h Kreutznach, marchant
sur Metz, et que Marmonl se retirait devant lui '.
Quant au maréchal Victor, il s'était contenté de donner l'ordnî
de tenir bon à Baccarat, afin de couvrir Lunéville.
Combat d'Épinal. — Conséquences de la mollesse de Pla-
toff. — Au IV® corps, le prince royal de Wurtemberg avait formé,
(lès le matin du 11, ses troupes sur les deux rives de la Mos(»lle
en trois colonnes d'attaque se dirigeant : l'une par la Batï'e et la
rive droite de la Moselle; la deuxième, par Pouxeux; la troi-
TagesbegebeDheiten der ilaupt Armée (A\ K, Kriegs Archiv,, 1, 30).
— 101 —
si^mo, par Xerligny et Saint-Laurent, sur la rivo gauche de la
Moselle contre Épinal, qu'occupait Tinfanterie du général Rous-
seau, renforcée par environ 300 chevaux. Les deuxi^me et troi-
sième colonnes* devaient dessiner simultanément leur attaque et
être soutenues par une réserve composée du régiment d(^ dra-
gons Prince-Royal avec une demi-batterie à cheval. Pendant ce
temps, les cosaques de Platoff, répartis sur les deux ailes du
1V« corps, devaient, par Fontenay et les Forges, déborder Tenne-
mi, le prendre h revers et lui couper la retraite.
Mais le général Rousseau ne tarda pas îi s'apercevoir des
projets de son adversaire et, tout en entretenant avec ies têtes de
colonnes wurtembergeoises une fusillade assez nourrie, il évacua
Épinal et se retira sans perdre de temps, H en bon ordre, par la
route de Charmes. Le prince royal de Wurtemberg, ne pouvant
espérer joindre les Français avec son infanterie très fatiguée par
les marches qu'elle avait exécutées, l'arrêta à Épinal et, comp-
tant sur l'apparition de Platoff" sur les ailes et sur les derrières
du général Rousseau, il jugea plus sage de ne le faire pour-
suivre jusqu'à Igney quepar sa cavalerie (réghnents Prince-Royal
et duc Louis, et 2 escadrons du régiment Prince-Adam) et sept
pièces d'artillerie à cheval.
Pendant ce temps, la tète de la colonne française arrivait h la
hauteur du village de Thaon, que le général Grékoft' avait occupé
dès le matin, et par lequel le général Rousseau devait forcément
passer pour atteindre Charmes. A son approche, les cosaques
sortent de Thaon, se précipitent sur la cavalerie française, la
(îulbutent, lui prennent 6 ofticiers et 80 hommes; mais obligés de
reculer devant l'infanterie qu'ils ne parviennent i)as îI entamer,
ils sont forcés d'évacuer le village que la colonne française tra-
verse sans encombre pour continuer de lii sa retraite vers
Charmes.
Il est évident que si Platoff n'avait pas exagéré son mouvement
tournant en se jetant par trop à gauche, comme le prince royal
de Wurtemberg le constate dans son rapport à Schwarzenberg*,
1 Opérations Journal des 1 Vten Armée Corps iinter den Befehien S. K. H. Kroii-
prinz V. Wiirtlemberg verfasst von K. K. Général Graf Baillet-Latour (K. K,
Krieg$ Arehiv. , XIII, 56), et Tagesbegebenlieiten (ibid,, I, 30).
' f< Le prince royal de Wurtemberg au prince de Schwarzenberg. — Épinal,
12 janvier 1814 :
— 102 ^-
s'il avait pu ou voulu traverser plus rapidement les bois situés en
avant de Les Forges, et s'il avait au moins songé à envoyer h
Thaon son artillerie légère, la colonne du général Rousseau, prise
entre deux feux, aurait été obligée de mettre bas les armes.
Malgré (îela, les Français souffrirent beaucoup |>endanl celle
journée. Lr's cjuelques escadrons attachés à la colonne avaient été
désorganisés, et TinfanttM'ie avait éprouvé des pertes sensibles,
causées surtout par le tir de l'artillerie du prince royal, et, vers la
lin de la retraite», par l'artillerie cosaque, amenée par le général
Kaïssaroff. Cett«^ dernière, débouchant trop tard du bois des
Forges, dut se borner à appuyer la poursuite que les cosaques
poussèrent ju.squ'à Charmes. Le 12 au matin, les restes drs
troupes des généraux Cassagne et Rousseau, qui avaient été
recueillies par le général Meunier à Charmes, se replièrent avec
lui sur Nancy.
L'affaire d'Épinal, qui aurait pu avoir des conséquences encore
plus désastreuses pour les troupes françaises et qui leur coûta
oOO prisonniers, rendit les Alliés nuiîtres de la HaulcsMoselle.
contribua à accélérer l'évacuation de la Lorraines \ et permit.
« L'attaque sur Kpinal s'est elTccluée conformément aux ordres donnés,
mais l'ataman comte Platoff a cru devoir incUner à gauche avec son artilleri<>
(t sa cavalerie et prendre vers Thaon, parce que la route de Charmes est
meilleure pour la cavalerie que celle de Rambervillers. L'ennemi n'a pas
iittendu notre attaque a Kpinal et s'est retiré lestement par la route de
(Charmes. Je l'ai suivi avec une partie de ma cavalerie et mon artillerie û
cheval jusqu'au delà de Thaon.
« Le général Grékoff, qui formait la tête de Platoff, occupait déjà Thaon.
lorsque la pointe des colonnes françaises est arrivée sur ce point. 11 s'est jeti'
sur la cavalerie française et l'a mise en déroute. (Voir plus loin rapport de
Platoff, à Sihwarzenbcrg, K. K. Krieys Arch., 1, 40.)
<( Le général Rousseau commandait à Kpinal les troupes françaises. 11 est
lui-même sous les ortlres du général Cassagne. 11 est lion de remarquer que le
corps français n'avait avec lui qu'un canon L'ataman comte Platoff
compte aller aujourd'hui à Mirecourt.Le général prinœ Stscherhatoff poussera
vers Nancy. Je resterai en communication avec lui et avec le général Seslavin.
({ui est à Bruyères. » (K. K, Krieg* Archiv,, 1, 254.)
* Ney, en rendant compte de Nancy, le 12, au major général, de l'affaire
d'Kpinal, en lui annonçant que le^ troupes des généraux Rousseau et Cassagne
ont pris position à Flavigny, qu'elles tiendront autant que possible sur ce
point qui couvre Nancy, ajoute que, par suite de l'échec d'Kpinal, du mou-
vement rétrograde de Marmont sur Metz et Nancy, et de la retraite de Victor, ces
troupes sont d'autant plus compromises que la route dé Sarreguemincs à
Chàteau-Salins reste absolument sans défense et que lui-même cniint fort de
ne pouvoir conserver Nancy. (Archivf» (lu Dépôt ttc h (jnerrc.)
- 103 -
enfin, au V^ corps de défiler tout à son aise par les passages des
Vosges sur Saint-Dié el Ranibervillers.
Platoft\ que nous verrons par la suite, dans des cireonslances
semblables, cherchera travestir les faits pour excuser sa niolless(»
et son incapacité, n'essaya même pas, cette fois, de se disculper
et d'expliquer les raisons pour l(»squelles il était entré si tardive-
ment en ligne. D'aillrurs, son rapport est conçu dans d<'s termes
si bizarres, qu'il vaut la |)eine d'être au moins reproduit en note ';
1 <c Rapport du général de cavalerie, Ataman comte Flatoff (en français dans
Toriginal). — Le 31 décembre 1813-12 janvier 1814, du village de Nomexy.
« A Son Alt^so Monseigneur le maréchal de Schwarzenherg, commandant
en chef toutes les armées. — « D'après mon rapport ù Votre Altesse du 29 de
ce mois (10 janvier 1814), étant convenu avec le prince royal de Wurteml)erg,
je rae suis porté hier à attaquer l'ennemi qui se trouve dans la ville d'Kpinal
et pri's aussi de la ville, aux bivouacs plus à gauche du grand chemin Tra-
versant les bois, je me suis dirigé sur la campagne Lcforge (les Forges); au
moment même que Tarmée du prince royal a chassé Tennemi de la ville
d'Rpinal; j'ai de suite employé les régiments de cosaques, partagés en deux
colonnes, une commandée par le général major Grékofî le huitième, et l'autre
par le général major KaïssarolT, poursuivant moi-même reimeini ave* mon
artillerie volante de cosaques, soutenue aussi par le détachement du prince
Stscherbatoff. D'après la disposition faite, le général GrékofT devait couper le
chemin qui conduit à Charmes, el le général KaissarofT tomber sur les deux
flancs. L'ennemi, malgré sa déroute, a fait l'impossible de gagner de bonnes
positions et de faire résistance ; mais, étant poursuivi avec un feu terrible, a
fui dans le bois et derrière la rivière Moselle jusqu'à la viUe même de
Charmes, et par ce désastre presque toute la cavalerie de la jeune garde a l'-té
détruite, ce qui prouve que les officiers et commandants en sont faits prison-
niers, le reste tué. A peine restait-il 1,000 hommes d'infanterie qui est entrée
à Charmes déjà la nuit.
o Au moment de la poursuite de l'ennemi près de la ville, on a fait beaucoup
de prisonniers que j*ai fait remettre à l'armée N\urtembergeoise, mais on en a
fait encore eu poursuivant au delà de la ville : 8 officiers, 94 soldats et un
préfet (a) qui se trouva avec l'armée et qui annonça que le général Uoussot
(fie), qui commandait le corps, devait être fait prisonnier ; mais comme il ne
se trouve pas chez nous, il est à croire qu'il a été tué dans l'affaire. La route
était couverte de morts, de fusils et de hàvre-sacs jetés. De notre côté, grAce
à Dieu, la perte n'est pas considérable : il n'y a que 25 hommes tués et
blessés, 24 chevaux tués, 18 blessés. Ce qui regarde la perte de l'armée wur-
lembergeoise, elle m'est inconnue, mais je suis persuadé qu'ils ont très peu
souffert.
t( Les débris de l'infanterie ennemie joignirent à Charmes un petit nombre
de troupes qui s'y trouvaient, et ils ont été chassés aujourd'hui à sept heures
du matin de Charmes et sont poursuivis d'après mes ordres par trois régiments
de cosaques sous les ordres du général Grékott le huitième, suivant la route
qui mène à Nancy, jusqu'à ce que l'ennemi soit totalement détruit ou tant que
(«) n t*âgit Ici da baron de Fleçny, préfet des Votffes.
— 104 —
la lecture de ce document permettra de se faire une idée de
l'insufiisance de Tataman et de comprendre pourquoi, malgré
toute son indulgence, malgré la reconnaissance qu'il avait pour
les stTvices rendus, l'empereur Alexandre dut, en fin de compte,
se décider ù retirer h l'ataman un commandement qu'il n'était
plus ca[)able d'exercer.
Enfin, il faut aussi remarquer que, dans les conditions mêmes
où s'exerçait le commandement, il était bien difficile aux généraux
de cavalerie de faire œuvre utile. En effet, au moment où le princi»
royal de Wurtemberg informait Schwarzenberg de la marche de
Stscherbatoff sur Nancy, Plaloff, au contraire, intimait à ce géné-
ral l'onliv de se tenir prés de Charmes et lui défendait, comme
le monln^ra le rapport de Stscherbatoff îi Schwarzenberg que nous
cittTons plus tard, de s'aventurer vers Nancy.
Correspondance directe des généraux en sons-ordre avec
le généralissime. — En dehors du manque d'unité dans la
dirtvlion, et suis insister sur les inconvénients et les dangers
n'sultant de l'absence de celte subordination, toujours si néces-
ssiin* entre les généraux, mais plus indispens;ible encore entn»
g^Miéraux apjKirtenanl ;"! différiMites nations, nous aurons plus
d'une fois, jvndanl toute cette campagne de 1814, à tenir compte
des riv;îlités |H*rsonnelles qui divisèrt»nt les généraux d'une menu»
armée. Nous aurons aussi ;"! signaler les tendances à la critique
dt*s inférieurs contre les supérieurs, tendances encouragées \K\r
les cin>Mi$laiit>K( periueltront à le poursuivre, mais no pas approcher de
Nanev. vu que. d'aïun^ les renseignements, Tennemi $*y trouve en irrande
f%we $i.>U5 les ««r\lres du martVrhal Nev.
<x Le panerai tirt^Woff le huitième, apr^ son e\piUition. doit retourner a
(Ihame;»; moi je me trouve au \iU.i|!e de Nonrey ^Nomexyi et je suis dans le
mouvement de Teniiemî, à drtHte. qui se trouve, d'après le rapport qui m*a
etè fait par le p^iwal^major SesJavin. qui croit que Tennemi est en très ^rraoïie
f\v<v <v«imande par le mareehal Victor, qui marrhe de Luneville sur Epiiul.
xV qni di>ît se cvMifirmer demain.
« Kt pai< je me «\Miformerai an\ ivdrvs que j'ai reçus du pr-n^ral en chef
eomte lùrrlay de Ti4ly. que je dois prendre la dirAlkm sur Mir^Murt t-t
NenfrhÀtettu et où les cîreonsUnc^ IVii^^rvint. A Charmes n^era le «irCa'!!^
ment du prince Stscherbatoff qui m'a annvHice que. tons les ^^vnemenîs «{ni
arritY-i-it. i! fiit un rjippcwt a Vt^lre Altess* |vr«ii>nQ<llement.
< !>*< i«râi[es qui .«I eomhattn dan< xvtte jonmtv*. je n'ai pis le t'^ps ^
le* ryw>i&mindef a Vv4nf .\Ue««», mais je me fais un *W^\<r tle fairv iiv-:<i rap-
pivî aprrf. À". À~. K^-^f^ .4'%"**^., |. 10.»
— 105 —
le fait que, pour peu qu'ils fussent détachés, .uènie nionuuîtané-
ment, les officiers supérieurs ou généraux étaient autorisés à
correspondre directement avec le généralissime, et profilaient de
cette occasion pour apprécier sévèrement la conduite et les opéra-
lions des chefs aux corps desquels ils étaient passagèrenuMit
adjoints, ou sous les ordres descjuels ils étaient placés pour un
temps plus ou moins long. L(^s correspondances latérales que cer-
tains officiers entretenaient d*une manière suivie avec les |)er-
sonnages attachés au quartier général du généralissinu» ou à la
personne des souverains alliés, correspondances latérales donl
nous aurons à nous occuper fréquemun^nt, n'élaient pas d(» na-
ture à simplifier la situation, à faciliter l'action du commande-
ment. En lisant le rapport ci-dessous du général Sischerbatotl", on
verra aisément que C(» général y dissimule mal un mécon lente-
ment, explicable jusqu'à un certain point, puisipi'on l'empéchail
de marcher, mais causé, en réalité, par le profond mépris (pi'il
professait pour Platoff et par rim|>atience qu'il éprouvait à
s'afl'ranchir d'une dépendance à laquelle il avail peine à s(î plier.
« Rapport de Stschcîrbatoff à Sch\var/eid)erg, au Camp près de
Chîltel (en français dans l'original). — Le 11 janvier 1814.
« Le prince royal de Wurtend)erg a attaqué hier* l'ennemi à
Épinal, et l'a délogé d(» la ville. Le général comte Platotî'est allé
à la gauche par des chemins de délour, |)Our couper la n^trailcî à
l'eimemi ; mais les mauvais chemins ont retenu la marche à cause
de 8 canons qu'avait le hetman. J<' me suis joint à son corps. Nous
avons poursuivi l'ennemi jusqu'à Chai'ines. La nuit tombanle pro-
tég(»a sa retraite, et il s'est arrêté dans celh» ville.
« L'ennemi a beaucoup perdu en tués, et on lui a fait beaucoup
de prisonniers. Le nombre des retirés à Charmes ne peut être ([ue
de 1,000 hommes.
« Son Excellence le général comte Platofî'm'a donné ordre de»
me tenir près de Charmes et de ne ])as m'aventurer près de
Nancy, pour ne pas trop m'éloigner des troupes ([ui occiqKîiil
fipinal. Le gros de l'armée ennemie» s(» trouve h Bacara (sir)
(Baccarat), Raon et aux environs.
« n y a là un hpsus cnlami do la part do Slschcrbatofr, puisquo le rombat
d*Epinal a eu lieu le 11 janvier.
- 106 —
« On dit qu'à Nancy, il est arrivé quanliU* do troupes ennonii(»s.
où se trouvent le maréchal Ney et un sénateur pour armer et sou-
lever le j)eupl(» ; mais ils n'ont aucun succès.
(( Étant à Épinal, j'ai fait parvenir en avant et môme à Nancy
beaucoup d'exemplaires de la proclamation de Votre Altesse.
u Parmi les prisonniers fails hier, il y a les connnandanis des
cuirassiers, des dragons, des hussards et des gendannes. Toule
celle (îavalerie a été taillée (sic),
« La meilleure prise est le préfet du déparlement des Vosges.
M. Flegny, baron de l'empire, homme détesté non seulement jiar
les habitants d'Épinal, mais par ceux de toute la contrée. C'est
lui (pii cherchait h les soulever et h les armer.
(( Quand j'étais à Épinal, on m'a beaucoup dit du mal de lui.
C'est encore lui qui a demandé des troupes pour nous reprendre
Épinal. Il a un secrétaire avec lui.
(( Je m'emj)resserai de faire mon rapport à Votre Altesse de tout
ce que je pourrai savoir îi l'avenir*.
nP.S. — Ayant déjà cacheté mon rapport, je viens d'appnMidre
|)ar un gentilhomme de Chatel qu'il a reçu une lettre de Paris
de|)uis douze jours. On lui marque (|uc Napoléon a quitté Paris
|)0ur se rcMidre, avec* 80,000 honunes, sur Langres et Bc^sançon. »
Marche du III^ corps. — Gyulay ignore ce qu'il a devant
lui. — Du coté du III« corps, Gyulay, s'avançant lentement vers
Langres, était arrivé, le 11 janvier, à Combeau-Fontaine, Crenne-
ville II Fayl-Billol; ses avant-postes, établis h Chaudenay et La
Ferté-sur-Amance, envoyaient des patrouilles vers Langres. Une»
division d(» cuirassiers russes, destinée au III'' corj)s. et un régi-
ment de cosacjues, qui devait être plus particulièrement attaché à
la division Crenneville, arrivaient h Vesoul. Mais, soit qu'il man-
(piàt d(» cavalerie, comme le j>rouvent les ordres donnés à Barclay
d(»Tolly; soit, ce qui nous j)araU plus vraisemblable, ([ue le
s(M*vice d'f^xploration se fît fort mal, il est certain que Gyuhiy
ignorait com|)létement à ce moment ce qu'il avait devant lui.
« Les rapports de m(»s avant-postes, écrivait-il de Combeaufoutaine
1 A'. A'. Kriegs Archir, I. 124.
- 107 —
h Schwar/enberg *, ne 111*0111 founii anrmic doiimM» posilivo sur
les forces de l'eniienii. »
Il est vrai que de son enté Scinvar/.enberg s(» croyait mieux
inforni»» et lui disait, d<' Vesoul, le il au matin* : « L'ennemi n'a
(|ue peu de inonde à Langres. Marctnv. de façon à être devant
cette ville le 13 au matin. » A ce moment, le généralissime n'avait
pas reçu encore le singulier* renseignement que Sischerbatoff lui
envoyîiit de ChAtel, et dans lequel il lui faisait [)arl du fameux
mouvement que Napoléon, à la tête d(» 80.000 hommes, était sup-
|ioséen train d'effectuer sur Langres. Il serait inq^ossilile d'élablir
aujourd'hui si les nouvelles erronées données par StscIierbatolV
inquiétèrent Schwarzenberg. comiiK» paraissent l'indiquer les
ordres envovés à KaïssarotV. ou bien si (Ivulav lui-même, (rouble
et par ces nouvelles et par l'impossibililé de savoir (exactement ce
qu'il avait devant lui, et par la nTonnaissance otîensive (pic Mor-
tier entreprit, le 12, (^onlre les avant-postes du 111° corps, contri-
bua involontaireuKMit par ses rap|iortsii augmenter l(»s hésitations
du quartier gémirai. Nous constat(Tons seulement (praussil(M
après avoir envoyé à Gyulay l'ordre d'être prêtîialta(pierLangres
le 13, Schwarzenberg changea d'i(l(''e. puis(pie ce fut h* 17
seulement qu'on se d('»cida à (exécuter un mouvement qu'il eût été
possible de faire, peut-être le 12 et certainement le 13. (lyulay
allait donc perdre cinq à six jours à piétiner autour de Langrcs.
Pour en chasser, comme nous le verrons, les 12,000 hommes av(M'
lesquels Mortier se r(»lira h l'approche de forc(\s (pii lui étaient
tellement supérieures en nombre, on crut indispensable d'auKMier
en ligne le P*" corps, (pii était d('j;'i, le 11, sur la rive gauche de la
Saône, entre Seveux et Fresne. et de diriger sur la droite de
Gyulay le IV* corps. On paraissait, (failleurs. telhMiient (^onvaincu
de la présence de forces considérables à Langres qu'on avait pris
les mesures néce.ssain^s pour faire arriver en temps utile jus-
qu'aux réser\'es autrichiennes du jirince héritier de Hesse-Hom-
bourg.
Affaire de cavalerie à Gray. — V.n attendant, un escadron de
' (îyulay à Schwarzenberg [K. K. Kriegn Archiv., \, 219).
"■ Schwarzenlierg à Gyutay (/6i(/.. I, 236).
— 108 —
hussards du I®"* corps avait chassé, le li, de Gray un petit piquet
do cavalerie française et avait pénétré dans la ville, qu'il dut
quitter peu après, parce que l'infanterie française occupait solide-
ment le pont et l'avait barricadé.
Pour compléter l'exposé des mouvements exécutés dans la
journée du 11, nous ajouterons que deux brigades de la division
Bianchi continuaient leur marche, que la 3« brigade était encore
devant Belfort, que le prince héritier de Hesse marchait sur Quiii-
gey, Wimpfl'en sur Vieilley, Scheither sur Salins, et le prince
Maurice de Liechtenstein, avec sa division légère, sur Dôle.
Le II« corps avait, dans cette journée, complété l'investisse-
ment de Besançon.
Ordre de mouvement des l^^, IIP et IV* corps. — Quant à
Schwarzenberg, arrivé ce jour-là h Vesoul, il avait envoyé de là
aux I•^ III' et IV« corps les ordres de mouvement sur Langres,
que nous avons indiqués plus haut, et prescrit à Wrède de faire
partir de Remiremont de forts |)artis de cavalerie contre l'aile
gauche des troupes postées à Langres, et d'accélérer la marche
de son gros.
Réception d'un rapport de Blûcher. — Le généralissime avait
reçu ce jour-là un rapport de Blûcher \ daté de Cusel le 7 janvier.
* Nous avons rru, pour plus de clarté, devoir donner ici le rapport succinct
que Rliicher adressait de Cusel à Tempereur de Russie, et dans lequel il résu-
mait les idées exposées plus en détail dans le premier de ses rapports envoyés à
Schwarzenberg.
« Le feld-maréchal Bliicber à Sa Majesté Tempcrcur de Russsic (en français
dans l'original). (Reçu par Schwarzenberg à Vesoul le 11 janvier.) — Cusel,
7 janvier 1814. — « Le 6® corps, sous les ordres du maréchal Marmont, et
le 1«*^ corps do cavalerie, sous les ordres du général Doumerc (autrefois La Tour-
Maubourg), en force de 15,000 à 16,000 hommes, se sont retire^ devant moi
en man'hes forcées sur la Sarre, où le 5 janvier an corps de 4,0U0 hommes
est arrivé de Metz.
« Hier 6 janvier, le corps de Marmont passe la Sarre àSarrebriick et Sarre-
gucmines, et aujourd'hui les avant-gardes des corps de Sacken et de York sont
arrivées à la Sarre.
K L'ennemi a fait venir des pontons de Metz dont il a construit un pont à
Sarrebriick où il a fait sauter le jwnt de pierre sur la Sarre.
« Après-demain j'aurai rassemblé les corps de Sacken et d'York sur la
Sarre, et si l'ennemi ne se retire pas, je passerai ce fleuve et l'attaquerai sur-
le-i*hamp.
ic Le colonel comte Henckel est arrivé le 6 janvier à trois heures du matin
— 109 —
rapport dans lequel le feld-niar(!^chal lui donnait le résumé de ses
opérations jusqu'au 6 janvier, el lui faisail pari de son |)rojH de
se porter sur Metz et d\ arriver le 15. Un deuxième rapport d(»
Blùcher, parti de Sainl-Wendel le 9 h minuit, el arrivé quehjues
heures plus tard, conlirmait ces premières nouvelles el mettait W
généralissime au courant des ordres donnés à l'armée de Silésie
pour la journée du H.
12 janvier. — Positions des VP et V^' corps. — Immobilité
dn IT* corps. — Ordres de Schwarzenberg relatifs à Platoff
et à Stscherbatoff. — La journées du 1:2, plus mdle eneon* que
les précédentes, se |)assa sans qu'on ait rien d'intéressanl à
signaler. Le VI® corps continua à rester innnobile, et Pahlen* scî
contenta de faire savoir à Wrède qu(^ l'aile gauche de l'armée de
Silésie, le corps de Saeken, était h; 8 îi Hondiourg, el (pi'à cette
date, le maréchal Marmonl se rej^liait sur la Sarre.
Le V« corps continuait lentemcMit son mouvement, et le major
prince Taxis, qui escortait l'aide de camp de; (^aulaincourt, ne
rencontrait le jiremier avant-poste français ((u'au delh de llaon-
l'Élape'.
Le prince royal de Wurlend)erg, au lieu d(^ profiter des îivan-
lages remportés la veille, donnait un peu de repos à ses troupes
à Épinal. Un régiment de cavalerie wurlembergeoise, soutenu
par un régiment d'infanterie, poussa seul par la rive droite de lii
Moselle sur la route de Randienillers el de Lunévilh*; PlatotV était
à Trêves, que reiincmi a évacué en y laissant un hôpital de 600 à 800 niaiadei
et un grand magasin de tabac.
« Le général comte Langeron, après avoir chassé les avant-jioslcs dans la
forteresse, a cerné et sommé Mayence le 4 janvier.
« Le corps du général v. Klcist est dirigé sur Coblence, où il arrivera le
20 janvier.
« J*ai chargé Son Altesse le duc de Cobourg de relever, avec le 5* corps
aUemand, le comte de Langeron, et Son Altesse le prince Electeur de liesse est
chargé de suivre avec le 4" corps allemand le général de Kleist à Coblence.
« Si je réussis de chasser le maréchal Marmont de la Sarre, j'arriverai le
15 devant Met» où, à ce qu'on dit, beaucoup de conscrits sont rassemblés.
« J'inviterai les comtes Wittgenstein et Wrède à faire des niouvcnicnlN
d'accord aux miens et de manière à pouvoir, en cas de ])esoin, attaquer
l'ennemi conjointement avec moi. » (A'. A'. Kriegs Archiv., l, 313 b.)
i Tagesbegenheiten der Haupt Armée {Ibid,, \, 30).
« Tagebuch der .Majors Fiirsten Taxis (Ibid., Xlll, 32.)
~ 110 -
loujours à Noniexy el devait, de là, se porter par Mirecoiirl
sur Nenfchîlteau i)Our couvrir la droite de l'ariiK^e; le fçénéral
Seslavin battait le pays en avant de Bruyères'. SchwarAenberjj;
s'était décidé h séi)arer désormais Platoff de Stscherbatoff, et il
avait prescrit au général ToU * de charger l'un de c(»s généraux
d'établir la communication avec Bliicher entre la Meuse et la
Moselle, et d'envover l'autre vers Chaumont afin de relier entre
eux les corps postés de ce coté.
Gyulay resta à Combeaufontaine la plus grande partie de la
journée, se bornant à porter la division légère de Crenneville
vers Chaudenay, Montlandon et Cclsoy, et îi rapprocher d'elle la
division Hohenlohe-Bartenstein, de façon qu'elle pût lui servir
de soutien en cas de besoin.
Affaire de La Gritfonotte et de Chaudenay. — Les avant-
postes de Crenneville furent attaqués, du coté de La Griflbnotle,
vers Chaudenay par une petite recoimaissance exécutée i)ar un
détachement d'infanterie et de cavalerie françaises. Cette nîcon-
naissances, après avoir tiraillé pendant quelque temps, se retira
en bon ordre, suivie d'assez loin jusqu'à quelques kilomètres de
Langres j)ar un escadron du régiment de chevau-légers de Ro-
senberg^ Après la nsntrée de la reconnaissance, Gyulay crut
utile de faire avancer une partie du III® corps jusqu'à Fayl-Billol.
peut-être parce que Mortier n'avait pas cessé un seul instant
d'incpiiéter toute la ligne des avant-postes autrichiens.
Quant au lieutenant-colonel Thurn, auquel Crenneville avait
donné l'ordre de pousser sur Longeau afin de couvrir sa gauche
pendant sa marche sur Langres, il avait été in(|uiété lui aussi du
côté de (^hassigny. Posté le 12 au soir à Bériat*, il faisait savoir
à Schwaraenberg que Mortier était arrivé à Langres avec son
1 Opérations Journal des IV ten Année Corps (A'. A'. Kriegs Archiv., XUl,
56).
= Du quartier général du prince de Schwarzenberg à Toll, Vesoul, 12 jan-
\ier (Ibid., \, 271).
» Gyulay à Srliwarzenberg, de Combeaufontaine, 12 janvier (A'. A'. Kri/qs
Arcliic, I, 24i, cl ml I, 24i).
* Bkriat, il'aprrs les rapports allemands. II doit s*agir ici du moulin Ua-
rillot, au nord de Violot.
- 111 -
îivanl-gardt', ot que iîi ligne des avanl-posles français pîtssail par
Longeai! et Heuilley*.
Les l*^*" el 1I« corps restèrent coniplrtenient innn()l)iles pendant
que les n'»ser\*es antrieliiennes se dirigeaient lentement vers Dijon.
Le |»rineedeHesse-Hond)ourg arriva ee jour-là à Villcrs-Farlay.
el Wimpffen à Gray.
Causes du mouvemeDt rétrograde de Victor. — Kntin. s'il
fallait en eroire les doeunients allenninds, ee serait la présener de
Pahlen qui aurait motivé le mouvement rétrograde de Victor.
Pahlen aurait, en etfet. enlevé le 1:2 un courrier envové au duc
de Bellune el lui apportant Tordre de se reporter sur Kpinal.
Victor, ne recevant pas d'instructions, repoussé sur son frcuit,
menacé sur sa droite, se sérail pour cette raison retiré sur Luné-
ville. Nous croyons*, au contraire, cpu* h» maréchal hésitait à
abandonner la défense des Vosges et cpi'il ne se décida à la
retraite qu'après avoir reçu du maréchal Ney avis de l'arrivée
de Tavant-garde de Tarmée d(» Silésie à (]h;Ueau-Salins, où
elh^ entra le 13. Craignant d'être complètement c()U|)é de sa ligne
de relniite et de perdre la connnunication avec Toul, Victor
* Tliaru îi Scliwarzcnberg, de Graiid-Cliamp. 13 janvier (A'. A'. A'nVr/«
Arcliir., I, 282).
* Poar réfuter cette opinion, il suffira de citer ici les onlres donnih> par
Victor : « L'avant-jfarde. sous les ordres de l)uliesm(>. qui serait coinproiiiise
à Saint- .\lichel si les Alliés niarcliaient en forée de Hruvères >ur Haiiihervillers.
«r
M' retirera le 12, deux heures avîmt le jour sur Jeaiiménil, où le |;én«Tal
établira quatre baUiillons et une batterie. Tii bataillon restera en avant de
JeanniéniL trois escadrons éclaireront la roule de Saint-Dié. L«*s j;ardes d'iion-
neur, moins 200 chevaux qu'on laissera à llertrichainps, le reste de la di> ision
Pire, une division de dragons et une batterie occuperont (îrandvillej's, (iugné-
court, Gireconrl, Dompierre, Serc<rur, Padoux, Destord, Sainte-llclènc el
Voinécourl. » (Victor âGrouchy, Archin'sde la Guerre.) Le 12. à trois heures,
comme le général Dejean le faisait savoir au major général, l'infanterie du
2*rorps occupait Xermaménil. Oerbéviller et Magnières ; la cavalerie était au\
environs de Roville, et la division de cavalerie légère de Pire avec un régi-
ment d'infanterie, à Baccarat.
Enlin, Victor envoyait à ce moment de RoviUe Pordre à tout son monde de
se mettre en marche le 13 à quatre heures du matin sur Suint-Nicolas en
passant par Lunéville. (ArcUires de la (itui'rc.)
Pour le 13, ordre à la division de France, (jui est eneore à Dondiasle, «l'ac-
rélérer son mouvement de retraite, parce (|u\m a re«;u avis d'une marche
rapide de Pennemi sur Nancy, Toul, Goiidrecourt et Joinville.
Pour le 14, Pennemi est à Nancy, on continuera le mouvement sur Toul.
(Mémoires de Grouchy.)
— H2 -
n'uvail plus désormais (|u'un parti à prendre, celui de se replier
par Nancy et Toul, et de chercher à opérer sa jonction avec Ney
et MarmontV
On trouve à ce propos dans la biographie de Wrède une asser-
tion qu'il nous parait impossible d'accepter. Questionné par le
maircî de Lunéville sur les mesures qu'il comptait prendre pour
assurer l'évacuation des blessés, le maréchal Victor aurait ré-
pondu : Cest égal quils soient pris ici ou ailleurs, nom finirons
par rétre tous *. \j\\ pareil propos n'est pas admissible de la part
du maréchal duc de Bellune.
13 janvier. — Nouvelles de Blûcher. — Le VI® corps
reçoit Tordre de se porter sur Nancy. — Le 13, des que l'on
eut reçu au quartier général de Schwaraenberg l'avis de Bludier
annonçant pour ce jour même son arrivée probable à hauteur de
Metz, on donna, enfin, à Witlgenstcin l'ordre de se porter vers
Nancy ^ pour combler au plus vite le vide existant entre la droite
de la grande armée (*t la gauche de Blûcher; on lui recommandait
toutefois de laisser suffisamment de monde devant Strasbourg.
Mouvements du V® corps.— Wrède *, n'ayant plus rien devant
1 <( Comme l'ennemi n'est pas arrivé à Flavigny, écrivait Victor à Grouchy,
de Saint-Nicolas, le 13 janvier, les troupes du 1" corps et du 5* corps de cava-
lerie s'établiront pour passer la nuit : la cavalerie légère de Pire à Saint-
liilairc et Lupcourt, ayant des postes sur Flavigny et Richardménil ; les deux
divisions de dragons s'arnHeront à Dombasie, les gardes d*honneur à Luné-
ville. s*éclairant sur Btamont, Baccarat et Rambervillers ; la 3* division
d'infanterie à Varangeville, la 2" à Saint-Nicolas, la 1^^ à la NeuviUe. Tontes
les troupes se mettront en marche le 14 à cinq heures du matin, se rendant à
Toul par Nancy. » U ajoutait en jtost-scriptum : « L'ennemi parait manœuvrer
sur Toul. n (Archives du Dépôt de la Guerre.)
- IIeilmanx, Fcld'MarscfuiU Fïirst Wréde, p. 3î7.
ï Tagesbcgebenheiten der ifaupt Armée (A'. K, Krieys Archic, 1, 30).
* Il est assez curieux de voir les Alliés, au moment même où ils venaient
d'entrer en France, s'occuper sérieusement de fortifier certains points en Alle-
magne, tels que Memmingen. pjir exemple. A ce propos, Wrède, qui attribue
la paternité de cette idée bizarre à M. de Stein, écrit au roi de Bavière le
13 janvier : « Ce diable de .M. de Stein, qui a le nez partout, veut donc aussi
le fourrer à Memmingen. Si M. de Stein avait autant à faire que moi, il ne
s'occuperait que de sa vraie besogne, et il passerait moins pour un fou, comme
je commence à le taxer d'après tout ce que je vois de lui. »
Le 4 février. Wrède revint à la charge sur ce sujet et écrivit au comte de
Mongelas : « Depuis ma dernière lettre à .M. de Stein, il me laisse tranquille. Si
- 113 -
lui, s'étendit sans peine dans les plaines de Lorraine entre
Ramber\i]lers et Saint-Dié, et son avant-gard(», sous le général
Habermann, poussa en avant par l(»s routes de Lunéville el de
Nancy, afin de faciliter la marche de Blucher. Wr^de, dont le
jçros va, d'ailleurs, rester dans ces parages, envoya eneon^ le 13 un
bataillon et deux escadrons de la division Keeliberg occuper
Ë|)inal que les Wurtenibergeois avaient quitté le niôni(» jour pour
se porter pîir Bains vers Jussey et Langres.
Affaires devant Langres. — Gyulay se concentre à Fayl-
Billot. — Au III® corps, Gyulay avait eu l'intention d'entre-
prendre le 13 une reconnaissance générale de Langres; nniis
l'activité de Mortier le força de renoncer à son projet en ne lui
laissant pas un instant de tranquillité. Dans la nuit du là au 13,
700 cavaliers français surprenncMit l(»s avant-postes du III« corps
à une heure du matin, les chassent de Chaudenay, puis se replient
sans être inquiétés sur Langres, entn* trois et quatn; heures du
matin. A cinq heures, v.\*si au tour des avant-postes du côté de
Boute-<»n-Chasse de subir une altacjue. Enfin deux heures plus
tard un groupe de 800 cavaliers environ sort de nouveau de;
Langres el inquiète toute la ligne occupée par Gyulay qui, s'at-
lendant à être attaqué à tout instant, renonce à reconnaître
Langres et se concentre à Fayl-Billot, alin de pouvoir, en cas
d'attaque sérieuse, être soutenu sur ce })oint par le !«•" corps, qui
aurait dû être rendu à Grenant; mais Colloredo, n'ayant pas
trouvé de pont sur la Saône à Seveux, ret^irdé en route par les
mauvais chemins, avait dû remonter la Saône jusqu'à Scey, et le
gros de son corps, après y avoir j)assé la rivière, n'arriva que le
soir vers Combeaufontaine. Dans cette journée Gyulay, pour se
relier avec lelV® corps, avait envoyé quelque cavalerie juscpi'à
Bourbonne sans pouvoir se procurer le moindre renseignement
sur la position des troupes wurtembergeoises*.
le jour de la bataille il s'était présenté à mon avant-garde, je Taurais fait
mettre dans un obusier pour en faire cadeau à Tempereur Napoléon. »
Dans une autre de ses lettres, Wrède appelle le baron de Steiii « généra-
lissime de l'univers ». (Heilmann, Feld-Marschall Fiirst Wréde, p. 333.)
1 Tagcsbegcbenheiten (A'. K, Krû'g» Archiv., 1, 30); rapports de Gyulay à
Sdiwarzenberg, de Fayl-BUIot. 13 janvier (Ibid., l. 276, et ad 1, Î76).
W*il. 8
— 114 —
Le corps volant de Thurn obligé à se replier sur Grand-
champ. — Pendant ce temps Thurn, auquel Gyulay n'avait plus
la possibilité de faire connaître en temps utile les événements d(»
la nuit, pensant que le feldzeugmeister entreprendrait la recon-
naissance projetée, croyant avec juste raison qu'il faciliterait
cette opération en attirant sur lui l'attention des Français, avait
attaqué Bériat (le moulin Barillot, au nord de Yiolot), où,
d'après ce qu'on lui avait affirmé, il ne devait y avoir qu'un
poste de 50 chasseurs à cheval et de 100 fantassins. Mais lorsqu'il
se fut déployé, il reconnut qu'il avait devant lui 400 chevaux
soutenus par un bataillon de grenadiers. L'affaire était engagée,
et Thurn essaya de faire aussi bonne contenance que possible.
A onze heures, sa patrouille de droite l'ayant informé de la pré-
sence de l'ennemi à Chalindrey, il crut prudent, dans la crainte
d'être coupé, de laisser à sa droite la route de Gray, de se rap-
l)rocher du III® corps et de ramener à Grandchamp son p<»tit
corps, très éprouvé par le combat qu'il avait eu h soutenir et.
d'ailleurs, très affaibli par ses pertes, qui s'élevaient à 13 morts,
dont 1 officier, 19 blessés, 11 disparus, 1 cheval tué et 5 blessés.
11 terminait ainsi le rapport * qu'il adressa à œ propos à S<!h\var-
zenb(;rg : « Je sui)plie Votre Altesse» de renforcer ma (îavaleric ;
mon escadron de hussards ne se compose plus, après U» combat
d'aujourd'hui, que de 60 hommes. Ma bonne volonté et mon
désir de bien faire sont presque annihilés par la faiblesse de mon
corps. »
L*avant-gard(» des réserves autrichiennes , sous le prince
Gustave de Hesse-Hombourg, était arrivée devant Auxonne; les
rapports des émissaires * avaient fait connaître à c(» moment au
généralissime la composition des garnisons de Besançon et
d'Auxonne. Le prince héritier de Hess(», qui était avec le gros
de ces réserves h Dôle, s'occupait de renu»ttre en état les ponts
de la Saône à Sîrint-Jean-de-Losne et Pontailler, que les Fran-
çais avaient détruits en se repliant sur la rive droite.
Entin, l'empereur de Russie avait célébré le jour d(» l'an russe
* Thurn à Schwarxeiibcrg, (^randciianipi lîî janvitT (A*. A'. Kriegx Archiv.,
I, 2H2).
' Rapports sur les renseignements fournis au grand quartier général par les
émissaires (A'. K. Krieys Archiv., I, 386).
— H5 -
en passant le Rhin à BAle à la tOle des gardes russes el |)rus-
sicnnes.
14 janvier. — Occapation de Lunéville par la cavalerie
du V* corps. — La journ(^e du 14 présente les mêmes earaclèn^s
que les précédentes. Du coté du V« corps, tout se borne à Toeru-
pation de Lunéville par deux escadrons de hussards, à l'envoi à
Schwarzcnberg d'une dépêche de; Wrède lui confirmaiil le départ
de Lunéville de Victor et l'informanl (]ue le maréc^hal a pris la
route qui va de Nancy à Langres ou de Toul à Paris*. Le gros
du V« corps fait halle sur les points qu'il occuj)ail entre Kam-
bervillers et Saint-Dié. Les divisions autric hieimes de Wrède
profitent de cette halte pour se rai)|)ro<*her du premier de ces
doux points.
Marche du IV* corps. — L(» prince royal de Wurtemberg,
ne pouvant, à cause de la crue des eaux, tenter de traverser
la Saune à Jussey, résolut de se porter sur Jonvelle, de remonter
de là jusqu'aux sources de la Saône, de gagncT par Bourbonne
la grande route de ChaumonL et alla ce jour-lîi juscpi'à Vau-
villers. Le général Jett, à la tête de l'arriere-garde, relevée par
les Bavarois de Wrède à Kj)inal, atteignit Bains*.
Immobilité de Platoff. — Quant à Platotl, il continuait à
rester immobile ; d(»puis Tattaire d'Épinal, il n'avait pas bougé de
ChaniKîs. La façon dont il justifie cet inexjjlicable séjour est
peut-être j)lus singulière encore que sa manière de comprendre
son rôle de commandant d'uni* avant-garde de cavalerie chargée
de couvrir et de renseigner une armée.
« Croyant que Fennemi viendrait à Lunéville, dit-il textuelle-
ment dans un rapj)ort en date de Charmes* (14 janvier), je res-
tais à Charmes jusqu'à l'arrivée à Épinal des troupes du général
comte W^rède. A présent, ayant laissé à Charmes le prince
StscherbatoflF. je me porte à l'instant même avec cin(] régi-
ments cosaques sur Mirecourt. Demain, j'irai juscpi'à Neufchîl-
* Tagesbegebenheiten (A'. A". Kriegs Archiv., I, 30), et Wrùde à Scliwar-
scnberg. Saiat-Dic, ii jaovier (Ibid,, \, 313).
* En français dans l'original (K. K, Krieg» Archir., I, (id 344).
— 116 —
leaii, où j'établirai une communication ii gauche avec le prince
royal de Wurtemberg, h droite avec le prince Stscherbaloft\ »
Il avait donc fallu trois jours à Platoif pour vSe décider à se
[)orter en avant. Au lieu de suivre et de harceler sans cesse les
quelques troupes que le IV* corps avait eues devant lui à Épinal,
il avait cru plus nécessaire de couvrir Épinal contre une attaque
qui ne pouvait pas se produire, puisqu'avec un peu d'activité et
de vigilance, il aurait dû savoir qu'il n'avait plus rien devant
lui, et, pour compléter cette première faute, il croit devoir
laisser derrière lui, à Charmes, le détachement de StscherbalolV.
Celui-ci, du reste, dès qu'il fut redevenu maître de ses actions,
après le dépari de PlatofT, se porta dès le 15 janvier sur Vézelise.
Gyulay reconnaît les abords de Langres. — Gyulay exé-
cuta enfin, le 14 janvier, sa reconnaissance sur Langres et
chassa les avant-postes français de Chalindrey, Culmont et Cor-
lée. A rapproche des colonnes de Gyulay, les Français prirent
position sur la hauteur de Saint-Geômes. Tout se borna à une
canonnade qui ne cessa que le soir, lorsque Gyulay se replia et
alla cantonner avec la division Fresnel k Chalindrey. Le gros du
m® corps était encore à Fayl-Billot*.
* « I^ feidzeuginester conilc fJyuiay au prince de Schwarzcnberg. — Clia-
Hndrey. 14 janvier 1814. — « J*ai, avec la diviâion Fresnel et quelques
troupes l<>gêres. fait une reconnaissance contre Langres.
« J'ai trouvé l'ennemi à Chalindrev, et comme le terrain est absolunieiil
plat, j*ai formé num infanterie en masse. J'ai attaqué Tennemi, je Tai chassé
de Corlée et repoussé jusque sous le canon de Langres.
« Le général Haecht, s'avançant par la route de Fayl-Billot à Langres, l'a
rejeté de s(m côté par Saint-Maurice et Saint- Vallier jusqu'à Lingres.
« L'ennemi avait devant nous trois bataillons d'infanterie et 000 liommes
<Ie cavalerie. « (A'. K. Kriegs Arckiv., I, 309.)
« Mortier an major général. — Langres, 15 janvier 1814. — 11 fait un
brouillard très épais. L'ennemi, paraît-il, avait l'intention d'attaquer; ses
troupes sont rentrées vers midi. Hier à dix heures du soir il est encore arrivô
de l'artillerie à Chaudenay et de l'infanterie à Montlandon. L'ennemi a formé
ses lignes de ce village à Torcenay, Culmont, Chalindrey. 11 doit être en force.
Il m'a prévenu à Bourbonne-lcs-Bains. Cet endroit était occupé, mais par
100 chevaux seulement, quand les douaniers et 26 chasseurs du 3° régiment
s'y sont pr(';sentés.
« J'ai bien en réserve les grenadiers à cheval; ils sont à Rolampont, Humes
cl Jorquenay, mais les dragons et chasseurs à cheval sont très fatigués. »
{Archives du Dépôt de la Guerre.)
— H7 -
Ciyulay avait aussi envoyé quelques délarhenienls <ie eavah^rie
sur sa droite vers Bourbonne. Tout ce que la'cavalerie autri-
chienne put apprendre de ce côté constituait un bagage assez
mince, et, des rapports adressés au général-major von Haechl. il
résulte que le III« corps n'avait gu^re mieux (pie Platoff employé
sa cavalerie, peu nombreuse il est vrai. Le chef de la reconnais-
sance envoyée à Bourbonne est, en etlet, obligé d'avouer qu'il a
|)u constater le départ du régiment de chasseurs à cheval (pii y
était le 13, mais (ju'il n'a pu découvrir ht direction prise par c(^
régiment *.
Retraite du corps volant de Thurn sur Bussières. — Ren-
seignements fournis au généralissime. — Thurn s'était retiré
sur Bussières, après son insuccès du Moulin-Barillot. Il avail, à
ce moment, l'intention de pousser vers la route de Dijon, mais il
en avait été empêché par un ordre formel de Gyulay.
Les populations de la Haute-Marne» étaient, au dire de Thurn.
manifestement hostiles aux Alliés. La nouvelle d'un gros rassem-
blement de troupes françaises entre Dijon et Langres, nouvelle
par laquelle il terminait son rapport, était de nature à inquiéter
d'autant plus sérieusement Schwarzenberg, que, dès h» début et
pendant tout le cours de la campagncî, le généralissime ne c(»ssa
pas un seul instant d'ôlre |)réoccupé du sort d(î son extrême
gauche *.
' Le i^apitaine von Goctliem au généra I-major von Hae<>lit. de La Fer lé-su r-
Amanee, i% janvier, cinq heures un quart du soir. (A'. K, Kriegs Archiv.^
\, 309 a et 309 b.)
' « Le lieutenant-colonel comte Thurn au prince de Schwarzenberg'. —
Russièrcs , le i4 janvier 18i4. [ — Comme je l'avais annonce hier à Votn»
Altesse, je me suis retiré sur Bussières, hiissiint sur la route de Champlitte une
forte arrière-garde dans le but de tromper l'ennemi sur la direction que
j'avais prise. Ce détachement m'a rejoint aujourd'hui sans avoir été, à vrni
dire, suivi par rennemi.-
u Un parti, envoyé à la découverte de l'ennemi, a rencontré un groupe do
cavalerie et d'infanterie qui se portait vers Grenant. Une autre pntrouiUe a
aperçu un détachement ennemi allant à Champlitte. Ces deu^i troupes se sont
repliées à onze heures sur Longeau. Je fis aussitôt occuper Grenant par uno
section de chasseurs et un peloton de hussards.
u Dès que mon parti volant sera rentré, je traverserai avec le gros de mon
petit corps la chaussée de Champlitte pour essayer d'atteindre de là la rout(.'
de Dijon, ce que je comptais déjà faire hier au moment où j'ai revu du feld-
zeugmeister comte Gyulay l'ordre de seconder son mouvement sur Lingres.
- «8 —
Positions du P^ corps et des réserves. — Marche des cui-
rassiers de Duka. — Le I®' corps cantonna le 14 fi Pierrecourt
et Malvillers *. La division Wimpffen, en marche sur Dijon, avait
passé la Saône h Gray et se dirigeait sur Mirebeau; les réserves
autrichiennes attendaient en vain Tachèvement des ponts sur la
Saône pour passer sur la rive droite, et leur chef profitait de cet
arrêt pour reconnaître Auxonne.
Les gardes et réserves russes et prussiennes atteignirent Dan-
nemarie et Giromagny.
La division de cuirassiers du général Duka (3* division de
cuirassiers) marchait par Lure et Vesoul sur Fayl-Billot. atin de
rejoindre au plus vite Gyuhiy et de renforcer la cavalerie par
trop faible du III® corps.
Instructions de TEmpereur à ses lieutenants. — Soit qu il
ait espéré parvenir par ses reproches à raviver Tardeur éteinte, à
réchauffer le zèle refroidi de ses maréchaux, soit qu'il ait réelle-
ment pensé que les effectifs de la Grande Armée aient été ceux
qu'il indiquait dans son instruction générale du 12 janvier, il
n'en est i)as moins certain que Napoléon *, après avoir reconnu
que l'ennemi opérait en trois masses, l'une dirigée contre le
général Maison, en Belgique, l'autre conduite par Blûcher, ma-
nœuvrant contre Marmont, semblait croire, en ce qui touchait la
la troisième», celle de Schwar/.enberg, qu'après avoir, détaché
20,000 hommes devant Besançon, 20,000 hommes pour surveiller
« J'ai Thonneur d'informer Votre AUesse que la disposition d'esprit des
populations dans le dépaitement de la Haute -Marne est bien différente de celle
que j'ai constatée dans la Haute-Sa^ne. Les habitants sont ici animés d'inten-
tion» manifestement hostiles et refusent tout à nos troupes^ même des vivres.
Jusqu'à présent je suis, malgré cela, parvenu à me procurer à peu pn>s ce
qu'il me fallait.
« J'adresse à Votre Altesse le Journal âe V Empire en date du 7.
« Un émissaire, rentrant à l'instant, m'annonce qu'il y aurait plus de
Î50,000 hommes de troupes ennemies entre Dijon et l^ngres. On dit à l'arméo
que Napoléon va venir en prendre le commandement ; mais cet émissaire pré-
tend que des officiers supérieurs lui auraient affirmé que l'Empereur ne vien-
drait pas. » (K. K. Kriegs Archiv., 1, 312.) — Voir également les rapports de
Mortier des 13 et 14 janvier {Archives de la Guerre).
1 TagosbegelKînbeiten (A'. A'. Kriegs Archir., 1, 30), et Colloredo à Scliwar-
zenberg, Malvillers, 15 janvier (/6iVi., I, 337).
* Correspondance de Mapoléon, 21091.
- 119 —
la Suisse, 30,000 ii io,000 hommes pour masquer los places d'Alle-
magne, elle (levait être contenue [)ar les cor|)s du duc de Trévise
h Langres, du prince de La Moskowa sur Nancy et Épinal, et du
duc de Bejlune sur les Vosges. « Ces trois maré(;haux, disait
TEmpereur, devront correspondn» entre eux; on doit se réem-
parer des gorges des Vosges, les barricader, y réunir l(»s gardes
nationales, les gardes-cham peines, les gard(»s forestiers et les
volontaires, et si. enfin, l'ennemi pénétrait en force dans l'inté-
rieur, ces trois corps devront lui barrer le chemin, couvrir tou-
jours la route de la capitale, en avant de laquelle l'Euipereur
réunit une armée de 100,000 hommes. »
Position des corps français. — Mais au moment oCi Napoléon
rédigeait ces instructions, au moment surtout où Berthier (en-
voyait les ordres et écrivait entre autres à Ney qu'il fallait
gagner du temps jusqu'au 15 février*, la situation avait bien
changé. Le IV« corps avait enlevé Épinal, Gyulay était sur
Langres, Wrède avait passé les Vosges. Wittgenstein n'avait
plus ((u'à exécuter une simple marche militaire pour arriver sur
les côtes de la Meuse, et les coureurs de Blûcher s'approchaient
de Nancy. Victor, repoussé par les IV« et V^ corps, menacé sur
Tune de ses ailes par l'armée de Silésie, sur l'autre par le mouve-
ment du prince royal de Wurtemberg, rappelé en arrière par le
|>rince de La Moskowa, avait gagné Nancy et rejoint Ney, qui se
reliait par sa gauche avec Marmont. Ney et Victor, au lieu d'opé-
rer leur jonction avec Mortier, s'étaient donc, en se repliant,
rapprochés de Marmont avec hîquel ils allaient désormais opérer
t uBeUiani à Berthier. Chdlons, i4 janvier, dix heures soir. — Prince,
votre arrivée fera trùs grand bien, je vous l*assare, et nous vous attendons
avec grande impatience. Vous centraliserez Tautorité et tout ira mieux, car il
y a si peu d'accord dans les mouvements des corps d'armée du duc de Raguse,
du duc de Bellune et du prince de La Moskowa, qu'on ne fait que de mauvaise
besogne et on a bien l'air de continuer ainsi si vous ne venez pas. Prince, ou
si l'Empereur ne réunit pas les trois corps d'armée sous le commandement
d'un seul et m(>me chef.
n D*après ce que j'ai su aujounrhui du corps de droite, nous occupions hier
dans cette partie Vaucoulcurs, PagJiy-sur-Mouse, Tout et Commercy, poussant
des partis sur Saint-Mihiel que nous tenons maintenant et qu'on avait mala-
droitement laissé prendre, sur Pont-à-Mousson, sur JoinviUe et sur Neufrhâteau.
u En face de Vaucouleurs à Neufchâteau se trouve PlatoflTavei^ 10 régiments
de cosaques. » [Archives de la guerre,)
- 120 —
contre Tarmée de Silésie. Il semble, du reste, que l'Empereur
ignorait l'état précaire dans lequel se trouvaient entre autres le
2« et le 5^ corps de cavalerie, car voici à ce sujet ce que Grou-
chy écrivait au major général de Toul, le 15 janvier * :
« Monseigneur,
« C'est avec un vif chagrin que je me vois forcé d'instruire
Votre Altesse des pertes notables qu'éprouve la cavalerie par la
désertion Les causes de ce mal, si inquiétant par ses
progrès, sont les souffrances du soldat qui n'est pas payé, qui no
reçoit presque pas de distribution et qui est mal vu et mal traité
par l'habitant
« D'un autre côté, le temps rigoureux qui s'est établi depuis
que la -cavalerie a repassé les Vosges et les longues marches que
Ton ^ faites ont fait périr un grand nombre de chevaux. Il n'y a
pas un cheval ferré à glace et pas un régiment* n'a de fonds pour
subvenir k cette urgente dépense. Depuis Baccarat jusqu'à Toul,
le 5« corps de cavalerie, son artillerie et les deux régiments de
gardes d'honneur ont perdu plus de 300 chevaux laissés en
arrière, qui se sont cassé les jambes. . . »
Les deux rapports que le général de Pire adressait le même
jour au général de Grouchy * sont plus navrants encore :
« Le général de Pire au général de Grouchy. — Gondreville,
15 janvier 1814, 9 heures du matin.
« Mon général,
« J'ignore en quelle force l'ennemi est entré à Nancy ^ Nous
n'avons vu que des uhlans. Il paraît que quelques gardes d'hon-
neur ont été enlevés ce matin par des cosaques Toute ma
division est bivouaquée en arrière de Gondreville. C'est avec le
plus vif chagrin que je suis forcé de vous rendre compte qu(i la
désertion s'établit dans ma division. 10 hussards d'élite du
3® hussards et des cavaliers des 11® et 27« chasseurs sont passés
1 CiRODCHY, Mémoires.
s Ibid.
» Biron était entré à Nancy le i4, et, comme nous iediroas ci.aprt»s, y avait
été rejoint par un parti de cayalerie bavaroise envoyé par Wrède.
— 121 —
h IVnnemi; cVlaioiit tons de vrais soldais; la lrou|M' sr plaint
d'ôln» mal payée», mal habillée ...»
La deuxième lettre est du même jour, à 2 Inuires de Taprès-
midi :
<c Mon général,
« Je serai forcé, par nui position, de passer la journée la
bride au bras, pour ne pas être» exposé à perdn» eu entier ma
division. L'ennemi viendra eertaiuement en masse pour m'obliger
il la retraite sur Domnuirtin, ce que je n'aurais pas h» temps d(»
faire si j'étais dans Gondreville, encore moins si l'enuiMui arrivait
par la route qui va à Pont-Saint-Vinetiut.
« Je dois, d'ailleurs, vous déclarer qiw.dmis l'tHalacluet (h\s
chemins et du fetrage, ma cavalerie, qui peut être abordée^ est
plus que compromise. De ma personne, j'ai voyagé à pied depui>
Nancy jusqu'ici; jugez des autres.
« Vous n'ignorez pas, mon général, que la cavaleri(» allemande
est ferrée avec soin et que les cosaques ne le sont pas; leurs che-
vaux courent à merveille sur la glace.
<( Ma présence ici ne fait que couiprometlre ma division, car, à
l'approche de l'ennemi, je serai forcé de me retirer connue uiu;
simple grand'garde, et il en résultera qu(^ mes chevaux vont
souffrir horriblement et que, dans quc^lques jours, ma division
n'existera plus. Du reste, comment vivrais-je:* (londreville est
nivagé k n'y pas trouver un fétu de paille. »
Il est donc bien évident que l'Empereur, au moment où il
donnait aux maréchaux les ordres dont nous venons de parler,
n'avait pas connaissance de Tétat lamentabh» dans le((uel se
trouvaient ses troupes.
« On trompe l'EmpiTeur; ceux qui ra|)prochent ne l'aimenl
pas et ceux qu'il a comblés d'honneurs et d'argent le trahissent ; »
telles sont les paroles que l'indignation avait, quinze jours au|)a-
ravant, arrîîchées au général Pajol, dans une lettre particulier!'
qu'il adressait le 30 décembre 1813 à son btnui-frère, Victor
OudinolS lettre à l'aide de hujuelle on s'expli(pie aussi certaines
« Celle letire est absolument inédite puisqu'cHe a été prise par la cavalerie
du IV* corps à la poste de Colombey, le 28 janvier i8i4, avant d'avoir éli-
remise à destination. Le manque de place nous oblige, à noire grand regrot, di'
n'sister au plaisir que nous aurions à reproduire ici celle letln*, qui lignre au
- 122 —
dos erreurs commises h ce moment par Napoléon, erreurs que
son génie allait lui permettre de réparer, dans la limite du pos-
sible, dès que, arrivé à Tarmée, il n'en sera plus réduit à ne voir
qu(î par les yeux des autres.
La manière» d'opérer des Alliés n'en est, en revanche, que plus
in(!om|)réhensible, et, malgré la lenteur de leur marche, malgré
la timidité peut-être voulue de certains de leurs généraux de
cavalerie, on ne parvient pas h s'expliquer leur profonde» igno-
rance et des mouvements et de la situation |)récaire des quelques
troupes qu'on leur avait opposées.
15 janvier. — Cavalerie du VI* corps à Sarrebourg. —
Wittgenstein, (mi effet, continuait h se laisser arrêter comme à
plaisir par les quelques éclopés qui défendaient Phalsbourg,
Ritche et les petites places de la Petite-Pi(Tre et de Lichlenberg.
cpi'il aurait pu, sans le moindre danger, laisser derrière lui en se
contentant de les faire observer. En agissant de la sorte, il lui ertt
été, dès le o ou le 6 janvier, possible de porter Pahlen en avant.
Il pouvait le faire d'autant plus résolument, à partir du 15, que le
détachement du général Seslavin arriva ce jour-lîi à Saverne.
Malgré cela, la cavalerie du VI« cor|)s ne dépassa guère Sarre-
bourg, bien qu'elle n'y eût naturellement rencontré personne, et
se borna h surveiller timidement la route de Blamont et celle de
Phalsbourg h Nancy par Féneslrange V. en envoyant toutefois
quelques coureurs jusqu'à Lunéville.
La cavalerie du V* corps, à Bayon, se relie par ses partis
avec les coureurs de Blûcher. — Évacuation de Nancy par
les Français. — L'avant-garde du V*^ corps, quoique n'ayant plus
rien devant elle depuis la retraite de Victor, ne poussa, le 14, que
jusqu'à Rayon; ses coureurs seuls allèrent jusqu'à Nancy, et un
petit parti de cavalerie, sous les ordres du capitaine baron
A'. A'. Krieys Archiv. sous le n<* 629 du premier fascicule de i8i4, et qui,
bien que d'un caractère absolument intime, est, depuis le premier mot jusqu'au
dernier, l'expression du patriotisme le plus pur et dépeint bien les sentiments
du général qui devait, quoique souffrant encore de blessures à peine fer-
mt'es, cbarger un mois plus tard à la tète de sa division et se couvrir de gloire
en enlevant aux Wurtembergeois le pont de Montereau.
* Wittgenslein à SWiwarzenberg, i3 janvier (A'. A'. Krieg*Archh\,(ul 1,493).
— .123 -
von Grafenreulh. du 5« régiment de rhovau-légors, qui s'était
porté sur Lunéville, rencontra, au nord de celle ville, une
patrouille du corps Sacken. (let officier informa aussitôt Wrède de
l'arrivée à Chîlteau-Salins, depuis le 14. du général Sacken et
d'une division de dragons. Wrcde',en transmettant ces nouvelles
;\ Schwarzenberg. ajoutait (|U(» la levée en masse n'avait pu se
faire dans le département de la Meurthe; qu'on disait à Lunéville
que la garde était entre Paris et (ihAlons, où IKnipcTiuir rassem-
blait des troupes pour livrer bataille: enfin, que Mannont se
repliait de son coté de Metz sur (Ihî\lons. Le connnandant du
V« corps terminait sa dépèche en amioncant au généralissime
qu'il |>orterait, le 18. sa gauche à Mirecourt, sa droite h Colond)ey-
aux-Belles-Femmes (Colombey-les-Belles). et (pi'il serait, le 11), h
hauteur de NeufchiUeau.
11 avait, ce jour même, transféré son quartier général de C.olmar
à Saint-Dié et avait eu. dès sa sortie» de (lolmar et |)en(lant sa
route, à essuyer h plusieurs repris(»s les cou|)s de feu d(^ fraiics-
tireurs. qui, embusqués dans les bois voisins de la rout(» suivie
par les colonnes, tiraient de là sur le général, sur son escortt», sur
les isolés, les traînards et les convois*.
La nouvelle de l'évacuation de Nancy par les Français était
(»ncope confirmée h Schwarzenberg par une dépêche ih» Stscher-
batoff \ qui écrivit au prince après avoir été n^joint à Vézelise
par un officier du général prince de Hiron. (le dernier avait, en
outre, fait part à Stscherbatotî de l'abandon, |)ar les Français, du
pont de Flavigny, de la continuation de leur retraite sur Tout,
point vers lequel Stscherbatol!* comptait se diriger dès le 16 au
matin.
Conformément aux ordres que lui avait donnés le généralissime.
Wrède avait dissous, à partir du 13, le cor|)S volant du colonel
Scheibler et envoyé son aid(^ de camp, le prince» Thurn et Taxis,
communiquer au feld-maréchal Bliicher et au général couile
Pahlen les instructions de Schwarzenlx^rg, qui prescrivait au
V« corps d'avoir îI se porter sur NeufchAteau, pour donner, de là.
î Wri'de à Schwarzenberg, Saint-Dié, 16 janvier (Ibid., nd I, IMi),
' IIeilmann, Feld-Marxchall Furst Wrède, p. 327.
* Slsi^herbatoff à Scliwarzenherp, Vézelise, i5 janvier (K. K. Kri^Qn Archir.,
I. 3U).
— 124 —
la main à Rliicher arrêté devant Metz. Wrftdo, en confirmant, dans
la dépêche qu'il adressait à Schwarzenbcrg, révacuation de Luné-
ville et la retraite des Français, était obligé de reconnaître qu»».
dans ce pays, il lui était très difficile de se procurer des émis-
snires\
Caractère des relations existant entre les généraux alliés.
— Puisque nous venons, à propos de cette dépêche, de parler (h»
l'envoi du major prince Thurn et Taxis auprès deBlùcher, il nous
semble qu'il serait à propos d'insister quelque peu sur la nature
des relations des généraux alliés entre eux.
La correspondance échangée à cette époque entre les principaux
généraux alliés est, en effet, d'autant plus curieuse à consulter
qu'elle permet de se rendre un compte exact des tiraillements qui
n'ont cessé d'exister entre eux pendant tout le cours de la cam-
pagne.
Presque dès le début des opérations, Wrède critique en termes
des plus vifs les mesures prises par Schwarzenbcrg, mesures qui.
conmie nous l'avons dit, réduisaient l'effectif du V® corps présent
le 15 janvier à moins de 30,000 hommes, par suite des détacln'-
ments (jue le généralissime avait obligé le général bavarois à
laisser devant Schlestadt, Huningue et Neuf-Brisach, places qui
tinrent bon jusqu'à l'armistice. (]es tiraillements menaçaient de
tourner à l'aigre, et, seul, le tact de Schwarzenbcrg réussit à
calmer, quoique en partie seulement, la susceptibilité de Wrède.
L'historiographe de Wrède, le général major Heilmann est lui-
même obligé de le reconnaître et de citer la lettre que Schwarzen-
bcrg adressait, à ce propos, au vaincu de Hanau, le 1S janvier :
« Ce n'est pas pour moi une tâche aisée que celle qui consiste à
concilier les différentes manières de voir, les intérêts divers qui se
manifestent et se produisent forcément dans toute armée alliée. »
Le général Heilmann, en approuvant les paroles de Schwarzen-
bcrg, constate, d'ailleurs, que Wrède se considérait comme l'égal
et non comme le subordonné du prince de Schwarzenbcrg, el
((ue. dans sa correspondance avec le généralissime, il n'employait
^ Wrrile à Si'liNvarzpnberg, de Saint-I)i«'*. 15 janvier (k\ K. Krieqs Archiv.,
— 125 —
jamais les mots respechiemement ou obéissant, vi so contcnlail <lr
la simple formule de : J'ai l honneur.
Le général Heilmann signale égalemenlies velléités (rintié|K'n-
dance manifestées parWrède, ijui, aussitôt a|)rés avoir passé le
Rhin, s'élail mis à correspondre directement avec Blûcher. Il lui
avait fait part de ses critiques et de ses plaintes, motivées, il est
vrai, par la lenteur imprimée aux opérations, par la légèreté et
l'inconséquence qui régnaient au quartier génénil de Schwar/en-
berg, et lui avait manifesté le désir d'opérer de concert avec lui.
On doit même reconnaître que Blucher parut, dans le principe,
approuver et encourager l'attitude de Wrède, et c'est ainsi qu'il
lui écrivait de Cusel, à la date du 7 janvier :
« Votre Excellence m'a fait connaître, par rentremisf? du nnijor
prince de Thurn et Taxis, qu'Elle désirait opén^r de concert avec
moi contre l'ennemi. Je suis, de mon coté, tout prêt à accepter
votre concours, et Votre Excellence, après avoir pris connaissance
de ma position actuelle, ne manquera certainement pas d'exécuter
certains mouvements dont je La jjrie de m'informer. D'a|)rès tous
les renseignements que je possède, l'ennemi est dans une situation
des plus critiques, situation qui nous invile à lui livrer batailh»,
d'autant mieux qu'en raison de la grande» su|)ériorité de notnî
cavalerie, une bataille perdue? ou indécise? ne saurait avoir pour
nous de conséquences fatales, tandis que l'ennemi, au contraire,
sera obligé de tout mettre en jeu et de tout risquer. J'ai prescrit
au général d'infanterie von Sacken de chercher à se relier par
Bitche ou par Saarwerden avec le corps du comte Wittgenstein. »
Dès que Schwarzenberg eut connaissance de la corres|)on(lanc(;
échangée à son insu entre Blucher et Wrède, de l'intention nette-
njent manifestée par le général bavarois d'agir absolunuuit h sii
guise, il fit savoir à Blûcher, nous dit le général Heilmann, qu'il
avait formellement interdit à Wrède d'accentuer davantage son
mouvement vers la droite, qu'il lui avait notifié Tordre d'avoir à
se considérer comme une partie intégrante de la grande armée?, e'I
d'avoir, par suite, h se relier à e?lle. Cette déclaration de Schwar-
zenberg devait mettre fin îi un état de choses inadmissible et
obligea Wrède à calmer ses velléités d'indépendance. Wrède, en
eft'et, en expédiant, le 15 janvie>r, le |)rince de Thurn et Taxis au
quartier général de Blucher, n'osa pas se? dispenser d'en rendre?
compte dans les termes suivants : « Je viens d'envoyer mon aide
— 126 -
do ramp, le major prince de Thurn et Taxis, au gc^néral-lieutenant
coinlc» Pahlen et au feld-maréchal von Blucher pour les informer
de ma marche et les prier d*en faire autant de leur côté. »
Blucher lui-môme changea également de ton dans sa corres-
pondance avec Wrède, comme le prouve la lettre suivante qu'il
remit, à Chdteau-Salins, au major prince de Thurn et Taxis :
(( Je remercie bien sinct'^rement Votre Excellence des renseigne-
ments contenus dans sa lettre datée de Saint-Dié. 15 janvier,
qu'ElIe m'a fait remettre par M. le quartier-maître prince de
Thurn et Taxis, son aide de camp. En cherchant à me relier avec
le comte de Wittgenstein, au moment où j'eus connaissance de la
direction suivie par le "2^ corps ennemi que Votre Excellence
chassait devant Elle, je croyais utile de me porter sur Nancy,
d*une part afin de couvrir l'aile droite de la grande armée, de
l'autre afin d'éviter les six places fortes si rapprochées les unes
des autres qui se trouvent au nord de Nancy.
« Mais si l'ennemi a jeté des garnisons dans toutes ces places,
leurs approvisionnements doivent être fort incomplets, cl leurs
garnisons se composent en grande partie de conscrits. J'ai donc;
fait investir Sarrelouis; demain, je ferai bloquer Metz, Thionville
et Luxembourg, non pas que je me propose de disséminer mes
forces, mais parce que j'espère de la sorte tromper l'ennemi sur
mes intentions et couvrir la marche du II« corps prussien, qui se
porte de Coblentz, par Trêves, sur la Meuse. Je serai demain
17 janvier avec environ 30,000 hommes h Nancy, et j'ai dirigé une
colonne, par Pont-à-Mousson, sur Commercy. Les troupes de
blocus se concentrent à Saint-Mihiel, et moi-même, avec le gros
de mes forces, je marcherai de Nancy sur Toul et Ligny, fsi le
prince de Schwarzenberg ne désire pas me voir exécuter un autre
mouvement.
« D'après les renseignements (|ue je possède, l'ennemi se con-
centre autour de GhAlons. C'est vers ce point que se replient les
corps de Mannont et de Victor. L'ennemi nw paraît d'autant
moins dis[)Osé à y rechercher une solution, que des voyageurs
m'affirment avoir rencontré la vieille garde en marche; sur Reims,
Je crois donc que jusqu'à (ululions je n'aurai pas besoin du
concours de Votre Excellefice, concours sur lequel je sais par
— 127 —
expérience pouvoir roiiipter au nioniont décisif. Je pense qu'il m
sera de même pour la grandr armée. .4 mon humble mis, je nous
donc qtie Votre Excellence se conformerait le plus complètement
aux désirs contenus dans la lettre de Son A Itesse le prince de
Schwarzenberg, lettre que Votre Excellence m'a communiquée, si
Elle se rapprochait quelque peu de lui, et NeufchAltMui nie senihh»
èlre le point le plus avantageux pour un niouveuK'ut de ce genre.
Je prie en tout cas Votre Excellence de nie faire connaître la
direction qu'elle aura prise, afin qu(» je puisse régler mes mouve-
ments en conséquence. Le comte de Wittgenstein ne devant,
d'après les nouvelles qu'il m'a fait parvenir hier, être à Saverne
que le 2i, il me semble difticile qu'il puisse entrer en ligne, bien
que les patrouilles envoyées par les avant-gardes du corps Sacken
aient rencontré hier des détachements du général von Pahlen à
Lunéville. Je suis heureux d'avoir Votn» Excellence à côlé de moi
et ne manquerai pas de l'informer de suite de tous ceux de mes
mouvements qui pourraient l'intéresser. »
Malgré cela, on verra que Wrède ne put se résigner tout d'un
coup h passer sous les ordres de Schwar/enberg, et voici c(^ qu'il
écrivait à Bl ficher, de Rambenillers. le 17 janvier :
« J'ai appris avec un très vif plaisir que l'armée di» Voln»
Excellence s'était considérablement rapi^rochée de nous. Mon
quartier général sera aujourd'hui à Charmes, le 1S à Mirecoiirt
et le i9àNeufchiUeau. Toutes les nouv(»lles reçues me font croin»
que l'ennemi cherchera à masser et à poster autour de Chîilons
et de Paris le peu de troupes qu'il pourra encore rassembler. 11
s'agira donc de le suivre le plus rapidement possible, de lui livrer,
là où on le rencontrera, une bataille dont l'issue, vu la silualion
précaire de son armée, ne peut être que décisive. Je pri<» Voire
Excellence de me faire savoir si je dois, d*accord à ses dispo-
sitions, toujours marcher à la gauche de ses troup(»s tout en me
rapprochant progressivement de la droite de la grande armée,
afin de relier finalement d'une manière conij)lèle l'armée de Votre
Excellence avec celle du prince de Schwarzenberg. Le major
prince von Thuni und Taxis me remet î\ l'instant môme la l(»tlre
que Votre Excellence m'écrivait hier. Je suis doublement heureux
de voir que mes dispositions ont répondu aux désirs d(^ Votre
Excellence. Il est pour moi hors de doute que le feld-maréchal
prince de Schwarzenberg cherchc^ra par-dessus tout à marcher à
— 128 —
rcnncmi avrc toutes les forces réunies et h l'attacjuer partout où
on 1<* rencontrera. »
La veille, Wrède avait fait part de ses intentions à Scliwar-
/enberg et lui avait annoncé qu'il transférerait le 19 son quartier
i^énéral h Chûtenois : « Ce mouvement, disait-il, en me rapprochant
de Taile droite de la grande armée de Votre Altesse, me permet de
prendre part à la bataille qu'Ellc pourrait vouloir livrer et d'as-
surer, (Ml cas d'échec ou d'insuccès, la défense des passages des
Vosges, qui m'avait été donnée comme premier objectif. » *
La réponse de Schwarzenberg, de Vesoul, le 17 janvier, prouve
péremptoirement que le généralissime, sous une forme des plus
ainuiblcs, éprouvait une fois encore le besoin de faire comprendre
h Wrède qu'il étîiit sous ses ordres et que son corps faisait partie
de la grande armée : « Je compte, écrit Schwarzenberg, voir
Votre Excellence, dont les troup(»s constituent le dernier échelon
cujUsant de mon aile droite, rester toujours ù portée et entre-
prendre de concert avec moi tout ce qui sera nécessaire en raison
d(îs événiMiients. J'ai employé à dessein le mot dernier échelon
agissant, parce que le général Wittgenstein n'est pas pour le mo-
ment à même de prendre une part effective et directe à l'action et
que sa nouibreuse (*avalerie servira à maintenir les comnmnica-
tions entre la grande armée et l'armée de Silésie. »
On comprendra sans peine, d'après ce qui précède, que dans
de semblables conditions la situation du généralissime ait été peu
enviable. On s'expliquera plus aisément aussi ses timidités, ses
hésitations, quand on pensera qu'il avait sous ses ordres un
certain nombre de généraux disposés à critiquer tout ce qui
venait du grand quartier général, que ses lieutenants n'étaient
satisfaits que lorsqu'il se présentait une occasion, une possibilité
d'agir seuls et d'opérer pour leur propre compte, sans avoir
besoin de lier leurs opérations avec celles de leurs collègues, de
s'entendre avec eux ; que chacun d'eux désirait échapper à la direc-
tion immédiate du généralissime, enfin que l'inertie, l'entêlement
et le mauvais vouloir de certains d'entre eux ressemblèrent parfois
à l'indiscipline. Trop souvent aussi ces officiers trouvèrent des en-
couragements tacites et des soutiens latents auprès des souve-
rains. Par cela même que les aspirations et les tendances des
puissances coalisées étaient essenliellemcînt dil!erentes, ils ap-
|)rouvaient jusqu'il un certain point, et en tous cas se gardaient
— 129 —
bien de condamner, les déplorables rivalilrs qui se nianifeslaient
à tout instant et à tout propos entre la plupart des chefs des
différentes armées, et ne songèrent jamais à mettre un terme à
des mésintelligences plus ou moins accentuées qu'ils n'osaient
pas fomenter, mais qu'ils ne regrettaient pas de voir se produire.
Nous aurons, d'ailleurs, à revenir plus d'une fois sur ces contlits
d'attribution et sur ces tiraillements; pour le moment, il nous
faut en finir avec les opérations du 15 janvier.
La cavalerie du IV® corps a BourbonDe et à Jussey. —
L'avant-garde du IV® corps atteignit ce jour-là Enfonvclle et
Fresnes-sur-Apance ; le gros, Jonvelle d'où 1(^ prince royal envoya
le lieutenant-colonel Rohrig avec 2 escadrons à Bourbonne et de
là sur la grande route qui va de Mirecourt à Langres et h Chau-
mont, tandis que le reste de la cavalerie \vurtemb(»rgeoise se
reliait par Jussey avec les escadrons du 111® corps *.
Gyulay attendait toujours l'attaque de l'ennemi, et, pour être h
même de le recevoir, il tint pendant toute la journée son cor|)s
massé et ne se décida qu'à la tombée de la nuit à le cantonner
dans les environs de Favl-Billot.
La concentration des troupes du III® corps n'avait, d'ailleurs,
pas échappé h Mortier, qui, informé de la présence d'un gros
rassemblement de troupes autrichiennes entre Chalindrey et Ba-
lesmes pendant la nuit du 14 au 13, avait pris toutes ses mesures
pour résister avec la seule division de vieille garde à une attaque
qu'il avait toute raison de croire inévitable et immédiate*.
Mouvements du corps volant de Thurn. — Positions du
1er corps et des réserves. — Quant h Thurn, qui s'était dirigé
vers Dijon, il avait dépassé Champlilte, conmiuniqué avec Wimp-
ffen, pris position prés de Saint-Maurice, derrière la Vingeanne,
et poussé ses avant-postes vers Fontaine-Française, La Chaume
etCourchamp\ Le I®*" corps, arrêté par des chemins absolument
* Tagesbegebenheiten {K,K, KriegiArchiv,, I, 30); journal d'opérations du
IV corps (/6îd.,XUl, 56).
* La position de Mortier était à ce moment plus critique que ne le pensaient
les Alliés. Il avait reçu, le 15 au matin, 12 pièces de 4, mais il n'avait ni
boulets ni artiUeurs. (Voir lettre de Mortier au major général. Archives de la
Guerre.)
* Thurn à Schwarzenbcrg (K, K, Kriegs Archiv,, I, 391).
w«u. 9
— 130 —
impraticables, n'avait pu sortir de ses cantonnements. Seule, la
la division Ignace Hardegg s'était avancée jusqu'à Pierrecourt.
Bianclii, pendant ces derniers jours, avait vainement tenté
d'amener le générai Legrand à lui ouvrir les portes de Belfort.
Convaincu désormais de l'impossibilité de lui arracher une capi-
tulation, il avait charge du blocus le général Raïeffsky, et avec-
sa troisième brigade et son artillerie, il s'était dirigé sur Vesoul.
afin de rallier la grande armée et de prendre part au combat que
Schwarzcîiiberg comptait livrer à Mortier devant Langros le
18 janvier.
Les réserves russes et prussiennes étaient entre Ronchamp (ît
Lure, et les réserves autrichiennes, après avoir remonté la Saône
par la rive gauche, avaient poussé des environs d'Auxonne jus-
qu'à Pesmes-sur-l'Oignon.
16 janvier. — Platoff à Neufchâteau. — Stscherbatoff sur
Toul. — Renseignements qu'il transmet au généralissime.
— Le 10 janvier, Platofl, que Kaïssaroif avait enfin décidé à
march<îr, arrivait à Neufchâteau, où il ramassait deux canons et
une centaine de fusils. Les Français s'étaient retirés à son
approche sans détruire le pont, et l'ataman annonçait au général
en chef qu'il allait envoyer des partis dans la vallée de l'Ornain,
dans la direction de Bar-le-Duc*.
Quant à Stscherbatoff, (jue nous avions laissé à Vézelise, il
avait pris plus à droite, sélait approché de Toul et avait a|)pris
par des déserteurs que cette place était encore occupée par une
arrière-garde française forte d'environ 0,000 hommes.
Comme le général prince de Biron était avec sa colonne volante
sur la grande route de Nancy, Stscherbatoff* se proposait de se
rabattre le 17 sur Vaucouleurs, afin de pouvoir de là agir sur la
route de Paris, soit (îiitre Toul et Void, soit entre Void et Bar-le-
Duc. Stscherbatof!' communiquait, en outre, au quartier général
des renseignements intéressants sur les mouvements do l'enne-
mi, renseignements qui devaient avoir d'autant plus de valeur,
([ue le i[uarlier général en recevait fort peu, et surtout fort peu
d'exacts.
* TagL'sl)ej;ebenlioitcn (K. K, Kneyt Archiv., 1, 30), et Rapport journalier à
rempcrour d'Autriche, 18 janvier 1814 (Ibid., L, 43t)).
— 131 —
« On a, disait Slschorbatoff, (>n(cn<lu à Nancv une a>soz forte
canonnade du coté do Pont-à-Mousson, on dit mémo (|iron y a vu
de rincendie (sic). On prétend (jue de grandes forées niairhenl
surChAlons*. »
Le renseignement ainsi donné par Slscherbatoff était parfail<^-
ment exact. Il est, en effet, continné par la dé|)èche que Grouchj
envoyait de Tout le 16 janvier au major général et (piil (»st utile
de citer, parce (juN^lle montre que, si les rivalités et lt»s uïésint(»l-
ligences des généraux alliés entravaient et retardaient la marche
de leurs troupes, le manque de direction compromettait égale-
ment les opérations des maréchaux.
« Je crois devoir, écrit (îrouchy au major général, rendn»
compte il Votre Altesse» (ju'hier soir, à 9 heures, le post(» de Pont-
à-Mousson a été évacué par les troupes de M. h» man'^chal duc de
Raguse, sans qu'on en ait été prévenu. Je ne l'ai su qu(» parle
ntpport de mes reconnaissances, dette évacuation va ameuter
l'abandon de la ligne di» la Moselle, et il est si funeste aux inté-
rêts de Sa Majesté que toxis les monrements des troupes au.r
ordres du duc de Raguse et du prince de La Moskoua ne soient
pas combinés, que je ne puis m' empêcher d'en témoigner mon
étonnement et ma peine à Votre Altesse. Un semblable défaut
d'ensemble dans les opérations atténue encore nos moyens déjà si
faibles et augmente la rapidité de f invasion de Vennemi^.
Ordres de Gronchy à Hilhaud. — Pendant (juc Stscherbatotl
manifestiiit, comme nous l'avons vu, Fintention de si» rendre h
Vaucouleurs, Grouchy transmettait au général Milhaud ', aucjuel
Victor avait donné le commandement d'une colonne formée de la
4^ division d'infanterie et de ses 14 bouchers à feu, du 4« régiment
de gardes d'honneur et de la division de dragons du général
Briche, Tordre de se mettre en marche le 17 à 6 heures du
matin, iK)ur se diriger sur Vaucouleurs, y |)rendre position i»t
* Stscherbalo.T à Schwarzenberg, du camp près de Thuilley, 10 janvier.
<Â'. K, Kriegs Ârchiv., I, 369.)
* Groucut, Mémoires, et Archives de la guerre.
3 Archives de la guerre. — A la suite du mouvement du 2*" corps, la division
Meunier, du corps du niar<.*chal Ney, dut quitter Pagny-sur-Meuse et Void le i7
et se replier, la !'• brigade sur Ligny, la î* sur Bar le-Due.
— 132 —
éclairer de là les roules de Toul, Pont-Sain t-Yincent et Neuf-
chateau. Milhaud devait mettre 6 pièces en batterie en arrière du
pont, le couvrir par une forte grand'garde et se maintenir en
communication avec Grouchy, qui allait s'installer îi Yoid, à Tin-
tersection môme des routes de Toul à Ligny et de Vaucouleurs îI
Commercy, avec la division de dragons de Lhêritier, l'artillerie
du 5« corps de cavalerie, la â'» division d'infanterie du 2« corps
et son artillerie.
Grouchy reconnnandait, en outre, c\ Milhaud de chercher à se
procurer des renseignements sur la position de l'armée austro-
bavaroise « qui doit avoir poussé une avant-garde jusqu'à Gon-
drecourt, au sud-ouest de Vaucouleurs, sur la route de Bar-le-
Duc. »
Il prescrivait en même temps au général de Pire, qui allait
former l'arrière-garde avec sa division de cavalerie légère, sou-
tenue par un bataillon du 26® d'infanterie légère et 2 canons, de
partir à 8 heures du matin, le 17, de Gondreville pour Toul, de
traverser celte place et de s'établir à Lay, sur la route de Toul à
Yoid. Il prévenait en même temps Pire que si l'ennemi le contrai-
gnait il quitter Lay, il aurait à se replier sur Pagny-sur-Meuse,
où il trouverait une division d'infanterie avec du canon*.
Si Grouchy se plaint avec raison des défauts d'ensemble, du
manciue d'unité dans le commandement, on voit, du nioins, qu'il
y a (Ml Ire la manière de procéder des Français et celle des Alliés
des différences capitales. Grouchy prévoit les événements et met
ses lieutenants au courant delà situation; il a conservé le contact
de l'ennemi, tout en réussissant à lui cacher sa position, tandis
que du coté des Alliés, malgré les avantages remportés, malgré
la supériorité numérique, malgré la présence en avant des lignes
d'un corps de cavalerie aussi considérable que celui de Platoff,
on en est réduit à tîUonner et, depuis Charmes, on ignore la
direction prise par les corps français. Au lieu d'être renseigné
sur leurs mouvements par des pointes de la cavalerie de l'ata-
man, on n'a pu se procurer des nouvelles que par l'intermédiaire
de Stscherbatoff et gnke h l'apparition, sur l'extrême droite de
l'armée de Bohême, des colonnes volantes qui précédaient l'ar-
mée de Silésie.
1 Ghoucht, Mémoires, et Archives de la guerre.
— 133 —
Positions des V«, IV« et III® corps. — L'avant-ganh^ du
V« corps sVlait avancée sans |)oine jusqu'à Lunéville, ot ses cou-
reurs, comme nous Tavons dit, avaient fait leur jonction avec la
cavalerie de Sacken. Wrède, voyant dès lors (juil n'avait plus
rien à craindre ni pour sa droite, ni sur son front, quitta d(»
sa personne Saint-Dié, pour se rendre à Ranil)ervillers, et dirig(»a
son corps .d'armée sur Mirecourl.
Le prince royal de Wurtemberg, avec la brigade Jett était à
Bourbonne; comme raltatjue sur Langres ne devait avoir lieu
que le 18, il crut pouvoir en profiter pour faire faire halli^ à
JonvcUe à son gros et remettre en état la ferrure de ses che-
vaux.
Le III® corps se concentrait entre la Qua.te et les Griffonolles;
le quartier général de Gyulay était h Chaudenay, H le I®"* cor|)s
continuait à rester immobile à Malvillers et Pi(»rrecourt.
Bianchi avait atteint Mollans ; la tète de colonni; des gardes
russes, Vesoul, et le prince héritier de Ilesse-Hombourg, (iray,
avec les réserves autrichiennes.
Schwarzenberg donne Tordre d'attaquer Langres. — On
ignorait si complètement o) qui se passait à Langres, on avait
tellement peu idée des projets et de la situation de Mortier, (jue
Schwarzenberg, certain de rencontrer à Langres une résistance
acharnée, croyant qu'il y avait sur ce i)oint des forces considé-
rables et s'altendant à voir, ce qui était, d'ailleurs, j)arfaiteuient
rationnel, les Français chercher h s'y maintenir à tout prix, lit
partir le 16 les ordres définitifs fixant au 18 l'exécution d'unij
attaque convergente sur Langres. Le prince royal de Wurtem-
berg, venant par Montigny, devait attaquer la ville du cùté du
nord, et Gyulay et Colloredo, débouchant par la route de Fayl-
Billot, en faire autant du côté de l'est et du sud-est. Wiinpifen,
qu'on allait porter, le 17, de Gray à (]hamplitte, avait |)Our mis-
sion de paraître également devant Langres le 18 janvier et de
former, en débouchant par la route de Dijon, l'extrême gauche
de l'attaque. Toutes ces colonnes, avec leur grosse artillerie
placée en tôle et pourvues d'échelles pour donner l'assaut,
devaient être rendues devant Langres à une heure de l'après-
midi. Enfin, le prince de Hesse-Hombourg était chargé de cou-
vrir la gauche et les derrières de l'attaque, en faisant front contre
— 134 —
Dijon, on occupant solidement Mircbeau et le canal près d'Arc-
sur-Tille, en envoyant sa cavalerie sur la route de Langres h
Dijon. Les gardes russes elles-niômes dcN aient venir îi Fayl-Billot
pour servir de réserve générale aux colonnes d'attaque.
Quant à Wrède, il était en marche pour se rapprocher de
Taile droite de la Grande Armée, et Wittgenstein recevait à nou-
veau l'ordre d'accélérer son mouvement sur Nancy.
Enfin, la 3® division de cuirassiers russes du général Duka
avait rejoint le IIP corps le 16 janvier.
17 janvier. — Mortier évacue Langres sans que les Alliés
remarquent son départ. — Le but que Mortier s'élait proposé
était atteint, et la mission que l'Empereur lui avait confiée en l'en-
voyant à Langres pouvait être désormais considérée comme ter-
minée. Malgré la faiblesse numérique de son petit corps, il avait su,
par ses dispositions aussi intelligentes qu'énergiques, par la fierté
de son attitude, par le caractère résolu qu'il avait donné à seî>
démonstrations offensives, en imposer îi l'ennemi, lui faire croire
à la présence sur ce point de forces considérables et immobiliser
devant lui depuis cinq jours le corps de Gyulay. Il avait même
réussi à retarder le mouvement des colonnes de la grande armée
ennemie, en obligeant Schwarzenberg h modifier leurs marches,
îi détourner Wrède de Nancy, h faire obliquer à gauche le
IV® corps, à amenor le l^^ corps derrière le III®, à faire avancer
les réserves autrichiennes et les gardes russes vers les positions
sur lesquelles il avait retenu Gyulay. Le maréchal, renseigné sur
les mouvements des Alliés, aurait perdu d'un coup tout le béné-
fice de ses belles manœuvres des jours précédents, en s'entétant
davantage sur la position. Il avait volontairement attiré l'orage
sur sa tète; il ne lui restait plus maintenant qu'à trouver les
moyens de remplir la dernière partie de son programme, la
partie la plus ingrate et la plus difficile : échapper à l'étreinte
des corps qui allaient chercher à l'enfermer dans Langres, en .se
dérobant silencieusement et mvstérieusemenl avant leur arrivée.
Le 17 à quatre heures du matin, le maréchal, se dirigeant sur
Chaumont*, quittait Langres, où il ne laissait que 184 hommes
1 En se repliant de Langres sur Chaomont, Mortier ne faisait, comme le
— 135 —
et 13 canons avec le colonel Simon do Lamorlic're, auquel il avait
donné Tordre de tenir le plus longtemps (juil le pourrait et de
capituler afin d'épargner à la ville les suites d'un assaut.
Entrée des Alliés à Langres. — Le senice des avant-postes
de Gyulay était si singuli^rement fait que les Autrichiens ne
s'aperçurent de rien. Ce fut h la lin do la journée soulomoni que
prouve Textrait ci-dessous de la Correspondance de Napoléon /'', qu'aUer au-
devant des intentions de TEnipcrcur :
M Aa prince de Neuehâtci et de Wagram.
« Paris, 17 janvier 1814.
u Recommandez au duc de Trévise, dans le cas où l'ennemi scrail trop
eu force et qu'il ne pût pas lr»nir à Langres, de faire évacuer toutes les pitH.es
qui sont dans celte place sur Vitry et sur Troyes, et de se i-appro<'lier lui-mi^mc
de Chàlons, mais lentement et seulement autant que cela serait nécessaire.
M Faites connaître au duc de Tarcnte que je vais porter mon quartier général
sur Cliùlons. » (Correspondance n° 21.09i.)
Le 16 au matin. Mortier avait rendu compte au major gémirai de sa situation
et Tavail informé des mesures qu'il prenait pour se retirer sur Chaumont :
« L'ennemi s'est renforcé, lui écrivait-il. Dammartin est occupé et reiiucmi est
attendu à Montigny-le-Koi. Je me trouve débonlc. Les grenadiers à cheval de la
garde, restés à Kolampont, ont Tordre de partir demain matin à 4 heures pour
Chaumont, où je compte coucher demain soir, et d'occuper La Ville-aux-Bois
qui couvre la route de Montigny et de Uourbonnc. L'évacuation totale de
Langres entraînerait de graves inconvénients ; j'y laisserai le colonel Simon
avec quelques hommes choisis parmi les plus fatigués afin de rassurer les
habitants et de former un noyau de défense avec 400 gardes nationaux. On
estime à 25,000 hommes les troupes que j'ai devant moi. Ce nom])re est
probablement exagéré, mais il est de fait que, depuis quatre jours, des renforts
arrivent successivement par Chalindrey Tous les villages aux environs
sont occupés. L'attaque vigoureuse qui a eu lieu dans la nuit du ii au 13 à
Châtenay-Vaudin et le combat de Longeau ont rendu l'ennemi circonspect. >»
Aussitôt arrivé à Chaumont, où il avait pris position le 17 au soir. Mortier
occupa immédiatement les hauteurs de Marnay, qui battent les passages de la
Marne et La Ville-aux-Bois : « La cavalerie alliée est déjà établie à Biesles,
écrit Mortier à cette date; on m'assure que le prince de La Mosko\>a est ù Bar-
sur-()rnain : je suis donc en mesure de ne pas être débordé par l'ennemi. S'il
ne fait pas de plus grands progrés, je resterai à Chaumont, et, si le prince de
La Moskowa se reporte en avant, j'occuperai de nouveau Langres
« Je fais venir en hâte le 113*^ régiment qui est à Troyes. Les troupes de la
garde, notamment les dragons et les chasseurs à cheval, qui n'ont pas eu un
moment de repos depuis notre départ de Trêves, sont très fatigués. »
Mortier était, du reste, très bien renseigné sur la composition des troupes
qu'il avait devant lui : il savait que Gyulay avait sous ses ordres le prince de
Hohenlohe et que le lieutenant-colonel comte Thurn, qui commandait le corps
volant détaché du côté du III® corps, correspondait directement avec le prince
de Schwarzenberg. (Archives de la guerre.)
— 136 —
le lieulenant-coionel Woyna, un des aides de camp de Schwar-
zenberg, envoyé vers les portes de la ville avec deux officiers de
Tétat-major russe pour parlementer avec le maréchal, tout sur-
pris d'avoir pu, sans être arrêté par aucun poste, arriver jusqu'à
portée de fusil des premières maisons, informa de la retraite de
son adversaire le feldzeugmeister qui, n'ayant reçu aucun avis
des troupes postées en vue de Langres, n'avait pas la moindre
idée du départ du duc de Trévise.
Manquant de munitions pour ses canons, abandonné par la
garde nationale, qui refusa de prendre part à la défense, le colonel
Simon dut déposer les armes, et les Autrichiens entrèrent à Lan-
gres le soir même. Gyulay poussa alors sa cavalerie sur la route
de Chaumont, envoya la division Crenneville à Humes, garda le
gros à Langres, sauf une brigade qui cantonna en arrière de la
ville, à Corlée et îi Saint-Geosmes *.
La brigade d'avant-garde de la division Wimpffen, sous les
ordres du général-major Geppert, arrivait en môme temps par la
route de Dijon en vue de Langres.
Position des IV* et V« corps. — Le prince de Wurtemberg,
exécutant les ordres de Schwarzenberg, avait porté son corps
d'armée de Bourbonne à Montigny, et son avant-garde, sous le
général Stockmayer, jusqu'à Frécourt. Enfin, et comme il résulte
du rapport ci-dessous, le prince avait, en outre, envoyé à Mandres
le lieutenant-colonel Rôhrich, avec ses deux escadrons, et lui
avait donné pour soutien la brigade Jelt.
« Le prince royal de Wurtemberg au prince de Schwarzen-
berg*.— Bourbonne, 17 janvier 1814. — Je fais recon-
naître aujourd'hui le terrain en avant de Frécourt, ainsi que les
routes qui, dans ma marche vers Langres, me permettraient de
me jeter à droite sur la route de Langres à Chaumont pour le cas
où l'ennemi ne se défendrait pas à Langres.
« Le lieutenant-colonel Rôhrich, qui a poussé aujourd'hui jus-
qu'à Mandres, doit, s'il apprend que Chaumont est dégarni de
* Tagcsbegebenheiten (K. K. KriegsArchiv,, I, 30). Journal d'opérations du
IV* corps {Ibid,, XIII, 56). Rapport journalier à l'Empereur, \S janvier (Ibid,,
1, 436).
s K, K. Kriegs Archiv., l, 39*.
— 137 —
troupes ou évacué, surprondro cotte villo celle nuit. J'ai sifçnalé
tout particulitToniont à son allenlion les dépôts, le téléfçra|)he et
la poste. J'ai envoyé Platoff par Bournioat et l'ai décidé à j(»ter
des partis sur la route de Chaumont à ChAlons pour inquiéter et
intercepter cette grande ligne de communication de l'ennemi.
c< Je l'ai chargé de répandre partout les proclamations. Je pré-
viens le feldzeugmeist'T comte Gyulay dc^ mes mouvements.
« Vous verrez par les journaux (jue je vous envoie qu'on forme
;i Paris douze légions de gard(» nationale à la tétc» desipielles
l'empereur Napoléon et les dignitain\s d(i sa cour ont cru devoir
se placer. »
A droite du IV« corps, le V^^ corps avait sa gauche (division de
La Motte) à Mirecourt,son centre (division Rechberg) à Charmes,
sa droite sous Frimont à Bavon \
Platoff à Neuf château. — Stscherbatoff à Colomb eyles-
Belles. — A droite également et en avant du IV« corps, Platoff*
était à Neufchàteau où, quehjues heures plus tard, il allait rece-
voir l'ordre de se porter par Andelot sur Har-sur-Aube. Les
partis qu'il avait envoyés à Rar-le-Duc lui firent savoir (jue \\m-
nemi se retirait vers la Marne.
A la droite de Platoff et plus au nord, couvrant h» front du
V« corps, Stscherbatoff était à Colombey-aux-belles-Fennnes
(Colombey-les-Belles), d'où il envoyait le 17 les renseignements
suivants :
« Du camp près de Colombey* (original en français). — Le
17 janvier 1814. — Les défilés «pii se trouvent entre Colombey
et Vaucouleurs m'ont décidé à m'arrêter i)rèsdu |)remier endroit,
car le second est occupé par l'ennemi, ainsi que Toul, près duquel
il y a beaucoup de cavalerie. Je fais agir mes partis et me suis
arrêté pour que l'ennemi ne me coupe pas dans les défilés et que
je puisse protéger mes partis.
« L'avant-garde du feld-maréchal Blùcher, commandée |)ar le
lieutenant général Wassiltchikoff, est arrivée aujourd'hui à Nancy.
Par les nouvelles que j'ai, ils marcheront sur Toul.
1 Tagesbegebenheiten (A'. A'. Kriegs Archiv., l, 30). Tagcbuch des Majors
Fursten Taxis {Ibid,, XIU, 32).
' Stscherbatoff à Schwarzcnberg (IbUt,, I, ad. 369).
— 138 —
« Toutes les lettres particulières que j'ai interceptées annoncent
<iuc toutes les forces se portent sur Chàlons.
« Les nouvelles d'ici sont que Napoléon a déclaré au Sénat
qu'il donnera une bataille décisive sur les plaines de Châlons,
et si elle n'aura pas de succès, il privera rimj)ératrice de son
époux. »
Stscherbatoflf allait, dès le lendemain, être dirigé par Void et
Ligny sur Saint-Dizier. Il semble qu'on voulait faire surveiller
d'un côté par Platoff, de l'autre par StscherbalofT, les routes qui,
parlant de Paris et passant, l'une par Troyes, l'autre parChûlous,
conduisent vers le plateau de Langres.
Positions des autres corps de la grande armée. — A
l'extrême droite des Alliés, Wittgenstein s'était, enfin, décidé à
conmiencer sa marche en avant : il avait abandonné au comte de
Hochberg (margrave Guillaume de Bade) le blocus de Kehl ; les
troupes, retenues jusque-là sur la rive droite, vinrent à Haguenau,
et l'on bombarda sans succès Phalsbourg. Le prince Eugène de.
Wurtemberg, qui avait pu arriver avec la 4« division et le l*^"^ ré-
giment de dragons badois jusqu'à Saverne, se chargea des opé-
rations contre Phalsbourg, permettant ainsi h la cavalerie de
Pahlen de reprendre sa liberté d'action.
Enfin, vers la gauche de la grande armée*, le I*^"" corps est
entre Langres et Longeau, sur la roule de Langres à Dijon; la
division Wimpffen est à Chassigny, la division Blanchi vers Mailly.
D'après de nouveaux ordres, ces deux divisions devaient aller
rallier les réserves autrichiennes du prince héritier de Hesse-
Hombourg.
Affaire de cavalerie d'Occey. — De ce côté encore, Thurn,
que nous avons laissé à Saint-Maurice, y avait appris qu'un fort
(îonvoi de poudres avait quitté Langres le 14 pour se rendre par
la chaussée à Dijon avec une escorte.
Laissant à Saint-Maurice ses deux compagnies de chasseui*s
qui, à cause de la crue anormale des eaux dé la Vingeanne, n'au-
raient pas pu traverser la vallée, et qu'il fit couvrir par quelques
' Tagesbeg»'l>onheilen (K. K, Krieys ArchU\ I, 30). Tagebucli dcr Majors
Fursteii Taxis (IbUi., XIU, 32).
cavaliers, il s'était porto avec le resif» de sa cavalerie à Occey et
y avait tendu une embuscade. Vers midi il aperçut du haut «l'une
colline le convoi, se composant de 23 voitures (»scorté(»s |)ar des
cuirassiers du 12*, quelques hussards et chasseurs. Thurn laissa
le convoi et son escorte dépasser le village d'Occey, eu déboucha
ensuite à Timproviste, se jeta sur les derrières du convoi, sabra
la plus grande partie de l'escorte et s'empara d(» toutes h's voi-
tures, à l'exception d'une seule (jui sauta pendant le combat \
N'ayant pas assez de uïonde pour pouvoir garder lui-même ses
prises. Thurn les envoya au feld-maréchal lieutenant baron
Wimpffen à Champlitte, en lui faisant savoir que, d'après ce qu'il
avait appris des prisonniers, le convoi parti d'Auxoïine était
destiné à Metz, mais qu'on Tavait fait rétrograder sur Dijon |)arce
(fu'on ne trouvait pas les routes suflisanunent sûres pour le lais-
ser continuer sa route.
Nouveaux ordres de Schwarzenberg pour le 18. —
Schwaraenberg, informé des événements d(^ Langres, modifia
naturellement les ordres |K)ur la journée du 18 et prescrivit au
IV« corps, soutenu par la 3^ division (Duka) de cuirassiers russ(»s
qui devait venir à Marnay, de se porter sur (Ihaumonl. Le
lll" corps devait cantonner dans les villages situés sur la route de
Langres à Chûtillon-sur-Seine, le T-'' corps entre Longeau et Lan-
gres, et le prince héritier de Hesse devait cherch(M* à arriver à
Dijon le 19*.
« Thnrn à Schwarzcnljcrg. Sacqueiiay, 17 janvier, 2 heures après midi.
(AT. A'. Kriegs Archiv., I, 391.)
« Clacsewitz, Critique stratégique de la campagne de 1814.
« On ne saurait guère démêler les raisons pour lesqueUes on diri;;ea sur Dijon
le prince liéritier de Hesse-IIombourg avec les réserves autrichiennes, et le
général CoUoredo avec le 1" corps, dit Clausewitz dans sa critique. On voulait
probablement assurer les communications avec Bubna, couvrir le ])io<'ns des
places d*Alsacc et de Franche-Comté et proté|x«T l'aile gauche de Schwarzenher^r.
Tout cela porte l'empreinte de considérations stratégiques qui ne sont que les
restes de l'ancienne routine. Faire soutenir 12,000 hommes par 40.000, c'est
commettre une faute inexplicable. En janvier, les troupes d'inveslissemont et
TaUe gauche n'étaient nullement menacées. De plus, il est clair qu'une bataille
décisive gagnée sur les bords de la Seine menait les Alliés à Paris, qu'une
grande bataille perdue les ramenait sur le Rhin. II n'y avait donc pas lieu de
se préoccuper du blocus des places et de l'aile gauclie. Avec une base aussi
étendue, allant de Genève à Nimègue; avec les moyens dont on disposait,
avec la ferme intention d'en finir en frappant à grands coups^ on ne deyait
— 140 —
Perte du contact avec Mortier. — Considérations sur
les mouvements des Alliés depuis leur départ de Bâle. —
Toute la grande concontralion projetée et, en grande partie, exé-
cutée, avait donc été complètement inutile, et cependant on avait
eu le temps de tout prévoir et, surtout, de se renseigner, puis-
qu'on avait employé quatre semaines entières pour franchir les
190 kilomètres environ qui séparent BAle de Langres, bien qu'on
n eût rien devant soi. Mais on faisait de la cavalerie un emploi
si étrange qu'on ne savait même pas ce qu'était devenu Mortier
après l'évacuation de Langres ; on le croyait déjà bien au delà de
Chaumont, où l'on s'attendait à entrer sans avoir à tirer un coup
de fusil. Comme le dit Toll dans ses rapports : « Gyulay, avec
son insouciance et sa somnolence habituelles, avait trouvé abso-
lument inutile de faire suivre, même par un petit parti, le maré-
chal Mortier*, dont on avait, le 17 au soir, absolument perdu,
non seulement le contact, mais encore la trace. »
On a bien essayé de justifier cette lenteur en prétendant qu'on
tenait à rester à la même hauteur avec l'armée de Silésie, que
ce fut, par conséquent, par calcul qu'on n'imprima pas au mouve-
ment une plus grande activité. Cet argument est absolument spé-
cieux et sans valeur. Rien n'empêchait, en effet, le généralissime
de faire passer le Rhin à Bliicher, de façon que la grande
armée n'eût pas besoin, pour l'attendre, de piétinersur place dans
le Haut-Rhin, et, d'ailleurs, il n'y avait aucune raison valable
pour ne pas laisser cette dernière prononcer son mouvement en
avant. La marche de l'armée de Bohême, en s'accentuant dès le
passage du Rhin, aurait, au contraire, présenté de nombreux
avantages et épargné à Schwarzenberg une partie des fautes
plus ou moins graves qu'il commit pendant ces quatre semaines.
S'il avait pris, dès le principe, la résolution de se porter carré-
ment en avant, le généralissime aurait dû renoncer à ce grand et
pas s'inquiéter du danger, toujours très problématique, gui peut résulter d'un
mouvement stratégique de flanc. »
Les troupes alliées attaquèrent, le 18 au soir, Varois, et le poste français
se retira sur Saint-Apollinaire. Le général Liger-BeUair évacua Dijon le 19 au
matin, se rendant à Auxerre, et le général de Veaux se porta à Saint-Seine
avec quelques gardes nationales. De petits postes occupèrent Sonibcruon et
Vittcaux. {Archivei de la guen'e.)
1 Dernhardi, Toll, Denkwlirdihkeilm, IV, 189.
— 141 -
inutile mouvement de conversion, qui l'amena à pousser sa
gauche jusqu'à Genève et h immobiliser ensuite tout un corps
d'armée du côté de Dijon, à ce mouvement qui devait pernuUtre
de tourner des obstacles naturels que les Français ne songeaient
pas h défendre, car ils ne pouvaient y amener que d(»s forces insi-
gnifiantes, ce dont il eût été aisé de s'assurer sans danj^er. Il
n'aurait -pas, en poussant inulilenuMit Wrcd(î sur la riv(» gauche
du Rhin dix jours avant le reste de ses forces, révélé à Victor I<»
point contre lequel il se proposait d(» diriger ses premières atta-
ques ; il ne lui serait pas venu à la jiensée de clioisir pour péné-
trer en France quatre routes divergentes. Il lui aurait été impos-
sible d'éparpiller du uïonde devant toutes les places, grandes ou
petites, importantes ou insignifiantes, (ju'il rencontra sur soïi che-
min. Au contraire, il eût été forcé de garder son monde dans la
main et ne serait pas arrivé à ce résultat inouï de ne |)Ouvoir dis-
poser, au moment où il croyait rencontrer à Langres des forces
considérables, que d'une quarantaine de mille honnnes sur une
armée d'un eff'ectif total supérieur ii 200,000 hommes.
Au lieu d'attendre l'entrée en ligne de Blûcher, de ne com-
mencer h marcher que lorscjuc ra|)proche des colonnes de
l'armée de Silésie obligea Ney et Victor ii abandonner la vallée di?
la Moselle et à se replier sur la Meuse, il aurait, en accentuant
quelque peu son mouvement, compromis sérieusement la retraite
de Marmont qui reculait pas à pas devant Bliicher. Enfin, surtout
devant un adversaire aussi actif que l'Empereur, il im[»ortait
avant tout d'agir vivement et résolument, et il fallait par-dessus
tout le mettre dans l'impossibilité de rappeler Mortier de Bel-
gique, de faire revenir Macdonald des frontières des Pays-Bas.
Que serait-il arrivé si Napoléon, quittant Paris, où sa présence
était malheureusement nécessaire, 10 ou 12 jours plus tôt qu'il
ne le fit, avait pu, ramassant en roule les corps de Mortier, de
Ney et de Victor, les joignant aux quelques troupes qu'il aurait
amenées avec lui, se jeter sur les colonnes alliées séparées les
unes des autres, échelonnées, isolées, hors d'état d(* se soutenir
réciproquement? Il est bien i)robable que l'armée de Bohème
aurait subi le sort réservé ii Blùcher pendant sa première tenta-
tive de marche sur Paris. L'Empereur aurait dès le début rem-
porté des «avantages sérieux dus presque uniquement aux disposi-
tions défectueuses du généralissime. Celui-ci, dans la crainte de
— 142 —
trop risquer, d'exposer son armée à des dangers imaginaires,
avait commis à ce moment des imprudences que lui aurait fait
ch(>rement expier Napoléon s'il n'avait pas été retenu loin de son
armée par des nécessités de toute sorte.
Puisque, malgré la faiblesse bien connue des Français, on
avait cru nécessaire de passer par le Brisgau et la Suisse pour
tourner la ligne du Rhin que Napoléon était hors d'état de
défendre, il aurait fallu tout au moins, une fois arrivé sur le pla-
teau de Langres, suivre résolument l'une des lignes d'invasion,
l'une des vallées aboutissant à Paris. En marchant vivement, on
ne courait aucun risque, on augmentait le nombre de lignes
d'étape et de ravitaillement, et Ton arrachait du même coup plus
de terrain à l'ennemi.
Mais si nous passons des considérations générales à l'examen
de certains points de détail, nous constaterons que, même sous
ce rapport, tout était loin d'être satisfaisant. GrAce aux mesures
absolument insuffisantes et à l'insouciance de Gyulay, le maré-
chal Mortier avait réussi à se dérober si habilement que les Alliés
n'avaient pu rétablir le contact avec son arrière-garde. Au quar-
tier général on pensait qu'il avait déjà dû évacuer Chaumont. On
avait, en conséquence, prescrit au IV® corps de pousser sur
Chaumont. Lorsque ces ordres parvinrent au prince royal de Wur-
temberg*, il avait déjà fait prendre à son avant-garde, sous le
général von Stockmayer, la direction de Langres, parce que l'on
avait négligé de le prévenir à temps des événements du 17.
18 janvier. — Ordres et mouvements du IV^' corps. —
Affaire de cavalerie de La Ville-aux-Bois. — Reconnaissance
de Chaumont. — Le prince royal dut, par suite, reconstituer
une nouvelle avant-garde, composée du régiment de chasseurs à
cheval n® 4 (Prince Adam), d'un régiment d'infanterie et d'une
batterie à cheval qu'il fit partir avec le général von Jett pour Chau-
mont, le 18 à 7 heures du matin; il faisait en même temps savoir
au général von Stockmayer d'avoir à suivre le mouvement du
général von Jett, et ordonnait au gros de son corps de se porter
de Montigny-le-Haut sur Chaumont. Il prévenait également h)
i Tagcsbegebenlieiteii (A'. K, Krieys Archiv., I, 30), et Journal (Topérations
dn 1V« corps (/6m/. XIII, 36).
— 143 —
lieutenant-colonel Rôhrich do prendre» ii droite de Mandres pour
gagner à hauteur de Riaucourt la routi» de Joinville h Chaumont.
Cette dépêche ne put panenir vi temps au lieutenant-colonel (jui,
continuant h pousser droit devant lui, vint donner près de
Biesles dans quelques escadrons de dragons et de» carabiniers de
la garde, qui se replièrent sur La Ville-aux-Bois. Un peu plus
tard, lorsque le prince royal, marchant avec la colonne du
général von Jett, vint renforcer Rohrich avec le régiment Prince-
Adam et menacer La Ville-aux-Bois par 1(^ nord , ces esc^adrons
<;ontinuèrent lentement leur retraite sur Choignes, où, protég<^s
par 2 bataillons d'infanterie, ils passèrent sur la rive gauche de la
Marne.
Après avoir enlevé Choignes, d'où son infanterie» ne tarda jms
à être chassée par un bataillon de grenadiers de la garde*, le
prince royal reconnut la position de Mortier. La trouvant trop
forte pour oser l'attaquer avec le IV® corps seul, il se borna à
canonner jusqu'à la nuit cette position qu'il com|)tait enlever le
lendemain avec le concours du III« corps, qui était resté inmio-
bile p(?ndant toute la journée, sans soutenir les troupes wurtem-
bergeoises sur les rives de la Marne.
Affaire des cuirassiers russes à Vesaignes. — Pendant (pie
le l\^ corps était engagé sur la rive droite de la Marne, du e<Mé
de Choignes, la 3® division de cuirassiers russes (3 régiments,
sous les ordres du général Duka) avait été poussée en avant par
Gvulav sur la rive gauche de la Marne, et avait reeu du feld-
zeugmeister l'ordre d'aller cantonner a Marnay. Les cuirassiers
qu'on avait négligé de mettre au courant de la situation, habitués,
d'ailleurs, à servir de réser\T, peu familiarisés avec le service des
avant-postes, vinrent donner près de Vesaignes contre les pre-
mières vedettes françaises. Celles-ci s^ replièrent lentement sur
une troupe d'infanterie française établie à Marnay et attirèrent
les cuirassiers dans une embuscade tendue dans une vallée
encaissée, par laquelle ils devaient forcément j^asser pour
atteindre les cantonnements. Accueillis par un feu assez vif par-
i Journal et opérations du IV <'• corps (A'. À'. Krieys Archiv., XIII, 56), et
rapport du commandant Gerbaud au Ministre de la guerre {Archives de la
Guerre),
— 144 —
tant (les hauteurs qui dominent celte vallée, les cuirassiers
firent demi-tour et se replièrent sur Rolamponl, après avoir perdu
pas mal de monde. Comme la nature du terrain ne permettait
guère de faire agir de la grosse cavalerie dans ces parages, Duka
demanda h Gyulav de lui envover de Tinfanterie et de lui donner
Tordre de lui ouvrir la route menant à ses cantonnements*. Un
bataillon, une demi-batterie et un escadron de cavalerie légère
rejoignirent, h cet effet, les cuirassiers à Rolampont dans la nuit
du 18 au 19.
Positions des IIP et V^» corps et de Platoff . — Le III« corps
était resté h Humes, et le feldzeugmeister, que le prince royal
avait informé de ses projets d'attaque sur Chaumont, se |)ropo-
sait de manœuvrer le lendemain sur la droite de Mortier en dé-
bouchant par Foulain.
Les Bavarois du V« corps étaient arrivés à Mirecourt ; Frimont,
avec les Autrichiens, était resté h Bayon ; mais il avait envoyé le
colonel von Mengen à Vézelise et le colonel von Geramb à
Charmes.
Platoff, de son côté, expédiait de Neufchûteau 500 cosaques
sur Joinville*.
L'atimian apportait, il faut le croire, une bien grande négligence
en toute chose, puiscpie Tadjudant-commandant La Condamine.
porteur d'une lettre de Berthier au prince de Schwarzenberg et
que Grouchy avait envoyé en parlementaire auprès de Platoff,
rapi)ortail il son général qu'il avait vu dans le bureau de cet
officier un itinéraire dirigeant une colonne d'infanterie sur Lan-
gres et Chaumont par Saint-Thiébault*. La cavalerie française
avait, d'ailleurs, réussi h faire connaître à Grouchy la position des
cosaques d'une part et la marche de l'armée de Silésie de l'autre.
Affaire de Stscherbatoff à Vaucouleurs. — Quant h Stscher-
batoff, qui continuait k se tenir à l'extrême droite de la ligne, il
s'était porté de Colombey-les-Belles sur Vaucouleurs et avait ren-
contré à une denïi-lieue de la ville les avant-postes français qu'il
* Behnhardi, Toll, Denkivurdifjkeiten, lY, 190, 191, Tagesbcgebeuheiteii.
(AT. A'. Kriegs Archiv., I, 30.)
' Victor au major général (Archives de la guerre), et Groucht, Mémoires.
— 145 —
avait obligés à se replier sur le faubourg. « Mais (el ce sont la les
termes mêmes dont il se sert dans sa dépèche *, rédigée en fran-
çais), les dragons qui y étaient h pied ont arrêté la charge. J'en
suis sorti pour ne pas perdre beaucoup de mes cosaques. L'en-
nemi est sorti aussi, mais n'osa pas me charger avec sa cavalerie
et fit mettre pied îi terre à ses dragons. J'ai essuyé un grand feu
de mousqueterie. Les canons que l'ennemi avait de l'autre côté
de la rivière ont aussi tiré sur moi, ce qui m'a obligé de me
retirer avec le gros de mon détachement sur le premier villag(^ de
Gibeaumeix, qui est à moins d'une lieue de Vaucouleurs, mais
mes avant-postes ont occupé 1rs hauteurs où l'ennemi avait les
siens. »
Pendant que les dragons du général Briche chassaient les
cosaques de Commercy et d(» Vignot, la division d'infanterie
française stationnée à Sorcy était dirigée sur Commercy et | cas-
sait momentanément sous les ordres du général Briche, cliargé de
défendre le pont de la Meuse. Le général devait, s'il y était forcé,
se replier en bon ordre sur Saint-Aubin, s'y mettre en bataille rt y
attendre l'arrivée du 2« corps et du o* d<» cavalerie. Les gardes
d'honneur restèrent, moitié à Sorcv, moitié à Ville-Iss(^v. Le
général Briche avait, en outre, un parti de 300 clievaux entre Com-
mercy et Saint-Mihiel. Ce parti établit son gros en arrièn' de
Pont-sur-Meuse et tenait par des j)ostes Mécrin et Aïlly, tandis
que ses patrouilles poussaient sur Saint-Mihiel. A droite», le
général de France, qui avait devant lui, du côté de Neufchâteau,
les cosaques de Platotf, avait pour mission d'arrêter l'ataman et
devait, s'il y était contraint, se replier sur Void a|)rès avoir pré-
venu de son mouvement les troupes de Void, Lay et Pagny-sur-
Meuse*.
Le même jour, Schwarzenberg, ipii était venu s'installer à
Langres, faisait savoir à Wittgenstein que l'armée de Bohême se
concentrant entre Langres et Dijon, il devait par suite i)ousser
immédiatement des troupes entre Commercy et Joinville pour se
relier au V*^" corps ^
1 Stscherbatoff à Schwarzenberg, de Saussure, janvier. (K, K, hyiegsArchio,,
J, 445).
* Grouchy à Milbaud et à de France (Archives de la guerre),
« Schwarzenberg à Wittgenstein, 18 janvier (K, K, Kriegs Archiv., I, 428).
Wtu. iO
— 146 —
Mouvement des VI®, III* et I" carps. — L'avant-garde du
Vie corps avait commencé son mouvement, et Pahlen, avec les 4® et
34« régiments de chasseurs à pied, les uhlans de Tchougouïeff, les
hussards d'Olviopol et 4 pièces d'artillerie à cheval, s'était avancé
de Saverne h Sarrebourg, tandis que les cosaques de Rebrikoff'
et un escadron de hussards de Soumy s'étaient portés j\ Heming,
à Tembranchement des chemins menant d'une part à Blûmont, de
l'autre h Movenvic.
Derrière le III« corps, le I«' corps, qui était à Saint-Maurice,
allait y recevoir l'ordre d'aller à Dijon, avec les divisions Ignace
Hardegg et Wimpffen postées à Aubigny, renforcer les réser\'es
autrichiennes du prince héritier de Hesse-Hombourg, en ce mo-
ment à Mirebeau-sur-Bèze. Bianchi était à Langres, et le dernier
échelon des gardes et réserves russes et prussiennes avait atteint
Port-sur-Saône, où Barclay avait son quartier général.
Mortier se décide à évacuer Chaumont le 19 au matin. —
Le duc de Trévise ne s'était pas un seul instant abusé sur les
intentions de l'ennemi. Il s'était immédiatement rendu compte de
la gravité de la situation et de la difficulté de sa tûche. Se voyant
menacé de front par deux corps d'armée, sachant qu'il pouvait
être d'un instant ii l'autre débordé sur sa gauche par un troi-
sième, n'ayant avec lui pour tenir tête à l'ennemi qu'une division
d'infanterie * et une de cavalerie, il jugea sage et prudent de se
dérober une fois encore comme il l'avait fait à Langres, d'évacuer
sans bruit Chaumont et de prendre, le 19 à la pointe du jour, la
route de Bar-sur-Aube, où il comptait être renforcé par la 2« divi-
sion de vieille garde du général Michel, parle iVS^ de ligne, déjà
arrivé à Troyes, de façon à avoir avec lui 8,000 hommes el
2,500 chevaux.
Bien que Schvvarzenberg ne l'eût pas inquiété à sa sortie de
Chaumont, il crut avec raison devoir se protéger contre une pour-
suite active, quelque improbable qu'elle pût lui paraître, en char-
* Les fatigues, les privutions avaient réduit l'effectif des troui>cs de vieille
garde du général Christiaui à moins de 3.000 hommes, et le 19, Mortier, eu
écrivant de Colombey-les-Deux-Eglises au major général, se voyait obligé
d'avouer quo « La vieille garde elle-môme s'affaiblit graduellement par la
désertion. » (Mortier au major général^ 19 janvier. Archives de la guerre.)
— 147 —
géant le gc^néral Lotorl, <iiril posta ii Coloinbey-les-Deux-Églises
avec 2.000 hommes et 400 ehevaux, d'obsener les roules venant
(le Chaumont et de disputer le terrain pied à pied. Pour lui faci-
liter sa ti\ehe, le maréchal fit prendre à une partie de son corps
d'armée une forte position sur l(»s hauteurs qui bordent le ruis-
seau de Rouvre; sa gauche allait jusque vers Voigny, et une
grosse batterie, placée en avant de sa droite, enfilait à la fois la
route de Colombey et le pont de Fontaine. Le reste d(» son petit
corps devait aller prendre position sur les hauteurs de la rive
gauche de TAube, h Fontaine.
Schwarzenberg laissa le maréchal se retirer tout à sou aise. L(»
généralissime s'était si peu rendu com|)l(; de la faiblesse numé-
rique des troupes qu'il avait devant lui, qu'au lieu de tirer parti
de sa supériorité, il aima mieux s'arrêter, nMuettre de l'ordre
dans ses colonnes, faire reposer ses troui)es tout en les concen-
trant, donner surtout à Blucher le temps d'arriver à hauteur de
l'armée de Bohénu' et ne reprendre lui-mèuH» son mouveuient
i|u'au moment ofi les tètes de colonne du leld-maréchal, après
avoir franchi les cotes de Meuse, marcheraient vers la Marne.
19 janvier. — Le IV« corps reste à Chaumont du 19 au
24 janvier. — 11 en résulta que le prince royal de Wurtemberg,
entré à Chaumont le 19, v reçut l'ordre de s'arrêter et v resta
jusqu'au 24. Il avait néanmoins poussé son avant-garde jusqu'à
Jonchery et envoyé un parti de cavalerie vers Colombey-les-I)eux-
Églises*.
Positions du V® corps. — A sa droite, Wrède ' était arrivé
avec ses Bavarois à Neufchateau, où il allait atl(Midre pendant
quelques jours des instructions; Platotï, n'ayant plus désormais
aucun prétexte à faire valoir, se mettait, enfin, en roule pour Join-
ville * avec le gros de ses cosaques : « Mes partis me précèdent,
écrivait-il à Schwarzenberg, battant le pays dans toutes les direc-
tions. Ils agiront surtout sur la route de Langres à Chàtillon. »
Frimont (aile droite du V« corps), arrivé avec ses Autrichiens
h Colombey-aux-Belles-Fennnes (Colombey-les-Belles), avait en-
* Tagcsbegebenheilen (À'. K, Kriegs Archiv., l, 30). Jounial d'opérations
da 1V« corps (/6tti., XIII. 56).
« Plaloff à Schwarzenberg. Denville, 19 janvier (/6W., I, 462).
— 148 —
tendu le canon du côté de Toul et fait partir aussitôt sa cavalerie
légère dans cette direction *. Les troupes du général Liéwen (du
corps Sacken) bombardaient, en effet, cette place qui devait
ouvrir ses portes le lendemain,
Schwarzenberg prescrivit h Wrède « d'avoir à se concentrer, à
se relier à Blùcher par des corps volants qui s'étendront de Toul
à Join ville ». En Tinformant de l'arrivée prochaine de Pahlen sur
sa droite, il recommandait, en outre, à Wrède d'envoyer k gauche
du monde h Vignory pour couper la communication entre Chau-
mont et Joinville *.
Mouvements de Platoff. — Affaire de cavalerie à Vau-
couleurs. — PlatoflF, après son départ de NeufchîUeau, avait eu
un petit combat à livrer avant de par\'enir h passer la Meuse et k
rejeter, une fois après avoir pris pied sur la rive gauche, les
avant-postes français.
Stscherbatoif avait renouvelé sans plus de succès que la veille
sa tentative contre le pont de Vaucouleurs :
« Toutes les troupes ennemies, écrit-il textuellement à Schwar-
zenberg ^ ont quitté leurs quartiers, sont sorties de l'autre côté
de la ville et ont passé la nuit au bivouac. La nuit, j'ai donné
ordre h mes avant-postes d'avancer ; l'ennemi évacua le faubourg
et se relira par une longue digue dans la ville, et il fit dessus des
abalis qui étaient gardés par des dragons îi pied et protégés par
les canons. J'ai fait occuper le faubourg.
« Ma perte ne consiste qu'en 4 cosaques et 9 chevaux tués,
1 officier, 1 bas-officier, 10 cosaques et 5 chevaux blessés. La
perte de l'ennemi est très grande ; pour les prisonniers, il n'y en
a que 6. Je tikhe d'en faire moins, car ils me gênent beaucoup.
« Ce nïatin, un régiment de cosaques, attaché ii une division
de dragons du corps du général Sacken, faisant l'avant-garde de
la division et destiné à reconnaître Vaucouleurs, arriva. Je lui ai
remis le faubourg de la ville que j'avais pris la veille, et, ayant
fait mon rapport au lieutenant général Wassiltchikoff, qui com-
mandait l'avant-garde du général Bliicher, je me suis retiré au
i Tagesbegebenheiten (K. K. Kriegs Archiv,, I, 30).
» Scliwarzenbcrg à Wriidc, Langres 20 janvier (Ibid., I, 449).
» Stsclierbatoff à Schwarzenbcrg. Saulxures-les- Vannes, 19 janvier (Ibid.,
], 445).
— 149 —
village de Saussure (Saulxures-Ies-Vannes) pour laisser reposer
mon détachement, qui en a grand besoin, se trouvant i)resque
tous les jours en affaire et bivouaquant toujours sous des pluies
h verse sans avoir de repos. Apri»s-demain je passerai la Meuse
dans les environs si je pourrai le faire, vu la grande quantité de
Teau augmentée par les pluies, et j'irai par Gondreoourt pour
m'avancer sur les grands chemins et agir autant qu'il sera pos-
sible.
« Les forces de Tennemi h Vaucouleurs consistent en 5 régi-
ments de dragons, 1 de gardes d'honneur, G canons et 11,000 (?)
hommes d'infanterie. Un grand parc d'artillerie se trouve à Void *.
« II paraît que l'ennemi tient beaucoup à garder Toul et Vau-
couleurs, et ne les cédera qu'il des forces supérieures. »
Positions des corps alliés le 19. — L'avant-garde (Pahlen)
du VP corps arriva à Blamont, poussant en avant d'elh» les cosa-
ques de Rebrikoff jusqu'à Lunéville.
Le III^ corps avait dû, par cela même que le IV« corps avait
reçu Tordre de s'arrêter àChaumont, se cantonner depuis Fouhiin
jusqu'à Richebourg. Les réserves et les gardes russes et i)rus-
siennes en firent de même de Favl-Billot à (!!onibeaufonlaine : les
réserves autrichiennes du prince hérilicT de liesses entrèrent à
Dijon, et le P' corps, en marche sur cette ville, était vers Thil-
Chàtel.
Le 19 janvier, la grande armée, moins le VI« corps, se trouve
donc répartie sur une ligne allant de (]olombey-les-Belles à Neuf-
chàteau par Chaumont et Langres à Dijon, et, bien qu'elle» n'ait
encore devant elle que le petit corps du duc de Trévis(», (juoi-
qu'on n'ait eu aucun combat séri(»ux à soutenir, le généralissime
croit cependant utile de s'arrêter de nouveau. 11 se» donne ainsi
l'apparence de concentrer son monde, de relier ses colonnes
entre elles, de faire avancer les convois ; mais, en réalité, et
nous ne saurions trop insister sur ce point, il a pour objet de
laisser à Blùcher et à Wiltg(Mistein le temps nécessaire, au pre-
mier pour pousser Marmont et déblayer une fois encore, par son
intervention, le terrain en avant de la grande armée; au second,
1 U est impossU)le de ne pas appeler l'attention du lecteur sur Texagération
de ce rapport. De pareiUes inexactitudes no peuvent avoir été commises de
bonne foi.
— 150 —
pour entrer en ligne à droite du V« corps. Schwarzenberg espère,
en outre, que ce temps d'arrêt lui permettra de se procurer les
données, les renseignements militaires et politiques dont il a
besoin pour établir un nouveau plan d'opérations destiné à rem-
placer celui qui, approuvé par les souverains, n'avait en vue que
l'occupation du plateau de Langres.
Aussi, les ordres donnés le 19 consistèrent à arrêter tous les
corps, sauf le YI® et les réserves et gardes russes et prussiennes,
qui devaient arriver à Langres le 21 , îi charger Platotf de battre
le pays entre la Seine et l'Aube, et Slscherbatoff d'en faire autant
entre l'Aube et la Marne.
Lettre de Blûcher à Schwarzenberg. — Enfin, comme nous
avons eu lieu de parler de la correspondance échangée entre
Wrède et Blûcher d'une part, et Wrède et Schwarzenberg de
l'autre, avant de passer aux journées qui nous séparent eucore
du combat de Bar-sur-Aube, nous croyons d'autant plus utile de
reproduire ici la lettre que Blûcher* adressait de Nancy, le 19. au
généralissime, ([u'elle contient certaines indications sur les mouve-
ments de l'armée de Silésie, sur les projets du feld-maréchal, sur
les intentions qu'il supposait à Marmont :
« J'éprouve, écrit-il, une véritable satisfaction à apprendre que
Votre Altesse approuve mes mouvements, et je pense (fu'Elle
connaît également la correspondance que j'ai échangée avec le
général comte Wrêde, puisque l'on a poussé Wrède à droite, alin
de me faciliter, îi moi et à mon armée, notre marche. sur la
Moselle.
« J'ai conseillé au général comte Wrède, parce que je ne m'at-
tendais pas îi voir l'ennemi opposer une résistance sérieuse sur la
Marne, de se rapprocher de Votre Altesse en passant par Neuf-
chûteau.
« Je crois de mon devoir de mettre Votre Altesse au courant de
mes ])rojets.
« Le général York tàtera la contenance de Tennemi à Luxem-
bourg, Thionville et Metz, et sera, le 26, ii Saint-Mihiel. Je désire-
rais, par suite, savoir si Votre Altesse approuve mon mouvement
sur Arcis.
» Blûcher à Schwarzenberg, Nancy, 19 janvier. (A'. K, Krieys ArdUv.,
I, 492.)
— 151 —
« Je serai, le 30, sur une position concentrique dans la ligne de
Vitrv h Arcis.
CI Le général Kleist sera, :\ cette date, arrivé devant Metz aver
le II« corps prussien.
« L'ennemi foit mine de vouloir défendre la Meuse. Je fais
tourner Toul par Pont-Saint-Vincent et attaquer cette place par
le côté de Void. J'espère bien m'en emparer rapidement, d'autant
qu'il n'y a, à ce que je crois, qu'une arrière-garde sur la Meuse. »
Le caractère essentiellement différent des deux principaux
{5énéraux alliés ressort, il semble, des termes mêmes de la cor-
respondance qu'ils échangent. Blùclier est toujours net et éner-
gique. Pour lui, il n'y a jamais ni doute, ni surtout hésitation.
Il justifie toujours le surnom qu'on lui a donné : Voruiirts, et,
sauf II un seul moment, on ne le verra jamais s'arrêter |)endanl
toute la campagne : il faut marcher, marcher toujours. Schwar-
zenberg, au contraire, dont la responsabilité est, il faut bien le
reconnaître, plus grande et la situation personnelle plus difticile,
lient h procéder avec plus de méthode et de circonspt^clion, avec
tant de méthode et de circonspection môme qu'il perd et négligi»
les plus belles occasions. C'est ainsi qu'il choisit pour s'arrêter
précisément le moment où une action énergique aurait \m amener
<le grands résultats : le moment où, arrivé sur le plateau de
Langres, maître déjà des hautes vallées de la Moselle et de la
Meuse, il peut, à son gré, descendre dans celles de l'Aube et de
la Marne, et prendre rapidement et solidement pied au cœur
môme du bassin de la Seine; le uïoment où Napoléon, ne com-
prenant plus rien ti la conduite du duc de Bellune, auquel il n(*
peut pardonner ni l'abandon des Vosges, ni la perte d'Épinal, lui
fait écrire par Berlhier la lettre suivante :
Lettres et ordres de Napoléon à Victor. — « Au maréchal
Victor, duc de Bellune, commandant le 2^^ corps à Void*. —
Paris, 17 janvier 1884.
« Monsieur le duc de Bellune, TEmpereur désapprouve (jue vous
ayez abandonné Nancy. Sa Majesté vous ordonne de ne pas
quitter la Moselle sans vous battre. Elle trouve (pie vous avez
fatigué vos troupes par de grandes marches, et que vous avez
> Correspondance de Napoléon, 31.105.
— 1o-2 —
donné de l'audace à renncnii en évacuant sans raison. Cela oblige
le duc de Raguse et le duc de Trévise h faire également un mou-
vement rétrograde. Cela amène Tennemi sur nous et fait le plus
grand tort à nos affaires.
« On est surtout très peiné de voir que vous ayez évacué Nancy
devant de la cavalerie sans avoir attendu Tinfiinterie. »
Cette dépêche ne faisait, d'ailleurs, que renouveler, il vingt-
quatre heures d'intervalle, les reproches que le major général
avait, par ordre de l'Empereur, adressés au duc de Bellune, à la
date du 16. Cette première dépèche était même plus dure et plus
sévère encore : « Si vous aviez défendu les cols des Vosges,
écrivait le major général, l'ennemi serait encore de l'autre côté...
Enfin, la Meurlhe et la Moselle forment une barrière que vous
devez déteindre ; car, si vous vous retirez toujours sans combattre
et sans nuire ii l'ennemi, il marchera aussi vite que vous. L'essen-
tiel est donc de relarder sa marche autant qu'il sera possible et
de pouvoir attendre jusqu'au \^ février. Alors nous aurons une
grande armée» \ »
Deux jours plus tard, l'inquiétude et l'impatience de l'Empe-
reur se sont accrues à un tel point qu'il ordonne au major général
de partir de Paris le 19, d'être le lendemain aux avant-postes, de
renvoyer le duc de Bellune, de rester jusqu'à ce que le duc de
Raguse ait i)ris toutes les mesures pour la défense de la Meuse,
qu'il n'était déjà plus possible de conserver.
Tout en faisant la part des difficultés intérieures que Schwar-
zenberg rencontrait à tout instant, des intrigues de toute espèce
contre lescjuelles il avait à lutter, il faut reconnaître cfue le géné-
ralissime n'avait pas su deviner ou n'avait pas voulu comprendre
que, (romme Nai)oléon n(» cessait de le répéter à ses maréchaux,
l'essentiel, pour l'Empereur, « c'est de retarder la marche de
C ennemi autant qiCil sera possible. »
Après avoir mis près d'un mois pour arrivtT à Langres, il
allait aussi, de gaieté de cœur, perdre une semaine pour aller de
Langres par Chaumont à Bar-sur-Aube, et, soucieux avant tout
de couvrir sa responsabilité, il était, dès ce moment, décidé h ne
rien faire d'important avant l'arrivée des souverains alliés à
* Registres de Berlliier, Archives de la Guerre.
— 153 —
Langres, avant d'avoir reçu d'eux, ou loul au moius de l'enipe-
reur d'Autriche, Tordre formel de conlinuor la marche en avant.
30 janvier. — Fabien à Lunéville. — Le 20, Pahlen ' infor-
mait Wrède, qu'il savait être à Neufchîlteau, de son arriviM» h
Lunéville avec Tavant-garde du VI^ corps. Il lui donnait en môme
temps connaissance du mouvement que l'aile gauche de rarmée
de Silésie était en train d'exécuter sur Joinville; mais il ajoutait
qu'à cause de l'extrême fetigue de ses troupes, il se voyait dans
la nécessité de leur accorder encore un jour de repos, le 2J, et se
porterait ensuite en avant, îi marches forcées, pour arriver le plus
tôt possible II hauteur des tètes des autres colonnes.
Renseignements fournis par Wrède. — Du enté du V« corps,
les Bavarois restèrent à Neufchi\t(niu, d'où Wrède envoya à
Schwarzenberg le rapport suivant, daus h»quel il exposait au
généralissime, auquel il parlait également de l'affainî que Platoft'
avait eue la veille ?i Greux, les projets cfu'il prêtait à Napoléon.
« Le général de cavalerie comte Wrède au prince de Schwar-
zenberg*. — Neufchîlteau, 20 janvier 1814.
« J'ai tout lieu de penser que l'empereur Napoléon s(» portera
à Chûlons et non à Troyes, et je crois d'autant plus à ce mouve-
ment de l'ennemi que le feld-maréchal Bli'icher m'a informé de la
retraite du duc de Raguse sur Reims.
« Il me semble donc que le moment est venu de marcher vite
et droit à l'ennemi, d'autant plus que, manquant d(^ cavalerie,
Napoléon n'aimera guère à combattre dans les plaines de Chàlons.
« Sachant que l'ennemi se proposait de faire sauter le pont de
la Moselle à Greux % j'y ai (Mivoyé un officier de mon élal-major.
1 Fabien à Wrède, Lunéville, 20 janvier. (A'. A'. Kriegs Archiv., 1. 511 c.)
* Wrède à Sch\i'arzenberg. (/6irf., I, 492 d.)
» Schwarzenberg écrivant de Langres, le 22, à Bellegarde et à CoUoredo
pour les mettre au courant de la situation, leur donnait sur TafTairc de Grcu\
les renseignements complémentaires que voici :
« Le prince de Scbwarzenberg aux généraux comte Bellegarde et Colloredo.
— Langres, 22 janvier 1814.
« La grande armée fait balte le 22. Le 1^^ corps est à Dijon. L*ataman
comte Platoff, malgré toutes les difficultés que présentait l'entreprise, a franchi
la Meuse à Greux et se porto par Joinville et Bar-sur- Aube sur Bar- sur-
Seine.
c< Lors de l'arrivée de Tavant-garde sur la Meuse, Tenncmi avait de la cava-
— 154 —
qui a trouvé sur ce point Tataman comte Platoff. Une patrouille
française avait tenté Tcntreprise, mais elle avait été chassée par
les cosaques, qui ont pris un officier et plusieurs dragons.
« Uofficier fait prisonnier a dit que le général Milhaud, établi
hier à Vaucouleurs, s'était avancé jusqu'à Maxey, et que ses avant-
postes étaient à Taillancourt.
« Platoff me prévient qu'on attend de Tinfanterie française à
Vaucouleurs. »
De tout le V^ corps, Frimont faisait seul un petit mouvement
ce jour-là et venait avec la division Spleny à Colombey-aux-
Belles-Femmes (Colombey-Ies-Belles) ; la division Antoine Har-
degg suivait et échelonnait ce mouvement. Si, du cOté des Alliés,
on continuait à n'avoir qu'une idée vague des mouvements des
Français, que des renseignements incomplets et contradictoires
sur leurs positions, il n'en était pas de même au 2*5 corps français.
La cavalerie française n'ayant pas un seul instant cessé de suivre
d'un œil attentif les mouvements des Alliés, Victor était encore, le
20 à une heure de l'après-midi, en mesure de pouvoir dire dans
une dépêche que, de Vaucouleurs *, il envoyait à Grouchy : « Il
parait certain que l'armée ennemie marche pour passer la Meuse,
puisque les Bavarois et les Autrichiens ont remplacé les Russes à
Xeufchàteau. Je pense que l'ennemi va faire un mouvement sur
Gondrecourt, afin de chercher à arriver à Ligny et à Saint-Dizier
avant nous*. »
Le général Grouchy savait, en outre, que les Alliés défilaient à
son extrême droite par le pont de Domrémy et se portaient de
Greux vers Gondrecourt; qu'une reconnaissance envoyée par le
général Lamothe (de la division Lhéritier), de Brixey aux Cha-
noines à Sauvigny avait été enlevée ; que la cavalerie alliée conti-
lerie sur la rive opposée. On fit passer quelques hommes à l'aide de barques.
On rejeta la cavalerie ennemie en lui prenant 1 lieutenant et 19 hommes.
Nos pertes sont de 2 cosaques et 10 chevaux
« Le lieutenant fait prisonnier a dit qu'il venait de Taillancourt, où il y
avait 5 régiments de cavalerie, sous les ordres du général Grouchy, qui forme
Tavant- garde du maréchal Victor.
« Un autre parti de cosaques, envoyé pour soutenir ce détachement, n'a
plus trouvé l'ennemi à Taillancourt et s'est assuré de la retraite des avant-
postes ennemis sur Void. » (K, K, Kriegs Archiv,, 1, 518.)
* (ÎROUCHY, Mémoirei. Rapports des généraux de France, La Mothe, Bridie
et de l'adjudant commandant de La Condamine. {Archives de la Guerre.)
— 153 —
nuait à pousser en force surGondrccoiirl, par Voulhon, et qu'une
autre reconnaissance, envoyée à Houdelaincourt, avait aperçu
des coureurs se dirifçeant vers Joinville et cherchant à savoir c(*
qui se passait vers Sainl-Dizier etChauniont, tandis que, du cùlé
de Commercy, le général Briche signalait la présence de fortes
colonnes à Bouconville et Aprcniont.
Positions des IIP et IV« corps. — Pour les IV« et in« corps,
postés Tun à Chaumont, l'autre îi Touest de C.haiinionl, sur la
route qui mène de cette ville h Ch;Uillnn-siir-Seine, tout se borna
à rinstallation du quartier général de Gyulay à Arc-en-Barrois,
et au passage de TAube par Tavant-garde, avec hupielle Oenne-
ville alla jusqu'à Courban.
Mortier à Bar-sur-Aube. — Pendant ce temps, le duc de Tré-
vise* avait achevé, sans être incfuiété un seul instant, sa retraite
sur Bar-sur-Aube. Les partisans alliés, ayant fait savoir que Chà-
tillon-sur-Seine n'était pas occupé par les Français, Schwar/en-
berg écrivit aussitôt h Barclay d(î ToUy*, dont les létes i\v
colonnes arrivaient à ce moment à Langres, pour l'inviter h mo-
difier de suite les destinations précédemnu^nt données à Platotf et
à Stscherbatoff, à pousser Platotf par Joinville et Bar-sur-Seine vers
Auxerre, afin de couvrir l'aile gauche, et à diriger Stscherbaloti*
entre Chàlons et Troyes afin de renseigner les Alliés et d'inquiéter
1 Le 20 au matin, il occupait fortement Lignol et songeait à faire réoccnper
Colomtiey-Ics-])cux-Egliscs. U avait, d'antre part, fait garder, en aval de Bar-
sor-Anlje, le pont do Dolancourt et établi les grenadiers à cheval en colonne
entre Bar, Ailleville et Arsonval.
« « Prince de Sch^arzcnberg au comte Barclay de ToUy. — Langres, 20 jan-
vier 1814.
« Votre Excellence reconnaîtra avec moi qu'il est actuellement indispen-
sable de modiGer les directions de marche du corps de l'ataman comte PlatofT
et du détachement du général-major prince StscherhatotT.
M Je vous prie donc d'envoyer au comte PlatofT l'ordre d'aller par Joinville
et Bar-snr-Seine sur Auxerre, d'où il devra couvrir votre gauche et d'où il
pourra sans peine pousser vers Sens et Fontainebleau.
u Cest là le plus beau rôle qu'on puiae donner d un corps de ce genre, et
je crois cHte mission si importante que je prie Votre Altesse d'adjoindre au
comte Platoff quelques officiers de son étal-major,
a Je prie Votre Excellence de pousser le général Stscherl)atofT entre Troyes
et Ghàions-sur-Marne, afin qu'il nous renseigne sur les mouvements et la posi-
tion de Tenuemi et qu'il inquiète en même temps les routes menant à Paris. »
(A'. A'. Kriegs Archiv,, I, 477, et Tagesbegebeuheilen, Ibid., I, 30.)
— 136 —
les communications de Tennemi par des pointes exécutées sur les
routes menant à Paris.
Le I«f corps était à Montsaugeon ; comme il ne se composait
plus que de la division légère Ignace Hardegg et de la division
Wied-Runkel, on le fit renforcer, d'abord par la division légère
Maurice Liechtenstein, puis par la division Bianchi, la division de
grenadiers de Trautenberg et la division de cuirassiers de Nos-
titz , toutes trois tirées de la réserve autrichienne. On en forma
une colonne qui, opérant pour son compte comme extrême
gîiuche de la grande armée, devait se porter des environs de
Dijon sur Chi\tillon-sur- Seine.
Composition nouvelle des troupes sous les ordres du
prince héritier de Hesse-Hombourg. — Il est bon de rappeler
ici que les troupes placées sous les ordres du prince héritier de
Hesse-Hombourg, cantonnées à ce moment autour de Dijon, à
Gray et Mirebeau, et chargées du blocus des différentes places,
du maintien des communications avec Bubna devaient se com-
poser, à partir du 23, de la brigade légère Scheither', d'une divi-
sion mixte de cavalerie et d'infanterie laissée au prince Aloïs
Liechtenstein (II" corps), pour remplacer la division Grelh, cédée
dès le début des opérations à Bubna, de la division Wimpffcn
provenant du V^ corps ; enfin, de la division de grenadiers Weis-
senwolff et de la division de cuirassiers Lederer, qui avaient pré-
cédemment appartenu aux réserves autrichiennes. Ces réserves
allaient donc, à proprement parler, cesser d'exister à, partir du
moment où ces différentes transformations auront été accomplies.
Lettre de Blûcher à Schwarzenberg. — Enfin, c'est encore
le 20 janvier que Bliicher, annonçant de Nancy à Sch\var/.enberg
la prise de Toul, lui confirmait ses précédents rapports et l'entre-
tenait, comme on le verra dans la dépèche ci-dessous, des propo-
sitions qu'il avait faites aux prisonniers espagnols trouvés h Toul.
* Nous aurons à nous occuper au chapitre V, consacré spécialement aux
opérations de Bubna et de l'armée du Sud, de quelques mouvements exécutés
par la brigade Scheither. Cet officier général, après avoir assuré jusqu'au
30 janvier le blocus d'Auxonne, fut relevé à cette date par la division
Wimpffen. Renforcé par un bataillon de cette division et par quelques troupes
appartenant à Bubna, il reçut l'ordre de s'emparer de Chalon-sur-Saône et de
combiner ses opérations avec le colonel Wieland, de la division Bubna.
Voir pour ce dernier ordre : K, K. Kriegg Archiv, , I, 632.
— 157 —
« Le feldmaréchal Bluchor au i)rinco de Schwarz<Miberg'.
« Nancy. 20 janvier 1814.
« Je félicite Voire Altesse de?s succès remportés h Langres et la
remercie des nouvelles qu'elle m'a envoyées relativcMuent h la
marche des IV« et V* corps.
« Je ne peux aujourd'hui que confirmer mes j)récédents rap-
ports. Un homme revenu hier ici m'annonce qu'il a trouvé, le
17, l'armée du maréchal Victor en marche de Ligny sur Chà-
lons.
« La concentration de l'ennemi à Chîllons peut, par suite, être
chose faite le 21.
« Hier, j'annonçais à Votre Altesse (jue l'ennemi tenait encore
Toul, et que je me pro|)Osais de faire tourner cetti» ville.
« Les hautes eaux ont quelque peu relardé la marche des
troupes, mais j'ai fait enlever Toul aujourd'hui.
« Le général Sacken m'informe, par une communicalion ver-
bale», qu'il y a pris 400 hommes et 2 canons.
« Je transfère mon quartier général à Toul. L'ennemi y a, (hms
la précipitation de sa retraite, oublié les Espagnols qu'il y tenait
prisonniers. J'ai, fait nieltre en liberté le général Sotomayor,
30 ofticiers et bon nombre de soldats.
« J'ai offert aux ofticiers ou de retourner dans leur patrie par
la Hollande, ou de former avec leurs hommes un bataillon spé-
cial, à la tète duquel ils rentreraient chez eux dès que nous
serons en communications avec lord Wellington.
« Le général Sotomayor et quelques officiers nintrent par la
Hollande. Le reste constitue un bataillon que j'ai déjà armé H
que j'emploierai, d'une part, pour escorter les convois, de l'autre,
pour assurer le ser\'ice de garnison.
« Le général Pahlen est aujourd'hui à Lunéville. »
P. S. « J'envoie à Votre Altesse copie du rapport du général
Sacken qui me parvient à l'instant. »
21 janvier. — Pahlen dirigé sur Joinville. — Mouvement
du VI* corps. — Pendant que Pahlen faisait le 21 une halte à
i K. K. Kriegs Archiv,, I, 466.
— 158 —
Lunéville, Witlgonslcin, auquel Schwarzenberg * réiliTC encore
Tordre d'accélérer sa marche sur Nancy, débouchait, enfin, de
Saverne en trois échelons, après avoir laissé la o« division d'infan-
terie avec le prince Gortchakoff devant Kehl et Strasbourg, le géné-
ral major Schakoffsko'î avec 2 régiments de la 3« division devant
Landau, et 2 régiments de la 14'» division devant Phalsbourg. Le
prince Eugène de Wurtemberg quittait Saverne le 21 avec son
corps. Le quartier général de Wittgenstein avec le régiment de
cosaques Ilowaïsky XII et le détachement du général Riidinger
(hussards de Grodno, un bataillon du régiment de Selenguinsk,
la moitié du régiment cosaque de Wlassoff et 2 pièces d'artillerie
Il cheval), en partait le 22, et enfin le général Helfreich avec
2 régiments de sa division (la 14«), le régiment de dragons d'In-
grie et 12 bouches à feu, le 23.
Dans le rapport qu'il adressait ce même jour îi Tempereur
d'Autriche*, Schwarzenberg, après lui avoir annoncé que le parti
de cavalerie envoyé sur la route de Troyes n'y avait rencontré
pcîrsonne, ajoutait qu'il donnait à Pahlen l'ordre de venir à Join-
ville avec la cavalerie du VI« corps, afin d'avoir cette cavalerie h
hauteur des tètes de colonnes du Y* corps et de l'armée de
Silésie.
Ordres de Schwarzenberg à Wrède. — Le V« corps étendit
sa gauche jusqu'à Bourmont, et Frimont, arrivé avec ses Autri-
chiens à NeufchAteau, les y cantonna le long de la Meuse.
Pendant que Schwar/.enberg' écrivait au commandant du
V^ corps pour lui dire (|ue « Teimemi pouvait, au lieu de se
masser à Troyes, se concentrer à Chàlons, mais que néanmoins,,
au lieu de prendre plus à droite })Our se porter sur Ch<11ons. il
aimait mieux marcher sur Troyes, parce qu'une fois l'armée alliée
arrivée à Troyes, Napoléon, menacé sur son aile droite, se trou-
vant dans l'impossibilité de rester îi Chàlons, serait forcé de se
porter en avant pour venir attaquer l'armée alliée sur une i)Osi-
* Scliwarzenberg à Wittgenste'n, Langres, 21 '}^BYieT,{K,K.KriegsArehiv,,
I. 4Gn.)
2 Rapport journalier à l'empereur d'Autriche, Langres 21 janvier. (Ibid,,
I, 503).
' Sclnvarzcuberg à Wrède, Langres 21 'janvier. (Ibid., I. 492, o.)
— 159 —
lion qu'il aura été facile de choisir h Tavance », Wrède recevait
de Biùcher une dépôche que nous croyons devoir donner dans
toute sa teneur.
Lettre de Biùcher à Wrède. — Le général bavarois Iraiismet-
tait cette lettre au généralissime, avec h» rapport de Pahlen (re-
latif à sa halte h Lunéville), en ajoutant qu'il avait conseillé à ce
dernier de venir h Gondrecourt et demandé h Wittgenstein de
se relier à la droite du V» corps*.
« Le feldmaréchal Blucher au général do cavalerie comte» de
Wrède. — 21 janvier 1814, 9 heures du malin.
« J'ai reçu la lettre que m'a apportée l'aide de camp prince de
Lôwenstein.
« L'armée de Silésie marche aujourd'hui par Void, Commercy
et Vaucouleurs pour s'assurer les |)assages de la Meuse.
« Le général Sacken a appris à Nancy (\\w rcMinemi est en
marche de Chàlons sur Langres ; mais ni lui ni moi nous n'ajou-
tons foi à cette nouvelle.
« Connue vous devezrester à Bourmont jusqu'à ce (jue le prince
de Schwarzenberg ail fait serrer son extrême gauche, j'altendrai
de mon côté l'arrivée d'York à Sainl-Mihiel, où le général ne s(Ta
que le 26.
« L'armée de Silésie ne pourra donc être concentrée entre Arcis
et Vitry que le 30.
« Ma cavalerie a néanmoins pour ordre de gagner conslanmient
du terrain en avant *. »
La cavalerie de Platoff et de Stscherbatoff , soutenue par
Wassiltchikoff à Vaucouleurs. — Passage de la Meuse. —
Platoff et Stscherbatoff' étaient encore à ce moment devant le front
du V« corps vers Joinville et Vaucouleurs, oii la caval(»rie du
général Wassiltchikoff était arrivée dans la nuit du 20 au 21.
* Wrède à Scliwarzeuberg, Neufchûteau, 22 janvier. (K. K. Kriegs Archiv.,
I, 511.)
* Blûcherà Wrède, 21 janvier. {Ibid., I, 511 a.)
» Tagesbegebenheiten (Ibid., I, 30).— D'après les registres de BeUiard, le duc
de Bellune occupait Commercy, Void, Vaucouleurs et Gondrecourt ; Ney était
à Bar-le Duc, Ligny et Saint-Dizier. BeUiard, ajoutait : « Le mart'chal duc de
Tréviie doit être à Chaumout. »
— 160 —
Stscherbatoif*, qui n'avait pas encore connaissance de la pré-
sence de Wassillchikoff, passa dans la journée la Meuse à Sauvi-
gny et poussa de là par Gondrecourl jusqu'à Bonnet, d'où il
envoya des partis à gauche sur Joinville, îi droite sur Vaucou-
leurs. Le soir ses cosaques occupaient ces deux points.
Affaire de Pavant-garde du W^ corps à Juzennecourt. —
L'avant-garde du IV® corps, sous le général von Stockniayer,
s'avança sur la route de Bar-sur-Aube jusqu'à Blézy et Gillan-
court. Le général von Jett, qui était à Bologne, y recevait l'ordre
de pousser des partis vers Joinville pour communiquer avec
Plaloff. Quant au lieutenant-colonel Rôhricli, posté avec ses deux
escadrons à Bricon, il avait pour mission de se relier au III^ corps
posté * à Courban et à Arc-en-Barrois.
L'arrière-garde de Mortier occupait encore Colombey-les-Deux-
Églises, et les cavaliers alliés avaient eu quelques escarmouches
avec les coureurs français dans la forêt de Juzennecourt '.
Thurn trouve Caulaincourt à Châtillon. — Le l^^ corps,
continuant sa marche sur Dijon, est à Is-sur-Tille et à Thil-
ChAtel, le corps volant du lieutenant-colonel Thurn à La Ferté-
sur-Aube et ChiUillon-sur-Seine, d'où cet officier adresse à
Schwar/.enberg les deux lettres suivantes pour lui annoncer l'ar-
rivée du duc de Vicence, chargé de représenter La France au
Congrès de Châtillon, et pour lui communiquer les particularités
de l'entretien qu'il a eu avec Caulaincourt * :
« Le lieutenant-colonel comte Thurn, au prince de Schwarzen-
berg. — Chj\tillon, 21 janvier 1814, 9 h. 1/2 soir.
« Un courrier du duc de Vicence vient d'arriver m'annonçant
que le duc en personne serait ici dans une demi-heure. Je l'en-
verrai à Langres par Arc, mais j'ai cru de mon devoir d'informer
immédiatement Votre Altesse. »
« Le lieutenant-colonel comte Thurn, au prince de Schwar-
zenberg. — Chiltillon, 21 janvier 1814, 10 heures soir.
* Stsclierbaloff à Schwarzenberg, Bonnet, 21 janvier. {K. K.Kriegs Arcliiv.,
1,512.)
» Journal (l*opérations du IV*» corps. (Ibid., 13/56.)
' Tagesbegebenheiten. (Ibid., I, 30.)
« Thurn à Scbwarzenberg.ChâtiUon, 21 janvier. (/&id.,I, 485 et ad l, 485.)
— 161 —
« Le duc de Vicence vient d'arriver et m'a dit qu'il voulait
parler au prince de Metternich en personne ou attendre ici une
lettre du prince.
« Lorsque je lui dis : « Je viens, Votre Excellence, recevoir
o vos ordres (sic), » il me r(^pondit : « C'est à vous, les vain-
« queurs, de nous les donner. » J'ai fait mon possible pour le
traiter avec une politesse égale à la sienne.
« J'attends avec impatience les ordres de Votre Altesse et
désire surtout savoir si je puis laisser le duc, comme il le désire,
continuer sa route.
« Le duc me remet à l'instant une lettre à transmettre. »
De son côté, le généralissinu» avait prescrit au général Toll de
diriger par Aubigny et Thil-Chatel sur Dijon les deux régiments de
cosaques provenant du corps dissous du colonel Scheibleret des-
tinés à rejoindre le le' corps d'armée (Colloredo). Schwar/enberg
ajoutait que, comme ces deux régiments de cosaques seraient
affectés h la division du comte Ignace Hardegg, il serait bon
qu'il y eût dans leurs rangs (juelques officiers cosaques parlant le
français *.
Lettre de Schwarzenberg à Blûcher.— Enfin, informant Rlû-
cher de la marche des III®, IV«, V" et VI^ corps et des résenes
russes vers Troyes, le généralissime ajoutait : « La direction à don-
ner à la colonne de Dijon (!«»• corps et corps du prince héritier de
Hesse-Hombourg) dépendra des nouvelles que je compte recevoir
demain. J'approuve votre marche sur Arcis ; mais je crois que
vous ferez bien d'exécuter au préalable, ou en même tempSy par
Vitry-le-François, une démonstration sur Chutons, Je vous pré-
viendrai du jour où je compte être à Troyes * ».
22 et 23 janvier. — Mouvements de Stscherbatoff sur
Saint-Dizier. — Le 22 et le 23, c'est h peine si les différents corps
de la grande armée firent le moindre mouvement. Au VI® corps,
Pahlen passa la Moselle au pont de Flavigny, se porta jusqu'à
Vézelise, où il fit reposer encore une fois son monde pendant
1 Schwarzenberg à ToU. Langres, 21 janvier. (A'. A'. Kriegs Archiv., l, 500.)
* Schwarzenberg à Biùcher. Langres, 21 janvier. {Ibid,, I, 492.)
W«il. 11
— 16i —
toute la journr'?c du lendcmaûi, et Willgenstcin se rapprocha gra-
duellement de Nancv.
Le V« corps ne bougea pas, mais, chose singulière, au moment
même où Schwarzenberg n'aurait dû songer qu'à une offensive
vigoureuse, il trouvait le temps d'écrire longuement h Wrède et
d'insister îi nouveau sur la nécessité de faire mettre en état de
défense Hanau et Memmingen *.
Stscherbatoff, arrivé à Bonnet depuis la veille, recommençait
son mouvement vers Saint-Dizier, tout en conservant, écrivait-il
à Schwarzenberg *, sa communication à gauche avec Platoft. Il
craignait seulement que les grandes inondations ne fissent occuper
(c'est le terme même dont il se sert dans sa dépêche rédigée en
français; beaucoup de temps à ses marches.
Le prince royal de Wurtemberg était toujours à Chaumont. Le
III« corps s'étendait de Chàteau-Villain et Blessonville jusqu'à
(Uairvaux et La Ferté-sur-Aube ; et Thurn, pour les raisons qu'il
expose dans sa lettre, avait cru bon de ne pas s'éterniser à Chil-
tillon et avait, comme on va le voir, poussé vers Bar-sur-Seine.
Mouvement du corps volant de Thurn sur Neuville. --
« Le général von Hecht' ayant laissé à Chàtillon une troupe des-
tinée à servir de garde d'honneur au duc de Vicence, j'ai cru (|ue
ma présence et celle de mon détachement devenaient inutiles sur
ce point, et j'ai poussé par suite, hier 22, mon avant-garde vers
Bar-sur-Seine. J'ai occupé aujourd'hui Neuville où se trouve ma
cavalerie, et Gyé, où sont mes chasseurs.
(( Le duc de Vicence m'avant fait connaître les causes de
son voyage et la raison de sa présence h ChîUillon, en me don-
nant communication d'une lettre du prince de Metternich, j'ai cru
pouvoir laisser arriver jusqu'à lui deux courriers venant de Paris;
mais je l'ai prévenu en môme temps que, tant que nous n'aurions
[)as reçu d'ordnîs de nos chefs, aucun de ces courriers ne serait
autorisé à retourner à Paris.
« Un(; patrouille, que j'avais envoyée avec un émissaire dans
1 ScliNVîirzeiihorg û Wrède. Langrcs, 22 janvier. (A'. A'. Kriegs Arcku\, 1, 524.)
' StsclicrbatofT à Schwarzenberg. Bonnet, le 22 janvier. {Ibid , I, 312.)
' Thurn à Schwai'zenberg. NeuviUe, 23 janvier, trois heures après midi.
(A'. A'. Kriegs Arehiv., 1, 527.)
— 163 —
la direction de Bar-sur-SeiiK». annonce quo l'cMincnii n'a laisse à
Troyes qu'une faible garnison et s'est replié, aveu* le jj;ros de ses
forces, en partie sur Chî\lons, en j)arti(» sur Sens.
« Le feidzeugmeister comte Gyulay vient d(^ me Iransmelln»
les ordres de Votre Altesse relatifs à la réception et au départ des
courriers du duc de Vicenoc».
a J'ai dirigé sur le quartier général d(» Votre Altesse le général
et les officiers espagnols que j'avais trouvés à (^hâtillon. »
Les réserves et les gardes russes et prussi(»nn(^s, arrivées le "ii
à Humes et s'échelonnant en arrière jus(prà Fayl-Billot restèrent,
elles aussi, dans leurs cantonnements jusqu'au :28.
Voyag6 de Schwarzenberg à Dijon. — Arrivée de l'empe-
reur de Russie à Langres. — Ce fut à ce moment ([ue Schwar-
zenberg crut devoir partir le 23 pour Dijon alin d(^ surveilh^r par
lui-même l'exécution des mesures qu'il avait ordonnées quelques
jours auparavant et qui modifiaient sensiblement la composition
du !«' corps et des réscr\'es.
Ce fut alors également que l'empcîreur de Russie arriva à Lan-
gres, et c'est vraisemblablement îi sa présence qu'il convient d'at-
tribuer la reprise des 0[)ératioiis complètement arrêtées, sans
raison plausible, depuis le 18.
Le 23 janvier, de Blamont, Wittgenstein a<'<'usant réception à
Schwarzenberg des ordres qui le dirigeaient par Nancy et(]oIom-
bey-les-Bellcs sur Gondrecourt. lui annonçait que Pahl(?n pren-
drait, le 24, position entre Wrède, posté à Neufchilteau, et Hlft-
cher, qui devait s(î trouver entre Saint-Mihiel, Void et Vaucou-
leurs, et qu'il arriverait lui-même le 26 entre la Moselle et la
Meuse à Colombey *.
Positions de Mortier. — Affaires de Clairvaux et de Tre-
milly. — L'arrière-garde de Mortier occupait toujours devant les
III® et IV« corps, entre Colombey-les-Deux-Églises et Bar-sur-Aube,
une forte position , d'où elle ne cessait de pousser des reconnais-
sances offensives contre les avant-postes des Alliés.Toujours fidèle à
^ WiUgensteia àSch>K'arzenberg. Balmont, 23 janvier. (A". K, KriegsArchiv..
L 580.)
— 164 —
celle; détensive aclive qui lui avait si bien réussi, le duc de Trévise
avait fait attaquer, le 23 au matin, par les chasseurs de la garde,
le [)oste de Clairvaux-sur-Aube et y avait enlevé une douzaine
d'hommes (chevau-légers de Klenau et Croates) de Tavant-garde
du général Hecht (III® corps) qui, précédant Gyulay, était depuis
le 23 au matin à La Ferté-sur-Aube.
Le prince royal de Wurtemberg, irrité de ces alertes inces-
santes et de ces coups de main qui fatiguaient son monde, avait
eu rinlention d'enlever par surprise, le 23 au matin, les postes
français de Colombey-les-Deux-Églises ; mais il renonça à ce
projet dès qu'il sut que les Français occupaient solidement les bois
situés entre Colonibey et Juzennecourt, et, après en avoir obtenu
l'autorisation de Schwarzenberg, il se décida, pour le lendemain,
h une attaque combinée des III® et IV® corps sur Bar-sur-Aube.
Comme l'ataman Platoff avait fait savoir de Joinville, le 22*, au
prince de Schwarzenberg que, continuant à marcher sur Bar-sur-
Aube, il serait à Doulevant le 23 ; comme son avant-garde avait
poussé de lii des partis en avant de ce village et que l'un d'eux avait
même cherché à intercepter la route de Bar-sur-Aube ii Briennc
pour y enlever des courriers, on l'invita à prendre part ii l'opéra-
tion résolue sur Bar-sur-Aube, en tombant sur la gauche et les
derrières de l'ennemi, au moment où il commencerait sa retraite.
Les mouvements de Platoff n'avaient pas échappé à la vigilance
de Mortier, dont les reconnîiissances avaient eu affaire aux
Cosa<[ues de Tataman ù Tremilly. Le maréchal sachant que Vassy
et Monliérendcr étaient occupés par les Alliés, avait aussitôt,
après cette escarmouche, envoyé 500 hommes d'infanterie avec
2 canons et 50 chevaux s'établir à Tremilly, ce point se trouvant
sur les communications de Joinville h Brienne.
Comme il s'attendait à voir les Alliés faire un détachement sur
Brienne, il avait prescrit au général Dufour, alors à Arcis-sur-
Aube, d'aller occuper Brienne au plus vite. Le maréchal ne s'était
pas trompé en pensant, ainsi qu'il l'écrivait le 23 au matin au
major général, que Gyulay et le prince royal attendaient l'arrivée
des Cosaques de Platoff pour agir ; il était, dès ce moment, con-
vaincu qu'il allait être sérieusement attaqué le 24, et demandait
avec instance ii connaître la direction qu'il aurait à prendre, soit
' Rapport de Platoff, 23 janvier. {K. K. Kriegs ArcfUc, l, 629 6.)
— 165 —
sur Troyes, soit sur Ch»11ons, dans lo cas fort j)robal)I(> où il s(»
trouverait hors d'état de résistt>r à d(\s forces Icllciinciil supcN
Heures aux siennes.
24 janvier. — Combat de Bar-sur-Aobe. — (iOnfomicniont à
l'entente convenue entre le princ<» royal de WurliMnberg et le
feldzeugmeister comte Gyulay, le IV« corps se j)orta h» 24 an
matin vers Bar-sur-Aube, par la rive droite» de TAube, le !II« par
la rive gauche.
L'arrière-garde du duc de Trévise, sous les ordres du général
Letort, sun'eillait de Colombey-les-!)enx-Églises la route de Chau-
mont, avec 4 bataillons, 4 escadrons et G pièces ; une forte
colonne avait pris position plus en arrière, de fac^^on à [)Ouvoir
recueillir les troupes de Letort, sur les hauteurs situées en arrière
du ruisseau de Rouvres. De cette façon. Mortier avait îi sa gauche
t»t devant lui le village de Voigny; fi sa droite, son artillerie
enfilait à la fois la route de Colombey et le pont Houdelin, (pii
franchit TAube h Fontaines; la division Michel occu[)ait ce vil-
lage. Enfin, sur la rive gauche, le rest(» des trou|)es du maréchal
giirnissait les hauteurs de Sainte-Germaine.
A onze heures du malin, Gyulay, qui marchait par la rive
gauche avec son corps d'armée formé en deux colonnes, vint
donner à Bayel, avec la colonne» qui longeait la rivière, contre
les avant-postes français, qui se replièrent sur Fontaines, au
moment où la division Michel se déployait en avant de ce village.
a J'apprends h Finstant, dit à ce propos S(!h\varz(»nberg dans
le rapport qu'il adressait le lendemain à l'empereur d'Autriche*,
que le feldzeugmeister comtt^ Gyulay s'est avancé avec h» III«
corps, le long de l'Aube, a repoussé l'avant-garde ennemie jus-
qu'au pont de Beau-de-Ville (il doit s'agir ici du pont Boudelin),
où Tennemi a pris une bonne position, avec 12,000 hommes (?),
10 canons et 4 obusiers. Le comte Gyulay, ayant reconnu qu'il
était impossible d'enlever cette position sans sacrifier beaucoup
de monde, s'était décidé h attendre l'arrivée du IV« corps; mais
h midi, l'ennemi déboucha de Bar-sur-Aube, attaqua le lU^ corps
qui le rejeta et le fit poursuivre par sa cavalerie jusque sur scîs
* Schwarzenberg à Temperenr d'Autriche. Langres, 25 janvier. (A'. K. Kriegs
Archiv., I, 582.)
— 166 —
positions. L'ennemi renouvela à plusieurs reprises ses attaques
que (lyulay réussit à repousser. »
Le prin<Mî royal th» Wurtemberg, dont le corps était également
formé sur deux eolonn(»s, arriva h midi avec son avant-garde
(général von Stockmayeret 3 bataillons), se dirigeant sur Colom-
bey-la-Fosse qu'il voulait prendre à revers, pendant que le géné-
ral von Jett, avec 2 régiments de cavalerie, 2 bataillons et une
batterie à cheval, avait pour mission d'attaquer ce village de front.
Le princ(î royal ipii avait laissé le reste du IV® corps avec le
général Koch à Chaumont, n'avait en réser\e que 2 bataillons,
1 régiment de cavalerie et une batterie.
Le général Letort avait, des hauteurs de Colombey, pénétré
les projets du commandant du IV« corps, et s'était mis aussitôt
en retraite.
Le prince royal, se portant en avant sans attendre l'arrivée du
gros de l'infanterie du général Storkmayerqui n'avait pas encore
paru, ch(;rcha îi entamer avec sa cavalerie et sa batterie <\ cheval,
la petite colonne du général Letort, qu'il atteignit à Lignol. Celui-ci
continua h effectuer sa retraite en bon ordre et ne tarda pas à être
recueilli sur le phiteau de Rouvres par la division Priant, qui
garnissait les hauteurs du village de Voigny, pendant que les 20
bouches à feu, que Mortier avait mises en batterie sur ce point,
obligeaient les Wurlembergeois à s'arrêter. « Le prince royal de
Wurtemberg, dit Schwarzenberg dans son rapport, dont l'infan-
terie et fartillcîrie étaient restées en arrière, ne put attaquer cette
j)Osition. »
Oyulay avait continué à attaquer le pont de l'Aube et le village
(le Fontaines, mais, dit le Journal des opérations *, il ne réussit
pas îi les enlever et ne s'empara du pont (pie le soir.
L'artillerie wurtembergeoise, et plus lard l'artillerie autri-
chienne étant arrivées en ligne dans le courant de l'après-midi,
le maréchal Morlier *, craignant avec raison d'être trop faible.
* Tapesbegehenheiten. (A'. A'. Kriegs Archiv., I, 30.)
' « Morlier à l'Kiiipereur. — Bar-sur-Aubo, 24 janvier.
M Ainsi q::c je m'y élais attendu, IVnneini m'a attaqué «lujourd'hui. Depuis
six In-ures «lu matin les troupes étaient sous les aimes et j'étais en mesure.
Le H;r, avec «leux canons, occupait le pont près de Doiancourt. Un régiment
de vieille garde et trois pièces de position avait>nt pris poste sur le plateau
entre Provervilie et S|)oy. Le village de Fontaines était occupé par les chasseurs
- 167 --
pour avoir une chance quelconque de résister le lendemain à
Tattaque de forces par trop supérieures en nombre, jugea pru-
dent d'évacuer Bar-sur-Aube pendant la nuit. « Gvulav, dit encore
Schwarzenberg *, qui avait, ainsi ijue le prince royal, campé le
soir en arrière du champ de bataille, m'annonce à l'instant ((ue
Tennemi a évacué Bar-sur-Aube pendant la nuit, se retirant sur
Chàlons et sur Troyes. Le feldzeugmeister a occupé !5ar-sur-Aube.
Le IV® corps, posté î\ Rouvres, Lignol et Villeneuve-aux-Fresnes,
lui sert de soutien. »
Mortier se replie sans que les Alliés s'aperçoivent de sa
retraite. — Ici encore, comme à Langres, les Alliés s'aperçu-
rent si peu du départ de Mortier, que le 24 au soir, les deux
généraux se concertèrent en vue de l'attaque qu'ils comptaient
à cheval de la garde, nn bataillon do la vieille garde et iOO hommes de la
2« division. Le reste des troupes était rangé en bataille en avant de Bar, sur
la route de Chaumont. Mes éolaireurs occupaient ArrentiAres. Vers onze lieures
Tenuemi déboucha sur deux colonnes, l'une par la route de Chaumont. l'autre
par celle de Clairvaux. C'était une attaque réelle. On ne pouvait s*y méprendre
à la profondeur d(;s colonnes qui se présentaient devant moi. De fortes masses
d*infanteric de la colonne venue de Clairvaux tentèrent do s'emparer du pont
au-dessus de Fontaines. Mon artillerie l'en éloigna. Trois fois Fontaines fut
attaqué avec impétuosité, trois fois l'ennenii fut culbuté. Il porta sur sa gauche
de fortes colonnes. Cependant Spoy n'avait pas encore été attaqué à la tombée
de la nuit.
« Le général Letort avait reçu l'ordre de se replier de Colombey-les-Deux-
Ëglises sur Lignol. 11 fut suivi par le corps du prince royal de Wurtemberg et
une nuée de cosi^ques. 11 vint se mettre en ligne avec nous, su gauche dans la
direction du plateau de Voigny, que j'avais fait occuper, et s'y est maintenu
malgré la supériorité des forces qu'il avait devant lui J'ai eu affaire au corps
de Gyulay, que les prisonniers afilrrnent de .'^0,000 hommes. Ces fon'cs sont
indépendantes de celles du prince rojal de Wurtemberg, qu'on évalue de
12,000 à 15,000 hommes.
• •••••••••» ....••.•..•••.•,.....
« Dans mes précédents rapports, j'avais eu Thonneur de faire con-
naître à Votre Majesté que l'ennemi manœuvrait par les deux rives de l'Aube.
Il paraîtrait que toutes les forces concentrées à Arc, Château- Villain, La Ferté-
sur-Aube, Clairvaux, etc., s'étaient réunies. Ma position n'étant plus tenable,
je me porterai demain sur Vendeuvre pour couvrir la route de Paris. Je compte
camper ensuite au pont de la Guiilottiùre, qui m'offre une bonne position où
je tenterai de nouveau le sort d'une bataille avant de me rendre à Troyes Si
Votre Majesté pense que je doive aller de Troyes à Arcis-sur-Aube, cil».; aura
la bonté de me le faire savoir . Je préviens de mon mouvement le général
Gérard, qui a dû se rendre à Rrienne. Platoff était à Doulevant : ses cosaques
inondent le pays ». (Archives de la Guerre,)
* Schwarzenberg à l'empereur d'Autriche. (A'. A'. Kriegs Archiv., 1, 582.)
— 168 —
exécuter le lendemain. Ici encore, ils perdirent le contact. Leurs
troupes légères et leur cavalerie s'étaient laissées arrêter par le
premier obstacle qu'elles avaient rencontré sur leur route, le pont
détruit près de Spoy, sans même essayer de trouver un autre pas-
sage et de poursuivre plus loin. Aussi, au lieu de chercher à savoir
ce qu'était devenu Mortier, leurs généraux s'en tenant à des sup-
positions, se fiant aux bruits recueillis et ù des renseignements
qu'ils n'avaient pu faire contrôler, annonçaient au généralissime
que le gros des troupes du duc de Trévise avait, de Bar-sur-Aube,
pris la direction de Châlons, que la garde seule était allée à
Troyes. Avec un peu d'activité et d'initiative, il leur aurait été
cependant facile de constater que le petit corps français, presque
exclusivement composé de troupes de la garde, s'était tout entier
replié sur Troyes. Enfin, on ne s'explique guère les raisons pour
lesquelles le prince royal laissa le gros de son corps à Chaumont,
et ne porta que 7 bataillons, 13 escadrons et 3 batteries à l'at-
taque de Bar-sur-Aube.
Fautes et mensonges de Platoff . — Le combat de Bar-sur-
Aube avait, d'ailleurs, coûté pas mal de monde aux deux adver-
saires, mais comme le dit le Journal des opérations tenu au quar-
tier général de Schwarzenberg*, comme le constate également le
Journal des opérations du IV® corps', les Français auraient cer-
tainement plus souffert, si, ainsi qu'il en avait reçu l'ordre et ainsi
qu'il l'avait promis la veille au prince royal de Wurtemberg,
Platoff avait paru sur leurs derrières avec ses 4,000 cosaques.
De même qu'à Épinal, Tataman était arrivé trop tard, et bien
qu'au lieu de déboucher sur le derrière des Français, il se fût
montré sur ceux du IV® corps, il osa néanmoins adresser à
Schwarzenberg le rapport ci-après ' :
« Ayant pris avec mon corps la direction de Bar-sur-Aube, je
faisais, de mes postes avancés, replier les détachements de cava-
lerie des gardes ennemies, de Joinville jusqu'à Beurville. Ces
détachements étaient destinés à couvrir l'aile gauche du corps du
* Tagesbegebenheiten. (K, K. kriegs Archiv., I, 30.)
* Journal d'opérations du IV® corps. (Ibid., XIII, 56.)
' IMatoff à Schwarzenberg. Bar-sur-Aube, 25 jauvicr (en français dans
l'original). (/T. K. Kriegs Arehiv., I, 572.)
— 169 -
maréchal Mortier, qui se trouvait à Bar-sur-Aube, ayant son
avant-garde, hier, à Colombey-les-Deux-Églis(;s.
« Mes partis entretenaient la liaison avec les troupes wurtom-
bergeoises qui occupaient le grand chemin de Chîllons. Jours et
nuits, j'envoyais des cosaques en flanc et en dos de l'ennenii,
devant le général Gyulay et le prince de Wurtemberg.
a Mes cosaques Tinquiétèrent de même pendant qu'il était aux
mains avec ces généraux, dispersèrent les détachements de cava-
lerie des gardes qui voulaient s'opposer à eux et firent nombre de
prisonniers. L'ennemi fut obligé de quitter Bar-sur-Aube. Il y
abandonna 200 blessés et prit sa direction sur Troyes.
« Mes partis le poursuivent en côté sur le chemin ; mais
demain, ils se dirigeront sur Bar-sur-Seine, où je vais me porter
moi-même.
« Les prisonniers des gardes, que j'ai pris, ont été remis au
comte Gyulay. »
Lettre du prince royal de Wurtemberg au général ToU. —
Le prince royal de Wurtemberg devait être cette fois moins patient,
njoins crédule et moins indulgent qu';\ Épinal. Justement indigné
et de la mollesse et des impudences de Platoft*, qui osait, de
Beurville (à 15 kilomètres de Bar), lui annoncer, hi 25, ([ue ses
cosaques avaient chassé l'ennemi de Bar, le prince royal ordonna,
le 26 janvier, ii un des officiers de son état-major d'écrire au
général lieutenant Toll. Dans cette lettre, qui est reproduite ci-
dessous, il flétrit comme elle le mérite, quoique dans des termes
peut-être un peu trop violents, l'inexplicable conduite de l'ataman
pendant la journée du 24 janvier :
« Bien que ce document * ne doive pas être considéré comme
une communication officielle, mais uniquement parce qu'il me
semble nécessaire de faire connaître la vérité à Votre Excelhnice,
je crois revenir encore une fois sur (affaire ' sérieuse d'avant-
hier, dont l'issue a été satisfaisante puisque la vieille garde, une
1 Bernhardi, ToU. Denkw'nrdigkeilen, V. 397. T^ottrc adress<^ au g6néral-
licQtenant comte ToU par l'état-major général du prince royal de Wurtemberg,
le 2ô janvier 1814.
' En français dans le texte.
— 170 —
partie de la jeune et une division arrivée de Metz en toute hâte
ont dû se retirer après avoir subi de grosses pertes
« Dès (jue le prince royal eut combiné, le 23 après midi, son
attaque avec le feldzeugmeister comte Gyulay, il écrivit à l'ata-
nian (Platoff) pour l'engager à se porter, le 24, sur Bar-sur-Aube
et à se montrer sur les derrières de l'ennemi, qui se retirait de
Colombey. L'ataman, avant d'avoir reçu la lettre du prince, avait
de son côté prié Son Altesse, par une communication datée de
Beurville le 24 de grand matin, de vouloir bien entreprendre
quelque chose contre Colombey, parce que lui, Platoff, avait l'in-
tention de tomber sur les derrières de l'ennemi et de pousser sur
Bar-sur-Aube.
« Nous comptions par suite d'une manière absolue sur la
coopération de l'ataman; nous avions enlevé les positions de
l'ennemi, nous l'avions rejeté sur la ville, en avant de laquelle il
occupa sérieusement une nouvelle position sur le front de laquelle
il avait mis vingt bouches à feu en batterie, et nous ne savions
toujours rien de l'ataman, si ce n'est qu'on avait vu quelques
cosaques sur nos propres derrières. Le prince royal espérait tou-
jours voir l'ataman déboucher par Arrentières avec son artillerie,
prendre l'ennemi à dos et l'obliger ainsi h traverser dans le plus
grand désordre le défilé formé par la ville. Ce mouvement aurait
permis ù Gyulay, sérieu.sement engagé à Fontaines, et au prince
royal de se porter sinmltanément sur Bar et d'infliger h l'ennemi
une véritable défaite.
« Mais ce ne fut qu'hier matin, après l'entrée de Gyulay à Bar
et après le retour du prince royal de Bar à Colombey, que Son
Altesse reçut dudit ataman une lettre toujours datée de Beurville,
lettre par laquelle il lui faisait connaître que ses cosaques avaient
chassé l'ennemi de Bar, et qu'ayant désormais les mains libres,
il allait se porter en droite ligne sur Fontainebleau.
« A Votre Excellence d'apprécier la conduite de l'ataman.
Quant II nous, après avoir critiqué et blîlmé son attitude, nous ne
pouvons plus que rire de l'impudence de cet imposteur. »
Platoff dirigé sur Sens et Fontainebleau. — C'était cepen-
dant à un pareil officier que l'empereur de Russie avait cru pou-
voir «îonfier la délicate mission qui consistait h enlever le pape i\
Fontainebleau. Le 24 janvier, en effet il avait fait écrire à Platoff
— 171 -
par Toll une lettre dans laquelle il lui disait : « Sa Majesté tient
par-dessus tout à ce qu'une fois arrivé h Bar-sur-S(îin(% vous vous
dirigiez de suite sur Auxon et Sens pour vous porter sur la route
qui va de Paris h Dijon par Fontainebleau et la rive gauche de la
Seine. Comme le midi de la France envoie sans c(;ss(i d(»s appro-
visionnements de toute sorte à Paris, tant par les routes d(^ terre
que par les voies fluviales, vous ferez solidement occuper Moret
et Nemours, points par h^squels tous ces transports doivent for-
cément passer, vous vous emparerez de ces envois en vous gar-
dant de détruire des approvisionnements qui peuvent nous être
très utiles, et vous aurez soin de faire connaître au princes de
Schwarzenberg la nature et la quantité des envois (|ui tomberont
entre vos mains*. »
On verra plus loin de quelle façon l'ataman s'acquitta de celle
mission.
Pahlen à Haxey, Stscherbatoff à Eurville. — Pahlen (avant-
garde du VI« corps) était arrivé le 24 a Maxey et le V^ corps
n'avait pas bougé de Neufchûteau.
Stscherbatoff, moins indolent que Platofl', était du coté de
Saint-Dizier, agissant avec ses partis h droite et gauche d'Eur-
ville, annonçant à Schwarzenberg que, pendant les journées des
23 et 24, les troupes ennemies se repliaient de Void par Ligny
sur Saint-Dizier.
C'est également d'Eurville * qu'il écrit au généralissime pour
lui annoncer qu'il lui envoie le maire de cette ville, le baron de
Lespérut, attaché au maréchal Berthier, « ])arce que, dit-il, la
visite qu'il m'a faite et le désir trop manifeste quil avait de
savoir la quantité des troupes qui demandaient des vivres et des
fourrages, tout enfin me fait voir cet homme suspect.
« Mes soupçons peuvent être mal fondés, mais ma prudence
m'oblige à faire plutôt trop que trop peu, quand cela s'agit pour
le bien général.
« Hier soir, ajoute-t-il dans le même rapport, on avait pris
« Berxhardi, TolL Denkuurdigknten, IV, 238-39.
« Stscherbatoff À Schwarzeîiberg. Eurville, 24 janvier. (A'. K. KriegsArcliiv,,
\, 548), et Tagesbegebenhciten (Jbid.j 1. 30).
— 172 —
deux espions, et en passant par Eunille un d'eux a été arraché
par les habitants, que j*ai fait assembler, leur ai dit que nous ne
venions pas faire la guerre à la nation, ce qui est annoncé par les
proclamations ; mais si, au contraire, nou^ trouverions des mal-
veillants qui s armeront ou ch^cheront à nou^ nuire de telle façon
que ce soit, les coupables seront punis avec toutes les rigueurs
militaires et leurs maisons brûlées * ».
Thurn à Bar-sur-Seine. — A la gauche, le lieutenant-colonel
Thurn occupait Bar-sur-Seine. Comme il était destiné à opérer du
côté de Troyes, le généralissime lui envoya le capitaine von
Tully, du régiment d'infanterie Erlach, « parce que, écrivait-il,
cet officier, originaire de Troyes et connaissant parfaitement le
pays, pourra vous rendre de grands services lors de l'occupation
de Troyes, et qu'il sera bon de l'y laisser comme commandant
de place *. »
Le 24 janvier, Thurn écrivait, lui aussi, à Schwarzenberg pour
rendre compte de ses opérations, mais surtout pour se plaindre
d'un ordre de Wrède et demander, comme toujours, des renforts.
w Un courrier du général comte Wrède m'apporte à l'instant
l'ordre qui m'enlève les deux compagnies de chasseurs bavarois
attachées jusqu'à ce jour î\ mon détachement. Ces deux compa-
gnies rejoignent dès demain l'armée bavaroise.
« Je me permets respectueusement d'appeler l'attention de
Votre Altesse sur la faiblesse de mon corps. Il ne me restera plus
demain qu'un petit escadron de hussards archiduc Ferdinand
avec deux officiers (un capitaine et un lieutenant).
« Votre Altesse comprendra, j'ose l'espérer, qu'avant d'avoir
reçu des renforts, il me sera absolument impossible de rien tenter
contre l'ennemi.
« L'ennemi a poussé aujourd'hui une assez forte reconnaissance
et a inquiété le parti que j'avais envoyé du côté de Troyes et qui
s'est retiré ensuite par Vaudes et Saint-Parres.
t( Je me propose de tenir ici le plus longtemps possible. Il y a
avec moi un parti volant envoyé par le feldzeugmeister comte
Guylay, et qui se compose d'un escadron de chevau-légers et de
» Schwarzenberg à Thuru. Langres, 24 janvier. (K, K. Kriegt Archiv,,
I, 504.)
— 173 —
2 compagnies d'infanterie, sous les ordres du lieutenant-colonel
Selby * ».
HoaTements de CoUoredo. — Positions du prince héritier
de Hesse-Hombourg. — A Textréme gauche, Colloredo qui avait
reçu les troupes que lui attribuait la nouvelle organisation, et
avec lesquelles il devait se porter sur Chî\tillon-sur-Seine, avait
envoyé la division légère Ignac^e Hardegg dans la vallée de TAr-
mançon, vers Montbard, sur la route directe de Dijon à Paris,
et poussé sa propre avant-garde jusqu'à Saint-Seine.
Le prince héritier de Hesse-Hombourg, dont le gros était
encore à Dijon, avait dirigé WiniptTen avec sa division, 2 régi-
ments de cuirassiers et 2 batteries de position, sur Saint-Jean-d(»-
Losne pour y disperser des rassemblements armés et perm(»ttre
au général Scheither de se porter sur Chalon-sur-Saône» et d'en-
voyer de là des partis vers Mîlcon afin de se relier avec le colonel
Wieland*. Un escadron de chevau-légers autrichiens de Vincent
avait occupé Beaune sans coup férir.
25 janvier. — Pahlen à Donjeux. — Le gros du VP corps
à Nancy. — Le 25, pendant que Wittgc^nstein avec le gros dt» son
corps arrivait h Nancy, Pahlen se montrait sur les bords de la
Marne, à Donjeux, où il devait être suivi et rejoint par le général
Rudinger.
Positions des corps alliés. — Le V« corps était encore dans
ses cantonnements depuis Neufchilteau jusiiu'îi Clefmont. Le
IV» corps restait en soutien du IIP du côté de Colombey-le-Sec,
de Colombey-les-Deux-Églises et de Lignol. Le III*' cori)s était entré
à Bar-sur-Aube, et ses avant-postes se tenaient en vue des
dernières troupes de Mortier, postées entre Magny-Fouchard et
Vendeuvre, et que, par suite de la destruction des ponts, Gyu-
lay avait renoncé à poursuivre.
Schwarzenberg avait établi son quartier-général à Chaumonl.
A gauche et plus en arriére, formant une sorte de deuxième
t Thuni à Schwarzenberg. Bar sur-Seine, 2i janvier. (A*. A'. Kriegs ArcUiv,
I, 545.)
* Tageabegebenheiten. (K. K. Kriegt Archiv,, I. 30.)
— 174 —
ligne ', Colloredo était à Saint-Seine et, avec quelques troupes
seulement, dans les environs de ChAtillon ; le prince héritier de
Hesse-Hombourg se trouvait ii Dijon, et, plus en arrière encore, le
II» corps, sous Aloïs Liechtenstein, devant Besançon et Auxonne ;
la division légère de Maurice Liechtenstein opérait d'une façon
indépendante à l'extrême gauche, avec ordre de se diriger vers
Auxerre, tandis que Bubna était Ji Pont-d*Ain, Zechmeister à Ge-
nève et Chambéry, Scheither à Mâcon.
En arrière du centre de cette longue ligne, les réservées et les
gardes russes et prussiennes, cantonnées aux environs de Langres.
se dirigeaient sur Chaumont.
Renseignements envoyés par Thurn. — En avant des corps
d'armée en première ligne on ne trouvait, h gauche, que le petit
corps volant du lieutenant-colonel Thurn, en marche de Chàtillon-
sur-Soine sur Bar-sur-Seine, où il devait arriver le 26 et d'où il
faisait savoir ù Sch\vai7.enberg * que le corps ennemi posté entre
Bar-sur-Aube et Colombey s'était replié le 23 au matin par Ven-
deuvre sur Troyes, emportant ses blessés sur des voitures. Thurn
avait fiiit inquiéter, tout(î la journée du 25, l'ennemi par de fortes
patrouilles et appris le soir que la plus grande partie des troupes
qu'il avait devant lui s'était retirée de Yendeuvre parDienville sur
Brienne et s'était postée sur la route de Châlons. Après avoir re-
connu la présence des avant-postes ennemis en avant de Troyes,
à Maisons-Blanches, qu'occupaient 150 cavaliers et environ iOO
fantassins, il avait encore poussé une reconnaissance de ce côté,
chassé les vedettes et pu découvrir la faiblesse des postes avancés
de l'ennemi, qu'à cause de sa propre faiblesse il avait dû se bor-
ner à harceler. « Il m'était, dit-il, d'autant plus impossible de
songer h les attaquer, que des troupes ennemies défilaient con-
stamment sur ma droite, de Vendeuse î\ Troyes. Je prie donc
1 Pour plus de clarté, et bien que nous nous réservions de revenir plus loin
sur ces mouvements, nous croyons devoir ajouter ici que le 1" corps occupa
Châtillon-sur-Seine le 26, qne le feld-maréchal-lieu tenant Biancbi arriva avec
ses troupes à Saint-Seine le même jour; que, sur la droite de la grande armée,
l'avant-ijarde du VP corps s'avança jusqu'à Cirey-le-Château, et que les autres
corps restèrent immobiles.
* Tliurn à Schwarzenberg. Bar-sur-Seine, 26 janvier. (K, K. Krieys Ar-
chiv., I, 685.)
— 175 —
instamment Votre Altesse de donner nne suite ininu'diule ;i in;i
demande urgente de renforts. » A droite de Thurn, Platofl', (jui
aurait dû être déjà rendu à Bar-snr-Seine, eontinuait à rester h
Bar-sur-Aube, se préparant, sans se hAler, à niareher vers la
Seine.
Stscherbatoff opère à Eurville sa jonction avec Tarmée
de Silésie. — Enfin, à Taile droite, Stscherbatoff envoyait dT.ur-
ville à Schwarzenberg la dépêche par laquelle» il Tinformait de sa
jonction avec Tavant-garde de l'armée de Silésie \ avec la cava-
lerie des généraux Lanskoï et Karpoff, qui occupaicMit Saint-
Dizier. Stscherbatoff lui mandait, en outre, que, son détachcMuent
ayant empêché la destruction du pont sur la Marne, il comptait
se remettre, le lendemain à la pointe du jour, en marche sur
Arcis-sur-Aube.
Au moment même où les armées de Bohême et de Silésie opé-
raient leur jonction du côté de Saint-Dizier, l'Empereur partait de
Paris et arrivait, le 26 au matin, à Châlons. Sa présen(îe à l'ar-
mée, attendue avec une indicible impatience, allait désormais im-
primer aux opérations une impulsion énergique, rendue plus
nécessaire que jamais par la gravité des circonstances, et leur
assurer Tunité de direction qui leur avait manqué depuis l'ouver-
verture de la campagne.
t Stscherbatoff à Schwarzenberg. Eurville, 25 janvier (original en français).
{K. K. Kriegs Arelùv., 1, 57S.)
— 176 —
CHAPITRE III.
OPÉRATIONS DE L* ARMÉE DE SILÉSIE DEPUIS LE PASSAGE DU RHIN
jusqu'à la PREMIÈRE JONCTION AVEC LA GRANDE ARMÉE DE BOHÊME
(26 JANVIER 1814).
Effectif et position de Tarmée de Silésie en décembre
1813. — Depuis le jour (7 novembre) où le conseil de guerre,
réuni à Francfort-sur-le-Mein, avait fait tenir à Blûcher Tordre
de ramener vers Mayence Tarmée de Silésie, les différents corps
de cette armée îivaient mis h profit les quelques semaines de
repos qui leur étaient accordées pour se refaire et se renforcer.
Us avaient reçu les missions suivantes :
Le I®"* corps prussien (York), cantonné dans le duché de Nas-
sau, le long de la rive droite du Rhin, avait été chargé de l'in-
vestissement de Castel et du fort Montebello. Depuis le 18 dé-
cembre, les hussards de Brandebourg, le 10« régiment de cavalerie
de landwehr et quelques compagnies de chasseurs surveillaient le
cours du Rhin, depuis le confluent de la Lahn jusqu'à Hochheim;
la 7« brigade, cantomiée à Mosbarh et Bieberich, fournissait les
troupes qui bloquaient le fort Montebello et se reliait à Eltville
aux postes échelonnés le long du Rhin ; la 2^ brigade occupait
Wiesbaden et Erbenheim et poussait ses avant-postes jusijue
sous Castel : son extrême gauche donnait la main îi la droite du
corps Sacken. Les l"*® et 8« brigades étaient réparties aux envi-
rons de Langen-Schwalbach; la cavalerie de réserve était h Kir-
berg et le quartier général d'York restait du 14 novembre au
30 décembre h Wiesbaden. L'effectif total de ce corps était au
lef janvier 1814 de 21,447 hommes d'après Damitz, de 22,108
hommes, dont 661 officiers, d'après Droysen, et seulement de
19,561 officiers, sous-officiers (ît soldats (à la date du 4 janvi(T)
d'après Plolho et Bogdanowitch. Il se composait de 31 1/2 ba-
taillons, 44 escadrons et 13 batteries (104 bouches à feu).
Le II« corps prussien (Kleist), fort de 16,000 hommes environ
(et de 20,000 d'après Bogdanowitch), à la date du 6 janvier,
époque à laqu(îlle il se mit en route pour se porter vers le Rhin,
était resté jusqu'alors devant Erfurt. (k; corps d'armée qui devait,
d'après les ordres qu'il reçut ultérieurement, être le 16 janvier à
— 177 —
Coblentz ai du :27 au 28 h Trêves, avait détaché une colonne
volante, composée de 2 escadrons du 2« régiment d(î hussards de
Silésie, de î2 escadrons du régiment national de hussards de
Silésie, d'un escadron de chasseurs avec quelques bouches h feu,
laquelle, placée sous les ordres du général-major prince Biron de
Courlande, avait été temporairement attachée au corps russe du
général von Sacken.
Au moment ofi Kleist commença sa marche vers le Rhin, son
corps comprenait 23 bataillons, 20 escadrons et 12 batteries
(9G pièces). Il avait été précédé par sa (cavalerie de réserve
(16 escadrons et 16 bouches h feu), sous les ordres du général
von Roder.
A gauche du corps d'York se trouvait pendant les mois de
novembre et de décembre, le corps russe du générfil von Sac^ken,
cantonné depuis le 2 décembre aux environs de Darmstîidt. Com-
posé des 6® et 11» corps d'infanterie (généraux-lieutenants
Stscherbatoff et Liewen III, du corps de cavalerie du général
Wassiltchikoff, des cosaques du général Karpoff), il présentait î\
la lin de décembre un effectif de 26 bataillons, 28 escadrons,
8 régiments de c^osaques, 7 batteries (94 bouches il feu), en tout
21,550 hommes*.
Le corps russe du général comte Langeron, placé en 2« ligne
autour de Francfort, comprenait le 8« corps (général comtr^ de
Saint-Priest, qui, détaché h Ehrenbreitstein, opéra î\ part et
d'une façon indépendante pendant une bonne partie de la
campagne), le 9« (général Olsufieff) et le 10« (général Kapsewilch),
le corps de cavalerie du général Korff et les cosaques du général
Grekoff VIII. En en déduisant le 8« corps (environ 10,000 hommes),
ce corps présentait un effectif de 23,000 hommes, répartis en
43 bataillons, 28 escadrons, 7 régiments de cosaques et 12 batte-
ries (136 bouches h feu), 5 compagnies de pionniers et ponton
niers et un équipage de ponts*.
D'après Bogdanowitch, les effectifs du corps Langeron, au
moment de la reprise des hostilités, auraient été de 36,000
* D'après Bogdanowitch : 26 bataillons, 3i escadrons, 7 régiments do
cosaques, 8 batteries (96 canons), avec un effectif total de i 9,500 hommes.
> D*après Damitz et Piotho.
Weil. 12
— 178 —
«
hommes, réduits h 24,099 par suite du détachement du 8« corps
qu'il compte pour 11,901 hommes.
Effectifs disponibles lors du passage da Rhin. — L'effectif
total de l'armée de Silésie était donc au rnoment oà elle franchit
le Rhin de 67,000 hommes*, avec un peu plus de 300 bouches îI
feu.
Mais comme Blûchcr dut laisser environ 15,000 hommes du
corps Langeron devant Mayence, ce fut seulement avec un p(îu
plus de 50,000 hommes qu'il commença les opérations sur la rive
gauche du Rhin.
29 décembre. — Mesures prises par Blûcher. — Bliicher,
dont le quartier général était installé à Hôchst, se transporta de
sa personne k Francforl-sur-le-Mein, le 29 décembre. Pour donntîr
le change à tout le monde, au moment même où il adressait à
ses lieutenants des instructions confidentielles relatives au pas-
sage du Rhin, il chargeait ostensiblement Ribbentrop, le com-
missaire général des guerres de Tarmée de Silésie, de s'occuper
activement de rétablissement des quartiers d'hiver et de la cons-
titution des magasins nécessaires à des troupes appelées îi faire
un assez long séjour sur les points qu'elles occupaient sur la rive
droite du fleuve.
Lettre de Schwarzenberg à Blûcher. — A ce moment, le
26 décembre, Schwarzenberg annonçait au feld-maréchal « qu'il
occupait Berne, Soleure, Zurich et Porrentrui ; que Bubna, arrivé
à Fribourg, se dirigeait sur Genève ; qu'il comptait toujours par-
venir à hauteur de Langres vers le 20 janvier ; qu'il n'avait pen-
dant ce temps de craintes que pour la droite de l'armée de
Bohème, et qu'il importait par suite d'occuper les forces fran-
çaises qui pouvaient se réunir à Metz, de façon à les empêcher
d'envoyer du monde vers Huningue ou de chercher à traverser le
Rhin à Kehl. w Le généralissime ajoutait dans cette lettre du 26
que VVittgenstein, étant encore tro)) faible pour pouvoir s'opposer
à de semblables tentatives, il comptait sur l'armée de Silésie pour
se charger de cette tilche.
i 74,000 hommes d'après Clauscwitz.
— 179 -
Rôle attribué par le plan de campagne à Tarmée de
Silésie. — Le rôle attribué h l'armée de Silésit; avait, (l'aill(îurs,
été prévu et déterminé dans le plan général de Cîimpagnc :
« L'armée de Silésie pass(»ra le Uhin (mtre Cobhînlz, Mayenee et
Mannheim, bloquera ensuite» Mayenee, se portera avec son gros
sur Metz, de façon à y arriver le lo janvier, épocpu* îi laquelle la
grand(i armée se trouvera à hauteur de Langres. L'armée de
Silésie, sans se préoceupcT autrement des places dt^ la Moselle et
de la Meuse, continuera son mouvement V(Ts la Champagne, et h»
31 janvier les d<ni\ grandes armé(»s alliées devront être réunies
(Mitnî Troyes, Arcis et Vitry. »
L'auteur du plan en question ajoutait : « Que l'armée de
Bohômcî, passant par la Suisse et la Franchtî-Comté et ayant plus
d(î chemin à parcourir, l'armée de Silésie devait franchir le Rhin
onze jours après cjut» les troupes de Schwarzenberg auraient
etîectué leur passage. »
Instructions confidentielles de Blûcher à ses généraux. —
Aussi, dès le i6 décembre, Blu(*her adressait à ses diflerents
lieutenants des instructions conlidentielles par lesquelhîs il lixait
au l'-"" janvier 1814 au matin le passage du Rhin, que les corps
de Langc.Ton et d'York traverseraient entre Mayenctî et Coblentz,
hî (îorps de Sacken entre cette dernière ville et Mannheim. Les
différents corps de l'armée de Silésie devaient se réunir le 4 jan-
vier sur la ligne Kreuznach — Alzey.
Aux difficultés qu(î présente toujours le passîige d'un grand
cours d'eau venaient encore s'ajouter celles qui provenaient de la
présence sur la rive gauche du Rhin du maréchal Marmont avec
le G" corps et la faible division du général Ricard, et du fait que
Mayenee et Castel étaient occupés par les 12,000 hommes du
général Morand.
11 en résultait que l'armée de Silésie devait tenter d'elTectuer
ce passage îi la fois en amont et en aval de cette place et que
l'opération n'avait de chance de réussir qu'à condition d'être pré- .
parée en secret et exécutée avec la plus grande célérité, de façon
à ne pas laisser aux Français le temps nécessaire pour se concen-
tnT et écraser les tètes de colonnes au moment oii elles cherchcî-
raient à prendre pied sur la rive gauche.
— 180 —
Mouvements préparatoires des différents corps. — A œi
efiel, Langeron, avec le 10® corps (Kapsewitch) et la réserve d'ar-
lillerie, se porta le 29 sur la Nidda et la plus grande partie de la
cavalerie de r('îser\'e s'établit entre Butzbach et Kirberg.
Le 30, l'infanterie continua son mouvement vers Wiesbaden,
où elle releva les avant-postes prussiens, qui depuis Biebrich
jusqu'à Mosbach participaient au blocus de Castel, pendant que la
cavalerie de réserve atteignait Kirberg et Erstein et que le
1er corps prussien (York) quittait Wiesbaden pour se masser entre
Langen-Schwalbach et le Rhin.
Le lendemain 31, ce corps poussait jusqu'entre Nastàlten et le
Rhin, vers Caub et Sanct-Goarshausen. Langeron avec le 10« corps
s'établissait derrière lui sur la rive droite du Mûhlbach, la cava-
lerie de réserve à Langen-Schwalbach et Katzenellbogen et le
9® corps relevait les postes de l'aile droite des troupes en position
devant Castel.
Le point de passage à Caub reconnu par un officier de l'élat-
major du 2® corps était, sans démonstration, occupé dans l'après-
midi par une des brigades du I®*" corps, sous les ordres directs
du général-lieutenant von Hunerbein, chargé de la conduite de
l'avant-garde.
Tout était calme sur la rive gauche : on semblait n'y avoir
aucune notion ni des projets de l'armée de Silésie, ni des mouve-
ments qu'elle exécutait.
En même temps Saint-Priest massait le 8° corps russe sur la
Lahn, de Dausenau à Ober-Lahnstein, et embarquait sur 82 ba-
teaux amarrés îi peu de distance du confluent de cette rivière,
5,000 hommes destinés à se porter immédiatement sur Coblence,
dès qu'ils auraient débarqué sur la rive gauche.
Du coté du corps Sacken, on avait employé les derniers jours
de décembre à la construction d'un pont de bateaux qui devait,
au moment opportun, descendre le Neckar et permettre le pas-
sage aux environs de Mannheim.
Le 31 décembre au soir, l'armée de Silésie occupait les posi-
tions suivantes :
Le corps de Sacken était cantonné aux environs de Mannheim :
le 1er ^-orps prussien entre Sanct-Goarshausen et Caub, où se
trouvait également h; quartier général de Blùcher : Langeron
avait pris position avec le 10« corps en arrière du I" corps. Le
— 181 —
9*^ corps (»Unit tout ontiei* tl(»vaiil Cast(»l et Kî H** du rot<'» dTJiren-
breilstoin. sur les rives de la Lahn. Le corps volant du gcucral
Biron, qui avait reçu Tordre de rejoindre le corps de Sacken à
Mannheim, y arriva dans la matinée du 31 décembre.
Ordres de l'Empereur à Marmont. — Mouvements de Mar-
mont. — Au moment où Tarmée de Silésii» se préparait à passer
le Rhin, Marmont qui avait été chargé jusque-lji de la garde de la
rive gauche avec les divisions Lagrange, postée en face de Mann-
heim, Ricard et Durutte entre Mayence et Coblence, venait de
recevoir de l'Empereur, informé de l'apparition des Alliés en
avant de Bàle, l'ordre de concentrer sur Landau le 6^ corps et le
1" corps de cavalerie, pour se porter sur Colmar où il prendrait
la direction supérieure des opérations en Alsace. Le maréchal,
se conformant aux instructions de son souverain, avait aussitôt
commencé son mouvement et se trouvait de sa personm», dès le
30 décembre, à Neustadt avec l'infanterie de Lagrange et la cava-
lerie de Doumerc. Il ne restait plus à Ober-Wesel, Bacharach et
près de Mannheim que quelques petits postes de la division
Lagrange. Quant à la division Durutte, une de ses brigades était
répartie entre Coblence et les redoutes élevées en face de
Lahnstein, l'autre était à Saint-Goar, Bacharach et Bingen; la
division Ricard marchait sur Kreuznach, pour se relier au
maréchal.
La fortune souriait, on le voit, à Blûcher et allait lui faciliter
singulièrement une opération que la présence de forces quelque
peu respectables aurait pu aisément faire échouer ou tout au
moins compromettre.
1*' janvier 1814. — Passage du Rhin par le corps Sacken.
— Si Sacken avait eu le soin de faire descendre le Neckar au
pont de bateaux qu'on y avait construit en pleine sécurité, il lui
fallait pour jeter ce pont sur le Rhin, s'emparer tout d'abord de la
redoute, armée de six bouches à feu et élevée par les Français, en
face du confluent du Neckar et du Rhin. Il chargea de cette opé-
ration, qui devait s'exécuter dans la nuit du 31 décembre au
l*»" janvier, six régiments de chasseurs*, sous les ordres des géné-
i Diaprés Bogdanowiti'li, 4 ré$]^imenls de chasseurs et le régiment d'infan-
terie de Biélostok*
— 182 —
raux Talisin II ol Sass, et qu'il avait ombarquos sur des bateaux
trouvc^s sur le Neckar.
Ces troupes formées en deux échelons s'ébranh'^rent î\ 4 heures
du matin. Protégées parle brouillard, elles réussirent h arriver
sans être aperçues jusqu'à quelques pas de la redoute qu'elles
enlevèrent en présence du roi de Prusse, non sans avoir eu leurs
2 généraux blessés et sans avoir perdu 300 hommes, parmi les-
quels 1 officier supérieur tué et 2 blessés. A 6 heures du soir, le
pont de bateaux était en place, et Sacken, commençant aussitôt îi
laire passer son monde sur la rive gauche, poussa le soir menu»
jusqu'à Frankenthal. Des partis envoyés en avant arrivèrent, h
droite jusqu'à Worms, à gauche jusqu'à Spire, tandis que le
général prince Biron de Courlande, avec son corps volant, dont
1(» gros s'était arrêté à Frankenthal, étendîiit ses avant-postes vers
Alzev. Il devait de là chercher à se relier sur sa droite avec les
corps d'York et de Langeron.
Combat de cavalerie de Hutterstadt. — Le général Kar-
poff II *, qui avait pris à gauche avec ses cosaques aussitôt après
* Le corps de cosaques du général KarpofT 11 se composait d'environ 2,000
chevaux appartenant aux sept régiments suivants : cosaques du Don de KarpofT,
de Lukowkin.dc Semenstrhikofl, de Kuteinikoff IV, de Grekoff, cosaques volon-
taires du baron Borde et 2« ri^giment de Kalmoucks.
Bien que la Kurzgefasste Darstellung der Kriegsbegebenheiten der SchlesiscJien
Année im Jahre 1814 (A'. A'. Kriegs Archiv., 1. 3l) n'enregistre ce combat
comme celui d'Aizey qu'à la date du 2 janvier, il est bien évident que TafTaire
de Mutterstadt eut lieu le 1" janvier, et que Bliicher, renseigné tardivement à
ce moment, l'a par erreur laissé enregistrer à la date du 2.
Le rapport suivant de Marmont au major-général ne laisse aucun doute sur
le moment où cet engagement a eu lieu :
u Marmont au major-général. — Hochdorf, 1" janvier.
u Informé par des douaniers fuyards du passage du Rhin par l'ennemi h
Mannheim. j'ai réuni la cavalerie que j'avais sous la main et suis parti
immédiatement pour Mutterstadt. Nous avons rencontré environ 100 cosaques
en avant de Meckenheim. Le 7* dragons les a chargés et menés l'épée dans les
rein?» jusqu'à Mutterstadt... Environ 300 chevaux ennemis étaient à Mutters-
tadt et se sont repliés. Voulant profiter du reste du jour et avoir des nou-
velles précises, j'ai donné ordre au général Doudenarde de suivre avec ses
500 chevaux et de presser le mouvement de l'ennemi. A un quart de lieue de
Mutterstadt, ce général a été attaqué par liOO à 1500 chevaux, qui l'ont forcé à
se replier... Je saurai demain matin à quoi m'en tenir. Si ce n'est qu'un fort
parli, je le pousserai. Si c'est l'armée qui dél>ouche, je me replierai sur Neustadt.
et je défendrai les gorges pied à pied, autant que mes moyens me le permet-
tront . La 8* division qui vient de Coblence ne m'a pas encore rejoint. Pour
- 183 -
sï'ire établi sur la rivo gaucho, rencontra près do Mullersladt
8 escadrons français; il les chargea sans leur laisser lo lomps de
se reconnaître, les mit en pleine déroute et leur enleva 23 offi-
ciers et 200 hommes.
Passage du Rhin à Caub par le corps Tork. — C était sur-
tout du côté de Caub que la fortune devait favoriser les entre-
prises de Blùcher, bien (ju'il eût choisi pour le passage le point
qui paraissait se prêter le moins à une entreprise de ce genre. En
eftet, pour arriver à Caub, il fallait d'abord passer par le défilé
de Weisel qui, s'il permettait d'y masser les troupes sans qu'on
put apercevoir leurs mouvements, présentait le grave incon-
vénient d'être commandé pîir les hauteurs de la rive gauche. Il
pouvait, de plus, être aisémcmt rendu impraticable si rartillorie
française, en incendiant le village de Caub, venait à on interdire
complètement le débouché. Enfin, les hauteurs situées sur la rive
gauche tombent [)resqu'i\ pic dans le fleuve. Le choix fait par
Blûcher d'un point aussi défavorable se justifie par la constata-
tion qui avait été faite de l'absence de tout poste français et du
manque de toute disposition défensive sur la rive gauche.
L'avant-garde du P»" corps prussien, forte de 12 bataillons d'in-
fanterie, de 2 compagnies de chasseurs, do 16 escadrons et de
16 bouches h feu, le tout sous les ordres des généraux Hiinerbein
et Jurgass, s'était massée le 31 au soir sur la rive droite, un peu
avant le moment où les pontons russes venant de Nastàtton et
destinés au pont arrivèrent sur ce point. On commença aussitôt à
jeter le pont qui devait en amont de Caub mener à la Pfalz, sans
que les mouvements de troupes et le travail des pontonniers eussent
provoqué la moindre alerte sur la rive opposée. Vers 3 heures du
matin 200 fusiliers s'embarquèrent et prirent pied sur la rivo
gauche après avoir essuyé quelques coups de fusil partis au der-
nier moment d'un poste de douaniers. Ces fusiliers eurent ensuite
une légère escarmouche avec quelques faibles détachements qui.
accélérer sa marche, elle était formée en trois détachements. J'envoie à chacun
d'eux des instructions conformes aux circonstances.
« Si l'ennemi se porte sur moi, je me retirerai sur Kaiserslautern et sur la
Sarre. Si ce n'est qu'un parti, après lui avoir fait repasser le Rhin, je conti-
nuerai mon mouvement sur Strashourg. »
[Arehivef âf la Guerre.)
— 184 —
accourus d'Ober-Wosol ot do Bacharach, ne larderont pas à so
retirer. A Taubo, les Français renouveU'Tent encore tiniidenionl
leur t(Mitative, mais sans plus de succès.
Renseignements recueillis par les Prussiens sur la rive
gauche. — Un courrier, porteur de dépêches de Marmonl, qui
se rendait de Bacharach à Rheinfels, fui pris par les troupes
passées sur la rive gauche. Les Prussiens apprirent par lui qu'ils
n'avaient eu affaire qu'à un pelil poste de 60 hommes et que la
rive gauche était presque entièrement dégarnie de troupes. Des
dépêches saisies, et qui étaient destinées au général Durulle,
alors II Coblence, il ressortait clairement que Marmonl avait
rintention de prendre position entre Kaiserslautern et Neustadl,
où Durutte avait ordre de venir le rejoindre. Le maréchal pres-
crivait, en outre, à ce général, dans le cas où il lui serait impos-
sible de marcher par Kirn et Oberslein, de se diriger par Birken-
feld vers la Sarre. Enfin, on savait désormais, et c'était là chose
importante pour Blûcher, que Marmonl était pour le moment à
Neusladl et que la division Ricard se tenait aux environs de
Kreuznach. Aussi, dès qu'ils eurent repoussé la tentative faitcî au
malin par les Français, les trois bataillons prussiens, qui étaient
venus renforcer les deux compagnies de chasseurs, se porlon^nt
en avant, escaladèrent les hauteurs et occupèrent Bacharach,
Ober-Wesel et les villages environnants.
A 9 heures du matin, le pont atteignait enfin la Pfalz, qu'occu-
pèrent aussitôt deux escadrons de hussards qui, avec deux ca-
nons, ne tardèrent pas à être transportés en bateau sur la rive
gauche, où se trouvait déjà une brigade d'infanterie. La première
brigade, aussitôt après avoir passé le Rhin en barques, avait
immédiatement poussé dans la direction de Sainl-Goar*.
Rupture du pont de la Pfalz. — A 4 heures de l'après-midi,
au moment où l'on se croyait presque certain de parvenir à ache-
ver rapidement le pont qui devait mener de la Pfalz à la rive
gauche, les ancres cédèrent, les amarnîs se rompirent et les
bateaux furent entraînés par la violence du courant. Forc(» fut
* Kriegs Archir. dfi BerUn, E. 23.
— 185 —
donc do roprendro îi nouvoaii h» IravaiK et lo pont îh» put r*tro
achève'» que dans la matinre du i janvier. Enfin, les chasseurs.
lK)stés sur la rive droite îl lludesheim, ayant sijçnaié vers le soir
des mouvements de troupes françaises se portant de Bin^en
vers Bacharach, le g(^néral von York (Tut devoir (envoyer, h? soir
même, la premit'^re brigade, qui avait occupé Saint-Goar, soutenir
à tout événement les qutîlques troupes postées à Bacîharach.
Par suite de la rupture du pont, Blucher resta encon» pendant
la nuit du !•'' au 2 janvier sur la rive droite, entre Caub, VVeisel
et Saint-Goarshausen, avec ce (jui restait de trois brif^ades du
I«' corps prussien et le corps russe de Langeron, établi plus en
arrière, en deuxième ligne.
Passage d'une partie du corps de Saint-Priest. ~ Prise
de Coblence. — Plus en aval, dans la nuit du 31 décembre au
i*"" janvier, Saint-Priest avait réussi h jeter sur la rive gauche»
deux de ses brigades, sous les ordres des généraux Bistrom 11 et
Karpenkoff, et à faire enlever la redoute» éh^vée par l(»s Français
en face de l'embouchure d(^ la Lahn. Le général Durulle, forcé par
ces événements de se retirer sur le Hundsriick, évacua (]obl(»nce,
où les Russes entrèrent le l*"" janvier îi 4 heures du malin. Lc!
général-major Pillar poussa «Micore le même jour jusqu'à Ander-
nach, où il s'empara de six bar(|ues-transports chargés de vivres
et de munitions.
Le 2 janvier, à 9 heures du matin, les pontonniers russes
avaient achevé le pont de bateaux, dont les troupes et l'artillerie
du I«^ corps se servirent immédiatement pour achcîver leur pas-
sage. Comme on ne disposait que d'un seul pont, ce fut seulement
Iq 3, à l'aube du jour, que le corps de Langeron put à son tour
quitter la rive droite du Rhin.
Passage du corps Langeron. — Opinion de Clausewitz sur
le passage du Rhin. — « Un passage de rivière, dit à ce propos
Clausewitz, malgré toute l'admiration qu'il professe pour Blucher
et qui l'amène souvent, même dans sa Critique straté(jique de la
campagne de 1814, quand il s'agit des opérations du feld-maré-
chal, à se départir de son impartialité ordinaire, un passage de
rivière exécuté par 70,000 hommes sur une ligne de plus de
120 kilomètres de long, interronipue par une place dans laquelle
— 186 —
Tennemi a une garnison de 16,000 hommes, n'est pas une opé-
ration bien reconmiandable ; car Tennemi, pour\^u que ses forces
le lui permissent^ pouvait se jeter avec tout son monde sur une
fraction, celle de Sacken, et la bousculer avant que l'autre eût
été h même de lui porter secours. Étant donné cependant la fai-
blesse des Français, comme il ne pouvait entrer dans leur plan
de tenir ferme entre le Rhin et les Vosges, il n'y avait pas grand
danger à tenter l'entreprise; de plus, comme on pouvait obtenir
ainsi des résultats plus considérables qu'en opérant le passage
sur des points plus rapprochés, on eut raison d'agir de la sortcî :
c'est à celui des deux a'dversaires qui a pour lui la supério-
rité du nombre qu'il appartient de provoquer la crise, de recher-
cher les grands résultats. »
Il y a assurément beaucoup de vrai dans la manière de voir de
Clausewitz, et l'on ne saurait qu'approuver le principe qu'il pose
en terminant. Toutefois il nous semble qu'il aurait été plus sévère
pour tout autre général et qu'après avoir critiqué l'opération,
comme il le fait ajuste raison au début; après avoir mis en lumière
ses inconvénients et ses dangers, il n'aurait pas manqué de dire,
s'il n'eût pas été (juestion de Bliicher, que cette manière d'agir et
le choix de points de passage aussi éloignés ne pouvaient se jus-
tifier que dans le cas où, avant de commencer l'opération, le
commandant de l'armée de Silésie aurait su, pîir les rapports de
ses émissaires, comme il l'apprit ensuite par les dépèches trou-
vées sur le courrier, que Marmont avait dû. par ordre supérieur,
dégarnir la rive gauche et se porter sur Kaiserslautern.
2 janvier. — Mouvements des corps Tork et Langeron. —
Pour remédier dans la limite du possible aux lenteurs insépa-
rables du passage d'un grand cours d'eau sur un S(^ul j)ont et
surtout sur un pont de bateaux, Bliicher prcîscrivit à York de se
diriger aussitôt de Bacharach par Rheinbôlhm et Stromberg sur
Kreuznach. Langeron reçut l'ordre de prendre, une fois sur la
rive gauche, la chaussée de Bacharach h Bingen.
Marche de la division Ricard. — Le général Ricard avait
passé la nuit à Kreuznach, où il avait eu connaissance du
mouvement des Prussiens et des Russes sur Coblence» et Bacha-
rach. Il s'était mis aussitôt en marche pour se porter par le
— 187 —
Hûndsrûck vers Coblence et donner la nniin îi la division Durutte.
Bien que son avant-garde eût dé'jh dc'^passt^ Alzey, (jue son gros
eût atteint Stromberg, son arrière-garde qui était encore h Lau-
bach ne tarda pas à se joindre aux restes de la division Durutte
qui se repliait sur Sininiern et se rei)orta en avant jusqu'à Hab-
senbach. Mais les postes français de Saint-Goar et de Bacliarach
ayant été forcés par les Prussiens qui poussaient sur Rheinbollen
et Stroniberg, h général Ricard se vit i^ontraint à s'arrêter h
Laubach, afin de s'y réunir av(»c Ici général Durutte. Dés qu'il
eut appris qu'York était maître des débouchés du Rhin sur hî
Hûndsrûck, qu'il occupait déjà Rheinbollen et Stroniberg, que sa
cavalerie remontait par la rive gauche de la Moselle et qu'il sut
que le général Durutte n'avait avec lui que 400 à oOO hommes, il
résolut de se diriger sur Trêves, pour s'assurer le passage de la
Moselle.
Blûcher, en poussant rapidement en avant le corps d'York
d'abord sur Kreuznach, jKiis par la vallée de la Glan, sur Sarre-
brûck, pendant qu'il faisait marcher Sacken par Kaiserslautern
et Deux-Ponts vers la Sarre, ch(Tchait évidemment à empêcher
les troupes des généraux Durutte et Ricard d'opérer, d'abord
leur retraite, puis leur jonction avec Marmont.
Affaire de cavalerie de Rheinbollen. — York avait mis ses
troupes en mouvement aussitôt après la réception des ordres du
feld-maréchal, c'est-à-dire un peu après midi; sonavant-gard(» prit
la route de Kreuznach : les !'"<', 2'^ et 7° brigades, et la cavalerie de
réserve suivirent le mouvement de l'avant-garde. La cavalerie de
Textrôme avant-garde chassa sans peine les cavaliers français
de Rheinbollen, leur enleva une cinquantaine d'hommes et ne
trouva plus trace de l'ennemi, ni à Stroniberg. ni même à Kreuz-
nach, où elle arriva pendant la nuit. La 2*^ brigade poussa jus-
qu'à Rhfîinbollen et Ellnau, et comme les Français occupaient
encore Argenthal et Schnorbach, comme d'autre part c(;tte bri-
gade avait reçu l'ordre de continuer sa marche, elle laissa provi-
soirement à Ellern un bataillon et un escadron chargés de couvrir
la droite des autres troupes du I^"" corps jusqu'au moment où le
colonel comte Henck(»l, qu'on venait de diriger sur Simmern
avec un corps volant, aurait obligé les Français à quitter Argen-
thal.
- 188 —
Envoi du corps volant de Henckel sur Trêves. — Le dota-
chôment confi('î au colonel Henckel, et qui devait ensuit(» de Sini-
mern se porter sur Trêves, se composait du 5*^ régiment de
cavalerie de landwehr de Silésie (4 escadrons), de 2 escadrons
du 3^ régiment de cavalerie de landwehr de Silésie, du bataillon
de fusiliers du corps et d'une demi-batterie d'artillerie à cheval.
Comme cette colonne n'avait été formée (jue dans le courant de
l'après-midi, elle arriva h neuf heures du soir h Rheinbollen, s'y
arrêta quelques instants et reprit aussiôt son mouvement sur
Sinmiern.
La marche du 2 janvier, exécutée par un froid des plus vifs et
dans les mauvais chemins du Hundsruck, éprouva d'autant plus
les troupes du P"" corj)s qui avaient déjà bivouaqué pendant les
deux dernières nuits, que la plupart d'entre elles n'atteignirent
l(»urs cantonnements situés en avant des gorges des montagnes
qu(i fort tard dans la nuit, et que quelques-unes même n'y arri-
vèrent que le 3 au matin. York arriva de sa personne à onz(»
heures du soir à Stromberg, et le quartier général de Bliicher
resta h Bacharach.
Combat de Dûrkheim et mouvement de Biron sur Alzey.
— Du côté du corps Sacken, Marmont, afin de couvrir Kaisers-
lautern, avait pris position sur le Schindbuckel, avec la division
Lagrange et la cavalerie de Doumerc, entre Diirkheim et Ellers-
ladt. Après un court combat, il avait dû se replier sur. Harden-
burg, en arrière de Dûrkheim, et laisser entre les mains de l'en-
nemi une centaine de prisonniers. Les généraux Ricard etDurulte,
se trouvant dans l'impossibilité de rejoindre le maréchal dès le
moment où les troupes d'York les avait prévenus h Stromberg,
se virent forcés à gagner la Sarre en passant par Laubach et
Simmern.
Le 2 janvier, h neuf heures du matin, Sacken avait encore
dirigé le corps volant du général prince Biron de Courlande, de
Dautenheim sur Alzey. Ce détachement, en se portant le ItMide-
main 3 sur Wonsheim, avait pour mission d'établir et d'assurer
la communication avec l'avant-garde. Biron trouva Alzey évacué;
il réussit néanmoins à atteindre l'ennemi grâce à un brouillard
épais, h le surprendre entre Bermersheim et Lohnsheim, et à lui
— 189 —
prendre 1 lieutenant colonel, 5 officiers, iO hommes et Go che-
vaux *.
Combats de cavalerie de Hehlem et Ober-Winter. — La
cavalerie de Saint-Priest avait continué à pousser en avant d'An-
dernach et était arrivée dans l'après-midi du 2 janvier jusqu'à
Mehiem et Ober-Winter. Mais les rosa(|ues, sout(inus par (jnel-
ques compagnies d'infanterie et une boucher à feu, viiu'ent se
heurter sur ce point contre les généraux Albert et Jacquinot (du
5" corps, Sébastiani;, qui, sortis de Bonn à leur rencontni, les
attaquèrent aussitôt, les reconduisirent vivement dans la direc-
tion d'Andernach et réoccui)èrent lltîinagen *.
Passage du corps de Saint-Priest retardé par les glaces.
— Le Rhin ayant commencé à charrier d(»s glaces, Saint-Priest
parvint, à grand'peine et en perdant beaucoup de temps, à faire
passer successivement en bateau le reste de son infanterie, son
artillerie et sa cavalerie. Force lui fut donc de rester plusieurs
jours à Coblence, et ce fut plus tard seulement (ju'il put com-
mencer son mouveujent par Andernach sur Malmédy, Dinant et
Givet. Nous n'aurons plus, d'ailleurs, à nous occuper de Saint-
Priest avant la mi-février, époque à laquelle il se njit en marche
avec un des échelons du 8« corps russe pour se rendre à Saint-
Dizier, où il arriva le 27 février. 11 y resta alors pendant quelque
temps pour réunir les renforts envoyés à Blûcher et relier l'ar-
mée de Silésie, d'une part avec l'armée de Bohème, de l'autre
avec le Rhin.
3 janvier. — Mouvement de la cavalerie prussienne sur
Bingen. — La plus grande partie des troupes du 1«^ corps fit
1 La plapart des autears allemands (Plotho, Damitz, etc.) prétendent que les
combats d'Alzey et de Mutterstadt eurent lieu le l*^*" janvier, le jour môme du
passage du Rhin, bien que la Kurzgefasste Darstellung dei' KriegsbegebenheUen
der Schlesisclien Armée im Jahre 1814 {K. K. Kriegt Archiv,, I, 31) enregistre
ces deux affaires à la date du 2 janvier, tandis que laffaire de Mutterstadt eut
lieu, comme nous l'avons dit, le 1<^' janvier. Celle d'Alzey, seule, est du 2 jan-
vier.
' Sèbastiani au major- général. Obcrwintcr, 2 janvier au soir. {Archives de la
guerre.)
- 190 —
halt(^ le 3 janvier. Tout se borna de ce côté à quelques oi)éralions
de la cavalerie de l'avant-garde et au mouvement du colonel
comte Henckel.
Le général von Hûnerbein, qui commandait l'avant-garde, m»
sachant pas si Bingen était encore occupé par les Français, avait
envoyé de ce côté une colonne volante qu'il lit partir de Strom-
berg le 2 au soir. Elle devait éclairer sa gauche et établir, si faire
se pouvait, la communication avec le corps Langeron. Cette
colonne, sous les ordres du lieutenant-colonel von Stôssel et
formée par le bataillon de fusiliers du régiment de Brande-
bourg, chassa de Waldalgesheim un petit poste français qui,
grAce à l'obscurité, parvint à se retirer sans encombre. Le lieu-
tenant-colonel von Stossel réussit néanmoins à savoir que les
Français (il s'agit là du général Ghoisy qui, avec le 2* réginjenl
de gardes d'honneur et un millier de fantassins de la 2^^ brigades
de la division Durutte, alla ensuite s'enfermer dans Mayence),
occupaient encore Bingen le 3 au matin et surveillaient le cours
de la Nahe.
Combat de cavalerie de Simmern. — Le colonel Henck(^l,
continuant son mouvement dans la nuit du 2 au 3, avait trouvé
Argenthal évacué par l'ennemi et était arrivé à 2 heur(»s du
matin devant Simmern, qu'occupait encore une faible arrière-
garde de la division Ricard. Cette petite troupe, chassée presqu(i
aussitôt de la ville, essaya vainement de reprendre pied au
débouché; mais, rompue par la cavalerie de Henckel, (;lle fut pour-
suivie jusqu'à Kirchberg où le combat, qui avait coûté aux Fran-
çais une centaine d'hommes tués, blessés ou prisonniers, continua
jusque vers 5 heures du matin.
Le gros du corps volant du colonel Henckel atteignit le 3 au
soir Kirchb(Tg, que les Français avaient quitté dans le courant
de la journée, pour se repli(T avec les généraux Ricard et Durutte,
par Kirn et Saint- Wendel sur la Sarre.
Mouvements des cosaques. — Les cosaques s'étaient pen-
dant ce temps reliés par AIzey avec le corps Sacken, et les (jnel-
(|U(;s troupes françaises postées encore de ce côté avaient dû se
retirer d'abord sur Meisenheim, i)uis sur Kirn, i)Our rejoindre les
divisions Ricard et Durutte en retraite; sur Birkenfeld.
— 191 --
Marche de Langeron sur Bingen. — Lan^^tTon, dont le
corps avait, enfin, pu achever la veille le passaj^^e du Rhin (*t
prendre position le 2 au soir à Baeharaeh, s'était, dès l'aulH», mis
en niareh(î sur Bingen, qu'il avait fait enh^ver par le général Kar-
nieloff. Le général Choisy, auquel eett(» artainî avait coûté
300 hommes, se retira avec son infanteri(» sur Iiigelheim, dans la
direction de Mayence, ])endant que sa cavalerie^ cherchait à ral-
lier les troupes du maréchal Marniont. Quant au l®»" régiment de
gardes d'honneur précédemment posté à Kreuznach, il avait été
coupé du reste des troujX's françaises par les mouvenuMits de
l'armée de Silésie ; mais il n'en réussit pas moins, après avoir été
contraint à se diviser en petits pa(pu»ts njarchant par des routes
différentes, ii rejoindre tinalement les troupes françaises sur la Sarre.
Affaire de cavalerie de Neustadt. — Embuscade de
Warteck. — Escarmouche de Fûrfeld. — Sacken avait cou-
tinué îi suivre Marmont ([ui, après avoir été rejoint par -4 batail-
lons et une demi-batterie de la division Richard, éva(Hia Durkheim
et Neustadt dans la nuit du 8 au -4, pour se replier sur Kaisers-
lautern. L'arrière-garde du maréchal, atteinte à Neustadt et prise
en flanc par les cosaques du général major Lukowkin. fut bous-
culée et ramenée vivement, perdant dans celte affairtî 3 officiers
et 50 dragons faits prisonniers '.
Le général princi» Biron avait enlevé un convoi de vivn^s dans
une embuscade tendue près de Warteck, entre Alzey et Kirch-
heimbolanden, et avait ensuite été s'établir à Wonsheim, d'où
il s'était relié à l'avant-garde d'York.
Pour compléter l'exposé des petites opérations de ce jour, il
nous reste à ajouter (ju'une patrouille ])russi(Mine, envoyée de
Kreuznach vers Furfeld, avait eu un léger engagement avec un
petit poste français, et ([ue sur son extrême droite York s'était
relié dans l'après-midi avec des cosacpies appartenant au corps
de Saint-Priest.
Positions le 3 janvier au soir. — 11 résulte de ce qui pré-
cède que, le 3 au soir, deux des corps de l'armée de Silésie se
1 12« rapport île l'année de Silésie (Zwôlfter Bericht der Schlesischen
Armée), daté de Saint- Wendel, 9 janvier 1814. (K.K, Kriegs Archiv.,1, 186.)
- 192 —
porlaieiil vers la Sarre : York par la route de Kreuznach, Sacken
par colle de Kaiserslaiitern, pendant {|ue Langeron se dirigeait
vers Mayence.
4 janvier. — Ordres de Blûcher relatifs à la transmis-
sion des nouvelles. — Mouvements de l'avant-garde vers
la Sarre. — Le 4 janvier, l'avant-garde du corps York, confor-
mément aux ordres de Blùcher, continua, par la route de Kreuz-
nach et la vallée de la Glan, en passant par Meisenheim et Lau-
terecken, son mouvement sur Gusel. « Afin, dit Blûcher dans cet
ordre, d'assurer la rapidité dans la transmission des nouvelles
venant de l'avant, on laissera des ordonnances de cavalerie aux
points principaux et l'on expédiera les renseignements importants
à l'aide de chasseurs volontaires qui serviront de courriers. «
Cette avant-garde devait de Cusel marcher vers la Sarre en
deux colonnes se dirigeant, celle de gauche sur Sarrebruck, celle
de droite sur Sarrclouis. Elle avait pour mission d'empôcher
l'eimemi de s'établir solidement sur la Sarre, d'enlever Sarre-
louis, dans le cas où la place n'aurait que peu de vivres et qu'une
faible garnison, enfin de couvrir la marche du corps York et
d'assurer la tranquillité de ses cantonnements successifs.
Le gros du corps avait ordre de se cantonner le 4 au soir entre
Kreuznach et Meisenheim.
Mais le dégel, (jui était sur\'enu entre temps, avait défoncé les
chemins à tel point que l'avant-garde, sous les ordres du prince
Guillaume de Prusse ne parvint pas h dépasser Lauterecken,d'oii
l'on envoya un détachement à Kirn, afin de couvnr la droite.
L'extrême avant-garde, commandée par le général von Katzler
avait dû s'arrêter h Otfenbach et se contenta de pousser h gauche,
vers Kaiserslautern, le régiment de uhlans du Brandebourg avec
ordre de se relier de ce côté avec le corps de Sacken.
Marche d'Henckel sur Trêves. — A l'extrême droite,
Henckel avait reçu l'ordre de pousser vers Trêves, de s'en
emparcT, si cette» ville était faiblement occupée. On voulait de la
sorte s'assurer un pont sur la Moselle et sur\'eiller Luxembourg.
H(înckel s(î porta de Morbach vers Thalfang, suivant, malgré
toutes les difficultés que présenta cette marche, l'arriêre-gardc
française, qui cherchait à gagner Sarrebruck en passant par Bir-
— 193 —
kenfeld. Pour se couvrir sur sa droite, il avait fait passer la
Moselle h Trarbach à un parti de 30 cavaliers, coniniaiidé par un
oflîcier chargé de surveiller la route de Coblence.
Langeron, de son côté, s'approchait de Mayence, poussant
devant lui les quelques postes français (jui essayaient de l'ar-
rêter en route. Sacken continuait sa marche sur Kaisersiaulern ;
Kleist, auquel aux termes de la convention signée le 21 décembre
on allait remettre le 6 la ville d'Erfurt, avait reçu ce jour-là de
Schwarzenberg l'autorisation de ne laisser qu(î quelques troupes
devant la citadelle, et pris immédiatement ses mesures pour se
mettre en njouvement avec le reste de son corps formé en trois
colonnes.
5 janvier. — Mouvements du P' corps prussien. —
Henckel à Trêves. — Le !'•»' corps resta immobile le 5 janvier;
l'avant-garde seule fit un p(îu de chemin ; après s'être concentrée
à Lauterecken, elle poussa jusqu'à Gusel, toujours précédée par le
général von Katzler, qui atteignit Konken, pendant que la réserve
d'artillerie du corps venait à Ober-Moschei et que York installait
son quartier général à Meisenheim.
Le colonel Henckel avait, malgré le mauvais temps et l'état
déplorable des chemins, continué son mouvement de Thalfang sur
Trêves, (ît dès le 5 au matin il s'était fait précéder par un détache-
ment composé de 4 escadrons de cavalerie de landwehr et de
60 tiraiHeurs transportés en voiture sous les ordres du njajor von
Ozeroffski, qu'il avait chargé de reconnaître Trêves. Le major
réussit à chasser devant lui les postes extérieurs des Français et à
se maintenu' devant la ville jusqu'à l'arrivée du colonel, qui par-
vint avec son gros le o au soir jusqu'à Ruwer, à un peu plus de
o kilomètres de Trêves. Afin de tromper l'ennemi sur la force
réelle de son corps, il fit allumer un nombre considérable de feux,
et, formant sa troupe en deux colonnes, il se prépara à enlever la
ville avant le jour. Mais la faible garnison française n'attendit pas
son attaque et se n^plia sur Luxembourg. Henckel, prévenu de
son départ, entra à 3 heures du matin dans Trêves, où les Fran-
çais avaient abandonné leurs malades, leurs blessés et plusieurs
magasins abondamment i)ourvus d'équipement militaire \
1 12*« Bericlit der Scblcsischeu Armée (Saint-Wcudel, 9 janvier 1814)
Well. 13
~ 194 —
Marche de Sacken sur Kaiserslautern. — Langeron devant
Mayence. — Sacken continua en deux colonnes sa marche vers
Kaiserslautern. Après un combat assez vif, Langeron avait achevé
d'investir Mayence. Ne gardant devant la place que le corps du
général Kapsewitch, il mit immédiatement en route hi 9° corps
(général Olsufiefl), avec ordre de rejoindre Tarmée de Silésie par
les voies les plus courtes. Enfin, le général major prince Biron
de Courlande, se conformant aux ordres qu'il avait reçus pendant
la nuit du 4 au 5, avait occupé à cinq heures de l'après-midi
Kaiserslautern évacué par les Français.
Retraite de Marmont vers la Sarre. — Marmont, se rendant
un compte exact de la situation, avait parfaitement compris que
BKicher espérait le voir faire tête sur son front h Sacken, qui
l'aurait anmsé, afin de ménager à York le temps nécessaire pour
déborder sa gauche. Il avait, en outre, reconnu qu'il n'avait pas
assez de troup(îs pour se maintenir sur la position de Kaiserslau-
tern, (ît (jue, de toute façon, il s'exposait en y restant à voir York
arriver avant lui sur la Sarre, pendant que Sacken le déborde-
rait en |)assant par Uabenstein et Schônenberg. Enfin, comme il
savait fort bien que c'était seulement sur les bords de cetti;
rivière qu'il lui serait possible de rallier les troupes des généraux
Burutte et Ricard, il se n^plia le 5 au matin vers Homburg et
(tontinua le 5 au soir son mouvement de retraite sur Sarrebriick,
où s(» trouvaient déjîi dei)uis la veille quelcjucs troupes envoyées
par la garnison de Metz. Pour compléter les précautions prises
de ce côté, les Français avaient fait sauter le pont de pierre et
l'avaient remplacé par un pont de bateaux*.
Nouveaux ordres de Blûcher. — Dans l'après midi du 5, sur
(A'. K. Krieg* Archir., 1, 186), et le général Rigaa au major-général, Grewe-
maclicrn, 0 janvier 1814 :
« L'ennemi m'a forcé à quitter Trêves hier 5 janvier, à 7 heures du soir,
après m'èlre tiraillé avec lui tout l'après-midi pour donner le temps aux
dépôts, qui y étaient stationnés, d'effectuer l'évacuation de leurs magasins. H
est impossible que le courrier puisse continuer sa route sur Kirohberg, attiMidu
que la roule de Sarrelouis est également interrompue.
« L'ennemi est en ce moment à ma hauteur, sur la rive droite de la
Moselle. » (Archives de la guerre.)
* Bliiohcr à renqjcreur de Russie (Cusel, 7 janyicr). (K, K. Kriegs ArclUv.,
1, 3136.)
— 195 —
lu foi de renseignements d'après lesquels Marniont aurait pris
position h Kaiserslautern, Bliichcr avait modifié ses ordres. 11
avait prescrit h York de se porter le G, dès Taube, sur Cusel, en
envoyant son avant-garde sur la Sarre, et h Sacken, de se diri-
ger d'une part sur Otterberg, de Fautre sur Alsenborn, afin de
retenir les Français jusqu'au moment où York aurait pu débou-
cher sur leurs derrières. Bliicher ajoutait dans son ordre : o Si,
comme il y a tout lieu de le supposer, Tennemi, dès qu'il se
verra tourné, se retire et pnMid la route de Pirmasens, le corps
Sacken aura pour njission d<; le suivre, en faisant marcher d(î
préférence en têt(î de ses colonnes son infanterie qui, scuile, peut
agir utilement dans ce i)ays de montagnes. Le corps d'York
aura, de son côté, à prévenir Tennemi sur la Sarre et h le couper
de Metz. »
Enfin York, comme il le fit d'ailleurs, devait envoyer de la
cavalerie dans la direction de Deux-Ponts, pendant que Tavant-
garde du prince Guillaume continuerait de son côté à pousser
sur Sarrebriick. Sacken avait l'ordre de se dirig(;r de Kaiserslau-
tern par Homburg et Bliescastel, d'une part sur Sarreguemines,
de l'autre sur Bitche, et devait rappeler à lui et reporter en avant
sa cavalerie, soit par Diirkheim et Kaiserslautern, soit par Neu-
stadt et Kaiserslautern, soit enfin par Annweiler.
Si l'ordre donné par Blûcher le 5 n'est pas aussi clair et aussi
précis que le sont en général les instructions données par le feld-
maréchal h ses lieutenants, cela tient uniquement à ce qu'en
réalité il n'avait pas pu jusque-là parvenir îi se renseigner d'une
façon positive sur les positions occupées et les mouvements exé-
cutés par son adversaire. La dernière phrase de son ordre de
mouvement le démontre, d'ailleurs, d'une façon péremptoire : « 11
importe, dit-il, de découvrir le plus rapidement possible les
mouvements de l'ennemi, de m'en informer immédiatement, de
me fournir, par conséquent, des rapports nombreux et fré-
quents. »
Mais à ce moment, et malgré la marche des plus dures qu'il
allait faire exécuter à ses troupes par un temps affreux et par des
chemhis entièrement défoncés, il était déjà trop tard pour pouvoir
rejoindre le duc de Raguse. En eft'et, le maréchal, après avoir,
sous la protection d'une arrière-garde composée d'une brigade
de cuirassiers, bivouaqué aux environs de Homburg dans la nuit
— 196 —
du o au G, uvail atteint le 6 Sarrcguemines et Sarrebrûck, points
sur lesquels il repassa la Sarre*.
6 janvier. — Mouvements de la cavalerie du général von
Jûrgass sur Deux-Ponts. — Néanmoins, le général von Jùrgass,
avec une brigade' de dragons et une demi-batterie d'artillerie à
cheval, partit dès l'aube des environs de Cusel, se dirigeant par
la route de Homburg sur Deux-Ponts : Tavant-garde marchait
sur Sarrebrûck. Sur l'ordre du prince Guillaume, la cavalerie du
général von Katzler, envoyée vers Tholey, détacha sur Ottweiler
le régiment de uhlans de Brandeburg et un bataillon d'infanterie.
Le lieutenant-colonel von Stutterheini, qui conduisait cette colonne,
avait pour mission spéciale d'enlever, le 7, Sarrebrûck, si cette
ville était faiblement gardée, et de pousser ensuite des partis
vers Sarrcguemines, Saint-Avold et Sarrelouis. Ce détachement
arriva le 6 au soir à Ottweiler.
Mais le 6 au soir, les troupes françaises avaient déjà repassé
la Sarre , brûlé le pont de bateaux de Sarrebrûck , alors que
le général von Katzler était encore à Tholey, Bergweiler et Mar-
pingen, le gros de l'avant-garde du prince Guillaume à Saint-
WendeP, le général von Jûrgass à Brûcken et Schônenberg sur
la grande roule de Cusel à Homburg. Le quartier général de
York, dont les troupes ne s'arrêtèrent qu'entre neuf et dix heures
du soir, s'installa à Cusel et celui de Blûcher à Lauterecken.
Henckel, pendant ce temps, mettait Trêves à l'abri d'un coup
de main et d'un retour offensif des Français qu'il faisait suivre
dans la direction de Luxembourg par un escadron du 3« régiment
1 lîter Bericht der Schlesischeu Armée. (K, K. Kriegs Arehiv., 1, 186.)
Les divisions Ricard et Durutte, venant de Saint- Wendei, étaient déjà arri-
vées à Sarrebrûck le 5 au soir.
' Le général Ricard, arrivé de sa personne à Sarrebrûck en même temps
que Marmont. le 6 janvier, avait informe Belliard de sa jonction avec le maré-
chal et lui disait, en outre « qu'il avait vu, le 5, à Saint-Wendel, 2 régi-
ments de hussards prussiens (700 à 800 chevaux), avec 300 chasseurs à pied,
mais qu'il n'avait pus été suivi dans sa marche sur Sarrebrûck. » {Archives
fie la (juerre.)
Marmont ajoutait dans son rapport à Berthier, de Sarreguemiues, le 6 jan -
vier à 10 h. 1/2 du soir, que l'avant-garde prussienne avait eu à Saint-
Weudel un léger engagement avec les gardes d'honneur. (Le l*''' régiment
rejoignit tout entier le maréchal. Le 2° régiment de gardes d'honneur s'était
replié sur Mayence, oii il allait être enfermé avec le général Morand.)
- 197 —
de cavalerio de landwehr de Silosio et une compagnie de fusi-
liers.
Cosaques de Sacken à Denx-Ponts. — Du cut(^ de Sacken, le
gén<^ral-raajor Lanskoï, avec un peu de cavalerie, avait pousse^ en
avant de Kaiserslautem sur Pirmasens, et Biron, qui s'était mis
en route î\ neuf heures, était arrivé h deux heures îI Homburg,
venant de Landstuhl; il avait envoyé de Ih un petit parti d'une
vingtaine de hussards et de quelques cosaques sous les ordres du
major von Strantz, h Deux-Ponts, où ces cavaliers enlev^rent une
partie des bagages de Kellermann. La communication entre les
corps d'York et de Sacken était désormais établie.
Les renseignements recueillis avaient permis de constater la
retraite du duc deRaguse; on avait également appris qu'il n'y
avait à Sarrelouis que peu d'approvisionnements et une garnison
d'à peine un millier d'hommes.
Les troupes françaises avaient d^s lors une avance d'une bonne
journée de marche sur l'armée de Silésie. De plus, comme les
pluies incessantes et le dégel avaient grossi les eaux de la Sarre,
dont les ponts avaient été coupés, le maréchal Marmont, qui
avait réussi i\ opérer sur la rive gauche de cette rivière sa jonc-
lion avec Ricard et Durutte, était désormais en mesure d'en dis-
puter le passage à son adversaire, de retarder sa marche et de
gagner le temps dont il avait besoin pour approvisionner les
places et procéder i\ l'organisation des troupes de nouvelle for-
mation et aux opérations de la levée en masse *.
* belUard, écrivant au roajor-gém'ral de Metz, le 3 janvier, lui faisait un
triste tableau de la situation :
« J'ai Thonneur de le rappeler à Votre Altesse, on ne fait rien pour se
mettre en mesure contre les ennemis. Point de magasins, point d'approvision -
nements. Aucune place n'est armée et en état de défense . L'esprit public est
mort. On ne s'occupe pas de le faire revivre. Les armées combinées marche-
ront ; on voudra s'opposer au torrent : il sera trop tard et l'Empereur n'aura
pas le tiers des moyens sur lesquels il doive compter. Il semble qu'un génie
malfaisant a répandu ses pavots sur la France. La crise est terrible, mais nous
en sortirons. Le tocsin doit sonner partout. La nation tout entière doit être
sous les armes et ne les déposera qu*après avoir chassé l'ennemi de son terri-
toire; mais les moments sont pressants...
« ... De nombreux partis organisés et jetés sur les derrières des années
combinées doivent lenr faire beaucoup de mal. Je sais que dans T Alsace et
dans les Vosges beaucoup d'habitant» sont très disposés pour cela : il ne s'agit
que de les réunir et de leur donner de bons chefs. » (Archirex de la guerre.)
— 198 ~
7 janvier. — Positions des avant-postes de cavalerie. —
Bombardement de Sarrelouis. — Le lendemain 7 janvier, le
pr corps de l'armée de Silésie, toujours en deux colonnes mar-
chant. Tune par Birkenfeld, l'autre par Saint- Wendel, continua,
mais moins vivement, son mouvement vers la Sarre. York et
Blûcher se tinrent ce jour-là à Saint- Wendel.
A Tavant-garde, le prince Guillaume avait dirigé vers Sarre-
louis le général von Katzler. Celui-ci s'avança jusqu'à Saarwel-
lingen et Dillingen; après avoir infructueusement tenté de faire
passer la rivière à la nage à quelques-uns de ses cavaliers, il
étendit la chaîne de ses avant-postes par Dillingen, Roden, Ens-
dorf et Vôlklingen, et jeta pendant la nuit du 7 au 8 quelques
obus dans Sarrelouis. Le 7 au soir, le prince Guillaume était,
avec le gros de l'avant-garde, à Lebach, occupant en outre
Landsweiler, Eppelborn, Bubach et Eidenborn.
Henckel détaché vers Namur et Aix-la-Chapelle. — A l'ex-
trême droite, Henckel était toujours à Trêves, d*où il dirigeait
un officier avec un petit parti, par Arlon, vers Namur et Aix-la-
Chapelle dans l'espoir de se relier au III« corps prussien. Mais
cet officier dut revenir à Trêves sans avoir pu établir cette com-
munication.
A ce propos, il y a lieu de faire remarquer que l'armée de
Silésie paraît avoir été au moins aussi mal partagée en fait de
cartes que l'armée de Bohême; c'est du moins ce qui ressort
d'une lettre qu'York adressait, le 7, à Henckel en le priant de lui
envoyer de Trêves des cartes qui, disail-il, vont, à partir de ce
moment, lui faire complètement défaut. La même demande était
renouvelée ce jour-là, et en termes plus pressants encore, par le
major von Schack, quartier-maître du I®"" corps prussien.
Escarmouche de Saint-Jean. — Le général von Jùrgass
avait atteint Neunkirchen avec ses dragons et le lieutenant-colonel
von Stutterheim, ayant occupé, après une légère escarmouche en
face de Sarrebrûck, Saint-Jean, sur la rive droite de la Sarre, y
avait opéré sa jonction avec Biron. Le gros du corps Sacken
était à Homburg, son îivant-garde vers Sarreguemines, à Rohr-
bach, Bliescastell et Deux-Ponts, le général Lanskoï vers Pir-
raasens.
— 199 -
8 janvier. — Ordres de Blûcher. — Les ordres dr. niouvo-
raent pour la journé(^ «lu 8 sont aussi insigniliauls q\w. les
év(^nements de cette» journée», <*l Bliieher. tout en prescrivant au
l*' corps d'emplojvr deux nianhes pour arriver sur la Sarre,
s'oceu|)e surtout des moyens de faire rallier l(»s fraelions qu'il a
laissées en arrièn». Aussi l'avant-^arde du prince (iuillaunie reste
îi Saarwelliufçen; seul h» major d(^ Zastrow, av(»e le 10'' régiment
de cavalerifî d(^ landwelir de Silésie, est envoyé à Beckinjçen et
Fickinji^en pour y surveiller hî cours et les gués de la Sarre.
Affaire de Saint-Jean. — Quant au lieutenant-colonel von
Stutterheim, attaqué par une; centaine (rhommes v(muis de» Sarre-
bruck et qui avaient j)assé la Sarre en barques sous la protection
d'une batterie d'artillerie, il avait été momentanémenl chassé de
Saint-Jean. Les Français * abandonnèrent ce village après avoir
brillé et coulé les quehpies bateaux que les Prussiens avaient
trouvés et réunis sur la rive gauche. Le soir, d'ailleurs, le lieute-
nant-colonel recevait l'ordre d(^ se porter, le 9 janvier, sur Saar-
\v(»llingen. Sa présence h Saint-Jean était d(?venue complèt(»m(»nl
inutile depuis l'arrivée sur ce point du corps volant de Hiron.
Mouvements d'Tork et de Sacken. — Le 8, le quartier
général d'York avait été j)orté h Thohîy; l(i corps de» SackeMi était
à Deux-Ponts, se dirigeant sur Sarreguemines.
1 Marmont avait dans ses dispositions pour la journée du 7 janvier prescrit
de faire sauter le pont de Sarrehriirk; oi*donné aux divisions Ricard et DurulU^
de prendre position à Forbach occupant Sarrebriick, les gués de Wehrden,
Vôlklingen et Malstatt avec de rinfanterie, de la cavalerie et du cîinon ; au
général Doumerc de garder le gué de Rehlingen à la position de Sierslierg, de
tenir le gué de Pachten avec sa grosse cavalerie, soutenue par 600 hommes
tirés provisoirement de la garnison de Sarrelouis. Si renuemi venait à forcer
le passage à Siersherg. Doumerc devait se replier dans la direction de Metz,
après avoir informé de son mouvement les généraux postés à Forbach.
L'effectif des deux divisions Hicard et Duruttc et de la division Lagraiige
îrétait que de 8,500 hommes. {Archives de la guerre.)
Marmont ajoute dans son rapport au major-général, de Forbach, le 8 janvier,
à 8 heures du soir, que par une négligence inimaginable tous les bateaux qu'il
avait fait réunir à Sarrebriick avaient descendu la rivière et étaient sur la
rive droite au pouvoir de Tennemi. Comme ils étaient assez nombreux pour
transporter 5,000 hommes, et comme les Prussiens n'étaient pas en force sur
ce point, le maréchal ne perdit pas un seul instant pour faire arriver du canon,
chasser les postes de Saint-Jean et reprendre passession de ces bateaux qu'il fit
couler. (Archiretf de la guerre.)
— 200 —
Enfin, Henckel recevait de Bliicher Tordre do rester jusqu'au 16 *
fi Trêves. Il avait pour mission de rayonner pour empocher lo
ravitaillement de Luxembourg, et il devait y attendre rarrivéc du
général Rôder (du II*' corps, Kleist) pour se remettre en marche
et former l'extrême droite de rarmée.
Quant à Kleist, qui, avec 16,000 hommes du Il« corps, avait
quitté Erfurt, il recevait le 8 àCassel Tordre de Bliicher de partir
le 14 de Marburg et d'être rendu le 20 ii Coblence.
Ordres de Blûcher pour les 9, 10 et 11 janvier. — Dans
Tordre qu'il fit établir pour les journées des 9, 10 et 11 janvier.
Blûcher cherche évidemment h rattraper le temps qu'il avait
perdu depuis le passage du Rhin, en donnant, les 3 et 5 janvier,
deux jours de repos à ses troupes, très éprouvées, il est vrai, par
la rigueur et les variations de la température. Il veut faire bordcM*
ce jour-lîi la Sarre par le corps d'York, de Merzig jusqu'à Sarro-
brûck, et de ce point jusqu'à Sarralbe par le corps do Sackon.
Pour la première fois aussi on trouve dans son ordre de mou-
vement des indications, très sommaires et très incomplètes onroro.
sur les forces et les intentions de son adversaire ; mais, malgi'»'
tout son désir de joindre au plus vite Marmont, lo fold-maréchal
est obligé de reconnaître que, par suite du front considérable
qu'il a fait occuper à ses troupes et en raison de la crue do la
Sarre, il lui sera impossible de passer cette rivière dans la jour-
née du 9, qu'il lui faudra consacrer tout entière aux (ravanx
d'établissement des ponts.
Négligence de Blûcher. — On peut remarquer en passant
que Blûcher eut dû songer à l'avance aux difficultés de ce pas-
sage et qu'il eût pu aisément gagner du temps en faisant mar-
cher un équipage de ponts avec les têtes de colonne de chacun dr
ses d(îux corps. Enfin, comme il semble croire que Marmonl.
favorisé évidemment par l'appui que peuvent lui prêter les placos
fortes de la Meuse, de la Moselle et de la Sarre, a dû se conc(Mi-
trer pour s'opposer h ses entreprises, Blûcher, en disséminant ses
troupes sur un front s'étendant depuis Trêves jusqu'à Sarralbe,
* On verra plus loin que Henckel quitta, le 1?{, Tri^vcs, avec Tordre de se
porter sur Thionville, et qu'il fut ensuite dirigé à nouveau sur Luxembourg.
— 201 —
s'exposait à voir les Français chorrhor îi crevor cotto longue ligne
sur un point quelconque.
9 janvier. — Retraite de Harmont. — Les lieutenants de
Blûcher, ex('»cutant ses ordres à la lettre, occupèrent donc dans
la journé(î du 9 les positions indiquées ci-d(\ssus. Mais l(»s ren-
seignements transmis par les émissaires et surtout par la cava-
lerie, établirent d'une façon positive, que le duc de Raguse, loin
de chercher h disputer le passage, avait, au contraire, continué
son mouvement de retraite sur Metz. Les Français semblaient, en
effet, n'avoir laissé du monde qu'à Sarrebri'Ktk; leur poste établi
jusque-là en face de Beckingen s'était rei)lié sur Sarrelouis, c(mi\
des villages de Vôlklingen et de Bouss sur Forbach.
Cavalerie russe du côté de Sarreguemines. — Quelques
partis de cavalerie prussienne, ayant réussi à passer sur la riv(^
gauche, suivaient attentivement les mouvements sans oser cepen-
dant s'aventurer trop loin. Le lieutenant-colonel von StutterhcMui
avait toutefois poussé quelques patrouilles sur la route de Metz, el
le général Karpoff II, du (*orps de Sacken, après avoir trav(;rsé la
Sarre en aval de Sarreguemines, en avait chassé les Français,
rétabli immédiatement le pont et envoyé des partis vers Put-
telange.
10 janvier. — Évacuation de Sarrebrûck. — On n'avait pas
cessé de travailler activement à l'établissement, à Beckingen, d'un
pont que l'on comptait pouvoir livrer aux troupes dans la matinée
du 10. Mais pendant ce temps et à la nouvelle de l'apparition de
la cavaleri(^ de Karpoff du côté de Sarreguemines, la garnison de
Sarrebrûck, alarmée par les mouvements des cavaliers d'York
entre Sarrelouis et Sarrebrûck, avait évacué cette place dans la
nuit du 9 au 10 et s'était repliée sans être autrement inquiétée
sur Saint- Avold*.
Kxéculé .3G, ou à la rigueur m( me 24 heures plus tôt, h» mou-
vement env(.'loppanl que Blûcher allait faire tenter à sa cavalerie
* Des ordres et des dépêches ci-dessous expédiées par Marmont, il résalte
qu'il s'était alarmé plus que de raison et qu'il aurait parfaitement pu dissi-
muler sa retraite et consenrer sur le gros do l'armée de Silésio une avance
— 202 —
aurait amené inévilablomont dos résultais immédiats, malgré sou
amplitude démesurée, surtout si Marmont avait partagé la manière
de voir de Napoléon et si, croyant comme lui que Bliicher, obligé
de laissser derrière lui dans sa marche depuis le Rhin, une
vingtaine de mille hommes, n'arriverait sur lui qu'avec 30,000, il
s'était décidé h disputer sérieusement et pied à pied le passage
de la Sarre. Mais, comme Marmont avait pu évaluer exactement
les forces de son adversaire, et comme ce fut le 10 seulement que
le gros de la cavalerie de Blûcher déboucha sur la rive gauche de
cette rivière et se porta en avant, il était déjî\ trop tard pour que
le feld-maréchal pût rejoindre le gros des corps français et
inquiéter môme les dernières troupes qui avaient gardé la Sarre.
Les Français, ayant toujours conservé leur avance d'une grande
journée de marche, il leur était facile, comme ils le firent d'ail-
leurs, de refuser le combat et de se retirer, presque sans
encombre, sur Metz.
Le feld-maréchal lui-môme reconnaît, du reste, les faits que
nous venons d'avancer, et nous trouvons dans la Kurzgefasste
Darstellung der Kriegsbegebenheiten (1er Schlesischen Armée*, h la
nécessaire sans imposer à ses troupes déjà très éprouvées les fatipfues d'une
marrlie de nuit.
« Marmont au major-général — Forbach, 9 janvier, midi.
« L'ennemi a forcé le passage de la Sarre à Rehiingen au-dessous de Sarre-
louis, construit un pont et débouché en force avec infanterie, cavalerie et
artillerie. J*ai reçu également le rapport que les forces ennemies se sont aug-
mentées du côlé de Sarreguemines et que l'ennemi est entré avant-hier à
Saverne. Ces circonstances me déterminent à me porter demain matin sur
Saint-Avold avec la plus grande partie de mes forces en laissant mon avant-
garde à Forbach. »
« Ordre du 9 janvier i8i4, quartier général de Forbach, 6 h. 1/2 soir.
« La division Lagrange se mettra en marche immédiatement avec son artil-
lerie et la réserve pour aller prendre position à Saint-Avold et y attendre l'ar-
rivée des autres troupes. Le général van 51crlen suivra avec sa cavalerie et
sera sous les ordres du général Ligrango. Le général van Merlen poussera cetto
nuit même des reconnaissances sur la direction de Puttelange et de Bouzonville.
« Le général Durutte réunira ses troupes à Forbach de manière à être en
marche à 2 heures du matin sur Saint-Avold.
« La division du général Ricard, qui aura eu le temps de se rallier, mar-
chera immédiatement après.
a Le général Picquet sera à cheval à 2 heures, avec ses gardes d'honneur et
marchera avec le quartier général sur Saint-Avold.
« Le général Beurmann devra être rendu à Forbach à 2 heures du matin, ri
fera l'arrière-garde. » (Archives de ht guerre.)
' K. K. Kriegn Archiv., I, 31 .
— 203 —
ilale du 10 janvier, les phrases suivantes : « Blûcher prescrit h sa
cavalerie de passer la Sarro le 10, de déborder l'ennemi, de se
porter sur Forbach et Saint-Jean et d'intercepter ses communica-
tions avec Metz. Marmont, de moitié plus faible que Blucher,
devine ses intentions et se retire sur Metz par Saint-Avold. »
Quoique le retard que nous venons de signaler ait empêché
Blûcher de déborder les Français et de les couper de leur ligne
de retraite, on doit cependant reconnaître que c'est uniquement
en poussant rapidement sa cavalerie en îivant aussitôt aprt>s le
passage de la Sarre, qu'il parvint d'abord h chasser les troupes
françaises de tout le pays situé entre la Sarre et la Moselle, puis
à se rendre maître, sans coup férir, grâce il est vrai h la négli-
gence des généraux français, des principaux passages de la
Meurthe et de la Moselle.
Il importo encore de reconnaître que la température vint, elle
aussi, contrecarrer les projets de Blûcher et retarder la marche de
ses colonnes, puisqu'à cause de la gelée qui recommença le 10, le
pont de Beckingen, qui devait être achevé le 10, ne put être com-
pl^tement établi que le 11 vers 3 heures de l'après-midi, et ce fut
le 14 seulement que les dernières troupes y passèrent la Sarre *.
Ordres d'York. — Des dispositions prises par Blûcher le 9,
complétées à l'usage du !«' corps et expédiées par York, h
7 heures du soir, de Lebach, il résulte que l'on ignorait encore h
ce moment la retraite des troupes françaises, ou tout au moins
que l'on s'attendait à rencontrer une résistance assez vive dès qu(^
l'on chercherait à s'avancer sur la rive gauche de la Sarre. C'est, en
eft'et, plus tard et dans un deuxième ordre que York, informé du
départ de l'ennemi, recommande au général von Jûrgass, dans le
cas où cet officier général réussirait à passer la rivière à Sarre-
brûck, de gagner immédiatement la roule de Metz et de pour-
suivre l'ennemi; au général von Katzler, d'accélérer le plus pos-
sible son passage î\ Beckingen. York se porte sur ce point dès
l'aube, afin do se rendre par lui-môme un compte exact des évé-
nements. 11 y trouve le prince Guillaume en position avec 3 batail-
lons, une compagnie de (chasseurs et une demi-batterie.
* DftOTSEif. Leben des Felâtnarsehail Grafen York ron Wartenhurg, II, i70.
— 204 —
Mouvements de cavalerie sur Thionville, Sarrelouis, For-
bach, Luxembourg et Saint-Avold. — Comme les ponts étaient
encore loin d'être finis, le lieutenant-colonel von Stôssel, qui avait
pris le commandement de la cavalerie de Favant-garde (à la place
du général von Katzler malade), passa la Sarre au gué de Reh-
lingen, pour se porter aussitôt par Bouzonville sur Boulay. Il
envoya immédiatement des partis, sous les ordres du major von
Krafft, d'un côté vers Thionville et de Tautre vers Niederwisse.
Entre temps, le !«' régiment de cavalerie de landwehr de la Nou-
velle-Marche avait également passé la Sarre à gué prés de Beckin-
gen, et s'était rabattu sur Sarrelouis.
Quant au lieutenant-colonel Stutterheim, posté à Saint-Jean,
dés qu'il eut connaissance de l'évacuation de Sarrebrùck par les
Français, il s'était empressé d'abord de remettre à flot les bar-
ques qu'ils avaient coulées, puis de jeter un pont provisoire, qui
fut achevé vers 11 heures du matin, et de faire garder Sarre-
brùck par un bataillon d'infanterie et par ses 4 escadrons do
uhlans. Aussitôt le pont achevé, le général von Jùrgass passa
sur la rive gauche avec 13 escadrons et une batterie à cheval, et
poussa avec eux jusqu'il Forbach. Blûcher arrivait lui-même vers
le soir h Sarrebrùck ; mais avant de quitter Sainl-WendeL il avait
envoyé h York de nouveaux ordres lui prescrivant, d'abord de
faire investir Sarrelouis. puis, dés qu'il aurait eu la certitude de
la retraite de l'ennemi sur Metz, d'envover sur Thionville le
général von Horn.
Cet officier général devait s'efforcer de répandre partout la
confusion et la terreur, chercher h enlever la place par un coup
de main, empêcher en tous cas qu'on la ravitaillât, pousser des
partis sur la Moselle, intercepter les routes de Luxembourg et de
Longwy à Thionville et se relier avec Henckel, auquel il avait à
faire tenir l'ordre de se porter le 15 au plus tard de Trêves sur
Thionville.
Henckel n'était pas resté inactif depuis son entrée îI Trêves. Les
partis qu'il avait envoyés vers Luxembourg, sous les ordres du
capitaine von Osten et du lieutenant de Chevallerie, s'étaient
réunis le 10 près de Wulferdingen, avaient repoussé jusque sous
les canons de la place un gros détachement ennemi et lui avaient
enlevé un certain nombre d'hommes, pendant qu'un autre de ses
partis, remontant plus au nord, poussait vers Malmédy.
— 205 —
Sîicken avait porlé son quartier ^éiuTiil à Sarralhc*. Sa cava-
l(Tie, sous Lanskoi et Karpoff, continuait à marcher de Sarregue-
mines sur Saint-Avold, et, dans la journée du 10, Biron ^s'était
porté de Sarrebrùck sur Forbach. Après s*y être réuni vers le
soir avec le général von Jûrgass, il était allé cantonner à Frey-
mingen pour i)Ousser le lendemain il sur Saint-Avold, point sur
lequel il devait recevoir des instructions ultérieures.
11 janvier. — Mouvements après rachëvement des ponts
de la Sarre. — Ce ne fut, nous l'avons dit, que le 11, à 3 h(;ures
de l'après-midi, que le pont de Beckingen fut en état d'être livré
aux troupes. Ce retard do près de 36 heures avait eu pour pre-
mière conséquence d'empôcher l'exécution d(»s ordres donnés par
Blùcher pour les journées des 10 et 11 janvier; mais il avait, en
outre, obligé York à faire bivouaquer, par un froid des plus rigou-
riîux, des troupes déjà fort éprouvées et auxquelles, pour rat-
traper le temi)s perdu et essayer de rejoindre l'ennemi, on allait
être obligé de faire exécuter encore des marches forcées.
Le prince Guillaume fit aussitôt passer son avant-garde, qu'il
dirigea d'abord sur Valdevrange, où il quitta la grande roule, qui
l'aurait conduit sous le canon de Sarrelouis, pour ne la rei)r(îndre
qu'à Bisten ; ce détour fut cause qu'il ne parvint le soir que
jusqu'à Uberherrn. Sa pointe était arrivée à Carlingen à G kilo-
mètres de Saint-Avold. Sa cavalerie qui, sous les ordres du lieu-
tenant-colonel von Stôssel, avait poussé jusqu'à Boulay, avait été
contrainte à se reporter à une lieue en arrière de ce point, d'abord
parce que les Français occupaient tous les villages situés entre
Saint-Avold et Boulay, ensuite parce qu'il lui avait été impossible
de se relier sur sa gauche avec la cavalerie de réserve du général
von Jùrgass.
Affaire de cavalerie de Pontigny. — Ce mouvement rétro-
grade avait faillli compromettre le sort d'un escadron du 2« régi-
* t( L'enueini ayant passé la Sarre à Sarralbe el à RehllDgen et cherchant à
uic couper du détilé de Saint-Avold, écrit, le 10 janvier, à 8 lieures du soir, le
maréchal Marinont à Helliard. j'ai pris position à Longeviile; je tiens une
avaul-garde à Saint-Avold et j'y resterai assez longtemps pour obliger Tennemi
à se déployer. » {Archives de la gtierre,)
— 206 —
ment de hussards du corps. Celui-ci, sous les ordres du capitaine
Erichsen, après avoir passé le 10 le gué de Rehlingcn, avait reçu
pour instruction de pousser aussi loin que possible sur la route
de Metz, afin de se procurer des nouvelles positives sur les posi-
tions, la force, les mouvements et les projets de Tennemi. Cet
escadron réussit dans la délicate mission qui lui était confiée et
arriva le 11 h une lieue de Metz sans avoir rencontré Tennemi. Là,
les hussards prussiens donnèrent contre un convoi d'artillerie,
l'attaquèrent, enlevèrent quelques hommes et quelques chevaux.
Le but que Ton se proposait était désormais atteint et l'escadron
commença sa retraite. A cause de la grande quantité de neige
tombée, elle dut s'effectuer par la route suivie en venant de
la Sarre.
Pendant ce temps, l'infanterie française était venue occuper le
village de Pontigny situé à trois lieues de là et au point où se
trouve précisément le pont de la Nied. Le commandant de l'esca-
dron du 2® hussards fut informé de ce fait lorsqu'il était déjà aux
Étangs, à une demi-lieue de Pontigny, où il s'était arrêté pour
faire manger ses chevaux. Il s'assura, du reste, par lui-même de
l'authenticité de la nouvelle. Le village était fortement occupé, le
pont solidement barricadé, et il était par suite impossible de
songer à enlever Pontigny de vive force. On avait, en outre, h
craindre, à cause de l'affaire qu'on venait d'avoir avec le convoi
d'artillerie, une attaque venant de Metz. Le détachement était dans
une de ces situations dont il est impossible de se tirer autrement
que par la ruse.
Le capitaine, qui commandait les hussards, envoya donc en
parlementaire un officier, accompagné d'un trompette, sommer le
commandant français de Pontigny de se rendre, en lui annon-
çant que la cavalerie formait la pointe d'avant-garde d'un corps
considérable. Le parlementaire fut reçu à coups de fusil tirés
contre lui par les sentinelles postées à l'entrée du village ; mais,
profitant de l'obscurité, il mit pied h terre, se glissa dans le fossé
qui borde la route, arriva ainsi jusqu'au petit poste, s'y présenta
comme parlementaire et se fit conduire au colonel qui comman-
dait les troupes de Pontigny. Celui-ci refusa de se rendre et
n'ajouta pas croyance à la fable débitée par l'officier prussien, qui
réussit néanmoins h lui faire croire qu'il avait devant lui une
j)alrouille de flanc du corps du comte Henckel, et que ce corps se
— 207 —
n^unirail le matin iiièiiiu h Poiitigny avec les troupes venant de
Sarrelouis.
Le colonel déclara alors à l'officier prussien qu'il évacuerait
Pontigny dans une heure, à condition toutefois d'y être préalable-
ment autorisé par le général Ricard, dont le quartier général était
h une petite lieue de Pontigny. L'officier prussien accepta natu-
rellement la i)roposition. On envoya au général un soldat monté
sur un cheval de paysan, et une heure et demie plus tard le
colonel recevait l'ordnî écrit de quitter Pontigny.
Cette nouvelle, transmise aussitôt par l'officier prussien h son
chef, arriva d'autant plus à propos que 1(î petit poste établi sur la
route de Metz V(»nait d'être inquiété par une patrouilU» de hus-
• sards français et qu'on devait s'attendre à une nouvelle attaque,
qui aurait eu pour conséquence l'anéantissement du détachement
pris entre deux feux. Les hussards prussiens se portèrent donc
sans plus larder sur Pontigny, déblayèrent le pont, continuènîut
lestement leur retraite jusqu'à Volmerange, situé à deux lieues
de là, et occupèr(»nt ce village dont ils barricadèrent les rues. Le
lendemain 12, l'escadron y était rejoint par le reste du régi-
ment*.
A la droite du I®' corps, hî général Horn avait commencé son
* Les rap{)orts français de ce jour constatent et enregistrent ces faits. C'est
ainsi que le général Fournier écrivait do Narbéfontaino au général Ricard, le
11 janvier, à 1 h. i/4 de Taprés-midi : « Un particulier, qui arrive de Metz,
a vu ce matin 40 cosaques au village des Etangs. Le colonel du 136^ établi a
Niedervisse m'informe que Tenneini occupe Boulay et a poussé des reconnais-
sauces jusqu'à Volmerange et qu'il a fait partir une reconnaissance pour voir
si le village de Darting est occupé. »
Le général BcUiard donnait encore plus de détails dans le rapport qa*il
adressait, le 11 janvier, à 10 heures du soir, de Metz, au major général.
« Un parti ennemi est venu hier soir à Boulay. On Ta su de suite. L'ennemi
u'y a pas moins couché, et, so trouvant tranquille, il s'est porté aujourd'hui
en avant jusqu'à une lieue de Metz, à l'embranchement de la route de Cour-
ceUes, où il s'est établi. Il nous a enlevé quelques hommes allant à Courcelles,
ou en revenant, ainsi que des voitures. Je pense que le parti sera retourné à
Boulay. 11 est vraiment honteux de voir 60 cavaliers courir impunément la
campagne sous le canon d'une place de guerre de premier ordre. Je demande
qu'on mette du monde sur la route de Courcelles, qu'on fasse des patrouilles
autour de la ville, qu'on pousse au loin des reconnaissances. Je demande aussi
qu'on occupe en force Pont-à-Mousson, où U n'y a personne, et qui est un
point important à conserver. Tout cela va se faire. On me l'a promis, n
— 208 —
mouvement de Bockingen vers Thionville et s'était cantonne le
soir avec sa brigade à Bouzonvilie.
Prise de Saint-Avold par la cavalerie.— Conformément aux:
ordnis du prince Guillaume, le lieutenant-colonel von Stutterheim
s'était mis en marche pour s'établir h Saint-Avold. Arrivé h peu
de dislance de cette ville, il avait donné à rentrée du défilé de
Neuen-Mûhle contre Tennemi qui avait posté sur ce point quel-
que infanterie soutenue par de la cavalerie. Comme le terrain sur
lequel il allait être obligé d'agir ne se prêtait guère h Taclion de la
cavalerie, Stutterheim fit passer un de ses bataillons par les bois
silués sur la gauche des Français, les tourna ainsi et les débus-
qua sans peine de leurs positions. Le lieutenant-colonel, prononçant
son mouvement de front, les poursuivit vivement avec ses quatre
escadrons jusque dans Saint-Avold où les Français essayèrent de
tenir bon. Après un combat assez vif, les Prussiens, gnice à Tar-
rivée opportune du corps volant du prince de Biron et de la cava-
lerie du général Lanskoï, réussirent à s'emparer de cette ville * et
à en chasser l'ennemi qui se retira sur la route de Metz, pour-
suivi par Lanskoï jusqu'à Longeville. Vers dix heures et demie
du soir, la cavalerie du général von Jûrgass venait, elle aussi,
bivouaquer aux environs de Saint-Avold; le gros de la cavalerie
du corps Sacken, sous les ordres du général Wassillchikoft', se
tenait encore aux alentours de Puttelange.
12 janvier. — Mouvement dTork et de Sacken. ■— Affaire
de cavalerie de Noisseville. — Le 12, les corps d'York et do
Sacken continuèrent leur mouvement vers la Moselle, l'un dans la
direction de Metz, le second sur la ligne Pont-à-Mousson—
Nancv.
En avant du i)rince Guillaume (avant-garde du I®"" corpsj,
arrivé à Fouligny et qui occupa llaville et Guinglange, le lieule-
i Marmoiit écrivait de Longeville, le H jauvier, à 7 heures du soir, au
major général et à Helliard, que Sackcu était arrivé devant lui pendant que
York passait la Meuse à Kehlingen et marchait par la route directe de Sarre-
louis u Metz, et que, par suite, il partait la nuit même pour se rapproclier de
Metz. H ajoutait qu*il y avait eu un léger engagement à Saint-Avold entre
son avant-garde et celle de l'ennemi, «< qui nous a forcés d'abandonner cette
ville, mais sans pertes ». {Archive» de la guen'e.)
— -209 —
nanl-colonel von Stôssel s'était porté, avec sa cavalerie, h la droite
d'York, et avait continué vers Metz, par Boulay et les Étangs. A
hauteur de Noisseville, il vint donner dans trois escadrons do
cavalerie française qui, au moment où ils se disposaient à se
jeter contre les cavaliers prussiens, furent chargés par un esca-
dron du 2« hussards, un escadron des hussards de Mecklembourg
el un escadron du réginiimt de cavalerie nationale de la Prusse
orientale, mis en déroute et chaudement ramenés jusqu'à Noisse-
ville. Un poste d'infanterie française, établi sur ce point, les
recueillit, pendant que plusieurs bataillons d'infanterie et 6 esca-
drons de cavalerie débouchant d(î Xouilly, village situé fi 2 kilo-
mètres à peine de Noisseville, se déployaient pour arrêter le lieu-
tenant-colonel von Stossel. Conmie la cavalerie de réserve du
général von Jurgass et le gros de Tavant-garde n'étaient pas
encore arrivés h sa hauteur, cet officier crut plus prudent de
refuser un engagement (jui, vu la disproportion des forces, ne
pouvait lui être que défavorable, et s'établit à Glatigny. La petite
affaire de Noisseville avait coûté aux Français une quarantaine
d'hommes hors de combat et une trentaine de prisonniers *.
La cavalerie d(; réserve?, sous les ordres du général von
Jiirgass, avait aussi passé la Nied, et le lieutenant-colonel von
Stutterheim, qui la suivait avec 3 bataillons, 4 escadrons et une
batterie à cheval, se cantonnait le soir à Courcelles.
Le quartier général d'York venait à Longeville et le gros de son
corps s'établissait sur une ligne allant de Saint-Avold à Fou-
ligny.
Horn devant Thionville. — A l'extrême droite, Horn * était
arrivé devant Thionville, qu'il avait fait investir sur la rive droite
i « Noas avons eu, éoril Marmont, le li janvier à li heures du soir, do
Metz, à Belliard, des engagements de cavalerie assez vifs dans Taprès-niidi,
du côté de Bouluy et de Courcelles. L'ennemi a montré de chaque côté un
millier de chevaux. Demain f aurai devant itwi de fortes avant-gardes et aprèS'
demain toutes les forces eniwmies, » {Archives de la Guerre.)
Il ajoutait que, comme il s'afTaiblissait beaucoup en fournissant des troupes
qui resteraient en garnison à Metz, le général Curial lui laisserait provisoire-
ment la division Dccouz, venant de Thionville.
' Belliard au major général, Metz, 12 janvier, soir. — Il lui annonce dans
la même dépêche le départ du quartier général pour Ghàlons.
Wdl. 14
- 210 -
de la Moselle par le lieuteuant-coloucl von Sohr, avec 1 bataillon
et 4 escadrons. Quant i\ lui, il restait encore à Disiroff, avec ses
6 autres bataillons *.
Position de la cavalerie de Sacken. — Le général Lanskoï
(avant-garde de Sacken) avait reçu ce jour-là, 12 janvier, près de
Courcelles, Tordre de marcher par la route de Château-Salins
sur Pont-à-Mousson, tout en maintenant avec la cavalerie prus-
sienne ses communications que devait assurer un de ses régi-
ments de cosaques posté à Chailly. Wassiltchikoff, avec le reste
de la cavalerie de Sacken, continuait à pousser, lui aussi, vers la
Moselle, et Biron, chargé de se relier avec le VI® corps de la
grande armée de Bohême (Witlgenstein), qu'on croyait déjà en
marche sur Nancy, arriva le soir à Morhange et Habourdange. Le
gros du corps de Sacken occupa, le 12 au soir, la ligne Pulte-
lange— Faulquemont.
Retraite de Harmont sur Metz. — État de son corps.
— Dès le 12 au matin, Marmonl était venu prendre position sous
le canon de Metz, abandonnant à Tennemi tout le terrain entre la
Sarre et la Moselle, où Sarrelouis seul restait encore aux Fran-
çais. Il est juste de reconnaître que la situation du maréchal était
loin d'être brillante. Quels que pussent être les avantages et les
points d'ap])ui que présentait pour lui la ligne de la Moselle,
malgré les ressources qu'il aurait pu y trouver, il est impossible
de se dissimuler qu'il ne pouvait s'arrêter à l'idée de s'y main-
tenir qu'à la condition d'être certain d'y être immédiatement ren-
fercé par des troupes fraîches et surtout par des troupes solides
et aguerries. En jetant un coup d'œil sur les états et les situa-
tions, on trouve, il est vrai, qu'il y avait à ce moment à la gauche
du duc de Raguse la division de jeune garde du général Decouz,
en formation à Thionville ; à sa droite, les troupes que Ney avait
réunies à Nancy; puis, enfin, plus à droite encore, celles avec
lesquelles Victor se repliait devant les IV® et Y« corps de l'armée
de Bohème. Mais en réalité pour avoir une chance, même faible,
de résister sur la Moselle, il fallait, avant tout, opérer avec Ney
et Victor une jonction qui ne résultait pas directement des ins-
1 Bliicher avait laisse devant Sarrelouis 4 bataillons et 4 escadrons.
— 211 -
tructions de TEmpereur, et qui ne larda pas, d'ailleurs, à devenir
impossible. Enfin, la désertion avait pris, pendant la retraite du
Rhin sur la Sarre et surtout pendant le mouvement de la Sarre
vers la Moselle, de telles proportions que Ton ne peut s'empêcher
de partager et de comprendre les inquiétudes et les préoccupa-
tions de Marmont.
Dès le 7 janvier, le duc de Raguse avait signalé, dans une lettre
adressée à Berthier, de nombreux cas de désertion qui s'étaient
manifestés, surtout parmi les soldats tirés des départements du
Mont-Tonnerre et de Rhin-et-Moselle. De tout un régiment de
hussards hollandais, il ne lui restait plus que 50 hommes, qu'il
avait dû désarmer et démonter pour les empêcher de déserter
avec armes et bagages. Arrivé sur les bords de la Sarre, il n'avait
plus autour de lui que 11,000 hommes*, et, le 13 au matin, le
lendemain de son arrivée i\ Metz, ses 48 bataillons comptaient
Il peine 6,000 hommes. Aussi, tout en ayant le droit de regretter
que la jonction des trois maréchaux Marmont, Ney et Victor n'ait
pu s'effectuer, il serait d'autant plus injuste d'en vouloir faire
retomber toute la responsabilité sur Marmont, que la précipita-
lion avec laquelle Ney évacua Nancy et la direction prise par le
maréchal Victor îi la suite de cette évacuation et à l'instigation
du prince de La Moskowa, allaient rendre sa position plus diffi-
cile et plus critique encore, et l'obliger, deux jours plus tard, le
15 janvier, h se replier lentement sur Verdun.
13 janvier. — Houvements de la cavalerie de Sacken et
d'Tork vers la Moselle. — En attendant, comme au quartier
général de l'armée de Silésio on s*était rendu compte de la situa-
tion de l'ennemi, et comme la retraite de Marmont sur Metz était
désormais constatée, on employa judicieusement la journée du
13 à faire tûter par la cavalerie du corps Sacken les positions
occupées par les troupes adverses sur la Moselle et à pousser des
partis vers Nancy.
Afin de faciliter îi celle cavalerie l'accomplissement de sa mis-
iiion, York poussa dès l'aube son avant-garde et sa cavalerie de
réser\^e vers Metz, leur fit prendre position entre Colombey et
Courcelles, et plaça la cavalerie de réserve sous les ordr(»s du
* Marmont, Mémoireê, VI, 12.
212
prince Guillaume, qui devait, d'une part, se relier à l'avant-
garde de Sacken et, de Taulre, investir Metz avec sa cavalerie.
Cavalerie du prince Guillaume devant Hetz. — Le prince
Guillaume avait à cet effet divisé le terrain autour de Metz en
trois secteurs. Le lieutenant-colonel von Stossel, avec la cavalerie
de Tavant-garde (8 escadrons), soutenue par un bataillon d'in-
fanterie et une demi-batterie à cheval, devait former la droite de
la ligne des avant-postes et s'étendre de Mey jusqu'à la Moselle.
Pour se rendre sur les positions indiquées, ce détachement, qui
avait à passer par Villers-I'Orme, y trouva les Français solide-
ment établis (1000 hommes d'infanterie et de cavalerie), et dut se
replier. Le lieutenant-colonel, avec trois de ses escadrons, essaya
alors de prendre par Mey et Borny ; mais, comme les Français
occupaient le premier de ces villages, et comme le second aurait
été intenable à cause de sa trop grande proximité de la place, on
dut se contenter de faire surv^eiller le secteur jusqu'à la Moselle
par des vedettes et des patrouilles qui réussirent, d'ailleurs, à faire
quelques prisonniers.
Au centre de la ligne formée par les avant-postes, se trouvait
le lieutenant-colonel von Stutterheim. Venant avec 2 bataillons,
2 compagnies de chasseurs, 4 escadrons et une demi-batterie à
cheval par la grande route de Saint-Avold, il occupa à droite et
à gauche de cette route, en arrière de Montoy et de Colombcy,
Coincy, Maizery et Silly-sur-Nied. Enfin, à gauche, le major von
Woïsky s'établissait à Ars-Laquénexy, Mercy-les-Metz et La Grange-
aux-Bois. Derrière lui, le général von Jûrgass prenait position,
avec le reste de ses 8 escadrons de dragons et sa demi-batterie à
cheval, à Courcelles-sur-Nicd, Laquénexy, Mécleuves et Fronligny,
pendant que le gros de l'avant-garde (4 bataillons, 4 escadrons,
1 compagnie de pionniers et une batterie montée) se tenait à
Courcelles-les-Chaussy, Pont-à-Chaussy, Chevillon, Maizeroy et
Pange, afin de pouvoir, en cas d'un retour oft'onsif de l'ennemi,
défendre le passage de la Nied française et recueillir les avant-
postes.
Du côté de Thionville, il ne s'était rien passé de nouveau ; seu-
lement, les avant-postes de cavalerie avaient informé York,
dont l'infanterie avait fait halte h Longeville, qu'une forte colonne
française, sortie de Metz, se dirigeait sur Verdun.
- 213 —
Prise des ponts de Frouard par la cavalerie russe. —
La cavalerie de Sacken, sous les ordres du g<^n^ral Wassillehi-
koff, avait continué sa marche vers Pont-à-Mousson. Elle avait
détaché plus h gauche des partis de cavalerie légère qui, débou-
chant sur les rives de la Moselle, aux environs de son confluent
avec la Meurthe, s'étaient emparé des ponts de Bouxiéres et de
Frouard.
Les maréchaux Ney et Victor, bien que la pointe de la cava-
lerie alliée ne fut plus qu'î\ une journée de marche en arrière
d'eux, avaient négligé de les détruire en se retirant. Wassil-
tchikoff profita de cette faute inexplicable pour pousser aussitôt
des coureurs, d'une part, vers Pont-à-Mousson, de l'autre, vers
Commercy et Saint-Mihiel.
Marche de Biron sur Nancy. — Biron, quittant le 13, h
9 heures du matin, Habourdange, où il ne laissa qu'un poste
volant de correspondance, arriva à midi à Chi\teau-Salins, qu'il
occupa sans coup férir et poussa, dans le courant de la journée,
jusqu'à Neuvelotte, où il s'arrêta pour passer la nuit. Il avait,
dans l'après-midi, envoyé des coureurs, tant dans la direction de
Nancy que du côté de Lunéville, dans l'espoir de se relieur avec la
cavalerie de Wiltgenstein, ou tout au moins de se procurer quel-
ques renseignements sur sa position. Mais les cosaques envoyés
il la recherche du VI® corps rentrèrent pendant la nuit sans avoir
pu rien découvrir.
Houvement du corps de Kleist. — Le corps de Kleist
(II« corps prussien) arrivait le 13 h Marburg ; sa cavalerie de
réserve, sous les ordres du général von Rôder, qui était, depuis
le 9, k Ehrenbreitstein, retenue sur la rive droite par les glaçons
charriés par le Rhin, passa ce jour-là aussi sur la rive gauche.
Le 13 janvier, comme la cavalerie prussienne l'avait signalé à
York, Marmont avait bien fait partir de Metz, non pas pour
Verdun, mais pour Pont-à-Mousson, la division Ricard* qui,
arrivée le 13 au soir seulement à Novéant, ne put, par suite,
atteindre Pont-iVMousson que dans la matinée du 14.
< Marmont aa général Ricard, Metz, 12 janvier, li heures du soir. {Archires
de la Guerre.)
— 214 —
14 janvier. — Mouvement sur Thionville. — York, de
son côté, prenait ses dispositions- pour résister à une offensive
éventuelle des Français en avant de Metz, où, du reste, la journée
se passait sans incident.
Ce même jour, Blùcher envoyait sur Thionville la brigade du
général von Pirch II (1™ brigade prussienne), qui devait relever
devant cette place le général von Horn, dirigé sur Sierck, pour y
passer la Moselle et opérer de concert avec Henckel contre Luxem-
bourg. Malgré les renseignements envoyés le 13 par cet officier,
et d'après lesquels cette place aurait renfermé de 4,000 à 5,000
hommes, le feld-maréchal espérait parvenir à l'enlever, soit d'as-
saut, soit avec la connivence des habitants *.
11 s'était, d'ailleurs, produit dans le cours de cette journée, du
côté du corps Sacken, des événements qui allaient décider Blil-
cher h imprimer aux opérations d'une partie de son armée l'éner-
gique impulsion qui leur avait manqué jusque-là, et une activité
plus en rapport avec les goûts et le caractère du feld-maré-
chal.
La cavalerie de Lanskoî occupe Pont-à-Housson. — L'ap-
parition de la cavalerie du général Lanskoî en vue de Pont-à-
Mousson avait, en effet, suffi peur amener le général Ricard * h
évacuer cette ville et à se retirer par Thiaucourt sur Verdun.
* U est juste d'ajouter que Bliicher avait été induit en erreur par les rap-
ports par trop optimistes du lieutenant de Ghevallerie, lui aflirmant que
Luxembourg n'avait qu'une faible garnison, et que ses habitants étaient dis-
posés à ouvrir leurs portes aux Alliés. (Ordre de Bliicher à Henckel> de Saint*
Avold, le i4 janvier, à midi.)
> Marmont, Metz, 14 Janvier, iOh. i/4, matin, au général Ricard :
c( Puisque Tennemi s'est montré à Pont-à-Monsson et comme des bruits
fâcheux ont couru hier sur Nancy, j'ai fait partir cette nuit pour vous rejoindre
la brigade de cavalerie du général van Merlen; elle servira à vous éclairer sur
Nancy et sur Toul, à surveiller la rivière et à me donner des nouvelles. Si l'en-
nemi est à Nancy, et qu'il n'y ait rien de nouveau dans la journée dans la
Basse-Moselle, il est probable que demain je me mettrai en marche pour vous
appuyer avec le reste de mes troupes. »
Marmont au major général, Metz, le 14 janvier, 10 heures du soir :
« Le corps prussien a pris position à une lieue de la rive droite de la Moselle,
entre Thionville et Metz. Le corps de Sacken est devant moi à quelque dis-
tance.
u J'ai fait choix du général Durutte comme commandant supérieur de Metz. »
(ArcJUves de la Guerre.)
- 215 -
Dans sa retraite, cet officier général n'avait môme pas songé à
couper derrière lui le pont de la Moselle.
Entrée de Biron à Nancy. — Presque au même moment,
malgré la gelée et la neige, Biron, qui avait eu le soin de faire
ferrer h glace les chevaux de son corps volant, était arrivé le 13,
à 4 heures, devant Nancy. Après avoir essuyé quelques coups de
fusil, il avait occupé la capitale de la Lorraine, qui se rendit à un
escadron de hussards et à une centaine de cosaques *.
15 janvier. — Premiers ordres de Blûcher pour le 16.
— Blûcher avait eu d'abord (ses premiers ordres donnés le 15 au
matin pour la journée du 16 en fournissent la preuve) l'intention
d'investir sérieusement Metz, de poursuivre Tennemi dans la
i Kurzgefasste DartUllung der Kriegsbegebenheiten der Sehlesisehen Armée im
Jahre iSii. {K. K. Kriegt Arehiv., 1, 31.)
Victor à Grouchy. Nancy, 14 janvier 1814 :
« Ordre. — Le raouvement sera continaé sur Tout : la 1'® division d'infan-
terie ouvre la marche ; la ^^ suit la l'^' ; les 2 divisions de dragons marchent
ensemble derrière la 2" d*infantcrie.
M Les gardes d'honneur et la cavalerie légère font l'arrière-garde. Le géndral
Defrance fera occuper jusqu'à la nuit la sortie de Chdteau-Salins, de Flavigny,
de Saint- Vincent, pour observer Tennemi. U tiendra le gros de sa cavalerie sur
la route de Toul jusqu'à la nuit et se repliera avec tout son monde dans la
direction de Toul jusqu'à Gondrcville, où il attendra les ordres. »
Grouchy à Milhaud, 14/1 :
«... L'ennemi étant entré à Nancy peu d'instants après celui où j'en suis
sorti, je vous prie de donner à vos cantonnements l'ordre d'une extrême sur-
veillance. Il faudra aussi pousser des reconnaissances sur les routes de Vézelise
et de Vaucouleurs, et aller aux nouveUes dans l'une et l'antre de ces direc-
tions. »
Victor au major général. Toul, 14 janvier, 6 heures soir :
« Les troupes do mon commandement ont couché la nuit dernière à Luné*
ville et Saint-Nicolas. Je croyais pouvoir les y laisser aujourd'hui, pour
prendre le repos dont elles avaient besoin, mais sur l'avis que j'ai reçu du
maréchal prince de La Moskowa qu'une colonne des Alliés s'approchait de
Nancy, par Château-Salins, et que ceUe qui a débouché par Epinal manœu-
vrait dans la direction de NeufchAtcau, j'ai dû continuer mon mouvement pour
arriver à Toul avec l'infanterie et l'artUlerie. J'ai échelonné la cavalerie depuis
Gondrcville jusqu'à Nancy. Je tiendrai cette position jusqu'à ce que j'aie reçu
de nouveaux renseignements. Si j'apprenais que l'ennemi marchait par Neuf-
château sur Joinvilie, comme on me l'assure, je marcherai sur Vitry. Le
prince de La Moskowa va occuper Pagn y- sur-Meuse et Void. Les chevaux
souffrent beaucoup et perdent beaucoup, faute d'argent pour entretenir le fer-
rage. » (Arehireg de la Guerre.)
— 216 —
direction de Verdun, d'attaquer Luxembourg, de tAter Longwy
et de passer à cet effet la Moselle sur trois points : à Sierck, pr^s
Thionvillc et h Ancy.
Dans cette conjoncture, le corps York devait rester dans ses
cantonnements et se contenter de faire reconnaître si les chemins
venant de Fouligny à Pont-à-Mousson étaient praticables pour
Tartillerie légère ; le corps russe de Langeron devait venir le 16
à Sarrebrûck, le 17 entre Saint-Avold et Forbach ; Sacken devait
occuper, avec son infanterie, Château-Salins et Morhange, Vic-
sur-Seille, Moyenvic et Marsal, afin d'être absolument maître de
la route de Sarreguemines à Moyenvic, par Puttelange et Dieuzo.
11 avait ordre de faire soutenir par sa cavalerie les coureurs qui
étaient entrés à Nancy, et cette cavalerie devait, en outre, occuper
Nancy et Pont-à-Mousson et poursuivre, enfin, Tennemi sur la
rive gauche de la Moselle, dans le cas où il aurait évacué cette
dernière ville.
11 est bien évident qu'au moment où il envoyait cet ordre, Blù-
cher ne savait pas encore que Pont-à-Mousson était depuis la
veille occupée par des cavaliers de la division de Wassiltchikoff*,
qu'il n'avait pas davantage connaissance de la retraite de Ney et
de Victor vSur Toul. Ce fut donc à la nouvelle de l'abandon des
ponts de Frouard, de Bouxières et de Pont-h-Mousson, lorsqu'on
l'informa de la prise de possession des deux débouchés condui-
sant vers la Meuse, lorsqu'il apprit que les Français se trouvaient
désormais hors d'état de lui résister et de lui disputer sérieuse-
ment le pays compris entre la Moselle et la Meuse, qu'il prit la
résolution de faire par sa gauche un mouvement qui allait lui
permettre de devancer la grande armée de Bohème, et peut-être
môme d'arriver sur la Meuse avant l'un dos trois corps français
en retraite devant lui.
Blûcher prend le parti de se porter en avant. — Toutefois,
n'osant pas exécuter avec toute son armée ce mouvement qui ne
manquait pas de hardiesse, il l'entreprend seulement avec le
corps de Sacken et la division Olsufiew du corps Langeron. Pour
nous servir des termes mêmes employés par Clausewitz, dans son
Aperçu de la campagne de 1814, il se dirige ii la tête de 28,000
hommes sur Nancy, afin de rejoindre l'armée de Schwarzenberg,
qu'il va en réalité précéder. En même temps, il charge York du
— 217 —
soin de surveillor les places do la Moselle, de masquer la direc-
tion qu'il a prise, de lui assurer la possession des roules par les-
quelles vont lui arriver les renforts que lui amènent d'abord
Langeron, puis Kleist. En confiant cette mission à York, le feld-
maréchal espérait, en outre, que le commandant du I*^** corps
réussirait à enlever de vive force Tune de ces forteresses et îi
donner un point d'appui solide à la ligne d'opérations de l'armée
de Silésie*.
Ordres à York. — Le 13 janvier, k 8 heures du soir, York,
dont le quartier général était à Longeville, recevait, avec les
ordres du feld-maréchal, la dépêche suivante que Blucher lui
envoyait de Saint-Avold :
« Votre Excellence recevra ci-joint les ordres que je donne
après avoir reçu la nouvelle de l'abandon complet de la Moselle
par l'ennemi.
« Le prince Biron est entré hier à 4 heures h Nancy et suit
Tennemi sur Toul. Le maréchal Victor, qui s'est replié sur cette
place, craint d'ôtre coupé par Wrède.
« Votre Excellence maintiendra pendant la journée du 17 Fin-
vestissement de Metz, Thionville, Luxembourg et Sarrelouis; je
1 Ii est bon de remarquer que, si cette résolation a été inspirée à Blucher
par GneiscDan, le feld-maréchal a eu le mérite de modérer l'ardeur exagérée de
son chef d'état-major. Gneisenau, en effet, n'était pas encore parvenu à se
consoler du rejet du plan qu'il avait proposé en novembre, et qui consistait à
poursuivre les opérations contre Napoléon immédiatement après Leipzig. 11
suffit pour s*en convaincre de rappeler ici la lettre que le chef d'état-major de
Tarmée de SUésie adressait précisément ce jour-là à Radetzky, et dans laquelle,
eti lui annonçant la prise de Nancy, il lui disait : <( Pourquoi laisser des
troupes sur le Rhin? Pour surveiller Mayence et Strasbourg! Mais nous
sommes à 14 étapes de Paris, et 18 jours nous suffisent pour franchir la dis-
tance qui nous sépare de la capitale, livrer une bataille et imposer à l'ennemi
nos volontés. » Et il ajoutait : « Pourquoi ne pas faire converger sur Paris
tout ce que nous avons encore sur le Rhin. Dans notre situation, une seule
bataille doit nous donner une victoire décisive qui nous permettra de dicter la
paix telle que nous la voulons... Laissez-nous donc nous porter en avant,
disait-il encore en fiuissant, et faire venir à nous tout ce qui pourra nous rai*
lier. 11 y a prés de Moret, entre Montereuu et Nemours, une position d'où Ton
peut, sans effusion de sang, forcer Paris à se soumettre dans le cas où l'on
n'aurait pas pu y parvenir plus rapidement par une bataille. Cette position se
trouve en aval du confluent de TYonne, de l'Aube, de l'Ârmançou, du canal
de Briarre et de la Seine, par laqueUe on amène à Paris les subsistances qui
font vivre la capitale. » (Bbrnhardi, Denktnûrdigkeiten atu dem Leben de$
Grafen von Toll, lY, Sii-Si3.)
^ 218 -
n'ai toutefois pas Tintention de vous immobiliser sur ces points
pendant fort longtemps. Voici, au contraire, quels sont mes pro-
jets :
« Votre Excellence se rend évidemment compte de tous les
avantages que nous assurerait la possession d'une quelconque de
ces forteresses qui deviendrait pour nous une place d'armes. S'il
est possible de s'emparer d'une de ces places (dans lesquelles
il n'y a, d'ailleurs, que des conscrits), soit grâce à la connivence
des habitants, soit d'assaut, il importe de tenter cette entreprise,
dussions-nous sacrifier pour cela un millier d'hommes et môme
davantage. Partout où une entreprise de ce genre serait impos-
sible, il sera utile d'alarmer de nuit la garnison pour arriver h
connaître ce qu'elle vaut. 11 suffit, h cet effet, de quelques vieux
soldats d'infanterie.
« Si l'on ne peut pas parvenir h prendre Metz, Thionville et
Luxembourg, si les commandants de ces places sont décidés h
faire bonne contenance, il conviendra, en attendant l'arrivée du
général von Kleist, de charger le général von Rôder de bloquer
avec sa cavalerie Luxembourg et Thionville, de confier la même
mission devant Metz à la cavalerie de Langeron. Votre Excellence
marchera alors avec son corps d'armée droit par Saint-Mihiol
vers la Meuse, apr^s avoir fait préalablement tâter Longwy.
« J'ignore ce que vous possédez en fait de munitions pour les
obus de 10 livres; toutefois si, en bombardant une de ces places
avec ces pièces, vous pensiez amener une capitulation, vous
auriez assurément à recourir à ce moyen, tout en ménageant
cependant vos munitions, dont vous aurez besoin quand nous
livrerons bataille.
« Je me rends à Nancy, pour me tenir en communication avec
la grande armée, et laisse Votre Excellence libre de donner, con-
formément aux présentes instructions, des ordres à son corps
d'armée.
« Si vous jugiez à propos d'affecter encore pendant quelque
temps des troupes d'infanterie au blocus de l'une des places,
vous pourriez parfaitement le faire et ne vous porter dans ce cas
sur Saint-Mihiel qu'avec une partie de votre corps.
« Prière de me faire connaître l'époque de votre arrivée h
Saint-Mihiel et la situation d'effectif des troupes qui marcheront
avec vous. J'envoie à Votre Excellence des ordres destinés au
- 219 —
général von Rôder et au général russe Borosdin, afin que vous
puissiez en faire éventuellement usage.
« Au quartier général de Saint-Avold, 15 janvier 1814. »
A cette dépêche étaient joints les ordres auxquels le feld-maré-
chal vient, à plusieurs reprises, de faire allusion et qui réglaient
dans leur ensemble les mouvements du !«>" corps pour les journées
des 16, 17 et 18 janvier.
Houvements des corps de l'armée de Silésie le 18 janvier.
— En attendant Texécution de ces nouveaux ordres reçus le 15
au soir, on n'avait fait pendant la journée du 15 qu'une recon-
naissance sommaire de Metz, et comme la brigade Pirch était
arrivée, dans le cours de cette journée, devant Thionville, la bri-
gade Horn avait pu commencer son mouvement sur Sierck.
Quant à Henckel, qui, au moment de quitter Trêves pour mar-
cher sur Thionville, avait reçu de Blûcher l'ordre formel de
coopérer à l'entreprise que le général von Horn allait tenter
contre Luxembourg, il était déjà, le 15 au soir, à Grewemachern.
Le corps d'armée de Kleist continuait k marcher vers le Rhin,
en deux colonnes, l'une par Giessen, Wetzlar, Weilburg et Lein-
burg, l'autre par Herborn, Hadamar et Ehrenbreitstein, tandis
que sa cîivalerie, sous les ordres du général von Rôder, arrivait
le 17 à Trêves.
Retraite de Harmont sur Hars-Ia-Tour. — Ce fut également
le 15 janvier qu'une brigade de cavalerie du corps Sacken vint
rejoindre Biron à Nancy, et que Marmont dut, à la suite de la re-
traite précipitée de Ney et de Victor, se résoudre à quitter avec
la cavalerie de Doumerc et les divisions Lagrange et Decouz,
Metz, où il laissa le général Durutte avec deux des régiments de
sa division et les conscrits qu'on avait rassemblés dans cette
place. 11 se replia sur Mars-la-Tour, sans être, d'ailleurs, le moins
du monde inquiété par la cavalerie prussienne.
C'est en réalité pour cacher la faute du général Ricard que le
<luc de Raguse, dans la dépêche qu'il écrivit de Metz le 15 janvier
à 11 heures 1/2 du soir au major général, cherche à rejeter sur
Ney et Victor la responsabilité de son mouvement rétrograde. Il
est, en effet, obligé de reconnaître dans cette même dépêche
que le général Ricard, informé de l'entrée de l'ennemi à Nancy,
— 220 -
a cru devoir, à la nouvelle de sa marche sur Thiaucourt, aban-
donner Ponl-à-Mousson. 11 ajoute que Ricard a dû se replier,
par suite du mouvement rétrograde des autres corps sur Toul et
que ces mouvements le forcent à quitter lui-même la Moselle le 16
pour se rapprocher de la Meuse. Mais ce n'était là qu'une excuse
peu plausible, qu'une preuve de plus de la mésintelligence qui
régnait entre les trois maréchaux, puisque le 16 à 8 heures du
matin le maréchal faisait écrire par son chef d'état-major, le
général Meynadier, au général Ricard : « Le maréchal trouve
votre mouvement de Pont-à-Mousson sur Thiaucourt bien préci-
pité. Son Excellence aurait voulu que vous gardassiez ce point, et
au moins qu'en le quittant, vous en eussiez fait sauter le pont. »
Enfin, dans une autre dépêche, il lui donne l'ordre de s'arrêter,
« parce que lui-même s'arrêtera à Gravelotte, et qu'il serait resté à
Metz si Ricard n'avait pas évacué Pont-à-Mousson. »
Ney et Victor ont assurément commis une lourde faute en lais-
sant subsister les ponts de Frouard et de Bouxières-aux-Dames.
Mais la destruction du pont de Pont-à-Mousson était d'autant plus
nécessaire que Pont-à-Mousson était précisément le point qui per-
mettait à Blùcher de se déployer sans retard sur le plateau et de
manœuvrer par la rive gauche de la Moselle sur la Haute-Marne.
CcDsidérations sur les opérations de Blûcher. — Si Ton ne
peut qu'approuver la résolution prise par Blûcher, dés qu'il eût
connaissance de la retraite des maréchaux et de l'abandon de la
ligne de la Moselle, si l'on comprend que, se mettant en route
pour prendre vigoureusement l'offensive avec le gros de ses
forces, il ait tenu à s'assurer ses derrières et à couvrir sa droite
en chargeant York de masquer momentanément les places de la
Moselle, on ne parvient pas en revanche à découvrir les raisons
pour lesquelles il détacha du l«f corps prussien deux brigades d'in-
fanterie et la colonne de Henckel pour les envoyer vers Thionvillc
et plus à droite encore, vers Luxembourg. Blûcher savait cepen-
dant fort bien que la cavalerie de Roder allait arriver le 1 7 à Trêves
et pourrait de lii surveiller Luxembourg. Il aurait pu, en outre,
faire rabattre de ce côté Saint-Priest, qui, avec le 8« corps, avait
pris, d'Andernach et de Remagen, sa direction sur Malmédy et
Givet. Enfin, la cavalerie de Langeron, sous le général Borosdin,
suivie de près par une bonne partie de l'infanterie de ce corps.
221
devait être, du 17 au 18 au plus tard, devant Metz. Ces détache-
ments, ces expéditions excentriques sont d'autant plus inexpli-
cables que Blûcher ne cherchait pas des avantages partiels, des
succès insignifiants, qu'il était obsédé par l'idée fixe de. joindre
Tennenii au plus vite et avec le plus de monde possible. C'était
donc de sa part commettre une double faute * que d'obliger York
Il envoyer près de la moitié de son corps aussi loin de la ligne
qu'il aurait à suivre pour rejoindre le gros de l'armée; c'était lui
imposer volontairement des retards inutiles et le mettre presque
dans l'impossibilité de concentrer son corps et de marcher avec
toutes ses forces réunies dès qu'il aurait été relevé sous Metz par
les renforts qui s'approchaient. L'entêtement mis par Blùcher îi
vouloir se rendre, presque sans coup férir, maître des places de
Lorraine ne peut s'expliquer que d'une seule façon : le feld-maré-
chal espérait que les conunandants de ces forteresses s(î laisse-
raient intimider, oinriraient à York les portes des villes fortes
qu'ils étaient chargés de défendre et suivraient le dé])lorable
exemple donné tout récemment par les officiers auxquels l'Em-
)»ereur avait confié les places de Hollande et qui, presque tous,
avaient capitulé à la première sommation de Bùlow et de ses
lieutenants.
Malgré le mécontentement, assez naturel d'ailleurs, qu'il
é])rouva à la réception d'un ordre qui le chargeait d'une mission
aussi ingrate que difficile, York prit immédiatement les mesures
nécessaires pour se conformer aux dispositions nouvelles que
1 Clause witz, dans sa Critique stratégique de la campagne de 1814, a lui-
môme condamne cette opération en disant : u Comme le plan entier de la cam-
pagne consistait à amener le plus rapidement possible une grande bataille
décisive, la prise de quelques forteresses ne pouvait constituer en tous cas
qu'un objectif absolument secondaire, dont on devait s*occuper seulement après
avoir porté ce coup, ou bien dans le cas, improbable d'ailleurs, où la guerre
aurait pris un caractère traînant. H importait donc d'employer le moins de
troupes possible pour paralyser l'action des places occupées par les Français. II
suffisait, par suite, surtout dans le principe et jusqu'à l'arrivée des réserves,
de s'occuper uniquement de celles qui étaient situées sur les routes môme ou
à proximité des routes par lesquelles on marchait, d'observer simplement celles
d'entre elles qui étaient peu importantes et de n'investir que celles qui avaient
une valeur réelle.
« On pouvait ranger parmi les premières, Erfurt, Wiirzburg, les places
d'Alsace et Strasbourg ; parmi les deuxièmes, Mayence, Landau, Sarrelouis,
Thionville, Metz, Luxembourg, Longivy et éventuellement Verdun, et 65,000
hommes suffisaient amplement à cet eTet. »
— 222 —
Blûcher avait arrêtées le IS au soir. Aux termes de ces disposi-
tions, une des brigades d'infanterie du I^' corps devait investir
Metz, de Colombey par Magny-sur-Seille jusqu'à Montigny-les-
Metz. La cavalerie de Tavant-garde devait fournir les troupes d'in-
vestissement de Saint-Julien à Montigny; l'autre brigade restait
en soutien, et la cavalerie de réserve était destinée à suivre le
mouvement de retraite de l'ennemi sur Verdun.
Le 17, la brigade d'infanterie, gardée jusque-là en soutien,
avait ordre de passer la Moselle à Ancy et de compléter l'inves-
tissement de Metz. Le blocus de Thionville et de Luxembourg
devait être également chose faite à la date du 17, jour où le corps
Sacken, dont les quartiers s'étendaient de Chdteau-Salins à
Nancy, ferait occuper cette dernière ville par une brigade d'in-
fanterie et aurait à pousser de l'infanterie à Pont-à-Mousson et à
faire suivre l'ennemi par sa cavalerie tant dans la direction de
Commercy que dans celle de Bar-le-Duc. Blûcher insistait, en
outre, sur les mouvements de la cavalerie de Borosdin et de l'in-
fanterie d'Olsufiew, dont la division, déjà arrivée à Sarrebrûck,
devait atteindre le 19 la ligne Château-Salins— Nancy.
16 janvier. — Houvement des troupes d'Tork autour de
Metz. — York transféra par suite son quartier général le 16 de
Longeville à Boulay pendant que ses troupes exécutaient autour
de Metz les mouvements prescrits. Toutefois la cavalerie de ré-
serve du général von Jûrgass ne réussit pas à passer la Moselle,
on face d'Ancy, à Jouy-aux- Arches : le dégel, survenu depuis la
veille au soir, avait grossi la rivière, qui charriait de gros gla-
çons, et le général, manquant absolument de moyens pour
exécuter son passage au point indiqué, obligé de remonter la
Moselle jusqu'à Pont-à-Mousson , ne put arriver que jusqu'à
Champey. Il en fut de môme pour la brigade Pirch, qui ne put
passer à Thionville, et pour le général von Horn, qui, ne voulant
pas remonter jusqu'à Trêves pour reprendre le chemin de Luxem-
bourg, se vit pour la même raison obligé de rester à Sierck.
Henckel, il est vrai, était arrivé à Betzdorf, et un de ses partis,
sous les ordres du capitaine von Osten, avec un escadron, battait
l'estrade au nord de Luxembourg, entre Mersch et Arlon.
Henckel envoie des partis sur Arlon. — Henckel profita de
— 223 —
la présence auprès du général von Horn du colonel von Valenlini,
chef d*élal-Hiajor du P^ corps, pour insister sur Tinipossibililé
presque absolue de se rendre maître de Luxembourg par un
coup de main. « Le feld-maréchal, écrivait-il au général von
Horn, a été induit en erreur par les rapports et les propositions
d'un jeune officier, ardent, désireux de trouver loccasion de se
distinguer, mais qui n'a pas pu et n a j)as su se rendre compte
de la valeur et de retendue des ressources dont nous disposons. »
D'ailleurs, en admettant même qu'Henckel eût de son côté
exagéré la force de la garnison de Luxembourg, il est d'autre
part hors de doute que cette garnison, tenue en éveil par la pré-
sence aux environs de nombreux partis de cavalerie, faisait
bonne garde et que la place, bien armée, ne pouvait être enlevée
par surprise. Le général von Horn n'eut pas grand' peine à con-
vaincre Valentini, qui écrivait le jour même ii Henckel : « Le
général von Horn ne peut manquer de recevoir avant peu, ainsi
que vous, l'ordre de revenir plus à gauche. » Mais comme nous
le verrons, Valenlini se trompait au moins de quelques jours,
puisque ce fut le 21 seulement que Blùcher renonça enlin îi son
idée sur Luxembourg.
Sacken à Nancy. — Les maréchanz continuent leur re-
traite. — La journée se passa, du reste, assez tranquillement.
Sacken étîiit venu installer son quartier général ii Nancy ; Blûcher
avait le sien h ChiUeau-Salins, et les comnmnications étaient
désormais établies entre les armées de Silésie et de Bohême *.
Pendant ce temps, les maréchaux français continuaient leur
retraite : Nev était à ce moment à Bar-le-Duc , avec la division
Meunier; à rapproche des Busses, Victor avait quitté Toul, où il
n'avait laissé que 300 hommes, pour rétrograder jusqu'à Com-
niercy; mais il avait eu au moins l'idée de faire réoccuper par les
dragons du général Briche, soutenus par une petite troupe d'in-
fanterie, le pont de Commercy, pendant que, sur l'ordre de
Marmont, le général Decouz marchait pour reprendre possession
du pont de Saint-Mihiel*.
* K, K. Kriegs Arehiv., I, 30.
* 11 est utile de rappeler eu passant que le général Ricard, en évacuant
PoDi-à-Moasaon, avait négligé d*en détmire Id pont et, comme le montrent ks
— 224
Si nous avons insisté au chapitre II sur les dissentiments des
généraux alliés, si nous avons essayé démettre en lumière les tirail-
lements et les conflits d'attribution qui se produisaient à tout ins-
tant dans les difl'érents quartiers généraux de Tannée de Bohême,
il nous est impossible de passer sous silence les mésintelligences
fatales des trois maréchaux qui auraient dû plus que jamais com-
biner leurs mouvements et leurs opérations, afin de retarder les
progrès de Tinvasion.
Nous avons déjà eu occasion de reproduire à ce propos
une lettre de Grouchy au major général, de citer un extrait
d'une des dépèches de Belliard à Berthier. Mais ce fut surtout
au moment de l'évacuation de Nancy, de la perte de la ligne
de la Moselle, lorsque se produisirent les négligences inexcu-
sables qui livrèrent aux Alliés les ponts de Frouard , do
Bouxières-aux-Dames et de Pont-à-Mousson , qui faillirent leur
donner ceux de Saint-Mihiel et de Commercy, que les récrimina-
tions, les plaintes des maréchaux l'un contre l'autre prirent des
proportions inquiétantes. Le maréchal Victor est, de loue-, celui
qui paraît le plus irrité, le plus mécontent, ])robablement parce
qu'il est de tous celui qui a encouru les plus sévères reproches
de la part de TEmpereur.
Avant d'évacuer Toul, il écrit, en effet, au major général, le 16
au soir, pour lui faire ressortir les inconvénients du partage du
commandement ; mais au lieu de se déclarer prêt à servir sous les
ordres de celui d'entre eux auquel l'Empereur confiera la direc-
tion supérieure, il sollicite dans ce cas la faveur d'être employé
ailleurs : « Il est probable, écrit le duc de Bellune, que si
Sa Majesté ne réunit pas sous un seul commandement le 2^ corps,
celui du prince de La Moskowa et celui du duc de Tarente, les
Mémoires de Grouchy, n'avait mémo pas jugé à propos de donner avis de sa
retraite aux troupes sous les ordres de Ney et de Victor.
Le gdncral Meynadier, chef d'état-inajor de Marmont, avait, en effet, ordonné
le i7, à 10 heures du matin, au général Ricard, de faire partir immédiate-
ment 150 hommes d'infanterie et 100 chevaux, avec un ofllcior de choix, pour
Saint-Mihiel, où ce détachement devait garder les ponts, les défendre et les
couper si l'ennemi se présentait en force avant Tarrivée de la 2* division de
jeune garde du général Decouz. Quelques heures plus tard, le maréchal,
informé de l'occupation de Saint-Mihiel par les coureurs alliés, prescrivait à
Ricard de rallier sa division à Fresne et d'être en hataille le 18, à 3 heures du
matin, à Manheulles, où le maréchal se réservait de lui envoyer des ordres.
— 2S5 —
ennomis iront aussi loin qu'ils lo voudront sans obstacles. Lo
duc do Kaguso a quitté pendant la nuit dcrni(>rft la position de
Pont-fi-Mousson sans qu(î j'en fusse prévenu. Je ne l'ai appris
qu'indirectement. Les troupes du prince de La Moskowa, qui
étaient à Void s'en sont allées je ne sais où, et je n'en ai été
instruit que de la môme manière. De pareilles dispositions ne
peuvent être que; nuisibles au bien du service, et il en arriverait,
si l'on n'y apportait remède, que des troupes découvertes,
comme le sont les miennes aujourd'hui, seraient compromises.
Je suis persuadé que les trois corps, réunis sous le commande-
ment d'un seul maréchal, seraient en élat d'arrêter les progrès
de l'ennemi, tandis que divisés comme ils le sont, leur ser\'ice
est absolument nul. Je prie donc Votre Altesse de solliciter cette
réunion de Sa Majesté. Si l'Empereur y consent et que Sa Majesté
ait jeté les yeux sur un autre que moi, comme je dois le croire^
pour lui confier le commandement, je la prierai alors de m'appe-
1er à une armée où mes services puissent être utiles, »
Quelques heures plus tard, Ney écrivait dans le mémo sens de
Bar-le-Duc, le 17 au matin, à Berthier : « Un détachement de
cavalerie ennemie est entré h Saint-Mihiel et pousse des pointes
sur Commercy. On affirme qu'une autre colonne avec de l'infan-
terie est arrivée à Neufchàteau, Ce sont sans doute ces démons-
trations sur les flancs du ^^ corps qui ont déterminé la retraite
du duc de Bellune. Le maréchal a dû sans doute donner il Votre
Altesse des renseignements plus étendus; mais comme il me
laisse ignorer et ce quil a fait et ce qu'il veut faire, comme je nai
de ses nouvelles qu4* quand ses troupes refluent sur les miennes,
je me borne à recueillir auprès des autorités civiles les rapports
qui leur par\iennent. J'ai fait partir un de mes aides de camp
pour savoir où se trouve le quartier général du 2« corps, afin
d'avoir avec le duc de Bellune une entrevue que je crois néces-
saire au bien du service. »
Pour ce qui est de» Marmont, nous avons déjà eu lieu de parler
de ses dépèches du 13 janvier, des récriminations qu'elles conte-
naient à propos des mouvements du prince de La Moskova et du
diuî de Bellune; mais le du<' (h» Ragusc, lui non plus, ne s'en tint
pas h\. Dans son rapport du 16 au major général, il va presque
jusqu'à rendre le maréchal Ney responsable de la faute commise
par Ricard à Ponl-à-Mousson. « 11 est fâcheux, écrit-il, que le
w«ii. \ 5
— 226 —
prince de La Moskowa n'ait pas ordonné de couper le pont sur la
Moselle à Frouard, h Tinstant où il a évacué Nancy. Le général
Ricard aurait alors également fait couper celui de Pont-à-Mous-
son, et j'aurais pu alors rester sur la Moselle, me porter en
masse sur Pont-à-Mousson... » Et il ajoute : « Maintenant que
l'ennemi est maître du défilé de Pont-à-Mousson et du pont dt;
Frouard, une opération de ce genre sur la rive gauche de la
Moselle serait impraticable quand môme l'inondation viendrait à
disparaître. »
Le lendemain 17, il revient avec encore plus de violence sur ce
sujet, dans sa dépêche datée d'Harville, 9 heures du soir :
« J'avais envoyé hier, écrit-il au major général, des officiers en
poste pour préparer la défense de la Meuse et faire sauter les
ponts depuis Saint-Mihiel: mais la fatale imprévoyance du prince
de La Moskowa qui, en évacuant Nancy, n'a pas fait sauter le
pont de Frouard, a donné à l'ennemi les moyens d'arriver sur la
Meuse avant moi et a empêché mes dispositions d'avoir leur
effet. L'officier que j'avais envoyé h Saint-Mihiel m'annonce que
l'ennemi y est entré en force... Ainsi, la conservation du pont do
Frouard nous a privés à la fois de la défense de la Moselle et de
celle de la Meuse. S'il eût été coupé, il est probable que nous
eussions défendu la Moselle quatre à cinq jours, et la défense de
la Meuse ayant été préparée, elle aurait arrêté l'ennemi au moins
^ autant de temps. » Toutes ces récriminations étaient évidemment
fondées, et les plaintes de chacun des maréchaux parfaitement
légitimes en elles-mêmes. On comprend, par suite, quelles rela-
tions pouvaient exister entre des chefs qui, au lieu de s'entendre
et de se concerter, ne cherchaient qu'à s'accuser mutuellement
et à rejeter les uns sur les autres tout le poids des fautes qu'eux
et leurs lieutenants avaient commises. Il en était, d'ailleurs, de
même en Belgique, où le général Koguet, n'obéissant qu'à regrel
à Maison, réclamait auprès du duc de Plaisance et de Drouol,
aide-major de la garde, contre les ordres qu'il recevait de son
général en chef.
17 janvier. — Marche de Biron sur TouL — Cavalerie du
général von Jûrgass en avant de Pont-à-Housson. — Le 17 au
malin, Biron, suivi par une partie de l'infanterie russe de Sac-
ken, se dirigeait de Nancy vers Toul et arrêtait le gros de son
- 227 —
corps îi GoiidrevillL', doù, escorté par quclcpics cavaliers, il se
porta en avant pour reconnaître les abords do la place. Son
corps volant se cantonnait tant bien que mal à Gondrevilh^ et
servait de pointe d'avant-garde à la cavalerie de WassillchikotV.
pendant qne le général von Jûrgass, avtîc la cavalerie de réserve
du I®' corps, passait la Moselle h Pont-à-Mousson et poussait jus-
(pi'à Thiaucourt son avant-garde, forte dci deux escadrons, sous
les ordres du major von Woïsky. L'arrière-garde française était
à ce moment en position près de Saint-Benoit en Wœvre.
Plus au nord, le général-major von Horn avait, non sans peine,
réussi ;\ passer la Moselle à Remich, et l'infanterie d(^ la 2" bri-
gade ayant relevé la cavalerie devant Metz, le lieutenant-colonel
von Stutlerheim se porta avec quelques escadrons sur la route de
Pont-tVMousson jusqu'à Corny.
Mouvements de Sacken, d^une partie du corps de Lan-
geron et de la cavalerie de Eleist. — Les troupes d(^ Sacken
étaient toujours entre Cliàteau-Salins et Nancy; mais la cavalerie
du général Borosdin (dragons de Mittau et de la Nouvelle-Kussie,
2e et 4® régiments de cosaques de l'Ukraine) était arrivée à Saint-
Avold, précédant la division d'infanterie d'Olsufiew, en marche
de Forbacli sur Saint-Avold. Le général von Rôder, avec la cava-
lerie du II*' corps (Kleist) occupait Trêves dès le 7 au soir, comme
nous l'avons dit.
Observations dTork en réponse aux ordres de Blûcher.—
Enfin, York, après s'être conformé aux ordres de Blucher, adres-
saitce jour-là au feld-maréchal, en réponse aux instructions du 15,
quelques observations, dans lesquelles il lui exposait les diffi-
cultés inséparables d'opérations aussi complexes que celles qui,
dans l'esprit du feld-maréchal devaient assurer h l'armée de
Silésie la possession de Sarnîlouis, Metz, Thionville et Luxem-
bourg. Une semblable entreprise était d'autant plus difficile que,
comme l'écrivait le commandant du I«*'cor])s, il n*avait à sa dispo-
sition ni équipage de pont, ni artillerie de siège, et ([ue l'eflectif
total du corps d'armée, auquel les marches exécutées depuis le
j)assage du Rhin avaient déjà coûté plus de 3,000 hommes, était
tombé à ce moment au-dessous de 17,000 hommes. York termi-
nait sa lettre en disant au feld-maréchal qu'il allait en personne
22S
se rnuln? devant les places de la Moselle, les recoiinailre, alin
do voir si une pareille entreprise pouvait ou non ôtrc tentée avec
quelque chance de succès.
18 janvier. — Marche de la division Liewen surTouL — Le
18 au matin, Birou et Wassiltchikoft avaient reconnu de nouveau
Toul, dont le commandant et le maire refusèrent de capituler.
Convaincus, dès lors, qu'on ne pouvait s'emparer de la place sans
infanterie, et surtout sans artillerie, ils firent aussitôt partir de
Gondreville pour Nancy un officier qui rendit compte de la situa-
tion îi Bliicher en personne. A ce moment, du reste, la divi-
sion d'infanterie du général Liewen, du corps Sacken, était déjà
en marche sur Toul*.
Rôle de la cavalerie française. — De leur côté, les cavaliers
français avaient su conserver le contact avec l'ennemi et décou-
vrir à l'aide de renseignements fournis par les gens du pays les
principaux mouvements de leur adversaire. C'est ainsi que le 18,
à deux heures de l'après-midi, Grouchy * pouvait écrire au major
général : « Les cosaques sont établis entre Neufchîtteau et Gon-
drecourt. Le corps York suit Marmont dans la direction de Metz
h Verdun. Le corps Sacken, qui s'est dirigé sur Pont-à-Mousson
et Nancy, est devant moi ; celui de Kleist ' paraît s'être arrêté
devant Thionville. » Sur la foi de ses renseignements, il avait, dès
le matin, envoyé à sa l*"** division, stationnée k Sorcy, l'ordre de
rejoindre la division Briche, h Commercy, pour en défendre le
pont jusqu'à la dernière extrémité, et de se replier ensuite, si elle
y était contrainte, sur Saint-Aubin, où elle se mettrait en ba-
taille*.
Mouvements des corps Langeron et Tork. — Quant aux
troupes d'infanterie du corps Langeron, qui venaient renforcer
* K. K, Kriegs Arckiv., I, 31.
' Grouchy, Mémoires.
» Grourliy ne commet d'erreur qu'on ce qui touche Kleist. dont rinfantoric
commençait ce jour-là à passer le Hliin à Coblence. La cavalerie sous Hoder
était arrivée la veille seulement a Trêves. 11 n'y avait à ce moment devant
Thionville que la hri;rade du gênerai von Pirch, du 1"' corps.
* GnoucHY, Mémoires,
— 229 —
Sarken, elles ôlaienl arrivons h haulour do Château-Salins ot d(î
Faulqueniont. L(^ général Borosdin, ({ui les avait précc^dées avec
sa cavalerie, recevait l'ordre d'en poussfT une partie sur Ponl-à-
Mousson, afin d*êtrc désonnais en mesun» de coopérer de ce
coté à l'investissement de Metz.
York avait, dès le 17 au soir, envoyé h ses généraux des ordres
déterminant la nature des opérations h entreprendre contre les
places de la Sarre et de la Moselle, (;t fixant d'une manière pré-
cise le temps qu'ils devaient y consacrer et l'étendue des eftbrls
qu'ils avaient à faire h cet efl'et.
Dès le 18, il diriginiit le prince Guillaume, avec le gros de son
avant-garde, sur Pont-à-Mousson ; le lieutenant-colonel von Stut-
terheim, avec la pointe de celte avant-garde, allait h Vandières
et envoyait des patrouilles vers Metz et Grav(»lolle. Le; colonel
von Warburg, avec sa brigade, et le lieutenant-colonel von
Stossel restaient dans leurs anciennes positions devant Mt^tz. Le
général von Jùrgass, avec sa brigade de dragons et une batterie
h cheval, venait à Thiaucourt et portait son avant-garde à Saint-
Benoit sur la route de Pont-à-Monsson à Verdun.
Ce môme jour, Marmont arrivait à Verdun et le général Ricard
s'était replié dans la même direction, couvert par une arrière-
garde, qui. Il l'approche de la (.'avalerie prussienne, se retira en
passant par Fresnes-en-Wœvre.
Affaire de Saint-Mihiel. — Marmont, il importe de le recon-
naître, avait été induit en erreur par la fausse nouvelle d'un mou-
vement sérieux des Prussiens sur Saint-Mihiel et par l'annonce
de l'entrée de leur avant-gard(î dans cette ville. Le fait même que
ce renseignement lui avait été fourni par l'un des officiers qu'il
employait habituellement h courir le pays était de nature à le
convaincre de l'tîxactitude d'une nouvelle, d'autant plus probable
que l'armée de» Silésie possédait, depuis le 14, le pont de
Frouard, et qu'il n'y a en somme (pie 2 ou 3 marches au plus de
Nancy à Saint-Mihiel. La retraite inopinée et précipitée du gé-
néral Ricard, qui s'était retiré de Pont-à-Mousson si vivement
(ju'il n'avait pas cru pouvoir s'arrêter à Thiaucourt, d'oii il aurait
su il quoi s'en tenir sur les prétendus mouvements du l^^ corps
prussien, contribuait encore h donner plus de vraisemblance à
cette nouvelle. Mais dès que le maréchal put présumer par les
— 230 —
rapports qu'il roriit le 18 au malin, que les Prussiens n étaient
pas on force h Saint-Mihiel, il se hâta d'y envoyer un détache-
ment d'infanterie et de cavalerie qui, sous les ordres de son aid(»
(le camp, le colonel Fabvier, y surprit et en chassa les cosaques.
Le colonel réoccupa donc Saint-Mihiel et prit aussitôt toutes les
mesures nécessaires pour rompre le pont si Ton était contraint
d'abandonner de nouveau la ville. A ce moment donc, Marmont,
dont les troupes étaient à Verdun, dont rarrière-garde était
encore à Haudiomont avec des partis à ManheuUes, était en situa-
tion de défendre la Meuse aussi longtemps que le corps du maré-
chal Victor se maintiendrait sur les rives de ce fleuve.
Affaire de cavalerie à Hollerich. — A Textrôme droite de
l'armée de Silésie, Henckel, qui avait reçu Tordre de se diriger,
le 23, sur Longwy et d'être le 26 à Saint-Mihiel, avait contourné
Luxembourg et était venu s'établir h Bertrangç, pendant que
Horn restait sur les positions qu'il occupait déjh la veille.
Pendant cette marche, un do ses escadrons, conduit par le
capitaine von Allenstein, avait eu une afi'aire avec un détache-
ment d'infanterie qui, sorti de la place, tenta infructueusement
de rempôcher d'entrer dans le village d'Hollerich, et fut, après
une charge de cavalerie, obligé de se retirer sur Luxembourg.
Mouvements et positions du corps de Saint-Priest. —
Raid du corps volant du majorvonFalkenhausen. — Le géné-
ral de Sainl-Priest s'était, de son côté, porté par Andornach et Re-
magen sur Malmédy, Dinant et Givet, formant ainsi l'extrême droite
de Blùcher. On avait, enoulre, fait partir pour Arlon une colonne
volante qui, sous les ordres du major von Falkenhauson, devait
enïpôchor la conscription et la levée dans le département de»
Sambre-ot-Meuse\
Positions de Tarrnée de Silésie. — Il suffit, il nous semble,
de jeter un coup d'œil sur les positions des diflérentcs fractions
de l'armée do Silésie, pendant les journées du 15 au 18 janvier,
pour voir que les Français auraient pu aisément profiter de leur
* Rapport du major von Falkenliausen sur Toccupation du département de
Sambre-ct-Mcuse. {K,K,Krieij$Archu\,\y ad. 690.)
— 231 —
(^p«nrpillemonl sur un front qui s'étendait depuis Luxembourg
jusqu'au-dessus d(î Pont-à-Mousson, et m^me jusque vers Toul.
Jusqu'au 18 au malin, n'ayant devant eux que de la cavalerie
précédant à une assez grande dislance quelqucîs petits groupes
d'infanterie, ils pouvaient se masser sur un point quelconque de
celle longue ligne, forcer, ce qui n'eût pas été bien diflîcile, le
passage de la Moselle et tomber, par exemple, sur la droite du
!«' corps de rarmé(; de Silésie, au nord de Metz, et se rabattre de
là sur ses derrières. Un mouvement de ce genre, ((ue les trois
maréchaux Ney. Vi<*lor et Marmont pouvaient tenter d'autant plus
aisément qu'ils auraient eu sur York l'avantage du nombre,
aurait assurément eu des conséquences considérables. Il ne leur
fallait pour cela qu'un peu d(^ confiance en eux-mêmes et en leurs
troupes. Mais une pareille entreprise, d'autant moins dangereuse
([ue Macdonald couvrait, du côté de la basse Meuse, la gauche
des Français, n'eût été possible que si l'Empereur avait préala-
blement confié l(î commandement supérieur à l'un de ses lieute-
nants. Investi de l'autorité nécessaire pour remédier au déplo-
rable décousu des opérations, le général en chef aurait en tous
cas imprimé une direction unique h la retraite, que chacun des
maréchaux exécuta pour son propre compte, sans se soucier des
corps voisins, sans même les informer de mouvements rétro-
grades effectués avec une rapidité et une précipitation que riei
ne motivait.
Faute de cette direction unique et énergique, on laissa échapper
le moment où il était encore possible de réparer les inexcusables
négligences commises h Frouard, Bouxiéres et Pont-à-Mousson ;
on perdit l'occasion de reprendre pied sur la rive droite de la
Moselle, de jeter le désordre et la confusion dans les colonnes
éparses, dans les petits paquets de l'armée de Silésie, de l'obliger
sinon h se replier sur la Sarre, du moins h s'arrêter pour se con-
centrer. Quelles n'eussent pas été les conséquences, sinon d'un
échec sérieux infligé à cette armée, du moins d'un temps d'arrêt
passager, d'un accroc transitoire, d'un mouvement rétrograde de
quelques marches qui, en découvrant momentanément l'aile
droite de l'armée de Bohême, aurait certainement porté le trouble
dans l'esprit naturellement inquiet du généralissime? Un pareil
événement eût vraisemblablement suffi pour que Schwarzenberg,
épouvanté de la responsabilité écrasante qu'il ne se sentait pas de
— 232 —
force II porter, et qui hésitait déjà à dépasser le plateau de
Langres, se décidât à s'y arrêter avec le gros de ses forces et à
détourner de leurs directions les Wurtembergeois du prince
Royal et les Austro-Bavarois de Wrède *.
19 janvier. — Ordres de l'Empereur. — C'était d'ailleurs
bien là ce que l'Empereur reconnut, tardivement, il est vrai, et
c'est pour cette raison qu'il écrivait de Paris, le 19 janvier, au
major général :
« Mon cousin, on ne peut plus rien concevoir à la conduite du
duc de Bellune. Arrivez aux avant-postes avant demain matin 20.
Assurez la défense de la Meuse, donnez le commandement au
meilleur général. Joignez-y la division de jeune garde. Renvoyez
le duc de Bellune; donnez le commandement de tout au duc de
Raguse et restez jusqu'à ce que le duc de Raguse ait pris toutes
les mesures pour la défense de la Meuse et pour se battre. »
Le môme jour encore, complétant sa pensée et jugeant de loin
la situation aussi nettement que s'il avait été sur les lieux, il
adressait à ses maréchaux les instructions contenues dans la pièce
qu'on va lire :
« Paris, 19 janvier 1814. — L'ennemi n'a passé la Meuse
qu'avec de la cavalerie; il faut l'attaquer et reprendre celte ligne.
i l\ noas paraît utile de reproduire ici une partie des instructions générales
que l'Empereur, après avoir reconnu, le i3 janvier, que l'ennemi opérait en
trois masses, adressait au corps d'Anvers, aux ducs do Tarenle, de Raguse, de
Bellune, de Trévise et au prince de La Mosko\% a, et d'en extraire ce qui a trait
à la marciie <ie Uliicber :
« n se porte, disait- il, sur la Sarre, et, dés lors, il a à masquer Sarrelouis.
S'il passe la Sarre et qu'il se porte sur la Moselle, il devra masquer Luxem-
bourg, Thionville, Marsal et Metz. Son corps sera à peine suffisant pour r^s
opérations. Le duc de Raguse doit l'observer, le contenir, manœuvrer entre
ces places et si, par une cbance qui n'est pas présumahle, ce marérbal était
obligé de repasser la Moselle, il jetterait la division Durutte dans Metz et pré-
viendrait toujours l'ennemi sur le grand cbemin de Paris. Djins cette supposi-
tion, le duc (Je ïarente, qui réunit un corps sur la Meuse, observerait le flanc
droit de l'ennemi, défendrait Liège et la Meuse, et suivrait toujours le flanc
droit de l'ennemi, do manière à ne pas cesser de couvrir les débouchés do
Paris. Si, au contraire, Blucher après avoir tâté la Sarre se porte sur la basse
Meuse pour menacer la Belgique, le duc do Tarente défendra la Meuse, et le
duc de Raguse suivra le flanc gauche de l'ennemi pour observer ses mouve-
ments, le contenir, le retarder et lui faire le plus de mal possible. » (Corres-
pondance de Napoléon, 21091.)
— 233 -
Si cela nVHail pas possibles ol que Ton dût se reployor, le duc de
Ragiise défendrait l'arrivée de l'eiinenii sur Chàlons eu lui dij<pu-
laut la route d(; Verdun à Chàlons.
(( Le diui de Bellune et le prince de La Moskowa prendraient la
position de Vitry-le-François, oii ils se l)altrai(*nl.
« Dans cette position, le duc de Kaguse formerait la gauche, le
duc de Bellune et le prince de La Moskowa le (centre, le duc do
Trévise la droite.
(c Le général Dufour est à Arcis-sur-Aubc avec quatre batail-
lons et 16 canons. Le duc de Trévise est h Chauniont av(?c les
d(;ux divisions de vieille garde et la brigade du général Hour-
mont, composée de trois bataillons du i 13«; deux bataillons, aux
ordres du général Curial, sont à Chàlons; trois bat;iillons cou-
chent le 15 à Meaux, se dirigeant sur Chàlons.
« La division de jeune gardt» du général Rotlembourg est éga-
lement en marche, se dirigeant sur Chàlons Le général do La
Hamelinaye est à Troyes. »
Mouvements du corps Sacken vers Toul, des cosaques
vers Vaucouleurs, d'Olsufiew vers Nancy. — Mais au momc^nt
où l'Empereur donnait ces ordres, il était déjà trop tard ])our
réparer les fautes commises par les maréchaux.
La division Liewen, du corps Sacken, s'approchait de Toul et
devait arriver le 20 au matin sous les nmrs de cette place, que
Biron et WassiltchikolV continuaient à observer avec leur cava-
lerie : « J'envoie de Colombey-les-Belles de la cavalerie sur Toul,
où l'on entend le canon, » écrivait à cette date Frimont \
Les cosaques de la cavalerie de Sacken avaient poussé vers
Vaucouleurs et y rejoignaient le petit corps volant de Stscherba-
toff*, tandis ([ue l'infanterie du général Olsutiew arrivait aux
environs de Nancv.
Mouvements autour de Metz. — Du coté de Metz, la crue de
la Moselle avait immobilisé le prince Guillaume, qui, posté depuis
la veille à Pont-à-Mousson, recevait du feld-maréchal l'ordre de
rester sur ce point jusqu'au moment où la roule de Pont-à-
4 TagetbegebenlieUen,.. (K, K Kriêijt Arehir., I, 30.)
« Stscherbatoff à Schwarzenberg. (À'. K. Kriegt Archiv., 1, 445.)
-► 234 —
Mousson redeviendrait praticable et lui permettrait de compléter
rinveslisscment de la place par la rive gauche. En attendant, le
lioulenant-coloncl von Stutterheim s'était établi à Gorze; ses
avant-postes occupaient Ars-sur-Moselle, Gravelotte et Vaux pen-
dant que, d'autre part, la cavalerie russe du général Borosdin
relevait, dans la journée du 19, les postes fournis devant Metz
par le lieutenant-colonel von Stôssel.
Combat de cavalerie de Hanheulles. — Dans la nuit du 18
au 19, le général-major von Jùrgass avait fait suivre l'arrièrc-
garde française par les deux escadrons du major von Woïssky, qui
atteignit l'ennemi près du village de ManheuUes, îi la croisée
même des routes qui mènent de Ponl-à-Mousson et de Metz à
Verdun. Les Français avaient posté leur infanterie dans le village,
dont ils avaient fait couvrir les abords par leur cavalerie (10® ré-
giment de hussards) *. Le major von Woïssky les attaqua le 19 au
matin et lit aussitôt prévenir le général, qui se porta immédiate-
ment en avant avec les dragons de la Prusse-Occidentale et deux
pièces d'arlillerie à cheval, pendant qu*il dirigeait par Fresnes
les dragons de Lithuanie et le reste de son artillerie. Appuyée
par les tirailleurs d'infanterie postés dans les maisons et les jar-
dins du village, la cavalerie française repousse tout d'abord les
charges des dragons prussiens. Mais les feux de Tartillerie prus-
sienne l'obligent h se replier, et le général von Jûrgass poursuit
les Français jusqu'à l'entrée du défilé d'Haudiomont. Recueillis
sur ce point par un détachement d'infanterie soutenue par quel-
ques bouches h feu, ils réussirent ù se maintenir jusque dans la
matinée du 20 et se retirèrent sur Verdun sans être inquiétés. Le
général von Jiirgass n'osant pas, à l'approche de la nuit, attaquer
une position naturellement forte et solidement occupée par des
troupes d'infanterie, s'établit à ManheuUes et à Fresnes avec ses
cavaliers, et se borna à faire surveiller Haudiomont par ses
grand'gardes et ses vedettes *.
* (î encrai von Jiirgass, relation du combat de ManheuUes et rapport d'York
à Bliicher, de Pange, 28 janvier.
* D'après Koch, qui estime d'ailleurs à 1200 chevaux reffeclif des deux régi-
ments du général von Jiirgass, le général Picquet aurait, au contraire, réussi
à se maintenir à ManheuUes, et Jiirgass, poursuivi par le 10* hussards, aurait
été obligé de se replier. Nous croyons que Koch commet là une légère crreui
- 233 —
Tournée d'York devant les places. — Ainsi qu'il Tavait
annoncé, York était allé se rendro compte par lui-niénio de la
situation des trou])os chargées d'investir et d'enlever les places,
et des chances qu'elles avaient de réussir dans leurs entreprises.
Sarrelouis avait été bombardé sans succès. Horn et Heiuîkel,
qui allaient reccîvoir le lendemain la visite du conuuandant du
V^ corps, avaient investi Luxenibourj; : Horn du coté de l'est,
Henckel il l'ouest; le général von Rôder, avec la cavalerie du
II® corps (Kleist), arrivait ce jour-là h Grewemachern,
Raid de Falkenhausen en Sambre-et-Heuse. — Affaire de
Neufchftteau. — Le major de Falkenhausen, qui s'était porté
le 18 sur Arlon, où on lui avait signalé la présence de 800 lan-
ciers polonais, avait continué le 19 son mouvement dans la direc-
tion de Bastogne. Il devait chercher à empêcher la levée dans le
département de Sambre-et-Meuse, en chasser les partisans fran-
çais, établir, si faire se pouvait, une conmmnication entre l'armée
de Silésie et celle du Nord, et se procurer des renseignements
précis sur la force du corps du général Sébastiani. « J(î m'atten-
dais, dit-il dans son rapport, h rencontrer une certaine résistance
h NeufchAteau, mais le lieutenant von Schôning réussit h sur-
prendre le poste ennemi et à lui prendre 18 hommes appartenant
aux troupes stationnées à Sedan, pendant que, d'autre part, le
lieutenant Spitzer surprenait Bastogne, où l'on m'a reçu avec
enthousiasme, » et « où, ajoute le major, j'ai appris qu'une
colonne mobile française, forte de li20 chevaux, était établie aux
environs de Marche*. »
Rapport de Blûcher à Schwarzenberg. — Comme nous
avons eu lieu de le signaler en relatant les opérations de l'armée
de Bohême, Blùcher avait adressé le 19, de Nancv, à Schwai7.en-
et veut dire que Jùrgass n'a pas pu, le 19, forcer le délilc d'Haudiomont. I^
rapport du général von Jiirgass est, d'ailleurs, confirmé, si co n'est dans ses
détails, du moins dans son ensemble, par la version même du général Curély,
alors colonel du 10<^ hussards. (Voir, à cet elTet : Général Thoumas, Le
général Curély, pages 371 à 875.)
Quant à Marmont, il se contente de dire au major général que son avant-
garde a été attaquée à Manheulles par un millier de chevaux prussiens, et que
le général Decouz œcupe Saint-Mihiel.
* Rapport du major von Falkenhausen. (A'. A'. Kriegs Archiv., I, ad, 699.)
— -236 —
berg, un rapport dans Icqnel, résumant les conseils qu'il avait
donnés à Wrcdc, il lui communiquait les ordres envoyés h York,
qui devait être rendu à Saint-Mihiel le 26, et lui faisait part du
mouvement qu'il se proposait d'exécuter, de manière à être
le 30, époque h laquelle Klcist arriverait avec son infïmleric
sous Metz, avec le gros de son armée entre Vitry et Arcis. A ce
rapport était joint un mémoire dans lequel le feld-maréchal
exposait en détail les motifs qui militaient en faveur de ces opé-
rations * et dans lequel il demandait à Schwarzenberg de vouloir
bien donner son approbation aux projets en question.
20 janvier. — Capitulation de Toul. — Le 20 au matin,
Wassiltchikoff, passant par Dommartin et contournant Toul par
le sud, venait se poster sur la rive gauche de la Moselle, pendant
que Biron s'avançait par la route de Gondreville et que le géné-
ral Liewen, dont l'artillerie avait pris position sur les hauteurs
qui dominent la ville du côté du nord, formait son infanterie en
colonne entre les routes de Pont-à-Mousson et de Void.
Entouré de tous côtés, menacé d'une attaque h laquelle il lui
était impossible de résister, le commandant de la place se vit
forcé de capituler et d'ouvrir aux Alliés les portes d'une ville qui
avait une réelle importance pour eux, parce que, maîtres de
Toul, ils pouvaient désormais utiliser la grande route de Nancy
à Bar-le-Duc.
Renseignements fournis par Sacken. — Sacken informait
inmiédialement Bliicher de la reddition de TouP. Par un rapport
dalé (lu 20, à deux heures de l'aprés-midi, il lui faisait oonnaîlre
qu'on y avait trouvé 2 drapeaux (qui semblent, dit-il, ùiro portu-
gais), 3 canons de bronze, 1 canon de fer, 800 fusils, 2,000 pro-
jectiles pouvant servir à l'artillerie des Alliés, beaucoup de
poudre, des vivres, des fourrages et 400 hommes, et qu'il faisait
poursuivre l'ennemi. Il avait, en etfet, poussé jusqu'à Kong, sur la
roule de Void et de Ligny, le corps volant de Biron, dont les
vedettes surveillaient Lav.
* K. K. Kriegs Archiv., 1, 492 a, et 1, 492 6.
* Je crois utile de relever en passant l'erreur commise par l'Iotho, III, p. 84,
qui prêtent] que le général Liewen prit Toul à l'assaut et à la baïonnette. Le
général Sacken n'aurait pas manqué d'enregistrer ce fait d'armes et n'aurait
pas dans ce cas annoncé ù Bliicher la reddition de Toul.
— 1287 —
SîU'kon coinpli'lail son rapport en disant à BIucIkt i]n\\n
voituricr qui avait rondnil un oflicior ît (]h;\lons ot qui on était
reparti le 18 pour revenir h Toul. assurait «pie les Français
étaient massés h Chî\lons et se disposaient à niarelier sur Lan-
jçres; qu'on parlait à (]liàlons de rétablissement prochain d'un
grand camp à Vaimy. 11 terminait son rapport en disant : (< Les
habitants sont las de la jjjuerre. Les conscrits se sauvent et les
hommes de 20 î\ 40 ans refusent d<î particip(îr h la levée on
masse'. »
Le généi'al russe ne devait pas tarder à changer d'avis ot
à s'apercevoir que si les Marie-Louise étaient capables de tenir
victorieusement tétc» ;\ ses troupes, les paysans s'armaient, (nix
aussi, et de leur plein gré, pour résister fi l'invasion.
Le major autrichien Manvschal, qu(î Schwarz(^nberg avait
envoyé au quarli(»r général de Hlùcher et qui suivit pendîint
toute la campagne les opérations de l'armée de Silésie, coniir-
mait de Nancy cette nouvi^lle et communiquait, en outre, au
généralissime des bruits d'après lesquels « le maréchal ^(îy
serait à Bar-lc-Duc avec son corps d'armée*. »
Ces deux rapports, ainsi qu(î la dépèche adressée de Nancy
le 20 janvier par Blucher à Schwar/eidjerg, et dans laquelle il lui
exposait la situation générale à cette époque, en lui contirmant
ses précédents rapports, parviiu'ent au généralissime le 22 ^
Positions et mouvements le 20. — Le corps de Sacken était
donc le 20 entre Touf (»t Nancy, où se trouvait le quartier géné-
i*al de Blucher. Le général Lanskoi, avec sa cavahîrie, était à
* Sacken à Blucher. Toul, 20 janvier, 2 heures apr^'s-niidi. [K, K, Krieys
ArchU., 1,466 a.)
> Major Maresrhal à Schwarzenbcrg. (À'. A'. Kriegs Archiv,, I, 466 b, et
iftir/m, 1, 30 et:H.)
' U ressort de cette dernière piAee (Bliirher à Schwarzenberpf, Nancy, 20 janvier,
K. K. Krlftjs Arckir., 1, 466), que Damitz (I, p 314) commet, lui aussi, une
erreur, lorsqu'il prétend qu'on forma, avec le général Sotomayor et les prison •
niers espagnols trouvés a Nancy, un bataillon à 4 compagnies qui vint, après
la reddition, tenir garnison à Toul. Bliicher annonce, au contraire, à Schwar-
zenberg que le gênerai Sotomayor et les officiei-s rentrent en Kspagne, i\u"\\ a
armé les soldats espagnols qui ont préféré rester et qu'il les employera pour
escorter les convois. Ce nu fut que plus tard qu'on les répartit dans les
places.
— 238 —
Rambucouri, cl le général Borosdin (du corps Langcron, donl
rinfanleric sous Olsufiew s'avançait de Chûteau- Salins vers
Nancy), envoyait deux de ses quatre régiments (dragons de Mil-
lau et 4« de cosaques de l'Ukraine) sur la rive gauche de la
Moselle, îi Gor/e.
Le prince Guillaume se préparait à compléter l'investissement
de Metz, que la hauteur anormale des eaux de la Moselle allait
encore retarder. Bien qu'il ait, dans le principe, espéré pouvoir
tenter dans la nuit du 20 au 21 un coup de main contre celle
place, le prince était encore obligé de reslerà Pont-à-Mousson,
et seul, le lieutenant-colonel von Stutterheim put s'approcher de
Metz et venir s'élablir k Lorry.
Marche de la cavalerie de Jûrgass vers Verdun. — Après
la retraite de Tarrière-garde française, le général von Jûrgass
avait fait occuper Haudiomont * par ses deux escadrons de poinle
dont les coureurs et les patrouilles s'étendirent dans la direclion
de Verdun. Lui-même resta jusqu'au 26 avec le gros de sa bri-
gade à Fresnes, et posla à Manheulles deux escadrons qui éla-
blirent Icmrs grand'gardes du côté d'Étain, tandis qu'un troi-
sième escadron, posté plus en arrière à Pinthevilhî, observait la
roule de Melz à Verdun. Jûrgass chercha en vain, pendant les
six jours qu'il passa dans ces canlonnemenls, à enlamer des
négociations avec le commandant de place de Verdun et à l'ame-
ner il capituler.
Affaire de la cavalerie de Henckel à Ettelbriick. ~ York%
arrivé d(î sa personne aux environs de Luxembourg dans la nuit
du 19 au 20, avait conféré à Rôdt avec les généraux von Horn et
Roder. Henckel, qui aurait dû se rendre à ce conseil, n'avait pu
quitter ses troupes établies à Slrassen, parce qu'elles étaient
* Le général Picquct (jiiilla Haudiomunt, par ordre de Mannont, deux heures
avant le jour, et vint à Haudainvinc, et le général Ricard reçut le 20, du duc
de Kaguse, l'ordre de laisser une de ses brigades à Verdun et d'aller se can-
tonner avec l'autre à Sivry-la-Ferclie, sur la route de Clermont. Le 50 au
matin, les divisions Lagrange et Ricard s'étaient formées en avant de Verdun,
pour soutenir éventuellement la cavalerie du général l'icquel.
* Rapport d'York a Bliichcr, en date do Pange, 23 janvier.
— 239 —
tenues constamment en alerte par les sorties continuelles de la
garnison. En revanche, le colonel avait réussi à faire enlever,
près d'Ellelbrùck, un convoi de nmnilions qui se rendait do
Liège à Metz, pendant que ses parlis, sous les ordres du capi-
taine von Osten et du lieutenant de Chevallerie, prenaient à
quatre lieues au delà d'Arlon un transport chargé d'é(piipeni(înts
militaires, de 400 fusils et de 8 ballots de draps destinés à la
garnison de Luxembourg et venant également de Liège.
York, tout en s'étant parfaitement rendu compte de l'impossi-
bilité presque absolue d'enlever par un coup de main une forte-
resse aussi respectable que Luxembourg et dont la garnison
faisait bonne garde, crut cependant devoir se conformer jusqu'au
bout aux ordres du feld-maréchal. Avant de prendre une résolu-
tion définitive et de modifier le caractère de Tinvestissement en
rappelant h lui les troupes qu'il avait été forcé de détacher de ce
côté, il prescrivit à la brigade Horn d'entreprendre, le lende-
main 21, une reconnaissance sérieuse de la place.
Raid de Falkenhausen vers Marche. — Renseignements
sur la marche de Hacdonald et de Sébastiani. — Continuant
ses opérations, le major von Falkenhausen s'était, le 20 dès l'aube,
dirigé sur Marche, précédé par une patrouille qui avait ordre de
passer plus à droite, par La Roche. «Je comptais, dit-il dans son
rapport*, parvenir h cacher ma marche à l'ennemi, mais pour
célébrer notre arrivée, on se mit îi sonner la cloche de tous côtés
et des paysans montés me précédèrent à Marche. L'ennemi eut
ainsi le temps de seller ses chevaux et s'échappa en partie.
Cependant, le capitaine von Kalinowsky réussit encore à s'em-
parer de 37 chevaux et rejeta les Français dans les bois où un
bon nombre d'entre eux furent assommés par les paysans. »
Falkenhausen, après ce récit quelque peu fantaisiste, faisait
savoir que, d'après les renseignements recueillis, le maréchal
Macdonald s'était replié de Maéstricht sur Namur, et le général
Sébastiani de Cologne sur Liège. Enfin, dans la nuit du 20 au
21, il avait, pour contrôler ces renseignements, expédié dans la
direction de Namur un officier et 16 uhlans qui, montés sur des
chevaux réquisitionnés aux paysans, vinrent donner à 2 lieues
i Kapport du majur vuii Falkenhausen. {K, K, Krieys ArctUc, 1, ad,, 699.)
— 240 —
environ de Naniiir contre 300 cavaliers français couvrant la
retraite de Macdonald, et furent obligés de revenir rapidement en
arrière.
21 janvier. — Ordres de mouvement de Blûcher vers la
Marne. — Le 21 janvier allait être une journée des plus impor-
tantes pour l'armée de Silésie, non pas tant à cause des opéra-
tions mêmes de cette journée, que parce que Blûcher, décidé à
partir de ce moment à presser la marche des événements, va se
porter résolument en avant. Le commandant de l'armée de
Silésie ne put se résigner à attendre la réponse de Schwarzen-
berg, qui lui écrivit cependant le lendemain même du jour où le
feld-maréchal lui avait envoyé le mémoire dont nous avons parlé,
en approuvant la marche par Arcis, mais en lui conseillant
d'opérer au préafîible, ou en même temps, par Vitry-le-François
sur ChAlons \ Donnant libre jeu îi la décision, fi l'énergie indomp-
table qui faisaient le fond de son caractère, îi une ardeur que ni
l'îlge ni les fatigues n'étaient parvenus à calmer, il avait pris la
résolution de porter vivement en avant le gros de ses forces, dès
qu'il eut acquis la conviction que les maréchaux se disposaient h
se retirer sur ChAlons, et qu'il eut appris que Macdonald aban-
donnait les Pays-Bas et la Belgique pour se porter lui aussi sur
cette ville. Convaincu par les arguments de Gneisenau, certain
que ChiUons allait devenir le point de concentration générale des
troupes françaises, pensant, non sans raison, que les njaréchaux
se maintenaient derrière la Meuse uniquement pour donner h
cette conc(întration le temps de s'effectuer et pour couvrir les
mouvements qu'elle rendait nécessaires, sentant qu'il était urgent
de prévenir l'offensive que les Français ne pouvaient tarder i\
vouloir prendre, Blûcher, informé de la présence de la grande
armée de Bohême du côté de Chaumont, de l'arrivée du V^ corps
(Wrède) à Neufch;\teau, se porta en avant sur trois colonnes. La
première, celle de droite, constituée par l'avant-garde, sous les
ordres du général-lieutenant prince Stscherbatoif*, de la cava-
' Scliwarzcnlx'rj,' à BIucIkt, Langrcs, 21 janvier. (A'. A'. Kriegs Arcltiv.,
I, 40i.i
* H importe de i»e pas ronfondre cet offirier général avec le j^t'néral-iiiajor
(lu riiéine nom, qui commandait un rorps de partisans opérant en ce moment
sur la Meuse et qui précédait l'armée de Bohômc.
- 241 —
lerie (lu général Wassiltchikoff ot de la première colonne du corps
de Sacken, avait ordre de se diriger par Ligny et Bar-le-Duc sur
Saint-Dizier. La deuxième colonne, formée de l'autre partie du
corps Sacken et suivie h une journée de marche par la troi-
sième, composée du IX^ corps russe d'OIsutiew, appartenant
au corps Langeron, devait, en passant par Vaucoulours et
Gondrccourt, prendre à gauche d(; la première Joinville pour
objectif.
Bliicher * se proposait de repousser l'aile droite du corps de
Victor de Ligny vers la Marne, de fiiire croire à l'ennemi qu'il
voulait atteindre Chi\lons, tandis que, masqué par son avant-
garde qui ferait face au maréchal et se tiendrait devant lui vers
Vitry-le-François, il déborderait, sans être aperçu, son aile droite
et atteindrait avec ses trois colonnes l'Aube du côté d'Arcis, en
passant par Brienne.
Quant il York, il devait, d'après les projets de Bliicher, rester
encore quelques jours devant les places de la Sarre et de la
Moselle, jusqu'à l'arrivée des troupes de Kleist et de la cavalerie
de Langeron destinées à le relever, puis arriver ii Bar-le-Duc
le 27, et gagner de là Vilry*, où il devait être rendu le 30.
La cavalerie passe la Meuse à Vaucooleurs. — Dans la nuit
du 20 au 21, l'avant-garde de la colonne de gauche, se dirigeant
sur Joinville, avait passé la Meuse sans rencontrer de résistance
au pont de Vaucouleurs', que les Français n'avaient pas détruit,
parce que l'inondation les en avait empêchés. C'est du moins
l'explication, ou pour mieux dire l'excuse, qu'on a cherché à
donner de cet inconcevable oubli. Mais, précisément à cause de
l'inondation, la possession de ce pont était d'autant plus précieuse
* Bliicher à Wrède, 21 janvier, 9 heures du matin. {K. K, Kriegg Archiv.,
l 511.)
' On verra plus loin que les ordres de marche d'York durent ôtre modifies.
Au lieu d'être à Vitry le 30, il éUiit ce jour-là à Saint-Dizier.
3 Nous avons déyd en occasion do parler des affaires qui avaient eu lieu le
18 janvier, à Vaucouleurs, entre les cosaques du général-major prince Stsclier-
batoff et Tarrière-gardc de la cavalerie française, lorsque nous avons exposé au
chapitre précédent les opérations de rarméc de Bohôme. Voir entre autres le
rapport du général-major Stscherbalolf à Schwarzcubcrg, de Saussure, 19 jan-
vier. (If. K, Kriegt Archiv., 1, 445.)
Weil. 16
pour les Alliés qu^elle leur permettait de continuer sans perte de
temps leurs opérations sur la rive gauche de la Meuse. L'abandon
du pont de Vaucouleurs obligea Victor à se replier sur Ligny %
en évacuant Void et Vaucouleurs ; Marmont, à ne laisser qu'une
division à Verdun, h faire quitter Saint-Mihiel à la division
Decouz, qui, après avoir fait sauter le pont, vint s'établir h
Naives ; la division Lagrange dut venir h Chaumont-sur-Aire*.
Inconvénients de la position de Victor à Ligny. — La posi-
tion occupée par Victor à Ligny n'était pas sûre, et malgré les
ordres formels de l'Empereur, qui voulait qu'on tînt bon sur l'Or-
nain, Victor aurait très probablement cédé aux conseils de ses
généraux de cavalerie qui, insistant sur les graves inconvénients
de cette position, le pressaient d'aller s'établir en arrière de
Ligny, à l'entrée du défilé de Saint-Dizier*.
1 Victor avait prescrit, le 20 au soir, de se replier le 21, à 1 heure du
matin, promptement et en bon ordre, par Void et Saint-Aubin sur Ligny, de
prendre position derrière Ligny, sur la route de Bar-le-Duc. La 2* division
(général Forestier) devait suivre la division Duhesme et s'établir derrière elle
en 2" ligne; la 1" division avait ordre de partir de Comroercy à 4 heures du
matin, allant sur Ligny par Saint-Aubin , et do venir derrière Ligny en
3* ligne. Le général Firé, cliargé de faire sauter le pont de Pagny-sur-Meuse,
après le passage de la division Duhesme, avait à se porter de là sur Void,
à attendre à Void le général de France, qui devait partir également à 4 heures
de Vaucouleurs, allant à Void, pour se replier ensuite avec Pire sur Ligny ;
enfin, le général Briche, partant à 6 heures de Commercy, se portant égale-
ment sur Ligny.
< BeUiard, écrivant le 21 janvier à Macdonald, lui résumait ainsi les posi-
tions des corps de Marmont et de Victor et lui donnait certaines indications à
peu près exactes sur la position des Alliés :
c( Le duc de Raguse occupe avec son corps d'armée Verdun, Saint-Mihicl, et
s'étend par sa gauche du côté de Stenay. Il a son avant-garde à trois lieues en
avant de Verdun, sur la route do Metz. Le duc de Belluue occupe Commercy,
Void, où est son quartier général, Vaucouleurs et Gondrecourt. Le prince de
La Moskowa est à Bar-Ie-Duc, occupant Ligny et Saint-Dizier. Le maréchal duc
de Trévise doit être à Chaumont.
« F, S. — Le corps du duc d^York (sic) marche sur Verdun, relui de
Sacken sur Saint-Mihiel. Bliicher est devant le duc de Bellune. Platoff est à
Neufchàteau avec 10 régiments de cosaques. » (BeUiard, Dépôt de la Guerre.)
Beliiard fait marcher le corps d'York plus vite qu'il ne marcha en réalité,
puisque, le 21 janvier, le I" corps prussien était encore devant Metz.
» L'arrivée de Bertliier et les ordres catégoriques qu'il envoya le 20 de Chu-
Ions et le 21 de tiar-Ie-Duc, à Victor, avant de se rendre auprès de lui^ empê-
chèrent seuls le maréchal de quitter sa position.
- 243 -
Dès le 21 au matin, Grouchy écrivait à cet elïcl au f^^cncral
Milhaud : « Mon cher général, il est très f[\cheux que toute noire
cavalerie soit forcée d'être ce soir dans Ligny ; c'est avoir Ten-
nemi sous son nez, et demain matin il fera tel hurrah qu'il vou-
dra, non seulement sur Ligny, mais aussi sur la division Briche,
sur h; flanc de laquelle il peut arriver en passant l'Ornain, qui a
des ponts.
« Prévenez le général Briche à ce suj(^t. Donnez ordre îi la divi-
sion Lhéritier d'être à cheval dcnnain avant le jour en avant de
Ligny, sur la route de Saint-Aubin, ayant devant elle la division
Pire, soutenue par l'infanterie (jue fera sortir le maréchal.
« Que la division Briche pousse dés 4 heun^s des reconnais-
sances sur Demange-aux-Eaux, atln de s'assurer si une* colonne
ennenjie ne s'avance pas de ce côté; mais que les reconnais-
sances marchent bien éclairées, i)uisque l'ennemi (îst h Gondre-
court*. »
Le général Pire', écrivant à Grouchy le soir du même jour, à
9 heures, est tout aussi préoccupé que son chef et se rend, lui
aussi, un compte (;xacl de la gravité de la situation, des dangers
auxquels on s'expose fatalement en restant h Ligny.
« Tous les renseignements, toutes les reconnaissances, é(Tit-il
de Nançois-le-Petit, démontrent que le corps de M. le maréchal
duc de Bellune est compromis en continuant h occuper Ligny,
qui est une mauvaise position et un véritable entonnoir. Si la
brigade évacue Nançois-le-Petit, l'ennemi, arrivant par Naneois-
le-Grand et Willéroncourt, coupera la roule de Bar par le très
beau pont de pierre de Velaine, ou par celui de Nanrois-le-Petit,
à côté duqucîl il y a un gué praticable. D'un autre côté, M. le
général Briche, qui garde la route de Gondrecourt, n'est pas en
état de résister à la colonne ennemie, qu'on sait avoir débouché
par Vaucouleurs et par Maxey. Si elle n'altiique pas le général
Briche, il est évident qu'elle marche sur Saint-Dizier, par Join-
ville, et le corps d'observation qu'on a envoyé h Joinville ne peut
s'opposer à la marche d'un nombre aussi supérieur. »
Les événemtîiits du lendemain no devaient que trop complète-
ment justifier les prévisions des généraux de Grouchy et Pire.
* Grouchy à Milhaud. {Archives (le la Guerre.)
• Pird à Grouchy, Pctit-Nançois, 21 Janvier. {Arekives de la (hterre.)
— 244 —
Marche de Biron sur Void. ~ Mouvements autour de
Metz. — Biron avait reçu h Foug, le 21, à 8 heures du matin,
Tordre de se porter sur Void. Ramassant en passant ses grand'-
gardes, établies en avant de Lay-Saint-Remy, le prince s'arrêta
le soir à Pagny-sur-Meuse, disposa ses avant-postes sur la rive
gauche de la rivière et envoya des patrouilles dans la direction
de Void.
Du côté de Metz il ne s'était rien passé d'important. Toutefois,
comme la Moselle continuait à baisser, le prince Guillaume avait
pris la résolution de resserrer, le lendemain, l'investissement de
la place. Des deux régiments de cavalerie du général Borosdin
qui étaient arrivés à Gorze, l'un, le régiment de dragons de
Mittau, avait reçu l'ordre de rester devant Metz, tout en envoyant
des patrouilles vers Verdun, tandis que le 4« régiment de cosaques
de l'Ukraine devait partir le 23 pour assurer le blocus de Mé-
zières.
Le colonel Henckel avait été relevé, le 21 au matin, devant
Luxembourg, par le Ueutenant-colonel Wrangel et quatre esca-
drons du régiment de cuirassiers grand-duc Constantin. Se con-
formant aux ordres qui lui étaient arrivés le 17, il devait, après
avoir rallié tout son monde, se porter le lendemain sur Aubange,
pour voir s'il n'était pas possible de tenter un coup de force
contre Longwy. Mais avant de se mettre en mouvement, il avait
reçu d'York * l'ordre de régler ses marches ultérieures de façon à
être à Saint-Mihiel le 27 et à y opérer sa jonction avec la brigade
Horn, qui, après avoir paru devant Thionville le 23, devait, elle
aussi, défiler par Saint-Mihiel le 27.
Affaires devant Luxembourg. — York avait cependant tenu
à tAter encore une fois, dans la journée du 21, Luxembourg avec
la brigade Horn et la colonne du colonel Henckel. Il poussa avec
elles, par les deux rives de l'Alzette, une forte reconnaissance, h
la suite de laquelle il put se convaincre qu'on ne viendrait pas
facilement à bout de la place. Sa première intention avait été de
diriger de suite Horn sur Frisange, de façon îi lui permettre
d'arriver devant Thionville dans la matinée du 22. Mais, à la
Ordre d'ïork à lienckcl, de Strapig, 21 janvier.
- 245 —
nouvelle qu'une partie des habitants do Luxembourg paraissaient
disposés à ouvrir Tune des portes de la ville le lendemain, il
donna h Horn l'ordre de tenir sa brigade rassemblée le 22 jusqu'à
10 heures du matin îi Itzig, parce que, de cette façon, le général
pouvait encore arriver à Thionville dans le courant de l'apn'^s-
midi.
Mouvement de Falkenhausen vers Namur. — Quant au
major von Falkenhausen, il avait quitté Manche en y laissant un
poste de 30 cavaliers, et, se portant en avant avec le reste de son
njonde, il avait envoyé des partis vers Givet et Sedan. Mais, ayant
appris dans la nuit du 21 au 22 qm* la route de Marche î\ Namur
était libre, il mit aussitôt en route un escadron en prescrivant îi
son chef d'atteindre Namur au plus vite, afin d'établir dans le
plus bref délai possible la comnmnication avec le général Win-
zingerode*.
22 janvier. — Rapport de Blûcher à Schwarzenberg. —
Combat de cavalerie de Saint-Aubin. — « Le 22 au matin, dit
Blûcher dans le rapport* que, de Gondrecourt, il adressait à
Schwarzenberg, le prince de NeuchAtel' est venu de Paris ji
Ligny. Après y avoir conféré pendant quatre heures avec les
maréchaux Ney et Victor, il en est reparti ensuite i)0ur Paris.
1 Rapport du major yon Falkenhausen. (K. K. Kriegt Ârchiv., I, ad., 699.)
• Blûcher à Schwarzenberg, de Gondrecourt, 34 janvier. (A'. A'. Kriegt Ârehii\ ,
I, 550.)
s Oelliard rend compte à l'Empereur des positions occupées par Tarmde le
22, à midi :
4( Belliard (Correspondance) à TEmpereur, le 23 janvier.
u Sire, la position de Tarméc était hier, à midi, ainsi qu'il suit :
(f Le duc de Raguse en arriére de Verdun, sa cavalerie sur Senoncourt.
« Le duc de Bellune à Ligny, occupant Stainvillo.
« Le prince de La Moskowa à Bar-Ie-Duc, ayant une brigade à Saint-Dizier.
(c Le duc de Trévise à Bar-sur-Aube, d'après sa lettre du 21.
u Le duc de Bellune a l'ordre de tenir jusqu'à ce qu'il soit forcd. Le prince
appelle le duc de Raguse prôs de lui, pour lui donner le commandement des
deux corps.
« Si tous les corps sont forcés de revenir sur Chdlons, comment les troupes
doivent-elles être placées ? Et si l'ennemi prenait Chàlons, un corps doit-il se
retirer sur Reims ?
(( Des lettres du prince, parties hier au soir à 11 heures, donnent à Votre
Majesté les mêmes nouvelles. » (Archivei de la Guerre, Belliard, Correipon^'
danee,)
— 246 -
Les habitants prélendont que, dans cette conférence, on a décidé
que Victor tiendrait h Ligny * el Bar-le-Duc jusqu'au 26, jour de
Tarrivée de la jeune garde venant d'Anvers. »
En effet, sur Tordre formel de Berthier, la cavalerie française
dut se reporter en avant de Ligny el se diriger sur Saint-Aubin :
« L'ennemi, dit Blucher *, occupait le 22 Ligny, et deux brigades
de cavalerie, sous les ordres du général Wassiltchikoff % avaient
poussé jusqu'il Saint-Aubin. Dans l'après-midi, l'ennemi sortit de
Ligny avec environ 2,000 chevaux, repoussa nos avant-postes, se
déploya devant Saint-Aubin, lorsque notre cavalerie, se portant
en avant, le fit canonner par une batterie h cheval jusqu'au soir,
où il se retira sur Ligny*. » Victor ne laissa, d'ailleurs, qu'une
arrière-garde à Ligny *.
De leur côté, les hussards russes s'établirent en avant de Void,
1 Ce renseignement, parfaitement exact, sauf en ce qui concerne le retour
du major général à Paris, est confirmé en tous points par Grouchy, qui dit à
ce sujet dans ses Mémoires : « Le 22, Victor est prêt à prolonger la retraite
sur Saint-Dizier pour D*ètre pas débordé, lorsqu'il reçoit l'ordre de tenir sur
romain. Milhaud (5® corps de cavalerie) a à Saint-Aubin un engagement avec
les Busses et se replie sur Ligny. »
« Rapport de Bliicher (K. K, Kriegs Archiv., I, 5o0). Le feld-maréchal no
parle pas des chatges de la cavalerie russe mentionnées par Plotho et Daraitz,
et qui n'eurent pas lieu.
3 Le général WassiltchikofT faisait partie de la colonne du géncral-liente-
nant prince Stscherbatoff, dont le Journal d'opérations nous fournit les rensei-
gnements suivants :
« Le prince Stscherbatoff a reçu communication des tableaux de marche qui
donnent à son corps une direction spéciale. Le général Lanskoï, avec une bri-
4^ade de hussards (régiments de hussards d'Aktyrka et de Mariopol) et une
batterie à cheval, 3 régiments de cosaques sous les ordres du général-major
KarpofT et le détachement prussien du général prince Biron sont mis à sa dis-
position et forment son avant-garde. Le corps se porte aujourd'hui sur Void,
son avant-gnrdc est ce soir à Saint-Aubin, d'où l'on a chassé l'ennemi, n
*' Bliicher ajoute dans son rapport que des voyageurs qui étaient à Paris le 12,
jour de la revue, disent qu'il y avait là, non pas 30,000 hommes, mais au
plus 18,000. « Ils n'ont vu entre Paris et Chdlons que 2 bataillons de vété-
rans do la garde. »
5 Le 2' corps et le 5*^ de cavalerie occupèrent, le 22, les positions suivantes :
Pire, soutenu par la division Duhesme, vers Saint-Aubin; 400 dragons do
Briche, soutenus par la f* division d'infanterie, éclairaient vers Gondrecourt,
occupant Givrauval, Longeaux, Nantois, avec une avant-garde à Saint-Amand.
Le reste de la division Briche était en arriére de Ligny, sur la route de Bar à
Tronville, Guerpont et Tannois. I^i division Lhéritier, à Stainville; le général
de Krance, avec les gardes d'honneur, à Ancerville. Un bataillon d'infanterie
de la 2*" division, on soutien do Lhéritier, à Stainville. (;4rr/4iiY« Je la Giurre.)
— 247 —
et Biron occupa la forme de Riéval avec dos avaiil-postos fournis
par les cosaques h Moiiil-la-Horgne.
La colonne do droite de rarniée de Silésie arrivait h Void;
celle de gauche à Vaucouleurs. Olsuflew était à Toul avec le
quartier général de Blùchcîr; l'avanl-garde de Palhen (VI*^ corps
de l'armée de Bohême), à Vézelise.
Du coté des Français, Ney était encore pour peu de temps
;i Bar-le-Duc; Marmont, afin de rester lié aux deux autres maré-
chaux, avait commencé son mouvement de retraite de Verdun
sur Bar et Saint-Dizier, où il arriva le 24 après avoir laissé la
division Ricard du côté de Clcrmont en Argonne pour garder lo
défilé des Islettes et couvrir la route de Verdun î\ ChAlons.
Positions du prince Guillaume de Prusse sous Metz. — Le
prince Guillaume de Prusse s'était dirigé de Pont-h-Mousson
vers Metz par Pagny-sur-Moselle et établi à Sainto-Ruffine, après
avoir fait occuper Vaux, Jussy, Lessy et Plappeville, d'où il
pouvait apercevoir l'ensemble des défenses de la place. Par suite
du séjour forcé qu'il avait dû faire h, Pont-îVMousson et comme il
avait ordre de commencer son mouvement vers Bar-le-Duc le 2G,
le i)rince ne disposait plus que de trois jours pour essayer de se
nmdre maître de Metz. Lo général von Jurgass était resté aux
environs de Fresnes, le colonel von Warburg h Marly et le lieute-
nant-colonel von Slutterheim h Lorry.
Mouvements de Horn vers Thionville et de Henckel sur
Longwy. — De Luxembourg, dont les portes étaient toujours
closes, Horn s'était dirigé le 22, par ordre d'York, sur Thionville
où il devait rejoindre la brigade du général von Pirch et avait
fait halte le 22 au soir à Roussy. Il avait préalablement confié le
soin de surveiller Luxembourg au général von Rôder (cavalerie
du corps Kleist), qui devait, en outre, masquer Thionville, dans le
cas où l'entreprise projetée contre cette place n'amènerait aucun
résultat.
Arrivé par Aubange sur Longwy, Henckel avait reconnu la
place. Ayant constaté l'impossibilité de tenter un coup de main,
il l'avait contournée pour se rendre à Longuion et s'était con-
tenté de laiss(îr quelques petits j)Ostes en observation devant les
débouchés de Longwy.
York était allé, par Remich et Sierck. inspecter la brigade
— 248 —
postée devant Thionville, dont la garnison avait tenté le malin
môme une sortie, que Pirch n'avait réussi à rejeter dans la place
qu'après un combat assez vif et en engageant plusieurs batail-
lons. Toutefois, comme la brigade Horn devait, dans son mouve-
ment vers la Meuse, passer sous Thionville, il voulut essayer
d'enlever la forteresse avec ces deux brigades. York, en agissant
de la sorte, ne faisait que se conformer strictement aux ordres
que Blûcher lui avait fait par\^enir avant de quitter Nancy le 21 ,
et par lesquels, tout en insistant sur l'intérêt qu'il y aurait à
s'emparer d'une des places, il invitait cependant York à hâter
ses opérations et h tout préparer pour le rejoindre au plus vite.
Il est important de faire remarquer en passant que l'empereur
de Russie venait d'arriver le 22 janvier au quartier général de
Langres. C'est, en effet, à sa présence seule qu'est due la reprise
du mouvement en avant de l'armée de Bohôme, immobilisée
depuis quelques jours entre Chaumont et Langres. Hardcnberg
et Knesebeck, dont l'opinion avait prédominé jusqu'alors et avec
eux tous les diplomates qui suivaient la grande armée, ne pou-
vaient se décider a dépasser le plateau de Langres que Knese-
beck comparait, c'est là l'expression textuelle dont il s<i servait,
au Rubicon.
23 janvier. — Combat de Ligny. — Le 23 au matin, Was-
siltchikoffet Biron, précédant l'infanterie du général- lieutenant
Stscherbatoff, avaient repris leur mouvement en avant dans la
direction de Ligny. Avant de se mettre en route, ils avaient appris
l)ar une reconnaissance d'officiers, envoyée de Rieval vers Com-
mercy, que le général Lanskoi, venant de Rambucourt avec ses
hussards, approchait de Commercy et ne tarderait pas à les
rejoindre. Pendant ce temps, la cavalerie française se retirait
lentement sur Ligny, qu'occupait une arrière-garde d'infanterie
avec quelques bouches h feu. Afin d'éviter des pertes inutiles,
Biron et Wassiltchikoflf, après avoir repoussé de concert mie
charge de la cavalerie française, crurent d'autant plus prudent
de se dérober aux vues de l'artillerie ennemie que l'infiinterie du
général-lieutenant Stscherbatoff entrait en ligne à ce moment.
« Stscherbatoff, dit BlùcherS se porta sur Ligny. oi\ il devait se
1 Bliicher à Srhwarzenberg (K. K, Kriegx Archiv., I, 550) ot Kurzgeftmtp
- 249 -
cantonner, ot. ronnonii n'évacuant pas co point, il Tattaqua et le
rejeta aj^rès un combat assez vif, qui c^oftta 200 lioninies aux
Russes et dont Stscherbaloft * rend compte en ces tenues :
« L'arri^re-garde du duc de Bellune (»st postée îi Ligny. Elle
tient le défilé et 1(îs hauteurs en avant de la ville. Le général
Stscherbatoff qui devait, d'après les ordres, occuper ce jour-là
Ligny. fait attaquer rennemi. La cavalerie ennemie, ave<* une
partie de Finfanterie et quelques canons, avait pris position en
avant de la ville et s'était portée en tête du défilé. Le prince
Stscherbatoff, remarquant que des colonnes ennemies s'appro-
chaient rapidement de la ville, en conclut que l'ennemi n'a pas
encore rassemblé tout(îs ses forces et ordonne aux 11» et 36« ré-
giments de chasseurs d'attaquer la ville par la droite, pendant
que les régiments de Pskoff et de Sofia donnaient l'assaut du côté
de la grande route. Notre artillerie, en batterie sur une excel-
lente position, inflige des pertes sanglantes à l'ennemi, qui se
replie en courant sur la ville.
« Le régiment de Pskoft'. soutenu par celui de Sofia, pénèti^e
dans Ligny, rencontre sur la place du marché une colonne» enne-
mie, l'attaque à la baïonnette et la disperse. Le combat dans la
vihe dure quelque temps, mais l'ennemi finit par en être complè-
tement chassé et concentre ses troupes sur les hauteurs situées
en arrière, près de l'entrée d'un défilé, au débouché duquel il avait
mis quelques pièces en batterie. Il réussit ainsi à se maintenir
qu(îlque tem})s sur les hauteurs et se replia pendant la nuit par la
route de Sainl-Dizier. »
Les Français, d'après le rapport de Blûcher, profitèrent de la
nuit pour se retirer, d'une part, sur Bar-le-Duc, de l'autre, i)ar
Stainville sur Saint-Di/ier*.
Darsiellung der Kri?gshegébenheiten der SchlesUclien Armée (K, K. Kriegt
Archiv.X 31).
< Journal d'opérations do général-licatenant prince Stscherbatoff.
' Il est certain que. sans l'ordre formel donné par Berthier, on n'aurait pas
cherché à tenir sur la position de Saint-Aubin et moins encore sur celle de Ligny.
Victor, en effet, reconnaissait que cette position ne pouvait guère être défendue
que par l'infanterie et fort peu d'artillerie, que la cavalerie ne pouvait y
servir que pour éirlairer ou arrêter la cavalerie alliée venant de Saint-Aubin,
te I^e plateau au-dessus de Ligny, écrivait Victor au major général, ne peut
être considéré ni comme une position défensive, ni comme une position de
— 250 —
« J'envoie ces nouvelles en toute hâte, disait Blucher en termi-
nant, et je continue ma marche conformément aux ordres de
Votre Altesse. »
Mouvements de Sacken et d'Olsufiew. — Rapport dTork à
Blûcher sur les places. — Ce même jour, la deuxième colonne de
Sacken, celle de gauche, arrivait à Gondrecourt, et le corps d'Ol-
sufiew, avec lequel marchait le quartier général de Blucher, à
Vaucouleurs.
York, qui avait terminé son inspection des corps détachés
devant les places de la Sarre el de la Moselle, était h peine de
retour îi Pange qu'il adressait h Blûcher un rapport détaillé sur
la situation de ces places. Concluant à l'impossibilité de la réus-
site d'un coup de main, il conseillait néanmoins de faire investir
sérieusement Metz, afin d'empêcher la garnison de se porter
sur les lignes de communication de l'armée de Silésie.
u J'attends maintenant de Votre Excellence, disait York, des
ordres précis relatifs k la marche de mon corps depuis les places
jusqu'à Saint-Mihiel, et des instructions relatives au rappel des
4 bataillons employés devant Sarrelouis. Je fais remarquer, en
combat, parce qu'il y a du côte de la ville un défilé extrêmement rapide et
que c'est là la seule communication qu'il présente. J'ai choisi, pour défendre
la position opposée, rentrée du défilé de Saint- Dizier, dont je couronne les
hauteurs par l'infanterie. Quelques canons sont en batterie sur la chaussée. »
Voici maintenant comment Victor rend compte du combat même : k Mon
avant-garde était établie sur les coteaux. Prévenu de l'approche de Tennemi,
j'ai été le reconnaître. Ses lignes étaient déjà formées. 11 s'est mis en mouve-
ment vers une heure de l'après-midi. Mon avanV-gardc se défendant par
écliclons, se replia en bon ordre sur Ligny. Plusieurs bataillons étaient placis
dans les jardins pour protéger sa retraite, et, pendant ce mouvement, j'ordon-
nai à la cavalerie de passer le déBlé de Saint-Dizier parce qu'elle ne pouvait
me servir sur ce terrain étroit et coupé de ravins. L'infanterie se mit en ba-
taille sur la hauteur de ce défilé. Nous avons attendu l'ennemi, qui s'est
d'aliord porté avec une colonne de 2,000 à 3.000 hommes sur Ligny. Les batail-
lons du général Duhcsme, placés dans les jardins, l'aiTêtcrent jusqu'à ce que
la ville fût évacuée, défendant opiniâtrement l'entrée de la ville et se retirant
ensuite en bon ordre. L'ennemi a tenté plus tard une attaque sur nos lignes ;
mais repoussé, il s'est borné à nous inquiéter par un feu de tiraiUeurs et une
canonnade assez vive Vei-s 10 heures du soir, nos avant-postes ont
remarqué que les feux de bivouac de l'ennemi s'éteignaient et ont rendu
compte qu'on entendait un bruit de voitures sur la route de Gondrecourt.
L'eimenii marchait par cette direction, laissant peu de monde à Ligny. Les
choses étaient en cet état lorsqu'à 2 heures du matin je reçus l'ordre de
me replier sur Saint-Dizier. » (Archives de la Guerre.)
— 251 -
outre, que c'est seulement le 27 ou le 28 que mon corps pourra
être concentré h Saint-Mihiel. »
L'observation qu'York faisait là au feld-maréchal est intéres-
sante à consigner. Il importe de remarquer que, la crue de la
Moselle ayant retenu le I*^ corps devant les places plus longtemps
qu'on ne l'avait pensé, York se trouvait dans l'impossibilité d'être
le 2G h Saint-Mihiel, comme il l'avait écrit h Blùcher à la date du
17, et, par conséquent, d'arriver à Bar-le-Duc le 27 et fi Saint-
Dizier le 28, comme l'avait marqué le feld-maréchal dans sa
dépèche à Schwarzenberg, en date du 19, dans sa disposition,
ainsi que dans ses ordÀs de marche du 22.
Sauf une sortie exécutée par la garnison de Metz, dans la direc-
tion de Lorry et de Plappeville, la journée se passa sans incident
devant les places. Horn et Pirch étaient restés d(^vant Thionville
en attendant l'arrivée du général von Rôder, et la cavalerie du
général von Jiirgass était toujours en observation aux environs
de Verdun ; Henckel seul avait fait un peu de chemin, et passant
par Spincourt, il était arrivé îi Étain, où il resta pendant toute la
journée du 24.
Escarmouche du côté de Givet. — Quant au major von Fal-
kenhausen, il annonçait que l'escadron, qu'il avait détaché en
avant pour se relier à Winzingerode, avait découvert l'arriiTe-
garde française du côté de Givet, avait eu avec elle un engage-
ment, à la suite ducjuel cette arrière-garde avait dû se replier sur
cette ville. Il communiquait, en outre, la nouvelle reçue par lui le
23 au soir de l'arrivée des Russes à Liège, et il ajoutait en termi-
nant* :
Rapport de Falkenhausen. — « J'envoie un officier h Liège
pour faire savoir qu'il n'y a plus de trou|>cs ennemies sur la
Meuse.
« Après m'étre concerté avec le général Winzingerode, je
compte me diriger sur Montmédy. Voici, d'ailleurs, en résumé le
résultat de mes opérations :
« Évacuation par l'ennemi de tout le département de Sambre-
et-Meuse ;
* Rapport du major prussien v. Falkenhausen. (K. K. Kriegt Ârehiv.,
I, ad. tt99.)
— 252 —
« Destruction d'un corps de partisans ennemis;
« Mise en liberté de 1800 conscrits ;
« Prise de magasins considérables;
« Ouverture et établissement de communications entre l'armée
de Silésie et Tarmée du Nord ;
« Découverte des mouvements de l'ennemi. »
24 janvier. — Houyement de Stscherbatoff. — Le 24,
l'armée de Silésie continua son mouvement. La disposition * pres-
crivait à Stscherbatoff de marcher ce jour-là sur Bar-le-Duc et
d'être le 25 à Saint-Dizier. Ayant appris en route que le maréchal
Ney était encore le 24 au matin près de Bar-le-Duc avec
8,000 hommes, le général russe crut devoir restera Ligny avec le
gros de ses troupes, tandis qu'il poussait le général Lanskoï avec
l'avanl-garde sur la route de Saint-Dizier, avec ordre de pour-
suivre le corps du maréchal Victor. Lanskoï s'avança jusqu'à
Stainville et se fit couvrir en avant par le général Karpoif, dont les
cosaques s'arrêtèrent à Ancerville, à moins de deux lieues de Saint-
Dizier. Un régiment de cosaques, envoyé en observation du côté
de Bar-le-Duc, annonça vers le soir que l'ennemi avait entière-
ment évacué la ville. Les trois maréchaux s'étaient, en effet,
réunis le 24 au soir à Saint-Dizier.
Le prince Stscherbatoff, en restant à Ligny, avait jugé inutile
d'y laisser la colonne volante du prince Biron, qu'il envoya se
poster en deuxième ligne, en soutien des généraux Lanskoï et
Karpoff, à Nant-le-Petit.
Renseignements envoyés par Jûrgass. — Marche de
Horn. — Blûcher était arrivé à Gondrecourt avec Olsufiew, et le
général von Jûrgass, toujours en observation du côté de Verdun,
faisait savoir au feld-maréchal que l'ennemi avait abandonné
Haudainville et Belrupt, s'était replié sur la place, et qu'il n'y
avait plus dans ces parages sur la rive droite de la Meuse que
quelques faibles détachements. Jûrgass ajoutait qu'il avait fait
partir un petit détachement de cavalerie pour Sainl-Mihiel, dont
le pont était détruit et que les cosaques avaient quitté *.
1 Journal d'opérations du général-lieutenant prince Stscherbatoff.
* Le général Hicard avait, en effet, reçu Tordre d'envoyer 200 chevaux et
— 253 —
Horn, avec la 7^ brigade (rinfanlerie, était arrivé h Briey ; la
V^ brigade, avec le général von Pirch, était encore à Distroff
devant Thionville.
Étant données les positions du I®"" corps, c'était tout au plus si
la léte seule de Tavant-garde atteindrait, le 28, Bar-le-Duc, et
si h; gros du I®*" corps parviendrait à se réunir, à la même époque,
aux environs de Saint-Mihiel, à trois bonnes journées de marche
de Vitrv.
Il importe encore de considérer qu'au moment où les ordres de;
Blficher parvinrent au quartier général d'York à Pange, le 23 au
matin, les différentes fractions du I®' corps étaient forcément
disséminées, les unes à une certaine distance en arrière de la
rive droite de la Moselle, les autres plus loin encore vers la
Sarre, et qu'il leur fallait pour le moins deux jours d(î marche
pour atteindre la Moselle du côté de Pont-îi-Mousson.
25 janvier. — Remarques sur les ordres de Blûcher à
Tork. — L'ordre de mouvement que Blucher adressait, le 24 au
soir de Vaucouleurs, ii York, et qui lui parvint le 23 au matin,
ne tenait cependant aucun compte de la situation toute spéciale
du I*»** corps. Le feld-maréchal ignorait d'autant moins cette situa-
tion, qu'il avait (;ntre les mains le rapport d'York sur les opéra-
tions tentées infructueusement, pendant les derniers jours, contre
les places de la Sarre et de la Moselle par les troupes sous ses
ordres. York lui avait d'ailleurs, pour plus de sûreté, fait porter
ce rapport par l'un des officiers de son état-major dans lequel il
avait le plus de confiance.
Bliicher, en lui donnant communication du tableau de marche
des corps qu'il avait déjà mis en mouvement et avec lesquels il
comptait ètri^ à Brienne le 28, lui prescrivait néanmoins d'être à
Bar-le-Duc le 27, à Saint-Dizier le 28, h Vitry le 30. Il ajouUiit,
dans la dépêche qui accompagnait ce tableau, que Schwar/enberg
150 hommes d'infanterie pour observer le pont de Sainl-!i]iliiel et ocrupcr so-
lidement le passage des Isleltcs, dont il importait d*autant plus de s'assurer la
possession que les cosaques avaient paru à Villotte. Marmont, en rendant
compte de la présence des cosaques à Villotte, annonçait au major général
qu'il envoyait 200 hommes et 300 chevaux pour les en chasser ; que lu
tt* corps marchait sur Vitry, que la division Lagrauge occupait Cliaumont-sur-
Aire, et la division Deconz, Naives, le 21 au matin.
- 254 -
arriverait à Troyes le 29 et recommandait h York, dans le cas où
Tennemi, pour retarder la marche de Tarmée de Silésie, pren-
drait l'olfensive contre son aile droite, de refuser tout engagement
sérieux. York devait, dans cette éventualité, se dérober en se
dirigeant vers TAube et attacher d*autant moins d'importance
h la perte momentanée des communications avec Kleist et Lange-
ron, que lui, Blûcher, pourrait toujours correspondre avec eux
par l'intermédiaire de la grande armée. Lui confirmant Tarrivée
de Kleist à Saint-Mihiel pour le 2 février, il l'invitait à remettre
au général von Rôder le blocus de Luxembourg et de Thionville;
au général Borosdin, celui de Metz, et à surveiller la marche de
Macdonald S qui, ayant quitté Namur du 18 au 20, devait vrai-
semblablement se diriger sur Chàlons, où il pouvait être du 29
au 30. Il le chargeait, en outre, de faire savoir, par le major
von Falkenhausen, au général Tchernitcheff, qui avait suivi le
maréchal jusqu'au delà de Namur, que Tennemi semblait vouloir
se concentrer fi Châlons et que toutes les forces des Alliés
seraient réunies, le 30, entre l'Aube et la Seine, dans les environs
de Troyes. Il terminait, enfin, cette dépêche par ces mots :
« L'ennemi ne pouvant, en présence de nos mouvements, rester
sur sa position de Chîllons, il serait bon que Tchernitcheff se
portîlt aussitôt sur Reims. »
Positions et état du corps York. — La réception d'un ordre,
dans lequel le commandant en chef de l'armée de Silésie croyait
superflu de prendre en considération la situation que ses instruc-
tions avaient faite aux troupes du l^^*" corps, devait causer un
embarras réel h York et à son état-major.
Le lor corps était encore échelonné de Verdun à Metz et Sarre-
louis, et cependant Blûcher, entraîné par le mouvement même
qu'il avait fait exécuter à Sacken et li Olsufiew, allait se trouver
h Brienne, à plus de 100 kilomètres en avant du I*»" corps, dont
le gros se réunissait en ce moment à Saint-Mihiel. Si, comme
tout permettait de le supposer, l'Empereur était arrivé î\ ChAlons,
on devait s'attendre h le voir se jeter immédiatement entre les
* Macdonald était, le 24, à Méziôres, où il resta jusqu'au 26, jour où la
division Brayer était avec son infanterie à Rethel, avec sa cavalerie au
Ch(>Ge-i*opulcux et à Vouziers.
— 255 —
doux grosses fractions do rarmôe de Silésir, couper leurs lignes
de comniuniciilion, qui passaient alors à moins de 50 kilomètres
de (]hî\lons, et écraser l'une des colonnes, de préfér(^nc(i Taih;
droite, de cette armée. Il fallait donc à tout prix chercher à
rejoindre Bli'icher au i)lus vile et imposer, à cet et!et, des
marches forcées à des troupes déjà très éprouvées par des mou-
vements incessants, par les alertes et les exigences du ser\ice
qu'on leur avait inutilement imposées devant les places, par les
nuits passées au bivouac. Il s'agissait de demander de nouveaux
etîorts à un corps d'armée qui, rien que par les fatigu(\s, avait
perdu 2,446 homm(»s du 18 au 25 janvier.
Malgré l'arrivée de renforts s'elevant h 3,246 hommes, le
I^*" corps ne comptait, le 25, que 17,486 présents sous les dra-
peaux, et, sans avoir eu une seule affiiire vérital)lement sérieuse,
il avait vu disparaître, du l®'' au 25 janvier, 5,805 hommes, soit
le quart de son (îffectif total *.
Ordres donnés par Tork. — Premiers mouvements de son
corps — Quoi qu'il en soit, et bien qu'il ne se dissimulât pas la
grandeur de l'effort qu'on lui demandait, York n'hésita pas un
seul instant. Il prit aussitôt des mesures gnlce auxquelles il
espérait arriver, le 29, avec son avant-garde à Saint-Dizier, avec
le gros îi Bar-le-Duc, amener ces deux échelons le 30 et le 31 à
Vitry, et réduire ainsi h 24 ou 36 heures au plus un retard qu'il
ne dépendait plus de lui de supprimer. Pour obtenir ce résultat,
York prescrivit ù toutes les fractions du I«' corps, qui se trou-
vaient déjà sur la rive gauche de la Moselle (au détachement du
colonel Henckel, posté depuis le 23 à Étain, et appelé désormais*
à servir de point(î à l'avant-garde du prince Guillaume de Prusse,
à la cavalerie» d(i rései*ve du général von Jûrgass établie aux
environs de Verdun, à la brigade du prince Guillaume (8« bri-
gade) à ce naoment encore devant Meto du côté de Plappeville, à
* Droysen, Dos Leben des Feld-MartcltaUs Grafen York von Warteiihurg,
II. 277.
Des 20,045 hommes qui avaient passé le Rhin le !<>' janvicri il n'en restait
plas que 14,210 présents à leurs corps le 25 ; reffeclif total s* élevait cepen-
dant, grâce à riirrivce des renforts^ à 17,480 combattants.
' Dépêche du prince Guillaume de Prusse à Uenckcl, de Sainte^Rufinc, le
25 janvier.
- 246 -
Los habitants pr(^tondont quo, dans cette confi^renco, on a déddé
que Victor tiendrait fi Ligny * et Bar-le-Duc jiisciirau 26, jour de
Tarrivée de la jeune garde venant d'Anvers. »
En effet, sur Tordre formel de Berthier, la cavalerie française
dut se reporter en avant de Ligny et se diriger sur Saint-Aubin :
« L'ennemi, dit Blncher*, occupait le 22 Ligny, et deux brigades
de cavalerie, sous les ordres du général Wassiltchikoff ', avaicMit
poussé jusqu'à Saint-Aubin. Dans Tapn'^s-raidi, rennemi sortit de
Ligny avec environ 2,000 chevaux, repoussa nos avant-postes, se
déploya devant Saint-Aubin, lorsque notre cavalerie, se portant
en avant, le fit canonner par une batterie h cheval juscpi'au soir,
où il se retira sur Ligny'. » Victor ne laissa, d'ailleurs, ([u'une
arrière-garde à Ligny *.
De leur côté, les hussards russes s'établirent en avant de Void,
1 Ce renseignement, parfaitement exact, sauf en ce qui concerne le retour
du major général à Paris, est confirmé en tous points par Grouchy, qui dit à
ce sujet dans ses Mémoires : « Le 22. Victor est prêt à prolonger la refraito
sur Saint-Dizier pour n*^tre pas débordé, lorsqu'il reçoit l'ordre de tenir sur
romain. Milhaud (5" corps de cavalerie) a à Saint-Aubin un engagement avec
les Russes et se replie sur Ligny. » ,
« Rapport de Bliicher {K. K. Kriegs Arehiv., I, 5-)0). Le feld-marcchal no
parle pas des charges de la cavalerie russe mentionnées par Plotho et Damitz,
et qui n'eurent pas lien.
• \jO général Wassiltchikoff faisait partie de la colonne du général-lieute-
nant prince Stscherbatoff, dont le Journal iVnpérations nous fournit les rensoi-
gnements suivants :
t< Le prince Stscherljatoff a reçu communication des tableaux de marche qui
donnent à son corps une direction sp(>ciale. Le général Lanskoï, avec une bri-
i;ade de tiussards (ri'giments de hussards d'Âktyrka et de Mariopol) et une
batterie à cheval, 3 régiments de cosaques sous les ordres du général-major
Karpoff et le détachement prussien du général prince Riron sont mis à sa dis-
]K)sition et forment son avant-garde. Lo corps se porte aujourd'hui sur Void,
son avant-garde est ce soir à Saint-Aubin, d'où l'on a chassé l'ennemi. »
* Rliicher ajoute dans son rapport que des voyageurs qui étaient h Paris le 1 2.
jour de la revue, disent qu'il y avait là, non pas 30,000 hommes, mais au
plus 18,000. « Us n'ont vu entre Paris et ChAlons que 2 bataUlons de vété-
rans de la garde. »
» Le 2' corps et le 5* de cavalerie occupèrent, le 22, les positions suivantes :
Pire, soutenu par la division Duhesme, vers Saint-Aubin; 400 dragons do
Briche, soutenus par la 1 '• division d'infanterie, éclairaient vers Gondrecourt ,
occupant (jivrauval, Longeaux, Xantois,avec une avant-garde ù Saint-Amand.
Le restr de la division Rriche était en arriére de Ligny, sur la route de Rar à
Tronville, (tuerpont et Tannois. La division Lhériticr, à Stainville; le génénil
de France, avec les gardes d'honneur, à Ancerville. Un bataillon d'infanterie
de la 2*^ division, en soutien do Lhériticr, à Stainville. (/4rr/«irc*r/<» la (hwrre.)
- 247 -
et Biron occupa la ferme de Riéval avec des avant-poslos fournis
par les cosaques î\ Ménil-la-Horgne.
La colonne de droite de l'armée de Silésie arrivait ;\ Void;
celle de gauche à Vaucouleurs. Olsufiew était à Toul avec le
quartier général de Blûcher ; l'avant-garde de Palhen (Vl® corps
de l'armée de Bohème), il Vézelise.
Du côté des Français, Ney était encore pour peu de temps
à Bar-le-Duc; Marmont, afin de rester lié aux deux autres maré-
chaux, avait commencé son mouvement de retraite de Verdun
sur Bar et Saint-Dizier, où il arriva le 24 après avoir laissé la
division Ricard du côté de Clermont en Argonne pour garder lo
défilé des Islettes et couvrir la route de Verdun à Chûlons.
Positions dn prince Guillaume de Prusse sous Metz. ~ Le
prince Guillaume de Prusse s'était dirigé de Pont-îVMousson
vers Metz par Pagny-sur-Moselle et établi h Sainte-Ruffine, après
avoir fait occuper Vaux, Jussy, Lessy et Plappeville, d'où il
pouvait apercevoir l'ensemble des défenses de la place. Par suite
du séjour forcé qu'il avait dû faire h Pont-îVMousson et comme il
avait ordre de commencer son mouvement vers Bar-le-Duc le 26,
le prince ne disposait plus que de trois jours pour essayer de se
rendre maître de Metz. Le général von Jùrgass était resté aux
environs de Fresnes, le colonel von Warburg h Marly et le lieute-
nant-colonel von Stutterheim h Lorry.
Mouvements de Horn vers Thionville et de Henckel sur
Longwy. — De Luxembourg, dont les portes étaicmt toujours
closes, Horn s'était dirigé le 22, par ordre d'York, sur Thionville
où il devait rejoindre la brigade du général von Pirch et avait
f'àll halle le 22 au soir à Roussy. Il îivait préalablement confié le
soin de surveiller Luxembourg au général von Rôder (cavalerie
du corps Kleist), qui devait, en outre, masquer Thionville, dans le
cas où l'entreprise projetée contre celle place n'amènerait aucun
résultat.
Arrivé par Aubange sur Longwy, Henckel avait reconnu la
place. Ayant constaté l'impossibilité de tenter un coup de main,
il l'avait contournée pour se rendre à Longuion et s'était con-
tenté de laisser quelques petits postes en obsen^alion devant les
débouchés de Longwy.
York était allé, par Remich et Sierck, inspecter la brigade
- 246 -
Los habitants prétondent quo, dans cotto conféronce, on a décidé
que Victor tiendrait î\ Ligny* et Bar-lo-Duc jusqu'au 26, jour de
Tarrivée de la jeune garde venant d'Anvers. »
En effet, sur Tordre formel de Berlhier, la cavalerie française
dut se reporter en avant de Ligny et se diriger sur Saint- Aubin :
« L'ennemi, dit Bliicher*, occupait le 22 Ligny, et deux brigades
de cavalerie, sous les ordres du général Wassiltchikoff \ avaient
poussé jusqu'à Saint-Aubin. Dans l'après-midi, rennemi sortit de
Ligny avec environ 2,000 chevaux, repoussa nos avant-postes, se
déploya devant Sainl-Aubin, lorsque notre cavalerie, se portant
en avant, le fit canonner par une batterie î\ cheval jusqu'au soir,
où il se rôtira sur Ligny ^ » Victor no laissa, d'ailleurs, qu'une
arrière-garde à Ligny *.
De leur côté, les hussards russes s'établirent en avant de Void,
1 Ce renseignement, parfaitement exact, sauf en ce qui concerne le retour
du major général à Paris, est confirmé en tous points par Grouchy, qui dit à
ce sujet dans ses Mémoires : « Le 2i, Victor est prêt à prolonger la retraite
sur Saint-Dizier pour n^étre pas débordé, lorsqu'il reçoit Tordre de tenir sur
romain. Milhaud (5^ corps de cavalerie) a à Saint-Aubin un engagement avec
les Russes et se replie sur Ligny. » ,
« Rapport de Bliicher (K. K, Kriegs Archiv., I, 5o0). Le feld-maréchal no
parle pas des charges de la cavalerie russe mentionnées par Plotho et Damitz,
et qui n'eurent pas lieu.
' Le général Wassiltchikoff faisait partie de la colonne du général-lieute-
nant prince Stscherbatoff. dont le Journal iVopérations nous fournit les rensoi<
gnements suivants :
« Le prince Stscherbatoff a reçu communication des tableaux de marche qui
donnent à son corps une direction spck'iale. Le général Lanskoï, avec une bri-
i;ade de hussards (régiments de hussards d'Âktyrka et de Mariopol) et une
batterie à cheval, 3 régiments de cosaques sous les ordres du général-major
Karpoff et le détachement prussien du général prince Biron sont mis à sa dis-
position et forment son avant-garde. Le corps se porte aujourd'hui sur Void,
son avant-garde est ce soir à Saint-Aubin, d'où l'on a chassé l'ennemi. »
* Bliicher ajoute dans son rapport que des voyageurs qui étaient à Paris le i 2,
jour de la revue, disent qu'il y avait là, non pas 30,000 hommes, mais au
plus 18,000. « Us n'ont vu entre Paris et ChAlons que t bataillons de vété-
rans de la garde. »
» Le 2' corps et le 5® de cavalerie occupèrent, le 22, les positions suivantes :
Pire, soutenu par la division Duhcsme, vers Saint-Aubin; 400 dragons do
Briche, soutenus par la l'* division d'infanterie, éclairaient vers Gondrecourt,
occupant Givrauval, Longeaux, Nantois, avec une avant-garde à Saint-Amand.
Le reste de la division Briche était en arriére de Ligny, sur la route de Bar à
Tronville, (luerpont et Tannois. La division Lhéritier, à Stainville; le général
de France, avec les gardes d'honneur, à Ancerville. Un bataillon d'infanterie
de la 2<^ division, en soutien de Lhéritier, à Stainville. (^rcAtirxr/e la Guprre.)
— 247 —
et Biroii occupa la forme de Riéval avec des avaiit-posles fournis
par les cosaques à Mc'^iil-la-Horgue.
La colonne de droite de rarniée d(î Silésie arrivait il Void;
celle de gauche à Vaucouleurs. Olsufiew était à Toul avec le
quartier général de Bli'icher ; lavant-garde de Palhen (Vl^ corps
de ramiéc de Bohême), à Vézelise.
Du coté des Français, Ney était encore pour peu de temps
à Bar-le-Duc; Marmont, afin de rester lié aux deux autres maré-
chaux, avait commencé son mouvement de retraite de Verdun
sur Bar et Saint-Dizier, où il arriva le 24 après avoir laisse» la
division Ricard du côté de Clermont en Argonne pour garder lo
défilé des Islettes et couvrir la route de Verdun à ChAlons.
Positions dn prince Guillaume de Prusse sous Metz. ~ Le
prince Guillaume de Prusse s'était dirigé de Pont-îi-Mousson
vers Metz par Pagny-sur-Moselle et établi à Sainle-Ruffine, après
avoir fiut occuper Vaux, Jussy, Lessy et Plappeville, d'où il
pouvait apercevoir Tensemble des défenses de la place. Par suite
du séjour forcé qu'il avait dû faire h Pont-î\-Mousson et comme il
avait ordre de commencer son mouvement vers Bar-le-Duc le 26,
le prince ne disposait plus que de trois jours pour essayer de se
rendre maître de Metz. Le général von Ji'irgass était resté aux
environs de Fresnes, le colonel von Warburg î\ Marly et le lieute-
nant-colonel von Slulterheim à Lorrv.
Mouvements de Horn vers Thionville et de Henckel sur
Longwy. — De Luxembourg, dont les portes étaient toujours
closes, Horn s'était dirigé le 22, par ordre d'York, sur Thionville
où il devait rejoindre la brigade du général von Pirch et avait
fait halte le 22 au soir h Roussy. Il avait préalablement confié le
soin de surveiller Luxembourg au général von Rôder (cavalerie
du corps Kleist), qui devait, en outre, masquer Thionville, dans le
cas où l'entreprise projetée contre cette place n'amènerait aucun
résultat.
Arrivé par Aubange sur Longwy, Henckel avait reconnu la
place. Ayant constaté l'impossibilité de tenter un coup de main,
il l'avait contournée pour se rendre à Longuion et s'était con-
tenté de laisser quelques petits postes en observation devant les
débouchés de Longwy.
York était allé, par Remich et Sierck, inspecter la brigade
— 246 ~
Les habitants prétendent que, dans cette conférence, on a décidé
que Victor tiendrait il Ligny* et Bar-le-Duc jusqu'au 26, jour de
Tarrivée de la jeune garde venant d'Anvers. »
En effet, sur Tordre formel de Berthier, la cavalerie française
dut se reporter en avant de Ligny et se diriger sur Saint-Aubin :
« L'ennemi, dit Blucher*, occupait le 22 Ligny, et deux brigades
de cavalerie, sous les ordres du général Wassiltchikoff \ avaient
poussé jusqu'à Saint-Aubin. Dans Tapri'^s-midi, Tennemi sortit de
Ligny avec environ 2,000 chevaux, repoussa nos avant-postes, se
déploya devant Saint-Aubin, lorsque notre cavalerie, se portant
en avant, le fit canonner par une batterie h cheval jusqu'au soir,
où il se retira sur Ligny \ » Victor ne laissa, d'ailleurs, qu'une
arriére-garde à Ligny \
De leur côté, les hussards russes s'établirent en avant de Void,
1 Ce renseignement, parlaitement exact, sauf en ce qui concerne le retour
du major (général à Paris, est confirmé en tous points par Groucliy, qui dit à
ce sujet dans ses Mémoires : « IjG 22, Victor est prêt à prolonger la retraite
sur Saint-Dizier pour n*étre pas débordé, lorsqu'il reçoit Tordre de tenir sur
rOrnain. Milhaud (5^ corps de c^ivalerie) a à Saint-Aubin un engagement avec
les Russes et se replie sur Ligny. » ,
« Rapport de Bliicher {K, K. Kriegs Arehiv., I, 5o0). Le feld-mar(5chal no
parle pas des charges de la cavalerie russe mentionnées par Plotho et Damitz,
et qui n'eurent pas lieu.
• Le général Wassiltchikoff faisait partie de la colonne du général-lieute-
nant prince Stscherbatoff, dont le Journal (Vnpérations nous fournit les rensei-
gnements suivants :
t< Le prince Stscherbatoff a reçu communication des tableaux de marche qui
donnent à son corps une direction sptriale. Le général Lanskoï, avec une hri-
i;ade de hussards (régiments de hussards d'Âktyrka et de iMariopol) et une
batterie à cheval, 3 régiments de cosaques sous les ordres du général-major
Karpoff et le détachement prussien du général prince Riron sont mis à sa dis-
position et forment son avant-garde. Lo corps se porte aujourd'hui sur Void,
son avant-gnrde est ce soir à Saint-Aubin, d'où l'on a chassé l'ennemi. »
* Bliicher ajoute dans son rapport que des voyageurs qui étaient h Paris le 12,
jour de la revue, disent qu'il y avait là, non pas 30,000 hommes, mais au
plus 18,000. « Rs n'ont vu entre Paris et ChAlons que 2 bataUlons de vété-
rans de la garde. »
5 Le 2' corps et le S*' de cavalerie occupèrent, le 22, les positions suivantes :
Pire, soutenu par la division Duhesme, vers Saint-Aubin; 400 dragons do
Briche, soutenus par la Indivision d'infanterie, éclairaient vers Gondrecourl,
occupant Givrauval, Longeaux, Nantois, avec une avant-garde à Saint-Amand.
Le reste de la division Briche était en arriére de Ligny, sur la route de Bar à
Tronville, Guerpont et Tannois. La division Lhéritier. à Stainville; le général
de France, avec les gardes d'honneur, à Ancerville. Un bataillon d'infanterie
de h 2® division, en srmtien de Lhéritier, à Stainville. (-4 rr/iïrcxt/é» la Gurrre.)
— 247 —
et Biron occupa la forme de RitWal av(îc des avaiil-postos fournis
par les cosaques à IVK^nil-la-Horgne.
La colonne do droite de l'armée de Silosie arrivait h Void;
celle de gauche à Vaucouleurs. Olsuliew était h Toul avec le
quartier général de Blûcher ; l'avanl-garde de Palhen (Vl® corps
de l'armée de Bohême), à Vézelise.
Du côté des Français, Ney était encore pour peu de temps
il Bar-le-Duc; Marmont, afin de rester lié aux deux autres maré-
chîiux, avait commencé son mouvement de retraite de Verdun
sur Bar et Saint-Dizier, où il arriva le 24 après avoir laissé la
division Ricard du côté de Clermont en Argonne pour garder lo
défilé des Islettes et couvrir la route de Verdun à Chûlons.
Positions dn prince Guillaume de Prusse sous Metz. ~ Le
prince Guillaume de Prusse sétait dirigé do Pont-îi-Mousson
vers Metz par Pagny-sur-MosoUe et établi à Sainte-Ruffino, après
avoir fait occuper Vaux, Jussy, Lessy et Plappeville. d'où il
pouvait apercevoir Tensomble des défenses de la place. Par suite
du séjour forcé qu'il avait dû faire h Pont-iVMousson et conjme il
avait ordre de commencer son mouvement vers Bar-le-Duc lo 26,
lo prince no disposait plus que de trois jours pour essayer de se
rendre maître de Metz. Lo général von Jiirgass était resté aux
environs do Fresnes, le colonel von Warburg î\ Marly et le lieute-
nant-colonel von Stulterheim à Lorrv.
Mouvements de Horn vers Thionville et de Henckel sur
Longwy. — De Luxembourg, dont les portes étaient toujours
closes, Horn s'était dirigé le 22, par ordre d'York, sur Thionville
où il devait rejoindre la brigade du général von Pirch et avait
fait halte le 22 au soir à Roussy. Il avait préalablement confié le
soin de surveiller Luxembourg au général von Rôder (cavalerie
du corps Kleist), qui devait, en outre, masquer Thionville, dans le
cas où l'entreprise projetée contre cette place n'amènerait aucun
résultat.
Arrivé par Aubange sur Longwy, Henckel avait reconnu la
place. Ayant constaté l'impossibilité de tenter un coup de main,
il l'avait contournée pour se rendre à Longuion et s'était con-
tenté de laisser quelques petits postes en observation devant les
débouchés de Longwy.
York était allé, par Remich et Sierck, inspecter la brigade
- 246 -
Les habitants prc^tondent que, dans cette conféronco, on a décidé
que Victor tiendrait h Ligny* et Bar-le-Duc jusquaii 26, jour de
l'arrivée de la jeune garde venant d'Anvers. »
En effet, sur Tordre formel de Berthier, la cavalerie française
dut se reporter en avant de Ligny et se diriger sur Saint-Aubin :
« L'ennemi, dit Bliicher*, occupait le 22 Ligny, et deux brigades
de cavahîrie, sous les ordres du général Wassillchikoff \ avaient
poussé jusqu'il Saint-Aubin. Dans l'après-midi, l'ennemi sortit de
Ligny avec environ 2,000 chevaux, repoussa nos avant-postes, se
déploya devant Saint-Aubin, lorsque notre cavalerie, se portant
en avant, le fit canonner par une batterie î\ cheval jusqu'au soir,
où il se retira sur Ligny \ » Victor ne laissa, d'ailleurs, qu'une
arrière-garde à Ligny \
De leur côté, les hussards russes s'établirent en avant de Void,
1 Ce renseignement, parfaitement exact, sauf en ce qui concerne le retour
du major gént'ral à Paris, est confirmé en tous points par Groucliy, qui dit à
ce sujet dans ses Mémoires : « Le 22, Victor est prêt à prolonger la retraite
sur Saint-Dizier pour n'être pas débordé, lorsqu'il reçoit l'ordre de tenir sur
rOrnain. Milhaud (5*^ corps de cavalerie) a à Saint-Aubin un engagement avec
les Russes et se replie sur Ligny. » ^
« Rapport de Bliicher (AT. A'. Kriegs Arehiv., I, 550). Le feld-maréchal no
parle pas des charges de la cavalerie russe mentionnées par Plotho et Damitz,
et qui n'eurent pas lieu.
' Le général Wassiltchikoff faisait partie de la colonne du général-lieute-
nant prince StscherbatofT, dont le Journal d*npérations nous fournit les rensei-
gnements suivants :
« Le prince StscherbatofT a reçu communication des tableaux de marche qui
donnent à son corps une direction spéciale. Le général Lanskoï, avec une bri-
i;ade de hussards (régiments de hussards d'Aktyrka et de Mariopol) et une
batterie à cheval, 3 régiments de cosaques sous les ordres du général-major
Karpoff et le détachement prussien du général prince Riron sont mis à sa dis-
position et forment son avant-garde. Le corps se porte aujourd'hui sur Void,
son avant-garde est ce soir à Saint-Aubin, d'où l'on a chassé l'ennemi. »
* Bliicher ajoute dans son rapport que des voyageurs qui étaient à Paris le i 2,
jour de la revue, disent qu'il y avait là. non pas 30,000 hommes, mais au
plus 18,000. « Rs n'ont vu entre Paris et ChAlons que 2 bataillons do vi'té-
rans de la garde. »
» Le 2' corps et le 5^ de cavalerie occupèrent, le 22, les positions suivantes :
Pire, soutenu par la division Duhesme, vers Saint-Aubin; 400 dragons do
Rriche, soutenus par la !'• division d'infanterie, éclairaient vers Gondrecourt,
occupant Givrauval, Longeaux, Nantois, avec une avant-garde à Saint-Amand.
Le resto de la division Rriche était en arriére de Ligny, sur la route de Bar à
Tronville, Guerpont et Tannois. 1^ division Lhéritier, à Stainville; le général
de France, avec les gardes d'honneur, à Ancerville. Un bataillon d'infanterie
do la 2'^ division, en soutien de Lhéritier. à S>i;ûny\\\e. (Archives de la Guerre.)
— 247 -
et Biron occupa la ferme de Riéval iWin: dos avanl-poslos fournis
parles cosaques h Mc'^nil-la-Horgne.
La colonne do droite de Tarniée de Silésie arrivait fi Void;
celle de gauche à Vaucouleurs. Olsullew ('^tait h Toul avec le
quartier général de Blûcher ; Tavant-garde de Palhon (Vl^ corps
de rarniée de Bohème), à Vézelis(\
Du cùlé des Fran^'ais, Ney était encore pour peu de temps
h Bar-le-Duc; Marmont, afin de rester lié aux deux autres maré-
chaux, avait commencé son mouvement de retraite de Verdun
sur Bar et Saint-Dizier, où il arriva le 24 après avoir laissa» la
division Ricard du côté de Clermont en Argonne pour garder lo
défilé des Islettes et couvrir la route de Verdun h Chûlons.
Positions dn prince Guillaume de Prusse sous Metz. ~ Le
prince Guillaume de Prusse s'était dirigé de Pont-i\-Mousson
vers Metz par Pagny-sur-Mosolle et établi h Sainto-Ruffine, après
avoir fait occuper Vaux, Jussy, Lessy et Plappeville. d'où il
pouvait apen^evoir Tensomble des défenses de la place. Par suite
du séjour forcé qu'il avait dû faire h Pont-îVMousson et comme il
avait ordre de commencer son mouvement vers Bar-le-Duc le 26,
lo prince ne disposait plus que de trois jours pour essayer de se
rendre maître de Metz. Le général von Ji'irgass était resté aux
environs de Fresnes, le colonel von Warburg h Marly et le lieute-
nant-colonel von Stutterheim h Lorry.
Mouvements de Horn vers Thionville et de Henckel sur
Longwy. — De Luxembourg, dont les portes étaient toujours
closes, Horn s'était dirigé le 22, par ordre d'York, sur Thionville
où il devait rejoindre la brigade du général von Pirch et avait
fîiit halte le 22 au soir à Roussy. Il avait préalablement confié le
soin de surveiller Luxembourg au général von Rôder (cavalerie
du corps Kleist), qui devait, en outre, masquer Thionville, dans le
cas où l'entreprise projetée contre cette place n'amènerait aucun
résultat.
Arrivé par Aubange sur Longwy, Henckel avait reconnu la
place. Ayant constaté l'impossibilité de tenter un coup de main,
il l'avait contournée pour se rendre à Longuion et s'était con-
tenté de laisser quelques petits postes en obsen'ation devant les
débouchés de Longwy.
York était allé, par Remich et Sierck, inspecter la brigade
— 264 ■
CHAPITRE IV.
MOUVEMENTS DES COHPS DE BULOW ET DE WINZINGERODE. —
OPÉHATIONS MILITAIRES DANS LES PAYS-BAS, JUSOl'AU 26 JANVIER.
Situation vers la fin de décembre 1813. — Dans les dernières
pages (le notre travail : La Cavalerie des années alliées pendant la
campagne de 1813, nous avons exposé sommairement les premières
opérations de Bùlow, les mouvements des colonnes volantes
envoyées par Winzingerode (le Brome sur la Hollande, et les
coups de main (exécutés par les partisans du major von Colomb
jusqu'à la date du 23 décembre. A l'approche des Anglais et des
Prussiens, qui avaient opéré leur jonction à Uozendaal, le général
riefebvre-Desnoetles avait levé le si(»ge de Bréda pour se rappro-
cher d'Anvers, et était venu prendre position à Hoogstraéten.
Mind(îrhout, Braschaël et Matines ; le général Maison s'était mis
en route i)Our remplacer h la tète des troupes françaises le général
Deca(?n, auquel l'Empereur n'avait pu pardonner l'évacuation pré-
cipil(*e des places de Bréda et de Willemstadt, dès l'apparition des
cosaques de Benkendorf.
Du côté des Alliés, Bùlow, loin de se laisser éblouir par les
faciles succès «pi'il venait de remporter, employait les derniers
jours de lîiîuiée 1813 à mettre sa conquête à l'abri d'un cou]) de
main ou d'un revers de fortune, quelque im])robable qu'il fût. en
prenant solidement pied sur la rive gauche du Whaal et de la
Meuse.
Toutefois, avant de reprendre l'exposé des événements qui se
déroulèrent pendant le mois de janvier sur c(»tle partie du Ihéillre
de la guerre, il (^st d'autant plus indispensable de jeter un couj)
dVeil sur la situation respective des adversaires, qu'en dehors
des Prussiens de Biilow, des Anglais de Graham et des Hollan-
dais du prince d'Orange, les Busses de Winzingerode ne tarde-
ront guère à se montrer sur le Bhin et en Belgique, et que Maison
doit, |»ar ordre de l'Empereur, combiner ses opérations avec
celles de .Macdonald.
Positions et effectifs du III* corps prussien. — Biilow,
dont le rpiarlier général, encore installé à Bommel vers la lin de
- 265 —
décembre, allait être transféré peu après h Bréda, avait concentré
son corps de manière à protéger la Hollande contre un retour
offensif des Français, tout en se préparant à attaquer Anvers de
concert av(îc les Anglais. Ceux-ci, après avoir débarqué 8,000
hommes sous le général Graham. ;i Willemstadt, bloquaient
Bergen-op-Zoora et couvraient ainsi, sur la droite, les positions
du lir« corps prussien.
Ce corps, connue tous les autres corps prussiens, était com-
post^ de 4 brigades d'infanterie (3« brigade, général von Zie-
linsky; 4« brigade, général von Thiimen; o« brigade, général von
Borstell; 6® brigade, général von Krafft), de la cavalerie de
réserve du général von Oppen, d'une brigade d'artillerie de
réserve de 6 batteries (dont 1 à cheval) et de 2 compagnies d(»
piormiers. Il comprenait, outre le corps volant du lieutenant-
colonel von Lùlzow * (4 escadrons, 3 bataillons, avec 9 bouches
il feu), le bataillon de chasseurs volontaires du major von
Reiche, le corps de partisans du major von Colomb* et divers
petits détachements. En tout : 45 bataillons, dont 33 1/2 de land-
wehr, 50 escadrons, dont 16 de landwehr, 12 batleri(»s et 2 com-
pagnies de pionniers, formant un effectif total d'environ 30,000
hommes, avec 96 bouches à feu.
Le ni*^ corps prussien (jui faisait partie de l'armée du Nord,
sous les ordres du prince royal de Suède, rejoignit seulement
dans les premiers jours de mars ^ l'armée de Silésie, lors de la
marche de Blùcher vers l'Aisne, et comme Bûlow avait dil laisser
des troupes en Belgique, il n'amena guère au feld-maréchal
(ju'un renfort de 16,000 hommes.
1 Le gros du corps de Liitzow ne rejoignit que plus tard. Deux escadrons,
venant du Holstein avec Liîtzow, arrivèrent à Liège le 24 janvier et y prirent
part au combat de cavalerie livré ce joar-lj\ par le général Tchcrnitchcff ; ils
se dirigèrent de là vers la Meuse, puis vers Epemay. L'infanterie du corps de
Liitzow, les deux autres escadrons et son artillerie ne quittèrent le Holstein
qu'après la signature de la paix de Kiel avec le Danemark ; ils furent em-
ployés, sous les ordres du major von Helmenstreit, au blocus de Juliers du 17
février au 18 mars et ne prirent, par suite, aucune part aux opérations actives
de la campagne de France.
' Le corps volant de Colomb ne resta lui aussi que peu de temps en Bel-
gique et opéra en France de concert avec les deux escadrons de Liitzow à
partir des premiers jours de février.
' BUlow n'arriva que le 2i février, à Laon.
- 266 —
i^^ janvier 1814. — Concentration du IIP corps à Bréda.
— Aprrs la retraite des Français de Bréda sur Hoogstraeten,
Bfilow s'était borné dans les derniers jours de décembre, à
pousser des reconnaissances : à droite, vers Anvers, pour se
rendre un compte aussi exact que possible des forces dont ses
adversaires disposaient autour de celle place; h gauche, vers
(irave et Nimègue, afin de s'éclairer de ce coté et, surtout, de
couper les communications entre les troupes de Macdonald et
celles dont Maison allîiit prendre le commandement.
Il était, d'ailleurs, décidé à ne rien entreprendre contre Anvers
avant d'avoir été rejoint par la 5« brigade (Borstell). que l'avant-
garde de Winzingerode <levait relever le 28 décembre seulement
sous Wesel.
De phis, comme il croyait utile de laisser la 3« brigade à cheval
sur les deux rives du Whaal, pour surveiller Gorcun) ; comme, en
outre, il faisait bloquer Bois-le-Duc par 6 bataillons et 2 escadrons
sous les ordres du colonel von Hobe, il ne lui restait plus
guère que 12,000 hommes disponibles pour des opérations actives,
lorsqu'il concentra, le l*'»' janvier, autour de Bréda, les brigades
Borstell, Thiimen et KrafTt. Mais bien que les glaces charriées par
les fleuves eussent contraint Biilow à rester immobile et l'eussent
obligé îi faire lever les ponts de bateaux établis sur le Whaal et
sur la Meuse, bien que, par suite, il se fût trouvé pendant
quehjue temps dans l'impossibilité de recevoir les renforts qu'il
attendait ou de se replier en cas d'attaque, la concentration du
Ifl'' corps prussien n'en décida pas moins Macdonald à renoncer
à la position de Niujègue et à venir s'établir sur la Meus*», à
VtMdoo, ainsi que nous le verrons plus tard.
Dans la deuxiènie quinzaine de dé<*endire et avant l'arrivée
lious Wesel du général Orurk. le général von Borstell avait tenté
en vain d'enlever cette place par surprise.
Positions et effectifs du corps Winzingerode. — Comme le
IH« corps prussien, le corps russe du général Winzingerode
apj»artenait à l'armée du Nord. Destiné comme lui à prendre part
aux opérations actives et à rallier plus lard l'armée de Silésie, il
.s'était déjà, dans le courant de novembre, fait |»récéder en Hol-
lande |K»r une bonne» parli<» de ses cosaijues. sous les ordres de
Tchernitchefl*, Narischkine, Benkendorf et Stahl. Son infanterie.
— 267 —
restée inacliw, par ordiv du prinre royal dt» Sucdt». du cù\c uo
Br^me et sur le bas Wos(»r, comnxMira spulomeiit dans 1rs der-
niers jours de décenibnî son mouvement d(i Miinsler vers le
Rhin.
Au moment où l'on doinia Tonin* à Benkendorf de se porter
sur Dijsseldorf et au j^énéral Orurk. (pii formait la t<He de coloniu»
du gros du rorps, d'aller relever Borstell devant Wesel et d'y
arriver le 26 décembre, e(^ corps ne présentait plus qu'un etVertit'
dis|>onible de 8,000 hommes d'infanhTie (»t d(» o.OOO chevaux.
Mais les corps de Woronzoff et de Slrogonoff', ijue le princj»
royal de Suède avait moni(»ntanément fçanlés sur le bas Klbe,
étaient désif[né5 pour opérer, par la suite, sous les ordres de
Win/ingerode. Après avoir été n»joint par WoronzotF. Strojçoiiort'
et les différents détachements monnaitanément (employés dans
le duché d'Oldenbourg, sur le Bhin et dans hîs Pays-Bas, U*
corps de Winzingerode devait compremire la caval(»rie du géné-
ral Orurk (3« division de hussards et 2» de dragons), la <*aval«'rie
irrégulière (cosacpKs (*t basehkyrs) du général TchernitchrtV. h'
3* corps d'infanteri(» du général Woronzoff, le corps d'infanterie
du général Slrogonotf et 14 batteries d'artillerie», soit en tout,
d'après Plotho : 3o bataillons. 30 (escadrons. 19 n*giments cosa-
ques et 162 bouches à feu, repn'»sentant un effectif total de
30.850 hommes; d'après Bogdanovitch, il comprenait 40 batail-
lons, 47 escadrons, 19 régiments cosacpies et 12 batteries (132
bouches à feu), formant un total de 36,000 hommes.
Renforts destinés à remplacer les corps de Bulow et de
Winzlngerode. — Ces deux corps d'armée devaient être rempla-
cés en Belgique, dans les premiers jours de février, j»ar le
m* corps fédéral (duc de Saxe-Weimar), comprenant : 2 brigades
d'infanterie saxonne (généraux Lecoq , Gablenz et Byssel) et 1 4 esca-
drons de cavalerie ; la brigade» de Thuringe et d'Anhalt du prince
Paul de Wurtemberg (8 bataillons et demi et 1 escadron) et !(»<
4 régiments de landwehr saxonne, qui, avec un escadron de cava-
* Le corps de Woronzoff faisait, d'apri>s l'ordre de Iiataille, partie du corps
de Wiozingerode ; celai de Strogonoff, de l'armée de Pologne, sous les ordres
de Benningseo ; ce dernier corps fut, dès le roiamencement de 1814, détaché
de cette année et placé sons le commandement de Wiozingerode.
— 268 —
lerie et les régiments cosaques Bihaloff I et Robrejeft, étaient
placés sous les ordres du général von Thielmann; enfin, 5 bat-
teries et demie d'artillerie; soit, en tout : 32 bataillons, IS esca-
drons, â régiments cosaques et 56 bouches à feu : au total,
23.350 hommes.
Le duc de Saxe-Weimar, avec un premier échelon fort de
12 bataillons, 9 escadrons, 1 conjpagnie de sapeurs et 4 batteries,
en tout 11,000 hommes environ, 1,600 chevaux et 28 canons,
quitta Querfurt, le 2 janvier, pour arriver h Bréda, le 7 février.
Presque en même temps que le II1« corps fédéral, le corps du
général-lieutenant comte Wallmoden-Gimborn recevait, lui aussi,
Tordre de venir prendre part aux opérations dans les Pays-Bas.
Ce cor|)s se composait de la cavalerie cosaque «in général Tetten-
born V, de la brigade mixte formée par la légion russo-allemande
et de la brigade mixte hanovrienne; en tout : 13 bataillons,
16 es<'adrons et 4 régiments cosaques; soit environ 15,000
hommes avec 32 bouches fi feu.
Positions et effectifs des corps français sous les ordres de
Hacdonald. — Les forces que les Français pouvaient opposer,
dans les derniers jours de décembre 1813 et les premiers jours
de janvier 1814, aux deux corps de Biilow et de Winzingerode
étaitMit loin d«î présenter un pareil effectif.
D'après les situations en date du l^"" janvier, Macdonald, dont
le quartier général restera à Clèves jusiju'au 5 janvier, a sous ses
ordres directs le 4^ cor])s, que nous citerons ici pour mémoire
seulement, puisqu'il s'enlermera avec le général Morand à
Mayence, les 5« et ii« corps d'infanterie et les 2« et 3« de cava-
leri(^
Le 11*^ corps d'infanterie, réparti entre Nimègue, Clèves et
Wesel, où il laissera par la suit(» la 35*^ division ave(' hi général
Lauberdière, se compose, à ce moment, des 3i« et 35® divisions,
et compte en tout, en y com|)renant même les 1,750 hommes de
la <livision Molitor postés à Venloo, 8.085 homnnîs, 1,255 che-
vaux et 18 canons.
* I-.es cosaques de Tettenborn prirent seuls part aux opérations de la cam-
pagne de France. Arrivé du Schleswig-Holsteîn le i I février à Cologne, Tellen-
ÏK)rn partit le 19 de Trêves et rejoignit Winzingerode à Reims le 25.
— 269 —
A sa droite, se trouve le long du Rhin, de Neuss jusqu'à
Cologne, le 5« corps (S('îbastiani), d'une force totale de 3,734
hommes et 794 chevaux avec 14 bouches à feu.
Le 2« corps de cavalerie a 3 brigade^s, formées par l(»s 2* et
4« divisions de cavalerie lé{ç^re et la 2« division d(î cuirassi(»rs.
En y comprenant 313 hommes du régiment de hussards Jéronnî-
Napoléon, il compte en tout 2,484 hommes, 3,046 chevaux avec
4 bouches à feu. Une de ses brigades est h Clèves et à Calcar,
une autre h Cranenburg et à Nimègue; sa 3« brigade, celle du
général Dommanget, est tout entière h Maëstricht, s'éclairant sur
Bruxelles.
Le 3^ corps de cavalerie ne pouvait mettre en ligne, lin dé-
cembre, que 2,178 hommes avec 2,745 chevaux et 6 canons.
Il surveillait le Rhin depuis Andernach jusqu'il Neuss et Crefdd.
Il est bon de remarquer que si Feffectif total des troupr's
placées sous les ordres du duc deTarente s'élevait, à ce moment,
h près de 17,000 hommes, il ne pouvait guère disposer, «'u
réalité, pour des opérations actives, que de 9,000 îi 10,000 hommes
au plus. Le reste des troupes était immobilisé, et formait les garni-
sons de Grave, Wesel, Venloo, Juliers et Maëstricht*.
* Bfacdonald s'était rendu an compte exact des dangers de la situation. Dans
la dépêche que de Clèves il adressa an major général le 1^' janvier, il demandait
à se replier sans laisser de monde dans les forteresses. Mais, tonten le rappelant à
lui par sa lettre du 10 janvier et par sa note du 12 sur la situation de la
France, FEmpereur ne put se résoudre à sacrifler les places et à renoncer aux
pays qu'il avait conquis.
« Macdonald au major général. — Clèves, 1*' janvier.
« L*ennemi file sans interruption vers Gorcum et Bréda. Soyez assuré,
.Monseigneur, que tout à Thcure on dans quelques jours, il y aura irruption
en Belgique. Les Alliés manœuvrent par leurs ailes et nous amusent au centre.
Les rassemblements de Oiisseldorf, Miililheim, Deutz et à Tembouchure de la
Sieg n'ont d'autre objet que d attendre cette irruption pour intercepter les
routes de Coblentz et de Luxembourg, Uindis que de la Campinc l'ennemi bar-
rera le chemin de Bruxelles et de Xamur.
t( Je répète à Votre Altesse que des troupes aussi disséminées n'ont aucune
force, que prise en écharpe et en tète, cette immense ligne sera, détraquée sans
utilité pour la défense générale. Les places mêmes ne seront d'aucun secours.
Le complément des approvisionnements est encore loin do son terme. Le H^ corps
et le 11®, en supposant qu'ils puissent se jeter dans les places sans être enta-
més, n'ont ensemble que de 8,000 à 10,000 hommes, y compris les baïon-
nettes de Wesel, deux ou trois de plus à Grave, Venloo, Maëstricht, Juliers.
Four les cinq places, il en faut plus du double et, dans tous les cas, il ne res-
terait plus de corps d'armée eu campagne.
— 570 —
Au nionjfMit où Wiiizingerode s(î |)rés('nta entre Cologne e
Neuss. le maréchal aurait pu, au maximum, lui opposer de 6,00(
à 7,000 hommes appartenant, pour la plupart, au 5« corps et ai
3« corps de cavalerie, et, dans ce cas, il ne lui serait resté qu(
bien peu de choses pour se couvrir sur sa gauche contre lej
opérations de Bûlow.
Effectifs des troupes placées, en Belgique, sous les ordres
de Maison. — En Belgique, Maison n'avait encore qu'une ving-
taine de dépôts renfermant des soldats blessés, les deux division^
Boguel et Barrois et la brigade de (uivalerie du général Caslex,
soi!, tout au ])lus, une quinzaine de mille hommes '.
t( yous toucfioM à utu grande crise : ne serail-il pat aitui sage que prudent
tU' prendre une grande résolution f Que font, dans cette circonstance, des places
si éloignées ; dépourvues en partie, faibles de garnison, elles succoniberonl
bienlùt et sans fruit pour TEtat... Dans la crise actuelle, dans If moment on
l'ancienne France est eihtamée, ne setait-il pas sage d'abandonner la nouvelU
en ralliant tous les détachements épars, les grossissant des conscrits en inarch"
et des hommes que Vlwnneur national et le sang français feront aiTirer sous In
aigles de r Empereur...
« Que fait maintenant à TEmpereur ce coin de l'enipirc isolé, lorsque les
barrières du Rhin et de la Meuse sont Irancbies. Je ne dois pas If dissimuler,
tous les Français murmurent ; cfuicun veut défendre sa patrie , quUl ne trnuvt
pas ici, ou succomber arec honneur sous les rumes de la France l »
Quelques jours plus tard dans une dép<>clie, dans laquelle il envoyait le
7 janvier, à Maison, la traduction d'une proclamation de Bliiclier. il ajoutait :
»« Bliicbcr ne cache pas les projets des Alliés et nous restons isolés, disséminés.
En j(*tant dans des places mal armées, mal approvisionnées, ce qui nous serait
M utile pour défendre notre patrie, on nous ensevelira sons ses ruines! >•
{ Archives de la guerre.)
I A la date du l^'*^ janvier et d'après une dépèche de .Maison au maréchal
Macdon.ild, les tron|)es françaises dLsi)onihles [K)ur des opérations actives étaient
réparties comme suit :
1^1 division Hoguet et la cavalerie de la garde (1000 chevaux sous Lefebvre-
iK'^noetles) otTUpaient Turnhout avec 1 iKitaillon, 6 escadrons et 2 pièces;
llo<igstraëten et les villages voisins avec 8 hatiiiUons, 10 escadrons et iO bou-
ches à feu ; F^zenthout avec 2 bataillons et 'i escadrons, liraschaët avec 2 ba-
taillons, i escadrons et 2 pièces.
i.e général Maison écrivait à cette date, au duc de Tarente, pour lui dire
qu'il se vo\ait forcé de renoncer a marcher sur Bois-le-Duc, parce qu'il lui
faudrait, dans re cas. dégarnir Anvers et qu'il était contraint, par suite, de se
contenter de faire, le 3 ou le 4, une reconnaissance sur Tilburg. [Archives de
Itt guerre. Correspondance du général comte Maison.)
II est Ihhi de remarquer que les régiments de Koguet manquaient de sous-
offniers et que ce général n'avait en tout, pour servir 6 pièces, que i7 caooD-
nier.>.
— 271 —
Les divisions d(»s g('»n(»rau\ Anibert, Carra-Saint-Cyr (»t Ledru
des Essarts comnieiiraient s(;iileni(»nl à so former, vX c'était avec
des forces aussi iiisi^iiitiant(»s (|ue Maison devait couvrir Anvers
et la Belgique, assurer la défense de Bergen-op-Zooni et de la
ligne de l'Escaut, et résister sur son front à Bfdow, sur sa gauche
au\ Anglais, et, sur sa droite, aux Kussi»s de lavant-garde de
Winzingerode.
Suppléant h l'insufllsance de ses forces par uik» infatigable
activité, Maison coninienea par approvisionner les places ([u'il lui
fallait oiîcuper. Il résolut ensuite» d(; tenir la campagne avec ce
(jui lui resterait, de refuser tout engagenn^nt trop sérieux et
d'inquiéter sans cesse l'ennemi en essayant de lui donner le
change sur ses projets. Vers le !•'' janvier, il avait posté la divi-
sion lloguet ù Hoogslraët(»n et Turnhout, la cavalerie? de Des-
noettes entre Turnhout et Brecht. La division Barrois était, en
deuxième ligne, à Bruxelles avec quelques escadrons du général
Castex. Le général Ambert, avec 4 bataillons, â ou 3 escadrons
et quelques bouches à feu, avait pris position à Braschaët et à
Donk, au nord d'Anvers.
Le génénd Maison, en couvrant Anvers, cherchait ainsi à main-
tenir ses connnunications avec Bergen-op-Zoom et à surveiller les
mouvenumts des Anglais, postés à Rozendaal, et ceux des Prus-
siens, établis à Bréda'.
Malgré le faible effectif des troupes françaises qui lui étaient
opposées, Bûlow allait néanmoins se trouver dans une situation
assez difficile jusqu'à l'arrivée sur le Rhin du gros du corps de
Winzingerode.
Aussi se concenlra-t-il aux environs de» Bréda |)0ur parer
à un mouvement offensif de Macdonald e[ui, s'a|)puYant sur Grave
et sur Nimègue, aurait pu descendre le cours du Whaal et de la
* C'est pour cela que le 3 janvier il avait poussé trois reconnaissances dans
la direction de Bréda : la premièie d'Hoogstraelen sur Meerle, la deuxièino sur
Meer et Meersel et la troisième de Loiinhout sur (îrootzundert. Mais eu inènie
temps qu'il réunissait la division Roguet à Iloogstrai'ten, Maison prévenait le
major-général de l'impossibilité pour lui de se porter sur Gorcuui sans décou-
vrir absolument Anvers et risquer, d'autre part, d'ex{)oser les troupes qu il
dirigerait sur Gorcum à être romplélement coupées de cette place. Il ajoutait
qu'en attendant un ordre de l'Empereur lui enjoignant à nouveau d'agir vers
Gorcum, il dirigerait un détachement de cavalerie et d'infanterie sur Chaam
et de la sur Tilburg, afin de se renseigner sur les forces de l'ennemi.
— 272 -
Meuse et bousculer les troupes du III« corps prussien pendant
que les forces françaises réunies ii Anvers se seraient dirig(^es sur
cette place. Du reste, Tarrivée de la 5® brigade venant de Wesel,
le passage du Rhin par SaintPriest et la prt^sence de Tchernitcheff
h Dûsseldorf suffirent pour le rassurer et pour lui rendre toute
sa liberté de mouvement.
4 janvier. — Positions de Sébastian! entre Cologne et
Neuss. — Macdonald à Tenloo. — En effet Sébastiani. qui
gardait avec une poignée d*hommes la ligne du Rhin, depuis
Bonn jusque vers Wesel, s'était justement préoccupé de l'appari-
tion à Andernach de la brigade Pillar, du corps de Saint-Priest.
Ne pouvant prévoir les difficultés que Saint-Priest rencontrerait
au passage du Rhin, il avait commencé par diriger sur Bonn, par
Oberwinter et Mehlen, une reconnaissance qui, habilement con-
duite par les généraux Albert et Jacquinot, bouscula la cavalerie
russe. Puis, en même temps qu'il signalait îi Macdonald la pré-
sence de l'ennemi sur sa droite, il sollicitait et obtenait du man'»-
chal Tautorisation de resserrer ses cantonnements démesuré-
ment étendus et de rassembler son monde entre Cologne et
Neuss *.
La vigilance de Sébastiani avait déjoué une tentative faite, le
3 janvier, parle corps volant russo-prussien du major von Boltens-
tern (des chasseurs de la garde), qui avait essayé de passer en
barque le Rhin à Muhlheim et d'atterrir près de Cologne. A peine
les partisans eurent-ils pris pied sur la rive gauche qu'ils furent
découverts et attaqués par les troupes françaises. Ils n'eurent que
* l^ maréchal avait, en effet, écrit de Gueldres, le 7 janvier à 3 heures de
Taprès-midi. au général Sébastiani : « Je u^is votre lettre du 3. Sans doute
que nous devrions nous resserrer, nous réunir, tel est mon projet depuis long-
temps : mais j'ai le cœur navré de m'éloigner de places mal armées, mal appro-
visionnées et faibles de garnison. J'avais proposé d'évacuer toutes les places,
d'en retirer les garnisons, d'en former un bon noyau, de nous réunir au 1*'
corps, ce qui formerait 30,000 hommes, dont 6,000 de aivalerie. Mais je ne
reçois pas de réponse et pas un mot sur les événements présents et futurs. Si
dans les vingt-quatre heures il ne me parvient rien et que les circonstances
nous en donnent le temps, je vous écrirai pour nos mouvements ultérieurs.
Mais si elles commandent, notre premi<'Te ligne devra être la Roi'T, ensuite la
Meuse ; les points de jonction, Juliers et Hui*emonde, Maastricht, Aix-la-Cha-
pelle et Lii'ge. Voilà les données... C'est une fatalité que cette situation oii
rien n'est prévu, ni ordonné. »
— 273 —
le temps de se rejeter en toute hi\te dans leurs barques, dont
quelques-unes, trop chargées par suite du départ précipité des
canots dans lesquels s'étaient jetés les premiers fuyards, n'attei-
gnirent qu'à grand'peine la rive opposée. Cette tentative coûta la
vie au major von Boltenslern qui, resté le dernier sur la rive
gauche, sauta à cheval dans le Rhin et périt sous les balles des
soldats de Sébastiani.
Comme, de son côté, Macdonald pouvait craindre à la fois
d'être coupé de sa ligne de retraite par les brigades prussiennes
désormais réunies autour de Bréda et d'être attaqué par les
troupes de Winzingerode, il crut plus sage de quitter Nimégue
et Clèves le 4 janvier et de se replier sur Gueldres et Venloo,
après avoir préalablement informé Maison de sa résolution.
»
Marche de Winzingerode sur Dûsseldorf. — Winzingerode
continuait lentement et méthodiquement sa marche sur Dûssel-
dorf à la tète des 17,000 hommes qui lui restaient* et avec
lesquels il aurait certainement pu, sans rien risquer, passer im-
médiatement l(î Rhin. Il poussait même la prudence jusqu'à
arrêter Tchernitcheff.
Tchernitcheff demande en vain & passer de suite le Rhin.
— Ce général, arrivé à Dûsseldorf avec son avant-garde, avait
aussitôt pris toutes les mesures nécessaires pour traverser le
tleuve. Le l«f janvier, il était prêt à tenter ce passage, lorsqu'il
reçut Tordre de ne rien entreprendre tant que le Rhin charrie-
rait. Tchernitcheff insista en vain auprès de son chef; il eut beau
s'attacher à lui représenter l'intérêt majeur qu'il y avait à arriver
* Le détacheincnt de Benkendorf se composait du régiment d'infanterie de
Toala et d'un batainon du 2^ régiment de chasseurs, du régiment de hussards
de Pavlograd et de 5 régiments cosaques avec 4 pièces d'artillerie à cheval ;
en tout : 3,500 hommes cpii vinrent vers le 6 janvier de Bréda à Emmerich.
Le détachement de Narischkino, posté sur la basse Meuse, se composait d'un
millier de cosaques. Celui du général Orurk, devant Wesel, des régiments
d*infanterie de Smolensk, Narva, Alexiopol et Nouvelle Ingrie, du régiment de
nhlans de Wolhynie, de «3 régiments cosaques et de 2 batteries (24 pièces), en
tout : 5,100 hommos (Journal d'opérations de Winzingerode et rapport à l'em-
pereur, de Diisseldorf, 26 décembre 1813/7 janvier 1814).
Le général Orurk, rejoint à Wesel par Benkendorf qui n'avait pu franchir le
Rhin à Emmerich, ne laissa devant Wesel qu'un millier d'hommes et rallia le
gros du corps en marchant sur Diisseldorf, par Duisburg.
w«ii. 18
— 274 —
le plus tôt possible h hauteur des positions occupées par les
autres corps de Tarmée alliée; il chercha inulileiiient à lui dé-
montrer ([ue son avant-garde, forte à elle seule de près de 4,000
hommes \ allait être rejointe par le détachement de Benkendorl!',
d'un effectif à peu près égal et revenu, sur l'ordre de Winzinge-
rode, de Bréda par Arnheim et Emmerich, sur la rive droite du
Rhin. Rien no put parvenir à triompher des idées préconçues de
cet officier génénd. Aussi, pendant qu'on retenait Tchernitcheff h
Dùsseldorf et que Biilow se concentrait à tout événement autour
de Bréda, Maison, qui ne perdait pas une minute, mettait à protit
le répit que ses adversaires lui laissaient, pour compléter ra[>pro-
visionnement de Flessingue et de Berg(;n-op-Zoom, renforcer la
garnison de cette dernière place et organiser celle d'Anv«»rs, et
Macdonald put s(î replier sans (Micombre sur Gueldres et Venloo,
après avoir jeté un millier d'hommes dans Grave.
6 janvier. — Ordres de Bulow au corps volant de Colomb.
— Mouvements et opérations de cet officier du 7 au 9 jan-
vier. — Ce fut seulement le 6 au soir* ([ue Bùlow, s'apercevant
de la retraite de Macdonald » et de l'évacuation de Clèves et de
I Situation du corps Winzingcrode, 8 janvier 1814. — Rapport à Tcmpereur
de Russie.
^ Ck)lomb, Tagebuch, pages 150 et 160.
' Macdonald écrivait ù ce moment de Gueldres au major général i)Our lui
annoncer que, d'après les rapports de Sébastiani. les Alliés avaient un millier
d'hommci et 500 chevaux à Andernach ; que Saiiil-Priest, après avoir laisst'^
3,000 hommes à Ck)blentz. remontait en deux colonnes le Rhin et la Moselle, et
que le tt au matin, des troupes s'étaient fait voir vis-à-vis d'Orsoy, de Hom-
berg et à l'emlj(juchure de la Ruhr. (Archirex de la guerre.)
Dans deux lettres qu'il écrivait de Gueldres, l'une à Marmont, l'autre à Rel-
liard, le maréchal se plaignait encore de la dispersion de ses forces et signalait
rimminencc de mouvements sérieux de la part des AUiés. Au duc de Raguse,
il disait entre autres : « Quand nous aurons laissé des garnisons dans les
places, le général Sébastiani et moi, nous nous retirerons, si nous le ]>ouvons,
avec quelques pelotons de cavalerie. Les Prussiens et les Anglais se rassemblent
entre Rois-le-Duc et Bréda. Nous ne tarderons pas à avoir une irruption sur
Anvers et Louvain. C'ett une fatalUé de vouloir tout garder et de se dUséminer. »
II revenait encore sur ce sujet dans sa lettre à Belliard en lui faisant part
de la situation critique dans laquelle il se trouvait : u Je ne sais pas, disait-il,
ce qui se passe au delà d' Andernach qu'occupe l'ennemi. Depuis les affaires de
Miihlheim. j'ignore quelles seront les entreprises ultérieures du général de Saint-
Priest qui est ou qui était, dit-on, à Coblentz le 31 avec 12,000 hommes.
Nous sommes de nouveau menacés entre Cologne et Bonn, mais bien davan-
— 275 —
Niniègue, donna an major von Colomb l'ordn» di» poussiT ra|>i-
demenl avec son corps franc vers la Meuse.
Colomb, arrivé à Tilbury le 7, n'y trouva pas trace de l'en-
nonii. Il y apprit cependant (pie la cavalerit? française, après
avoir passé la Meuse à Kuik, s était dirigé(» vers Venloo, et il se
porta avec ses cavaliers sur Eyndhoven. Là, il trouva un ancien
officier i)russien cpii rinfornia que Macdonald, arrivé sur la rivr
gauche de la Meuse, avait éch(»lonné sa cavah^rie sur une longue
ligne afin de rester relié avcîc Anvers. II sut de la sorte (|u'un
de ces escadrons, établi au village de Meyel, dans le marais dv
la Peel, sortait tous les matins à 4 heures pour rentrer vei*s
9 heures dans son cantonnement, lorsque ses patrouilles et ses
reconnaissan<*es annonçaient cpielles n'avaient découvert rien de
suspect auK environs. Colomb, espérant surprendre cet escadron,
quitta Eyndhoven le 8 à la tombée <1(^ la nuit et poussa jusqu'à
Heese, où il resta juscju'au lendemain 9. Il se mit alors en marche
de façon à arriver devant Mevel vers 10 heures du matin. Pour
enlever fescadron posté dans ce village, il fallait i)rocéder ave<'
d'autant plus d'énergie qu'il était impossible de tourner M(.'yel.
L'entreprise de Colomb * ne réussit que gr.\ce au froid glacial :
il fut possible de sabrer une vedette engourdie avant (fuelle ait
pu faire usage de ses armes et donner l'alarme à la grand'garde.
qui n'eut pas le temps de n^monter à cheval et dont les hommes,
<-ourant à pied vers le village, y arrivèrent trop tard pour préve-
nir l'escadron. Les cavaliers ne s'en défendirent pas moins très
4^nergiquement dans les maisons, et Colomb, après avoir pris à
Meyel 72 hommes sur les 75 qui étaient postés sur ce j^oinl *,
revint le soir à Heese pour se diriger le lendemain sur Saint-
Oedenrode.
tagc par le Brabanl... // faut toui garder, cest notre manie,.. J'ai tissé une
longue toile cf araignée pour contenir rennenii, soutenir Sébastiani ou recueillir
ses troupes ; je me suis entêté à garder la ligne du Whaal, quoique rennenii
fiU sur les deux rives de la Meuse^ autour de Bois-le-Dnc et au-dessous de
Grave.
« Donnez «moi, je vous prie, des nouvelles de la Moselle : j*ai envoyé à
Luxembourg, mais rien ne revient. )> {Archires de la guerre.)
1 Feldzeitung, n. 6& (K. K, Kriegs Archiv., ad 111, 113), et Rapport du
prince royal de Suède.
s Macdooald à Maison. {Archives de la guerre,)
— 276 —
7 janvier. — Pointes de cavalerie vers Venloo et Turn-
hout. — Biilow avait encore lancé à la mémo époque, différents
partis do cavalerie légère vers Venloo et Ruremonde, et poussé le
corps volant du major Helhvig surTurnhout. Chassé deGroot-Zun-
derl, le 7, par la cavalerie française, Helhvig y reprit position le 9.
Informé par ses émissaires, des préparatifs que faisait le gé-
néral Maison *, sachant (jue la division Roguet tenait Wuest-Wesel
avec 2 bataillons, Hoogstraëten avec le gros de ses forces, (jue
la brigade Ayniard occupait Turnhout, que les réserves françaises
s'étaient établies î'i Braschaét et à Lierre, et que Macdonald était
toujours sur son flanc gauche *, Bûlow pouvait craindre de voir
les Français profiter de la rupture des ponts du Whaal et de la
Meuse, de l'éloignement du corps de Winzingerode et de la difti-
1 C'est à ce moment qae Maison écrivait au général Barrois pour lui dire
que, Biilow s'étant concentré sur la Meuse entre Bois-le-Duc et Grave, il s'at-
tendait à le voir marcher sur Maëstriclit et Liège par la chaussée •rE}iidhoveii
ou par la route qui passe entre la Meuse et le marais de Peel. a Si ce mouve-
ment s'efTectue, continuait Maison, Liège, Huy et Xamur tombent au pouvoir
(le l'ennemi. Je ne sais comment le duc de Tarente, qui est encore entre Venloo
et Wesel, s'en tirera. Mandez-moi si vos instructions particulières ne s'opposent
pas à ce que vous vous portiez sur Diesl et de là, suivant les événements, sur
Toiijîres ou sur Eyndhovcn ; enfin, que vous entriez en opérations, ne fût-ce
que pour venir à Anvers, car alors j'enverrai le général Roguet sur le Demer
ou sur la laar (ou 1ère). »
Voir plus loin les dispositions de Maison contenues dans sa lettre du 9 au
ministre de la guerre. (Archit^es de la guerre.)
* Le 8 janvier, le duc de Tarente, aimonçant au major général que Biilou
avait pass»^ la Meuse avec le gros de ses troupes et s'attendant à voir Winzin-
gerode suivre de prè^ les Prussiens, écrivait : « Ce n'est donc pas sans raison
que j'ai fait ronnaître qu'il y aurait bientôt irruption en Belgique. Me voyant
ainsi tourné, je vais mettre provisoirement ma cavalerie à cheval sur la Meuse
et mon peu d'infanterie sur la Roër afln de gagner encore deux marches, quoi-
qu'il serait encore plus sago, dans les circonstances présentes, de se réunir au
général Maison pour tomber ensemble sur l'un des corps ennemis. >»
[jc maréchal avait en même temps envoyé ses ordres à Sébastiani en moti-
vant conmie suit les mouvements qu'il lui prescrivait d'exécuter : « L'ennemi,
écrivait-il le 8 janvier à Sébastiani et à Maison, se concentrant sur la gauche
de la Meuse, le Rhin, de Wesel au Whaal et â la Meuse, est dégarni de trou-
pes. 11 y aura donc bientôt des événements graves ; pour être en mesure de les
combattre ave.? mes faibles moyens, je vais d'abord les réunir dans ce but.
(( La deuxième ligne du 11<^ corps et du 2<^ corps de cavalerie fera demain 9,
ou au plus tard après-demain 10, une ou deux marches pour se placer sur la
RoîT, tandis que deux tiers de la cavalerie occuperont Hasselt et Hechtel et
fourniront un rordon qui ira jusqu'au confluent de la Roër. I^a première ligne
se maintiendra provisoirement du Rhin à la Meuse vers Xanten, pour couvrir
jusqu'au dernier moment la communication avec Wesel. »
— 277 —
ciiUé qu'il aurait rencontrée à repasser le Whaal, pour tenter
d'opérer leur jonction et de Tacculer au fleuve. Il résolut donc de
les prévenir en chargeant sa cavalerie légère de couper les com-
munications entre la brigade Ayniard, postée h Textrémc droite
des troupes de Maison, et Macdonald, dont les avant-postes cou-
vraient la rive gauche de la Meuse, de Yenloo jusqu'il Maas-
tricht.
10 janvier. — Ordres de Bûlow.— Il se dispose à attaquer
Maison. — Le gros du III® corps devait en même temps se porter
contre les lignes françaises de Turnhout à Hoogstraëten. Bulow
espérait de la sorte couper d'Anvers les troupes qui occupaient
les positions en avant de la place, forcer par cela même Mac-
donald à continuer sa retraite et prendre lui-même une position
défensive sur laquelle il lui serait facile d'attendre, sans danger,
l'arrivée du corps de Winzingerode.
Maison ne s'illusionnait, d'ailleurs, pas sur la valeur militaire de
la position d'Hoogstraëten. Dans une lettre adressée, le 7, à Mac-
donald, il reconnaissait que cette position ne valait rien pour
combattre, parce qu'elle n'avait derrière elle qu'une seule com-
munication, et encore fort mauvaise. Mais il était obligé d'y
rester, d'abord parce qu'il panenait de cette façon ù faire vivre
ses troupes, ensuite, parce qu'il lui fallait assurer la rentrée des
approvisioimements nécessaires îi Anvers. Enfin, en postant,
comme il l'avait fait, quelques bataillons et quelques escadrons h
Turnhout, d'où ils semblaient menacer Bois-le-Duc, en laissant îi
Loênhoutet à Hoogstraëten le gros des troupes de Roguet, en
établissant en échelons, quelques bataillons de la garnison d'An-
vers et un escadron de cavalerie à Braschaët, sur la routi» de
Bréda à Anvers, il espérait pouvoir attendre le développement
des projets de son adversaire.
Du reste, bien que le général Maison ne comptût ])as à voir
Bùlow pousser sur son front, parce qu'en opérant de la sorte le
général prussien se serait mis dans une position désavantageuse
pour lui, les mouvements exécutés par la cavalerie prussienne
paraissent avoir inspiré au conmiandant du i^^ corps quelques
inquiétudes pour son aile droite. En conséquence, il donna l'ordre
h une partie des troupes postées à Bruxelles de se porter sur
Lierre. Il avait, d'ailleurs, exposé sa situation et ses projets dans
— 278 —
la drpôchf qu'il adressait * au Ministre de la guerre, à la veille
|)rc*sque du jour où Bùlow se pn'?parait à marcher contre lui.
v Monsieur le maréchal duc de Tarente m'avait annoncé,
('»crivait-il, que Bùlow se concentrait sur sa gauche, vers Boni-
mel, par conséquent devant ma droite. Les cosaques qui étaient
devant Bréda, étant retournés sur le Whaal joindre le corps de
Winzingerode, et n'entendant rien dire de l'arrivée de Bùlow, je
|»ensais qu'il allait marcher sur Maêstricht, par Eyndhoven : mais
maintenant tous mes rapports sont qu'il arrive à Bréda avec
10,000 hommes: il doit y être de sa personne aujourd'hui. Un
certain major Hellwig qui commande, soi-disant, Tavant-garde de
ce corps, est venu s'établir à Groot-Zundert avec 400 chevaux et
300 hommes d'infanterie. Je l'ai fait chasser de là le 7, et re-
|K)usser jusque sous Bréda ; il est revenu hier 8. S'il n'était pas
soutenu, il n'oserait le faire. Les Anglais qui ont reçu, le 4.
1000 lionmies de renfort débarqués à Tholen et 2,000 parWil-
lemsladt, se sont postés à Rozendaal : ils peuvent avoir actuelle-
ment sur ce dernier point 2,000 hommes. J'ai appris que l'ennemi
avait jeté 4 ponts sur le Whaal ; il me semble, d'après ces don-
nées, que Bùlow va entrer en opérations dans le Brabant : il
annonce hardiment qu'il va s'emparer de la Belgique? où il parait
que, déjà, il a des intelligences.
« Je concentre la division Roguet sur Westmalle. Je fais garder
par la cavalerie, soutenue cependant d'un peu d'infanterie.
Hoogstraëten, Loénhout et Wuest-Wesel, comme tète: je place
2 bataillons de ce ipi'on appelle le !«' corps, à Braschaét et à
Donk ; il en reste 3 à Anvers ])our toute garnison. J'établis 10 es-
<-adrons, 2 bataillons et 2 jnèces d'artillerie à Turnhout. avec
ordre de >e retirer sur Herenthals en cas de mouvement otfensif
de l'ennemi. Si aujourd'hui je suis conlirmé dans l'opinion que
j'ai sur s«,s projets, je prierai le général Barrois de marcher sur
Lierre. O-tte division et les 2 bataillons que j'ai à Turnhout avec
1000 chevaux, formeraient ma droite
« Kn ne défendant pas le Demer et les Nétlies, la B<»Igique est
con(|ui*i«* : nous n'avons plus (jue cette ligne à prendre, et de là.
il faut alItTà nos |)lace> de l'ancienne frontière. Si mon corps eût
* GéiuTal Maison an Ministre de la guerre. Anvers, 0 janvier. {Archive$ de
In guerre.)
— 279 —
été formé aussi vite (jue je le eroyais, j'aurais peut-être pu empê-
cher celte invasion. Mais je ne Tespère pas avec ce que j'ai, que
je dois resserrer sur Anvers ; car il faut que je reste toujours en
mesure de laisser une garnison dans cette place Je ne pense
pas qu'en groupant tout ce qu'il y a de troupes ici. sous Anvers.
1 on empêche l'ennemi de se porter en avant. D'un autre côté, si
on ne laisse pas de quoi garder les dehors de cette \ille, l'ennemi,
par un bombardement, la brûlera avec la flotte et l(»s chantiers.
Je vous prie de me faire connaître l'intention de S. M. sur le
nombre de troupes h laisser à Anvers et la direction à pnMidre
avec le reste. Pour moi je compte, à moins d'ordres contraires,
lorsque j'y serai forcé, remonter l'Escaut et gagner Lille. Je sais
que c'est renoncera la Belgique, découvrir Liège, Namur et Huy,
mais les forces que j'ai ne me permettent pas de penser à fiiitv
autre chose. »
La position de Maison était à ce moment d'autant plus difficile
(pie c'était par Hasselt seulement, occupé par les quelques troupes
du général Dommanget et une brigade du cor{)s de Macdonald,
qu'il pouvait se conformer aux instructions de l'Empereur, cou-
vrir Anvers et rester en communication avec le duc de Tarente.
En effet, si les Alliés par\'enaient, en délogeant Dommanget de
Hasselt, à s'établir aux sources du Denier, rien ne leur était plus
facile ensuite que de déboucher de la Campine par la grande com-
munication de Liège. Ils pouvaient alors se placer de manière à
couper le duc de Tarente, à empêcher sa jonction avec le l®»" corps,
faire tomber successivement Liège, Huy et Namur, et pousser
leurs postes jusque sur Bruxelles. Maison s'était rendu un compte
exact de la gravité des événements qui se préparaient : le H, au
matin, au moment même où Biilow commençait son mouvement,
il écrivait h Roguet : « Sam cette ville d* Anvers y il ne faudrait
pas hésiter à marcher avec tom nos moyens sur l'ennemi qui fait
un mouvement de flanc devant nous. »
11 janvier. — Combat de Hoogstraêten. — Bûlow, après
avoir combiné avec le général Graham l'opération qu'il projetait
pour le 11, résolut de se porter en trois colonnes contre la posi-
tion française. Il se dirigea avec le gros de ses forces de Bréda
vers Hoogstraêten, tandis que Graham allait de Rozendaal sur
Merxhem.
- 280 —
La colonnfi de gauche, sous les ordres du g('»néral von
Borst(?ll, composée de la 5« brigade, Renforcée par le déta-
chement du colonel von Sydow (1 bataillon, 10 escadrons (»t
IG bouches h feu), marchait par la route de Bréda sur Hoogs-
traëten et devait crever le centre de la ligne française. La colonne
du centre (4« brigade, général von Thiimen), passant par Groot-
Zundcrt, avait pour objectifs Wuest-Wesel et Loënhout; enfin, la
3® colonne, connnandée par le général von Oppen (6^ brigade, du
général von Krafll't, et cavalerie de réserve), était destinée, après
avoir dépassé Groot-Zundert, îi déborder la gauche des Français
et h l(Mir (^ouper la retraite sur Anvers. Les Anglais de Graham
formaient l'extrême droite de l'attaque.
L'idée de Biilow était rationnelle; mais le général avait toute-
fois par trop négligé, quand il régla la marche de ses colonnes,
de tenir compte et du terrain et de la saison. Il en résulta (|ue
es obstacles naturels joints ji la résistance acharnée de la divi-
sion Hoguet, l'enïpêchèrent d'atteindre le but qu'il s'était pro-
posé ; vMv s'il obligera les troupes françaises à se retirer devant
lui, il lui fut, en revanche, impossible de leur couper la
retraite.
Le 11, à 8 heures du matin, BorstelL avec la colonne de
gauche, (commençait Tattaque du poste de Hoogstraëlen , au
moment où le général Roguet, dont la vigilance avait été alarmée
par le grand nombre et la hardiesse des partis cosaques, se pré-
parait à pousser une reconnaissance avec la brigade Flamand.
Le général Hoguet, voyant dès le début cpie son adversaire cher-
chait à l'envelopper, fit occuper solidement par un bataillon le
village et le cimetière d<» Minderhout, situé sur son front: il posta
î2 bataillons avec 4 pièces sur la route de Bréda, 2 autres en
arrière sur celle d'Oostmalle, 1 bataillon sur la roule d(» Meer,
rappela à lui 2 bataillons établis sur la route de Loënhout et
ordonna au géruTal Aymard de quitter Turnhout pour se replier
sur Anvers. GrAce à ces dispositions, ce fut à midi seulement,
après quatre h(»ures d'un combat acharné, que Borstell qui, dans
et» terrain mamelonné, n'avait pu se servir ni de ses 10 esca-
drons, ni même de son artillerie, parvint à enlever Minderhout.
à déboucher par le pont de Wortel et à s'établir à Hoogstrat'ten.
L'apparition opportune de la deuxième colonne (général von
Thùmen\qui se déploya entre Wuesl-Wesel et Loënhout. pendant
— 281 —
que lo g^^'iiéral BorstcU reiiouvclail si's lfMitaliv<'s coiiliv Miiidrr-
hout, aida piiissaniinent rc fÇ('*ii('Tal dans ra('('()nipliss<Mn('nt dt* sa
mission.
li«; général Iloguct se d('M»ida alors à so mettre en retraite rt à
se replier sur Oostmalle, et d*» là sur W'estmall<», où il pfiisail
trouver le régiment posté dans le prineipe à Turnhont. Il avait
cependant d*autant moins de motifs pour agir de la sorte que le
général Borsteil, auquel la prise «l'Hoogstraëten n'avait pas
coûté moins de 10 officiers et près de î>00 hommes, s'arrêta pen-
dant une heure et demie avant de pousser sur Ôostinalli', et
comme il ne voulait reprendre sa marche (pu» lorMpie les diMix
autres colonnes seraient arrivées h sa hauteur et auraient (lt»ssiné
leur mouvement débordant, il resta le li au soir sur ses [)osi-
tions.
Pendant ce temps, le général von Thfimen avait réussi à débus-
quer sans trop de peine, des villages <Ie Loëidioul <'t de Wuesl-
Wescl, les troupes françaises (jui. se repliant d'abord sur Brecht,
abandonnèrent ensuite ce point aux cavaliers du major Hellwig
pour se reporter plus en arrière sur Weslmalle.
Sur ces entrefaites, le général von Thiimen donnait contre la
brigade du général Aymard qui, ayant reçu à 2 heures seulement à
Turnhout Tordre du général Roguet, iw commença à se repliiT
qu'après avoir été rejoint par les reconnaissances envoyées >ur la
route de Tilburg. Trouvant le chemin barré par les Prussiens,
en marche sur Westmalle, Aymard se rc^jela sur Lierre, où il prit
position le 12, par ordre de Maison *.
La cayalerie arriye trop tard pour prendre part au
combat. — La cavalerie qui marchait à la droit*» des Prussiens
et devait se rassembler le 11, à 3 heures du matin, h Rukven,
avait ordre de se porter par Nieuvmoor sur Wu(»sl-Wesel. Mais,
< Le gêDêral liaison avait, le 11 nu matin, écrit (rAnvf^rs au général Harrois
pour rinviter à presser son mouvement de manière à <^tre le 1 i à Malines et
le IS à Anvers. Il lui faisait savoir que le général Hoguet était viveinont
attaqué et Tinvitait à marcher sur Anvers sans s'arnHer. Kndn, un peu plus
tard, le 11 au soir, il lui mandait que le général Uoguet attaqué sur tou-^ les
poinU s'était bien battu : a Arrêtez-vous, lui disait-il, à WaellHMn, ou à
Cooticb, si vous avci déjà dépassé Waelliem. » (Archires </<' ^i (jnvrrr.)
Le génML Barrois laissa à Bruxelles 1 régiment et 2 pièces de canon.
en présence de l'impossibilité absolue de la faire passer par des
chemins rendus compIMemenl impraticables par les pçelées, le
général von Oppen, qui connnandail cette colonne, s'était vu
contraint de prendre par Rozendaal, Esschen et Calmpthoul, et
d'allonger sa marche de cinq heures au moins. Aussi, bien qu'il
se fût mis en route h minuit, il ne put arriver h Wuest-Wese!
(pf après 5 heures du soir, après la prise de cet endroit par la
colonne du général von Thûmen. Il lui était désormais impossible
d'exécuter le mouvement que Bulow lui avait indiqué dans son
ordre.
(>n lui prescrivit, par suite, de laisser son infanterie à Wuest-
Wesel, d'envoyer 100 à 1200 hommes vers Braschaët, pour se
relier aux Anglais, et de diriger un gros détachement de cava-
lerie sur Westmalle. Le colonel von Treskow, avec 2 régiments
de dragons (dragons de la Reine et régiment de la Prusse occi-
dentale), était chargé de s'établir à Westmalle. Bien qu'il eût
franchi au trot les quatre lieues qui le séparaient de Westmalle,
il y arriva seulement de nuit et trop tard pour em])écher le gros
des troupes françaises, qui avaient été engagées h Hoogstraétcn
et Minderhout, d'efll'ecluer leur retraite par Oostmalle et West-
malle sur Wyneghem.
Affaire de Westmalle. — Les cavaliers prussiens occupèrent
Westmalle un peu après 8 heures ' ; mais, se gardant mal à cause
du froid, ils y furent surpris par les Français qui, après les en
avoir chassés momentanément, se replièrent par la route de
Wyneghem, sur Anvers.
Deux bîitaillons français occui)èrent Wyneghem pendant la nuit
du 11 au 12 ; la brigad(î Flamand s'établit à Deurneet les troupes
du général Ambert se postèrent en arrière de Merxhem*.
Le général Uoguet avait ainsi sa droite à Wyneghem et sa
gauche se reliait à Deurne avec les troupes d'Anvers ; la division
1 r» dûtachcinent de 150 chevaux qui formait rarrière-garde du général
Aymard perdit la colonne, s'égara pendant la nuit, tomba à l'improviste dans
le village de Wlimniern où il y avait 500 Prussiens et 2 canons, mit cette
cavalerie en déroute et lui prit .50 chevaux. (Rapport du général Rognet an
général comte Drouot, Archives de la guerre.)
* Rapport du général Roguet an général Drouot.
Les deux affaires de Hoogstraëten et de Wyneghem coûtèrent à la division
Roguet 133 tués et 615 blessés.
— 283 —
Barrois et la (*avalerip du gt^iK^ral Meiiziau étaieiït îi Lierre.
Maison, croyant avoir assez de monde à Wynegheni et à Merxhein
pour contenir les Prussiens, comptait, le 13, tomber à Diest sur
leur flanc gauche en portant contre eux les troupes d(» Lierre,
renforcées par un ecolonne qu'il allait amener lui-même d'Anvers.
De son côté, Bulow avait poussé, le 12, la brigade de Borstell
y Saint-Antoine, sur la route de Turnhout à Anvers, la brigade
Thiimen h Braschaét, à Donk et vers Merxhem sur celle d(»
Bréda, et porté la brigade Oppen au centre, îi Sainl-Gravenwesel.
Le général Graham, avec 4,000 Anglais, était îi Textème droit(»
de la ligne sur la route de Bergen-op-Zoom h Anvers, aux envi-
rons d'Eeckeren.
12 janvier.— Ordres de l'Empereur. — Pendant que Maison
prenait, le jour même des affaires de Merxhem et de Wyneghem,
les mesures que nous venons d'indiquer, rEm|>ereur disait dans
son Instruction générale, datée du 13 janvier :
« Il ne paraît pas que la masse ennemie qui déboucherait par
Bréda, celle que commande Biilow, ])uisse opérer avec plus de
9,000 h 10,000 hommes. Le général Maison est en mesure de la
contenir et de la battre. »
La nouvelle de l'échec éprouvé par le général Boguel h Hoogs-
traéten, en démontrant îi TEmpereur que la situation en Bel-
gique était loin d'être aussi favorable qu'il affectait de le croire,
lui causa une vive irritation dont on trouve les traces manifestes
dans la lettre que, quelques jours plus tard, à la date du
20 janvier, il faisait écrire par Bertrand h Maison, alors à Lou-
vain :
« ... Sa Majesté a vu avec peine la belle occasion que vous
avez manquée de remporter une victoire importiinte sur Tennemi.
de débloquer Gorcum et d'attirer à vous les 4,500 hommes qui
sont dans cette placée et qui désormais seront inutiles. Vous avez
disséminé vos troupes. Si le général Boguet s'était trouvé, le 11. à
Hoogstraëlen avec la brigade Aymard et toute sii division réunie,
il n'est pas douteux qu'il eût battu complètement l'ennemi, et
depuis, si, lorsque vous avez attiré i\ vous la division Barrois, le
14. vous aviez continué h poursuivre l'ennemi, vous l'auriez
complètement battu et obligé de se replier sur Bréda.
a Sa Majesté n'approuve pas le projet d'une ligne de 20 lieues ;
— 284 —
cola est bon pour la contrebande ; mais ce système de guerre n'a
jamais réussi. Le [)rojet de vous retirer sur Lille et d'abandonner
toute la Belgique est d'autant plus funeste que les bataillons qui
devaient composer votre armée ont été retenus dans cette place.
« Vous n'avez donc d'autre parti pour défiîndre Anvers et la
Belgique que de réunir vos troupes sur Anvers, comme Sa
Majesté vous l'avait fait dire, en tenant de fortes avanl-gard(*s.
l'une sur la route de Turnhout (Lierre est trop en arrière) cl
Tautre sur la route de Hoogstraëten.
« Dans cette situation, la Belgique ne court aucun danger et
vos troupes seront toujours réunies. Jamais l'ennemi ne se jettent
sur la Belgique tant que vous pourrez vous placer entre lui et
Bréda, t»t que pourrez marcher sur Gorcum...
« ... Cette position, en avant d'Anvers, en occupant par des
avant-gardes des postes îi 4 ou 5 lieues en avant, est la seule qui
assure la Belgique contre toutes les troupes qui viendraient par
la ligne d'opérations de Willemstadt. Bréda et Bois-le-Duc.
« L'intention de Sa Majesté est que vous rectifiiez sur-le-champ
votre plan de bataille, que vous choisissiez ii 1 ou 2 lieues d'An-
vers une bonne position sur laquelle vous puissiez replier vos
avant-gardes et vos corps isolés oi livrer bataille.
« Pour compléter ce projet, vous devez tenir des corps mobiles,
infanterie et cavalerie, lancés fort loin sur votre droite qui em-
pêchent les partisans de pénétrer en Belgique, mais ces i)0stes
doivent être (»n observation et ne jamais passer la nuit où ils ont
vu couch(?r le soleil *. »
Lorsque Maison reçut cette dépèche, la situation avait complè-
tement changé d'asjMM't. Au ris(jue «l'encourir une fois de plus les
reproches de l'Empereur, au lieu de s'exposera ètrtî enfermé dans
Anvers, il préféra, comme nous le verrons, prendre ses mesures
pour tenir la campagne aussi longtemps (pie possible, dé-
fendre la Belgique pied à pied, se replier îi la dernière extrémité
sur Lille et couvrir la Flandre fran«;ais(» en manœuvrant avec ce
tpii lui restait dr troupf^s *.
La veille mémr des affaires du 11, en avant d'Anvers, rEm|x*-
* Corregpomlance de Xapûbon, N'** il.lâO.
« Maison au major pnéral et au général Barrois, 12 janvier, — Pontê'oulant
à Clarke^ 12 janvier. {Àrchirfi de la guerre.)
- 285 —
reur avait expédié à Macdoiiald l'ordre d(» laisser des garnisons
dans toutes les places, d(î se faire rejoindre par le général Sébas-
tiani et par la cavalerie, et de se porter sur la Meuse en nian(eu-
vrant sur Maëstricht (ît Naniur contre le liane droit d(» Hlucher.
En donnant ces ordn^s au duc de Tarente, l'Empereur agissait
sous rinfluence des préoccupations naturelles que lui causait la
marche de Blùcher et de l'armée de Silésie. Persistant k croire
que les opérations en Belgique ne pouvaient présenter aucun
caractère de gravité, il pensait que Maison était, avec ses seuh^s
forces et sans le concours dcr^acdonald, dont il avait besoin sur
un autre théiUre de guerre, en mesure d'arrêter Biïlow et de lui
conserNcr la Belgique.
De toute taçon, le passage du Rhin par Winzingerode aurait
obligé Macdonald, qui avait déjà commencé son mouvement ré-
trograde, à modifier quelques jours après sa position et celle des
généraux sous ses ordres.
Mais avant d'examiner les opérations qui ont accompagné et
suivi le passage du Rhin par Winzingerode, il est indispensable
de parler des événements qui marquèrent la journée du 13. du
côté d'Anvers, et de rechercher quelles furent les conséquences
immédiates des affaires d'Hoogstraëten, de Merxhem et de Wy-
neghem.
13 janvier. — Maison s'établit à Lierre. — Combats de
Merxhem et de Wyneghem. — Pendant que la cavalerie prus-
sienne continuait à se montrer sur la droite de la position fran-
çaise et à escadronner en avant d'Herenthals, le général Maison,
qui paraissait croire que le mouvement effectué par Bûlow dans
la direction d'Anvers pendant la journée du 11 n'était qu'une
démonstration destinée h détourner son attention et à faciliter
une opération plus grave et plus sérieuse contre sa droite, rejoi-
gnait le 13 au matin, à Lierre, avec un millier d'hommes et trois
batteries, les généraux Castex et Barrois, venus de Bruxelles, et
la brigade Aymard qui, le 11 au soir, avait dû se replier sur cette
petite ville. Le poste de Lierre était, d'ailleurs, heureusement
choisi, parce que, tant que Maison ou un corps de troupes d'un
effectif respectable occupait ce point, l'ennemi était hors d'état de
couper, sans se compromettre, les communications entre Anvers
et Malines.
j
— 286 —
La position de Lierre donnait, en outre, au l«f corps la possibi-
lité de manœuvrer le long du Denier et de la grande Nelhe pour
protéger la Belgi(|ue et de combiner ses opérations avec celles de
Macdonald, chargé de couvrir Maëstricht et Liège.
Bùlow, pressé d'améliorer sa situation et comptant voir à son
approche la population d'Anvers s'insurger contre les Français,
se décida, h» 13 janvier, à attaquer les postes de Wynegheni et de
Merxhem. 11 espérait, en les rej(»tant sur la i)lace, en les suivant
pas à pas juscjue sous les murs d'Anvers, parvenir jusqu'aux ou-
vrages du corps de place et peut-être même réussir à y pénétrer
îi hîur suite.
Son opération avait, d'ailleurs, un autre but, plus sérieux <»t
moins aléatoire. Elle devait lui permettre d<* s'établir sur une
position d'où, av(»c l'aide des Anglais, il pourrait, en altcMidanl
l'arrivée à sa hauteur du corps russe de Winzingeroch», détruire
l'escadre francaist» de l'Escaut.
A cet etïel, Bùlow forma ses troupes en deux colonnes soutie-
nnes par une brigade gardée en rés(Tve et flanquées sur leur
droite i)ar les Anglais de Graham.
A l'aile droite des Prussiens, le général von Thùmen vint don-
ner, à huit heures du matin, contre 5 bataillons français chargés,
sous les ordn^s du général Avy. de défendre Merxhem. Quoicpie
attaquées de front par le gros de la colonne; de Thùmen, et sur
leur gauche par his Anglais du général Gibbs, renforcés de 2 ba-
taillons prussiens, les troupes françaises, prescjue entièrement
composées de conscrits allant au feu pour la jiremière fois, réus-
sirent îi se maintenir dans le village jusqu'au moment où i)rivées
de leur chef, tué à leur tête, elles durent renoncer à la lutte. En
se retirant en désordre jusqu'à Daninie ', les bataillons cjui ve-
* Général Ainbert au duc de Plaisance. — « Damine, 14 janvier 1814.
« L'eunemi a attaqué notre poste de la barrière en avant de Merxhem. hier
à 10 heures du matin. A 10 heures 1/i le feu était devenu très vif. Kn même
temps hi fusillaile s'engagea avec le demi-bataillon du 25^ que j'avais étalili
derrière des aliatis à un château en avant de Merxhem. Xos troupes de la bar-
rière furent ramenées jusqu'à une demi-|)ortée de fusil de la tête du village de
Merxhem. Je fis marcher une partie de ma réserve pour soutenir ces troupes.
L'ennemi fut vigoureusement repoussé et nous nous rétablîmes au poste de la
barrière. L'ennemi tira alors à mitraille sur ce poste avec 4 pièces d'artillerie.
Nos jeunes soldats en furent un peu intimidés et il en résulta quelque désor-
dre ; mais leurs officiers les ramenèrent à leur poste. 11 était alors midi : le feu
— 287 —
naient d'évacuer Merxheni eiitraîiRTenl dans leur déroute h» ba-
laillon de renfort envoyé par le du<! de Plaisance. Thùnien les
poursuivit vivement jus(iu'ii 800 pas des nuirs d*Anv(Ts i*t lit
aussitôt prendre position sur et» point à son artilierii*. Vnv batte-
rie de campagne devait chasser des glacis les troupes cjui es-
sayaient de s'y déployer, tandisqu'une batterie d'obusiers ouvrait
le feu contre le port et contn» l'escadre.
A l'aile gauche des Prussiens, le général von Oppen avait lancé
ctait toujours très vif sur notre gauche, je fis renforcer ce point par 3 com-
pagnies du 58* et j'ordonnai au commandant du demi-bataillon du 2tV de sui-
vre le mouvement de Tenncrai et de couvrir la gauche du village. Nos troupes
se soutinrent jusqu'à 1 heure contre un feu très vif et à portée de i>istolet.
« Instruit que l'ennemi se renforçait de plus en plus sur notre gaucht*, je
venais d'envoyer l'ordre de se retirer de la l»arrière sur Merxhem. O mouve-
ment était heureusement à exécuter lorsque jo donnai Tordre à 25 ouvriers de
la marine de se porter à la gauche, en tirailleurs. Ils n'eurent pas fait dix i)as
qu'ils furent tués. Nos jeunes soldats qui étaient en avant d'eux se crurent
tournés et se retirèrent en désordre. Les ouvriers militaires, postés à la tête du
village avec l'artillerie derrière les abatis, se jetèrent pèle- mêle dans la rue du
village et il fut impossible de les arrêter. Je lis tout de suite retirer l'artillerie
qui se trouva abandonnée par une grande partie des canonniers et conducteurs.
'( Kn même temps, un bataillon d'Ecossais déboucha sur la tête du village
où je me trouvais avec le général Avy et une cinquantaine d'hommes rentrè-
rent également en désordre dans le village malgré tous nos efforts. Toutes les
issues donnant sur la grand'route se trouvèrent garnies de tiiailleurs ennemis.
Je priai alors le général Avy de se porter au débouché du village pour y arrêter
la colonne et la reformer, lui disant qu'il y trouverait le détachement des lan-
ciers de la garde. A l'instant il fut frappé d'une balle à la tête et tomba mort
à mon câté... Je me portai à la digue Ferdinand après avoir rallié deux pelo-
tons d'infanterie pour arrêter l'ennemi qui n'avait pu s'apercevoir que le
désordre Ce nos troupes avait continué un moment en arrière de Merxhem.
u La coupure de cette digue éUiit attaquée par 2 bataillons anglais ayant
200 hommes de cavalerie à leur droite et 4 canons sur leur front qui tirèrent
à mitraille... Les deux bataillons anglais ne firent aucun mouvement en avant
sur la digue.
K Le chef de bataillon Canet arriva cependant avec la majeure partie de son
bataillon formé en sections au moment où l'ennemi débouchait de Merxhem
avec une colonne de 700 à 800 hommes et 4 canons. H arrêta la marche et
réduisit l'attaque de l'ennemi à un feu d'artillerie et de tirailleurs qui se pro-
longea jusqu'à 3 heures.
« L'ennemi s'est retiré après minuit en grand silence et avec précaution ;
les Anglais sur Kozendaal, les Prussiens par la route de Brecht, ainsi que le
corps qui a combattu contre le général Roguet. J'ai établi un bataillon sur
Merxhem avec 20 lanciers qui fournissent les vedettes. Un autre bataUlon occupe
la digue Ferdinand et Damme. Les troupes sont établies de manière û opposer
une bonne résistance malgré la gelée qui rend praticable tout le pays entre
l'Escaut et Merxhem. Pertes de la division Ambert : 81 tués, 105 blessés,
45 prisonniers. » (Archives de la guerre.)
— 288 —
contre Wyncghem une colonne sous les ordres du colonel von
Zastrow, composée de 2 bataillons d'infonterie, 3 escadrons et
une demi-batterie.
Une autre colonne, conduite par le major von Zglinitzki (2 ba-
taillons et 1 escadron) prenait, plus à droite, Deurne pour
objectif; 1 bataillon et 2 escadrons postés à Schooten reliaient les
Iroupes de la colonne de gauche avec celles du général von
Tliunien et le gros de la colonne restait en réserve avec le général
von KralTt, à Saint-Gravenwesel. Les troupes du général von
Borslell ser>'aient de réserve générale aux deux colonnes.
Wvneghem fut pris et repris deux fois par les Français et par
les Prussiens. Pendant le combat, les Français avaient été ren-
forcés par la brigades Flamand, postée à Damme, et les Prussiens
|)ardes Iroupes fraîches envoyées par le général von Oi)pen. Les
Prussiens étaient enfin sur le point de rester maîtres de Wv-
neghem et de pousser vers Deurne. lorsqu'une petite troupe, forte
d'environ 200 hommes d'infanterie française et d'une centaine
de cavaliers, pénétra dans Wvneghem par la route de Lierre et
menaçant la gauche des Prussiens, leur enleva tout espoir de par-
venir à débouchjer sur Deurne.
Oppen, manquant absolument de cavalerie*, n'avait pu, d'après
les auteurs allemands, opposer que quelques cavaliers d'escorte
aux lanciers français, dont l'apparition îi Wyneghcm avait arrêté
les progW's de ses troupes; et cette poignée d'hommes, qui, par
son entré»* en ligne, avait permis aux Français de s'établir soli-
dement à Deurne, puis d'en organiser la défense, par\'int à se
rejilier sur ce village en bon ordre et sans perdre trop de monde,
en faisant, il est vrai, un détour.
La iniit était arrivée : Oppen rassembla toutes ses trou[)es à
i La version doniiée par Crusius nous parait plus vraisemblable et d'autant
plus admissible que le général von Oppen ne manquait pas de <*avalerie puis-
qu'il avait avec lui, à Wyneghem, un escadron des dragons de la reine et
2 escadrons du 2° dragons 'le la Prusse occidentale.
D'apn^s Crusius, les troupes françaises apparurent tout à coup dans les rues
du village et tombèrent à l'improvistc et de nuit i^ur les dragons prussiens qui
avaient mis pied à terre. Leurs chevaux, en s'échappant, causèrent une pa-
nique qui emp<>clia, dans le principe, de prendre les mesures nécessaires. Ce
fut seulement au bout d'un certain temps que le général von Oppen réussit à
rallier un peu de monde et à obliger les lanciers qui venaient de faire ce coup
de main à se replier sur Deurne.
— 289 —
Sainl-Gravcnwcsol, ne laissant îi Schoolen et vers Deiirno qnc dos
postes d'obsenation et une arrit''pe-garde de 2 bataillons etl esca-
dron à Wynegheni \
Les affaires des 11 et 13 janvier avaient coût^, au III« corps
prussien, de 600 à 700 hommes, et un millier d'hommes aux Fran-
çais.
Il semble au premier abord que Bulow avait atteint le but qu'il
s' (Hait proposé, puisqu'il avait réussi à s'approcher sutfisamment
d'Anvers pour bombarder la place, le port et Tescadre. Il ne par-
vint cependant pas à tirer de son entreprise tout le parti qu'il es-
pérait. Il avait pu, en effet, constater par l'affaire du 13, ([u'il y
avait h Anvers une garnison décidée à fainî son devoir, que l(»s
remparts de la place étaient en bon état et suffisamment garnis
d'artillerie de gros calibre ; mais il manquait du matériel néc(»s-
saire pour entreprendre le siège d'Anvers; d'autre part, il n(*
lui était guère possible, dans sa situation actuelle, de prononcer
un mouvement v(îrs l'intérieur de la Belgique.
14 janvier.— Bùlow retourne à Bréda.— Préoccupé, en outre,
par la présence des troupes rassemblées par Maison on avant de
Lierre et en position derrière la Nèthe. par l'envoi à Anvers de la
brigade Aymard *, craignant d'être débordé sur sa gauche vi
i Le rapport que le gôDéral Rognet adressa, après Taffairc du 13, de Borgor-
hout aa dac de Plaisance, confirme les faits relatés par les rapports des géné-
raux prussiens. L'ennemi, y dit-il, a fait des efforts inouïs devant Wyneghem
pour faire déboucher ses colonnes, mais sans succès ; ses tirailleurs sont venus
jusque sur le flanc gauche de Deurne et ont «ité repoussés. Enfin voyant ses
efforts inutiles, il a cesse* le feu à 3 heures après midi. (Voir rapport du géné-
ral Roguet sur Taflaire du 13 janvier. — Archives de la Gueire,)
< Le soir même des combats de Wyneghem et de Mcrxhem, Maison écrivait,
de Lierre, au ministre de la guerre : « Cet événement me décide à envoyer le
général Aymard avec ses 3,000 hommes à Anvers. » Ne pouvant prévoir la
retraite immédiate de Biilow, il proposait au duc de Plaisance d*attaquer, le
44 au matin, Merxhem et d'en chasser l'ennemi à tout prix, et disait ensuite
à Clarke : « Je reste en campagne avec 1500 hommes de la division Barrois
et 700 à 800 chevaux. Quand l'ennemi se présentera, je m'en irai laissant
Anvers à ses propres forces. J'ai deux partis à prendre n'étant pas en état de
combattre, celui de me retirer vers les places de l'ancienne France, ou de mar-
cher par liouvain sur Xamur et Liège pour donner la main au duc de Tarente
et opérer ensuite de concert avec lui sur la Meuse ou la Sainbre. Je prie Votre
Excellence de me dire lequel de ces deux partis est le plus convenable ».
En même temps, il écrivait à Anvers, au duc do Plaisance pour lui dire que
Well. 19
— 290 —
peul-èln; niènie tourné par des forces respectables, Biïlow crut plus
sag(î d(î reprendre, le 14, avec le gros de son corps, sa position
conc(»nlrée de Bréda. 11 laissa toutefois le général Borstell à
Hoogstraëten, Wuest-Wesel et Loënhout, (;t c^ivoya la brigad<^
Thunien à Bysbergen, Groot et Klein-ZundcTt, pour se relier aux
Anglais qui, tout en se retirant sur Oudenbosch, continuèrent à
investir Bergen-op-Zooni et tinrent leurs avant-postes h Rozen-
daal et Steinbergen.
Le III® corps allait, saut les quelques incidents que nous signa-
lerons plus loin, rester dans ces positions jusque vers latin de jan-
vier, couvrant ainsi le siège d(; Gorcum, bloqué par la 3" brigade,
et l'investissement de Bois-Ie-Duc, assuré par 6 bataillons (ît 2
régiments de cavalerie sous h colonel von Hobe, et surveillant,
d'assez loin il est vrai, Icîs cori)s de Macdonald et de Maison.
En somme, les combats d'Hoogstraëten, de Merxhem et de
Wyneghem n'avaient eu d'autre résultat, pour Bùlow, que de lui
assurer la possession d'Hoogstraëten, Wuëst-Wesel et Loënhout,
points situés à environ une journée de marche en avant de ses
anciennes positions, de lui permettre de s'étendre quelque jieu
sur la rive gauche de la Meuse et de s'y établir un peu plus
solidement.
18 janvier. — Ordres de l'Empereur à Maison. — C'était,
en sonnne, et (mi comparaison d(»s t^tl'orts tentés et des espérances
conciles j»ar Bidow, un assez maigre résultai.
Quoi qu'il en soit, FKnqKîreur continuait à se montrer niécon-
lent et des opérations de Maison, et des nnîsures qu'il avait
prises, (»l d(»s mouvemenis (pi'il se pro|)Osait d'exécuter.
si le pmdral Hoguet ne s'(*tait pas mninleiiu à Deuriie. il fallait û toul pri!i
l'y l'établir. (Correspondance de Maison, ArclUtes de la Huerre.)
Dans un deuxième rapport date du 15, le général Maison ajoute : qu'après
avoir enlevé les postes de M^rxhein et de \\yn(>gliem. l'enncnii était établi
assez pn>9 de la plarc pour y jeter des fusées incendiaires, qu'il avait pris
toutes SCS dispositions pour Tattaquer afin de l'obligiT à s'éloigner. Il avait
formé à cet eftot. une petite colonne furnuk* de 4(K> chevaux et de i régiments
du général Barrois qui. partant de Lierre, se portèrent par Wommelgliem sur
Wyneifliem, pour prendre rcnncmi en flanc et à dos : mais l'ennemi, se reti-
rant pendant la nuit, n'avait laissé que des postes qui se replièrent à sou
approche. Le général Maison en conclut que renncmi a seulement voulu con-
naître re qu'il avait à Anvers et tent«T en môme temps, d'y entrer par un
coup de main, mais que lu rassemblement de Lierre lui eu a imposé. {Archivfâ
tli' la tjucrrc.)
— 291 —
C'est évidemmcnl sous rimpnîssioii de ces seiilinienls «iifil
écrivait h Clark(î et lui prescrivait, à la date du 18, de faire
savoir îi Maison que, ne comprenant rien h sa correspondance, il
l'invitait à fournir un rapport circonstancié sur les affaires des
11, 12 et 13. Il ajoutait : « Dites-lui que rim ne porte à pemer
quil y ait là des forces considérables ; s'il avait réuni ses moyens
sur Anvers, il aurait chassé l ennemi au delà de Bréda: au lieu
de cela, il alarme la Helgit/ue et enhardit rennemi par sa conte-
nance timide^. »
12 janvier. — Positions de Macdonald et de Sébastiani. —
Mais le temps avait marché pendant les cini( jours qui s'étai(Mil
écoulés entre les combats de Wyneghem et de Merxliem. et l'en-
voi de cette lettre. Les événements ((ui s'étaient produits sur le
Khin, d(» Cologne à Dusseldorf, allaient désormais rendre impos-
sible tout mouvement en avant vers la basse Meuse et le Whaal.
Macdonald S destiné par les ordres d(» rKmpereur à maïueu-
* Corretpoiulance de Sapoléon, n" 21,110.
^ Il suffit de ronsultcr les rapports et les di'pèriies de Macdonald pour voir
dans queUc incertitude le maréchal se débattit jusqu'au moment où le major
général lui iH^rivit, le 10 janvier, pour lui prescrire de laisser des garnisons
dans toutes les places, de rappeler à lui le général Sébastiani et toute sa cava-
lerie et de se porter sur la Meuse en manœuvrant sur Mai*striclit et iNamur et
sur le flanc droit de BUicher.
Le duc de Tarente, ne sachant pas s'il avait des pouvoirs suflisanls, avait
en effet, {lendant tout ce temps, hésité à donner à la garnison de Wcsel
(\oir Arclnirs du DêjH'U de ta (/aciTc, les dépêches du maréchal du 9 janvier)
l'onlre dV>acuer la plaie et de se replier sur Maastricht. Le 10, Macdonald
avait fait savoir au major général que le génénti Kxelmans l'informait de la
marche de 10,000 hommes de toutes armes filant sur la (^ampine. pour se
IK>rter sur Maastricht et Liège. Il en avait prévenu le général Maison en lui
demandant d'opérer une diversion que ce général eût fait de son i)roi)re mou -
>ement si on ne l'avait pas attaché plus s|)écialement à la défense d'An>ers.
I^ maréchal annonçait qu'il marcheniit le 10 sur la Roi'T. envoyant une par-
tie de sa cavalerie sur Ma^^stricht. que le général Sébastiani se concentrerait
provisoirement à Juliers ou Aix-la-Cha|»ell(:, suivant les événements et qu'une
fois réuni à lui, il |>ourrait entreprendre quelque chose...
Le lendemain 11, à 4 heures de l'aprés-midi, il déclarait au major général,
qu'en présence du mouvement des Prussiens sur Eyndhoven, il se i-epliait sur
l]a.sselt, qu Exelmans serait le li à Maastricht, le duc de Padouu et Sébas-
tiani le li à Yenloo et Crefeld, le 13 à Ruremonde et Erkelens.
A la même date, Sébastiani, encore établi à (Vtlogne qu'il aUait évacuer le
lendemain, mandait au major général que l'eimemi occupait Blanckenheim et
la froistH' des routes roiiduisanl à Bonn, Cologne, Juliers. Aix-la-Chapelle et
Lii'ge où il avait en>o\é un parti pour se renseigner. Mais comme ce point
— 292 —
vror entre Maëslrichl et Namur, devait, d'après la noU? sur la
situation de la France, se porter sur Liège et Charlemont, mena-
cer le flanc droit de Blûcher, en gardant la Meuse, et disposer
pour ces opérations, après avoir rappelé ii lui Sébasliani, de
10,000 hommes avec 40 canons. Dès le 5 janvier, il avait, comme
nous Tavons dit, concentré vers la Meuse, de Gueldres à Venloo,
les troupes du ll^ corps et du 2« de cavalerie, fait passer le
fleuve, du 7 au 8 janvier, aux généraux Bigarré et Exelmans, et
transféré ensuite, le 12, vson quartier général h Iluremonde*.
A la même éi)oque. Sébastiani et le duc de Padoue, après avoir
concentré leurs corps de Cologne à Neuss, alarmés sans doute
par la nouvelle de l'approche d'un assez gros parti de cavalerie;
russ(» (jui, sous les ordres du général Ilowaïsky, poussait eu
avant sur l'extrême gauche de l'avanl-garde et jiaraissait se
diriger vers Cologne, avaient évacué cette vilh», le 12, i)our se
replier par Juliers, où ils allaient arriver le 15 et laisser
2,000 homm(?s, vers Aix-la-Chapelle et Liège*.
était à 14 licaes de ses positions, rennemi pouvait avoir fait entre temps des
mouvements importants. 11 ajoutait : « L'occupation do Trêves par Tennemi
me met dans une position critique, ayant Tennenii sur mon front et sur mes
deux flancs qui sont débordés. J'ai en\o>'é à Ber{;heim 300 hommes et 4 piènrcs
pour défendre le délilc et les ponts de TEriTt et me faire un échelon. Le général
Albert vient de in'informer que l'ennemi est sur la route de Malmédy à Spa.
Je crois que ce sont des coureurs. »
L'Kmpereur, après avoir donné directement, le 10 janvier, au duc de Tarentc
les ordres dont nous avons parlé, lui fit encore écrire le 12, par Berthier, la
lettre suivante qu'il reçut le 14 :
« Le major général au duc de Tarentc. — Paris, le 12 janvier 181 i.
« J'ai mis sous les yeux de l'Empereur votre lettre du 9 relative à Wt»sel.
Sa Majesté ne veut jkis qu'on abandonne les places. EUe attache, au contraire,
la plus grande importance à les conserver. Indépendamment de l'intérêt des
négociations dont on espère une bonne issue, l'abandon des places serait un
grand mal. L'ennemi s'y établirait, assurerait sa ligne d'opérations et tirerait
plus facilement des ressources du pays qui se croirait abandonné. L'ennemi
n'est pas dans le cas de faire aucun siège. Les conscrits et les gardes nationales
laissés dans les places s'y organisent... L'avantage d'occuper les places est
d'obliger l'ennemi à laisser devant elles plus de monde qu'il n'y en a dans la
place... » (Archiva de la gwrre.)
1 Macdonald écrivant le 12, à Maison, de Uuremonde, lui disait : « Le Rhin
et la Meuse sont pris. Je serai le 13 à Maéstricht, ma cavalerie y sera le 14.
Molitor sera ce soir à Venloo ; l'arriêre-gardc (général Thiry) est ii Straeh'n. »
i^Archirrx tir la guerre.)
* Mardonald au major général : « MarstriHil, H janvier.
« Je reçois par estafette extraordinaire la lettre de Votre Altesst» du 10. Les
onlres qu'elle contient sen»nt evécntis. 1) -jà le {{*' corps d'infantrrie et le 2*'
•^ 293 -
13 janvier. — Tchernitcheff passe le Rhin. — Affaire à
Ober-Cassel. — A pou pri's au nu^nio moment, Tchcrnitclu^tV ar-
rachait, onlin. il Winzin^orode l'autorisation, vainement sollicitât»
par lui depuis douze jours, de traverser l«» Hliin : mais si Win/in-
^erode crut devoir rendre enfin à Tchernitcliett sa liberté d'ac-
tion, il lui fit (;n même temps savoir cpie, on cas d'insuccès, la
responsabilité retomberait tout entière sur lui.
Tchernitcheft n(î se laissa pas arrêter par (!es considérations.
Afin de tromper l'ennemi sur le point véritable d(» son passade,
tians la nuit du 12 au 13 il fit traverser le Rhin, entre Duisburg
et Kaiserswerlh, à deux ou trois cents cosaqm»s. ([ui réussinMil à
s'emparer d'une redoute armée de cinq canons, élevée en face d(»
l'embouchure de la Ruhr, et chassèrent devant eux les (pielques
|)OStes d'obser\'ation établis sur la rive gauche du Rhin.
Quelques heures plus tard, l'avant-garde de Tchernilchefl
(700 hommes, chasseurs et cosaques), sous les ordres de Benken-
dorfl', passait en banjuc le Rhin, pn*s de Dùsseldorfl. CkUte opé-
ration était protégée par 36 pièces, que Tchernitcheff* avait mises
en batterie sur la rive droite pour écraser do leurs f'(îux, si \o
besoin s'en faisait sentir, les deux redoutes élevées par les Fran-
çais sur la rive gauche. Conmie les Français n'avai(înl laissé le
long du Rhin que quelques vedettes et quehpu^s faibles postes
d'observation, cette avant-garde rencontra à peine un semblant
de résistance.
Les Français, abandonnant les deux redoutes, se replièrent
mmédiatement et furent suivis par Benkendorf jusqu'à Ober-
(iassel et Heerdt. Renforcés sur ces points par un bataillon et
deux escadrons, ils obligèrent, h leur tour, Benkendorf* à se
de cavalerie seront réunis demain entre Maastricht et liasselt. Le 5^ d'infan-
terie et le 3® de cavalerie devront ^Ire sous peu de jours a Aix-la-Chapelle :
ils marcheront de là pour rejoindre. Pendant ce mouvement le général Exel-
mans manœuvrera dans la Campinc sur le flanc de Tennemi. »
Macdonald à Sébastiani et Padoue : « Mac^tricht, 14 janvier.
« Vous ne direz mot à personne de ce que vous exécuterez avant Aix-la-
Chapelle, afin que Tennemi ne puisse être instruit que vous vous portez sur
la Meuse. Ne séjournez point à Juliers ni à Aix-la-Chapelle, et continuez votre
marche sur Liège où je vous donnerai de nouveaux ordres. »
1 « Le i 3 janvier 1814, chargé par le général Winzingerodo d'ouvrir sa
marche pour le passage du Rhin avec 160 chasseurs de la brigade du général
Gleboiï et 50 cosaques, j'arrivai dans la nuit, après une fusillade assez vive.
— 294 —
replier sur Obcîr-Cassel. Rejoint d'abord par le reste de sou
avant-garde, puis par Tchernilchert en personne. Benkendorfsn
reporla en avant avee tout son monde et ramena les Français sur
Neuss.
Il est évident que si les Français, quoique surpris par l'appari-
tion des Russcîs, avaient pu se rendre com[)te de la force» réelle
de cette faible avant-garde, ils l'auraient évidemment jetée dans
le lleuve. Mais ce qui est moins explicable, c'est que le lendemain
14, ils évacuèrent Neuss. où Benkendortt* et ïchernitchelV entrè-
rent aussit<M après leur départ.
14 janvier. — Tchernitcheff à Neuss. — Bien que son avant-
garde eftt ainsi réussi îi prendre pied sur la rive gauche, Win/in-
gerode, n'osant rien entreprendre à cause des glaçons que le
]\h\n continuait à charrier, n'opéra son passage entre Dùss(»l-
dorf ot Cologne (jue les jours suivants, |)endant que Benkendorf,
après être entré à Neuss, continuait h pousser sur la route de
Juliers.
15 janvier. — Ilowaisky à Cologne. — 16 janvier. — Tcher-
nitcheff à Aix-la-Chapelle. — Le 15 janvier. Ilowaisky arrivait
avec ses cosaques à Cologne, que Sébastiani et le duc de Padoue
aux environs de Xeuss et le lendemain devant Juliers avec ma brigade, 2 esra-
drons des hussards de Pavlograd et 2 pièces d'artillerie légère.
« Kn village très étendu, celui de Mernich, nous séparait d'à peu près une
demi-lieue de la forteresse. La garnison avait fait une sortie d'environ 300
hommes. J'avais placé à couvert la plus grande partie de mon monde, afin de
le mettre hors d'atteinte du canon de la place. Après être resté quelque temps
«lans cette position, ennuyé d'une tiraillerie sans ol)jet, j'ordonnai à la fois une
attaque générale au grand galop, mes hussards, au centr»', sur la route a>ant
le régiment de GirolT à droite et (;elui de Sisoieflf à gauche. Je n'ai jamais vu
le spectacle d'une plus belle émulation : tout partit avec la rapidité de l'éclair.
L'ennemi, étonné de notre nombre, se retira en désordre en combattant, mai:)
la totalité de mon corps l'atteignit sur les glacis. Le régiment de Sisoieff qui
le serrait de plus près lui coupa la retraite à 30 mètres du pont et tout fut pris
ou sabré. (Benkemdorpf, Des Cosaques, p. 50.)
Hien que le fait soit parfaitement exa^t, Benkendorff nous semble avoir com-
mis une erreur de date. Ce n'est pas le 14, mais bien le 19 janvier qu'eurent
lieu la sortie de la garnison de Juliers et l'escarmouche de cavalerie en ques-
tion, comme nous l'indiquerons, d'ailleurs, un peu plus loin. L'investissement
de Juliers est bien du 15, mais on ne trouve nulle part trace de cette affaire à
rett^ époque. C<*tte erreur de date s'explique par le fait que Benk»^ndorf a
écrit son livre sur les cosaques deux ans après la campagne de 1814.
— 295 —
jivaioni qnilh' dopiiis Ip 12. Trliorniloliotî. qui sriait roiidu do
sa porsoniio à Noiiss, pressant aussitôt lo mouvement do sa cava-
l(»rio vers Aix-la-(^hapelle, ftiisait investir Juliers et poussait, lo
10, jusqu'il Aix-la-Chapelle.
MaedonakI était toujours h Maastricht. Il n'avait eneore sur son
flanc, du c<Mé d'Aix-la-Chapelle, que Tavant-garde russe, puisque
le gros du corjis Winzingerode commençait seulement son mou-
vement en avant de Neuss. Il n'en prescrivit pas moins à Sébas-
tian!, avec le 8« corps, et au duc de Padoue, avec le 8« corps d(^
cavalerie, de prendre position, le 17, à Hervé, et, le 18, d(»vant
Liège, sur la rive droite de la Meuse. Le 8« corps de cavaleri(»
devait s'échelonner h partir d'Hervé, éclairer à droite de la Meuse
dans un rayon de quatre îi cinq lieues (»t, plus spécialement,
dans la direction de Maêstricht. Exelmans avait pour mission de
couvrir la position depuis la rive gauche de la Meuse jusqu'à
Diest. L'infanterie du général Braver se rendait d'Huy à Namur;
celle de Molitor se tenait à Liège.
18 janvier. — Hacdonald à Liège. — Le duc; de Tarente,
n'ayant pu arracher îi l'Empereur Tautorisation d'abandonner
des places fortes destinées fatalement h tomber entre les mains
de l'ennemi, résolut de manœuvrer sur la Meuse, de Maêstricht
à iNamur, et choisit Namur comme point de rendez-vous général.
Mais il envisageait la situation sans se faire d'illusions, et, (mi
annonçant h Maison qu'il allait établir, le 17. son quartier général
à Liège, il lui écrivait : « Je souhaite que l'on dise vrai sur vos
forces. Nous sommes dans une position h ne plus compter ceUes
de l'ennemi. Vaincre ou périr doit être maintenant notre cri de
ralliement. »
Le maréchal avait, à ce moment, l'intention d'opérer pendant
quelque temps, de concert avec Maison, du côté de Diest, où 11
envoyait, le 18, la cavalerie du général Dommanget. Exelmans
devait réunir le reste de sa cavalerie îi Saint-Trond et à Tirlemont
avant de se porter de lîi, en deux marches, sur Namur, où Molitor
allait le précéder, pendant que la cavalerie du général Brayer
([uitterait Namur pour éclairer la route de Luxend)ourg. Mais, le
19 janvier, Macdonald, arrivé lui-même à Namur, y recevait une
dépéch(» datée de Paris, le 17, par laquelle le major général le
prévenait de son départ pourChAlons, où l'Empereur se proposait
— 296 —
de porler son quarlier général. Berthier lui proscrivail de ma-
nœuvrer pour se rapprocher d(^ lui. de l'infornicr de la marche
qu'il se proposait de faire jour par jour, el de chercher à se tenir
au courant des mouvements de Marmont. Le maréchal, se confor-
mant aux ordres qu'il venait de recevoir, commença aussitôt son
mouvement vers Chàlons, après avoir avisé Maison de la nonvelle
direction que ses troupes allaient suivre.
Le retrait de la cavalerie de Macdonald de la Gampine, son
mouvement sur Namur n'étaient guère faits pour faciliter la
tilche déjà si difficile de Maison. Il s'en plaignit à Macdonald
qui, lié par des ordres formels, se contenta de transmettre les
réclamations du commandant du l«f corps au major général,
anifuel il annonçait, le 18, qu'il allait transférer le lendemain son
quartier général de Liège à Namur. Dans cette dépèche, où il
expose le mouvement par échelons que vont exécuter sur Nannir
le ii« corps, puis le 2« de cavalerie, le 5« corps d'infanterie et le
3* de cavalerie, le duc de Tarente ajoutait, en effet : « Je rappelle
ma cavalerie de la Campine sur Namur, bien que le général
Maison me mande que, si je suis le plan général d'opérations, il
ne pourra tenir à Louvain et se portera sur Anvers. Mais cette
cavalerie m'est trop utile pour l'exécution de ce plan, autrement
les Ardennes seraient ouvertes. »
19 janvier. — Macdonald quitte la Belgique et se dirige
sur Châlons. — Le duc de Tarente, dont les effectifs étaient,
d'ailleurs, singulièrement diminués par les garnisons qu'il avait dû
laisser dans les places et par les progrès effrîiyants de la désertion,
ne disposait guère, à la date du 20 janvier, que d'un peu plus
de 5,500 hommes. Le 5« cori)s était réduit ii 800 honnnes pré-
sents ; le 1 !• en avait de 1400 à 1500 ; le 2® corjis de cavalerie ne
comptait que 1800 à 1900 chevaux, et le 3« ne pouvait en mettre
en ligne que; 1200. Se conformant aux ordres de l'Empereur, Mac-
donald commença le 20 .son mouvement par échelons de Namur
vers la haute Meuse. Son arrière-garde, sous les ordres du gé-
néral Sébastiani et du duc de Padoue*, quitta Liège le 21 au
* Une (les reconnaissances du doc de Fadoac avait ou, le 19 au innlin, une
petite escarmouche ave<' la rava4<»rie russe du côte dilerve.
- 297 —
soir. C(.»lt(' cavalerie élail à Hiiy le ii, à Naniiir le 23, à Dinant
le 24, à Givet le 25. h Ilocroy le 26, et le 27 h Me^zières, où le
premier échelon de la roloiine (la division Braver) était arrivé
deux jours plus tôt *.
Position des cosaques de Tchernitcheff . — Du côté des
Russes, Tchernitcheff, sans s'occuper de la dislance considérable
qui séparait sa cavalerie du gros du corps de Winzingerode,
continuait à pousser ses cosaques en avant. La garnison de Jii-
liers avait tenté, le 19, de rompre le blocus et de percer hors d(»
la place. La cavalerie française avait môme, au début de l'affaire,
réussi h bousculer la cavalerie russe ; mais celle-ci, renforcée à
temp.s, la rejeta sur Tinfanterie qui la suivait, l'entoura et lui en-
leva une centaine d'hommes. La garnison se replia sur Juliers,
dont l'investissement fut confié au général Ilovvaïsky.
23 janvier. — Winzingerode à Aix-la-Chapelle. — Par
suite du mouvement vers la haute Meuse, que l'Empereur fit opé-
rer, à partir du 20 janvier, aux troupes du duc de Tarente, Win-
zingerode ne trouva, en réalité, plus rien devant lui au moment
où, après une marche d'une lenteur inexplicable, il établit, le 23.
.son quartier général à Aix-La-Chapelle *. En outre, son corps
ayant mis plusieurs jours h défiler par cette ville, il se borna h
pousser jusqu'à Hervé l'avant-garde sous les ordres de Tcher-
nitcheff et à envoyer des partis sur Liège.
16 janvier. — Maison à Louvain.— Dès que Maison eut reçu
la nouvelle du passage du Rhin par les Alliés et du mouvement
* Macdonald, en écrivant à Maison une dernière fois le 21 janvier de Namur,
ne peut s* empêcher de donner libre cours aux tristes pensées qui obsèdent son
esprit : u Quelle affreuse situation, lui écrit-il, et quelle est la providence qui
nous sauverat On dit que Fesprit de la capitale est aJBTreux, ainsi que celui de la
plupart des grandes villes. Qu'est donc devenue cette énergie des Français ? Cha-
cun courbe la tôte, bien qu'il y ait tant de moyens encore. C'est qu*on ne sait
pas les mettre en pratique. J*ai le cœur navré et Tâme déchirée. » (Archives tle
la guerre.)
> Winzingerode y reçut Tordre par lequel Schwarzenberg lui enjoignait de
Langres, le 10 janvier, de se porter de Dûsseldorf sur Reims. (K. K, Kriegs
Arehiv,, I, 55i.)
— 298 —
nHrogrado de Manlonald sur los Ardonnos, il avait rhargr les
gén(''raux Aiiibort ot Rognet de couvrir los abords d'Anvers, dé-
sormais (»n étal de soutenir un siège et de répondre ii un bombar-
dement. Il avait fait occuper Matines (ît Bruxelles et était venu
s'établir, le 16, îi Louvain, avec la division Barroiset la cavalerie
de Gastex. Ainsi posté h la croisée des routes aboutissant îi
Bruxelles, de celles d'Anvers par Malines, d'Herenthals i\ Tnrnhonl
et Aerschot, d'Hassclt, de Diesl et de Maëstricht à Bruxelles, de
Tirlemonl îi Sainl-Trond, Tongres et Liège, de Tirlemont à Huy
et Namur, et de Namur par Hamme îi Wavre et Gembloux, il pou-
vait h son choix et malgré le peu de troupes dont il disposait,
couvrir Bruxelles, se porter au secours des divisions chargées de
la défense extérieure d'Anvers. Manœuvrant le long du Demer, il
pouvait donner la main h Macdonald, qui était encore en marche
de Maëstricht sur Liège, surveiller cette ville après le départ du
duc de Tarente, menacer le point de réunion des armées alliées,
enfin se retirer, s'il y était contraint, soit sur Condé par Nivelles
et Mons, soit sur Lille par Ath et Tournay.
La position était, on ne saurait le contester, on ne peut plus
heureusement choisie.
Maison, en effet, tout en ne désespérant pas encore de la situa-
tion, ne se dissimulait pas la gravité exceptionnelle des circonstan-
ces, et c'est ainsi qu'il écrivait le15,de Lierre, au duc de Plaisance
îi Anvers : « Jiatôte de l'ennemi est sur Diest aujourd'hui. Je ne
partage pas l'avis de ceux qui croient qu'on ne peut pas l'arrê-
ter. Il convient au moins de le tenter et je n'ai, moi, aucune
arrière-pensée personnelle. Je ne veux que ce qui est le mieux
pour le service de Sa Majesté.
a Vous voudrez bien faire partir aussi vite que possible pour
coucher h Malines, ii (juelque heure que ce fût, un régiment de
la garde... indépendamment du régiment qui devrait déjà être
ici. Il est clair que l'ennemi va marcher îi la conquête de la Bel-
gique, que Bfdow va opérer de manière h se joindre h l'avant-
garde de Bliu^her, qui est arrivé à Malmédy et a déjfi poussé des
partis vers Spa. Le duc de Tarente et moi devons nous y opposer.
J(t vous recommande encore de tenir la campagne en avant de
Wyneghem vers Saint-Antoine et Schilde, de même (juc sur
Braschaët, et de faire occuper Lierre par quelque cavalerie et in-
fanterie, à moins que l'ennemi ne soit en force h Santhoven. En-
— 299 —
«*oiv, tant {[iw vous litMidnv. à Schildo, rtMinenii n'osera |)as venir
avor des forées à Lierre *. »
L(» 10 janvier, il arrivait h Lonvain avec la division Barrois el
400 ehevaux ch^ la parde, alors (|ue la têtt^ de sa eavalerie élail
déjà depuis la veille h Aersehot. Il ignorait ee qu'avait fait Mae-
donald d<»|)uis quelques jours. Il attendait de ses nouvelles, puis-
qu'il comptait envoyer le lendemain sa eavalerie sur la grande
N^the. h Westmeerbeek et Westerloo et. croyant encore que l'ar-
mée de Bli'icher marchait sur Liège par Malmédy et Spa. il écri-
vait au duc de Plaisance pour lui dire ce qu'il pensait du mouve-
ment rétrograde de Biilow. Si Maison se trompait en attribuant la
cause d(» ce mouvemiMit h l'apiiroche de BIucIut. il ïivait raison
d'affirmer que Biilow n'opérait qu'un changement de position,
puisque le général prussien chiîrchait (»n n'»alité à donner la main
îi Winzingerode. Le commandant du \*^^ corps ajontait en effet :
« Je ne saurais me persuader qu'il a eu assez peur de noi?s pour
le faire seulement par cette considération. »
Mais h peine avait-il pris ces mesures qu'il reçut, par l'inter-
médiaire de Clarke et de Berthier, communication des reproches
de l'Empereur. Comme ii ce moment Macdonald, après avoir éva-
cué Hasself et Liège, avait déjfi dépassé Xannir, il lui était diffi-
cile de se conformer à l'ordre de l'Empereur lui prescrivant de
se concentrer en avant d'Anvers. Se portant avec la division
Barrois par Malines sur Anvers el Merxhem, où cette division
devait être rendue le 22, il donna aux 12 bataillons du général
Rogiiet l'ordre de se réunir h Wyneghem et Schilde.
23 janvier. — Envoi de la cavalerie de Castex snr Liège.
— En même temps il envoyait le général Castex avec 3 escadrons
de chasseurs, 3 de lanciers, 2 bataillons du 12^ voltigeurs et
4 pièces, h Tirlemont. Il avait eu soin de lui prescrire de poster
une avant-garde à Saint-Trond, d'éclairer les mouvements de
l'ennemi sur Liège et sur Hasselt, et de ne se retirer sur Louvain
que s'il y était forcé |)ar des forces supérieures. Deux bataillons du
72» forts de 900 hommes, allaient, à partir du 21, prendre posi-
tion à Louvain et servir de soutien à (iastex. Le général Meuziau.
* Maison aa duc île Plaisance. Lierre, 15 janTÎer. (Arehivex de la guerre.)
- 300 —
dirigr sur llussell avec 1 bataillon, 400 chevaux el 2 canons,
avait pour mission de flanquer le mouvement de Castex, de pro-
téger ses derrières et de couvrir sa retraite sur Saint-Trond.
Pour se conformer aux ordres antérieurs du major général.
Maison prenait, bien qnh regrel, les mesures que nous venons
d'indiquer et prescrivait, pour le 22, un mouvement d'Anvers sur
Westmalle, Brecht el Wuest-Wesel. Le connnandant du 1*' corps
adressa toutefois, de Louvain, au major général des observations
qui prouvent qu'il s'était rendu un com|)le exact de la situation,
qu'il avait prévu tout ce qui allait se produire pendant les mois
de février et de mars, et préparé en ronséquen(!e tout son plan
de cam|)agne :
i( Conformément h Tinstruclion dv Votre Altesse, le duc de
Tarente se porte sur Namur et Huy; il laisse encore quelque
<'hose pour couvrir Liège, mais je prévois que bientôt il (|uittera
cette position et découvrira la grande communication de celte
ville à Bruxelles, qui est mon point de retraite.
« Comme je ne saurais, avec le peu de troupes que j'ai, em-
pêcher l'ennemi de déboucher sur Saint-Trond et Tirlemont el
de tourner la ligne du Demer el des deux Nèthes, je serai obligé
d'abandonner Anvers îi ses propres forces et de me retirer sur les
anciennes places de Flandre Il ne me restera que la division
Barrois (2,600 hommes), 1 régiment de tirailleurs (900 honmies)
et 8 escadrons de cavalerie Je pourrai arriver à Lille avec un
peu plus de 3,000 hommes, mais je n'ai rien pour Coudé, Valen-
ciennes H les autres places. Si je pouvais calculer qu'elles peu-
vent se suflire à elles-mêmes, il conviendrait peut-être <|ue je me
jette sur Gand et Courtrai; je me tiendrais ainsi plus longtemps
en communication avec Anvers par la rive gauche de ^^]scaul cl,
par une marche de flanc, je pourrais arriver sur Lille. Si l'en-
nemi n'a pas un grand corps opérant par Liège sur Valenciennes.
VI} mouvement peut retarder beaucoup sa marche sur les an-
ciennes places en lui faisant craindre que je ne me porte sur ses
derrières pour couper ses communications ; mais s'il n'y a aucun
moyen de n»sistance h Lille, il faudra que je me retire par Ath et
Tournay \ »
i Maison au major f((>néra1, de Loavain, 21 janvier. (Arehive$ de la gunrr.)
— 301 —
Maison, on le voit, avait compris (lc*s In il janvier tons l(»s
dangers qn*il courait en s*enfermanl dans une place», tonte l'iiui-
tilité des manœuvres qu'il pourrait entreprendre autour d'Anvers,
et en terminant, il ajoutait une fois encore :
« Je ne pourrai, je le répète, que couvrir Lille et jel(T
600 honmies à Condé et Valenciennes. En agissant de concert
avec le duc de Tarente entre la Meuse et l'Escaut, nous pourrons
peut-(Mre encore parvenir h empocher l'ennemi de p(^n(^trer en
Belgique ; mais si l'on foil opc^rer le marc^chal sur la droite d(î
BIncher, on n'arrêtera pas l'ennemi et je serai force! (tèvmtier la
Belgique. )i
Les événements ne devaient que trop justifier les craintes ri la
manière de voir de Maison; mais d'autre part, il faut reconnaître
qu'étant donnée la situation générale, il était impossible de laisser
plus longtemps Macdonald en Belgique. Le mouvement, que le
duc de Tarente allait faire h partir du 22 vers la haute Meuse,
découvrait la route de Tirlemont. et ce fui pour remplacer Tar-
rière-garde de Macdonald, que Maison envoya, le 23, dans la
direction de Liège, le général Castex, avec 1800 hommes d'infan-
terie, 800 chevaux et 2 bouches à feu. Il cherchait ainsi h couvrir
sa droite et à conserver, le plus longtemps possible, les ponts d(»
la Meuse. Il avait eu, d'ailleurs, le soin de recommander h Castex
de se contenter d'une simple reconnaissance et d'éviter tout enga-
gement sérieux.
24 janvier. — Combat de cavalerie de Saint-Trond. — De
son cùté, Tchernitch(îff était entré le 24 à Liège avec le gros de
Tavant-garde de Winzingerode, et sa pointe, sous Benkendorf,
avait aussitôt poussé en avant dans la direction de Saint-Trond.
Elle vint donner à quelques kilomètres en avant de Liège contre
la colonne du général Castex qui, n'ayant jusque-lh rien trouvé
devant lui, avaii espéré pouvoir arriver à Liège avant les Russes.
Benk(îndorf, obligé de reculer devant les Français, s'arrêta en
avant des faubourgs de la ville et prévint Tchernitcheff de l'ap-
proche de Tennemi. Comprenant toute l'importance qu'il y avait
à rester maître des ponts de la Meuse, il n'hésita pas, en atten-
dant l'arrivée des renforts, îi soutenir avec ses cosaques* un
» A TalTain' de Li«^gn, le ii janvier 481i, anc colonne ennemie dVnviron
— 302 —
combat des |»lus inégaux el des plus nieurlriiTS, pendant lequel
M's régiments tinrent bon sous un feu violent de mousqueterie el
sous le tir à mitraille el à boulets de l'artillerie de Castex. Ben-
k(îndorf ne réussit, d'ailleurs, à faire bonne contenance, jusqu'à
l'entrée en ligne des renforts, que gr<\ce aux mesures intelligentes
qu'il sut prendre. Ne laissant sur son front qu'une chaîne stric-
tement suflisante pf)ur observer les mouvements de l'ennemi, il
posta la plus grande partie de ses cosaques sur ses deux ailes à
l'abri du feu el hors des vues des Français. Afin de retarder les
progrès des cavaliers de Casti'x. il lit charger les cosaques toutes
les fois que son adversaire dessina un mouvement offensif.
Avant même d'avoir reçu l'avis envoyé par Benkendorf, Tcher-
nitchei! avait, dès les premiers coups de canon, prescrrit à son
gros de se diriger vers le lieu du combat, sur le(|uel il se rendit
inmiédiatement avec 2 escadrons de hussards et i bouches à feu.
Au moment où il rejoignil Benkendorf qui. contraint de céder au
nond)re, se re[»liait lentement et en bon ordre, les Français
étaient sur le point d*atteindre les premières maisons des fau-
bourgs de Liège. En attendant le retour du colonel Lapoukhine,
qu'il avait fait partir pourNamur un peu avant le commencement
de l'affaire el auquel il avait envoyé Tordre de se rabattre sur
Liège, Tchiîrnitcheff avait chargé son artillerie d'arrét(»r les pro-
grès de l'ennemi. Il avait, en outre, ai)pelé à lui Liit/ow' qui.
i.iHH) Iioiiiiiie« d'iiifaiilenfî, 400 cht*vaux rt 5 pinTS de runoii. sous les ordr**s
ilu gf'niM'al d<r division (jUstrN et faisant |iarti(> du corps du gt-noial Maison,
s'f'tait avancée de Saint-Trond jusqu'à une lieue de la Meuse. Les ri'giments
cosaqoes do (jirofT et de SisoïefT soutinrent pendant trois heures le feu non
interrompu de la mousqucteiie et de la mitraille des Français. Tout le régiment
de Favlograd. qui arriva ensuite comme âoutien en [«-t^ence du général Tcher-
lûiAjJIffff et le prince Lapoukhine avec ars cosaques de Diatchk in peuvent témoi-
gne^ de ce fait. L'ennemi ayant été biittu, grâce à l'intrépidiU' du capitiine
d'artillerie Gorskoi, fut rejeté sur Saint-Trond dans le plus gr.ind désordre et
nous flme.", prés de Liège, 120 prisonniers. (HENKRNnoRF. Desi'omifues, p. 3Î.)
1 <)n trou\e dans un rapport manuscrit et inédit de Liitzow sur 1K14 et
et reproduit en partie dans la brochure : LfUzoH't Freikorpn in dtn Jahren
18l3-li, p. 7i, quelques détails curieux sur cette affaire de cavalerie:
« TchernitchelT me fit appeler el me dit : « J'apprends que l'ennemi s'civance
«' I)Our reprendre Liège, je vous demande votre concours pour le repousser. >»
Tchernilcheff ajouta toutefois que, le combat fini, il n'y aurait pas de four-
rages pour moi à Liège. Je répondis en me mettant à la disposition du géné-
nil et en me iiortant immédiatement au secours des cos:ique< à ce moment en
pleine retraite. Tchernitcheff me suivit. L'artillerie s'avança par la cliauss4'"e,
— 303 —
après avoir traversé, e Rhin à Bonn 1(î 17, avait passé par Diiren,
Esrhwoiler, Coriieliiiiunster et Eupcn, vi veiuiil d'arriver le î24 à
Liège avec 2 escadrons de iihlaiis. Teheriiiteheft' lui ordonnai de se
déployer à droite de la eliaussée de Saint-Trond. Le général russi»
<Mi fit autant sur la gauche, où il ne tarda pas à être i*ejoint par
les cosaques du colonel Lapoukhine et par <.tux de Bamekoll.
Attaquée de front par Benkendorf, sur sa gauche |)ar Liit/ow, sur
sa droite par la cavalerie régulière et les cosaques d(^ Tchernit-
ch<»tV, menacée sur ses derrières, la cavalerie française se re|»lia
derrière son infanterie qui, faisant bonne contenance, couvrit la
retraite dans la dire(!lion de Saint-Trond.
L<î verglas d'une part et les obstacles naturels ([ue présentait le
terrain empêchèrent, d'ailleurs, la cavalerie russe de tirer complè-
tement parti de l'avantage qu'elh» venait de remporter et nv lui
jiermirent pas de poursuivre au delà d'Oivy(». Le général (^îislex \
les hussards rouges se déplo}èrent à gauche, et moi à droite de la route. Le
général Maison (Liitzow parait ignorer que c'était lo général Castex qui com-
mandait les troupes françaises) se retira quand il vit que des troupes régulières
venaient soutenir les (}os;ique8. La cavalerie s'abribi derrière Tinfanterie qui
manœuvra d'autant plus facilement en bon ordre, que le tir de l'artillerie russe
ne lui fit aucun mal. La cavalerie russe n'essaya pas d'enfoncer les carrés : je crus
prudent de ne pas tenter l'entreprise parce qu'à cause du verglas et du terrain
extrêmement accidenté, on ne pouvait même pas se porter en avant au trot. »>
Liitzow ajoute : » Le mouvement des Français me prouva qu'il m'était im-
possible de rien tenter pour le moment sur Bruxelles. Ne pouvant rester à
Liège, je pris par suite à gauche par lluy et Rocliefort, et j'arrivai à Carignan,
le 3 février. »
Les deux escadrons du corps franc de Liitzow sc])orlèreut du 25 au 31 jan-
vier, par Huy, Marche et Rochefort, sur Recogne, Le c«)rps volant de Colomb
opérait à la même époque dans ces parages.
1 (jéncral Custcx à général Maison. — Saint-Trond, Si janvier, 10 heures
du soir.
« J'ai eu Thonncur de vous informer hier que je mart'herais aujourd'hui
sur Liège. L'ennemi m'est venu au-devairt. H m'a présenté 300 chevaux ^ns
un terrain difficile et 2,000 avec 2 canons quand j'ai été en plaine et à une
lieue de Liège. J'ai voulu malgré cela forcer le passage ; alors il m'a débordé.
Les lanciers ont exécuté deux charges de flanc qui n'ont pas réussi. L'iii-
lanterio a formé deux carrés à hauteur des pièces. N'ayant presque plus
de cavalerie, je me suis retiré dans cet ordre à Oreye où ma troupe a pris
position. Demain elle se retirera sur Saint-Trond et j'y fais venir le général
Meuziau Si je suis forcé à la retraite, je me dirigerai sur Tirlemont et l^ouvain.
Je ralentirai, autant que possible, la marche de l'ennemi. L'infanterie a perdu
une cinquantaine d'hommes ; mais les lanciers ont au moins liO hommes tués
ou pris. J'ai eu aussi mon paquet. Un coup de mitraille m'a frisé le cùté : j'ai
une forte contusion tlont je souffre beaucoup. Si je peux monter a cheval, je
resterai ave/ le général Meuziau. » (Archiren de la gtterre»)
- 304 —
blessé dans le combat, trouva sur ce point, mais trop tard pour
lui, l'ordre formel de Maison de se concentrer îJ Saint-Trond et
de ne pas dépasser cette ville.
Les cosaques â Namur. — Le môme jour et bien que Tchcîr-
nitcheff eûtdû rappeler il lui les cosaques du colonel Lapoukhine,
le capitaine russe Schilling entrait avec un petit parti à Namur.
que Farrière-garde de Sébastiani avait déjù évacué, et montrait
ses coureurs sur la route de Bruxelles.
Maison, de son côté, avait exécuté, pendant la journée du 24,
plusieurs reconnaissances en avant d'Anvers. Du côté d(î Turii-
houl, il avait poussé jusqu'il Oostmalle; du côté do Bois-le-Duc
et de Bréda, jusqu'au-dessus de Saint-Job-ent-Goor et prés de
Brecht ; sur la route d'Anvers h Bréda, jusqu'au delà de Bras-
chaét. Il avait encore relevé la présence à Wuesl-Wesel et Hoog-
straéten des avant-postes prussiens, reliés entre eux par un poste
établi k Loënhout.
A ce moment déjh, et avant même qu'on ail eu connaissance
de l'échec éprouvé par les 800 chevaux de Caslex ii Liège,
Maison constatait que l'évacuation de Liège et de Namur par les
troupes de Macdonald avait jeté l'alarme dans toute la Belgique,
et que l'on s'agitait à Bruxelles et à Mons. Aussi dès qu'il eût
reçu le premier avis de l'aftaire malheureuse de Castex, il résolut
de renoncer aux opérations qu'il venait de commencer en avant
d'Anvers et de marcher avec la division Barrois au secours du
général Castex. Il prescrivit au duc de Plaisance de faire prendre
position aux troupes de la division Roguet h Wyneghcm, à
Deurne et à Borgerouth. Enfin, Caslex n'avait pu tenir ni îi Saint-
Trond, ni à Tirlemont. Se voyant menacé sur sa gauche par une
colonne venant de Venloo sur Diest, ce général avait cru d'au-
tant plus indispensable de se riîplier sur Louvain, que la cava-
lerie russe cherchait îi déborder sa droite. Par suite, Maison se
mit en route le 26, avec la division Barrois, afin d'opérer sa jonc-
lion avec sa cavalerie et d'empêcher l'évacuation de Louvain.
Il y avait, d'ailleurs, d'autant plus d'urgence à conserv<»r Lou-
vain que l'occupation de cette ville par les Alliés aurait entraîné la
perle immédiate de Bruxelles, et que, coupé de ses communications
av(»(* les places de l'ancienne frontière de la France, le général
Maison aurait élé obligé dès lors de s'enfermer dans Anv(»rs.
— 305 -
Lenteur de Winzingerode. — L'i'chec rproiivo par l<» griié-
ral Ciislex, en le rassurant complètement sur sa droite, aurait dû
décider Winzingerode h accélérer une marche qu'il pouvait dé-
sormais exécuter sans courir aucun risque et sans être exposé au
moindre danger ; mais, loin de prendre ce parti, il mil six jours
pour aller, rien qu'avec ses tètes de colonne, de Liège ii Namur.
Winzingerode n(î transporta même son quartier général d<»
Liège îi Nanuir que le i février, lorsqu'il eut appris, par un parti
envoyé à Tirlemont, que Bfdow était arrivé à sa hauteur.
Malgré les ordres de Schwarzenberg, malgré la retraite des
forces françaises, Winzingerode persistait à se croire trop faible
pour prendre la direction de Reims et s'engager entre la Sambre
et la Meuse avant d\Hre maître de Philippeville, de Givet et de
Maubeuge, et surtout avant d'avoir été rejoint par la partie de son
corps qui était encore avec le prince royal de Suède. C'est pour
cette raison, d'ailleurs, qu'il se décida seulement à continuer sa
marche lorsque Bûlow put entrer en France avec lui après avoir
été relevé par le corps fédéral du duc de Weimar.
Nous n'aurons par suite h nous occuper que plus tard des
mouvements ultérieurs du corps de Winzingerode, qui ne joua
plus aucun rôle en Belgique et ne prit aucune part aux quelques
opérations des derniers jours de janvier.
En résumé et bien qu'en dehors des glaçons charriés par le
Rhin et des deux affaires de Neuss et de Liège, sa marche n'eût
rencontré aucune difficulté. Winzingerode avait trouvé moyen de
s'avancer encore plus lentement que l'armée de Bohême. Il avait
mis plus de trois semaines pour se porter de Dûsseldorf etde Co-
logne jusqu'aux environs de Liège et de Namur. Il est d'autant plus
impossible de découvrir la raison de ces len leurs évidemment calcu-
lées, que l'on ne trouve aucune trace de reproches motivés par cet
excès de prudence. Arrivé à Namur, Winzingerode eut l'habileté
de subordonner son mouvement en avant à la coopération qu'il
sollicitait de Bûlow, certain que ce général ne pouvait la lui accor-
der immédiatement. De tout cela il est permis de conclure qu'en
attendant un moment favorable pour passer le Rhin, qu'en mar-
chant ensuite avec une circonspection que rien ne motivait et qui
pouvait même compromettre le sort du III® corps, en exposant
Bftlow il soutenir à lui seul, pendant les quinze premiers jours de
janvier, l'effort d'un mouvement ofVensif de Macdonald et de
WeU. 20
— 306 -
Maison, b» griK^ral russe se conformait aux intentions du généra-
lissime ou tout au moins de son général en chef, et servait les
intérêts cachés, les projets ambitieux du prince royal de Suède.
Il avait de toute façon réussi h couvrir sa propre responsabilité,
et il attendit, pour reprendre son mouvement vers l'intérieur de
la France, un ordre formel de son souverain.
19-23 janvier. — Entreprises du corps volant de Colomb
du côté de Haéstricht. — Si, après les affaires d'Hoogstraëten,
de Merxhem et de Wyneghem, Btilow avait cru devoir se replier
sur Bréda, il s'était en revanche bien gardé de rester inactif pen-
dant ce temps. C'est ainsi que le corps volant de Colomb s'était,
sur son ordre, porté le 15 janvier sur Zeeland, el avait de là
sommé en vain, il est vrai, le commandant de Grave de lui ouvrir
les portes de la place*. Il s'était ensuite dirigé vers Maëstrichl,
où il arriva le 19, en passant par Venray et Baexem. Gnke aux
renseignements fournis par les habitants, il s'empara le lende-
main, à Stockem, d'un bateau chargé d'effets d'équipements mi-
litaires qui, arrêté par les glaces, n'avait pu atteindre Maéstricht.
Malgré la proximité de cette place, située h environ 18 kilomètn^s
(in amont, Colomb avait réussi îi décharger le bateau et s'était
replié, le 21, sur Neer-Oeteren, puis il était entré, le 23, îi Maa-
seyck, d'où il se porta h petites journées sur Asch et Bilsen. Il
trouva cl son arrivée dans ce dernier endroit une dépêche de
Bûlow du 19, contenant Tordre du général Kleist, au corps du-
quel il avait été attaché dans le principe, d'avoir à le rejoindn?
immédiatement et h établir, en se reliant avec l'un des détache-
ments qu'il avait envoyés sur sa droite, une conmiunicatiou
entre son corps d'arméi» et les corps opérant dans les Pays-
Bas*.
* Colomb avait, en su qualité de commandant de l'avant-garde du général
von Oppon, sommé Grave de se rendre, et Clarkc écrivait à Maison, le 16, en
disant : « 11 est certain que Colomb et llclwig sont trt's entreprenants et le
second est homme à faire 20 lieues par jour pour surprendre un poste. » (Ar^
chivet de la Guerre,)
> Colomb arrivé à Bilsen, le 27 janvier, y trouva Tordre en question ; il se
dirigea alors par Tongres et Japrellc sur Huy. y passa la Meuse, so porta de
là sur Marche et Saint-Hubert où il fit sa jonction avec les deux escadrons
du major von Liitxow et franchit la frontière française entre Chiny et Cari-
gnau. (Colomb, \m dem Tuyehnehe des RUliHeUlers von Colomb.)
— 307 -
26 janvier. — Prise de Bois-le-Duc — Hiilow avait, n\ onlrc,
pn^pîir<^ ot orf;anisé iino ontrcpriso aulnMiionl iniporlanlc par s(»s
conséquences qiu» les coups de main plus ou moins heureux de
quelques petits partis de cavalerie, et ([ue reid<'»vem(»nt di» quel-
ques convois. Profitant de l'effet produit jmr la nouvelh» du pas-
sage du Rhin par Win/.ingerodi^ et des iulrlli^^rners cpi'il avait su
se 6réer parmi les habitants de Bois-le-I)ur, Bidow * avait résolu
de se rendre maître jiar surjUMse de vviU' place, dans la nuit du
25 au 26. Le coup projeté réussit et la petite jçarnison française,
qui s'était enfermé<» dans la citadelle, dut capituler, faute de
vivres, dans Tapres-midi du 20 janvier*.
La perte de Bois-le-Duc^ et les reconnaissances incessantes
pouss<'»es par les Prussiens du cdU* de Louvain, la retraite» de
Macdonald * et la nouvelle de Tarrivét» prochaine du Hi« corps
fédénd, enfin la présence du corps russe» di» Win/.inj;<'rodc l'u
avant de Liège, exposaient désormais Maison, (pii s'était |»endant
tout ce temps maintenu derrière la Dyle et la Nèthe sur une posi-
tion défensive s'étendant de Louvain jusepi'à Lierre, par Matines,
au danger d'être débordé sur ses tlaucs <»t attaipié à revi*rs. Aussi,
peu de jours plus tard, il prenait un parti détinilif. Au lieu de se
replier sur Anvers, où il n'aurait j>as lardé à étn^ enfermé, le
général préféra encourir l(»s reproches et l(»s réprimandes de» son
souverain, dont il enfreignait les ordres. A|)rès avoir assuré de
* Claascwitz, dans sa Critique flratégique, s'exprime en ces lermes quaml il
en vient à faire ronuaitre son avis sur l'emploi fait de Biilow et Winzingcrodc
pendant cette partie de la oampagne :
« L'envoi des généraux Biilow et Winzinjrerode sur le Bas-Weser et de là
en Hollande prouve qu*un n'avait pas une idée bien nette de la situation,
d'autant plus qu'on leur fit faire ce mouvement à un moment où l'on ne
savait pas enconî si l'on n'entrerait pas immédiatement en France et si, par
suite, on n'aurait pas, dés les premiers jours, liesoin do leurs troupes. Les évé-
nements ultérieurs ont, il est vrai, justifié le détachement do Biilow, mais en
revanche on peut se demamler à quoi a servi celui de Winzingerode. Depuis
Li'ipzig jusqu'aux combats livrés en février sur la Marm*, ses troupes n'ont
rien fait que des marches absolument inutiles. »
* Uapport journalier de Schwarzenberg à l'empereur, 7 février 1814.
(AT. A'. Krieys Archiv., Il, 176.)
' Clausewitz reproche à l'Hlmpereur d'avoir laissa; Macdonald sur le Rhin
jusqu'après le passage de Winzingerode, imrce qu'il lui était, d*^ la sorte, im-
possible d'arriver à Chàlons avant Bliicher, et qu'en présence de la supériorité
numérique des Alliés, il lui fallait, avant tout, réunir toutes les forces dont il
disposait. (Clausewitz, Crilique ilralcgiqw, chap. VIII.)
— 308 -
son mieux lu défense d'Anvers, dont Cîirnol îilhiit se charger,
nous le verrons, sans hésiter, abandonner celte place à elle-méni(v,
pour continuer h lenir la campagne avec les quelqu<»s troupes
qu'il emmena avec lui, et réussir îi couvrir avec une i)oignée
d'hommes les frontières dégarnies et les places mal armées de
l'ancienne France*.
i Nous rccapitnloiis iri, pour inciuoire, les positions des Alliés le 'ib nu
soir : Schwarzcnberg est cotre Laugrcs et Chaumont. liluclier vers Joiiivillc.
York commence son mouvement vers la Marne. Biilow est à Hréda: Winzin-
gerode à Litige ; Saint-l*riest à Mouzon, en marche vers les places des Ardennes
et de la Moselle, avci! sa cavalerie près de Sedan; enfin, à TextriVine gauche.
Huhna, en avant de Genève, avec des troupes en Savoie et en Bresse.
V
— 309 -
CHAPITRE Y.
OPÉRATIONS DANS LE MIDI DE LA FRANCE DEPUIS LA PRL^E DE GENÈVE
jusqu'au 31 JANVIER.
Opinion de ClausewiU sur Topération contre Genève. —
« L'envoi de Bubna à GontHe avec 12,000 hommes avait une
raison irètre : du moment où la Suisse devait faire partie de la
base d'opc'Tation, il convenait d'être maître de cette grande ville,
de ce point important, et de plus il ify avait aucun inconvénient
îi détacher 12.000 hommes d'une masse aussi considérable (pu»
relie présentée» par les armées alliées. On ne saurait, par suite,
eriticpier l'idée de mettre ce corps h même de tirer le plus grand
parti possible des événements, et de pénélrer dans la vallée du
Rhône. Mais, dés qu'on se décidait h faire ce détachement, il
fallait lui laisser une entière liberté d'action. On pouvait de la
sorte empocher les levées dans les provinces du sud-est de la
France et y provoquer des mouvements royalistes. Ce n'était donc
pas commettre une faute que de détacher un petit corps quand
on avait pour soi des perspectives de succès aussi favorables. »
Tel est le jugement que dans sa Critique stratt^giqne Cl^usewiiis
porte sur l'envoi de Bubna à Genève. En conclure que Clausevvitz
approuvait complètement la violation de la neutralité Suisse, ce
serait évidemment aller trop loin, et le grand écrivain militaire
allemand a, d'ailleurs, eu le soin de condanuier cette mesure. Il
serait donc inutile et oiseux de revenir sur ce point, et si nous
avons reproduit ici les lignes qui précèdent, c'est uniquement
parce qu'elles contiennent en cpielques mots la critique des opéra-
tions dont nous allons nous occuper, parce qu'elles condamnent
ce qui a été fait, parce qu'elles indiquent en peu de mots ce qu'on
aurait pu et dû fain». Après cette citation, il nous restera tout
au plus à rechercher à qui incombe la responsabilité du mou-
vement excentrique vers Lons-le-Saunier, Poligny et Dùlc, la
responsabilité du temps perdu du 30 décembre au 5 janvier,
la responsabilité de cette marche inexplicable îi travers le Jura
vers le Doubs et la Saône. Pour obtenir les résultats indiqués par
Clausewitz, il aurait fallu se porter sans retard vers le Rhône et
couronner Toeuvre, commencée par l'entrée à Genève, par une
— 310 —
opération plus facile encore el bien autrement importante, Toccu-
pation immédiate de Lyon.
Situation militaire dans le midi de la France. — La ])rise
de possession par les Alliés, dès l'ouverture des hostilités, de la
di.'uxiéme ville d(; France, alors entièrement dégarnie de troupes
el incapable de se défendre, n'aurait pas manqué de produire un
etfel moral dont l'impression aurait été ressentie dans tout l'em-
pire. Cette opération les aurait rendus immédiatement maîtres
incontestés d'un théâtre de guerre qui allait absorber, i)endanl
toute la durée de la campagne, une armée dont la présence sur
les bords de l'Aube ou de la Seine aurait épargné à Schwarzen-
berg plus d'un embarras, plus d'un mouvement rétrograde el
môme plus d'un échec.
Au moment où Genève ouvrait ses portes à Bubna, le sud-est
de la France était entièrement à la merci des Alliés. C'est seule-
ment le 3 janvier que l'Empereur signa l'ordre enjoignant au
général Musnier de se rendre à Lyon, d'y ramasser tout ce qu'il
y trouvcTail de troupes et d'cîn former une division de réserve
avec laquelle il d(»vait se porter sur Genève. Pour le cas où il lui
serait impossible de pousser jusqu'à Genève, l'Empereur lui pres-
crivait de couvrir Lyon en prenant position entre ces deux villes,
d'occuper le fort l'Écluse el de tenir les défilés du Jura et les pas-
sages du Rhône.
Mais ce fut h peine si le général Musnier n'^ussit à rassembler
1,500 hommes à Lyon, 300 hommes à Nantua et 500 à Bourg.
En somme, il n'y avait donc dans toute cette partie de la
France, le long de la frontière de la Suisse, que 4,000 honimes
de troupes d'une solidité douteuse, y compris les 1,700 honmies
que h» général de La Roche réunissait à Chambéry.
Bubna s arrête sans raison à Genève. — Bubna entra h
Genève le 30 décembre, et, bien que ses troupes n'eussent eu ni
combat à livrer, ni marches pénibles h exécuter, il crut néanmoins
devoir leur accorder un jour de repos le 31. Peut-être espérait-il
ivcevoir pendant ce temps des instructions [précises ; ce qu'il y a
de certain, c'est qu'il employa cette journée ù constituer l'admi-
nistration civile de la ville et du canton, et à en organiser la
défense, dont il charg(»a le général Zechmeislrr avec 4 bataillons
— 3H —
el 1 escadron H drnii. Il faisait orrupor les passages de TAn'e
par des avanl-jïoslos, qui obsenaitmt de loin la direction suivie
pîir les Français dans leur retraite sur Rumilly el Annecy. Le
colonel Simbschen, cpi'il avait déjà détaché d(î LausaniKî, était
arrivé le 28 décembre à Saint-Maurice^ et s'avançait avec ses
800 hommes dans le Valais, afin de coupeur h»s communications
de rarmée française d'Italie par le Siinplon (»t le Saint-Bernard.
Le l®f janvier 1814, Bubna, comjitant franchir le Jura le 3 et se
diriger sur D(Me, prenait les dispositions nécessaires pour com-
mencer son mouvement.
2 janvier. — Premiers mouvements de Bubna. — Les
troupes s'ébranlèrent le 2 au matin. Le colonel comte Zichy, avec
Tavant-garde, forte de 4 compagnies, 4 escadrons du régiment de
hussards Liechliînstein et 1 batterie i\ cheval, se dirigea, par Gex,
sur Saint-Claude; la première colonne» sous le colonel Benczek av(;c
3 bataillons, 1 compagnie etl batterie, marcha sur Saint-Laurent;
la deuxième colonne, commandée par le général KIopstein et
comprenant B bataillons etl batterie, s'avança sur Saint-Cergues;
le détachement du colonel Wieland, composé de 4 escadrons et
1 batterie, sur Lyon. Le général ZechmeisttT poussait une partie
de son monde contre le fort l'Écluse.
Le 3, l'avanl-garde occupait Orgelet, et le gros de la division
arrivait : la première colonne h (]hampagnole, la d(;uxième h
Saint- Laurent. Le colonel Simbschen, occupant la route du Saint-
Bernard et rendant impraticable celle du Simplon, organisait un
bataillon de volontaires dans le Valais, et le général Zechmeister,
après avoir ouvert la route de Lyon par la capitulation du fort
de l'Écluse, poussait ses avant-postes jusque sur les rives de
russes *.
4 janvier. -— Marche sur Lons-le-Saunier et Poligny. — -
Le 4, toujours d'après le journal d'opérations de Schwarzen-
berg, Tavant-garde de Bubna entre h Lons-le-Sannier ". La pre-
mière colonne est h Poligny ; la deuxième avec le quartier général
de Bubna, à Champagnole.
• Starke, Kintiloilung und Tagesbegel>enheilen der llaupt-Anneo im Monate
Janaar. (A'. A', hrieys Arcliiv., I, 30.)
« Ibidem et Archiver du Dépôt de la Guerre, Général Poncet à Guerre.
— 342 —
« On suit, a soin d'ajoulor l'officier chargt^ do tenir le journal
en question, que le midi de la France est dc'^garni de troupes et
qu'on s'occupe seulement d'organiser des forces à Lyon et i\
Grenoble. »
Et cependant, au lieu de marcher droit sur Lyon, on fait venir
Bubna jusqu'à Poligny, où il sera le lendemain 5 et d'où il devni
se diriger sur Dijon, pour se tenir à hauteur de la grande armée
allant sur Vesoul et Langres, et couvrir son aile gauche.
Ordre à Bubna de marcher sur Lyon. — C'est seulement le
6 janvier *, après lui avoir fait ou laissé perdre un temps précieux
et irréparable, après l'avoir détourné de sa véritable direction,
que Schwarzenberg fait parvenir h Bubna l'ordre de prendre de
Poligny à gauche pour marcher sur Lyon. Ce général a désormais
pour mission, soit de se bornera une simple démonstration ayant
j)Our objet de retarder, peut-être même d'empêcher les nouvelles
formations et de disperser les troupes déjà organisées, soit encore,
mais seulement si les circonstances sont exceptionnellement
favorables, de s*emj)arer vivement de cette ville.
5 janvier. — Prise du pont de D61e. — Mais Bubna, dont
la division était tout entière le 5 à Poligny et qui s'était fait cou-
vrir sur sa gauche par son avant-garde, avait envoyé sur sa
droite, à Salins, une partie de la première colonne avec le colon(»l
Benc'zek, pour essayer d'enlever le fort Saint-André, et il avait
dirigé sur Dôle un escadron du régiment de hussards Empereur
Ferdinand, avec ordre d'en chasser l'ennemi et de s'emparer du
pont du Doubs.
Il avait, d'ailleurs, reçu, pendant les journées du 4 et du 5, du
colonel Zichy comme du général Zechmeister, des renseigne-
ments qui devaient forcément appeler son attention sur ce qui se
passait du côté de Lyon, et lui faire vivement regretter le mou-
vement qui l'avait amené de l'autre côté du Jura. Le colonel
Zichy lui avait, en effet, fait savoir, dès le 4 au soir, qu'il avait
reçu h Lons-le-Saunier l'avis de la présence du général Musnier
avec 1,500 hommes à Bourg. Il lui mandait encore que le général
t STÂHk'e, Kintheilung unii Tagesbegebenliciten dcr Haupt-Arinee im Monate
Jannar. (A'. A'. Kriegt Archiv,, \, 30.)
— 313 —
Legrand sun^eillait avec une poignée dlioninies li» pont de
Chalon-sur-Saône, que ces deux généraux sVfforraiont d'armrr les
populations et de les soulever, mais qu'il n'avait rien pu api)rendre
sur ce qui se passait à Lyon.
Mouvements de la colonDe du général Zechmeister. —
D'autre part, toujours à la date du 4 janvier, le général Ze<'h-
meister* avisait son ehef de l'arrivée h GnMioble de 5.000 homnies
venant de Tarniée d(» Such(»t et se dirigeant sur (^hanibéry. où il
avait envoyé un émissain» |)our le renseigner exartenuMit. 11 fai-
sait savoir, en outre, à Bubna que les Français avaient 800
hommes d'infanterie et 80 chevaux sur les deux rout(»s de Kuniillv
et d'Alby à Chambéry, que les escadrons qu'il avait poussés,
d'un côté vers Annecy et de l'autre vers S(7ss(»l, avaient dû se
replier sur Frangy et Cruseilles. Un autn^ de ses partis, envoyé
sur la route de Nantua à Lyon, avait rencontré un poste dt» 20
gendannes et 300 hommes d'infanterie, avait conunencé par
rejeter les gendarmes sur l'infanterie, mais avait drt cMisuite se
replier. Zechmeister terminait cette dépêche en disant : a J'ai trop
peu de cavalerie pour pouvoir pousser mes reconnaissances aussi
loin que je le voudrais. »
Affaire de Ch&tillon. — Les nouvelles, que Zechmeister lit
panenir à Bubna et dans lesquelles il lui rendait compte di* l'af-
faire de Chî\tillon *, revêtaient déjà un caractèn» plus inquiétant et
* Zechmeister à Bubna, Genève. 4 janvier. (A*. A'. Kriegt Archit\, 1. 178. f.)
s Le général Zecliineister an comte Bubna. {K. K. Kriegs Archiv., \, 178 c.)
u Gcnôve. 5 janvier 1814. — L*ennemi s'est renforcé à HumiUy. Alby et
Aix où il a 3.000 hommes avec le général Dessaix. A Chambéry il y a. comme
je vous l'ai déjà fait savoir, 2.000 hommes.
Cl Cette nuit j ai fait attaquer Ch A tillon par un corps volant (relui du lieu-
tenant Karaizay). La cavalerie a enlevé le village. Ta traversé, a chargé la
cavalerie française qui s'était postée à sa sortie, l'a culbutée, lui a pris 3 che-
vaux et Ta chaudement poursuivie. Pendant ce temps, l'infanterie française»
avait gagné ChÂtillon par la montagne, avait occupé le village que notre parti
dut traverser. Nos cavaliers y parvinrent cependant malgré le feu des Fran-
çais, mais ils vinrent donner à peu de distance du village contre un autre
groupe d'infanterie française qui les rejeta de nouveau dans Chûtillon qu'ils
durent traverser au galop et pour la deuxième fois sous le feu de l'ennemi. Le
lieutenant a perdu 12 hommes dans cette affaire et s'est retiré sur Seyssel.
« J'ai employé le peu de cavalerie dont je dispose du côté d'Annecy et de
Rumilly afin dVtro averti de suite de tout mouvement de roniiemi. )>
— 314 —
nionlraiont manifestement que, malgré la faiblesse de leurs forces,
les Français ne perdaient pas leur temps du côté de Lyon et en
Savoie. Il importail de prendre des mesures énergiques et immé-
diates pour renforcer les troupes laissées h Genève, de leur donner
de l'air en détournant Tattention de l'ennemi et en entreprenant
(juelque chose contre Lyon. Bubna venait d(» recevoir ces nou-
velles lorsqu'un aide de camp de Schwarzenberg lui apporta
le 6 S à Poligny, l'ordre de marcher sur Lyon, par Bourg.
Le général avait appris, entre temps, que l'escadron de hus-
sards, qu'il avait dirigé la veille sur Dole, s'était rendu maître du
pont du Doubs et avait, après un combat de près de deux heures,
contraint le général Lambert à se replier sur Auxonne *.
Il envova aussitôt h ses différents détachements de droite l'ordre
de venir le rejoindre h Poligny, d'où il comptait partir le lende-
main matin. Cependant, comme il importait de ne pas perdre l(»s
avantages résultant de l'afiTairc de Dôle qui, en livrant passage au
prince Alois Liechtenstein sur la rive droite du Doubs, allait lui
permettre de mettre le siège devant Auxonne et de complét(»r
l'inv(îstissement de Besançon, il prescrivit ù l'escadron de hus-
sards de rester à Dôle et de garder le pont du Doubs jusqu'au
moment où il serait relevé ^
Napoléon décrète la formation de l'armée de Lyon. —
Pendant que Schwarzenberg ordonnait fi Bubna de reprendre sa
direction sur Lyon. Napoléon, à la nouvelle de l'abandon d(»
Genève, avait décrété, le o janvier, la formation de l'année de
Lyon qui devait se composer, sur le papier il est vrai, d(î 17 ba-
taillons de la division Musnier forte, en réalité, de l.-iOO honnnes,
conscrits pour la plupart, de 36 bataillons de garde nationale for-
mant 2 divisions et plus tard seulement des renforts tirés de Cata-
logne. C'était avec ces forces, dont l'existence était encore abso-
lument lîctiv(S qu'Augereau, appelé au conmiandement de l'arméi»
1 Starke, Eintheilang and Tagesbegcbenheiten der Haupt-Armee iin Monato
Januar (/6iVi., I, 30).
s Schwarzenberg à reroperear d'Autriche, de Montbéliard, 8 janvier. (K. K,
Kriegt Archiv., I, 155) et Armée Nachrichten (Ibid.j I. 329).
' Cet escadron ne fut relevé que le il et assura à lui seul pendant 5 jours
le )>assage du Doubs. (Baumanm), Geschichte des K. K. Husarm Régiments
N° 1 Kaiser Ferdinand, nach dcn Quelleu der K. K. Kricgs Ardiivs.
— 315 —
de Lyon, dovîiil couvrir rclto ville, n^proiidn? Gourvo <»t lombor
ensuite sur les lignes d'opérations des Alliés s^étendant depuis
Bâle jusqu'au plateau de; Langres.
6 janvier. — Nouveaux ordres de Schwarsenberg. —
Rubna, se» conformant aux ordres du généralissime, s*étail con-
centn» h Poligny * i)Our se port(»r, avec tout son monde, par liourg,
sur Lyon. Il n'avait laissé, sur h^irs positions antérieures, que»
Zechmeister à Genève et au fort rf>luse. et Sind)schen dans le
Valais. Il avait fait revenir le colonel Ben<7.ek d(» Salins sur
Arbois et le colonel Wi(îland de» l*oligny sur Arlay. Entre temps,
Schwarzenberg, ajoutant foi îi des renseignements d'après lesquels
Napoléon rassemblait 80,000 hommes à Langres, avait de nou-
veau changé d'idées, n*pris l(»s instructions rédigées le 4 et
pan'enues h Bubna Ic^ G, et envoyé h (te général Tordre de se
diriger, non plus sur Lyon, mais sur Auxonne et Dijon et d'oc-
cui>er ces deux points.
7 janvier. — Renseignements fournis par Bubna. —
Marche sur Bourg. — Avant d(^ se mettre en rout(î pour Lons-
le-Saunier, Bubna avait, de Poligny, fait savoir au généralissime *
que, d'apW^s les renseignements (pi'il avait recueillis, il n*y avait,
à Chalon-sur-Saùne, que 1800 conscrits sans armes, qu'il en était
de même à Dijon et à Auxonne, et (pi'on dirig(»ait sur M(»lz tout
ce qui était disponibh».
Il ajoutait dans la mômt* dépêche : « Je compte nu» porter sur
Bourg-en-Bress(» et me relier ch» là, par Nantua. avec le général
Zechmeister. Je ferai tous m(»s et!orls pour envoyer de la cava-
lerie sur Chalon-sur-Saùne et MAcon et pour inquiéter l'eirncîmi
sur la rive droite de la Saône. En même teuïps, je pousserai vers
Lyon et chen'herai h me rendre maître de la rout(î de Chambérj*. »
Il terminait en priant Schwar/enberg d'assurer, h l'aide dt? postes
de correspondance, ses conmuinications avec* le grand quartier
général, parce que, disait-il : « N'ayant en tout que 12 faibles esca-
drons, il m'est impossible d'envoyer des partis de cavalerie au
delîi d(» Chalon. »
* Starke, Eintheiluiig und Taf^esbegebeiiheiten der llaupt-Armco im Monato
Januar (A'. A'. Kriegs Archiv,, I, 30.)
' Bubna à Schwarzenberg, Poligny, 7 janvier (Ibûl).
- 316 —
8 janvier. — Bubna à Lons-le-Saunier. — Bubna, auquel
les nouveaux ordres n'étaient pas encore parvenus, avait continué
son mouvement le 8 et était arrivé avec le gros de ses forces li
Lons-le-Saunier. L'avanl-garde du colonel Zichy, qu'il avait ren-
forcée du 6« bataillon de chasseurs et d'un bataillon du régiment
d'infanterie de Kaunitz, avait poussé de Lons-le-Saunier jusqu'à
Cousance, et le colonel Wieland, avec ses 4 escadrons do hussards
de Blankenstein, 1 bataillon d'infanterie du régiment Vogelsang
et 1 batterie à cheval, avait marché en flanc-garde sur sa droite,
d'Arlay, par Blellerans, vers Chalon-sur-Saône.
9 janvier. — Le lendemain 9, l'avant-garde, après avoir passé
par Cuiseaux , occupa Saint-Amour ; la colonne du colonel
Benczek atteignit Cousance. Le gros de la division était encore ;i
Lons-le-Saunier, et la cavalerie, rapi^elée des bords du Doubs,
s'approchait des rives de la Saône.
10 janvier. — Affaire de Saint-Ëtienne-au-Bois. — Le 10,
Bubna, dont l'avant-garde après avoir dépassé Yillemotier avait
chassé la veille les avant-postes français de Saint-Ëtienne-du-
Bois *, arrivait avec le gros de ses forces à Saint-Amour.
^ D*aprcs les documents des Archive» de la guerre, 80 habitants armi^s de
Dourg et 450 artiUeurs de la marine auraient surpris le 10 janvier à Saint-
Etienne-du-Bols 150 hussards Liechtenstein et leur auraient pris 6 hommes et
13 chevaux.
Le baron Rivet, préfet de TAin, confirme ces faits dans le rapport qu'il
adressa au ministre sur l'envahissement de son département. « Une centaine
de cavaliers autrichiens venus le 8 de Lons-le-Saunier à Saint-Amour, occu-
paient le village do Saint-Etienne-du-Bois à 2 lieues de BourR. 80 habitants de
liourg (anciens militaires en retraite) offrent de tourner le village, |>endant que
Tcnnemi sera rejeté sur eux par la troupe de ligne composée de 40 hussards
et gardes d'honneur envoyés de Lyon, de quelques gendarmes et d'un déta-
chement de 400 artilleurs de marine du 2« régiment arrivant d'Ambérieux.
L'expédition réussit. Les hussards autrichiens poussés vivement par les canon-
niers de la marine se précipitèrent au galop dans l'embuscade tendue par les
habitants de Bourg, qui en tuèrent et blessèrent plusieurs et prirent G hommes
et 12 chevaux. » Le préfet, dans ce même rapport, relate une petite affaire à
laquelle prirent part, dans la nuit du 8 au 9, un détachement du 24" de ligne
et les volontaires de Nantua qui, partis de cette ville, surprirent aux envi-
rons de Thoirette un parti de hussards autrichiens venus pour remettre à flot
un bac que les Français avaient coulé après l'avoir chargé de pierres. Les hus-
sards eurent dans cette escarmouche 4 hommes tués et laissèrent 18 hommes
et 15 chevaux entre les mains des Français.
— 317 -
Raisons qui empêchent Bnbna de se conformer aux ordres
du généralissime. — 11 y fut rejoint par l'ordn* du 1, dans
lequel Sehwarzenberg lui pn^scrivait de revenir sur ses |)as. Mais
à ce moment il était dans Timpossibilité de se conformer aux
instructions du généralissime, du moins immédiatement. Comme
sa division et surtout son artillerit» n'auraient pas pu s(» tirer des
mauvais chemins de traverse» qui conduisent de la Bresse! V(»rs
DOle, Auxonne et Dijon, il lui fallait forcément enlever Bourg,
afin de disposer de la grande route qui uïène du ch(»f-lieu du
département d(» l'Ain à Mûcon et à Chalon-sur-Saom». D'autre
part, les populations du déparlement de l'Ain, encouragées et
soutenues par les quelques troupes postées à Nantua, couraient
aux armes. Il imi)ortait donc avant tout d'en finir avec c<»tte
levée, en occupant Bourg et en poussant des partis de cavalerie
sur les routes, qui de Pont-d'Ain conduisent d'un côté h Nantua
et de l'autre à Lyon. En se conformant aux ordres du généralis-
sime et en se dirigeant sur Dijon, Bubna se serait non seulement
exposé il être pris à revers, mais il aurait, en outre, compromis la
situation de ZechnnMster.
11 janvier. — Retraite du général Husnier sur Lyon. —
Bubna à Bourg. — 11 continua, pour ces raisons, son mouve-
ment sur Bourg-en-Bresse, et pendant que le général Legrand
arrêtait du côté de Chalon les partis de cavalerie» envoyés vers la
Saône, le général Musnier, ne se croyant pas suftisamment fort
pour tenir en îivant de Lyon, se repliait sur cette ville, laissant à
la garde nationale de Bourg le soin de se défendre. Bubna
n'éprouva par suite que i)eu de difficulté h enlever Bourg *, et fît
poursuivre les gardes nationaux par l'avant-garde du colonel
comte Zichy d'un côté, jusqu'à Tossiat, sur la roule de Ponl-
d'Ain, de; l'autre jusqu'à Lent sur la route de Meximieux. Il s<.'
faisait en môme temps couvrir sur sa gauche dans la direction
de Nantua par l(\ colonel Benczek. Cet officier, relevé depuis
quelques jours déjà devant le fort Saint-André par la brigade du
prince Gustave de Hesse-Hombourg, avait reiju de Bubna l'ordre
d'assurer, avec i bataillon de Warasdiner Kreuzer et 1 escadron
^ Starki:, Einthcilung und Tagesl)cgebctiiieiten der IIuupt-Ariiicti iiii Monate
Jaiiuar. (K. K. Kriegs Archiv., 1, 30 )
— 318 —
do hussards Liechtenstein, ses communications avec Genève et le
fort rÉcluse. Il vint donc se poster à Ceyzérial, pendant qu'un
autre détachement, fort d'un bataillon et d'un escadron, sous les
ordres du major Wratzfeld, prenait h droite le chemin de Villars.
12 et 13 janvier. — Inaction de Bnbna. -— Prise du pont
de H&con. — Le lendemain, soit qu'il ait attendu des nouvelles
de Geni'ive et du Valais, soit qu'il ait craint de continuer son
mouvement avant d'y avoir (»té autorisé par Schwarzenberg, soit
qu'il ait été rendu plus timide h la pensée de la responsabilité que
lui faisait encourir l'initiative prise en persistant ît suivre une
direction contraire h celle indiquée par les derniers ordres du
généralissime, soit, enfin, qu'il ait voulu avant tout assurer solide-
ment ses communications avec le général Zechmeister, Bubna s(î
contenta de pousser son avant-garde sur Pont-d'Ain et d'envoyer
îi Chalamont un parti qui se relia, à droite, au détachement du
major Wratzfeld, arrivé î\ ce moment îi Villars.
La journée du 13 apporta peu de changements aux positions
occupées par Bubna, qui persista ;i maintenir le gros de sa divi-
sion à Bourg; mais le major comte Saint-Quentin \ pointe d'avant-
garde du détachement du colonel Wieland, occupa ce jour-là
M;\con, tandis qu'à l'cxtréme-gauche de Bubna, le colonel Benczek
entrait h Nantua, de sorte que ce fut seulement le 14, au moment
même où Augereau, parti de Paris le 11, arrivait h Lyon, que
i'avant-garde de Bubna entra à Meximieux et établit sa pointe et
ses avant-postes h Montluel, évacué par les Français *.
15 janvier. — Angereau, laissant le général Husnier à
Lyon, se rend à Valence. — Si Clarke avait annoncé à Ange-
reau la présence à Lyon de 6,000 hommes, il ne lui avait pas fait
t Starkc. Eiiillieilung uiid Tagesbegebcnhcilcii der Haupt-Armec im Monatc
Jaimar. (A'. K, Kriegi Archir., I. 30 )
U$ youvelUi (Ui amu'et (de Paris. 14-18 janvier) (Jhid., I, 529) rendent
compte do ce fait en ces termes : « De Bourg-en-Bresse, le comte Bubna a envoyé
des troupes dans t«>utes les directions. 15 hnssards se sont présentés devant
Mûcon que des troupes françaises et des gardes nationales avaient l'intention
de défendre ; mais le maire de MAcon et celui de Sainl-Liurcnl trahissant la
confiance pu))Uque ont laisst* occuper le pont de la Saône par oU liomnics des
troupes ennemies. »
* Id. in ibUl.
— 310 ^
connaitns lors ck^ son clrpart, \vs proj^n^s incessants (l<; l'cnniMni.
Aussi di*s qu^on Fcnt mis au <*ourant de la situation. W. duc de
Castiglione pensa quf% pour sauver v.Mo ville, dans la(|uelle \v
général Musnior avait en tout 1,iOO honinuis, dont iOO h 300 vieux
soldats» il fallait avant tout aecélércT la formation do Tarmée et
la marche des renforts. I^Hir arrivée immédiate était d'autant
plus nécessaire que Tétat des esprits de la population lyonnais<'
n*avait rien de rassurant. L(» maréchal ne croyant pas sa pré.sence
indispensable h Lyon, se décida h pn^scrin» au général Musnier,
qui venait dVtre rejoint par 500 conscrits, de tenir bon avec (îes
1,700 hommes. Lui-même m» dirigea le 13 vers Valencu», d'où il
comptait envoyer h ce général des troupes au fur et h m(»sure de
leur arrivée ou de leur fonnation.
Bubna aurait donc eu beau jeu pour enlever la ville dans la
Journée du 15 et réparer d'un seul coup les lenti^urs et les retards
n^sultant d'une part de son envoi sur Dole, iU*. l'autre de la halte
qu'il avait cru devoir fain^ à Bourg depuis le 11. Mais bien quMl
eût eu le soin d'exposer fi Schwar/enberg les raisons pour les-
quelles il lui avait iallu, au lieu de revenir sur Dijon et Auxonnc*,
continuer sa marche sur Bourg, il se» préoccupa surtout des ras-
semblements de troupes qui si; faisai(Mit, on le lui affirmait du
moins, en Savoie.
Mouvement des avant-gardes de Bubna. — Immobilité de
•on gros. — Inquiet de ne pas avoir reçu de nouvelles sur ce qui
se passait dans le Valais, ignorant peut-être aussi la faiblesse des
troupes chargées de défendre Lyon, il laissa une fois do plus
passer le moment oft il aurait pu. presque siins coup férir, se»
rendre maître de cette grande ville dont la prise aurait eu, alors
surtout, une importance capitah» pour les Alliés et aurait exercé
une influ«»nc(» considérable sur la suite de leurs opérations. C'est
ainsi qu\iu lieu de se porter résolument, le 15, en avant de Bourg
et de Genève, il resta pour ainsi din» immobile, quoique \v.s
troupes françaises eussent évacué Miribel pour venir prend n»
position sur les haul(»urs de la Croix-Rousse. Tous ses mouve-
ments s(^ réduisinjul h l'cMivoi j» Grange-Blanche et au pont
d'Oullins, de quelques partis chargés de surveiller les routes d(i
Chalon et dv. Tarare. En fait d'oi'dres, il se borna à prescrire au
colonel Wieland de se porter par Cuisery sur Mî\(îon, dont son
avanl-fçardc avait déjà enlevé et occupé le pont deux jours aupa-
ravant.
La faute commise par Bubna est d'autant plus inexplicable
qu'il paraît difficile d'admettre qu'il ait absolument ignoré la
situation des (îsprils de la ville de Lyon et la ftiiblesse de sa gar-
nison. « Lyon, écrivait Chaptal, comte de Ghanteloup, au duc de
Feltre *, est presque désert. Tout le monde s'est enfui dans les mon-
tagnes, toutes les fortunes sont parties, les boutiques sont fermées,
les écTilcaux et les enseignes enlevés et les caisses publiques com-
plètement vides. Le maréchal Augereau pense, comme le général
Musnier, comme moi, qu€ le poste de Lyon n est plus tenable, »
Augereau, de son côté, n'avait guère été plus rassurant dans la
dcpé<!he qu'il écrivait le 15, le lendemain de son arrivée, au major-
général : « L'ennemi, disait-il, est depuis avant-hier, 13, à Mont-
luel, à 3 lieues de Lyon. Il pousse des reconnaissances sur
Miribel , il est maitre du passage des Rousses, du fort l'Écluse,
du pont de Seyssel, du château de Belley ; il se présente sur Lyon
par les deux rives du Rhône et la rive droite de la Saône Il en
résulte que Lyon est dans le plus grand danger. Il est môme à
penser qu'il sera attaqué demain. La force que nous avons, dis-
ponible en troupes de ligne, ne présente pas plus de 1100 combat-
tants, SI toutefois on appelle combattants des hommes qui, pour
la plupart, ont re(:u hier des armes dont ils ne connaissent pas
l'usage. La consternation est peinte sur tous les visages Que
Votre Altesse regarde Lyon comme pris, et, si les 1000 à 1,200
hommes, qui couvrent \um partie des abords de la ville, sont pous-
sés, il est à craindre qu'ils soient enlevés et la route de Saint-
fitienne h découvert Je ferai ce que je pourrai; je quitte Lyon,
laissant le général Musnier pour le défendre, et je vais dans la
7« division militaire chercher à réunir les troupes de Chambéry
(^t de Grenoble», les généraux se les enlevant les uns aux autres ;
enfin, faire, pour la défens(i du pays, ce qui sera possible et y
relever l'esprit public, s'il se peut, car il est abattu d'une; manière
désolante*. »
(tétait cette occasion unique (|ue Bubna avait laissé échapper.
< Chaptal au Ministre de ki (lucrre. (Archive* de la guerre.)
' Augereau au inajor-géiiéral. (Correspondance d'Augereau. — A rchires de la
fjuerre.)
— 321 —
On peut comprendre, ii la rigueur, qu'il ail eu, pendant les
jours qui précédèrent l'occupation de Bourg, quelque hésitation,
quelques craintes, et qu'il ait redouté de tenter, avec les troupes
relativement peu nombreuses dont il disposait, un coup de main
sur une grande ville comme Lyon. Mais sa cavalerie seule eût di\
suftîre pour lui procurer les renseignements dont il avait besoin.
Des reconnaissances bien faites l'auraient complètement édifié sur
la situation des Français et l'auraient mis en mesure d'accentuer
son mouvement dès le 15 et de brusquer son attaque. Ne sachant
rien ou presque rien, il continua ii tAter prudemment le terrain et
s'approcha de Lyon avec une lenteur et une circonspection que
rien ne motivait. On est donc autorisé h dire que, si le général
autrichien avait su faire de sa cavalerie un emploi rationnel et
judicieux, s'il l'avait poussée vigoureusement en avant, il aurait
sans peine culbuté les faibles avant-postes qui faisaient mine de
couvrir les abords de la ville et qu'il aurait suffi de l'apparition
de ses coureurs aux Brotteaux et à la Croix-Rousse pour que
Lyon partagent le sort de Nancy et de Mâcon et fût enlevé par un
peloton de hussards. Mais, au lieu d'agir de la sorte et de tenter
au moins une entreprise qui ne pouvait avoir, en aucun cas, de
conséquences fâcheuses, ce fut seulement le 16 janvier que, ras-
suré sur le sort de Simbschen qui a occupé Thonon, certain de
conserver ses communications avec sa gauche, sachant, enfin,
qu'il n'y avait aucune trace de rassemblement sérieux de troupes
ennemies en Savoie, il se décida h continuer sa marche inter-
rompue depuis le 11 . Ce fut à cette époque seulement qu'il résolut
de venir avec le gros de ses forces de Bourg jusqu'à Pont-d'Ain
et qu'afîn de faciliter les opérations qu'il allait entreprendre contre
Lyon il donna à Zechmeister l'ordre d'entrer avec 5 bataillons 1/2,
2 escadrons et 1 batterie en Savoie, où les Français n'avaient que
peu de monde, de les chasser de Rumilly et des rives du Fier et
de les pousser sur Chambéry *.
Apparition des coureurs de Bubna devant Lyon. — Les
coureurs de Bubna se montrèrent, pour la première fois, le
16 janvier à quelques kilomètres de Lyon, sur les routes d'Ambé-
* St'àrke, Kiutheilung und Tagesljegebeiiheiten der Haupt-Armee im Moiiatc
Januar. (A'. K, Kriegs Archiv,, I, 30.)
Well. 21
— 322 —
rieux et dos Donibes. Quelques-uns d'entre eux, poussant par la
roule de Trévoux et le faubourg de Saint-Clair jusqu'aux abords
de la ville, échangèrent des coups de fusil avec les avant-posles
français. Mais toutes ces lenteurs avaient permis aux habitiinls
du départ(îment de l'Ain de rompre les digues des étangs, d'inonder
la roule de Meximieux, elle général autrichien, lorsqu'il voulut se
porter en avant de Ponl-d'Ain, fut obligé de revenir sur ses pas
pour reprendre le 17, la route qui mène à Lyon, par Ambérieux.
17 janvier. — Le général Husnier se replie sur la rive
droite de la Sadne. — Le 17 au matin, le général Musnier,
n'ayant pas assez de monde pour défendre Lyon en prenant posi-
tion en avant de la Guillotiôre, dans la plaine qui s'étend sur la
rive gauche du Rhône, jugea avec raison qu'il lui était impossible
de tenir dans la partie de la ville, située entre le Rhône et la
Saône, complètement dominée par les hauteurs de Founières (»l
de Vaise. Repassant la Saône, il vint s'établir h la croisée des
routes de Chalon, de Moulins et de Clermont-Ferrand, ne laissant
que des postes d'obser\'ation en avant de lui, dans la presqu'île
formée par le confluent des deux cours d'eau*.
Quelques partis de cavalerie, appartenant h l'avanl-garde de
Bubna; s'étaient montrés sur la rive droite de la Saône et avaient
occupé Neuville. Voici, d'ailleurs, en quels termes Bubna rend
compte à Schwarzenberg des opérations qu'il tenta contre Lyon,
opérations que sa prudence, poussée jusqu'fi la timidité, rendit
infructueuses *.
Rapport de Bubna snr ses opérations devant Lyon. —
« Afin de me poster sur la communication directe avec Genève, j'ai
quitté Bourg-en-Bresse le 17 et me suis établi avec mon gros à
Pont-d'Ain ; mes avant-postes sont à M(;ximieux. Dans la nuit du
i « J'ai pris i)Osilioii à IVxtroriiité du faubourg; «It; Vaise où j'ai réuni
qaelques petits détiirheuients et beaucoup d'isolés. Les troupes avancées «le
l'ennemi sont à Montluel et à Miribel. n a quelques centaines d'hommes a
Marron, et comme il lui est facile d'y faire filer de bourg autant de monde qu'il
voudra et de se jwrter de là, par Villefrauche, sur mes derrières, ses mouve-
ments sur ce point doivent attirer mon attention autant que ceux qu'il fait
devant moi. » (Musnier au Ministre. Archives de la yuerre.)
' Le feldzcagmeister comte Bubna au piin<-e de Scliwarzeul)erg« i'oni-u Aiu,
ti janvier 1814. (A'. A'. Krieys ArctUv., I, 488.)
— 323 --
17 au 18 janvier, j'ai été informé par mes avanl-|)Osles de la
retraite de l'ennemi qui, après un petit engageraient avec le corps
volant du capitaine Belrup (du régiment do hussards Liechtens
lein), avait quitté la Pape en avant de Lyon.
« Un autre rapport, arrivé un peu plus tard, m'apprit que
l'ennemi avait évacué toute la partie de la ville de Lyon, située
sur la rive gauche de la Saône, que tout était tranquille h Lyon et
qu'on semblait y attendre notre venue. Un officier, que j'ai envoyé
en parlementaire à Lyon, me confirma ces nouvelles. Le maire lui
avait, toutefois, fait dire que, si je comptais occuper Lyon, je ne
devais le faire qu'avec des forces respectables*.
¥ Malgré tout mon désir de m'emparer de cette ville, jo crus
sage de ne pas accéder îI la légère îi cette demande. Je poussai
donc, le 18, mes avant-postes jusqu'à Miribel et la Pape, afin de
reconnaître Lyon le lendemain et peut-être même d'y entrer.
« Mais, pendant la nuit, j'appris que l'ennemi avait coupé la
route sur plusieurs points. Il paraissait maintenant décidé à
défendre la ville qu'il avait, en effet, réoccupée dans la nuit du 17
au 18 janvier et oii le peuple prenait les armes pour participer h
la défense.
« Il est évident pour moi qu'il y a, îi Lyon, deux partis, dont
l'un, qui nous est manifestement hostile, ne peut se maintenir
qu'avec l'aide et l'appui des troupes. On m'affirme même qu'on
aurait mis en pièces et tué un de nos parlementaires sans l'inter-
vention d'un officier de gendarmerie. L'ennemi est, du reste, sorti
de Lyon et tiraille encore pour le moment avec mes avant-postes.
« Comme je ne dispose que de peu d'infanterie, comme j'ai
beaucoup de malades, comme, de plus, mes 5 bataillons comptent
à peine 2,000 hommes d'effectif disponible et utilisable, il ma
semblé d'autant plus risqué de tenter un coup de main sur Lyon
que le terrain m'était défavorable et n'offrait aucune position
avantageuse pour mon artillerie. Je me bornai à laisser devant la
ville mes avant-postes et les chargeai d'observer tout ce qui s'y
passerait
> D*aprèâ les rapports du général Musnier, Bubna chercha à s'aboucher
avec les autorités manicipales de Lyon ; maU les lettres do Huhna furent
remises an géséral par le maire, et ce fat le général Musnier qui fit lai-même
les fépoasM. (Archives de la guerre»)
— 3Î4 -
« Toul(»l'0is, afin d'être on mesure d'entreprendre quelque chose
d'utiliî et parce que j'étais trop faible pour occuper la ville, j'ai
trouvé dangereux de laisser mes avant-postes devant Lyon. Ils
n'auraient pas manqué d'avoir des engagements insignifiants, mais
presque continuels, et comme ces engagements auraient avant
peu fini par accoutumer les Lyonnais à ces tirailleries, je me suis
retiré, hier 20, sur Meximieux et aujourd'hui sur Pont-d'Ain,
d'où je puis me porter aisément dans toutes les directions.
« Si je n'ai pas cru devoir, dans les circonstances actuelles,
essayer d'enlever Lyon, j'ai du moins réussi à attirer sur ce point
l'attention de l'ennemi, à y fixer et à y immobiliser ses forces
et à l'empêcher de foire de là un mouvement contre la grande
armée.
« Le maréchal Augereau était le 15 à Lyon. Très étonné de n'y
pas trouver d'armée, il s'est rendu k Valence pour en ramener du
monde.
« Il m'est extrêmement difficile de me procurer des renseigne-
ments. Aucun des émissaires que j'ai envoyés h Lyon n'est revenu
jusqu'à présent. »
Le rapport que nous venons de reproduire prouve, il nous
semble, que Bubna perdit toute la journée du 18 à négocier, à
parlementer, à reconnaître la ville et à chercher à y nouer des
intelligences. On n'y trouv(; aucune indication sur l'effectif des
troupes françaises de Lyon et la nature des opérations qu'un
corps de moins de 2,000 hommes aurait pu entreprendre. Bubna
omet aussi de faire connaître au généralissime qu'un petit déta-
chement, guidé par des ouvriers gagnés à la cause des Alliés,
avait poussé dans la nuit du 18 au 19 jusqu'au quai Saint-Clair,
et que le 19 il s'était déjà fait un revirement complet dans l'es-
prit de la population. Il trouve inutile de lui exposer les causes
de la retraite momentanée des Français sur la rive droite de la
Saône. Il devait pourtant savoir par s(îs émissaires que le général
Musnier attendait l'arrivée de 700 hommes de renfort, qui, envoyés
en poste de Valence, rejoignirent le 19, pour attaquer les Autri-
chiens pendant la nuit du 19 au 20. les déloger de leur^ poNi-
tions aux portes mêmes de Lyon et les rejeter sur le hameau
de Vernay. à un quart de lieu de la Croix-Rousse. Il passe égale-
ment sous sih.'nce les petits combats d'arrière-garde qui avaient
— 385 —
accompagné, dans la nuit du 19 au 20, l'évacuation de la Papo.
11 se garde encore plus soigneusement de dire qu(î cette arrière-
garde, sous les ordres du colonel Junger (du régiment Kaiser
Huszaren), fut vivement poussée par les Français jusqu'à Mont-
luel, qu'elle se replia même * le 21 jusqu'à Meximieux, où se
trouvait le gros de ses troupes, et retourna seulement à Montluel
lorsque les Français eurent évacué ce point pour établir leurs
avant-postes à Miribel.
Marche de Wieland vers Hftcon. — Obligé par sa faute à
quitter les environs de Lyon et à battre en retraite devant des
troupes inférieures en nombre à celhîs dont il disposait et com-
posées presque exclusivement de conscrits, Bubna donnait au
colonel Wieland qui, sur sa droite, avait dû se rapprocher de
Mîlcon, Tordre d'y laisser le plus longtemps possible le détache-
ment du major comte Saint-Quentin, afin d'être h même de sur-
veiller avec le reste de son monde les routes allant sur Lyon par
(]lhAtillon-les-Don)bes et Villars. Le colonel devait venir se poster
à cet effet à Bourg, et, pour lui faciliter sa tAche, on le renforçait
d'un bataillon de Gradiskaner, qui alla occuper Villars.
D'autre part, Zechmeister avait reçu, le 16 janvier, l'ordre de
Bubna d'entrer en Savoie. A la tête de cinq bataillons et demi à
effectif réduit, de deux escadrons et d'une batterie, il devait
opérer contre les Français qui, postés sur le Fier, occupaient les
ponts d'Annecy et Rumilly et avaient, en outre, quelques troupes
en réserve à Albv et Albens.
18 janvier. — Combat de Rumilly. — Le 18 janvier, alors
que Bubna, déjà sur le point de se retirer des abords de Lyon,
n'osait pas s'engager avec les quelques troupes françaises qui
s'y trouvaient, son lieutenant, moins timoré *, attaquait les posi-
tions françaises, forçait le passage du Fier et du Chéran, pour-
suivait les Français jusqu'au delà d'Albens et adressait, le 18 au
soir, de Rumilly, un rapport dans lequel, après avoir rendu
* n n'y av.ait encore à ce moment à Lyon que 2,500 hommes de troupes.
(Arehivei de la guerre.)
' Stabke, Eintheilung und Tagesbegebenheiten der Haupt-Ârmee im Monate
Januar. (K, K. Krieg» Arehir,, I, 30.)
— 326 —
compte h Bubna do ses opérations, il lui faisait part de ses pro-
jets pour la journée du 19 * :
« Je me suis porté aujourd'hui sur trois colonnes contre Rurailly
et Annecy. L'une de ces colonnes, sous les ordres du lieutenant-
colonel Waller, passant par Cruseilles et Brogny, a occupé Annecy
h trois heures.
« La colonne principale, marchant par Frangy sur la grande
route et la troisième colonne, sous les ordres du colonel Bonczek^
passant par Seyssel et la montagne, se dirigeaient sur Rumilly.
« Pendant la marche, j'appris que l'ennemi cherchait à détruire
le pont de pierre sur le Fier, et, pour l'empêcher de mettre son
projet h exécution, je fis aussitôt prendre les devants h un esca-
dron do hussards. L'ennemi fit mine de vouloir défendre la ville,
tirailla assez vivement avec mon avant-garde; mais, craignant
d'être coupé de sa ligne de retraite par ma troisième colonne, il
se décida peu après h la retraite.
M Je fis avancer rapidement mon artillerie, qui canonna les
masses ennemies en retraite. L'infanterie ennemie se jeta h droite
dans la montagne, et sa cavalerie, peu nombreuse d'ailleurs, ne
tarda pas k disparaître complètement.
« La rapidité, avec laquelle s'étaient effectués nos mouvements,
me permit de couper une colonne française venant d'Alby et qui
voulait suivre la grande route d'AIbens à Aix. Elle fut obligée de
se jeter dans la montagne. Mes avant-postes ont poussé jusqu'h
la Biolle. Le gros de mes forces est ici. Le lieutenant-colonel
Waller avec 1 escadron, 1 bataillon et 2 canons, est près d'Alby.
2 compagnies couvrent ma gauche à Annecy, 2 autres ma droite
h Seyssel, et fournissent un poste îi Serrières.
« L'ennemi avait 800 hommes à Rumilly, 600 hommes h
Annecy, 400 hommes h Alby, 600 hommes k Albens; mais toutes
ces troupes ne renfermaient guère dans leurs rangs que des
conscrits et des douaniers.
« Le général Marchand était aujourd'hui h Rumilly.
« Demain je réunis mes troupes à Albens et je compte de là
me porter sur Aix et en déloger l'ennemi cpii y aurait, dit-on,
près de 2,000 hommes.
* Zcchmcister à Bubna, narniHy, 18 janvier, 11 h. ijà da soir. (A'. K.
Kriegt Arehiv,, l, 488, a.)
— 327 —
« Il m'est impossible do dire actuellement si je pourrai tenter
après-demain quelque chose contre Chambéry, où il y a trois
dépôts de régiments et où Tennemi, s*il réussit h y ralli(T tout
son monde, pourra nf opposer 3,000 hommes, qui ne seront îi la
vérité que des douaniers et des conscrits.
« Le peuple m*a reçu partout aux cris de : « Vive le roi de
« Sardaigne. »
19 janvier. — Zechmeister occupe Aix-les-Bains. — Le 19
il continue sa marche, et d'Aix il fait parvenir h Bubna le rap-
port ci-après, qui permet de se faire une idée exacte tant de la
façon dont s'exerçait le commandement que des modifications
incessantes qu'on apportait h tout propos à la composition des
corps :
« Après avoir opéré îi Albens ma jonction avec la colonne
venue d'Annecy par Alby, je me suis porté sur Aix.
« L'ennemi a évacué la ville h l'approche de mon avant-garde et
a pris position avec 1,600 hommes, 2 canons et 1 obusier, en
arrière de Rages.
« Je voulais l'y attaquer encore aujourd'hui et le pousser vers
Chambéry, mais la nuit m'a empoché de donner suite h mon
projet. De plus mes troupes étaient très fatiguées, et entin les
pluies continuelles avaient momentanément mis mes fusils hors
d'état de servir.
« Mes avant-postes sont au Viviers, où je concentrerai tout
mon monde demain matin î\ huit heures, pour marcher sur
Chambéry, que mes colonnes de flanc prendront h revers. Je
pense y être vers midi.
« J'ai l'honneur de proposer ii Votre Excellence de ne pas poster
mon gros h Chambéry. Je voudrais y laisser seulement six com-
pagnies et un d(»mi-escadron, garder le gros h Aix et continuer à
occuper Annecy et Seyssel, Alby et Rumilly. J'attendrai sur ces
positions les ordres de Votre Excellence.
« Si Votre Excellence rappelle h elle une partie des renforts
qu'Elle m'a envoyés, je ne pourrai laisser h Aix qu'un corps
volant qui occupera péniblement Chambéry. Je porterai alors le
gros de mes troupes derrière le Fier, entre Annecy et Rumilly.
« Une partie des troupes ennemies, mise en fuite, s'est portée
dans la direction de Culoz. Le régiment de dragons de Wûrzburg
- 328 —
est on marche et sera le 18 à Carouge; le 19 il f(Ta halle, le 20
il sera à Seyssel, le 21 à Naiitua, le 22 à Cerdon et le 23 à Ponl-
d'Ain, où il prendra les ordres de Votre Excellence *. »
Ce fut, d'ailleurs, à Taide de ces rapports que Bubna réussit à
se faire pardonner l'impardonnable insuccès de son expédition
sur Lyon, et c'est pour cela qu'il avait eu le soin, en adressant le
21 janvier, de Pont-d'Ain à Schwarzenberg, le rapport que nous
avons cité en partie quelques pages plus haut, de le commencer
en ces termes * :
« Votre Altesse verra par les rapports du général Zechmeister
que cet officier général a chassé l'ennemi de Rumilly et d'Aix et
doit, à rheure présente, être maître de Chambéry. Le but que je
m'étais proposé par l'envoi en Savoie de ce détachement, but qui
qui avait été approuvé par Votre Altesse, est donc atteint. ComDie
nous avons un intérêt majeur h occuper la capitale de la Savoie,
Il encourager et à soutenir le soulèvement des Savoisiens, je
compte prescrire au général Zechmeister : 1® de fournir aux
populations les moyens de prendre les armes ; i^ de laisser le
gros de ses troupes à Chambéry parce que, pour le moment, il
n'y a rien à craindre pour Genève et parce que je tiens ù pouvoir
couper ainsi les connnunications de l'eimemi avec l'Italie par le
Mont-Cenis. »
Mais il est bon de faire remarquer qu'en rédigeant dans ces
termes le rapport qu'il adressait h Schwarzenberg, Bubna n'avait
pas seulenjent l'intention de disposer en sa faveur le généralis-
sime îi qui l'insuccès de Lyon avait dû évidemment causer une
impression désagréable; il voulait aussi provoquer de la part du
généralissime une réponse relative à l'emploi des troupes de
Zechmeister, se décharger sur lui d'une responsabilité qu'il n'osait
pas assumer, en l'obligeant à approuver ou il rejeter directement
les propositions que son lieutenant lui faisait à propos de l'effectif
des troupes à laisser à Chambéry. Aussi, pour peu que l'on examine
les choses de près, loin de s'étonner de la lenteur avec laquelle
les opérations de la grande armée ont été conduites, on en arrive,
au contraire, à se demander comment il était possible, avec une
organisation semblable, de parN^nir à se mouvoir et îi entreprendre
* Zechmeister à Bubna, Aix. 19 janvier. (A'. K. Kriegt Archiv., I, 488 6.)
s Babna à Schwarzenberg, Pont-d*Ain, 21 janvier. (Ibid,, l, 488.)
— 329 -
dos opt»ralions ralionnollos, sériouses et surtout opportunes.
N*est-il pas tout au moins singulier do voir le commandant d*uii
corps indépendant en référer au général en chef lorsqu'il est sim-
plement question de poster momentanément 2,000 hommes à
Chambéry ou à Aix? 11 semble, du reste, qu'un mot d'ordre venu
d'en haut ait été donné h cet effet et que les lieutenants, en cher-
chant à dissimuler au généralissime l(»urs insuccès et leur véritable»
position, n'aient fait que se conformer h la manière de faire
adoptée par le généralissime lui-même dans les rapports qu'il
adressait de son côté à son souverain. Pour en donner la preuve,
nous nous contenterons d'extraire les lignes suivantes du rapport
que Schwarzenberg * envoyait de Langres h la date du 24 janvier,
h l'empereur d'Autriche: « Bubna (armée du Sud), est-il dit dans
cette pièce, a repoussé l'ennemi jusqu'aux portes de Lyon. Il se
trouve trop foible pour y entrer et pour cette raison il a posté h»
gros de son corps à Pont-d'Ain. Il a envoyé Zechmeisler contre»
Chambéry. Ce général a rejeté Tennemi sur Aix-les-Bains, et ses
avant-postes étaient, le 19 au soir, devant Chambéry. »
Un pareil rapport n'était guère de natun^ à fixer les idées de
l'empereur d'Autriche, et l'on a le droit de se demander quelle
explication plausible le prince de Schwarzenberg aurait pu
fournir à son souverain s'il était venu ii l'esprit de l'empereur de
lui demander comment, après avoir été assez fort pour pousser
l'ennemi jusqu'aux portes de Lyon, Bubna s'était tout h coup
trouvé trop faible pour entrer dans cette ville ouverte.
20 janvier. — Occupation de Chambéry par Zechmeisler.
— Cette digression nous a forcément entraîné loin des événe-
ments dont la Savoie était le théîllre, de ces événements qui,
malgrt^ son vif désir de se décharger de toute responsabilité,
allaient néanmoins forcer Bubna à prendre une résolution. Le
général Zechmeister avait, en effet, occupé Chambéry le 20 jan-
vier et fait poursuivre, sur la roule de Montmélian, l'ennemi qui,
poussé vivement par la cavalerie autrichienne, ne s'arrêta, d'un
côté, qu'à Pontcharra, sous la protection des canons du fort Bar-
raux et, de l'autre, se replia sur Les Échelles. Bubna se vil, par
1 Schwarzenberg à Temperear, Langres, S4 janvier. (If. A". KriegtArehir,,
I, 567.)
— :^30 —
suite, dans l'obligation do proscriro à Zechmoislcr do faire occuper
Cliaml)éry par le gros de ses forces * sans plus insister sur sa
propre situation h Pont-d'Ain*. Bubna ajoutait seulement, dans
son rap|)orl h Schwarzenherg, qu'il faisait surveiller les routes
de Lyon et de Grenoble par Les Échelles et que, sur la gauche du
génc^ral Zechmeister, on observait Conflans, Montmélian et le
pont de risCîre.
En fiiit de renseignements intéressants, il apprenait au généra-
lissime qu'il y avait, paraît-il, 100 gendarmes à Chalon-sur-Saône,
qu'on avait illuminé h Lyon, le 20, pour célébrer l'arrivée de 800
hommes de troupes de ligne qui avaient porté l'effectif des vieilles
troupes présentes sur ce point k 3,000 hommes. Il est vrai qu'en
terminant il induisait, involontairement assurément, le généralis-
sime en erreur en lui disant (rapport du 22 janvier) : « Le maré-
chal Augereau n'est pas encore de retour », alors, qu'au con-
traire, le duc de Castiglione était précisément arrivé h Lyon
depuis 24 heures, avec quelques escadrons.
21 janvier. — Retraite de Bubna sur Pont-d'Ain. — Le
lendemain 2i, Bubna, dont les avant-postes allaient jusqu'en
avant de Miribel et qui s'était (encore tenu la v(Mlle avec son gros
î\ Meximieux, jugea h propos, nous disent le^lagesbegehmheiten^,
de ramener son gros à Pont-d'Ain et son avant-garde h Meximieux
« parce qu'il avait reçu la nouvelle de la présence ,îiTournus,
du général Legrand h la tête d'un gros (?) corps de troupes fran-
çaises. »
Combat de Chapareillan et prise du pont de Montmélian.
— Heureusement pour Bubna, les affaires des Alliés continuaient
à suivre un cours favorable en Savoie. Le même jour, en effet, le
général Zechmeister avait fait une démonstration sur Grenoble et
trouvé les Français en position en avant du fort Barraux, près de
• liubua à Schwarzenberg, Pont-d'Aiu, 22 janvier. (K, K. Kriegs Archiv. ,
I, 509.)
• Il est permis de se demander comment, de Pont-d'Ain, Bubna pouvait
surveiller ce qui se passait sur la rive gauche du Rhône et du côté de la vallée
de l'Isère.
• Starkb. Kinthcilnng und Tageshcgebcnheiten der Haupt-Armeo im Monate
Jauuar. (K, K. Kriegt Arehir,, l, 30.)
— 331 -
Chapareillan, ofi ils avaûml h ce momonl GOO hommes et 15
canons. Mais il avait forcé, d'un autre côté, le général Dessaix h
repasser sur la rive; gauche de ^Is^re h Montmélian et h évacuer
ce point important dont le général français n'avait pas eu le temps
de détruire le pont. Malgré tous les efforts des Français, Z(»ch-
meister avait réussi à rester maître de ce pont qui, gardé par
3 compagnies sous les ordres du colonel Benczek, lui assurait un
passage sur Tlsère oX lui ouvrait la route du Mont-Cenis.
Enfin, poussant le même jour un détachement dans le massif
des Bauges, par le col de Tamines, il avait occupé en amont les
points principaux de la vallée de l'Isère jusqu'à Conflans * pour
se couvrir sur sa gauche.
A la suite de son échec et des mouvements de Zechmeister, le
général Dessaix avait pris position à la Chavanne, dans la vallée
de l'Arc et vis-îi-visde Montmélian, sur la rive gauche de l'Isère,
et paraissait vouloir s'y retrancher pendant que le général Mar-
chand, qui avait remplacé le général de La Roche malade et man-
quant de l'énergie et de l'activité nécessaires dans des circons-
tances aussi critiques, occupait, sur la rive droite de l'Isère, la
fameuse position du maréchal de Ber\vi(*k h Forl-Barraux, ap-
puyant sa gauche h Belle-Combette; sur le massif montagneux, sa
droite h Tlsère avec un poste à Pontcharra, destiné h assurer
et h couvrir ses communications avec le général Dessaix, qui
renouvela ses tentatives de reprise du pont de Montmélian, le;
lendemain 22, mais sans plus de succès que la veille.
22-23 Janvier. — Tentatives des Français contre le pont de
Montmélian. — Le 23, bien que Zechmeister eût renforcé l(»s
troupes qui gardaient le pont de Montmélian *, les Français
essayèrent une fois de plus de le reprendre ; le gros de Zech-
meister alla h Chambéry, moins 2 compagnies et 2 pelotons qu'on
envoya à Saint-Thibaud-de-Couz sur la route de Lyon '.
* Journal d'opération du général Zechmeister et rapport de Bubna à Schwar-
zenberg. Genève, 26 janvier. (K. K, Kriegs Archiv., l, 594.)
> K, K, Kriegg Arehiv,, I, 894.
s 11 y avait à ce moment 800 hommes et iO canons sur la rive gauche de
risère à Pontcharra ; 400 hommes et 2 canons à GonceUn. Les Autrichiens
n'avaient pas encore essayé de pénétrer en Maurienne. Leur avant-garde se
tenait à Saint-Jeoire, près de l'embranchement do la route d'Italie avec celle de
— 332 —
Pendant ce temps, malgré tous les dangers de la position de
Chambéry, malgré les inconvénients que Bubna lui-même ne peut
s'empôcher de reconnaître dans le rapport à Schwarzenberg,
auquel nous avons fait allusion, Zechmeister avait néanmoins
reçu l'ordre d*y rester jusqu'à l'approche de grosses forces fran-
çaises. Pour démontrer au généralissime que cette occupation
n'avait pas été inutile, Bubna s*empressa de lui annoncer que,
grdce à cette mesure, on avait pu rendre la liberté à plusieurs
officiers espagnols prisonniers qui y étaient internés, parmi
lesquels il citait le lieutenant général Renavales et le brigadier
Manoël Versarjon *.
L'apparition de Bubna devant Lyon avait eu pour conséquence,
en somme, heureuse pour les Français, de faire de cette ville le
point de concentration unique et général de toutes les forces en
formation dans le Midi et restées éparses jusque-lîi dans les diffé-
rents dépôts. Le général autrichien se flattait, il est vrai, d'avoir
empêché par sa marche une diversion contre l'extrême gauche de
la grande armée, diversion que les Français ne pouvaient songer
h tenter à ce moment par la simple raison que, comme nous
l'avons vu, ils n'avaient personne dans ces parages. Au contraire,
non content d'avoir, en jetant l'alarme, montré aux Français toute
rétendue du danger auquel sa timidité seule leur avait permis
d'échapper, il allait commettre une faute bien plus grave encore
et donner à Augereau le temps et la possibilité d'organiser au
moins en partie les forces avec lesquelles le duc de Castiglione
était appelé à tenir la campagne, forces avec lesquelles, s'il eilt
encore eu son ancienne énergie, il aurait pu glorieusement con-
tribuer à sauver la France.
24 janvier. — Mouvements rétrogrades de Bubna. — En
effet, après avoir hésité longtemps, depuis qu'il s'était cru coîï-
Iraint de quitter les environs immédiats de Lyon, Bubna, n'arri-
vant pas à trouver du côte de Pont-d'Ain une position qui lui
Grenoble à Chambéry, à peu de distance de Montmélian. Du côté des EcheUes,
les avant-postes aatrichiens étaient à Saint-Thibaud-de-Couz à ane bonne
lieue de la Grotte, que le général de Barrai occupait avec 350 hommes.
* Bubna à Schwarzenberg, Genève, 26 janvier. (K, K. Kriegs Archiv,,
l 594.)
- 333 —
perniîl h la fois d'avoir l'œil sur Lyon <*t de couvrir Chambéry et
Genève, avait pris une grave résolution. Dans les journées des 2:2
et 23 janvier, il avait prescrit au colonel comte Zichy de se porter
avec 6 escadrons et 1 bataillon de chasseurs à Meximieux, afin
de surveiller de là ce qui se passait du côté de Lyon ; au colonel
Wieland, de se tenir il Bourg avec 2 bataillons, 6 escîidrons et
1 batterie à cheval avec mission d'obser\er également Lyon, de
maintenir Tordre dans les départements de l'Ain et du Jura, et
de chercher à se relier par Dole et Lons-le-Saulnier avec la
gauche de la grande armée et plus particulièrement avec la bri-
gade du général Scheither. De faibles renforts allèrent rejoindn^
Zechmeister en Savoie, et Bubna lui-môme reporta son quartier
général à Genève *.
Les Français reprennent le pont de H&con. « Pendant que
Bubna envoyait ces instructions au colonel Wieland, le major
comte Saint-Quentin * qui, après avoir réussi à s'emparer du pont
de Mûcon, avait été chargé de le garder avec un escadron et
demi de hussards, soutenus par 2 compagnies, avait dû, après
un combat assez vif, se retirer le 23, à 5 heures du soir, devant
les troupes du général Legrand, et avait été poursuivi jusqu'à la
tombée de la nuit. Le général Legrand s'était alors arrêté et
replié sur le pont de MAcon qu'il avait solidement occupé. Le
colonel Wieland, informé par le major Saint-Quentin de l'échec
qu'il venait d*essuyer et qui avait coûté pas mal de monde à son
petit détachement, attaqua à son tour le général Legrand, le len-
demain 24, et chercha à lui reprendre le pont. « Mais il ne put y
parvenir, écrit Bubna à Schwar/enberg, à cause du peu d'infan-
terie dont il disposait. »
i St'arke, Eintheilung nnJ Tagesbegebciihcitcn der Haupt-Armee im
Monate Janaar. {K, K. Kriegs Archiv,, l, 30.)
Bubna, en fait de renforts, n'avait envoyé à Zechmeister que 3 com>
pagnies qui se portèrent sur la gauche de Zechmeister à Faverges. c< Un
bataillon et un escadron, écrit il, vont demain (il s*agit du 27, puisque le
rapport auquel nous empruntons ces renseignements est daté du S6 (K, K.
Kriegs Archiv., I, 594) en renforts à Rumilly. C'est tout ce que j'ai actuelle-
ment de forces disponibles, ajoute Bubna. »
* Bubna à Schwarzonlicrg, Genève, 26 janvier. (K. K. Kriegs Archiv.,
l, 594.)
— 334 —
Première affaire de la Grotte. — En Savoie, le général Des-
saix se borna à tenir les Autrichiens en éveil au pont de Montnié-
lian. Le lieutenant-colonel Waller (du régiment de hussards
Liecîhtenstein), détaché avec 3 compagnies et un escadron de
hussards pour attaquer le défilé de la Grotte près des Échelles,
afin de s'ouvrir de ce côté la grande route de Lyon, échoua com-
plètement dans son entreprise. Il parvint néanmoins à se replier
sur Saint-Thibaud-de-Couz, sans être inquiété dans sa retraite *.
25 janvier. «- Position du général Dessaix. — Le âo, le
général Dessaix continua îi manœuvrer sur la gauche de Zech-
meister. Il avait placé 4 canons et 1500 hommes à la Chavaiuie,
dans les redoutes élevées au débouché du pont de Montmélian,
renforcé sur la rive gauche de l'Isère ses postes d'amont
jusqu'à hauteur de Conilans et envoyé à Sainte-Hélène-des-Mil-
lières un parti de cavalerie qui reconnut et sonda les gués de
la rivière. Les Français avaient de plus renforcé le poste de la
Grotte et occupé Pont-de-Beauvoisin, dont les troupes fourni-
rent un avant-poste à la Bridoire*.
Quant h Bubna, il continuait à annoncer à Schwarzenberg
qu'il n'y avait k Lyon que 3,000 hommes de troupes; mais, au
lieu de faire soutenir Zechmeister partout son monde, ce qui eût
été logique et eût peut-être permis à ce général de percer sur
Grenoble, il avait envoyé h Dole le lieutenant-colonel Meninger et
un escadron de hussards de Wûrzburg, avec ordre de rejoindre
le général Scheilhcr qui paraissait avoir besoin de cavalerie.
Bubna avait, en outre, maintenu le général Klopstein h Pont-
d'Ain pour l'employer de là en raison des circonstances.
26 janvier. — Affaire des Marches. — Le 2G, les Fran-
çais continuèrent à renforcer les postes de la Grotte et de Pont*
de-Beauvoisin, et pendant que le général Dessaix attaquait de
front h^ j)ont de Montmélian, le général Marchand, venant du fort
Barraux par les Marches, s«» mettait en route pour pnîiidre à revers
les Autrichiens postés h Montmélian. Mais il vint donner contre
i Tageburli do g<>uôral Zerhiiioister et rapport de BnLna à Schwarzenberg
du 24 janvier, {K. K, Kriegs Àrchiv,, I, 594.)
* Id, in ibid.
~ 335 —
une colonne d(» G c-ouipagnics, 1 esciulrou vi i fanons, avrc
laqnelhî le g('*n<Tal/(ichnHMstrr, parli deSainl-Jeoire, se disposait
h reeonnaîtni Fort-Barraux. Z(M;hnieisler attaqua le général Mar-
chand au moment où celui-ci venait de (culbuter les avant-postes
autrichiens, le chassii des Marches et Tohligea h se replier sur
Chapareillan. La tentative contre le [)ont de Montmélian avait
échoué à la suite de l'échec éprouvé par Marchand aux Marches;
mais ce succès avait coûté pas mal de monde aux troupes de
Zechmeistcr, qui lit néanmoins occu[)er ce jour-lîi Mouti<Ts dans
la Tarenlaise, et qui reçut h Chambéry un faibh; nîiifort de
3 escadrons de hussards Liechtenstein avec 2 obusiers *.
Rapport de Bobna à Schwarzenberg. — Pendant que Zech-
meistcr se maintenait ainsi en Savoie contre tous les (îtlbrts des
généraux Dessaix et Marchand, Bubna, se préoccupant surtout
des moyens de rester en conimuni<!ation avec la grande armée,
écrivait à Schwar/enberg pour lui demander l'autorisation d'ap-
puyer ses lignes non plus à MAcon, mais il Chalon-sur-Saône. Il
faisait valoir, entre autres raisons, la difticulté d'établir une tète
de pont à Mûcon, l'avantage qu'il y aurait pour lui, connne pour
le général Scheither, à combiner leurs opérations sur ChAlon ;
mais en réalité Bubna % qui avait ramené ses troupes sur Mexi-
mieux et Pont-d'Ain, chen'hait, surtout depuis que le pont de
Màcon avait été repris par les Français, à rétablir et à assurer
1 Tagcbuch da général Zcclimeùter et Bubua à Schwarzenberg, Genève,
27 janvier. (A'. K. Kriegn Archiv., I. 618): Starke, Eintheilang und Tagcs-
begebcnheiten der Haupt-Armee im Monate Janaar {Ibid.^ 1, 30.)
' Buboa arriva au résultat qu'il s'était proposé, et la preuve de ces fait)
ressort de la dépêche ci-contre, adressée par Sclieitber à Scïiwarzenberg :
« I)ùle, 30 janvier 1814. — Je proûte du passage d*un courrier pour
envoyer des nouvelles de mon corps à Votre Altesse.
« J'ai été relevé liier du blocus d'Aaionne par le feld-maréchaMieatenaiit
lATon Wimpfen. Un bataillon d infanterie quitte Salins le 30 et sera le
i^^ février à Dùle où j'aurai le â février toute ma brigade (5 bataillons de
chasseurs, bataiUon de Krudi, chevan-légcrs de Vincent et 6 pelotons de hus-
sards). I>e là, je compte me porter sur Ctialou-surSaône.
« Ma brigade éteint trop faible pour prendre Ctialon qui est fortement occupé
j)ar Tennemi, puisque le général Legrand y est avec 4,000 hommes, le général
Wimpfen me donne un bataillon d'infanterie
« Je me relierai avec le détachement du colonel Wielaud. n (A'. A.
Kriegt Arelwk,, I, 682.)
— 336 —
srs rommunirationset h so relier de plus on plus avec rarniêe du
prince hérilier de Hesse-Honibourg. Il avail, d'ailleurs, encore une
autre raison pour insister sur cette question : il aimait en effet
beaucoup mieux avoir à soutenir Scheither dans son opération
contre Chalon-sur-Saône qu'à opérer pour son propre compte
et avec ses seules forces contre MAcon. Les renseignements qu'il
adressait à cette date au généralissime, relatifs ti Lyon, étaient
en somme peu exacts. C'est ainsi qu'il estimait, le 27, à 6,000
hommes les troupes régulières d'Augereau à Lyon, alors que la
veille encore il avait signalé à Schwarzenberg la présence de
3,000 hommes seulement dans cette ville *.
29 janvier. —Affaire d'Aiguebellette.— L'arrivée àChambéry
de quelques renforts, "quoique peu considérables, permit à Zech-
meister, qui sentait bien maintenant qu'il lui serait difficile de
déboucher sur Grenoble et de s'emparer de cette ville, de conti-
nuer du moins ses opérations et de s'établir un peu plus solide-
ment entre le Fier, l'Isère et le Rhône.
Après avoir, le 29, chassé sans peine le petit poste français
d'Aiguebellette, Zechmeister résolut d'enlever les positions de La
Tour-du-Pin et de Pont-de-Beau voisin, et de s'emparer surtout
des Échelles. Il voulait de la sorte se ménager la possibilité d'en-
voyer des partis dans la vallée de l'Isère, couvrir la droite de
la position de Chambérv et s'ouvrir la route de Chambérv à Lvon.
I w • »
Pour atteindre le but qu'il se proposait, il lui fallait chasser
d'abord les partis français de Lépin, puis masquer Pont-de-
Beauvoisin et se porter ensuite contre les Échelles.
Le 29 janvier, le major Mylius, avec 4 compagnies et un peloton
de hussards, i)Oussa par Bissy jusqu'au pied des montagnes.
30 janvier. — Affaires de la Grotte et des Échelles. — Le
30, au matin, passant par le col de Novalaise, laissant à gauche
le lac d'Aiguebellette, il se porta par Saint-Albin sur Lépin, afin
de prendre Tennemi îi revers. Pendant ce temps, une compagnie
postée à Aiguebellette devait occuper de front les troupes enne-
mies établies à Lépin, puis, à l'arrivée du major Mylius. marcher
' Bubiia à Schwarzenberg, GcDcve, 27 janvier. {K, K. Kriegs Arehic,
\, 618.)
- 337 —
(Je fiiron h couper aux Franrais leur ligne de retraite dans la
direction d*Attignat-Oncin. Quant à Mylius, il avait Tordre, dès
quil aurait exécuté celte partie de son opération, d'envoyer sur
la Bridoire un parti chargé de masquer complètement Pont-de-
Beauvoisin, et de couvrir par un poste la route de Pont-de-Beau-
voisin à Chambéry par Lépin et Aiguebellette ; le reste de son
détachement devait, d'Attignat-Oncin, pousser avec lui par la
Bauche sur Saint-Pierre-de-Genebroz et se porter de là avec la
colonne venant par Saint-Thibaud-de-Couz sur le Villard, alin de
coopérer à Tattaque de la Grotte et des Échelles. Le gros destiné
à l'opération contre la Grotte se composait de 2 bataillons, un
escadron de hussards et une demi batterie. Il se forma le 30,
un peu après-midi, à Saint-Thibaud-de-Couz. 2 1/2 compa-
gnies de ce gros, prenant par la haute montagne, par la Bauche
et chargées de côtoyer la marche du gros, avaient pour mission
de se porter avec le major Mylius sur le Villard et d'atta-
quer la Grotte h revers en débouchant par Saint-Christophe.
Enfin, une compagnie et demie était encore chargée de flanquer le
gros par Saint-J(»an-de-Couz, de descendre dans la vallée du Guier,
lorsque C(î gros aurait enlevé la position de la Grotte, d'occuper
le pont de Saint-Martin et d'attaquer Saint-Christophe par la
droite. L'attaque de front sur la Grotte devait commencer à
3 heures.
Le major Mylius bouscula et dispersa presque complètement
les quelques troupes ennemies postées îi Lépin ; le parti envoyé
à la Bridoire poussa les Français jusqu'il Pont-de-Beauvoisin, et
le major, avec le gros de son petit détachement, se dirigea alors
sur Saint-Pierre-de-Genebroz.
A 3 heures, Zechmeisler faisait attaquer de front la position de
la Grotte pour attirer sur lui l'attention de l'ennemi. Les troupes
françaises tinrent bon jusqu'au moment où elles furent prises h
revers par le feu de quelquc^s tirailleurs* qui avaient réussi à
prendre pied sur les crêtes dominant la Grotte. Au même moment,
la colonne de gauche attaquait le pont de Saint-Martin, et Zech-
* Les tiraillears avaient été gaidés par les habitants. (Voir le rapport du
sénateur Chaptal, comte de Chanteloup, an Ministre de la Guerre, Lyon,
2 février. — ArcfUves de la guerre.)
— 338 —
nieister, prolilant de l'hésilalion niarquéi» par les Fraiirais,
enleva la Grotte et poursuivit ses défenseurs jusque vers les
Échelles.
La nuit était venue sur ces entrefaites; déjà Zechmeister, sans
nouvelles de la marche de ses colonnes de flanc que la neige
avait retardées, commençait à s'inquiéter, lorsqu'il entendit la
mousqueterie du côté de Saint-Pierre-de-Genebroz. Il ne tarda
pas à apprendre que sa colonne, ayant eu connaissance de la
prise du poste de la Grotte, s'était portée droit sur les Échelles *
et en avait chassé l'ennemi.
^ u Le poste des Echelles, dit le général Marchand dans sa dépêche au duc
de Feltre, Grenoble, S février, vient d'être enlevé par quelques centaines
d'Autrichiens, quoique la route fût coupée au-dessous de la Grotte de manière
à être entièrement impraticable. Nos soldats ont à peine tiré quelques coups
de fusil, et une centaine ont jeté leurs armes et leurs sacs pour se sauver.
Cependant je regardais le poste comme imprenable. Grenoble est beaucoup
plus aisé à enlever en ce moment (2 février) que ne Tétait le poste des
Echelles, et il est impossible d'en répondre avec de pareils soldats. » {Archives
de la guerre,)
Le général de Barrai, écrivant le 31 janvier, à 8 heures du soir, de Saint-
Etienne-de-Crossey au Ministre de la Guerre, lui donnait encore plus de détails
sur l'affaire de la Grotte et des EcheUes :
M J'ai de bien fâcheuses nouvelles à vous annoncer : Tavant-poste de la
Grotte a été attaqué à 1 h. 1/â après-midi. La fusiUade a commencé assez vive-
ment et je m'en félicitais parce que mon poste paraissait inattaquable. J'y
voyais un moyen d'aguerrir mes jeunes soldats. Mais bientôt le combat s'est
engagé vivement, et le poste de la Grotte s'est vu tourne et attaqué de ciu({
côtés à la fois. Bientôt j'ai aperçu sur les montagnes à la faveur de la neige,
3 colonnes dont l'une descendait pour tourner la Grotte; une autre se diri-
geait par la crête de la montagne qui domine les Echelles à portée de fusil ; la
3** m'a paru avoir pour objet de tourner mon poste d'AiguebeUette, et en effi't
j'ai vu qu'il était attaqué de plusieurs côtés et qu'il se repliait avec perte.
Ainsi les EcheUes ont été investies du côté de la route qui mène à Pont*dc-
Beauvoisin par la hauteur de la Commanderie qui les domine et par la route
de la Grotte, ce qui me séparait du principal poste que j'avais sur ce point.
J'ai alors fait retirer une des S pièces pour défendre le passage du pont des
Echelles avec 60 hommes que j'avais à ma disposition dans cette partie.
u Mais ces précautions ont été vaines. Vers 5 heures du soir feunemi est
entré dans les Echelles par trois côtés malgré la fusillade. Mais le nombre de
mes troupes se trouvant réduit infiniment par le nombre des tués, des blessés
et surtout des fuyards, ce qui restait a été poursuivi à coups de fusil jusqu'à
200 pas au delà du Guier, et la nuit a mis fin au comliat.
ic Me trouvant séparé des troupes de la Grotte et sachant que beaucoup de
soldats avaient filé par le chemin de Miribcl, j'ai couru après espérant les
rallier pour défendre le passage du Grossey. J'en ai rassemble une trentaine
qui se sont échappés à la faveur de la nuit J'apprends à l'instant que mes
% pièces sont à Saint-Laureut-du-Pont et j'ai onJonné qn'on les dirige sur
— 339 —
31 janvier. Positions de Zechmeister. — Le Icnchmiain 81,
Zechnieisler faisait occuper |)ar des postes Corb(»l, Sainl-Pierrc-
d'Entrcniont et Eiitremonl-le-Vieux, et ses partis, descendant au
sud vers TIsiTC, poussaient du coté du nord jusque vers La Tour-
du-Pin *.
Enfin le !«'' février, un de ses partis occupait sur la route de
Lyon Pont-de-Beauvoisin, tandis qu'un autre, poussant en avant
des Échelles, passait par Voiron et battait le pays du côlé de
Voreppe sur la grande route de Grenoble *.
Zechmeister était donc à la fin de janvier maître de toute la
vallée du Guier, dcîpuis sa source juscju'à son confluent dans le
Rhône, et ce fut précisément à ce moment qu'il reçut de Hubna
l'ordre de rester sur les positions qu'il occupait et d'arrêter tout
mouvement en avant '.
Inaction de Bubna jnsqu an 4 février. — Nous avons dit au
chapitre II que Schwarzenberg, après avoir modifié la composition
des forces employées sur sa gauche et dans le midi de la France,
avait confié au princes héritier de Hesse-Hombourg le comman-
dement de ce rass(?mblement considérable qui allait prendre le
nom d'armée du Sud. Il avait même jugé nécessaire de venir en
personne le 24 janvier, à Dijon, s'assurer de l'exécution des
mesures qu'il avait prescrites, et ce fut à la suite de celle tournée
du généralissime (jne le 31 janvier Bubna avait cru devoir de son
côté arrêter Zechmeister* qui se préparait à poursuivre le général
Dessaix alors en pleine» retraite» sur Grenoble.
Voreppe par Foinmiors. J'ignore le sort des restes du poste de la Grotte et je
doute qu'il me reste assez de monde pour défendre les passages de Saint-
Etienne-de-Crossey qui mônent à Voiron et le col de la Placette qui mùne à
Voreppe. »
Augereau et Saint*Vallier n'étaient, d'aiUeurs, guôre plus rassurants ; le pre-
mier disait : ce Tous les passages qui couvrent Grenoble et Lyon sont pris, et
l'ennemi s'est renforce sur Montméliaii. » Le second écrivait : « Nos troupes
se sont retirées à Saint-Etienne-de-Crossey et au col de la Placette, positions
qui couvriraient Voiron et la route de Grenoble si nos soldats inspiraient plus
de confiance à leurs chefs. »
^ Tagebuch du général Zechmeister, et Starke, Eintheilung und Tagesbe-
gebenheiten der Haupt-Armee im Monate Januar. {K,K. Kriegt Arckiv,, 1,30.)
' St'àrkb, Eintheilung und Tagesbegebcnheiten der Haupt-Armee ini Monate
Januar. (Ibid., 11, 1.)
s Bubna à Schwarzenberg, Genève, 4 février. (Ibid., 11^ 8i.)
* Bien que Bubna n'ait à ce moment remporté des avantages qu'en Savoie»
— 340 —
Quoique d'une durée assez courte, ce temps d'arrêt, aussi
imprévu qu'inexpliqué, s'était produit fort îI propos pour le maré-
chal Augereau. Rappelé à Lyon par la marche de Bubna sur
cette ville, il y était arrivé le 21 janvier avec les quelques troupes
qu'il avait, avec grand peine, réussi h ramasser à Valence et sur
sa route.
Il lui était malheureusement encore impossible de se confor-
mer aux ordres de l'Empereur, de couvrir Lyon en se portant en
avant sur les routes de MAcon et de Tarare, pendant que sur sa
droite il aurait fait solidement occuper Chambéry, qui était déjà
aux mains -des Alliés, Grenoble et Vienne. A la date du 25 jan-
vier la division Musnier ne comptait, en effet, que 2,761 hommes,
et les troupes employées en Savoie et du côté de Grenoble ne
s'élevaient elles-mêmes, avant les affaires dont nous venons de
parler, qu'à 5,361 hommes. Aussi, bien que les renforts en
marche ne fussent pas encore sur le point d'arriver, tout au
moins en ce qui concerne les vieilles troupes, bien que la tête de
colonne de la division, venant de l'armée de Catalogne ne dût
le rejoindre que vers le milieu de février, cette inconcevable in-
terruption des opérations des Alliés n'en fut pas moins essentiel-
lement favorable h Augereau. Le temps seul pouvait lui per-
mettre de compléter l'organisation de ses troupes, d'achever la
formation de ses bataillons mobilisés de gardes nationales, de
hAler la création de quelques corps de partisans et d'un certain
nombre de compagnies franches. Il ne sut malheureusement pas
profiter de cette fortune inespérée.
En l'appelant au commandement de l'armée de Lyon, l'Empe-
reur avait généreusement oublié les défaillances passées du maré-
chal, son insuffisance pendant les derniers jours de la campagne»
de 1813, pour ne se souvenir que du brillant soldat de Lodi, de
Castiglione et d'Arcole. Organisateur médiocre, Augereau ne
possédait plus aucune de ses anciennes qualités. Mécontent et
où il n*avait que fort peu de monde, il n*eD est pas moins certain que la dis-
persion de ses forces failUt lui être funeste, lorsque, obligé de se renfermer
dans Genève, devant l'offensive momentanée d'Augereau, il fut un instant
sérieusement menacé. On doit, par suite, reconnaître que Clausewilz a raison
lorsqu'il condamne dans sa Critique $tratigique, toutes les opérations secon-
daires de Scbwarzenberg et en particulier le détachement de troupes en
Savoie.
— 341 —
décourag(^. indécis ol raisonneur, l(^ maréchal, loin de repondre
à la confiance de celui qui, en devenant son souverain, n*avait
jamais cessé d'être son ami, n'osera même pas se conformer h des
instructions d'une incomparable netteté. Bien que sa responsabi-
lité fût couverte par des ordres formels, il ne doimera pas une
seule fois, pendant toute la dun'^e de cette* campagne qui eût pu
immortaliser son nom, la moindre preuve de cette énergie instinc-
tive qui avait fait sa gloire, de <îet élan irrésistible qu'il îivait su
imprimer jadis aux soldats de sa division, de cette confiance
aveugle dans le succès final qu'il avait eu un jour la gloire de
faire partager et d'inspirer h Bonaparte.
— 3i2 —
CHAPITRE VI.
BniENNE ET LA ROTHIÈnE (26 JANVIER. — 3 KÉVRIER).
26 janvier. — Situation générale de la France et de l'Em-
pereur. — Au moment où Tempereur Napoléon et Blficher
arrivent presque simultanément sur la Marne, l'état matériel et
moral des armées françaises et coalisées présente des particula-
rités tellement exceptionnelles, qu'on ne saurait entreprendre
Fexposé des opérations avant d'avoir jeté un coup d'œil, d'une
part sur la situation qu'un concours de circonstances, plus
fâcheuses les unes que les autres, avait faite à l'Empereur, de
l'autre sur l'intensité des différents courants politiques qui, bal-
lottant le quartier général des souverains, modifiaient tour à tour,
et dans les directions les plus diverses, la nature et le caractère
des opérations des armées alliées.
Jamais général en chef n'avait été plus insuffisamment secondé,
jamais souverain n'avait été plus mal servi que Napoléon pen-
dant les quelques semaines qui s'étaient écoulées depuis la
reprise des hostilités et cependant, malgré les symptômes signi-
ficatifs qui avaient dû frapper un esprit aussi observateur que le
sien, il ne pouvait encore se résigner h admettre que l'ingrati-
tude, produite par le découragement et la satiété, eût jeté de si
profondes racines dans le cœur de ceux qu'il croyait s'être atta-
chés à tout jamais par d'incessants bifînfaits. Il se refusait à
croire que les soldats de fortune qu'il avait, en récompense de
leurs ser\ices, couverts d'honneurs, comblés de dignités, enri-
chis par des donations, qu'il avait faits maréchaux d'Empire,
ducs et princes, qui lui devaient tout, jusqu'h leur gloire, lassés
de combattre, resteraient froids et indifférents en présence du
péril qui menaçait le pays. Il ne voulait pas se faire î\ l'idée que,
croyant avoir suffisanmient payé leur dette h hîur bienfaiteur et à
la France et semblables aux courtisans arrivés au faîte des
grandeurs, ils n'aspiraient plus, pour la plupart, qu'à un repos
leur permettant de jouir en paix d'un bien-<Mre et de richesses
qu'ils devaient h sa générosité. Leur zMe s'était refroidi, leur
dévouement s'était affaibli depuis le moment où ils avaient constaté
que l'astre du grand capitaine déclinait. Les neiges et les glaces
- 3^ --
(Ift riiivor (le 1812 avaient éteint dans leur cœur les dernii'^res
lueurs des belles et grandes ardeurs do 1806, 1807 el 1809. La
retraite de Russie et le désastre de Leipzi{ç avaient ébranlé la
foi, jusque-là aveugle, des maréchaux dans la fortune, dans le
génie et dans l'invincibilité du plus illustre des hommes do
guerre.
Mécontents et découragés, ils déployaient une mollesse inusitée
dans l'exercice du commandement; ils apportîiient une négli-
gence condamnable et une mauvaise volonté presque criminelle
dans l'exécution des ordres grâce auxquels l'Empereur espérait
parvenir h sauvegarder l'intégrité du territoire national. Con-
vaincus de la stérilité de la lutte que Napole^on était décidé h
soutenir et do l'impossibilité de sauver h» pays, ils préparaient,
inconsciemment sans aucun doute, sa perte, en renseignant incom-
plètement l'Empereur et en désespérant d'une situation assuré-
ment grave, mais qu'ils croyaient superflu d'examiner et d'ap-
profondir.
Motifs de renvoi de Berthier aux avant-postes. — État
d'esprit des maréchanx. — C'est pour cela même que, guidé
par son merveilleux instinct des choses de la guerre, l'Empereur,
retenu h Paris par la tAche complexe qu'il avait à remplir, par
la solution de questions urgentes et par les difficultés de toutes
sortes qu'il lui fallait aplanir et surmonter avant de rejoindre
l'armée, avait fait partir Berthier le 20 janvier pour les avant-
postes. C/est pour cela aussi que le major général avait essayé de
reporter les maréchaux en avant et obligé Victor à livrer, quoique
sur une position défavorable, les combats de Saint-Aubin et de
Ligny. Napoléon espérait, et par ses reproches et par les instruc-
tions qu'il avait chargé le major général de leur transmettre, ré-
veiller le zèle de ses lieutenants, qui depuis l'entrée des Alliés
en France s'étaient complus dans une impardonnable mollesse,
s'étaient renfermés, pour la première fois, dans un formalisme
nouveau chez eux, étaient retombés dans des errements surannés
contraires aux préceptes que Napoléon pensait h bon droit leur
avoir inculqués, et aux principes qu'il n'avait cessé d'appliquer
victorieusement depuis près de 20 ans. Ils s'endormaient dans
l'inaction et la routine au moment même où, pour employer une
des expressions de Clausewitz, « il eût fallu s'élever au-dessus des
— 344 --
règles habilufilles et remplacer la guerre inélhodique par la plus
extrême audace. » Malgré Tinsuffisance des moyens mis îi leur
disposition et la faiblesse de leurs troupes, les maréchaux, h
Texception du duc de Trévise, auraient pu, nous Tavons signalé,
tirer parti des obstacles naturels qui séparent la vallée du Rhin
des plaines de Champagne. Et cependant ils avaient abandonné,
presque sans combat, le Hunsrûck et les Vosges, le Jura et les
Ardennes, la Sarre et la Moselle, la xMeuse et la forôt de TArgonne.
Ils n'avaient pas une seule fois essayé de profiler des fautes, si
nombreuses pourtant, des lenteurs inespérées de leurs adversaires
et du morcellement si fréquent de leurs troupes. Ils n'avaient même
pas une seule fois fait mine de s'arrêter. Perdant complètement
de vue le but final, ils n'avaient pas su, pas voulu régler leurs mou-
vements, non seulement sur ceux de l'ennemi, mais même sur ceux
de leurs collègues. Us avaient, h maintes reprises, laissé échapper
l'occasion d'infliger un échec partiel à l'ennemi, de contrarier
ses projets en arrêtant ou tout au moins en ralentissant sa marche
et de procurer à leur chef, ii leur souverain, le temps dont il
avait besoin pour parvenir îi s'opposer avec quelques chances de
succès, et îi la tête de forces h peu près suffisantes, aux opéra-
tions des Alliés. S'il leur était impossible, nous n'hésitons pas î\
le reconnaître, de se conformer strictement au programmé tracé
par l'Empereur et de parvenir à tenir Venneini loin de la Marne
jmquau 12 février, comme Napoléon l'avait prescrit îi Victor*,
rien en revanche ne leur était plus- aisé que de porter fréquem-
ment le trouble dans les colonnes qiCill^aient devant eux, et de
leur faire perdre les huit h dix jours qui auraient complètement
changé la face des choses et empêché la situation de revêtir le
caractère d'extrême gravité qu'elle avait au moment où Napoléon
arriva h Chi\loiis.
Conséquences de la retraite précipitée des maréchaux. —
C'est en cela surtout que consiste la faute, commise par Victor,
Marmont et Ney, dans leur retraite précipitée et égoïste vers la
Marne. On a, non sans raison, fait remarquer que l'Empereur
était arrivé trop tard h ChAlons, et que sa présence à l'armée
aurait amené de tout autres résultats, s'il avait pris en personne
* Marmont. Mémoire».
- 346 —
la direction des opérations dès le 20 janvier. « Il est h regretter,
ainsi s'exprime A. G., l'ancien élève de l'Ecole polytechnique
auquel nous devons les remaniuables travaux sur les Maximes
de Napoléon, qu'il ne soit pas venu prendre le commandement
de ses troupes huit jours plus tôt. Il eût pu alors, négligeant
complètement le gros de l'armée de Bohême, rallier entre Toul
et Nancy Victor et Marmont, les renforcer des troupes de Ney et
de Mortier, et reprendre, avec près de 40,000 hommes, Toftensive
contre Blûcher, le rejeter au delà de la Moselle et jusque sur la
Sarre, malgré Taide que le feld-maréchal aurait pu recevoir de
l'aile droite de l'armée de Bohême. Puis, débarrassé de Blûcher,
Napoléon, ralliant alors Macdonald et ses nouvelles formations
entre Bar-le-Duc etChàlons, se serait retourné contre Schwarzen-
berg, dont la position aurait été d'autant plus périlleuse qu'il
aurait pénétré plus avant dans les bassins de la Seine et de la
Marne. A la tète de 60,000 hommes, il l'aurait forcé îi reculer ou,
tout au moins, empêché d'avancer*. »
Il est incontestable que ce plan, qui est, d'ailleurs, h peu de
chose près celui que Napoléon allait adopter quelques jours
après La Rothière, eût produit à ce moment, du 20 au 25 janvier,
les résultats qu'enregistre A. G., résultats infiniment plus consi-
dérables que ceux que la belle marche de l'Empereur contre
Blûcher allait amener quinze jours environ plus tard. Mais il
nous semble qu'on doit moins reprocher c^i Napoléon d'être resté îl
Paris, où sa présence jusqu'au- defnier moment était indispen-
sable pour poun'oir à tou|5de§ besoins et achever les nouvelles
formations, qu'à Mannont, à Ney et surtout à Victor d'avoir
brusqué leur retraite au point d'avoir, dans leur précipitation,
négligé de détruire les ponts de Frouard, de Bouxières et de
Pont-à-Mousson, et de s'être repliés sans donner une direction
rationnelle et uniforme à leurs mouvements, sans avoir fixé à
l'avance un point de ralliement général et sjins avoir tenté le
moindre retour offensif. Il nous semble, en effet, que s'ils avaient
seulement songé h se concerter entre eux et à concentrer sur un
point donné leurs efforts et leurs troupes, ces maréchaux auraient
pu au moins relarder suffisamment la marche des Alliés pour
(ju'en arrivant à Ch«11ons le 26 au matin, l'Empereur pût, en
* A. G., Maxime» tle Napoléon, page 11.
— 346 —
raison même des positions occupées par des adversaires rendus
naturellement plus hésitants et plus circonspects par la iH^sis-
tance qu'ils auniient trouvée en chemin, diriger ses premiers
coups contre Blûcher, encore séparé de Tarmée de Bohême. Il
avait alors de grandes chances de lui infliger une défaite dont
l'effet immédiat et les conséquences ultérieures eussent été d'au-
tant plus considérables que cet échec aurait servi, aux détrac-
teurs et aux ennemis du feld-maréchal, d'argument irréfutable
pour anéantir h jamais son influence et pour imposer silence pen-
dant tout le reste de la campagne aux voix qui, dans les conseils
des souverains alliés, ne cessèrent de défendre et tirent, en fin
compte, triompher la cause de Foffensive. "*
Observations sur le choix de Chftlons comme point de
concentration . — On a d'autre part critiqué, mais h tort, d'après
nous, le choix fait par l'Empereur de ChAlons comme point de
réunion générale des troupes qu'il rassemblait. On a prétendu,
avec Clausewitz, qu'au lieu de se décider h combattre les Alliés
entre la Marne et l'Aube, Napoléon aurait dû choisir dés le début
de la campagne une position au sud-est de Paris et se concentrer
dans le bassin de la haute Seine sur une position défensive, en
arriére du canal de Bourgogne, prés de Dijon, appuyée sur
Auxonne et Besançon et couvrant la route de Paris à Lyon. Mais
en admettant, môme pour un moment, que Napoléon eût pris en
personne le commandement des forces massées sur ce point, il
n'aurait pu y amener et y réunir qu'une armée bien inférieure en
nombre h celle de Schwarzenberg. De plus, au moment même où
des considérations do toute nature lui imposaient le devoir de
couvrir sa capitale, il aurait, en venant se poster sur ce point
excentrique, ouvert h Blucher la route de Metz h Paris, abandonné
sans défense la grande ville où grondait déjà sourdement un
orage auquel lui seul était capable de tenir tête et fourni un ar-
gument sans réplique aux menées occultes des agents royalistes,
aux intelligences que les émissaires des Alliés et des Bourbons y
entretenaient, h l'agitation qu'ils y fomentaient et h l'opposition
de i)lus en plus accentuée qu'ils avaient su y créer. Prendre posi-
tion vers Dijon, s'éloigner de Paris au point de ne pouvoir, après
avoir battu Schwarzenberg, revenir sur Blûcher avant l'appari-
tion des colonnes de l'armée de Silésie en vue de Paris, c'eût été
fournir h la coalition dos armos dont olle n'oftl i)as nianiiuô do se
servir. Sans ni^mo essayer do reconstituer ce qui aurait pu se
passer alors dans les conseils des souverains, il est permis d'af-
firmer que BIflcher, cette incarnation vivante de Toffensive dans
les armées alliées, aurait d'autant moins hésité h laisser Schwar-
zenberg supporter h lui seul tout le poids des efforts de l'Empe-
reur, que d^s le mois de novembre 1813, le feld-maréchal prus-
sien et ses collaborateurs les plus intimes étaient déjà intimement
persuadés qu'il n'y avait qu'un seul moyen d'en finir sûrement et
rapidement avec Napoléon, et s'étaient infructueusement efforces
do convaincre les souverains de la nécessité, de la réussite certaine
et de l'infaillibilité d'une marche immédiate sur Paris. En dépit
des ordres les plus formels, malgré les échecs qu'aurait pu
éprouver l'armée de Bohème, au risque de s'exposer en fin de
compte, s'il eût été abandonné h ses propres forces, à une catas-
trophe et à un anéantissement complet, Blrtcher n'aurait pas
manqué de profiter d'une circonstance qu'il appelait do tous ses
vœux. Libre de toute entrave, prenant un élan nouveau, il ne se
serait pas laissé détourner de la route directe et aurait poussé h
marches forcées sur Paris qu'il aurait trouvé dégarni de troupes
et livré sans défense h ses coups.
Erreur de l'Empereur relative à l'effectif des armées
alliées. — Il faut toutefois reconnaître que l'Empereur a com-
mis une erreur de calcul et que, malgré la difficulté des temps et
l'épuisement du pays, il se berçait d'illusions, lorsque h son re-
tour il Paris, en novembre 1813, et plus tard, même en dépit de
la résistance qu'il rencontra de la part du Corps législatif, il per-
sistait à croire qu'il parviendrait, en soulevant le pays entier, h
réunir en quelques mois une grosse armée h la tète de laquelle il
lui serait possible de tenir tête aux masses des Alliés et de dé-
fendre victorieusement sur les champs de bataille les destinées
de sa dynastie et l'intégrité du territoire national.
Ce n'est pas, comme l'a avancé Clausewitz, parce que ses con-
quêtes et ses triomphes passés l'avaient rendu aveugle et pré-
somptueux et parce qu'il professait pour la valeur d'un adversaire
qu'il connaissait de longue date, un souverain mépris, qu'il ne
rappela pas de Catalogne l'armée de Suchet ; qu'au lieu de faire
revenir le prince Eugène d'Italie, il lui prescrivit, au contraire.
— 348 -
(le chercher à prendre l'offensive contre Bellegîirde; qu'il laissa
Maison tenir la campagne en Belgique et qu'il envoya môme des
troupes en Savoie, du côté de Lyon et sur TYonne. La politique a
des exigences qu'un chef d'État ne saurait fouler aux pieds.
N'ayant pas renoncé à l'espoir d'arriver, après une victoire, à
une entente par la voie diplomatique, l'Empereur tenait à signer
une paix honorable. Le grand homme de guerre qui avait pro-
mené il travers l'Europe ses aigles victorieuses, celui qui naguère
encore tenait entre ses mains les destinées du monde civilisé, ne
pouvait apposer son nom au bas d'un traité qui aurait avili la
France et l'aurait humiliée en la réduisant au rang de puissance
de deuxième ordre. Enfin, l'empereur Napoléon ne pouvait se ré-
soudre h des concessions aussi dures qu'inutiles et se résigner à
des sacrifices aussi pénibles que stériles; car, laissant même de
côté la question dynastique, l'abaissement de la France, en détrui-
sant l'équilibre européen, loin d'assurer la paix au monde, aurait
donné naissance h de nouvelles complications et amené h courte
échéance de nouveaux désastres et de nouvelles guerres. L'empe-
reur Napoléon, dans la situation que deux campagnes malheu-
reuses, suivies de l'entrée en France des Alliés, lui avaient faite,
ne pouvait plus que chercher à rassembler les forces strictement
suffisantes pour livrer le plus tôt possible aux Alliés une bataille
otfensive, par cela même qu'il lui fallait avant tout provoquer un
résultat décisif.
Les fautes commises par les maréchaux et l'obligation dans
laquelle il s'était trouvé de masser ses troupes à ChAlons, h cause
de la disposition des esprits à Paris, ne lui laissaient plus d'ail-
leurs, du moment où ses adversaires étaient arrivés sur les bords
de la Marne, la possibilité de retarder une bataille qu'il avait au
contraire intérêt h livrer dans le plus bref délai possible. Il im-
portait, en effet, de prévenir une concentration générale des Alliés
et de les empêcher de se faire rejoindre par les corps poussés sur
Saint-Dizier, Vassy et Joinville, par ceux qui venaient de Chau-
mont et des environs de Troyes, et par ceux qui, comme Witt-
gensteinet York, arrivaient de la Sarre et de la Moselle ou qui
auraient pu être rappelés de Dijon, comme ceux placés sous les
ordres du prince héritier de Hesse-Hombourg.
Motifs de la marche de l'Empereur sur Saint-Dizier. —
— 349 —
A son arrivée à Châlons, Napoléon trouve Tarniée alliée en train
de se masser sur l'Aube. Il prend aussitôt le seul parti rationnel
et logique : celui de se porter de suite contre les troupes les plus
rapprochées de lui. Il espère parvenir encore à réparer les fautes
de ses lieutenants en tombant sur les corps alliés avant qu'ils
aient pu achever leur concentration. Il veut écraser ce qu'il ren-
contrera à Saint-Dizier et se porter immédiatement contre Bli'i-
cher, encore seul à Brienne.
Il nous semble, en effet, que si TEmpereur a commencé par
marcher sur Saint-Dizier, c'est évidemment parce qu'il se ména-
geait, de cette façon, une dernière chance de tomber sur les
colonnes ennemies échelonnées le long de la Marne, vers Chau-
monl et Langres. Av(îc ce coup d'œil qui lui permet d'apercevoir
ce qui échappait à tout autre, avec cette rapidité de conception
qui est le propre de son génie, avec cette décision immédiate,
mais raisonnée cependant, à laquelle il a dû tant de victoires,
nous le verrons changer ses ordres dès le moment où il aura
connaissance do la marche de Blficher vers l'Aube, que le
feld-maréchal s(» propose de passer ii Lesmont, et, sans perdre
une minute, il lui courra sus par la roule directe de Monlier-
en-Der.
Ce sont lii autant de mesures qu'il est obligé de prendre séance
tenante, parce que, jusqu'au moment même de son arrivée h
Chîllons (la correspondance est U\ pour le prouver), aucun des
maréchaux n'a songé à chercher à découvrir les intentions et les
mouvements de l'ennemi. Et cependant on a reproché à l'Empe-
reur une irritabilité nerveuse et des emportements bien naturels
et bien explicables en présence de l'apathie et de la mollesse de
ses lieutenants, en présence de la gravité de la situation, en pré-
sence des soucis dynastiques et des préoccupations militaires
sous le poids desquels tout autre que lui aurait succombé.
Pour prendre un parti délinitif, il n'avait manqué h l'Empereur
que la connaissance exacte de la situation et que des renseigne-
ments qu'il va se procurer en personne. Sa présence va réveiller
le patriotisme des populations, rendre au soldat la confiance dans
ses chefs et imprimer aux opérations cette direction forte, éner-
gique et unique dont elles avaient été privées par les rivalités et
les dissentiments des maréchaux.
— 350 -
Situation au quartier général des Alliés. — Arrivée de
Fempereur de Russie. — Si l^arrivéc de Napoléon h rarinéc
allait mettre un terme aux incertitudes, aux timidités et aux hési-
tations, la présence à Langres de Tempereur de Russie, où il
était depuis le 22, ne devait pas suffire pour assurer aux opéra-
tions des Alliés une cohésion et un ensemble qu'il est toujours
difficile d'obtenir dans une armée composée d'éléments aussi
multiples, pour faire taire les compétitions de toute nature, pour
réfréner les courants divers qui, se manifestant à tout moment
jusque dans l'entourage immédiat des souverains, influaient fata-
lement sur leurs déterminations, et surtout pour investir le géné-
ralissime d'un pouvoir réel, au lieu de l'autorité purement nomi-
nale qu'il avait exercée jusque-là. Alexandre !•' n'était pas le seul
qui fût arrivé à Langres. Le roi de Prusse l'y avait rejoint le
26 janvier, et l'empereur d'Autriche lui-même avait suivi ce der-
nier à vingt-quatre heures d'intervalle. Tous ces princes traînaient
avec eux un innombrable état-major de militaires et de diplo-
niîites, le prince Wolkonsky, Knesebeck, Nesselrode, Metternich,
Stein, Hardenberg, Pozzo di Rorgo et jusqu'aux représentants de
l'Angleterre, lord Castelreagh, lord Aberdeen et sir Charles Stc-
wart. On ne doit donc pas s'étonner si les moindres résolutions
donnaient lieu à des discussions sans fin, si les moindres projets
présentés à cet aéropage, aussi nombreux qu'hétérogène, deman-
daient de longues délibérations, et si les partisans de l'offensive,
Rlûcher et son état-major, récriminaient ii tout instant contre les
lenteurs du quartier général, contre le caractère vague et terne
d'instructions qui leur parvenaient la plupart du temps trop tar-
divement. Depuis l'arrivée des souverains, d'abord à Langres,
puis à Chaumonl, les hésitiitions s'étaient encore accrues et les
divergences d'opinion s'étaient d'autant plus accentuées que le
plan primordial d'opérations, qui seul avait été soumis aux sou-
verains et qui seul avait reçu leur approbation, n'avait pas prévu
la continuation des opérations au delà du plateau de Langres.
Aussi, bien que nous ayons, au chapitre II, consacré quelques
pages aux singulières relations des généraux alliés; bien que nous
ayons, dans ce chapitre comme dans le suivant, indiqué som-
mairement les divergences d'opinion qui séparaient Bliicher et
Sch\var/(;nberg, il importe, au point où nous en sommes, d'insis-
ter davantage sur cetic; qu(»slion et de chercher à se rendre
— 351 —
compte de ce qui se passail, dans les derniers jours de janvier,
au quartier général des Alliés.
Dissentiments entre Blûcher et Schwanenberg. — Les
quelques emprunts que nous avons faits à la correspondance de
Gneisenau et de Knesebcck, les passages que nous avons extraits
de la lettre adressée par le chef d'état-major de Tarmée de Silésic
Il Hadetzky, alors chef d'état-major général de Schwarzenberg,
ont pu suffire pour révéler Texistencc des divergenc(?s d'opinion
entre les deux généraux. Mais ils n'ont mis en lumière qu'un
coin du tableau et n'ont montré qu'incomplètement la grandeur
des rivalités et l'intensité des dissentiments des généraux et des
gouvernements.
Ce fut, comme nous l'avons dit, surtout à partir du moment
où la grande armée fut arrivée à hauteur de Langres et de Chau-
mont que les dissensions causées par les intérêts essentiellement
différents des coalisés prirent des proportions telles qu'il aurait
])i\ facilement v\\ résulter une véritable crise. Les arguments de
Gneisenau n'avaient pas fait changer d'avis à Metternich. Il avait,
au contraire, h force d'habileté, réussi à faire accepter ses idées
pacifiques aux représentants de l'Angleterre, bien que le parti
tory, alors d la tète des affaires et auquel ils appartenaient, allât
encore plus loin dans ses désirs que l'empereur Alexandre lui-
môme et parût au fond décidé à ne pas cesser les hostilités avant
d'avoir réussi ii replacer les Bourbons sur le trône de France, ou,
tout au moins, à amener la chute de TËmpereur.
Quant à Schwarzenberg, la lettre que, de Langres, il écrivit, le
26, h sa femme, bien que Radetzky lui eût vraisemblablement
déjà communiqué à ce moment le réquisitoire de Gneisenau,
donne une idée bien nette de la situation d'esprit dans laquelle il
se trouvait : a Nous devrions faire la paix ici. Tel est mon avis.
Tout mouvement en avant vers Paris est une faute contre les
règles de l'art militaire. Notre empereur, Stadion, Metternich
et même lord Castlereagh sont de cet avis; mais l'empereur
Alexandre! Nous sommes arrivés au moment où il s'agit de
prendre la plus grave des résolutions. Que Dieu nous protège
dans cette crise »
Knesebeck, lui aussi, continuait à plaider la cause de la paix
et se prononçait tout au moins en faveur des négociations et du
— 352 —
statu quo ; mais, en revanche, Gneisenau et Blûclier restaient
inébranlables dans leurs idées d'offensive à outrance. Ils avaient
gagné à leur cause Miiftling, qui tenta, lui aussi, de convaincre
le général Knesebeck de la nécessité et de Turgence d'une marche
immédiate sur Paris.
Mais ni Blùcher ni Gneisenau ne se faisaient d'illusions sur les
résultats que pouvaient produire leurs mémoires et leurs lettres.
C'était par leurs actes qu'ils comptaient imprimer un peu plus de
décision et d'activité à l'ensemble des opérations des armées. Ils
s'étaient d'autant moins trompés dans leurs prévisions que, lors
des innombrables conseils tenus à Langres, Knesebeck ne cessa
de combattre leurs idées et essaya môme de réfuter leurs argu-
ments dans un mémoire, approuvé par le roi de Prusse, qu'il
présenta, le 27 janvier, îiux souverains, aux diplomates et aux
généraux, et dans lequel il chercha surtout à contrebalancer
l'effet qu'avait dû produire sur l'esprit de Tenipereur de Russie
une nouvelle lettre du chef d'état-major de l'armée de Silésie.
Rôle de l'empereur de Russie pendant les conseils de
guerre. — Malgré tout l'intérêt que présentent des pièces qui,
comme le mémoire de Knesebeck, concluaient h l'arrêt pur et
simple sur la magnifique position de Langres, quelque curieuses
que puissent être les indications contenues dans l'exposé de la
situation rédigé par Schwarzenberg et présenté i)ar le général
Langenau, quartier-maître général de l'armée de Bohême, au
conseil tenu i\ Langres, force nous est de renoncer à en donner
l'analyse. Qu(îlque courte ([u'elle puisse être, elle nous entraîne-
rait forcément trop loin et serait d'autant plus inutile que l'em-
pereur Alexandre, confirmé dans des idées auxquelles il n'avait,
d'ailleurs, jamais définitivement renoncé, par les nouvelles de
Paris que venait de lui apporter son ancien précepteur Laharpe,
encouragé et stimulé par Stein et Pozzo di Borgo, devait, après
d'orageuses discussions dont nous retrouverons la trace, obtenir
enfin du conseil la continuation des opérations. C'est bien lîl ce
qui ressort de la lettre que Schwarzenberg écrivait le 27 îi la
princesse : « Les circonstances sont tellement graves I Ce n'est
pas la raison, mais bien l'inconséquence et la légèreté qui
guident les pas d'Alexandre. Ce qu'il recherche, c'est l'éclat,
c'est le monde avec ses préjugés. L'intelligence ne sert à rien
— 353 —
ici. Je crois que nous irons jusque vers Paris, peut-ôtn» même
jusqu'à Paris. Mais y trouverons-nous la paix ou bien nous pré-
cipiterons-nous dans un abîme? Pour ma part, j'opine pour le
chaos. »
L'empereur Alexandre, de son côt('s avait cependant éU\ con-
traint de faire à Metternich, Castelreagh et Schwarzenberg. au
roi de Prusse lui-môme, qui ne savait pas encore s'il devait se
rallier k l'avis d'Alexandre ou suivre les conseils d'Hardenberg
et de Knesebeck, une concession qui dut lui coûter cher. Il lui
avait fallu consentir k l'ouverture des négociations et à la
réunion du congrès de Châtillon, pour obtenir en revanche la pro-
messe que l'armée de Bohême reprendrait enfin sa marche
interrompue et se porterait sur Troyes. L'idée bien arrêtée au
quartier général consistait, d'ailleurs, à exécuter ces mouvements
avec une méthode et une prudence telles que, tout en s' avan-
çant, on n'en aurait pas moins gardé la facilité de pouvoir reve-
nir h tout instant sur Chaumont et Langres. La marche de
Blucher allait, nous Tavons indiqué en passant au chapitre III,
se charger de réduire à néant les élucubrations prudentes (îl
ingénieuses qu'on avait si soigneusement échafaudées h Langres.
Uuant aux dissentiments, ils n'en continuaient pas moins, et si
l'empereur Alexandre était très irrité contre Schwar/enberg,
le généralissime (et ce sont là les dernières pièces sur les-
quelles nous nous appuierons avant de reprendre la suite de
notre travail) n'avait pas renoncé, malgré le semblant de conces-
sions qui lui avait été arraché, à son idée de rester à Langres et
à Chaumont. C'est ainsi que le 28, écrivant à l'empereur d'Au-
triche, il lui exposait sommairement les opérations des derniers
jours, lui expliquait les motifs pour lesquels il n'avait pas cru
devoir marcher plus vite, et lui demandait des ordres formels
l'autorisant à se porter en avant au delà de Chaumont *.
Lettre de l'empereur d'Autriche au prince de Schwar-
zenberg. — La réponse de l'Empereur ne se fit pas attendre.
Dès le lendemain, il adressait au prince de Schwarzenberg la
dépêche qu'on va lire et qui nous paraît caractériser, mieux que
* Schwarzenberg à l'emperear d'Autriche, Langres, 28 janvier. {K, K. Kriegt
Àrchiv., I, 540.)
Wdl. ^
— 354 —
ne pourrait le faire tout autre document, la nature des relations
existant entre Schwarzenberg et l'empereur Alexandre, et défi-
nir bien nettement la situation des esprits au grand quartier
général :
« Chaumont, 29 janvier 1814. — « Même après avoir repris
Joinville et lorsqu'on aura rejeté Tennemi sur Vitry, on ne devra
pas, tant que l'ennemi sera à Châlons, aller de Bar-sur-Aube h
Troyes. On ne doit pas oublier que l'ennemi peut, du sud de la
France, se porter contre la gauche, où les Alliés ont peu de
monde, et qu'il est de toute nécessité de tenir fortement la roule
qui, en cas d'échec, ser\irait à la retraite.
« Il est donc indispensable, et de ne pas s'avancer, et de
prendre toutes les mesures éventuelles pour un mouvement
rétrograde.
« Si, en dépit du sens commun^ l'empereur de Russie se pro-
nonçait en faveur de la marclie en avant^ vous insisterez sur la
réunion préalable d'un conseil de guerre, et vous pouvez être
certain que f appuierai vos idées '. »
Pour terminer, par des faits, cet examen de la situation inté-
rieure du grand quartier général, il suffira d'abord de se reporter
aux ordres de marche donnés par Schwarzenberg ù l'armée d<î
Bohême et h la dépêche * par laquelle il invitait Bliicher, qu'il
informait de son arrivée probable à Troyes du 2 au 6 février, à
couvrir ses derrières et ses communications en dirigeant le gros
de l'armée de Silésie sur Vitiy-le-François. Il conviendra de
rechercher les motifs de la mission confidentielle auprès de
Blùcher, dont Schwarzenberg chargea le colonel baron Sti'i-
gentesch, envoyé le 27 janvier au quartier général du feld-maré-
chal. Le colonel avait ordre d'exposer de vive voix h Bliicher les
motifs qui empêchaient la grande armée d'atteindre Troyes avant
le 6 février, de le décider à ralentir en conséquence ses mouve-
ments et d'obtenir de lui qu'il ne dépasserait pas Vitry. Il fau-
drait ensuite comparer ces pièces avec les mouvements vers
l'Aube, exécutés par le feld-maréchal, et avec les instructions
qu'il avait laissées h York. On verrait alors apparaître dans toute
1 Empereur d'Autriche à Schwarzenberg, Chaumont, 29 janvier. {Ibid.,
1, ad, 67i.)
* Schwarzenberg à Bliicher, Langres, 21 janvier. (K, K, Kriegs Archiv., 1, 492.)
leur iniporlaucc et leur étendue les idées si essentiellement diffé-
rentes des chefs des deux grandes niasses alliées; il serait alors
aisé de comprendre que la haine, la passion et l'énergie de
Blûcher devaient, par la force m^me des choses et malgré la
lettre de Tempereur d'Autriche, triompher des lenteurs calculées
des arrière-pensées politiques, de la prudence raisonnée de
Schwarzenberg, provoquer les événements qucî le généralissime
voulait éviter et anKmer les premières grandes batailles, qu'il se
souciait d'autant moins de livrer à ce moment qu'il redoutait un
désastre.
D'ailleurs, et ce sont les derniers mots que nous dirons à ce
sujet, si Blûcher persistait envers et contre tous dans ses projets,
le prince de Schwarzenlxîrg ne se laissait pas non plus convertir,
et voici ce qu'il écrivait dans une lettre confidentielle aux siens,
le 29, lors du retour du colonel baron Steigentesch et après avoir
pris connaissance d'un long mémoire de Gneisenau rapporté par
cet officier : « Blûcher et plus encore que lui Gneisenau, — car
le bon vieux en est réduit h prêter son nom — poussent avec
une rage tellement enfantine vers Paris, qu'ils foulent aux pieds
toutes les règles de l'art de la guerre. Sans daigner faircî couvrir
par un corps d'eftectif respectable la grande route de ChîUons à
Nancy, ils courent comme des fous jusqu'à Brienne. Sans se
préoccuper de leurs flancs et de leurs derrières, ils ne font qui'
projeter des parties fims au Palais-Royal. N'est-ce pas chose
chose déplorable dans un moment aussi grave? »
Telle était la disposition des esprits au quartiiT général des
Alliés à Chaumont et en particulier celle du généralissime pen-
dant les jours qui précédèrent et suivirent l'arrivée de l'Empereur
îi Chdlons, pendant les quelques jours qui lui suffirent et pour
modifier complètement ses idées dès qu'il se fut rendu compte
de la situation, et pour battre Lanskoï à Saint-Dizier et Blûcher
à Brienne. Et cependant, les difficultés pas plus que les décep-
tions n'allaient manquer à l'Empereur à ChAlons.
Opinion de TEmpereur sur la situation. — Lettre à Bel-
liard. — Qu'on parcoure la lettre qu'il adressait de Paris à Bcl-
liard, 36 heures au plus avant de se mettre en route, et l'on verra
qu'il allait trouver une situation toute différente de celle sur
laquelle il croyait pouvoir compter :
- 356 —
« Paris, 23 janvier 1814*.— Envoyez à la rencontre du
général Lefebvre pour qu'il fasse dire à la cavalerie qui vient
derrière lui d'activer sa marche. Mon intention est de partir
demain soir et d'être le 25 à midi à Vitry où le général Lefebvre-
Desnoëttes arrivera en môme temps.... Je compte prendre Tofifen-
sive le 26. Je suppose que le duc de Bellune se sera maintenu h
Ligny ou à Saint-Dizier, que le prince de La Moskowa avec les
l^e et 2® divisions de jeune garde sera aux environs et que le
général Gérard est à Brienne et le duc de Trevise à Bar-sur-Aube.
Je réunirai toutes ces forces et tomberai sur le premier corps
ennemi qui sera à portée. TAchez qu'à mon arrivée à Chillons et
Vitry, je trouve des renseignements qui me fassent connaître où
il y a de l'infanterie ennemie, afin que je puisse combiner mon
mouvement et lui tomber dessus. En général, le duc de Raguse
doit se tenir prêt à remonter la Meuse Tenez secrète la nou-
velle de mon arrivée Tâchez qu'à mon arrivée vous puissiez
me dire ce qui se passe à Soissons et s'il y est déjà arrivé quelques
bataillons et des canons »
Mais Mortier avait dû se replier sur Troyes, et Victor avait
depuis longtemps déjà quitté Ligny et venait de perdre Saint-
Dizier par sa faute. Quant aux effectifs mêmes, ils étaient loin
d'être aussi considérables que ceux dont l'Empereur pensait
pouvoir disposer d'après sa dépêche du 23 janvier au major gé-
néral*, dans laquelle il évaluait la force totale des troupes postées
de la Marne à l'Aube à 80,000 hommes avec 300 bouches à feu.
En réalité il n'allait pouvoir utiliser que les corps postés du côté
de Vitry, savoir : le 2® corps (Victor) environ 10,000 hommes, le 6«
(Marmont) 9,000, la garde (sous les ordres de Ney et Oudinol), un
peu plus de 14,000 hommes, le !«' corps de cavalerie (Doumerc)
3,000 chevaux, le 5« corps de cavalerie (Milhaud) près de 5,000
chevaux, soit, en tout, de 41,000 à 42,000 hommes*. Il est, en
4 Correspondance, u<* 21,131.
< Ibid., qo 21,127.
' A peine arrivt^ Napoléon fit subir quelques modifications à cet ordre (ie
bataille. 11 plaça le général Gérard à la tète de la division Dufour (1'^ division
de la réserve de Paris, qni était avec Mortier), de la brigade de cavalerie du
général Piquet et de la division Ricard, que les troupes de Macdonald devaient
remplacer aux Islettes. 11 confia au maréchal Ney les divisions de jeune garde
Decouz et Meunier, qui formèrent la réserve de la garde ; au maréchal Oudinot,
— 357 —
effet, impossible do faire figurer parmi les troupes îi la disposition
(le l'Empereur, les 20,000 hommes que Mortier avait avec lui du
côte de Troyes à Vendeuvre depuis l'arrivée des renforts venus
de Paris. Il en est de môme pour les 10,000 hommes avec lesquels
Macdonald était encore en marche de Namur sur ChAlons et avec
lesquels il était à peine arrivé îi hauteur de Verdun, et les 2,800
hommes confiés au général Allix, chargé d'ooérer du côté de Sens
et d'Auxerre.
Au moment où il arriva à ChAlons, l'Empereur avait devant lui
Tarmée de Silésie, ou pour mieux dire, Olsufieff à Joinville, Lans-
koï î\ Saint-Dizier et Sacken vers Vitry, soit de 27,000 h 28,000
hommes auxquels il pouvait opposer immédiatement Victor,
Marmont et Ney, c'est-îVdire un nombre d'hommes à peu près
égal. En effet, la disposition de Blucher pour les marches du 22
au 30 janvier, en admettant que rien ne vînt en entraver l'exécu-
tion, tendait h avoir le 30 son aile gauche, c'est-à-dire le gros de
son armée, à Arcis-sur-Aube. Le feld-maréchal tenait à devancer
la grande armée qu'il s'attendait à voir arriver î\ Troyes k cette
époque. Son aile droite sous York devait, dans son esprit et d'après
ses calculs être ce jour-là à hauteur de Saint-Dizier. Mais l'Empe-
reur avait sur Blucher l'avantage de pouvoir réunir rapidement
ses trois corps k Vitry et se porter avec eux sur Saint-Dizier d'où
il espérait encore déboucher îi temps pour parvenir — c'était là
du moins le plan qu'il méditait avant de quitter Paris — à
tomber sur les colonnes de Schwarzenberg échelonnées jusqu'à
Langres.
Si l'on se reporte aux pages que nous venons de consacrer à
l'examen de la situation des esprits au quartier général des
Alliés, on ne pourra s'empêcher de reconnaître qu'il s'en fallut de
bien peu pour que le plan de l'Empereur réussît. Et si Napoléon
s'est vu forcé de modifier le plan auquel il avait donné la préfé-
rence, il faut au moins convenir qu'il a apporté dans l'exécution
la division Rottembourg et la cavalerie de Lefebvre-Desnoëttes. Le général
Gérard, parti de Lesmont le 26 dans Taprès-midi, dut, pour se rendre à Vitry,
prendre par Arcis parce que la route directe par Rosnay était impraticable
pour rartillerie. U est bon de rappeler que, le 25, 150 Cosaques avaient occupé
Brienne et avaient, le 26, reconnu les positions de Gérard à Lesmont. Gérard
arriva le 28 à Vitry et fut dirigé de là, le 30, sur Dienvillc, afin de s*assurpr
la possession du pont.
— 358 —
une rapidité comparable h celle qui, 18 ans plus lui, lui avail valu
ses premi(^res victoires.
Projets de Napoléon aussitôt après son arrivée à Châlons.
— Ordres de mouvement sur Saint-Dizier. — A peine arrivé
h Châlons, après avoir écouté les communications du major gé-
néral et comme il lui est encore impossible de démêler la vérité, il
se décide, h 9 heures du matin, il masser ses trois corps à Vitry et
il attaquer, le 27, Saint-Dizier. « Mon intention, écrit-il à Berthier*,
est d'attaquer demain (27). En conséquence, j'ai fait donner
Tordre * au général Ricard de se porter sur Vitry. Recommandez
< Napoléon à Berthier, Chàlons, 26 janvier, 9 heares da matin. (Corretpon-
danee, n* 31.135.)
> « Ordre. — CbâloDS-sur-Mame, 26 janvier 1814, 9 heures 3/4 du matin.
« L'Empereur ordonne que le duc de BeUune prenne, sur-le-champ, position
le plus près possible de Saint-Dizier, à cheval sur la route de Saint-Dizier n
Vitry, appuyant sa droite à la Marne, près des postes. Le duc de Raguse
prendra position une demi-lieue ou une lieue en arrière du duc de BeUune, à
clieval sur le grand cliemin. Le prince de La Moskowa, avec la 1^<^ et la
'i*^ division, do jeune garde, prendra position une demi-lieue ou une lieue en
arrière du duc de Raguse, à cheval sur la route. Le général Lefebvre, avec sa
cavalerie et la division du général Rottembourg, prendront position en avant
de Vitry et derrière le prince de La Moskowa, à cheval sur la route. Le quar-
tier général impérial sera ce soir à un village derrière le duc de Bellune...
« Tous les bagages inutiles doivent être renvoyés entre Vitry et Chàlons...
L'artillerie doit parquer avec les brigades en manœuvre de guerre... On travail-
lera à mettre en état la position de Vitry... On fera reconnaître la rivière de
rOrnain ; on s'assurera du pont de la route, du pont de Vitry-le-BrûIé, et on
en fera construire un troisième, cette position devant être la position de retraite. »
[Correspondance de Napoléon^ n® 21.136.)
Macdonald avait, de son côté, reçu l'ordre de marclier de Verdun sur
Châlons et d'avoir à occuper les Islettes. Enûn, l'Empereur avait, en outre,
fait envoyer, dès la veille, 26 janvier. Tordre suivant par Belliard au général
Ricard, à ce moment encore à Sainte-Menehould :
u L'Empereur ordonne que vous vous rapprochiez de Vitry avec votre divi-
sion. En conséquence, vous devez partir des Islettes à la réception de ma lettn'
et vous porter sur Bussy-le-Repos et La Motte-Hériton, tenant les embranche-
ments des routes de Bar-le-Duc à Reims et Chàlons, et de Vitry à Sainto-
Menehould, ayant bien soin d'éclairer votre droite et de pousser des partis sur
Bar-le-Duc et Revigny, ainsi que sur Sermaize. Je vous prie, général, de faire
connaître votre départ de Sainte-Meneliould et d'envoyer un officier au quar-
tier général à Vitry aussitôt votre arrivée à votre nouvelle position. » {Coi--
retpondance de Belliard. — DépAt de la guerre,)
Le général Ricard arriva à Bassuet le 27. après une marche des plus péni-
bles, en passant par Sainte-Menehould, Elize, Dampierre-le-ChAteau, Dom-
martin-sur-Vèvre. De Bassuet, il dirigea 4 batiillons avec la cavalerie à Lisse.
Saint-Quentin et Saint-Lumier. Ney envoya le même jour les divisions Decouz
et Meunier prendre position, la 1** à Orcomte et. la î®, à Faremont et Thi«'-
blemont. en deuxième ligne de Marmont posté à Heiltz-le-Hnttier.
— 359 —
au duc de Haguso de presser l'exécution de ce mouvement. J'ai
donné Tordre au général Lefebvre et à la division Ricard de se
mettre aujourd'hui en route pour Vitry Allez reconnaître le
terrain et prenez une position militaire en avant de Vitry, la plus
rapprochée possible qu'il sera de Saint-Dizier, de manière que
nous puissions toujours h volonté rétrograder sur Chûlons ou
passer la Marne h Vitry...
M J*ai donné ordre au duc de Trévise et au général Gérard
de se porter sur Vitry.
« Il faut avoir des renseignements sur ce que les ennemis ont
h Saint-Dizier, qui les commande, et dans quel nombre ils sont.
S'il n'y a que 25,000 à 30,000 hommes, nous pourrons his battre,
et, si nous réussissons dans cette opération, cela changera tout
l'état des affaires. Si, au contraire, on les laissait se concentrer, nous
n'aurions plus de chances pour nous. Donnez Tordre au duc de
Bellune de se porter avec tout son corps à la position militaire la
plus rapprochée possible de Saint-Dizier, et que Ton se pelotonne
tout de suite derrière lui, afin d'attaquer demain matin. »
Ces ordres donnés, TEmpereur n'ayant plus rien h faire h ChA-
lons où il laissait le duc de Valmy avec quelques douaniers et les
quelques détachements nécessaires pour garder le parc de Tar-
mée, se rend de suite h Vitry où il établit son quartier général,
le 26 au matin, et où il pense qu'il sera plus à même de recueillir
les renseignements et les informations dont il a besoin pour com-
pléter les ordres qu'il vient de donner et que les maréchaux sont
déjà en train d'exécuter.
Blûcher continue sa marche vers l'Aube. — Positions de
Tarmée de Silésie. — Au moment où TEmpereur, arrêtant la
retraite de ses maréchaux, reportait vigoureusement en avant ses
colonnes, Blùcher, informé vaguement de Tarrivée de Napoléon
il Tarmée, îivait, d'autre part, eu connaissance de la retraite de
Mortier de Bar-sur-Aube vers Troves. Le feld-maréchal connais-
sant exactement les positions occupées la veille par les corps
français autour de Vitry, persuadé que les maréchaux ne par-
viendraient pas à se rejoindre, avait persisté dans sa résolution
et décidé de continuer sa marche vers TAube. Il espérait, de con-
cert avec la grande armée de Bohême, bousculer les corps enne-
mis qui lui barraient la route de Paris, s'emparer de cette ville,
— 360 -
et mettre en peu de temps fin à la guerre. Quittant à cet effet les
positions qu'il occupait le 25, de Saint-Dizier à Joinville, il avait
transporté son quartier général à Dommartin et envoyé le corps
d'Olsufieff à Doulevant et à Dommartin, la division Liewen (du
corps Sàcken) à Soulaines et le corps du prince Stscherbatoff à
Giffaumont. Ce dernier corps quitta, pour exécuter ce mouve-
ment, la grande route de Vitry et prit à gauche par un chemin
de traverse. La cavalerie de Biron était restée pendant la journée
î\ la disposition du prince Stscherbatoff; mais le 26 au soir cetle
cavalerie fut replacée par ordre du général-lieutenant Wassiltchi-
koff sous le commandement du général Lanskoï, et Stscherbatoff
reçut en échange le régiment de hussards de la Russie-Blanche,
qui forma son avant-garde à partir du 27 *. Quant h Lanskoï, il
était resté à Saint-Dizier avec les troupes qu'il avait eues sons ses
ordres pendant toute la marche vers la Marne, tant pour sur-
veiller de là la route de Chûlons par Vitry, que pour attendre
sur ce point York, dont Blûcher comptait toujours voir apparaître
Tavant-garde le 28.
Mais York* ne reçut que le 26 au soir, à Pont-à-Mousson, la
lettre que Blùcher lui avait écrite le 25 de Gondrecourt et dont
nous avons parlé au chapitre IIL Ses troupes occupaient le 26 au
soir les positions suivantes : Tavant-garde, sous le prince Guil-
laume de Prusse, était postée de Moulins jusqu'à Thiaucourt, et le
colonel comte HenckeP, qui formait la pointe d'avant-garde du
I®"" corps, dont le gros n'alla ce jour-là que jusqu'à Troyon, altei-
* Jouroal d'opérations du général-lieu tenant prince Stscherbatoff :
C'est à tort que Damitz et Plotho attribuent nne certaine part au général-
lieutenant WassiltchikofT dans les opérations du 23 au 26 janvier. Cet oflicicr
général ne marchait ni avec Tavant-garde du général Lanskoï, ni avec la pre-
mière colonne de Sacken, celle du général-Ueotenant prince Stscherbatoff, mais
bien avec la deuxième.
s II est impossible de ne pas signaler en passant la conduite du gént-ral
von York qui, indigné des atrocités commises par les Cosaques de Platoir.
rendit* par un ordre du jour qu'il rédigea au moment même où son corps
commença son mouvement, ses généraux de brigade et ses officiers responsables
des violences auxquelles se livreraient leurs soldats. l\ chargeait, dans cet
ordre, les officiers de faire comprendre à leurs hommes que c'était par leur dis-
cipline qu'ils parviendraient à gagner les populations à la bonne cause qu'ils
défendaient, et interdisait d'une façon absolue les réquisitions de toute espi'fe.
(Drotsem, Dnx Ijrben de» Feldmarschalh Grafen York ron )^'artenburff . t. II.
p. 278.)
* llRvcKEr. von noNNBRSMARCK, EHmuTHngen aw meinem Ijphen, p. 201.
— 361 —
gnil encoro lo 26. lri»s avanl dans la soirc'^o, il est vrai, ot rien
c|u'avcc sa patrouille de têle, Rupt-devaiit-Saint-Mihiel. La cava-
lerie de réserve du gc^nc^ral von Jurfçass était, au contraire, restée
il Frésne, tandis que la 1" brigade (Pirch II) venait il Marly, et la
à" (von Warburg), îi Pont-à-Mousson*. Il lui était donc presque
impossible de passer la Meuse h Saint-Mihiel avant le 28, jour où
Blûcher comptait être à Brienne.
Positions de l'armée de Bohème. — Larméede Bohême',
gnlce îi la lenteur savante et calculée avec laquelle les 117,000
hommes, dont se composaient les troupes en marche vers TAube,
s'élaient portés en avant, était encore fort en arrière des positions
occupées par Blûcher. A Textréme droite, la cavalerie de Pahlen
(VI« corps) était seule à hauteur de la tète des colonnes de Blû-
cher, et arrivait le 26 de Donjeux à Cirey-le-Chdteau (aujourd'hui
Cirey-sur-Blaise). Wittgenstein était de sa personne h Nancy, et,
comme ses colonnes, après avoir défilé lentement pendant ces
derniers jours par Nancy et par Toul, n'avaient atteint que les
environs de Vaucouleurs, ce fut de Nancy que le commandant
du VP corps adressa, le 26, au généralissime le rapport sui-
vant'. Il ressort de cette pièce que si Wittgenstein était h peu
près au courant des mouvements de Blûcher, il n'était guère
renseigné sur ceux de Wrède, son voisin immédiat. Se confor-
mant, du reste, aux ordres du généralissime, il jugeait aussi inu-
tile de se porter en avant de sa personne que de presser la marche
1 Le major von Uil)er8tein bloquait à ce moment Sarreloois avec 4 escadrons
fie landwehr. Le général-major von Roder investissait, avec la cavalerie du
II* corps (Kloist), Lu\eiul)0urg et Thionville. L'avant-garde du II* corps, av»^
le g^néral-Iieutoiinnt von Zieten, était à Wittlich ; la 10« brigade (général von
Pirch 1). à Kaisersesch ; la 12° brigade (prince Auguste de Prusse) était
arrivée à moitié chemin entre Kirchberg et Thalfang. Le [général Uorosdin
(corps Langeron et corps de cavalerie du général-lieutenant baron KorfT). qui
devait Hre. sous peu renforcé par le général Jussefovitch avec 2 bataillons,
5 escadrons et 1 régiment de Cosaques, surveillait Metz avec ses 14 escadrons,
et le général Kapscwitch, avec le 10« corps russe (du corps Langeron, encore
retenu devant Mayencc), avait quitté le 17 janvier les bords du Rhin, se diri-
geant sur Nancy.
* Yl" corps (Wittgenstein) ; Y» corps (Wr^de) ; lY"*» corps (prince royal de
Wurtemberg) ; III** corps (Gyulay) ; !•'' corps (colonne du comte CoUoredo) ;
réserves russes et prussiennes.
5 Wittgenstein U Schwarzenberg, Nancy, 36 janvier. {K, K. Kriegg Arehiv,,
1. 592.)
- 362 -
de celles de ses troupes qui, sous les ordres du prince Gorlcha-
koff, étaient restées en arrière depuis le moment où il avait passé
le Rhin.
« Le général comte Wittgenstein au prince de Schwarzenberg.
— Nancy, 26 janvier 1814. — « D'après une nouvelle qui me
parvient h l'instant, le feld-maréchal Blûcher, au lieu de rester
sur sa position entre Commercy et Vaucouleurs, a continué sa
marche par Joinville, Dommartin et Briennc sur Arcis, où il
pense ôtre le 30.
« J'ai par suite prescrit au général comte Pahlen de rester en
communication avec lui et de se diriger sur Troyes par Vignory
et Bar. Si cet officier général rencontre de ce côté la cavalerie du
général comte Wrède, il a ordre de se porter plus h droite.
« Je serai demain à Toul, le 28 à Houdelaincourt, le 29 îi
Joinville, le 30 à Romilly et le 31 à Brienne, où je prendrai des
dispositions en me conformant aux circonstances, si Votre Altesse
ne m'a pas d*ici là envoyé de nouveaux ordres.
a Le prince Gortchakoff, qui est à Brumath avec les réserves,
arrivera le 10 février à Brienne. »
A gauche de Wittgenstein, Wrède, avec ses Austro-Bavarois,
restait encore le long du Rognon et s'échelonnait depuis Andelot
jusque vers Clefmont.
Au centre, Gyulay, avec le III* corps, était toujours à Bar-sur-
Aube. Il avait fait pousser par son corps volant, établi à Bar-sur-
Seine, une reconnaissance qui, se dirigeant vers Troyes. trouva
les avant-postes français établis h Saint-Parres-les-Vaudes. Los
avant-postes de Gyulay, sur la route de Yendeuvre, étaient en
vue de Le Magny, couverts par un ruisseau débordé et songeaient
d'autant moins îi réparer le pont que les Français avaient coupé
en se retirant, que les petits postes français qui occupaient encore
le 25 Le Magny, venaient d*ètre renforcés le 26 par l'arrivée de
Iroupes d'infanterie cl de cavalerie. La journée, de ce côlé, se
passa en manœuvres, et les têtes de colonne du III® corps se con-
tentèrent de se montrer h La Maison-des-Champs pendant que les
(Cosaques se dirigeaient vers Bar-sur-Seine (mi passant par Beurey.
En fait de renseignements, Gyulay * annonçait seulement au
1 Gyulay à Schwarzenberg, Bar-sur-Anbe, le 26 janvier. (A'. A'. Kriegs
Arehiv., I, 587.)
- 363 -
gén<^ralissimft qiio Ip quartier géïK'Tal do. MortifT (^lail oncoro
dans la nuit du 25 au 26 ù Vendcuvro, que 1,500 hommes de
troupes françaises s'étaient repliés de Brienne sur Troyes, enfin
que Napoléon, parti le 20 (?) de Paris pour ChAlons, comptait se
jeter sur Bliicher avec 30,000 hommes. 11 signalait une fois de
plus h Schwarzenberg l'immobilité de Platoflf: « L*ataman comte
Platoff * est toujours ici {h Bar-sur-Aube). Il doit, paraît-il,
aller h Bar-sur-Seine, que mes troupes occupent depuis quatre
jours. »
Derrière le III« corps, le prince royal de Wurtemberg était
en deuxi^me ligne à Colombey-les-Deux-Églises, précédant les
réserves russes et prussiennes de Barclay de ToUy, qui conti-
nuaient à se tenir échelonnées entre Chaumont et Langres.
Le feldzeugmeister CoUoredo îivec son I®»" corps, composé désor-
mais, depuis qu'il avait dû laisser la division Wimpfen devant
Auxonne, de la division légère d'Ignace Hardegg, des divisions
Bianchi et Wied-Runkel, de la division de grenadiers Hohenlohe-
Bartenstein, de la division de cuirassiers du comte Nostitz et de
la 2* division légère (prince Maurice Liechtenstein), formait une
colonne spéciale dont la mission consistait h couvrir ia gauche
de la grande armée et à assurer les communications avec l'armée
du prince héritier de Hesse-Hombourg , posté à Dijon et chargé
de la direction des opérations militaires dans les vallées de la
Saône et du Rhône.
Les troupes de Colloredo étaient encore assez loin en arrière,
puisque leur tète de colonne seule avait atteint ChiUillon et que
sa queue était encore entre Saint-Seine et Dijon. Colloredo lui-
même était à peu près à moitié chemin entre Châtillon et Saint-
Seine, ît Baigneux. Il se faisait flanquer sur sa gauche par le
comte Ignace Hardegg, qui devait le lendemain se porter d'Alise-
Sainte-Reine sur Montbard, où se trouvait le général de Vaux.
Celui-ci, n'ayant avec lui que 400 hommes, avait quitté le 25
Flavigny, h l'approche des troupes autrichiennes '. Voyant qu'il
1 PlatofT et ses gens commettaient de telles atrocités que Miifflinf ne pouvait
s'empêcher d'écrire, à la date du 25 janvier : « Les gens de PlatofT se condui-
sent d'une façon scandaleuse et compromettent nos affaires. »
* Hardegg, dans son rapport de Sainte-Reine, 26 janvier 1814 (A^ K, Krietf*
Arehiv,^ l, 607, a.), demandait à Colloredo de lui faire parvenir de l'argent
dont il avait besoin pour assurer le service des renseignements. Il informait en
— 364 —
n'y avait pour ainsi dire personne devant le comte Hardegg,
Ck)lloredo * prescrivit à la brigade Salms, qu'il avait postée h
Lucenay-le-Duc et Bussy-le-Grand pour le cas où Hardegg aurait
eu besoin de soutien, de reprendre le 27 la grande route de
Châtillon.
La division légère du prince Maurice Liechtenstein' était à
Ampilly, précédée par le corps volant du lieutenant-colonel comte
Thurn, qui avait poussé, depuis le 24, jusqu'à Bar-sur-Seme, et
par le parti du major prince Auersperg, qui était entré, le 26,
avec deux escadrons de chevau-légers de Rosenberg à Mussy-
l'Évêque (aujourd'hui Mussy-sur-Seine). Bien que Liechtenstein
annonçât qu'il n'y avait pas trace de troupes ennemies du côté
de Châtillon et communiquât à Colloredo des renseignements
d'après lesquels les Français n'auraient eu que peu de monde à
Troyes, et bien que Bar-sur-Seine fût déjà entre les mains de
Thurn, Colloredo n'en crut pas moins nécessaire de porter une
brigade d'infanterie et sa division de cuirassiers en soutien de la
division légère. Aussi ne doit-on pas s'étonner si, bien qu'arrivé
à Baigneux le 26, il mande à Schwarzenberg qu'il sera le 29 seu-
lement à cheval sur la route près de Chàtillon avec sa principale
colonne prête à se porter en avant. Colloredo, qui se fera côtoyer
pendant cette marche par Hardegg dans la direction de Tonnerre,
mettra donc deux grands jours pour parcourir un peu plus de
30 kilomètres.
ontre le feldzeugmeister que le chemin de traverse indiqaé snr la carte et
menant de Sainte-Reine à Montbard, était très mauvais jusqu'à Montbard, à
peine praticable pour Tartillerie légère et ne devait être utilisé qu*en cas d'ex-
tr/^rae urgence. U annonçait, en outre, qu'il n'y avait à ce moment à Auxerre
que 200 conscrits et 200 cavaliers.
i Colloredo à Schwarzenberg, Baigneux 26 et 27 janvier (K. K. Kriegt
Archiv.fl, 586, et I, 607), et prince Maurice Liechtenstein à Colloredo,
Ampilly, 26 janvier. (Ibid., I, 586, a.)
> Liechtenstein termine sa dépêche d' Ampilly en disant à Colloredo: « Con-
formément aux ordres que j'ai reçus, je dois, de Chàtillon, me relier aux
troupes du prince royal de Wurtemberg, dont j'ignore absolument la position.
Je ne pense pas que le IV* corps soit à Joinville. Si Votre Excellence savait
quelque chose à ce sujet, je lui serais bien reconnaissant de vouloir bien m'en
informer. » N'est-il pas curieux de voir que, bien qu'il ne se filt produit aucun
grand événement de ce cdté, et bien que le IV' corps n'eût fait à ce moment
aucun mouvement, on n'ait pas jugé à propos d'indiquer à un général, chargé
de se relier à ce corps, la direction au moins approximative dans laqueUe il
avait quelque chance de communiquer avec lui.
— 365 -
27 janvier. — Combat de Saint-Dizier. — Le il janvier, Far-
mée de Sili^sie tout entière, h l'exception du corps d'York, était
arrivée sur TAube. En effet, si Lanskoï, qui avait servi jusqu(;-là
d'avant-garde à cette armée, avait été laissé à Saint-Dizier et
s'était porté avec sa cavalerie en avant de cette ville jusqu'à
Longchamp, pour être plus h même de surveiller les environs de
Vitry, Blficher, avec Sacken et Olsufieff, avait, aux termes mèmc^s
de la Relation sommaire des opérations de l'armée de Silésie *,
dépassé Brienne et poussé jusque entre Lesmont et Pougy". Mais,
dès le 27 au matin, l'Empereur avait fait partir de Vitry la cava-
lerie de Milhaud, suivie du 2* corps, soutenu lui-même par le 6«,
par les divisions de la jeune garde et le l®*" corps de cavalerie.
Vivement attaquée et surprise h la pointe du jour par les cavaliers
de Milhaud, la cavalerie du général Lanskoï fut ramenée d'abord
sur Saint-Dizier. Son infanterie ne tarda pas elle-même à en êlie
chassée par la division d'infanterie du général Duhesme, qui ne
lîiissa pas h la cavalerie russe, renforcée cependant le matin par
la brigade volante du prince Biron, le temps de faire sauter le
pont. Chaudement poursuivi jusqu'à Eurville* par la cavalerie»
française, Lanskoï, dans l'impossibilité de se» replier sur Vassy,
d'où il aurait pu prendre par Montier-en-Der la route la plus
directe menant à Brienne, se vit réduit îi se diriger sur Joinville,
pour y gagner la route de Brienne par Doulevant et Soulaines.
il s'arrêta le soir h Doulevant, tandis que la cavalerie franraise,
qui avait poussé en avant par la route de Joinville et par celle
d'Eclaron, atteignait Vassy*.
* Kurzgefasste DarsteUung der Kriegsbegebenheiten der scblesischen Arme
im Jabre 1814. (K.K,Kriegt Arehiv., I, 31.)
s Positions des corps de Tarmée de Silésie sur l'Aube le 27 aa soir : Stscber-
batofT, à Pougy ; Lieweu, à Lesmont ; quartiers généraux de Sacken et de Bliicher
à Brienne; Ulsutieiï à TremUly (Journal d'opérations du général-lieutenant
prince StscberbatofT). Remarquons à ce propos que ce fut le 27 que Kleist
reçut à Wittlicb Tordre par lequel on lui prescrivait d'être le 2 février à Saint-
Mibiel et de faire marcher, par la route de Saint- Wendel, Hombourg et Sarre-
gnemines, les troupes ,qui le suivraient pour se rendre de Trêves à Toul et
Nancy. Les troupes de Kleist étaient, à la date du 27 : l'avant -garde, à Trêves;
la brigade Pirch l, à Hetzeratb, et la brigade du pnncc Auguste, à Thalfang.
' Kurzgefasste DarsteUung der Kriegsbegebenbeiten der scblesischen Armeo
im Jahre 1814. [K. K, Kriegt Archiv., I, 31.)
* Victor arriva à 5 heures du soir à Vassy avec le 5® corps de cavalerie et
le 2« corps d'infanterie, moins la division Duhesme, qui prit position à mi-
*- 366 -
Positions des Français après la prise de Saint-Dizier. —
L'Empereur, avec le gros de ses forces, était arrivé en personne,
Il 9 heures du matin, à Saint-Dizier, où il avait été reçu avec un
enthousiasme dont il est d*autant moins possible de contester la
grandeur et la vivacité, que l'on en retrouve la mention jusqut»
dans les rapports des généraux alliés. Marmont, Ney et Oudinol,
avec la cavalerie de Doumerc, avaient pris position, dans l'après-
midi du 27, en avant de Saint-Dizier. A l'extrême droite des
Français, Mortier se repliait, par la route de Vendeuvre, sur
Troyes, où il recevait, dans la matinée du 27, l'ordre de rester
dans cette ville et d'y tenir tète à l'ennemi. Le général Borde-
soulle occupait Arcis-sur-Aube. La division Dufour, qui avait été
à Brienne le 24, mais qui, soit faute de sapeurs, soit par manque
de temps ou par incurie, avait négligé d'en détruire le pont,
avait passé par Arcis et était arrivée, le 27, à Vitry, où elle allait
être rejointe, le même jour, par la division Ricard, venant des
Islettes par le chemin de traverse d'Élize. Cette division devait
être remplacée dans les défilés de l'Argonne par la division
Brayer (du corps de Macdonald). Celle-ci, après avoir donné, le
26, à peu de distance de Sedan, contre la cavalerie du général
Jussefovitch arrivée à hauteur de Mouzon et envoyée dans ces
parages par Saint-Priest, avait perdu un temps précieux en se
rejetant à droite sur Launoy et Rethel et n'avait repris que plus
lard la direction de Vouziers et d'Autry , qu'elle atteignit le
29 s(;ulemenl.
CcUte inconcevable timidité d(î Macdonald, qui était le 27
il Mézières, lui avait fait perdre trois jours. Elle peut être à
bon droit considérée comme la cause première de l'échec qu'il
éprouva à La Chaussée, échec qui i;ut pour conséquence ultérieure
la perte de Chî\lons.
chemin de Saint-Dizier, à Joinville. La cavalerie li'gère de Pire était, le 87 au
soir, à Voillecomte, sur la route de Moutier-en-Der ; une des divisions de dra-
gons, à Vaux-sur-Blaise, s^éclairant sur les routes de Doulevantet de Joinville;
une autre division de dragons était en réserve à Attancourt; les gardes d*lion-
neur à HunilK^rourt, poussant des partis sur Kclaron. Marmont couvrait la
route de Saint-Dizier à Bar-le-Duc et occupait, avec des troupes des trois
armes, Saudnip, à mi-chemin de Saint-Dizier à Bar, ainsi que Stainville sur
ceUe de Saint-Dizier à Ligny. Ney était sur la rive gauche de la Marne, avec
une de ses divisions sur la route de Saint-Dizier à Ligny. Uudiuot et Lefebvre*
Desnoëttes étaient, le 27 au soir^ à Saint-Dizier môme.
— 307 —
D'autre part, hî déloiir que h? maréchal avait cru |)ru(liiit de
faire et le retard qu'il n'avait i)as hésité h se laisser imposer par
quelques cavaliers, obligèn;nt l'Empereur à modifier la direction
primitivement donnée à son corps et, comme le duc de Tarente
n'arriva à Chîllons que du 31 janvier au l*»" février, il enleva h
Napoléon toute possibilité de l'appeler t\ lui au moment où il
livra la bataille de La Rothière.
En opérant avec cette décision et cette rapidité qu'il n'avait
amais cessé de mettre en pratique et dont il avait tiré tant de
fois un si grand parti, Napoléon avait réussi une fois de plus h
surprendre ses adversaires et à se jeter entre les deux grandes
portions de l'armée de Silésie, entre York et Blûcher. Sachant
désormais, par les renseignements fournis par les habitants de
Saint-Dizier et par l'interrogatoire des prisonniers, que les corps
de l'armée de Silésie étaient encore échelonnés de la Meuse à
l'Aube, renonçant pour le moment à tomber par Chaumont sur
la droite de la grande armée, il résolut immédiatement de conti-
nuer son mouvement contre Blùcîher et de chercher à le prendre
il revers à Brienne *.
Positions et ordres d'Tork. — Bien qu'York ignonlt forcé-
ment à ce moment les événements de Saint-Dizier, il n'en avait
pas moins reconnu déjà toute la gravité de sa situation. 11 savait
déjà que Macdonald se dirigeait de Namur vers l'Argonne et
Chàlons. La nouvelle, envoyée par Henckel, de la présence d(i
troupes françaises à Bar-le-Duc, lui prouvait, en outitî, que les
Français, pour avoir réoccupé ce point par lequel Bliicher venait
de passer quelques jours auparavant, avaient dû arrêter leur
mouvement de retraite, recevoir des renforts, s'être concentrés à
ChAlons, comme l'affirmaient, d'ailleurs, les émissaires qu'il avait
* An général Clarkc, duc de Feltre, ministre de la gnerre, à Paris :
« Saint-Dizier, 28 janvier 1814. — Dans la journée du 26, je suis arrivt^
à Vitry. Le 27, je me suis porté sur Saint-Dizier, que Tennemi occupait ; je
l'en ai chassé. On lui a pris quelques pièces de canon, tué quelques hommes et
fait quelques prisonniers. J'ai appris ici que Bliicher. avec 25,000 hommes,
s'était porté sur Brienne, où il arrive aujourd'hui. J'ai coupé la ligne d'opé-
ration et fait occuper Bar et je pars aujourd'hui pour me porter en queue de
Bliicher. S'il tient, il serait possihle qu'il y eût une affaire demain à Brienne.
Le duc de Trévise doit être sur Arcis-sur-Aube. » {Correipondanee, b9 21.14i.)
— 368 -
pu se ppocurcT, et pariiissaienl disposés à contrarier sa niarch(;
sur Saint-Dizier. Déjà préoccupé sur le sort de son flanc droit
exposé aux coups de Macdonald, il avait, en arrivant le 27 à
Saint-Mihiel constaté qu'il était impossible de remettre en état le
pont détruit par les Français. Il avait par conséquent dû se rési-
gner à exécuter son passage plus en amont à Han-sur-Meuse, où
il fit aussitôt jeter un pont î\ peu de distance d*un gué, parfaite-
ment praticable d'ailleurs. La lenteur forcée du passage sur un
pont volant, sur une; simple passerelle par des temps de gelée
et de verglas, allait encore retarder sa marche et augmenter les
difficultés de sa situation.
Affaire de Bar-le-Duc. — Il chargea le corps volant du
colonel Henckel et la cavalerie de réserve du général von Jûrgass
de couvrir sa droite et recommanda à ces officiers de marcher
concentrés en prescrivant de plus à Henckel de se porter sans
perdre un moment sur Bar-le-Duc où il espérait trouver encore
ues troupes russes du corps de Sacken. Afin de se procurer les
renseignements que York tenait à avoir sur Bar-le-Duc, Henckel
s'était fait précéder d'assez loin par le capitaine von Osten, avec
50 chevaux de la cavalerie de landwehr*. Cet officier arrivé h
Bar-le-Duc à la nuit tombante vers 5 heures, poussa sans
encombre jusqu'à la grande place et y aperçut, sans pouvoir dis-
tinguer les uniformes, un groupe de cavaliers tenant des chevaux
devant la mairie. Convaincu qu'il avait devant lui des troupes
russes en train de demander leurs billets de logement, il mit, lui
aussi, pied h terre et pénétra dans la mairie où il ne fut pas peu
surpris de se trouver au milieu d'officiers français. Sans perdrt*
un seul instant son calme et son sang-froid, il sortit aussitôt de la
salle et remonta à cheval pour se retirer; mais à peine avait-il
rejoint ses hommes et leur avait-il donné l'ordre de remonter à
cheval, qu'il vit arriver sur lui un détachement de cavaleri(î con-
duit par un officier qui avait fini par le reconuîiître. Le capitaine
von Osten chargea ces cavaliers et les poursuivit jusqu'au moment
où ils furent recueillis par une grosse colonne de cavalerie. Il fil
alors foire demi-tour à s(îs hommes. Mais ce ne fut plus qu'à
i 2 escadrons, d'après Henckel, Eriniierunyen aus nieinem Lebtn^ p. 2C1.
— 369 —
grand'peint* qu'il parvint h percer ii travers une troupe d'infan-
terie qui essayait de lui barrer la route et à sortir de Bar-le-Duc.
Cette échauffourée avait coûté 17 hommes au p(?tit parti du capi-
taine von Osten. Lui-m^me ne s*(»n tira qu'avec une blessure
assez sérieuse.
La cavalerie de réserve du général von Jûrgass était venue
.e 27 h La Croix-sur-Meuse, et le prince Guillaume de Prusse jus-
qu'à Saint-Mihiel.
Positions et mouvements de l'armée de Bohême. — L'ar-
mée de Bohême n'avait guère fait plus de chemin le 27 que le 26.
Wittgenstein était encore aux environs de Toul, et Pahlen avait
marché seul avec sa cavalerie de Cirey-le-Chilteau (Cirey-sur-
Biaise) jusque vers Eclance.
Quant à Wrède, il venait de se mettre en mouvement de Xeuf-
chiUeau sur Chaumont, lorsqu'il reçut, le 27, au soir Tordre de
Schwarzenberg de prendre de Bourmont la direction de Vignory.
Il établit par suite son quartier général h Clefmont, pendant que
Frimont se cantonnait à Bourmont.
Les Wurtembergeois du IV* corps étaient toujours immobiles
îl Colombey-les-Deux-Eglises , derrière le III* corps. Suivant le
mouvement rétrograde de Mortier qui avait pris position derrière
la Barse au pont de La Guillotière* pour se porter éventuellement
de Troyes vers ChiUons par Arcis-sur-Aube, Gyulay avait fait
observer de loin la marche du duc de Trévise jusqu'fi Vendeuvre
par la brigade du général Hecht , et l'avait fait surveiller jusqu'à
Villeneuve-Mesgrigny (aujourd'hui La Villeneuv(î-aux-Chênes)
par quelques escadrons de son avant-garde. Son gros était encore
entre Le Magny-FouchardetBar-sur-Aubeoii il avait son quartier
général.
Quant à Platoff, on était par\'enu à le faire sortir de son immo-
bilité. On l'avait fait partir de Bar-sur-Aube et, après avoir passé
par Bar-sur-Seine, l'ataman s'était enfin décide îi se diriger sur
Auxon, d où il avait l'ordre de continuer avec ses Cosaques sur
Moret et Fontainebleau.
^ Starke, Eintbcilang and Tagesbcgebcnlieiten <lcr Ilaupt-Armcc in Monate
Januar (K, K. Kriegs Arehiv,, 1, 30.)
Weil. 2i
— 370 —
Les corps volants du lieutenant-colonel comte Thurn * et du
major von Selby étaient h Chaourcc aux sources do TArmance et
avaient informé le prince Maurice Liechtenstein de leur présence
sur ce point.
La colonne de Colloredo presque tout entière avait fait repos
dans les cantonnements qu'elle occupait déjîi la veille. Liechtens-
tein, qui était toujours h ChAtillon, avait signalé h son chef la
retraite des Français sur Troyes' et lui avait transmis les rensei*
gnements que le lieutenant-colonel Thurn lui avait communiqués
et qu'il avait fait parvenir, comme nous l'avons vu, au feldzeug-
meister Gyulay. Seule la division légère du comte Ignace Hardegg
avait poussé sur Textrôme gauche de Colloredo de Sainte-Reine
Il Montbard. Hardegg avait eu h Montbard la confirmation de
Tévacuation d'Auxerre. 11 avait appris également que 1,800
hommes de cavalerie et d'infanterie françaises avait pris le 24 la
* Le lieutenant-colonel comte Thurn au prince de Schwarzenberg :
«c Chaource, 27 janvier 1814. — L'ennemi s'est posté hier sur la route de
Vendeuvre à Troyes, à Villeneuve-Mesgrigny (La Villeneuve-aux-Chêncs). 11
tenait ses avant-postes à Briel et ses patrouilles poussaient jusqu'à MaroUcs
(Marolles-les-Bailly) .
« Aujourd'hui, on voit ses troupes se replier sur Troyes. Dimanclie, les
gdnéraux présents à Troyes y ont tenu un conseil de guerre auquel ont assisté
le préfet CaflareUi et le nouveau commandant de la place, le général Dulong.
Il s'agissait de décider s*il convenait de défendre Troyes. Malgré l'opposition
énergique faite par le général Dulong, on a pris la résolution d'évacuer la ville
à l'approche des Alliés pour se replier sur la position de Nogent.
tt Un de mes agents, parti de Paris le 23, me rapporte qu'il n'y avait à
cette date que 10,000 hommes dans la capitale. 11 n'a pas rencontré de troupes
entre Paris et Troyes et il a remarqué des symptômes manifestes de découra-
gement dans la population. Dans la nuit du 22 au 23, on avait écrit sur une
foule d'endroits, dans presque toutes les rues de Paris, sur les murs des mai-
sons, ces mots : « La paix ou la mort du Tyran ».
« L'Imptfratrice avait quitté Paris. On y disait, en outre, que les Anglais
avaient débarqué à Dieppe. On prétendait avant-hier, à Troyes, qu'Us avaient
déjà occupé Rouen.
« Enfin, j'ai appris que Caulaincourt aurait dit à Troyes, à une dame de
ma connaissance, qu'il avait ordre de signer la paix, quelque dures que puis-»
sent être le? conditions qu'on lui ferait.
« J'ai, avec le détachement du major von Selby, oc>cupé aujourd'hui
Cliaource et informé de ce fait le feld- maréchal-lieutenant prince Moritz Liech-
tenstein, entré hier à Chàtillon.
« Le comte Platoff est parti hier pour Auxon. » (K, K, Kriegs Arehiv,,
I, 615.)
s Moritz Liechtenstein à Colloredo, Ch&tilloD, 27 janvier. (/6ûf.,
1. 607, h.)
— 371 —
roulo de Tonnerre ii Paris, mais il lui avait iHé impossible de
découvrir s'ils avaient continué sur Paris où s'ils s'étiiient arrêtés
ùTroyes. Hardepîg ajoutait encore* : « On ne voit, on ne sait, on
n'entend rien de l'ennemi de ce côté. » 11 demandait, en outre, h
Colloredo ce qu'il devait faire des chevaux hors d'état de conti-
nuer à marcher. Bien que sa division n'eût pas eu de grosses
fatigues h supporter, il j)révenait Colloredo que, sa cavaleries
ayant beaucoup souffert do la marche (lu'elle venait de faire par
des chemins impraticables, son artillerie ayant 3 pièces dont les
affûts étaient brisés et nombre de caissons hors de service, il
allait être obligé de faire, le 28, séjour à Montbard.
Motifs du mouvement de l'empereur Napoléon sur
Brienne. — On a souvent reproché h l'Empereur la résolution
qu'il prit après avoir chassé Lanskoï de Saint-Dizier, et criliciué la
marche de flanc sur Brienno (|u'il exécuta presque en vue ou tout
au moins à peu de distiuice de l'armée de Schwar/enberg. Si l'on
peut, jusqu'à un certain point, condamner l'espèce d'entêtement
qui l'amena quelques jours plus lard ii livrer, malgré lui, il est
vrai, mais aussi en dépit de l'inégalité écrasante des forces, la
bataille de La Rothière, on ne saurait en revanche rien trouver h
redire au mouvement sur Brienne. La surprise de Lanskoï avait
suffi pour rendre aux populations des espérances qu'elles avaicuit
trop promptement perdues, et l'opération sur Brienne devait, dans
l'esprit de l'Empereur, servir h prouver aux maréchaux (ju'il
fallait reprendre courage, qu'on n'était pas à bout de ressources et
* Hardegg à Colloredo, Châtillon, 27 janvier. (K. K, Kriegs Archic,
I, 628, 6.)
A ce rapport dtaient joints les ordres suivants (jii^IIardegg avait donnés à
ses partis :
« Ordres pour le 27 janvier :
«c Le détachement du major von Tliuru reste à Somur avec un poste u
Epoisses envoyant des patrouilles vers Savigny-en-Terre-Pleine, un poste à
Millery avec patrouilles de Viserny à Saint-Just, un poste à CourccUes-Frémois
avec patrouilles par Rierre, sur la route d*Auxerro. n
M Ordres pour le 28 janvier :
« ï^ détachement du major von Thurn marche sur Noyers et couvre le
flanc gauche du corps.
<c Le parti volant du lieutenant Hardegg va par Annay et Molay à Collan,
sur la route d*Auxerre à Tonnerre, et envoie des palrouiUes à gauche vers
ChabUs, à droite vers Tonnerre. S'il rencontre Tenncmi et se trouve trop faible
pour lui r^ister, il se repliera sur Noyers, n
— 372 —
que, avec du jugement et de la résolution, on pouvait encore réta-
blir les affaires. C'est pour cela que, sans perdre une minute, il
va employer la journée du 28 à marcher sur Brienne. Il espère y
tomber sur les derrières de Blûcher, le battre et le détruire avant
sa jonction avec Schwarzenberg. Peu s'en est fallu que ce plan,
si hardiment conçu et si résolument exécuté, ne fût couronné de
succès puisque, pendant toute la journée du 28 et jusqu'à ce
qu'un hasard providentiel lui eût révélé le danger qu'il courait,
Blùcher croyait qu'il s'agissait simplement d'une reconnaissance
offensive absolument sans conséquence, et pensait que les Fran-
çais avaient uniquement cherché h savoir si l'armée de Silésie se
dirigeait sur Chûlons ou sur Paris, en un mot, que les Français
avait seulement voulu le tAter*.
Comme nous l'avons dit, Napoléon pouvait h ce moment : ou
continuer sa route vers la Lorraine pour arrêter York et se
réunir à Macdonald , ou pousser sur Chaumont et Langres pour
tenir tôte à Schwarzenberg, ou redescendre vers l'Aube pour
suivre et atteindre Blûcher. « Napoléon, écrit îi ce propos le
baron Fain*, s'arrête à ce dernier parti, qui doit prévenir la
jonclion des Prussiens avec l'armée autrichienne, qui peut sauver
Troyes et qui, dans tous les cas, va faire tomber ses premiers
coups sur son enneîni le plus acharné. »
C'est pour cela aussi que Napoléon choisit le chemin le plus
court de Saint-Dizier à Troyes, par la forêt du Der, bien que ce
soit un chemin de traverse difficile, mais parce que c'est aussi
par là qu'on s'attendra le moins à le voir déboucher. D'ailleurs,
quand il s'arrête à cette résolution, le temps est à la gelée, son
armée est pleine d'enthousiasme, son artillerie est bien attelée,
et par cette route de la forêt, il peut être en deux marches à
Brienne. Il importe, d'ailleurs, de remarquer, qu'au moment où
il prenait le parti de se jeter sur Blùcher, Napoléon avait d'au-
tant plus de motifs pour le faire, qu'il devait croire que le général
Dufour avait détruit le pont de Lesmont , que le rétablissement
de ce passage arrêterait Blùcher, et que de plus, en opérant de
* Voir Karzgefasstc DarstcIIung der Kricgsl)ogcbenhcitcn der srhiesischen
Armée {K. K. Kriegs Archiv.y I, 31) et Bliicher à Schwarzenberg, de BrienDC,
28 janvier (Ibid., I, 632).
> Faim, Manuscrit de 1814.
— 373 —
la sorte, il se rapprochait de son aile droite cl comptait pouvoir
manœuvrer de concert avec Mortier. A ceux qui lui reprochent
do n'avoir pas préféré se porter vers Chaumonl, il suffira d'obser-
ver qu'en manœuvrant de la sorte, il n'aurait réussi tout au plus
qu'à séparer du reste de la grande armée Wrèdc, qui aurait pu
continuer h filer sans encombre par Bar-sur-Aube ou par Vassy
et Montier-en-Der, pour rejoindre Blûcher.
On a encore critiqué la résolution qu'il «ivait prise en se por-
tant par Montier-en-Der sur Brienne, et prétendu qu'il aurait
mieux fait, ou de se diriger par Doulevant contre Gyulay et le
prince royal de Wurtemberg, postés à Bar-sur-Aube et Colombey-
les-Deux-Églises, ou de marcher de Vassy par Sommevoire sur
Dienville S afin de couper les communications de Blûcher avec
Schwarzenberg. Cette dernière critique seule a une certaine
valeur; mais il faut constater qu'en se portant sur Dienville, il
était obligé de défiler presque en vue des troupes du III« corps,
et que de plus, il sacrifiait complètement le facteur le plus impor-
tant : le temps. Or, Napoléon sentait parfaitement qu'il n'avait
pas une minute h perdre pour conserver quelque chance d'écra-
ser Blûcher, et pouvoir, après l'avoir rejeté vers la Meuse ou la
Moselle, se retourner par Joinville contre Schwarzenberg qui, h
la première nouvelle de la défaite complète de Blûcher, n'aurait
pas manqué de s'arrêter et de prendre une position défensive.
Enfin, il y avait encore une considération d'ordre moral qui
devait décider Napoléon à essayer d'en finir avec celui de ses
adversaires, qu'il considérait, h juste titre, comme le plus redou-
table et le plus acharné, à cause de la haine qu'il portait à la
France et de l'activité que, malgré son grand âge, il mettait au
service de sa passion. Il était d'autant plus nécessaire de frapper
un grand coup contre Blûcher que, et ce sont les auteurs alle-
mands eux-mêmes qui le signalent, l'arrivée de l'Empereur h
l'armée avait suffi pour changer en peu d'heures l'attitude et
l'esprit des populations. Droysen, dans sa Vie du feld-maréchal
i Le prioce do Taxis (aide de camp de Wr6de), entre autres, ne comprend
pas, dans son Tagebueh, ponrqnoi Napoléon fait une marche de flanc de
Montier-en-Der sur Lcsmont par des chemins difficiles, et croit qu'il avait mieux
à faire en attaquant directement, et de front, le \l^ corps (Wittgenstein) du
côté de Vassy, où ce corps arriva le 29 janvier. (Tagebuch du major prince
Thum et Taxis. — K, K. Kriegs Archiv., XIII, 32.)
_ 374 —
York, s'exprime îi ce sujet de la façon suivante : « Il était évi-
dent qu'on était à la veille de grands événements, et les disposi-
tions des populations s'étaient en un instant modifiées du tout au
tout. L'arrivée de Napoléon et ses proclamations avaient réveillé
leur patriotisme. La nouvelle que TEmpercur, avait pris Toften-
sive, avait ranimé les courages et les espérances. La levée en
masse elle-même prenait un caractère grave et sérieux. Les vil-
lages se vidèrent; les habitants, avec leurs bestiaux et leurs pro-
visions, se réfugièrent dans les bois, y épiant les traînards et les
petites patrouilles, leur tendant des embuscades, les désarmant
et les massacrant. Dans les cantonnements, les crimes et les ten-
tatives d'assassinat se multiplièrent. 11 était impossible, désormais,
de se faire un instant de plus illusion sur l'esprit du peuple : la
véritable guerre allait commencer *. »
C'était \\i ce que Napoléon avait reconnu à Saint-Dizier, ce
qu'il sentait, ce qu'il voulait, et, pour permettre à ce réveil de
l'esprit national, h. cette manifestation, peut-être un peu tardive,
d'un patriotisme un moment assoupi, de se généraliser Qt de
s'étendre, il lui fallait une victoire décisive. C'était cette victoire
qu'il espérait trouver à Brienne.
Quant à Blùcher, il est évident qu'il ne se rendait pas encore
un compte exact des dangers de sa situation. Ses panégyristes
ont beau dire qu'îi la réception du rapport dans lequel Lanskoï
lui faisait part des événements de Saint-Dizier, il avait sagement
agi en ne rappelant pas immédiatement à lui la cavalerie qu'il
avait détachée; ils ont beau prétendre qu'en attendant en forma-
tion de combat l'attaque de l'ennemi pendant les journées des 28
et 29 janvier, il ne faisait que se conformer fi ce grand principe
en vertu duquel on doit obliger d'abord l'ennemi à se déployer,
lui cacher soigneusement ses- j)ropres projets et ne prendre une
résolution définitive, un parti décisif, que lorsqu'on est complète-
ment fixé sur les intentions de son adversaire ; il n'en est pas
moins incontestable qu'il crut d'abord à une simple reconnais-
sance ofl'ensive dos Français, lorsqu'il reçut, le 28 janvier, à
6 heures du matin, la nouvelle que l'ennemi avait chassé Lanskoï
de Saint-Dizier et l'avait poursuivi jusqu'au delfl d'Eurville. Ce
* Drovsex, Dos Leben des FeliUmarscMls Grafen York ton Wartenburg,
t. H, p. 279 et 280.
- 375 —
fut soulcmcnt lo soir que Lanskoï réussit à lui démontrer que
l'ennemi cherchait à se jeter avec toutes ses forces entre lui et
York et à couper ses communications avec Nancy *.
28 janvier. — Mesures prises par Blflcher. — S'il reste
d'ailleurs les moindres doutes h ce sujet, le rapport m(^me, que
Blûcher" adressa h Schwarzcnbcrg, est de nature h les dissiper :
« Bricnne, 28 janvier 1814. — « J'apprends ce matin à 6 heures
que l'ennemi, probablement le corps de Victor renforcé, s'est
avancé hier de Viti7 h Saint-Dizier contre mon avant-garde qui,
postée sur la route de Joinvillc h Saint-Dizier, s'est retirée jusqu'à
Eurville.
« Les Cosaques disent que l'ennemi a occupé hier Vassy. J'ai
donné Tordre de s'en assurer. Je crois qu'il s agit simplement
d'une forte reconnaissance faite pour savoir si nouji allons sur
Paris ou sur Chdlons, Peut-être F ennemi veut-il aussi nous tdter.
« Les troupes russes de l'armée de Silésie sont sur la route de
Joinville h Arcis, entre Briennc et Pougy. L'avant-garde de Witt-
genslein, sous les ordres du comte Pahlen, se trouve îi doux
lieues au sud de celte route.
«Le corps du général York devait être hier à Bar-le-Duc, si l'en-
nemi ne l'a pas retardé par quelque démonstration, et aujourd'hui
à Saint-Dizier.
« L'avant-garde, sous Lanskoï, était hier h Eurville. »
Il semble, dhiilleurs, pour des raisons toutes particulières, pour
des motifs qui ressortiront de la suite de cette lettre, sur laquelle
nous aurons occasion de revenir, que Blùchcr ne tenait pas à dire
la vérité tout entière à Schwarzenberg, parce qu'il voulait avant
tout éviter l'envoi d'un ordre formel lo rappelant en arrière, et
que, plus que jamais, il croyait au succès final de la marche sur
Paris. Du reste, il faut bien le dire, la tranquillité de Blûcher
était plus apparente que réelle. Il est évident, en effet, que le
feld-maréchal attachait déjà à la nouvelle de l'affaire de Saint-
Dizier, si ce n'est toute la considération qu'elle méritait, du moins
plus d'importance qu'à une simple reconnaissance offensive.
Jusqu'à ce moment, en effet, il avait pu admettre que l'Empe-
* Kurzgefasste Dartellung der Kriegsbegebenheiten der schlcsischen Armée.
(A'. K, Krieg$ Arehiv.^ I, 31.)
s Bliicher à Schwarzenberg, Brienne, 28 janvier. (Ibid., I, 632.)
— 376 —
reur, en prenant Toffensive, avait pour but unique de se rappro-
cher de Mortier que Tarmée de Bohême observait. Croyant ainsi. sa
gauche et ses derrières parfaitement couverts, le feld-maréchal
pensait pouvoir continuer il se porter sur Arcis, afin d'être de là
Il môme, soit de déborder les positions des Français sur la Marne,
soit de se réunir à Tarmée de Bohême qu'il croyait, il est vrai, en
marche et sur le point d'arriver ii sa hauteur, tandis qu'au con-
traire, elle était restée pour ainsi dire immobile sur ses positions
depuis plus de quatre jours. Aussi, lorsqu'il reçut, le 28 au ma-
tin, la nouvelle de l'échec éprouvé par Lanskoï, il renonça ii son
mouvement sur Arcis, et, comme ce général lui faisait part de son
intention de se replier de Joinville par Doulevant et Soulaines sur
Brienne, il crut prudent de maintenir le gros de ses troupes entre
Biienne et Lesmont, tout en laissant continuer encore leur mou-
vement aux généraux Pantchoulitcheff* et Wassiltchikoff II, qu'il
avait dirigés avec leur cavalerie, le premier vers Arcis-sur-Aube,
le deuxième, sur la route de Ramerupt i\ Troyes. Mais il rai>-
pela II lui les partisans de Stscherbatoff, la cavalerie de Pahlen
et la brigade volante du prince Biron. Stscherbatoff, qui avait
jusqu'à ce moment battu l'estrade en avant de l'armée de
Bohême (il s'agit ici du général-major de ce nom), rend compte
en ces termes à Schwarzenberg, du mouvement qu'il a été obligé
de faire pour se conformer aux instructions du feld-maréchal et
de la nouvelle destination qu'il vient de recevoir ' :
i Le Ucutenant-général WassiUciiikoff au général-major PantcbouUtcheff :
u Brienne, 15/27 janvier 1814. — Le général-major PantchoulitcheiT ira de
Coclois à Arcis-sur-Aube. S'il y trouve l'ennemi, il cherchera à le repousser et
à s'emparer de celte ville et du pont. Si l'ennemi occupe ce point avec de l'in-
fanterie en nombre supérieur, le général PantcbouUtcheff se retirera avec pré-
caution et me fera connaître son mouvement. Si le général Pantchoulitcheff
prend Arcis, il enverra des coureurs sur le chemin de Nogent et fera occuper
par les Cosaques Méry-sur-Seine et Plancy-sur-Aubc. Il laissera du monde à
Anbeterre pour éclairer la route do Troyes. Le colonel Davidoff ira à Charmont
avec le régiment de hussards de la Russie-Blanche et aura des postes à Luyères
et à Bouy ; ces postes enverront des éclaireurs sur la route de Troyes. Le
général-major Wassiltchikoff ira, sur la rive droite do l'Aube, jusqu'à Rame-
rupt et Arcis, et fera des partis sur Brébant et Mailly (route de Châlons à
Ramerupt et de Chûlons à Arcis). »
L'entreprise tentée contre Arcis, le 28, échoua parce que le général Borde-
souUe avait eu le soin de faire barricader solidement le pont.
' Le général-major prince Stscherbatoff au prince de Schwarzenberg. Mai-
ziéres, 28 janvier. (Original en français. — K, K. Kriegs Archiv,, 1, 631.)
— 377 —
« Ce matin, (^tant sorti du village de Donncmcnt pour aller fi
Arcis, le général-major Wassiltchikoft* me communiqua Tordre
qu'il reçut du lieutenant-général Wassiltchikoff de marcher au
plus vile sur Lesmonl, de découvrir en môme temps mon déta-
chement et de me faire savoir que je dois me joindre à lui.
« En arrivant îi Lesmont, je reçois un ordre du lieutenant-
général Wassiltchikoff pour me mettre sur le chemin qui va de
<}iffaumont à Lesmont. En conséquence de quoi, j(î suis venu il
Maizières d'où j'ai envoyé des partis h Montier-cn-Dcr et h Bon-
nement.
« Les partis que j'ai envoyés ce matin h Vitry et Arcis ne sont
pas encore de retour, mais le premier a découvert qu'il y a à
Vitry beaucoup de troupes ennemies.
« Les nouvelles, que j'ai eues des habitants, sont qu'il y a Ih près
de 50,000 hommes, qu'il y a îi Arcis 6,000 hommes ennemis et
que les troupes alliées sont aux portes de la ville. En arrivant ici,
un déserteur français s'est présenté chez moi. Il dit avoir vu lui-
môme, hier. Napoléon arriver avec 10,000 hommes de cavalerie
et que le chemin de ChAlons h Vitry est couvert de troupes.
« Le détachement du général-major prince Biron passant par
ici, m'a dit que l'Empereur était h Vassy et h Joinville, et que ce
détachement allait couvrir le flanc droit du corps du lieutenant-
général Lanskoï. »
La brigade volante de Biron, dont un des escadrons sur\'eillait
des environs de Longeville, la roule qui mène de Sommevoire à
Brienne, avait poussé sur l'ordre qu'elle en avait reçu, jusqu'à
Hampigny où elle arriva fort avant dans la soirée du 28 et d'où
elle établit ses vedettes jusque vers Brillecourt.
En môme temps, les généraux Pantchoulitcheff et Wassiltchi-
koff II avaient été avisés dans le courant de la journée d'avoir à se
replier sur le gros du corps en ne laissant du côté d'Arcis et de
Troyes que des postes d'observation. Olsufieff prenait des canton-
nements resserrés dans Brienne même et aux environs de la ville.
Sacken avait ordre d'en faire autant du côté de Lesmont et devait,
en cas d'alerte ou d'attaque, poster une partie de son corps à
Pougy et l'autre partie à Lesmont môme.
Pour compléter ces mesures qu'il croyait nécessaire de prendre
et en dépit de la tranquillité dont il faisait montre vis-à-vis du
généralissime, Blûcher avait encore, nous l'avons déjà dit, fait
— 378 —
ôerrer sur lui la cavalerie du VI^ corps sous les ordres de Pahlcn
qui provint de cette nouvelle destination le feldzeugmeister Gyu-
lay. Des termes mêmes de cette lettre S il ressort manifestement
que Blûcher était loin d'ôtre aussi satisfait de sa situation qu*il le
prétendait dans ses dépêches à Schwarzenberg :
« J*ai eu l'honneur d'annoncer hier h Votre Excellence que je
comptais être aujourd'hui à Pincy, parce qu'une partie de l'armée
du feld-maréchal Blùcher devait arriver à Coclois. Mais le feld-
maréchal Blûcher m'informe que l'ennemi fait des mouvements
sur sa droite et que le général Lanskoï, qui était à mi-chemin de
Saint-Dizier fi Yitry, ayant été chassé hier 27 de Saint-Dizicr,
s'est rejeté sur Joinville d'où il est parti ce matin pour aller à
Doulcvîint. »
o Aujourd'hui l'ennemi a occupé Vassy et s'est montré h Gif-
faumont et à Chavanges. Jusqu'à présent, il est difficile de pré-
voir et de dire quelles sont ses intentions.
« Le général York devait venir aujourd'hui de Saint-Mihicl à
Saint-Dizier, se poster sur le flanc droit du feld-maréchal Blfi-
cher. Peut-être l'ennemi cherche-t-il à contrarier cette jonction î
Peut-être aussi veut-il se porter de Chûlons par Arcis sur Troyes
et veut-il par ce mouvement en avant nous dérober ses véritables
projets? Enfin, il pourrait se faire qu'il voulût prendre l'offensive
contre notre droite.
« Pour attendre le résultat et le développement des mouve-
ments de l'ennemi, le feld-maréchal Blllcher a fait aujourd'hui
halte à Brienne et m'a invité à eu faire autant de mon côté.
<( J'ai été sur le point de m'arrêtcr à Éclance ; mais en raison
des mouvements que l'ennemi a feits cette après-midi du côté de
Chavanges, le feld-maréchal qui a employé du côté d' Arcis toute
sa cavalerie sous les ordres du général Lanskoï ', m'a prié de me
poster derrière la Voire et de couvrir pour le moment sa droite.
Je me porte par conséquent sur Lassicourt. La cavalerie du
général Wassiltchikoff surveille et couvre le flanc gauche du feld-
t Pahlen au feldzeugmeister comte Gyniay, Brienne, 28 janvier, 4 heures
après-midi. {K, K. Kriegt ArefUv,, l, ad. 62K.)
' Pahlen commet là une erreur^ C'est le général Pantchonlitehoff et non le
général Lanskoï, qui avait été envoyé da côté d'Arcis.
— 379 -
maréchal du côté de Troyes, et Tavant-gardo de Votre Excellence
pourra aisément se relier h cette cavalerie.
« J'aurai Thonneur de tenir Votre Excellence au courant des
événements ultérieurs. »
Quant au général Lanskoï, il avait pu arriver vers le soir, le 28,
à Doulevant et devait donc, selon toute probabilité, être h môme
de rallier Blucher le lendemain.
Mouvement de Tarmée française sur Montier-en-Der. —
Pendant ce temps, TEmpereur, laissant à Saint-Dizier la division
Lagrange (du 6« corps) et le l®»" corps de cavalerie (Doumerc) pour
couvrir et cacher la marche des autres corps, avait continué, dès
le point du jour, son mouvement sur Montier-en-Der. Sa petite
armée marchait sur deu:c colonnes. Victor, avec le 2« corps (moins
la division Duhesme, qui resta en position toute la journée et no
fila que le soir sur Vassy) et avec le 5« corps de cavalerie (xMilhaud),
reçut Tordre de suivre la route de Joinville jusqu*h Rachecourt,
puis, h partir de ce point, de se porter par la traverse sur Vassy
et Montier-en-Der. La cavalerie et Tinfonterie de la garde avaient
pris droit sur Montier-en-Der par Éclaron, et plus à droite encore
le général Gérard quittait Vitry avec les divisions Dufour et
Ricard et la brigade de cavalerie du général Piquet, flanquant
ainsi la droite de l'armée en marchant sur la route de Vitry à
Brienne.
Le 5e corps de cavalerie (Milhaud) arriva h onze heures du soir
à Longeville. Le général Milhaud lit occuper Boulancourt, h une
demi-lieue de Longeville, par une brigade de cavalerie légère et
trois compagnies d'infanterie légère. La division de dragons
Lhéritier fut postée un peu en arrière de Longeville avec une
de ses brigades [i Louzc.
Mais à la gelée du 27 avaient succédé la pluie et le dégel, et
Tartillerie de Victor ne parvint qu'à grand peine h se tirer des
fondrières des chemins de traverse par lesquels elle avait îi passer
k partir de Rachecourt.
Malgré les difficultés inouïes qu'elles eurent à surmonter, les
troupes arrivèrent cependant le 28 au ^oir à Montier-en-Der*.
* Gronchy (Mémoires) indique comme positions, le 28 au soir, Maiiièrai
pour i'ayant-garde du S*' corps, soutenue par deux divisions de dragons, et
— 380 —
Marmont, après avoir attendu h Saint-Dizior le retour des recon-
naissances envoyées sur Bar-le-Duc et sur Ligny, où ses cavaliers
n'avaient pas trouvé trace des troupes alliées, puisque celles-ci
n'arrivèrent que quelques heures plus tard il Bar-le-Duc, se por-
tait h quatre heures de Taprès-midi avec 1200 hommes d'infan-
terie (une brigade de la division Lagrange) et le i^' corps de cava-
lerie sur Éclaron pour continuer le lendemain sa marche sur
Vassy. Il ne restait plus, dès lors, h Saint-Dizier, que le général
van Merlen avec 800 fantassins, 400 chevaux et 4 bouches à feu.
Le général Gérard prit position, avec la division Ricard, en
avant d'Arzillières; la division Dufour restait en arrière de Braux-
le-Comte *. Quant h la cavalerie du général Piquet, bien qu'elle
eût reçu Tordre de pousser encore, le 28 au soir, jusqu'à Montier-
en-Der, elle ne put y arriver que le 29 au matin. Enfin, en pré-
sence du mouvement de Blûcher sur Brienne, le major-général,
sur l'ordre de l'Empereur, avait prescrit h Macdonald le 28 au
soir, par une dépêche que le maréchal reçut k Rethel le 29 au
matin, de se concentrer au plus vite à Chàlons et de se diriger
vivement sur ce point, au lieu d'aller, comme le voulaient les
lordres précédents, sur Sainte-Menehould.
Pour ne pas interrompre la suite des opérations et des mouve-
ments entre l'Aube et la Marne, nous indiquerons plus loin les
particularités de la marche du duc de Tarente de Namur sur Châ-
lons et Vitrv.
Prise par les Cosaques de Stscherbatoff du lieutenant-
colonel Bénard. — Ce fut à ce moment aussi que les caprices de
la fortune vinrent ser\ir et sauver Blucher. Dès le 27 au soir, l'Em-
pereur avait de Saint-Dizier fait partir pour Arcis-sur-Aube cl
Troycs des officiers porteurs d'ordres enjoignant h Mortier de se
rapprocher de lui de façon îi pouvoir former, h partir du 29, la
fait Tenir le reste de rinfanterio du 2^ corps jusqu'à LongeviUe. 11 y a là
évidemment une erreur, puisqu'il est constant que Stscherbatoff occupait
Maiziôres et y resta jusqu'au 2^, et que le 2® corps n'arriva que fort tard, le
98 au soir, à Montier-en-Der.
* Koch commet une erreur en disant que Dufour occupa, le 28, Uraux-lc-
Comte, puisque les avant-postes de Pahlen poussèrent vers le soir des pointes
de ce côté sans rien rencontrer. — Voir Lutzow, Beilrâge zur Kriegsgeschichte
1813-1814, p. 173.
— 381 —
droite de l'arméo. Un hasard heureux dessilla complètement les
yeux de Blûchcr et lui permit de prendre encore, en temps
opportun, les mesures nécessaires pour pouvoir faire face h un
danger qu'il redouUdt, mais qu'il ne croyait ni aussi si'îricux,
ni aussi imminent.
Avant de parler ici des diftërentes dépêches interceptées et dont
les originaux existent aux Archives de la guerre h Vienne, il
semble utile de reproduire les termes mômes dans lesquels la
prise du lieutenant-colonel Bénard est rapportée dans les Tages-
begebenheiten der llaupt-Armee im Monat Januar^ h la date du
28 janvier : « Stscherbatoff prend, sur la route d'Arcis, un offi-
cier français envoyé par Berlhier h Mortier à Troyes et porteur
d'ordres enjoignant au maréchal de rallier, le 29, Taile droite de
Napoléon. Cette dépêche, interceptée, sauve Tarmée de Silésie en
révélant aux Alliés les projets de TEmpereur et en immobilisant la
garde du côté de Troyes ».
La Kurzgefasste Darstellung der Kriegsbegebenheiten der schle-
sischen Armée attache naturellement beaucoup moins d'impor-
tance à ce fait qui se serait passé, d'après elle et d'après les au-
teurs allemands, le 29. Elle se contente de dire : « Les coureurs
de BlUcher ont pris le lieutenant- colonel Bénard qui i)ortait à
Mortier Tordre de quitter Troyes avec la vieille garde et de
rejoindre la droite de l'Empereur. Le général Colbert devait
exécuter un mouvement analogue. Blûcher est, dès lors, rassuré
sur le sort de sa gauche et se décide à rester à Brieime. Il croit,
en effet, que Napoléon se trouve, «fl/w «'en douter, au milieu môme
des forces des Alliés. »
Des papiers et des dépêches trouvés sur le lieutenant-colonel
Bénard, au moment où il se laissa prendre par les Cosaques du
général prince Stscherbatoff, il ressort manifestement que cet offi-
cier avait rempli, sans encombre, une première mission, celle
dont il avait été chargé le 24 à Chiliens, par l'ordre de Belliard,
puisque le général Dufour avait exécuté, depuis lors, les mouve-
ments qui lui étaient indiqués dans la dépêche dont il est ques-
tion au post-scriptum de cet ordre*. Bénard devait être moins
i K. K. Kriegs Archiv , 1, 30.
* M Ordre du général Belliard an lieutenant-coloucl BOnard. — Châlons, le
-^ 382 —
ncureux quatre jours plus tard, et il suffit do parcourir les trois
dépêches dont il était porteur, et surtout celle adressée au général
Bordesoulle, pour se rendre un compte exact de l'imporlance
qu'allait avoir pour Blucher une capture qui le mettait d'une
façon complète au courant de la situation et lui révélait, d'une
manière absolument authentique et dans tout leur ensemble, les
projets de l'Empereur :
« Ordre de Berlhier au lieutenant-colonel Bénard*. — Saint-
Dizicr, le 27 janvier 1814.
« Il est ordonné à Monsieur Bénard, officier d'état-major, de
partir de suite pour se rendre en poste en passant pat Arcis-sur-
Aube porteur d* ordres très pressés auprès de M. le général Bor-
desoulle h Arcis-sur-Aubc, de M. le maréchal duc de Trévise h
Troyes, et de M. le général Colberl h Nogont-sur- Seine. »
a Berlhier au maréchal Mortier, duc de Trévise* — Bcrthier au
général Colbert^ — Saint-Dizier, 27 janvier 1814, 7 heures du soir.
« Monsieur le maréchal duc de Trévise,
« Monsieur le général Colberl,
« Nous avons battu l'ennemi à Saint-Dizier; nous occupons
Joinville, Bar-sur-Ornain, et nous sommes sur la ligne d'opéra-
tions de l'ennemi.
« Notre avant-garde est ce soir h Vassy, se dirigeant sur les
derrières de l'ennemi. Manœuvrez pour rejoindre notre droite le
plus tôt possible, afin qu'une bataille ayant lieu, vous soy<?z
réuni h nous. Vilry est le pivot de ton les les opérations. »
24 janvier i814. — « Il esl ordonné à Monsieur Bônard, officier d'ctat-major.
de partir de suite en poste pour so rendre à Bar-snr-Aube, en passant par Arris-
sur-Aube et Brieniie-le-Château, porteur d'ordres très preuét destinés à M. le
maréchal duc de Trévise. Sa mission remplie, il prendra les dépêches de M. le
maréchal et rétrogradera sur le quartier général. »
. « P. S. — En passant à Brieune^le-Chàteau, cet offlcicr remettra la dépcV'hc
à Fadrcsse du général Dufour. » (K, K. Kriegs Archic, I, 657, d.)
Le colonel BcnanI, rentré de cette preniit^re mission, avait rendu compte à
l'Empereur de ce qu'il avait vu, et Napoléon écrivant à Victor, de Vilry, le
S6 à 4 heures de l'après-midi, lui disait entre autres : « Le colonel Ihrnard,
mon aide de camp, qui a traversé tout le corps do Blucher, l'a estimé n'Otre
pas plus de 20,000 à 25,000 hommes. » (Correspondance, n<> 21.138).
i K. K. Kriegs Archiv., I. 167, /".
» Ihid,,h 657, c.
> Ihid., I, 657, d.
-. 383 —
Les dépêches qu'on vient de lire contenaient dojfi h elles Renies
des renseignements d'une inappréciable valeur pour BUicher.
Elles lui indiquaient, en effet, les principaux points occupés par
Tarniée de l'Empereur le 27 au soir, ainsi que la direction dans
laquelle il se proposait de marcher les jours suivants. Elles lui
faisaient connaître, en outre, les mouvements qu'il compLiit faire
exécuter à Mortier et à Colbert et, en admettant mémo que, vu
leur importance, ces ordres aient été envoyés en duplicata * cl
par une autre voie, Blùcher pouvait aisément arriver h déterminer
par un calcul des plus simples, le moment où ces forces seraient
à môme de rejoindre l'Empereur. Mais la fatalité, qui semblait
B*acharner contre Napoléon, avait livré à Blùcher un document
plus circonstancié, plus complet et plus précieux encore : la dé-
pêche de Berthier à BordesouUe, dépêche qui allait élucider les
points un peu obscurs des deux ordres précédents et mettre
Blùcher absolument au courant de la situation, des ressources,
des intentions de Napoléon, des mouvements ordonnés à Gérard,
à Colbert, à Pajol môme, enfin des instructions précises que l'on
croyait nécessaire do faire tenir au commandant de la place do
Troyes.
« Le prince vice-connétable * (Berthier) au général BordesouUe.
— Saint-Dizier, 27 janvier 1814, 7 heures du soir.
« Monsieur le général BordesouUe,
«c Nous avons attaqué, aujourd'hui à 10 heures du matin,
Saint-Dizier ; nous avons culbuté l'ennemi, fait des prisonniers et
tué du monde. Notre attaque a été si brusque et si prompte, que
l'ennemi n'a pas eu le temps de faire sauter le pont.
« Il paraît que le prince Cherbatoff («ic) sera dirigé, avec 7,000
à 8,000 hommes de toutes armes, de Saint-Dizier sur Montier-
cn-Der. Il a dû y arriver le 26 ; il pourrait donc être, aujourd'hui
27, entre Montier-en-Der et Brienne. Vraisemblablement, il ap-
puiera les cosaques de PlatotT, qui arrivent depuis quelques jours
dans cette direction. Faites passer la nouvelle de notre avantage
* Le S8, à iO heures du matin, oo avait, eu effet, expédié de nouYcau à
Mortier, par uu officier du 38° régiment, l'ordre do rejoindre Tarmée. Du 28
au 30 au soir, on ne trouve plus aucune trace d'ordres envoyés au duc de
Trévise.
s K. K.KriegiArehiv,, I, dS3.
— 384 -
sur Saint-Dizicr au général Pajol h Nogeut-sur-Scine, et vous lui
écrirez de la faire passer à Paris.
<c Écrivez de m(''me au commandant de Troyes. Ajoutez que
nous aj)prenons qu'une grande partie de Tartillerie ennemie est
embourbée dans une forêt, ayant voulu prendre la route directe
de Saint-Dizier îl Monticr-en-Der.
« Sa Majesté suppose que le général Gérard est actuellement
près de Vitry. Elle ignore où se trouve le duc de Trévise : on le
croit à Vendeuvre. Ce maréchal n'a pas un moment à perdre
pour se porter dans la direction de Vitry et former notre droite.
« L'Empereur se trouve ainsi sur les derrières de Tennemi, que
nous avons coupé et chassé par là Nancy, et notre avant-garde
est ce soir, le 27, sur Vassy. Nous continuerons à marcher sur les
derrières de l'ennemi avec une belle et bonne armée. Il reste à
voir le parti que prendra l'ennemi après le nouvel état de choses.
Vous et le général Pajol manœuvrerez en conséquence.
« L'Empereur désire beaucoup que le duc de Trévise ne s'ex-
pose pas et qu'il vienne rejoindre sa droite; que le général
Colbert, qui n'a pas d'artillerie, traverse tout droit, preinint des
informations dans le pays, sur les chemins, et vienne nous re-
joindre.
« Nous marcherons certainement sur les derrières de rennemi.
Conmie il est probable qu'il se retournera contre nous, il est
important que le maréchal duc de Trévise, les généraux Gérard
et Colbert nous rejoignent.
« Le commandant de Troyes doit tenir le plus de temps pos-
sible, car il est probable que la direction prise par notre armée
donnera à penser h l'ennemi. Si le commandant de Troves crevait
devoir se replier, il devrait le faire sur Nogent.
ce Dans le cas où l'ennemi reviendrait sur nous et que le général
Pajol ne fût pas occui)é, vous et lui battrez le pays entre l'Aube
et la Marne pour empêcher les partis de filer entre l'Aube et
ChAlons. T;\chez de faire connaître à chacun ce qui le concerne
dans la lettre que je vous écris. »
Aussi Blùcher pouvait-il, en expédiant de Brienne à Schwar-
zenberg, le 29 au matin* , ces dépêches qui lui avaient été remises
* Bliichcr à Scliwarzenbcrg, Bricnnc, 29 janvier. (K. A', Krieys Arehiv.,
I, 657.)
— 38S -
le 28 au soir ou au plus tard dans la nuit du 28 au 39, lui dire,
sans risquer de se compromettre :
« II résulte des pièces prises par mes cavaliers entre TAube et
la Marne, du côté d'Arcis *, que l'on n a rien à craindre du côté de
Troyes et d'Arcis, Tennemi tirant toutes ses forces de Ih pour les
porter sur Vitry. » Et il ajoutait : « Comme le général York doit
se trouver probablement sur la grande route de Toul pour se
relier aux généraux Wittgenstein et Kleist, et que notre ligne
serait par trop longue si je la poussais d'Arcis par Brienne à Bar-
sur-Aube, je m'approcherai de Bar-sur-Aube îive^c mon gros.
« Si l'ennemi venait avec son gros par Joinvilie sur Votre
Altesse, je prendrais l'oftensive, par Brienne et Bar-sur-Aube, sur
son flanc droit, pendant que Votre Altesse le ferait attaquer dans
la vallée de la Marne. » Il terminait enfin en disant : « Prière de
donner à York et à Kleist des ordres leur permettant d'agir de
concert avec nous.
« J'attends les ordres de Votre Altesse.
c( Le mouvement de rennemi ne me déplaît pas, et il est très
heureux que nous ayons intercepté ces dépêches. »
Nous avons jugé opportun, bien que nous n'en soyons encore
qu'aux événements du 28, de reproduire ici cette dépêche de
Blûcher, parce qu'elle complète l'exposé des faits relatifs h la
prise du colonel Bénard, et parce qu'il était nécessaire d'être
exactement fixé sur la date et le moment de la capture de cet
officier. Il est, en effet, impossible, comme le prétendent les auteurs
allemands, et d'après eux les auteurs français, que, porteur
d'ordres très pressés, le colonel Bénard, parti de Saint-Dizier le
27 janvier il 7 heures du soir, ait été pris le 29 àmidi, entre Arcis
1 Le capilaine von Hardenbcrg, pris à Brienne an moment do la surprise da
château, confirme» dans son rapport sur lequel nous aurons lieu de revenir un
peu plus loin, notre opinion au sujet de la prise du colonel Bénard. Bliicher
avait expédié sa dépêche dés qu'il eut reçu les pièces trouvées sur le colonel,
et n'avait pas attendu pour cela qu'on lui amendt l'officier français. Le rap-
port d'Hardenberg commence, en effet, par ces mots : « Le quartier général du
feld-maréchal Blucher était établi à Brienne le 29 janvier. Vers midi, on nous
amena le colonel Bénard qu'on avait fait prisonnier, et, quelques minutes
après, on apprit que les Français attaquaient nos avant-postes. Le général
remonta aussitôt û cheval avec les officiers de son état-major et de son quar-
tier général, et se porta vers le point où l'artillerie était en batterie... •
(Rapport du comte von Hardenberg, Kriegsgeschichtliche Einzelichriften^
1884, T. 6.)
WeU. 25
-^ 386 -
et Viiry, par les coureurs de Stscherbatoff et ail mis 40 heures
pour parcourir h franc étrier ou en poste une distance de 50 h
60 kilomètres. Il y a encore lieu de remarquer que le Journal de
la grande armée de Bohôme fait mention de ces faits à la date
du 28 ; que le 29, Stscherbatoff, qui était déjà le 28 dans l'après-
midi h Maizières, avait affaire avec la cavalerie do Milhaud. L(\
colonel a donc été pris vers Arcis- sur-Aube dans la matinée du 28.
Autrement Bliicher n'aurait pu expédier au généralissime les
pièces en question que dans l'après-midi du 29, à un moment
où, se trouvant déjà aux prises avec l'Empereur, il aurait sans
aucun doute informé Schvvarzenberg du combat qu'il avait à
soutenir.
Bénard lui-même a, d'ailleurs, consigné dans son rapport
l'heure précise de sa caplurc. Son rapport établit d'une façon
irréfutable le fait essentiel et permcît d'affirmer que, grAce à cette
capture, Blûcher savait, dès le début du combat de Briennc, à
qui et à quelles forces il allait avoir affaire *.
i Rapport da chef d'escadron Bénard à S. A. S. le prince de Nenchâtcl,
major général, etc. :
M Monseigneur, conformément à l'ordre du 27 janvier de Votre Altesse, je
suis partis {sic) de Saint-Dizier porteur de dépècties pour le général Bordesoul
(Bordosoulle) à Arsi (Arcis), pour le duc de Trévise à Troies (Troyes), et pour
le général Colbcrt à Nogent-sur-Seine. Ayant éprouvé des retards à la porte de
Vitry-le-François, je ne suis arrivé devant Arcis-sur-Aube que le 28 a 10 heures
DU MATiM. J'ai été pris par les Cosaques et conduit à un quart de lieue sur la
route de Lémon {Lesmont)^ au chef de 400 chevaux. Nous avons couché à
Lémon (Lesmont), de bonheur. Le 29, /ai êlc comluit au prince XXX , com-
mandant les partisans de Pinay (Piney), lequel, après avoir pris connaissance
do mes dépêches, m'a envoyé à Brienne cliez le maréchal Blucker (Bliicher)
qui, pendant l'attaque, me fit partir pour Bar-sur-Aube, où étaient les géné-
raux Jukt (Guylay) et le prince de Vittemberg (Wurtemberg) avec son corps.
Je pense que les divisions autrichiennes Frenel (Fresnel) et GrainviUe (Cren-
neville) étaient tant dans le Val-Perdu qu'à Vendeuvre. Le même jour au
soir et pendant toute la nuit, les troupes prussiennes et russes, qui s'étaient
battues à Brienne, se sont retirées en grande liâte sur Chaumont. Le 30, dans
la journée et dans la nuit, elles sont revenues.
« Le 31, je me suis rendu à Nuyseran. Près de Vendeuvre, par le Val-
Perdu, j'ai remarqué des mouvements de troupes depuis Vendeuvre jusqu'au
Pont-Neuf. Le 1<^^ février, après Taffairo, les troupes ennemies sont venues se
loger dans les villages circonvoisins de Vendeuvre ; il en a été do même pen-
dant la journée du 2. Mais, au lieu des troupes de ligne, c'était la garde do
l'empereur de Russie, ce qui m'a décidé à me rendre à Vendeuvre le 3 pour
trouver près de M. de La Vilwuve des renseignements. Il m'a dit avoir apris
du prince CoUoredo que nous avions été battu et perdu 40 pièces de canon»
— 387 —
Il nous a semblé, en outre, qu*on présence des dissentiments
de plus en plus profonds qui séparaient Blûcher ot Schwarzen-
berg, du courant d'idées qui dominait toujours au quartier général
h Ghaumont et dont nous aurons encore à nous occuper, la repro-
duction de cette dépêche servirait mieux que toute dissertation à
mettre en lumière la transformation que le i)nîcieux avertissement
qu'elle contenait, opéra dans le ton et dans Tattitude du feld-
maréchal. Sa joie est d'autimt plus grande, sa confiance en Tave-
nir d'autant plus illimitée et inébranlable qu'il est, désormais, sûr
d'échapper h un désastre presque inévitable sans ce concours
heureux de circonstances. Ainsi mis encore à temps au courant
des intentions de Napoléon, Blûcher sait, désormais, qu'il aura
la possibilité de prendre ses mesures en conséquence, tandis ({ue
Schwarzenberg, ne trouvant plus de moyens dilatoires h oppos(;r
aux arguments de Gneisenau,va se voir contraint par l'Empereur
de Russie h reprendre l'offensive et à renoncer à cette immobilité
dont, malgré ses efforts, ses plaintes et ses objurgations, le maré-
chal Yorwàrts n'avait pu parvenir à le faire sortir.
Mouvement du corps d'Tork. — Si rEm|)ercur, en prévision
des événements qu'il allait provoquer, cherchait h rallier autour
de lui ses différents corps, Blûcher, de son côté, n'avait pas négligé
de rappeler à lui York et se préoccupait — ses dépêches en font
foi — des mouvements et de la marche du !•' corps. York avait,
sur ces entrefaites, reçu simultanément, le 38 au matin, la nou-
qn'on allait ponnoivre les succès en attaquant, à midi, TEmperenr sur TroUs.
A la vérité, j'ai vu passer à Vendeuvre, et so diriger sur Troies, des colonnes
venant de Brienno et de Bar-sur-Seine. L'empereur do Russie et le roi de
Prusse sont à Vendeuvre, ainsi que le prince Scharsenberck (Schwarzenberg).
<c J'ai rejoint le quartier général en passant par la forôt d'Orient, le moulin
de la Tombelle, où l'ennemi raccommodait le pont ; Villevoque, où il y avait
un poste do 50 Russes (infanterie) ; Ongon (Onjon), Gharmont et Troyes. Au
commencement de la nuit, il a passé à Piney, sur la route de Troyes, 400 che-
vaux et un bataillon d'infanterie. »
Nous avons intentionnellement reproduit cette dépêche en la copiant textuel-
lement. Nous avons cependant cru devoir rectifier quelques-unes des nombreuses
fautes d'orthographe de l'officier dont la capture devait nous Atro si néfaste.
C'est ainsi qu^il écrit Lémon au lieu de Lesmont. Blucker au lieu de Blûcher,
Julet pour Gyulay, Vitteoiberg pour Wurtemberg, Freuel pour Fresnel, Grain-
ville poar CrenneviUe, Scharsenberck pour Schwarzenberg, Ongon pour
Onjon, etc.
— 388 -
velle de Taffaire du capitaine von Oslen à Bar-le-Diic, de la marche
des Français sur Sainl-Dizier et de la présence à Clermont-cn-
Argonne d'une grosse colonne française qui lui était signalée par
une patrouille d'Hcnckel envoyée du côté de Beauzée. Mais comme
le gué de Han-sur-Meuse était devenu impraticable pour Tartil-
lerie par suite de la gelée qui en avait rendu la rampe d'accès par
trop glissante, York se vit obligé de modifier ses ordres, tant
pour assurer la sécurité de ses troupes que pour tenir un point
de passage un peu moins précaire. Le 28 au matin il avait, de
Saint-Mihiel*, recommandé îi Henckel de rester devant Bar-le-Duc
et d\ entrer dès que Tennemi se retirerait. Il avait prescrit au
général Katzler, qui avait repris ce jour-là le conmiandement de
Favant-garde *, de suivre, s'il y avait lieu, le mouvement du
colonel Henckel ou de s'arrêter à Ville devant Beirain, si les
Français restaient h Bar-le-Duc, en se maintenant en communi-
cation constante avec Henckel. Il avait envoyé au général von
Jûrgass Tordre de passer avec la cavalerie de réserve le pont et
le gué de Han-sur-Meuse, de prendre îi gauche de la route de Bar-
le-Duc par Courcelles-aux-Bois, Ménil-aux-Bois et Grimaucourl,
de se relier à droite avec le général Katzler, h gauche avec Favant-
garde du prince Guillaume de Prusse, et de pousser ses patrouilles
vers Bar-le-Duc. Le reste du l^^ corps, avec l'artillerie du général
von Jiirgass, devait se diriger sur Commercy ; l'avant-garde du
prince Guillaume de Prusse, défilant par Commercy, devait
pousser jusqu'à Saint-Aubin et de là vers Ligny ; la 2* brigade se
postait à Commercy ; la 1° venait vers Commercy par Pont-sur-
Meuse et Boncourl, et la l''^^ brigade marchait de Pont-à-Mousson
par Gironville vers Commercy où s'installerait également le quar-
tier général.
York avait, d'ailleurs, complété ces dispositions générales par
des instructions particulières, qu'arrivé à Commercy, dans la
* York, Disposition pour le 28 janvier, de Saint-Mihiol, 28 janvier, 5 licarcs
du matin.
« Composition do Tavanl garde de Kalzlcr : 1 hataiUon du iî« régiment
d*infanlorie de n-serve, le bataillon de fusiliers «le Brandeliourg, 2 compagnies
de chasseurs, 5 escadrons du 2° régiment de hussards du corps, 1 escadron du
régiment de hussards do Brandebourg, 1 escadron du régiment de hussards do
Mecklembourg, 1 escadron du régiment de cavalerie nationale de la Prusse
orientale, et une batterie a cheval.
— 389 —
journée du 28, il fit tenir au prince Guillaume de Prusse. Apr^8
avoir exposé au prince ses idées, tant pour le cas où les Français
évacueraient Bar-le-Duc que pour celui où Henckel et Katzler
seraient obligés d'enlever cette ville, York, sans nouvelles de
Blûcher depuis que TEnipereur, en chassant Lanskoï de Saint-
Dizier, s'était jeté entre les deux grandes fractions de Tarmée de
Silésie, appelait l'attention du prince sur le fiiit que, les troupes
de Sacken ayant dû passer par Saint-Dizier le 23, il était de la
plus haute importance : 1® de savoir si les Français occupaient ou
non Saint-Dizier ; 2^ de connaître la direction prise par Sacken
au delà de ce point. Il lui faisait remarquer qu'il était, par suite,
indispensable de charger Henckel et Katzler de chasser Tennemi
devant eux, de lui envoyer, dans le plus bref délai, des nouvelles
précises sur la position et les intentions de Tennemi ù Bar-le-Duc,
nouvelles dont il avait absolument besoin pour régler les marches
ultérieures de son corps. Il prescrivfiit, en outre, au prince de
faire partir de Ligny pour Saint-Dizier un officier et quelques
cavaliers chargés de se renseigner, à Saint-Dizier, sur la présence
de Tennemi dans cette ville, mais en évitant la grande route de
Bar-le-Duc à Saint-Dizier. Il recommandait, de plus, comme les
chevaux de la pointe d'avant-garde devaient être fatigués, de se
servir, en cas de besoin, de chevaux du pays et d'en changer
aussi souvent qu'on le jugerait nécessaire pour assurer la transmis-
sion rapide des nouvelles. Il le prévenait, enfin, de la présence
probable de troupes russes à Ligny *.
Occupation de Bar-le-Duc. — Mais, dans l'après-midi du 28,
les Français évacuèrent Bar-le-Duc que le colonel Henckel occupa
immédiatement après leur départ, tandis que le général Katzler
s'établissait ù Érize-Saint-Dizier.
York avait, entre temps, reçu la confirmation formelle du
combat de Saint-Dizier et de la i)résencc de Tannée française entre
Blûcher et lui.
Le général von Jûrgass était arrivé à Ménil-aux-Bois. L'un de
ses deux régiments, le !«»" dragons de la Prusse occidentale, était
établi à Grimaucourt; il avait envoyé un parti de 30 hommes,
sous les ordres d'un officier, dans la direction de Clermont et des
* York, Instmctions an prince Guillaiime de Prusse, Ck>mmercy, 28 janvier.
— 390 —
patrouilles vers Bar-lfr Duc, tandis que Tautrc régiment (dragons
de Lithuanie) s'étendait depuis Ménil-aux-Bois jusque vers Li-
gnîères.
Quant au prince Guillaume de Prusse, aprfcs avoir réparé lo
pont de bois do Pont-sur-Meuse, il était arrivé vers 2 heures à
Commercy et le soir à Saulx-en-Barrois : sa pointe d'avant-garde
(1 bataillon et 2 escadrons de uhlans, sous les ordres du major
von Schiesiâdt) occupait Ligny et s'était reliée de ce côté aux
troupes du VI« corps (Wittgenstein). En somme, la situation
d'York n'était rien moins que critique. Le général prussien savait
que Napoléon venait de rejoindre son armée. On avait entendu le
canon du côté do Saint-Dizier et l'on connaissait le résultat du
combat. Le seul avantage que le commandant du I*'' corps avait
retiré de la continuation de sa marche en avant, consistait dans
l'occupation de Bar-le-Duc par les cavaliers de Henckel. Il s'était,
il est vrai, relié avec l'avant-garde de Wittgenstein ; mais ces
légers avantages étaient plus que compensés par l'effet résultant
de l'arrivée de l'Empereur à l'armée et par les conséquences mo-
rales du succès remporté par les Français à Saint-Dizier.
Aussi, avant de s'engager sur le chemin de Joinville, York
abandonné h lui-même, sans nouvelles de Blûcher, prit la réso-
lution de se porter sur Saint-Dizier. En agissant offensivement de
ce côté, York, une fois la reconnaissance faite, se réservait la
possibilité ou de remonter la Marne pour rejoindre Wittgenstein,
ou de se replier par la haute Meuse, s'il y était contraint par des
forces supérieures en nombre.
Positions du corps Kleist. — Dans ce dernier cas il aurait été
recueilli par Kleist, qui, après avoir atteint avec son avant-garde
Consarbriick, avec la 10® brigade Wittlich, avec la 12® Ruwer et
Wassereich, avait résolu de continuer sa marche sur la rive
gauche de la Moselle par Grevenmachern et de passer devant
Thionville et Metz. Kleist se proposait de reprendre ensuite la
route de Pont-iVMousson à Saint-Mihiel, pendant que le général
Jussefowilch, avec 3,000 hommes, se porterait par la rive droite de
la Meuse, sur Saint-Mihiel.
Mouvements des V® et VV corps de Tannée de Bohème. —
Du côté de l'armée de Bohème, en passant en revue les évé-
— 391 —
nemcnts survenus sur TAubc, nous avons déjà eu occasion de
mentionner le mouvement de Pahlen vers la Voire et la position
qu*il avait prise aux environs de Lassicourt. Il nous restera à
dire h propos du VI« corps que Wittgenstein, continuant sans
hilte sa marche vers Joinville, était arrivé à Houdolaincourt, et
qu'Ilowaïsky XII, qui devait avec ses Cosaques rejoindre Pahlen,
reçut dans le courant de la journée Tordre de s'arrêter et resta h
Vignory *.
Le V« corps avait quitté Bourmont. Frimont, bien qu'il eût eu
une marche des plus pénibles à faire par des chemins de traverse
défoncés par le dégel, était arrivé cependant avec Tavant-gardo
jusque sur les bords de la Marne h Vignory. Mais comme Tartil-
lerie et les voitures n'auraient pas pu se tirer de ces espèces de fon-
drières, on se décida h les faire passer par Chaumont, avec ordre
de rejoindre ù Vignory deux jours plus lard, en suivant la route do
Chaumont à Joinville et h Saint-Dizier. Wrède était resté de sa
personne à Andelot, et son corps d'armée s'étendait en arrière
depuis les environs de Juzennecourt et de Vignory jusqu'à Reynel.
Schwarzenberg prescrivit aux V» et VI» corps de se diriger
tous deux sur Joinville, pour s'opposer h la marche de l'ennemi
et lui fermer la route de Nancy "•
Mouvements du IV* corps sur Bar-snr-Aube. — Il ordonna
en même temps au prince royal de Wurtemberg de porter sa
cavalerie, le 29, sur Maisons et Fresnay,pour couvrir la droite de
Farmée de Silésie vX la route de Doulevant à Bar-sur-Aube, et de
venir avec le gros de son corps entre Ailleville et Trannes *.
1 Stàrkb, EintlieiluDg und Tagesbegebenhciten der Hanpt-Ârmec im Monate
Jannar {K. K. Kriegs Arehiv., !, 30.)
* Id, in ibid.
s t( Le prince royal de Wartemberg au prince de Schwarzenberg. —
Colombey, le 28 janvier 1814.
«c J'envoie le lieutenant-colonel von Rohrig avec 3 escadrons, de Banssancourt
par Vauchonvilliers, le long de la lisiàre de la forôt d*Orient, pour se porter à
hauteur de Tavant-garde du III" corps et étahUr une communication entre ce
corps et mon avant-garde qui enverra aujourd'hui des partis de DienvUIe par
Pincy vers Troyes.
u Comme la route de Dicnville par Piney à Troyes est une chaussée, elle
devrait être attribuée à mon corps, d'autant mieux que les colonnes du feld-
maréchal Bliicher sont établies à môme hauteur et que je me trouverai» de la
sorte, relié à cette armée en marche sur Arcis.
— 392 —
Pendant que Schwarzenbcrg prenait ces dispositions, comme
le III« corps (Gyulay) lui avait fait de la place h Bar-sur-Aube, en
passant sur la rive gauche de la rivière, le prince royal avait
commencé le 28 au matin son mouvement sur Bar. Ignorant
encore complètement à ce moment, les événements qui s'étaient
passés depuis deux jours du côté de Tarmée de Silésie qu'il croyait
toujours en marche sur Arcis, il écrivait à Schwarzenbcrg avant
de quitter Colombey pour l'informer de quelques petits mouve-
ments et demander qu'on lui attribuât la route de Dienville par
Piney à Troyes.
Le prince royal, exécutant les ordres du généralissime, can-
tonna son corps h Ailleville, à Arsonval et dans les localités envi-
ronnantes. Son avant-garde arriva môme par la rive droite de
PAube, jusque vers Unienville, Dienville, La Rolhière et Brienne-
la-Vieille, tandis qu'un parti volant de cavalerie passant sur la
rive gauche de l'Aube, se dirigeait vers Piney pour se procurer
des nouvelles sur la position et les mouvements des Français.
Le prince royal de Wurtemberg informé par ses avants-
postes de la présence de Blûcher à Brienne. — Entrevue
avec Blûcher. — Le prince royal ne fut pas peu surpris lorsqu'il
visita la ligne de ses avant-postes et lorsqu'il arriva à Dien\ille,
d'apprendre que Blûcher était à Brienne-le-Chàteau avec une
partie de son armée. Le prince se rendit sur-le-champ auprès du
feld-maréchal avec lequel il eut un entretien dont il se garda
bien de communiquer les détails au prince de Schwarzenberg.
Il parait cependant que, sans en rien dire au généralissime, il
« Je demande, à cet effet, des ordi'es à Votre Altesse, et lai envoie un paquet
de lettres qu'on a trouvées ici à la poste.
te Mon quartier général sera aujourd'hui à Bar-sur-Aube. » {K. K, hriegt
Arehiv., !, 629.)
A ce rapport était jointe, entre autres, une lettre du général Pajol, adressée
par lui, le 30 décembre, à son beau -frère le comte Charles Oudinot, lettre de
laquelle nous avons déjà extrait un des passages ayant triait à notre sujet, et
Tordre ci-dessous du &f inistre de la Guerre :
« Le général duc de Feltre au général Ghabert, commandant la levée en
masse dans le département de la Hante-Marne. — « Paris, le 15 janvier 1814.
— Ordre d'employer les douaniers, les gardes forestiers, les gardes cham-
pêtres, les gendarmes et militaires réformés ou pensionnés qui se trouvent sur le
territoire du département. » (Lettre trouvée à Colombey le 28 janvier (1814)
par le IV« corps, K. K. Kriegt Arehiv,, I, 629, /.)
- 393 -
s'engagea, afin de pouvoir soutenir le feld-maréchai, à rester h
Bar-sur- Aube, tant que de son côté Blûcher se maintiendrait avec
l'armée de Silésic aux environs de sa position actuelle près de
Brienne et de Lesmont.
Voici, du reste, le singulier compte rendu que, de retour à Dien-
ville, le prince royal adressa il Schwarzenberg après la conférence
qu'il venait d'avoir avec Blûcher * :
Dienrille{?) 28 janvier 1814. — « J'ai appris par le feld-maré-
chal Blftcher que rennenii marchait de Vitry par Saint-Dizier sur
Joinville et qu il avait coupé les communications du général
York avec Blûcher.
« Lanskoï a été chassé de Saint-Dizier et rejeté sur Joinville et
Doulevant. L'ennemi me semble vouloir chercher h empêcher
Blûcher d'opérer sa jonction avec la grande armée. Le général
Pahlen est arrivé aujourd'hui par hasard îl Brienne. Le maréchal
Blûcher va l'employer sur sa droite.
« Je vais pour cela pousser mon avant-garde demain î\ Piney,
que surveille Stscherbatoff.
« J'irai demain à Fresnay et Maisons, surveillant la route de
Brienne i\ Bar-sur-Aube, qui est, à l'heure qu'il est, la seule
communication dont je dispose pour correspondre avec le feld-
maréchal Blûcher. »
Positions du III* corps. — Gyulay avait, le 28 au matin, cédé
aux Wurtembergeois ses cantonnements de Bar-sur-Aube, où il
n'avait conservé que son quartier général. Son avant-garde était
îl Villeneuve-Mesgrigny (La Villeneuve-au-Chéne), et c'est de Bar
qu'il écrivait le jour même à Schwarzenberg pour lui donner sur
sa position, sur celle des avant-postes français du côté de La Guil-
lotière et sur l'état des esprits h Paris, les renseignements
contenus dans la dépêche que nous reproduisons en note *.
* Prince royal de Wurtemberg à Schwarzenberg, DienyiUe, 28 janvier.
{K. K, Kriegi Arehiv., I, 633.)
) Le feldzeagmeister comte Gyulay au prince de Schwarzenberg {K. K,
Kriegi Archiv., I, 625) : — « Bar-sur-Aube, 28 janvier 1814. — « J'ai Thon-
neur d'annoncer à V. A. que, d'après les rapports des avant-postes, Tennemi a
son dernier poste avancé à Courteranges. Il y a solidement barricadé le pont de
la Barse qu'il occupe, ainsi que les hauteurs sur lesquelles il tient des troupes
dMnfanterio et de cavalerie.
— 394 —
Position de CoUoredo. — A rexlr^mo gauche, Colloredo,
dont le quartier général était à Aisey-le-Duc (Aîsey-sur-Seine),
avait confié, en le chargeant de la direction de cette colonne, le
commandement de la division de grenadiers et de celle de cui-
rassiers au comte Nostitz. La division Hardegg couvrait sa gauche
et occupait Montbard. Sur la droite de Colloredo, Tavant-garde
de la division légère du prince Moritz Liechtenstein était entrée à
Bar-sur-Seine*; le reste de sa division était échelonné depuis
Mussy-FÉvêque (Mussy-sur-Seine) jusqu'il Châtillon-sur-Seine; le
gros du corps de Colloredo était cantonné à Cerilly et Bagneux,
0 Entre Ghâtillon et Troyes, la route est complètement défoncée, coaptfe et
barricadée à une demi-lieue de Maisons-Blanches. On a également coopé et
barricadé le chemin qui mène de là au ruisseau THozain. Sur la route de
Troyes à Cliaource, l'ennemi tient ses premières vedettes près de la Roche,
mais ce ne doit être là qu'un petit poste fourni par les troupes qui occupent
Maisons- Hlanchcs. Ces troupes fournissent également le poste établi dans le
château et les jai*din8 de Villebertin. 11 y aurait, à Maisons-Blanches, 600
hommes d'infanterie et de cavalerie. Malgré cela, et en dépit de Teffort qu'il
faudra faire, il serait très important et très avantageux de chasser l'ennemi de
Maisons-Blanches et de s'y installer.
« Je sais, par des renseignements parfaitement sûrs venus de Troyes, que
l'empereur Napoléon a envoyé dans cette ville, en qualité de commandant
de place, le général Dillon (iic), qu'il y a été tenu une conférence à laquelle a
assisté le préfet, qu'on y a décidé d'évacuer Troyes à notre approche pour aUer
prendre une forte position près de Nogent. Malgré cela, l'ennemi détruit les
routes du côté de Maisons-Blanches et de Vendeuvrc ; on élève des redoutes, on
travaille encore à d'autres ouvrages, on palissade la ville.
M Le préfet a, il est vrai, quitté Troyes. Plusieurs officiers supérieurs et
d'état-major, venus de Paris, ont reçu l'ordre de se rendre au camp de Nogent,
où il devait y avoir 50,000 hommes, mais ils n'ont trouvé à Nogent ni camp
ni armée.
« A Troyes, il n'y avait, hier 27, que 4,000 hommes, qui ont été renforcés
par 400 hommes et 50 artilleurs venus de Paris. Ces derniers doivent assurer
le service des bouches à feu en batterie à Troyes. A Paris, le^ affaires vont mal
pour l'Empereur. On a bien organisé la garde nationale, mais on croit généra-
lement qu'elle refusera de se battre. Il règne à Paris une consternation générale;
beaucoup de gens quittent la capitale et s'enfuient en province. On a pu lire
il y a huit jours, ces mots peints sur tous les murs de Paris : •
« La paix ou la mort au tyran ! » (a) .
« J'adresse à V. A. le rapport ci-contre du général comte Pahlen (6), qui a
transféré son quartier général de Colombey à Dienville.
« Je joins à ce rapport les derniers numéros du Journal de V Empire, n
(a) Ces rensei^crnents se troavent en partie déjà consignés dans le rapport de Tharn à
Schwarxeobeiv, de Chaource le i7 janvier.
(6) 11 s'agit' là da rapport reproduit plas haut {K. K. Kriegt Arckiv., I, ai6S5).
* Liechtenstein avait envoyé à Bar-sur-Seine 4 escadrons de chevau-légers
O'Reilly et 2 compagnies de chasseurs. (Liechtenstein au comte Colloredo,
28 janvier; K, K. Kriegt Archiv., [, 628, a.)
— 395 —
et Thurn, avec son corps volant, se tenait au sud-ouost de Bar-
sup-Scine, à Villemorien, surveillant de là les routes de Troyes h
Chaource et do Troves h Bar-sur-Seine ' .
Platoff â Anzon. — Quant h Platoif , il continuait h inventer et h
accumuler des prétextes pour justifier aux yeux du commandement
son inconcevable mollesse. Il était, enfin, arrivé de Bar-sur-Aubo
par Bar-sur-Scine à Auxon ; mais, trouvant plus prudent de ne pas
pousser immédiatement en avant, il s'empressait aussitôt de pré-
parer Schwarzenberg îi de nouvelles lenteurs. Voici, du reste, le
curieux rapport que ce singulier chef de partisans expédiait
aussitôt après son arrivée h Auxon * :
« Auxon, 28 janvier 1814.
« Après avoir adressé h Votre Altesse mon rapport du 27, je
me suis porté de Bar-sur-Aube h Bar-sur-Seine, en exécution des
ordres qui m'avaient été donnés, et je suis arrivé hier h Auxon,
envoyant quelques partis en avant à Sens, d'autres ?i droite sur
Troyes, et d'autres enfin sur ma gauche.
« Sur la droite, vers Troyes, on a découvert Tennemi, auquel
on a enlevé une dizaine d'hommes ; mais en avant et h gauche,
on n'a absolument rien rencontré. Mon avant-garde, en arrivant
h Auxon, y a pris 100 conscrits, 1 capitaine de la garde et
30 soldats que j'expédie encore aujourd'hui en arrière.
« Comme j'ai marché i)ar des chemins de traverse presque
impraticables pour l'artillerie, j'ai dû laisser en arrière les che-
vaux fatigués. Je me remettrai demain en route, me dirigeant
vers Sens et le village d'Arcis. J'ai envoyé de tous côtés des
partis : sur la route de Troyes à Sens un parti allant sur Ville-
maur, un autre sur le village do Saint-Liébaut et un troisième
sur Villencuve-l' Archevêque. Le lieutenant-colonel Kostin, avec
mon avant-garde, est devant moi, à Villeneuve-au-Chemin, cou-
vrant mon front et ma gauche. »
Lettre de Schwarzenberg à Barclay de ToUy relativement
i Collorcdo à Schwarzenberg, Âisey, 28 janvier. (K, K, Kriegi Archiv,,
I, 628).
. i Platotf à Schwarzenberg, Aaxon, 28 janvier (original en ratse). (Ibid,,
1,611.)
— 396 —
à Platoff . — n faut croire cependant que Schwarzenberg com-
mençait il ce moment h voir clair dans ie jeu de i'atanian et était
décidé h en finir avec les éternelles excuses que Platoff inventait
ou tout au moins invoquait pour expliquer son inaction ; car, au
milieu des grandes discussions et des graves préoccupations
qu'allait lui apporter la journée du 28, le généralissime trouvait
encore le temps d'écrire à deux reprises à Barclay de ToUy au
sujet de Platoff. Dans la première de ces lettres, il disait à Barclay
que Tavant-gardc de Gyulay occupant Bar-sur-Seine, il était
indispensable de prescrire à PlatofC (qui relevait de Barclay)
d'avoir h se porter le plus loin et le plus vite possible en avant
des troupes du comte Gyulay, de pousser vers Paris, de faire le
plus de mal qu'il pourrait îi l'ennemi, et surtout d'attirer sur lui
son attention*.
Dans sa seconde dépêche du môme jour, il profilait de l'occa-
sion que lui offraient certaines modifications demandées par
l'empereur de Russie et relatives î\ la marche des cuirassiers
russes et de la division des grenadiers russes pour ajouter :
cî L'ataman Platoff est toujours, au grand détriment des troupes
et sans aucune utilité pour nous, dans Bar-sur-Aube et aux envi-
rons de cette ville, entre les III« et IV* corps. Veuillez lui ordonner
d'urgence de prendre, enfin, à gauche la route de Sens et de Fon-
tainebleau*. »
Surprise causée au grand quartier général à la nouvelle
de l'arrivée de Blûcher â Brienne. — Si le prince royal de
Wurtemberg avait été quelque peu surpris en recevant h Dien-
ville la nouvelle de la présence de Blûcher à Brienne, l'étonne-
ment qu'on éprouva h Chaumont, lorsqu'on apprit que Blûcher
avait précédé la grande armée sur l'Aube, revêtit un tout autre
caractère et inspira des craintes sérieuses h la plupart des con-
seillers de Schwar/enberg. C'était à peine quelques heures après
avoir arrêté et expédié aux différents commandants de corps le
tableau des marches du 28 au 31, au moment où l'on avait décidé
* Schwarzenberg à Barclay de ToUy^ Chaumont, 28 janvier. (A\ A". Kriegt
Archiv., \, 642.)
^ Schwarzenberg à Barclay de ToUy, Chaumont, 28 janvier, (Ihid,,
l, 644 c2.)
— 397 —
le mouvement en trois colonnes * convergeant sur Troycs, au mo-
ment où Ton venait de prescrire h Wittgenstein et h Wrède de
revenir, le premier, par Joinville à Brienne, le deuxième, par
Colombey à Dienville et de se porter ensuite par Piney, sur Troyes,
qu*on avait tout h coup connaissance d'un mouvement ((ue Blû-
cher avait entrepris sous sa propre responsabilité. On peut se
faire une idée de la stupeur produite par ces nouvelles au quar-
tier général de Chaumont surtout, lorsque quelques heures plus
tard, Schwarzenberg reçut la lettre par laquelle Blùcher Tinfor-
mait de Taffaire de Saint-Dizier et, bien plus encore, lorsque le
généralissime et ses collaborateurs eurent pris connaissance des
termes dans lesquels Blûcher appréciait sa propre situation. Le
feld-maréchal, dans cette lettre que nous îivons reproduite en
partie et qu'il écrivait de Brienne le 28 au matin, ajoutait que :
« En raison môme du peu de tenue des troupes françaises, l'Em-
pereur était hors d*état de prendre l'offensive et de se porter sur
ses communications; que rien, du reste, ne pourrait être plus
avantageux pour la cause des Alliés qu'une pareille opération,
puisqu'elle leur livrerait Paris sans coup férir, mais que, malheu-
reusement, l'Empereur ne prendrait pas le parti d'ouvrir la route
de sa capitale; enfin que, d'ailleurs, quoi qu'il arrivât, l'avant-
garde de l'armée de Silésie(le corps du général-lieutenant Stscher-
batofl) n'étant plus qu'à six jours de marche de Paris, il n'y avait
dont qu'à continuer la marche sur celte ville et à aller occuper la
position que Gneisenau avait indiquée dans son Mémoire et d'où
Ton affamerait Paris. »
Les événements semblaient justifier les craintes émises par
l'entourage de Schwarzenberg depuis qu'on avait dépassé Langres
et Chaumont. Plus que jamais on se croyait en droit de reprocher
à Blûcher d'avoir causé la perle de la route de Nancy et de la
grande route du Rhin et d'avoir fourni à Napoléon la possibilité
de tomber sur la droite, peut-être même sur les derrières de la
grande armée.
* D'aprùs ce tableau de marche, le centre (Giulay, le prince royal et Bar-
clay) marrliait par Vcndcuvre et Liisigny sur Troyes ; les grenadiers russes et
les deux divisons (S** el 3®) de cuirassiers russes par Arc-en-liarrois, Riche-
bourg, La Ferté-sur-Aube et Clairvaux ; CoUoredo par Chdtillon-sur-Seine,
Mussy-l'Kvôquc et Bar-sur-Seine, puis par la rive gauche de la Seine jusqu'à
Troyes.
— 398 -
Ordres pour le 29 donnés par Schwarzenberg le 28 janvier
â 11 heures du soir. — Il fallait toutefois aviser. Aussi Schwar-
zenberg, modifiant les ordres qu'il venait de donner, prescrivit,
le 28 janvier à H heures du soir, à Wrède, de se porter, non plus
sur Colonibey, mais sur Joinville et d'y opérer sa jonction avec
Witlgenstein chargé de se reîlier par Bar-le-Duc avec les troupes
d'York qu'on croyait arrivées sur ce point. Wrède et Wittgenstein
devaient, à eux deux, assurer à Tarmée de Bohème la possession
de Joinville. Le prince royal de Wurtemberg reçut Tordre de
prendre position en avant de Bar-sur-Aube et ordonna, le soir
même, à une avant-garde de 4 bataillons, 4 escadrons et l bat-
terie à cheval de se poster, le 29 au matin, entre Dienville et Le
Petit-Mesnil pour ser\'ir de soutien au feld-maréchal. Un régiment
de cavalerie dut s'établir avec 1 bataillon et 1 batterie et demie à
Fresnay pour tenir la route d'Arsonval k Montier-en-Der etVassy;
enfin, un détachement de mftme force eut à occuper Maisons sur
la route de Bar-sur-Aube à Doulevant et Joinville. Le général Jett
fut chargé du commandement de ces trois colonnes. Le prince lui
prescrivit, en outre, d'envoyer des partis vers Doulevant et Som-
mevoire,de chercher à se renseigner sur la position du général
Lanskoï et sur les mouvements des Français, d'éclairer la droite
de Blûcher, d'observer et de tenir les routes menant tant de
Brienne que de Doulevant vers Bar-sur-Aube. Le prince royal
comptait établir le gros de son corps entre Ailleville et Tramies.
Schwarzenberg avait prescrit au III« corps de se tenir prêt à
quitter, au premier avis, les environs de Bar-sur-Aube; il avait
de plus chargé Gyuhiy de hi défense de la roule venant de Brienne.
Il se proposait, en outre, de masser le reste de son armée entre
Bar-sur-Aube et Chaumont. Enfin, toujours obsédé par l'idée fixe
d'un mouvement de l'ennemi contre Dijon, il enjoignit à CoUoredo
de faire halte sur les positions qu'il occupait aux environs de
ChâtUlon.
Les souverains consentent à la réunion du congrès de Chft-
tillon. — Instructions données aux plénipotentiaires. — La
journée du 28 avait été encore marquée par un autre événement
d'une véritable importance. Metlernich etlordCastelreagh, Knesc-
beck et Hardenberg avaient fini par arracher à l'empereur
Alexandre rautorisation de* réunir le congrès à Chiltillon, tout en
i
— 399 —
continuant les opérations militaires. Les conditions que les pléni-
potentiaires des puissances alliées allaient conmiuniqucr h Cau-
jainc'ourt avaient été également fixées dans la journée du 28. « La
France rentrerait dans les Imntes qu'elle avait avant la Révolu-
tion, renoncerait î\ toute influence directcî ou indirecte en dehors
de ces limites. Elle reconnaîtrait formellement la reconstitution dcî
TAllemagne formée par une confédération d'États indépendants,
de ritalie divisée (îu États indépendants placés entre la France et
les provinces autrichiennes en Italie, de la Hollande, dont le ter-
ritoire serait accru et qui serait gouvernée par un prince de la
maison d'Orange, de la Suisse qui niprendrait ses anciennes fron-
tières et dont l'indépendance serait garantie par toutes les puis-
sances représentées au Congrès, de l'Espagne sous la domination
de Ferdinand VIL Les puissances alliées auraient seules le droit
de régler les limites et les rapports des pays" cédés par la France
et de leurs États entre eux. En revanche, T Angleterre rétrocéde-
rait Il la France les conquêtes coloniales qu'elle avait faites dans
les Indes occidentales, en Afrique et en Amérique, à l'exception
de l'île Maurice et de Bourbon. La France devrait remettre aussi-
tôt après la ratification du traité préliminaire, dans des délais
variables mais tous extrêmement courts, puisqu'ils ne devaient
pas excéder 1o jours, Mayence, Hambourg, Anvers, Berg-op-
Zoom, Mantoue, Palma-Nuova, Venise, Peschiera, les places do
l'Oder et de l'Elbe, etc., etc. Elle devait, en outre, s'engager h
remettre aux Alliés, quatre jours après la signature des prélimi-
naires, Besancon, Belfort et Huningue, destinées à rester en dépôt
entre leurs mains jusqu'il la signature du traité définitif. »
29 janvier. — Marche de l'armée française sur Brienne.
— Pendant que Bliicher, au lieu de profiter du temps qui lui res-
tait pour manœuvrer et se diriger par la rive gauche de l'Aube,
soit sur Vendeuvre, soit sur Bar-sur-Aube et se relier ainsi avec
les III« et IV« corps de la grande armée, se décidait îi attendre
sur les positions de Brienne et de Lesmont une attaque dont il lui
était désormais impossible de douter, on paraissait encore
admettre, au quartier général de Ciiaumont, la possibilité d'tfn
mouvement de Napoléon de Saint-Dizier sur Joinville et Chau-
mont. L'Empereur, de son côté, croyant toujours le pont de Les-
mont détruit, ignorant la prise de l'officier envoyé le 27 au soir à
— 400 -
Arcis, Il Troyes et h Nogent-sur- Seine, s'attendant, par suite, à
être rejoint, au plus tard le 29 au soir, par Bordesoullc, par Col-
bert et surtout par le maréchal Mortier, avait continué en une
seule colonne son mouvement sur Brienne * par la route de Mon-
tier-en-Der à Longeville et Maizières.
Le o« corps de cavalerie (Milhaud) marchait en tète, précédant
le 2« corps (Victor) que suivaient trois divisions de la garde sous
les ordres de Nev. Marmont, avec le 6« corps et la di\ision
Duhesme, du 2« corps, se portait pendant ce temps de Saint-
Dizier sur Vassy, et Duhesme continuait de Vassy sur Doulcvant
et Soulaines, couvert en avant par les dragons de Briche, postés
entre Sommevoire et Doulevant *.
1 L'Empcrcnr, ou tout au moins Bcrthier, avait dû recevoir le reoscignc-
mcDt suivant adressé an major-général par Grouchy :
« Grouchy au major général. — Dion ville-sur- Aube, 28 janvier 1814. —
Itfonseigncor, j'ai Thonn^or de vous rendre compte que la cavalerie du général
Milhaudoccupe Dienville, La Kothiùre et Le Fetit-Mesnil ; la division du général
Guyot est à Brienne-la- Vieille.
<( J'ai eu devant moi aujourd'hui environ 4,000 chevaux et 2 polks de
cosaques qui se sont retirés lentement et sans s'engager. La nuit qui nous a
pris en arrivant à La Rothiére n'a pas permis de les pousser plus loin.
« Mon opinion, dont je vous prie de faire part à Sa Majesté, est que le corps
de Bliicher ou tout au moins une forte partie de ce corps, est à très peu de
distance d'ici. Des lignes de feu\ considérables couvrent toute la route de Bar-
sur-Aube, et il est aisé de reconnaître que ce ne sont pas des bivouacs de cava-
lerie, mais que des masses d'infanterie sont échelonnées de distance en distance
sur cette route. » {Archives de la guerre,)
Grouchy termine en annonçant qu'il n'a plus que 8 canons au lieu de 12.
Une pièce est démontée ; les trois autres manquent de canonniers, et son artU«
lerie est à court de munitions.
Les 4,000 chevaux dont parle Grouchy sont ceux de Pahlcn que Bliicher
rappela à lui dans la journée du 28.
' u Au général comte Duhesme commandant la 3<> division d'infanterie
(2« corps), à Vassy. — Montier-en-Dcr, 29 janvier 1814. — Monsieur le général
Duhesmo, j'ai donné ordre à la division Briche (dragons) de partir à 6 heures du
matin, pour se rendre entre Sommevoire et Doulevant pour intercepter la route
de Joinville à Bar-sur-Aube et de Joinville à Brienne. Je suppose qu'elle doit y
être déjà. Envoyez votre cavalerie et deux ou trois pièces, si vous en avex,
pour appuyer cette division et communiquer avec elle. Portez-vous sur Doule-
vant pour appuyer cette reconnaissance et emparez-vous entièrement de la route
de Joinville à Bar et de JoinviUe à Brienne. Je donne ordre au duc de Raguse
de se rendre à Vassy avec son corps. Je ne suppose pas qu'il y soit avant midi.
Vous serez sous ses ordres. Comme il a 2.000 hommes de l>onne cavalerie, il
vous soutiendra Je serai h 10 heures à Maizières. Faites prévenir le duc
de Raguse de tous vos mouvements et envoyez-moi des nouvelles. Si j'ai
besoin de vous, je vous enverrai des ordres du côté de Soulaines. Occupez en
- 401 —
Ordres donnés par Blûcher. — Vers 8 heures du matin, la
cavalerie légère du général Pire rencontrait, au delà de Boulan-
court, un polk de 300 cosaques qui, après avoir essayé de tenir à
rentrée du défilé, fut chargé par le 3" régiment de hussards et
rejeté avec perle dans le défilé *.
Hliicher, informé de l'apparition des Français sur la route de
Montier-en-Der h Brienne et de l'occupation de Boulanconrt,
prescrivait h Sacken, qui était encore vers Lesmont, de s(» |)orter
sur Brieime; îi Olsufieff d'y prendre position; à Pahlen de se
déployer en avant de Brienne, dans la grande plaine qui s'étend
entre Maizières et les bois par lesquels passe la roule de Lesmont
h Brienne-le-Chî\teau. Stscherbatoff occupait Maizières avec ses
quatre régiments de cosaques qui allaient bientôt être renforcés
par le régiment de uhlans de Tchougouïeff et quatre pièces d'ar-
tillerie h cheval, surveillant la route de Montier-en-Der à Brienne
et Lesmont. Lanskoï se dirigeait de Soulaines par Chaumesnil
vers Brienne. Enfin, le feldzeugmeister Guylay mandait en même
temps qu'une de ses brigades gardait le pont de Dolancourt et
qu'une autre se portait à Spoy en soutien de son avant-garde,
établie h Vendeuvre.
Combat de Brienne. — La cavalerie française engage le
combat. — Pahlen, encore en train de se déployer, venait à
peine de faire partir, pour soutenir Stscherbatoff, les uhlans de
Tchougouïeff, lorsqu'on apprit que les Français, après avoir
occupé Boulancourt, avaient passé la Voire avec de l'infanterie et
force, s'il n'y a pas d'inconvénient, les postes entre Brienne et Soulaines, afin
que les communications soient faciles. » {Correspondance, n^ 21143.)
« Au maréchal Marmont, commandant le 6^ corps, à Saint-Dizier. — Mon-
tier-en-Der, 29 janvier 1814, 8 heures du matin. — Je vous ai fait donner
Tordre do vous poster à Vassy d*où vous surveillerez votre arrière-garde qui
est à Saint-Dizier Le général Duhesme reçoit Tordre de se porter sur Dou-
levant. 11 sera sous vos ordres pendant tout le temps qu'il sera ainsi détaché.
Vous pourrez le placer ce soir à Doulevant ou un peu plus près de Soulaines,
afin de le rapprocher de Brienne et d'observer Bar-sur-Aube. Je pense que
devez jeter toute votre cavalerie, avec celle du général Duhesme, sur Bar-sur-
Aube, Joinville et Brienne Ne quittez ni Saint-Dizier ni Doulevant sans
ordre. » (Corretpondance, n® 21144.)
> Fetibt, Journal de la diviiion de cavalerie légère du 5® corps ; major
Mareschal à Schwarzenberg, Ailleville, 29 janvier. (K, K. Krieys ArefUv.,
I, 652.)
w«u. 2(>
•^ 402 —
de la cavalerie et en avaient chassé les cosaques. La cavalerie
française, arrivée à Maizières, continuait h pousser devant elle
les postes établis en avant du défilé et, vers midi, elle obligeait
Stscherbatoff i\ se retirer sur Perlhes-en-Rothière par la grande
roule de Brienne. Pahlen, dirigeant aussitôt sur Brienne et sur
la route de Brienne h Lassicourt les 4® et 34« régiments de chas-
seurs, viiît s'établir avec toute sa cavalerie dans la plaine, au sud
et à l'est de Perthes.
De son côté, le colonel-général comte Grouchy, qui comman-
dait la cavalerie, et auquel l'Empereur avait recommandé de
marcher avec prudence, après avoir passé le village de Juzan-
vigny, découvrit, îi la sortie du bois d'Ajou, du côté de Brienne.
la cavalerie de Sacken déployée en avant de cette ville. L'attitude
de cette troupe lui faisant supposer qu'elle devait être soutenue
par des troupes d'infanterie, Grouchy ne se crut pas assez fort
pour attaquer de suite cette cavalerie. Il résolut d'attendre l'ar-
rivée en ligne des divisions Lefebvre-Desnoëttes et Krasinsky, et
ordonna ti son artillerie de couvrir le déploiement de ses esca-
drons*. Presque ;i la môme heure, des troupes françaises se
montraient en avant de Soulaines, du côté de Chaumesnil, qu'oc-
cupait Lanskoï; leur avant-garde ne tardait pas h atteindre et à
garnir la lisière du bois de Chaumesnil V
Bien que l'infanterie française se trouvât encore ii ce moment
assez loin en arrière, bien que Grouchy se fût conformé aux
ordres qu'il avait reçus, bien qu'il dût s'attendre à trouver les
troupes de Blucher établies en soutien des escadrons de Pahlen,
il est néanmoins regrettable que le commandant de la cavalerie
française n'ait pas cru devoir tenter une attaque qui, exécutée à
ce moment, aurait été d'autant plus vraisemblablement couronnée
de succès, que Sacken n'était pas encore arrivé ù Brienne et que
Pahlen cherchait uniquement h gagner du temps. Comme le
montre la dépêche ci- dessous adressée à Schwaraenberg par un
de ses officiers de contiance, par l'officier que, dans toutes les
* Rapport (le Victor ; Mémoires de Grouchy: Petiet, Journal <roptrations
de la division dtr cavalerie légère du 5° corps ; Kurzgefassto Darstellang der
Kricgsljcgebenlieiten dcr srhiesisclien Armée. [K, K, Kriegs Arekiv., I, 31.)
* Happort du général-major von Walsleben, commandant l'avant-garde du
prince royal de Wurtemberg, au prince de Schwarzenberg, de DienviUe,
SI9 janvier 18i4, 3 heures après-midi. {K, K, Kriegs ArciUv., 1, 057 -a.)
- 403 —
circonstances critiques, il chargea de le renseigner sur ce qui se
passait au quartier général de Biûchor, les forces qu'on aurait
pu opposer à ce moment à Grouchy n'auraient guère été h môme
de résister sérieusement, et, comme il le fil un peu plus tard,
Pahlen se serait retiré sur Brienne en se contentant d'essaycT de
faire bonne contenance :
« Major Mareschal au prince de Schwarzenberg. — Ailleville,
29 janvier 181 4, 3 heures de l'après-midi *.
« Ce malin, l'ennemi s'est montré sur la roule de Monlier-en-
Der à Brienne, a occupé Boulancourt, a passé la Voin» avec de
l'infanterie et de la cavalerie et a repoussé les cosa((ues de
StscherbatofT de Maizières.
« Il s'est également montré sur la route de Joinville. Le général
Lanskoï occupe Chaumesnil avec de l'infanterie et une demi-
batterie. Il a ordre de s'y maintenir coille que coùU\
« A Brienne, il y a deux régiments d'infanterie el une batterie
de 12. Le reste du corps est encore h Lcismont avec ordre de
venir ii Brienne et pourra y arriver avant l'attaque de l'ennemi.
« L'avant-garde du prince royal de Wurtemberg est à Vallières*
et î\ Dienvilhî. Le reste du IV« corps est encore |)rès de Bar-sur-
Aube.
« L'ennemi a fait aussi un mouvement en avant de Maizières
par le bois de Soulaines; ce mouvement me fait supposer que
l'ennemi n'attaquera pas le corps posté ù Brienne et qu'il préfé-
rera le couper de la route de Bar-sur-Aube, [loint qu'il peut
atteindre avant nous par Doulevant.
« Je prie Votre Altesse de vouloir bien m'envoyer un officier
pour m'aider. Pendant que j'écris ce rapport à Ailleville, chez le
général Franqueniont, on entend une violente canonnade à gauche.
» K. K, Kriegs ArelUv., I, 658.
s Le major iMareschal commet ici une erreur. Le IV*' corps (prince royal de
Wartemberg) n^avait personne à VaUiëres, petit village qui se trouve au sud-
ouest de Bar-sur-Seine, du côté de Chaource. Il n'y avait à ce moment de ce
côté que le corps volant du lieutenant-colonel comte Ttiurn. Le major veut
probablement parler do Vallières-Larrivour, au nord de Lusigny; mais les
avantrpostes du 111* corps qui opérait de ce côté, n'allèrent pas au delà de La
Villeneuye-au-Chôno et n'avaient, par conséqucnti pas pu paiser la tiarsc
le 29.
— 404 —
Ce doit élre rennomi qui attaque (^haumosnil. Je nie rends de ce
côté pour en rendre, ce soir, compte à Votre Altesse. »
En attendant l'entrée en ligne du gros du S« corps de cavalerie
et l'approche des têtes de colonne de Victor, dont la marche
avait été retardée par le mauvais état des routes, pendant que le
général Olsufieff se préparait à tenir h Brienne, la cavalerie de
Tavant-garde française s(» bornait h échanger des coups de canon
avec l'artilUîrie de Pahlen et à chercher, en filant à droite de
Maizières et en gagnant les hauteurs de Perlhes, à déborder la
gauche de la cavalerie russe. Enfin, au bout de deux grandes
heures, entre deux et trois heures de l'après-midi, Grouchy, après
avoir disposé h sa droite la cavalerie légère des généraux Kra-
sinsky et Lefebvre-Desnoëttes, au centre les dragons du général
Lhéritier avec une batterie, et, h gauche, la cavalerie légère de
Pire avec une batterie, se porta en avant pour charger Pahlen.
Celui-ci, considérant sa mission comme terminée, ne crut pas
devoir, en présence de la supériorité numérique de la cavalerie
française, attendre son attaque. Il se replia*, sans trop se h»1ter,
sur Brienne, qu'il traversa pour se former ensuite de l'autre côté
de la ville, sur la route de Bar-sur-Aube. Cependant, Grouchy,
saisissant une occasion qui lui paraissait opportune, avait lancé
sur les derniers régiments russes les dragons des généraux Lhé-
ritier et Briche. Mais, après avoir enfoncé ces régiments, hîs dra-
gons vinrent donner contre trois bataillons d'infanterie russe, qui
avaient eu le tem|)S de se former en carrés et dont le feu meur-
trier et bien dirigé les obligea à se replier, et permit aux uhlans
de Tchougouieff de les ramener en désordre jusqu'en arrière des
|)Ositions occupées par l'artillerie française, qui perdit trois
pièces.
On avait ainsi laissé aux troupes de Sacken le temps d'at-
teindre Brienne et de se former à cheval sur la route de Bar-sur-
Aube. Quant à Olsufieft', il occupait solidement la ville même au
moment où l'Empereur, arrivé sur le champ de bataille, prescri-
vait Il son artillerie d(? canonner la route de Lesmont et la ville de
Brienne, et se disposait h dessiner son attaque par sa droite*.
1 I{:ipport du duc de Dell une hur le combat de Brienne ; Brienne, 30 janvier.
1 Starkr, Eintheilung und Tagesbej,'cbeiihciten der Haapt-.Vrmee in Muuale
Jauuar. (A'. K, Krieys Archiv,, 1, 30.;
- 405 —
Entrée en ligne de rinfanterie française. — L infantorio
cln i2'* cori^s venait d'cnlror en ligiK», et, sons la prole(!tion du ten
violent de son artillerie, l'Empereur lanea aussitôt contre Brienne
la division Duhesme. qui, débouchant du bois d'Ajou, chassa les
tirailleurs russes d(»s fossés de la roule de lia r-sur- Aube, des jar-
dins en avant de la ville et de leurs abris, le lonfç de la roule (|ui
ni^ne à Morvilliers et Doulevant. Débusquant leurs soutiens des
maisons qu'ils occupaient plus en arrière, elle parvint môme mo-
mentanément à s'emparer d'une partie de la ville d(î Brienne.
Mais des renforts envoyés de c(^ côté par OIsufieff et l'enln^e en
ligne des 4® et 34** régiments de chasseurs obligèrent le général
Duhesme à abandonner les positions qu'il venait de conquérir,
ainsi que les deux pièces que ses troupes avaient pris(»s aux Busses.
Attaque de Brienne. — Pendant que l'Empereur, décidé à
enlever Brienne, prenait ses dispositions pour accenluer son
attaque par sa droite, il pressait la marche des divisions de Ney.
Trois colonnes fureiît chargées de l'opération contre Brienne?.
L'une, celle du centre, forte de six bataillons de la division Decouz,
de la jeune garde, et conduite par Ney, devait se porter sur la
ville par la route de Maizièn^s. L'autre, celle de gauche, devait
renouveler sa première attaque, qui n'avait pas eu les résultats
désirés. La S^ enfin, sous les ordres du général C.hàtaux, était
destinée h prendre tout à fait ii droite, h se porler par la route de
Lesmont sur les derrières du château de Brienne et à s'en empa-
rer. A vo, moment, les dernières troupes de Sacken, après avoir
un instant couru le danger d'être coupées du resle de l'armée de
Silésie, défilaient i)ar Brienne, que la cavalerie achevait égale-
jnent de traverser. Pahlen forniait ainsi l'extrême droit(î de Blii-
cher avec toute sa cavalerie, renforcée par celle de Lanskoï, de
Pantchoulitchefif, de Wassiltchikotf, et par les corps volants de
Slscherbalotï et de Biron, alors que, au contraire, toute la cava-
lerie française était déployée h la droite des lignes françaises dans
l'espace conipris entre la route de Lesmont à Brienne et celhî de
Maizières à Brienne.
Charge de la cavalerie de Pahlen. — Les trois colonnes
d'infanterie française se mirent en mouvement entre cinq et six
heures; mais Bliicher avait remarqué la faute que les Français
- 406 —
avaient coniiiiisf* on envoyant toute leur cavalerie h leur droilt».
Laissant les deux colonnes de Châtaux et de Decouz essaver do
pén(!''trer dans Brienne, sans s'inquiéter de ce que les dragons
français avaient enlevé deux pièces et avaient été sur le point de
faire Sacken lui-même prisonnier, il se jeta avec quarante îi
cinquante escadrons sur la division Duhesme, qu'il ramena ou
désordre et à laquelle il prit huit canons. Cette charge brillante,
qui, h cause de l'obscurité, ne put ni être poussée plus loin, ni
avoir les conséquences qu'elle aurait eues de jour, arrêta néan-
moins les progrès de la colonne Decouz. En présence de l'échec
que la cavalerie de Pahlen venait d'infliger à la division Duhesme,
Decouz se vit contraint à se reporter en arrière, alors qu'il allait
s'établir dans la ville*.
* Le feld-maréchal Blùcher au prince de Schwarzenberg. — « Arsonval,
30 janvier 1814, 8 heures du matin. — J'avais à peine expédié hier à Votre
Altesse le lieutenant PantchoulitchelT, que l'ennemi se porta droit sur Brienne
qu'occupaient déjà 5,000 hommes avec 24 canons.
<( Le général-lieutenant comte Pahlen avait couvert avec sa cavalerie la
marche, de Lesmont sur Brienne, du corps du général von Sacken, et l'ennemi
se vit forcé de porter toute sa cavalerie sur sa droite afin de l'opposer à celle
de Fahlen. Cette masse de cavalerie était considérable et supérieure à celle dn
comte Pahlen.
i( Lorsque l'ennemi se fut rapproché davantage de la ville, le général Pahlen
dont la mission était terminée à ce moment, se retira et, passant par Brienne,
il vint se former sur mon aile droite, pendant que l'ennemi, au contraire,
maintenait sa cavalerie entre la cliaussée de Lesmont à Brienne et celle de
Maizières à Brienne.
(( Je profitai de cette faute et pendant qncf In droite ennemie attaquait la
ville de Brienne, je me jetai avec toute la cavalerie du général comte Pahlen
sur son aile gauche et j'enlevai les deux batteries qu'il avait de ce côté («).
Mais j'ijînore le nombre de pièces qu'il a été possible de ramener, parce que je
manquais absolument des moyens nécessaires pour emmener ces bouches à feu.
« Les prisonniers que nous fîmes de ce côté et qui appartenaient tous à la
garde, disent que l'Kmpereur en personne commande l'armée qui a attaqué
Brienne. O'tte armée se composerait de 50,(K)0 hommes parmi lesquels se
trouveraient les troupes que l'Empereur a passées en revue à Paris le 13, le
2* corps et la garde impériale venant de Saint-Dizier. L'armée française serait,
(a) Los KriegsbrK<^beitlici(on (K. K. Kriegs Arek., l, 3()) nn sont pas au^sii catégoriques
an sajnt do la prise dos canon<i et dihODt sculenieul à ce sujet : •« Lo soir, Blûcher avec sa
cavalerie tente une attaque contre lu gauche fninç.iise et ^'empare vn moment de quelques
canons. Nupolf'nn continue sur Hricnne son attaque par la droite. *
La Kurzgefassto Darstellung der Kriegsbogebenneileu der schlesi»chen Armée (Ibid.,
I. 31) l'onlirnio à peu de chose pris le récit des FagesbeKetienheiten. Voici en queU termes
ello rcml compU» de ces faits : a Hlucher u» décide k défendre Brienne jusqu'à la nuit et se
retire ensuite sur Trannes. Il porte, h cet effet, »a cavalerie sur sa droite, attaaue vivement
la f::tU('lie rrançaise. qui n'a pa» de cavalerie, et enlève quelques pièces. Biais Ney continue
à presser la irauche de farraèe de Siléflie à Drienne. qui est eu feu, et dont il »Vmpare ver*
minuit, bliiciier ordonne la retraite. »i
— 407 —
Blûcher sur le point d'être pris au chftteau de Brienne.—
Blûcher, cToyanl que le combat allait prendre fin et que les
Français avaient renoncé h leur projet d'enlever Brienne. était
retourné h son quartier général établi au chîlleau, d'où il voulait
essayer de jeter un dernier cou|) d œil sur le champ de bataille
et sur les positions des Français avant de prendre une résolution
définitive et avant que les ténèbres ne fussent devînmes plus pro-
fondes. Mais le génénU ChàtauA, qui avait réussi ii dérober la
marche de sa colonne en prenant un chemin que les Busses, le
croyant imi)raticable, n'avaient pas fait garder, parvint h péné-
trer dans le château, qu'il occupa sans être aperçu (;t sans tirer
un coup de fusil. Ce fut gri\ce à un hasard providentiel et non
sans peine que Bliicher et Gneisenau, entendant quelque bruit
dans les fossés et les souterrains du chAteau, réussirent îi gagner
la première cour au moment même où la télé de colonne du
général ChAtaux y arrivait de son côté et débouchait des caves et
des terrasses. Blûcher et Gneisenau n'eur<»nl que le temps de
s'enfuir en toute hîlte par le chemin qui descend vers la ville. Si
les Français avaient tardé une ou deux minutes do plus avant de
commencer le feu, les deux adversaires les plus acharnés de
l'Empereur, les deux ennemis les plus irréconciliables d(? la
Franche tombaient fatalement entre les mains des tiraillcîurs du
général ChîUaux, qui firent prisonniers le commandant de l'es-
corte, le capitaine von Heyden (grièvement blessé), et le com-
d'après eux, formée en trois colonnes, l'une allant sur Joinville, Tautre se
dirigeant plus à gauche, et enfin la 3^, celle de l'Empereur, qui serait la plus
forte.
a La droite des Français, pendant que la cavalerie de Pahlen chargeait leur
gauche, s'était portée contre les vignes du chdteau de Brienne et avait réussi
à s'emparer d'une partie de la ville que je fis attaquer et reprendre à 1 1 heures
du soir.
c( Mais m'en tenant aux dispositions que j'avais arrêtées antérieurement, je
me suis ensuite rapproché de Bar-sur-Aube.
« Mon infanterie est établie de Trannes à Arsonval; ma cavalerie est à
Brienne et dans la plaine de Trannes.
« Je crois que l'ennemi a replié hier sa gauche au moins jusqu'à Maiziùrcs
et que, s'il se décide à se reporter en avant aujourd'hui, il n'arrivera en ligne
que fort tard et n'atteindra pas mon infanterie.
u Votre Altesse peut être certaine que le gros des forces ennemies est
aujourd'hui entre Brienne et Saint-Dizier
« P. -S. — Je tiendrai en tout cas, et coûte que coûte, le défilé de Trannes. »
(K, K. Kriegt Archiv,, I, 575.)
— 408 —
mandant du quarlior général do Blucher, le oapilaine comte
Hardonherg*. Le général Chdlaux, après avoir établi 400 honinios
des 37« et o6« réginients au chAteau de Brienne, s'étiiit immédia-
tement porté sur la ville. Surprenant les Russes par son appa-
rition et par une attaque qu'ils croyaient impossible de ce coU^,
il les avait forcés à Tabandonner.
* L'Empereur écrivant au roi Joseph, le 31 janvier, de Brienne, lui dit au
sujet du combat de Brienne et de la prise du château : « L'affaire de Brienne
a été fort chaude. J'y ai perdu 3,000 hommes. L'ennemi > a perdu 4,000 à 5,000
hommes. J'ai poursuivi Fennenii à mi-chemin de Bar-sur-Auhe Encore un
moment et Blucher et tout son état-major eussent été pris. Le neveu du chan-
celier de Hardenberg a été pris à c^té. ils étaient à pied et ne savaient pas que
j'étais à l'armée » (Correspondance, n^ iiiùO,)
Le comte Nostitz a, dans son Tagebuch, consacré quelques pages à l'épisode
du château de Brienne : k Le combat semblait terminé, écrit-il ; le feu ayant
presque complètement cessé, le feld-maréchal retourna au château et chargea
la plupart de ses ofllciers de rentrer en ville et do diriger les travaux néces-
saires pour circonscrire l'incendie. Accompagné par le général von Gneiseuau.
il monta aux étages supérieurs du château, afin de jeter un dernier coup d*œil
sur les positions de l'ennemi. Il avait mémo donné ordre de mettre les chevaux
à l'écurie. Sachant que mes remarques auraient été certainement mal accueil-
lies, tenant d'autre part à parer à l'éventualité d'un danger aussi terrible. ji>
pris sur moi de faire conduire les chevaux derrière l'une des ailes du château,
de façon à les avoir sous la main. Le général comte Goltz, le colonel comte
Schwerin et moi. nous restâmes sur le plateau en avant du château, les >eux
fixés sur la ville qui brûlait à nos pieds.
« Quelques minutes s'étaient à peine écoulces qu'une balle sifflait à nos oreil-
les. Aucun de nous ne s'en occupa. Mais bientôt après, les sifflements devin-
rent plus fnM]uents. Le comte de Goltz courut au château pour en faire sortir
lo feld-maréchal. Quant à moi, je fis avancer les chevaux. Au moment où lilii-
cher se mettait en selle, une de ses or lunnnnces était atteinte par une balle a
quelques pas de nous. Les balles venaient des vignes ou du château mt^me.
Force nous était donc de nous diriger vers la ville.
« Un sous-officier cosaque, Antonoff. ouvrait la marche. Puis venait le général
comte (îoltz. que je suivais avec une ordonnance. Le colonel comte Schwerin,
qui avait renvoyé son cheval, était a pied et marchait à côté de Tonlonnaniv.
Le feld-nian'H:hal , lo général von Gneisenau et quelques onlonnances fer-
maient la marche.
« L'incendie do la ville tH*lairait le chemin que nous suivions. Tout le rosie
du champ de bataille était [)longé dans les ténèbres.
« .Vous avions à peine fait quelques [las, lorsque Antonoff, qui avait pris les
devants, revint et nous jeta en mauvais allemand ces mois qui nous conster-
nèrent : « Nicht RouKkij, allet Franzousky » (pas de Russes, tous Françai»*).
A ce moment, on apercevait dcjà une troupe de cavalerie à peu de distance d<*
nous. Notre situation était des plus critiques. Derrière nous, le château ocruf«è
vraisemblablement par l'ennemi; devant nous, la cavalerie ennemie arrivant de
la ville et se dirigeant vers nous. Pour toute rt»ssour(*e un chemin étroit,
enraisM' entre les maisons et aboutissimt à la campagne. Il aurait fallu .se
bâter et. malgré nos supplications, le feld-maréchal continuait à marcher au
— 409 -
Charge infructueuse de la cavalerie de Lefebvre-Des-
noêttes. — Mais la fortune, (jui devait toujours riHablir les
affaires des Alliés, aiT moment môme où elles paraissaient h;s
plus compromises, allait presque aussitôt priver le général
Chî\laux du brillant avantage qu<^ grAce à sa hardiesse et î\ son
habileté, il avait remporté presque sans coup férir.
Alors que le général Chî\taux se croyait déjîi maître de la ville,
au moment môme où Blùcher et Gneisenau s*enfuyaient au milieu
de l'incendie et allaient rejoindre leurs troupes, ils faillirent de
nouveau être enlevés, ainsi que le général Sacken, par la cava-
lerie de Lefebvre-Desnoettes, qui venait de pénétrer dans la ville
par la route de Lesmont. Prévenus par un cosaque, Blùcher et
Gneisenau eurent le temps de filer avant d'être rejoints*. Sacken',
pas : « S'il me faut coarir, nous rëpondait-il, il est bon au moins que je voie
celui qui ra*oblige à le faire. » Ce fut alors que Gneisenau eut Tidée de lui
demander s'il avait Tintention de se faire voir comme prisonnier aux Pari-
siens. Le général avait touché ju&te. Quelques minutes après nous étions dans
les champs et nous no tardions pas à rejoindre les troupes do Sacken. »
Le fel(J-maréchal, ajoute encore Nostitz, était tellement furieux d'avoir dû
s'enfuir, sans pouvoir distribuer quelques coups de sabre que, se refusant à
croire à la présence des Français à Brienne, il chargea Nostitz de réoccuper le
château. Cette tentative échoua comme celle d'Olsuficff.
Le comte Nostitz a, en outre, eu le soin de joindre à son journal la pièce
dans laquelle le comte Hardenberg rend compte de la façon dont il a été eiilevi^
par les Français. Envoyé par Bliicher pour surveiller les travaux d'extinction
de l'incendie, il remontait vers le château pour rendre compte de sa mission, lors-
qu'il fut arrêté par six cavaliers. Hardenberg qui, dans l'obscurité, n'a pas
remarqué leurs uniformes, réi)ond par les mots de : « PreutsUeher Offizier ».
Il est sommé de se rendre. Toute résistance étant impossible, Hardenberg
demande quel est le général qui commande et demande à être conduit à lui.
Amené au général l^fcbvre-De^noëttes, il eut la présence d'esprit de lui dire
que bliicher était ave<* ses troupes aux portes de la ville. Hardenberg fut
prcifque aussitôt conduit à Tétat-major général de TEmpereur.
Tagebuch des Gênerais der Kavallerie Grafen von iNostitz. (Kriegtgesehicht-
liclie Einzeischriflen, 1884, Heft V, pages 76 à 81.)
1 On sait que l'Empereur avait, dans le courant de l'après-midi, au moment
où il débouchait vers trois heures du bois de Vallcntigny sur le chemin de Mai-
zièros, failli Alro enlevé avec son escorte par les (Cosaques qui auraient assuré-
ment réussi leur hourrah, s'ils n'avaient été arrêtés à propos par les troupes
de la division Meunier.
* La présence d'esprit du colonel Benançdn, chef d'état-major de Sacken,
s;iuva seule le général russe. Au moment où il allait sortir de Brienne, Sacken
et Benançon sont entourés par les cavaliers français. Le colonel Benançon,
Français au service de la Hussie, s*écrie alors * « Faites place, nous sommes
des vAtres. » Les rangs des Français s'ouvrent un moment : le général et le
— 410 —
oniporlo par le tlol des c«ivaliors français, et plus heureux quo
son quartier-maître général, le colonel comte de Rochechouarl,
qui trouva la mort dans cette mêlée, réussit à se jeter dans une
rue latérale.
Charge de la cavalerie russe. — Mais Talarme était donnée ;
la cavalerie russe rejeta la cavalerie de Lefebvre-Desnoëttes sur
la division Duhesme qu'elle entraîna dans sa déroute, et le gé-
néral Chîltaux, attaqué par des forces supérieures, contraint à
sortir h son tour de la ville, dut se borner à occuper fortement
le château et quelques maisons de Brienne.
La présence des troupes françaises au château et dans Brienne
n'en constituait pas moins un véritable danger pour le parc de
l'armée de Silésie, qui se dirigeait à ce moment do Lesmont sur
Dienville. Blùcher résolut donc, vers 10 heures du soir, de charger
Olsuiieff d'enlever le château, et Sacken d'arracher aux Français
la partie de la ville qui restait encore entre leurs mains.
Blûcher fait attaquer de nuit la ville et le château de
Brienne. — Les colonnes d'Olsufieff tentèrent vainement à doux
reprises de pénétrer par escalade dans le château; chaque fois
elles furent repoussées après une lutte des plus vives, et iinale-
mcnt obligées de se replier sur la ville. Knfin, après un combat
acharné, dans lequel on se disputa la possession de chaque
maison et dans lequel l'un des brigadiers du général Decouz, le
contre-amiral Baste, fut tué, le général Decouz mortellement
blessé et Berthier légèrement atteint, les troupes de Sacken réus-
sirent î\ reprendre presque entièrement la ville de Brienne aux
Français*. Vers minuit seulement, les adversaires, harassés par
cette lutte qui avait duré près de neuf heures, épuisés de fatigue
par les corps à corps presque incessants qu'ils avaient eu ii
soutenir depuis la tombée de la nuit, se décidèrent h cesser le
coloDel Benançon réussirent à passer avant que les cavaliers n'enss^mt reconnu
leur méprise. Une partie de l'escorte de Sacken fut néanmoins atteinte, sabn^
et prise. C'est à ce moment que le colonel de Rochechouart fut tue. Taf;e-
buch des Gênerais der Kavallerie Grafen von Xostitz. (Kriegtgeschichlliehe
EinzeUchriften, 188i, Heft V, pages 81-82).
* Le général Lefebvre-Desnoëttes «^tait également au nombre des blessés.
— 414 —
fou. Lo oombat de Hrieniie avait coûl(^ h cliarimc dos dcnix anuoos
environ 3,000 hommes.
Les Français restaient maîtres du chlteau et de quelques
maisons seulement de la ville. Le quartier général impérial
s'établit il Perthes, et le gros de l'infanterie française prit position
îi droite et î\ gauche de la route de Maizi^res.
Blûcher ramène son infanterie en arrière pendant la
nuit. — Dès qu'il fut rassuré sur le sort de son parc, Blûcher
donna, de son quartier général d'Arsonval, les ordres suivants :
aux troupes d'OIsufieff de filer sans bruit après minuit, par la
route de Bar-sur-Aube jusqu'il Arsonval et de s'établir au bivouac
en arrière de ce village; au corps Sacken d'exécuter le même
mouvement par la même route h 2 heures du matin, et de bi-
vouaquer ensuite îi Bossancourt. La cavalerie seule avait ordre
de rester jusqu'au matin en vue de Brienne et de tenir quelques
postes dans la ville même après le départ de l'infanterie. Elle
devait, si l'ennemi venait à l'attaquer k l'aube du jour, se replier
sur Trannes, où elle trouverait l'infanterie en position. Les
blessés et les canons pris aux Français étaient dirigés sur Bar-
sur-Aube.
Cette retraite nocturne s'effectua en silence et sans être inquiétée
par les Français qui, épuisés par les fatigues de la marche et par
les efforts qu'ils avaient dû faire dans le combat, n'entrèrent
dans Brienne qu'à A heures du matin. Le corps Sacken prit
position vers le matin sur les hauteurs de Trannes, sa gauche h
Trannes même, sa droite à Éclance, couvert en avant par les
Cosaques qui, battant l'estrade sur les derrières des Français, y
enlevèrent quelques équipages appartenant à l'Empereur.
Positions de l'armée de Bohême. — Positions des Y^ et
VI« corps. — Si le 29 au matin, Tarmée de Silésie, sans parler
du I®"^ corps qui se trouvait encore entre laMeuseetl'Ornain, était
loin d'être concentrée, puisque Sacken était fi Pougy et Lesmont,
alors que Blûcher et Olsufieff occupaient à Brienne, il en était à peu
près de même pour l'armée de Schwarzenberg, qui formait à ce
moment deux groupes absolument distincts, séparés entre eux
par près de deux bonnes journées de marche.
L'un de ces groupes, les V« et VI» corps, se tenait aux environs
— 412 —
de Joinviile et sur les bords do la M«irne, en aiiionl de celle ville,
tandis que Taulre (les III* et 1V« corps) (Mail (^labli du côté de
Bar-sur-Aube, Dienville et Vendeuvre.
Derrière chacun de ces groupes, et à une distance à peu près
égale de chacun d'eux, les gardes et réserves étaient échelonnées
de Chauniont à La Ferté-sur-Aube. Schwarzenberg à qui Toccu-
pation de Saint-Dizier et de Joinviile et les mauvaises nouvelles
reçues de Blûcher, avaient fait redouter la possibilité d'une
attaque des Français contre sa droite, s'était justement ému de
la dispersion dangereuse de ces corps qu'un adversaire aussi
énergique et aussi résolu que Napoléon pouvait parvenir à battre
les uns après les autres. Pour parer dans la limite du possible au
danger qu'il redoutait, il avait donc envoyé dans la nuit du 28
au 29 à ses commandants de corps les ordres que nous avons
analysés plus haut.
Escarmouches de cavalerie du côté de Vassy et de
Dommartin. — Le VI» corps qui devait, de concert avec Wrède,
attaquer et enlever Joinviile pour couvrir la droite de l'armée de
Bohème et donner la main h York, complètement coupé de Blucher
par la marche des Français et la prise de Saint-Dizier, occupa dans
la journée du 29 Joinviile que l'ennemi avait évacué. Ce fut dans
cette ville seulement que Wittgenstein apprit de la bouche de
Wrède les événements des derniers jours et eut connaissance du
mouvement que le général Lanskoï avait opéré sur Doulevant,
mouvenïent qui découvrait complètement la route de Void et de
Toul. Il envoya aussitôt de la cavalerie à Ligny avec ordre de
pousser vers Bar-le-I)uc des partis chargés de le relier à l'avant-
garde d'York *. Il avait dirigé en même temps une brigade d'in-
fanlerie et un millier de ch(»vaux vers Vassy où cette colonne vint
donner contn^ les troupes avancées de Marmonl, avec lesquelles
elle tirailla pendant toute l'après-midi du 29, aux environs de
Nomécourt*.
Pendant cette journée du 29, le général Uowaïsky XII avait
occupé, avec un régiment de cosaques, Dommartin d'oii la cava-
t Stàrke. Rintlieîlung und Tagesbegebenheiten der Hanpt Armco im Monate
Jaiiuar {K, K. Kriegs Archiv., \, 30.)
« Tageburh du major prince Taxis. (Ihid., Xlll, 32.)
- 413 —
lene frai^'aise vciianl de Doulevant lenla vainenitMit et à plu-
sieurs reprises de le déloger*.
Wrède était également arrivé le 29 h Joinville. Lui et Frimont
établirent leur quartier général h Saint-Urbain ; leurs troupes se
cantonnèrent au sud de Joinville, et les reconnaissances firent
.savoir qu'elles avaient trouvé Doulevant et Vassy fortement occu-
pés par Marmont qui, formant l'aile gauche de Napoléon, mar-
chait de Montier-en-Der sur Brienne *. Bien que les Austro-Bava-
rois n'eussent pas eu un seul combat à soutenir depuis les affaires
de Sainl-Dié, les privations, les fatigues des marches et les
rigueurs de la température avaient singulièrement éprouvé le
V« corps. Les hommes et les chevaux n'en pouvaient plus. On
avait peine à faire arriver l'artillerie et à faire suivre l(;s convois.
L'état sanitaire des troupes était tellement mauvais que la plu-
part des régiments comptaient autant de malfides qu(» de pré-
sents et que Wrède se voyait dans le cas d'écrire le 29 au soir à
Schwar/enberg : « Force me sera de laisser reposer le V« corps,
le 30. J'enverrai cependant de fortes reconnaissances sur Vassy
et Dommartin, afin de pouvoir en toute connaissance de cause,
marcher à l'ennemi le 31 '. »
Mouvement du IV* corps sur Ailleville. — Du coté de
l'Aube, le prince royal de Wurtemberg avait achevé le mouve-
ment que nous lui avons vu commencer dans la nuit du 28 au 29
et dans la matinée du 29. Tout son corps était venu prendre posi-
tion entre Trannes et Ailleville S afin de ser\ir de soutien aux
avants postes qu'il avait poussés, tant vers Dienville et le Petit-
Mesnil que vers Fresnay et Maisons, de manière à pouvoir éven-
1 Schwarzenberg à Blùcher, Chaainont, 31 janvier. (Ibid., 1, 724.)
' Starke, Eintheilung und Tagesbegebenheiten dcr Haupt Armée im Munate
Jauuar. (/6iV/., XIII, 30.)
> bien que dans sa monographie de Wrède, page 334, le généra! Heilmanii
prétende que Wrède n'ait eu connaissance de Taffaire de Brienne que le 30 au
soir, son aide de camp et confident, le major prince de la Tour et Taxis, dit
dans son journal, à la date du 29 janvier au soir : u On apprend alors que
Hliiclier attaqué très vivement a dil abandonner le pont de Lesmont et Brienne
et va se replier sur Trannes, en remontant le cours de l'Aube. » (Tagebuch du
prince de Taxis. — K. K. Kriegs Archiv., I, 32.)
^ StÀrkk, Eintheilung und Tagesbegebenhciten dcr Haupt-Arniec im Mo-
nate Jauuar (K, K, Krieys Archic, l, 30J.
tuellenient recueillir Blûcher. Le prince royal, convaincu que les
bords de l'Aube ne pouvaient manquer d'être avant peu le théâtre
grandes opérations et de graves événements, avait, en outre, de
employé sa journée h reconnaître les hauteurs s' étendant de
Trannes jusqu'à la vallée de TAube et tout le pays aux environs
de Maizières et de Fresnay. 11 avait trouvé là une excellente posi-
tion qui aurait parfaitement convenu à Blucher s'il avait eu l'in-
tention d'éviter une affaire à Brienne, et sur laquelle il pouvait
facilement être rejoint par les corps de l'armée de Schwarzen-
berg. Le prince avait pu découvrir, sur la droite de celte position,
quelques postes de cavalerie française établis du côté de NuUy.
Il avait, dans l'après-midi, entendu le canon dans la direction de
Brienne et aperçu la lueur produite par l'incendie de celte ville ;
mais le brouillard l'avait empêché de suivre, des hauteurs de Fres-
nay, les péripéties de la lutte et il était rentré à la tombée de la
nuit à son quartier général de Bar-sur-Aube.
Position du III® corps, des gardes et réserves. — Gyulay
était à Bar-sur-Aube*. Les troupes avancées du IIIo corps occu-
paient Vendeuvre et les extrêmes avant-postes étaient au delà de
La Villeneuve-au-Chêne. Devant lui, les Français avaient solide-
ment barricadé et fortement occupé les ponts de Courleranges et
de La Guillotière sur la Barse et le pont de Maisons-Blanches sur
l'Hozain. Ils paraissaient toujours décidés à se maintenir à Troyes,
mais ils semlilaient avoir renoncé à l'idée d'en déboucher.
En arrière de ces deux corps, les grenadiers russes marchaient
sur Chilteau-Villain, l'infanterie de la garde sur Luzy, la division
de cavalerie légère de la garde sur Jonchery, la l^e division de
cuirassiers russes et la cîivalerie de la garde prussienne sur Rolam-
pont, la 2« division de cuirassi(îrs sur La Ferté-sur-Aube, la
3° sur Clairvaux, la brigade d'infanterie de la garde prussienne
sur Marnay. Barclay de Tolly, l'empereur de Russie et le roi de
Prusse venaient d'arriver à Chaumont.
Corps volant de Thurn à Chaource. — CoUoredo reçoit
* Stàrkh, Eiiitiieilung urid TageslHîgcbeDhcitefi dcr Haupl-Armce im Muualt!
Juiluar. (K. K, Krieys ArdUc» i, 30.)
l'ordre de s'arrêter. — Quant au lieutenant-colonel Thurn, qui
couvrait la gauche de Gyulay et qui précf^dait de loin le corps de
Colloredo, il avait vu fondre ses effectifs et, comme Schwar/en-
berg ne pouvait pas lui envoyer des renforts, il se bornait à de
petites opérations, à des reconnaissances et à quelques pointes.
Il s'était porté le 29 de Villemorien sur Chaource, et ses pa-
trouilles ayant trouvé les Bordes évacuées par Tennemi, il comptait,
le lendemain 30, obliquer plus h gauche et se diriger vers
Troyes*.
Si Schwarzenberg avait, le 29 de grand matin, prescrit îi
Wittgenstein et h Wrède de se réunir pour attaquer Joinvillc le
30, îi Gyulay de s'arrêter entre Vendeuvre et Bar-sur-Aube et de
se tenir prêt h marcher dans une direction qu'il se réservait de
lui indiquer uUérieurement, au IV® corps d'achever son mouve-
ment versTrannes, Arsonvalet Ailleville, malgré les craintes que
lui donnait la situation de sa droite, il n'avait pas cessé de se
préoccuper du sort de sa gauche. Redoutant toujours un niouvc-
ment de l'Empereur de Troyes sur Dijon, il avait enjoint à Collo-
redo de rester sur ses positions actuelles jusqu'à nouvel ordre. Kn
le mettant en quelques mots au courant de la situation généraUs
telle qu'il la connaissait le 28 au soir, il avait eu soin, il est
vrai, de lui recommander de faire reconnaître les routes menant
à Bar-sur-Aube et h Chaumont *. Il est donc juste dt; reconnaîtn^
que, s'il eût assurément mieux valu laisser Colloredo continuer
sa marche et dépasser Chi\tillon, Schwarzenberg n'a pécrhé qu(î
par un excès de prudence. Mais il n'avait en réalité nullement
renoncé à l'idée de se faire rejoindre sur sa gauch(î par cette co-
lonne. Par suite Colloredo se cantonna, conformément aux ordres
* Thurn à Scliwanenberg, Chaourire, t9 janvier, ti heures du soir.
{K. K. Kriegs Archiv., I, 685.)
s Le prince de Schwarzenberg au comte de Colloredo : Chaumont,
S9 janvier 1814. — « Le feld-maréchal Bliicher est à Brienne, mais l'ennemi
a chassé le iS le général Lanskoï de Saint-Dizier et Ta poursuivi jusqu'à Dom-
martin. Une autre colonne ennemie a délogé les troupes légères du général
comte Wittgenstein de Joinvillo et a occupé ce point.
« Les V* et VI* corps attaqueront Joinville demain 30 janvier, et le prince
de Schwarsenberg a décidé de suspendre tout mouvement de l'armée jusqu'à
la reprise de Joinville.
« Le comte Colloredo restera donc sur .ses positions actuelles jusqu'à nouvel
ordre et fera reconnaître les routes de Bar-sur-Aubu et Chaumont. » (Ibid,,
i. 670.)
— 4i6 —
de Sch\varz(Miberg, au3t environs de Bar-sur-Seine*. Son avant-
garde, la 2® division légère, sous les ordres du prince Maurice
Liechtenstein, avait néanmoins continué sur Bar-sur-Seine et
poussé ses avant-postes sur la route de Troyes jusque vers Sainl-
Parrc les Vaudes, d'oii ce général faisait savoir que les avant-
postes ennemis étaient le 29 au matin vers Maisons-Blanches,
qu'ils avaient pratiqué des coupures et des abatis sur les roules,
mais qu'ils n'avaient pas envoyé de patrouilles de découverte en
avant.
La division légère du comte Hardegg avîiil, à la même date,
son gros à Tonnerre ; ses avant-postes établis à Flogny, sur la
route de Saint-Florentin, se reliaient sur leur droite au corps
volant de Thurn et surveillaient toutes les routes menant îI Ton-
nerre.
Marche du corps York sur Saint-Dizier. — Avant de jeter
un rapide coup d'œil sur les conséquences de la journée du 29,
avant de parler des différents incidents qui s'étaient produits au
grand quartier général de (^haumont et du conseil de guerre qui
1 CoUoredo à Schwarzenberg, ChâtiUon, 29 janvier 1844. {K, K, Kriegs
Archiv., 1, 656.)
A cette dépèciic était jointes les pièces qu*on lira ci-dessous et qui prouve-
ront que l'élan était donné partout et que, si le réveil de Tesprit national avait
été long, le patriotisme avait partout repris le dessus.
Benscigiiements sur des imbitants de Dijon hostiles aux Alliés (fournis par
CoUoredo) :
t( 1^ Le nommé Laguisse, lionnetier de profession et demeurant a Dijon,
s'est offert pour lever une compagnie franche et aller sur les derrières de
Tannée incendier nos parcs de réserve et autres établissements, attaquer nos
convoi et en massacrer les escortes ;
« 2** Un autre habitant de la même viUe, membre de la Légion d'honneur,
qui a perdu la jambe droite, mais qui marche très bien sur une jambe de bois,
demeurant dans la rue Chaplotte, dite de Voltaire, a cherché à ameuter le
peuple à l'arrivée des troupes de Leurs Majestés et voulait marcher contre
elles ;
et 3" Le propriétaire de la fabrique de Mulhouse-sur-Rliiii, ayant Tair de
servir les Alliés, a profité de la confiance qu'il a eu le talent d'inspirer pour
rendre compte à l'ennemi de tout rc qu'il a vu ou entendu. »
Signalement d*un espion dangereux (CoUoredo à Schwarzenberg) :
(c Morel de Velmont, 36 ans, taille 5 pieds 4 pouces, cheveux ch:itains.
front bas, yeux bleus, nez long et gros, grande bouche, menton long, ligure
longue, teint basané, traits fatigués, porte un vêtement gris assez court, des
pantalons longs en drap commun, des chaussettes bleues, un gUet brun et noir
de Manchester. » {Ibid., ad 1, 656.)
— 417 —
s y tint dans la nuit du 29 au 30, il importe de voir ce qui s'était
passé pendant les dernières vingt-quatre heures du côté du
1«' corps prussien (juc nous avons laissé le 28 entre Bar-le-Duc,
où se trouvait son extrême avant-garde, et Commercy, où York
était arrivé avec le gros de ses troupes.
D*apr^s les instructionsquc» Blùcher avait fait parvenir à York, le
général Lanskoï devait, on s'en souvient, se tenir h Vitry jusqu'au
30 et y attendre l'arrivée d'York, pendant que Bliicher opérerait
le 28, sur TAube du côté de Brienne, sa jonction avec la grande;
armée. C'était uniquement d'après ces indications que York devait
régler sa marche et ses mouvements, puisque depuis quatre jours
il était sans nouvelles du feld-maréchal. Sa situation était par
suite assez difficile au moment où, le 29 janvier, à huit heures du
matin, il résolut de se porter sur Saint-Dizier et envoya de son
quartier général de Commercy, au prince Guillaume de Prusse,
l'ordre suivant: « Si, écrivait York, TEmpereur est réellement h
Saint-Dizier, il est plus que probable que nous rencontrerons
l'ennemi sur la Saulx, ii hauteur de Saudrupt et de Stainville.
S'il ressort de la résistance de Tennemi et des renseignements
qui nous seront parvenus pendant notre marche que nous avons
devant nous des forces supérieures aux nôtres. Votre Altesse
aura à prendre position avec son gros derrière la Saulx, h Sau-
drupt, et à faire occuper Stainville par une flanc-garde. La
deuxième brigade se porte, d'ailleurs, sur Stainville pour y servir
de soutien.
« Le général von Katzler et le colonel comte Henckel (ce dernier
officier est placé a cet effet sous les ordres de Votre Altesse)
chercheront à passer la Saulx (»l i\ reconnaître les positions de
Tennemi. Il y a tout lieu d'espérer que les prisonniers nous four-
niront des indications positives. Les 7® et !•■« brigades (Horn et
Pirch II) restent en réserve à Ligny, prèles a se porter, d'après*
les circonstances, soit en avant sur Bar-le-Duc ou sur Stainville,
s'il faut forcer le passage, soit a gauche sur Joinville, soit en
arrière sur Vaucouleurs *. On devra donc faire reconnaître les
* 11 ressort nettement de ces indications qu'York songeait à parer à toutes
les éventualités et qu'ignorant «c (}ui s'éUiit passé, il se préparait ou à marcher
eo avant, ou à obliquer à gauche, ou à couvrir, s'il y était coutraiut, sa
retraite vers la Meuse
— 418 -
routes menant vers ces points, ou tout au moins se renseigner
sur leur viabilité.
« Votre Altesse royale cherchera à se procurer des renseigne-
ments précis sur la marche du corps Wittgenstein et à se main-
tenir en communication avec lui.
« Si notre marche sur Saint-Dizier par Bar-le-Duc s*effectue sans
difficulté, le colonel Henckel, conformément aux ordres donnés
antérieurement, longera l'Ornain et couvrira le flanc droit du
corps. Mais comme la cavalerie de réserve ne peut plus être déta-
chée du gros du corps, il aura à fournir seul les découvertes h
envoyer du côté de Châlons. // est essentiel (TaUeindre Saint-
Dizier le plus vite possible. Le gros recevra à Ligny des ordres
pour la continuation de sa marche. »
York avait, en effet, prescrit à son gros de se porter sur Saint-
Aubin où il comptait réunir ses brigades, tandis que la cavalerie
de réserve (général von Jiirgass) devait être à Ligny ii midi et y
rester jusqu'à l'arrivée du gros du corps avec lequel elle devait
continuer à marcher h partir de ce point. York avait eu soin
d'ajouter h cet ordre général ces mots qui caractérisent bien la
situation r « Les troupes sont prévenues que les derrières ne sont
pas sûrs ; les commandants des colonnes veilleront donc à ce qu'il
ny ait pas de traînards et à ce que les convois soient escortés \ »
Le I**" corps prussien put, d'ailleurs, effectuer ses mouvements
sans rencontrer la moindre résistance, puisque les Français
avaient déjà évacué Bar-le-Duc, le 28 au matin. Les coureurs de
1 Voici ce que, d'ailleurs, on trouve à cette date dans le Journal de marche
du 1^' régiment de dragon» pruttieng de Lxthuanie qui, faisant partie de la
cavalerie de réserve du l**" corps sous les ordres du général von Jiirgass, arri-
vait le 28 janvier aux en\irons de Ligny :
u Jusqu'ici Tappel aux armes fait par Napoléon et la levée en masse n'a-
vaient produit aucun effet ; mais il n'en fui plus de même à partir de notre
arrivée ici. Nos troupes commencèrent dés lors à souffrir cruellement. Tous les
villages étaient déserts ; les habitants s'étaient enfuis aver ce qu'ils avaient pu
emporter dans les bois voisins, y attendaient et y épiaient le plissage des traî-
nards qu'ils massacraient et des petits détachements qu'ils attaquaient, armés
de fourches et de faulx. Us essayaient même dans les cantonnements d'assas-
siner les hommes qu'on les obligeait à loger ; un de nos chasseurs n'échappa
aujourd'hui que providentiellement à la mort. 11 en résulta que nous fûme^
obligés de nous garder plus attentivement et qu'au lieu de nous cantonner, on
nous fit bivouaqfucr. Il est juste d'ajouter que c'était là chose fort naturelle,
puisque nous approchions maintenant du gros des forces ennemies. »
— 419 —
ravaiil-gardc poussèrent, sans rien trouver devant eux, jusqu'à
deux petites lieues do Saint-Dizier, et l'avant-garde avec le prince
Guillaume s'arrêta à Bar-le-Duc. Henckel avait côtoyé TOrnain
jusqu'en aval de Sermaize et la cavalerie de Kalzler s'établit à
hauteur de Chancenay, la 2« brigade à Stainville, les l^eet 7«
aux environs de Ligny, où York reçut dans le courant de la
journée des nouvelles qui allaient jeter un jour nouveau sur sa
position et lui permettre d'agir et d'opérer désormais en pleine
connaissance de cause.
Sa cavalerie, en effet, lui avait fait savoir qu'une colonne fran-
çaise, composée de troupes de toutes armes et forte d'environ
6,000 hommes, occupait encore Saint-Dizier. L'achèvement des
travaux de réfection des ponts de Han-sur-Meuso, de Pont-sur-
Meuse et de Commercy» qui étaient fortement gardés, lui assurait
une ligne de retraite et de communications. Enfin, il avait été
informé officiellement, d'abord par Wittgenstein de la présence
de Blûcher h Brienne, puis par Schwarzenberg de la concentra-
tion d'une partie de l'armée de Bohême à Bar-sur-Aube. La situa-
tion d'York avait donc changé du tout au tout en vingt-quatre
heures. Son rôle était désormais nettement défini, la direction
qu'il avait h suivre lui était imposée par les circonstances mêmes.
C'est pour cela que, lorsque Wittgenstein lui fit demander de
l'assister dans ses opérations, il crut pouvoir lui répondre que
« les premiers coups de canon tirés par le I" corps contre Saint-
Dizier serviraient de signal d'attaque pour le VI« corps », et qu'il
donna, le â9 au soir, les ordres dont nous aurons à parler en
examinant les opérations et les mouvements du 30.
Particularités du combat de Brienne. — Pour ce qui est du
combat même de Brienne*, il présente certaines particularités sur
* ClaU8e>^it2 critique assez vivement Tisolement dans lequel Bliichor a été
laissé à Brienne et en fait remonter la responsabilité à Schwarzenberg.
« Que Blticher, dit-il dans sa Critique stratégique, ait été un moment aban«-
bonne à lui-même et sur le point d'être écrasé à Brienne par les Français,
c'est là nne faute stratégique d'autant plus grave que le moment décisif était
plus proche, ce qui augmentait encore le danger. Plus on s'approche de U
crise, plus les mouvements doivent être serrés, plus les combinaisons doivent
être csîlculées. »
U nous semble toutefois qu'à vrai dire la critique de Clansewitï s'adresse
liien plus a Bliicher qu'au |;éuéralissime. il est vrai que Schwaracnberg aurait
— 420 —
lesquelles il convient d'insister. 11 est rare, en eflel, de voir dans
une seule et même affaire les deux généraux en chef sur le point
d'être enlevés ou, tout au moins, sabrés par quelques cavaliers.
L'un d'eux n'échappe même que par un hasard providentiel à
Tennemi, qui s'empare par surprise du château dans lequel il a
installé son quartier général. Quant à racharnement que déployè-
rent et Blûcher et Napoléon, acharnement qui faillit leur être
fatal à tous deux, il était loin d'être produit par les mêmes causes
Chez le feld-maréchal, à la haine qu'il portait à l'Empereur et à
la France venait s'ajouter, ce jour-là, le sentiment des fautes que
cet acharnement même lui avait fait commettre. Jusqu'au dernier
moment, jusqu'à ce qu'il ait été forcé de se rendre à l'évidence en
parcourant les dépêches trouvées sur le colonel Bénard, Bluchor
ne s'était pas rendu compte de la situation. Mais, plus franc que
ses détracteurs et plus loyal que ses panégyristes, il reconnut
lui-même, après les événements, la faute qu'il avait commise, et,
dans le rapport qu'il adressa d'Arsonval, le 31 janvier à iO heures
du matin, à l'empereur d'Autriche, il avouait : « Qu'il avait pris
les mouvements exécutés contre Lanskoï pour de simples dé-
monstrations; qu'il avait fait venir, le 28, Olsufieff à Brienne,
laissé Lanskoï sur la route de Brienne et posté Sacken à Les-
mont*. » 11 est donc évident, et il le reconnaît lui-même un peu
plus loin, qu'il occupait un front démesurément étendu, et que,
au lieu de s'entêter sur la position de Brienne, il eût été plus sage
et plus raisonnable, après ïivoir amusé les Français au moment
où ils parurent à Maizières, après les avoir occupés en déployant
devant eux la cavalerie de Pahlen soutenue par quelques batte-
ries, de faire filer, dès l'aube du jour, Sacken de Lesmont et
d'opérer en bon ordre et par échelons sur Dienville et sur Trannes
une retraite qui eût pu s'effectuer sans trop d'encombrés et au
pa peut-i^tre le faire soatenir en poassaDt vers lui les 111* et IV* corps ; uiais
le généralissime ignorait encore de quelles forces disposait TEmpereur et crai-
gnait de se voir contraint de livrer contre son gré une bataille à laquelle il
était loin d'ùtre préparé. D'autre part, il est certain que Bliicher seul, en s*af-
franchissant des ordres du généralissime, en contrevenant à ses instructions et
en s'cntf^tant à précéder la grande armée au lieu de venir la rejoindre, était
cause de ce qui se passait, et que, sans la prise du colonel Bénard, il aurait
infailliblement été surpris par Napoléon et cx;rasé uniquement p<'ir sa fauto.
* bliicher à l'erapcrcur d'Autriehe, Arsonval, 31 janvier. (A'. A'. Kneys
Archiv., 1, 726, 6.)
- 421 —
pri\ d'un simple combat d'aiTicre-garde. Une pareille retraite lui
eût permis de rejoindre plus rapidement, et sans s'exposer h de
grosses pertes, les 111« et 1V« corps, auxquels il aurait ainsi donnc^
la main dès le 29 au soir. Il se serait alors trouvé dans une
situation semblable, à peu de choses près, à celle qui lui fut faite
par les ordres de Schwarzenberg et des souverains alliés lors-
qu'on le chargea de livrer, le i*"^ février, la bataille de La I\o-
thière.
Au point de vue tactique, Blûcher et Napoléon se virent tous
deux forcés d'engager successivement leurs troupes au fur et h
mesure de leur arrivée sur le terrain de la lutte; mais on ne sau-
rait méconnaître que si la résistance énergique opposée par les
Russes d'OlsufieflT h la première attîique de Duhesme a permis îi
Bluchcr d'attendre sur sa position l'arrivée des troupes de
Sacken, c'est surtout i\ son coup d'oeil et à l'emploi judicieux
qu'il sut faire de toute sa cavalerie, h la rapidité avec laquelle il
profita de la faute quo. les Français avaient commise en envoyant
toute la leur sur leur droite, qu'il dut de pouvoir se maint(»nir h
Brienne jusque dans la nuit.
Pour ce qui est de l'Empereur, on s'est demandé pourquoi il
avait attaqué si vivement le feld-maréchal qu'il avait espéré sur-
prendre au moment où il aurait exécuté un passage d(î rivière,
pourquoi il n'avait pas attendu l'arrivée de Gérard, et pourquoi,
enfin, il n'avait porté contre Blucher que le tiers environ de son
armée. Un examen attentif de la situation permet de répondre à
ces critiques.
Napoléon a reconnu dès les premières heures de son arrivée à
l'armée, qu'il est urgent d'agir et de battre Blûcher avant qu'il
ait pu opérer sa jonction avec Schwarzenberg. Il ignore quels
sont au juste les corps que Blûcher a emmenés avec lui dans son
mouvement vers la Marne et vers l'Aube; mais il sait qu'il
importe de ne pas perdre un instant et que c'est uniquement
par la rapidité et la continuité de sa marche qu'il pourra peut-
être encore parvenir à tomber sur les derrières de l'armée de
Silésie. C'est pour cela aussi qu'il jette sur elle ses troupes au fur
et î\ mesure de leur arrivée en ligne, qu'il attaque, bien que
Gérard ne puisse le rallier avant le lendemain, bien qu'il ait
détaché Marmont du côté de Vassy et bien que Mortier n'ait pu
(il l'ignorait, il est vrai) exécuter son mouvement et venir le
— 422 —
rejoindre. Il est évident que jusqu'au dernier moment il espère,
en s'installant à Brienne, couper en deux larmée de Blûcher et
triompher de cette résistance énergique et désespérée des Russes
qui seule va permettre au feld-maréchal de sortir de la position
critique dans laquelle il s*est placé et de se replier sur Tarmée de
Bohême, a Tout cela est simple et naturel, » dit Clausewitz à ce
propos, parce qu il considère évidemment que, dans la situation
de TEmpereur, TofTensive seule pouvait lui apporter le salut.
Hécontentement de Schwarzenberg. — L*émotion. on peut
le penser, avait été vive au grand quartier général des Alliés pen-
dant toute la journée du 29, si vive môme que, dans la matinée,
alors qu'on n'avait encore connaissance que du rapport dans
lequel Blùcher rendait compte des premières opérations de TEm-
pereur contre Saint-Dizier, Schwarzenberg avait chargé Toll
d'écrire au prince Wolkonsky pour le mettre au courant des dis-
positions qu'il avait prises et de se faire l'interprète de son
mécontentement, mécontentement uniquement causé par les mou-
vements de Blûcher.
« Ce qu'il y a de plus désagréable dans toute celte affaire,
fait-il écrire, c'est que Blûcher a appelé à lui Pahlen et que
Wittgenstein se trouve manquer presque absolument de cavalerie.
On aurait pu, d'ailleurs, prévoir ce mouvement de l'ennemi qui se
concentrait à Chillons, et je m'étonne que Blûcher, avant d'avoir
même cherché h connaître la force de l'ennemi, se soit porté sur
Brienne, point vers lequel il n'aurait, au reste, jamais dû se diri-
ger puisque Brienne se trouvait dans le rayon d'action et la zone
de marche de la grande armée.
ce Mais il est d'autre part heureux que l'ennemi ait pris mainte-
nant l'offensive. S'il avait commencé son mouvement dans quatre
jours, la queue de nos colonnes se serait déjfi trouvée ii Troyes
et l'ennemi en marchant do Châlons par Joinville sur Chaumont
aurait, en prenant pour bases d'opérations Verdun et Metz, com-
plètement coupé nos comnmnications *. »
A Barclay de Tolly, Toll écrivit le 29 au matin : « Le prince de
Schwarzenberg redoutant une tentative de l'ennemi contre nos
* Toll et Schwarzenberg redoutent toujours, on le voit, et dès le début de la
campagne, le mouvement que TEmpereur ne devait entreprendre qu'apn^
Arris-snr-Aube, dans le» derniers jours de mars.
— 423 -
lignes (le ooninmiiicalions, il(»sir(i que vous donniez h vos troupes
l'ordre de redoubler de vigilance dans les cantonnements. »
Il est, d'ailleurs, juste de reconnaître que, malgré l'éniotioD
naturelle causée par les mauvaises nouvelles ((u'on venait de
recevoir, on se rendait au quartier général de Scinvar/enberg un
compte assez exact de la situation. Loin de désespérer et de se
laisser décourager par l'éventualité probable d'un échec infligé à
Bliicher, on en augurait bien pour l'avenir. On croyait surtout
((ue cette leçon ser\'irait ii discréditer complètement dans l'esprit
de l'empereur de Russie et des partisans d(^ la guerre îi outrance,
les auteurs des plans que Knesebeck et l'entourage de Sclnvar-
zenberg et de Metternich condamnaient h cause de leur audace et
rejetaient h cause des risques qu'ils faisaient courir h la cause
des Alliés et surtout îi la cause de la paix.
L'inquiétude ne se calma guère, ni dans la journée, ni le soir,
bien que Ton commençât h se tranquilliser sur les dangers (lue
l'on avait redoutés pour la droite du côté de Joinville. Mais on
venait d'apprendre de la bouche même d'un des officiers de
Bliicher, le lieutenant-colonel von Brunneck, parti du champ de
bataille un peu après 3 heures, que les corps de Sîicken et d'Olsu-
fieff étaient sérieusement engagés avec l'Empereur, qu(î les
charges brillantes de la cavalerie de Pahlen avaient momentané-
ment réussi h arrêter l'ennemi, et que le feld-maréchal espérait
encore parvenir à se maintenir sur ses positions pendant la jour-
née du 30 et pensait que l'ennemi se retirerait ii la nuit.
Conseil de guerre de Chaumont. — Par une coïncidence
bizarre, ce fut au moment où Bliicher était attaqué i\ Brienne et
obligé de se replier sur Trannes, au moment où l'empereur de
Russie, inquiet de la tournure prise par les événements, se ren-
dait avec le roi de Prusse de Langres à Chaumont pour y décider
les opérations ultérieures, que Metternich écrivait î\ Caulaincourt,
qui depuis trois semaines attendait vainement une réponse, pour
lui annoncer que « les souverains avaient choisi Chûlillon-sur-
Seine comme le lieu des négociations av(»c la France et que les
plénipotentiaires seraient rendus dans cette ville, le 3 février pro-
chain *. » Metternich répondait en môme temps à la lettre confi-
' Archives do ministère des affaires étrangères, n® 338.
— 424 —
denlielle que Caulaincourt lui avait écrite le 2o, en lui d&larant
que Tempereur d'Autriche ne pouvait se charger de proposer
aux Alliés une suspension d'armes parce que « Sa Majesté était
convaincue que la démarche proposée ne mènerait à rien ».
Rien ne pouvait être plus agréable à Schwarzenberg dans les
circonstances actuelles que la présence à Chaumont de Tempe-
reur de Russie, qui convoqua aussitôt et malgré l'heure tardive de
son arrivée au quartier général, une espèce de conseil de guerre
dans lequel on arrêta les dispositions pour la journée du 30.
30 janvier. — Ordres pour la journée du 30 janvier. —
« Les III* et IV« corps, formant le centre de la grande armée, se
concentreront à Bar-sur-Aube. L'aile droite (V® et VI« corps)
prendra position h Joinville, enverra des avant-gardes sur Vassy
et se préparera à attaquer cette ville le 31 . L'aile gauche (colonne
de Colloredo) ira de Bar-sur-Seine h Vendeuvre où elle arrivera
le 30, et au plus tard le 31. Colloredo est chargé de menacer la
droite et les derrières des Français et d'empêcher Mortier de
déboucher en avant de Troyes. Une partie des gardes et réserves
sera le 30 à Colombey-les-Deux-Églises et on envoie à Kleist
et îi York l'ordre de presser leur marche. » Rédigés pendant la
nuit du 29 au 30, ces ordres furent expédiés vers le matin et
reçurent presque partout un commencement d'exécution dans
l'après-midi.
Un examen, môme superficiel, suffit pour démontrer qu'en
somme ces ordres ne modifiaient que bien pou les positions des
différents corps. Les III« et IV® corps restaient sur place, proba-
blement afin d'empêcher leurs chefs de s'engager, contre le giv
du généralissime, dans un combat que l'Empereur, on le croyait
du moins, cherchait îI livrer fi l'armée de Silésie. VVrède et Witl-
genstein restaient eux aussi îi Joinville où ils étaient déjà depuis
l'après-midi du 29. Seul Colloredo, qu'on avait arrêté en route,
recevait l'ordre, impossible à exécuter, d'être le 30 à Vendeuvre.
On prévoyait, il est vrai, qu'il ne pourrait être rendu sur re
point que le 31.
En somme, il résultait de ces ordres que la plus grande
partie de la grande armée arriverait le 31 seulement sur h*s
positions d'où il lui serait possible de coopérer le lendemain à
une entreprise sérieuse. Ces ordres ne changeaient donc rien à la
— 425 —
situation; ils étaient rédigés uniquement pour donner aux souve-
rains une satisfaction apparente en leur faisant croire que ces
résolutions étaient dues h leur initiative et h leur intervention.
Mais il n'en fallait pas moins toujours deux grands jours à leurs
armées pour se préparer à une attaque qui cependant aurait pu
se produire immédiatement.
Les auteurs autrichiens, et Schels en particulier, ont prétendu
que Blûcher avait, le 30 au malin, l'intention d'abandonner la
position que ses troupes venaient d'occuper entre Trannes et
Arsonval et de continuer sa retraite sur Bar-sur-Aube. D'après
eux il aurait été détourné de donner suite à ce projet par l'inter-
vention du prince royal de Wurtemberg et de Gyulay qui, accom-
pagnés par le colonel Baillet de Latour, chef d'état-major du
IV« corps, se seraient rendus dans la matinée au quartier général
du feld-maréchal h Arsonval. Ces deux commandants de corps
auraient réussi î\ lui faire reconnaître les inconvénients d'un
mouvement rétrograde prolongé jusqu'à Bar et l'auraient décidé
îi rester sur place en lui offrant de venir avec le !¥• corps cou-
vrir sa droite et occuper les hauteurs de Maisons.
En prêtant à Blûcher pareille idée, en lui faisant déclarer qu'il
était hors d'état d'attendre une attaque « d'un ennemi qui lui était
.n supérieur en nombre », ces auteurs ont évidemment oublié de
relire la lettre que le feld-maréchal venait précisément d'écrire k
Schwarzenberg, à 8 heures du matin. Blûcher y annonçait au
généralissime « qu'il avait pris position de Trannes à Arsonval :
qu'il croyait la gauche de l'ennemi k Maizières, et que, si les
Français se décidaient k se reporter en avant, ils arriveraient trop
lard pour atteindre son infanterie. » Enfin, il ajoutait en post-
scriptum celle phrase bien caractéristique, quand il s'agit d'un
général aussi résolu et aussi décidé que Blûcher : « Je tiendrai,
en tout cas, le défilé de Trannes *. »
Les ordres qu'il avait donnés dans la nuit du 29 au 30, alors
qu'il se décida k quitter Brienne, achèvent de réduire k néant
l'assertion des écrivains militaires autrichiens qui ne peuvent ni
fixer le moment précis où l'entrevue en question aurait eu lieu, ni
indiquer les raisons ou les nouvelles qui auraient amené tout à
t Voir le rapport de Bliicher à Si^liwarzenlierg (A', A'. Kriegs Arehiv,, î. 675),
cité plus haat.
— 4Î6 -
coup un reviromcnl aussi complet qu'inattendu dans les projets
du feld-maréchal.
Ordres de TEmpereur dès qu il a connaissance de la
retraite de Blûcher. — L'Empereur s'était installé à Maizières
et, en envoyant, le 29 au soir à Marmont, Tordre de se rabattre
de Montier-en-Der et de Vassy sur Brienne, il lui avait fait dire
par Berthier : « Il est probable que nous nous battrons encore
demain. » Napoléon avait été agréablement surpris, lorsqu'à la
pointe du jour on lui annonça que Blùcher s'était retiré pendant
la nuit et lui avait abandonné le champ de bataille si chaudement
disputé la veille. Dès 7 heures du matin, il envoyait à la cavalerie
de Milhaud Tordre d'occuper les hauteurs de Perthes, pour pro-
téger la route de Rosnay. Il laissait encore en position la cavalerie
de Grouchy et celle du général Lefebvre-Desnoëttes, mais il pres-
crivait aux divisions Ricard et Dufour, placées sous les ordres du
général Gérard, de se rendre à Rosnay et de s'y réunir à la cava-
lerie du général Piquet pour venir de là s'établir h Dienville. La
cavalerie légère de Pire restait avec le duc de Reggio à l'entrée
du bois, sur la route de Maizières à Brienne, pour éclairer la
gauche.
Reconnaissance de cavalerie en avant de La Rothiôre. —
Une heure plus tard, le major général écrivait à Grouchy : « L'in-
tention de l'Empereur est, qu'avec votre cavalerie, vous vous met-
tiez de suite à la poursuite de l'ennemi. • «
A 9 heures, Grouchy, suivi par le 2® corps, débouchait, avec le
5« corps de cavalerie et la cavalerie de la garde, de Brienne-le-
Chî\teau. Un brouillard épais, qui empêchait de voir à plus de
100 pas en avant, après avoir retardé sa marche, Tavait obligé h
s'arrêter à peu de distance de La Rothière, lorsque, arrivé à la
croisée des routes de Doulevant et de Bar-sur-Aube, il fut accueilli
par le feu d'une batterie placée sur ce point et chargée de soute-
nir la cavalerie de Pahlen.
Position de l'armée de Silésie. — Sacken avait établi ses
troupes entre Trannes et Eclance et couvert sa position par une
* Major-gënéral à Grouchy, 30 janvier, 8 h. 4/2 du matin. (Archives de la
guerre,)
— 427 -
batterie de 100 boucliesii feu. Wassiltchikoflf, d'abord détaché du
côté de Troyes. l'avait rejoint en passant par le pont de Dienville,
et le général-major Karpoff II était posté, avec ses (Hosaques, à
Tailo droite, où il occupait Soulaines, La Chaise et Cliauniesnil.
Le corps d'Olsutieff formait une deuxième ligne en arrière de
Sacken, que masquait en avant la cavalerie de Pahlen. Ce général
avait disposé sa cavalerie îi gauche de la route de Bar-sur-Aube,
mis 7 pièces d'artillerie h cheval — les seules dont il put se servir
îi cause du manque de munitions — en batterie sur la route et
fait prendre position, h droite de cette route, h Wassiltehikoff. qui
se reliait par sa droite aux Cosaques de Karpoff II. Un grand
rideau de cavalerie s'étendait donc des bords de l'Aube jusqu'k
Soulaines.
Dès que le brouillard se fut dissipé, Fartillerie de Grouchy
riposta à la batterie de Pahlen, et Ui cavalerie française se dé-
ploya des deux côtés de la chausfùe. Presijue au même moment,
rinfanterie débouchait en colonnes serrées en avant de Brienne,
et la cavalerie» du général de France se dirigeait sur Lesmont pour
y réparer le pont que Sacken avait coupé en se rcîtiranl.
A 11 heures et demie, Grouchy recevait du major-général* une
dépèche partie de Maizières î\ 8 heures et demie du matin. Ber-
thier lui mandait que Tintention de l'Empereur était de le voir
<;onstater d'abord si les ponts de Brienne-la-Vieillc et de Dienville
étaient coupés. « Vous poursuivrez ensuite, lui disait-il, l'ennemi
surBar-sur-Aube. » Il l'avertissait, en outre, de la marche du duc
de Raguse et des généraux Duhesme et Briche par la route de
Doulevant, et lui prescrivait, s'il entendait le canon de ce côté,
d'en donner immédiatement avis « afin de faire diversion et d at-
taquer de suite ».
Position des corps français. ~- Mais les pluies et le dégel
avaient tellement défoncé le terrain, que ni la cavalerie française,
ni celle des Alliés, ne parvinrent à se mouvoir autrement qu'avec
la plus extrême lenteur. Par suite, tout se borna, pendant la plus
grande partie de l'après-midi, à une canonnade, qui coûta pas mal
de monde à la cavalerie alliée, et h l'occupation de Dienville par
les troupes du général Gérard. Le général fit garder les ponts de
1 Major-général à Groachy. (Arehive$ de la guerre»)
- 428 -
Dienvillft et de Lesmont et envoya des reconnaissances sur la rive
gauche de l'Aube, dans la direction de Piney et de Vendeuvre.
Cf» fut seulement vers le soir que le 2« corps (Victor) occupa La
Rothi^ire*, et que la cavalerie française chassa de Chauniesnil
les Cosaques de Karpoff. A cette nouvelle Wassiltchikoff envoya
la cavalerie du prince Biron sur la route de Chaumesnil îi Eclance
pour recueillir les Cosaques et couvrir l'extrême droite des Alliés.
Pahlen et Wassiltchikoff se retirant lentement, s'établirent en
avant de Trannes et tinrent leurs avants-postes en vue des
lignes françaises dont le centre était h La Rothière, la droite a
Dienville et la gauche ii Chaumesnil*. Marmont n'était arrivé le
1 Le S* corps était arrivé trop tard pour essayer d'occuper le bois de Beau-
lieu. « U aurait fallu, écrivait Victor au major-général, livrer un combat de
nuit ; mes troupes étant très fatiguées, je les ai établies à La Rothiùrc et aux
environs. »
' Stârkr, Rintheilung und Tagesbegebenbeiten der Haupt-Armee im Monate
Januar. (A^ K. Kriegt Arehiv,, 1. 30.)
Kurzgefassto Darstellung der Kriegsbegebenbeiten der scblesiscben Armée
(/6iW., I, 31), et Bliicber à Scbwarzenberg, Arsonval, 34 janvier, 8 beurcs du
matin {Ibid, I, 697).
I-ie feld-maréchal Bliicber au prince de Scbwarzenberg : — « Arsonval,
31 janvier 1814, 8 beures du matin. — » D*apK>s les rapports que je reçois
des généraux Pahlen et WassiltcbikoflT, l'ennemi a employé la matinée d'hier
jusqu'à 11 heures du matin, à faire défiler ses colonnes de Maizières à Brienne.
A 1 1 heures, il s'est porté en avant avec de rartilleric de gros calibre, de Tin-
fanterie et de la cavalerie, et a débouché de Brienne.
« Le général comte Pahlen n'avait pour résister à cette puissante artillerie
que sept pièi*es légères qu'il a postées si bien et si habilement que Tennemi
n'a pu arriver que le soir avec son centre a La Rothière, avec sa droite à Dien-
ville. avec sa gauche à Chaumesnil.
« L*ennemi s'est arrêté sur cette position. »
Bliicber envoyait en même temps à Scbwarzenberg le rapport que Sacken
venait de lui adresser.
Nous ne rt^produisons ce rapport que parce qu'il résulte de la lettre d'envoi
qui raivom^Nigne, que, deux jouit après Va/faire de Bnenne, Bliicber n'avait pas
encore pu obtenir un rapport de Pahlen. peut-être parce que ce général faisiiit
partie du VI* corps ^Wittgenstein) et n'en était que provisoirement détaché :
« Le feld-manVhal Bliicber au prince de Scbwarzenberg : — « Arsonval,
31 janvier 1814. — « J'ai l'honneur d'envoyer à Votre Altesse le rapport du
général-lieutenant von Sacken sur Taffaire du 29. à Brienne.
»• Je ne suis pas ena>re à même de fixer définitivement le nombre des
canons qui ont été \\tis, |»arce que j'ignore ce qui s'est passé .i ce propos chez
Pahlen ^du corps de Wittgenstein). » (Â'. K. Kriegt Arehir., atl I. 698.)
t( Lt' général >on Sacken au feld-marét*hal Bliicber. de Bussancourt. le
30 janxier 1811 : — u Le violent comltat d'hier est glorieux et artintageux (f)
|H>ur nos tnm|)es, l'ennemi n'ax-ant pas atteint son but. Anjounl'hui. il n>D-
— 429 —
soir que jusqu'à Vassy. Une des divisions de son corps avait seule
atteint Souiaincs*.
Marche dTork sur Saint-Dizier. — Affaire de Saint-
Dizier. — York arrivé à Ligny, le 29, avait attendu seulement des
nouvelles de son avant-garde pour envoyer h ses généraux ses
ordres pour le 30, ordres qu'il eut le soin de communiquer k
Wittgenstein, afin que cet officier général, mis au courant de sa
situation, pût opérer contre Vassy dés qu'il entendrait du côté de
Saint-Dizier le canon du I*'*' corps prussien.
Le 30, h 10 heures du matin, le corps York se porta sur Saint-
Dizier en deux colonnes. L'une, à droite, partit de Saudrupt et
se composait de l'avant-garde du prince Guillaume de Prusse
précédée par la cavalerie du général von Katzler. Celle d(î gauch(i,
composée des trois autres brigades et de la cavalerie de réserve
du général von Jûrgass, éclairée en avant de son front par une
avant-garde de cavalerie sous les ordres du major von Schiers-
tadt, sortit à la même heure de Stainville. Cette dernière colonne
s'éclairait à gauche vers la Marne et se reliait par des patrouilles
de cavalerie, avec la colonne du prince Guillaume.
treprend que des démons trations et tend à gagner le pont de Dienville. D*après
ce qae j*apprends, sur les hauteurs entre Trannes et Eclance où j'ai massé
mon corps, nous avons pris hier i drapeau et 3 canons de la levée en masse
et 200 hommes environ de jeune et vieille garde, dont plusieurs ot&ciers.
« Nous avons éprouvé des pertes fort sensihles. Le détachement de Stscher-
batoff (a) et la cavalerie se ^nt particulièremeut distingués.
« Ce qu*il y a surtout de remarquable dans cette affaire c*est que Napoléon
a jeté 200 obus sur Brienne et a brûlé la ville et rétablissement où il a été
élevé » (K, K, Kriegs Arehiv, ad\, 698).
(a) Le rommaDilemeiit du petit corps de Stscherbatoiï fut donné à partir du 30 au général
major Se$lavin qui fut chargé d'opérer en partisan avec ces quatre faibles régiments d«
cosaques.
1 Le 30 janvier, à 4 heures du soir, le major-général avait, par ordre do
l'Empereur, envoyé de Brienno les ordres suivants qui, pour des raisons
diverses, ne furent pas exécutés :
A Drouot, il avait prescrit d'envoyer des partis de cavalerie du général
Guyot sur la rive gauche de l'Aube ; à Ouhesme, de rejoindre le duc de Bel-
lune, de s'établir à La Chaise on à Chaumesnil et de faire dire au général
Brichc de rallier Grouchy vers La Rotbiére ; au général Colbert, de venir à
Lesmont ; au général Bordesoulle, de se porter sur Brienne ; an maréchal Mar-
mont, d'être au plus tard le 31 à La Chaise ou à Chaumesnil ; au général
Gérard, de faire passer an maréchal Mortier une dépêche l'informant de la
présence de l'armée eu avant de Brienne, et entin, au géuénU de France, d'oc-
l'uper le 31 û la pointe du jour le pont do Lesmont avec ses gardes d'honneur
et de se mettre eu communication avec Arcis-sur-Aube et Troyes.
— 430 -
A ± heure<(, le gros de la colonne de gauche défilait par Ancer*
ville h uFKî lieue environ de Saint-Dizier, pendant que la cavalerie
de s^m Hvanl-gard<; garnissait déjà la lisière du bois et avait
poiisMî jiis<|u'à environ 1500 mètres de la \ille. York voyant que
iff» Français (la division Lagrange qui avait ordre de se diriger
sur Brienne si elle était sérieusement attaquée par un ennemi
supérieur en nombre; évacuaient la ville, résolut de ne pas attendre
l'arrivée de l'autre colonne. Portant aussitôt sur sa gauche
d<îux <'-S4:adrons et deux bataillons de la l'* brigade, il dirigea la
2" brigade (ît le gros de la 1^« par la chaussée même, sur Saint-
I)i/ier. La 7« brigade (ît la cavalerie de réserve s'établirent en
soulifîu à Aiicer\'ille. Le gros des troupes de Lagrange était déjà
sorti de la ville : sa cavaleries avec quelques canons, garnissait
\v.s collines de la rive gauche de la Marne. L'arrière-garde fran-
çaise; après avoir tiraillé un instant avec les Prussiens évacua
d'abord hî faubourg de Gigny, puis Saint-Dizier, et repassa fina-
lement le pont de pierre de la Marne. La cavalerie française
(îssaya bien An <:ouvrir la retraite et de tenir assez longtemps pour
faire sauter le pont; mais le feu de l'infanterie prussienne et de
l'artillerie à ch(»val l'obligea à se replier presque immédiatement
(bîvant l(is fusiliers prussiens qui lui enlevèrent un canon et
(pH;l(|ues hommes, pendant que les hussards de Mecklembourg,
la cavalerie (hî réserve (;t, un peu plus tard, le général von Katzier
avec la ravaleriez de la (colonne de droite poursuivaient jusqu'à
Relaron l(»s Français en retraite sur Montier-en-Der *.
La rapidité, avec laquelle York avait dessiné et conduit l'attaque
(h» Sainl-Dizior, avait empêché le général Lagrange de détruire
le i)()nl de pierre. Mais la division française, bien qu'elle se fût
* HliirlKT ii Schwarzenberg, Arsonval, 3t janvier, 7 heures du soir.
(A*. K. krifijs .Irr/iir., 1. OUU.)
»< J\ii riuHineur i!'inf«)rnuT Votre Altesse que le général York a occupé hier
9\nT A K hciiirs Saiiit-Diiicr, Nans y trouver grande résistance, y a pris un
canon <*t a |xiui>uivi reiniemi jusquW Kclaron. il espérait ainsi faciliter au
«'omte NViltgen>tein Tattaque de Vassy. »
\Voir aussi plus loin le rapport d'York à Schwarzenberg , d'Erriennes.
i février. 11 heuivs du soir. — Â'. K. Kriftjs Àrrhir . II. îi». )
l.;i colonne de droite (l'avant-ganle s<»us les ordres du prince (ludlauine de
l'nissc^ ne put arri\er à temps jxmr prendre part au combat. Seule sa cava-
lerie rejoignit \crs le soir, iRMidaiit la |Mtursuite sur Kclaroo. les hussards de
MivklcinlH'Urg et la brigade de cavalerie du général von Jùrca^».
- 431 -
conformée aux ordres de Marniont et qu'elle se fût bornée h
n'opposer à York qu'un semblant de résistance, n'en aurait pas
moins été exposée à de graves dangers et aurait probablement
été coupée et détruite, si Wittgenslein. au lieu de rester immobile
à Joinville, avait marché au canon (U s'était dirigé sur Vassy.
Positions dTork le 30 au soir. — York établit le soir son
quartier général îi Saint-Dizier. Sa 1"» brigade était à Perlhes
sur la route de Vitry. La 2' brigade ((îolonel von Warburg) av«îc
4 escadrons de uhlans de Brandebourg, 4 escadrons de hussards
de Brandebourg et 1 escadron du régiment de (cavalerie natio-
nale de la Prusse orientale, h tout sous hîs ordres du général
von Katzler, formant désormais lavant-garde du I®*" corps, releva
la 3« brigade (celle du prince Guillaume), occupa Édaron et
Humbécourt et poussa ses avant-postes vers Vassy. J^es 7« ri
8« brigades avec la cavalerie de réserve se tinrent aux environs
de Saint-Dizier.
Pour se reher complètement à Wittgenstein, York envoya
trois escadrons de cavalerie sous le lieutenant-colonel von Stut-
terheim, sur la rive gauche de la Marne jusqu'à Eurville, un esca-
dron sur la rive droite avec le comte Eulenburg jusqu'à Bien-
ville. Sa droite était couverte par le colonel Henckel qui de Ser-
maize poussait des patrouilles vers Vitry et Chàlons (ît apprenait
ainsi, dans la nuit du 30 au 31, que les Français occupaient de ce
côté Vitry-le-Brûlé et qu'un maréchal de France venait d'arriver
à Vitry-le-François.
Immobilité du VI® corps. — A l'aile droite de la grande
iirmée, Wittgenstein, malgré la réponse qu'York avait faite à sa
proposition d'agir de concert contre Saint-Dizier, malgré les
prières que le prince Eugène de Wurtemberg lui avait adressées
le 29 dès l'arrivée h Joinville de son corps et de la cavalerie des
généraux Rudiger et Ilowaïsky XII, avait cru plus sage de renon-
cer aux projets dont il avait fait part à York. Son avant-garde
avait été attaquée le 30 à 9 heures du matin sur la route de
Vassy ; mais comme la cavalerie française avait été repoussée
après une escarmouche insignifiante, il n'avait plus aucun motif
pour rester immobile à Joinville. La raison donnée par Schwar-
zenberg n'est guère de nature à expliquer Tinaclion du VI** corps.
— 432 —
« Wiltgenstein, dit Schwarzenberg *, n a pas ose atUiquer Vassy
011 ronnemi a montré beaucoup de monde, parce qu'il avait trop
peu de cavalerie et parce qu'il craignait de ne pouvoir être sou-
tenu par Wrède. »
Wittgcnstein avait toutefois commencé le 30 au matin par faire
prendre au II» corps (prince Eugène de Wurtemberg) à droite de
Joinville, la route de Saint-Dizier. Puis quelques heures plus
tard, au reçu d'un ordre de Schwarzenberg lui enjoignant d'en-
lever le 31 Vassy de concert avec Wrède, il avait rappelé le
prince pour le diriger sur Vassy que le II* corps se trouvait dans
rimpossibilité d'atteindre le même jour.
L'avant-garde du 2® corps russe (cavalerie de Rudiger et bri-
gade d'infanterie Schilwinsky) parvint seule jusque dans les envi-
rons de Vassy. Quant aux cosaques d'Ilowaïsky XII * que Witt-
gcnstein avait dirigés de Joinville sur Montier-en-Der, ils avaient
eu une petite affaire avec la cavalerie française à Dommartin et
leur chef avait fait savoir au généralissime que quatre régiments
de cavalerie française qui étaient h Sommevoire avaient quitté
cette position se reportant en arrière vers Montier-en-Der '.
Comme il l'avait annoncé la veille à Schwarzenberg, Wrède
avait donné le 30 un jour de repos à ses troupes et s'était mis
d'accord avec Wittgenstein pour enlever avec lui Vassy le len-
demain.
Leurs deux corps devaient i\ cet effet se trouver réunis le 31, à
9 heures du matin, aux environs de Nomécourt.
Tension des rapports entre les généraux alliés. — Qua-
rante-huit heures après le combat de Brienne, Blùcher n'ayant
pas reçu le moindre rapport de Pahlen, avait cru pouvoir expli-
quer ce fait en rappelant, dans la lettre qu'il avait adressée à
Schwarzenberg, que cette cavalerie faisait partie du VI^ corps. Il
suffit, d'ailleurs, de jeter de temps à autre un coup d'œil sur les
* Schwarzenberg à Bliicher. Chaumont, 31 janvier. (K. K. Kriegs Arcfùr.,
i, 724) et le môme à Tcmperear d'Autriche, même date. {Ibid, 1, 7:20.)
* Sdiwarzenkerg à rcmpereard'Autriclie, 31 janvier. (Â'. A'. Krietjs Archic,
I, 7î(J.)
* Schwarzenberg à Bliicher, Chauniunt, 31 janvier. {K, A'. Krietjt Arehiv.,
I, 7îi.)
— 433 —
dilltTcnts rapports des coininandauls de cor[)s pour voir (pie, dès
((ifils élaient séparés les uns des autres ou quelque peu éloignés
du grand quartier général, ils ignoraient absolument, à moins de
renseignenients dus au hasard, tout ce qui se passait tant à eôlé
d'eux que devant eux.
C'était là, et ce l'ut pendant toute la durée de la <:am[)agne, le
t'ait d'une organisation essentiellement défeetueus(î à laquelle on
ne semble pas avoir cherché à porter remède, (^est ainsi (pie
\Vrè(l(;, venu le "29 à Join ville pour conft'Ter av(»(: VVittgenstein, ihî
fut pas peu surpris de voir que ce général avait ignoré jusque-là
les mouvements et la position du V® corps, et qu'il n'avait pas la
moindre; idée de ce qu'était devenue, dans ces derni(TS jours,
l'armée de Silésie. Il est vrai de dire, et le rapport (ju'on va linî
en fournira la i)reuve manifeste, que WW'de ignorait, lui aussi, le
30 au soir, et bien que son quartier général fiU à p(îine à 10 kilo-
mètres de celui de Wittgenstcân, que non seulement ce général
n'avait pas enhîvé, mais qu'il n'avait même pas attaqué Vassy
dans la journée du 30.
Rapports de Wrède et de Frimont au prince de Schwar-
zenberg. — C'est pour C(»tte raison et aussi parc(; que \Vrèd(i
expose dans ce rapport ses mouvements et la situation de son
corps, que nous reproduisons ce document et ((ue nous le faisons
suivre de celui de Frimont, qui contient quelques indications
intéressant(»s.
(c Le général de cavalerie comte Wrède au prince de Schwar-
zenberg \ — Saint-Urbain, 30 janvier 1814, 9 heures du .soir.
« Votre Altesse m'ayant ordonné d'attaquer Vassy avec le
comte Wittgenstein, j'ai renoncé au mouvement oflensif qu(î je
projetais contre l(?s postes de Sommevoire, Doulevant et Arnan-
court, que j'ai simplement fait reconnaître.
' « J'adresse à Votre Altess(» le rapport du général Frimont
n^latif à Douhîvant. 11 résulte de ce rapport que nous avons
devant nous le corps du duc de Bellune.
« Le général Rechberg*, qui avait ordre d'envoyer contre
t Wrède à Si*iiwarzciit)erg, Saint-Urbain, 30 janvier, 9 heures du soir.
(K. K. Kriegs Ârchiv., 1, 577.)
* Voir SoliwansenlKM-jr à mii«lior, (Iliuuniunl, 'M janvier. (Ibiil., J, 724.)
Weil. î^
— 434 -
Arnaiicourt un régiment de cavalerie, uie fait savoir que l'en-
nemi y avait cinq escadrons qui se sont repliés aujourd'hui.
« Le comte Wittgenstein a attaqué aujourd'hui Vassy, mais je
ne crois pas qu'il s'en soit emparé. Votre Altesse verra par les
annexes ce que j'ai fait pour le soutenir.
« Le nombre de malades augmente sensiblement dans les réf^i-
ments d'infanterie du général Frimont. Un de ses régiments a
autant de malades que de présents. «
« Le général-lieutenant Frimont au comte Wrède*. — Bra-
chay, 30 janvier 1814, 1 heure après-midi.
« J'ai fait occuper Charmes (Charmes-en-l' Angle ou Cliarnuîs-
la-Grande) par la division légère du comte Hardegg. La division
du général Spleny est entre Flamérécourt, Brachay, Blécourt et
Ferrières. Ces localités sont trop petites pour pouvoir cantonner
mes troupes. De plus, je suis très isolé, et si je devais me replier
sur la vallée de la Marne, ma situation serait d'autant plus difti-
cile que je me trouverais dans une espèce de cul-de-sac. J'aurais
à traverser un défilé dans lequel il n'y a que de mauvaises routes
et mes troupes mettraient au moins de trois à quatre heures
pour le passer, arriver à Mussey ou Fronville et déboucher
sur la route.
« Mes patrouilles m'annoncent que l'ennemi m'a enlevé à
Doulevant une patrouille des hussards de Szeckler.
« Le major Mackey, du régiment de dragons de Knesevieh.
qui a poussé avec deux escadrons sur Vassy, a rencontré ce matin
le général Rudiger à Nomécourl. Ce général avait l'ordre d'atta-
quer l'ennemi à Vassy. De 9 heures et demie à 11 heures, on a
entendu une canonnade assez vive et une fusillade assez nourrie
de ce côté. J'attends îI tout instant des nouvelles relatives à cette
affaire.
« J'envoie des patrouilles à Baudricourt et h Doulevant.
« Une patrouille de cavalerie a pris 5 hommes à renncnii. »
« P.'S. — Le major Droch, du régiment de hussards de
Schwarzenberg, a trouvé à Rouvroy (Rouvroy-sur-Marne), 30 à
40 fusils chargés qu'il a brisés. Cela prouve que Ton se lève et
s'organise dans les villages, et que partout il y a des armes. »
1 Frimont ii \Vn>de, Brachay, 30 jauvicM. 1 heure aprè:»-midi. (A'. A'. Krùgt
ÀretUc, J, 677.)
- 435 -
Positions des IV« et III» corps, des gardes et réserves. —
Comme l'écrivait Schwar/enberg à Tempennir d'Autriche, le 31
au matin*, le feld-maréchal Bliicher avait cru prudent de se con-
centrer après le combat du !29. H s'était massé à Trannes, en se
faisant couvrir par sa cavalerie et par celle des généraux Slscher-
batoft' et Pahlen. Le prince royal de Wurtemberg, chargé de sou-
tenir l'armée de Silésie, était avec son gros Ix Maisons et à
Fresnay. Le général de Franquemont, qui commandait l'une des
divisions du IV" corps, avait ce jour-là son ((uartier général à
Arrenliôres. L'avant-garde du IV® corps occupait Ville-sur-Terre
elThil.
Derrière le prince royal, Gyulay était toujours, avec le gros du
m® corps, autour de Bar-sur-Aube; ses avant-postes étaient du côté
de Vendeuvre. En arrièn; de c(;s deux corps, les gardes et réserves
russes et prussiennes se rapprochaient peu h peu : les grenadiers
russes étaient venus h Colonibey-l(;s-Deux-Églises, l'intanterie de
la garde vers Blaisy, la garde prussienne à Jonchery, la division
de cavalerie légère de la garde russe à Vignory, la l»"» division
de cuirassiers russes et la cavalerie de la garde prussienne? à
Luzy, la 2® division de cuirassiers russes vers La Ferté-sur-Aube,
et la 3« en avant de Clairvaux. Le quartier général de Barclay de
Tolly était resté à Chaumonl.
CoUoredo reçoit tardivement l'ordre de mouvement de
Schwarzenberg. — A l'aile gauche, CoUoredo, auquel Tordre de
Schwarzenberg*, daté du 29, n'était parvenu que le 30 au matin,
recevait, vers 2 heures de l'après-midi, de nouvelles instructions
du généralissime, qui lui enjoignaient de se porter au plus vile à
droite et d*arriv(;r h Bar-sur-Aube le 31 au plus tard. Ce ne fut
guère que vers 4 heures que CoUoredo put envoyer ses ordres
aux chefs de corps. D'ailleurs, ses cantonnements étaient telle-
ment étendus que quelques-uns de ses régiments avaient près de
douze heures de marche pour arriver des environs deTroyes, où ils
« Schwaraeuhcrg à l'empereur d'Autriche, Chaumonl^ 31 janvier. (A'. A'.
Krûgt Archiv., I, 72G.)
' Dans cet ordre du 29 (A'. A. Kriegs Arcfuv. I. 670), Sdiwarzenbcrg
arrêtait les inouveiiieiits de la colonne de CoUoredo, lui enjoignait de rester
sur SCS positions et le prévenail «le la présence, à Troyes, de l^i.OOO liummes
soas les ordres de Mortier.
~ 436 -•
étaient déjà (Hahlis, à Bar-sur-Aube par Clairvaux. Collorcdo dul
donc se borner à prendre les dispositions nécessaires pour assu-
rer la marche du lendemain, et prévint immédiatement le généra-
lissime du retard et de ses causes.
A peine avait-il fait partir sa dépêche, que les rapports faits
par les ofticiers chargés de reconnaître les routes menant vers hi
grande armée lui démontrèrent qu'il lui serait, même le lende-
main, impossible de se conformer aux ordres de [Schwarzejiberg.
Le dégel et les pluies avaient rendu absolument impraticable
le chemin de ChiUillon par La Fertésur-Aube, à Bar-sur-Aube.
Les rapports étaient unanimes pour déclarer que les troupes
auraient grande peine à y passer et qu'il serait de toute impos-
sibilité de s'en servir pour l'artillerie, qui s'y embourberait fata-
lement. Il ne restait à la disposition de la colonne de Colloredo
que la route de Bar-sur-Seine, qui continue ensuite sur Bar-sur-
Aube en passant par Vendeuvre.
Platoff à Cerisiers. — Le général lllix se jette dans Sens
— Affaire de Sens. — Platoff, que nous avons laissé le 27 à
Auxon \ était le 29 avec son corps à (.erisiers, dans la forél
d'Othes, à 5 lieues environ de Sens. Mais comme le général
Montbrun avait pu s'établir à Pont-sur-Yonne, comme les géné-
raux Pajol et Pacthod occupaient, le premier Nogent-sur-Seine, et
le deuxième Montereau, avec (juelques corps encore en forma-
lion, le général Allix avait pu arriver à Sens avec 600 à 800
hommes, en même temps que Platoff parvenait en vue de la ville.
L'ataman put occuper les faubourgs; mais le général Allix ayant
eu le temps de faire barricader les portes, il fut impossible aux
Cosaques de réussir à pénétrer dans hi ville ^
Positions des Alliés. — Le 30 au soir, les diverses fractions
des armées alliées forment autour des corps de l'armée française
une sorte de demi-cercle qui tend de plus en plus à se refermer
sur eux. Tandis que Morlier occupe encore Troyes, sur rexirème
* Voir au 28 janvier : l'Iatoff à Sl•,h^^MrzeIllJCTg, Âu\ou, 28 janvier.
(K, K, Krieys Archiv., I,6il).
• Rapport de Platoff, ViHeneuve-le-Koi. i^*' février {K. K. Krieijs Archir.
II, ad. liO), el général Allix, Souvenirs milUairex el polUû/uex,
— 437 —
droite dos lignes françaises, ot que Napoléon ' masse son armée»
autour ot en avant de Brienne, au rentre môme de Tare de cercle
formé par ses adversaires, les Alliés tiennent les positions sui-
vantes : Blucher s'est concentré devant Napoléon, de Trannes à
f^clanco. Il est soutenu par (Jyulay posté derrière lui à Bar et par
le ))rince royal de Wurtemberjiç établi sur sa droite, à Maisons et
Frosnay. Kn arrière du IV*' corps on trouve la tète des réserves
et des jçardes arrivé«»s à (Holomlx^y-los-Deux-Rglises. Plus à droite*
ot sur le point de se relier, par Fresnay, avec le ÏV« corps, les
tétos d(» colonne de Wrède tendent déjà vers Doulevant. \Vitlj:çens-
loin est entre Joinville et Vassy, et York s'étend d'ftclaron jusque
vers la Marne, pendant qu'à gauche, la colonne de Colloredo a
son avant-garde à Bar-sur-Seine.
Knfin, pour compléter les emprunts que nous avons faits aux
Archives impériales et royales, nous donnons (mi note * les rap-
< Ordres. Brienne. 30 janvier, 9 h. 4/S soir.
«... Voici la substance de la lettre que le major-général écrira au duc
de Tn^vise :
« Le quartier général est à Brienne : nous occupons les ponts de Dien ville,
(c Brienne-lu- Ville et de Lcsmont. Nous avons hier 29 battu l'ennemi, nous lui
u avons fait des prisonniers, nous l'avons chassé de Brienne et nous le pour-
« suivons sur Bar-sur-Aube. Donnez-nous de vos nouvelles, nous n'en avons
a pas depuis le 28. Poussez des partis pour communiquer avec nous, afin de
c( pouvoir agir ensemble et de concert »
« Le major-général écrira, en outre, au général Bordesoulle. à Arcis-sur-Aube,
pour qu*il envoie à la rencontre du général Goll)ert et le fasse diriger sur
Brienne. » {Correspondance de Napoléon).
• Schwarzenberg à l'empereur d'Autriche :
t< Chaumont, 34 janvier 18i4.
« Benseignemcnts fournis par les émissaires :
(( i^ Kmissaire parti le 20 de Langres, passant par ChAtillon, Bar-sur-Seine,
Troyes, Vitry, Chdlons-sur-Mame et, de là, à Brienne et Bar-sur-Aube. 11 a
vu le 21, sur la route de Bar-sur-Seiue à Troyes, le premier avant-poste français
à Moussey (100 hommes du 122" régiment d'infanterie). A Troyes, il y avait
900 hommes du 12««, dont 500 conscrits, les dépôts des 3®, 6«, 9'' et
11*' chasseurs à cheval (400 hommes).
t< Le 23, le général Dufour était à Arcis avec 6,000 hommes d'infanterie,
pour la plupart des conscrits. 400 à 500 chasseurs à cheval, 20 à 26 canons
et 80 caissons. On l'y a arrêté, mais il a réussi à s'échapper et à gagner
Lesmont.
« Le 24, il a retrouvé le général Dufour sur l'Aulje, entre Lesmont et
Bamerupt, et s'est dirigé sur Vitry. Il y a vu 40 canons en batterie sur les
remparts. La garnison se compose de 4,500 conscrits et de deux dépiMs de
cavalerie forts de 100 chevaux.
«< Le 25, il était à Chàlons : il y a remarqué un parc de 50 liouches à feu
— 438 -
porls dos (liftôrenls ('Miiissaires oxpédi^s par Schwarzenboriç.
Cos rapports élaienl joints à sa dépc^che h l'eniperour d'Autrirho
(K, K. Kripfjs Archiv., I. 726) à laquelle nous avons fait de»
si nombreux emprunts, lorsque nous avons exposé les événe-
ments de la journée du 30 janvier.
31 janvier. — L'Empereur reste sur ses positions. —
Mouvement de Marmont sur Soulaines. — On s\attendait,
tant au quartier général de Blûcher à Arsonval, quh celui de
Scliwarzenberg à Chaumont, «i voir le 31 au matin TEmpennir
sortir d'une inaction qu'on avait déjà trouvée surprenante la
veille, mais qu'on s'était expliquée en partie par l'acharnemcMit
déployé de part et d'autre lors du combat de Bricnne et par le
fait que cette sanglante affaire avait cessé fort avant dans la nuit.
On pensait généralement qu'après avoir donné un peu de repos à
ses troupes, après s'être ravitaillé en munitions et avoir hî\té la
marche des renforts et des corps que la rapidité de son mouvi»-
ment Tavait obligé îi laisser en arrière, l'Empereur prendrait
le 31 ou le parti d'attaquer Hliicher sur sa position doTrannes \
de gros calibre et 150 caissons. 10,000 liommes d'infanterie marchaient i\ rc
moment sur Saint-Dizier, et l*on attendait encore à ChAlons l'arrivée de
10,000 hommes provenant de l'armée d'Espagne.
« Kn allant n I^esmont, il a rencontri^ un soldat de la jeune garde, a li«'>
conversation avec lui et a appris qu'il y avait 5,000 à 6,000 liommes de la
jeune garde à Bar-sur-Auhe.
« Le 26, il était a Lesmont et s'est rendu de là à Brienne.
«< 2" Un autre t^missaire a ét«» de Langres à Troyns, Sens. Montargis,
Orléans et Beaugency.
« Il y avait le 19, à Orléans. 600 à 700 conscrits, et à Beaugency un dépTit
du 7* régiment de chasseurs à cheval.
M S*» Un troisième émissaire, parti de Paris le 22, n'apporte que des rens
seignements peu importants sur les revues passées le 19 et le 20.
« 4® Un autre émissaire est parti de Vesoul, passant par Vauconleur-.
Comment, Saint-Aubin, Ligny, Bar-le-Duc. Vitry. D'après lui. le corps de Victor
compterait 15.000 hommes, dont 5,000 à 6,000 de cavalerie. Ney aurait ave<*
lui 1?,000 hommes, en grande jtartie d'infant4M-ie.
« Le corps de Victor aurait ordre de rester sur la Marne jusqu'au 29. »
(Â'. A'. Krt'egx Archir. I. 721 a.)
* Il est hors de doute que Bliiclier s'attendait â être attaqué [dans la jonr-
n«H» du 'M, car il iVrivait d'Arscmval, le 31 à dix heures du malin, à l'empe-
reur d'Autriche : « Hier 30. l'ennemi a occuim» Brienne. et, vers midi, il a
pris position avec sa droite à Dienville. son centre à La Rothiére et sa gauche
a Chaumesnil.
« Jt' rattnuîx xur tmi jtoxHiou rntrr Kchture et Trnnnex. » (A'. K. Krû^x
Archir,. I, 726. h.)
- 439 —
ou lu résolution do se retirer derrière la Voire, ou le parti de
rejoindre Mortier h Troyes et d'y attendre ses adversain^s.
Mais l'Empereur resta sur ses positions * entre l'Aube et les
hauteurs de La Giberie. Sa lettre du 31 janvier au duc de Feltre*
prouve que Napoléon était absolument décidé îi c(» moment h
tenter le sort des armejs en risquant la bataille * sur les positions
qu'il avait fait occuper h son armée. De part et d'autre, on se
préparait donc au combat. A une heure de l'après-midi, l'Empe-
reur faisait envoyer au duc de Uaguse Tordre de s(» diriger sur
Lesmont et de laisser une arriére-garde h Maizieres. Le maré-
chal, après avoir quitté Vassy dès le matin, avait laissé ri Montier-
en-Der le général van Merlen avec 800 chevaux pour couvrir la
marche du parc et des bagages du corps d'armée, et continuait
son mouvement pour se rapprocher du reste de l'armée. Arrivé
fi Lesmont, il devait consolider le pont qu'on avait rétabli et jeter
i Starkr, Kintlu'ilung und Tagesbegobenheiten der Haapt-Armce in Monate
Jannar (A'. K. Kriegs Archir.^ I, 30) et Kurzgefasstc Darstcliang der Krieg-
srmgnisse der schlesischen Armée (Ibid.^ I, 31).
' « J*ai eu une affaire fort chaude, le 29. à nriennc. J'ai attaqué tonte l'armée
du fcld-iiiarédial Blùclier et du général Sacken, forte de 30,000 hommes d'in-
fanterie et de beaucoup de cavalerie. Je les ai attaqués avec 10,000 hommes,
au moment même où je venai« de faire une forte marche J'ai eu le bonheur
de m'emparer, dès le commencement de Taction, du château qui domine tout.
Comme l'attaque n'a commencé qu'une heure avant la nuit, on s'est battu
toute la nuit. Bliicher a été battu ; on lui a fait 500 à 600 prisonniers, tué
ou blessé 3,000 à 4.000 hommes, et il a été obligé de rappeler tous ses partis
qui s'avançaient du cAté de Paris, pour se replier sur Bar-sur-Aube. Hier, je
l'ai rei'onduit dans cette direction pendant rleux heures, l'accompagnant par des
salves de quarante pièces de canon. Notre perte est évaluée à 2,00U hommes.
u Si j'avais eu de vieilles troupes, il aurait été possible de mieux faire et
d'enlever tous les parcs et bagages que j'ai vus défiler devant nous et que
mon mouvement instantané a forcé Bliicher de rappeler d'Arcis-sur-Aube. Si
Brienne avait pu être o<!cupé plus tôt, tout serait en notre pouvoir; mais,
dans les circonstances actuelles et avec l'espèce de troupes qu'il faut manier,
il faut se tenir heureux df ce qui est arrivé.
« Nous avons pris position à deux lieues en avant de Brienne, la droite à
l'Aube, la gauche au bois, nous maintenant entre l'Aube et la Marne ; le dur
de Tréviso à Troyes et le duc de Tarente sur la Marne. Je prends pour pivot
Arcis-sur-Aube. Mon quartier général continuera, jusqu'à nouvelle circonstance,
à rester à Brienne. » {Correspondance, n^ 21150.)
» Le major-général recommandait à Victor de prendre, le 31 à sept heures
dn matin, une bonne position de bataille, lui permettant de recevoir l'en-
nemi, la droite à l'Aube, la gauche au bois; de voir si la position de Trannes
à Eclance pourrait lui convenir, puis, à onze heures, de s'emparer du pont
d'Unien ville.
— 440 —
(le la cavalorio ot de l'infanterie sur la rive gauche de l'Aube, (»ii
poussant une avant-garde sur Piney*. Le duc de Raguse avait, il
est vrai, après avoir quitté Vassy, pris sa direction sur Montier-en-
Der ; mais au lieu de se diriger de ce point droit sur Brienne,
il avait cru, à cause de l'état dcîs chemins, devoir se porter sur
Soulaines parce qu'il n'avait, en faisant ce détour, qu'une lieue
de mauvais chemins à parcourir. Arrivé aux environs de Sou-
laines, il en avait chassé quelques petits postes de cavalerie russe.
Un peu après midi, des positions de Bliicher on avait remarqué
un assez grand mouvement dans les lignes françaises. Le 5« corps
de cavalerie française * s'était porté en avant de La Rothière vers
Trannes sous les yeux mêmes de l'Empereur', qui était venu
reconnaître le terrain et qui espérait peut-être, grâce k cette
démonstration, obliger le feld-maréchal à s'engager. Comme les
Alliés ne bougèrent pas, l'Empereur fit occuper vers le soir, par
quelques troupes d'infanterie, le bois de Beaulieu qui, situé sur
le front même des lignes de l'armée de Silésie, entre La Giberir
et ftclance, au pied des hauteurs de Trannes, permettait aux
troupes (jui s'y établissaient de déboucher aisément et à couvert
contre la position de Trannes.
Lettre de Blûcher à Schwarzenberg sur sa position. —
1 Corretpondanee de Napoléon, n" 21157.
' A ce inoineiit. le général Colbcrl, qui était dopais le 27 janvier à Xoponl-
8ur-S«'ine avor les grenadiers à cheval, dragons, rliassoiirs et (''clairenrs de la
garde, était parti pour rejoindre l'Knïpereur sur la rive droite de l'Aube, par
Lesmont. Il s'était étendu, sur la rive gauclie de l'Aube, jusqu'à Corlois, où
se trouvait le général Maurin avec 500 chevaux, éclairant, par le pont de Dien-
ville, Piney, la forôt de Vendeuvre, et poussant des partis sur Troyes. Le gé-
nil^ral Guyon, ava'. 400 chevaux, était à Vaupoisson et Ortillon. 100 chevauv
étaient, en*outre, postés â Voué, sur la route d*Arcis à Troyes. Le général
Hordesoulle continuait à se tenir à Arcis.
* Victor à Grouchy : « Ordre de mouvement. — La Rothière. 31 janvier.
— lies troupes du 2'" corps d'infanterie et du o*" de cavalerie se mettront en
marcfic aujourd'hui à une heure précise, pour se «liriger sur Trannes à l'effet
d'en cha.-ser Tennemi ; elles marcheront dans l'ordre suivant :
«< La cavalerie légère du général de Pire prendra la droite de la route Les
deux divisions de dragons marcheront en bataille à la gauche. Six liouches :i
feu précéderont la division et marcheront sur la route (brigade du général
Jamin). Li division sous b>s ordres du général Jamin marchera en colonnr
sur la route, en arrière de sa batterie; une autre batterie la suivra.
« La ilivision Duhesme suivra l'artillerie de la 1 '"'' division. Elle aura la
sienne derrière elle. L'artillerie du 5® corps suivra celle du gènérd Duhesme. >»
— 441 —
Riiichrr s't'lail lui aussi \ior\6 on avant jusquo sur la ligne do sos
avant-postos; il y était rosto jusqu'à la nuit ot avait assisté au
déploionionl ot aux démonstrations do la cavalorio françaiso, sans
s(» laissor ontraînor à prescriro lo nioindro niouvonient. Rentré à
7 heures h son quartier général, il rendait compte h Schwarzon-
berg des événements de la journée, de la situation dans laquelle
il se trouvait, et terminait son rapport par quelques considéra-
tions relatives aux mouvements exécutés par lo corps du prince
royal de Wurtemberg en vue dos opérations ultérieures ot d'une
bataille à livrer le londcmiain :
« Je suis resté jusqu'au soir sur la ligne môme de mes avant-
postes. L'ennemi a esquissé, vers 2 heures, avec 10,000 h 12,000
hommes un mouvement en avant; mais il s'est contenté d'occu-
per vers le soir et rien qu'avec 2,000 à 3,000 hommes en avant de
mon front un bois (il s'agit ici du bois do Beauli(ui) que je
n'avais pu faire garnir de troupes, parce que je manquais à cet
etVet d'infanterie.
<i Ma position est bonne, mais elle est trop étendue pour mes
forces. J'ai mis 100 pit'^ces en batterie: mais je ne poux, h cause
de la nature^ du terrain, leur faire changer de position, ot je
manque d'infanterie pour défendre cette artillerie.
« La position occupée par le prince royal do Wurtemberg n'a.
h mon sens, plus au<'une signification depuis que? lo comte Wrèd(»
est arrivé à Doulevanl. Lo corps du j)rince royal est donc désor-
mais disponible. Je viens d'écrire au prince et l'ai prié de me
soutenir, si faire se peut, demain matin en envoyant son infante-
rie vers Éclanco. Veuillez diriger sur ce point le corps du prince
royal et alors je pourrai sans crainte voir venir l'ennemi.
« Je n'ai besoin ni d'artillerie ni de cavalerie».
« Si Votre Altesse ordonne pour demain un mouvement géné-
ral en avant, ou si l'ennemi se retire cette nuit, le prince royal
do Wurtemberg serait, dans l'un comme dans Tautre de ces cas,
bien posté s'il allait à Éclance. Los gelées ont retardé la marche
du général von Kloist ^ qui ne sera que le 4 février h ComnMMry.
^ Kloist, venant do Trêves et évitant Laxembourg qu'il avait contourné
dans sa marclie, après avoir laissé devant cette place les uhians de Silésie qu'il
remplaça dans son rorps par les cuirassiers de la Prusse orientale, était à et*
moment en train de défiler sous Thionville. se diri^^eant sur Pajfny-snr«.Mosf»lle,
qne son avant-jrarde atteignit le 2 février.
— 442 —
Le pont de Saint-Miliiol est rompu, ce qui a forcé York à passer,
lui aussi, par Commercy
« Tcheniilcheff m'écrit le 23 de Liège que Winzingorode est
îi Aix-la-Chapelle. Je ne sais rien de positif par rapport au maré-
chal Macdonald \ mais d'après les renseignements recueillis par
le général York, il n'aurait avec lui que 9,000 k 10,000 hommes.
« P. S. — Je reçois îi l'instant la lettre de Votre Altesse et ses
ordres pour le l^"* février ; je m'y conformerai *. »
La cavalerie de Pahlen reçoit l'ordre de quitter Blûcher
pour rejoindre le VI® corps. — Harmont évacue Soulaines.
-- Conséquences de ce mouvement. — Dès le 31 au matin,
avant môme d'avoir reçu h Chaumont les rapports des diftérenls
chefs de corps, rapports qu'il attendait pour envoyer ses ordres
défmitifs, Schwarzenberg avait prescrit ti Bliicher de rendre à
Wittgenstein les troupes que, sous les ordres de Pahlen, il avait
appelées à lui le 28 et dont le feld-maréchal n'avait plus besoin
puisqu'il était désormais relié aux corps de la grande armée.
Schwarzenberg motivait cetle mesure par le fait que Wittgenstein
manquait de cavalerie au point d'être forcé d'employer au service
des patrouilles ses officiers d'ordonnance et sa propre escorte,
et il invitait le feld-maréchal à renvoyer par le plus court chemin,
la cavalerie et les troupes légères de Pahlen \
Pahlen reçut, par suite, l'ordre de prendre à droite pour re-
joindre le VI« corps en passant par Edance et Fuligny. Il arriva
^ A peu près an moment où Bliicher parlait de Macdonald à Schwarzenl)erg,
l'Empereur fuisait prescrire, le 3i au matin, au duc de Tarente de laisser le
o** corps avec le IV de cavalerie à Sainte-Meneliould pour protéger Châlons et
Vitry et avoir l'uâl sur tout ce qui passait sur les Ardennes et sur Reims, et
de se porter, avec le i" corps de cavalerie et le 11'" corps, d'abord sur Chàlons,
où il recevrait des ordres pour sa direction ultérieure. Juste douze heures plus
tird, le mc'^me jour à neuf heures du soir, l'Empereur ordonnait à Berthier de
faire connaître à Macdonald que York avait débouché de Bar-le-Duc sur Vitry,
Saint-Dizier et Cliwlons, et lui enjoignait de marcher contre York, de le battre
«M (le protéger Châlons et Vitry. {Corretpomlance, n. 2H54 et 2il6i.)
Nous aurons, d'ailleurs, à insister un peu plus loin sur ces mouvements do
duc de Tarente et les opérations que York dirigea contre lui.
' Le feld-maréchal Bliicher au prince de Schwarzenberg, Arsonval. 31 jan-
vier 1814, sept heures du soir. (K. K. Kriegg Arrhit\, I, 699.)
' Schwarzenberg à Bliicher, Chaumont. 31 janvier. (Ibid., I. 754.)
— 44H -
wrs le soir (mi vue do Soulaines, que Marniont orciipail solidc-
mcnl et où l'Empereur, comme le prouve une lettre à (llarke en
tlat(^ du 31 au soir, comptait le voir rester. Mais bien que hililen.
(|ui n'avait avec lui que (juc^ques troupes léjç^res, ne. fit pas niiiu»
de l'y attaquer et se fût contenté de faire obser\'er Soulaines jiar
des vedettes et des avant-postes, bien que ce général eût bivoua-
qué plus en arriére avec le j^ros de sa cavalerie et qu'une faible
avant-f^arde du V** corps eût seule poussé jusque-lî\ le maréchal
Marmont crut devoir évacuer Soulaines le même soir. Il se porta
en conséquence sur Morvilliers où il arriva à 1 heure du matin,
après une marche des plus pénibles, par des chemins défoncés et
au milieu d'un ourafçan de neip;e. Otte inconcevable timidité et
ce mouvement rétrograde que rien m' motivait, devaient avoir de
graves conséquences le lendemain. L'évacuation de Soulaines
permit h Wrède, qui eût été obligé h faire un long détour par
Monlier-en-Der, de passer avec le V** corps par la forêt de Sou-
laines et de déboucher sur le champ de bîitaille (encore à temps
pour prendre part à la lutte et tomber sur l'aile gauche fran-
eaise.
Pahlen avait, du reste, établi aussitôt, par Doulevant. ses com-
munications avec les V« et VI® corps, dès qu'il sut que les partis,
envoyés de ce coté, n'avaient rencontré aucune troupe ennemie».
Mouvement de la cavalerie dllowaisky. — Surprise du
général van Herlen à Hontier-en-Der. — Pendant que Pahlen
se portait ainsi sur Soulaines et que le général Seslavin, appelé à
remplacer Stscherbatotf h la tête de son corps franc, se n»ndait
avec ses quatre régiments de cosaques sur la rive droite de la
Voire, Schvvarzenberg était informé par Witigenstein qu'llo-
waïsky Xll avait, pendant la nuit du 30 au 31, tourné Vassy,
suivi le mouvement des Français de Vassy sur Montiez en-Der
et était entré de son côté à Vassv*.
* St'ârke, Eintheilung nml Tageshcgehonheiten der Haupt-Armoc im Monate
Jaiiaar (A'. K, Kripgn Arrhiv., I, 30), et rapport ci-après (Ihid., ï, 702) du
général comte de Wittgenstein au prince de Schwarzenberg :
« Joinyille. 31 janvier 1814.
'i Le général Uowaïsky XII a, sur mon ordre, tourna la position de l'ennemi
à Vassy, s'est avanré en faisant grand bruit et l'a for''é à se retirer.
«( J'occupe Vassy. Le général Ilowaïsky poursuit l'ennemi.
u Le général York occupe Sainl-Dizier et se dirige sur Vitry.
— 444 —
Witlgonslciii devait, conlbruiémont à ce qui avait été eonvomi
la veille avec Wrède, se trouver le 31, t^ 9 heures du matin, à
Noniécourt, d'où les V« et VI« corps réunis se seraient port(^s sur
Vassy. Nous venons de voir que, grûce h la pointe poussée par
les cosaques d'Ilowaïsky XII, il avait été possible d'occuper sans
coup férir cette ville où le général von Kalzler (du corps York)
arriva de son côté entre 9 et 10 heures du matin, et d'où il lit
partir immédiatement le major von Schierstiidt avec quelques
escadrons de cavalerie destinés ù soutenir les cosaques et à
prendre partfi la poursuite déjà commencé(î par Ilowaisky. A peu
près à la même heure, Wrède, qui s'était mis en route à o heurc^s
du matin avec le V^ corps, arrivait îi Nomécourt et y était informé
de ce qui s'était passé du côté de Vassy. On lui faisait savoir, en
outre, qu'il n'y avait plus le moindre détachement de troupes
françaises au\ environs de Saint-Dizier. Enfin, le prince Eugène
de Wurtemberg (tête de colonne du VI« corps) arrivait à Vassy
avec le gros de ses troupes et se disposait déjà à se porter avec
son infanterie sur Montier-en-Der, lorsqu'il reçut de Wittgen-
stein l'ordre de s'arrêter.
Le major von Schierstadt avait, entre temps, rejoint les cosaques
d'ïlovvaïskv XÏI et atteint avec eux à Montier-en-Der l'arrière-
garde française du général van Merlen, qu'ils surprirent, mirent
en complète déroute et poursuivirent vivement jusqu'à deux lieues
au delà de celte ville. Le général van Merlen. grièvement blessé,
plusieurs officiers et 150 hommes tombèrent aux mains des
<*osa((ues qui s'arrêtèrent à Boulancourt, tandis que les débris de
l'arrière-garde française se retiraient sur Lesmont et Pougy '.
« l/pnneini semble vouloir se conrentrer pour ronibaltre entre Vilrj' et
Troves.
« Mon quartier général sera aujourd'hui encore à Vassy, et je pousserai de
là en avant avec Bliicher et York.
« Je suppose que je dois, jusqu'à nouvel ordre, rester relié avec le général
comte Wrède, et je combine mes mouvements avec lui.
« Macdonald. avec 18,000 hommes, marche de Xamur vers ChAlons. 11 ost
encore à trois jours de marche de ce point (a). Il serait bon dVntreprendre
quelque chose avant son arrive^. Je m'entendrai, à ce propos, avec le général
York. Un ofticier du général Kleist m'annonce qu'il s(»ra le 3 février à Saint-
Mihiel. »
(a) Wittgensl^ln était loin dVtre bien renseigné, puisqnc Mardnnnid arrivait prérîs»»-
nunt le 31 janvier à Châlons-sur-Mame.
' Wittgenstein à Schwarzenberg, Vassy. 31 janvier et l*'*" février. (A'. K.
Krieyx Archir,, l, 7H. vi II. 7.)
— 445 -
[I paniil impossible de trouver une explication quelqiKî peu
plausible aux fautes inconcevables que le duc de Ra^use ne cessa
de commettre dans cette journée du 31. Comme le lui écrivait le
soir même le major-js^énéral, le petit corps du général van Merlen
était assez fort tant qu'il s'agissait d'une véritable arrière-gard(^
marchant à 2 kilomètres de la queue de son corps. Mais cette
arrière-garde était évidemment insuffisante, dès que le maréchal
en faisait un véritable détachement, d'autant plus insuffisante
même que Marmont se savait entouré d'ennemis. Le maréchal
avait, d'ailleurs, commis encore une autre faute. Malgré l'avis
formel de l'Empereur qui avait eu le soin de lui mander que, la
route par Monlier-en-Der étant très mauvaise et presque impra-
ticable, le parti le plus sage et le plus sûr était de prendre la
chaussée de Brienne, Marmont avait cru pouvoir passer outre.
Ce fut pour cela qu'une fois rendu à Morvilliers, il s(î vit obligé
d'avouer qu'il espérait encore pouvoir y réunir son artillerie. Le
maréchal lui-même ne peut expliquer pourquoi, arrivé à Sou-
laines à 4 heures, il a cru utile de faire une marche de nuit sur
Morvilliers.
Voici, d'ailleurs, en quels termes il rend compte de ce mouve-
ment : « Je suis arrivé sur Soulaines à 4 heures. L'ennemi a
montré une grande quantité de cavalerie sur le plateau en face
de Soulaines, et nous avons vu distinctement les fumées d'un
camp qu'on dit être de 5,000 hommes d'infanterie, distant de
3/4 de heue de Soulaines. Nous avons canonné l'ennemi pour
l'éloigner et il nous a canonnés. Il occupait la route avec assez
de forces pour qu'il fût difficile de l'en chasser.
« En même temps une tête de colonne s'est montrée sur la
route de Doulevant et nous a canonnés, tandis que la colonne de
cosaques qui avait tourné Montier-en-Der, s'est placée entre mon
arrière-garde et moi et s'est montrée sur le village d'Anglus.
Dans cette situation, il m'a paru urgent de hAter la marche de
l'artillerie et de lui faire prendre le chemin de traverse de Mor-
villiers sur lequel, à cause des bois, l'ennemi ne peut avoir d'ac-
lion. Par suite, les troupes sont arrivées ou arrivent ici, et Tarlil-
lerie qui est encore derrière m'aura rejoint avant le jour, malgré
les mauvais chemins. »
Heureusement pour la réputation de Marmont, cette défaillance
n'était que momentanée, et le maréchal devait, 36 heures plus
— 446 —
lard, uionlrer dîiiis le brillant conibal qu'il allait livrer sur la
Voire à Rosnay contre les Bavarois de Wrèdc, qu'il n'avait rien
perdu de l'énergie et de l'habileté dont il avait donné t;inl de
l)reuves.
Positions du VI* corps. — Avant d'aborder des sujets plus
importants, et pour en finir avec les quelques mouvements que
les troupes avancées du VI^ corps exécutèrent dans le reste de la
journée, il nous suffira de dire que vers le soir, on rappela sur
Vassy la brigade d'infanterie du 2« corps russe qui avait dé[)assé
cette ville et que l'on dirigea sur Giffaumont la cavaleries du géné-
ral Rûdinger chargée de surveiller le terrain entre la Voire et la
Marne.
York de son coté, pour se conformer aux ordres qu'il avait
reçus, s'était résigné à rappeler le major von Schierstiidt et ;i
faire revenir le major von Gràvenitz, des hussards de Mecklem-
bourg, qui, poursuivant l'ennemi depuis la veillé, avait ramassé
au delà d'Éclaron quelques fourgons de munitions et quelques
voitures chargées de bagages et de vivres.
Wrède prend sur lui de se diriger de Nomécourt vers
Soulaines. — « Arrivé à Nomécourt à 9 heures du malin (ainsi
s'exprime le prince de La Tour et Taxis dans son Journal *j,
Wrède y apprend que l'avant-garde du VI® corps a occupé Vassy
et qu'il n'y a, pour ainsi dire, plus de troupes ennemies du cote
de Sainl-Dizier. » On savait donc désormais que Napoléon allait
contre Bliicher avec le gros de ses forces et l'on en conclut que
pour aider le feld-maréchal, le mieux consistait pour le V« corps
à marcher dans la direction même suivie par les Français.
Wrède aurait voulu décider Wittgenstein i\ opérer de concert
avec lui ; mais ce général s'entètant à rester ù Vassy, force fut à
Wrède de se s^'parer du VI« corps et de se diriger à gauche vei*s
Dommartin-le-Saint-Père.
L'avant-garde bavaroise découvre l'ennemi au bivouac * près
de Soulaines et l'oblige h rentrer dans le bois. Wrède s'installe à
* Juunial du major prince de La Tour et Taxis (maiiudcrit). (A'. A'. Krie^fs
Arehiv , Xni. ai.)
* 11 s'uKÏt là des Iruujics de .>]ariiiu(it.
- 44? -
Douievaiil ol « c'est par hasard qu'il apprend, à une heure asMv/
avancée de la soirée, par sa cîivalerie qu'il a poussée en avant,
qu'il se trouve relié et (pi'il communique avec le IV«^ corps,
prince royal de Wurtemberg*. »
Le récit du prince de Taxis résume parfaitement la situation.
Mais la résolution prise par Wrèdc à ce moment (îst trop grave
et elle exerça sur les événements du lendemain une trop grande»
influence pour qu'il soit |)Ossibl(î de se contenter de ce résumé,
(juelque clair et quelque exact qu'il soit, sans examiner la situa-
tion en détail à l'aide des documents officiels qui existent aux
Archives impériales et royales de la guerre à Vienne.
Instruit à l'école de Napoléon sous les ordres duquel il avait
combattu, Wrède avait su jirotiter des leçons du maît^^ Il lu'
craignait pas la responsabilité et il joignait h un don naturel, W.
coup d'œil, deux qualités rares chez les généraux alliés, l'initia-
tive et la décision. Les nouvelles qu'il avait reçues à Noméc<»url
avaient suffi pour lui prouver que Wiltgenslein n'avait plus
besoin de lui, qu'il n'y avait plus rien à faire du coté de Vassy
pour deux corps d'armée soutenus, en outre, par celui d'York. II
en résulta que, alors qu'au quartier général on le croyait toujours
entre Montier-en-Der et Vassy, alors qu'on hésitait sur la desti-
nation qu'il convenait de lui donner, alors que Schwarzenberg se
proposait, dans les dispositions qu'il rédigea dans l'après-midi
du 31 et que Wrède n'avait pas encore pu recevoir, de le faire
venir à Montier-en-Der, le général bavarois s'était déjà porté par
le chemin le plus court vers l'aile gauche française. Arrivé à
Doulevant, il écrivit le 31 dans l'après-midi à Schwarzenberg la
lettre curieuse que l'on va lire * :
Lettre de Wrède à Schwarzenberg. — « Le général comte
Wittgenslein m'a fait savoir aujourd'hui seulement à mon arrivée
à Nomécourt, qu'il avait pris Vassy pendant la nuit.
« Il n'a donc plus besoin de moi.
« Je me suis par suite décidé h changer la direction que j'avais
assignée î\ toutes mes colonnes, et c'est ainsi que le général de
* Tagebucli des Majurs Fiirsten Taxis. (A'. K. Kriegg Archiv. , Xili, 32.)
- Le gciK'rnl de cavalerie comte Wrède au prince de Si*!i\NarzeuJ)crg, Douio-
\aiit, 31 janvier. {ibUl., I, 7<J9.)
- 448 -
caviiloric baron Kriiiionl est avec le gros de son corps à Doniniar-
lin-le-Franc et i)oniniartiii-le-Saint-Père, le feldniaréchal lieute-
nant comte Antoine Hardegg avec l'avant-garde de Frinioiit à
Soninievoire, d'où il a envoyé de gros partis dans la direction de
Montier-en-Der. Le général de division de Lamotle a une de ses
brigades à Blumerey et l'autre à Nully : son avant-garde est h
Treniilly poussant vers Soulaines, el pour couvrir sa gauche il a,
en outre, fait occuper Thil. Le général de division comte Kechberg
apj)uie la droite de sa division à Doulevant où j*ai mis mon quar-
tier général ; sa gauche est à Beurville d'où il se reliera avec
l'aile droite du IV» corps.
« L'ennemi qui était hier ici, s'est porté par Blumerey, Nully
el Soulaines vers Brienne où mène une excellente route très pra-
ticable pour rarlillerie. L'artillerie peut également suivre de
Vassy par Voille-le-Comte une bonne roule qui conduit à
Monlier-en-Der.
« Je crois que si Votre Altesse est décidée à attaquer l'ennemi
à Brienne, je devrai marcher par Blumerey et Soulaines, et le
(!omte Wittgenstein, de Vassy à Montier-en-Der. Tous deux nous
aurons à accélérer notre marche. Quant au feld-maréchal Blù-
cher, il ferait bien d'attendre pour pousser en avant de Dienville,
(|ue je sois arrivé aux environs de Dienville, tandis que le comtcî
Wittgenstein hûlerail son mouvement de façon îi atteindre au
môme moin(int Maizières. Si le général York est arrivé aujour-
d'hui jusque vers Vassy, il sera à même d'inquiéter sérieusement,
par Huiron, Corbeil (ît Donnement, la retraite de l'ennemi, bien
(|u*il ne lui soit, en aucun cas, possible d'amener sur ce point
autre chose que son avant-garde.
« Si, comme cela me paraît fort probable, reiuiemi passe
l'Aube à Brienne ou à Lesmont pour se diriger sur Troyes, York
pourrait, conmie le feldzeugmeister Colloredo doit vraisembla-
blement être du coté de Vendeuvre, marcher sur Arcis, pendant
que les autres colonnes de l'aile droite suivraient l'ennemi.
« Sans nous exposer à mourir de faim, il nous est impossible
de demeurer sur nos positions actuelles. Je pense donc que nous
devons chercher à gagner du terrain le plus vite possible el j'at-
tends avec impatience les décisions de Votre Altesse.
« Si. ce qui est admissible, l'ennemi s'est borné hier à esquis-
ser nn(» sim|)le démonslration devant le feld-maréchal Blùcher el
— 449 -
s*il a fuit Jiler son gros par Lesmonl sur Troyes, il ne nous res-
tera qu'à accélérer plus encore noire mouvement. »
Quelques heures plus tard, pendant le temps qui s'écoula entre
le départ de la réponse de Schwarzenberg (»t son arrivée au quar-
tier général du V« corps à Doulevant, Wrède plus convaincu que
jamais de la gravité de la situation et de l'urgence de faire mar-
cher ses troupes dans une direction qui leur permît dtî prendre
part à la lutte prochaine, avait, à l'annonce de l'évacuation de
Soulaines dans la soirée du 31, adrejssé à Schwar/enberg une
deuxième dépêche dans laquelle il lui faisait savoir '< qu'il se
porterait droit sur Brienne pour attaquer l'ennemi partout où il
le rencontrerait. »
Réponse et nouveaux ordres de Schwarzenberg. — Schwar-
zenberg répondit h la première des deux dépêches de Wrède
avec une promptitude d'autant plus importante à signaler qu'elle
constitue une exception h ses procédés ordinaires.
Celte réponse qui dut être expédiée de Chaumont dans la soirée
du 31, puisque mention y est faite des renseignements envoyés
par Blucher d'Arsonval dans la matinée, était conçue en ces
termes :
« Quartier général de Chaumont. — 31 janvier 1814. — La
dépèche que Votre Excellence m'a adressée de Doulevant en date
du 31 de ce mois, m'a causé une joie d'autant plus vive (jue vous
avez précisément devancé mes désirs*.
(( Le feld-maréchal Blucher m'a annoncé ce matin h 10 heures
que l'ennemi se portait contre lui. Je reçois en cet instant la nou-
velle qui, sans être officielle, paraît cependant digne de foi,
d'après laquelle ce mouvement n'aurait été qu'une simple rcîcon-
naissance à la suite de laquelle l'ennemi s'est replié. Je vous
répèle toutefois que le renseignement en question n'est pas tout
à fait officiel. Je maintiens donc pour celle raison la destination
que je vous ai donnée, avec celte différence néanmoins (jue vous
prendrez, en quittant vos positions actuelles, la route directe de
Brienne par Blumerey et Soulaines et que vous vous bornerez fi
envoyer une colonne peu considérable par Montier-en-Der, vu
i Le généralissime oublie, évidemment avec intention, que les ordres qu'il
avait lancés quelques heures auparavant, envoyaient Wrède à Montier-^n-Der.
Well. î29
— 450 —
que le général Wittgenstein ne peut prendre ce chemin. Ce géné-
ral continue, en eflel, à être désigné pour opérer contnî Vitry dt»
concert avec le général York, avec lequel il se rejoindra à Saint-
Dizier.
« J'invite Votre Excellence à me faire savoir demain à Bar-sur-
Aube si et h quelle heure vos troupes pourront, sans leur impo-
ser pour cela trop de fatigues, arriver ii Brienne. »
De ce qui préctîde, il résulte donc bien clairement que c*est à
Wrède seul qu'il convient d'attribuer le mérite d'un mouvement
qui devait avoir de si précieux effets pour les Alliés. On se borna
au quartier général h accepter l(i fait accompli et à im tirer parti,
sans même juger convenable, dans la dépêche qui? nous venons
de transcrire, d'indiquer au général commandant le V* corps, ci»
qui était cependant essentiel, ce qu'il allait avoir à sa gauche
et de lui faire connaître la direction donnée h son voisin, le
IV® corps.
Mouvement d'York vers Vitry. — Nous avons vu la cavale-
rie d'avant-garde du !<*"■ corps arriver avec le général Kalzlei' à
Vassy dès le malin du 31. Jusqu'à midi York attendit en vain un
ordre qui, sans danger, vu la distance encore considérabh? à
laquelle se trouvaient les troupes de Macdonald, lui aurait enjoint
de pousser droit en avant de Yassy et de iMontier-en-Der, que
ses coureurs avaient déjà dépassé en compagnie des cosaques
d'ilowaïsky XII. Vers 2 heures de l'après-midi, n'ayant reçu
aucune instruction, ni de Bliicher, ni de Schwarzenberg, York,
ne pouvant faire autrement qu(î dcî se conformer aux dispositions
qu'il avait en main, rappela la cavalerie» qu'il avait poussée sur
la route de Brienne. Il prescrivit en même temps ' à Pirch II de
i « Le général-lieutenant von York au prince de Schwarzenberg :
« Ecrienne. 2 février 1814» il lieures du soir.
« ... D'après les ordres du feld- maréchal Bliicher, je devais marcher, lo
30 janvier, sur Saint-Dizier, et, le 31, sur Vitry. Je trouvai à Saint-Dizier
Tarrière-garde du maréchal Marinont. sous les ordres du général l^range. Je
l'attaquai, la chassai de Saint-Dizier, lui pris un canon et la poursuivis, piir
Vassy, jusqu'à Montier-en-Der.
« Le comte Wittgenstein arriva avec son corps à Vassy, le 31 au soir, et je
lui laissai dAs lors le soin de continuer la poursuite de l'ennemi, pour me con-
former de suite aux ordres qui m'enjoignaient de marcher sur Vitry.
a La nouvelle de la concentration de l'armée alliée à Bar-sur-Aube et le fait
-^ 481 -
coïiiiiienrcM' h; jour iiiônir avec le colonel Heiickel t|in chwail lui
servir d 'avant-garde, le mouvement sur Vilry, que le gros du
!•' corps devait exécuter le lendemain, afin d'assurer aux Alliés
la possfîssion d'une place forte, de priver Macdonald de ses com-
munications directes avec l'armée française et d'enlevïM* à TEm-
pereur un point d'appui « que, disait-il dans sa lettre du 3! jan-
vier à (îlarke, il est pour nous de la plus liante importance d'avoir
(ît de conserver *. »
L(» 31 janvi«»r, à 9 heures du soir, la cavalerie du général
Katzlcr n'avait pu, toutefois, arriver que jusqu'à Humbécourl,
Éclaron et Valcourt, tandis que la brigade du général von Pirch H
s'arrêtait vers 7 heures du soir îi ïhiéhiemont, couvertcî en avant
par le corps volant du colonel comte? Uenck(»l, établi à Karemonl.
L'inondation |)roduite par la crue de la Saulx et le mauvais état
des chemins avaient empêché cet officier de se porter en avant de
Sermaize par les routes qui longent la Saulx et l'avaient con-
traint h se servir de la chaussée de Vitry. Les quelques |)artis
qu'il avait poussés en avant de Vauclerc, avaient donné de ce
côté sur quelques compagnies d'infanterie et quelques escadrons
qui s'étaient presque aussitôt repliés sur Vitry, dont on évaluait,
à ce moment, la garnison h 1500 hommes environ et dont les
remparts n'étaient encore armés que de quelques pièces.
Henckel avait laissé au Buisson un escadron chargé de sur-
veiller les passages de TOrnain, près d(; Vilry-le-Bri\lé *.
Enfin, un petit détachement sous les ordres du major von
Kracht, couvrait la gauche de la brigade Pirch, du côté de la
Marne, à Norrois.
Les nouvelles, qu'York recevait depuis quelques jours des
patrouilles envoyées du côté de Chillons et vers TArgonne, lui
avaient signalé Thostilitc de plus en plus vive des populations. H
quV'lle se prëparuit à donner à rennemi une grande bataille, me firent penser
que mon devoir consistait à me rapprocher de ce point avec mon corps. Je
dirigeai donc sur Vitry aae brigade de mon corps ; cette brigade prit la route
de Vitry le 34, et je me disposais à suivre le comte Wittgenstein pour aUer
par Vassy à Brienne, lorsque je reçus de Votre Altesse Tordre d'attaquer Vitry
avec le concours du Vl° corps (général comte Wittgenstein). (A'. A'. Kriega
Archir., W, 29.)
1 Corregpondance lU' Napoléon, n° 21102.
^ lIiSNGKfiL. Erinnerunifcn mu nieinein LeOeu.
— 452 —
avait j)ar suite lancé de Saiiit-Dizier une proclamation * dans
laquelle il menaçait des peines les plus sévères quiconque sérail
pris les armes à la main, et prescrivait à ses officiers de redoubler
de précaution et d'ôtre d'autant plus vigilants qu'il avait, à ce
moment déjà, connaissance de la marche de Macdonald et de
Tarrivée imminente du maréchal à Châlons.
Nous avons dit plus haut que la division Brayer, du corps de
Macdonald, avait, en débouchant de Sedan, donné près de Mou-
zon contre la cavalerie du général Jussefovitch qui précédait, de
fort loin il est vrai, le corps du général comte de Saint-Priest en
nuirche vers les Ardennes et les places de la Moselle. Le général
Brayer, à la suite de cette rencontre, crut devoir se rejeter à
droite, sur Launoy-sur-Vence, et de là sur Rethel. Macdonald lui
envoya l'ordre de se porter par Vouziers et Autry sur Sainle-
Menehould où cette division devait être rendue le 30 et occuper
l(i poste des Isletles. Le général Molilor allait suivre le même iti-
néraire un peu plus tard. Enfin, Sébastian! et le duc de Padouc
recevaient, le 29 au matin. Tordre d'arriver à Sainte-Menehould
le 31 au plus tard.
Quelques heures plus tard, dans la journée du 29, le duc de
Tarente modifia ses ordres, après avoir reçu à Rethel, à 3 heures
de l'après-midi, la dépêche du major-général partie de Saint-
• «< Le général York aux Français :
«< C'est avec bien du regret que je viens d'apprendre ia mauvaise conduite de
quelques paysans dans le voisinage de la ville de Saint-Dizier, qui, excités par
de perfides conseils, se sont avisés de faire feu sur mes troupes. La nation
française connaît trop bien les principes de Tbonneur et de la probité pour ne
pas èlre indignée d'une semblable trahison, qui ferait souffrir finnocent avec
le (coupable. Je veux pardonner pour cette fois à des gens égarés, mais je pré-
viens les habitants de toutes les villes ou villages où l'on commettra de sem-
blables excès quMls seront forcés de me livrer les coupables et leurs instigateurs,
sous peine de voir incendier leurs habitations, d'après les ordres reçus du gé-
néral en chef, le prince de Schwarzenberg.
« Je préviens également que tout homme qui sera pris les armes à la main
sans uniforme ou sans être enrégimenté, sera jugé et puni comme brigand.
u J'ai donné des ordres très sévères pour le maintien du bon ordre et de la
discipline, et j'invite tous les habitants à rentrer avec confiance dans leurs
niaison*i. Ils peuvent être persuadés que leurs personnes et leurs propriétés
sei*unt respeclées, promettant de rendre justice à tous ceux qui me porteront
des plaintes fondées.
« A Saiut-Dizier, le 3i janvier i8ii. »
- 4S3 -
Dizi^r, \o 28 h 9 houros du matin*, ol proscrivit h sos différonles
colonnes, à l'exception de celles de Sébastiani et du duc de Pa-
doue, qui ne pouvaient arriver que le i»" février, d'être rendues
à Chî\lons-sur-Marne le 31 janvier, en prenant de Vouziers par
Suippes. Il n'en est |)as moins permis de se demander pourquoi,
au lieu de perdre trois jours apr^s l'escarmouche de Mouzon, lo
duc de Tarenle ne chercha pas à forcer le passage h Mouzon, h
chasser devant lui la cavalerie russe, et ne profita pas de ce
temps d'arrôt pour concentrer sa petite armée que rien ne l'obli-
geait à faire marcher par échelons.
Il semble, du reste, que la discipline s'était relâchée d'une ma-
nière déplorable pendant les marches continuelles que les troupes
de Macdonald exécutaient depuis un mois. Les plaintes que le
vieux maréchal Kellermann * adressait au sujet du pillage d'un
convoi, donnent une idée assez triste de l'état dans lequel se trou-
vait cette petite armée.
Arrivé le 31 à Châlons, comme il l'avait annoncé au major-
général, après avoir passé de sa personne par Reims, Macdonald
poussa aussitôt la cavalerie d'Exelmans sur les routes de Vitry,
de Bar-le-Duc et de Sainte-Menehonld jusqu'il Saint-Germain-Ia-
i Major-général à Macdonald : « Saint-Dizier, 28 janvier, 9 lieares du ma-
tin (reçu le 29/1 à Rethel). — L'Empereur, ayant appris que Bluchcr, avec
25,000 hommes, était sur Brienne, est parti aujourd'hui 28 de Saint-Dizier
pour l'attaquer. U est à désirer que vous vous concentriez le plus tôt possible
à Châlons, et, aussitôt votre arrivée à Chàlons, envoyez des partis sur Arcis
et Brienne, afin de balayer le pays, pouvoir communiquer et recevoir des
ordres, suivant les circonstances. » (Registres de Berthier.)
' Duc de Valmy au major-général : «< Châlons, 29 janvier. — Un convoi
considérable de vin, eau «de-vie, chemises, draps, charpie, pansements, toile et
sac^ envoyé de Mézières à Charlemont, a été enlevé et pillé par les troupes du
duc de Tarente : les pièces de vin et d'eau-dc-vie percées à coups de fusil, les
voitures brisées, les paysans maltraités. C'est une perte irréparable, tant par
sa valeur que par sa nature et l'impossibilité de la remplacer. Les troupes do
ce corps se conduisent abominablement, et les malheureux habitants n'ont pas
à craindre de plus mauvais traitements de la part de l'ennemi. Les voitures
sont enlevées de force, ainsi que les chevaux ; les voittiriers sont obligée de
marcher quarante à cinquante lieues sans être relevés, sans autre salaire que
des injures et des coups. Tout transport pour la nourriture même de l'armée va
devenir impossible^ et le peu d'esprit public qui reste va s'aliéner par de sem-
blables excès, et disparaître. )>
Dans un autre rapport, Kellermann demande, puisque Macdonald vient à
Châlons, a être envoyé ailleurs; il est plus ancien maréchal que lui, ne peut
servir sous ses ordres et n'a, par suite, plus rien a faire à Cliâlons«
- 484 —
Ville, V(^sigiieul-sur-Mîirn(;, Marson ol Nolre-DHnHvdo-rfipinc,
pour (éclairer toute celte partie do la rive droite de la Marne. Il
laissait momontan('imeiit les généraux Molitor et Brayer dans les
cantonnements que leurs divisions venaient d'occuper.
Ces mouvements de cavalerie étaient, du reste, d'autant plus
nécessaires que l'Empereur commençait fi avoir des craintes
sérieuses pour Vitry et qu'il avait, de Brienne, le 31 janvier, a
8 heures du matin, chargé le major-général de ))rescrire au ma-
réchal de marcher au secours de Vitry, si cela était nécessaire.
Position des III** et IV^' corps et de Barclay. — Mouve-
ment de CoUoredo sur Bar-sur-Seine. — Pondant toute la ma-
tinée du 31, les III« et IV» corps étaient restés presque immobiles.
Les Wurtembergeois continuaient h occuper, en arrière de la
droite de Sacken, Maisons et Fresnay. Gyulay s'était rapproché
de la gauche de Bliicher, en quittant Bar-sur-Aube pour venir h
Arsonval et Bossancourt, tandis que Barclay de Tolly transférait
son quartier général de Chaumont à Colombey-les-Deux-Églis(»s
et que les réserves et les gardes russes et prussiennes, placées sous
ses ordres immédiats, se massaient entre Colombey et Bar-sur-
Aube, où les 2® et 3« divisions de cuirassiers arrivaient encore dans
le courant de la journée.
A gauche, Golloredo avait laissé la 2« division légère (prince
Maurice Liechtenstein) à Fouchères, la divifJon du comte Ignace
Hardegg à Chaource, et était arrivé, avec une partie de sa co-
lonne h Bar-sur-Seine. Ses grenadiers occupaient Ville-sur-Arce
et Buxières. Bianchi était un peu plus en arrière à Polisy, Neu-
ville-sur-Seine et Courteron; mais Xostitz avec ses cuirassiers
n'était encore qu'aux Riceys. Le feldzeugmeister occupait ces
différents points lorsqu'il reçut le deuxième ordre du 31, par
lequel Schwarzenberg lui prescrivait « de se porter immédiate-
ment sur Vendeuvre, afin de pouvoir de Ifi, agir contre la droite
de l'ennemi. »
Thnrn donne avis du départ de Mortier de Troyes pour
Arcis. -- Attaques infructueuses de Platoff sur Sens. —
Krifin, avant d'(»\anïiner les dispositions que Schwai7,enberg allait
prendre en vue de la bataille du lendemain, il nous reste h parler
du lieutenant-(*olonel Thnrn . qui opérait à gauche de Golloredo.
- 455 —
Le li<nitenanl-coloiiol, se dirigeant à ce niomout vers Sens, taisait
savoir de Saint-Phal le 31, h 7 heures du soir, que Mortier avait
(|uitté Troyes * le 30 avec la fçarde impériale, que le maréchal
avait pris la route d'Arcis-sur-Aube et n'avait laissé à Troyes que
quelqu(»s troupes (l'infanterie, cpielques escadrons de la garde et
21 canons*.
PlalotV avait renouvelé sans plus de succès que la veille si's
attaques contre Sens. Il avait éjçalement fait le 31 une démon-
stration infructueuse contre Pont-sur- Yonne. Ses counnirs avant
poussé jusqu'à Scîrgines, sur la route de Sens à Hray, Pajol.
craignant de voir les cosaques se jeter entre Nantis et Provins,
avait ordonné au général du (]octlosquet de venir, de Montereau,
rejoindre le général Montbrun h Pont-sur-Yonne h» l»»" févri(»r,
de manière à soutenir Sens (»t i\ couvrir les communications d(»
Pont-sur-Yonne ?i Brav.
* Thurn ne pouvait pas savoir à co moment que le maréolial Mortier ôtail
on route d'Arris-sur-Aube à Troyes, où il allait rentrer avec tout son monde,
le 31 au soir. Mortier se proposait alors, — sa dép/K:lie de Troyes, du 31, au
major général en fait foi. — de pousser le lendemain des redonna isitaucss. d'un
rôU* sur (ihaource, de l'autre sur Vendeuvre. Il comptait se porter, ave<! le
jçros de ses forces, sur ce dernier point, si l'Empereur entreprenait un mouve-
ment sur Bar-sur-Aube.
' Thurn à Schwarzenberg, Saint-Phal, 31 janvier. 7 heures du soir. (AT. K,
KriegM Archiv., I, 705.)
S'il restait un doute sur l'ignorance dans laquelle Mortier demeura du 28 an
30 et sur l'importance qu'eut la prise du colonel Bénardi dont nous avons
parlé en détail plus haut, il suffira de prendre connaissance de la dép(V:he que
le duc de Trévise adressait au major-général. d'Arcis-sur-Aube. le 31 janvier
à dix heures du matin :
u Monseigneur, j ai Thonneur de vous adresser le duplicata de la lettre que
je vous écrivis hier soir. N'ayant reçu de Votre Altesse Sérénissime aucunes
nouvelles, je me trouve extrémemeni emliarrassé.
« Si, comme on l'assure, l'Empereur marche sur Bar-sur-Aube, il me semble
indispensable que je me porte sur Vendeuvre. Votre Altesse peut juger combien,
dans cette incertitude, ma position doit être embarrassante, et je la prie de
vouloir bien me faire passer des instructions sur la marche que je dois tenir.
M P. S. — Il est probable que mes dépèches à Votre Altesse et celles que
Votre Altesse me fit Thonneur de m'adresser ont été interceptées : il n'est pas
à présumer que, sans cette circonstance, je me trouverais sans ordres. « (Ar-
chivée de la guerre. )
11 est bon de faire remarquer que Mortier ne connut vaguement les projets
de l'Empereur que par une lettre que Bordesoullc lui écrivit, le 29 au soir,
d'Arcis-sur-Aul)e. (Voir ArrhireM de la guerre. Lettre de BordesouUe au major-
gén^tral.)
— 456 —
Disposition générale de Schwarzenberg pour le 1^^ f^.
vrier. — Le 31 janvier, Schwarzenberg, ayant arr^^té ses dispo-
sitions pour la journée du lendemain, avait envoyé vers le soir, à
ses lieutenants des ordres qui présentent plus d'une particu-
larité :
« Disposition générale pour le \^^ février 1814.
« Son Excellence le feld-maréchal Blûclier marchera sur
Brienne et attaquera ce point, d'après les dispositions qu il jugera
convenable de prendre, de concert avec les III® et IV® corps de
la grande armée, placés sous ses ordres pour la journée du
l^r février.
« Les grenadiers et les cuirassiers russes occuperont dès le
matin les positions actuelles du feld-maréchal h Trannes.
« Une division de la garde russe s'établira en avant de Bar-
sur-Aube, h Ailleville; le reste de cette garde, h Fresnay, afin de
pouvoir do là se porter, soit sur Brienne, pour appuyer le feld-
maréchal, soit sur Montier-en-Dor, pour soutenir les V« et
. VI* corps.
« Le V« corps marchera sur Montier-en-Der; le VI® sur Saint-
Dizier d'où ce dernier corps devra, en tenant compte des événe-
ments, manœuvrer de concert avec le général-lieutenant von
York contre Vitry.
« Le pf corps occupe Vendeuvre et enverra des reconnais-
sances dans la direction de Troyes.
« Tous les rapports devront m'être adressés demain h Bar-sur-
Aube et, dans le cas où j(î n'y serais pas encore arrivé, à Colom-
bey où sera mon quartier général.
« Le feld-maréchal Blùcher est invité à m'v envover de ses
nouvelles.
« Si l'attaque contre Brienne réussit, larmée du feld-maréchal
ron Blilcher se dirigera vers Vitry. Le IV® corps occupera
Brienne, et le III®, Dienville.
« Au quartier général de Chaumont. 31 janvier 1814. »
Nous ne reviendrons pas ici sur la destination primitive don-
née, comme on le voit, au V® corps et nous nous contenterons de
rappeler que Schwarzenberg se rendant aux observations di»
Wrède. l'autorisa par un second ordre à se porter, par Soul«iint»s.
conln» la gauche dis Fn^nçais. Mais il nous jiaraît impossible de
— 457 —
ne pas rolnver corlainos anomalies qui doivent frapper tous ceux
qui liront quelque peu attentivement cet ordre.
C'est ainsi que, si les corps du prince royal de Wurtemberg et
de Gyulay sont mis îi la disposition de Blucher, auquel Scliwar-
zenberg abandonne en somme complètement la direction d(»s
opérations pendant la journ^^e du lendemain, les grenadiers et
les cuirassiers russes, qu'on envoie le relever à Trannes et qui
constituent par suite ses soutiens immédiats et ses réserves,
semblent rester sous les ordres de Barclay de ToUy.
On doit également s'étonner de voir Schwarzenberg placer une
division de la garde russe îi Ailleville, d'où elle est hors d'état de
pouvoir soit se porter en avant pour soutenir le III® corps du
côté de Dienville, soit remplacer les réser\'es (grenadiers) postées
îi Trannes dans le cas où elles viendraient h être employées par
Blucher. Mais ce qui est plus surprenant et plus caractéristique
encore, c'est, qu'après avoir affecté spécialement et exclusivement
les deux corps d'York et de Wittgenstein aux opérations contre
Vitry, alors que Schwarzenberg savait que Macdonald n'était pas
entré en ligne et que ce maréchal ne disposait guère de plus de
10,000 hommes, il ait jugé à propos d'immobiliser a Fresnay
deux divisions des gardes russes, afin de pouvoir les porter de Ih
soit sur Brienne, soit sur Monlier-en-Der. Enfin, la dernière partie
de l'ordre général, celle qui dirige après la bataille Blucher sur
Vitrj , mérite d'autant plus d'être signalée que l'on pourrait, peut-
élre bien sans se tromper, y découvrir la première trace, la pre-
mière manifestation des tendances qui amèneront deux jours plus
tard la séparation des deux armées alliées, cette séparation si
justement critiquée, mais devenue nécessaire en raison même des
divergences d'opinion de plus en plus profondes qui séparent les
généraux en chef.
Ordre particulier de Barclay aux gardes et réserves. —
Après avoir fait ressortir la bizarrerie des positions attribuées
aux gardes et réserves, il faut encore ajouter que Barclay de
Tolly, qui conser\'ai! même pendant la journée du i**" février la
direction de ses troupes, avait jugé îi propos de modifier l'ordre
du généralissime. En effet, dans l'ordre particulier qu'il adressa
de Colombey-les-Deux-Églises, le 31 au soir, à ses généraux, il
|)0slait ÎI Ailleville. non pas une seule des divisions de la garde.
— 458 —
«
mais Ifts deux divisions, avec les brigadtîs d'infanterie et de cava-
lerie de la garde prussienne et la division de cavalerie légère de
la garde russe, et leur prescrivait en même temps d'être rendues
à quatre heures de l'après-midi sur la position de Trannes.
!•'' février. — Ordres de Blûcher. — Enfin, et bien que
l'ordre de Bliicher soit daté de Trannes le /«•' février, il est im-
possible d'examiner la situation générale des deux armées avant
la bataille sans se rendre préalablcniienl compte des m(»sures
prescrites par le feld-maréchal :
« A midi, le corps de Sackon, centre de l'armée alliée, se por-
tera en deux colonnes contre La Rothière: la !•'« colonne (Liewen)
par la route qui mène de Trannes h La Rothière; la 2« (Stscher-
batotf) en prenant ù droite de la V^, aussitôt après avoir débou-
ché de la position et en passant entre Trannes et la lisière du
bois de Beaulieu, Le général ûlsufieff suivra la 2« colonne à
laquelle il servira de soutien, et la cavalerie de Wassiltchikofï
dépassera l'infanterie, dès qu'on sera arrivé dans la plaine, pour
couvrir et faciliter son déploiement.
« Le III« corps (Gyulay), gauche de la ligne de bataille (de
Blucher), appuyera le mouvement de la l^e colonne et se portera
sur DiiMivilIe. Les deux divisions de grenadiers russes et les deux
divisions de cuirassiers (2« et 3^ divisions) s(î posteront en réserve
entre le village et les hauteurs boisées de Trannes. Le IV* corps.
princ(» royal de Wurtemberg, aile droite» (de Hlucher), quittera
ft(;lance à midi, laissant à sa gauche le bois d(^ Beaulieu. en débus-
((uera l'ennemi qui l'occupts marchera sur Chaumesnil et cher-
chera î'i se relier à droite» avec le corps de Wrède (extrême droite
du front de combat). »
Blûcher prévenait, en outre, ses généraux qu'il se tiendrait de
sa personne sur les hauteurs de Trannes.
Résumé des positions des Alliés. — Effectifs des armées
alliées et de Tarmèe française. — Pour résumer la situation
du côté des alliés, Blûcher * a ordre de se porter de Trannes
(contre La Rothière. centre des positions françaises. On lui a attri-
* Kurzgefasste Darstellung der Kriegsereignisse der srhicsisrhen Armw. {K.
K. Kriegx Archir., I, 31.)
— 459 —
biu' à ('(^l (îtVet les I1I« ot IV* corps. Lo premier de ees deux
corps doit couvrir sa gauche du côté de l'Aube el chasser la
droite de l'Empereur de Dicuiville; le IV* corps se portera h droitt»
sur La Giberie pour facililer la prise d(^ La Rolhi^re et permettre
à Wrède d(> dc^boucher des bois de Soulaines *.
L'effectif total des troupes alliées sYlevait par consf^queiit entre
78.000 et 80,000 hommes * avec 200 bouches à fou, savoir : l'ar-
mée de Silésie 27.000, le III* corps 12,000, le IV« 14.000, le V**
26,000, soutenus par les réserves russes el prussiennes qui au-
raient pu amener en ligne environ 34,000 hommes. Mais commet
une faible partie seulement <les réserves el des gardes (la 2« divi-
sion de grenadiers) prit part au combat, on ne saurait être taxé
d'exagération en évaluant à 85,000 hommes l'effectif total des
troupes alliées qui donnèrent à La Rothière.
Aux masses des Alliés, dont la supériorité numérique eût pu
être plus écrasante encore, si Schwarzenberg eût dirigé vers
Brienne les 12.000 hommes du VI« corps (Wittgenstein) el dis-
posé les réserves de façon que h^s 25,000 hommes qui assis-
tèrent de loin h la lutte, eussent pu y prendre part; si, au liei»
d'arrêter Colloredo, il lui eût prescrit de continuer sa nuirche
avec ses 27,000 hommes, et si, d'autre part, on eût laissé York se
rabattre sur Brienne avec les 15,000 hommes du I®»" corps prus-
sien, à ces masses déjà considérables. Napoléon allait pouvoir
opposer en tout un peu plus d'une quarantaine de mille hommes.
Ni Mortier ni Macdonald ne se trouvaient h ce moment à sa por-
tée, et il ne disposait pour la journée du l**" février que des corps
de Gérard (8,337 hommes), Victor (17,300 hommes), Marmont
(8,200 hommes) et Ney (11,300 hommes), soit un total de 45.137
hommes, avec 128 bouches à feu *.
1 Lorsque le lll'' corps se porta sar Dienville dans le conrant de la journée
du l'^*' février, il se relia, par des cosaques et quelques escadrons de cavalerie
autrichienne, à la colonne de gauche de Sacken, et, à droite de la deuxième
colonne de Sacken, les cosaques de KarpofT U et le corps de Biron assurt^rcnt
la liaison entre cette colonne et les Wurtembergeois.
^ 79,28i hommes d*après Schels et les situations des K, K. kriegs Archir.,
avec iOO boucties à feu, dont 150 seulement purent, à cause de Tétat du ter-
rain, ^tre mises en ligne.
' Situation le f' février an matin. (Arelùret de la guerre,)
— 460 -
Position des Français. — Lettre de TEmpereur à Clarke.
— Quant h la position qu'occupait Tarmée française * , elle esl
exposée à grands traits dans la dépêche que l'Empereur adressai!
de Brienne, le 31 janvier au soir, au Ministre de la guerre * :
« Voici les dispositions de la journée. Le général de La Hame-
linaye a 4,000 hommes h Troyes et 12 pi(»ces de canon Lv
duc de Trévise est arrivé ce soir îi 6 heures à Troyes. J'ai ordonné
que le général de France, avec 1200 hommes des gardes d'hon-
neur, et le général Maurin, avec 600 hommes de la division Borde-
soulle et 4 pièces d'artillerie légère, se rendissent à Piney. Le duc
de Trévise aura donc dans la main la vieille garde (1S,000
hommes) et le général Gérard avec la division La Hamelinaye
(12,000 hommes).
« Je désire avoir une route d'Arcis-sur-Aube h Paris,
laquelle ne passe pas l'Aube : or, la roule de Nogent passe
l'Aube. Je désire qu'il y en ait une qui d'Arcis aille à Sézanne et
de lîi h La Ferté-sous-Jouarre par ChAteau-Thierry. Faites recon-
naître les routes par des ingénieurs géographes et envoyez des
ingénieurs des ponts et chaussées préparer les ponts et améliorer
cette route le plus qu'il sera possible
« Pour vous compléter la position de l'armée, je dois vous dire
que la division Ricard occupe Dienville. Le duc de Bellune est en
* Le 31 janvier, à 7 heures du soir, Victor, dont le quartier général était
à Petit-Mesnil et qui, en présence du déploiement de forces considérables entre
Trannes et Eclance, avait, avec juste raison, cru imprudent de tenter dans
l'après-midi une reconnaissance offensive contre le plateau de Trannes, s'était
contenté de placer sa l***^ division à une portée de canon des lignes des Alliés,
sur la lisière des bois de Beaulieu et de La Rothière, an débouché du principal
chemin qui menait d*Eclance à La Giberie. Sa S*' division s'était reployée à nuit
close sur La Rothière avec la cavalerie légère. Les dragons occupaient La Gi-
berie, s'éclairant sur Eclance et Trannes. Ui position du 2^ corps n'était, en
somme, pas mauvaise; mais le maréchal informait toutefois le major-général
que, à cause de l'humidité des terres, il aurait beaucoup de peine à y conduire
du canon.
Quant à Ney, il devait, aux termes d'un ordre daté du 31 à neuf heures do
soir, mettre en bataille, dès la pointe du jour, les divisions t^ous ses ordres
avei! leur artillerie en avant de Brienne, en potence sur la route de Maizières.
Un peu plus avant dans la soirée, lorsque l'Empereur eut appris, par un
officier de la division Lagrange, la marche de Marmont de Soulaines sur
Brienne, il avait envoyé au duc de Raguse Tordre de venir s'établir entre
Brienne et Soulaines, de se concerter avec le duc de Bellune, et, comme il lui
était difficile de remuer la terre, d'améliorer sa |K>sition en la couvrant par des
abatis.
* Correipondance de Napnli^ou, n*^ 21162.
— 461 —
avant du village de La Rothière. Le duc de Raguse est à Soulaines.
J'ai mon avant-garde à Maizières et le reste de mes troupes est à
Brienne. J'ai sur TAube le pont de Dienville, celui de Brienne-la-
Vieille, celui de Lesmont et celui d*Arcis. Le duc de Tarenle
couvre Chàlons et Vitry, dont la possession nous assure un bon
pont sur la Marne et un point d'appui qu'il est de la plus haute
importance d'avoir.
c Le général Pajol doit toujours rester à Nogent ou à Monte-
reau pour s'occuper de la plus importante de ses fondions qui
est d'éclairer Paris contre toute espace de partis. »
L'Empereur, on le voit, apn^'s avoir changé, depuis son arrivée
il Brienne, sa ligne d'opérations, sans abandonner cependant
complètement Chàlons, et comme s'il avait prévu que Macdonald
ne parviendrait pas à s'y tenir, donne cependant déjii le 31 l'ordre
de n'y plus rien envoyer et de tout diriger sur Sézanne. Enfin,
comme s'il avait eu également, d(?s le 31 janvier, le pressentiment
de sa retraite sur Troyes et de sa marche ultérieure contre Blii-
cher, il songe déjfi à prendre plus tard sa ligne d'opérations par
Nogent.
Causes de rinaction de l'Empereur les 30 et 31 janvier.
— Sans vouloir entrer ici dans le vif d'une question que nous
aurons lieu d'examiner en détail lorsqu'il s'agira de déterminer
exactement les conséquences de la bataille de La Rothière, il est
cependant indispensable de chercher ii découvrir les motifs pour
lesquels l'Empereur, après être resté h peu près inactif pendant
les journées des 30 et 31, paraît s'être décidé en fin de compte à
soutenir le l^' février une lutte aussi disproportionnée.
Si l'on a justement reproché à l'Empereur d'avoir accepté la
bataille de La Rothière dans des conditions si inégales, et bien
qu'il soit possible de présenter des arguments et de fournir des
preuves qui atténuent singulièrement une faute qu'on doit s'éton-
ner de lui voir commettre, surtout parce qu'elle constitue une
violation flagrante des j)rincipes qu'il avait toujours préconisés
et appliqués, on peut, au contraire, trouver de nombreuses ex-
plications h son inaction pendant les journées des 30 et 31 jan-
vier.
Napoléon ne s'était pas un seul instant abusé sur les consé-
quences du combat du i29. Si les considérations politiques, si les
- 462 -
inlérôls dynastiques le décidèrent à risquer des opérations qu'il
eût vraisemblablement évitées sans cela, les espérances qu'il
pouvait et devait avoir comme souverain n'avaient cependant pas
porté atteinte à la clairvoyance du général.
Dans la nuit qui suivit le combat de Briennc il avait dicté à
Berthier une lettre dans laquelle il disait à Marmont :
« Il est probable que nous nous battrons demain », ri il
croyait si bien à une attaque; dirigée contre son armée dès le 30
par Bliicher et par les renforts qu'il s'attendait h lui voir r(»ce-
voir, qu'il prescrivait à ce maréchal de le rejoindre au plus
vite.
Cependant, l'attitude passive et expectanle de Bliicher aurait dû
donner h réfléchira l'Empereur, et il esl certain que l'immobilité
du feld-maréchal pendant les journées des 30 et 3i lui inspira de
la défiance. On ne saurait vouloir justifier l'inaction de Napoléon
et expliquer sa ))ersistance à maintenir sa petite armée entre
Briennc et La Kothière à l'aide des arguments donnés par Fain et
parKoch. L'un a prétendu qu'il ne dépendait pas de l'Empereur de
refuser la bataille et de se replier sur Troyes parce qu'il lui fallait
attendre que le pont de Lesmonl fût réparé. Le second affirme
que, croyant l'armée de Schwarzenberg sur la route d'Auxern;,
Napoléon resta en présence de l'armée de Silésic dans l'espoir de
l'entamer si elle venait à faire un mouvement, ou de la bien rece-
voir si elle prenait l'initiative de l'attaque. D'autres enfin, comme
Clausewitz, ont essayé de trouver le motif de cette inaction dans
le fait que rKmpertîur attendait Marmont et ne voulait continuer
l'oftensive qu'après son arrivée. Aucune de ces raisons ne parait
ni concluante ni même vraisemblable. D'abord, parce qu'ayant
battu Bliicher le 29 sans le concours de Marmont, il devait se
croire assez fort pour parachever sa défaite le lendemain rien
qu'avec les troupes dont il disposait. Ensuite, parce que s'il
favait voulu, il aurait pu, en attendant la réfection du pont de
Lesmont, pass(îr l'Aube au pont de lladonvilliers, h fouest de la
ville, ou, îi la rigu(mr, au pont de Dienville. Enfin, parce qu'en
supposant même tju'il ait cru un moment, ce qui est loin d'être
prouvé, Schwarzenberg avec le gros de ses forces sur la route
d"Au\(;rre, il était trop clairvoyant pour ne pas s'apercevoir que
l'immobilité de Bliicher n'avait d'autre cause déterminante cpic
la proximité des corps de la grande armée d(î Bohème. Il est évi-
— 463 —
dent, en revanche, que rEnipcTenr avait été déru dans les calculs
qui lui avaient fait espérer arriver îi temps pour écraser Blûcher
avant sa jonction avec Schwarzcînberg. Dès le 30, l'Empereur ne
pouvait plus conserver de dout(»s ;i ce sujet : la jonction était faile
et n(î pouvait que lui devenir de plus en plus fatale s'il s'éterni-
sait sur une de ces positions centrales cjui, si (»ll(»s lui avai(»nl
donné la victoire à Dresde, lui avaient valu le désastre de Leip-
zig. Napoléon connaissait mieux que personne les avantages
comme les dangers des lignes intérieures. Mieux que personne, il
savait qu'elles ne servent que gnlce à la rapidité d(;s mouvements,
(pi'elles sont, au contraire, dangereuses dès qu'on reste immo-
bile, et que, connne l'a si justement dit l'ancien élève de l'École
polytechnique A. G., elles sont des positions d'attente et d'obser-
vation et non des positions de combat.
C'est parce que cette position centrale lui permettait d(» se
porter, soit sur Chàlons, soit sur Troyes, soit sur la Voire, (hi
côté de Rosnay, soit sur la Barse au pont de La Guillotière, que
l'Empereur s'était décidé, en attendant les événements, à y rester
pendant 48 h(»ures.bien qu'il n'eût nullement l'intention d'y com-
battre avec moins de 50,000 hommes contre les 150,000 que les
Alliés pouvaient jeter sur lui.
L'Empereur n'a pas voulu livrer la bataille de La Ro-
thiére. — Mais si l'Empereur avait de bonnes raisons pour es-
say(T de tirer, jusqu'au dernier moment, parti des avantages
inhérents aux lignes intérieures d'opérations, d'autres considéra-
tions d'un caractère tout différent, des considérations politiques
l'empêchaient de se replier au lendemain de l'avantage, quelque
léger qu'il ait pu être, qu'il venait de remporter contre HUicher.
C'étaient ces nécessités politiques qui, au moins autant que l'en-
semble de la situation militaire, l'avaient amené h prendre l'of-
fensive dès le 27. C'était cette offensive qu'il avait poussée avec
son énergie habituelle le 29 et qu'il aurait continué à pousser si.
dès le 30, il ne s'était pas rendu comi)te des dangers de sa posi-
tion, dangers que de nouveaux mouvements en avant n'auraient
fait qu'aggraver. Dans l'impossibilité de reculer, au moins immé-
diatement, il se décida à rester sur sa position. De c(îtte façon
seulement il pouvait tenir en respect ses adversaires, ranimer le
patriotisme des populations, faciliter la levée en masse, imposer
— 464 —
silence aux menées criminelles des ennemis qu'il avait à Tinlé-
rieur. On ne saurait donc lui faire un reproche d'être resté deux
jours devant la position de Blûcher ; car dès le 31 au soir, l'Em-
pereur avait bien compris qu'il lui était désormais impossible de
tomber sur Blucher. Il avait vu clair dans le jeu de ses adver-
saires et, comme il le fit sept semaines plus tard à Arcis-sur-Aube,
il pensait déjà à se replier le lendemain, puisque le 31 à 9 heures
du soir, il faisait écrire a Ney et h ses autres lieutenants : « On atten-
dra sur cette position des nouvelles de l'ennemi et tout se tiendra
prêt îï partir dans la direction qui sera donnée *. »
Enfin, il est certain que si l'Empereur avait eu l'intention de
combattre dans ces parages et surtout d'accepter la lutte, il aurait
choisi un champ de bataille moins désavantageux au point de vue
tactique et surtout plus en rapport avec l'effectif des forces dont
il disposait.
Description du champ de bataille de La Rothière. — La
plaine qui s'étend des hauteurs de Trannes jusque vers Rosnay et
Blignicourt a dans sa plus grande longueur un peu plus de 16
kilomètres et dans la direction de l'ouest îi Test un peu moins de
o kilomètres. Le terrain y est presque plat. Cette plaine est limitée
de tous côtés par des obstacles naturels : au sud, elle est bornée
))ar le plateau de Trannes qui s'étend jusqu'à l'Aube; à l'est, par
le bois de Beaulieu situé au nord-est du village de Trannes; à
l'ouest et en avant du plateau de Trannes, par l'Aube sur les bords
de laquelle la plaine s'étend depuis le plateau de Trannes jusque
versBrienne. Cette plaine, basse dans la plus grande partie de son
étendue, s'élève du côté de Perthes pour s'abaisser ensuite vers la
route de Bar; elle se relève ensuite à partir du coude de l'Aube,
en amont de Dienville, aux environs d'Unienville jusque vers
Trannes. Dominée, du côté de l'ouest, dans toute son étendue par
les hauteurs escarpées de la rive gauche de l'Aube, elle est limi-
tée au nord-ouest par une ligne de hauteurs qui, partant du parc
de Brienne, vont mourir sur les bords de la Voire. Le cours d'eau
qui la borne au nord, l'inonde généralement en hiver. A l'est, elle
a pour limiles les bois marécageux et presque impraticables de
* Berthier a Ney, Marmont, Oudinot, Drouoi et Victor, Brienne, 31 janvier,
y heures du ^oir. {Archives de la guerre,)
- 465 —
Viilleiitigny, l(îs bois d'Ajou et h; revers du phileau de Morvilliers
qui, couvert du coté de Test, vers Soulaines, sur son front et sur
ses lianes par des bois et des marécages et dominant toute» la
plaine, est la véritable clef de la position. C'c^st sur ce plateau de
Morvilliers que sont situées, dans la partie sud et à peu de distance
de la lisière nord du bois de Beaulieu, La Giberie, puis au ccnitre
Chaumesnil et enfin, plus au nord, Morvilliers.
La route de Bar-sur-Aube à Yitrv-le-Francois traverse c(;ll(^
plaine dans toute sa longueur presque en ligne droite et passe
par le village de La Rothién».
Ce champ de bataille était beaucoup trop étendu pour hîs forces
dont disposait TEmpereur. Même en considérant La Giberie comnuî
un poste avancé, les lignes françaises de Dienville par Petit-Mes-
nil, Chaumesnil et la ferme de Beauvoir jusqu'à Morvilliers, pré-
sentaient un développement total de près de 15 kilomètres. (]e
développement obligea TEmpereur à employeur la plus grande
partie; de sa cavalerie, sensiblement inférieure en nombre à celle;
des Alliés, à remplir les vastes espaces vides existant sur son front
entre les différentes positions qu'il dut faire occuper à ses corps,
lorsque, attaqué par Blûcher, il accepta le combat dans des condi-
tions si désavantageuses pour lui.
Napoléon se rend en personne à La Rothière. — Il envoie
à Ney Tordre de battre en retraite. — Pendant que les Alliés
exécutaient leurs mouvements préparatoires en arrière de la posi-
tion de Trannes et hors des vues des Français, pendant que la
neige obscurcissait encore l'horizon. Napoléon, qui avait à son
grand désappointement reçu ))endant la nuit l'avis par lequel
Marmont l'informait de l'évacuation de Soulaines et de sa marche
de nuit sur Morvilliers. s'éUiit dès le l®"* février au matin porté à
La Rothière. Alarmé par l'immobilité même des Alliés, pensant
qu'on allait ou l'attaquer ou se décider à se replier devant lui,
il avait tenu à se rendre compte par lui-même de l'état des choses.
L'impassibilité des troupes de Blïicher ne; larda pas à lui prou-
ver que ses espérances étaient déçues. Craignant dès lors que les
renseignements lui annonçant la marche de la grande armée sur
Brienne ne fussent erronés, il en vint à penser qu'on pouvait bien
avoir chargé Blùcher de tenir devant lui pour lui dissimuler les
mouvements de; Schwarzenberg et de former un rideau derrière
Well. 30
— 466 —
lequel les colonnes de la grande armée auraient déûlé à l'aise dans
la direction de Troyes. Croyant qu'on avait voulu l'arrêter pour
avoir le temps nécessaire de se jeter sur Mortier isolé à Troyes,
il donna dans la matinée, au gros de son armée, l'ordre do se
diriger par le pont de Lesmonl sur cette ville. Il mit immédiate-
ment en route pour Lesmont, sans parler des gardes d'honneur du
général de France, déjà postés sur la route de Lesmont h Piney,
les trois divisions de jeune garde des généraux Meunier, Decou/. *
et Rottembourg qui, sous les ordres du maréchal Ney, formaient
sa réserve et occupaient le 31 au soir Brienne-la-Vieille '.
Le Maréchal Victor et Grouchy signalent les premiers
mouvements des Alliés. — Reconnaissance faite par TEmpe-
reur. — Positions qu'il faut occuper. — Ney reçoit l'ordre
de revenir sur ses pas. — Le prince de La Moskova avait déjà
commencé son mouvement, lorsque vers midi, le général Grouchy
et le maréchal Victor firent savoir h l'Empereur qu'on remarquait
dans les lignes ennemies, sur les routes de Soulaincs à Brienne,
d'Eclance à La Giberie et de Trannes ix La Rothière, des mouve-
ments qui leur paraissaient révéler l'imminence d'une attaque.
L'Empereur monta immédiatement h cheval pour jeter, une fois
encore, un coup d'œil sur le terrain, et bien que l'ouragan de
neige l'eilt empêché d'apercevoir distinctement ce qui se passai!
sur la position des Alliés, il se rangea a l'opinion émise par Grou-
chy. Pendant qu'il envoyait à Ney l'ordre de revenir au plus vite
sur ses pas et de faire entrer immédiatement en ligne la division
Rottembourg, il établissait sa petite armée sur les positions sui-
vantes : Gérard, îi l'aile droite et s'appuyanl ii l'Aube, disposa ses
deux divisions formées en bataillons en masse, la division Dufour
en i^ ligne, la division Ricard en :2« ligne depuis l'Aube jusqu'à
La Rothière. Ces deux lignes étaient couvertes en avant par les
1 Le général Curial avait remplacé le général Decouz, grièvement blessé à
Brienne et qui mourut des suites de ses blessures.
^ Clausewiti, comnie nous l'avons fait remarquer plus haut, dit à ce propos,
dans son Aperçu de la campagne de 1814 : « Bonaparte semble avoir voulu
attendre Marmonl, qui n'arriva que le 31. De plus, comme, même le 1*^' février,
il attendit l'ai laque de Hliicher, il est permis de se demander si, à cette époque,
il rechenrhait et désirait eocoro la Imtaillo. »
— 467 —
huit oscadroiis de la l)ri^{i(le do cavahîrit* du jj;(''iirral Picqiu»! qui
s'étaient déployés et couvraient riiitorvallc existant entre la divi-
sion Dufour (»t La Rothière.
A La Rothière même, où commenrail le centre des li^nt^s fran-
raises, Victor avait posté un« des brigades de la division
Duhesme, tandis que Tautre brigade était massée en arrière du vil-
lage, h cheval sur la route de Brienne h Trannes. Deux bataillons
avaient été jetés dans chacun des villîiges de Petil-Mesnil et de
(ihaumesnil. Victor avait également fait occuper La Giberie par
des troupes de sa 2* division (Forestier) qui avait posté, en outre,
depuis la veille un bataillon dans le bois de Beaulieu. Quatre
bataillons déployés en tirailleurs gardaient la partie des hau-
teurs situées en arrière de ce bois, dans toute leur ét(»ndue com-
prise entre La Vénerie, les étangs du môme nom et l(»s sources du
ru de Froideau. Les divisions de cavalerie des généraux Pin»,
Briche et Lhéritier, sous les ordres directs de Grouchy, étaient
déployées sur deux lignes entre Petit-Mesnil et Chaumesnil.
Nansouty, avec les divisions de cavalerie de la garde des géné-
raux Lefebvre-Desnoëttes, Colbert et Guyol, se formait <»n ba-
taille, également sur deux lignes, h droite et en arrière^ de La
Rothière, s' étendant jusqu'à Petit-Mesnil et faisait prendre posi-
tion en avant de son front à son artillerie à cheval.
A Taile gauche, Marmont avec la division Lagrangc» occupait
Morvilliers et en avant de ce point le village de La Chaise, au
débouché du bois de Soulaines. La cavalerie de Doumerc était
déployée des deux côtés de la route de Brienne h Doulevant sur
le plateau de xMorvilliers, à la ferme de Beauvoir, face à La
Chaise.
Des trois divisions de la jeune garde, l'une, la division Rol-
tembourg, allait se déployer immédiatement en avant de Brienne-
la- Vieille, et les deux autres étaient encore en marche, des envi-
rons de Lesmont, sur la ferme de Beugné (située à mi-chemin
entre Brienne et Petit-Mesnil).
Le front de combat était manifestement, trop étendu : c'était à
peine si l'infanterie suffisait pour occuper les villages, leurs
abords et les points principaux de la ligne. La cavalerie tout
entière servaii à combler les vides de la ligne et de plus les
réserves, peu considérables d'ailleurs, puisque les trois divisions
de la jeune garde présentaient au plus un total de 10,000 combat-
— 468 —
laiïts, n'éUiienl pas disponibles au moment où la lutte allait s'en-
gager et devaient ensuite être h peine suffisantes pour soutenir
Kîs troupes postées à La Kothière et couvrir, en dernier lieu, la
retraite.
Les Alliés commencent leur mouvement à midi. -- La
matinée tout entière du i^^ février s'était écoulée sans incident.
A midi, au moment où l'empereur Alexandre, le roi de Prusse
accompagné de ses deux fils, le prince royal et le prince Guil-
laume de Prusse (celui qui d(»vait être plus tard Tempereur Guil-
laume), et le prin(;e de Schwai-zenberg rejoignaient Blucher sur
les hauteurs de Trannes, les différentes colonnes des armées
alliées précédées par la cavalerie chargée de couvrir leur déploie-
ment, venaient de s'ébranler dans les directions que leur avaient
assignées, d'abord la disposition de Schwarzenberg, puis les
ordres de Blucher et de Barclav de Tollv. Elles commençaient à
descendre vers la plaine où leur marche allait être sensiblement
retardée par la nature même du terrain gras et collant sur
lequel (»lles devaient se mouvoir. Les pluies des dernières jour-
nées avaient détrempé les cultures; creusant dans les chemins
de profondes ornières elles les avaient transformés en fondrières.
Enfin, la gelée, surveiuie tout à coup dans la nuit du 31 janvier
au l®"" février, avait recouvert toute la plaine d'une légère croûte
de glace <(ui rendait les mouvements d'autant plus lents et plus
pénibles qu(î cetl(; plaine avait été sillonnée en tous sens par le
passage des troupes, de l'artillerie (ît des convois, que le vent
soufflait fort et ([ue la neige n'avait ctîssé de tomber depuis le
matin.
11 était près d'une heure, lorsque la cavalerie alliée qui avait,
en s'avaneant lentement, couvert jusqu'à ce moment le déploic»-
nient des colonnes de Gvulav et surtout de Sacken. passa tout
entière en deuxième lignci, démasquant les tètes de colonne di»
rinfant(»rie et ik; laissant devant ellcî (|iie quelques éclaireurs.
Mais l'étal du terrain avait contrarié la marche des troupes (»t
compromis sérieusement les mouvements de l'artillerie. Le corps
Sacken se vit réduit à n'amener en ligne que la moitié de ses
bouches à feu et h laisser 36 de ses pièces sur les hauteurs de
Trannes. Encore le général Nikitin, qui commandait cette artil-
hîrie, avait-il dû pour cela faire» doubler les attelages dis pièces
— 469 —
(^t des cuissons. Suivant lu chaussée qui mène à Lu Rothière, il
poussa au trot jusqu'à portée de fusil des avant-postes français
(»l vint se mettre en batterie îi droite et il gauche de la route.
L'artillerie russe qui avaitMépassé dans ce mouvement les têtes
de colonne de Sacken, se trouvait complètement en l'air et sans
soutien ; mais le général en prenant a' parti (juelque peu aventu-
reux, n'avait pas agi à la légère. En raison même de l'état du
terrain, il importait d'éviter autant que possible les changements
de position et les mises en batterie successives, et, d'autre part,
il fallait se porter résolument en avant afin de pouvoir renvoyer
les attelages «^ Trannes et amener en ligne les pièces que Ton
avait été contraint de laisser momentanément sur les hauteurs.
Charge de la cavalerie française contre les batteries
russes. — Premiers engagements en avant de La Rothière.
— La cavalerie française est rejetée en arrière de La Ro-
thière. — Malgré les tourbillons de neige, la cavalerie français(î
conduite par Nansouty avait pu se rendre compte de la position
aventurée de l'artillerie russe cfue ses soutiens (les li« et 36« régi-
ments de chasseurs) n'étaient pas encore parvenus ii rejoindre,
et se porta sur elle.
Le général Nikitin, voyant les escadrons français se diriger
vers ses batteries, donna immédiatement Tordre de cesser le feu.
Employant tout son monde h transporteur près des bouch(»s à feu
les munitions dont il allait avoir besoin, il laissa arriver la cava-
lerie jusqu'à 500 pas de ses batteries. II ouvrit alors un feu de
mitraille tellement vif et tellement meurtrier que la charge dut
s'arrêter h moins de 300 pas des pièces. Enlevés à plusieurs
reprises par leurs généraux, les cavaliers français furent, en fin
de compte, obligés de renoncer à leur entreprise. La neige tom-
bait pendant ce temps avec une telle violence qu'on ne voyait pas
il 10 pas devant soi*.
L'infanterie de Sacken commençait h arriver en ligne, et
comme l'ouragan de neige cessa à ce moment, force lui fut de se
déployer sous le feu des batteries françaises de La Rothière et de
l'infanterie postée en avant du village, dans les maisons et les
jardins, pendant que la cavalerie sous les ordres de Nansouty
* Journal du p'iK'ral Nikitin.
- 470 -
(divisions Golberl, Guyol el Pire) qui venait de se reformer,
débouchait entre La Rothière et Pelit-Mesnil et se portait rapide-
ment à la rencontre des bataillons russes. Le général-lieutenant
Lanskoï essaya vainement d'arrêter aVfec sa division de hussards*
la charge des cavaliers français qui le culbutèrent et étaient déjà
sur le point de rompre les lignes de l'infanterie, lorsque le géné-
ral-lieutenant Wassiltchikoff, qui commandait la cavalerie du
corps Sackcn, arriva au galop avec la division de dragons du
général-major Pantchoulitcheff II*. Attaquant simultanément de
front et de flanc les régiments français avant qu'ils aient eu le
temps de se reformer, il les enfonça complètement, les mit en
déroute et les poursuivit au delà de La Rothière, dans la direction
de Brienne-la-Vieille, après avoir enlevé en route 24 bouches à
feu. L'intervention de Wassiltchikoff avait été d'autant plus
opportune que, sans parler môme des conséquences qu'aurait pu
avoir la rupture de l'infanterie de Sacken, la charge des dragons
russes contraria l'entrée en ligne des renforts que la cavalerie
française ne reçut que trop tard.
Au moment, en eff'et, oi\ Nansouty amenait sa réserve, la divi-
sion Lefebvre-Desnoëttes, à droite de La Rothière, alors que
Grouchy se montrait à gauche de ce village avec les dragons de
Briche, les divisions Colbert, Guyot et Piré^ étaient déjà entamées
^ Lanskoï commandait la 2° divi<)ion de hussards, composée des régiments
de hussards d'Akhtyr, de Mariopol, de la Russie blanche et d'Alexandria.
* Division du général-major Pantchoulitcheff : 3« division de dragons ; régi-
ments de dragons de Courlande, do Smolcnsk, de Tver, de Kinhurn.
3 Frtiet, dans son Journal historique de la division de cavalerie légère
(Pire) du 5® corps de cavalerie pendant la campagne de France en 1814, donne
une autre version de ce combat de cavalerie contre cavalerie, version qui nous
parait d'ailleurs moins admissible et moins vraisemblable que le rapport des
gén^Taux alliés. « Vers 4 heures, dit-il, l'ennemi voyant que ses efforts
pour forcer notre extrême droite étaient inutiles et qu'ils ne parviendraient
\ms à renverser les nôtres de ce côté, se décida à un grand mouvement de
cavalerie sur les dragons. Par des mouvements assez rapides, 6,000 chevaux,
formés sur deux lignes, se lancent sur notre artillerie et, débordant La Rothière,
par sa gauche, obligent les dragons à se replier en désordre. Heureusement, le
général de Pire, «'apercevant de l'importance de cette attaque et des funestes
résultats qu'elle peut avoir, n'hésite pas à quitter sa i>08ition où sa présence
n'était pas alors indispensable. Sans attendre d'ordres, il met sa di\ision on
colonne par escadrons et tombe par une conversion à gauche sur le flanc de
l'ennemi. Cette mano'uvrc est couronnée de succès; les Russes s'arrêtent et
pendant qu'ils obliquent à droite pour se rallier, les dragons ont le temps de se
réformer. >» Sans vouloir contester le dire do Petiet, qu'il nous soit permis d«'
— 471 —
ot ramonées; leur artillerie prise par Wassiltchikott' était gardée
par les fantassins de Sacken, et, comme il n'y avait plus rien îl
faire, (îes deux divisions se virent contraintes de retourner prendre
position en arrière et à Test de La Rothière. Quant aux divisions
Colbert, Guyot et Pire, elles ne reparun^nt plus sur le champ de
bataille que vers la fin de la journée.
Il était bien pri»s de 4 heures, lorsque l'infanterie de Sacken
s avançant au milieu de la tourmente de neige v(ts La Rolhien»,
sous la protection des 72 pièces amenées en position, s'engagea
avec la division Duhesme, et lorsque Blûch(»r arriva d(» sa per-
sonne en avant des hauteurs de Trannes.
Considérations snr les conséquences de ce combat de
cavalerie. — Si la cavalerie de Wassiltchikoff avait été immé-
diatement soutenue par l'infanterie, s'il y avait eu h ce moment
une éclaircie, si Sacken avait pu voir ce qui se passait en avant
de lui et sur sa gauche, enfin si Ton avait fait appuyer les esca-
drons de Lanskoï et de Pantchoulitcheff |)ar les cuirassiers et
grenadiers russes qui venaient d'entrer en ligne, si l'on avait porté
en avant les gardes pour servir de réserve au corps da Sackini et
coopérer, en cas de besoin, h l'attaque de La Rothière, la bataille
aurait pris probablement, dés le début, une toute autre tournure,
et la droite française aurait couru grand risque d'être écrasée. Il
est probable que sans un concours de circonstances tout ù fait
spéciales, Blûcher n'aurait pas hésité î\ donner des ordres en
conséquence, et que poussant résolument en avant, il aurait
crevé les lignes françaises qui n'avaient h ce moment pour
unique réserve que la division Rottembourg. Mais la tourmente
de neige l'empêchait de découvrir le champ de bataille, de
diriger le combat, et lorsque l'officier envoyé par Wassiltchikoff
parvint h le trouver et put lui rendre compte des résultats de la
faire remarquer qne l'intervention de Pire put tout au plus sauver les dra-
gons ; car Petiet lui-même ronfirmc quelques lignes plus loin les rapports des
généraux russes, en disant : « Cependant, Fartillerie dépassée de bien loin [lur
la charge des Alliés, fut en partie prise, et, d<>s ce moment, on put prévoir le
résultat de la journée. » 11 nous semble, en effet, que si la manœuvre, en tout
cas très opportune, du général de Pire, avait ét^ réellement couronnée de
succès, elle aurait permis de ramener les dragons russes, de reprendre les
pièces et de rétablir le combat.
— 472 -
charge, il était déjà trop tard pour pouvoir en tirer immédiate-
ment un parti décisif. Quoi qu'il en soit, il est certain que Tenlè-
vement de 24 pièces et Féchec éprouvé par la cavalerie de Nan-
souty dès le début de Tafifaire, ne contribuèrent pas peu h l'issue
finale de la journée.
Sacken, dont les troupes étaient formées sur trois colonnes',
avait entre temps continuéson mouvement vers La Rothière, qu'é-
crasaient ses 72 pièces, et comme l'infanterie se trouvait dans
l'impossibilité de faire feu, il résolutd'enlever le village à la baïon-
nette. La division Duhesme, déjà fort affaiblie par les pertes
quelle avait éprouvées le 29, résista vaillamment; mais plianl
sous le poids du nombre, elle dut céder du terrain et aban-
donner aux Russes le village jusqu'à l'église, après avoir perdu
dans cette affaire 8 de ses pièces. La plus grande partie des
troupes de Duhesme se replia en désordre jusqu'à Petil-Mesnil,
tandis que le reste composé de quelques vieux soldats résolus à
défendre le terrain pied à pied, se barricada dans les maisons.
Premiers mouvements de Gynlay sur les deux rives de
TAube. — A la gauche des Alliés, les choses n'avaient pas pris
dès le début de l'action et pendant toute la première phase de la
bataille comprise entre 1 heure et 4 h(uires de l'après-midi, une»
tournure aussi favonible pour eux que du côté de La Rothiènî.
Gyulay, après avoir laissé en position à Yendeuvre la division
légère Crenncville*, avait, conformément aux ordres du généra-
lissime, manîhé le i^^ février au matin avec le gros du III® corps,
des environs de Bar-sur-Aube par Arsonval et Baussancourt sur
Trannes. Une fois arrivé dans lîi plaine en avant de Trannes, le
feldzeugmeister avait fait prendre à son corps la formation de»
combat en colonne de balaillon et suivi le mouvement des Russes
de Sacken sur la chaussée d(î Brienne jusqu'à hauteur de Ju-
vanzé. Le corps de Sacken était déjà très vivement engagé, et
Gyulay crut avec raison qu'il était nécessaire de le faire soutenir
par son artillerie qui appuya vigoureusement l'attaque (l(»s
1 Golonues du général-lieutenant Stst'herbatoff, de Liewen et d'Ohafieff.
* Cette division avait o/dre de rester sur cette position jusqu'à l'arrivée à
Vendenvrc du corps CoIIoredo, qui ne put cHre rendu sur ce point que le
|or ft^vrier au soir. (A'. K. Krieqn Arrhiv.. If. i.)
— 473 -
lUisses sur La UolhuTC, pendant que les coloiuies (l*infanl(»rie
autrichienne arrivaient îi hauteur du pont et du village d'Unien-
ville, si[\\6 sur la rive gauche de l'Aube. Le feldzeugnieister
remarqua à ce moment cjue quelques troupes de la droite des
Français se préparaient à déboucher d'Unienville et que des
(!olonnes d'un effectif respectable, se portant de Dienville sur
Unienville, paraissaient vouloir, après avoir menacé sa gauche,
se diriger contre le flanc gauche et les derrières des divisions
russes engagées îi La Rothière. Tout en continuant à faire sou-
tenir Sacken par une partie de son artillerie qu'il avait établie
sur une hauteur voisine de l'Aube, et îi laquelle il laissa comme
soutien une brigade de la division Hohenlohe-Bartenstein , il
chargea le général-major Pfliiger, avec 4 bataillons, 4 canons el
2 escadrons du régiment de chevau-légers de Klenau, d'enlever
le pont d'Unienvillrî , défendu seulement par un faible poste
avancé, de s'emparer du village et de s'établir solidement au
delà d'Unienville, sur la hauteur de la rive gauche. La brigade
Pflùger enleva facilement le pont et le village et, débouchant
d'Unienville, s'avança sur la rive gauche'.
Le feldzeugnieister espérait, en accentuant son mouvement sur
la rive gauche de TAube, prendre à revers le pont de Dienville
et tourner la droite des ligncîs françaises.
Mais l'Empereur, qui avait eu h» temps de |»énélrer les inten-
tions de Gyulay, avait aussitôt envoyé au général Gérard Tordre
de se maintenir à tout i)rix à Dienville. L'une des brigades de la
division Ricard, la brigade Boudin, fut chargée de la défense du
ponts et des hauteurs ipii en commaïuh^nt les abords sur la rive
gauche, tandis que la brigade Pelleport s'établissait en arriére el
h Test de Dienville et que la division Dufour, se reliant avec la
brigade de (*avalerie du général Picquet, se déployait en deuxième
ligne derrière cette brigade, entre Dienville et La Rothière.
Le feldzcugmeister avait dû forcément remarquer toutes (!es
dispositions; il n'y avait plus désormais pour lui la moindre
chance de pouvoir enlever le pont de Dienville par surprise, et les
deux régiments de la division Hohenlohe-Bartenstein, laissés par
^ StÂrke, ËintheiluDg und Tagesbegebenheiten der Hanpt-Armee im Monate
Februar, 1814 (A'. A'. Kriegs Arehir,, IJ, i), et relation de Gyulay à
Srhwarzenberjr, do Lesmoiit, 2 février. (/6iV/., II. 28.)
— 474 —
lui sur la rive droite ;i la garde d(^ son artillerie, avaient déjà (il
le reconnaît lui-même dans son rapport*) commencé à s'engager
avec les Français du côté de La Rothière ; il ne crut pas néan-
moins devoir renoncer h son entreprise. Au lieu de se borner à
harceler et à inquiéter la droite française par quelques démon-
strations exécutées sur la rive gauche de l'Aube, bien qu'il eût
déjà pu se rendre compte des difficultés que présenterait sur
Tautre rive l'attaque de Dienville, il n'en jugea pas moins utile
de renforcer la brigade Pfliiger par la brigade Czollich, 6 bouches
h feu et quelques escadrons, et de charger le général-lieutenant
Fresnel de la conduite des opérations sur la rive gauche. En môme
temps, il prenait en personne la direction du mouvement contre
Dienville, qu'il se proposait d'attaquer avec le reste de son corps
vers 5 heures de l'aprés-midi.
Pendant toute la première période de la bataille, Gyulay dut
se borner à contrebattre le tir de l'artillerie française et, par cela
même qu'il avait détaché une division entière sur la rive gauche
de l'Aube, que son corps d'armée se trouvait ainsi à cheval sur
une rivière, il se vit contraint, avant même de s'être engagé à
fond du côté de Dienville, à faire entrer en ligne la dernière de
ses brigades (brigade Grimmer), qu'il posta à sa droite pour se
relier par là aux troupes de Sacken.
Quand au général Fresnel, il avait longé l'Aube, en avait
chassé les quelques petits postes d'infanterie française, mais sans
réussir, pendant toute cette première phase, à remporter le
moindre avantage contre les troupes de Gérard, solidement éta-
blies à Dienville.
Le IV* corps se porte contre La Giberie. — La quatrième
colonne des Alliés (le IV^ corps), sous les ordres du prince royal de
Wurtemberg, à laquelle on avait adjoint cinq escadrons du régi-
ment de hussards autrichiens Archiduc-Ferdinand, avait, d'après
la disposition générale, quitté avant le jour Maisons et Fresnay,
pour venir prendre position sur les hauteurs d'Éclance. O
IV*' corps devait se porter d'Éclance contre Chaumesnil et se
relier à droite avec le V« corps (Wrède). Sa gauche était cou-
» Rapport de Gyulnv à Srhwarxenberg, Lesmont, 2 février. (A'. A'. Krieg»
Arthir., Il, 28.)
— 47o —
verte par les cosaques de Karpoff et le corps volant du général
prince Biron de (lourlande. Mais avant d'arriver sur Chaumesnil,
le !¥• corps allait avoir de sérieuses difficultés à surmonter. Il
lui fallait d*abord passer k travers le bois de Beaulieu, par des
chemins presque impraticables pour rartillerie, puis, avant
d'aborder la hauteur de La Giberie, traverser un défilé maréca-
geux battu et balayé par l'artillerie française. Le général-major
von Stockmayer, formant avec sa brigade la tète de colonne du
IV« corps, ne tarda pas à donner, dans le bois de Beaulieu
même, contre les premiers postes français qui se replièrent en
combattant sur leurs soutiens. Après une lutte assez vive, ces
troupes avancées se décidèrent i\ céder le bois de Beaulieu à
Tavant-garde wurtembergeoise et h se mettre en retraite en bon
ordre sur La Giberie. Un régiment de cavalerie wurtembergeoise
(régiment de chasseurs n" 2 du duc Louis de Wurtemberg) ne
parvint pas, malgré tous ses efforts, à déboucher assez rapide-
ment du bois de Beaulieu pour atteindre le bataillon français
qu'il rejoignit seulement à peu de distance de La Giberie et
auquel il ne put enlever que quelques traînards *.
Mais la marche de la brigade Stockmayer et du régiment de
cavalerie Duc-Louis, quoique retardée par Fhorrible état des
chemins, avait déjà eu une conséquence assez favorable pour les
Alliés, en obligeant les Français à évacuer, en même temps que
le bois de Beaulieu, les hauteurs boisées situées à l'ouest de ce
bois et d'où leur feu avait, jusqu'à ce moment, contrarié le
déploiement et les progrès du corps russe d'Olsufiefl'.
Bien que le reste de sa cavalerie avec l'artillerie légère, com-
1 Starke, Eintheilung und Tagesbegebenheiten der Haupt-Armee im Monate
Febrnar {K. K, Kriegt Arehir., Il, i), et Jooroal des opérations da IV* corps
par le général comte BaUletde Latoor, ebef d'état-major. (Ibid,, XIII, 3A.).
« L'ennemi avait occupé fortement les hauteurs en avant de La Giberie et y
avait posté plusieurs régiments d'infanterie et de cavalerie. Le terrain, complè-
tement défoncé, ne permettant pas d'amener assez vite du canon, je portai
contre la hauteur le régiment de cavalerie Duc-Louis, que je fis soutenir par
deux bataillons d'infanterie. La cavalerie ennemie se retira sans attendre l'atta-
que, et le colonel von Gaisberg. chargeant sans perdre une minute Tinfanterio
qui se retirait, lui prit une trentaine d'hommes, mais ne put songer à la pour-
suivre, ni bien loin, ni bien sérieusement, à cause de la trop grande proximité
du village. Je fis alors attaquer La Gilierie par le général Stockmayer. »
(Prince roval de Wurtemberg an prince de Schwarzenberg, Petit-Mesnil. le
1" février* 1814). (K. K Kriegi Archir., II, 3.)
— 47G —
menÇcU seulement à déboucher du bois de Beaulieu et que le gmb
du corps fût encore assez loin en arrière, le prince royal de Wur-
temberg, qui avait suivi le mouvement de son avant-garde,
n'hésita pas, dans l'espoir de tirer plus amplement parti des pre-
miers avantages qu'il venait de remporter, îi lancer la brigade du
général von Stockmayer contre La Giberie.
En thèse générale, on doit condamner les attaques successives,
les efforts isolés et toute espèce d'entreprise dans laquelle on
doit engager les troupes au fur et à mesure de leur arrivée; la
manière de procéder du prince royal peut cependant se justifier
au moins en partie. En effet, il avait pu reconnaître que son
avant-garde, se maintiendrait difficilement dans un ravin balayé
par Tartillerie française et il devait chercher h brusquer l'attaque
de La Giberie pour empêcher les Français de s'y renforcer. Enfin,
il y avait pour lui un intérêt capital à gagner en avant assez de
lerrain pour permettre au gros de son corps de se déployer.
Malgré les avantages que la position de La Giberie assurait à la
défense, la brigade Stockmayer parvint, après un combat des plus
acharnés, à en chasser les trois bataillons qui l'occupaient et à
s'assurer momentanément, gnlce à une démonstration faite sur
sa gauche par la cavalerie wurtembergeoise, la possession d'un
point qui avait pour le IV**' corps une importance capitale. Ce
n'était, en effet, qu'à la condition d*étre maître de La Giberie
que le prince royal de Wurtemberg pouvait se servir en toute
sécurité du défilé formé par le bois de Beaulieu, se relier à gau-
(îhe avec Sacken, à droite avec Wrède, et crever ensuite les posi-
tions françaises dont le village de La Giberie était à la fois le
saillant et en quelque sorte la clef.
Afin de couvrir la droite des troupes qu'il venait de lancer sur
La Giberie, le prince royal ordonna à deux de ses régiments de
cavalerie et à une batterie à cheval de se porter au plus vite
contre la gauche du duc de Bellune.
« Ce ne fut pas sans peine, dit le prince royal dans son rap-
port au prince de Schwarzenberg*, que ces deux régiments et la
batterie réussirent à déboucher de ce défilé que mon infanterie
Prince royal de Wartemberg au prince de Schwarzenberg, rapport som-
maire sur In lialaillc de La Rothière. (A'. K, Krierii Archiv,, H, 3.)
— 477 —
iKî IravtTSiiil que leiitoiuenl à cause des ditïicullês ([u'elle avail à
surmonter îi chaque pas. » Le g;rosdu IV« corps n'avait, en effet,
pas encore réussi à travers(»r Ic^ bois de Beaulieu.
Le maréchal Victor avail d'aill(»urs, tout comme le prince
royal, reconnu l'importance» capitale df^ La Giberie, dont la perte
l'aurait obligé à modifier comj)lètement la position de son corps
et l'aurait mis dans l'impossibilité d'essayer de contrarier les
mouvements que les Alliés faisaient sur sa droite contre La Ro-
thière, sur sa gauche vers Chaumesnil. A |)eine informé de ce
qui venait de se passer à La Giberie, il laiica de Petil-Mesnil contre
ce hameau une colonne formée par toutes les troupes encore dis-
ponibles de la 2« division (division Forestier) de son corps et sou-
tenue par deux batteries. Les bataillons français se précipitèrent
au pas de charge? sur La Giberie et arrachèrent la plus grande
partie du hameau au\ Wurtembergeois qui, bien qu'ayant été
renforcés par un des régiments de la brigade du général Doring
(n»^imenl d'infanterie n® 2), par un bataillon du 10® régiment
d'infanterie légère» et unc^ batterie, ne j)arvinrent à se maintenir
que dans les dernières maisons. La position du prince royal, au-
quel le moindre renfort envoyé aux troupes françaises pouvait
faire perdre définitivement La Giberie», était à ce moment assez
critique pour que ce prince crût nécessaire de demander à Blu-
cher, par l'intermédiaire même du général de Toll qui se trouvait
précisément à ce moment sur le théîltre» de» la lutte, de le faire»
soutenir dans le plus bref elélai i)Ossible.
Situation des trois corps de Sacken, Gyulay et prince
royal de Wurtemberg. — Si l'on jette un coup d'œil d'en-
semble sur la physionomie du e*ombat et sur la position respec-
tive des deux adversaires telle qu'elle se présentait à 4 heures de»
l'après-midi, apre»s trois heures de lutte, on reconnaîtra que les
Alliés n'avaient fait de progrès sérieux qu'au centre où la cava-
lerie russe avait réussi à chasser devant elle les ese'adrons de
Nansouty et à s'emparer d'une nombreuse» artillerie. C'éliiit, en
effet, grâce» aux charges heureuses de la cavalerie de Wassiltchi-
kofî que Sacken avait pu venir h bout de la division Duhesme et
s'installer dans la moitié du village de La Rothière. Les disposi-
tions, d'ailleurs, très critiquables de Gyulay, n'avaient amené au-
cnn résultai ai)préciable sur leur gauche» où Gérard tenait vigou-
— 478 --
R'U.seiiKînl lôU; aux Aiilricliiens du 111»^ corps, on avant de
Dicnville. Enlin, sur la droite, le prince royal de Wurlemberi;,
dont le déploiement avait été retardé par les difticultés éprouvées
au passage du bois de Beaulieu et du ravin en avant de ce bois,
était sur le point d'être chassé des dernières maisons de Lîi Gi-
herie.
La situation générale était donc bien loin d'être aussi favo-
rable qu'elle aurait pu l'être pour les Alliés, si, par des disposi-
tions rationnelles, qu'on aurait pu prendre à Taise et en toute
sécurité, on avait profité des deux journées des 30 et 31 janvier
pour amener à couvert et hors des vues des Français, à proxi-
mité de leurs positions de combat, les troupes destinées h prendre
part à la bataille.
Marche du V^ corps. — Premiers engagements à l'ex-
trême droite des Alliés. — A l'extrême droite des lignes alliées,
Wrede avait marché, dès le matin, contre les troupes de Mar-
mont (|ui, après avoir évacué Soulaines, malgré les ordres for-
mels de l'Empereur, avait, par une marche de nuit, replié son
corps d'armée sur Morvilliers et Chaumesnil. Il y occupait une
position dont le front était encore hors de proportion avei; Tef-
fe<:tif des troupes dont il disposait (5.000 hommes environ de la
division Lagrange et 1500 chevaux de la division de cavaleries
Doumerc).
A 10 heures du niatiu, 1(î commandant du V« corps avait con-
c(;nlré ses 27,000 hommes (dont près de 5,000 de cavalerie) entre
Tremilly et Nully et, chargeant le général baron Frimont de la
conduite de l'avant-garde, il s'était porté de Tremilly par Sou-
laines sur la route de Brienne.
Le V« corps commença sa marche sur une seule colonne. Le
régiment de uhlans de SchwarzxMiberg, soutenu par un bataillon
de chasseurs autrichiens, fournissait la pointe d'avant-garde. La
division Antoine Hardegg venait ensuile. Les divisions bavaroises
La Motte et Rechberg, suivies par l'artillerie de corps, formaient
le gros de la colonne et la division autrichienne Spleny fermait
la marche. La pointe d'avant-garde avait à peine atteint la lisière
du bois de Fuligny, lorsque ses éclaireurs vinrent donner contre
les premiers avant-i)Ostes français qui se replièrent en tiraillant.
« Le bois qui s'étendait df^vant le V« corps, dit le major prince
— 479 —
de Thurii e'I Taxis, l'aide de caiii|) de VVrède. dans son Journal
des campagnes d(; 1812. 1813 et 1814*, est assiî/ grand. 11 esl
Iraversé par une seule roule fort étroite, el le niouvenumt du
V« corps h travers le bois, devait par suite prendre pas mal de
It^mps*. 11 était environ 2 heures de Taprès-midi, lorsque la t(^te
<lu régiment de uhlans de Schwar/cnberg parvint à déboucher
sur la lisière opposée (près de La Chaise), chassant devant (îlle les
Iroupes françaises établies derrière des abatis, où elles avaient
essayé de tenir bon. Pendant que la division Antoine Hardegg se
déployait à la sortie du bois derrière la cavalerie d'avant-garde, le
général Frimonl prenait à gauche, avec les divisions La Motte et
Rechberg, la direction de Chaumesnil \ Marmont, dont le faible
corps occupait tout l'espace compris entre Morvilliers et Chau-
mesnil et qui venait de commencer le mouvement vers Chaumes-
nil prescrit par l'Empereur, se décida alors — mais il était déjà
trop lard — à concentrer ses forces autour d(^ la ferme de Heau-
voir. sur le plateau en avant de Chaumesnil. Sa cavalerie couvrait
ce mouvement qui, contrarié par le mauvais étal des chemins,
ne lui permit d'atteindre sans encombre la ferme de Beauvoir
qu'avec la seule brigade Joubert, tandis que son autre brigade
restait à Morvilliers.
« Wrède, qui s'était porté en soutien de son avant-garde, s'était
immédiatement rendu compte des dangers auxquels cette marche
de tlanc exposiiit son adversaircî. et envoya en conséquence îi ses
deux dernières divisions (Rechberg el Spleny) l'ordre d'accélérer
leur mouvement. Le colonel von Mengen qui marchait en tète de
l'avant-garde* avec deux escadrons de son régiment (uhlans de
1 Taxis, Tagebuch. (A*. A". Kriegs Archii\, Xlll, 32.)
s Ce moayement fat encore retardé par la marche de la cavalerie de Pahieii
qui s'était, pendant la nait da 31 au l^^ relié avec la gauclio de Wrùde en
arrii>re de Puligny et qui, se mettant en route pour rejoindre Wittgenstcin vei-s
Montier-en-Der, croisa la colonne de Wrôdu pendant sa marche. (Wrèdc à
Schwarzenbcrg. /6t/i., II, 4.)
• Wrède à Schwarzenbcrg. (Ibid. 11, 87.)
^ Tagebuch des Majors Fiirsten v. Thurn und Taiis (A'. K. Kriegt Arehiv.,
Xm. 3S.)
L'historique du régiment de uhlans de Schwarxenberg fournit sur ce fait
d'armes les détails suivants :
Le 13 janvier, le régiment avait franchi les Vosges, et le 1*' février,
lorsque le V<^ corps d'armée se portât en avant» le régiment marchait en tète de
— 480 —
Sclnvarz(îiib(îrg), ap(,T(jul une balterit» frauraisc se disposant à
prendre position sur une hauteur à droite de la roule d'où elle
aurait commandé et enfilé le débouché du bois. Il charge aussi-
tôt cette batterie, ne lui laisse pas le temps d'ouvrir le feu, s'en
empare en perdant très peu de monde et contraint à la retraite
les troupes chargées de la soutenir. Cette charge brillante eut
pour conséquence immédiate de permettre a linfanterie de dé-
boucher complètement du bois et de se déployer sans encombre
sur une bonne position à cheval sur la route de Brienne. « Le
temps, nous dit le major Taxis, est épouvantable; des tourbillons
de neige obscurcissent l'horizon. »
La division Hardegg, qui avait achevé son déploiement, profila
de ce premier avantage pour dépasser Petil-Morvilliers, pendant
que la division bavaroise du général La Motte et la brigade de
la première colonne et le major comte Uadik conduisail Ta vaut-garde forte de deiiv
escadrons. A peine les premiers pelotons de cette avant-garde curent-ils atteint
la lisière du bois de Chaumesnil qu'ils aperçurent l'ennemi qui essayait à ce
moment d'amener une batterie à cheval de 4 canons et 2 obusiers sur un point
d'où cette artillerie aurait pu empêcher notre colonne de déboucher du bois
l>eiidant au moins une heure. On porta aussitôt en avant un maréchal des
logis chef avec un peloton, chargé de reconnaître plus complètement la posi-
tion de l'ennemi. Pendant ce temps, le régiment se rapprochait lentement de
son avant-garde. Lorsqu'on fut arrivé à un point d'où l'on découvre tout le
terrain entre Chaumesnil et Morvilliers, lorsqu'on eut nettement connaissance
des intentions de Tennemi, le colonel baron Mengcn exécuta avec ses uhlans
une charge des plus brillantes. Il enleva la batteiie sous les yeux mêmes d'un
régiment de cuirassiers français de la garde qui débouchait à ce moment de Mor-
villiers et au devant duquel deux escadrons du régiment se portèrent an ]kis.
Lorsque la cavalerie ennemie se disposa à reprendre par une charge la batterie
qu'elle venait de perdre, le colonel baron Mengen la prévint et se jeta sur elle
de front avec les deux escadrons qu'il avait portés en avant au pas. pendant
i|ue deux autres escadrons, sous les ordres du major baron Trach, la prenaient
de flanc.
L'ennemi essaya de maintenir sa i>osiliun naturellement avantageuse, sur-
tout à droite, en se faisant soutenir par son artillerie et de reiMusscr par un
tir à mitraille deux autres escadrons qui s'étaient également [)ortés contre lui.
11 chercha à déblayer suffisamment le terrain pour que sa cavalerie, qui
arrivait en ligne, eût la place nécessaire pour se déployer. Mais ces deux esca-
drons réussirent néanmoins à tenir ferme.
A peine l'ennemi avait-il formé ses cuirassiers sur deux lignes que Irt
uhians parvinrent à culbuter par une charge des plus vives, non seulement la
première, mais même la deuxième ligne et à les mettre en désordre. Ces
charges obligèrent les cuirassiers à quitter 1« terrain. Les i)ertes éprouvées par
la cavalerie française auraient été bien plus sensibles si le terrain coupé et le
feu de l'infanterie qui occultait fortement te village de Morvilliers avaient
|)errai8 de |>oursnivn* les «'uirassiers.
— 481 —
cavalerie du colonel von Diez se formaient ii sa gauche et k la
môme hauteur. La division Rechberg, couverte par la cavalerie
de Diez et par celle du général von Vieregg, se dirigeant vers la
ferme de Beauvoir, l'enleva, après un combat des plus acharnés,
à la brigade Joubert et la contraignit à se replier sur la ferme
de Bouillenrupt*. Malgré les efforts de la cavalerie bavaroise qui
lui enleva 3 canons, celte brigade réussit h y prendre position
et à couvrir les abords de Chaumesnil.
Pendant que la division Rechberg enlevait la ferme de Beau-
voir, Hardegg s'était avancé sur Morvilliers que la prise de Beau-
voir rendait d'autant plus intenable pour les Français que la
dernière division du V« corps, la division Spleny, venait de se
déployer en vue de ce village, sur la lisière même du bois et sur
la rive gauche de la Bourbonne. Les troupes françaises de Mor-
villiers n'opposèrent qu'une assez faible résistance et se retirèrent
sur le bois d'Ajou, couvertes par la cavalerie de Doumerc, dont
les charges ne purent que ralentir, sans par\^enir à les arrêter,
les progrès de Tinfanlerie autrichienne.
Il était alors un peu moins de 4 heures, lorsqu'un aide de camp
du prince royal de Wurtemberg vint demander à Wrède d'accen-
tuer son mouvement en avant et de tenter une diversion, ou tout
au moins une démonstration, assez sérieuse pour dégager le
IV« corps fortement engagé et vigoureusement pressé par Ten-
nemi du côté de La Giberie *.
Wrède prit aussitôt ses mesures pour faire exécuter h son corps
une attaque générale contre Chaumesnil. Le général Frimont,
avec une partie des divisions Hardegg et I^a Motte, reçut Tordre
de se porter contre Chaumesnil, en remontant le cours du rû de
Froideau pour menacer la face nord du village,' pendant que
la division Rechberg, après avoir enlevé Bouillenrupt, se charge-
rait de l'attaque de front '.
^ La ferme de BoaiUenrnpt qai ne figure pas sur les cartes, était située au
sud-ouest de Beauvoir, à peu près à égale distance entre Beauvoir et Chan-
mesnU.
* Tagcbuch des Majors Fûrsten Thum und Taxis. (K. K, Kriegs Archiv.,
XIII, 3i.)
• Frimont à Wrède (K, K. Kriegs Arehiv.y II, 47, a) ; Wrède à Schwarzen-
berg. (/Wd., II, 47.)
WeU. 31
— 482 ^
Situation générale à 4 heures. — On ne saurait guère con-
tinuer l'exposé de la bataille de La Rothière sans faire ressortir
l'influence que l'intervention du V« corps et la résolution exclusi-
vement due à l'initiative de Wrède, devaient exercer sur le
résultat final de la journée.
Nous avons montré, en eliet, par la situation respective des
deux armées à 4 heures, qu'à Dienville comme à La Giberie, les
Alliés n'avaient, pour ainsi dire, pas cntiimé les positions fran-
çaises. Même au centre, malgré l'échec de la cavalerie de Nan-
souty et bien que La Rothière ne fût plus défendue que par une
poignée de vieux soldats décidés à vendre chèrement leur vie et
à disputer le terrain pied h pied, il suffisait de l'entrée en ligne
de quelques renforts, des divisions de Ney rappelées par l'Empe-
reur, pour rétablir complètement le combat et réussir h tenir tête
aux Russes qui, malgré tous leurs efforts, n'avaient pas réussi k
enlever complètement ce village et qui, par suite, continuaient à
être dans l'impossibilité d'en déboucher. La situation générale,
sans être brillante, était donc loin d'être compromise jusqu'au
moment où l'attaque de Wrède, facilitée, il est vrai, par les fautes
de Marmont, — attaque secondaire, puisqu'elle n'avait pas été
prévue par le plan primordial, — allait changer la face des
choses. En s'accentuant davantage à la suite de l'appel fait par le
prince royal de Wurtemberg, elle allait menacer la gauche fran-
çaise d'un mouvement débordant qui, s'il eût été poussé à fond,
aurait pu priver l'armée entière de son unique ligne de retraite
sur Lesmont. Aussi, au lieu de reprendre l'exposé des événements
qui se passèrent après 4 heures, depuis La Giberie jusqu'à
l'Aube, nous avons cru plus utile de suivre d'abord le V* corps
dans l'attaque qu'il va exécuter contre Chaumesnil, afin de déga-
ger le prince royal de Wurtemberg, eu faisant tomber le point
d'appui de la gauche de l'armée française.
Attaque et prise de Chaumesnil. — Pendant que Marmont,
après avoir clé contraint d'abandonner Morvilliers, s'établissait
sur la lisière est du bois d'Ajou, couvert sur son flanc par les
escadrons de Douraerc séparés par le rû de Froîdeau des troupes
autrichiennes * postées sur la rive droite de ce ruisseau, FrimcHit
* Wrède à Schwarzenberg, Uricime, 3 février. {K. K, Kriegê Artkw., U.
47.)
- 483 —
faisait, sur Tordre de Wrède, enlever à la baïonnette Chaumesnil
par deux bataillons appartenant, Tun, au régiment autrichien de
Szeckler, régiment des confins militaires, et Tautre, au régiment
bavarois Lôwenslein n<> 7, soutenus par la brigade bavaroise
Habermann (division du général de La Motte). Après un combat
assez court, mais très acharné, ces bataillons réussirent h en
déloger le général Joubert.
La possession de Chaumesnil était, pour les Alliés, d'une»
import<ince tellement essentielle que Wrède, prévoyant que les
Français chercheraient h l'en débusquer, ne négligea rien pour
s'y établir solidement. Sur son ordre, Frimont met aussitôt en
batterie 12 pièces qui battront les abords du village qu'il fait
couvrir et occuper par les divisions Hardegg et La Motte. La
brigade de cavalerie du colonel von Diez, qui a suivi les premières
troupes, traverse le village au galop, vient se déployer au
débouché de Chaumesnil, et la division Rechberg (10 bataillons
et 4 batteries) avec la brigade de cavalerie du général-major von
Vieregg (14 escadrons), prend position en réserve en arrière de
Chaumesnil et à la gauche des lignes du Y* corps \
Dès qu'il avait été informé de la perte de Chaumesnil, l'Empe-
reur avait reconnu qu'il était de toute nécessité d'arrêter de ce
côté les progrès de ses adversaires. Craignant de voir Wrède
déborder complètement sa gauche, se porter sur les derrières de
son armée, s'installer sur la chaussée de Doulevant h Brienne et
couper du ])onl de Lcsmont les corps engagés h Petit-Mesnil et {i
La Rothière, il résolut de reprendre Chaumesnil et vint rejoindre
Marmont avec la cavalerie de Guyot, une brigade de la division
de jeune garde du général Meunier et une batterie. L'Empereur,
après avoir mis 16 pièces en batterie îi l'ouest de Chaumesnil,
tenta vainement, à ])lusieurs reprises, d'arracher ce village aux
Austro-Bavarois.
Charge de la cavalerie bavaroise contre les batteries
françaises. — Vers 7 heures du soir, les deux batteries postées
par Frimont aux abords de Chaumesnil parvinrent à faire taire
l'artillerie française; Wrède en profita pour lancer contre cette
artillerie, soutenue par la cavalerie française et protégée par
• Tagebuch des Majors Filrsten Thurn und Taxis. {Ibid., XUI, 32»)
— 484 —
des carrés d'infanterie, la brigade de cavalerie bavaroise de
Diez (4® et 5® régiments de chevau-légers, régiment du Roi
et régiment de Leiningen), et le régiment de hussards autrichiens
Archiduc-Joseph. Ces trois régiments de cavalerie passant dans
les intervalles des carrés français, se précipitent sur les batteries,
mettent en déroute les escadrons qui leur servent de soutien,
sabrent les canonniers sur leurs pièccîs et réussissent h s'emparer
de 21 bouches à feu *.
Chaumesnil était définitivement perdu, et les troupes de Mar-
mont et de Meunier, après avoir vainement tenté de rejeter la
cavalerie de Wrède, se replièrent à la nuit vers Brienne. L'obscu-
rité était, d'ailleurs, tellement profonde que les chevau-légers
bavarois chargèrent quelques instants après des chasseurs à
cheval wurtembergeois qui, après la prise de La Giberie, s'étaient
portés en avant entre Chaumesnil et Petit-Mesnil, pendant que
de leur côté les cavaliers de Biron s'étaient avancés plus à gauche
et à égale hauteur entre Petit-Mesnil et La Rothière *.
L'obscurité, le dégel et le chasse-neige, nous dit Schwarzen-
berg dans les Tagesbegebenlmien, empêchèrent la cavalerie de
Wrède de poursuivre Marmont.
Pendant que le V« corps s'emparait de Chaumesnil, d'où l'infante-
rie austro-bavaroise pouvait déboucher désormais sans difficulté,
tandis que la cavalerie bavaroise du colonel von Diez enlevait les
batteries françaises, la division autrichienne de Spleny sortant de
Morvilliers et poussant vers le bois d'Ajou, obligeait, par sa
présence, Marmont à en évacuer la lisière orientale et s'arrêtait
en fin de compte à la lisière occidentale de ce bois, faisant front
vers Brienne.
Les avantages remportés par Wrède îi l'iîxtrême droite des
Alliés avaient singulièrenjcnt facilité les progrès que les corps
* Tagcbui'h des Majors Fursten Thurn und Taxis (A'. A\ Krieg$ Archit\,
XIII, 3i), et Starke, Kintheilang und Tagesbcgebeiiheiten der Haupt-Armee
ini Monate Februar. (Ibûl., II, 1.)
* Starke, Eintheilung und Tagesbegebonheiten der Haupt-Armee im Mooate
Februar. {K. K, Kriegs ArclUv., IJ, 1.)
Remarquons à ce propos que, tandis que Taxis parle dans son manuscrit de
21 bourbes à feu, le général Frimont dans son rapport à Wrède (GhaumesoU,
!«' février, K. K, Kriegs Archiv., II, 47 a), annonce au général en chef la
prise de 14 canons seulement. Le môme chiffre se retrouve dans la biographie
de Frimont (OeslereichUche Mititair Zeitschrift, 1843, II, page 131).
— 485 —
placés sous la conduite immédiate de Blûchcr avaient faits pendant
cette deuxième phase de la bataille, entre 4 et 8 heures.
Le IV* corps enlève La Giberie. — Le mouvement de Wrède
contre Chaumesnil et Morvilliers, Tarrivée en ligne de la brigade
Dôring et d'une batterie h cheval avaient permis au prince royal
de Wurtemberg de mettre un terme aux progrès des Français fi
La Giberie. Mais Victor, ayant de son côté renforcé et rapproché
ses batteries, ce ne fut que vers 5 heures du soir, après la prise
de Chaumesnil, que le prince royal, lançant contre La Giberie un
régiment, régiment n» 7, qui venait de le rejoindre, parvint enfin
après deux heures d'un deuxième combat aussi acharné que le
premier *, à s'emparer définitivement de La Giberie et à déboucher
contre Petit-Mesnil. Bien que la plus grande partie de son
artillerie fût encore engagée dans le défilé du bois de Beaulieu,
le prince royal dirigea aussitôt les généraux Stockmayer et
Dôring contre les faces sud et est de Petit-Mesnil. Il lui importait
de s'en rendre maître au plus vite, afin de se relier à droite avec
le V« corps qui, après l'occupation de Morvilliers et de Chau-
mesnil, se dirigeait vers le bois d'Ajou et la chaussée de Doule-
vant à Brienne, à gauche, avec le corps de Sacken qui cherchait
à déboucher de La Rothière. Les deux brigades wurtember-
geoises enlevèrent le Petit-Mesnil après une lutte des plus
opiniâtres au moment où le général comte de Franquemonl,
après avoir enfin surmonté toutes les difficultés qui îivaient
ralenti sa marche à travers le bois de Beaulieu et le ravin maré-
cageux, arrivait à La Giberie avec le gros du IV« corps et une
batterie montée.
L'apparition de ces renforts, à l'instant où les troupes françaises
fléchissaient sur toute la ligne, permit au prince royal de pousser
en avant, entre Petit-Mesnil et Chaumesnil, deux régiments de
cavalerie n^* 3 et 4, sous les ordres du lieutenant-colonel von
Bismarck, chef d'état-major de la cavalerie wurtembergeoise.
1 « L'ennemi, — ainsi s'exprime le prince royal dans son rapport à Schwar-
zenberg, daté du Petit-MesnU, le !•' février {K. K, Kriegt Archiv,, H, 3), —
attaqaa à son tour La Giberie où Ton se battit pendant quatre heures avec un
acharnement inouï, jusqu^ù ce qu'enfin, grâce à l'arrivée de troupes fraîches
et au tir de ma batterie à cheval, je parvins à repousser les attaques des
Français. »
— 486 -
Les deux régiments rejoignirent dans ces plaines, d abord le
2® régiment de chasseurs à cheval wurtembergeois, Duc-Louis,
qui avait passé au nord de La Giberie, puis, plus h droite, la
cavalerie bavaroise. Menaçant la droite du corps de Marmont, ils
exécutèrent un peu plus tard, de concert avec les escadrons de
Wrède, la charge qui mit fin h la lutte sur la droite des Alliés.
Sacken enlève La Rothiôre. — Si le prince royal de Wurtem-
berg avait mis quatre heures à se rendre maître de La Giberie et
s'il n'avait réussi h en déboucher et h s'emparer de Petit-Mesnil
que grdce au concours, pour ainsi dire imprévu, de Wrède,
Sacken avait eu pendant cette même période de temps à soutenir
du côté de La Rothière une lutte encore plus meurtrière et plus
sanglante.
Bliicher, qui, dès le début de la bataille, avait résolu de concen-
trer ses efforts contre La Rothière, centre des lignes françaises,
qu'il considérait comme la clef de la position, avait rejoint, un
peu après 4 heures, avec le général von Gneisenau, son chef
d'état-major, Sacken, au moment même où les Russes venaient
d'enlever la plus grande partie du village de La Rothière, Le
feld-maréchal, prévoyant que l'Empereur ne manquerait pas
de tentcT un retour offensif de ce côté et de jeter sur La Rothière
les premières troupes dont il pourrait disposer, crut d'autant
plus urgent d'appeler h lui les réserves postées sur les hauteurs
de Tranncs, que la cavalerie du général Colbert avait rompu
celles des troupes de Sacken qui avaient essayé de se déployer
en avant de La Rothière et qui furent recueillies par les régi-
ments d'Olsufieff, en réserve en arrière de La Rothière. Au
lieu de voir déboucher les grenadiers et les cuirassiers russes
auxquels il avait envoyé l'ordre de le rejoindre au plus vite,
Bliicher ne fut pas peu surpris d'apprendre que le prince royal de
Wurtemberg, ayant demandé des renforts, on avait dirigé sur La
Giberie, non seulement la division de grenadiers, mais encore les
deux divisions de cuirassiers. Dans l'intervalle, les progrès de Wrède
avaient dégagé le IV® corps ; mais par suite de cette mesure prise
à rinsu du feld-maréchal, des quatre divisions dont se composaient
les réserves, la 2« division de grenadiers russes, envoyée par
Barclay de Tolly de Trannes sur La Rothière, put seule prendre
part aux derniers épisodes de la lutte, tandis que les deux divi-
- 487 -
sions <lo cuirassiers ot la 1*"'^' division de grenadiers se t^ouv^rent
hors d'état d'entrer en ligne par les contre-ordres qu'elles
reçurent et les mouvements inutiles qu'on leur fit exécuter.
Hesares prises par TEmperear. — Houvement de la cava-
lerie française. — L'Empereur venait d'être informé des pro-
grès faits par les Alliés sur sa gauche. Jugeant dès lors la bataille
perdue, il ne chercha plus qu'î\ assurer la retraite de ses troupes
et ne songea plus qu'à prendre les mesures nécessaires pour
ramener ses corps sur la rive gauche de l'Aube. Des environs de
La Rothière, où il s'était porté de sa personne, il envoya h Grou-
chy Tordre de s'opposer, le plus longtemps possible, avec la
cavalerie de Milhaud (5« corps de cavalerie), aux progrès du
prince royal de Wurtemberg et de soutenir en môme temps le
duc de Bellune. Nansouty devait tenir bon en arrière de La Ro-
thière avec la cavalerie de la garde; enfin, Oudinot était chargé
de tenter avec la division Rottembourg un retour offensif contre
La Rothière, et de chercher h reprendre cette position.
Ce dernier ordre fut exécuté îi l'instant même. Le général
Rottembourg, après avoir formé la 1^« brigade de sa petite divi-
sion en trois colonnes, s'avança à la chute du jour contre La
Rothière, dont les Russes avaient cherché de nouveau îi débou-
cher, et où ils venaient, pour la deuxième fois, d'être ramenés en
désordre par les cavaliers de Colbert. Malgré la résistance achar-
née des Russes, le général Rottembourg parvint, sous une grêle
de balles et en dépit du tir îi mitraille de l'artillerie russe, jusqu'à
l'église. Là, sa colonne vint donner contre le corps d'Olsufieff,
qui, entrant en ligne à son tour, repoussa les restes de la brigade
française jusqu'à la sortie du village. Quatre pièces d'artillerie
française en batterie sur ce point les empêchèrent de déboucher,
et permirent même à la brigade de la division Rottembourg d(»
se maintenir dans les dernières maisons de La Rothière*.
Deux épisodes, par trop caractéristiques pour être passés sous
silence, avaient marqué le combat auquel les rues de La Rothière
avaient servi de théâtre. Au moment où les jeunes soldats du
général Rottembourg se trouvèrent tout à coup à hauteur de
* Journaux de Sacken, du prince Stscherbatofî {Archives topographiquex de
Saint-Pétersbourg), Journal de Nikitio.
— 488 -
l'église en présence des Russes d'Olsufieff, ils dirigèrent contre
eux un feu de salve mal dirigé, puis se pressèrent les uns contre
les autres au point de ne pouvoir plus ni avancer ni reculer.
L'officier russe crut, à celte vue, que les Français se préparaient
à se rendre et s'avança seul vers le général Rottembourg, qui,
de son côté, cherchait îi enlever son monde par son exemple. Le
général, pensant lui aussi que les Russes, coupés par la marche
en avant de ses deux autres colonnes, voulaient déposer les
armes, se porta au-devant de Tofficier russe, qu'il chercha à faire
prisonnier dès qu'il eut reconnu son erreur. Après une sorte de
combat singulier entre le général et l'officier russe, le général
rejoignit ses soldats, avec lesquels il se replia pas à pas, pendant
que son adversaire retournait prendre le commandement de sa
colonne, qu'il lança h nouveau contre les Français. Mais cet inci-
denf avait permis aux Français de se remettre de leur panique,
de se reformer, et avait donné le temps de mettre en batterie, au
débouché du village, les quatre pièces dont le tir à mitraille
arrêta plus tard les soldats d'Olsufieff.
Pendant que ces événements se passaient près de l'église de
La Rothière, un parti de cavalerie française avait réussi à se
glisser dans le village et h pénétrer jusque dans la rue même où
Sacken était en train de donner ses ordres. Là encore, comme
trois jours avant dans les rues de Brienne, Sacken , rangeant son
cheval contre les murs et restant complètement immobile,
échappa miraculeusement aux cavaliers français, qui passèrent à
côté de lui sans le remarquer.
Un peu plus tard, le duc de Reggio lançait en avant la 2« bri-
gade de la division Rottembourg et parvenait, grâce à l'arrivée en
ligne de ces troupes fraîches, à pénétrer une fois encore dans
La Rothière, où le combat reprenait avec un nouvel acharnement.
La nuit était arrivée ; l'incendie seul éclairait les combattants, qui
continuaient ji se disputer les ruines fumantes du village. Enfin,
les renforts que Bliicher avait appelés, la 2« division de grena-
diers russes (général-lieutenant Paskiéwitch) et la brigade autri-
chienne du général von Grimmer (du III® corps, (iyulay), entrèrent
en ligne. Les deux régiments d'Astrakhan et de la Petite-Russie,
prenant la tète de la colonne, se précipitèrent h la baïonnette sur
les troupes épuisées et réduites de la division Rottembourg,
qu'ils parvinrent h chasser définitivement du village, mais que
— 489 —
leurs chefs roussirent cependtint îi arrêter et h rallier h SOO ou
600 pas des dernières maisons.
Deuxième attaque du III« corps contre Dienville. — A
Textr^me gaucho dos Alliés, les jeunes troupes du général Gérard
avaient continué à défendre Dionville et ses abords avec une
vigueur qui, jusque tort avant dans la nuit, allait paralyser tous
les eflorts des Autrichiens de Gyulay.
Il était un peu plus de 5 heures lorsque Gyulay reçut il la
fois, et de Blûcher et de Schwarzenberg, Tordre d'enlever Dion-
ville. Il lança aussitôt contre le pont, dont il parvint momentané-
ment à se rendre maître, les deux brigades de la division Fresnel.
Mais bien qu'en raison do la configuration des lieux, Gérard
n'ait pu se servir de son artillerie pour défendre le pont, le feu
de son infanterie placée dans les maisons voisines et surtout dans
le cimetière, ainsi que les retours offensifs des troupes de la divi-
sion Dufour, obligèrent les Autrichiens à se retirer sur la rive
gauche do TAubo. Gyulay, en attendant Tarrivée en ligne de la
division Hohenlohe-Bartenstein, dont il ne put disposer qu'après
la prise de La Rothière, dut se borner à confier h son artillerie,
en batterie sur les hauteurs de la rive gauche, le soin de rendre
Dionville intenable et d'en chasser les conscrits de Gérard*. Une
deuxième et une troisième attaques, tentées simultanément sur les
deux rives de TAube, n'eurent pas plus de succès.
Mesures prises par l'Empereur pour couvrir la retraite.
— L'Empereur avait achevé de prendre les mesures nécessaires
pour contenir les Alliés pendant la retraite de ses différents
corps. Complétant les dispositions auxquelles nous l'avons vu se
résoudre au moment où il tentait, avec la di\ision Rottembourg,
d'arracher La Rothière à Sacken et où il dirigeait la cîivalerie de
Milhaud vers sa gauche, il donnait, vers 8 heures, h Drouot
l'ordre de brûler La Rothière, afin de permettre à son infanterie,
qui venait d'être débusquée définitivement du village, de se replier
i Starke, Eintheilung und Tagesbegebenheiten der Haupt-Armee im Monatc
Februar {K. K. Krieg* Arehiv., Il, 1), et rapport da feldzeugmeister comte
Gyulay au prince de Schwarzenberg {Ibid,, II, 28], Lesmont, 2 février.
Gyulay commet, dans ce rapport, une erreur en disant que Napoléon avait
confié la défense de Dienville à sa garde.
- 490 —
vers Brienne sous la protection de la cavalerie de la garde, et
d'arrêter par le tir de son artillerie les progrès des Alliés sur sa
gauche et sur son centre. Pondant que Drouot amenait ses pièces
en position, que les divisions de Ney reprenaient la route de
Lesmont et que les corps qui avaient soutenu pendant plus de
huit heures une lutte inégale se repliaient en échelons dans un
ordre d'autant plus remarquable qu il s'agissait de faire exécuter
h de jeunes troupes harassées de fatigue une marche rétrograde
au milieu des ténèbres, h travers un terrain rendu plus difficile
encore par les rigueurs de la température et par les tourbillons
de neige, la cavalerie des Alliés cherchait à tirer parti de la vic-
toire et II contrarier la retraite des Français.
La cavalerie wurtembergeoise déboache en avant de La
Rothière et de Chaumesnil. — La cavalerie wurtembergeoise
(régiments de chasseurs n<>» 2 et 4 et régiment de dragons n® 3)
venait d'opérer sa jonction h droite avec la cavalerie du V« corps,
h gauche avec la cavalerie prussienne du général prince Biron
de Courlande et les cosaques de Karpoff , et cette masse, débordant
les escadrons de Milhaud, les contraignit c^ se retirer.
« Je poussai rapidement ma cavalerie en avant, dit à ce propos
le prince royal de Wurtemberg dans son rapport à Schwarzen-
berg*. i.e régiment de cavalerie prince Adam, sous les ordres du
major von Reinhardt, se jeta sur Taile gauche de Tennemi et lui
prit cinq canons. Le régiment de dragons n^ 3 (régiment du Prince
royal), que j'avais, sous les ordres du colonel von Wagner, envoyé
sur ma droite pour me relier au général comte Wrède, fit, avec
un régiment de chevau-légers bavarois, une charge brillante
contre une batterie française postée au saillant sud-ouest du bois
d'Ajou, vis-îVvis de Chaumesnil, et enleva six bouches h feu. »
Cette cavalerie, rejointe encore par le général-major von Jett
avec le régiment de chasseurs î\ cheval wurtembergeois n® 5 et le
régiment de hussards autrichiens Archiduc-Ferdinand, continua
à suivre Tennemi aussi loin que Tobscurité, l'état du terrain et
l'épuisement de ses chevaux le lui permirent*.
* Prince royal de Wurtemlierg an prince de Schwarzcnberg» Petit-!ilesnil,
!•' février. (K. K. Krieg» Archiv., II, 3.)
* Journal des opérations du prince royal de Wurtemberg, par le génân
— 491 -
Au centre, la cavalerie russe du gf^néral Wassiltchikoff avait
débouché de La Rolhi^re malgré le tir de rartillerie de Drouot
et les efforts de la cavalerie de la garde qui dut, elle aussi, se
replier sur Brîenne, suivie jusqu'il hauteur de la ferme de Beugné
par les cavaliers de Sackcn.
Il était alors pn^'s de 9 heures : la neige continuait h tomber
plus drue et plus serrée que jamais, et, comme le dit Taxis* dans
son Journal, la poursuite était d'autant plus impossible qu'on
entendait toujours le canon du côté de Dienville où Gyulay ne
réussit h s'établir que vers minuit*, lorsque Gérard eut reçu
l'ordre d'abandonner la position que ses jeunes troupes avaient
héroïquement défendue pendant plus de douze heures.
Dans la situation où se trouvait l'armée française pendant les
dernières heures de la soirée du l®' février, il aurait suffi du
moindre effort tenté par les Alliés pour changer du tout au tout
les conditions dans lesquelles allait s'effectuer la retraite de la
petite armée de l'Empereur. Si, vers 9 heures i/2 du soir, au
moment où Gérard se maintenait encore h Dienville, mais où
Sacken, le prince royal de Wurtemberg et Wrède avaient enlevé
les positions occupées par leurs adversaires, Blùcher avait pu
disposer de quelques troupes fraîches, leur apparition sur le
champ de bataille, leur marche en bon ordre contre les points où
les généraux français rîiUiaient leurs troupes ébranlées par une
lutte sanglante et inégale, auraient, on ne saurait en douter,
amené des résultats considérables.
On comprend cependant que le feld-maréchal ait renoncé, en
présence de l'état du terrain, de l'obscurité profonde et de l'épui-
sement des chevaux, h se servir de sa cavalerie qui n'aurait
d'ailleurs pu marcher qu'au pas et qui, contrainte d'autre part h
suivre la grande route, serait tout au plus parvenue à causer une
alerte. Mais il est incontestable, d'autre part, que si Blficher
comte BaiUet de Latour, chef d*état-major dn IV® corps. (A". /T. Kriegs Arehiv.,
Xni, 56.)
Ce fot également vers cette heure qii*un des aides de camp de Berthier, le
colonel Maossion, qai s'était égaré aa milieu de Touragan de neige et des
ténèbres, fut pris par les dragons de Knesevicli (K. K. Kriegs Arehiv., II, 1,
et Journal du major prince Taxis, Ibid., XIII, 32.)
* Joamal du major prince Taxis.
« Gyulay à Schwarzenberg. Lesmont, 2 février. {Ibid,, II, 28,)
- 492 -
avait pu, pendant les dernières heures de la lutte, se faire
rejoindre par les réserves russes qu'on avait inutilement fait
pivoter sur le champ de bataille, il aurait vraisemblablement
réussi, par une attaque de nuit dirigée sur Brienne-la-Vieilie et
h Test de cet endroit jusqu'îi hauteur de la route de Brienne-le-
Chclteau à Doulevant, à rompre le dernier lien qui retenait encore
des hommes harassés de fatigue et épuisés par des marches
forcées suivies d*un combat de douze heures. Il aurait achevé de
démoraliser de jeunes troupes qui venaient de recevoir seulement
dans ces derniers jours le baptême du feu et changé une retraite
en bon ordre en une véritable déroute.
N'ayant pas de troupes fraîches à sa disposition, le feld-maré-
chal se trouva dans Timpossibilité absolue de tenter le moindre
effort, et les corps alliés, qui avaient été engagés pendant l'après-
midi du !«»• février, s'établirent au bivouac sur les positions
mômes qu'ils venaient de conquérir.
Positions de Sacken, des IV®, V^ et III* corps, à 10 heures
du soir. — Les avant-gardes de Sacken, des IV* et V« corps,
bivouaquèrent sur les points mêmes où elles s'étaient arrêtées en
avant de La Rothière, de Petit-Mesnil et de Chaumesnil.
Le II1« corps, de Gyulay, resta h Dienville, les Russes de Sacken
aux environs de La Rothière, le IV« corps entre La Giberîe et
Petit-Mesnil, et le V® à Chaumesnil et au nord de ce village.
Quant aux grenadiers russes, ils avaient, à l'exception de la
S*» division qui avait donné h La Rothière, passé leur journée à
exécuter des marches et des contre-marches entre La Giberie et
La Rothière, et bien qu'elles fussent en somme parfaitement
fraîches, on ne songea même pas à leur donner l'ordre de se
jeter au milieu des ténèbres sur les restes de l'armée française.
Ces réserves campèrent : la 2« division de grenadiers auprès de
La Rothière, la if« division de grenadiers et les deux divisions de
cuirassiers (2« el 3«) en arrière des bivouacs du 1V« corps.
Les gardes et les réserves russes et prussiennes étaient venues
dans l'après-midi jusqu'à Trannes.
La journée de La Rothière avait coûté aux Alliés environ
6,000 hommes, dont près de 4,000 au corps russe de Sacken'.
1 D'après Schels, les AUiés irauraient penJo à La Rothière que
4,655 hommes.
— 493 -
La nuit cl le mauvais temps, eu empochant les Alliés de pour-
suivre leurs avantages, avaient donné h l'Empereur la possi-
bilité de faire mettre à exécution les ordres qu'à partir de
9 heures du soir, il avait envoyés à ses lieutenants.
Position de Farmée française. — Dès 9 heures en effet, il
faisait prévenir le général Sorbier que tous les corps d'armée
recevaient l'ordre de renvoyer en arrière de Brienne les cais-
sons vides, l'artillerie et les bagages inutiles, de faire passer le
pont de Lesmont aux parcs et aux batteries démontées.
Grouchy, ne gardant que l'artillerie strictement nécessaire,
devait s'alléger le plus possible et renvoyer les chevaux de main
et les hommes à pied. Une heure plus tard, le général de France
recevait l'ordre de partir à 2 heures du matin avec les gardes
d'honneur, de passer le pont de Lesmont et de jeter des partis
sur la route de Piney et la rive gauche de l'Aube. Le général
Sorbier devait faire filer le parc sur Lesmont, et le général Léry
se préparer h brûler et à fiiire sauter les ponts lorsque l'Empe-
reur en donnerait le signal'.
Les commandants des corps français, qui avaient soutenu tout
TefTort de la lutte, avaient gagné les points que l'Empereur leur
avait désignés et sur lesquels ils devaient rallier leurs troupes.
Marmont, couvert par la cavalerie de Doumerc, s'arrêtait au sortir
du bois d'Ajou. Victor dépassait la ferme de Beugné et laissait
devant les avant-postes russes un rideau formé par quelques
escadrons de Milhaud. Oudinot et Ney massaient la cavalerie et
l'infanterie de la garde sur la route de Lesmont, pendant que
Gérard, qui avait reçu l'ordre d'abandonner Dien ville, se repliait
après minuit sur Brienne-la-Vieille.
L'armée française avait perdu dans celte sanglante journée
près de 6,000 hommes tués, blessés ou prisonniers, et une soixan-
taine de bouches à feu*.
Les troupes françaises ne devaient, d'ailleurs, prendre que
quelques heures d'un semblant de repos en avant de Brienne-la-
^ BelUard à Grouchy et major-général à Sorbier, de France et Léry.
(Archives de la guerre.)
s 63 d'après Bogdanovith, 73 d'après Plotho et Beitzke, 83 d'après Schels,
73 aussi d'après le rapport de Sohwarzenberg (A". K, Kriegs Archiv,, II»
34, 6) et 54 seulement d'après Koch.
— 494 -
Vieille; les ordres expédiés à 11 heures 1/2 de la nuit par TEm-
pereur, de Brienne-le-Chàteau, allaient pour les dérober à
l'étreinte des Alliés, les remettre en marche h 2 heures do
matin.
Avant de discuter la bataille de La llothière, et bien que pour
cela il faille abandonner un instant les corps qui venaient de
combattre h Dienville et à Morvilliers, il est nécessaire de nous
occuper des mouvements exécutés par le l^^ corps (Colloredo), h
Textrôme gauche de l'armée de Bohême, par cela même que ces
événements ont une certaine connexité avec les faits de guerre
dont les rives de TAube avaient été le thé«1tre. Il faut également
jeter un coup d'œil sur les opérations des partisans du lieutenant-
colonel comte Thurn, sur les mesures prises le même jour par le
duc de Trévise, sur la tentative des cosaques de Platoft contre
Sens, sur la marche de Wittgenstein sur Saint-Dizier, et d'Ywk
vers Vitry, enfin sur les préparatifs de Macdonald qui cherche à
déboucher de Chàlons et à contrecarrer les projets des lieute^
nants de Blûcher contre Châlons-sur-Marne.
MoiiTement du I*'' corps (Colloredo) sur Yendeuvre. —
Affaire de La Vacherie. — Retraite du corps Tolant de
Thurn. — A rcxtrême gauche de Tarmée de Bohême, le !«" corps
d'armée avait quitté Bar-sur-Seine dès le matin et s'était porté
en une seule colonne jusqu'à Magnant, puis à partir de ce point en
deux colonnes, le gros par Thieftain, la division de grenadiers à
droite, par Beurey, sur Vendeuvre, où le corps n'arriva que fort
tard dans l'après-midi, par suite des difficultés de la marche
encore augmentées par le dégel.
La division légère du prince Maurice Liechtenstein, chargée de
couvrir sa marche, étiiit restée sur la rive gauche de la Seine et
avait été dirigée de Bar-sur-Seine sur Fouchères, afin d'occuper
et de retenir les troupes de Mortier*.
Dès 1 heure de l'après-midi, le général Hàcht, posté avec une
brigade du 111« corps (division Grenneville) à Vendeuvre, avec
ordre de surveiller les mouvements de l'ennemi du côté de Dien-
ville et d'Unienville, avait informé le généralissime de l'appari-
< Stahkb, Kintheilimg and Tagesbegebenbciteu dcr Uaupt^Armee im Monate
Febraar. (K, K.Krieijs Archiv,, II. 1.)
— 495 —
lion de partis français du côté de Villeneuve-au-Chéne (appelé
alors Villeneuve-Mcsgrigny), de roccupation de Piney ' par les
troupes françaises et de l'arrivée h Vendeuvre de la télé de
colonne de CoUoredo.
Deux heures plus lard, vers 3 heures de raprès-niidi, CoUoredo
annonçait au prince de Schwai*zenberg qu'il ne disiiosail à Ven-
deuvre que de trois régiments de la division Wied-Ruiikel et de
deux batteries, que la division de ^»nadiers et les cuirassiers du
comte Nostitz n'y arriveraient qu'à 4 heures et qu'il attendait à
Vendeuvre des ordres lui indiquant le rôle ultérieur que son
corps était appelé à jouer. Mais il était déjà trop tard, et en su|>-
posant môme qu'ua ordre de mai*che émanant de Scharzenberg
pût parvenir à 4 heures à CoUoredo, la tète de colonne des trois
divisions du I*"" corps n'aurait pu, en aucun cas, arriver sur les
hauteurs qui dominent le pont de Dienville avant 10 ou 11 heures
du soir. Par suite, le généralissime se décida' à laiss<!r le
l^ corps à Vendeuvre où les trois divisions occupèrent des can-
tonnements resserrés. La brigade Gepperl (de la division légère
du prince Maurice Liechtenstein) formant Tavant-garde de CoUo-
redo, occupa le soir VauchonvUliers et se reUa vers l'Aube avec
la brigade Hàcht du 1II« corps.
L'autre brigade de la division légère Maurice Liechtenstein,
renforcée par un régiment de la division Wied-Runkel, posté en
soutien à Virey, avait été laissée à Fouchères pour surveUler la
route de Troves.
A 9 heures du matin, un détachement français que le prince
1 Les renseignements fournis par le géndral Hacht sont, on le voit, con-
firmés par la dépêche du général de France an major-général, de Lesmont,
!•' février, 8 heures du matin :
« D'après mes rapports de cette nuit, le duc de Trc'vise fait occuper Creney,
près de Troyes ; ses partis viennent vers Mesnil et RonlHy. Les chasseurs à
cheval de la garde qui occupent Creney poussent jusqu'à Piney.
c Daus la direction d*Ards, on éclaire Fontaines et Onjon. Coclois est
oecnpé ainsi que Mesnil-la-Comtesse et Voué. Je ferai occuper Pougy, Pel et
et Précy sur la rive gauche: j'enverrai un fort parti à l'embranchement des
routes de Lesmont par Montangon à droite et par Piney à gauche, allant à
Troyes. » (Archite» de la guerre,)
s CoUoredo reçut, dans la nuit du 1^' an 9 février, un ordre de Schwarzeu-
berg lui prescrivant de se porter avec toute sa colonne sur DienvlUe et d'atta-
quer vigoureusement ce village ; mais CoUoredo ayant eu connaissance quelques
heures après de l'évacuation de Dienville, jugea inutile d'exécuter cet ordre,
désormais sans objet.
— 496 —
Liechtenstein évalue dans son rapport ' u 200 hommes et 500 che-
vaux, avait attaqué les avant-postes autrichiens et les avait rejc-
tés jusque sur La Vacherie. L'entrée en ligne des troupes de
piquet (un escadron de chevau-légers O'Reilly et une compagnie
de chasseurs) permit aux avant-postes autrichiens de tenir bon,
de résister à une deuxième attaque et d*attendre Tarrivéc de ren-
forts qui, après une heure de combat, obligèrent la reconnais-
sance française à se retirer et à rentrer sur sa position des Mai-
sons-Blanches.
La division du feld-maréchal-lieutenant Ignace Hardegg,
* appartenant également au I»"" corps, se tint pendant toute la
journée du l®' février à Ghaource, point vers lequel devait se
diriger la reconnaissance qui avait donné contre les avant-
postes de Liechtenstein à La Petite-Vacherie.
La maréchal Mortier avait en même temps fait partir, sous les
ordres du général de Bourmont, une reconnaissance qui réussit
à surprendre quelques cosaques du corps de Platoff, h Auxon.
Celte reconnaissance devait également chercher à couper et îi
prendre le corps volant du lieutenant-colonel comte Thurn. Mais
cet officier, prévenu à temps, s*empressa de filer vers Ervy *.
1 Prince Maarice Liechtenstein au comte Colloredo, Foachères, !•' février.
(A'. K, Krieg$ Archiv,, II, a// 23.)
Liechtenstein terminait ce rapport en envoyant an feldzeagmeisler les ren-
seignements suivants sur les mouvements de Mortier :
if Je dois également informer Votre Excellence que le comte Thurn me fait
dire à Tinstant que le maréchal Mortier a qaitté hier Troyes avec la garde
impériale et a pris la route d*Arcis, laissant à Troyes une assez grande quan-
tité de troupes de toutes armes avec 28 canons.
« D'autres rapports du major von Ellsbach et du général-major Hacht me
font savoir que les villages de Lusigny et de Ck>urterauges, sur U route de
Vendeuvre, ont été évacués par l'ennemi. »
' Le lieutenant-colonel comte Thurn au prince de Schwarzenberg :
« Chamoy, 4 février 1814, 6 heures du soir.
if Après avoir adressé à Votre Altesse mon rapport en date du 31 janvier,
j*ai pendant toute cette journée, battu le pays du côté de Bonilly. sur la route
de Troyes à Sens.
<f Le <*■' févTier, à 10 heures du matin, un de mes émissaires est revenu et
m'a annoncé que Napoléon avait rejoint le 27 au soir Tarmée à Vitry, qu'il
comptait attaquer Votre Altesse le 28 à Bar-sur-Aube avec 80,000 hommes et
100 canons, et que le général Dulong devait, ces jours-d, enlever Auxon par
un coup de main.
« J'ai fait part de ces nouveUes à Votre Altesse et les ai communiquées au
comte Collorcdo, auquel je les fis porter par un piquet d'un sous-ofGcier et de
— 497 —
Mouvement de Platoff vers Sens. — Unaut à Platon, son
avant-garde continuait à li\ter Sens, mais sans menacer bien sé-
rieusement la ville que le général Allix occupait avec les dépôts
de la 18® division militaire.
Plaloif, toujours habile h présenter les faits de la manière
qui lui convenait le mieux, préparait déjà le généralissime au
mouvement qu'il allait entreprendre pour se faire pardoimer Tin-
succès de sa tentative contrs Sens, insuccès dû uniquement h ses
lenteurs, à ses hésitations, î\ son peu d'empressement ii marcher
de l'avant et à s'éloigner du gros de la grande armée. « Trop
faible pour chasser Tennemi de Sens, écrivait-il le l*"" février au
soir, de Villeneuve-le-Roy (Villeneuve-sur-Yonne), au prince de
Schwarzenberg ', je poursuivrai ma destination en me dirigeant
par Gourtenay sur Fontainebleau. Nous avons du reste pris un
officier et 32 soldats de la garde et délivré 1 officier et 10 soldats
espagnols, ainsi que 4 soldats autrichiens. » 11 ajoutait encore
pour prévenir les reproches du généralissime et pour se donner
l'air d'avoir entrepris quelque chose : « J'ai détaché le colonel
Sperberg avec 500 cosaques et 2 canons à Joigny pour découvrir
6 hommes. Mais co sous-officier toarné et coupé par l'ennemi dans la for^t
d'Aumoot, ne m'a rejoint qu'hier soir, me l'apportant ma dépi^clie.
u Les événements m'ont forcé à quitter encore le l*" février Saint-Phal et à
me porter du côté d'Ervy. L'ennemi est, eu effet, arrivé le !•' février à Anxon
et Saint-PhaL et après avoir enlevé 4 caissons et 4 hommes aux cosaques
qu'il surprit en train de piller Auxon, il se dirigea par Bouilly, sur Troyes. »
(A'. A'. Kriegs Archiv,, II, 81.)
Mortier, de son côté, avait rendu compte de ces petites escarmouches dans la
dépêche ci-dessous qui concorde, sauf en ce qui a trait à l'infanterie bavaroise
qui ne parut pas du côté de La Vacherie, avec les rapports des officiers autri-
chiens :
« Mortier au major-général. — Troyes, le 1*^' février, 7 heures 1/2, soir.
u L'expédition du général de Bourmont sur Auxon a parfaitement réussi.
Une compagnie du 4" bataillon du 82° régiment s'est emparée do la ville, de
6 caissons de munitions. 4 cosaques, dont i officier, ont été tués, 4 pris, un
grand nombre blessés. Le général de Bourmont s'établit ce soir à Saint-Phal
ou H Chamoy et rentrera demain à Troyes.
u La reconnaissance sur Chaource a rencontré l'ennemi à La Vaclierie au
nombre de quelques centaines de chevaux et 300 hommes. Il y a en une escar-
mouche assez vive. On a vu de l'infanterie bavaroise. La reconnaissance sur
Vendeuvre a été jusqu'à Montiéramey où il n'y avait que des piquets. Fresnay
et Clerey sont occupés par l'ennemi. Ses coureurs se montrent vers Arcis-sur-
Aube et Troyes. » {Archives de la Guei're,)
i L'atanian Platoff au prince de Schwarzcnberg, Vilicneuve-le-Roy, 1°' fé-
vrier. (A'. A'. Kriegs Archiv,, 11, ad, 120.)
Well. 32
— 488 —
Téglise en présence des Russes d'Olsufieff, ils dirigèrent contre
eux un feu de salve mal dirigé, puis se pressèrent les uns contre
les autres au point de ne pouvoir plus ni avancer ni reculer.
L'officier russe crut, à cette vue, que les Français se préparaient
à se rendre et s'avança seul vers le général Rotlembourg, qui,
de son côté, cherchait à enlever son monde par son exemple. Le
général, pensant lui aussi que les Russes, coupés par la marche
en avant de ses deux autres colonnes, voulaient déposer les
armes, se porta au-devant de Tofficier russe, qu'il chercha k faire
prisonnier dès qu'il eut reconnu son erreur. Après une sorte de
combat singulier entre le général et l'officier russe, le général
rejoignit ses soldats, avec lesquels il se replia pas à pas, pendant
que son adversaire retournait prendre le commandement de sa
colonne, qu'il lança î\ nouveau contre les Français. Mais cet inci-
dent avait permis aux Français de se remettre de leur panique,
de se reformer, et avait donné le temps de mettre en batterie, au
débouché du village, les quatre pièces dont le tir à mitraille
arrêta plus tard les soldats d'Olsufieff.
Pendant que ces événements se passaient près de l'église de
La Rothièrc, un parti de cavalerie française avait réussi à se
glisser dans le village et à pénétrer jusque dans la rue même où
Sacken était en train de donner ses ordres. Lh encore, comme
trois jours avant dans les rues de Brienne, Sacken , rangeant son
cheval contre les murs et restant complètement immobile,
échappa miraculeusement aux cavaliers français, qui passèrent à
côté de lui sans le remarquer.
Un peu plus tard, le duc de Reggio lançait en avant la 2« bri-
gade de la division Rottembourg et parvenait, grâce à l'arrivée en
ligne de ces troupes fraîches, à pénétrer une fois encore dans
La Rothière, où le combat reprenait avec un nouvel acharnement.
La nuit était arrivée; l'incendie seul éclairait les combattants, qui
continuaient h se disputer les ruines fumantes du village. Enfin,
les renforts que Blûcher avait appelés, la 2« division de grena-
diers russes (général-lieutenant Paskiéwitch) et la brigade autri-
chienne du général von Grimmer (du III® corps, Oyulay), entrèrent
en ligne. Les deux régiments d'Astrakhan et de la Petite-Russie,
prenant la tète de la colonne, se précipitèrent h la baïonnette sur
les troupes épuisées et réduites de la division Rottembourg,
qu'ils parvinrent h chasser définitivement du village, mais que
— 489 —
leurs chefs réussirent cependant k arrêter et à rallier h 800 ou
600 pas des dernières maisons.
Deuxième attaque du III« corps contre DienTille. — A
Textrérae gauche des Alliés, les jeunes troupes du général Gérard
avaient continué à défendre Dienville et ses abords avec une
vigueur qui, jusque tort avant dans la nuit, allait paralyser tous
les eflorts des Autrichiens de Gyulay.
Il était un peu plus de 5 heures lorsque Gyulay reçut <\ la
fois, et de Blûcher et de Schwarzenberg, l'ordre d'enlever Dien-
ville. Il lança aussitôt contre le pont, dont il parvint raoraentané-
ment à se rendre maître, les deux brigades de la division Fresnel.
Mais bien qu'en raison de la configuration des lieux, Gérard
n'ait pu se servir de son artillerie pour défendre le pont, le feu
de son infanterie placée dans les maisons voisines et surtout dans
le cimetière, ainsi que les retours offensifs des troupes de la divi-
sion Dufour, obligèrent les Autrichiens à se retirer sur la rive
gauche de l'Aube. Gyulay, en attendant l'arrivée en ligne de la
division Hohenlohe-Bartenstein, dont il ne put disposer qu'après
la prise de La Rothière, dut se borner à confier à son artillerie,
en batterie sur les hauteurs de la rive gauche, le soin de rendre
Dienville intenable et d'en chasser les conscrits de Gérard*. Une
deuxième et une troisième attaques, tentées simultanément sur les
deux rives de l'Aube, n'eurent pas plus de succès.
Mesures prises par l'Empereur pour couvrir la retraite.
— L'Empereur avait achevé de prendre les mesures nécessaires
pour contenir les Alliés pendant la retraite de ses différents
corps. Complétant les dispositions auxquelles nous l'avons vu se
résoudre au moment où il tentait, avec la division Rottembourg,
d'arracher La Rothière à Sacken et où il dirigeait la cavalerie de
Milbaud vers sa gauche, il donnait, vers 8 heures, h Drouot
l'ordre de brûler La Rothière, afin de permettre à son infanterie,
qui venait d'être débusquée définitivement du village, de se replier
i Starke, Eintheilung und Tagesbegebenheiten der Haupt-Armee im Monatc
Fd)niar (K. K. Kriegs Archiv., II, 1), et rapport da feldzeagmeister comte
Gyulay aa prince de Schwarzenberg (Ibid., II, 38), Le3mont, 2 février.
Gynlay commet, dans ce rapport, une erreur en disant que Napoléon avait
confié la défense de Dienville à sa garde.
- 490 —
vers Brienne sous la protection de la cavalerie de la garde, et
d'arrêter par le tir de son artillerie les progrès des Alliés sur sa
gauche et sur son centre. Pendant que Drouot amenait ses pièces
en position, que les divisions de Ney reprenaient la route de
Lesmont et que les corps qui avaient soutenu pendant plus de
huit heures une lutte inégale se repliaient en échelons dans un
ordre d'autant plus remarquable qu'il s'agissait de faire exécuter
h de jeunes troupes harassées de fatigue une marche rétrograde
au milieu des ténèbres, à travers un terrain rendu plus difficile
encore par les rigueurs de la température et par les tourbillons
de neige, la cavalerie des Alliés cherchait à tirer parti de la vic-
toire et h contrarier la retraite des Français.
La cavalerie wurtembergeoise débouche en avant de La
Rothière et de Chaumesnil. — La cavalerie wurtembergeoise
(régiments de chasseurs n®» 2 et 4 et régiment de dragons n® 3)
venait d'opérer sa jonction à droite avec la cavalerie du ¥• corps,
h gauche avec la cavalerie prussienne du général prince Biron
de Courlande et les cosaques de Karpoff, et cette masse, débordant
les escadrons de Milhaud, les contraignit h se retirer.
(c Je poussai rapidement ma cavalerie en avant, dit à ce propos
le prince royal de Wurtemberg dans son rapport à Schwarzen-
berg*. JLe régiment de cavalerie prince Adam, sous les ordres du
major von Reinhardt, se jeta sur l'aile gauche de l'ennemi et lui
prit cinq canons. Le régiment de dragons n» 3 (régiment du Prince
royal), que j'avais, sous les ordres du colonel von Wagner, envoyé
sur ma droite pour me relier au général comte Wrède, fit, avec
un régiment de chevau-légers bavarois, une charge brillante
contre une batterie française postée au saillant sud-ouest du bois
d'Ajou, vis-îi-vis de Chaumesnil, et enleva six bouches h feu. »
Cette cavalerie, rejointe encore par le général-major von Jett
avec le régiment de chasseurs h cheval wurtembergeois n^ 8 et le
régiment de hussards autrichiens Archiduc-Ferdinand, continua
à suivre l'ennemi aussi loin que l'obscurité, l'état du terrain et
l'épuisement de ses chevaux le lui permirent*.
* Prince royal de Wurtemberg au prince de Schwarzenberg, Petit-âlesnil,
10» février. (K, K, Kriegs ArcMv,, II, 3.)
* Journal des opérations da prince royal de Wurtemberg, par le généra
— 491 -
Au centre, la cavalerie russe du gi^néral Wassiltchikoff avait
débouché de La Rothière malgré le tir de rartillerie de Drouot
et les efforts de la cavalerie de la garde qui dut, elle aussi, se
replier sur Brienne, suivie jusqu'à hauteur de la ferme de Beugné
par les cavaliers de Sacken.
Il était alors près de 9 heures : la neige continuait à tomber
plus drue et plus serrée que jamais, et, comme le dit Taxis* dans
son Journal, la poursuite était d'autant plus impossible qu'on
entendait toujours le canon du côté de Dienville où Gyulay ne
réussit h s'établir que vers minuit*, lorsque Gérard eut reçu
l'ordre d'abandonner la position que ses jeunes troupes avaient
héroïquement défendue pendant plus de douze heures.
Dans la situation où se trouvait l'armée française pendant les
dernières heures de la soirée du l®' février, il aurait suffi du
moindre effort tenté par les Alliés pour changer du tout au tout
les conditions dans lesquelles allait s'effectuer la retraite de la
petite armée de l'Empereur. Si, vers 9 heures 1/2 du soir, au
moment où Gérard se maintenait encore à Dienville, mais où
Sacken, le prince royal de Wurtemberg et Wrède avaient enlevé
les positions occupées par leurs adversaires, Blûcher avait pu
disposer de quelques troupes fraîches, leur apparition sur le
champ de bataille, leur marche en bon ordre contre les points où
les généraux français ralliaient leurs troupes ébranlées par une
lutte sanglante et inégale, auraient, on ne saurait en douter,
amené des résultats considérables.
On comprend cependant que le feld-maréchal ait renoncé, en
présence de l'état du terrain, de l'obscurité profonde et de l'épui-
sement des chevaux, à se servir de sa cavalerie qui n'aurait
d'ailleurs pu marcher qu'au pas et qui, contrainte d'autre part à
suivre la grande route, serait tout au plus parvenue h causer une
alerte. Mais il est incontestable, d'autre part, que si Blùcher
comte BaiUet de Latour, chef d'état-major du IV® corps. (K, K, Krieg» Arehiv.,
XIII, 56.)
Ce fat également vers cette heure qu*un des aides de camp de Berthier, le
colonel MauBsion, qui s'était égaré au milieu de Touragan de neige et des
ténèbres, fut pris par les dragons de Knesevicli (K, K, Kriegs Arehiv., II, 1,
et Journal du major prince Taxis, Ibid., XIII, 32.)
< Joamal du major prince Taxis.
« Gyulay à Schwarzenberg, Lesmont, 2 février. {Ibid,, II, 28,)
-^ 492 -
avait pu, pendant les dernières heures de la lutte, se faire
rejoindre par les réserves russes qu*on avait inutilement fait
pivoter sur le champ de bataille, il aurait vraisemblablement
réussi, par une attaque de nuit dirigée sur Brienne-la-Vieille et
î\ Test de cet endroit jusqu'à hauteur de la route de Brienne-le-
Châleau h Doulevanl, à rompre le dernier lien qui retenait encore
des hommes harassés de fatigue et épuisés par des marches
forcées suivies d*un combat de douze heures. Il aurait achevé de
démoraliser de jeunes troupes qui venaient de recevoir seulement
dans ces derniers jours le baptême du feu et changé une retraite
en bon ordre en une véritable déroute.
N'ayant pas de troupes fraîches à sa disposition, le feld-maré-
chal se trouva dans l'impossibilité absolue de tenter le moindre
effort, et les corps alliés, qui avaient été engagés pendant l'après-
midi du l®*" février, s'établirent au bivouac sur les positions
mêmes qu'ils venaient de conquérir.
Positions de Sacken, des IV«, V* et IIP corps, à 10 heures
du soir. — Les avant-gardes de Sacken, des IV« et V« corps,
bivouaquèrent sur les points mêmes où elles s'étaient arrêtées en
avant de La Rolhière, de Pelit-Mesnil et de Chaumesnil.
Le III* corps, de Gyulay, resta à Dienville, les Russes de Sacken
aux environs de La Rolhière, le IV« corps entre La Giberie et
Petit-Mesnil, et le V« à Chaumesnil et au nord de ce village.
Quant aux grenadiers russes, ils avaient, à l'exception de la
2« division qui avait donné à La Rothière, passé leur journée à
exécuter des marches et des contre-marches entre La Giberie et
La Rothière, et bien qu'elles fussent en somme parfaitement
fraîches, on ne songea même pas î\ leur donner l'ordre de se
jeter au milieu des ténèbres sur les restes de l'armée française.
Ces rései*ves campèrent : la 2« division de grenadiers auprès de
La Rothière, la 1*^ division de grenadiers et les deux divisions de
cuirassiers (2« et 3«) en arrière des bivouacs du IV* corps.
Les gardes et les réserves russes et prussiennes étaient venues
dans l'après-midi jusqu'à Trannes.
La journée de La Rothière avait coûté aux Alliés environ
6,000 hommes, dont près de 4,000 au corps russe de Sacken '.
i D'après Schels, les Alliés n'auraient peniu à La Rothière que
4,655 hommes.
— 493 -
La nuit et le mauvais temps, en empêchant les Alliés de pour-
suivre leurs avantages, avaient donné à TEmpereur la possi-
bilité de faire mettre à exécution les ordres qu*à partir de
9 heures du soir, il avait envoyés à ses lieutenants.
Position de Farmée française. — Dès 9 heures en effet, il
faisait prévenir le général Sorbier que tous les corps d'armée
recevaient Tordre de renvoyer en arrière de Brienne les cais-
sons vides, Tarlillerie et les bagages inutiles, de faire passer le
pont de Lesmont aux parcs et aux batteries démontées.
Grouchy, ne gardant que Tartillerie strictement nécessaire,
devait s'alléger le plus possible et renvoyer les chevaux de main
et les hommes à pied. Une heure plus tard, le général de France
recevait Tordre de partir à 2 heures du matin avec les gardes
d'honneur, de passer le pont de Lesmont et de jeter des partis
sur la route de Piney et la rive gauche de TAube. Le général
Sorbier devait faire filer le parc sur Lesmont, et le général Léry
se préparer à brûler et à faire sauter les ponts lorsque l'Empe-
reur en donnerait le signal*.
Les commandants des corps français, qui avaient soutenu tout
TefTort de la lutte, avaient gagné les points que TEmpereur leur
avait désignés et sur lesquels ils devaient rallier leurs troupes.
Marmont, couvert par la cavalerie de Doumerc, s'arrêtait au sortir
du bois d'Ajou. Victor dépassait la ferme de Beugné et laissait
devant les avant-postes russes un rideau formé par quelques
escadrons de Milhaud. Oudinol et Ney massaient la cavalerie et
l'infanterie de la garde sur la route de Lesmont, pendant que
Gérard, qui avait reçu Tordre d'abandonner Dienville, se repliait
après minuit sur Brienne-la- Vieille.
L'armée française avait perdu dans cette sanglante journée
près de 6,000 hommes tués, blessés ou prisonniers, et une soixan-
taine de bouches à feu*.
Les troupes françaises ne devaient, d'ailleurs, prendre que
quelques heures d'un semblant de repos en avant de Brienne-la-
^ Belliard à Groachy et major-général à Sorbier, de France et Léry.
(Archives de la guerre,)
s 63 d'après Bogdanovith, 73 d'après Plotho et Bcitzke, 83 d'après Schels,
73 aussi d'après le rapport de Schwarzenberg (K, K, Kriegs Arehiv,, II,
34, b) et 54 seulement d'après Kocli.
- 494 ~
Vieille; les ordres expédiés à 11 heures 1/2 de la nuit par TEm-
pereur, de Brienne-le-Chàteau, allaient pour les dérober à
l'étreinte des Alliés, les remettre en marche îi 2 heures du
matin.
Avant de discuter la bataille de La Uothière, et bien que pour
cela il faille abandonner un instant les corps qui venaient de
combattre h Dienville et à Morvilliers, il est nécessaire de nous
occuper des mouvements exécutés par le I^^"" corps (Colloredo), h
Textrême gauche de l'armée de Bohême, par cela même que ces
événements ont une certaine connexité avec les faits de guerre
dont les rives de TAube avaient été le théAtre. Il faut également
jeter un coup d'œil sur les opérations des partisans du lieutenant'
colonel comte Thurn, sur les mesures prises le même jour par le
duc de Trévise, sur la tentative des cosaques de Platoft contre
Sens, sur la marche de Wittgenstein sur Saint-Dizier, et d'Ywk
vers Vitry, enfin sur les préparatifs de Macdonald qui cherche h
déboucher de Chàlons et à contrecarrer les projets des lieute-
nants de Blûcher contre Châlons-sur-Marne.
MoiiTement du I<" corps (Colloredo) sur Yendenvre. —
Affaire de La Vacherie. — Retraite da corps volant de
Tburn. — A l'extrême gauche de l'armée de Bohême, le !«' corps
d'armée avait quitté Bar-sur-Seine dès le matin et s'était porté
en une seule colonne jusqu'î\ Magnant, puis à partir de ce point en
deux colonnes, le gros par Thieffain, la division de grenadiers à
droite, par Beurey, sur Vendeuvre, où le corps n'arriva que fort
tard dans i'aprês-midi, par suite des difficultés de la marche
encore augmentées par le dégel.
La division légère du prince Maurice Liechtenstein, chargée de
couvrir sa marche, était restée sur la rive gauche de la Seine et
avait été dirigée de Bar-sur-Seine sur Fouchères, afin d'occuper
et de retenir les troupes de Mortier*.
Dès 1 heure de l'après-midi, le général Hàcht, posté avec une
brigade du 111« corps (division Crenneville) à Vendeuvre, avec
ordre de surveiller les mouvements de l'ennemi du côté de Dien-
ville et d'Unienville, avait informé le généralissime de l'appari-
1 Stakke, Eintheilung uud Tagesbegebenbciteu dcr Haupt-Armee im Monate
Febniar. (K. K.Krieys Archiv., IL 1.)
— 493 —
tion de partis français du côté de Vilieneuve-au-Chène (appelé
alors Villeneuvc-Mesgrigny), de l'occupation de Piney ' par les
troupes françaises et de Tarrivée h Vendeuvre de la tète de
colonne de Colloredo.
Deux heures plus lard, vers 3 heures de l'après-midi, Colloredo
annonçait au prince de Schwai-zenberg qu'il ne disposait à Ven-
deuvre que de trois régiments de la division Wied-Runkel et de
deux batteries, que la division de grenadiers et les cuirassiers du
comte Nostitz n'y arriveraient qu'îi 4 heures et qu'il attendait à
Vendeuvre des ordres lui indiquant le rôle ultérieur que son
corps était appelé h jouer. Mais il était déjà trop tard, et en sup-
posant môme qu'ua ordre de marche émanant de Scharzenberg
pût parvenir à 4 heures à Colloredo, la tète de colonne des trois
divisions du I*"" corps n'aurait pu, en aucun cas, arriver sur les
hauteurs qui dominent le pont de Dienville avant 10 ou H heures
du soir. Par suite, le généralissime se décida* à laisser le
l^ corps k Vendeuvre où les trois divisions occupèrent des can-
tonnements resserrés. La brigade Geppert (de la division légère
du prince Maurice Liechtenstein) formant l'avant-garde de Collo-
redo, occupa le soir Vauchonvilliers et se relia vers l'Aube avec
la brigade Hàcht du III® corps.
L'autre brigade de la division légère Maurice Liechtenstein,
renforcée par un régiment de la division Wied-Runkel, posté en
soutien à Virey, avait été laissée à Fouchères pour surveiller la
route de Troyes.
A 9 heures du matin, un détachement français que le prince
i Les renseignements fournis par le général Hacht sont, on le voit, con-
firmés par la dépêche du généra! de France au major-général, de Lesmont,
!•' février, 8 heures du matin :
« D'après mes rapports de cette nuit, le duc de Trévise fait occuper Creney,
près de Troyes ; ses partis viennent vers Mesnil et RoniHy. Les chasseurs à
cheval de la garde qui occupent Creney poussent jusqu'à Piney.
« Dans la direction d*Arcis, on éclaire Fontaines et Onjon. Coclois est
oecnpé ainsi que Mesnil-la-Comtesse et Voué. Je ferai occuper Pougy, Pel et
et Précy sur la rive gauche; j'enverrai un fort parti à l'embranchement des
routes de Lesmont par Montangon à droite et par Piney à gauche, allant à
Troyes. » {Archives de la guerre.)
s Colloredo reçut, dans la nuit du l^^' an 9 février, un ordre de Scliwarzen-
berg loi prescrivant de se porter avec toute sa colonne sur Dienville et d'atta-
quer vigoureusement ce village ; mais Colloredo ayant eu connaissance quelques
heures après de l'évacuation de Dienville, jugea inutile d'exécuter cet ordre>
désormais sans objet.
— 496 —
Liechtenstein évalue dans son rapport " h 200 hommes et 500 che-
vaux, avait attaqué les avant-postes autrichiens et les avait reje-
tés jusque sur La Vacherie. L'entrée en ligne des troupes de
piquet (un escadron de chevau-légers O'Reilly et une compagnie
de chasseurs) permit aux avant-postes autrichiens de tenir bon,
de résister à une deuxième attaque et d'attendre Tarrivée de ren-
forts qui, après une heure de combat, obligèrent la reconnais-
sance française h se retirer et ù rentrer sur sa position des Mal-
sons-Blanches.
La division du feld-maréchal-lieulenant Ignace Hardegg,
' appartenant également au !«»" corps, se tint pendant toute la
journée du l®' février à Chaource, point vers lequel devait se
diriger la reconnaissance qui avait donné contre les avant-
postes de Liechtenstein à La Petite-Vacherie.
La maréchal Mortier avait en même temps fait partir, sous les
ordres du général de Bourmont, une reconnaissance qui réussit
à surprendre quelques cosaques du corps de PlatofiT, h Auxon.
Cette reconnaissance devait également chercher h couper et h
prendre le corps volant du lieutenant-colonel comte Thurn. Mais
cet officier, prévenu î\ temps, s'empressa de filer vers Ervy *.
1 Prince Maarice Liechtenslein au comte Colloredo, Foaohères, !•' fëTrier.
(K. K. Krieg$ Archiv., Il, a// 23.)
Liechtenstein terminait ce rapport en envoyant an feidzeagmeisler les ren-
seignements suivants sur les mouvements de Mortier :
if Je dois également informer Votre ExceUence que le comte Thurn me fait
dire à Tinstant que le maréchal Mortier a quitté hier Troyes arec la garde
impériale et a pris la route d'Arcis, laissant à Troyes une assez grande quan-
tité de troupes de toutes armes avec 28 canons.
(f D'autres rapports du major von Ellsbach et du général-major Hâcht me
font savoir que les villages de Lusigny et de Courteranges, sur la route de
Vendeuvre, ont été évacués par l'ennemi, n
* Le lieutenant-colonel comte Thurn au prince de Schwarzenberg :
« Chamoy, 4 février 1814, 6 heures du soir.
(f Après avoir adressé à Votre Altesse mon rapport en date du 31 janvier,
j*ai pendant toute cette journée, battu le pays du côté de Bonilly, sur la rente
de Troyes à Sens.
if Le i^' février, à 40 heures du matin, un de mes émissaires est revenu et
m'a annoncé que Napoléon avait rejoint le 27 au soir Tarmée à Vitry, qu'il
comptait attaquer Votre Altesse le 28 à Bar-sur-Aube avec 80,000 hommes et
100 canons, et que le général Dulong devait, ces jours-ci, enlever Auxon par
un coup de main.
« J'ai fait part de ces nouveUes à Votre Altesse et les ai communiquées au
comte CoUoredo, auquel je les fis porter par un piquet d'un sous-officicr et de
— 497 —
Mouvement de Platoff vers Sens. — Quant à Platoft, son
avant-garde continuait ii tîlter Sens, mais sans menacer bien sé-
rieusement la ville que le général AUix occupait avec les dépôts
de la 18® division militaire.
Platoff, toujours habile à présenter les faits de la manière
qui lui convenait le mieux, préparait déjà le généralissime au
mouvement qu'il allait entreprendre pour se faire pardonner Tin-
succès de sa tentative contrs Sens, insuccès dû uniquement k ses
lenteurs, à ses hésitations, à son peu d'empressement a marcher
de l'avant et à s'éloigner du gros de la grande armée. « Trop
ftiible pour chasser Tennemi de Sens, écrivait-il le l*"" février au
soir, de Villeneuve-le-Roy (Villeneuve-sur- Yonne), au prince de
Schwarzenbcrg *, je poursuivrai ma destination en me dirigeant
par Gourtenay sur Fontainebleau. Nous avons du reste pris un
officier et 32 soldats de la garde et délivré 1 officier et 10 soldats
espagnols, ainsi que 4 soldats autrichiens. » Il ajoutait encore
pour prévenir les reproches du généralissime et pour se donner
l'air d'avoir entrepris quelque chose : « J'ai détaché le colonel
Sperberg avec 500 cosaques et 2 canons à Joigny pour découvrir
6 hommes. Mais ce sous-officier toarné et coupé par l'ennemi dans la forôt
d'Aumont, ne m'a rejoint qu'hier soir, me rapportant ma dépêche.
« Les événements m'ont forcé à quitter encore le !«' février Saint-Phal et à
me porter du côté d'Ervy. L'ennemi est, en effet, arrivé le !•' février à Auxon
et Saint-PhaL et après avoir enlevé 4 caissons et 4 hommes aux cosaques
qu'il surprit en train de piller Auxon, il se dirigea par BouiUy, sur Troyes. i>
(A'. A'. Kriegs Archiv,, II, 81.)
Mortier, de son côté, avait rendu compte de ces petites escarmouches dans la
dépêche ci-dessous qui concorde, sauf en ce qui a trait à l'infanterie bavaroise
qui ne parut pas du côté de La Vacherie, avec les rapports des officiers autri-
chiens !
« Mortier au major-général. — Troyes, le 1®' féviier, 7 heures 1/2, soir.
u L'expédition du général de Bourmont sur Auxon a parfaitement réussi.
Une compagnie du 4* bataiUon du S'i*^ régiment s'est emparée de la ville, de
6 caissons de munitions. 4 cosaques, dont i officier, ont été tués, 4 pris, un
grand nombre blessés. Le général de Bourmont s'établit ce soir k Saint-Phal
ou à Chamoy et rentrera demain à Troyes.
u La reconnaissance sur Chaource a rencontré l'ennemi à l^a Vaclierie au
nombre de quelques centaines de chevaux et 300 hommes. 11 y a eu une escar-
mouche assez vive. On a vu de l'infanterie bavaroise. La reconnaissance sur
Vendeuvre a été jusqu'à Montiéraniey où il n'y avait que des piquets. Fresnay
et Clerey sont occupés par l'ennemi. Ses coureurs se montrent vers Arcis-sur-
Aube et Troyes. » {Archives de la Guerre.)
* L'atuman Platofi" au prince de Schwarzenberg, Vilicneuvc-le-Hoy, 1<" fé-
vrier. (A'. K, Kriegs Archiv,, 11, atl, 120.)
Well. 32
— 498 -
et punir les gens de ce pays qui avaient voulu assommer un
de mes courriers, pendant qu'il passait par cette ville. Je lui ai
ordonné de fusiller les coupables et de désarmer la garde natio-
nale que je soupçonne d'avoir participe à ce guet-apens.
« En attendant, je me suis arrêté ici.
« Je crois de mon devoir de prévenir Votre Altesse qu'il rae
sera difficile d'envoyer des courriers au quartier général, tant
que je ne serai pas suivi par quelque autre troupe, parce que
force m'est de détacher d'assez gros partis pour les faire es-
corter. ))
Le général du Coëtlosquet appelé par le général Allix * arriva
à Sens le l^^*" février h 11 heures du soir, et le général Pajol,
posté h Montereau, envoya le général Delort avec 300 chevaux à
Fleurigny pour protéger ce mouvement. Ses partis, qui avaient
poussé le matin jusqu'à Villeneuve-l' Archevêque, lui faisaient sa-
voir qu'ils y avaient rencontré ([uelques cosaques se dirigeant du
côté de Sens. Le général Pajol terminait sa dépêche en donnant
un renseignement d'une remarquable exactitude *. « L'ennemi,
disait-il, veut se porter sur Paris par Fontainebleau en laissant
Montereau h sa droite; comme il me faut renforcer Ponl-sur-
Yonne et Moret, j'écris au général Pacthod de veiller sur ces deux
points, et je fais couper une arche du pont de Bray. »
Houvement du VP corps et de la cavalerie de Pahlen sur
Vitry. — A l'extrême droite des Alliés, le VI» corps (Wittgen-
stein), au lieu de se rapprocher du champ de bataille de La Ro-
thière, avait reçu, au contraire, du généralissime l'ordre de se
porter de Vassy sur Saint-Dizier pour marcher de là, de concert
avec York, sur Vitry '.
Pendant que Wittgenstein exécutait ce mouvement peu ration-
nel, sa cavalerie, sous le comte Pahlen, était aux environs de
Soulainos, et son avant-garde avait même déjà poussé vers La
i Général AUix au Miuistre et au général du Coëtlosquet. {Archives de la
Guerre.)
* Général Pajol au Ministre de la guerre, Nogent-sur-Seine, 1*' février,
heures soir. {Archives de la Guerre,)
• Wittgenstein à Schwarzenberg, !«' février (K. K. Kriegs Arehiv,, II, 7),
et Stârke, Eintheilung und Tagesbegebenheiten der Haupt Armée im Monate
Februar. {Ibid., 11, 1.)
— 499 —
Chîiisr, lors(ju(' son chef recul romimniicalion dcîs iiistrur.tioiis
qui, loin de le laisscu' continuer sur Brienne, lui prescrivaient de
rallier le VI« corps. Pahlen. revenant sur ses pas et croisant,
comme nous Tavons dit plus haut, les colonnes de Wrède, se
dirigea de Soulaines sur Longeville et de là sur Chavanpjes,
tandis que le général Ilowaïsky XII continuait h n?ster avec ses
cosaques en observation devant Boulancourt.
Chose singuli^re et qui mérite d'être signalée : Pahlen, en rai-
son même de l'état de ralmosphére, no. perçut, pendant toute la
première partie de sa marche cl bien qu'il fût h proximité du
champ de bataille, que très faibU^menl et à des intervalh^s très
éloignés le bruit du canon.
Quant h la cavalerie du général lU'idinger, que Witlgenstein
avait détachée sur la rive gauche de la Marne pour se relier îivec
Pahlen, elle s'était, pendant la journée du l»*" février, porté(» de
Monlier-en-Der par Giftaumonl jusque» vers (iigny-au\-Bois et
Bussy-aux-Bois.
Les marches et les contre-marches qu'on avait fait exécuter
pendant les dernières journées îi Witlgenstein, en l'appelant vers
l'Aube pour le reporter ensuite vers la Marne, eurent pour consé-
quence d'annihiler complètement l'action de son corps, en le fai-
sant arriver partout trop tard.
Mouvements du I^' corps prussien. — Opérations sur Vitry.
- Les ordres et les contre-ordres devaient également, le 1*'' fé-
vrier, retarder et contrarier les opérations du l^^ corps prussien.
York, dans les instructions qu'il avait envoyées le 31 janvier au
soir à ses généraux, avait prescrit au gros de son corps de quitter
les environs de Saint-Dizier, (Mitre G et 7 heures du matin,
pour se porter contre Vitry. Il comptait se faire précéder, à envi-
ron trois lieues, par la l'^ brigade, Pirch II, et parle corps volant
du colonel comte Henckel, placé, pour cette» opération, sous les
ordres directs du général von Pirch. Au moment où le gros du
corps allait s'ébranler dans la direction de Vitry, le général York
re(;ul du général-major von Knesebeck, aide de camp du roi de
Prusse, une lettre, datée de Chaumont 30 janvier au soir, par
laquelle on lui faisait part du projet de Schwaraenberg de con-
centrer toutes l(\s forces des Alliés entre Bar-sur-Aube et Colom-
bey, afin d'y attendre les attaques des Français. Knesebeck
— 500 —
pensait que, par suite, il y avait lieu de resserrer le cercle et
que, dans le cas où York n'aurait pas reçu des ordres contraires,
il devait, ainsi que Wittgenstein, chercher fi se rapprocher des
positions de l'armée de Schwarzenberg. York, qui n'avait jusqu'il
ce moment reçu aucun ordre et qui n'avait agi que d'après ses
propres idées, se vit donc contraint de conlremander le mouve-
ment du gros de son corps. Il se proposait, en effet, de rester en
place à Saint-Dizier et de faire observer Vilry par la brigade
Pirch (ît le détachement de Henckel, lorsqu'on lui remit, \ers
9 heures, la disposition générale qui le destinait, au contraire,
h manœuvrer contre Vitry de concert avec Wittgenstein, qu'on
envovait à Saint-Dizier. Tous ces contre-ordres avaient coûte un
temps précieux, et, bien qu'York eût, dès 10 heures, envoyé à
ses corps l'ordre de reprendre le mouvement interrompu le ma-
tin, ce fut seulement entre midi et une heure que les différentes
fractions de son corps d'armée se remirent en marche.
Le maréchal Macdonald était arrivé h Chàlons le 31 *; mais il
n'y avait guère à Vilry avec le général Montmarie que 700 à
800 hommes au moment où la brigade Pirch et le détachement
du colonel Henckel se mettaient de leur côté en marche pour
attaquer cette place. La cavalerie polonaise du général Pac en
était sortie le matin deux heures avant l'attaque, se rendant vers
Brienne et, bien que ce général eût entendu le canon, il ne crut
pas opportun d'y rentrer, ({uoique la canonnade fût devenue très
vive. « parce que, dit-il dans sa dépêche au major-général, je savais
que le général Montmarie attendait un corps de 6,000 hommes'. »
Le vieux maréchal Lefebvre avait heureusement reconnu tous les
dang(;rs de la situation et mieux comi)ris toute l'importance de
Vitry. Il avait lui aussi, comme le général Pac, quitté Vitiy le
ler au malin et passé la Marne avec un escadron de cavalerie et
un régiment d'infanterie, dans l'intention de rejoindre l'armée ;
mais, dès qu'il eut reconnu la direction suivie par l'avant-garde
d'York, il n'avait pas hésité h se replier sur Vitry, où il rentra
quelque temps avant le commencement de l'attaque.
^ Les 5*^ et il° corps d'armée, sous les ordres du maréchal, qui ont à peine
ensemble 8,000 combattants, sont formels de 29 bataillons qui ne peuvent
guère être considérés aujourd'hui que comme des cadres. (Général Gruudler au
Àlinistrc, Ch:Uons, 1*^^ février. — Archives de la Guerre,)
> Archiver de la Gwrrc.
— 501 —
La brigade Pirch ot le détachement de Henckel, arrivés dans la
matinée devant la place, avaient d'abord fait sommer le général
Montmarie de se rendre. Sur le refus de cet officier général, ils
tirent bombarder la ville pendant quelques heures par la batterie
de la 1" brigade et la demi-batterie du colonel Henckel, sans
obtenir aucun résultat. Au bout de quelques heures, le feu cessa.
Mais, pendant ce temps et gnlce au brouillard, un gros convoi
de quarante-deux bouches h feu, escorté par 400 hommes, avait
réussi à pénétrer dans la place vers 2 heures, après s'ètn»
arrêté au pont de Vau\ sur la Saulx, î\ un quart de lieue de la
ville*. Le colonel d'artillerie qui conmiandait cette colonne» avait
été moins heureux : il avait été enlevé, à quelques pas des siens,
par les hussards prussiens, et ce fut par lui qu'York eut connais-
sance de l'arrivée h Chûlons du maréchal Macdonald et de son
intention de se porter sur Vitry.
Le général von Pirch, qui avait pu se rendre compte de l'im-
possibilité d'enlever Vitry par un coup de main, se décida h
renoncer h des tentatives absolument inutiles* et établit son
quartier général à Ecriennes (ît cantonna son infanterie à E(M'iennes,
Luxémont et Villotte, Vauclerc et Reims-la-Brûlée; sa cavalerie :\
Frignicourt, Marolles, Bégnicourt et Norrois. Afin de couvrir sa
1 Général comte de Valmy, La Cliaussée, !«' février, 7 heures 1/2. {Ar-
chives de la Guerre.)
* York à Schwarzenberg, Ecriennes, 2 février, li heures du soir. (A'. K.
Kriegs Archiv., 11, 29) et général Montmarie au major-général, Vitry,
1" février 1814 :
u Ce matin, à 8 heures, Tenneml qui occupait depuis plusieurs jours les
environs de Vitry, a attaqué cette ville. U a montré, en avant de Marolles.
8 bataillons, 6 escadrons et 0 bouches à feu, dont 3 obusiers; il avait ent'orc
un corps assez considérable à Frignicourt.
« Des renforts qui me sont arrivés de Chdlons (2 bataillons et 2 batteries)
m*ont mis à même de repousser les attaques. A 1 heure, Tennemi a couimeiico
sa retraite ; il est retourné par la route de Saint-Dizier et occupe encore
Marolles.
« On était déjà aux prises lorsque le général Pac est parti. Ses troupes
auraient été bien utiles. » { Archives de la Guerre.)
Les troupes du maréchal Macdonald occupaient le i^^ février, à 8 heures du
soir, les positions suivantes : la division Molitor était cantonnée dans les vil-
lages au delà de Chàlons, sur la route de Vitry et la rive droite de la Marne :
la division Bi-ayer sur celle de Sainte-Menehould ; Exehnans avec le t^ corps
de cavalerie, sur celle de Chdlons à Arcis-sur-Aube ; le 5* c^rps (Sébastiani)
était dans Châlons, et le 3« corps de cavalerie (duc de l*adoue) s'était cantonné
prés de Chàhms. sur la route de Reims. (Valmy au duc de Feltre, Châlons,
1" février, 8 heures soir. — Archives de la Guerre.)
— 502 —
droite, le g(^néral von Pirch avait envoyé le colonel Henckel sur
Vitry-le-Brûlc% avec l'ordre d'observer les passages de la Saulx
et de pousser, sur Changy et Saint-Quenlin-les-Marais, des partis
chargés de surveiller la route de Châlons.
Le 1er au soir, York établit son quartier général îi Orconte;
Tavant-garde (général von Katzlcr) vint à Malignicourt, Thiéble-
monl, Farémont, Haussignémont et Favresse; la cavalerie de ré-
vServe du général von Jiirgass à Domprémy, Brusson, Plichan-
court et Ponthion ; la 7« brigade à Blesraes, Scrupt, Saint-Vrain
et Heiltz-le-Hutier; la 8® brigade à Orconte, Larzicourt et Isie;
rartilleric de réserve, avec le parc du corps d'armée, fut installée
il Longchamps, Le Tronc, Sapignicourt et Hallignicourt.
Enfin, pour compléter l'indication des mouvements exécutés
pendant cette grande journée du i«»" février, nous dirons que le
IIo corps prussien (Kleist), apros avoir passé en vue de Thionville,
était arrivé à hauteur de Boussange, Hagondange etHauconcourt,
tandis que le corps russe de Kapsewitch, venant de Mayence par
Sarreguemines, n'était plus qu'il une marche de Nancy.
Considérations sur la bataille de La Rothière. — Quand
on se trouve en présence d'un événement de l'importance de la
bataille de La Rothière, on ne saurait, surtout en raison de la
gravité exceptionnelle des circonstances, se contenter, comme
on le ferait pour toute autre bataille, de signaler les erreurs
commises par les deux adversaires, d'insister sur les conditions
dans lesquelles elle a été livrée et de comparer les résultats
réellement obtenus avec ceux que le vainqueur était en droit
d'espérer. II faut, pour que l'on puisse se rendre un compte exact
de la situation, insister sur la portée que pouvait et que devait
avoir le premier échec essuyé au cœur même de la France par
une armée commandée par l'Empereur en personne.
« La guerre, a dit Clausewitz dans sa Théorie de la Grande
Guerre, est un instrument de la politique. » La campagne de 1814
et plus particulièrement la bataille de La Rothière se chargent de
justifier l'opinion émise par le grand écrivain allemand, parce
(|ue jamais peut-être les considérations politiques n'ont exercé
plus d'influence sur les opérations nn'litaires que pendant cette
campagne, et surtout pendant les deux ou trois jours qui ont pré-
cédé (ît suivi la bataille du l^^"" février.
— 503 —
Il suffit, en effet, de lire allenlivemenl les dispositions g(^n(^rales
du 31 janvier pour voir (jue le génc^ralissime. tout en abandon-
nant îi Blucher la direction des opérations pendant vingt-quatre
heures, n'avait jamais eu Tinlention d'abdiquer entre ses mains,
l)uisque le rôle du fcid-maréchal se trouvait, |)ar ces dispositions
mômes, limité Ji la durée de la bataille. Il résulte, en effet, des
termes mêmes de cet ordre, qui^ Schwarzenberg avait îi l'avance
déterminé la mission attribuée à chacune des grandes unités après
la fin de la bataille. En agissant de la sorte, le généralissime avait
évidemment voulu donner h l'amour-propre du feld- maréchal une
satisfaction passagère; mais, naturellement et justement jaloux
dv. conserver et d'affirmer une autorité qu'il avait peine îi main-
tenir et à défendre contre les attaques et les intrigues de ses enne-
mis, il avait eu soin de reprendre dès le soir du !•»' févri(T une
direction qu'il avait cru habile de céder pendîint quelques heures.
Il résulte, d'ailleurs, des conditions mêmes dans lesquelles s'était
faite cette transmission momentanée du pouvoir suprême, que
Blucher ne disposait pas de la totalité des ressources qu'on aurait
pu et dû lui confier, parce qu'on ne voulait pas que la victoire,
sur laquelle on était en droit de compter, eût des conséquences
par trop graves et fût suivie de résultats trop décisifs. On tenait
assurément à relever h», prestige des armes des Alliés, mais tout
porte à croire qu'on ne voulait pas finir, comme on l'aurait pu,
la guerre d'un seul coup et qu'on redoutait même, jusqu'à un
certain point, une solution définitive. On avait eu la précaution de
mettre Blucher hors d'état de tirer parti de ses avantages, et tant
pour prévenir ses récriminations que pour l'empêcher de donner
libre cours à sa mauvaise humeur, on eut soin de le combler im-
médiatement d'éloges et de compliments. Dès le soir même de la
bataille, l'empereur Alexandre, en lui faisant dire que « cette
nouvelle victoire couronnait sa carrière et effaçait l'éclat de toutes
celles qu'il avait remportées » , s'empressait de lui envoyer un
sabre d'or enrichi de diamants. Mais au moment môme où les
officiers alliés, enthousiasmés par cette victoire, se croyaient déjà
maîtres de Paris, on avait enlevé à Blucher jusqu'aux moyens de
recueillir le fruit de ses avantages.
Il semble presque qu'on ait eu au quartier général des Alliés
une sorte de terreur superstitieuse de l'Empereur, qu'on ait
craint de le pousser à bout et de l'acculer, qu'on ait tenu h laisser
— 504 —
au César vaincu la possibilité de se retirer. Les dispositions
mémos prises par Schwarzenberg avant la bataille avaient prévu
le cas, puisqu'elles dirigeaient les corps de Tarmée de Silésie sur
Vitry et qu'elles envoyaient le VI® corps seul à Brienne et le 1II« h
Dienville. On avait de cette façon voulu empêcher le feld-maré-
chal de mettre en pratique les principes qu'il avait toujours appli-
qués, qu'il avait sans cesse cherché h inculquer à ses lieutenants.
On se rappelait évidemment au grand quartier général ce qu'au
lendemain de la bataille de la Katzbach, Blûcher avait écrit il
York, lorsque celui-ci avait cherché à lui démontrer l'impossibi-
lité d'une poursuite plus active :
« Ce n'e.st pas assez de vaincre : il faut encore saroir tirer parti
de la victoire. Si nous ne marchons pas sur le rentre de l'ennemi,
il se relèvera de sa défaite, et ce sera alors seulement à l'aide d'une
nouvelle victoiî^e que nous i^ecueillerons les résultats qui ne peuvent
nous échapper si nous menons énergiquement la poursuite. »
On avait tenu h lui lier les mains et à le mettre d'autant plus
dans l'impossibilité d'agir, qu'on le savait homme à tout sacrifier
pour anéantir un ennemi vaincu, qu'on avait présents à la mé-
moire les reproches qu'il avait adressés le 31 août 1813 à ses
lieutenants : « Négliger de tirer pleinement parti de la victoire y
leur avait écrit Bli'icher à cette époque, cest s'obliger inéiHtable-
ment à livrer à courte échéance une nouvelle bataille, »
Or, sans vouloir prétendre qu'on tenait à avoir à livrer de nou-
veaux combats, il est certain qu'au grand quartier général on ne
s(î souciait pas de finir la guerre d'un seul coup. C'est pour cette
raison, c'est parce que les considérations politiques d'une part,
les jalousies personnelles et les rivalités mesquines de l'autre,
exerçaient (encore à cette époque une influence réelle, quoique
latente, sur la conduite des opérations, que par suite des ordres,
donnés par le grand quartier général, les Alliés livrèrent la ba-
taille sans avoir toutes leurs forces réunies et dans des conditions
qui, rendant une solution définitive presque impossible, devaient,
en outre, dénaturer le caractère de la poursuite en la privant de
s(»s deux éléments essentiels : l'activité et la vigueur.
Sans aller jusqu'à ajouter foi îi ce que raconte le général von
Heilmann (l'historiographe de Wrèdt»)*, on doit reconnaître que
< Le prince Cihurlos de Bavière, qui commandait à La Kotliière la !'• Iiri-
— 505 —
les ordres iiu>mes du généralissime tondaient h panilysor toute
action énergique apr^s la balailh». Au lieu de rhereher à anéantir
Tarmée française, on lui laissa non seulement la possibilité de se
rallier et de se retirer en assez bon ordre, mais on perdit même
sa trace.
Au lieu de pousser droit sur Paris, de mener tambour batUmt
les débris des troupes vaincues h La Rothi^re , on préféra attri-
buer il chacune des deux grandes armées un thédtre spécial de
guerre, comme si, dit Droysen dans sa Vie du feld-maréthal
York von WartetUmrg, Ton (hU eu à cœur de faire traîner la
guerre en longueur.
Le prince de Schwar/enberg avait, d'ailleurs, si bien senti dès
ce moment qu'il allait forcément encourir de graves reproches et
que «;etle singulière manière d'entendre la guerre susciterait des
critiques justifiées, qu'on lit les lignes suivantes dans le Journal
d'opérations tenu jour par jour au grand état-major général * :
« Napoléon perd ses positions, 5:2 canons et i,000 prisonniers:
mais il ne quitte pas le champ de bataille et parait avoir l'inten-
tion de recommencer la lutte le lendemain. Le prince de Schwar-
zenberg s'y attend et s'y prépare en ordonnant h (k)lloredo de
venir h Dienville, et ù York d'attaquer Vitry. »
Les lignes qui précèdent détruisent, il nous semble, l'un des
arguments invoqués par Glausewitz. « La victoire de La Rothière,
dit-il, a rendu les Alliés présomptueux, et c'est pour cela qu'ils se
sont divisés *. » De môme que Schwarzenberg a eu le soin d'es-
sayer de justifier ses lenteurs et ses indécisions par la persistance
de l'Empereur h se tenir sur le champ de bataille, de même Glau-
sewitz a cru utile de préparer, par la phrase qui précède, une
excuse qui lui servira îi atténuer les fautes que son héros va com-
mettre pendant la première séparation des armées alliées.
Au point de vue stratégique et sans vouloir chercher si la res-
gade de la l'*^ division bavaroise, a affirmé au gêni^ral-inajor Heilmann que,
apnts cette bataiUe, le prince de Schwarzenberg avait déjà commencé à parler
aux souverains aUiés de TéventuaUté probable d'une retraite générale, u Vous
pouvez aisément, ajouta le prince, vous figurer TefTet que produisit sur moi
une pareille opinion exprimée le soir d'une Imtaille gagnée. »
* St'ârie, Kintlieilung und Tagesbegebenheiten der llaupt-Armee im Mo-
nate Februar 18i4. (A'. K. Kriegs Archir., Il, 1.)
' Clausrwitz, Critiquf stratégique de. la campagne de France en 1814.
— 506 —
ponsabilitf^ des fautes commises incombe plutôt au généralissime
aulricliien qu'au feld-maréchal prussien, on ne saurait s*enipêcher
de reconnaître, avec Clausewitz, que la bataille de La Rothière a
été livrée dans de mauvaises conditions. « Déterminer le temps»
le lieu et les effectifs à employer pour une bataille , écrit l'auteur
de la Critique stratégiqm de la campagne de France en 1814,
c'est là le propre de la stratégie. Les armées alliées avaient eu,
dès le début, en vue Tattaque du gros de l'ennemi. C'est ce qu'on
fit h La Rothière. Mais on ne saurait justifier pour cela les moyens
employés pour la bataille môme par Schwarzenberg. Au lieu de
profiter de sa supériorité numérique pour enserrer l'ennemi de
toutes parts et lui infliger de grosses pertes, conséquences d'une
grande victoire, il laisse loin du champ de bataille une bonne
partie de ses troupes et délègue, pour ainsi dire, un de ses géné-
raux (Blùcher) avec une portion seulement de ses forces, afin
d'essayer une bataille. C'est \k chose nouvelle dans l'histoire mi-
litaire. »
Voilà pour la part de Schwarzenberg. Mais Blùcher lui-même
n'est pas indemne. Tout en rendant justice à l'habileté dont il a
fait preuve après Brienne pendant la journée du 30 et surtout celle
du 31 janvier, on doit reconnaître qu'il serait aisément parvenu
à tirer un meilleur parti des corps placés sous ses ordres, s'il
avait plus judicieusement choisi son point d'attaque, si, pendant
la bataille même, il ne s'était pas obstiné à considérer La Rothière
comme la clef de la position et s'il avait compris les avantages
considérables qu'il aurait pu recueillir, aussitôt après l'entrée en
ligne des Austro-Bavarois de Wrède, en concentrant tous ses
efforts contre la gauche des lignes françaises. C'était là, d'ailleurs,
le conseil que Toll s'était permis de lui donner dès le commence-
ment de la bataille, (i'était parce que Toll était profondément
convaincu de la nécessité d'agir surtout contre la gauche des
Français, qu'éconduit par le feld-maréchal et par Gneisenau, il
avait cherché, malgré l'opposition de Schwarzenberg et de Ra-
detzky, à faire accepter son idée à l'empereur Alexandre, auprès
duquel il s'était rendu. Les tiraillements qui se produisirent à la
suite de l'entretien de Toll avec le tzar, l'intervention directe des
souverains dans la conduite de la bataille, les demi-mesures prises
par Alexandre qui, sans même en informer Blùcher, dirigea six
bataillons de grenadiers russes vers la droite du prince royal de
— 507 —
Wurloniberg, exorci'renl, en outre, une influence nuisible sur les
opérations. Los mouvements inutiles qu'on fit e\(^cuter ù une di-
vision de grenadiers et aux 2« et 3« divisions de cuirassiers russes
contribuèrent en grande partie h empêcher Blûcher, manquant
absolument de réserves ii la fin de la journée , de profiter des
avantages que son obstination ne lui avait permis d'obtenir que
fort avant dans la soirée. 11 n'en eût probablement pas été de
même si l'on eût dès quatre heures accentué le mouvement de
Wrède en avant de Ghaumesnil et de Mor\'illiers, si l'on eût con-
senti à renforcer sérieusement et immédiatement le prince royal
de Wurtemberg et permis à ces deux corps, soutenus par les ré-
sei'ves, de pousser par le bois d'Ajou vers Brienne, de rabattre
la gauche française vers l'Aube, en obligeant de la sorte les dé-
fenseurs de La Rothière, en danger d'être coupés de leur unique
ligne de retraite, ù quitter une position que les Austro-Bavarois
et les Wurtembergeois auraient débordée et qu'ils auraient pu
prendre à revers pendant que les Russes de Sacken l'aurait abor-
dée de front.
L'attaque contre Dienville par les deux rives de l'Aube est éga-
lement contraire aux vrais principes. Comme toutes les fausses
manœuvres, elle ne produisit aucun résultat et les Alliés s'épui-
sèrent devant ce village en efforts inutiles. Il eût été assurément
plus logique, plus rationnel, de garder le III« corps tout entier sur
la rive droite de l'Aube, d'autant mieux que la division détachée
sur la rive gauche aurait eu, en tout état de cause, besoin de
beaucoup de temps pour déboucher par le pont de Dienville, en
admettant qu'elle eût réussi à l'emporter. Au lieu de séparer
ainsi le III» corps par le cours de l'Aube, il eût été bien plus
sage d'imj)rimer un peu plus d'activité à la marche du I«f corps
pendant les deux journées qui avaient précédé la bataille.
On aurait pu alors confier l'attaque de Dienville par la rive
droite au corps entier de Gyulay, pousser sur Piney le l^^ corps
(dont la présence sur la route de Troyes à Joinville par Brienne
aurait mis l'Empereur dans un cruel embarras en le privant de
la seule ligne de retraite qui pouvait lui permettre d'opérer sa
jonction avec Mortier), ou bien encore diriger Colloredo sur
Dienville et le (*harger d'enlever le pont, pendant que le 111*^ corps
aurait eu |)our mission d'occuper sur l'autre rive les troupes de
Gérard.
— 508 —
Au point (le vue tactique, la maniftre de combattre des Alliés
donne également prise h la critique.
D^s le début de la bataille , on peut remarquer dans Faction
des trois armes un manque absolu d'entente, une absence com-
plète de cohésion qui se continueront h travers toutes les phases
de la lutte. Le temps épouvantable qu'il faisait alors est la seule
circonstance atténuante que les généraux alliés puissent invoquer
pour justifier le décousu de leurs mouvements offensifs. L'artil-
lerie russe de Sacken a évidemment fait preuve d'une remar-
quable hardiesse, mais elle s'était tellement aventurée et elle
resta pendant un certain temps tellement en l'air et tellement en
avant de ses soutiens les plus proches , qu'elle ne dut son saliit
qu'au sang-froid de son chef et à l'état du terrain. Quant à la ca-
valerie russe dont nous avons déjà apprécié le rôle, les avantages
considérables qu'elle remporta du côté de La Rothière dH le
début de la bataille et qu'elle dut h l'entrée en ligne si opportune
de la division de dragons du général Pantchoulitcheff, n'eurent
pas toute la portée qu'on était en droit d'attendre d'un fait
d'armes aussi brillant: d'abord, parce que l'infanterie de Sacken
était encore trop en arrière; ensuite, parce que Bliicher, ne pou-
vant, à cause de l'ouragan de neige, découvrir Iç champ de ba-
taille, ne fut informé que trop tard pour pouvoir en profiter, des
résultats quelque peu inattendus des charges des cavaliers de
Wassiltchikoff. A la droite des Alliés, les dernières charges exé-
cutées par la cavalerie de Wrède *, du prince royal de Wurtem-
berg, de Karpoff et du prince Biron de Courlande, n'avaient pas
été combinées, et leur semblant de cohésion et de oonnexité ne fut
que le résultat d'une coïncidence presque imprévue. Pour ce qui
est de l'infanterie, on l'engagea sur toute la ligne par petits pa-
quets au fur et à mesure de son arrivée sur le terrain.
Ordres de l'Empereur pour la retraite. — Nous avons
déjà essayé d'indiquer les motifs pour lesquels sans doute l'Em-
pereur s'obstina à rester jusqu'au \^^ février en présence des
* L*aidc de camp de Wrède, le prince de Thurn et Taxis, prétend, dans son
jonrnal, « qu'on aurait pu faire mieux encore. On disposait, dit-il, non seu-
lement d'une nombreuse cavalerie, mais de cavalerie fraîche. F)n la portant
vigoureusement en avant, on aurait très probablement pu enlever Brienne. »
(Taxis, TaKebucb;, K. K. Kriegs Archiv., Xlll, 32.)
— 509 -
Iroiipes alliées. Nous avons montré que Napoléon lui-mènie avait
trouvé sa position trop étendue et qu'il avait même commencé à
retirer ses troupes au moment où 1 attaque des Alliés vint îi se
produire. Mais si l'on peut critiquer la résolution prise par l'Em-
pereur d'accepter la bataille dans des conditions aussi désavan-
tageuses pour lui, on ne saurait trop admirer le calme avec lequel
il arrête, dans la nuit du !«'' au 2, les dispositions qui, grAcc à
la lenteur et ii la mollesse de la poursuite des Alliés, vont lui
permettre de sauver les débris de son armée, la sagacité pro-
fonde avec laquelle il pénètre les projets de ses adversaires, l'in-
comparable perspicacité qui lui permet de fixer la direction même
que suivront leurs principales forces. Jamais peut-être le génie
de Napoléon ne s'est affirmé d'une manière plus complète que
l)endant cette nuit du !•' au 2 février qu'il passe au chAteau de
Brienne, occupé d'une part à régler les mouvements de son ar-
mée, devinant de l'autre, avant môme qu elles aient été décidées
dans les conseils des souverains alliés, non seulement la sépara-
tion des armées de Silésie et de Bohême, mais encore les direc-
tions mêmes que ces armées vont prendre.
Pendant que l'armée française exécutait, a partir de 8 heures
du soir, le mouvement rétrograde que nous avons vu l'Empereur
lui prescrire, Napoléon préparait au château de Brienne les dis-
positions nécessaires pour régler sa retraite sur Troyes par Les-
mont. De 9 îi il heures, l'Empereur est préoccupé; il craint
encore que les Alliés, profitant de leurs avantages, ne se décident
à une attaque de nuit* dont les conséquences seraient désas-
treuses pour lui. Enfin, à il heures du soir quand, sauf à Dien-
ville, le feu a cessé sur toute la ligne, quand il sait que l'ennemi
reste immobile, il dicte les ordres que Berthier enverra de suite
aux commandants de corps.
1 LHnactiou du généralissime, aussitôt après la victoire, est l'objet des cri-
tiques les plus vives de Clausewitz. Il condamne à plusieurs reprises, dans sa
Cntique stratégique, la manière d'agir de Schwarzenberg. et c'est ainsi que,
parlant des opérations de la défense, appréciant peut-être trop durement les
dispositions de l'Empereur pour une batxiille qu'il ne voulait pas livrer, l'écri-
vain allemand ajoute : « On Tattaqua, et Bonaparte, battu, eut la chance inouïe
dans riiistoirc de voir le généralissime allié n'engager qu'une partie de ses
troupes et donner au rette le xpfctacle (Vune bataille. On ne le poursuivit pas,
et il put se tirer facilement d'un si mauvais pas ». (Clausewitz, Critique
slraU'tjique de In campagne de 1814.)
— 510 —
<( La retraite * de l'Empereur étant sur Lesraont , les ducs de
Bellune et de Raguse doivent avoir des batteries à cheval pour la
retraite Les trois divisions d'infanterie de la jeune garde ont
en tout 24 pièces ; les batteries à cheval de la ligne et de la garde
en ont 24; soit 48.
« Demain 2 février, à 4 heures du matin , on aura pris les po-
sitions suivantes : Le général Nansouty, avec ses 3,000 chevaux,
sera en position sur la gauche un peu en arrière de Brienne-la-
Vieille avec 12 pièces d'artillerie à cheval.
« Le général Gérard, avec 2 pièces, sera en avant de Brienne-
la-Vieille sur trois lignes, l'une à la tête du village, l'autre à la
queue, la troisième dans le bois h hauteur de Brienne.
« Le général Ricard passera h 2 heures du matin le pont de
Brienne-la-Vieille; il aura avec lui sa cavalerie et s'arrêtera à
3 heures; il coupera le pont de Brienne-la-Vieille, après quoi il
marchera sur Piney. Il couvrira la route de Lesraont par la rive
gauche.
« Le général Grouch y, avec la cavalerie du 5« corps, sera sur la
gauche de la garde. Le général Curial avec sa division sera en po-
sition devant Brienne, occupant la ville et en colonne de marche.
« La division Meunier sera rangée en deux colonnes sur l'ex-
trême gauche, l'une h peu près au chemin de Maizières, l'autre
plus en arrière.
« La division Rottembourg traversera Brienne h 3 heures et ira
prendre position sur la hauteur, h mi-chemin de Lesmont : elle
aura avec elle sa batterie et occupera les bois* et les hauteurs du
moulin ;'i vent. On placera les batteries de 12 près de Lesmont,
pour que, si l'Empereur était trop pressé, il pût faire usage de
toute son artillerie.
« Le duc de Raguse, avec 6 pièces d'artillerie, partira h
3 heures du matin, prendra position sur les hauteurs de Perthes
en Rothière, s'assurera du pont de Rosnay où il y a un bataillon
de garde. Il prendra position sur les hauteurs de Rosnay, se re-
tirant, s'il y est forcé, par le pont d'Arcis-sur-Aube.
« Le duc de Bellune partira à 2 heures du matin ; il traversera
Brienne et prendra position au moulin h vent.
i Registres de Berthier; Dispositions pour la retraite. (Archives de la guerre,)
* U s'agit ici des bois et des haatears de NeaviUe.
— 811 —
« Le général de France, avec les gardes d'honneur, se mettra
en marche à 1 heure, passera le pont de Lesmont, jettera des
partis sur la route de Piney et sur la rive gauche de l'Aube en
remontant.
« Le général Ruty choisira demain au jour un emplacement
pour Tartillerie sur la rive gauche de l'Aube.
« Les troupes, à mesure de leur passage, se rangeront en ba-
taille, le duc de Bellune à droite, la garde a gauche.
« Dans cette situation, on pourra passer la nuit demain.
« Le général Corbineau se rendra de suite de Maiziéres à Ros-
nay et à l'intersection des routes de Rosnay à Lesmont. Il fera
brûler les ponts de Rosnay lorsqu'il en recevra l'ordre. Il aura
sous ses ordres le bataillon qui est ii Rosnay et les pièces, et
prendra position, la droite au pont de Lesmont, flanquant l'ar-
rière-garde pour arriver avec elle i\ Lesmont. »
Sur Tordre de l'Empereur, le major-général informait à la
même heure le maréchal Macdonald des événements de la jour-
née, qu'il réduisait cependant aux proportions d'une simple (îs-
carmouche. a II y a eu toute la soirée, lui écrivait-il, une grande
canonnade, et quelques échauffourées nous ont fait perdre quel-
ques pièces de canon, w Berthier ajoutait toutefois que l'Emptî-
reur repassant' l'Aube, la ligne d'opérations serait d'Arcis-sur-
Aube à Troyes. Quelques heures plus tard l'Empereur devait
d'ailleurs, avant de quitter Brienne pour se rendre à Piney,
envoyer des instructions plus détaillées au maréchal. Par une dé-
pèche qui, partie de Brienne h i heures du matin, parvint seule-
ment il ce maréchal assez tard dans la soirée du 12, il lui faisait
connaître que le duc de Raguse allait manœuvrer par la rive
droite de l'Aube pour couvrir le point important d'Arcis-sur-
Aube, et lui prescrivait de manœuvrer « selon les circonstances
et surtout pour maintenir libre le pays entre l'Aube et la Marne ».
Au milieu môme de la retraite, l'Empereur pensait déjà à re-
prendre l'offensive, puisque Berthier ajoutait: « Sa Majesté attend,
dans les premiers jours du mois, un corps assez considérable de
vieilles troupes de l'armée d'Espagne ; s'il était possible de rece-
voir tout cela sur Arcis-sur-Aube , cela nous mettrait à même de
tenter une bataille avec quelque chance de succès *. »
* Major-général à Macdonald ; Registres de Berthier. (Archives de la guerre.
— 512 —
L'Empereur ne devait pas tarder à recueillir le fruit des me-
sures énergiques auxquelles il s'était arrêté au milieu du désordre
inséparable d'une défaite. Dès le 2 au soir, les Alliés, bien qu ils
n'eussent guère engagé à La Rolhière qu'un peu plus du tiers de
leurs forces, allaient, après s'être laissé arrêter par la résistance
que Marmont devait leur opposer sur la Voire aux environs de
Rosnay, trouver le moyen de perdre le contact d'une armée
qu'avec un peu d'activité et de résolution il leur eût été possible
de mettre en pleine déroute.
2 février. — Premiers mouvements des Alliés à 8 heures
du matin. — Du côté des Alliés, on s'était tenu absolument
tranquille toute la nuit et ce fut au jour seulement qu'on se pré-
para îi exécuter les ordres contenus dans la disposition générale
donnée par Schwarzenberg avant la bataille. Au moment où les
souverains alliés, accompagnés par le généralissime et venant de
Bar-sur-Aub(î où ils avaient passé la nuit, arrivaient un peu après
le lever du soleil sur le champ de batîiille, leurs avant-postes si-
gnalaient la retraite de l'armée française. On avait ainsi, par une
négligence inouïe, permis au vaincu de se dérober, de prendre
plusieurs heures d'avance sur un vainqueur qui disposait cepen-
dant pour la poursuite de nombreuses troupes n'ayant pas pris
part à l'affaire de la veille. Les mesures elles-mêmes prises pour
retrouver les traces de l'ennemi semblent, d'ailleurs, justifier l'opi-
nion émise par Clauscwitz. Fût-ce parce que la victoire les avait
rendus présomptueux, parce qu'ils crurent la campagne définiti-
vement terminée et la route de Paris ouverte par une seule ba-
taille? Kst-ce dans le domaine de la politique qu'il convient
d'aller chercher l(;s causes de cette singulière manière d'opérer ?
11 n'en est pas moins certain que les souverains et les généraux
alliés jugèrent à propos de priver Blùcher et l'armée de Silésie
de toute participation îi la poursuite et se contentèrent de porter
contre Brienne les III®, IV® et V« corps de la grande armée de
Bohême: le premier, de Dienvillepar la rive droite de l'Aube; les
deux autres, d(;s environs de Petit-Mesnil et de Chauniesnil où
ils avaient passé la nuit, en les chargeant de se renseigner sur la
direction suivie par l'ennemi en retraite *.
1 Starkë, Kiiillieilung und Tage$bcgel)enhcilen (1er Haupt-Armee im Mo-
iiulc Februar. (A'. A'. Krieys ArcfUv,, 11, i.)
- 513 —
Marche du III^' corps sur Brienne. -- Honvement de la
cavalerie des IV« et V« corps. — Gyulay reconnaît lui-mome
dans son rapport sommai n» sur le rôle de son corps ;\ la bataille
d(; La Rothi^re, que « n'ayant pu, à cause du temps épouvantable,
poursuivre rennemi pendant la nuit du l^r au 2, il s'était con-
tenté d'établir quelques ])elits postes de cavalerie sur les deux
rives de l'Aube \ » Il arriva un peu après 8 heures du matin de-
vant Brienne-la-Vieille, encore occupée jiar une faible arrière-
garde française qui, après un engagement de peu de durée, se
replia sur Brienne-le-Chî\teau , suivie par la brigade d'avant-
garde de la division Fresnel.
A 8 heures du malin, le prince royal de Wurtemberg, se met-
tant en personne à la tête de sa cavalerie, quittait La Giberie et
Petit-Mesnil, se reliant })ar sa droite avec la cavalerie du V® corps,
et suivait l'arriere-garde française dans la direction d(î Brienne.
L'infanterie de ces deux cor|)s connnença son mouvement h la
même heure, marchant sur plusieurs colonnes dans la même
direction que la cavalerie, pendant que Frimont faisait déboucher
de Chaumesnil les troupes de la division Antoine Hardegg qui
avaient fourni les avant-postes pendant la nuit *.
L'avant-garde du V® corps ' vint donner contre quelques partis
français h peu de distancer de Brienne-la-Vieille, (»omme le
* Gyulay au prince de Srhwarzcnberg, rapport sommaire sur les événe-
ments des i'^ et 2 février. (/6u/., Il, 34.)
* ï^es troupes en question de la division du comte Antoine Hardegg se com-
posaient de deux escadrons de ulilans de Schwarzenl)erg, du nfgiment de hus-
sards Arcliiduc- Joseph, de quatre compagnies de Szeckler (confins miUtaires)
et d*un bataillon d« chasseurs. (Starke, Eintheilung und Tagesbegel)eDheiten
der Haupt-Armee {K. K. hriegs Archiv., Il, 1), Journal des opérations du
prince royal de Wurtemberg (IV« corps), par le général comte Baillet de Latour,
chef d'état-major (//nd. , XIII, 56) et Wrède à Schwarzenberg (/6iV/., II, 47).
* Le major prince de Taxis s'exprime ainsi, à ce propos, dans son Tagehuch
(Ibid., XIll, ^'i) : « A l'aube, on sait que l'ennemi s'est retiré. Wréde pousse
sur Brienne et se relie au prince de Wurtemberg. Sacken (c'es^t là une erreur
commise par le prince, puisque, comme toutes les troupes de Hliicher, Sacken
resta immobile) pousse, de son côté, de La HotliiAre vers Brienne. Les réserves
n'avaient pas pris pan au combat, et, si la bataille de La Rothiùre était assu-
rément une victoire, elle allait rester une victoire sans résultat et sans consé-
quences. Napoléon se retire par Lesmont, passe l'Aube et se dirige, parPiney,
sur Troyes, où il opérera sa jonction avec Mortier. Il no restait plus dans la
plaine à droite (au nord et à l'est de la ville) que 1800 chevaux formés en
colonne serrée et ayant avec eux quelque artillerie. On leur envoie quelques
coup& de canon, et ils se retirent après avoir riposté. »
WeU. 33
— 514 -
lll« corps allait pénétrer dans ce village qu'il avait attaqué par la
route de Dienville.
(( Les avant-postes m'ayant informé de la retraite de l'ennemi ,
écrit Frimoiit à Wrcde de Brienne le 3 février S je portai en
avant toute ma cavalerie suivie par mon infanterie formée en
trois colonnes. Je rejoignis l'ennemi à Brienne. Sa cavalerie se
tenait seule dans la plaine ; son infanterie était déjà dans les dé-
filés et la gauche ennemie s'appuyait au village de Perthes. Ma
cavalerie se porta vivement en avant, mais elle ne parvint pas à
atteindre l'ennemi qui se retira sans attendre mon attaque. >/
Les troupes françaises, dès qu'elles avaient remarqué le dé-
ploiement des trois corps alliés, s'étaient, en effet, reportées en
arrière sur la route de Lesmont, sur une ligne allant de Brienne-
le-Château à Perthes-en-Rothière. La cavalerie de Milhaud, dont
la droite était protégée par l'infanterie postée dans les déiilés et
dont la gauche s'appuyait au village de Perthes, couvrait ce
mouvement.
Le III« corps avait de Brienne-la- Vieille continué sa marche
sur Brienne et n'était parvenu à enlever la ville et le château
qu'après un engagement assez vif avec l'arrière-garde française.
L'artillerie de Tavant-garde des Austro-Bavarois et deux batteries
h cheval du IV® corps avaient efficacement soutenu le mouve-
ment des troupes de Gyulay, qui s'était effectué sous les yeux
mêmes du généralissime. Schwarzenberg , s'il faut en croire les
docunuînts autrichiens , résolut h ce moment de fiiire suivre par
les ni« et IV® corps les dernières troupes françaises en retraite
sur Lesmont, pendant que Wrède avec le V« corps, prenant plus
h droite, se dirigeait vers la Voire et Uosnay-rHùpital.
Marche du V* corps vers la Voire. — Combat de Rosnay.
— D'après l'historiographe de Wrède, au contraire, et surtout
d'après le journal du prince de Taxis, le mouvement du V® corps
contre Rosnay n'aurait pas été ordonné par Schwarzenberg. « Le
commandant du V® corps avait, ainsi s'exprime à ce propos
Taxis *, envoyé le 1®^ février au soir un de ses officiers au géné-
* Le général de cavalerie baron Frimont au général comte Wrède. {K. K.
Kriegs Archiv., 11, 47 b.)
' Tagebuch du major prince de Taxis. (Ibid., XllI, 32.)
— 518 -
ralissime et cet officier revint de Bar-sur-Aube sans rapporter
d'ordres. » A peine Wrède avait-il dépassa, Brienne qu'on lui
signala sur sa droite la marche d'une colonne française se diri-
geant le long de la Voire, vers Rosnay. Craignant pour sa droites
et espérant aussi arriver avant l'ennemi aux ponts de la Voire,
Wrède laisse le prince royal de Wurtemberg libre de poursuivra»
l'ennemi i\ sa guise et prend, avec le V« corps, la route qui mène
à la Voire.
« Il aurait certainement mieux valu , ajoute l'aide de camp de
Wrède, pousser droit vers l'Aube et poursuivre l'ennemi, puisqu<^
WW'de avait plus de cavalerie que le prince royal de Wurtemberg
et qu'en outre il était plus près de l'ennemi que ce dernier. Si
l'on avait agi de la sorte, on se serait très probablement emparé
d'une bonne partie de l'artillerie française qui aurait eu de la
peine h atteindre et h passer le pont de Lesmont. Au lieu d(;
cela, on préféra prendre une autre direction et, h midi, la tête
de la cavalerie du V» corps était au pont de la Voire. »
Avec la pointe de son avant-garde (3® bataillon de chasseurs
autrichiens et régiment de hussards Archiduc-Joseph), Wrède se
porta rapidement en avant dans l'espoir de s'emparer des ponts
existant à l'ouest de Rosnay sur les différents bras de la Voire et
qui font communiquer ce village avec Lassicourt. A cause de la
gelée, les Français n'avaient pas pu les détruire complètement
en se retirant et avaient dû se borner h y faire une coupure
incomplète faute d'outils pour scier les longerons.
Il était en effet extrêmement important pour Wrède, s'il voulait
arrriver à séparer Marmont du reste de l'armée , de prendre au
plus vite pied sur la rive droite de la Voire et de s'établir sur les
hauteurs protégées par le terrain marécageux s'étendant à leur
pied, de façon à pouvoir y attendre, malgré les attaques de l'en-
nemi , l'arrivée du gros de son corps. Les chasseurs à pied autri-
chiens et deux des escadrons de hussards réussirent au premier
moment h passer sur la rive droite de la Voire où ils furent même
rejoints par quelques compagnies d'infanterie de Szeckler. Mais
après avoir bravement résisté h deux attaques des troupes de
Marmont, ils furent chargés et sabrés par la cavalerie légère
française et rejetés sur la rive gauche.
Malgré l'arrivée en ligne de la division Rechberg et bien que
soutenues et préparées par ies feux de l'artillerie du V« corps.
— 516 —
les attaques de Wrède, tant celles dirigées en avant de Lassi-
court que celles tentées plus à droite par la brigade du prince
Charles de Bavière , échouèrent complètement contre les habiles
dispositions du duc de Raguse et la bonne tenue de ses troupes.
Le combat avait pris des proportions si considérables, le feu était
si vif que l'empereur de Russie, le roi de Prusse et Schwarzen-
berg, après avoir tenu à Brienne la conférence dans laquelle on
avait décidé définitivement la séparation des deux armées, crurent
nécessaire de se rendre en personne sur le théâtre de la lutte où
jusque vers 5 heures du soir tous les efforts du V® corps vinrent
se briser contre la résistance énergique et habilement dirigée de
quelques faibles bataillons français.
Wrède paraissait même disposé à renoncer à une entreprise
qui coûtait déjà beaucoup de monde k son corps d*armée, lors-
(ju'une circonstance fortuite obligea le duc de Raguse à se reti-
rer. Les uhlans de Schwar/enberg , en remontant le cours de la
Voire, avaient découvert un gué aux environs de Rances. Pas-
sant la rivière sur ce point, ils menaçaient maintenant l'aile
gauche du maréchal qui ayant, d'ailleurs, atteint le but qu'il
s'était proposé, crut avec raison que le moment était venu d'éva-
cuer d'abord Rosnay, puis les hauteurs, de battre méthodique-
ment en retraite et de prendre un peu d'avance sur l'ennemi. Le
duc de Raguse se replia alors par échelons, et, gnice à la neige
(jui tombait à gros flocons, gnlce au bon maintien des tirailleui*s
qu'il avait laissés sur ses positions, les Alliés ne s'aperçurent de
son départ que lorsque le gros de son corps était déjà en marche
sur Dampierre où son arrière-garde même parvint à le rejoindre
sans avoir été inquiétée en route;. Marmont avait si bien dissimulé
sa retraite (jue les partis de cavalerie qu'Hardegg avait poussés
après l'évacuation de Rosnay jusqu'à deux lieues en avant de ce
point, rentrèrent à 7 heures du soir en annonçant que non seule-
ment ils n'avaient relevé aucune trace de l'ennemi, mais qu'ils
n'avaient même pas aperçu à l'horizon le moindre feu de bivouac.
Après le combat {\m avait coûté, de l'aveu même de l'historien
de Wrède, 53 officiers et 1,045 hommes au V^^ corps *, la division
* IIeilmann, WrèdCf p. 340. — Voiri, d'aiUcurs, en quels termes le géiit^ral
Friraont s'exprime, â propos de cette affaire, dans son rapport à Wrède :
a A Hosnay, la gauche eunemie prit position pour assurer la retraite de Taile
- 517 -
(lu comto Anloino Hardegfç so rantonnu h Lassirourl. Doux
ronipagnios autricliiiMines iti trois (îonipagnios bavaroises furent
chargi^es de la garde des ponts. Trois escadrons et deux compa-
gnies s'établirent en avant de ces ponts sur la rive droite de la
Voire sur les hauteurs de Bétignicourt à Rosnay. On pla^*a égale-
ment une grand'garde îi Bétignicourt et une autn^ sur la rive
gauche de la Voire, à Saint-Christophe. Quant au gros du
V« corps, il revint, dans la soirée, camper k Brienne.
Dans son TageOuch le prince de Taxis ne pouvait naturelle-
ment passer sous silence le combat de Rosnay : « Le pont,
(juoique endommagé, était encore praticable. Il était établi près
du villagt» de Rosnay-l'Hôpital, qu'occupaient les troupes de Mar-
mont. Le maréchal se posta aussitôt sur une hauteur en face du
pont. L'infanterie bavaroise essaye de l'en déloger; mais elle est
nîpoussée sous les yeux de l'empereur de Russie, du grand-duc
Constantin et de Schwarzenberg. »
« Sans chercher à atténuer les fautes incontestables que Wrède
commit le 2 février, ajoute un peu plus loin Taxis, on peut toute-
fois faire nîmarquer que le vrai coupable n'est autre que Witt-
gcmstein qui s'était entêté à aller à Vassy, le 31 janvier. Si le
comte Wittgenstein avait consenti , dès le 30 janvier, i\ suivre les
conseils de Wrède, la bataille de La Rothière aurait eu d'autres
conséquences, et en tous cas, pris h revers le 2 février par une
attaque venant de Montier-en-Der, Marmont aurait été certaine-
ment gravement compromis. Au lieu de cela , il put défendre le
passage de la Voire îi Rosnay et réussit à s'y maintenir d'autant
mieux que de nouveaux ordres de S(îhwar/enberg dirigèrent, le
3 février, le corps de Wrède sur Lesmont. Le combat, qui coûta
beaucoup de monde aux Bavarois, dura jusqu'au soir, et Marmont
put se replier dans la nuit et atteindre l'Aube. »
Rien mieux que ce témoignage rendu au duc de Raguse par
l'aide de camp môme de son adversaire, ne saurait mettre plus
complètement en lumière les inexplicables contrastes que pré-
sente la conduite du duc de Raguse pendant toute cette cam-
droite et tint bon jusqu'à ce que Tordre de se replier lui fiU parvenu. L'en-
nemi, eu se retirant, avait eu le temps de détruire les ponts. Aussitôt après
l'occupation de Rosnay, le comte Antoine Hardegg avait envoyé des partis de
cavalerie sur la route d'Arcis-sur-Aulie. >> (A'. K. Krieg» Archiv., H, 47 6.)
— 518 —
pagne ot les inconcevables défaillances d*un des plus habiles
lieutenants de TEmpereur. Dans toute sa retraite du Rhin jusqu'il
l'Aube, il avait fait preuve d'une mollesse et d'une négligence qui
lui avaient déjîi valu de justes reproches de TEmpereur. Puis
tout h coup, au moment même oh après avoir compromis le sort
de son arrière-garde «'i Saint-Dizier, après avoir, par un excès de
prudence, par une timidité presque coupable, abandonné à quel-
ques Cosaques les positions que Napoléon lui avait prescrit d'oc-
cuper du côté de Soulaines, après avoir permis ainsi à Wrède de
venir jouer sur le champ de bataille un rôle qui devait nous être
si fatal, il se ressaisit tout à coup. On retrouve alors h Rosnay le
hardi capitaine qui jadis n'avait pas craint avec 6,000 hommes
d'attaquer 15,000 Russes li Castel-Nuovo et qui, par cette victoire,
avait assuré la conquête de la Dalmatie; on reconnaît le vain-
queur de l'archiduc Charles ?i Znaïm, le brillant chef de l'armée
de Portugal dont les belles manœuvres avaient réussi à arrêter,
pendant près de six mois, l'armée de Wellington; mais le duc de
Raguse avait malheureusement perdu cette ardeur, cette énergie,
cette volonté qui avaient fait sa réputation. Sa lassitude, son dé-
couragement, ses compromissions devaient non seulement para-
lyser plus d'une fois, dans le cours de celte campagne, ses
grandes et réelles qualités militaires , mais encore ternir à tout
jamais l'éclat d'une gloire jusque-là immaculée et sans tache.
Affaire des III^^ et IV* corps à Lesmont. — Pendant que la
résistance du duc de Haguse arrêtait le V« corps du côté de Ros-
nay. deux bataillons du III^ corps avaient continué à filer en
avant de Brienne par les hauteurs qui s'élèvent le long de l'Aube.
Ils devaient flanquer la gauche de la cavalerie du IV® corps qui,
soutenue par ses batteries îi cheval, suivait, en faisant surtout
usage de son artillerie, l'extrême arrière-garde française en re-
traite sur Lesmont par Précy-Saint-Martin. Pendant cette marche
le régiment autrichien de hussards Archiduc-Ferdinand atteignit,
entre Saint-Christophe et Lesmont, un régiment de lanciers po-
lonais (ju'il culbuta *.
* Stàrkr, Kintheilung und Tagesbegebcnheiten der Haupt-Armee im Mo-
iiate Ft»bruar (A'. K. Kriftjs Àrchiv., Il, i). et Journal iVojH'ratwn* dufV^ corpx,
par le ^éiioi-al comte Baillet de Latour (/6i(i.. XIII, 5C).
— 519 —
Le prince royal de Wurtemberg arriva ainsi, en suivant la
cavalerie française, jusqu'au pied des hauteurs de Lesmont où
TEmpereur, afin de couvrir sa retraite, avait massé les divisions
Meunier et Decouz, soutenues par 24 bouches h feu chargées de
donner h la cavalerie française le temps nécessaire pour prendre
position derrière l'infanterie et d'arrêter, parleur feu, la cava-
lerie du IV« corps. Le prince royal de Wurtemberg n'ayant pas
d'infanterie sous la main fut obligé, d'abord de faire halte, puis
de se retirer avec ses batteries hors de portée du tir de l'artillerie
française. L'fCmpereur profita de ce mouvement rétrograde pour
ramener h 4 heures le gros de ses troupes sur la rive gauche de
l'Aube. Il ne laissa plus h Lesmont qu'une faible arrière-garde
(le 400 à 500 hommes destinée à ralentir jusqu'au soir la marche
des Alliés.
Pour débusquer cette poignée d'hommes de Lesmont, Gyulay,
dont le corps d*armée était arrivé en ligne presque en même
temps que l'infanterie du IV® corps, forma la brigade CzôUich
par bataillons en masse sur les hauteurs de Précy. Il comptait
attaquer Lesmont par la gauche, pendant que le général Stock-
mayer, avec quatre bataillons du IV« corps, se porterait contre ce
point en suivant la chaussée. L'arrière-garde française abandonna
alors Lesmont, repassa sur la rive gauche de l'Aube après avoir
détruit le pont et s'établit solidement dans les maisons situées
sur les bords de la rivière. Un escadron du 3® régiment de dra-
gons wurtembergeois (régiment du Prince royal) conduit par le
li(iutenant-colonel von Bismarck, chef d'état-major de la cavalerie
du IV« corps, avait vainement essayé de pousser jusqu'au pont et
d'en empêcher la destruction. Il avait dû se replier devant le feu
meurtrier partant des maisons de la rive gauche. Un escadron de
chevau-légers de Klenau avait également tenté l'entreprise, mais
sans plus de succès *. Les tirailleurs français réussirent ainsi h se
maintenir sur la rive gauche de l'Aube pendant presque toute la
nuit du 2 au 3 février et empêchèrent, par leur présence et par
leur feu, les Alliés de procéder au rétablissement du pont. Une
partie de l'infanterie des III'' et IV« corps se cantonna h Lesmont
et à Saint-Christophe; le reste de l'infanterie et la cavalerie dans
1 Oyulay à Schwarzenberg. Relalion sommaire de la bataille de La Rothière,
{^' el 2 ftWrior 1814. (K, K. Kriegê Archiv., Il, 34.)
— 820 —
los villages voisins do la rive droite de TAube. La division Cren-
nevillo, (jui avaitdû attendre à Vendeuvre l'arrivée des colonnes
de Colloredo, s'arrêta le 2 au soir à Saint-Léger sous Brienno.
La destruction du pont de Lesmont, conséquence de la résis-
tance opposée par les deux divisions de Ney aux III« et IV« corps,
aurait pu être facilement évitée si Ton avait jugé à propos au
quartier général des Alliés de se servir, à défaut du !««• corps
autrichien, de la division Crenneville, dont on semble avoir ou-
blié la présence sur la rive gauche de l'Aube.
Mouvement du !•' corps. — Le I^f corps aurait d'ailleurs pu,
lui aussi, être utilisé sur la rive gauche de l'Aube. Bien que de
Bar-sur-Seine le commandant du l^^ corps eût envoyé: vers
l'Yonne sur Chaource la division légère du comte Ignace Hardegg
(2 bataillons, 12 escadrons et 1 batterie à cheval) ; sur Fouchères,
avec ordre de surveiller la rive gauche de la Seine entre Bar-sur-
Seine et Troyes, la division légère du prince Maurice Liechtens-
tein, et à Vin^y-sous-Bois un régiment d'infanterie chargé de
soutenir cette dernière division, il lui restait encore 27 bataillons
et 12 escadrons avec lesquels il quitta Vendeuvre à 6 heures du
malin, se dirigeant sur Dienville dont on lui avait laissé ignorer
l'occupation et où ses troupes entrèrent vers 11 heures 1/2. Le
feldzeugmeister informa aussitôt le généralissime de son arrivée,
lui demanda des ordres et lui fit remarquer que, d'après les ren-
seignements (ju'il avait recueillis, la route de Dienville à Piney
paraissait être im])ralicable pour l'artillerie. Colloredo avait h
peine transmis ces renseign(»ments au quartier général qu'il reçut
l'ordre de s(* porter par Piney sur Troyes. iMais en présence du
mauvais état des routes et des réclamations du feldzeugmeister,
le généralissime consentit, dans le courant de la journée, à mo-
dili(;r ses instructions et à l'autoriser, au li(»u d'agir contre le
liane droit de l'ennemi en retraite, h reprendre le chemin qu'il
venait de parcourir et ?i retourner h Vendeuvre avec son corps
d'armét» ^ pour continuer de là vers Troyes.
Le l'^f corps, relardé dans sa marche par un temps épouvan-
table et par de violents ouragans de neige, ne put atteindre Ven-
d(Mivr(.' (|ue dans la nuit du 2 au 3. Son artillerie n'y arriva
« rn'îiu'ral Tnipp au ^«'iiôral Radetzky. (A'. K. h'ne.yx Archir., II, 71.)
- n21 —
mftme que le 3 h G heures du matiu, et tout ce qu*il put faire fui
de pouss(T sur la route d(î Troyes le régimeut de chevau-légers
Rosenberg qui s'établit eu avaut-postcs aux environs de la Ville-
neuve-au-Chône.
Houvement des gardes et réserves. — Affaire de cava-
lerie de Villiers-le-Brûlé. — Dans la matinée de ce même
jour, Schwar/enberg avait donné Tordre au général Ocharoffsky
de passer TAube, avec la cavalerie légère de la garde russe, au
pont deDolancourt, d*en descendre le cours par la rive gauche
en se dirigeant sur Piney, afin de chercher la direction prise par
Tarniée française en retraite. Or, comme Barclay de Tolly crai-
gnait de laisser cette division de cavalerie légère sans soutien, il
avait prescrit au corps de grenadiers du général Raïeffsky et aux
2« et 3® divisions de grenadiers russes de se mettre en mouve-
ment de Trannes sur Dienville et de là sur Piney. Ces réserves ,
parties de Trannes le matin, poussèrent, d'après les documents
russes, jusque vers Villiers-le-BrûIé (h 2 kilomètres de Piney),
tandis que, d'après les documents autrichiens, les grenadiers et
les cuirassiers n'auraient pas dépassé Radonvilliers.
Quant aux gardes et à la 1^* division de cuirassiers parties,
comme les grenadiers , de Trannes, elles se portèrent sur Ven-
deuvre, à la grande surprise de Colloredo qui n'avait pas encore
reçu la dépèche par laquelle le généralissime, l'informant h
10 heures du soir de ce mouvement, l'invitait î\ céder la place
aux gardes et fi continuer aussitôt après sur Troyes. Au moment
où la tète de colonne des gardes paraissait h Vendeuvre, le
l^^ corps n'y était encore installé qu'en partie, et l'arrivée simul-
tanée de ces deux corps débouchant, l'un par la route de Dien-
ville, l'autre par celle de Dolancourt, produisit dans ce cantonne-
ment, déjà trop exigu pour un seul corps, un encombrement et
une contusion indicibles. La plus grande partie des troupes dut
y camper à la belle étoile par un temps épouvantable. De toutes
ces troupes , la division de cavalerie légère de la garde russe du
général Ocharoffsky eut, seule de ce côté, une petite affaire avec
la cavalerie française.
Aussi pendant que le général Seslavin *, qui battait la campagne
Rapport de Seslavin à Ban'lay de ToUy.
— 522 —
oniro Pincy et Lesmont, annonçait d'apri>s les renseignements
qu'il tenait d'un officier prisonnier que toute l'armée française
battait en retraite de Lesmont sur Vitry, le général Ocharoffsky
mandait le 2 février, à 6 heures, à Barclay de Tolly ', qu'il avait
donné, ;i hauteur de Villiers-le-Brûlé, contre un parti de cavalerie
française et qu'il l'avait rejeté dans la direction de Piney. Le
général Ocharoffsky ajoutait, d'ailleurs, qu'il avait été arrêté par
2,000 hommes et 6 bouches à feu venant de Lesmont. Ces ren-
seignements contradictoires augmentèrent encore l'inquiétude
qui régnait îi ce moment au grand quartier général.
L'Empereur, en effet, avait de Lesmont, h 1 heure de l'après-
midi, fait prescrire par le major-général h Grouchy de se porter
sur Piney avec sa cavalerie qui devait être suivie par le 2« corps
(duc de Bellune) , et le rapport que Milhaud adressa de Villiers-
lo-Brûlé h 8 heures du soir fi Grouchy, permet de se rendre un
compte exact de l'affaire de Villiers-le-Brûlé. « Nous avons trouvé
h Villiers-le-Brûlé un régiment de dragons et un régiment de
uhlans russes forts de 1,000 chevaux. Nous avions sur notre
droite un régiment de Cosaques*. Nous avons dû charger trois
fois pour les éloigner du village. Le bataillon du 26« n'a qu'une
compagnie de 150 hommes dont les fusils font à peine feu. J'ai
ordonné qu'on coupe deux ponts, l'un qui conduit i\ Dienville
et un autre sur le flanc du village ; mais on trouve partout des
gués. La brigade Ludot a été seule engagée avec l'ennemi ; je l'ai
fait soutenir par la compagnie d'infanterie, mais j'aurais eu be-
soin d'un bataillon pour occuper avec sûreté le village ". Le pain
et left vivres manquant à mes troupes. Les hommes sont fatigués
par le service et se plaignent de ne pas manger en France. Je
sollicite pour eux les distributions comme pour l'infanterie. C'est
le vrai moyen de conserver l'énergie de nos soldats et de les em-
pêcher de déserter.
1 Gt^nëral Ocharoffsky à Barclay de Tolly, de Villiers-lo-Brûlé, 2 février.
6 heures du soir.
s Les régiments russes, dont le général Milhaud parle dans son rapport,
sont : les régiments de dragons et de uhlans de In garde et le régiment de
cosaques du Don, de la garde.
» On est loin, on le voit, des 2,0()0 hommes d'infanterie dont parle Ocha-
roffsky dans son rapport.
— 523 —
« P.'S. — Nous sommes environnés de 3,000 chevaux enne-
mis et leurs feux de bivouac sont à 500 mètres des nôtres. »
Chose sinfjulitre : c'6l<iit sur ce point s(îu1 que les Alliés
avaient, le 2 au soir, établi, quoique fort incomplètement, le
contact avec les troupes en retraite de Napoléon. Partout ailleurs
on avait trouvé moyen de perdre jusqu'à la trace de l'armée
française.
Affaire de Thnm avec les habitants d'Enry. -- Mouve-
ments de Platoff . — A la gauche des Alliés, le lieutenant-colonel
comte Thurn s'était proposé de se relier ce jour-là, par Avreuil
et Les Granges, avec la division du comte Ignace Hardegg postée
îiChaource; mais les habitants d'Ervy accueillirent son avant-
garde à coups de pierre. Thurn les fit charger par un demi-esca-
dron et, aussitôt après son entrée dans cette petite ville, prévint
le maire qu'il le ferait fusiller à la moindre agression tentée
contre son détachement par ses administrés. « Cette menace, dit
Thurn *, jointe à l'envoi de patrouilles, ramena le calme. » Mal-
gré cela, le lieutenant-colonel n'osa pas cantonner son monde
dans la ville et il bivouaqua ii peu de distance d'Erx'v sur une
hauteur d'où il dominait et surveillait la route de Saint-Florentin.
Plus à gauche encore, Platoff avait, dans la nuit du 1«f au
2 février, quitté sa position de Mdlay. Passant de la rive droite
sur la rive gauche et remontant le cours de l'Yonne, il se diri-
geait sur Villeneuve-le-Roy (Villeneuve-sur- Yonne).
Le général Allix avait été renforcé par la cavalerie du général
du Coëtlosquet, auquel il avait recommandé de ne pas s'engager,
de ne rien compromettre , d'attirer cependant sur lui l'attention
des Cosaques et de se poster avec 300 chevaux sur les hauteurs
de Rozoy. en envoyant deux partis sur Véron et sur Passy. Mais
ces partis se laissèrent entourer et prendre sans tirer un coup de
carabine, et le général du Coëtlosquet dut se retirer, sans être
inquiété sérieusement, il est vrai, jusque sur les bords de la
Vanne, h peu de distance de Sens. Cette escarmouche avait coûté
* Starke, Eintheilnng und Taj^esbegebenheiten der Haupt-Arinee {K, K,
Krieg»Archiv.,l\, 1), et Thurn à Sch\^arzenberg, Chamoy» 4 février. 6 heures
du soir {Ibid., II. 81).
— 524 —
à la cavalerie française, rien qu*en prisonniers : 1 lieulonanl-
colonel, 3 officiers et 80 hommes \
Le général Allix , ayant quitté Sens de son côté, marchait par
la rive gauche sur Villeneuve-le-Roi, en passant par Paron, Gron
et Marsangis; les partis qui couvraient sa droite s étant laissé,
eux aussi , enlever aux environs de Marsangis, le général , après
avoir repoussé les Cosaques, crut devoir se replier sur Sens.
Malgré ces quelques avantages, Platoff, sachant que le général
Montbrun occupait Pont-sur- Yonne avec deux bataillons de gardes
nationales, informé d'autre part de l'arrivée en ligne de la brigade
de cavalerie du général du Coëtlosquet (qui se replia d*aiUeurs,
le lendemain 3, sur Fontainebleau), au lieu de se porter sur
Melun en descendant l'Yonne et la Seine , crut plus sage de se
diriger par Courtenay vers Fontainebleau. Platoff avait cependant
(»squissé un mouvement vers Montargis et envoyé dans cette
direction un parti de Cosaques, sous les ordres du capitaine des
gardés Bergmann qui, après avoir passé la nuit du l*"" au 2 à
Courtenay, s'avança le 2 dès l'aube jusqu'aux environs de Mon-
targis. Le capitaine Bergmann réussit h délivrer sur ce point un
convoi de 405 officiers, 15 sous-officiers . 82 soldats espagnols,
49 femmes et 4 enfants qu'on évacuait d'Épernay sur Bourges*.
Le parti du capitaine Bergmann se dirigea ensuite des environs
de Montargis vers Ferrières.
Houvement du VP corps sur Vitry et Hontier-en-Der. —
Non content de faire exécuter au corps de CoUoredo des marches
et des contremarches, fétat-major général avait procédé de la
même façon h l'égard du VI® corps. De son quartier général de
Saint-Dizier, Wittgenstein, dont les corps ' servaient de réserve au
1 Rapport du général AHix au ministre de la guerre. Sens, 3 février,
5 heures du matin. (Archives de la guen-e,) — Starke, Eintheilung und Tages-
begebenheilen der Haupt-Armee im Monate Februar. {K, K. Krieg$ Archiv.,
II, 1.) — Rapport de Tataïuan comte Platoff au prince de Schwarzenborg.
ViUeneuve-le-Roy, 3 février (IbUt., Il, ad. 120).
« Major Legros, commandant à Montargis, au ministre de la guerre, Mon-
targis, 6 février. (Archives de la guerre.) — Rapport de PlatoflT à Schwarzen-
berg, Villeneuve-Ie-Roy, 3 février (A'. K. Kriegs Archiv., ad. II, liO), et Starcb,
Kintheilung und Tagesbegebenheiten der Haupt-Armee im Monate Februar
{Ibût, 11, 1).
' Le œrps du prince Eugène de Wurtemberg était posté à Longcbamp, et la
division Helfreich à Orconte.
— 5^5 —
I^f corps prussitMî, avait prescrit h la cavalerie du général Pahlen
de continuer sa marche sur Vitrv cl de se relier avec York.
Pahlen, après avoir rallié en roule le détachement du général-
major Rûdinger *, se porta de Chavanges sur Gigny et Bussy-
aux-Bois et poussa ses avant-postes jusque vers Yitry, pendant
que le général Ilowaïsky XII continuait h observer les Français
postés sur la ligne Mai/Jeres — Rosnay. Vers midi, on entendit le
canon dans la direction de Yitry. Mais comme Witlgenstein * se
préparait à marcher dans celte direction , il reçut du généralis-
sime un ordre rédigé à la sortie de la conférence qu'il venait de
tenir avec les souverains au chilleau de Brienne, par lequel il lui
prescrivait de revenir sur ses pas et de retourner à Montier-cn-
Der.
Opérations du P"* corps prussien. — Escarmouche de
Saint-Amand. — Ces contre-ordres, ces incessants changements
de direction du YI* cor[)S n'étaient guère de nature à faciliter la
mission confiée k York, chargé de s'emparer de vive force do
Yitry, dont il importîiit cependant aux Alliés de hîlter d'autant
plus la prise qu'ils avaient connaissance de l'approche des
troupes du duc de Tarenle.
York employa la matinée à concentrer son corps près de Ma-
roUes, à faire passer l'Ornain à son gros près de Vitry-le-Brûlé
et il masser la 8* brigade entre Bignicourt et Frignicourt, pen-
dant que sa cavalerie de réserve sous le général von Jûrgass et
le détachement du colonel comte Henckel recevaient Tordre de
pousser de Yitry-le-Brûlé, Changy et Saint-Quentin vers ChAlons '.
York en personne procéda, pendant ce temps, à une reconnais-
sance approfondie de la place même de Yitry. A la suite de cette
reconnaissance et afin de ménager ses forces, dont il avait besoin
pour ôtre à même de pouvoir résister i\ Macdonald, il résolut de
tenter l'attaque de la place « sur trois colonnes, pendant la nuit
* Le détaoheiiient du gént^ral-major Rudiiigcr se composait, à ce moment,
des hussards de Grodno, de trois escadrons de hussards de Soumy, d'une brigade
d'infanterie appartenant au 2* corps russe du prince Eugène de Wurtemberg,
et de quatre pièces d'artillerie à cheval.
« Wiltgenstein à Schwarzenberg, Saint-Dizier, 2 février. (A'. K. Krieys Ar-
chiv.j 11, 26. et ad. 11, 26.) — Starke, Eintheilung und Tagesbegcbenheitcn
der Uaupt-Armee im Monate Februar (Ibid,, 11, 1).
- 5â6 -
du 2 au 3, ou, pour mieux dire, à Taube * ». Afin de couvrir sa
gauche, York avait envoyé sur la rive gauche de la Marne deux
escadrons do cavalerie qui, sous les ordres du capitaine Steine-
mann, poussèrent sans encombre jusqu'à Sompuis, où cet offi-
cier se relia vers le soir avec les coureurs de Blûcher.
Mais pendant qu*York s'occupait de préparer les ordres pour
l'attaque de nuit qu'il méditait, le général Katzler, posté à Vitry-
le-Brûlé, recevait du général von Jiirgass l'avis de l'approche de
Macdonald.
Le duc de Tarente avait, en effet, prescrit, le 2 au matin, aux
généraux Molitor, Exelmans et Brayer, de pousser jusqu'à Vitry ;
au duc de Padoue d'aller à La Chaussée, en envoyant toutefois
sur la voie romaine menant à Bar-le-Duc la moitié de sa cava-
lerie qui devait occuper le soir Francheville, Saint-Jean-sur-
Moivre, Coupéville et Le Fresne; enfin, au général Sébastiani de
venir à La Chaussée avec les batteries de réserve. A 2 heures de
l'après-midi, le 11» corps et le 2« de cavalerie marchaient sur la
route de Vitry, le 5« corps et le 3« de cavalerie étaient à La
Chaussée*. La neige, tombant à gros flocons depuis le matin,
n'avait cessé d'obscurcir l'horizon et avait couvert jusqu'à ce mo-
ment la marche de la cavalerie française, lorsqu'à la faveur d'une
éclaircie, les vedettes prussiennes, postées en avant de Saint-
Amand, aperçurent à peu de distance la tète de la colonne fran-
çaise en marche sur Vitry. Des deux côtés on évita tout engage-
ment sérieux et, comme Macdonald l'écrivait au major-général
(le La Chaussée, « on perdit le temps en dispositions inutiles,
malgré mon ordre formel de pousser sur Vitry. Comme la neige
tombait à gros flocons, on a craint de s'engager, en sorte que
l'ennemi n'est qu'à une lieue d'ici et nous avons pris position au
village de La Chaussée, échelonnés sur Pogny. C'est ainsi que
nous passerons la nuit et dès la pointe du jour nous attaquerons
vivemeni, si nous ne sommes pas prévenus. L'intention de Ten-
nenii paraît être de manœuvrer par la droite. »
A 7 heures du soir, tout était rentré dans le calme *. Cette
* York à Schwarzenberg, Ecrienues, 2 février, H heures du soir. (K. K.
Krxegs Archiv., 11, 29.)
s Macdonald au major-géoéral et à Kellerinann, de Châlous et de La Chaussée,
2 février. {Archives de la guerre.)
s Relation du combat de La Chaussée, par le général von Jûrgass.
- 527 -
escarmouche, quoique bien insignilianU» en elle-mcnie, allait
néanmoins exercer une influence néfaste sur la marche des évé-
nenuînls. Jusqu'à ce moment en effet, York, tout en redoutant
l'arrivée d(^ Macdonald, ne songeait qu'à remplir la mission dont
on l'avait chargé et portail toute son attention sur Vitry, dont la
possession avait, d'ailleurs, une valeur réelle pour les Alliés
comme pour nous. Décidé à tenter la fortune et à essayer d'enle-
ver la place à la faveur des ténèbres, et, si faire se pouvait, par
surprise, il avait déjà désigné à ses trois brigades d'infanterie
des cantonnements rapprochés de Vitry, l'enserrant sur ses faces
sud et est, de MaroUes jusqu'à Plichancourt, et d'où son infan-
terie devait sortir avant l'aube pour s(î jeter sur la place. Du
côt(î de Chi\lons, sa cavalerie, soutenue par quelques petits
groupes d'infanterie, s'échelonnait de Saint-Amand jusque vers
Vitry-le-Brûlé. En raison môrae des projets nourris par York,
une concentration générale de son corps, d'ailleurs presque im-
possible, était en tout cas non seulement inutile, mais même
dangereuse pour lui. La cavalerie française avait donc une excel-
lente occasion de frapper un grand coup. Elle pouvait, avec un
peu d'énergie, profiter de sa supériorité numérique momentanée
pour forcer le passage, chasser de Saint-Amand le petit détache-
ment du colonel comte Henckel (5 escadrons, i bataillon de fusi-
liers et une demi-batterie), le rejeter en désordre sur les dragons
de Jùrgass précisément en train de s'installer, les uns au bivouac,
les autres dans leurs nouveaux cantonnements, bousculer le tout
sur les 2 bataillons, les 4 escadrons et les 2 pièces que le général
von Kat/ler avait fait partir de Vitry-le-Brftlé à la première nou-
velle de l'apparition des cavaliers français, mener la poursuite
tambour battant jusqu'à Vitry-le-Brûlé, donner la main aux défen-
seurs de Vitry-le-François et obliger York à en lever le siège. On
pouvait encore, si l'on voulait user de prudence, les observer,
après avoir reconnu la présence des Prussiens aux environs de
Saint-Amand, se contenter de donner le temps aux corps échelonnés
en arrière de venir sur La Chaussée, attendre les événements sans
se montrer, sans donner l'éveil, et, en marchant le lendemain au
canon, arriver sous Vitry pour tomber sur York dès qu'il aurait
dessiné son attaque contre la place. Mais pour cela il aurait fallu
que le général Exelmans se fût rendu un compte exact de la
situation et des avantages qu'il pouvait en retirer. Non content
— 52« —
de se laisser amuser et arrêter d'abord par un petit poste de
40 dragons de Lithuanie, puis par un escadron, puis, au bout de
quelque temps, par un autre escadron et par une faible compa-
gnie de chasseurs, il commit la faute de montrer jusqu'à 12 esca-
drons, de refuser tout combat, de se retirer sur La Chaussée, de
révéler ainsi à York l'imminence du danger auquel il venait
d'échapper et de lui donner le temps et les moyens, non seule-
ment de soutenir sa cavalerie d'avant-garde, mais de modifier
ses projets.
« Il y a quelques heures, écrivait York k Schwarzenberg, on
m'a mandé qu'une colonne ennemie marchait de Chdlons sur
Vitry. C'est peut-être le maréchal Macdonald qui est arrivé à
Châlons depuis deux jours. J'ai envoyé aussitôt une brigade de
ce côté et l'on m'apprend, pendant que j'adresse ce rapport à
Votre Altesse, que l'ennemi occupe en force La Chaussée, sur la
route de Châlons à Vitry. Ma brigade l'a arrêté sur ce point. S'il
ne se retire pas de La Chaussée cette nuit, je l'y attaquerai demain
matin et remettrai l'assaut sur Vitry, jusqu'à ce que j'aie rejeté
l'ennemi de La Chaussée sur Chîllons '. »
Une démonstration maladroite et la mollesse d'Exelmans
allaient avoir de graves conséquences. Y'ork, désormais certain
de la présence enlre ChAlons et Vitry du corps de Macdonald, va
renoncer à ses projets contre cette place, et tandis qu'on aurait
pu ou le surprendre et le bousculer alors que ses corps étaient
encore disséminés, ou l'observer et attendre pour le prendre à
revers qu'il ait tourné tous ses efforts et toute son attention contre
Vitry, la timidité des chefs de la cavalerie de Macdonald va nous
valoir la défaite de La Chaussée et amener non seulement la
chute de Vitry, mais la perte de Chîllons. La fortune, on le voit,
souriait toujours aux Alliés.
Le I^' corps prussien occupa par suite, le â au soir, les posi-
tions suivantes : le détachement du comte Henckel à Aulnay-
l'Aître, la cavalerie du général von Jûrgass à Saint-Amand,
l'avant-garde du général von Katzler à Saint-Quentin. Les 7« et
8« brigades, postées pendant la nuit à Plichancourt et à Norrois,
devaient éventuellement servir de soutien aux troupes de Jurgass
1 York à SolixNarzenberg, Ecrieiincs, 2 février, li heures du soir. (A'. K.
Krietjs ArcfUv., U, 29.)
— 529 —
et d(; Katzler, tandis que la U^ brigado ({j[énéral von Pirch II)
continuait à observfîr Vitry et restant sur ses positions qui s'éten-
daient de Vauclerc à Frignicourt.
Le duc de Tarente de son côté avait envoyé l'ordre à Ex(îl-
mans de placer sa cavalerie légère h Aulnay, Ablanoourt et en
léte de La Chaussée, la grosse cavalerie à Oniey ; à Molitor de
poster un bataillon h Aulnay, un autre en tôte de La Chaussée ot
le reste de sa division dans le village ; îi Brayer d'établir sa divi-
sion en arrière d'Aulnay ; h Sébastian! d'occuper avec le 5« corps
Oniey et Pogny ; au duc de Padoue de s'échelonner de Sarry h
Pogny, pendant qu'une division de cavalerie couvrirait sa gauche
iiFranchevilleetDanipierre. Le maréchal faisait, en outre, revenir
tous les bagages à ChAlons et les réserves d'artillerie à Vésigneul
et Saint-Germain.
Le duc de Tarente tenninait son ordre en prescrivant de faire
de fréquentes patrouilles et en recommandant ii la caval(»rie et à
l'infanterie d'être toujours prêtes. Tune h monter à cheval et
Tautrtî à prendre les armes. « Les ch(;vau\ d'artillerie resteront
attelés à La Chaussée, les autres seront seulement garnis. Avant
la pointe du jour, toutes les troupes seront sous les armes,,
l'avant-garde à cheval, l'artillerie prête à être mise en batterie. »
Mouvements des autres corps de l'armée de Silésie. —
Pendant toute la matinée, les corps de l'armée de Silésie, dont
nous n'avons pas parlé jusqu'ici parce qu'ils n'ont joué aucun rôle
le 2 février, étaient restés immobiles sur leurs positions delà veille,
et ce fut seulement à l'issue de la conférence qui s'était tenue
dans la matinée au château de Brienne, que l'armée de Blùcher
commença son mouvement vers la droite. Sa cavalerie passa la
Voire à gué à Lassicourt vers la lin du jour, son infanterie (Sac-
ken et Olsufieft) marcha par Rosnay sur Braux-le-Comte (Braux-lo
Grand) où elle n'arriva que fort tard. Blucher installa sur ce point
son quartier général. L'infanlerie russe se relia sur sa gauche
avec la cavalerie du général IlowaislvyXII* qui, parti de Mai/ières
le 2 dans la matinée, observait d'assez loin de la rive gauche d(i
la Voire le mouvement rétrograde du corps du duc de Raguse.
* Le détachement d'Ilowaïsky XJI se composait des deux demi- régiments
cosaques ilowaisky, KebrikoflF et de la moitié du régiment de WlassofT.
34
Weli.
— 530 —
Le 11« corps prussien, sous les ordres de Kleisl, avait marché
vers Metz en une seule colonne, composée de son avant-garde,
des 10« et 12« brigades, en suivant la grande roule jusqu'à hau-
teur de Woippy. Arrivé sur ce point, le II« corps se rejeta plus à
droite pour contourner Metz sans se montrer. Longeant ensuite
la rive gauche de la Moselle, il se cantonna le soir : Tavant-garde
(Zieten) à Prény et Pagny-sur-Moselle ; la 10« brigade et le quar-
tier général h Gorze et aux. environs; la 12« brigade à Moulins et
Longeau. Kleist recul à Gorze Tordre de Blùcher lui enjoignant,
au lieu de se diriger sur Saint-Mihiel dont le pont était détruit,
de se porter sur Gommercy, d'y passer la Meuse et de continuer
de là sur Sainl-Dizier, par Ligny et Stainville.
Le même jour, les rapports du général Rusca *, commandant
la place de Soissons, du général Janssens au maréchal Keller-
mann et du maire de Brunehamel au préfet de l'Aisne, signa-
laient, les uns, la présence de hussards noirs de Liilzow à
Garignan, leur marche sur Margut, ainsi que l'approche d'un
gros parti de cavalerie venant sur Garignan ; les autres, l'appari-
tion des Gosaques et de coureurs précédant de loin le corps de
Winzingerode à Maubert-Fontaine, au sud de Rocroy.
Ordres et résolutions de l'Empereur. — Pendant que les
Alliés perdaient un temps précieux en mouvements inutiles et
préparaient leurs échecs en décidant définitivement la séparation
* Général Husca au ministre de la guerre, Soissons, 2 février; général
Janssens au maréchal Kellermann, Méziùres, 9 février ; maire de Brunehamel
au préfet de l'Aisne, 2 février. (Archives de la guerre.)
Le préfet des Ardennes devait, le 3 février, mettre le ministre de la guern'
au courant de ces événements, qu'il présente toutefois d'une façon quelque peu
différente :
« L'ennemi a surpris, écrit-il, un poste de 40 lanciers polonais à Garignan,
dans la nuit du 29 au 30. Il a paru ensuite prés de Givet, se repliant devant
une sortie de la garnison, se portant de là sur Hhilippcville, puis sur Marien-
bourg et sur Cou vin (pays de Liège). De Cou vin, il s'est dirigé sur Uocroy.
chassant devant lui quelques gendarmes. De Rocroy, il s'est port*^, le 31, sur
Maubert-Fontaine, y a pris 140 conscrits, que l'on a remis en liberté en atta-
quant l'ennemi le 2 février et le chassant sur Launoy. »
Nous aurons, d'ailleurs, l'occasion de revenir sur ces événements lorsque
nous nous occuperons de la marche des corps de Biilow et de Winzingerode
de la Belgique sur Laon et des opérations entreprises pendant ce mouvement,
et en avant de ces deux corps, par les coureurs de Tchernilcheff et de Teltcn*
born .
— 831 —
(le leurs deux niasses principales, Napoléon n'était pas reslé
inaclif. Il avait, comme nous l'avons vu, commencé par dérober
la véritable direction de sa retraite en faisant prendre position au
corps du maréchal Marmont derrière la Voire. Le reste de la
journée lui avait suffi pour voir clair dans le jeu des Alliés et,
certain désormais ((u'ils allaient imiter la manœuvre qui avait élé
si fatale îi Wiirmscr en 1796, il s'occupait déjîi des moyens à
employer pour leur préparer un Castiglione ou un Lonato. Son
i^énie, que la prospérité d'une part, puis la grandeur et la sou-
daineté des revers paraissaient avoir un instant endormi, va se
réveiller plus puissant et plus admirable que jamais, à mesure
que le danger qui le menace grandira et que les difticultés se
multiplieront autour de sa petite armée.
Le 2 au matin il écrit de Piney au duc de Feltre * : « J(î serai
demain à Troyes. Il serait possible que f armée de BUlcher se
portât, entre la Marne et VAube, du côté de Vitry et de Chdions.
De Troyes, j'agirai selon les circonstances. J'opérerai pour retar-
der le mouvement de la colonne, qu'on m'assure se diriger par
Sens sur Paris, ou pour revenir manœ^uvrer sur HlUcher et retar-
der sa marche. »
Dès le malin, il avait fait connaître au général Bordesoulle* le
mouvement que Marmont allait exécuter par la rive droite de
l'Aube sur Arcis et lui avait prescrit d'assurer la défense d'Arcis,
tout en envoyant un fort parti de cavalerie sur la route d'Arcis à
Troyes pour garder les communications. Plus t^/d, au moment
où il allait expédier ses ordres, il avait su que la cavalerie du
général de Pire, qui avait pris position à Rouilly-Sacey, avait
envoyé un parti à Creney sur la route de Troyes et un autre parti
sur Géraudot pour observer les Cosaques qui avaient paru le *
malin à Piney et qui, de là, étaient retournés à Géraudot où ils
avaient passé la nuit du l*^'' au 2. La découverte de Pire avait
signalé la présence d'un assez gros corps de cavalerie russe à
Géraudot ^ Renseigné sur les mouvements de Tennemi, tant du
1 Correspondance (le Napoléon, n° 21109.
* Miljor-général au général BordesouUe, Brieone, 2 février. (Archives de la
guerre.)
» Général de Pire au général Grouchy, Rouilly-Sacey > 2 février. (Archivée
de la guerre.)
— 532 —
côté de Troyes que du côlé d'Arcis, Napoléon avait aussitôt
(6 heures du soir) ordonné au général de France de s'établir à
Villiers-le-Brûlé avec ses gardes d'honneur et le 10® hussards,
d'occuper Brévonne et d'éclairer sur Dienville *.
Le général Gérard avait reçu Tordre de se placer à cheval sur
la route de Piney h Dienville, pour soutenir la cavalerie; enfin, les
ducs de Valmy et de Tarente devaient ne rien négliger pour
contenir Tenneini et maintenir les communications entre Châlons,
Vitry et Arcis.
Les nouvelles reçues au quartier impérial dans le cours de la
soirée étaient, en somme, rassurantes : Pire *, d'une part, man-
dait à Grouchy que le 2« régiment de chasseurs de la garde et un
régiment d'infanterie étaient à Creney et que le duc de Trévise
devait être à Troyes. D'autre part, Mortier foisait savoir au géné-
ral de France, îi Piney, qu'un de ses bataillons, 300 chevaux et
une demi-batterie occupaient Aubeterre, assurant ses communi-
cations avec Arcis-sur-Aube, que le pont de La Guillotière était
fortement barricadé et défendu par 8 canons et 3 bataillons, que
ses reconnaissances avaient poussé le matin au delîi de Montiéra-
niey et n'avaient vu que peu de monde.
L'Empereur avait, en outre, complété ses dispositions par une
mesure qui prouve combien cet homme extraordinaire conser\'ait
son calme, son sang-froid et sa présence d'esprit au milieu des
circonstances les plus graves et les plus difficiles. Après avoir
envové ses ordres (h; mouvement, il avait, dès son arrivée à
Troyes, dicté au major-général Tordre du jour suivant : « Les
chevaux de main do la maison d(; l'Empereur, de messieurs les
* Nous avons vu que la présence dans ces parages du général Ocharoffsky
avait empêché les généraux de France et Milhaud de remplir la dernière partie
du programme. Grouchy, inquiet sur le sort de sa cavalerie, postée a Villicrs-
le-Brûlé, proposa au major-gi'néral d'y envoyer, outre la cavalerie du générai
de France, un hataillon d'infanterie, parce que, disait-il, « il est probable que
l'ennemi attaquera demain de honne heure le général Milhaud, et, s'il était
repoussé, il en résulterait désordre et confusion à Piney. >>
Une dépêche du majoi -général à Grouchy, de Piney ail heures du soir,
prescrivit à ce général d<' porter beaucoup d'attention à Villiers-le-Brûlé et de
procurer au général Milhaud le moyen de se maintenir sur sa position. {Ar-
chives de la guerre.)
' Pire au général de Grouchy, et duc de Trévise au général de France. [Ar-
okives de la yucrre.)
— 533 ^
nian'»ohaux, dos oftidors d'iiifaulerie et de cavalerû», seront em-
ployés à porter les érlopp(^s au fur et ii mesure (pron les trouvera
sur la roule.
« L'Empereur le recommande îi Thonneur et à l'intén^t que
chaque officier doit mettre i\ sauver un camarade '. »
Conseil de guerre de Brienne. — Résolutions des Alliés.
— Les AUit^s avaient clé moins prompts à prendre des résolu-
lions. On avait commencé par perdre toute la matinée et, avant
de rien décider, on crut nécessaire d'examiner et de discuter eu
conseil de guerre une situation cependanl bien simph» et bien
claire.
Un peu après 9 heures du matin, l'empereur de Russie et le
roi de Prusse, arrivés au chîlleau de Brienne, y convoquèrent
SciiNvarzenberg. Bliicher, Barclay de Tolly et hnirs chefs d'étal-
major il une confénMice, dans laquelle on devait déterminer la
marche ultérieure des opérations.
Dans toute autre armée, où le commandement supérieur aurait
été effectivement confié ii un seul chef, on n'eiU mém«» pas songé
îi réunir un conseil d(î guerre après La Rothière. La voie h suivre
était toute tracée : il ne restait qxih achever ranéantissement de
Tennemi vaincu, qu'à écraser sous une pression immédiate et
éiuTgique les débris de son armée, qu'h changer sa retraite en
déroute. Il suffisait pour cela de continuer à concentrer les efforts
des deux armées et de mettre une bonne fois fin aux rivalités
personnelles en investissant effectivement du commandement supé-
rieur ou Schwarzenberg ou Blucher; mais c'était précisément sur
ce point (pie l'on se heurtait îi des obstacles insurmontables. On
a prétendu ((ue la difficulté de faire marcher et vivre une armée
de 100,000 hommes avait été la cause déterminante de la sépara-
tion des deux armées, et que d'ailleurs, en présence de la défaite
infligée la veille h l'Kmpereur, chacune des deux armées était à
elle seule assez forte pour briser les dernières résistances qu'on
pourrait chercher à opposer à leurs progrès et h leur marche
triomphale.
On commettrait une grave erreur en voulant attribuer à des
* K. K. Kriegx Arehir., II. 177.
— 534 -
considérations d'ordre purement militaire les motifs déterminants
d'une séparation des armées que rendaient nécessaires les ten-
dances essentiellement différentes des souverains et de leurs con-
seillers, les divergences d'opinion, les jalousies et le caractère
absolument opposé des deux principaux généraux.
Dans le conseil de guerre on ne fit que régler dans ses détails
une mesure déjîi préparée par les instructions du 31 janvier, et
on y décida de marcher sur Paris par Troyes et la vallée de la
Seine avec l'armée de Bohême, pendant que Blùcher, se portant
sur Chûlons, y rallierait les corps d'York, de Kleist et de Kapse-
witch, et se dirigerait vers la capitale par la rive gauche de la
Marne. Le VI« corps (Wittgenstein) devait, dans ce projet, ser\^ir
li établir la liaison entre les deux armées avec l'aide du corps
volant du prince Stscherbatoff, passé désormais sous les ordres
du général Seslavin, que l'on ne tarda pas, d'ailleurs, à envoyer
sur l'extrême aile gauche de larmée de Bohême.
A la suite de ce conseil, Blûcher reçut l'ordre de se porter,
avec les corps de son armée qui avaient donné h La Rothière,
par Braux-le-Comtc sur Vitry. Colloredo devait aller de Dienville
sur Troyes par Piney ; les III« et IV« corps avaient pour mission
de suivre, à partir de Lesmont, la marche en retraite du gros de
l'armée française. Wrède devait se diriger de Lesmont par Pougy
sur Arcis-sur-Aube et Wittgenstein marcher de Montier-en-Der
dans la même direction *.
La bataille de La Rothière aurait cependant dû convaincre les
souverains alliés que, comme à Lei])zig, l'Empereur ne pouvait
tenir contre leurs forces réunies.
On perdit à Lesmont, c'est le général von Bismarck lui-même
qui se charge de nous le dire, l'ennemi de vue pendant plusieurs
jours, circonstance d'autant plus remarquable quand on songe à
la nombreuse cavalerie des Alliés, à la multiplicité des corps
d'éclaireurs et de partisans qui battaient l'estrade de tous côtés.
On n'aurait pu atténuer les gravcîs inconvénients de disposi-
tions déjà fort défectueuses en elles-mêmes, qu'en redoublant
d'activité et d'énergie, qu'en imprimant à la poursuite une vi-
gueur d'autant plus grande qu'il s'agissait de regagner le tem|)s
' Stârke, Eintheilang undTagesbegebenhoiten der tfaupl-Armee im Monate
Februar. (K. K, Kriegs Archiv.y II, i.)
~ 535 -
])rt»ci«Hi\ quo dt; siiiiçulirri's indécisions aviii(»nl l'ail pordre. Mais
au lieu do poursuivre vivenieul l'arnic^îo franraiso, les Alliés, en
se laissant arrêter à Kosnay et à Lesniont, permirent à l'Empe-
reur de prendre sur eux une avance d'une journée de marche et
perdin»nt si complMemenl le contact que, le 2 au soir, on se de-
mandait encore au grand quartier général des Alliés s'il convenait
d'ajouter foi au rensc^ignement fourni par Seslavin et d'après
l(;quel l'armée française se repliait sur Vilry S ou s'il fallait lui
préférer le rapport d'Ocharoffsky * qui signalait, au contraire, sa
retraite sur Troves.
Le :2 au soir, les souverains retournèrent avec S<'Iiwarzenberg
et le quartier général h Bar-sur-Aube. Les III«, 1V« et V* corps,
s'arrètant entre Brienne et Lesmont, y attendirent la réfection du
pont. Colloredo }>assa la nuit à Vendeuvre, et les réserves et
gard<^s russes s'échelonnèrent de Brévonne à Vend(^uvre, Vau-
chonvilliers et Dolancourt.
« En somme, comme le dit le prince de Taxis' dans son Ta^fe-
huch, la journée n'avait pas été bonne pour les Alliés. De plus on
avait commis la faute de masser et d'innnobiliser tant de monde
sur un espace si resserré et dans une contrée déjà si épuisée que
l'on manqua de vivn^s dès le 3 février. Les troupes soutfrircnt,
en outr(î, énormément du froid et de la neige. »
Les hésitations des généraux et des souverains et la séparation
des deux armées fournirent à l'Empereur les moyens de se tirer
sans encombre d'une situation que la moindre énergie de la part
des Alliés pouvait rendre désespérée.
En méditant les événements du 2 février, on en vient à penser
que Clausewitz a dû s(» rappeler les tiraillements et les indéci-
sions de cette journée lorsqu'il écrivit les phrases suivantes :
« Les données sur la situation et les mouvements de Tennemi
ne sont jamais suffisantes pour motiver (entièrement les projets
du chef. Mille doutes viennent l'assaillir au moment de l'exécu-
tion de son plan. 11 pense aux dangers qu'il va courir, si ses sup-
positions sont mal fondées. Il ressent cette appréhension qui
s'empare de l'homme au moment d'accomplir des actes impor-
* Rapport de Seslavin à Barclay de Tolly.
' Rapport du général comte Ocharoffsky.
> Journal de Taxis (manuscrit). (K. K, Krieas Ârchir., XIII. 32.)
~ 536 —
lants. De \k h Tindécision qui mène aux demi-mesures, il n'y a
qu'un pas ^ »
Or, c'est précisément ce pas que les souverains et les généraux
alliés crurent sage de faire à ce moment. Ce fut cette séparation
des deux armées dont le génie de l'Empereur allait profiter pour
entreprendre contre Bliicher les admirables opérations que nous
étudierons plus loin, ces demi-mesures destinées à donner un
semblant de satisfaction h Tamour-propre, aux exigences et aux
ambitions de quelques-uns des généraux alliés et devinées par
Napoléon, qui furent un moment bien près d'assurer le salut de
la France.
Comme le dit le général von GroUmann, alors colonel et chef
d'état-major du corps de Kleist (II« corps prussien), les fautes
des Alliés éloignèrent la solution de la crise; mais l'histoire mili"
taire y gagna une de ses plus belles pages, un exemple qui montre
à la postérité ce que peuvent le génie, la force de caractère, la
hardiesse et la persévérance d'un grand capitaine.
* Avant Clansewitz, de Retz avait formulé la même pensés : « Rien, écri-
vait-il. ne marque tant de jugement solide d'un homme que de savoir choisir
entre les grands inconvénients. »
ERRATA ET ADDENDA
Page 37, 13* ligne» à partir du bas de la page, au lieu de : Hagueneau, lire:
HAffUENAU.
Page 41, 10* ligue, au lieu de : autrement être, lire: être autrement.
Page 41, note 1, ?• ligne, au lieu de: et avant, lire: ex avant.
Page 62, dernière ligne à partir du bas de la page et dernière ligne de la note,
au lieu de : *, mettre : *.
Page 67, 5® ligne, au lieu de : renseignements que lui signalaient, lire : qui lui
sionalaient.
Page 74, 6® ligne, à partir du bas de la page, au lieu de : Fraize, lire :
Presse.
Page 153, 3® ligne, au lieu de : 30 janvier, lire : 20 janvier.
Page 153, 1'^ ligne, à partir du bas de la page, au lieu de : la Moselle, lire:
la Meuse.
Page 163, note, l''*' ligne, au lieu de: Balmont, lire : Blamont.
Page 109, note 1 : La lettre du prince royal de Wurtemberg au général Toll
a été écrite par le colonel comte Baillet de la Tour, cbef d'état-major
du IV® corps. Elle a été adressée non pas au général-lieutenant comte
Toll, mais à Radetzky, chef d'état-major général de la Grande Armée.
Page 180, 18® ligne, au lieu de : II* corps, lire : 1*' corps.
Page 210, 13* ligne, au lieu de : Habourdange, lire: Haboudange.
Page 210, 10* ligne, à partir du bas de la page, au lieu de : renfereè, lire:
RENFORCÉ.
Page 219, 8* ligne, au lieu de : i 8 janvier, lire: i5 janvier.
Page 229. 19* ligne, au lieu de : Pont-à- Mousson, lire : Poxt-a-Mousson.
Page 306, note 1, 3* ligne, au lieu de: IleUrig, lire: Hellwig.
Page 322, note 2, au lion de: feldzeugmeister, lire: PBLD-MARi^CHAL-LiBn-
TENANT.
Page 323, 11* ligne, au lieu de : ', mettre : >.
Page 323, note, au lieu de : *, mettre: *.
Page 32i, 2* ligne, à partir du bas de la page, au lieu de : lieu, lire: lieue.
Page 330, 2* ligne, mettre devant les mots • sans plus insister, le point , placé
après les mots Pont-d^Ain, qu'il faut faire suivre par une virgule.
Page 401, 2* et 3* lignes, à partir du bas de la page, au lieu de : faire partir
pour soutenir Stscherhatoff les uhlans de Tclwugoiiieff, mettre : faire partir
LES UIILANS DE TciiouGouïEFF pour soutniir Stscherhatoff.
Page 437. i'* ligne, au lieu de Napoléon^, lire* Napoléon^.
— 538 -
Page 438, 13* ligne, à partir da bas de la page, an lien de : Vaueouleur, lire :
Vaucouledhs.
Page 440, notes. 11® ligne, à partir du bas de la page, avant les mots : Victor
à Grouchy, an lieu de : *, lire : «.
Page 453, i^^ ligne, après le mot : matin, au lieu de : ^, lire : *.
Page 451, notes 1 et 2, on a oublié d'indiquer que ces deux notes sont tirées
des Archives de la guerre.
Page 497, 8® ligne, au lieu de : eontrs, lire : Contre.
Page 499, H^ ligne, à partir du bas de la page, supprimer les virgules , après
les mots placé , et opération , .
Page 522, dernière ligne, au lieu de : battait la campagne, lire : Tenait la
campagne.
TABLE DES MATIÈRES
Préface ^
Avant-Propos ^t
CHAPITRE PREMIER.
SITUATION GÉNÉRALE EN NOVEMBRE ET DÉCEMBRE 1813 1
Divergence d'opinion des généraux alliés 1
Les alliés se décident à suspendre les opérations 3
Proclamation du 1®' décembre f>
Situation de l'armée française 6
Opinion de Clausewitz sur le plan des alliés ^
Plan d'opérations du prince de Schwarzenberg 7
Premiers mouvements de l'armée de Bohème H
Composition de cette armée ^
Composition de l'armée de Silésie ^
Composition de l'armée du Nord 10
Effectifs de l'armée française au l*"" janvier 1814 10
20-21 DÉCEMBRE 1813. Violatiou de la neutralité de la Suisse H
CHAPITRE U.
OPÉRATIONS DE l'aRMÉE DE BOHÊME DEPUIS LE PASSAGE DU RHIN A BALE
jusqu'à la première réunion avec l'armée de SILÉSIE (26 janvier
1814) 14
20 DÉCEMBRE 1813. Ordres de mouvement 14
Considérations sur cet ordre de mouvement 45
22 DÉCEMBRE I8i3. Premiers mouvements de Wrèdc 15
Positions de l'armée de Bohème le 22 décembre au soir 16
23 DÉCEMBRE 1813. Alouvemeuts 17
Mouvements de la cavalerie de Wrède 17
24 DÉCEMBRE 1813. Affaire de Sainte-Croix 18
Prise du château de Landskron et position des colonnes autrichiennes
le 24 au soir 19
Const^quences du combat de Sainte-Croix 20
2o DÉCEMBRE 1813. Lettre de Schwarzenberg à Bliicher 20
Prise de Blamont 2!
Positions . . 21
26 DÉCEMBRE 1813. Positious et opérations. 22
27 DÉCEMBRE 1813. Marches et opérations 23
28 DÉCEMBRE 1813. Mouvements 24
Mouvements de Bubna vers Genève pendant les journées du 28 au
30 décembre 25
30 DÉCEMBRE 1813. Occupation de Genève 26
— 540 —
P«|Vf.
Formation de corps de partisans V
99 DÉCEMBRE 1813. Premiers mouvements des corps de partisans S8
Mouvements des colonnes Î9
30 DÉCEMBRE 1813. Bombardement de Belfort et de Honingoe i9
Positions 30
31 DÉCEMBRE 1813. Mouvemonts et affaire de Baume-ies- Dames 30
Reconnaissance et combat de cavalerie de Sainte-Croix 31
Premiers mouvements de Platoff 33
1®' JANVIER 1814. Wittgenstein se prépare à passer le Hbin 33
Mouvements des partisans Scheibler et Stscherbatoff 33
Mouvements du corps volant de Thum; 34
Mouvements des colonnes 34
2 JANVIER 1 814. Mouvements des alliés en Alsace 35
Concentration des 1 V« et V* corps sur Colmar 36
3 JANVIER 18 1 4. La cavalerie de Pahlen passe sur la rive gauche du
Rhin, se dirigeant sur Haguenau 37
Marche de Wréde sur Colmar *l9
Marche de Stscherbatoff sur Remiremont 4i
Mouvement de la cavalerie de Thurn sur Vesoul 4i
Considérations sur les positions des alliés. Conséquences de l'entrée
du V* corps à Colmar 4i
4 JANVIER 1814. Mouvements de la cavalerie du Vl* corps 47
Perte du contact 48
Mouvements du corps volant de Thurn en avant de Vesoul 49
Mouvements des autres corps et ordres de Schwarzenberg 50
Nouvelles de Bliicher .... 5i
5 JANVIER 1814. Mouvements du VI* corps 52
Mesures prises par le prince royal de Wurtemberg pour le passage
des Vosges 53
Stscherbatoff rentre à Remiremont 53
(Combat d'Arches 55
Mouvements de Platoff et de Thurn 56
Position de Victor 56
Ordres de l'empereur à Mortier 57
Ordre à Victor, intercepté par les Cosaques 57
6 JANVIER 1814. Renseignements fournis par la cavalerie du VI*" corps. 59
Mouvements du V® corps 60
Mouvement du IV** corps vers les Vosges 60
Le 11 1« corps reçoit Tordre de se port<T sur Vesoul 61
Surprise de Porl-sur-Saône par le corps volant de Thum 62
Mouvement des I"' et II* corps 63
Arrivée à Lunéville de Caulaincourt, chargé de reprendre les négo-
ciations 63
7 JANviKR 1814. La cavalerie du VI* corps à Saverne 64
Positions du V° rorps. Affaire de Saint-Dié tti
Mouvements du Vl" corps et de Platoff 65
.Mouvements des antres corps 66
Schwarzenberg, ajoutant foi à des renseignements erronés, modifie
ses ordres 66
8 JANVIER 1814. Mouvements de Victor 69
Prise par les Ck>saques d'un courrier envoyé de Strasbourg à Victor. 70
Transmission défectueuse des renseignements et nouvelles 72
Positions et mouvements des IV*, V et VP corps 73
— 541 —
Mouvements du corps volant do Tliurii el de la cavalerie du
111'* corps 75
*,) JANVIER i8i4. Pahlen devant Phalsbourg 77
V® corps. Ordre de mouvement sur Remiremont 78
Seslavin à Bruyères. Renseignements. Lettre de Victor interceptée
par les Cosaques 78
Affaires de Rarabervillers et d'Epinal 80
Platoff à Pouxeux. Ses rapports avec le prince royal de Wur-
temberg 81
Inaction du 1V« corps le 10 janvier 83
Echec du corps volant de Thurn à Langres le 9 janvier K5
Affaire contre les paysans armés de Ghaudenay. . 86
Les populations commencent à s'armer 87
Positions des autres corps de la Grande Armée pendant la journée
du 9 89
iO JANVIER 1814. La droite du VI" corps se relie du côté de Phalsbourg
avec un parti de l'armée de Silésie 90
Mouvements du V" corps et de Victor vers Saint-Dié. Combat de
Saint-Dié 91
Marche du IV* corps sur Epinal 94
Renseignements fournis par StS(^herb<itoff 94
Mouvements du corps volant de Thurn . 95
Dissolution du corps volant de Scheibler. Causes de ce licencieuient. 98
Positions du 111® corps 99
Positions des !«' et 11° corps et des réserves 99
H JANVIER 1814. Positions du VI* corps 100
Marche du V* corps 100
Combat d'Epinal Conséquences de la mollesse de Platoiï 100
Correspondance directe des généraux en sous-ordre avec le généra-
lissime 104
Marche du 111* corps. Gyulay ignore ce qu'il a devant lui 106
Affaire de cavalerie à Gray 107
Ordre de mouvement des l**". 111« et IV* corps 108
Réception d'un rapport de Bliicher 108
H JANVIER 1814. Positions des VI* et V* corps. Immobilité du IV* corps.
Ordres de Schwarzenberg relatifs à Platoff et à Stscherbatoff 109
Affaire de la Griffonotte et de Chaudenay 110
Causes du mouvement rétrograde de Victor 111
13 JANVIER 1814. Nouvelles de Bliicher. Le VI* corps reçoit l'ordre de
se porter sur Nancy 112
Mouvements du V* corps 112
Affaires devant Langres. Gyulay se concentre à Payl-Billot 113
Le corps volant de Thurn obligé à se replier sur Grandchamp. ... 114
14 JANVIER 1814. Occupation de Lunéville par la cavalerie du V* corps. 115
Marche du IV° corps 1 15
Immobilité de Platoff 115
Gyulay re<îonnaît les abords de Langres 116
Retraite du corps volant de Thurn sur Bussières. Renseignements
fournis au généralissime 117
Positions du I®' corps et des réserves. Marche des cuirassiers de
Duka 118
Instructions de l'Empereur à ses lieutenants 118
Position des corps français 119
- 542 -
Page».
15 jA!«viKii 1814. Cavalerie do VI* corps à Sarreboorg ISi
La cavalerie du V* corps à Bayon se relie par ses partis avec les
roareurs de iilùcber. Evacoation de Nancy par les Français. ... lii
l^ractéri' des relations existant entre les généraux alliés iii
\ja. cavalerie du IV* corps ;• lioarbonne et à Jassey ii9
Mouvements du corps volant de Thnrn. Position du !*' corps et des
réserves 129
16 iA!«viRR 1814. FlatoflT à Neufchâteau. Stscberbatoff sur Toul. Ren-
seignements qu'il transmet au généralissime 130
Ordres de Grouchy à Milbaud 131
Positions des V*. IV* et lll* corps 133
Schwarzenberg donne l'ordre d'attaquer Langres 133
17 JANVIER 4814. &lortier évacue Langres sans que les alliés remar-
quent son départ 134
Kntrée des alliés à Langres 135
Positions des IV" et V* corps 136
PlatoflT à Ncufcbâteau. Stscberbatoff à Colombey-les-Bellea 137
Positions des autres corps de la Grande Armée 138
Affaire de cavalerie d'Occey 138
Nouveaux ordres de Schwarzenberg pour le 18 139
Perte du contact avec .Mortier. Considérations sur les mouvements
des alliés depuis leur départ de Bâle 140
18 JANViKR 1814. Ordres et mouvements du IV* corps. Affaire de cava-
lerie de la Ville-aux-Bois. Reconnaissance de Cbaumont i%i
Affaire des cuirassiers russes à Vesaignes 143
Positions des lU* et V* corps et de Platoff 144
Affaire de Stscberbatoff à Vaucouleurs 144
Mouvements des Vl°, 111« et l*' corps 14G
Mortier (évacue Cbaumont le 19 au matin 146
19 JANVIER 1814. Le IV" corps reste à Cbaumont du 19 au 24 janvier. 147
Positions du V" corps 147
Mouvements de Platoff. Affaire de cavalerie à Vaucouleurs 148
Positions des alliés la^^ 149
Lettre de Hliicber à Schwarzenberg 150
Lettres et ordres de Napoléon à Victor 151
"iO JANviKU 1814. Pahlen à Lunéville 153
Ronseignonients fournis par Wrède 153
Positions des 111* et 1V° corps L'>5
Mortier à Har-sur-Aube 156
(«omposition nouvelle des troupes sous les ordres du prince héritier
de llesse-llombouri; 156
il JANviKR 1814. Pubien dirigé sur Joinville. Mouvement du Vf* corps. 157
Onlres de Si'h\MU*2enberg à Wréde 158
Lottiv do Rlùoher a NVnl^de 159
Li cavalerie de Platoff et de Stscberbatoff soutenue par Wassilt-
obikoff à Vaucouleurs. — Passage de la Meuse 159
.Vffairo de l'avant-gai-de du IV* corps à Juxennecourt 160
Tburn trouve Otulaincourt à Cb;\tillon 160
UMtiv de Si'bNxarzenberg a Blùcber 161
Si. 23 JANVIKR 1814. .Mouvement de Stscberbatoff sur Saint-Dizier . ... 161
Xîouvemont du corps vohint de Tburn sur Neuville !6i
Voyajre de Scb\Narrenl>erg à Dijon. Arrivée de l'empereur de Russie
a Lan^Tcs 163
— 843 —
Positions de Mortier. Affaires de Clairvaux et de Tremilly 163
24 JANVIER 1814. Combat de Bar-sur-Aube 165
Mortier se replie sans que les alliés s'aperçoivent de sa retraite. . . 167
Fautes et mensonges de l'Iatoff 168
Lettre du prince royal de Wurtemberg au général Toll 169
Platoff dirigé sur Sens et Fontainebleau 170
Pahlen à Maxey. — Stscherbatoff à Eurville 171
ïhurn à Bar-sur-Seine 172
Mouvements de Colloredo. Positions du prince héritier de Hesse-
Hombourg 173
25 JANVIER 1814. Pahlen à Donjcux. Le gros du VI® corps à Nancy. . 173
Positions des corps alliés 173
Renseignements envoyés par Thurn 174
Stscherbatoff opère à Eurville sa jonction avec l'armée de Silésie. . 175
CHAPITRE in.
OPÉRATIONS DE L* ARMÉE DE SILÉSIE DEPUIS LE PASSAGE DU RHIN JOSQU'a
LA PREMIÈRE JONCTION AVEC LA GRANDE ARMÉE DE BOHÊME (26 jan-
vier 1814) 176
Effectifs et positions de Tarmée de Silésie en décembre 1813 176
Effectifs disponibles lors du passage du Rhin 178
29 DÉCEMBRE 181 3. Mesures prises par Bliicher 178
Lettre de Schwarzenberg à Bliicher 178
Rôle attribue par le plan de campagne à l'armée de Silésie 179
Instructions confidentielles de Bliicher à ses généraux 179
Mouvements préparatoires des différents corps 180
Ordres de l'Empereur à Marmont. Monvements de Marmont 181
1*' JANVIER 1814. Passage du Rhin par le corps Sacken 181
Combat de cavalerie de Muttcrstadt 182
Passage du Rhin à Caub par le corps York 183
Renseignements recueillis par les Prussiens sur la rive gauche. ... 184
Rupture du pont de la Pfalz 184
Passage d'une partie du corps de Saint-Priest. Prise de Coblentz . . 185
Passage du corps Langeron. Opinion de Clausewitz sur le passage
du Rhin 185
2 JANVIER 1814. Mouvements des corps York et Langeron 166
Marche de la division Ricard. 187
Affaire de cavalerie de Rheinbôllen 187
Envoi du corps volant de Henckel sur Trêves 188
Combat de Diirkheim et mouvement de Biron sur Aizey 188
Combat de cavalerie de Mehlem et Ober-Winter 189
Passage du corps de Saint-Priest retardé par les glaces 189
3 JANVIER 1814. Mouvement de la cavalerie prussienne sur Bingen .. . 189
Combat de cavalerie de Simmern 1 90
Mouvements des Cosaques 190
Marche de Langeron sur Bingen 191
AtTaire de cavalerie de Neustadt. — Embuscade de Warteck. —
Escai'mouche de Fiirfeld 191
Positions le 3 janvier au soir 191
4 JANVIER 1814. Ordres de Bliicher relatifs à la transmission des nou-
velles. — Mouvements de l'avant-garde vers la Sarre 192
Marche d'Henckel sur Trêves 192
— 544 —
U JANVIER 1814. Mouvements du 1" corps prussien. — Henckcl à
Trêves i93
Marche do Sacken sur Kaiserslautern. — Langeron devant
Ma} euce * 94
Retraite de Marmont sur la Sarre 104
Nouveaux ordres de bliiclier i94
6 JANVIER 1814. Mouvements de la cavalerie du général von Jiirgass
sur Deux-Ponts i9*>
Cosaques de Sacken à Deux-Ponts 197
7 JANVIER 1814. Positions des avant-postes de cavalerie. — Bombar-
dement de Sari*eloui8 198
Henckel détaché vers Namnr et Aix-la-Chapelle 198
Escarmouche de Saint-Jean 198
8 JANVIER 1814. Ordres de Blûcher 199
Affaire de Saint-Jean 199
Mouvements d'York et de Sacken 199
Ordres de Bliicher pour les 9, 10 et il janvier 200
Négligence de Blucher 200
9 JANVIER 1814. Retraite de Marmont 201
Cavalerie russe du côté de Sarreguemines 201
10 JANVIER 1814. Evacuation de Sarrebruck 201
Ordres d'York 203
Mouvements de cavalerie sur ThionviUe, Sarrelouis , Forbach,
Luveinboizrg et Saint-Avold 204
11 JANVIER 1814. Mouvements après l'achèvement des ponts de la Sarre 205
AtTaire de cavalerie de Pontigny 205
Frise de Saint-Avold par la cavalerie 208
12 JANVIER 1814. Mouvement d'York et de Sacken. — Affaire de cava-
lerie rie Noisseville 208
Ilorn devant ThionviUe 209
Position de la cavalerie de Sacken 210
Retraite de Marmont sur Metz. État de son corps 210
13 JANVIER 1814. Mouvements de la cavalerie de Sacken et d'York
vers la Moselle 211
Cavalerie du prince Guillaume devant Metz 212
Prise des ponts de Frouard par la cavalerie russe 213
Marche de Biron sur Nancy 2 1 i{
Mouvement du corps de Kleist 213
14 JANVIER 1814. Mouvement sur ThionviUe 214
La cavalerie de Lauskoï occupe Pont-à-Mousson 214
Entrée de Biron à Nancy 215
15 JANVIER 1814. Premiers ordres de Bliicher pour le 16 215
Bliicher prend le parti de se porter en avant 216
Ordres à York 217
Mouvements des corps de l'armée de Silésie le 15 janvier 219
Retraite de Marmont sur Mai-s-la-Tour 219
Considérations sur les opérations de Blucher 220
16 JANVIER 1814. Mouvement des troupes d'York autour de Metz 222
llenckel envoie des partis sur Arlon 222
Sacken à Nancy. Les maréchaux continuent leur retraite 223
17 JANVIER 1814. Marche de Biron sur Toul. Cavalerie du général von
Jiirgass en avant de Pont-à-Mousson 226
Mouvements de Sacken, d'une partie du corps de Langeron et de
la cavalerie de Kleist 227
— 548 —
Pâit».
Obnervatious de Kleist eo répoDso aux ordres de Bliichcr 2i7
18 JANVIER 1814. Marche de la division Lieweo sur Toul 2i8
Rôle de la cavalerie française 338
Mouvements des corps Langeron et York 228
Affaire de Saint-Mihiel SSO
Affaire de cavalerie à HoUeiich 230
Mouvement et pasitiuns du corps de Saint-Pricst. Raid du corps
volant du major vou Falkenhausen 230
Positions de rarinéo do Silésie 230
lï) JANVIER 1814. Ordres de TEmiuîreur 232
Mouvements du corps Sacken vers Toul, des Cosaques vers Vaucou-
leurs, d'Olsufieff vei-s Nancy 233
Mouvements autour de Metz 233
Combat de cavalerie de Manheulles 234
Tournc^e d'York devant les places 235
Raid de Falkcnliausen dans le département de Sambre^t-Meuse.
— Affaire de Neufcliâteau 235
Rapport de Bliicher à Schwarzenberg 235
20 JANVIER 1814. Capitulation de Toul 236
Renseignements fournis par Sacken 236
Positions et mouvements du 20 janvier 237
Marche de la cavalerie de Jiirgass vers Verdun 238
Affaire de la cavalerie de Henokel ù Ettelbriick 238
Raid de Falkenliausen vers Marche. — Renseignements sur la
marche de Macdonald et de Sébastian! 239
21 JANVIER 1814. Ordres de mouvement de Bliicher vers la Marne. . . 240
La cavalerie passe la Meuse à Vaucouleui-s 241
Inconvénients de la position de Victor à Ligny 242
Marche de Biroii sur Void. Mouvements autour de Metz 244
Affaires devant Luxembourg 244
Mouvement de Falkenhausen vers Namur 245
22 JANVIER 1814. Rapport de Bliicher à Schwarzenberg. Combat de
cavalerie de Saint-Aubin. 245
Positions du pnnce Guillaume do Prusse sous Metz 247
Mouvements de Horn vers Thionville et de Henckel sur Longwy. . 247
23 JANVIER 181 4. Combat de Ligny 248
Mouvements de Sacken et d'Olsufieff. Rapport d'York à Bliicher sur
les places 260
Escarmouche du côté de Givet 251
Rapport de Falkenhausen 251
24 JANVIER 1814. Mouvement de Stscherbatoff 252
Renseignements envoyés par Jiirgass. — Marche de Horn 252
23 JANVIER 1814. Remarques sur les ordres de Bliicher à York 253
Positions et état du corps York 254
Ordres donnés par York. Premiers mouvements de son corps 255
Mouvements du corps Kleist 257
Les maréchaux continuent leur retraite 257
Combat de Saint-Dizier 258
Mouvements de la cavalerie de Birou et de Lanskoï 259
Positions des Français le soir 260
Ordres de Blucher 260
Remarques sur les opérations do Bliicher depuis l'ouverture de la
campagne 261
WeU. 35
MMH
^ Î546 -
CHAPITRE IV.
MOUVEMENTS DES CORPS DE BCLOW ET DE WINEINQERODE. — OPÉRATIONS
MILITAIRES DANS LES PAYS-BAS JUSQO'aD 96 JANVIER 264
Situation vers la fin de déœmbro 1813 264
Positions et effectifs du 111 « corps prussien 264
l^'' JANVIER 1814. Concentration du III* corps i firéda 266
Positions et effectifs du corps Winiingerode 266
Renforts destinés à remplacer les corps de Ulilow et de Winzin>
gerode 267
Positions et effectifs des corps français sous les ordres de Macdo-
nald 268
Effectif des troupes placées en Belgique sous les ordres do Maison. . 270
4 JANVIER 1814. Positions de Sébastiani entre Cologne et Neuss. — Mac-
donald à Venloo 272
Marche de Winiingerode sur Dttsseldorf 273
Tchemitcheff demande en vain à passer de suite le Rhin 273
6 JANVIER 1814. Ordres de Bùlow au corps volant de Colomb. — Mou-
vements et opérations de cet officier du 7 au 9 janvier 274
7 JANVIER 1814. Pointes do cavalerie vers Venloo et Turnhout 276
10 JANVIER 1814. Ordres de Bulow. Il se dispose à attaquer Maison. . . 277
11 JANVIER 1814. Combat de Hoogstraeten 279
La cavalerie arrive trop tard pour prendre part au combat 281
Affaire de Westmalle 282
12 JANVIER 1814. Ordres de l'Empereur 283
13 JANVIER 1814. Maison s'établit à Lierre. — Combats de Merxhem et
de Wyneghem 285
14 JANVIER 1814. Bulow retourne à Bréda 289
18 JANVIER 1814. Ordres de l'Empereur à Maison 290
12 JANVIER 1814. Positions de Macdonald et de Sébastiani 291
13 JANVIER 1814. Tchernitcheff passe le Rhin. — Affaire d'Ober-Cassel. 293
1 4 JANVIER 1814. Tchernitcheff à Neuss 294
15 JANVIER 1814. Ilowaïsky à Cologne 294
16 JANVIER 1814. Tchernitcheff à Aix-la-Chapelle 294
18 JANVIER 1814. Macdonald à Liège 295
19 JANVIER 1814. Macdonald quitte la Belgique et se dirige sur Châlons. 296
Position des Cosaques de Tchernitcheff 297
23 JANVIER 1814. Winzingerode à Aix-la-Chapelle 297
16 JANVIER 1814. Maison à Louvain 297
23 JANVIER 1814. Envoi de la cavalerie de Castex sur Liège 299
24 JANVIER. Combat de cavalerie de Saint-Trond 301
Les Cosaques à Namur 304
Lenteur de Winzingerode 305
19-23 JANVIER 1814. Entreprises du corps volant de Colomb du côté de
Maëstricht 300
26 JANVIER 1814. Prise de Bois-lc-Duc 307
CHAPITRE V.
OPÉRATIONS DANS LE MIDI DE LA FRANCE DEPUIS LA PRISE DE GENÈVE
jusqu'au 31 JANVIER 1814.
Opinion de Clansewiti sur l'opération contre Genève 309
Situation militaire dans le midi de la France 310
- 847 —
Par***
Bubna s'arrête sans raison à Genève 310
2 JANVIER 1814. Premiers mouvements de Bubna 311
4 JANVIER 1814. Marche sur Lons-le-Saunier et Poligny 311
Ordre à Bubna de marcher sur Lyon 31i
5 JANVIER 1814. Prise du pont de Dôle 312
Mouvements de la colonne du général Zcchmeistcr 313
Affaire de Châtilloii 313
Napoléon décrète la formation de Tarmée de Lyon 314
6 JANVIER 1814. Nouveaux ordres de Schwarzenberg 315
7 JANVIER 1814. Renseignements fournis par Bubna. — Marche sur Bourg. 315
8 JANVIER 1814. Bubna à Lons-le-Saunier 316
9 JANVIER 1814 316
10 JANVIER 1814. Affaire de Saint-Etienne-du-Bois 316
Raisons qui empêchent Bubna de se conformer aux ordres du géné-
ralissime 317
11 JANVIER 1814. Retraite du général Musnier sur Lyon. — Bubna à
Bourg 317
12-13 JANVIER 1814. Inaction de Bubna. — Prise du pont de Màcon.. . 318
15 JANVIER 1814. Augereau, laissant le général Musnier à Lyon, se rend
à Valence 318
Mouvement des avant-postes de Bubna. — Immobilité de son gros. 319
Apparition des coureurs de Bubna devant Lyon 321
17 JANVIER 1814. Le général Musnier se replie sur la rive droite de la
Saône 322
Rapport de Bubna sur ses opérations devant Lyon 322
Marche de Wieland vers Màcon 325
18 JANVIER 1814. Ck)mbat de Rumilly 325
19 JANVIER 1814. Zechmeister occupe Aix-les-Bains 327
20 JANVIER 1814. Occupation de Chambéry par Zechmeister. . . 329
21 JANVIER 1814. Retraite de Bubna sur Pont-d*Ain 330
Combat de Chapareillan et prise du pont de Montmélian 330
22-23 JANVIER 1814. Tentatives des Français contre le pont de Mont-
mélian 331
24 JANVIER 1814. Mouvement rétrograde de Bubna 332
Les Français reprennent le pont de Màcon 333
Première affaire de la Grotte 334
25 JANVIER 1814. Position du général Dessaix 334
26 JANVIER 1814. Affaire des Marches 335
Rapport de Bubna à Schwarzenberg 335
29 JANVIER 1814. Affaire d'Aiguebellette 336
29 JANVIER 1814. Affaire de la Grotte et des Échelles 336
31 JANVIER 1814. Positions de Zechmeister 338
Inaction de Bubna jusqu'au 4 février 338
CHAPITRE VI.
BRIENNE ET LA ROTHIÈRE (26 JANVIER ; 3 FÉVRIER 1814) 342
25 JANVIER 1814. Situation générale de la France et de l'Empereur.. . . 342
Motifs de fenvoi de Berthier aux avant-postes. — État d'esprit des
maréchaux 343
Conséquences de la retraite précipitée des maréchaux 344
Observations sur le choix de ChAlons comme point de concen-
tration. 346
— 548 —
Pages.
Erreur de l'Empereur relative à Teffectif des armées alliées 347
Motifs de la marche de TEmpereur sur Saint- Dizier 348
Situation au quartier général des alliés. — Arrivée de TEmpereur
de Russie 350
Dissentiments entre Bliicher et Schwarzenberg 354
Rôle de l'Empereur de Russie pendant les conseils de guen*e 352
Lettre de l'Empereur d^Autriche au prince de Schwarzenberg 353
Opinion de TEmpereur sur la situation. — Lettre à Belliard 355
Projets de Napoléon aussitôt après son arrivée à Gbâlons. — Ordres
de mouvement sur Saint-Dizier 358
Bliicher continue de marcher vers TAube. — Positions de raniiée
de Silésie 359
Positions de l'armée de Bohème 361
27 JANVIER 1814. Combat de Saint-Dizier 365
Position des Français après la prise de Saint-Dizier 366
Positions et ordres d'York 367
Affaire de Bar-le-Duc 368
Positions et mouvements de Tarmée de Bohème 369
Motifs du mouvement de l'empereur Napoléon sur Brienne 371
28 JANVIER 1844. Mesures prises par Bliicher 375
Mouvement de Tarmée française sur Montier-en-Der 379
Prise du lieutenant-colonel Bénard par les Cosaques de Stsrher-
baloff 380
Mouvements du corps d'York 387
Occupation de Bar-le-Duc 389
Positions du corps Kleist 390
Mouvements des V* et VI® corps de l'armée de Bohème 390
Mouvements du IV® corps sur Bar-sur-Aube 391
Le prince roj'al de Wurtemberg informé par ses avant-postes de la
présence de Bliicher à Brienne. Entrevue avec Bliicher 39 i
Positions du IIP corps 393
Positions de Colloredo 394
Platoff à Auxon 395
Lettre de Schwarzenberg à Barclay de Tolly relativement à Platoff. 395
Surprise causée au grand quartier général à la nouvelle de l'arrivée
de Bliicher à Brienne 396
Ordres pour le 29, donnés par Schwarzenberg le 28 janvier à
11 heures du soir 398
Les souverains consentent à la réunion du congrès de Chîltillon.
Instructions données aux plénipotentiaires 398
29 JANVIER 1814. Marche de l'armée française sur Brienne 399
Ordres donnés par Bliicher 401
Combat de Brienne. La cavalerie française engage le combat 401
Entrée en ligne de l'infanterie française 405
Attaque de Brienne 405
• Charge de la cavalerie de Pahlen 405
Bliicher sur le point d'être pris au château de Brienne 407
Charge infructueuse de la cavalerie de Lefebvre-Desnoeltes 409
Charge de la cavalerie russe 410
Bliicher fait attaquer de nuit la ville et le château de Brienne. ... 440
Bliicher ramène son infanterie en arrière pendant la nuit 44 1
Positions de Tarmée de Bohème. Positions des V® et VI® corps, ... 444
Escarmouches de cavalerie du côté de Vassv et de Dommartin 442
— S49 —
Mouvements du IV* corps sur Âilleville 413
Positions du III® corps, des gardes et réserves 414
Corps volant de Tliurn à Ghaource. Colloredo reçoit 1 urarc de s'ar-
rêter 415
Marche du corps York sur Satnt-Dizier 416
Particularités du combat de Brienne ... 419
Mécontentement de Schwarzenberg 42i
Conseil de guerre de Chaumont 423
30 JANVIER 1814. Ordres pour la journée du 30 janvier 424
Ordres de l'Empereur dés qu'il a connaissance de la retraite de
Bliicher 426
Reconnaissance de cavalerie en avant de la Rotbière 426
Positions de l'armée de Silésie 426
Positions des corps français 427
Marche d*Vork sur Saint-Dizier. AlTaire de Saint-Dizier 429
Positions d'York le 30 au soir 431
Immobilité du VP corps 431
Tension des rapports entre les généraux alliéb 432
Rapports de Wrède et de Frimont au prince de Schwarzenberg. . . . 433
Positions des IV* et Ill« c^rps, des gardes et réserves 436
Colloredo reçoit tardivement Tordre de mouvement de Schwarzen-
zenbcrg 435
Platoff à Cerisiers. Le général AUix se jette dans bens. Affaire de
Sens 436
Positions des alliés 436
31 JANVIER 1814. L'Empereur reste sur ses positions. Mouvement de
Marmont sur Soulaines 438
Lettre de Bliicher à Schwarzenberg sur sa position 440
La cavalerie de Pahlcn reçoit l'ordre de quitter Bliicher pour
pour rejoindre le Vl« corp?. Marmont évacue Soulaines. Consé-
quences de ce mouvement 442
Mouvement de la cavalerie d'ilowîiïsky. Surprise du général van
Merlen à Saint-Dizier 443
Positions du VI« corps 446
Wréde prend sur lui de se diriger de Nomécourl sur Soulaines. . . . 446
Lettre de Wrède à Schwarzenberg 447
Réponse et nouveaux ordres de Schwarzenberg 449
Mouvement d'York vers Vitry 450
Positions des III® et IV corps et de Barclay 454
Thurn donne avis du départ de Mortier de Troyes pour Arcis. Atta-
ques infructueuses de Platoff sur Sens 454
Disposition générale de Schwarzenberg pour le !•' février 456
Ordre particulier de Barclay aux gardes et réserves 457
icf FÉVRIER 1814. Ordres de Bliicher 458
Résumé des positions des alliés. Effectifs des armées alliées et de
l'armée française 458
Positions des Français. Lettre de l'Empereur à Clarke 460
Causes de l'inaction de l'Empereur les 30 et 31 janvier 461
L'Empereur n'a pas voulu livrer la bataille de la Rothière 463
Description du champ de bataille de la Rothière 464
Napoléon se rend en personne à la Rothière. Il envoie à Ney l'ordre
de battre en retraite 465
Lo maréchal Victor et Grouchy signalent les premiers mouvements
— 880 —
PtfM.
des alliés. Reconnaissance faite par l'Empereur. Positions qa'il
faut occuper. Ney reçoit Tordre de revenir sur ses pas 466
Les alliés commencent leur mouvement à midi 468
Charges de la cavalerie française contre les batteries russes. Pre-
miers engagements en avant de la Rothiëre. La cavalerie fran*
çaise est rejetée en arrière de la Rothiére 460
Considérations sur les conséquences de ce combat de cavalerie .... 471
Premiers mouvements de Gyulay sur les deux rives de l'Aube. . . . 472
Le IV corps se porte contre la Giberie 474
Situation des trois corps de Sacken, Gyulay et prince royal de
Wurtemberg 477
Marche du V* corps. Premiers engagements à l'extrême droite des
aUiés 478
Situation générale à 4 heures 482
Attaque et prise de Chaumesnil 481
Charge de la cavalerie bavaroise contre les batteries françaises. . . 483
Le IV® corps enlève la Giberie 485
Sacken enlève la Rothiére 486
Mesures prises par l'Empereur. Mouvement de la cavalerie fran-
çaise 487
Deuxième attaque du III'* corps contre Dienvillc 489
Mesures prises par l'Empereur pour couvrir la retraite 489
La cavalerie wurtembergeoise débouche en avant de la Rothiére et
de Chaumesnil 490
Positions de Sacken, des IV", Ve et 111® corps à 10 heures du soir. 492
Positions de l'armée française 493
Mouvement du 1**^ corps (Colloredo) sur Vendeuvre. — Affaire de
la Vacherie. — Retraite du corps volant de Thum 494
Mouvement de Platoff vers Sens 497
Mouvement du Vl« corps et de la cavalerie de Pahlen sur Vitry. . . 498
Mouvements du 1*' corps prussien. Opérations sur Vitry 499
Considérations sur la bataille de la Rothiére 502
Ordres de TEmpereur pour la retraite 508
FÉVRIER 1814. Premiers mouvements des alliés à 8 heures du matin. 512
Marche du 111^ corps surBrienne. — Mouvements de la cavalerie des
IV« et V« rx)rps 513
Marclie du V° corps vers la Voire. — Combat de Rosnay 514
Affaire des 111* et IV® corps à Lesmont 518
Mouvements du 1®' corps 520
Mouvements des gardes et réserves, — Affaire de cavalerie de Vil-
liers-Ie-Brûlé 521
Affaire de Thurn avec les habitants d'Ërvy. — Mouvements de
Platoff 523
Mouvements du VI® corps sur Vitry et Montier-en-Der 524
Opérations du I*' corps prussien. — Escarmouche de Saint-Amand. 5i5
Mouvements des autres corps de l'armée de Silésie 529
Ordres et résolutions de l'Empereur 530
Conseil de guerre de Brienne. — Résolutions des alliés 533
Paris. — Imprimerie L. Baodoin, 2, me Chriftine.
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ODTRAOES DD lltHE AOTEQR d In Librolrie L BAUDOIN ;
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Inpnrtaaoti nllltalra «a VlaniiRï ]i*t )• '*f>M>^ 1V*II tin», km. j
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|i*aduii l'kndAo 1673 <> i ' -l'i'i
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Pronp; v <- "tj.irvtT.. H>I1, 1- ■ 1 ■■ ' ' - - .u-(î
UotDptfl r*nau ddB innaaiavriui d'automn» de l'omit* d'tKteiipAtIa)
JBIB; l..!;--? l'il'-innrt; (i.-lr p■.;.|Jllll,^Wall. i'artk. iHTi.
I.«<i oMUWUTraa do la oardp pruolHniii) *■> 1870 i fmt iv nfitainn '
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La (I«*bIo dt lAnslatnrc* sn Aa)« MUtraldi ^'^p^* >■ i"vi)iirt «t M
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