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La Société des Auteurs

et

Compositeurs dramatiques

JEAN BA.YET

LA

Société des Auteurs

ET

COMPOSITEURS DRAMATIQUES

*?>i$&<p*3—

PARIS

Arthur ROUSSEAU, Éditeur

14, RUE SOUFFLOT. 14

190H

"C **

BIBLIOTHECA

Ottavien»1*.

Les Origines de la Société des Auteurs

et Compositeurs dramatiques

Les Origines de la Société des Auteurs et Compositeurs dramatiques

Les débuts de l'art dramatique en France ne nous mon- trent pas les auteurs et les entrepreneurs de spectacles se partageant plus ou moins équitablement le bénéfice des représentations. Longtemps les auteurs travaillèrent pour la gloire, et sans qu'il y eût de comédiens de profession. Quoi qu'en ait dit Boileau, très mal renseigné à cet égard, nos aïeux se passionnèrent pour le théâtre, qui, au moyen âge, avait sa large part dans toutes les réjouissances publiques, dans tous les événements de la vie nationale. Un spectacle nouveau était alors un fait d'une autre importance que n'est de nos jours une première attendue. Le répertoire, à la fois religieux et grossier, s»4 composait de mystères, qui mettaient en action la vie des saints, les scènes de la Passion, et de farces, de soties et moralités, mélange curieux de plai- santeries très risquées, souvent triviales, et d'allusions poli- tiques, parfois pleines d'esprit et de verve.

Le public apportait à ces spectacles une àme neuve et pleine de ferveur, ignorante do conventions et de la routine. Il n'y paraissait d'ailleurs que des acteurs volontaires^ artistes d'un jour, recrutés dans les diverses classes de la population. Monter sur les planches étail un honneur forl recherché; il n'était grave bourgeois qui ne Uni ;> honneur d'y iigurer, et qui n'acceptât volontiers d'interrompre ^,,v occupations journalières, pour se plier à la discipline des

CHAPITRE PREMIER

répétitions, et se meubler La cervelle de plusieurs centaines de vers.

Les représentations étaient organisées par de véritables corporations d'amateurs. A Paris, c'était, à côté dos clercs de la Basoche, l'illustre compagnie des Confrères de la Passio •. el les joyeux Enfants-sans-Souci.

Les Confrères de la Passion furent les premiers à avoir un théâtre permanent, le spectacle se donnait à des inter- valles réguliers. Jusqu'alors, on n'avait eu que des repré- sentations accidentelles, sur des tréteaux improvisés. Ils s'adonnèrent d'abord au vieux répertoire des mystères; puis, comme le public se fatiguai! des sujets religieux et tristes, Ils s'adjoignirent les Enfants-sans-Souci, artistes comiques (jui alternèrent les farces avec les pièces .trieuses : en 1548, les deux compagnies firent conjointement l'acquisition de l'Hôtel de Bourgogne qu'ils aménagèrent eu salle de spec- tacles.

Les Confrères jouissaient, à cette époque, d'un véritable monopole, à Paris. En province, tleurissaient les sociétés joyeuses, réunions de bourgeois honorables qui entrepre- naient «I amuser leurs concitoyens par leurs divertissements burlesques; souvent aussi les habitants d'une ville s'asso- ent pour jouer avec éclat, età frais communs, une pièce relig

Le clergé el l'autorité témoignaient une grande faveur à entreprises spontanées; Ils encourageaient volontiers les bonnes volontés. Il- voyaient d'un fort bon œil la représen- tation des mystères, qui, dans une forme 1res libre, contri- buaient certainement ;• entretenir et a ranimer l;i foi, et leur indulgi .fil fort grande pour les farces et soties, dont

1 audace et la licence auraient Indisposé plus d'un censeur. 1 les artistes volontaires étaient des hommes honorables,

LES ORIGINES DE LA SOCIETE 5

connus de Ions, et qui ne voyaient clans ces spectacles fort attendus qu'une occasion de se divertir en divertissant les autres. Le clergé au besoin se chargeait de recruter des acteurs, et mettait de bonne grâce le matériel religieux à la disposition des artistes.

Les auteurs étaient en général des poètes bénévoles, qui rimaient pour l'honneur de rimer. La gloire était leur profit le plus clair. Parfois cependant, une œuvre était spéciale- ment commandée par une association, et payée en beaux deniers. Ainsi la confrérie des maçons et des charpentiers de Paris commanda à l'illustre Gringoire : « Une vie de Monseigneur Saint-Loys de France, à jouer par personnages ». De même, la confrérie <le^ cordonniers de Paris commanda et paya, en 1443, Un mystère de hi vie des taint* Crépin et Crêpinien (1). Mais, le plus souvent, l'auteur de l'ouvrage représenté était membre de l'association ; il était payé comme les artistes eux-mêmes, et seulement s'il y avait i\c< bénétices, ce qui n'était pas fréquent. Le poète Gringoire, qui eut, pour le temps, une belle carrière dramatique, fut surtoul très lier de son titre de Mère sotte, qui le faisait le second dignitaire de la confrérie, après le Prince des Sots; s il gagna quelque a ruent, ce fut moins comme auteur que comme organisateur attitré des spectacles officiels, véritables représentations de gala, qui se donnaient à l'occasion de l'entrée dans la capitale des souverains ou des personnages importants.

Lu [502 et 1503, il monte avec un associé quelques mystères mimés ; il reçoit pour chacun cent livres, \ compris la « construction îles échafauds » »>ù se tiennent Les artistes ; l'indemnité était modeste.

1 Petit i\r JuUeville. Le» comidiem en France au moyen âge, chapitre l\-

Q « IÀPITRI PREMIER

il .lu Pont-Alais, compagnon des Enfants-sans-Souci,

la fois auteur et chef el maistre des joueurs de

moralités el farces à Paris . En 1515, il joue plusieurs

moralités devanl le duc de Lorraine, et reçoit quarante livres

h. .11. une autre lois quatre-vingts francs. C'est

- En 1530, il devient lui aussi entrepreneur

publiques; un aequil au comptant mentionne un

iemenl de 223 livres tournois qui lui est fait pour avoir

plusieurs farces devanl le roi (1).

I ii tir.'t du Parlement, en 1548, porta un coup mortel

i Confrères de la Passion, en leur interdisant le réper-

Depuis que le mouvemenl d'idées de la Réforme

ut ini^ .-h péril la religion, L'autorité voyait plutôt une

tndale dans les spectacles pieux, dont la naïveté

la raillerie d'un public plus averti. Les Confrères

ûntinrenl quelque temps par Les représentations de

Fanes. Mais le goûl avait changé ; on méprisait les

- trop simples ou trop grossières du passé ; on aspirait

un théâtre nouveau, <l<»ni l'avènemenl est marqué par

•H- .1.- la Cléopâtre cl de Y Em/hie de Jodellc.

prêter les œuvres «lu joui-, on ne se contente I'1, - "i- bien intentionnés, on vcui des acteurs

forme d'abord des troupes ambulantes,

celle que Scarron nous présente dans le Roman

les types «lu Destin ci de l'Estoile, héros

""'i1'" bouffons, moitié poètes. Ils vont de

ril heurtant souvent au mauvais vouloir des

•l"' le« tiennenl \ l'écart .1.- habitants, comme

de mœurs douteuses. Le Parlement, le

en! I- artisteî bénévoles du bon vieux

LES ORIGINES DE LA SOCIETE 7

temps, voient avec défaveur ces nouveau-venus, qui font profession de divertir les autres ; ils rencontrent la méfiance d'un public encore peu lettré. Aussi Richelieu, qui favorise les comédiens, jugera-t-il nécessaire d'ordonner, au cas leurs spectacles n'auraient rien de contraire à la morale, « que leur exercice ne puisse leur être imputé à blâme, ni préjudicier à leur réputation dans le commerce public (1). Bientôt les comédiens se fixent. Les Confrères de la Passion ont compris qu'il fallait décidément céder au goût du siècle : en I088, ils concèdent à l'une de ces troupes nomades la location de leur théâtre. Cette troupe hérite de leur privi- lège ; en 1613, elle prend le titre de troupe royale. C'était un véritable monopole qui lui était concédé. Un arrêté de 1588 le disait expressément, défendant à tous autres comé- diens « de jouer des comédies ou de faire des tours et subtilités ». Cependant le monopole ne fut pas si absolu au début que l'on ne vît s'établir à Paris, protégés par la faveur royale, les deux grands théâtres du Marais et du Palais- Royal. Ce fut une concurrence sérieuse. La troupe du Palais-Royal, que dirigeait Molière, passait pour inimitable dans le comique. D'autre part, la Cour avait toujours accueilli avec faveur les troupes italiennes de passage i\ Paris. En 16(10, les Italiens s'établirent à demeure dans la

capitale.

Du moment les tbéâtres avaient passé entre les mains de comédiens de profession, uniquement occupés de leur

métier, force leur fut de s'adresser, pour alimenter leur

1 Ordonnance du 16 avril 1641

CH IPITRE PREMIER

s crivains étrangers à leur corporation. Au tl„. .mm.' ailleurs, il se lil nue division du travail. - (| Molière fait exception à cette règle, infatigable dans triple rôle d'acteur, de directeur el d'auteur; il succomba ûlleurs .'■ la tache. Les comédiens furent donc obligés de traitei lesauteurs externes », comme on disait alors, ^position avec lesauteurs qui pouvaient se rencontrer ni la troupe. h h- >..n mii\ mi- le théâtre, qui est un document pre- ux | p l'époque, Chappuzeau nous apprend comment se

mtral de représentation à la lin du xvu(> siècle,

i-dire dans la belle période de noire art dramatique (1).

Il t.oit d'abord que l'auteur soil lu. Pour être lu, il doit se

ncilier les bonnes grâces d'un membre de la troupe, qui

senter la pièce à ses camarades.

I tuteur '|ui présente une pièce, dit Ghappuzeau, la

mmunique en particulier à celui des comédiens qu'il croit

le plus intelligent l !<■ plus capable d'en juger, afin que,

•h sentiment, il la propose à la troupe, ou qu'il la

wpprim les comédiens prétendent, el avec raison, de

mieux sentir le bon ou le mauvais succès d'un

que tous les auteurs ensemble el Ions les plus beaux

loin! que la plupart d'entre eux sonl aussi auteurs,

T"' seule troupe royale, il y en a cinq dont les

1 forl bien reçus

lien donl l'auteur B'esl assuré le concours lit la

des. Dans ces séances, véritables

l< lun oîi l'on discute d frite de l'ouvraee

lire des effets de voix, rivaliser pour tl< m l'œui re de leurs Drotéffés

i r

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 9

L'auteur, dès celle époque, doit faire sa cour aux comé- diens, et plus d'une pièce esl faite moins pour plaire au public, que pour donner un rôle à tel acteur en vogue.

La pièce reçue, on aborde la question d'argent. Parfois elle est réglée très simplement. Les comédiens ne donneront rien : c'est lorsqu'il s'agit d'un débutant. « Dans ce cas, dit Cbappu- zeau, ils ne donnent point d'argent, ou n'en donnent que fort peu, ne le considérant que comme un apprenti qui se doit contenter de l'honneur qu'on lui fait de produire son ouvrage ».

Ce n'est pas d'hier, sans doute, que les débutants se plaignent de ne pouvoir taire jouer leurs œuvres. Aussi, lorsqu'une occasion se présente de placer un manuscrit, ils n'affichent pas encore les prétentions qu'ils auront plus lard : ils s'estiment trop honorés que MM. les Comédiens veuillent bien les mettre à la scène.

Lorsque les comédiens acceptent de payer, ils traiteront tantôt à forfait, tantôt pour une pari proportionnelle à la recette.

L'achat au comptanl lui le premier en usage.

Au début, une pièce de théâtre se vendait fort mal. Hardy fut un auteur fécond. De notre temps, il eût fait fortune; à l'époque, ses œuvres se vendaient couramment trois écus chacune.

Au commencement «In xvme siècle, le prix habituel était de dix écus, s'il faut en croire Voltaire I .

Corneille, qui apporta la gloire ;'» la scène française et qui fui pauvre toute sa vie. provoqua pourtant des plaintes très vives de [a pari de mademoiselle Beaupré, de la troupe du Marais, qui reproche nu grand tragique, cl non s.ms aigreur, d'avoir fait monter les prix :

1 Voltaire, Vie de M"/.

10 in IPITR1 PREMIER

\ ij , tvant, dit cette aimable personne, nous avions

g de théâtre pour trois écus, que l'on nous faisait en

„,,,. nuit : on \ était accoutumé, <it nous gagnions beauooup ;

s t.'inriit. les pièces il»1 M. Corneille nous coûtent bien

de l'argent, et nous gagnons peu de chose ».

Il semble bien <|mi la qualité ait changé en même temps que les prix. Car la même artiste ajoute :

Il est vrai (| :es vieilles pièces étaient misérables.

- icteurs les faisaient valoir » (1).

I es prii n'étaient point encore si exorbitants que made-

liselle Beaupré nous le laisse à penser. Même après cette

petite révolution, qui lit <l<is mécontents, un auteur connu

n'obtenait guère plus de deux cents pistoles pour une

Que dirait aujourd'hui cette artiste, s'il lui fallait

; i .1 un île nos dramaturges à la modo?

i esl rapportée dans le Mémoire à consulter et consul la-

! mvay de la Saussaie contre la troupe des comédiens

Ho 1775 Bibliothèque il«' la Ville, Théâtre, 12,:JIK.

quelques chiffres qu'on relève dans l<- registre de La Grange

i qui noua renseignent sur les droits

|)oque :

ut à Gilbert 550 livres pour la Vraie et la Fausse 1 1 même lomme pour Tonnaxare ; à Corneille, 2,000 livres

pour /' /' i ieuses\ 1,500 livres pour le Cocu;

- Wavarre; 1,100 livres pour les Fâcheux*

rneille uni en vers le Festin de Pierre. l;t troupe de

1 1,100 livret : i.i même somme fut versée fi i,i veuve de

tement tout I t.-nt exceptionnel. L'œuvre était due

s le plus en » cette époque : les pièces de Thomas

(Tel plus d'argent que celles il«- mui frère. Et la troupe

l mademoiselle Molière pour les impor-

dui 1 ii lociété.

mieux <j pi on donne :

' B i pour la tragédie de Tonnaxan, e M or i i 'l argenl . di pii cei ' i avance - comme on rail

i l il| n< de, pour une puer de théâtre qu il '' '" ""•• p"-' m i ommande, - e n esl pas cher,

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 11

On a beaucoup parle, il est vrai, de la générosité des comédiens envers les écrivains. Un auteur du temps, qui a entrepris de les défendre contre la défaveur injuste qui posait encore sur eux, nous fait un tableau touchant de leur vie privée. 11 se plaît à nous les montrer sévères dans leurs mœurs, décents dans leurs propos, assidus aux offices, Entre autres traits édifiants qu'il rapporte sur leur compte, il parle volontiers de leurs bons procédés envers les auteurs. Dans un chapitre de son ouvrage, intitulé Combat de générosité entre fes porte* et les comédien*, Ghappuzeau raconte qu'on a vu un auteur célèbre, et pourtant fort modeste, forcer un jour la troupe royale à reprendre cinquante pistoles sur la somme qui lui avait été comptée. Tellement 1rs comédiens avaient coutume de traiter libéralement les auteurs.

J'avoue que le trait cité par Ghappuzeau, si l'on veut y ajouter foi, n'est pas de nature à dissiper toutes les préven- tions qu'on peut avoir. L'auteur dont il parle était fort modeste assurément; un peut-être désirait-il s'attacher plus étroitement ses interprètes, par un sacrifice pécuniaire tou- jours bien accueilli.

Rapporterons-nous aussi l'habitude qu'avaient les comé- diens, au «lire de Ghappuzeau, de faire un présent à l'auteur qu'ils jouaient? Les cadeaux entretiennenl L'amitié. Il esl fort probable que ces présents n'avaient en effet de valeur que comme gage de bonne amitié; le l'ail vaul d 'ailleurs

d'être retenu, car il prouve le» bons rapports des auteurs el des comédiens. Mais ils ne devaient pas être fort consé- quents ; sans cela, Ghappuzeau les eûi fait entrer en compte dans la rémunération des auteurs. Il dit même qu'ils avaient coutume avec les auteurs - de i"' pas se quitter, le marché conclu, sans se régaler ». On attend aujourd'hui le cinquau tième ou la centième représentation.

12 CH MMTHK PREMIER

Pour C€ qui est du combat de générosité, c'est-à-dire,

.-h style d'affaires, de la fixation des droits d'auteur, il

en va tout autrement, La lutte était inégale. L'honnête

Chappuzeau lui-même nous l'avoue très Ingénument. Les

auteurs célèbres, nous dit-il, ne se montraient pas toujours

nnables. Ils étaient parfois d'humeur a le prendre d'un

peu baut. Heureusement heureusement pour lescomédiens)

icteurs se raidissent de leur côté, et par une bonne

amie, tiennent toujours de leur cru quelque ouvrage

pour i en servir au besoin

is avons dit plus haut que depuis que la profession

liste dramatique était devenue un métier comme un

autre, les comédiens n'étaient plus, comme par le passé,

irsà leurs moments perdus, et poètesè leurs heures. Les

édiens se contentaient de jouer les pièces, et cela vaut

iCOlip mieux.

Cependant il n'était pas de troupe qui ne renfermât dans

-••m quelque talent dramatique, qui n'eût dans ses

archives quelque manuscrit déposé par un membre de La

'■• loul prêt « passer. Ce manuscrit servait d'épou-

M'\ auteurs externes » ; on le sortait lorsqu'ils

*•• i ient trop exigeants. Et tout de suite ils reve-

une plus saine appréciation des choses. Le moyen

I"»" il faut l'avouer, si bon que la Société des auteurs

1 ûV der, de nos jours, en défendant à tous

; ; "• mêléa de près ou de loin à l'administration

•I "" IhéAtre d'\ fai i . oir des pièces.

en dépit des éloges dont il tient à

pour leur gagner l'opinion, n'est pas

** ' mpte au tond de leur injustice envers les

voit il un danger dans ces procédés

T" wront plu tard une des causes de la ruine

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 13

du Théâtre-Français, sous la Révolution. 11 croit devoir leur parler le langage de la raison, et, quelque bonne opinion qu'ils aient de leur mérite, leur faire entendre, à mois cou- verts, que les ailleurs eux aussi ont quelque part à leurs succès.

« Les autheurs, écrit-il dans son ouvrage, doivent être considérés comme les dieux tutélaires du Théâtre ; ce sont eux qui le soutiennent ; ils en sont les grands appuys, et il tomberait avec tous ses ornements et ses pompeuses machines, si de beaux vers et d'agréables intrigues ne cha- touillaient l'oreille de l'auditeur, à mesure que sa veue est divertie par la beauté des objets qu'où lui présente. Je sçais que la Comédie ne demande pas seulement un Autheurqui la compose : qu'elle veut un acteur qui la récite, et un théâtre elle ><>il représentée avec les embellissements qu'il luy peui donner. Mois l'intention du Poète est l'âme qui fait mou- voir tout le corps, et c'est de principalement que le monde s'attend de tirer le plaisir qu'il va chercher au Théâtre ».

Voilà un appel très discret à une plus grande modestie des comédiens. Ce qui parait certain, c'est que fâchai à forfait fut abandonné sur la demande des comédiens eux-mêmes, qui acceptaient difficilement de verser la menu1 somme ;> l'a uteur, quel que lût son nom, le mérite de la pièce qu'il apportait, et l'accueil qui lui «Mail fait par le publie.

(le mode de paiement devint rare, dès la seconde moitié du xvne siècle, sans qu'on puisse dire d'une façon précise ;< quel moment L'usage s'établit de traiter d'autre sorte I ). On

l On (ail généralement remonter cel usage â l'année 1653. Tristan l'Her- milc, d'après L'opinion généralement reçue, aurail accepté de lire à l'Hôtel de Bourgogne une pièce de Quinault, intitulée les Rivales.

Croyant qu'elle était de lui, les comédiens en oflrirenl cent écus. Puis. lorsqu'ils Burent qu'elle élail '1»' Quinault, alors débutant, ils n'en \. ulurenl plus donner que cinquante. C'est alors que Tristan l'Hermite, pour mettre lin aux discussions entre auteurs et comédiens, leur aurait proposé d'aban-

i BAPRRI l'R KM 1ER

une fc l'auteur une pari de la recette, tous les frais du théâtre ayant été préalablemenl déduits : il devient ainsi e omédiens : 11 prélève Ba part des recettes et des b in dépend du succès de la pièce. La repar- ution se rail très simplement. Tous les soirs, les comédiens font le compte de la chambrée, c'est-à-dire la recette : ils commencent par prélever les frais journaliers ordinaires, pais les Frais extraordinaires de décors, de figuration, que la pièce a pu uécessiter, et qui <>ni été arrêtés d'accord avec l'autour : on se partage le reste. Gela se passe à peu près comme dans V Illusion Comique^ Corneille montre les ira, la pièce finie, qui comptent l'argent sur une table et «mi prennent chacun une partie (1).

tuteur touche une ou deux parts d'acteur; en 1664,

ne eul au Palais-Royal deux parts pour les Frères enne-

première pièce. A. partir de 1662, Molière eut tantôt

part, tantôt deux. Gela représentait une quotité va-

riabl< le nombre des parts n'était pas constant dans

troupe. \u Palais-Royal, il oscilla entre dix et quinze

1685, il varia pour la troupe Guénégaud et

médie-Prançaise entre sept trois quarts et vingt-quatre

cas, le neuvième de la recette, tous frais rail dans la nouveauté ; après quoi elle appar- Cette proposition surail été acceptée et serait entiont postérieures.

ration, il esl su moins bisarre que Chappu-

m< ni m- le traitemenl fail aux auteurs par les

dit un mot, el que i on n'en trouve pas de tracs dans

i ne v.

M"- de cottk diens. Au dénouement du sj.ee- Kpirent La toile relevée, on

BaiOAMAHI

i ompte t-on de i srgenl ' Au mon

■•' ni.

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 15

et demie. C'est seulement en 168o que le nombre fut fixé à vingt-trois pour la Comédie-Française (1).

L'auteur touche ses droits jusqu'au moment où, les recettes fléchissant, on retire sa pièce de l'affiche. Les comédiens sont d'ailleurs juges du moment il convient d'abandonner la pièce ; cette question fera plus tard l'objet de règlements administratifs. Il est admis qu'elle devient alors la propriété de la troupe, qui pourra la reprendre quand il lui plaira, sans avoir besoin du consentement de l'auteur, et sans avoir à lui payer de nouveaux droits.

Cette règle qui semble inique au premier abord, et qui devint par la suite insupportable aux auteurs, s'établit pour- tant sans difficulté et sans soulever de protestations. Cela s'explique par le régime du théâtre à cette époque.

Les spectacles durent toute l'année : mais la saison d'hiver est beaucoup plus fructueuse que la saison d'été. Les auteurs de marque, tout comme aujourd'hui, ne veulent être joués que dans le temps compris entre îa Toussaint et Pâques; c'est le temps, d'ailleurs, la Cour séjourne au Louvre ou à Saint-Germain. On joue de préférence la tra- gédie en hiver, et les pièces comiques en été, « la gaye saison, dit Chappuzeau, voulant des divertissements de même nature ». Le spectacle, au début, n'est pas quotidien : on ne joue que trois fois la semaine, le mardi, le vendredi et le dimanche, qui sont et qui resteront les bons jours. Ce n'est que vers 1680 qu'on commença, à la Comédie, à donner des représentations tous les jours. Les premières ont lieu généralement le vendredi, afin que la publicité puisse se faire pour le dimanche qui suit. A cette époque, l«i public qui fréquente les théâtres u'esl |>;»- nombreux : le goûi du

(1) J. Bonnassies, Les auteurs dramatiques ei lu Comédie-Française à Parti aux XVII* et XVIII* siècles, chapitre I,r, page 12.

iMlur PREMIER

théâtre n'est pas aussi développé qu'il le sera au siècle sui- nt : ,1 faut être plus ou moins bel esprit pour vouloir se tenir au courant des pièces que l'on donne. Aussi le public il,- comprend-il guère qu'un cercle assez restreinl d'amateurs de lettrés. I e menu peuple, «] u<k des tarifs élevés écartent, ii. ut que les spectacles d<4 la foire, où, à peu de frais, il peut rire a son aise. Lorsque, vers 1760, les comédiens, débordés par les Forains, agiteront en vain le spectre de leur privilège, les ministres, que gagne Pesprit démocratique, leur répondront qu'il Faut des spectacles pour le peuple.

I e moment arrivait donc rapidement tous les habitués

du théâtre avaient vu la pièce nouvelle et satisfait leur

curiosité. Il Fallait bien changer l'affiche, si Ton voulait

retenir le public. Dans ces conditions, une pièce, même en

de succès, ne Faisait guère de suite plus (Tune trentaine

de entations. Si la pièce tombe, la salle se vide à bref

délai, et c'est une grosse perte pour le théâtre. 11 n'en va

aujourd'hui, l'on soutient couramment des

médiocres jusqu'à sa1 iété du public.

que les pièces étaient montées avec soin, que

litions étaient longues et laborieuses.

ni aussi, les théâtres, rivalisant avec l'Opéra, mon-

ini véritable luxe de « machines » et

'i avec une orchestration importante et très

Molière, qui m< lait ù l'intrigue de ses pièces des

lit une large place à la musique

1 diena du Marais, qui ne pouvaient lutter, pour

l lit- I de Bourgogne, se firent une spécia-

uiachh i:i la Comédie-Française,

dut Faire de lai acrifices pour les décors

"' ! l comédiens avaient d'ailleurs

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 17

L'habitude d'élever considérablement le prix des places, pour se couvrir de leurs frais extraordinaires.

Tout cela explique comment ils furenl amenés, en com- pensatioE des risques importants qu'ils couraient, à exiger des auteurs qu'ils renonçassent à leurs droits sur les reprises. Les reprises lurent rares d'ailleurs au xvir siècle, même pour les écrivains illustres. Seul, Molière vit reprendre de son vivant beaucoup de ses œuvres : mais, outre le succès excep- tionnel qu'elles obtinrent, il faut remarquer qu'il avait un théâtre il était le maître.

La propriété des ouvrages dramatiques n'était d'autre part garantie par aucune loi, ni même par aucun texte adminis- tratif. L'usage ici encore faisait la règle, et il était d'usage qu'on représentât librement les pièces dès qu'elles avaient paru en librairie. Elles tombaient alors dans le domaine public, comme nous dirions aujourd'hui.

El cela aussi se comprenait fort bien au début. \)(>* qu'un auteur a obtenu une première série de représentations, il a tin; de son œuvre tout le profit qu'il pouvait raisonnablement en espérer. Si <;i pièce, que les comédiens de In capitale auxquels il l'a donnée peuvenl jouer désormais librement et s;hi> avoir à lui rien payer, vient à être interprétée dans Quelque ville de France, coin me ni pourra-t-il en être prévenu el réclamerde l'argent? 11 n'y a p;is encore de société qui s'offre n b' renseigner, appuyer sa demande. La spoliation paraît ••leur.' ici tonte naturelle, el ce n'esl que beaucoup plus tard qu'on songera ;i s'en indigner. Dans ces conditions, plus on le jouera dans les provinces, plus il sera content. Et, pour faire connaître son œuvre davantage, il la fera paraître en librairie. L'auteur m' publiera donc pas sa pièce, quelques jours après la première représentation, comme cela se pra- tique aujourd'hui, car il renoncerait par ô toucher de-

CHAPITRE PREMIER

droits qui lui sont acquis. Mais, dès qu'elle aura quitté

Riche, o'ayanl plus «I»1 profil pécuniaire à espérer, il ne

lus qu'à étendre se renommée, et il la fera imprimer ;

quelquefois, d'ailleurs, s'il n'y pense pas, on y pensera pour

lui il o'esl pas rare de voir un auteur imprimé d'office.

\| «Hère ae se plaignit-il pas que l'on eût, à son corps défen-

dant, fait sauter l<i- Précieuses Ridicules du Théâtre-Bourbon

.1 rie du Palais, paraissaient les ouvrages nou-

i\ I .

_!«•. d'ailleurs, se retourne souvent contre les nédiens, car ils ae sonl protégés contre la concurrence d'une troupe rivale que tant que la pièce qu'ils ont reçue n es! pas publiée. En traitanl avec un auteur, c'est donc, en définitive, un manuscrit qu'ils achètent. Le succès épuisé, il- le rendront à l'auteur, qui en disposera à son gré. Un mple ii"ii- le prouve :

1 ièi mourut, après la quatrième représentation

In Malade imaginaire, la troupe <ln Palais-Royal apprit que

médiens de campagne, profitant du désarroi causé par

''' mort, jouaient la pièce, dont ils avaient pu se procurer

une copie. La troupe, <|ui avait fait de grands frais pour

oter le Malade imaginaire^ pria Louis XIV d'en interdire

ntationà tous autres. La réclamation était fondée,

onforme aui traditions, car la pièce n'avait pas paru en

,,,,; le roi, consacrant la coutume, n'hésita-t-il

•• défendre 6 tous autres comédiens qu'à ceux du

Royal déjouer le Malade imaginaire. Il n'eût certai-

idé de la sorte, si la pièce avait été publiée.

ion, la question semble s'être posée pour la

" i les droits de l'auteur passaient à

1 Hidiculi

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 10

ses héritiers. Elle ne pouvait se présenter fréquemment, puisque ces droits étaient éphémères. La troupe du P;i lais- Royal la trancha en faveur de mademoiselle Molière, et lui versa une demi-part des droits de son mari. De même, quand Thomas Corneille mit en vers le Festin de Pierre, elle toucha une partie de la somme payée par les comédiens. Mais il faut tenir compte de l'estime toute particulière dont l'artiste jouissait auprès de ses camarades.

Cette faveur semble pourtant avoir été étendue par la suite aux héritiers d'autres écrivains. Car lorsqu'à la fin du xviii0 siècle, les auteurs demanderont que le produit d'une pièce soit assuré aux héritiers, quand l'auteur décède avant qu'elle ait eu trente représentations, les sociétaires répon- dront qu'ils ne se sont jamais dérobés à cotte obligation (1).

Le contrat qui se forme, par la réception d'une pièce, entre les sociétaires et l 'auteur, ne semble d'ailleurs pas avoir entraîné dès lors dos obligations juridiques très netlo- ment définies. L'on ne s'étonna point outre mesure, quand Racine, mécontent de la troupe du Palais-Royal, qui jouait son Alexandre, lui retira le manuscrit qu'il s'en fut porter à Il Intel de Bourgogne. Le procède'1 était vif. Cependant Molière ne réclama point : sans doute, il ne laissa pas de jouer la pièce, et sans payer l'auteur, bien entendu. Mais il ne songea pas à se pourvoir contre cet enlèvement, '( il «v>t probable qu'il ne s'y croyait pas autorisé.

Les théâtres étaient alors placés sous La direction des -• n- tilshommes de la Chambre Ceux-ci n'eurenl d'abord qu'une

'1) Archives Nationales. Maison du Roi, 0

CHAPITRE PlîEMIER

autorité nominale : puis, vers la fin du xvne siècle, on les \,,it intervenir à maintes reprises dans les détails de régle- mentation intérieure, ef aussi dans les rapports des comé- diens avec les anleni •<.

\ cette époque, en effet, le Théâtre-Français, pour la

comédie, l'Opéra, pour les pièces lyriques, se trouvèrent en

>sion d'un monopole à peu près absolu.

I . i lomédie-Française \ cilla jalousement sur son privilège,

qu'elle tâcha de maintenir tant bien que mal, attaqué sans

che, mais toujours reconnu, jusque dans la seconde

moitié du xvnf siècle. Durant cette période, elle ne trouva

.•il face d'elle que les forains cl les Italiens, contre lesquels

elle lutta avec beaucoup d'énergie, d'âpreté et de maladresse.

squ'en H'»'.»", le théâtre de la foire voulut jouer la

comédie, il se heurta à l'hostilité violente des sociétaires de

la troupe royale : l'histoire du théâtre au xvm° siècle est

pleine des querelles misérables ou ridicules que les sociétaires

lui firent, «•! <|in ne sont qu'un écho de la lulle des corpora-

>ntre la liberté Industrielle sans cesse entravée. Ils

exploitèrenl un répertoire de pièces légères accompagnées de

us, "ii Lesage el Piron excellèrent, jusqu'au jour où,

l'Opéra, Ils ouvrirent une salle d'Opéra-

lique «|iu lil courir tout Paris I .

Italiens, d'abord cantonnés dans leur répertoire

btinrent, en 1691, malgré la Comédie-Française*

11 de jouer en français. Dès lors, ils rivalisent

iU onl leurs auteurs, parmi lesquels Regnard.

"M déplu ' madame de Main tenon, ils

1 ils n'\ devaienl revenir qu'en 1710. Ils

ain nt la ( médit Française, el un ' Henri Chervi i iut lee Origines de l'Opéra- ■I 'lu !" Juillet 1906.

LES ORTGIXES DE LA SOCIETE 21

essayèrent encore des pièces italiennes; mais comme celles- ci n'avaient pins la vogue, ils exploitèrent le répertoire français; beaucoup d'auteurs, maltraités par la Comédie- Française, furent heureux de leur porter des manuscrits; ils jouèrent Marivaux. C'est une concurrence sérieuse qu'ils font dès lors à la Comédie-Française, jusqu'au moment où. cédant au goût du jour, ils s'adonnent à l'opéra comique; pour mieux triompher de la concurrence de la Foire, qui a la faveur du public, ils fusionnent presque de force avec elle, en 1762(1).

Louis XIV, en supprimant les troupes du Palais-Royal et du Marais, avait voulu établir un théâtre unique, qui fût comme un conservatoire des grandes traditions artistiques, et qui soutint l'éclat de la scène française, que les chefs- d'œuvre classiques avaient mises en pleine lumière. Cela n'empêche point le théâtre de décliner. On ne commande pas les chefs-d'œuvre, et ce n'est pas par mesure adminis- trative que l'on peut s'assurer le monopole du bon goût. A la tin du siècle, d'ailleurs, la faveur royale, qui avait été un encouragement très précieux pour les comédiens, se détourna d'eux. Le roi tournait à la dévotion, et la Cour croyait devoir, à son exemple, penser à son salut. Les grands seigneurs qui affectaient jusque-là envers les comédiens une aimable condescendance, montrèrent plus de réserve. Tout cela, c'était autant d'appuis en moins. Et ces appuis étaient néces- saires aux comédiens, qui, mal vus de la bourgeoisie, n'avaient pu s'établir que par les marques d'estime qui leur étaient venues de très haut. Le goût du roi pour les spectacle-, l'amitié' des grands seigneurs qui se piquaient d aimer les belles-lettres, le- avaient tirés de leur- métiers de jongleurs

1 Les règlements el actes concernant la Comédie Italienne Bont consej

Yt-e> aux Archives Nationales. Maibuii du Roi, 01

i HAl'lTHi: PREMIER

ambulants, el leur avaient Fait, en marge des classes bour-

5j une sorte d'étal dans la société. Devanl l'engouement

Je la Cour, leurs ennemis avaient cru bon de se taire.

raque la faveur royale paru! se retirer, ceux-ci relevèrent

la tète. Après les galas de la Cour et la splendeur des

g officielles, les comédiens connurent les vexations et

les tribulations. Il- purent voir combien les choses avaient

_, . lorsqu'en 1687, Louis XIV donna brutalement à la

îe l'ordre d'avoir à chercher un autre local; ils

rirent errants à travers Paris, repoussés de diverses

pai sur les protestations violentes des curés; caries

curés, qui tenaienl beaucoup aux redevances diverses que les

troupes étaient obligées de leur payer, s'indignaient à la

pensée que la musique de leurs violons pût se mêler aux

pendant les offices.

Dam ces conditions, le monopole du Théâtre-Français ne

ivait avoir que des conséquences mauvaises : entre autres

fieux, il fut la cause (Tune ingérence de plus en

plus indiscret des gentilshommes dans les affaires de

médie, qu'ils embrouillèrent à plaisir. Les solliciteurs

apprirent le chemin de la Cour; les intrigues, les rivalités

trouvèrenl an écho dans <•<- 1 aréopage adminis-

la ae fut poinl pour relever la dignité des artistes ;

Je leur mœurs, si appréciée de Ghappuzeau, en

dément. \ partir de cette époque, il y b beaucoup

tableau enchanteur que l'enthousiaste apologiste

1 67 1 de lit \ ie prh ée des comédiens.

>menl les auteurs se trouvaient en face d'un

lu moment qu'un seul théâtre leur était

re d'une certaine tenue, il fallait bien

ntervlnl pour fixer leurs droits. On ne songe

inder un avis, ■< recueillir leurs raui ; ils

LES ORIGINES DE LA SOCIETE 23

ne forment pas une corporation, il> n'existent pas aux yeux de l'administration.

Aussi voyons-nous les règles concernant les rapports de la Comédie-Française avec les auteurs, condensées dans deux règlements de 1086 et de 1697, dits de la Dauphine. C'est à la Dauphine en etï'et que Louis XIV avait confié la surintendance des théâtres, qui fut encore donnée, après elle, à deux princesses du sang (1).

Cependant, des règles fixes avaient déjà été étahlies avant que ces règlements fussent édictés. Les décisions les plus anciennes que Ton ait pu retrouver à ce sujet dans les archives de la Comédie remontent à 1683, et il est probable qu'elles ne firent que compléter des dispositions antérieures dont on n'a pu conserver la trace.

Lue décision prise, le 22 mars 1683, par les comédiens assemblés porte que, lorsque les recettes faites par une pièce nouvelle en bonne saison, c'est-à-dire entre La Toussaint et Pâques, « seront descendues deux fois de suite à 550 livres ou au-dessous, on quittera la pièce sans retour pour l'auteur ». Ce qui veut dire que la pièce quittera L'affiche.

La même décision oblige les comédiens à soutenir les pièces à l'extraordinaire, tant qu'elles font plus de 650 livres par soirée.

Soutenir les pièces à l'extraordinaire, c'était élever le prix des places. C'était un expédient, plus on moins digne d'une grande scène, auquel on avait recours pour maintenir les recettes; l'auteur n'était pas indifférent à cette combinaison, qui haussait les recettes, et qui, par conséquent, reculait fatale échéance, le moment la pièce quitterai! l'affiche.

i La plupart dei règlements el décisions rédigés pour la Comédie-Fi çaise, conservés dans les archives du théâtre, <>nt été analysés par M. Bonas- Bies dans son ouvrage sur les luteurs dramatique* et la Comédie Franco

i il IPITRE PREMIER

ir les pièces qui nécessitaient beaucoup de frais, on doublai! le prix des places, parfois jusqu'à la vingtième représentation.

En 1732, il ii«i fut plus permis aux comédiens que de tiercei >t-à-dire d'augmenter d'un Hors) le prix des

pla< Quelquefois aussi, mais à titre exceptionnel, on élevai! considérablement les tarifs.

Il était également stipulé que, si une représentation de pièce nouvelle li\<;<\ selon l<i répertoire, pour un dimanche, ii< i manquer par indisposition d'un acteur, voyage à la ;r. fête solennelle, etc., elle sérail remise au dimanche suivant, a moins d'une fête pendant la semaine qui pût tenir lieu du dimanche. C'était encore une disposition favo- rable aux auteurs. Puisque les pièces quittaient l'affiche sans retour, lorsque la recette fléchissait deux fois de suite, il im- portait aux auteurs que, si un dimanche, qui était le meilleur jour, venait à leur manquer, on leur en assurai un autre. Il 'I voir il.- même une garantie donnée aux auteurs dans la disposition qui arrêtait que les représentations de pièces ivelles alterneraient avec l<is représentations de pièces I ette alternance empêchait la troupe, si d'aven- tureelle voulait nuire à un auteur, de ne lui donner systé- tiquement que de mauvais jours, afin d'avoir le droit handonner plus tôt sa pièce.

Il fallait cepen lanl tenir compte des Irais extraordinaires qu nt entraîner certaine! pièces. Lorsqu'une œuvre

le. n .,11 une mise en semé particuliè-

I était naturel que la Comédie pût en

l,,l: mptemen! les représentations. Aussi, le

I l< décide-1 elle que les minima de

>rminant l'abandon des pièces seront augmentés,

'• du montant des dépenses extràordipain

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 25

Une délibération du 7 juin de la môme année fixe à un dix-huitième la part <l<is auteurs pour les petites pièce-, c'est-à-dire les pièces eu un acte ou eu trois. 11 est très pro- bable que leur part fut arrêtée également pour les grandes pièces, dans une séance dont le procès-verbal n'a pas été conservé. Sans doute aussi, cette délibération ne faisail-elle que répéter ou modifier des décisions antérieures sur les droits d'auteurs.

Le 1G avril IG80, le premier règlement de la Dauphine reconnaît expressément aux auteurs le droit, qui leur avait d'ailleurs toujours été laissé de bonne grâce, de faire eux- mêmes, et à leur convenance, la distribution des rôles, eu leur prescrivant, pour éviter toute difficulté, de la l'aire en double et par avance. 11 affirme aussi la compétence des gentilshommes de la Chambre pour régler les difficultés qui pourraient s'élever entre les auteurs et les interprètes.

Le 18 mais 1686, une décision d'espèce. La Comédie auto- rise la représentation du Notaire obligeant avec Alciôiade, tragédie nouvelle. Les règlements défendaient de jouer de petites pièces avec les nouvelles. On y dérogeait en faveur du Notaire obligeant , qui était l'œuvre d'un camarade. Mais comme on ne voulait pas avoir l'air de favoriser 1rs auteurs de la maison aux dépens ^\^> autre-, ou décidait du même coup <|ue cet avantage pourrait être accordé à tout auteur d'une petite piè< e. lorsqu'une tragédie nouvelle aurait été jouée vingt-sept fois. I l'était l<i cas pour la I ragédie d'Âlcibiade,

En 1688, on lit un règlement pour les entrées. Il s'ac- compagnait >;m> doute d'un autre règlement concernant les auteurs, qui ne non- est pas parvenu. Seul, l'important document de 1697 nous est resté.

Entre temps, le II novembre 1689, la Comédie décide qu'en raison des charges nouvelles dont elle est grevée i|

I UMTRK PKKM1KR

if de tous les déboires éprouvés par la troupe dans son ,1,. ment forcé, cette même année) elle supprime à

l'avenir le supplément alloué aux ailleurs des pièces nou- velles. Qu'est-ce que ce supplémenl dont on ne trouve trace nulle par! ailleurs? Etait-ce une allocation importante, ou n'était-ce pas plutôt, ce qui est plus raisonnable, quelque petit cadeau, comme ceux que les bons comédiens, au dire de Chappuzeau, offraient aux auteurs, en gage de bonne amitié? Le règlement de I « > T . qui fut reproduit en 1726, fixe d'une manière complète et détaillée les rapports des comé- diens avec les auteurs. Voici, en résumé, les dispositions tentielles de ««'Ile charte des droits des auteurs :

\iiimi 2. - La pièce reçue, personne ne peut élever de difficultés relativement s la représentation. « Monsieur l'autheur distribue les rôles à sou gré ; aucun acteur ne peul '-ii refuser un

i la nouvelle affirmation d'un droil qui avait toujours m nu aux auteurs. \w ncLE 1 . Les pièces nouvelles des auteurs-comédiens sont jouées que l'été : celles des auteurs externes le sont de j nce I ln\ ei

-t une pi.litr-v,. que [es comédiens avaient accoutumé aux auteurs.

l ne pièce nouvelle <'si jouée alternative- ui' ; llle on avec une autre nouvelle ».

ition du principe d'alternance qui était ips en honneur ;i la Ûomédie et qui, nous 1 •!'• nature s assurer !<• cours normal des de leurs pièces jusqu'à leur abandon régulier.

I ii hiver, on jonc les pièces nouvelles

'I1"' la recette - abaisse deux l'ois de suite ;< lei quitte sans retour pour l'auteur,

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 27

« Article 7. Parmi les petites comédies qu'on repré- sente avec les pièces sérieuses, l'auteur de la pièce nouvelle demande celles qu'il lui plait, pourvu qu'elles soient en un acte ».

Les comédiens avaient toujours laissé cette l'acuité aux auteurs. Leur reconnaître officiellement ce droit, c'était, incontestablement, consacrer à leur profit un empiétement sur La gestion du théâtre; cet avantage n'est jamais admis de nos jours qu'à titre purement gracieux.

« Article 8. En été, la pièce est quittée sans retour pour l'auteur lorsqu'on fait deux recettes de suite de 350 livres et au-dessous.

« Article 10. A l'égard des pièces nouvelles « de spec- tacle et d'ornement », il y a des frais journaliers et extraordinaires (machines, musique, location d'habits, ouvriers, etc.), la recette du bureau doit surpasser les minima, fixés par les règles ci-dessus, de La somme à laquelle montent ces frais.

Article II. Les auteurs ont deux parts sur dix-huit dans les pièces nouvelles en cinq actes, sérieuses ou comiques : c'est-à-dire que, la recette étant laite et h' compte rendu, on paye les frais journaliers et ordinaires de La Comédie, et le surplus se partage en dix-huit parts, dont « monsieur L'autheur » prend deux, cl les seize parts restantes sont distri- buées aux comédiens au prorata de leur intérêt social.

« Article 1:2. Les auteurs des petites comédies nou- velles, en trois aile- OU en un acte, ont le dix-liiiilieine de

la recette dans les mêmes conditions. Pour faire valoir ces mêmes comédies, on donne aux auteurs le choix de deux pièces nouvelle^ ;, représenter en même temps, les jours qu'il leur plait. On Leur applique, relativement aux liais ordinaires, les mêmes règles qu'aux grandes pièces.

CHAPITRE PREMIER

\ ,i,ii |3. On ne reçoit poinl *lo petites comédies pendant l'hiver.

article li. Alin d'éviter les contestations, on fait maître ces règles aux ailleurs avanl la lecture de leurs pièces

Le règlement des entrées, qui suit, attribue aux auteurs, tant qu'ils touchenl leur part, quatre billets pour les pièces .■h cinq actes, el deux pour les autres. S'ils délivrent des billets en plus de ce nombre, le prix en est précompté sur leur part.

J.'in.iil de 1697 ne fait, sur bien des points, que #

codifier des règles éparses dans des décisions antérieures;

-m- d'autres il ne fail que régulariser des usages : quand les

pièces descendent au-dessous des minima fixés, elles

quittent l'affiche -ans retour », mais non sans espoir de

retour. Car elles peuvent toujours èlre reprises. Les reprises,

tu \\ir siècle, devinrent fréquentes au xvme, alors

1" un répertoire classique étail déjà constitué. En ce cas,

- nu'iil ne dit pas du tout que l'auteur n'aura rien.

les comédiens se chargèrent de suppléer au silence

«lu texte ils décidèrent, conformément à la coutume, et

nous avons dit pourquoi le procédé ne parut pas choquant à

I époque, de ne rien donner g l'auteur en cas de reprise.

éditions du règlement de 1697 furent modifiées

•" lempa, dans un sens défavorable aux ailleurs, par un

''""•"« du 27 avril 1699 qui stipula que les pièces « quit-

'"• I affiche non plus lorsque la recette serait descen-

Ruite jusqu'au minima fixé, mais lorsqu'elle

deux fois, indistinctement, à ces chiffres.

' »t importante, et très préjudiciable aux

'•m. .me. j] y avait de lions jours,

li, '"i I o„ faisait de telles recettes, et de

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 29

mauvais jours, Ton ne faisail presque rien. Une pièce qui faiblissait un soir avait donc chance de se relever le lende- main. Et l'auteur rentrait clans ses droits.

dette chance lui était enlevée par la nouvelle disposition ; dès que la recette était mauvaise un soir, les comédiens n'avaient plus à compter avec l'auteur.

L'on ne tarda pas d'ailleurs à sentir l'injustice de cette règle. Dès le 30 novembre 1699, on décida « pour traiter les auteurs encore plus favorablement » ceci ne manque pas d'ironie que la recelte devrait descendre aux chiffres minima deux fois de suite ou trois fois indistinctement, pour que l'auteur perdîi ses droits.

In règlement du 27 octobre 1712 constate l'étonnante légèreté iwn- laquelle les sociétaires refusaient souvent aux auteurs les entrées auxquelles ils avaient droit « suivant le caprice de celui des comédiens qui se trouvait à la porte Il ordonne aux comédiens de laisser entrer les auteurs joués, sauf ceux qui auraient travaillé pour la Foire; la Comédie était alors au |>lu< fort de sa querelle avec la Foire. Elle gardait rancune aux écrivains qui écrivaient pour les forains, au point de leur refuser l'accès de la Comédie. Nous voyons que l'autorité eul la faiblesse de céder à ses exigences ridicules (1).

I n règlemenl du lô' novembre 171!) donné par les gentils- hommes de la Chambre, règle à nouveau la distribution des rôles. Elle appartient aux auteurs tant pour les pièces nou- velles que pour les anciennes. Les comédiens qui refuse- raient un rôle payeront une amende de lui) livres 2 .

II tant croire que ces questions de distributions étaient

1 Le texte de cette décision se trouve aux Archives Nationali s, M lis »n du roi, <>' 844.

2 Archives Nationales, ibid,

i il vi'irm; PREMIER

des nids à querelles : tsar il esi arrêté que les auteurs pré- dteronl désormais leurs pièces au gentilhomme en année, pour prévenir toute difficulté.

Au point de vue des entrées, il est entendu que, suivant l'usage, loul auteur joué aura ses entrées : cette faveur lui pour toute sa vie, s'il a donné au moins une pièce en trois actes; pour trois ans seulement, s'il n'a donné qu'une pièce en un acte. En cas de collaboration, un seul des auteurs aura ses entrées.

Par contre, dans une décision du 18 avril 1746, la

médie traite assez légèremenl les auteurs, Aux termes de

la délibération <|ui lui prise ce jour-là, les pièces ne devaient

plu- être a<lini><'> à une lecture publique en comité que

lorsque les semainiers ou un comédien les auraient jugées

es <!»• cel honneur.

-l d'après ces règles que la Comédie traita les auteurs

jusqu'en 1757. \ cette époque, le Théâtre-Français traver-

i une crise pénible. Sa situation était Tort compromise

par les lourdes dettes qui avaient grevé s<m budget. Il fallut

prendre des mesures pour liquider cel arriéré menaçant. Le

i put dans sa cassette de quoi désintéresser quelques

î"air I.- reste, <>n pensa qu'il fallait le prendre

la pari des auteurs. Il> avaienl déjà fait, nous l'avons

les frais du déménagemenl de la troupe en 1689 : il

dans l'ordre qu'ils payassent ••••lie fois-ci une partie

neni du 23 décembre l~">7 constate que les - mente ne -nui plus exécutés, ei il juge utile i quelques modifications. " nouveau la procédure de la lecture de la pièce

efl de la distribution des rôles.

réunis en comité pour entendre

LES ORIGINES DE LA SOCIETE 'M

la lecture d'une pièce, est pourvu de lmi> lèves : l'une, blanche, pour l'acceptation simple ; l'autre, marbrée, pour l'acceptation avec changements ; la troisième, noire, pour le refus. On vote par scrutin, non par acclamation, pour éviter les discussions orageuses. Le second semainier apprend la décision à l'auteur.

Tout cela est réglé avec un soin et une solennité impres- sionnante.

Le règlement décide une fois de plus que l'auteur seul peut distribuer les rôles : l'acteur qui refuserait son rôle s'exposera il n une amende de oO livres.

Pour les entrées, il est convenu que l'auteur de deux- pièces en cinq actes, l'auteur de trois pièces en trois actes, cl l'auteur de quatre pièces en un acte ont leur entrée à vie.

L auteur d'une pièce en cinq actes en jouit pendant trois ans, celui d'une pièce en trois actes pendant deux ans. et celui d'une pièce en un acte pendant un an.

Les titulaires pourront d'ailleurs être privés de leurs entrées, s'ils troublent le spectacle par des cabales ou des critiques injurieuses.

En outre de leurs entrées, les auteurs joués recevaient des billets pour les représentations de leur pièce. On voit que les billets d'auteur, contre lesquels on a tant protesté, ut' datent pas d'aujourd'hui. Vers la lin du xviu' siècle, lr- écrivains ont droit, a ce titre, «:> soixante billets poul- ies trois premières représentations, ;< vingt pour celles qui BUÎvent (1).

Le changement le plus considérable réalisé par l'acte de I7.")7 concerne les droiU <le>> auteurs Bur les recettes.

Le règlement fixe leur pari ;i un neuvième pour cinq

(1) Décision du 27 août i"i. Archives Nationales, ibid.

« Il vi'li'UK PREMIER

acl mi douzième pour trois actes, à un dix-huitième

ur 1111 acte. Mais il esl admis désormais officiellement (ce qui n'était qu'un usage prend force de disposition adminis- trative <ju'' lorsqu'une pièce quitte l'affiche, pour insuffi- des recettes, «'lit' tombe dans les règles. Or, tomber .. ' !S. c'est, nous le savons, (oniher dans les mains des comédiens.

En même temps, les chiffres de recottes qui déterminent

le momenl l'on abandonne les représentations d'une

pièce sans qu'elle puisse être, <m cas de reprise, une source

de profits pour l'auteur, sonl singulièrement élevés. Les

pièces quitteront l'affiche dès que, deux lois de suite ou trois

3 indistinctement, la recette sera descendue, non plus à

i à 550 livre-, maisè 1,200 livres en hiver, el 800 livres

1 ette disposition était 1res défavorable aux auteurs,

un temps les reprises étaienl devenues fréquentes.

On admel cependant une réserve en laveur de l'auteur. Il

irra, lorsqu'il verra les recettes baisser, retirer lui- môme

pour se ménager une reprise, lorsqu'elle aura déjà

dii ou douze représentations dépassant ces chiffres minima,

il conservera ses droits. Mais alors, la pièce,

ur l'affiche, tombera dans les règles, dès qu'une

ette aura été inférieure à ces chiffres, et sans

que I auteur puisse & nouveau user de la môme faculté.

ni du I juillet 1700 modifia sur quelques

lui de 1757. Il \ est surtout question de la lecture

(uestion ne cessait de préoccuper l'autorité; il

'i" «lie soulevait d'inces antes difficultés, et que,

l'l"~ d un < ' comédiens «-n usèrent de façon

le auteurs, blessant h plaisir par leurs

moin ce genm irritabile vatum.

ment \ nouveau que les pièces ne seront

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 33

soumises au comité de lecture que sur le rapport favorable d'un examinateur. Si celui-ci les juge indignes d'une lecture publique, il devra donner ses raisons « le plus honnêtement qu'il sera possible ».

De même, après la lecture, chacun des acteurs juges doit écrire très poliment ses motifs d'acceptation ou de refus dont l'auteur aura connaissance.

La question de la distribution des rôles est aussi de celles sur lesquelles on doit revenir à chaque instant. Les acteurs, pénétrés de leur importance et de l'excellence de leur jugement, avaient la prétention de décider en dernier ressort des emplois qui leur convenaient. C'était une source perpétuelle de conflits avec l'auteur. Trop souvent aussi ils refusaient une pièce, dans la crainte qu'un rôle leur fût imposé, qui ne les mît point assez en valeur.

Les gentilshommes se flattent de remédier à ces cabales, en prescrivant que l'auteur qui entre en lecture remettra au comité sa distribution cachetée; le cachet ne sera rompu que si la pièce est reçue et après le vote du comité. Si des corrections sont jugées nécessaires, la distribution sera ren- fermée dans l'armoire du semainier.

A quelles précautions ne doit-on pas recourir pour donner quelque indépendance de jugement au comité de lecture, pour affranchir l'auteur du souci de plaire à tel ou tel interprète?

Le règlement défend aussi à tout acteur de refuser un rôle, même sous prétexte qu'il n'e>( pas de son emploi, sous peine d'un»' amende de 100 livres, et, en cas de réci- dive, de la privation de sa part dans les représentations de la pièce en cours.

Le règlemenl de 17<*»C) ne changea rien aux droits d'auteur, tels qu'ils étaient fixés par le règlemenl de 1757, d'une manière fort compliquée, nous l'avons vu.

CHAPITRE PREMIER

«in est forcément compliqué, lorsqu'on va contre la

nu.' des choses. Il semble que l'intérêt de Fauteur et celui

diena soient communs, en un certain sens, et que

leur réputation et leur profit respectifs dépendant de l'accueil

i spectacle, il- dussent souhaiter également que les

s fissent de bonnes recettes. 11 n'en est pas ainsi, avec

ments qui assurent aux comédiens la propriété des

~ lorsque les recettes baissent. Ils deviennent, pour un

temps, les ennemis de la pièce, ayant intérêt à ce qu'elle

peu d'argent dans la première série des représentations,

pour pouvoir, un jour, la reprendre sans avoir à partager

les bénéfices. On les voyait, de t'ait cela ne laisse pas de

us surprendre donner les pièces nouvelles dans des

: j 1 1 lions défavorables, les jouer de préférence à de mau-

is jours, et contrairement aux prescriptions des règle-

ments, pour !<•- faire tomber... dans les règles. Gomme si la

Lnde règle de toutes !«•- règles n'était pas qu'une pièce

.1.- belles recettes.

Il suffit du plu- futile événement pour précipiter l'auteur

gouffre ouvnt bous ses pas : une fête à la Cour ou à

ille, un ci.-l plus ou moins pur, un spectacle plus brillant

ailleurs, ••! c'en est fait de lui.

bais, lui-même, qui, jusqu'à sa querelle avec les

eut toujours avec eux les rapports les plus cour-

uner contre cette manie bizarre. Il s'était

[ue les comédiens lui demandaient la permission de

'• Barbier de Séviile de préférence les soirs il y

1 où, par conséquent, il y avait de

; our que I;. recette l'ni mince. Il protesta :

1,11 messieurs, qu'on vous demandait le

!" prochain, vous avez oublié

ie jour o,i donnait 6 h Cour le Coiuh'-

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 35

taie dr Bourbon autant j'aurai de reconnaissance, toutes

js fois qu'en un l)on jour de bonne saison la Comédie fera honneur h ma pièce de la glisser au répertoire, autant je roirais avoir à m'en plaindre, si elle ne se souvenait jamais u Barbier que pour lui faire boucher un trou, dans lequel

s'engloutirait tout vivant, au grand détriment de son xistence et de mes intérêts » (1).

Le règlement de 1766 détermine jusqu'en 1780 les apports des comédiens avec les auteurs. Il subit toutefois es modifications partielles.

Le Ier avril 1768, un ordre des gentilshommes de la bambre enlève aux auteurs le droit de faire la distribution e leurs pièces, lorsqu'elles sont tombées dans les règles, et ordre constate que les questions de distribution sont la jmrce de maintes tracasseries et vexations des sociétaires à endroit des écrivains : pour éviter à l'avenir ces chicanes, il Hervé aux gentilshommes de la Chambre le soin d'arrêter i distribution des pièces, dès quilles seront tombées dans m règle- et feront irrévocablement partie du répertoire (2).

Fréquemment les sociétaires, en donnant leur avis sur la Iception d'une pièce, se contentaient d'une appréciation Intà fait vague el superficielle. « La pièce m'a fail plaisir, l je la reçois », telle était l'opinion émise à l'appui de plus 'un vote. Les auteurs réclamaient contre cette justice expé- pive, se disant victimes d'impressions irréfléchies ou «le éventions injustifiées. Pour obvier à cet inconvénient, le uc de Richelieu oblige les comédiens en 1770 à motiver pieusement leurs votes. In arrêi motivé esl presque un on arrêt. Les avis rendus «mi assemblée seront mis sous |veloppe cachetée, el portés aux gentilshommes de La

(1) Beaumarchais ri son temps, par Louis <\o Loménie, chapitn \i\ 2 Décision en manuscrit aux Archives Nationales, ibid.

3(3 « Il APURE PREMIER

imbre, qui pourront ainsi juger de la compétence de cel

I tte obligation est étendue peu après au Comité, qui lil an premier lea manuscrits déposés, et juge s'ils doivent être mblée générale (2). Le 11 janvier ITTi. un ordre du duc de Duras enjoinl iétaires de ne plus discuter avec les écrivains que écrit, pour éviter les querelles, et de conserver des ela nous Indique qu'à ce moment les rapport? lent forl tendus entre comédiens et auteurs. I n autre règlement du 21 juillet 1 77 i prescrit des forma- lité très minutieuses pour que les pièces soient jouées, sui- t leur ordre de réception, d'une façon en quelque sorte automatique, sans <|u<i des intrigues puissent avancer le toui de quelques auteurs en reculant certaines pièces.

Les comédiens devront, aux termes de ce règlement,

jouer successivement les pièces inscrites en rang utile dan]

I une des troia colonnes dressées ;i cet etï'et. La première

ntient !<•- comédies et drames en cinq et quatre

la seconde, !*•- tragédies : la troisième, les comédies

''" "n. deui "M trois actes. <iV-l l'avancemenl à l'ancienneté.

1 faul croire que les comédiens déterminaient un peu

isemenl le loin- (!•■- pièces, et qu'ils faisaient

. r indélinimenj certains auteurs.

;ni1 plaignaient des comédiens de la

disaient volontiers mieux traités au

Italien, qui lil longtemps une concurrence dange-

■I manuscrit aux Irchivea Nationales, ibi il 1774. En manuscrit aux Archive- Na(

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 37

reuse à la Comédie-Française ; plusieurs écrivains de talent y furent porter leurs pièces.

Le règlement donné aux comédiens italiens par les gentils- hommes en 177i fixait les droits des auteurs à un neuvième de la recette, pour les pièces en trois actes et plus, à un douzième pour les pièces en deux actes, à un dix-huitième pour un acte (1), partagés entre l'auteur des paroles et l'auteur de la musique.

Ces droits étaient calculés sur la recette nette, après déduction de la taxe pour les pauvres.

La recette journalière soumise au droit d'auteur compre- nait les recettes de la porte, le produit des loges louées à la représentation, mais non celui des loges louées à l'année.

L'auteur n'était pas sûr d'ailleurs de toucher tous les soirs, et le règlement faisait une distinction très curieuse, qui aboutissait à ne lui verser d'argent qu'autant que sa pièce avait du succès.

11 y avait des représentations « utiles » et des représenta- tions « nulles ». Les premières sont celles qui donnent une recette brute d'au moins G00 livres l'été et 1,000 livres en hiver, et sur lesquelles les auteurs touchent leur part. Les représentations nulles sont celles qui font une recette infé- rieure à ces chitfres, et sur lesquelles ils ne louchent rien. Par contre, ils sont assurés d'avoir leur part sur toutes les représentations utiles qui seront données de leurs ouvrages jusqu'à leur mort, quand bien même le cours de ces repré- sentations aurait été interrompu pendant un temps pins ou moins long. Même leur droit passera U leurs héritiers, pour lrv pièces qui n'auraienl pas « - 1 1 cinquante représentations

(1) Ce règlement, qui se trouve en manuscrit aux Archives Nationale! Maison du Roi, O1 848 . a été reproduil dans, les Trot* Théâtre* de Partt,

Des Essarts, chapitre II, page 2UJ

CHAPITRE PREMIER

utiles, de leun ivant. En outre de cette rémunération en argent, les auteurs ont droit à des billets, ainsi qu'à des entrées.

ii voit, la part des recettes entrant en compte ilcul des droits d'auteur était soigneusement nui née, sans que l'on pût pn soustraire certains élé- ments, ou préc pter sur cette part une somme de frais

plus ou moins élevée. Sans doute, ici encore, le droit des auteurs est arbitrairement limité, puisque lorsque les recettes endent h un minimum déterminé, il ne doit plus ; . Au moins cette limitation n'a-t-elle pas pour effet d'intéresser !<■- comédiens à faire échouer la pièce, comme de la chute dans les règles, puisque l'auteur es droits, sa vie durant, sur toutes les représenta- - qui dépasseront ce minimum, et que môme les édiens auront à compter avec les héritiers, lorsque la n aui encore «mi cinquante représentations utiles]

lire cinquante représentations ayant fait des recettes ibles. Le règlement de 1774 interdisait d'ailleurs aux retirer arbitrairement de l'affiche une pièci ! d interrompre ainsi !<i cours de ses représentai "'t qu'elle était accueillie avec faveur par le public] ^ I ' tuteurs furent toujours l'objet «l'une pro-

ie. Le règlement «le 177(; stipule que le libres ipositeur d'une œuvre formant un spectacle "i chacun 200 livres pour les vingt première! 150 livres pourlesdix suivantes, et 100 livret jusqu'à la cinquantième. Après la cinquan^ perdaient donc leurs droits. Mais, si de quarante représentations de suite, il ■"il une gratification de 500 livres (1).

bid chapitre III, page 26L

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 39

Les auteurs d'un opéra en un acte recevaient, suivant les mêmes distinctions, 80, 60 et oO livres, pour les représenta- tions données sans interruption.

Il appartenait d'ailleurs à l'autorité d'arrêter le cours des représentations, quand elle le jugeait bon, soit pour insuffi- sance de recettes, soit pour tout autre motif.

En 1781, le droit des auteurs cessa d'être limité. Ils eurent droit, durant leur vie, à GO livres, ou à 20 livres pour un acte, sur chaque représentation au delà de la quarantième.

En outre, le roi accordait des prix ou des pensions aux auteurs qui s'étaient particulièrement distingués (1).

Comme on le voit, il s'agissait d'un ensemble de mesures de faveur, prises par l'autorité dans le dessein avoué d'acclimater l'opéra en France; il n'y faut voir qu'une heureuse exception dans le régime des droils d'auteur.

Malgré la combinaison étrange de la chute dans les règles, les auteurs Q'eussenl pas réclamé contre le traitement (pi»' leur faisait la Comédie-Française, si l'on s'en fût tenu à la lettre (\o> règlements. Mais les comédiens en prenaient à leur aise avec les lextes, n'en retenant que ce qui leur étail avantageux. Ils ne se souciaient guère de respecter les ordres de l'autorité, d'ailleurs changeants «•! capricieux, cl que l'autorité elle-même ne se gênait pas pour enfreindre .'« l'occasion. C'esl pourquoi, ;> chaque instant, l'intervention des gentilshommes est sollicitée pour arrêter leurs empiète ments et leur imposer de nouveaux règlements.

Ces règlements se suivent... el se ressemblent. Il est géné-

i Voir <•<> Bujel L'article I" du règlement du 13 mars 1784 Renouard, Traité des ///<<</< d'auteur, tome r '• chapitre l\

CHAPITRE PREMIER

lement constaté, dans l<i préambule, que les décisions prê- tes n'ont pas été observées. Il y a des questions, comme - pièces, la distribution des rôles, pour lesquelles doit - >sse leur rappeler les égards qu'ils doivent

•ii- envers les auteurs. L<1^ amendes dont on les menace ni toujours en augmentant, mais ne les retiennent guère, Vu point de vue des droits d'auteur, ils n'en usent pas m «.in-* librement, non pas quant au taux même de ces droits, iquel \\< sont 1 »i«-ii obligés de se soumettre, niais quant à leur calcul »'t a la détermination dos éléments qui doivent y m pris. \insi il- avaient accoutumé, sans qu'aucun texte parût les tutoriser l<i moins du monde mais ici encore la coutume it plus forte <|u»' tous l«'< décrets à ne porter en compte profit de l'auteur, pour son rendement exact, que la le de la porte, c'est-à-dire le produit des places prises guichets, au moment de la représentation. Quanta la des petites loges, c'est-à-dire des abonnements, elles "• dans des compensations ténébreuses », que les aient d'office avec les frais qu'ils évaluaient m. -ni bien au-dessus des chiffres de 350 et de 3 que fixaient les règlements, en y comprenant des •'• I l111 n'auraient pas y figurer.

,l" l'I" comptaient à l'auteur dans les frais du théâtre 1 ""l""'1 d< son taux Dominai, alors que, grâce à

,,n nl !'•' i I administration, il- supportaient

"" ; up moins élevé.

ils bizarres avaient un double avantage. Tant

maintenait au-dessus de ces chiffres fati-

ensiblement la part de l'auteur.

i I ennemi.

•'• moment arrivait vite la pièce ne faisait

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 41

plus 1,200 ou 800 livres, si l'un comptait comme les socié- taires, tout en faisant bien davantage, si un comptait raison- nablement. Et l'on disait à l'auteur, surpris, mais résigné : « Votre pièce ne fait plus ses frais. Elle tombe clans les règles ». Les comédiens étaient ainsi de plus en plus poussés à ne faire que de faibles recettes, les premiers temps, pour acquérir la propriété des pièces nouvelles et se ménager des reprises heureuses. Assurés d'autre part du pro- duit des petites loges, qui devint bientôt l'élément le plus important de la recette, ils s'occupaient moins de réveiller le goût du public ; ils se comportaient un peu comme des régisseurs désintéressés, et l'art dramatique périclitait.

L'anarchie la plus complète semble d'ailleurs s'être intro- duite à la fin du xvme siècle dans les affaires de la Comédie : affranchis de la tutelle un peu rude de Louis XIV, les socié- taires donnent libre cours à leur fantaisie, grâce à l'indul- gente faiblesse des gentilshommes de la Chambre. Les artistes jouent quand il leur plaît, s'absentent quand ils veulent : on joue telle pièce pour faire plaisir à tel sociétaire, ;i condition que toile autre exigée par un camarade, ait son tour. Le public, à qui l'on sert des œuvres dont il no veut pins, manifeste son mécontentement, et les tumultes ne -ont pas rares.

Los autours sont naturellement les premières victimes de cette situation. On a beau leur reconnaître le droit de faire leur distribution par avance, et sous pli cacheté, les socié- taires influents refusent -cuvent le rôle qui leur est dévolu : en l'acceptant, il- croient faire une grâce : chacun joue avec qui il lui plaît. Pour satisfaire entre soi a des conc< Bions réciproques, ou entremêle trois un quatre pièces dou- velles à la lois, de sorte que chacune ae revient qu'une fois tous les quinze jours, Des haines implacables, et des dis-

CHAPITRE PREMIER

les furieuses divisent la Comédie *mi deux partis, dont l'un invoque inutilemenl une règle, parce qu'il est opprimé, .•l dont l'autre en repousse jusqu'au nom, parce qu'il est le plus fort. Qu'on se représente, au milieu de ces conflits et usses, \ ingt auteurs dramatiques qui en reçoivent iremenl le contre-coup, et qui, ayant besoin de tout le monde, ne peuvenl complaire à l'un sans blesser l'autre. On avouera qu il n'y a guère de pire condition (1) ».

I tisons la pari de l'exagération, puisque c'est un auteur,

qui parle. Il n'en esl pas moins vrai que les écri-

rains devaient accepter la comptabilité et les caprices des

comédiens, les yeux fermés, ou porter leurs pièces ailleurs.

De fait, on vit «1rs auteurs connus émigrer aux Italiens

-.M travailler pour la Foire : mais cela n'était possible qu'à

un petit nombre : car les pièces d'une certaine tenue ne pou-

Itre sur une autre scène que les Français. La

plupart, de guerre lasse, abandonnaient aux comédiens les

droits que ceux-ci voulaient encore bien leur

1 les comédiens savaient reconnaître les bons

ils jouaient plus souvent, à de bonnes époques, les

n qui se montraient « honnêtes » pour la Comédie,

whaitera toujours un auteur, avant

irea avaient affaire à un auteur obstiné ou

qui réclamait son dû, ils lui envoyaient un

] il* appelaient modestement un aperçu, véritable

1 lire, il était impossible de se retrouver.

de ' e, auteur d'Alcidonis, ne put s'empêcher

'"I" qu'il reçut l'aperçu de ses droits sur cinq

I v à i i emblée Sationale, prononcée du muni, •-, août 1790. Archives

VIII »•.

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 13

représentation^ de sa pièce, qui avaient lait 12,500 livres. « Partant, disait ce mémoire, pour son droit acquis au douzième de la recette... l'auteur redoit la somme de KM livres, 8 sous, 8 deniers à la Comédie (1) ».

L'auteur avait, parait-il, recommandé' la simplicité dans la mise en scène. Les comédiens, à qui coite recommanda- tion avait déplu, s'étaienl vengés m montant son œuvre avec un luxe de décors extraordinaire, si bien que. lorsqu'il demanda ses comptes, on lui produisit mi mémoire de frais de déc rs et de figuration, qui le laissait encore en reste avec le- sociétaires.

Louvay de la Saussaie protesta. Mais, après bien des efforts, sa plainte échoua au Conseil du roi, elle fut classée. On se tirait ainsi à l'époque des procès épineux.

« Depuis douze ans, écrit Beaumarchais en 1791, les auteurs dramatiques ne s'étaient partagé que 3,800 livres, dans ces fortes années le produit brut d'un million laissait aux comédiens français 25, 26, 27,000 francs de part entière ».

Les gentilshommes de la Chambre avaient renoncé h espérer pour les écrivains un traitement meilleur a la Comédie, sachant bien qu'ils n'auraient pas le dernier mol avec les comédiens, el surtout avec les comédiennes.

Un document curieux nous les montre en 171(2. pleins de bonne volonté, demandait! au roi de suppléer à leur fai- blesse : ils lui proposent decréer des prix Monthyon pour les dramaturges. La première récompense offerte aux auteurs de pièces en cinq actes serait l'honneur d'être nommé au n>i : à cette première faveur succéderaienl des marques plus maté- rielles d'estime : médailles d'or de 200, 300, el 100 francs;

l Mémoire à consulter et consultation /mur lr sieur Louvay de la v r.,niri> lu troupi des comédiens français ordinaires <iu i<>t, 1775. Bibliothèque de la Ville, Théâtre. 12,301.

CHAPITRE PREMIER

enfin une pension à vie viendrail couronner un long- effort matique I

_ . mps les auteurs avaienl souffert sans se plaindre.

i -t.- de leur misère et du faste des comédiens ne

leur point choquant. C'est, en effet, une idée très

lerne, que l'on puisse gagner sa \ i«i en faisant du théâtre.

An début, les auteurs oui vu, sans trop d'envie, et sans

s'en scandaliser, les comédiens s'enrichir avec des

rea qui ae leur rapportaient presque rien à eux-mêmes.

{mettaient sans trop de peine que les artistes dussent

gure dans la société el tenir leur rang. Pour eux, si

le hasard voulait qu'ils fussenl nés pauvres et qu'ils eussent

_ ut «lu théâtre, ils briguaient une pension sur les fonds

ils dédiaient leurs ouvrages à de grands seigneurs

des traitants. La pension, d'ailleurs, n'était royale que

"i il semble qu'oa ait beaucoup exagéré les largesses

\IV pour les écrivains (1). Il fallait la payer par

up de remerciements et par un peu de dépendance.

tait pas ■• ce que l<i situation avait de

>mparait, sans embarras, Louis XIV à

Alexandre M m toron, le financier, à Auguste.

1 dehors «lu théâtre d'ailleurs, la situation n'était pas

; ' écrivains. Jusqu'en 1778, leur propriété

,,,, i il> restèrent à la merci des libraires et

i qui d*( rdinaire était concédé, sous le nom

Ifl droit d'imprimer. Beaucoup vécurent dans

de auteurs, i- janvier L762, Archives on temps, tome II,

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ l5

la misère, qui enrichirent leur éditeur, et ils ne se plai- gnirent pas.

Faire du commerce quand on était noble, c'était déroger; songer au profit, lorsqu'on faisait des lettres, c'était man- quer de dignité. On peut y cire contraint : alors on vous excusera, sans vous citer pour modèle. Boileau lui-même, qui croit devoir prendre la défense des écrivains pauvres, verra moins L'avantage de l'indépendance que le danger de la spéculation. 11 dira :

Je sais qu'un noble esprit peut sans honle et sans crime, Tirer de son travail un tribut légitime.

mais il s'empressera d'ajouter :

... Je ne puis souffrir ces auteurs renommés Qui, dégoûtés de gloire et d'argent affamés, Mettent leur Apollon aux gages d'un libraire, Et font d'un art divin un métier mercenaire.

Pour lui-même, d'ailleurs, il n'est guère intéressé, et il le dit volontiers. Dans une Lettre qu'il adresse à Colbert pour le remercier d'un privilège qui venait de lui être accordé, il s'exprime ainsi :

« Je vois bien que c'est à vos bons offices que je suis redevable du privilège que Sa Majesté veuf bien avoir la bonté de m'accordor. J'étais tout consolé du relus qu'on en avail fait à mou libraire ; car c'est lui seul qui l'avait solli- cité, étant très éveillé pour ses intérêts, et sachant fort bien que je n'élai^ pas homme à tirer tribut de mes ouvrages ».

Et, pourtant, cel état de choses n'était pas fait pour donner de l'éclat nu métier des lettres.

Derrière Les écrivains illustres, qui savaient garder de La tenue, même dans la Louange de commande, se pressait une foule d'auteurs faméliques, bons a toute besogne, toujours prêts à colporter des médisances dans h1- gazettes, à flatter

(il kPITRE PREMIER

grands, ou à s'insinuer dans les familles pour

\ jouer de fort vilains personnages, comme ce bel esprit,

m de dots, <|ur Molière a dépeint dans les Femmes

Il vml un temps où, les idées changeant, et la générosité

lâchant, les écrivains voulurent tirer profit

leurs œuvres, et en revendiquèrent énergiquement la pro-

priéti De m£me, les ailleurs dramatiques se fatiguèrent

d'entretenir les comédiens à leurs dépens.

I m ceux-ci objecteront que les temps sont durs,

maintenant qu'on observe l*v costume », que la garde-robe

I k.iin mi de mademoiselle Clairon nécessite des frais

gpendieux. L'opinion commence h se faire jour qu'un

leur doit vivre de ses ouvrages, et qu'il est moins humi-

:it de dépendre du goût du public que du goût de quelques

iliers. vi Voltaire, qui a de la fortune, estime qu'il

I ordre des choses qu'un écrivain soit dans la

misère, Beaumarchais, riche également, veut qu'il vive de

plume. Sinon il se perdra, et peut-être aussi la littérature

I' I homme, dit-il, que l'impulsion d'un beau génie eût

eler les chefs-d'œuvre dramatiques de nos

,;,"| qu'il ne vivra pas trois mois du fruit des

prè en avoir perdu cinq à L'attendre,

l»te, libelliste, ou s'abâtardit dans quelque

lucratif que dégradant ».

qui, longtemps, avaient souffert en

"""""•", ;i réclamer el à secouer le joug des

qu'ils onl prise dans la société, dans

•I"" dans les affaires de l'Etat, les

née, el ils s'indignent, lorsqu'ils ont

**«« de se voir traiter comme des débutants

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ il

sans importance, quels ([lie soient leur nom et leur mérite littéraire.

Tous se plaignent de l'insolence des comédiens, de leur (Mrange comptabilité, de leur mépris des règlements. Ils s'irritent aussi à la pensée qu'un comité de lecture, composé de personnages plus ou moins compétents, et presque tou- jours partiaux, juge souverainement de la valeur de leurs «ouvres, qu'ils destinent en dernier ressort à la gloire ou à l'oubli.

Ils réclament également contre le monopole de la Comédie, et ils appellent de leurs vœux l'établissement d'une seconde scène nationale, qui s'ouvrirait aux ouvrages du même genre que ceux qui sont interprétés au Théâtre-Français. Car il- sentent bien que leur affranchissement viendra de la libre concurrence. Sur ce point, d'ailleurs, ils ont l'opinion publique avec eux. Le Théâtre-Français ne suflit plus à représenter les chefs-d'œuvre classiques pour lesquels le public a toujours un goùl particulier : les spectateurs se plaignent qu'on leur donne toujours les mêmes. Made- moiselle Clairon, qui entreprit de faire une revue du réper- toire classique, dut renoncer à cette entreprise ('norme.

D'autre part, en face de cette nécessité de remettre à 1;» ne les œuvres anciennes, les pièces modernes attendaient indéfiniment de voir le jour, leurs auteurs ne trouvant pas d'autre débouché. Gel encombremenl laissai! les comédiens maîtres de la situation ; car, bien que les pièces reçues dussenl être jouées dans un ordre déterminé par les règle- ments, ils ne se gênaient aucunement pour intervertir les rangs, et donner un tour de faveur aux écrivains qui entraient en composition.

Tout cela n'allail point sans des contestations fréquentes et des disputes violentes, et ce n'étaient pas de simples

Chapitre preMieb

faite-divers de coulisses, qui ne dépassent pas L'enceinte du :,-,.. mais bien de véritables polémiques, dont l'opinion s'emparait, et qui défrayaient les gazettes; car nous sommes au plus beau moment des factums et des libelles.

du Belloy, l'auteur du Siège de Calais, cette

itriotique qui eut son heure de gros succès, se prend

,|,. querelle avec les comédiens, à propos d'une reprise de sa

ause était des plus justes ; car l'autorité, ordinai-

vorable à la Comédie, lui donna raison. Gela

cha point du Belloy, au dire de quelques-uns, de

mourir du chagrin qu'il eut de v^> discussions. Tant il est

vrai qu'il en coûte toujours d'entrer en guerre avec ses

interprètes, môme lorsqu'on doit avoir gain de cause.

En ITT... Mercier, l'auteur du Tableau de Paris, qui ne

put faire jouer que quelques-unes des nombreuses pièces

qu'il composa, entre à son tour eu conflit avec la troupe

île : les comédiens refusaient de représenter un de ses

drames, qui pourtant avait été accepté, et de recevoir une

relie pièce de lui, Nathalie. Quels étaient les torts <bi

' Il avait écrit un Essai sur Vart dramatique, ouvrage

lequel il développait, en les exagérant, les théories de

ni le théâtre, et il malmenait quelque peu les

M< cha : dans un mémoire qu'il lit paraître à la

luit incident, il demandait qu'on le fit jouer d'auto-

el «pi "ii | il ses adversaires pour l'avoir traité de

libelli

Il ment une requête à la Grand'Çhambre, et

H' nrion de Panse} , rédigea un copieux mémoire,

quel il rappelail l'affaire Louvay de la Saussaie.

itoritéd utilshommes de la Chambre,

, l ai e du Conseil du roi : il taxait

LES ORIGINES DE LA SOCIKTÉ 40

d'illégalité le règlement de 1766, comme n'ayant pas été enregistré, et déclarait s'en tenir an règlement de 1757 (1). « Libelle affreux, disent les gens en place, attaquant l'auto- « rite des quatre plus grands seigneurs du royaume ».

Ses audaces faillirent lui coûter cher. Réprimandé par le lieutenant do police, menacé d'une lettre de cachet, il dut faire appel à la protection du Parlement. Cependant, d'autres mémoires paraissent en sa faveur, signés de llenrion de Pansey, de François de Neuf château. Malesherbes, bien disposé pour les hommes de lettres, se charge de rapporter l'affaire au Conseil du roi.

Entre temps un nouveau grief était venu s'ajouter à ceux qu'il avait déjà : il s'était vu refuser ses entrées, à la porte de la Comédie on voit combien les caprices des sociétaires se donnaient libre cours à l'encontre des droits formels des auteurs. Cela s'est fait, écrit Mercier, « avec un éclat et une indécence qu'on a peine à imaginer ». L'auteur lésé s'en prend aux gentilshommes et les rend responsables de cet aiïront. Ceux-ci répondent qu'ils n'y sont pour rien, mais que le plaignant est « trop aux déclamations contre les comédiens » pour le reconnaître.

Quoi qu'il en soit, Mercier saisit l'occasion pour assigner le- sociétaires au Châtelet. 11 déploie en cette affaire une ardeur méritoire, et va jusqu'à se faire recevoir comme avocat, pour pouvoir plaider sa cause. La Comédie Be voit en effel condamner ;i laisser entrer l'auteur et ;i lui payer des dommages-intérêts. Mais ce- efforts devaient rester vains : l'affaire fut évoquée en Conseil, connue connexe ;< la première. Le conseil se contenta de supprimer son

l Mémoire /><n/r lr sieur Mercier contre la troupe dei comédiens fra signé llenrion de Pansey, 1775. Bibliothèque de la Ville, Théâtre, 12*304.

4

. IIAPITRE PREMIER

libelle comme injurieux (1). En désespoir de cause, l'au- r confie sa réclamation à Beaumarchais, qui joint cette

plaint.' an dossier de réclamations qu'il est en train de cons-

titu.-r pour accabler l*vs sociétaires. \j B avril de la même année, paraissait un mémoire de lissot, qui prenait à partie les comédiens, pour avoir refusé ur tisanes. \ ce propos, Cailhava écrivit à Fauteur vexé

une lettre de consolation, dans laquelle il attaquait la com-

pél omédiens comme arbitres du goût, et réclamait

un comité composé de gens de lettres. Peut-être était-ce

tomber de Char} bde en Scylla.

I es auteurs étaienl d'ailleurs soutenus dans cette lutte l'opinion, qui sentait combien le monopole de la Comédie

el ses pi Injustes servaient mal le progrès des lettres.

En 1768, paraissait un ouvrage sur les Causes de la déca-

du goût mr le théâtre, dans lequel l'auteur attribuait

la faiblesse des œuvres à L'organisation théâtrale. Cailhava

'il écrit dans le même sens ses Causes de la décadence du

1 içais et moyens <!<• le faire refleurir, augmentées

d'un plan pour rétablissement d'un second Théâtre-Fran-

idée d une seconde scène nationale était dans tous

riti lorsque vint la Révolution. La Comédie-Française

pertedeson répertoire. Dès 1780, Beaumarchais,

prenant, dit-il, aucun intérêl à la foule <h'* tréteaux

remplissent », fait campagne pour un

; Prançai il se (latte d'avoir converti à sa

« h. il de Richelieu (2).

l'ion écrites par Mercier, et un Extrait du (eut Vercier, 1778, Archives Nationales,

- '!'• Haure] ept 1780; Beaumarchais, CEuv.

LES ORIGINES DE LA SOCIETE 51

Cependant, malgré leur combativité, maigre les encoura- gements de l'opinion, les efforts des auteurs risquaient de rester infructueux.

Gomment et par qui obtenir justice des comédiens? Allaient-ils se plaindre aux gentilshommes de la Chambre, qui étaient, somme toute, les protecteurs naturels ei attitrés des auteurs? Mais, s'ils résistaient parfois aux sollicitations des comédiens, ceux-ci cédaient alors aux prières et aux charmes des comédiennes, toujours prèles à venir au secours de leurs camarades. Poursuivait-on devant les tribunaux? L'affaire était évoquée devant le Conseil du roi, qui ne jugeait pas.

De plus, réclamer, c'était se brouiller presque sûremeni avec les comédiens. Il y avait de quoi refroidir pins d'un courage ; car l'on risquait de n'être plus joué, et nous avons vu ce qu'il en coûta à Mercier pour avoir parlé trop légère- ment des sociétaires.

Aussi, de guerre lasse, quelques auteurs, ei des plus connus, avaient préféré cesser tout rapport avec les socié- taires de la Comédie. Piron, Cailhava avaient abandonné le Théâtre-Français pour l'Opéra-Comique. Lesage avait plié son talent aux exigences de la Foire, sa verve et sa fan- taisie attiraient un public mélangé de grands seigneurs el <l«i gens du menu peuple. Collé, après avoir donné à la Comédie- Française Dupuis et Desrouais et la Partir de chasse de Henri IV, avait renoncé à la carrière dramatique.

Les sociétaires avaient même, au dire de Beaumarchais, une mort >ur la conscience : celle «le du Belloy, aigri par leurs mauvais procédés.

Heureusement, les auteurs rencontrèrent, pour soutenir leurs droits, un homme acquis aux causes généreuses, aussi ardent polémiste qu'habile écrivain. Certes, rien ne poussait

. HAPITRE PREMIER

umarchais à prendre en mains la cause de ses confrères. \uteur a succès, il était très bien avec les comédiens, d'au- t.mt qu'il ne leur demandai! pas d'argent. Voudrait-il s'alié- ner des gens qui avaient dans leurs mains le Barbier de s l qui il allait donner le Mariage de Figaro?

Il avait en déjà, pour son propre compte, et pour le compte du r<'i. des affaires assez embrouillées à démêler, et il s'était t.* 1 1 .1--.'/ d'ennemis, pour ne pas souhaiter de s'en faire de nouveaux, en instruisant une cause des plus épineuses. Il il d'ailleurs trop d'esprit pour ne pas savoir qu'il était plu d'avoir raison d'un Parlement que d'une troupe de

comédiennes. C'esl le bataillon de Catherine de Médicis, il son ami Gudin, dispersant avec des caresses l'armée d'Henri IV el troublant en riant la raison des graves conseil- lers d'Etat I .

An moment même on vint le prier de s'occuper des auteurs, il était encore engagé dans son intermi- ble pro ivec M. de la Blache, et, en même temps qu il b occupait de forger de nouvelles armes juridiques pour les besoins de la procédure, il équipait secrètement une flot- tille «|in devait 5e porter au secours des Américains insurgés. Il •" «pli pourtant de soutenir les revendications des drama- ibat inégal, 011 toute 3on expérience de la chicane nouer contre la force d'inertie de grands seigneurs,

M"1 " ni p la avoir d'affaires avec messieurs tes comé-

diei

M»"'* trois ans de travaux, de démarches, d'intrigues,

loi suivre le cours dans uu compte rendu plein

1 rve qu'il écrivit sur cette affaire (2), il ne

par Gudin de la Brenellerie, 1888.

iteu dranmtiqui e trouve en ma- lle Recueil de pièce» relative* n Va/faire det nationales, Maison du roi, 0«843B.

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 53

devait aboutir qu'à une victoire indécise, à un arrêt équi- voque. Mais l'effort n'était pas perdu. Les auteurs drama- tiques, en s'unissant pour obtenir justice, prirent conscience de leurs droits et de leur force. Quand vint la Révolution,

ils savaient ce qu'ils devaient demander à une législation nouvelle et comment ils devaient s'organiser pour en tirer profit.

L'affaire de Louvay de la Saussaie n'avait pas été sans faire quelque bruit, et sans mettre les comédiens en fâcheuse posture. Les gentilshommes de la Chambre voulurent avoir l'air de s'intéresser aux auteurs. Le duc de Richelieu pria Beaumarchais de préparer un nouveau règlement qui fît régner la paix dans le monde du théâtre.

Ce n'est pas sans arrière-pensée qu'il s'adressait à l'auteur du Barbier 'If Séville. Il le savait très lié' avec les artistes de la Comédie, et lui connaissait peu d'amitiés du côté des auteurs. Mais on a beau prendre ses précautions, on est par- fois trompé. Le dur «le Richelieu avait tout prévu, sauf que Beaumarchais dût se conduire en « honnête homme ».

Beaumarchais, ayant pleins pouvoirs pour faire la lumière, demanda d'abord aux sociétaires de lui communiquer leurs registres de comptabilité. Demande indiscrète, et qui fut fort mal accueillie. Les sociétaires lui laissèrent clairement entendre que nul n'avait le droit de mettre le ne/ dans leurs registres, qu'ils avaient d'excellentes raisons pour tenir lecrets.

Beaumarchais n'insiste pas : mais comme le Théâtre- Français donnait à ce moment le Barbier de Séville^ la trente-troisième représentation de sa pièce, il réclame bod compte. Inquiets, les comédiens lui dépêchent un «le leur?

CHAPITRE PREMIER

marades, avec mission de pénétrer ses intentions, et de

|uj offrir de l'argent. Ils ne pouvaient croire que Fauteur

leur cherchai une querelle de principe, et ne voulaient voir

dans sa demande qu'une revendication personnelle. Mais

Lumarchais refuse l'argent, tant qu'on ne lui produira

s un compte certifié exact. Le sociétaire est dès lors fixe.

I ute entente esl impossible. « Je vois bien, dit-il en

ni la tête, que vous voulez ouvrir une querelle avec

>médie

Lumarchais proteste de ses bons sentiments. Mais

mur la troupe, pressentie à nouveau, déclare ne pouvoir

fournir de compte exael que pour la recette de la porte,

icusanl de ne lui donner, suivant l'usage, qu'un simple

t< h des autres éléments de la recette, il lui fait entendre

que les choses doivenl changer : les auteurs ont assez des

rçus, il- \ ••ulmi une comptabilité en règle. Il conçoit

d'ailleurs que les chiffres fatiguent des gens qui ne vivent

que pour l'art, el très obligeamment, il s'offre à faire les

uls à leur pla

Je i uis confirmé, écrit-il aux comédiens, dans l'idée

que voua êtes tous d'honnêtes gens très disposés à rendre

j"- ix auteurs, mais qu'il en est de vous comme de tous

hommes plus versés dans les arts agréables qu'exercés

exactes, el qui se font <\vs fantômes et des

d'objets de calcul que le moindre méthodiste résout

difficulté

rendait parfaitement compte d'ailleurs que parler

larer la guerre à la Comédie.

I* troupe émui semble, s'entoure de ses

avocate, et, après délibération, décide...

"■"• démarche auprès du due de Duras. Celait

tilhomme de la Chambre, à ce titre Lien disposé pour

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 55

les comédiens et pour les comédiennes : mais il était au i académicien, tout désigné en cette qualité pour soutenir les écrivains. Il s'en souvint : quelques minutes de conver- sation avec l'avocat des auteurs dramatiques le pénétrèrent du bien-fondé de ses revendications : il promit bonne et prompte justice, et lui proposa d'abandonner sa querelle particulière, dont l'auteur songeait à saisir les tribunaux, pour préparer un règlement nouveau qui supprimât dans l'avenir toutes les difficultés.

Beaumarchais accepte d'être le porte-paroles des auteurs, mais il veut au moins les consulter. Aussi invite-t-il tous ceux de ses confrères qui ont été joués au Théâtre-Français à venir « prendre la soupe » chez lui pour discuter de leurs intérêts communs.

C'était le premier appel fait à la solidarité qui doit unir les écrivains. Cette solidarité ne s'étend pas encore à tous les auteurs, mais seulement à ceux qui ont des pièces dans un des théâtres existants, le plus important, il est vrai.

Beaumarchais fait connaître à tous l'objet de l'entreprise : il s'agit d'obtenir des comédiens un traitement meilleur et d'arracher Les auteurs à la misère. Il prévoit d'ailleurs que l'on ne manquera pas de reprocher aux écrivains d'être trop intéressés, de trop rechercher l'argent, et il répond d'avance à l'objection.

« On dit au foyer des Théâtres, écrit-il, qu'il n'est pas noble aux auteurs de plaider pour le vil intérêt, eux qui se piquent de prétendre à la gloire. (U\ a raison. La gloire est attrayante. Mais on oublie que pour en jouir seulement une année, la nature nous condamne à dîner trois cent soixante- cinq fois; et si les guerriers, les magistrats, ne rougissent pas de recueillir le noble salaire de leur- services, pourquoi l'amant «les Muses, incessamment obligé de compter avec

( HAPITRE PREMIER

-..n boulanger, négligerait-il de compter avec les comé- diens

I;. mm in hais eul pourtant toutes les peines du monde à

réunir ses convives. Tant il est malaisé de faire entendre à

crivains qu'ils peuvent avoir, en dépit des apparences,

intérêts communs.

Parmi ses invités, s'il s'en trouve d'enthousiastes, comme

Chamfort, il en esl qui -»i récusent, pour des questions de

jalousie professionnelle, par amour du repos, ou par crainte

impromettre. Ces! La Harpe, qui ne goûtera pas de

»upe J Beaumarchais, s'il doit la partager avec un

certain Dora! «pii a <lil du mal de lui. Collé, l'auteur de

/.// partie de chasse de Henri f]\ eut été une précieuse

plu- d'une lois il eut maille à partir avec les

taires. Mais il est vieux, il est dégoûté de tout et il a

horreur des polémiques :

De tous ces gens-là dit-il,

J'en ai jusque-là.

On Fait appel .< Diderot, nue grande ligure, une gloire du

le bourgeois. Mais le maître esl aux champs : il suivra

Ile de loin, en faisanl des vœux pour ses confrères.

I ' un jeune, esl plein de zèle, mais il esl à l'ombre

"' quelque dette criarde il serait temps décidément

que les auteurs fissent un peu d'argent.

On nui pourtant, on délibère; chacuna son projet,

M" '' *'' ellent. Cela ferait bien «les projets; on décide

ommer des commissaires el l'on élit Beaumarchais,

1 Marmontel : ils rédigeront un règlement

I "" di* utera. Voilà ce petit parlement organisé.

tinrent, autour de la table de Beaumarchais, ce 1 ! néraux des auteurs dranja-

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 57

tiques. On rédigea un procès-verbal de cette séance mémo- rable ; il se terminait par cette déclaration :

« N'entendons par la dénomination d'auteurs dramatiques ayant droit d'avis et voix délibérative entre nous, que les auteurs qui ont une ou plusieurs pièces représentées à la Comédie-Française, et nous convenons de n'admet Ire à délibérer désormais avec nous que les auteurs dramatiques qui seront dans le même cas expliqué ci-dessus ».

On a voulu voir dans celle restriction l'origine de la dis- tinction qui est faite actuellement entre sociétaires et sta- giaires de la Société des auteurs, distinction contre laquelle beaucoup se sont élevés. Les littérateurs qui n'avaient pas été joués à la Comédie auraient été les stagiaires de l'époque.

C'est forcer un peu les choses. A ce moment il n'y a pas encore de Société des auteurs, à proprement parler; il n'y a que des écrivains ayant des intérêts dans un théâtre, <it dis- cutant les conditions que leur fait ce théâtre ; c'est là, il esl vrai, que sont joués presque tous les uni- de talent ; la dis- cussion prend de ce luit une certaine importance.

Dès 1791, au contraire, on admettra les auteurs de « diffé- rents genres » à délibérer sur les intérêts communs. Pour- quoi distinguer entre l«'v écrivains, du moment que les lois révolutionnaires ont permis ;i tous lès théâtres de s'adonner indifféremment aux divers genres dramatiques? Les compo- siteurs seront les bienvenus : car de même que nos poètes tragiques <>nl donné des pièces chantées, de grands musi- ciens ont orné d<' leur art 1rs chefs-d'œuvre de la tragédie

A côté des signatures de Ducis, «le Marmontel, de Chamfort, on relèvera les noms de Framery, de Grétry, de Dalayrac 1 .

1 Rapport fait aux auteurs dramatiques sur le traitement prt l<<

Comédie Française rn /T'y/, ri délibération prise " ce tujet. BeaumQrcI tjEuv, compl.y l'innin Didot, p <'t SUiv,

CHAPITRE PREMIER

I . latte entre la Comédie et les écrivains coalisés s'engagea d'abord au moyen 1 1 * * Factums, sous forme de polémique presque littéraire. Les écrivains prirent les devants, en pu- bliani un cahier de réclamations qui ne nous est pas par- renu. Il- demandaient, pour compenser la recette des petites

5, dont ils ne profitaient pas, à toucher 21 louis par soirée, jusqu'à la chute dans les règles : à ce moment, ils auraient encore touché, leur vie durant, 252 livres pour toute représentation donnée de leur ouvrage. Ainsi ils vou-

[ déjà faire reconnaître le principe de la propriété litté-

raire. ne s'arrêtaient pas leurs revendications : la concur-

<|iii leur est faite par les chefs-d'œuvre classiques leur

:t préjudiciable ;• leurs intérêts; aussi expriment-ils le désir de voir reprendre de préférence les ouvrages d'auteurs rivants, sur lesquels ils continueraient à toucher des droits. Il- demandent qu'on crée un poste de commissaire de la littérature, ce f itionnaire devant intervenir dans les diffé- rends entre littérateurs et comédiens : c'était une attaque directe contre l'autorité des gentilshommes de la Chambre. 1 •• personnage nouveau aurait été juge en dernier ressort de

tleur des pièces présentées cela prouve à quel point

►mité 'I'- lecture était suspect et décrié. Même ils pré- tendaient réformer l'administration intérieure de la Comé- ila voulaient faire asseoir le parterre, rejeter l'élément

'"M dans l'amphithéâtre, ••( mettre le paradis à trois lh i.

Le programme était chargé; il est probable que les

•'"•ni demandé le |>lu< que pour avoir quelque

'• comédiens ne pouvaient laisser passer sans protester

►ni mAlées de suspicion : un sieur Dellecœur,

"' l"1" interprète, entreprend une réfutation en

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 59

règle, article par article, de ces propositions condamnable. Les écrivains s'en allaient répétant que leur sort était plus digne d'intérêt que celui de leurs adversaires. « C'est assez, répondent les comédiens, que leur état soit infâme », sans qu'on leur enlève encore le profit pécuniaire qu'ils en peu- vent tirer ; avec une modestie à laquelle ils n'ont pas habitué le public, ils exploitent la défaveur qui s'est pendant long- temps attachée à leur métier, pour continuera frustrer les écrivains. Les sociétaires paraissent pourtant disposés à payer 2\ louis par soirée : par contre la prétention des au- teurs de toucher, leur vie durant, 2o2 livres par représen- tation, est exorbitante; il en est de même de leur désir d'accaparer la scène de la Comédie-Française au profit des littérateurs vivants. Heureusement le public ne ratifiera pas ces vœux : il redemandera Racine, Corneille, Voltaire, « et remettra les auteurs modernes à leur juste place ». Qu'au- raient-ils dit. si les écrivains avaient émis la prétention, comme ils feront plus laid, de toucher sur les représenta- tions «le Corneille et de Racine ?

L'autorité parait repou<>er ('gaiement dans leur ensemble !♦•> réclamations des écrivains : sur un point seulement elle semble leur donner raison : il va lieu, pense-t-elle, «le faire entrer en compte, pour calculer les droits d'auteur, la recette des petite- luges (1). Lue révision parait aussi s'imposer au sujet de< praig de toutes sortes que les sociétaires onl pris l'habitude de faire supporter aux auteurs. Dans un tableau destiné à être présenté aux membres du Conseil du roi, les dépenses de la Comédie son! réparties entre deux chapitres :

l Voir Notice, Réflexions, Réponse aux observations de messieurs les au- teurs sur le règlement r/>/i stipule de leurs intérêts, Réflexions pour le due de Duras sur le projet de messieurs les auteurs, archives Nationales, Maison du Roi, 0*84

CH \1MTIIK PREMIER

|t. premier, coniprenanl le droit des pauvres, les droits d'au- l,.,,,. |es salaires des soldats assistants, les cachets des artistes, leurs étrennes, leurs frais de voilures, leurs jetons d'assemblée, ae doil plus être h leur charge ; le second seul, raprenanl les frais nécessités pour la pièce, estimés à

livres environ, doil leur être porté en compte (1). Après ces préliminaires, la discussion commence. Elle devait durer trois ans. Les comédiens ont pris le parti le pli; _ quand on a tori : se taire, et intriguer.

I;. lumarchais les lient en haleine par ses mémoires, ses culs impito) ablemenl exacts.

I autorité, très ennuyée de ces discussions, ne sait à qui

entendre, «•! voudrait étouffer l'affaire. C'est d'ailleurs le

programme du régime : reculer toujours... pour mieux

iter. Il esl probable que l'affaire sera fort longue, avoue

un jour très simplement le duc de Richelieu, car depuis

bien des années il n'en a vu Unir aucune de ce genre. Leduc

1 renvoie Beaumarchais au duc de Richelieu, qui lui

lit que l'affaire esl 'le la compétence du duc de Duras.

I umédiens marchent très unis, secondés par un habile

il il* ne négligent aucune influence auprès des grands.

Il n '-n est pas de même des auteurs. Dès les premières

- digne. La majorité veut des commissaires

quelques-uns >'\ opposent, craignant (ju'ils

tenl le crédit que leur donnera celle situation, el,

e range point à leur avis, ils menacent de se

H lumarchais avoue que l'union est assez factice.

dit il, la division des principes, et

rétentions, quels sourds mécontentements

rate de la Comédie-Française pour servir I -'■ i - U '" les auteu) % pour leur >"■'/ In bfve Nationales, ibid

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 6i

et quels intérêts cachés, ne font plus, d'une compagnie de gens sensés, qu'un corps désuni, plein d'animosités, de reproches et d'aigreur (1) ». Dans l'association, il y a déjà des dissidents. En attendant que leur démêlé soit régi»', les auteurs ont cou venu de ne plus porter de manuscrits au Théâtre-Français : c'est la mise en interdil telle <jue la pra- tique actuellement la Société des auteurs. Mais il y a, comme aujourd'hui, des écrivains piv>>r> d'être joués; les comédiens n'ont pas de peine à les débaucher.

« Us avaient reçu el joué, dit M. de Loménie '2 , une très mauvaise tragédie, « Nadir », par Dubuîsson, à la condi- tion qu'il se prononcerait contre ses confrères. Ce Duhuisson avait publié sa pièce avec une préface très injurieuse pour la Société des auteurs ; et, ce qui était plus grave, Suard, alors censeur, s'était en quelque sorte associé à l'attaque de Uubuisson en approuvant sa pièce ». De là, grande rumeur dans le petit monde des hommes de théâtre. Les lettres pieu vent chez Beaumarchais. La Harpe demande qu'on délibère sur les moyens de Paire justice de l'incroyable pré- face, de l'incroyable tragédie de Nadir, el de la malhonnêteté du censeur. Sedaine et Marmontel ne sont pas moins furieux. Gudin, dans -a colère, traite Dubuisson de << Caraïbe », et Suard d1 - ennemi des lettres ». Il faul avouer que le liait étail noir. Le mécontentement des commissaires est d autant plus légitime que, à ce moment, des vingt-trois écrivains qui avaient dîné en excellente confraternité, il n'en restait plus q ne dix-sept. Les plus ardents en paroles ne -mil pas les plus actifs. Marmontel est plein de zèle lorsqu'il écrit. Son indignation est extrême, quand il apprend que le ministn

l Lettre i Rochon >\<- Chabannes, de Loménie, Beaumarcha t et ton chap. M \.

■i < tavrage cité.

CHAPITRE PREMIER

donné qu'on fil le silence sur l'affaire Dubuisson ; il enflamme l«4 courage de ses amis :

C'est le moment de montrer de la vigueur, écrit-il à Lumarchais, faites un bon mémoire... Je recommande ootre honneur à votre énergie e1 à voire activité; voyez les minisl s, et dites-leur qu'une assemblée de dix-sept per- ces qui oni de l'âme ne se laissent pas livrer au mépris i finsulte impunément ». st, avanl la lettre, la réponse de Mirabeau au marquis de Dreui : a-t-on besoin de Marmon tel ? il s'évanouit,

tumarchais travaille : il fait des comptes, compulse des s, forge des arguments, se complaît dans la dialec- tique : les autres commissaires le regardent faire, à part S h in. ijiii semble surtout avoir pris à tâche de ne rien lui laisser ignorer des méchants bruits qui circulent à son -h i lui. Beaumarchais apprendra qu'il est suspect

nifi que, l'affaire traînant en longueur, on l'accuse '■M passé à l'ennemi. Bientôt on l'obligera à rendre mpte par écrit <l<' sa conduite : il ne peut que rétléchir h - émentqu'on trouvée obliger les autres. A-t-il un geste d impatience, un mouvement <!<• mauvaise humeur? Saurin nlbnd en excuses : il ne l'a prévenu que par obligeance. pendant, il avait fini par avoir communication des livres mutabilité de la Comédie, non par les sociétaires, mais ' I intendant des menus. Il put alors s'apercevoir que ritiques qu'on Faisait à leurs comptes étaient D nia la conférence qu'il eut avec Gerbier, l'avocat lie, il rejeta tour à tour tous les articles de d'administration intérieure que les sociétaires f de payer les auteurs. " r°ulul >rcer les comédiens a ne déduire !<■ quart

lue d après l'abonnement pas.,', avec les hôpi-

LES ORIGINES DE LA. SOCIETE 63

taux et non au taux nominal, les menaçant, s'ils ne cédaienl pas, de se rendre fermier des pauvres.

Il y eut conférences sur conférences : on désespérait d'aboutir; enfin les parties en cause convinrent de fahv entrer désormais en compte tous les éléments de la recette et de limiter les frais journaliers, prélevés avant la part des auteurs, à 600 livres (1).

I >n signe la convention. Les gentilshommes sont informés de l'entente ; le 17 mars parait un arrêt, très éloigné du It-xte convenu, et notoirement contraire aux intérêts des écrivains. Les comédiens, sans nulle fausse honte, avaient porté aux gentilshommes de la Chambre un projet falsiti»'1 qu'Àmelot, ministre de la maison du roi, avait signé de confiance.

Vive émotion dans le camp des auteurs : on accuse Beau- marchais d'avoir passé à l'ennemi. Sans s'émouvoir de ces reproches, celui-ci sollicite à nouveau. 11 obtient que l'arrêt soit suspendu. Nouvelles conférences contradictoires, nouvel accord ; un second arrêt est rendu en conseil du roi, accom- pagné d'un nouveau règlement (2).

Cette fois, c'est aux sociétaires de se dire joués, et il ne semble pas, quoi qu'en ait dit Beaumarchais, qu'ils aient eu lorl de se plaindre.

La troupe, réunie en séance plénière, assistée de ses conseils, proteste qu'il n'est jamais intervenu d'accord entre elle el le> auteurs, sinon sur la fixation des frais. Elle esi surtout irritée de La défense qui esi faite aux écrivains par l'arrêl de traiter à forfait, ou de faire cadeau de leurs pièces

1 Voir le texte de cel accord s la Bibliothèque Nationale, Dépol des manuscrits Recueil <lc pièces relatives â L'affaire des auteurs dramatiques, n 23 .

(2) Arn'-i du Conseil du roi du 12 mai 1780. En manuscrit aux Irchites

Nationales, Maison du roi, 0' 844.

CHAPITRE PREMIER

es. Il est assez plaisanl d'entendre les comé- diens répéter que cette interdiction inscrite aujourd'hui dans les statuts de la Société des auteurs est un attentat i liberté, une violation du droil de propriété des écrivains aussi bien que des comédiens ( I).

Une troisième fois, on reprend la discussion. Mais

rbier, qui prépare un autre règlement, ne veut plus voir

I; Lumarchais : il s'entendra avec Saurin et Marmontel.

turaarchais -•' contente de faire signifier à la troupe

l'arrêt rendu sur ses instances.

Bientôt un nouveau projel es! présenté à Àmelot. Le

ministre, <|ui a déjà signé deux arrêts dont les parties n'ont

pas voulu entendre parler, r>l perplexe ; « dans l'état de

fermentation <»ù sont actuellement les parties », il ne veut

plu- rien signer sans faire un rapport au Conseil (2).

I lin. un arrêt définitif est rendu en Conseil du roi.

pagné d'un règlement (3). L'autorité met les plaideurs

rd <'ii ie- donnant tout à fait raison ni aux uns ni aux

.-•il! r

ii'l du conseil du 9 décembre 17N0 est une ente mal

les écrivains oui gain de cause pour le taux des

droits : ils auront le septième de la recette c'est plus qu'ils

demandaient après déduction de l'impôt des pauvres

frais journaliers estimés à G00 livres : Ions les éléments

de ' tte entrent en compte.

Mais les pièces tomberont dans les règles, non plus à I 800 livres, mais à 2,300 et 1,800. Le droil d'au- pin- éphémère encore, et risque de ne pas dépasser quelque

le i juin 1 780 trchivei Nationale», ibid, duc de Dui ! juillel 17no, Archives Nationale»,

>i 'In 9 décembre 1780, Archives Nationales, ibid.

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ f,o

Tel fut le résultat des libelles échangés, des intrigues our- dies, des calomnies répandues à profusion pendant trois ans, des passions et des intérêts mis en jeu.

Le règlement ne satisfaisait personne : on a dit qu'il ne lui pas appliqué (1); rien n'autorise celte hypothèse, que Beaumarchais contredit (2).

Ce qui est vrai, c'est qu'il ne fut pas plus respecté que les nulles par les comédiens. En 17!>0, Fenouillot de Palbaire, l'auteur de VHonnéte criminel, proteste qu'on joue sa pièce, à s. m corps défendant : précipité, malgré lui, dans les règles, il réclame à la Comédie 927 livres, 3 sous, 8 deniers, et se venge par un libelle (3).

Les auteurs, qui, pendant la lutte, avaient presque mis la Comédie en interdit, prirent L'habitude de porter leurs pièces ailleurs, au Théâtre de Versailles, ou à la Comédie- Italienne : ainsi tirent Ducis, Sauvigny, Mercier, d'Arnaud. Cailhava devint un collaborateur assidu du Théâtre-Italien. D'autres allaient aux forains. Les comédiens du Théâtre- Français protestèrent contre cet abandon. En 1789, Cailhava voulu! chercher fortune au théâtre du Palais-Royal : il porta a ce théâtre des pièces dont la Comédie avail interrompu la carrière, comme à plaisir. On vil les sociétaires assemblés poursuivre le fugitif el mettre opposition aux représenta- tions. Cailhava se vengea par un libelle il prenait à partie l«' comité de lecture I . La Comédie, délaissi reprit d'autorité les Noces houzardes, que Dorvignj avait portées aux Variétés Amusantes.

I De Loménie, Beaumarchais et son temps, chapitre XIX.

■i Beaumarchais. Rapport fail aux auteurs dramatiques en 1791, en manus- ci il à l.i Bibliothèque Nal tonale. \ . I •'.. 8, 1,9

:; Mémoire de l'auteui de ■■ l'Honnête criminel . tuivi de la déli du

1 i det \uteurs dramatiques. Bibliothèque de la Ville, Théâtre

i Mémoire pour Jean- François Calhava, Bibliothèque de la Ville, Théèt 12,304.

CHAPITRE PREMIER

\ cette époque, le monopole de la Comédie est battu en ,, . De toutes parts, àpartirde 1700, on voit surgir dans es nouvelles, en dehors de l'ancienne enceinte des boulevards; elles bénéficient de la curiosité du public, de ssitude de l'administration, à bout de sévérités et de tss< ries, et font à la Comédie-Française, aux Italiens, et i rOpéra, une concurrence autrement dangereuse que celle n! les théâtres de Nicolet et d'Audinot, le tre des Associés, ei surtout les Variétés-Amusantes, qui ndireni tenir la place de ce second Théâtre-Français que mail l'opinion. Prétention peu justifiée : car s'il est un reproche <jni paraîl fondé, parmi les accusations dont les troupes privilégiées poursuivenl ces scènes libres, c'est bien celui d'avoir recherché les applaudissements aux dépens des renances et du l»<>u goût. Les écrivains qui approvi- sionne^ ces salles ne se foni pas faute de piller les œuvres maîtres, en leur donnantun tour licencieux. Cependant médie-Française en souffre : le peuple s'empresse à ces enchanté de s'y divertir à bon compte. Leïhéalre- 1 \\ désert quand on jonc Molière, Corneille, Racine.

ublic court ;'• Gilles !<• Ravisseur ou à Maître Antoine (1). >médiens français, nuis aux Italiens, farouches urs d Un privilège qu'ils ont été admis à partager, d'appeler l'attention des pouvoirs publies s,,r l«* entreprises de ces intrus. L<>s nouveaux théâtres "", ""- parler et à chanter » malgré la défense

T" leur "n lui faite : et ils continuent, en dépit des con- qui les frappent. Les sociétaires dénoncent 'I'" di de 30 acteurs, de 20 instruments à

''" : in eurs, ei d'un répertoire de 250 pièces;

•i Italienne au roi contre les nouveau* i du roi, m - .

LES ORIGINES DE LA SOCIETE fi7

Audinot, qui n'a d'abord annoncé que des marionnettes en bois, et qui fait manœuvrer des acteurs en chair et en os : les Variétés-Amusantes, qui jouent de véritables comédies, et démarquent le répertoire de la Comédie-Française. Ne parle-t-on pas d'un théâtre qui va s'ouvrir par voie fit- souscription, on ne jouera qu'à partir de dix heures du soir? Un théâtre nocturne ! c'esi un péril pour l'Etat.

Quels sont les résultats de cette liberté? On arrache les artisans à leur travail, on enlève les pères de famille aux soins de leur maison, on détourne les jeunes gens pour l'- embaucher dans les troupes. On offre au peuple, qui ne doii voir que les parades et les farces, des spectacles de comédie qui sont le privilège de la bourgeoisie (1).

Raisonnements singuliers, auxquels les ministres, excédés, répondent que le système de Louis XIV et de Colberl a fail son temps, et qu'aujourd'hui il faut de véritables spectacles pour le peuple.

Jusqu'en 1788, les comédiens français, conjointement avec les comédiens italiens, n'en exerceront pn> moins sur les petits théâtres un véritable droit de censure, que l'autorité a eu la faiblesse de leur accorder. Ils en tire ni L'usage le plus déplorable. Eux qui se plaignaient du mauvais ton qui régnait dans les spectacles du boulevard, ils prirent à tâche de ne laisser passer, d.ms le> œuvres qu'ils examinaient, que l«'- inepties ou les grossièretés, retranchant de préférence les passages d'une certaine tenue littéraire, qui leur parais saient constituer une atteinte directe à leur monopole. Leur censure ne s'arrêtait <|ue devant la porte des Variétés-Amu- santes, qui ont d'ailleurs obtenu La faculté de jouer toutes les pièces, sauf celles en quatre ou cinq actes.

(1) Mémoire précité. Voir diverses autn mations dam le au me goùl

aux Archives Nationales, ibid,

( HAl'ITRE PREMIER

« ela n<% suffisait pourtant pas aux troupes privilégiées. On les rit réclamer, sans que personne ait d'ailleurs songé

~ .11 étonner, que les nouveaux théâtres ne pussent mettre -m leurs affiches que le mot « pièce », et non le mot omédie : qu'ils ne pussent y mentionner non plus les noms des interprètes et le nombre des représentations déjà données; que l'on ne récitât sur ces scènes d'autres vers que des vers burlesques; que le Théâtre du Palais-Royal restât

Bive< la seule permission d'avoir des marionnettes de la seule grandeur désignée lors de son établissement » (1). Ils demanderont aussi que les théâtres nouveaux soient tenus «h- prendre les sujets «le leurs pièces dans les milieux bour- is, sans y pouvoir introduire les personnages des pre- mières classes de la société (2).

ec la Révolution, tout allait être remis en question : le monopole de ht Comédie-Française, le maintien de la cen-

i la liberté «les théâtres, autan! de problèmes, très dis-

i utéa dans lr public, que !<• législateur allait devoir résoudre. I'' - polémiques - d'un ton d'ailleurs plus courtois s'en- "i h ce sujet <'l entre !<■> deux camps adverses des comédiens. L<is factums, les pétitions se mul- tiplient : chacun dit son mot dans L'affaire.

u\ in cause pendante, devant lu Grand" Chambr%

français, >■/ h- sieur \i<-<>lct ri 1rs autres

in uirei Nationales, ibid.

•■' bizarre nous paraît d'un archaïsme ridicule. Sommes-

i n i p u bien longtemps, un des artistes les

die (!'• !• lus .m il pas de jouer une pièce qui devait

ls m. , p ,,-,.,. ((l||| tenait l<- pei

' un i tblier de cuir mu- les genoux <-i un

plus déplacé* - pour un sociétaire de La

'"• i".u i mu à un .util.' du Théâtre-

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 69

Dès le 27 mars 1790, les commissaires de la commune de Paris réclament dans leur « Rapport sur les spectacle < La création d'un second Théâtre-Français. Les comédiens croient devoir protester contre ces conclusions : ils repous- sent les calomnies qu'on répand sur leur compte, depuis que le mémoire de Beaumarchais a circulé dans le public. Les auteurs notamment se plaignent du règlement de 1780 : mais ils n'en sont pas plus contents qu'eux 1 .

De fait il semhle que ce texte, arrêté après des discussions lahorieuses, ait mécontenté tout le monde.

Le 24 août, La Harpe, qui se multiplie pour ses confrères, est admis à la barre de l'Assemblée Nationale, et donne lec- ture d'une « adresse des auteurs dramatiques » (2). 11 s'excuse d'entretenir de questions littéraires une assemblée sollicitée par d'importantes préoccupations politiques. Mais la cause des écrivains se confond avec celle de la liberté. L'exemple de Voltaire est pour prouver l'influence que le théâtre peut avoir sur la société. L'auteur demande pour les théâtres une liberté complète, leur permettant de s'éta- blir en toute indépendance, et de représenter indistincte- ment les œuvres du passé aussi bien que les nouveautés, sous la seule surveillance des pouvoirs municipaux.

Cette adresse est suivie d'une Pétition (3), lue également à l'Assemblée, dont les termes ont été arrêtés par une assem- blée de dramaturges qui s'esl tenue chez Sedaine c'esl lui qui maintenant préside l'association, et offre l'hospitalité aux belligérants.

(i) Observations pour h diens français ordinaires du Roi occupant le

Théâtre de la Nation, 1790, Bibliothèque de la ville de Paris, 12,6

■2 Adresse des auteurs dramatiques à l'Assemblée Nationale, Archivei Nationales, A I». VIII, 16, el Bibliothèque de la Ville, Droits d'auteurs el des pauvres, 9,861.

S Péttt|on des auteurs dramatique* a ['Assemblée Nationale, ital.

CHAPITRE PREMIER

I | Pétition, qui n'a réuni d'ailleurs qu'un petit nombre

,1, sis tures, rappelle les méfaits commis journellement

>médiens français, sous le couvert de l'autorité

isante des gentilshommes de la Chambre, l'anarchie

qui régnait dans la troupe, à la chute du régime.

Elle insiste surtout sur la prétention formulée par les

étaires de rester maîtres de leur répertoire, dont ils

seraient véritablement propriétaires. Cette propriété, répou-

dent les auteurs, n'est qu'une longue possession exclusive,

dée sur le privilège de la troupe. Ce privilège anéanti,

les pièces «In répertoire rentrent dans la circulation com-

iiiiiii.'. Sans doute les règlements disaient que les pièces,

une fois tombées dans les règles, appartiendraient aux

s Mais les règlements étaient des actes de l'auto-

rité, <ju«' les écrivains n'étaient pas admis à discuter. Ils

les "ni -iil»i<. et non acceptés. N'ayant pas traité librement,

il- ne peuvent être considérés, en dehors d'actes de cession

formels, comme déchus de leur propriété. Ces raisonne-

tssez subtils, étaienl évidemment plus fondés en

dté qu «-H droit strict. Les comédiens pourront prétendre,

ma quelque apparence de raison, qu'ils n'ont pas à

-••' les actes de l'Ancien Régime, et qu'une loi ne peut

mr sur des situations acquises.

auteurs ne sonl pas d'ailleurs du même avis :

1 trop beau. In certain nombre de dissidents

il- rédigent une contre-proposition qu'ils

1 omité de constitution. C'est la « Pétition des

" n'ont pu signé celle de M. de La Harpe »(l).Aux

lires de l'adres e rédigée par La Harpe, ils

r»n """i- d'écrivains, moins illustres, il est

la Ville de Paris, Droite d'auteurs et des pauvret.

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 71

vrai. Ils sont d'accord avec leurs confrères pour reven- diquer au protit des écrivains vivants un droit de propriété littéraire plus effectif, mais ils se montrent partisans résolus du monopole de la Comédie sur les œuvres des auteurs morts: cela dans l'intérêt même des chefs-d'œuvre classiques qui pourraient être exposés, sur des scènes de second ordre, à des interprétations médiocres. Quant au second Théâtre-Français qu'on réclame, le Palais-Royal ne suftit-il pas à satisfaire les mécontent^ ?

Les comédiens répondent aux critiques dont on les accable. Ils sentent bien que le changement de régime leur commande la plus grande circonspection; ils se résignent à des sacrifices douloureux : tout au moins veulent-ils conserver, dans la tourmente révolutionnaire, quelques- unes de leurs anciennes franchises. Dans les « Observations pour les comédiens français sur la Pétition des auteurs dramatiques », dues à la plume de Mole, ils contestent d'abord la qualité des pétitionnaires (1). Ceux-ci disent représenter la masse des auteurs, et cette masse se réduit à un petil groupe; ils font même appel, pour faire nombre, à des écrivains comme Framery, qui n'ont jamais eu de pi< jouée au Théâtre-Français. Non- avons vu que les auteurs avaient. Ar< la Révolution, élargi le- cidre- de leur association.

Les sociétaires ne demandent pas qu'on restaure leurs privilèges. Ils ne s'opposent pas à la liberté du théâtre, bien que Louis XIV ail eu ses raisons pour a'en point vouloir. On peut accorder aux écrivains pour l'avenir un droit de propriété plus durable que pour le passé. Mais on ne peul revenir sur i\i'> contrats ancien-, reprendre ;• la

i 1790. Ce document se trouve aux Archives Nationales, Droit d'auteur,

ibid., vi .. la Bibliothèque de la Ville

CHAPITRE PREMIER

troupe la disposition exclusive d'ouvrages qu'elle a léga- lement Acquis ft payés. Ce sont des questions de propriété dont les tribunaux seuls doivent connaître. Privilège, dira- t-on, mais rien n'obligeai les écrivains à porter leurs pièces i la Comédie-Française : les Italiens leur étaient ouverts, s'ils n'aimaient mieux se Faire jouer en province. L'argument nous paraît peu solide; mais n'a-t-on pas entendu de nos jouis la Société des Auteurs, au cours d'un procès récent, alléguer, pour échapper à l'accusation de monopole, que les littéra- teurs <ini ne veulent pas se soumettre à ses lois sont libres de s'adresser aux scènes non classées ou aux théâtres de

On accuse la rigueur des règlements, les hasards delà

chute dans les règles. Mais Beaumarchais a déjà retiré

0 livres du Mariage de Figaro, qui n'est pas encore

tombé dans les règles. Beaucoup de pièces coûtent au lieu

de rapporter : ainsi le Souper Magique, dont l'auteur n'a

I lissé pourtant de signer la pétition.

fin la Comédie a un million de délies : son répertoire

I hypothèque de ses créanciers, on ne peut y toucher

3 ébranler son crédit. C'est l'argument financier sur

lequel la troupe compte beaucoup pour embarrasser des

leurs improvisés. Les créanciers interviennent d'ail-

|,MI inellement : ils vont porter leurs doléances à

l'Assemblée Nationale 1 . Ce n'est pas l'incident le moins

de i e plaidoyer pro domo.

''• nombreuse* brochures circulent cependant dans le

'"~ unes attaquent les comédiens, d'autres 1rs sou-

-' I " lea arguments pour ou contre la liberté

de la Comédie Françaises, 1790, Biblio- Bibliothèque -k i , y,ii,. 1790, lu « Justification

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 73

des théâtres, la propriété littéraire, \ sonl repris e1 retour- nés. Dans l'un de ces libelles, signé cl' << un amateur du théâtre », le droit exclusif de la Comédie sur son répertoire est ardemment défendu. L'auteur invoque assez justement les sacrifices faits par la Comédie en décors, en costumes, en figuration, et jusqu'au talent dépensé par les artistes pour mettre en valeur les pièces nouvelles : les sociétaires eus- sent-ils déployé tant de zèle, s'ils n'avaient eu la pensée de devenir propriétaires des ouvrages? A quoi bon d'ailleurs donner aux scènes libres un répertoire dont elles ne sauront que taire : « Quel homme, dit-il, pourra se résoudre à aller entendre Iphigénie, Phèdre, Britannicus, aux théâtres des rieurs Nicolet et Àudinot, même à celui du Palais-Royal? ». Les doléances de l'auteur nous louchent moins, lorsqu'il proteste contre la faculté qu'on veut donner aux écrivains de traiter indifféremment avec toutes l<is scènes. Ainsi, dil- il. l'auteur pourrait courir de théâtre en théâtre, se vendre au plus offrant : il pourrait sans crime tirer d'un seul ouvrage cinq ou six prolits? << De celle permission naîtraient le découragement, la dispersion des talents, la décadence absolue du goût, suivis de l'espril de parti, de cabales éter- aelles, et de la ruine inévitable de l'une d<>> troupes » I . Nous avons affaire à un ferme partisan du système de Louis XIV.

Cette année-là paraît l'ouvrage de Framery sur l'Organi- sation des Spectacles de Paris. L'auteur examine en détail les prétentions des sociétaires : il conclu! en demandant,

des comédiens français . I2,636a!, les « Réflexions en faveur de MM. les édiens français contre 1rs prétentions de plusieurs de MM. les nui •.' . In Réponse aux observations pour les comédiens f Droits

(fauteurs <i '/>■* pauvres, 9,864.

1 « Réflexions dix tr In pétition des auteurs dramatia\

12.^8".

CHAPITRE PRKM1F.R

outre un second Théâtre -Français, une législation qui

orde aux écrivains, leur vie durant, la propriété de leurs pie, ssurée, à leur mort, à leurs héritiers, jusqu'à la

cinquantième représentation, puis à la Nation.

Il irpe, qui se prodigue pour la bonne cause, reprend !.. parole, dans un discours sensationnel qu'il prononce à la - ciété des \mis de la Constitution, pour la liberté du théâtre 1 . Il s'excuse à nouveau d'entretenir son auditoire d'affaires de théâtre : mais il en parlera en citoyen. Il hausse en effet son Ion à la hauteur des événements. La victoire des comédiens serait « le triomphe de l'aristocratie et du despotisme sur l'espril patriotique et sur la liberté ». 11 dénonce leur marche astucieuse et oblique ». N'a-t-on pas remarqué dans le peuple un refroidissement civique, lors des Fêtes de la Fédération, qui jetèrent dans Paris une foule de provinciaux. Pourquoi? sinon à cuise du choix « insidieux ••I perfide des pièces données à la Comédie-Française. On \ joue .1 tout instant des œuvres « dégoûtantes d'adulation, i i î de servitude », comme le Siège de Calais, Gaston et

y//'/. Zelmire. Que d'efforts et de démarches ne fallut-il tire, avant d'arracher aux sociétaires la représentation de Bru tus ^ cette œuvre vraiment démocratique?

! i liberté des théâtres, conclut La Harpe, ne serait qu'un

leurre, si elle ne s'accompagnait pour les comédiens de la

perte de leur répertoire. Aucune troupe, réduite aux nou-

ii'' pourrait se soutenir. Remarque intéressante :

la solution inverse serait plutôt admise aujourd'hui.

Le 13 janvier 1791, L<- Chapelier présente son rapport à

I Assemblée Nationale sur le projet de décret. Il est sur tous

ivorable aux écrivains. Les comédiens, dans le

■■■ du théâtre, prononcé par M. de l.<t Harpe, Droit d au/ru, . ibid.

LES ORIGINES DE LA SOCIETE 75

désir de conserver leur répertoire, essaient de donner le change à l'opinion : ils appellent propriété ce qu'ils dénom- maient autrefois privilège; leur prétention est extravagante. Peut-on faire dépendre une chose sacrée, la propriété, des manœuvres, des fantaisies qui déterminaient la chute des pièces dans les règles? A l'avenir, d'ailleurs, les écrivains débattront librement avec les entrepreneurs les questions qui les intéressent, sans que l'autorité ait à intervenir dans la discussion. Le rapporteur soutient la cause de la liberté du théâtre : même il estime qu'il est nécessaire de réformer la police des spectacles ; il ne veut plus voir, dans les salles, des « satellites armés », mais seulement des officiers civils.

Malgré quelques interventions pour le maintien de la censure, quelques protestations en faveur de> comédiens, le décret (\^> 13-19 janvier 1791 donne pleine satisfaction aux écrivains sur toutes les questions en litige.

Tout citoyen peut désormais ouvrir un théâtre el l'ex- ploiter, en se conformant aux règles de police. Dune, plus de monopole au profit de troupes privilégiées.

Le décret pose ensuite le principe de la propriété drama- tique :

Art. 3. Les ouvrages des ailleurs vivants ne pourront être représentés sur aucun théâtre public, dans toute l'étendue de la France, sans le consentement formel et par écrit des auteurs, sous peine de confiscation du produit total des représentations au profit d^> auteurs.

Les écrivains conserveront la propriété de leurs pièces pendant toute leur vie: ce droit exclusif survit au profit de leurs héritiers pendant cinq ans : ce temps écoulé, elles tombent dans le domaine public, et tout l<i monde peut les représenter librement. Donc, plus de monopole au profit de certains théâtres sur les œuvres du passé. Cette Intention du

I BAPITRE PREMIER

gislateur n'est pas moins formelle, lors de la discussion de la loi des 19 juîllet-6 août, qui vient compléter les dispo- sitions du précédenl décret.

un rejette un article ayant pour objet de tempérer, en Faveur des droits acquis aux théâtres antérieurement privi-

_i.-. les conséquences immédiates du principe de liberté

solue d'établissement dos théâtres.

lait une victoire complète pour les auteurs : remar- quons que certains d'entre eux en refuseront le bénéfice. Colin, Desfaucherets, Fabre d'Eglantine, Collot d'Herbois, .ni que la Comédie reste en bonne justice propriétaire de son répertoire, déclareront s'en tenir au profil <pn' leur ont assuré les règlements (1).

Du moment l<i théâtre était libre, il n'était plus besoin que l'autorité intervint pour fixer, soil l'administration inté- rieure des salles de spectacles, soil les rapports des direc- tions avec les auteurs. La réglementation du pouvoir central it disparaître avec le monopole.

Aussi la loi des 19 juillet-6 août 17(.M porte-t-elle un article ainsi conçu : La convention entre les auteurs et les entre- preneurs de spectacles sera parfaitement libre, et les officiers municipaux, ai aucun autre fonctionnaire ne pourront taxer

diU --H j nj modérer, ni augmenter les prix conve- t * i -

'',,,• indépendance pouvait donner des résultats excellents

1 rivains : elle risquait fort de leur être tout

liciable. auparavant, les règlements, si mal

,- tacle de Lyon contre les çtute\tf$

■/ ' .Ile, 12,2

Les origines de La société 77

interprétés et si injustes qu'ils fussent, les dispensaient au moins de discuter dans chaque cas particulier avec les directeurs de théâtre. Il était à craindre que les auteurs, livrés à eux-mêmes, ne souscrivissent aux conditions les plus désavantageuses, de peur de n'être pas joués. Plus que jamais, il leur était nécessaire de se rapprocher, de s'en- tendre, pour n'être pas victimes de cette liberté qu'ils avaient tant réclamée. A quels déboires n'eussent-ils pas été exposés, si chacun d'eux, isolément, avait débattre les conditions de ses traités?

En cette matière, comme en beaucoup d'autres, la liberté n'est rien, si l'exercice n'en est garanti par l'association. Persuadés des avantages qu'ils retireraient de leur union, les auteurs convinrent d'imposer aux différentes scènes de la capitale un taux de droits invariable, quelle que fût l'œuvre, quel que fût l'écrivain en cause. Ainsi cette règle de l'égalité dans la rétribution dont la Société des Auteurs a fait son principe d'action, et qui n'a pas laissé d'être décriée par certains hommes de lettres jaloux de leur indé- pendance, fut la première règle sur laquelle s'accordèrent les littérateurs coalisé'-.

Ils exigèrent alors le septième de la recette pour cinq actes, le dixième pour trois actes, le quatorzième pour un ou deux actes : ce prélèvement ne devait être opéré qu'après déduc- tion des frais journaliers, tant ordinaires qu'extraordinaires : mais, pour éviter le retour des anciens abus. Ion- !••- élé- ments en furent soigneusement déterminés.

Ce règlement nouveau ne fui pas accepté par la Comédie- Française : il y eut des pourparlers, de- marchanda^ Laborieux, que Beaumarchais ;• résumés dans l<* rapport qu'il lit sur cette discussion, <■ ;i la demande, dit-il, des auteurs, fatigués d'entendre partout de- personnes induites

cil LPITRE PREMIER

,.,, erreur, leur dire qu'ils traitent mal les comédiens fran- rt qu'ils "ut juré leur ruine (1). 1 ^ sociétaires étaient aigris par les décisions qui les lien! privés de leur monopole : ils se posaient en victimes de la Révolution; il est de fait que la chute de la Bastille lit eu pour premier résultai de faire baisser leurs recettes. ||v voulaient bien abandonner le septième de la recette, mais ils prétendaient eu déduire préalablement une somme de 900 livres à titre de Irais journaliers, les frais extraor- dinaires étant comptés en plus. Dans ce total figuraient des articles de dépense auxquels les auteurs étaient tout à fait étrangers, tels que : Irais de voyage à la Cour, laquelle •urne maintenant à Paris, fiacres, aumônes, étrennes,

I essai, etc... Attitude d'autant plu> incompréhensible, dit Beaumar- chais, que ce constant refus de la modique différence entre les offres des auteurs et leurs demandes leur a déjà coûté plus de 100,000 francs de recettes depuis six mois ». La plupart des écrivains avaient en effet mis la Comédie-Fran- en interdit : toute entente étant devenue impossible, il qui lui portèrent des pièces signèrent des trailés parti- rai l'après un nouveau règlement, qui fut élaboré ls troupe le 18 novembre 1791 (2). Pai contre, le Théâtre de la République, qui devient alors ""• rivale de la Comédie, accepta le taux proposé par iation. Gaillard et Dorfeuille, qui dirigent cel établis- - gèrent a ne prélever que 700 livres de frais ; tinrent d'ailleurs <-n échange que les représentations

/.''//-/y,// /mi nu., auieuri dramatiques sur le traitement 1 479 1 et délibération prise à ce sujet,

' Pirmin Didot, ] 550 el

!»• la Vil Rit.

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 79

qui feraient moins de 700 livres de recette seraient mules

pour les auteurs.

Un nouveau traité est conclu avec ce même théâtre en 1796, après le discrédit des assignats. Les droits d'auteur sont fixés, suivant l'étendue des pièces, au huitième, au dou- zième on au seizième, après déduction, pour les frais, du tiers de la recette totale. Mais il n'y a plus de soirées nulles.

Lorsque la Comédie-Française fut reconstituée par l'arrêté d'organisation de 1799, l'autorité lui imposa à Légard des auteurs le même traitement que le Théâtre de la Répuhlique avait accepter en 1796. Cela n'empêcha pas les autours de protester contre cette reconstitution adminis- trative de la Comédie-Française. Le souvenir des privilèges de toutes sortes dont cette scène avait joui, et (\<>> luttes qu'ils avaient soutenir contre elle, leur faisait voir dans cette restauration partielle une menace contre leur indé- pendance. Leur émotion se traduisit par une protestation qu'ils adressèrent à ce sujet au ministre, et que Beaumar- chais signa. Ce fut son dernier acte dans cette longue et importante querelle.

Les auteurs dramatiques avaient réussi tani bien que mal | faire triompher leurs droits sur les scènes de la capitale. Il n'en fut pas <le même des scènes de province : ils se heurtèrent, dans les départements, ;• une résistance opiniâtre, que tous les décrets du monde ne purenl vaincre dès l'abord. Les directeurs des théâtres des départements s'étaient tou- jours trouvés, en regard de leurs collègues de Paris, dans une situation exceptionnelle el privilégiée, au poini de vue du traitement qu'ils faisaient aux écrivains. Dans la capitale,

CHAPITRE PRfeMIEB

les droits d'auteur, si limités qu'ils fussent, n'avaient jamais été ai

Quoique l'histoire théâtrale de Paris, constate avec raison undocumenl officiel, n'offre qu'une série de brigandages et d'usurpations sur les auteurs, cependant l'usage de traiter n\ (!«• leurs pièces, le monopole du Théâtre-Français, les confiscations arbitraires même, étaient autant d'hoin- mages involontaires rendus à la propriété <les ailleurs (1) ». Hommages que le vice pend à la vertu, pourrait-on dire, Une fois franchies l<is portes de la capitale, le droit d'auteur n'existait plus dans le royaume.

- directeurs de province, en l'absence d'une loi proté- _ ni la propriété dramatique, n'avaient en effet pu se

Ire a payer des droits aux écrivains qu'ils jouaient.

Lorsqu'une pièce quittai! l'affiche à Paris, elle était perdue pour Fauteur. A.ussi retardait-on le plus possible l'impres- sion des o n\ res dramatiques.

Cel ait d'ailleurs pas beaucoup les entrepreneurs

de spectacles; ils se procuraieui des copies plus ou inoins

tronquées <■! dénaturées; au besoin ils en faisaient rédiger

un résumé informe, au cours d'une représentation : l'œuvre,

ainsi sophistiquée, était présentée, comme nouveauté de la

lux spectateurs de Lyon ou «le Marseille, sans que

les réclamations indignées de l'auteur pussent troubler la

quiétude de nos habiles fraudeurs. Car ils avaienl soin de se

1 île i les bonne des gouverneurs de province el

et, par l'entremise «le ces personnages,

«I» ni les questions indiscrètes des magistrats (2).

/"// A- comité (Vin truction publique de l'Assemblée '/. directeur de théâtre ^ et la propriété de Qualremt re 1 792, Bibliothèque de la \ ille de

dramatique la Pétition présentée

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 8i

Beaumarchais avait cru devoir protester contre cet autre abus. Bien avant la Révolution, il remit au baron de Breteuil, au nom des auteurs, un mémoire demandant que leur pro- priété lût respectée dorénavani dans les grandes villes du royaume (1). 11 tenta même nue expérience, et voulut mettre à l'épreuve l'honnêteté de ces entrepreneurs. Il leur lit savoir qu'il ne leur laisserai jouer lr Mariage de Figaro que moyennant redevance. Pour plus de sûreté, il s'abstint de publier sa pièce.

« Que tirent alors ces directeurs, écril-il? Ils firent écrire ma pauvre pièce pendant qu'on la représentait, la tirent imprimer sur-le-champ, chargée de toutes les bêtises, des ordures ei des incorrections, que leurs maladroits copistes y avaient partout insérées, puis ils la jouèrent, ainsi déft- gurée, sur les théâtres de province ».

Quelques-uns cependant, plus délicats ou plus exigeants, désirèrent avoir une copie moins imparfaite. Il- s'adres- sèrent directement h l'auteur, qui s'empressa de leur faire reconnaître par écrit ses droits de propriété littéraire. Le 25 juin 1 7 S î . un acte intervienl par-devanl notaire entre Beaumarchais et un sieur Bonier, négociant, agissant pour les directeurs de Marseille, de Versailles, de Rouen et d'Orléans. Ce document curieux constate que le droit d'un auteur sur le revenu de ><,v> pièces esl une propriété aussi honorable que le produit dune terre. Les signataires B'obligenl en conséquence à réserver à l'avenir aux écri- vains, -"il la recette totale de la septième représentation, soit un septième sur les recettes de la porte de toutes les représentations.

à l'Assemblée Nationale par les directeurs de spectacles y Archives Nationales, D (s des auteurs, A. D.. VIII 16, el Bibliothèque de la Ville di P

l Beaumarchais, lettre à M. Robinet, 3 mai 1785, VEuv. compl., Firmin Didot, |>. 709.

s^ CHAPITRE PREMIER

acession platonique : les entrepreneurs signèrent tout

ce qu'on voulut; Beaumarchais no rôtira pas un sou de sa

e, bien qu'il eût d'avance abandonné ses droits aux

pauvres. Mais l'acte notarié devail être invoqué plus tard à

ontre des directeurs de province, devant le Comité

d'instruction publique de l'Assemblée Législative (1).

I loi des 13-19 janvier 1791, en exigeant pour toute

représentation le consentement formel de l'auteur, déjouait

combinaisons des entrepreneurs. Les manœuvres aux-

quelles il- se livraient en vertu d'une longue tradition, en

l'absence d'un texte établissant la propriété dramatique,

liaient autant d'infractions à la législation nouvelle.

D'autre part, ils avaient toujours pensé que Féloignement

s lequel se trouvaienl les écrivains les mettrait à l'abri de

toute poursuite. < »r voici que pour la première fois les auteurs

dramatiques, coalisés, ne cochaient pas leur intention de se

faire payer d'un bout de la France à l'autre : victimes du

triomphe de la liberté, il semblait donc que les entrepre-

aeurs dussenl supporter toul le poids des réformes réalisées.

Il- protestèrent, disant qu'on voulait leur ruine, et cher-

chèrenl tous les moyens de se soustraire a la dure obligation

rétribuer les auteurs.

i' 'I abord ils prétendirent que le décret ne disposait

ur l'avenir 2 ; Ils n'en conservaient pas moins le

1 de représenter librement, c'est-à-dire gratuitement!

I'1, paruea antérieurement, celles du moins qui

blés Wationale, />'/,- Beaumarchais, contre l'usurpation

pai le» directeur» de spectacles, lue au Comili

) décembre 17///. archives Nationales, Droits del

VIII Bibliothèque de la Ville, Droits des auteur» et des\

'■■/ '■ de l'agent général des auteurs à son corre

B bliothètiqe de la Ville, Théâtre, 12,304.

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 83

avaient été publiées, suivant la distinction autrefois admise. Pièce imprimée, pièce perdue : telle était la règle sous l'Ancien Régime. Le décret de janvier, disaient-ils, n'avait rien changé à cette règle, il n'avait eu en vue que les théâtres de Paris : il est de fait que le cas des scènes de province n'avait pas eu l'honneur dune discussion spéciale; les entrepreneurs pouvaient tirer parti de ce silence. Un nouveau décret rendu les 19 juillet-6 août 1791, à la demande des auteurs, vint leur ôter tout espoir de ce côté :

« Les ouvrages des auteurs vivants, dispose cedécrel. même ceux qui étaient représentés avant cette époque, soit qu'ils fus- sent ou non gravés ou imprimés, ne pourront être représentés sur aucun théâtre public, dans toute l'étendue du royaume, sans le consentement formel et par écrit des auteurs ».

(l'était la reconnaissance, sans confusion possible, de deux droits distincts appartenant aux auteurs dramatiques, sans influence l'un sur l'autre : le droit de représentation. et le droit de reproduction.

Les entrepreneurs des grandes villes ne se tinrent pas pour battus. Ne pouvant interpréter les textes eu leur faveur, ils les ignorèrent. Ils jouèrent comme autrefois les autotirs sans leur verser la moindre redevance. Les autorités locales continuèrent à couvrir ces excès de pouvoir : les mêmes abus se perpétuaient, ;i travers le changement de régime. Le principal étail «'ii effet «le gagner «lu temps. Il s'en passera beaucoup, pensaientles entrepreneurs, - avanl que l'ordre rétabli ail armé contre uous La force réprimante : ce que nous aurons pris le sera <'l !«' restera : beaucoup de nous d 'existeront plus en qualité <!<■ directeurs; «■! quel moyen <l»1 revenir contre un directeur insolvable ? I ».

1) Voir Pétition précitée à l'Assemblée Nationale par Beaumarchaii.

CHAPITRE l'HK.MlKK

I ., plupart prétextaient qu'il fallait attendre qu'on eût , |,,,n la loi. Tel est eu effet le but de leurs efforts. Qua- torze directeurs se sont coalisés, entraînant de force dans leur mouvement de résistance les artistes des grandes villes; par cette manœuvre, il- arrivent à former une masse impo- sante «I»' dix mille citoyens réclamant contre une loi oppres- sive. Il- ont réuni de l'argent : ils sollicitent, cabalent, publient des factums, dans lesquels leurs adversaires se plaignent d'être violemment pris à partie ; ils envoient une députation porter leurs doléances aux pouvoirs publics : ils il représentés par le sieur Flachat « un ci-devant procureur, disent l«'- auteurs, qui ue fait que son ancien métier en ni ses clients, et insultant, avec une impudente gros- » eux <|u il al taque en leur nom (1) ». £ us le titre de - Réflexions sommaires », les pétition- i es adressent â l'Assemblée Nationale un factum montrant leur volonté bien arrêtée de ne changer en rien leurs habitudes 2 . Il- soutiennent encore, laissant dans l'ombre la l"i récente, que le décret «le janvier, ainsi qu'il résulte des travaux préparatoires, ne s'appliquait qu'aux théâtres P mais les auteurs se ^<>nl empressés de s'en pré-

us tout l<' royaume. Us ne laissent pas d'échafauder ème juridique, très simple : toute pièce publiée ,f la propriété de celui qui l'achète, il pourrait la dan on alon : il peut aussi la représenter publiquement et sans bourse délier. L'auteur pouvait encore 1er maître de sa pièce, en gardant par devers lui

dramatiqu - nés i la Pétition

p tr l' - direct m- de Bpectacles. ; i i emblée Vationale pour 1rs

de province contre lu corporation des Bibliothèque de la Ville, DroiU d auteui

LES ORIGINES DE LA SOCIKTE 85

le privilège d'imprimer, et par même de représenter. Il n'en est plus de môme aujourd'hui. En publiant sa pièce, il la vend à tous : s'il veut eu conserver la propriété, qu'il prenne un brevet, comme tout inventeur. On ne pouvait plus impudemment se jouer de toute une législation.

« Les comédiens du spectacle de Lyon » viennent appuyer ces revendications (1). Ils prétendent s'autoriser du long silence gardé par les auteurs à l'égard des directeurs qui les jouaient. X'ont-ils pas assisté souvent aui représentations qu'on donnait de leurs œuvres? Beaumarchais lui-même, en publiant le Mariage de Figaro^ n'a-t-il pas indiqué les jeux de scène ? Tout cela ne prouve-l-il pas qu'ils renon- çaient à réclamer contre l'exploitation libre de leurs ouvrages?

11 faut enfin considérer, disent-ils, la situation précaire des scène- de province, qui seraient ruinées s'il leur fallait payer les auteurs. Le théâtre de Lyon perd de 60 à 80,000 francs depuis quelques années; celui de Marseille ne se soutient que par les sacrifices de ses actionnaires. Va-t-on élever le prix i\o> places? C'est ce (indu voulut faire à Lyon en 1787 : il y eut nue émeute, et le théâtre manqua d'être brûlé.

Les auteurs dramatiques font paraître \\n^ réponse, signée par trente-cinq écrivains (2). Cessions tacites, aliénations implicites, voilà tout ce que les entrepreneurs de province trouvent à leur objecter : ils veulent exploiter la longue tolérance que les auteurs ont montrée ;i leur égard. Mais si les écrivains avaient en effet renoncé à se plaindre à la fin de l'Ancien Régime, c'est qu'ils se sentaient désarmés en face de leurs tout-puissants adversaires : les plaintes de ce

i Mémoire précité pour les comédiens du spectacle de ! atre les

auteurs dramatiques.

2 Réponse précitée des auteurs dram itioui

CHAPITRE PREMIER

genre étaient en effel évoquées au Conseil du Roi, d'où elles

Sortaient jamais.

I es directeurs, pour toucher l'opinion, invoquent les g que la Révolution leur a l'ail subir. Mais les auteurs n*\ sont |»«>ur rien, puisqu'ils n'ont pu encore toucher des droits en province. Il leur faudrait, disent les directeurs, si l'on maintenait la loi. fermer leurs magasins d'habits et de décorations, sacrifier un répertoire de trois cents pièces nouvelles, augmenter le prix des places, au risque de soulever les récriminations du public, dévoiler enfin, pour payer aux auteurs la rétribution convenue, les registres de leur comptabilité, qu'ils ont intérêt à garder secrets : autant de mauvaises raisons. Leur répertoire, notamment, dont ils pari. -ut tant, ne leur a pas coûté cher; il comprend des exemplaires imprimés qu'ils oui achetés 2i sols et des exem- plaires gravés qu'ils oui achetés 12 sols (1).

Mo- !••- auteurs dramatiques ont à se défendre sur un terrain beaucoup plus dangereux pour eux, des surprises ûndre. Les entrepreneurs, à bout d'arguments, ont trouvé une .ouïr excellente, et que le temps ne devait pas émousser, puisque toul récemment, renouant une tradition plus que centenaire, deux directeurs en révolte contre la •' des Auteurs s'en emparaient à nouveau : les drama- ' iioiil une corporation ; ils détiennent un monopole, ition des plu- graves au momenl l'Assemblée tiail de proscrire les corporations, tout grou- pe menl était suspect.

plupart des auteurs avaient, dès ce momenl, ainsi que '" ferrom plus loin, confié a un même agent, qui fut

luteun l:. Dernière réponte des auteurs drepreneui de spectacles de départe

Il

LES ORIGINES DE LA SOCIETE 87

Framery, la perception de leurs droits. C'esl plus qu il n'en faut, si Ton en croit les comédiens de Lyon (1), pour faire de l'association des auteurs un véritable syndicat, analogue à ces réunions ouvrières dont l'Assemblée Nationale vient justement d'ordonner la dispersion.

Les écrivains s'indigneront peut-être qu'on assimile l'art dramatique à une industrie. Mais la comparaison est toute à leur désavantage : dans l'industrie, on distinguait encore « l'apprenti » du « maître ». Dans la corporation des littérateurs, tout le monde a des droits égaux : on paie le Mahomet de Voltaire au même taux que la plus basse parodie.

Le sieur Flachat, dans un opuscule, s'empresse de dénoncer l'association aux rigueurs de l'Assemblée (2).

« Si vous êtes assez adroits, dit-il aux auteurs, pour n'avoir pas les debors d'une corporation, vous faites pro- duire à vos assemblées les mêmes pernicieux résultats; vous établissez le même prix pour tous vos ouvrages ; vous défendez qu'aucun de vous donne à un moindre prix que celui qu'il vous a plu de fixer ».

A cette pensée, il s'indigne, comme s'indignera Longtemps après Mr Mille rand, lorsque, dans une diatribe véhémente, il dénoncera le trust des dramaturges.

Les auteurs se défendent, il faul l'avouer, par des distinc- tions plus subtiles que convaincantes.

On leur fait grief d'avoir presque tous donné une procu- ration ;i un même agent. « Mais un notaire, répondent-ils, un avoué, n'ont-ils qu'un client ? et plusieurs personnes qui

1 Mmioire pécité.

(2j Dénonciation de la Corporation des auteur* dramatiqn Flaenatt

intéressé à l'entreprise det *pectacles»de Lyon, i~'n. Bibliothèque de la Ville, 12,298 30.

sn CHAPITRE PREMIER

chargent le même receveur à la Ville de toucher leurs routes t-elles donc une corporation? ».

I assemblée a interdit les corporations, mais non les clubs e( réunions, pourvu que les décisions [irises soient signées nacun, et dod d'un membre pour tous. On voit à quelles arguties les écrivains soûl obligés de descendre pour rester dans I»' droit commun.

Us ge rendent coupables, dit-on aussi, de monopole, d'accaparement, parce qu'ils demandent pour tous une rétri- bution proportionnelle et uniforme.

Mais si le mode proposé par M. de Beaumarchais, et

dont la justice rigoureuse a été démontrée par lui, convient

dix, vingt, trente auteurs, sera-ce donc une coalition?

Parce <i i h- beaucoup de personnes, ayant l'esprit juste.

pi. -ut une règle juste, sera-ce un monopole? ».

Et les auteurs ajoutent imprudemment, faisant une

démarcation d'ailleurs arbitraire qui les condamne

dans l'avenir : Le monopole serait si les auteurs soussi-

avaienl voulu empêcher les autres auteurs de vendre

leurs "ii\ . i d'autres conditions. Mais ils sont bien loin

d'en avoir la pensée! Et si jamais ils l'eussent conçue,

I exécution n'en serait-elle pas Impossible? Quels moyens un

lu mit il puni- empêcher que son confrère ne lit jouer

aux conditions qui pourraient lui convenir? On

;t bien <|u une telle idée n'a jamais pu se poser : ajoutons

pu- plusieurs des auteurs soussignés traitent eux-mêmes

journellemmenl à des conditions différentes » (I .

1 pourtant été franchi. La règle que Ton déclarait

!" établir forme aujourd'hui un article ^\^> statuts de I

li imatiqu

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 89

Cependant la lutte s'engage entre auteurs el directeurs devant le Comité (l'instruction publique de L'Assemblée Législative (1).

Le 9 décembre, le Comité entend les réclamations i\^> entrepreneurs. Le 23, on tient une conférence contradictoire.

Beaumarchais, au nom de ses confrères, donne lecture d'un mémoire qu'il a écrit sur la question, et dan- Lequel, dans un style sobre et vigoureux, il t'ait justice de L'argu- mentation juridique de ses adversaires (2). Si les directeurs se son! attaqués aux écrivains, contre toute équité, c'esl que ce côté seulement ils avaient espoir de réduire leurs dé- penses. Ils payaient leurs fournisseurs, Leurs artistes, Leurs décors : mais ils ne payaient pas les littérateurs, parce que u cinquante auteurs bien isolés, Loin des endroits on Les pille, n'ont jamais eu la force ou le crédil qu'onl i\^< mil- liers de fournisseurs d'accessoires ».

La discussion se poursuit le 26 décembre. Différents mé- moires sont lus en faveur des auteurs par Dalayrac, Chénier, Sedaine, Dubuisson, Cailhava : ce dernier fait valoir qu'il ne leur restera plus rien, si on ne leur Laisse pas le produit de Leurs pièces, car ils ont perdu, par L'effet de la Révolution, les pensions qu'ils touchaient sur les fonds des journaux.

Le 2 janvier, Quatremère lit au Comité le rapport qu il a été chargé de rédiger sur celle affaire 3 . Il fait justice des prétentions i\r> entrepreneurs, aussi bien pour le passé que

I Procès-verbaux du Comité d'instruction publique de VA*sembli\ I lative, recueilli par M. G. Guillaume, Paris, 1889, Imprimerie Nationale, A u i e 1 1 1 b dramatiques.

■i Pétition précité e & l'Ass emblée Nationale,

3 Rapport précité

CHAPITRE PREMIER

dans le présent. Ces! en vain q uo ceux-ci invoquent les ocea qu'ils ont Faites pour des pièces qu'ils se croyaient de très bonne foi autorisés à exploiter, sans avoir de comptes | rendre aux auteurs. Il> sont dans le même cas que les iétaires «lu Théâtre-Français, qui prétendaient conserver le monopole de leur répertoire. Encore ces derniers s'auto- risaient-ils d'une apparence de légalité, tandis que les direc- teurs en cause ne s'appuienl que sur une tolérance illégale. I. assemblée a'a pas à retenir leurs doléances financières. Jamais aucun abus n'aurai! été détruit, si l'on eût consulté les intérêts de ceux qui vivent des abus ».

v anmoins, pour leur ôter tout prétexte à réclamer contre les l<>i- nouvelles, le rapporteur est disposé à leur accorder un temps de répit suffisant à les couvrir de leurs avances : dans son projet de décret, il propose de leur laisser la jouis- sance gratuite des pièces qu'ils ont adoptées, jusqu'au 16 avril suivant, en reportant à celle date l'application des décrets précédents.

Il est au moins singulier de voir retarder la mise en _ 1 1 1 1 r de lois depuis Longtemps votées. Ce qui simplifiait la question, c'est que les directeurs s'étaient refusés jusque-là n tenir compte.

sion ne devait pourtant pas suffire. Les entre- preneurs sont-ils parvenus à intéresser les législateurs à leurs déboires financiers? L*' Comité cède à leurs sugges- ns. <»n modifie le projet de décret. A. près de longues dis- ns, «»n adopte un article accordant aux entrepreneurs, lération des avances qu'ils ont pu faire, La disposi- [rratuite des pi< intérieurement jouées, et cela pen- later de La première représentation, tuteurs s'impatientent, car l<i- travaux du

1 "lU] ; Le 5 Février 1792, ils prennent le

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 91

parti de s'adresser directement à l'Assemblée. Elle fait le meilleur accueil à Laplace, àGoldoni, à Favart, qui viennent réclamer justice au nom des écrivains. Elle réclame le dépôt du rapport dans un délai de quatre jours. Le rapport attend encore sept mois. Le 30 août 1792 enfin le décret paraît : il est nettement défavorable aux auteurs.

L'exposé des motifs rappelle les plainte- des directeur-. « fondées sur ce que les décrets peuvent porter atteinte aux droits des différents spectacles, pour n'avoir pas assez dis- tingué l'état passé de l'état avenir, ainsi que la position de Paris de celle du reste de la France, relativement à la jouissance des pièces de théâtre en vertu des conventions et règlements, ou en vertu d'un long et paisible usage ».

Une distinction s'impose également, qui n'a pas été suffi- samment précisée, entre le droit de reproduction et le droit de représentation. Ces deux droits doivent être protégés au même litre; mais le second soutire i\v^ tempéraments - dictés par la nature il 1 1 sujet ».

En ce qui touche à l'état passé qui fait principalement l'objet des revendications des entrepreneurs 1»' décret de ITlej accorde que les pièces publiées et représentées libre- ment avant le 13 janvier 1791, sans réclamation légalement constatée de In part des intéressés, continueront à être jouées sans autorisation : elles sont dans le domaine publie. Ainsi ce qui avait été irrégulier devenait, par l'effet de la l<>i. régulier : l'abus taisait le droit.

Pour l'avenir, on ne conteste pas le droit de l'auteur sur son œuvre : maison le limite arbitrairement, on le soumet à de- formalités gênantes. Pour roter propriétaire de sa pièce, il faudra que l'auteur mentionne, sur les exemplaires de ><>n œuvre imprimée, les termes d'un traité déposé chez un notaire, par lequel il but réserve de ses droits. Ainsi I m

CHAPITRE PREMIER

devra affirmer publiquement sa volonté de jouir de luvrages à sa guise. Encore la réserve proscrite ne vaut- elle que pour dix ans. La propriété île l'auteur est singuliè- remenl diminuée.

I ,e privilège exorbitant concédé aux directeurs de province, -m- leurs sollicitations instantes, ne prit fin qu'eu 179!{. Un nouveau décrel lui rendu, sur un rapport de Lakanal (1). Tout le monde, dit-il, a reconnu les imperfections du texte

édent, même son rapporteur, Romme, qui en a fait l'aveu avec la bonne loi qu'on trouve chez ceux qui joi- nt I.- lumières à la droiture ».

II Lui ressortir l<i> prétentions insoutenables des directeurs qui veulent qu'en achetanl un livre, on en devienne pro- priétaire.

lorsque l'ouvrage sorl des presses de l'imprimeur,

1'- comédien pouvait se l'approprier, réciproquement l'im-

primeur pourrait s'en saisir, lorsqu'il sort de la bouche de

leur, 'd h- mettre aussitôt en vente ».

I - droits <\r représentation et de reproduction sont dis-

Is, mais ilsdoivent être sauvegardés avec un soin égal.

I i Convention Nationale rapporte la loi du 30 août 1792

et remet en vigueur dans leur ensemble, les lois de 1791 et

d.- 1793 protégeant la propriété dramatique.

\ cette époque, suivant une opinion généralement admise,

M"1 noua parait fort contestable, les directeurs de théâtre

ut |.lu trouvé en face d'eux une association d'écrii

'i tir <i in propriété des auteurs Crama*

iu Comité d'in Iruction publique par I'. C, Baudin%

bid.y 't Bibliothèque de la \ itle

LES ORIGINES DE LA SOCIETE

vains fortement organisée, telle (|uc le comité d'action qu'avait créé le génie actif de Beaumarchais. La corporation des dramaturges aurail cessé d'exister. Le lien «le solidarité qui les unissait dans leur lutte contre les sociétaires du Théâtre-Français, dans leurs revendications contre les entrepreneurs de province, se serait dénoué, dès que la victoire leur fut assurée dans I<i domaine des l<»i>. Ou n'aurait plus vu que des associations éphémères el partielles : nées d'un conflit, elles disparaissent, sitôt qu'il s'esi apai elles ne comprennent jamais, comme ù l'origine, qu'un petit nombre d'écrivains, fournisseurs attitrés de quelques scènes.

De fait, nous voyons en !7!)i quelques auteurs et compo- siteurs, parmi lesquels Méhul, Dalayrac, Gherubini, Picard, Grétry, Marsollier, Sedaine, s'entendre pour défendre leurs droits contre les directeurs du théâtre Feydeau cl du théâtre de la République, lu homme de loi, Baudelocque, les assiste. Ils font des traités pour Paris et pour la province. Il- examinent Jours comptes, aomment des commissaires pour régler leurs différends avec les administrations. De même <iu 1801, un traité intervient entre les sociétaires des théâtres Favart el Feydeau, et un groupe d'écrivains et de compositeurs. Cei accord, qui réuni! quatre-vingt-quinze signatures d'écrivains, contienl des clauses générales el obligatoires. Toutes les difficultés <|ui peuvent s'élever à |)i'(»|)o^ de la représentation des pièces son! prévues el solu- tionnées d'avance. La mise en interdit es! môme prescrite, en cas d'inexécution des conventions. L<' répertoire, est-il dit, sera retiré dès L'instant, sans qu'il ><>if besoin, pour effectuer cette résiliation, d'autre procédure <|u une simple mise en demeure extrajudiciaire, el sans que la présente clause puisse être regardée comme comminatoire,

( il \ PITRE PREMIER

é au contraire stipulée de toute rigueur entre les

ties I).

lu ISIT. Scribe, au moment de faire jouer le Solliciteur,

réuni! certains auteurs par un engagement mutuel, et, grâce

leur adhésion, impose aux Variétés le traité général en

rueur au Vaudeville. Trois ans après, il obtient du

Gymnase !<i- mêmes avantages (2).

Depuis 1791, écrivent MM. Lacan et Paulmier au sujet de l'association formée par Beaumarchais, d'autres sociétés formèrent entre les auteurs du théâtre Feydeau sur des analogues. Ces sociétés ne durèrent pas : elles finirent par s'éclipser, el l'on ae vit plus apparaître que de loin en loin quelques traités spéciaux entre des auteurs de tout re, qui ne constituaient pas de société réelle, et qui expi- raient avec les circonstances qui les avaient fait naître (3) ». tte manière de voir nous paraît inexacte. Sans doute l'association des auteurs ne s'est pas encore constituée en iété : elle n 'a pas formulé dans des statuts son programme

ementation intérieure.

Mais il existe dès lors indépendamment des initiatives

individuelles, une institution stable, qui sera l'origine de la

tuelle : un*' agence de droits d'auteur, fondée par

imery, bous les auspices «le Beaumarchais. Groupée

autour de ce! organis financier, l'association, due au

Lctif du redoutable polémiste, n'a pas perdu sa vitalité; elle - esl re serrée, au contraire, en un faisceau pi us compact.

/ i n int on det auteut i dramatiques à ses adversaires, l .s ; > s , rédigea Commi lion dramatique, Bibliothèque delà Ville,

i,i lettre de \t. il Duveyrier Mélesville fth sur l<< Société des dramaiiqui , pat Thoma Sauvage, 1865, Bibliothèque

ires.

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 95

L'opinion publique semble avoir perdu de vue la corporation des dramaturges, dès l'instant elle a cessé d'occuper le monde des théâtres de ses réclamations bruyantes, «le ses querelles passionnées; de fait, elle n'apparaît plus au premier plan ; au lieu de réclamer des changements de Législation, elle se contente de tirer parti des lois existantes ce qui est plus sage. Mais, retirée de la politique, l'association des auteurs reste fidèle à son programme : elle poursuit dans l'ombre son œuvre utile et féconde.

Dès 1791, Framery ;i fondé une agence de perception des droits d'auteur, sous le nom de Bureau dramatique. Le mécanisme en est fort simple. Abandonnés à eux-mêmes, il n'eut pas été possible aux auteurs de tirer parti de la propriété qui leur était reconnue sur leurs ouvrages, sans courir, à chaque instant, le risque d'être dépouillés par des entrepreneurs peu scrupuleux. Comment auraient-ils pu savoir, par leurs propres informalious, que tel j<»ur, eu tri lieu de la France, une de leurs œuvres devnit être jouée? Le sachant, comment auraient-ils pu surveiller le» recettes, compulser les livres de comptabilité, forcer des directeurs plus ou moins récalcitrants à leur remettre le montant exact de leurs droits? lue telle surveillance, à supposer qu'elle lût possible, eût absorbé eu frais de toutes sortes le plus clair de leurs bénéfices; à courir de ville eu ville après leurs débiteurs, ils auraient d'ailleurs perdu un temps considé- rable, mieux employé à composer des œuvres uouvelles.

Ce que chaque auteur ne pouvait faire individuellement, Framery eut l'idée de le faire collectivement dans l'intérêt de tous.

CHAPITRE PREMIER

Il eut, pour tous ceux qui voudraienl recourir à ses bons

ins, un bureau de correspondance, véritable office d'infor- mations, el un service d'agents chargés de percevoir les droits d'auteur, tant à Paris que dans les grandes villes de province.

I ridé de pouvoirs des ailleurs qui lui ont donné leur clientèle, il s'entremel pour eux, traite en leur nom, délivre en leur place l'autorisation requise par les lois, et se charge, moyennant une commission 1res modique, de leur faire tenir l«i produit de leurs pièces. Dans quelque ville, sur quelque scène qu'on veuille le jouer, l'auteur en sera immé- diatement averti, et il sera payé.

Cette organisation, dès qu'elle lut connue, souleva parmi les entrepreneurs de spectacles de province une véritable indignation 1 . Ils avaient déjà protesté contre l'intention « I i avaient manifestée les auteurs d'exiger d'eux le septième de la recette, après déduction des trais, hormis ceux des

eurs, des chanteurs, des danseurs et des musiciens. Ils I"- cachaient pas, en effet, leur désir de payer les ouvrages leur idée et de traiter à forfait. Voici maintenant que des lants du Bureau dramatique, véritables « doua- niers littéraires . vont inspecter la comptabilité des comé- : il- ont même été jusqu'à leur prescrire la manière dont ceux-ci devaient tenir leur- registres. Aussi les entre-

neurs ne ménagent-ils pas l<is invectives à Framery, I habile inventeur du nouveau s) stème.

plan o été, dit-on, imaginé par un poète parodiste 'I'" comme on voit, ne cherche pas ;i se faire pardonner la

nre par l'élévation de ses principes, cl,

de la découverte, il s'est l'ait nommer

auteurs : car on remarque constamment,

i 'i contre la corporation des auteurs, el

i * i i <• 1 1 - <!<• Lyon.

LES ORIGINES DE LA SOCIETE M

parmi ces messieurs, cette présence d'esprit, ce tact heureux qui saisit toujours dans cette affaire le résultat pécu- niaire I .

Au-dessus de l'agent général siège un « sénat drama- tique », ainsi rappellent ses adversaires. 11 prétond à régner sur tous les thé,! 1res de France, qu'il enrégimente en leur imposant des traités ainsi conçus :

« Je soussigné, directeur du spectacle de lu ville de..., m'engage à compter tous les soirs avec M..., correspondant du Bureau dramatique de Paris, des honoraires du- aux auteurs, suivant le taux du présent tarif, pour toutes les pièces contenues dans la liste ci-dessus, dont j'ai le double, en n'exceptant que celles pour lesquelles les auteurs m'ont donné leur consentement particulier, dont je serai tenu de fournir copie.

« Le présent consentement ne devanl valoir que jusqu'à la clôture des spectacles à Pâques 1792, sauf à être renouvelé, s'il y a lieu » (2).

Ces traités renouvelahles, accompagnés du répertoire social, sont assez semblables à ceux que conclut aujourd'hui la S 'iélé des Auteurs. Remarquons cependant une différence, cCst que le- traités d'alors respectaient en tout étal de cuise les accords particuliers qui pouvaient intervenir avec certains écrivains. Il reste un pas à franchir. Il sera vite franchi, si l'on en croit les directeurs, <jni voient déjà les auteurs syndiqués Installés ;i leur place, et régentant l'administration des théâtres.

On citera alors, disent-ils, à la place de la ferme géné- rale, l.t ferme dramatique : elle aura ses chefs, ses sous- chefs, ses directeurs, ses contrôleurs ambulants ou séden-

1 Mémoire précité pour !<•- comédiens de Lyon.

2 Ibid.

,<s CHAPITRE PREMIER

imployés; il y aura des bureaux dramatiques, mme il \ b des bureaux de tabac ».

L 'association des auteurs est pourtant d'humeur conci- liante. Nous avons La preuve de la bonne volonté des auteurs vis-à-vis des entrepreneurs dans une instruction qu'ils nt d'un commun accord, et qu'ils envoient aux corres- lants du Bureau dramatique.

Quelques directeurs, y est-il dit, ayant demandé à

au lieu d'une rétribution proportionnée à la recette

journalière, un prix fixe pour chaque pièce, en raison du

are et du nombre d'actes, l'agent des auteurs a cru devoir

présenter leur réclamation au comité desdits auteurs, et il

■il esl résulté La délibération suivante :

Les auteurs dramatiques, assemblés chez M. Sedaine,

nt entendu le rapport de M. Framery, leur agent, d'après

Lequel il paraît extrêmement difficile d'établir en ce moment,

dans quelques villes du royaume, la perception exacte d'une

rétribution proportionnée à la recette journalière, pour

chaque représentation de leurs pièces, ont arrêté qu'en

irdant toujours ce mode comme le seul rigoureusement

te, il- consentiront cependant, pour les villes seulement,

Mirla demande formelle de chaque directeur, à s'en tenir

moded une rétribution proportionnée à la recette annuelle,

divisée par sommes égales entre toutes Les représentations

I année en conséquence, les auteurs donnent pouvoir à

^1 Pramerj de traiter pour eux conformément à ce mode,

aaque directeur qui Le demandera formellement, et de

lui copie de La présente délibération. Ce pouvoir

- aérai de auteurs dramatiques n'aura lieu

i Paquet 1792.

I.t ont ligné :

X,NI Sed iine, Caron-Beaumarchais, Leblanc, M.-J.Chénier.

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 99

Dubuisson, Radet, de Sade, Cailhava, de Santerre, Grétrv. Dalayrac, Desfontaines, Marsollier, etc. ».

On sauve les principes, mais on renonce, pour le moment, à un contrôle de tous les jours.

Malgré ces concessions, la loi de 1793, qui mettait fin, devant l'Assemblée, aux revendications des entrepreneurs, ne fut pas appliquée du jour au lendemain.

Les directeurs de province se résignèrent malaisément à rétribuer les auteurs qu'ils frustraient consciencieusement depuis bien des années. Permettre aux écrivains d'exiger une redevance, c'était, semblait-il, vouloir leur ruine. Les municipalités encourageaient la résistance, car il s'agissait de la prospérité d'entreprises locales; les fonctionnaires, chargés de faire respecter la loi, fermaient les yeux. Plus d'un directeur pouvait encore dire aux auteurs ce qu'il fut répondu un jour à Beaumarchais en 1791 : « Nous jouons vos pièces parce qu'elles nous fournissent de bonnes recettes, et nous les jouerons malgré vous, malgré tous les décrets du monde, et je ne conseille à personne de venir nous en empêcher, il y passerait mal son temps (1) ».

On trouve dans les textes ofiiciels, dans les décisions administratives, un écho des luttes qui se poursuivent. En 1798, François de Neuf château, un auteur dramatique devenu ministre de l'Intérieur, adresse une circulaire aui administrations départementales, pour le> met lie eu garde contre les agissements des entrepreneur- de spectacles : « Les auteurs dramatiques, écrit-il, ne cessenl de m'adresser des réclamations sur l'étonnante Légèreté avec laquelle plusieurs entrepreneurs de spectacles se permettent de représenter les ouvrages des auteurs vivants, sans avoir

(1) Beaumarchais, Pétition précitée à l'Assemblée Nationale.

^UniveTiTSjy-

i.HAPITRE PREMIER

obtenu leur consentement, et sans acquitter la rétribution g >us le nom de pari d'auteurs. (Test en vain que leurs fondés de procuration dans les départements somment juridiquement ces entrepreneurs de suspendre les représen- tations. Au mépris de ces sommations, au mépris des lois qui les autorisent, ces pièces restent dans leur répertoire et ntinuenf d'être jouées sur leurs théâtres ». 1 n autre passage montre que les pièces sont souvent plaj u démarquées, même dans l'enceinte de la capi-

tal(

Je suis informé, dit le ministre, que quelques auteurs, tout dans la commune de Paris, ne font que changer le titre des ; et trouvent ainsi moyen de se soustraire à

la loi. D'autres encore se permettent de morceler les opéras, d supprimer 1»'- paroles ou la musique, et de les faire représenter en pantomimes ou en comédies, abus qui n'est ni moins répréhensible, ni moins attentatoire à la propriété tant des auteurs que da> compositeurs de musique ».

Le ministre rappelle aux administrations départementales qu'elles doivent toujours exiger, ayant chaque représenta- tion, le consentement écrit de l'auteur. Si quelque infraction aux lois qui protègent la propriété dramatique vient à être commise, elles devront arrêter les représentations : si cette ense n'était pas observée, il appartiendrait aux officiers 'l*' I i leur défaut, aux juges de paix, de confisquer

I i circulaire relève d'ailleurs que les fonction- ut pas toujours prêté de bonne grâce à cette 1 '«qu'elle était sollicitée par les auteurs, et I une entent et égard avec )<i ministère de la

Le ministre <• flatte que le simple exposé de ces ' - icur Buffira b ramener les entrepreneurs à pliu équitables envers les auteurs.

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 101

Cette espe'rance, qui est bien dans le style de L'époque, ue

devait pas tarder à être déçue. Car, en 1812, nous voyons qu'on est obligé de revenir à la charge. M. de Montalivet, ministre de l'Intérieur, envoie aux préfets une circulaire

qui réédite les prescriptions de son prédécesseur. 11 croit devoir rappeler plus spécialement « que le droit d'entrée au spectacle et les billets que se réservent les auteurs pour eux et leurs fondés de pouvoirs font partie du prix qu'ils ont droit d'exiger des entrepreneurs, et qu'en conséquence on ne peut, sous aucun prétexte, leur en refuser la jouis- sance ».

Malgré des difficultés et des obstacles de toutes sortes, les droits perçus par Framery pour le compte des auteurs augmentèrent rapidement. De 2,200 livres en 1791, le total s'élevait à 100,000 livres en 1798 (1).

Cette année-là, à côté du Bureau dramatique, on vil s'ins- taller une agence rivale, sous la direction de Fillette-Loraux. La clientèle se trouva dès lors partagée entre les deux éta- blissements.

Cette division lit naturellement du tort à Framery, mais elle parut une garantie précieuse aux auteurs : la concur- rence stimulait le zèle des agents; la comptabilité des correspondants de chaque agence dans les grandes villes se trouvait contrôlée par celle de l'institution voisine. Il était bien plus aisé de découvrir les abus e1 les fraudes qui pouvaient se produire. Aussi, lorsqu'il lui question de laisser tomber l'établissement de Fillette-Loraux que celui-ci avait mal géré, et de conserver le seul Bureau dramatique qui avait l'ait ses preuves, la majorité se prononça pour le

[!] Voir Assemblée du 21 uYc. 1813, Rei le la Société frl Auteurs.

CHAPITRE PREMIER

maintien de la seconde agence, qui lut placer sous la direction

Sam an.

n'est pas qu'ils «mi— ml à se plaindre de Framery. Car

beaucoup des anciens clients de Fillette-Loraux, constate un documenl postérieur, ont saisi l'occasion de réparer l'injustice qu'on avait laite autrefois à M. Framery; ils ont pris un arrêté par lequel ils se sont unanimement engagés à

jter attachés à -ou Bureau (1) ».

i lhaque établissement a son correspondant dans les grandes villes : chacun esl assisté dans son fonctionnement d'un co- mité <1<' direction composé de dramaturges délégués parleurs

ifrères, clients de l'agence. Ces comités ne tiennent pas d'ailleurs, comme les commissions d'aujourd'hui, des séances

_iili.it-. Il- m- v,. réunissent (ju'accidentellement, lorsque leur appui «M réclamé par les agents pour établir les tarifs «»ii assurer la perception. Les comités des deux agences déli- bèrenl en commun, lorsqu'il s'agit de discuter des questions intéressant la ma--.' des auteurs, ou de prendre des mesures. I'- coercition contre des entrepreneurs récalcitrants.

semblées générales réunissent d'ailleurs, mais rare- ment, et » des intervalles fort irréguliers, les auteurs ayant adhéré à I un -mi l'autre établissement.

I ►ciation a soumis tes directeurs de province, par I intermédiaire des agences, à des tarifs variant avec la

pulation et l'importance des villes. Chaque localité se ive naturellement imposée a un taux excessif, et proteste

►lemment. Tantôt c'est le directeur du théâtre d'Orléans

M" lS""' qu'il oe paiera pas suivant l<i tarif auquel il a

wumis, parce qu'il ne connaît pas de loi qui l'y oblige (2).

)w le Bureau dramatique, page "<■ octobre 1823, I,- la Société de* luteur

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 103

Tant il est malais»' de persuader les gens qu'une œuvre dramatique est une propriété comme une autre ei qu'il faui payer pour l'exploiter. Tantôt c'est le directeur du théâtre de Marseille qui, de l'aveu des auteurs, les a plus occupés « de ses demandes plus ou moins injustes, que tous les entrepreneurs de l'Empire réunis (1) ». Pour arriver à leurs tins, tous les moyens leur sont bons.

« Quelques entrepreneurs, constatent les auteurs, pour donner plus de poids à leurs réclamations, négligent momen- tanément la composition de leurs troupes, éloignent ain-i pour quelque temps le public, et, lorsqu'ils ont obtenu une diminution fondée sur la modicité de leurs recettes, ren- forcent cette troupe et rappellent les spectateurs (2) ».

Dans celte lutte, il faut bien le dire, l'administration n'est pas toujours avec les auteurs. Les municipalités sollicitent sans cesse les pouvoirs publics d'intervenir en leur faveur, pour modérer la perception des agences : plus d'une fois, le ministre de l'Intérieur, influencé par leurs réclamations, 8 la faiblesse de conseiller aux auteurs de réduire leurs tarifs. Il est bien difficile aux comités de ne pas écouter ces conseils, si Ton veut au moins maintenir intact le principe encore mal assuré de la redevance. C'est ce qui arriva notamment au cours des difficultés qui s'élevèrent entre le Bureau dramatique et le directeur du théâtre de Lyon, fort obstiné (liins sa résistance. Les comités durent céder, ei le ministre les remercia de leurs concessions opportunes 3

Les agents généraux font cependant de Louables efforts pour assurer la rentrée exacte des droits d'auteur. Dès 1806,

I Séance du 20 <lée. 1813, ibid.

(2) Même séance.

(3) Instruction* générales pour /' \gence dramatique, juin 1823, Bibliothèque

de la Ville, i2,o:n>'.

I BAPITRE PREMIER

les instructions générales envoyées par l'agence Sauvan à rrespondants, instructions approuvées par Dalayrac, Méhul, Du val, Bouilly, Pixérécourt, membres du Comité des auteurs, i ssaienl d'organiser un service régulier de per- ception, très analogue à celui qui fonctionne actuellement (1). Les clients de l'agence Sauvan ont soumis les villes à des tarifs qui diffèrent suivant leur importance et suivant la nature des pièces représentées, réparties en quatre classes. ! prescrit h ses correspondants de toucher chaque soir la rétribution exigible, pour éviter les arriérés, et d'envoyer sans retard à Paris leurs états de perception. Les correspondants proposent aux directeurs de province les nouveautés de La capitale; ils veillent à ce qu'aucune modification n'y soit apportée, dans le travail des représen- tations. IK doivent éviter <l<i traiter par écrit avec les entre- preneurs, pour que ceux-ci aient à justifier pour chaque pièce mise à La scène de L'autorisation expresse de l'auteur. Il- auront à -<i méfier des imprésarios, organisateurs de tournées, qui, pour ne pas payer de droits, allèguent fré- quemmenl qu'ils sont propriétaires »l<v> œuvres qu'ils eolpor- tenl : Les correspondants devront exiger qu'on leur montre des ion formels.

Il Leur est prescrit, Lorsqu'ils rencontrent une résistance quelconque, de recourir Immédiatement aux tribunaux, et ncerter avec leurs collègues de L'agence Framery, : que Les mesures prises soient plus efficaces.

mdants recevront une indemnité de "> 0/0 droits qu'ils toucheront ; ils ont en outre leurs les spectacles, ainsi que le droit de signer " entation.

. a M 1906, Bibliothèque de la Ville, 12,03: y.

LES ORIGINES DE LA SOCIETE L05

Le Bureau dramatique, installé rue Yi vienne, Prin succède en 1811 à Framery, ne cesse de rappeler à ses correspondants les textes qui protègent la propriété des auteurs (1). Il établit puni- la perception en province des règles analogues à celles qu'a adoptées la maison rivale.

Les auteurs, par leurs comités, interviennent d'ailleurs pour surveiller les perceptions, et stimuler le zèle des corres- pondants. Ceux-ci, mal recrutés, se montraient souvent négligents, le mal ne date pas d'aujourd'hui. Les droits versés par les directions ne parvenaient pas toujours inté- gralement jusqu'aux intéressés, soit qu'il ne fussent pas perçus, soit qu'ils se perdissent en route. Les auteurs sentent la nécessité' de s'occuper de leurs affaires et de diriger eux-mêmes la barque. « Désireux de mettre l'agent généra] à l'abri, même du plus léger soupçon », les clients de L'agence Sauvan réorganisent leur comptabilité dès 1806; à coté de l'agent qui jouissait de pouvoirs presque Illimités, ils placent un contrôleur, chargé de surveiller ses opérations, et ils confient à leur comité [a haute direction de l'entreprise. Ainsi, déclarent-ils, les directeurs n'auronl plus à alléguer, pour colorer leurs refus ei leur mauvaise foi, que le produit des droits d'auteur n'arrive point à destination, qu'il est la proie d'agents infidèles... Les auteurs s'administrent eux-mêmes, ei quoiqu'ils nient un agent, tout émane de leur volonté (2).

En I81S même, j Is jugent opportun de remplacer ce contrôleur pur un représentant du Comité, un écrivain qu'ils délèguenl à cette mission de surveillance 3 .

I Nouvelle instruction, décembre 1807, Bibliothèque de La Ville, Liste générale des auteurs ei des pi ces pour les correspondants de If. Pria, février 1811, ibid., lJ,t;:;:in. Souvelle instruction précitée, octobre ;

ï Séance du lM mars iv i . R istrei de la S

Nouvelle instruction précitée pour VA ramatique, |

i W1TKE PREMIER

En 1823, en effet, à côté de Richomme, caissier et délègue .!«• l'Agence dramatique, el successeur de Sauvan, se trouve un commissaire-inspecteur homme Je lettres, Guilbert de Pixérécourt I .

I rentrer les droits d'auteur, asseoir solidement le

service de perception dramatique à travers toute la France, malgré les protestations des intéressés, tel semble être le principal objet tics réunions et des préoccupations des dramaturges : il fallait d'abord vivre et mettre à la raison entrepreneurs qui avaient accoutumé de spolier les écrivains du fruit de leurs travaux.

M lis, «mi dehors de ces attributions financières, les comités •ut déjà !'• souci d'accentuer leur union, afin d'en imposer davantage aui entrepreneurs de spectacles; en cela, ils restent fidèles à la pensée du fondateur de l'association, Beaumarchais. Les procès-verbaux de leurs séances nous donnent plu- d'une preuve de leur activité à cet égard.

\ Paris, à part !<■- scènes secondaires, qui ont pris la

*u< i des théâtres de la Foire et s'en tiennent à un prix

fixe ou librement débattu avec les auteurs, toutes les scènes

de genre ont été soumises à un droit proportionnel. Les

t,:- «uit conclu avec les directions d<\s traités généraux,

:l la l'Un [été des Auteurs n'aura qu'à prendre la

Mnsi elle entrera en relations avec 1rs théâtres du Vaude- rille, des Variétés, el du Gymnase, sur la foi d'accords en 1793, en 1817, •■., 1820, d renouvelés sans modi- ition.

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 107

Les auteurs n'hésitaient pas à faire respecter la foi jurée, en prononçant au besoin, comme aujourd'hui, la mise à l'index.

En 1796 notamment, des difficultés s'élèvent avec le théâtre de la République, au sujet du paiement des frais journaliers. Le théâtre fut mis en interdit, jusqu'à ce qu'une décision fût intervenue (1).

En 1806, nous voyons les comités des deux agences se réunir en séance plénière, pour condamner au sein de l'association des manœuvres qui risquaient de compromettre la situation de tous. À L'origine, la plupart des traités conclus à l'avance dans la capitale pour la fixation des droits d'auteur concernaient seulement certains théâtres et un groupe d'écrivains, fournisseurs habituels des théâtres en cause ; les littérateurs qui rédigeaient et signaient ces actes ne songeaient pas à s'interdire de violer le pacte conclu ; l'accord se faisait sur leur initiative, e! les clauses en étaient librement débattues. Pouvaient-ils prévoir le cas l'un des adhérents viendrait à traiter à d'autres conditions <|iic celles qu'il avait souscrites en connaissance de cause, dans son intérêt bien entendu? Les salles de spectacles étaient d'ailleurs peu nombreuses : chacune était en Ire le- mains de quelques littérateurs privilégiés. Il n'y avait guère ;i redouter les fantaisies d'un intrus qui, dans son impatience d'être joué, viendrait compromettre L'équilibre obtenu. Aussi les Littérateurs se faisaient-ils un point d'honneur de n'exercer ^m- leurs confrères aucune pression, se flattant de lev retenir par les avantages qu'ils retireraient de celte union.

Quand (\ii> théâtres nouveaux s'élevèrent en grand aombre, quand les divers genres dramatiques se dévelop

l L'association à bcs adversaires, pa

g CHAPITRE PREMIER

pèren! et se multiplièrent au point de n'être plus séparés les nih des autres que par îles frontières imprécises et chan- ttes, la corporation des dramaturges s'accrut notable- ni, -ni: il ne fui plus possible de limiter arbitrairement le nombre des auteurs qui avaient des intérêts dans telle ou telle scène. Presque tous cependant se placèrent sous la tutelle de l'association, pour avoir droit à sa protection, et bénéficier de l'intermédiaire des agences dramatiques.

Mais il étail à craindre que beaucoup, n'étant liés par aucune obligation, ne retinssent des clauses de l'association que celles qui leur paraîtraient avantageuses, en rejetant celles qui limiteraient leur liberté d'action.

De fait, on vit i\(>* ce moment le mal ne date pas d'aujourd'hui les débutants et les inconnus, pressés de produire, accepter des conditions fort inférieures aux tarifs de l'association.

Cette concurrence déloyale était des plus dangereuses pour les auteurs arrivés », qui, s'en tenant au tarif général, risquaient de se voir fermer les théâtres leur situation était le plus établie.

Aussi les comités réunis décidèrent-ils d'interdire aux

auteurs syndiqués toute cession de leurs pièces, tout accord

rticulier conclu en dehors des conditions arrêtées par

iation. Cette défense est formulée dans un acte du

>bre 1806, qui porte, entre autres, les signatures de

Dupaty, Dalayrac, Marsollier, Radet, Pixérécourt,

1 1 lafoj ... Elle était ainsi motivée :

sidérant que plusieurs auteurs conseillent des mar-

particuliei ' directeurs de spectacles, et que

tipulent, pour chaque représentation de leurs

i moindres que ceux fixés par le tarif

•!• i int que ces traités particuliers portent

LES ORIGINES DE LA SOCIETE 100

une atteinte funeste aux droits de tous, en ce que les direc- teurs de spectacle, une fois munis d'un nombre d'ouvm. à bas prix, négligent, abandonnent ceux dont la perception reste soumise au tarif général. Considérant que ces traités particuliers ont été généralement reconnus désavan- tageux pour les auteurs eux-mêmes... » (1).

Cette dernière considération commande toutes les autres. La véritable raison qu'ils donnaient, raison très judicieuse, et qui n'a pas cessé de l'être, c'est que jamais un directeur de spectacles ne propose un in a relié particulier que dans le dessein de payer moins cher.

Cette défense comportait une sanction, moins sévère qu'au- jourd'hui. En cas d'infraction, les agents généraux avaient ordre de rendre aux contrevenants leur procuration. De nos jours, un tel acte d'indépendance coûterait six mille francs.

Lorsque, vers 1806, les pouvoirs publics se préoccupèrent de donner aux théâtres un régime nouveau, et de restreindre la liberté de cette industrie, qui avait fait surgir trop de scènes nouvelles, et provoqué des faillites nombreuses, on songea à garantir aux écrivain- une rémunération le>n.»- rable. Le premier projet de décret rédigé par le ministre «le l'intérieur s'inspirait de celle idée, et leur réservait une part fixe et uniforme dans In recette des salles de specta- cles. Il protégeait même les familles des littérateurs contre les cessions des droits imposées ou irréfléchies : il <li-j»<»-ail que, lorsqu'un auteur céderait -.1 pièce en toute propriété ;• un directeur, cette convention n'aurait d'effel que <l«i son vivant ; elle ne sérail pas opposable à ses héritiers.

1 Assemblée des comités «lu 10 octobre 1806, Registres '!<• 1 -

[ |(ï . H IPITRE PREMIER

On revenait au monopole : il semblait naturel, comme g i- l'Ancien Régime, de donner une charte de garanties

aux auteurs.

\| , g ces dispositions ne se retrouvent pas dans le décret qui tut rendu le8juin 1800, et qui porte seulement:

\ [cle 10. Les auteurs cl les entrepreneurs seront libres de déterminer en Ire eux, par des conventions mutuelles, les rétributions dues aux premiers par somme fixe ou autrement. \r, ii. i i II. Les autorités locales veilleront strictement cution ilf ces conventions ». h un autre côté, la règle que les auteurs s'étaient imposée .1.' il- passer avec les administrations théâtrales aucun traité particulier semble être restée lettre morte. Les comités, qui L'avaient édictée, manquaient de sanctions pour la faire appliquer : il> n'avaient pas alors à leur disposition ces statuts, hérissés de clauses pénales et de menaces, qui pro- _ -iit aujourd'hui l'action de la commission des auteurs dramatiques. Le lien social qui reliait les auteurs, groupés autour d( _ snces d'affaires qui se chargeaient de faire rentrer leurs droits, était «les plus vagues, et les comités, qui disposaient d'un pouvoir de contrôle sur les agences, qui prononçaient souverainement mu- les réclamations des entre- preneurs «!«■ spectacle, n'avaienl sur les membres adhérents mu pouvoir disciplinaire, aucune autorité, sinon pure- ment nominale. M- étaient Leurs délégués, et non leurs chefs, rebours des commissaires actuels qui entraînent de dans la politique qu'ils adoptent, pratique, s*il Faut <n croire Scribe, les auteurs soum liaient au rabais I . Les prii l<is plus dérisoires

1 \ lemblée générale <ln 18 mai is.'J'i, V Association dramatiquei défendue par ses adversaires, : ».

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ iil

étaient acceptés couramment. On cite une pièce de Désaugiers et Gentil, la Chatte Merveilleuse ^ qui eut cinq cents repré- sentations aux Variétés, à raison de quatre mille francs de recette par soirée : elle rapporta deux millions aux direc- teurs ; les auteurs touchaient à eux deux un louis par représentation. Il n'était pas rare que le tarif descendit à cinq ou six francs.

Le traitement fait aux collaborateurs d'une morne pièce était très inégal. Caignez et d'Aubigny, qui tirent jouer la Pie Voleuse, touchaient, l'un 18 francs, l'autre i fr. 50 par soirée (1).

Ces abus devaient amener les auteurs à s'entendre pour se donner une organisation plus stable et plus forte. Scribe consacra ses efforts à cette entreprise ; il voulut réaliser bous une forme définitive l'union des auteurs préparée par Beaumarchais. 11 eut La main heureuse, puisque la société qu'il fonda a déjà vécu plus de quatre-vingts ans, malgré les assauts furieux qui lui furent donnés.

Le 7 mars 1829, les auteurs dramatiques se réunissaient en assemblée générale : ils adoptaient des règles qui régissenl encore, dans leurs dispositions principales, L'association actuelle.

C'est une véritable société qui se crée à cette époque entre les auteurs; en 1837 il> lui donneront expressément I<i nom et le caractère d'une société civile.

Elle comprend tous les auteurs <il compositeurs drame tiques, quel que soil le genre qu'ils cultivent, les scènes auxquelles Us s'adressent. Lll<> a des statuts qui déterminent

[1) L'Association dramatique à te* adversaires , page 11.

1 12 t H AI'll'KE PREMÎEli

o m position, son administration, l'action régulière et uni- forme qu'elle entend exercer désormais sur le marché dra- matique.

Le luit de l'association est, aux termes mêmes du règle- iii. Mit. la défense mutuelle des droits des associés vis-à-vis des administrations théâtrales, ou de tous autres en rapport d'intérêts avec l<i- auteurs, e1 la perception des droits des auteurs vis-à-vis des administrations théâtrales de Paris et dans les départements ».

I S ciété passera, non plus avec tel ou tel théâtre, mais

ec toutes les scènes de Taris et de la province, des traités _ iT.iux. valables pour un nombre d'années déterminé, et renouvelables indéfiniment. Ces traités seront de véritables

lifications, arrêtées d'après un type identique, et réglant dans le plus grand détail les obligations diverses dont les directeurs de théâtres seront tenus envers les auteurs qu'ils représenteront. Le calcul des droits se fera d'après une pro- portion invariable, <d il est interdit, sous peine de sanctions aux directeurs d'imposer, aux auteurs de consentir des conditions inférieures. Telle est la clause essentielle du

le qui lie encore aujourd'hui les auteurs membres de la S

auteurs ae subiront plus désormais la loi des direc- teur! : ils dicteront leurs volontés.

par Framery et par Sauvan ne devaient

raltre dans cette réorganisation : elles devaieni

1er toutes les deux, mais réunies désormais sous une

autorité, e( sous le contrôle étroit de la nouvelle

>ciation. Il n'y a plus un comité pour chaque agence :

ont urveillées dans leur gestion par une

comi n d'auteurs unique.

"i enfin renvei utre les auteurs et les

LES ORIGINES DE LA SOCIÉTÉ 113

directeurs : nous avons vu par quelles fourches caudines les auteurs avaient passer avant d'avoir le droit d'abord de réclamer une rémunération, ensuite d'en assurer le paie- ment. Ils ne prendront plus désormais le chemin de l'hôpital, à l'exemple des Malfilâtre et des (iilhert. En 1829 ils don- naient les maîtres; aussi n'excitent-ils plus notre pitié.

L'opinion semble morne se retourner contre eux, les accu- sant d'avoir abusé de la situation. La société qu'ils consti- tuèrent autrefois pour la défense de leurs droits se com- porte, dit-on, comme une société commerciale, comme un syndicat industriel. L'argent, qui se mêle à tout, s'est mêlé à la lit (érature, et il l'a dépréciée : les auteurs sont des hommes d'affaires, avant d'être des hommes de talent. On ne désire plus le succès pour la gloire, mais pour le profit. Et les esprits chagrins vantent l'âge ancien l'âge d'or, si l'on peut dire, pour l'opposer à notre âge d'argent les poètes rimaient pour L'honneur de rimer, comme l'hon- nèle Gringoire. Tout cela n'est pas sans nuire au bon renom de Beaumarchais : et, comme il fut à l'origine de ce mouvement d'affranchissement des auteurs, et qu'il eut Le malheur d'être riche, on s'en prend à lui. N'est-ce pas lui qui a parlé d'argent à do écrivains qui ne songeaient qu ;i la gloire?

C'est remonter un peu loin, quoi qu'on pense nu fond de l;i question. Beaumarchais, quelle que lui sa perspicacité, n'avait pas vu h loin. Il s'était demandé simplement - il était préférable qu'un auteur vécu! du fruit de ses ouvrages, plutôt que «l«i chercher ailleurs «le- ressources plu- ou moins aléatoires, «il parfois chèrement acquises.

El comme il avait vu ses confrères réduits a une mendicité plu . ..h moins <li in e, M en avait i onclu qu'il valait mieui qu'ils fussent payés, pour être libre I était toute m

1 1 i CHAPITRE PREMIER

pei il la disait très simplement, lorsqu'il écrivait au

duc de Duras

Il vaut mieux, suivant moi, qu'un homme de lettres vive honnêtement du fruit de ses ouvrages, que de courir après des places ou des pensions qu'il peut mendier long- temps sans les .irradier ».

Il ne pensail pas sans doute que le théâtre pût être considéré un jour comme un moyen de s'enrichir rapide- ment : et bien peu «le ceux qui s'y consacrèrent, parmi ses

atemporains, comptaient y faire fortune.

La Société actuelle

Son organisation

La Société actuelle Son organisation

C'est le 7 mars 1829 que la Société actuelle des Auteurs dramatiques fut fondée, sur l'initiative de Scribe et d'un groupe d'écrivains, parmi lesquels se trouvaient Etienne, Casimir Delavigne, Mélesville, Rougemont, Bouilly, etc., tous également préoccupés de créer une association perma- nente, plus stable et plus forte que celle qui existait aupa- ravant. Une assemblée générale réunit 80 auteurs au foyer du théâtre des Nouveautés, sous la présidence de M. de Rougemont. Le congrès, après lecture d'un rapport de Mélesville, posa les principes d'une organisation que les différents statuts élaborés depuis cette époque ont toujours respectée (1).

Sur un point seulement mais sur un point essentiel les statuts de 1829, qui furent adoptés par 2o7 membres adhérents, diffèrent des statuts plus récent-.

L'acte sous seings privés, passé en 1829, n'établit pas entre les signataires une véritable société. S.'- clauses ont pour objet d'instituer des mandataires, chargés de la défense di>< intérêts communs, de créer, par voie de prélèvement sur les droits d'auteur, une caisse subvenant aux frais géné- raux, ainsi qu'un fonds de secours pour les auteurs malheu- reux — institution à laquelle Scribe tenait tout particuliè-

1 V itsoeiation de* auteur* et compositeur* dramatique* défendu*

adversaires. Mémoire précité.

1 1S CHAPITRE II

rement. Mais il n'est question nulle part d'un lien social, retenant les signataires par des obligations réciproques.

En remettant leurs pouvoirs aux agents, les auteurs g'ei - - tient donc à se conformer aux règles adoptées par l'assemblée des auteurs en 1829. Mais ils n'en gardaient pas moins toute leur liberté et toute leur indépendance; il leur était loisible, à toute heure, de se retirer du groupe- nt.-nt. en renonçant aux bons offices des agents.

Donc nulle contrainte pour les auteurs, mais aussi nulle force pour l'organisme nouveau, qui, dès le début, se heur- tait aux plus graves difficultés. Car qui disait, à cette que, association des auteurs, disait lutte et cela est encore un peu vrai aujourd'hui.

I issociation qui se créait avait pour but d'imposer aux directeurs de théâtre une réglementation plus sévère et plus effi Nul doute (ju'ils ne la combattissent par tous les

moyens; l'histoire de la Société, pendant le siècle dernier,

confond presque avec l'histoire de ses démêlés avec les directions théâtrales, refusant de s'incliner devant elle, et de reconnaître son existence légale, qui, il y a trois ans à peine, lui était encore >i àprement déniée.

Chaque fois qu'un conflit surgit entre la Société des

\uteurs et un théâtre, il se manifeste par le retrait du réper-

d. véritable mise à L'index par laquelle la Société

une les directeurs, privés du secours des membres de i ition.

Mais cette défense, très énergique, n'a de valeur qu'autant T1 ■• membres s'inclinent devant la volonté com-

mune : elle devient parfaitement illusoire, si Le syndical ne

adhérents a une forte discipline. 1 ' ,,'"t- de 1829 i. était pas un contrat de société, mais ontrat de mandat. La Commission, «'lue par Les auteurs,

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 119

n'avait aucun moyen de sévir contre les défaillances pos- sibles des membres adhérents. Elle ne devait pas tarder à sentir les vices de cette organisation encore timide.

Dès 1832, Ferdinand Langlé, membre de la Commission, constate que le pacte de 1829 n'empêche pas les auteurs syndiqués de se soustraire à leur devoir, quand les mesures de coercition prises contre les administrations théâtrales leur paraissent léser leurs intérêts particuliers. 11 soumet à la Commission un projet de constitution de l'association en société civile.

Les conseils judiciaires examinent le projet : tandis qu'ils délibèrent encore, un conflit surgit en 1837 entre la Com- mission et le directeur des théâtres de l'Ambigu et de la (iaîté.

Les auteurs s'empressent d'adopter un plan de campagne : le répertoire est retiré au délinquant. Les associés reçoivent Tordre de cesser toutes relations avec les théâtres proscrits. Mais des défections se produisent; car la Commission n'esl pas à même de les prévenir.

C'est ce qu'elle reconnaît elle-même au cours d'une d»' ses séances, alors que l'état de guerre est déclaré.

« Août 1837. A l'occasion d'un procès entamé entre la Commission e! M. de Cèscau penne, directeur des théâtres de l'Ambigu et de la Gaité, MM. Francis Cornu, d'Epagny, Tournemine, Deyeux, et quelques .mires, refusent de ><• ^ou- mettre à la délibération qui a décidé que les auteurs De donneraient pas de pièces à ces théâtres, jusqu'à ce que les diflerends existants eussent cessé.

« Les conseils judiciaires font observer à la Commission que l.t Société n'existant que par la délibération de 1829, les signatures apposées au bas de <••• règlement n'ont donné aux membres de la Commission que la simple qualité de

CHAPITRE II

mandataires, el que les signataires peuvent retirer leurs pouvoirs, quand bon leur semble, ensemble ou séparément. mseils insistent clone pour régulariser l'association, en lui donnant la forme d'une société civile régulière, à durée limitée, qui engagera irrévocablement tous les signataires. La Commission reconnaît la justesse de ces réflexions, et, enattendanl ces mesures d'organisation nouvelle, elle décide que les auteurs dissidents, qui refusent de se soumettre au vote de l'assemblée, seront regardés comme ayant retiré leur mandat, el que les agents généraux cesseront de leur côté de toucher leurs droits et rendront leurs pouvoirs ».

Exiger la retraite des membres insurgés contre ses déci- sions, c'était toul ce que pouvait Faire la Commission. Et ce n'était pas assez. Los membres exclus rentreraient un jour mi l'autre dans l'association : cependant, la Société n'aurait

- pu imposer ses volontés au théâtre avec lequel elle était en conflit.

En 1837 .'iilin. l'Association des Auteurs, par acte passé en l'élude de M' Thomas, notaire à Paris, se constitue en

iété <i\i!f I . Jusqu'au lermc prévu par les statuts, les

nataires ue devaient pins avoir la faculté de se retirer.

ris d<.iil<' l'indépendance des auteurs en souffrit, et nous verrons qu'ils ont souvent protesté contre cet assujettisse- ment. Mais il c'est que juste de reconnaître qu'il était impos- sible de procéder autrement, à moins que la réunion des

leurs voulût se réduire a être simplement un cercle, un une réunion de compétences, permettant de discuter intérêts des écrivains, de Former des pétitions, et de donner des avis.

1 de la première heure lurent pourtant peu

l«0 Hem <!' tiuKilifiurs. UiblioUn-(fiif Ue la Vit

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 121

nombreux. Beaucoup des anciens membres de L'association s'abstinrent pendant assez longtemps, soit négligence, soit hésitation, à engager définitivement leur liberté. Cette abstention inquiète les commissions. En lS'il), Labiche demande qu'on prenne dos mesures sévères contre ceux qui n'ont pas encore inscrit leur nom, qu'on cesse de percevoir leurs droits. En 1859, la Commission décide encore de mettre en demeure trente-quatre auteurs qui ne se sont pas décidés: quatre-vingt-neuf écrivains ont formellement refusé leur adhésion. Ils seront définitivement rayés I .

L'acte social finit toutefois par réunir tous les auteurs qui comptent dans le théâtre.

Dans la nouvelle forme que l'Association des auteurs s'esl donnée, l'adhésion aux statuts est expressément exi_ de tous ceux qui voudront, à un titre quelconque, béné- ficier de l'organisation commune. Les statu U enserrent les membres adhérents dans un réseau d'obligations rigou- reuses, auxquelles ils ne peuvent se soustraire. L'action de chacun est étroitement limitée par l'action collective de la Société; celle-ci peut dès lors traiter avec les directeurs, Mire de ne pas être trahie à l'improviste par quelques-uns de v,.v membres : cette dépendance est même, dous le verrons, plus rigoureuse et plus absolue que dans toute autre association littéraire, et d'aucuns veulent y voir un véri- table esclavage.

L'acte de 1 S-^T fut rédigea nouveau en I S7*J et en 1904, mais il n'a pas été modifié dans ses principes généraux, dans ses articles fondamentaux. La durée de la Société, aux termes de- statuts «le ls:{7. était limitée à une période de vingt- cinq années, à dater de 1829, Mais elle continuait de plein

t Mémoire précité.

CHAPITRE II

droit, si la liquidation n'en était pas demandée, dans le mois précédant l'expiration du temps fixé pour sa validité, par les deux tiers des associés. La liquidation n'ayant pas été demandée en 1854, la Société ne prit lin qu'en mars 1879. L'institution ne devait pas d'ailleurs disparaître. Elle se reconstitua immédiatement, sur les mêmes bases, par un acte du 2\ février 1879, pour une durée de vingt-cinq ans, sauf prorogation de plein droit dans les mêmes conditions. I i liquidation n'ayant pas été proposée en 1904, à l'expira- tion du terme prévu en 1879, la Société a continué entre les mêmes membres : on a seulement profité de cette échéance pour remanier les statuts sur quelques points.

L'objet de la Société esl ainsi défini par l'article 5 des statuts de 1904 :

! La défense mutuelle des droits des associés vis-à-vis des administrations théâtrales ou de tous autres en rapport d'intérêt avec les auteurs :

- La perception des droits des auteurs vis-à-vis des admi- nistrations théâtrales, à Paris, dans les départements, à l'étranger, partout enfin la perception peut s'exercer dément, el la mise en commun d'une partie de ces droits; l réation d'un fonds de secours, au profil des associés, de leurs veuves, héritiers ou parents;

l i création au profit des associés d'une caisse de pensions de retraite, quand les ressources de la Société le mettront :

ition d'un fonds commun de bénéfices parta-

des Auteurs est multiple, complexe dans

"" et dans son objet. On peut \ voir une société de

'•',- puisque le premier but qu'elle poursuive, et !<• plus

de remettre a un organisme permanent la

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 123

défense dos droits des auteurs : elle peut être comparée h

une société de secours mutuels, puisqu'elle se propose de verser à ses membres, dans i\i>> conditions déterminées, des pensions ou des secours. Elle aime nussi à se dire syndical professionnel, et, si cette dénomination doit lui être refusée, d'après la législation qui régit actuellement le droit syn- dical, il est bien certain qu'elle constitue uu groupement de proleetion des intérêts littéraires très analogue à ceux qui se sont constitués pour la défense des intérêts commerciaux ou industriels. Elle est enfin et nous verrons que ce caractère prime les autres société civile, puisqu'elle prévoit la création d'un fonds commun, alimenté par les cotisations de ses membres, et la répartition de bénéfices entre ceux-ci.

A col*' de la Société des Auteurs et Compositeurs drama- tiques, s'esl fondée une Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de musique, dont les statuts se -<>nl visiblement inspirés des statuts de la première. Elle protège les intérêts de ses membres sur les œuvres musicales qui ne sonl pas destinées à soutenir une action dramatique.

Elle perçoit aussi <l<is droits sur tous les morceaux ou airs isolés, qu'il s'agisse (railleur- de musique de scène exécutée dans les théâtres, de chansonnettes, ouvertures, monologue- ou fantaisies dans les concerts, les music-halls, les bals, etc...

Telle est la distinction générale que l'on peul faire entre les deux sociétés : mais elle souffre des dérogations.

Bien que les deux associations aient souvent les mêmes clients, qu'elles soienl en rapports constants, leur domaine

IJ', CHAPITRE II

touche sans se confondre, et il est aujourd'hui nettement

délimité.

Il n'en a pas toujours été ainsi. Les frontières, mal tracées, mil i ;s. Il y a eu des froissements, des contesta-

tions, sur lesquels les tribunaux furent appelés à se pro- noncer. Il es! intéressant de dire comment surgirent ces Incidents, qui furenl le point de départ d'une nouvelle démarcation entre le- deux groupements.

Jusqu ;iii milieu du siècle dernier, aucune association,

aucune agence même n'assurait aux compositeurs le recou-

111. -ut dt' leurs droits sur leurs oeuvres indépendantes de

tout récit dramatique, aux écrivains des droits sur les chan-

ls el monologues isolés. Les auteurs, en l'absence d'une

3 irisation centrale, ignoraient d'ailleurs les exécutions qu'on donnait de leurs ouvrages. Comment auraient-ils pu

roir que dans le] concert, dos œuvres de leur composition ieni et utées, ou mêmequedans tel théâtre de telle

ville "H avait joué une pièce certains airs de leur inven- li"ii étaient intercalés? Au reste, le plus souvent, étant donnée la variété des spectacles, les droits eussent coûté plus de mal & recouvrer qu'ils n'eussent rapporté de bénéfice.

La propriété musicale avait paru si précaire, qu'elle avait abandonnée par les intéressés aux mains des éditeurs. imprimant des œuvres musicales, ceux-ci, en vertu d'une

dition constante, acquéraient Ions les droits qu'elles pou-

ienl procurer. C'est ce qui explique que, lorsque la nou-

constitua par acte du 34 janvier 1851, ils

furent appelés à partager avec les compositeurs les bénéfices

de la perception nouvelle (1). C'était pour tout le monde nue

odation de la Société lyrique, la plaidoirie de M* Doumero I Compositeur? dramatiques cunlit

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 125

véritable aubaine, puisqu'il s'agissait de gains que les entre- preneurs de spectacle s'étaient jusqu'alors appropriés sans remords. Ces revenus inattendus ne cessèrent (railleurs de grossir. Les sommes perçues, qui atteignaient tout juste t,000 francs la première année, s'élevaient à près de deux millions en 1898. Les recettes de l'exercice 1906-1907 ont atteint 3,391 ,628 francs.

Aux termes de ses statuls. l'action de la nouvelle Société était limitée aux établissements publics ^ qui exécutent les œuvres littéraires ou musicales avec ou sans paroles origi- nales, tels que théâtres, concerts, cales chanlants, et tous autres établissements exploitant les productions littéraires et musicales mitres que les pièces de théâtre ».

Elle ouvrait donc aux auteurs une nouvelle source de revenus, s;uis porter aucune atteinte à ceux dont la Société dramatique elFectuait la perception. Celle-ci continuait à toucher seule les droits sur les comédies, les opéras, sur toute œuvre scénique en un mot, la nouvelle Société ne s'occupant que des morceaux détachés, littéraires ou musi- caux, pour lesquels, jusqu'alors, aucune perception régulière n'avait été organisée. La Société lyrique déclarai! d'ailleurs expressément qu'elle n'entendait en rien empiéter sur les attributions et les prérogatives de la Société dramatique.

11 est à remarquer que la distinction des œuvres qui relevaient de l'une ou de L'autre des deux associations était

Société des Auteurs, Compositeurs <•! Editeurs de musique •. Imprimerie Chaix, 18

On raconte qu'un Boir, en 1897, M. Bourget, compositeur, se rendil sus ambassadeurs, l'on jouail un œuvre de lui, la M< M \el « I <>, Italien.

Il no demanda qu'un verre d'eau sucrée. Lorsque I m vint 1m

réels mer 1»' prix de ss place :

Commen ris Bourg» I d< m I in< , ur votre iren

entendu ms \ ièc<

yerre d lu merée qu< la Société lyriqm i existen

CHAPITRE H

ndée uniquemenl sur le caractère morne des ouvrages selon qu'ils pouvaienl être considérés ou non comme drama- tiques — el non sur le genre des établissements dans lesquels ils étaient représentés ou exécutés. Mais elle se faisait d'elle- même entre les établissements; car, si la Société lyrique pou- vait être amenée, par l'esprit même de ses statuts, à réclamer des droits Bur la musique de scène dans les théâtres, la - ciété dramatique, par contre, n'avait pas accès dans les music-halls, qui riaient assimilés à cette époque aux débits «I»' boissons, et qui ne pouvaient, sans sortir de leur domaine légal, représenter les œuvres dramatiques, réser- >i--i bien par le décret de 1852 que par celui de 1806, nia théâtres autorisés.

équilibre lut rompu en 186i. Le décret du 0 janvier 1864, <|ui inaugurai! effectivement le régime de la liberté des théâtres, que la Révolution avait édicté, sans le respecter, décidait dan- -<>n article 4 : « Les ouvrages dramatiques de tous les .in'- pourront être représentés dans tous les très

'ut une véritable révolution dans l'art dramatique. Ce ut pas seulement l'affranchissement des genres que le décret proclamait, en autorisant les petits théâtres à repré- iter les comédies ci les drames qui n'avaient accès, jusque- la, que dans les grands théâtres autorisés ; c'était aussi, car lisposition «lu décret doit être entendue dans son acccp- tion la pin- large, dégager les music-halls des exhibi- tions, des chansonnettes, H attractions «le tout genre, dans [uelles il .ut été sévèrement cantonnés, et leur

mettre «!«• puiser au répertoire dramatique. Encourage- ''", précieuj pour l< oncerts, qui comprirent que

retenir leur public, il- devaient devenir de véritables

ipectacles van.'--. Ils ne cessèrent

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 127

de se multiplier, dès ce moment, et leur prospérité, qui n'a fait que croître, si elle a permis à de jeunes talents de se produire et de faire un apprentissage utile sur ces scènes de second ordre, n'a pas été sans donner les plus vives inquié- tudes sur l'avenir de l'art dramatique.

Les music-halls, grâce au nouveau régime en vigueur, firent une place de plus en plus large aux œuvres drama- tiques. Ce furent d'abord des saynètes, puis des actes entiers, enfin des revues, montées avec un luxe de décors et une figuration de plus en plus riche. 11 y avait une source de profits dont la Société dramatique ne pouvait se désinté- resser. Pour mettre la main sur ces profits, elle augmenta le nombre de ses agents, elle imposa des traités aux cafés- concerts.

C'est ainsi que, dès 1865, nous lui voyons toucher des droits aux Folies-Marigny, aux Folies Saint-Antoine, au théâtre Saint-Pierre, à l'Ecole lyrique. En 18G7 et 1868, elle traite avec l'Eldorado, avec l'Alcazar, avec le Concert du XXe Siècle. C'est, en 1868 et 1869, le tour des Folies-Bergère, des Porcherons, du Concert Tivoli, des Mille-Colonnes, «b1 beaucoup d'autres scènes, dont les unes ont disparu, suivant les caprices du goût public, dont les autres sont encore debout, et en pleine prospérité.

D'autre part, la Société lyrique émit la prétention fcrès n.iturelle de toucher des droits sur la musique de scène «fin- ies théâtres, elle n'avail jamais eu en Fait ses entn Il y eut des rencontres en tre les deux S < >< i « * I » * - : cela n'alla pas sans quelques heurts, sans quelques erreurs de percep tion. Aussi sentirent-elles La nécessité de délimiter, par une ♦•ntente courtoise, leur domaine respectif : une convention intervint à la date du 18 mai 1866. \ui termes <l«v cel accord, les agents de la Société dramatique resteni seuls charg

CHAPITRE II

de la perception des droits des membres de ladite ,.|,. pour les représentations des œuvres dramatiques ». De son côté la Société lyrique perçoit:

1 Dans les théâtres les droits attribués aux intermèdes, tels que : chansons, chansonnettes, romances, etc..., duos, trios, chœurs, ouvertures, symphonies, concerts, etc., Q'appartenani à aucune œuvre dramatique représentée ;

\n\ termes de ses traités, la rétribution fixée par abon- nement, pour la musique appartenant à ses sociétaires, employée dans les drames, vaudevilles, féeries, revues, etc.».

2 Dans tous l<1- établissements autres que les théâtres, les droits sur l'exécution de toutes œuvres musicales,

aies, instrumentales, môme pour celles extraites d'oeuvres dramatiques.

Ainsi chaque Société conservait son patrimoine. Quoi

qu'on ail prétendu parla suite, il résultait de l'esprit de la

nvention <|u<i la Société dramatique continuait à toucher

pour toute œuvre destinée à la représentation, qu'il s'agit

d'une œuvre parlée ou d'une œuvre musicale, aussi bien

dans les théâtres que dans les music-halls. De son côté, la

- iété lyrique percevail bis droits sur L'exécution de toute

oeuvre purement lyrique, dans tout établissement public,

théâtre «»m café-concert cela est dil expressément. Après

tvani 1866, c'est donc an caractère de l'œuvre qu'il

nvient de s'attacher, aon à la scène sur laquelle elle esl

,11 représentée. Un plion était cependant admise, an sujet des frag-

menta d'œuvres dramatiques qui, aux termes de la conven- ir relevaient de la Société lyrique, <'u dépit de leur dramatique, lorsqu'ils étaient représentés dans i hantants. ( ta n'avait pas voulu étendre à des le p] uvenl san importance, les distinction

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 129

admises, pour les œuvres entières, dans la composition des spectacles des music-halls.

Les mêmes principes réglaient le partage des perceptions dans les concerls accidentels.

Lorsque ces concerls, porte la ((invention de 1866, sont donnés dans un théâtre (le mol théâtre est pris ici dans son sens générique, et comprend toute salle de spectacle), sans adjonction d'une œuvre dramatique, le droit entier est perçu par la Société Lyrique : s'il y a adjonction d'une œuvre dramatique, les droits de l'œuvre et des fragments d'œuvres dramatiques sont perçus par la Société dramatique, les autres morceaux par la Société lyrique.

Si le concert est donné dans une salle autre qu'une salle de spectacle, avec adjonction d'une œuvre dramatique, le droit de l'œuvre dramatique seulement est perçu par les agents de la Société dramatique.

Toutes ces dispositions étaient parfaitement conforme- à l'objet très distinct des deux Sociétés, <jni a été défini par un auteur dans les termes suivants :

« [L'objet de La Société de Musique , écrit M. Pouillet, tout ;i fait analogue à celui de la première Société, s'en distingue pourtant nettement. Elle en effet pour Iml de percevoir les droits des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, sur toute œuvre qui n'es! pas une pièce de théâtre, c'est-à-dire pour tous les morceaux isolés, tirés d'ailleurs ou non d'un ouvrage dramatique. En effet les statuts «le la Société dramatique parlent de « représen- tation », . > I « » i ^ que ceux de l;i Société de Musique parlenl l'exécution » I .

Apre- 1866, le- perceptions parallèles des deux Société

l Pouillet, ï'niiii- >h> la propriété littéraire et artistique^ [>a^

130 CHAPITRE H

poursuivirent, sans amener de complications nouvelles, chaqui S été percevant, dans les établissements de tout h. . les droits qui lui revenaient, aux termes de la conven- tion.

En 1893 pourtant, il y eu1 lieu de modifier l'accord inter- \i ii h en 1866; mais le principe de la répartition des droits entre les deux Sociétés n'étail pas en jeu, il s'agissait sim- plemenl dune question de tarifs.

Jusqu'alors la Société lyrique s'était contentée d'imposer un abonnement modique aux salles de spectacles qui faisaient un peu de musique accessoire. Cette musique accessoire c'avait pas tardé à prendre une importance de plus en plus nde, avec le développement des revues qui écrémaient habilement les partitions les plus connues. Ces larges emprunts ue laissaient pas que de nuire aux compositeurs, dont il- vulgarisaient les œuvres, et pouvaient empêcher ainsi les reprises possibles. I Sependant les clients de la Société lyrique, cédant à la communauté le droit d'autoriser l'exécu- tion de leurs ouvrages, n'avaienl aucun moyen de s'opposer me exploitation qui risquait de leur porter préjudice. Au moins fallait-il qu'une rétribution plus équitable fût allouée dans au musicien, véritable collaborateur sans le

Sur les vives instances de beaucoup de ses membres, iété lyrique fui amenée à proposer aux directeurs des lies de spectacles des traités stipulant 1 0/0 d'abord, puis - ,( I 0/0, pour la musique accessoire.

I '• I »i en arrêtanl ces dispositions nouvelles, le Syndi- Ifl S ciété lyrique n'étail pas sans concevoir quelques inquiétude [ directeurs, menacés d'une perception plus prétendaient recourir désormais à des partitions nou- velles, relevant de la Société dramatique. De son coté cette - inquiétai! de ces perceptions, qui risquaienl de

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 131

diminuer d'autant les droits qu'elle loucha il. Car il s'agissail de perceptions faites à l'occasion d'ouvrages dramatiques, qu'on aurait air.si soustraites à sou approbation et à son intermédiaire. N'était-ce pas sortir des termes de la conven- tion qui liait les deux institutions?

Une entente eut lieu entre les deux Sociétés : elle abouti! à un accord qui fut conclu le 17 novembre 1893. La Société dramatique régularisait la situation, en Faisant à la Société voisine des concessions légitimes.

« Lorsqu'un ouvrage dramatique, dil la convention nou- velle, comprendra de un à six airs intercalés, extraits d'oeuvres dramatiques ou lyriques représentées, de romances, de chansonnettes, ou des airs nouveaux de compositeurs non déclarés à cei ouvrage dramatique, les compositeurs de ces airs recevront le droit proportionnel de I 0/0 qui est el continuera à être perçu parla Société des Auteurs, Composi- teurs et Editeurs de musique.

« Lorsqu'un ouvrage dramatique comprendra de sepl à à douze airs intercalés... il sera prélevé, sur les droits perçus en vertu des traités passés entre la Commission des auteurs et compositeurs dramatiques et les directeurs des théâtres de Paris, une part correspondant à I 0 Dde la recette brute. Cette part de 1 0/0 sera versée entre les mains de l'Agent général de la Société des Auteurs, Compositeurs e1 Editeurs de musique, pour être confondue avec le I o u qu'il aura directement perçu, ei ces2 <> 0 devront être répartis, comme d'usage, entre les compositeurs des airs intercalés.

« Enfin, lorsque !«' nombre des airs intercalés sera de treize et au-dessus, il sera prélevé, sur les droits perçus par la Société des Auteurs ei Comp siteurs dramatiques, une pari correspondant à 2 o 0 de la recette brute : ces ~ (> 0 seronl versés à l'Agenl général de la So< iété des Auteurs, Composi-

CHAPITRÉ II

leurs el Editeurs de musique, pour être confondus avec le 1 0 Q qu'il aura directement perçu, et la répartition des 3 0/0 ainsi obtenus sera faite par ses soins, comme il est dit ci-dessus. Il c-l bien entendu que la musique exécutée pendant les entractes, la musique dite de scène (trémolos, entrées et sorties de personnages, etc...), ne seront pas considérées comme des airs intercalés, et ne bénéficieront pas des pré- sentes dispositions ».

Dispositions analogues pour la province et l'étranger]. Les règlements de ces prélèvements serontfaits le quinze de chaque mois par les soins de MM. les Agents généraux de la Société des Ailleurs et Compositeurs dramatiques, et le produit de ces droits sera versé à M. l'Agent général de la S ciété des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de musique, sous déduction des prélèvements statutaires » (1).

Comme complément à cet accord, il convient d'ajouter que la Commission des Auteurs et Compositeurs dramatiques a décidé, en 1898, que les termes de cette convention seraient

ttdua aui pièces anciennes reprises avec des modifica- tion- permettant de les considérer comme de véritables pièces nouvelles, avec une musique différente de celle em- ployée •' la création <!<' l'ouvrage, et avec, de nouveaux airs intercalés empruntés au répertoire de la Société lyrique.

I' perceptions parallèles des deux Sociétés se poursuw virenl sans encombre jusqu'en 1897, suivant le partage

avenu, la Société lyrique percevani sur les œuvres exé- cutées, la Société dramatique sur les œuvres représentées. rapports devinrenl moins cordiaux. Pur

tpporl de M. Paul Perrier, Annuaire de la Société des Auteur*

LA SOCIETE ACTUELLE. SON ORGANISATION 133

simple tolérance, la Société dramatique avait admi> que les saynètes-opérettes et divertissements de peu d'importance fussent déclarés, au gré des auteurs, soit à son siège, soit au siège de la Société voisine. Cette tolérance encouragea bientôt la Société lyrique à suivre une orientation nouvelle, et à proposer aux directeurs de' cafés-concerts des traités stipulant pour les opérettes et autres pièces représentées dans ces salles de spectacles, une rétribution distincte, plus élevée que pour les simples exécutions musicales, et qui devait être versée .:i ses agents.

La Société dramatique protesta contre ces agissements, dès qu'elle en eut connaissance. Une correspondance très Académique s'engagea entre les présidents des deux Sociétés, M. Sardou et M. Laurent de Rillé. Mais on ne par- vint pas h s'entendre.

A une question ainsi posée par M. Sardou au Syndicat de l;i Société lyrique :

« Votre Société entend-elle étendre aux pièces propre- ment dites (comédies, vaudevilles, revues, opérettes, ballets . représentées dans les cafés-concerts, la tolérance dont elle a bénéficié jusqu'à ce jour? »

La Société lyrique répondait :

(( Le Syndicat ne t';iit aucune difficulté de vous annoncer, ju'avec la réglementation nouvelle appliquée désormais à la répartition des droits afférents aux pièces jouées dans les établissements ci-dessus cafés-concerts, music-halls, et tous établissements autres que les théâtres , il acceptera dans Bon répertoire l<>utc- les œuvres comportant de la musique nouvelle ou ancienne, qu'il conviendra aux auteurs de lui déclarer. Le Syndicat ne fait ainsi qu'user de aon droit, et le bénéficie, par conséquent, d'aucune tolérance

C'était empiéter manifestement sur le domaine de la

134 CHAPITRE II

S :iété dramatique, et violer ouvertemenl les conventions intervenues, ainsi que la lettre des statuts respectifs des deux institutions. La Société dramatique fil dresser procès- bal de plusieurs infractions commises à son préjudice, dans divers music-halls, et l'affaire fui portée devantles tribunaux. M Doumerc, qui présenta la défense de la Société lyrique, prétendil que les agissements incriminés étaient conformes aussi bien aux statuts de la Société dramatique, qu'aux traités conclus par elle avec la Société lyrique : Au\ termes de ses statuts, la Société dramatique ne bor- nait-elle pas son action « à la défense des auteurs vis-à-vis des administrations théâtrales »? Administration théâtrale, cela veut duc théâtre, cela n'a jamais voulu dire café- concert.

L'art. I''1 de la convention de I86G, que la Société drama- tique invoquait à tort, confirmait seulement à la Société dramatique la perception exclusive sur les œuvres drama- tiques. Sans doute, il ne distinguait pas entre les différentes salles de spectacles. Mais il n'avait certainement pour objet que t\v maintenir la situation antérieure : or, pendant toute la première moitié du siècle dernier, aucun agent de celle iété n'était venu réclamer quoi que ce lui dans les cafés- ticerts. Dans l«- silence <\<'^ textes, ne convenait-il pas lilleurs de laisser les auteurs, les seuls intéressés en fin de 1 I les véritables parties dans le procès, libres de larer leurs ouvrages destinés à ces établissements à la qui leur convenait ? La Société dramatique, en effet, plus de droits que les auteurs qui la coinpo- 1 Mandataire de ces auteurs, clients In plupart du temps ndicats, comment prétendrait-elle s'interpose! eu* et l'agence de leur choix, leur défendre d'aller ''•• ' "l"- ' l'autre, au gré de leurs intérêts? N'était-il pas

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 135

contradictoire de voir la Société dramatique, au uom de ses clients, attaquer les perceptions faites par nue société voisine, pour le compte de ces mêmes clients?

L'argument était spécieux, mais peu convaincant.

Les deux Sociétés n'intervenaient pas dans le procès au nom de leurs mandataires. C'était une action propre qu'elles intentaient, qui ne mettait pas en cause la personnalité de leurs membres, mais qui touchait aux intérêts sociaux. 11 s'agissait d'interpréter des conventions passées entre les ilcux Sociétés pour délimiter leurs intérêts et leurs droits respectifs.

M1 Poincaré, qui plaida pour la Société dramatique, lit valoir que son intervention dans les music-halls n'était pas, quoi qu'on prétendît, contraire à l'esprit de ses statuts. <( Administration théâtrale », n'était-ce pas un terme d'acception fort large, comprenant tous les établissements organisés en salles de spectacles? Certes, Scribe, en 1829, ne pouvait penser qu'aux théâtres. El de l'ail pendant longtemps, les cafés-concerts ^ soumis à nue réglementation restrictive, ne s'attaquèrent pas au répertoire dramatique.

Du jour un régime plus libéral leur permit de repré- senter des œuvres jusqu'alors réservées aux théâtres, ils devaienl être traités comme ceux-ci, et la Société drama- tique devait leur imposer sa perception. C'esl justement pour affirmer ^i- droits et prévenir toute confusion qu'elle avait signé la convention «le 1866.

Sans doute, l'article I " de ce texte, qui affirmait le droil de perception exclusive de la Société <\r< Auteurs sur la pro- duction dramatique, ne comprenait pas expressémenl les music-halls dans ses dispositions. Mais l'article 2. qui recon- naissait à la Société lyrique la perception dans ces établis ments des droits sur les œuvres musicales, instrumentales

CHAPITRE U

,.| vocales, « même pour celles extraites d'œuvres drama- tiques . a'avail de mus que si, en principe, toute percep- tion sur une œuvre dramatique était interdite à cette Société dans ces établissements.

Si les cafés-concerts n'étaient pas des théâtres, à tout le moins étaient-ils des concerts, à moins qu'on ne voulût les traiter comme des débits de boissons. Or la convention de 1866 Faisail un départ très net, entre les deux Sociétés, des perceptions sur les œuvres musicales ou dramatiques données dans les concerts.

M Poincaré ne manqua pas d'ailleurs de démasquer le jeu de ses adversaires, lisse réclamaient de la liberté ; la S ciété lyrique n'avait en vue, disait-elle, que l'intérêt des auteurs, elle voulail seulement leur maintenir un droit d'option qui- la Société dramatique leur refusait arbitraire- ment. Que les auteurs fissent leur choix en toute indépen- dance : en fait, disait-on, ils s'adressaient de préférence à la S ciété lyrique; c'esl donc qu'ils avaient plus de confiance en sa perception. Pourquoi ramènera la Société dramatique une clientèle qui se détournait d'elle ?

Au contraire, c'étail l'oppression des auteurs, et le règne des directeurs de cafés-concerts, auquel la Société lyrique préparail les voies par sa nouvelle tactique. Si les ailleurs elle, c'esl qu'ils y étaient forcés, sous peine de ii être point joués. Les directeurs, à qui la Société lyrique offrait des traités beaucoup plus avantageux que

u qui les liaient i la Société dramatique, les obligeaient à déclarer leurs œuvres h la Société lyrique.

>! le tribunal reconnaissait aux auteurs un droit d'option,

-' donc une concurrence au rabais qui allait s'engager entre

''• îété pour la plus grande joie des directeurs de

",,: Il Le tuteurs, clients des deua Sociétés, an nom

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 137

desquels la Société lyrique protestait, feraienl les frais de cette guerre de tarifs.

Le tribunal donna gain de cause à la Société des Auteurs. Ce n'était d'ailleurs qu'une solution temporaire. La question du renouvellement des statuts de la Société lyrique ue devait pas tardera se poser; à ce moment, il lui serait loisible de laisser tomber les conventions de 1866 ei 1S1W.

C'était alors la lutte ouverte eu tic les deux associations. Aucune ne pouvait la souhaiter, et il n'était pas bien diffi- cile, la question de principe étant tranchée par les tribu- naux, de trouver un terrain d'entente. La paix fut signée en 1898, et un accord intervint. Voici le texte de cette convention qui abrogeait celle de 1866, sans toucher d'ail- leurs aux dispositions additionnelles de 1893, relatives aux airs intercalés :

Article Ier. La Société des Auteurs et Compositeurs dramatiques a seule le droit de percevoir, eu France et à l'étranger, les droits d'auteur pour la représentatiou des pièces de théâtre, quel que soit le lieu : théâtres, cafés- concerts, ou établissements quelconques ces pièces seront représentées.

Art. 2. La Société des Auteurs, Compositeurs et Edi- teurs de musique a seule le droit de percevoir, eu France et à l'étranger, les droits d'auteur pour l'exécution de toutes les œuvres Littéraires ou musicales qui ae sont pas des pièces de théâtre, quel que suit le lieu : théâtres, cafés-concerts, ou établissements quelconques <>ù ces œuvres seront exé cutées.

Art. '>\. Sont considérés comme pièces de théâtre : les opéras-comiques, opéras-bouffes, opérettes, ballets, diver tissements, pantomimes, tragédies, drames, comédies, vau devilles, revue-, féeries, "i eu généra] toute œuvre, avec ou

CHAPITRE II

is musique, destinée à la représentation, et comportant une action avec exposition, développement, et dénouement.

Aisi. i. Ne son! pas considérés comme pièces de

théâtre : l«i^ ouvertures, chœurs, symphonies, morceaux d'ensemble, poésies, romances, chansons, chansonnettes, les Fragments pièces de théâtre exécutés sans décors ni costumes, et en général toute œuvre littéraire ou musicale destinée à la déclamation ou à l'exécution, et ne comprenant ni action dramatique, ni mise en scène.

\ i. .">. Par dérogation aux principes et dispositions ci-dessus, les auteurs des pièces en un acte ou un tableau, el d'une durée inférieure à quarante-cinq minutes de spectacle, qui scion l représentées dans les cafés-concerts, music-halls el établissements similaires, auront la faculté de déclarer ces pièces au répertoire de l'une ou l'autre Sociélé. [te déclaration sera définitive, el les droits des pièces en question seront perçus dans les cafés-concerts, music-halls ou établissements similaires, el payés aux auteurs par la i répertoire de laquelle la pièce aura été déclarée.

Lea bulletins de déclaration, remis el signés par les auteurs, à I une ou l'autre Société, devront indiquer si la pièce est d'une durée inférieure ou supérieure à quarante- cinq minutes de spectacle.

\';| ut considérés comme cafés-concerts, music-

balls, el établissements similaires, Ions les établissements donl les programmes comprennent soit l'exécution (rime

tie unique composée de chants, orchestre, exhibitions, bâties, etc..., soit l'exécution dune partie «le concert hestre, etc..., et une partie dramatique avec ntation d'une ou plusieurs pièces de théâtre.

me pièce créée dans un café-concert, music hall, ou établissement similaire, et déclarée au réper-

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 139

toire de la Sociale des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de musique, est postérieurement représentée dans un théâtre, les droits en seront perçus et réglés à L'auteur par la Société il»'- Ailleurs et Compositeurs dramatiques, dans les condi- tions fixées par Les traités des directeurs de théâtres avec cette Société.

Art. 8. Sont considérés comme théâtres, tous établis- sements dont les programmes habituels ne comprennent aucune partie de concert, mais seulement et exclusivement la représentation d'une ou plusieurs pièces de théâtre.

Art. 9. Les Imités de chacune des deux Sociétés avec les cafés-concerts, music-halls ou établissements similaires, ne pourront en aucun cas stipuler, pour la représentation des pièces en un acte, un droit inférieur à 2 0 o sur la recette brute, pour chaque pièce en un acte représentée I .

La nouvelle convention maintenait les principes suivant lesquels la perception des droits d'auteur ;iv;iit été jusqu'alors répartie entre les deux associations.

Cependant la Société des Auteurs faisait ;i sa voisine quelques concessions. Désormais toute représentation de fragments d'oeuvres dramatiques es! soumise à la perception de la Société lyrique, qu'elle soit donnée dans un théâtre ou dans un music-hall, pourvu qu'elle u 'exige ni décors ni costumes. De même, par dérogation au principe de la convention, il es! admis que les pièces en \\\\ acte et d une durée inférieure à quarante-cinq minutes de spectacle seront déclarées ;• l'une ou l'autre association, au gré des auteurs.

Il n'était vraiment |><t» nécessaire de s< lettre obligatoire

meut ;'i la perception, toujours |»ln^ élevée, de la Société dra matique, ces saynètes sans importance, d'un esprit fort

: \nnuaire <i<- In Société des tuteurs

Chapitre ii

douteux, que les music-halls <>nl coutume de présenter à leur public, en attendant la revue à grand spectacle qui fera la s son. Pourtant, il a paru indispensable de protéger les auteurs, qui déclareronl ces saynètes à Tune ou l'autre g iété, suivanl les préférences dos directeurs, en fixant en tout cas un minimum de rétribution.

I i convention de 1898, à l'effet de prévenir toute chicane, a défini clairement ce qu'il faut entendre par théâtre et par

- oncerts, el les œuvres qui ressortissent de ces deux _ pies d'établissements.

II ne subsistai! aucune incertitude, aucune source de conflits. Aussi depuis lors la paix a'a-t-elle plus été troublée

heuses rivalités.

I idministration de la Société des Auteurs dramatiques «•-I confiée à divers agents ou conseils. Des assemblées îles réunissent périodiquement les membres sociétaires ; elles prennenl les décisions les plus importantes touchant aux intérêts de la corporation. Une Commission joue le rôle de conseil exécutif, chargé de la suite à donner aux délibé- rons de l'assemblée, el de la solution des affaires cou- rant*

is la dépendance de la Commission, e1 sous la surveil- lance plus •'•huile d'un contrôleur général, le servie»' de perception, représenté par deux agents généraux, assure la droits d'auteur.

inisation très analogue à celle que s'est

iété de Auteurs el Compositeurs de musique.

ttuU de cette Société prévoienl de- assemblées géné-

,"1 l d administration, un service de perception.

'-,! itre, des commissions permanentes ayant des

LA SOCIETE ACTUELLE. SON ORGANISATION 1'» 1

attributions spéciales : la Commission des comptes et de surveillance, chargée du contrôle des recettes el des dépenses, la Commission des programmes, qui surveille la composition des spectacles, la Commission des retraites, qui assure le service des pension-.

La Commission de la Société des Auteurs dramatiques comprend quinze membres : douze auteurs el trois compo- siteurs; ils ><>nl obligatoirement choisis parmi les sociétaires, el sonl élus pour trois ans par rassemblée générale : leur renouvellement a lieu par tiers tous les ans. Tout membre sortant, après trois années d'exercice, ne peut être réélu qu'au bout d'un an.

Certains membres de la Société ne peuvent p;is faire partie de la Commission. L'article H porte en effet;

Ne pourront faire partie «le la Commission, ceux des associés qui seraient directeurs ou régisseurs dans un théâtre de Paris : sont censés démissionnaires ceux des membres de la Commission <|iii. dans le cours de leurs fonctions, vien- draient ù se trouver dans un des cas d'exclusion ci-dessus

Cette Incompatibilité s'explique aisément. La tâche prin- cipale <le la Commission des auteurs esl de fixer les rapports de la Société avec les directeurs de théâtre, au mieux des intérêts des auteurs, d'exiger d'eux l'observation d'une foule de clauses gênantes, auxquelles ils ae demanderaient le plus souvenl qu'à se soustraire. N'aurait-il pas été étrange, dans ces conditions, «le donner ii certains d'entre eux accès el \'»ix au sein <le la Commission, «le les placer dans cette alter- native cruelle, de trahir leurs sentiments 'l.- confraternité littéraire, <>u de se montrer inflexibles envers des gens qui doh eui avoir toutes leurs sympathies '

*

CIIA1MTRK II

douteux, que les music-halls «>nl coutume de présenter à leur public, «'ii attendant la revue à grand spectacle qui fera la

son. Pourtant, il a paru indispensable de protéger les auteurs, qui déclareronl ces saynètes à l'une ou l'autre s [été, suivant les préférences des directeurs, en fixant en t. «ut cas un minimum de rétribution.

La convention de 1898, à l'effet de prévenir toute chicane, b défini clairement ce qu'il faut entendre par théâtre et par s concerts, et les œuvres qui assortissent de ces deux catégories d'établissements.

Il ae subsistai! aucune incertitude, aucune source de

nflits. Aussi depuis lors la paix n'a-t-elle plus été troublée par de fâcheuses rivalités.

idministration de la Société des Auteurs dramatiques est confiée ;i divers agents ou conseils, Des assemblées raies réunissenl périodiquement les membres sociétaires ; elles prennent les décisions les plus importantes touchant aui intérêts de la corporation. Une Commission joue le rôle de conseil exécutif, chn rj. é de l<i suite à donner aux délibé- rations de l'assemblée, et de la solution {\c> affaires cou- rant

S i- la dépendance de la Commission, el sous la surveil- lance plus étroite d'un contrôleur général, le service de perception, représenté par deux agents généraux, assure la rentrée des droits d'auteur.

une organisation très analogue i celle que B'est donnée la Sociél auteurs et Compositeurs de musique.

Société prévoient des assemblées géné-

un I I administration, un service de perception.

Eue a, «-ii outre, d< : >ns permanentes ayant des

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LA SOCIETE ACTUELLE. SON ORGANISATION

lit

attributions spéciales : la Commission des comptes ei de surveillance, chargée du contrôle des recettes et des dépenses, la Commission des programmes, qui surveille la composition des spectacles, la Commission des retraites, (jui assure le service (]<>> pension-.

La Commission de la Société des Auteurs dramatiques comprend quinze membres : douze auteurs et trois compo- siteurs; ils -«»iit obligatoirement choisis parmi les sociétaires, ei -nul t;his pour trois ans par l'assemblée générale : leur renouvellement a lieu par tiers tous les ans. Toul membre sortant, après trois années d'exercice, ne peut être réélu qu'au bout d'un an.

Certains membres de la Société ne peuvent pus Faire partie de la Commission. L'article lt- porte en effet :

■■ Ne pourront faire partie de la Commission, ceux des associés qui seraient directeurs ou régisseurs dans un théâtre de P. iris ; sont censés démissionnaires ceux des membres «le la Commission qui, dans le cours de leurs fonctions, vien- draient à se trouver «buis un des cas d'exclusion ci-dessus

Cette Incompatibilité s'explique aisément. La tâche prin- cipale de b) Commission (\o< auteurs «'-I de fixer les rapports de la Société avec les directeurs de théâtre, au mieux des Intérêts des auteurs, d'exiger d'eux l'observation d une foule de clauses gênantes, auxquelles il- ae demanderaient le plus souvent qu'à se soustraire. N'aurait-il pas été étrange, dans ces conditions, «le donner à certains d'entre eux accès et voix nu sein de la Commission, de les placer dans cette alter- native cruelle, de trahir leur- sentiments «l«i confraternité littéraire, ou de se montrer inflexibles envers des gens qui doivent avoir toutes leurs 55 mpathies '

1 12 CHAPITRE II

|.,i même exclusion se retrouve dans les statuts de la été des auteurs et Compositeurs de musique.

Le bureau de la Commission est composé d'un président, d.> vice-présidents, de secrétaires, d'un trésorier et d'un archiviste.

La Commission dépend, nous l'avons vu, de l'Assemblée _ nérale, par l'élection : elle en dépend encore au cours de stion, car elle peut être dissoute par délibération prise en assemblée générale. Ce droit de dissolution était néces- v. Les assemblées générales, se réunissant à des inter- valles FoH éloignés, n'ont, en réalité, qu'une influence très intermittente sur la marche de la Société. En fait d'ailleurs, l.i Commission est libre de tirer des délibérations de> assem- blées les «■.inclusions qui lui conviennent, de suivre leurs Intentions avec une fidélité plus ou moins scrupuleuse. 11 était donc indispensable, pour maintenir entre les mandants ••t les mandataires un lien quelconque, pour éviter tout malentendu dans une de ces associations les divisions -'•ut -i néfastes, d'affirmer le droit des sociétaires, réunis en

semblée de changer à tout moment leurs représentants, lorsqu'ils paraîtraient agir contre le vœu delà majorité.

En cas de dissolution, l'Assemblée générale devra d'ailleurs pourvoir immédiatement à la reconstitution de la Commis- I ' i précautions sont prises pour qu'il n'y ait pas d'in- terruption dans ses travaux, et pour qu'il soit pourvu sans retard au remplacement des membres qui viendraient à

n retirer.

qualité d<- membre de la Commission n'es! pas seule- ment un titre honorifique. Aux membres de la Commission

rat confiée de groa intérêts, qui requièrent leur assiduité et leur vigil l... statuts de la Société des Auteurs

iteurs de sique ont-ils soin de mentionner :

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 1 13

« Les membres faisant partie du Conseil d'administration s'engagent, par l'acceptation de leur mandat, à remplir avec zèle les devoirs qui leur sont imposés ».

Le zélé n'est pas exigé statutairement de la Commission des Auteurs dramatiques. On se contente de l'assiduité. « Seront considérés comme démissionnaires, dit l'article 12 des statuts, les membres qui n'auront pas assisté aux réunions de la Commission pendant plus de trois mois, sans excuses jugées valables par la Commission ».

La Commission règle par ses délibérations toutes les ques- tions intéressant le fonctionnement de la Société. Ses pou- voirs sont des plus étendus, et s'exercent aussi bien sur les agents généraux que sur tous ceux qui l'nul partie de la Société, à un titre quelconque. Elle a des attributions admi- nistratives, et des attributions iinancières. Elle est chargée des intérêts des auteurs vis-à-vis des administrations théâ- trales. Elle passera des traités avec les directeurs, el en assurera le renouvellement périodique, en y insérant les clauses qui lui paraîtront le plus propres à protéger ses membres; elle fixera le droit des auteurs au taux qui lui paraîtra le plus convenable. Elle prendra toutes mesures intéressant le maintien el l'observation de ces traités : ses décisions s'imposeront aux membres de la Société, au même titre que les obligations statutaires.

Elle administre el représente La Société dans tous les actes de sa vie extérieure ou Intérieure. Elle pronom suivani I»'- règles établies, l'admission <!<■- auteurs nu sociétariat. Elle intervient dans les conventions, actes, ou procès dans lesquels la Société esl en cause. En dehors même des cas l'action sociale esl directemeni intéressi les auteurs adhérents s'engagent à lui donner connaissance des procès !»■- concernant, <•! qui auraient trail ô I "l»j.-i de I.'

CHAPITRE II

La Commission es1 ainsi informée des décisions prises, et peu! an besoin intervenir dans L'instance.

Plus spécialement, les auteurs associés, parle seul fait de leur adhésion ;iu\ statuts, donnent à la Commission une auto- risation générale d'introduire ef de défendre en leur nom, mais aux frais de la Société, vis-à-vis des ad ministations théâ- tral»'-, toul procès intéresssanf la perception de leurs droits. Au cas la Commission ne croirait pas devoir prendre en mains la cause, l'affaire ne lui paraissant pas intéresser généralité de ses membres, les auteurs restent libres de

•utenir, à leurs frais et risques.

I es contestations relatives à l'acte social, ainsi d'ailleurs

que t<uix |r> différends <|iii s'élèvent, en matière littéraire,

entre membres de la Société, sont, aux termes des statuts,

- par trois arbitres choisis par les parties, ou, en cas

de désaccord, désignés parle tribunal civil.

-I un véritable pouvoir disciplinaire que la Société exerce sur ses membres, en leur offrant sa juridiction gra- Sa justice a des occasions fréquentes d'intervenir. I ! jours des problèmes se posenl en matière drama- tique, questions délicates, mais passionnantes, car de gros întéi ni en jeu derrière les principes.

I n littérateur, qui a déposé, depuis «1rs mois ou depuis des années, un manuscrit dans un théâtre, voit annoncer dans les journaux, ou sur l'affiche, une pièce portant le même titre que la sienne, ou traitant un sujet analogue. « Toul est dit » ; la Bruyère. Cela esl particulièrement vrai pour le théâln Ve t ml pas fréquent de voir jouer à la fois sur deux des pi oulevanl un même problème, abor-

dant une même thèse ' Dans ces derniers temps, ne repré-

\?n* ennemies, au Théâtre- Antoine, en me lemps que YOtaye à l'Odéon, el Son père à ce même

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 145

théâtre, en m Ame temps que Patachon au Vaudeville? Certaines questions au théâtre semhlent parfois être à l'ordre du jour, à tel point qu'on n'est pas surpris de les voir discuter à la lois sur des scènes diverses. Quelques articles du code ont excité pendant longtemps la verve des dramaturges : sans parler du divorce, qui est un problème inépuisable, comme la quadra- ture du cercle, la recherche de la paternité, depuis Dumas, ne fut-elle pas un thème favori ?

Lorsque des rencontres se produisent entre deux écrivains représentés chacun d'un côté, ils se contentent de surveiller leurs recettes respectives : lorsqu'elles ont lieu entre un auteur joué et un auteur qui attend son tour, c'est beaucoup plus grave. Si ce dernier est philosophe, il se taira : il reti- rera son manuscrit pour le représenter en temps plus opportun, et peut-être se verra- t-il louer un jour de sa manière originale ; s'il est aigri, il criera au voleur, répandra dcins les journaux des] entrelilels provocants. Parfois une œuvre étrangère sera en cause : l'amour-propre national s'en mêlera ; des qualificatifs sévères s'échangeront par-dessus la frontière : quelquefois aussi, la contestation sera simplement l'œuvre d'un mauvais plaisant, désireux de faire quelque réclame à propos dune œuvre qui, sans cela, n'aurait pas fail grand bruit dans le Landerneau dramatique.

La ressemblance peut aller jusqu'à autoriser un»' plainte en plagiat : on analyse les pièces, on rapproche les textes, on compare la conduite de l'action, les personnages, I. accu- sation parfois es! des plus ridicules. Ne se trouva-Ml pas un littérateur, résidanl il est vrai à Chicago, pour soutenir qu il avail Inspiré, <l<i très près, ('///-'//to de Bergerac*! VA oe vil-un pas un tribunal américain condamner par défaut M. Edmond Rostand, < « ; 1 1 \ . i i 1 1«- n de plagiai? S'il faut ajouter foi a la ch<

jugée, le Balcon de Roxane, la Ballade «lu Duel, tout ce que

i

| jt. CHAPITRE II

nous avons applaudi ei admiré, se trouvait dans le Marchant Prim e of Cornville, qui étrange retour des choses d'ici-bas lut refusé sur toutes 1rs scènes de TUnion.

I - querelles littéraires s'enveniment rapidement, et risquent de dégénérer en procès. Car, plus que tous autres, les auteurs dramatiques sont gens irritables. Les tribunaux vont-ils voir comparaître à chaque instant des littérateurs, unis «'il apparence par une étroite solidarité? Le grand public sera-t-il initié à (outes les rivalités, à tous ces mystères de la collaboration, qu'il soupçonne à peine, à travers les feux de l,i rampe? La Commission offre aux intéressés un tribunal il.- famille qui, >;ms frais et sans scandale, tranchera le diffé- rend au mieux des intérêts communs. On a souvent recours selle. Elle s'en félicitait en 1907, ne souhaitant qu'une chose. c'était «If puiser « dans ces règlements de comptes frater- nel-, des joies d'autant plus vives qu'elles seraient un peu plu- espacées ».

Les parties, il esi vrai, se retirent parfois mécontentes. Elles s'en prennenl ;< ce tribunal, siègent des confrères, qu'elles accusenl d'être plus tendres aux écrivains influents qu'aux débutants, ou de ménager certains théâtres dans lesquels M- oui <!<•- intérêts. Sans doute celte justice est humaine : <-ll<' est faillible; elle juge plus en équité qu'en droit strict. Mais n'est-ce pas encore la meilleure juridiction, b\ la plu- expéditive? Ajoutons que !<•> parties restent tou- jours libres «!«• saisir les tribunaux de leur querelle. Souvent même n mission !<•- renverra d'office à la justice, ainsi

M" '"'' 'if- il y a quelques années, lorsque M. Lecocq crut

nver dans l<- Contrôleur des Wagons-Lits des ressemblances

ppantei avec un .1- e manuscrits, lesVictimesd' Auguste (\).

Tribunal civil <l< janvier 1900, Le Droit, 2 février 1000.

i

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 147

La Commission est aussi chargée de veiller à l'observa- tion des statuts, de poursuivre les délinquants, auteurs ou directeurs; elle fait office à la fois de parquet et de tribunal, instruisant et jugeant les délits. Tantôt elle donnera un simple avertissement, tantôt elle infligera la pénitence prévue par les statuts.

Des questions de droit se posent ainsi fréquemment à son examen. Aussi est-elle assistée d'un conseil judiciaire, com- prenant des avoués et des avocats, dans lequel se sont toujours rencontrés des représentants illustres du barreau.

Au point de vue financier, le rôle de la Commission n'est pas moins important. Elle contrôle la comptabilité des droits d'auteur : elle autorise les dépenses sociales, et distribue les secours et les pensions.

Pour tout ce qui touche au recouvrement des droits d'auteur, la Commission n'a cependant qu'un rôle secon- daire. Ici, la tache n'incombe pas à la Commission, mais aux agences générales. Ces agences, nous l'avons vu, ont existé dès les origines de La Société des Auteurs; c'est même autour de cette institution, d'une utilité incontestable, que se sont formées les premières associations d'auteurs.

[1 s'était fondé deux agences dès le début du siècle dernier; les auteurs, loin de chercher aies fusionner, 1rs vaient main- tenues séparées, voyant dans cette division une garantie précieuse, et un principe d'utile concurrence. Chaque agence, pour conserver ses clients, faisait effort pour se procurer des correspondants fidèles et zélés, pour assurer la rentrée exacte et rapide des droits d'auteur. Leurs clients bénéficiaient en outre d'une comptabilité en partie double, qui facilitait singulièrement leur contrôle.

1 £ CHAPITRE II

I es mêmes raisons ne pourraient certainement plus être invoquées aujourd'hui pour le maintien de cette organisa- tion. La perception des droits, difficile et trouble à l'origine, est devenue aisée el fort claire. Enfin et surtout, les corres- pondants son! les mêmes pour les deux agences : toute émulation de ce côté a donc disparu.

Si les doux agences ont continué leur perception paral- lèle, c'est que le nombre de leurs clients s'est augmenté dans des proportions considérables, ainsi que le total des droits |. rçus chaque année pour leur compte. Les dramaturges, qui n'étaient autrefois qu'une pléiade, sont devenus légion. Quel «'-t. aujourd'hui, l'écrivain ou l'homme simplement lettré qui puisse jurer de ne jamais toucher au théâtre? Et,

mme un acte suffit à vous rendre justiciable de la Société, qui peut se vanter de n'avoir pas affaire un jour à ses

Les agents généraux sont agréés par la Commission; lorsqu'ils se retirent, il- ont le droit de présenter leur suc- ïseur sauf en cas d'infidélité reconnue. C'est un droit de présentation analogue à celui que la loi reconnaît encore aux avoués, aux huissiers, aux notaires. Les agences géné- rale* se transmettent d'ailleurs à prix onéreux, comme des charges ministérielles. Les statuts le reconnaissent expres- l' ut : il- stipulent que lorsque l'agent général qui se retire n'aura pu, dans un délai de trois mois, faire agréer successeur, la Commission pourvoira d'office à son remplacement, mais contre !<• versement d'une somme qui cquise a l'ancien titulaire. Le prix sera fixé <in ce casa mme payée précédemment pour l'acquisition de ransmise, cette somme étant diminuée en propor- tion des ann< depuis la prorogation de la Société.

encore par ce fait que, comme les offi-

1

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 149

ciers ministériels, les agents généraux sont rémunérés par un prélèvement sur les droits qu'ils perçoivent au profit des auteurs.

Leur gestion est garantie par un cautionnement qu'ils sont tenus de fournir à leur entrée en charge, et qui a été porté successivement à 15,000, à2o,000, puisa 60,000 francs, aux termes des nouveaux statuts.

Les statuts de 190i définissent ainsi les fonctions des agents généraux :

Faire exécuter toutes les décisions prises par la Com- mission ;

Percevoir, à leurs frais et risques, et en qualité de mandataires ordinaires, les droits des auteurs sur les ouvrages représentés à Paris, dans les départements, à l'étranger, partout enfin la perception peut ou pourra s'exercer légalement, en vertu de traités généraux passés avec la Société ;

Choisir, sous leur responsabilité, les agents correspon- dants en province.

Les agents généraux exécutent les décisions de la Com- mission. Ils ne perçoivent de droits que dans les théâtres qui ont traité avec elle, et conformément au tarif convenu. Un traité vient-il à expiration sans être renouvelé par la Commission? Ils doivent Interrompre tous rapports avec le théâtre intéressé.

Les agents généraux sont les représentants des auteurs qui leur ont remi- leurs pouvoirs. Il- délivrent aux entre- preneurs de spectacles les autorisations don! il- doivent justifier avant de représenter l<i- pièces. Il- assurent, par eux-mêmes ou par leurs correspondants de province, la rentrée régulière des droits. Leur perception est d'ailleurs étroitement liée au fonctionnement de la Société, Elle n'est

CHAPITRE II

offerte qu'à ceui qui foui partie de la Société, et qui, par s on1 adhéré à l'association, et ont pris l'enga- menl d'observer le pacte social. 11 leur est interdit de s'entremettre en aucun cas pour le compte d'auteurs qui ne lient pas membres de l'association. Les agences géné- ral,.. H, sont donc plus, comme à l'origine, des institutions Indépendantes, aux services desquelles tout auteur avait le droit de faire appel. Agences et Société ne font qu'un : on ne peul s'adresser aux agences, sans se réclamer en même temps de la Société; et comme un auteur, ainsi que nous le verrons, ne peut en fait toucher de droits, en France ou à l'étranger, que par l'entremise des agences générales, force lui est «I»' recourir à la Société, et d'accepter le pacte social, toutes les obligations qu'il comporte. isi cette fusion d'un service de perception et d'un orga- uisme de défense des Intérêts communs qui fait actuelle- ment la force de la Société des auteurs; et ce fut le secret de la politique suivie par Scribe, lorsqu'il fonda l'association sur de nouvelles bases, que d'absorber les agences dans le syndical reconstitué. A l'origine, elles fonctionnaient comme peut fonctionner toute agence privée de recouvre- ment : sans doute «'ll<'- se trouvaient en relations avec une ociation d'auteurs, puisque leurs clients s'étaient déjà upés puni- faire valoir leurs droits à F encontre des admi- nistrations théâtrales. Mais elles opéraient librement, sous le seul contrôle d'un Comité, chargé de surveiller leur mptabilité. Les Comités pouvaient conclure des traités, indiquer & leurs membres une li,un<' de conduite. L'indé- pendancedei ig< ncea ue s'en trouvait pas diminuée : el s'il un auteur de débattre librement son prix avec un directeur, contrairement au traité général, ou d'enfreindre

par ses confrères, l'agent général n'en

LA SOCIETE ACTUELLE. SON ORGANISATION

53

continuait pas moins à toucher ses droits, et à lui en remettre le montant.

Depuis 1829, il n'en va plus ainsi. Qui dit agences géné- rales, dit Société.

Lorsqu'un jeune écrivain, qui goûte encore le plaisir sans mélange que donne la première œuvre reçue, s'informe des droits que sa pièce pourra peut-être lui rapporter, en outre de la considération de ses contemporains, on l'envoie à la Société des Auteurs. 11 se présente à l'une des agences géné- rales : là, on l'avise qu'avant de toucher quoi que ce soit, il lui faut signer un papier : ce sont les statuts de la Société, dont il lui est loisible de prendre connaissance : il a le droit de les examiner avec soin, d'en pénétrer le sens, d'en peser le pour ou le contre. Le jeune auteur, sans méfiance, signe le papier, sans même le lire. N'est-ce pas le talisman, gr auquel il deviendra sacré pour les directeurs de théâtre? Désormais, un compte lui est ouvert, qui lui procurera, lorsque sa pièce sera jouée dans la plus petite ville de France, par un hasard quelconque, des recettes plus ou moins inat- tendues, et toujours bienvenues. Une longue expérience lui fera connaître peut-être les obligations auxquelles il s'esl soumis, en un jour de joie, le jeu des clauses <jni constituent les statuts. Voudrait-il se retirer? La perception de ses droits serait suspendue, dans tous les théâtre de France... et de Navarre. Libre au proscrit, jaloux de son Indépendance, de lire ses pièce- à ses amis, ou de Louer une salle pour les représenter.

Les statuts ont pris soin de Limiter étroitement le rôle des agents généraux. II paraissait à craindre, en effet, qu ils n'abusent des services précieux qu'ils rendent aux auteurs,

et de l'autorité qu'une Longi ipérience peut leur valoir

auprès des directeur- de théâtre, pour intervenir directe

CHAPITRE II

m. 'lit dans les rapports que Leurs clients entretiennent avec ceux-ci au point Je vue artistique. Quels dissentiments, quels conflits n'eussent pas troublé la vie de la Société, s'il eûl dépendu d'eux, par des conseils donnés aux directeurs de théâtre, de les engager à traiter avec tel auteur, plutôt qu'avec tel nuire? Aussi ne doit-on pas être surpris de lire dans les statuts qu'il leur est interdit de prendre l'ini- tiative de la réception d'aucune pièce, qu'ils ne doivent

îister leurs clients qu'après l'acceptation de leurs ouvrages, ou pour la rédaction des conventions particulières qu'ils peuvenl conclure. Défense leur est faite de se livrer à

aucune opération contraire aux intérêts généraux des auteurs, et à la loyale exécution du mandat qui leur est confié ».

Ici encore les prescriptions statutaires n'ont pas grande importance. 11 faut beaucoup moins compter sur cette prohi- bition de pure forme, que sur l'impartialité dont les agents éraui onl tenu à faire preuve, dans ces questions très délicates, sur leur volonté non équivoque de se renfermer

m leur pôle d'agents de perception. Quels que soient endanl leurs scrupules en cette matière, il est inévitable que leur opinion influence parfois, non pas les directeurs qni mettent pour la première fois une pièce à la scène, mais lea imprésarios qui organisent des tournées, les représen- ,,,|N de l'étranger qui viennent en France pour acheter manuscrits. Certains ont murmuré que les membres influents de I été étaienl souvent avantagés par eux,

''"' détriment des jeun,... des demi-notoriétés.

1 ; " •• i injuste, car il n'y a certainement pas de

ru pris : m m ment empêcher les agents d'avoir pré-

-'•",- ' l'esprit les succès de la saison, plutôt que les échecs, ne, plutôt que les talent* obscurs?

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 153

C'est un? suggestion fatale, involontaire, inconsciente

souvent, qu'aucun règlement ne peut empêcher.

A cette même préoccupation de mettre les auteurs à l'abri de toute manœuvre de leurs fondés de pouvoirs, il faut rat- tacher cette autre défense qui est l'n i te aux agents « de se rendre acquéreurs de répertoires, d'être associés, comman- ditaires, ou intéressés à un titre quelconque dans aucune direction théâtrale ».

On ne pouvait se montrer moins exigeant pour les agents que pour les membres de la Commission.

La comptabilité des droits d'auteur, confiée aux agents généraux, est soumise à la double surveillance de la Com- mission, et d'un contrôleur général spécialement créé à cet effet. Elle n'a été vraiment organisée qu'à deux reprises, et pour remédier à des situations troublées.

L'article 10 des statuts de 1837, que les statuts de 1871) et de 1904 ne tirent que reproduire, portail seulement :

« Tous les droits dus aux Auteurs et Compositeurs membres de la Société... seront, sous la surveillance de la Commission, perçus par les agents généraux, seuls responsables ».

Confiée aux membres de la Commission, la surveillance était forcément intermittente; elle offrait une garantie plus nominale qu'effective.

Une première fois, en 1867, on dut créer un poste d ins- pecteur-vérificateur; c'était une condition du traité de paii intervenu à cette date cuire la Société el l<i< auteurs dissi- dents qui, dans un procès récent, avaient pris position contre elle. L'inspecteur-vérificateur, seul chargé désormais du contrôle, devait, par des visites faites le 9 «le chaque mois, la veille du paiement aux auteurs des droits qui leur rêve-

154 CHAPITRE II

oaient, el aussi par des visites faites à l'improviste, vérifier les caisses el la comptabilité des agences générales (\).

Cela n'empêcha pas, en 1882, la déconfiture de l'une des

aces, qui créa pour la caisse sociale un déficit de plus

de 300,000 francs. Il y eul nombre d'auteurs lésés, qu'il fallut

désintéresser. Ce désastre financier porta un coup sensible à

la fortune, à peine reconstituée, delà nouvelle Société.

Une réforme s'imposait ; la Commission le comprit, et fit ratifier par l'Assemblée générale un ensemble de mesures destinées à organiser pour l'avenir une surveillance plus étroite el plus sérieuse (2).

Il fallait un contrôle double, celui d'un agent chargé des vérifications matérielles, celui delà Commission, s'exerçant par ses délégués, pour assurer leur exactitude, et prévenir toute erreur. Par ses seuls moyens, en effet, la Commission n«' pouvait prétendre à débrouiller une comptabilité aussi importante que celle de la Société : il fallait, à côté d'elle, t sous son nutorité, un comptable rompu aux chiffres. Aussi remplaça-t-on l'inspecte ur-vérificateur par un contrô- leur général, Qommé par In Commission, et rétribué sur les fonds de la caisse sociale.

routes les vérifications furent faites désormais à l'impro- riste. Chaque m<>i^. le contrôleur, à une date indéterminée,

ifie les comptes et les eusses des agents généraux,

I8té de deux membres de In Commission : il s'assure que

,|r"lU perçus pour l«- compte des auteurs, et qui ne leur

""t pas encore été n-mjs. sonl représentés dans les caisses

;,-''"N l';" de> sommes égales en auméraire ou en

>mptabilité,dii !" mars 1867, Annuaire 1866 8$. mai 1882, Annuaire 188% 1888.

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 155

compte courant à la Banque de France ou au Comptoir d'Escompte.

En dehors de ces visites mensuelles, le contrôleur inspecte les caisses chaque fois qu'il le juge nécessaire, avec ou sans l'assistance de délégués de la Commission. Chaque vérifi- cation donne lieu à un rapport écrit du contrôleur qui est lu à la plus prochaine réunion de la Commission.

Les irrégularités relevées en 1882 n'avaient été décou- vertes que sur les plaintes d'un auteur, qui ne pouvait obtenir le compte de ses droits. Pour assurer à l'avenir une comptabilité claire et accessible à tous, la Commission voulut que chaque membre de la Société pût, à tout instant, demander des éclaircissements sur l'état de ses droits. L'auteur qui a quelque doute sur l'exactitude de sod compte aura toujours la faculté de s'adresser au contrôleur, qui devra procéder de suite aux vérifications nécessaires.

Le contrôleur général créé pour inspecte!' les «tgences a d'autres attributions par lesquelles il participe directemenl à l'administration linancière de la Société.

Les statuts de 1837 ainsi que ceux «le IS7!> confièrent la gestion des liimnees de la Société aux agents généraux, seuls chargés du paiemenl des dépenses «-t 'In recouvre- ment des recettes.

Ces attributions, jointes à leurs Fonctions de percepteurs des droits d'auteurs, avaient, entre autres inconvénients, (fini de leur permettre «le mêler deux comptabilités diffé- rentes : la comptabilité des deniers sociaux, ■'! leurs comptes particuliers avec leurs clients, confusion qui préjudiciail grandement ;• la clarté des opérations, «-t qui rendait tout contrôle à peu près impossible.

156 CHAPITRE II

Une première réforme hit faite en 1867 ; on sépara théo- riquemeni la caisse sociale des caisses particulières des inéraux I).

Le règlement fait à cette date porte que chacun des

néraux assumera à son tour la gestion des intérêts

- Iaui pendanl un exercice, après avoir reconnu et certifié

ici l'étal de la caisse qui lui est fourni préalablement par son collègue. En outre, l 'inspecteur-vérificateur a seul qualité pour percevoir les droits et intérêts qui sont dus à la Société.

De même, tous les mandats de dépense doivent, avant d'être p tyés, être visés par le membre de la Commission qui remplit les fonctions de trésorier.

Les sommes appartenant à la Société sont enfermées dans une caisse distincte el donnent lieu à des écritures spéciales.

La comptabilité «le la Société est d'ailleurs placée sous le

ntrôle de l'inspecteur-vérificateur, qui reçoit, des agents u\. le montant des prélèvements effectués au profit de la Société sur les droits d'auteur, examine les dépenses, et vérifie séparément la <-;ii>sede la Société.

On alla plus loin dans cette voie en 1904. On pensa que lion de la caisse sociale et la perception des droits des

auteurs levaient pus rtre réunies dans les mêmes mains.

Le i otrôleur général, qui avait succédé à l'inspecteur-véri- teur, devait déjà, à chaque instant, intervenir dans l'administration de la Société; il étaii préférable qu'il en fût seul chargé.

Le contrôleur général es1 aujourd'hui l'agent comptable de dont M tient la caisse «'l l«'s écritures. 11 exé-

cute I' iona de la Commission, pour toul ce <|ui touche

el aui dépen ci aies.

67 sur le fonctionnement de la caUse de U 142,

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 1»T

Il effectue les recouvrements de toutes les sommes dues à la Société; il perçoit notamment, des agents généraux, les redevances tixées, au profit de la caisse sociale el de I;i caisse des secours et des pensions, par les dispositions statutaires.

De même il acquitte les mandats signés par le trésorier. 11 réalise aussi, conformément à des délibérations spéciales prises par la Commission, les acquisitions ou emplois de fonds en titres nominatifs, ou leur aliénation.

Enfin il a la garde des archives et de la bibliothèque de la Société, et il est chargé tous les ans de la rédaction et de la publication de l'Annuaire.

La Société des Auteurs s'est formée une assez riche biblio- thèque, en achetant, en 18G2, les collections réunies par un artiste, Francisque jeune. Ces collections renfermaient environ 13,000 volumes, documents sur l'histoire générale du théâtre et sur le répertoire dramatique. Pour assurer le renouvellement de ce fonds, de manière à permettre de suivre, d'année en année, la production théâtrale, les membres de la Société prirent rengagement de déposer <'n double exemplaire à la bibliothèque, leurs ouvrages impri- més. Au cas l'un d'eux manquerait à remplir cette for- malité, la Commission était autorisée à acheter les volumes aux frais de l'auteur (1).

En échange de cet envoi gracieux, La Société faisait aux membres de l'association une laveur de publicité. Chaque année, l'Annuaire devait mentionner, dans la liste des piè< représentées, les œuvres dramatiques dont les exemplaires avaient été adressés au siège social, avec indicatios du nom de l'éditeur et du prix du volume.

Pourtant rengagement pris par les membres de la Société

l Voir Annuaire de ta Société, 1866 69, |

158 CHAPITRE II

oe fui pas respecté : ils négligèrent le plus souvent de faire le dépôt convenu. La Commission n'osa pas appliquer les étions nécessaires, c'est-à-dire acheter les volumes aux frais des auteurs.

En fait, la Société ne recevait à cette époque que les •m de ses membres édiles à l'Agence générale de

librairie.

En 1866 en effet, les auteurs avaient décidé de s'éditer eux-mêmes, afin de conserver la propriété de leurs ouvrages 1 . La publication des œuvres des membres de L'association fut confiée à un agent général, choisi par la Commission, qui, moyennant un prélèvement de 15 0/0 sur Le produit de La vente, supportait tous les frais d'édition. Les auteurs conservaient d'ailleurs la faculté de se faire éditer ailleurs, tandis que la librairie dramatique n'avait le droit d'éditer que les œuvres des membres de la Société. Les oui parus par les soins de l'agent général devaient

porter Le titre : Bibliothèque spéciale de la Société des Compositeurs dramatiques, ainsi que la devise de : l rnw et Libres.

L'inspecteur-vérificateur était chargé de surveiller les opé- rations de L'Agence de librairie dramatique.

agence s'installa 10, rue de la Bourse, sous la direc- tion de M. Louis Lacour.

Malgré Les avantages considérables qu'elle présentait pour

1 institution nouvelle n'eul pas grand succès auprès des

auteur* : de 1867 à 1868 elle n'édita qu'une quarantaine

de ; _' Ussi en 1869, devanl L'indifférence des auteurs,

ion du 19 mari 1866. Voir Anntutire, 1866-69, i ment d une Agem e générale de librairie avec rapport lu P. Dugué. Bibliothèque de la Ville, 12,037*».

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION L5Q

qui avaient pourtant réclamé cette création avec une vive insistance, l'agent général se refusait-il à continuer une entreprise onéreuse (1).

Une nouvelle tentative fut faite à cette date. On renonça à Tidée d'une agence éditant exclusivement les membres de l'association. La Commission passa avec la maison Dentu un traité, aux termes duquel cette maison assurait aux membres de la Société des Auteurs la propriété de leurs œuvres imprimées, moyennant un prélèvement de 40 0/0 sur le produit de la vente (2). Cette nouvelle organisation n'eut d'ailleurs pas plus de succès que la première.

En dépit des exhortations de la Commission, les autours ont toujours négligé d'adresser leurs ouvrages à la Société. Lors de l'Assemblée générale de 190o, M. Mitchell proposa d'imposer à nouveau aux membres de l'association l'obli- gation d'envoyer à la bibliothèque des exemplaires de leurs pièces imprimées. Cette proposition (Hait motivée par la suppression prochaine de la censure, qui par le dépôt obli- gatoire des manuscrits, avait formé jusqu'alors une biblio- thèque permettant de suivre l'histoire du théâtre.

11 convenait que la Société des Auteurs s'occupât de constituer cette bibliothèque modèb'.

La question n'a encore reçu aucune solution.

Commission, agents généraux, »■! contrôleur général -"lit soumis à l'autorité de L'Assemblée générale. Mais cette autorité s'exerce ;■ des intervalles si éloignés qu elle es! presque Illusoire : en réalité tous les pouvoirs appartiennent

à la Commission.

(i) Assemblée générale du 30 mai 1SM. Annua

(2 Voir ce traité dans [Annuaire, 1869-1872, i" '< 1^--

CHAPITRE II

Tous les ans les sociétaires sont réunis en assemblée _ raie, au jour fixé par la Commission, et à sa requête.

En outre de ces réunions périodiques, des assemblées extraordinaires peuvent èlre tenues dans le courant de l'année, à la demande de la Commission.

Enfin la Commission doit convoquer une assemblée géné- rale, lorsque La demande lui en est faite par vingt socié- kaires au moins : en ce cas la délibération ne peut porter que sur un objet spécial, nettement déterminé.

réunions extraordinaires auront lieu, lorsque des évé- nements graves surgiront, sur lesquels la Commission ne voudra pas se prononcer, sans connaître l'opinion de la majorité des membres de la Société. Certaines questions (1 ailleurs touchant surtout aux statuts ou à la vie finan- cière de la Société sont réservées, aux termes de l'acte I. l'examen des sociétaires; en dehors de la nomina- tion des membres <!«' la Commission, et de l'apurement des comptes annuels, I Assemblée générale seule peut décider le partage des bénéfices, et voter des fonds extraordinaires, lorsqu'il y ;i lien. Toute modification aux statuts doit être approuvée par elle; enfin il lui appartient de demander, à I expiration «lu temps prévu par les statuts, la mise en liqui- dation <lf la Société.

Il n ;• jamais été fait abus des assemblées générales extra- ordinaires : les faits qui se sonl passés récemment mon- ti'-ni que des questions vitales pour la Société peuvent être r la Commission, sans que l'opinion des sociétaires wt été demandée. Lorsqu'à la lin de l'année 1903 la Com- mission refusai! de traiter avec M. Roy, qui l'assignait devant

* tribunaux, un procès s'engageait, qui mettait en cause

même de la Société, \van1 de prendre une déci-

1 ommission n'estima poin! nécessaire de demander

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 161

l'avis des sociétaires. Ceux-ci ne furent informés officielle- ment des événements qui s'étaient passés que lors de la convocation de l'Assemblée générale annuelle, le i mai 1904. Et leur action se borna à voter un ordre du jour de félicita- tions aux membres de la Commission, pour leur énergique résistance en cette affaire.

L'année suivante, le i mai 190o, les sociétaires réunis en assemblée générale étaient instruits que la Société des Auteurs avait gagné son procès. Ils ne pouvaient encore que s'en féliciter.

Ils n'eurent vraiment à donner leur avis qu'en 1907, après trois ans de luttes, quand il s'agit de tirer la morale du procès, et de procéder au règlement financier de l'affaire.

En fait, les sociétaires ne manifestent guère leur contrôle dans la marche de la Société que par la réunion solennelle à laquelle ils sont convoqués tous les ans.

Au jour fixé, un membre de la Commission lit un rap- port sur la gestion de l'année qui s'est écoulée. La forme ni le fonds de ce rapport ne varient guère d'une année à l'autre. 11 débute par des chiffres, quoi de plus éloquent que les chiffres! Il se félicite ordinairement de pouvoir apprendre à ses collègues que les droits perçus par la Société ont aug- menté de quelques milliers de francs. Et généralement, depuis un certain nombre d'années, il constate que les droits perçus dans les théâtres ont diminué ou sont restés Millionnaires, tandis que ceux qui proviennent des music- halls ont progressé très sensiblement. Il indique les sommes distribuées à titre de secours ou de pension-. Puis il souhaite la bienvenue aux stagiaires admis dans le courant de 1 année au rang de sociétaires, et prononce l'oraison funèbre des auteurs disparus.

On vote sur le rapport, qui esi presque toujours adopté i

102 CHAPITRE II

l'unanimité. Quelques sociétaires présentent parfois un vœu, ou une motion tendant à une réforme dans l'organisation de L'association, on ils entretiennent l'assemblée d'un projet qu'il y aurait lieu de mettre à l'étude.

« » ii procède au remplacement des commissaires dont les pouvoirs sonl expirés, et on se donne rendez-vous à l'année Bui vante.

La Commission doit avoir connaissance de toutes les

questions qui pourraient être discutées en assemblée géné-

rale. Lorsqu'un sociétaire veut soumettre une proposition à

vote, il doit en informer quinze jours à l'avance la

émission qui l'inscrira à l'ordre du jour de la séance.

Comme on le voit, l'autorité de l'assemblée est plutôt nominale : ses attributions sont enfermées dans des limites étroites]; la plupart du temps, ce qu'on lui demande, c'est un biil d'indemnité pour des faits passés, parfois oubliés : il lui serait difficile de le refuser.

Parfois, cependant, l'assemblée s'est montrée plus

m t.- : elle s'est trouvée nettement en désaccord avec

immission, <j u i avail agi sans la consulter; il n'y avait

d'autre moyen de sortir de cette situation qu'une chute de

cabinet, un changemenl de politique.

1862 la Commission réclamait, pour des raisons priv( i démission à l'un des deux agents généraux.

Elle 'iii * devoir s signer l'autre, M. Guyot, devant le tribu- nal civil, pour s'entendre condamner à communiquer s<>s lai er vérifier sa comptabilité. Cette dernière demande était motivée par certaines irrégularités, qu'uni '■'"I1 'H permit de relever à la charge des agents. De^

■omn ni été touchées par eux, dont il n'avait pas été

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 163

tenu compte aux auteurs ; des avances avaient été faites à des membres de la Société sur les deniers sociaux; enfin des perceptions avaient été effectuées au profit de personnes étrangères à Fassociation.

Ces mesures de rigueur ne rencontrèrent pas l'approbation de la majorité des membres.

La Commission dut s'expliquer publiquement sur sa conduite devantrAssemblée générale. La séance fut orageuse. Une proposition de M. Dennery, demandant la réintégration de l'agent démissionnaire, fut votée à une forte majorité. On s'accorda à regretter que la Commission eût arrêté un ensemble de mesures sans prendre l'avis des sociétaires. M. Anicet Bourgeois rappela les paroles prononcées par Scribe à l'Assemblée générale de 1856, desquelles il résultai! que les Assemblées générales étaient souveraines, et qu'il leur appartenait de décider en dernier ressort. 11 reprocha même aux membres de la Commission d'avoir pris connais- sance, au cours de l'enquête faite sur les opérations des agences, des comptes particuliers des auteurs.

A ces mois, « la Commission, dit le procès-verbal, se lève par un mouvement énergique, et dément l'allégation par le cri unanime : c'est faux ! c'est faux! ».

La séance dut être levée. L'année suivante, lu Commission démissionnait. Plusieurs de ses membres parlèrent même de fonder une société rivale : ce geste de mauvaise humeur n'eut pas de suites.

Le désaccord entre [a majorité <■! la Commission ae se borna pas à des discussions : les tribunaux en furent saisis. La Commission avait introduil devant le tribunal civil une action contre Guyot ; quand elle se présenta pour la bou tenir, on vit un grand Qombre de sociétaires intervenir dans l'instance, et déposer des conclusions contraires .1 celles des

CHAPITRE It

iiss ires. Représentés par M1 Cléry, ils soutenaient que la Commission n'avait pas le droit de révoquer un agent; [es agents étaient avanl tout les mandataires des auteurs ; l'affaire portée devant le tribunal devait être soumise à une

assemblée générale.

Cette démarche n'eut aucun succès. Le tribunal, à la demande des commissaires, nomma un expert pour vérifier l.i comptabilité de Guyot : elle rejeta l'acte d'intervention de la majorité, et la comdamna aux dépens (1).

Incontestables en théorie, les droits de l'Assemblée géné- rale se réduisent eD pratique à très peu de chose : elle n'a _ ère d'autre moyen de les affirmer que par des discussions qui risquent de mal tourner, et par des changements de Commission. On est d'accord pour lui reconnaître, en quelque façon, nue souveraineté de dernier ressort; mais on ne s'entend même pas sur les limites de cette souveraineté :

$\ du moins ce qui parait résulter du débat qui s'engagea en 1862 sur la réintégration de l'agent démissionnaire. L'Assemblée avait-elle le droit de prendre des mesures d'exécution î Beaucoup lui dénièrent ce droit, lui recon- aaissanl seulemenl la faculté d'émettre des vœux plus ou moins platoniques, auxquels les commissions qui se suc- Miii donneraient la suite qu'il leur semblerait com- porta r.

Le* décisions de l'Assemblée, dans les cas il lui est arrivé d'en prendre, ont-elles même été toujours respectées? Il De semble pas.

En 1890, une Vssemblée générale décidait qu'une prime de 3,000 francs sérail allouée tous les ans au* directeurs de théâtre, qui, dans le couranl de l'exercice, auraient mis à la

itninaux, 8, 10, n, i] avril, h. \- mai 1863.

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 165

scène une œuvre d'un stagiaire. C'était un encouragement à jouer les jeunes, trop souvent éconduits. Trois ans plus tard, la Commission supprimait cette prime, sans avoir pris l'avis des sociétaires.

En 1902, à la suite d'une campagne menée par les direc- teurs de théâtre contre le système des répétitions générales, M. Decourcelle, au nom de la Commission, en proposa la suppression.

Depuis longtemps le régime des répétitions générales soulevait dans le monde des théâtres de très violentes cri- tiques. A l'origine, les salles de spectacles ne s'ouvraient, le jour des répétitions, qu'à un puhlic restreint : on y voyait des critiques, mais en petit nombre, des amis de l'auteur, ceux qui avaient collaboré à la mise en scène : en tout une centaine de personnes, réunies, non par snobisme, mais dans l'intention de juger l'œuvre nouvelle, et déconseiller utile- ment l'auteur sur les dernières retouches à faire. Ce travail en commun était précieux pour l'intéressé, qui, entre deux soirées, apportait souventà sa pièee des changements heureux, l'allégeant d'un acte, la débarrassant d'intrigues inutiles, corrigeant des fautes de figuration ou de mise en scène.

Cela ne pouvait durer. Une foule bigarrée envahit bientol la salle : tous les critiques s'y trouvèrent, petits ou grands, tous les artistes, accompagnés de leurs amis, <il des amis de leurs amis. Ce fut, avant la première, le rendez-vous inonda in par excellence, pour des milieux d'ailleurs très disparates : il ne pouvait plus être question de travail, de corrections; et tout ce que pouvait raisonnablement espérer l'auteur, c'était de triompher de la mauvaise foi, du parti pris de dénigrement, qui dominent dans une salle ainsi compos Car s'il est un public qui résiste d'avance aui émotions, les appréciations malveillant.-, les échos les plus perfides

CHAPITRE II

soient colportés et complaisammenl écoutés, c'est bien celui qui se réunil ces jours-là pour juger L'effort d'un écrivain.

Les critiques qui assistent à la répétition ont rarement la conscience de revenir à la première. Ils se piquent de faire L'opinion : mais ils ne connaîtront jamais par eux-mêmes L'opinion du vrai public, l'effet produit sur des spectateurs de bonne foi, qui n'ont aucun intérêt à approuver ni à blâmer, ils n'attendent pas toujours d'ailleurs que la pre- mier.' ail eu lieu car nous vivons dans un temps l'on est pressé. Si par hasard l'auteur a jugé bon de modifier sa pièce entre Les deux soirées, ils n'en tiendront nul compte : tel critique s'étendra complaisamment sur les défauts d'une scène que Le grand public ne verra jamais.

Frappé de ces inconvénients, M. Decourcelle proposait de a 'admettre la critique qu'à la première. Gela gênerait peut-être Les journaux : ils s'arrangeraient. Pour emporter le rote de L'assemblée, il faisait valoir que le régime des répétitions coûtait 320,000 francs par an aux vingt théâtres de Paris non compris les théâtres subventionnés.

\ une imposante majorité, l'assemblée vota la suppres- sion des répétitions. L'auteur et le directeur auraient seule- ment le droi! de distribuer chacun douze cartes d'entrée à Leurs amis, pour les jours de répétition : ceux qui en déli- vreraient davantage seraient passibles d'une amende de 3 onii fran( -.

Deui auteurs s'inclinèrent; ils subirent La loi nouvelle, au risque de voir livrer Leurs pièces en pâture à La critique irritée : nnl un troisième, qui lit une répétition publique. D mtn ! imitèrenl : aucun ne versa 3,000 francs.

incien système était rétabli, sans qu'aucune assemblée

: été m\ délibérer sur la situation. Il n'a pas

•I ailleurs ramené Le calme dans Le monde du théâtre. Jamais

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 167

les incidents entre la presse et les administrations théâtrales n'ont été plus fréquents ; le dernier mérite d'être men- tionné, car les tribunaux auront peut-être à en connaître : M. Sardou a assigné le Matin en ">0,000 francs de dom- mages-intérêts pour avoir rendu compte de r Affaire des Poisons en termes d'ailleurs peu bienveillants avant la première représentation de sa pièce. M. Picard, encouragé par cet exemple, lui réclame 100,000 francs à l'occasion d'une critique du Faux Pas publiée dans les mêmes condi- tions.

La question de principe est enfin posée : un critique peut-il être traîné en justice pour avoir analysé une pièce qu'on Ta prié de venir voir?

Tout cela ne fut pas sans inquiéter quelque peu les socié- taires sur l'efficacité de leurs décision». Aussi voyons-nous s'introduire dans les statuts de 1904 un article qui n'était pas dans les statuts de 1879 :

« Toute décision prise en Assemblée générale ae pourra être cassée ou modifiée que par une nouvelle Assemblée générale ».

On ne pouvait être moins exigeant.

Pour pourvoir aux différents objet» qui lui sont assigm par ses statuts, la Société des Auteurs dispose d'un ensemble

de ressources qui constituent le l Is social, el <|ni sont

énumérées dans l'article 6 des statuts. « Le fonds social se compose : « De l'apport de chacun des sociétaires : « Du un pour cenl prélevé sur les produits bruts des représentations de leurs œuvres, tanl à Parisque dans les départements, à l'étranger; partout enfin au la perception

CHAPITRE II

pourra B'exercer Légalement en vertu Je traités généraux tvec la Société ;

m \)° Du un pour cent prélevé sur la remise attribuée aux généraux pour la perception des droits d'auteur à l'étranger, en raison de tous traités particuliers passés par leur intermédiaire ;

« Du produit des représentations et redevances quel- conques consenties par les divers théâtres en vertu des traités ; Des bénéfices de toute nature que la Société pourra faire, et de tous avantages généralement quelconques ;

« Et enfin des revenus non dépensés provenant des sommes non dépensées, quand le partage n'en sera pas décidé ».

Le premier élément du fonds social, ce sont les apports faits à la Société par les sociétaires nouvellement admis, conformément aux dispositions adoptées en 1879.

A i »*tte date, qui marque la reconstitution de l'association, les anciens sociétaires furent reçus dans la nouvelle Société, a i nii.lition de rapportera la caisse ce qu'ils avaient touché comme pari dans la liquidation de l'actif. Gela fit à la S iété une première mise, qui atteignait, dès l'exercice 1879-1880, 256,200 francs, et qui s'a ugmente chaque année «If rapport de 100 francs lait par les sociétaires dont l'admis- sion ••-! prononcée.

prélèvements effectués < ouformément aux statuts sur lec droite d'auteur on1 suivi une ascension marquée, duc à la | sio ii constante des <lmiis d'auteur.

Pendant l'exercice 1869-70, le produit de ces prélèvements H encore que 9,462 francs. Il est vrai qu'à cette époque li retenue sur les <lr<>ils d'auteur était seulement de 1 2 0 •>.

En IV) les retenues de 1 0/0 produisaient £4,978 fr. ;

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 169

En 1890-91 : 32,926 fr. ;

En 1901-1902 : 40,988 fr. ;

En 1906-1907 : 66,248 fr.

Aux prélèvements de 1 0/0 effectués sur les droits des auteurs vivants, ou morts depuis moins de cinquante ans, il faut joindre les droits exigés par la Société sur les pièces du domaine public, et qui sont versés pour la totalité à l,i caisse sociale. C'est une source de revenus qui est sujette à des changements très sensibles, car rien n'est plus variable que les emprunts plus ou moins larges faits chaque année par les théâtres au vieux répertoire.

En 1869-70, le domaine public rapportait 3,165 fr. ;

En 1879-80 : 54,996 fr.;

En 1890-91 : 38,140 fr.;

En 1901-1902 : 63,853 fr.;

En 1906-1907 : 62,208 fr.

A ces ressources il convient d'ajouter les redevances diverses exigées des directeurs par les traités généraux au profit de la Société, et qui fournissaient en 1906-1907 une somme de 29,827 fr. ; une somme considérable provenant de l'intérêt des valeurs appartenant à la Société, <'l qui formait pour l'exercice 1906-1907 un compte de 54,021 fr. ; puis des recettes extraordinaires, moins importantes el très variables, telles que les dons ei legs faits à la Société, le remboursement de frais de traités ou de frais judiciaires, les indemnités versées par les directeurs en cas d'infractions aux traités, etc..

Directement ou indirectement, la fortune d<> la Société des Auteurs est «loue principalement constituée par des prélèvements opérés sur les recettes des tli<;àin--. De ce fait, elle Be trouve soumise à des hausses ou des baisses fi queutes. Indépendamment des faits particuliers oui modi-

170 CHAPITRE II

fient d'année en année la situation des théâtres tels que faillites, fermetures à la suite d'une mauvaise saison, ou au atraire ouverture de scènes nouvelles, relèvement de mes délaissées îles causes générales peuvent agir sur la prospérité tics théâtres, d'une façon souvent fort impré- vue. Les théâtres son! en effet une industrie de luxe qui subit, la première, le contre-coup de toutes les crises financières ou politiques, ei aussi de ce qu'on peut appeler de l'opinion. is parler de l'exercice 1870-1871 qui, par le fait de la irre, porta un coup sensible à la Société des Auteurs, l'incendie de l'Opéra-Comique, qui éloigna pour longtemps de toutes les -(tues de Paris et de la banlieue un public effrayé, entraîna pour l'exercice 1887-88 une baisse considé- rai.1.* dans les recettes des théâtres. En 1894, la Commission Himaitainsià I A sseï nblée les intluences ennemies du théâtre <ui parlait déjà beaucoup de la crise des théâtres : Les exigences des artistes, qui ne sont pas toujours en -••il directe de leur valeur personnelle! Les frais de toutes les qui augmentent journellement, alors que notre part de droits demeure immuablement la même depuis soixante- quatre ans! Le droit des pauvres qui continue de frapper 1 industrie des théâtres libres, comme il s'exerçait sous le -mi'* du monopole! Les circonstances climatériques, l'in- Quenza, la politique, Panama, l'anarchie et sa propagande parle fail : La stagnation des affaires, la timidité des bouc- le culte excessif du Parisien pour 1rs billets de faveur! Le développement des courses de chevaux avec le pari mutuel, el enfin l'envahissement passionné de la bicyclette, tutant di fâcheuses ».

latentes onl pour la plupart persisté, ou se sont

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 171

Les artistes, secondés par une réclame toujours plu^ complaisante, ont des prétentions toujours plus coûteuses : les théâtres, pour obéir aux exigences d'un public qui aime avoir ses aises, sont obligés à de> frais [dus lourds ; les champs de courses malgré la suppression des bookma- kers — ne sont pas délaissés. A la bicyclette a succédé la concurrence combien plus déloyale et plus dangereuse des automobiles. Le culte des Parisiens pour les billets de laveur est devenu un véritable fléau. Et la politique n'a pas cessé d'absorber les esprits. Le temps n'est plus le peuple se contentait de demander : panent ri circenses. A ce compte, la crise des théâtres est endémique.

Par contre, des événements commerciaux comme les Expositions universelles, viennent périodiquement verser daus la caisse de la Société l'or d'un Pactole International.

En 1889-90, le rapporteur constatait pour les droits d'auteur une augmentation de 625,000 IV. sur l'exercice précédent.

L'Exposition de 1900 donnait une majoration de 82 1 ,000 IV. sur l'exercice précédent.

Ce sont des aubaines. Il faut en profiter, sans trop eu espérer le retour.

À cette instabilité dans les ressources sociales est due sans doute la sage e1 prudente gestion donl la Société des Auteurs ne s'est pas départie. Les commissions qui se sont succédé n'ont cessé d'insister sur la nécessité <l«i mettre de côté pour les mauvais jours possibles. Elles n'ont pas cédé aux tentations <|ii<* suscitent l<^ plus-values budgétaires. Et c'est avec une lenteur voulue qu'elles ont développé pi sivemenl le service «I»'- pensions de retraite, qui est, depuis une vingtaine d'années, l'objet des préoccupations constantes de la Société.

CHAPITRE II

+ *

L'ensemble dos ressources que nous venons d'indiquer es! d'abord consacré aux diverses dépenses que nécessite le fonctionnement de L'association. L'excédent, c'est-à-dire le solde en caisse, constaté à la fin de chaque exercice, est mis en réserve, et vient grossir d'une année à l'autre l'actif - ial. 11 est converti en valeurs, conformément aux pres- criptions <lti l'article 7 des statuts qui porte :

Toutes les dépenses acquittées, l'excédent des recettes sera converti en rentes sur l'Etat, ou en autres valeurs Bolides, au profit de la Société ».

Les < comptes de la Société, tels qu'ils sont établis à la fin de chaque exercice, se sont toujours, sauf de rares excep- tions, soldés par des excédents de recettes, souvent considé- rables, qui constituent aujourd'hui à la Société une réserve for! importante.

Cette fortune était ainsi composée pour l'exercice 1906- 1907 :

1 Valeur des litres au prix d'achat. . 1,585,091 fr.

2 Mobilier et bibliothèque 55,551

Solde "ii caisse 102,218

Total 1,742,860 fr.

I' I est le chiffre <l<' l'actif social qui devrait être mis en

i la liquidation <l<i la Société était demandée par

les deux tiers des sociétaires ayanl droit de vote, au terme

par les statuts.

Jusqu en 1904, seuls les sociétaires pouvaienl être appelés,

'•• cas échéant, au partage de l'actif social. Les statuts de

af admis indistinctement tous [es membres çlç

iation.

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 173

L'article 26 des statuts règle ainsi la procédure : « A l'expiration de la Société, la liquidation sera opérée par la Commission alors en fonctions, assistée des agents généraux et du contrôleur général, suivant le mode qui sera réglé par l'Assemblée générale ».

Depuis 1829 la question s'est posée une seule fois, en 1879. Le partage se fit alors, non pas proportionnellement aux prélèvements effectués sur les droits de chaque sociétaire, c'est-à-dire proportionnellement à ce que chacun avait apporté à la Société, mais par parts égales : répartition évi- demment plus démocratique.

Les statuts prévoient également la constitution d'un fonds de bénéfices partageables, qui comprend, aux termes de l'article 8, les revenus non dépensés des sommes placées au profit de la Société. Ce fonds de bénéfices apparaît chaque année dans le solde en caisse constaté à la fin de l'exercice.

Les statuts de 190 i confirmant sur ce point les statuts de 1879 admettent au partage des bénéfices les diffé- rentes catégories d'associés.

Le partage a lieu sur la proposition qui en est faite à l'Assemblée générale par la Commission, lorsqu'elle juge convenable d'y procéder. La décision doit être votée par les deux tiers des sociétaires, ou recueillir postérieurement leur adhésion.

La procédure n'est pas laissée au choix de l'Assemblée général»1. Les statuts prescrivent que la répartition ait lieu au marc le franc, et au prorata des versements faits par les associés, en raison du 1 0/0 prélevé sur l<i> droits d'auteur.

Ces disposition^ des statuts sont dues visiblement à la préoccupation d'affirmer, par la constitution d'un fonds «le bénéfices, et la réglementation du partage, le caractère de

17 -i CHAPITRE II

S iété civile que l'association des auteurs a tenu à se donner. En Fait, depuis La fondation de la Société, aucun partage de bénéfices n'a eu lieu, à moins qu'on ne dise tjii'il y ;i eu répartition des gains, lorsqu'on 1879, on procéda à la liquidation de l'ancienne Société.

Aux termes de l'article 7 des statuts, les charges sociales se composent :

I Des frais généraux de recouvrement, et des frais imprévus, après approbation de la Commission ;

_ Des frais judiciaires ou autres nécessités pour la rédac- tion et I<1 maintien des traités, la défense des droits de la caisse el de ceux des associés contre les théâtres, et tous autres ayant des intérêts avec les auteurs et compositeurs.

Le chiffre des dépenses de la Société s'élevait à 18i,195 fr. en 1906-1907, alors que les recettes étaient de 235,762 fr.

La pluparl «les articles de dépenses n'ont donné lieu, depuis la fondation de l'association, qu'à une augmentation fort légère des crédits. Ainsi les frais de loyer, de personnel, d'abandon de droits perçus, et œuvres de bienfaisance, les frais de traités, les frais judiciaires, etc..

Deux articles onl uécessité des crédits plus variables, le

service d< »urs, et surtoul le service des pensions qui

lit, pour l'exercice 1906-1907, à 98,700 francs, absor-

beaucoup plus de la moitié du budget de l'association.

ituts de 1837 prévoyaienl déjà une caisse de secours

tous les associés, à quelque titre qu'ils

enf partie de la Société, avaient d'ailleurs droit à en

néficîer. La répartition en était confiée à la Commission.

En ition de cette caisse a été ainsi arrêtée :

1 '"• domine <!*• 10!). 000 francs environ, provenant

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION L75

d'un versement de 300 francs prélevé sur l'apport social fait par les 366 sociétaires ayant, à cette date, signé les nouveaux statuts ;

La moitié du prélèvement statutaire de 1 0/0 sur les droits d'auteur ;

La moitié des redevances imposées par les traités, au profit de la Caisse des pensions, aux directeurs des théâtres de Paris ;

La totalité des redevances payées par les théâtres de province et de l'étranger.

Ces ressources ont permis à la Société d'encourager dis- crètement dans une carrière difficile, de jeunes littérateurs sans fortune, que l'encombrement des théâtres condamne souvent, après des essais infructueux, au chômage et à la misère.

Le chiffre des secours distribués, qui s'éleva d'abord d'une façon constante, s'est trouvé réduit depuis une dizaine dnnnées, à cause des charges toujours plus lourde- que le service des pensions a fait peser sur le budget social.

En 1879, la Commission décida qu'il serait servi dix pen- sions de 600 francs aux membres les plus le droit à la retraite n'était ouvert qu'aux seuls sociétaires comptant soixante ans d'âge et vingt-cinq années de sociétariat. La Commission était chargée de pourvoir aux vacances en dési- gnant les nouveaux titulaires.

La pension est un droit, non nue laveur : aussi ne peut- elle être refusée : toutefois, si Le paiement vient à en être suspendu, pour insuffisance de ressources, le titulaire n a pas d'action contre La Société.

Le nombre des pensions fui augmenté sans relâche depuis 1880. Dès qu'il semblait possible de l'accroître, sans coin promettre l'équilibre budgétaire, La Commission m bâtait

17n CHAPITRE II

de donner satisfaction à de nouveaux candidats. Elle était d'ailleurs poussée dans cette voie par les sociétaires, qui, dès I.' début, n'oni cessé il»1 réclamer une admission plus large et plus aisée à la retraite. Chaque année, un membre de l'assemblée, se faisant l'interprète du sentiment général, proposait qu'on créât des pensions nouvelles. Une année même, un sociétaire, estimant sans doute que la prose était insuffisante à traduire les vœux de l'assemblée, exprimait son désir dans mie allocution en vers (1).

Tandis que les pensions augmentaient, les secours dimi- nuaient. Conséquence toute naturelle d'ailleurs. Il serait injuste, en effet, d'y voir une tendance de la Société à res- treindre le budget de ses générosités, et à réserver pour les pensions, dont bénéficient les seuls sociétaires, des fonds jusqu'alors destinés à secourirla détresse des autres membres de I i Société, et en particulier des stagiaires. Une part des ni- 8 toujours été, dès l'origine, réservée à certains iétaires - . retirés du théâtre sans y avoir fait fortune, les carrières dramatiques ont parfois une triste fin. Les Fonds qui étaient alloués à ces professionnels malheureux «»nt été simplement rattachés à un autre chapitre; ce qui leur 'lui accordé d'une façon intermittente, et à titre de ours, leur est aujourd'hui servi d'une façon régulière, à titre de retraite. Cela n'a pas diminué la part des autres.

En 1903, la Commission décida d'améliorer encore la

situation des pensionnaires. Le patrimoine social était appelé

eu effet a bénéficier de ressources nouvelles. Le droit de 1 0/0

pen n au profil de la Société sur les droits d'auteur avait

emmenl étendu aux traités particuliers conclus par les

I étranger, traités jusqu'alors exempts de tout

i A»-- du '■ mai 1891, Annuaire 1890-tmn.

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 177

prélèvement. De plus, à l'occasion de la nomination d'un nouveau titulaire de Tune des agences, les deux agents généraux avaient offert spontanément d'abaisser de lu 0 0 à 8 0/0 les frais de perception en province. La Commission avait décidé d'affecter la moitié de l'économie réalisée à la caisse des pensions.

En présence de ces ressources nouvelles el presque inatten- dues, on résolut de porter de 1,000 francs à 1,200 francs le taux des pensions servies. L'année dernière, nue nouvelle satisfaction a été accordée aux sociétaires : le taux des retraites a été élevé à 1,500 francs.

Un membre de l'Assemblée crut devoir exprimer quelques craintes au sujet de cette augmentation. Le service des pen- sions, aujourd'hui comme en 1879, se trouve assuré par un ensemble de ressources prélevées sur le budget annuel de la Société. Il n'est garanti par aucun capital. S'il survenait une guerre, une épidémie, disait M. Aderer, pourrait-on main- tenir le taux actuel ?

Le président répondit assez justement que dans ce cas les pensionnaires ne toucheraient ni 1,500, ni 1,200, ni 1,000 francs: il> ne toucheraient rien du tout.

Cependant, les appréhensions de .M. Aderer avaient ému quelques sociétaires. Ils pensèrenl que le mieux n'es! pas l'ennemi du bien, qu'une caisse <l<- retraites, garantie par un capital respectable, est moins sujette à million qu'un service de pensions alimenté par des revenus aléatoires.

On nomma une sous-commission, qui étudia !<■ fonction- nement de diverses caisses <!<• retraites publiques <•! privé» Quelques membres pensèrenl même a soumettre la caisse des pensions de la Société au régime de la l<»i de 18 ;i baptiser l'association du nom de Société de secours

mutuels, ce qui lui assurerait enfin un Btatul juridique

u

CHAPITRE II

défini, la mettant à l'abri de toute surprise; mais coite solution lui toul de suite écartée. En outre de la réglemen- tation financière gênante à laquelle colle combinaison aurait

ujetti la Société, l'association venait, au cours d'un procès

ni. de voir reconnaître par les tribunaux plus formclle- ni. -ni que jamais sa qualité de société civile, dont elle-même

it toujours un peu doute : ce n'était pas le moment de changer -"ii étiquette juridique.

immission se contenta d'un projet plus modeste,

auquel la caisse sociale serait devenue tributaire de

la Caisse nationale dv< retraites. Les pensionnaires de la

- iété, transformés en mutualistes convaincus, auraient

.•h chacun leur livret.

A uen u projet ne devait aboutir. Le rapporteur de l'exercice 1906-4907 n'eut pas de peine à convaincre ses confrères que la situation prospère de la Société était une garantie suffisante de sa solvabilité dans l'avenir. Il fit justement remarquer qu'un grand nombre des pensionnaires actuels

lient de beaucoup dépassé l'âge de soixante ans, lorsqu'ils furent admis à la retraite. Dans ces conditions, il était aisé de prévoir que le chiffre des pensions ne tarderait pas à se proportionner an nombre, maintenant stationnaire des membres sociétaires, et que de 7IJ, cbifîre actuel il

fixerait bientôt à 10. La dépense nécessaire au service

pensions correspondrait donc prochainement au revenu

de la i (m oe cesse de s'accroître, et qui s'est augmenté

cemment des perceptions nouvelles faites à l'étranger sur d'auteur. La situation n'avait rien d'alarmant : e lui d'accord avec l<i rapporteur, pour tenir au \tatu quo I .

lu * mai 1907, Annuaire 1906-1907.

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE. SON ORGANISATION 179

Les raisons données par le rapporteur Tannée dernière ont leur valeur. Il n'en est cependant pas moins fâcheux, pour une caisse de retraites, de n'être pas à l'abri des fluc- tuations des recettes. Cette incertitude présente un autre inconvénient, moins direct, mais qui ne prête pas moins à la critique. Certains membres ont parfois laissé entendre que les discussions qui s'engag-eaient annuellement, entre tous les sociétaires réunis en assemblée, ne présentaient pas toutes les garanties d'indépendance désirables; la Commis- sion aurait toujours une prépondérance regrettable sur les membres de l'Assemblée, assurée des voix de ceux qui, par leur situation financière, dépendent plus étroitement de l'association, et par conséquent des commissaires qui la représentent. Il y a peut-être une légère ombre au tableau, que les Commissions auront sans doute à cœur d'effacer.

Les Cadres de la Société

Sociétaires Stagiaires Héritiers et Cessionnaires

Les Cadres de la Société Sociétaires - Stagiaires Héritiers et Cessionnaires

Les statuts de la Société des Auteurs distinguenl quatre catégories d'associés : les sociétaire, les stagiaires, les héri- tiers adhérents, les cessionnaires adhérents.

Les associés des deux dernières catégories a'onl ai dans la Société qu'à raison d'un titre ou d'un acte juridique, qui les appelle à recueillir le bénéfice de droits perçus pour le compte d'un autre. Ils n'ont dans la corporation qu'un intérêt indirect et limité, et ne sont soumis en revanche qu'à l'observation de certaines des clauses sociales. Ce sont des associés de rencontre. L'élément stable de L'association, ce sont ceux qui travaillent, c'est-à-dire les stagiaires e1 les sociétaires.

Cette distribution en deux classes des auteurs el compo- siteurs, est analogue à celle qui esl faite, dans la Société des Gens de Litres, entre sociétaires stagiaires et sociétaires définitifs.

Si elle ne date pas d'aujourd'hui, si, de bonne heure, les auteurs associés songèrenl à réserver à certains d'entre eux le j >I < m ii exercice des prérogatives sociales, ce n'est guère que depuis 1866 ainsi que nous le verrons que cette resti tion devint plus sévère : depuis, elle a été interprétée de façon de plus en plus étroite, jusqu'à établir entre les deui classa d'auteurs, inégalemenl traitées, une véritable sépare tion.

CHAPITRE III

Les statuts de la Société, lois qu'ils furent élaborés en 1829, et régularisés en 1837 par acte notarié, ne pré- paient, d'autre part, aucun versement préalable, aucun droit d'entrée de la part clos auteurs, lors de leur adhésion au pacte social. Il n'en est plus ainsi aujourd'hui. Lorsqu'on 1879 la Société vint à expiration, il y eut une liquidation, suivie d'une reconstitution presque immédiate. Les socié- taires de l'ancienne Société furent admis de plein droit dans la nouvelle, à charge pour eux de reverser à la caisse sociale une -"in me de 550 francs environ, représentant ce qu'ils

lient touché dans la liquidation du fonds social.

Il lut d'ailleurs entendu que ceux qui ne consentiraient * ce versement, et emporteraient leur part de fonds lai, ne pourraient plus avoir accès dans l'association qu'en tnl un apport d'une valeur double.

En dehors des anciens sociétaires, nul n'est plus actuelle- ment admis à ce titre dans la Société, si, en outre des

nditions spéciales exigées, il ne juslitie d'un versement de i<)() francs à la eusse sociale.

I sociétaires onl seuls part à l'administration de l'asso- ciation. Seuls, il- assistent aux assemblées, sont discutées les questions importantes : seuls, ils peuvent être appelés à

2^er dans la Commission, pouvoir exécutif du syndicat. Enfin c'est pour eux exclusivement qu'a été organisé un ice <b' retrait*

Mjourd luii. on ne devient guère sociétaire, qu'après avoir

ire pendant un temps assez long. La Société res-

m corporations de l'Ancien Régime, l'on était

bord apprenti, il fallait faire ira chef-d'cew re pour passer

malt

LES CADRES DE LA SOCIÉTÉ 185

On n'exige pas des stagiaires qu'ils fassenl un chef- d'œuvre. Mais on leur demande d'avoir quelques œuvres à leur actif. Le débutant qui a fail jouer une bluette <ui un acte, fut-ce même, à la Comédie-Françoise, un à-propos eu vers célébrant le génie de Racine ou de Corneille, devait-il s'asseoir, sans autre forme de procès, à côté des célébrités du jour? La Société ne l'a pas pensé. Et cependant, elle a senti que toute distinction comporte des inégalités, que i inégalités peuvent paraître choquantes, en des temps de démocratie. Aussi a-t-elle pensé à se couvrir de l'autorité de Beaumarchais, un révolutionnaire de la première heure.

Les stagiaires sont en réalité de création beaucoup plus récente. Au début, tout le monde avail dans la Société le même iilre, ainsi que des droits égaux. En 1838, on song pour la première fois à distribuer les membres en catégories.

Pour avoir Ao> assemblées peu nombreuses, des délibéra- tions calmes, on distingua le droit de cité, el le droit d'élec- tion. Tue décision prise le i lévrier 1838 ouvre largemenl à tous les auteurs joués, n'eussent-ils qu'un acte sur la cons- cience, l'accès au syndicat : ils bénéficieront de l'entremise des agents, et de la protection de la Société,

Pour avoir le droit d'élection, c'est-à-dire le droit d'assister aux assemblées et de dé' signer des membres de la Commis- sion, il fallait avoir fait jouer, sur un des théâtres royaux, sans collaborateur, un ou deux ouvrages composant au moins deux actes, ou, en collaboration, \\\\ ou plusieurs ouvrages représentant au moins trois actes : 3ur l< nés

secondaires, on exigeait, suivant les mêmes distinctions, trois nu cinq actes.

On m' se gêna pas d'ailleurs pour enfreindre, plus d une fois, ces dispositions restrictives. Aussi en 1848 ji opportun de simplifier la procédure,

CHAPITRE III

On décida qu'il suffirait, pour siéger et voter aux assem- blées, d'avoir fait, au théâtre de la Nation, au théâtre de la République, à l'Opéra-Comique, ou à l'Odéon, soit un acte,

il, -"it deui actes, en collaboration; un ou trois actes étaient nécessaires sur les autres scènes.

A la faveur de ces dispositions, le nombre jusqu'alors

(ivint des membres sociétaires s'éleva à près de 900. libéralisme ne dura guère : la Société crut devoir, en 1866, prendre A(>> mesures prohibitives, que paraissait nécessiter le changement profond qui venait de se produire dans le régime «les théâtres.

Les décrets de 1807 n'avaient autorisé qu'un très petit oombre de théâtres, qui devaient s'adonner chacun à un genre déterminé. Ceux qui pouvaient prétendre à être joués sur ces scènes formaient naturellement un groupe très restreint. La difficulté d'arriver, l'encombrement, étaient h grands, qu'il fallait toute l'audace d'une vocation irrésis- tible pour assiéger des portes à peine entre-bàillées. On ne if du théâtre, que h vraiment on se sentait du talent, ••I si I on espérail y faire une carrière honorable.

Lorsque I" décrel de 1864 eut rétabli la liberté des théâtres, il - oui rii de toutes parts dans Paris des salles de spectacles: les barrières, qui séparaient les genres dramatiques, cédèrent sous la poussée des entreprises nouvelles. Ce furent de tous des créations, plus ou moins intéressantes, plus ou moins viables car la liberté, dans !<• théâtre, <isl presque

ijours le signal de faillites nombreuses mais qui déter- minèrenf les vocations les plu- Incertaines et les plus hési- tantes. Désonnai portes étaient grandes ouvertes : tous talents pouvaient B'employer, les plus divers et les plus "", i bienque lei plus solides et les plus reconnus. ulement l< pécialitét e subdivisaient ;• l'infini dans

LES CADRES DE LA SOCIÉTÉ 187

la confusion des genres, mais encore les tempéraments dramatiques les plus douteux pouvaient trouver à s'essayer, quittes à se tourner ailleurs en cas d'échec. A côté des auteurs dramatiques de carrière, il y eul des auteurs de rencontre, à qui une heureuse idée, accompagnée d'un peu de chance, pouvait assurer une heure de vogue. Dès ce jour, le théâtre exerça dans le monde des lettres d'ailleurs très élargi cette attirance, que n'a cessé de lui valoir un genre de travail relativement facile, la complaisante bienveillance d'un puhlic plus ou moins délicat, et les larges profits qu'il permet d'escompter. Tandis qu'un recueil de vers ne trouve pas d'acheteurs, qu'un livre sérieux ><■ vend avec peine, qu'un roman agréable et qui plaît rapporte un bénéfice modeste, une pièce de théâtre, qui réussit moyennement, assure à son auteur un bénétice sérieux, en même temps qu'elle lui donne une publicité, plus ou moins durable, mais très étendue. Il y a de quoi tenter plu^ d'un amateur. Aussi le théâtre est-il souvent la première espérance des écrivains qui cherchent leur voie, et le dernier refuge des littérateur- maltraités ailleurs. La Société des Auteurs, qui ne comptait, avant 1864, que 500 membres associés, comptait en 1903, derrière son bataillon de sociétaires, une armée de plus de t,000 stagiaires.

Au lendemain du décret de 1864, La Société, qui jus- qu'alors avait présidé sans trop d'agitations aux destinées du inonde du théâtre, administré ses intérêts dans le calme df ses séances académiques, prit peur de cette foule bigarrée, qui semblait vouloir forcer ses portes : «'II»' la laissa se morfondre <lan> son antichambre.

D'où venaient ces jeunes auteurs qui réclamaient leur admission dans la Société, l<>ui heureux 'I.- voisiner avec les maîtres, pleins d'années et de gloire? Quels étaient leurs

CHAPITRE III

titres, leurs travaux? Quelles idées apportaient-ils? Si la S :iété les acceptai! eu masse, n'allaient-ils pas, comme il- étaienl le nombre, prétendre à examiner ses statuts, en discuter les clauses, peut-être on bouleverser la sage et patiente économie ? Les aînés eurent peur de leurs cadets ; nt de les accueillir, ils leur imposèrent un stage, pen- dant lequel ils pourraient mûrir leur talent et leurs idées. Suivanl le mol du rapporteur de l'exercice de 18GG, la S liété se forma en Conseil de révision, priant les jeunes auteurs d'attendre el d'espérer.

-I ;i la Commission qu'il appartint, en vertu des déci-

sions qui furenl prises a celle époque, de prononcer, suivant

certaines règles fixes, sur leur admission au rang de socié-

taires, qui les fais a il participer à tous les avantages de

l'association. Pendanl ce temps d'épreuve, ils n'étaient pas

d'ailleurs rejetés en dehors de la Société. Une telle solution

eûi été néfaste à l'association elle-même : celle-ci aurait pu

voir s'élever «lu jour au lendemain une institution rivale,

fondée par l<i- jeunes auteurs, dont la concurrence eût créé

une division des plus fâcheuses pour Ions. La Société, tout en

refusant aux stagiaires toute participation à son adminis-

tion intérieure, leur ouvrail largement, el à la première

réquisition, les bureaux de ses agences : moyennant un

ni modique consenti sur leurs droits, et un vœu

ince absolue au pacte social, ils étaient assurés de

toucher d >ute la France, au même Mire, et d'après le

trif que les sociétaires, les droits qui leur étaient

ir li ntation de leurs œuvres.

1 la Commission qui réglai! le sort des nou-

meml lui prise I" 1 ï décembre 1866, et

emblée générale du 2:; mai 1867, Elle

h 1 motivé

LES CADRES DE LA SOCIÉTÉ 189

« Considérant que les demandes d'admission dans la Société deviennent chaque jour plus nombreuses, et que si la Commission, chargée de les examiner, doit rester fidèle aux pensées libérales qui ont inspiré la réunion des auteurs et compositeurs dramatiques en une véritable famille, elle ne doit point oublier qu'elle a reçu le mandai de veiller aux intérêts légitimes des sociétaires actuels, el que ces intérêts seraient compromis, si des nouveaux sociétaires leur étaient incessamment adjoint-, sans un contrôle sérieux et préalable :

« Considérant qu'une collaboration plus ou moins effec- tive, qu'une tentative plus ou moin- sérieuse, que même quelques essais, qui peuvent être bientôt abandonnés, ae sont pas suffisants pour assurer dans i;i Société une pli qui confère immédiatement au nouveau venu un droit sur une partie de l'actif commun, et une part d'influence sur I;» direction des aftaires sociales ;

« Considérant toutefois qu'on ne saurait refuser d'une. manière absolue aux postulants L'accès qu'ils sollicitent : que, pendant le temps d'épreuve auquel \\> doivent être soumis, il est utile et convenable qu'ils puissent se rattacher, dans une certaine mesure, à la Société, dont il- sont appelé devenir membres : que celle sorte de stage provisoire concilie tous les intérêts Légitimes.

« Décide...

« Article 1". A l'avenir, les candidats ne seronl p< int admis de droit mm- La seule justification d'une ou de plu- sieurs compositions dramatiques, .1 faire partie de La Soci< A l,i Commission, représentant La Société et agissant en son nom. est réservé le droit d'examen <•! d'admission; décisions seront prises à la majorité des voix.

<< Art. _}. Jusqu'à l'admission définitive udidats

comme sociétaires, dans les termes de la décision pn

CHAPITRE III

l'Assemblée . île du 25 mai I8GG, ces candidats seront

invités à remettre aux mains d'un dos deux agents généraux de la Société un pouvoir contenant adhésion aux statuts aux, ■! autorisanl ragent ehoisi à représenter le futur taire dans des conditions semblables à celles des socié- taires actuels I .

La décisif d du -'"> mai 1866, à laquelle il est fait allusion dans la délibération précédente, et qui fut prise en Assem- blé.- générale, déterminait les conditions d'après lesquelles la Commission aurait à prononcer à l'avenir l'admission au rang de sociétaire, donnant droit d'entrée et de vote aux Assemblées générales. Elle demandait que le candidat ju-tiliàl d'un certain nombre d'actes joués, nombre variable suivant l'importance de la scène sur laquelle ils avaient été représentés.

Pour prononcer le dignus est intrare, la Société exigeait un acte sans < ollaboration, ou deux actes en collaboration joués ;i l'Opéra, à la Comédie-Française, à l'Odéon, à l'Opéra- ûque, -ni Théâtre-Lyrique ou au Théâtre-Italien. 11 fallait trois actes sans collaboration, ou six actes en collaboration, au Gymnase, «ni Vaudeville, aux Variétés, ou au Palais-Royal; cinq actes ou dix actes suivant la même distinction à la Porte-Saint-Martin, au Châtelet, à la Gaîté, ou à l'Ambigu. I i prêtaient les classifications. Est-ce à dire que les autres théâtres non classés, théâtres déjà nombreux, ne pussent, en aucun iciliter aux auteurs l'accès au sociétariat? t^ela

Fort inji car il arrive souvent que des œuvres

i intéressantes voient !<• jour dans des théâtres secon- daires, pour être reprises plus lard sur des scènes plus importantes. M omme toute distinction eût été tort

me !". pagei 117 et suiv.

LES CADRES DE LA SOCIÉTÉ I9i

arbitraire pour ces scènes de second ou de troisième ordre, pour lesquelles le succès ou le mérite de l'œuvre son! de plus surs guides, la Commission se réservail le soin d'appré- cier en toute liberté s'il y avail lieu d'admettre au socié- tariat un auteur joué dans l'un de ces théâtres.

Sans doute, celle liberté d'appréciation n'était pas sans inconvénient; il est toujours fâcheux de donner à quelques auteurs le droit de juger les œuvres de leurs confrères. Mais elle ne s'appliquait évidemment qu'à des cas excep- tionnels, où le succès d'une œuvre aurait en quelque sorte, par la volonté souveraine du public, forcé la main ;i la Commission : c'était une porte ouverte pour des situations autrement >;ms issue, et qui rachetait un peu ce que toute réglementation, fondée sur une comptabilité matérielle, qui ne lient nul compte de la valeur littéraire, ni même du goût du public, a forcément de rigide et d'aveugle.

Lorsque la Société se reconstitua, en 1879, la distinction «uitre sociétaires el stagiaires prit place dans les statuts.

Les stagiaires, qui jusqu'alors étaient de simples donneurs de pouvoirs, n'entrant en relation, pour ainsi dire, qu'avec les agences, devinrent d'ailleurs, «le- ce jour, des associés, ;ni même lilre que les sociétaires.

En même temps, des conditions plus dures furent mises ii l'accession au sociétariat.

Aux tenu.'-, des statuts, le candidat devait justifier :

I" D'un minimum de cinq actes représentés sans colla- borateur, ou de lit valeur de dix actes représentés poui

part personnelle de collaboration, sauf | r l'Opéra et le

Théâtre-Français, ce minimum ne sera pas rigoureuse- ment obligatoire.

CIIAPITIIE III

La Commission dressera le tableau des théâtres qui comp- teront ou ae compteront pas pour L'admission.

D'un apport de quatre cents francs eu espèces.

Cet apport sera effectué par voie de retenue sur les droits d'auteur :

I 11 sera tenu compte à l'auteur du un pour cent prélevé, aux termes des présents statuts, depuis le jour la percep- tion a commencé pour lui ;

Il sera fait, à partir du jour de son admission, un prélèvement supplémentaire et temporaire de cinq pour cent sur tous ses droits d'auteur.

Lorsque ces deux prélèvements réunis auront atteint le chiffre de quatre cents francs, le nouveau sociétaire pourra prendre part aux Assemblées générales, et ses droits n'au- ront plus à supporter que la retenue de un pour cent.

Toutefois, le paiement des quatre cents francs ci-dessus stipulé pourra être immédiatement complété en espèces, lorsque l'admission aura été prononcée.

II semble au premier abord que celle exigence d'un apport de quatre cents francs fût une difficulté de plus pour l'admis-

;i au sociétariat, et constituât \\\\ véritable cens. 11 n'en est rien. Cet apport, les statuts de 1879 l'exigeaient ('gaiement, nous l'avons vu, d<"> sociétaires de Pancienne Société qui demandaient à faire partie de l'Association reconstituée. Il n'était que juste, dès lors, d'imposer aux stagiaires admis aux mêmes avantages, aux mêmes prérogatives, une cotisa- tion égale.

En permettant d'ailleurs au candidat de compléter immé- diatement, par un versement de fonds, l'apport exigible, la liait de met tre une <'nl pave quelconque à son i. de toute né< i ité, l'auteur eût constituer de prélèvement sur ses droits, il est cer-

LES CADRES DE LA SOCIÉTÉ LÔ3

tain que la mesure prise en 1879 eût fait dépendre L'admis- sion du succès plus ou moins grand de ses œuvres, puisque les prélèvements sont proportionnels aux recette-. Mais c'était une simple faculté pour le candidat : au lieu d'attendre que le versement normal de un pour cent, combiné avec le versement extraordinaire de cinq pour cent, ait rapport la Société une somme de quatre cents francs, il lui était loisible de désintéresser de suite la caisse sociale. D'autre part, dès le jour il a fait jouer le nombre d'actes régle- mentaire, il est sociétaire les statuts le disent expressé- ment — quitte à ne voir régulariser sa situation, et a ne jouir effectivement des avantages du sociétariat, que lorsque la question d'argent aura été résolue.

Mais il est à peine besoin de faire remarquer combien les conditions nouvelles étaient, quant au reste, plus rigou- reuses que les anciennes. Au lieu de deux ou trois actes, c'est cinq actes dont il faudra justifiera l'avenir. En outre, les théâtres qui comptent pour L'admission ne sont plus nommément désignés dans une décision prise par l'Assem- blée générale. C'est à la Commission qu'est laissé le soin de dresser sans appel le tableau de ces théâtres, et de le remanier, lorsqu'elle le jugera bon. Sans doute cette insta- bilité est plus en harmonie avec La fortune changeante des théâtres, qu'une mauvaise chance peut conduire à la ruine ou qu'un succès durable peut consacrer définitivement. La Commission tient leur étal civil : elle enregistre les nais- sances et le> décès, ei modifie sa liste au gré du goûl du publie. Mais, d'autre part, il dépend d'elle, par ces révi sions, de diminuer arbitrairemenl le nombre des >tagiau admis au sociétariat, Lorsque les demandes affluent.

Hors du tableau, d'ailleurs, point de salut. Les i ta tu ta n'admettenl pas «elle heureuse correction de toute classifi*

13

CHAPITRE III

catioD etmito, que les décisions de 1866 prévoyaient : quelquesoii le mérite d'une œuvre, ou le succès qu'elle a obtenu, elle n'entre point en ligne de compte, si la scène but laquelle elle a été jouée n'est pas dans l'enceinte consa- cre' par la Commission.

Cette politique de protectionnisme devait irriter les sta- _ tires, qui, depuis 1864, ont toujours formé la grande majorité du monde des auteurs dramatiques ; ils s'impatien- n t d'être soumis pendant de longues années à un appren- tissage un peu humiliant, qui les admettait à être membres d'une Société, dont ils ne faisaient pas véritablement partie.

Leurs plaintes se firent particulièrement vives vers 1887, et finirent par attirer l'attention jusqu'alors un peu indiffé- rente des sociétaires.

Il- protestaient alors contre l'exclusivisme avec lequel la

admission avait dressé le tableau des théâtres qui comp-

ent pour L'admission. De parti pris, disaient-ils, on écar- tait les scènes d'avant-garde, celles qui s'ouvrent plus facilement aux essais des jeunes. Chaque jour, d'ailleurs, le public se chargeait de «tonner un éclatant démenti à ces

trictions Injustifiées. Un stagiaire, M. Gandillot, ne venait-il pas justement d'obtenir un gros succès avec les ollantes, qui avaient déjà deux cents représenta- tions au théâtre Déjazet, an théâtre qui ne comptait pas.

I ••■■ réunirent eu un syndical de protestation.

Il- organisèrent nu petit parlement il> étaient tout juste

cinquante armèrent des bureaux, votèrent des projets

itre projets. Enfin, après des discussions confuses

[uelque peu orageuses, qui faisaient déjà redouter dans !«•

public un mu avec la Société, \\> décidèrent un peu

peut-être d en référer à leurs confrères sociétaire et d< uter leurs doléai la Commission.

LES CADRES DE LA SOCIETE 195

Ils avaient condensé leurs revendications, réduites à un minimum, qui semblait acceptable, en un texte dont il- récla- maient l'insertion dans les statuts, et qui fut soumis à une assemblée générale.

« Serait sociétaire, portait ce projet, l'auteur ou composi- teur qui aurait ou aurait eu dans les théâtres ou cafés-concerts existants, ou dans les établissements similaires disparus, un nombre d'actes joués correspondant l\ vingt-cinq parts.

Tous les établissements de France et de l'étranger^ ayant un traité avec la Société des Auteurs et Compositeurs drama- tiques, devraient être classés dans un des cinq ordres du tableau suivant :

1er ordre : Valeur d'un acte 5 parts.

4

3e 3

4e 2

5e 1

Au lieu de dix actes, comme part personnelle de colla- boration, ou de cinq actes, sans collaboration, on exigerait donc au moins 50 ou 2o parts; mais, tandis qu'un petit nombre de théâtres seulement étaient classés par la Commis- sion parmi ceux qui comptent pour l'admission, tous les théâtres auraient compté désormais, suivant une propor- tion variant avec leur importance.

11 faut avouer que La rédaction proposée a'étail pas heu- reuse. S'il étail désirable d'augmenter dans la plu- large mesure la liste des scènes classées, il était peu raison- nable d'y comprendre, suivant une graduation d ;»il- leurs compliquée, <•! qui sérail devenue forcément des l»lu- arbitraires, (<>u> les théâtres de Paris, de France et <!«' l'étranger. Mieux valait abolir toute distinction entre taires et stagiaires, que d'admettre au rang d

CHAPITRE III

dr préférence à toul autre, un auteur qui aurait eu l'heu- reuse Fortune de faire jouer le nombre de pièces réglemen- taire sur n'importe quels tréteaux de la banlieue ou delà provint

Le rapporteur à l'Assemblée générale, M. Paul Ferrier, protesta également contre l'assimilation dangereuse que le projel établissait entre les théâtres et les cafés-concerts. Admettre les cafés-concerts dans le tableau des scènes qui comptent, n'était-ce pas une révolution, en môme temps qu'une hérésie ? La Société des Auteurs s'était fondée pour l<4 théâtre : les cafés-concerts relevaient, en prin- cipe, d'une autre Société ; si, pour défendre l'intérêt de quelques-uns de ses membres, la Société dramatique avait jugé nécessaire de prélever des droits le plus souvent d'ailleurs par voie d'abonnement dans certains de ces établissements, « le culte de Thalie se mêle au culte de Gambrinus », il n'avait jamais été dans l'esprit de ses statuts de faire une place égale, au sein de la Société, aux auteurs joués dans les théâtres, et aux fournisseurs attitrés des music-halls.

Le langage un peu dédaigneux du rapporteur s'explique en 1887, les cafés-concerts ne rapportaient à la Société qu'une somme minime, <in regard des droits perçus dans les théâtres; la Société ne parlerait peut-être plus aujour- I lnii avec la même légèreté d'établissements sur Lesquels elle lève un magnifique tribut.

Il ii '-n '--I pas moins vrai que l'assimilation proposée était contraire, aussi l>i<'n aux statuts de La Société, qu'aux upations que !<• souci de l'ari dramatique doit lui ins- pirer. Là encore Les pétitionnaires n'avaient pas été bien

Si elle repoussai! le pronunciamento des stagiaires, la

I

LES CADRES DE LA SOCIÉTÉ 107

Commission n'en était pas moins pour leur accorder cer- taines satisfactions. A côté des théâtres qui comptaient pour l'admission, et pour lesquels il n'y avait, à son avis, qu'à maintenir les règles en vigueur, ne convenait-il pas de faire une place à part à un certain nombre de théâtres, qui auraient donné des droits pour l'admission, quitte à imposer, pour ces scènes, des conditions plus sévères, soit quant au nombre d'actes joués, soit quant au total (\^> droits perçus, ou au nombre de représentations obtenue- .'

La Commission proposait d'étudier cette question, qui n'entraînait d'ailleurs aucune modification aux statuts, el l'Assemblée lui donna son approbation.

En conséquence, la Commission décida que tous les théâtres de Paris compteraient à l'avenir pour l'admission au sociétariat, mais qu'ils formeraient deux groupes. L>' premier comprendrait les théâtres déjà classés sous le régime ancien, et pour lesquels il n'était rien changé ; le second comprendrait les autres scènes de Paris, pour lesquelles on exigeait, en outre des cinq actes représentés, que le prélèvement de 1 0/0 sur les droits du stagiaire eût rapporté à la Société la somme de 200 francs.

Le chilfre était fort élevé. La mansuétude dont la Commis- sion disait avoir fait preuve n'avait rien de révolutionnaire. Aussi la réglementation nouvelle ne lit-elle qu'entr 'ouvrir aux stagiaires les portes de l;i Société. E1 la disproportion entre la pléiade des sociétaires et la masse des stagiaires ne cessa de s'accuser, devant le Ilot montant de- auteurs dramatiques.

Dans les année- qui suivent, le- statistiques montrent que le nombre di><, stagiaires admis ne suffit pas à combler les vides qui se produisent dans le- rangs des sociétaires, donl le groupe décroit d'une façon continue. Ln 1887 eu effet,

CHAPITRE III

alors que l'ancienne réglementation est encore en vigueur, on compte 800 stagiaires pour 393 sociétaires. En 1903, alors tjiit' les stagiaires forment une niasse compacte de :i.:ill littérateurs, il n'y a plus que 300 sociétaires, chiffre qui tend à se maintenir.

Le libéralisme de la Société pouvait être à bon droit taxé de modérantisme.

«..pendant, nulle plainte ne parvint officiellement à la S ciété. Les stagiaires se résignaient-ils à leur sort? ou plutôt le succès douteux de leur première pétition les détournait-il de toute démarche nouvelle? Quoi qu'il en soit, en dehors de toute intervention de leur part, les conditions d'admission au sociétariat furent complètement modifiées en 1904, lors de la révision des statuts.

La nouvelle rédaction des statuts porte en effet, article 29 :

\ l'avenir, tout auteur ou compositeur qui voudra faire partie de la Société, à titre de sociétaire, devra se faire présenter par deux parrains sociétaires, et adresser une demande écrite à In Commission, qui aura pleins pouvoirs pour prononcer sur cette demande au nom de la Société.

Le candidat devra d'abord justifier d'un minimum de

cinq actes, représentés s;m* collaborateur, ou pour sa part

personnelle et proportionnelle de collaboration, ou d'une

somme de droits d'auteur qui sera tixée annuellement par

ommission.

Esl également obligatoire un apporl de quatre cents francs en espèces

v.-nl des dispositions analogues à celles qui avaient déjà établies, pour la constitution de <-<4 apport].

Ainsi, plu- de théâtres qui comptenl ou qui ne comptent Le rapporteur, chargé de soumettre à l'Assemblée géné-

- -b* texte ituts proposés par la Commission, décla-

LES CADRES DE LA SOCIÉTÉ 199

rait ne vouloir pas « laisser persister des castes dans une Société, qui est la plus belle expression de La démocratie Un double cens était établi pour le sociétariat, un cens en tant qu'argent, un cens en tant que production : l'un des deux suffit à autoriser une demande d'admission : |><>ur être reçu sociétaire, il faudra justifier, soit de cinq actes joués sur une scène quelconque ce minimum n'est d'ailleurs pas obligatoire pour le Tbéàtre-Français et l'Opéra, en faveur desquels on a toujours admis des dérogations soH d'une somme de droits d'auteur annuellement fixée par la Commission.

Ces dispositions sont des plus simples : elles auraient été très libérales peut-être trop si les statuts n'y eussent mis un correctif très énergique.

Les statuts de 1879 disaient que la Commission prononce- rait sur les demandes d'admission d'après les conditions fixées.

Prononcer sur une demande, d'après des condition- déter- minées, c'est être dans l'obligation de l'accueillir dès qu'elle remplit ces conditions. Quand un stagiaire se présentait, avec le bagage dramatique que la Société lui imposait, la Commission était donc tenue de lui ouvrir toutes grandes les portes de l'association. De fait, avant 1904, on ne r ncontre pas d'exemple d'un refus opposé par la Commission à une candidature es étal d'examen.

Ce système avait évidemmenl un inconvénient, celui qu'offre toute réglementation fondée mu- La matérialité des œuvres, et non sur leur valeur. M ne faisait aucune diffé- rence entre l'écrivain de talent, et le faiseur, entre le véri- table auteur dramatique, et l'écrivain «le rencontre que le hasard .1 servi.

C'esi ce danger que !«■ rapporteur se flattait d'éi it< la nouvelle rédaction :

CHAPITRE III

La Commission aura pleins pouvoirs pour prononcer sur cette demande, au nom de la Société ».

Pleins pouvoirs, cola veul dire que la Commission admet- trai! ou non les candidatures régulières « en son aine et ascience . Gela permettait d'écarter du sociétariat « ceux qui De seronl pas des auteurs dramatiques, qui ne seront pas des professionnels, ceux qui bâclent des cinq actes... à la vapeur, ceux qui ne s'élèvent pas au-dessus du lever de rideau Cette solution était d'ailleurs commandée, en quelque te, par les conditions beaucoup plus faciles auxquelles les candidatures se trouvaient désormais soumises. Cinq actes représentés, ou une somme de droits d'auteur perçus dans n'importe quel théâtre, ce n'était évidemment pas une preuve suffisante d'un réel talent dramatique. Mais était-ce une solution bien sage, que d'encourager, ime le faisaient les nouvelles dispositions, un nombre considérable de candidatures, pour les soumettre ensuite B une condition, bénigne à première vue, mais qui sous -un apparente bonhomie » pouvait être fort rigou- reuse : le choix <àt le hou plaisir de la Commission ? D'abord, quelle que <lùl être l'impartialité des membres de la Gom- mission, il es! toujours fâcheux de faire des auteurs juges de la valeur d'autres auteurs. En dehors des choix que des préférences personnelles peuvent inspirer, pins qu'un souci d'équité, les préoccupations d'art les plus légitimes peuvent, en pareille occurrence, faire écarter des demandes M pourra se faire que des auteurs, d'un talent consacré, refusent I du ociétarial à un de leurs

qui comptera des succès dans un genre qu'ils ", inférieur, mais qui, par les sommes élevées qu'il plus qu'un antre, droit de cité dan-

LES CADRES DE LA SOCIÉTÉ 201

une société constituée pour la défense des intérêts matériels des auteurs. Il y a, semble-t-il, un danger égal, à ne retenir que les indications grossières que peut donner le succès d'une œuvre, sans tenir compte du talent qu'elle révèle, ou à poser en règle que seul le mérite Littéraire donne entrée à la Société. Quelle est la Commission, savamment mélangée d'auteurs seulement habiles, et d'écri- vains remarquables, qui pourra se llatter d'éviter à la fois ces deux écueils ?

Il semble donc que les plus mauvaises classifications vail- lent mieux que ce dangereux bon plaisir. En cela l'ancienne réglementation, fondée sur une distinction un peu arbitraire entre les théâtres qui comptent tout à fait, les théâtres qui ne comptent qu'à moitié, et les théâtres qui ne comptent pas du tout, était encore préférable à la nouvelle, et donna il. à défaut d'une garantie de rigoureuse équité, impossible à obtenir, une sécurité plus grande aux stagiaires.

Les pleins pouvoirs donnés à la Commission pour se pro- noncer sur des candidatures forcément plu- nombreuses, n'étaient pas d'ailleurs pour accuser dans la Société des ten- dances plus libérales à l'égard des stagiaires : le rappor- teur avouait que la rédaction soumise à L'Assemblée géné- rale était surtout due à la préoccupation de restreindre les admissions au sociétariat, <-i d'arrêter l'invasion toujours plus menaçante (?) des stagiaires. Le- statistiques témoignent d'ailleurs de l'esprit dans Lequel la réforme <!•■ 1904 a été conçue :

En 1904, on comptait 302 sociétaires pour 3,668 stagiaires : en 1907, .'loi sociétaires pour 1,058 stagiaires. C'est, plus encore qu'auparavant, la progression constante du u<»iiil>r«' (les stagiaires, et le steitu quo pour les sociétaires

CHAPITRE III

Telle est l'éloquence des chiffres, que, par leur nombre seul, les stagiaires auraient droit à toute notre sympathie. Mais ce n'es! pas seulement notre sympathie qu'ils doivent iter, au dire de certains, c'est surtout notre pitié. i » 1 1 a souvent surtout dans ces derniers temps repré- senté les stagiaires comme de véritables parias dans la iété des Auteurs : si l'on en croit leurs plus chauds défenseurs, ils n'y auraient aucun droit ; leurs intérêts seraient délibérément sacrifiés à ceux des sociétaires, qui profiteraient indûment des fruits de leur travail ; la Société des Auteurs, qui, par la voix d'un de ses rapporteurs, se flat- ta.il d'être l'image fidèle de la démocatie, ne serait donc qu'une oligarchie étroite, imbue des préjugés de caste, la masse des travailleurs se dévouerait au bonheur de quelques privilégiés.

Il est uécessaire de rétablir la vérité, et pour cela d'exa- miner quelles sonl les conditions mises à l'admission des auteurs au titre de stagiaires, quelle est la situation qui leur es! faite.

I es statuts de 1879 réglaienl ainsi la procédure d'admis- sion, dans leur article 2<S :

l"'il auteur ou compositeur nouveau, qui ne sera pas encore dans les conditions du sociétariat, pourra être admis ûre partie de la Société comme stagiaire.

Il devra présenter sa demande par écrit à la Commis- n. qui prononcera sur cette demande ».

emblail dire que la Société était dans l'obligation leillir dans son sein tout candidal ayant fait œuvre mpositeur ou d'auteur, c'est-à-dire ayant un ouvrage

LES CADRES DE LA SOCIÉTÉ 203

reçu dans un théâtre, sans pouvoir, en aucun cas, discuter ses titres, et lui opposer un refus.

Cette disposition parut-elle à La Commission offrir des dangers, que l'on a peine à entrevoir? Quoi qu'il en -««il. en 1904, la rédaction ancienne taisait place à une autre insérée dans les nouveaux statuts :

« Il devra présenter sa demande par écrit à la Commis- sion, qui aura pleins pouvoirs pour prononcer sur cette demande ».

Pleins pouvoirs, cela veut dire que la Commission pourra, au besoin, refuser à certains auteurs L'accès de La Société. Le cas ne s'est jamais présenté, et cette faculté' est une arme bien inutile mise aux mains de la Commission.

Les portes de la Société sont donc grandes ouvertes, j'en- tends les portes qui donnent accès dans L'antichambre, séjournent fort Longtemps Les nouveau-venus. Rien de plus Libéral, à cet égard, que les statuts de La Société dramatique, sinon peut-être ceux de la Société des Compositeurs ei Edi- teurs de musique, qui sont d'ailleurs copiés sur les premiers. Point de droit d'entrée, point de cotisation annuelle, point de justifications à fournir sur son mérite, ou sur son œuvre littéraire. Dès qu'un auteur a fait représenter, sur une seène quelconque, une œuvre, si méchante soit-elle, il droii à 1;» protection du Syndical. Laquelle lui es! largement accordi à première réquisition, <■! sur le vu d'une simple demande d'admission ainsi conçue (1) :

« A Monsieur le Président, A Messieurs les Membres «I»' I;» Commission des Auteurs et < Sompositeurs dramatiques,

(1) Séance de la Commission da i\ décembre ' 0 I année 1881.

204 CHAPITRE III

« Messieurs,

Auteur tl *u 11 en ... acte, Intitulé qui a été repré-

senté le... sur le théâtre de , j'ai l'honneur de vous

demander mon admission dans la Société des Auteurs et Compositeurs dramatiques, à (ilre de Membre stagiaire.

« L'Agent général de la Société, auquel j'ai remis mes pouvoirs, m'a donné connaissance de l'acte social, et je prends, dès à présent, rengagement d'en exécuter fidèle- ment les prescriptions... »

On a souvent opposé, comme un modèle de libéralisme, les statuts de la Société des Gens de Lettres qui a, dit-on, l'avantage d'être reconnue d'utilité publique, à ceux de la Société des Auteurs dramatiques.

Cependant l'entrée dans la Société des Gens de Lettres est beaucoup plus difficile; elle est subordonnée à des formalités plus gênantes, que le premier venu ne remplit pas.

« Tout homme de lettres, est-il dit dans le règlement inté- rieur de celte Société', qui désire faire partie de la Société des Gens de Lettres, doit fournir :

1 Son acte de naissance;

_ La nomenclature de ses œuvres ;

l n exemplaire d'oeuvres imprimées, représentant au moins la matière de quatre volumes, dont il est l'auteur, ou qu il a écrites en collaboration avec un sociétaire; sur ces volumes, deux au moins doivent avoir été publiés en librairie :

I Son adhésion aux statuts et au règlement.

II dépose, en outre, entre les mains du Délégué, une tomme de quatre-^ ingts francs... ».

n est pas toul encore. Les noms du candidat et de parrains sont inscrits dans la Chronique^ l'organe de la

tcjétaires sont invités à donner sur le

LES CADRES DE LA. SOCIÉTÉ 205

candidat les renseignements qu'ils possèdent. Une enquête a lien, qui dure un mois, puis un rapport. Et le Comité décide, an scrutin secret, s'il admettra, s'il refusera, ou s'il ajournera simplement la candidature.

La différence est la même, si l'on examine la situation des stagiaires dans les deux associations.

L'adhésion au pacte social, exigée préalablement à toute admission dans la Société des Auteurs dramatiques, soumet les stagiaires aux mêmes obligations que les sociétaires.

Par contre ils sont assurés d'une protection égale. Louis droits se calculent au même taux, et bénéticient des mêmes garanties que ceux des sociétaires. On ne peut nier le libéralisme de ces dispositions, qui réservent un traite- ment égal à tel membre illustre de la Société, à t<d auteur en vogue, et au jeune écrivain, sans passé, el peut-être sans avenir, qui vient s'inscrire à la Société. Comme pour les sociétaires, leurs droits sont perçus, en France ou à l'étranger, par l'entremise des agents généraux <>u des correspondants de la Société, moyennant le même prélè- vement, très modique d'ailleurs.

Mais ne se bornent pas les droits <l<i- stagiaires. Il> sont appelés au partage des bénéfices réalisés par la Soci< On l'a nié, notamment au cours du procès intenté a la Société, en 1904, par MM. Roy et Riche mond. Les adver saires, pour les intérêts d<» leur cause, ont essayé de sou- tenir qui' les stagiaires u'avaient pas droit au partage des bénéfices. Il suffisait, disaient-ils, de se reporter à l'article 20 des statuts :

« Le stagiaire, \ est-il dit, jouira des avantages de la

CHAPITRE III

perception, de la protection de la Société, et il sera soumis aux mêmes obligations que les sociétaires ».

11 n'est pas question dans cet article du partage des béné- fices : doue les stagiaires en sont exclus.

Mais l'article 2(> des statuts n'énumère pas limitativement les droits des stagiaires ; il donne plutôt une indication géné- ral»4. Kl l'on pourrait soutenir, sans forcer les mots, que le parlai:»' des bénéfices est compris dans les termes vagues de

perception » ou de « protection ».

Il y a plus. L'article 8 des statuts porte en effet que les bénéfices seront répartis au marc le franc, et au prorata des versements faits par les copartageants, en raison du 1 0/0 prélevé sur les droits «Fauteur aux termes de l'article 10.

Et l'article 10, qui éclaire l'article 8, dit que le prélève- ment de 1 0/0 sera effectué sur les droits d'auteur, sans aucune distinction.

Ainsi les stagiaires subissent la retenue de 1 0/0, au môme titre que les sociétaires, les héritiers, et les cessionnaires adhérents personne d'ailleurs ne le conteste. Donc ils -'•ut appelés éventuellement, et dans la proportion des

urnes prélevées sur leurs droits parla Société, au partage des bénéfices. Sans doute, il ne leur appartient pas de décider le partage, puisqu'ils n'ont pas voix délibérative dans la Société. Mais cela ne porte aucune atteint" à leur droil d \ participer, le cas échéant.

I e stagiaires ont égalemenl pari à la liquidation <'u tonds

ial, en cas de liquidation définitive, mais seulement depuis 1904. Les statuts de 1879 n'admettaient pas les sta au partage de l'actif. Il avait paru équitable de l oi iétaires le fonds social, qui est cons- titua ulemenl par le prélèvement de 1 0/0 sur les tuteur, mai au si par un apport de fcOO francs,

LES CADRES DE LA SOCIÉTÉ 20?

que font les sociétaires, et que ne font pas les stagiaires. Les statuts de 1879 portaient, article 28 :

« Les sociétaires ont seuls le droit de vote, et pari à La liquidation du fonds social ».

Cette réserve a disparu des statuts votés en 1 90 i. Tous sont désormais considérés comme associés, et, à ce titre, ont droit au partage des bénéfices et du fonds social. Aussi, quand, en 1904, les auteurs dissidents attaquèrent dans les conclusions qu'ils déposaient devant le tribunal, la validité de la Société, comme ne donnant pas aux différentes caté- gories d'associés, des droits égaux sur l'actif social, La Commission protesta par la résolution suivante qui fut prise à l'unanimité :

« La Commission, en présence des conclusions prises par MM. Chancel et Forest, proteste à l'unanimité cou Ire L'inter- prétation donnée aux statuts par ces messieurs. 11 résulte en effet des statuts votés en 1879 et en L904, que les stagiaires, étant déclarés associés, ont droit, comme tels, au partage des bénéfices et du fonds social, dans la proportion de leurs versements ».

Le doute n'est donc plus permis. 11 ne faudrait pas d'ailleurs voir dans ces concessions faites aux stagiaires, sans nulle intervention de Leur part, une amélioration spon- tanée de leur situation. Les décisions prises à ce! égard par la Société <»u( été inspirées visiblemenl parle désir d'affir- mer le caractère civil de la Société, qui était un peu estompé, et qu'il a para opportun de remettre en lumière, surtout lorsqu'en 1904 ses adversaires ont soumis les moindres clauses «lu pacte social ;i une analyse juridique minutieuse. Le partage des bénéfices et du fonds social, ce sonl d'ailleurs des concessions de pure forme : depuis 1829, date de la fondation de La Société par Scribe, I bypothèse qu'elles

g B CHAPITRE III

prévoient - 'es1 réalisée une seule fois, en 1879, lors de la Liquidation de la première association.

Une disposition plus libérale admet les stagiaires à la distribution du fonds de secours. Nulle différence n'est faite a cet égard entre les stagiaires et les sociétaires. Et même, comme les stagiaires sont le nombre, et que la misère atteint plus souvent les jeunes auteurs, qui attendent pendant des années de voir s'ouvrir à leurs essais les portes d'un théâtre, que les écrivains arrivés, assurés presque tou- jours de ne pas manquer de débouchés, il n'y a rien de surprenant à ce que les secours distribués aux stagiaires absorbent la plus large part du fonds de distribution. En 1905, ;ni cours du procès de la Société des Auteurs, Me Poincaré pouvait «lire, sans craindre d'être démenti, que les stagiaires coûtaient plus à la Société, par les secours qu'ils lui deman- daient, qu'ils ne lui rapportaient, par le prélèvement de 1 0 0 -ni' leurs droits. Sur les 600,000 de droits touchés en 1903-1904 par les stagiaires, la Société prélevait une somme de 0,000 francs. Or, chaque année, des secours leur sont distribués pour une somme supérieure.

L'avocat de La Société profitait de cette constatation pour

faire hoi ur ;< L'association de son caractère vraiment

démocratique. Assurément cela prouve l'impartialité de La été, en matière d'assistance. Il ne faut pas toutefois i -nu mérite. Du moment que les statuts prévoient un fonds de secours, il »'ùt été à tout le moins étrange, sinon impossible, d'exclure de La répartition les jeunes auteurs, dont Les appels sont forcément plus fréquents et plu inl

<im différencie aujourd'hui Les stagiaires des socié- taire eulemeni qu'ils n'ont pas droit à pension, et

LES CADRES DE LA SOCIÉTÉ 209

qu'ils n'ont aucune part à l'administration «l<i la Société; ils n'assistent pas aux Assemblées générales, et ne peuvent être nommés membres de la Commission.

La situation faite aux stagiaires dans la Société des <<«'iis de Lettres est certainement beaucoup moins favorable. I adbérents, aux termes de l'article 8 du règlemenl de cette Société, ne sont aptes, ni à voter, ni à assister aui Assem- blées générales, ni à prendre une pari quelconque à l'admi- nistration de la Société; ils ne peuvent participer ni au crédit littéraire, ni aux secours, ni à la caisse des retraites

Cependant ils ne se sont jamais plaints de leur sort.

Pourquoi cette anomalie? Pourquoi les stagiaires de la cité Rougemont se désintéressent-ils de l'administration de leurs intérêts, alors que leurs camarades de la rue Hippo- lyte-Lebas protestent si violemment contre leur exclusion des Comités et des Assemblées délibérantes? Gela lient au rôle très différent que se sont donné ces deux corporations littéraires.

Dans la Société des Gens de Lettres, ce que les écri- vains niellent en commun, c'est le droit d'autoriser la reproduction de leurs ouvrages, à un taux qui esl le môme pour tous. Encore les journaux et les périodiques <|ui ><>nt abonnés à l'association u'ont-ils pas abdiqué par même le droit de reproduire les œuvres des littérateurs non affiliés au syndicat. Mais la Société n'a jamais pensé à se substi- tuer à ses membres, lorsqu'ils discutent avec lr^ éditeurs, les directeurs de journaux ou de revues, le prix de l>" ligne, ou le pourcentage sur les exemplaires mis en vente,

Elle n'a jamais émis la prétention de - lettre à un tarif

commun l'ensemble de la production littéraire, de dire que le romancier à la mode toucherait autan! que le plus obscur des noircisseurs de papier. El cette proposition

paraîtrait absurde, à l'énoncer seulement.

i.

CHAPITRE 111

s1 pourtant ce que fait la Société des Auteurs dra- matiques, pour la représentation des pièces de théâtre. Gela semble toul naturel, et ce fut le but poursuivi par la Société, - premières ébauches d'organisation.

Lorsque, sous la Révolution, les auteurs dramatiques, affranchis du bon plaisir des directeurs de théâtre, songèrent ,i s'assurer un profit honorable, leur première pensée ne fut-elle pas d'imposer à toutes les scènes de Paris, pour tous les auteurs, un prélèvement identique sur la recette ? Cepen- dant il peut paraître étrange qu'un directeur soit forcé d'abandonner la même part de ses bénéfices, qu'il s'adresse à un auteur coutumier du succès, ou à un inconnu qui tente un coup d'essai : car tous les coups d'essai ne sont pas des coups de mai de. Une bonne logique commerciale ne veut- elle ne les profits se mesurent aux risques? Les comé-

diens, a l'origine, en usaient autrement, lorsqu'ils offraient deux cents louis à l'écrivain en renom, et la gloire d'être joué par eux, au débutant.

Certes, les ailleurs ont été conduits à cet illogisme, au moins apparent, par la nécessité d'assurer leur sort, et par l'impossibilité constatée <l«i se défendre contre l'arbitraire aucune règle fixe et certaine. D'aucuns qui disent soutenir les intérêts des jeunes auteurs voudraient que I «ni revint à la libre concurrence, au jeu normal de l'offre ••I de 1^ demande, qu'on renversai ainsi l'équilibre savant obtenu par les patients efforts de la Société des Auteurs?

Non- verrons plu- tard si ce retour en arrière est dési- rable, pour ceux mêmes qui l'appellent de leurs vœux, si le leçons «lu pai <'• ne suffisenl pas à détruire ce rêve «lu directeur juste el généreux, semblable au bon despote, qui

"'••rail .. chacun ce qui lui est <lù équitablement.

Poui le moment, il non 3 suffi! de constater que cette règle

LES CADRES DE LA SOCIETE 21 i

qui oblige les directeurs de théâtre à abandonner aux au- teurs, quels qu'ils soient, la munie part de la recette, règle qui est le fondement même de l'association, peut paraître apriori préjudiciable, dans une certaine mesure, aux intéi des jeunes. Quelle sera en effet l'attitude du directeur, tenu de payer le même prix au débutant, età l'écrivain vieilli dans la carrière? Il fera ce que ferait à sa place tout commerçant, tout industriel raisonnable : entre les diverses <in\ res qui lui seront offertes, il choisira, je ne dis pas la meilleure car nous aurions une littérature dramatique incomparable mais celle qui lui paraîtra présenteriez plus grandes char de succès. A quel signe se fiera-t-il? Lira-t-il les pièces? Il le devrait sans doute ; mais l'expérience prouve que bien peu de directeurs ont le courage de se condamner à la lecture indigeste des centaines de manuscrits qui viennent, au jour le jour, et par ordre d'arrivée, prendre place dans les archives de son théâtre.

Quand bien même il aurait la conscience et le temps de lire tout ce qu'il reçoit, il risquerait encore de com- mettre les erreurs les plus graves. Il est rare que la direction d'une scène soit confiée à un homme de lettr ou tout au moins à un amateur d'un jug imenl exercé, et d'un goût sur. L<- plus souvent, la confiance des commandi- taires iraà un homme d'affaires heureux, <»u ce qui est assez dans nos mœurs à un artiste, qui, pour connaître fort bien son métier, est sujei toul autant, et parfois plus qu'un autre, aux préjugés, à la routine, «»u aui innovations malencontreuses.

Le directeur lul-il (railleurs un connaisseur éclairé, quoi de plus difficile et de plus trompeur <|u«' de ch< cher à prévoir, entre diverses œuvres, celle qui rencon trera la faveur du public, celle qui connaîtra les centièm

CHAPITRE III

représentations? On peut, sans risquer de commettre des erreurs trop grossières, prédire la vogue d'un ouvrage ilt» science ou de critique, voire même d'un roman ou d'un volume de vers. Mais rechercher et doser les élé- ments de succès d'une pièce, c'est presque aussi com- pliqua que de trouver la quadrature du cercle. Le succès, au théâtre, esi autant une affaire de hasard que d'habileté. Combien d'œuvres qui, acceptées d'enthousiasme, connurent le four noir, ou le froid succès d'estime? Combien, reçues avec défiance, excitèrent l'engouement du public? Le spec- tateur se charge de mettre en défaut les critiques les plus habiles. L'auteur lui-même doit s'abstenir de toute prévi- sion. Souvent les passages les plus travaillés, les effets les plus escomptés, passeront inaperçus, alors que d'un mot <jui n'était pas cherché, d'une scène qui n'était pas amenée, jaillira le rire ou l'émotion.

Cruel embarras pour le directeur, qui, s'il était irrésolu par aature, pourrait, comme le héros de Buridan, mourir de faim, dans l'abondance des manuscrits.

Heureusement pour lui, il a un critérium qui le dispense de réfléchir : c'esi le nom de l'auteur.

Il se dira qu'il \ a de grandes chances pour que l'écrivain ••H vogue n'apporte pas une mauvaise pièce, ei qu'en toul lut elle mauvaise, sod nom, à lui seul, sera une réclame suffisante pour qu'elle obtienne un nombre honorable <l<i représentations. Enthousiaste, ou simplement curieux, avide •I applaudir, ou <!<• discuter, ou de critiquer, le public vien- dra. El la grande affaire esi qu'il vienne. Après, qu'il dise du mal «I.- l'auteur,

* ' un droit qu'à la porte on achète en entrant ». L'insuccès d t-il les prévisions que l'on pouvait

LES CADRES DE LA SOCIÉTÉ 213

raisonnablement faire? le directeur aura l'excuse du public, et le pardon de ses actionnaires. Il aura l'air d'un honnête homme, victime d'un mauvais procédé, d'un commerçant trompé sur la marchandise. Et tout le monde sera avec lui.

Mais quelle ne sera pas la responsabilité du directeur envers l'opinion, envers ses commanditaires, s'il s'avise de jouer un jeune, un inconnu? Il faudra lutter pour se faire écouter, forcer une attention distraite pour provoquer les applaudissements, désarmer une critique méfiante, si elle n'est pas hostile a priori. Le talent, ou simplement la chance fait-elle défaut? Ce ne sera plus le succès d'estime, ce sera l'échec lamentable, et sans appel, au milieu d'une foule indifférente. Et le directeur sera sans excuse.

C'est une grosse partie à jouer : on conçoit qu'il hésite.

Et, pour vaincre sa répugnanca très naturelle, l'auteur ne sera en mesure de le tenter par aucune concession : la Société ne lui permet, ni de renoncer par avance à ses droits, en cas d'échec, ni de garantir, à ses risques et périls, un nombre de représentations limitant le déficit éventuel, ni même d'accepter, pour se faire bienvenir, nue réduction de ses droits. Comment, à prix égal, l'auteur en renom ne l'emporterait-il pas sur le premier venu?

Le malaise, dont se plaignent les jeunes, s'aggrave des embarras financiers dans lesquels se débattent aujourd'hui la plupart de nos scènes. Les exigences du public, les pré- tentions des artistes, les nécessités de la concurrence ont élevé considérablement dans la plupart «le- théâtres la moyenne des frais généraux. Un directeur n'espère plus guère s'enrichir : tout ce qu'il demande, la plupart du temps, c'est de ne pas être au-dessous de ses affaires, ou de ne | l'être trop. Dans des conditions aussi précain est moins le désir de gagner qui l'anime, que la peur de perdre. La

•J[ | CHAPITRE III

crainte d'un échec l'arrêtera, bien plus que ne l'incitera l'es» ir d'un gros succès. S'assurer un minimum de repré- sentations couvranl les frais généraux, permettanl de payer les artistes, les décors, et la figuration, voilà souvent toute l'ambition de ce personnage très peu ambitieux. Et cela sert encore admirablement les intérêts des auteurs arrivés, qui peuvenl à peu près sûrement répondre de ce minimum. L'œuvre signée d'un nom connu, même si l'on n'a qu'une confiance médiocre dans sa valeur, tentera le directeur, car elle couvrira sans doute ses frais. Aussi la préférera-t-il à l'œuvre plus solide peut-être, mais signée d'un nom sans éclat, qui risque d'avoir une carrière plus brillante, mais donl l'échec bouleverserait irrémédiablement un équilibre financier toujours instable.

calcul étroit, dira-t-on, ou plutôt ce goût pour Yaurea mediocritas, qui est bien le vice de beaucoup de nos ndes scènes, a'esl pas le fait de tous les entrepreneurs de spectacles. \ voit-on pas, à chaque instant, des directeurs qui arrivent avec la ferme volonté de l'aire quelque chose, I" réaliser leurs rêves d'artistes? N'adressent-ils pas à la jeune littérature des appels pressants, indifférents au passé des auteurs, pourvu qu'ils apportent une œuvre intéressante, plus attirés même par un nom inconnu, que par un nom célèbre, '•! qui leur semble déjà démonétisé?

doute H cela est (ces heureux de L'ombre troubl igitent tous les artistes eu quête d'une comman-

dite, il surgi! fréquemment des novateurs. Mais ces uova- teui I aussi des désespérés. Il leur faut frapper un grand

ne de disparaître. Us jouenl leur chance, as tenir compte d<-> difficultés avec lesquelles b"11 i un. ni .,ni .111 x prises. Si la fortune leur <i-i con-

ih feronl faillite, il sombreront... pour un temps.

LES CADRES DE LA SOCIÉTÉ 215

S'ils réussissent, que le public vienne, e1 que la caisse s'emplisse, ils se rangeront. Leur -cru,., désormais class subira la loi générale, et sera soumise aux mêmes conditions d'existence que les autres. Devenus conservateurs, ils raison- neront en bommes d'affaires ; et, fatigués de découvrir les talents, ils laisseront à d'autres le soin de ces révélations périlleuses.

Il n'est pas de règle qui n'ait ses exceptions. L'exemple de M. Antoine est pour le prouver. Lorsque le Thé ' Libre se fonda, son programme ne fut-il pas de convier Paris à entendre, pendant une soirée, puis pendant trois, des œuvres qui se renouvelaient sans . de révéler au

public des écrivains, qui apportaienl au théâtre autre chose que la centième édition d'une situation trop exploitée, qu'une certaine habileté à copier leurs devanciers? Pourtant cette initiative généreuse obtint le plus vif succès. M. Antoine e l toujours resté fidèle aux traditions qu'il avail inaugurées : le théâtre modem»- lui doil plus d'un aom, plus d'une œuvre vigoureuse dont il s'est enrichi. Non seulement la faillite n'a pas ruiné son entreprise, mais il s réussi à recruter, au boulevard de Strasbourg, une clientèle fidèle, qui. lorsqu'il est parti, n'a pas désappris le chemin du Théâtre- Antoine.

C'estvrai... mais c'était M. Antoine. De telles initiatives encouragenl el fonl naître les talents : elles exercent, sur les lettres et sur le public, la plus salutaire influence. Mais elle^ son! éphémères, <il la contagion n'est pas à craindre. Œuvres d'un homme el d'un moment, elles marquent dans les annales dramatiques.

Les jeunes sont donc maltraités au théâtre : le règne de

la Société, loin de leur créer des dél ihés, semble plutôt

an obstacle de plus à leur carrière. Faut-il pour cela boule verser la sage économie des statuts de I as ociation, revenir

CHAPITRE III

aux prix librement débattus entre auteurs et directeurs, sui- vant la formule inscrite dans les lois révolutionnaires? Convient-il, au contraire, tout en gardant intangible le prin- cipe sur Lequel s'est fondée l'association, de chercher des palliatifs, de donner, d'une autre façon, des facilités aux débutants qui veulent s'aventurer dans le domaine du théâ- tre? Autant de questions qui sont à examiner. En tout cas, il est hors de doute que les stagiaires peuvent avoir des inté- rêts distincts de ceux de leurs confrères vieillis dans le métier, que leur avis est nécessaire, lorsque la Commission fixe dans des traités ses relations avec les théâtres. Un

mple prouvera combien leur présence dans les assem- blées eût été utile, dans certains cas.

En 1890, li Commission eut l'idée d'affecter une partie de l'accroissement des revenus sociaux à des encouragements anx jeunes auteurs.

Sur sa proposition, l'Assemblée générale approuva la

clause suivante, destinée à prendre place dans les traités

passés avec les Polies-Dramatiques, les Nouveautés, les

Bouffes-Parisiens, le Gymnase, le Vaudeville, le Palais-

l1 el l'Ambigu :

Le directeur s'engage à représenter sur son théâtre, pendanl la durée des présentes conventions, et dans le cou- ranl de >ns théâtrales, ^oit du 1er septembre au 30 avril,

une pièce en trois, quatre on cinq actes, donl l'auteur n'aura encore été représenté sur son théâtre, <it qui n'aura pas fait partie, comme sociétaires de l'ancienne Société.

Si, trois mois avanl l'expiration des présentes conven- tions, !•• directeur n'a pas exécuté l'engagemenl qui précède, il versera dans l edea secours de la Société des Auteurs

1 mpositeurs dramatiques, une somme de 1,500 francs, à litre d'indemni

LES CADRES DE LA SOCIÉTÉ 217

« Si au contraire le directeur s'est conformé à cet enga- gement, il recevra de la Société des Auteurs et Composi- teurs dramatiques, trois mois avant l'expiration des présentes conventions, une prime de 3,000 francs.

« Il est bien entendu que cette prime est unique, el ne saurait être augmentée ou répétée, si le directeur avait fait représenter, pendant la durée des présentes conventions, plusieurs ouvrages d'auteurs se trouvant dans les conditions ci-dessus indiquées.

« La prime serait réduite à 2,000 francs, si, la pièce étant l'œuvre de plusieurs collaborateurs, l'un d'eux avait fait partie, comme sociétaire, de l'ancienne Société ».

C'était une clause pénale à double portée, qui pouvait donner les meilleurs résultats. La Société prenait en main les intérêts des jeunes, comme le font l'Etat ou les villes, en introduisant, dans le cabier des cbarges des théâtres subven- tionnés, des clauses obligeant les directeurs à représenter cbaque année un certain nombre d'auteurs nouveaux.

11 est à remarquer que cette clause et cela était fort raisonnable n'était applicable, ni aux théâtres Becondaires, qui semblent tout naturellement voués ;m\ essais des jeunes, ni à ceux que « l'ampleur du cadre, et les frais «!«' mise en scène ferment plus Irrémédiablement aux nouveau- venus » (1).

Cette tentative l'ut éphémère : trois ans plus la ni. la clause disparaissait des traités. Absorbée par d'autres dépenses' notamment par le service des pensions, la Commission déch- n.iil cette nouvelle charge.

En debors de- droits d'auteur proprement dits, la Société impose aux administrations thé&trales des rétributions

1 Assemblée générale du 7 mai (890, Annuaire de k

218 CHAPITRE III

: redevances en faveur de la caisse de retraites, billets donnés aux ailleurs; ces nouveaux impôts, dont le principe es! fort discutable, pèsent d'un poids toujours plus lourd sur les théâtres : en augmentant encore la moyenne des frais généraux, ils arrêtent les directeurs dans leurs velléités d'initiative, les ramenant dans les grands chemins trop battus.

El pourtant quels sont ceux qui président aux destinées de la Société, et par même des théâtres ? La Commission ne comprend que des auteurs illustres, sans doute, et qu'un talent re i n a rq uable, second é pa rfois par une chance heureuse, .1 mi- eu lumière, mais qui trop souvent méconnaissent les obstacles auxquels se heurtent d'autres littérateurs moins favorisés.

Quant aux Assemblées générales, elles se tiennent à Intervalles trop éloignés pour être suivies avec beaucoup d'ardeur. Il faudrait qu'ils eussent vraiment un rôle à rem- plir, donl il- sentissent toute l'importance, pour que les membres de l'association y fussent assidus. Les gens de lettres sont naturellement peu enclins aux réunions inutiles, aux discussions stériles : les chiffres, ni les aiïaires ne les attirent, lorsqu'ils n'\ sont point personnellement intéressés : beaucoup s'abstiennent, comme faisait Diderot, lorsqu'il négligeait les appels pressants de Beaumarchais; d'aucuns, estimant sans doute qu'ils ont assez d'occasions de se plaindre, dans l'intimité, des directeurs de théâtre, disent, comme Collé :

!><• tous ces ^eris-Ià J'en ai jusque-là.

mêmes qui votent chaque année : parmi ces membres zélé e rencontrent beaucoup d'auteurs retirés des aftairi i l'on peut «lire, el qui sont au tenue d'une car-

LES CADRES DE LA SOCIÉTÉ 219

rière laborieuse; un grand nombre, pensionnés par la Société, ont une tendance bien naturelle à trouver que toul va bien, et l'un ne peut vraiment compter trop sur leur cou. «mu--, s'il est nécessaire de faire des changements dans

la maison.

Est-ce à dire qu'il soit possible, par une réforme vraiment démocratique et égalitaire, d'admettre tous les stagiaires aux mêmes avantages dont jouissent les sociétaires? (>n n'y saurait sérieusement songer.

Peut-on reconnaître, dans la Société, les mêmes droits aux maîtres les plus illustres, et à l'étudiant qui aura fail jouer, sur quelque scène de dixième ordre, une bluetle enfouie longtemps dans ses cartons, au pensionnaire qui, rêvanl la gloire, aura fait représenter un à-propos en ver-, prémices d'une carrière dramatique qui n'ira pas [dus loin, au fonc- tionnaire en retraite qui consacre ses loisirs à d'innocentes pochades, qui lui assurent un renom de !><'l esprit, dans un cercle restreint d'admirateurs provinciaux ?

Clients d'un jour, ils s'inscriront aux agences de la Société des Auteurs, ils toucheront peut-être quelques francs : et, comme la Société ne révise pas ses listes, qu'on ne paie pas de cotisation, et qu'on n'esl pas tenu d'écrire tin <>u\ i tons les cinq ou dix ans, ils resteront à jamais membres de la Société : titre de gloire souvent ridicule, parfois touchant.

Mais, à côté de ces stagiaires d'occasion, il j 1 ceui qui travaillent, ceux qui ont du talent, ceux qui luttent, et qui, quoi qu'on en dise, ne son! pas du tout assurés d'arriver au sociétariat avant un âge avancé. Car doua avons remarqué la tendance constante des commissions qui se sont succédé ;ni pouvoir, ;• réduire le aombre des sociétaires, en même

220 CHAPITRE III

temps qu'on élevait le chiffre de la pension à laquelle ils pouvaient prétendre, après de bons et loyaux services. Ouverte à tous autrefois, l'Association des Auteurs est devenue une corporation fermée.

I es littérateurs, qui font du théâtre leur métier, n'ont-ils pas cependant leur place toute marquée aux assemblées, aussi bien que leurs confrères plus illustres? Il convient de poser la question; car souvent ceux qui estiment que tout va pour le mieux se font trop aisément un bouclier de la noto- riété de certains des membres de l'association, pour repousser dédaigneusement les revendications de la masse. Il semble que la gloire de quelques confrères favorisés doive suffire au contentement des autres. Quelle n'est pas leur impertinence, de réclamer les mêmes droits qui sont reconnus à tel maître incontesté, à tel auteur en vogue?

Que dirait-on pourtant d'un syndicat qui prétendrait _ir le sort (Tune industrie, et qui n'admettrait dans son sein que les ouvriers touchant, dans la corporation, le salaire le plus élevé ?

Les stagiaires qui travaillent sont-ils donc si rares, parmi li foule des désœuvrés, des dilettantes, et des amateurs, qui encombrent la carrière dramatique?

Lorsqu'au cours du procès de 1905, réminent avocat de la Société, M' Poincaré, s'eflbrçai1 de montrer que les stagiaires s'agitaient un peu trop, pour biplace très petite qu il- occupaient dans l«'s lettres et dans les affaires de la S iété, M rappelai! que, pendant l'exercice 1903-1904, les droits d'auteur perçus par \<>< sociétaires s'étaient élevés à francs, alors que les stagiaires n'avaient touché cjue 660,121 h -'ir

LES CADRES DE LA SOCIÉTÉ 221

Encore ce total ne devait-il pas Faire illusion. Car, sur les 3,479 stagiaires que comptait alors la Société, 22-"> seulemenl avaient touché clans leur année plus de 500 francs de droits d'auteur, somme évidemment insuffisante pour les faire vivre.

Mais 22.') auteurs, qui bon an mal an encaissent quelque argent, et qui parviennent à quelque réputation, malgré de multiples difficultés, c'est déjà quelque chose. Or ce sont ceux-là qui réclament, qui se disent insuffisamment pro- tégés, qui veulent vivre de leur plume, et qui revendiquent au moins le droit de présenter leur défense.

Ces stagiaires d'avenir, qui souvent ont déjà un passé derrière eux, est-il donc si malaisé de les distinguer des clients de passage, qu'il serait en ell'et imprudent, autant qu'inutile, d'admettre à la discussion des intérêts communs? Que l'on exige un petit nombre d'actes, joués sur des scènes déterminées, ou un minimum accessible de droits d'auteur perçus, et l'on aura de suite un bataillon de quelques centaines d'auteurs de talent, qui contrebalanceront, dans les assemblées, l'influence de ceux qu'on appelle l'état-major de la Société. Et surtout qu'eu écarte l'arbitraire, qu'on ne fasse pas la Commission juge des admissions, car le cercle des privilégiés se restreindra toujours de plus en plus.

Assurément il est des auteur- dont il n'y a pas li»iu de s'inquiéter, el qu'on recevra toujours, à la première somma- tion. M" Poincaré, désireux <le prouver que la Société ouvrait toute- grandes ses portes aux écrivains «I»' mérite, rappelait que M. Anatole France, après Thaïs, que M. Ri- chepin, après la Glu, furent admis d'emblée au sociétariat.

Avouons qu'il était difficile de leur faire taire antichambi Ce qui serait plus louable, c'esi que tous ceux qui ont eu le même nombre d'actes joués sur des théâtres de même importance eussent été accueillis avec la même faveur.

222 CHAPITRE III

Au nom de quel principe admettre les uns, et repousser les autres ? ('.«'H»' différence d'attitude ne s'explique vraiment que par une raison très facile à comprendre : c'est qu'on m- se gêne pas avec la masse des littérateurs, tandis qu'on s'incline devant quelques-uns, par crainte de l'opinion.

En agissant ainsi, la Société oublie son rôle : elle n'est pas une Académie, seules les gloires du théâtre ou de la litté- rature ont leur pince marquée : c'est une société commer- ciale en fait, sinon en droit et elle s'en vante. Lorsque des hommes de lettres réclament son concours dans une question littéraire comme fit M. Guinon, lorsqu'il la solli- cita de protester cou Ire la censure dont Décadence avait été 1 "Iijt'l elle leur répond qu'elle ne s'occupe que des recettes de théâtre. Elle a raison : elle s'est fondée pour Faire rendre justice aux écrivains, pour combattre l'omnipo- tence des directeurs. Mais alors qu'elle ne se drape pas dans sa dignité, lorsqu'un littérateur, plusieurs fois repré- senté, lui demande d'être ;i<lmis à discuter des affaires qui l'intéressent au premier chef ; qu'elle ne l'invite pas à repasser, parce que ses titres sont insuffisants, et que son Qom sera « » 1 1 ï * I i « '• dans cinquante ans.

Qu'on donne accès dans la Société à tous ceux qui pro- duisent, ei qui oui dans le théâtre des intérêts dont l'impor- tance ae saurait sérieusement être contestée, H <lu coupon dissipera toute méfiance, on calmera des plaintes légitimes.

Mais, dira-t-on, ces nouveau- venus, pleins d'inexpérience (,t '1 illusions, peut-être armés pour <le> vengeances ignorées, ii entreprendront-ils pas, par leur vole, de bouleverser les statuts, de détruire les règles qui en soûl le fondement, de compromettre une organisation que des années de tâtonne- ments, d'études, i I de pratique ont permis d'établir ?

P irquoi ces craintes, que rien ne justifie? Ceui qu'on

LES CADRES DE LA SOCIÉTÉ 223

appelle les jeunes, et qui sont souvent d'un âge fort respec- table— tels les vieux acteurs qui jouent encore les jeunes premiers ont une conscience aussi nette, aussi exacte, de leurs droits et des intérêts de l'art dramatique, que Les maîtres chevronnés qui composent seuls aujourd'hui le Conseil de la Société. Si d'aventure ils demandent quelque réforme, s'ils exigent une justice plus grande, c'esl donc qu'il souffrent dans l'état présent de quelque inégalité. Quel intérêt assez puissant, assez sacré', s'opposerait à ce qu'ils obtinssent satisfaction? La Société, par ses origines, par son principe même, repose sur l'union des auteurs, et non sur leur division. Si les jeunes peuvent se plaindre, actuellement, non sans quelque vraisemblance, que Leurs intérêts soient parfois négligés et relégués à L'arrière-plan, pourquoi ne prendraient-ils pas en main leur défens Pourquoi refuserait-on de les entendre? Si Le respect de leurs droits n'exige pas la disparition de La Société ils le soutiennent, et il y a toutes chances pour qu'il en soit ainsi elle ne peut que gagner à leur appui, à leur colla- boration. Et s'il apparaissait, par hasard, que La Socié telle qu'elle est établie, repose sur un principe faux, sur un malentendu, sur une inégalité choquante, qui donc pourrait demander le maintien d'une telle situation?

Mais, dit-on aussi, ce u'esl pas seulement Le droit de vote que confère le sociétariat, c'esl aussi Le droil à La retraite. Nous avons vu que le souci constant de la Société, depuis une vingtaine d'années, a été de constituer un service Lier de pensions, d'ouvrir toujours pins Largement L'admission ;i l,i retraite, ainsi que d'améliorer le sort des pensionnaire Ce service, développé d'année en année, aba rbe une par! ootable <\r^ revenus de l'association, et l'équilibre financier, grâce auquel il est assuré, n'es! pas jans donner quelques

CHAPITRE ltl

inquiétudes, au point de vue de sa stabilité. Dès lors, on ne peul songer à admettre d'un seul coup au bénéfice de la retraite an nombre considérable d'associés. Aussi, chaque fois que l'on a pensé à faciliter l'accès au sociétariat, les membres de la Société ont-ils été arrêtés par cette préoccu- pation très légitime.

Mais pourquoi ne donnerait-on pas satisfaction aux sta- giaires, quant au droit de vote, qu'ils ont instamment réclamé, en leur refusant le droit à la pension, qu'ils ne songent pas à demander? Ce n'est pas le souci de leurs vieux jours qui les préoccupe, mais bien la défense de leurs intérêts présents. Rien ne semble donc plus aisé que de concilier les difficultés financières, auxquelles on parait se heurter, avec les revendications des stagiaires. Des stagiaires nouvellement promus, grâce à des conditions d'accès fort larges, on constituerait une classe intermédiaire, ayant part à l'administration de la Société, sans pouvoir prétendre aux pensions réservées aux seuls sociétaires; quitte à ne les admettre que plus tard au bénéfice de la retraite, sur la production de titres plus sérieux et plus rares.

En résumé, quel que soit l'expédient employé, la formule à trouver, il n'en reste pas moins qu'il y a quelque chose à faire : il faul donner une constitution plus libérale à une

sociation, qui, constituée par la généralité des auteurs, est

d<\. i surtout l'organe de quelques privilégiés, en restant,

en apparence, ouverte à tous. La Société des Auteurs ne peul que gagner à un recrutement plus large et plus démo- cratique. Les jeunes qu'elle admettra dans ses assemblées et dan conseils, n'auront plus l'occasion de dénigrer un

; aemenl qu'ils auront choisi, de critiquer des décisions qu'ils auront sanctionnées de I < 1 1 1- vote. Et le syndicat, au lieu de traîner a ■• remorque la ma>se des associés, indilfé-

LES CADRES DE LA SOCIÉTÉ 2^b

rente, et peut-être même hostile, retrouvera, dans une org

nisalion plus libérale, une vie nouvelle et plus féconde.

La loi du il juillet 180() fixe à une période de cinquante ans, après la mort des auteurs, la durée des droits qui, leur décès, sont reconnus à leurs héritiers ou ayants cause.

Les droits de ces derniers n'eussent été le plus souvent que nominaux, si la Société ne les avait admis à bénéficier, comme les auteurs eux-mêmes, de la protection de l'associa- tion et de la perception commune. Aussi a-t-elle accepté d'être leur fondée de pouvoirs, dans l'exercice de Leurs droits, en échange d'un acte, par lequel ils déclarent adhérer aux statuts.

Lorsqu'un auteur dramatique, sociétaire ou stagiaire, vient à mourir, son héritier ou son ayant cause doit solliciter, par une demande écrite, son admission, qui ne peut d'ailleurs lui être refusée.

S'il y a plusieurs héritiers ou ayants cause, il- doivent désigner un mandataire unique, qui s'engagera, eu leur nom à tous, à observer les statuts, autorisera la représentation des œuvres de l'auteur défunt, touchera les droits des mains de l'agent général.

Les héritiers adhérents jouissenl «le Imi^ les avantages reconnus aux stagiaires : cela esl dit expressément dans l'article 2l.) des statuts.

Il- ont droit aux secours en fait il- n'\ participent presque jamais— ils ont droit au partage des bénéfice puisque l'acte de société y admel tous le 'I111 BUI

portent le prélèvement de I 0 0 sur leurs droits, et que cette retenue e>t l;uie mit les sommes perçues à leur profit. Il faut penser également qu'ils ont droit, depuis 1904, au

I i

CHAPITRE III

même titre que les stagiaires, à la liquidation de l'actif social.

Une seule différence les distingue des stagiaires : ils ne peuvenl pas devenir sociétaires. Rien de plus naturel. Ilsn'ont, en leur qualité d'héritiers, aucun intérêt, dans la Société, qui leur s<>il personnel : on comprendrait malaisément qu'ils fussent admis dans les assemblées des auteurs. Heureux de percevoir, en toute sécurité, une rente sur les ouvrages des écrivains disparus, ils ne demandent pas à discuter des questions, qui leur sont, la plupart du temps, totalement étrangères.

*

Un auteur cède, à titre gratuit, ou moyennant finances, l'entière disposition d'une ou de plusieurs de ses œuvres. La convention est parfaitement licite. La Société, désireuse de i ses membres tous les modes d'exploitation de leur propriété littéraire, olfre à leurs cessionnaires le bénéfice de sa protection, et l'entremise de ses agences; en échange de leur adhésion an pacte social, elle les reçoit comme membres de l'association, en leur accordant tous les droits reconnus aux héritiers adhérents.

Il importait en effet que, par un acte de cession plus ou moins réel, les auteurs ne pussenl se loustraire aux obliga- tions auxquelles il- sonl tenus, qu'ils ne pussent, par m pie, faire jouer leurs œuvres sur des scènes <jui n'ont traité avec la Société, ou à des conditions inférieures ;"i tarif général, \ussi la Commission ;i-t-ellc, dans sa ace du I man 1881, arrêté les termes d'une formule, qui dei ra être employée pour tous les actes de cession (1). Cette

tU in Sociétét innée 1881, page 171.

LES CADRES DE LA SOCIÉTÉ 227

formule mentionne que le cessionnaire a pris connaissance des obligations imposées aux membres de L'association, des pénalités prévues en cas d'infraction aux statuts, el qu'il s'engage à s'y soumettre.

Mais des cessions, parfaite m enl régulières en la forme, peuvent couvrir des agissements frauduleux, contraires aux principes consacrés par l'association. Ainsi des littérateurs, pressés d'être joués et n'osant accepter, par traité, de resti- tuer au théâtre une partie des droits perçus en leur nom, céderont leurs pièces en toute propriété, pour un morceau de pain. Le directeur, ne voulant pas paraître en nom dans la combinaison, aura recours aux bons offices d'un intermé- diaire, moitié homme de lettres, moitié agent d'affaires, qui achètera les pièces, et les revendra à la direction du théâtre, moyennant commission. Parfoiscet honnête courtier opérera en grand, achetant de-ci de-là, pour le compte de certaines scènes. Tous les jeunes, désireux de se pro- duire dans ces établissements, devront passer par ses mains.

En 1893, l'attention de la Commission lut attirée sur un manège de ce genre, qui se pratiquai couramment pour les levers de rideau donnés dan- plusieurs théâtres. La combi- uaison était d'ailleurs connue depuis longtemps par l<i- gens du métier. La Commission n'attendait qu'une occasion pour sévir. Mais comment prendre un directeur en flagrant délit? Allait-on provoquer un scandai.', sans avoir des preuves certaines? Or la preuve, en pareil cas, ce ne peut être que l'aveu d'un des auteurs, qui ont les meilleures raisons ^\\i monde de ne pas avouer, puisqu'ils sont en marge des Btatuts.

Un hasard providentiel permit d'agir. En 1893, un membre de la Société se plaignait qu'un acte d< mposi

228 CHAPITRE ili

tion, Institué Scrupules, fût joué dans un théâtre, sans son autorisation, sous le titre de le Scrupule. À cette différence près, la pièce représentée était identiquement la même que celle qu'il avait écrite : cependant on ne lui avait pas demandé sa permission, et on ne lui allouait aucuns droits.

Que s'était-il passé? Un littérateur besogneux avait cédé, par l'intermédiaire d'un courtier, un lever de rideau intitulé Ir Scrupule ; le directeur, qui n'avait qu'une confiance médiocre dans cette œuvre, ne s'était fait aucun « scrupule » di' profiter d'une similitude de litres, pour lui substituer les S upules, dont une copie lui était venue entre les mains. qu'il \ avait d'étrange dans l'affaire s'il faut encore s'étonner de quelque chose au théâtre c'est que l'auteur du Scrupule se lut désintéressé à ce point de la suite donnée .ni contrat, et n'eut pas songé à se formaliser de ce tour de passe-passe.

La Commission manda à sa barre l'auteur de Scrupule au singulier, l'auteur de Scrupules au pluriel, le directeur de théâtre, et le cessionnaire. On ne discutait pas seulement -ni- un principe. Les Scrupules avaient produit une somme de 10,000 francs. L'ingénieux directeur avait eu la main heu- reuse : mais, pris au piège; il dul verser des droits à l'auteur

ritable H, par-dessus le marché, promettre de ne plus •mmencer.

Quelques mois après, nouvelle affaire. Cette lois, c'était un auteur en rupture des statuts qui se démasquait. Etait-ce le entir, ou simplemenl l«' dépit d'avoir traité au rabais? Quoi qu'il en soit, il entrait dans La voie pénible des aveux. I Commission, armée pour la lutte, songeait ;i plaider. Le directeur, désireui d'échapper une publicité compro- mettante, préféra verser une indemnité, et faire amende honorable.

LES CADRES DE LA SOCIÉTÉ 22Q

Pour couper court à tous ces traiics, la Commission prit une mesure radicale : elle réduisil les droits d'auteur perçus pour les levers de rideau à un pour cent, avec maximum de dix francs. « Dix francs par jour de maximum, disaii I»' rapporteur à l'Assemblée générale, s'ils sonl la rémunéra- tion suffisante d'un acte écrit pour rire représenté devant les petits bancs, qui seuls peuvent se trouver au théâtre avant neuf heures du soir, sont au contraire un trop mini m»' appât pour les chefs de claque banquiers, ei les marchands de billets prêteurs ». Et il ajoutait, se félicitant de^ résultats de la r*é forme :

« Les noms des auteurs des levers de rideau ont changé comme par enchantement ; c'est que la porte est ouverte à lous maintenant ».

11 est seulement permis de se demander si le système de la porte ouverte, qu'on préconise, <i-l le meilleur, tant pour les auteurs, que pour le public.

Les auteurs, ce sont, ou plutôt c'étaient les débutants, les jeunes, ceux qui, écartés des grandes scènes, lorsqu'ils apportaient une tragédie en cinq actes, en vers, se voyaient bien reçus, parfois, lorsqu'ils arrivaient avec un lever de rideau. Ce bon accueil encourageait les timides, raffermis- sait les vocations hésitantes, acheminait les auteurs, par un apprentissage utile, vers des œu\ res d'un efforl plus soutenu, dune action plus compliquée.

Sans doute il y avait les fraudeurs, qui n'étaient pas inté- ressants, et qui abusaient de la situation : qu'importe ! Leur fraude ne leur procurait que des bénéfices bien limités, si nous nous en référons aui paroles < » 1 1 . 1 1 , | » . ( - an rapp teur :

« Ce ne sont pas les auteurs, disait-il, qui avaient cou- tume de céder leurs droits, qui se plaindront de cette mesure,

230 CHAPITRE III

puisque le prix qu'ils recevaient flottait entre deux et trois cents francs, quand il n'était pas fictif ».

Mais ce n'est pas pour leur assurer un bénétice plus important, que la Commission a édicté des règles nouvelles. Ne serait-ce pas plutôt que les auteurs de la pièce de résis- tance voyaient avec peine une partie de la recette leur échapper? N'auraient-ils pas saisi avec empressement cette occasion d'étouffer un genre qui menaçait leurs revenus?

Les résultats de cette politique ne se sont pas fait attendre. L<mu d'affranchir le genre, on l'a déconsidéré. Œuvre d'ap- prentissage autrefois, il est devenu la proie des faiseurs. Lorsqu'il n'est pas accaparé par l'auteur de la pièce princi- pale, soucieux de ne rien perdre de la recette, le lever de rideau est abandonné à des travailleurs en gros, qui en donnent au public pour l'argent qu'ils touchent. C'est encore un domaine d'où les jeunes sont exclus, au profit d'habitués peu intéressants.

Le public n'a pas été moins sacrifié dans l'affaire. On se plaignail de son indifférence, on l'accusait de ne vouloir pas entendre les levers de rideau. La Commission avait le choix entre deux solutions : supprimer complètement les levers de rideau, ou les encourager, favoriser les débutants qui s'y adonnaient, l«>ul en poursuivant les combinaisons de mau-

- idoi. EHe a préféré l<-> rabaisser, pour en dégoûter plus sûrement ceui qui y prenaient encore quelque intérêt.

Pourquoi cet arrêt de mort inutile? N'aurait-il pas été

plu- intéressant d'essayer de relever le genre? Les petits

bancs, pour lesquels le rapporteur a l'Assemblée générale

montrait -i dédaigneux, auraient peut-être entraîné les

roda : les vides du théâtre se seraient comblés. Grâce à la

mmission, le publie, qui découvrait parfois encore, dans petit écrivains d'avenir, n'aplusque des

LES CADRES DE LA SOCIÉTÉ 231

ébauches informes, dues à des fournisseurs de rencontre : heureux si le signataire de la pièce principale De saisit pas

l'occasion d'écouler une bluette fabriquée en hâte.

Dans cette question, leur sort était en jeu, les jeunes, les stagiaires n'ont pas eu à donner leur avis.

Le Statut légal de la Société

Le Statut légal de la Société

Dès son apparition, dès les premières manifestations de son activité, la Société des Auteurs s'est trouvée exposée aux attaques les plus vives et les plus passionnées. N'inter- venait-elle pas ouvertement pour réprimer des abus, pour soustraire les écrivains à la tyrannie des directeurs de théâtre, pour leur faire une juste part dans la recette des spectacles ? C'était déranger des habitudes séculaires, heurter de front des financiers, qui pensaient, comme autrefois les sociétaires du Théâtre-Français, qu'ils faisaient aux auteurs, en les jouant, beaucoup d'honneur, et ne pouvaienl se faire à l'idée de compter équitablement avec eux.

Surpris par la Révolution, ils n'avaient pas eu de beau geste : ils n'avaient pas, dans une nuit du \ août, abjuré les erreurs du temps passé, <'t promis un régime de justice <il de loyauté. Sans doute ils semblaient accepter <\y>± lois qu'ils ne pouvaienl officiellement combattre : mais ils tachaient d'en éluder sournoisement les prescriptions, <'l d'en prévenir les conséquences fâcheuses pour leurs privilèges. Surtout i I s redoutaient l'entente des littérateurs, se faisan! fort d'imposer leur volonté aux faibles, aux Isolés.

Us opposèrent un»' force d'inertie aux premières tentatives

<|in' firent les auteurs pour tirer parti des libertés ivelles

qui leur étaient reconnues. Lorsqu'en is:i7. la Société des Auteurs, dégageant ses principes, <■! formulant son i"" gramme, resserra, en se réclamant du Code civil, le lien trop lâche de ses statuts, il- sentirent rivement coup qui

CHAPITRE IV

leur était porté, et combattirenl de front l'association nais- sante.

La lutte, qui, jusqu'alors, n'avait guère dépassé l'enceinte des coulisses, et s'était manifestée surtout paroles querelles particulières, s'engagea désormais sur le terrain juridique,

ec tout l'appareil judiciaire. Los directeurs de théâtre ne se contentèrent pas de traiter la nouvelle société de corpo- ration illicite ; l'arme fui bientôt émoussée, et le reproche passé de mode : il a fallu que le mot de « trust » nous vînt d'Amérique, chargé de mystère et de ruines, pour rendre, en ces derniers temps, à cette accusation démonétisée, quelque valeur, et quelque actualité. Ils lui dénièrent même la qualité de société civile dont elle se parait, sans doute pour abuser l'opinion publique, et ils entreprirent de démontrer l'in- certitude de son statut légal, qui reposait sur des principes méconnus, et sur des textes dénaturés.

Kii la dépouillant de la qualification qu'elle empruntait au Code civil, les adversaires de la Société s'efforçaient de découvrir la fragilité d'une association, qui, ne rentrant dans aucune des catégories prévues par la loi, ne pouvait prétendre, ni à faire valoir en justice les droits que ses traités lui donnaienl à rencontre des directeurs de théâtre, ni & retenir, malgré eux, des auteurs désireux de s'évader de statuts. De la sorte il lui deviendrait impossible, et de faire constater officiellement son existence, lorsqu'elle sérail mise '-H cause, el de plier ses membres à cette discipline, qui peut paraître rigoureuse a certaines heures, mais sans laquelle son action serait illusoire.

Il est & noter toutefois que cette question touchant à la nature juridique de la Société des Auteurs, n'a jamais eu

'•■ la portée, ni toute l'étendue, que ses adversaires <mt

a voulu lui donner

LE STATUT LÉGAL DE LA SOCIETE 237

Le droit qu'ils lui ont àprement contesté, avant tout autre, celui de défendre ses intérêts en justice, e1 de poursuivre devant les tribunaux l'exécution des conventions qu'elle concluait, sans qu'il fût besoin de faire figurer dans l'ins- tance tous les auteurs membres de L'association forma- lité impossible à remplir ce droit lui a toujours été reconnu sans difficulté. Les statuts donnenl en effet à La Commission le mandat de représenter La communauté dans tous les procès qui l'intéresseront, aussi bien <|n<i d'intenter ou de soutenir, au nom de chacun de ses membres, chaque fois qu'elle le jugera à propos, tout procès intéressant la perception des droits d'auteur. Ce mandat est parfaitement valable, et doit avoir son plein effet, <[u«i La Société des Auteurs soit d'ailleurs une société civile, ou un simple groupement de fait.

La question a été résolue en L867, pour La Société des Editeurs et Compositeurs de musique, il <i>( vrai. Mais nous savons que Les deux associations sonl organisées «I»' la même façon, et que ce qui est vrai «le L'une l'es! égale- ment de l'autre.

La Société lyrique o voit tout d'abord intenté une action contre de Besselièvre, directeur des concerts des Champs- Elysées, en son nom propre, et sur Les poursuites et dili- gences de M. Rôllot, son agent général . Il s'agissait de difficultés survenues dans L'exécution du traité qui liait directeur à La Société. La procédure employée par La Société était audacieuse. Elle impliquait pour elle le droil d'agir au nom de ses intérêts propres, el par conséquent le fait de constituer un être moral. C'était beaucoup demander, ■i une époque <>îi la personnalité des sociétés civiles a était

pas encore reconnue. K<' tribunal de co lerce de La Seine

admit pourtant La validité de L'assignation ainsi rédigée, et

s CHAPITRE IV

condamna de Besselièvre à payer les droits qui lui étaient lamés. Mais, sur l'appel de la partie, la Cour de Paris annula la procédure, estimant que la Société, n'ayant pas la personnalité civile, n'avait pas qualité pour agir en son seul Dom, même lorsqu'elle réclamait l'exécution d'un traité conclu par elle.

Une nouvelle assignation fut alors présentée, au nom des membres composant le syndicat de la Société lyrique. Le tribunal de commerce et la Cour de Paris furent cette fois-ci raccord pour écarter l'exception de nullité opposée par le léfendeur, en se fondant sur le mandat que les membres lu syndicat ont reçu de leurs confrères, à l'effet d'agir en leur nom.

Attendu que de Besselièvre, énonce le jugement du tri- bunal, est assigné nominativement par chacun des membres composant le syndicat de la Société des Auteurs, Composi- teurs <l Editeurs de musique; que les membres du syndicat, intéressés au môme titre que tous les autres sociétaires, tiennent de l'article 13 des statuts communiqués à de Besse- lièvre, les pouvoirs nécessaires pour contracter au nom de la Société : que cette capacité a été reconnue implicitement par de Besselièvre, en traitant avec leur mandataire Bollot, dûmenl autorisé à cel effet; que de Besselièvre si trouve donc aujourd'hui en Face des parties contractants elles- mêmes, qui, par le fait, se portaient for! pour la Société, et I ont fait jouir de- avantages stipulés à son profit par le traité donf l'interprétation fait l'objef du litige; qu'il ne saurait à bon droit se refusera plaider avec elles sur l'exé- cution des conventions consenties eu pleine connaissance Rejette l'exception •• I .

1 As i la propriété industrielle, nnnées 180'.. page 146, ison.page 106,

LE STATUT LÉGAL DE LA SOCIÉTÉ

Le jugement relevait que de Besselièvre avait contracte en toute connaissance de cause avec la Société lyrique, qui avait exécuté toutes les obligations portées au traité, el qu'il se dérobait seulement, lorsqu'il s'agissait de tenir ses enga- gements. C'est, en effet, la particularité de ces procès dans lesquels les parties, à bout d'arguments, invoquent la nul- lité de la Société : ils ont contracté avec elle, ils ont vécu pendant des années sur la foi des traités; il- s'aperçoivent tardivement, et fort à propos, qu'ils sont en face d'une entité, d'un fantôme juridique. Gela rend leur cause évidem- ment peu intéressante, autant qu'insoutenable en droit.

La solution donnée par le tribunal de commerce de la Seine était conforme, d'ailleurs, à une jurisprudence très ferme de la Gourde cassation qui reconnaissait, non seule- ment aux sociétés civiles, mais au>-i n de simples groupe- ments de fait, comme les cercles, les >i>eit;lé> de bienfai- sance, la faculté d'agir en justice, par l'entremise d'un repré- sentant accrédité.

Les tribunaux eurent l'occasion de faire application du principe ainsi posé à la Société des Auteurs dramatiques elle-même (1).

En 1894, Paulus, devenu directeur de Ba-ta-Cian, avaii donné sur cette scène une revue de lin d'année, tes Paulus- sonneries de Tannée, par MM. Nu m»-» .-i Garnier. Cette œuvre lui créa < 1 <- difficultés avec la Société. Elle se composait de deui tableaux, séparés par un baisser de rideau ••! un Inter- mède. Malgré cel Intermède, l<i- deui tableaui étaient réelle- ment séparés: aussi la Société des \uteurs prétendait elle percevoir les droits d'une pièce en deui actes : Paulus sou tenaif que sa revue était eu un -Kit'. La Société ih saisir les

(1) Gazette de* Tribunaux, 26 27 di d'auteur, 1895, pagt '.'G; Annale* la propriété industrielle, I8tl, pagi 88.

240 CHAPITRE IV

recettes : Paulus réclama. Lorsque l'affaire vint devant la première Chambre du tribunal civil de la Seine, il contesta à la Société, représentée par sa Commission, le droit de prendre eu mains la cause de ses membres, et de plaider en leur nom, alléguant la règle d'ordre public : « Nul ne plaide par procureur, hormis le roi ». L'instance, disait-il, aurait être engagée, non par MM. Alexandre Dumas, lïalévy, Victorien Sardou, etc., membres de la Commission, mais par les auteurs eux-mêmes, MM. N urnes, Garnier et Gall ; L'action de la Société n'était pas plus recevable, que ne le serai! celle d'un agent d'affaires, qui, chargé d'effectuer un recouvrement, pour le compte d'un client, poursuivrait le débiteur en justice.

M. le substitut Cabat s'éleva d'abord contre les contradic- tions de la partie, qui, ayant traité avec la Société et reconnu par même sa pleine capacité, prétendait la nier, pour se soustraire à -«-obligations. Il rappela certains arrêts de la Cour de cassation, qui reconnaissaient à toute société, civile ou non. Le droit de se faire représenter en justice par des mandataires dûment autorisés. Le tribunal, se rendant à ces raisons, valida La saisie.

attendu, porte Le jugement du 15 janvier 1895..., que i ette Société, créée surtout dans un but de défense et d'assis- tance mutuelles, ae saurait, à aucun titre, être considérée comme une agence d'affaires; que, pour atteindre le but éminemment utile qu'elle se propose, elle peut, conformé- ment -i ses statuts, qui n'ont rien de contraire aux lois et à L'ordre public, passer avec des tiers des traités parfaitement valables, par l'intermédiaire des membres <l<' l<< Commission, "u de Leurs mandataires munis de pouvoirs réguliers (1) ».

i Voir dan* le mém< en*, pour la Société dea Lrtistei français, tribunal

1890 Droit d'auteur, 1891, page 9). Voirwrla

LE STATUT LÉGAL DE LA SOCIÉTÉ Cil

Ainsi, que la Société des Auteurs soit ou non une société civile, elle n'en a pas moins le droit d'intervenir en justii conformément à une jurisprudence constante, sans que ses membres intéressés soient obligés de paraître personnelle- ment dans l'instance. Cette solution garantil à L'association un privilège des plus appréciables, celui-là même qui lui fut tout de suite contesté par ses adversaires.

Cela ne veut pas dire que l'association des auteurs n'ait pas un intérêt pressant à cire reconnue comme une société civile : la meilleure preuve en sérail, d'ailleurs, L'obstination qu'elle a montrée à en présenter loul au moins Les appa- rences, et à mettre en évidence les clauses du pacte social qui accusaient ce caractère. En 1837, lorsqu'elle se donnait par-devant notaire une constitution plus forte, que Les cir- constances commandaient impérieusement, elle revendiquait hautement ce titre : elle rédigea ses statuts, avec La préoc- cupation visible de réunir et parfois d'une façon fort artificielle toute- Les particularités qu'offre une socii civile ; beaucoup plus tard, en 1905, Lorsque ses statuts étaient soumis à une critique sévère et plutôt malveillante, elle se hâta, par des décisions prises évidemmenl pour les besoins de la cause, d'éclaircir les point- douteux de L'acte social, de trancher les questions qui pouvaient prêter contestation.

Les sociétés civiles sont en effet des personnes morales, ayant une existence juridique propre : cette qualité, qui ne leur était p.'i- reconnue d'une manière expresse par le Code

jurisprudence en Belgique, à propa de l>,>, i ctautew . I

CHAPITRE IV

civil, leur a été longtemps déniée; elle n'a pas été admise du premier coup par les tribunaux, et il y a eu à cet égard une évolution curieuse de la jurisprudence dont il suffira de rappeler les étapes.

A diverses reprises, les tribunaux avaient jugé que les assignations données dans l'intérêt des sociétés civiles pou- vaient être introduites au nom du gérant ou du liquida- teur I . Cette l'acuité impliquait évidemment reconnais- sance de la personnalité morale. On en peut dire autant d'une décision judiciaire attribuant aux créanciers d'une société civile un droit de préférence sur les fonds sociaux, par rapport aux créanciers personnels des associés (2).

Puis, eu présence de la tendance des sociétés civiles à profiter d'une législation plus libérale qui s'appliquait aux iétés de commerce, pour prendre la forme commerciale, et mettre ainsi à l'abri de toute contestation leur existence juridique, il y eut un recul de la jurisprudence; il fut jugé notamment, et contrairement aux décisions précédentes, que les sociétés civiles ne pouvaient être valablement repré- sentées en justice par l'entremise d'un directeur ou ni 3). Il est d'ailleurs à remarquer que dans le temps même il- refusaient cette licence aux sociétés civiles, les tribunaux reconnaissaient aux administrateurs de diverses sociétés, notamment de la Société des Compo- siteurs de musique, le droil d'agir en justice nu nom de leurs associés, sans qu'il y eût lieu de rechercher si le grou- pement présentait effectivement le caractère d'une société

! Voir Cour de Pari», 6 mars 1849 Sirey, 19, i. 127; Dalloz, 19, 2, 180 ; on, il février 1859 Dalloz, 59, L, 113), el s décembre 1862 (DaU

ï Voir Orléa : i I Sire 10, 2, 113; Dalloz, 69, 2, 185 : dans le

1 décembre 1861 Dalloz, 68, 2, I i

72 2, 197; Dalloz, 73, 2, 103). Kn sens Dalloz, 1878, 2, 2

LE STATUT LEGAL DE LA SOCIÉTÉ

civile. Il est vrai que, dans [affaire intéressai La Société des Compositeurs, la Cour de Douai, aussi bien que La Cour de cassation, semblait exiger, pour que L'assignation lui favorable, qu'elle mentionnât les nom- des auteurs l'- en même temps que ceux des administrateurs intervenant en qualité de simples mandataires I .

« Les membres du syndicat de cette Société, disaii Le rapporteur à la Cour de cassation, M. de Larouverade, ne peuvent donc agir seuls en justice, pour La défense des intérêts des auteurs ou compositeurs, par exemple Lorsqu'il s'agit du recouvrement des droits dus... Ils ne sont, à vrai dire, en pareil cas, que des mandataires <i<1 /tr//o//<r. char§ de procéder au mieux des intérêts des membres de L'asi ciation ; c'est pourquoi, à côté de leurs noms, figurent comme requérants, dans les exploits de citation, Les auteurs ou compositeurs » (2).

M. Labbé, qui refusait d'ailleurs à la Société des Compo- siteurs de musique le caractère de société civile, se pronon- çait dans le môme sens, dan- le commentaire qu'il donnait de l'arrêt de la Cour de Douai.

« Les membres du syndicat, écrivait-il, -<>nt des manda- taires désignés à l'avance, par suite d'un accord <*l <1 une élection, chargés de recouvrer des créances qui appar- tiennent individuellement aux sociétaires. M- ae peuvent agir et instrumenter en justice que comme des mandatai] II- doivent faire figurer dans ton- Les actes <l<- La procédure leurs mandants, Les véritables intéressés, les auteurs dont Les œuvres ont été exécutées, el les droits méc us 3 .

1 Douai, I! juillet 1882, Société det Uiteurs, Editew musique Sin >; Dali../, s:;. 2, L53 el Cassation - Dalloz, 85, I.

2 Annales <i<- in propriété industrielle^ \^s

Note sous l'arrêt de Douai précité 'lu 11 juillet [t

CHAPITRE IV

Ainsi, les administrateurs de la Société lyrique n'étalent que de simples mandataires, des personnages d'arrière- plan : il étaii essentiel que l'instance fût introduite par

les auteurs lésés (I). Celle décision était beaucoup plus timide que celle qui avait été rendue en 1866 à rencontre de Besselièvre, dans une affaire les auteurs, intéressés au même titre, n'avaient pas paru dans la procédure.

Quoi qu'il en soit, la thèse de la personnalité morale des sociétés civiles semblait abandonnée par les tribunaux eux-mêmes, qui en avaient pris l'initiative, lorsque, par deux arrêts successifs, la Cour de cassation la consacra expressé- ment 2 ; si elle est encore discutée en doctrine, cette thèse s'appuie aujourd'hui sur une jurisprudence très ferme (3).

I»'- la personnalité morale, reconnue aujourd'hui aux sociétés civiles, découlent de nombreuses et d'importantes conséquences.

Le droit d'intervenir en justice par l'entremise d'un repré- sentant, directeur, gérant, ou conseil d'administration, ne saurait leur être refusé. Ce représentant agira pour la com- munauté, qoe point en simple mandataire, mais en défen- seur des intérêts collectifs.

D'autre part, l'actif social n'est pas indivis entre les asso- ciés : il forme un patrimoine distinct, qui constitue l'avoir de la communauté, et qui échappe à Ions les contre-coups

h- le an me sens, roir, pour les cercles, Cour de cassation, 1 décembre 1,244 et 3 décembre L889 (Sirey,91, 1,525; Dalloz, 90, 1, 105). ier isîii Sire; el Pandectes, 92, 1, ''■'• : 2 mari PandecU . W7; Dalloz, 91, I, 3

Lion, 2 janvier 1894 Sirey, 94, L, 129; Dalloz, 94, 1, si ; Dalloz, 99, i, 593); Lyon, 3 juillet 1900 (Journal l.<> LoU

LE STATUT LÉGAL DE LA SOCIÉTÉ 245

que pourrait avoir sur elle la situation propre de chacun des membres. Ce patrimoine forme le gage des créanciers de la Société, à l'exclusion <l<is créanciers personnels des asso- ciés. Aucune compensation n'est possible entre les sommes dues à la Société par un tiers, cl ce qui esl à ce tiers par un des associés. Celle conséquence esl particule rement pré- cieuse pour la Société des Auteurs : car il arrive fréquem- ment que des directeurs de théâtre refusent de payer les droits convenus, alléguant des créances particulières qu'ils ont à faire valoir contre l'auteur. Celle excuse, si elle étail admise, risquerait de troubler gravement la régularité des versements que les directeurs font à la Société, et le bon fonctionnement de^ agences générales : elle sérail égale- ment funeste pour les écrivains qui. sous couleur de compen- sations plus ou moins justifiées, se verraient souvenl priver des droits qui leur sont dus, ou engager, à leur corps défen- dant, dans de longues procédures.

La Société interviendra heureusement, faisant valoir, non la créance personnelle de ses membres, pour le compte desquels elle opère, mais le droit qui lui appartient en propre de poursuivre l'exécution des traités qu'elle a conclu-, et notamment le versement des sommes que les entrepreneurs se sont engagés à lui remettre, à l'occasion des spectacles qu'ils donnent.

Enfin la personnalité civile permettra ô la Société des Auteurs de recevoir les libéralités qui peuvent lui être faites celle éventualité se présente fréquemment : les legs, les donations qui lui sont parvenus constituent une part appré ciable de sa fortune.

Antérieurement à la loi de 1901 sur le contrat d'à lion, la reconnaissance d'un groupement comme société civile était (railleur- aécessaire, en principe, pour I

2i0 CHAPITRE IV

mettre à L'existence juridique, s'il ne justifiait pas, d'autre part, d'une autorisation administrative. Depuis 1901, les asso- ciations peuvenl se former librement, el administrer leurs intérêts. Mais, à moins d'avoir été déclarées, elles n'ont pas la personnalité. Si la Société des Auteurs ne constituait pas une société civile, elle serait donc, aujourd'hui encore, dans la nécessité, pour avoir une existence et une action indé- pendantes de la situation personnelle de ses membres, de se soumettre à la formalité de la déclaration, ou de solliciter, à l'instar de la Société des Gens de Lettres et de la Société des Artistes dramatiques, une reconnaissance d'utilité publique.

11 importe de remarquer que si la Société des Auteurs se vovail dénier le caractère de société civile, elle ne pourrait, malgré la diversité des clauses de ses statuts, se réclamer d'aucune autre forme d'association lui conférant la personnalité morale.

Mu a souvent comparé la défense des droits intellectuels à la défense des intérêts agricoles ou industriels; on a dit que !'■ groupement des auteurs, formé sons les auspices de la Révolution, était l<- premier de- syndicats, (l'est une image qui peul être séduisante, lorsqu'on désire mettre en lumière le car ctère démocratique de l'association. Il n'y faudrait

voir un argument juridique. La Société des Ailleurs pourrait •■II-', le cas échéant, se réclamer de la loi de 1884, invoquant le droil syndical? Elle n'y doit évidemmenl pas songi Créés dans l'intérêt des patrons el «les ouvriers aux termes de l'article i de la loi If- syndicats m' sont

ouverte aui prof ions libérales: ils ne peuvenl être, dam I 'lit actuel de l;i législation, un instrument de défense 1 1 production littéraire ou artistique.

LE STATUT LÉGAL DE LA SOCIÉTÉ Ji7

La Société des Ailleurs, dira-t-on aussi, distribue des secours et des pensions. Elle subvienl aux détresses des écri- vains à qui la fortune n'a pas souri, elle entretien! les litté- rateurs vieillis dans le métier; elle a ses vieillards el ses infirmes. Ne doit-on pas voir en elle une société de secours mutuels, et lui accorder, à ce titre, les franchises que la loi du 1er avril 1898 concède aux groupements de ce genre .' Sans méconnaître la pensée de générosité bien entendue qui inspire à la Société des Auteurs les larges sacrifices qu'elle fait à l'œuvre de mutualité littéraire, on ne saurait plier ses statuts à la législation spéciale des sociétés de secours mutuels. La loi de 1898 notamment, dans sou article 2, dénie le bénéfice de ses dispositions aux associations qui font à telle ou telle catégorie de leurs membres, au détriment des autres, des avantages particuliers. Or nous avons vu que les statuts de la Société des Auteurs distinguent différentes classes d'associés, qui, surtout, au point de vue des retraites, n'ont pas des droits égaux. La Société des Auteurs ne satis- ferait donc pas aux conditions exigées par la loi, qui d'ail- leurs prescrit certaines formalités obligatoires, auxquelles la Société n'a jamais songé à se soumettre.

La Société des Auteurs ne serait-elle pas une Société com- merciale? La l'épouse ne saurait être douteuse. Pour cons- tituer une société co m merci tle, il faudrait qu'elle lit acte de commerce. Faire acte de commerce, c'esl acheter pour revendre. En admettanl qu'on puisse assimiler les produc- tions littéraires à un produit industriel ce qui sérail auda- cieux, ;i tout le moins il semble difficile de dire que 1 1 Société des A ut. mu-- achète individuellement aux auteurs des manuscrits, pour l<i- revendre collectivement plus cher aux directeurs, an bénéfice des auteurs bien qu'au fond les choses se passent un peu de cette façon.

CHAPITRE IV

Quoi qu'il en soit, et si étrange que paraisse la question ainsi posée, elle a été soumise aux tribunaux, qui l'ont

résolue par une décision motivée. Cette décision relève qu'un écrivain ou artiste ne fait pas un acte de commerce, (ii louant ou en vendant sa propriété littéraire ou artis- tique ; que dès lors la Société dont il s'agit a un caractère éminemment civil, qui ne la rend pas justiciable des tribu- naux de commerce » (1).

*

Cette hypothèse «Hait encore envisagée, et naturellement rtée, par M. Labbé, qui, dans une consultation qu'il consa- «iii il ;i In Société des Auteurs et Compositeurs de musique, déniait ;i ce groupement le titre de société, soit civile, soit commerciale. Il raisonnait d'une façon fort simple, sédui- sante a priori^ et <'ii apparence irréfutable. Passant en revue les différentes sortes de sociétés prévues parla légis- lation en vigueur, il constatait avec raison qu'il était impos- sible de trouver, dans Les différentes catégories légales, une place «>ù cette association pût rire à son aise : aussi n'hésitait- il pas a lui refuser catégoriquement la qualité de société civile qu'elle revendiquait :

Ce genre d'association, écrit M. Labbé, ne rentre dans aucune des catégories de sociétés auxquelles le Code de

mmerce reconnaît le caractère de personne morale. Ce n est ni une société <'ii nom collectif «'Ile se révélerail par

Une raison sociale composée de noms de personnes), ni une

iété en commandite point de distinction en deux classes •I associés . ni une société anonyme, Laquelle, quoiqu'elle ne

i Tribunal de commerce de Marseille, 9 février 1880 Journal dejurispru-

si Mme ile \\n, , ,u,. \Q i. n <

LE STATUT LÉGAL DE LA SOCIÉTÉ

porte aucun nom de personne, repose, comme Les précé- dentes, sur un contrai entre des personnes indéterminées ; la faculté de céder ses actions n'empêche pas que le nombre des sociétaires ne soit déterminé, ainsi que le capital : les nouveaux venus sont au droit des contractants primitifs. Dans notre association, aucun lien contractuel durable n'existe. C'est une confrérie ouverte, don! 1»' personnel es! incessamment variable ; c'est un cadre, qui reçoit des sujets destinés à se diversiiier et à se multipliera l'infini.

« On pourrait avoir la pensée d'y trouver une société à capital variable. Cela ne nous parait pas exact. La société à capital et à personnel variables doit, avant tout, être une société, avoir un fonds commun exploité au profil commun des associés ».

N'étant ni une société en nom collectif, ni une société en commandite ou par actions, ni une société à capital variable, il semble que l'association des compositeurs ei la Société df- Auteurs dramatiques du même coup soient des moins fondées à réclamer le titre de société.

.Mais, pour que la démonstration fût complète et probante, il eût fallu égalemenl que le savant jurisconsulte prouvât, qu'à moins de s'adapter à l'une ou l'autre de ces formules, ces groupements littéraires ne pouvaient prétendre à l'exis- tence.

Hors de là, point <le salut, semble-t-il. Posons la question d'une autre façon, et non» verrons qu'il n'eu est plus de même. Au lieu de forcer le> statuts de l'association des auteurs dramatiques a s'harmoniser avec les catégories définies par la législation, demandons-nous si, en dehors des combinaisons ainsi classi fiées, ce groupement remplit

les conditions exigées, uécessaires et suffisantes i tn

pour lui conférer I" qualité de wx pant h personnalité

250 CHAPITRE IV

morale : car toutes les sociétés, quelle que soit leur forme ou leur objet, présentent certains caractères communs que l'on peu! dégager sans effort du Code civil. Dès que ces carac- tères se rencontreronl dans un groupement, nous en conclu- ion > que nous sommes en présence d'une société civile, don! la personnalité morale ne saurait être mise en doute.

Aux termes de l'article 1832 du Gode civil, « la société est un contrai dans lequel deux ou plusieurs personnes mettent quelque chose en commun, dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter ».

11 y a donc trois choses que les statuts d'une société civile doivent obligatoirement prévoir ; c'est :

Un apport fait à la communauté par chaque associé ;

2 La réalisation de bénéfices ;

Le partage de ces bénéfices.

La Société des Auteurs possède d'abord un fonds commun en argent, alimenté par ses membres, qui lui permet de vivre. Nous ayons vu que les sociétaires versent en entrant une -oui me de i-00 francs, et que tous les associés, à quelque titre qu'ils appartiennent à La communauté, subissent, sur les droits d'auteur qui leur reviennent, un prélèvement fixé par les statuts.

Lexist ace de ce fonds commun, mis en évidence par les

statuts, avec la louable préoccupation d'accuser le caractère

de société civile, auquel prétend L'association des auteurs,

n'a pas paru à tous les jurisconsultes satisfaire aux exi-

ices du Code ch il.

Il existe un fonds commun, écril M. Huard, formé de

rtains versements el de certaines retenues; mais chaque auteur garde la propriété de ses oeuvres. Dans ces conditions, on n<- saurail admettre que La Société, quoi qu'en disent

le* statuts, M>i1 une société civile. Il n'y a p.'is d'apport réci-

LE STATUT LEGAL DE LA SOCIÉTÉ VI

proque, on vue départager le bénéfice qui pourra en résulter. Ce fonds commun a pour objet d'assurer le fonctionnement de la Société el La distribution des secours : ce qu'on se propose d'exploiter, ce n'est pas le fonds commun, mais la propriété des œuvres dramatiques, et cette propriété u'esl pas dans l'indivision. La Société des Auteurs el Compo- siteurs dramatiques est donc une simple association, laquelle les dispositions du Code civil ne son! pas applicables : elle n'est pas personne morale » (1).

L'auteur insiste avec raison sur cette idée, que l'apport de capitaux fait par les membres de la Si ciété n'est pas de nature, à lui seul, à lui donner le caractère de société civile. Mais cet apport en argent, constitué par les versements des sociétaires, et par les retenues opérées sur les droits d'auteur, a seulement pour objet de subvenir aux charges de l'Asso- ciation, au loyer, aux frais judiciaires, etc... Il faut aussi se demander quel est le but véritable de l'association, si, pour atteindre ce but, ses membres ne mettent pas effecti- vement en commun quelque chose d'autre, qui permette <!<■ les considérer comme des associés engageant une partie, une lutte, dont l'heureuse issue leur assurera des gains plus considérables.

Orcelan'e>l pas douteux, m l'on veut bien y regarder de près. Visiblement influencé par l'organisation de la Société des Gens de Lettres, donl les membres mettent dans l'indivision, sauf réserve expresse de leur part, l<' droit de reproduction de leurs œuvres, avec faculté de le faire valoir, et d en retirer les bénéfices, l'auteur de 1;» citation a considéré qu'il n existe aucune disposition analogue dans la Société des tuteurs : les membres ne font pas abdication, au profit delà commu-

l Huard, Traité de In propriété industt ell* . ton* i

CHAPITRE IV

nauté, du droit de la représentation de leurs œuvres, puisque, même lui dehors de toute réserve, ils conservent toujours la Faculté d'en interdire l'interprétation. Mais, si les auteurs n'en on! pas disposé d'une façon absolue, s'ils ne se sont pas entièrement dépouillés au profit du corps social ce qui eût été imprudenl de leur part, et contraire à leur indépen- dant' — iN se sont du moins les mains, quant aux conditions d'exploitation de ce droit.

En prenant l'engagement de ne pas porter leurs pièces à des théâtres sur lesquels la Société n'aurait pas encore étendu ['empire de ses lois, de ne pas accepter une rémunération Inférieure au taux qu'elle impose dans ses traités, les asso- ciés ont véritablement fait abandon à la cause commune du meilleur et du plus précieux de leurs droits, de ce qui en fait la valeur, l'étendue et la portée. Ils se sont effacés devant la communauté, lui laissant le soin de contracter à leur place, de faire valoir leur propriété avec plus de fermeté, de réunir, en un faisceau plus solide et plus compact, des intérêts qu'ils n'avaient plus In force de défendre. Comment dire qu'ils n'onl pas disposé, dans un»' très large mesure, de leur droit de représentation, déclaré cessible, en tout ou en partie, par la loi de 1793 ? Gomment dire qu'ils n'ont pas mis quelque chose en commun, et qu'ils n'onl pas dès lors satisfait ."■ la définition que donne le Code civil de la Société particulièi

icle 1841. La société particulière <i>l celle qui ne Rapplique qu'à certaines choses déterminées, ou à leur M aux fruits à percevoir.

Artk i i I8i2. 1 ,e contrai par lequel plusieurs personnes ient, >i1 pour une entreprise désignée, soif pour I •■ de quelque métier ou profession, est aussi une

particulière

LE STATUT LÉGAL DE LA S0C1EIK

On voudrait en vain comprendre, dans une même forme, plus de combinaisons diverses et multiples que ces i * - 1 i 1 1 i i i < as ne semblent en admettre. Au nom de quels princii refuserait-on donc un statut légal à une société dont les membres mettent en commun les droits les plus sacrés et les plus intangibles qu'ils détiennent, ou tout au moins la mise eu valeur de ces droits, sans laquelle ceux-ci demeureraient incertains et diminué-? N'est-ce pas par excellence une association destinée à favoriser une entreprise, à seconder nue profession, des plus nobles assurément, mais qui risquerait, sans cet appui, d'être des plus misérables et des plus amoindries?

Il reste à se demander si cette union esl féconde, -i. de cette entente et de ces sacrifices communs, résulte, qoe seu- lement un appui moral, mais un profit appréciable en argent.

Les bénéfices? mais ils sont nombreux et considérables. Il v a d'abord ceux qui résultent de l'action commune substituée aux contrats particuliers. Il n'esl pas besoin de démontrer, que si chaque auteur agissait pour -<»u propre compte, il n'obtiendrait, la plupart du temps, qu'une rétribu- tion dérisoire, par rapport au traitement qui lui est fait, grâce ii l'intervention de la Société.

Il suffit de rappeler que, du temps de Corneille, chacun faisait ses affaires par lui-même, une pièce de théâtre s'achetait pour quelques écus. C'était l'âge d'airain : nous en sommes loin. Et quels bénéfices son! plus exactement répartis que ceux-là, puisque chaque auteur retire tout qu'a produit son œuvre littéraire, sauf les prélèvement* opérés par la Société? Le gain de chaque membre, dana l'association qui nous occupe, esl bien réellemenl projx tionnel à la valeur de son apport,

254 CHAPITRE IV

La Société elle-même profite de cet état de choses. Car sa prospérité est intimement liée à celle de ses membres. Si chaque associé tire parti de l'organisation commune, elle y trouve également dos profits appréciables, qui lui permettent de distribuer des secours et des pensions, de créer et de développer des services d'une utilité générale. Il y a plus ; une partie de ces ressources est mise en réserve, toutes dépenses payées, et constitue pour la Société un fonds de bénéfices partageables.

Le partage des bénéfices est-il prévu dans l'acte social? L'article 8 des statuts dit expressément qu'ils seront répartis au nuire le franc, et au prorata des versements faits par les copartageants, en raison du prélèvement effectué sur les droits d'auteur. Ici encore chaque membre retirera, dans la mesure il a apporté. Plus il a produit, plus il touche.

En 1879, un partage eut lieu, lors de la liquidation de l'ancienne Société : à cette époque, les bénéfices mis en réserve furenl répartis entre les associés, en même temps que les autres éléments du fonds social.

Ponds postiche » s'écriait un des adversaires de la iété, lors du procès de 190.*), en parlant de ce fonds de bénéfices partageables. Ce n'était, remarquait-il, qu'une feinte habile, à la portée d'ailleurs de toutes les associations désireuses «I échapper à la législation particulière qui leur était imposée, pour revendiquer b' statul de société civile. Lu fait, la Société ne procédait jamais au partage, sinon par acte testamentaire, !«• jour *'ll<' cessail d'exister.

Emue par avance des attaques dont elle allai! être l'objet,

au cours de ce procès, la Société avait d'ailleurs modifié le

tatuts. L'ancienne formule, relative au partage

des bénéfices était, suivant l'expression du rapporteur à

1 Assemblé* raie de 1904, - hérissée de négations ».

LE STATUT LEGAL DE LA SOCIETE 255

« Ce partage, disait l'ancien article 8, ue pourra avoir lieu que sur la proposition qui sera faite à l'Assemblée générale par la Commission, lorsqu'elle le ju_ mvenable, el autant

que l'adoption en sera votée par Les deux tiers des socié- taires, ou consentie par eux par adhésioD postérieure

Cette répartition, entravée par tl»s formalités imposantes, et annoncée sous une forme négative, semblait vraiment ne figurer dans l'acte social que pour donner à l'association une apparence de légalité et de fail ce dut être la pensée intime des rédacteurs des statuts. Quoi qu'il en soit, sur les conseils de son éminent avocat, Me Poincaré, la Société, pressentant les orages prochains, changea la formule. Ou peut lire aujourd'hui dans l'article 8 des statuts :

« Ce partage aura lieu sur la proposition qui sera faite à l'Assemblée générale par la Commission, lorsqu'elle le jugera convenable, et à la condition que l'adoption en sera votéo parles deux tiers des sociétaires en possession du droit de vote, ou consentie par eux par adhésion posté- rieure ».

Le texte est certainement moins rébarbatif; il semble bien laisser quelque espoir à ceux qui seraient animés du désir de partager. En fait, cela n'a pas changé grand'chose. Il n'y aura pas plus de partages qu'autrefois : l«i- membres de l'association ne toucheront toujours les bénéfices mis en réserve qu'an cas la Société viendrait à être liquidée à nouveau.

Cela a-t-il beaucoup amélioré la situation juridique delà Société? Nous avons peine à le croire. Il serait vraiment singulier que le sort d'un groupement fût fixé par quelques mots <'ii plus ou en moins. Lin changement d'étiquetle ae saurait suffire à rendre légal ce qui ne I était pas.

Mais, en réalité, tout cela u'a pas beaucoup d'importan

CHAPITRE IV

Peu importe que la répartition des bénéfices ait lieu tous les ans, ou à des intervalles très éloignés, du moment qu'elle est prévue par l'acte social, et que les dispositions statu- taires sont aménagées de telle sorte qu'un fonds de bénéfices puisse être constitué.

Et quand ce fonds commun serait illusoire, et purement Dominai, la Société n'en satisferait pas moins aux règles posées par le (iode civil. Car à côté de ces bénéfices, fort peu considérables, et qui évidemment ne tiennent pas à l'exis- tence même de l'association, il y a les gains que chaque membre retire de l'action commune, de l'intervention de l,i Société dans le règlement de ses droits. Ces gains, m mi- l'avons vu, sont certains, et très appréciables; les cons- tituer, les accroître, les multiplier, tel a été le but des efforts cl <l.' l'activité de la Société depuis sa fondation; ils ne sont

jurés aux auteurs que par l'entremise de l'association ; cela es! tellement vrai que les directeurs versent les rede- vances convenues, non pas aux auteurs, mais à la Société, qui -•• charge dr les faire parvenir aux intéressés.

Il y «i donc une répartition de bénéfices, qui a lieu tous les jours, H qui n'esl jamais interrompue. Cela suffit, semble-t-il, à faire de la Société «les Auteurs une société civile, constituée en vue de La réalisation cl du partage de profits provenant de l'action sociale ; et cela distingue suffisamment <•<■ groupement, de- associations régies parla Loi de 1901, qui poursuivent un but purement idéal et théo- rique I .

S'il \ b chance de gains pour les associés, il y a aussi chance de pertes. L'actif -ceint d'abord peut cire absorbé par les charges, au lieu de permettre La constitution d'un

1 Voir dam le même .-< d -. un article de M. Edouard Mack, Revue des 271.

LE STATUT LÉGAL DE LA SOCIÉTÉ

fonds de bénéfices pouvant cire réparti entre les membres. Nous savons d'ailleurs que les risques de pertes son! Limités à la valeur des apports, qu'en aucun cas La Société ne peul se trouver au-dessous de ses affaires.

Mais ce n'est pas tout. Rien n'est plus variable, ei soumis à des fluctuations plus diverses, que les recettes Faites parles théâtres. La Société peut être, à chaque instant, obligée de baisser ses tarifs d'un côté, tandis qu'elle Les relève d'un autre, tenant compte de la situation difficile ou prospère dans laquelle telle ou telle scène peut se trouver. Dans La lutte qu'elle est amenée parfois à entreprendre contre les directeurs récalcitrants, elle doit passer de La menace ;m\ mesures de rigueur, édicter des défenses, prononcer «l'- interdits. Les premiers atteints sonl Les auteurs qui on! des manuscrits en] souffrance dans les théâtres proscrits, ou ceux qui se préparaient à frapper à Leurs portes. A chaque instant les auteurs qui font partie de L'association courent des chances de perle, aussi bien au point de vue de L'actif social, que dans leurs intérêts propres.

Ce sonl des vérités que ue sauraient obscurcir certain clauses des statuts de la Société, celles notamment qui trai- tent des secours et des pensions distribués par ses soins, ou qui stipulent à -<>n profil un mandat général «I agir au

nom de ses membres. Par les retraites '! les sec "s qu elle

répartit, l'association se comporte incontestablement a la façon d'une société de secours mutuels : lorsqu elle pi-fini en mains, devant l<i- tribunaux, aussi bien qu<' vis-à-vis des directeurs de théâtre, la cause de ses membres, elle agil à la façon d'un syndicat, vrillant aux intérêts professionnel* d'une catégorie de travailleurs. !>'• même, en encaissant, au nom des intéressés, l<i- droits qui sont dus aui auteurs, elle fait office d'agence de recouvrement. Cela n'empêche pas La

17

268 CHAPITRE IV

S [été de satisfaire aux conditions que doit réunir toute ivile, de suivre, par conséquent, toutes les règles applicables aux sociétés civiles. Cette situation n'a rien d'ailleurs d'exceptionnel ; les contrats innomés sont les plus fréquents dans notre droit, et, pour ainsi dire, il n'est

ère de contrat, dans une civilisation avancée, qui n'em- prunte ses règles à plusieurs des types définis par les lois. On peut dire, écrivait un jurisconsulte, que dans toute

iété, on trouve le contrat du mandat, qu'il s'agisse d'exer- iiii mandat donné par les tiers, ou de gérer les intérêts des membres mêmes de la société, la partie plus ou moins importante de leurs biens dont ils ont mis en société, sui- \jiit les prévisions de la loi, soit la propriété, soit la simple jouissance » (1).

Si L'assimilation de la Société des Auteurs à une société civile est encore contestée en doctrine, les tribunaux l'ont admise de bonne heure; elle est aujourd'hui définitive- ment établie (2).

I lès 1838, H peine la Société des Auteurs venait-elle de for- muler aettement La définition juridique qui se dégageait de L'espril des statuts, que ses titres étaient contestés incidem- ment, au cours d'un procès «m'elle avait faire à MM. Deles- tre-Poirson el Cerfbeer, directeurs du Gymnase. Les parties invoqua if ni, pour »u>lraire aux obligations qu'elles

le précité de M. Edouard llack. I Parmi Lei auteun qui refusenl à la Société des Auteurs le caractère de oir Labbéi note précitée; Pataille, Annales de la propriété

D Droit (fauteur, 224.

ut Droit d auteur ) 1895, page 95. En eue contraire, iroir Annales Irielle, 1001, page88i et la note de M. Vaunois; Constant, l'ouillct, n0i 7o2 et 753; Le Senne, Code des 6, 1807, page 3i.

LE STATUT LÉGAL DE LA SOCIÉTÉ

avaient contractées, le défaut de qualité des demandeurs, c'est-à-dire de la Commission des auteur- dramatiques, représentée par MM. Rougemont, Dupaty, Scribe, Méles- ville, Adam, Alboize Anicet, Fonlan, Halévy, Dupeuty, Pic- cini, Viennet et Brazier, agissant, tant en leur aom person- nel, que comme commissaires des auteurs.

Me Yatel, agréé des directeurs, soutenait qu'ils n'avaient pas qualité pour réclamer devant les tribunaux L'exécution des traités intervenus avec l'association.

« Les contrats, disait-il, n'existent qu'autant qu'ils ont été consentis par les parties; or, le traité de 1832 (qu'il s'agissait d'interpréter) n'est pas un acte passé entre le Gym- nase, et ceux au nom desquels on demande les représenta- tions; il est revêtu de la signature d'auteurs se qualifiant de commissaires, dont la plupart n'existent plus, et venant, contre les dispositions de la loi, stipuler au nom de tiers qui ne leur avaient donné aucun pouvoir... » (1).

Le tribunal de commerce de la Seine repoussa l'excep- tion, « considérant que l'Association des Auteurs drama- tiques n'a rien d'illicite; que les directeurs l'ont reconnu, en traitant avec elle, et depuis, par le> offres qu'ils lui ont signifiées; que c'est à tort qu'aujourd'hui il- prétendraient se soustraire à leurs engagements ».

A vrai dire, ce jugement n'est pas très concluant. Il se borne à constater que l'adversaire est de mauvaise foi, el s'est mis en contradiction avec lui-même : il évite de se pro- noncer sur le point intéressant, de dire si l'association est une société civile, ou une simple agence d'affain

La question est au contraire très nettement po résolue en 1857. La Société des Auteurs, représentée par sa

(1) Gazette des tribunaux, 29 mai S et 3 »vril 1838.

CHAPITRE IV

nmission, avait, en son nom propre, engagé une ins- tance devant le tribunal de commerce contre M. Billion, directeur du Théâtre impérial du Cirque; elle lui réclamait une somme de cent quinze francs, pour les droits dus à rai- son d'une représentation de la Tour Saint- Jacques-la- Bou- cherie^ d'Alexandre Dumas père.

Le directeur alléguait que le tribunal civil était déjà saisi dune demande formée par lui contre Alexandre Dumas, en remboursement d'une somme de 1,708 francs, qu'il avait avancée à l'auteur : au fond, il opposait la compensation, prétextant que la Société, mandataire des auteurs, ne pou- vait avoir plus de droits qu'eux-mêmes, et se trouvait sou- mi se aux mêmes exceptions.

Le tribunal lui donna tort sur tous les points. A son avis, il il y avail pas lieu à surseoir : car l'instance introduite devant le tribunal de commerce ne concernait pas les par- ti»- en cause devant le tribunal civil ; tandis que, devant la li juridiction commerciale, Dumas était nommément assigné par Billion, c'était la Société, et non l'auteur qui se présen tait contre Billion devant la juridiction civile.

Au fond, il repoussait la compensation, estimant que la S iété des Auteurs représentait, à l'égard de Billion, une collection d'intérêts, et un être moral, auquel ne pouvait fctre opposée La situation personnelle de chacun de ses membres I .

Le tribunal n'hésitait pas à reconnaître le titre juridique

que revendiquai La Société : dire <in effet qu'elle constituait

"h être moral, dont L'existence ne pouvait être affectée par

ituation personnelle de ses membres, c'était dire qu'elle

étail bien une société civile Pourtant, quelques années

Tribunal de commerce de le Si ine, I - avril 1857, Annales de la propriété

/< dt tribunaux, 18 avril L

LE STATUT LÉGAL DE LA SOCIÉTÉ 2G\

après et si audacieuse que pût paraître cette opinion inter- médiaire— une décision judiciaire lui déniait cette qualité, sans lui contester toutefois des droits à une existence juri- dique distincte.

Dans les conclusions présenter-, en 1865, devant le tribunal civil de la Seine, par MM. Emile Augier, Legouvé, Labiche, Ln va et Maquet, à la suite du désaccord survenu entre eux et la Commission, les demandeurs concluaient en premier lieu à la nullité delà Société des Auteurs.

Pour soutenir ce chef de la demande, l'avocat des auteurs en révolte contre les statuts alléguait que L'association était, non pas une société civile, mais une simple société <l<' mandat, que telle avait été la pensée des fondateurs de la Société en 1829, aussi bien qu'en 1837. En 1829, cela est certain; mais il est non moins contestable qu'en 18371a volonté des auteurs était bien de s'organiser en société civile : sur ce point, l'affirmation de l'avocat d<i- dissidents était des plus risquées. 11 analysait ensuite l'esprit des clauses des statuts. Le fonds social? Pouvait-on appeler ainsi un fonds inerte, ne servant qu'aux dépenses d'administration de l'asso- ciation? Dans le contrat qui liait les membres decegroupe- ment, il n'y avait, «m réalité, qu'un double mandat, donné par eux, a la Commission, d'une part, aux agents généraux, de l'autre. Tout au plus, la Société pouvait-elle prétendre au titre de société de secours mutuels.

L'avocat de la Commission, rapprochant des statuts de l'association les articles du Code relatifs au contrat de société, soutint, an contraire, qu'ils étaient en parfaite harmonie avec I*'- formules légales. La société, n était pas, en définitive, la mise en commun de certains intérêts et des moyens de les servir ?

L'avocat impérial, a son tour, développa des conclusions,

CHAPITRE IV

dans lesquelles il empruntai à la fois à l'argumentation des deux parties en cause, essayant «le concilier tant bien que mal des opinions radicalement opposées. L'examen des statuts d«' la Société n'était pas sans lui inspirer quelques doutes sur le statut légal qu'elle revendiquait.

L'article 1832 du Gode civil, disait-il, suppose la mise en commun d'une chose productive, et l'intention de partager les produits de cette chose. Or, dans la Société des Auteurs, la chose mise en commun n'est pas celle qui produit des bénéfices, et celle qui produit les bénéfices, c'est-à-dire le talent littéraire, n'est pas mise en commun.

Y avait-il un simple contrat de mandat? Le ministère public n'allait pas jusque-là; considérant les obligations que la Société impose à ses membres et qui lui donnent mi caractère de coalition les secours et les pensions qu'elle distribue, la défense commune qu'elle organise, il estimait que le contrat, >aus être un contrat de société civile, s'en rapprochait, <■! qu'il u'y avait aucune raison de lui refuser l'application des règles delà société civile, sous la protection desquelles il lui avait plu de se placer.

I.'' raisonnement était quelque peu singulier. Il semblait admettre qu'il suffit d'une étiquette pour fabriquer un état civil, <-i qu'on peut accorder à un acte juridique le bénéfice d'un statut I ms qu'il satisfasse aux conditions exigées

pa r I i loi pour ce statut.

lopter tout .1 fait celle manière de voir, le tribunal

rendit un jugement, par lequel il repoussait la demande en

nullité des auteurs dissidents; mais les considérants qui

tivaient sa décision portaient la trace des discussions un

peu confuses qu'elle clôturait :

Attendu que la nature des contrats se détermine, non par le titre qui lui a été donné, mais par son objet principal,

LE STATUT LÉGAL DE LA SOCIÉTÉ

par l'ensemble de ses clauses constitutives, par les stipula- tions et engagements réciproques qui résultent de ses terra et de son esprit ;

« Attendu que, si l'acte passé le 17 novembre 1837, entre les auteurs et compositeurs dramatiques, <it qualifié acte <!•' société, peut être considéré comme réunissanl certains caractères de la société civile, tels que la mise en commun de diverses sommes constituant un fonds social, la partici- pation collective aux charges et aux moyens d'exécution du contrat, la répartition entre les sociétaires de certaines éven- tualités au prorata des versements do chacun, les autres élé- ments essentiels de la société définie par La loi, tels que la communauté de travail, l'application du fonds social à cette communauté, les bénéfices résultant directement de cette application, ne se rencontrent pas dans cet acte :

« Attendu que, si l'on peut voir, dans cet acte, quelques apparences d'un mandat collectif, résultant de ce que, parmi les objetsde l'association énumérés dans l'article •'"> des statuts, se trouvent la défense mutuelle dt>> droits des associés vis-à- vis des administrations théâtrales, et la perception à moindres frais des droits des auteurs, on ne peut donner exclusive- ment à ce même acte le titre de mandat, d'abord, parce que le mandat n'y figure que comme l'un des objets de la convention, ensuite, parce qu'étant «le nature essentielle ment révocable, il ne peut, dans l'espèce, être révoqué que dans certaines conditions déterminées :

<( Attendu que, n'étant ni une société véritable, ni un mandat caractérisé, mais participant de l'un ••! de (autre de ces contrats, tout en empruntant une partie de leurs éléments essentiels, l'acte de 1837 est une convention d'une nature spéciale, trouvant sa force dans le consentement libre de ceux qui \ ont successivement adhéré, réunissant tout

CHAPITRE IV

I.'- conditions requises pour la validité des contrats, et, à ce titre, ne pouvanl être résolue ou modifiée que" d'un consen- tement unanime, ou dans les termes prévus par ces statuts ou par la l»>i I .

Le jugement du tribunal observait avec raison qu'un

ih'.it de mandat ne pouvait par lui-même suffire à fonder une société. M. Labbé concluait dans le même sens, lorsqu'il examinait les statuts de l'association (2). Mais, comme il paraissait au tribunal qu'il était hors de propos de contester ;i ce groupement la qualité de personne morale et d'être juridique distinct, il n'hésitait pas à en faire une commu- nauté dune nature hybride, intermédiaire entre le contrat de mandat et la Société, empruntant à chacun de ces types légaux, suivant les besi >ins de lacause,telou tel caractère. Pour que cette solution pût être admise, il eûl fallu définir ce qui eût été dédient les termes de celte nouvelle catégorie juridique, dégager les traits communs de ce nouveau genre d'association.

contrat, disait-on, reposait sur le consentement libre des ' Il m' pouvait être modifié que par la loi ou la

volonté des contractants? (Test le sort général des contrats; encore fallait-il démontrer qu'il autorisait la Société à prendre le titre qu'il lui avait plu de se donner.

Pendant quelques années, dans la suite, les tribunaux se montrèrent moins accommodants; c'était le contre-coup de la jurisprudence restrictive qui s'affirmait à ce moment à

- ard de toutes les sociétés. Ainsi la Cour de Douai, en 1882, semblait bien dénier h la Société lyrique le caractère de

iété civile. Et, si elle admettait que les membres de la

iril de la Seine, 28 juillet, '.. Lie! 18 aoûl 1865; Gazette de*

ûi

1

LE STATUT LÉGAL DE LA SOCIÉTÉ 266

Commission pussent agir dans l'instance, à côté d'ailleurs des auteurs paraissant en nom dans l'assignation, c'était seulement pour « éviter des formalités impraticables pour les sociétés ayant un nombre considérable de sociétaires

Cela ne dura pas. Si loi^ des difficultés survenues, en 1 v entre la Société des Auteurs et Paulus-Habans, le tribunal évitait de trancher la question, en 1898 il n'hésita pas a se prononcer en sa faveur.

Lorsqu'à cette époque, la Société des Auteurs se vit obligée de rappeler la Société lyrique au respect des conventions conclues, celle-ci prétendit que l'association des auteurs n'avait pas qualité pour engager en son nom propre une action contre des tiers étrangers à sa clientèle. Elle se trou- vait, prétendait-elle, en face d'une simple société de mandat, à laquelle ses statuts de 1837 et de 1 S7** n'ouvraient d'action judiciaire:

Qu'aux mandants contre leurs mandataires ;

Qu'aux mandataires contre leur- mandants;

Qu'aux mandants associés les uns contre l«i- autres.

Il était vraiment singulier de voir la Société lyrique contester à son aînée, pour les besoins «lu moment, un litre juridique qu'elle avaii elle-même toujours revendiqué. Et il n'étail pas moins étrange de lui voir Invoquer si tardive ment le défaut de capacité d'une association avec laquelle elle avait jusqu'alors entretenu des rapports étroits el fré quenls.

Aussi l'avocat de la Société lyrique s'abstint-il «I»' d< lopper cette partie de ses conclusions. Le défenseur de la Société des Auteurs, au contraire, s'attacha a démontrer que les clauses des statuts de l'association ne heurtaient au< nement les principes posés par le Code civil, el le tribunal de la Seine lui donna raison. Il estima que la S

CHAPITRE IV

Auteurs, ainsi d'ailleurs que la Société lyrique, avait été constituée en conformité avec les dispositions des art. 1832 et suivants du (Iode civil : qu'elle n'était pas une simple agence de mandat, mais qu'elle avait une existence propre, et des Intérêts communs distincts de ceux de ses membres.

La jurisprudence est aujourd'hui très fermement établie m ce sens. Elle s'est encore affirmée, en 1902 (l),dansunjuge- menl du tribunal civil de la Seine, déclarant « que le carac- tère de société civile ne saurait être sérieusement contesté à la Société des Auteurs et Compositeurs dramatiques », ainsi que dans un arrêt de la Cour d'appel de Paris, en 1903, con- tinuant un jugement rendu, au profit de la Société, contre un directeur de tournées. Cet arrêt relève que la Société « a un droit propre, distinct de celui des auteurs, dont elle est le mandataire » (2).

Les adversaires de la Société, devant l'obstination des tri- bunaux à reconnaître son existence juridique, ont parfois tenté des diversions habiles, et cherché le point faible dans telle ou telle clause de ses statuts. Déjà, en 1865, lors de leurs attaques contre l'association des auteurs, MM. Emile \ugier, Legouvé, Labiche etLaya alléguèrent que la Société des \uteurs, en admettant même qu'elle fût une société' civile, violerai! les prescriptions du Code civil, parce que sa dui i illimitée, H qu'elle astreint les auteurs

atrairemenl aui principes de notre droit à des vœui perpétuels.

m doute, les statuts prévoient l'éventualité d'une liqui- datioD au boni dune période de vingt-cinq mis. (l'est une

i 'i Seine, 29 juiUel L902, le Droit, 18 leptembre.

; P >incaré, dam m plaidoirie pour la Société dei Au- pograpbie Morris, page I v.\.

LE STATUT LÉGAL DE LA SOCIÉTÉ

garantie illusoire. Pour que la Société cesse d'exister, il faut, aux termes des statuls, que deux tiers des sociétaires manifestent leur volonté d'y mettre fin. Or cette manifesta- tion est matériellement impossible : car, sur 900 sociétaires que comptait alors la Société, l'expérience montrai! qu'on ne pouvait en réunir plus de 200. Dira-t-on qu'il suffit d'ap- porter l'adhésion des absents? Mais il faut L'obtenir dans le mois qui suit l'assemblée général»' : c'est une nouvelle impossibilité'. En fait la Société est perpétuelle.

Le tribunal repoussa cette manière de voir. Il estima que la Société n'était pas, au sens légal du mot, illimitée, «lu moment que ses statuts lui assignaient un terme. Peu im- portait que son existence pût être prolongée, puisque, tbéo- riquement tout au moins, il dépendait de la volonté' de ses membres d'en arrêter le cours. L'article 1869 du Code civil ne pouvait donc être invoqué pour les besoins de la cause, et les auteurs n'étaient pas fondés h réclamer de ce fait leur mise en liberté (1).

Ce raisonnement était parfaitemenl juridique. Peu im- portent les difficultés matérielles qui peuvenl entraver la dissolution delà Société, par le fait de la négligence ou de l'indifférence de ses membres, du moment que la volonté des associés peut s'exprimer librement.

Au cours du procès de 1905, les demandeurs invoquèrent, à l'encontre de la Société, les dispositions de l'article lv du Code civil, qui prononce la nullité des sociétés tous les associés m> sont pas admis à participer aux bénéfices. Toute nue classe, disait-on. la plus Dombreuse ei la plus intéressante, des membres de la Société, sonl exclus du par tagedes bénéfices, puisqu'aucune clause des b! ituts ne recon

l Gatette des tribunaux, 29 juillet, 15, i-' e( 19 aoûl

CHAPITRE IV

naît ce droit aux stagiaires. Donc l'association des auteurs est entachée de nullité.

Cette nouvelle objection ne portail pas plus que la précé- dent»1. Nous avons vu que les stagiaires, qui constituent depuis 1879 une classe d'associés véritables, dans la Sociélé des Ailleurs, ont réellement part aux bénéfices. Cette solu- tion résulte, non pas, il est vrai, d'une clause expresse, mais de L'esprit et de l'économie des statuts; il faut même dire que, depuis la révision des statuts en 1904, ils ont égale- ment part à la liquidation du fonds social. En présence des affirmations de ses adversaires, la Commission approuva les termes d'une protestation, qui ne laissait aucun doute à cet rd.

Sans doute la situation des stagiaires n'est pas identique ;i celle des sociétaires, puisqu'ils ne votent pas, et qu'ils h ont pas de retraites. Mais cette différence de traitement n'emporte pour la Société aucune cause de nullité. L'ar- ticle 1856 du Code civil autorise en effet la délégation à certains membres d'une société' du droit de prendre toutes les décisions touchant à l'action et à la vie commune. Les pensions, dont quelques-uns seulement sont appelés à pro- fiter, -uni, il <■-! vnii, payées sur les bénéfices généraux de l'association. Mais l'article 1853 du Codé ne fait aucun obstacle a ce que le- profits, dans une société civile, soient répartis d'une façon inégale eut ce les différentes catégo- ries d'associés.

I situation de- stagiaires, pas plus d'ailleurs que celle def «nnaires ou héritiers adhérents, n'est donc pas de

nature ;i porter atteinte au caractère de société civile reven- diqué ;i juste titre par la Société des Auteurs.

ictère n'emporte pas seulement, pour la Société, le droit de traiter avec les directeurs de théâtre, sans courir le

LE STATUT LÉGAL DE LA SOCIÉTÉ

risque de se voir objecter son défaut de qualité, el de poursuivre l'exécution de ces traités, fût-ce contre le gré des auteurs dont les droits lésés ont motivé sod intervention. Sa justice aussi est plus prompte, et ne s'embarrasse d'au- cune entrave. La situation personnelle de ses membres ne peut lui être opposée lorsqu'elle réclame le paiement des droits qui sont dus parles administrations théâtrales : c'est ce qui ressort clairement de l'arrêt déjà ancien, puisqu'il date de 18o7, rendu dans l'affaire Billion, à propos des droits d'auteur d'Alexandre Dumas.

Un arrêt récent a admis que la Société de- Auteurs pou- vait, en tant que société civile, bénéficier d'une libéralité. dette décision tranchait une question longtemps douteuse, en admettant, qu'au rebours de- associations qod lucratives, les sociétés civiles pouvaient recevoir des dons et 1<'l-. sans justifier d'une autorisation administrative I .

1 Tribunal civil de la Seine, 2'.) juillet 1902, Bévue des Sociélt page 61.

Voir, en faveur de cette décision, un article de M. Pascaud, Revue de S 190:>. page 138; une note de M. Mack, ibid. 1904, page '.»'». Dana le même sens, Cour de cassation [Chambre des Requêtes , s* octobre 1894, «•! nota <lr M. Taller (Dalloz et Pandectes, 1896, 1. 146 .

Le Monopole de la Société

Le Monopole de la Société

La Société des Auteurs a groupé la plu pari des écrivains dramatiques, les plus connus et les plus estimés. Puis, elle a dit aux directeurs de théâtre : acceptez ma loi, repoussez tous les ailleurs étrangers à [association, ou renoncez au répertoire de mes associés. Les directeurs de théâtre ><»nl venus à elle. Elle s'est alors retournée vois les écrivains; elle leur a dit : engagez-vous à ne donner vos manuscrits qu'aux directeurs justifiant d'un traité avec l<i syndicat, ou vous serez exclus de la communauté, el les établissements avec lesquels j'ai passé des traités se fermeront devanl vous. Les auteurs ont accepté cette loi.

A l'heure actuelle, il n'est pas d'auteur qui ne ><>il affilié au syndicat, parce que, >'\\ n'en faisait pas partie, il ne trouverait pas un directeur [mur le jouer. Il n'est pas un directeur qui échappe à L'action de la Société, parce que, s'il restait en dehors, il ne trouverait pas un écrivain un peu connu qui consentît à lui donner une pièce.

Ainsi tous les auteurs font, bon gré mal gré, partie de l'association, parce que tous les directeurs onl des traités avec elle, et tous les directeurs sonl li«;- ù l'association, parce que tous les auteurs 3 sont affiliés. C'esl un cercle vicieux, cercle qui s'est refermé peu à peu, jusqu à com- prendre l'ensemble de la production dramatique el desexpl tations théâtrales dans un même réseau d'obligations étroit

Aujourd'hui, la Société règne en maîtresse sur le man

dramatique, réglant les cours, -1 l'on peut dire, édictant, non

ia

CHAPITRE V

la loi du maximum, mais la loi du minimum; les directeurs n'en sonl plus à discuter ses ordres. Les choses ont changé depuis Beaumarchais : les dramaturges, las d'être dé- pouillés, ont tonné un hloc, contre lequel tout assaut semble devoir être inutile ; mais eux-mêmes ont abdiqué leur Liberté au profil d'un syndicat, qui traite, qui décide, qui _ .1 en leurs lieu et place, et ils se sont plies à une disci- pline rigoureuse.

Il s'agit là, à n'en point douter, d'un véritable monopole de fait. Par quelles clauses se traduit-il dans les statuts? I\ir le jeu combiné de l'article 17, et d'une mention qui es! insérée obligatoirement dans les traités généraux accor- dés aux directeurs de théâtre.

L'article 17 des statuts défend aux auteurs affiliés de l'aire représenter aucun ouvrage, ancien ou nouveau, sur un théâtre, ou par une troupe en tournée, qui n'auraient pas de traité avec la Société. Quelle serait la conséquence d'une infraction à cette règle? Une amende, qui ne peut être inférieure à six mille francs; en outre, l'auteur délin- quant pourrait être exclu de l'association, le produit de ses retenues el sa part du fonds social restant acquis à la iété. C'est, tout simplement, pour l'auteur, avec un dom- mage pécuniaire Immédiat, la perte de ses droits drama- tiques, l'impossibilité absolue, par le fait de son exclusion du syndicat, de continuera travailler pour le théâtre, ou, du moins, de tirer de ses ouvrages le moindre profit.

Théoriquement, en effet, les directeurs de théâtre sont libres de jouer qui bon leur semble; ils peuvent représenter les œuvres d'auteurs étrangers a l'association, aussi bien qu<- l«- répertoire des auteurs affiliés. La Société n'a pas voulu prononcer dans ses statuts un ostracisme formel, el irer ainsi un trop évidenl monopole, qui eût semblé

LE MONOPOLE DE LA SOCIÉTÉ

contraire à la liberté industrielle. Ces! par des voies détournées qu'elle est arrivée au même but.

Pour se défendre contre les velléités d'indépendance d'auteurs non embrigadés par «'II»'. el contre leur concur- rence possible, la Société exige des directeurs, par une clause qui figure dans tous les traités généraux qu'elle accorde, que le tant pour cent, porté au contrat, soif versé par eux pour chaque représentation, quand l»i<iu môme la pièce jouée q 'appartiendrait pas au répertoire syndical. Une seule exception à cette règle <i-l faite en faveur de la pro- vince, lorsque le spectacle esl exclusivement comp d'oeuvres d'auteurs étrangers à la Société.

Ainsi les directeurs restent libres aucune l<>i, aucune convention ne les en empêche d'ouvrir leurs portes aux auteurs indépendants : seulement ils paieront encore à la Société les droits d'auteur, tels qu'ils sont stipulés dans l«' traité. Comme la Société a pris soin de porter ces droits peu près au maximum de et- qu'elle peut raisonnablement prélever, sans nuire à la bonne gestion du théâtre, et sans soulever de trop vives protestations, il u'y a plus place évi- demment pour la rétribution qu'il serait juste «I allouer a l'auteur de la pièce.

Pour qu'un écrivain jaloux de son indépendance, ou exclu de l'association, eût chance d'être joué, il faudrait donc, ou qu'il renonçai à tout profil matériel, D'espérant, ( mine les dramaturges d'autrefois, que la couronne de laurier tandis que la Société percevrait I»1 fruit de son travail ou qu'il rencontrât un directeur généreux, disp à payer double droit : la première alternative est pénible, la seconde invraisemblable.

On peut se demander jusqu'à quel point une semblable clause est juridiquement défendable. x-

276 CHAPITRE V

aux kermès mêmes îles statuts, ont seulement mission de percevoir les droits revenant aux auteurs associés. A quel tihv peuvent-ils toucher aussi des sommes qui, de toute évidence, devraienl appartenir à des écrivains étrangers au syndicat? 11 y a bien là, semble-t-il, pour la Société, un enrichissemenl sans cause, provenant de droits indûment détenus. Sans doute, la question se posera rarement devant les tribunaux ; car bien peu de directeurs se mettront dans le cas de verser des deux entés à la fois ; ils préféreront

irter l'auteur qui ne fera pas partie de la Société. C'est bien ainsi que l'entend cette dernière, qui fortifie, par ce moyen, sa situation vis-à-vis des directeurs, comme vis-à- vis des auteurs.

A quelles pénalités, en effet, s'exposerait un directeur qui refuserai! «le se soumettre, et qui, jouant un auteur indé- pendant, suspendrait ses versements à la caisse sociale? Ce seronl les pénalités prescrites pour toute contravention aux obligations résultant des traités conclus. 11 sera mis en interdit, c'est-à-dire que le répertoire des auteurs affiliés lui sera retiré d'un seul coup. Ce sera la ruine pour lui, et, pour » ii théâtre, une agonie pinson moins lente.

Il va sans dire que la Société s'est gardée <lc mettre eu évidence les obligations dans lesquelles «'Ile enfermait à la fois les auteurs et les directeurs de théâtre; aussi, lorsqu'il fui au grand publie, cel étal <lc choses ne laissa-t-il

pas 'I exciter quelque surprise, H «le soulever <lc aombreuses critiqu

D ibord, il peul paraître que, pour les auteurs, ce soit la

le forcée. \ diverses reprises, des littérateurs se sonl

plaints, alléguanl la violence qui leur était faite, disanl

LE MONOPOLE DE LA SOCIÉTÉ 2Ti

qu'ils entraient dans L'association, non pas, comme au* premiers jours, pour s'unir contre la mauvaise volonté" des directeurs, mois contraints de donner hur adhésion : s'ils avaient voulu conserver, malgré tout, leur liberté pleine et entière, partout ils se seraient présentés, ne fussent-ils pas heurtés au même « non posmmus? » El si, d'aventure, ils eussent pu gagner un directeur à leur cause, n'auraient-ils pas dû, pour sauvegarder leur propriété et leurs intérêts, «recourir aux agence-? Or on ne peut s'adresser aux agences, sans frapper, en même temps, aux portes de la Société. Force leur étail <l<>ne de composer avec une Société qui avait accaparé le marché théâtral.

Répondant à cette objection, au cours du procès de 1905, Me Poincaré se contentait de faire ressortir que rien n'obli- geait les auteurs à se faire représenter. Il leur eûl dil volontiers :

« Quel démon vous oblige à vous faire jouer? » Assurément personne ne prétend que la Société aille jusqu'à décider des vocations hésitantes, à pousser vers les théâtres, de plus en plus encombrés, des écrivains qui s'en détournaient, à leur arracher, par surprise, un acte « I ; * 1 1 1 « '* sion. Quelques auteurs se son! plaints seulement, lorsqu'ils oui nue œuvre à faire représenter, de trouver un syndical en travers de leur chemin, de m* pouvoir régler leurs affaires, sans prendre le mol d'ordre du groupement. N est- il pas étrange, disenl les récalcitrants, qu'on -"il oblif pour se faire jouer, d'adhérer b une société priv< ' I I si on ajoute que. dans celle société, on conquierl ses grades sui v.-inl une hiérarchie déterminée, nous aurons, au w siècle, le spectacle peu banal de littérateurs réunis en une corporation puissante el despotique, comportant des puis- sants et des faibles, des chefs et d Idafc Or n'ert ce |

7% CHAPITRE V

un peu contre Les corporations que s'esl faite la Révolution à laquelle les auteurs doivenl tant?

11 ne Paul pas avoir peur des mots. Il est hors de doute que la Société jouit à l'égard des auteurs d'un véritable monopole. Certes, elle ne leur fait pas violence, ainsi que Tout prétendu certains : elle n'exerce pas sur eux une con- trainte réelle. Mais il n'en est pas moins vrai qu'un auteur oe peu! se faire jouer sans l'intermédiaire de l'association.

Qu'on ue dise pas, qu'en dehors des scènes classées, il existe à Paris, aussi hien qu'en province, des salles qui se louenl au mois ou à l'année, qui n'ont pas de traité avec la S< ciété des Auteurs, l'on peut se produire sans justifier de son identité. Cela ne sauverait pas l'association du reproche qu'on lui adresse. Si elle n'est pas en droit d'im- poser aux auteurs l'adhésion à ses statuts, elle ne saurait l'être davantage de les condamner, s'ils tiennent à rester indépendants, aux essais misérahles, et aux recettes déri- soires.

L'atteinte portée à la liberté des auteurs peut semhler d'autant plu- grave, qu'ils ue peuvent se dégager de l'asso- ciation, Lorsqu'ils \ -ont une fois entrés. La question a été les tribunaux ont jugé quVn l'absence d'une clause des statuts leur accordant cette faculté, les membres de la été ii«' pouvaient prendre leur retraite, ou donner leur démission, avanl le terme li\é pour la durée de l'association.

ne première loi-, en 1843, la question fut soulevée, de- vant l«' tribunal de la Seine : mais il ne fut pas statué au fond.

M. Pournier, littérateur, avait signé un traité avec les directeurs du Gymnase, MM. Delestre-Poirson et Cerfbeer, aux termes duquel il acceptait les fonctions de directeur de

■. ' ••ii«- clause u'avait rien de contraire aux statuts de la Société, qui édictenl seulement l'incompa-

LE MONOPOLE DE LA SOCIÉTÉ

tibilité des fonctions de directeur ou de régisseur dans un théâtre avec celles de membres de la Commission.

Le contrat conclu entre Fourni. t et !<■ < rymnase étail <l \-i il- leurs des plus singuliers : entre autres avantages, l'auteur en retirait celui de devenir le fournisseur attitré e1 régulier de cette scène. En lisant l'acte qui le liait à la fortune du théâtre, on croirait lire un traité de commerce, plutôt qu'un traité littéraire. « La direction, portait ce texte, ne pourra se dispenser déjouer, au plus tard à leur tour de réception, au moins cinq ouvrages nouveaux de la composition de M. Fournier, par chaque année, et ;i leur donner loyalemenl le nombre de représentations qu'estimeraient suffisant les arbitres nommés au besoin par les parties ».

Fournier sentit le besoin de rassurer la Société mit la portée de ce contrat, et sur l'impartialité qu'il conserverait, dans ses délicates fonctions, pour ceux de ses confrères qui chercheraient fortune au Gymnase. Il écrivit ;i !;• <'<>m- mission qu'il saurait concilier ses devoirs de membres de l'association avec ses attributions directorial

Les événements ne devaient pas tarder ;i donner un démenti à ses bonnes dispositions. En 1842, ;• la suite d'incidents survenus entre le Gymnase <•! la Société, le théâtre était mi- en Interdit. Fournier se trouva pris entre -.- deux fonctions. II n'hésita pas longtemps. Il songea sans doute, qu'en outre d'un poste agréable, leGymnase lui don- 1 1 . « i t toute sécurité pour sa production dramatique: comme il ne pouvait être ;i la fois avec ceux qui mettaient I interdit, ri avec ceux quile subissaient, il pensa s'en tirer en d< nant sa démission «le la Société. Mais celle-ci la refusa : «•Ile m- lâche pas ses protégés. Elle rappela au transfug obligations, lui réclamant «le- dommages intérêts, «-t I m tant, puisqu'il \ avait contestation entre lui et la -

CHAPITRE V

s'en remettre, conformément à l'article 28 des statuts, à la décision de trois arbitres amiables compositeurs.

Pournier s'obstina ; il assigna la Société devant le tribunal civil. Pour prouver son droit à se séparer de la commu- nauté, il invoquai! argument désespéré la nullité de l'association, comme étant contraire à Tordre public : subsidiairement, et pour le cas très probable le tribunal n'entrerait pas dans cette voie, il demandait sa retraite, soit que la Société fut illimitée, en vertu de l'article 1869 du Code civil, soit qu'elle fût à terme, en vertu de l'article 1871, ainsi conçu :

« La dissolution des sociétés à terme ne peut être demandée par l'un des associés, avant le terme convenu, qu'autant qu'il y en a de justes motifs, comme lorsqu'un autre associé manque à ses engagements, ou qu'une infir- mité habituelle le rend inhabile aux affaires de la société, ou autres cas semblables, dont la légitimité et la gravité sont laissées à l'arbitrage dos juges ».

I.'- tribunal se contenta de déclarer la Société valable, ainsi d'ailleurs que la clause de l'article 28 des statuts, et il condamna Fournier ;> se soumettre à l'arbitrage. L'argumen- tation de l'auteur était des moins admissibles. L'article 1869 ne pouvait être invoqué en la cause; car la Société d<is Au- teurs, ainsi que nous l'avons vu, ne saurait être assimilée, ••il dépit des apparences, ;< une société illimitée. Quant à l'article 1871, il n'était certainement pas applicable en I espèce. Pournier n'avait aucun grief sérieux ;i alléguer

ntre la Société, h l'exception du tort qu'il subissait, du l'ait de l'interdit prononcé contre !«' Gymnase. Or cet interdit ît une conséquence du fonctionnement normal de l'asso- ciation; il ne pouvait être considéré comme une mesure personnelle prise 6 ['encontre des intérêts de Pournier,

LE MONOPOLE DE LA SOCII '. I l 88j

Fne tentative de scission beaucoup plus sérieuse lut faite, en 1865, par plusieurs auteurs qui pensaient avoir a se plaindre de l'organisation de la Société. A la suite d'un désaccord dont nous avons parlé plus haut survenu en 1862 entre la Commission et l'assemblée, la Commission avait cru devoir démissionner. MM. Emile Augier, Legouvé, Labiche, Lava et Maquet, commissaires démissionnaires, intentèrent une action contre ceux qui le- avaient rem- placés au pouvoir. Ils concluaient en première ligne grief toujours invoqué à la nullité de L'association, qui prétendait à tort à la qualité de société civile : ils allé- guaient, d'autre part, le droit qui leur aurait appartenu, en tout cas, de se retirer de la communauté.

Pour soutenir leurs revendications, les dissidents, il faul l'avouer, mettaient en avant plutôt des questions de per- sonnes et d'amour-propre, ({ne des raisons d'ordre général. Ils se disaient victimes d'une véritable révolution, qui avait porté au pouvoir un comité insurrectionnel. Ce comité, pré- tendait-il, avait négligé les indications données par le tri- bunal, lors de l'affaire Guyot : il n'avait pas adopté, pour la comptabilité des droits d'auteur, comme l«i proposait I expert commis par l<is juges, la tenue d'un registre par doit •'( avoir, contrôlé par l'émargement des intéressés. Les com quences de cette incurie n'avaient pas tardé ■'< se t. oie sentir: un déficit considérable venait de se produire dans l'une df- agences.

Portant le débal plu- haut, les séparatistes disaienl avoir découvert dans la Société des vices d'organisation, auxquels il fallait remédier sans retard. Il- protestaient surtout contre la prépondérance des agents généraux : il- projetaient de

fonder, sur des principes différents, nouvelle '"ll

d'auteur-, dont il- avaient déjà dépose* les statuts chei an

282 CHAPITRE V

Dotaire. Leur projet 1res libéral comportait notamment la suppression des agents, remplacés par des employés

llemenl responsables envers la Société; de plus, nulle contrainte pour les auteurs, libres à tout moment de se retirer de la communauté.

C'était donc à une véritable scission dans le monde dra- matique, que les plaignants voulaient préparer les voies : leur plan de campagne était arrêté.

Ils appuyaient principalement leur demande de retraite sur l'article IS71 du (Iode civil, prétextant les torts graves de la Commission envers les auteurs : c'était son imprévoyance qui avait amené le délicit, préjudiciable à tous ; c'était aussi les décisions prises en 1848, qui avaient accru notablement le nom lue des affiliés de la Société, et qui avaient occa- sionné les avances considérables faites indûment aux auteurs par les agents.

M Nicolet, avocat de la Commission, s'efforça de démon- trerque ces torts étaient imaginaires, et produits pour les besoins de la cause. Les griefs invoqués contre les agences n'étaienl pas nouveaux, car, dès 1834, certains auteurs estimaienl qu'elles absorbaient une part trop forte des béné- fices. En réalité, ces critiques étaient des moins justifiées : car les droits d'auteur n'avaient pas cessé d'augmenter, tandis que les prélèvements opérés par les agents diminuaient.

La nouvelle Commission ae s'étail nullement désintéressée de la comptabilité des agences ; elle ae pouvait être rendue responsable du déficit récemment constaté; elle avait tout fail «I ailleurs pour le réparer.

Dans tout cela qu'y avait-il? In geste de mauvaise bumeur, résultanl d'un changement de cabinet.

I ivocal impérial appuya la défense de la Commision. Il estimait également que l'article 1871 ne pouvait être ;i bon

LE MONOPOLE DE LA SOCIÉTÉ

droit invoqué pour les besoins de La cause, car cet article oe prévoit évidemment que des faits qui empêchent la conti- nuation d'une société. Or les irrégularités de comptabilité signalées ne constituaient pas une charge suffisante, l'asso- ciation étant armée contre les agents, et pouvant prends leur endroit telles mesures qu'il appartiendrait. Quant à la suspicion dans laquelle les demandeurs prétendaient tenir la nouvelle Commission, elle n'était aucunement fondée. C'est en ce sens que se prononça le tribunal civil.

Il jugea que les irrégularités relevées n'avaient pas la gravité suffisante pour provoquer une poursuite <>u une révocation immédiate, qui, d'ailleurs, aux termes des statuts, ne peut avoir lieu que dans le cas d'infidélité prouvée. D'autre part, « si les statuts peuvent exposer les sociétaires, aux inconvénients signalés, les uns ont arrêté les clauses du pacte social, et les autres se les sont Librement <il sponta- nément appropriées par Leur adhésion .

Le jugement observait enfin que, même au cas les sociétaires eussent eu, en dehors des cas prévus par la l<>i ou par le contrat, La faculté de se retirer volontairement, cette retraite, devait, aux termes des statuts, être consentie par L'assemblée générale » (1).

Cette décision est ^^> plus nettes. Elle reconnaît, qu'en dehors des cas très rares certains membres auraient à faire valoir contre La Société des griefs graves ''t person nels, il ne peut être fait état d'aucun article du Code, pour motiver une retraite volontaire. Les auteurs sont donc Lié L'association pour une période de vingt-cinq ans, qui, en fait, se trouve automatiquement prorogée On peut dire exagérer, qu'ils sont lié- a \ ie.

I Gatette de» tribunau < , 1 1 &oûl

CHAPITRE V

Le monopole * I * * la Société est donc, en fait, absolu m en établi. Comme les directeurs sont astreints à traiter avec elle, les auteurs sont, à leur tour, obligés de s'affilier à l'association, sans pouvoir désormais reprendre leur liberté. 11 est juste de rechercher si ce n'est pas par une inéluctable nécessité que la Société a été ainsi amenée à grouper, même de force, tous les dramaturges autour de son dra- peau.

Certes, il serait plus beau, plus conforme à la liberté, que La Société n'eût qu'à faire valoir les avantages que les littérateurs retirent de sa protection, pour qu'elle fût assurée de les voir tous s'inscrire à ses bureaux. Mais l'expérience prouve que, même aux temps l'entente était le plus dési- rable ri le plus nécessaire pour les auteurs, ceux qui ont prêché l'union, sans pouvoir la faire respecter, ont connu les mécomptes <'t les défections. Lorsque Beaumarchais forçait l'inertie et l'indifférence des littérateurs pour les entraîner au combat, n<i rencontrait-il pas bien des hésitants, et m 1 1 1 < «I»'- confrères dévoués à l'ennemi ? Les auteurs surent- ils se mettre d'accord, quand il leur fallut soumettre leurs desiderata aux assemblées révolutionnaires? Lorsque, après avoir <-u gain de cause, ils pensèrent à fonder une asso- ciation plus stable, une des manifestations de leur activité il*- fut-elle pas cette réunion de comités, dans laquelle ils interdirent !<•- ventes particulières et les traités an rabais? et si, en 1837, ils durent rédiger à nouveau leurs statuts, qu'ils ;i\;ii<'nl omis <'n 1829 d'astreindre les membres de l'association h des obligations précises? Cette faiblesse les mettait, dans la lutte ils étaient alors enga- Ifl merci de quelques dissidents, qui tenaient dans

LE MONOPOLE DE LA SOCII I I

leurs mains, faute d'une réglementation suffisamment stricte, le sort des ailleurs dramatiques, et 1»' maintien de leurs franchises.

C'est en effet, pour la Société, une question vitale, el ces! ce qui infirme la comparaison qu'on a faite entre elle el la Société des Gens de Lettres.

On a souvent opposé le règlemenl libéral de cette associa- tion aux slahils tyranniques de la Société des Auteurs. La Société des Gens de Lettres a obtenu <l<"> pouvoirs publics une reconnaissance officielle, à Laquelle, dit-on, sa voisine n'a jamais osé prétendre, de crainte d'un refus blessant.

Il est fort probable que cette reconnaissance, que la Société (1rs Auteurs n'a jamais sollicitée, lui eû1 été accordée première réquisition cela ne prouverai! pas d'ailleurs que ses statuts fussent impeccables.

Sans nous arrêter à cette considération qui es! plutôt une question de sentiment il convient de remarquer les conditions très diverses dans lesquelles ces deux groupe- ment se présentent, pour défendre les intérêts de leurs pro- tégés. Leur zone d'influence, leur champ d'action respectif, sont trop différents pour rire utilement comparés.

La Société des Gens de Lettres gouverne l<»ul un inonde varié, mouvant, et bigaré : elle régit l«i producteur de romans-feuilletons, I»' romancier, le poète, L'érudit, l'ana

leur.

Gomment trouverait-elle pour des productions si variées, et d'un succès si Inégal, une commune mesure lui permet- tant de stipuler pour ses membres la même rétribution .' Même au sein d'un genre littéraire, comprendrait-on que l'association imposât aux éditeurs un traité identique, <|" ■' s'agit d'un auteur célèbre ou d'un débutant .' Les vari ^\<>w^ de prix sont ici «l<i- plus raisonnables, et des plus naturelle

CHAPITRE V

Tandis que personne ne peut prédire le nombre de repré- sentations auquel atteindra une pièce de théâtre, l'éditeur peu! prévoir, la plupart du temps, sans commettre une erreur trop grossière, le nombre d'exemplaires d'un ouvrage qu'il peu! jeter sur le marché, sans courir de trop grands risques. L'obligera payer, en tout état de cause, un mini- mum de droits à l'auteur, ne serait-ce pas le condamner souvent à laisser de côté des œuvres démérite, mais d'un succès douteux? Ne serait-ce pas agir, à la fois, à rencontre des intérêts des membres de l'association, et des lettres?

Ajoutons que cette Société ne se heurte pas aux mômes difficultés, ii la même résistance que rencontre la Société des Auteurs dramatiques. Pour peu qu'un écrivain, aujourd'hui quels que soient sou genre et sa manière apporte à un éditeur, à un directeur de revue ou de journal, une œuvre

illemeni nouvelle ou intéressante, il a chance d'en obtenir des avantages raisonnables.

Aussi la Société des Gens de Lettres s'est-elle donné la constitution la plus libérale du monde. Elle ne force pas les littérateurs a franchir son seuil, à se présenter à ses gui- chets : de fait, beaucoup d'écrivains ne sont pas inscrits à ses bureaux. Elle n'a pas songé à imposer aux éditeurs i\\^ tarif uniforme pour la publication d'un volume. Le roman- cier présentera son œuvre à un journal ou à un périodique, el en demandera un prix variable : premier bénéfice impor- tant, l'ui- il la portera chez un éditeur, qui lui fera, pour la publication en volume, les conditions que le nom «le l'au- teur, I mi- i i nu l'actualité «le l'ouvrage, lui paraîtront com- mander : second bénéfice considérable.

Jusqu ici la Société des Gens de Lettre- n'a p;is paru dans

l'affaire : elle a'intervienl <ju<' dans les reproductions qui

'• aloi s que l'œuvre, déjà connue de tous, ne peut plus

LE MONOPOLE DE LA SOCIÉTÉ 287

rapporter que des prolits intermittents, incertains, et, le plus souvent, modestes. En cette matière, la Société rend d'ailleurs les plus grands services aux écrivains, qui, sans elle, risque- raient d'être pillés par tous.

Elle assure à ses membres le bénéfice des prii portés aux traités qui la lient avec toutes les publications périodique elle encaisse mécaniquement, au jour le jour, les sommes qui leur reviennent. Agence de renseignements, agence de perception, elle évite aux littérateurs le soin <lr débattre des conditions, qui sont invariables par aature, puisqu'il s'agii de reproduire, pour les besoins de la consommation, des œuvres dont le succès de curiosité est épuisé; elle leur évite surtout la peine de se renseigner, de réclamer, de ci de là. des droits parfois minimes. Encore n'oblige-t-elle personne : les littérateurs afliliés sont libres de se réserver la Faculté de traiter eux-mêmes.

Il n'en va pas du tout de même pour le théâtre, les écrivains, s'ils n'étaient soutenus par une association puis- sante, ne pourraient pas discuter avec un directeur, avec quelques chances d'être écouté>. Sans doute !«• monopole théâtral n'existe plus : la loi ^\i' 1866 a rendu les théâtres la liberté industrielle. Mais celle liberté sera toujours res- treinte, et plus uominale qu'effective. Drames, comédies, vaudevilles, ne pourront jamais être représentés avec avan- tage que mu' un petit nombre de scènes : l'encombrement, sur ce- scènes, est tel, l'offre si considérable, que I écrivain, pressé d'être joué, serait forcément amené ;i réduire ses exi- gences, h. par son adhésion à la Société, il ae - étail I"- les mains par avance.

Si abondante, m* variée que -«'il d'ailleurs la production dramatique, qu'elle recherche l'émotion, le rire, -"i le wul plaisir des yeux, elle •<■ soumet aisément 6 une commune

CHAPITRE Y

mesure, que des calculs très simples permettent de déter- miner.

L'éditeur est beaucoup plus libre que le directeur de théâtre : ses Frais ne sont pas invariables; il peut limiter à son gré le tirage, la publicité, suivant le succès qu'il prévoit pour L'ouvrage qu'il lance. Quels que soient au contraire le genre et le mérite d'une pièce de théâtre, elle nécessitera ii ii i jours, pour celui qui la montera, un ensemble de frais considérables, représentant le loyer delà salle, l'interpréta- tion, la figuration, les décors, l'éclairage. En dehors des cas particuliers engagements onéreux, luxe de mise en scène, pour lesquels il n'est pas rare d'ailleurs de voir L'auteur consentir des sacrifices plus ou inoins avoués au public ees frais généraux tendent toujours, pour chaque salle, vers une moyenne de dépenses fort peu réductible. Parmi Les œuvres qui lui seront offertes, un directeur de théâtre Limitera donc son choix entre quelques-unes, qui lui paraîtront assurer un certain nombre de représentations, et L'amortissement des frais généraux pour un temps donné. Quoi de plus simple, dès lors, que de rechercher le chiffre moyen des dépenses, dans chaque théâtre, de déterminer un prélèvement invariable sur les recettes au profit des auteurs, en laissanl au directeur une marge «le bénéfices, plus ou moins Large, suivant la situation financière, de L'établissement qu'il dirige. Ce sont ces calculs que fait la

ri mission des auteurs, lorsque, dans ses traités généraux, elle fixe La redevance qu'elle prélèvera danschaque théâtre.

I _ ni des directeurs une pari uniforme dans La recette, l.i Société des Auteurs pourrait-elle, sans danger. Laisser,

h m. la Société des Gens de Lettres, les littérateurs Libres d 'adhère i à ses statuts, et de profiler de son organisation, « h se fiant pour les attirer à elle aux avantages certains

Le monopole de la société

qu'elle leur procure? En dehors de la rétribution qui leuï est garantie, et qu'ils ne parviendraient pas à obtenir par leur propre effort, ne bénéficient-ils d'une perception déjà très étendue? Xe trouvent-ils pas, dans les traités conclus par la Commission, une foule de clauses qui améliorent leur situation, et leur assurent les égards qui leur sont dus? A quoi bon la contrainte, dira-t-on, si les avantages sont certains? Pourquoi le monopole, si l'ona rien a perdre à la liberté ?

C'est que la Société a tout à perdreà la liberté. Les béné- fices sont liés au monopole. Du jour elle cesserait d'as- treindre, par le jeu de ses clauses, les auteurs à venir a elle, ils n'y viendraient plus, et ne pourraient plus y venir. L'association ne comprendrait plus qu'un petit groupe d'au- teurs, les plus illustres <il les plus en vogue, ceui qui, à l'heure actuelle, profitent le moins de l'organisation com- mune, assurés qu'ils sont, en tout état de cause, d'obtenir le traitement de l'écrivain l<i plus Favorisé.

Ceux qui perdraient dans l'affaire, ce sont les lill<;- rateurs m<>in- connus, ceux qui travaillent ;< se faire un nom et une situation, ceux pour qui l'association s'esl fondée. Les directeurs de théâtre auraient bientôt Fait de les obliger à renoncer à la tutelle non obligatoire de la Société, préférant, selon le mol de Beaumarchais, les prendre en baguette qu'en faisceaux.

Lorsque la Société lyrique, empiétant sur l«i domaine réservé ;< la Société des Auteurs, recevail les déclarations de pièces destinées aux music-halls <■! cafés-concerts, les directeurs de ce- établissements ne manquaient pas de contraindre les auteurs à déclarer leurs ouvra§ la

Société lyrique, qui leur demandait des droits moindre Les écrivains s'estimaient-ils plu- libres? Appréciaientrils

19

CHAPITRE V

leur Indépendance, leur droit de choisir la Société qui aurait leur confiance? Aucunement; car ils étaient poussés fatale- ment vers celle qui leur offrait le moins d'avantages. C'était une concurrence au rabais qui s'établissait à leur détriment ; .1 L'avocat de la Société lyrique dans le procès qui suivit tâchait en vain de les convaincre de leur bonheur.

Qu'adviendrait-il le jour les auteurs dramatiques ne seraient plus obligés d'entrer dans l'association? Les direc- teur- ne manqueraient pas d'exiger d'eux, avant de les mettre en représentation, une déclaration qu'ils ne font pas partie de la Société : leurs droits seraient calculés suivant le l)on plaisir des actionnaires ; il y a des chances pour qu'ils fussent notablement diminués. Au lieu d'être comptés, ('•m me aujourd'hui, au maximum de ce qui peut être donné sans que l<i théâtre soit obligé de fermer ses portes, ils seraient estimés au minimum de ce qui peut être donné pour qu'il y ait encore des littérateurs travaillant pour le théâtre. Il est probable que ce minimum n'aurait rien d'exagéré.

Cette baisse n'atteindrait pas seulement les débutants; il ii y aurait en ce cas que demi-mal. Car ils se plaignent sou- vi 'lit que le taux trop élevé imposé aux directeurs par la iété leur porte préjudice. Elle s'étendrait peu à peu aux auteurs déjà connus el appréciés, qui seraient obligés, eux i de céder aux ton-cils impérieux des directeurs, sous peine de se voir interdire l'accès des théâtres. L'association, déf ne comprendrait plus qu'un noyau, sans cesse

amoindri, d'auteurs en vogue, ceux justement pour qui l'ac- tion commune es! inutile, parce que, au besoin, ils feraient eus mêmes la loi sur le marché. Ce serait la faillite (\^^ patienta efforts faits par la Société pour assurer aux littéra- teurs une vie honorable et indépendante.

Il tau» surtout éviter d'être dupe des mots : il faut prendre

LE MONOPOLE DE LA SOCIKTÉ 201

garde qu'un faux principe de liberté, comme il arrive trop souvent, serve à couvrir les pires abus. Sans doute, c'est à une contrainte plus ou moins déguisée que la Société des Auteurs doit la parfaite cohésion qui règne parmi membres contrainte purement morale, bien entendu, «'l qui ne saurait ouvrir un recours juridique Qu'importe, puisque la liberté serait ici la liberté dans la misère?

La question change d'aspect, lorsque, <l<^ auteurs, od passe aux directeurs, et qu'on envisage la situation qui leur est faite par l'accaparement que la Société a su constituer, >ous le couvert de la loi. Certes, l'association n'entend pas servir l'intérêt bien entendu des administrations théâtrales, puis- qu'elle s'est fondée pour leur arracher une pari «I»1 bénéfi< obstinément refusée. Le monopole que la Société détient est, à n'en pas douter, dirigé contre elles : aussi sont-ils natu- rellement portés à traiter l'association de coalition illicite, de corporation illégale, comme faisaient les directeurs de théâtres après 1789, lorsqu'ils refusaient d'obéir aui lois nouvelles. Ces accusations se sont reproduites longtemps après, chaque fois qu'un directeur récalcitrant donnait le signal de la rébellion : il y a trois ans, elles étaient reprises par MM. Koy et Richemond, qui soutenaient, avec quelque apparence de raison, que la Société n'avait pas le droit de leur refuser un traité.

Les partisans de l'association des auteurs ont senti le

danger : ils ont t'ait de louables, mais inutiles efforts, | r

démontrer que la Société ne prétendait aucun* -m. -ut forcer

la main aux directeurs de théâtres, et q œux-ci ne seraient

nullement obligés de fermer leurs portes, quand bien même l'association leur retirerait son répertoire.

292 CHAPITRE V

Quelle sera donc La ressource dos administrations théâ- trales, privées d'un seul cou]) de toute la production drama- tique, n<ui seulement des sociétaires, des auteurs connus et appréciés, mais aussi des stagiaires, des débutants peu connus, travailleurs plus ou moins intermittents? Aban- donnés par leurs compatriotes, les directeurs feront-ils appel à L'étranger? Mais les auteurs étrangers, qu'ils viennent des pays voisins, du Japon, ou de l'Amérique, n'ont rien de plus pressé, lorsqu'ils ont un ouvrage représenté à Paris, que de s'inscrire aux bureaux de la Société des Auteurs. C'est-à- dire, qu'à peine débarqués, ils sont embrigadés de gré ou de force dans la corporation. Otojiro Kawakami ne dut-il pas -inscrire aux bureaux de la Société, pour toucher, en France, les droits d'une adaptation japonaise de la Dame aux Camé- liasï

Si. d'aventure, un directeur trouvait un auteur étranger qui n'eût point encore traité avec la Société, il lui faudrait aussi s'assurer d'un écrivain français pour traduire et adap- ker ses pièces. C'esl un travail patient et délicat, presque toujours réservé à un petit nombre d'écrivains, spécialisés dan- ce genre : ces littérateurs patentés font toujours partie de l'association. Sortis du domaine de la Société, nous voilà forcés d'y rentrer.

Délaissé par les vivants, noire directeur puisera-t-il dans le répertoire des auteurs morts? 11 y a là, dira-t-on, des richesses Inestimables. En dehors des ouvrages consacrés comme classiques, el trop souvenl délaissés, n'y a-t-il pas, dans I œuvre, parfois peu explorée, des ailleurs les plus illus- tres, des ouvrages qu'il y aurai! intérêt à tirer de l'oubli injuste dans lequel il- sont tombés .'

is remonter plus baul que le dix-huitième siècle, qui non- touche de près, et qu'on connaît encore si mal à tous

LE MONOPOLE DE LA SOCIÉTÉ 293

les points de vue, croit-on que, parmi 1rs ouvges de Mari- vaux, de Regnard, de Lesage, ou de Collé, de Favart, de Dancourt, et de tant d'autres dont l<i public sait seulement les noms, il n'y ait pas <!<•> pire.'- pleines de grâce et do finesse, agrémentées du meilleur esprii français '

Les œuvres des auteurs disparus qous onl été transmises par la génération qui les a immédiatement suivis. Celle-ci subissait encore l'influence des contemporains, si légers parfois dans leurs jugements, ou elle obéissait, au contraire, à un mouvement de réaction aveugle, qui lui faisait rejeter, en bloc, les legs du passé. Parfois un écrivain, un critique élève la voix pour protester contre un ostracisme injustifié : on instruit le procès, à l'aide de documents et de pièces : le public s'émeut, il réhabilite officiellement une œuvre que le temps avait comme patinée, sans en défraîchir le coloris inaltérable. Que de sentences à réformer, que de révisions à faire, que d'auteurs qui n'ont pas encore fait appel d'une injuste condamnation, faute d'avoir trouvé leur avocat]

Ce domaine, ouvert à tous, mais si peu songent à glaner, s'accroît tous les jours. Si loin que la Société ait étendu son empire, les auteurs lui échappent, lorsqu'ils sont morts depuis cinquante ans. LTn demi-siècle, c'est un inter- valle suffisant pour laisser aux haines le temps de désar- mer, à l'opinion le temps de -<i ressaisir. Mais cela ne suffit pas pour oblitérer les œuvres d'une beauté véri- table, assez proches encore de nous pour exciter I intérêt el la curiosité. Y\ a-t-il pas, dans la foule de ces ouvi un champ assez vaste, puisse s'exercer l'activité d un directeur intelligent et lettré? En dehors des p m

modées au u<>ùl du jour et à l'actualité, qui, trop souvent, semblent dues au bon faiseur, plutôt qu'à l'écrivain de talent, est-il si difficile de faire un choix, parmi cellw qui

CHAPITRE V

révèlent des qualités plus durables el plus Tories, qui feront encore bonne figure, lorsque les autres seront passées de mode ?

Ainsi raisonnent ceux qui défendent la Société des Auteurs contre tout reproche de despotisme et d'accapare- ment. Ne pouvant offrir aux directeurs indépendants les auteurs vivants, ils leur abandonnent, sans marchander, les œuvres du temps passé.

Certes, c'est une tache noble et généreuse que celle de réhabiliter les écrivains incompris, de ressusciter les auteurs délaissés ; plus d'un financier s'acquerrait un renom de bel esprit, el des titres sérieux à la reconnaissance publique, par ces pieuses exhumations auxquelles on veut bien le convier. Le conseil serait très charitable, s'il n'était empreint d'une ironie amère. Un tel effort n'exige pas seulement un l sûr ei délicat, mais un véritable amour des lettres, et un désintéressement absolu : de telles qualités sont rares, et ae suffiraient pas à valoir à un directeur la confiance de ses c< immanditaires.

Il se trouverait, je le crains, peu de directeurs en mesure de profiter de l'autorisation, qu'on leur accorde généreuse- ment. Si même ils avaient celte audace peu commune, seraient-ils suivis? Ces! fort douteux.

Une l<'lle entreprise exige une clientèle formée depuis longtemps au goût des spectacles purement littéraires, en me temps qu'une troupe ô !;• fois disciplinée et brillante, ••i comme imprégnée des chefs-d'œuvre d'un autre âge.

I. 'finit ,i paru si nécessaire, mais si périlleux <in même

temps, que l'Etal I ;i <le toul temps encouragé sur certaines

nés, auxquelles il <'i prêté son appui moral el matériel. La

aédie l i tise, par exemple, est tenue de représenter le

pertoin ique, eu l'enrichissanl des œuvres contempo-

LE MONOPOLE DE LA SOCIETE 296

raines les plus dignes d'y prendre place. La subvention qu'elle reçoit la met à l'abri de tous risques. Elle dispose d'un public éclairé, d'artistes remarquables, ei pool donner a ses spec- tacles un éclat particulier. Pourtant certains iki laissent pas de lui reprocher encore de s'évader parfois de cette noble obligation, de préférer trop souvent, aux œuvres du pas des nouveautés d'un mérite contestable, mais portant la marque d'un esprit qui passe pour être l'esprit du jour. C'est que les sociétaires ont le souci légitime de oe pas laisser décroître la prospérité de la maison. Or le classique, en général, rapporte peu. 11 n'en va pas de même qu'à l'Opéra, Faust fait encore les plus belle- recettes de la saison.

Gomment une autre scène, avec ses seuls moyens, pour- rait-elle entreprendre de rivaliser avec la Comédie-Fran- çaise, ou avec l'Odéon ? Le cadre des théâtres du boulevard, le public qu'ils ont à satisfaire, la troupe dont ils disposent, autant d'obstacles qui risqueraient de faire échouer une telle tentative. Le cadeau que l'avocal de la Société des Auteurs prétendait faire, en 1905, à MM. Roj et Richemond, lorsqu'il leur offrait d'exploiter le domaine public, <;tait donc, je le crains, d'une feinte générosité, surtout si 1 on songe que la Société, ainsi que nous le verrons, a tout fait pour empêcher les théâtres de puiser trop Largement au vieux répertoire.

Mais, disent ('gaiement lc> défenseurs de I association, en dehors de la Société, q'j a-t-il pas une foule de jeunes auteurs qui travaillent pour 1»' théâtre, <ii qui u'ont pu encore placer l'un quelconque des nombreux manuscrits <|»m encombrent leurs cartons ? N'est ce pas ceui le pré< isément qui protestent contre l<' despotisme du syndicat, se plaignant que ses exigences détournent les directeurs de faire appel ï

CHAPITRE V

leur talent incompris ? Que les directeurs mécontents de la Société tendent la main» aux ailleurs méconnus, qui ne font pas encore et pour cause partie île l'association : et, par-dessus les règlements de la Société, se conclura entre directeurs et littérateurs un pacte libre et fécond, qui tirera les ans d'embarras, et fera connaître les autres.

Ce pacte ne serait-il pas heureux même pour l'art drama- tique, qu'il défendrait contre la routine et contre la mode, en le rajeunissant par des spectacles d'avant-garde ? Assuré- ment, un accord de ce genre paraîtrait éminemment souhai- table : aussi serait-il signé depuis longtemps, s'il satisfaisait _ dément les diverses parties en présence.

Sans doute, les jeunes littérateurs y gagneraient beaucoup, car ils y hou viraient enfin l'occasion, ardemment cherchée, de se produire devant le public. Cette épreuve aurait pour eux les meilleurs résultats: ceux qui en sortiraient vain- queurs, en retireraient un précieux encouragement, qui les soutiendrait, dans nue carrière le manque de confiance est aussi bien une cause d'impuissance que le défaut de talent : ceux qui échoueraient sentiraient sans doute la faiblesse d'une vocation à Laquelle ils avaient eu le tort d'ajouter foi : et non- aurions chance d'être délivrés, par la même occasion, de ces faiseurs... à tout faire, qui encombrent les abords des théâtres, et dont les efforts obstinés et les intrigues savantes nuisent trop souvent aux véritables écri- vains.

Si le bénéfice est certain pour les auteurs, il est malheu- reusement plus que douteux pour les directeurs. Quels seront littérateurs mécontents, sur L'appui desquels ils peuvent compter? \ défaut des célébrités du jour, des habitués du un iront-ils au moins ceux qui travaillent à se faire

un nom, et qui redisent volontiers saçrjftés ô ces maîtres

LE MONOPOLE DE LA SOCIÉTÉ

dont le nom seul est une réclame pour la scène qui les joue?

Mais ceux-là mêmes ont déjà au théâtre une situation qu'il leur faut conserver ; sociétaires ou stagiaires, Ils fonl partie de la Société des Auteurs, car ils uni déjà un certain nombre d'actes sur la conscience.

11 est rare aujourd'hui que la gloire dramatique couronne les jeunes espérances : aussi, comme un ne peut rajeunir les hommes, on rajeunit leurs œuvres : car la précocité esl pour le public un des éléments du succès. Tel passe pour débutant, qui, vers l'âge de quarante ans, vienl enfin de forcer les applaudissements, aprè- avoir donne plusieurs pièces qui n'ont pas réussi, et dont le souvenir s'est perdu. Ces débutants un peu marqués, et qui onl déjà une œuvre derrière eux, la Société les a soumis depuis longtemps a sa loi; elle leur interdit toute Infraction a ses statuts. Pour Irai Ici' avec des auteurs qui n'aient encore un li«'ii avec l'association, il faudra donc qu'un directeur s'adresse aui inconnus, à ceux dont le nom n'a jamais été proclamé dans un théâtre : quelle confiance pourrait-il avoir dans ces dramaturges d'occasion ?

Sans doute il y u des exreplinns hrillantes et qu'on cite volontiers, d'écrivain- parvenus de suite ;<■ la célébrité. Des talents se découvrent parfois brusquement, à l'horizon,

oui pour leurs coups d'essai veulent des coups de maître.

Dans les manuscrits signés «le uoms inconnus, et qu il ne prend même pas In peine de feuilleter, un directeur cons ciencieui u'aurait-il pas chance de trouver l'œuvre n.ile. solide, ou seulement agréable, qui lui assurerait une belle Bérie «le représentations? Parmi les passants qui présentent à sa porte, et qu'il écunduit d'un geste di-tr.ut et

CHAPITRE V

fatigué, De rencontrerait-il pas le génie naissant, ou du moins l'écrivain bien doué, qui doit avoir son heure de célébrité ou de mode ? Car, à défaut de véritables illustra- tions, la vie parisienne fait une grande consommation de gloires éphémères, qui apportent une note nouvelle, ou une manière qui plaît.

Mi» i<. pour un ouvrage de valeur, que de platitudes et de banalités. Notre directeur serait le dernier refuge des poètes désespérés <'t incompris, l'espoir des rhétoriciens en veine d'écrire, L'asile des petits employés qui ont rêvé, eux aussi, de faire du théâtre. En admettant qu'il eût un goût très sûr, et une perspicacité peu ordinaire, comment distinguerait-il, entre tant d'ouvrages insignifiants, celui qui révèle un véritable tempérament dramatique? Car rien ne ressemble tant n une pièce de théâtre, qu'une autre pièce de théâtre : I lire trop de manuscrits, le meilleur critique est bientôt désorienté, incapable de juger sainement. Le théâtre a ses lois, qu'il faut connaître, et avoir étudiées : dans ce genre, plu^ que dans tout autre, la première œuvre risque d'être gauche, maladroite, sans intérêt. Notre directeur serait à la merci «les débutants les plus inexpérimentés : par ses essais aventureux, il aurait grande chance de perdre ses abonnés, «-t d'être bientôt obligé- à la fermeture. Au lieu de mourir d'inanition, il mourrait de pléthore; mais il mourrait aussi sûrement.

L'expérience a d'ailleurs été tentée si étrange que cela puisse paraître : les annales du théâtre nous montrent un directeur aui prises .ivre la pire adversité, qui est d'être mal iété des \uteurs, el se raccrochanl vainement, dans son naufrage, au domaine public, puis aux littérateurs n berbe.

I d 1842, MM Delestre Poirson etCerfbeer, directeurs «lu

LE MONOPOLE DE LA SOCIÉTÉ

Gymnase, voulurent s'affranchir de la Société, dont ils trou- vaient la tutelle trop pesante : ils prétendirent traiter avec les auteurs en toute liberté : la Société répondit à ces velléités d'indépendance en mettant le théâtre en interdit, c'est-à- dire en lui retirant la faculté de représenter les œuvres di- ses membres.

Le Gymnase résista. Privé des contemporains, il pensa d'abord reprendre les anciens. 11 exhuma Désaugiers, Hadé, Joseph Pain, Dieulafoy, etc.. les recettes bais- saient de plus en plus. A un théâtre de dou veau tés, il fallait des pièces nouvelle-.

Alors MM. Poirson et Cerfbeer eurent un geste désespéré : abandonnés des dieux et des hommes, ils Lancèrent un appel retentissant à tous les jeunes auteurs dont la Muse, écon- duite de partout, gémissait dans l'oubli. Par une circulaire, de forme administrative, ils conviaient ces talents mécon- nus à s'adresser au Gymnase, la plus haute impartialité ce qui est beaucoup et la courtoisie la plus cordiale ce qui davantage leur étaient assurées.

A l'instant même, dit MeChaix d'Est Ange, avocat du Gymnase, tout ce qu'il y a eu France d'écoliers ayant fait un vaudeville a répondu à l'appel; les pièces refusées par- tout, et qui languissaient dans les cartons les plus poudreux, ont été apportées au Gymnase, à tel point qu'où n'y pouvait suffire. 11 fallait lire plus de quinze pièces par jour

Excédés de cette lecture fastidieuse, et menacés d une invasion, les directeurs du Gymnase essaient «I arrêter le Ilot moulant de ces productions hétérogènes, <|u il- n osenl plus espérer mettre à la scène. Us s'excusenl - toujours très poliment auprès de leurs correspondants; une nouvelle circulaire se répand dans le monde i\<'- littérateurs en détresse : c'esl la mine d'ambitions peine éclo

300 CHAPITRE Y

Gymnase-Dramatique

« Le nombre dos ouvrages reçus on ce moment excédant celui qui pourra, selon toute probabilité, être représenté pendant l'exercice 1843, l'administration se voit dans la

nécessité de prier Monsieur de vouloir bien destiner à

une autre seène la pièce qu'il a eu la bonté d'adresser au Gymnase-Dramatique, et de recevoir les remerciements empressés, ei tous les regrets de l'administration ».

Cette feinte abondance masquait la pénurie. Si les archives du théâtre regorgaienl d'ouvrages sans intérêt, le Gymnase n'avail pas une bonne pièce à donner à son public.

Les conséquences d'une telle situation ne se firent pas attendre. Les meilleurs artistes delà troupe abandonnèrent le Gymnase. Bouffé « qui fait oublier Facteur inimitable pour le personnage qu'il représente » s'en va chercher fortune ailleurs.

MM Poirson et Gefbeer, en désespoir de cause, s'adres- sèrenl à la justice : ils intentèrent à la Société un procès, qu'ils perdirent, naturellement.

Deui théâtres se sont, il es! vrai, plus heureusement passés de la Société dans ces derniers temps : mais leur résistance était préméditée; les intelligences qu'ils avaient, dans l'association même, les garantissaient contre la faillite possible. Encore peut-on se demander si, tout espoir d'entente ftyanl été rejeté, ils n'auraient pas connu, en lin de compte, les affres de l'inanition.

La portée de la mise en interdit parla Société des Auteurs irait donc être sérieusement discutée; c'esl la décom- ition plus on moins lente d'un théâtre, von»' aux essais fl« jeun >u aui reprises infructueuse

LE MONOPOLE DE LA SOCIÉTÉ

Aussi les directeurs se sont-ils plaints, avec plus de vrai- semblance que les auteurs, de n'avoir traité avec l'associa- tion que comme contraints <il forc< - Cette assertion a plus d'une fois été produite devant les tribunaux, avec pièces à l'appui : il n'est même pas besoin de preuves, à vrai dire. 11 va presque de soi que les directeurs n'acceptent Le joug de I sociation qu'à leur corps défendant, qu'ils ue demanderaient pas mieux que de s'entendre directement -ivre les auteurs, comme ils le faisaient auparavant. De à traiter la Société de coalition illicite, de trust, il n'y a qu'un pas : on com- prend qu'il ;iil été franchi ; et l'on ne sera pas surpris qu'à maintes reprises les directeurs de théâtre, au cours du siècle dernier, aient ramassé les armes que les directeurs de province, sous lo Révolution, dirigeaient contre l'associa- tion, qu'ils accusaient être La dernière des jurandes, un succédané des institutions de l'Ancien Régime.

11 ne faut pourtant pas s'émouvoir outre mesure de reproches. Toutes les organisations défensives, tous les grou- pements d'intérêts ont rencontré à l'origine les mêmes résis- tances, et soulevé les mêmes protestations.

11 suffit de considérer L'évolution des sj adicats La Société des Auteurs présente, à n'en pas douter, l'aspect d'un syndi- cat de dramaturges pour constater combien les limites de qui esi défendu et dece qui est permis, varient et se déplacent, en raison des nécessités sociales. Proscrits et réprimés au début, les syndicats ouvriers durent l«i droit à la vie au second Empire. Mais, longtemps encore, les tribunaui leur interdirent Les mises à l'index des établissements patronaux, les amendes infligées à leurs membres, comme autant d'atteintes à La liberté individuelle. La loi dut intervenir pour les Légitimer, dans certains cas tout au moins; une jurisprudence plus Libérale distingue aujourd'hui Le droit

CHAPITRE V

de l'abus du droit, et trace à l'action collective des fron- tières, imprécises d'ailleurs, qu'elle ne peut dépasser.

Nous aurons à nous demander si l'association des auteurs n'a pas dépassé les frontières vis-à-vis des patrons-directeurs, -i nous avons affaire à un syndicat de défense, ou à une coalition oppressive. Mais avant d'instruire le procès de la Société, il sera nécessaire de connaître l'usage qu'elle a fait de ces deux principes d'action que nous avons rappelés, et qui l'ont faite véritablement maîtresse du marché drama- tique.

Le Service de Perception

Le Service de Perception

Tout membre de la Société, dès qu'il a signé un acte d adhé- sion aux statuts de l'association, remet ses pouvoirs à l'un des deux agents généraux.

Cet agent le représente désormais obligatoirement, dans l'administration de se> Intérêts, e1 dans la perception de ses droits, aussi bien à Paris qu'en province, et dans les pays l'action de la Société peu! s'exercer légalement : ces pays sont, à l'heure actuelle, ceux l'on parle la langue française : l'Alsace-Lorraine, la Belgique, la Suisse, le duché de Luxembourg, <'l la principauté de .Momie. ».

L'agent général intervient, lorsqu'il s'agit de donner aui directeurs de théâtre l'autorisation requise par la l<>i. | >< h i r jouer It^ œuvres de son client. Cela évite à l'auteur des formalités longues el ennuyeuses. Il n'a |><i- besoin d'engaç une correspondance avec les directeurs de province, d< reux d'interpréter l'un ou l'autre de ses ouvrages, «le vérifier si les directeurs, avec lesquels il entre en relation, onl traité avec la Société, el si leur contrai n'est pas expin stà l'agent également de l'informer des offres <|ni lui sont faites par les Impresarii, «le conclure les accords relatifs à la rej sentation de ses œuvres, de veiller ù leur stricte exécu- tion.

Les agences rendenl à leur- clients un autre sen celui de recouvrer leurs droits, partoul leurs pi onl

jouées. Sans leur concours, les auteurs perdraient leur temps

H

CHAPITRE VI

,i s'informer des représentations qu'on a pu donner de leurs ouvrages, à réclamer, souvent en vain, les droits qui leur sonl dus. Ils devraient faire deux parts de leur vie : Tune, consacrée à la littérature, l'autre, à la poursuite de débiteurs plus ou moins récalcitrants.

Informées au moins en principe de toutes les repré- sentations qui sont données sur un point quelconque, en France, ou dans les pays de langue française, les agences sont chargées d'encaisser régulièrement la part des recettes qui reviennent, ou qui sont censées revenir à leurs clients.

Ainsi l'auteur, débarrassé de l'administration môme de ses intérêts, n'a plus que la peine d'écrire ses pièces, et celle, souvent plus considérable, de les faire accepter. Cet effort fourni, il attendra que le succès et la fortune récom- pensent ses efforts.

LE SERVICE .JE PERCEPTION

Perception à Paris et dans la banlieue

Dans les théâtres el cafés-concerts de Paris el de la ban- lieue, s'il s'agit dune pièce déjà jouée, l autorisation requise par la loi est signée par l'auteur lui-même. Mais elle doit être, au préalable, visée par l'agenl général, qui certifie que l'administration à laquelle elle esl accordée esl bien en règle avec la Société.

Pour être valable, cette autorisation doil être d'ailleurs établie d'après une formule arrêtée par la Commission, qui diffère, suivant qu'elle esi destinée à un théâtre ou à un music-hall.

Dans ce dernier cas, elle réserve expressément h l'auteur le droit de laisser représenter son œuvre, en même temps, dans une autre salle de spectacles. Mais, qu'il s'agisse d'un théâtre ou d'un music-hall, il esl entendu que l'acte n'es! valable que pour la durée du traité général passé entre la Commission et l'établissemenl intéressé, qu'il cessera d'avoir son effet, lorsque ce traité sera suspendu ou rompu, pour quelque cause que ce soit.

Pour la représentation Initiale d'une œuvre inédite, les directeurs n'ont pas à justifier d'un acte d'autorisation -, cial. Un contrai intervient, en ce cas, entre l'auteur el I él blissemenl intéressé : il doil être porté, par la direction, la connaissance de la Société.

Des obligations minutieuses, inscrites dans les traités accordés par la Commission, sonl imposées aui salles de Bpectacles, <l<i façon à faciliter, dans la plus large mesure possible, leur contrôle sur les recettes; toute infraction l'une des règles de ce régime de surveillance exposerail la direction en faute à des poursuites, el à une amende

308 CHAPITRE VI

profil de la caisse de secours, amende uniformément fixée h La somme de 1,000 francs.

Les directeurs des salles de spectacles sont tenus, aux termes île leur traité, de remettre, chaque soir, aux agents généraux, ou à leur représentant, un bordereau signé, qui contient le détail de la recette brute, par catégorie déplaces, avec l'indication des abonnés entrés dans la soirée, et le relevé des billets de faveur.

De la sorte, les agents généraux, qui ont le droit d'entrer dans les salles, peuvent, à tout moment, vérifier les men- tions inscrites sur les bordereaux de recettes, constater, en même temps que la nature et retendue des spectacles, si l'encaisse déclarée est bien conforme au nombre des places occupées.

La Société a même, si elle le juge nécessaire, un employé, choisi el payé par elle, qui a le droit de se tenir dans l'inté- rieur du théâtre, pour vérifier et contrôler tous les billets présentés à la porte.

Tous les renseignements nécessaires doivent, d'ailleurs, être fournis aux agents généraux, qui peuvent se faire pré- senter les bordereaux el registres de la porte, des locations, des abonnements, el de !;• petite recette.

Le contrôle personnel de la Société est pourtanl presque Dominai à Paris. Les agents généraux bénéficient de la sur- veillance très étroite exercée par l'Assistance publique, pour la perception du droit des pauvres. Cette administration est représentée, dans les différentes salles de spectacles, par «les employés, qui se tiennent chaque soir auprès des bureaux de contrôle de la direction : ils suivent el vérifient leurs opérations. Les bordereaux de recettes remis aux agents éraux se trouvenl donc corroborés p;n- les états four- ni- • I \ssistance publique : la Société des Auteurs peut

LE SERVICE DE PERCEPTION

être assurée de leur absolue sincérité, à moins de fraudes, qui ne tarderaient pas à être déjouées

Les traités généraux déterminent exactement la compo- sition des recettes ; car tout, aujourd'hui, entre en compte pour l'auteur, qu'il s'agisse des places prises au bureau ou en location, ou des abonnements : 1rs auteurs ne se conten- tent plus des aperçus qu'on leur Fournissait du temps de Beaumarchais.

Aux termes des traités, la recette imposable comprend :

Le prix des places achetées à la porte, à l'ouverture des bureaux.

Le prix des places louées à L'avance, à L'année, au mois, et au jour.

Les sommes entrées en caisse au cours de La représen- tation précédente, comme petite recette faite après Les comptes arrêtés. Les comptes sont, eu effet, établis, chaque soir, pour plus de commodité dans La tenue des écritures, à l'heure la représentation commence : Les sommes encaissées, une lois Le rideau levé, sont comprises dans le> feuilles «lu lendemain.

i" Le prix de toute entrée à titre d'abonnement.

."i" Le prix de tout. -s places aliénées, pour quelque cause que <■(• soit, aux actionnaires, aux propriétaires, aux four- nisseurs du théâtre, ou à toute autre personne.

Toute somme prélevée par L'administration du théâtre sur les l>illei< dits billets de faveur, soit au théâtre, soit par tout ailleurs ou ce prélèvement est opéré.

Les directions distribuent souvent, soitaux artistes de la troupe, ^oit à des personnes étrangères au ili lâtre, des billets dits de service, sur Lesquels une rétribution modique esl toutefois prélevée, à titre de contribution aux frais généraux. Pe même les billets d'auteur sont revendus, par les wini

310 CHAPITRE VI

d'intermédiaires, au tiers ou au quart de leur prix nominal;

s différentes sortes (rentrées, donnant lieu à un paiement, doivent être mentionnées sur les états de recette, pour le prix auquel elles onl été remises à leurs titulaires défi- nitifs.

7 Les indemnitées allouées à l'occasion des représenta- tions offertes au public, soit pour les fêtes nationales, soit pour toutes autres eirconstances.

Les traités prévoient le cas des indemnités seraient accordées au théâtre, soit par l'Etat, à l'occasion des fêtes Dation aies, des réceptions de souverains, soit par des sociétés particulières, pour des œuvres de bienfaisance.

Enfin, au choix de la Commission des auteurs, la recette réalisée, ou l'indemnité allouée, ou encore une recette moyenne calculée sur les dix dernières représentations, dans le cas le directeur louerait sa salle à une tierce personne, pour une ou plusieurs représentations données en dehors «lu fonctionnement normal du théâtre.

Notons, eu passant, cette disposition, qui est de nature à étendre encore l<i monopole dont la Société jouit, en fait, sur les salles de spectacles. Si, d'aventure, des représentations étaient organisées par un particulier, ou par une association indépendante de la Société, pour i\('s pièces étrangères au répertoire social, il faudrait néanmoins, pour que ces repré- sentât! chappenl à la perception des agences, qu'elles 1 1 1 .-fil données -m- une scène dont le directeur n'ail pas traité avec le syndical : sinon elles seraient encore soumises s un prélèvement indirect au profit de la Société, le prix de ttion de la -.dl<* étanl établi «mi conséquence de l'obliga- tion imposée parla Société à l'administration du théâtre.

LE SERVICE DE PERCEPTION A[[

Di verses fraudes ont été depuis longtemps imaginées par les directeurs, pour soustraire une pari des recettes au pr< vement opéré dans l'intérêt des auteurs. La Société a fait tout ce qu'elle a pu, non seulement pour substituer, à la confusion des comptes, Tordre et la clarté, mais aussi pour prévenir tout abus de nature à porter préjudice à ses as* ciés.

D'abord le traité général accordé à chaque établissement de Paris ou de la banlieue indique le nombre la nature, et le prix des places. C'est d'après le tarif annexé à la conven- tion, que le droit d'auteur est calculé, quand bien même le directeur viendrait à abaisser ses prix.

Au cas le directeur voudrait faire supporter aux auteurs le contre-coup de cette réduction, il devrait, au préalable, obtenir le consentement de la Commission. Si, au contraire, il venait à les élever, les auteurs bénéficieraient en tout cas de cette augmentation.

Les abonnements donnent lieu naturellement a une per- ception moindre que celle qui esl indiquée au tarif, pour les places correspondantes. Mais la Société n'a pas étendu cette laveur aux abonnements non personnels, c'est-à-dire aux concessions de billets faites par !<'< administrations à des agences théâtrales.

Il arrive assez fréquemment qu'un directeur, gêné dans ses affaires, ait besoin de sommes immédiatement dis] nibles. Il s'adressera, l«i plus souvent, a une agence théâtrale, à laquelle, en retour du prêt consenti, il aband ra un

certain nombre de places par représentation.

Les places seront cédées à un prix très inférieur a leur prix m location, qui constituera le bénéfice du prêteur

312 CHAPITRE VI

Pour 10(1,000 francs en argent, le directeur cédera i ou 500,000 francs en billets.

La Société dos Auteurs n'avait aucune raison d'encou- concessions, aussi contraires h la bonne gestion d'un établissement, qu'elles auraient pu rire préjudiciables aux intérêts des auteurs. Aussi a-t-elle pris soin de stipuler que toute place dont nue direction aurait disposé par avance, au moyen d'un traité de ce genre, serait toujours comptée dans le bordereau de recette au prix de location (1).

Sans cette précaution, la Société aurait d'ailleurs été à la merci îles directeurs et des agences, qui eussent pu s'en- tendre pour lui déclarer un prix de cession fantaisiste.

Ain un arrangement de ce genre ne doit intervenir, sans que la Société en ait connaissance. Aussi les agents géné- raux ont-ils le droit de se faire communiquer et délivrer une copie certifiée exacte de tous les traités particuliers rela- tif- ;i des concessions, abandons de places, ou ventes consen- ties par l'établissement. Le directeur s'engage, en outre, à déclarer d'office ces traités, au fur et à mesure de leur conclusion. S'il manquait a celle prescription, il s'expose- rail ;i une amende. Pour que la responsabilité de la direc- tion ne puisse être mise en doute, la Société exige, d'autre part, que tout billel délivré porte le visa des bureaux de l'éta- blissement.

La Société devait aussi se méfier des billets de faveur, qui peuvent servir & couvrir bien des fraudes, de la pari des administrateurs théâtrales. Tantôt ils seront délivrés vérita- blement .i titre gracieux, soil gratuitement, soit à prix réduit : tantôt il- seront remis eu échange de services rendus au théâtre, en fournitures, <>u en publicité : <>u, plus

i, Annuaire f8C9, page 290.

LE SERVICE DE PERCEPTION 313

simplement, ils permettront d'organiser une comptabilité occulte, ignorée tics agents généraux.

Pour déjouer ces combinaisons, fréquemment employi la Société a stipulé, dans ses traités généraux, que le droit proportionnel serait exigible sur le prix maximum de toutes les places occupées, soit à titre gratuit, soit à titre payant, sauf à la Société à fenir compte à la direction des billets délivrés à titre gracieux, s'il esl établi qu'ils oui été i « * 1 1 - ment cédés sans aucune utilité pour le théâtre.

Les tribunaux n'ont pas hésité à faire application de cette clause, lia été jugé, notamment que, sous la réserve men- tionnée plus haut, les billets <le faveur, qui sont, le plus souvent la représentation des services rendu- an théâtre, el en constituent le paiement en nature, doivenl figurer sur la recette, non pas seulemenl pour le prix réduit, s'ils sont payants, non pas pour zéro, s'ils sont gratuits, mais pour le prix normal de la place - I .

L'abus s'était développé, particulièrement dans ces der- nières années, en matière de publicité ; sous prétexte de rétri- buer des réclames spéciales, les directions distribuaient des Itillets dits d'affiche, <jui échappaient au prélèvement de la Société. Les auteurs subissaient de ce fait un préjudice sérieux. Aussi, en 1906, la Commission a-t-elle spécialement exigé que les billets d'affiche fussent soumis au droit pro- portionnel.

Pour éviter, en outre, toute comptabilité occulte échap- pant .1 sa surveillance, la Société défend aux administi tions théâtrales de faire aucune perception aux bureaux du contrôle. Les paiements doivent toujours être effectués aux guichets des salles de spectacles, et figurer sqr les écritures

1 Tribunal civil de la Seine. M P*l l*9i> JWWl ** """' d

IU4 CHAPITRE VI

de la caisse. Les directions sont d'ailleurs tenues de désigner par un signe connu des agents généraux les billets, dits de laveur, donnant lieu à une rétribution, si minime soit-elle.

Od fail encore aujourd'hui, dans presque toutes les salles de spectacles, un service de claque, auquel on consacre, sui- vant L'importance qu'on attache à ce mode d'enthousiasme factice, un nombre de places plus ou moins considérable. Les billets délivrés n'étant pas nominatifs, la Société, pour prévenir toute fraude, les assimile aux ventes et concessions de billets non personnels; ils entrent en compte, dans les situations de recettes, pour leur prix en location.

Les représentants des agents généraux auprès des diffé- rentes -cènes mentionnent régulièrement, sur leurs carnets de perception, les sommes dues à titre de droits d'auteur. Les directeurs sont tenus de faire contresigner ces carnets par le contrôleur en chef de leur établissement.

Ils doivent compte de ces sommes aux agences, jusqu'au moment il leur en est donné quittance. La part des auteurs ne saurait en effet être détournée, pour quelque cause que ce soit, de sa destination : le directeur en est seu- lemenl dépositaire, el ses créanciers ue peuvent, aux termes de l'article 2 de la loi du 19 juillet 1791, exercer sur elle aucune saisie-arrêt.

Rappelons que le directeur Lui-même ne pourrait ainsi pi il b été jugé dans une affaire intéressant Alexandre hiini.i- père retenir une partie des droits, sous prétexte que I auteur b contracté des dettes envers lui. Cela est beu- ,,,lx la tentation sérail trop forte pour L'administration, de i un titre de <p'mii<<> quelconque, lui permettant

de garder par devers elle une partie <lu gain de L'auteur.

LE SERVICE DE PERCEPTION

Perception en province

Nous avons vu les résistances auxquelles les auteurs se heurtèrent, au lendemain de la Révolution, lorsqu'ils vou- lurent faire valoir, à rencontre d<is entrepreneurs des départements, les droits nouveaux qui leur étaient reconnus.

Ces résistances furent longues à céder. Car en 1844, <mi 1850, «mi 1853, des circulaires officielles interviennent h nouveau pour rappeler les directeurs à un respecl plus scru- puleux de la propriété dramatique.

Le décrei de 1864, qui rendait les théâtres à un régime de liberté, fut le signal d'une reprise des hostilités. On est souvent porté à confondre la cause de la liberté avec celle de l'anarchie, à voir, dans son triomphe, I«i triomphe de intérêts particuliers. Les directeurs de province furent tt'iit»'^ de croire que le pouvoir se désintéressail désormais de l'administration d^* salles de spectacles, <d du sort des auteurs. Ils pensèrent que sans I»1- abandonner ouverte- ment, il relâchait la protection que la législation leur avait accordée jusqu'alors. h<" fait, dans l'incertitude et la confu- sion qu'entraîne naturellement le changement ^\>^ habi- tudes administratives, les municipalités se montrèrent sou- vent peu disposées à favoriser les auteurs, et à !<i- défendre contre l<i> empiétements des directeurs. Le ministre de

l'intérieur dut mettre les choses au point par nouvelle

circulaire adressée aux préfets, qui ne diffère guère des documents rédigés jadis par François de NeufchAteau el par Montalivet.

Les auteurs réunis en dit le ministn sont

plaints que les municipalités, par suite d'une Fausse inl prétation du décret de 1864, n'assurent pas une protection

316 CHAPITRE VI

suffisante aux intérêts des auteurs dramatiques. Ce décret, portant que les pièces de Ions genres pourront être rcpré- sentées sur toutes les scènes, n'a pourtant diminué en aucune façon les droits des ailleurs. Les écrivains restent libres, comme par le passé, de déterminer, par des conven- tion-» mutuelles, la rétribution qui leur est due : les fonction- naires doivent prêter leur concours à l'exécution de ces conven- tion-, sans pouvoir modifier le taux des droits d'auteur.

Les entrepreneurs doivent respecter les titres des pièces, qu'ils oe se gênent pas pour modifier à l'occasion.

Enfin le ministre rappelle que les ouvrages qui ne font pas partie du domaine public ne peuvent être représentés sans le consentement de leurs auteurs.

A ce propos l'existence de la Société des Auteurs est officiellement reconnue ; car la circulaire fait observer que l'autorisation requise est valablement donnée par le corres- pondant de l'association, qui, dans les différentes localités, a qualité pour permettre ou interdire les représentations.

Les directions de province feignirent, sans doute, de ne pas comprendre le langage de l'administration. Car nous voyons, en 1889, l«i ministre de l'instruction publique revenir .1 la charge, et rappeler les entrepreneurs de spectacles, dans des termes anologues, à une plus juste observation d(^ lois lutionnaires.

I S eiété des Auteurs <'^| représentée en province par correspondants, qui dirigent l<i service de perception, dans la plupart des \ill"- pourvues d'une scène. Les corres- pondante de la Société sont choisis et nommés par l<is agents léraux, qui sont personnellement responsables de leur ges- i. Il- doivent surveiller les localités voisines de leur cir-

LE SERVICE DE PERCEPTION

conscription, dans lesquelles la Société n'a pas de représen- tants, et désigner, an besoin, des correspondants spéciaux, an cas des spectacles y seraient donni

Lorsque des pièces inédites sont représentées pour la première ibis sur une scène de province, il se forme entre l'auteur et l'établissement intéressé un contrai de représen- tation, dont la Société doit être avisée.

.Mais la plupart dr> pièces jouées eu province sont des exportations de la capitale. En ce cas, ce n'est plus l'auteur lui-même qui autorise, comme cela a lieu à Paris pour les pièces déjà représentées; les directeurs n'ont même pas besoin de justifier chaque fois d'une autorisation spéciale. Les auteurs, n'ayant plus à craindre, comme sous l'Ancien Régime, de voir leurs ouvrages colportés en province, sans qu'ils soient appelés, au moins <in théorie, à en tirer un profil matériel, ne peuvent que souhaiter de les voir jouer dans toute la France. Il étail inutile de leur demander une permission, qui esl accordée d'avance.

Toutefois, et pour sauvegarder leur droit «le propriété, ils <>nl la faculté de se réserver, par une note mise au bas de leurs ouvrages imprimés, le droit d'autoriser ou de défendre eux-mêmes la représentation <l«i leurs œuvres.

En dehors de ce cas, et en vertu d'une tolérance consacrée par l'usage, les directeurs, désireux d'exploiter !•' répertoire de la Société des Auteurs, n'ont qu'à solliciter <l elle une autorisation générale, qui leur est accordée en échange «I un acte d'engagement conforme aux conditions arrêtées par la Commission : cet engagement est signé en trois expédition

dont IN reste entre les mains du correspondant, les auti

étant adressées aux agents généraux.

Celte autorisation permanente leur permet de jou autre formalité, tout le répertoire social. Mais I auteur ne

CHAPITRE VI

si pas dépouillé de ses droits. L'autorisation générale a la valeur d'une simple présomption : elle ne peut plus être invoquée, du moment l'auteur exprime une volonté contraire. Il peut, en effet, interdire les représentations, les interrompre à (oui moment, en signifiante l'établissement in- téressé une défense, à laquelle il ne saurait être passé outre (1).

En tout étal de cause, l'auteur conserve aussi le droit, lorsqu'il y a plusieurs théâtres clans une même localité, d'en désigner un, auquel il entend réserver son répertoire.

Il arrive souvent, dans les grandes villes, qu'à côté d'un théâtre sérieux, disposant d'artistes de carrière, il existe des

[les de second ordre, exploitées par des troupes de rencontre.

L'auteur a naturellement intérêt à être joué avec toutes les chances de succès; il est seul juge de la question. Il pourra concéder, à l'un des établissements, un véritable privilège, pour la représentation de ses œuvres. Tout autre établissement, qui monterait l'un de ses ouvrages, s'expose- rail <i des poursuites. Le cas s'est présenté : les tribunaux non! pas hésité à admettre que, malgré L'autorisation géné- rale donnée par La Société, cette restriction, due à la volonté de L'auteur, était parfaitement valable.

En 1865, MM. Lambert et Thibousl avaient accordé à L'administration du Théâtre-Français, à Rouen, une autori- sation exclusive de représenter Leurs pièces, valable pour deui ans. Le directeur du théâtre des Arts se crut point, ml autorisé a monter, malgré La défense <jui Lui <ui fut faite, une pièce de ces auteurs, Une corneille qui abat des noir. Son collègue du Théâtre Français fil saisir La récette, H L'assigna devant Le tribunal correctionnel de Rouen. L<is auteurs

i Tribunal correctionnel et Cour de Rouen, 0 mari 1866 ; Annales de la dustriêlli

LE SERVICE DE PERCEPTION .!10

intervinrent pour soutenir les droits de leur cessionnaire.

Le contrevenant invoquait, pour sa défense, l'autorisation permanente qu'il tenait de la Société des Auteurs : Thibousl et Lambert, disait-il, n'étaient pas recevables dans L'in- action, omme avant abandonné à la Société, dont ils fai- saient partie, l'exercice de leurs droit-.

Le tribunal repoussa cette prétention, jugeant :

« ... Que si, par une tolérance reconnue par l'usage, les théâtres de province font journellement représenter, sans autorisation formelle, les pièces jouées sur les théâtres de Paris, et émanées des membres de la Société des Auteurs dramatiques, à la condition de solder, à cette Société, les droits d'auteur fixés par les traités, cette tolérance ne peu! résulter que du consentement tacite des auteurs, qui ne peul être admis en présence d'une défense signifiée par eux, ou par leurs cessionnaires ».

Le jugement remarque en outre que l'autorisation donnée par la Société aux directeurs de province ae faii pas obstacle cela est dit expressément dan- les actes d'engagement aux droits que les auteurs tiennent des lois de I7!M et de 1793, qu'ils conservent notamment le droit de faire avec les administrations théâtrales des conventions particulières. Il fait observer plus spécialement : «... qu'aucune disposition de l'acte de société ne prive les auteurs dramatiques de la faculté d'accorder aux directeurs de théâtre le droit exclusif de représenter leurs œuvres ; qu'il faudrait, pour les décla- rer déchus de ce droit, une convention expresse et formelle, puisqu'ils seraient ainsi exposés à voir leurs ow

à des artistes sans talent, qui | rraient en dénaturer la

(orme et la portée » (I .

1 Jugement prérite du 9 m

CHAPITRE VI

Cela esl parfaitement raisonné. Si la Société dos Auteurs a pour objet la mise en commun d'une partie des droits des écrivains, elle ne porte pas atteinte à leur propriété. Ils _ rdenl le droit de permettre et défendre la représentation de leurs ouvrages, et par même d'accorder un privilège, pour l'exploitation de leurs pièces, à une administration théâtrale. Quand bien même aucune réserve ne serait faite, à cet égard, dans les actes d'engagement signés des directeurs, les auteurs n'en conserveraient pas moins cette prérogative, qui est une manifestation de leur droit de propriété. Ce droit reste entierentre leurs mains, tant qu'ils l'exercent dans la limite des engagements qu'ils ont contractés envers la S ciété. En résumé, quand la Société autorise, elle autorise au nom des auteurs : si les auteurs manifestent une volonté contraire, l'autorisation cesse d'être valable. Si, sans expri- mer une volonté contraire, les auteurs, comme dans le cas dont il s'agit, restreignent la portée de l'autorisation accor- dée, cette restriction s'impose aux administrations théâ- trales.

Lorsqu il s'agil d'une troupe sédentaire, n'exploitant qu'une seule ville, l<* traité accordé au directeur est signé par 1" correspondant, aprèâ avis préalable donné aux agents éraux.

Quand il s'agit d'une troupe <'n tournée, ou de théâtres Forains, il esl signé par l'un des agents généraux : l<4s cor- respondants des diverses localités intéressées sontavertis, par un avis d autoriser, que les représentations peuvent avoir lieu, lout entrepreneur de province esl d'ailleurs responsable «'m moins théoriquement des représentations données dans -"H établissemenl par des artistes de passage.

An i il parviendrait à la connaissance d'un corres-

pondant qu une représentation est annoncée, sans que

Le service de Perception

le directeur justifiât .l'un traité consenti par la Société, il devrait signifier de suite une défense de jouer, réclamer, le cas échéant, le concours des autorités locales, pour interdire les représentations, et pratiquer, au besoin, la saisie des recettes. Enfin, au cas la Commission jugerait a propos de poursuivre en justice le contrevenant, il devrait, sur son ordre, l'assigner devant le tribunal correctionnel.

Le droit d'auteur en province es! tantôt fixe, tantôt pro- portionnel à la recette A l'origine, il était toujours fixe, arrêté, pour chaque ville, d'après le chiffre de la population, et les ressources financières des établissements. Cette taxa- tion avait le double inconvénient d'être peu fructueuse pour les auteurs, et de donner lieu à des contestations sans fin, chaque ville se trouvant trop fortement imposée, relati ment à une localité voisine

La Société a changé le principe de sa perception. Aujour- d'hui, toutes les villes de province sont assujetties au droit proportionnel, à l'exception des villes d'eaux et de bains, soumises à un droit fixe, qui \;i de 60 à 120 francs, et <|ui est établi d'après le taux du droit d'entrée perçu dans l'établissement.

La perception dans les \ille> d'eaux est donc assez faible. Mais il faut tenir compte de ce fait <|iei les casinos, même 1('n plus luxueux, sont moins des salles de rapport, que des instruments de réclame pour l«i- plages ou les stations thermales à la prospérité desquelles ils sont liés; les dirt

teur s aimeront souvent mieux doi r des places aux hôf

de marque, que de l«i- vendre aux premiers venus,

La Société des Auteurs ne pouvait, sans soulever des protestations, se montrer trop exigeante envers des entre-

322 CHAPITRE VI

prises théâtrales qui restent généralement au-dessous de leurs affaires.

Le il r«>i t d'auteur doit être perçu, pour chaque représenta- tion, d'après un bordereau de recolle signé par les entrepre- neurs, el conforme à un modèle établi par la Commission.

S'il contient des déclarations fausses, la direction est passible d'une amende de 200 francs, an profit de la caisse de secours.

Tons les éléments de la recette sont énumérés dans les engagements signés par les directeurs de province, ainsi que dans les traités conclus avec les scènes parisiennes. Les billets de faveur ne doivent être également admis en compte par le correspondant que sous bénéfice d'inventaire.

Des moyens de contrôle, analogues à ceux qui sont employés à Paris, sont reconnus aux représentants de la S eiété, qui peuvent vérifier les livres de la comptabilité des administrations, et déléguer, au besoin, pour inspecter les salles, mi contrôleur, qui sera rémunéré par les établisse- ments intéressés.

I h article des actes d'engagement Interdit spécialement l'usage fort en honneur de la cassette, c'est-à-dire les paiements de places faits directement aux bureaux de contrôle, et, le plus souvent, ;t l'insu des agents de la Sociél<;.

Toute contravention à cette défense expose la direction à une amende de 100 francs.

I - correspondants adressent à Paris, à des intervalles uliers, leurs états de perception, sur des tableaux qui leur -"ut remis a ce! effet par la Société, et les sommes qu'ils '•ni touchées pour le compte des auteurs.

Le localités soumises à l'action delà Société se divisent,

point de vue, en trois classes : les villes mensuelles, les villes trimestrielles, el les villes d'eaux.

LE SERVICE DE PERCEPTION

Dans les villes mensuelles, les correspondants établissent en double, du Ier au 5 de chaque mois, un étal de percep- tion qu'ils envoient a chacun des agents généraux. Les fonds sont remis intégralement, pour La moitié des local il à Tune des agences, pour l'autre moitié, à l'autre agen

Dans le cas aucune représentation n'aurait été donne e dans le courant du mois, le correspondant établira un certi- ficat négatif.

Les correspondants des villes d'eaux et «le bains de mer sont astreints aux mêmes formalités, mais seulement pen- dant la durée de la saison balnéaire.

Dans les villes dites trimestrielles, les correspondants n'établissent leurs étals, et n'adressent leurs fonds, que tous les trois mois.

Les correspondants doivent inscrire, sur un registre spé- cial, au Pureté mesure des représentations: la composition des spectacle>. 1»' chiffre de la recette brute, le montant des droits d'auteur perçus. Il- mentionnent également Le chiffre des droits supplémentaires prélevés, par >nile de conventions particulières avec L'auteur. Ce registre, conservé par les cor- respondants, est une pièce comptable, qui permet aux agents

téraux de vérifier, à tout moment, la conformité de document avec les indications qui leur oui été fournies.

Les mêmes règles de perception, édictées pour la proi ince, sont appliquées en Algérie, <in Tunisie, et dans les colon françaises. Parmi Les théâtres soumis aux prélèvements de ];| Société, se trouvent les scènes d'Hanoï, de S fgon, d'Haïphong, de Tananarive, de Tamatave.

324 CHAPITRE VI

Perception à l'étranger

La Société des Autours n'a cessé de se préoccuper de la situation faite à ses membres dans les pays étrangers. Elle s'esl ass< ciée aux lentatiyes laites par les pouvoirs publics pour conclure, avec les nations voisines, des conventions assurant, aux auteurs français, des droits identiques à ceux qui sont reconnus aux écrivains nationaux ; parfois elle a inspiré elle-même ces démarches. Elle n'est pas non plus rotée indifférente à l'œuvre poursuivie pour fixer, en l'absence de traités particuliers plus avantageux conclus avec certaines puissances, les conditions générales de pro- tection de la propriété littéraire.

La Convention de Berne, modiiiée en 1896, et qui a groupé onze Etats européens, porte dans son article 5 :

« Les auteurs jouissent du droit exclusif de faire ou d'au- toriser la traduction de leurs a3uvres, pendant toute la durée du droit sur l'œuvre originale. Toutefois, le droit exclusif de traducteur cessera d'exister, lorsque l'auteur n'en aura pas fait usage dans un délai de dix ans, à partir de la pre- mière publication de l'œuvre originale, en publiant ou en faisant publier, dans un des pays de l'Union, une traduction dans la langue pour laquelle la protection sera réclamée ».

Certains [>.•>- -oui toutefois restés en dehors de cet acte international : il eu est ainsi aotamment de l'Autriche- Hongrie, «lu Portugal, de la Hollande, de la llussie, cl Burtoul <!<• l'Amérique, qui fait de Larges emprunts au réper- toire français, mais l'auteur, pour bénéficier d'une pro- tion, d'ailleurs restreinte, doit se soumettre à des for- malités gênantes. Il doit, au plu- tard le jour de la première publication de a pièce à L'étranger, déposera la bibliothèque

LE SERVICE DE PERCEPTION

du Congrès, le titre imprimé <l«i sa pièce, ainsi que deux exemplaires; tous les ouvrages imprimés doivent en outre porter réserve de ses droits.

Des règles différentes ont été établies par la Société, pour la perception des droits d'auteur dans les p.-i\ - dits de langue française, que nous avons énumérés plus haut, «■! qu'on englobe sous le nom d'étranger ordinaire, el dans lesautres pays, qu'on comprend dans le terme d'étranger extraordi- naire.

Dans les premiers, la Société entretient des correspondants attitrés, et organise une perception régulière comme a 1 in- térieur de la France. Les auteurs sont donc soumis aui mêmes obligations qui leur sonl imposées en deçà des frontières; ils sont tenus d'avoir recours à l'intermédiaire des agents généraux ; ils ne peuvenl faire d'accords contraires aux conditions arrêtées par la Commission. Les sommes encaissées pour leur compte subissent I»' prélèvement sta- tutaire de 1 0/0 pour les charges sociales.

Dans les autres pays étrangers, la Société o'a pas de représentants, les auteurs sont libres, au contraire, d'autoriser la représentation de leurs œuvres aux conditions qu il leur plaît d'imposer : ils peuvent vendre leurs pi< forfait, ou

stipuler un tant pour cent variable sur les recettes eflfectu< ils peuvent confier aux agents généraux l'administration de

leurs intérêts, on traiter directe ni. ou par des intermé

diaires qu'ils choisissent : ils peuvenl aussi recourir, pour les œuvres musicales, àl'entremise de la Société des Editeurs et Compositeurs «l«à musique.

Cette liberté a paru excessive a certains, et contraire principe même dont la Société se réclame. Dèa ls M. Gandillot demandait que les auteurs fussent obli d'avoir recours aux agentfi - 4U ll I''ur lul

CHAPITRE VI

interdit de conclure des traités particuliers, on dehors de leur intervention.

Le Président de la Commission fit écarter cette proposi- tion : il observa qu'on ne pouvait priver les auteurs du droit de traiter directement, dans les pays avec lesquels la S ciété n'entretenait pas de relations officielles. 11 constatait d'ailleurs que, malgré la liberté qui leur était laissée à cet

n'd, les auteurs s'adressaient presque toujours aux agents généraux, qui avaient leur confiance.

Une autre conséquence résultait de l'indépendance reconnue en celte matière aux membres de l'association.

Dans les pays étrangers autres que les pays de langue française, les droits d'auteur, étant remis, non à la Société, mais directement aux intéressés, ne se trouvaient pas sou- mi- h l.i retenue statutaire de 1 0/0.

i >tte conséquence était une anomalie. En 1900, M. Decour- celle, préoccupé d'accroître les ressources de la Société, de façon a permettre le développement du service des pensions, proposa d'effectuer le prélèvement de 1 0/0 sur les droits d'auteur perçus dans ces conditions.

Rien n'était plus juste : la question soulevait toutefois certaines objections. La réforme proposée a'allait-elle pas donner un caractère officiel à l'intervention des agents

aéraux, qui se présentaient jusqu'alors, dans les pays en question, comme simples mandataires des auteurs, et non comme représentants de La Société? La validité de la S ciété, très discutée déjà à L'intérieur de la France, n'allait- elle pas être contestée sans cesse <'n dehors des frontières qui mettrait le principe de sa perception à La merci d'un jugement défavorable? Enfin, le prélèvement nouveau opéré au profit de la Société semblait comporter L'obligation, pour membres, de recourir aux bon- offices des agents gêné-

LE SERVICE DE PERCEPTION

raux : on les priverait ainsi d'une Liberté qui leur a va il toujours appartenu.

La question ne pouvait être résolue en tout cas que par une modification des statuts. Une assemblée lui spéciale- ment convoquée à cet effet.

Il s'agissait avant tout d'éviter que la Société lût en cause dans les traités passés à l'étranger; soi! directement, s'il était stipulé que les agents généraux agiraienl désormais en qualité de représenta n ls de L'association, soil indirectement, si la Société imposait un prélèvement, à son profit, et appa- raissait ainsi comme intéressée à L'exécution des conventions. Dans les deux cas elle risquait de compromettre, par son intervention, la situation des auteurs.

La Commission crut trouver la solution de ces difficultés dans une combinaison, qui, (ont en laissant Les auteurs Libres de choisir leurs intermédiaire-. Leur imposait, par un»' clause qu'ils devaient insérer eux-mêmes dans tous les contrats qu'ils signaient par l«'- soins des agents généraux, un prélèvement de l 0/0 au profil de la Société.

Ainsi If- agents généraux restaient simples mandataires des auteurs : la Société m1 paraissait pas en nom «Lui- les conventions intervenues : la retenue de I <> 0 était un sacrifice volontaire, au moins en apparence, consenti par le- intéressés.

L'assemblée adopta le texte proposé. Depuis 1901, lous le- traités conclu- à l'étranger par les -"in- «I.-- agents portent la mention suivante :

« Sur toutes les sommes versées en exécution «lu présent contrat, L'auteur déclare abandonner volontairemenl I 0 0 au profit de la caisse de secours de la Société des Auteurs et I Sompositeurs dramatiques

11 n'\ avait qu'une chose ï craindre, c'est que I- auteurs,

328 CHAPITRE VI

plutôt que do se soumettre à ce prélèvement, ne fissent Leurs traités avec l'étranger, en dehors des agences. L'expé- rience a prouvé que cette crainte n'était pas justifiée : les agents n'ont pas perdu leur clientèle ; et l'association a trouvé, dans cette redevance nouvelle, une source de revenus considérables, qui ne peuvent que s'accroître.

LE SERVICE DE PERCEPTION

Retenues sur les droits d'auteur

Le total des droits perçus par la Société, pour le compte des auteurs, n'a cessé d'augmenter d'année en anm

En 1879-80, il s'élevait à 2,596,061 francs; en 1889-90, à 3,681,039 fr. ; en 1906-1907. à 1,610,825 fr., dont

1,141,083 fr. pour la province, et 112,899 IV. 18 | r

l'étranger.

Une retenue variable est opérée sur ces sommes, sur laquelle 1 0/0 est attribué à la caisse sociale, à titre de parti- cipation aux frais généraux, le surplus revenant aux agents, à titre de frais de perception et de correspondance.

La retenue est fixée à 3 0/0 pour les théâtres de Paris.

Jusqu'à ces derniers temps, 1»'- agents prélevaient in Q 0 sur les droits perçus en province. En 1903, ils offrirent, d'eux-mêmes, d'abaisser b1 taux de la retenue à 8 o o.

La Commission s'empressa d'accepter l'abandon consenti par les agents, mais décida d'affecter l'économie ainsi réalisée à la caisse des pensions. Actuellement encore, la retenue est de 10 0/0 ; mais S 0 o seulement demeurent ■litre les mains des agents; I.-- 2 DO iv^l.ml sont versés dans la caisse sociale. Le taux est b' même dans I"- petites villes que dans les grandes.

L'Algérie, la Tunisie, !<•- colonies subissent le même sort que la province.

La retenue sur la perception à l'étranger tant ordi- naire qu'extraordinaire est également fixée en principe à in 0/0.

Mais cette règle apparente souffre, au point «b' vu.- des auteurs, <il surtout des agents, des dérogations fréquentes qu'on s'explique parfois malaisément

330 CHAPITRE VI

Les agents généraux en l'absence d'un contrôle sérieux

ganis à l'étranger on1 été amenés à s'entendre avec les représentants d'agences étrangères, qni achètent les manuscrits français, eJ se chargent de faire rentrer, moyen- nant commission, les droits stipulés au profit des auteurs.

En Allemagne, par exemple, les agents généraux, il y a quelque temps encore, avaient un traité avec la maison Ahn; les auteurs qui traitaient par leur intermédiaire vendaient, en définitive, leurs pièces à cette maison ; ils supportaient seulement, sur les droits qui t leur revenaient, un prélève- ment de H) 0 0, sur lesquels 1 0/0 était versé dans la caisse iale, à titre de « don volontaire » ; 4 1/2 0/0 étaient abandonnés à M. Ahn ; 4 12 0/0 aux agents.

Les auteurs subissaient donc unprélèvement de 10 0/0; mais - aces ne touchaient, en fin de compte, que 4 1/2 0/0.

Ajoutons que, dans le même temps, tes agents perdaient, de ce côté, une partie de leur clientèle. Car M. Hiwinski, qui faisait concurrence à la maison Ahn, pour Tachai des pièces françaises, se refusait à traiter avec les auteurs, par l'entremise des agences, el ^'entendait directement avec eux.

I'ii Italie, au contraire, les auteurs sont souvent mal parta- Depuis quelques années, les agents ont chargé M. Praga, directeur de la Société des Auteurs italiens, de percevoir les droits à leur place. M. Praga relient 10 0/0 des sommes recouvrées, à titre de frais de perception; un prélèvement lest opéré par les agents, sur les fonds qui leur son! remis. Ainsi les auteurs paient 20 0/0; ce qui peut paraître excessif, I Italie el la France se touchant.

comptabilité des droits d'auteur a été réglementée de h ■< prévenir le retour de certains abus, qui, à diverses

LE SERVICE DE PERCEPTION

reprises, et surtout en 1881, avaienl porté une atteinte grave au bon fonctionnement des agences.

Des mesures ont été prises, notamment, pour éviter dans les caisses toute accumulation d'arriéré.

Chaque année, eu lin d'exercice, les agents doivent adresser à leurs clients respectifs, dans la quinzaine qui précède rassemblée générale, un état de leur situation. I intéressés sont donc, en tout état de cause, avisés des sommes qu'ils négligent de loucher, et qui sont tenu< leur disposition.

La répartition des droits entre les auteurs a lieu tous les mois, h date fixe. Il arrive fréquemment qu'un écrivain, <[iii a une pièce en cours de représentation, a besoin des sommes <|ui lui sont dues, avant l'époque fixée pour le paie- ment. Il était nécessaire de permettre aux agents généraux de mettre à sa disposition tout ou partie des fonds qui lui appartiennent, sans toutefois que ces versements anticipés pussent embrouiller la comptabilité. Aussi la S iciété a-t-elle autorisé les agents à désintéresser les auteurs par voie d'acomptes. Mais les acomptes ne doivent |>;i^ être supé rieurs au montant des droits déjà perçus en leur nom, et ne peuvent être prélevés, en aucun cas, sur I ensemble des recouvrements effectués.

Des désordres financiers s'étaient en effet produits diverses reprises, dans les agences, à la suite «I avances faites à certains clients, aux dépens des autres, sur la masse des droits perçus.

Les agents restent d'ailleurs libres de consentir avances en leur nom propre, et sur leur- deniers personnels.

CHAPITRE VI

Les réformes nécessaires

Telle est, dans ses grandes lignes, la théorie de la percep- tion effectuée par la Société au profit des auteurs.

Le lecteur es! sans doute frappé par l'heureuse économie, •l par l'apparente rigueur de cette comptabilité : il semble que toutes les précautions aient été prises, pour qu'aucune partie des recettes, en France ou à l'étranger, n'échappe à la vigilance des agents, et que les auteurs soient assurés de retrouver, jusqu'au dernier centime, l'argent produit par l'exploitation de leurs œuvres.

Les Illusions se dissipent, lorsqu'on sort du domaine des statuts, pour pénétrer dans la réalité. Sans doute, à Paris, le service fonctionne sans trop d'accrocs : mais il n'est que juste d'observer que la tàebe des agences est singulière- menl facilitée par le contrôle administratif de l'Assistance publique. L«'s surprises les plus désagréables seraient, par contre, réservées à l'écrivain qui ferait son tour de France, b la suite de son répertoire : si, d'aventure, il se risquait en dehors des frontières, il verrait ses œuvres abandonnées* au

plus commode, mais an pins dangereux des guides : la

loyauté de ceux qui les exploitent.

Une inspection fui ordonnée récemmenl par la Commis- sion des auteurs, sur le service de perception en province : t la première <|ni ail été prescrite, de mémoire d'homme, par le pouvoir exécutif de la Société le l'ait vaut d'être retenu.

I épreuve ne fui pas douteuse : >\\i' soixante théâtres mis «mi observation par l'inspecteur -dont le zèle el le courage sont dignes d'éloges quelques-uns seujenjeut se trou- ent en l . Société,

LE SERVICE DE PERCEPTION

D'où provient une pareille anomalie? La Société serait-elle insuffisamment armée, pour se Paire respecter des entrepre- neurs de province? non pas : aucun élément de la recette ne lui échappe, en principe : en principe également, ses correspondants ont Le droit cl le devoir de vérifier La vente et la location de toutes les places. En pratique, Le directeur arrête le total de la recette déclarée, nu chiffre qui lui con- vient, chiffre naturellement très inférieure La recette réelle. Le taux ne varie guère d'ailleurs d'un jour ;i L'autre : si bien qu'on revient par un détour imprévu au péta blissement d'un droit fixe, mais fantaisiste, el très préjudi- ciable aux intéres>és.

Le représentant de la Société enregistre les déclarations, sans li^ contrôler. Puis les rouages fonctionnent très nor- malement : le correspondanl envoie, le jour voulu, ses feuilles de situation aux agences, qui s'empressent de remettre à leurs clients les sommes portées à leur compte.

L'exactitude des correspondants, La bonne tenue des agences sont également Louées des sociétaires assemblés. N'empêche que les auteurs onl été consciencieusement frus- trés, et qu'ils auraient aussi bien fait de confier h un homme d'affaires La gestion de leurs intérêts.

Quelles garanties les auteurs trouvent-ils, dès lors, dans Les obligations minutieuses que le^ actes «I engagement imposent aux directeurs de province? Qu'importe que le correspondant ;>il entre les mains un plan de la salle, «pi il reçoive, tous les matins, les affiches des représentations <lu jour, que les Livres de comptes de l'établissement lui soient ouverts, à première réquisition, que les bordereaux de recettes soient établis avant dix beures «lu soir '

Il y a, la plupart «lu temps, entre les représentants de la Société «'I les entrepreneurs de province, une i onniven< e

CHAPITRE VI

moins tacite, doni les clients font les frais : point n'est besoin d'un marché formel, que les statuts de la Société, et les lois de la morale réprouveraient également. Il suffit que le représentai de la Société ferme les yeux. Le directeur aura, d'ailleurs, à cœur d'opérer avec toute la discrétion possible : à côté des guichets officiels, qui peuvent être, au besoin, vérifiés, s'ouvriront des guichets officieux, mais non moins payants : à côté de la grande porte du théâtre, com- màndée par un contrôle d'apparat, d'autres portes donne- ront accès, sans contrôle, à un Ilot de spectateurs : tout cela, cl bien d'autres procédés, expliquent que la salle se trouve plus remplie que la feuille de location.

Les directeurs sauront reconnaître les ménagements dont on use à leur égard : en outre des billets auxquels ils ont droit, par trnité, les correspondants seront autorisés à délivrer des coupons supplémentaires qui augmenteront d'autant le bénéfice qu'ils retirent de leurs fonctions.

\.r représentant de la Société serait-il entièrement désin- téressé ei plein de zèle, qu'il se trouverait néanmoins fort embarrassé, s'il voulait déjouer des combinaisons déjà anciennes, réformer des abus consacrés par la tradition cl par ses prédécesseurs. La Société a, en effet, négligé de lui h cer -'»n devoir, de définir ses fonctions; sans doute elle lui envoie <!<■- Instructions de loin en loin. Mais ces ins- tructions, qui contiennent un abrégé de la législation sur la propriété dramatique, qui énumèrenl soigneusement (<>us I' éléments de la recette Imposable, sont muettes sur les précautions a prendre pour contrôler les déclarations des entrepreneurs, sur les fraudes employées <le tout temps pour dérober auj auteurs une partie des recettes. Les agents, qui i en résidence à Paris, qui se tiennenl en relations cons- eil le monde des directeurs ef des impresarii, sont

LE SERVICE DE PERCEPTION

au courant de toutes les combinaisons en usage. Mais com- ment veut-on qu'un commerçant de Lyon ou de Marseille, promu, un beau jour, correspondant de la Société, sans connaître ni l'association qu'il représente, ni ceui avec qui elle traite, puisse lutter à armes égales avec un entrepreneur expérimenté? Demandera-t-il des instructions spécial entretiendra-t-il une correspondance suivie avec la Société ' 11 passera pour incapable, et se verra peut-être retirer son mandat.

Résolu, malgré tout, à se renseigner, •■! à Faire œuvre utile, notre réformateur se heurterait encore a des difficultés matérielles très sérieuses. Le poste de correspondant de la Société, dans les grandes villes, n'est pas seulement un poste honorifique, une place agréable qui facilite les rela- tions avec l'administration du théâtre, avec la troupe : c'est surtout une belle retraite, pour un homme qui se retire des affaires : les quatre billets d'auteur, que l<i correspondant vend de droit, chaque soir, pour tous les spectacles de la localité et qui donnent accès aux meilleures places de la salle ces billets, ajoutés souvent à ceux qui sont mis gracieusement à sa disposition, cela fait un traitement, déri soire dans les bourgades, mais qui, dans les grands centi va jusqu'à 20,000 ou 30, (MU) francs. On comprend que les postes soient ardemment convoités.

La Société, pense-t-on, se montrera des plus difficiles -iu- le choix de ses correspondants; elle exigera des garanties exceptionnelles de compétence et d'honorabilité, Il n'en ira pas ainsi. La Société connaît rarement ceux qu elle nomme; elle choisit généralement celui qui lui est présenté par le correspondant qui cesse ses fonctions. Cette présentât n'est pas toujours accordée an candidat, ;< titre bui m

tablit ainsi, a l'insu de l'association, de véritable! * barj

CHAPITRE Vl

;ultes : ayant coûté, l'agence doit rapporter. On comprend sans peine que le nouveau titulaire ne puisse, sans impru- dence, sacrifier, sur l'autel de la justice, un des éléments de bénéfices qui entrent en compte dans la valeur de son office.

Lésé par le service sédentaire, raulcur peut-il se fier au service ambulant? <>n sait le développement qu'ont pris les tournées, depuis quelque temps. A chaque instant, des t loupes, composées à la hâte d'éléments disparates, armées d'un répertoire étendu, partent de Paris à la conquête de la province, quand ce n'est pas de l'Amérique du Sud. Elles vont de ville en ville, glanant les meilleures recettes de la saison, Laissant les établissements locaux vivre, le reste de ['-année, d'une vie ralentie; les directeurs de province ont même cm devoir protester contre ces exodes trop fréquents; ils n'ont parlé de rien moins que de se syndiquer eux aussi et de boycotter les artistes de la capitale. Il semhle, n tout et-, que les auteurs aient les premiers ressentir Les heureux effets de cette décentralisation artistique. L'ex- périence a malheureusement prouvé qu'ils ne retiraient pas, de ce colportage de leurs œuvres, tout le profit qu'ils pou- vaient raisonnablement en espérer.

Lorsqu'un organisateur de tournée, artiste ou imprésario, i arrêté son itinéraire, il s<> présente aux bureaux d<> la rue Hippolyte-Lebas. Là, il est invité à consigner une somme variable entre les mains des agents : cautionnement destiné

garantir L'exactitude de sa gestion. Une entente s'établit -m les taux des droits à percevoir, conformément aux exi- gences formulées à cet égard par les auteurs.

Le directeur de La tournée part : dans chaque Localité, il rencontre le représentant de La Société, qui, prévenu de

LE SERVICE DE PERŒPTI

son arrivée, reçoit ses déclarations, el touche la pari des auteurs. Si le chef de la tournée est consciencieux ce qui n'est pas rare, il faut le dire à la louange des artistes, ou d'impresarii qui t'ont leurs premières armes il déclare intégralement ses recettes : mais qui sait s'il résistera long- temps à la tentation? Toui directeur d'entreprise est natu- rellement porté ;i s'exagérer les risques qu'il court, les déboires qu'il éprouve, les frais <jui lui sonl imposés; il peut, sans péril, prélever sur la pari des auteurs, de quoi parer aux insuffisances de recettes : un jour ou l'autre, scrupules s'évanouiront. Ajoutons, à sa décharge, que les droits (rauleur après un siècle de luttes son! restés encore, dans l'opinion de certains, en vertu de préjugés plus loris que tout, comme un bien vacant el sans maître, chau- dement disputé, mais dont on peu! s'emparer sans bonté.

Les irrégularités sont-elles >i évidentes que la S >ciété croie devoir intervenir? Le délinquant répondra, comme tel de ses confrères : « Pourquoi voulez-vous que je renonce aux quelques petites économies que je puis faire, alors que X... ou Y... vous en dérobe trois Fois autant .'

Si le chef de tournée est rompu à son métier, il aura pré- sente à l'esprit, la cari»' de la France, au poinl de vue de la perception : il saura que, dans telle ou telle localité, on se montre accommodant : il combinera son itinéraire de façon à n'avoir à faire qu'à des percepteurs de relations facil< il évitera les Cerbères; il bénéficiera, tacitement, des arran- gements tacites conclus avec les administrations théâtrales sédentaires.

On a voulu évaluer les pertes que la Société subissail en province : on a parlé du tiers, de la moitié des droits pei

CHAPITRE VI

un journal a Lancé le chiffre d'un million. Toutes ces osti- mations sonl arbitraires; que vaudraient les évaluations cadastrales, si on les étendait dune région à une antre? Que vaut l'opinion d'un homme renseigné sur la perception de la Société, s'il applique à toutes les localités les observa- tions personnelles qu'il a pu recueillir, sur certains points? Mais. >i l'on songe que le total des droits perçus dans les dépar- tements s'élevait, pour l'exercice 1906-1907, à 1,141,083 francs, on se persuade que la fraude porte sur une masse respec- table.

11 esl probable que la verve d'un Beaumarchais trouverait encore à s'exercer, aux dépens des combinaisons employées pour frustrer les auteurs : elle se tournerait, vraisemblable- ment, non contre les entrepreneurs, qui, en volant les auteurs, ne font qu'obéir à un sentiment bien compréhen- sible, qui se fortifie au souvenir d'une longue tradition, mais contre les auteurs qui laissent se rouiller les armes dont il- disposent, et que maniait d'une main plus sûre le fonda- teur de leur Société. Cependant les temps troublés de la Révolution sont loin : la cause i\a.< auteurs est gagnée devant l'opinion ; elle triomphe devant les tribunaux, chaque fois qu'elle leur es! soumise. Ed 1902, le rapporteur de l'As- semblée générale de la Société se plaisait à reconnaître que les directeurs avaienl renoncé à nier ouvertement la pro- priété des auteurs, « grâce à «les procès justement et bril- lamment j, qui consolident pin-tout l'influence de la ii '•

D'autre part, la Société ne se gêne pas pour imposer aux

administrations théâtrales tous les procédés «le contrôle qu'il

lui plaît d'établir : mais est il besoin d'ailleurs <!<• mesures

extraordinaires ? Et ne suffirait-il pas, pour déjouer tous les

d'un agent pénétrant dans les salles, et faisant,

LE SERVICE DE PERCEPTION

les Touilles tic recette à la main, le compte des places occupées ?

Si l'on franchit la frontière, les droits des dramatu paraissent encore moins assurés. On a vu. au mépris <!•• tou> les règlements édictés, des pièces se promener pendant des années à l'étranger, sans que l'auteur en retirai le moindre bénéfice. Loin de tout contrôle, les directeurs, les chefs de tournée réduisenl arbitrairement l<i- recettes l'usage des agences : une recette de 32,000 francs, faite dans une ville étrangère fui comptée à l'auteur - î . liou francs un zéro s'était perdu on route.

La notion de la propriété dramatique gagne toujours du terrain, à l'intérieur de la France : au dehors, plus on s'éloigne, plus <dl<à va s'atténuant, jusqu'à D'être |>lu^ qu'une ombre indécise et lointaine.

L'Amérique est aujourd'hui la terre promise peur !»•- artistes audacieux : il n'y a pas longtemps que la Soci s'est avisée de soumettre à sa perception l<i répertoire qu'on \ exporte. Sans aller si loin, un directeur de Paris De put-il pas, sans la moindre difficulté, jouer, pendant tout son -•■jour en Angleterre, un acte d'un littérateur français, Bans lui faire parvenir la moindre allocation ? Le hasard voulu! que l'auteur, en lisant s< n journal, apprit les représenta- tions qu'on donnait de sa pièce. Rentré à Paris, l'ingénieui directeur se vil condamner à une restitution nu peu lai

Remarquons, en passant, que la l-i ne protège peut pas suffisamment l»'s écrivains contre les entreprises des directeurs. Elle se contente de I.-- désintéresser, en cas de fraude, tout comme s'il s1 s il d'un simple oubli réparer. 11 est probable que des péoalit ni

îUO CHAPITRE VI

plus efficaces, et persuaderaient davantage les administra- leurs que la propriété dramatique est aussi respectable qu'une autre, el qu'on ne vole pas plus impunément un ma- nuscrit, qu'on ne détrousse un passant sur la grande route.

Nous nous abstenons ici de citer des faits personnels : mais si chaque auteur, membre de la Société, racontait les aventures dont il fut la victime, le confident, ou seulement le témoin, il en résulterait, à la charge des hommes d'affaires, un réquisitoire accablant.

i.t pendant la protection des œuvres dramatiques à l'étranger fait l'objet de pétitions, de congrès, d'accords internationaux ; les pouvoirs publics ne cessent de se préoccuper d'étendre à de nouveaux pays le champ d'appli- cation des garanties légales. La Société des Auteurs, par L'entremise de ses agents, soumet à sa perception des scènes nouvelles ; depuis Beaumarchais, les chemins de fer, le télégraphe, le téléphone, semblent mettre les agents de la Société à même de constater sans retard les infractions commises, et de t ra du ire les coupables devant les tribunaux ; néanmoins, ai les intéressés, ai leurs fondés de pouvoir ae sont informés à temps de ce qui se passe ; et lorsque, par hasard, ils s'indignent <il réclament, leur protestation rétrospective n'émeut personne.

Pendant des années, cette situation anormale a pu subsister, sans provoquer d<- trop vives récriminations; ce qui prouve que les dramaturges ae sont pas gens <mssi ini* qu'on vi-iii bjen Le dire Les commissions ne pou-

vaient ignorer absolument les fraudes dont leurs administrés

ienl victimes un faible écho des plaintes murmurées parvenait jusqu'à elles mais elles semblaient <àn avoir

LE SERVICE DE PERCEPTION tl

pris leur parti. Et connu.', malgré tout, Les recettes générales de la Société allaient en s'accroissant, les sociétaires, indivi- duellement frustrés, étaient portés, collectivement, à féliciter des résultats obtenus.

Parfois, cependant, une protestation se faisait entendre, troublant la quiétude générale. Dès 1886, l«i rapporteur à l'Assemblée générale avouai! tout uniment que, si les droits des auteurs étaient reconnus en province, ils étaienl parfois réduits au minimum.

La Commission s'empressa de rappeler aux directeurs que le droit d'auteur devait être prélevé sur La recette brute, dont elle définissait les éléments. Il esl vraisemblable que les entrepreneurs ne péchaient pas par Ignorance.

En 189G, un membre de la Société. M. Gandillot, cru! devoir, à son tour, formuler quelques critiques sur le sen ice de perception; la Commission lit valoir Les procès-verbaui dressés, à maintes reprises, contre Les délinquants, déclarant qu'elle n'hésitait pas à poursuivre La fraude.

Dix ans s'écoulent; la question ue semble pas avoir fail un pas; car, en mai 1906, M. de Fiers demande qu'on étudie sérieusement l'organisation de La perception <'ii pro- vince, et qu'on remanie, au besoin, le cadre des correspon- dants. M. Grenet-Dancourt, s'associanl à ces observations, émet le vœu qu'on ('tende La perception à des Localités oubliées (1).

Il était clair que les choses pouvaienl durer ainsi éternel- lement. Mais la Société avait compté sans L'opposition. Tandis qu'elle uégligeail de réformer ses services, d'auto

en surveillaient le fonctioi ment, en dénonçaient les abus.

L'Association internationale des auteurs et compoi

i assemblée générale du 89 mai ! , A i m f9$e,

342 CHAPITRE VI

qui contrôle l'exploitation ilu répertoire de ses membres, put établir, sans être démentie, que l'Aiglon^ le Flibustier, les ( )ches de Corneville, tout le théâtre de Gourteline, avaient été joués pendant des semaines, en France et en Allemagne,

sans qui1 les Intéressés en eussent retiré le moindre béné- fice I . Elle remit à la Société un dossier, nombre de faits analogues étaienl mentionnés.

D'autre pari, un syndicat d'auteurs venait de se fonder, avec l'intention nettement déclarée de remédier aux abus qui risquaient «le compromettre, auprès des auteurs et de l'opinion publique, la cause de la Société.

La Commission crut devoir faire quelque cbose : elle nomma un inspecteur : celui-ci ne parvint pas sans peine à se procurer tons les renseignements nécessaires : il revint pointant de sa tournée avec un bagage de rapports édifiants. Une sous-commission s'était cependant formée en conseil de guerre : la séance, tenue à la suite des révélations de l'inspecteur, fut, paraît-il, des plus mouvementées. Le bruit en transpira dans la presse; et bientôt le « scandale des droits d'auteur », suivant l'expression d'un journal, ne fut plus un mystère pour personne (2).

Quand l'orage sera passé, à quelles décisions s'arrêtera •de l'association? Il sérail prématuré de le pré- voir. Mais certainement, pour faire œuvre utile, la Commis- sion sera amenée ;• des ch ingements profonds, dans l'orga-

DÎsation actuelle du service.

*

I première réforme qui s'imposera sans doute sera celle du personne] employé dans les départements.

i /■ VAri dramatique, n" du 20 septembre 1907.

i Voir i omœdia, n ,i décembre 1907, el dea r el 18 janvier 1908;

lu ::i décembre 1907,

LE SERVICE DE PERCEPTI

Beaucoup de correspondants ne semblent voir, dans leurs fonctions, qu'un poste de toul reposa une seule obligation leur incombe forcément : c'est de certifier les déclarations de recette, et de toucher les fonds destinés aux auteurs; encore se déchargent-ils souvenl de cette peine sur un inter- médiaire, qui passe, tous les soirs, aux bureaux des diffé- rents théâtres. Cet intermédiaire, rétribué seulement pour recevoir les bordereaux, et toucher le> fonds, se garde bien d'approfondir la question.

Les auteurs ont besoin, pour défendre leurs intéi d'agents actifs, intelligents, compétents dans la matière. Il leur faut des correspondants capables de voir clair dans des opérations naturellement embrouillées, connaissant a fond le Code usuel de procédure dramatique, qui leur permettra d'agir en justice, décidés à saisir les tribunaux, à la moindre résistance.

Les commissions de la Société onl une tendance & féliciter de la rareté des procès intentés aux directeurs de province. C'est justement cette pénurie qui es1 alarmante. Les auteurs ne seraienl sans doute pas fâchés d'apprendre, de temps à autre, que, sur tel ou tel point, <>u a éventé des fraudes, traduit les coupables devant les tribunaux. I d bon correspondant doit être d'humeur processive : il se reposera, lorsqu'il aura derrière lui un dossier suffisamment chaq de procès- verbaux,

Si l'on attend beaucoup «l<i son zèle et de son activité, il sera juste et de bonne politique de proportionner son trait mentaux sommes qu'il parviendra a faire rentrer pour le compte des auteurs. A l'origine, les représentants des auteurs, délégués par les agence raies de Sauvan et de

Framery, touchaient une commission de 3 0 0 ou de 5 sur les droits qu'ils recouvraient. Les recettes augmentèrent

34 l CHAPITRE VI

rapidement, malgré des obstacles de toute nature. Il semble que la Société ait loul avantage à revenir à un mode de rémunération analogue. La Société dos Compositeurs et Editeurs de musique a adopté ce système, et elle s'en est toujours bien trouvée.

Sans doute il peut paraître plus économique, à première vue, de rétribuer les correspondants au moyen de billets d'auteur. L'expérience a prouvé que le système avait ses inconvénients.

11 est évident que le premier soin de la Société devra être d'exiger de ceux qui voudront la représenter des garanties toutes particulières. Sous le Premier Empire, les auteurs, un peu embarrassés de choisir leurs correspondants, avaient eu l'idée de s'adresser de préférence à des fonctionnaires. La France est un pays de fonctionnaires, a-t-on dit ; il est juste que les sociétés de perception en profitent. D'une façon érale, La Société aura intérêt à recourir à des personnes que leurs obligations professionnelles astreignent à une honorabilité parfaite. Elle ne saurait, en tout cas, se montrer trop difficile sur le choix de ses correspondants : trop souvent, les seuls éléments d'appréciation dont elle dis- pose sont des renseignements locaux, donc suspects. Les intérêts qui sonl <-n jeu justifient un examen approfondi.

La Société des Auteurs aura sans doute intérêl à instituer, au-dessus des correspondants, un certain nombre de contrô- leurs, chargés de l'inspection de leurs circonscriptions, <àt de la surveillance de Leurs opérations. In sml contrôleur, désigné par la Commission, a, m quelques mois, fait davantage que Les rouages actuels, en un grand nombre d années. La Commission aura loul ;• gagner, àavoiràson des inspecteurs, plus expérimentés que Les correspon- dant! des filles, indépendants surtout de toute attache locale.

LE SERVICE DE PERCEPTION

Faut-il aller plus loin? Convient-il de touchera l'organi- tion actuelle des agences générales? assurément la gestion de leurs titulaires, leur dévouement aux intérêts des auteurs ne sauraient être suspectés. Mais on peut se demander si les lourdes et multiples fonctions qui leur <»nt été dévolues n'excèdent pas leurs forces, si le fonctionnement normal du service ne les absorbe pas au point de I»'- empêcher de songer à rétendre et à l'améliorer.

La perception de l'association ne portait a l'origine que sur quelques centaines de mille francs : les agents stimu- laient le zèle de leurs employés, pour augmenter les rentrées. Aujourd'hui, ce sont des millions qui affluenl dans la caisse sociale. Assurés de recouvrements considérables, l< &ts,

entre les nombreuses affaires qui sollicitent leur attention, sont naturellement tentés de s'occuper, de préférence, des questions qui engagent d<' gros Intérêts. Sans doute la Société, eux-mêmes par conséquent, sont frustrés, tous les jours, en province : mais le bénéfice qu'on pourrait faire de ce côté est aléatoire, et les ennuis sont certains, route entreprise commerciale a des risques dont elle fail abstr tion : c'est le vol à l'étalage, dont on ne lient pas compte. Malheureusement, à la Société des Auteurs, si l'étalag représente une part minime de l'avoir des grands produc- teurs, il est parfois toute la fortune des petits.

En définitive, les premiers intéressés en la matière sont et resteront les auteurs : il semble qu'ils aient avants^

cuper eux-mêmes de leurs affaires : au m - sauront-ils

à qui s'en prendre, quand elles ae marcheront pas, Dès le Premier Empire, alors que les revenus desauteurs étaient encore minimes, ilsavaienl senti la nécessité de prendre en mains la gestion de leurs intérêts, ^u-dessus de générales, ils avaient organisé an contrôle plus étroit dei

CHAPITRE VI

comités de direction. La fusion n'a jamais été complète : les agences son! restées des charges, el n'ont pas été absor- - par l'association. Il reste peut-être encore un pas à faire : le jour les agents seront des Fonctionnaires de la S iété, celle-ci aura l'entière responsabilité du service.

Les (loin missions, en dépit de leur bonne volonté, n'ont pas toujours paru comprendre pleinement toute l'étendue des charges qui leur incombent, toutes les responsabilités qu'elles assument. Le poste de commissaire des auteurs, qui l'ut pour Beaumarchais un poste de combat, semble avoir été surtout, pour ses successeurs, un titre honorifique. Et cependant les adversaires contre lesquels il luttait n'ont pas encore désarmé.

I n article des statuts paraît ouvrir aux Commissions une action Illimitée : les adhérents sVngagenlà donner connais- sance a la Commission des procès qu'ils se proposent de soutenir : celle-ci décide si L'affaire sera suivie par la Société. Il résulte de ce! article, non seulement une obligation pour les membres de L'association, mais un devoir moral pour la iété : «••lui de prendre en mains la cause des ailleurs, de

oe Laisser péricliter aucun de leurs droits, aucune de Leurs prétentions. Cependant, en cette matière, les Commissions onl paru agir avec une discrétion excessive : elles ont pris au nom el à la charge de La Société Les grands procès, ceux qui mettaient en question, soit les principes de L'association, -•-il la légitimité de ses actes : elles se sont détournées des affaires peu conséquentes, en théorie, mais primordiales ir ceux qu'elles intéressent. Aussi ne faut il pas s'étonner outre mesure du satisfecit

LE SERVICE DE PERCEPTION

que, chaque année, les I !om missions qui se sonl sui ni

cru devoir décerner au service de perception.

Tous les auteurs ne souffrent pas au même titre des pertes que subit l'association : pour les plus connus, I"- recettes de province sont un simple appoint, dont la perte oe déroute pas la comptabilité générale.

Remarquons d'ailleurs que la province s'alimente surtout d 'œuvres un peu grosses, vaudevilles ou mélodrames com- posés à son intention; joués à Paris sur une scène de troi- sième ordre, ces ouvrages d'exportation partent aussitôt pour les départements. On comprend que la question de leur rendemenl ne passionne pas également tous les esprits.

Qu'importe aux auteurs célèbres que les œuvres Fran- çaises soient jouées librement en dehors des frontières ? IN ne traitent qu'avec les grosses maisons d'achat de l'étranf il n'y en a pas plus de tr<>i< ou quatre dans chaque pays. Sans doute, ces agences, qui garantissent à leurs clients un tant pour cent sur les représentations, déclarent les recettes qu'elles veulent, car elles ne rencontrent aucun contrôle, pas même de simulacre de contrôle. Mais l'étendue même de leurs opérations, la notoriété <le leurs clients, le personnel nombreux qu'elles emploient, l<i> obligent à une exactitude relative. Il est vrai qu'elles trouvent quelques compensations dans l'interprétation des traités conclus : c'est une matii délicate, fertile en surprises, <>ù l'acheteur est d'avoir le dernier mot, car il fait la l<>i sur le marché.

Parfois l'auteur vendra du même coup un lot entier de pièces; les mauvaises passer n! h la faveur des bonnes : traite souvent ainsi pour les vaudevilles, I Ulei on l'Italie. La plupart du temps, cependant, les m achèteront à la pièce; c'est ce qui se pratique en VngleU et aux Etats-Unis, quand les hommes d'affaires ne -

CHAPITRE VI

U'iil pas de démarquer simplement les œuvres françaises.

En Italie, les auteurs Français de quelque notoriété ont choix entre deux systèmes : la vente en propriété, ou une simple procura lion.

Lorsqu'ils s'entendent avec M. Praga, directeur de la S eiété des Ailleurs Italiens qui a un traité avec les agonis généraux il lui donnent simplement; mandat d'autoriser les représentations de leurs pièces, et de percevoir leurs droits, moyennant commission. La combinaison peut paraître avantageuse; de fait, elle rapporta à M. Sardou 70,000 francs pour Madame Sans-Gêne.

Mais de lois bénéfices sont rares : et M. Riccardi, en achetant les pièces en toute propriété, offre aux auteurs cer- taines compensations : s'il ne leur promet guère que 50 0/0, sur le produit des représentations, il leur remet d'avance

une son fixe à valoir, ce qui tente plus d'un auteur, heu-

reuxde toucher comptant quelque chose, en attendant les rede- vances incertaines de Paris et de la province. Si la pièce ne réussit pas à l'étranger ce qui est assez fréquent la prime reste acquise à l'auteur : c'est une perte sèche pour la maison.

Ajoutons que celle-ci, propriétaire de son répertoire, fait effort pour l'exploiter, taudis que la Société (\^> Auteurs Italiens se contente de percevoir automatiquement sur les représentations données I .

Le vaudeville s'exporte généralement dans de bonnes conditions : c'est surtout la pièce purement littéraire à part quelques œuvres signées de noms Illustres <jui est exj lux plus étranges mésaventures. Ici l'auteur trou-

vera rarement a traiter avec les agences d'un crédit solide : il sera a la merci des petits acheteurs, ou <\^> particuliers :

I) Vol ' /-//'/. u ) et 22 janvier 1908,

LE SERVICE DE PERCEPTION

ceux-ci lui promettront muni- et merveilles, mais De le feront pas jouer, ou le jouer.. ni en catimini on ae peut être abonné à tous les journaux étrangers ou garderont pour eux les recettes, au mépris de la foi jurée. L'auteur esl désarmé : mettra-t-il en mouvement la lourde machine judiciaire, lorsque ces Faits viendront à sa connaissai parfois au bout de plusieurs années? L'homme de lettres e>t naturellement peu processif : il préférera souffrir en silence, et faire une nouvelle pièce, qu'il vendra à un aul à moins que ce n<k ><>it au même.

11 est juste d'observer que les Commissions qui président aux destinées de la Société, sont fort peu secondées, en «•••il»' matière, au point de vue juridique car ce sont, en défini- tive, des questions de droit qui leur sont soumises à chaque instant. Sans doute elles sont appuyées d'un conseil judi- ciaire imposant, réunissant des compétences de premier ordre; mais ce conseil, excellent pour les grosses affain ne suffit pas pour les petites. Or, ce son! les petites qui font vivre La masse des auteurs. Supposons un cas très fréquent : un auteur réclame à un directeur, à un imprésario, 200, 500, 800 francs, dont il fut injustement frustré : ce sonl des réclamations courantes à La Société, menus incidents de la vie de tous les jours. Les frais (l'un procès serait élevés, le bénéfice minime. On hésitera, pour de telles sommes, a faire appel aux lumières, au talent d'un avocat célèbre. La Soci< laissera tomber l'affaire. Libre à l'auteur de la suivre frais et risques. La charge, minime pour la masse, est oné reuse pour l'individu : l'auteur classera sa plainte. Or, cette plainte, s'ajoutant à une centaine d'autres, aurait peut-être fait reculer Les fraudeurs, et consacré plus fermement le prin- cipe de l.t propriété dramatique.

En résumé, les auteurs <>nl besoin d'avoir h leur t

CHAPITRE VI

moins des hommes de talent, que des hommes d'action, moins des illustrations du théâtre, que des confrères décidés faire valoir Leurs droits, et surtout leurs intérêts. Les porte-paroles de La Société ne cessent de répéter que leur association est une société commerciale, qu'elle ne doit pas sortir de ce rôle. La comparaison est juste, si le terme ne l'est pas. Le premier soin d'une société civile ou com- merciale doit être de réaliser les bénéfices. En faisant leur bilan, les auteurs apprécieront l'activité de leurs chefs.

*

Une association littéraire s'est fondée, Tannée dernière, en face de La Société des Auteurs, sous le nom de Syndicat professionnel des auteurs et compositeurs dramatiques. Ce n'est pas, quoi qu'en aient dit ses adversaires, une arme de combal contre la Société actuelle : il serait plus juste d'y voir n n instrument de réformes. Créée par un groupe de Littérateurs, qui pensenl que la discussion n'est pas suffisam- ment libre aux assemblées de La rue Hippolyte-Lebas, elle se propose, non pas de battre en brèche une institution cente- naire, mais de La fortifier, en remédiant à d<is vices d'orga- nisation, que le temps a permis d'y découvrir, et qui risqueraient, si L'on n'y prenait garde, d'amener sa mine.

I fondateurs de ce syndicat dramatique ont estimé que l'importance de certaines questions avait échappé à plu- sieurs des membres dirigeants de La Société, naturellement portés •' croire que tout est pour le mieux, dans le meilleur des mondes dramatiques, mal placés peut-être pour connaître les maux dont elle souffre. Ils ont voulu faire un nt, mais non revenir 6 une division entre les in», qui serait funeste a tous; il> étaient si loin de vouloir provoquer un schisme déplorable dans les milieux

LE SERVICE DE PERCEPTION 351

du théâtre, qu'ils onl recruté la plus grande partie de leur clientèle parmi les sociétaires de la Société des \uteurs, dont une cinquantaine onl déjà adhéré à l'association nou- velle.

Cependant, la Société, qui es! trop âgée pour aimer les innovations, crut devoir d'abord traiter en ennemie le syndicat, à peine éclos. Deux membres de la Com- mission qui, sans penser à mal, s'étaient Inscrits dans le Comité directeur du syndicat, n'obtinrent l'aman de leurs collègues, que lorsqu'ils eurent abandonné leurs fonctions compromettantes. Aujourd'hui les somb jours du trust étant loin déjà dans le passé le calme paraît renaître: le pouvoir exécutif de la Société semble avoir renoncé à combattre ses voisins, s'il surveille encore avec défiance leurs faits et gestes.

Pourtant, si l'on parcourt les statuts de ce groupement, mi ne relève nulle trace d'animosité contre la Sociét comités, commissions, assemblées, paraissent poursuivre un -«ut but, celui d'assurer aux dramaturges toutes I g in- ties nécessaires à la protection de leurs intérêts, au recou- vrement Intégral des droits qui leur sont dus.

Signalons, à cet égard, une création des plus utiles, celle d'un comité du contentieux, formé de membres de l'ass

tion, et secondé par un conseil judiciaire : le comité a | r

mission de fournir aux auteurs tous les renseignements leur permettant de traiter, en connaissance de cause, avec les directeurs ou impresarii; au cas <»ù un membre du syndi- cat aurait un procès a soutenir, l'assistance pécuniaire de

l'association lui est offerte. Nul doute que cette c bin

-..h ne rende l<i- plus grands services aux dramat en

détresse.

Notons d'ailleurs qu'une telle i n ation n i de oai

352 fcHÀPITRE Vt

à porter ombrage à la Société des Auteurs, car elle n'empiète nullement mu* ses attributions. Les membres de la Société n'en resteront pas moins tenus de donner connaissance à la Commission des affaires qu'ils se proposent de poursuivre devant les tribunaux : celle-ci est toujours libre de prendre fait el cause pour eux. Le syndicat leur offre un appui de -•.onde ligne, et, en tout cas, des conseils sur l'étendue de leurs droits.

Ouvrir des discussions, permettre à tous de formuler une opinion, de faire entendre leurs plaintes, sans se croire tenus à une réserve inutile, tel est, en définitive, le rôle du -\ ndicat. La Société si on considère la masse des auteurs, sans se préoccuper des questions de personnes ne peut que gagner à son développement.

Les Traités généraux

2i

Les Traités généraux

Les traités généraux, à Paris, les actes d'engagement, en province, par lesquels la Société des Auteurs concède aux administrations théâtrales la faculté de puiser à son réper- toire,, n'ont pas la valeur d'un consentement donné à la représentation de tel ou tel ouvrage de l'un de ses membi Lue semblable permission excéderait le pouvoir du syndi- cat, et porterait atteinte au droit, qui appartient en propn l'auteur, de disposer à son gré de ><»n œuvre. Cette première formalité remplie, les directeurs devronl encore, en principe, pour chaque cas particulier, justifier d'une autorisation expresse, délivrée par l'auteur, <>u par l'agent de la Société agissant en son nom.

Le consentement de l'auteur sera, le plus souvent, de pure forme, lorsqu'il s'agira de pièces déjà représentées. S'il s'agil d'une œuvre Inédite, il pourra formuler des exigen spéciales pour la figuration, la mise en scène, ou I interp In lion.

Cependant, la plupart (\\\ temps, il s'en tiendra aux avan- tages stipulés, à son profit, par la Socii

Les traité^ généraux, qui lient l'association aui scènes parisiennes, sont en effet de véritables codes annexes de la législation des théâtres, la Société, vusea

relatives au taui e1 à la perception des droits d auteur, Insère une foule de mentions, modifiant, dans I lnté>< i di membres, les règles ordinaires du contrat de i n

talion. Ces clauses ne varient d'un tbéâtreà l'autre

:r>r> chapitre vti

les différences ne portent que sur la question de tarif. C'est, en regard delà loi et de la jurisprudence, comme une régle- mentation secondaire, un droit coutumier, que la Société des Auteurs consacre dans ces chartes de franchises.

I - stipulations pour autrui sont parfaitement valables, du moment que l'existence juridique de l'association n'est plus mise en doute. Mais parfois la Société a paru aller un peu loin dans cette voie. Certaines des clauses qu'elle a insérées dans ses traités ont semblé contraires, soit aux termes m nies de la loi, soit au vœu du législateur, et la question s'est posée de savoir si elles s'imposaient, au même titre que les autres, au respect des tribunaux.

Quelle est la valeur des traités généraux à l'égard des auteurs? Ceux-ci peuvent-ils signer des conventions parti- culières avec les administrations théâtrales? Au cas ces conventions seraient en opposition avec les traités, lequel sérail applicable, du contrat général passé par la Société, nu du contrat particulier passé par l'auteur?

II es! certain, tout d'abord, que les traités généraux passés par la Société n'empêchent pas les auteurs de conclure avec les directeurs des arrangements particuliers, pourvu qu'ils ne soient pas contraires à l'esprit des traités généraux. Ces actes oui pour objet d'imposer aux administrations théâ- trales certaines obligations, au profil des littérateurs ; ceux-ci ne peuvent y renoncer ou eu diminuer la portée. Mais ils peuvent, par des arrangements particuliers, se réserver des avantages spéciaux : choix d'artistes, luxe de mise «mi scène, indemnités plus fortes en cas de violation du contrat, etc... Cela est admis, et prévu môme, dans les traités passés par La

iété. En d'autres termes, l'auteur ne peu! pas alléger les chs [ui pèsent sur les directions, il peut seulement les

o '

LES TRAITÉS GÉNÉRAUX

Qu'arriverait-il, si, contrairement aux statuts, un auteur signait un accord en opposition avec les traités généraux, si. par ignorance de ses droits, ou pour se faire bienvenir d'un directeur, il se dépouillait des avantages stipulés en faveur? Nul doute; le traité général primerait [accord particulier; le directeur serait mal fondé à réclamer l'exécu- tion de la convention. Cela a été maintes fois reconnu, ei même alors que le traité généra] Intervenu entre la Société et la scène intéressée était postérieur à l'arrangement consenti par l'auteur.

En 1903, M. P.-L. Fiers s'engageait h fournir le Moulin- Rouge de revues et d'opérettes, moyennant une part de •"> 0 0 sur les recettes. Or, un traité Intervenu, en 1904, entre la Société <d le Moulin-Rouge, augmenta les droits d'auteur dans cet établissement, et les porta à 7,50 0 <>. La direction «lui l'aire ses versements à la Société d'après l<i nouveau tarif en vigueur. Mais elle prétendit recouvrer sur l'auteur, lié par un conlrnt antérieur, cette majoration «le droits, dont il avait, à son avis, indûment bénéficié. Le tribunal n'hésita pas i repousser cette prétention : il décida qu'il ne dépendait pas de la direction de l'aire supporter à un auteur les char§ nouvelles qu'elle avail acceptées vis-à-vis d'un tiers, en dehors de l'intervention personnelle de l'intéressé I

Si toutefois l'auteur et le directeur étaienl d'accord, jusqu'au boni, pour exécuter un accord contraire aux Irait il es! bien certain que leur volonté serait souveraine, I pouvoir de la Société a des limites : il ne saurai! atteindre le droit de propriété littéraire de l'auteur, qui peul disposer de son œuvre comme bon lui semble. Celui-ci sérail ment responsable de son infraction aux statuts, vi de

1 Tribunal civil de Pontolte, 2 août 1904, Drotf, t

K

CHAPITRE VII

la Société, qui pourrait le frapper d'une amende, ou l'exclure de l'association : le directeur aurai! également à répondit' devant elle de son manquement au traité; il encourrait, de ce Fait, les pénalités prévues en cas d'infraction. L'action de la Société va, nous le savons, jusqu'à condamner les théâtres à fermer leurs portes, les auteurs à renoncer h la littérature. Ce sont des menaces suffisantes pour qu'on puisse dire que, même en ce cas, elle aurait vraisemblable- ment le dernier mot.

Les traités généraux n'obligent que les membres de la S iiété. Au cas ceux-ci collaboreraient avec un écrivain étranger à la Société, ils n'en resteraient pas moins soumis, en ce qui les concerne, aux clauses qui y sont inscrites ; ils auraient également le droit d'en réclamer le bénéfice pour l'œm re commune (1). Mais, s'ils cédaient à leur collaborateur l'intégralité de leurs droits sur cette œuvre, celle-ci serait soustraite, par même, à l'inlluence des traités (2).

Jusqu'en 1<SÎ)0, les traités généraux accordés par la Société des Auteurs se composaient de 65 articles : ils présentaient beaucoup d'imperfections, entre autres, celle d'être beaucoup lr<»p Ion.». En outre, une seule pénalité était prévue contre les directeurs qui avaienl contrevenu à Tune quelconque des prescriptions de ces traités: le retraitdu répertoire. Menace insuffisante, parce qu'on répugnail à l'appliquer. « Ima- ginez un code pénal, disail un auteur, <>îi une seule peine serait écrite : la peine de mort ».

En 1890, on rédigea de nouveaux modèles. Les traités furent réduits ■< quelques feuillets. Ils sont pourtant encore

rribunal <ivil de la Seine, L8 février 1891, Gazette des tribunaux, - Tribunal civil de la Seine, 1" mai 1861, Annales de la propriété indus

LES TRAITES GÉNÉRAUX

assez étendus; car tout y est prévu, jusqu'aux moindres détails (l'interprétation. On réglementa avec plus de préci sion et de rigueur les obligations des directions, quanl au contrat de représentation, el à la composition de la recette. Enfin on se préoccupa de prévoir, pour chaque infraction aux règles établies, une pénalité proportionnée : amendes au profit de la caisse sociale, pour le- fautes d'ordre général, indemnités versées à Fauteur, pour les fautes d'ordre par- ticulier; amendes et indemnités toujours acquises de plein droit, sans mise en demeure, afin d'éviter l'intervention des tribunaux. Les directeurs de théâtre obtenaient-ils une compensation quelconque a ces charges nouvelles? Aucune. Cependant ils acceptèrent sans murmurer. A quoi bon se plaindre? Ils n'avaient qu'à -incliner, ou à changerde métier.

Les traités généraux n'ont pas une durée uniforme : ils sont conclus, tantôt pour un an, tantôt pour deux, trois ou cinq ans. La tendance actuelle de la Société est plutôt de réduire cette durée, atin de ne pas s'engager pour un temps trop long, et de permettre de réaliser, sans trop attendre, les modifications qui pourraient paraître opportunes.

Parmi les scènes de la capitale, une seule échappe encore à l'action de la Société, la première de nos scènes, il est vrai : la Comédie-Française. N'ai- avons vu, sous l'Ancien Régime, l'autorité intervenir, par voie réglementaire, dans 1rs rapports du Théâtre-Français <il <l<1 l'Opéra avec les auteurs, aussi bien que dans leur administration intérieui Le théâtre de l'Opéra n'est plus assujetti aujourd'hui qu'aui obligation- spéciales auxquelles sont soumis les théâtres sun mentionnés, el qui sont inscrites dans les cahiers des i b

Seule, la Comédie-Française n'a d'être pardi -

actes de l'autorité, et reste indépendante de la S Auteurs. Il importe d'ailleurs de s'entendre wr !•• -

360 CHAPITRE Vil

la portée de celle indépendance. Si la Société n'est pas liée au Théâtre-Français par les termes d'un traité général, c'est qu'il était parfaitement inutile de sa part de prendre do- précautions contre celle scène. Les règlements qui régis- sent ce théâtre protègent suffisamment les auteurs ; ils leur Font même, au point de vue des droits qui leur sont attri- bués, une situation privilégiée. Aussi, à l'heure actuelle, l'intervention de la Société des Auteurs dans les affaires de la Comédie-Française se borne-t-ellc à percevoir, par l'entre- mise des agents généraux, les droits revenant à ses mem- bres, qui ne peuvent, aux termes des statuts, être remis directement aux intéressés.

Mais si, d'aventure, la part des auteurs venait à être dimi- Duée arbitrairement, ou si quelque règlement édictait des prescriptions contraires à leurs intérêts, la Société aurait évidemment le droit et le devoir d'agir. A qui s'en pren- dra it-»«llp? Non pas au théâtre, qui est sous la dépendance étroite du gouvernement, mais aux auteurs qui doivent obéissance au pacte social. Forte de leur adhésion, elle sau- rait certainement se faire rendre justice.

Les relations des autres scènes subventionnées avec la été sont fixées par des traités généraux ; mais ces théâtres Boni également liés vis-à-vis de l'autorité par le cahier des charges qui leur esl imposé. Ils n<i contractent donc pas en pleine indépendance, e1 ne pourraient se sous- traire aux obligations qui leur incombent de ce fait. Si une clause du traité général, accepté par leurs directeurs, se trouvait être en contradiction avec les prescriptions du cahier des <li il y aurait lieu de rapprocher les stipulations de

deui contrats, et de cherchera les concilier (1).

iy Voir Tribunal civil d [ne, 27 juin 1896, Omette des iri/nmauz,

2S ju

LES TRAITÉS GÉNÉRAUX

La lui est à peu près mu. 'IL' sur le contrai qui se forme entre auteurs et directeurs pour La représentation d'une œuvre dramatique. Elle se contente de dire que les conven- tions sont librement débattues entre eux. Cependant des contestations surgissent fréquemment, soi! a L'occasion du refus d'une pièce, soit au cours des répétitions.

Les tribunaux ont eu à solutionner ces conflits; il- onl cherché à constituer, de toutes pièces, une jurisprudence théâtrale, qui conciliât autanl que possible l«i- divers inté- rêts en présence : d'un côté, le respecl a La propriété littéraire; de l'autre, I<i- exigences du théâtre, <il les conci sions que la nécessité impose, ou que L'usage et La tradition justifient. Cette jurisprudence est restée un peu vague, par la force des choses : il était à craindre, dans L'imprécision de décisions judiciaires, parfois contradictoires, que Les auteurs, peu enclins déjà, par métier, à soutenir jusqu'au bout leurs revendications, ne subissent aveuglément Les fantaisies directoriales, i\iu\< L'incertitude <>ù il- eussent été d'obtenir gain de cause. Aussi la Société des \uteurs s'< elle efforcée de resserrer les liens, souvent flottants, qui attachaient les directeurs <l<i théâtre a La fortune des auteurs : à côté des obligations reconnues sans conteste, par la jurisprudence, à La charge des administrations théâtral elle a édicté des prescriptions plus sévères, s'étudianl ■< ne laisser dans l'ombre aucun détail : c'est un surcroît de garanties, des plus précieuses pour les auteurs, et qui - un posent au respect des tribunaux, comme les termes <l un contrat Librement conclu entre La Société el Les directeurs adhérents,

Les traités généraux réglementent |ea obi

882 CHAPITRE VII

auxquelles les directeurs son! assujettis, avant, pendant, et après la représentation d'une pièce ; il est indispensable de connaître, au moins dans leurs lignes principales, les modi- fications introduites, en celte matière, par la Société.

Les formalités préalables diffèrent naturellement, suivant qu'il s'agit d'une œuvre qui est donnée pour la première Fois, ou d'une pièce déjà jouée

Lorsqu'il s'agit d'une pièce inédite, les pourparlers entre auteur et directeur s'engageront après la remise de la pièce. La Commission de la Société a jugé nécessaire, en 1890, de réglementer d'une façon plus précise le dépôt et le retrait des manuscrits. Il importe en effet qu'ils ne soient pas égarés, qu'ils ne restent pas trop longtemps enfouis dans les archives du théâtre, immobilisant le talent et l'avenir d'un auteur, enfin <jue celui-ci ne coure pas le risque, en cas de concurrence possible avec un confrère, traitant un sujet analogue, d'être dépouillé de son droit de priorité.

Aux termes des traités, toute remise de manuscrit doit être constatée par un récépissé, destiné à servir de preuve en justice, si le manuscrit vient à être égaré. A défaut de ce document, ou de tel autre ayant même valeur, l'auteur ne pourrait, le cas échéant, obtenir plus de 150 francs de dom- mages-intérêts, puisque, au-dessus (le ce chiffre, la demande doit être appuyée d'une preuve écrite 1). Tout*1 perte de manuscrit est d'ailleurs punie d'une forte amende. Le direc- teur doit également délivrer à l'auteur un numéro d'ordre, qui établit sa priorité. Enfin il doit faire connaître sa réponse dans un délai de quarante jouis.

. en dépit de leur apparente rigueur, ne sont appliquées la lettre; l<i plus souvent, aucun récépissé

] Tribunal de i e de Nii ivril 1905, Gazette dei tribunaux s

1U juin !

LES TRAITES GÉNÉRAUX

ne sera remis à Fauteur, qui déposera d'ailleurs une simple copie de son ouvrage : les quarante jours de grâce accordés au directeur deviendront facilement des mois, ou même des années : l'auteur patientera, trop heureux, si une réponse favorable vient le dédommager (rime longue attente.

La pièce lue, le directeur es! toujours libre de la refuser : cette liberté, qui paraitsi naturelle, a pourtant été contestée un jour par un membre de la Société. En 1870, un auteur, refusé à l'Odéon, ne se résignait pas à sa défaite; il en appelait à l'opinion, et à ses confrères de la Société. Refusé au Vaudeville ou au Gymnase, <li>>;iil ce littérateur obstiné, je n'aurais rien 11 dire: mais à l'Odéon! a L'Odéon était

tenu, de par son cahier des charges, de j< r les jeunes, au

nombre desquels se trouvait le réclamant : il se considérait comme personnellement lésé par ce refus. La Société devait protester. Chose plus surprenante, sa plainte lut examin le plus sérieusement du moud»'; toutefois, le rapporteur l'assemblée générale dut conclure qu'aucune clause des sta tuts ou du traité général n'autorisait encore l'association prendre en mains la cause d'un sociétaire, et à imposer s pièces, même à l'Odéon (1). En cas de refus, le directeur n a envers l'auteur d'autre obligation <|m' de lui rendre son manuscrit sans retard.

Si la pire.' est reçue, elle doit être, aux termes des trail inscrite sur un registre spécial, avec mention du titre, du nombre d'actes, du nom de l'auteur, et d'un numéro d ordre établissant la date de la réception. Cette inscription fixe le point de dépari des délais impartis à la direction du théâtre pour monter l'ouvrage accept

Le directeur doit aussi, sous peine d'une indemnil

1 Assemblée du :; mai 1870, I

CHAPITRE VII

élevée, à versera la caisse de la Société, adresser, chaque mois, au secrétaire de la Commission, un relevé détaillé de ce regis- tiv. contresigné par les auteurs Intéressés. Cette communica- tion esl des plus importantes : en dehors de (oui avis émanant de l'auteur, elle met la Commission à même de vérifier si le théâtre intéressé est bien en règle avec elle, et de faire toucher, le moment venu, les droits sur les représentations données. Elle a encore une autre utilité : c'est de constituer à Fauteur une preuve formelle de la réception de sa pièce, la seule même qui lasse foi auprès de la Commission. A tous ces points de vue, il a donc le plus grand intérêt à s'assurer que la notification prescrite a eu lieu.

Cela ne veul pas dire cependant que les formalités qui précèdent soient nécessaires pour sauvegarder les droits de l'auteur en justice. Il restera libre de prouver la réception de 8a pièce par tout document écrit, lettre, télégramme. Maintes décisions <>n( été rendues en ce sens (1).

Lorsqu'il s'agit simplement d'une reprise, les formalités

qui précèdent n'ont plus de raison d'être : il suffit que

l'auteur consente h la représentation de sa pièce. Pour les

nés de Paris ou de l'étranger, l'autorisation requise sera

l Voir notamment, Tribunal civil de la Seine, 27 novembre 1903, Le Droit,

invier 1904.

\ ii suite «l'un entrefilet paru dans un journal, el annonçant une nouvelle

oeuvre d'Ibsen, Quand nous nous réveillerons d'entre les morts, le théâtre du

demanda au comte Prosor le privilège d'une traduction française

de cette pièce. Il y eut échange <!«• télégrammes, formanl contrat. La pièce

lue, ii nouvelle oeuvre d'Ibsen ne rencontra qu'un maigre enthousiasme chez

directeui e, qui s< refusèrenl â la jouer, alléguanl qu'ils ne

rormellemeul acceptée.

Le tribunal, - ûsi «l«- l'affaire, jugea que l'article des traités généraux, qui

plus fréquent, celui un auteur apporte son manuscrit,

d'autres modes de réception; <il|r l'article relatif à l'envoi «lu

bull< une obligation au directeur, non <i L'auteur;

l'auteur Bur le bulletin es1 prescrit, c'esl dans l'in- I «lu directeur, non de I auteur. Le contrat avuit donc pu se l'uriner YttlûMeuieut, en «Jei. ii. Otublies par la Société.

LES TRAITÉS GÉNÉRAUX

donnée par l'auteur lui-même, suivant un modèle arrêté par la Commission; elle sera visée par l'agent général. L'auto- risation ne serait pas valable si elle était donnée par un éditeur ou mandataire quelconque, auquel l'auteur aurait cédé >ii> droits. 11 résulte, en effet, d'un.' décision prise par la Commission, en 1880, que les nul. mu-- ne peuvent « donner à des intermédiaires les droits qu'ils <uit aban- donnés à la Commission, et confiés aux agents généraux, et qui sont la raison même de l'ass< ciation I .

Les scènes de province, non- le savons, n'ont |»;<- à justifier du consentement exprès de l'auteur; elles sont tacitement autorisées à représenter les œuvres des membres de la Société, en acquittant les droits stipulés dans les actes d'engagement.

Il y a deux catégories d'oeuvres qui peuvent être repré- sentées librement dans tous les théâtres : les pièces du répertoire, et les pièces tombées dans l<4 domaine public.

Lorsqu'une pièce a été' représentée, une première fois, dans un théâtre, il était naturel d'admettre qu'elle pûl \ être donnée à nouveau, quand il plairait au directeur, et même que l'auteur ue j»ùl la faire représenter ailleurs, sans susciter en quelque sorte une concurrence déloyale. Mais il importail que l;i Société des Auteurs limitât étroitement ce privilèj et que les directeurs ne conservassenl pas inutilement, et pour un temps fort long peut-être, la jouissance exclusive d ou- vrages, dont il- s'abstiendraient de tirer parti.

Lor> de la rédaction des nouveaux traités, en 1890, l< Commission a établi que, pour qu'une pièce fût considt : comme étant encore au répertoire d'un établissement, il fallait qu'elle eût été donnée dix soirs de suite, dans I i de 365 jours. Sinon, l'auteur en reprend la libre disp< ûtion

1 Annuaire 188%

CHAPITRE VII

La loi de 1866 a limité la durée du droit de propriété littéraire à cinquante ans après la mort de l'auteur. A l'expiration de ce délai, tout directeur de spectacles peut donc représenter les enivres tombées dans le domaine public, sans avoir d'autorisation à demander, soit aux héritiers de l'auteur, soit aux agents généraux de la Société.

Lorsqu'un directeur accepte une œuvre inédite, il se forme, entre lui et l'auteur, un contrat de représentation comportant des obligations réciproques, que la Société s'est efforcée de définir et de préciser dans ses traités.

L'auteur n'a d'autre obligation, vis-à-vis du théâtre il es! joué, que de fournir des copies des rôles, et de garantir la paisible jouissance de son œuvre. Ainsi, il ne pourrait laisser représenter sa pièce sur une autre scène de la même ville. Il n <ii es1 pas de même pour la banlieue, à Paris. Les traités généraux contiennent à cet égard la réserve suivante :

Les ouvrages appartenant à un théâtre de Paris pour- ront, sans avoir cessé de taire partie de son répertoire, être représentés sur les théâtres placés, avant et depuis l'an- ,"'xl"n- dans le rayoD de l'ancienne banlieue, sauf aux directeurs à se conformer aux délais d'usage et à obtenir le consentement des auteurs » (1).

'•" théâtre, au contraire, a, vis-à-vis de l'auteur qu'il

représente, de nombreuses obligations : la première, qui

prime toutes les autres, c'est de le jouer, et, si possible, sans

trop le faire attendre.

' ' jurisprudence théâtrale admettait qu'une pièce devait

emblée générale du 28 mai 1868, Annuaire ihcs-

LES TRAITÉS GÉNÉRAI \

obligatoirement, et sauf certaines dérogations «lu tre

représentée à son tour, suivant La date de sa réception.

Mais aucun délai n'était fixé. Il <iu résultait que lesdi teurs restaient libres décommander etde recevoir un grand nombre de pièces, sans èlre engagés à autre chose qu'à ne pas intervertir leurs ran^-.

La Société des Auteurs est allée plus loin. Elle 8 établi, en principe, que toute pièce reçue doit être jouée dans un délai variant de quinze mois à deux ans, après sa réception. vi elle n'est pas représentée en temps voulu, le contrai est rompu de plein droit, et sans mise en demeure : une indem- nité, qui varie suivant retendue de L'ouvrage, es! acquis* rauteur, sans autres formalités. La stipulation est parfaite- ment valable ; les tribunaux ne se sont jamais refus* L'appliquer rigoureusement (1). Une offre tardive, faite en cours d'instance, ne saurait arrêter L'effel de cette clause pénale (2).

Mais le dédit convenu dispense l<v directeur de toute autre obligation : il ne saurait être tenu de jouer h pièce contre son gré (3). L'auteur est d'ailleurs libre, bien que ce droit lui ait été contesté, de stipuler, par convention particulière, un délai plus court, qui s'imposera de m ime au directeur (4). Il peut également convenir d'un dédit plus élevé que celui qui est porté au traité général.

Toutes ces précautions <>nt pour objet de prévenir I encom-

1 Cour de Paris, 26 août 1858, Annuaire de la propriiU induttriei 393 : Tribunal de commerce de la Seine, 23 juin ' - page 192; L3 juin 1888, Gazette <!>>< tribunaux, 30 juin 18*8; rribunal l.i Seine, L6 février 1903, Le Droity 17 avril i

i Cour de Paris, i'~ août L861, Annalex de ta />< y page 269.

(3, Tribunal civil de 1 - décemb

9 décembre.

I Cour de Paris, i' avril 1870, Annales de la \ page 13 : Tnbuu.il civil de ta & ine, % jan

CHAPITRE Vit

bremeni des manuscrits, que les directeurs acceptent souvent à la Légère, sans trop se soucier des responsabilités qu'ils assument. Il faut d'ailleurs avouer qu'elles constituent pour les auteurs, au moins en ce qui concerne les grandes scènes, une menace utile, plutôt qu'une arme de combat. Beaucoup hésiteront à user des rigueurs du code théâtral, au risque de s'aliéner définitivement les sympathies d'un artiste ou d'un directeur influent.

C'est ainsi qu'on voit sortir, au bout de trois ou quatre ans, souvent bien davantage, des œuvres notoirement accep- tes depuis un temps fort long. Les auteurs ont rempli toutes les formalités : ils ont parfois entre les mains des traités stipulant, en cas de retard, des indemnités énormes, auxquelles ils n'ajoutent pas plus foi que les directeurs qui les ont promises. Ils préfèrent patienter, sachant que le théâtre est à ceux qui savent attendre.

Quelquefois des motifs plausibles excuserontecs atermoie- ments : nécessités de mise en scène, difficultés d'interpré- tation. Plus souvent, la mauvaise volonté d'un directeur, guidé par son caprice, ou par l'opinion du moment, sera la cause du retard.

Ce mauvais vouloir est plus abusif encore, et plus préju- diciable a l'auteur, lorsqu'il se manifeste au cours des répétitions. Le travail préparatoire de la représentation «>l commencé : brusquement, le directeur renonce à risquer la partie. Lorsqu'il y a sans raison valable, interruption d^< répétitions pendant plus de trois mois, 1rs traités généraux stipulent, au profil de l'auteur, une Indemnité double de '••Ile qui est prévue pour !<■ cas précédent.

En 1901, M. Kistemaekers se prévalait de cette disposi- tion. Il portail plainte contre M"" Sarab Bernhardl qui avait il motif plausible, les répétitions de sa pièce Marthe.

LES TRAITÉS GÉNÉRAUX

En vain la grande artiste prétendit-elle voir, dans les hommages don ( l'auteur l'avait entourée, à son dépari pour l'Italie, dans un bouquet de (leurs qui! lui avait adressé, un consentement tacite à cette interruption : elle lui condamnée à lui payer 6,000 francs de dommages-intérêts I

Mêmeconfliten 190i, entre M. Jean Aicard el M. Franck, directeur du Gymnase, ;i propos d'une pièce en quatre aci Benjamine, dont M""' Le Bargy devait être la principale interprète. L'artiste se refusa, pour de- considérations d'ordre personnel, à jouer dans la pièce. Le directeur allégua inutilement qu'il ne pouvait être responsable «le celte défaillance, que l'auteur se trouvait en présence d'un cas de force majeure. 11 dut verser un dédit de 10,000 francs, stipulé par convention particulière 2 .

Qu'advient-il des pièce- reçues dans un théâtre, quand l'établissement change de direction ? Les manuscrits -<>n t-i N rendus aux intéressés, <>n le nouvel occupant est-il tenu de monter les pièces eu souffrance, quelles que soienl ses convenances particulières? La question était discutée: la jurisprudence inclinait cependant à décider, qu'en l'absence d'une clause insérée dan- l'acte de cession, eu faveur des auteurs intéressés, le nouveau directeur n'étail pas obi de les jouer. De fait, quand on achète une maison, un terrain, on n'a pas l'habitude de prendre ;i -«ni compte le- dettes personnelles de son vendeur.

La Société s'est •mue de cette situation. L'auteur, en plu- -,i pièce. ;i faire souvent de longues el laborieux démarches pour la faire accepter : peut-être a-t-il escomj les recettes à venir ; va-t-il échouer, au moment d'entrer au

l Cour de Paris, 31 octobre 1901, Gazette des '■ ■i Tribunal <l- commerce de la & ioe, 9 n..\. m 13 décembre 1901.

370 CHAPITRE VII

pori ? La Société a préféré imposer au nouveau directeur les choix de l'ancien. Sans doute, elle n'a pas dit que les manuscrits devaient être assimilés à des immeubles par des- tination, qu'en achetant le local, on achetait aussi les car- tons. Mais, par une clause de ses traités, elle a imposé aux directeurs l'obligation d'exécuter les engagements pris par leur» prédécesseurs. Pour se soustraire à cette clause, ils ne pourraient objecter leur ignorance, ou des conventions contraires (1).

Cette solution est légale, avantageuse aux auteurs : elle peut paraître moins agréable aux directeurs, qui recueille- ront ainsi des successions obérées, et seront parfois obligés de monter des pièces qui choquent leur goût, leurs préfé- rences artistiques.

La règle souffre d'ailleurs des exceptions. Il y a quelques années, M. Guitry, succédant à M. dernier, au théâtre de la Renaissance, rendait aux auteurs, par autorisation spéciale de la Commission, toutes les pièces reçues par son prédé-

>seur.

Peu de temps après, M. Antoine, qui venait au théâtre de l'Odéon, avec un programme tout nouveau, se voyait condamnera faire honneur à la signature de M. (linisty.

Lorsqu'un directeur a accepté de monter une pièce, il devienl l'associé naturel de l'auteur; tous deux collaborent 6 une œuvre commune, égalemenl préoccupés de mettre l'ouvrage «-n valeur, ei d'en assurer le succès. Normalement, il n<- s'élèvera pas de difficultés, entre l'administration du théâtre el l'auteur : cependant il se pourra que le directeur

87, Dalloz, Pandectes, 89, 2, 109.

LES TRAITÉS GENERAUX

ne joue une pièce qu'à contre-cœur, désireux seulement de s'acquitter d'une obligation, sans risquer une mise ti importante, ou qu'il veuille imposer aveuglément ses volon à l'auteur. La Société s'esl efforcée de définir !••- devoirs du directeur, de telle sorte que L'auteur ail toujours 1<- dernier mot, dans la direction artistique de L'entrepri

Parfois, la pièce nécessitera des frais spéciaux de mise en scène, ou le concours de certains artistes paraîtra néces- saire : il faudra faire des engagements, en dehors de la troupe ordinaire du théâtre : que d'oeuvres, aujourd'hui, son! mises à la -crue, sous condition expresse que l«'l artiste j figurera, quand elles ne sont pas faites exclusivement pour lui. Ces cas particuliers nécessiteront des conventions spéciales entre les parties en cause : les traités généraux ne pouvaient obliger les administrations théâtrales à subii cet égard, les exigences de l'auteur, quelque justifn qu'elles pussent paraître.

Les traités généraux réservent aux auteurs La distribution des rôles, en premier et en double. Si cette distribution pi sente quelque difficulté pour l'administration «lu théâtre, ils s'entendront avec elle à L'amiable; si L'entente est imp< sible, il- nommeront des arbitres. Lorsqu'il est nécessaire, par l,i suite, de faire nue autre distribution, L'administration doit se concerter avec les auteurs. Au cas elle conti viendrait à l'une quelconque des obligations qui Lui sont imposées à cet égard, l'auteur, aux termes des traités, pour rail retirer sa pièce, et recevrait en outre une indemnité.

L'auteur a Le droit d'assister aux répétitions de m pi pour surveiller Le lravi.il des artistes : c'est môme p ". Lui un devoir, sinon une obligation. Nul autre ne peut .1 ailleurs \ être admis, sans Le double consentement de I auteur et l'administration. Cette dernière claua miroàu

372 CHAPITRE VII

en 1890, à la suite d'un conflil survenu entre la Société et le directeur de l'Ambigu, qui avait imaginé de distribuer dans le public des cartes permanentes, donnant droit d'entrée à toutes les répétitions. Cette combinaison ingénieuse, dont on use couramment dans certains music-halls, parut préju- diciable au travail de mise au point qui s'accomplit pendant les répétitions. La Société crut devoir l'interdire en principe. L'auteur a de môme le droit d'assister, sur la scène, à toutes les représentations qui sont données de sa pièce. Jusqu'à la fin, il doil être maître de la direction artistique de l'interprétation.

La principale obligation qui s'impose au directeur est de rémunérer l'auteur. La rétribution allouée comprend ce qu'on appelle communément, au sens restreint du mot, les droits d'auteur, c'est-à-dire un prélèvement effectué chaque soir sur la recette ; elle comprend aussi un certain nombre de billets, délivrés à l'auteur, pour chaque représentation de sa pièce.

I h auteur joué dans un théâtre a droit, en outre, à une ou plusieurs entrées dans cet établissement, valables pour une certaine durée. Le nombre el la durée de validité de ces entrées, qui varient, suivant le nombre ei l'étendue des œuvres du même auteur représentées sur la même scène, son! déterminés par les traités généraux. Bien qu'on le

mprenne parfois dans les droits d'auteur, cet avantage, rl"i étail déjà prévu dans les plus anciens règlements buis pour li Comédie Française ou l'Opéra, doit être considéré plutôt comme un acte de simple courtoisie

' bal de manuscrits, qui étail de règle du temps de ' rneille, est aujourd'hui défendu par la Société. Ce mode

LES TRAITES GKNRH \\ \

de paiement était en effet un procédé trop facile d'exploita- tion des auteurs. Le directeur qui achèterait, ou ferai! acheter par un intermédiaire, une œuvre ancienne ou moderne, serait passible d'une amende 1 .

Les droits en argent perçus par la Société consistent tou- jours en une part prélevée chaque soir sur la recette brute, et portant sur tous les éléments de recette assujettis au droit des pauvres. Dans le cas cet impôt serait supprimé, ou exerce dans des bureaux séparés, la part des auteurs serait augmentée d'un dixième.

Les droits d'auteur sont parfois li\«i-. mais généralement proportionnels à la recette.

Les théâtres de Paris sont (mis aujourd'hui soumis au droit proportionnel.

Jusqu'en 1870, l'Opéra faisait exception. Lu décret «lu H) décembre 1860 iixail les droits d'auteur o ''»<><) francs par soirée. Lorsque ce théâtre cessa d'être soumis, dans sou administration intérieure, aux décisions de l'autorité, la Société s'empressa, dans le traité qu'elle imposa a cet i blissement, de stipuler un tant pour cent sur les recettes.

Théoriquement, tout au moins, les prélèvements de la Société dans les différents théâtres sont très variables. Pour les établir, celle-ci doit eu effet tenir compte d'un grand nombre de données : situation, importance du th charges financières, affluence du public pria des plac< I pratique, les variations ne sont pas aussi sensibles <|n pourrait le supposer, car la Société s une tendance I naturelle à établir certaines moyennes, asseï él de

façon à exiger tout ce qu'elle peut raisonnablemenl lir

(1) Tribunal civil .!•

1869,

CHAPITRE Vil

Dans les théâtres de Paris, le taux de la perception oscille entré 8e1 18 0 0.

Les auteurs sont particulièrement favorises au Théâtre- Français, le M'iil qui leur paie 15 0/0, en vertu du règlement du 18 novembre 1859, qui régit cette scène. Mais il faut remarquer que la Comédie-Française, dont la situation est d'ailleurs spécialement prospère, ne verse, à la différence de tous les autres théâtres sauf l'Odéon aucune rede- vance sur le domaine public, qu'elle est chargée de faire valoir. C'est un privilège important.

La plupart des grandes scènes de Paris versent 12 0/0 à la Société iU>> Auteurs; il en est ainsi de l'Odéon, du Vaude- ville, (\u Gymnase, des Variétés, des Nouveautés, du Théâtre- Antoine.

Les théâtres à spectacle, tels que la Porte-Saint-Marlin, la Gaîté, ne paient que 10 0/0 : les scènes à grand spectacle Châtelet, Opéra), 8 0/0.

Malgré les fortes recettes que réalise l'Opéra (en moyenne de 1"> à 22,000 francs), il a grand' peine, même avec l'ap- point de la subvention dont il bénéficie, à couvrir ses Irais, qui soni énormes. Cela n'empêche pas d'ailleurs l'auteur ,l'\ réaliser avec le 8 0/0 des bénéfices plus considé- rables que partout ailleurs.

Les théâtres des boulevards extérieurs ne versent égale- ment que 8 0 0 à la Société.

lu province, ainsi que dans les pays <h' langue française ef dans les colonies, les droits d'auteur varient entre 3 et 6 0 0. Il- -on! généralement établis à 5 ou 0 0/0. Les pièces de création récente soni exceptées «le la loi commune: les nouveautés de la capitale fie s'obtiennent qu'à un prix beau- coup plus fort, sans compter la prime exigée souvent au profit du directeur qui la détient dans son répertoire,

LES TRAITÉS GÉNÉRAUX

A L'origine, les music-halls et cafés-concerts de Paria payaient seulement, par abonnement mensuel, un droit fixe, d'ailleurs Tort minime. En 1869, l'Eldorado versai! dix francs par soirée à la Société, l'Alcazar vingt. Encore ver- saient-ils de fort mauvaise grâce. Ils ne tardèrent pasà perdre ce privilège, que rien ne justifiait, et furent soumis pr - sivement au droit proportionnel. Mais La Société des Auteurs devait se garder d'établir un tarif trop élevé, si elle ne vou- lait pas contrarier les perceptions faites, d'autre part, dans ces établissements, par In Société des Compositeurs de mu- sique, pour les chansonnettes et saynètes. Aussi lut-il sti- pulé que le droit perçu serait réduit à 2 I 2 0 0, quand le programme ne comprendrait qu'un ;id<i ou deux tableaux du répertoire de la Société dramatique, à •"> <> 0, pour deux actes ou quatre tableaux, à 7 I 2 o 0, pour trois actes ou six tableaux : il serait de 10 0 0, pour quatre actes el au-dessus.

Les directeurs de cafés-concerts s'efforcèrent d'échapper à l'application de ces règles, en affichant, comme pièces en deux tableaux, des piècesqui avaient au moins la valeur <!■• deux actes.

Aussi fallut-il spécifier que les tableaux qui seraient séparés par le baisser du rideau, ou pour lesquels le décor aurait été changé, ceux enfin dont la durée excéderait qu rante minutes de spectacle, seraient comptés comme deux actes séparés il).

On a reproché à la Société des auteurs son attitude vi vis des cafés-concerts, l'accusant dune indulgence coupable à leur endroit.

Que l'Odéon fasse précéder une pièce d'une causera paye un conférencier célèbre, écrit M. Forest, laS '• des

: Usemblé le du 3 mai MZ, A

CHAPITRE VII

Auteurs applique son tarif maximum. Que la Scala lasse précéder la Hérite à Poivre, el surtout hgros sel, de quelques gargouillades pornographiques, la Société des Auteurs, saisie de respect, réduit le taux de sa perception » (1).

L'auteur de l'article néglige de dire que ces gargouillades sont imposées par la maison d'en face, parla Société des Compositeurs de musique. La Société des Auteurs ne pou- vait faire peser, sur les cafés-concerts, des charges plus lourdes, sans risquer de susciter, entre les deux associations un nouveau conflit plus violent, et de pousser les directeurs de ces établissements à s'affranchir de l'un de ces deux jougs, peut-être des deux.

Cela est si vrai, que, loin de pouvoir imposer davantage les music-halls, la Société des Auteurs a songer, dans ces derniers temps, h restreindre ses prélèvements.

Elle s'est inquiétée du taux exagéré auquel étaient sou- mi- ces établissements, qui, par suite de leur double traité avec la Société dramatique et la Société lyrique, arrivaient parfois à paver 1(»0 o par soirée, prix évidemmenl excessif. Une sous-commission, nommée en 1905, a travaillé à établir une unification telle, que l<v> droits versés par ces établisse- ments aux auteurs ne dépassent pas 12 0/0 par soirée.

La prospérité <\<>> music-halls dont M. Forest semblait rendre la Société des Auteurs responsable, tient, an reste, 5 des causes générales, qui échappent à l'influence d<> l'associa- tion. Cette Influence fût-elle possible, qu'il ne lui appartien- drait pas de témoigner, dan- ses traités, sa sympathie pour genres de spectables, son antipathie pour d'autres, le n'est pas de favoriser certaines scènes, <m désar-

/• Monopole de Autew et l'avenir de m, in- art (Irnmaiifjur, page :îo, juin et 1" juillet 1904

LES TRAITÉS GÉNÉRAI \

mant les autres par des tarifs prohibitifs, mais seulemenl de prélever, dans tous, la pari équitable des auteurs.

Lorsqu'un spectacle comprend la représentation de plu- sieurs œuvres, les traités généraux arrêtent la répartition des droits entre les auteurs intéressés, suivant l'étendue des diverses œuvres. Rappelons qu'en vertu d'une décision prise en 1894 par la Commission, el qui est loin d'être a l'abri de toute critique, les levers de rideau, dans les théâtres de boulevard, ne rapportent qu'un droil de I <> 0, avec maxi- mum de 10 francs par soirée.

Au cas un spectacle comporte la représentation de plus de quatre pièces, il esi perçu pour chaque pièce en plus, un droil égal au quart des droits portés au traité.

Les droits d'auteur sont dus pour toute représentation, de quelque nature qu'elle soit, qu'il s'agisse de représentations extraordinaires, de spectacles de bienfaisance, ou à béné- fice, ou de soirées de gala, que les prix habituels du Ile tre soienl réduits ou augmentés. Cela veut dire seulemenl que la Société des Auteurs entend faire la charité parelle- même ; car, dans bien des cas, les auteurs renonceront spontanément à tout <>u partie des droits qui leur revien- nent.

Mais ils veulent rester maîtres de leurs générosités : cette précaution esi particulièremenl nécessaire, en un temps l'on fait le plus étrange abus des représentations a bénéft i l'est une politesse qu'on prodigue ô la légère, - ma préoccuper, ni de la fatigue des artistes, auxquels on I appel, ni des intérêts des auteurs, dont on réquisitionm - tuitement les œuy res I

i Citons cette plaisanta circulaire due a I

tics djynk- auxquellei po l'obligeait

CHAPITRE VII

Le nombre et la qualité (1rs billets qui sont dus à l'auteur, pour chaque représentation de sa pièce, sont déter- minés dans un tableau annexé aux traités généraux. Dans les principaux théâtres de Paris, il en est délivré, tous les soirs, à Tailleur, pour une valeur d'environ 100 francs. Le nombre '•n es1 triplé pour les deux premières représentations. Les porteurs de ces billets doivent être placés dans les mômes conditions que les porteurs de places achetées aux guichets.

Dans les théâtres de quartier, à Paris, on ne délivre pas de billets d'auteur; mais la Commission exige, par contre, un minimum de droits pour l'auteur, quelles que soient les recettes de la soirée.

Quatre billets d'auteur sont obligatoirement délivrés, tous les soirs, dans toutes les scènes de province ; mais ils sont vendus au profit des correspondants delà Société, dont ils constituent la rémunération.

Le principe de ce supplément de rétribution alloué à I auteur est malaisément justifiable. Sans doute, on com-

Cabikei de If. COI RTEL1NE Paris, le 4 novembre 1902.

Abandons de droits Monsieur,

En réponse à La Lettre par Laquelle fous voulez bien m»- demander l'abandon <l<'s droits me revenant sur La représentation du Client sérieux donnée Le ± couranl â li Balle Wagram, j'ai L'honneur <l<- vous informer qu'il m esl impossible, â mon grand regret, de donner suite .1 \ otre requête.

Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations empressées.

Pour M. Courteline, l.r Directeur <iu service des abandons de droits, Griaooi .

dedroil m entis par M. Courteline au 1" janvier 19Q1 :

LES TRAITÉS GÉNÉRAUX

prendrait sans peine que l'auteur pût donner accès amis, aux représentations de sa pièce, qu'il eût le droil de disposer à cet effet d'un certain nombre d'entrées. Mais le nombre des billets qui lui sont remis es1 hors de proportioa avec ce désir fort légitime : les place- ainsi délivrées seront donc vendues, et constitueront, pour l'intéressé, un bénéfice complémentaire. Ne serait-il pas plus simple, plus digne de la part des écrivains, d'augmenter franchement l«i- droits en argent, si vraiment ils les trouvent insuffisants, plutôt que de les accroître, par un moyen détourné?

La combinaison se justifie encore moins, si, du principe, on passe à la pratique. L'auteur reçoit, pour chaque soin un certain nombre de places. Mais il faut qu'il s'en qu'il trouve acquéreur. A qui les vendre? Le voilà bien embarrassé. La Société le fut également, ei les décisions successives prises par les commissions mais montrent leurs incertitudes.

Le premier geste de l'auteur fut de les rendre au directeur (jui les lui offrait moyennant finances, l>i''n entendu. Ainsi le chèque, tiré par l'auteur sur son directeur, ue lai sait pas un long voyage : il revenait de suite 6 celui qui l'avait émis. Spectacle assurément comique : peu édifiant d'ailleurs, car l'administration rachetait, pour un morceau de pain, ce qui avait une valeur assez considérable.

La Société crut devoir se défendre contre ces vente* rabais, d'abord en fixanl un prix minimum pourcetle réti cession, puis en interdisant, d'une façon absolue, !«• rachat par le> directeurs ou leurs employés I , \ qui céder les billets d'auteur? Un intermédiaire s'offrit : un< située à quelques pas des locaux de la Société, et qui, si ell

(1) Voir les Béancea de la Commission du 11 juin I88Q. du '

Annuaire. f$8$i 1

CHAPITRE Vil

n'en e>t pas une annexe, comme on la dit, est du moins une maison voisine, qui sollicite fauteur en peine.

Cette maison esi actuellement en relation avec tous les auteurs de la capitale : son monopole, <il n'est pas, comme celui de la Société, défendu par des clauses sévères, n'en est pas moins établi. Tout dramaturge, dès sa première pièce jouée, se présente à la Société : en sortant, il se rend à l'agence qui prendra ses billets s'il n'y est pas allé aupa- ravant.

L'agence achètera les 100 francs de billets contre DO francs, qu'elle remettra à l'auteur. Los places seront vendues direc- tement an public, en dehors, et en face menu» des bureaux officiels du théâtre, par la horde des marchands, qui assail- lent le passant, au cri traditionnel : « Moins cher qu'au bureau! : cela, s<>u>> les yeux de l'administration théâtrale, impuissante à prolester la signature qu'elle-même a apposée sur les coupons.

Situation anormale et choquante, dont tout le monde souffre : le théâtre, qui est amené à installer à ses portes une concurrence officieuse et dangereuse; les auteurs, qui entretiennent inutilement ces intermédiaires, et dont l'œuvre esi parfois dépréciée par le prix dérisoire auquel tombenl ces billets - car le- écarts du prix de vente sont comme une mercuriale du succès de la pièce le public enfin, qui s'irrite sourdement des rabais qu'il entend offrir

autour de lui. el qui. parfois, en cas de grand succès, est

livré sans défense à de- intermédiaires, qui lui font payer cher la chance d'avoir un fauteuil. Les administrations théâti paiement lésées parées trafics: mais elles

-ont impuis* intes 6 le- entraver, In jour, le directeur de

I Opéra Comique prit sur lui de refuser au contrôle de- per-

munies de lullei- achetas chez un intermédiaire,

LES TRAITES GÉNÉRAUX

assigné en justice de paix, il Invoqua le préjudice que de telles combinaisons lui faisaient subir, ainsi que les ordon- nances de police interdisant le commerce des billets de théâtre. Il ne laissa pas d'être condamné à restitution I

Sans doute, les marchands ne vendent pas seulement les billets d'auteur : d'autres pla onl souvent mises en i ir-

culation parle théâtre lui-môme, <jni. dans les moments de gêne, concède à des prêteurs un certain nombre * I « * coupons, pour chaque représentation. G'esl l'administration qui esl en faute ici, et non plus la Société. Mais la situation n'es! pas la même dans les deux cas : une administration, qui traverse une .crise financière, est excusable de recourir, momentanément, à un procédé, <jui esl injustifiable, lors- qu'il devient, pour les auteurs, un subterfuge parfaitement inutile. Que la Société des Auteurs donne l'exemple, et sup- prime, en ce qui la concerne, un abus Fâcheux; elle aura beau jeu, après cela, ;• démontrer que le mal vient surtout du théâtre lui-même, et, au besoin, elle pourra y remédier par une clause insérée dans ses traités. S m pouvoir n est-il pas, de ce côté, presque illimité ?

Miiis elle montre, au contraire, en cette matière une obstination, que ne sauraient légitimer les services indivi duelsj cl d'un ordre plus intime, que l'agence en question a rendus, et rend encore à beaucoup d'écrivains. S i-t-elle j été jusqu'à repousser l'offre qui lui fui faite récemment j un théâtre, de payer directement aux auteurs l,|n fnun 5, au lieu des 50 qu'ils obtiennent, et de débarrasser les abords de la salle des trafiquants importuns? Il esl vrai que cette administration, représentée par M S B q hardi, prit

Bur elle, un jour, de s'affranchir de ce tribut humili

i Gaiette de* tribunaux, 13 Qovembr»

CHAPITRE VII

elle traita directement avec un auteur, et lui racheta ses billets : la Société s'inclina devant le fait accompli.

Ajoutons que le conseil municipal de Paris s'est ému der- nièrement de cette situation ; il recherche actuellement les moyens de couper court au trafic des billets.

La Société des Auteurs a été beaucoup plus loin, en une matière elle semble avoir pris ouvertement parti contre la loi. Dans le régime auquel est soumis actuellement le droit d'auteur, et qui date de 1866, l'écrivain jouit, jus- qu'à sa mort, du revenu de ses œuvres ; après lui, ses héri- tiers "ii ayants droit en jouissent pendant cinquante ans. Cette station parait des plus libérales, quand on la rapproche du privilège reconnu aux inventeurs, dans le domaine indus- triel. <t qui n'a jamais effet au delà de quinze ans.

La Société i\<>> Auteurs a jugé pourtant cette survivance in- suffisante : de par sa volonté, les droits des héritiers directs m se prescrivent pas : lorsque la descendance directe s'est éteinte, elle se présente à sa place pour recueillir la succession.

Les membres de la Société profitèrent d'abord individu el- lement de cette vocation successorale de l'association. Dans le traité conclu, en 1838, avec le Gymnase, il était porté, en premier lieu, que les droits des héritiers ne se prescriraient plus; d'autre part, que, lorsqu'un spectacle réunirait des œuvres modernes, et des œuvres tombées dans le domaine public, les auteurs auraient, «mi plus de leur pari ordinaire, un quaii de la recette.

Bientôt, la Société se substitue à ses membres. En 1840, dans -"ii traité avec M. Crosnier, directeur de l'Opéra- Comique, la Commission stipule, pour les pièces du domaine public, l«' versement & la caisse sociale d'un quart des droits dus aux auteurs vivant-.

LES TRAITÉS GÉNÉRAI \

En 1856, elle est plus exigeante. Elle demande a M. I valho, directeur du Théâtre-Lyrique, de renoncer entière- ment à la gratuite sur le domaine public : M. Carvalho, « convaincu, dit le texte officiel de la convention, «I»' l'équité et de la convenance de cette demande », signe l'accord sui- vant :

« Toutes les fois que, dans la composition du spectacle, il entrera un ou plusieurs ouvrages, dits du domaine public, les agents généraux de MM. 1»>> Auteurs percevront, sur la recelte, une somme égale au droit qui serai! alloué sut ouvrages, s'ils appartenaient à des auteurs vivants.

Ces droits seront remis aux héritiers en ligne directe, -il •H existe; à défaut, ils seront versés à la caisse de secours des auteurs » (1).

L'obligation imposée au Théâtre-Lyrique lui bientôt étendue aux autres scènes; I»1 24 juillet ISTi. la Socii décréta que les agents généraux prélèveraient, pour les œuvres du domaine public, le même aombre de billets <|U'' pour les pièces modernes.

Tous les traités concernant les théâtres de Paris portenl aujourd'hui la clause suivante :

« La part proportionnelle des auteurs esl fixée a ... 0/0 -m' la recette brute, quelle que soi! la composition du spectacle... Il esl expressément convenu que la pari prop< tionnelle ci-dessus fixée y esl stipulée à forfait, el app tiendra exclusivement et intégralement aux membres de la Société des Auteurs, quelle que soit la ci mposition du spectacle, et quand bien même ce spectacle se composerait, en tout ou <iu partie, d'œuvres dites du domaine public... M en sera de même en ce qui concerne le droit des billets

1 Annuaire I8C9, p. 339, en note.

s . CHAPITRE VII

Dans la convention intervenue avec M. Carvalho, la Com- missioD se justifiait de celle innovation, déclarant s'être abstenue jusqu'alors d'élever le taux de sa perception au Théâtre-Lyrique, en considération de la réforme qu'elle comptait réaliser au sujet du domaine public. Explication peu probante. Si La Commission avait négligé jusque-là d'aug- menter les droits d'auteur, soit au Théâtre-Lyrique, soit ail- leurs, c'est sans doute qu'elle n'avait pas cru pouvoir le faire, sans se heurter à des protestations trop vives. Aurait- elle attendu sans cela si longtemps, pour réformer une légis- lation insuffisamment favorable aux écrivains, alors que les lois antérieures à la loi de I8"ii limitaient plus étroitement encore le droit de propriété littéraire? Non ; mais, alors, la S ciété, surveillée par ses adversaires, malmenée parfois devant bi> tribunaux, n'avait pas voulu revendiquer des successions aussi douteuses. Elle n'avait dévoilé ses préten- tions, que du jour elle s'était crue assez forte pour vaincre toute résistance.

Cependant la décision prise |>ar la Commission était em- preinte d'une apparente générosité : prolonger les droits (\r^ héritiers, et, Lorsque ceux-ci ont disparu, leur substituer une

sse de secours, ouverte aux écrivains « qui n'ont laissé à 1 « 1 1 1- famille qu'un nom dont le public ^<i souvient, et nue misère qui l'indigne . a'était-ce pas, malgré tout, un beau ' \ sûrement, el Ton serait presque tenté de penser que les directeurs auraient du le faire d'eux-mêmes : en faisant [ rte .> leur place, la Commission, à l'entendre,

om plissait un devoir, un devoir de conscience, sinon Je simple équité :

Il es! <ln devoir rigoureux delà Commission, disait-on, d'assurer, par tous les moyens possibles, la perpétuité de la propriété littéraire, aui héritiers des auteurs dramatiques,

LES TRAITÉS GÉNÉRAUX

et de ne pas souffrir que leurs œuvres soient, même à défaut d'héritiers, une proie abandonnée, à titre gratuit, au premier

occupant » (1).

Les premiers occupants, c'étaient les directeurs, exploitant .1 leur profit le domaine public Littéraire, sans justifier d'une concession df la Société. C'est tout au plus si on [l'assimilait pas cet enrichissement à un vol, et si ou n'exerçait pas -Mi- eux des reprises, au nom des littérateurs morts à l'hôpital.

De quel droit pourtant La Société réglementait-elle l'aptitude de certains héritiers les héritiers directs encaisser, au delà du terme Légal, I»1- droits des écrivains décédés? De quel droit percevait-elle, au profit di isse de

secours, une redevance sur des œuvres qui, théoriquement, n'étaient plus productives ? C'est non seulement pour La Société, lorsque les fonds sont vers caisse de secours,

un enrichissement sans cause, puisque rien ne permet de présumer que les auteurs décédés aient voulu qu'elle leur succédât : mais c'est en tout cas, et quelle que soit la desti- nation de cet argent, une violation, ou du moins une atteinte grave portée à une loi d'ordre public. Aussi Les protestations ne tardèrent-elles pas à se faire entendre.

La Société des Auteurs a tenu, à l'origine, à remplir dig ment La mission, qu'elle se donnait, de faire revivre les droit- reconnus aux héritiers directs. Elle ne Lit pas de différence, ace point de vue, entre les écrivains, qu'ils fussent affiliés ou non à l'association, qu'ils fussent Français ou étrangers.

Aussi un de ses premiers actes fut il de fain »"

aux héritiers de Weber et de Mozart les droits

! Annuaire 1869, \ âge 340, en note.

CHAPITRE VII

levés sur les représentations des œuvres des deux compo- siteurs. Deux membres de la Société, MM. Gholeret Siraudin, protestèrent contre cette décision, approuvée par un vote de l'Assemblée générale ; ils alléguaient, non pas qu'une sem- blable décision fût contraire à Tordre public, mais seule- raeni qu'elle fui en opposition avec l'acte social; prenant texte de l'article 20 des statuts, d'après lequel les agents généraux ne peuvent percevoir que pour le compte des membres associés, ils prétendaient contraindre la Commis- sion à faire état, dans l'actif de la Société, des sommes versées à des personnes étrangères au syndicat.

Ainsi trois parties se rencontraient pour se disputer les droits eu litige : M. Carvalho, tout prêt à déchirer son traité, ei à se déclarer héritier de Weber et Mozart; Gholcr et Siraudin, comme membres de la Société; et la Société elle- même, au nom de sa caisse de secours (1).

On peut se demander à laquelle de ces parties les compo- siteurs disparus auraient entendu léguer leurs droits.

Les protestataires n'obtinrent pas gain de cause devant le tribunal de la Seine. II fut jugé fort judicieusement d'ailleurs que si, en principe, la perception effectuée par les agents généraux avait été limitée aux seuls écrivains affiliés à l'association, nue dérogation à cette règle, consentie par tous, avaii été faite <iu faveur <l<is héritiers des auteurs morts : qu'en toul cas, el <iu admettant môme qu'une telle extension fui contraire aux statuts, elle ne saurait ouvrir aux iés aucun droit de répétition sur des sommes qui

aurai. -ni été indûment perçues, <d qui ne pouvaient compter lors dans l'actif jocial 2).

ppori de M. \lélesvillet pré ideni de la Commission^ à fassent* traie du bre 1858, Bibliothèque de la Ville, 12,6:17'.

ibunaJ civil de la Seine, Gazette des tribunaux % et />< Droits 6 février

LES TRAITES GÉNÉRAUX

La question fut plus franchement posée, quelque temps après. Le réclamant était encore un sociétaire, [< se dans Intérêts particuliers par la règle nouvelle.

La Commission avait prévoir le cas fréquent une d'iivre ancienne repar.nl -m- l'affiche, plus 011 moins rem niée par un auteur moderne.

« Considéranl que toul auteur, qui va spontané m enl demander à l'ancien répertoire une pièce acceptée depuis longtemps, un titre consacré, les chances plus assurées d'un succès, no peu! évaluer le secours qui lui est ainsi apporté au-dessous de la part d'un collaborateur I . elle avail établi que le> droits prélevés seraient, en eés par

moitié entre les héritiers de l'auteur primitif ou la caisse de secours, et l'auteur moderne.

Décision fort équitable, «lu moment L'on admel le principe d'une perception -m- les œuvres tombées dans le domaine public. Cm- elle était de nature ,:i refroidir l'ardeur des écrivains peu scrupuleux qui, souvent, dans l'espérai! e d'un gain sérieux, se contentent de démarquer l«i- oeuvres anciennes.

Conformément à cette règle, MM. Jules Barbier et Michel Carré, auteurs d'un opéra, les Noces de Figaro, imité de Beaumarchais, n'eurent chacun que (| 0 des droits perçus, le surplus demeurant dans In caisse de la Société, héri tière, en l'occurrence, de Beaumarchais. I S îété b< tant de Beaumarchais, c'était un résulta! qu'il n'aurait pu prévoir.

M. Michel Carré -e tint pour satisfait. M. Jules Barbier réclama, s'irritant d'être réduit ■• la porti îongroe.

M Chaudey plaida sa cause en justice, invoquant ta

1 Annuaire l&UO, ibùL

388 CHAPITRE VII

considérations d'ordre public qui avaient déterminé le légis- lateur à limiter la durée du droit d'auteur.

M. Pinard, dans les conclusions qu'il déposa au nom du ministère public, soutint au contraire les prétentions de la Commission.

Sans doute, il accordail que la loi qui réduisail à un cer- tain nombre d'années le privilège accordé à l'écrivain sur son œuvre, fût une loi d'ordre public, qu'aucun contrat par- ticulier ne pouvait enfreindre. Aussi le littérateur qui don- nerait son livre à un éditeur, le dramaturge qui livrerait sa pièce a un directeur, à la condition qu'il lui fût versé des droits au delà du terme légal, feraient-ils une convention nulle, parce que, ce délai écoulé, ils disposeraient d'une chose inaliénable.

Mais la Société <\<'> Auteurs, d'après le représentant du ministère public ne vend jamais qu'une chose parfaitement aliénable, le répertoire des auteurs vivants. Le seul élément du contrat qui varie c'est le prix exigé, et la Société est libre de le fixer à son gré. Elle pourrait demander aux

théâtres redevance de 2\ 0/0 sur tontes les recettes;

elle pourrait aussi exiger 18 0/0, quand le spectacle com- portera des pièces nouvelles, et o 0, dans le cas contraire. Le contrai n'est-il pas valable, que les 0 0/0 soient prélevés sur la recette fournie par les pièces nouvelles, ou par les pièces du domaine public ? Rien n'est changé, ni dans l'objet de la vente, ni dans la capacité des contractants. Il en sera de même, lorsque la Société, comme elle 8 coutume de le Faire, fixe indifféremment à 12 0/0 les droits exigibles, quelle que soit la composition du spectacle.

Le domaine public n'est pas en effet l'objet de la vente.

Le directeur l«- fait jouer sans subir I;» loi i\^k personne, à quand il le veut, connue il le veut, sans payer, aux

LES TRAITÉS m' m.i;ai \

héritiers des auteur-, aujourd'hui dépossédés, une rétribution qu'il ne doit pas, et sans leur demander un.' autorisation dont il n'a pas besoin. Seulement, sur !•• profil qu'il retire de la représentation de ce domaine public, il fait un prélè- vement, pour payer à la Société des \uteurs ces pièces nou- velles, que nul ne l'oblige ;i prendre, mais au succès des- quelles il croit liée la fortune de son théâtre. N'est-il pas libre do disposer comme il L'entend de toutes !<•- recettes que lui donnent toutes ces représentations? Ne peut-il pas acheter une œuvre nouvelle, avec I»' produit d'une œuvre ancienne ? »

Théorie ingénieuse, peut-être trop. Elle devin! la réj se

ordinaire de la Société aux critiques qu'on lui lit au suje! du domaine public. 11 n'es! pas besoin d'un long examen, pour découvrir la fragilité de celle argumentation. La Société des Auteurs, prétend-on, pourrai! demander aux directeurs de théâtre 21 0/0, lorsqu'on joue des pièces nouvelles. Elle préfère leur demander 12 on en toul cas. C'esl son droit. Elle traite par abonnement, au lieu «le traiter par représen- tation. Les directeurs, loin de se plaindre, s'en devraienl féliciter.

Non, la Société ne pourrai! pas demander 24 0 0 sur les pièces nouvelles. Car peut-être les théâtres lui fermeraient- ils plutô! leurs portes. Elle traite, dit-on, par al nemenl :

-«•s prix s,, ni modérés, pour les œuvres modernes, pai qu'elle se rattrape sur les œuvres anciennes. Singulii mansuétude, grâce à laquelle les vivants se défendenl contre les morts, el touchen! h leur place.

Etrange abonnemenl ! Pourquoi la Société, qui munit contre le domaine public, ne s'assure t-elle \ lement contre le chômage ' Il ne tien! qu'à elle d< cjue si ses tarifs sont »j modestes, t Wl 4" ",I- ^ITll4u,'nl

CHAPITRE VU

aussi aux jours de relâche, à la morte-saison des mois d'été. Les directeurs accepteront celle clause, comme ils ont accepté toutes celles qu'on a voulu leur imposer.

11 v a plus : un tel abonnement est contraire, aussi bien à L'esprit des statuts de la Société, qu'aux termes de ses traités. Les agents généraux, d'après l'acte social, n'opèrent de prélèvement sur les recettes qu'au nom des auteurs. L'article même des traités qui règle la perception sur le domaine public porte :

« La part proportionnelle des auteurs est fixée à ... 0/0 de la recette brute, quelle que soit la composition du spectacle ».

Il n'y a donc rétribution que sur un spectacle déterminé, et cette rétribution représente la part de l'auteur. De quel droil la Société vient-elle réclamer cette part, soit pour des héritiers, -oit pour elle-même, alors que personne n'a qualité pour se l'approprier? Car, on a beau torturer, pour Les besoins de la cause, les principes du droit et de l'équité, "ii H'* vuil pas pourquoi Molière lui appartient plus qu'au premier venu.

El quand bien même les statuts de La Société, les traités <|n ''Ib- conclut, seraient modifiés de façon à l'aire apparaître,

'"H une allocation forfaitaire, ce qui est en réalité une

rétribution journalière et proportionnelle, croit-on qu'il suffirait d un subterfuge aussi simple, pour Légitimer une perception ;ui>>i aventureuse? Il sérail vraimenl trop facile I éluder une Législation.

Si critiquable que lui la thèse de la Société, le tribunal

1 accepta, ''I rejeta la demande de lia rbier. Il estima que les

de I association n'avaient rien. « quand on en pénètre Les causes, qui soi! une dérogation à la Loi et à lordre public, el que La répartition des droits des auteurs

LES TRAITÉS GÉNÉRAUX :',«.M

vivants sur tous les ouvrages anciens el modernes corai sanl le spectacle n'a rien que de licite

Barbier s'éleva contre cette décision, mais il ne Fui pas plus heureux en appel 1).

La question s'esl posée à nouveau, eu 1904, d'une l. incidente, non pour la Société des Auteurs dramatiqm mais pour sa. voisine, la Société lyrique. Parmi divers griefs dont M. Wiernsberger, membre de cette association, avail cru devoir saisir les tribunaux, il s'étail attaqué à une claus Introduite depuis peu dans 1»'- traités généraux, au sujet des œuvres du domaine public. La S * m * i * t « ; lyrique ae ren- contra pas, auprès de ses juges, la même indulgence don! avait bénéficié son aînée; <'llr fui condamnée a répartir entre ses membres les prélèvements illégaux qu'elle avaii opérés de ce chef.

La décision du tribunal s'inspirait, il esi vrai, de motifs d'un ordre toul particulier. D'abord, la délibération prise cet égard, par la Société ae datait que de 1902 : c'était un geste un peu tardif, ei qui, par môme, ne semblait | a - être de très bon aloi. Kll<i constituait d'autre part, è D'en | douter, une innovation «Lui- la \i<i de la Société; car elle iiK.dili.iil sensiblement la composition «lu fonds social, •'! la répartition <l«i- <ln>ils d'auteur, telles qu'elles se trouvaient ivulées par les statuts. Or cette modification importante résultait d'un simple vole du syndicat directeur de l'a

lion, qui a'avait pas été sanctionné, <«»min<' la ilécis pri»

parla Société dramatique, par l'approbati le rassembla

térale. Il était donc sans valeur, pour le*

1 Gazette <i>< tribunaux, .'t / D

il et la novembre isou.

CHAPITRE VII

Plus heureux que MM. Choler et Siraudin, M. Wierns- berger obtint que les sommes perçues sur le domaine public par L'association seraient réparties entre ses membres.

débat, institué entre un syndicat et ses membres, sur des sommes qui n'appartenaient pas plus à l'un qu'aux autres, ne manquait certes pas d'originalité.

Sur la Légitimité théorique de la perception sur le domaine public, le jugement se cou (entait de dire que « les préten- tions de l;i Société peuvent a priori paraître séduisantes, bien qu'elle ne soit pas l'béritière perpétuelle des compositeurs morts » (1).

Blâme déguisé, qui semble bien indiquer un revirement de la jurisprudence. Si la perception établie sur le domaine public par la Société dramatique faisait l'objet d'un débat nouveau, les tribunaux se montreraient peut-être moins conciliants.

En cette matière, d'ailleurs, les difficultés sont multi- ples.

La Société des Auteurs Institue des héritiers : c'est un jeu dangereux : car il lui faut établir des règles de succession. Par un juste retour des choses, ayant tourné la loi, elle est obligée de la refaire. Tâche ingrate; d'autant qu'elle a sin- gulièrement restreint l<i champ qui s'ouvrait à ses Largesses.

Le législateur de L 866 s'est appliqué à faire un traitement

l ;i tous les successeurs possibles : La Société ne s'est

inclinée que devant les héritiers directs. Encore a-t-elle

qu'ils remplissent certaines conditions. D'où récrimi-

oations de la part des successeurs oubliés, <|ui n'acceptèrent

i Tribunal civil <k- |q - ,i : [904, le tlrqit <t<n,t,Hl. r, iv-

LES TRAITES GÉNÉRAUX

pas, de gaieté de cœur, le code civil que la Société rédigea il à son usage.

Nous avons vu, au début, l'association s'empresser de faire hommage, aux héritiers de Weberet de Mozart, de sommes perçues en France.

Ce beau zèle oe se soutint pas. La Commission, s'arrogeanl le droit d'exercer des représailles internationales, décida que les descendants des écrivains étrangers ne bénéficieraient d'une faveur semblable, que lorsque la perception sérail régulièrement organisée, dans leur paj s, au profil des auteurs français exception faite, bien entendu, pour les littéi leurs étrangers affiliés à la Société, qui étaient assurés, en loul cas, de retrouver leurs droits.

Ainsi, par une transition insensible, après avoir acca] le domaine public dramatique, la Société était amenée toucher au domaine privé. Par le seul jeu des clauses de statuts, interprétés avec un certain exclusivisme, elle allait dépouiller les auteurs, avant le terme fixé par la l«>i.

Cette l'ois, le public devait s'émouvoir, bien que la réclama- tion vint d'au delà (\r> frontières. Les représentants de Doni- zetti, qui fut une des premières victimes de cet ostracisme, frustrés indûment de leurs droit-, oe pouvaient-ils | retourner, contre la Société, cette parole de son Fondateur, Beaumarchais, lorsqu'il protestait, auprès des comédiens français, contre la chute des pièces dans les règles :

« Quelle manie avez-vous donc leur disait-il, d hériter de -eus qui ne -mil pas morts ? ».

La Société cul d'abord affaire b M ' ottrau, éditeui Naples, cessionnaire de Bellini, ci de plusieurs oui de

Donizetti. M. Cottrau s'avisa un jour, en 1873 de demi compte ;m Théâtre-Italien des représentations doni théâtre des œuvres 'I" ces deu* maîtres I l I

'A9'l CHAPITRE VII

['adressa à la Société «les Auteurs, qui avait perçu sou taut pour (vn l sur les recettes effectuées. Celle-ci se refusa e1 pour cause à fournir, à ce sujet, la moindre explica- tion : M. (loti rau dut l'assigner, «levant le tribunal civil, en restitution «les sommes indûment perçues.

La Société des Auteurs, expliquait-il dans sa demande, repoussai! sa réclamation, en se fondant sur ce que les droits de Bellini, mori eu 1835, et de Donizetti, mort en 1848, seraient tombés dans le domaine public, en vertu des lois

rissant, à celte époque, la propriété dramatique. Mais le plaignant n'était pas seulement cessionnaire des deux com- positeurs; il représentait également plusieurs de leurs colla- borateurs, dont les droits n'avaient pas subi la même déchéance ; l'un d'eux, sénateur en Italie, vivait même encore. Or, après quelques hésitations, la jurisprudence s'est fixée eu ce sens, qu'un opéra est une œuvre indivisible, que l'auteur du livret est le collaborateur du compositeur, et que l'un et l'autre ont un droit collectif sur l'œuvre inté- grale. Le demandeur ne se trouvait donc pas dépouillé delà propriété qui lui était échue sur les opéras de Donizetti el de Bellini.

\ cette argumentation, la Société des Auteurs se contenta de répondre que, parmi les auteurs dont le nom se trouvait invoqué, Donizetti seul avait fait partie de l'association. Elle avait régulièrement désintéressé ses héritiers, jusqu'en 1858, date .i laquelle les œuvres du maître étaienl tombées dans le domaine public, prétendait-elle, conformément aux lois en ueur. Aucun des collaborateurs de Bellini ou de Donizetti ai adhéré à L'association, celle-ci n'avait pus à compter avec eus les conventions intervenues, entre elle et le ihéâtre Italien, étaient inexistantes à leur égard : ils ne pou- vaient en réclamer le bénéfice.

LES TRAITÉS GÉNÉRAUX

On sait en effet que la Société des Auteurs, par une clause insérée dans tous ses traités, stipule que l<- tant pour cent, exigé pour chaque représentation, sera versé, en tout étal de cause, entre les mains d< ats généraux, quand bien

même un jouerait des œuvres étrangères au répertoire social. La Société, d'autre pari, ne connaissanl que ses membi se dispense de faire parvenir La moindre allocation à ceux qui n'ont pas adhéré à ses statuts.

L'association avait donc en L'occurrence, faii une juste application de ce principe aux auteurs Italiens dont le plai- gnant se réclamait.

Le tribunal civil, adoptant cette manière de voir, rejeta la demande dont il était saisi 1 .

S;ms doute, en sa seule qualité de cessionnaire des droits de Donizetti et de Bellini, il semble bien que Cottrau n'aurai! pas été fondé' à obtenir restitution des sommes perçues en leur Hum. Car, d'après une jurisprudence constante, Les héri- tiers des auteurs soni seuls fondés à bénéficier des Lois ayant, postérieurement à L'acte de cession, étendu la durée «lu droit de propriété Littéraire. Un tiers cessionnaire o qualité pour s'en prévaloir 2 .

Mais La situation était toute autre, lorsque le demandeur invoquait les droits de ceux des collaborateurs de Bellini et de Donizetti auxquels il se trouvait également substitué.

La prétention émise par La Société des Auteurs de n avoir à connaître ni Bellini, ni les collaborateurs des deux compositeurs, était Inacceptable.

L'association s'est arrogé Le droit de contraindre les auteui -

1 Tribunal civil de la Seine, 2 juin I 6 juin 1875.

i Voir Qotammenl un arrêl récenl de la décembre 1905, Gazette >>< Tribunaux, B mai

CHAPITRE Vil

français à s'inscrire à ses bureaux, s'ils veulent tirer quelque profil de leurs œuvres. II en résulte pour les intéressés, non une spoliation, mais une simple atteinte à leur liberté natu- relle. Ils savent qu'ils ne toucheronl de droits sur leurs œuvres, qu'autant qu'ils auront signé les registres de la rue Hippolyte-Lebas. On se contente de leur imposer une adhé- sion — c'est déjà quelque chose.

Il n'en va pas de môme, lorsqu'on applique les mêmes règles aux auteurs étrangers, et qu'on se sert de celte arme pour repousser les demandes de leurs héritiers.

Protégés par des accords internationaux, par des décisions de jurisprudence, ceux-ci peuvent-ils savoir que tous ces textes, doni ils invoquent le bénéfice, ne sont que des forma- lités préalables, qu'il leur faut encore, et surtout, s'ils veulent être payés, passeï* par l'intermédiaire d'une société de per- ception? Lorsque M. Kavakami vint en France, avec l'inten- tion liit'ii arrêtée de toucher des droits sur des œuvres de sa composition, il fut légèrement étonné de devoir d'abord jurer obéissance à la Société des Auteurs : il se plia d'ail- leurs, de bonne grâce, à cette formalité supplémentaire.

Cette exigence, qui n'est pas formulée dans des textes offi- ciels, qui '■-! seulement Inscrite dans des accords quasi- confidentiels Intervenus avec les théâtres de Paris, n'est certainement pas encore connue de tous les intéressés, en Italie : elle étail ignorée de tous vers 1862, époque à Laquelle les collaborateurs de Bellini et de Donizetti pouvaienl encore faire valoir utilement leur propriété en France. N'y a-t-il pag un véritable abus dedroit, une confiscation arbitraire, dont les victimes sont autorisées à se plaindre en justice ?

Il \ a plu- : de- loi- protègent l'exercice de la propriété

dramatique, en France, aussi Im-n au profit des auteurs

auc d 'iv.'Hii- nationaux. 1 ne agence privée

LES TRAITES GÊNER \i \

peut-elle, par le jeu de conventions particulières, porter atteinte aux droits des écrivains étrangers, tels qu'ils sonl fixés par la législation eu vigueur? Non, car cette législa- tion est d'ordre public : elle ne peut être méconnue, ni directement, ni indirectement.

On ne peu! admettre, qu'en dehors des conditions arrê- tées par les lois, pour la jouissance des droits qui leur son! accordés, les auteurs étrangers aienl encore a composer avec une association privée, à observer des statuts qu'ils n'ont pas à connaître : et, si cette association touche, à leur place, <les sommes perçues sur leurs œuvres, il- son! fondés à en poursuivre la restitution.

Il était dii que le nom de Donizetti ne laisserail pas en repos La Société des Auteurs. Il y a deux ans, des plaintes s'élevaient à nouveau sur la séquestration de ses droits. Cette fois-ci, c'était les héritiers mêmes du compositeur, MM. Giuseppe et Gaëtano Donizetti, qui troublaienl la qu tnde de la Société.

Ils avaient tenté ;• diverses reprises, mais sans succès, de faire reconnaître leur propriété par l'association. On conçoit leur surprise «lu traitemenl inégal qui leur était fail en France, où, «les deux sociétés qui se partageaient les p< ceptions dramatiques, lune la Société lyrique leur remettait fidèlement leurs comptes, l'autre | retendait ignorer jusqu'à leur existence. Celle-ci, d'ailleurs, ne semblait | très sûre de son bon droit. En 1897, lors des fêtes du a

tenaire de Donizetti, nue représentation spéciale futd

a l'Opéra-Comique. Giuseppe Donizetti, qui assistait è la soirée, ayant manifesté l'intention d'abandonm droita

d'auteur l'association des artistes musiciens, l S

CHAPITRE VII

s'empressa il o déférer à ce désir. Si une prescription quel- conque eût pu être invoquée à ['encontre des héritiers, cet acte l'aurai! certainement interrompue (I).

Ne voyant toujours rien venir, les héritiers de Donizetti lancèrenl un jour quatre assignations : l'une visait la Société le- Auteurs, à qui L'on demandait compte des droits perçus, depuis trente ans, sur le répertoire du maître, et notamment mi r Lucie de Lammermoor , sur la Favorite^ la Fille du Réc/i- ///■ nt . ei Don Pasquale.

L'agence Prudhommeaux était mise en cause, pour avoir, suivant la tradition, vendu, sans relâche, des billets au nom de Donizetti.

Enfin, les héritiers se retournaient contre l'Opéra et l'Opéra- Comique : le budget public, qui subventionne ces théâtres, allait-il ressentir le contre-coup de cette réclamation, qui portail sur un arriéré inquiétant?

\ is-à-vis de l'agence Prudhommeaux et des théâtres Intéressés, les demandeurs invoquaient le profit que ces établissements avaient retiré, sans droit, de l'œuvre de Donizetti; Ils déclaraient non sans vraisemblance qu il- n avaient pas à tenir compte des conventions inter- venues entre ceux-ci et la Société des Auteurs : ces traités qui négociaient, en l'espèce, le bien d 'autrui, étaient dépour- \ u- de toute valeur à leur égard.

Le procès s'engagea devant le tribunal de commerce. Cette circonstance permit à la Société des Ailleurs de ne pass'ex- pliquer sur le fond, en se bornant à décliner comme «die ;i toujours fait - la compétence de la juridiction consulaire. Elle invoquait, une fois de plus, ses statuts, qui faisaient

Voir, ••" m tte affaire, quatre article! de M1 Aiberl Menu, parus

journal in Turquie, numéros des 29, 30, 3i janvier 1906, et i fé- D _ novembre 1906.

LES TRAITES GÉNÉRAUX

d'elle une société civile, et non une société commer- ciale.

Le tribunal de commerce rejeta cette exception : il se déclara compétent, estimant que, >i « le profil provenant d'une (fiivre littéraire n'affecte aucun caractère commercial au regard de son auteur..., il n'en est pas de même du gain tiré d'une œuvre étrangère à celui qui l'exploite, la spécula- tion qui en esl le mobile constituant, en pareil cas, un de commerce ».

Le tribunal n'allait pas jusqu'à dire que la Société des Auteurs était une société commerciale. Il prétendait seule- ment qu'en accaparant les droits de Donketti, elle avait fait acte de commerce, et devenait, <lc ce fait, justiciable des tribunaux consulaires. Sa thèse n'en était pas moins auda- cieuse. Quelque opinion qu'on ait hit la perception effectuée parla Société, sur les œuvres <l<k Donizetti, on ne peut la considérer comme un acte de spéculation : on ne voit pas quel profit la Société pouvait réaliser, au moyen des sommes indûment perçues, si ce n'esl <bi I<i> verser dans sa caisse de retraites— institution dont l«i caractère philanthropique ue peut d'ailleurs "Mit nié.

La Société des Auteurs s'empressa d'interjeter appel du jugement rendu, qui renvoyait les parties devant un arbiti rapporteur.

Il semble difficile qu'elle puisse voir triomphe! lusc

en appel.

Sa défense est en effet des plus mauvaises I lie obj< qu'elle n'est que l'agent d'affaires de ses membres Rest* savoir si cette qualité l'autorise .1 s'approprier le bien de ceux qui lui sont étrangers.

Elle oppose également qu'elle n'exploite pas le domaine public, que la rétribution quelle exige sur les œuvrw

CHAPITRE Vïl

anciennes a*esi qu'un supplément du prix de location de son répertoire.

La question n'est pas là. Le domaine public n'est pas en cause en l'espèce, mais bien la propriété privée d'héritiers encore en pleine possession de leurs droits.

Si Donizetti esl mort en 1848, plusieurs de ses collabora- teurs lui ont survécu, et notamment Alphonse Royer, qui n'est mort qu'en 187"). Les droits de Donizetti se sont pro- longés, tant que subsistaient ceux de ses collaborateurs et de ses héritiers : du fait d'Alphonse Royer, ils ne se seraient éteints ([n'en 192.'), date jusqu'à laquelle les demandeurs pré- tendent toucher au nom de l'illustre compositeur.

La Société a, il esl vrai, objecté, qu'à dater de 1875, per- sonne ne se serait présenté pour recueillir la succession d'Alphonse Royer. 11 y a une question de fait qu'il importe d'élucider.

Mais, quand bien même les droits de cet auteur se seraient éteints, ceux de Donizetti auraient survécu, pour d'autres opéras, dont les librettistes ont laissé des descen- dants. Scribe notamment, mort en 1861, qui écrivit le livre! de la Favorite, a encore des héritiers, aptes à béné- ficier de ses droits jusqu'en 1911. De ce fait donc, la pro- priété du compositeur n'a pas subi tic déchéance.

Il est, <'ii effet, reconnu aujourd'hui, qu'un opéra,

paroles «•! musique ainsi d'ailleurs que toute œuvre écrite

en collaboration, esl un ouvrage indivisible, el que lès droits

de chacun des auteurs sur l'œuvre commune ne s'éteignenl

tant que l'un des collaborateurs, par lui-même ou par

ri tiers, en conserve la propriété.

e conséquence n'a pas été admise du premier coup par la jurisprudence.

posa, en 1858, ;< propos de Calas, et de

LES TRAITES GENERAUX i<»l

Trente ans ou la Vie dun joueur, deux pièces de Dinaux et Victor-Ducange. A cette date, la Société continuait remettre à Dinaux la moitié du produit des représentations de ces ouvrages : elle versait le surplus dans sa caie considérant que Victor-Ducange était, en vertu des lois existantes, tombé dans le domaine public.

Celle part, qu'elle s'appropriait, sans autre forme de procès, excita des convoitises diverses : les héritiers de Victor-Ducange la revendiquaient, tandis que Dinaux | tendait se l'adjuger.

Le tribunal de la Seine et la Cour de Paris s'accordèrent à repousser ces demandes. Sans contester qu'une œuvre écrite en collaboration i'ùl une propriété Indivise entre ailleurs, ils n'admettaient pas que l'indivision Invoquée s'étendît aux bénéfices pécuniaires qu'elle procure : raisonner autrement, ue serait-ce pas créer une véritable prime h la collaboration, prime <liml le principe se justifierait malai m ent ? ( 1 ) .

La Cour de Paris se montra moins timide, dans une autre affaire. Un libraire parisien, M. Choudens, avait édité, sur un poème de Jules Barbier, une partition tirée d'un , comique de Nicolaï et Mosenthal, Ijes Joyeuses Comnn Windsor. Ni col était mort, Mosenthal vivait enco M. Choudens se dispensa <l<i faire parvenir aucune redevan aux cessionnaires des auteurs, qui l'assignèrent en jus tu

La Cour <l<i Paris, réformant le jugement rendu par le

tribunal, estima q le poème et la musique d'un i

formaient une seule propriété, indivisible dan lion- légales d'existence et de dun I que, h"

quent, il suffisait que l'un des auteurs eût nseï

i Cour de Paris, 12, 19 el 21 juin :

102 CHAPITRE VII

propriété, pour maintenir l'œuvre entière dans le domaine privé 1 .

Cette opinion se trouve affirmée à nouveau, de la façon la plus nette, dans un arrêi récent de la Cour de Paris (2).

Il s'agissail de la Dame Blanche, duc à la collaboration de Scribe et de Boïeldieu. Les ayants cause de Boïeldieu, mort en 1834, pouvaient-ils prétendre à des droits sur la pièce, parce que Scribe ne devait être frappé de déchéance qu'en 1011? Le tribunal civil ne Lavait pas pensé. L'indivision

lune œuvre ne se comprenait, à son avis, que pour les droits qui ne peuvent être exercés partiellement; il en est ainsi des intérêts purement littéraires des auteurs ; elle ne pouvail s'appliquer aussi aux profits matériels, qui sont essentiellement divisibles.

La (^)iir de Laris n'admit pas cette distinction, qui ne reposail sur aucun fondement (3). Une œuvre ne peut être i la fois dans le domaine public et dans le domaine privé : ou oc vuil guère comment le partage des droits pourrait s'effectuer dans ces conditions il est vrai que la Société des Auteurs supprime la difficulté, eu s'appropriant l'objet

lu litige.

Si Ton s'en réfère -i la jurisprudence établie, les droits de Donizetti n'onf donc pas subi In déchéance rapide à laquelle l.i législation existante semblait les condamner : ils se sont prolongés, du chef «le ses collaborateurs et (\^ leurs héri- tiers, bénéficiant des lois qui, dans l'intervalle, oui étendu la durée de la propriété littéraire.

l Cour d P 13 cl 81 juin 1868, Gazette de» tribunaux < 2 H .'! juillet

ourde I' décembre 1905) Gazette de» tribunaux, ±\ février 1906;

le D

I Dani le même sens, tribunal civil 'J- La Seine, 19 juillet 1906, />" i-<><<

: I

LES TRAITÉS GÉNÉRAUX

Libre à la Société de s'en emparer, lorsque Le terme fatal sera venu, et d'écarter ceux qui prétendent encore à une succession périmée. Od peul seulemenl se demander si cette prise de possession est bien digne «l'un. ia-

tion qui se fait gloire, et à juste titre, d'avoir secouru les petites-nièces de Corneille et l'arrière-petite-fille de Racine, d'avoir versé des droits aux héritiers de Weber et de Mozart, en dépit des convoitises de quelques-uns de ses membres : s'il ne serait pas plus généreux, et l'In- habile de sa part, de se donner au moins, en cette délicate matière du domaine public payant, Le rôle de redresseur de torts, réformant 1rs lois dans l'intérêt des familles d'écrivains.

Aucune solution n'est encore intervenue dans le différend actuel.

Cependant l'affaire a déjà eu des conséquences fâcheuses pour la Société des Auteurs : soulevée a un moment la lutte de la Société contre deux directeurs rebelles passion- nait l'opinion, elle a fait couler beaucoup d'encre. L'étran- geté de l'incident, <jui causa dans le publie une vive but- prise, l'importance désintérêts engagés derrière les principe tout concourut à lui donner une publicité compromettante : beaucoup en profitèrent pour poser .1 la S une foule de question- indiscrètes.

L'écho en parvint jusqu'à la Chambre. En févrie M. Buyat, se faisant l'interprète des mécontents, posait au sous-secrétaire d'Etat des Beaux-Arts une question, sur les

mesures qu'il comptait prendre p ' rappeler l'association

an respect de In loi .!«• 1866. La question de légalité sein blait d'ailleurs le préoccuper moins, que Vm u{

réalisé par l'association des auteurs : il inclinait ven solution qui instituerait la Caisse des dépôts 1

CÉAP1TRE Vil

lions gardienne des droits perçus sur le domaine public, et affecterait ces ressources à la création des théâtres populaires réclamés par l'opinion I .

Le tribut levé par la Société «les Auteurs sur le domaine public n'est pas moins sujet à critique dans ses conséquences, que dans son principe. Sans doute, elle emploie du mieux qu'elle peut les sommes qu'elle recouvre ainsi ; grâce à elle, les héritiers voient tomber les barrières élevées par la loi, et recueillent une manne inespérée. Les fonds qui restent dans la caisse sociale servent à soulager des infortunes dignes de pitié, à donner quelque lustre aux vieillesses misé- rables, mais glorieuses. 11 n'est pas douteux cependant que cette obligation nouvelle pèse lourdement sur les adminis- trations théâtrales.

La Société l'a si bien senti, qu'elle n'a pas appliqué ce

.lin»' dans toute sa rigueur, et dans toute son étendue. I ne large exception esl laite en faveur de la province. Le coup eû1 été hop rude pour les scènes régionales, qui on! déjà tant de peine, même avec l'appoint des subventions locales, .1 équilibrer leur budget. Aussi les traités conclus dans les départements ue réservent-ils à l'association aucune pari d<- la recette, quand le spectacle esl entièrement composé d*œu> res du domaine public.

I S »ciété ;i reconnu aussi, à cel égard, les plus larges

franchises à la Comédie-Française. Mlle se trouvait en face

d une vieille et respe< table tradition, qui institue ce théâtre

lien du répertoire classique : le jeu eût été dangereux.

la Chambre du i i février 1906, Journal officiel, Chambre, 1906,

LES TRAITÉS GÉNÉRAI \ 105

La Société ne pouvait qoe plus, sans indisposer l'opinion, s'en prendre aux Trente ans de Théâtre, qui promènent à travers Pari- Corneille, Molière, Victor lin.

Mais pourquoi le théâtre Sarah-Bernhardt, par faveur toute spéciale, ne paie-t-il que 3 0 0 sur le domaine public ? Parce que la grande artiste s'est avisée, il y a deu* ans, de ne pas vouloir verser davantage, quand elle jouait Racine ou Shakespeare : la Société n'a pas insisté.

Autant de dérogations qui foui des jaloux : on s'étonne que certains théâtres subventionnés, moins favorisés, soient soumis à une semblable redevance. N'est-ce pas infirmer, en quelque sorle, des décisions de L'autorité, alourdir le poids que la subvention fail peser sur le budget de l'Etat? Lorsque M. Gailhard versait à la Société ï<> à 50,000 francs pour les représentations d'Armide, n'était-ce pas, en somme, le contribuable apportant son obole à la Société des Auteurs, parce que l'Opéra donnait l'œuvre d<> Gluck? Les théâtres populaires, dont la création est promise par les pouvoirs publics, vont-ils être, de ce fait, entravés dans leurfonctii nement ? Autant de questions qui inquiètent L'opinion.

Quant aux directeurs non subventionnés, il- ne regrettent qu'une chose, c'est de ne pouvoir pas parler assez fort pour être écoutés.

Ils ont d'autant moins de chance d'être entendus, que La Société des Auteurs n'agit pas par cupidité, mais par calcul politique. Les versements faits par les administrations th< traies sont des primes, par lesquelles l'association des auteurs vivants s'assure contre les écrivains morts I directeurs avaient marqué autrefois, parait il, quelque | dilection pour le domaine public qui ne leur coûtait rien : la Société des Auteurs s'est émue de "i <im menaçait

ses revenus : elle s vendu les œuvres anciennes, comme elle

CHAPITRE VIT

vendait Les modernes. A prix égal, les pièces du jour devaient remporter.

Mais il y a d'autres intérêts que celui des auteurs, ou même des directeurs : il y a l'intérêt du public, auquel personne ne songe.

Le législateur de 1866, ainsi que les législateurs de 1791, de 1844 et de 1854, avait ses raisons, pour borner le privi-

e reconnu aux littérateurs sur leurs œuvres. Il pensait sans doute que les idées, si elles prennent, sous la plume d'un écrivit in, une forme particulière, appartiennent pour- tant à une masse commune, les esprits de tous les temps ont puisé librement.

Cette masse, c'est le génie de la race, c'est l'effort des lérations passées, qui doit être recueilli pieusement par les générations à venir; c'est l'image lidèle des mœurs, de la vie. »! de la pensée d'un peuple, dans ses périodes succes- sives. Ce trésor, qui se renouvelle sans cesse, qui s'enrichit des meilleures œuvres de nos écrivains, n'appartient à per- sonne : nul n'a le droit de se l'approprier, ou d'en battre monnaie. Comme l'air, comme les routes, comme le sol domaine public matériel il forme un patrimoine national, sur lequel il n'est pas permis d'empiéter. En môme temps qu'un souvenir, c'est un exemple, propre à guider les talents naissants, à éclairer le goût public, à le mettre •H garde contre les fausses séductions, ou les caprices de la

le.

Dira-t on que les classiques feraient aux écrivains une concurrence ruineuse, qui I<-s empêcherait de placer leurs manuscriti ' Cela n'est pas à craindre.

- doute Racine et Molière auront toujours leurs admi- rateurs, que la Société ne saurait, heureusement, leur enle- ver. M > m bien d'autres couvres, pleines de charme,

LES TRAITÉS GÉNÉRAI \

restent inexplorées. Les pièces modernes auronl toujours l'avantage d'être accommodées au goût du jour; cet sonnement leur assure auprès du public une suprématie incontestable.

La Société des Auteurs n'avait pj prémunir contre des

exhumations, que seuls peuwnl entreprendre el combien timidement les théâtres subventionnés. Il était plutôt de sa dignité de les encourager. Elle a préféré les interdire.

N'est-il pas plaisant de songer qu'aujourd'hui encore, lorsque Shakespeare, Corneille, Molière, Marivaux, Beau- marchais, Musset, reparaissent sur L'affiche, il esl touché en leur nom 12 0/0 de la recette, el délivré donc.- ironie 100 francs de hillels d'auteur? Peut-on rapporter sans sourire l'aventure posthume dont lui victime Bossuet, quand la Société des Compositeurs de musique, rivalisant de zèle avec son aînée, réclama des droits sur l«i- Sermons de Bossuet, que Mounet-Sully récitai 1 en province?

Ces abus sont-ils appelés à disparaître, ou doivent-ils s'étendre? Les romanciers commencent à se plaindre, eux aussi, de l'héritage des morts, qui pèse lourdemenl -Mi- eux. Ils s'irritent de la concurrence que leur Tout les œuvres anciennes, qui encombrent, disent-ils, le marché littéraire; il- taxent d'injustice une législation, qui permel aux libraires d'éditer les ouvrauc- du domaine public, sans avoir à payer les droits d'auteur, qui sont en moyenne de I<> (| 0, pour les écrivains de quelque notoriété.

Les plaintes se sont faites plus violentes, ces temps der- niers, lorsque Balzac, Musset, Eugène Su.-, sont lorab dans Le domaine public; les littérateurs ont soi

effroi aux j "s prochains Vignj . hum.'- père M

seraient la proie du premier venu.

La Société des Gens de Lettres elle même i'es( émue,

CHAPITRE Vil

Elle règne, non par la contrainte, mais par les services quelle rend, lorsqu'on a recoins à elle. Elle ne pouvait menacer les éditeurs d'une grève des littérateurs ; aussi s'est-elle retournée vers l'Etat.

Dès 1903, elle avait préparé un projet, dont l'adoption lui eûl permis de rançonner le domaine public. Sur ses ins- tances, une commission extraparlementaire a été constituée; deux questions ><>nt soumises a son examen : convient-il d'assurer la perpétuité du droit d'auteur? Ce point d'inter- action rouvrira la question toujours pendante de la nature de la propriété littéraire; faut-il soumettre les édi- teurs qui exploitent le domaine public à une redevance envers l'Etat, héritier en dernier ressort?

Un poinl semble en effet acquis : c'est que l'Etat veut se substituer aux sociétés de perception; on applaudit par avance à ce moyen d'augmenter la richesse nationale « qui ne doit pas devenir la propriété d'une minorité, ni servira arrondir les revenus des seuls écrivains » (1). C'est en ce sens que se prononçait déjà M. Ajam, dans le projet de loi qu'il déposait à la Chambre des députés, le :\\ mai 11)07. Il proposait une taxe de 10 0/0 au profit du lise.

Ainsi la Société des Auteurs dramatiques n'aura fait, somme toute, que préparer les voies à un autre héritier, plu- redoutable peut-être, et qui, plus qu'elle, a des œuvres .i Fonder, el des misères à soulager.

\" \\u' siècle, lorsque les comédiens ne donnaient presque rien aux écrivains, il était d'usage qu'ils joignissent ,l'' obole un cadeau, en signe de bonne amitié.

1 La Réorganisation det droits d'auteur, par M. Ajam, Bévue politique et

bre I'jot.

LES TRAITÉS GÉNÉRAI \ 109

Les dramaturges son! aujourd'hui largement rétribués. Cependant la Société il»'> Auteurs n'a pas voulu laisser tomber une tradition si excellente, si propre à maintenir L'entente entre les écrivains et Les directeurs de théâtre. Peut-être aussi a-t-elle craint de ne leur avoir pas demandé tout ce (jnVlle pouvait exiger d'eux, on a-t-elle voulu b1 surer une (iche de consolation, dans les mauvaises années.

Lorsqu'un directeur se présente aui bureaux de la Société, pour obtenir le droit au répertoire, celle matière première nécessaire à son industrie, La Commission lui apprend qu'il doit, au préalable, verser à la caisse de la Société une redevance déterminée : 200, 500, 1 ,000 francs. Une redevance analogue est imposée aux entrepreneurs de provini L'emploi de ces somme- sera d'ailleurs des plus honorabl< elles iront aux Littérateurs dans la misère, aux gloiresdra- matiques retraitées. Refuser serait presque gênant, urine si l'on pouvait.

Au reste, la Commission ne discute pas : l'intéressé n n pas à produire ses registres, a dire combien il paie ses artistes et ses décors. C'est l'impôt sur le revenu, arbitraire, mais sans Inquisition: lucratif au demeurant, car la Société des Auteurs encaissait, de ce chef, en 1907, \ compris les redevances versées parla province et l'étranger, une tren- taine «le mille francs.

Seule. M"" Sarab Bernhardt, qui b toutes les audace toutes les fantaisies, osa refuser l'impôt, en 1906. Elle vou- lait bien organiser des représentations au bénéfice des auteurs, mais non payer une somme fixe. La Commission lui pond il par une assignation : mais l'affaire n eut pas de suites,

iiU CHAPITRE VII

La Société des Auteurs a eu soin de prévoir, pour toute infraction aux traités généraux, une sanction, suffisamment énergique pour les retenir. dans la voie du mal : toute fraude, toute négligence, est punie d'une amende qui est versée, tantôl aux auteurs, tan toi à La caisse sociale, et qui est rare- ment inférieure à 0, 000 francs.

Dans les cas particulièrement graves, la Commission peut prononcer la mise en interdit: le théâtre coupable est mis à l'index ; il est défendu à tout membre de la Société de lui venir en aide, c'est-à-dire de lui remettre un manuscrit; l.i direction coupable est mise au ban du royaume des lettres. Si elle ne veut pas mourir d'inanition, elle devra venir à résipiscence.

Pour compléter ce tableau, rappelons les prohibitions qui

pèsent sur les ailleurs, du l'ait qu'ils font partie du syndicat,

«•I t|iii ont jour but, soit d'assurer une discipline sévère dans

leurs rangs, lorsque des théâtres entrent en lutte ouverte

orpo ration, soi! de les prémunir contre certaines

m binai sons, donl ils pourraient être victimes :

1" Interdiction de faire représenter aucun ouvrage ancien --M nouveau, sur un théâtre ou par une troupe en tournée, qui a'aurail pas de traité avec la Société. L'annulation du traité

riéral emporte de plein droit le retrait du répertoire de l'auteur au théâtre mis en interdit, ainsi que la résolution conventions particulières.

2 Interdiction de faire, avec Les administrations théâtrales, des conventions portant des conditions inférieures a celles qui résultent du traité général ; par conséquent, de rétrocéder

m directeur ou à un intermédiaire quelconque wwe partie droits exigibles. L'auteur reste libre de faire des conven-

LES TRÀITKS GÉNÉRAUX \[[

tions stipulant en sa faveur des conditions supérieures; m elles doivent être rédigées sur des formules arrêtées par la Commission, et délivrées par Les agents généraux. Cela, pour que la Société n'en ignore.

Interdiction de faire représenter des ouvrages, dans on théâtre l'auteur sera directeur, commanditaire, action- naire, ou employé à titre quelconque, el <l\ faire repi senter des ouvrages en collaboration avec les directeurs, commanditaires, artistes ou employés de ce théâtre.

Toute infraction à Tune de ces règles rendrait, aux termes des statuts, le contrevenant passible d'une amende de •"»,h 1,000 francs, dont le chiffre serait li\'; par arbitres. Le recou- vrement aurait lieu par tous lc^ moyens de droit, et notam- ment par voie de retenue sur les droits perçus pour son compte.

Il est un cas qui menace ta vie même «I»' l'association : c'est celui un auteur laisserait représenter une pièce sur un théâtre qui n'aurait pas de traité; cet acte te meten rébellion ouverte contre la Société, car il tend la main au directeur, et encourage sa résistance : dans i l'amende

ne peu! être fixée a moins de 6,000 francs.

En outre de ces châtiments pécuniaires, la Société se réserve d'ailleurs la faculté, par un vote émis en assemblée générale, de chasserde son sein le membre indigne.

Le pouvoir de l'association sur ses membres est-il absolu- ment discrétionnaire? les tribunaux ont-ils, au contraire, un droit de contrôle, et, l<i cas échéant, de révision .' La juris- prudence, qui a parfois écouté les réclamations des artistes contre 1rs amendes qui leur étaient infligées par les admi- uistrations théâtrales I . a semblé traiter les littérateurs avec la même mansuétude.

1 Voir «mi ce sens, tribunal civil de la Seine, n décewbi

U2 CHAPITRE VII

lui I90i, M. Wiernsberger faisait un procès à la Société lyrique, alléguant, (Mitre autres griefs, que l'association eût injustement retenu ses droits d'auteur, par compensation avec des amendes qu'il avait encourues. Une telle décision était, au dire <lu plaignant, contraire aux statuts, l'intéressé n'ayanl pas été admis, au préalable, à présenter sa défense. Le tribunal rejeta la demande, jugeant que les statuts avaient été respectés, et que l'intéressé avait été réellement invité à fournir des explications sur son attitude (1).

Ed examinant le bien-fondé de la plainte, le tribunal a reconnu, par même, que son pouvoir de contrôle ne s'arrê- tait pas devanl une juridiction privée, fonctionnant au nom el au prolit de ceux qui l'exercent.

La Société dc> Auteurs a tout prévu : elle a tout réprimé. Il semble que la pratique ait se conformer rigoureuse- ment a la théorie, que le< choses se passent dans les théâ- tres, exactement comme elles sont ordonnées dans les traités éraux. Il s'en faut cependant ; certains abus ne se pros- crivent pas d'un Irait de plume :

Chassez le naturel, il revient au galop.

Prêtons plutôt l'oreille aux plaintes de quelques-uns des intéressés.

Il est d<- notoriété publique, écril un auteur renseigné, que, contrairement aux statuts, «b's ailleurs partagent en bette leurs droits avec des directeurs. Il est de notoriété publique que, contrairement leurs

contraire, tribunal de commerce de Strasbourg,

/ ■ijinuni.r, i\) novembre 1855, de i ■■■ Seine 19 décembre |9Q4, cr. Droit d'auteur^

LES TRAITÉS GÉNÉR MX

engagements, des membres de la Société, el des plus impor- tants, commanditent ou font commanditer des scènes à leur usage exclusif, et à celui de leurs amis ou associés.

11 e>t <l<i notoriété publique, qu'un jeune auteur ne -.Mi- rait rire représenté, sur beaucoup de nos scènes, s'il n'admel à côté, H généralemenl avant la sienne, la signature d'un littérateur homme d'affaires. Heureux encore, si on ne se débarrasse pas complètement de lui.

Il est de notoriété publique, qu'un groupe d'auteurs dra- matiques s'est syndiqué, pour la fourniture des petites pièces de cafés-concerts, et que, monopole dans !«' monopole, il exclut pratiquement les autres auteurs de ces scènes mi- neures, mais rémunératrices, cl sans danger.

Il est de notoriété publique... », mais je m'arrête I .

C'est suffisant, en effet. Le doute et l'anxiété s'empareront sans doute du lecteur le moins prévenu. Ainsi, les pièces que nous allons voir sont faites par d'autres que par ceux <l"iit uo u > acclamons les noms : des scènes sont achetées ou mono- polisées par certains producteurs en gros, qui, évidemment, ne livrent a I;' consommation <|ini de la mauvaise marchai] di-r ; les coulisses abritenl tous les maquillages, loutes les combinaisons aventureuses.

S'il en esi ainsi, le monde <|ui gravite autour des théâtres est un monde pire < j 1 1 « - celui qui évolue autour des champ* de courses : et les statuts de la Société, les conventions qui

la lient aux différents théâtres, ne sont qu'une vaste klie,

(jui pour rail s'appeler « la Précaution Inutile

Mais la Société mérite-t-elle tous les reproches qu'on lui fait, ou le tableau qu'on nous trace, en quelques coups de pinceau, n'est-il pas volontairement poussé au

i Voir les articles précités de M. For il dam la «

il \ CHAPITRE VII

11 esl de notoriété, nous dit-on, que des littérateurs par-

genl en cachette leurs droits avec des directeurs. En cachette ! mais tous les initiés le savent ; tout le monde en parle, peu! rapporter des faits, citer des noms. Si c'est vrai- ment un secret, c'esi le secret de Polichinelle.

Sans doute il est assez fréquent, cl conforme aux usages de certaines -(«nés plus ou moins classées que les débu- tants se \.>ienl imposer des arrangements, par lesquels une partie des droits fail retour à l'administration : mais il est bien évident que les intéressés n'acceptent de payer ce tribut que le couteau sur La gorge ; s'ils ne réclament pas, s'ils n'en appellenl pas à la Société, c'est qu'ils répugnent, le contrat une fois conclu, à opposer l'exception de jeu, à se dire vic- times d'un dol dont ils furent les complices. Veut-on, en les poursuivant sans répit, les empêcher absolument de se pro- duire? Ils seraient les premiers à protester contre une odieuse tyrannie, qui ne s'arrêterait même pas devant la vie privée des gens de Lettres.

Allons plus loin. Il est constant que, dans certains théâtres, qui jouissent à cet égard d'une fâcheuse réputation, le droit d être joué esi un droit qui s'achète comme un autre : il faut le dire a L'honneur des lettres, la combinaison met bien plus souvent en cause des amateurs amoureux de La gloriole que Le prestige du théâtre répand sur un nom, que des litté- rateurs impatients de révéler leur talent. M;iis n'est-ce pas après toui une innocente supercherie? Et le désir d'être joué, pour un homme qui a quelques Lettres, ei beaucoup de loisirs, esMl plus blâmable que le goûl du sport, ou La passion de l'automobil

P rfois, aussi, au momeni de monter une œuvre impor- tante, et d un succès très incertain, un directeur hésite : il

; qu'il risque un ie partie : or, il est bien difficile à

LES TRAITÉS GÉNÉRAUX il."»

un théâtre, nous l'avons vu, de boucler son budget. La prospérité, lorsqu'elle se rencontre, «i-t précaire : il suffit d'un caprice de la fortune, pour qu'elle tourne au déficit Notre directeur, en qui L'homme d'affaires n'a pas tué l'artiste, fait une expérience littéraire : il quitte les gran routes, pour les sentiers, à peine frayés, de l'art dramatique : pour une fois, laissant reposer les pièces sûres et les uoms aimés du public, il tend La main à L'inconnu, <l<»nl il a deviné le mérite. Mais il faut engager de grosses dépens* si l'auteur consent à prendre à sa charge les décors, Le cachet d'un interprète, on à garantir un nombre minimum de représentations, assumant ainsi nne partie des risques d'une œuvre en laquelle il a foi, faut-il crier au scandale, agiter les foudres de la Société contre ce directeur exploiteur et cet écrivain intrigant? Cet effort partagé donnera j » * 1 1 1 - être un succès de pins an théâtre, an nom de plus aui Lettres.

On rapporte que, Lorsque I»1 théâtre de La Porte Saint- Martin monta Cyrano de Bergerac^ L'auteur prit à sa cha une partie1 <l<i> Irais nécessités par sa pièce. La partie risquée dans ces conditions ne fait-elle pas un honneur égal aui deux Intéressés ?

Les auteurs l«i- plus connus ne se gênent pas 'I ailleurs, à l'occasion, pour franchir ce Rubicon^ qui sépare le domaine irréel des statuts de La Société, du véritable champ de bataille dramatique. Plus d'une scène ne soutient les inté- ressants efforts artistiques qu'elle tente, que par L< sions qu'elle obtient, en détail, des auteurs qu'elle met è I ■• scène.

Les directeurs, nous Le savons, ne cessent de m plaindre du joug de La Société. Mais, s'ils sont I par la colle* vite, ils sont avantagés parfois par les individus. Par un

CHAPITRE Vil

détour imprévu, il leur revient un peu des fonds dont on l«'- prive.

Tel auteur, dont le public chiffre avec envie les larges profits, ne louche pas autant qu'on croit car il lit des sacrifices pour sa pièce. Souvent, comme pour les cachets des artistes, il faut réduire les gains annoncés. Pensée phi- losophique, qui doit induire à l'indulgence ceux qui accusent la Société des Auteurs de la situation précaire des entreprises théâtrales.

Affirmer les principes, réprimer avec énergie les ahus, lorsqu'ils se produisent au grand jour, rendre justice à ceux qui la saisissent d'une réclamation, tel doit être le rôle de

Société : elle a su toujours s'y tenir.

Elle se devait d'agir, pour empêcher que l'exception ne devînt l;i règle, que le mal, en se généralisant, ne portât un ré.'l préjudice à la masse des littérateurs. Les travaux de ses commissions attestent à cei égard sa bonne volonté.

Dès l'année 1868, le rapporteur à l'Assemblée générale se plaignait de la fréquence des conventions clandestines entre auteurs el directeurs : l'abus, disait-il, s'il ne mettait pas en cause l'existence même de l'association, énervait les prin- cipes de solidarité sur lesquels elle était fondée. L'Assem- blée applaudit SOE commissaire, et, l'année suivante, donna 1 Commission h' mandat d'instruire aussi bien contre les auteurs, que contre les directeurs convaincus de fraude I .

I il i-.ii s'offril de suite. Vers la (in de 1869, deux

auteurs se dénoncèrent eux-mêmes, et dénoncèrent le directeur avec lequel ils avaient conclu un arrangement. La

tnmission n'hésita pas à poursuivre le directeur ; la pièce

06 cl 504,

LES TRAITÉS GÉNÉRAUX

en cause avait eu vingt-huit représentations : autan! d'infractions au traité, passibles chacune de 200 d'amende : la Commission réclamait donc 5,600 francs : le tribunal les lui octroya sans difficulté il).

La Société des Auteurs a agi <l<i même, chaque fois qu'une convention de ce genre est officieusement parvenue connaissance; les directeurs savenl à quoi ils s'exposent : ils savent surtout qu'il- ne sauraient exiger trop de garanties de leurs complices, lorsqu'il- opèrent en marge «lu Code de la Société. Car, si L'association hésite toujours à Faire un procès à l'un de ses membres, les directeurs sont pour endosser toutes les responsabilités.

La Société a fait aussi tout ce qu'elle a pu, pour se pré- munir, et prémunir ses membres, contre des combinaisons plus perfides, et moins naturelles.

Ce n'est pas d'aujourd'hui que des directeurs «I»1 théâtre parcimonieux se sont avisés, pour diminuer leurs frais, d'imposer au jeune auteur, impatient de se produire, leur collaboration, ou celle d'un correcteur attaché à La maison, prête-nom de l'administration.

La Société ne s'est pas bornée à défendre à ses membres de céder à ces exigences interdiction évidemment pis tonique. En 1885 et 1890, elle a adopté les dispositions suivantes :

,. Le directeur s'interdit de recevoir et de faire représenter aucun ouvrage composé par un ou plusieurs membres de famille, sans avoir L'autorisation spéciale de la Commissi des auteurs. Le directeur s'interdit de recevoir et de faire

i Tribunal civil de 1, Sein. 21 aoûl

28 aoûl i

CHAPITRE VII

représenter aucun ouvrage écrit en collaboration par un ou plusieurs membres de sa famille, sans s'être assuré, au préa- lable, que les ailleurs possèdent une autorisation écrite de la

mmission des auteurs permettant la collaboration ».

La précaution n'était pas inutile, ainsi qu'il apparut notamment dans une affaire qui s'est présentée dernière- ment, dans des circonstances assez curieuses.

Eb n>n:{. un auteur faisait représenter, sur une scène de province, une féerie intitulée : Les Aventures de Robinson Crusoé. Il toucha 2,000 francs de droits; mais le directeur lui en réclama 1.100, à titre de droits d'auteur dus à sa femme, qui avait collaboré à la pièce, disait-il, ainsi qu'il résultait d'un document écrit.

L'affaire ayant été portée devant le tribunal, l'auteur n'eut pas de peine à démontrer que cette collaboration était pure- menl fictive, et qu'il ne l'avait acceptée qu'à son corps défendant. Toutes les lettres échangées au sujet de la pièce avaient été adressées h l'auteur seul; celle-ci, notamment, alors qu'il avait présenté son manuscrit sous forme de drame :

Reprenez-le entièrement, écrivait le directeur, et, en travaillant, arrangez-vous de façon à ce qu'il y ait dans la pièce deux comiques très hilarants. De plus, intercalez-y un lri<» de sauvages, el deux ou trois chansons, le toul co- mique I .

tait |»lu> <|n il c'en fallait pour prouver sa paternité

A une époque la littérature a cessé d'être l'apanage des nommes, quels déboires n'aurait pas connus l'auteur drama- tique, livré sans défense aux directeurs mariés?

Tribunal ciril, 13 noTem] Galette de» tribunaux. Il) et 20 février

LM6.

LES TRAITÉS GÉNÉRA r\

Ajoutons que la Société ne défend pas seulement les pièces des parents de directeurs; elle interdit également la représentation d'une pièce du directeur Lui-même, sur le théâtre qu'il administre. Elle s'est souvent montrée intrai- table sur ce point, et même dans des cas d'extrême nécessité. En 1871, M. Jules Noriac, directeur du Théâtre-Beaumar- chais, n'ayant rien à jouer, sollicitait la permission de rei senter une œuvre de lui. La Commission ne se laissa pas fléchir. Un jour. M"10 Sarah Bernhardt, alléguant une pénurie semblable, voulut montera sou théâtre sa Ductu Catherine, Elle ne put y arriver. Ces temps derniers, par contre, elle représentait, sans opposition de la part de la Société, son Aérienne Lecouvreur.

Dans quelques théâtres ceux surtout fleurit le vau- deville, la comédie un peu grosse il est admis, dit-on, que le débutant ne franchit le seuil, qu'accompagné, présenté par un confrère vieilli dans le métier...

Nous entrons ici dans une matière fort délicate, celle de la collaboration. Rien n'est plus trompeur, plus impalpable, plus indéfinissable, que la collaboration en matière dramatique. Dans plus d'un cas, voyant sur l'affiche un nom d'inconnu, précédé d'un ou deux noms respectés, le spectateur averti pensera que les auteurs en vogue n'ont apporté autre ch< à l'entreprise commune, que 1»' désir bien naturel 'b* toucher une partie dos droits : cependant ils ont refait une scèi inventé un personnage, ajusté un ressort dramatique, donné le tour de main, qui assurera à la pièce une heureuse et fructueuse carrière.

A quoi peut tenir I»' succès d'une pièce ' l n jour deui auteurs avaient termine une comédie fort plaisante, mais le

120 CHAPITRE VII

dénouement clochait. Ils s'en furent trouver un maître de l'art, el lui exposèrent leur embarras. Dans le cours de la pièce, à diverses reprises, on entendait tinter une sonnette. Faites tinter voire sonnette à la lin, prononça le maître. Aussitôt dit, aussitôt fait. La pièce eut un succès énorme (1).

Alexandre Dumas fils n'a-t-il pas écrit les lignes sui- vantes :

Supposez un jeune homme ayant eu l'idée d'Antony, ayant exécuté quatre actes trois quarts, tels qu'ils sont dans la pièce que vous connaissez ; mais il n'a pas le dénouement. Il apporte ces quatre actes trois quarts à Alexandre Dumas et lui demande comment on peut terminer un pareil drame. Alexandre Dumas trouve : Elle me résistait, je l'ai assas- sinée : la pièce est de lui ».

<;.■ qui n'était, sous la plume d'Alexandre Dumas fils, qu'une agréable boutade, devient une réalité, lorsqu'il s'agit de drames, de vaudevilles, de féeries, le savoir-faire est souvent un guide plus sur que le génie le plus fertile.

Le théâtre, en effet, lorsqu'on le regarde par ses petits côtés, semble soumis à certaines lois, qu'il est utile de con- naitre et de posséder. I.»' débutant apporte l'idée, une verve originale, des combinaisons imprévues; le maître, vieilli dans la carrière, par le secret d'une cuisine savante, sert au public le plat qu'il sait flatter sou goût.

I. auteur connu ue mettrait-il que son uom dans l'affaire qu il donnerait déjà beaucoup : ce nom u 'est-il pus In an lie de la curiosité du public, de l'indulgence de la critique? Il suffit à décider le directeur perplexe. S'il plaît au débutant <l<' I acheter, de quel droit l'en empêcherez- VO est un contrat qui vaut par le libre consentement

de la So U i 169 . en ■!<•.

LES TRAITÉS GÉNÉRAUX \2\

des intéressés ; tant qu'il ne devienl pas une cause de scan- dale, au nom de quel principe s opposerait-on à ce qu'il fût exécuté?

Marché immoral, dira-t-on; mais les artistes en \ ne sont-ils pas aidés par leurs élèves? LTn architecte en renom fait-il tous les projets qu'il signe? L'ari drama- tique, surtout lorsqu'on le considère dans ses genres infé- rieurs, n'échappe pas à ces nécessités.

La Société aura-t-elle sa police, pénétrera-t-elle dans le secret de la production, traduira-t-elle, au moindre soupçon, les coupables à sa barre ? C'esl alors que ceux-là mêmes, qui lui reprochent son inaction, ne manqueraient pas de blâmer sen humeur combative. La Société, diraient-ils, accuse la rigueur de son monopole, par la sévérité de sa discipline.

N'empêche-t-elle pas délibérémenl les débutants d'arriver, lorsqu'elle leur interdit de céder à des exigences, qu'ils subissent en les déplorant ? El n'est-ce pas, d'ailleurs, battre contre des moulins, partir en guerre contre des maux qui ont existé de tout temps. La Société ruine son crédit, parce qu'elle va contre la oature des choses.

Parfois, il est vrai, le collaborateur [l'aura pas la moindre part dans la confection de la pièce : auteur, journaliste, ou simplement fournisseur attitré de la scène, dont il - occupe, il présentera tour à tour au directeur Les auteurs désireux d'être joués. C'est l'ami de la maison, don! on a tracé une silhouette amusante :

« L'ami de la maison esl ainsi appelé, parce que vous le rencontrez dans tous les coins el recoins du théâtre, Voua le heurtez dans les couloirs, le retrouve! dans la salle d tente, dévisageant, l'un après l'autre, tous ceux qui trouvent. Il est dan- le cabine! du directeur, et dans lei loges d'artistes, sur la scène et dans la salle, an cintn

422 CHAPITRE VII

dans les dessous, sans oublier la loge du concierge » (1).

Mais comment mettre la main sur cet ami insaisissable, qui est partout et nulle part, et qui doit être ailleurs, en cas de difficultés.

Dans certains cas, la collaboration s'eifacera pour faire place à une vente en pleine propriété : le contrat revêt alors un caractère d'immoralité qui le rend particulièrement répréhensible. On a vu des dramaturges malheureux tra- vailler pour des oisifs ; de même des romans-feuilletons ont enirchi leurs signataires, qui furent confectionnés par des inventeurs à la tâche.

Mais de quel droit un tiers interviendrait-il dans ces compromissions humiliantes ? Si l'auteur frustré lui-même venait réclamer justice, ne serait-on pas en droil de lui répondre, comme faisait M. Romain Rolland : Pauvre diable sans pensée, de quel droit vous réclamez- vous? Je ne vous connais pas. Vous n'êtes pas un homme, vous n'êtes plus qu'une ombre (2) ».

La Société, a-t-on prétendu, permet à certains littérateurs de commanditer des scènes, à leur usage exclusif et à celui de leurs amis.

t une affirmation quelque peu téméraire. Si, d'aven- ture, an auteur prend une situation telle dans un établisse- ment, et s'il a d'autre pari assez peu de scrupules, pour en lure par tous les moyens y compris les manœuvres financ ceui <jni pourraienl lui faire concurrence, il

e»1 peu probable qu'il donne a ses combinaisons la moindre

i / i dramatique % numéro du 18 décembre 1903.

natique, numéro du 18 juin 1907.

LES TRAITÉS GÉNÉHALX

publicité. Car il tomberait sous le coup des statuts, tels qu'ils sont actuellement rédigés. Le directeur qui se rendrait complice de ces agissements, eu faisant appel au capitaux d'un auteur, serait également passible d'une Forte pénalité.

En 1898 en effet, la Société, qu'on taxe d'indifféren< émue de voir représenter, trop fréquemment, dans certains théâtres, les œuvres de littérateurs, commanditaires avoués de l'administration. Elle a inséré dans ses traités un nouvel article ainsi conçu :

h Une indemnité de douze mille francs sera également exigible, dans le cas il pourra être établi que l'auteur ou le compositeur d'une pièce représentée dans le théâtre qui fait l'objet des présentes conventions, est actionnaire ou commanditaire de ce théâtre, ou a t'ait un apport d'argent, sous forme de commandite ou autre » . 1 .

Cet article, il est vrai, ne saurait s'appliquer qu'à des situations avérées, qui feraient scandale. Cela n'empêchera pas des combinaisons plus discrètes, mais Don moins blfi niables. On a vu des auteurs et non des moindr ne

faire agréer leurs pièces, qu'en s'intéressanl indirectement à la question d'un théâtre : d'autres, sans se mettre eux- mêmes en avant, ne seront joués, que parce qu'ils seront umis ou parents d'un commanditaire.

Mais la Société va-t-elle proscrire les relations «I amitié, les liens de la famille? Bientôt aucun nom ne paraîtrait Bur l'affiche, qu'après une enquête approfondie, sur les raisons qui ont pu décider le directeur ;< l'agréer.

Les auteurs, ennemi- des compromissions, se tiendront i L'écart des intrigues •■! des luit.--. Us se rappelleront ce n de Ducis. un poète fourvoyé dans le théâtre :

(1) Annuaire 1898, \

CHAPITRE VIT

Quand on suit la carrière dramatique, il faudrait avoir doux âmes : Tune, noble et grande, pour composer un bel . .11 \ l'autre, ignoble et basse, pour le faire représenter ».

Ed debors même de toute manœuvre financière, on s'est plaint que certains auteurs se syndiquent, pour alimenter de leur production certains établissements, les music-halls de préférence ; de fait, si Ton observe les affiches de quelques- uns de ces établissements, quelques noms reviennent avec une inlassable obstination.

« Si on consultait les programmes de ces dernières années, a-t-on dit, on constaterait l'existence officieuse d'un véritable syndicat d'auteurs haut cotés, et devenus fournis- seurs attitrés, exclusifs, de certains théâtres, où, en dehors d'eux el -ans eux, personne n'est joué » (1).

Faut-il s'en étonner? N'est-ce pas, pour ainsi dire, une nécessité, dans certains genres? Une revue aujourd'hui est moins une pièce qu'un ballet, une féerie, quand ce n'est pas une simple exhibition ; l'esprit, la chanson, l'actualité même s'effacent, devant les splendeurs monotones d'une figuration invariable.

Pourcel effort, qui demande de l'habileté, des aptitudes très diverses, ei surtout un détachement méritoire de toute préoccupation littéraire on artistique, un directeur préférera toujours un auteur donl il esl sûr, à un débutant qu'il faudra mettre au courant. L'esprit, la verve, les bous mois peuvent s'user, mais uon le talent d'organiser. Aussi les entrepreneurs seront-ils souvenl les mêmes; ue pouvant raffire seuls .1 leur tache, ils embaucheront des apprentis,

'/ue, numéro du 20 août 1907.

LES TRAITÉS GÉNÉRAUX

qui travaillent sous leur direction, eu attendant de passer

maîtres dans leur art.

De temps à autre, une indiscrétion de presse, une au- dience de tribunal révèle nu public des traités, par lesquels un auteur s'engage à fournir un établissement, pendant plu- sieurs années, de revues, de vaudevilles, ou d'opérettes. Od ne s'étonne pas outre mesure; on s'accorde à trouver ij n*- le directeur est un homme prévoyant, qui a peur de l'in- connu.

La Société va-t-elle proscrire ces marchés à long terme ' Cela n'empêchera pas les directeurs de s'adresser chaque fois au môme fournisseur.

La Société des Auteurs a donc agi sagement en laissant reposer les armes qu'elle a en mains ; par sa politique pru- dente, elle a tempéré la rigueur de son monopole.

Peut-être quelques-uns abuseront-ils de cette tolérance, pour se laisser aller à i\i>> combinaisons quelque peu ris- quées. Mais ces entreprises demeureront toujours isolé elles relèvent, en tout cas, de la conscience et <l«i la dignité des hommes de lettres, plutôt que du tribunal de leurs confrères.

La Résistance à la Société

La Résistance à la Société

L'histoire de la Société des Ailleurs, pendant le siècle dernier, nous montre sa vitalité, et le développement continu de son influence : débile, bous La Révolution, et n'existant guère que sur le papier, elle prend corps en I s_''' mais sous forme d'association essentiellement libérale, ouverte à tous, ignorant la contrainte. Cette charte incom- plète la vouant à une existence précaire, elle se donne une constitution nouvelle, en 1837. Assurée désormais, par la rigueur de ses statuts, contre le> défaillances de - - membres, favorisée d'ailleurs par une jurisprudence plus indulgente, elle poursuit plus énergiquemenl Bes revendica- tions contre les administrations théâtrales : les obligations, toujours plus étroites, auxquelles <illc les astreint marquent l'affermissement progressif «I»' son pouvoir. Depuis mu* vingtaine d'années, on peut dire <ju';i cet égard elle est arrivée au terme de son évolution. Son programme est très chargé : on ne voit guère les exigences nouvelles «pi elle pourrait formuler.

La Société suivait d'ailleurs un chemin tout tracé : si les moyens mis en œuvre ont varié, le but n'a pas chanj

Aussi les directeurs de théâtre ont-ils compris, dès I abord, qu'ils se trouvaient en face d'un adversaire détermin faire s,-i pince: Us n'ont laissé échapper aucun* don de

protester contre son ingérence. Sous la Révolution, ! S s'était vu traiter de corporation : cela équivalait alors 1 un reproche d'incivisme; plus tard, les directeurs de théâtre n'ont pus manqué de reprendre cette arme, accusant le ij

ii>0 CHAPITRE VIII

dical de constituer un monopole illégal, contraire à la liberté de La production dramatique. Dans cette lutte, ils ont parfois rencontré l'appui de membres de la Société, irrités des règles prohibitives qu'elle édicté, persuadés qu'elle est fondée, non dans l'intérêt de la masse des littérateurs, mais pour le profit de quelques privilégiés.

Ce ne furent d'abord que des escarmouches, sans corps à corps, simplement pour prendre contact. Telles deux forces qui s'ignorent, la Société des Auteurs et les directeurs de théâtre se cherchaient, mais hésitaient à s'engager trop avant, doutant de l'issue du conllit.

Certaines concessions, que la Société leur avait de suite imposées, leur parurent particulièrement intolérables; à vrai dire, ces concessions leur avaient été demandées de tout temps, même avant la [{évolution.

Mais ils cherchent noise à la Société; quel que soit le motif de Leurs plaintes, ils s'insurgent moins contre telle ou telle clause des statuts, que contre l'existence même du syndical : tout comme leurs devanciers, qui signalaient, à débuts, L'agence Framery à la vindicte publique, ils dénoncent à l'opinion l'Association des Auteurs heu- reux, - Ils pouvaient la faire reculer, ou la dépouiller, le cas échéant, de ses titres juridiques.

Lei billets d'auteur devaient être Le prétexte indiqué des premières hostilités.

Dès 1830, au Lendemain même ou La Société se ranimait pour des Luttes nouvelles, au souffle de Scribe, les direc- tion! du Vaudeville, des Nouveautés, des Variétés et du imposants concentration manifestent bruyam- II1(jFI, contré ce tribut humiliant, fclles avertissent les

LA RÉSISTANCE A LA SOCIhlh 131

auteurs, par une circulaire, qu'il ne leur sera plus délivré l'avenir, de billets.

Le 11 janvier 1830, la Commission des Auteurs se réunit. Ne se trouvant pas suffisamment armée par l'acte social ébauche encore imparfaite pour assurer la discipline ef la cohésion des membres de la Société, elle décide que Les sociétaires s'engageront, par écrit, à ne pas laisser jouer leurs pièces sur les théâtres qui violeraient l'une des règles ins- crites dans les traités ; et ce, sous peine d'une Indemnité de 6,000 francs, versée à la caisse de secours.

En même temps, elle retire aux directeurs réfractaires l'usage de son répertoire, et leur intente un procès. Surpris sans doute par cette attitude résolue, qui leur lit subir, pen- dant trois mois, des pertes sérieuses, les directeurs rebelles n'insistent pas.

Le 2o novembre de la même année, le directeur de l'Ambigu montre des velléités d'indépendance : il annonce qu'il n'ouvrira plus les porte- de son théâtre aux auteurs munis d'entrées, et qu'il n'acceptera plus les billets rendus par les auteurs.

Geste de mauvaise humeur qui n'eut pas <bi suites. Le directeur, menacé d'interdit, s'empressa de baisser pavillon.

En 1833, la Société entre en conflit avec plusieurs scènes : quelques auteurs en profitenl pour se séparer de leurs confrères car ou aura beau changer les formes de gouv* nenient, au sein de l'association, on aura toujours grand peine a empêcher les dramaturges d'aller leur intérêt parti culier semble les appeler.

Le rapporteur à l'Assemblée générale, Frédéric Soulié, croit devoir blâmer ces défections : il a4jtti confri

de rester unis, sous l'égide du syndical I

i Sur ces premières difficultés, l D&SUlfttf 1(> Blémoin .

CHAPITRE VIII

Chose curieuse, le premier arrêt rendu en 1837 à la requête des directeurs de théâtre parut être un arrêt de mort pour la Société naissante.

Vers cette époque, M. de Cès-Caupenne, directeur déjà de l'Ambigu, avait pris en mains le théâtre de la Gaîté. La S ciété n'y vit d'ailleurs aucun mal : elle ne prohibait pas encore les trusts de théâtres.

M. de Cès-Caupenne succédait à la Gaîté à une direction malheureuse. Aussi son premier soin fut-il de remédier aux inconvénients qui, prétendait-il, avaient entraîné la ruine de son prédécesseur, et, entre tous, à la perception des droits d'auteur qu'il trouvait excessifs. Il remplaça les droits proportionnels à la recette, prélevés jusqu'alors sur cette scène, par le tarif en vigueur à l'Ambigu, qui compor- tait un simple droit fixe par soirée.

Emoi dans le camp des auteurs. A cette déclaration de rre, les dramaturges confédérés ripostent par un mani- feste : le 16 août 1837, ils tiennent conseil, et signent un accord, aux termes duquel tout associé qui donnerait une pièce à l'Ambigu, sera passible d'un dédit de six mille francs; les dissidents -<i verront, en outre, retirer les bénéfices de la correspondance entretenue par les agences.

M. de Cès-Caupenne ne s'en crut pas moins fondé à repré- senter, sans autorisation spéciale, certaines œuvres apparte- nant au répertoire de la Société. Bientôt le tribunal correc- tionnel lut saisi de trois plaintes : de MM. Langlé el Massé, auteurs dune opérette, Titiau chemin de fer, jouée à l'Ambigu leur permission : de M. Anicei Bourgeois, auteur en col- laboration de Héloïse et Abélard, représentée à La I îaîté, malgré

défense : de M"" veuve \ ictor-Ducange, qui se plaignait

leurs dramatique» défendue par set oÂversaireiy 1866, membre de la Commission de 1834 i 1864

I.A RESISTANCE A LA SOCIÉTÉ

que. Il y a seize ans, mélodrame en musique, eûl été trans- porté à la Gaité, .'ii dépii d'une convention portant qu'il ne serait plus donné <|ii';i l'Ambigu.

M1 Teste prit la défense de l'audacieui directeur. Il n< borna pas a Faire valoir les circonstances de fait, qui, pour chacune <l<' ces trois accusations, prouvaienl la bonne foi, sinon le bon droit de son client, el le garantissaient contre une condamnation en police correctionnelle. Il s'en pril «lu tement à l'association. Comparanl la situation actuelle des littérateurs avec le sort qui leur était fait avant Beaumar- chais, il s'écriait déjà, longtemps avant M Millerand :

« En cela, comme en tant d'autres choses, le bien fut dépassé. Aujourd'hui, quel changement! les protégés d'au- trefois protègent à leur tour; de pauvres qu'ils étaient, les auteurs sont devenus riches, <ii même fort riches, et ce im- sont plus eux (|iii prennent I»1 chemin <l<' I hôpital

Il dénonçait les agissements des dramaturges, qui ont formé une véritable ligue, et « fulminé contre M. <l«' < îès-( laupenne une véritable sentence d'excommunication . M. d< I Caupenne, en prenant la direction de la Gai té, s'était vu dans la nécessité de réduire les droits <l auteur, qui, tout en étant proportionnels à la recette, n étaient pas <'ii proportion <• avec In nature des représentations données sur les petits

théâtres du I levard, où, il faut bien en convenir, les

accessoires l'emportent sur l<i fond, pour satisfaire ."i\ exigences d'un public, qui, tout en ne payant guère, ^ t jouir beaucoup des yeux, et exclusivement des yeux

« M. de Cès-Caupenne, disait l'avocat, sans vouloir gêner l,i liberté de personne, veut au liberté. ' omi

directeur de l'Ambigu, il h su poser les h alutaii

(l'un traité qui le mel ô l'abri dexigism es qu'il trouv< exagérées : comme directeur de la Gaité, il

CHAPITRE VIII

qu'on avait imposé à son prédécesseur. Et quel joug I Son malheureux prédécesseur y a succombé! Loin de lui l'idée d'étendre au théâtre de la Gaîté le traité qui régil L'Ambigu. A La Gaité les transactions se passent de gré à gré ; c'est le droii de chacun ».

Ainsi ce m'étaii même pas un tarif nouveau que Le nou- veau directeur établissait à la Gaîté : il prétendait s'entendre il;m> chaque cas avec L'auteur. Cette prétention était la négation môme du principe sur lequel était fondée l'asso- ciation.

Le tribunal, s'attachant aux circonstances de fait invo- quées en laveur de la bonne foi du directeur, renvoya de

5-Caupenne des lins de la plainte. Mais un des considé- rants du jugement était la condamnation de la Société.

Attendu qu'il importe de remarquer que ces trois plaintes se justifient mal par leur intérêt réel; qu'elles paraissent n'avoir été introduites que dans l'intérêt d'une

ociation dont le but, qui n'a pas été nié à l'audience, est de frapper d'interdit Le théâtre de la Gaîté ;

attendu qu'une pareille association ne peut trouver pro- tection devant les magistrats, parce qu'elle est essentielle- ment contraire à !;• Liberté de L'industrie, en même temps qu'elle est peu compatible avec L'indépendance et La dignité des Lettres ».

Lu Société m' voulut pas rester sous Le coup d'une appré- ciation aussi sévère; elle lil appel, et La Cour lui donna

s faction, en supprimant l<i considérant blessant (1).

tie première alerte, la Société pul constater qu'elle

La.il pas suivie par l'unanimité de ses membres. Plusieurs,

ectionnel de Paris, <>■ \i- 17 janvier 1838; Gazette des tribu- i Cour de Parii, 22 mars 1838; Gazette des

ira.

LA RÉSISTANCE A LA SOCJBT1

en effet, refusèrent de s'incliner devant la décision de la Commission, qui avait interdit aux auteurs de pactise) les rebelles. C'est à la suite de cette résistance, que la Société, se jugeant imparfaitement protégée par ses statuts, contre les défaillances de ses membres, résolut de se cons- tituer en société civile et de remanier son acte social. Quant aux dissidents, il- Furent peu à peu réintégrés dans la Société. Pixérécourt et Clairville, notamment, rayés d'abord du syndicat, par décision dn 11 mars 1838, furenl amnistii sur leur demande expresse, en Assemblée générale du 12 avril 1840.

Pendant l'année qui suivit son différend avec l'Ambigu, la Société fui violemment prise a parti d'un autre côt<

Le procès qu'elle eut à soutenir, en 1838, contre MM. Poir- son et Cerfbeer, directeurs du Gymnase, s'éleva a propos de la clause du traité général stipulant que, chaque ann une représentation serait donnée à ce théâtre, au bénéfice des auteurs cette obligation a été transformée depuis (,n une redevance fixe, versée à la caisse sociale. ^ eut-il négli gence, ou mauvaise volonté de I;* part <l«' l'administration du Gymnase? En 1836, ''II'' était en retard de six représen tations. On ne put s'entendre sur le choix des spectacles, ni sur la fixation des dates; un projet <l»' transaction, débattu entre les parties, ne put aboutir; profitant «lu conflit, MM. Poirson et Cerfbeer prirent l'offensive, et annoncèrent aux auteurs, par une circulaire, que leursdroits seraient réglés désormais conformément à un tarit ai rMc par I adini- nistration. C'était s'affranchir délibérément de la tutelle de l'association.

De son côté, la So< iété des auteurs, repréaent

CHAPITRE VIII

MM. Rougemont, Dupaty, Scribe, Mélesville, Piccini, llalévy et autres, assigna Les directeurs (lovant le tribunal de com- merce, demandant L'exécution du traité, et, en particulier, Les représentations éludées.

M Vatel, qui plaida la cause du Gymnase, prétendit, tout d'abord, que Le procès avait été voulu par la Société, dési- reuse de faire proclamer sa légalité; si l'entente n'avait pu se Faire, c'est <|in' celle-ci tenait à un débat public. Peut- être cette allégation n'était-elle pas absolument fantaisiste. La Société devait avoir à cœur de se venger de sa défaite judiciaire initiale. L'avocat jugeait sans bienveillance les résultats de l'union des auteurs :

... un despotisme affreux qui pèse sur les adminislra- tions théâtrales, qui a renversé L'ancienne Société du théâtre de l'Opéra-Comique, qui vient d'amener la faillite du théâtre du Gymnase. Ce joug, les théâtres ne sont pas les seuls à Le subir; Les jeunes auteurs y soûl également soumis; sous peine d'être privés de la possibilité de recouvrer leurs droits d'auteur, il Faut <|ifils acquiescent aux lois de la Commis- sion. Cette coalition est monstrueuse et illicite ».

L'avocat de la Commission répondit que les auteurs avaient, comme les boulangers, comme les marchands de bois, le droit de confier à un syndical l'administration de Leurs intérêts. Le tribunal demeura d'accord que L'association h .i\ ;ni rien d'illicite, et condamna le Gymnase à s'acquitter, mois par mois, des représentations arriérées, jusqu'à par- Faite libération I .

I s directeurs firent appel : mais, entre temps, une transac- tion intervint : Faisant amende honorable, ils reconnurent la dite de l.i Société. C'était La morale de L'histoire.

bunal île ronimerce de la Seine, i i I 29 mars 1838, Gazette dei

LA RÉSISTANCE A LA 50< Il II

Ces! encore les directeurs du Gymnase, que i - retrou- vons sur la brèche, cinq ans plus lard. Cette fois-ci, ils n'avaieni violé aucune des clauses de leur traité. C'est la Société qui, eu cours d'exécution du contrat, s'était ravig et avait voulu leur imposer des charges nouvelles. I i directeurs tenaient de la Société un bail de trois, six, ou neuf années, au gré de la Commission : profitant d'une échéance, celle-ci émit, en 1842, la prétention de réviser le traité : elle réclamai! notamment le fonctionnement d'un comité de lecture, certains avantages, relativement aux entrées accordées aux auteurs, et le rétablissement de l'ancien droit <lo billets d'auteur, qui avait été converti, du consentement de la Commission, «ui une rétribution li\'-.

MM. Poirson e1 Cerfbeer refusèrent toute concession. IU adresseront une pmclnnuiliou à MM. I'1- auteurs, leur annonçant que leurs droits seraient désormais fixés d'après un tarif, arrêté après examen attentif des ressources de l'entreprise. IU rappelaient le premier jugement de 18 condamnant l'existence de la Société; ils dénonçaient une association, - qui, au lieu de se borner ;i veiller aux inlér cl aux droits généraux des auteurs, avait cru pouvoir, au moyen d'un système de coalition illicite, détruire complète ment la liberté de l'industrie théâtrale... ••! avait confisqué, au profil des seuls associés les deux agents, établis au nom et par les soins <l<" l'universalité des auteurs, la percep lion des droits en province ».

La Société des Vuteurs riposta, en mettant leGymnaseen interdit ; (liins un.- circulaire adressée aux auteurs, elle justifiait l'association, qui s'était reformée, en ls "'•

mettre un {.unir aux combinaisons auxquelh

»

CHAPITRE VIII

administrations théâtrales el le Gymnase en particulier frustraienl trop souvenl les auteurs.

Théophile Gautier, dans son feuilleton dramatique, com- mente ain^i la nouvelle :

Le Gymnase esl mis au ban de la république des lettres; c'est un lieu maudit, et condamné solennellement. Il es! défendu à loul auteur, et à nous-méme, sous peine de six mille francs d'amende, de lui fournir la moindre bribe de dialogue, la pins légère pointe de couplet » (1).

Le Gymnase essaya de se passer de la Société. On eut, pour la première fois, le spectacle rare d'un théâtre vivant •il marge du syndicat.

Dans cette lutte, il rencontra tout d'abord le concours de certains membres de la Société, entre autres de Léon Laya, <l«Hit une pièce intitulée L<' premier Chapitre était en cours de représentations au théâtre, lorsque surgit le conflit. Léon Laya autorisa d'abord les directeurs à continuer les repré- sentations. M;ii> bientôt, menacé par ses confrères dune amende de 6,000 francs, et d'un procès, il se rendit à la Commission, et signifia défense de jouer sa pièce.

Les rebelles ne se découragèrent pourtant pas. Ils pén- sèrenl h créer une agence, faisant concurrence aux agences de la Société : ils trouvèrent, parait-il, jusqu'à quatre cents correspondants en province; mais la Société en avait six cents « sa disposition, et elle intima défense à ces intrus de percevoir les d roits d'auteur.

De guerre lasse, \l\l. Poirson et Cerfbeer se retournèrent

contre la Commission, représentée par Victor Hugo, Dupaty,

nnery, Halév} el autres : ils l'assignèrenl devant le Iri-

bunaJ civil, alléguant qu'elle ne pouvait leur refuser un

éophile Gautier, L'art dramatique en France depuis vingt cinq ans. •■•lit-, page 261.

LA RÉSKTANl I a Là' SO il il'

traité, et lui réclamant <l«i ce chef 60,000 francs de dom- mages-intérêts. C'était, avani la lettre, I" procès de MM I. «'I Richemond contre la Société.

M"' Chaix d'Esl Ange, qui soutint devant le tribunal civil les revendications des directeurs, ouvrit la discussion par une déclaration des plus solennelles :

k Nous venons soumettre a votre examen, disait-il aux magistrats, une question <|ni intéresse à la t<>i^ l'honneur des lettres et la liberté de l'industrie. La résoudre contre nous. <•»> ne sérail pas seulement prononcer l'asservi ssemenl des entreprises théâtrales, ce sérail en même t « - 1 1 1 j >- préparer au commerce des entraves, contre lesquelles immI.--i.-hI les principes de la loi, les enseignements de la jurispruder et toutes les règles enfin <l<' I;» science économique

C'est toujours l'accusation d'atteinte portée a la liberté <lu travail, atteinte qui devient, pour les besoins «lu procès, la cause d'une véritable perturbation économique.

Le célèbre avocal rappela fort habilement l'historique de la Société, au <l<;l>ul association timide, incertaine, qui faisait peu de bruit dans le monde . bientôt - Ive, et qui aurait pu prendre pour devise «tl l<* de son fondateur, Beaumarchais : - Ma vie <i-l un combat

Sou règne ne s'était établi que par la force sur les auteurs, qui avaient signé a leur corps défendant, et pour continuer à bénéficier des agences accaparées sur les din leurs, qui n'avaient accepté ses traités que le couteau sui gorge. L'avocat produisait, à l'appui de ses dires, une attes

tion de contrainte f nie par les directeurs de I U

Comique, du Palais-Royal, de la Porte Saint Martin, de la Gaîté, de l'Ambigu, des Folies Dramatiques. Pléh posant contre la confédération des auteurs.

Les clauses des traités généraux, pas plus que oelle*

', M) CHAPITRE VIII

pacte social, n'échappèrent à La critique hostile de M* Chaix d'Est Ange : il s'en pril aux droits perçus sur le domaine public, aux billets d'auteur, dont le rétablissement exigé lui cause de la rupture des relations avec le Gymnase : il conclut en demandant la nullité de la Société, comme contraire aux lois et ;> l'ordre public. Elle violail le principe de libre concurrence, que Turgot avait cherche à Paire prédominer, et que la Révolution avait proclamé. Elle tombait sous le coup d'un arrêt rendu en 1826 contre des marchands de porcelaine, qui s'étaient concertés pour faire la loi sur le marché, et dont l'entente avait été déclarée illicite.

Les auteurs s'indigneront, à la pensée d'être comparés à des marchands. Mais l'avocat n'en avait cure :

Que vous gardiez d'abord, leur disait-il, votre gloire à l'Institut, et le bruit des applaudissements qui vous enivrent, je le conçois : mais vous voulez aussi une autre monnaie pour I»' prix de vos œuvres. Vous en voulez beaucoup. Vous ne vous perdez pas dans les nuages de la gloire, et dans les vapeurs de l'imagination. Vous descendez souvent sur la terre, et alors vous êtes ^(^ gens très positifs ».

Les œuvres de l'esprit sont donc une marchandise tout comme le grain, le blé, on la viande : le législateur n'a pu s'en désintéresser, et il est interdit à ceux qui en font com- merce, d'en fausser arbitrairement les cours.

\| Dupin, chargé de la défense de la Société' des Ailleurs, présenta les choses sous des couleurs bien différentes : on parlait de coalition, pouvait-on appeler «le ce nom la ligue des petits contre les puissants, *\*k> pauvres contre les riches? I S 'était fondée pour faire rendre justice aux écri-

as, pour remédier à de multiples abus. Les directeurs n'avaient il- pac auparavant - les billets donnés, ou censés donnés, cju'pq vend : lei loges données & ta fa,mil)ç et aux

LA RÉSISTANCE A LA S \\\

ami-, el qu'on vend, sans que les actionnaires, les hôpi- taux, les auteurs, y prélèvenl rien

La Société, disait-on, avail mis la main sur les agen « Mais je suppose, disait Me Dupin, une entreprise commer- ciale ayant des commis voyageurs dans les villes, ayanl annoncé partoul que quiconque ne sérail pas de la soci< ne pourrait se servir de ses commis voyageurs. Sera-t-on admis à dire : Vous faites une coalition .'

La Société avait, comme ressource suprême, contre les administrations théâtrales, La mise à l'interdit. M qu'était-ce »|in' cette vengeance, sinon la condition résolu- toire prévue par L'article L18I du Code civil? Les auteurs associés retirent leur répertoire, tout comme pourraienl le faire d<^ autours étrangers à L'association.

Quanl à assimiler les auteurs dramatiques à des mar- chands de porcelaine, c'était déraisonner.

« Oui, sans doute, s'écriait I»1 défenseur d<i I S iété, dans une éloquente péroraison, on ne peut contester qu'un homme de lettres, qui consume sa vie dans les travaux litl raires, qui concourt à la gloire <il à l'illustration du pays, ne doive \ attacher une noble <il honorable rétribution. Mais L'homme de Lettres, <|ui reçoit une rétribution pour ses travaux, n<i reçoit pas plus l<i salaire d'une marchand i que vous recevez le salaire de vos paroles en venant défendre ses droits. Vous recevez les honoraires de vos

soins ».

Qu'aurait dit L'honorable avocat, s'il avait entendu, temps derniers, des gens téméraires assimiler à un salaire les émoluments du barreau ?

Le tribunal u'en approuva pas i is ses conclus

rejeta La demande de Poirson et Cerfbeer, estimant que Le syndical des auteurs n'pffrait aucun d<

4 CHAPITRE VIII

dition, el n'était qu'une assurance mutuelle entre les signataires, pour l'exécution de traités librement consentis avec les directeurs, el pour la perception des droits d'au- teur.

Les directeurs condamnés en appelèrent, mais ils n'eurent pas plus ilf succès au second degré (1).

Pendant que se déroulaient les péripéties judiciaires de

duel dramatique, le Gymnase continuait à lutter contre la mauvaise chance «j u i le poursuivait.

Après Le premier Chapitre, de Léon Laya, on avait vu sur l'affiche Taima ru congé, de Biéville : ces deux pièces, remarque Théophile Gautier, représentent 12,000 francs de dédit, el ae les valenl pas (2).

En septembre 1812, Fournier, autre transfuge, donne

Céline ou la Famille de f absent, pièce qui dut surtout d'être

utée à Rose-Chéri.

Ses beaux yeux, écrit Théophile Gautier, feront plus de

tort à l'association des auteurs, que les vaudevilles de

M. Pournier 3 .

Dès octobre, Laya et Fournier ayant abandonné les mal- heureux directeurs, ils ne jouent plus que des inconnus : entre autres, M. Jules <!•■ Prévaray, celui-là peut-être, dit le critique, qui demande, dans les Petites Affiches << un colla- borateur de bonne famille pour faire ensemble de jolis vaudevilles . Il q 'apporte au Gymnase en détresse qu'une pièce traitée déjà par sept ou huit faiseurs» (i).

Nous avons parlé de l'appel retentissant que le Gymnase,

i Tribunal <i\ii de la Seine, 30 décembre 1842, Gazette des tribunaux, ur de Paris, " novembre 1843, Gazette des tribunaux,

' i mtier, <hi<i ,

/' ;

LA RÉSI8TANC1 a LA -

aux abois, lança aux jeunes auteurs, appelant à son secours les écrivains abandonnés du ciel ri de la terre : nous avons vu ce théâtre mourant d'inanition, dans l'abondance des manuscrits.

!)»>- septembre 1843, il ne trouve plus rien à jouer, l désespoir «le cause, il veul tàter d'un vaudeville, qui eul son jour de gloire quelque quarante ans auparavant : cette pi< in* parvient pas à dérider les spectateurs. De guerre la Poirson céda le Gymnase à Montign) : bientôt Scribe rentra, en maître, sur la scène soumise, avec Les Surpn

Mais, avant d'abdiquer, M. Poirson se v< s de la Com- mission par une lette curieuse, <d dont les termes ne s

semblent nullement démodés : •• Messieurs,

« Puisqu'il reste démontré désormais, après tant d'épreuves successives, «| u«i l'association des Auteurs dramatiques n'a pas un pouvoir exorbitant, que les théâtres -<»nl libres de ne pas recevoir se» conditions, quelles qu'elles soient : «pil- les auteurs ne sont pas contraints d'en faire partie, sous peine d'être ruinés; que MM. Fournier, Paul Dupont auteurs <jui protestaient contre l'attitude de l'association et d'autres malhonnêtes gens, \ sont entrés volontairement, d y demeurent de leur plein gré : qu'elle ne confisque | en dépit de la loi. le domaine public ; que c'est le Gymn qui, en 1830, faisait vendre l<'- billets, dont il poursuivait énergiquement le trafic; que c'est me' simple assurai mutuelle, à laquelle on est seulement forcé de se faire assui que c'est moi qui ai rompu !•■ bail de trois, six, neuf, que j'avais sollicité; que j'avais voulu, tout en les aii( réellement^ diminuer les honoraires des gens de lettres, ma confrères : qu'entre l«i- deux adversaires, le plu- fort, dei nécessairement être présumé opprimé pai le plu- faibli

i ( l CHAPITRE VIII

droit avant toul à protection; e1 qu'enfin la terre ne tourne pas : il y aurait obstination à persister encore, après tant d'éloquents plaidoyers, et, quoique je n'aie soulevé, pendant une administration de vingt-trois .années, que cette seule discussion, je crains le reproche d'entêtement. 11 m'importe dune qu'on sache que je me déclare bien édifié, et que j'accepterais >ans doute, aussi librement que par le passé, les traîtres de l'Association, si d'ici à peu de jours, je ne devais résigner mes fonctions, et laisser à mon successeur I»- mérite d'une soumission tout à fait spontanée. Recevez, etc.. » (1).

Sur le différend entre le (iymnase et la Société, s'était

Bfé un incident entre la Commission et M. Fournier,

auteur attaché à la direction, qui avait pris parti pour

celle-ci. Nous avons eu l'occasion de signaler ce contlit ;

rappelons que !<' tribunal n'hésita pas à déclarer l'auteur

iiétaire malgré lui, et à affirmer qu'il ne pouvait s'affran- chir de [a protection de la Société.

En 1859, des difficultés s'élevèrent entre la Société des Auteurs et le directeur du théâtre Beaumarchais, M. Bar- tholy, au sujet du renouvellement de leurs conventions. M. Bartholy, qui se trouvait momentanément suis trait»', ii en prétendit pas moins continuel' ;i jouer Polder, un mélo- drame de Pixérécourt et Victor-Ducange, membres de l'as- îation. C'était un*' prétention tout à fait injustifiée, que !«• tribunal repoussa il .

La Ci tnmission m* se borna pas à ce premier succès. Elle

\lmnauXy 11 décembre i

î 1 ].' ,-\ |'i jujllet I Wt '"' '■'/r fff* Inhumai /-.

LA RESISTANCE \ l.\ SOCIÉTÉ

i i.i

poursuivit en justice deux sociétaires, qui, sans tenir compte de la mise en interdit qui avait frappe le théâtre Beau m chais, avaient laissé jouer sur cette scène deui pièces de

leur composition : Gourdon de Ge lillac, auteur de la

Banlieue de Paris^ ei Lapointe, auteur de la Jeunesse de Franklin. Ce dernier fut d'ailleurs mis hors de cause par le tribunal, comme ayanl cédé à un collaborateur la propriété de sa pièce I .

Quelques années plus tard, un procès plus retentissant donnail encore au public l«i spectacle fâcheux d'auteurs en lutte contre la Société.

Nous avons raconté plus haut les incidents d'adminis- tration intérieure, qui jetèrenl le trouble dans l'association, et qui firent se dresser, en face de la Commission statutaire, un comité insurrectionnel; ce comité, qui levail l'étendard de la révolte, se réclamait de noms glorieux : M. Maquet, ex-président de la Commission, <jni poursuivait, ''ii 1861, au nom de la Société, certains auteurs réfractaires : Legom Emile Augier, Labiche, ei La} a.

Ces sociétaires mécontents songeaient à fonder uni ciation rivale «pii lût vraiment l'image de la liberté : ils voulaient la suppression des agences, trop puissantes à leur gré, le droit pour les auteurs de >«' retirer, à toul moment, du syndicat. Le tribunal civil refréna ces velléités d'indép< dance, el les rejeta, malgré <'m\. dans les rangs de la S

cirlr 2 .

Cette tentative de scission n'en souleva pas moins une vive émotion dans l<i public; la verve des journalisl s'exerça aux dépens de la Société. Dans V Opinion n

I Tribunal civil de la Seine, I ni u

i Tribunal civil de la Seim 28 juilh I L el II

bunaux. 5 •■! I- août.

146 CHAPITRE VIII

Sarcey portait, contre ses statuts et sa politique, un juge* ment des plus sévères (1).

Le principe même de L'association, l'égalité dans la rétri- bution, lui apparaissait comme absurde :

In méchant tailleur, disait-il à ce propos, n'exige pas, (I.' ses habits, le même prix qu'Alfred. Gallimard ne vend passes tableaux comme Baudry; Tartempion écrit à raison .1.' trois centimes In ligne, qu'on paie dix sous à Dumas ou

Vbout. L'égalité des salaires... est une monstrueuse niai- serie ».

Quand on violente la nature, elle se retourne contre vous. \ussi l,i Société a eu beau voter un tarif égal pour tous, cela Q'empêche pas beaucoup de ses membres de renoncer, à L'occasion, à tout ou partie de leurs droits. Sarcey citait cel aveu plaisant fait par un jeune auteur, impatient de voir son nom sur L'affiche :

Enfin, monsieur, dévoré de La rage d'être joué, de me faire un nom. j'en vins à proposer au directeur de prendre ma pièce pour rien. Il me mit à la porte, en me traitant de malhonnête homme. Voilà deux ans; j'ai bien souvent réfléchi ;< ma proposition, je ne suis pas encore parvenu à bout de découvrir <•«' qu'elle avait de malhonnête ».

Mais, -i l<-- inconnus sont mis à In porte, les auteurs

connus, que l'on écoute, ne restent pas étrangers à <'<'seom- binaisons. De sorte que « les puissants s'affranchissent des lois dont M- s'arment pour repousser les faibles».

La vérité <•-! que La plupart «les directeurs ont, avec Les - arrivés, ou avec les hommes d'affaires de In Littérature,

traités secrets, en désaccord formel avec In loi que les >m- oui pu»' <!<■ faire observer, que les ;iulr<'s sont chargés

►,12 I') décembre 18G4.

LA RÉSISTANCE A La 80< h i i

de faire observer, et que les débutants vont incessammenl se briser la tête contre ces ligues, d autan! plus fortes quelles sont insaisissables, el que tout le monde les nie

Sarcey observaii que, depuis une vingtaine dam 5, les

jeunes avaienl été systématiquement écartés de la plu pari des théâtres, et surtout des théâtres de drame. Sans doute quelques-uns avaient-ils du talent.

Eu réalité, la Société a fait son temps : elle ne doit survivre, sinon comme agence financière, à l'Ancien Régime, qui a provoqué sa formation.

« On n'en sent plus aujourd'hui que l'insupportable t\ -mimique domination. Les débutants, qui veulent \ entrer, croyant trouver une protection, sont écrasés, anéantis par elle, deux qui se tiennent en dehors la rencontrent partout, barrant le passage. Elle a desséché tous les théâtres que main a touchés. L'art étouffe sous cette réglementation, aussi absurde que celles «I»'- jurandes au moyen âge

Dans un opuscule intéressant, publié sous forme de dia- logue entre un « mécontent » et un satisfait . M. Arthur Arnould arrivait à la même conclusion. Il traçait de I avenir de l'art dramatique le tableau le plus sombre I , \ son avis, la liberté des théâtres n'avait réalisé aucune des espéran qu'on fondait sur elle, dans le monde des lettres, pai qu'elle s'était heurtée au monopole de la Sociél la

faute de cette association, il est presque impossible < un jeune «le se faire jour. Le théâtre est accapan parquelqu privilégiés, toujours les mêmes.

« Ainsi il n'est pas rare de voir un seul auteu ou

sans collaborateurs et ces collaborateurs eux-mêmes sont inamovibles . donner I»' même soir deux drames, I un la

1 l.n liberté des Théâtre* et t'A Arthur Arnould. Paris. Librairie du 1

448 CHAPITRE VIII

Porte Saint-Martin, l'autre à la Gaité, trois ou quatre vaude- villes, aux Variétés et au Palais-Royal, une comédie au Gymnase, une féerie ou une pièce militaire au Ghâtelet, enfin un libretto d'opéra-comique à la salle Favart. De telle sorte, qu'après avoir pleuré avec X... et Cie, c'est avec X... et Ci(> qu'on va rire, puis encore avec X... et Gk> qu'on va applaudir les prouesses de nos héroïques soldats... ».

Donc le théâtre ne se renouvelle pas, alors que les revues et les journaux révèlent chaque jour de nouveaux noms. Pourquoi? Parce que toute pièce montée représente une mise financière considérable : pour que le directeur la retrouve, il lui faut cinquante ou cent représentations assurées. 11 a toutes chances de les avoir, en s'adressant à Fauteur en vogue, connaissant à fond les ressources du théâtre inté- ressé, les goûts de sa clientèle. Avec un débutant, il se jette dans l'inconnu, peut-être dans la faillite. Pourquoi courir ce risque énorme, alors qu'il doit payer autant Fun que l'autre? en faisant de cette obligation son principe d'action, la Société n'a donc fait qu'accroître, pour les jeunes, la difficulté qu'ils rencontrent déjà, par la force des choses, à se faire jouer.

Les jeunes ne sont pas les seules victimes d'une situation aussi anormale : l'art dramatique lui-même en souffre, accaparé par des faiseurs qui servent au public toujours le même plat. Un autre mal assure d'ailleurs, de génération en génération, la continuité des mêmes procédés : c'est la collaboration. Le dramaturge connu appelle à son aide le débutant, lui impose sa manière, et, moyennant les trois quarts ou l;i totalité des droits d'auteur, signe avec lui. 11 y a un ouvrier de plus, mais c'est toujours le même atelier qui fonctionne.

Comme remède aux abus signalés, l'auteur de l'opuscule proposait une association rivale, ouverte à tous les débutants,

LA RÉSISTANCE A LA SOCIÉTÉ 440

leur facilitant des débouchés, en garantissant les directions contre les chances d'insuccès. Plus de tarifs : chacun débat- trait librement le prix de son œuvre. En outre, et pour pro- téger ses membres contre les refus injustifiés, l'association ferait, au besoin, un appel à l'opinion, en organisant des lectures et des représentations publiques.

De la sorte les jeunes verraient tomber ton les les barrières qui, jusqu'alors, leur ont fermé l'accès de La plupart des scènes : obstacles naturels résultant des nécessités finan- cières dans lesquelles se débattent les théâtres ; obstacles artificiels élevés par la Société des Auteurs.

Le projet était généreux, autant que chimérique. La Société des Auteurs ne s'en montra pas moins émue des attaques dont elle était l'objet. Aussi, quelques années plus lard, lorsqu'elle poursuivit en justice M. Moreau-Sainti, directeur des Folies-Dramatiques, coupable de collusion avec deux écrivains qui s'étaient dépouillés de leurs droits (railleur, elle saisit cette occasion de se disculper auprès du public. Me Chaudey, chargé de la défense «le ses intérêts, présenta l'association comme une institution vraiment démocratique, donnant l'exemple « «l'une résistance légalement organisée du travail contre La domination de l'argent ».

Les temps étaient changés. La Société, qui se défendait autrefois de constituer une corporation, tenait aujourd'hui à honneur de paraître participer nu mouvement syndicaliste naissant. Et les dramaturges, qui s'indignaient jadis, à La pensée qu'on pùl les comparer à des marchands de porce- laine, se réclamaient de leurs confrères en travail, les typo- graphes, les menuisiers, les tailleurs de pierre, etc... C'est à

CHAPITRE VIII

titre d'ailleurs, que la Société eul plus tard L'approbation du socialisme.

Les auteurs dramatiques, inconsciemment sans doute, dépassent la classe ouvrière, el lui donnent un précieux exemple qui ne sera pas perdu. Le trust des auteurs drama- tiques a trouvé la formule du contrat collectif » (1).

La Société opprime-t-elle les faibles? disait Me Chaudey.

^i nu contraire dans leur intérêt quelle s'est fondée, et pour leur assurer des avantages, jusqu'alors réservés aux forts. Etablit-elle une égalité dans le salaire, qui serait contre nature, dans un domaine le talent fait tout? Non : elle se contente de proportionner pour tous, dans la même me- sure, la rémunération au bénéfice des directeurs ; mais l'importance «le la rétribution variera naturellement suivant le succès obtenu (2).

A partir de L870, la Société des Auteurs, après les agila- tions, I»'- querelles qui avaient menacé son existence, eut une Longue période de calme et de recueillement. Ouelques incidents surgirent : mais les directeurs, découragés sans doute par leurs tentatives infructueuses, ou résignés à leur -Mil. semblaient renoncer à conspirer contre ses jours. \ccalmie trompeuse : car soudain, sur L'horizon tranquille; un orage s'éleva, qui faillit emporter la maison des auteurs. lui pour Les dramaturges une crise d'autant plus grave, qu'elle lui insidieuse : il ne s'agissait plus d'un directeur menacé de charges nouvelles, <d acculé, par une brusque rupture des relations, ;• une résistance désespérée. En pleine paix,] S trouvait, en face d'elle, des adversaires puis-

/ Humanité numéro du '< mai 1904.

- ' iH~n. pages no ci suivantes ; Gazette des Tribuiiauj, 29 août

LA RÉ8ISTAN4 l \ L\ SOdÉT!

sants, assurés, dans le camp même des auteurs, de sympa- thies avouées, el préparant, sans \ Iolence, la réalisation d un programme mûrement délibéré.

A la date du 28 novembre 1901, une société en corn m m dite était formée, réunissant, sous une même administration financière, les deux théâtres des Polies-Dramatiques et de l'Athénée, dirigés avec succès par M. Richemond el par M. Deval. Bientôt les opérations de cette société s'étendaient. En son nom. M. Roy, banquier, achetai 1 I.- droit au bail <!«• la scène des Bouffes-Parisiens, se promettant de conjurer l<i sort qui semble vouer ce théâtre à la déconfiture.

Le 13 novembre 1901, il se présentait à la rue liippolyte- Lebas, demandant un traité, comme futur directeur de «■'•! établissement. Il se disait d'ailleurs libre d'attai le-- avec les administrations de l'Athénée et des Folies-Dramatiqui

Cependant la Commission avait quelques doutes sur son indépendance financière. Aussi lui lit-elle subir un véritable Interrogatoire :

« 11 me tut posé par tous les membres composant cette Commission, raconte M. Roy, nu»' quantité de « 1 1 1 «*-i i * > n - . parmi lesquelles celle-ci de M. le Président I >nnaissea vous MM. Deval et Richemond? Oui, beaucoup répon dis-je . Aussitôt dix voix s'élèvent, m'imposent toutes sortes *\r conditions pour obtenir l<" traité, et entre auti celle-ci : « Nous m- prendrez aucun artiste d.- I Vthénée el des Folies-Dramatiques. Vous n'emprunterez aucun d. auxdits théâtres. Nous vous défendons d.- prendre conseil m de M. Richemond, m d.- M. \)r\;A Quand le calme rétablit, M. Pierre Wolff ajoute : Nous ne vous emp pas pourtant de dîner quelquefois avec vos amis

[i] U Temps, : a .

pas pou

1. Le T

|52 CHAPITRE VIII

Bientôt la Commission connut, au moins dans ses grandes lignes, le plan de campagne grâce auquel une société finan- cière se proposait d'accaparer trois scènes importantes. Le danger parul Imminent. Elle refusa de traiter avec M. Roy.

C'était un échec sensible pour les directeurs associés. Ils voulurenl être fixés de suite sur l'étendue du désastre : M. Richemond, directeur des Folies-Dramatiques, demanda a la Commission si son traité, qui expirait le 31 août 1904, lui serait renouvelé; ajournant toute réponse, cette assem- blée lui lit savoir que la question ne pourrait être examinée qu'au cours de Tannée suivante, par une nouvelle Commis- sion.

Les adversaires étaient lixés. Ils prirent les devants. Le 26 novembre 1(.H):{, M. Roy assignait la Commission en paiement de cent mille francs de dommages-intérêts, pour refus de traité aux Bouffes-Parisiens.

La rupture était consommée. La Société des Auteurs •il était-elle responsable? Ltail-ce par caprice, par mauvaise volonté, qu'elle ;ivail renoncé de traiter avec M. Roy, et qu'elle avait marqué son intention de mettre fin à l'union de l'Athénée et dés Folies-Dramatiques? On l'a prétendu. La Société, a-t-on dit, est partie <m guerre mal à propos. Elle s'est battue contre des moulins; ellle a pris pour un trust effrayanl une innocente combinaison financière, per- mettant a des théâtres, éprouvés par l'adversité, d'équi- librer plus aisémenl leur budget.

i pour les besoins de la cause, a-t-on dit <mssi, que la Commission a in\<'nlé cette règle, qui n'es! inscrite nulle pari dans les statuts, que deux établissements ne sauraient être i * 1 1 ii i - dans la même main.

En réalité, il \ avait des précédents, de date récente. Il v a une dizaine d'années, MM. Porel <•! Carré, directeurs du

LA RÉSISTANCE A LA S

Vaudeville, s'emparèrent du Gymnase, donl M. Porel pril la direction. Il- se promettaient de supprimer ainsi la rivalité qui a toujours existé entre ces deux scènes voisines. Mais le but fut dépassé : avec l'émulation, disparu! la concurren La Société, constatant les piètres résultats de l'opération, les inconvénients que de telles combinaisons présentaient pour les auteurs et pour les artistes, décida, en 1898, de ne plus traiter pour doux théâtres avec un même directeur I Elle eut l'occasion de montrer ses intentions à cet égard

lorsque, l'année suivante, il s'agil de nommer un iveau

directeur .-i l'Opéra-Comique. La Commission favorisa la nomination de M. Carré : solution élégante, qui brisait le trnsl à peint' éclos.

Sans doute, la Société se montrait moins intolérante ['"iu- les music-halls, <it il n'était \n\> exceptionnel de voir deui ou trois de ces établissements placés sous la même direction. On cite même M. Ruez, qui détint un moment avec la Fourmi et la Comédie-Mondaine, Parisiana, Printan l'Olympia, et les Folies-Bergère. Mais la Société ne pouvait se montrer aussi exigeante pour des scènes sa perception ne s'était pas établie sans difficultés, et que son intransi geance lui eût peut-être aliénées, routefois, lorsque MM Isola, en l!>o:{. s'établirent à la Gaîté, la Commission» <|imIs abandonnassent un i\*>> deux music-halls «jn il- déte naient. Et, comme il n'est pas de faveur, à la Société, qui ne se paie, MM. Isola acceptèrent de verser 12 0 (|. pour les pièces nom elles, au lieu de H* n (| 2

En refusant un traité à M. Roy, affilié h l'Athénée et Polies-Dramatiques, la Société n'innovait donc pas elle conformait à une jurisprudence bien établie

l Annuaire /v/\. \ 2) A

154 CHAPITRE VIII

N'avait-elle affaire, comme on l'a prétendu, qu'à des direc- teurs soucieux de réduire, par une entente financière, les frais généraux de plusieurs scènes, sans nuire aux auteurs ou aux artistes? 11 esl permis d'en douter: certaines dépenses, dans un théâtre, semblent malaisément réductibles; ainsi les frais de lover, de chauffage, d'éclairage de la salle ; d'antres sont au contraire infiniment compressibles: ce sont justement les droits des auteurs, cl les cachets des artistes. Aussi bien les directeurs associés cachaient-ils à peine leur désir d'amener à composition les artistes trop exigeants, et de traiter les écrivains suivant leur mérite, donnant aux uns jusqu'à 15 0/0, aux autres 2 0/0, et peut-être rien. Théorie séduisante, en apparence, mais que l'expérience condamne. La Société avail donc quelque raison de repousser l'invasion. Elle rencontra d'ailleurs l'appui de l'association des artistes dramatiques, ennemie par avance du trust.

Les directeurs, écrivait M. Gémier, au lieu d'avoir une troupe complète pour chaque théâtre, préféreront avoir des pensionnaires, <jui. dans la même soirée, rayonneront de

ne en scène, allant jouer, par exemple, le lever de rideau .i l'Athénée, le deuxième acte aux Folies, et le dernier aux Bouffes

M. Gémier \oyail déjà, par la pensée, des artistes » famé- liques, tristes, nerveux, ne gagnant pas de quoi habiller leurs personnages... ni eux-mêmes ».

Le public lui-même en souffrirait; carquidil trust, dit uniformité de distribution, de mise <'n scène; el peut-être de genre. Il nous déplait, écrivait M. Capus, examinant la question des décors, que le « salon » du Vaudeville reparaisse au Gymnase, el que la •• forêt >> de l'Ambigu soil transportée telet.

I e d inger, d ailleurs, se précisait, se révélail bientôt, dans

LA RÉSISTANCE h LA SOCIETE

toute son étendue : le bruit s'accréditait que la trinitë finan- cière dénoncée allait accaparer, après les Bouffes-Parisiens le Gymnase, le Palais-Royal, les Variétés; el ce a 'était, sans doute, qu'un début, pour se mettre en goût, éprouver ses forces. Plus redoutable qu'un roi de l'acier ou du euh re, M. Roy se dressait, devant les dramaturges effray<

L'émoi fut grand dans le camp des auteurs. A rassemblée générale du mois de mai 1904, M. Bernstein prononça contre le trust naissant un réquisitoire fougueux. Car c'était bien à un trust que la Société ^«i heurtait : l»'v audacieui din leurs voulaient affamer 1<in auteurs, les réduire au sort de leurs infortunés confrères de Londres et de New-York, qui, ;i part les chefs de file, n'obtiennent, pour leurs manuscrits, que doux mille, mille ou cinq cents fran< -

L'assemblée approuva d'enthousiasme les résolutions de la Commission; seuls, ln»i^ membres votèrent contre MM. Henri Kéroul, Tristan Bernard et Albert Barré. Huit s'abstinrent: MM. Paul Bilhaud, Michel Carré, Jules! Henry de Gorsse, André Lénéka, Léon Nunès, Fernand \ an rem, et Léon Xanrof.

Une scission allait-elle se produire dans le monde des dra- maturges, comme au temps <>ù Emile Vugier s'insurgeait contre la Commission? Partisans et ennemis du trust allaient-ils s'entre-dévorer? Les hostilités se bornèrent .'• une assemblée de protestation, qui Fut convoquée quelques jours après par M. Bilhaud. Mais il ) eut des cas individuels de résistance, qui compliquèrent singulièrement la i kche d< Société.

La Commission nouvellement nommée avait fait en i connaître officiellement .< M. Richemond que son lui serait pas renouvelé, tant qu'il n'aurait pas rom| attaches qu'il avait avec l'Athénée Cette d n poui

CHAPITRE VIII

être préjudiciable à plusieurs pièces : Une Nuit de Noces de M. Kéroul, en coins de représentations aux Folies-Drama- tiques : ei deux pièces reçues à ce même théâtre : Volcan d* Amour de M. Carré, ei Madame VOrdonnance de MM. Chan- cel ei < îorsse.

La Commission, dans un esprit de conciliation, autorisa M. Richemond à poursuivre, en tant que besoin, et même après l'expiration de son traité, la carrière d'Une Nuit de Noces. Quanl aux autres manuscrits, elle fit savoir aux auteurs qu'ils devaient, aux termes des statuts, les retirer. Les intéressés refusèrent de s'incliner, à l'exception de M. de Gorsse. Ce dernier était d'ailleurs retenu par la nécessité dans l'obéissance aux statuts :

Je dois faire la saison prochaine, écrivait-il à son colla- borateur, la revue de la Scala, el la revue des Ambassadeurs <•! de l'Alcazar.. Or ces commandes me seraient certainement retirées, si je me voyais rayé des cadres de la Société, car ni le directeur des Ambassadeurs d'été, ni la direction de la S ila m' me maintiendraient, s'ils se trouvaient toutàcoup dans l'obligation, en me jouant, de payer 5 0/0 de droits à moi, •'! 5 o o de droits à la Société » (1).

Par contre M. Porest, bien qu'il ne lïil pas personnelle- ment lésé par les décisions de la Commission, ei qu'il ne pût se plaindre, à cet égard, que d'un tort éventuel et problé- matique, prit parti contre elle, et lit cause commune avec les rebelles. Dans un article fort intéressant, il taisait par ace le procès de la Société, qu il déclarait oppressive pour ses membres, ei néfaste pour l'art dramatique (2).

I i Commission recul de nouvelles assignations, qui vinrent oindre la plainte toujours pendante de M. Roy : elles

■i la plaidoirie de M Millerand. I I I rtl< le pré( ité de M. Pore I

LA RÉSISTANCE A LA B0CIBT1

émanaient de M. Richemond, demandanl qu'il lui lui alloué 50,000 francs «le dommages-intérêts, ci que la Société tu! condamnée à traiter de force avec lui. sous peine d'une astreinte de 1,001) francs par jour de retard : de MM. Porest, Ghancel et Carré, demandanl à être déliés de leurs obli lion> envers la Société, ><>it parce qu'elle avail abusivement mis en interdit M. Richemond, «»il parce qu'elle tombai I sous le coup de diverses causes de nullité, qui viciaient leurs engagements envers elle.

De ^<>n côté la Commission déposa «l--- conclusions tendant

à ee que MM. Roy, Richemond et Fores! fussent dél tés de

leur demande. Elle concluait dans le même sens contre M. Carré, s'abstenant de lui réclamer une indemnité pour infraction aux statuts, puisque -;• pièce Volcan d'Amour [l'était pas encore entrée en représentation. Quant ;• M. Chan- cel, dont In pièce Madame l 'Ordonnance paraissait tous les soirs sur la scène des Folies-Dramatiques, ••! dont le ••nui»' était consommé, «die lui opposait une demande reconven- tionnelle de 20,000 francs. Elle aurait pu aussi bien lui réclamer 6,000 francs par représentation : car il résulte des termes de l'article 21 des statuts, <|u<' toute représentation illicite constitue une infraction au règlement. Elle se borna ;i demander 20,000 francs pénalité déjà respectable •■< ii solliciter une astreinte, pour arrêter les représentations de sa pièce.

Les lenteurs de la procédure permirent à la pn

d'exposer et de plaider l<- différend devant l'opii i publiqu

avant qu'il fût jugé par les tribunaux. Chacun dit son m (huis l'affaire : les uns, se faisant l'écho des auteurs n lents, ou des directeurs évincés, soumettaient une ritiq malveillante les statuts de la Société le domaine pul payant, les billets d'auteur excitaient particule

458 CHAPITRE VTII

rerve et leur ironie. D'autres, défenseurs officieux delà omission, chargeaient le trust, à peine éclos, des malédic- tions les plus implacables : dans la lude qui s'annonçait acharnée, ils s'honoraient de combattre pour la liberté contre le despotisme, pour l'art contre l'argent.

Le spectateur impartial demeurait cependant dans l'incer- titude, effrayé seulement des révélations dont s'accablaient réciproquement les deux parties, quand, le 7 février 1905, les débats s'ouvrireni devant le tribunal civil delà Seine.

M Millerand prit le premier la parole au nom de MM. Roy ei Richemond. Ce lui une rude attaque pour la Société, et telle qu'il semblait qu'elle dût s'écrouler sur ses bases, sous l'âpre •! ardente éloquence de l'éminent avocat.

A l'en croire, la Société des Auteurs n'était qu'une caste «»ù quelques privilégiés s'entendent pour opprimer les faibles. Mlle est aux mains dune Commission, composée des célébrités cl des puissances du monde dramatique; quant aux débutants, ils encombrent les couloirs : ce sont (\(^ personnages muets, qu'oïl ne consulte pas; ils ne seront jamais sociétaires.

Pourquoi entrent-ils dans le syndicat? Recherchent-ils les avantages d'une perception régulière; ces avantages -«•ut illusoires : à Paris, rien de plus aisé que le recouvre- ment des droits, parallèle h In perception faite par L'Assis- tance publique, qui sert tout ;i la l'ois d'indication, et de moyen de contrôle ; en province, toute banque rendrait les Les auteurs \ iennent ;• la Société, parce que, - ils restaient indépendants, lous les débouchés leur tient fermés : <•<• m> -ont pas des adhérents; ils sont nnexés > l'association.

LA RESISTANCE A I \ SOCIÉTÉ

11 y a donc monopole, que ce monopole -"il d'ailleurs licite ou non. Or, la jurisprudence esi unanime à décider que le détenteur d'un monopole ne peu! refuser de contracter avec un tiers, qui se déclare prêt à accepter ses conditions géné- rales et habituelles. M. I{<»\ acceptait toutes les clauses des traités de la Société; on ne pouvail Lui en refuser un.

Au demeurant, la Commission avait agi par malveillance, par caprice; on se refusant ;i traiter, elle avait commis un véritable abus de droit, dont elle devait réparation.

S'élevant à des considérations plus hautes, M Vfillerand n'hésitait pas à accuser la Société d'avoir, par sa politique aveugle et autoritaire, anémié l<is talents, énervé I .ut dra- matique.

Il la rendait également responsable de la prospérité des music-halls, et du marasme <\<^ théâtres. Les statistiques prouvent, disait-il, qu'en 1893, les recettes des cinq pre miers music-halls de Paris étaient inférieures <!•' 28 0 0 celles de- cinq grands théâtres de genre. En I1' Iles

dépassaient de -M 0 0 celles des scènes en question.

D'où vient ce changement? La cherté des places dans les théâtres détourne I»' public vers les music-halls : la Faute Initiale \ ient de la Société qui, par ses exigences pécuniaii met I»'- directeurs dans l'impossibilité de réduire leurs tarifs.

Dr son côté, M1 Signorino, avocat des auteurs, prétendit découvrir, dans les statuts de la Société, dii

nullité, qui permettaient à ses clients de s'affranchir de la

tutelle de leur- confrères; il contestait, i fois de plus

l'association, le caractère de société civile qu'une juri* dence, déj i ancienne, lui reconnaissait : c'était ui léonine, l«i- stagiaires n'ayant pas droit, au dire de au partage des bénéfices H du fonds ' '•'

iOO CHAPITRE VIII

consentement donné par ses clients aux clauses du pacte ial n'était pas valable, comme entaché de contrainte

initiale.

M'Signorino ne semblait d'ailleurs avoir qu'une confiance médiocre dans sa thèse; aussi l'étayait-il d'une appréciation rigoureuse de la politique suivie par la Société, à l'égard des administrations théâtrales. Kl sa critique acerbe venait à l'appui du réquisitoire sévère prononcé par son confrère.

La Société des Ailleurs apparaissait devant le public sous un jour plutôt fâcheux, lorsque Poincaré prit la parole pour la défendre*: dans une vigoureuse plaidoirie, modèle d'éloquence et de verve ironique, il repoussa les attaques des adversaires, e1 justifia l'attitude de la Société, dans le passé comme dans les difficultés présentes. 11 commença par relever les contradictions et les fluctuations des directeurs intéressés, qui, dans leurs conclusions, tantôt plaidaient la nullité d'une association qu'ils traitaient de coalition, de trust tyrannique, tantôt voulaient l'obliger à contracter avec eux, la tenant ainsi pour parfaitement valable.

Il rappela l'histoire de la Société, les jugements qui avaient consacré sa légalité et sa validité. Elle était fondée aussi bien, et davantage même pour les faillies, que pour les puissants : car ceux-là surtout bénéficiaient du traitement litaire qu'elle avait établi pour les droits d'auteur. Les giaires avaient, dans l'association, au point de vue finan- cier, toutes les prérogatives reconnues aux sociétaires. Aussi tous les auteurs réclamaient-ils leur admission, non pas contraints, mais désireux de se placer sous sa protection. Il releva les diverses critiques formulées contre les traités i hi\ ; billets d'auteur, domaine public. Et si la démons- tration ne fut pas toujours convaincante, «die fui du moins d'un'.- suprême habileté

La rbsisi w i: a LA soai n.

L'é minent avocat s'attacha particulièrement a deux sortes de griefs, qui. parmi des accusations renouvelées de pr< déjà ancien-, et presque démonétisées, semblaient être les points essentiels de l'argumentation des adversaires : l'un en faveur des directeurs, l'autre en Faveur des auteui

Me Millerand avait invoqué un grand aombre d'arrêts, desquels il semblait résulter qu'une entreprise <|ui détient un monopole, et qui offre ses sen ices au public a des condi- tions uniformes, ne peut refuser de traiter avec un tiers prêt n accepter ces conditions. f 'r la Société, <|ui accapare la pro- duction dramatique, offre, disait-on, son répertoire aux directeurs, à des conditions invariables inscrites dans des traités généraux : elle ne peut donc le leur refuser.

M' Poincaré n'eut pas de peine a montrer que les arrêts cités s'appliquaient, soit à des établissements jouissant d'un monopole légal, soit à des entreprises commerciales, comme les services de messageries, <|ui sollicitent !<■ public par la publication de tarifs. I >r, une société de perception oe saurait être assimilée à une société commerciale : la Société des Auteur- ne va pas au-devant des directeurs; elle ne leur fait pas connaître, par une circulaire, les conditions varie tu r auxquelles ils pourront exploiter le répertoire social.

Ili.'ii plus : ces conditions varient d'un théâtre a [autre. Le taux des droits d'auteur, le nombre des billets exij pour chaque représentation, la durée du traité, les indera nités exigées en cas d'infraction, les délais stipulés, autant de clauses qui diffèrent suivant les cas, el qui sont lixé< pour chaque théâtre, sur l'appréciation de la Commission.

Le raisonnement de M Millerand, qui içoit pour une

compagnie «le chemins de fer, pour un service de i geries maritimes, est donc hors de saison, quand il «rime association d'hommes de letti

CHAPITRE VIII

Ajoutons qu'il est vraiment téméraire de prétendre, comme od l'a Fait, au cours de tous les grands procès intentés à la Société îles Auteurs, qu'une pièce de théâtre soit une marchandise comme une autre, qu'elle soit soumise à des mercuriales, qu'on puisse dénoncer une coalition littéraire, comme on dénonce un accaparement de blés ou de cuivre.

II peut y avoir matière à des comparaisons sédui- santes — si Ton veut prouver que quelques dramaturges se comportent comme des marchands. Mais on ne saurait y découvrir uu argument juridique.

Parmi tous 1rs jugements qu'on pourrait citer, à propos de coalitions illicites, et dont aucun ne peut être appliqué

c quelque chance de succès à une corporation d'écri- vains, citons seulement une décision très prohante, car elle es1 intervenue an sujet d'un groupement d'éditeurs.

Il y a quelques années, le syndicat des libraires de France

•i l<- syndical des éditeurs, pour remédier à la vente à bas prix des livres, «lie/ certains détaillants de province, décida

I interdire la vente au-dessous d'un minimum fixé, sous peine, pour le contrevenant, de se voir fermer son compte.

I n libraire refusa de s'incliner : il lui mis à l'index par I'' syndicat, qu'il poursuivit devanl le tribunal correctionnel, I accusant d'avoir, grâce à une entente entre les principaux détenteurs d'une même marchandise, déterminé une hausse de prix, en dehors des lois de la libre concurrence : le syndicat, prétendait-il, tombait sous le coup de l'article 119

lu Code pénal.

!-'• tribunal rejeta la plainte, estimant que, les éditeurs en cause ayant chacun leur spécialité, les livres qu'ils pu- bliaient gardaient leur individualité; qu'il y avait autant «le marchandises différentes que d'éditeurs; enfin, que ces mar-

l'objet de la libre concurrence, échap-

LA RESISTANi E A LA SOCIETE

pent presque complètement à la loi de l'offre el de la demande, et qu'il n'existe, pour les livres, m marchés, ni cours (l).

Cequi est vrai d'un éditeur, l'est également, e< plus encore, d'un directeur de théâtre.

Repoussés de ce côté, les adversaires, continuai! M Poin- caré, se tournaient d'un nuire.

Sans doute, disaient-ils, la Société s le droil de s'abstenir de traiter. Encore faut-il que ce droil ><>ii exercé sans inten- tion dolosive, que cette abstention ae présente aucun eau 1ère d'imslililé personnelle. Or, si la Commission avail refusé de pactiser avec MM. Roy el Richemont, c'était, non pas en vue de sauvegarder les intérêts donl elle a la charge, mais par rancune, par malveillance. Il y avail abus de droit.

Argument désespéré : <>n <iùl ^;m- doute forl emban les directeurs «ui cause, si <>n leur eûl demandé de prouver cette affirmation. La Commission formule en toute liberté les obligations qu'elle croil devoir imposer aux administi ti<»n> théâtrales : le péril auquel elle avail voulu us

train» était, d'ailleurs, dans le cas présent, si peu chimérique, que ve» ennemis n'hésitaienl |>a^ à prédire leur victoire, el la ruine de l'association.

En faveur des auteurs dissidents, M Signorino avail essayé de tirer parti des articles Mil el 1112 du Code civil, sur la violence morale, considérée comme cause de nullité.

Ses clients, disaient-ils, n'avaienl adhéré a I S lé, que dans la crainte que leur- manuscrits ne leur restent pour compte : il y avail une menace, une pression, qui empê chait leur consentement d'être valable el définitif.

[ Tribunal correctionnel de la 8< lu

CHAPITRE Yltt

ht., qui déjà s'étail vu assimiler, pour les besoins delà cause, à un syndical d'ouvriers, abusant de sa force, se voyait comparer à un remorqueur qui stipule une rému- nération exorbitante, pour tirer de peine un navire en péril.

M Poincaré rappela que les textes visés parlaient d'un

mal considérable ei présent ». Si c'est une déception cruelle que de D'être point joué, on ne peut pas dire que ce 5oi1 un mal considérable. Les ailleurs ne couraient aucun danger : leur navire n'était pas en détresse ; tout au plus était-il destiné à ne jamais naviguer.

L'article 1115 du Code civil porte d'ailleurs que le contrat entaché de contrainte ne saurait plus être attaqué, lorsqu'il ,i été approuvé expressément ou tacitement. Or les deman- deurs n'avaient cessé de confirmer leur adhésion, en tou- chanl régulièrement, et pendant des années, les droits perçus h leur ixun. La violence avait été particulièrement douce pour M. Carré, qui avait eu surtout l'occasion d'encaisser ,i |,i Société, en qualité d'héritier, des sommes fort respec- tables.

Le tribunal civil donna gain de cause, sur toute la ligne, à bi Société des \uteurs. Il conclut qu'elle ne présentait aucun des caractères d'une coalition illicite, que le monopole qu'on

cusail <!<• détenir ne saurait l'obliger de traiter contre -«.h vec certains théâtres ; en conséquence, il repoussa

les prétentions d<- \l\l. Roy ei Richemond.

Le tribunal ae retint non plus aucun des griefs invoqués par les auteurs dissidents; il décida que MM. Foresi ei Carré ne pouvaient s'affranchir des liens qui les unissaient à I as-

iation : quant à M. Chancel, il se vil condamnera verser .i i ociale nu»' indemnité de six mille francs

minimum de la pénalité statutaire - ei ;> faire cesser les

LA RÉSISTANCE a LA B0CUST1

représentations de Madame l Ordonnance, sous peine dune

astreinte de dix francs par jour de retard I

Le débat judiciaire était clos; maisjes passions n'étaient pas apaisées ; le jugement rendu en faveur de ne faisait qu'irriter davantage ses adversaires el exaspérer leur résistance. Non seulement les auteurs rebelles ne naient pas à résipiscence, mais des sympathies nouvelles, des défaillances prochaines étaient escompté

I n moment on put croire à la paix : il y eut un arraisl la Commission ayant accordé à M. Riche m on d un traité pro- visoire jusqu'en novembre 1905. Ce ne fui qu'une trêve, el à cette date, la lutte reprit de plus belle.

Les Polies-Dramatiques ne fermèrent pas leurs portes; M. Richemond ne mourut pas d'inanition : plus heureux que ses prédécesseurs, MM. Delestre-Poirson <il Cerfbeer, il n'a va il pas à faire appel aux talents méconnus, ou à ressusciter les succès du passé: après Madame t Ordonnance , le Volcan (T Amour surgissait, menaçant, sur la scène des Polies Dj matiques. Pour soustraire M. Carreau danger de cette érup- tion inopportune, nn journal important, défenseur des « »|»|»n- més, le couvrait de sa protection : il créait une section théâtrale, équipe anonyme, comme toute sa collaboration; ceU«' section devenait responsable de tous les vaudevilles qu'il plairait aux auteurs de do r sur les théâtres en rébel- lion, et se chargeait d'ailleurs loyalement de faire parvenir aux intéressés les droits à percevoir.

Les Polies-Dramatiques n'étaient plus seuls, en i soutenir la lutte. Les Bouffes Parisiens j élaienl

1 Tribunal civil de la Seine, 7, U, 21, M fi n 19 avril 1905, Gazette de» tribuna I6juill<

CHAPITRE VIII

Sans doute MM. Richemond el Deval, titulaires <ln bail, ne devaient prendre en mains ce théâtre qu'en octobre 1906; mais, jusque-là, MM. Clôt et Dublay, qui l'avaient sous-loué, s'étaient engagés à ne pas traiter avec la Société des Auteurs. L'Athénée, qui, depuis le 14 novembre 1905, se trouvait sans hait»'1, levait résolument l'étendard de la révolte : et l'assemblée des auteurs, sur un réquisitoire de M. Bernstein, mettait au ban du royaume des lettres MM. Tristan Bernard et Godfernaux, coupables d'avoir charmé le public de ce théâtre avec les indécisions et les volte-faces de l'irrésolu Triplepatte. En 1910, enfin, le trust devait s'emparer, sans coup férir, du Palais-Royal et des Variétés. Ainsi l'invasion s'étendait : le jour semblait proche les rebelles seraient maîtres du boulevard.

A\iiit'iît-ils beaucoup à craindre la grève des auteurs ? Non, car plusieurs littérateurs travaillaient pour eux. La Société ne cessai! d'enregistrer des défaillances.

Les assemblées extraordinaires se succédaient pour juger les coupables traduits à leur barre : elles épuisaient les sévé- rités des statuts, sans parvenir à convaincre les déliquants qu'elle agissail au mieux de leurs intérêts.

Seul, M. Carré, touché par un repentir tardif, acceptait l'arbitrage offert par la Commission, et brûlait ce qu'il avait adoré. Après MM. Tristan Bernard et Godfernaux, c'était MM. Kéroul et Barré <ju'il fallait mettre au ban de l'empire de la Société, pour avoir donné Une veine de... aux Folies- matiqui

Mesure puisque les bannis ae devaient plus rien

retirer de la perception de leurs droits à travers la France; me inefficaces pourtant : car on savait, d'ores e1 déjà,

trdinain d< 30 novembre, 20 décembre 190 de la Socû t$0ê,

LA RKSISTANl E A LA SOC1

que, bientôt, les membres exclus reprendraient leur pi parmi leurs confrères. Si la Société exige des vœux péri tuels, elle ne connaît pas les peines perpétuelles.

Frappé de l'insuffisance de cette arme, un sociétaire pro- posa de décider que les membres démissionnes ne pourraient être jamais réintégrés. Mais l'assemblée pouvait-elle ainsi se lier les mains? (Je Parlement allait-il se donner une consti- tution, qu'il déchirerail un jour ou l'autre? L'assemblée refusa de s'engager dans cette voie.

Cependant des manuscrits, tenus en réserve, étaient prêts à sortir de l'ombre, si cette guerre malheureuse ne prenait pas fin. Les conséquent.'- se faisaient sentir des deux côfc Si les directeurs, en rupture avec la Commission, luttaient avec des difficultés, la Société se voyait priver du tribut de trois scènes importantes : perte sèche, évaluée, pour trois ans de luttes, à 150,000 francs.

Que deviendrait son budget, 1«* jour de nouveaux H très passeraient à l'ennemi? La Commission, fort alarm< songeait déjà, pour sauvegarder sa caisse, et ouvrir aux

auteurs fidèles les débouchés nécessaires, à créer de velles

scènes dans Paris ; mais les risques étaient très grands. ' nouveaux établissements auraient-ils une clientèle l d'ailleurs, la Société avait-elle le droit d'étendre le cercle de ses opérations, de s'improviser entrepreneur et directeur de théâtres ? Mieux valait traiter avec les rebelles.

Forte de sa victoire judiciaire, la Commission pouvait faire les premiers pas. Elle se montra dispos ua

intéressés des concessions importantes, si le trust ml

consentait à un suicide honorable.

Les pourparlers, .1 peine engagi s, faillirent cepeod être rompus de suite : MM. Richemond et Deval mettaient comme condition à la paix projetée la réintégration, dai

ciiAi'irni: vin

S ciété, des auteurs dissidents. C'était une clause à laquelle la CommissioE oe voulut pas souscrire : elle ne pouvait décemment engager sou droit de grâce. Heureusement, les condamnés manifestèrenl le désir de séparer leur cause de celle des directeurs, et s'en remirent à la générosité de leurs confrères.

Il ne restai! plus qu'à débattre le fond de la question, les concessions réciproques à l'aire, dans l'intérêt de la paix.

Le premier projet de transaction élaboré par MM. De val et Richemond était évidemment inacceptable : sous une appa- rence plus modeste, il reprenait leur idée de trust, en lui donnant même une forme plus arrêtée, et une extension indéterminée.

La société en commandite, qui subventionnait alors les

aes 'ii révolte, se serait transformée en une société anonyme, «lite société-mère. Le malheur, c'est que cette

lété-mère aurait eu beaucoup d'enfants : des sociétés- filles, jalousement couvées par elle, auraient pris librement leuressorà travers Paris, s'abattant, au gré de leur fantaisie, sur telle ou telle scène. Sans doute chaque société aurait eu i tête un directeur artistique indépendant : chacune aurai! accepté y compris les droits el les billets d'auteur toutes les clauses «I»'- traités de l'association, dont la

îété-mère se serai! engagée, à perpétuité, à respecter les statuts I .

I lien de parenté, qui unissait les différents membres de

rande Famille du trust, n'en était pas moins inquiétant.

1 ' l< ociétéî sœurs n'allaient-elles pus se rapprocher

1 N \ ml du i ! i ravier 1906, Annuaire de I"

LA RÉSISTANCE A LA BOOM

un jour, condamner les artistes à des tribulations sans fin, les auteurs à des cachets modiques

On chercha un nuire terrain d'entente. Les directeurs renonçaient à l'accaparement brutal qu'ils rêvaient; la Société, «'ii échange, leur offrait d'importantes compen tions pécuniaire-.

Elle avait failli devenir propriétaire de scènes parisiennes, pour combattre le trusl : pour lui faire plaisir, elle devenait simplement locataire. Elle prenait, m effet, ;i -.1 charge, les baux des Variétés et du Palais-Royal : elle consentait même, à MM. Deval et Richemond, pendant quinze ans, des majo- rations de 40,000 et de 20,000 francs sur le |»ii\ de location qu'ils avaient accepté.

Sacrifice appréciable, mais qui n'entraînait p;i- la Société à des risques trop considérables : car elle était, d'ores «'t déjà, assurée de faire supporter If poids de cette prime aux directeurs ;> qui elle rétrocéderait ces entreprises.

Quant aux Bouffes-Parisiens, il- se trouvaient, par le seul fait de la reprise des relations entre MM. Deval et Richemond et l,i Société, nantis d'un traité avec la Commission. Celli acceptait d'ailleurs l'éventualité qu'à défaut de preneur, ils fissent retour ;i MM. Deval et Richemond I .

Ainsi l;i Société de- Auteurs, après trois ans de luttes, semblait revenir au point de départ du conflit : «'II.- acceptait l'hypothèse de trois théâtres soumis .'i une influence finan- cière et administrative commune. Bravement '•IN' faisait la part du feu. Mais «'IN' avait écarté le spectre du trust. Elle n'avait plus ;'i craindre de voir les scènes les plus imp tantes de Paris tomber aux mains d'une coalition louù gante. Or c'est avant tout ce péril, qui n'avait rien d'il

(1) Assemblée extraordinaire du 5

1Ê01

CHAPITRE VIII

nuire les faits l'ont démontré qui l'avait décidée à i ter les offres de M. Roy, el à rompre avec M. Richemond. On peu! seulemenl lui reprocher de n'avoir pas distingué suffisamment deux choses, qui se rencontraient dans les pro- jets de ses adversaires : la fusion de deux scènes qui ne heurte aucun des principes sur lesquels s'est fondée la S il' et l'accaparement d'un nombre indéterminé de théâtres qui met évidemment l'association à la merci des caprices directoriaux. Si la Société n'avait pas fait preuve, à l'égard de la première de ces situations, d'une intransigeance peu réfléchie, il est permis de penser que cette concession opportune aurait désarmé des directeurs, soucieux avant tout des Intérêts de leurs entreprises.

Car le principe que deux scènes ne doivent pas être réunies sous une même direction, n'a jamais été admis par la Commission avec une intransigeance absolue : c'est une question d'espèce, que dominent des circonstances particu- lières : importance, genre, situation financière des théâtres intéressés. Dernièrement encore la Porte Saint-Martin et la se trouvaient régies toutes les deux par MM. Hertz et [uelin : trois scènes de quartier, les théâtres des Gobe- lins, de Grenelle et de Montparnasse, sont soumises actuel- lement ;i une direction unique. Et nous laissons de côté les cafés-concerts, pour lesquels la concentration est, on peut I»' dire, endémique. Pour sceller l'accord interveuu, la Société se réconcilia les auteurs qui avaient abandonné son drapeau : elle vota la ^ration d<- MM. Barré, Tristan Bernard el Kéroul,

mais à cl pour chacun d'eux, de payer 6,000 francs

imende. I. ûons faites aux fondateurs du trust

lient épui srves de clémence,

LA RÉSISTANCE \ LA SOGD M.

L'idée de trust dramatique doit-elle faire son chemin I.' monde? Concentrera-t-elle des entreprises, jusqu'alors isolées fl rivales, en des organisations puissantes <-i pr pères, jusqu'au jour, presque inévitable, de h catastrophe, ou de la dissociation? Elle ;i déjà franchi les frontières, <•( jeté !<■ trouble dans le royaume d'Italie.

Tout récemment, MM. Chiarella nui. par des traités suc- cessifs, imposé une l«»i commune à sept des meilleui troupes (|iii se partageaient jusqu'ici, «Lui- <••• pays, !«• public des théâtres. La Société des Auteurs de Milan, au oom des intérêts de l'art, a déclaré La guerre an syndical nouveau, ••! lui a retiré la jouissance »l«i son répertoire.

La question préoccupa un moment la presse frança Certains virent dans la résistance «I»1 la Société des Vute un»' réaction contre l'influence française, favorisée par I accapareurs, grands importateurs de nos pièces I .

Grâce à l'arrangement intervenu entre I el MM.

Deval el Richemond, la paix étail faite dans le monde des théâtres. Elle mettait fin à une situation très fâcheuse, qui aurait pu avoir les quences les plus regrettables. N pas que le trust annoncé par les uns, redouté par les auto eût de fortes chances <l<i réussir, el surtout de duj grande que soil chez qous l'influence angl théâtres ue sont pas encor ganisés -^ le m

snes américaines : ils ont presque tous des ti ""

genre, une clientèle spéciale, el l'oi oil difficilem<

1 Voir ' et 22 J m

CHAPITRE VIII

une administration anonyme el uniforme les pliant à un [rime commun. Mais, pour la première fois, la Société avait rencontré des adversaires résolus à se passer de son concours, et subsistant malgré sa défense. Il s'était trouvé des auteurs pour leur tendre la main, et non pas seulement parmi ceux qui avaient, dans les théâtres frappés, des intérêts immédiats; quelques-uns avaient protesté au nom de l'indépendance littéraire, au nom de l'avenir de l'art dramatique : et si beaucoup des critiques qu'ils adressaient à la Société pou- v.ii.ni paraître injustes et passionnées, quelques-unes avaient faii impression sur les esprits non prévenus. La lutte termi- née, les combattants apaisés, il convient de rechercher, parmi les prétentions qui se sont fait jour, si quelques-unes ne méritent pas d'être retenues, comme l'expression de revendications Légitimes : ce sera, en quelque sorte, la morale de celte affaire, et la conclusion de cette page trou- blée de l'histoire de la Société.

La coalition financière «le MM. Roy, Richemond et Deval est aée, a-t-on dit, du marasme actuel des théâtres. La iété des Auteurs, par ses exigences, a réduit les direc- teurs à l'existence la plus précaire. Aussi les théâtres pètent-ils, tandis que les music-halls font des a lia ires d'or. i un axiome dont ou rebal nos oreilles, et qui se prouve par des chiffn

En 1894, les statistiques dressées par l'administration de

I \ssistance publique accusaienl pour les spectacles de tous

re* un total de recettes brutes de : 28,132,000 francs. En

1903, ce total s'élevait à 38,926,000 francs; en 1906 à

14,692,493 fran<

l'augmentation b «'té beaucoup plus forte et

LA RÉSISTANCE A \.\ B04 Il II.

beaucoup plus rapide dans les music-halls, que dans les théâtres. C'est ce qui apparaît si on examine ment,

pendant cet intervalle de quinze années, les résultats de la -lion des théâtres subventionnés, des cinq grands théâtres de genre : Gymnase, Vaudeville, Variétés, Nouveau!* Palais-Royal ; et des cinq premiers music-halls : Olympia, Folies-Bergère, Parisiana, Casino de Paris el Moulin-Roui Les chiffres sont les suivants :

Comédie-Française, Odéon, Opéra, Opéra-

Comique 7.131.1

Gymnase, Vaudeville, Variétés, Nouveau- tés, Palais-Royal

Olympia, Folies-Bergère, Parisiana

Bino de Paris, Moulin-Rouge 3.065.000

Remarquons pourtant, depuis 1903, dans les théâtres, une tendance à la hausse : c'est un fait qui vienl contrarier de suite cette affirmation, souvent répétée au cours du der nier procès, que les théâtres étaient condamnés à péricliter.

On nous annonçait en même temps une transformation dans l<i personnel et dans l'âme des commanditaires des scènes parisiennes, qui ne semble |»;i^ s*ètre réalisée. Le commanditaire ancien modèle, disait-on, était un amateur éclairé, ou simplement un capitaliste, ravi de jouer au Mécène, sur le boulevard, au fermier général, dans les coulisses : il sacrifiait d'un cœur léger des sommes imp tantes, pour les mille petits privilèges que cette situation de protecteur des arts rapporte; el il apprenait, sans s'émou- voir, ;• la liquidation <l<" la société fondée, que, lur m"" action de 2,000 francs, il ne lui sérail remboursé que 200 francs.

Ce type de commanditaire R< - néreui

serait raréfié devant l'homme d'affaires : I ■•■ tionntire d'aujourd'hui prétendrait recouvrer in H im

i7 t CHAPITRE VIII

voire même réaliser des bénéfices. Les banquiers n'allaient- ils pas envahir nos scènes parisiennes, les gérer comme

.1.'- maisons de rapport, sans aucun souci des convenances artistiques? Il Paul bien croire qu'il n'en est rien, puisque, dans ces derniers temps, les directions des principaux théâtres de Paris oui pain se concentrer plutôt entre les mains d'artistes que de financiers.

« Et quel temps fut jamais plus fertile en miracles? »

alors que des scènes importantes se recommandent des noms .1.- MM. Antoine, Goquelin, Guitry, Gémier, de Mmcs Sarah- Bernhardt et Réjane. A vrai dire, il n'est guère d'ar- tiste, ayant derrière lui de nombreuses créations, qui ne rêve de régner sur ce petit royaume troublé, mais féerique,

(j constitue une scène de théâtre, qui ne soit impatient de

liser un programme, de former une troupe, de commander des littérateurs, et de se tailler des rôles. Or, si un grand artiste, par son nom seul, apporte une réclame utile à un théâtre, -il a chance, pi us qu'un autre, d'administrer habile- ment I'-- intérêts d'un établissement, on ne peut pas dire qu'il soit détaché de tout idéal, de boute préoccupation artistique : or l'art, an théâtre, c'est le risque.

Cependant il esl indéniable que les théâtres oui peine ;i

vivre, <-i qu'ils a'ont pas progressé, depuis nue vingtaine

nnées, comme il- auraient dn faire aormalement, suivant

I'-- pi de L'instruction, du bien-être, des moyens de

transport, auxquels leur prospérité paraît intimemenl liée.

n'esl | illeurs un fait particulier, en un moment

de ton les genres littéraires semblent menacés.

La rise ne é it elle pas -m- les maisons d'édition? Les

LA RÉSISTANCE a LA BOG

romans s»' vendent-ils, aujourd'hui, aussi bien qu'il j dix ans? Les journaux, les revues sérieuses n'ont-elles i souffert de la c mcurrence ruineuse que leur font les feuilles de pure information, les périodiques affamés d'actualité, qui, pour la somme modique de cinquante ou soixante-quinze centimes, servent au public, avec illustrations ppui, une

documentation aussi superficielle qu'inutile.

!)«' même, les exhibitions les plus insignifiantes, les piè< revues et chansons d'une écœurante platitude, les attractions ei clowneries les moins originales, <-l même le cinémato- graphe, aux visions trépidantes, <|ui dispense la direction d'imagination, et le public <lc réflexion, q 'ont-ils pas désap- pris à la bonne moitié du public le chemin du théata M;» i > l'éclat de la mise en scène, la somptuosité des décors, L'attrait des numéros de cirque, ne sont pas les seules caus de la défection du public, <|iu\ < ) 1 1 < > i qu'on en dise, n perdu l'amour des belles choses, qui sail encore rire <»u pleurer, ei s'intéressera une action dramatique. Comment expliquer sans cela son goûl de plus en plus vif pour les concerts < I < >n t l»>s prix sont abordables? Pourquoi les théàti subventionnés seraient-ils pris d'assaut, le jour du 14 Juillet? Pourquoi le peuple s'empresserait-il, lorsque des artistes de La Comédie-Française, de l'Opéra, promène ni travers Paris, l«i répertoire des Trente kns de Théâtre .'

Si le public ne se presse pas aux guichets des U> c'est qu'ils se ferment à plaisir aux petites boura <|u<' !r> tarifs en vigueur, accessibles seulement i ceux qui dépensent sans compter, et à ceux qui entrenl Nina classe nombreuse ei avide, écartent impitoyablemenl ceux qui, m- disposant, pour leurs distractions, que «I budget restreint, veulent bien entendre un drame ou ui comédie, à condition de n'être pas condamnés aux

i7(3 CHAPITRE VIII

l'on ne voit pas, l'on a chaud, l'on est mal assis. S'il ne veut pas consentir à ce sacrifice, contraire à loutes les les de l'hygiène et du confort moderne, le petit public est exposé à dos déboires pécuniaires, qui le dégoûteront souvent de remettre les pieds dans un théâtre. Un auteur dramatique dressait ainsi le bilan d'une soirée passée au théâtre pour un ménage bourgeois :

Deux fauteuils, 20 fr. ; ouvreuse, 0 fr. 50 ; programme, ii Fr. 50 : rafraîchissement, 1 fr. ; la lorgnette, 0 fr. 50; le souper bien modeste à ce prix), 5 fr. ; voiture pour aller, voiture pour rentrer, 3 fr. 00; total : 31 fr. 10 » (1).

Il va de quoi faire réfléchir bien des ménages. Beaucoup prendront tout naturellement le chemin des music-halls, qui. pour un spectacle qui s'adresse à tous les goûts, stimule toutes les curiosités, offre des places confortables à 3 et i- francs : ajoutons que les attractions se succèdent à l.i vapeur, pour ne pas dire à l'électricité, et qu'on ne connaît pas les eutr'actes interminables, qui énervent les plus fermes volontés.

Le dernier théâtre construit dans Paris est un modèle de confort et d'élégance; c'est une agréable scène de plus, mais ce n'est pas du tout le théâtre dont on a besoin actuelle- ment, pour raviver !<■ goût du public, et l'arracher aux attractions de bas étage.

Il faudrait des salles vastes, aménagées sans luxe inutile, ou les tarifs soient faits pour toutes les bourses, personne n'entre, sans ôtre assuré de ne pas expier sa curiosité par une gêne matérielle intolérable. Il ne s'agit évidemment d'un plan d'ensemble. Les théâtres de genre ne s'adresseront jamais qu'à une clients

M FofWt, article

LA RESISTANCE A F. A SOCIÉTÉ

< i

restreinte; ils ne pourront jamais descendre leurs tarifa au-dessous d'une certaine limite, parce qu'ils ne peuvent vivre qu'en faisan! payer très cher : le loyer, les frais de mise en scène el d'interprétation, nécessiteront toujours des sacrifices importants, auxquels la direction ue peul refuser, sous peine d'être écrasée par la concurrence des scènes rivales. Lorsque l<i Gymnase, dans une brillante syn- thèse, réunit, sur une même affiche, MM. Du mény, Cal mette, Huguenet et Mme Marthe Régnier, lorsque le Vaudeville soutient un pièce avec M1 Mégard, MM. Dubosc el Léran, lorsque les Variétés s'adressenl à MM. Brasseur, Baron, Guy, à M,lefl Lavallière ou Yvette Guilbert, il est bien dent qu'il leur faut payer très cher les cachets de artistes ; cela est d'ailleurs de toute équité, el il faut B*en féliciter.

Mais, à côté de ces théâtres, <|ui ue vivent que par une mise en scène el une interprétation brillantes, ue conçoit- on pas des théâtres intéressant leur public par des piè bien construites, sans lui offrir des décors de premier choix, ni des étoiles de première grandeur? Comparanl les théâtres de France et d'Angleterre, M. Ge< rges Bourdon s'étonnait, avec raison, que Paris ue possédât, dan- !<•- extrêmes limites de >on enceinte, que des scènes sans confort, sans mise en scène sérieuse, sans troupe cohérente, alors que les th< de quartier à Londres étaient toujours en mesure d'offrir à leur public des spectacles fort bien - s (1).

M. Deval, en prenant I' Uhénée, M. Richem I, en i

nanl les Folies-Dramatiques, n'uni pas eu d'autre program ni cl ils \ ont brillamment réussi. Depuis longtemps, ! tune avait cessé de sourire à ces deui », lorsqu ils

1 Les thédli et anglai . chapitre \

CHAPITRE VIII

entreprirent de les remonter : des affiches sans vedettes, une mise en scène fort simple, des [tirées données pendant des mois, et même [tendant la saison d'été, des bénéfices moyens, mais avec un minimum de frais généraux, tels Furent les principes de leur administration. Les résultats ne se lin-ni pas attendre, puisque dès les premiers exercices, [es commanditaires recevaient 2G 0/0 de dividende.

Ces directeurs révolutionnaires sont-ils allés jusqu'au bout. Non, puisque leurs tarifs restent encore assez élevés pour éloigner de leurs scènes toute une clientèle d'amateurs peu fortunés.

Sans doute, ils ont déclaré qu'ils ne demandaient qu'à les diminuer davantage, mais ils se sont plaints de rencontrer des obstacles infranchissables : et Ton entendait bien qu'ils en avaienl aux droits d'auteur, tels qu'ils sont perçus par la iété. Est-ce donc que, lorsque la Société prélève, dans un théâtre de Paris, 10 ou 12 0/0 de la recette, cette rémunéra- tion, augmentée même des billets d'auteur, peut être taxée d'arbitraire el d'injustice? On ne voit pas pourquoi celui <pii ;i i;iil la pièce qu'on applaudit serait moins payé que le peintre, qui en dessine les décors, ou l'artiste en renom qui L'interprète. Dès l'Ancien Régime, on discutait à laComédie- nçaise si l'on devail donner aux auteurs le septième des bénéfices, tous frais payés, ou le neuvième de la recette brute : on ue semblait pas trouver mie telle concession exces- sive. Les règlements actuels dans ce théâtre, régi parla tra- dition, accordent aui auteurs !•> 0/0. La perception Faite actuellement par la Société n'a *\<>\\r apriori^ et d'une Façon le, i i * 1 1 qui -<»ii exagéré.

I ne perception égalemenl onéreuse, mais dont le principe

q tes table, est celle qui est effectuée au profit ^^

I Assistance publique. En 1906, cette administration, sur un

LA RESISTANCE a LA «X lu i.

total de 4,221,529 francs perçus par elle sur les spectacles ou attractions diverses de Paris, prélevai! 3 dans les théâtres el music-halls.

L'impôt dans ces établissements est du dixième des recetes brutes. Certes, le droit des pauvres, dont l'origine esl très ancienne, permet d'entretenir des hôpitaux, des h< pices, el <l<i distribuer de ours. Il nui esl pas moins vrai qu'il pèse lourdement sur les administrations théâtral* dans l'intérêi même des ressources qu'il en tire, il semble que l'Etat devrai! ménager davantage les salles de sp< tacles : il ne faul pas tuer la poule aux œufs d'or. V ut- il pas de bonne politique de dégrever les petites scènes, de favoriser les directions qui remontent des entrepris* >u-

ragées par une malchance continue, en ne soumettant au plein tarif que les établissements <|ni. par leur situation acquise, ou leur prospérité, paraissent à l'abri des coups de la fortune?

Ne serait-il pas au moins de toute équité, de ne prélever l'impôt que sur la recette nette, défalcation faite des frais quotidiens? Car enfin <i-l-il juste, écrivait un directeur, que quand nous avons 2. oui) francs de frais, e! que nous t sons nne recette de 1,000 francs ce qui nous arrive à tous

i- soyons obligés de donner aux pauvres encore I '

de notre recette misérable. En pareil cas, les véritables pauvres, c'est non-, et l'on pourrai! avoirpitiéde notre pau \ reté I .

Mais cette réforme dépend des pouvoirs publ les

directeurs ont peu de chance de la voir aboutir à bri échéance. D'autres dépenses, dans un thé rablenl pi

aisément réductibles, et, pourvu que Ie* directeurs m

l Voir li Gaulois «lu 21 avril 190

CHAPITRE Vltl

taquenl ni aux droits d'auteur, ni aux cachets des artistes, ni aux salaires du personnel, ils ne rencontreront l'opposition d'aucune association, d'aucun syndicat, qui les empoche de s'entendre pour pourvoir en commun, et à meilleur compte, à certaines dépenses, pour avoir deux ou trois magasins d'ac- cessoires, au lieu d'en avoir six, pour mettre en concurrence les (l»r« .râleurs, pour acheter des meubles, au lieu de devoir les louer? Vis-à-vis de la Société des Auteurs elle-même, son action peut s'exercer utilement. Car les traités généraux, nous l'avons vu, ne sont pas exempts de tout reproche : en unissant leurs efforts, les directeurs pourront combattre heureusement les billets d'auteur, le domaine public payant, les redevances arbitraires. Un contrat n'est d'ailleurs parfait, que lorsqu'il résulte de deux volontés rélléchies : jusqu'ici les traités, rédigés à la Société, en dehors des intéressés, ont été acceptés par eux, sans discussion et en bloc : ils peuvent se plaindre, non sans raison, de n'être pas entendus, ou, luiii an moins, de n'être pas écoutés. La situation de chaque théâtre commande, à vrai dire, un traitement particulier; I tous, la Société offre une formule presque uniforme, un tarif peu variable : et, toujours, c'est à prendre ou à laisser. L'union des directeurs leur assurerait des prérogatives pré- cieuses, quand ce ne serait que celle de discuter des ques- tions, don! une seule des parties en cause décide aujourd'hui souverainement.

L( directeurs sont-ils donc les ennemis des Littérateurs? Il en b été longtemps ainsi. Mais, aujourd'hui, les écrivains ii'. ut vraimenl plus à se plaindre. Directeurs el auteurs ont en réalité un même intérêl : c'est que les affaires soient prospères, que les auteurs gagnent largement leur vie, et

LA RÉSISfANCB A LA -ni. II. II. \s[

que les directeurs y trouvent leur compte. Si cet int< u'apparaîl pas toujours nettement, ces! que des malentendus se produisent.

Il appartiendra aux deux groupements en présence de les dissiper, dans un même effort d'entente cordiale. Les auteurs seuls I affranchis; mais L'expérience prouve qu'une

liberté ne se complète que par une autre. En syndicats ouvriers, les patrons se trouvaient désarmés, tanl qu'ils n'avaient |»i- formé des chambres syndicales. En fa de In Société omnipotente, le- directeurs seront faibles, tant qu'ils n'auront pas formé un bloc.

Cette i<l<;«' semble d'ailleurs s'< tre iinp eux dans

temps derniers. Dès IS'.>2. on assistait ;< La naissance d'un syndicat des directeurs parisiens. Les auteurs, Loin de prendre ombrage 'If ••'itk puissance nouvelle, avaient <".i Le hou esprit de lui souhaiter une heureuse existence, compi ii.-inl L'intérêt primordial <'l commun qui les unissail tous : la prospérité des scènes parisiennes I .

Les souhaits des auteurs ne furent pas exau tuts étaient à peine ébauchés, <|u<' l'institution sombrait. Nous avons vu, h La lin .lu wm' siècle, le* draraaf divisés par les questions d'amour-propre, <-l longs & prendre conscience de leurs devoirs <l«' solidarité. Ce n était rien auprès dn particularisme des directeurs de nos grand

nés, préoccupés surtout »l<- B'arracher Les manuscrite d'auteurs en vogue, H de s'enlever, Les uns aui autres, Les artistes de marque.

Tout récemment, un-' tentative plus sérieuse fui ' elle aboutit à .... pacte d'alliance offensive el d<

I Annuait 1892

CHAPITRE VIII

Eclos aux heures troubles quelques opposants agitaient au-dessus tic la Société le spectre du trust, le syndical des directeurs de Paris fui d'abord accueilli par la Société des Auteurs avec quelque défiance. Ne s'était-il pas fonde dans nue pensée d'hostilité contre l'association, à un moment son œuvre était l'objet d'un examen sévère? N'allait-il pas pousser à l'accaparement des théâtres de Paris, sous une direction commune, afin de mettre le marché à la main aux auteurs? Cette méfiance paraît s'être dissipée aujourd'hui: l'année dernière, la Société assurait de sa sympathie le groupement nouveau.

L'union des directeurs n'est pas en effet une arme de combat contre les auteurs; dès avant que deux théâtres se fussenl insurgés contre la Société, Mmc Sarah Bernhardt, qui avail déjà donné, à diverses reprises, des signes d'indépen- dance vis-à-vis de la Société des Auteurs, avait eu l'idée d'inviter les directeurs des scènes parisiennes à se réunir, pour discuter leurs intérêts communs.

En novembre 1904, un avant-projet de statu ts fui rédigé, sans qu'on se prononçât d'une façon précise sur la l'orme le à donner au groupement.

« Sera-t-il dieu, table, ou cuvelte ? »

«mi ue savait encore. Syndicat, société civile, association, on bésitail sur la formule à adopter, sur l'étiquette à prendre, parmi celle qu'une législation variée met aujourd'hui à la disposition des intérêts collectifs.

En avril 1905, la ligue naissante arrêtail son statu! légal.

q faux titre de syndicat, elle se déclarail société civile ;

elle demandait des apport* à ses membres, el prévoyaitun

pai de bénéfices. L'acte approuvé par M"1" Sarab

Bernhardt, par MM. Porel, Kicheraond, Grisier, Fontanes,

LA RÉSISTANCE A LA -

et deux de leurs collègues, fui soumis a tous les din teurs des grandes scènes de Paris. Tous, hormis les dii teurs du Théâtre-Français el de l'Opéra, onl aujourd'hui adhéré aux statuts; la Société Fonctionne régulièrement depuis peu sous la présidence de M. Carré, directeur de l'Opéra-Comique, assisté d'un bureau, se rencontrent MM. Porel. Antoine, Franck. Samuel, Richemond, el s<;;inces ont lieu deux fois par mois.

Les statuts rédigés par M Clunet, l'un des conseils judi- ciaires de la Société, onl donné à ce groupement une nisation prudente, mais forte : L'entreprise est viable; tout porte à croire qu'elle sera féconde.

L'objet de la Société est la défense des droits et intérêts collectifs : le programme est des plus larges. Il est appuyé d»1 ressources financières assez considérables. Tout membre de la Société verse, en entrant, une somme de ;!<>n fran< il paie une cotisation annuelle de 250 liane-. I sociale est alimentée en outre par le produit de représen tions à bénéfices.

Les statuts prévoient une caisse de retraites, un fonds de secours : ils mentionnent également une caisse de crédit institution des plus utiles, qui dispensera les associés, en cas de gêne, de recourir aux services onéreui des fouro seurs ou des marchands de billets. Faut-il voir aussi, da

cette caisse, une réserve éventuelle | r les mauvais joui

au cas les relations viendraient à être rompu< la

Société des Auteurs? Ces fonds permettront-ils d'opposeï la lock-out des patrons-directeurs a la grève des draina ouvriers? Il serait prématuré de le diri

En tout cas, le pivot delà combinaison parait i Ire I imité de L'article 17 des statuts de la - interdit aux membres de trait r avec tout

CHAPITRE VIII

ou de compositeurs qui n'aurait pas de traité général avec le syndicat. Ajoutons qu'une forte dédite est stipulée, au cas un des associés voudrait se retirer.

Tout esl donc prévu. Pourtant le syndicat est très éloigné de vouloir déclarer La guerre à la Société. Même ses efforts ont jusqu'ici poil*' ailleurs. Avant de réformer les autres, les directeurs ont songé à se réformer eux-mêmes. Dans l'idée tlf réduire leurs charges, ils ont étudié et l'ail aboutir un projet d'affichage à irais commun. La question de l'impôt des pauvres semble, pour le moment, être à l'ordre du jour des discussions qui se poursuivent.

Cependant il est inévitable que des rencontres sinon des heurts se produisent entre la Société des Auteurs et le syndicat des directeurs : le domaine public payant, les billets d'auteur seront fatalement inscrits, un jour ou l'autre, au programme de la nouvelle société. Par la seule force que lui donne l'union de ses membres, le syndicat a déjà obtenu une concession, vainement demandée depuis des années : les redevances exigées jusqu'ici des théâtres ont été rem- placées par des représentations à bénéfice qui seront données, tous les ans, au profil de la cai ;se de la Société i\(^ Auteurs. Ou revientà l'ancien système, dont les théâtres avaient tou- jours sollicité le rétablissement.

A un point de vue plus général, l'union i\^> directeurs a «m d autres conséquences heureuses. D'abord, elle a créé entre des hommes divisés, un esprit d'étroite solidarité : elle leur a permis de prendre conscience, au-dessus des rivalités per- sonnelles, des intérêts corporatifs d'une industrie, difficile entre tout

t, en outre, un utile et uécessaire contrepoids à la '• jusqu'ici prépondérante, des auteurs. Quand on est tre de la situation, il est bien malaisé de n'en pas abuser.

LA RÉSISTANCE a La BOCUM

On suit une pente insensible, mais d s reuse. Les din teurs se sont dits sacrifiés : ils pourronl maintenant | traiter d'égal à égal. Il «'M probable que tout le mond< trouvera son compte, et que les conflits, loin d'augmenté deviendront <!<• plu- en plus rares. Lorsque deux tions i>iiis>;m!r- se rencontrent, tenani dans leurs mains des intérêts considérables, il y ;i de grandes chances que la guerre -<>it évitée.

Le syndicat doil «Mit, entre ses membres «'I la Société des Auteurs, une juridiction de conciliation : un exemple récent montrera l'importance de ce rôle. Dernièrement, un conflit surgissait entre la Société des Auteurs H MM. I directeurs profitèrent de la transformation de la Gatté en Théâtre-Lyrique populaire, pour demander que lea droits d'auteur, li\«'- à H) () o. fussent abaiî 3 0 0. Il-

invoquaient avec quelque apparence de raison - les modifications libérales qu'ils avaient «lu apporter à leurs tarifs. Non seulement la Société n'accepta pas le s 0 0, m elle exigea le 12 «> 0. .MM. Isola s'empressèrent de saisir le syndicat de la question I .

N'est-ce pas lutte à éviter, une mise en interdit •• pré

venir, un trust peut-être à arrêter '

H est naturel, el dans l'ordre des choses, «in.- les directeurs se plaignent <!<• donner trop d'argent aui auteurs : "I : sembler moins logique que les auteurs se i trop avoir. Ce doléances i taient pourtant nu arti< le «lu

cahier des réclamations qu'ils rec nand

au cours «lu dernier procès, par la voii aul M N''l

i iirho de P numéro du 12 jan

_•:_._ ï.\ . •-.;. Je -:■-■::• : --m - ; ]: .li- u a ct*ssé de se faire BaAendie, u cours du siècle dernier.

:. ..:. -" . ^..:..ri.: * :• .- - A iteurs se I rg .•

- - - mrnunau: s Ira-

:.. . - - --:.'.- » fait honni u le traiter également

. ..: - -— : ::—-. le? i-élebrités. et Les inoomi s.

L. - - -

\--:r: ....---■ .:■ :.t : u: . 1: f-i-is de j lii le ( - ta .- "r :„t:.: ::.■..-..• . - :. - -;.:.• .. 1- .: j:.j]. -- : . ; i :;•;..; lanu - i] îiir n.ti'.-L -se: - - iter.

- îent-il -

donner \ a -_ : : '.. _ k ncouu$ fil- ieraieut .' La

r- :..•:. r .-• - j " " : . : il- ue serunt j mais joués.

Lii apparaît au premier :>.:■'. . - :* :r ; absolument ■'■ Gant, î' nd les

qo éfléchisse

qu'un métier de dupe? -fendent seuleuu

:~ na: .: > I- tri .... :. ;-u:> 1 .

s? a rur beaucoup de jaunes auteurs, qui. dar.- ption qu

-

Le problème est malheureusement beaiK

qu ; d'un

!Ui qu "ou peut "aller de le résoud

LA RÉSISTANCE A LA BOG

Si les directeurs vonl toujours, de préférence, vers les noms consacrés par le succès, c'esl que les m de l'entreprise dans laquelle ils sont ,,t.

lorsqu'ils lancent une pièce nouvelle, .1 mettre toutes chances de leur côté. Un nom apprécié du publi toujours une certaine curiosité dans la foule, un empres ment, au moins momentané, en môme temps qu'il assun d'ordinaire la bienveillance de la critique. Sans doute, les directeurs sont portés à s'exagérer ces avantages, Ni ,nt- ils pas dupes souvent d'un mirage, lorsqu'ils obéissent vilement aux caprices de La mo le, Lorsqu'ils jugent de L'a nir sur le passé, lorsqu'à une pire- solide el sincère, ils préfèrenl une œuvre bâclée et sans intérêl .' < lela est -\ ident. Beaucoup, embarrassés de faire un eboix, de distinguer l'écrivain d'élite, entre Les faiseurs et les inutilités, se tournent vers Le littérateur, auquel un Laurier, obtenu parfois par sur- prise, a donné sinon l'éclat, du moins Le vernis de la célébri

In auteur vient-il d'avoir un gros succès, on Lui demande trois ou quatre actes : c'est une prière à Laquelle <>\\ résiste pas Longtemps ; L'auteur cherchera un sujet, 1! la pièce : mais, comme nous vivons dans une société pr< - ou celui-là môme < j 1 1 i ^<i dépêche s L'air <l être en retard, accepte L'œuvre future sur un vague scénario, sur un émise au cours d'une conversation. Il n'en faut pas plus : le bruit se répand à travers la presse que M \ . I bah directeur, s'est assuré une pièce de M. \ ..... le ilrani itui bien connu. Déjà on sait que M. V... ou M Z tiendra un rôle. L'artiste en vogue est-elle en Vmériqu des propositions avantageuses : elli ce qu'il faut pour qu'il soit d quah inq mil

francs de télégrammes, excellente n L'heure de la Livraison arrivi L'auteur, inqui ne

nv CHAPITRE VIII

qu'à regrel une œuvre éclose, non dans un moment* d'inspi- ration, mais dans une minute d'exaspération. Le rideau se lève sur une pièce sans action, sans intérêt, sans originalité, e1 tiui, dans l'éclal de la figuration, dans le brio de l'inter- prétation, paraît encore plus terne et plus insignifiante. Conséquence : la pièce quitte l'affiche, avant d'avoir rem- boursé I»1- décors et les costumes.

Le directeur, qui perd sa mise, est dans la situation d'un homme d'affairés qui a acheté des actions d'une entreprise en pleine prospérité, au moment les cours vont descendre : il paiera la différence entre la pièce qui L'a décidé à faire sa commande, et la pièce qui lui a été livrée.

N'aurait-il pas été mieux inspiré, en s'adressant à un jeune, qui, au lieu de travailler pour sauvegarder sa situation, aurait tâché de se faire un nom? Sans doute, et tous les directeurs n'en sont pas réduits à suivre les caprices de la mode. Il s'en rencontre surtout parmi les anciens artistes qui son1 plus soucieux d'ouvrir leurs scènes aux œuvres >ureuses, d'où qu'elles viennent, que de soutenir les célébrités chancelantes. Certains même commencent à' com- prendre que, dans leur intérêt bien entendu, en dehors de toute préoccupation artistique, il y a profit pour eux à tendre les mains aux débutants, à juger avec plus d'équité les manuscrits qui leur sonl présentés. MM. Deval et Riche- mond oui été du nombre de ces directeurs intelligents. On a ne- été jusqu'à dire que si la Société leur avail déclaré la est, qu'an lieu déjouer les sociétaires influents, ils n«- s'étaient guère adn qu'à des stagiaires. Le reproche

était injuste : mais il es! certain qu'ils ri'avaienl pas, comme beaucoup de leurs confrères, écarté de parti pris «les débu- tants ou lesdemi notoriétés. El il faut les m féliciter,

LA RÉSISTANCE A LA SOCIÉTÉ

Il n'en reste pas moins que les inconnus ont, au théâtre, plus qu'ailleurs, toutes les peines «lu monde à se i ; î i - - con- naître. Presque partout, le directeur auquel ilsfont appel leur demandera sur quelle scène il- on! été déjà j ils

risquent de tourner, jusqu'à la lin de leur vie, dans cle

vicieux. Mais la Société des Auteurs peut-elle, en réduisant sa perception, leur assurer un meilleur ; » < - 1 1 * * î I auprès des directeur- ?

Lorsqu'on considère le monde des littérateurs ou ai teurs qui entretiennent l<i public de leurs préoccupations littéraires, on est tenté de les répartir en tr< ipes :

d'un côté, le groupe imposant, mais forl restreint, dei auteurs en vogue; il- fonl la loi sur le marché : satra] inviolables, a-t-on dit, vers lesquels les directeurs se pi cipitent, la (laiterie à la bouche, l'or dans les mains, al qu'ils laissent se morfondre dans leurs antichambres le vulgum pecus des lettres . D'un autre coté, ce son! les écri- vains déjà honora blemenl connus, qui travaillent h - im] ,.,•!•: les uns ne parviendront jamais & la grande notorii les autres connaîtront la gloire, ou du moins l'illusion , gère de la gloire : mais tous fonl un effort qui mérite «I être encouragé. Au-dessous de ces littérateurs qui «ml déjà t. ut leurs preuves, évolue 1«' monde mouvant et big des

débutants : majorité par le nombre, minorité pat le talent; masse turbulente et susceptible, qui se plaint h ip.

Combien, parmi ces apprentis, fascinés souvent | m le pi tige qu'exerce le théâtre, ;< moins qu'ils ne so mple

ment séduits par le gain facile et fructueux, les joies «In succès ? < :< »in hi.n . dont I- œui par un cercle d'amis dévoués, ou font

l ,1,- salons, pâliront aui feuxde la rampe ' nt,

faute «le titres, trouver un directeur confiant en leui

100 CHAPITRE VIII

il^ m4 consolent en critiquant leurs confrères, en dénonçant les coalitions et les combinaisons qui, d'après eux, faussent le marché dramatique. À les entendre, le mérite ne compte pas : seul, un heureux hasard décide d'une carrière, crée le talent, au besoin le génie. Us rappellent des exemples, citent des noms.

Ne serait-il pas plus juste de dire que tous ceux qui ont un talent vraiment original, qui apportent au théâtre une idée nouvelle, une note personnelle, ont chance de percer un jour, quelques épreuves qu'ils soient appelés à traverser. Nous ne sommes plus au temps les écrivains se pensaient perdus, parce que la Comédie-Française avait refusé leur manuscrit : si la porte d'en face, celle des Italiens, ne s'ouvrail pas devant leur génie incompris, ils n'avaient plus qu'à s'aller pendre, ou à se mettre à la solde des forains : triste sort, lorsqu'on avait sur la conscience quelque tra- gédie <'ii cinq actes, en vers.

Théâtres subventionnés, scènes de genre, petits, grands el moyens théâtres, offrent aujourd'hui à l'auteur, repoussé» d'un côté, un refuge, un espoir: en dehors même du I h «'Aire, que l'auteur inconnu réussisse dans un genre plus abor- dable, qu'il Be fasse nu nom. dans les lettres, dans le jour- nalisme, et les directeurs \ iendronl un jour à lui. Que d'écri- vains dramatiques, qui n'ont pu voir s'animer à la scène les |' rson nages créés par leur verve et leur fantaisie, que lorsqu'ils avaienl déjà passé l'âge des illusions î Le sud récompensa leur attente : d'un seul coup ils vidèrent leurs i résor des an nées de jeunesse.

N i on pas ouvert, récemment, une enquête sur le nombre publia iiiiiul.inl les fonctions de critique dramatique

qualité de dramaturge? Encore un excellent stratagème pour s'acheminer vers le théâtre, par un détour agréable.

LA RÉSISTANCE A LA BOOM

Méfions-nous, somme toute, des auteurs incompris grand'peur qu'ils n'eussent, le plus souvent, apporté au théâtre que ce que nous donnent les plus ma auteurs connus auxquels il- se comparent volontiers, et <l<»nt ils aspirenl à prendre la place.

Que se passerait-il, le jour la Société renoncerai! un minimum <lc perception pour les droits d'auteur, le jour tous membres jouiraient de cette liberté <|u»'

certains appellent de leurs vœux? Les écrivains célèbi ceux qu'un taxe de despotisme, D'en souffriraient ment pas : ce n'est pas parce < j 1 * les directeurs pourraient acheter les pièces au prix qu'il leur plairait, que MM. Her- vieu, Lavedan, Maurice Donnay, Edmond Rostand, j exemple, ne trouveraient plus acquéreur aux mêmes condi- tions.

Mais si, par malheur, la Société disparaissait, si I dramatique étail rendu h ce qu'on appelle, par dérision libre concurrence, à ce qu'il serait plus juste <l appeler famine, nous verrions des écrivains, estimés «lu publ obligés de passer sous les fourches caudines des directeurs un verrait revenir les temps ou I «>m avait des manuscrit* pour quelques centaines <l«' francs.

Car la production dramatique est suffisamment dante pour que les théâtres n'aient pa tindre

trouver à court de pièces, et de laisser chômer leurs i Les auteurs qui, sans avoir atteint à la i élébriti déjà fait un nom, se plaignent aujourd'hui que l< mus-

crits sommeillent trop longtemps dans l d ""

directeur. Que serait-ce, le jour la mit, non seulement entre les talents, mais entn

CHAPITRE VIII

Ton n'obtiendrait an tour de faveur, qu?en offrant sa mar- chandise moins cher que le voisin? Ce serait le théâtre mis en adjudication publique : les directeurs le savent bien, qui disent : plus de Société, [>lus de monopole. L'égalité pour Ions : irait l'égalité dans la misère. Les débutants profiteraient-ils an moins de celle baisse des cours? Pourraient-ils, à la faveur de cette débâcle, convaincre les directeurs qu'ils ont intérêt à les jouer? Rien ne permet de le penser ; au contraire, leurs confrères déjà connus ayanl du diminuer leurs prétentions et venir à composition, ils seraient plus impitoyablement écartés des principales scènes. Quant à ceux qui, par hasard, viendraient a être représentés, leur sort serait plus dur qu'aujourd'hui. Ceux-là se plaignent actuellement d'être souvent obligés de renoncer à leurs droits, et par une inconséquence étrange, ils reprochenl à celle même Société, qu'ils accusent de despotisme, de ne pas les défendre assez éne iniquement contre eux-mêmes ; ce qui est aujourd'hui l'exception deviendrai! la règle demain ; les directeurs sauraient contraindre les jeunes à abandonner toute prétention, si même il- ne leur demandaient pas un concours pécuniaire.

Est ce i dire que la Société n'ait pas des devoirs envers les jeunes auteurs? Telle n'est pas notre pensée. Qu'elle leur ouvre plus libéralement l'accès à ses assemblées, et jusque dans ses conseils : qu'elle les admette a participer à son

ivernement, a partager les responsabilités qui lui incombent : il entiront mieux les difficultés qu'elle ren- contre, el le devoirs de solidarité qui s'imposent ;< Ions les

doit faire plus : elle doit les encourager dans

LA RÉSISTANCE A LA SOCIÉTÉ

leur carrière. S, m- doute, dans les archives poudreu des secrétariats de théâtres, 011 viennenl sommeiller chaque année les Illusions dramatiques d'une g 'aération nouvelle, parmi !«•- ébauches ; ières, les copies maladroites, el les fadeurs >;nis intérêt, des œuvres se rencontrenl qui, port ;i la scène, ne seraient pas accueillies avec mbii ; iveur

que celles qui son! signées des noms !>'- plus réj la

Société ;i pour m: d'aider à les découvrir. Loin de

supprimer, comme elle I ;• fait, les primes qu'elle o u\

théâtres qui jouent des œuvres de jeunes, elle <l<>ii les déi li pper, en faire un de ses principes d'action. I des Auteurs italiens lui ;i donné l'exemple, .1 cel égard, en organisant récemment un concours dramatique annuel, el en s'engageant, par de rds conclus d<

ae . ;i faire représenter les œuvres primé< La Société peut aussi encourager utilement, par son appui moral »'t matériel, ces groupements qui se forment de temps ;i autre, <'l qui ont pour bul avoué de révéler des talents ignorés, en même temps que de produire d< - nou-

velles; il- s'adressent ù une poignée de jeunes littérateurs, désireux avant tout <!«■ faire !<• contraire de

e qu'onl fait les au

Ils vivent de l'originalité, souvenl de l'excenl ils apportent généralement une formule darl di même ils forment école.

Quand !«• Théâtre-Libre se fonda, m on tan I des piè l'on jouait deux -.11-. il fil appel ..un .m génération a laquelle I- joug de l><, v

quelques écrivains, seconde la critiq

Sarcey, qui montait la garde au! ' d(

Mail insupportable. M était dailleui

CHAPITRE VII!

eine du hul qui] poursuivait. En 1890 encore, M. Antoine opposai! seulemenl sa tentative ^< au théâtre oiïrant aux spectateurs des pièces sans intérêt, dans des salles déplo- rablemenl agencées, à des prix exorbitants, avec des troupes sans cohésion... » Cette formule n'est-elle pas vraie, dans fous les temps, et tons les pays? Ne pourrait- elle paâ être reprise aujourd'hui ? Les événements se chargèrent d'entraîner M. Antoine dans un mouvement littéraire, dont on peut discuter la portée, mais qui eut son influence réelle, el sa valeur. D'antres œuvres depuis ont apparu, puis sombré dans la tourmente. Citons seulement les Eschaliers, association amicale de lettrés et d'artistes, qui ;i familiarisé le public avec des talents fort appréciés au- jourd'hui.

I ii liiil ,i noter, dans ces derniers temps, c'est la tendance persistante à la décentralisation artistique, le goût pour les théâtres de plein air ; ce sont les projets de théâtres popu- laires, que l'opinion réclame aujourd'hui, avec la même ardeur qu'on demandait sous l'Ancien Régime un second Théâtre-Français : à ces cadres nouveaux, il faut des œuvres nouvelles, donl les qualités communes doivenl être une action forte, des effets larges <il harmonieux.

Une nouvelle tentative s'est faite tout récemment: un

nouveau Théâtre d'Art s'esl fondé, sur l'initiative de quelques

jeunes auteurs : il n'a que quelques mois d'existence: il

lit vain de préjuger de son effort ; loi il ce qu'on peut dire,

i qu'il esf resté jusqu'ici fidèle à son programme, qui est

de donner au public des œuvres personnelles el sincères.

te tentative aboutira-t-elle ? Une autre, qui se fera

jour demain, donnera-t-elle une nouvelle orientation à noire

art dramatique ' Cet art prochain, quel serait-il? Chacun le

goûts, ses préférences le lui foni pressentir;

LA RESISTANCE A I. \ SOCIÉTÉ

personne ne sait ce qu'il sera : mais on croil savoir ce qu'il ne sera pas.

11 esl certain qu'une certaine lassitude se marque, depuis longtemps, dans le public, el dans l«i mon. le même des au- teurs dramatiques. Ceux-ci ne seraient-ils pas effr ix- mêmes de la banalité des œuvres qu'ils nous condamnes entendre? 1 ne action très ordinaire, un peu de sentiment, une pointe d'esprit, l<i tout délayé dans un dialogue - de, facile, ei surtout rapide, voilà toul ce qu'il faut, semble-t-il, pour avoir un succès durable : c'est l«i spectacle qui distrait, sans agiter, ei d'où il serai! malaisé de remporter chei soi quelque impression. Tous les sujets, tous I ressemblent: à tel point, qu'ayant vu une pièce «lit»' d\ tualité, il semble qu'on les ail vues toutes : jamais celui «pu Yrul en parler n'a eu plus de peine à ne pas confondre l'une avec l'autre.

Chacun croil découvrir la source du mal, el pouvoir indi- quer l«' remède. In auteur, par exemple, s'en prend à l'esprif du boulevard, qui corrompt toul :

Nous sommes las, écrit-il, des petites psychol - des petits auteurs, des petites âmes, des petites femmes I ,

Ne peut-on se plaindre, en effet, du snobisme malsain qui nous fait sacrifier les œuvres solides à une littérature cielle, inspirée du roman-feuilleton, quand ce n'es! p secrel - de l'alcôve.

M. de Porto-Riche accuse les tendances mêmes qui régnent dans I»1 monde des auteurs dramatiques : le m dil il,

étouffe l<1 talent.

Trop de préoccupations, écrit- il, el de eères à l'art, empochent l'auteur dramatique de I

i /;. - ue de r<nt drameUiqx e, \ n vmb\

CHAPITRE VIII

efforts purement artistiques. La littérature dramatique oe manque pas de bras : elle occupe trop de monde. A côté de- écrivains véritables, qui honorent I.» grande famille litté- raire, accourent, des quatre coins de L'horizon, des monteurs de pièces, équipe robuste, qui ne sciasse pas de travailler... le talent es! impatient de battre monnaie, il s'adonne à la confection de rarticle courant... le culte de l'œuvre lente, préméditi kmtée avec amour, en dehors du souci d'une

notoriété el d'un triomphe éphémères, celle religion n'attire plus que des aaïfs » ! .

Ici In Société des Auteurs est directement en cause : n'est-ce pas elle qui, par ses perceptions élevées, attira ces équipés de travailleurs robustes el avides? Les services qu'elle a rendus l'emportent, sans doute, sur le mal qu'elle ,-i pu Faire. Mais l'existetnce de ce mal est une raison de plus pour clic d'encourager !«• s débutants, daos une carrière

certains obstacles semblent dressés par elle-même ?

Si ses règlements, ainsi que nous l'avons vu, semblent parfois r les difficultés sans nombre auxquels se

heurtent tant de jeunes talents, il est de son devoir d'y remédier par tous les moyens. À celle condition seule- ment, la Société des Auteurs conservera la confiance de Ions, «•l restera fidèle à la pensée de son premier fondateur, qui fut, mm pas une pensée d<i spéculation, mais une pensée d'affranchissement et de solidarité.

ornai Le Tempst 18 mai 1904.

TABLE DES MATIÈRES

Chapitre premier, Les Origines de la Société - \

Compositeurs dramatiques

Chapithf. II. La Société actuelle. Son Organisation. ... 1 1 "7

Chapithk III. Les Cadres de la Société. Sociétaires. Stagiaires. Héritiers el Cessionnaires

Cuapitkk IV. Le statut légal de la Société

Chapithk V. Le Monopole de la Société

Chapitre VI.— Le Service de Perception .

Perception a Paris et dans la banlieue

Perception en province

Perception a l'éti •'-'•

Retenue sur les droits d'auteur ....•..-..

- réformes née

Chapitri VIL— Les Traités généraux

Chapithk VIII. La Résistance à la S

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